------------------------Les écrits d'Ellen G. White (Livres) CP 11 1 Conquérants Pacifiques Éd 15 0 Éducation HCQ 9 1 Heureux ceux qui HR 9 2 L'histoire de la Rédemption JC 7 1 Jésus-Christ LMC 3 1 Le Meilleur Chemin MG 7 1 Le Ministère de la Guérison PE 5 1 Premiers Ecrits PJ 7 1 Les Paraboles de Jésus PP 7 1 Patriarches et Prophètes PR 7 1 Prophètes et Rois TS 7 1 La Tragédie des Siècles VJ 9 1 Vers Jésus VS 3 1 La vie sanctifiée ------------------------Conquérants Pacifiques CP 11 1 Chapitre 1 -- Le dessein de Dieu à l'égard de son Église CP 19 1 Chapitre 2 -- Le choix des Douze CP 25 1 Chapitre 3 -- La mission des Douze CP 33 1 Chapitre 4 -- La Pentecôte CP 43 1 Chapitre 5 -- Le don du Saint-Esprit CP 51 1 Chapitre 6 -- A la porte du temple CP 63 1 Chapitre 7 -- Un avertissement contre l'hypocrisie CP 69 1 Chapitre 8 -- Devant le sanhédrin CP 77 1 Chapitre 9 -- Les sept diacres CP 85 1 Chapitre 10 -- Le premier martyr CP 91 1 Chapitre 11 -- L'Evangile en Samarie CP 99 1 Chapitre 12 -- De persécuteur à disciple CP 109 1 Chapitre 13 -- Jours de préparation CP 117 1 Chapitre 14 -- A la recherche de la Vérité CP 127 1 Chapitre 15 -- Délivré de prison CP 137 1 Chapitre 16 -- L'Evangile à Antioche CP 147 1 Chapitre 17 -- Messagers de l'Evangile CP 157 1 Chapitre 18 -- L'Evangile chez les païens CP 167 1 Chapitre 19 -- Juifs et Gentils CP 179 1 Chapitre 20 -- La Croix exaltée CP 189 1 Chapitre 21 -- L'Evangile en Europe CP 197 1 Chapitre 22 -- Thessalonique CP 205 1 Chapitre 23 -- Bérée et Athènes CP 215 1 Chapitre 24 -- Corinthe CP 225 1 Chapitre 25 -- Les lettres aux Thessaloniciens CP 237 1 Chapitre 26 -- Apollos à Corinthe CP 249 1 Chapitre 27 -- Ephèse CP 259 1 Chapitre 28 -- Jours de labeur et d'épreuve CP 265 1 Chapitre 29 -- Avertissements et conseils CP 275 1 Chapitre 30 -- Vers un idéal plus élevé CP 287 1 Chapitre 31 -- Le Message favorablement accueilli CP 297 1 Chapitre 32 -- Une église généreuse CP 307 1 Chapitre 33 -- Le travail dans les difficultés CP 319 1 Chapitre 34 -- Un ministère consacré CP 331 1 Chapitre 35 -- Le salut pour les Juifs CP 339 1 Chapitre 36 -- L'apostasie en Galatie CP 345 1 Chapitre 37 -- Dernier voyage de Paul à Jérusalem CP 355 1 Chapitre 38 -- Paul prisonnier CP 371 1 Chapitre 39 -- Le procès de Césarée CP 379 1 Chapitre 40 -- Paul fait appel à César CP 383 1 Chapitre 41 -- "Tu me persuades presque!" CP 389 1 Chapitre 42 -- Le voyage et le naufrage CP 397 1 Chapitre 43 -- Paul à Rome CP 409 1 Chapitre 44 -- La maison de César CP 417 1 Chapitre 45 -- Lettres de Rome CP 431 1 Chapitre 46 -- La libération de Paul CP 435 1 Chapitre 47 -- L'arrestation CP 439 1 Chapitre 48 -- Paul devant Néron CP 445 1 Chapitre 49 -- La dernière lettre de Paul CP 455 1 Chapitre 50 -- La condamnation à mort CP 461 1 Chapitre 51 -- Un fidèle berger CP 473 1 Chapitre 52 -- Fermes jusqu'à la fin CP 481 1 Chapitre 53 -- Jean, le disciple bien-aimé CP 487 1 Chapitre 54 -- Un fidèle témoin CP 497 1 Chapitre 55 -- Transformé par la grâce CP 507 1 Chapitre 56 -- Patmos CP 515 1 Chapitre 57 -- L'Apocalypse CP 527 1 Chapitre 58 -- L'Eglise triomphante ------------------------Chapitre 1 -- Le dessein de Dieu à l'égard de son Église CP 11 1 L'Eglise est le moyen que Dieu a choisi pour faire connaître le salut aux hommes. Etablie pour servir, elle a pour mission de proclamer l'Evangile. Dès le commencement, Dieu a formé le dessein de révéler par elle sa puissance et sa plénitude. Les hommes qui la composent, ceux qu'il a appelés des ténèbres à sa merveilleuse lumière, doivent refléter sa gloire. L'Eglise est la dépositaire des richesses de la grâce du Christ, et c'est par elle que l'amour de Dieu se manifestera finalement de façon puissante et décisive aux "dominations et aux autorités dans les lieux célestes".1 CP 11 2 Les promesses merveilleuses de l'Ecriture concernant l'Eglise sont innombrables. Parlant au nom du Seigneur, le prophète Esaïe s'exprime en ces termes: "Ma maison sera appelée une maison de prière pour tous les peuples."2 Et le prophète Ezéchiel: "Je ferai d'elles [mes brebis] et des environs de ma colline un sujet de bénédiction; j'enverrai la pluie en son temps, et ce sera une pluie de bénédiction [...] J'établirai pour elles une plantation qui aura du renom; elles ne seront plus consumées par la faim dans le pays, et elles ne porteront plus l'opprobre des nations. Et elles sauront que moi, l'Eternel, leur Dieu, je suis avec elles, et qu'elles sont mon peuple, elles, la maison d'Israël, dit le Seigneur, l'Eternel. Vous, mes brebis, brebis de mon pâturage, vous êtes des hommes; moi, je suis votre Dieu, dit le Seigneur, l'Eternel."3 CP 12 1 Le prophète Esaïe dit encore: "Vous êtes mes témoins, dit l'Eternel, vous, et mon serviteur que j'ai choisi, afin que vous le sachiez, que vous me croyiez et compreniez que c'est moi: Avant moi il n'a point été formé de Dieu, et après moi il n'y en aura point. C'est moi, moi qui suis l'Eternel, et hors moi il n'y a point de sauveur. C'est moi qui ai annoncé, sauvé, prédit, ce n'est point parmi vous un dieu étranger; vous êtes mes témoins, dit l'Eternel [...] Moi, l'Eternel, je t'ai appelé pour le salut, et je te prendrai par la main, je te garderai, et je t'établirai pour traiter alliance avec le peuple, pour être la lumière des nations, pour ouvrir les yeux des aveugles, pour faire sortir de prison le captif, et de leur cachot ceux qui habitent dans les ténèbres."4 CP 12 2 "Au temps de la grâce je t'exaucerai, et au jour du salut je te secourrai; je te garderai, et je t'établirai pour traiter alliance avec le peuple, pour relever le pays, et pour distribuer les héritages désolés; pour dire aux captifs: Sortez! et à ceux qui sont dans les ténèbres: Paraissez! Ils paîtront sur les chemins, et ils trouveront des pâturages sur tous les coteaux. Ils n'auront pas faim et ils n'auront pas soif; le mirage et le soleil ne les feront plus souffrir; car celui qui a pitié d'eux sera leur guide, et il les conduira vers des sources d'eaux. Je changerai toutes mes montagnes en chemins, et mes routes seront frayées [...] CP 12 3 "Cieux, réjouissez-vous! Terre, sois dans l'allégresse! Montagnes, éclatez en cris de joie! Car l'Eternel console son peuple, il a pitié de ses malheureux. Sion disait: L'Eternel m'abandonne, le Seigneur m'oublie! -- Une femme oublie-t-elle l'enfant qu'elle allaite? N'a-t-elle pas pitié du fruit de ses entrailles? Quand elle l'oublierait, moi je ne t'oublierai point. Voici, je t'ai gravée sur mes mains, tes murs sont toujours devant mes yeux."5 CP 13 1 L'Eglise est la forteresse de Dieu, sa cité de refuge, qu'il a placée dans un monde révolté. Toute trahison de sa part est une trahison envers celui qui a racheté l'humanité par le sang de son Fils unique. Dès les origines, les âmes fidèles ont constitué l'Eglise ici-bas. De tout temps, le Seigneur a eu ses sentinelles, qui ont rendu un bon témoignage au milieu de la génération dans laquelle elles vivaient. Elles ont donné le message d'avertissement, et lorsqu'elles ont été appelées à déposer leur armure, d'autres ont repris leur tâche. Dieu a fait avec ses témoins une alliance unissant l'Eglise de la terre à celle du ciel. Il a envoyé ses anges pour exercer un ministère en faveur de son Eglise, et les portes de l'enfer n'ont pu prévaloir contre elle. CP 13 2 A travers les siècles de persécutions, de luttes et de ténèbres, Dieu a soutenu cette Eglise. Pas un nuage n'est venu l'assombrir qu'il n'y ait pourvu. Pas une seule force ennemie ne s'est élevée pour combattre son oeuvre qu'il ne l'ait prévue. Tout s'est déroulé comme il l'avait prédit. Il n'a pas abandonné son Eglise à elle-même; mais par de nombreuses prophéties, il lui a annoncé ce qui arriverait; et ce que son Esprit avait inspiré à ses prophètes s'est réalisé. Tous ses desseins s'accompliront. Sa loi est à la base de son trône, aucune puissance mauvaise ne saurait la détruire. La vérité est inspirée et gardée par Dieu; elle triomphera de tous les obstacles. CP 13 3 Durant les périodes de ténèbres spirituelles, l'Eglise de Dieu a été comme une cité placée sur une colline. A travers les siècles, de générations en générations, les pures doctrines d'en haut se sont développées dans son sein. Quelque faible et imparfaite qu'elle puisse paraître, elle est néanmoins l'unique objet sur lequel Dieu jette, d'une manière toute spéciale, un suprême regard. Elle est le théâtre de sa grâce, l'endroit où il se plaît à révéler sa puissance qui transforme les coeurs. CP 14 1 "A quoi, demandait le Christ, comparerons-nous le royaume de Dieu, ou par quelle parabole le représenterons-nous?"6 Il ne pouvait l'assimiler aux royaumes de ce monde, et, dans la société, rien n'aurait pu lui servir de comparaison. Les royaumes terrestres dominent par l'ascendant du pouvoir matériel, tandis que toute arme charnelle, tout instrument de contrainte est banni du royaume du Christ. Ce royaume est destiné à élever, à ennoblir l'humanité. L'Eglise de Dieu est le siège de la vie sainte; elle jouit de nombreuses prérogatives; elle est remplie du Saint-Esprit. Ses membres trouvent leur bonheur dans le bonheur de ceux pour lesquels ils se dévouent. CP 14 2 Merveilleuse est l'oeuvre que le Seigneur se propose d'accomplir par son Eglise, afin que son nom soit glorifié! Une image de cette oeuvre nous est donnée dans la vision du torrent vivifiant du prophète Ezéchiel: "Cette eau coulera vers le district oriental, descendra dans la plaine, et entrera dans la mer; lorsqu'elle se sera jetée dans la mer, les eaux de la mer deviendront saines. Tout être vivant qui se meut vivra partout où le torrent coulera, et il y aura une grande quantité de poissons; car là où cette eau arrivera, les eaux deviendront saines, et tout vivra partout où parviendra le torrent. Des pêcheurs se tiendront sur ses bords; depuis En-Guédi jusqu'à En-Eglaïm, on étendra les filets; il y aura des poissons de diverses espèces, comme les poissons de la grande mer, et ils seront très nombreux. Ses marais et ses fosses ne seront point assainis, ils seront abandonnés au sel. Sur le torrent, sur ses bords de chaque côté, croîtront toutes sortes d'arbres fruitiers. Leur feuillage ne se flétrira point, et leurs fruits n'auront point de fin, ils mûriront tous les mois, parce que les eaux sortiront du sanctuaire. Leurs fruits serviront de nourriture, et leurs feuilles de remède."7 CP 15 1 Depuis le commencement, Dieu s'est servi de son peuple pour répandre ses bienfaits sur le monde. Il fit de Joseph, le fils de Jacob, une source de vie pour l'Egypte antique. C'est grâce à l'intégrité de cet homme de Dieu que ce peuple fut préservé. C'est par Daniel, cet autre homme de bien, que le Seigneur sauva la vie des sages de Babylone. Toutes ces délivrances sont comme des leçons de choses; elles illustrent les bénédictions spirituelles offertes au monde par le Dieu qu'adoraient Joseph et Daniel. Celui dans le coeur duquel le Christ habite, celui qui proclame son amour, est, avec le Seigneur, l'artisan du bonheur de l'humanité. Tandis qu'il reçoit du Sauveur la grâce qu'il doit communiquer à ses semblables, de tout son être jaillit un flot de vie spirituelle. Dieu choisit Israël pour révéler son nom aux hommes. Il a voulu qu'il fût comme une source de salut pour le monde. C'est à lui qu'ont été confiés les oracles du ciel, la révélation de la volonté d'en haut. CP 15 2 Aux premiers jours d'Israël, les Gentils, par leurs moeurs dépravées, avaient perdu la connaissance de Dieu. "Ils ne l'ont point glorifié comme Dieu, dit saint Paul, et ne lui ont point rendu grâces, mais ils se sont égarés dans leurs pensées, et leur coeur sans intelligence a été plongé dans les ténèbres."8 Cependant, dans sa miséricorde, Dieu ne les a pas anéantis. Il voulait leur donner l'occasion de le connaître à nouveau par le peuple élu. CP 15 3 Par les enseignements qui se dégageaient des sacrifices lévitiques, le Christ devait être exalté devant toutes les nations, et tous ceux qui se tourneraient vers lui posséderaient la vie. Il était la pierre angulaire de l'économie juive. Les types et les symboles étaient une prophétie condensée de l'Evangile, une image où se trouvaient réunies les promesses de la rédemption. CP 15 4 Mais les Israélites perdirent de vue les grands privilèges qu'ils possédaient en tant que représentants de Dieu. Ils oublièrent le Seigneur et faillirent dans l'accomplissement de leur sainte mission. Les grâces qu'ils reçurent ne furent d'aucune utilité au monde. Toutes leurs prérogatives ne servirent qu'à leur propre glorification. Ils s'étaient éloignés du monde pour échapper à la tentation. Dieu avait limité leurs relations avec les idolâtres pour les empêcher de se rallier à leurs pratiques; mais ils se servirent de ces restrictions pour élever un mur de séparation entre eux et les autres nations. Ils frustrèrent Dieu du service qu'il leur demandait, et privèrent leur prochain d'un guide religieux et d'un saint exemple. CP 16 1 Prêtres et magistrats s'embourbèrent dans une ornière de cérémonialisme. Ils se complaisaient dans une religion légale, et il leur était impossible de communiquer aux autres les vérités vitales du ciel. Leur propre justice leur suffisait amplement, et ils ne désiraient nullement voir s'introduire un nouvel élément dans leur religion. Ils ne pouvaient comprendre que la manifestation de la bonne volonté de Dieu envers les hommes puisse être indépendante d'eux-mêmes; elle devait découler de leurs propres mérites et de leurs bonnes oeuvres. La foi qui agit par amour et purifie l'âme ne pouvait s'unir à la religion des pharisiens, faite de cérémonies et de commandements d'hommes. CP 16 2 Dieu déclare, en parlant d'Israël: "Je t'avais plantée comme une vigne excellente et du meilleur plant; comment as-tu changé, dégénéré en une vigne étrangère?"9 "Israël était une vigne féconde, qui rendait beaucoup de fruits."10 "Maintenant donc, habitants de Jérusalem et hommes de Juda, soyez juges entre moi et ma vigne! Qu'y avait-il encore à faire à ma vigne, que je n'aie pas fait pour elle? Pourquoi, quand j'ai espéré qu'elle produirait de bons raisins, en a-t-elle produit de mauvais? Je vous dirai maintenant ce que je vais faire à ma vigne. J'en arracherai la haie, pour qu'elle soit broutée; j'en abattrai la clôture, pour qu'elle soit foulée aux pieds. Je la réduirai en ruine; elle ne sera plus taillée, ni cultivée; les ronces et les épines y croîtront; et je donnerai mes ordres aux nuées, afin qu'elles ne laissent plus tomber la pluie sur elle. La vigne de l'Eternel des armées, c'est la maison d'Israël, et les hommes de Juda, c'est le plant qu'il chérissait. Il avait espéré de la droiture, et voici du sang versé! De la justice, et voici des cris de détresse!"11 12 CP 17 1 Les conducteurs juifs se croyaient trop sages pour avoir besoin d'instruction, trop justes pour avoir besoin de salut, trop hautement honorés pour avoir besoin de l'honneur qui vient du Christ. Le Seigneur se détourna d'eux pour confier à d'autres le privilège dont ils avaient abusé et le travail qu'ils avaient méprisé. La gloire de Dieu devait être révélée, sa Parole répandue, et le royaume du Christ établi dans le monde. Il fallait faire connaître le salut de Dieu aux cités du désert. Ce furent les disciples de Jésus qui se chargèrent d'accomplir l'oeuvre que les chefs d'Israël avaient trahie. ------------------------Chapitre 2 -- Le choix des Douze CP 19 1 Pour accomplir son oeuvre, le Christ ne choisit ni la science, ni l'éloquence des Juifs du sanhédrin, ni la puissance de Rome. Laissant de côté ces docteurs israélites, imbus de leur propre justice, le grand Artisan eut recours à des hommes simples, sans instruction, pour proclamer les vérités éternelles qui devaient bouleverser le monde; et il les forma pour en faire les chefs de son Eglise. Ceux-ci à leur tour devaient en enseigner d'autres et les envoyer prêcher l'Evangile. Pour réussir dans leur tâche, il fallait qu'ils reçussent l'effusion du Saint-Esprit; car la bonne nouvelle du salut ne pouvait être proclamée ni par la force, ni par la sagesse humaine, mais par la puissance d'en haut. CP 19 2 Pendant trois ans et demi, les disciples reçurent les enseignements du plus grand Maître que le monde ait jamais connu. Par une association et un contact personnel, il les forma pour son service. Jour après jour, ils cheminaient ensemble et s'entretenaient avec lui, écoutant ses paroles de réconfort adressées à tous ceux qui étaient "fatigués et chargés", et assistant à la manifestation de son merveilleux pouvoir en faveur des malades et des affligés. Parfois, assis avec eux sur le flanc de la colline, il les enseignait; parfois, au bord de la mer, ou tout en poursuivant leur route, il leur révélait les mystères du royaume des cieux. Il ne leur disait pas de faire ceci ou cela, mais: "Suivez-moi." En traversant les villes et les villages, il leur montrait comment il fallait s'y prendre pour toucher le coeur des hommes. Les disciples l'accompagnaient de lieu en lieu, partageant sa nourriture frugale, et, comme lui, souffrant parfois de la faim et souvent de fatigue. Dans les rues populeuses, sur les rives du lac, dans la solitude du désert -- partout, ils assistaient aux différentes phases de sa vie. CP 20 1 C'est à la consécration des Douze que furent prises les premières mesures en vue de l'organisation de l'Eglise, qui, après le départ du Christ, devait poursuivre son oeuvre ici-bas. Au sujet de cette consécration, le récit évangélique nous dit: "Il monta ensuite sur la montagne; et il appela ceux qu'il voulut, et ils vinrent auprès de lui. Il en établit douze pour les avoir avec lui, et pour les envoyer prêcher."1 CP 20 2 Admirez cette scène émouvante! Contemplez la majesté divine, entourée des Douze qu'elle a choisis! Jésus les met à part pour son service; par ces faibles instruments, et grâce à sa parole et à son Esprit, le salut sera à la portée de tous. CP 20 3 C'est avec une joie délirante que le ciel contempla cette scène. Par ces hommes, le Seigneur allait répandre la lumière céleste ici-bas; et leurs paroles, tandis qu'ils rendraient témoignage de son Fils, se répercuteraient de génération en génération, jusqu'à la fin des temps. CP 20 4 Les disciples devaient aller, comme témoins du Christ, proclamer au monde ce qu'ils avaient vu et entendu. Leur rôle était le plus important qui fût jamais confié à des êtres humains, inférieur seulement à celui du Christ lui-même. Ils seraient les collaborateurs de Dieu pour le salut des hommes. De même que, dans l'Ancien Testament, les douze patriarches représentaient le peuple d'Israël, de même les douze apôtres représentent l'Eglise chrétienne. CP 21 1 Pendant son ministère, Jésus commença par abattre le mur de séparation entre Juifs et païens, et à prêcher le salut à tous les hommes. Bien que Juif lui-même, il ne craignait pas de se mêler aux Samaritains, sans égard pour les coutumes pharisiennes concernant ce peuple méprisé. Il dormait sous leurs toits, mangeait à leurs tables et enseignait dans leurs rues. CP 21 2 Le Sauveur avait, d'ailleurs, un vif désir de faire comprendre à ses disciples que ce "mur de séparation" entre Israël et les autres nations devait être renversé. Les Gentils sont aussi bien que les Juifs des créatures de Dieu, et ils doivent participer "à la même promesse en Jésus-Christ par l'Evangile".2 Cette vérité, le Christ la mit en évidence lorsqu'il récompensa la foi du centurion de Capernaüm, et lorsqu'il prêcha l'Evangile aux habitants de Sichar. Elle fut, d'une manière plus éclatante encore, révélée à l'occasion de son séjour en Phénicie, quand il guérit la fille de la Cananéenne. CP 21 3 Ces témoignages firent comprendre aux disciples que, parmi ceux que beaucoup considéraient comme indignes du salut, se trouvaient des âmes avides de lumière et de vérité. CP 21 4 Le Christ cherchait ainsi à enseigner à ses disciples que dans le royaume des cieux il n'y a ni frontière, ni caste, ni aristocratie; qu'ils devaient se rendre dans toutes les nations pour porter le message de l'amour du Sauveur. Mais ce n'est que plus tard qu'ils comprirent vraiment que Dieu "a fait que tous les hommes, sortis d'un seul sang, habitassent sur toute la surface de la terre, ayant déterminé la durée des temps et les bornes de leur demeure; il a voulu qu'ils cherchassent le Seigneur, et qu'ils s'efforçassent de le trouver en tâtonnant, bien qu'il ne soit pas loin de chacun de nous".3 CP 22 1 Ces premiers disciples offraient entre eux de notables différences. Ils devaient porter au monde l'Evangile, et ils représentaient des types extrêmement variés de caractères. Afin de s'acquitter avec succès de la tâche qui leur était confiée, ces hommes qui différaient par leur personnalité et leurs moeurs avaient besoin de parvenir à une unité de sentiment, de pensée et d'action. Cette unité, c'était le but de l'oeuvre du Christ. Pour la réaliser, il chercha à les amener à l'unité avec lui-même. L'expression de ses efforts se trouve à plusieurs reprises dans la prière sacerdotale: "Afin que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et comme je suis en toi, afin qu'eux aussi soient un en nous, pour que le monde croie que tu m'as envoyé... et que tu les as aimés comme tu m'as aimé."4 Sa prière constante pour eux était qu'ils soient sanctifiés par la vérité, et il priait avec assurance, sachant qu'un décret du Tout-Puissant avait été formulé avant que le monde fût créé. Il savait que l'Evangile du royaume serait prêché à toutes les nations, que la vérité, armée de la toute-puissance du Saint-Esprit, triompherait dans la lutte contre le mal, et que la bannière ensanglantée flotterait un jour sur ses disciples. CP 22 2 Tandis que le ministère terrestre du Christ touchait à sa fin et que le Maître allait bientôt laisser à ses disciples le soin de continuer son oeuvre sans sa présence personnelle, il chercha à les encourager et à les préparer pour l'avenir. Il ne les déçut point par de vaines promesses. Comme dans un livre ouvert, il lisait ce qui devait arriver. Il savait qu'il était sur le point de se séparer d'eux, qu'il les laisserait comme des brebis au milieu des loups. Il n'ignorait pas qu'ils souffriraient la persécution, qu'ils seraient chassés des synagogues et jetés en prison. Quelques-uns seraient mis à mort pour avoir témoigné qu'il était le Messie. Il leur fit part de certaines de ces choses. En parlant de leur avenir, il fut clair et précis, afin que dans leurs tribulations futures, ils puissent se souvenir de ses paroles, et être fortifiés par la certitude qu'il était le Rédempteur. CP 22 3 Il leur adressa aussi des paroles de courage et d'espoir. "Que votre coeur ne se trouble point, dit-il. Croyez en Dieu, et croyez en moi. Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père. Si cela n'était pas, je vous l'aurais dit. Je vais vous préparer une place. Et, lorsque je m'en serai allé, et que je vous aurai préparé une place, je reviendrai, et je vous prendrai avec moi, afin que là où je suis vous y soyez aussi. Vous savez où je vais, et vous en savez le chemin."5 C'est par amour pour vous que je suis venu dans le monde. Lorsque je vous aurai quitté, je continuerai d'agir puissamment pour vous. Je suis venu ici-bas pour me révéler à vous, afin que vous croyiez. Je m'en vais vers mon Père, et votre Père, pour coopérer avec lui en votre faveur. CP 23 1 "En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi fera aussi les oeuvres que je fais, et il en fera de plus grandes, parce que je m'en vais au Père."6 Par ces paroles, le Christ ne voulait pas dire que les disciples feraient des oeuvres plus importantes que les siennes, mais que leur travail aurait une plus grande étendue. Il ne parlait pas seulement des miracles qui s'accompliraient, mais de tout ce qui se ferait sous l'influence du Saint-Esprit. "Quand sera venu le consolateur, dit-il, que je vous enverrai de la part du Père, l'Esprit de vérité, qui vient du Père, il rendra témoignage de moi; et vous aussi, vous rendrez témoignage, parce que vous êtes avec moi dès le commencement."7 CP 23 2 Ces paroles eurent un merveilleux accomplissement. Après l'effusion du Saint-Esprit, les disciples furent si remplis d'amour à l'égard du Christ et de ceux pour lesquels il mourut, que les coeurs étaient touchés par leurs paroles et leurs prières. Ils parlaient par la puissance de l'Esprit; et sous cette influence, des milliers se convertissaient. CP 23 3 En tant que représentants du Christ, les apôtres devaient produire une impression décisive sur le monde. Le fait qu'ils étaient d'humble origine ne diminuait en rien leur influence, mais l'augmentait au contraire. Car l'esprit de leurs auditeurs était transporté par leur intermédiaire jusqu'au Sauveur qui, bien qu'invisible, continuait à agir. Le merveilleux enseignement des apôtres, leurs paroles de réconfort et d'espérance persuadaient ceux qui les écoutaient que ce n'était pas par leur propre puissance qu'ils agissaient, mais par celle du Christ. Avec humilité, ils déclaraient que celui qui avait été crucifié par les Juifs était le Prince de la vie, le Fils du Dieu vivant, et qu'en son nom ils accomplissaient les oeuvres qu'il avait faites. CP 24 1 Dans l'ultime conversation qu'il eut avec ses disciples, la nuit précédant la crucifixion, le Sauveur ne fit aucune allusion aux souffrances qu'il avait endurées et endurerait encore. Il ne dit rien au sujet des humiliations qui l'attendaient, mais il s'efforça de présenter à leur esprit ce qui pouvait fortifier leur foi, les exhortant à espérer les joies qui attendent les vainqueurs. Il se réjouissait intérieurement de ce qu'il pouvait et voulait faire pour ses disciples plus encore que ce qu'il leur avait promis; de ce que des fleuves d'amour et de miséricorde jailliraient de sa personne, les purifiant et les rendant semblables à lui; de ce que la vérité accompagnée de la puissance de l'Esprit continuerait sa marche "en vainqueur et pour vaincre". CP 24 2 "Je vous ai dit ces choses, dit-il, afin que vous ayez la paix en moi. Vous aurez des tribulations dans le monde; mais prenez courage, j'ai vaincu le monde."8 Le Christ n'eut aucune défaillance et ne se découragea jamais. Les disciples devaient montrer une foi tout aussi persévérante, et travailler comme il avait travaillé lui-même, se reposant sur lui pour être forts. Et si leur sentier était obstrué par d'apparentes impossibilités, par sa grâce ils devaient aller de l'avant, ne doutant de rien et espérant tout. CP 24 3 Le Christ avait achevé l'oeuvre qui lui était assignée. Il avait rassemblé ceux qui devaient continuer son oeuvre parmi les hommes. Il dit: "Je suis glorifié en eux. Je ne suis plus dans le monde, et ils sont dans le monde, et je vais à toi. Père saint, garde en ton nom ceux que tu m'as donnés, afin qu'ils soient un comme nous [...] Ce n'est pas pour eux seulement que je prie, mais encore pour ceux qui croiront en moi par leur parole, afin que tous soient un [...] Moi en eux, et toi en moi, -- afin qu'ils soient parfaitement un, et que le monde connaisse que tu m'as envoyé et que tu les as aimés comme tu m'as aimé."9 ------------------------Chapitre 3 -- La mission des Douze CP 25 1 Après la mort du Christ, il s'en fallut de peu que les disciples ne fussent terrassés par le découragement. Leur Maître avait été repoussé, condamné et crucifié. Prêtres et magistrats avaient déclaré avec mépris: "Il a sauvé les autres, et il ne peut se sauver lui-même! S'il est le roi d'Israël, qu'il descende de la croix, et nous croirons en lui."1 Pour les disciples, le soleil de l'espérance s'était couché, et la nuit envahissait leur coeur. Souvent, ils répétaient: "Nous espérions que ce serait lui qui délivrerait Israël."2 Solitaires, la mort dans l'âme, ils se remémoraient ses paroles: "Si l'on fait ces choses au bois vert, qu'arriverat-il au bois sec?"3 CP 25 2 Jésus avait essayé à maintes reprises de dévoiler l'avenir à ses disciples, mais ceux-ci n'avaient pas pris garde à ce qu'il leur disait; c'est pourquoi ils furent surpris par sa mort. Plus tard, lorsqu'ils revécurent le passé et virent les résultats de leur incrédulité, ils furent remplis de tristesse. Quand le Christ fut crucifié, ils crurent que tout était perdu. Il leur avait pourtant dit ouvertement qu'il ressusciterait le troisième jour, mais les disciples se demandaient avec anxiété ce qu'il avait voulu dire. Ce manque de compréhension les jeta, au moment de sa mort, dans un profond désespoir. Ils étaient amèrement désappointés, leur foi ne pénétrait pas au-delà de l'ombre jetée par Satan devant leur horizon. Tout, pour eux, était vague et mystérieux. S'ils avaient cru aux paroles du Sauveur, quelle douleur leur eût été épargnée! Accablés par le découragement, la tristesse et le désespoir, ils se réunirent dans le cénacle, portes et fenêtres closes, craignant que le sort de leur Maître bien-aimé ne devînt le leur. Ce fut là que le Sauveur leur apparut après sa résurrection. CP 26 1 Pendant quarante jours, le Christ demeura sur la terre, préparant les disciples à l'oeuvre qui les attendait, et leur expliquant ce qu'ils n'avaient pu comprendre jusqu'alors. Il les entretint des prophéties concernant son avènement, de sa réjection par les Juifs et de sa mort, leur montrant que chaque détail de ces prophéties s'était accompli à la lettre. Il leur dit qu'ils devaient considérer cet accomplissement comme une certitude de la puissance qui les soutiendrait au cours de leurs futurs labeurs. "Alors il leur ouvrit l'esprit, lisons-nous, afin qu'ils comprissent les Ecritures. Et il leur dit: Ainsi il est écrit que le Christ souffrirait, et qu'il ressusciterait des morts le troisième jour, et que la repentance et le pardon des péchés seraient prêchés en son nom à toutes les nations, à commencer par Jérusalem." Et il ajouta: "Vous êtes témoins de ces choses."4 CP 26 2 Pendant les jours que Jésus passa avec ses disciples, ceux-ci s'enrichirent d'une nouvelle expérience. En entendant leur Maître bien-aimé expliquer les Ecritures à la lumière de tout ce qui était arrivé, leur foi en lui s'affermit pleinement. Désormais, ils purent dire: "Je sais en qui j'ai cru."5 Ils commencèrent à comprendre la nature et l'étendue de leur oeuvre, à savoir: proclamer au monde les vérités qui leur avaient été confiées. Les événements de la vie du Christ, sa mort et sa résurrection, les prophéties annonçant ces événements, les mystères du plan du salut, la puissance de Jésus pour la rémission des péchés, toutes ces choses, ils en avaient été témoins, et ils devaient les faire connaître au monde. Ils avaient à proclamer l'Evangile de la paix et du salut par la repentance envers Dieu et la puissance du Sauveur. CP 27 1 Avant de monter au ciel, le Christ confia à ses disciples leur mission. Ils devaient être les exécuteurs du testament par lequel il léguait au monde les trésors de la vie éternelle. Vous avez été témoins de ma vie de sacrifice au service du monde, leur déclara-t-il. Vous avez vu ce que j'ai fait pour Israël. Et bien que mon peuple ne veuille pas venir à moi pour avoir la vie, bien que prêtres et magistrats aient agi envers moi comme il leur plaisait, bien qu'ils m'aient rejeté, je leur donnerai encore une nouvelle occasion d'accepter le Fils de Dieu. Vous avez vu que tous ceux qui sont venus à moi confesser leurs péchés, je les ai reçus à bras ouverts. Je ne rejetterai point celui qui vient à moi. A vous, mes disciples, je confie ce message de miséricorde pour qu'il soit répandu parmi les Juifs et les Gentils, à Israël d'abord, et ensuite à toute nation, à toute langue et à tout peuple. Tous ceux qui croiront seront rassemblés en une seule et même Eglise. CP 27 2 Ce mandat évangélique est la grande charte missionnaire du royaume du Christ. Les disciples devaient travailler ardemment pour les âmes, donnant à toutes l'invitation miséricordieuse. Il ne fallait pas attendre que le peuple vînt à eux, mais aller vers lui avec le message divin. CP 27 3 Les disciples devaient accomplir leur oeuvre au nom du Christ. Chacune de leurs paroles, chacun de leurs actes allaient fixer l'attention sur son nom, car il possédait le pouvoir vital par lequel les pécheurs étaient sauvés. Leur foi se concentrerait sur lui, source de miséricorde et de puissance. En son nom, ils présenteraient leurs requêtes au Père pour qu'il leur fût répondu. Ils devaient baptiser au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Il fallait que le nom du Christ soit leur mot d'ordre, l'insigne qui les distinguerait, l'autorité sur laquelle s'appuierait leur action, et la source de leur succès. Tout, dans son royaume, devait porter son nom et sa suscription. CP 28 1 Lorsque le Christ dit à ses disciples: "Allez en mon nom rassembler tous ceux qui croient", il plaça nettement devant eux la nécessité de maintenir la simplicité. Moins ils manifesteraient d'ostentation et de déploiement extérieur, plus grande serait leur influence pour le bien. Les disciples devaient parler avec la simplicité dont le Christ lui-même avait fait preuve, et inculquer à leurs auditeurs les leçons qu'il leur avait enseignées. CP 28 2 Jésus ne dit pas à ses disciples que leur tâche serait facile. Il leur montra, au contraire, la vaste conspiration du mal déployée contre eux. Ils auraient à lutter "contre les dominations, contre les autorités, contre les princes de ce monde de ténèbres, contre les esprits méchants dans les lieux célestes".6 Mais il ne les laisserait pas combattre seuls. Il serait avec eux, et, s'ils avançaient avec foi, il les protégerait par le bouclier du Tout-Puissant. Il leur ordonna d'être braves et forts, car quelqu'un de plus puissant que les anges -- le Général des armées célestes -- serait dans leur rang. Il fit tous les préparatifs nécessaires à la poursuite de leur tâche, et assuma la responsabilité de son succès. Tant qu'ils obéiraient à sa parole et agiraient de concert avec lui, ils ne pourraient faillir. Allez vers toutes les nations, leur ordonna-t-il. Allez vers les régions les plus reculées du globe, et soyez assurés que, même là, je serai avec vous. Travaillez avec foi et confiance. Je ne vous abandonnerai jamais; je serai toujours avec vous, vous aidant à accomplir votre tâche, vous guidant, vous encourageant, vous sanctifiant, vous soutenant, donnant de l'efficacité à vos paroles quand vous vous efforcerez d'attirer l'attention des hommes sur les choses célestes. CP 28 3 Le sacrifice du Christ en faveur de l'humanité a été total et absolu. La condition de l'expiation a été remplie L'oeuvre pour laquelle il était venu dans le monde a été achevée. Il avait conquis le royaume des cieux. Il l'avait arraché à Satan, et il était devenu héritier de toutes choses. Il allait vers le trône de Dieu pour être glorifié par les armées célestes. Revêtu d'un pouvoir illimité, il confia à ses disciples leur mission: "Allez, leur dit-il, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde."7 CP 29 1 Avant de quitter ses disciples, le Christ leur exposa clairement, une fois encore, la nature de son royaume. Il leur rappela les choses qu'il leur avait dites précédemment. Il n'entrait pas dans ses intentions d'établir en ce monde un royaume temporel. Il n'était pas désigné pour régner en simple monarque sur le trône de David. Lorsque les disciples lui demandèrent: "Seigneur, est-ce en ce temps que tu rétabliras le royaume d'Israël? Il leur répondit: Ce n'est pas à vous de connaître les temps ou les moments que le Père a fixés de sa propre autorité."8 Il n'était pas nécessaire aux disciples de pénétrer davantage dans l'avenir; les révélations que le Fils leur avait faites devaient leur suffire. Leur tâche consistait à proclamer le message évangélique. CP 29 2 La présence visible du Christ était sur le point de leur être ravie. Mais ils recevraient une nouvelle puissance: le Saint-Esprit leur serait envoyé dans sa plénitude, les marquant de son sceau pour leur tâche. "Et voici, dit le Seigneur, j'enverrai sur vous ce que mon Père a promis; mais vous, restez dans la ville jusqu'à ce que vous soyez revêtus de la puissance d'en haut."9 "Car Jean a baptisé d'eau, mais vous, dans peu de jours, vous serez baptisés du Saint-Esprit... Vous recevrez une puissance, le Saint-Esprit survenant sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre."10 CP 29 3 Le Sauveur savait que nul argument, même logique, n'arriverait à attendrir les coeurs endurcis, ni à briser l'écorce de la mondanité et de l'égoïsme humain. Il savait que ses disciples devaient recevoir le don céleste, que l'Evangile ne serait efficace que s'il était proclamé par des coeurs ardents, des lèvres éloquentes, et grâce à une réelle connaissance de celui qui est "le chemin, la vérité et la vie". L'oeuvre confiée aux disciples réclamait une grande puissance, car la marée du mal déferlait sur eux, forte et profonde; un chef vigilant et redoutable était à la tête des forces des ténèbres, et les disciples du Christ ne pouvaient lutter pour le bien qu'avec l'aide de Dieu, accordée par l'Esprit. CP 30 1 Le Sauveur ordonna à ses disciples de commencer leur travail à Jérusalem. Cette ville avait été témoin de son merveilleux sacrifice pour le genre humain. C'est là que, revêtu de l'humanité, il avait vécu avec les hommes et s'était entretenu avec eux; et cependant peu s'étaient aperçus que le ciel était descendu sur la terre. C'est là qu'il avait été condamné et crucifié. Nombreux, à Jérusalem, étaient ceux qui, secrètement, croyaient que Jésus de Nazareth était le Messie, et beaucoup d'autres avaient été trompés par les prêtres et les magistrats. C'est à ceux-ci que l'Evangile allait d'abord être proclamé. Ils devaient être appelés à la repentance. Il fallait leur faire comprendre cette merveilleuse vérité que par le Christ seul pouvait être obtenue la rémission des péchés. Et c'est pendant que tout Jérusalem était mis en émoi par les événements sensationnels des semaines écoulées, que la prédication des disciples ferait la plus profonde impression. CP 30 2 Pendant son ministère, Jésus avait constamment rappelé aux disciples le fait qu'ils devaient être un avec lui dans la tâche qui consistait à arracher le monde de l'esclavage du péché. Quand il envoya les Douze, et plus tard les Soixante-dix, proclamer le royaume de Dieu, il leur enseigna comment faire part aux autres des vérités qu'il leur avait révélées. Dans toute son activité, il les formait pour le travail individuel qui devait s'étendre à mesure que leur nombre augmenterait, pour atteindre enfin les régions les plus reculées de la terre. La dernière leçon qu'il leur donna avait pour but de leur démontrer qu'ils étaient les dépositaires, pour le monde entier, de la bonne nouvelle du salut. CP 31 1 Lorsque l'heure vint pour le Christ de quitter ce monde afin de monter vers son Père, il conduisit ses disciples jusqu'à Béthanie. Là, il s'arrêta, et ils se réunirent autour de lui. Etendant les mains pour les bénir, et comme pour les assurer de sa protection, il s'éleva lentement du milieu d'eux. "Pendant qu'il les bénissait, il se sépara d'eux, et fut enlevé au ciel."11 CP 31 2 Tandis que les disciples avaient les regards fixés vers le ciel, pour ne pas perdre de vue leur Seigneur s'élevant dans les nues, celui-ci était accueilli par l'armée céleste composée d'anges radieux. Et en l'escortant vers les parvis divins, ils chantaient triomphalement: "Royaume de la terre, chantez à Dieu, célébrez le Seigneur! -- Chantez à celui qui s'avance dans les cieux, les cieux éternels!... Rendez gloire à Dieu! Sa majesté est sur Israël, et sa force dans les cieux."12 CP 31 3 Les disciples avaient encore les yeux attachés au ciel lorsque "deux hommes vêtus de blanc leur apparurent, et dirent: Hommes Galiléens, pourquoi vous arrêtez-vous à regarder au ciel? Ce Jésus, qui a été enlevé au ciel du milieu de vous, viendra de la même manière que vous l'avez vu allant au ciel."13 CP 31 4 La promesse de la seconde venue du Christ ne devait jamais s'effacer de l'esprit des disciples. Ce Jésus qu'ils avaient vu monter au ciel reviendrait prendre avec lui tous ceux qui, ici-bas, se seraient consacrés à son service. La même voix qui leur avait dit: "Voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde", les accueillerait dans le royaume céleste. CP 31 5 De même que dans le service typique, le grand prêtre se dépouillait de sa robe sacerdotale et officiait en robe de lin blanc, comme un simple prêtre, ainsi le Christ enleva ses ornements royaux, et, revêtu d'humanité, offrit le sacrifice -- jouant à la fois le rôle de prêtre et de victime. Or, de même que le grand prêtre, après avoir terminé son service dans le lieu très saint, sortait au-devant de la congrégation en vêtements sacerdotaux, de même le Christ viendra une seconde fois, revêtu d'un vêtement d'une blancheur si éclatante "qu'il n'est pas de foulon sur la terre qui puisse blanchir ainsi".14 Il reviendra dans sa gloire et dans celle de son Père, et toutes les armées angéliques l'escorteront. CP 32 1 Ainsi s'accomplira la promesse du Christ à ses disciples: "Je reviendrai, et je vous prendrai avec moi."15 Ceux qui l'ont aimé et attendu seront couronnés de gloire, d'honneur et d'immortalité. Les morts en Christ sortiront de leur tombeau, et les vivants seront "enlevés avec eux sur des nuées, à la rencontre du Seigneur dans les airs". Ils entendront la voix de Jésus, plus douce qu'aucune musique ayant jamais frappé l'oreille d'un mortel, leur déclarer: Votre combat est achevé. "Venez, vous qui êtes bénis de mon Père; prenez possession du royaume qui vous a été préparé dès la fondation du monde."16 CP 32 2 Les disciples avaient vraiment lieu de se réjouir dans l'espérance du retour de leur Seigneur. ------------------------Chapitre 4 -- La Pentecôte Ce chapitre est basé sur Actes 2:1-39. CP 33 1 Comme les disciples retournaient du mont des Oliviers à Jérusalem, les gens les observaient, s'attendant à voir sur leurs visages une expression de tristesse, de désarroi et de défaite; mais ils n'y découvrirent que joie et triomphe. Les disciples ne se lamentaient plus sur leurs espérances déçues. Ils avaient vu le Sauveur ressuscité, et ses paroles résonnaient encore à leurs oreilles. CP 33 2 Pour obéir à l'ordre du Christ, ils attendirent à Jérusalem la réalisation de la promesse du Père: l'effusion du Saint-Esprit. Mais cette attente ne se passa pas dans l'oisiveté. L'Ecriture dit qu'ils étaient "continuellement dans le temple, louant et bénissant Dieu".1 Ils se réunissaient aussi pour présenter leurs requêtes au Père, au nom de Jésus. Ils savaient qu'ils avaient un représentant dans le ciel, un avocat. Dans une crainte solennelle, ils répétaient ces paroles du Maître: "Ce que vous demanderez au Père, il vous le donnera en mon nom. Jusqu'à présent vous n'avez rien demandé en mon nom. Demandez, et vous recevrez, afin que votre joie soit parfaite."2 Plus haut, toujours plus haut, ils élevaient la main de la foi, forts du puissant argument que "Christ est mort; bien plus, il est ressuscité, il est à la droite de Dieu, et il intercède pour nous"!3 CP 34 1 Tandis que les disciples attendaient l'accomplissement de la promesse, ils humiliaient leurs coeurs dans une véritable repentance et confessaient leur incrédulité. Tout en se remémorant les paroles que le Christ avait prononcées avant sa mort, ils en pénétraient davantage le sens. Les vérités qui s'étaient effacées de leur mémoire leur revenaient à l'esprit, et ils se les répétaient les uns aux autres, tout en se reprochant leur manque de compréhension à l'égard du Sauveur. CP 34 2 Les scènes de sa vie merveilleuse défilaient devant eux, telle une procession. Comme ils méditaient sur sa vie pure et sainte, ils sentaient que pour eux nulle peine ne serait trop dure, nul sacrifice trop grand, si leur vie rendait témoignage de la beauté de son caractère. Oh, si seulement il leur était donné de revivre les trois années écoulées, comme ils agiraient différemment! S'ils pouvaient seulement revoir le Maître, avec quelle ferveur ils s'efforceraient de lui montrer la profondeur de leur amour et la sincérité de leur douleur de l'avoir peiné par une parole ou un acte d'incrédulité! Mais ils se réconfortaient en pensant qu'ils étaient pardonnés. Et ils résolurent, dans la mesure de leurs forces, d'expier cette incrédulité en confessant courageusement le Christ devant le monde. CP 34 3 Les disciples priaient avec une intense ferveur, afin de pouvoir affronter les pécheurs et prononcer des paroles qui les amèneraient à la repentance. Faisant table rase de toutes divergences, de tout désir de suprématie, ils s'unissaient étroitement dans la communion chrétienne. Ils se rapprochaient de plus en plus de Dieu, et, ce faisant, ils se rendaient compte combien grand était leur privilège de pouvoir s'associer aussi intimement avec le Christ. La tristesse emplissait leurs coeurs à la pensée qu'ils l'avaient si souvent peiné par leur lenteur à comprendre, par leur manque d'intelligence, au cours des leçons qu'il cherchait à leur inculquer. CP 35 1 Pendant ces jours de préparation, les disciples sondèrent leurs coeurs. Ils sentaient leurs besoins spirituels, et suppliaient le Seigneur de leur accorder l'onction sainte qui les rendraient propres à sauver les âmes. Mais ils ne demandaient pas ces bénédictions pour eux seuls. Ils étaient accablés par le fardeau du salut de leurs semblables. Ils savaient que l'Evangile devait être porté au monde, et ils désiraient recevoir la puissance promise par le Christ. CP 35 2 A l'époque des patriarches, l'influence du Saint-Esprit s'était souvent révélée, mais jamais dans sa plénitude. Maintenant, pour obéir à la parole du Sauveur, les disciples réclamaient ce don, et, dans le ciel, le Christ y ajoutait son intercession. CP 35 3 "Le jour de la Pentecôte, lisons-nous dans les Actes des Apôtres, ils étaient tous ensemble dans le même lieu. Tout à coup il vint du ciel un bruit comme celui d'un vent impétueux, et il remplit toute la maison où ils étaient assis." CP 35 4 L'Esprit descendit sur les disciples, qui attendaient dans la prière, avec une plénitude qui atteignit le coeur de chacun. Celui qui est infini se révélait avec puissance à son Eglise. C'était comme si, pendant des siècles, cette force avait été contenue. Maintenant le ciel se plaisait à déverser sur les croyants les richesses de la grâce de l'Esprit. Sous son influence, les paroles de repentance et de confession se mêlaient aux chants de louange pour le pardon des péchés. On entendait des accents de reconnaissance et des paroles prophétiques. Le ciel tout entier s'abaissait pour contempler et adorer la sagesse de l'amour incomparable et incompréhensible. Emerveillés, les apôtres s'écriaient: "Voici l'amour!" Ils saisirent le don qui leur était accordé. Et que s'ensuivit-il? L'épée de l'Esprit, nouvellement affinée et trempée dans les éclairs du ciel, se fraya un chemin parmi l'incrédulité. Des milliers se convertirent en un seul jour. CP 36 1 "Il vous est avantageux que je m'en aille, avait dit le Christ à ses disciples, car si je ne m'en vais pas, le consolateur ne viendra pas vers vous; mais, si je m'en vais, je vous l'enverrai... Quand le consolateur sera venu, l'Esprit de vérité, il vous conduira dans toute la vérité; car il ne parlera pas de lui-même, mais il dira tout ce qu'il aura entendu, et il vous annoncera les choses à venir."4 CP 36 2 L'ascension du Christ annonçait aux disciples qu'ils recevraient la bénédiction promise. Ils devaient donc attendre avant d'entreprendre leur tâche. Lorsque le Sauveur franchit les portes du ciel, il fut intrônisé au milieu de l'adoration des anges. Aussitôt cette cérémonie terminée, le Saint-Esprit descendit sur les disciples en effluves abondants, et le Christ fut alors glorifié de la gloire même qu'il partageait avec le Père de toute éternité. CP 36 3 Par l'effusion de la Pentecôte, le ciel révélait que le règne du Rédempteur avait commencé. Selon sa promesse, le Saint-Esprit descendait sur ses disciples pour témoigner qu'il avait reçu toute autorité sur la terre et dans les cieux en tant que sacrificateur et roi, et qu'il était l'Oint de son peuple. CP 36 4 "Des langues, semblables à des langues de feu, leur apparurent, séparées les unes des autres, et se posèrent sur chacun d'eux. Et ils furent tous remplis du Saint-Esprit, et se mirent à parler en d'autres langues, selon que l'Esprit leur donnait de s'exprimer." Le Saint-Esprit, prenant la forme de langues de feu, se posa sur chacun de ceux qui étaient assemblés. C'était l'emblème du don qui était alors dispensé aux disciples, don qui leur permettait de parler couramment ces langues jusqu'alors inconnues d'eux. L'apparition du feu symbolisait le zèle ardent qui animerait les apôtres, et la puissance avec laquelle ils accompliraient leur tâche. CP 36 5 "Or, il y avait en séjour à Jérusalem des Juifs, hommes pieux, de toutes les nations qui sont sous le ciel." Pendant la dispersion, les Juifs avaient été disséminés dans presque toutes les parties du monde habité et, dans leur exil, ils avaient appris à parler diverses langues. Beaucoup de ces Juifs se trouvaient, à l'occasion de la Pentecôte, à Jérusalem, pour assister aux fêtes religieuses qui s'y déroulaient. Or, chaque langue connue était représentée par ces Juifs rassemblés dans cette ville. Ces différentes langues auraient présenté un grand obstacle à la proclamation de l'Evangile; c'est pourquoi Dieu subvint d'une manière miraculeuse à l'incapacité des apôtres. Le Saint-Esprit fit à leur égard ce qu'ils n'auraient pu accomplir par eux-mêmes de leur vivant. Ils pourraient maintenant proclamer au monde les vérités de la Parole de Dieu, parlant correctement les langues de ceux qu'ils évangélisaient. Ce don miraculeux prouvait avec force au monde que leur mission portait le sceau du ciel. A partir de ce moment-là, le langage des disciples devint pur, simple et précis, qu'ils s'exprimassent dans leur langue maternelle ou dans une langue étrangère. CP 37 1 "Au bruit qui eut lieu, la multitude accourut, et elle fut confondue parce que chacun les entendait parler dans sa propre langue. Ils étaient tous dans l'étonnement et la surprise, et ils se disaient les uns aux autres: Voici, ces gens qui parlent ne sont-ils pas tous Galiléens? Et comment les entendons-nous dans notre propre langue à chacun, dans notre langue maternelle?" CP 37 2 Les prêtres et les magistrats étaient fort irrités devant cette manifestation extraordinaire, mais ils n'osaient donner libre cours à leur méchanceté, de crainte de s'exposer à la violence du peuple. Ils avaient mis le Nazaréen à mort, mais voici que ses disciples, hommes illettrés de Galilée, racontaient dans toutes les langues alors connues l'histoire de sa vie et de son ministère. Les prêtres, résolus à mettre ce pouvoir miraculeux sur le compte de quelque cause naturelle, déclaraient qu'ils étaient ivres du vin doux préparé pour la fête, pour en avoir absorbé une trop grande quantité. Quelques-uns parmi les plus ignorants du peuple crurent à cette suggestion, mais les plus intelligents savaient qu'elle était fausse. Et ceux qui comprenaient les différentes langues attestaient la correction de celles que parlaient les disciples. CP 38 1 En réponse aux accusations des prêtres, Pierre montra que cette manifestation était l'accomplissement direct de la prophétie de Joël, dans laquelle il est prédit qu'une telle puissance s'emparera des hommes pour les rendre propres à accomplir une tâche spéciale: "Hommes Juifs, dit-il, et vous tous qui séjournez à Jérusalem, sachez ceci, et prêtez l'oreille à mes paroles! Ces gens ne sont pas ivres, comme vous le supposez, car c'est la troisième heure du jour. Mais c'est ici ce qui a été dit par le prophète Joël: Dans les derniers jours, dit Dieu, je répandrai de mon Esprit sur toute chair; vos fils et vos filles prophétiseront, vos jeunes gens auront des visions, et vos vieillards auront des songes. Oui, sur mes serviteurs et sur mes servantes, dans ces jours-là, je répandrai de mon Esprit; et ils prophétiseront." CP 38 2 Avec puissance et clarté, Pierre rendit témoignage de la mort et de la résurrection du Christ: "Hommes Israélites, écoutez ces paroles! Jésus de Nazareth, cet homme à qui Dieu a rendu témoignage devant vous par les miracles, les prodiges et les signes qu'il a opérés par lui au milieu de vous, comme vous le savez vous-mêmes; cet homme [...] vous l'avez crucifié, vous l'avez fait mourir par la main des impies. Dieu l'a ressuscité, en le délivrant des liens de la mort, parce qu'il n'était pas possible qu'il fût retenu par elle." CP 38 3 Pierre ne fit pas allusion aux enseignements du Christ pour justifier son point de vue, parce qu'il savait que les préjugés de ses auditeurs étaient si grands que tout ce qu'il pourrait dire sur cette question ne serait d'aucun effet. Il préféra leur parler de David qui était considéré par les Juifs comme un patriarche de leur nation: "Car David dit de lui: Je voyais constamment le Seigneur devant moi, parce qu'il est à ma droite, afin que je ne sois point ébranlé. Aussi mon coeur est dans la joie, et ma langue dans l'allégresse; et même ma chair reposera avec espérance, car tu n'abandonneras pas mon âme dans le séjour des morts, et tu ne permettras pas que ton Saint voie la corruption [...] Hommes frères, qu'il me soit permis de vous dire librement, au sujet du patriarche David, qu'il est mort, qu'il a été enseveli, et que son sépulcre existe encore aujourd'hui parmi nous. Comme il était prophète [...] c'est la résurrection du Christ qu'il a prévue et annoncée, en disant qu'il ne serait pas abandonné dans le séjour des morts et que sa chair ne verrait pas la corruption. C'est ce Jésus que Dieu a ressuscité; nous en sommes tous témoins." CP 39 1 Il y a là une scène du plus grand intérêt. Voici que de toutes parts les gens accourent en foule vers le temple pour entendre les disciples rendre témoignage à la vérité, telle qu'elle est en Jésus. Prêtres et magistrats sont là, la face durcie par leur sombre méchanceté, le coeur souillé du sang répandu par la crucifixion du Sauveur du monde. Ils avaient cru trouver les apôtres tremblants de peur sous l'empire de l'oppression et du meurtre; mais ils les voyaient pleins de courage et remplis de l'Esprit, proclamant avec force la divinité de Jésus de Nazareth. Ils les entendaient déclarer avec hardiesse que celui qui avait été tout récemment humilié, frappé par des mains cruelles et crucifié, c'était le Prince de la vie, maintenant élevé à la droite de Dieu. Quelques-uns de ceux qui écoutaient les apôtres en ce moment avaient pris une part active à la condamnation et à la mort du Christ. Leurs voix s'étaient mêlées à celles de la populace pour demander sa crucifixion. Quand Jésus et Barabbas se tenaient devant eux dans le prétoire, et que Pilate avait demandé: "Lequel voulez-vous que je vous relâche? Ils répondirent: Barabbas."5 Quand Pilate le leur livra, disant: "Prenez-le vous-mêmes, et crucifiez-le; car moi, je ne trouve point de crime en lui [...] Je suis innocent du sang de ce juste", ils s'étaient écriés: "Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants!"6 CP 39 2 Les prêtres et les magistrats tremblaient; l'angoisse étreignait la foule. "Ils eurent le coeur vivement touché, et ils dirent à Pierre et aux autres apôtres: Hommes frères, que ferons-nous?" Parmi ceux qui écoutaient les disciples se trouvaient des Juifs pieux, sincères dans leur foi. La puissance qui accompagnait les paroles de l'apôtre les convainquit que Jésus était vraiment le Messie. Alors Pierre leur dit: "Repentez-vous, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ, pour le pardon de vos péchés; et vous recevrez le don du Saint-Esprit. Car la promesse est pour vous, pour vos enfants, et pour tous ceux qui sont au loin, en aussi grand nombre que le Seigneur notre Dieu les appellera." CP 40 1 Pierre insiste auprès de ses auditeurs sur le fait qu'ils avaient rejeté le Christ parce qu'ils avaient été trompés par les prêtres et les magistrats. Il leur dit que s'ils continuaient à prendre ces hommes comme conseillers, et à attendre qu'ils leur fassent connaître le Christ, sans avoir le courage de le rechercher eux-mêmes, ils ne l'accepteraient jamais. Ces hommes puissants, bien que faisant profession de piété, ambitionnaient les richesses et la gloire terrestre. Ils n'avaient nul désir de venir au Christ pour être sauvés. CP 40 2 Sous l'influence de cette illumination céleste, les Ecritures que le Christ avait expliquées à ses disciples s'imposaient à eux avec l'éclat de la vérité. Le voile qui jusqu'alors les avait empêchés de voir ce qui était aboli, était enlevé, et ils comprenaient maintenant le but de la mission du Christ et la nature de son royaume. Ils pouvaient parler de leur Sauveur avec puissance, et tandis qu'ils révélaient à leurs auditeurs le plan du salut, beaucoup étaient touchés et convaincus. Les traditions et les superstitions inculquées par les prêtres étaient chassées de leurs esprits, et les enseignements du Sauveur reçus. "Ceux qui acceptèrent sa parole furent baptisés; et, en ce jour-là, le nombre des disciples s'augmenta d'environ trois mille âmes." CP 40 3 Les chefs des Juifs avaient supposé que l'oeuvre du Christ s'achèverait avec sa mort; mais au lieu de cela, ils étaient témoins des scènes merveilleuses de la Pentecôte. Ils entendaient les disciples, doués d'une puissance et d'une énergie jusque-là inconnues, prêcher le Christ, leurs paroles étant renforcées par des signes et des prodiges. A Jérusalem, la forteresse du judaïsme, des milliers déclaraient ouvertement leur foi en Jésus de Nazareth comme étant le Messie. CP 41 1 Les disciples étaient émerveillés et débordants de joie devant l'importance de cette moisson d'âmes. Ils ne considéraient pas cette récolte magnifique comme étant le résultat de leurs propres efforts. Ils se rendaient compte qu'ils étaient entrés dans le champ de travail d'autres croyants. Depuis la chute d'Adam, Dieu avait confié à ses serviteurs la semence de la vérité, destinée à être jetée dans les coeurs. Pendant sa vie ici-bas, le Christ avait répandu cette semence, qu'il arrosa de son sang. Les conversions qui eurent lieu au jour de la Pentecôte furent le résultat de ces semailles, la moisson du travail du Sauveur, révélant la puissance de son enseignement. Seules les paroles des apôtres, bien que claires et convaincantes, n'auraient pu réussir à faire tomber les préjugés qui avaient résisté à tant d'évidence. Mais le Saint-Esprit faisait pénétrer les arguments dans les coeurs avec une puissance divine. Les déclarations des apôtres étaient comme des flèches aiguës du Tout-Puissant, convaincant les hommes de l'effroyable crime qu'ils avaient commis en rejetant et en crucifiant le Seigneur de gloire. CP 41 2 A l'école du Christ, les disciples avaient été amenés à sentir la nécessité de recevoir le Saint-Esprit. C'est par cette puissance que s'acheva leur formation, et qu'ils entreprirent l'oeuvre de leur vie. Ils n'étaient plus des hommes ignorants et sans culture; ils ne formaient plus un groupe d'unités indépendantes ou d'éléments discordants et inconciliables. Ils ne plaçaient plus leur espoir dans les grandeurs terrestres. Ils n'étaient "qu'un coeur et qu'une âme".7 Le Christ occupait toutes leurs pensées, et l'avancement de son règne était leur seule ambition. Par l'esprit et le caractère, ils étaient devenus comme leur Maître, et chacun reconnaissait "qu'ils avaient été avec Jésus".8 CP 41 3 La Pentecôte leur apporta la lumière céleste. Les vérités qu'ils ne pouvaient saisir quand le Christ était avec eux leur étaient maintenant clairement révélées. Avec une confiance et une assurance qu'ils n'avaient jamais connues auparavant, ils acceptaient les enseignements de la Parole sacrée. Que le Christ soit le Fils de Dieu n'était plus pour eux une question de foi. Ils avaient la certitude que, bien que revêtu d'humanité, il était vraiment le Messie, et ils en firent part autour d'eux avec une confiance apportant la conviction que Dieu était avec eux. CP 42 1 Ils pouvaient prononcer le nom de Jésus avec assurance. N'était-il pas leur ami et leur frère aîné? Jouissant d'une communion intime avec le Christ, ils "s'asseyaient avec lui dans les lieux célestes". Avec quelles paroles brûlantes ils présentaient leurs arguments quand ils rendaient témoignage de lui! Leurs coeurs débordaient d'une reconnaissance si complète, si profonde, si puissante, qu'ils se sentaient appelés à se rendre jusqu'aux extrémités du monde pour témoigner de la puissance du Christ. Ils étaient remplis du désir intense de poursuivre l'oeuvre commencée. CP 42 2 Ils se rendaient compte de leur dette envers le ciel et de la responsabilité qui leur incombait. Fortifiés par le don du Saint-Esprit, ils partirent pleins de zèle pour proclamer les triomphes de la croix. L'Esprit les animait et parlait par eux. La paix du Christ rayonnait sur leurs visages. Ils avaient voué leur vie à son service, et leurs traits mêmes portaient l'empreinte de cette consécration. ------------------------Chapitre 5 -- Le don du Saint-Esprit CP 43 1 Lorsque le Christ promit à ses disciples de leur envoyer le Saint-Esprit, il approchait du terme de son ministère. Il affrontait le supplice de la croix du Calvaire avec la pleine conscience du fardeau qui allait peser sur lui en se chargeant des péchés du monde. Mais avant de s'offrir lui-même comme victime expiatoire, il promit à ses disciples le don le plus essentiel et le plus complet qui soit, celui qui mettrait à leur portée les ressources infinies de sa grâce. "Je prierai le Père, leur dit-il, et il vous donnera [...] l'Esprit de vérité, que le monde ne peut recevoir, parce qu'il ne le voit point et ne le connaît point; mais vous, vous le connaissez, car il demeure avec vous, et il sera en vous."1 Le Sauveur faisait allusion au temps où le Saint-Esprit, qui est son représentant, viendrait accomplir une oeuvre puissante. Le mal qui s'était accumulé pendant des siècles devait être mis en échec par ce pouvoir divin. CP 43 2 Quels furent les résultats de l'effusion de l'Esprit au jour de la Pentecôte? -- La bonne nouvelle d'un Sauveur ressuscité fut proclamée jusqu'aux extrémités du monde habité. Tandis que les disciples annonçaient le message de la grâce rédemptrice, les coeurs cédaient à sa puissance. L'Eglise voyait venir à elle de nombreux convertis de toutes les classes de la société. Les rétrogrades revenaient à la foi, les pécheurs s'unissaient aux croyants pour rechercher la perle de grand prix. Quelques-uns de ceux qui avaient été les ennemis les plus acharnés de l'Evangile devenaient ses meilleurs champions. La prophétie s'accomplissait: "Le faible parmi eux sera dans ce jour comme David; la maison de David sera comme Dieu, comme l'ange de l'Eternel."2 CP 44 1 Chaque chrétien voyait dans son frère une révélation de l'amour divin. Un seul intérêt prévalait, un seul sujet d'émulation éclipsait tous les autres: refléter le caractère du Christ, travailler à l'édification de son royaume. "Les apôtres rendaient avec beaucoup de force témoignage de la résurrection du Seigneur Jésus. Et une grande grâce reposait sur eux tous."3 CP 44 2 Grâce aux efforts des disciples, des hommes d'élite s'ajoutaient à l'Eglise. Ceux-ci, recevant la Parole de vie, se consacraient à leur tour à la tâche dont le but était de communiquer aux autres l'espérance qui remplissait leurs coeurs de paix et de joie. Les menaces ne pouvaient ni les retenir ni les intimider. Le Seigneur parlait par eux, et tandis qu'ils allaient de lieu en lieu, l'Evangile était prêché aux pauvres, et des miracles de la grâce divine s'opéraient. Ainsi, le Seigneur peut agir avec puissance lorsque les hommes s'abandonnent au contrôle de son Esprit. CP 44 3 Le témoignage du Saint-Esprit n'est pas limité à une époque ou à une race. Le Christ a promis que cette divine influence serait avec ses disciples jusqu'à la fin du monde. Depuis le jour de la Pentecôte jusqu'aux temps actuels, le consolateur a été envoyé à tous les hommes qui se sont consacrés au service de Dieu; et à tous ceux qui ont accepté Jésus comme Sauveur personnel, le Saint-Esprit a été donné comme conseiller, comme moyen de sanctification, comme guide et comme témoin. Plus les croyants se sont tenus près de Dieu, plus nettement et plus puissamment ils ont expérimenté l'amour de leur Rédempteur et de sa grâce salvatrice. Les hommes et les femmes qui, pendant de longs siècles de persécutions et d'épreuves, jouirent dans une large mesure de la présence du Saint-Esprit, ont été comme des signes et des prodiges dans le monde. Devant les anges et devant les hommes, ils ont révélé la puissance transformatrice de l'amour rédempteur. CP 45 1 Ceux qui, au jour de la Pentecôte, furent revêtus du don d'en haut, n'étaient pas pour cela préservés de tentations et d'épreuves. Tandis qu'ils témoignaient pour la vérité et la justice, l'ennemi de toute vérité les assaillait fréquemment et cherchait à leur ravir les bienfaits de leur expérience chrétienne. Ils étaient appelés à combattre avec toute la puissance que Dieu mettait à leur disposition pour atteindre la stature parfaite d'hommes et de femmes en Jésus-Christ. Ils priaient chaque jour pour obtenir de nouvelles grâces, afin de s'élever de plus en plus vers la perfection. Sous l'action puissante du Saint-Esprit, et en exerçant la foi en Dieu, les plus faibles mêmes apprenaient à développer les facultés que le Seigneur leur avait confiées, et à se sanctifier, s'affiner, s'ennoblir. En toute humilité, ils se soumettaient à cette influence transformatrice, et recevaient toute la plénitude de Dieu, étant façonnés à son image. CP 45 2 Le temps n'a rien changé à la promesse du Christ d'envoyer son représentant: le Saint-Esprit. Si les richesses de sa grâce ne se répandent pas aujourd'hui avec plus d'abondance sur les hommes, ce n'est pas parce qu'il les accorde avec parcimonie. Si l'accomplissement de la promesse n'est pas visible comme il devrait l'être, c'est parce que celle-ci n'est pas appréciée à sa juste valeur. Tous seraient remplis du Saint-Esprit, s'ils le voulaient. Partout où le besoin de l'Esprit est méconnu, on constate une sécheresse spirituelle, des ténèbres, le déclin, et enfin la mort. Bien qu'offerte avec une infinie plénitude, la puissance divine nécessaire au développement et à la prospérité de l'Eglise reste déficiente chaque fois que les sujets secondaires occupent l'esprit. CP 46 1 Puisque nous pouvons recevoir la puissance d'en haut, pourquoi n'avons-nous pas faim et soif du don du Saint-Esprit? Pourquoi n'en parlons-nous pas et ne prions-nous pas pour l'obtenir? Pourquoi ne prêchons-nous pas sur ce sujet? Le Seigneur est cependant plus disposé à nous l'accorder que ne le sont les parents de donner de bonnes choses à leurs enfants. Tout serviteur de Dieu devrait demander au Seigneur de le baptiser chaque jour de l'Esprit. Que des groupes de croyants se forment pour réclamer le secours et la sagesse célestes, afin qu'ils puissent concevoir et exécuter de sages projets. Qu'ils prient surtout pour que Dieu accorde son Esprit dans une riche mesure à ceux qu'il a choisis pour travailler à l'avancement de son règne. La présence du Saint-Esprit chez les serviteurs de Dieu apportera à la proclamation de la vérité une force que tous les honneurs et toute la gloire du monde ne sauraient donner. CP 46 2 Le Saint-Esprit repose sur les serviteurs de Dieu consacrés à son service, où qu'ils soient. Les paroles adressées aux disciples sont aussi pour nous. Le Consolateur est aussi bien le nôtre que le leur. L'Esprit donne la force qui soutient en toute circonstance l'âme qui lutte et combat au milieu de la haine du monde, ainsi que la claire vision de ses erreurs et de ses échecs. Dans la peine et l'affliction, quand l'horizon paraît sombre et l'avenir incertain, quand nous nous sentons faibles et abandonnés, c'est alors que le Saint-Esprit, en réponse à la prière de la foi, vient réconforter notre coeur. CP 46 3 Le fait qu'une personne manifeste une extase spirituelle dans des circonstances exceptionnelles ne prouve pas d'une manière évidente qu'elle est chrétienne. La sainteté n'est pas une extase, c'est un abandon total à la volonté de Dieu. C'est vivre chaque parole qui sort de sa bouche, accomplir sa volonté, se réfugier en lui dans l'épreuve, dans les ténèbres aussi bien que dans la lumière; c'est marcher par la foi et non par la vue, s'attendre à Dieu en toute confiance et se reposer sur son amour. CP 46 4 Il n'est pas essentiel pour nous d'être capables de définir exactement ce qu'est le Saint-Esprit. Jésus nous dit que l'Esprit est "le consolateur, l'Esprit de vérité, qui vient du Père". Il est clairement déclaré à propos du Saint-Esprit que son oeuvre consiste à révéler aux hommes toute la vérité. "Il ne parlera pas de lui-même."4 CP 47 1 La nature du Saint-Esprit est un mystère. Les hommes ne peuvent l'expliquer, parce que le Seigneur ne le leur a pas révélé. D'aucuns, aux vues fantaisistes, peuvent rapprocher des passages de l'Ecriture et les interpréter à la manière humaine, mais l'acceptation de ces vues ne fortifiera pas l'Eglise. A l'égard de tels mystères, qui demeurent trop profonds pour l'entendement humain, le silence est d'or. CP 47 2 Le rôle du Saint-Esprit est clairement défini dans ces paroles du Christ: "Quand il sera venu, il convaincra le monde en ce qui concerne le péché, la justice, et le jugement."5 C'est le Saint-Esprit qui convainc de péché. Si le pécheur se laisse toucher par son influence vivifiante, il sera amené à la repentance et comprendra l'importance d'obéir aux ordres de Dieu. Au pécheur repentant, qui a faim et soif de justice, le Saint-Esprit révèle "l'Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde". "Il me glorifiera, a dit le Christ, parce qu'il prendra de ce qui est à moi, et vous l'annoncera." Et il ajoute: "Le consolateur, l'Esprit-Saint, que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses, et vous rappellera tout ce que je vous ai dit."6 CP 47 3 Le Saint-Esprit exerce une influence régénératrice, et rend effectif le salut conféré par la mort de notre Rédempteur. Il cherche sans relâche à attirer l'attention des hommes sur le grand sacrifice qui a été accompli sur la croix du Calvaire, pour révéler au monde l'amour divin et ouvrir à l'âme qui s'abandonne au Seigneur les trésors de l'Ecriture. CP 47 4 Après avoir convaincu les hommes de péché, et présenté à leur esprit l'idéal de la justice, le Saint-Esprit détache l'âme des choses de la terre et la remplit du désir de la sainteté. "Il vous conduira dans toute la vérité",7 avait dit Jésus. Si l'homme consent à être transformé, son être tout entier sera sanctifié; le Saint-Esprit gravera les choses divines dans son âme. Grâce à lui, le chemin de la vie deviendra si clair que nul ne sera sujet à l'erreur. CP 48 1 Dès les origines, Dieu, par son Esprit, s'est servi d'instruments humains pour accomplir ses desseins en faveur d'un monde perdu. Ce fut manifeste dans la vie des patriarches. Dans le désert, au temps de Moïse, le Seigneur donna aux hommes son "bon esprit pour les rendre sages".8 Aux jours des apôtres, il agit puissamment par l'intermédiaire du Saint-Esprit. C'est lui qui anima les patriarches, donna foi et courage à Caleb et à Josué, rendit efficace le travail de l'Eglise apostolique, et soutint les fidèles enfants de Dieu au cours des siècles qui se sont succédé. C'est par cette puissance du Saint-Esprit que les Vaudois, au Moyen Age, contribuèrent à préparer la voie à la Réforme. C'est encore elle qui couronna de succès les efforts de ces hommes et de ces femmes nobles qui jouèrent le rôle de pionniers dans l'établissement des missions modernes, et préparèrent la traduction de la Bible en langues et dialectes de toutes les nations et de tous les peuples. CP 48 2 Aujourd'hui, Dieu se sert encore de son Eglise pour faire connaître ses desseins: les hérauts de la croix vont de ville en ville, et de pays en pays, pour préparer la voie à la seconde venue du Christ. La loi divine a été exaltée; l'Esprit du Tout-Puissant opère dans les coeurs, et ceux qui se soumettent à son influence deviennent des témoins de Dieu et de sa vérité. On peut voir, dans maints endroits, des hommes et des femmes consacrés communiquer à leurs semblables la vérité qui leur a rendu plus clair le chemin du salut. Et tandis qu'ils s'efforcent de faire briller la lumière qui leur a été communiquée, comme le firent au jour de la Pentecôte tous ceux qui furent baptisés du Saint-Esprit, ils reçoivent cette puissance en plus grande abondance. Ainsi, toute la terre sera éclairée de la gloire de Dieu. CP 48 3 Mais il y a ceux qui, au lieu de tirer un sage parti des occasions qui se présentent à eux, attendent en vain que, par une grâce spéciale, s'accroissent les moyens qu'ils possèdent d'éclairer leurs semblables. Ils négligent leurs devoirs et leurs privilèges, et laissent cette lumière en veilleuse. Ils espèrent des temps plus favorables où, sans aucun effort de leur part, ils seront l'objet de bénédictions spéciales qui les transformeront et les rendront aptes à servir le Seigneur. Il est vrai qu'au temps de la fin, lorsque s'achèvera l'oeuvre de Dieu sur la terre, la proclamation de l'Evangile, sous l'égide du Saint-Esprit, sera accompagnée de signes spéciaux de la faveur divine. Par l'image de la pluie de la première et de l'arrière-saison, qui tombe dans les pays orientaux à l'époque des semailles et de la récolte, les prophètes hébreux prédirent une abondante ondée de la grâce sur l'Eglise de Dieu. L'effusion de l'Esprit aux jours des apôtres, c'était la pluie de la première saison dont les résultats furent merveilleux. Ainsi, jusqu'à la fin des temps, la présence de l'Esprit demeurera dans la véritable Eglise. CP 49 1 Mais vers la fin de la moisson du monde, une effusion spéciale des grâces divines est promise à l'Eglise pour la préparer en vue de l'avènement du Fils de l'homme. Cette effusion de l'Esprit est comparée à la pluie de l'arrière-saison; c'est pour l'obtenir que les chrétiens doivent adresser leurs requêtes au Maître de la moisson, et "demander à l'Eternel la pluie du printemps". "L'Eternel produira des éclairs, et il vous enverra une abondante pluie." "Car il vous donnera la pluie en son temps, il vous enverra la pluie de la première et de l'arrière-saison."9 Mais si les membres de l'Eglise de Dieu, aujourd'hui, ne vont pas s'abreuver à la source de toute croissance spirituelle, ils ne sauraient être prêts pour la moisson. Si leurs lampes n'ont pas d'huile et ne sont pas allumées, ils ne pourront recevoir une grâce supplémentaire au temps où ils en auront plus particulièrement besoin. CP 49 2 Seuls ceux qui reçoivent constamment de nouvelles grâces obtiendront une puissance proportionnée à leurs besoins quotidiens et à leurs possibilités. Au lieu d'espérer en des temps futurs qui, par un don particulier de l'Esprit, leur accorderaient un merveilleux pouvoir pour gagner des âmes, qu'ils s'abandonnent chaque jour au Seigneur qui en fera des vases destinés à son service. Ils profiteront jour après jour des occasions qui se présentent à eux pour servir Dieu. Jour après jour, ils témoigneront pour le Maître, où qu'ils se trouvent, soit dans l'humble cercle de leur foyer, soit publiquement. CP 50 1 C'est une consolation merveilleuse pour le serviteur de Dieu de savoir que le Christ lui-même, pendant sa vie ici-bas, réclamait à son Père, jour après jour, la grâce qui lui était nécessaire. Par cette communion avec Dieu, il lui était possible d'apporter aux hommes force et bénédiction. Contemplez-le alors qu'il est incliné dans l'attitude de la prière! Bien que Fils de Dieu, il fortifie ainsi sa foi. Et par sa communion avec le ciel, il reçoit des forces nouvelles pour lui-même, afin de résister au mal et de pourvoir aux besoins des hommes. En tant que frère aîné de notre race, il peut secourir ceux qui, en proie à la faiblesse, dans un monde de péché et de tentations multiples, désirent le servir. Il sait que ses messagers sont des créatures faibles et vacillantes; mais à ceux qui se donnent sans réserve à son service, il promet son aide divine. En nous inspirant de son exemple, nous pouvons être assurés que toute requête fervente et persévérante adressée au Seigneur avec foi -- cette foi qui conduit à une entière dépendance de Dieu et à une consécration absolue à son service -- nous aidera à procurer aux hommes le secours du Saint-Esprit dans la lutte contre le péché. CP 50 2 Tout serviteur de Dieu qui suit l'exemple du Christ, sera préparé pour recevoir et utiliser la puissance que le Seigneur a promise à son Eglise en vue de la moisson du monde. CP 50 3 Jour après jour, tandis que les hérauts de l'Evangile se prosternent devant Dieu pour renouveler leur consécration à son service, il leur accorde la présence de son Esprit, cette puissance vivifiante et sanctifiante. Et tandis que ces serviteurs se consacrent à leur tâche quotidienne, ils ont l'assurance que cette influence invisible est capable de faire d'eux des "ouvriers avec Dieu". ------------------------Chapitre 6 -- A la porte du temple Ce chapitre est basé sur Actes 3; 4:1-31. CP 51 1 Les disciples du Christ avaient un sens profond de leur propre insuffisance, et dans l'humilité et la prière, ils joignaient leur faiblesse à sa force, leur ignorance à sa sagesse, leur indignité à sa justice, leur indigence à sa richesse infinie. Ainsi fortifiés et armés, ils n'hésitèrent pas à aller de l'avant pour le service du Maître. CP 51 2 Peu après la descente du Saint-Esprit, et immédiatement après avoir fait monter vers le ciel d'ardentes prières, Pierre et Jean, en se rendant au temple pour adorer Dieu, virent à la porte dite "la Belle" un impotent, âgé de quarante ans, dont la vie depuis sa naissance avait été faite de souffrance et d'infirmité. Ce malheureux désirait depuis longtemps voir Jésus, afin d'être guéri. Mais il était presque sans force et bien éloigné de la scène où opérait le grand Médecin. Ses supplications déterminèrent des amis à le placer à la porte du temple; mais en y arrivant, il apprit que celui sur lequel se concentraient tous ses espoirs venait d'être cruellement mis à mort. CP 52 1 Son désappointement provoqua la sympathie de ceux qui savaient combien il avait longuement désiré être guéri par Jésus, et tous les jours ils l'apportaient au temple pour que les passants émus de pitié lui fassent la charité. Voyant passer Pierre et Jean, il leur demanda l'aumône. Les disciples jetèrent sur lui un regard compatissant, et "Pierre, de même que Jean, fixa les yeux sur lui, et dit: Regarde-nous. Et il les regardait attentivement, s'attendant à recevoir d'eux quelque chose. Alors Pierre lui dit: Je n'ai ni argent, ni or." Tandis que l'apôtre révélait ainsi sa pauvreté, le visage du paralytique exprima le désappointement; mais il rayonna d'espoir quand Pierre ajouta: "Mais ce que j'ai, je te le donne: au nom de Jésus-Christ de Nazareth, lève-toi et marche. Et le prenant par la main droite, il le fit lever. Au même instant, ses pieds et ses chevilles devinrent fermes; d'un saut il fut debout, et il se mit à marcher. Il entra avec eux dans le temple, marchant, sautant, et louant Dieu. CP 52 2 "Tout le monde le vit marchant et louant Dieu. Ils reconnaissaient que c'était celui qui était assis à la Belle porte du temple pour demander l'aumône, et ils furent remplis d'étonnement et de surprise au sujet de ce qui lui était arrivé." Ils étaient étonnés de ce que les disciples pouvaient accomplir des miracles semblables à ceux de Jésus. Cependant, cet homme paralysé depuis quarante ans se réjouissait d'avoir recouvré le plein usage de ses membres, d'être délivré de la souffrance et de croire en Jésus. CP 52 3 Quand les disciples virent l'étonnement du peuple, Pierre demanda: "Pourquoi avez-vous les regards fixés sur nous, comme si c'était par notre propre puissance ou par notre piété que nous eussions fait marcher cet homme?" Il leur affirma que la guérison avait été opérée au nom et par les mérites de Jésus de Nazareth, que Dieu avait ressuscité des morts. "C'est par la foi en son nom que son nom a raffermi celui que vous voyez et connaissez, déclara l'apôtre; c'est la foi en lui qui a donné à cet homme cette entière guérison, en présence de vous tous." CP 53 1 Les apôtres parlèrent ouvertement du grand péché des Juifs qui avaient rejeté et mis à mort le Prince de la vie, mais ils prirent soin de ne pas pousser leurs auditeurs au désespoir. "Vous avez renié le Saint et le Juste, dit Pierre, et vous avez demandé qu'on vous accordât la grâce d'un meurtrier. Vous avez fait mourir le Prince de la vie, que Dieu a ressuscité des morts; nous en sommes témoins [...] et maintenant, frères, je sais que vous avez agi par ignorance, ainsi que vos chefs. Mais Dieu a accompli de la sorte ce qu'il avait annoncé d'avance par la bouche de tous ses prophètes, que son Christ devait souffrir." Il déclara que le Saint-Esprit les appelait à la repentance et à la conversion, et il leur affirma qu'il n'y avait d'espoir de salut que dans la grâce de celui qu'ils avaient crucifié. Leurs péchés ne pouvaient être pardonnés que par la foi en lui. CP 53 2 "Repentez-vous donc et convertissez-vous, leur dit-il, pour que vos péchés soient effacés, afin que des temps de rafraîchissement viennent de la part du Seigneur, et qu'il envoie celui qui vous a été destiné... Vous êtes les fils des prophètes et de l'alliance que Dieu a traitée avec nos pères, en disant à Abraham: Toutes les familles de la terre seront bénies en ta postérité. C'est à vous premièrement que Dieu, ayant suscité son serviteur, l'a envoyé pour vous bénir, en détournant chacun de vous de ses iniquités." CP 53 3 Ainsi, les disciples prêchaient la résurrection du Christ. Plusieurs auditeurs de l'apôtre furent heureux d'entendre ce témoignage, et ils crurent. Ils se souvinrent des paroles que le Christ avait prononcées, et ils se joignirent à l'Eglise. La semence que le Sauveur avait jetée levait et portait du fruit. CP 53 4 Tandis que les disciples parlaient au peuple, "survinrent les sacrificateurs, le commandant du temple, et les sadducéens, mécontents de ce qu'ils enseignaient le peuple, et annonçaient en la personne de Jésus la résurrection des morts". CP 53 5 Après la résurrection du Christ, les prêtres avaient répandu la fausse nouvelle que son corps avait été dérobé par les disciples, pendant que les soldats romains dormaient. Il n'est donc pas surprenant qu'ils aient été mécontents d'entendre Pierre et Jean prêcher la résurrection de celui qu'ils avaient mis à mort. Les sadducéens en particulier étaient fort irrités, car ils se rendaient compte que leur chère doctrine était en danger, et leur réputation en jeu. CP 54 1 Les convertis à la nouvelle foi augmentaient rapidement; les pharisiens et les sadducéens s'accordèrent à dire que si ces nouveaux prédicateurs étaient tolérés, leur prestige courrait un plus grand danger encore que lorsque Jésus était sur la terre. En conséquence, le commandant du temple, avec l'aide d'un certain nombre de sadducéens, arrêtèrent Pierre et Jean et les jetèrent en prison; car il était trop tard, ce jour-là, pour qu'ils soient interrogés. CP 54 2 Les ennemis des disciples ne pouvaient s'empêcher d'être convaincus de la résurrection du Christ. La certitude de ce fait était trop évidente pour être mise en doute. Néanmoins, ils endurcirent leurs coeurs, refusant de se repentir de la terrible action qu'ils avaient commise en mettant Jésus à mort. Il avait été donné aux magistrats juifs une preuve irréfutable que les apôtres parlaient et agissaient sous l'influence divine, mais ils résistèrent obstinément à leur message. Le Christ n'était pas venu comme ils l'attendaient, et bien que parfois ils aient été convaincus que Jésus était le Fils de Dieu, ils avaient cependant étouffé en eux cette conviction, et l'avaient crucifié. Dans sa miséricorde, Dieu leur donnait encore d'autres preuves, et une nouvelle occasion de se tourner vers lui. Il envoya les disciples pour leur rappeler qu'ils avaient fait mourir le Prince de la vie, et, par cette terrible accusation, un nouvel appel à la repentance leur était adressé. Mais, sûrs de leur propre justice, ces docteurs juifs refusèrent d'admettre que les hommes qui les accusaient d'avoir crucifié le Christ parlaient sous l'influence du Saint-Esprit. Les prêtres s'étant opposés au Sauveur, chaque acte de résistance de la part des croyants devenait pour eux un nouveau prétexte à s'obstiner dans la même voie. CP 55 1 Ils s'ancrèrent de plus en plus dans cette obstination. Ce n'est pas qu'il ne leur était plus possible de se soumettre au Seigneur, mais ils ne le voulaient pas. Ce n'est pas seulement parce qu'ils étaient coupables et passibles de la peine de mort, ni seulement parce qu'ils avaient crucifié le Fils de Dieu qu'ils étaient privés du salut, mais parce qu'ils s'étaient opposés au Seigneur. Ils persistaient à rejeter la lumière céleste, et à étouffer la conviction de l'Esprit. L'influence qui dirige les enfants de la désobéissance opérait en eux, les poussant à maltraiter les hommes par lesquels Dieu agissait. La malignité de leur rébellion s'intensifiait à la suite de chacun de leurs actes de résistance contre le Seigneur. Elle s'intensifiait aussi à l'égard du message évangélique que les disciples étaient chargés de proclamer Chaque jour, en refusant de se repentir, les conducteurs juifs s'endurcissaient dans leur rébellion, se préparant ainsi à récolter ce qu'ils avaient semé. CP 55 2 La colère divine ne se déchaîne pas contre les pécheurs impénitents simplement à cause des péchés qu'ils ont commis, mais plutôt lorsque, étant appelés à la repentance, ils préfèrent continuer à résister à Dieu et à persister dans leurs péchés, méprisant la lumière qui leur est donnée. Si les conducteurs juifs s'étaient soumis à la puissance convaincante du Saint-Esprit, ils auraient été pardonnés; mais ils étaient déterminés à ne pas lui céder. CP 55 3 Il en est de même pour tous les pêcheurs. Par leur résistance opiniâtre, ils se placent en dehors de l'influence du Saint-Esprit. CP 55 4 Le lendemain de la guérison du paralytique, Anne et Caïphe, ainsi que les autres dignitaires du temple, s'assemblèrent pour juger les prisonniers qu'on amena devant eux. Dans cette même salle, et devant quelques-uns de ces mêmes hommes, Pierre avait honteusement renié son Seigneur. Cela lui revint nettement en mémoire quand il parut pour son propre jugement. Il avait maintenant l'occasion de racheter sa lâcheté. CP 56 1 Les assistants qui se rappelaient le rôle que Pierre avait joué au procès du Maître, se réjouissaient de ce qu'il était maintenant intimidé par des menaces d'emprisonnement et de mort. Mais ce Pierre, qui avait renié le Christ à l'heure de sa plus grande détresse, était impulsif et totalement différent de celui qu'on avait amené devant le sanhédrin pour être interrogé. Depuis sa chute, il s'était converti. Il n'était plus orgueilleux, ni présomptueux, mais modeste et réservé. Rempli du Saint-Esprit, et grâce à cette puissance, il était résolu à effacer la tache de son apostasie en honorant le nom qu'il avait renié naguère. CP 56 2 Jusqu'alors les prêtres avaient évité de mentionner la crucifixion ou la résurrection de Jésus. Mais maintenant, pour arriver à leurs fins, ils étaient obligés de demander aux accusés comment s'était opérée la guérison du paralytique. "Par quel pouvoir, ou au nom de qui avez-vous fait cela?" demandèrent-ils. CP 56 3 Avec une sainte audace, et sous la puissance de l'Esprit, Pierre déclara hardiment: "Sachez-le tous, et que tout le peuple d'Israël le sache! C'est par le nom de Jésus-Christ de Nazareth, que vous avez crucifié, et que Dieu a ressuscité des morts, c'est par lui que cet homme se présente en pleine santé devant vous. Jésus est la pierre rejetée par vous qui bâtissez, et qui est devenue la principale de l'angle. Il n'y a de salut en aucun autre; car il n'y a sous le ciel aucun autre nom qui ait été donné parmi les hommes, par lequel nous devions être sauvés." CP 56 4 Cette courageuse défense étonna les chefs juifs. Ceux-ci avaient supposé que les disciples seraient accablés de crainte et de confusion en face du sanhédrin. Mais au lieu de cela, ces témoins parlaient comme le Christ, et avec un pouvoir convaincant qui imposait le silence à leurs adversaires. Nulle trace de crainte n'apparaissait dans la voix de Pierre quand il déclarait: "Jésus est la pierre rejetée par vous qui bâtissez, et qui est devenue la principale de l'angle." Pierre employait ici une figure de langage familière aux prêtres juifs. Les prophètes avaient parlé de la pierre rejetée; et le Christ lui-même, s'adressant un jour aux prêtres et aux anciens, avait dit: "N'avez-vous jamais lu dans les Ecritures: la pierre qu'ont rejetée ceux qui bâtissaient est devenue la principale de l'angle; c'est du Seigneur que cela est venu, et c'est un prodige à nos yeux? C'est pourquoi, je vous le dis, le royaume de Dieu vous sera enlevé, et sera donné à une nation qui en rendra les fruits. Celui qui tombera sur cette pierre s'y brisera, et celui sur qui elle tombera sera écrasé."1 CP 57 1 En entendant ces paroles hardies, les prêtres reconnurent que ceux qui les prononçaient "avaient été avec Jésus". L'Evangile nous apprend qu'après la scène merveilleuse de la transfiguration, les disciples "ne virent que Jésus seul".2 Jésus seul! Ces deux mots contiennent le secret de la vie et de la puissance qui caractérisent l'histoire de l'Eglise primitive. Lorsque les disciples entendirent pour la première fois parler du Christ, ils comprirent qu'ils avaient besoin de lui. Ils le cherchèrent, le trouvèrent et le suivirent. Avec lui dans le temple, à table, sur la montagne, dans les champs, ils étaient comme des élèves avec leur maître, recevant chaque jour des leçons de vérités éternelles. Après son ascension, ils avaient encore le sentiment de jouir de la présence divine, pleine d'amour et de lumière. Jésus, le Sauveur du monde, qui avait marché, parlé et prié avec eux, qui avait donné à leurs coeurs des paroles d'espoir et de réconfort, s'était élevé vers le ciel, alors qu'il prononçait encore son message de paix. Et tandis qu'il était emporté par le char des anges, ces paroles résonnaient encore à leurs oreilles: "Voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde."3 Il était monté au ciel sous une forme humaine. Les disciples savaient que le Christ, devant le trône de Dieu, continuait à être leur ami et leur Sauveur, que ses sentiments n'avaient pas changé, qu'il s'identifierait à jamais avec l'humanité souffrante. Ils savaient qu'il présentait devant Dieu les mérites de son sang, montrant ses mains et ses pieds percés en mémoire de la rançon qu'il avait payée pour ses rachetés; et cette pensée les encourageait à supporter l'opprobre par amour pour lui. Leur union avec lui était plus forte maintenant que lorsqu'il était avec eux. La lumière, l'amour et la puissance du Christ habitant dans leurs coeurs rayonnaient de leurs personnes, si bien que les hommes les regardaient émerveillés. CP 58 1 Le Christ mit son sceau sur les paroles que Pierre prononça pour sa défense. Tout près du disciple, comme témoin convaincant, se tenait l'homme miraculeusement guéri. La présence de ce dernier qui, pauvre impotent quelques heures auparavant, était maintenant revenu à la santé, ajoutait du poids au témoignage de l'apôtre. Prêtres et magistrats demeuraient silencieux. Ils étaient incapables de réfuter son exposé, mais n'en étaient pas moins déterminés à mettre fin à l'enseignement des disciples. CP 58 2 Le plus grand miracle du Christ -- la résurrection de Lazare -- avait scellé la détermination des prêtres de débarrasser le monde de Jésus et de ses oeuvres miraculeuses qui détruisaient rapidement leur influence sur le peuple. Ils l'avaient crucifié; mais voici que se présentait une preuve convaincante qu'ils n'avaient pas mis un terme aux miracles opérés en son nom, ni à la proclamation de la vérité qu'il enseignait. Déjà, la guérison du paralytique et la prédication des apôtres avaient rempli Jérusalem d'effervescence. Pour cacher leur perplexité et délibérer entre eux, les prêtres et les magistrats ordonnèrent que l'on fît sortir les apôtres. Ils s'accordèrent à dire qu'il serait inutile de nier la guérison miraculeuse de cet homme. Ils auraient volontiers dissimulé le miracle par des mensonges, mais c'était impossible; il s'était produit au grand jour, devant une multitude de gens, et il était déjà connu de milliers de personnes. Ils se rendaient compte que l'oeuvre des apôtres devait être arrêtée, sinon Jésus gagnerait de nombreux adeptes. Leur propre disgrâce suivrait, car ils seraient reconnus coupables de la mort du Fils de Dieu. CP 58 3 Mais malgré leur désir de faire périr les disciples, les prêtres n'osèrent s'y déterminer. Ils les menacèrent des plus cruels traitements, s'ils s'obstinaient à faire quoi que ce soit pour Jésus. Les ayant rappelés devant le sanhédrin, ils leur défendirent de parler et d'enseigner en son nom. Mais Pierre et Jean répondirent: "Jugez s'il est juste, devant Dieu, de vous obéir plutôt qu'à Dieu; car nous ne pouvons pas ne pas parler de ce que nous avons vu et entendu." Les prêtres les auraient volontiers punis pour leur fidélité inébranlable à leur sainte vocation, mais ils craignaient le peuple "parce que tous glorifiaient Dieu de ce qui était arrivé". Ainsi, après des menaces et de vaines injonctions répétées, les apôtres furent-ils relâchés. CP 59 1 Tandis que Pierre et Jean étaient prisonniers, les autres disciples, connaissant la malignité des Juifs, priaient sans cesse pour leurs frères, redoutant que les sévices exercés contre le Christ ne se renouvelassent à leur égard. Aussitôt remis en liberté, les apôtres leur firent part du résultat de leur jugement. Grande fut alors la joie de ces croyants. "Ils élevèrent à Dieu la voix tous ensemble, et dirent: Seigneur, toi qui as fait le ciel, la terre, la mer, et tout ce qui s'y trouve, c'est toi qui as dit par le Saint-Esprit, par la bouche de notre père, ton serviteur David: Pourquoi ce tumulte parmi les nations, et ces vaines pensées parmi les peuples? Les rois de la terre se sont soulevés, et les princes se sont ligués contre le Seigneur et contre son Oint. En effet, contre ton saint serviteur Jésus, que tu as oint, Hérode et Ponce Pilate se sont ligués dans cette ville avec les nations et avec les peuples d'Israël, pour faire tout ce que ta main et ton conseil avaient arrêté d'avance. Et maintenant, Seigneur, vois leurs menaces, et donne à tes serviteurs d'annoncer ta parole avec une pleine assurance, en étendant ta main, pour qu'il se fasse des guérisons, des miracles et des prodiges, par le nom de ton saint serviteur Jésus." CP 59 2 Les disciples priaient pour qu'une plus grande puissance leur fût départie dans l'exercice de leur ministère, car ils se rendaient compte qu'ils rencontreraient la même opposition tenace que celle que le Christ avait affrontée lorsqu'il était sur la terre. Tandis que leurs prières montaient en commun vers le ciel, la réponse vint. Le lieu où ils étaient assemblés trembla, et ils furent à nouveau revêtus du Saint-Esprit. Remplis de courage, ils allèrent derechef proclamer la Parole de Dieu à Jérusalem. "Les apôtres rendaient avec beaucoup de force témoignage de la résurrection du Seigneur Jésus." Dieu bénissait merveilleusement leurs travaux. CP 60 1 Le principe pour lequel les disciples luttaient si courageusement quand, en réponse à l'ordre de ne plus parler au nom de Jésus, ils déclarèrent: "Jugez s'il est juste, devant Dieu, de vous obéir plutôt qu'à Dieu", est le même que celui pour lequel luttèrent les adhérents de l'Evangile aux jours de la Réforme. Quand, en 1529, les princes allemands s'assemblèrent à la Diète de Spire, on présenta le décret de l'empereur restreignant la liberté religieuse et défendant toute nouvelle dissémination des doctrines de la Réforme. Il semblait que l'espoir du monde était sur le point de s'éteindre. Les princes accepteraient-ils le décret? La lumière de l'Evangile serait-elle supprimée aux multitudes encore dans les ténèbres? Des perspectives infinies qui s'ouvraient pour le monde étaient en jeu. Ceux qui avaient accepté la foi réformée se réunirent et prirent unanimement la résolution suivante: "Rejetons cet arrêt; dans les choses de la conscience, la majorité n'a aucun pouvoir."4 CP 60 2 Ce principe, nous devons fermement le maintenir à notre époque. La bannière de la vérité et de la liberté religieuse, élevée bien haut par les fondateurs de la religion chrétienne et les témoins de Dieu au cours des siècles, a été remise entre nos mains alors que nous sommes sur le point de participer aux derniers combats. La responsabilité pour ce grand don repose sur ceux que Dieu a bénis en leur donnant la connaissance de sa Parole. Il nous faut recevoir cette dernière comme une autorité suprême. Nous devons reconnaître les gouvernements humains comme étant d'institution divine, et enseigner que leur obéir est un devoir sacré, pour autant qu'ils restent dans les limites de leurs sphères légitimes. Mais dès que leurs ordres entrent en conflit avec ceux d'en haut, obéissons à Dieu plutôt qu'aux hommes. L'Ecriture sainte doit être reconnue comme supérieure à toute législation humaine. Un "Ainsi dit l'Eternel" ne doit pas être mis à côté d'un "Ainsi dit l'Eglise" ou "Ainsi dit l'Etat". La couronne du Christ doit être élevée au-dessus des diadèmes des potentats de la terre. CP 61 1 Ne défions pas les autorités. Que nos paroles écrites ou parlées soient soigneusement mesurées, de crainte de nous faire passer comme antagonistes à l'égard de la loi et de l'ordre. Ne disons et ne faisons rien qui puisse nous barrer la route sans nécessité. Allons de l'avant au nom du Christ, et proclamons les vérités qu'il nous a confiées. Si les hommes nous défendent d'exécuter cette tâche, alors répétons avec les apôtres: "Jugez s'il est juste, devant Dieu, de vous obéir plutôt qu'à Dieu, car nous ne pouvons pas ne pas parler de ce que nous avons vu et entendu." ------------------------Chapitre 7 -- Un avertissement contre l'hypocrisie Ce chapitre est basé sur Actes 4:32-5:11. CP 63 1 Comme les disciples proclamaient à Jérusalem les vérités de l'Evangile, le Seigneur bénit abondamment leur témoignage, et une multitude crut. Un bon nombre de ces premiers chrétiens furent aussitôt séparés de leur famille et de leurs amis par le zèle fanatique des Juifs. Il fallut alors pourvoir à leur entretien et à leur logis. CP 63 2 L'Ecriture déclare: "Il n'y avait parmi eux aucun indigent", et elle nous raconte comment on parait à leurs besoins. Ceux qui, parmi les croyants, possédaient de l'argent et des biens, les sacrifiaient joyeusement pour faire face aux nécessités de l'heure. Ils vendaient leurs maisons et leurs champs, en apportaient le prix, qu'ils déposaient aux pieds des apôtres, "et l'on faisait des distributions à chacun selon qu'il en avait besoin". CP 64 1 Ces libéralités de la part des croyants résultaient de l'effusion de l'Esprit. Les néophytes "n'étaient qu'un coeur et qu'une âme". Un intérêt commun les dirigeait: le succès du mandat qui leur était confié; et la cupidité ne trouvait aucune place dans leur vie. L'amour de leurs frères et de la cause qu'ils avaient épousée était plus grand que celui de l'argent et des biens matériels. Leurs oeuvres attestaient que le salut des âmes avait pour eux une bien plus grande valeur que toutes les richesses terrestres. CP 64 2 Il en sera toujours ainsi lorsque l'Esprit de Dieu prendra possession d'une vie. Ceux dont le coeur est rempli de l'amour du Christ suivront l'exemple du Sauveur qui se "fit pauvre par amour pour nous, afin que, par sa pauvreté, nous fussions enrichis". L'argent, le temps, la réputation, tous ces dons reçus de la main divine, ils ne les considèrent que comme un moyen de contribuer à l'avancement du règne de Dieu. Il en était ainsi dans l'Eglise primitive. Lorsque dans l'Eglise de nos jours on verra, animés de la puissance de l'Esprit, les membres détourner leurs affections des choses de la terre, et accepter de faire des sacrifices pour que leurs semblables aient la possibilité d'entendre prêcher l'Evangile, les vérités qu'ils proclameront auront une puissante influence sur leurs auditeurs. CP 64 3 L'exemple de générosité manifesté par les croyants offre un contraste frappant avec la conduite d'Ananias et de Saphira dont l'expérience, rapportée par la plume inspirée, a laissé une sombre tache dans l'histoire de l'Eglise primitive. Ces soi-disant disciples avaient partagé avec d'autres le privilège d'entendre l'Evangile prêché par les apôtres. Ils étaient dans la congrégation lorsque, après que les disciples eurent prié, "le lieu où ils étaient assemblés trembla [et qu'] ils furent tous remplis du Saint-Esprit".1 Une profonde certitude régnait dans le coeur de tous ceux qui étaient présents; sous l'influence du Saint-Esprit, Ananias et Saphira avaient fait la promesse d'offrir au Seigneur le produit de la vente d'une certaine propriété. CP 65 1 Plus tard, ils contristèrent le Saint-Esprit, en cédant à un sentiment de cupidité. Ils commencèrent à regretter leur promesse, et ils perdirent bientôt la douce influence de la bénédiction qui avait réchauffé leurs coeurs, en souhaitant se montrer généreux pour la cause du Christ. Ils pensèrent qu'ils s'étaient trop hâtés dans leur décision et qu'ils devaient la considérer à nouveau. Ils discutèrent encore sur ce sujet et décidèrent de ne pas tenir leurs promesses. Ils se rendaient compte, cependant, que ceux qui vendaient leurs biens pour suffire aux besoins de leurs frères indigents étaient tenus en haute estime par les croyants. Honteux alors de laisser voir qu'ils regrettaient dans leur âme égoïste ce qu'ils avaient solennellement consacré à Dieu, ils décidèrent délibérément de vendre leur propriété, et ils prétendirent en apporter tout le produit au fonds général; mais en réalité ils voulaient en garder une grande partie pour eux. Ainsi, ils s'assureraient leur subsistance sur le fonds commun, tout en gagnant la grande estime des frères. CP 65 2 Mais Dieu hait l'hypocrisie et le mensonge. Ananias et Saphira pratiquaient la fraude dans leur conduite envers Dieu. Ils mentaient au Saint-Esprit, et leur péché fut frappé d'un prompt et terrible châtiment. Quand Ananias apporta son offrande, Pierre lui dit: "Ananias, pourquoi Satan a-t-il rempli ton coeur, au point que tu mentes au Saint-Esprit, et que tu aies retenu une partie du prix du champ? S'il n'eût pas été vendu, ne te restait-il pas? Et, après qu'il a été vendu, le prix n'était-il pas à ta disposition? Comment as-tu pu mettre en ton coeur un pareil dessein? Ce n'est pas à des hommes que tu as menti, mais à Dieu. Ananias, entendant ces paroles, tomba et expira. Une grande crainte saisit tous les auditeurs." CP 65 3 "S'il n'eût pas été vendu, ne te restait-il pas?" avait demandé Pierre. Aucune influence n'avait pesé sur la décision d'Ananias pour le pousser à sacrifier ses biens à l'intérêt général. Il avait agi de son propre gré. Mais en essayant de tromper les disciples, il avait menti au Tout-Puissant. CP 66 1 "Environ trois heures plus tard, sa femme entra, sans savoir ce qui était arrivé. Pierre lui adressa la parole: Dis-moi, est-ce à un tel prix que vous avez vendu le champ? Oui, répondit-elle, c'est à ce prix-là. Alors Pierre lui dit: Comment vous êtes-vous accordés pour tenter l'Esprit du Seigneur? Voici, ceux qui ont enseveli ton mari sont à la porte, et ils t'emporteront. Au même instant, elle tomba aux pieds de l'apôtre, et expira. Les jeunes gens, étant entrés, la trouvèrent morte; ils l'emportèrent, et l'ensevelirent auprès de son mari. Une grande crainte s'empara de toute l'assemblée et de tous ceux qui apprirent ces choses." CP 66 2 La sagesse infinie jugea que cette manifestation éclatante de la colère de Dieu était nécessaire pour empêcher la jeune Eglise de se démoraliser. Les croyants augmentaient rapidement. L'Eglise aurait été en danger si, parmi les convertis, il s'était trouvé des hommes et des femmes qui, tout en professant de servir Dieu, adoraient Mamon. Le jugement d'Ananias et de Saphira prouvait que les hommes ne peuvent tromper Dieu, qu'il découvre les péchés du coeur et qu'on ne doit pas se moquer de lui. Il était appliqué pour mettre en garde les fidèles contre le mensonge et l'hypocrisie, et les empêcher de commettre un vol envers Dieu. CP 66 3 Cet exemple de la haine divine pour la cupidité, le mensonge et l'hypocrisie était comme un signal d'alarme, non seulement pour l'Eglise primitive, mais pour toutes les générations à venir. L'avarice qu'Ananias et Saphira avaient nourrie dans leur coeur provoqua leur péché. Le désir de garder pour eux une partie de ce qu'ils avaient promis au Seigneur les conduisit à la fraude et à l'hypocrisie. CP 66 4 Dieu a fait dépendre la proclamation de l'Evangile du travail et des dons de son peuple. Les offrandes volontaires et la dîme constituent les réserves de son oeuvre. Il réclame aux hommes une certaine partie des revenus qu'il leur confie, à savoir, le dixième. Il laisse chacun libre de s'engager à donner plus ou moins. Mais lorsque le coeur est touché par l'influence de son Esprit, et qu'on a fait le voeu de lui offrir une certaine somme, on n'a plus aucun droit sur cet argent. Les hommes se considèrent comme liés par des promesses de ce genre, mais n'est-on pas lié davantage lorsqu'elles sont faites au Seigneur? Les promesses faites devant le tribunal de la conscience seraient-elles moins sacrées que les engagements écrits par les hommes? CP 67 1 Quand la lumière divine resplendit dans un coeur, avec une puissance et une clarté exceptionnelles, l'égoïsme habituel du coeur humain relâche son emprise, et alors naît une disposition à donner pour la cause de Dieu. Mais nul ne doit penser qu'il est possible de tenir ses engagements sans protestation de la part de Satan. Celui-ci voit avec déplaisir le royaume du Rédempteur s'établir ici-bas. Il suggère aux hommes que les promesses faites au Seigneur sont trop excessives, qu'elles peuvent les paralyser dans leurs entreprises ou dans l'entretien des leurs. CP 67 2 C'est Dieu qui permet à l'homme d'acquérir des biens. Il les lui accorde afin qu'il puisse être généreux pour l'avancement de son règne. Il envoie la pluie et le beau temps, fait prospérer la végétation, accorde la santé et donne la faculté de s'enrichir. Tout ce que nous possédons provient de sa main généreuse. En retour, il aimerait qu'hommes et femmes manifestent leur reconnaissance en lui restituant une partie de leurs biens sous formes de dîmes et d'offrandes: offrandes d'actions de grâce, offrandes volontaires, offrandes propitiatoires. Si les dons affluaient au trésor du Seigneur, selon ce plan établi par lui -- un dixième de tous les revenus, plus les offrandes volontaires -- il y aurait abondance d'argent pour l'avancement de son règne. CP 67 3 Mais les hommes se sont endurcis par l'égoïsme, et, comme Ananias et Saphira, ils sont tentés de retenir une partie de leurs revenus tout en prétendant répondre aux exigences divines. Il en est beaucoup qui dépensent sans compter pour leur propre satisfaction, qui ne recherchent que leurs plaisirs, et satisfont leurs goûts, tandis qu'ils apportent au Seigneur, presque à contrecoeur, une offrande insignifiante. Ils oublient qu'un jour Dieu demandera un compte précis de la manière dont ils ont géré ses biens, et qu'il n'acceptera pas plus l'aumône qu'ils déposent dans le trésor du Seigneur, qu'il accepta l'offrande d'Ananias et de Saphira. CP 68 1 Par le jugement sévère infligé à ces chrétiens parjures, Dieu veut nous apprendre la profondeur de son mépris et de son aversion pour l'hypocrisie et la duplicité. En affirmant avoir tout donné, Ananias et Saphira avaient menti au Saint-Esprit, et, finalement, ils perdirent cette vie et celle qui est à venir. Le même Dieu qui punit ces chrétiens coupables condamne aujourd'hui toute fausseté. Les lèvres menteuses lui sont en abomination. Il déclare que dans la cité sainte "il n'entrera rien de souillé, ni personne qui se livre à l'abomination et au mensonge".2 Que l'amour de la vérité ait en nous des racines profondes! Qu'il ne fasse qu'un avec notre vie! Jouer avec la vérité, dissimuler pour arriver à des fins égoïstes, c'est vouloir le naufrage de la foi. "Tenez donc ferme, dit saint Paul; ayez à vos reins la vérité pour ceinture."3 Celui qui ne dit pas la vérité vend son âme à vil prix. Ses mensonges peuvent lui paraître utiles pour les besoins immédiats, il peut s'imaginer faire une affaire en se procurant un avantage qu'il n'aurait pu acquérir par une transaction honnête, mais il arrive un moment où il n'a confiance en personne. Imposteur lui-même, comment se fierait-il à la parole d'autrui? CP 68 2 Dans le cas d'Ananias et de Saphira, le péché de fraude contre Dieu fut rapidement puni. Le même péché s'est souvent renouvelé dans l'histoire de l'Eglise, et, de notre temps, il en est beaucoup encore qui le commettent. Il se peut qu'il ne soit pas accompagné d'une manifestation visible du déplaisir de Dieu, mais il n'en est pas moins haïssable à ses yeux aujourd'hui que du temps des apôtres. L'avertissement a été donné; Dieu a clairement manifesté son horreur pour ce péché, et tous ceux qui s'adonnent à l'hypocrisie et à la cupidité peuvent être assurés qu'ils sont en train de perdre leur âme. ------------------------Chapitre 8 -- Devant le sanhédrin Ce chapitre est basé sur Actes 5:12-42. CP 69 1 Ce fut la croix, cet instrument de torture et d'infamie, qui apporta au monde l'espoir et le salut. Les disciples n'étaient que d'humbles hommes sans fortune et sans autres armes que la Parole de Dieu. Cependant, avec la force divine, ils partirent pour raconter la merveilleuse histoire de la crèche et de la croix, triomphant de toute opposition. Sans honneur ou sans considération terrestres, ils étaient des héros de la foi. De leurs lèvres sortaient des paroles d'une éloquence divine qui ébranlaient le monde. CP 69 2 A Jérusalem, où régnaient les préjugés les plus tenaces et les idées les plus confuses au sujet de celui qui avait été crucifié comme malfaiteur, les disciples continuèrent à proclamer avec hardiesse les paroles de vie, exposant devant les Juifs l'oeuvre et la mission du Christ, sa crucifixion, sa résurrection, son ascension. Prêtres et magistrats entendaient avec étonnement le témoignage clair et hardi des apôtres. La puissance du Sauveur ressuscité s'était réellement emparée des disciples, et leur tâche était accompagnée de prodiges et de miracles, qui augmentaient chaque jour le nombre des croyants. Dans les rues où les apôtres devaient passer, on apportait des malades "qu'on plaçait sur des lits ou des couchettes", afin que lorsque Pierre passerait, "son ombre au moins couvrît quelqu'un d'eux". Là aussi, on amenait ceux qui étaient tourmentés par des esprits impurs. La multitude s'assemblait autour d'eux, et les malades qui étaient guéris louaient Dieu et glorifiaient le nom du Rédempteur. Mais les prêtres et les magistrats s'aperçurent que le Christ était plus honoré qu'eux. Quand les sadducéens, qui ne croyaient pas à la résurrection, entendirent les apôtres déclarer que Jésus était ressuscité des morts, ils furent irrités, car ils se rendaient compte que si on leur permettait de prêcher un Sauveur ressuscité, et d'opérer des miracles en son nom, leur doctrine sur la non-résurrection serait rejetée par tous, et la secte des sadducéens, appelée bientôt à disparaître. Les pharisiens, eux, furent courroucés quand ils s'aperçurent que l'enseignement des disciples tendait à saper les cérémonies juives et à nier la valeur des sacrifices. CP 70 1 Tout effort pour supprimer cette nouvelle doctrine était resté vain jusque-là. Mais maintenant, les sadducéens et les pharisiens résolurent ensemble d'arrêter l'oeuvre des disciples, car elle démontrait leur culpabilité dans la mort de Jésus. Remplis d'indignation, les prêtres maltraitèrent Pierre et Jean, qu'ils firent jeter en prison. CP 70 2 Les chefs de la nation juive avaient visiblement échoué dans l'accomplissement des desseins de Dieu envers le peuple élu. Ceux qui avaient été faits les dépositaires de la vérité s'étaient montrés infidèles à leur tâche, et Dieu en choisit d'autres pour exécuter son oeuvre. Dans leur aveuglement, ces chefs juifs donnaient maintenant libre cours à ce qu'ils appelaient leur juste indignation contre ceux qui rejetaient les doctrines qui leur étaient chères. Ils ne voulaient pas même admettre la possibilité qu'ils n'avaient eux-mêmes pas bien compris la Parole de Dieu, ni qu'ils l'avaient mal interprétée ou mal appliquée. Ils se comportaient comme des hommes dénués de raison. Quel droit, disaient-ils, avaient ces prédicateurs, dont certains n'étaient que de simples pêcheurs, pour présenter des idées contraires aux doctrines que nous avons enseignées jusque-là? Déterminés à supprimer la propagation de ces doctrines, ils emprisonnèrent ceux qui les répandaient. CP 71 1 Les disciples ne furent ni intimidés ni découragés par ces traitements. Le Saint-Esprit leur remit en mémoire les paroles prononcées par le Christ: "Le serviteur n'est pas plus grand que son Maître. S'ils m'ont persécuté, ils vous persécuteront aussi; s'ils ont gardé ma parole, ils garderont aussi la vôtre. Mais ils vous feront toutes ces choses à cause de mon nom, parce qu'ils ne connaissent pas celui qui m'a envoyé." "Ils vous excluront des synagogues; et même l'heure vient où quiconque vous fera mourir croira rendre un culte à Dieu. [...] Je vous ai dit ces choses, afin que, lorsque l'heure sera venue, vous vous souveniez que je vous les ai dites."1 CP 71 2 Le Dieu du ciel, le puissant Maître de l'univers, intervint en faveur des disciples, car les hommes combattaient son oeuvre. Pendant la nuit, un ange ouvrit les portes de la prison, et leur dit: "Allez, tenez-vous dans le temple, et annoncez au peuple toutes les paroles de cette vie." Cet ordre était diamétralement opposé à celui qu'avaient donné les chefs juifs; mais les apôtres dirent-ils: "Nous ne pouvons faire cela avant d'avoir consulté les magistrats et d'y avoir été autorisés par eux"? Non, Dieu leur avait dit: "Allez", et ils obéirent. "Ils entrèrent dès le matin dans le temple, et se mirent à enseigner." CP 71 3 Quand Pierre et Jean apparurent parmi les frères, et racontèrent comment l'ange les avait conduits à travers le groupe de soldats qui gardaient la prison, leur ordonnant de reprendre le travail qu'ils avaient interrompu, ces frères furent remplis d'étonnement et de joie. CP 71 4 Pendant ce temps, le grand-prêtre et ceux qui étaient avec lui "convoquèrent le sanhédrin et tous les anciens des fils d'Israël". Les prêtres et les magistrats avaient décidé d'accuser les disciples d'insurrection, du meurtre d'Ananias et de Saphira, ainsi que de conspiration contre les prêtres qu'ils voulaient priver de leur autorité. Ils espéraient ainsi exciter la foule qui prendrait les choses en main, et agirait avec les disciples comme elle l'avait fait avec Jésus. Ils savaient que parmi ceux qui n'acceptaient pas les enseignements du Christ, certains, las du gouvernement arbitraire des autorités juives, désiraient un changement. Les prêtres craignaient que si ces mécontents acceptaient les vérités proclamées par les apôtres et reconnaissaient Jésus comme le Messie, la colère du peuple entier ne s'élevât contre les chefs religieux qui devraient répondre de la mort de Jésus. Ils décidèrent donc de prendre des mesures énergiques. CP 72 1 Grand fut leur étonnement quand, ayant fait chercher les prisonniers pour qu'on les amenât devant eux, on leur rapporta qu'ils n'avaient été trouvés nulle part, bien que les portes de la prison aient été soigneusement fermées et des gardes placés devant elles. CP 72 2 Bientôt leur parvint ce rapport stupéfiant: "Voici, les hommes que vous avez mis en prison sont dans le temple, et ils enseignent le peuple. Alors, le commandant partit avec les huissiers, et les conduisit sans violence, car ils avaient peur d'être lapidés par le peuple." CP 72 3 Bien que miraculeusement délivrés de prison, les disciples ne furent pas à l'abri du jugement et du châtiment. Le Christ avait dit, lorsqu'il était avec eux: "Prenez garde à vous-mêmes. On vous livrera aux tribunaux."2 En leur envoyant un ange pour les délivrer, Dieu leur avait donné la preuve de son amour et l'assurance de sa présence. C'était maintenant à eux de souffrir pour l'amour de celui dont ils annonçaient la bonne parole. CP 72 4 L'histoire des prophètes et des apôtres est riche en nobles exemples de fidélité envers le Seigneur. Les témoins du Christ ont subi l'emprisonnement, la torture et même la mort plutôt que de transgresser les commandements de Dieu. Le témoignage laissé par Pierre et Jean est aussi héroïque que n'importe lequel de la dispensation évangélique. Tandis qu'ils se présentaient pour la deuxième fois devant les hommes qui voulaient leur mort, nulle crainte, nulle hésitation n'apparut dans leurs paroles ou dans leur attitude. Et quand le grand-prêtre leur dit: "Ne vous avons-nous pas défendu expressément d'enseigner en ce nom-là? Et voici, vous avez rempli Jérusalem de votre enseignement, et vous voulez faire retomber sur nous le sang de cet homme!" Pierre répondit: "Il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes." C'était un ange du ciel qui les délivra de prison et leur ordonna d'enseigner dans le temple. En suivant ses ordres, ils obéissaient au commandement divin, et ils devaient continuer à agir ainsi quoi qu'il leur en coûtât. CP 73 1 L'esprit d'inspiration descendit alors sur les disciples; les accusés devinrent les accusateurs, et ils imputèrent aux membres du tribunal le meurtre du Christ. "Le Dieu de nos pères a ressuscité Jésus, déclare Pierre, que vous avez tué, en le pendant au bois. Dieu l'a élevé par sa droite comme Prince et Sauveur, pour donner à Israël la repentance et le pardon des péchés. Nous sommes témoins de ces choses, de même que le Saint-Esprit, que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent." CP 73 2 Les Juifs, courroucés par ces paroles, décidèrent d'appliquer la loi et de mettre les prisonniers à mort sans autre forme de procès, et sans autorisation des autorités romaines. Coupables déjà du sang du Christ, ils allaient maintenant souiller leurs mains de celui des disciples. CP 73 3 Mais parmi les membres du tribunal, un homme reconnut la voix de Dieu dans les paroles prononcées par les disciples. C'était Gamaliel, pharisien de bonne réputation, homme éclairé, qui occupait un rang élevé. Son intelligence clairvoyante lui permit de se rendre compte que les mesures violentes envisagées par les prêtres conduiraient à de terribles conséquences. Avant de s'adresser à ceux qui étaient présents, il ordonna qu'on fît sortir les prisonniers. Il connaissait bien les hommes avec qui il avait affaire. Il savait que les meurtriers du Christ n'hésiteraient pas à exécuter leurs desseins. CP 74 1 Il parla alors calmement et posément: "Hommes israélites, dit-il, prenez garde à ce que vous allez faire à l'égard de ces gens. Car il n'y a pas longtemps que parut Theudas, qui se donnait pour quelque chose, et auquel se rallièrent environ quatre cents hommes; il fut tué, et tous ceux qui l'avaient suivi furent mis en déroute et réduits à rien. Après lui, parut Judas le Galiléen, à l'époque du recensement, et il attira du monde à son parti: il périt aussi, et tous ceux qui l'avaient suivi furent dispersés. Et maintenant, je vous le dis, ne vous occupez plus de ces hommes, et laissez-les aller. Si cette entreprise ou cette oeuvre vient des hommes, elle se détruira; mais si elle vient de Dieu, vous ne pourrez la détruire. Ne courez pas le risque d'avoir combattu contre Dieu." CP 74 2 Les prêtres comprirent la justesse de ce raisonnement, et ils furent obligés de se ranger à l'avis de Gamaliel. Cependant, ils pouvaient à peine se contenir, tant leurs préjugés étaient tenaces et leur haine profonde. Après avoir fait battre de verges les disciples et leur avoir défendu de parler au nom de Jésus, sous peine de mort, ils les relâchèrent, non sans regret. "Les apôtres se retirèrent de devant le sanhédrin, joyeux d'avoir été dignes de subir des outrages pour le nom de Jésus. Et chaque jour, dans le temple et dans les maisons, ils ne cessaient d'enseigner, et d'annoncer la bonne nouvelle de Jésus-Christ." CP 74 3 Peu de temps avant sa crucifixion, le Christ avait fait don de sa paix à ses disciples. "Je vous laisse la paix, leur dit-il, je vous donne ma paix. Je ne vous donne pas comme le monde donne. Que votre coeur ne se trouble point, et ne s'alarme point."3 Cette paix n'est pas celle que l'on acquiert en vivant selon le monde. Le Christ ne la rechercha jamais en faisant un compromis avec le mal. Celle qu'il laissa à ses disciples est plus intérieure qu'extérieure, et devrait toujours caractériser ses témoins à travers les luttes et les discordes. CP 74 4 Le Sauveur dit de lui-même: "Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l'épée."4 Prince de paix, il était pourtant une cause de discorde. Celui qui vint pour annoncer la bonne nouvelle du salut et faire naître l'espoir chez les enfants des hommes, inaugura une lutte ardente qui éveilla une passion intense dans les coeurs. Et il avertit ses disciples: "Vous aurez des tribulations dans le monde." "On mettra les mains sur vous, et l'on vous persécutera; on vous livrera aux synagogues, on vous jettera en prison, on vous mènera devant des rois et devant des gouverneurs, à cause de mon nom [...] Vous serez livrés même par vos parents, par vos frères, par vos proches et par vos amis, et ils feront mourir plusieurs d'entre vous."5 CP 75 1 Cette prophétie s'est accomplie d'une manière saisissante. Toute indignité, toute injure, toute cruauté que Satan pouvait mettre au coeur des hommes a été connue des disciples de Jésus. On la verra se commettre encore de nos jours, car le coeur charnel est toujours ennemi de la loi de Dieu, et il ne peut se soumettre à ses commandements. Le monde n'est pas plus en harmonie avec les principes du Christ aujourd'hui qu'au temps des disciples. La même haine qui fit pousser le cri: "Crucifie-le! Crucifie-le!" et amena la persécution des disciples, continue à régner dans le coeur des enfants de la désobéissance. Le même esprit qui condamnait au Moyen Age hommes et femmes à la prison, à l'exil, à la mort, et qui conçut les tortures atroces de l'Inquisition, qui prépara et exécuta le massacre de la Saint-Barthélémy et alluma le feu des bûchers de Smithfield, est encore à l'oeuvre aujourd'hui avec une énergie démoniaque. L'histoire de la vérité a toujours été caractérisée par une lutte entre le bien et le mal. La proclamation de l'Evangile s'est toujours trouvée en butte à l'opposition, au péril, à la souffrance et à la mort. CP 75 2 Qu'est-ce qui soutenait dans le passé ceux qui endurèrent la persécution pour l'amour du Christ? C'était leur union avec Dieu, avec le Saint-Esprit, avec Jésus. La persécution a fait perdre à beaucoup leurs amitiés terrestres, mais jamais l'amour du Sauveur. Jamais l'âme secouée par la tempête n'est plus aimée de son Sauveur. "Je l'aimerai, dit le Christ, et je me ferai connaître à lui."6 Quand, pour l'amour de la vérité, le chrétien se présente à la barre des tribunaux, Jésus se tient à ses côtés. Lorsqu'il est enfermé dans les murs d'une prison, il se manifeste à lui et lui réchauffe le coeur par son amour. Lorsqu'il subit la mort pour sa foi, il lui dit: "Ils peuvent détruire le corps, mais ils ne peuvent tuer l'esprit." CP 76 1 "Prenez courage, j'ai vaincu le monde." "Ne crains rien, car je suis avec toi; ne promène pas des regards inquiets, car je suis ton Dieu; je te fortifie, je viens à ton secours, je te soutiens de ma droite triomphante."7 CP 76 2 "Ceux qui se confient en l'Eternel sont comme la montagne de Sion: elle ne chancelle point, elle est affermie pour toujours. Des montagnes entourent Jérusalem; ainsi l'Eternel entoure son peuple, dès maintenant et à jamais." "Il les affranchira de l'oppression et de la violence, et leur sang aura du prix à ses yeux."8 CP 76 3 "L'Eternel des armées les protégera [...] L'Eternel, leur Dieu, les sauvera en ce jour-là, comme le troupeau de son peuple; car ils sont les pierres d'un diadème, qui brilleront dans son pays."9 ------------------------Chapitre 9 -- Les sept diacres Ce chapitre est basé sur Actes 6:1-7. CP 77 1 "En ce temps-là, le nombre des disciples augmentant, les Hellénistes murmurèrent contre les Hébreux, parce que leurs veuves étaient négligées dans la distribution qui se faisait chaque jour." CP 77 2 L'Eglise primitive se composait de nombreuses classes de gens de nationalités différentes. Au moment de l'effusion du Saint-Esprit, le jour de la Pentecôte, "il y avait en séjour à Jérusalem des Juifs, hommes pieux, de toutes les nations qui sont sous le ciel".1 Parmi ceux qui professaient la religion israélite et qui s'étaient rassemblés à Jérusalem, il s'en trouvait qu'on nommait couramment les Grecs ou Hellénistes. Entre eux et les Juifs de Palestine régnaient depuis longtemps de la défiance et même de la haine. CP 77 3 Mais ceux qui avaient été convertis, grâce aux efforts des apôtres, étaient unis par l'amour chrétien. Les préventions d'autrefois avaient fait place à l'harmonie et à la concorde. Toutefois Satan savait que tant que cette union durerait, il serait impuissant à freiner les progrès de l'Evangile. C'est pourquoi il chercha à tirer profit de leurs anciens préjugés, dans l'espoir d'introduire dans l'Eglise des éléments de discorde. CP 78 1 C'est ainsi qu'à mesure que se multipliaient les disciples, l'ennemi réussissait à faire naître la défiance parmi ceux qui, jadis, avaient nourri des sentiments de jalousie et critiqué leurs conducteurs spirituels. "Les Hellénistes murmurèrent contre les Hébreux." Ils se plaignirent de ce qu'on négligeait leurs veuves dans la distribution qui se faisait chaque jour. Toute injustice à cet égard était contraire à l'esprit de l'Evangile. Cependant, Satan réussit à faire naître le doute parmi eux. Il fallut prendre alors des mesures immédiates pour supprimer toute occasion de mécontentement, sans quoi l'ennemi aurait triomphé dans ses efforts pour susciter la division parmi les chrétiens. Les disciples de Jésus étaient arrivés à une crise dans leur expérience religieuse. CP 78 2 Sous la sage direction des apôtres, qui oeuvraient dans l'union et avec la puissance du Saint-Esprit, l'Evangile faisait de rapides progrès. L'Eglise s'agrandissait sans cesse, et l'augmentation de ses membres alourdissait les fardeaux de ceux qui en avaient la charge. Pas un seul homme, pas un seul groupe d'hommes ne pouvait continuer à porter ces fardeaux sans mettre en péril les progrès de l'Eglise. Il fallait donc une répartition nouvelle des responsabilités qui avaient été assumées par quelques-uns pendant les premiers jours de l'Eglise. Les apôtres devaient maintenant prendre une décision importante pour faire régner l'ordre, et confier à d'autres certaines charges qu'ils avaient été seuls à porter jusqu'alors. CP 78 3 Convoquant une assemblée de croyants, et conduits par l'Esprit, ils dressèrent un plan pour une meilleure organisation de toutes les activités de l'Eglise. Le moment était venu, déclarèrent-ils, où les conducteurs spirituels devaient être relevés de cette répartition de secours aux pauvres ou d'autres tâches semblables. Ils pourraient ainsi plus librement continuer à s'adonner à la prédication. "C'est pourquoi, frères, lisons-nous dans le récit qui nous est fait, choisissez parmi vous sept hommes, de qui l'on rende un bon témoignage, qui soient pleins d'Esprit-Saint et de sagesse, et que nous chargerons de cet emploi Et nous, nous continuerons à nous appliquer à la prière et au ministère de la parole." On suivit ce conseil, et par la prière et l'imposition des mains, sept hommes furent choisis et solennellement consacrés à leurs devoirs de diacres. CP 79 1 La nomination des sept pour la direction d'une oeuvre définie fut une grande bénédiction pour l'Eglise. Ces diacres veillèrent avec un soin jaloux aux besoins individuels ainsi qu'aux intérêts financiers en général. Par leur sage administration et leur saint exemple, ils apportèrent un secours précieux à leurs collaborateurs, en formant un tout des intérêts variés de l'Eglise. CP 79 2 Cette décision fut approuvée de Dieu. Les résultats rapides et fructueux qui s'ensuivirent nous le révèlent: "La parole de Dieu se répandait de plus en plus, dit saint Luc, le nombre des disciples augmentait beaucoup à Jérusalem, et une grande foule de sacrificateurs obéissaient à la foi." Cette moisson d'âmes était due à la fois à la liberté plus grande dont jouissaient les apôtres, au zèle et au pouvoir que manifestaient les diacres. Le fait que ces hommes avaient été choisis pour prendre soin des pauvres ne les empêchait nullement de prêcher l'Evangile. Au contraire, ils se mirent au travail avec beaucoup plus de zèle encore et de succès. CP 79 3 Il avait été confié à l'Eglise primitive une oeuvre qui allait se développer sans cesse: l'établissement de centres de lumière et de bénédiction partout où des âmes désiraient se consacrer au service du Christ. La proclamation de l'Evangile devait s'étendre au monde entier; les messagers de la croix ne pouvaient espérer accomplir leur importante mission s'ils ne restaient attachés les uns aux autres par les liens de l'unité chrétienne, et révéler ainsi au monde qu'ils étaient un avec le Christ en Dieu. Le divin chef n'avait-il pas prié le Père: "Garde en ton nom ceux que tu m'as donnés, afin qu'ils soient un comme nous"? Et n'avait-il pas déclaré à ses disciples: "Le monde les a haïs, parce qu'ils ne sont pas du monde"? N'avait-il pas demandé au Père qu'ils soient "parfaitement un", "pour que le monde croie que tu m'as envoyé"?2 Leur vie et leur pouvoir spirituel dépendaient de leur union étroite avec celui qui les avait chargés de prêcher l'Evangile. CP 80 1 C'est seulement en fonction de cette union avec le Christ que les disciples pouvaient compter sur la puissance du Saint-Esprit et la coopération des anges. Grâce à ce secours divin, ils pourraient offrir au monde un front uni, et sortir victorieux du conflit qu'ils étaient appelés à soutenir sans cesse contre les puissances des ténèbres. Tandis qu'ils continueraient à travailler en harmonie, les messagers célestes les précéderaient, leur ouvrant le chemin; les coeurs seraient ainsi préparés à recevoir la vérité, et beaucoup seraient gagnés au Christ. Aussi longtemps qu'ils resteraient unis, l'Eglise prospérerait, "belle comme la lune, pure comme le soleil, mais terrible comme des troupes sous leurs bannières".3 Rien ne pouvait s'opposer à sa marche en avant. Elle irait de victoire en victoire, accomplissant glorieusement sa mission divine, qui consiste à proclamer l'Evangile au monde. CP 80 2 L'organisation de l'église de Jérusalem devait servir de modèle à celles de tous les pays où les hérauts de la vérité gagneraient des âmes à l'Evangile. Ceux qui avaient la responsabilité d'assurer la bonne marche de l'Eglise ne devaient pas dominer sur les fidèles, mais, comme de sages bergers, ils étaient appelés à "paître le troupeau de Dieu [...] en étant les modèles du troupeau".4 Les diacres devaient être "des hommes de qui l'on rende un bon témoignage [...] pleins d'Esprit-Saint et de sagesse". Il leur fallait prendre position en faveur du droit et s'y maintenir avec fermeté et résolution. Ainsi, ils auraient sur tout le troupeau une influence unificatrice. CP 80 3 Plus tard, l'histoire de l'Eglise primitive nous apprend que lorsque de nombreux groupes de croyants se constituèrent dans différentes parties du monde, on perfectionna encore son organisation, afin d'y maintenir l'ordre et l'harmonie. Chaque membre était exhorté à y bien jouer son rôle. Chacun devait faire un usage judicieux des talents qui lui étaient confiés. A certains étaient impartis, par l'intermédiaire du Saint-Esprit, des dons spéciaux "... premièrement des apôtres, secondement des prophètes, troisièmement des docteurs, ensuite ceux qui ont le don des miracles, puis ceux qui ont les dons de guérir, de secourir, de gouverner, de parler diverses langues".5 Mais toutes ces catégories de croyants devaient travailler dans l'harmonie. CP 81 1 "Il y a diversité de dons, dit saint Paul, mais le même Esprit; diversité de ministères, mais le même Seigneur; diversité d'opérations, mais le même Dieu qui opère tout en tous. Or, à chacun la manifestation de l'Esprit est donnée pour l'utilité commune. En effet, à l'un est donnée par l'Esprit une parole de sagesse; à un autre, une parole de connaissance, selon le même Esprit; à un autre, la foi, par le même Esprit; à un autre, le don des guérisons, par le même Esprit; à un autre, le don d'opérer des miracles; à un autre, la prophétie; à un autre, le discernement des esprits; à un autre, la diversité des langues; à un autre, l'interprétation des langues. Un seul et même Esprit opère toutes ces choses, les distribuant à chacun en particulier comme il veut. Car, comme le corps est un et a plusieurs membres, et comme tous les membres du corps, malgré leur nombre, ne forment qu'un seul corps, -- ainsi en est-il de Christ."6 CP 81 2 Solennelles sont les responsabilités qui reposent sur ceux qui sont appelés à assumer le rôle de conducteurs dans l'Eglise de Dieu. Aux jours de la théocratie, alors que Moïse s'efforçait de porter seul les fardeaux dont le poids écrasant l'aurait bientôt épuisé, Jéthro, son beau-père, lui conseilla de prendre des mesures pour faire une sage distribution des responsabilités. "Sois l'interprète du peuple auprès de Dieu, lui dit-il, et porte les affaires devant Dieu. Enseigne-leur les ordonnances et les lois; et fais-leur connaître le chemin qu'ils doivent suivre, et ce qu'ils doivent faire." Jéthro lui conseilla, en outre, de choisir des hommes capables et de les établir comme "chefs de mille, chefs de cent, chefs de cinquante et chefs de dix". Ils devaient être "des hommes capables, craignant Dieu, des hommes intègres, ennemis de la cupidité", et "juger le peuple en tout temps", déchargeant ainsi Moïse de la lourde responsabilité de prendre en considération les affaires secondaires qui pouvaient être traitées avec compétence par des auxiliaires consacrés. CP 82 1 Le temps et les forces de ceux qui ont été désignés par la providence divine, pour assumer les responsabilités dans l'Eglise, devraient être consacrés aux affaires les plus importantes, à celles qui demandent une sagesse et une grandeur d'âme spéciales. Il n'est pas dans les plans de Dieu que de tels hommes passent leur temps à régler des cas secondaires, alors que d'autres peuvent le faire. "Qu'ils portent devant toi toutes les affaires importantes, proposa Jéthro à Moïse, et qu'ils prononcent eux-mêmes sur les petites causes. Allège ta charge, et qu'ils la portent avec toi. Si tu fais cela, et que Dieu te donne des ordres, tu pourras y suffire, et tout ce peuple parviendra heureusement à sa destination." CP 82 2 En accord avec cette suggestion, "Moïse choisit des hommes capables parmi tout Israël, et il les établit chefs du peuple, chefs de mille, chefs de cent, chefs de cinquante et chefs de dix. Ils jugeaient le peuple en tout temps; ils portaient devant Moïse les affaires difficiles, et ils prononçaient eux-mêmes sur toutes les petites causes."7 CP 82 3 Plus tard, lorsque Moïse établit les soixante-dix anciens, pour partager avec lui ses charges de chef, il prit soin de choisir comme collaborateurs des hommes dignes, expérimentés et d'un jugement solide. Quand il leur transmit leurs charges, il mit en relief certaines des qualités que doit posséder un bon conducteur de l'Eglise. "Ecoutez vos frères, leur dit-il, et jugez selon la justice les différends de chacun avec son frère ou avec l'étranger. Vous n'aurez point égard à l'apparence des personnes dans vos jugements; vous écouterez le petit comme le grand; vous ne craindrez aucun homme, car c'est Dieu qui rend la justice."8 CP 83 1 Le roi David, vers la fin de son règne, parla avec solennité à ceux qui assumaient à son époque les responsabilités de l'oeuvre de Dieu. Convoquant à Jérusalem "tous les chefs d'Israël, les chefs des tribus, les chefs des divisions au service du roi, les chefs de milliers et les chefs de centaines, ceux qui étaient en charge sur tous les biens et les troupeaux du roi et auprès de ses fils, les eunuques, les héros et tous les hommes vaillants", à tous ceux-là le vieux roi enjoignait solennellement, "aux yeux de tout Israël, de l'assemblée de l'Eternel, et en présence de Dieu, d'observer et de prendre à coeur les commandements de l'Eternel".9 CP 83 2 A Salomon, qui était appelé à occuper un poste élevé, David transmit aussi une charge spéciale: "Et toi, Salomon, mon fils, connais le Dieu de ton père, et sers-le d'un coeur dévoué et d'une âme bien disposée; car l'Eternel sonde tous les coeurs et pénètre tous les desseins et toutes les pensées. Si tu le cherches, il se laissera trouver par toi; mais si tu l'abandonnes, il te rejettera pour toujours. Considère maintenant que l'Eternel t'a choisi [...] Fortifie-toi et agis".10 CP 83 3 Ces principes de piété et de justice qui conduisaient les chefs du peuple de Dieu, au temps de Moïse et de David, devaient être suivis de la même manière par ceux qui étaient chargés d'une direction, dans la nouvelle organisation de l'Eglise, au temps de la dispensation évangélique. Dans leurs efforts pour établir de l'ordre dans toutes les communautés, et pour confier des charges à des personnes capables, les apôtres maintinrent à un niveau élevé le principe de direction signalé dans l'Ancien Testament. Ils déclaraient que celui qui occupe une situation importante dans l'Eglise doit être "irréprochable, comme économe de Dieu; qu'il ne soit ni arrogant, ni colère, ni adonné au vin, ni violent, ni porté à un gain déshonnête; mais qu'il soit hospitalier, ami des gens de bien, modéré, juste, saint, tempérant, attaché à la vraie parole telle qu'elle a été enseignée, afin d'être capable d'exhorter selon la saine doctrine et de réfuter les contradicteurs".11 CP 84 1 L'ordre qui fut maintenu dans l'Eglise primitive permit aux chrétiens d'avancer avec assurance, comme une armée bien disciplinée, revêtus de l'armure de Dieu. Les groupes de croyants, bien qu'éparpillés sur un vaste territoire, étaient tous membres d'un même corps. Tous agissaient avec ensemble et harmonie. Quand des discussions s'élevaient dans une église, comme cela arriva plus tard à Antioche et ailleurs, et que les chrétiens ne pouvaient arriver à s'entendre, on ne tolérait pas que la division naisse à cause de ces dissensions. On en référait alors à un conseil général du corps des croyants, composé de délégués nommés par les diverses églises, ainsi que des apôtres et des anciens ayant une direction spirituelle importante. De cette façon, les tentatives de Satan pour attaquer l'Eglise dans les endroits isolés se heurtaient-elles aux efforts combinés de tous les chrétiens, et les plans de l'ennemi pour disperser et détruire étaient déjoués. CP 84 2 "Dieu n'est pas un Dieu de désordre, mais de paix."12 Il exige, de nos jours comme par le passé, que l'ordre et la méthode soient observés dans les affaires de l'Eglise. Il désire que son oeuvre soit poursuivie avec soin et exactitude, afin de pouvoir y placer le sceau de son approbation. Le chrétien doit être uni au chrétien, l'église à l'église; l'action humaine doit s'harmoniser avec l'action divine, chacun étant subordonné à l'Esprit-Saint, et tous s'unissant pour proclamer au monde la bonne nouvelle de la grâce de Dieu. ------------------------Chapitre 10 -- Le premier martyr Ce chapitre est basé sur Actes 6:5-15; 7. CP 85 1 Etienne, le principal des sept diacres, était profondément pieux et possédait une grande foi. Bien que Juif de naissance, il parlait le grec, et les coutumes et les moeurs grecques lui étaient familières. C'est pourquoi il eut l'occasion de prêcher l'Evangile dans les synagogues des Hellénistes. Il déployait une grande activité dans l'oeuvre du Christ, proclamant sa foi avec hardiesse. De savants rabbins et des docteurs de la loi se mirent à discuter avec lui, convaincus d'obtenir une victoire facile. Mais "ils ne pouvaient résister à sa sagesse et à l'esprit par lequel il parlait". Il ne le faisait pas seulement sous l'influence du Saint-Esprit, mais il expliquait les prophéties, et il était versé dans toutes les questions relatives à la loi. Il défendait habilement les vérités qui lui étaient révélées, et il confondait ses adversaires. Pour lui, la promesse s'accomplissait: "Mettez-vous donc dans l'esprit de ne pas préméditer votre défense; car je vous donnerai une bouche et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront résister ou contredire."1 CP 86 1 En constatant la puissance qui assistait la prédication d'Etienne, les prêtres et les magistrats furent remplis d'une haine farouche, et au lieu de reconnaître le bien-fondé de ses arguments, ils décidèrent de le réduire au silence en le mettant à mort. En maintes occasions, ils avaient amené les autorités romaines à fermer les yeux sur les cas où les Juifs avaient pris certains droits. Ils avaient alors jugé, condamné et exécuté des prisonniers selon leur coutume nationale. Or les ennemis d'Etienne ne doutaient pas qu'ils puissent suivre à nouveau ce procédé sans encourir de danger. Ils décidèrent donc de risquer les conséquences de leur acte: ils saisirent Etienne et l'amenèrent devant le sanhédrin pour le juger. CP 86 2 De savants Juifs des pays voisins furent convoqués pour réfuter les arguments du prisonnier. Saul de Tarse était présent à ce procès, et il prit une part active dans l'accusation de ce dernier. Il apportait tout le poids de l'éloquence et de la logique des rabbins pour aggraver son cas et convaincre les gens qu'il prêchait des doctrines trompeuses et dangereuses. Toutefois, il rencontra chez Etienne un homme ayant pleine connaissance des desseins de Dieu pour la diffusion de l'Evangile aux nations. CP 86 3 Comme les prêtres et les magistrats ne pouvaient l'emporter sur la sagesse calme et claire d'Etienne, ils se déterminèrent à en faire un exemple. Tandis qu'ils satisferaient ainsi leur haine vengeresse, ils empêcheraient les autres, par la crainte, d'adopter la croyance du disciple. Ils produisirent de faux témoins qui affirmèrent l'avoir entendu proférer des paroles blasphématoires contre le temple et contre la loi. "Nous l'avons entendu dire, déclarèrent ces témoins, que Jésus, ce Nazaréen, détruira ce lieu, et changera les coutumes que Moïse nous a données." CP 86 4 Comme Etienne était devant ses juges pour répondre à l'accusation de blasphème qui lui était imputée, une lumière divine resplendit sur son visage, et à "tous ceux qui siégeaient au sanhédrin, ayant fixé les regards sur Etienne, son visage leur parut comme celui d'un ange". Plusieurs de ceux qui virent cette lumière tremblèrent et se voilèrent la face, mais l'incrédulité et les préjugés opiniâtres des magistrats ne faiblirent pas. CP 87 1 Quand on questionna Etienne sur la véracité des accusations qui pesaient sur lui, il commença sa défense d'une voix claire et vibrante, qui résonna dans la salle du sanhédrin. En termes qui tenaient l'assemblée sous son charme, il se mit à faire le récit de l'histoire du peuple élu. Il fit preuve d'une connaissance parfaite de l'économie juive et de son interprétation spirituelle, rendue maintenant manifeste en Christ. Il répéta les paroles prophétiques de Moïse relatives au Messie: "L'Eternel, ton Dieu, te suscitera du milieu de toi, d'entre tes frères, un prophète comme moi: vous l'écouterez!" Il confessa sa fidélité au Seigneur et à la foi juive, tout en déclarant que la loi où les Juifs espéraient trouver le salut n'avait pu sauver Israël de l'idolâtrie. Il rattacha Jésus à toute l'histoire juive. Il rappela la construction du temple de Salomon et à la fois les paroles du fils de David et d'Esaïe. "Mais le Très-Haut n'habite pas dans ce qui est fait de main d'homme, comme dit le prophète: Le ciel est mon trône, et la terre mon marchepied. Quelle maison me bâtirez-vous, dit le Seigneur, ou quel sera le lieu de mon repos? N'est-ce pas ma main qui a fait toutes ces choses?..." CP 87 2 Lorsqu'il arriva à cet endroit de l'Ecriture, un tumulte se produisit dans la foule. Quand il relia le Christ aux prophéties et parla du temple, le grand prêtre, prétendant être frappé d'indignation, déchira ses vêtements. Cet acte avertit Etienne que sa voix serait bientôt réduite à jamais au silence. Conscient de la résistance que rencontraient ses paroles, il comprit qu'il rendait son témoignage pour la dernière fois. Bien qu'au milieu de son discours, il le conclut abruptement. Puis, se tournant vers ses juges, devenus furieux, il s'écria: "Hommes au cou raide, incirconcis de coeur et d'oreilles! vous vous opposez toujours au Saint-Esprit. Ce que vos pères ont été, vous l'êtes aussi. Lequel des prophètes vos pères n'ont-ils pas persécuté? Ils ont tué ceux qui annonçaient d'avance la venue du Juste, que vous avez livré maintenant, et dont vous avez été les meurtriers, vous qui avez reçu la loi d'après des commandements d'anges, et qui ne l'avez point gardée!..." CP 88 1 A ces paroles, les prêtres et les magistrats furent hors d'eux-mêmes; ils écumaient de rage. Agissant comme des bêtes de proie plutôt que comme des êtres humains, ils se ruèrent sur Etienne en grinçant des dents. Sur les faces cruelles qui l'environnaient, le prisonnier déchiffra son destin; mais il ne faiblit pas un seul instant. La mort ne lui faisait pas peur. Les prêtres exaspérés et la foule excitée ne provoquaient en lui aucune crainte. La scène qu'il avait sous les yeux était effacée par une vision. Pour lui, les portes du ciel étaient grandes ouvertes et, y plongeant son regard, Etienne vit la gloire de ses parvis et le Christ se levant de son trône, prêt à intervenir en faveur de son serviteur. Etienne s'écria d'une voix triomphale: "Voici, je vois les cieux ouverts, et le Fils de l'homme debout à la droite de Dieu." CP 88 2 L'entendre décrire le spectacle glorieux que ses yeux contemplaient, c'était plus que ses persécuteurs n'en pouvaient supporter. Ils se bouchèrent les oreilles pour ne pas écouter les paroles d'Etienne, et en poussant des cris tumultueux "ils se précipitèrent tous ensemble sur lui, le traînèrent hors de la ville, et le lapidèrent". "Etienne priait et disait: Seigneur Jésus, reçois mon esprit! Puis, s'étant mis à genoux, il s'écria d'une voix forte: Seigneur, ne leur impute pas ce péché! Et, après ces paroles, il s'endormit." CP 88 3 Aucune sentence légale n'avait été prononcée au sujet d'Etienne, mais les autorités romaines furent soudoyées par d'importantes sommes d'argent pour qu'on ne fît pas d'enquête sur le cas du disciple. CP 88 4 Le martyre d'Etienne fit une profonde impression sur tous ceux qui y assistèrent. Le souvenir du sceau de Dieu imprimé sur son visage, celui de ses paroles qui touchèrent jusqu'à l'âme les hommes qui les entendirent, se gravèrent dans leur mémoire et témoignèrent en faveur de la vérité qu'il avait proclamée. Sa mort fut une douloureuse épreuve pour l'Eglise, mais elle laissa chez Saul un souvenir qui ne pouvait s'effacer de son esprit, celui de la foi, de la constance du martyr et de la gloire qui avait illuminé son visage. CP 89 1 Pendant la scène du jugement et de la mort d'Etienne, Saul avait paru pénétré d'un zèle frénétique. Après quoi il fut irrité contre lui-même, car il avait la conviction secrète qu'Etienne avait été honoré par Dieu, au moment où les hommes le déshonoraient. Saul continua à persécuter l'Eglise, chassant les croyants, les arrachant de leurs maisons et les livrant aux prêtres et aux magistrats pour les faire envoyer à la prison et à la mort. Le zèle qu'il apporta à intensifier la persécution jeta la terreur parmi les chrétiens de Jérusalem. Les autorités romaines ne firent aucun effort particulier pour arrêter son oeuvre cruelle, et elles aidèrent secrètement les Juifs, afin de se concilier leur faveur. CP 89 2 Après la mort d'Etienne, Saul fut élu membre du sanhédrin, en récompense de la part qu'il avait prise dans la condamnation du disciple. Pendant un certain temps, ce fut un puissant instrument entre les mains de Satan pour encourager la rébellion contre le Fils de Dieu. Mais bientôt cet impitoyable persécuteur allait s'employer à l'édification de l'Eglise qu'il s'efforçait d'anéantir. Un être plus fort que Satan avait choisi Saul pour prendre la place d'Etienne le martyr. Il allait répandre partout la bonne nouvelle du salut par le sang du Christ, et mourir pour son nom. ------------------------Chapitre 11 -- L'Evangile en Samarie Ce chapitre est basé sur Actes 8. CP 91 1 Après la mort d'Etienne, il s'éleva contre les chrétiens de Jérusalem une persécution si violente que "tous, excepté les apôtres, se dispersèrent dans les contrées de la Judée et de la Samarie". "Saul, de son côté, ravageait l'Eglise; pénétrant dans les maisons, il en arrachait hommes et femmes, et les faisait jeter en prison." Il dit plus tard, à propos de son zèle dans cette oeuvre cruelle: "Pour moi, j'avais cru devoir agir vigoureusement contre le nom de Jésus de Nazareth. C'est ce que j'ai fait à Jérusalem. J'ai jeté en prison plusieurs des saints [...] Je les ai souvent châtiés dans toutes les synagogues, et je les forçais à blasphémer. Dans mes excès de fureur contre eux, je les persécutais même jusque dans les villes étrangères." D'après les propres paroles de Paul, Etienne ne fut donc pas le seul à souffrir la mort. "Et quand on les mettait à mort, dit-il encore, je joignais mon suffrage à celui des autres."1 CP 91 2 C'est à cette époque troublée que Nicodème apparaît, confessant hardiment sa foi dans le Sauveur crucifié. Il était membre du sanhédrin, et comme tant d'autres, il avait été touché par l'enseignement de Jésus. Ayant été témoin des oeuvres merveilleuses du Christ, il avait la ferme conviction que c'était bien lui l'envoyé de Dieu. Trop fier pour confesser ouvertement sa sympathie pour le Maître galiléen, il chercha à avoir un entretien secret avec lui. C'est alors que Jésus lui révéla le plan du salut et le but de sa mission dans le monde. Cependant, Nicodème hésitait. Il cachait la vérité dans son coeur et, pendant trois ans, on ne sut pas bien ce qu'il pensait. Mais quoi qu'il n'ait pas reconnu publiquement le Christ, il s'était, à plusieurs reprises, au sanhédrin, opposé aux prêtres qui voulaient le mettre à mort. Quand, enfin, Jésus avait été crucifié, Nicodème se souvint des paroles qu'il lui avait adressées la nuit de leur entretien: "Comme Moïse éleva le serpent dans le désert, lui avait-il dit, il faut de même que le Fils de l'homme soit élevé."2 Et il reconnut en Jésus le Rédempteur du monde. CP 92 1 Nicodème avait participé, avec Joseph d'Arimathée, aux frais de la sépulture de Jésus. Les disciples avaient craint de montrer ouvertement leur attachement au Sauveur. Nicodème et Joseph d'Arimathée vinrent alors courageusement à leur secours. L'intervention de ces hommes riches et honorés était des plus nécessaires à cette heure de détresse. Ils avaient pu faire pour leur Maître mort ce qui eût été impossible aux disciples; leur richesse et leur réputation avaient protégé en grande partie ceux-ci de la méchanceté des prêtres et des magistrats. CP 92 2 Lorsque les Juifs essayèrent d'anéantir l'Eglise naissante, Nicodème se présenta pour la défendre. Finis sa prudence et ses doutes. Il encouragea la foi des disciples, et employa ses biens à secourir l'Eglise de Jérusalem ainsi qu'à faire progresser l'oeuvre de Dieu. Ceux qui, autrefois, lui témoignaient de la considération, le méprisaient maintenant et le persécutaient. Il devint pauvre des biens de ce monde, mais ne faiblit jamais dans la défense de sa foi. CP 92 3 La persécution qui sévit dans l'Eglise donna une grande impulsion à l'oeuvre évangélique. En effet, le ministère de la Parole avait été couronné de succès à Jérusalem; mais en y prolongeant leur séjour, les disciples risquaient de négliger le mandat que le Sauveur leur avait confié, d'aller par tout le monde. Oubliant que c'est en travaillant avec zèle au service de Dieu qu'on acquiert le plus de force pour résister au mal, ils commencèrent à croire qu'ils n'avaient pas de tâche plus importante que celle de se rendre à Jérusalem pour protéger l'Eglise des assauts de l'ennemi. Au lieu d'apprendre aux nouveaux convertis à proclamer l'Evangile à ceux qui ne l'avaient pas encore entendu, ils couraient le danger d'être satisfaits du travail qu'ils avaient accompli. Afin de disperser ses représentants partout où ils pourraient travailler au salut de leurs semblables, Dieu permit que la persécution sévît contre eux. Chassés de Jérusalem, les chrétiens "allaient de lieu en lieu, annonçant la bonne nouvelle de la parole". CP 93 1 Parmi ceux à qui le Sauveur avait confié la mission: "Allez, faites de toutes les nations des disciples",3 il s'en trouvait de très modeste origine, des hommes et des femmes ayant appris à aimer le Seigneur et décidé de suivre l'exemple de désintéressement qu'il avait donné dans son ministère. A ces humbles serviteurs, aussi bien qu'aux disciples qui avaient été avec le Sauveur pendant son activité terrestre, une précieuse tâche était confiée: ils devaient porter au monde entier la bonne nouvelle du salut par le Christ. CP 93 2 Lorsqu'ils furent dispersés par la persécution, ils partirent, remplis de zèle missionnaire, se rendant compte de l'importance de leur tâche. Ils savaient qu'ils possédaient le pain de vie nécessaire à un monde affamé de vérité, et l'amour du Christ les contraignait de rompre ce pain à tous ceux qui en avaient besoin. Le Seigneur opérait par leur intermédiaire. Où qu'ils allassent, les malades étaient guéris, et les pauvres, enrichis par la prédication de l'Evangile. CP 93 3 Philippe, l'un des sept diacres, était parmi ceux qui avaient été chassés de Jérusalem. "Etant descendu dans une ville de Samarie, il y prêcha le Christ. Les foules tout entières étaient attentives à ce que disait Philippe, lorsqu'elles apprirent et virent les miracles qu'il faisait. Car des esprits impurs sortirent de plusieurs démoniaques, en poussant de grands cris, et beaucoup de paralytiques et de boiteux furent guéris. Et il y eut une grande joie dans cette ville." CP 94 1 Le message dont le Christ fit part à la Samaritaine lorsqu'il lui parla au puits de Jacob, avait porté des fruits. Après avoir entendu les paroles de Jésus, la femme s'en alla dans la ville dire à tous ceux qui voulaient l'entendre: "Venez voir un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait; ne serait-ce point le Christ?" Et ils allèrent avec elle, virent le Christ et crurent en lui. Comme ils désiraient ardemment l'entendre davantage, ils le prièrent de demeurer avec eux. Et il resta là pendant deux jours. "Un beaucoup plus grand nombre crurent à cause de sa parole."4 CP 94 2 C'est pourquoi, lorsque les disciples furent chassés de Jérusalem, quelques-uns d'entre eux trouvèrent en Samarie un lieu de refuge sûr. Les Samaritains accueillaient ces messagers de l'Evangile avec joie, et les Juifs convertis récoltaient une précieuse moisson parmi ceux qui avaient été autrefois leurs pires ennemis. CP 94 3 Le travail de Philippe en Samarie fut marqué par un grand succès; ainsi encouragé, il envoya demander de l'aide à Jérusalem. Les apôtres comprenaient maintenant plus complètement le sens des paroles du Christ: "Vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre."5 CP 94 4 Tandis que Philippe se trouvait encore en Samarie, il fut poussé par un messager du ciel à aller "du côté du midi, sur le chemin qui descend de Jérusalem à Gaza [...] Il se leva, et partit." Il ne discuta pas l'appel, pas plus qu'il n'hésita pour y obéir, car il avait appris à se conformer à la volonté de Dieu. CP 94 5 "Et voici, un Ethiopien, un eunuque, ministre de Candace, reine d'Ethiopie, et surintendant de tous ses trésors, venu à Jérusalem pour adorer, s'en retournait, assis sur son char, et lisait le prophète Esaïe." Cet Ethiopien, qui occupait un rang très élevé, exerçait une grande influence. Dieu vit qu'il se convertirait et donnerait alors à ses semblables la lumière qu'il avait reçue, en exerçant cette influence en faveur de l'Evangile. Les anges de Dieu veillaient sur ce chercheur de vérité, qui fut en effet amené au Sauveur. Par l'intermédiaire du Saint-Esprit, le Seigneur le mit en contact avec l'un de ses serviteurs qui pourrait le conduire à la vérité. CP 95 1 Il fut donc ordonné à Philippe d'aller vers l'Ethiopien pour lui expliquer la prophétie qu'il lisait: "Avance, dit l'Esprit, et approche-toi de ce char." Tandis que Philippe s'approchait de l'eunuque, il lui demanda: "Comprends-tu ce que tu lis? Il répondit: Comment le pourrais-je, si quelqu'un ne me guide? Et il invita Philippe à monter et à s'asseoir avec lui." Le passage qu'il lisait était celui du prophète Esaïe relatif au Christ: "Il a été mené comme une brebis à la boucherie; et, comme un agneau muet devant celui qui le tond, il n'a point ouvert la bouche. Dans son humiliation, son jugement a été levé. Et sa postérité, qui la dépeindra? Car sa vie a été retranchée de la terre." CP 95 2 "De qui le prophète parle-t-il ainsi? demanda l'eunuque. Est-ce de lui-même, ou de quelque autre?" Alors Philippe lui révéla la grande vérité de la Rédemption. Commençant par ce passage même, "il lui annonça la bonne nouvelle de Jésus". Le coeur de l'Ethiopien palpitait d'intérêt en entendant l'explication des saintes Ecritures; et lorsque le disciple eut achevé, cet homme était prêt à recevoir la lumière de la vérité. Sa haute position dans le monde ne lui servit pas d'excuse pour repousser l'Evangile. "Comme ils continuaient leur chemin, dit le récit, ils rencontrèrent de l'eau. Et l'eunuque dit: Voici de l'eau; qu'est-ce qui empêche que je ne sois baptisé? Philippe dit: Si tu crois de tout ton coeur, cela est possible. L'eunuque répondit: Je crois que Jésus-Christ est le Fils de Dieu. Il fit arrêter le char; Philippe et l'eunuque descendirent tous deux dans l'eau, et Philippe baptisa l'eunuque. Quand ils furent sortis de l'eau, l'Esprit du Seigneur enleva Philippe, et l'eunuque ne le vit plus. Tandis que, joyeux, il poursuivait sa route, Philippe se trouva dans Azot, d'où il alla jusqu'à Césarée, en évangélisant toutes les villes par lesquelles il passait." CP 96 1 Cet Ethiopien représente le groupe important de ceux qui ont besoin d'être instruits par des missionnaires tels que Philippe -- missionnaires qui entendront la voix de Dieu et iront là où il les enverra. Bien des personnes lisent les saintes Ecritures sans en comprendre le véritable sens. Dans le monde entier, des hommes et des femmes tournent vers le ciel des regards angoissés. Avec prières et avec larmes, ils réclament la lumière, la grâce de l'Esprit. Beaucoup sont sur le seuil du royaume des cieux, attendant seulement l'invitation d'y entrer. CP 96 2 Un ange conduisit Philippe vers celui qui cherchait la vérité, et qui était prêt à la recevoir. Aujourd'hui, les anges conduiront aussi les pas des serviteurs de Dieu; le Saint-Esprit sanctifiera leurs paroles, purifiera et ennoblira leurs coeurs. L'ange envoyé à Philippe aurait pu accomplir lui-même l'oeuvre du Christ chez l'Ethiopien; mais ce n'est pas ainsi que Dieu procède. Sa volonté est que les hommes collaborent au salut de leurs semblables. CP 96 3 A travers les siècles, les chrétiens ont eu part à la charge confiée aux disciples. A tous ceux qui ont reçu l'Evangile a été donnée une vérité sacrée qu'ils doivent communiquer à leurs semblables. Le peuple de Dieu a toujours été formé de missionnaires zélés, consacrant leurs ressources à l'honneur de son nom, et employant judicieusement leurs talents à son service. CP 96 4 Le travail désintéressé des chrétiens du passé devrait être pour nous, aujourd'hui, une leçon de choses et une source d'inspiration. Il faut que les membres de l'Eglise de Dieu soient zélés pour les bonnes oeuvres, détachés des ambitions mondaines, et décidés à marcher dans l'empreinte des pas de celui qui allait de lieu en lieu, faisant du bien. Le coeur rempli de sympathie et de miséricorde, qu'ils pourvoient aux besoins des malheureux, apportant aux pécheurs la connaissance de l'amour du Sauveur. Une telle tâche requiert des efforts laborieux, mais elle réserve une riche récompense. Ceux qui s'y livrent avec sincérité verront des âmes gagnées au Sauveur, car l'influence qui accompagne l'exécution de la mission divine est irrésistible. CP 97 1 La responsabilité de s'acquitter de cette mission n'incombe pas seulement au pasteur. Tous ceux qui ont accepté le Christ comme Sauveur personnel sont appelés à travailler au salut de leur prochain. Nous lisons dans l'Apocalypse: "L'Esprit et l'épouse disent: Viens. Et que celui qui entend dise: Viens."6 Que celui qui a entendu cette invitation fasse retentir le message divin de la colline à la vallée, et répète: "Viens!" CP 97 2 Le croyant humble et consacré, chargé par le Maître du fardeau des âmes, doit être encouragé par ceux auxquels le Seigneur a conféré de plus lourdes responsabilités. Il faut que les conducteurs de l'Eglise de Dieu comprennent que la mission du Sauveur est confiée à tous ceux qui croient en son nom. Dieu enverra dans sa vigne beaucoup de fidèles qui n'ont pas été consacrés au saint ministère par l'imposition des mains. CP 97 3 Des centaines, que dis-je, des milliers de chrétiens qui ont entendu le message du salut sont encore oisifs, alors qu'ils pourraient être occupés dans quelque branche du service de l'Eglise. A ceux-ci, le Christ déclare: "Pourquoi vous tenez-vous ici toute la journée sans rien faire?" Et il ajoute: "Allez aussi à ma vigne."7 Pourquoi, en effet, n'y en a-t-il pas davantage qui répondent à son appel? Se croient-ils excusés, du fait qu'ils ne montent pas en chaire? Puissent-ils comprendre qu'il y a une tâche immense à accomplir en dehors de la chaire, par des milliers de laïques consacrés! CP 97 4 Dieu a longtemps attendu que l'esprit de service s'empare de toute l'Eglise, et que chacun puisse travailler pour lui, selon ses talents. Lorsque les fidèles accompliront la tâche qui leur est assignée, auprès et au loin, en accord avec la mission évangélique qui leur a été confiée, alors le monde entier sera évangélisé, et le Seigneur reviendra sur la terre avec puissance et une grande gloire. CP 98 1 "Cette bonne nouvelle du royaume, a dit Jésus, sera prêchée dans le monde entier, pour servir de témoignage à toutes les nations. Alors viendra la fin."8 ------------------------Chapitre 12 -- De persécuteur à disciple Ce chapitre est basé sur Actes 9:1-18. CP 99 1 Parmi les chefs juifs, profondément irrités par la proclamation de l'Evangile, se détachait Saul de Tarse. Citoyen romain par sa naissance, il était cependant de descendance juive, et il avait été instruit par le plus éminent des rabbins de l'époque. "De la race d'Israël, de la tribu de Benjamin", Saul était "Hébreu né d'Hébreux; quant à la loi, pharisien; quant au zèle, persécuteur de l'Eglise; irréprochable, à l'égard de la justice de la loi."1 Il était considéré par les rabbins comme un jeune homme d'avenir, et on nourrissait de grands espoirs sur ce défenseur ardent et éclairé de la tradition. Son accession au rang de membre du sanhédrin le plaçait dans une situation élevée. CP 99 2 Saul avait pris une part active au jugement et à la condamnation d'Etienne, et des preuves frappantes de la présence de Dieu chez les martyrs l'avaient amené à douter de la justice de la cause qu'il avait épousée en persécutant les disciples de Jésus. Son esprit était profondément troublé. En proie à la perplexité, il fit appel au sage jugement de ceux en qui il avait une entière confiance. Les arguments des prêtres et des magistrats finirent par le convaincre qu'Etienne était un blasphémateur, et le Christ prêché par le martyr, un imposteur. CP 100 1 Ce ne fut pas sans grands débats de conscience que Saul en arriva à cette conclusion. Mais à la fin, son éducation, ses préjugés, son respect pour ses anciens maîtres, l'orgueil de sa popularité l'emportèrent, le poussant à se révolter contre la voix de sa conscience et la grâce de Dieu. Bien persuadé que les scribes et les prêtres servaient la bonne cause, Saul s'opposa farouchement aux doctrines enseignées par les disciples de Jésus. Le zèle qu'il apportait à traîner de saints hommes et de saintes femmes devant les tribunaux, qui les condamnaient à l'emprisonnement et même à la mort à cause de leur foi, apporta une sombre tristesse dans l'Eglise nouvellement organisée, et força de nombreux chrétiens à chercher leur salut dans la fuite. CP 100 2 Ceux qui étaient chassés de Jérusalem par cette persécution "allaient de lieu en lieu, annonçant la bonne nouvelle".2 Parmi les villes qu'ils choisirent comme lieux de refuge se trouvait Damas, où la nouvelle doctrine faisait de nombreux adeptes. CP 100 3 Les prêtres et les magistrats avaient espéré que, grâce à leurs efforts vigilants et à la persécution cruelle, ils supprimeraient l'hérésie. Or, ils se rendaient compte que se formaient d'autres centres où ils devaient prendre des mesures aussi sévères qu'à Jérusalem pour empêcher qu'on y propage le nouvel enseignement. Saul offrit ses services pour cette tâche spéciale qu'on allait entreprendre à Damas. "Respirant encore la menace et le meurtre contre les disciples du Seigneur", il "se rendit chez le souverain sacrificateur, et lui demanda des lettres pour les synagogues de Damas, afin que, s'il trouvait des partisans de la nouvelle doctrine, hommes ou femmes, il les amenât liés à Jérusalem." Ainsi, "avec l'autorisation des principaux sacrificateurs",3 Saul de Tarse, dans toute la force de sa jeunesse, et enflammé par un faux zèle, entreprit donc ce voyage mémorable, au cours duquel il devait faire l'extraordinaire rencontre qui modifia toute sa vie. CP 101 1 Le dernier jour de son voyage, vers le milieu du jour, tandis que Saul et ses compagnons approchaient de Damas, les voyageurs, lassés, débouchèrent dans de vastes plaines fertiles, aux jardins magnifiques, et où coulaient des ruisseaux descendant des montagnes environnantes. Après ce long parcours à travers des régions désolées, le spectacle offrait à la vue un vrai rafraîchissement. Comme Saul et ses compagnons admiraient cette verdure et, plus loin, la ville riante, "vers le milieu du jour, dira l'apôtre plus tard, resplendit autour de moi et de mes compagnons une lumière venant du ciel, et dont l'éclat dépassait celui du soleil", trop éblouissante pour être supportée par le regard humain. Aveuglé et frappé de stupeur, Saul tomba la face contre terre. CP 101 2 Tandis que la lumière continuait à resplendir autour des voyageurs, Saul entendit "une voix qui lui disait en langue hébraïque: Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu? Et il dit: "Qui es-tu, Seigneur! Et le Seigneur lui dit: Je suis Jésus que tu persécutes. Il te serait dur de regimber contre les aiguillons".4 CP 101 3 Remplis de crainte, et presque aveuglés par l'intensité de la lumière, les compagnons de Saul entendirent une voix, mais ne virent personne. Cependant, Saul comprit ce que disait cette voix. Celui qui lui parlait lui fut clairement révélé: c'était le Fils de Dieu. Dans l'Etre glorieux qui se dressait devant lui, il reconnut le divin crucifié. Le visage du Sauveur fut à jamais gravé dans l'âme du Juif qui demeurait bouleversé. Les paroles qu'il entendait lui allaient droit au coeur, et avec une puissance terrible. Dans les replis obscurs de son esprit, se déversaient des flots de lumière lui révélant l'ignorance et les erreurs de sa vie passée, en même temps que son besoin urgent de la lumière du Saint-Esprit. CP 101 4 Saul découvrit alors qu'en persécutant les disciples de Jésus, il avait en réalité servi la cause de Satan. Il se rendit compte que ses convictions concernant la justice et ses propres devoirs étaient surtout basées sur la confiance implicite qu'il accordait aux prêtres et aux magistrats. Il avait cru en eux quand ils lui avaient dit que le récit de la résurrection était une invention habile des disciples. Maintenant que Jésus lui-même se révélait à lui, Saul avait la certitude que ceux-ci étaient dans le vrai. CP 102 1 Au moment de son illumination céleste, Saul réagit avec une remarquable rapidité. Son esprit s'ouvrit aux paroles prophétiques de l'Ecriture sainte; il comprit le rejet du Christ par les Juifs, sa crucifixion, sa résurrection, son ascension prédits par les prophètes, autant de preuves convaincantes qu'il était bien le Messie promis. Le discours d'Etienne, au moment de sa mort, revint impérieusement à la mémoire de Saul, et il comprit que le martyr avait contemplé la "gloire de Dieu", lorsqu'il avait dit: "Je vois les cieux ouverts, et le Fils de l'homme debout à la droite de Dieu."5 Les prêtres avaient déclaré que ces paroles étaient un blasphème, mais Saul était sûr maintenant qu'Etienne disait la vérité. CP 102 2 Quelles révélations pour le persécuteur! Maintenant, il savait avec certitude que le Messie promis avait paru ici-bas dans la personne de Jésus de Nazareth, et que ceux qu'il était venu sauver l'avaient rejeté et crucifié. Il savait aussi qu'il était sorti triomphalement du tombeau, et qu'il était monté au ciel. Et alors, Saul se souvint avec terreur d'Etienne qui avait rendu témoignage du Christ crucifié et ressuscité. Ce disciple avait été sacrifié par son propre consentement, et cela lui fit penser à d'autres, dignes de Jésus, qui avaient trouvé la mort plus tard à la suite de sa cruelle persécution. CP 102 3 Le Christ avait parlé à Saul par Etienne dont le raisonnement logique ne pouvait être réfuté. Le savant Juif avait vu le visage du martyr refléter la lumière glorieuse du Sauveur, ayant l'apparence de "celui d'un ange".6 Il avait été témoin de la patience d'Etienne en face de ses ennemis et du pardon qu'il leur avait accordé. Il avait aussi été témoin de la force d'âme et de la résignation courageuse des nombreux chrétiens qu'il avait fait persécuter et tourmenter. Il en avait même vu certains faire joyeusement don de leur vie pour l'amour de leur foi. CP 103 1 Toutes ces choses avaient profondément impressionné Saul, et, parfois, son esprit était assailli par la conviction irrésistible que Jésus était bien le Messie promis. Pendant cette période, il avait lutté des nuits entières pour chasser cette pensée, mais il en arrivait toujours à se convaincre lui-même que Jésus n'était pas le Messie et que ses adeptes étaient des fanatiques abusés. Mais maintenant le Christ lui avait parlé de sa propre voix, lorsqu'il lui avait dit: "Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu?" Et à la question: "Qui es-tu Seigneur?" la même voix avait répondu: "Je suis Jésus que tu persécutes." Le Christ s'identifiait avec son peuple. En persécutant les disciples de Jésus, Saul avait frappé directement le Seigneur. Par de fausses accusations, de faux témoignages contre eux, il avait porté de fausses accusations et de faux témoignages contre le Sauveur du monde. CP 103 2 Aucun doute n'effleura la pensée de Saul au sujet de celui qui lui parlait: c'était bien Jésus de Nazareth, le Messie si longtemps attendu, le Consolateur et le Rédempteur d'Israël. "Tremblant et saisi d'effroi, il dit: Seigneur, que veux-tu que je fasse? Et le Seigneur lui dit: Lève-toi, entre dans la ville, et on te dira ce que tu dois faire." CP 103 3 Lorsque la glorieuse lumière disparut, Saul se releva, complètement privé de la vue. L'éclat de la gloire du Christ avait été trop intense pour ses yeux de mortel, et lorsque cette lumière s'évanouit, il fut plongé dans d'épaisses ténèbres. Il crut que cette cécité avait été une punition infligée par Dieu pour les cruelles persécutions qu'il avait fait subir aux disciples de Jésus. Dans sa nuit terrible, l'apôtre s'avança en tâtonnant, et ses compagnons, saisis de crainte et frappés de stupeur, "le prirent par la main, et le conduisirent à Damas". CP 104 1 Le matin même de ce jour mémorable, tandis qu'il approchait de Damas, Saul éprouvait une satisfaction intérieure en pensant à la grande confiance que le grand prêtre avait placée en lui. On l'avait chargé de lourdes responsabilités: il avait reçu la mission de favoriser les intérêts de la religion juive en arrêtant, à Damas, si possible, la propagation de la nouvelle doctrine. Or il était résolu de faire aboutir sa mission, et il lui tardait de l'exécuter. CP 104 2 Mais comme ce qu'il avait prévu était différent de ce qui s'était passé en approchant de la ville! Frappé de cécité, sans force, torturé par le remords, ne sachant pas ce qui lui arriverait par la suite, il chercha la maison de Judas, le disciple, où il pourrait, dans la solitude, réfléchir et prier. CP 104 3 Pendant trois jours Saul resta "sans voir, et il ne mangea ni ne but". Ces jours de torture pour son âme semblaient des années. Il se rappelait sans cesse, et avec angoisse, le rôle qu'il avait joué dans le martyre d'Etienne. Il pensait avec effroi combien il avait été coupable en se laissant diriger par la méchanceté et les préjugés des prêtres et des magistrats, alors même que le visage d'Etienne était illuminé de la gloire céleste. L'esprit triste et abattu, il fit le compte des nombreuses fois où il avait fermé les yeux et bouché les oreilles aux preuves les plus frappantes, tandis qu'il intensifiait son impitoyable persécution contre les disciples de Jésus de Nazareth. Dans cette réclusion complète, il fit un examen sévère de sa conscience, tout en humiliant son coeur. CP 104 4 Les chrétiens ayant été informés que Saul avait l'intention de se rendre à Damas, redoutèrent de sa part quelque machination perfide, et ils se tinrent sur la réserve, lui refusant leur sympathie. Saul n'avait nulle envie de faire appel aux Juifs non convertis avec lesquels il avait décidé de s'unir pour persécuter les chrétiens, car il savait qu'ils ne l'écouteraient même pas. Il semblait ainsi privé de toute sympathie humaine. Le seul secours qu'il pouvait espérer se trouvait dans un Dieu miséricordieux, et il l'invoqua, le coeur brisé. CP 105 1 Pendant les longues heures de solitude où Saul se trouvait avec le Seigneur, il se remémora les passages de l'Ecriture se rapportant à la première venue du Christ. Il se reporta aux prophéties, grâce à sa mémoire avivée par la conviction qui s'était emparée de son esprit. Tandis qu'il approfondissait la signification de ces prophéties, il s'étonnait de sa cécité spirituelle, qui l'avait empêché de comprendre les Ecritures, et de celle des Juifs en général qui les avait conduits au rejet de Jésus en tant que Messie promis. A son esprit illuminé, tout semblait maintenant devenu clair. Il se rendait compte que ses anciens préjugés, joints à son incrédulité, avaient obscurci sa compréhension spirituelle, et qu'ils l'avaient empêché de discerner en Jésus de Nazareth le Messie de la prophétie. CP 105 2 Tandis que Saul s'abandonnait ainsi à la puissance convaincante du Saint-Esprit, il découvrit les erreurs de sa vie, et comprit la portée lointaine de la proclamation de la loi divine. Lui qui était jadis un pharisien orgueilleux, persuadé d'être justifié par ses propres oeuvres, s'inclinait maintenant devant Dieu avec l'humilité et la simplicité d'un petit enfant, confessant sa propre indignité et reconnaissant les mérites d'un Sauveur crucifié et ressuscité. Il souhaitait ardemment être dans une communion et une harmonie parfaites avec le Père et le Fils. Dans l'intensité de son désir d'être pardonné et agréé de Dieu, il faisait monter de ferventes supplications vers le trône de grâce. Les prières du pharisien repentant n'étaient pas vaines, les pensées et les émotions du plus profond de son coeur étaient transformées par la grâce divine, et ses plus nobles aspirations, en harmonie avec les desseins éternels de Dieu. Le Christ et sa justice devinrent pour lui plus que le monde entier. CP 105 3 La conversion de Saul est une preuve frappante du pouvoir miraculeux du Saint-Esprit pour convaincre les hommes de péché. Saul avait cru vraiment que Jésus de Nazareth avait méprisé la loi de Dieu et enseigné à ses disciples qu'elle n'était d'aucun effet. Mais après sa conversion, il le reconnut comme celui qui était venu dans le monde avec le dessein formel de rendre justice à la loi de son Père. Il fut convaincu que le Christ était à l'origine de tout le système juif des sacrifices. Il comprit que le type de la crucifixion avait rencontré son antitype, que Jésus avait accompli les prophéties de l'Ancien Testament comme Rédempteur d'Israël. CP 106 1 Dans la conversion de Saul, des principes importants nous sont révélés -- principes dont nous devrions toujours nous souvenir. En effet, Saul fut amené directement en la présence de Jésus. C'était lui que le Christ avait choisi pour la plus importante des tâches. Il devait être "un vase de choix" pour son service. Cependant, le Seigneur ne lui révéla pas immédiatement quelle était l'oeuvre qu'il lui assignait. Il l'arrêta sur son chemin et le convainquit de péché; mais quand Saul lui demanda: "Que veux-tu que je fasse?" le Sauveur le mit en rapport avec son Eglise, afin qu'il connaisse la volonté de Dieu à son sujet. CP 106 2 La merveilleuse lumière qui dissipa les ténèbres de Saul était l'oeuvre du Seigneur, mais il y en avait encore une autre qui incombait aux disciples. Le Christ avait accompli un travail de révélation et de conviction; maintenant, le pécheur repentant était dans les conditions voulues pour recevoir l'enseignement divin, par l'intermédiaire de ceux que Dieu avait désignés. CP 106 3 Pendant que Saul, dans la solitude de la maison de Judas, continuait à adresser au ciel des prières et des supplications, le Seigneur apparut en vision à un disciple de Damas, nommé Ananias, lui disant que Saul de Tarse était en prière et avait besoin de lui. "Lève-toi, va dans la rue qu'on appelle la droite, dit le divin messager, et cherche, dans la maison de Judas, un nommé Saul de Tarse. Car il prie, et il a vu un homme du nom d'Ananias, qui entrait, et qui lui imposait les mains, afin qu'il recouvrât la vue." CP 106 4 Ananias avait de la peine à croire aux paroles de l'ange, car le récit des persécutions cruelles des saints de Jérusalem, ordonnées par Saul, s'était répandu partout. Il se permit d'objecter: "Seigneur, j'ai appris de plusieurs personnes tous les maux que cet homme a fait à tes saints dans Jérusalem; et il a ici des pouvoirs de la part des principaux sacrificateurs, pour lier tous ceux qui invoquent ton nom." Mais l'ordre était impératif: "Va, car cet homme est un instrument que j'ai choisi, pour porter mon nom devant les nations, devant les rois, et devant les fils d'Israël." CP 107 1 Se soumettant à l'ordre de l'ange, Ananias se rendit donc vers l'homme qui avait tout récemment proféré des menaces contre ceux qui croyaient au nom de Jésus; et, imposant les mains à l'aveugle repentant, il lui dit: "Saul, mon frère, le Seigneur Jésus, qui t'est apparu sur le chemin par lequel tu venais, m'a envoyé pour que tu recouvres la vue et que tu sois rempli du Saint-Esprit. Au même instant, il tomba de ses yeux comme des écailles, et il recouvra la vue. Il se leva, et fut baptisé." CP 107 2 Ainsi, Jésus approuvait l'autorité de son Eglise organisée, et il plaçait Saul en relation avec ses serviteurs. C'est elle qui le représentait dans le monde, et c'est à elle qu'incombait la tâche de diriger le pécheur repentant sur le chemin de la vie. CP 107 3 De nombreux chrétiens pensent qu'ils n'ont qu'à s'en référer au Christ seul en ce qui concerne la vérité et leur expérience religieuse, et qu'ils n'ont nul besoin d'avoir recours à ses serviteurs. Il est vrai que Jésus est l'ami des pécheurs, et que son coeur est ému de compassion à leur égard. Il a tout pouvoir dans le ciel et sur la terre, mais il se sert des moyens qu'il a choisis pour éclairer et sauver les hommes. Il conduit les pécheurs à son Eglise, par laquelle il communique la lumière au monde. CP 107 4 Lorsque, égaré dans ses erreurs et ses préjugés, Saul eut la révélation du Christ qu'il avait persécuté, il fut mis en relation directe avec l'Eglise, qui est la lumière du monde. Dans ce cas, Ananias représente le Sauveur, de même que les ministres du Christ sur la terre chargés d'oeuvrer en son nom. A la place de Jésus, Ananias touche les yeux de Saul, afin qu'il recouvre la vue. A sa place, il lui impose les mains, et il prie en son nom pour que Saul reçoive le Saint-Esprit. Tout est accompli au nom et par l'autorité du Christ. C'est lui qui est la source, l'Eglise est le canal par lequel il se révèle. ------------------------Chapitre 13 -- Jours de préparation Ce chapitre est basé sur Actes 9:19-30. CP 109 1 Après son baptême, Saul "prit de la nourriture, et resta quelques jours avec les disciples qui étaient à Damas. Et aussitôt il prêcha dans les synagogues des Juifs que Jésus est le Fils de Dieu." Il affirmait avec hardiesse que Jésus de Nazareth était le Messie depuis longtemps attendu, qu'il "est mort pour nos péchés, selon les Ecritures; qu'il a été enseveli, et qu'il est ressuscité le troisième jour". Après quoi, il est apparu aux Douze et à d'autres. "Après eux tous, il m'est aussi apparu à moi, comme à l'avorton."1 Ses arguments, empruntés aux prophéties, étaient si concluants, et son travail accompagné d'une façon si manifeste de la puissance divine, que les Juifs en restaient confondus et ne pouvaient lui répondre. La nouvelle de la conversion de Saul leur causa une grande surprise. Lui qui s'était rendu à Damas, "avec l'autorisation et la permission des principaux sacrificateurs",2 pour persécuter les chrétiens, ce même Saul prêchait maintenant la bonne nouvelle du Sauveur crucifié, fortifiant ses disciples, et gagnant de nombreux prosélytes à la foi qu'il avait naguère si farouchement combattue. CP 110 1 Paul -- autre nom de Saul -- était réputé pour être un défenseur ardent de la religion juive, et un persécuteur acharné des chrétiens. Intrépide, indépendant, persévérant, ses talents et son éducation lui auraient permis de servir n'importe quelle cause avec compétence. Il pouvait discuter avec une remarquable clarté et, grâce à son sarcasme foudroyant, placer son adversaire dans une fâcheuse posture. Or, les Juifs voyaient maintenant ce jeune homme à l'avenir si extraordinaire s'unir à ceux qu'il avait persécutés, et prêcher résolument le nom de Jésus. CP 110 2 Dans une bataille, un général tué est perdu pour son armée, mais sa mort n'apporte aucune force supplémentaire à l'adversaire. Au contraire, lorsqu'un homme de valeur passe à l'ennemi, non seulement ceux qui le perdent sont privés de ses services, mais l'armée à laquelle il se rallie acquiert dans la bataille une supériorité décisive. Saul de Tarse, en se rendant à Damas, aurait pu être frappé mortellement par le Seigneur, privant ainsi les persécuteurs juifs d'une grande force. Cependant, Dieu, dans sa providence, non seulement lui épargna la vie, mais il le convertit, faisant ainsi passer un champion du camp de l'ennemi dans celui du Christ. Paul, orateur éloquent et critique sévère, au courage indomptable et aux desseins arrêtés, possédait toutes les qualités requises pour l'Eglise primitive. CP 110 3 Comme Paul prêchait le Christ à Damas, ceux qui l'entendaient étaient remplis d'étonnement, et disaient: "N'est-ce pas celui qui persécutait à Jérusalem ceux qui invoquent ce nom [du Christ], et n'est-il pas venu ici pour les emmener liés devant les principaux sacrificateurs?" L'apôtre déclarait que son changement de foi n'avait été déterminé ni par un sentiment d'impulsion ni par fanatisme, mais par l'évidence contraignante. Dans sa présentation de l'Evangile, il mettait en relief les prophéties relatives à la première venue du Christ. Il démontrait d'une manière concluante que ces prophéties avaient trouvé un accomplissement littéral dans la personne de Jésus de Nazareth. Sa foi était fondée sur "la parole certaine de la prophétie". CP 111 1 Tandis que Paul continuait à adresser des appels pressants à ses auditeurs étonnés pour qu'ils viennent "à la repentance et à la conversion à Dieu, avec la pratique d'oeuvres dignes de la repentance",3 il se fortifiait de plus en plus, et il confondait les Juifs qui habitaient à Damas, démontrant que Jésus est le Christ. Mais plusieurs endurcirent leurs coeurs, refusant de répondre à son message; et bientôt l'étonnement qu'ils avaient éprouvé à la nouvelle de sa conversion dégénéra en une haine farouche, semblable à celle manifestée envers le Christ. CP 111 2 L'opposition devint si forte qu'il ne lui fut pas possible de continuer son oeuvre à Damas. Un messager céleste l'invita à s'en éloigner pendant un certain temps, et "il partit pour l'Arabie",4 où il trouva un refuge sûr. Là, dans la solitude du désert, il put s'adonner à la méditation. Il examina avec calme sa vie passée et se repentit sincèrement. Il rechercha Dieu avec ferveur et ne s'accorda de repos que lorsqu'il eut acquis la certitude que le Seigneur agréait son repentir et pardonnait son péché. Il désirait ardemment être assuré de la présence de Jésus dans son futur ministère. Il mit de côté ses préjugés et les traditions qui, jusqu'alors, avaient modelé sa vie, et il puisa ses instructions à la source de la vérité. Jésus communia avec lui, l'affermit dans la foi, et lui accorda une mesure abondante de sagesse et de grâce. CP 111 3 Quand l'esprit de l'homme est amené en communion avec l'Esprit de Dieu, lorsque le fini est mis en contact avec l'infini, les résultats qui en découlent pour l'esprit, l'âme et le corps sont inestimables. Dans une telle communion se trouve la plus haute méthode d'éducation. C'est celle même employée par Dieu pour développer les facultés des hommes. "Attache-toi donc à Dieu",5 voilà son message à l'humanité. CP 111 4 La mission solennelle confiée à Paul, à l'occasion de son entrevue avec Ananias, pesait de plus en plus lourdement sur lui. Quand, en réponse aux paroles d'Ananias: "Saul, mon frère, recouvre la vue", l'apôtre avait regardé pour la première fois le visage de l'homme pieux, celui-ci, sous l'inspiration du Saint-Esprit lui avait dit: "Le Dieu de nos pères t'a destiné à connaître sa volonté, à voir le Juste, et à entendre les paroles de sa bouche; car tu lui serviras de témoin, auprès de tous les hommes, des choses que tu as vues et entendues. Et maintenant, que tardes-tu? Lève-toi, sois baptisé et lavé de tes péchés, en invoquant le nom du Seigneur."6 Ces paroles étaient en harmonie avec les paroles mêmes de Jésus qui déclara à Saul, en l'arrêtant sur le chemin de Damas: "Je te suis apparu pour t'établir ministre et témoin des choses que tu as vues et de celles pour lesquelles je t'apparaîtrai. Je t'ai choisi du milieu de ce peuple et du milieu des païens, vers qui je t'envoie, afin que tu leur ouvres les yeux, pour qu'ils passent des ténèbres à la lumière et de la puissance de Satan à Dieu, pour qu'ils reçoivent, par la foi en moi, le pardon des péchés et l'héritage avec les sanctifiés."7 CP 112 1 En méditant sur ces choses, Paul comprenait de plus en plus clairement la signification de l'appel qu'il avait reçu: "apôtre de Jésus-Christ par la volonté de Dieu".8 Cet appel lui était parvenu "non de la part des hommes, ni par un homme, mais par Jésus-Christ et Dieu le Père".9 La grandeur de la tâche qui s'offrait à lui l'amena à étudier plus à fond les saintes Ecritures, pour être apte à prêcher l'Evangile, "et cela sans la sagesse du langage, afin que la croix de Christ ne soit pas rendue vaine", "mais sur une démonstration d'Esprit et de puissance", de manière que la foi de tous ses auditeurs "fût fondée, non sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu".10 CP 112 2 En sondant les Ecritures, Paul apprenait qu'à travers les siècles, "il n'y a ni beaucoup de sages selon la chair, ni beaucoup de puissants, ni beaucoup de nobles qui sont appelés, mais que Dieu a choisi les choses folles du monde pour confondre les sages; Dieu a choisi les choses faibles du monde pour confondre les fortes; et Dieu a choisi les choses viles du monde et celles qu'on méprise, celles qui ne sont point, pour réduire au néant celles qui sont, afin que nulle chair ne se glorifie devant Dieu".11 Ainsi, considérant la sagesse du monde à la lumière de la croix, le seul but de Paul était "de ne savoir autre chose que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié".12 Au cours de son ministère, il ne perdit jamais de vue la source d'où lui venait sa sagesse et sa force. Ecoutez-le déclarer: "Christ est ma vie, et la mort m'est un gain."13 Et il ajoute: "Je regarde toutes choses comme une perte, à cause de l'excellence de la connaissance de Jésus-Christ mon Seigneur, pour lequel j'ai renoncé à tout [...] afin de gagner Christ, et d'être trouvé en lui, non avec ma justice, celle qui vient de la loi, mais avec celle qui s'obtient par la foi en Christ, la justice qui vient de Dieu par la foi, afin de connaître Christ, et la puissance de sa résurrection, et la communion de ses souffrances."14 CP 113 1 D'Arabie, Paul "revint encore à Damas",15 et prêcha courageusement au nom de Jésus. Incapable de combattre la sagesse de ses arguments, "les Juifs se concertèrent pour le tuer". Les portes de la ville étaient soigneusement gardées jour et nuit pour l'empêcher de s'enfuir. Cette épreuve amena les disciples à chercher Dieu avec ferveur. Finalement, une nuit, ils le prirent "et le descendirent par la muraille, dans une corbeille".16 CP 113 2 Après s'être échappé de Damas, Paul se rendit à Jérusalem, trois ans environ après sa conversion. Le but principal de cette visite était "de faire la connaissance de Céphas".17 En arrivant dans cette ville, où il était jadis bien connu sous le nom de "Saul le persécuteur", "il essaya de se joindre aux disciples; mais tous le craignaient, ne croyant pas qu'il fût un disciple". Il leur était difficile de croire qu'un pharisien si fanatique autrefois, qui avait tant fait pour anéantir l'Eglise, pouvait être devenu un disciple sincère de Jésus. "Alors Barnabas, l'ayant pris avec lui, le conduisit vers les apôtres, et leur raconta comment, sur le chemin, Saul avait vu le Seigneur, qui lui avait parlé, et comment, à Damas, il avait prêché franchement au nom de Jésus." CP 114 1 En apprenant cela, les disciples l'admirent comme l'un des leurs, et ils eurent bientôt de multiples preuves de sa sincérité. CP 114 2 Le futur apôtre des Gentils était maintenant dans la ville où se trouvaient plusieurs de ses anciens collaborateurs. A ces chefs juifs, il désirait vivement faire connaître les prophéties relatives au Messie -- prophéties qui avaient été accomplies par la venue du Sauveur. Il était persuadé que ces maîtres en Israël, qu'il avait si bien connus, étaient aussi sincères qu'il l'avait été lui-même. Mais il s'abusait sur leur état d'esprit; espérant leur rapide conversion, il était voué à de cruelles déceptions. Bien qu'il "s'exprimât en toute assurance au nom du Seigneur [...] et disputât avec les Hellénistes", ceux qui étaient à la tête de la religion juive refusèrent d'accepter son message, et ils "cherchaient à lui ôter la vie". Alors la tristesse envahit son coeur. Il aurait volontiers sacrifié sa vie, si par ce moyen il avait pu en amener quelques-uns à la vérité. Il était honteux du rôle qu'il avait joué lui-même pendant le martyre d'Etienne, et dans le désir ardent d'effacer la tache qui ternissait la vie de cet homme, aussi faussement accusé, il entreprit de défendre la cause pour laquelle les Juifs l'avaient fait mourir. CP 114 3 Paul priait dans le temple en faveur de ceux qui refusaient de croire, lorsqu'il fut ravi en extase -- comme il le déclare lui-même plus tard. Un messager céleste lui apparut alors, et lui dit: "Hâte-toi, et sors promptement de Jérusalem, parce qu'ils ne recevront pas ton témoignage sur moi."18 CP 114 4 Paul était enclin à rester à Jérusalem, où il pouvait affronter l'opposition des Juifs. Il lui semblait commettre un acte de lâcheté en fuyant. S'il avait pu convaincre de la vérité de l'Evangile quelques-uns des Juifs obstinés dans leur erreur, il serait resté, fût-ce au prix de sa vie. C'est pourquoi il répondit: "Seigneur, ils savent eux-mêmes que je faisais mettre en prison et battre de verges dans les synagogues ceux qui croyaient en toi, et que, lorsqu'on répandit le sang d'Etienne, ton témoin, j'étais moi-même présent, joignant mon approbation à celles des autres, et gardant les vêtements de ceux qui le faisaient mourir." Mais Dieu ne voulait pas que son disciple exposât inutilement sa vie. Le messager céleste répondit: "Va, je t'enverrai au loin vers les nations."19 CP 115 1 Lorsqu'ils eurent connaissance de la vision de Paul, les frères, craignant pour sa vie, hâtèrent secrètement sa fuite de Jérusalem. "Ils l'emmenèrent à Césarée, et le firent partir pour Tarse." Son départ arrêta pendant un certain temps la violente opposition des Juifs, et l'Eglise connut une période de répit au cours de laquelle lui furent ajoutés de nombreux croyants. ------------------------Chapitre 14 -- A la recherche de la Vérité Ce chapitre est basé sur Actes 9:32 à 11:18. CP 117 1 Au cours de son ministère, l'apôtre Pierre rendit visite aux chrétiens de Lydde. Là, il guérit Enée, paralysé depuis huit ans. "Enée, lui dit l'apôtre, Jésus-Christ te guérit; lève-toi, et arrange ton lit. Et aussitôt il se leva. Tous les habitants de Lydde et de Saron le virent, et ils se convertirent au Seigneur." CP 117 2 Il y avait à Joppé, près de Lydde, une femme nommée Dorcas, digne disciple de Jésus, très estimée pour ses bonnes oeuvres. Sa vie était remplie d'actions charitables. Elle savait qui avait besoin de vêtements chauds, de sympathie, et elle donnait généreusement aux pauvres et aux malheureux. Ses doigts habiles agissaient plus que sa langue. CP 117 3 Or, "elle tomba malade en ce temps-là, et mourut". Les chrétiens de Joppé comprirent l'importance de leur perte, et, apprenant que Pierre était à Lydde, ils lui envoyèrent des messagers pour le "prier de venir chez eux sans tarder. Pierre se leva, et partit avec ces hommes. Lorsqu'il fut arrivé, on le conduisit dans la chambre haute. Toutes les veuves l'entourèrent en pleurant, et lui montrèrent les tuniques et les vêtements que faisait Dorcas pendant qu'elle était avec elles." CP 118 1 L'apôtre fut ému de compassion devant le chagrin de ces femmes. Ordonnant qu'elles sortent de la chambre, il se mit à genoux et adressa au Seigneur une fervente prière pour qu'il redonne la vie et la santé à Dorcas. Puis, se tournant vers le corps inanimé, il dit: "Tabitha, lève-toi! Elle ouvrit les yeux, et ayant vu Pierre, elle s'assit." Dorcas rendait de grands services à l'église, et Dieu la ramena miraculeusement du royaume des ténèbres, car son activité et son courage pouvaient encore être en bénédiction aux malheureux. Dieu avait, en outre, par cette manifestation de sa puissance, l'occasion d'affermir la cause du Christ. CP 118 2 Pierre était encore à Joppé lorsque Dieu l'appela à se rendre chez Corneille, à Césarée. Ce dernier était un centenier romain, un homme riche et de haute lignée. Il occupait une place de confiance et d'honneur. Païen de naissance et d'éducation, il avait appris à connaître Dieu par ses rapports avec les Juifs, et il l'adorait de tout son coeur, montrant la sincérité de sa foi par l'intérêt qu'il portait aux pauvres. Il était réputé partout pour sa générosité, et sa vie exemplaire lui donnait du renom à la fois parmi les Juifs et les Gentils. Son influence était une bénédiction pour tous ceux avec qui il entrait en contact. L'Ecriture le décrit comme un homme "pieux qui craignait Dieu avec toute sa maison; il faisait beaucoup d'aumônes au peuple, et priait Dieu continuellement". CP 118 3 Croyant en Dieu comme Créateur de la terre et du ciel, Corneille le révérait, reconnaissant son autorité et ne faisant rien sans lui demander de le conduire. Il lui était fidèle dans sa vie privée, comme dans ses devoirs officiels. Il avait élevé un autel à Dieu dans sa demeure, car il n'osait s'engager dans quelque entreprise ou assumer des responsabilités sans son aide. CP 119 1 Bien que croyant aux prophéties et attendant le Messie promis, Corneille ignorait tout de l'Evangile révélé par la vie et la mort de Jésus. Il n'était pas rattaché à la religion juive, et il aurait été considéré par les rabbins comme un païen et un impur. Mais le même Dieu qui veille sur les siens, et qui dit d'Abraham "je le connais", connaissait aussi Corneille, et il envoya directement vers lui un messager du ciel. CP 119 2 L'ange apparut à Corneille, tandis qu'il était en prière. Et le centenier l'entendit qui l'appelait par son nom. Saisi d'effroi, il savait cependant que le messager était envoyé par Dieu, et il dit: "Qu'est-ce, Seigneur?" L'ange répondit: "Tes prières et tes aumônes sont montées devant Dieu, et il s'en est souvenu. Envoie maintenant des hommes à Joppé, et fais venir Simon, surnommé Pierre; il est logé chez un certain Simon, corroyeur, dont la maison est près de la mer." CP 119 3 La précision de ces ordres, qui signalaient la profession de l'homme chez qui Pierre logeait, montre que le ciel connaît la situation et les faits de la vie de chacun de nous. Dieu voit les expériences et les oeuvres du plus humble artisan, aussi bien que celles du monarque sur son trône. CP 119 4 "Envoie maintenant des hommes à Joppé, et fais venir Simon." Dieu donnait ainsi une marque évidente de sa considération pour le ministère évangélique et pour son Eglise organisée. L'ange n'était pas envoyé pour faire à Corneille le récit de la croix. C'est un homme, comme le centenier lui-même, enclin aux faiblesses et aux tentations, qui devait lui relater la crucifixion et la résurrection du Sauveur. CP 119 5 Pour le représenter ici-bas, Dieu ne choisit pas des anges qui n'ont jamais péché, mais des êtres humains, des hommes sujets aux mêmes passions que ceux qu'ils cherchent à sauver. Le Christ revêtit l'humanité pour atteindre l'humanité. C'est un Sauveur divino-humain qui devait apporter le salut au monde. Et c'est à des hommes et à des femmes qu'est confiée la tâche de faire connaître "les richesses incompréhensibles de Christ".1 CP 120 1 Dans sa sagesse, le Sauveur met en rapport ceux qui cherchent la vérité avec des personnes qui la connaissent. Selon les desseins de Dieu, les hommes qui ont reçu la lumière doivent en faire part à ceux qui sont plongés dans les ténèbres. Les chrétiens, en s'abreuvant à la grande source de la sagesse, sont des moyens par lesquels l'Evangile exerce sa puissance transformatrice sur les esprits et sur les coeurs. CP 120 2 Corneille obéit avec empressement à l'ordre de l'ange. Quand celui-ci eut disparu, le centenier "appela deux de ses serviteurs, et un soldat pieux d'entre ceux qui étaient attachés à sa personne; et, après leur avoir tout raconté, il les envoya à Joppé". CP 120 3 Après être apparu à Corneille, l'ange alla vers Pierre à Joppé. Ce dernier priait à ce moment-là sur le toit de sa maison, et l'Ecriture nous dit qu'il eut faim, et qu'il voulut manger. Pendant qu'on lui préparait de la nourriture, il tomba en extase. Ce n'était pas seulement une nourriture matérielle que Pierre désirait, tandis que du toit de sa maison, il contemplait la ville de Joppé et la campagne environnante. Il était assoiffé de salut pour ses compatriotes, et il avait le désir intense de leur parler des prophéties qui relataient les souffrances et la mort du Christ. Dans sa vision, l'apôtre "vit le ciel ouvert, et un objet semblable à une grande nappe attachée par les quatre coins, qui descendait et s'abaissait vers la terre, et où se trouvaient tous les quadrupèdes et les reptiles de la terre et les oiseaux du ciel. Et une voix dit: Lève-toi, Pierre, tue et mange. Mais Pierre dit: Non, Seigneur, car je n'ai jamais rien mangé de souillé ni d'impur. Et pour la seconde fois la voix se fit encore entendre à lui: Ce que Dieu a déclaré pur, ne le regarde pas comme souillé. Cela arriva jusqu'à trois fois; et aussitôt après, l'objet fut retiré dans le ciel." Cette vision était à la fois pour Pierre un reproche et un enseignement. Elle lui révélait le dessein de Dieu, à CP 121 4 savoir que, par la mort du Christ, les païens devenaient héritiers, comme les Juifs, de la grâce du salut. Jusqu'à ce moment-là les disciples n'avaient jamais prêché l'Evangile aux Gentils. Dans leur esprit, le mur de séparation, que la mort du Christ avait cependant fait tomber, était encore debout; ils avaient limité leur prédication aux Juifs, considérant les Gentils comme exclus des bienfaits de l'Evangile. Mais le Seigneur désirait enseigner à Pierre que le plan divin englobait le monde entier. CP 121 1 Un grand nombre de païens avait écouté avec intérêt la prédication de Pierre et des autres apôtres, et beaucoup de Juifs avaient cru en Jésus. Mais la conversion de Corneille devait être la première conversion importante parmi les païens. CP 121 2 Le moment était venu où une nouvelle tâche allait être entreprise par l'Eglise du Christ. La porte que de nombreux Juifs convertis avaient tenue fermée aux Gentils allait maintenant s'ouvrir sans plus tarder. Et les Gentils qui accepteraient l'Evangile devaient être considérés sur un pied d'égalité avec les croyants juifs, sans avoir besoin d'observer le rite de la circoncision. CP 121 3 Avec quel soin le Seigneur oeuvra pour vaincre les préjugés qui existaient contre les Gentils, préjugés si fermement implantés dans l'esprit de Pierre, par son éducation juive! En lui donnant la vision de la nappe et de son contenu, Dieu essaya d'enlever ces préjugés de l'esprit de l'apôtre et de lui faire comprendre l'importante vérité que dans le ciel aucune différence n'existe entre les individus, que les Juifs et les Gentils sont égaux devant Dieu, que par le Christ les païens peuvent avoir part aux bénédictions et aux privilèges de l'Evangile. CP 121 4 Pendant que Pierre méditait sur la signification de cette vision, les hommes envoyés par Corneille arrivèrent à Joppé, et se présentèrent à la porte de la maison de l'apôtre. Alors l'Esprit lui dit: "Voici, trois hommes te demandent; lève-toi, descends et pars avec eux sans hésiter, car c'est moi qui les ai envoyés." CP 122 1 Cet ordre paraissait dur à Pierre, et ce fut à regret qu'il s'acquitta du devoir dont il était chargé; mais il n'osa pas désobéir. Il descendit et alla vers les hommes envoyés par Corneille, et leur dit: "Voici, je suis celui que vous cherchez; quel est le motif qui vous amène?" Ils lui firent part de leur étrange mission, et répondirent: "Corneille, centenier, homme juste et craignant Dieu, et de qui toute la nation des Juifs rend un bon témoignage, a été divinement averti par un saint ange de te faire venir dans sa maison et d'entendre tes paroles." CP 122 2 Obéissant à l'ordre de Dieu, l'apôtre promit de partir avec ces hommes. Le lendemain matin, il s'en alla à Césarée, accompagné par six frères de Joppé. Ceux-ci devaient servir de témoins pour tout ce qu'il dirait ou ferait pendant son séjour chez les Gentils; car Pierre savait qu'on lui demanderait des comptes au sujet de sa violation formelle des enseignements des Juifs. CP 122 3 Lorsque Pierre entra dans la maison de Corneille, celui-ci ne le salua pas comme un visiteur ordinaire, mais comme un grand personnage envoyé par Dieu. En Orient, on a l'habitude de se prosterner devant les princes et les hauts dignitaires; de même, les enfants se prosternent devant leurs parents. Corneille, plein de déférence à l'égard de celui que Dieu lui envoyait pour l'instruire, tomba aux pieds de l'apôtre et l'adora. Saisi d'horreur, Pierre releva le centenier, et lui dit: "Lève-toi; moi aussi, je suis un homme." CP 122 4 Pendant que les messagers de Corneille s'acquittaient de leur mission, le centenier "avait invité ses parents et ses amis intimes", afin qu'ils puissent, comme lui, entendre prêcher l'Evangile. Lorsque Pierre arriva, il trouva donc un certain nombre de personnes prêtes à l'écouter. CP 122 5 Pierre parla à ses auditeurs des coutumes juives, et dit qu'il était considéré comme illégal de se mêler aux Gentils, que cette action impliquait une souillure cérémonielle. "Vous savez, leur dit-il, qu'il est défendu à un Juif de se lier avec un étranger ou d'entrer chez lui; mais Dieu m'a appris à ne regarder aucun homme comme souillé ou impur. C'est pourquoi je n'ai pas eu d'objection à venir, puisque vous m'avez appelé; je vous demande donc pour quel motif vous m'avez envoyé chercher." CP 123 1 Corneille raconta alors sa vision et les paroles que l'ange lui avait adressées, et il conclut, en disant: "Aussitôt j'ai envoyé vers toi, et tu as bien fait de venir. Maintenant donc nous sommes tous devant Dieu, pour entendre tout ce que le Seigneur t'a ordonné de nous dire." Pierre répondit: "En vérité, je reconnais que Dieu ne fait point acception de personnes, mais qu'en toute nation celui qui le craint et qui pratique la justice lui est agréable." CP 123 2 Alors, en présence de cet auditoire attentif, l'apôtre présenta le Christ, sa vie, ses miracles, la trahison dont il avait été victime, sa crucifixion, sa résurrection, son ascension, et l'oeuvre qu'il accomplit dans le ciel comme avocat et représentant de l'humanité. Et comme Pierre affirmait que Jésus est le seul espoir du pécheur, il comprenait plus complètement lui-même la signification de sa vision, et son coeur brûlait en présentant la vérité. CP 123 3 Soudain, le discours fut interrompu par l'effusion du Saint-Esprit. "Comme Pierre prononçait encore ces mots, le Saint-Esprit descendit sur tous ceux qui écoutaient la parole. Tous les fidèles circoncis qui étaient venus avec Pierre furent étonnés de ce que le don du Saint-Esprit était aussi répandu sur les païens. Car ils les entendaient parler en langues et glorifier Dieu." CP 123 4 "Alors Pierre dit: Peut-on refuser l'eau du baptême à ceux qui ont reçu le Saint-Esprit aussi bien que nous? Et il ordonna qu'ils fussent baptisés au nom du Seigneur." CP 123 5 Ainsi l'Evangile était annoncé aux inconnus et aux étrangers, les faisant "concitoyens des saints, gens de la maison de Dieu". Mais la conversion de Corneille et de sa maison ne constituait que les prémices d'une abondante moisson. Une grande oeuvre allait s'accomplir dans cette ville païenne. CP 124 1 Aujourd'hui, Dieu cherche à sauver des âmes parmi les grands comme parmi les humbles de ce monde. Il y a beaucoup d'hommes comme Corneille que le Seigneur désire mettre en contact avec ses serviteurs. Ils éprouvent de la sympathie pour le peuple de Dieu, mais les liens qui les rattachent au monde les enserrent trop étroitement. Il leur faut faire preuve d'un grand courage moral pour prendre position à l'égard du Christ. Des efforts tout particuliers devraient être tentés pour sauver ces âmes du danger qu'elles courent à cause de leur situation dans le monde et de leurs relations. CP 124 2 Aujourd'hui, Dieu a besoin d'hommes humbles et consciencieux pour faire connaître l'Evangile aux grands de la terre. De réelles conversions s'opéreront, qui seront de vrais miracles, et qui peuvent nous paraître invraisemblables. Les hommes puissants ne sont pas inaccessibles au pouvoir de celui qui opère des merveilles. Si ceux qui collaborent avec le Seigneur savent saisir les occasions favorables, en s'acquittant de leur tâche avec courage et fidélité, il amènera à la conversion des hommes qui occupent des situations en vue, des hommes savants et influents. Grâce à l'intervention du Saint-Esprit, beaucoup de ces gens accepteront les principes divins; et, une fois convertis, ils deviendront entre les mains du Seigneur des instruments destinés à communiquer la vérité à leurs semblables. Ils se sentiront tout particulièrement poussés à évangéliser les gens de cette classe que l'on néglige, et dont le temps et l'argent seront consacrés à l'oeuvre de Dieu; l'Eglise sera ainsi fortifiée et aura de nouvelles possibilités. CP 124 3 Parce que Corneille obéissait à toutes les instructions qui lui avaient été transmises, Dieu favorisa les événements, afin qu'il reçût une plus grande connaissance de la vérité. Un messager céleste fut envoyé auprès du centenier romain et de Pierre, pour que Corneille soit mis en contact avec celui qui pouvait lui communiquer plus de lumière. CP 125 1 Il y a dans le monde de nombreuses personnes qui sont plus près du royaume des cieux qu'on ne le suppose généralement. Dans les ténèbres du péché qui nous environnent, le Seigneur possède beaucoup de joyaux précieux vers lesquels il enverra ses messagers. Partout se trouvent des âmes qui se décideront pour le Christ, qui estimeront la sagesse divine bien plus grande que toutes les richesses de la terre, et deviendront de fidèles porte-flambeau. Contraints par l'amour du Christ, ces chrétiens en contraindront d'autres à venir à lui. CP 125 2 Lorsque les frères de Judée apprirent que Pierre était entré dans la maison d'un païen pour prêcher l'Evangile à ceux qui s'y étaient rassemblés, ils furent surpris et scandalisés. Ils eurent peur que cette initiative, jugée par eux présomptueuse, n'aille à l'encontre de son enseignement. Quand ils le rencontrèrent plus tard, ils lui adressèrent de vifs reproches, et lui dirent: "Tu es entré chez des incirconcis, et tu as mangé avec eux." CP 125 3 Pierre leur expliqua ce qui s'était passé. Il leur parla de sa vision, et leur déclara qu'il avait appris à ne plus faire de distinction entre celui qui est circoncis et celui qui ne l'est pas, ni à considérer les païens comme impurs. Il les entretint de l'ordre qui lui enjoignait d'aller vers les Gentils, du messager céleste qui lui avait été envoyé, de son voyage à Césarée et de la réunion chez Corneille. Il résuma enfin son entretien avec le centenier qui lui avait parlé de sa vision et de l'ordre que lui donna l'ange de venir le trouver. CP 125 4 "Lorsque je me fus mis à parler, dit-il, le Saint-Esprit descendit sur eux, comme sur nous au commencement. Et je me souvins de cette parole du Seigneur: Jean a baptisé d'eau, mais vous, vous serez baptisés du Saint-Esprit. Or, puisque Dieu leur a accordé le même don qu'à nous qui avons cru au Seigneur Jésus-Christ, pouvais-je, moi, m'opposer à Dieu?" CP 125 5 Le rapport de Pierre réduisit les frères au silence. Comprenant que la conduite de l'apôtre était conforme au dessein de Dieu, et que leurs préjugés étaient contraires à l'esprit de l'Evangile, ils glorifièrent le Seigneur, en disant: "Dieu a donc accordé la repentance aussi aux païens, afin qu'ils aient la vie." Ainsi, sans discussion, les préjugés tombèrent. On renonça à un exclusivisme séculaire, et la voie fut ouverte pour la proclamation de l'Evangile aux païens. ------------------------Chapitre 15 -- Délivré de prison Ce chapitre est basé sur Actes 12:1-23. CP 127 1 "Vers le même temps, le roi Hérode se mit à maltraiter quelques membres de l'Eglise." CP 127 2 Le gouvernement de la Judée était alors entre les mains d'Hérode Agrippa, représentant de Claude, empereur romain. Hérode occupait aussi la position de tétrarque de Galilée. C'était un prosélyte fervent de la foi israélite, qui paraissait très zélé dans la pratique des cérémonies de la loi juive. Désireux d'obtenir la faveur des Juifs, et dans l'espoir de s'assurer ainsi le pouvoir et les honneurs, il commença par satisfaire leurs désirs en persécutant l'Eglise du Christ, en ravageant les maisons et les biens des chrétiens, et en jetant en prison les principaux membres de l'Eglise. Il emprisonna Jacques, frère de Jean, qu'un bourreau fit périr par l'épée, comme Hérode Antipas avait fait décapiter Jean-Baptiste. Voyant que son attitude envers les chrétiens plaisait aux Juifs, il fit aussi emprisonner Pierre. CP 127 3 Les cruelles persécutions d'Hérode sévirent à l'époque de la Pâque, alors que les Juifs célébraient leur délivrance d'Egypte. Ceux-ci prétendaient observer avec ferveur la loi divine, mais en réalité ils en transgressaient chaque principe, en persécutant et en mettant à mort les disciples du Christ. CP 128 1 La mort de Jacques plongea les chrétiens dans la tristesse et la consternation. Lorsque Pierre fut à son tour emprisonné, toute l'Eglise se livra au jeûne et à la prière. L'acte d'Hérode, qui mit à mort l'apôtre Jacques, fut approuvé par les Juifs, bien que certains aient déploré la façon particulière dont cette mort avait eu lieu. Ils pensaient qu'une exécution publique aurait plus intimidé les chrétiens et ceux qui sympathisaient avec eux. C'est pourquoi Hérode fit arrêter Pierre dans l'espoir de plaire encore davantage aux Juifs, par le spectacle publique de son exécution. Cependant, on lui suggéra qu'il ne serait pas prudent de le faire mourir en l'exposant à la foule assemblée alors à Jérusalem. On risquerait ainsi d'exciter la pitié du peuple. CP 128 2 Les prêtres et les anciens craignaient aussi que Pierre ne fît, à cette occasion, un de ces appels pathétiques qui avaient si fréquemment poussé la foule à se pencher sur la vie et le caractère de Jésus -- appels que, malgré tous leurs arguments, ils n'avaient pas été capables de contredire eux-mêmes. CP 128 3 Le zèle de Pierre, en plaidant la cause du Christ, avait amené plusieurs d'entre eux à se déclarer pour l'Evangile. Les magistrats redoutaient que l'apôtre ne profitât de l'occasion offerte par son exécution pour défendre sa foi en présence de la foule venue à Jérusalem pour adorer, et que sa libération ne fût alors demandée au roi. CP 128 4 Tandis que sous différents prétextes l'exécution de Pierre était renvoyée après la Pâque, les membres de l'église en profitèrent pour se livrer au recueillement et à la prière fervente. Ils ne cessaient d'intercéder auprès du Seigneur en faveur de Pierre, car ils craignaient que la mort ne lui fût pas épargnée, et ils se rendaient compte que le moment était arrivé où, sans un secours spécial d'en haut, l'Eglise allait être anéantie. CP 129 1 Pendant ce temps, les adorateurs de tous pays se rendaient au temple, consacré au culte de l'Eternel. Eblouissant d'or et de pierres précieuses, il offrait une vision de splendide grandeur. Mais le Seigneur ne se trouvait pas dans cet édifice merveilleux, la nation d'Israël s'étant séparée de lui. Lorsque le Christ, vers la fin de son ministère, jeta un dernier coup d'oeil sur l'intérieur du temple, il dit: "Voici, votre maison vous sera laissée déserte."1 Jusque-là, ce sanctuaire était pour lui "la maison du Père"; mais lorsqu'il en franchit les portes pour la dernière fois, la présence de Dieu se retira pour toujours de cet édifice élevé à sa gloire. CP 129 2 Cependant, le jour de l'exécution de Pierre fut enfin fixé. Les prières des frères ne cessaient de monter vers le ciel en faveur de l'apôtre; et tandis qu'ils imploraient le Seigneur avec ferveur, les anges veillaient sur le prisonnier. CP 129 3 Comme les disciples s'étaient évadés de prison précédemment, Hérode redoubla de précautions. Pour prévenir toute tentative de fuite, Pierre fut confié à seize soldats qui se relayaient jour et nuit. Dans sa cellule deux chaînes le fixaient aux poignets de deux soldats entre lesquels il devait se tenir, et il lui était impossible de faire aucun mouvement à leur insu. Les portes de la prison étaient verrouillées et fortement gardées; donc, aucun moyen humain d'échapper. Mais c'est toujours dans les situations les plus désespérées que le Seigneur intervient. CP 129 4 La cellule où l'apôtre avait été enfermé était taillée dans le roc et les portes étaient garnies de barres et de solides verrous. Les gardiens seraient tenus pour responsables en cas d'évasion. Mais toutes ces précautions: verrous, barres, gardes, qui rendaient humainement impossible la délivrance de Pierre, devaient faire ressortir d'une façon éclatante le triomphe de Dieu. Hérode levait la main contre la toute-puissance du Créateur; il allait au-devant d'un échec complet. En exerçant cette puissance, le Seigneur sauverait la vie précieuse que les Juifs complotaient de supprimer. CP 130 1 C'est la nuit avant l'exécution. Un ange puissant est envoyé du ciel au secours de Pierre. Les portes solides, derrière lesquelles l'apôtre est enfermé, s'ouvrent d'elles-mêmes. L'ange du Très-Haut entre, et les portes se referment sans bruit derrière lui. Il pénètre dans la cellule où l'apôtre dort tranquillement, dans une paix parfaite. La lumière dont l'ange est enveloppé remplit le cachot, sans réveiller Pierre. Mais bientôt le messager céleste le touche, et lui dit: "Lève-toi promptement!" Alors, il se réveille, voit sa cellule inondée de lumière, tandis qu'un ange radieux se tient devant lui. Il obéit machinalement aux paroles qui lui sont adressées, et il s'aperçoit en se levant que les chaînes qui retenaient ses poignets sont tombées. CP 130 2 La voix du divin messager ordonne à nouveau: "Mets ta ceinture et tes sandales", et Pierre obéit machinalement encore, les yeux fixés d'étonnement sur son visiteur: il se croit le jouet d'un songe ou d'une vision. "L'ange lui dit encore: Enveloppe-toi de ton manteau, et suis-moi." Il se dirige alors vers la porte, et lui, si loquace à l'accoutumée, le suit muet de stupeur. Ils franchissent les premières gardes et atteignent la lourde porte verrouillée qui s'ouvre d'elle-même et se referme immédiatement, tandis que les sentinelles placées devant et derrière demeurent immobiles à leur poste. CP 130 3 Ils atteignirent la deuxième porte, gardée de la même manière. Elle s'ouvrit comme la première, sans qu'on entendît ni un grincement de gonds, ni un bruit de verrous. Ils la franchirent, et elle se referma à nouveau silencieusement. Ils passèrent aussi de même par la troisième porte et se trouvèrent en pleine rue. Nulle voix, nul bruit de pas ne se faisait entendre. L'ange glissait doucement devant Pierre, environné d'une lumière éblouissante, et l'apôtre frappé de stupeur, se croyant toujours le jouet d'un songe, suivait son libérateur. Ils débouchèrent ainsi dans une rue et, alors, sa mission ayant pris fin, l'ange disparut tout à coup. CP 130 4 La lumière céleste s'évanouit, et Pierre fut seul dans de profondes ténèbres. Tandis que ses yeux s'adaptaient à l'obscurité, et qu'elle lui parut diminuer peu à peu, il se trouva dans une rue silencieuse où l'air frais de la nuit caressa son visage. Il se rendit compte alors qu'il était libre et dans un quartier bien connu de la ville; il vit les lieux qu'il avait si souvent fréquentés et où il s'attendait à passer, le lendemain, pour la dernière fois. Il essaya de se rappeler les événements des heures qui venaient de s'écouler. Il se souvint de s'être endormi entre deux soldats après avoir enlevé ses sandales et son vêtement; or, il constatait maintenant qu'il était entièrement vêtu. Ses poignets gonflés par les fers cruels étaient libérés de leurs chaînes. Il se rendait compte que sa liberté n'était pas le résultat d'une illusion, ni d'un rêve, ni d'une vision, mais une bienheureuse réalité. Le matin où il devait être exécuté, un ange l'avait délivré de la prison et de la mort. "Revenu à lui-même, Pierre dit: Je vois maintenant d'une manière certaine que le Seigneur a envoyé son ange, et qu'il m'a délivré de la main d'Hérode et de tout ce que le peuple juif attendait." CP 131 1 L'apôtre se dirigea immédiatement vers la maison où ses frères s'étaient rassemblés pour intercéder en sa faveur. "Il frappa à la porte du vestibule, et une servante, nommée Rhode, s'approcha pour écouter. Elle reconnut la voix de Pierre; et, dans sa joie, au lieu d'ouvrir, elle courut annoncer que Pierre était devant la porte. Ils lui dirent: Tu es folle. Mais elle affirma que la chose était ainsi. Et ils dirent: C'est son ange. Cependant Pierre continuait à frapper. Ils ouvrirent, et furent étonnés de le voir. Pierre, leur ayant de la main fait signe de se taire, leur raconta comment le Seigneur l'avait tiré de la prison [...] Puis il sortit, et s'en alla dans un autre lieu." CP 131 2 La joie et la louange remplissaient le coeur des chrétiens, car Dieu avait exaucé leurs prières et délivré Pierre de la main d'Hérode. CP 131 3 Dès le matin, une grande foule se réunit pour assister à l'exécution de l'apôtre. Hérode envoya des officiers à la prison pour que Pierre fût amené au supplice avec un grand déploiement d'armes et de soldats, non seulement pour prévenir son évasion, mais dans l'intention d'impressionner tous les sympathisants. CP 132 1 Or, quand les soldats qui gardaient la porte de la prison découvrirent que Pierre s'était échappé, ils furent saisis de frayeur; car il avait été formellement mentionné qu'ils étaient passibles de mort, s'ils laissaient échapper leur prisonnier; c'est pourquoi ils s'étaient montrés particulièrement vigilants à son sujet. Quand les officiers arrivèrent à la prison pour y chercher l'apôtre, les soldats en gardaient encore la porte, les barres et les verrous étaient toujours assujettis, et les chaînes demeuraient fixées aux poignets des deux soldats, mais le prisonnier s'était enfui. CP 132 2 Hérode fut particulièrement irrité par le récit de cette fuite. Accusant les gardiens de négligence dans leur travail, il les fit mettre à mort. Il savait bien qu'aucune force humaine n'était intervenue en faveur de Pierre; mais il ne voulait pas avouer que la puissance divine avait frustré ses desseins, et il préféra défier Dieu. CP 132 3 Peu de temps après la libération de Pierre, Hérode se rendit à Césarée. Pendant son séjour là-bas, il fit donner de grandes réjouissances pour s'attirer l'admiration et la faveur du peuple. Ces fêtes avaient rassemblé les amateurs de plaisir de tous les coins de la ville, et l'on s'égaya et l'on but. Hérode se montra au peuple en grande pompe et avec apparat; il adressa à la foule un brillant discours. Revêtu de ses habits ruisselants d'or et d'argent dont les pans éblouissaient les spectateurs, il apparut dans un faste extraordinaire. La majesté de sa silhouette ainsi que son discours impressionnèrent fortement le peuple. Les sens déjà altérés par les plaisirs de la fête et par l'excès des boissons, tous étaient émerveillés par les ornements royaux d'Hérode, séduits par son aspect et son éloquence. Délirants d'enthousiasme, ils le couvrirent de paroles d'adulation et affirmèrent qu'aucun mortel ne pouvait offrir une majesté semblable, ni parler avec une telle éloquence. Et ils déclarèrent par la suite que, l'ayant toujours respecté comme gouverneur, ils l'adoreraient désormais comme un dieu. CP 133 1 Quelques-unes de ces voix qu'on entendait maintenant glorifier cet abject pécheur avaient, quelques années auparavant, poussé le frénétique cri de: "A bas Jésus! Crucifie-le! Crucifie-le!" Les Juifs avaient refusé de recevoir comme le Christ celui dont la robe modeste, usée par les voyages, recouvrait un coeur débordant d'amour divin. Leurs yeux ne pouvaient discerner, sous une aussi humble apparence, le Seigneur de vie et de gloire, bien que sa puissance fût révélée par des oeuvres que des hommes ordinaires ne pouvaient accomplir. Mais ils étaient prêts à adorer comme dieu le roi arrogant dont le magnifique vêtement tout chatoyant d'or et d'argent recouvrait un coeur cruel et corrompu. CP 133 2 Hérode savait qu'il ne méritait nullement les louanges et les hommages qu'on lui décernait; néanmoins, il accepta du peuple cet acte d'idolâtrie. Son coeur bondissait de joie devant le triomphe qu'on lui réservait, et une flamme d'orgueil satisfait éclairait son visage quand il entendit s'élever ce cri: "Voix d'un dieu, et non d'un homme!" CP 133 3 Mais un changement soudain s'opéra. Son visage pâlit comme celui d'un mort et fut ravagé par l'agonie De grosses gouttes de sueur ruisselaient de tous ses pores. Il demeura quelques instants immobile, comme figé par la douleur et la terreur, puis se tournant, livide, vers ses amis épouvantés, il s'écria: "Celui que vous avez divinisé est frappé à mort." CP 133 4 On l'emmena loin de cette scène d'apparat, au milieu des douleurs les plus violentes. Après avoir été l'objet de la louange et de l'adoration de cette grande foule, il se rendait compte qu'il était entre les mains d'un Roi plus puissant que lui. Le remords le saisit. Il se souvint des persécutions qu'il avait impitoyablement infligées aux disciples du Christ, de l'ordre cruel qu'il avait lancé contre Jacques, ce disciple innocent qu'il avait fait mourir; il se souvint de son intention de faire mettre à mort l'apôtre Pierre et de sa folle rage qu'il avait assouvie sur les gardiens de la prison. Il comprit que Dieu allait maintenant lui demander des comptes, à lui, l'impitoyable persécuteur. Il ne trouva aucun soulagement à ses souffrances physiques, aucun à son angoisse morale, et il n'en espéra point. CP 134 1 Hérode avait connaissance du commandement de Dieu, qui dit: "Tu n'auras pas d'autres dieux devant ma face."2 Il savait qu'en acceptant l'adoration du peuple, il avait mis le comble à l'iniquité et attiré sur lui la juste colère de l'Eternel. CP 134 2 L'ange même qui, des parvis célestes, était venu au secours de Pierre fut le messager de la colère de Dieu et de son jugement pour Hérode. Il avait frappé Pierre pour l'éveiller de son sommeil, mais ce fut d'une tout autre main qu'il frappa le roi vicieux; il bafoua son orgueil en lui infligeant le châtiment du Tout-Puissant. Hérode expira après une terrible agonie, sous le jugement réprobateur de Dieu. CP 134 3 Cette manifestation de la justice divine eut une profonde répercussion sur le peuple. La nouvelle que l'apôtre du Christ avait été miraculeusement délivré de la prison et de la mort, tandis que son persécuteur avait été frappé par la colère divine, fut propagée à travers tout le pays, et contribua à amener de nombreuses âmes au Christ. CP 134 4 Le cas de Philippe, conduit par un messager céleste pour se rendre vers le lieu où il devait rencontrer un ministre éthiopien à la recherche de la vérité, le cas de Corneille, qui reçut la visite d'un ange porteur d'un message divin, celui de Pierre jeté en prison et condamné à mort, délivré lui-même par un messager céleste, nous montrent la relation étroite qui existe entre la terre et le ciel. CP 134 5 Le récit des visites de ces anges devrait encourager et fortifier les serviteurs de Dieu. Aujourd'hui, comme aux jours apostoliques, ils parcourent la terre, cherchant à réconforter les affligés, à protéger les repentants, à gagner le coeur des hommes au Christ. Nous ne pouvons les voir personnellement; néanmoins ils sont près de nous, ils nous guident, nous dirigent et veillent sur nous. CP 135 1 Le ciel est rapproché de la terre grâce à cette échelle symbolique -- que vit le patriarche Jacob -- dont la base s'appuie fortement sur la terre, tandis que le sommet rejoint le trône de l'Infini. Sur cette échelle d'une luminosité éclatante, des anges montent et descendent sans cesse. Ils portent au Père céleste les prières de ceux qui sont dans le besoin et dans la détresse, et ils redescendent du ciel pour transmettre aux enfants des hommes la bénédiction et l'espoir. Ces anges de lumière nous élèvent jusqu'à l'invisible et l'éternel, et placent notre âme dans une atmosphère céleste. Notre oeil ne distingue pas leur aspect; ce n'est que spirituellement que nous voyons les choses célestes. De même, ce n'est que spirituellement que nous saisissons l'harmonie des voix d'en haut. CP 135 2 "L'ange de l'Eternel campe autour de ceux qui le craignent, et il les arrache au danger."3 Dieu envoie ses anges pour délivrer ses élus de la calamité, pour les préserver "de la peste qui marche dans les ténèbres, de la contagion qui frappe en plein midi".4 Maintes et maintes fois des anges ont parlé à l'homme comme l'homme parle à un ami, et ils ont souvent conduit des fidèles en lieux sûrs. Que de fois, par leurs paroles d'encouragement, n'ont-ils pas ranimé les forces défaillantes des âmes sincères! Et, les transportant en pensée au-dessus des contingences de la terre, ils ont permis aux croyants de contempler, par la foi, les robes blanches, les couronnes, les palmes de la victoire réservées aux vainqueurs pour le jour où ils seront rassemblés autour du grand trône blanc. CP 135 3 Les anges ont pour rôle de venir auprès des affligés, des souffrants, des pécheurs. Ils travaillent sans cesse en faveur de ceux pour qui le Christ est mort. Quand les hommes sont amenés à se donner au Sauveur, ces messagers en informent le ciel, et alors il y a une grande joie dans les armées angéliques. "Il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent, que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n'ont pas besoin de repentance."5 Les anges informent le ciel de chacun des efforts que nous tentons pour dissiper les ténèbres et répandre la connaissance du Christ. Lorsque le rapport de nos actes est transmis au Père, un tressaillement d'allégresse parcourt toute l'armée céleste. CP 136 1 Les principautés et les puissances d'en haut suivent avec vigilance les luttes que les serviteurs de Dieu soutiennent dans des circonstances apparemment décourageantes. De nouvelles victoires, de nouveaux triomphes doivent être remportés, lorsque les chrétiens, ralliés autour de la bannière du Rédempteur, s'engagent dans le bon combat de la foi. Tous les anges sont au service des croyants humbles et sincères, et pendant que les soldats de l'armée du Seigneur entonnent ici-bas leurs hymnes de louange, le choeur des anges se joint à eux pour glorifier Dieu et son Fils. CP 136 2 Nous devrions mieux comprendre la mission des anges. Rappelons-nous que chaque véritable enfant de Dieu peut compter sur l'aide effective des êtres célestes. Des armées invisibles, puissantes et glorieuses, entourent les débonnaires et les humbles qui ont foi dans les promesses divines. Les chérubins, les séraphins et les anges qui excellent en force et se tiennent à la droite de Dieu, "ne sont-ils pas tous des esprits au service de Dieu, envoyés pour exercer un ministère en faveur de ceux qui doivent hériter du salut"?6 ------------------------Chapitre 16 -- L'Evangile à Antioche Ce chapitre est basé sur Actes 11:19-26; 13:1-3. CP 137 1 Après que les disciples eurent été chassés de Jérusalem par la persécution, l'Evangile se répandit rapidement dans les régions voisines de la Palestine. Plusieurs petites communautés de croyants se formèrent dans les centres importants. Quelques-uns des disciples "allèrent jusqu'en Phénicie, dans l'île de Chypre et à Antioche, annonçant la parole". Leurs efforts se limitaient en général aux Hébreux et aux Hellénistes qui formaient alors de grandes colonies dans presque toutes les villes du monde. CP 137 2 Parmi les endroits où l'Evangile fut accueilli favorablement se trouvait Antioche, alors métropole de la Syrie. L'activité commerciale qui régnait dans cette cité populeuse y faisait affluer des gens de toutes nationalités. De plus, Antioche était recherchée par les amateurs de plaisir comme séjour d'agrément, à cause de son climat salubre, de ses environs pittoresques, de sa prospérité, de sa vie intellectuelle et de ses moeurs raffinées. Aux jours apostoliques, elle était devenue une ville de luxure et de licence. CP 138 1 L'Evangile fut prêché publiquement à Antioche par certains disciples de Chypre et de Cyrène "qui annoncèrent la bonne nouvelle du Seigneur Jésus. La main du Seigneur était avec eux", et leurs efforts laborieux furent couronnés de succès. "Un grand nombre de personnes crurent et se convertirent au Seigneur." CP 138 2 "Le bruit en parvint aux oreilles des membres de l'Eglise de Jérusalem, et ils envoyèrent Barnabas jusqu'à Antioche." Dans le nouveau champ de travail qui s'offrait à lui, Barnabas put constater qu'une oeuvre avait été déjà accomplie par la grâce divine. "Il s'en réjouit, et il les [tous les croyants] exhorta à rester d'un coeur ferme attachés au Seigneur." CP 138 3 Le travail de Barnabas à Antioche fut richement béni, et de nouveaux convertis étaient ajoutés aux chrétiens de cette ville. Tandis que l'oeuvre se développait ainsi, Barnabas se rendit compte qu'il avait besoin d'une aide compétente pour faire avancer le règne de Dieu, et il partit pour Tarse afin d'y chercher Paul qui, après son départ de Jérusalem, travaillait depuis quelque temps "dans les contrées de la Syrie et de la Cilicie [...] annonçant maintenant la foi, qu'il s'efforçait alors de détruire".1 Barnabas réussit à le trouver et à le persuader de venir à Antioche pour le seconder dans son ministère. CP 138 4 Dans cette cité populeuse, Paul trouva un excellent champ de travail. Sa culture, sa sagesse et son zèle exercèrent une profonde influence sur les habitants et les visiteurs de cette ville intellectuelle. Il répondait tout à fait à ce qu'en attendait Barnabas. Ainsi, pendant une année, les deux disciples travaillèrent en commun avec foi, apportant à maintes âmes la connaissance du salut par Jésus de Nazareth, Rédempteur du monde. CP 138 5 C'est à Antioche qu'on donna pour la première fois aux disciples le nom de chrétiens. On les appela ainsi parce que le Christ était le thème principal de leur prédication, de leur enseignement, de leur conversation. Ils faisaient sans cesse le récit des événements survenus pendant son ministère terrestre, alors que les disciples jouissaient de sa présence personnelle. Ils insistaient sur son enseignement, sur ses guérisons miraculeuses. Les lèvres tremblantes d'émotion, les yeux remplis de larmes, ils parlaient de son agonie dans le jardin de Gethsémané, de la trahison dont il avait été victime, de son jugement, de sa condamnation, de la patience et de l'humilité avec lesquelles il avait supporté les outrages et les tortures infligés par ses ennemis et du pardon que, dans sa grâce infinie, il avait demandé à Dieu pour ses persécuteurs. La résurrection du Christ, son ascension, son oeuvre dans le ciel en tant que médiateur au service de l'homme pécheur, étaient les thèmes principaux sur lesquels les disciples insistaient particulièrement. Les païens pouvaient bien les surnommer chrétiens, puisqu'ils prêchaient le Christ et qu'ils adressaient leurs prières au Seigneur, par lui. CP 139 1 Mais c'est Dieu qui, en réalité, décerna aux disciples le nom de chrétiens. Ce nom royal est donné à tous ceux qui s'unissent au Christ. C'est au sujet de ce nom que Jacques écrivit plus tard: "Et vous, vous avilissez le pauvre! Ne sont-ce pas les riches qui vous oppriment, et qui vous traînent devant les tribunaux? Ne sont-ce pas eux qui outragent le beau nom que vous portez?"2 Et Pierre déclara: "Si quelqu'un souffre comme chrétien, qu'il n'en ait point honte, et que plutôt il glorifie Dieu à cause de ce nom", et: "Si vous êtes outragés pour le nom de Christ, vous êtes heureux, parce que l'Esprit de gloire, l'Esprit de Dieu, repose sur vous."3 CP 139 2 Les chrétiens d'Antioche comprirent que le Seigneur désirait oeuvrer dans leurs vies, "car c'est Dieu, dit saint Paul, qui produit en vous le vouloir et le faire, selon son bon plaisir".4 Comme ils vivaient au milieu de gens qui semblaient attacher bien peu d'importance aux choses éternelles, ils s'efforcèrent d'attirer l'attention des hommes au coeur sincère sur l'éternité et de rendre un bon témoignage en faveur de celui qu'ils aimaient et qu'ils suivaient. Dans leur humble ministère, ils apprirent à compter sur la puissance du Saint-Esprit, afin de rendre plus efficace la parole éternelle. Ainsi, dans leurs différents modes de vie, ils rendaient journellement témoignage de leur foi en Christ. CP 140 1 L'exemple des disciples du Sauveur à Antioche devrait inspirer, aujourd'hui, tous les chrétiens qui vivent dans les grandes villes. Dieu désire que des hommes consacrés et capables soient envoyés dans les centres importants pour y annoncer l'Evangile. Il désire, de même, que les chrétiens qui vivent dans ces villes emploient leurs talents à gagner des âmes. De riches bénédictions sont réservées à tous ceux qui s'abandonnent entièrement au Seigneur. Au cours des efforts qu'ils tentent pour faire connaître l'Evangile, ces serviteurs de Dieu découvrent de nombreuses personnes prêtes à répondre à leur appel. CP 140 2 De nos jours, la cause de Dieu a besoin de représentants zélés des vérités bibliques. Les pasteurs ne suffisent pas pour accomplir la tâche réclamée par les grands centres. Le Seigneur adresse un appel, non seulement aux ministres, mais aussi aux docteurs, aux infirmières, aux colporteurs et aux laïques consacrés possédant des dons divers pour évangéliser les villes. CP 140 3 Le temps fuit rapidement, et le travail abonde. Tous les moyens doivent être mis en oeuvre pour tirer le meilleur parti possible des occasions qui se présentent à nous. CP 140 4 Les travaux de Paul à Antioche, avec la collaboration de Barnabas, fortifièrent en lui la conviction que Dieu l'avait appelé pour accomplir une tâche spéciale dans le monde païen. Au moment de sa conversion, le Seigneur avait déclaré qu'il devait être apôtre des Gentils, "afin, lui avait-il dit, que tu leur ouvres les yeux, pour qu'ils passent des ténèbres à la lumière et de la puissance de Satan à Dieu, pour qu'ils reçoivent, par la foi en moi, le pardon des péchés et l'héritage avec les sanctifiés".5 L'ange qui était apparu à Ananias avait dit de Paul: "Cet homme est un instrument que j'ai choisi, pour porter mon nom devant les nations, devant les rois, et devant les fils d'Israël."6 Et l'apôtre lui-même, au cours de son ministère, alors qu'il priait dans le temple, avait reçu la visite d'un ange qui lui avait dit: "Va, je t'enverrai au loin vers les nations."7 CP 141 1 Ainsi, le Seigneur ordonnait-il à Paul d'entrer dans le vaste champ missionnaire de la Gentilité. Afin de le préparer à cette tâche immense et ardue, il lui révéla dans une vision la splendeur de la gloire céleste. Il était réservé à l'apôtre de faire connaître "le mystère caché pendant des siècles",8 "le mystère de sa volonté".9 "Ce mystère n'a pas été manifesté aux fils des hommes dans les autres générations, comme il a été révélé maintenant par l'Esprit aux saints apôtres et prophètes de Christ. Ce mystère, c'est que les païens sont cohéritiers, forment un même corps, et participent à la même promesse de Jésus-Christ par l'Evangile, dont j'ai été fait ministre selon le don de la grâce de Dieu, qui m'a été accordée par l'efficacité de sa puissance. A moi, qui suis le moindre de tous les saints, cette grâce a été accordée d'annoncer aux païens les richesses incompréhensibles de Christ, et de mettre en lumière quelle est la dispensation du mystère caché de tout temps en Dieu qui a créé toutes choses, afin que les dominations et les autorités dans les lieux célestes connaissent aujourd'hui par l'Eglise la sagesse infiniment variée de Dieu, selon le dessein éternel qu'il a mis à exécution par Jésus-Christ notre Seigneur."10 CP 141 2 Dieu bénit abondamment le travail de Paul et de Barnabas pendant l'année qu'ils passèrent avec les chrétiens d'Antioche, mais ni l'un ni l'autre n'avaient encore été consacrés au ministère évangélique. Ils n'étaient pas encore arrivés au moment où Dieu allait leur conférer une tâche missionnaire difficile, qu'ils étaient appelés à exécuter avec le secours de l'Eglise. CP 141 3 "Il y avait dans l'Eglise d'Antioche, nous apprend saint Luc, des prophètes et des docteurs: Barnabas, Siméon appelé Niger, Lucius de Cyrène, Manahen [...] et Saul. Pendant qu'ils servaient le Seigneur dans leur ministère et qu'ils jeûnaient, le Saint-Esprit dit: Mettez-moi à part Barnabas et Saul pour l'oeuvre à laquelle je les ai appelés." Avant d'être envoyés comme missionnaires dans les pays païens, ces apôtres furent donc solennellement consacrés à Dieu par le jeûne, la prière et l'imposition des mains. Ils reçurent ainsi l'autorité de l'Eglise, non seulement pour enseigner la vérité, mais pour administrer le baptême et organiser des communautés, étant investis du plein pouvoir ecclésiastique. CP 142 1 L'Eglise entrait, à ce moment-là, dans une ère importante. La proclamation de l'Evangile aux Gentils allait être poursuivie avec ardeur, et il devait en résulter une riche moisson d'âmes. Les apôtres, qui avaient été choisis pour diriger cette oeuvre, seraient exposés à la suspicion, aux préjugés, à la jalousie. Leur enseignement, portant sur la suppression du "mur de séparation",11 qui avait longtemps existé entre les Juifs et les Gentils, les ferait naturellement accuser d'hérésie, et leur autorité comme ministres de l'Evangile serait mise en doute par de nombreux chrétiens zélés, venus du judaïsme. Mais Dieu avait prévu les difficultés auxquelles allaient se heurter les apôtres. Afin que leur travail fût au-dessus de tout reproche, l'Eglise, instruite par une révélation, les mit solennellement à part pour l'accomplissement de leur tâche. La consécration était la reconnaissance publique de leur mission divine, mission qui consistait à porter aux Gentils la bonne nouvelle de l'Evangile. CP 142 2 Paul et Barnabas avaient déjà reçu de Dieu lui-même leur mission. La cérémonie de l'imposition des mains ne leur conférait donc pas une bénédiction nouvelle, ou une capacité particulière. C'était une forme reconnue pour indiquer que quelqu'un était destiné à un ministère défini, et la confirmation de l'autorité de celui qui allait occuper ce ministère. Le sceau de l'Eglise était ainsi placé sur l'oeuvre du Seigneur. CP 142 3 Cette cérémonie revêtait une signification toute particulière aux yeux des Juifs. Lorsqu'un père bénissait ses enfants, il plaçait solennellement ses mains sur leurs têtes. Lorsqu'un animal était consacré pour le sacrifice, la main de celui qui était investi de l'autorité de prêtre était placée sur la tête de la victime. Et quand les pasteurs de l'église d'Antioche imposèrent les mains à Paul et à Barnabas, ils demandèrent à Dieu de placer sa bénédiction sur les apôtres qu'il avait choisis, dans l'accomplissement de la tâche qui leur était confiée. CP 143 1 Plus tard, on abusa de la cérémonie de l'imposition des mains. Une importance regrettable fut attachée à cet acte qui semblait conférer immédiatement, à celui qui en était l'objet, les qualités nécessaires à l'oeuvre du ministère. Mais dans la consécration de ces deux apôtres, rien n'indique qu'une vertu quelconque leur fut accordée par le simple fait de l'imposition des mains. On signale seulement leur consécration et l'importance que cet acte représente pour leur future tâche. CP 143 2 Les circonstances dans lesquelles Paul et Barnabas furent mis à part pour une oeuvre particulière, et cela par l'intermédiaire du Saint-Esprit, montrent clairement que le Seigneur agit dans son Eglise par les serviteurs qu'il a choisis. Des années auparavant, lorsque les intentions divines lui furent révélées par le Sauveur lui-même, l'apôtre fut immédiatement mis en contact avec des membres de l'église de Damas. L'église d'Antioche ne tarda pas non plus à être mise au courant de l'expérience personnelle du pharisien converti. Et maintenant que cette mission divine allait se préciser davantage, le Saint-Esprit, rendant à nouveau témoignage de Paul comme étant un instrument choisi pour porter l'Evangile aux Gentils, confia à cette église le soin de le consacrer au saint ministère, ainsi que Barnabas, son compagnon de service. Tandis que les conducteurs spirituels de l'église d'Antioche "servaient le Seigneur dans leur ministère et qu'ils jeûnaient, le Saint-Esprit dit: Mettez-moi à part Barnabas et Saul pour l'oeuvre à laquelle je les ai appelés." CP 143 3 Dieu a fait de son Eglise un instrument par lequel il communique sa volonté aux hommes. Il ne permet pas que l'un de ses serviteurs fasse une expérience indépendante ou contraire à celle de l'Eglise elle-même. Il ne donne pas non plus à un homme en particulier la connaissance de ses desseins pour toute l'Eglise, tandis qu'il laisse entièrement cette dernière, qui est le corps du Christ, dans une ignorance totale. Dans sa providence, il met étroitement en rapport ses serviteurs avec son Eglise, afin qu'ils aient moins de confiance en eux-mêmes, et se fient davantage aux hommes que Dieu dirige pour l'avancement de son règne. CP 144 1 Il y a toujours eu dans l'Eglise des membres portés à agir avec un esprit d'indépendance. Ils semblent incapables de comprendre que celui-ci conduit souvent l'homme à avoir une trop grande confiance en lui-même, à se fier à son propre jugement plutôt qu'à celui de ses frères et, en particulier, de ceux que Dieu a appelés pour remplir une tâche importante. Le Seigneur a investi son Eglise d'une autorité particulière, que personne n'a le droit de déprécier, car ce serait déprécier la voix de Dieu. CP 144 2 Ceux qui sont portés à considérer comme infaillible leur propre jugement, courent un grave danger. Satan s'efforce alors de les séparer des hommes de Dieu, véritables porte-lumière, par lesquels le Seigneur agit pour édifier et développer son oeuvre ici-bas. Dédaigner ou mépriser ceux qui sont chargés de diriger l'Eglise, c'est rejeter les moyens qu'il a donnés pour aider, encourager et fortifier son peuple. CP 144 3 Si un homme méprise ceux que le Seigneur a choisis pour accomplir son oeuvre, s'il croit qu'il ne recevra la lumière que de Dieu seul, il s'expose à être le jouet de Satan. CP 144 4 Dans sa sagesse, le Seigneur a prévenu ce danger en établissant des liens étroits entre les croyants; le chrétien doit être uni au chrétien et l'église à l'église. C'est ainsi que l'humain coopérera avec le divin. Chaque moyen employé par Dieu, pour son oeuvre, sera contrôlé par le Saint-Esprit. Tous les chrétiens seront unis pour agir avec méthode et sous une direction éclairée, afin d'apporter au monde la bonne nouvelle du salut. CP 144 5 Paul considéra sa consécration au ministère comme devant inaugurer une nouvelle époque de sa vie. C'est de ce moment-là qu'il fera dater son apostolat dans l'Eglise chrétienne. CP 145 1 Tandis que la lumière de l'Evangile brillait avec éclat à Antioche, une oeuvre importante était poursuivie à Jérusalem par les apôtres. Chaque année, à l'époque des fêtes, des Juifs venus de tous les pays se rendaient au temple de Jérusalem pour adorer. Quelques-uns de ces pèlerins étaient des croyants sincères qui étudiaient attentivement les prophéties. Ils attendaient avec impatience la venue du Messie promis. Or, tandis que ces étrangers affluaient à Jérusalem, les apôtres prêchaient le Christ avec un courage sans défaillance, n'ignorant pas que leur prédication mettait leur vie en péril. L'Esprit de Dieu plaça son sceau sur leur oeuvre; il y eut beaucoup de conversions. Les nouveaux prosélytes, en retournant chez eux, dans les diverses parties du monde, répandirent la semence de la vérité dans toutes les nations et toutes les classes de la société. CP 145 2 Parmi les apôtres qui prirent part à ce travail, on distingue Pierre, Jacques et Jean, qui avaient la ferme assurance d'être choisis par Dieu pour prêcher le Christ à leurs compatriotes. Ils travaillèrent avec fidélité et sagesse, rendant témoignage des choses qu'ils avaient vues et entendues. Ils faisaient appel à "la parole prophétique",12 afin "que toute la maison d'Israël sache donc avec certitude que Dieu a fait Seigneur et Christ ce Jésus" que les Juifs ont "crucifié".13 ------------------------Chapitre 17 -- Messagers de l'Evangile Ce chapitre est basé sur Actes 13:4-52. CP 147 1 Après leur consécration au ministère par les frères d'Antioche, Paul et Barnabas, "envoyés par le Saint-Esprit, descendirent à Séleucie, et de là ils s'embarquèrent pour l'île de Chypre". C'est ainsi que les apôtres entreprirent leur premier voyage missionnaire. CP 147 2 Chypre était une des régions où les chrétiens de Jérusalem s'étaient réfugiés au temps de la persécution qui suivit le meurtre d'Etienne. C'est de là que certains croyants s'étaient rendus à Antioche pour annoncer "la bonne nouvelle du Seigneur Jésus".1 Barnabas lui-même était "originaire de Chypre";2 maintenant, accompagné de Paul et de Jean-Marc, cousin de Barnabas, ils venaient dans cette île pour y annoncer l'Evangile. CP 147 3 La mère de Marc, convertie à la religion chrétienne, recevait chez elle les disciples du Christ. Là, ils étaient sûrs de trouver toujours un bon accueil, et, pour un certain temps, du repos. Ce fut au cours de l'une de ces visites des apôtres chez sa mère que Marc proposa à Paul et à Barnabas de les accompagner dans leur voyage missionnaire. La grâce de Dieu opérait dans son coeur, et il lui tardait de se consacrer entièrement au ministère évangélique. CP 148 1 "Arrivés à Salamine, [les apôtres] annoncèrent la parole de Dieu dans les synagogues des Juifs [...] Ayant ensuite traversé toute l'île jusqu'à Paphos, ils trouvèrent un certain magicien, faux prophète juif, nommé Bar-Jésus, qui était avec le proconsul Sergius Paulus, homme intelligent. Ce dernier fit appeler Barnabas et Saul, et manifesta le désir d'entendre la parole de Dieu. Mais Elymas, le magicien -- car c'est ce que signifie son nom -- leur faisait opposition, cherchant à détourner de la foi le proconsul." CP 148 2 Ce n'est pas sans combat que Satan consent que le royaume de Dieu soit établi sur la terre. Les forces du mal livrent une guerre sans merci à tout ce qui peut contribuer à la diffusion de l'Evangile, et les puissances des ténèbres sont particulièrement actives quand la vérité est proclamée à des hommes sincères et intègres. Il en fut ainsi quand Sergius Paulus, proconsul de Chypre, entendit les apôtres. Il leur avait fait demander de venir l'entretenir du message qu'ils prêchaient. Mais Satan, qui agissait alors par l'intermédiaire du magicien, s'efforça de le détourner de la vérité et de contrecarrer les desseins de Dieu. CP 148 3 Le diable s'acharne toujours à garder dans ses rangs les hommes influents qui pourraient rendre de grands services à la cause de Dieu, s'ils se convertissaient. Mais que le fidèle serviteur de l'Evangile ne craigne pas d'être vaincu par l'ennemi, car grâce à la puissance d'en haut, il peut résister à toute influence satanique. CP 148 4 Bien que subissant les assauts répétés de Satan, Paul eut le courage de réprimander Elymas, agent de l'ennemi. "Rempli du Saint-Esprit, [l'apôtre] fixa les regards sur lui, et dit: Homme plein de toute espèce de ruse et de fraude, fils du diable, ennemi de toute justice, ne cesseras-tu point de pervertir les voies droites du Seigneur? Maintenant voici, la main du Seigneur est sur toi, tu seras aveugle, et pour un temps tu ne verras pas le soleil. Aussitôt l'obscurité et les ténèbres tombèrent sur lui, et il cherchait, en tâtonnant, des personnes pour le guider. Alors le proconsul, voyant ce qui était arrivé, crut, étant frappé de la doctrine du Seigneur." CP 149 1 Le magicien avait fermé les yeux à l'évidence de la vérité évangélique. Justement irrité, le Seigneur le priva de la lumière du jour. Cette cécité momentanée devait le pousser au repentir. La confusion dans laquelle il se trouva plongé déjoua ses artifices contre la doctrine du Christ. En tâtonnant dans les ténèbres, Elymas montrait que les miracles des apôtres, qu'il avait dénoncés comme de simples tours de prestidigitateurs, étaient vraiment l'oeuvre de Dieu. Le proconsul, convaincu de la vérité de la doctrine enseignée par les apôtres, accepta l'Evangile. CP 149 2 Elymas n'était pas un homme cultivé. Pourtant, il était particulièrement apte à accomplir l'oeuvre de Satan. Ceux qui prêchent les vérités divines rencontreront sous différentes formes les ruses de l'ennemi, parfois chez des personnes instruites, mais le plus souvent chez des êtres ignorants que Satan a formés pour tromper les âmes. Le ministre du Christ a comme devoir de rester fidèle à son poste, dans la crainte de Dieu et sa toute-puissance. C'est ainsi qu'il pourra mettre en déroute les armées de Satan et triompher au nom du Seigneur. CP 149 3 Paul et sa suite continuèrent leur route; ils se rendirent à Perge, en Pamphylie. Leur voyage était fatigant, ils connurent les souffrances et les privations; le péril les menaçait de tous côtés. Dans les villes et les villages qu'ils traversaient, le long de leur route solitaire, ils étaient environnés de dangers prévus ou imprévus; mais ils avaient appris à compter sur la puissance divine pour être délivrés du péril. Leurs coeurs étaient pleins d'un amour ardent pour les âmes qui périssent. Comme de fidèles bergers à la recherche des brebis errantes, ils s'oubliaient eux-mêmes. Lassés, affamés, tremblants de froid, ils ne perdaient pas courage; ils n'avaient en vue qu'une seule chose: le salut des âmes qui s'étaient égarées loin du troupeau. CP 150 1 C'est ici que Marc, gagné par la crainte et le découragement, hésita pendant un certain temps à se donner entièrement à l'oeuvre du Seigneur. Peu habitué aux difficultés, il perdit courage devant les périls et les privations de la route. Il avait travaillé avec succès au milieu de circonstances favorables; maintenant, devant l'opposition et les difficultés qui menacent si souvent le pionnier, il ne sut pas supporter l'épreuve comme un bon soldat de la croix. Il devait encore apprendre à affronter le danger et la persécution. Comme les apôtres avançaient au milieu de nombreux obstacles, Marc se laissa intimider; il perdit courage, refusa d'aller plus loin, et retourna à Jérusalem. CP 150 2 Cette désertion incita Paul à juger Marc défavorablement et même sévèrement pendant un certain temps. Barnabas, d'autre part, était enclin à l'excuser à cause de son inexpérience. Il désirait que Marc ne quittât pas le ministère, car il voyait en lui des talents qui lui permettraient d'être utile à la cause du Christ. Dans les années qui suivirent, sa sollicitude envers Marc fut largement récompensée, car le jeune homme se donna sans réserve au Seigneur et à la proclamation du message de l'Evangile, dans des champs de travail difficiles. Il devint un excellent missionnaire, grâce à la bénédiction divine et à la sage formation de Barnabas. CP 150 3 Paul se réconcilia plus tard avec Marc et le prit comme compagnon de service. Il le recommanda aux Colossiens comme son collaborateur "pour le royaume de Dieu", et ayant été pour lui "une consolation".3 Peu de temps avant sa mort, l'apôtre parle encore de Marc comme lui étant "utile pour le ministère".4 CP 150 4 Après le départ de Marc, Paul et Barnabas visitèrent Antioche de Pisidie. Le jour du sabbat, ils se rendirent à la synagogue. "Après la lecture de la loi et des prophètes, les chefs de la synagogue leur envoyèrent dire: Hommes frères, si vous avez quelque exhortation à adresser au peuple, parlez." Etant ainsi invité à parler, "Paul se leva, et, ayant fait signe de la main, il dit: Hommes Israélites, et vous qui craignez Dieu, écoutez!" Un magnifique discours s'ensuivit alors, où Paul rappela l'histoire du peuple hébreu, la manière dont le Seigneur l'avait délivré de la servitude égyptienne, la promesse qu'il lui avait faite d'un Sauveur, descendant de David. Et il déclara hardiment: "C'est de la postérité de David que Dieu, selon sa promesse, a suscité à Israël un Sauveur, qui est Jésus. Avant sa venue, Jean avait prêché le baptême de repentance à tout le peuple d'Israël. Et lorsque Jean achevait sa course, il disait: Je ne suis pas celui que vous pensez; mais voici, après moi vient celui des pieds duquel je ne suis pas digne de délier les souliers." Il prêchait ainsi avec puissance Jésus, le Sauveur des hommes, le Messie de la prophétie. CP 151 1 Après avoir fait cette déclaration, Paul dit: "Hommes frères, fils de la race d'Abraham, et vous qui craignez Dieu, c'est à vous que cette parole de salut a été envoyée. Car les habitants de Jérusalem et leurs chefs ont méconnu Jésus, et, en le condamnant, ils ont accompli les paroles des prophètes." CP 151 2 L'apôtre n'hésita pas à dire toute la vérité au sujet du rejet du Sauveur par les chefs juifs: "Quoiqu'ils ne trouvassent en lui rien qui fût digne de mort, déclara l'apôtre, ils ont demandé à Pilate de le faire mourir. Et, après qu'ils eurent accompli tout ce qui est écrit de lui, ils le descendirent de la croix et le déposèrent dans un sépulcre. Mais Dieu l'a ressuscité des morts. Il est apparu pendant plusieurs jours à ceux qui étaient montés avec lui de la Galilée à Jérusalem, et qui sont maintenant ses témoins auprès du peuple. Et nous, nous vous annonçons cette bonne nouvelle que la promesse faite à nos pères, Dieu l'a accomplie pour nous leurs enfants, en ressuscitant Jésus, selon ce qui est écrit dans le Psaume deuxième: Tu es mon Fils, je t'ai engendré aujourd'hui. Qu'il l'ait ressuscité des morts, de telle sorte qu'il ne retournera pas à la corruption, c'est ce qu'il a déclaré, en disant: Je vous donnerai les grâces saintes promises à David, ces grâces qui sont assurées. C'est pourquoi il dit encore ailleurs: Tu ne permettras pas que ton Saint voie la corruption." CP 152 1 Alors, ayant montré clairement comment les prophéties concernant le Messie s'étaient accomplies, Paul prêcha la repentance et la rémission des péchés par les mérites de Jésus: "Sachez donc, hommes frères, dit-il, que c'est par lui que le pardon des péchés vous est annoncé, et que quiconque croit est justifié par lui de toutes les choses dont vous ne pouviez être justifiés par la loi de Moïse." CP 152 2 L'Esprit de Dieu accompagnait les paroles de Paul, et les coeurs étaient touchés. Le rappel fait par l'apôtre des prophéties de l'Ancien Testament, ses déclarations concernant leur accomplissement par Jésus de Nazareth, convainquirent de nombreuses âmes qui attendaient impatiemment le Messie promis. Et les paroles de l'orateur, affirmant que la bonne nouvelle du salut était aussi bien pour les Gentils que pour les Juifs, apportèrent la joie et l'espérance à tous ceux qui n'étaient pas considérés comme les enfants d'Abraham selon la chair. CP 152 3 "Lorsqu'ils sortirent [de la synagogue], on les pria de parler le sabbat suivant sur les mêmes choses." A l'issue de l'assemblée, "beaucoup de Juifs et de prosélytes pieux suivirent Paul et Barnabas, qui s'entretinrent avec eux, et les exhortèrent à rester attachés à la grâce de Dieu". La curiosité fut excitée à Antioche de Pisidie par le discours de Paul, si bien que le sabbat suivant rassembla "presque toute la ville [...] pour entendre la parole de Dieu. Les Juifs, voyant la foule, furent remplis de jalousie, et ils s'opposaient à ce que disait Paul, en le contredisant et en l'injuriant. Paul et Barnabas leur dirent avec assurance: C'est à vous premièrement que la parole de Dieu devait être annoncée; mais, puisque vous la repoussez, et que vous vous jugez vous-mêmes indignes de la vie éternelle, voici, nous nous tournons vers les païens. Car ainsi nous l'a ordonné le Seigneur: Je t'ai établi pour être la lumière des nations, pour porter le salut jusqu'aux extrémités de la terre. CP 152 4 "Les païens se réjouissaient en entendant cela, ils glorifiaient la parole du Seigneur, et tous ceux qui étaient destinés à la vie éternelle crurent." Leurs coeurs débordaient de joie de ce que le Christ les reconnaissait comme enfants de Dieu, et ils écoutaient attentivement la prédication de la Parole. Ceux qui se convertissaient étaient remplis de zèle pour communiquer aux autres le message évangélique, et ainsi "la parole du Seigneur se répandait dans tout le pays". CP 153 1 Des siècles auparavant, l'Ecriture avait prédit cette moisson d'âmes chez les Gentils. Mais ces paroles prophétiques n'avaient été comprises que confusément. Le prophète Osée avait dit: "Cependant le nombre des enfants d'Israël sera comme le sable de la mer, qui ne peut ni se mesurer ni se compter; et au lieu qu'on leur disait: Vous n'êtes pas mon peuple! on leur dira: Fils du Dieu vivant!" Et encore: "En ce jour-là, j'exaucerai, dit l'Eternel, j'exaucerai les cieux, et ils exauceront la terre; la terre exaucera le blé, le moût et l'huile, et ils exauceront Jizreel."5 CP 153 2 Le Seigneur lui-même, pendant son ministère terrestre, prophétisa la diffusion de l'Evangile parmi les Gentils. Dans la parabole de la vigne, il déclara aux Juifs impénitents: "Le royaume de Dieu vous sera enlevé, et sera donné à une nation qui en rendra les fruits."6 Et après sa résurrection, il ordonna à ses disciples d'aller vers "toutes les nations", et de les enseigner. Ceux-ci ne devaient pas manquer d'annoncer "la bonne nouvelle à toute la création".7 CP 153 3 En prêchant l'Evangile aux païens, Paul et Barnabas n'oublièrent pas les Juifs partout où ils avaient l'occasion de s'adresser à eux. A Thessalonique, à Corinthe, à Ephèse et dans d'autres centres importants, les apôtres parlaient du Christ à la fois aux Juifs et aux Gentils, mais leurs efforts se portaient principalement vers les régions païennes, vers ces peuples qui ne connaissaient ni le vrai Dieu, ni son Fils. CP 153 4 Le coeur de Paul et de ses compagnons de travail était ému de compassion pour ceux qui étaient "sans Christ, privés du droit de cité en Israël, étrangers aux alliances de la promesse, sans espérance et sans Dieu dans le monde". Tout au long de leur inlassable ministère, les apôtres apprirent aux Gentils, "étrangers et gens du dehors", jadis éloignés, qu'ils avaient été "rapprochés par le sang de Christ" et que par la foi en son sacrifice expiatoire, ils pouvaient devenir "concitoyens des saints, gens de la maison de Dieu".8 CP 154 1 Avançant par la foi, Paul travaillait inlassablement à l'édification du royaume de Dieu parmi ceux que les docteurs d'Israël avaient négligés. Il exaltait sans cesse le Christ comme "le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs",9 et exhortait les croyants à être "enracinés et fondés en lui, et affermis par la foi".10 CP 154 2 L'apôtre déclarait que, pour ceux qui croient, le Christ est un fondement sûr. Sur cette pierre vivante, Juifs et Gentils peuvent bâtir; elle est assez vaste pour recevoir tout le monde, assez solide pour soutenir le poids et les fardeaux de l'humanité. Vers la fin de son ministère, Paul, s'adressant à un groupe de païens convertis qui étaient restés fermes dans l'amour des vérités évangéliques, écrivait: "Vous avez été édifiés sur le fondement des apôtres et des prophètes, Jésus-Christ lui-même étant la pierre angulaire."11 CP 154 3 Tandis que l'Evangile se répandait en Pisidie, les Juifs incroyants, aveuglés par leurs préjugés, "excitèrent les femmes dévotes de distinction et les principaux de la ville; ils provoquèrent une persécution contre Paul et Barnabas, et ils les chassèrent de leur territoire". CP 154 4 Mais ces mauvais traitements ne découragèrent pas les apôtres; ils se souvenaient des paroles de leur Maître: "Heureux serez-vous, lorsqu'on vous outragera, qu'on vous persécutera et qu'on dira faussement de vous toute sorte de mal, à cause de moi. Réjouissez-vous et soyez dans l'allégresse, parce que votre récompense sera grande dans les cieux; car c'est ainsi qu'on a persécuté les prophètes qui ont été avant vous."12 CP 154 5 Le message évangélique ne cessait de progresser, à la grande joie des apôtres dont les efforts avaient été si abondamment bénis parmi les habitants d'Antioche de Pisidie. Les nouveaux convertis qu'ils quittèrent et qui devaient poursuivre seuls, pendant un certain temps, l'oeuvre qu'ils avaient commencée, étaient, eux aussi, "remplis de joie et du Saint-Esprit". ------------------------Chapitre 18 -- L'Evangile chez les païens Ce chapitre est basé sur Actes 14:1-26. CP 157 1 D'Antioche de Pisidie, Paul et Barnabas gagnèrent Icone. Là, ils commencèrent à prêcher dans la synagogue des Juifs, comme ils le firent à Antioche. Ils remportèrent un vif succès: "une grande multitude de Juifs et de Grecs crurent". Mais à Icone, comme dans d'autres villes, les Juifs incrédules "excitèrent et aigrirent les esprits des païens contre les frères". CP 157 2 Cependant les apôtres ne se détournèrent pas de leur mission, car nombreux étaient ceux qui acceptaient l'Evangile. Tenant tête à l'opposition, à la jalousie, aux préjugés, ils continuèrent leur tâche, "parlant avec assurance, appuyés sur le Seigneur", et Dieu "rendait témoignage à la parole de sa grâce et permettait qu'il se fît par leurs mains des prodiges et des miracles". Ces signes d'approbation divine avaient une profonde influence sur les esprits ouverts au message, et les nouveaux convertis se multipliaient. CP 157 3 La popularité croissante de l'Evangile prêché par les apôtres remplit les Juifs incrédules de jalousie et de haine, et ils décidèrent de mettre un terme rapide à l'oeuvre de Paul et de Barnabas. Par des rapports outrés et faux, ils réussirent à convaincre les autorités du danger d'insurrection que ces hommes faisaient courir à la ville entière. Ils déclarèrent qu'un grand nombre de personnes s'attachaient à eux, et insinuèrent que c'était pour des fins inconnues et dangereuses. CP 158 1 Ces accusations obligèrent les disciples à paraître fréquemment devant les autorités. Mais leur bon droit était si manifeste, leurs arguments si pertinents, leurs déclarations relatives au message qu'ils prêchaient si calmes, si convaincantes, qu'un mouvement favorable se dessina en leur faveur. CP 158 2 Bien que les magistrats aient été prévenus contre les apôtres par des faux témoignages, ils n'osaient pas les condamner. Ils ne pouvaient s'empêcher de reconnaître que leur prédication tendait à faire des hommes vertueux, des citoyens respectueux de la loi, et que la moralité et l'ordre de la cité s'amélioreraient si les vérités qu'ils enseignaient étaient mises en pratique. CP 158 3 Malgré l'opposition, le message divin acquérait une grande popularité. Les Juifs s'aperçurent que leurs efforts pour entraver l'oeuvre des nouveaux prédicateurs ne faisaient qu'accroître le nombre des adeptes. "La population de la ville se divisa: les uns étaient pour les Juifs, les autres pour les apôtres." CP 158 4 Les chefs juifs étaient si courroucés par la tournure des événements qu'ils décidèrent d'avoir recours à la violence pour arriver à leurs fins. Ils excitèrent les plus viles passions de la foule ignorante et tapageuse, et réussirent à créer une sédition qu'ils attribuèrent aux enseignements des disciples. Ils espéraient, grâce à cette fausse accusation, gagner la faveur des magistrats et réaliser ainsi leurs projets. Ils décidèrent de ne pas permettre aux apôtres de se défendre, mais de faire intervenir le public qui lapiderait sûrement Paul et Barnabas, mettant ainsi fin à leur travail. CP 159 1 Les amis des apôtres, bien qu'incrédules, les avertirent de ce malicieux projet et leur conseillèrent de ne pas s'exposer inutilement à la fureur de la foule, mais de sauver leur vie. Paul et Barnabas quittèrent donc secrètement Icone, laissant aux croyants le soin de continuer, pendant quelque temps, l'oeuvre de Dieu. Mais ils ne laissaient pas cette ville définitivement: ils étaient bien résolus à y revenir dès que les événements se seraient apaisés pour achever l'oeuvre qu'ils y avaient commencée. CP 159 2 En tout temps et en tout lieu, les serviteurs de Dieu se sont heurtés à l'opposition la plus farouche de la part des hommes qui rejettent délibérément les vérités célestes. Souvent, grâce au mensonge et à l'hypocrisie, ceux-ci ont paru triompher en fermant les portes devant les messagers divins. Mais ces portes ne sauraient rester closes indéfiniment. Les prédicateurs de l'Evangile qui ont repris, après un certain temps, la tâche abandonnée, ont souvent découvert que le Seigneur avait travaillé avec puissance en leur faveur, leur permettant ainsi d'élever des monuments à la gloire de son nom. CP 159 3 Chassés d'Icone par la persécution, les apôtres se rendirent à Lystre et à Derbe, en Lycaonie. Ces villes se composaient en grande partie de païens superstitieux. Néanmoins, il s'en trouva parmi eux qui étaient prêts à recevoir l'Evangile. C'est dans ces villes et les régions avoisinantes qu'ils décidèrent de travailler, espérant ainsi éviter les préjugés juifs et échapper à la persécution. CP 159 4 Il n'y avait pas de synagogue à Lystre, bien que certains Juifs résidassent dans cette ville. Un grand nombre d'habitants adoraient dans un temple dédié à Jupiter. Lorsque Paul et Barnabas firent leur apparition à Lystre, et y exposèrent les vérités fondamentales de l'Evangile, beaucoup de païens voulurent voir un rapport entre ces nouvelles doctrines et le culte superstitieux qu'ils professaient pour Jupiter. Les apôtres cherchèrent à communiquer à ces idolâtres une connaissance du Dieu créateur et de son Fils, le Sauveur de l'humanité. Ils attirèrent d'abord leur attention sur les oeuvres merveilleuses de Dieu: le soleil, la lune, les étoiles, la succession remarquable des saisons, les montagnes aux neiges éternelles, les arbres majestueux et d'autres miracles de la nature qui sont autant de témoignages d'une grandeur dépassant l'intelligence humaine. Au moyen des oeuvres du Tout-Puissant, les apôtres dirigeaient les esprits des païens vers la contemplation du grand Maître de l'univers. CP 160 1 Quand ils eurent exposé avec toute la clarté désirable les vérités fondamentales concernant le Créateur, les apôtres parlèrent aux Lystriens du Fils de Dieu qui était venu du ciel sur la terre, poussé par son amour pour les enfants des hommes. Ils les entretinrent de sa vie et de son ministère, de son rejet par ceux qu'il était venu sauver, de son jugement, de sa crucifixion, de sa résurrection, de son ascension au ciel où il intercède auprès du Père en notre faveur. Ainsi, avec l'esprit et la puissance d'en haut, Paul et Barnabas proclamaient l'Evangile à Lystre. CP 160 2 Un jour, alors qu'il parlait au peuple de l'oeuvre du Christ en faveur des malades et des affligés, Paul vit parmi ses auditeurs un boiteux dont les yeux étaient fixés sur lui, et qui était profondément intéressé par ce qu'il entendait. L'apôtre éprouva de la sympathie pour ce malheureux en qui il discernait un homme qui "avait la foi pour être guéri". En présence de cette assemblée idolâtre, il ordonna au paralytique de se lever. Jusqu'alors, le malade n'avait pu que s'asseoir; il obéit instantanément à l'ordre de Paul et, pour la première fois de sa vie, il se tint sur ses pieds. La force vint avec cet acte de foi, et celui qui avait été paralysé "se leva d'un bond et marcha". CP 160 3 "A la vue de ce que Paul avait fait, la foule éleva la voix, et dit en langue lycaonienne: Les dieux sous une forme humaine sont descendus vers nous." Cette déclaration était en harmonie avec une tradition de ce peuple selon laquelle les dieux visitaient parfois la terre. Barnabas fut appelé Jupiter, le père des dieux, à cause de son vénérable aspect, de son port digne, de la douceur bienveillante de sa physionomie. Ils prirent Paul pour Mercure, "parce que c'était lui qui portait la parole", qu'il était énergique et grave et prêchait avec éloquence. CP 161 1 Les Lystriens, désireux de montrer leur gratitude envers les apôtres, persuadèrent le prêtre de Jupiter d'honorer Paul et Barnabas. Il "amena des taureaux avec des bandelettes vers les portes, et voulait, de même que la foule, offrir un sacrifice". Les apôtres qui s'étaient retirés pour se reposer n'étaient pas avertis de ces préparatifs de fête. Bientôt, cependant, leur attention fut attirée par de la musique et les cris d'enthousiasme de la foule qui s'était amassée devant la maison où ils séjournaient. Quand ils se rendirent compte de la raison qui amenait les Lystriens à manifester avec tant d'exaltation, ils "déchirèrent leurs vêtements, et se précipitèrent au milieu de la foule", espérant empêcher de plus grandes démonstrations. CP 161 2 Dominant les clameurs de la foule, Paul réclama son attention. Le tumulte s'apaisa. "O hommes, dit-il, pourquoi agissez-vous de la sorte? Nous aussi, nous sommes des hommes de la même nature que vous; et, vous apportant une bonne nouvelle, nous vous exhortons à renoncer à ces choses vaines, pour vous tourner vers le Dieu vivant, qui a fait le ciel, la terre, la mer, et tout ce qui s'y trouve. Ce Dieu, dans les âges passés, a laissé toutes les nations suivre leurs propres voies, quoiqu'il n'ait cessé de rendre témoignage de ce qu'il est, en faisant du bien, en vous dispensant du ciel les pluies et les saisons fertiles, en vous donnant la nourriture avec abondance et en remplissant vos coeurs de joie." CP 161 3 Mais, bien que les apôtres aient nié leur divinité, bien que Paul se soit acharné à tourner l'esprit de la foule vers le vrai Dieu, le seul digne de l'adoration des hommes, il lui fut presque impossible d'empêcher celle-ci d'offrir un sacrifice en leur honneur. Les païens étaient si fermement convaincus de la divinité de Paul et de Barnabas, leur enthousiasme pour eux était si grand, qu'ils avaient bien du mal à reconnaître leur erreur. "A peine [les apôtres] purent-ils, par ces paroles, dit l'Ecriture, empêcher la foule de leur offrir un sacrifice." CP 162 1 Les Lystriens affirmaient avoir constaté de leurs propres yeux le miracle opéré par les apôtres. Ils avaient vu, en effet, un paralytique de naissance, rendu ingambe et jouissant maintenant d'une force et d'une santé parfaites. Paul eut beaucoup de mal à leur faire comprendre que Barnabas et lui-même étaient des représentants du Dieu des cieux ainsi que de son Fils, le souverain docteur. Alors la foule se décida à abandonner son dessein de les adorer comme des dieux. CP 162 2 Mais l'oeuvre de Paul et de Barnabas fut brusquement interrompue par la malice de certains Juifs d'Antioche et d'Icone qui, informés des succès des apôtres, avaient décidé de les suivre et de les persécuter. En arrivant à Lystre, ces Juifs réussirent rapidement à inspirer à la foule la même haine que celle qui les animait. Ils usèrent de paroles calomnieuses et diffamatoires, si bien que ceux qui avaient considéré Paul et Barnabas comme des êtres divins furent persuadés qu'ils étaient en réalité des sujets dangereux qui méritaient la mort. CP 162 3 Le désappointement que les Lystriens avaient éprouvé, lorsqu'il leur fut refusé d'offrir un sacrifice aux apôtres, les prépara à se tourner contre ceux-ci avec une frénésie comparable à celle qui les animait lorsqu'ils les avaient salués comme des dieux. Excités par les Juifs, ils résolurent d'attaquer les apôtres par la force. Il leur fut recommandé de ne pas permettre à Paul de prêcher, car si on lui accordait ce privilège, il réussirait à subjuguer la foule. CP 162 4 Les desseins meurtriers des ennemis de l'Evangile ne tardèrent pas à être mis à exécution. Les Lystriens cédèrent à l'influence de Satan: en proie à une rage démoniaque, ils saisirent Paul et le lapidèrent sans pitié. L'apôtre crut alors sa dernière heure venue. Le martyre d'Etienne et le rôle cruel qu'il avait lui-même joué à cette occasion, lui revinrent à l'esprit d'une façon saisissante. Couvert de contusions, brisé par la douleur, il s'affaissa sur le sol et la foule déchaînée le traîna "hors de la ville, pensant qu'il était mort". CP 163 1 Pendant cette sombre et tragique épreuve, les disciples de Lystre, convertis par l'intermédiaire de Paul et de Barnabas, demeuraient fidèles et sincères. L'opposition irraisonnée, la persécution cruelle qu'ils rencontraient chez leurs ennemis ne faisaient que raffermir leur foi. Maintenant, en butte au danger et au mépris, ils manifestaient leur loyauté en se rassemblant, le coeur brisé, autour de celui qu'ils croyaient mort. CP 163 2 Mais quel ne fut pas leur étonnement lorsque, au milieu de leurs lamentations, ils virent l'apôtre soulever tout à coup la tête et se dresser sur ses pieds avec des louanges sur les lèvres! Ce rétablissement inespéré du serviteur de Dieu parut à leurs yeux comme un miracle de la puissance divine, et il leur sembla placer sur eux le sceau du ciel. Leur joie toucha au délire, et ils louèrent le Seigneur avec une ferveur nouvelle. CP 163 3 Parmi les convertis de Lystre, qui avaient été témoins des souffrances de Paul, il en était un qui allait devenir un instrument puissant pour le Christ, et partager avec l'apôtre les épreuves et les joies d'un travail d'avant-garde dans les champs difficiles. C'était un jeune homme du nom de Timothée. Lorsque Paul fut traîné hors de la ville pour être lapidé, ce jeune homme était parmi ceux qui assistaient au supplice, et qui le virent se relever meurtri et tout couvert de sang, mais avec des louanges sur les lèvres, parce qu'il lui avait été permis de souffrir pour l'amour du Christ. CP 163 4 Le jour qui suivit la lapidation de Paul, les apôtres partirent pour Derbe. Là, leur travail fut richement béni, et de nombreuses âmes furent amenées au Sauveur. Mais quand "ils eurent évangélisé cette ville et fait un certain nombre de disciples", ni Paul, ni Barnabas ne voulurent entreprendre un travail dans une nouvelle région sans affermir la foi des convertis qu'ils avaient laissés seuls pendant un certain temps dans les endroits où ils étaient passés. Ainsi, bravant le danger, "ils retournèrent à Lystre, à Icone et à Antioche, fortifiant l'esprit des disciples, les exhortant à persévérer dans la foi". CP 164 1 Beaucoup de ceux qui avaient accepté la bonne nouvelle du salut s'étaient exposés à l'opposition et à la critique. Les apôtres s'attachèrent à les affermir, afin de ne pas avoir travaillé en vain. Le soin avec lequel ils les entourèrent fut un facteur important dans le développement de leur vie spirituelle. Ils organisèrent des églises en Lycaonie et en Pisidie, partout où se trouvaient des chrétiens. Des anciens furent nommés dans chaque église, et l'ordre et la méthode introduits dans les affaires qui concernaient le bien spirituel des frères. Ceci était en accord avec le but que se proposait l'Evangile, à savoir: unir tous les disciples du Christ en un seul corps, et c'est ce but que Paul s'efforça d'atteindre pendant tout son ministère. CP 164 2 Partout où, grâce à ses efforts, un certain nombre de païens reconnaissaient le Christ comme leur Sauveur, l'apôtre les constituaient en église. Il procédait de même dans les endroits où les chrétiens étaient peu nombreux. Il les exhortait alors à s'entraider, et à se souvenir de la promesse qui avait été faite par Jésus: "Là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d'eux."1 CP 164 3 Paul n'oublia jamais les églises ainsi organisées. Le souci qu'il en avait pesait sur son coeur comme un fardeau dont le poids allait croissant. Pour si petite que fût une communauté, elle était cependant l'objet de sa constante sollicitude. Il veillait avec une affection toute particulière sur les petites églises, se rendant compte qu'elles réclamaient un soin spécial, que ses membres devaient être fermement établis dans la vérité, afin de pouvoir à leur tour travailler avec ardeur en faveur de ceux qui les entouraient. CP 164 4 Dans toutes leurs entreprises missionnaires, Paul et Barnabas cherchaient à suivre l'exemple du Christ, exemple fait de sacrifice volontaire, de labeurs incessants pour les âmes. Toujours en éveil, débordants d'ardeur, infatigables, ils ne pensaient jamais à leur tranquillité personnelle. Avec des prières ferventes, ils allaient, inlassablement, semant la parole de vie. En répandant ainsi l'Evangile, ils s'efforçaient d'inculquer à tous ceux qui acceptaient le Christ un enseignement pratique, d'une inestimable valeur. Cet esprit de ferveur et de révérence envers Dieu imprimait sur l'âme des nouveaux disciples un sentiment durable à l'égard du message évangélique. CP 165 1 Lorsque des hommes d'avenir et de talent, comme ce fut le cas pour Timothée, se convertissaient, Paul et Barnabas cherchaient avant tout, et avec une ardeur spéciale, à leur montrer la nécessité de travailler dans la vigne du Maître. Et quand les apôtres se dirigeaient ailleurs, la foi de tels hommes ne fléchissait pas, mais au contraire augmentait. Fidèlement instruits dans les voies du Seigneur, ils savaient comment travailler avec désintéressement, zèle et persévérance pour le salut de leurs semblables. CP 165 2 Cet enseignement qui s'attachait à suivre avec soin le développement spirituel des premiers chrétiens, fut un important facteur dans les succès remarquables qui couronnèrent les travaux en pays païens de Paul et de Barnabas. CP 165 3 Le premier voyage missionnaire s'achevait rapidement. Les apôtres, après avoir confié au Seigneur les églises nouvellement organisées, se dirigèrent en Pamphylie; ils "annoncèrent la parole à Perge, et descendirent à Attalie. De là ils s'embarquèrent pour Antioche". ------------------------Chapitre 19 -- Juifs et Gentils Ce chapitre est basé sur Actes 15:1-35. CP 167 1 En arrivant à Antioche de Syrie, d'où ils avaient été envoyés en mission, Paul et Barnabas profitèrent de la première occasion pour rassembler les croyants et leur raconter "tout ce que Dieu avait fait avec eux, et comment il avait ouvert aux nations la porte de la foi".1 L'église d'Antioche était grande et prospère. C'était un centre missionnaire actif, l'un des plus importants groupes chrétiens. Ses membres étaient recrutés dans toutes les classes de la société, parmi lesquelles se trouvaient des Juifs et des Gentils. CP 167 2 Pendant que les apôtres s'unissaient aux anciens et aux membres de l'église d'Antioche pour gagner des âmes au Christ, "quelques-uns du parti des pharisiens, qui avaient cru", réussirent à soulever une question qui allait susciter bientôt une grande controverse dans l'Eglise, et jeter la consternation parmi les nouveaux convertis de la Gentilité. CP 168 1 Avec une grande assurance, ces docteurs judaïsants affirmaient que pour être sauvé, il fallait être circoncis et observer toute la loi cérémonielle. CP 168 2 Paul et Barnabas réagirent aussitôt contre cette fausse doctrine et s'opposèrent à l'introduction de ce point de vue chez les Gentils. Mais de nombreux Juifs convertis d'Antioche approuvèrent la position de leurs frères venus récemment de Judée. CP 168 3 Les Juifs avaient de la peine à comprendre les desseins de la Providence divine. D'après les résultats obtenus par le travail des apôtres chez les Gentils, il était évident que le nombre des convertis dépassait de beaucoup celui des Juifs. Or ceux-ci craignaient que si les prescriptions et les cérémonies de leurs lois n'étaient pas rendues obligatoires chez les Gentils, comme condition d'entrée dans l'Eglise, les caractéristiques de la nationalité juive qui, jusqu'alors, les avaient distingués des autres peuples, finiraient par disparaître. CP 168 4 Les Juifs s'étaient toujours glorifiés du rôle divin qui leur avait été attribué; plusieurs de ceux qui s'étaient convertis au christianisme pensaient encore que puisque Dieu leur avait clairement indiqué autrefois la manière hébraïque d'adorer, aucun changement ne devait être apporté à ce qui était établi. Ils insistaient pour que les lois et les cérémonies juives soient incorporées dans les rites de la religion chrétienne. Ils étaient lents à comprendre que tous les sacrifices cérémoniels n'avaient fait que préfigurer la mort du Fils de Dieu en qui le type avait rencontré son antitype et que, désormais, les rites et les cérémonies de la dispensation mosaïque cessaient d'être obligatoires. CP 168 5 Avant sa conversion, Paul s'était considéré comme irréprochable "à l'égard de la justice de la loi".2 Mais depuis que son coeur avait été changé, il concevait plus nettement la mission du Sauveur, Rédempteur de l'humanité tout entière, aussi bien des Gentils que des Juifs, et il savait faire la différence entre une foi vivante et un formalisme sans vie. A la lumière de l'Evangile, les anciens rites et les cérémonies confiés à Israël prenaient une signification nouvelle et plus profonde. Ce qui n'était que l'ombre de la réalité avait disparu, et ceux qui vivaient sous la dispensation évangélique en étaient affranchis. Cependant, Paul respectait l'esprit et la lettre de la loi immuable des dix commandements. CP 169 1 Dans l'église d'Antioche, la question de la circoncision donna lieu à de grandes discussions et à de nombreuses disputes. Finalement, les fidèles, craignant que le résultat de ces discussions sans fin n'amenât une division parmi eux, décidèrent d'envoyer Paul et Barnabas, ainsi que quelques membres influents de l'église, à Jérusalem, pour présenter le cas devant les apôtres et les anciens. Ils devaient y rencontrer des délégués des différentes communautés, ainsi que ceux qui y étaient venus pour assister aux fêtes prochaines. Toute discussion relative à la circoncision devait cesser jusqu'à la décision finale de l'assemblée générale. Cette décision serait universellement adoptée par les églises. CP 169 2 En allant à Jérusalem, les apôtres rendaient visite aux chrétiens des villes qu'ils traversaient; ils les encourageaient en faisant le récit de leurs travaux au service de Dieu et de la conversion des païens. CP 169 3 A Jérusalem, les délégués d'Antioche rencontrèrent les frères des diverses églises qui s'étaient réunies pour la grande assemblée, et ils leur firent part des succès qui avaient couronné leurs efforts parmi les Gentils. Puis ils donnèrent un résumé précis de la confusion produite par les déclarations de certains pharisiens convertis, venus à Antioche, qui prétendaient que, pour être sauvés, les païens devaient être circoncis et observer la loi de Moïse. CP 169 4 Cette affaire fut chaudement débattue par l'assemblée. D'autres questions du même genre demandaient également une étude attentive. L'une d'elles se rapportait à l'attitude que l'on devait adopter au sujet des viandes sacrifiées aux idoles. De nombreux Gentils convertis vivaient au milieu d'un peuple ignorant et superstitieux qui offrait fréquemment des sacrifices aux dieux. Les prêtres des cultes idolâtres faisaient du commerce avec ces offrandes. Les Juifs craignaient que les païens convertis ne discréditent la religion chrétienne en consommant ces viandes, et ne sanctionnent ainsi, dans une certaine mesure, les coutumes païennes. CP 170 1 Les Gentils avaient aussi l'habitude de manger la chair des animaux étouffés. Or les Juifs avaient reçu de Dieu des instructions spéciales concernant les bêtes destinées à la consommation. Le sang devait s'écouler du corps de l'animal, autrement la viande était considérée comme impure. Ces ordonnances données aux Juifs avaient un but sanitaire, et ceux-ci considéraient comme pécheur celui qui absorbait du sang. Ils savaient que ce dernier représente la vie et que son effusion est la conséquence du péché. CP 170 2 Les païens, au contraire, avaient l'habitude de recueillir le sang qui s'échappait de la victime expiatoire, et ils le consommaient. Les Juifs ne pouvaient comprendre qu'on devait changer les coutumes adoptées à la suite des instructions particulières de Dieu. Les choses se présentaient de telle manière que si les Juifs et les Gentils mangeaient à la même table, les uns étaient offensés et outragés par les autres. CP 170 3 Les Gentils, et les Grecs en particulier, avaient des moeurs très dissolues, et il était à craindre que ceux qui n'étaient pas convertis fassent profession de foi sans renoncer pour cela à la pratique du mal. Les chrétiens juifs ne pouvaient tolérer l'immoralité que les païens considéraient à la légère. C'est pourquoi les Juifs jugèrent qu'il fallait imposer la circoncision et l'observance de la loi cérémonielle aux païens convertis pour mettre ainsi à l'épreuve la sincérité de leur foi. Ils croyaient empêcher, de cette manière, que soient ajoutés à l'Eglise des membres qui, embrassant la foi sans la vraie conversion, discréditent la cause de Dieu par leur immoralité et leurs excès. CP 170 4 Les différents points de la question en litige paraissaient présenter pour l'assemblée d'insurmontables difficultés; mais le Saint-Esprit avait déjà résolu cette affaire, et de sa décision allait dépendre la prospérité, sinon l'existence même de l'Eglise. CP 171 1 "Une grande discussion s'étant engagée, Pierre se leva, et leur dit: Hommes frères, vous savez que dès longtemps Dieu a fait un choix parmi vous, afin que, par ma bouche, les païens entendissent la parole de l'Evangile et qu'ils crussent." Et Pierre expliqua que le Saint-Esprit avait réglé le conflit en descendant avec autant de puissance sur les Gentils incirconcis que sur les Juifs circoncis. Il relata sa vision: Dieu lui avait présenté une nappe remplie de toutes espèces de quadrupèdes, et lui avait donné l'ordre de tuer et de manger. Mais il avait refusé et affirmé n'avoir jamais mangé ce qui était souillé ou impur. Une voix lui dit alors: "Ce que Dieu a déclaré pur, ne le regarde pas comme souillé."3 CP 171 2 Pierre donna l'interprétation de ces paroles prononcées presque immédiatement avant l'ordre qu'il avait reçu d'aller trouver le centenier et de l'instruire dans la foi en Jésus. Ce message prouvait que Dieu ne fait acception de personne, mais qu'il reçoit et reconnaît pour siens tous ceux qui le craignent. L'apôtre raconta son étonnement lorsque, après avoir prêché la Parole divine à ceux qui étaient réunis dans la maison de Corneille, il assista à l'effusion du Saint-Esprit sur les auditeurs, tant Juifs que Gentils. La même lumière, le même rayonnement resplendissait sur le visage des Gentils incirconcis comme sur celui des Juifs circoncis. Dieu lui avait ainsi fait comprendre que l'on ne devait pas considérer l'un inférieur à l'autre, car le sang du Christ peut laver de toute souillure. CP 171 3 Déjà, auparavant, Pierre avait expliqué à ses frères comment Corneille, ses amis et ses relations s'étaient convertis. Alors qu'il racontait de quelle manière le Saint-Esprit était descendu sur les Gentils, il déclara: "Or, puisque Dieu leur a accordé le même don qu'à nous qui avons cru au Seigneur Jésus-Christ, pouvais-je, moi, m'opposer à Dieu?"4 Puis, avec la même ferveur persuasive, il ajouta: "Dieu, qui connaît les coeurs, leur a rendu témoignage, en leur donnant le Saint-Esprit comme à nous; il n'a fait aucune différence entre nous et eux, ayant purifié leurs coeurs par la foi. Maintenant donc, pourquoi tentez-vous Dieu, en mettant sur le cou des disciples un joug que ni nos pères ni nous n'avons pu porter?" CP 172 1 Ce joug n'était pas celui des dix commandements, contrairement à l'affirmation de ceux qui s'opposent aux obligations de la loi morale. Pierre faisait allusion ici à la loi cérémonielle qui fut annulée par la crucifixion du Christ. CP 172 2 Le discours de l'apôtre disposa l'assemblée à écouter avec patience le récit que Paul et Barnabas firent de leur oeuvre parmi les Gentils. "Toute l'assemblée garda le silence, et l'on écouta Barnabas et Paul, qui racontèrent tous les miracles et les prodiges que Dieu avait faits par eux au milieu des païens." CP 172 3 Jacques aussi rendit son témoignage avec hardiesse; il déclara que Dieu désirait répandre sur les Gentils les mêmes bénédictions et les mêmes privilèges accordés aux Juifs. CP 172 4 Le Saint-Esprit jugea qu'il était bon de ne pas imposer la loi cérémonielle aux païens convertis, et l'opinion des apôtres à ce sujet était conforme à la volonté divine. Jacques présidait l'assemblée; il la clôtura par ces paroles: "Je suis d'avis qu'on ne crée pas des difficultés à ceux des païens qui se convertissent à Dieu." Et ceci mit fin à la discussion. CP 172 5 Nous pouvons réfuter avec ce récit la doctrine soutenue par l'Eglise catholique romaine que Pierre était le chef de l'Eglise. Ceux qui ont prétendu, comme les papes, être les successeurs de l'apôtre n'ont aucun fondement scripturaire pour faire valoir ces revendications. Rien, dans la vie de Pierre, ne prouve qu'il avait reçu autorité pour être élevé au-dessus de ses frères en tant que vicaire du Très-Haut. Si ceux qui ont déclaré être les successeurs de Pierre avaient suivi son exemple, ils se seraient toujours contentés de rester sur le même pied d'égalité que leurs frères. CP 173 1 Dans cette circonstance, Jacques semble avoir été choisi pour annoncer aux fidèles la décision prise par l'assemblée. La loi cérémonielle et en particulier la circoncision ne devaient pas être imposées, voire recommandées aux Gentils. Jacques chercha à frapper l'esprit de ses frères par le fait qu'un réel changement de vie s'était opéré chez les païens convertis. Il fallait donc éviter de les troubler par des questions secondaires, qui pouvaient faire naître chez eux la perplexité et le doute, les décourageant ainsi de suivre le Christ. Cependant, ils devaient abandonner les coutumes qui étaient contraires aux principes chrétiens. CP 173 2 Les apôtres et les anciens acceptèrent d'informer par lettre les païens de s'abstenir "des viandes sacrifiées aux idoles, du sang, des animaux étouffés, et de l'impudicité", et les prièrent instamment d'observer les commandements et de mener une vie sainte. En outre, on leur affirmait que ceux qui avaient déclaré la circoncision obligatoire n'y étaient pas autorisés par les apôtres. CP 173 3 Paul et Barnabas leur étaient recommandés comme des hommes ayant exposé leur vie pour le Seigneur. Jude et Silas furent envoyés avec ces apôtres pour déclarer verbalement aux Gentils la décision prise par l'assemblée: "Il a paru bon au Saint-Esprit et à nous de ne vous imposer d'autre charge que ce qui est nécessaire, savoir de vous abstenir des viandes sacrifiées aux idoles, du sang, des animaux étouffés, et de l'impudicité, choses contre lesquelles vous vous trouverez bien de vous tenir en garde." CP 173 4 Les quatre serviteurs de Dieu furent envoyés à Antioche avec la lettre contenant le message qui devait mettre un terme à toute controverse, car elle émanait de la plus haute autorité existant sur la terre. CP 173 5 L'assemblée qui trancha le cas se composait des apôtres et des docteurs qui s'étaient signalés dans l'établissement des églises chrétiennes, tant parmi les Juifs que parmi les Gentils, ainsi que des délégués choisis dans différentes régions. Il y avait aussi les anciens de Jérusalem, les délégués d'Antioche et les membres les plus influents des églises. L'assemblée agissait conformément à l'inspiration divine, et avec la dignité d'une Eglise établie par la volonté d'en haut. A la suite de leurs délibérations, ils furent convaincus que Dieu avait lui-même tranché la question en litige, en répandant le Saint-Esprit sur les Gentils. Ils comprirent alors que tous devaient suivre les directives de l'Esprit. CP 174 1 Le corps entier des chrétiens ne fut pas appelé à se prononcer sur cette question. Ce furent les "apôtres et les anciens", hommes influents et au jugement sain, qui rédigèrent et émirent le décret, accepté en général par les églises chrétiennes. Cependant, tous ne furent pas d'accord au sujet de la décision qui avait été prise. Quelques frères, ambitieux et suffisants, la désapprouvèrent. Ils décidèrent donc de travailler pour le Seigneur sous leur propre responsabilité. Ils se complurent dans la critique, proposèrent de nouveaux plans de travail et cherchèrent à saper l'influence des hommes que Dieu avait choisis pour prêcher l'Evangile. Dès ses débuts, l'Eglise rencontra de tels obstacles, et elle en rencontrera toujours, jusqu'à la fin des temps. CP 174 2 A Jérusalem, métropole des Juifs, régnaient la bigoterie et un exclusivisme outré. Les Juifs convertis, qui vivaient à l'ombre du temple, se complaisaient naturellement dans le souvenir des privilèges spéciaux dont leur nation avait été dotée. Lorsqu'ils virent l'Eglise chrétienne s'éloigner des cérémonies et des traditions du judaïsme, et comprirent que le caractère sacré dont les coutumes juives avaient été investies serait bientôt perdu de vue à la lumière de la nouvelle foi, certains s'indignèrent contre Paul, en grande partie responsable de ce changement. Les disciples même n'étaient pas tous prêts à accepter avec empressement la décision de l'assemblée. Ceux qui étaient plus particulièrement zélés pour la loi cérémonielle jugeaient défavorablement l'apôtre Paul; ils trouvaient que ses principes à l'égard des obligations de cette loi se relâchaient. Mais les décisions aux vues larges et aux portées lointaines de l'assemblée générale ramenèrent la confiance dans les rangs des Gentils, et la cause de Dieu prospéra. CP 175 1 L'église d'Antioche fut favorisée par la présence de Jude et de Silas, messagers spéciaux, revenus de l'assemblée de Jérusalem avec les apôtres. Prophètes eux-mêmes, "Jude et Silas exhortèrent et fortifièrent [les frères] par plusieurs discours". Ces hommes de Dieu séjournèrent à Antioche pendant un certain temps. "Paul et Barnabas demeurèrent à Antioche, enseignant et annonçant, avec plusieurs autres, la bonne nouvelle de la parole du Seigneur." Plus tard, quand Pierre vint à Antioche, il gagna la confiance de plusieurs frères par son attitude prudente à l'égard des Gentils convertis. Pendant un certain temps, il se conforma à la lumière qu'il avait reçue du ciel: il surmonta ses préjugés qui tendaient à l'empêcher de s'asseoir à table avec des Gentils convertis. Mais quand certains Juifs, encore attachés à la loi cérémonielle, revinrent de Jérusalem, Pierre changea inconsidérément son attitude envers les convertis du paganisme. Une certain nombre de Juifs "usèrent aussi de dissimulation, en sorte que Barnabas même fut entraîné par leur hypocrisie".5 Cette inconséquence de la part de ceux qui avaient été aimés et respectés comme chefs produisit une douloureuse impression sur l'esprit des chrétiens de la Gentilité. L'Eglise était menacée de division. CP 175 2 Mais Paul, qui se rendait compte du mal fait à l'Eglise à cause du double rôle joué par Pierre, le censura ouvertement pour avoir ainsi déguisé ses vrais sentiments. En présence de tous, il dit à Pierre: "Si toi qui es Juif, tu vis à la manière des païens et non à la manière des Juifs, pourquoi forces-tu les païens à judaïser?"6 CP 175 3 Pierre reconnut son erreur, et se mit immédiatement en devoir de réparer le mal qu'il avait commis. Dieu, qui connaît la fin dès le commencement, permit que cette faiblesse de caractère fût révélée chez l'apôtre, afin qu'ainsi mis à l'épreuve, il se rendît compte qu'il n'y avait rien en lui-même dont il puisse se vanter. Les hommes les plus sûrs, abandonnés à eux-mêmes, peuvent s'égarer dans leur jugement. CP 176 1 Dans sa prescience, le Seigneur a vu aussi qu'il viendrait un temps où des hommes seraient assez abusés pour revendiquer en faveur de Pierre et de ses soi-disant successeurs des prérogatives n'appartenant qu'à Dieu seul. Le récit de cette défaillance de l'apôtre devrait demeurer comme une marque de sa faillibilité, et la preuve qu'il n'était pas au-dessus des autres disciples. Cet écart des vrais principes est comme un avertissement solennel adressé aux hommes qui ont reçu de Dieu une charge spéciale dans l'Eglise; il leur enjoint de garder leur intégrité et de s'attacher fermement à ses principes. Plus les responsabilités placées sur les hommes sont grandes, et plus importantes les occasions de diriger et d'administrer, plus grand aussi sera le mal qu'ils feront en ne suivant pas scrupuleusement la voie du Seigneur, et en ne travaillant pas en accord avec les décisions prises par le corps général des chrétiens réunis. CP 176 2 Après les nombreuses défaillances de Pierre, après sa chute et sa réhabilitation, sa longue carrière de serviteur de Dieu, son intimité avec le Christ, sa connaissance parfaite des vrais principes, après l'instruction qu'il avait reçue, tous les dons, toutes les lumières, toute l'influence qu'il avait acquise en prêchant et en enseignant la Parole, n'est-il pas étonnant qu'il ait dissimulé et biaisé par crainte des hommes ou pour gagner leur estime? N'est-il pas étrange qu'il ait chancelé dans son attachement aux vrais principes? Que Dieu donne à chacun la connaissance de sa misère, de son incapacité, afin qu'il puisse, avec son aide, diriger sa propre barque droit au port! CP 176 3 Au cours de son ministère, Paul fut souvent contraint de rester seul. Il recevait des instructions spéciales de Dieu et ne faisait aucune concession qui eût pu compromettre ses principes. Parfois, le fardeau était lourd, mais l'apôtre demeurait ferme dans le droit chemin. Il se rendait compte que l'Eglise ne doit jamais être dirigée par le pouvoir humain. Les traditions et les préceptes ne sauraient prendre la place de la vérité inspirée, et les progrès de l'Evangile être retardés par les préjugés et les préférences des hommes, quelle que soit leur position dans l'Eglise. CP 177 1 Paul s'était consacré au service de Dieu avec tous ses talents. Il avait reçu les vérités de l'Evangile directement du ciel; et durant tout le cours de son ministère, il maintint une réelle communion avec les puissances célestes. Dieu lui avait donné des instructions au sujet des charges inutiles imposées aux païens convertis. C'est pourquoi, quand les chrétiens judaïsants soulevèrent dans l'église d'Antioche la question de la circoncision, Paul, qui connaissait la pensée de l'Esprit de Dieu sur ce sujet, prit une position ferme et inflexible, qui permit aux églises de se libérer des rites et des cérémonies juives. CP 177 2 Mais bien que Paul fût personnellement inspiré par Dieu, il n'avait pas d'idées préconçues au sujet de sa propre responsabilité. Tandis qu'il attendait du Seigneur des ordres directs, il était toujours prêt à reconnaître l'autorité dont avait été investi le corps des croyants. Il éprouvait la nécessité d'être conseillé; quand il fallait traiter des sujets importants, il était heureux de les présenter à l'Eglise et de s'unir à ses frères pour demander à Dieu la sagesse nécessaire afin de prendre les décisions convenables. Même "les esprits des prophètes, déclarait-il, sont soumis aux prophètes; car Dieu n'est pas un Dieu de désordre, mais de paix".7 Avec Pierre, il enseignait que tous, en qualité de membres d'église, devaient être "soumis aux anciens".8 ------------------------Chapitre 20 -- La Croix exaltée Ce chapitre est basé sur Actes 15:36-41; 16:1-6. CP 179 1 Après avoir exercé son ministère pendant quelque temps à Antioche, Paul proposa à ses compagnons de travail d'entreprendre un nouveau voyage missionnaire. "Retournons visiter les frères, dit-il à Barnabas, dans toutes les villes où nous avons annoncé la parole du Seigneur, pour voir en quel état ils sont." CP 179 2 Paul et Barnabas éprouvaient toujours un certain attendrissement pour ceux qui avaient accepté l'Evangile par leur ministère, et ils désiraient ardemment les revoir. Paul ne manqua jamais de manifester cette sollicitude à l'égard des nouveaux convertis. Même lorsqu'il se trouvait dans des champs missionnaires lointains, à de grandes distances de la scène de ses premières activités, il continuait à éprouver dans son coeur le besoin d'exhorter les chrétiens à demeurer fidèles, à achever leur "sanctification dans la crainte de Dieu".1 Il s'efforçait constamment de les aider à croître spirituellement, à fortifier leur foi et leur zèle, à se consacrer de tout coeur à Dieu et à l'avancement de son règne. CP 180 1 Barnabas était prêt à suivre Paul, mais il désirait que Marc les accompagnât. Paul objecta qu'il n'était pas convenable de prendre avec eux celui qui les avait abandonnés pendant leur premier voyage missionnaire pour jouir de la sécurité et du confort de son foyer, alors qu'ils avaient besoin de lui. Il insista sur le fait qu'un homme si peu énergique n'était pas qualifié pour accomplir une tâche qui demandait de la patience, de l'abnégation, du courage, de la foi et un esprit de sacrifice allant jusqu'au don de sa propre vie. Le désaccord entre Paul et Barnabas fut si grand qu'ils durent se séparer. Ce dernier resta fidèle à ses convictions, et il prit Marc avec lui. "Et Barnabas, prenant Marc avec lui, dit saint Luc, s'embarqua pour l'île de Chypre. Paul fit choix de Silas, et partit, recommandé par les frères à la grâce du Seigneur." CP 180 2 Paul et Silas parcoururent la Syrie et la Cilicie, où ils encouragèrent les églises; enfin, ils se rendirent à Derbe et à Lystre dans la province de Lycaonie. C'est à Lystre que Paul avait été lapidé. Il y retourna cependant, et nous le retrouvons sur la scène où il connut ses premières tribulations. Il lui tardait de voir comment les chrétiens qu'il avait amenés à la vérité résistaient aux épreuves. Ceux-ci ne le déçurent pas, car il constata que les Lystriens restaient fermes en face de l'opposition. CP 180 3 A Lystre, Paul retrouva Timothée, qui avait assisté à sa lapidation. L'impression que cette scène avait produite alors sur l'esprit du jeune homme grandissait avec le temps, si bien qu'il finissait par être convaincu qu'il devait se consacrer entièrement au ministère. Son coeur était uni à celui de Paul, et il désirait vivement collaborer avec lui dans sa tâche quand l'occasion s'en présenterait. CP 180 4 Silas, le compagnon de travail de l'apôtre, était un serviteur de Dieu éprouvé, qui jouissait du don de l'Esprit de prophétie. Cependant, l'oeuvre qui s'offrait à eux était si vaste qu'il fallait former encore d'autres hommes pour le service. Paul vit en Timothée un disciple qui comprenait l'importance sacrée du ministère, et qui ne reculait pas devant l'idée de la souffrance ou de la persécution. CP 181 1 Toutefois, l'apôtre n'osa pas prendre la responsabilité de donner à Timothée -- jeune homme inexpérimenté -- une formation en vue du ministère, sans être d'abord pleinement informé de ses qualités morales et de sa vie passée. C'est ainsi qu'il apprit que "les frères de Lystre et d'Icone rendaient de lui un bon témoignage". CP 181 2 Le père de Timothée était Grec et sa mère Juive. On enseigna au jeune garçon les saintes Ecritures dès sa plus tendre enfance. La religion professée par les siens était profonde et éclairée. La foi que sa mère et sa grand-mère attachaient aux oracles sacrés lui rappelait constamment les bénédictions que le Seigneur accorde à celui qui accomplit sa volonté. La Parole de Dieu servit de règle à l'éducation que ces deux saintes femmes donnèrent à Timothée. Celui-ci puisa dans les leçons ainsi inculquées une telle force spirituelle que son langage et sa conduite demeurèrent à l'abri de toutes les mauvaises influences qui l'environnaient. C'est donc l'éducation familiale qui avait contribué, avec l'aide du Seigneur, à préparer ce jeune homme à assumer les responsabilités de sa future tâche. CP 181 3 Paul découvrit en Timothée un caractère droit et ferme, et il le choisit comme compagnon de travail dans ses voyages. Celles qui avaient entouré ses jeunes années et l'avaient amené à Dieu furent amplement récompensées en le voyant intimement associé au grand apôtre. Bien que très jeune encore, quand Dieu l'appela au ministère, il devait à sa première éducation des principes profondément enracinés, et se trouvait ainsi apte à collaborer avec l'apôtre. Mais les responsabilités qui lui furent confiées n'ôtèrent rien à sa modestie. CP 181 4 Par précaution, Paul conseilla sagement à Timothée de se faire circoncire, non pas que Dieu l'exigeât, mais afin que cette question ne soulevât pas d'objections parmi les Juifs dans le ministère du jeune disciple. Au cours de son travail, l'apôtre devait aller de ville en ville et voyager dans beaucoup de pays. Il avait souvent l'occasion de prêcher le Christ dans les synagogues et dans d'autres lieux de réunions. Si l'on avait appris que l'un de ses compagnons de travail était incirconcis, sa tâche aurait pu en souffrir, à cause des préjugés et du fanatisme des Juifs. CP 182 1 Paul rencontrait partout une opposition farouche. Comme il désirait apporter à ses frères juifs, ainsi qu'aux Gentils, la connaissance de l'Evangile, il cherchait avant tout, lorsque cela était compatible avec sa foi, à supprimer tout prétexte à ses ennemis. Cependant, bien qu'il fît de grandes concessions aux préjugés juifs, il croyait et il enseignait que la question de la circoncision et de l'incirconcision était sans importance, que seul comptait l'Evangile du Christ. CP 182 2 Paul aimait Timothée, son "enfant légitime en la foi".2 Le grand apôtre passait de longs moments à s'entretenir avec lui des saintes Ecritures, et il profitait de leurs déplacements de ville en ville pour l'instruire avec soin sur les conditions qui assureraient le succès de leur travail. Avec Silas, il cherchait à renforcer chez ce jeune homme l'impression qu'il avait déjà ressentie au sujet de la gravité et de la solennité que requiert la tâche d'un ministre de l'Evangile. CP 182 3 Timothée sollicitait sans cesse, dans son travail, les conseils et les instructions de l'apôtre. Il ne faisait rien avec impulsion, mais il apportait dans sa tâche de la réflexion et de la pondération. Il se demandait à tout moment: "Suis-je bien dans la voie du Seigneur?" Le Saint-Esprit fit de lui un jeune homme qui allait être façonné et formé pour devenir un temple de la divine présence. CP 182 4 Les leçons de la Bible, inculquées chaque jour dans la vie, ont une influence profonde et durable sur le caractère. Timothée apprit ces leçons et les mit en pratique. Il ne possédait pas de brillants talents, mais son travail avait de la valeur parce qu'il mettait au service du Maître ceux que Dieu lui avait confiés. Sa foi solide le distinguait des autres fidèles, et lui donnait de l'influence. CP 182 5 Ceux qui travaillent au salut des âmes doivent parvenir à une connaissance plus profonde, plus complète, plus nette de Dieu que celle que l'on peut acquérir par un effort ordinaire. Il faut que toutes leurs forces soient engagées dans l'oeuvre du Maître. Ils sont appelés à remplir une noble et sainte vocation; s'ils gagnent des âmes comme prix de leurs efforts, qu'ils s'approchent toujours plus près de Dieu pour recevoir chaque jour la grâce et la puissance qui découlent de la source de toute bénédiction. CP 183 1 "Car la grâce de Dieu, source de salut pour tous les hommes, a été manifestée, dit saint Paul. Elle nous enseigne à renoncer à l'impiété et aux convoitises mondaines, et à vivre dans le siècle présent selon la sagesse, la justice et la piété, en attendant la bienheureuse espérance, et la manifestation de la gloire du grand Dieu et de notre Sauveur Jésus-Christ, qui s'est donné lui-même pour nous, afin de nous racheter de toute iniquité, et de se faire un peuple qui lui appartienne, purifié par lui et zélé pour les bonnes oeuvres."3 CP 183 2 Avant de gagner un nouveau pays, Paul et ses compagnons visitèrent les églises qui avaient été établies en Pisidie et dans les régions avoisinantes. "En passant par les villes, ils recommandaient aux frères d'observer les décisions des apôtres et des anciens de Jérusalem. Les Eglises se fortifiaient dans la foi, et augmentaient en nombre de jour en jour." CP 183 3 L'apôtre ressentait une grande responsabilité à l'égard de ceux qui s'étaient convertis par son ministère. Il souhaitait par-dessus tout qu'ils soient fidèles, afin que je puisse "me glorifier, au jour de Christ, disait-il, de n'avoir pas couru en vain ni travaillé en vain".4 CP 183 4 Les résultats de son travail l'inquiétaient. Il craignait même que son propre salut ne soit compromis s'il s'acquittait mal de sa tâche, et si l'Eglise ne le soutenait pas dans ses efforts pour sauver les âmes. Il savait que sa prédication ne suffisait pas à elle seule pour apprendre aux fidèles à porter au monde la Parole de vie, et qu'il devait les instruire petit à petit, ligne après ligne, précepte après précepte, en vue de l'avancement du règne de Dieu. CP 184 1 Un principe universel veut que lorsqu'on ne fait pas usage des dons reçus de Dieu, ceux-ci périclitent et finissent par disparaître. La foi qui n'est pas vécue, qui n'est pas communiquée, perd de sa puissance vivifiante, de sa vertu salutaire. C'est pourquoi l'apôtre craignait d'échouer en proclamant que tout homme peut devenir parfait en Christ. L'espoir qu'il plaçait dans la vie éternelle s'affaiblissait, quand il constatait chez lui une défaillance susceptible de donner à l'Eglise l'image de l'humain au lieu de celle du divin. Sa science, son éloquence, ses miracles, sa vision des beautés éternelles, lorsqu'il fut ravi jusqu'au troisième ciel, tout cela n'était d'aucune valeur si, par son infidélité au ministère, les âmes pour lesquelles il oeuvrait n'obtenaient pas la grâce divine. En conséquence, par ses prédications et par ses lettres, il exhortait ceux qui avaient accepté le Christ à se conduire de telle manière qu'ils soient "irréprochables et purs, des enfants de Dieu irrépréhensibles au milieu d'une génération perverse et corrompue, parmi laquelle [ils brillaient] comme des flambeaux dans le monde, portant la parole de vie".5 CP 184 2 Tout vrai ministre du Christ sent une lourde responsabilité en ce qui concerne l'avancement spirituel des fidèles qui lui sont confiés. Il éprouve l'immense désir de collaborer avec eux au service de Dieu, et il se rend compte que de l'accomplissement fidèle de la tâche qui lui a été assignée par le Seigneur, dépend en grande partie la prospérité de l'Eglise. Il recherche avec ardeur et sans relâche à inspirer aux croyants le désir de gagner des âmes au Christ, et se souvient que chaque nouveau membre ajouté à l'Eglise sera un instrument de plus pour accomplir le plan de la rédemption. CP 184 3 Après avoir rendu visite aux églises de Pisidie et de la région avoisinante, Paul et Silas, accompagnés de Timothée, traversèrent "la Phrygie et le pays de Galatie", où ils proclamèrent avec beaucoup de force la bonne nouvelle du salut. CP 184 4 Les habitants de la Galatie s'adonnaient à l'idolâtrie; mais lorsqu'ils entendirent les apôtres, ils accueillirent avec joie le message qui leur promettait de les libérer de l'esclavage du péché. Paul et ses compagnons proclamèrent la doctrine de la justification par la foi, grâce au sacrifice expiatoire du Christ. Ils prêchaient le Christ, qui, voyant la condition désespérée de l'humanité, est venu la racheter par une vie d'obéissance à la loi de Dieu, et en mourant à la place du pécheur. A la lumière de la croix, les Galates qui n'avaient jamais connu auparavant le vrai Dieu commencèrent à comprendre la grandeur de son amour. CP 185 1 Les apôtres leur enseignèrent donc les vérités fondamentales concernant "Dieu le Père et [...] notre Seigneur Jésus-Christ, qui s'est donné lui-même pour nos péchés, afin de nous arracher du présent siècle mauvais, selon la volonté de notre Dieu et Père". "Par la prédication de la foi", ils recevaient l'Esprit d'en haut, et devenaient "fils de Dieu par la foi en Jésus-Christ".6 CP 185 2 Pendant son séjour en Galatie, le mode de vie de Paul était tel qu'il pouvait dire plus tard: "Soyez comme moi, [...] frères, je vous en supplie."7 Ses lèvres avaient été touchées par le "charbon ardent de l'autel"; il lui était permis de s'élever au-dessus des contingences physiques, et de prêcher le Christ comme le seul espoir des pécheurs. Ceux qui l'écoutaient se rendaient compte qu'il "avait été avec Jésus", qu'il était revêtu de la puissance divine, ce qui lui permettait d'apprécier les choses spirituelles et d'abattre les forteresses de Satan. Les coeurs étaient brisés lorsqu'il parlait de l'amour de Dieu, cet amour manifesté dans le don de son Fils unique; et beaucoup posaient cette question: Que faut-il faire pour être sauvés? CP 185 3 Cette manière de présenter l'Evangile caractérisa le travail de l'apôtre durant tout son ministère parmi les Gentils. Il avait toujours devant les yeux la croix du Calvaire. "Nous ne nous prêchons pas nous-mêmes, déclarait-il dans les dernières années de sa vie; c'est Jésus-Christ le Seigneur que nous prêchons, et nous nous disons vos serviteurs à cause de Jésus. Car Dieu, qui a dit: La lumière brillera du sein des ténèbres! a fait briller la lumière dans nos coeurs pour faire resplendir la connaissance de la gloire de Dieu sur la face de Christ."8 CP 186 1 Les messagers de Dieu qui portaient aux premiers jours de la chrétienté la bonne nouvelle du salut à un monde qui périssait, ne se permettaient pas de s'abandonner à des sentiments d'exaltation qui eussent pu nuire à leur présentation du Christ crucifié. Ils n'aspiraient à aucune autorité, ni à aucune prééminence. Ils se réfugiaient dans le Sauveur, exaltant le grand plan du salut et la vie du Christ, auteur et exécuteur de ce plan. Le Sauveur, "le même hier, aujourd'hui et éternellement", était le thème de leur prédication. CP 186 2 Si, de nos jours, ceux qui enseignent la Parole de Dieu élevaient de plus en plus haut la croix du Calvaire, leur ministère serait plus béni; et si les pécheurs pouvaient jeter un regard sur cette croix, et avoir une claire vision du Sauveur crucifié, ils se rendraient compte de la profondeur de la compassion divine à l'égard de l'humanité. CP 186 3 La mort du Christ prouve l'immense amour de Dieu envers les hommes. C'est notre gage de salut. Enlever la croix au chrétien, c'est comme si l'on voulait supprimer le soleil du firmament. La croix nous rapproche du Sauveur et nous réconcilie avec lui. Avec la tendre compassion d'un père, Dieu se penche sur les souffrances que Jésus a endurées pour sauver l'humanité de la mort éternelle, et il nous accepte en son Fils bien-aimé. CP 186 4 Sans la croix, il n'y aurait aucune possibilité d'être uni au Père. C'est d'elle que viennent toutes nos espérances. Par elle resplendit l'amour du Sauveur. Et lorsque, devant la croix, le pécheur contemple celui qui est mort pour le sauver, il peut se livrer pleinement à la joie, car il sait que ses péchés sont pardonnés. Celui qui s'agenouille avec foi au pied de la croix est arrivé au plus haut sommet que l'homme puisse atteindre. CP 186 5 Par la croix, nous apprenons que le Père céleste nous aime d'un amour incommensurable. Nous ne sommes donc pas étonnés lorsque Paul s'écrie: "Loin de moi la pensée de me glorifier d'autre chose que de la croix de notre Seigneur Jésus-Christ."9 CP 187 1 Nous aussi, nous avons le privilège de nous glorifier de la croix, et de nous abandonner entièrement à celui qui s'est donné pour nous. Alors, le visage illuminé par la lumière qui rayonne du Calvaire, nous pouvons la faire resplendir sur nos frères qui vivent dans les ténèbres. ------------------------Chapitre 21 -- L'Evangile en Europe Ce chapitre est basé surActes 16:7-40. CP 189 1 Le moment était venu où l'Evangile devait être proclamé hors des frontières de l'Asie Mineure. La voie se préparait pour amener Paul et ses compagnons de travail en Europe. A Troas, sur les rives de la Méditerranée, Paul eut une vision. "Pendant la nuit [...] un Macédonien lui apparut, et lui fit cette prière: Passe en Macédoine, secours-nous!" CP 189 2 L'ordre était impérieux, il n'admettait pas de délai. CP 189 3 "Après cette vision de l'apôtre, déclare Luc qui accompagnait Paul, Silas et Timothée en Europe, nous cherchâmes aussitôt à nous rendre en Macédoine, concluant que le Seigneur nous appelait à y annoncer la bonne nouvelle. Etant partis de Troas, nous fîmes voile directement vers la Samothrace, et le lendemain nous débarquâmes à Néapolis. De là nous allâmes à Philippes, qui est la première ville d'un district de Macédoine, et une colonie." CP 190 1 "Le jour du sabbat, continue Luc, nous nous rendîmes, hors de la porte, vers une rivière, où nous pensions que se trouvait un lieu de prière. Nous nous assîmes, et nous parlâmes aux femmes qui étaient réunies. L'une d'elles, nommée Lydie, marchande de pourpre, de la ville de Thyatire, était une femme craignant Dieu, et elle écoutait. Le Seigneur lui ouvrit le coeur." Elle reçut la vérité avec joie, se convertit ainsi que toute sa maison, et se fit baptiser. Puis elle insista d'une façon pressante pour que les apôtres demeurent chez elle. CP 190 2 Tandis que les messagers de la croix continuaient à prêcher l'Evangile, une servante qui avait un esprit de divination les suivit, en s'écriant: "Ces hommes sont les serviteurs du Dieu Très-Haut, et ils vous annoncent la voie du salut. Elle fit cela pendant plusieurs jours." CP 190 3 Cette femme était une créature de Satan, qui procurait un grand profit à ses maîtres par son don de divination. Son influence ne faisait que renforcer l'idolâtrie. Le diable savait qu'on pénétrait dans son royaume, et il eut recours à ce moyen pour s'opposer à l'oeuvre de Dieu, avec l'espoir de mêler ses sophismes aux vérités enseignées par ceux qui prêchaient l'Evangile. Les paroles continuelles de cette femme étaient un outrage porté à la cause de Dieu, car elles détournaient les esprits des enseignements des apôtres, tout en jetant le discrédit sur leur message. Ses paroles incitaient en outre certains croyants à penser que les disciples, qui parlaient par l'Esprit et la puissance de Dieu, étaient animés du même esprit que cet agent de Satan. CP 190 4 Les apôtres la supportèrent pendant un certain temps. Puis, inspiré par le Seigneur, Paul ordonna à l'esprit malin de la quitter. Le silence qui s'empara d'elle aussitôt prouva que les apôtres étaient bien les serviteurs de Dieu, et que cet esprit malin les ayant reconnus comme tels avait obéi à leur commandement. Ainsi délivrée et rendue à la raison, cette femme résolut de suivre le Christ. Cependant, ses maîtres s'alarmèrent au sujet de leurs revenus. Tout espoir de gain cessait avec la disparition des prédictions et des divinations faites par cette servante. CP 191 1 Nombreux étaient les gens qui, dans cette ville, gagnaient leur vie avec des expédients de ce genre. Comme ils redoutaient l'influence d'un pouvoir qui mettrait à coup sûr un terme à leur oeuvre néfaste, ils poussèrent un cri réprobateur contre les serviteurs de Dieu. Ils firent comparaître les apôtres devant les magistrats, en disant: "Ces hommes troublent notre ville; ce sont des Juifs qui annoncent des coutumes qu'il ne nous est pas permis de recevoir ni de suivre, à nous qui sommes Romains." CP 191 2 Mue par un sentiment d'irritation frénétique, la foule se souleva contre les disciples. L'esprit de la populace l'emporta, et les autorités l'approuvèrent. On arracha et on déchira les vêtements des apôtres qui furent battus de verges. "Après qu'on les eut chargés de coups, ils les jetèrent en prison, en recommandant au geôlier de les garder sûrement. Le geôlier, ayant reçu cet ordre, les jeta dans la prison intérieure, et leur mit les ceps aux pieds." CP 191 3 Abandonnés dans une douloureuse position, les apôtres subirent une effroyable torture; mais ils ne se plaignirent pas. Au contraire, dans la solitude profonde de la prison et les plus épaisses ténèbres, ils s'encourageaient mutuellement par des prières et des chants de louange, qu'ils faisaient monter vers Dieu. Ils étaient fiers d'être dignes de subir des outrages pour sa cause. Leurs coeurs puisaient de la force dans l'amour sincère et ardent qu'ils éprouvaient pour leur Rédempteur. Paul pensait aux persécutions qu'avaient subies les disciples du Christ, et dont il avait été l'auteur. Maintenant il se réjouissait de ce que ses yeux s'étaient ouverts à la lumière divine, et de ce que son coeur avait été touché par les glorieuses vérités qu'il méprisait jadis. CP 191 4 Les autres détenus furent surpris d'entendre s'élever des prières et des chants de louange de l'intérieur de la prison. Ils étaient plutôt habitués aux cris de détresse, aux gémissements, aux blasphèmes et aux malédictions qui venaient rompre le silence de leurs nuits; mais jamais ils n'avaient ouï auparavant des prières et des cantiques monter des cellules obscures. Ils furent donc -- ainsi que les gardiens -- dans l'émerveillement, et se demandaient quels pouvaient être ces hommes qui, dans le froid, la torture et la faim, trouvaient cependant le moyen de se réjouir. CP 192 1 En attendant, les magistrats rentraient chez eux et se félicitaient d'avoir pu maîtriser, par des mesures rapides et décisives, la rébellion de la foule. Mais en chemin, ils recueillirent de plus amples détails sur le caractère de l'oeuvre des hommes qu'ils avaient condamnés à la flagellation et à l'emprisonnement. CP 192 2 Ils virent la femme qui avait été libérée de son influence diabolique, et ils furent frappés par le changement apporté sur sa physionomie et dans son attitude. Jadis, elle avait occasionné beaucoup d'agitation dans la ville; maintenant elle était calme et paisible. Ils se rendirent compte alors qu'ils avaient, selon toute probabilité, appliqué à deux innocents la loi romaine dans toute sa rigueur. Ils furent irrités contre eux-mêmes, et décidèrent de donner des ordres pour que le matin suivant les apôtres soient secrètement relâchés et escortés hors de la ville, afin d'être à l'abri de la violence de la foule. CP 192 3 Mais alors que ces hommes se montraient cruels et vindicatifs, qu'ils négligeaient les solennelles responsabilités qui leur incombaient, Dieu n'oubliait pas de montrer sa clémence à ses serviteurs. Le ciel tout entier s'intéressait à ces hérauts qui souffraient pour la cause du Christ, et des anges furent envoyés pour les secourir. Sous leurs pas, la terre trembla, les portes de la prison, solidement verrouillées, furent grandes ouvertes; les chaînes et les fers tombèrent des mains et des pieds des prisonniers, et une lumière éblouissante emplit leur cellule. CP 192 4 Lorsque les apôtres avaient été jetés en prison, le geôlier avait vu leurs plaies ensanglantées et tuméfiées, et c'était lui-même qui avait fait lier leurs pieds dans les entraves. Il s'attendait à entendre gémir et vociférer ses victimes; or ce furent des prières et des chants de louange qu'il entendit du sein de leur cellule. Les oreilles pleines de ces airs divins, il était tombé dans un profond sommeil, dont il fut réveillé par le tremblement de terre qui ébranlait les fondements de la prison. CP 193 1 Il se dressa effrayé, et constata avec épouvante que toutes les portes étaient ouvertes. Alors, rapide comme l'éclair, la pensée que les prisonniers avaient dû s'échapper s'empara de lui. Il se souvint des recommandations explicites qui lui avaient été faites lorsque, la nuit précédente, on lui confia la garde de Paul et de Silas, et il savait qu'il encourait la peine de mort pour son apparente négligence. Epouvanté, il jugea qu'il valait mieux se donner la mort plutôt que de subir une exécution dégradante. Il tira alors son épée, et il allait se tuer, lorsqu'il entendit Paul s'écrier d'une voix forte: "Ne te fais point de mal, nous sommes tous ici." Tous les prisonniers étaient en effet dans leur cellule, retenus par la puissance que Dieu manifestait par leurs co-détenus. CP 193 2 La sévérité avec laquelle le geôlier avait traité les disciples n'avait fait naître en eux aucun ressentiment, car Paul et Silas étaient mûs par l'Esprit de Dieu et non par l'esprit de vengeance. Leurs coeurs débordant de l'amour du Sauveur ne nourrissaient pas de sentiments de haine envers leurs persécuteurs. Le geôlier lâcha son épée et demanda de la lumière. Il voulut voir quels étaient ces hommes qui montraient de la bienveillance en échange de la cruauté dont ils avaient été victimes. Il s'approcha d'eux et, se jetant à leurs pieds, il leur dit: "Seigneurs, que faut-il que je fasse pour être sauvé?" CP 193 3 Le geôlier avait tremblé d'effroi, lorsque la colère de Dieu s'était manifestée par un tremblement de terre. Quand il crut que les prisonniers s'étaient échappés, il voulut se donner la mort; mais tout cela lui semblait de peu d'importance maintenant qu'une autre crainte agitait étrangement sa pensée, et qu'il se sentait pris du désir ardent de posséder la paix et la joie que les disciples avaient témoignées dans la souffrance et sous les injures. Il discerna sur leurs physionomies la lumière céleste, et il savait que Dieu était intervenu miraculeusement pour les sauver. Avec une puissance particulière, les paroles de la femme possédée de l'esprit malin lui revinrent à la mémoire: "Ces hommes sont les serviteurs du Dieu Très-Haut, et ils vous annoncent la voie du salut." CP 194 1 Il demanda aux apôtres, avec une grande humilité, de lui montrer le chemin du salut. "Crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvé, toi et ta famille, répondirent-ils. Et ils lui annoncèrent la parole du Seigneur, ainsi qu'à tous ceux qui étaient dans sa maison." CP 194 2 Le geôlier lava alors les plaies des apôtres, puis il les pansa; après quoi, il fut baptisé, lui et tous les siens. Une influence sanctifiante se faisait sentir chez les prisonniers, et leurs esprits s'ouvraient aux vérités enseignées par les apôtres. Ils avaient la conviction que le Dieu que ces hommes servaient les avait miraculeusement délivrés de leur esclavage. CP 194 3 Les habitants de Philippes avaient été saisis d'une grande frayeur par le tremblement de terre, et quand les licteurs apprirent aux prêteurs le matin suivant ce qui était arrivé pendant la nuit, ceux-ci furent à leur tour saisis de crainte, et ils envoyèrent des sergents pour libérer les apôtres. Mais Paul déclara: "Après nous avoir battus de verges publiquement et sans jugement, nous qui sommes Romains, ils nous ont jetés en prison, et maintenant ils nous font sortir secrètement! Il n'en sera pas ainsi. Qu'ils viennent eux-mêmes nous mettre en liberté." CP 194 4 Les apôtres étaient citoyens romains. Or, il était illégal de flageller un Romain, s'il n'avait pas commis un crime grave, ou de l'emprisonner, sans jugement. Paul et Silas, ayant été publiquement emprisonnés, refusaient d'être libérés secrètement, sans recevoir des explications acceptables de la part des magistrats. CP 194 5 En apprenant cela, les notables de la ville furent épouvantés, car il était à redouter que les apôtres n'aillent porter plainte à l'empereur. Ils se rendirent à la prison et leur présentèrent des excuses pour l'injustice et la cruauté qu'ils leur avaient fait subir. Ils les firent sortir eux-mêmes de prison et les prièrent de quitter la ville. Les magistrats redoutaient en effet l'influence des apôtres sur la foule, et ils craignaient aussi la puissance qui était intervenue pour défendre la cause de ces hommes innocents. CP 195 1 Selon les instructions qu'ils avaient reçues du Christ, Paul et Silas ne voulaient pas imposer leur présence dans les lieux où l'on ne les désirait pas. "Quand ils furent sortis de la prison, ils entrèrent chez Lydie, et, après avoir vu et exhorté les frères, ils partirent." CP 195 2 Les apôtres ne considéraient pas comme inutile le travail qu'ils avaient accompli à Philippes. Ils y avaient rencontré une forte résistance, ainsi que la persécution; mais l'intervention de la Providence en leur faveur, la conversion du geôlier et de toute sa famille contrebalançaient l'opprobre et la souffrance qu'ils avaient endurés. La nouvelle de leur injuste emprisonnement et de leur miraculeuse délivrance fut connue dans toute cette région, et attira l'attention d'un grand nombre sur le travail qu'ils accomplissaient. CP 195 3 L'oeuvre de Paul à Philippes contribua à l'établissement d'une église, dont les membres augmentèrent régulièrement. Son zèle, sa foi, son désir de souffrir volontiers pour la cause du Christ exercèrent une influence profonde et durable sur les nouveaux convertis. Ils s'attachèrent aux précieuses vérités pour lesquelles les apôtres avaient tout sacrifié, et auxquelles ils s'étaient voués avec tant de ferveur. CP 195 4 Cette église n'échappa cependant pas à la persécution; une lettre écrite par Paul aux Philippiens nous le révèle. "Il vous a été fait la grâce, dit-il, par rapport à Christ, non seulement de croire en lui, mais encore de souffrir pour lui, en soutenant le même combat que vous m'avez vu soutenir, et que vous apprenez maintenant que je soutiens." Cependant, ils avaient une telle assurance dans leur foi que l'apôtre déclare: "Je rends grâces à mon Dieu de tout le souvenir que je garde de vous, ne cessant, dans toutes mes prières pour vous tous, de manifester ma joie au sujet de la part que vous prenez à l'Evangile, depuis le premier jour jusqu'à maintenant."1 CP 196 1 Le combat engagé entre les forces du mal et celles du bien, dans les villes importantes où sont appelés à travailler les hérauts de l'Evangile, est terrible. "Nous n'avons pas à lutter contre la chair et le sang, déclare Paul, mais contre les dominations, contre les autorités, contre les princes de ce monde de ténèbres."2 Jusqu'à la fin des temps il y aura conflit entre l'Eglise de Dieu et ceux qui sont dominés par les mauvais anges. Les premiers chrétiens furent souvent appelés à affronter les puissances du mal. Par ses sophismes, par la persécution, Satan essaya de les détourner de la vraie foi. Aujourd'hui, à mesure que nous approchons de la fin des temps, le diable déploie des efforts désespérés pour faire tomber les hommes dans ses pièges. Il s'applique à absorber les esprits et à les détourner des vérités essentielles du salut. Dans toutes les villes, ses représentants organisent des groupements pour s'opposer à la loi divine. Le grand séducteur est à l'oeuvre pour introduire des éléments de confusion et de rébellion dans la vie de ceux qui brûlent d'un zèle sans connaissance. CP 196 2 La méchanceté atteint aujourd'hui son paroxysme. Pourtant, nombreux sont les ministres de l'Evangile qui s'écrient: "Paix et sûreté." Mais il faut que les fidèles messagers du Seigneur avancent avec assurance dans l'accomplissement de leur tâche. Revêtus de "toutes les armes de Dieu", ils doivent aller de l'avant, intrépidement et victorieusement, sans jamais abandonner le combat, jusqu'à ce que tous aient pu entendre le message évangélique pour notre époque. ------------------------Chapitre 22 -- Thessalonique Ce chapitre est basé sur Actes 17:1-10. CP 197 1 Après avoir quitté Philippes, Paul et Silas se dirigèrent vers Thessalonique. Là, ils eurent le privilège de s'adresser à de grands auditoires dans la synagogue. Leurs corps portaient encore les traces des mauvais traitements qui leur avaient été infligés, et ils devaient expliquer ce qui leur était arrivé. Ils le faisaient sans se glorifier, mais en magnifiant le Seigneur qui était intervenu pour les délivrer. CP 197 2 Dans ses prédications aux Thessaloniciens, Paul recourait aux prophéties de l'Ancien Testament qui annonçaient le Messie. Pendant son ministère terrestre, le Christ avait attiré l'attention de ses disciples sur ces prophéties. "Commençant par Moïse et par tous les prophètes, lisons-nous dans l'évangile selon saint Luc, il leur expliqua dans toutes les Ecritures ce qui le concernait."1 Pierre donnait les preuves de sa foi, puisée dans l'Ancien Testament. Etienne tendait vers le même but. Paul faisait de même; il avait recours aux Ecritures prophétisant la naissance, les souffrances, la mort, la résurrection et l'ascension du Christ. Par le témoignage inspiré de Moïse et des prophètes, l'apôtre prouvait péremptoirement que Jésus de Nazareth s'identifiait avec le Messie, et montrait que depuis Adam, c'était la voix du Christ qui se faisait entendre par celle des patriarches et des prophètes. Des prophéties claires et précises avaient été faites au sujet de la venue du Messie. Adam avait reçu l'assurance d'un Rédempteur. La déclaration prononcée contre Satan: "Je mettrai inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité: celle-ci t'écrasera la tête, et tu lui blesseras le talon", contenait une promesse pour nos premiers parents, promesse de rédemption réalisée par le Christ. CP 198 1 A Abraham fut donnée aussi l'assurance que le Sauveur du monde naîtrait de sa race: "Toutes les nations de la terre seront bénies en ta postérité" "Les promesses ont été faites à Abraham et à sa postérité. Il n'est pas dit: et aux postérités, comme s'il s'agissait de plusieurs, mais en tant qu'il s'agit d'une seule: et à ta postérité, c'est-à-dire, à Christ."2 CP 198 2 Vers la fin de sa carrière, Moïse, le chef et conducteur d'Israël, prophétisa clairement la venue du Messie. "L'Eternel, ton Dieu, déclara-t-il aux armées d'Israël rassemblées, te suscitera du milieu de toi, d'entre tes frères, un prophète comme moi: vous l'écouterez!"3 Et Moïse assura aux Israélites que c'était Dieu lui-même qui lui avait fait cette révélation pendant qu'il se trouvait sur le mont Horeb. Il lui avait dit: "Je leur susciterai du milieu de leurs frères un prophète comme toi, je mettrai mes paroles dans sa bouche, et il leur dira tout ce que je lui commanderai."3 CP 198 3 Le Messie devait être de descendance royale, car dans la prophétie prononcée par Jacob le Seigneur dit: "Le sceptre ne s'éloignera point de Juda, ni le bâton souverain d'entre ses pieds, jusqu'à ce que vienne le Schilo, et que les peuples lui obéissent."4 De son côté, le prophète Esaïe déclare: "Puis un rameau sortira du tronc d'Isaï, et un rejeton naîtra de ses racines, [...] Prêtez l'oreille, et venez à moi, écoutez, et votre âme vivra: Je traiterai avec vous une alliance éternelle, pour rendre durables mes faveurs envers David. Voici, je l'ai établi comme témoin auprès des peuples, comme chef et dominateur des peuples. Voici, tu appelleras des nations que tu ne connais pas, et les nations qui ne te connaissent pas accourront vers toi, à cause de l'Eternel, ton Dieu, du Saint d'Israël, qui te glorifie."5 CP 199 1 Jérémie également annonça la venue du Rédempteur comme Prince de la maison de David: "Voici, les jours viennent, dit l'Eternel, où je susciterai à David un germe juste; il régnera en roi et prospérera, il pratiquera la justice et l'équité dans le pays. En son temps, Juda sera sauvé, Israël aura la sécurité dans sa demeure; et voici le nom dont on l'appellera: l'Eternel notre justice." Et il ajoute: "Ainsi parle l'Eternel: David ne manquera jamais d'un successeur; assis sur le trône de la maison d'Israël, les sacrificateurs, les Lévites, ne manqueront jamais devant moi de successeurs pour offrir des holocaustes, brûler de l'encens avec les offrandes, et faire des sacrifices tous les jours."6 CP 199 2 Le lieu même de la naissance du Messie était prédit: "Et toi, Bethléem Ephrata, dit Michée, petite entre les milliers de Juda, de toi sortira pour moi celui qui dominera sur Israël, et dont l'origine remonte aux temps anciens, aux jours de l'éternité."7 CP 199 3 L'oeuvre qu'il devait accomplir sur la terre avait été entièrement tracée: "L'Esprit de l'Eternel reposera sur lui, déclare Esaïe. Esprit de sagesse et d'intelligence, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de crainte de l'Eternel." Celui qui était ainsi oint devait "porter de bonnes nouvelles aux malheureux, [...] guérir ceux qui ont le coeur brisé, proclamer aux captifs la liberté, et aux prisonniers la délivrance; [...] publier une année de grâce de l'Eternel, et un jour de vengeance de notre Dieu; consoler tous les affligés; [...] accorder aux affligés de Sion, [...] leur donner un diadème au lieu de la cendre, une huile de joie au lieu du deuil, un vêtement de louange au lieu d'un esprit abattu, afin qu'on les appelle des térébinthes de la justice, une plantation de l'Eternel, pour servir à sa gloire".8 CP 200 1 "Voici mon serviteur, que je soutiendrai, mon élu, en qui mon âme prend plaisir. J'ai mis mon esprit sur lui; il annoncera la justice aux nations. Il ne criera point, il n'élèvera point la voix, et ne la fera point entendre dans les rues. Il ne brisera point le roseau cassé, et il n'éteindra point la mèche qui brûle encore; il annoncera la justice selon la vérité. Il ne se découragera point et ne se relâchera point, jusqu'à ce qu'il ait établi la justice sur la terre, et que les îles espèrent en sa loi."9 CP 200 2 Avec quel pouvoir convaincant Paul démontrait, d'après l'Ancien Testament, "que le Christ devait souffrir et ressusciter des morts"! Michée n'avait-il pas prophétisé: "Avec la verge on frappe sur la joue le juge d'Israël"?10 Et le Messie promis n'avait-il pas prédit de lui-même par la bouche d'Esaïe: "J'ai livré mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m'arrachaient la barbe; je n'ai pas dérobé mon visage aux ignominies et aux crachats"?11 CP 200 3 Par la voix du Psalmiste, le Christ prédit de quelle manière il serait traité par les hommes: "Et moi, je suis [...] l'opprobre des hommes et le méprisé du peuple. Tous ceux qui me voient se moquent de moi, ils ouvrent la bouche, secouent la tête: Recommande-toi à l'Eternel! L'Eternel le sauvera, il le délivrera, puisqu'il l'aime! [...] Je pourrais compter tous mes os. Eux, ils observent, ils me regardent; ils se partagent mes vêtements, ils tirent au sort ma tunique. [...] Je suis devenu un étranger pour mes frères, un inconnu pour les fils de ma mère. Car le zèle de ta maison me dévore, et les outrages de ceux qui t'insultent tombent sur moi. [...] L'opprobre me brise le coeur, et je suis malade; j'attend de la pitié, mais en vain, des consolateurs, et je n'en trouve aucun."12 CP 200 4 Comme elle est précise, cette prophétie d'Esaïe qui annonce les souffrances et la mort du Sauveur! "Qui a cru à ce qui nous était annoncé? Qui a reconnu le bras de l'Eternel? Il s'est élevé devant lui comme une faible plante, comme un rejeton qui sort d'une terre desséchée; il n'avait ni beauté, ni éclat pour attirer nos regards, et son aspect n'avait rien pour nous plaire. Méprisé et abandonné des hommes, homme de douleur et habitué à la souffrance, semblable à celui dont on détourne le visage, nous l'avons dédaigné, nous n'avons fait de lui aucun cas. Cependant, ce sont nos souffrances qu'il a portées, c'est de nos douleurs qu'il s'est chargé; et nous l'avons considéré comme puni, frappé de Dieu, et humilié. Mais il était blessé pour nos péchés, brisé pour nos iniquités; le châtiment qui nous donne la paix est tombé sur lui, et c'est par ses meurtrissures que nous sommes guéris. Nous étions tous errants comme des brebis, chacun suivait sa propre voie; et l'Eternel a fait retomber sur lui l'iniquité de nous tous. Il a été maltraité et opprimé, et il n'a point ouvert la bouche, semblable à un agneau qu'on mène à la boucherie, à une brebis muette devant ceux qui la tondent; il n'a point ouvert la bouche. Il a été enlevé par l'angoisse et le châtiment; et parmi ceux de sa génération, qui a cru qu'il était retranché de la terre des vivants et frappé pour les péchés de mon peuple?"13 CP 201 1 La manière même dont il mourrait avait été prophétisée. De même que le serpent d'airain fut élevé au désert, de même le Rédempteur devait être élevé afin "que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle".14 CP 201 2 "Et si on lui demande: D'où viennent ces blessures que tu as aux mains? Il répondra: C'est dans la maison de ceux qui m'aimaient que je les ai reçues."15 "On a mis son sépulcre parmi les méchants, son tombeau avec le riche, quoiqu'il n'eût point commis de violence et qu'il n'y eût point eu de fraude dans sa bouche. Il a plu à l'Eternel de le briser par la souffrance."16 CP 201 3 Mais celui qui dut subir la mort de la main des méchants allait ressusciter en vainqueur et triompher du péché. Sous l'inspiration du Tout-Puissant, le doux chantre d'Israël a prédit le glorieux matin de la résurrection: "Mon corps repose en sécurité", proclame-t-il joyeusement, "car tu ne livreras pas mon âme au séjour des morts, tu ne permettras pas que ton bien-aimé voie la corruption".17 CP 202 1 Paul montrait le rapport étroit qui existait entre le service des sacrifices et les prophéties annonçant celui qui devait être "semblable à un agneau qu'on mène à la boucherie". Le Messie était appelé à donner "sa vie en sacrifice pour le péché". Le prophète Esaïe, qui s'était penché des siècles à l'avance sur les scènes émouvantes de l'expiation du Sauveur, avait témoigné que l'Agneau de Dieu "s'est livré lui-même à la mort, et qu'il a été mis au nombre des malfaiteurs, parce qu'il a porté les péchés de beaucoup d'hommes".18 CP 202 2 Le Sauveur, annoncé par la prophétie, devait venir sur la terre, non comme un roi pour délivrer la nation juive de ses oppresseurs, mais comme un homme parmi les hommes, appelé à vivre dans la pauvreté et l'humilité, pour être finalement méprisé, rejeté et mis à mort. Le Sauveur, que prédisait l'Ancien Testament, allait s'offrir lui-même en sacrifice pour sauver l'humanité déchue, accomplissant ainsi d'une manière intégrale tous les commandements de la loi violée. Par lui, les rites du sacrifice rencontraient leur antitype, et sa mort sur la croix amènerait à sa pleine réalisation toute l'économie juive. CP 202 3 Paul expliqua aux Juifs de Thessalonique avec quel zèle il observait jadis la loi cérémonielle, et il leur fit le récit de la scène extraordinaire qui se déroula à la porte de Damas. Avant sa conversion, il croyait à une religion héréditaire, mais il nourrissait alors une fausse espérance. Sa foi n'était pas fondée sur le Christ; il plaçait son espoir dans le formalisme et l'observation des cérémonies. Son zèle pour la loi n'était pas animé par le Sauveur et n'avait par conséquent aucune valeur. Mais alors qu'il se vantait d'être irréprochable quant à l'observation de la loi, il avait refusé d'accepter celui qui en faisait toute la valeur. Tout changea après sa conversion. Le Christ qu'il avait persécuté dans la personne de ses saints se révéla à lui comme le Messie promis. Le persécuteur découvrit en Jésus le Fils de Dieu, celui qui était venu ici-bas pour accomplir les prophéties et en réaliser tous les détails. CP 203 1 En proclamant avec une sainte assurance la Parole de Dieu dans la synagogue de Thessalonique, Paul mit en pleine lumière la véritable signification des rites et des cérémonies attachés au service du tabernacle. Il transportait en esprit ses auditeurs au-delà du sanctuaire terrestre, dans le sanctuaire céleste, où le Christ officie comme médiateur, et d'où il reviendra, en puissance et en gloire, son oeuvre terminée, pour instaurer son royaume ici-bas. CP 203 2 Paul croyait à la seconde venue du Christ, et il présentait les vérités relatives à cet événement avec une telle clarté et une telle puissance que tous ceux qui l'entendaient en gardaient une impression impérissable. Pendant trois sabbats consécutifs, il prêcha l'Evangile aux Thessaloniciens. Il s'entretenait avec eux des passages de l'Ecriture relatifs à la vie, à la mort, à la résurrection, à l'intercession et à la gloire à venir de "l'agneau qui a été immolé".19 Il glorifiait le Sauveur et affirmait que la pleine compréhension de son ministère est la clé qui ouvre les écrits de l'Ancien Testament, et permet de donner accès à leurs précieux trésors. Une grande multitude de Thessaloniciens s'intéressa aux vérités de l'Evangile prêchées avec puissance par l'apôtre. "Quelques-uns d'entre eux furent persuadés, et se joignirent à Paul et à Silas, ainsi qu'une grande multitude de Grecs craignant Dieu, et beaucoup de femmes de qualité." CP 203 3 Mais ce qui s'était produit dans les villes où les apôtres avaient déjà séjourné se renouvela. Ils se heurtèrent à une forte opposition. "Les Juifs furent remplis de jalousie." Ces derniers ne jouissaient pas alors de la faveur du gouverneur romain, parce que peu de temps auparavant ils avaient provoqué une émeute à Rome. On les regardait avec méfiance, et leur liberté était en partie restreinte. Ils exploitèrent les circonstances où se trouvaient les apôtres pour se réhabiliter auprès de Rome, et pour jeter sur eux le discrédit, ainsi que sur les nouveaux convertis au christianisme. CP 204 1 Ils complotèrent de s'unir avec "quelques méchants hommes de la populace", grâce auxquels ils réussirent à répandre "l'agitation dans la ville". "Ils se portèrent à la maison de Jason", avec l'espoir de mettre la main sur eux; mais ils ne virent ni Paul, ni Silas. "Ne les ayant pas trouvés", la populace, dans un furieux désappointement, traîna "Jason et quelques frères devant les magistrats de la ville, en criant: Ces gens, qui ont bouleversé le monde, sont aussi venus ici, et Jason les a reçus. Ils agissent tous contre les édits de César, disant qu'il y a un autre roi, Jésus." CP 204 2 Comme Paul et Silas demeuraient introuvables, les magistrats exigèrent des fidèles une caution pour le maintien de la paix. Les frères qui redoutaient qu'on maltraitât les apôtres "firent partir de nuit Paul et Silas pour Bérée". CP 204 3 Ceux qui, de nos jours, prêchent des vérités difficiles à accepter ne doivent pas se décourager s'ils ne rencontrent pas toujours un accueil favorable, même parmi ceux qui se disent chrétiens. Qu'ils avancent donc avec courage et foi, grâce à la vigilance et à la prière, et travaillent sans relâche au nom de Jésus. Qu'ils glorifient le Christ, médiateur dans le sanctuaire céleste, sur qui sont centrés tous les sacrifices de la dispensation de l'Ancien Testament, et dont le sacrifice expiatoire apporte paix et pardon à tous ceux qui ont transgressé la loi divine. ------------------------Chapitre 23 -- Bérée et Athènes Ce chapitre est basé sur Actes 17:11-34. CP 205 1 A Bérée, Paul rencontra des Juifs qui désiraient examiner les vérités qu'il enseignait. Luc déclare à leur sujet: "Ces Juifs avaient des sentiments plus nobles que ceux de Thessalonique; ils reçurent la parole avec beaucoup d'empressement, et ils examinaient chaque jour les Ecritures, pour voir si ce qu'on leur disait était exact. Plusieurs d'entre eux crurent, ainsi que beaucoup de femmes grecques de distinction, et beaucoup d'hommes." CP 205 2 L'esprit des Béréens n'était pas borné par les préjugés. Ils désiraient se rendre compte de la vérité des doctrines que leur présentaient les apôtres. Ils étudiaient la Bible, non par curiosité mais pour connaître ce qui avait été écrit au sujet du Messie promis. Chaque jour ils sondaient les récits inspirés; et tandis qu'ils comparaient entre eux certains passages, les anges se tenaient à leurs côtés pour éclairer leurs esprits et toucher leurs coeurs. CP 205 3 Partout où l'Evangile est proclamé, des personnes sont touchées par la vérité et sont conduites à étudier soigneusement les Ecritures. Si, dans les scènes finales de l'histoire de notre monde, l'exemple des Béréens était suivi par tous ceux qui entendent prêcher les doctrines évangéliques, si les saintes Ecritures étaient journellement étudiées, si on les consultait pour se rendre compte de la valeur du message annoncé, plus nombreux seraient ceux qui observeraient avec fidélité les préceptes de la loi divine. Cependant, bien qu'incapables de contredire les arguments convaincants de l'Evangile, un grand nombre de personnes refusent d'examiner les vérités présentées. Quelques-unes d'entre elles prétendent que même si ces doctrines sont vraiment fondées, il importe peu qu'elles soient acceptées ou rejetées. Ces personnes-là s'attachent alors aux fables séduisantes dont l'ennemi se sert pour égarer les âmes. Leur esprit est ainsi aveuglé par l'erreur, et elles se séparent du ciel. CP 206 1 Nous serons tous jugés selon les lumières qui nous ont été accordées. Le Seigneur envoie ses ambassadeurs chargés du message du salut; ceux qui l'entendent sont responsables de la manière dont ils l'ont accepté. Les hommes qui recherchent sincèrement la vérité examineront soigneusement, à la lumière de la Parole de Dieu, les doctrines qui leur sont présentées. CP 206 2 Les Juifs de Thessalonique étaient remplis de haine et de jalousie pour les apôtres. Non contents de les avoir chassés de leur propre ville, ils les suivirent à Bérée et soulevèrent contre eux les viles passions de la populace. Les frères qui redoutaient que Paul ne fût maltraité, s'il restait dans cette ville, l'envoyèrent à Athènes, accompagné de quelques Béréens nouvellement convertis. CP 206 3 Ainsi, la persécution poursuivait de ville en ville les messagers de la vérité. Les ennemis du Christ ne pouvaient empêcher les progrès du message évangélique, mais ils réussissaient à rendre très difficile l'oeuvre des apôtres. Cependant, en face de l'opposition et de la contradiction, Paul avançait résolument, déterminé à accomplir les desseins de Dieu tels qu'ils lui avaient été révélés dans sa vision de Jérusalem: "Va, je t'enverrai au loin vers les nations."1 CP 207 1 Son départ hâtif de Bérée le mit dans l'impossibilité d'aller à Thessalonique pour rendre visite aux chrétiens de cette ville. CP 207 2 En arrivant à Athènes, l'apôtre renvoya les frères de Bérée, avec un message pour Silas et Timothée les enjoignant de venir immédiatement le retrouver. Timothée s'était rendu à Bérée avant le départ de Paul; il y était resté avec Silas afin de poursuivre l'oeuvre qui avait si bien débuté, et pour instruire les nouveaux convertis dans les principes de la foi chrétienne. CP 207 3 La ville d'Athènes était la métropole du paganisme. Paul ne rencontra pas là une populace ignorante et crédule, comme à Lystre, mais un peuple célèbre par son intelligence et sa culture. Partout des statues de dieux, de héros déifiés de l'histoire et de la poésie frappaient le regard, tandis qu'une architecture et une peinture magnifiques représentaient la gloire nationale et la popularité du culte offert aux divinités païennes. CP 207 4 Les sens du peuple étaient ravis par la beauté et la splendeur de l'art. Des sanctuaires et des temples, où s'étaient englouties des sommes considérables, dressaient leurs formes imposantes. Les victoires des armées grecques, les actes glorieux des hommes célèbres étaient immortalisés par des sculptures, des autels, des plaques commémoratives. Athènes était ainsi une immense galerie d'art. Tandis que Paul considérait la beauté et la splendeur qui l'entouraient, et qu'il constatait l'idolâtrie à laquelle s'adonnait toute la ville, son esprit était ému de jalousie pour Dieu qu'il voyait déshonoré partout. Il se sentait pris de pitié pour les Athéniens qui, tout intellectuels qu'ils fussent, ignoraient l'essentiel: le vrai Dieu. CP 207 5 L'apôtre ne se laissa pas séduire par le spectacle que lui offrait ce centre de culture. Sa nature religieuse était si vivement attirée par les beautés célestes, que l'éclat et la gloire des richesses impérissables lui firent paraître sans valeur la pompe et la splendeur qui l'entouraient. Tandis qu'il considérait la magnificence d'Athènes, il comprenait quel pouvoir séducteur cette ville exerçait sur les amateurs d'art et de science, et il était profondément impressionné par l'importance de la tâche qui l'attendait. Dans cette grande ville, où Dieu n'était pas adoré, Paul souffrait d'un pénible sentiment de solitude. Il soupirait après la sympathie et l'aide de ses compagnons de travail; et en ce qui concernait ses relations humaines, il se sentait dans un profond isolement. Dans son épître aux Thessaloniciens, il exprime ses sentiments en ces termes: ... "Resté seul à Athènes."2 Des obstacles apparemment insurmontables se présentaient devant lui, et il désespérait d'atteindre le coeur du peuple. CP 208 1 Pendant qu'il attendait Silas et Timothée, Paul ne demeurait pas inactif. "Il s'entretenait donc dans la synagogue avec les Juifs et les hommes craignant Dieu, et sur la place publique chaque jour avec ceux qu'il rencontrait." Mais son but principal à Athènes était d'annoncer le salut à ceux qui n'avaient pas une claire conception de Dieu et de son dessein en faveur de l'humanité déchue. L'apôtre allait bientôt rencontrer le paganisme sous sa forme la plus subtile et la plus séduisante. CP 208 2 Les hommes influents d'Athènes ne tardèrent pas à apprendre la présence, dans leur ville, d'un singulier docteur qui enseignait une doctrine nouvelle et étrange. Quelques-uns d'entre eux cherchèrent à le rencontrer et à s'entretenir avec lui. Bientôt, une foule de gens se rassemblèrent autour d'eux. Certains se disposaient à ridiculiser l'apôtre dont le niveau intellectuel et social, croyaient-ils, était bien inférieur au leur; ils se moquaient de lui en ces termes: "Que veut dire ce discoureur? D'autres, l'entendant annoncer Jésus et la résurrection, disaient: Il semble qu'il annonce des divinités étrangères." CP 208 3 Parmi les hommes que Paul rencontra sur la place publique se trouvaient "quelques philosophes épicuriens et stoïciens". Ceux-ci s'aperçurent bien vite, ainsi que tous ceux qui entraient en contact avec l'apôtre, qu'il possédait une somme de connaissances plus grande même que la leur. Sa supériorité intellectuelle commandait le respect des gens cultivés, tandis que son raisonnement logique et serré, soutenu par la force de son élocution, tenait ces hommes suspendus à ses lèvres. Ses auditeurs se rendirent compte qu'ils n'avaient pas affaire à un novice, mais à un homme de taille à affronter toutes les classes de la société en se servant d'arguments convaincants pour étayer ses doctrines. Ainsi l'apôtre ne perdait pas contenance lorsqu'il rencontrait ses contradicteurs sur leur propre terrain; il savait opposer la logique à la logique, la philosophie à la philosophie, l'éloquence à l'éloquence. CP 209 1 Ses adversaires païens attirèrent son attention sur le sort de Socrate qui, pour avoir voulu prôner des dieux étrangers, avait été condamné à mort; ils lui conseillèrent donc de ne pas risquer sa vie de la même manière. Mais le discours de l'apôtre captiva l'attention du public, et sa sagesse sans affectation imposa le respect et l'admiration. Il ne fut réduit au silence ni par la science des philosophes, ni par leur ironie; et comme il persuadait ses auditeurs qu'il était déterminé à accomplir une mission parmi eux, quoi qu'il dût lui arriver, ils décidèrent de lui prêter une oreille attentive. CP 209 2 Ils le conduisirent donc sur la colline de Mars, l'un des lieux les plus sacrés d'Athènes. Les souvenirs que ce lieu évoquait étaient tels qu'on le considérait avec une révérence superstitieuse, allant jusqu'à la crainte, dans certains esprits. C'est à cet endroit même que les sujets, en rapport avec la religion, étaient souvent et soigneusement discutés par les hommes qui avaient à prendre une décision finale dans les questions les plus importantes de la vie morale et sociale de la nation. CP 209 3 Là, loin des bruits et de l'agitation des rues encombrées, loin du tumulte des discussions tapageuses, l'apôtre pouvait parler sans être interrompu. Autour de lui se rassemblèrent des poètes, des artistes et des philosophes -- les sages et les savants d'Athènes -- qui lui posèrent cette question: "Pourrions-nous savoir quelle est cette nouvelle doctrine que tu enseignes? Car tu nous fais entendre des choses étranges. Nous voudrions savoir ce que cela peut être." CP 210 1 A cette heure de responsabilité solennelle, l'apôtre était calme et en pleine possession de lui-même. Son coeur portait un message lourd d'importance, et les mots qui s'échappaient de ses lèvres prouvaient à ses auditeurs qu'il n'était pas un discoureur oisif. "Hommes Athéniens, leur dit-il, je vous trouve à tous égards extrêmement religieux. Car, en parcourant votre ville et en considérant les objets de votre dévotion, j'ai même découvert un autel avec cette inscription: Au dieu inconnu! Ce que vous révérez sans le connaître, c'est ce que je vous annonce." En dépit de leur grande intelligence et de leur culture étendue, les Athéniens ignoraient l'existence de Dieu, le Créateur de l'univers. Pourtant, quelques-uns d'entre eux aspiraient à une lumière plus complète. Ils cherchaient ardemment à connaître l'Infini. CP 210 2 Les mains tendues vers le temple rempli d'idoles, Paul se libéra du fardeau qui alourdissait son coeur, et il exposa aux Athéniens les erreurs de leur religion. Les auditeurs les plus savants étaient surpris par son argumentation. Il leur montra que leurs oeuvres d'art, leur littérature, leur religion lui étaient familières. Et, parlant de leurs statues et de leurs idoles, il affirma que Dieu ne saurait revêtir les formes imaginées par les hommes, que leurs figures sculptées ne pouvaient -- en aucune manière -- représenter la gloire de l'Eternel. Il leur rappela que ces idoles étaient dépourvues de vie, qu'elles étaient sous la dépendance du pouvoir humain, et ne se mouvaient que par son intervention. C'est pourquoi ceux qui les adoraient leur étaient en tous points supérieurs. CP 210 3 Paul éleva l'esprit de ses auditeurs idolâtres au-dessus de leur fausse religion, et il les amena à une vraie vision de la Divinité, à celui qu'ils avaient baptisé le "dieu inconnu". Cet Etre suprême, leur déclara-t-il, ne dépend pas de l'homme, et n'a nul besoin de lui pour rehausser son pouvoir et sa gloire. CP 211 1 L'auditoire était transporté d'admiration par l'argumentation logique et serrée de Paul sur les attributs du vrai Dieu, son pouvoir créateur et sa souveraine providence. Avec une éloquence vibrante et solennelle, l'apôtre déclara: "Le Dieu qui a fait le monde et tout ce qui s'y trouve, étant le Seigneur du ciel et de la terre, n'habite point dans des temples faits de main d'homme; il n'est point servi par des mains humaines, comme s'il avait besoin de quoi que ce soit, lui qui donne à tous la vie, la respiration, et toutes choses." Les cieux ne sont pas assez vastes pour contenir Dieu, à combien plus forte raison les temples construits par des hommes. CP 211 2 A cette époque où régnait l'esprit de caste, où le droit était souvent bafoué, Paul proclama la grande vérité de la fraternité humaine. Dieu, dit-il, "a fait que tous les hommes, sortis d'un seul sang, habitassent sur toute la surface de la terre". A ses yeux tous sont égaux et doivent se soumettre à sa volonté suprême. Ensuite, l'apôtre parla des rapports qui existent entre Dieu et l'homme. Son dessein de grâce et de miséricorde se déroule comme un fil d'or. Il a "déterminé la durée des temps et les bornes de leur demeure; il a voulu qu'ils cherchassent le Seigneur, et qu'ils s'efforçassent de le trouver en tâtonnant, bien qu'il ne soit pas loin de chacun de nous". Paul montrait du doigt les plus beaux types de la nature humaine qui l'entouraient, et avec des expressions empruntées à l'un de leurs poètes, il leur présenta le Dieu infini comme un Père dont ils étaient les enfants. "En lui, nous avons la vie, le mouvement et l'être, dit-il. C'est ce qu'ont dit aussi quelques-uns de vos poètes: De lui nous sommes la race... Ainsi donc, étant de la race de Dieu, nous ne devons pas croire que la divinité soit semblable à de l'or, à de l'argent, ou à de la pierre, sculptés par l'art et l'industrie de l'homme." CP 211 3 "Dieu, sans tenir compte des temps d'ignorance, annonce maintenant à tous les hommes, en tous lieux, qu'ils aient à se repentir." A l'époque des ténèbres spirituelles qui précéda la venue du Christ, le Maître suprême avait volontiers pardonné l'idolâtrie des païens; mais maintenant que, par son Fils, il envoyait aux hommes la lumière, il attendait que tous se repentent pour être sauvés, non seulement l'humble et le pauvre, mais aussi les philosophes orgueilleux et les princes de ce monde. "Parce qu'il a fixé un jour où il jugera le monde selon la justice, par l'homme qu'il a désigné, ce dont il a donné à tous une preuve certaine en le ressuscitant des morts..." CP 212 1 Quand Paul parla de la résurrection des morts, "les uns se moquèrent, et les autres dirent: Nous t'entendrons là-dessus une autre fois". CP 212 2 Ainsi prenait fin la tâche de l'apôtre à Athènes, centre de culture païenne. Les Athéniens, farouchement ancrés dans leur idolâtrie, se détournaient de la lumière de la vraie religion. Lorsqu'un peuple se complaît dans ses propres connaissances, il ne faut pas attendre de lui de grands besoins spirituels. Bien qu'ils fussent fiers de leur culture et de leur raffinement, les Athéniens se corrompaient de plus en plus, s'attachant toujours davantage aux mystères vagues de leur idolâtrie. Cependant, parmi les auditeurs de Paul, certains furent convaincus par les vérités qu'il enseignait; mais ils refusaient de s'abaisser pour reconnaître Dieu et accepter le salut. Nulle éloquence, nul argument ne convertira le pécheur. Seul le pouvoir divin peut mettre au coeur de l'homme la vérité. Celui qui s'obstine à échapper à ce pouvoir ne saurait être touché par elle. Les Grecs recherchaient la sagesse; or, le message de la croix leur paraissait une folie, parce qu'ils estimaient leur propre sagesse supérieure à celle du ciel. CP 212 3 La raison pour laquelle l'Evangile rencontra si peu de succès parmi les Athéniens provient du fait qu'ils éprouvaient trop d'orgueil envers l'intelligence humaine. Les hommes qui viennent au Christ comme de pauvres pécheurs, acquerront la vraie sagesse, celle qui conduit au salut; mais ceux qui se présentent à lui en se targuant de leur supériorité et fiers de leur propre sagesse, ne réussiront pas à recevoir la lumière et la connaissance que lui seul peut accorder. CP 213 1 C'est ainsi que Paul apprit à connaître le paganisme de son époque. Cependant, son travail à Athènes ne fut pas tout à fait vain. Denys, un des notables de la ville, et quelques autres Athéniens acceptèrent l'Evangile et s'unirent définitivement aux chrétiens. CP 213 2 La Parole inspirée nous a permis de jeter un regard sur la vie des Athéniens qui, malgré tout leur savoir, leur raffinement, leur art, étaient plongés dans la corruption. Grâce à cet aperçu, nous avons pu constater comment Dieu, par l'intermédiaire de son serviteur, réprouvait l'idolâtrie et les péchés d'un peuple orgueilleux, plein de suffisance. Les paroles de l'apôtre: son attitude, le milieu où il se trouvait, telles qu'elles ont été transcrites par l'Ecriture, devaient parvenir aux générations futures pour rendre témoignage à son inébranlable confiance, à son courage dans la solitude et l'adversité, à ses victoires remportées au coeur même du paganisme en faveur du christianisme. CP 213 3 Les déclarations de Paul sont riches d'enseignements pour l'Eglise. L'apôtre était dans une situation telle qu'il aurait pu facilement irriter ses orgueilleux auditeurs, en se plaçant en fâcheuse posture. Si son discours avait attaqué directement les dieux et les grands hommes de la cité, il aurait couru le risque de connaître le sort de Socrate. Mais avec un tact né de l'amour divin, il s'appliqua à détourner la pensée des Athéniens de leurs divinités, et il leur révéla le vrai Dieu qu'ils ne connaissaient pas. CP 213 4 Nous devons annoncer aujourd'hui les vérités divines aux grands de ce monde, pour les décider à choisir entre l'obéissance à la loi de Dieu et la soumission au prince du mal. Le Seigneur place devant eux la vérité éternelle, celle qui peut les conduire au salut; mais il ne les oblige pas à l'accepter. S'ils s'en détournent, il les abandonne à eux-mêmes et les laisse se rassasier du fruit de leurs propres oeuvres. CP 213 5 "La prédication de la croix est une folie pour ceux qui périssent, dit l'apôtre; mais pour nous qui sommes sauvés elle est une puissance de Dieu. Aussi est-il écrit: Je détruirai la sagesse des sages, et j'anéantirai l'intelligence des intelligents." "Dieu a choisi les choses folles du monde pour confondre les sages; Dieu a choisi les choses faibles du monde pour confondre les fortes; et Dieu a choisi les choses viles du monde et celles qu'on méprise, celles qui ne sont point, pour réduire au néant celles qui sont."3 CP 214 1 Nombreux seront les plus grands savants, les hommes d'Etat les plus éminents, les personnalités les plus en vue qui, aux derniers jours, se détourneront de la vérité parce que la sagesse de ce monde ignore le Seigneur. Les serviteurs de Dieu doivent profiter de toutes les occasions pour leur annoncer l'Evangile. Certains d'entre eux reconnaîtront leur ignorance à cet égard, et, alors, comme d'humbles élèves, ils viendront s'asseoir aux pieds du grand Maître. Mais ceux qui s'efforcent d'atteindre les classes élevées ont besoin d'une foi solide. Si les apparences semblent être contre eux, à l'heure la plus sombre, la lumière resplendira du ciel. CP 214 2 Les forces de ceux qui aiment et servent le Seigneur se renouvelleront de jour en jour. La connaissance de l'Infini est à leur disposition, afin qu'ils ne s'égarent pas en exécutant les desseins de Dieu. Qu'ils conservent fermement jusqu'à la fin leur assurance, et se souviennent que la vérité divine doit briller au sein des ténèbres qui enveloppent notre monde. Dans le service de Dieu, il faut bannir le découragement. Que la foi du serviteur consacré demeure ferme dans l'épreuve. Le Seigneur peut et veut lui accorder toute la force nécessaire, toute la sagesse que réclament les exigences de son oeuvre. Il dépassera de beaucoup les plus grands espoirs de tous ceux qui s'attendent à lui. ------------------------Chapitre 24 -- Corinthe Ce chapitre est basé sur Actes 18:1-18. CP 215 1 Au cours du premier siècle de l'ère chrétienne, Corinthe était une des villes les plus célèbres, non seulement de la Grèce, mais du monde. Grecs, Juifs et Romains, visiteurs de tous les pays affluaient dans ses rues, avides de commerce et de plaisir. C'était un grand centre de transactions commerciales, d'accès facile pour toutes les régions de l'Empire romain, un lieu important pour édifier des monuments à la gloire de Dieu et de sa vérité. CP 215 2 Parmi les Juifs qui habitaient dans cette ville, se trouvaient Aquilas et Priscille qui se distinguèrent plus tard comme fidèles serviteurs du Christ. Paul entra dans leur intimité, et "demeura chez eux". CP 215 3 Tout au début de son oeuvre dans ce lieu de passage, l'apôtre vit surgir de tous côtés de sérieux obstacles au progrès de l'Evangile. Corinthe était presque entièrement adonnée à l'idolâtrie. Vénus y était la déesse favorite, et le culte qu'on lui rendait donnait lieu à des pratiques et à des cérémonies immorales. Les Corinthiens étaient réputés, même parmi les païens, pour la corruption de leurs moeurs. Ils semblaient ne s'intéresser qu'aux distractions et aux plaisirs passagers. CP 216 1 Dans sa prédication de l'Evangile à Corinthe, l'apôtre adopta une méthode toute différente de celle qu'il avait suivie à Athènes. En effet, dans cette dernière ville, il avait cherché à adapter son style au caractère de ses auditeurs, opposant la logique à la logique, la philosophie à la philosophie, la science à la science. Or, il se rendit compte que son enseignement à Athènes avait été peu fructueux. Il se décida donc à suivre un tout autre plan de travail à Corinthe pour essayer de fixer l'attention des indifférents et des insouciants. Il résolut d'éviter l'emploi des arguments et des discussions recherchés et de ne "savoir [...] autre chose", pour les Corinthiens, "que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié". Sa prédication ne reposait pas "sur les discours persuasifs de la sagesse, mais sur une démonstration d'Esprit et de puissance".1 CP 216 2 Jésus, que Paul allait présenter aux Grecs de Corinthe comme le Christ, était un Juif d'humble origine, élevé dans une ville rendue proverbiale par sa perversité. Il avait été rejeté par sa propre nation et enfin crucifié comme malfaiteur. Les Grecs croyaient qu'il était nécessaire d'élever le genre humain, mais ils considéraient l'étude de la philosophie et la science comme seuls moyens pour atteindre la véritable élévation et la gloire. Paul pouvait-il les amener à croire que la foi dans la puissance de ce Juif obscur élèverait et ennoblirait chaque faculté de leur être? CP 216 3 Pour un grand nombre d'hommes de nos jours, la croix du Calvaire est auréolée de souvenirs sacrés. De saintes réminiscences sont associées aux scènes de la crucifixion. Mais au temps de Paul, la croix était un objet de répulsion et d'horreur. Présenter comme Sauveur de l'humanité un homme mort sur la croix devait naturellement susciter le ridicule et l'opposition. CP 217 1 Paul savait bien comment son message serait accueilli à la fois par les Juifs et par les Grecs de Corinthe. "Nous prêchons Christ crucifié, admettait-il, scandale pour les Juifs et folie pour les païens."2 Parmi ses auditeurs juifs, il y en avait beaucoup qui combattraient l'Evangile qu'il allait proclamer. Quant aux Grecs, ils considéreraient ses paroles comme parfaitement absurdes. L'apôtre passerait pour un faible d'esprit, en voulant essayer de montrer le rapport que la croix pouvait avoir avec l'ennoblissement de la race ou avec le salut de l'humanité. CP 217 2 Mais pour Paul la croix était l'objet d'un intérêt suprême. Depuis qu'il avait été arrêté dans son rôle de persécuteur contre les disciples de Jésus-Christ crucifié, il n'avait jamais cessé de se glorifier dans la croix. A ce moment-là, lui fut donnée la révélation de l'amour infini de Dieu, manifesté par la mort du Sauveur. Une transformation merveilleuse s'était opérée dans sa vie; tous ses plans, tous ses projets s'harmonisaient désormais avec le ciel. Alors il avait été un homme nouveau en Jésus. Il savait par expérience que lorsqu'un pécheur a compris l'amour du Père, tel qu'il est révélé dans le sacrifice de son Fils, et qu'il laisse agir en lui l'influence divine, un changement s'opère dans son coeur, et dorénavant pour lui le Christ est tout. CP 217 3 Au moment de sa conversion, Paul était animé par le désir ardent d'amener ses semblables à regarder Jésus de Nazareth comme le Fils du Dieu vivant, dont la toute-puissance transforme et sauve les hommes. Désormais, il consacrera toute sa vie à proclamer l'amour et la puissance du Sauveur crucifié. Son coeur débordant de sympathie englobait toutes les classes. "Je me dois, disait-il, aux Grecs et aux barbares, aux savants et aux ignorants."3 L'amour pour le Seigneur de gloire, qu'il avait si impitoyablement persécuté dans la personne de ses saints, était le principe agissant de sa conduite, sa force motrice; et si jamais il était tenté de se relâcher dans l'accomplissement de son devoir, un regard sur la croix et le merveilleux amour qu'il y contemplait lui suffisaient "pour ceindre les reins de son entendement", et le faire avancer sur le chemin du renoncement. CP 218 1 Considérez l'apôtre tandis qu'il prêche dans la synagogue de Corinthe et entretient ses auditeurs des écrits de Moïse et des prophètes, pour en arriver à l'avènement du Messie promis. Ecoutez-le alors qu'il explique l'oeuvre du Rédempteur, le grand prêtre de l'humanité, qui devait donner sa vie en sacrifice pour que nous obtenions, une fois pour toutes, l'expiation de nos péchés, et ensuite exercer son ministère dans le sanctuaire céleste. CP 218 2 Les auditeurs de Paul devaient comprendre que le Messie dont ils attendaient si impatiemment l'avènement était déjà venu, que sa mort était l'antitype de tous les sacrifices expiatoires, et son ministère dans le sanctuaire céleste, le grand sujet qui projetait son ombre sur le passé, rendant clair le ministère du sacerdoce juif. CP 218 3 Paul "réfutait vivement les Juifs en public, démontrant par les Ecritures que Jésus est le Christ". Se basant sur l'Ancien Testament, il expliquait que selon les prophéties et l'attente universelle des Juifs, le Messie devait être de la race d'Abraham et de David. Il établissait la lignée de Jésus, depuis le patriarche jusqu'au Psalmiste royal. Il citait le témoignage des prophètes concernant le caractère et l'oeuvre du Messie promis, la façon dont il avait été reçu et traité sur la terre. Puis, il montrait que toutes ces prédictions avaient été accomplies dans la vie, le ministère et la mort de Jésus de Nazareth. CP 218 4 Paul expliquait que le Christ était venu pour offrir d'abord le salut à la nation qui attendait l'avènement du Messie, couronnement et gloire de sa race. Mais les Juifs avaient rejeté celui qui voulait leur donner la vie, et ils avaient choisi un autre maître dont le règne s'achèverait par la mort. Il essayait de prouver à ses auditeurs que, seule, la repentance pourrait sauver la nation juive d'une ruine imminente. Il leur révélait leur ignorance relative à la signification de ces Ecritures qu'ils se vantaient et se glorifiaient de bien comprendre. Il condamnait leur mondanité, leur recherche des honneurs, des titres, et leur égoïsme effréné. CP 219 1 Sous la puissance du Saint-Esprit, l'apôtre faisait le récit de sa miraculeuse conversion; il témoignait de sa foi dans l'Ancien Testament qui avait été pleinement réalisé par Jésus de Nazareth. Il parlait avec une véhémence si solennelle que ses auditeurs ne pouvaient s'empêcher de découvrir en lui un coeur débordant d'amour pour le Sauveur crucifié et ressuscité. Ceux-ci se rendaient compte que sa pensée se concentrait dans le Christ, que toute sa vie dépendait de son Sauveur. Ses paroles étaient si touchantes que, seuls, ceux qui éprouvaient la haine la plus farouche contre la religion chrétienne pouvaient les entendre sans émotion. CP 219 2 Mais les Juifs de Corinthe fermèrent les yeux à l'évidence si clairement présentée par l'apôtre, et ils refusèrent d'écouter ses appels. Le même esprit qui les avait poussés à rejeter le Christ les remplissait de colère et de fureur contre son serviteur; et si Dieu ne l'avait spécialement protégé, pour qu'il puisse continuer à annoncer l'Evangile aux Gentils, ils l'auraient mis à mort. "Les Juifs faisant alors de l'opposition et se livrant à des injures, Paul secoua ses vêtements, et leur dit: Que votre sang retombe sur votre tête! J'en suis pur. Dès maintenant, j'irai vers les païens. Et sortant de là, il entra chez un nommé Justus, homme craignant Dieu, et dont la maison était contiguë à la synagogue." CP 219 3 Silas et Timothée étaient venus de Macédoine pour assister Paul, et ils travaillèrent ensemble en faveur des Gentils. Aux païens comme aux Juifs, Paul et ses compagnons prêchaient le Christ comme le Sauveur de l'humanité. Les messagers de la croix évitaient les raisonnements compliqués et recherchés, et ils s'attardaient sur les attributs du Créateur du monde, le Maître suprême de l'univers. Le coeur débordant d'amour pour Dieu et son Fils, ils invitaient les païens à contempler le grand sacrifice consommé en faveur de l'homme. CP 219 4 Ils savaient que si tous ceux qui avaient longtemps marché dans les ténèbres du paganisme pouvaient voir la lumière qui rayonne de la croix du Calvaire, ils seraient amenés au Rédempteur. "Quand j'aurai été élevé de la terre, avait dit Jésus, j'attirerai tous les hommes à moi."4 A Corinthe, les messagers de l'Evangile se rendirent compte du terrible danger qui menaçait ceux pour qui ils travaillaient; et c'était avec un vif sentiment de leur responsabilité qu'ils leur présentaient la vérité telle qu'elle est en Jésus. Simple et décisif, leur message apportait "aux uns, une odeur de mort, donnant la mort; aux autres, une odeur de vie, donnant la vie".5 CP 220 1 Les apôtres ne prêchaient pas l'Evangile par des paroles seulement, mais aussi par l'exemple de leur vie quotidienne. Les anges coopéraient avec eux, et la grâce et la puissance de Dieu se manifestaient par de nombreuses conversions. "Crispus, le chef de la synagogue, crut au Seigneur avec toute sa famille. Et plusieurs Corinthiens, qui avaient entendu Paul, crurent aussi, et furent baptisés." CP 220 2 La haine avec laquelle les Juifs avaient toujours considéré les disciples s'intensifia alors. La conversion et le baptême de Crispus eurent pour effet d'exaspérer au lieu de convaincre leurs ennemis acharnés. Ceux-ci ne pouvaient fournir aucun argument pour réfuter la prédication de Paul, et faute de preuves, ils eurent recours à la tromperie et à la malice. Ils blasphémèrent l'Evangile et le nom de Jésus. Aveuglés par la colère, ils ne trouvaient pas de paroles assez mordantes, ni de machinations assez viles. Ils ne pouvaient nier que le Christ avait opéré des miracles, mais ils déclaraient qu'il les avait accomplis par la puissance de Satan, et ils affirmaient cyniquement que les oeuvres merveilleuses de Paul l'étaient par le même moyen. CP 220 3 Bien que l'apôtre eût un certain succès à Corinthe, la perversité qu'il y rencontra lui fit frôler le découragement. La corruption des Gentils, le mépris et l'outrage qu'il reçut de la part des Juifs lui causèrent une grande douleur morale. Il ne pensait pas qu'il fût sage d'édifier une église avec les éléments qu'il trouvait dans cette ville. Comme il se préparait à quitter Corinthe pour un champ de travail plus prometteur et s'efforçait de comprendre où était son devoir, le Seigneur lui apparut en vision, et lui dit: "Ne crains point; mais parle, et ne te tais point, car je suis avec toi, et personne ne mettra la main sur toi pour te faire du mal: parle, car j'ai un peuple nombreux dans cette ville." Paul comprit qu'il recevait l'ordre de rester à Corinthe et que le Seigneur lui assurait une riche moisson d'âmes. Ainsi fortifié et encouragé, il continua à travailler là avec zèle et persévérance. CP 221 1 Les efforts de l'apôtre ne se limitèrent pas à la prédication publique. De nombreuses âmes n'auraient pu être atteintes de cette manière. Il passa donc beaucoup de temps à aller de maison en maison, profitant ainsi des conversations familières du foyer. Il rendait visite aux malades et aux affligés, relevait les esprits abattus et réconfortait les opprimés. Et dans tout ce qu'il faisait et disait, il glorifiait le nom de Jésus. Ainsi, il travaillait "rempli de faiblesse, de crainte, et de grand tremblement".6 Il craignait que sa prédication ne révélât l'empreinte de l'humain plutôt que celle du divin. CP 221 2 "Cependant, dit-il, c'est une sagesse que nous prêchons parmi les parfaits, sagesse qui n'est pas de ce siècle, ni des chefs de ce siècle, qui vont être anéantis; mais nous prêchons la sagesse de Dieu, mystérieuse et cachée, que Dieu, avant les siècles, avait destinée pour notre gloire, sagesse qu'aucun des chefs de ce siècle n'a connue, car, s'ils l'eussent connue, ils n'auraient pas crucifié le Seigneur de gloire. Mais, comme il est écrit, ce sont des choses que l'oeil n'a point vues, que l'oreille n'a point entendues, et qui ne sont point montées au coeur de l'homme, des choses que Dieu a préparées pour ceux qui l'aiment. Dieu nous les a révélées par l'Esprit. Car l'Esprit sonde tout, même les profondeurs de Dieu. Lequel des hommes, en effet, connaît les choses de l'homme, si ce n'est l'esprit de l'homme qui est en lui? De même, personne ne connaît les choses de Dieu, si ce n'est l'Esprit de Dieu. Or nous, nous n'avons pas reçu l'esprit du monde, mais l'esprit qui vient de Dieu, afin que nous connaissions les choses que Dieu nous a données par sa grâce. Et nous en parlons, non avec des discours qu'enseigne la sagesse humaine, mais avec ceux qu'enseigne l'Esprit, employant un langage spirituel pour les choses spirituelles."7 CP 222 1 Paul se rendait compte que ses capacités ne venaient pas de lui-même, mais du Saint-Esprit dont l'influence bénie remplissait son coeur, soumettant chacune de ses pensées au Christ. Il disait, en parlant de lui-même: "Portant toujours avec nous dans notre corps la mort de Jésus, afin que la vie de Jésus soit aussi manifestée dans notre corps."8 CP 222 2 Dans la prédication de l'apôtre, le Christ était toujours la figure centrale. "Si je vis, déclarait-il, ce n'est plus moi qui vis, c'est Christ qui vit en moi."9 CP 222 3 Paul était un orateur éloquent. Avant sa conversion, il avait souvent cherché à frapper ses auditeurs par des envolées oratoires. Mais maintenant, au lieu de se laisser aller à des descriptions poétiques et à des expressions imagées qui ne pouvaient satisfaire que les sentiments et frapper l'esprit, sans toucher à l'expérience de la vie quotidienne, Paul s'attachait à employer un langage simple pour apporter dans les coeurs les vérités d'une importance vitale. Les images fantaisistes peuvent être causes d'extase sentimentale, mais trop souvent les vérités présentées de cette manière ne donnent pas au chrétien la nourriture nécessaire pour le fortifier en vue des batailles de la vie. Les besoins immédiats, les épreuves des âmes qui luttent doivent être affrontés avec le secours des instructions solides et pratiques des principes fondamentaux de la religion chrétienne. CP 222 4 L'oeuvre de Paul à Corinthe ne fut pas infructueuse. Nombreuses furent les âmes qui se détournèrent des idoles pour servir le Dieu vivant, et une importante église fut organisée. Quelques-uns des Gentils les plus dépravés devinrent des monuments à la gloire de Dieu, grâce à l'efficacité du sang du Christ versé pour la purification du péché. CP 222 5 Mais les succès croissants de Paul suscitèrent chez les Juifs incrédules une opposition plus résolue. Ils se groupèrent "et se soulevèrent unanimement contre Paul et le menèrent devant le tribunal" de Gallion, alors proconsul de l'Achaïe. Ils espéraient que les autorités se mettraient de leur côté, comme cela s'était déjà produit. Avec des voix perçantes et irritées, ils proféraient des plaintes contre l'apôtre, et disaient: "Cet homme excite les gens à servir Dieu d'une manière contraire à la loi." CP 223 1 La religion juive était sous la protection de l'autorité romaine. Les accusateurs de Paul pensaient que s'ils arrivaient à l'inculper de violation des lois de leur religion, ils avaient des chances de le faire juger et condamner. Ils espéraient ainsi obtenir sa mort. Mais Gallion était un homme intègre; il refusa de faire le jeu de Juifs jaloux et intrigants. Ecoeuré par leur bigoterie et leur propre justice, il ne tint aucun compte de l'accusation portée contre Paul. Comme l'apôtre se préparait à parler pour sa défense, Gallion lui dit que ce n'était pas nécessaire. Puis, se tournant vers les accusateurs irrités, il leur déclara: "S'il s'agissait de quelque injustice ou de quelque méchante action, je vous écouterais comme de raison, ô Juifs; mais, s'il s'agit de discussions sur une parole, sur des noms, et sur votre loi, cela vous regarde: je ne veux pas être juge de ces choses. Et il les renvoya du tribunal." CP 223 2 Les Juifs et les Grecs attendaient avec impatience la décision de Gallion. Le renvoi immédiat du cas de Paul montrait que le proconsul ne s'intéressait pas à l'affaire en cause. Ce fut pour les Juifs le signal les invitant à se retirer, déconcertés et furieux. L'attitude résolue du proconsul ouvrit les yeux de la foule houleuse qui avait soutenu les Juifs. Pour la première fois depuis que Paul travaillait en Europe, la foule se tournait de son côté, sous l'oeil même du proconsul et, sans que celui-ci intervînt, elle attaqua violemment les accusateurs de l'apôtre les plus en vue. "Alors tous, se saisissant de Sosthène, le chef de la synagogue, le battaient devant le tribunal, sans que Gallion s'en mît en peine." Ainsi la chrétienté remportait une victoire remarquable. CP 223 3 Et "Paul resta encore assez longtemps à Corinthe". S'il avait été contraint à ce moment-là de quitter cette ville, les nouveaux convertis se seraient trouvés en fâcheuse posture. Les Juifs auraient essayé de profiter de l'avantage ainsi obtenu pour exterminer le christianisme dans cette région. ------------------------Chapitre 25 -- Les lettres aux Thessaloniciens Ce chapitre est basé sur les épîtres aux Thessaloniciens. CP 225 1 Paul, qui séjournait à Corinthe, se réjouit grandement de l'arrivée de Silas et de Timothée, venus de Macédoine. Ils lui apportaient de bonnes nouvelles de ceux qui avaient accepté l'Evangile pendant le premier séjour des serviteurs de Dieu à Thessalonique. Le coeur de Paul se portait tendrement vers ces chrétiens, qui, dans l'épreuve et l'adversité, étaient restés fidèles au Seigneur. Il avait le vif désir de leur rendre visite, mais comme cela lui était alors impossible, il leur écrivit. CP 225 2 Dans sa première épître, l'apôtre exprime aux Thessaloniciens sa gratitude envers Dieu pour la bonne nouvelle relative à l'affermissement de leur foi: "Frères, écrit-il, au milieu de toutes nos calamités et de nos tribulations, nous avons été consolés à votre sujet, à cause de votre foi. Car maintenant nous vivons, puisque vous demeurez fermes dans le Seigneur. Quelles actions de grâces, en effet, nous pouvons rendre à Dieu à votre sujet, pour toute la joie que nous éprouvons à cause de vous, devant notre Dieu! Nuit et jour, nous le prions avec une extrême ardeur de nous permettre de vous voir, et de compléter ce qui manque à votre foi." CP 226 1 "Nous rendons continuellement grâces à Dieu pour vous tous, faisant mention de vous dans nos prières, nous rappelant sans cesse l'oeuvre de votre foi, le travail de votre charité, et la fermeté de votre espérance en notre Seigneur Jésus-Christ, devant Dieu notre Père." CP 226 2 Un grand nombre de croyants, à Thessalonique, avaient abandonné "les idoles pour servir le Dieu vivant et vrai", "recevant la parole au milieu de beaucoup de tribulations". Leurs coeurs étaient remplis de "la joie du Saint-Esprit". L'apôtre déclare que leur fidélité au Seigneur était "un modèle pour tous les croyants de la Macédoine et de l'Achaïe". Ces louanges n'étaient pas imméritées, car, dit-il, "la parole du Seigneur a retenti de chez vous dans la Macédoine et dans l'Achaïe, mais votre foi en Dieu s'est fait connaître en tout lieu". CP 226 3 Les chrétiens de Thessalonique étaient de vrais missionnaires. Leurs coeurs brûlaient de zèle pour leur Sauveur, qui les avait délivrés de la crainte de "la colère à venir". Par la grâce du Christ, une transformation merveilleuse s'était opérée dans leurs vies, et la parole du Seigneur prêchée par les apôtres était accompagnée de puissance. Les coeurs étaient gagnés à l'Evangile, et de nombreuses âmes s'ajoutaient aux croyants. CP 226 4 Dans cette épître, Paul fait allusion à la manière dont il travailla chez les Thessaloniciens. Il déclare qu'il n'avait pas cherché à faire des convertis en employant l'erreur ou la tromperie. "Selon que Dieu nous a jugés dignes de nous confier l'Evangile, ainsi nous parlons, non comme pour plaire à des hommes, mais pour plaire à Dieu, qui sonde nos coeurs. Jamais, en effet, nous n'avons usé de paroles flatteuses, comme vous le savez; jamais nous n'avons eu la cupidité pour mobile, Dieu en est témoin. Nous n'avons point cherché la gloire qui vient des hommes, ni de vous ni des autres; nous aurions pu nous produire avec autorité comme apôtres de Christ, mais nous avons été pleins de douceur au milieu de vous. De même qu'une nourrice prend un tendre soin de ses enfants, nous aurions voulu, dans notre vive affection pour vous, non seulement vous donner l'Evangile de Dieu, mais encore nos propres vies, tant vous nous étiez devenus chers. Vous vous rappelez, frères, notre travail et notre peine: nuit et jour à l'oeuvre, pour n'être à charge à aucun de vous, nous vous avons prêché l'Evangile de Dieu. Vous êtes témoins, et Dieu l'est aussi, que nous avons eu envers vous qui croyez une conduite sainte, juste et irréprochable. Vous savez aussi que nous avons été pour chacun de vous ce qu'un père est pour ses enfants, vous exhortant, vous consolant, vous conjurant de marcher d'une manière digne de Dieu, qui vous appelle à son royaume et à sa gloire. CP 227 1 " C'est pourquoi nous rendons continuellement grâces à Dieu de ce qu'en recevant la parole de Dieu, que nous vous avons fait entendre, vous l'avez reçue, non comme la parole des hommes, mais, ainsi qu'elle l'est véritablement, comme la parole de Dieu, qui agit en vous qui croyez. [...] Qui est, en effet, notre espérance, ou notre joie, ou notre couronne de gloire? N'est-ce pas vous aussi, devant notre Seigneur Jésus, lors de son avènement? Oui, vous êtes notre gloire et notre joie." CP 228 2 L'apôtre Paul s'efforce de faire comprendre aux Thessaloniciens le véritable état des morts. Il leur assure que ceux qui meurent sont comme dans un sommeil, dans un état d'inconscience totale: "Nous ne voulons pas, frères, dit-il, que vous soyez dans l'ignorance au sujet de ceux qui dorment, afin que vous ne vous affligiez pas comme les autres qui n'ont point d'espérance. Car, si nous croyons que Jésus est mort et qu'il est ressuscité, croyons aussi que Dieu ramènera par Jésus et avec lui ceux qui sont morts. Voici, en effet, ce que nous vous déclarons d'après la parole du Seigneur: nous les vivants, restés pour l'avènement du Seigneur, nous ne devancerons pas ceux qui sont morts. Car le Seigneur lui-même, à un signal donné, à la voix d'un archange, et au son de la trompette de Dieu, descendra du ciel, et les morts en Christ ressusciteront premièrement. Ensuite, nous les vivants, qui serons restés, nous serons tous ensemble enlevés avec eux sur des nuées, à la rencontre du Seigneur dans les airs, et ainsi nous serons toujours avec le Seigneur." CP 228 1 Les Thessaloniciens avaient accepté avec empressement l'idée que le Christ allait revenir bientôt pour transmuer les fidèles et les prendre avec lui. Mais ils craignaient que ceux qui mouraient ne soient privés des bénédictions qu'ils espéraient recevoir à la venue du Seigneur. Et voici que leurs bien-aimés, les uns après les autres, leur étaient ravis. Les Thessaloniciens avaient jeté un dernier regard sur le visage de leurs morts, osant à peine espérer les retrouver dans la vie future. CP 228 2 Lorsqu'ils lurent la lettre de Paul, ce fut pour eux une immense joie et une grande consolation. Les paroles de l'apôtre leur révélaient le véritable état des morts. Il expliquait qu'au retour du Christ les vivants n'iraient pas à la rencontre de leur Sauveur avant ceux qui s'étaient endormis en Jésus. La voix de l'archange et le son de la trompette de Dieu réveilleraient ceux qui dorment, et les morts en Christ ressusciteraient premièrement, avant que les vivants aient revêtu l'immortalité. "Ensuite, ajoute-t-il, nous les vivants, qui serons restés, nous serons tous ensemble enlevés avec eux sur des nuées, à la rencontre du Seigneur dans les airs, et ainsi nous serons toujours avec le Seigneur. Consolez-vous donc les uns les autres par ces paroles." CP 228 3 Nous pouvons difficilement imaginer la joie et l'espoir que cette déclaration de l'apôtre apporta à la jeune église de Thessalonique. Les chrétiens crurent au contenu de la lettre réconfortante qui leur était envoyée par leur père spirituel. Leurs coeurs débordaient d'amour pour lui. Il leur avait déjà enseigné ces choses, mais ils avaient eu de la peine à saisir les doctrines qui leur semblaient si étranges dans leur nouveauté. Il n'est donc pas surprenant que l'importance de certains points n'ait pas frappé vivement leur esprit. Cependant, ils étaient assoiffés de vérité, et l'épître de l'apôtre leur apporta une nouvelle espérance et de nouvelles forces. Elle affermit leur foi, et augmenta leur amour pour le Seigneur dont la mort avait mis en pleine lumière la vie et l'immortalité. CP 229 1 Ils se réjouissaient maintenant à la pensée que leurs frères en Christ ressusciteraient pour vivre éternellement dans le royaume de Dieu. Les ténèbres qui avaient enveloppé le lieu de repos de leurs morts s'étaient dissipées. Une nouvelle splendeur couronnait la foi chrétienne, et ils découvraient un autre sujet de gloire dans la vie, la mort et la résurrection de Jésus: "Dieu ramènera par Jésus et avec lui ceux qui sont morts", écrivait Paul. De nombreux chrétiens interprètent ce passage de la manière suivante: "Ceux qui dorment seront ramenés du ciel avec le Seigneur." Mais Paul voulait dire que, comme le Christ ressuscita des morts, les saints qui dorment dans la tombe seront de même réveillés par Dieu et enlevés avec lui dans le ciel. Quelle consolation précieuse! Quel espoir glorieux! non seulement pour l'église de Thessalonique, mais pour tous les chrétiens, d'où qu'ils soient! CP 229 2 Pendant qu'il prêchait à Thessalonique, Paul avait si longuement traité le sujet des signes des temps, si clairement annoncé les événements qui se produiraient avant la venue du Fils de l'homme sur les nuées, qu'il ne jugea pas nécessaire de s'étendre davantage sur cette question. Cependant, il renvoya les Thessaloniciens à ses premières prédications: "Pour ce qui est des temps et des moments, disait-il, vous n'avez pas besoin, frères, qu'on vous en écrive. Car vous savez bien vous-mêmes que le jour du Seigneur viendra comme un voleur dans la nuit. Quand les hommes diront: Paix et sûreté! alors une ruine soudaine les surprendra." CP 229 3 Beaucoup de gens, de nos jours, ferment les yeux aux témoignages que le Christ a donnés aux hommes pour les avertir de sa venue. Ils cherchent à calmer leurs craintes, alors que les signes de la fin s'accomplissent rapidement, et que le monde marche à grands pas vers le temps où le Fils de l'homme apparaîtra sur les nuées. Paul déclare que rester indifférent à ces signes avant-coureurs de la seconde venue du Christ, c'est commettre un péché. Ceux qui se rendent coupables de cette négligence sont appelés enfants de la nuit et des ténèbres. L'apôtre encourage les vigilants en ces termes: "Mais vous, frères, vous n'êtes pas dans les ténèbres, pour que ce jour vous surprenne comme un voleur; vous êtes tous des enfants de la lumière et des enfants du jour. Nous ne sommes point de la nuit ni des ténèbres. Ne dormons donc point comme les autres, mais veillons et soyons sobres." CP 230 1 Les enseignements de Paul sur ce point sont particulièrement importants. Pour nous, qui vivons si près de la consommation de toutes choses, ces paroles de l'apôtre devraient nous pénétrer avec une force saisissante: "Nous qui sommes du jour, soyons sobres, ayant revêtu la cuirasse de la foi et de la charité, et ayant pour casque l'espérance du salut. Car Dieu ne nous a pas destinés à la colère, mais à l'acquisition du salut par notre Seigneur Jésus-Christ, qui est mort pour nous, afin que, soit que nous veillions, soit que nous dormions, nous vivions ensemble avec lui." CP 230 2 Le chrétien vigilant est un chrétien agissant; il cherche ardemment à faire tout ce qu'il peut pour l'avancement du règne de Dieu. Son amour pour le Rédempteur s'accroît en même temps que son amour pour ses frères. Il rencontre de dures épreuves mais, comme son Maître, il ne permet pas à l'affliction d'aigrir son caractère ou de troubler sa paix. Il sait que l'épreuve vaillamment supportée l'affine et le purifie, tout en l'associant plus étroitement avec le Christ. Ceux qui participent aux souffrances du Sauveur auront droit aussi à sa consolation et, enfin, à sa gloire. CP 230 3 "Nous vous prions, frères, continue Paul dans sa première lettre aux Thessaloniciens, d'avoir de la considération pour ceux qui travaillent parmi vous, qui vous dirigent dans le Seigneur, et qui vous exhortent. Ayez pour eux beaucoup d'affection, à cause de leur oeuvre. Soyez en paix entre vous." CP 231 1 Les chrétiens de Thessalonique éprouvaient de graves ennuis, à cause de ceux qui s'introduisaient parmi eux et nourrissaient des idées et des doctrines fanatiques. Quelques-uns vivaient "dans le désordre, ne travaillaient pas, mais s'occupaient de futilités". L'église avait été organisée avec méthode. Des frères y jouaient le rôle de diacres et de ministres Pourtant, certains d'entre eux, à l'esprit indépendant et rebelle, refusaient de se soumettre à la tutelle des chefs ecclésiastiques. Ils revendiquaient, non seulement le droit de juger les affaires privées, mais aussi celui d'intervenir dans les affaires publiques de l'église. C'est pour éviter cet état de choses que Paul recommanda aux Thessaloniciens d'avoir du respect et de la déférence envers ceux qui avaient été choisis pour occuper des postes de confiance dans l'église. CP 231 2 Soucieux de voir les chrétiens de Thessalonique marcher dans la crainte de Dieu, l'apôtre les exhorte à pratiquer la piété dans leur vie quotidienne. Il écrivait: "Au reste, frères, puisque vous avez appris de nous comment vous devez vous conduire et plaire à Dieu, et que c'est là ce que vous faites, nous vous prions et nous vous en conjurons au nom du Seigneur Jésus de marcher à cet égard de progrès en progrès. Vous savez, en effet, quels préceptes nous vous avons donnés de la part du Seigneur Jésus. Ce que Dieu veut, c'est votre sanctification; c'est que vous vous absteniez de l'impudicité. [...] Car Dieu ne nous a pas appelés à l'impureté, mais à la sanctification." CP 231 3 L'apôtre se sentait grandement responsable de la croissance spirituelle de ceux qui s'étaient convertis par son intermédiaire. Il désirait que fût augmentée leur connaissance du seul vrai Dieu et de Jésus-Christ qu'il avait envoyé. Au cours de son ministère, il réunissait fréquemment de petits groupes d'hommes et de femmes qui aimaient Jésus, et avec eux il se livrait à la prière. Il demandait au Seigneur de leur apprendre à garder un réel contact avec le ciel. Souvent, il s'entretenait avec eux des meilleures méthodes à adopter pour communiquer aux autres les vérités de l'Evangile. Et souvent aussi, lorsqu'il était séparé de ceux pour lesquels il avait ainsi oeuvré, il suppliait Dieu de les préserver du mal et de les aider à devenir des missionnaires actifs et zélés. CP 232 1 Une des plus grandes preuves de la vraie conversion réside dans l'amour que l'on ressent pour Dieu et le prochain. Les hommes qui acceptent Jésus comme Rédempteur éprouvent une affection profonde et sincère pour ceux qui partagent cette précieuse foi. Il en était ainsi chez les chrétiens de Thessalonique. "Pour ce qui est de l'amour fraternel, vous n'avez pas besoin qu'on vous en écrive, affirmait l'apôtre; car vous avez vous-mêmes appris de Dieu à vous aimer les uns les autres, et c'est aussi ce que vous faites envers tous les frères dans la Macédoine entière. Mais nous vous exhortons, frères, à abonder toujours plus dans cet amour, et à mettre votre honneur à vivre tranquilles, à vous occuper de vos propres affaires, et à travailler de vos mains, comme nous vous l'avons recommandé, en sorte que vous vous conduisiez honnêtement envers ceux du dehors, et que vous n'ayez besoin de personne." CP 232 2 "Que le Seigneur augmente de plus en plus parmi vous, et à l'égard de tous, cette charité que nous avons nous-mêmes pour vous, afin d'affermir vos coeurs pour qu'ils soient irréprochables dans la sainteté devant Dieu notre Père, lors de l'avènement de notre Seigneur Jésus avec tous ses saints!" CP 232 3 "Nous vous en prions aussi, frères, avertissez ceux qui vivent dans le désordre, consolez ceux qui sont abattus, supportez les faibles, usez de patience envers tous. Prenez garde que personne ne rende à autrui le mal pour le mal; mais poursuivez toujours le bien, soit entre vous, soit envers tous. Soyez toujours joyeux. Priez sans cesse. Rendez grâces en toutes choses, car c'est à votre égard la volonté de Dieu en Jésus-Christ." CP 232 4 L'apôtre avertissait les Thessaloniciens de ne pas mépriser le don de prophétie. Il écrivait: "N'éteignez pas l'Esprit. Ne méprisez pas les prophéties. Mais examinez toutes choses; retenez ce qui est bon." Il les priait de bien faire la distinction entre le faux et le vrai, de s'abstenir de "toute espèce de mal", et il terminait son épître par cette prière: "Que le Dieu de paix vous sanctifie lui-même tout entiers, et que tout votre être, l'esprit, l'âme et le corps, soit conservé irrépréhensible, lors de l'avènement de notre Seigneur Jésus-Christ!" Et il ajoutait: "Celui qui vous a appelés est fidèle, et c'est lui qui le fera." CP 233 1 Les instructions que Paul envoya aux Thessaloniciens, dans sa première épître, au sujet de la seconde venue du Christ, étaient en parfaite harmonie avec ce qu'il leur avait dit auparavant. Et pourtant, ses paroles furent mal interprétées par quelques fidèles. Ils crurent que Paul exprimait l'espoir de faire partie des vivants qui assisteraient à la venue du Sauveur. Cette pensée ne fit qu'augmenter leur enthousiasme et leur exaltation. Ceux qui avaient antérieurement négligé leurs devoirs et leurs responsabilités s'obstinaient davantage dans leur point de vue erroné. CP 233 2 Dans sa deuxième épître, Paul s'efforce de corriger la fausse interprétation de son enseignement et d'exposer sa véritable opinion. Il exprime à nouveau sa confiance dans l'intégrité des chrétiens de Thessalonique et sa gratitude pour leur foi qui s'était affermie, ainsi que pour leur amour envers les frères et la cause de leur Maître. Il leur dit qu'il les cite en exemple aux autres églises pour cette foi persévérante, qui leur permettait de supporter courageusement les persécutions et les tribulations, et il les transporte en pensée à la seconde venue du Christ, au moment où le peuple de Dieu se reposera de ses fatigues et de ses épreuves. CP 233 3 "Aussi nous glorifions-nous de vous dans les Eglises de Dieu, écrivait-il, à cause de votre persévérance et de votre foi au milieu de toutes vos persécutions et des tribulations que vous avez à supporter. [...] A vous qui êtes affligés [vous aurez] du repos avec nous, lorsque le Seigneur Jésus apparaîtra du ciel avec les anges de sa puissance, au milieu d'une flamme de feu, pour punir ceux qui ne connaissent pas Dieu et ceux qui n'obéissent pas à l'Evangile de notre Seigneur Jésus. Ils auront pour châtiment une ruine éternelle, loin de la face du Seigneur et de la gloire de sa force. [...] C'est pourquoi aussi nous prions continuellement pour vous, afin que notre Dieu vous juge dignes de la vocation et qu'il accomplisse par sa puissance tous les desseins bienveillants de sa bonté, et l'oeuvre de votre foi, pour que le nom de notre Seigneur Jésus soit glorifié en vous, et que vous soyez glorifiés en lui, selon la grâce de notre Dieu et du Seigneur Jésus-Christ." CP 234 1 Mais avant la venue du Christ devaient se dérouler d'importants événements dans le monde religieux, événements annoncés par la prophétie. L'apôtre déclarait: "Nous vous prions, frères, de ne pas vous laisser facilement ébranler dans votre bon sens, et de ne pas vous laisser troubler, soit par quelque inspiration, soit par quelque parole, ou par quelque lettre qu'on dirait venir de nous, comme si le jour du Seigneur était déjà là. Que personne ne vous séduise d'aucune manière; car il faut que l'apostasie soit arrivée auparavant, et qu'on ait vu paraître l'homme du péché, le fils de la perdition, l'adversaire qui s'élève au-dessus de tout ce qu'on appelle Dieu ou de ce qu'on adore, jusqu'à s'asseoir dans le temple de Dieu, se proclamant lui-même Dieu." CP 234 2 Les paroles de Paul ne devaient pas être mal interprétées. Il ne fallait pas dire qu'il avait reçu une révélation particulière et annoncé aux Thessaloniciens la venue imminente du Christ. Cette affirmation créerait de la confusion dans la foi des croyants; car le désappointement conduit souvent, en effet, à l'incrédulité. C'est pourquoi l'apôtre avertit les frères de ne pas accepter une telle déclaration comme venant de lui; et il insiste sur le fait que la puissance de "l'homme du péché", si clairement décrite par le prophète Daniel, devait d'abord s'élever et faire la guerre au peuple de Dieu. Tant que cette puissance n'aurait pas accompli son oeuvre de blasphème et de mort, c'est en vain que l'Eglise de Dieu attendrait le retour du Seigneur. "Ne vous souvenez-vous pas, demandait Paul, que je vous disais ces choses, lorsque j'étais encore chez vous?" CP 235 1 Quelles terribles épreuves devaient fondre sur la véritable Eglise de Dieu! A l'époque où l'apôtre écrivait, "le mystère de l'iniquité" avait déjà commencé à agir. Les événements qui devaient se dérouler dans l'avenir se feraient "par la puissance de Satan, avec toutes sortes de miracles, de signes et de prodiges mensongers, et avec toutes les séductions de l'iniquité pour ceux qui périssent". CP 235 2 Qu'elle est solennelle cette déclaration de l'apôtre pour ceux qui refuseront de recevoir "l'amour de la vérité"! A tous ceux qui rejettent délibérément celle-ci, Dieu enverra, déclare l'apôtre, "une puissance d'égarement, pour qu'ils croient au mensonge, afin que tous ceux qui n'ont pas cru à la vérité, mais qui ont pris plaisir à l'injustice, soient condamnés". Les hommes ne peuvent rejeter impunément les avertissements que, dans sa miséricorde, le Seigneur leur envoie. Il retire son esprit de ceux qui persistent à se détourner de ces avertissements, et il les abandonne aux erreurs qu'ils affectionnent. CP 235 3 Ainsi Paul traça les grandes lignes de l'oeuvre néfaste de ce pouvoir du mal, qui devait s'exercer à travers les longs siècles de ténèbres et de persécution précédant la seconde venue du Christ. Les chrétiens de Thessalonique avaient mis leur espoir dans une délivrance immédiate. Or Paul les exhortait maintenant à reprendre courageusement, et dans la crainte de Dieu, le travail qui s'offrait à eux. Il leur recommandait de ne pas négliger leurs devoirs et de ne pas croire qu'ils devaient attendre la venue du Christ dans l'oisiveté. Après l'espoir radieux d'une délivrance immédiate, la routine de la vie quotidienne et l'opposition qu'ils allaient devoir affronter leur paraîtraient doublement déprimantes. C'est pourquoi ils furent exhortés à demeurer fermes dans la foi: "Ainsi donc, frères, demeurez fermes, et retenez les instructions que vous avez reçues, soit par notre parole, soit par notre lettre. Que notre Seigneur Jésus-Christ lui-même, et Dieu notre Père, qui nous a aimés, et qui nous a donné par sa grâce une consolation éternelle et une bonne espérance, consolent vos coeurs, et vous affermissent en toute bonne oeuvre et en toute bonne parole!" "Le Seigneur est fidèle, il vous affermira et vous préservera du malin. Nous avons à votre égard cette confiance dans le Seigneur que vous faites et que vous ferez les choses que nous recommandons. Que le Seigneur dirige vos coeurs vers l'amour de Dieu et vers la patience de Christ!" CP 236 1 La tâche des chrétiens leur avait été confiée par Dieu. Grâce à leur fidélité envers la vérité, ils devaient communiquer à leurs semblables la lumière qu'ils avaient eux-mêmes reçue. CP 236 2 L'apôtre les priait de ne pas se lasser de faire le bien. Il les invitait à suivre son propre exemple quant à la diligence qu'il apportait dans les affaires matérielles, alors qu'il déployait un zèle infatigable pour la cause du Christ. Il désapprouvait ceux qui s'étaient laissés aller à la paresse ou à de vaines occupations, et il les exhortait à "manger leur propre pain, en travaillant paisiblement". Il leur ordonnait de se séparer de celui qui méprisait les instructions des ministres de Dieu. Cependant, ajoutait-il, "ne le regardez pas comme un ennemi, mais avertissez-le comme un frère". CP 236 3 L'épître de Paul se terminait par cette prière: "Que le Seigneur de la paix vous donne lui-même la paix en tout temps, de toute manière! Que le Seigneur soit avec vous tous!" ------------------------Chapitre 26 -- Apollos à Corinthe Ce chapitre est basé sur Actes 18:18-28. CP 237 1 Après avoir quitté Corinthe, Paul choisit Ephèse comme nouveau champ de travail. Il se rendait à Jérusalem pour assister à une fête prochaine; son séjour à Ephèse fut donc de courte durée. Il s'entretint avec les Juifs dans la synagogue de cette ville, et l'impression qu'il leur produisit fut si favorable qu'ils le prièrent de continuer sa mission parmi eux. Son intention de visiter Jérusalem l'empêcha d'accéder à leur désir, mais il leur promit de revenir, "si Dieu le veut", ajouta-t-il. Aquilas et Priscille l'avaient accompagné à Ephèse; il les y laissa pour y poursuivre l'oeuvre commencée. CP 237 2 C'est à ce moment-là qu'"un Juif nommé Apollos, originaire d'Alexandrie, homme éloquent et versé dans les Ecritures, vint à Ephèse". Il avait entendu Jean-Baptiste, reçu le baptême de la repentance, et son témoignage prouvait que le travail du prophète n'avait pas été vain. L'Ecriture nous dit qu'Apollos "était instruit dans la voie du Seigneur, et, fervent d'esprit, il annonçait et enseignait avec exactitude ce qui concerne Jésus, bien qu'il ne connût que le baptême de Jean". CP 238 1 A Ephèse, Apollos "se mit à parler librement dans la synagogue". Aquilas et Priscille, qui se trouvaient parmi ses auditeurs, se rendirent compte qu'il n'avait pas encore reçu toute la lumière de l'Evangile. Ils "le prirent avec eux, et lui exposèrent plus exactement la voie de Dieu". Grâce à leur enseignement, Apollos reçut une plus parfaite compréhension des Ecritures, et il devint l'un des plus brillants défenseurs de la foi chrétienne. CP 238 2 Apollos désirant se rendre en Achaïe, les frères d'Ephèse "écrivirent aux disciples de le bien recevoir", comme un prédicateur dont les vues étaient en pleine harmonie avec celles de l'Eglise de Dieu. Il se fixa à Corinthe où, soit en public, soit de maison en maison, "il réfutait vivement les Juifs, [...] démontrant par les Ecritures que Jésus est le Christ". Paul avait jeté la semence de la vérité; Apollos maintenant l'arrosait. Les succès qui accompagnèrent la prédication de ce dernier amenèrent quelques chrétiens à juger son travail supérieur à celui de Paul. Ce parallèle fait entre les deux disciples porta l'église à l'esprit de parti et menaça d'entraver sérieusement les progrès de l'Evangile. CP 238 3 Pendant les dix-huit mois que Paul passa à Corinthe, il avait intentionnellement prêché l'Evangile dans sa simplicité. Il n'était pas venu parmi les Corinthiens "avec les discours persuasifs de la sagesse", mais "avec crainte et tremblement", donnant "une démonstration d'Esprit et de puissance, avait-il déclaré, afin que [leur foi] fût fondée, non sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu".1 L'apôtre avait obligatoirement adapté sa manière d'enseigner aux conditions de l'église. "Pour moi, frères, ce n'est pas comme à des hommes spirituels que j'ai pu vous parier, mais comme à des hommes charnels, comme à des enfants en Christ. Je vous ai donné du lait, non de la nourriture solide, car vous ne pouviez pas la supporter; et vous ne le pouvez pas même à présent, parce que vous êtes encore charnels."2 CP 239 1 Beaucoup de chrétiens de Corinthe étaient lents à comprendre les leçons que Paul s'efforçait de leur inculquer. Leurs progrès dans la connaissance spirituelle n'étaient pas en rapport avec les privilèges et les occasions qu'ils avaient eus. Ils étaient comme les disciples lorsque le Christ leur disait: "J'ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez pas les porter maintenant."3 La jalousie, la suspicion, la critique avaient fermé le coeur de nombreux chrétiens de Corinthe à la plénitude du Saint-Esprit qui "sonde tout, même les profondeurs de Dieu".4 Pour si instruits qu'ils pouvaient être dans les connaissances du monde, ils n'en demeuraient pas moins des enfants dans la connaissance du Christ. CP 239 2 Ce fut à Paul qu'incomba la tâche d'enseigner aux convertis de Corinthe les rudiments, l'alphabet même de la foi chrétienne. Il avait dû les instruire comme des gens ignorant tout des effets de la grâce divine sur le coeur humain. Ils étaient incapables alors de comprendre les mystères du salut, parce que "l'homme animal ne reçoit pas les choses de l'Esprit de Dieu, car elles sont une folie pour lui, et il ne peut les connaître, parce que c'est spirituellement qu'on en juge".5 L'apôtre s'était efforcé de semer, d'autres devraient arroser. Ceux qui lui succéderaient reprendraient son oeuvre là où il l'avait laissée. Ils apporteraient à l'église, au moment voulu et dès qu'elle serait capable de les supporter, la connaissance spirituelle et la lumière divine. CP 239 3 Lorsque Paul reprit son travail à Corinthe, il se rendit compte qu'il devait parler avec beaucoup de prudence des grandes vérités qu'il désirait y enseigner. Il savait que, parmi ses auditeurs, figuraient des admirateurs de théories humaines et des interprètes de faux systèmes d'adoration. Aveuglés par leurs erreurs, ces hommes cherchaient, en tâtonnant, à découvrir dans le livre de la nature des théories qui contrediraient la réalité de la vie spirituelle et immortelle, telle qu'elle est révélée dans les Ecritures. Paul savait aussi que des critiques essayeraient de combattre l'interprétation chrétienne de la Parole inspirée, et que les sceptiques traiteraient l'Evangile avec moquerie et dérision. CP 240 1 Pendant qu'il luttait ainsi pour amener des âmes au pied de la croix, Paul n'essayait pas de censurer directement ceux qui se livraient à la débauche, ni de leur montrer combien leur péché était haïssable aux yeux du Dieu saint. Il leur exposait plutôt le véritable but de la vie, et s'efforçait de frapper leurs esprits par les leçons du divin Maître. S'ils acceptaient ces leçons, ils seraient arrachés à la mondanité et au péché, pour être élevés, alors, vers la pureté et la vertu. L'apôtre insistait, en particulier, sur la piété pratique et la sainteté que doivent atteindre tous ceux qui seront jugés dignes d'occuper une place dans le royaume de Dieu. Il désirait ardemment que la lumière de l'Evangile dissipe les ténèbres de leurs esprits, afin qu'ils se rendent compte combien leurs pratiques immorales offensaient le Seigneur. C'est pourquoi le thème de sa prédication était "Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié". Il s'efforçait de leur montrer que leur étude la plus assidue et leur joie la plus profonde devaient résider dans la merveilleuse vérité du salut par la repentance envers Dieu et la foi en notre Seigneur Jésus-Christ. CP 240 2 Le philosophe se détourne de la lumière du salut, parce qu'elle discréditerait ses théories présomptueuses; le mondain refuse de l'accepter, parce qu'elle le séparerait de ses idoles. Paul jugea que les hommes devaient comprendre la personne du Christ avant de l'aimer ou de contempler sa croix avec les yeux de la foi. C'est en effet par là que doit débuter cette étude qui sera à la fois la science et le cantique des rachetés pendant l'éternité. Ce n'est qu'à la lumière de la croix que peut être estimée la valeur de l'âme humaine. CP 240 3 L'influence purificatrice de la grâce divine transforme les dispositions naturelles. Le ciel ne peut être désirable aux hommes charnels; leurs coeurs souillés ne se sentiraient nullement attirés par ce lieu pur et saint. Et même s'ils avaient la possibilité d'y entrer, ils n'y trouveraient rien d'agréable. Les penchants qui dominent le coeur naturel doivent être soumis à la grâce du Christ, avant que l'homme pécheur puisse entrer au ciel et être en état de jouir de la compagnie des anges. Lorsque l'homme meurt au péché, lorsqu'il est vivifié par une vie nouvelle en Christ, l'amour divin remplit son coeur; son intelligence est sanctifiée; il s'abreuve à longs traits à l'intarissable source de la joie et de la connaissance, et la lumière du jour éternel brille sur son sentier. CP 241 1 Paul s'était efforcé d'inculquer à ses frères de Corinthe que lui et ses collaborateurs n'étaient que des hommes envoyés par Dieu pour enseigner la vérité, qu'ils étaient tous engagés dans la même oeuvre et dépendaient de Dieu pour le succès de leurs travaux. La discussion qui s'était élevée au sein de l'église au sujet des mérites relatifs des différents ministres ne pouvait plaire au Seigneur; elle résultait des manifestations naturelles de leur propre coeur. "Quand l'un dit: Moi, je suis de Paul! et un autre: Moi, d'Apollos! n'êtes-vous pas des hommes? Qu'est-ce donc qu'Apollos, et qu'est-ce que Paul? Des serviteurs, par le moyen desquels vous avez cru, selon que le Seigneur l'a donné à chacun. J'ai planté, Apollos a arrosé, mais Dieu a fait croître."6 CP 241 2 C'était Paul qui avait prêché le premier l'Evangile à Corinthe et constitué l'église. Cette mission lui avait été confiée par le Seigneur. Plus tard, sous la conduite de Dieu, d'autres y furent introduits pour y accomplir la tâche qui leur était assignée. Le grain semé devait être arrosé, et c'était à Apollos de le faire. Il continua donc l'oeuvre de Paul en donnant de plus amples instructions, afin de permettre à la semence de se développer. Il sut gagner le coeur des Corinthiens, mais c'était Dieu qui avait fait croître. Ce n'est pas l'homme qui peut transformer le caractère, mais la puissance divine. Ceux qui plantent et ceux qui arrosent ne sont pour rien dans le développement de la graine. Ils agissent sous l'influence divine; ce sont des moyens désignés par Dieu pour coopérer avec lui dans son oeuvre. C'est au grand Artisan qu'appartiennent l'honneur et la gloire du succès remporté. CP 242 1 Les serviteurs de Dieu ne possèdent pas tous les mêmes dons, mais ils sont tous ses ouvriers. Chacun d'eux doit recevoir les leçons du grand Maître pour en faire part ensuite à ses semblables. Dieu a confié à chacun de ses messagers un travail personnel. Il y a diversité de dons, mais tous doivent collaborer de concert sous la direction sanctifiante du Saint-Esprit. Lorsqu'ils feront connaître la bonne nouvelle du salut autour d'eux, des âmes seront convaincues et se convertiront par la puissance d'en haut. L'influence humaine se confondra avec celle du Christ, et le Sauveur apparaîtra, tel le chef suprême parmi des dizaines de milliers d'êtres, le seul vraiment digne d'amour. CP 242 2 "Celui qui plante et celui qui arrose sont égaux, et chacun recevra sa propre récompense selon son propre travail. Car nous sommes ouvriers avec Dieu. Vous êtes le champ de Dieu, l'édifice de Dieu."7 Dans ce passage, l'apôtre compare l'Eglise à un vignoble où les ouvriers cultivent avec soin les plants du Seigneur. Il compare aussi l'Eglise à un édifice que l'on doit élever pour être le temple de Dieu. Dieu est le Maître-Ouvrier, et il a assigné une tâche à chacun de ceux qui collaborent avec lui. Tous doivent agir sous sa surveillance et le laisser oeuvrer pour et par eux. C'est lui qui leur donne du tact et du talent, et s'ils tiennent compte de ses enseignements, le ciel couronnera leurs efforts de succès. CP 242 3 Les serviteurs de Dieu doivent coopérer dans une atmosphère d'union cordiale et courtoise. "Par honneur, dit saint Paul, usez de prévenances réciproques."8 Il ne faut pas que le travail des prédicateurs soit critiqué d'une manière désobligeante, ni sapé dans ses détails. Aucune division ne doit exister dans l'Eglise. Tout homme à qui le Seigneur a confié un message a une oeuvre particulière à accomplir. Chacun a sa propre personnalité, qui ne saurait être annihilée par celle d'un autre. Cependant, il faut que tous travaillent ensemble dans l'union. Ceux qui sont engagés au service du Maître formeront avant tout un seul corps. Nul ne se donnera en critérium, parlera irrévérencieusement de ses compagnons de travail, ou les considérera en inférieurs. Sous les ordres de Dieu, chacun accomplira la tâche qui lui est dévolue et se sentira respecté, aimé, encouragé par ses collaborateurs. Ils feront tous ensemble avancer l'oeuvre de Dieu jusqu'à son achèvement. C'est sur ces principes que Paul insistait dans sa première épître aux Corinthiens. CP 243 1 L'apôtre faisait allusion aux "serviteurs de Christ", comme "dispensateurs des mystères de Dieu", et il expliquait: "Ce qu'on demande des dispensateurs, c'est que chacun soit trouvé fidèle. Pour moi, il m'importe fort peu d'être jugé par vous, ou par un tribunal humain. Je ne me juge pas non plus moi-même, car je ne me sens coupable de rien; mais ce n'est pas pour cela que je suis justifié. Celui qui me juge, c'est le Seigneur. C'est pourquoi ne jugez de rien avant le temps, jusqu'à ce que vienne le Seigneur, qui mettra en lumière ce qui est caché dans les ténèbres, et qui manifestera les desseins des coeurs. Alors chacun recevra de Dieu la louange qui lui sera due."9 CP 243 2 Il n'est permis à aucun être humain de porter un jugement sur les serviteurs de Dieu. Seul le Seigneur peut juger l'oeuvre de l'homme, et il donnera à chacun sa juste récompense. CP 243 3 L'apôtre continuait sa lettre par une allusion directe aux comparaisons faites entre son travail et celui d'Apollos: "C'est à cause de vous, frères, que j'ai fait de ces choses une application à ma personne et à celle d'Apollos, afin que vous appreniez en nos personnes à ne pas aller au-delà de ce qui est écrit, et que nul de vous ne conçoive de l'orgueil en faveur de l'un contre l'autre. Car qui est-ce qui te distingue? Qu'as-tu que tu n'aies reçu? Et si tu l'as reçu, pourquoi te glorifies-tu, comme si tu ne l'avais pas reçu?"10 CP 244 1 Paul exposait ouvertement à l'Eglise les périls et les tribulations qu'ils avaient patiemment endurés, lui et ses compagnons, au service du Christ. "Jusqu'à cette heure, nous souffrons la faim, la soif, la nudité, disait-il; nous sommes maltraités, errants çà et là; nous nous fatiguons à travailler de nos propres mains; injuriés, nous bénissons; persécutés, nous supportons; calomniés, nous parlons avec bonté; nous sommes devenus comme les balayures du monde, le rebut de tous, jusqu'à maintenant. Ce n'est pas pour vous faire honte que j'écris ces choses; mais je vous avertis comme mes enfants bien-aimés. Car, quand vous auriez dix mille maîtres en Christ, vous n'avez cependant pas plusieurs pères, puisque c'est moi qui vous ai engendrés en Jésus-Christ par l'Evangile."11 CP 244 2 Dieu qui envoie les serviteurs de l'Evangile à titre d'ambassadeurs est déshonoré lorsque, parmi les fidèles, certains éprouvent un trop vif attachement pour un ministre favori et manifestent du déplaisir à l'égard de l'oeuvre d'un autre. Le Seigneur n'agit pas toujours selon les désirs, mais plutôt selon les besoins de son peuple, car les hommes sont à courte vue, et ils ne sauraient toujours discerner ce qui est pour leur plus grand bien. CP 244 3 Il est rare qu'un ministre de l'Evangile soit pourvu de toutes les qualités requises pour perfectionner une église, comme le réclament les principes chrétiens. C'est pourquoi Dieu envoie souvent des serviteurs possédant les qualités qui manquent aux autres. CP 244 4 Les croyants devraient accepter avec gratitude les serviteurs du Christ, comme si c'était le Maître lui-même. Qu'ils cherchent à tirer tout le bénéfice possible des enseignements donnés par le ministre sur la Parole divine. Les vérités présentées par celui-ci devraient être acceptées et appréciées avec douceur et humilité, mais il ne faut pas en faire une idole. CP 244 5 Par la grâce du Christ, les prédicateurs deviendront des messagers de lumière et de bénédiction. En faisant monter vers Dieu leurs prières ferventes et incessantes, ils obtiendront le don du Saint-Esprit. Ils avanceront alors chargés du poids des âmes à sauver, le coeur rempli de zèle pour propager les triomphes de la croix, et ils recueilleront le fruit de leur travail. Ils refuseront résolument d'exalter la sagesse humaine ou de vanter leurs propres mérites. Leur oeuvre résistera ainsi aux assauts de l'ennemi. Bien des âmes passeront des ténèbres à la lumière et de nombreuses églises seront fondées. Les hommes ne se convertiront pas au prédicateur, mais au Christ. Le moi restera à l'arrière-plan; Jésus seul, l'homme du Calvaire, apparaîtra. De nos jours, ceux qui travaillent pour le Christ doivent révéler les mêmes dons excellents que manifestaient, aux jours apostoliques, ceux qui proclamaient l'Evangile. Aujourd'hui, Dieu est aussi désireux de communiquer son pouvoir à ses serviteurs qu'il l'était de l'accorder à Paul, à Apollos, à Silas, à Timothée, à Pierre, à Jacques et à Jean. CP 245 1 Aux jours apostoliques, quelques âmes égarées prétendaient croire au Christ et, cependant, refusaient de témoigner du respect à ses ambassadeurs. Elles déclaraient qu'elles ne suivaient aucun maître humain, mais étaient instruites directement par le Sauveur, sans l'aide des ministres de l'Evangile. Elles étaient indépendantes d'esprit et non désireuses de se soumettre à la voix de l'Eglise. De telles personnes couraient le grand danger de tomber dans l'erreur. CP 245 2 Dieu a placé dans l'Eglise, pour lui servir d'auxiliaires, des hommes aux talents variés, grâce à la sagesse desquels on peut recevoir le Saint-Esprit. CP 245 3 Les personnes qui agissent selon leurs propres mouvements et refusent d'accepter le joug les unissant à celles qui possèdent une longue expérience de l'oeuvre de Dieu seront aveuglées par leur confiance en elles-mêmes, et incapables de discerner le vrai du faux. Il n'est pas prudent que ces personnes-là soient choisies pour diriger l'Eglise, car elles suivraient leur propre jugement, accompliraient leurs propres projets, sans aucun égard pour ceux de leurs frères. Il serait alors facile à l'ennemi d'agir par l'intermédiaire de ceux qui, ayant eux-mêmes besoin d'être conseillés, se chargeraient de prendre les âmes sous leur propre tutelle, sans avoir appris l'humilité du Christ. CP 246 1 Nos impressions seules ne sauraient nous indiquer sûrement notre devoir. L'ennemi persuade souvent les hommes de croire que c'est Dieu qui les dirige, alors qu'en réalité ils suivent simplement une impulsion humaine. Mais si nous sommes vigilants, si nous demandons conseil à nos frères, nous connaîtrons la volonté de Dieu, car il nous est fait cette promesse: "Il conduit les humbles dans la justice, il enseigne aux humbles sa voie."12 CP 246 2 Dans la primitive Eglise, certains chrétiens refusaient de reconnaître Paul ou Apollos comme conducteurs. Ils soutenaient que c'était Pierre leur vrai chef. Pierre, affirmaient-ils, avait été l'ami intime du Christ quand le Maître était sur la terre, tandis que Paul avait persécuté les chrétiens. Leurs idées et leurs sentiments étaient bornés par les préjugés. Ils ne montraient pas la libéralité, la générosité, la sollicitude qui prouvent que le Christ habite dans un coeur. Il était à craindre que de cet esprit de parti ne résulte un grand mal pour l'Eglise. CP 246 3 Le Seigneur enjoignit à Paul d'adresser des paroles de remontrance aux chrétiens, en protestant solennellement contre leur attitude. A ceux qui disaient: "Moi, je suis de Paul! -- et moi, d'Apollos! -- et moi, de Céphas! -- et moi, de Christ!" l'apôtre demandait: "Christ est-il divisé? Paul a-t-il été crucifié pour vous, ou est-ce au nom de Paul que vous avez été baptisés?" "Que personne donc ne mette sa gloire dans des hommes; car tout est à vous, soit Paul, soit Apollos, soit Céphas, soit le monde, soit la vie, soit la mort, soit les choses présentes, soit les choses à venir. Tout est à vous; et vous êtes à Christ, et Christ est à Dieu."13 CP 246 4 Paul et Apollos vivaient en parfaite harmonie. Ce dernier fut affecté et attristé par la discussion qui naquit dans l'église de Corinthe; il ne se prévalut pas de la préférence qui lui était témoignée, et il ne l'encouragea pas, mais il se hâta de quitter ce champ de querelles. Plus tard, lorsque Paul l'invita à se rendre à nouveau à Corinthe, il déclina son offre et il ne revint dans cette ville que lorsque l'église eut acquis un meilleur état spirituel. ------------------------Chapitre 27 -- Ephèse Ce chapitre est basé sur Actes 19:1-20. CP 249 1 Pendant qu'Apollos était à Corinthe, Paul revint à Ephèse comme il l'avait promis. Il avait fait un rapide séjour à Jérusalem pour se rendre à Antioche, scène de ses premiers travaux missionnaires. De là, il traversa toute l'Asie Mineure, "parcourut successivement la Galatie et la Phrygie",1 et visita les églises qu'il avait lui-même fondées, fortifiant la foi des chrétiens. CP 249 2 Au temps des apôtres, la partie occidentale de l'Asie Mineure était connue comme province romaine. Ephèse, important centre commercial, en était la capitale. Dans son port affluaient des navires de toutes régions, et dans ses rues se pressaient des gens de toutes nationalités. De même que Corinthe, cette ville offrait un champ plein de promesses pour le travail missionnaire. CP 249 3 Les Juifs, dispersés alors dans tous les pays civilisés, attendaient universellement la venue du Messie. Lorsque Jean-Baptiste prêchait, beaucoup de ceux qui se rendaient à Jérusalem pour assister aux fêtes annuelles étaient venus l'écouter sur les rives du Jourdain. Ils avaient alors entendu proclamer Jésus comme le Messie promis et répandu cette nouvelle dans toutes les parties du monde. La Providence avait ainsi préparé la voie à l'oeuvre des apôtres. CP 250 1 En arrivant à Ephèse, Paul trouva douze hommes qui avaient été, comme Apollos, disciples de Jean-Baptiste et, comme lui, avaient reçu certaines connaissances sur la mission du Christ. Ils étaient loin d'avoir le talent d'Apollos, mais, animés de la même foi et de la même sincérité, ils cherchaient à propager la connaissance qu'ils avaient reçue. CP 250 2 Ces hommes ignoraient tout de la mission de l'Esprit. Lorsque Paul leur demanda s'ils avaient reçu le Saint-Esprit, ils répondirent: "Nous n'avons pas même entendu dire qu'il y ait un Saint-Esprit." Paul s'enquit encore: "De quel baptême avez-vous donc été baptisés? Et ils répondirent: Du baptême de Jean." CP 250 3 Alors l'apôtre leur exposa les grandes vérités sur lesquelles repose l'espérance chrétienne. Il leur parla de la vie du Christ sur cette terre, de sa mort cruelle et ignominieuse. Il leur raconta comment le Prince de la vie était sorti triomphalement du tombeau par la résurrection. Il leur rappela la mission que le Seigneur avait confiée à ses disciples: "Tout pouvoir m'a été donné dans le ciel et sur la terre. Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit."2 Il leur fit part de la promesse du Christ de leur envoyer le Consolateur, par le pouvoir duquel des miracles et des prodiges seraient opérés, et il leur décrivit de quelle façon merveilleuse cette promesse avait été accomplie le jour de la Pentecôte. CP 250 4 Les disciples étaient vivement intéressés par les paroles de Paul, qu'ils écoutaient avec une joie reconnaissante et émerveillée. Ils saisirent par la foi la sublime vérité du sacrifice expiatoire du Christ, et ils l'acceptèrent comme leur Rédempteur. Ils furent baptisés au nom de Jésus; et lorsque Paul leur "eut imposé les mains", ils reçurent le baptême du Saint-Esprit, ce qui leur permit de parler en langues et de prophétiser. Ainsi, ils furent qualifiés pour travailler comme missionnaires à Ephèse et dans ses environs; ils purent aussi aller proclamer l'Evangile en Asie Mineure. CP 251 1 Parce qu'ils possédaient un esprit humble et étaient désireux de connaître la vérité, ces hommes acquirent l'expérience leur permettant de travailler à l'avancement du règne de Dieu. Leur exemple donne aux chrétiens une leçon de grande valeur. Beaucoup font peu de progrès dans la vie spirituelle parce qu'ils sont trop orgueilleux pour chercher à s'instruire. Ils se contentent d'une connaissance superficielle de la Parole de Dieu, et ne désirent pas modifier leur foi ou leurs habitudes. C'est pourquoi ils ne font pas d'effort pour obtenir de plus grandes lumières. CP 251 2 Si les disciples du Christ cherchaient la sagesse avec ferveur, ils découvriraient des terrains favorables à la vérité qui, jusqu'alors, leur étaient inconnus. Celui qui se donne totalement au Seigneur sera guidé par lui. Il peut être d'origine modeste et apparemment peu doué. Cependant, s'il obéit à la volonté de Dieu avec un coeur aimant et sincère, ses facultés spirituelles seront purifiées, ennoblies, fortifiées, et ses capacités augmentées. Pendant qu'il s'enrichira des leçons de la sagesse divine, une mission sacrée lui sera confiée. Sa vie honorera Dieu et sera une source de bénédictions pour le monde. "La révélation de tes paroles éclaire, dit le Psalmiste, elle donne de l'intelligence aux simples."3 CP 251 3 Nombreuses sont les personnes qui, de nos jours, comme les croyants d'Ephèse, ignorent l'action du Saint-Esprit sur le coeur. Et pourtant, il n'y a pas de vérité plus clairement enseignée dans la Parole de Dieu. Les prophètes et les apôtres ont insisté sur ce thème. Le Christ lui-même attire notre attention sur la croissance du monde végétal pour illustrer l'action de son esprit sur la vie spirituelle. La sève de la vigne s'élève par la racine, elle se répand dans les sarments où elle assure son développement tout en produisant des fleurs et des fruits. De même, la puissance vivifiante du Saint-Esprit provient du Sauveur; elle pénètre dans l'âme, renouvelle les mobiles et les affections, soumet les pensées à la volonté de Dieu, et permet à celui qui la reçoit de porter le fruit précieux de ses actions saintes. CP 252 1 L'auteur de cette vie spirituelle est invisible, et la manière dont il la maintient dépasse la compétence de la philosophie humaine. Cependant, le Saint-Esprit opère toujours en harmonie avec la Parole de Dieu. Ce qui se passe dans le monde naturel se passe aussi dans le monde spirituel. La vie naturelle est gardée heure après heure par la puissance divine; cependant, ce n'est pas par un miracle direct que Dieu nous protège, mais par une série de bénédictions qu'il place à notre portée. Ainsi en est-il de la vie spirituelle; elle est entretenue par l'usage des moyens auxquels Dieu a pourvu. Si le disciple du Christ désire parvenir "à l'état d'homme fait, à la mesure de la stature parfaite de Christ",4 il doit se nourrir du pain de vie et s'abreuver à la source du salut. Il faut qu'il veille, prie, agisse et prenne garde, en toutes choses, aux instructions que Dieu donne dans sa Parole. CP 252 2 Nous pouvons tirer encore une autre leçon de l'expérience des Juifs convertis d'Ephèse. Lorsqu'ils reçurent le baptême de Jean, ils ne comprirent pas complètement la mission de Jésus se chargeant des péchés du monde. Ils persistaient à conserver de graves erreurs. Mais grâce à la lumière qu'ils reçurent plus abondamment, ils acceptèrent joyeusement le Christ comme leur Rédempteur. En progressant ainsi, ils contractèrent de nouvelles obligations. Tandis que leur foi se purifiait, leur vie subissait un changement parallèle. En témoignage de cette transformation, et en reconnaissance de leur foi en Christ, ils furent baptisés à nouveau au nom de Jésus. CP 252 3 Selon sa coutume, Paul avait commencé son oeuvre à Ephèse en prêchant dans la synagogue des Juifs. Trois mois durant, il poursuivit sa tâche, et "discourut sur les choses concernant le royaume de Dieu". Il fut d'abord accueilli favorablement, mais comme dans ses autres champs de travail il ne tarda pas à rencontrer une violente opposition. "Quelques-uns restaient endurcis et incrédules, décriant devant la multitude la voie du Seigneur." Comme ils persistaient à rejeter l'enseignement de l'Evangile, l'apôtre cessa de prêcher dans la synagogue. CP 253 1 L'Esprit de Dieu avait opéré par l'intermédiaire de Paul et permis à l'apôtre d'instruire ses compatriotes. Il avait donné des preuves suffisantes pour convaincre tous ceux qui désiraient sincèrement connaître l'Evangile. Mais beaucoup d'entre eux, se laissant influencer par les préjugés et l'incrédulité, refusèrent de céder aux vérités les plus concluantes. Paul craignit alors que la foi des chrétiens ne fût compromise par les rapports fréquents que ceux-ci avaient avec les incroyants. Il rompit avec eux et groupa les fidèles qu'il continua à instruire dans l'école de Tyrannus, maître ayant un certain renom. CP 253 2 Paul vit "qu'une porte grande et d'un accès efficace" était ouverte devant lui, bien que "ses adversaires fussent nombreux".5 Ephèse n'était pas seulement la plus belle ville, mais aussi la plus corrompue de l'Asie. La superstition et les plaisirs sensuels régnaient sur sa population très dense. A l'ombre de ses temples, les criminels de toute espèce trouvaient un refuge, et les vices les plus dégradants se donnaient libre cours. C'était un centre réputé où l'on adorait la déesse Diane. Le renom du magnifique temple de la "Diane des Ephésiens" s'étendait dans toute l'Asie et presque dans le monde entier. Son incomparable splendeur faisait la gloire, non seulement de la ville, mais de toute la nation. La tradition voulait que l'idole contenue dans le temple fût tombée du ciel. Les caractères symboliques qu'elle portait étaient considérés comme possédant un pouvoir magique. On avait écrit des livres pour expliquer la signification et l'intérêt de ces symboles. CP 253 3 Parmi ceux qui s'adonnaient à l'étude de ces livres coûteux, on comptait une foule de magiciens, qui exerçaient une influence puissante sur l'esprit des adorateurs superstitieux de la statue. CP 254 1 L'apôtre Paul reçut, pendant son séjour à Ephèse, des témoignages particuliers de la faveur divine. La puissance d'en haut accompagnait ses efforts, et il guérit de nombreux malades. "Dieu faisait des miracles extraordinaires par les mains de Paul, au point qu'on appliquait sur les malades des linges ou des mouchoirs qui avaient touché son corps, et les esprits malins sortaient." Ces manifestations d'un pouvoir surnaturel étaient bien plus éclatantes que toutes celles que l'on avait pu voir à Ephèse; elles revêtaient un tel caractère qu'elles ne pouvaient être reproduites ni par le plus habile des charlatans, ni par les maléfices d'un magicien. CP 254 2 Comme ces miracles s'opéraient au nom de Jésus de Nazareth, les gens pouvaient se rendre compte que le Dieu du ciel était plus puissant que les magiciens, adorateurs de la déesse Diane. Ainsi, le Seigneur élevait son serviteur bien au-dessus des idolâtres eux-mêmes, infiniment plus haut que les magiciens les plus puissants et les plus populaires. CP 254 3 Mais celui à qui tous les esprits du mal sont soumis, et qui a donné autorité sur eux à ses serviteurs, allait humilier et confondre ceux qui méprisaient et profanaient son saint nom. CP 254 4 La magie avait été interdite par la loi mosaïque, sous peine de mort. Cependant, de temps en temps, elle avait été secrètement pratiquée par des Juifs apostats. Au moment où Paul se trouvait à Ephèse, il y avait dans la ville "quelques exorcistes juifs ambulants" qui, voyant les miracles opérés par Paul, "essayèrent d'invoquer sur ceux qui avaient des esprits malins le nom du Seigneur Jésus". Ceux qui faisaient cela "étaient sept fils de Scéva, juif, l'un des principaux sacrificateurs". Ils rencontrèrent un homme possédé d'un démon auquel ils dirent: Nous te conjurons "par Jésus que Paul prêche!" Mais "l'esprit malin leur répondit: Je connais Jésus, et je sais qui est Paul; mais vous, qui êtes-vous? Et l'homme dans lequel était l'esprit malin s'élança sur eux, se rendit maître de tous deux, et les maltraita de telle sorte qu'ils s'enfuirent de cette maison nus et blessés." CP 255 1 Ainsi était donnée une preuve manifeste du caractère sacré du nom du Christ et du danger auquel s'exposaient ceux qui invoquaient ce nom sans ajouter foi à la divinité de sa mission. "Et la crainte s'empara d'eux tous, et le nom du Seigneur Jésus était glorifié." CP 255 2 Les faits, jadis tenus cachés, étaient maintenant mis en lumière. En acceptant le christianisme, certains croyants n'avaient pas entièrement renoncé à leurs superstitions. Ils continuaient, dans une certaine mesure, à pratiquer la magie. Maintenant, convaincus de leur erreur, "plusieurs de ceux qui croyaient venaient confesser et déclarer ce qu'ils avaient fait". Le bon travail qui s'était opéré chez les nouveaux convertis s'étendait jusqu'aux magiciens eux-mêmes. "Et un certain nombre de ceux qui avaient exercé les arts magiques, ayant apporté leurs livres, les brûlèrent devant tout le monde: on en estima la valeur à cinquante mille pièces d'argent. C'est ainsi que la parole du Seigneur croissait en puissance et en force." CP 255 3 Le fait que les Ephésiens brûlaient leurs traités d'occultisme montrait que les convertis éprouvaient désormais de l'aversion pour les choses qu'ils avaient adorées. C'est par la pratique de la magie qu'ils avaient particulièrement offensé Dieu et mis leurs âmes en péril. C'est pourquoi ils témoignèrent une telle indignation contre cette science, donnant ainsi une preuve évidente de leur vraie conversion. CP 255 4 Ces traités sur la sorcellerie contenaient des règles et des formules permettant de communiquer avec les esprits malins. C'étaient des règlements du culte de Satan, des instructions pour solliciter son aide et obtenir de lui certaines indications. Si les disciples avaient conservé ces livres, ils se seraient exposés à la tentation; s'ils les avaient vendus, ils auraient placé la tentation sur le chemin de leurs frères. Ayant renoncé au royaume des ténèbres, pour ruiner son pouvoir, ils n'hésitaient pas à faire tous les sacrifices. Ainsi, la vérité triomphait sur les préjugés et l'amour de l'argent. CP 256 1 Cette manifestation de la puissance du Christ fut une grande victoire remportée par le christianisme contre la forteresse de la superstition. L'influence de cet événement eut des répercussions bien plus lointaines que Paul lui-même ne l'avait espéré. D'Ephèse, la nouvelle s'était propagée au loin, et une forte impulsion avait été donnée à la cause du Christ. Longtemps après que l'apôtre lui-même eut achevé sa course, ces scènes survivaient dans le souvenir des hommes et contribuaient à gagner des âmes à l'Evangile. CP 256 2 Il est faux de prétendre que les superstitions païennes aient disparu devant la civilisation du vingtième siècle. La Parole de Dieu et le triste témoignage des faits montrent que la sorcellerie est pratiquée de nos jours aussi réellement qu'à l'époque des anciens magiciens. L'antique système de magie est, en réalité, ce qui est connu maintenant sous le nom de spiritisme moderne. Satan trouve accès dans des milliers d'esprits en se présentant sous l'apparence des amis disparus. CP 256 3 Or l'Ecriture déclare que "les morts ne savent rien".6 Leurs pensées, leur amour, leur haine ont péri. Ils n'ont pas de communication avec les vivants. Mais, fidèle à sa première ruse, Satan emploie ce procédé pour se rendre maître des âmes. Par la pratique du spiritisme, de nombreux malades, des affligés, des chercheurs communiquent avec les esprits malins. Tous ceux qui s'aventurent dans cette pratique se placent sur un terrain dangereux. La Parole de vérité nous dit comment Dieu les considère. Dans l'ancien temps, il prononça un jugement sévère contre un roi qui alla consulter un oracle païen: "Est-ce parce qu'il n'y a point de Dieu en Israël que vous allez consulter Baal-Zebub, dieu d'Ekron? C'est pourquoi ainsi parle l'Eternel: Tu ne descendras pas du lit sur lequel tu es monté, car tu mourras!"7 Les magiciens du paganisme se retrouvent chez les médiums spirites, les voyantes, les diseuses de bonne aventure de nos jours. Les voix mystérieuses qui parlèrent à Endor et à Ephèse continuent à égarer les enfants des hommes. Si le voile qui est placé devant nos yeux pouvait être levé, nous verrions les anges de Satan déployer tous leurs artifices pour nous tromper et nous perdre. Le diable exerce ses charmes séduisants partout où se fait sentir une influence quelconque pour amener les humains à oublier Dieu. Lorsque l'on cède à cette dangereuse influence, l'esprit s'égare et l'âme se pervertit. La remontrance que l'apôtre adressa à l'église d'Ephèse devrait servir aujourd'hui d'avertissement au peuple de Dieu: "Ne prenez point part aux oeuvres infructueuses des ténèbres, mais plutôt condamnez-les!"8 ------------------------Chapitre 28 -- Jours de labeur et d'épreuve Ce chapitre est basé sur Actes 19:21-41; 20:1. CP 259 1 Pendant plus de trois ans, Paul fit d'Ephèse le centre de ses activités. Une église florissante y fut établie, et l'Evangile se propagea de cette ville à travers toute la province d'Asie, à la fois parmi les Juifs et les Gentils. CP 259 2 L'apôtre avait en vue alors un autre voyage missionnaire. "Il forma le projet d'aller à Jérusalem, en traversant la Macédoine et l'Achaïe. Quand j'aurai été là, se disait-il, il faut aussi que je voie Rome." Conformément à ses desseins, "il envoya en Macédoine deux de ses aides, Timothée et Eraste"; mais ayant le sentiment que l'oeuvre de Dieu à Ephèse exigeait encore sa présence, il décida d'y rester jusqu'après la Pentecôte. Cependant, survint bientôt un événement qui précipita son départ. CP 259 3 On célébrait chaque année des cérémonies extraordinaires en l'honneur de la déesse Diane. Ces fêtes attiraient des foules de toutes les régions de la province. Pendant cette période, les réjouissances se déroulaient avec la plus grande pompe et la plus grande magnificence. CP 260 1 Ces cérémonies mettaient à une rude épreuve les nouveaux convertis à l'Evangile. Le groupe des croyants qui se réunissaient à l'école de Tyrannus apportait une note discordante dans le choeur en fête, et les disciples attiraient sur eux une pluie d'insultes, de reproches et de moqueries. La prédication de Paul avait ainsi porté un coup sérieux aux adorateurs païens; il s'ensuivit une nette défection chez les participants à la fête nationale et une diminution de leur enthousiasme. L'influence de cette prédication s'étendit bien au-delà des vrais prosélytes. De nombreux Ephésiens, qui n'avaient pas ouvertement accepté les nouvelles doctrines, reçurent de telles lumières qu'ils en vinrent à perdre toute confiance dans leurs dieux païens. CP 260 2 Il existait aussi une autre cause de mécontentement. A Ephèse, on fabriquait et vendait des statuettes de la déesse Diane ainsi que des miniatures du temple; une vaste industrie lucrative en était née. Tous ceux qui avaient leurs intérêts engagés dans ce commerce se rendirent compte que leurs bénéfices diminuaient, et ils s'accordèrent pour attribuer cet intolérable changement à l'action de Paul. CP 260 3 Démétrius, orfèvre et fabricant de petits sanctuaires en argent, ameuta contre l'apôtre les ouvriers de sa corporation, et leur dit: "O hommes, vous savez que notre bien-être dépend de cette industrie; et vous voyez et entendez que, non seulement à Ephèse, mais dans presque toute l'Asie, ce Paul a persuadé et détourné une foule de gens, en disant que les dieux faits de main d'homme ne sont pas des dieux. Le danger qui en résulte, ce n'est pas seulement que notre industrie ne tombe en discrédit; c'est encore que le temple de la grande déesse Diane ne soit tenu pour rien, et même que la majesté de celle qui est révérée dans toute l'Asie et dans le monde entier ne soit réduite à néant." Ces paroles soulevèrent les viles passions des païens. Ils furent "remplis de colère, et ils se mirent à crier: Grande est la Diane des Ephésiens!" CP 260 4 Ce discours circula rapidement. L'Ecriture dit que "toute la ville fut dans la confusion". On rechercha Paul, mais on ne put le trouver. Les disciples qui craignaient pour sa vie s'étaient hâtés de favoriser sa fuite. Les anges de Dieu avaient été envoyés pour préserver l'apôtre, son heure de mourir en martyr n'avait pas encore sonné. CP 261 1 Cependant, les manifestants, n'ayant pas trouvé l'auteur de leur colère, se saisirent de Gaïus et d'Aristarque, Macédoniens, compagnons de voyage de Paul, et "se précipitèrent tous ensemble au théâtre". CP 261 2 Le lieu où se cachait Paul n'était pas très éloigné de là, et l'apôtre ne tarda pas à apprendre le danger que couraient ses frères bien-aimés. Sans penser à sa sécurité personnelle, il voulut se rendre immédiatement au théâtre pour s'adresser à la foule en révolte, mais "les disciples l'en empêchèrent". Gaïus et Aristarque n'étaient pas les coupables que la foule recherchait; aucun mal sérieux n'était à craindre pour eux. Mais si le visage pâle et tourmenté de l'apôtre s'était montré alors, les passions viles de la populace se seraient déchaînées, et il n'y aurait eu aucune possibilité humaine de le sauver. CP 261 3 Paul désirait ardemment défendre la vérité devant la multitude, mais un message d'avertissement provenant du théâtre lui parvint. "Quelques-uns même des Asiarques, qui étaient ses amis, envoyèrent vers lui, pour l'engager à ne pas se rendre au théâtre." Le tumulte ne cessait d'y grandir. "Les uns criaient d'une manière, les autres d'une autre, car le désordre régnait dans l'assemblée, et la plupart ne savaient pas pourquoi ils s'étaient réunis." Le fait que Paul, comme quelques-uns de ses compagnons, était d'origine hébraïque rendait les Juifs d'autant plus désireux de manifester leur antipathie pour lui et son oeuvre. C'est pourquoi ils firent sortir de la foule l'un d'entre eux pour exposer au peuple la raison du conflit. Ils choisirent Alexandre qui était artisan et orfèvre et que Paul mentionne plus tard, "comme lui ayant fait beaucoup de mal".1 Alexandre était un homme d'une grande habileté, qui s'efforça de déchaîner la colère de la foule contre Paul et ses compagnons de travail. Mais celle-ci s'aperçut qu'Alexandre était Juif, et elle le repoussa. Et "tous d'une seule voix crièrent pendant près de deux heures: Grande est la Diane des Ephésiens". CP 262 1 Enfin, le tumulte s'apaisa, par simple lassitude, et il y eut un moment de silence. Alors le secrétaire de la cité réussit à capter l'attention de la foule, et en vertu de ses fonctions, il parvint à se faire entendre. Il rencontra les gens sur leur propre terrain et leur montra que l'émeute présente n'avait nulle raison d'être; il fit appel à leur bon sens: "Hommes Ephésiens, dit-il, quel est celui qui ignore que la ville d'Ephèse est la gardienne du temple de la grande Diane et de son simulacre tombé du ciel? Cela étant incontestable, vous devez vous calmer, et ne rien faire avec précipitation. Car vous avez amené ces hommes, qui ne sont coupables ni de sacrilège, ni de blasphème envers notre déesse. Si donc, Démétrius et ses ouvriers ont à se plaindre de quelqu'un, il y a des jours d'audience et des proconsuls; qu'ils s'appellent en justice les uns les autres. Et si vous avez en vue d'autres objets, ils se régleront dans une assemblée légale. Nous risquons, en effet, d'être accusés de sédition pour ce qui s'est passé aujourd'hui, puisqu'il n'existe aucun motif qui nous permette de justifier cet attroupement. Après ces paroles, il congédia l'assemblée." CP 262 2 Dans son discours, Démétrius avait dit: "Notre industrie est en danger." Ces paroles révélaient la cause réelle de l'émeute d'Ephèse ainsi que celle des persécutions dirigées contre les apôtres. Démétrius et les ouvriers de sa corporation comprirent que, par la prédication et la diffusion de l'Evangile, l'art imagier risquait fort de péricliter: les ressources des prêtres païens et des artisans étaient menacées; c'est pour cette raison qu'ils manifestèrent la plus farouche opposition contre Paul. CP 262 3 La décision du secrétaire et des notables de la ville avait amené la foule à considérer Paul comme innocent de tout acte illégal. Une fois de plus le christianisme triomphait de l'erreur et de la superstition. Dieu avait suscité un magistrat réputé pour venger son serviteur et tenir en échec le peuple déchaîné. Le coeur de Paul débordait de reconnaissance envers Dieu. Grâce à lui, il avait la vie sauve et le christianisme n'avait pas été discrédité par l'émeute d'Ephèse. CP 263 1 "Lorsque le tumulte eut cessé, Paul réunit les disciples, et, après les avoir exhortés, prit congé d'eux, et partit pour aller en Macédoine." Pendant ce voyage, l'apôtre était accompagné par deux fidèles disciples d'Ephèse, Tychique et Trophime. CP 263 2 La tâche de Paul à Ephèse était terminée. Son ministère dans cette ville avait été une période de labeur incessant, de multiples épreuves, de profonds tourments. Il avait prêché l'Evangile en public et de maison en maison, enseignant et avertissant avec larmes les fidèles. Il s'était continuellement heurté à l'opposition des Juifs, qui ne perdaient aucune occasion de soulever la haine du peuple contre lui. CP 263 3 Tandis que Paul luttait ainsi contre cette opposition avec une ardeur inlassable et faisait progresser l'Evangile, tandis qu'il sauvegardait les intérêts d'une Eglise encore jeune dans la foi, il portait en lui le lourd fardeau de toutes les autres églises. Il éprouvait un profond chagrin en apprenant que certains groupes fondés par lui apostasiaient. Il craignait que les efforts qu'il avait tentés en leur faveur ne demeurassent vains. Que de nuits d'insomnie passées en prière et en méditation, lorsqu'il avait connaissance des procédés employés pour contrecarrer son oeuvre! Quand l'occasion se présentait et que les conditions l'exigeaient, il écrivait aux églises pour leur prodiguer des conseils ou leur adresser soit des reproches, soit des encouragements. Dans ses lettres, l'apôtre ne s'attarde pas sur ses propres épreuves; mais, selon l'occurence, il nous offre des aperçus de ses labeurs et de ses souffrances au service du Christ. Les coups, l'emprisonnement, le froid, la faim et la soif, les périls sur terre et sur mer, dans les villes et dans les déserts, de la part de ses propres compatriotes, des païens, des faux frères, tout cela il l'endura pour l'amour de l'Evangile. Il fut "calomnié", "injurié", fait "le rebut de tous", "errant çà et là", "persécuté", "pressé de toutes manières", "en péril à toute heure", "sans cesse livré à la mort à cause de Jésus". CP 264 1 En butte à une constante opposition, aux injures de ses ennemis, à l'abandon de ses amis, l'intrépide apôtre sentait son coeur sur le point de défaillir. Mais un regard sur la croix du Calvaire lui redonnait une nouvelle ardeur pour proclamer le divin Crucifié. Il ne faisait que suivre le sentier ensanglanté qu'avait foulé le Christ avant lui. Il ne cherchait pas à abandonner le combat, car il désirait lutter jusqu'au jour où il devrait déposer son armure aux pieds du Rédempteur. ------------------------Chapitre 29 -- Avertissements et conseils Ce chapitre est basé sur la première épître aux Corinthiens. CP 265 1 La première épître aux Corinthiens fut écrite par l'apôtre Paul vers la fin de son séjour à Ephèse. Aucune église ne suscita chez lui un plus vif intérêt que celle de Corinthe, aussi travailla-t-il dans cette ville avec un zèle infatigable. Pendant un an et demi, il s'efforça d'y prêcher le Seigneur crucifié et ressuscité comme unique moyen de salut, insistant auprès de ses auditeurs pour qu'ils s'abandonnent entièrement au pouvoir transformateur de la grâce. CP 265 2 Avant d'accepter comme membres d'église ceux qui faisaient profession de christianisme, l'apôtre avait soin de les instruire sur les droits et les devoirs d'un chrétien, tout en s'efforçant de les aider à rester fidèles à leurs voeux de baptême. CP 265 3 Paul avait le sentiment très net du conflit qui doit être livré contre les puissances du mal sans cesse à l'affût pour tromper et égarer les âmes; c'est pourquoi il s'appliquait à affermir la foi des nouveaux convertis. Il les exhortait à s'abandonner complètement au Seigneur; car il savait bien que ce n'est qu'à cette condition qu'ils renonceraient à leurs péchés, à leurs passions et à leurs penchants -- toujours prêts à reprendre le dessus -- ainsi qu'aux tentations qui jettent le trouble dans les consciences. CP 266 1 L'abandon au Sauveur doit être total. Que toute âme vacillante, en proie aux luttes et aux doutes, se livre entièrement à Dieu; alors elle sera mise en contact direct avec les forces d'en haut qui lui permettront de triompher. Le ciel s'approchera d'elle, et elle sera soutenue et fortifiée par les anges dans toutes ses épreuves, dans tous ses besoins. CP 266 2 Les chrétiens de Corinthe vivaient au milieu de l'idolâtrie et de la corruption sous leurs plus séduisants aspects. Tant que l'apôtre demeura avec eux, ils échappèrent aux mauvaises influences de ce milieu. En effet, la foi inébranlable de Paul, sa prédication fervente, et par-dessus tout sa vie consacrée, les avaient aidés à renoncer à eux-mêmes pour se donner à la cause du Christ plutôt qu'aux plaisirs du monde. Mais, après le départ de Paul, surgirent de grandes difficultés: l'ivraie, semée par l'ennemi, apparut parmi le bon grain, et elle ne tarda pas à porter de mauvais fruits. Ce fut une période de grande tribulation pour l'église de Corinthe. L'apôtre n'était plus avec les croyants pour ranimer leur zèle et les exhorter à vivre en harmonie avec Dieu. Peu à peu beaucoup se refroidirent et s'adonnèrent de nouveau à leurs anciens penchants. Celui qui les avait si souvent exhortés à atteindre les sommets de la pureté et de la droiture était maintenant absent. Aussi de nombreux croyants qui, au moment de leur conversion, avaient abandonné leurs mauvaises habitudes, retournaient maintenant aux péchés avilissants du paganisme. CP 266 3 Paul avait brièvement écrit aux Corinthiens, en leur recommandant de ne pas "avoir de relations" avec ceux qui persisteraient dans la débauche; mais de nombreux croyants dénaturèrent sa pensée, déformèrent ses paroles et méprisèrent ses instructions. CP 267 1 L'église envoya alors une lettre à l'apôtre pour lui demander son opinion sur différents sujets, mais elle s'abstint de mentionner les dérèglements de conduite de certains de ses membres. Cependant, l'apôtre fut informé nettement par le Saint-Esprit qu'on lui cachait le véritable état de l'église et que la lettre des Corinthiens essayait de lui faire émettre des idées dont l'interprétation risquerait de servir les desseins des coupables. CP 267 2 Ce fut à peu près à ce moment-là que vinrent d'Ephèse "les gens de Chloé", famille chrétienne qui jouissait à Corinthe d'une excellente réputation. Paul s'enquit alors de l'état spirituel des Corinthiens et il apprit qu'ils étaient déchirés par les divisions. Les dissensions qui s'étaient élevées au moment où Apollos était parmi eux n'avaient fait qu'empirer. De faux docteurs incitaient les frères à mépriser les enseignements de Paul; les doctrines et les ordonnances de l'Evangile étaient déformées. L'orgueil, l'idolâtrie, la débauche se développaient de plus en plus parmi ceux qui, naguère, avaient montré une grande ferveur chrétienne. CP 267 3 Paul se rendit compte, en apprenant ces choses, que ses pires craintes avaient été dépassées. Mais il ne se laissa pas aller à l'idée que son oeuvre était un véritable échec. Avec "angoisse de coeur" et "beaucoup de larmes", il supplia Dieu de lui venir en aide. CP 267 4 Il se serait rendu immédiatement et avec joie à Corinthe, s'il l'avait jugé opportun. Mais il savait que les croyants n'auraient tiré, à ce moment-là, aucun profit de ses conseils. C'est pourquoi il leur envoya Tite, afin que celui-ci préparât sa future visite. Il mit alors de côté tout sentiment personnel relatif à la conduite scandaleuse de certains membres de l'église, et, s'appuyant sur Dieu, l'apôtre adressa aux Corinthiens l'une des plus riches, des plus instructives et des plus pathétiques de toutes ses lettres. CP 267 5 Avec une clarté remarquable, il commença par répondre aux différentes questions qui lui avaient été posées; puis il indiqua les principes généraux qui devaient être observés pour parvenir à une plus haute élévation spirituelle. Les chrétiens de Corinthe étaient en péril, et l'apôtre ne voulait pas échouer dans sa tentative de toucher leurs coeurs, à ce moment critique. Il les avertit fermement des dangers qu'ils couraient, et les reprit au sujet de leurs péchés; il les invita de nouveau à regarder au Christ, et chercha à ranimer en eux la ferveur des premiers jours de leur conversion. CP 268 1 Les salutations pleines de tendresse que l'apôtre adressait à l'église révélaient son grand amour pour les Corinthiens. Il leur rappelait leur conversion qui les avait détournés de l'idolâtrie pour adorer et servir le vrai Dieu. Il leur parlait des dons du Saint-Esprit qu'ils avaient reçus, et des privilèges qui leur étaient donnés de progresser sans cesse dans la vie chrétienne pour atteindre à la pureté et à la sainteté du Christ. "En lui vous avez été comblés de toutes les richesses qui concernent la parole et la connaissance, écrivait-il, le témoignage de Christ ayant été solidement établi parmi vous, de sorte qu'il ne vous manque aucun don, dans l'attente où vous êtes de la manifestation de notre Seigneur Jésus-Christ." CP 268 2 Paul parlait ouvertement des divisions qui régnaient dans l'église de Corinthe, et il suppliait ses membres de cesser toute lutte entre eux. "Je vous exhorte, frères, écrivait-il, par le nom de notre Seigneur Jésus-Christ, à tenir tous un même langage, et à ne point avoir de divisions parmi vous, mais à être parfaitement unis dans un même esprit et dans un même sentiment." L'apôtre se permettait de mentionner comment et par qui il avait été informé des divisions de l'église. "J'ai appris à votre sujet, par les gens de Chloé, qu'il y a des disputes au milieu de vous." CP 268 3 Paul était un apôtre inspiré. Il recevait "par révélation" les vérités qu'il enseignait. Cependant, le Seigneur ne lui faisait pas toujours connaître directement la condition exacte de son peuple. Ici, ce sont les frères, désireux de voir prospérer l'église de Corinthe, qui informent l'apôtre des péchés qui s'y étaient introduits. Celui-ci, par les révélations divines qu'il avait reçues autrefois, était apte à juger la nature de ces faits. Toutefois, bien qu'il n'ait pas eu du Seigneur une nouvelle révélation pour ce cas particulier, ceux qui recherchaient sincèrement la vérité acceptèrent son message comme l'expression de l'Esprit du Christ. Dieu lui avait montré les difficultés et les dangers qui s'élèveraient au sein des églises; c'est pourquoi il comprenait l'existence des péchés qui se développaient à Corinthe. Il avait été désigné pour défendre l'Eglise, pour veiller sur les âmes comme s'il devait rendre compte à Dieu de leur état. N'était-ce pas logique et légitime qu'il prêtât attention aux rapports qui lui étaient faits sur le désordre et les divisions qui régnaient parmi les fidèles de Corinthe? Si, assurément, et les reproches qu'il leur adressa furent inspirés par l'Esprit divin comme ses autres épîtres. CP 269 1 L'apôtre ne fit aucune mention des faux docteurs qui s'efforçaient de détruire le fruit de son labeur. La période de ténèbres et de dissensions que traversait l'église le fit s'abstenir de ce rappel douloureux, qui aurait pu en détourner quelques-uns de la vérité. Il leur remit en mémoire le travail accompli parmi eux. Comme un sage architecte, il avait posé le fondement sur lequel d'autres bâtissaient. Mais il ne s'en glorifiait pas, car il déclarait: "Nous sommes ouvriers ensemble avec Dieu." Il n'attribuait rien à sa propre sagesse; il reconnaissait que seule la puissance divine pouvait lui permettre de présenter la vérité d'une manière agréable au Seigneur. Uni au Christ, le plus grand de tous les Maîtres, Paul avait été rendu capable d'inculquer des leçons sur la sagesse divine, leçons qui étaient à la portée de toutes les classes et qui devaient trouver leur application dans tous les temps, tous les pays et toutes les conditions. CP 269 2 Parmi les plus graves péchés qui s'étaient développés dans l'église de Corinthe, figurait le retour aux coutumes avilissantes du paganisme. Un ancien converti avait rétrogradé à un tel point que sa conduite scandaleuse était une violation des lois observées par les païens, dont la moralité se trouvait être, cependant, d'un niveau très bas. L'apôtre supplia les croyants de rejeter du milieu d'eux cette personne pervertie. "Ne savez-vous pas, écrivait-il, qu'un peu de levain fait lever toute la pâte? Faites disparaître le vieux levain, afin que vous soyez une pâte nouvelle, puisque vous êtes sans levain." CP 270 1 Un autre mal très grave était né dans l'église de Corinthe: les frères plaidaient les uns contre les autres. De nombreuses instructions cependant leur avaient été données, pour qu'ils règlent entre eux leurs différends. Le Christ lui-même leur avait nettement indiqué comment se comporter entre chrétiens: "Si ton frère a péché, avait-il dit, va et reprends-le entre toi et lui seul. S'il t'écoute, tu as gagné ton frère. Mais, s'il ne t'écoute pas, prends avec toi une ou deux personnes, afin que toute l'affaire se règle sur la déclaration de deux ou de trois témoins. S'il refuse de les écouter, dis-le à l'Eglise; et s'il refuse aussi d'écouter l'Eglise, qu'il soit pour toi comme un païen et un publicain. Je vous le dis en vérité, tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel."1 CP 270 2 Paul ne réprimanda pas en termes vagues les chrétiens de Corinthe qui avaient perdu de vue ces conseils précis. Il leur écrivit: "Quelqu'un de vous, lorsqu'il a un différend avec un autre, ose-t-il plaider devant les injustes, et non devant les saints? Ne savez-vous pas que les saints jugeront le monde? Et si c'est par vous que le monde est jugé, êtes-vous indignes de rendre les moindres jugements? Ne savez-vous pas que nous jugerons les anges? Et nous ne jugerions pas, à plus forte raison, les choses de cette vie? Quand donc vous avez des différends pour les choses de cette vie, ce sont des gens dont l'Eglise ne fait aucun cas que vous prenez pour juges? Je le dis à votre honte. Ainsi il n'y a parmi vous pas un seul homme sage qui puisse prononcer entre ses frères. Mais un frère plaide contre un frère, et cela devant des infidèles! C'est déjà certes un défaut chez vous que d'avoir des procès les uns avec les autres. Pourquoi ne souffrez-vous pas plutôt quelque injustice? Pourquoi ne vous laissez-vous pas plutôt dépouiller? Mais c'est vous qui commettez l'injustice et qui dépouillez, et c'est envers des frères que vous agissez de la sorte! Ne savez-vous pas que les injustes n'hériteront point le royaume de Dieu?" CP 271 1 Satan s'acharne à introduire parmi le peuple de Dieu la méfiance, le trouble, la malice. Nous serons peut-être tentés de croire qu'on lèse nos droits, alors même que nous n'aurons aucune raison réelle pour être effleurés par cette idée. Certains, qui éprouvent envers eux-mêmes plus d'amour que pour le Christ et sa cause, placeront leurs intérêts personnels au premier plan, et auront recours à n'importe quel moyen pour les sauvegarder. CP 271 2 Parmi les chrétiens qui semblent parfois les plus consacrés, plusieurs, dominés par l'orgueil et la propre justice, se refusent à aller trouver les frères qui leur paraissent coupables. Ils ne veulent pas leur parler dans l'esprit du Christ et prier en commun pour aplanir les difficultés. Certains même qui se croient lésés par leurs frères leur intentent un procès, oubliant ainsi de suivre les préceptes du Seigneur. CP 271 3 Les chrétiens ne devraient pas faire appel aux tribunaux pour régler leurs différends. Ce sont les frères qui doivent aplanir les difficultés susceptibles de surgir parmi eux, ou bien l'Eglise elle-même, et selon les instructions du Seigneur. Même si une injustice a été commise à son détriment, le disciple du Maître, humble et débonnaire, préférera être "dépouillé" plutôt que de se permettre d'étaler aux yeux du monde les péchés de ses frères. CP 271 4 Les procès entre chrétiens sont une injure à la vérité. Les croyants qui plaident entre eux exposent l'Eglise à être ridiculisée par ses ennemis et font triompher les puissances des ténèbres. Ils rouvrent les plaies du Christ et le couvrent d'opprobre ouvertement. Ignorer l'autorité de l'Eglise, c'est mépriser Dieu qui l'en a investie. CP 271 5 Dans cette première épître, Paul s'efforçait d'attirer l'esprit des Corinthiens sur la puissance du Sauveur, seule capable de les préserver du péché. Il savait que s'ils se conformaient aux conditions prescrites, ils seraient affermis par le Tout-Puissant. Pour les aider à se libérer des pièges du péché, et pour parfaire leur sainteté dans la crainte du Seigneur, Paul insistait sur les exigences de celui à qui ils avaient livré leur vie, au moment de leur conversion: "Vous êtes à Christ. [...] Vous ne vous appartenez point à vous-mêmes. Car vous avez été rachetés à un grand prix. Glorifiez donc Dieu dans votre corps et dans votre esprit, qui appartiennent à Dieu." CP 272 1 L'apôtre donnait un aperçu de ce qui découlerait d'une vie pure et sainte désormais revenue aux pratiques du paganisme: "Ne vous y trompez pas; ni les impudiques, ni les idolâtres, ni les adultères, ni les efféminés, ni les infâmes, ni les voleurs, ni les cupides, ni les ivrognes, ni les outrageux, ni les ravisseurs, n'hériteront le royaume de Dieu." Il les suppliait de dominer leurs viles passions et leurs appétits grossiers. "Ne savez-vous pas, leur demandait-il, que votre corps est le temple du Saint-Esprit, qui est en vous, que vous avez reçu de Dieu?" CP 272 2 Paul, qui jouissait des plus grands dons intellectuels, possédait aussi une sagesse remarquable; celle-ci lui donnait une rare faculté de pénétration et une tendance à la sympathie pour son prochain, qui le rendaient capable d'éveiller chez les autres les plus nobles sentiments, et de leur inspirer aussi le désir d'atteindre les plus hauts sommets de la vie chrétienne. Son coeur débordait d'amour pour les fidèles de Corinthe. Il désirait ardemment pour eux une foi intérieure qui les fortifierait dans la lutte contre la tentation. Il savait qu'à chaque pas ils rencontreraient l'opposition des armées de Satan, et qu'ils auraient à livrer des batailles quotidiennes. Il fallait veiller sur l'approche sournoise de cet adversaire puissant qui les contraindrait à retourner à leurs vieilles habitudes, à leurs penchants naturels; ils devraient toujours être vigilants dans la prière. CP 272 3 Paul savait qu'on n'accédait aux sommets les plus élevés qu'en priant sans relâche, avec une vigilance continuelle. Il essayait de graver cette certitude dans les esprits. Il savait aussi qu'en Christ crucifié réside une puissance suffisante pour convertir les âmes et leur permettre de résister aux tentations. Revêtus de l'armure de la foi et nantis de la Parole de Dieu comme arme de combat, les chrétiens sont alors pourvus d'une puissance qui leur permet de repousser les assauts de l'ennemi. Les fidèles de Corinthe avaient besoin d'une expérience plus approfondie des choses de Dieu. Ils ne saisissaient pas entièrement ce que signifiait contempler sa gloire et devenir une nouvelle créature. Ils n'avaient capté que les premières lueurs de l'aurore anticipée de cette gloire. CP 273 1 Paul désirait que les Corinthiens soient remplis de toute la plénitude de Dieu, et qu'ils s'attachent à connaître celui dont le retour se prépare comme la venue d'un radieux matin; il souhaitait qu'ils continuent à recevoir les instructions divines de façon à être amenés à la pleine lumière d'une foi parfaite. ------------------------Chapitre 30 -- Vers un idéal plus élevé Ce chapitre est basé sur la première épître aux Corinthiens. CP 275 1 Pour frapper vivement l'esprit des chrétiens sur l'importance d'une vie bien disciplinée, soumise à une stricte tempérance, et animée du désir ardent de travailler pour le Christ, Paul établit, dans sa première épître aux Corinthiens, une comparaison entre le combat du chrétien et les fameuses courses qui se donnaient à Corinthe, à certaines époques de l'année. CP 275 2 De tous les jeux institués par les Grecs et les Romains, la course était le plus ancien et le plus estimé. Les rois, les nobles et les hommes d'Etat assistaient à ces jeux. Des jeunes gens de bonne famille y participaient et ne redoutaient aucun effort et aucune discipline pour remporter le prix. CP 275 3 Les règles de l'arbitrage étaient impitoyables et la décision, sans appel. Ceux qui désiraient concourir devaient s'astreindre à un entraînement sévère. La satisfaction de l'appétit et d'autres licences capables d'affaiblir la résistance physique ou mentale étaient strictement prohibées. Celui qui désirait remporter le prix dans ces épreuves de force et de vitesse devait avoir des muscles solides et souples, des nerfs bien disciplinés. Il fallait que chaque mouvement soit précis, chaque pas rapide et sûr; et les facultés physiques devaient être poussées à leur maximum. CP 276 1 Lorsque les coureurs apparaissaient aux yeux de la foule en attente, leurs noms étaient proclamés, et les règlements de la course nettement énoncés. Les coureurs partaient alors tous ensemble; l'attention concentrée des spectateurs les stimulait pour remporter la victoire. Les arbitres étaient assis près du but pour suivre la course du commencement à la fin et donner le prix au véritable vainqueur. S'il arrivait à un coureur d'atteindre le but le premier à la suite d'une avance illégale, il ne recevait pas de récompense. CP 276 2 Ces jeux n'étaient pas sans danger. Certains compétiteurs ne se remettaient jamais de l'extrême effort physique qu'ils avaient fourni, et il n'était pas rare de voir parfois un coureur s'abattre sur la piste, la bouche et le nez en sang. Quelquefois même l'un de ces compétiteurs était frappé de mort au moment où il allait remporter le prix. Mais la gloire réservée au vainqueur était si grande, qu'aucun des coureurs n'envisageait l'éventualité d'une maladie incurable ni même celle de la mort. CP 276 3 Quand le coureur atteignait le but, les applaudissements de la foule éclataient de toutes parts et se répercutaient d'écho en écho dans les collines et les montagnes environnantes. L'arbitre présentait alors au vainqueur, devant tous les spectateurs, les trophées de la victoire: une couronne de laurier et une palme qu'il portait à la main droite. On célébrait ses louanges dans tout le pays; ses parents participaient à sa gloire, et la ville même où il habitait devenait célèbre pour avoir donné naissance à un si illustre champion. CP 276 4 Prenant ces jeux comme figure de la vie chrétienne, Paul insiste sur la nécessité d'une préparation: discipline, régime, tempérance, en vue de remporter le prix. "Tous ceux qui combattent s'imposent toute espèce d'abstinences", dit-il. Les coureurs doivent s'abstenir de tout ce qui peut affaiblir leurs facultés physiques et, grâce à une discipline sévère et constante, exercer leurs muscles de façon à les fortifier. Le jour de la course, ils donneront alors le maximum de leur énergie. Combien il est plus important pour le chrétien, dont les intérêts éternels sont en jeu, d'assujettir ses passions et ses appétits en vue de faire la volonté de Dieu! Qu'il ne se laisse jamais détourner par les plaisirs, la luxure, la satisfaction de ses désirs. Toutes ses habitudes seront sous le contrôle de la discipline la plus stricte. Que la raison éclairée par les enseignements de la Parole de Dieu, et guidée par le Saint-Esprit, tienne les rênes de ce contrôle. Ainsi armé, le chrétien fera l'impossible pour remporter la victoire. Aux jeux de Corinthe, les derniers pas des coureurs exigeaient des efforts douloureux pour conserver la vitesse acquise. De même, le chrétien qui approche du but doit se hâter avec plus d'ardeur et de résolution qu'au début de sa course. CP 277 1 Paul montre le contraste qui existe entre la couronne éphémère de laurier remportée par le vainqueur et la couronne de gloire immortelle offerte à celui qui court triomphalement dans la carrière chrétienne: "Tous ceux qui combattent, déclare-t-il, le font pour obtenir une couronne corruptible." Les coureurs grecs ne s'épargnaient aucune fatigue, aucune rigueur pour gagner une couronne corruptible. Et nous, nous luttons pour une récompense infiniment plus précieuse: la couronne de la vie éternelle. Comme nous devrions consentir à plus de sacrifice et à plus de renoncement pour triompher dans cette lutte! CP 277 2 L'épître aux Hébreux indique le but unique qui doit caractériser la course du chrétien désireux d'obtenir la vie éternelle: "Rejetons tout fardeau, et le péché qui nous enveloppe si facilement, et courons avec persévérance dans la carrière qui nous est ouverte, ayant les regards sur Jésus, le chef et le consommateur de la foi."1 CP 278 1 L'envie, la méchanceté, les mauvaises pensées, la médisance, la convoitise sont autant de fardeaux que le chrétien doit rejeter, s'il veut triompher dans la course qui lui assurera l'éternité. Toute habitude, tout acte qui conduit au péché et déshonore le Christ sera abandonné, quel que soit le sacrifice qu'il demande. CP 278 2 La bénédiction divine ne peut être accordée à celui qui viole les principes éternels du bien. Un seul péché caressé suffit pour pervertir le caractère tout entier et tromper les hommes. "Si ta main est pour toi une occasion de chute, a dit Jésus, coupe-la; mieux vaut pour toi entrer manchot dans la vie, que d'avoir les deux mains et d'aller dans la géhenne."2 Si, pour sauver le corps, il faut couper la main, ou le pied, si même il vaut mieux arracher l'oeil, à combien plus forte raison le chrétien doit-il abandonner le péché qui perd l'âme! CP 278 3 Les athlètes, dans les jeux antiques, n'étaient pas sûrs de remporter la victoire, après s'être pourtant astreints à une rude discipline. "Ne savez-vous pas, déclare Paul, que ceux qui courent dans le stade courent tous, mais qu'un seul remporte le prix?" Si âpre qu'ait été la lutte, un seul remportait, en effet, le prix. Une seule main devait saisir la couronne tant convoitée. Certains coureurs tentaient, dans un effort suprême, de s'attribuer le prix; mais, à ce moment précis, une autre main s'avançait et s'emparait du trésor tant convoité. Il n'en est pas ainsi dans le combat que livre le chrétien. Pas un seul de ceux qui persévèrent dans la lutte avec opiniâtreté n'est désappointé par l'issue du combat. La course chrétienne n'est pas une épreuve de vitesse ou de force. Le plus débile comme le plus vigoureux des saints peut s'emparer de la couronne de gloire éternelle. Tous ceux qui, par la puissance de la grâce divine, mènent une vie conforme à la volonté du Seigneur, ont la possibilité de triompher. On considère trop souvent comme sans importance l'application des principes contenus dans la Parole de Dieu, dans les moindres détails de la vie pratique; on pense qu'il est inutile d'y porter une attention quelconque. Mais lorsque la victoire est en jeu, nul secours, nul empêchement matériel, ne doit être jugé comme insignifiant. Tout acte pèse dans le plateau de la balance qui détermine la victoire ou la défaite définitive. La récompense accordée aux vainqueurs sera proportionnée à l'ardeur et aux efforts déployés dans la lutte. CP 279 1 L'apôtre se compare lui-même à celui qui court dans un stade et fait tous ses efforts pour remporter le prix. "Moi donc, je cours, dit-il, non pas comme à l'aventure; je frappe, non pas comme battant l'air. Mais je traite durement mon corps et je le tiens assujetti, de peur d'être moi-même rejeté, après avoir prêché aux autres." Pour ne pas courir en vain dans la compétition chrétienne, Paul se soumettait à un entraînement sévère. Les mots: "Je tiens mon corps assujetti", signifient littéralement: Je repousse avec une discipline farouche tous mes désirs, toutes mes inclinations, toutes mes passions. CP 279 2 Ce que l'apôtre redoutait le plus, c'était qu'après avoir prêché aux autres, il ne soit lui-même réprouvé. Il comprenait que s'il ne mettait pas en pratique les principes qu'il professait, son activité en faveur d'autrui ne lui servirait de rien. Sa conversation, son influence, sa résistance aux tentations devaient montrer que sa religion n'était pas simplement une croyance, mais une vivante et constante communion avec Dieu. Le seul but qui était placé devant lui, et qu'il désirait ardemment atteindre, c'était "la justice qui vient de Dieu par la foi".3 CP 279 3 Paul savait que sa lutte contre le mal ne se terminerait qu'à sa mort. Il comprenait qu'il devait observer une discipline sévère et soutenue pour que les désirs de ce monde ne l'emportent pas sur sa vie spirituelle. C'est pourquoi il luttait de toutes ses forces contre ses penchants naturels. Il avait constamment les yeux rivés sur l'idéal qu'il s'était fixé et, pour l'atteindre, il combattait en obéissant joyeusement aux commandements de Dieu. Ses paroles, ses actes, ses affections -- toute sa vie était placée sous le contrôle du Saint-Esprit. CP 280 1 Ce but unique, que Paul se proposait d'atteindre: obtenir la vie éternelle, était celui qu'il souhaitait voir poursuivre par les Corinthiens. Il savait que, pour parvenir à l'idéal du Christ, ils auraient à soutenir une lutte qui n'admettrait aucune défaillance. C'est pourquoi il les exhortait à combattre conformément à la loi divine, jour après jour, en recherchant la piété et la perfection morale. Il les suppliait de rejeter tout fardeau, et de courir vers le but de la perfection en Christ. L'apôtre donnait en exemple aux Corinthiens le peuple d'Israël, qui recevait de riches bénédictions lorsqu'il restait fidèle à l'Eternel, et qui était châtié lorsqu'il transgressait ses lois. Il leur rappelait le miracle qui s'accomplit lorsque les Hébreux sortirent d'Egypte, comment ils furent protégés par une nuée durant le jour et guidés par une colonne de feu pendant la nuit. Ils purent ainsi gagner la mer Rouge, qu'ils traversèrent sans perdre un seul homme, tandis que les Egyptiens, qui essayèrent de la franchir de la même manière, furent tous engloutis par les eaux. CP 280 2 Dieu avait montré par ces miracles qu'il reconnaissait le peuple d'Israël comme son Eglise. "Ils ont tous mangé le même aliment spirituel et ils ont tous bu le même breuvage spirituel, car ils buvaient à un rocher spirituel qui les suivait, et ce rocher était Christ." C'était le Sauveur qui conduisait les Hébreux dans toutes leurs pérégrinations. Le rocher frappé représentait, en effet, le Christ qui devait être blessé pour les péchés des hommes, afin que la source du salut puisse couler pour tous. CP 280 3 Malgré les bénédictions que Dieu avait accordées aux Hébreux, ce peuple avait attiré sur lui les jugements du ciel, à cause de ses regrets pour les quelques avantages laissés en Egypte, de son péché et de sa rébellion. CP 280 4 L'apôtre enjoignait aux Corinthiens de prêter attention à la leçon qui se dégageait de l'expérience du peuple d'Israël. "Or, ces choses sont arrivées, disait-il, pour nous servir d'exemples, afin que nous n'ayons pas de mauvais désirs, comme ils en ont eu." Il leur expliquait que l'amour des plaisirs et de la vie facile avait préparé la voie aux péchés qui provoquèrent la vengeance divine. Ce fut quand les enfants d'Israël s'assirent pour manger et pour boire, et se levèrent pour se divertir, qu'ils rejetèrent la crainte de Dieu -- cette crainte qu'ils avaient ressentie lorsque le Seigneur avait dicté sa loi. C'est pourquoi ils firent un veau d'or et l'adorèrent. CP 281 1 Ce fut après s'être réjouis, au cours d'une brillante fête donnée en l'honneur de Baal-Peor, qu'un bon nombre d'entre eux se livrèrent à l'impudicité. Alors la colère de Dieu s'embrasa, et il en fit périr vingt-trois mille en un seul jour. CP 281 2 L'apôtre implorait les Corinthiens en ces termes: "Ainsi donc, que celui qui croit être debout prenne garde de tomber!" S'ils devenaient orgueilleux, sûrs d'eux-mêmes, s'ils négligeaient de veiller et de prier, alors ils tomberaient dans un grave péché, qui attirerait sur eux la colère divine. Malgré ses paroles sévères, Paul ne voulait pas décourager les Corinthiens ni les jeter dans le désespoir. C'est pourquoi il leur donnait cette assurance: "Aucune tentation ne vous est survenue qui n'ait été humaine, et Dieu, qui est fidèle, ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces; mais avec la tentation, il préparera aussi le moyen d'en sortir, afin que vous puissiez la supporter." CP 281 3 Paul invitait ses frères à s'interroger, pour savoir si leurs paroles et leurs actes n'avaient pas une mauvaise influence sur les autres. Il leur recommandait de ne rien faire qui semblât approuver l'idolâtrie, ou blesser les scrupules des faibles dans la foi. "Soit donc que vous mangiez, soit que vous buviez, soit que vous fassiez quelque autre chose, faites tout pour la gloire de Dieu." CP 281 4 Les paroles d'avertissement de l'apôtre à l'église de Corinthe peuvent s'appliquer à toutes les époques, et en particulier à la nôtre. Lorsque Paul mentionnait l'idolâtrie, il ne parlait pas seulement des idoles, mais de l'égoïsme, du penchant à la vie facile, de la satisfaction des désirs et des passions. Une simple profession de foi en Christ, une connaissance présomptueuse de la vérité, ne suffit pas pour faire de l'homme un chrétien. Une religion qui ne cherche qu'à flatter les sens, ou qui approuve la satisfaction des désirs, n'est pas celle du Christ CP 282 1 L'apôtre compare avec à-propos l'Eglise au corps humain, pour illustrer la relation étroite et harmonieuse qui devrait exister entre tous ses membres. "Nous avons tous été abreuvés d'un seul Esprit. Ainsi le corps n'est pas un seul membre, mais il est formé de plusieurs membres. Si le pied disait: Parce que je ne suis pas une main, je ne suis pas du corps, -- ne serait-il pas du corps pour cela? Et si l'oreille disait: Parce que je ne suis pas un oeil, je ne suis pas du corps, -- ne serait-elle pas du corps pour cela? Si tout le corps était oeil, où serait l'ouïe? S'il était tout ouïe, où serait l'odorat? Maintenant Dieu a placé chacun des membres dans le corps comme il a voulu. Si tous étaient un seul membre, où serait le corps? Maintenant donc il y a plusieurs membres, et un seul corps. L'oeil ne peut pas dire à la main: Je n'ai pas besoin de toi; ni la tête dire aux pieds: Je n'ai pas besoin de vous. Mais bien plutôt, les membres du corps qui paraissent être les plus faibles sont nécessaires; et ceux que nous estimons être les moins honorables du corps, nous les entourons d'un plus grand honneur. Ainsi nos membres les moins honnêtes reçoivent le plus d'honneur, tandis que ceux qui sont honnêtes n'en ont pas besoin. Dieu a disposé le corps de manière à donner plus d'honneur à ce qui en manquait, afin qu'il n'y ait pas de division dans le corps, mais que les membres aient également soin les uns des autres. Et si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui; si un membre est honoré, tous les membres se réjouissent avec lui." CP 282 2 Ensuite, en termes qui, de l'époque de l'apôtre jusqu'à nos jours, ont été une source d'inspiration et d'encouragement pour le croyant, Paul montre l'importance de l'amour qui devrait être recherché par les disciples du Christ: "Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, dit-il, si je n'ai pas la charité, je suis un airain qui résonne, ou une cymbale qui retentit. Et quand j'aurais le don de prophétie, la science de tous les mystères et toute la connaissance, quand j'aurais même toute la foi jusqu'à transporter des montagnes, si je n'ai pas la charité, je ne suis rien. Et quand je distribuerais tous mes biens pour la nourriture des pauvres, quand je livrerais mon corps pour être brûlé, si je n'ai pas la charité, cela ne me sert de rien." CP 283 1 Si noble que soit sa profession, un chrétien dont le coeur ne déborde pas d'amour pour Dieu et ses semblables, n'est pas un vrai disciple du Christ. Il peut posséder une grande foi, même opérer des miracles, s'il n'a pas la charité sa foi demeure vaine. S'il pratique des largesses, mais n'est pas animé du véritable amour en distribuant ses biens aux pauvres, son acte de générosité ne sera pas agréé de Dieu. Dans son enthousiasme pour la cause du Christ, il pourrait même subir le martyre, s'il n'était pas poussé par l'amour, Dieu le regarderait comme un fanatique ou un hypocrite ambitieux. CP 283 2 "La charité est patiente, elle est pleine de bonté; la charité n'est point envieuse; la charité ne se vante point, elle ne s'enfle point d'orgueil." CP 283 3 La joie la plus parfaite a son origine dans l'humilité la plus profonde. Les caractères les plus forts et les plus nobles ont pour base la patience, l'amour et la soumission à la volonté divine. CP 283 4 La charité "ne fait rien de malhonnête, elle ne cherche point son intérêt, elle ne s'irrite point, elle ne soupçonne point le mal". L'amour, semblable à celui du Christ, interprète, dans leur meilleur sens, les actes et les intentions du prochain. Il ne fait pas connaître inutilement les défauts des hommes, il ne prête pas l'oreille aux propos malveillants, mais il s'efforce au contraire d'attirer l'attention sur les qualités des autres. CP 283 5 "La charité ne se réjouit point de l'injustice, mais elle se réjouit de la vérité; elle excuse tout, elle croit tout, elle espère tout, elle supporte tout." Cette charité "ne périt jamais". Elle ne peut perdre sa valeur, car elle est un attribut divin. Celui qui la possède pénétrera dans les parvis célestes, chargé de ce trésor précieux. CP 284 1 "Maintenant donc ces trois choses demeurent: la foi, l'espérance et la charité; mais la plus grande de ces choses, c'est la charité." CP 284 2 Parmi les Corinthiens dont le niveau moral s'était abaissé, quelques-uns avaient abandonné certains principes fondamentaux de la foi. Plusieurs d'entre eux niaient même la doctrine de la résurrection. Paul combattit cette hérésie en apportant le témoignage irréfutable de la résurrection du Christ. Il déclara que Jésus, après sa mort, "est ressuscité le troisième jour, selon les Ecritures"; qu' "il est apparu à Céphas, puis aux douze. Ensuite, il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois, dont la plupart sont encore vivants et dont quelques-uns sont morts. Ensuite, il est apparu à Jacques, puis à tous les apôtres. Après eux tous, il m'est aussi apparu à moi, comme à l'avorton; car je suis le moindre des apôtres." CP 284 3 Avec une force convaincante, l'apôtre énonçait la grande vérité de la résurrection: "S'il n'y a point de résurrection des morts, disait-il, Christ non plus n'est pas ressuscité. Et si Christ n'est pas ressuscité, notre prédication est donc vaine, et votre foi aussi est vaine. Il se trouve même que nous sommes de faux témoins à l'égard de Dieu, puisque nous avons témoigné contre Dieu qu'il a ressuscité Christ, tandis qu'il ne l'aurait pas ressuscité, si les morts ne ressuscitent point. Car si les morts ne ressuscitent point, Christ non plus n'est pas ressuscité. Et si Christ n'est pas ressuscité, votre foi est vaine, vous êtes encore dans vos péchés et par conséquent aussi ceux qui sont morts en Christ sont perdus. Si c'est dans cette vie seulement que nous espérons en Christ, nous sommes les plus malheureux de tous les hommes. Mais maintenant, Christ est ressuscité des morts, il est les prémices de ceux qui sont morts." CP 284 4 Paul transportait en esprit les chrétiens de Corinthe vers le matin glorieux de la résurrection, alors que tous les saints endormis ressusciteront pour vivre éternellement avec le Seigneur: "Voici, je vous dis un mystère, déclarait-il: nous ne mourrons pas tous, mais tous nous serons changés, en un instant, en un clin d'oeil, à la dernière trompette. La trompette sonnera, et les morts ressusciteront incorruptibles, et nous, nous serons changés. Car il faut que ce corps corruptible revête l'incorruptibilité, et que ce corps mortel revête l'immortalité. Lorsque ce corps corruptible aura revêtu l'incorruptibilité, et que ce corps mortel aura revêtu l'immortalité, alors s'accomplira la parole qui est écrite: La mort a été engloutie dans la victoire. O mort, où est ta victoire? O mort, où est ton aiguillon? [...] Grâces soient rendues à Dieu, qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus-Christ!" CP 285 1 Quelle victoire glorieuse attend le chrétien fidèle! L'apôtre, qui comprenait les besoins des Corinthiens, cherchait à attirer leur attention sur ce qui élève l'âme, détourne de l'égoïsme et des plaisirs charnels, glorifie la vie et apporte l'espoir de l'immortalité. Il les suppliait de rester fidèles à leur vocation chrétienne: "Ainsi, mes frères bien-aimés, soyez fermes, inébranlables, travaillant de mieux en mieux à l'oeuvre du Seigneur, sachant que votre travail ne sera pas vain dans le Seigneur." CP 285 2 Avec des arguments irréfutables, l'apôtre essayait de corriger les idées erronées et les pratiques dangereuses qui régnaient au sein de l'église de Corinthe. Il parlait sans détours, le coeur rempli d'amour pour ses frères. Les reproches et les avertissements qu'il leur adressait étaient éclairés par la lumière de Dieu qui se déversait de son trône de gloire. C'est ainsi que les péchés secrets qui les déshonoraient étaient démasqués. CP 285 3 Mais comment l'épître serait-elle reçue par les Corinthiens? Après l'avoir envoyée, Paul redoutait, en effet, qu'elle ne blessât trop profondément ceux qui devaient bénéficier de ses enseignements. Il redoutait que son éloignement ne se prolongeât, et souhaitait parfois rétracter ses paroles. CP 285 4 Ceux qui, comme l'apôtre, se sont sentis responsables de certaines églises ou de certaines institutions auxquelles ils étaient particulièrement attachés, peuvent se faire une idée de son accablement et de ses regrets. De nos jours, les serviteurs de Dieu qui ont la charge de son oeuvre font la même expérience: eux aussi travaillent, luttent et souffrent comme le grand apôtre. CP 286 1 En butte aux divisions de l'église, à l'ingratitude et aux trahisons de ceux en qui il recherchait de la sympathie et du secours, Paul voyait le danger que couraient les communautés adonnées à l'iniquité. Contraint de censurer impitoyablement le péché, il redoutait cependant d'agir avec trop de sévérité. Aussi attendait-il avec anxiété des détails sur la manière dont son message avait été accueilli. ------------------------Chapitre 31 -- Le Message favorablement accueilli Ce chapitre est basé sur la seconde épître aux Corinthiens. CP 287 1 D'Ephèse, Paul préparait un nouveau voyage missionnaire. Il caressait le projet de se rendre une fois encore dans les pays d'Europe où il avait déjà travaillé. L'apôtre s'embarqua donc et s'arrêta quelque temps à Troas "pour l'Evangile de Christ"; il y trouva certaines personnes prêtes à recevoir son message. "Une porte me fut ouverte par le Seigneur", disait-il plus tard au sujet de son oeuvre dans cette ville. Mais bien qu'il y reçût le meilleur accueil, il ne s'y attarda pas. "Le souci que lui causaient toutes les églises", et en particulier celle de Corinthe, alourdissait son coeur. Il avait espéré rencontrer Tite à Troas pour être fixé sur la manière dont les paroles d'avertissement et de reproche qu'il avait adressées aux Corinthiens avaient été reçues, mais son attente fut déçue. "Je n'eus point de repos d'esprit, écrivait-il, parce que je ne trouvais pas Tite, mon frère." C'est pourquoi il quitta Troas, passa en Macédoine et se rendit à Philippes où il rencontra Timothée. CP 288 1 Bien que Paul éprouvât une grande inquiétude au sujet de l'église de Corinthe, il fondait sur elle de magnifiques espoirs. Pourtant une grande tristesse l'accablait, parfois, à la pensée que ses conseils et ses exhortations pouvaient être mal interprétés. "Notre chair n'eut aucun repos, écrivait-il plus tard; nous étions affligés de toute manière: luttes au dehors, craintes au-dedans. Mais Dieu, qui console ceux qui sont abattus, nous a consolés par l'arrivée de Tite." CP 288 2 Le fidèle messager apportait, en effet, des nouvelles réjouissantes des chrétiens de Corinthe, dont la conduite s'était merveilleusement transformée. Beaucoup d'entre eux avaient suivi les conseils contenus dans l'épître de Paul et s'étaient repentis de leurs péchés. Leur vie n'était plus un déshonneur pour le christianisme mais, au contraire, elle parlait en faveur de la piété vécue. CP 288 3 Le coeur rempli de joie, l'apôtre adressa une deuxième épître aux Corinthiens pour leur exprimer sa satisfaction au sujet du changement qui s'était opéré en eux: "Quoique je vous aie attristés par ma lettre, leur écrivait-il, je ne m'en repens pas." CP 288 4 Torturé par la crainte que ses paroles ne rencontrent que du mépris chez les Corinthiens, Paul regrettait parfois de leur avoir écrit si délibérément et si sévèrement. "Je me réjouis à cette heure, disait-il, non pas de ce que vous avez été attristés, mais de ce que votre tristesse vous a portés à la repentance; car vous avez été attristés selon Dieu, afin de ne recevoir de notre part aucun dommage. En effet, la tristesse selon Dieu produit une repentance à salut dont on ne se repent jamais." Cette repentance, produite par l'influence de la grâce divine, conduit à la confession du péché et à son abandon. Tels étaient les résultats que l'apôtre déclarait avoir constatés dans la vie des Corinthiens. CP 288 5 Au sujet de cette repentance, Paul écrit: "Quel empressement n'a-t-elle pas produit en vous! Quelle justification, quelle indignation, quelle crainte, quel désir ardent, quel zèle." CP 289 1 L'apôtre avait éprouvé pendant un certain temps beaucoup d'inquiétudes pour les églises, inquiétudes si lourdes qu'il pouvait à peine les supporter. De faux docteurs avaient essayé de détruire son influence parmi les croyants et de leur imposer leurs propres doctrines, à la place de l'Evangile. La perplexité, le découragement, qui assiégeait alors l'apôtre se fait jour à travers ces paroles: "Nous avons été excessivement accablés, au-delà de nos forces, de telle sorte que nous désespérions même de conserver la vie." CP 289 2 Mais alors tout souci fut dissipé. A la nouvelle de l'accueil réservé à son épître par les Corinthiens, Paul éclate de joie et s'écrie: CP 289 3 "Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation, qui nous console dans toutes nos afflictions, afin que, par la consolation dont nous sommes l'objet de la part de Dieu, nous puissions consoler ceux qui se trouvent dans quelque affliction! Car, de même que les souffrances de Christ abondent en nous, de même notre consolation abonde par Christ. Si nous sommes affligés, c'est pour votre consolation et pour votre salut; si nous sommes consolés, c'est pour votre consolation qui se réalise par la patience à supporter les mêmes souffrances que nous endurons. Et notre espérance à votre égard est ferme, parce que nous savons que, si vous avez part aux souffrances, vous avez part aussi à la consolation." CP 289 4 Tout en exprimant sa joie au sujet de la nouvelle conversion des Corinthiens et de leur croissance dans la vie spirituelle, l'apôtre louait Dieu, l'auteur de cette transformation: "Grâces soient rendues à Dieu, s'exclamait-il, qui nous fait toujours triompher en Christ, et qui répand par nous en tout lieu l'odeur de sa connaissance! Nous sommes, en effet, pour Dieu la bonne odeur de Christ, parmi ceux qui sont sauvés et parmi ceux qui périssent." CP 289 5 C'était la coutume, à cette époque, qu'un général victorieux ramène avec lui un cortège de captifs. A cette occasion, on désignait des porteurs d'encens et, pendant que l'armée victorieuse défilait triomphalement dans les rues, le parfum qui se répandait représentait une odeur de mort pour les captifs: elle leur indiquait que l'heure de leur exécution approchait. Cependant, pour certains prisonniers qui avaient trouvé grâce auprès des vainqueurs, et dont la vie allait être épargnée, cet encens représentait une odeur de vie et leur indiquait en même temps que le moment de leur libération approchait. CP 290 1 Paul était maintenant rempli de foi et d'espoir. Il avait la certitude que Satan ne triompherait pas dans l'oeuvre de Dieu à Corinthe; des paroles de louange et de reconnaissance débordaient de son coeur. Lui et ses collaborateurs célébreraient leur victoire sur les ennemis du Christ et de la vérité en répandant avec une nouvelle ardeur la connaissance du Sauveur. Comme un encens de bonne odeur, le parfum de l'Evangile devait être répandu à travers le monde. Pour ceux qui accepteraient le Christ, le message serait une odeur de vie donnant la vie, mais pour ceux qui persisteraient dans leur incrédulité, il serait une odeur de mort donnant la mort. CP 290 2 Paul se rendait compte de la tâche écrasante qui incombait à ceux qui prêchaient l'Evangile. Il s'écriait: "Et qui est suffisant pour ces choses?" Qui est capable de prêcher le Christ de telle manière que ses ennemis ne trouveront pas une occasion justifiée pour mépriser le message ou le messager qui l'apporte? L'apôtre désirait que les croyants soient pénétrés des solennelles responsabilités du ministère chrétien. Seules la fidélité dans la prédication de l'Evangile et une vie sainte conforme à la Parole peuvent rendre le travail des ministres agréable à Dieu et profitable aux fidèles. De nos jours, les prédicateurs qui comprennent l'importance de leur tâche, ne peuvent que répéter avec l'apôtre: "Qui est suffisant pour ces choses?" CP 290 3 Certains avaient accusé Paul de s'être recommandé lui-même en écrivant sa première épître. L'apôtre faisait allusion à cette accusation en demandant aux membres de l'église s'ils interprétaient ainsi ses sentiments: "Commençons-nous de nouveau à nous recommander nous-mêmes? Ou avons-nous besoin, comme quelques-uns, de lettres de recommandation auprès de vous, ou de votre part?" Les chrétiens qui changeaient de lieu de résidence apportaient souvent une lettre de recommandation de la part de l'église à laquelle ils appartenaient auparavant; mais les chefs et les fondateurs de ces églises n'avaient pas besoin de recommandation. Les Corinthiens qui avaient abandonné le culte des idoles pour la foi évangélique étaient eux-mêmes autant de lettres de recommandation pour l'apôtre. Leur acceptation de la vérité, le changement apporté dans leur vie rendaient un éloquent témoignage à la valeur de ses travaux, à son autorité pour reprendre, censurer et exhorter en tant que ministre du Christ. "Vous êtes manifestement, leur dit-il, une lettre de Christ, écrite, par notre ministère, non avec de l'encre, mais avec l'Esprit du Dieu vivant, non sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair, sur les coeurs." CP 291 1 La conversion des pécheurs et leur sanctification par la vérité constituent la preuve la plus évidente qu'un serviteur de Dieu a été appelé au ministère. La vocation à l'apostolat est écrite dans le coeur des convertis; elle est manifestée par leur vie, devenue nouvelle. Le Christ est en eux "l'espérance de la gloire". Ainsi affermi dans sa tâche, le prédicateur de l'Evangile est fortement vivifié. CP 291 2 Le témoignage des Corinthiens en faveur de Paul peut encore être rendu aux ministres actuellement à l'oeuvre. Mais rares sont ceux qui soient compétents et consacrés, des hommes remplis de l'amour du Christ. L'orgueil, la suffisance, l'amour du monde, la critique, l'amertume, l'envie sont les fruits que portent la plupart de ceux qui professent la religion du Christ. Leur vie, qui contraste vivement avec celle du Seigneur, rend souvent un triste témoignage à la renommée de l'oeuvre pastorale. CP 291 3 Il n'est pas de plus grand honneur pour un homme que celui d'être accepté par Dieu comme ministre de l'Evangile. Mais ceux que le Seigneur bénit dans leur ministère ne se vantent pas de leur travail. Ils reconnaissent leur totale dépendance de Dieu, et comprennent que par eux-mêmes ils sont impuissants. Ils disent avec Paul: "Ce n'est pas à dire que nous soyons par nous-mêmes capables de concevoir quelque chose comme venant de nous-mêmes. Notre capacité, au contraire, vient de Dieu." CP 292 1 Un vrai ministre accomplit l'oeuvre du Maître; il sent l'importance de sa tâche, et il comprend qu'il fait dans l'Eglise et le monde une oeuvre semblable à celle du Christ. Il s'efforce inlassablement d'amener les pécheurs à une vie plus noble et plus élevée, afin d'obtenir la récompense du vainqueur. De ses lèvres touchées par la "pierre ardente" de l'autel, il exalte Jésus comme seul espoir du pécheur. Ceux qui l'écoutent savent qu'il s'est approché de Dieu par la prière fervente et efficace. Le Saint-Esprit est descendu sur lui, son âme a été embrasée par le feu vivifiant du ciel, et il est devenu capable de comparer entre elles les valeurs spirituelles. Il lui est donné toute-puissance pour abattre les forteresses de Satan. Lorsqu'il prêche l'amour du Sauveur, les coeurs sont brisés, et il les amène à se poser cette question: "Que faut-il faire pour être sauvé?" CP 292 2 "C'est pourquoi, affirme saint Paul, ayant ce ministère, selon la miséricorde qui nous a été faite, nous ne perdons pas courage. Nous rejetons les choses honteuses qui se font en secret, nous n'avons point une conduite astucieuse, et nous n'altérons point la parole de Dieu. Mais, en publiant la vérité, nous nous recommandons à toute conscience d'homme devant Dieu. Si notre Evangile est encore voilé, il est voilé pour ceux qui périssent; pour les incrédules dont le dieu de ce siècle a aveuglé l'intelligence, afin qu'ils ne vissent pas briller la splendeur de l'Evangile de la gloire de Christ, qui est l'image de Dieu. Nous ne nous prêchons pas nous-mêmes; c'est Jésus-Christ le Seigneur que nous prêchons, et nous nous disons vos serviteurs à cause de Jésus. Car Dieu, qui a dit: La lumière brillera du sein des ténèbres! a fait briller la lumière dans nos coeurs pour faire resplendir la connaissance de la gloire de Dieu sur la face de Christ." CP 293 1 Ainsi, l'apôtre magnifiait-il la miséricorde et la grâce de Dieu, manifestées dans la mission sacrée qui lui avait été confiée comme ministre du Christ. CP 293 2 Objets de la riche compassion divine, lui et ses frères étaient soutenus dans les difficultés, l'affliction et le danger. Ils n'avaient pas modelé leur foi et leur prédication pour satisfaire les désirs de leurs auditeurs, ni caché les vérités essentielles du salut pour rendre leurs enseignements plus attrayants. Ils avaient prêché la vérité avec simplicité et clarté, en demandant à Dieu que des âmes soient convaincues et converties. Et ils s'étaient efforcés en même temps de mettre leur conduite en harmonie avec leur prédication, afin que la vérité puisse s'imposer à toute conscience humaine. CP 293 3 "Nous portons ce trésor, déclarait l'apôtre, dans des vases de terre, afin que cette grande puissance soit attribuée à Dieu, et non pas à nous." Le Seigneur aurait pu faire proclamer sa Parole par les anges, exempts de péché, mais ce n'était pas là son plan. Il choisit pour cela des êtres humains, soumis à nos infirmités. Le trésor inestimable de sa vérité est ainsi placé dans des vases de terre. Par l'intermédiaire des hommes, ses bénédictions se répandent sur le monde; par eux, sa gloire doit resplendir au sein même des ténèbres du péché. Poussés par l'amour de leur ministère, ces hommes vent à la recherche des pécheurs, et ils les amènent à la croix. Dans tous leurs travaux, il faut qu'ils rendent honneur, gloire et louange à celui qui est au-dessus de tous et de tout. CP 293 4 L'apôtre Paul rappelait son expérience personnelle et montrait qu'en choisissant de servir le Christ, il n'avait pas obéi à des mobiles égoïstes, car son sentier avait été hérissé d'épreuves et de tentations. "Nous sommes pressés de toute manière, écrivait-il, mais non réduits à l'extrémité; dans la détresse, mais non dans le désespoir; persécutés, mais non abandonnés; abattus, mais non perdus; portant toujours avec nous dans notre corps la mort de Jésus, afin que la vie de Jésus soit aussi manifestée dans notre corps." CP 294 1 Paul rappelait à ses frères que, comme messagers du Christ, lui et ses compagnons d'oeuvre étaient continuellement en péril. Les tribulations qu'ils enduraient affaiblissaient leurs forces. "Car nous qui vivons, déclarait-il, nous sommes sans cesse livrés à la mort à cause de Jésus, afin que la vie de Jésus soit aussi manifestée dans notre chair mortelle. Ainsi la mort agit en nous, et la vie agit en vous." Ces serviteurs du Christ souffraient physiquement de toutes sortes de privations et d'un labeur pénible, mourant à eux-mêmes, comme leur Maître. Mais ce qui produisait la mort en eux procurait la santé spirituelle aux Corinthiens, qui devenaient participants de la vie éternelle du fait qu'ils acceptaient la vérité. Les disciples de Jésus devaient donc éviter d'augmenter les difficultés et les épreuves des ministres de Dieu par leur négligence ou leur animosité. CP 294 2 "Et, comme nous avons le même esprit de foi, continuait à écrire l'apôtre, qui est exprimé dans cette parole de l'Ecriture: J'ai cru, c'est pourquoi j'ai parlé!, nous aussi nous croyons, et c'est pour cela que nous parlons." CP 294 3 Paul, pleinement convaincu de la vérité qui lui avait été révélée, ne pouvait ni fausser le sens de la Parole de Dieu, ni dissimuler ses convictions personnelles. Par ailleurs, il ne recherchait ni richesses, ni honneurs, ni plaisirs selon le monde. Et bien que sans cesse exposé au martyre pour avoir prêché la vérité aux Corinthiens, il n'éprouvait aucune crainte; car il savait que celui qui est mort et ressuscité le ferait sortir de la tombe pour paraître devant le Père. "Tout cela arrive à cause de vous, disait-il, afin que la grâce, en se multipliant, fasse abonder, à la gloire de Dieu, les actions de grâces d'un plus grand nombre." CP 294 4 Les apôtres ne prêchaient pas l'Evangile pour leur propre avantage, mais dans l'espoir de sauver des âmes. C'est ce qui les poussait à consacrer leur vie à l'oeuvre de Dieu et les soutenait dans la poursuite de leur tâche, face aux périls menaçants et aux souffrances cruelles. "C'est pourquoi nous ne perdons pas courage. Et lors même que notre homme extérieur se détruit, notre homme intérieur se renouvelle de jour en jour", affirmait l'apôtre. CP 295 1 Paul connaissait bien la puissance de l'ennemi, mais en dépit de ses forces physiques qui avaient décliné, il prêchait la Parole de Dieu avec un courage indomptable et une foi inébranlable. Revêtu de l'armure toute-puissante de Dieu, ce soldat de la croix avançait face au combat. D'une voix joyeuse, il annonçait qu'il sortirait triomphant de la lutte. Les regards fixés sur la récompense promise aux fidèles, il s'écriait avec des accents victorieux: "Car nos légères afflictions du moment présent produisent pour nous, au-delà de toute mesure, un poids éternel de gloire, parce que nous regardons, non point aux choses visibles, mais à celles qui sont invisibles; car les choses visibles sont passagères, et les invisibles sont éternelles." CP 295 2 Qu'il est vibrant et émouvant l'appel que l'apôtre adresse aux Corinthiens pour qu'ils considèrent de nouveau l'incomparable amour de leur Rédempteur! "Vous connaissez la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, écrivait-il, qui pour vous s'est fait pauvre, de riche qu'il était, afin que par sa pauvreté vous fussiez enrichis." Vous savez, leur disait-il encore, jusqu'à quel point le Christ s'est abaissé et humilié. Lorsqu'il entra dans la vie du renoncement et du sacrifice, il ne s'en détourna point jusqu'à la mort. Il n'y eut pas de répit pour lui entre le trône et la croix. CP 295 3 Paul s'attardait longuement sur cet amour incomparable, afin que ceux qui liraient son épître puissent comprendre le sublime abaissement que le Christ avait consenti pour eux. L'apôtre retraçait la vie du Sauveur qui, bien qu'étant l'égal de Dieu et recevant la louange des anges, but jusqu'à la lie la coupe de l'humiliation. CP 295 4 Paul était convaincu que s'il arrivait à bien faire comprendre aux fidèles le sacrifice extraordinaire consenti par la Majesté du ciel, tout égoïsme serait banni de leur vie. Il insistait sur la grandeur du Fils de Dieu, qui avait abandonné volontairement la gloire du ciel et s'était soumis aux conditions de la nature humaine, qui s'était humilié, en devenant un serviteur, et en obéissant jusqu'à la mort, "même jusqu'à la mort de la croix",1 afin d'élever l'homme de son état de déchéance vers la glorieuse espérance du ciel. CP 296 1 Lorsque nous étudions le caractère de la divinité à la lumière de la croix, nous voyons rayonner la miséricorde, la bonté et le pardon, en même temps que l'équité et la justice. Au milieu du trône de gloire, nous apercevons le Seigneur, portant aux mains, aux pieds et au côté les marques de la souffrance qu'il a dû subir pour réconcilier l'homme avec Dieu. Nous contemplons le Père de toute éternité, enveloppé d'une clarté éblouissante, qui nous accepte par les mérites de son Fils. Le nuage de la vengeance qui menaçait de nous amener la misère et le désespoir, resplendit à la lumière de la croix, et nous y lisons ces paroles de Dieu: "Vivez pécheurs, vivez, vous les repentants, ô âmes qui croyez, vivez! J'ai payé une rançon pour vous tous!" CP 296 2 En contemplant le Christ, nous touchons aux confins de l'incommensurable amour. Les mots nous manquent lorsque nous essayons d'en parler. Nous admirons sa vie sur la terre, son sacrifice en notre faveur, son oeuvre dans le ciel en tant qu'avocat, les demeures qu'il prépare pour ceux qui l'aiment, et nous ne pouvons que nous écrier: ô profondeur de l'amour du Christ! CP 296 3 "Cet amour consiste, non point en ce que nous avons aimé Dieu, mais en ce qu'il nous a aimés et a envoyé son Fils comme victime expiatoire pour nos péchés." "Voyez quel amour le Père nous a témoigné, pour que nous soyons appelés enfants de Dieu!"2 CP 296 4 Chez tout vrai disciple, cet amour brûle sur l'autel de son coeur, comme un feu sacré. C'est sur la terre que fut révélé par le Christ l'amour de Dieu. C'est là que ses enfants doivent refléter cet amour par leur vie irrépréhensible. Ainsi, les pécheurs pourront-ils être amenés à la croix du Calvaire pour y contempler l'agneau de Dieu. ------------------------Chapitre 32 -- Une église généreuse CP 297 1 Dans sa première épître aux Corinthiens, Paul donnait aux croyants des instructions relatives aux principes généraux qui servent de fondement à l'oeuvre de Dieu sur la terre. Il rappelait ce qu'il avait fait pour eux, et leur demandait: "Qui jamais fait le service militaire à ses propres frais? Qui est-ce qui plante une vigne, et n'en mange pas le fruit? Qui est-ce qui fait paître un troupeau, et ne se nourrit pas du lait du troupeau? Ces choses que je dis, n'existent-elles que dans les usages des hommes? la loi ne les dit-elle pas aussi? Car il est écrit dans la loi de Moïse: Tu n'emmuselleras point le boeuf quand il foule le grain. Dieu se met-il en peine des boeufs, ou parle-t-il uniquement à cause de nous? Oui, c'est à cause de nous qu'il a été écrit que celui qui laboure doit labourer avec espérance, et celui qui foule le grain fouler avec l'espérance d'y avoir part. Si nous avons semé parmi vous les biens spirituels, est-ce une grosse affaire si nous moissonnons vos biens temporels? Si d'autres jouissent de ce droit sur vous, n'est-ce pas plutôt à nous d'en jouir? Mais nous n'avons point usé de ce droit; au contraire, nous souffrons tout, afin de ne pas créer d'obstacle à l'Evangile de Christ. CP 298 1 "Ne savez-vous pas que ceux qui remplissent les fonctions sacrées sont nourris par le temple, que ceux qui servent à l'autel ont part à l'autel? De même aussi, le Seigneur a ordonné à ceux qui annoncent l'Evangile de vivre de l'Evangile."1 CP 298 2 L'apôtre rappelait ici les instructions du Seigneur relatives aux fonctions dans le temple. Ceux qui étaient mis à part pour ce service sacré devaient être nourris par les frères, à qui ils accordaient en retour des bénédictions spirituelles. "Ceux des fils de Lévi qui exercent le sacerdoce ont, d'après la loi, l'ordre de lever la dîme sur le peuple."2 La tribu de Lévi avait été désignée par le Seigneur pour le service sacré appartenant au temple et pour le sacerdoce. L'Eternel avait dit au sujet du sacrificateur: "C'est lui que l'Eternel, ton Dieu, a choisi entre toutes les tribus, pour qu'il fasse le service au nom de l'Eternel, lui et ses fils, à toujours."3 CP 298 3 Le Seigneur revendiquait le dixième de tous les revenus. Retenir la dîme était considéré comme un vol. CP 298 4 Au sujet du traitement des ministres, Paul disait: "Le Seigneur a ordonné à ceux qui annoncent l'Evangile de vivre de l'Evangile." Et plus tard, il écrivait à Timothée: "L'Ecriture dit: l'ouvrier mérite son salaire."4 CP 298 5 Mais le paiement de la dîme ne représentait qu'une partie des revenus nécessaires à l'entretien du service divin. Nombreux étaient les autres dons et les offrandes mentionnés par l'Ecriture. CP 298 6 Pendant l'économie juive, on enseignait au peuple à cultiver l'esprit de générosité, en subvenant aux besoins de l'oeuvre de Dieu et des indigents. Dans certaines occasions, il y avait en plus les offrandes volontaires; ainsi, à l'époque des moissons et des vendanges, on offrait les prémices de la terre: le blé, le moût, l'huile étaient consacrés au Seigneur. Le glanage et un coin des champs de blé étaient réservés aux pauvres. Les premières toisons, les premiers grains de blé étaient mis à part pour Dieu. Il en était de même pour les premiers-nés des troupeaux, et le premier-né de l'homme devait être racheté. Les prémices étaient alors présentées devant le sanctuaire et consacrées à l'usage des prêtres. CP 299 1 Le Seigneur cherchait à enseigner à Israël, par ce système de libéralités, qu'en toutes choses, il devait être le premier servi. Il rappelait ainsi au peuple qu'il était le propriétaire de ses champs, de son bétail, de ses troupeaux; que c'était lui qui lui envoyait la pluie et le beau temps pour faire croître et mûrir les récoltes. Tout ce qu'il possédait était à lui; il n'était que l'économe de ses biens. CP 299 2 Dieu ne veut pas que les chrétiens, dont les privilèges sont plus grands encore que ceux des Israélites, soient moins généreux qu'eux. "On demandera beaucoup, a dit Jésus, à qui l'on a beaucoup donné, et on exigera davantage de celui à qui l'on a beaucoup confié."5 CP 299 3 La générosité exigée des Hébreux était surtout au profit de leur bien-être national; aujourd'hui, l'oeuvre de Dieu s'étend sur toute la terre. Le Christ a placé les trésors de l'Evangile dans les mains de ses disciples, et il les a rendus responsables d'annoncer au monde la bonne nouvelle du salut. Nos obligations sont certainement beaucoup plus grandes que celles du peuple d'Israël. CP 299 4 A mesure que se développera l'oeuvre de Dieu, les appels se feront plus pressants. Il faut, pour y répondre, que les chrétiens tiennent compte du commandement de Dieu: "Apportez à la maison du trésor toutes les dîmes, afin qu'il y ait de la nourriture dans ma maison."6 Si tous ceux qui font profession d'être chrétiens étaient fidèles dans leurs dîmes et leurs offrandes, les caisses du Seigneur regorgeraient. Il ne serait pas nécessaire alors d'avoir recours aux ventes de charité, aux loteries, aux jeux, pour trouver des fonds. CP 299 5 Les hommes sont portés à utiliser leur argent pour leur bien-être personnel, leur plaisir égoïste, leur toilette, l'ornement de leurs demeures. Pour ces biens matériels, les chrétiens ne regardent pas à faire de grandes dépenses, superflues même; mais quand on leur demande d'apporter leur contribution au trésor du Seigneur, afin de poursuivre l'oeuvre divine sur la terre, ils hésitent. Peut-être, lorsqu'ils sentent qu'ils ne peuvent agir différemment, consentent-ils à sacrifier une certaine somme, mais combien inférieure à celle qu'ils consacrent souvent à des plaisirs futiles! Ils ne font preuve ni d'un véritable amour pour le service du Christ, ni d'un intérêt réel pour le salut des âmes. Est-ce étonnant que la vie spirituelle de tels chrétiens soit débile et atrophiée? CP 300 1 Celui dont le coeur brûle d'amour pour le Christ considère ses obligations envers Dieu, non seulement comme un devoir, mais comme un plaisir. Quel privilège, en effet, de participer à l'avancement de l'oeuvre la plus noble, la plus sainte qui soit confiée à l'homme, celle qui permet de présenter au monde les richesses de la bonté, de la miséricorde et de la vérité divines! CP 300 2 C'est par esprit de cupidité que les hommes sont poussés à garder pour leur propre plaisir les biens qui reviennent de droit au Seigneur. Or cet esprit lui est en abomination, aussi bien de nos jours qu'à l'époque où il censurait sévèrement, par la voix des prophètes, la conduite du peuple israélite: Il s'écriait alors: "Un homme trompe-t-il Dieu? Car vous me trompez, et vous dites: En quoi t'avons-nous trompé? Dans les dîmes et les offrandes. Vous êtes frappés par la malédiction, et vous me trompez, la nation tout entière!"7 CP 300 3 L'esprit de générosité est au contraire d'essence divine. C'est dans le sacrifice du Christ sur la croix que cet esprit s'est manifesté à son plus haut degré. Le Père céleste a donné son Fils unique pour nous. Après avoir tout quitté, le Christ s'offrit lui-même, afin de sauver les pécheurs. La croix du Calvaire devrait donc être, pour tout chrétien, une invitation à la générosité. Le principe qui s'en dégage est celui de donner, donner encore. "Celui qui dit qu'il demeure en lui, dit saint Jean, doit marcher aussi comme il a marché lui-même."8 CP 301 1 Par contre, l'esprit d'égoïsme est l'esprit même de Satan. Les mondains se caractérisent par leur soif d'amasser, d'amasser toujours. Ils espèrent s'assurer ainsi le bonheur et la vie facile, mais tout cela ne produit que misère et que mort. CP 301 2 Les intarissables bénédictions de Dieu nous engagent à lui donner en retour la part des biens qu'il nous réclame. Non seulement nous devons lui offrir ce qui lui revient, mais il faut que nous apportions aussi dans son trésor un signe de gratitude, de généreux tributs. Que les enfants de Dieu consacrent donc à leur Créateur, d'un coeur joyeux, les prémices de leurs revenus, la quintessence de leurs richesses, ainsi que leurs services les plus désintéressés et les plus fidèles. Ils recevront de cette manière les plus riches bénédictions. Dieu rendra leur âme semblable à un jardin arrosé, où les eaux ne manqueront jamais. Et lorsque la grande moisson aura lieu, les gerbes qu'ils apporteront à leur Maître représenteront leur propre récompense. Elles seront le prix de l'emploi désintéressé qu'ils auront fait des talents qui leur avaient été remis. CP 301 3 Les serviteurs de Dieu, qui sont engagés dans le travail offensif, ne devraient jamais "faire le service militaire à leurs propres frais", mais être soutenus par l'ardente affection de leurs frères. C'est aux membres d'église qu'il incombe de pourvoir généreusement aux besoins de ceux qui abandonnent leur position sociale pour se donner au ministère divin. Lorsque les prédicateurs de l'Evangile sont encouragés par les fidèles, l'oeuvre de Dieu progresse rapidement. Mais quand, par l'égoïsme des hommes, ils ne reçoivent pas le salaire qui leur est dû, leurs forces déclinent et leur activité est souvent paralysée. CP 301 4 Le mécontentement de Dieu est d'autant plus grand que ceux qui se déclarent ses disciples privent les ministres de leurs ressources. Ces chrétiens égoïstes seront appelés à rendre compte, non seulement du mauvais emploi de l'argent du Seigneur, mais encore du découragement et du chagrin que leur conduite aura causés à ses fidèles serviteurs. Ceux qui ont été appelés à l'oeuvre du ministère, et ont tout abandonné à l'appel de Dieu pour entrer à son service, doivent recevoir un salaire suffisant pour subvenir à leurs propres besoins ainsi qu'à ceux de leurs familles. CP 302 1 Dans la société, les travailleurs manuels ou intellectuels arrivent à toucher de forts salaires. L'oeuvre qui consiste à répandre la vérité et à gagner des âmes n'est-elle pas plus importante qu'aucune de ces situations sociales? Et ceux qui s'acquittent fidèlement de cette tâche n'ont-ils pas droit à une bonne rémunération? CP 302 2 Lorsque nous établissons une relativité entre le travail moral et le travail ordinaire, nous montrons comment nous apprécions les choses divines par rapport aux choses temporelles. CP 302 3 Pour subvenir à l'entretien des prédicateurs et à celui des missionnaires, il est nécessaire que le peuple de Dieu donne avec joie et libéralité. Une responsabilité solennelle incombe aux ministres qui doivent rappeler constamment aux fidèles les besoins de l'oeuvre de Dieu et leur enseigner la pratique de la générosité. Quand les églises manquent à leur devoir de charité, non seulement l'oeuvre du Seigneur en souffre, mais les bénédictions ne peuvent être répandues sur elles. CP 302 4 Les pauvres eux-mêmes devraient apporter leur offrande à Dieu. Qu'ils soient participants de la grâce divine, en renonçant à eux-mêmes, pour venir en aide à ceux dont les besoins sont plus impérieux que les leurs. Le don du pauvre, l'objet de son renoncement, monte vers Dieu comme un encens de bonne odeur. Tout acte inspiré par le sacrifice volontaire fortifie l'esprit de générosité chez le donateur; il l'unit plus étroitement à celui qui, de riche qu'il était, s'est fait "pauvre par amour pour nous, afin que par sa pauvreté nous fussions enrichis". CP 302 5 Le geste de la veuve qui mit deux pites (tout ce qu'elle possédait) dans le tronc, est signalé dans les saintes Ecritures afin d'encourager les pauvres à donner pour l'oeuvre de Dieu. Le Christ attira l'attention des disciples sur cette femme qui s'était dépouillée "de son nécessaire". Ce don paraissait plus précieux aux yeux du Maître que les offrandes les plus libérales n'impliquant pas de sacrifice personnel. Les riches, eux, avaient donné une partie de leur superflu, tandis que la pauvre femme avait dû se priver de ce qui lui était indispensable pour apporter son offrande au Seigneur. Elle comptait sur lui pour subvenir aux besoins du lendemain. Le Sauveur déclara: "Je vous le dis en vérité, cette pauvre veuve a donné plus qu'aucun de ceux qui ont mis dans le tronc."9 Il enseignait ainsi que l'offrande n'est pas estimée selon sa propre valeur, mais selon l'intention et les moyens de celui qui donne. CP 303 1 Pendant tout son ministère, l'apôtre Paul ne cessa d'inspirer dans le coeur de ses adeptes le désir de soutenir généreusement la cause de Dieu. Il écrivait aux anciens d'Ephèse, au sujet de son travail parmi eux: "Je vous ai montré de toutes manières que c'est en travaillant ainsi qu'il faut soutenir les faibles, et se rappeler les paroles du Seigneur, qui a dit lui-même: Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir." Et aux Corinthiens, il écrivait encore: "Sachez-le, celui qui sème peu moissonnera peu, et celui qui sème abondamment moissonnera abondamment. Que chacun donne comme il l'a résolu en son coeur, sans tristesse ni contrainte; car Dieu aime celui qui donne avec joie."10 CP 303 2 La plupart des chrétiens de Macédoine étaient pauvres en biens de ce monde, mais leurs coeurs débordaient d'amour pour Dieu et la vérité; aussi donnaient-ils joyeusement pour soutenir son oeuvre. CP 303 3 Lorsque les Gentils faisaient des collectes pour secourir les chrétiens juifs, les libéralités des Macédoniens étaient citées en exemple aux autres églises. Quand il écrivit aux Corinthiens, l'apôtre Paul attira leur attention sur "la grâce de Dieu qui s'est manifestée dans les églises de Macédoine. Au milieu de beaucoup de tribulations qui les ont éprouvées, leur joie débordante et leur pauvreté profonde ont produit avec abondance de riches libéralités de leur part. Ils ont, je l'atteste, donné volontairement selon leurs moyens, et même au-delà de leurs moyens, nous demandant avec de grandes instances la grâce de prendre part à l'assistance destinée aux saints."11 CP 304 1 Cette volonté de sacrifice de la part des Macédoniens était le résultat d'une consécration complète. Poussés par l'esprit de Dieu, "ils se sont d'abord donnés eux-mêmes au Seigneur",12 ensuite ils ont été très généreux pour soutenir l'oeuvre du Maître. Il n'était pas nécessaire de faire pression sur eux, car ils étaient heureux de se priver même du nécessaire pour subvenir aux besoins des autres. Lorsque l'apôtre voulait les modérer dans leur générosité, ils le suppliaient d'accepter leurs offrandes. En toute simplicité et en toute intégrité, animés par un profond amour pour leurs frères, ils renonçaient à eux-mêmes, et ils excellaient ainsi dans l'oeuvre de la bienfaisance. CP 304 2 Quand Paul envoya Tite à Corinthe pour raffermir la foi des chrétiens, il le chargea d'édifier l'église dans la pratique de la bienfaisance. Dans son épître aux Corinthiens, l'apôtre ajouta son propre appel: "De même que vous excellez en toutes choses, disait-il, en foi, en parole, en connaissance, en zèle à tous égards, et dans votre amour pour nous, faites en sorte d'exceller aussi dans cette oeuvre de bienfaisance. [...] Achevez donc maintenant d'agir, afin que l'accomplissement selon vos moyens réponde à l'empressement que vous avez mis à vouloir. La bonne volonté, quand elle existe, est agréable en raison de ce qu'elle peut avoir à sa disposition, et non de ce qu'elle n'a pas. [...] Et Dieu peut vous combler de toutes sortes de grâces, afin que, possédant toujours en toutes choses de quoi satisfaire à tous vos besoins, vous ayez encore en abondance pour toute bonne oeuvre. [...] Vous serez de la sorte enrichis à tous égards pour toute espèce de libéralités, qui, par notre moyen, feront offrir à Dieu des actions de grâces."13 CP 304 3 Les offrandes désintéressées enthousiasmaient la jeune église de Corinthe, car les nouveaux convertis savaient qu'ils contribuaient ainsi à la proclamation de l'Evangile dans les pays où régnaient les ténèbres. Leur générosité prouvait qu'ils n'avaient pas reçu la grâce de Dieu en vain. Quelle pouvait être la cause d'une telle générosité, sinon la sanctification de l'Esprit? Pour les croyants et les non-croyants, cette générosité semblait être un miracle de la grâce. CP 305 1 La richesse spirituelle d'une église est étroitement liée à la générosité chrétienne. Les disciples du Christ devraient se réjouir du privilège qu'ils possèdent en révélant par leurs vies la magnanimité de leur Rédempteur. Tout en apportant leur offrande au Seigneur, ils ont l'assurance que ce qu'ils donnent de plus précieux s'élève comme un encens jusque dans les parvis célestes. CP 305 2 Les hommes veulent-ils assurer leurs biens? Qu'ils les placent dans les mains qui portent les marques de la crucifixion! Veulent-ils en avoir la jouissance? Qu'ils les emploient au bénéfice des pauvres et des indigents! Veulent-ils augmenter leurs revenus? Qu'ils tiennent compte de ce commandement de Dieu: "Honore l'Eternel avec tes biens, et avec les prémices de tout ton revenu. Alors tes greniers seront remplis d'abondance, et tes cuves regorgeront de moût."14 CP 305 3 Ceux qui cherchent à garder leurs richesses pour des fins égoïstes courent à leur perte éternelle. Mais qu'ils donnent leurs revenus à Dieu, alors, à partir de ce moment-là, leurs biens porteront le sceau divin, celui de l'immutabilité céleste. CP 305 4 Dieu déclare: "Heureux vous qui partout semez le long des eaux."15 Les bénédictions incessantes que le Seigneur nous accorde, lorsque nous servons sa cause et celle de l'humanité, nous enrichissent au lieu de nous appauvrir. "Tel, qui donne libéralement, devient plus riche; et tel, qui épargne à l'excès, ne fait que s'appauvrir."16 Le semeur multiplie sa semence en la jetant abondamment. Il en est de même pour ceux qui administrent les dons de Dieu avec fidélité. Tout en faisant part de leurs biens aux autres, ils augmentent leurs bénédictions personnelles. Dieu ne nous a-t-il pas fait cette promesse: "Donnez, et il vous sera donné; on versera dans votre sein une bonne mesure, serrée, secouée et qui déborde"?17 ------------------------Chapitre 33 -- Le travail dans les difficultés CP 307 1 Tandis que Paul s'attachait à enseigner à ses adeptes les principes des saintes Ecritures relatifs au financement de l'oeuvre de Dieu, il réclamait pour lui-même, en tant que ministre de l'Evangile, "le droit de ne point travailler"1 pour gagner sa vie. Et cependant, à certaines époques de son ministère, il avait dû, pour assurer son entretien, travailler de ses mains, dans les grandes villes où fleurissait la civilisation. CP 307 2 Le travail manuel n'était pas considéré par les Juifs comme quelque chose d'extraordinaire ou d'avilissant. Moïse avait appris aux Hébreux à inculquer ce principe à leurs enfants. C'était même commettre un péché que de permettre aux jeunes gens de grandir dans l'ignorance de ce genre de travail. Même si on élevait un enfant en vue du saint ministère, il était entendu qu'une connaissance de la vie pratique restait pour lui essentielle. On donnait un métier à tout enfant de parents riches ou pauvres. CP 308 1 Les parents qui négligeaient cette pratique étaient considérés comme des transgresseurs des lois divines. Selon cette coutume, Paul avait appris de bonne heure le métier de faiseur de tentes. Avant de devenir disciple du Christ, l'apôtre occupait un rang élevé et n'avait pas eu besoin de faire un travail manuel pour vivre. Mais plus tard, lorsqu'il eut employé toutes ses ressources pour l'avancement de la cause évangélique, il dut parfois avoir recours à son métier, pour gagner sa subsistance. Cette obligation se renouvela dans les villes où ses intentions risquaient d'être mal interprétées. CP 308 2 La première fois qu'il est question du travail manuel de Paul, c'est lorsque celui-ci était à Thessalonique. Il dut s'y astreindre pour faire face à ses besoins, alors qu'il prêchait la Parole de Dieu. Quand il écrivit à l'église de cette ville, il rappela aux chrétiens "qu'il aurait pu leur être à charge"; et il ajoutait: "Vous vous rappelez, frères, notre travail et notre peine: nuit et jour à l'oeuvre, pour n'être à charge à aucun de vous, nous vous avons prêché l'Evangile de Dieu."2 Dans sa deuxième épître à cette même église, il déclarait encore que lui et ses compagnons "n'avaient mangé gratuitement le pain de personne". "Nuit et jour à l'oeuvre, écrivait-il, pour n'être à charge à aucun de vous. Ce n'est pas que nous n'en eussions le droit, mais nous avons voulu vous donner en nous-mêmes un modèle à imiter."3 CP 308 3 Paul avait rencontré à Thessalonique des chrétiens qui refusaient de travailler. C'est en parlant d'eux qu'il écrivait plus tard: "Nous apprenons, cependant, qu'il y en a parmi vous quelques-uns qui vivent dans le désordre, qui ne travaillent pas, mais qui s'occupent de futilités. Nous invitons ces gens-là, et nous les exhortons par le Seigneur Jésus-Christ, à manger leur propre pain, en travaillant paisiblement." Pendant qu'il travaillait dans cette ville, Paul s'était attaché à se donner en exemple et avec lui ses compagnons d'oeuvre aux chrétiens oisifs. "Car, lorsque nous étions chez vous, écrivait-il, nous vous disions expressément: Si quelqu'un ne veut pas travailler, qu'il ne mange pas non plus."4 CP 309 1 Satan s'est acharné à travers les âges à contrecarrer les travaux des serviteurs de Dieu, en introduisant dans l'Eglise un esprit de fanatisme. Ce qui se passa au temps de Paul se renouvela des siècles plus tard, à l'époque de la Réforme. Wycleff, Luther et beaucoup d'autres, qui apportèrent au monde d'immenses bénédictions par leur influence et leur foi, se heurtèrent aux ruses de l'ennemi qui s'efforçait de faire tomber dans le fanatisme les croyants exaltés, instables ou chancelants. Des chrétiens mal informés ont prétendu que pour obtenir la vraie sainteté, il faut s'élever au-dessus des contingences terrestres, et partant, s'abstenir complètement de travailler. D'autres, en s'appuyant sur certains textes de l'Ecriture, ont enseigné, d'une manière outrancière, que le travail est un péché, et que le chrétien ne doit pas penser à son bien-être ni à celui de sa famille, mais consacrer tout son temps aux choses spirituelles. L'enseignement et l'exemple de Paul réfutent ces vues extrêmes. CP 309 2 L'apôtre ne dépendait pas entièrement du travail de ses mains pour se suffire à Thessalonique. Il écrivait plus tard aux Philippiens, au sujet de ses conditions de vie dans cette ville, et en reconnaissance des dons qu'il avait reçus de leur part: "Vous m'envoyâtes déjà à Thessalonique, et à deux reprises, de quoi pourvoir à mes besoins."5 CP 309 3 Bien qu'il ait accepté cette aide, il eut soin de donner aux Thessaloniciens l'exemple de l'activité, de sorte que nul n'avait le droit de l'accuser de cupidité. Il infligea en même temps un démenti à tous ceux qui considéraient le travail manuel comme avilissant. CP 309 4 Lorsque Paul se rendit à Corinthe pour la première fois, il se trouva au milieu de gens méfiants, qui doutaient des intentions de tous les étrangers. Les Grecs qui vivaient sur la côte étaient d'habiles commerçants; ils s'adonnaient depuis si longtemps au négoce qu'ils en étaient arrivés à considérer l'argent avec dévotion; aussi leur paraissait-il louable d'acquérir des richesses, honnêtement comme malhonnêtement. Paul, qui les connaissait, ne voulut pas leur donner l'occasion de dire qu'il prêchait l'Evangile par intérêt. Il aurait pu réclamer à juste titre le secours financier de ses adeptes; mais il n'usa pas de ce droit, de peur qu'on ne le soupçonnât injustement de s'enrichir, et que cela portât préjudice à son oeuvre. Or, afin de donner plus de force à sa prédication, il cherchait à éviter toute cause de malentendu. CP 310 1 Peu de temps après son arrivée à Corinthe, Paul fit la connaissance d'"un Juif nommé Aquilas, originaire du Pont, récemment arrivé d'Italie avec sa femme Priscille". Ils avaient "le même métier" que lui. Bannis de Rome par un édit de l'empereur Claude, décrétant l'expulsion de tous les Juifs, Aquilas et Priscille avaient dû se réfugier à Corinthe, où ils exerçaient le métier de "faiseurs de tentes". Paul se renseigna à leur sujet, et il apprit qu'ils craignaient Dieu et cherchaient à se soustraire à l'influence pernicieuse des moeurs païennes: "Il demeura chez eux et y travailla. [...] Il discourait dans la synagogue chaque sabbat, et il persuadait des Juifs et des Grecs."6 CP 310 2 Un peu plus tard, Silas et Timothée vinrent rejoindre Paul à Corinthe. Ces frères apportaient de la part des églises de Macédoine des fonds pour subvenir aux besoins de l'oeuvre de Dieu. Dans sa deuxième épître aux Corinthiens, écrite après qu'il eut fondé une église solide dans cette ville, Paul raconte comment il vivait parmi eux: "Ai-je commis un péché, disait-il, parce que, m'abaissant moi-même afin que vous fussiez élevés, je vous ai annoncé gratuitement l'Evangile de Dieu? J'ai dépouillé d'autres Eglises, en recevant d'elles un salaire, pour vous servir. Et lorsque j'étais chez vous et que je me suis trouvé dans le besoin, je n'ai été à charge à personne; car les frères venus de Macédoine ont pourvu à ce qui me manquait. En toutes choses je me suis gardé de vous être à charge, et je m'en garderai. Par la vérité de Christ qui est en moi, je déclare que ce sujet de gloire ne me sera pas enlevé dans les contrées de l'Achaïe."7 Paul nous dit pourquoi il avait adopté cette ligne de conduite à Corinthe. C'était pour ne pas donner l'occasion de s'attirer des reproches de la part de "ceux qui cherchent un prétexte".8 CP 311 1 Tout en se livrant à la fabrication des tentes, Paul ne cessait de prêcher l'Evangile. Aux Corinthiens il déclare à propos de son travail: "Les preuves de mon apostolat ont éclaté au milieu de vous par une patience à toute épreuve, par des signes, des prodiges et des miracles." Et il ajoute: "En quoi avez-vous été traités moins favorablement que les autres Eglises, sinon en ce que je ne vous ai point été à charge? Pardonnez-moi ce tort. Voici, pour la troisième fois je suis prêt à aller chez vous, et je ne vous serai point à charge; car ce ne sont pas vos biens que je cherche, c'est vous-mêmes. [...] Pour moi, je dépenserai très volontiers, et je me dépenserai moi-même pour vos âmes."9 CP 311 2 Au cours de son long ministère à Ephèse, où il fournit pendant trois ans un travail évangélique intensif, Paul s'adonna à son métier. Dans cette ville, comme à Corinthe, il jouit de la présence réconfortante d'Aquilas et de Priscille. Ceux-ci l'avaient accompagné en Asie, lorsqu'il y était retourné pour la seconde fois. CP 311 3 Certaines personnes critiquaient Paul parce qu'il travaillait de ses mains; à leurs yeux, le travail manuel n'était pas compatible avec la tâche d'un prédicateur. Pourquoi l'apôtre, objectaient-elles, ministre de haute classe, alliait-il le travail manuel à la prédication? L'ouvrier n'était-il pas digne de son salaire? Pourquoi s'employait-il à faire des tentes, alors que son temps pouvait être mieux utilisé? CP 311 4 Mais Paul ne considérait pas comme perdu le temps qu'il consacrait à la fabrication de ses tentes. Tout en travaillant en compagnie d'Aquilas, il restait en contact avec le grand Maître, cherchant toutes les occasions pour rendre témoignage en faveur du Sauveur et venir en aide à ceux qui étaient dans le besoin. Son esprit était sans cesse à la recherche de la connaissance spirituelle. Il en entretenait ses compagnons de travail, tout en leur donnant l'exemple de l'activité et de la piété. C'était un artisan habile, adroit et diligent: fervent d'esprit, il servait le Seigneur.10 Le fait d'exercer un métier lui permettait de pénétrer dans des milieux qu'il n'aurait jamais pu atteindre autrement. Il montrait aussi à ses collaborateurs que l'adresse dans les arts mineurs est un don de Dieu. Le Seigneur accorde avec les dons la sagesse pour les utiliser à bon escient. Paul enseignait que, même dans le labeur quotidien, on peut honorer Dieu. Ses mains de travailleur n'enlevaient rien à la puissance de ses appels pathétiques. CP 312 1 Parfois, il arrivait à Paul de travailler nuit et jour, non seulement afin d'assumer sa subsistance personnelle, mais pour aider ses collaborateurs. Il partageait son gain avec Luc, et il assistait Timothée. Il endurait parfois même la faim pour subvenir aux besoins des autres. Il menait une vie de parfaite abnégation. Vers la fin de son ministère, dans son discours d'adieu aux anciens d'Ephèse, à Milet, il pouvait élever ses mains calleuses, et s'écrier: "Je n'ai désiré ni l'argent, ni l'or, ni les vêtements de personne. Vous savez vous-mêmes que ces mains ont pourvu à mes besoins et à ceux des personnes qui étaient avec moi. Je vous ai montré de toutes manières que c'est en travaillant ainsi qu'il faut soutenir les faibles, et se rappeler les paroles du Seigneur qui a dit lui-même: Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir."11 CP 312 2 Si certains ministres se plaignent d'endurer l'épreuve et les privations pour la cause de Dieu, qu'ils pénètrent en imagination dans l'atelier de Paul. Qu'ils se représentent cet homme de Dieu confectionnant ses tentes pour gagner le pain qu'il a cependant justement mérité par son activité apostolique. CP 312 3 Le travail est une bénédiction et non une malédiction. L'oisiveté porte atteinte à la foi et contriste l'Esprit de Dieu. L'eau stagnante est pernicieuse, tandis qu'un courant d'eau limpide dispense sur ses rives la fertilité et la gaieté. CP 312 4 Paul savait que ceux qui négligent le travail manuel s'affaiblissent bientôt. Il voulait enseigner aux jeunes pasteurs qu'en travaillant de leurs mains, en exerçant leurs muscles et leurs nerfs, ils acquerraient des forces pour faire face aux durs labeurs et aux privations qui les attendaient dans leur ministère. Et il comprenait qu'en ce qui le concernait, ses prédications manqueraient de vigueur et de puissance s'il ne maintenait pas son être tout entier dans un bon équilibre. CP 313 1 L'homme oisif est privé de l'inestimable bénédiction qui résulte de l'exécution fidèle des devoirs ordinaires de la vie. Des milliers d'êtres humains ne vivent que pour profiter des bienfaits que Dieu leur dispense. Ils oublient de lui apporter des offrandes d'actions de grâce pour les richesses qu'il leur a confiées. Qu'ils ne perdent pas de vue qu'en faisant valoir les talents qui leur ont été remis, il faut qu'ils soient producteurs aussi bien que consommateurs. S'ils comprennent la part qu'ils doivent prendre à l'oeuvre de Dieu, ils ne déclineront pas les responsabilités qui leur incombent. Le rôle joué par les jeunes gens qui se sentent appelés au ministère dépend en grande partie de la façon dont ils entreprennent leur oeuvre. Ceux que Dieu choisit pour être ses ministres devront montrer qu'ils ont reçu l'appel d'en haut, et chercher par tous les moyens à devenir des serviteurs capables. Ils s'efforceront de s'enrichir des qualités qui les rendront aptes à projeter, à organiser, à exécuter. Conscients de la tâche sacrée à laquelle ils ont été appelés, ils s'appliqueront, grâce à une discipline personnelle, à ressembler de plus en plus à leur Maître par la bonté, l'amour, la vérité. Alors qu'ils feront valoir avec zèle les talents qui leur ont été départis, l'Eglise les soutiendra par son aide éclairée. CP 313 2 On ne devrait pas encourager tous ceux qui se sentent appelés à la prédication de l'Evangile à compter sur une aide financière immédiate et permanente de l'Eglise. Il serait néfaste, en effet, de faire des promesses inconsidérées à des jeunes gens inexpérimentés, de les encourager à dépendre entièrement d'autrui, sans les amener à comprendre qu'ils doivent, de leur côté, apporter une contribution sérieuse à l'Eglise. CP 313 3 Les revenus destinés à l'expansion de l'oeuvre de Dieu ne devraient pas être absorbés par des hommes qui ne prêchent qu'à la condition d'être rétribués. Ce serait satisfaire leurs ambitions personnelles, tout en leur assurant une vie facile. CP 314 1 Les jeunes gens qui désirent mettre leurs dons au service de Dieu, trouveront une leçon édifiante dans l'exemple de Paul à Thessalonique, à Corinthe, à Ephèse et ailleurs. Bien qu'il fût un orateur éloquent et choisi par Dieu pour accomplir une oeuvre exceptionnelle, l'apôtre ne dédaignait pas le travail; il ne ménageait pas sa peine pour la cause qu'il aimait et pour laquelle il se sacrifiait. "Jusqu'à cette heure, écrivait-il aux Corinthiens, nous souffrons la faim, la soif, la nudité; nous sommes maltraités, errants çà et là; nous nous fatiguons à travailler de nos propres mains; injuriés, nous bénissons; persécutés, nous supportons; calomniés, nous parlons avec bonté; nous sommes devenus comme les balayures du monde, le rebut de tous, jusqu'à maintenant."12 CP 314 2 Ainsi, l'un des plus grands docteurs du monde accomplissait joyeusement les tâches les plus nobles, comme les plus viles. Lorsque les circonstances semblaient l'exiger, il se livrait volontiers à son métier. Cependant, il se tenait toujours prêt à l'abandonner pour faire face aux ennemis de l'Evangile, ou pour saisir une occasion particulière qui lui permettait d'amener des âmes à Jésus. CP 314 3 Son activité, son ardeur au travail est un vivant reproche à l'égard de l'oisiveté et de l'amour de la vie facile. Paul voulait s'opposer, en donnant l'exemple du travail, au sentiment qui grandissait dans l'Eglise, à savoir que l'Evangile ne pouvait être prêché avec succès que par ceux qui ne sont pas assujettis au travail manuel. L'apôtre démontrait, par sa vie même, comment les frères devaient se comporter partout où l'on ignorait les vérités évangéliques. Sa façon d'agir suggérait aux humbles travailleurs le désir de faire quelque chose pour l'oeuvre de Dieu, tout en vaquant à leur labeur quotidien. Aquilas et Priscille n'avaient pas été appelés à consacrer tout leur temps à l'évangélisation; cependant, Dieu se servit de ces modestes serviteurs pour montrer plus parfaitement à Apollos le chemin de la vérité. CP 315 1 Le Seigneur emploie différents moyens pour atteindre ses fins. Tantôt il fait appel à des chrétiens doués de talents particuliers pour enseigner et prêcher l'Evangile, tantôt il choisit des hommes modestes qui n'ont jamais été consacrés au ministère et qui sont appelés cependant à jouer un rôle important dans le salut des âmes. Un vaste champ de travail est ouvert aux serviteurs de Dieu qui vivent de leurs propres ressources. Par ailleurs, de nombreux ministres de l'Evangile pourraient, en s'adonnant à un travail manuel quelconque, faire de riches expériences personnelles. Certains prédicateurs capables seraient en même temps formés, par cette méthode, pour servir utilement dans les champs où les besoins sont pressants. CP 315 2 Quant au serviteur de Dieu qui a fait le sacrifice de sa vie pour le Seigneur et qui consacre tout son temps à prêcher l'Evangile, il a un lourd fardeau à porter. Il ne proportionne pas sa peine au temps. Son traitement n'a pas d'influence sur son activité, et même s'il travaille dans de fâcheuses conditions, son oeuvre pastorale n'en est nullement affectée. Il a reçu du ciel une mission, et c'est là qu'il porte les regards pour obtenir la récompense de la besogne qui lui a été confiée et qu'il a accomplie. CP 315 3 Dieu désire que de tels serviteurs soient exempts d'inutiles préoccupations, afin qu'ils puissent obéir au conseil que Paul donnait à Timothée: "Occupe-toi de ces choses, donne-toi tout entier à elles."13 Les ministres de Dieu doivent donc veiller soigneusement à maintenir leur corps et leur esprit vigoureux, par un exercice approprié; mais il ne faut pas qu'ils soient obligés de passer la majeure partie de leur temps à accomplir une oeuvre temporelle. Car, bien que ces fidèles serviteurs désirent être au service de l'Evangile, ils ne sont pas à l'abri des tentations. Lorsqu'ils rencontrent des difficultés, parce que l'Eglise ne leur accorde plus de subsides, le tentateur s'acharne contre eux. D'autre part, lorsqu'ils se rendent compte du peu d'importance qu'on accorde à leur tâche, ils tombent dans le découragement. Alors ils mettent leur espoir dans le jour du jugement pour recevoir leur juste récompense, et ils se cramponnent à cette pensée qui les soutient; mais, en attendant, il faut que leur famille soit nourrie et vêtue. S'ils pouvaient avoir le sentiment d'être déchargés du ministère qui leur a été confié, ils se livreraient volontiers à un métier; mais ils se rendent compte que leur temps appartient à Dieu, bien que cela échappe à ceux qui devraient les entretenir. Au lieu de se laisser tenter par la profession qui leur assurerait le bien-être, ils continuent à oeuvrer pour l'avancement de cette cause qui leur est plus chère que la vie. CP 316 1 Cependant, les serviteurs de Dieu peuvent être parfois forcés de suivre l'exemple de Paul et de travailler pendant un certain temps de leurs mains, tout en assurant la marche de leur oeuvre pastorale. Dans ce cas, ce ne sont plus leurs propres intérêts qu'ils cherchent à satisfaire, mais ceux du Seigneur. CP 316 2 Certains serviteurs de Dieu n'ont pas les moyens nécessaires pour accomplir une oeuvre solide et durable et pensent parfois qu'ils n'arriveront jamais à remplir la mission qui leur a été confiée. D'autres, au contraire, redoutent que les facilités qui leur sont offertes ne les empêchent de faire leur devoir. Mais si les uns et les autres avancent par la foi, le salut sera révélé aux hommes et l'oeuvre divine prospérera. Celui qui a ordonné à ses disciples d'aller dans toutes les parties du monde subviendra aux besoins de tous ceux qui, obéissant à cet ordre, proclament l'Evangile avec fidélité. CP 316 3 Dans l'édification de son oeuvre, le Seigneur ne montre pas toujours nettement ce que ses serviteurs doivent accomplir. Il les éprouve parfois en leur envoyant des afflictions qui les obligent à avancer par la foi. Il les engage souvent dans des sentiers étroits et difficiles, et il leur ordonne d'avancer, alors que leurs pieds semblent toucher les eaux du Jourdain. C'est à de tels moments, pendant même que les prières de ses serviteurs éprouvés montent avec ferveur vers le ciel, que Dieu ouvre le chemin devant eux et les amène dans des lieux spacieux. CP 317 1 Lorsque les messagers de Dieu se rendent compte de la responsabilité qui leur incombe dans les parties de la vigne du Seigneur, où les besoins sont les plus pressants; lorsqu'ils travaillent sans relâche à la conversion des âmes, avec l'esprit du Maître, les anges leur préparent le chemin et leur procurent les moyens nécessaires pour faire avancer le règne de Dieu. CP 317 2 Ceux qui sont illuminés par la grâce divine donneront généreusement pour soutenir l'oeuvre dont ils sont les bénéficiaires. Ils répondront avec libéralité à tout appel financier, et l'Esprit de Dieu enflammera leur coeur pour faire progresser la cause du Maître, non seulement chez eux, mais aussi dans les pays lointains. Ainsi, de nouvelles forces seront données à ceux qui travaillent dans d'autres régions, et l'oeuvre du Seigneur avancera selon ce qu'il a lui-même indiqué. ------------------------Chapitre 34 -- Un ministère consacré CP 319 1 Le Christ a donné, dans sa vie et son enseignement, le parfait exemple du ministère désintéressé qui tire son origine du ciel. Dieu ne vit pas pour lui-même. En créant le monde et en veillant avec sollicitude sur toutes choses, il pourvoit sans cesse aux besoins de tous. "Il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes."1 CP 319 2 Le Père a confié ce ministère idéal à son Fils. Il l'a envoyé pour être placé à la tête de l'humanité et donner l'exemple du service à la loi duquel toute sa vie fut soumise. Il servit chacun, et il pourvut à tout. CP 319 3 Maintes fois, Jésus s'efforça de démontrer ce principe à ses disciples. Lorsque Jacques et Jean lui demandèrent la prééminence, il répondit: "Quiconque veut être grand parmi vous, qu'il soit votre serviteur; et quiconque veut être le premier parmi vous, qu'il soit votre esclave. C'est ainsi que le Fils de l'homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie comme la rançon de plusieurs."2 CP 320 1 Depuis son ascension, le Christ a poursuivi son oeuvre sur la terre par ses ambassadeurs. C'est par eux qu'il parle aux enfants des hommes et pourvoit à leurs besoins. Le grand chef de l'Eglise dirige sa cause par l'intermédiaire de ceux que Dieu a choisis pour le représenter. CP 320 2 Une lourde responsabilité repose sur les ministres que Dieu a appelés à travailler à l'édification de son Eglise. Au nom de Jésus, ils doivent inviter hommes et femmes à se réconcilier avec Dieu; et ils ne peuvent accomplir leur mission que lorsqu'ils reçoivent la sagesse et la puissance d'en haut. Les disciples du Christ sont les gardiens spirituels de ceux qui leur sont confiés. Leur travail a été comparé à celui des sentinelles. Autrefois, on en plaçait souvent sur les murs de la ville. De leurs tours de guet, elles pouvaient surveiller d'importants points stratégiques et dénoncer ainsi l'approche de l'ennemi. La sécurité des habitants de ces villes dépendait de la vigilance de ces sentinelles. A intervalles réguliers, elles devaient s'interpeller pour s'assurer qu'elles étaient bien éveillées et qu'aucun mal ne leur était arrivé. CP 320 3 Le cri d'encouragement ou d'alarme qu'elles lançaient se transmettait de l'une à l'autre, et chacune d'elles le répétait jusqu'à ce qu'il retentisse tout autour de la cité. Dieu déclare à chacun de ses serviteurs: "Et toi, fils de l'homme, je t'ai établi comme sentinelle sur la maison d'Israël. Tu dois écouter la parole qui sort de ma bouche, et les avertir de ma part. Quand je dis au méchant: Méchant, tu mourras! si tu ne parles pas pour détourner le méchant de sa voie, ce méchant mourra dans son iniquité, et je te redemanderai son sang."3 CP 320 4 Les paroles du prophète dénoncent la responsabilité solennelle qui pèse sur ceux qui sont établis comme gardiens de l'Eglise et dépositaires des mystères divins. Ils doivent se tenir comme des sentinelles sur les murs de Sion pour lancer le cri d'alarme à l'approche de l'ennemi. Des âmes courent le danger de succomber à la tentation, et elles périront si les ministres ne sont pas fidèles à leur mission. Si, pour une raison quelconque, leur vie spirituelle se refroidit, s'ils deviennent incapables de discerner le danger, s'ils omettent d'avertir le peuple qui périt, Dieu leur redemandera le sang de ceux qui sont perdus. CP 321 1 Quel privilège, pour ces sentinelles placées sur les murs de Sion, de vivre si près de Dieu et d'être si sensibles aux manifestations de son Esprit! Par cette grâce, elles pourront mettre en garde les pécheurs contre les périls qui les menacent, et leur indiquer le lieu où se trouve la sécurité. Elles les avertiront fidèlement des conséquences inévitables de la transgression, et, fidèlement aussi, elles veilleront sur les intérêts de l'Eglise. Leur vigilance ne se relâchera jamais. Leur tâche exige l'exercice de toutes leurs facultés. CP 321 2 La voix des sentinelles doit retentir comme le son d'une trompette, et ne jamais laisser une note hésitante ou vacillante. Ce n'est pas pour être rétribués que les serviteurs de Dieu sont à l'oeuvre, mais parce qu'ils ne peuvent faire autrement et sentent qu'une malédiction pèserait sur eux s'ils ne prêchaient pas l'Evangile. Choisis par le Seigneur, scellés par le sang du sacrifice, ils doivent sauver les pécheurs de la perdition qui les menace. CP 321 3 Il faut que le ministre qui collabore avec le Christ ait le sens profond du caractère sacré de son oeuvre et de toute la peine, de tous les sacrifices qu'elle exige pour être accomplie avec succès. Il ne recherche ni ses aises, ni ses commodités. Il s'oublie lui-même. A la recherche de la brebis perdue, il ne tient pas compte de la fatigue, du froid, de la faim. Il n'a qu'un seul but: le salut des âmes. CP 321 4 Celui qui est enrôlé sous la bannière ensanglantée du Prince Emmanuel doit faire preuve d'héroïsme et d'endurance. Le soldat de la croix a le devoir de demeurer courageusement en première ligne quand gronde la bataille. Si l'ennemi déchaîne contre lui une violente attaque, il se réfugie vers celui qui est sa forteresse, afin d'obtenir du secours; et en se confiant aux promesses de la Parole, il se sent plus fort pour faire face à ses devoirs du moment. Il se rend compte que sa force vient d'en haut. Les victoires qu'il remporte ne le portent pas à s'exalter lui-même, mais elles font naître dans son coeur le désir de s'appuyer de plus en plus fortement sur le Tout-Puissant. Il peut ainsi présenter le message du salut avec une autorité telle qu'il touche les coeurs. CP 322 1 Celui qui prêche la Parole doit vivre dans une communion consciente et permanente avec Dieu, car c'est là que se trouve la force spirituelle. Cette communion avec le Seigneur donnera plus d'efficacité au travail du ministre que sa prédication. Il ne doit pas se priver de cette puissance. Avec une ardeur sincère, il intercédera auprès de Dieu afin d'obtenir les forces nécessaires pour faire face à ses devoirs et à ses épreuves. Il le suppliera de toucher ses lèvres avec "une pierre ardente" de son autel. CP 322 2 Trop souvent les ambassadeurs du Christ se font une idée imparfaite des réalités éternelles. Si nous marchions avec Dieu, nous serions cachés "au creux du rocher", et, comme Moïse au désert, nous pourrions voir le Seigneur. C'est grâce à la puissance et aux lumières que Dieu communique à ses enfants qu'ils comprennent mieux et font beaucoup plus qu'ils ne l'auraient imaginé, car leur jugement est limité. CP 322 3 Les ruses de Satan ont plus de prise sur ceux qui se laissent aller au découragement. Quand il menace d'accabler les ministres de Dieu, que ceux-ci exposent leurs besoins au Seigneur. C'est lorsque le ciel paraissait d'airain au-dessus de lui que Paul avait le plus de confiance en Dieu. Il connaissait mieux que la plupart des hommes le sens de l'affliction; et cependant, écoutez son cri de triomphe lorsque, assiégé par la tentation et les luttes, ses pas se dirigent vers le ciel: "Car nos légères afflictions du moment présent produisent pour nous, au-delà de toute mesure, un poids éternel de gloire, parce que nous regardons, non point aux choses visibles, mais à celles qui sont invisibles; car les choses visibles sont passagères, et les invisibles sont éternelles."4 CP 323 1 Les yeux de Paul étaient toujours rivés sur les choses invisibles et éternelles. Il comprenait qu'il luttait contre des puissances sataniques; c'est pourquoi il se plaçait sous la dépendance de Dieu, et c'est là que résidait sa force. C'est en regardant à celui qui est invisible que l'on arrive à triompher; l'emprise du monde sur l'esprit et le caractère est ainsi rompue. CP 323 2 Un pasteur devrait se mêler librement à ses fidèles pour mieux les connaître, et savoir comment adapter sa prédication à leurs besoins spirituels. Lorsqu'il a prononcé un sermon, il a à peine amorcé sa tâche. Il lui reste à faire un travail individuel: rendre visite à ses fidèles, parler et prier avec eux, dans la foi et dans l'humilité. Certaines familles ne connaîtront jamais les vérités de l'Evangile, si les dispensateurs de la grâce divine ne pénètrent dans leur foyer pour leur indiquer le chemin du salut. Mais il faut que le coeur de ceux qui accomplissent cette tâche batte à l'unisson de celui de Jésus. Quelle profonde signification renferme cet ordre: "Va dans les chemins et le long des haies, et ceux que tu trouveras, contrains-les d'entrer, afin que ma maison soit remplie."5 CP 323 3 Les serviteurs de Dieu doivent donc enseigner la vérité dans les familles, se rapprocher de ceux pour lesquels ils travaillent, et, en collaborant ainsi avec le Seigneur, ils seront revêtus du Saint-Esprit. Le Christ les guidera dans leur labeur. Il leur inspirera les paroles qu'ils devront prononcer et qui pénétreront profondément dans les coeurs. Quel privilège leur est accordé lorsqu'ils peuvent dire avec saint Paul: "Je vous ai annoncé tout le conseil de Dieu. [...] Vous savez que je n'ai rien caché de ce qui vous était utile, et que je n'ai pas craint de vous prêcher et de vous enseigner publiquement et dans les maisons [...] la repentance envers Dieu et la foi en notre Seigneur Jésus-Christ."6 CP 323 4 Le Sauveur allait de maison en maison, guérissant les malades, consolant les affligés, adressant des paroles de paix aux abattus. Il prenait les petits enfants dans ses bras et les bénissait. Il apportait l'espoir et le réconfort aux mères fatiguées. Avec une tendresse et une douceur sans défaillances, il allait au-devant de toutes les formes de souffrance et de douleur humaines. Il ne s'occupait que des autres, étant le serviteur de tous. Encourager et fortifier tous ceux qu'il approchait était pour lui sa vraie nourriture. Et tandis que les foules écoutaient les vérités qui s'échappaient de ses lèvres -- vérités si différentes des traditions et des dogmes enseignés par les rabbins -- l'espoir naissait dans tous les coeurs. Il y avait une telle ardeur dans son enseignement, que ses paroles touchaient les âmes avec une puissance convaincante. CP 324 1 Que les ministres de l'Evangile s'inspirent des méthodes de travail du Christ, afin de pouvoir puiser dans sa Parole les secours nécessaires aux besoins spirituels de leurs fidèles. C'est seulement en agissant ainsi qu'ils s'acquitteront de la mission qui leur a été confiée. L'Esprit qui se trouvait en Christ, lorsqu'il faisait part à ses disciples des instructions qu'il recevait du ciel, d'une manière permanente, doit être la source même de leur connaissance et le secret de leur puissance pour annoncer l'Evangile. CP 324 2 Certains prédicateurs n'ont pas pu mener à bien leur tâche, parce qu'ils n'ont pas apporté tout leur intérêt à l'oeuvre du Seigneur. Ils ne devraient pas être absorbés par des sujets étrangers à leur mission essentielle: le salut des âmes. Les pêcheurs que le Christ appelait, quittaient sur-le-champ leurs filets et le suivaient. Les pasteurs ne sauraient accomplir un bon travail, s'ils sont engagés dans des spéculations terrestres. Lorsqu'ils se partagent ainsi, il s'ensuit toujours un affaiblissement de leurs facultés spirituelles. Leur esprit et leur coeur sont absorbés par les intérêts du monde, et leur travail pour le Christ passe au second plan. Ils cherchent à l'organiser selon leurs propres conceptions, au lieu de soumettre celles-ci aux exigences de Dieu. CP 324 3 Que le ministre du Seigneur réserve toutes ses forces pour sa mission sacrée. Ses facultés les plus remarquables appartiennent à Dieu. Il ne doit pas se livrer à des opérations financières ou à un commerce quelconque qui le détourneraient de sa noble tâche. "Il n'est pas de soldat qui s'embarrasse des affaires de la vie, s'il veut plaire à celui qui l'a enrôlé",7 déclare Paul. CP 325 1 C'est ainsi que l'apôtre soulignait le besoin du prédicateur de se consacrer sans réserve au service du Maître. Il refusera alors de s'engager dans certaines activités qui l'empêcheraient de se donner tout entier à sa sainte vocation. Il n'ambitionnera ni les honneurs, ni les richesses du monde. Son unique but sera de parler du Sauveur qui s'est donné lui-même pour apporter aux hommes les richesses d'une vie éternelle. Sa plus haute aspiration ne sera pas de se créer un trésor dans ce monde, mais d'attirer sur les réalités éternelles l'attention des indifférents et des incroyants. On pourra lui proposer de s'engager dans des entreprises lucratives, mais à toutes ces tentations, il répondra: "Que sert-il à un homme de gagner tout le monde, s'il perd son âme?"8 CP 325 2 Satan fit cette proposition à Jésus, car il savait que s'il l'acceptait, le monde ne serait jamais racheté. De nos jours, par des procédés différents, il essaye de tenter les prédicateurs sur ce même point, car il n'ignore pas que ceux qu'il réussit à tromper ne seront pas fidèles à leur noble vocation. CP 325 3 Dieu ne veut pas que ses ministres recherchent les richesses. A ce sujet, Paul écrivait à Timothée: "L'amour de l'argent est une racine de tous les maux; et quelques-uns, en étant possédés, se sont égarés loin de la foi, et se sont jetés eux-mêmes dans bien des tourments. Pour toi, homme de Dieu, fuis ces choses, et recherche la justice, la piété, la foi, la charité, la patience, la douceur." Par son exemple, aussi bien que par sa prédication, l'ambassadeur du Christ doit recommander "aux riches du présent siècle de ne pas être orgueilleux, et de ne pas mettre leur espérance dans des richesses incertaines, mais de la mettre en Dieu, qui nous donne avec abondance toutes choses pour que nous en jouissions". Il doit leur conseiller "de faire du bien, d'être riches en bonnes oeuvres, d'avoir de la libéralité, de la générosité, et de s'amasser ainsi pour l'avenir un trésor placé sur un fondement solide, afin de saisir la vie véritable".9 CP 326 1 La vie exemplaire de Paul, ses enseignements relatifs au caractère sacré de la tâche pastorale devraient être une source d'inspiration, un secours précieux pour les ministres de l'Evangile. Le coeur de l'apôtre était enflammé d'amour pour les pécheurs; c'est pourquoi il employait toute son énergie afin de les gagner au Christ. Jamais on ne vit un serviteur de Dieu plus désintéressé et plus persévérant. Les bénédictions qu'il recevait, il les considérait comme autant d'inestimables privilèges et il voulait que d'autres en bénéficient à leur tour. Il ne perdait aucune occasion de parler du Sauveur ou de secourir ceux qui étaient dans les difficultés. Il allait de lieu en lieu, prêchant l'Evangile, et édifiant des églises. Partout où il pouvait se faire entendre, il combattait aussitôt le mal, et il cherchait à orienter les pas des pécheurs dans le sentier de la justice. CP 326 2 Paul n'oubliait pas les églises qu'il avait établies. Après une tournée missionnaire, lui et Barnabas revenaient sur leurs pas pour visiter ces communautés, et ils y choisissaient des hommes susceptibles d'être formés en vue de la proclamation de l'Evangile. CP 326 3 Comme elle est riche d'enseignements pour les ministres de nos jours cette particularité de l'oeuvre de Paul! L'apôtre considérait qu'elle comprenait l'éducation des jeunes gens en vue du ministère. Il les emmenait avec lui dans ses voyages missionnaires, ce qui leur permettait d'acquérir de l'expérience pour assumer leurs futures responsabilités dans l'Eglise. Lorsqu'il était séparé de ces jeunes, il restait en contact avec eux, et ses lettres à Timothée et à Tite témoignent à quel point il désirait qu'ils réussissent dans leur tâche. De nos jours, les serviteurs éprouvés feront bien de se décharger de leurs lourdes responsabilités en les plaçant sur de jeunes épaules. CP 326 4 Paul ne perdait jamais de vue les devoirs qui lui incombaient en tant que ministre du Christ. Il savait que si des âmes étaient perdues par son infidélité, Dieu lui en demanderait compte un jour: "C'est d'elle [l'Eglise] que j'ai été fait ministre, dit-il, selon la charge que Dieu m'a donnée auprès de vous, afin que j'annonçasse pleinement la parole de Dieu, le mystère caché de tout temps et dans tous les âges, mais révélé maintenant à ses saints, à qui Dieu a voulu faire connaître quelle est la glorieuse richesse de ce mystère parmi les païens, savoir: Christ en vous, l'espérance de la gloire. C'est lui que nous annonçons, exhortant tout homme, et instruisant tout homme en toute sagesse, afin de présenter à Dieu tout homme devenu parfait en Christ. C'est à quoi je travaille, en combattant avec sa force, qui agit puissamment en moi."10 CP 327 1 Ces paroles, riches d'instructions, sont à la portée du serviteur du Christ qui se place sous son égide pour apprendre, jour après jour, les leçons enseignées à son école. La puissance dont le Seigneur dispose est illimitée, et le serviteur qui désire s'unir étroitement à lui peut être assuré de recevoir ce qui sera pour ses auditeurs "une odeur de vie donnant la vie". CP 327 2 Les épîtres de Paul montrent que le ministre de Dieu doit être un modèle, illustrant les vérités qu'il enseigne: "Nous ne donnons aucun scandale en quoi que ce soit, afin que le ministère ne soit pas un objet de blâme." L'apôtre nous a brossé ce tableau émouvant de son propre travail, dans sa lettre aux Corinthiens: "Mais nous nous rendons à tous égards recommandables, comme serviteurs de Dieu, par beaucoup de patience dans les tribulations, dans les calamités, dans les détresses, sous les coups, dans les prisons, dans les séditions, dans les travaux, dans les veilles, dans les jeûnes; par la pureté, par la connaissance, par la longanimité, par la bonté, par un esprit saint, par une charité sincère, par la parole de vérité, par la puissance de Dieu, par les armes offensives et défensives de la justice; au milieu de la gloire et de l'ignominie, au milieu de la mauvaise et de la bonne réputation; étant regardés comme imposteurs, quoique véridiques; comme inconnus quoique bien connus; comme mourants, et voici nous vivons; comme châtiés, quoique non mis à mort; comme attristés, et nous sommes toujours joyeux; comme pauvres, et nous en enrichissons plusieurs."11 CP 328 1 Il écrivait à Tite: "Exhorte de même les jeunes gens à être modérés, te montrant toi-même à tous égards un modèle de bonnes oeuvres, et donnant un enseignement pur, digne, une parole saine, irréprochable, afin que l'adversaire soit confus, n'ayant aucun mal à dire de nous."12 CP 328 2 Rien n'est plus précieux aux yeux de Dieu que ses ministres à l'assaut des vastes régions du monde, qu'ils veulent ensemencer de la vérité, afin d'y moissonner une abondante récolte. Nul, si ce n'est le Christ, ne peut mieux apprécier la tendresse touchante, déployée par ses serviteurs à la recherche des brebis perdues. Il leur communique son Esprit et, grâce à sa sollicitude, les pécheurs se détournent du mal pour rechercher le bien. CP 328 3 Dieu appelle des hommes à quitter leurs fermes, leur profession, et même, si cela est nécessaire, leur famille pour s'engager comme missionnaires. Il faut répondre à ces appels. Que de nobles âmes, touchées par l'amour du Christ et par les besoins des pécheurs, ont, dans le passé, abandonné le confort de leur foyer, le bien-être de leur famille, la compagnie de leurs amis, et même celle de leur femme et de leurs enfants, pour aller apporter, en pays lointain, chez les idolâtres et les sauvages, le message de miséricorde! Beaucoup de ces témoins du Christ ont perdu leur vie dans cette noble entreprise, mais d'autres ont été suscités par Dieu pour continuer leur tâche. Ainsi, petit à petit, le message évangélique a progressé, et le grain semé dans les larmes a produit une abondante récolte. La connaissance de Dieu s'est répandue partout, et la bannière de la croix a été plantée en pays païens. CP 328 4 Pour la conversion d'un seul pécheur, le serviteur de Dieu déploiera ses ressources au maximum. L'âme que le Seigneur a créée, et que le Christ a rachetée, représente, en effet, une valeur infinie, avec toutes ses possibilités, tous ses privilèges, tous les dons qu'elle est capable de faire valoir s'ils sont vivifiés par la Parole de Dieu, et avec l'immortalité qu'elle peut acquérir par l'espérance qui se dégage de l'Evangile. Si le Christ a laissé les quatre-vingt-dix-neuf brebis pour en sauver une seule, croyons-nous pouvoir être justifiés, si nous faisons moins que lui? N'est-ce pas une grave négligence de ne pas travailler comme il travailla, de ne pas se sacrifier comme il se sacrifia? Une lâcheté à l'égard de notre mission sacrée est une insulte à Dieu. CP 329 1 Le coeur d'un vrai serviteur de Dieu déborde de l'intense désir de sauver des âmes. Il emploie tout son temps, toutes ses forces à cette noble tâche. Il ne plaint pas sa peine, car il veut faire entendre aux autres les vérités qui ont apporté tant de joie, de paix et de bonheur à son âme. L'esprit du Christ repose sur lui. Il veille sur les âmes comme devant en rendre compte. Les yeux fixés sur la croix du Calvaire, il y contemple le Sauveur; il se repose sur sa grâce, convaincu qu'il demeurera avec lui jusqu'à la fin et sera son bouclier, sa force, son secours dans son oeuvre pour Dieu. Il s'efforce de gagner des âmes à Jésus par des exhortations et des appels joints à l'assurance de l'amour de Dieu, et dans le ciel il sera parmi les "appelés, les élus et les fidèles".13 ------------------------Chapitre 35 -- Le salut pour les Juifs Ce chapitre est basé sur l'épître aux Romains. CP 331 1 Après avoir retardé son départ, Paul finit par atteindre Corinthe. C'est là qu'il avait jadis travaillé, l'esprit chargé d'inquiétude au sujet des fidèles auxquels il avait témoigné une si profonde sollicitude. Il eut le plaisir de constater que les convertis du début de son ministère considéraient toujours avec affection celui qui leur avait apporté le premier les lumières de l'Evangile. Alors qu'il saluait ces disciples, heureux de constater leur fidélité et leur zèle, il se réjouissait de ce que son oeuvre à Corinthe n'était pas demeurée vaine. CP 331 2 Les Corinthiens, tout prêts autrefois à perdre de vue la noble mission que le Christ leur avait confiée, avaient affermi leur foi. Leurs paroles et leurs actes révélaient la puissance régénératrice de la grâce divine, et ils représentaient maintenant la forteresse du bien dans ce centre de paganisme et de superstition. En compagnie de ses collaborateurs bien-aimés et de ses fidèles prosélytes, l'apôtre, dont l'esprit était tourmenté et lassé, trouva enfin du repos. CP 332 1 Pendant son séjour à Corinthe, Paul eut le temps de former des projets pour travailler dans des champs plus vastes. Ses pensées se dirigeaient invariablement vers Rome, où il espérait se rendre un jour. Il désirait ardemment, en effet, voir s'établir solidement la foi chrétienne dans cette ville, qui était l'une des plus connues du monde. Une église y avait été déjà fondée, et il comptait s'assurer la collaboration des croyants qui s'y trouvaient pour entreprendre l'oeuvre de Dieu en Italie et dans les pays voisins. Pour préparer la voie à son futur travail parmi les frères, dont certains étaient encore des étrangers pour lui, il leur écrivit une lettre leur annonçant son intention de se rendre dans la métropole, et son espoir de planter l'étendard de la croix en Espagne. CP 332 2 Dans son épître aux Romains, Paul établissait les grands principes de l'Evangile. Il définissait sa position relativement aux questions qui agitaient les églises juives et païennes. Il montrait que les espérances et les promesses, qui jadis n'appartenaient qu'aux Juifs, étaient maintenant offertes aussi aux Gentils. Avec une clarté et une puissance remarquables, il exposait le principe de la justification par la foi en Christ. Il espérait que d'autres églises profiteraient des enseignements qu'il adressait aux chrétiens de Rome; mais comme il se doutait peu de la portée lointaine qu'allaient avoir ses paroles! Dans tous les temps, la grande vérité de la justification par la foi s'est élevée comme un phare puissant pour guider les pécheurs repentants dans le chemin de la vie. C'est cette lumière qui avait dissipé les ténèbres dont l'esprit de Luther était enveloppé; c'est elle qui lui avait révélé le pouvoir justificateur du sang du Christ. Cette même lumière a guidé des milliers de pécheurs à la vraie source du pardon et de la paix. CP 332 3 Tout chrétien a lieu de remercier Dieu pour le contenu de l'épître aux Romains. Paul y donnait libre cours à la tristesse qu'il éprouvait au sujet des Juifs. Depuis sa conversion, il désirait vivement les aider à acquérir une nette compréhension du message évangélique. "Le voeu de mon coeur et ma prière à Dieu pour eux, c'est qu'ils soient sauvés", déclarait-il. Il suppliait sans cesse Dieu d'agir en faveur de ses compatriotes, qui n'avaient pas reconnu Jésus de Nazareth comme le Messie promis. "Je dis la vérité en Christ, affirmait-il aux Romains, je ne mens point, ma conscience m'en rend témoignage par le Saint-Esprit: j'éprouve une grande tristesse, et j'ai dans le coeur un chagrin continuel. Car je voudrais moi-même être anathème et séparé de Christ pour mes frères, mes parents selon la chair, qui sont Israélites, à qui appartiennent l'adoption, et la gloire, et les alliances, et la loi, et le culte, et les promesses, et les patriarches, et de qui est issu, selon la chair, le Christ, qui est au-dessus de toutes choses, Dieu béni éternellement!" CP 333 1 Les Juifs étaient le peuple élu, par lequel Dieu proposait de bénir le monde entier. Du milieu de lui de nombreux prophètes avaient été suscités. Ceux-ci avaient prédit la venue du Rédempteur, qui devait être rejeté et crucifié par ceux-là même qui auraient dû être les premiers à le reconnaître comme le Messie promis. CP 333 2 Esaïe avait prédit des siècles à l'avance que les prophètes seraient rejetés les uns après les autres et, finalement, Jésus-Christ lui-même. Sous sa plume inspirée, nous lisons que le Rédempteur serait reçu par ceux qui ne faisaient pas partie des enfants d'Israël. Paul déclare au sujet de cette prophétie: "Esaïe pousse la hardiesse jusqu'à dire: J'ai été trouvé par ceux qui ne me cherchaient pas, je me suis manifesté à ceux qui ne me demandaient pas. Mais au sujet d'Israël il dit: J'ai tendu mes mains tout le jour vers un peuple rebelle et contredisant." CP 333 3 Cependant, bien que les enfants d'Israël aient méprisé son Fils, Dieu ne les rejeta pas. Ecoutez Paul dire à ce sujet: "Je dis donc: Dieu a-t-il rejeté son peuple? Loin de là! Car moi aussi je suis Israélite, de la postérité d'Abraham, de la tribu de Benjamin. Dieu n'a point rejeté son peuple, qu'il a connu d'avance. Ne savez-vous pas ce que l'Ecriture rapporte d'Elie, comment il adresse à Dieu cette plainte contre Israël: Seigneur, ils ont tué tes prophètes, ils ont renversé tes autels; je suis resté moi seul, et ils cherchent à m'ôter la vie? Mais quelle réponse Dieu lui fait-il? Je me suis réservé sept mille hommes, qui n'ont point fléchi le genou devant Baal. De même aussi dans le temps présent il y a un reste, selon l'élection de la grâce." Israël avait bronché, et était tombé; mais il ne lui était pas impossible de se relever. En réponse à la question: "Est-ce pour tomber qu'ils ont bronché?" l'apôtre répond: "Loin de là! Mais, par leur chute, le salut est devenu accessible aux païens, afin qu'ils fussent excités à la jalousie. Or, si leur chute a été la richesse du monde, et leur amoindrissement la richesse des païens, combien plus en sera-t-il ainsi quand ils se convertiront tous. Je vous le dis à vous, païens: en tant que je suis apôtre des païens, je glorifie mon ministère, afin, s'il est possible, d'exciter la jalousie de ceux de ma race, et d'en sauver quelques-uns. Car si leur rejet a été la réconciliation du monde, que sera leur réintégration, sinon une vie d'entre les morts?" CP 334 1 C'était dans les desseins de Dieu que sa grâce soit manifestée aussi bien aux Gentils qu'aux Israélites. Ceci avait été nettement établi dans les prophéties de l'Ancien Testament. L'apôtre en cite quelques-unes dans son argumentation: "Le potier n'est-il pas maître de l'argile, pour faire avec la même masse un vase d'honneur et un vase d'un usage vil? Et que dire, si Dieu, voulant montrer sa colère et faire connaître sa puissance, a supporté avec une grande patience des vases de colère formés pour la perdition, et s'il a voulu faire connaître la richesse de sa gloire envers des vases de miséricorde qu'il a d'avance préparés pour la gloire? Ainsi nous a-t-il appelés, non seulement d'entre les Juifs, mais encore d'entre les païens, selon qu'il le dit dans Osée: J'appellerai mon peuple celui qui n'était pas mon peuple, et bien-aimée celle qui n'était pas la bien-aimée; et là où on leur disait: Vous n'êtes pas mon peuple! ils seront appelés fils du Dieu vivant."1 CP 334 2 Malgré la chute d'Israël, en tant que nation, il restait un bon nombre de Juifs qui désiraient être sauvés. Au moment où le Christ était sur la terre, des âmes sincères avaient reçu avec joie le message de Jean-Baptiste, et avaient été poussées à étudier à nouveau les prophéties relatives au Messie. Lorsque l'Eglise primitive fut fondée, elle se composait de ces fidèles Juifs qui reconnaissaient dans Jésus de Nazareth le Messie ardemment souhaité. C'est à eux que Paul s'adresse quand il écrit: "Or, si les prémices sont saintes, la masse l'est aussi; et si la racine est sainte, les branches le sont aussi." CP 335 1 Paul compare le reste d'Israël à un olivier majestueux dont quelques branches ont été retranchées. Il compare aussi les Gentils aux rameaux d'un olivier sauvage, entés sur "l'olivier franc". "Mais si quelques-unes des branches ont été retranchées, écrit-il aux chrétiens de la Gentilité, et si toi, qui étais un olivier sauvage, tu as été enté à leur place, et rendu participant de la racine et de la graisse de l'olivier, ne te glorifie pas aux dépens de ces branches. Si tu te glorifies, sache que ce n'est pas toi qui portes la racine, mais que c'est la racine qui te porte. Tu diras donc: Les branches ont été retranchées, afin que moi je fusse enté. Cela est vrai; elles ont été retranchées pour cause d'incrédulité, et toi, tu subsistes par la foi. Ne t'abandonne pas à l'orgueil, mais crains; car si Dieu n'a pas épargné les branches naturelles, il ne t'épargnera pas non plus. Considère donc la bonté et la sévérité de Dieu: sévérité envers ceux qui sont tombés, et bonté de Dieu envers toi, si tu demeures ferme dans cette bonté; autrement, tu seras aussi retranché." CP 335 2 La nation d'Israël avait perdu tout contact avec le Seigneur, par suite de son incrédulité et du rejet du plan divin à son égard. Mais les branches qui avaient été retranchées de l'olivier franc pouvaient être entées à nouveau sur le vrai tronc d'Israël, le reste qui était demeuré fidèle à Dieu et à la foi de ses pères. "Eux de même, déclare l'apôtre, en parlant des branches qui ont été retranchées, s'ils ne persistent pas dans l'incrédulité, ils seront entés; car Dieu est puissant pour les enter de nouveau. Si toi, tu as été coupé de l'olivier naturellement sauvage, et enté contrairement à ta nature sur l'olivier franc, à plus forte raison eux seront-ils entés selon leur nature sur leur propre olivier. Car je ne veux pas, frères, que vous ignoriez ce mystère, afin que vous ne vous regardiez point comme sages, c'est qu'une partie d'Israël est tombée dans l'endurcissement, jusqu'à ce que la totalité des païens soit entrée. Et ainsi tout Israël sera sauvé, selon qu'il est écrit: Le libérateur viendra de Sion, et il détournera de Jacob les impiétés; et ce sera mon alliance avec eux, lorsque j'ôterai leurs péchés. En ce qui concerne l'Evangile, ils sont ennemis à cause de vous; mais en ce qui concerne l'élection, ils sont aimés à cause de leurs pères. Car Dieu ne se repent pas de ses dons et de son appel. De même que vous avez autrefois désobéi à Dieu et que par leur désobéissance vous avez maintenant obtenu miséricorde, de même ils ont maintenant désobéi, afin que, par la miséricorde qui vous a été faite, ils obtiennent aussi miséricorde. Car Dieu a renfermé tous les hommes dans la désobéissance pour faire miséricorde à tous. O profondeur de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu! Que ses jugements sont insondables, et ses voies incompréhensibles! Car qui a connu la pensée du Seigneur, ou qui a été son conseiller? Qui lui a donné le premier, pour qu'il ait à recevoir en retour? C'est de lui, par lui, et pour lui que sont toutes choses. A lui la gloire dans tous les siècles!" CP 336 1 Ainsi Paul montre que Dieu a la puissance de transformer, de la même manière, le coeur des Juifs et le coeur des Gentils, et d'accorder à tous ceux qui vont au Christ les bénédictions promises à Israël. L'apôtre répète la déclaration d'Esaïe relative aux Israélites: "Quand le nombre des fils d'Israël serait comme le sable de la mer, un reste seulement sera sauvé. Car le Seigneur exécutera pleinement et promptement sur la terre ce qu'il a résolu. Et, comme Esaïe l'avait dit auparavant: Si le Seigneur des armées ne nous eût laissé une postérité, nous serions devenus comme Sodome, nous aurions été semblables à Gomorrhe." CP 336 2 Quand Jérusalem fut détruite, et que le temple tomba en ruine, des milliers de Juifs furent vendus comme esclaves en terres païennes. Comme des naufragés échoués sur un rivage désert, ils furent dispersés parmi les nations étrangères. Pendant plus de dix-neuf cents ans, les Juifs ont erré de pays en pays, à travers le monde. Dédaignés, haïs, persécutés de siècle en siècle, leur héritage n'a été que celui de la souffrance. CP 337 1 Bien qu'un terrible jugement ait été prononcé contre la nation israélite à l'époque où elle avait rejeté Jésus de Nazareth, des Juifs au coeur noble et craignant Dieu continuèrent, à travers les âges, à souffrir en silence. Dieu a réconforté leurs âmes affligées, et il s'est penché avec pitié sur leur condition tragique. Il a entendu les prières déchirantes de ceux qui le recherchaient de tout leur coeur pour acquérir une juste compréhension de sa Parole. Parmi ces infortunés, certains ont appris à voir dans l'humble Nazaréen, rejeté et crucifié par leurs pères, le véritable Messie d'Israël. Et tandis qu'ils sondaient les prophéties qui leur étaient familières, et que la tradition ou une fausse interprétation leur avaient rendues si longtemps obscures, leur coeur débordait de reconnaissance envers Dieu pour le don ineffable qu'il accorde à tous ceux qui acceptent le Christ comme Sauveur personnel. CP 337 2 C'est à cette catégorie de chrétiens que fait allusion Esaïe lorsqu'il dit: "Un reste seulement sera sauvé." Depuis l'époque de Paul jusqu'à nos jours, Dieu a appelé à la fois, par son Saint-Esprit, les Juifs et les païens. "Car devant Dieu il n'y a point d'acception de personnes", déclare Paul. L'apôtre se considérait lui-même débiteur des Grecs et des barbares, ainsi que des Juifs, mais il ne perdait jamais de vue les privilèges que ceux-ci possédaient par rapport aux autres. Il écrit en parlant d'eux: "... et tout d'abord en ce que les oracles de Dieu leur ont été confiés." "L'Evangile, dit-il encore, est une puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit, du Juif premièrement, puis du Grec, parce qu'en lui est révélée la justice de Dieu par la foi et pour la foi, selon qu'il est écrit: Le juste vivra par la foi." C'est de cet Evangile, aussi efficace pour les Juifs que pour les Gentils, que Paul déclarait, dans son épître aux Romains, "qu'il n'avait point honte". CP 338 1 Peu nombreux sont les pasteurs qui se sentent appelés à travailler pour le peuple juif; mais le message de miséricorde et d'espoir en Christ doit être annoncé à tous ceux qu'on a trop longtemps négligés. Dans la proclamation finale de l'Evangile, Dieu suscitera des serviteurs qui prendront un soin spécial des Juifs, répandus dans toutes les parties du monde. CP 338 2 Comme l'Ancien Testament s'harmonise avec le Nouveau pour l'explication des desseins éternels de Dieu, de nombreux Juifs y verront comme l'aurore d'une nouvelle création, la résurrection de l'âme. Lorsqu'ils discerneront le Christ de la dispensation évangélique à travers les pages de l'Ancien Testament, lorsqu'ils comprendront combien clairement le Nouveau Testament explique l'Ancien, alors ils se réveilleront de leur assoupissement, et reconnaîtront le Christ comme Sauveur du monde. Et ces paroles s'accompliront alors pour eux: "Mais à tous ceux qui l'ont reçue, à ceux qui croient en son nom, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu."2 CP 338 3 Parmi les Juifs, il y en a beaucoup qui, comme Saul de Tarse, sont puissants dans les Ecritures. Ils proclameront avec une force merveilleuse l'immutabilité de la loi divine. Le Dieu d'Israël permettra que tout cela s'accomplisse de nos jours, car son bras ne s'est pas raccourci; il est toujours puissant pour sauver. CP 338 4 "C'est pourquoi ainsi parle l'Eternel à la maison de Jacob, lui qui a racheté Abraham: Maintenant Jacob ne rougira plus, maintenant son visage ne pâlira plus. Car, lorsque ses enfants verront au milieu d'eux l'oeuvre de mes mains, ils sanctifieront mon nom; ils sanctifieront le Saint de Jacob, et ils craindront le Dieu d'Israël; ceux dont l'esprit s'égarait acquerront de l'intelligence, et ceux qui murmuraient recevront instruction."3 ------------------------Chapitre 36 -- L'apostasie en Galatie Ce chapitre est basé sur l'épître aux Galates. CP 339 1 Pendant son séjour à Corinthe, Paul nourrissait de sérieuses appréhensions au sujet des églises qu'il avait fondées. Sous l'influence de faux docteurs qui s'étaient introduits au sein des croyants de Jérusalem, les divisions, l'hérésie, les plaisirs du monde avaient rapidement gagné du terrain parmi les croyants de Galatie. Ces faux docteurs avaient mêlé les traditions juives aux vérités de l'Evangile. Dans l'ignorance des décisions qui avaient été prises à l'assemblée de Jérusalem, ils engageaient les convertis du monde païen à observer la loi cérémonielle. CP 339 2 La situation était grave. Les erreurs qui avaient été introduites dans les églises de la Galatie menaçaient de les perdre. Paul souffrait cruellement de cet état de choses, et son âme était attristée par l'apostasie déclarée que manifestaient ceux qu'il avait si fidèlement instruits dans l'Evangile. Il écrivit immédiatement aux chrétiens ainsi égarés pour les éclairer sur les fausses théories qu'ils avaient acceptées, et il réprimanda sérieusement ceux qui s'étaient éloignés de la foi. Après avoir salué les Galates par ces mots: "Que la grâce et la paix vous soient données de la part de Dieu le Père et de notre Seigneur Jésus-Christ", il leur adressa ces paroles de vifs reproches: CP 340 1 "Je m'étonne que vous vous détourniez si promptement de celui qui vous a appelés par la grâce de Christ, pour passer à un autre Evangile. Non pas qu'il y ait un autre Evangile, mais il y a des gens qui vous troublent, et qui veulent renverser l'Evangile de Christ. Mais quand nous-mêmes, quand un ange du ciel annoncerait un autre Evangile que celui que nous vous avons prêché, qu'il soit anathème!" CP 340 2 La prédication de Paul était conforme aux Ecritures, et le Saint-Esprit avait approuvé son travail; c'est pourquoi l'apôtre pouvait avertir les Galates de ne pas ajouter foi à tout ce qui s'opposait aux vérités qu'il leur avait enseignées. Il les invitait à examiner avec soin les sentiments qui les animaient lors de leur conversion: "O Galates, dépourvus de sens! s'exclamait-il, qui vous a fascinés, vous, aux yeux de qui Jésus-Christ a été peint comme crucifié? Voici seulement ce que je veux apprendre de vous: Est-ce par les oeuvres de la loi que vous avez reçu l'Esprit, ou par la prédication de la foi? Etes-vous tellement dépourvus de sens? Après avoir commencé par l'Esprit, voulez-vous maintenant finir par la chair? Avez-vous tant souffert en vain? si toutefois c'est en vain. Celui qui vous accorde l'Esprit, et qui opère des miracles parmi vous, le fait-il donc par les oeuvres de la loi, ou par la prédication de la foi?" CP 340 3 Paul assignait ainsi les Galates devant le tribunal de leur propre conscience, en s'efforçant de les faire changer de conduite. Il s'appuyait sur la toute-puissance du Dieu sauveur, et refusait d'admettre les théories des docteurs apostats. Il s'efforçait de faire comprendre aux croyants qu'ils avaient été grossièrement trompés et qu'en revenant à leur ancienne foi, ils pouvaient déjouer les plans de Satan. Il prit nettement position pour le droit et la justice; et sa foi inébranlable, sa confiance dans le message qu'il annonçait encouragèrent ceux qui s'étaient détournés de l'Evangile à revenir au Sauveur. CP 341 1 Comme les paroles adressées par Paul aux Corinthiens diffèrent de celles qu'il réserve aux Galates! Il reprenait les Corinthiens avec ménagement et douceur, tandis qu'il adressait aux Galates des reproches cinglants. Les Corinthiens avaient été entraînés par la tentation. Trompés par les sophismes habiles des docteurs qui enseignaient des erreurs sous l'apparence de la vérité, ils avaient eu l'esprit dans la confusion et dans l'égarement. Pour arriver à leur faire distinguer le vrai du faux, il fallait user d'égards et de patience. Une intervention hâtive et dure aurait détruit l'influence que Paul exerçait sur certains croyants. CP 341 2 Dans les églises de Galatie, le message évangélique avait été supplanté par l'erreur manifeste. Le Christ, le vrai fondateur de la foi, était virtuellement banni des cérémonies périmées du judaïsme. L'apôtre comprenait que pour sauver les Galates des dangereuses influences qui les menaçaient, il fallait recourir aux mesures les plus rapides et aux arguments les plus incisifs. CP 341 3 Cette méthode servira d'exemple aux ministres de l'Evangile qui s'efforceront d'adapter leur travail aux conditions de vie de leurs fidèles. L'affection, la patience, l'esprit de décision, la fermeté leur sont également nécessaires, mais ils doivent en user à bon escient. Pour avoir une heureuse influence sur les divers caractères, placés dans des circonstances et des conditions diverses, il faut agir avec sagesse et faire preuve d'un jugement éclairé et sanctifié par l'Esprit de Dieu. CP 341 4 Dans son épître aux Galates, Paul rappelait rapidement les principaux incidents relatifs à sa propre conversion et ses expériences personnelles du début de sa vie chrétienne. Il voulait leur montrer ainsi que c'était grâce à une manifestation spéciale de la puissance divine qu'il avait été amené à découvrir et à saisir les vérités essentielles de l'Evangile, C'était par les instructions de Dieu lui-même que l'apôtre avertissait et censurait les Galates d'une manière aussi catégorique et aussi solennelle. Il n'écrivait ni avec doute ni avec hésitation, mais avec une assurance basée sur la conviction et avec une connaissance absolue du message évangélique. Il rendait évidente la différence entre l'enseignement donné par les hommes et l'instruction reçue directement du Christ. CP 342 1 L'apôtre suppliait les Galates de se séparer des faux docteurs qui les avaient égarés et de revenir à leur foi primitive, foi que Dieu avait bénie d'une manière éclatante. Il leur montrait que les hommes, dont le but avait été de les détourner de l'Evangile, n'étaient que des hypocrites, au coeur impur, à la vie dissolue. Leur religion était basée sur des rites cérémoniels, et ils croyaient qu'une observance fidèle de ces rites leur gagnerait les faveurs divines. Ils ne voulaient pas d'un Evangile exigeant qu'on se conforme à ces paroles: "En vérité, en vérité, je te le dis, si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu."1 Ils pensaient qu'une telle doctrine demandait de trop grands sacrifices; c'est pourquoi ils préféraient demeurer dans leurs erreurs et tromper ainsi les autres, tout en s'égarant eux-mêmes. CP 342 2 De nos jours, les formes extérieures de la religion, pour arriver à la sainteté du coeur et de la vie, plaisent tout autant à la nature irrégénérée qu'à l'époque de ces docteurs juifs. Comme autrefois, de faux guides spirituels enseignent des doctrines qui sont écoutées avec avidité par certaines personnes. Satan détourne les esprits de l'espérance du salut qui s'obtient par la foi en Jésus-Christ et l'obéissance à la loi divine. A travers tous les âges, le prince des ténèbres s'est efforcé d'adapter ses tentations aux préjugés et aux tendances de ceux qui l'écoutent. Aux temps apostoliques, il incitait les Juifs à exalter la loi cérémonielle et à rejeter le Christ. Maintenant, sous prétexte d'honorer Dieu, il engage certains chrétiens de profession à mépriser la loi morale et à enseigner que les préceptes de cette loi peuvent être transgressés impunément. Le devoir de tout serviteur de Dieu est de lutter énergiquement et résolument contre ces corrupteurs de la foi, et de dévoiler sans crainte leurs erreurs par la Parole de vérité. CP 343 1 Afin de regagner la confiance de ses frères de Galatie, Paul défendait habilement sa position d'apôtre du Christ. Il déclarait être lui-même un apôtre, "non de la part des hommes, ni par un homme, mais par Jésus-Christ et Dieu le Père, qui l'a ressuscité des morts". La mission qu'il avait reçue ne venait pas des hommes, mais du Souverain céleste. Son oeuvre avait été reconnue par l'assemblée générale de Jérusalem, et il n'avait cessé depuis lors de se conformer à ses décisions. CP 343 2 Ce n'était pas pour se glorifier, mais pour magnifier la grâce de Dieu, que Paul se défendait devant ceux qui doutaient de son apostolat. Il n'était, affirmait-il, "inférieur en rien à ces apôtres par excellence".2 Ceux qui cherchaient à déprécier sa vocation et son oeuvre luttaient en réalité contre le Christ, dont la grâce et la puissance se manifestaient par lui. Pour maintenir sa position et son autorité, Paul était obligé de prendre une attitude ferme, en face de l'opposition de ses ennemis. CP 343 3 Il suppliait ceux qui avaient connu autrefois la puissance du Sauveur, de retourner à leur premier amour. Avec des arguments irréfutables, il leur rappelait le privilège que Dieu leur accordait en les affranchissant par le Christ. C'est par son sacrifice, disait-il, que tous ceux qui s'abandonnent à lui entièrement peuvent revêtir la robe de sa justice. Il déclarait que quiconque désire le salut doit avoir une expérience personnelle et vécue des choses de Dieu. CP 343 4 Les supplications ardentes de Paul ne restèrent pas vaines. Le Saint-Esprit agit puissamment dans les coeurs, et ceux qui avaient erré dans les sentiers de l'erreur retournèrent à la foi évangélique. Désormais, les Galates demeurèrent fermes dans la liberté qui est en Jésus-Christ. Leur vie produisit "les fruits de l'Esprit", c'est-à-dire "l'amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bénignité, la fidélité, la douceur, la tempérance".2 Dieu fut à nouveau glorifié, et de nombreux prosélytes s'ajoutèrent aux croyants, dans toute la région. ------------------------Chapitre 37 -- Dernier voyage de Paul à Jérusalem Ce chapitre est basé sur Actes 20:4 à 21:16. CP 345 1 Paul désirait vivement gagner Jérusalem avant la Pâque, avec le dessein de rencontrer les Israélites qui venaient de toutes les parties du monde pour célébrer cette fête. Il nourrissait toujours l'espoir de jouer un rôle important dans la lutte contre les préjugés de ses compatriotes incroyants et d'arriver à leur faire accepter la lumière de l'Evangile. Il désirait aussi rencontrer les chrétiens de Jérusalem pour leur remettre les dons envoyés aux frères indigents de Judée par les églises de la Gentilité. L'apôtre espérait sceller, par cette visite, l'union entre les Juifs convertis et les prosélytes païens. CP 345 2 Lorsqu'il eut terminé son oeuvre à Corinthe, il décida de s'embarquer pour un des ports de Palestine. Tous les préparatifs étant faits, il allait prendre place sur le navire, quand on lui apprit qu'un complot tramé par les Juifs menaçait sa vie. Ceux-ci avaient jusqu'alors toujours échoué dans leurs tentatives de mettre fin à l'oeuvre de Paul. CP 346 1 Le succès qui couronnait sa prédication réveillait une fois encore la colère des Juifs. De toutes les régions leur parvenaient, en effet, des rapports sur l'expansion de la nouvelle doctrine qui supprimait l'observance des rites cérémoniels et affirmait l'égalité des privilèges entre Juifs et Gentils. Dans son discours, à Corinthe, Paul avait insisté sur les arguments qu'il avait déjà si fortement fait valoir dans ses épîtres. Sa déclaration énergique: "Il n'y a ici ni Grec ni Juif, ni circoncis ni incirconcis",1 était considérée par ses ennemis comme un blasphème éhonté, et ils étaient bien décidés à le réduire au silence. CP 346 2 Lorsque l'apôtre eut connaissance du complot, il pensa qu'il valait mieux remonter par la Macédoine. Il abandonna donc le projet de se rendre à Jérusalem pour les fêtes pascales, et renvoya sa visite dans cette ville à la Pentecôte. Paul et Luc étaient accompagnés de "Sopater de Bérée, fils de Pyrrhus, Aristarque et Second de Thessalonique, Gaïus de Derbe, Timothée, ainsi que Tychique et Trophime". L'apôtre portait à Jérusalem une forte somme d'argent recueillie au sein des églises venues du paganisme; il se proposait de la remettre à ceux qui dirigeaient l'oeuvre de Dieu en Judée. C'est pourquoi il se fit accompagner par les frères qui représentaient les différentes églises donatrices. CP 346 3 Paul s'arrêta à Philippes pour y célébrer les fêtes pascales. Luc seul resta avec lui; les autres membres de la caravane passèrent à Troas pour l'y attendre. Les Philippiens étaient, de tous les adeptes convertis par l'apôtre, les plus affectueux et les plus sincères; aussi, pendant les huit jours que dura la fête, Paul jouit-il en leur compagnie d'une communion et d'une paix parfaites. CP 346 4 Cinq jours plus tard, Paul et Luc rejoignaient leurs compagnons à Troas. Ils passèrent là sept jours avec les frères. Le dernier soir, les disciples "se réunirent pour rompre le pain". La pensée que leur apôtre bien-aimé était sur le point de partir avait rassemblé plus de fidèles que de coutume. Leur lieu de réunion était "une chambre haute", au troisième étage. Là, avec l'amour fervent et la sollicitude touchante qui le caractérisaient, Paul parla jusqu'à minuit. CP 347 1 Sur l'une des fenêtres ouvertes, un adolescent nommé Eutychus était assis. Il s'endormit dans cette périlleuse position et tomba sur le sol, ce qui provoqua aussitôt la confusion et l'alarme. Le jeune homme fut relevé mort, et les gens se rassemblaient autour de lui, en criant et en se lamentant. Mais l'apôtre, fendant la foule consternée, le prit dans ses bras et fit monter vers Dieu une prière fervente pour qu'il lui redonne la vie. Cette prière fut exaucée. Bientôt la voix de Paul domina les cris de deuil et de lamentation: "Ne vous troublez pas, car son âme est en lui." Les chrétiens débordants alors de joie remontèrent dans la chambre haute. Ils prirent part à la communion, et Paul "parla longuement encore jusqu'au jour". CP 347 2 Le navire sur lequel l'apôtre et ses compagnons devaient continuer leur voyage allait gagner le large; les disciples se hâtèrent d'y monter. Cependant, Paul préféra se rendre par la route la plus proche qui conduisait de Troas à Assos; il rejoignit ses compagnons de travail dans cette dernière ville, où il s'accorda quelque temps pour la méditation et la prière. De graves sujets agitaient sa pensée: les difficultés et les dangers qui se dressaient devant lui au sujet de sa future visite à Jérusalem, l'attitude de l'église de cette ville à son égard, la condition des églises dans les autres champs missionnaires. Il profita de l'occasion spéciale que lui offrait cette halte à Assos pour chercher en Dieu force et direction. CP 347 3 Tandis que les voyageurs faisaient voile au sud d'Assos, ils passèrent devant Ephèse où Paul avait si longtemps travaillé. L'apôtre désirait vivement visiter l'église de cette ville, car il avait d'importantes instructions et de nombreux conseils à lui communiquer; mais, réflexion faite, il préféra brûler cette étape "pour se trouver, si cela lui était possible, à Jérusalem le jour de la Pentecôte". CP 348 1 Cependant, en arrivant à Milet, situé à une cinquantaine de kilomètres d'Ephèse, il apprit qu'il pouvait entrer en relation avec l'église de cette ville, avant que le bateau ne levât l'ancre. Il dépêcha donc immédiatement un messager aux anciens pour les inviter à venir à Milet, afin de les revoir une fois encore avant de continuer son voyage. Ils répondirent avec empressement à son invitation, et l'apôtre leur fit ses dernières recommandations en termes touchants: "Vous savez de quelle manière, leur dit-il, depuis le premier jour où je suis entré en Asie, je me suis sans cesse conduit avec vous, servant le Seigneur en toute humilité, avec larmes, et au milieu des épreuves que me suscitaient les embûches des Juifs. Vous savez que je n'ai rien caché de ce qui vous était utile, et que je n'ai pas craint de vous prêcher et de vous enseigner publiquement et dans les maisons, annonçant aux Juifs et aux Grecs la repentance envers Dieu et la foi en notre Seigneur Jésus-Christ." CP 348 2 Paul n'avait cessé d'exalter la loi divine, bien qu'ayant toujours affirmé qu'elle n'avait aucun pouvoir pour sauver les hommes de la pénalité résultant de sa transgression. Ceux qui font le mal doivent se repentir de leurs péchés et s'humilier devant Dieu dont ils ont attiré la juste colère en violant sa loi. Il faut qu'ils manifestent leur foi dans l'efficacité du sang du Christ, seul moyen de pardon. Le Fils de Dieu a donné sa vie en sacrifice pour eux, et il est monté au ciel pour intercéder en leur faveur auprès du Père. Par la repentance et la foi, ils pourront éviter la condamnation du péché, et, par la grâce du Christ, obéir à la loi divine: "Et maintenant voici, écrivait Paul, lié par l'Esprit, je vais à Jérusalem, ne sachant pas ce qui m'y arrivera; seulement, de ville en ville, l'Esprit-Saint m'avertit que des liens et des tribulations m'attendent. Mais je ne fais pour moi-même aucun cas de ma vie, comme si elle m'était précieuse, pourvu que j'accomplisse ma course avec joie, et le ministère que j'ai reçu du Seigneur Jésus, d'annoncer la bonne nouvelle de la grâce de Dieu. Et maintenant voici, je sais que vous ne verrez plus mon visage, vous tous au milieu desquels j'ai passé en prêchant le royaume de Dieu." CP 349 1 Paul n'avait pas l'intention de faire cette communication aux Ephésiens, mais tandis qu'il parlait, le Saint-Esprit descendit sur lui et confirma ses craintes relatives à la dernière entrevue qui lui était ménagée avec ses frères: "C'est pourquoi je vous déclare aujourd'hui que je suis pur du sang de vous tous, car je vous ai annoncé tout le conseil de Dieu." L'apôtre ne craignait pas de les blesser; il ne désirait pas non plus s'attirer leur sympathie ou leurs louanges, lorsqu'il se sentait poussé à prononcer de la part de Dieu les paroles qui devaient les instruire, les avertir ou les censurer. Le Seigneur demande à ses serviteurs de prêcher sa Parole, sans aucune crainte, et d'enseigner ses préceptes avec courage. Ils ne doivent pas se borner à présenter à leurs auditeurs les vérités agréables à entendre et à taire celles qui pourraient les blesser. Il faut qu'ils veillent avec la plus grande sollicitude sur la formation de leur caractère. S'ils s'aperçoivent que parmi leur troupeau, certaines brebis se détournent du droit sentier, ils doivent, comme de fidèles bergers, les ramener aux principes qui s'appliquent à leurs cas particuliers. Car ils seraient rendus responsables de leur perte, s'ils négligeaient de les reprendre. Le pasteur qui veut remplir sa mission avec fidélité doit enseigner consciencieusement tous les préceptes de la foi chrétienne. Qu'il indique donc comment se comporter dans la vie, afin d'être irrépréhensible au jour du jugement. Seul, celui qui restera fidèle à l'enseignement de la vérité, pourra s'écrier comme Paul, à la fin de sa carrière: "Je suis pur du sang de vous tous!" "Prenez donc garde à vous-mêmes, recommande l'apôtre à ses frères, et à tout le troupeau sur lequel le Saint-Esprit vous a établis évêques, pour paître l'Eglise du Seigneur qu'il s'est acquise par son propre sang." CP 349 2 Si les ministres de l'Evangile avaient constamment dans l'esprit qu'ils agissent au nom du Christ, ils auraient un sentiment plus profond de l'importance de leur tâche. Ils prendraient garde à eux-mêmes et à leur troupeau. Leur conduite servirait d'exemple et renforcerait leur enseignement. Comme ce sont eux qui indiquent aux croyants la manière de se comporter dans la vie, ils ne donneraient à l'ennemi aucune occasion de mépriser la vérité. En fidèles représentants de Dieu, ils auraient à coeur de maintenir l'honneur de son nom. Par leur foi, leur pureté de vie, leurs paroles édifiantes, ils se montreraient dignes de leur noble vocation. CP 350 1 Les dangers qui allaient menacer l'église d'Ephèse étaient révélés à l'apôtre: "Je sais, leur dit-il, qu'il s'introduira parmi vous, après mon départ, des loups cruels qui n'épargneront pas le troupeau, et qu'il s'élèvera au milieu de vous des hommes qui enseigneront des choses pernicieuses, pour entraîner les disciples après eux." CP 350 2 Lorsque Paul envisageait l'avenir de cette église, il tremblait de crainte, car il savait quelles attaques elle aurait à subir tant de l'intérieur que de l'extérieur. Aussi, encourageait-il solennellement ses frères à rester fermes et vigilants. Il leur donnait en exemple le travail inlassable qu'il avait fourni parmi eux: "Veillez donc, leur disait-il, vous souvenant que, durant trois années, je n'ai cessé nuit et jour d'exhorter avec larmes chacun de vous. Et maintenant je vous recommande à Dieu et à la parole de sa grâce, à celui qui peut édifier et donner l'héritage avec tous les sanctifiés. Je n'ai désiré ni l'argent, ni l'or, ni les vêtements de personne." CP 350 3 Au sein de l'église d'Ephèse se trouvaient quelques riches, mais Paul ne chercha jamais à les solliciter pour lui-même. Attirer l'attention sur l'insuffisance de ses moyens financiers ne faisait pas partie de son message. "Vous savez vous-mêmes que ces mains ont pourvu à mes besoins et à ceux des personnes qui étaient avec moi", déclarait-il. CP 350 4 Au cours de ses travaux ardus et de ses longs voyages missionnaires, l'apôtre pouvait, non seulement pourvoir à sa propre subsistance, mais encore venir en aide à ses compagons d'oeuvre et soulager les pauvres dignes d'intérêt. Ce n'est que par un travail inlassable et une stricte économie qu'il arrivait à ce résultat. C'est avec raison qu'il se donnait en exemple, disant: "Je vous ai montré de toutes manières que c'est en travaillant ainsi qu'il faut soutenir les faibles, et se rappeler les paroles du Seigneur, qui a dit lui-même: Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir." CP 351 1 "Après avoir ainsi parlé, il se mit à genoux, et il pria avec eux tous. Et tous fondirent en larmes, et, se jetant au cou de Paul, ils l'embrassaient, affligés surtout de ce qu'il avait dit qu'ils ne verraient plus son visage. Et ils l'accompagnèrent jusqu'au navire." CP 351 2 De Milet, les voyageurs cinglèrent vers la côte ouest de l'Asie Mineure où "ayant trouvé un navire qui faisait la traversée vers la Phénicie, ils montèrent et partirent". CP 351 3 A Tyr, où la cargaison du navire devait être déchargée, ils trouvèrent quelques disciples avec lesquels ils restèrent sept jours. Ceux-ci, avertis par le Saint-Esprit des graves périls auxquels Paul allait être exposé, insistèrent pour "qu'il ne montât pas à Jérusalem". Mais l'apôtre ne se laissa pas détourner de ses projets par la crainte des souffrances et de l'emprisonnement. CP 351 4 A la fin de la semaine passée à Tyr, les frères accompagnèrent Paul jusqu'au navire avec leurs femmes et leurs enfants. Avant de monter à bord, l'apôtre s'agenouilla sur le rivage, et pria pour eux, et eux pour lui. CP 351 5 Les voyageurs se dirigèrent vers le sud et gagnèrent Césarée. "Etant entrés dans la maison de Philippe, l'évangéliste, qui était l'un des sept, dit Luc, nous logeâmes chez lui." L'apôtre passa là quelques jours tranquilles et heureux, les derniers dont il devait jouir en toute liberté avant longtemps. CP 351 6 Tandis que Paul séjournait à Césarée, "un prophète, nommé Agabus, descendit de Judée, et vint nous trouver. Il prit la ceinture de Paul, se lia les pieds et les mains, et dit: Voici ce que déclare le Saint-Esprit: L'homme à qui appartient cette ceinture, les Juifs le lieront de la même manière à Jérusalem, et le livreront entre les mains des païens." CP 352 1 Et Luc continue: "Quand nous entendîmes cela, nous et ceux de l'endroit, nous priâmes Paul de ne pas monter à Jérusalem. Alors il répondit: Que faites-vous, en pleurant et en me brisant le coeur? Je suis prêt, non seulement à être lié, mais encore à mourir à Jérusalem pour le nom du Seigneur Jésus." Comprenant que leurs supplications demeuraient vaines et lui causaient du chagrin, les disciples cessèrent leurs instances et dirent: "Que la volonté du Seigneur se fasse!" CP 352 2 Le séjour à Césarée s'acheva rapidement; quelques frères se joignirent à la caravane qui se dirigea sur Jérusalem. Et tous avaient le coeur profondément attristé par le pressentiment du malheur qui allait arriver. CP 352 3 Jamais auparavant, l'apôtre ne s'était approché de Jérusalem avec un coeur si angoissé; il savait qu'il y trouverait peu d'amis et beaucoup d'ennemis. Il atteignait la ville qui avait rejeté et mis à mort le Fils de Dieu, et sur laquelle pesaient maintenant les menaces de la colère divine. Paul se rappela alors avec quelle cruauté il avait autrefois traité les chrétiens pour rester fidèle à ses préjugés; et il ressentit une immense pitié pour ses compatriotes égarés. Et pourtant, comme il disposait de peu de moyens pour leur venir en aide! La colère aveugle qui avait jadis embrasé son propre coeur enflammait maintenant, d'une haine farouche, la nation tout entière. CP 352 4 Il ne pouvait pas même compter sur la sympathie et l'aide de ses frères en la foi. Les Juifs incroyants qui avaient suivi si étroitement sa trace, n'avaient pas tardé à faire circuler dans Jérusalem, oralement et par écrit, les rapports les plus défavorables sur sa personne et sur son oeuvre. Or, parmi les apôtres et les anciens, certains avaient cru à ces rapports; ils n'avaient pas même essayé de les rejeter ou de chercher un terrain d'entente avec l'apôtre. CP 352 5 Pourtant, au milieu de ces causes de découragement, Paul ne cessa d'espérer. Il savait que la voix dont les accents avaient retenti dans son propre coeur parlerait à celui de ses compatriotes. Il savait aussi que le Maître, dont la cause était aimée et servie par ses compagnons d'oeuvre, les unirait dans le travail évangélique. ------------------------Chapitre 38 -- Paul prisonnier Ce chapitre est basé sur Actes 21:17 à 23:35. CP 355 1 "Lorsque nous arrivâmes à Jérusalem, les frères nous reçurent avec joie. Le lendemain, Paul se rendit avec nous chez Jacques, et tous les anciens s'y réunirent." Paul saisit cette occasion pour remettre à ces derniers les offrandes recueillies en faveur des pauvres de l'Eglise mère par les églises des Gentils. Le produit de ces collectes représentait pour l'apôtre et ses compagnons beaucoup de temps, de soucis et de fatigues. La somme, qui dépassait de beaucoup les espoirs des anciens, avait demandé aux Gentils de grands sacrifices et de dures privations. CP 355 2 Ces offrandes volontaires témoignèrent de la fidélité des prosélytes païens envers l'oeuvre de Dieu dans le monde; elles auraient dû être reçues par tous avec une reconnaissance infinie. Pourtant, Paul et ses compagnons se rendirent compte que même parmi les frères au milieu desquels ils se trouvaient, certains d'entre eux étaient incapables d'apprécier l'amour fraternel qui avait suscité ces dons. CP 356 1 Lorsque l'Evangile commença à se répandre en pays païens, certains frères dirigeants de l'église de Jérusalem, fortement attachés à leurs préjugés et à leurs traditions, n'avaient pas collaboré de bon coeur à l'oeuvre de Paul et de ses compagnons. Ils avaient perdu de vue les bénédictions que Dieu désirait leur accorder, à eux et à l'oeuvre qui leur était chère, tant ils s'acharnaient à vouloir préserver certains rites et certaines cérémonies sans signification, et cela, en essayant d'unifier toutes les parties de la cause du Seigneur. CP 356 2 Bien que désireux de sauvegarder les meilleurs intérêts de l'Eglise, ils n'étaient pas restés en harmonie avec les promesses divines; et, en s'appuyant sur la sagesse humaine, ils avaient tenté d'introduire de nombreuses restrictions inutiles dans l'oeuvre des serviteurs de Dieu. CP 356 3 Un certain nombre de croyants déclarèrent alors avoir toute autorité pour diriger les frères qui travaillaient parmi les païens, et leur indiquer les méthodes à suivre. Or, ces croyants n'avaient aucune notion des difficultés et des besoins particuliers rencontrés dans les pays lointains. Ils pensaient que la prédication de l'Evangile devait se faire selon leur propre point de vue. CP 356 4 Plusieurs années s'étaient écoulées depuis que les chrétiens de Jérusalem et les représentants d'autres grandes communautés avaient réglé les questions embarrassantes qui s'étaient élevées au sujet des méthodes employées en pays païens. Les frères avaient décidé, à la suite de cette assemblée, de donner aux églises des indications précises relatives à certains rites et à certaines coutumes, y compris la circoncision. Ce fut aussi à cette occasion que les croyants s'entendirent pour recommander aux églises Barnabas et Paul, serviteurs de Dieu dignes de toute confiance. CP 356 5 Parmi ceux qui assistaient à ce conseil se trouvaient les frères qui avaient sévèrement critiqué les méthodes de travail des apôtres en pays païens. Mais pendant l'assemblée, leurs vues sur les desseins de Dieu s'élargirent, et ils se joignirent alors aux autres pour prendre des décisions qui permettraient d'unir le corps entier des croyants. CP 357 1 Plus tard, lorsque le nombre des convertis augmenta rapidement chez les païens, certains membres influents de l'église de Jérusalem recommencèrent à défendre leurs anciens préjugés, et ils critiquèrent à nouveau les procédés de Paul et de ses collaborateurs. Ces préjugés ne firent que s'affirmer avec le temps, si bien que certains chefs de l'Eglise décidèrent que la prédication de l'Evangile devait se faire uniquement selon leur manière de voir. Si Paul se conformait à leurs méthodes et aux idées particulières qu'ils préconisaient, ils continueraient à soutenir son oeuvre; sinon, ils ne lui accorderaient ni leur assentiment, ni leur appui. Ces croyants avaient oublié que, seul, le Seigneur est le conducteur spirituel de son peuple, que chacun de ses serviteurs doit faire sa propre expérience en suivant le divin Maître et non l'homme; qu'enfin, les ministres doivent être modelés et façonnés, non selon les idées des hommes, mais conformément à l'Esprit divin. CP 357 2 Les paroles et la prédication de Paul au cours de son ministère "ne reposaient pas sur les discours persuasifs de la sagesse, mais sur une démonstration d'Esprit et de puissance". Les vérités qu'il enseignait lui avaient été révélées par le Saint-Esprit, "car l'Esprit sonde tout, disait-il, même les profondeurs de Dieu. Lequel des hommes, en effet, connaît les choses de l'homme, si ce n'est l'esprit de l'homme qui est en lui? De même, personne ne connaît les choses de Dieu, si ce n'est l'esprit de Dieu." "Et nous en parlons, non avec des discours qu'enseigne la sagesse humaine, mais avec ceux qu'enseigne l'Esprit, employant un langage spirituel pour les choses spirituelles."1 CP 357 3 Pendant son ministère, Paul n'avait pas cherché d'autre direction que celle de Dieu, et il s'était appliqué à travailler selon les décisions de l'assemblée de Jérusalem. Ainsi, "les églises se fortifiaient dans la foi, et augmentaient en nombre de jour en jour".2 CP 357 4 Malgré le manque de sympathie des frères, Paul n'avait cessé d'être encouragé dans l'accomplissement de son devoir. Il avait développé, chez ses disciples, l'esprit de loyauté, de générosité, de fraternité; et cet esprit s'était manifesté à l'occasion des offrandes généreuses qu'il pouvait déposer maintenant devant les anciens de Jérusalem. CP 358 1 Après la présentation de ces offrandes, Paul "raconta en détail ce que Dieu avait fait au milieu des païens par son ministère". Le récit de son oeuvre convainquit tous les frères, même ceux qui avaient des doutes à cet égard, et ils reconnurent que Dieu l'avait abondamment béni. "Quand ils l'eurent entendu, ils glorifièrent Dieu." Ils comprirent que les méthodes de travail de l'apôtre étaient marquées du sceau de Dieu. Les collectes généreuses, placées devant eux, ajoutaient du poids à son témoignage en ce qui concernait la fidélité des églises édifiées parmi les Gentils. Ceux qui dirigeaient l'oeuvre de Dieu à Jérusalem, et qui avaient manifesté le désir de contrôler le travail de l'apôtre, virent son action sous une nouvelle lumière. Ils reconnurent qu'ils avaient mal agi avec Paul, et comprirent qu'ils étaient trop asservis aux anciennes traditions juives. Ainsi, la proclamation de l'Evangile avait-elle beaucoup souffert de leur obstination à ne pas reconnaître que le mur de séparation entre Juifs et Gentils avait été aboli par la mort du Christ. CP 358 2 Une occasion unique s'offrait aux anciens pour qu'ils reconnaissent franchement le succès de Paul, et confessent leur erreur qui avait permis aux ennemis de l'apôtre de faire naître des sentiments de jalousie et de haine à son sujet. CP 358 3 Mais, au lieu de s'entendre pour rendre justice à celui qu'ils avaient ainsi outragé, ils lui donnèrent un conseil qui révélait leurs propres sentiments. Ils continuaient à tenir l'apôtre grandement responsable des préjugés en question. Au lieu de prendre noblement sa défense et de s'efforcer ainsi de confondre ses ennemis, ils cherchèrent plutôt à établir un compromis. Grâce à un geste public, Paul donnerait un démenti formel aux malentendus qui régnaient à son sujet: "Tu vois, frère, dirent-ils lorsque l'apôtre eut rendu son témoignage, combien de milliers de Juifs ont cru, et tous sont zélés pour la loi. Or, ils ont appris que tu enseignes à tous les Juifs qui sont parmi les païens à renoncer à Moïse, leur disant de ne pas circoncire les enfants et de ne pas se conformer aux coutumes. Que faire donc? Sans aucun doute la multitude se rassemblera, car on saura que tu es venu. C'est pourquoi fais ce que nous allons te dire. Il y a parmi nous quatre hommes qui ont fait un voeu; prends-les avec toi, purifie-toi avec eux, et pourvois à leur dépense, afin qu'ils se rasent la tête. Et ainsi tous sauront que ce qu'ils ont entendu dire sur ton compte est faux, mais que toi aussi tu te conduis en observateur de la loi. A l'égard des païens qui ont cru, nous avons décidé et nous leur avons écrit qu'ils eussent à s'abstenir des viandes sacrifiées aux idoles, du sang, des animaux étouffés et de l'impudicité." CP 359 1 Les anciens espéraient que Paul suivrait leur conseil et ferait cesser ainsi les propos malveillants qui circulaient sur son compte. Ils l'assurèrent que les décisions de l'assemblée de Jérusalem, relatives aux Gentils et à la loi cérémonielle, étaient toujours valables. Mais l'avis qu'ils lui donnaient maintenant n'était pas conforme à ces décisions. L'Esprit de Dieu n'inspirait pas un tel conseil qui était le fruit de la lâcheté. Les anciens savaient qu'en ne se conformant pas à la loi cérémonielle, les chrétiens attireraient sur eux la haine des Juifs et s'exposeraient à la persécution. Le sanhédrin faisait, en effet, tout son possible pour entraver les progrès du message évangélique. Des hommes furent désignés pour suivre les apôtres, Paul en particulier, et pour s'opposer à leur oeuvre de toutes les manières. Si les disciples du Christ étaient condamnés par ce tribunal, comme violateurs de la loi, ils subiraient alors une punition rapide et exemplaire pour avoir abandonné la foi juive. CP 359 2 De nombreux Israélites, qui avaient accepté l'Evangile, restaient encore attachés à la loi cérémonielle; ils cherchaient à faire d'imprudentes concessions pour conserver la confiance de leurs compatriotes, dissiper leurs préjugés et les gagner à la foi en Christ, Rédempteur du monde. CP 359 3 Paul se rendit compte qu'aussi longtemps que les membres dirigeants de l'église de Jérusalem continueraient à entretenir des préjugés à son égard, ils s'efforceraient de contrebalancer son influence par un travail destructif et continu. Il pensa que si, par une concession raisonnable de sa part, il pouvait les amener à la vérité, il supprimerait le grand obstacle qui nuisait au progrès de l'Evangile dans d'autres endroits. Mais Dieu ne l'autorisait pas à faire toutes les concessions qu'on exigeait de lui. CP 360 1 Lorsque nous pensons à l'immense désir qu'éprouvait Paul de vivre en paix avec ses frères, à sa touchante affection pour les faibles en la foi, à sa vénération pour les apôtres qui avaient vécu avec le Christ et pour Jacques, frère du Seigneur, à son idée de se faire tout à tous sans pour cela sacrifier ses principes, nous sommes moins surpris alors de le voir contraint de changer la ligne de conduite qu'il avait suivie jusque-là. CP 360 2 Mais au lieu d'atteindre le but qu'il poursuivait, ses efforts en vue de la conciliation ne firent que déclencher la crise, précipiter les souffrances prédites et, finalement, Paul fut séparé de ses frères. L'Eglise se trouvait ainsi privée de la meilleure de ses colonnes, et une grande tristesse emplit le coeur de tous les chrétiens du monde. CP 360 3 Dès le lendemain, Paul s'empressa donc de réaliser le conseil des anciens. Les quatre hommes qui avaient fait voeu de naziréat3 -- voeu dont le terme approchait -- furent amenés au temple par l'apôtre, "pour annoncer à quel jour la purification serait accomplie et l'offrande présentée pour chacun d'eux". Certains sacrifices coûteux devaient être encore offerts en signe de purification. CP 360 4 Ceux qui avaient conseillé à Paul de s'engager dans cette voie n'avaient pas envisagé tout le danger auquel ils allaient l'exposer. A ce moment-là, Jérusalem était remplie d'une foule d'adorateurs venus de toutes les parties du monde pour la fête de Pentecôte. Fidèle à la mission qu'il avait reçue de Dieu, l'apôtre avait proclamé le message évangélique aux Gentils et visité ainsi plusieurs grandes villes du monde. Il était donc connu par des milliers de pèlerins. Certains d'entre eux nourrissaient une haine implacable à son égard; c'est pourquoi il risquait sa vie en pénétrant dans le temple à l'occasion de ces fêtes. Il put circuler pendant plusieurs jours parmi les adorateurs de Jéhovah, sans être apparemment remarqué; mais avant la fin du voeu, tandis qu'il parlait à un prêtre au sujet des sacrifices à offrir, il fut reconnu par des Juifs d'Asie Mineure. CP 361 1 Avec une fureur démoniaque, ceux-ci se précipitèrent sur lui en criant: "Hommes Israélites, au secours! Voici l'homme qui prêche partout et à tout le monde contre le peuple, contre la loi et contre ce lieu." Et tandis que la foule accourait à cet appel, une deuxième accusation était ajoutée: "Il a même introduit des Grecs dans le temple, et a profané ce saint lieu." D'après la loi hébraïque, c'était un crime passible de mort pour un païen que de pénétrer dans le parvis intérieur de l'édifice sacré. CP 361 2 Paul avait été vu dans les rues de Jérusalem avec Trophime d'Ephèse, et on avait supposé qu'il avait introduit ce païen dans le temple. Or, il ne l'avait pas fait. Mais étant de nationalité juive, il pouvait y pénétrer lui-même sans violer la loi. CP 361 3 Cependant, bien que l'accusation portée contre Paul fût entièrement fausse, elle servit à réveiller les préjugés des Juifs. Et tandis que le cri d'alerte résonnait et parvenait jusqu'aux parvis du temple, la foule qui s'y était assemblée était portée au comble de la surexcitation. Le bruit de cet événement se répandit à travers Jérusalem, "toute la ville fut émue, et le peuple accourut de toutes parts". Qu'un apostat d'Israël se soit permis de profaner le temple, au moment même où des milliers de pèlerins étaient venus de toutes les parties du monde pour y adorer, suffisait pour exalter les passions les plus farouches de la foule. "Ils se saisirent de Paul, et le traînèrent hors du temple, dont les portes furent aussitôt fermées. Comme ils cherchaient à le tuer, le bruit vint au tribun de la cohorte que tout Jérusalem était en confusion." CP 361 4 Claudius Lysias connaissait bien les éléments turbulents auxquels il avait affaire, et "à l'instant, il prit des soldats et des centeniers, et courut à eux. Voyant le tribun et les soldats, ils cessèrent de frapper Paul". Ce tribun ignorait la cause de l'émeute, mais voyant que la fureur de la foule se portait vers Paul, il crut qu'il s'agissait d'un rebelle dont il avait entendu parler et qui avait réussi à s'échapper. C'est pourquoi il "se saisit de lui, et le fit lier de deux chaînes. Puis il demanda qui il était, et ce qu'il avait fait." Aussitôt des vociférations s'élevèrent, chargées d'accusations: "Les uns criaient d'une manière, les autres d'une autre; ne pouvant donc rien apprendre de certain, à cause du tumulte, il ordonna de le mener dans la forteresse. Lorsque Paul fut sur les degrés, il dut être porté par les soldats, à cause de la violence de la foule; car la multitude du peuple suivait, en criant: Fais-le mourir!" CP 362 1 Au milieu du tumulte, l'apôtre demeurait calme et confiant. Son esprit se reposait sur Dieu, et il savait que les anges l'entouraient. Il ne voulait pas quitter le temple, sans essayer de prêcher la vérité à ses compatriotes. Comme il était sur le point d'être enfermé dans la forteresse, il demanda au tribun: "M'est-il permis de te dire quelque chose?" Lysias répondit: "Tu sais le grec? Tu n'es donc pas cet Egyptien qui s'est révolté dernièrement, et qui a emmené dans le désert quatre mille brigands?" Paul répondit: "Je suis Juif, de Tarse en Cilicie, citoyen d'une ville qui n'est pas sans importance. Permets-moi, je te prie, de parler au peuple. Le tribun le lui ayant permis, Paul, debout sur les degrés, fit signe de la main au peuple." Ce geste attira l'attention de la foule, tandis que son attitude imposait le respect. "Un profond silence s'établit, et Paul, parlant en langue hébraïque, dit: Hommes frères et pères, écoutez ce que j'ai maintenant à vous dire pour ma défense!" A l'ouïe de ces paroles familières, prononcées en hébreu, "ils redoublèrent de silence", et dans l'apaisement général, l'apôtre continua: "Je suis Juif, né à Tarse en Cilicie; mais j'ai été élevé dans cette ville-ci, et instruit aux pieds de Gamaliel dans la connaissance exacte de la loi de nos pères, étant plein de zèle pour Dieu, comme vous l'êtes tous aujourd'hui." Personne ne pouvait réfuter l'affirmation de l'apôtre, car les faits qu'il rapportait étaient bien connus de tous ceux qui vivaient encore à Jérusalem. Il parla alors de son acharnement à persécuter jadis les disciples du Christ jusqu'à les faire mourir. Il retraça l'histoire de sa conversion, et il exposa à ses auditeurs comment son coeur orgueilleux avait été amené à s'humilier devant le Sauveur crucifié. Si Paul avait essayé de discuter avec ses ennemis pour se justifier, ceux-ci auraient obstinément refusé de l'entendre; mais le récit de son expérience personnelle fut écouté avec un tel recueillement que les coeurs paraissaient momentanément touchés et subjugués. CP 363 1 L'apôtre essaya alors d'expliquer à son auditoire que son oeuvre parmi les païens n'avait pas été déterminée par son propre choix. Il avait désiré, en effet, travailler pour ses compatriotes, mais dans ce temple même Dieu lui avait parlé dans une vision et indiqué le chemin qu'il devait suivre: "Va, je t'enverrai au loin vers les nations", lui avait-il été dit. CP 363 2 La foule écouta jusque-là avec une attention soutenue, mais lorsque Paul aborda la question relative à sa mission d'ambassadeur du Christ chez les païens, la colère se raviva. Habitués à se considérer comme le seul peuple agréable à Dieu, les Juifs ne toléraient pas que les païens, méprisés par tous, partagent les privilèges dont ils pensaient être jusqu'alors les seuls bénéficiaires. Ils élevèrent la voix pour dominer celle de l'apôtre, et s'écrièrent: "Ote de la terre un pareil homme! Il n'est pas digne de vivre! Et ils poussaient des cris, jetaient leurs vêtements, lançaient de la poussière en l'air. Le tribun commanda de faire entrer Paul dans la forteresse, et de lui donner la question par le fouet, afin de savoir pour quel motif ils criaient ainsi contre lui. Lorsqu'on l'eut exposé au fouet, Paul dit au centenier qui était présent: Vous est-il permis de battre de verges un citoyen romain, qui n'est pas même condamné? A ces mots, le centenier alla vers le tribun pour l'avertir, disant: Que vas-tu faire? Cet homme est Romain. Et le tribun, étant venu, dit à Paul: Dis-moi, es-tu Romain? Oui, répondit-il. Le tribun reprit: C'est avec beaucoup d'argent que j'ai acquis ce droit de citoyen. Et moi, dit Paul, je l'ai par ma naissance. Aussitôt ceux qui devaient lui donner la question se retirèrent, et le tribun, voyant que Paul était Romain, fut dans la crainte parce qu'il l'avait fait lier. Le lendemain, voulant savoir avec certitude de quoi les Juifs l'accusaient, le tribun lui fit ôter ses liens, et donna l'ordre aux principaux sacrificateurs et à tout le sanhédrin de se réunir; puis, faisant descendre Paul, il le plaça au milieu d'eux." CP 364 1 L'apôtre allait être jugé maintenant par le tribunal dont il était membre avant sa conversion. Debout devant ses juges, il était parfaitement calme, et son visage reflétait la paix du Christ. "Les regards fixés sur le sanhédrin, [il] dit: Hommes frères, c'est en toute bonne conscience que je me suis conduit jusqu'à ce jour devant Dieu..." En entendant ces paroles, leur haine se ralluma. "Le souverain sacrificateur Ananias ordonna à ceux qui étaient près de lui de le frapper sur la bouche." A cet ordre cruel, Paul s'écria: "Dieu te frappera, muraille blanchie! Tu es assis pour me juger selon la loi, et tu violes la loi en ordonnant qu'on me frappe! Ceux qui étaient près de lui dirent: Tu insultes le souverain sacrificateur de Dieu?" Avec sa politesse habituelle, Paul répondit: "Je ne savais pas, frères, que ce fût le souverain sacrificateur; car il est écrit: Tu ne parleras pas mal du chef de ton peuple! Paul, sachant qu'une partie de l'assemblée était composée de sadducéens et l'autre de pharisiens, s'écria dans le sanhédrin: Hommes frères, je suis pharisien, fils de pharisiens; c'est à cause de l'espérance et de la résurrection des morts que je suis mis en jugement. Quand il eut dit cela, il s'éleva une discussion entre les pharisiens et les sadducéens, et l'assemblée se divisa. Car les sadducéens disent qu'il n'y a point de résurrection, et qu'il n'existe ni ange ni esprit, tandis que les pharisiens affirment les deux choses." Les deux partis entamèrent une discussion qui fit cesser leur colère contre Paul. "Quelques scribes du parti des pharisiens, s'étant levés, engagèrent un vif débat, et dirent: Nous ne trouvons aucun mal en cet homme; peut-être un esprit ou un ange lui a-t-il parlé." CP 365 1 Il s'ensuivit une confusion générale, au cours de laquelle les sadducéens s'efforçaient désespérément de s'emparer de l'apôtre pour le mettre à mort, tandis que les pharisiens se débattaient pour le sauver. "Le tribun, craignant que Paul ne fût mis en pièces par ces gens, fit descendre les soldats pour l'enlever du milieu d'eux et le conduire à la forteresse." CP 365 2 Plus tard, tandis qu'il repassait les événements douloureux de la journée, l'apôtre se demandait si Dieu avait approuvé sa conduite. N'avait-il pas commis une erreur, finalement, en se rendant à Jérusalem? N'était-ce pas par son désir intense de s'entendre avec ses frères qu'il avait provoqué ce malheur? L'attitude que les Juifs -- peuple élu de Dieu -- avaient eue devant un monde incroyant causait un grand tourment à l'apôtre. Ils prétendaient adorer Jéhovah, ils assumaient les fonctions du ministère sacré et, cependant, ne s'étaient-ils pas laissé aller à une colère farouche et extrême? N'avaient-ils pas essayé même de s'attaquer à leurs frères qui osaient différer d'opinion? N'avaient-ils pas transformé en champ de bataille, où régnait la confusion la plus extraordinaire, la plus solennelle cour de délibération? Paul avait le sentiment que le nom de son Maître avait été profané aux yeux des païens. CP 365 3 Maintenant, il était en prison et il savait que ses ennemis, dans leur intention criminelle, auraient recours à tous les moyens pour le faire mourir. Etait-ce possible que sa tâche dans les églises soit achevée et que des loups dévorants y pénètrent alors? L'idée de la cause du Christ hantait son esprit, et il pensait avec angoisse aux persécutions que rencontreraient les communautés dispersées, lorsqu'elles se trouveraient en lutte avec des hommes semblables à ceux qu'il avait affrontés au sanhédrin. En proie à la détresse et au découragement, Paul pleura et pria. CP 365 4 Mais à cette heure sombre, le Seigneur n'oublia pas son serviteur. Il l'avait protégé de la foule sanguinaire dans les parvis du temple. Il ne l'abandonna pas dans la forteresse; il se révéla à lui en répondant à ses ferventes prières et en lui indiquant la voie qu'il devait suivre. "La nuit suivante, le Seigneur apparut à Paul, et dit: Prends courage; car, de même que tu as rendu témoignage de moi dans Jérusalem, il faut aussi que tu rendes témoignage dans Rome." CP 366 1 Depuis longtemps Paul désirait vivement se rendre à Rome pour y prêcher le Christ, mais il avait le sentiment que ce projet ne se réaliserait pas, à cause de l'animosité des Juifs. Il était loin de penser alors que ce serait en prisonnier qu'il y arriverait. CP 366 2 Tandis que Dieu fortifiait son serviteur, les ennemis de l'apôtre conspiraient pour le faire mourir. "Quand le jour fut venu, les Juifs formèrent un complot, et firent des imprécations contre eux-mêmes, en disant qu'ils s'abstiendraient de manger et de boire jusqu'à ce qu'ils eussent tué Paul. Ceux qui formèrent ce complot étaient plus de quarante." C'était un de ces jeûnes condamnés par le prophète Esaïe: "Voici, vous jeûnez pour disputer et vous quereller, pour frapper méchamment du poing."4 CP 366 3 Les conspirateurs "allèrent trouver les principaux sacrificateurs et les anciens, auxquels ils dirent: Nous nous sommes engagés, avec des imprécations contre nous-mêmes, à ne rien manger jusqu'à ce que nous ayons tué Paul. Vous donc, maintenant, adressez-vous avec le sanhédrin au tribun, pour qu'il l'amène devant vous, comme si vous vouliez examiner sa cause plus exactement; et nous, avant qu'il approche, nous sommes prêts à le tuer." CP 366 4 Au lieu de blâmer cet odieux projet, les prêtres et les magistrats l'approuvèrent. Paul disait vrai lorsqu'il avait comparé Ananias à un sépulcre blanchi. CP 366 5 Mais Dieu intervint pour sauver la vie de son serviteur. Le fils de la soeur de Paul, prévenu du projet, "alla dans la forteresse pour en informer Paul. Paul appela l'un des centeniers, et dit: Mène ce jeune homme vers le tribun, car il a quelque chose à lui rapporter. Le centenier prit le jeune homme avec lui, le conduisit vers le tribun, et dit: Le prisonnier Paul m'a appelé, et il m'a prié de t'amener ce jeune homme, qui a quelque chose à te dire. Le tribun, prenant le jeune homme par la main, et se retirant à l'écart, lui demanda: Qu'as-tu à m'annoncer?" Le jeune homme répondit: "Les Juifs sont convenus de te prier d'amener Paul demain devant le sanhédrin, comme si tu devais t'enquérir de lui plus exactement. Ne les écoute pas, car plus de quarante d'entre eux lui dressent un guet-apens, et se sont engagés, avec des imprécations contre eux-mêmes, à ne rien manger ni boire jusqu'à ce qu'ils l'aient tué; maintenant ils sont prêts, et n'attendent que ton consentement. Le tribun renvoya le jeune homme, après lui avoir recommandé de ne parler à personne de ce rapport qu'il lui avait fait." CP 367 1 Lysias décida sur-le-champ d'envoyer Paul à Félix, le gouverneur, pour qu'il soit jugé. Les Juifs étaient dans un tel état de surexcitation et de colère que des émeutes se produisaient fréquemment. La présence prolongée de l'apôtre à Jérusalem pouvait avoir de graves conséquences pour la ville et le gouverneur lui-même. C'est pourquoi, "il appela deux des centeniers, et dit: Tenez prêts, dès la troisième heure de la nuit, deux cents soldats, soixante-dix cavaliers et deux cents archers, pour aller jusqu'à Césarée. Qu'il y ait aussi des montures pour Paul, afin qu'on le mène sain et sauf au gouverneur Félix." Il ne fallait pas perdre de temps pour faire sortir l'apôtre de Jérusalem. "Les soldats, selon l'ordre qu'ils avaient reçu, prirent Paul, et le conduisirent pendant la nuit jusqu'à Antipatris." De là, les cavaliers poursuivirent leur route avec leur prisonnier jusqu'à Césarée, tandis que les quatre cents soldats retournaient à Jérusalem. CP 367 2 L'officier qui avait la charge de l'escorte remit le prisonnier à Félix, ainsi qu'une lettre envoyée par le tribun: "Claude Lysias au très excellent gouverneur Félix, salut! Cet homme, dont les Juifs s'étaient saisis, allait être tué par eux, lorsque je survins avec des soldats et le leur enlevai, ayant appris qu'il était Romain. Voulant connaître le motif pour lequel ils l'accusaient, je l'amenai devant leur Sanhédrin. J'ai trouvé qu'il était accusé au sujet de questions relatives à leur loi, mais qu'il n'avait commis aucun crime qui méritât la mort ou la prison. Informé que les Juifs lui dressaient des embûches, je te l'ai aussitôt envoyé, en faisant savoir à ses accusateurs qu'ils eussent à s'adresser eux-mêmes à toi. Adieu." CP 368 1 Après avoir pris connaissance de ce rapport, Félix s'informa du pays d'origine du prisonnier, et comme on lui dit qu'il était de Cilicie, il ajouta: "Je t'entendrai quand tes accusateurs seront venus. Et il ordonna qu'on le gardât dans le prétoire d'Hérode." CP 368 2 Ce n'était pas la première fois qu'un serviteur de Dieu trouvait asile chez les païens pour échapper à la malice des Juifs. Dans leur fureur contre l'apôtre, ils ajoutaient un crime de plus à ceux qui jalonnaient leur histoire. Ils durcissaient encore leurs coeurs contre la vérité et fixaient leur destin. CP 368 3 Peu de croyants avaient compris la signification des paroles prononcées par le Christ lorsque, dans la synagogue de Nazareth, il s'était présenté comme l'Oint prédit par le prophète Esaïe. Il avait déclaré qu'il était venu pour consoler, bénir et sauver les pécheurs et les affligés. Quand il vit que l'orgueil et l'incrédulité régnaient dans le coeur de ses auditeurs, Jésus leur rappela que Dieu s'était autrefois détourné du peuple élu à cause de son incrédulité et de sa rébellion, et qu'il s'était manifesté alors chez les païens n'ayant pas rejeté la lumière du ciel. La veuve de Sarepta et Naaman, le Syrien, avaient conformé leur vie à toute la lumière qu'ils avaient reçue. Aux yeux de Dieu, ils étaient plus justes que le peuple élu qui s'était détourné de lui et avait sacrifié sa foi aux convenances et aux honneurs du monde. CP 368 4 Le Christ avait énoncé aux habitants de Nazareth une terrible vérité, lorsqu'il leur avait déclaré que parmi le peuple apostat il n'y aurait pas de sécurité pour le fidèle messager de l'Evangile. Ils n'apprécieraient ni son mérite, ni son oeuvre. Bien que les conducteurs juifs aient fait profession d'honorer Dieu et d'aimer leur nation, ils étaient en réalité ennemis de l'un et de l'autre. Par leur doctrine et leur exemple, ils poussaient de plus en plus leurs compatriotes à désobéir à Dieu, de sorte que le Sauveur ne pouvait plus intervenir en leur faveur au jour de l'affliction CP 369 1 Les reproches que le Seigneur adressa aux habitants de Nazareth pouvaient s'appliquer, dans le cas de Paul, non seulement aux Juifs incroyants, mais aussi à ses propres frères en la foi. Si les conducteurs de l'Eglise s'étaient dépouillés de leurs sentiments d'amertume à l'égard de l'apôtre, s'ils l'avaient accepté comme le serviteur spécialement désigné pour prêcher l'Evangile aux païens, alors le Seigneur le leur aurait laissé. Ce n'était pas sa volonté que l'oeuvre de Paul dût s'achever si rapidement, mais il n'opéra pas de miracle pour contrecarrer le cours des circonstances provoquées par les chefs de l'Eglise. CP 369 2 Il en est ainsi pour nous aujourd'hui; ce même esprit conduit aux mêmes résultats. Si l'on néglige d'apprécier et d'utiliser les manifestations de la grâce divine, on prive alors l'Eglise d'abondantes bénédictions. Que de fois le Seigneur aurait prolongé l'oeuvre de certains serviteurs fidèles, si l'on avait su comprendre la peine qu'ils se donnaient! Mais si les croyants permettent à Satan de pervertir leur jugement, de façon à dénaturer encore et toujours les actes et les paroles du disciple du Christ; s'ils se permettent d'entraver son travail, alors le Seigneur leur supprime parfois les bénédictions qu'il leur avait accordées. CP 369 3 Satan est à l'oeuvre et, sans cesse, par l'intermédiaire de ses suppôts, il cherche à décourager et à perdre ceux que Dieu a choisis pour accomplir une grande et noble tâche. Même si ces serviteurs sont prêts à faire le sacrifice de leur vie pour l'avancement de l'oeuvre du Christ, le grand suborneur parviendra à faire naître des doutes à leur sujet. Or, si le chrétien persiste dans ces doutes, il finira par ne plus croire à l'intégrité des ministres, paralysant ainsi leurs efforts. Trop souvent, Satan réussit à plonger ces ministres persécutés dans une telle détresse que Dieu intervient pour leur accorder du repos. CP 370 1 Quand les mains sont croisées sur la poitrine qui a cessé de respirer, quand la voix qui prononçait des paroles d'avertissement et de réconfort demeure silencieuse, alors l'endurci découvre et apprécie les bénédictions qui lui ont été dispensées par l'intermédiaire de celui qui n'est plus et dont la mort accomplit ce qu'il n'a pas réussi à faire de son vivant. ------------------------Chapitre 39 -- Le procès de Césarée Ce chapitre est basé sur Actes 24. CP 371 1 Cinq jours après l'arrivée de Paul à Césarée, ses accusateurs vinrent de Jérusalem, accompagnés de Tertulle, orateur qu'ils avaient pris comme avocat-conseil. CP 371 2 Le cas de Paul permettait un rapide interrogatoire. L'inculpé fut amené au prétoire, "et Tertulle se mit à l'accuser". Il jugeait que la flatterie aurait plus d'influence sur le procurateur romain qu'une relation simple mais juste et vraie des faits. C'est pourquoi le rusé orateur débuta par des compliments à l'adresse de Félix: "Très excellent Félix, dit-il, tu nous fais jouir d'une paix profonde, et cette nation a obtenu de salutaires réformes par tes soins prévoyants; c'est ce que nous reconnaissons en tout et partout avec une entière gratitude." CP 371 3 Tertulle s'abaissait ici jusqu'à la fausseté la plus éhontée, car Félix était un homme vil et méprisable. On a dit de lui qu'"au milieu de toutes sortes de cruautés et de débauches, il exerça le pouvoir royal avec une âme d'esclave1". CP 372 1 Ceux qui entendirent Tertulle n'eurent pas de mal à comprendre que ses paroles de louange n'étaient pas sincères, mais leur désir d'obtenir la condamnation de Paul était plus fort que leur amour de la vérité. CP 372 2 Dans son discours, Tertulle accusait Paul de crimes qui l'auraient fait condamner à mort pour haute trahison contre le gouvernement, si ces crimes avaient pu être prouvés. "Nous avons trouvé cet homme, dit-il, qui est une peste, qui excite des divisions parmi tous les Juifs du monde, qui est chef de la secte des Nazaréens, et qui même a tenté de profaner le temple." Tertulle expliqua alors que Lysias, commandant de la garnison de Jérusalem, avait soustrait Paul de la main des Juifs, au moment où ils allaient le juger selon leur loi ecclésiastique, et les avait ainsi forcés à exposer les faits devant Félix. Cette déclaration avait pour but de pousser le procureur à livrer Paul au tribunal juif. CP 372 3 Tous les motifs de l'accusation furent soutenus avec véhémence par les Juifs présents, qui ne firent aucun effort pour cacher leur haine à l'égard du prisonnier. CP 372 4 Félix était assez psychologue pour deviner les intentions et les sentiments des accusateurs. Il savait pour quel motif ils avaient fait son éloge, et n'avaient pas établi tous les détails de leur accusation contre Paul. Il se tourna vers l'accusé et lui fit signe de parler. L'apôtre, lui, ne perdit pas son temps en louanges, mais il mentionna simplement qu'il aurait d'autant plus de courage pour se défendre devant Félix que celui-ci avait été longtemps procurateur et que, par conséquent, il connaissait parfaitement les coutumes et les lois juives. Il expliqua qu'aucune des imputations dont on le chargeait n'était exacte, qu'il n'avait pas provoqué le moindre désordre à Jérusalem, ni profané le temple: "On ne m'a trouvé ni dans le temple, ni dans les synagogues, dit-il, ni dans la ville, disputant avec quelqu'un, ou provoquant un rassemblement séditieux de la foule. Et ils ne sauraient prouver ce dont ils m'accusent maintenant." Il déclara que "selon la voie qu'ils appellent une secte", il avait adoré le Dieu de ses pères, et affirma qu'il avait toujours cru "ce qui est écrit dans la loi et dans les prophètes", et, d'accord avec l'enseignement des Ecritures, croyait à la résurrection des morts. Et il ajouta que sa règle de vie était d'avoir "constamment une conscience sans reproche devant Dieu et devant les hommes". CP 373 1 Il exposa d'une manière franche et impartiale pour quelles raisons il se rendait à Jérusalem, et dans quelles circonstances il avait été arrêté. "Après une absence de plusieurs années, dit-il, je suis venu pour faire des aumônes à ma nation, et pour présenter des offrandes. C'est alors que quelques Juifs d'Asie m'ont trouvé purifié dans le temple, sans attroupement ni tumulte. C'était à eux de paraître en ta présence et de se porter accusateurs, s'ils avaient quelque chose contre moi. Ou bien, que ceux-ci déclarent de quel crime ils m'ont trouvé coupable, lorsque j'ai comparu devant le sanhédrin, à moins que ce ne soit uniquement de ce cri que j'ai fait entendre au milieu d'eux: C'est à cause de la résurrection des morts que je suis aujourd'hui mis en jugement devant vous." CP 373 2 L'apôtre parlait avec une véhémence et une sincérité si manifestes que ses paroles avaient un pouvoir de persuasion extraordinaire. Dans sa lettre à Félix, Claude Lysias avait témoigné de la même manière en faveur de Paul. De plus, Félix lui-même connaissait mieux qu'on ne pouvait le supposer la religion hébraïque. CP 373 3 La déclaration si claire de l'apôtre, à propos des événements qui le concernaient, permit à Félix de comprendre plus facilement les motifs qui avaient poussé les Juifs à l'accuser de sédition et de trahison. Or, le gouverneur ne voulait pas accorder aux accusateurs la condamnation injustifiée d'un citoyen romain. Il ne voulait pas non plus le leur livrer pour qu'ils le mettent à mort, sans l'avoir jugé légalement. Mais en réalité, en agissant ainsi, Félix ne faisait que satisfaire son intérêt personnel; il désirait acquérir des louanges et de l'avancement. De crainte d'offenser les Juifs, il se garda de rendre justice à un homme qu'il savait innocent. C'est pourquoi il décida d'ajourner le procès jusqu'à l'arrivée de Lysias, et il dit: "Quand le tribun Lysias sera venu, j'examinerai votre affaire." CP 374 1 L'apôtre demeurait donc captif, mais Félix ordonna au centenier qui le gardait de "lui laisser une certaine liberté" et de n'empêcher "aucun des siens de lui rendre des services". CP 374 2 A quelque temps de là, Félix et sa femme, Drusille, firent comparaître Paul pour l'interroger en particulier "sur la foi en Christ". Ils éprouvaient le vif désir de connaître la nouvelle doctrine -- cette doctrine qu'ils n'auraient peut-être plus l'occasion d'entendre exposer, et qui les accuserait au jour du jugement, s'ils s'obstinaient à la rejeter. CP 374 3 Paul considéra cette occasion comme provoquée par Dieu et fit tout pour l'exploiter. Il savait qu'il se trouvait en présence de celui qui avait tout pouvoir pour le mettre à mort ou pour le libérer, et pourtant il n'adressa pas à Félix et à Drusille des louanges ou des flatteries. Ses paroles, il en était sûr, leur apporteraient une odeur de vie ou de mort. Mettant de côté toute considération personnelle, l'apôtre chercha à faire naître en eux le sentiment du danger qu'ils couraient. CP 374 4 Paul se rendait compte que l'Evangile avait des droits sur tous ceux qui l'écoutaient, et qu'un jour Félix et Drusille seraient, ou parmi les purs et les saints autour du grand trône blanc, ou parmi ceux à qui le Seigneur dira: "Retirez-vous de moi, vous qui commettez l'iniquité!"2 Il était persuadé qu'il rencontrerait chacun de ses auditeurs à la barre du tribunal céleste et que lui, Paul, devrait répondre alors, non seulement de toutes ses paroles et de tous ses actes, mais aussi de l'esprit qui les avait animés. CP 374 5 Félix était si violent et si cruel que rares étaient ceux qui, avant Paul, avaient osé lui dire que sa conduite et son caractère n'étaient pas irréprochables. Mais l'apôtre n'avait pas peur des hommes. Il déclara ouvertement sa foi dans le Christ et en donna les raisons. Il fut ainsi amené à parler spécialement des vertus qui sont essentielles aux chrétiens -- vertus dont le couple arrogant devant lequel il se tenait était privé d'une façon notoire. CP 375 1 Il dépeignit à Félix et à Drusille le caractère de Dieu, sa justice, sa droiture, son équité, ainsi que la nature de sa loi. Il leur expliqua avec une clarté persuasive que le devoir de l'homme consiste à vivre dans la sobriété et la tempérance, à placer ses passions sous le contrôle de la raison, selon la loi de Dieu, et à conserver ses facultés physiques et morales en bonne forme. CP 375 2 Un jour viendra où tous les hommes, dit-il, seront jugés selon "ce qu'ils auront fait, étant dans leurs corps". Alors ils verront que ni la richesse, ni la situation, ni les titres ne peuvent leur attirer la faveur de Dieu, ou les libérer du péché. L'apôtre montra que cette vie sert de préparation à la vie future. S'ils négligent les avantages qui leur sont accordés ici-bas, les hommes subiront alors la mort éternelle sans aucun recours possible. CP 375 3 Paul insista tout particulièrement sur les exigences de la loi divine. Elle pénètre au plus profond de la nature de l'homme, et elle éclaire tout ce qui échappe à sa vue et à sa connaissance. CP 375 4 Ce que la main peut faire, ce que la langue peut dire, toutes les manifestations extérieures de la vie ne révèlent qu'imparfaitement le caractère de l'homme. La loi, elle, sonde ses pensées, ses mobiles et ses intentions. Les basses passions qui échappent aux autres, la jalousie, la haine, la luxure, l'ambition, les mauvaises actions tramées dans les recoins les plus obscurs de l'âme -- mais non exécutées par manque d'occasions -- tout cela est condamnable par la loi de Dieu. CP 375 5 Paul s'efforça de fixer l'attention de ses auditeurs sur celui qui a fait le sacrifice de sa vie pour le pécheur. Il rappela les rites qui étaient l'ombre des choses à venir, et il présenta le Christ comme l'antitype de toutes les cérémonies, seule source d'espoir et de vie pour l'homme perdu. Les saints hommes d'autrefois étaient sauvés en espérance par le sang du Christ; lorsqu'ils assistaient à l'agonie des victimes expiatoires, ils voyaient par anticipation celle de l'agneau de Dieu qui devait ainsi ôter le péché du monde. CP 376 1 Dieu réclame à juste titre l'amour et l'obéissance de toutes ses créatures. Il leur a donné dans sa loi un principe parfait de droiture. Mais nombreux sont ceux qui oublient le Créateur et suivent leur propre voie, diamétralement opposée à la sienne. Ils préfèrent la haine à l'amour, cet amour plus vaste que l'univers, plus profond que le ciel. Dieu ne saurait abaisser sa loi au niveau de l'homme mauvais, et celui-ci ne peut pas non plus, par ses propres forces, satisfaire à ses exigences. Ce n'est que par la foi en Christ que le pécheur peut être purifié de son péché et obéir aux commandements de son Créateur. Aussi Paul, le prisonnier, insistait-il sur les revendications du Décalogue à l'égard des Juifs et des Gentils, et présentait-il Jésus, le Nazaréen méprisé, comme Fils de Dieu et Rédempteur du monde. CP 376 2 Drusille, la princesse juive, comprenait bien le caractère sacré de cette loi, qu'elle avait si impudemment transgressée; mais ses préjugés contre l'homme du Calvaire endurcissaient son coeur à l'égard de la Parole de vie. CP 376 3 Cependant Félix, lui, n'avait jamais auparavant entendu prêcher la vérité, et tandis que l'Esprit de Dieu le persuadait, il était plongé dans une extrême agitation. Sa conscience, mise en éveil, faisait entendre sa voix, et il sentait que toutes les paroles de Paul étaient vraies. Il se souvint de son passé coupable; la débauche et les crimes de sa jeunesse se dressèrent devant lui avec une extrême netteté, ainsi que la sombre série de ses forfaits récents. Il se vit tel qu'il était, perverti, cruel, rapace. Jamais auparavant, la vérité n'avait pénétré aussi profondément dans son coeur. Jamais non plus son âme n'avait été remplie d'une telle épouvante. La pensée que tous les secrets de sa vie criminelle étaient à nu devant Dieu, et qu'il pouvait être jugé selon ses actes, le fit trembler d'effroi. CP 376 4 Mais au lieu de s'abandonner à la repentance, il chercha à écarter de son esprit des réflexions désagréables. Il coupa court à l'entretien, et dit: "Pour le moment retire-toi; quand j'en trouverai l'occasion, je te rappellerai." CP 377 1 Quel contraste entre l'attitude de Félix et celle du geôlier de Philippes! Les serviteurs de Dieu avaient été amenés à celui-ci, enchaînés, comme Paul avait été amené à Félix. Les prisonniers étaient soutenus par la puissance divine. Leur joie dans la souffrance et le mépris, le courage qu'ils montrèrent lorsque la terre trembla, l'esprit chrétien qu'ils témoignèrent dans le pardon convainquirent le coeur du geôlier. Il confessa ses péchés en tremblant, et il trouva le pardon. CP 377 2 Félix trembla aussi, mais il ne se repentit pas. Le geôlier reçut avec empressement, ainsi que les siens, l'Esprit de Dieu. Félix ordonna au divin messager de se retirer. L'un choisit de devenir enfant de Dieu et héritier du ciel; l'autre préféra partager le sort des "ouvriers d'iniquité". CP 377 3 Pendant deux ans, on ne fit aucune démarche en faveur de Paul, et il demeura prisonnier. Félix lui rendit visite à plusieurs reprises, et il écouta attentivement ses paroles; mais le véritable motif de cette amitié apparente était l'appât du gain. Il laissa entendre en effet à Paul qu'en échange d'une forte somme d'argent, il pourrait être relâché. Mais l'apôtre avait trop de noblesse pour essayer de recouvrer ainsi sa liberté. Il n'avait pas commis de crime, il ne voulait pas s'abaisser à user d'un expédient malhonnête. De plus, il était trop pauvre pour payer une telle rançon, et même s'il y avait pensé, il n'aurait pas fait exploiter en sa faveur la sympathie et la générosité de ses fidèles convertis. Paul savait qu'il était entre les mains de Dieu, et il ne voulait pas s'immiscer dans ses plans à son sujet. CP 377 4 Félix fut finalement rappelé à Rome à cause des maux qu'il avait fait subir aux Juifs. Avant de quitter Césarée, le procurateur, "dans le désir de plaire aux Juifs", leur permit de retenir Paul prisonnier. Mais Félix ne réussit pas à reconquérir leur confiance. Il tomba en disgrâce, et Festus lui succéda. CP 378 1 Un rayon de lumière avait brillé du ciel dans le coeur de Félix, quand Paul lui avait parlé de justice, de tempérance et de jugement à venir. Cette occasion suscitée par Dieu lui avait permis de connaître son péché et de s'en repentir. Mais il dit au messager divin: "Pour le moment retire-toi; quand j'en trouverai l'occasion, je te rappellerai." Le procurateur avait dédaigné l'ultime sollicitation de la grâce. Il ne devait plus jamais recevoir d'autre appel de Dieu. ------------------------Chapitre 40 -- Paul fait appel à César Ce chapitre est basé sur Actes 25:1-12. CP 379 1 "Festus, étant arrivé dans la province, monta trois jours après de Césarée à Jérusalem. Les principaux sacrificateurs et les principaux d'entre les Juifs lui portèrent plainte contre Paul. Ils firent des instances auprès de lui, et, dans des vues hostiles, lui demandèrent comme une faveur qu'il le fît venir à Jérusalem." CP 379 2 Les Juifs se proposaient, en formulant cette requête, de dresser une embuscade sur le chemin de Jérusalem, où Paul aurait été assassiné. Mais Festus avait une haute idée de ses responsabilités, et il déclina courtoisement l'offre de renvoyer Paul. "Ce n'est pas la coutume des Romains, dit-il, de livrer un homme avant que l'inculpé ait été mis en présence de ses accusateurs, et qu'il ait eu la faculté de se défendre sur les choses dont on l'accuse."1 Il déclara que "lui-même devait partir sous peu" pour Césarée. "Que les principaux d'entre vous descendent avec moi, dit-il, et, s'il y a quelque chose de coupable en cet homme, qu'ils l'accusent." CP 380 1 Ce n'était pas là ce que les Juifs attendaient, car ils n'avaient pas oublié leur échec précédent à Césarée. La déposition calme de l'apôtre, ses arguments irréfutables contrasteraient trop visiblement avec leur esprit malin, et leurs accusations sans fondements apparaîtraient sous leur jour le plus défavorable. Ils insistèrent donc à nouveau pour que Paul fût amené à Jérusalem, afin d'y être jugé; mais Festus s'obstina dans son idée de faire subir à l'apôtre un procès légal à Césarée. Dieu, dans sa providence, veillait sur la décision de Festus afin que la vie de Paul fût épargnée. CP 380 2 Les principaux Juifs, dont le projet avait échoué, se préparèrent alors immédiatement à témoigner contre l'apôtre au tribunal du procurateur. CP 380 3 Après être retourné à Césarée, Festus, qui rentrait de Jérusalem, "s'étant assis sur son tribunal, [...] donna l'ordre qu'on amenât Paul. Quand il fut arrivé, les Juifs qui étaient venus de Jérusalem l'entourèrent, et portèrent contre lui de nombreuses et graves accusations, qu'ils n'étaient pas en état de prouver." Les Juifs, qui n'avaient pas d'avocat cette fois, préférèrent dresser eux-mêmes leur réquisitoire contre Paul. Tandis que se déroulait le procès, l'inculpé montrait clairement par son attitude calme et son air loyal que les griefs dont on le chargeait étaient faux. CP 380 4 Festus comprit que le sujet en litige relevait exclusivement des doctrines juives et qu'en mettant les choses au point, aucune des accusations qui pesaient sur Paul, même si elles étaient reconnues, ne méritait la mort ou la détention. Cependant, il pressentit nettement la colère qui se déchaînerait parmi les Israélites, si l'apôtre n'était pas condamné à mort ou remis entre leurs mains. Alors, "désirant plaire aux Juifs", Festus se tourna vers Paul et lui demanda s'il désirait aller à Jérusalem sous sa protection, pour y être jugé par le sanhédrin. CP 380 5 L'apôtre était convaincu qu'il ne pouvait espérer aucune justice de la part du peuple, dont les crimes avaient attiré la colère divine. Il savait que, comme le prophète Elie, il serait plus en sécurité parmi les païens que parmi ceux qui avaient rejeté la lumière du ciel et endurci leur coeur. Fatigué par les luttes, son esprit actif supportait mal les délais successifs, les pénibles ajournements de son procès et de sa captivité; c'est pourquoi il résolut de jouir de son privilège de citoyen romain, et il en appela à César. CP 381 1 A la question du procurateur, Paul répondit: "C'est devant le tribunal de César que je comparais, c'est là que je dois être jugé. Je n'ai fait aucun tort aux Juifs, comme tu le sais fort bien. Si j'ai commis quelque injustice, ou quelque crime digne de mort, je ne refuse pas de mourir; mais, si les choses dont ils m'accusent sont fausses, personne n'a le droit de me livrer à eux. J'en appelle à César." CP 381 2 Festus ne savait rien de la conspiration des Juifs, résolus à assassiner Paul, et il fut surpris de cet appel à César; cependant, les paroles de l'apôtre mirent fin à la procédure. "Festus, après avoir délibéré avec le conseil, répondit: Tu en as appelé à César; tu iras devant César." CP 381 3 Ainsi, une fois de plus, un serviteur de Dieu était obligé de demander la protection des païens, à cause de la haine née du fanatisme et de la propre justice des Juifs. CP 381 4 Victimes de la même haine, le prophète Elie chercha refuge chez la veuve de Sarepta, et les héros de l'Evangile furent contraints de se détourner des Juifs pour aller proclamer le message chez les Gentils. De nos jours, le peuple de Dieu aura également à affronter cette haine, car le même orgueil, le même formalisme, le même égoïsme subsistent parmi ceux qui font profession de christianisme, ainsi que le même esprit de domination qui tenait une si grande place dans le coeur des Juifs. Bientôt, des hommes prétendant être les représentants du Christ, se comporteront comme les prêtres et les magistrats à l'égard du Christ et des apôtres. Dans la grande crise par laquelle ils devront passer, les fidèles serviteurs de Dieu auront à affronter la même dureté de coeur, la même cruauté, la même haine implacable. CP 382 1 Tous ceux qui, aux mauvais jours, serviront courageusement leur Maître, en suivant la voix de leur conscience, auront besoin de sang-froid, de fermeté et d'une connaissance approfondie de Dieu et de sa Parole. Car les hommes qui seront fidèles au Seigneur seront persécutés, leurs mobiles, mis en doute, leurs meilleures intentions, mal interprétées et leurs noms, honnis comme le mal. Satan agira avec une puissance mensongère pour influencer les coeurs et obscurcir l'entendement; il fera appeler le mal, bien, et le bien, mal. CP 382 2 Plus forte et plus pure sera la foi du peuple de Dieu, plus résolue sa détermination de lui obéir, plus farouche alors sera la lutte engagée par Satan pour exciter contre lui la colère des hommes qui, tout en ayant la prétention d'être justes, foulent aux pieds la loi de Dieu. Ceux qui voudront garder la foi -- cette foi qui fut jadis donnée aux saints -- devront faire preuve d'une confiance inébranlable en Dieu et prendre les résolutions les plus héroïques. CP 382 3 Le Seigneur désire que son peuple soit en mesure de faire face au grand conflit qui va bientôt éclater. Prêts ou non, tous devront l'affronter. Seuls, ceux qui ont une vie conforme au modèle divin demeureront fermes lorsque viendront l'épreuve et la tribulation. CP 382 4 Quand les dirigeants de ce monde s'allieront aux conducteurs religieux pour dicter des lois en matière de conscience, on saura alors qui craint et sert vraiment le Seigneur. C'est au moment où les ténèbres s'épaississent que brille le plus intensément la lumière divine. Quand tous les espoirs s'effondreront, alors on pourra voir quels sont ceux dont la confiance est restée ferme en Dieu. CP 382 5 Lorsque les ennemis de la vérité seront de toutes parts aux aguets pour chercher à nuire aux serviteurs de Dieu, le Seigneur veillera sur eux pour leur faire du bien. Il sera comme l'ombre d'un immense rocher dans un désert inhospitalier. ------------------------Chapitre 41 -- "Tu me persuades presque!" Ce chapitre est basé sur Actes 25:13-27; 26. CP 383 1 Paul en ayant appelé à César, Festus ne put faire autrement que de l'envoyer à Rome. Mais il fallut attendre un certain temps pour trouver un vaisseau convenable; par ailleurs, comme d'autres prisonniers devaient accompagner Paul, et qu'il était nécessaire de considérer leur cas particulier, le départ fut sensiblement retardé. Cela permit à l'apôtre d'exposer les principes de sa foi aux notables de Césarée, ainsi qu'au roi Agrippa II, dernier représentant des Hérodes. CP 383 2 "Quelques jours après, le roi Agrippa et Bérénice arrivèrent à Césarée, pour saluer Festus. Comme ils passèrent là plusieurs jours, Festus exposa au roi l'affaire de Paul, et dit: Félix a laissé prisonnier un homme contre lequel, lorsque j'étais à Jérusalem, les principaux sacrificateurs et les anciens des Juifs ont porté plainte, en demandant sa condamnation." Festus exposa les circonstances qui poussaient le prisonnier à faire appel à César. Il parla de son récent procès et expliqua que les Juifs ne lui imputaient rien de bien grave, si ce n'est qu' "ils avaient avec lui des discussions relatives à leur religion particulière, et à un certain Jésus qui est mort, et que Paul affirmait être vivant". CP 384 1 Pendant que Festus faisait ce récit, la curiosité d'Agrippa fut piquée, et il dit: "Je voudrais aussi entendre cet homme." Festus accéda à ce désir en ménageant une entrevue pour le lendemain. "Le lendemain donc, Agrippa et Bérénice vinrent en grande pompe, et entrèrent dans le lieu de l'audience avec les tribuns et les principaux de la ville. Sur l'ordre de Festus, Paul fut amené." Afin d'honorer ses visiteurs, Festus en profita pour organiser un spectacle grandiose. Les vêtements magnifiques du procurateur et de ses invités, les épées des soldats, les armures étincelantes des officiers donnaient un vif éclat à cette scène. CP 384 2 Or, Paul toujours enchaîné apparut devant l'assemblée. Quel contraste nous offre ce tableau! Agrippa et Bérénice possédaient la puissance et la grandeur, ce qui leur valait tous les honneurs. Mais ils étaient dépourvus des qualités morales que, seules, Dieu apprécie. Ils transgressaient sa loi par leur dépravation de coeur et de moeurs; leur manière d'agir était en abomination aux yeux de Dieu. CP 384 3 Le prisonnier, vieilli, enchaîné à son gardien, n'avait rien qui pût susciter les honneurs du monde. Cependant, pour cet homme, apparemment sans amis, sans fortune, sans titres, prisonnier à cause de sa foi au Fils de Dieu, tout le ciel était en alerte. Les anges se faisaient ses gardiens. Et si l'un de ces brillants messagers était apparu dans toute sa gloire, la pompe et la majesté royales auraient paru bien ternes. Roi et courtisans auraient été terrassés, comme les soldats romains au sépulcre du Christ. CP 384 4 Festus présenta lui-même Paul à l'assemblée, en disant: "Roi Agrippa, et vous tous qui êtes présents avec nous, vous voyez cet homme au sujet duquel toute la multitude des Juifs s'est adressée à moi, soit à Jérusalem, soit ici, en s'écriant qu'il ne devait plus vivre. Pour moi, ayant reconnu qu'il n'a rien fait qui mérite la mort, et lui-même en ayant appelé à l'empereur, j'ai résolu de le faire partir. Je n'ai rien de certain à écrire à l'empereur sur son compte; c'est pourquoi je l'ai fait paraître devant vous, et surtout devant toi, roi Agrippa, afin de savoir qu'écrire, après qu'il aura été examiné. Car il me semble absurde d'envoyer un prisonnier sans indiquer de quoi on l'accuse." CP 385 1 Le roi Agrippa invita alors Paul à parler. L'apôtre ne fut décontenancé ni par l'éblouissant spectacle, ni par la pompe de l'assemblée, car il savait que les biens de ce monde et les situations les plus en vue ont très peu de valeur. La magnificence et la puissance terrestres ne réussirent pas à lui faire perdre un seul instant son courage et son assurance. "Je m'estime heureux, roi Agrippa, déclara-t-il, d'avoir aujourd'hui à me justifier devant toi de toutes les choses dont je suis accusé par les Juifs, car tu connais parfaitement leurs coutumes et leurs discussions. Je te prie donc de m'écouter avec patience." CP 385 2 Paul raconta comment il s'était converti, lui qui combattait si résolument la foi en Jésus de Nazareth, Rédempteur du monde. Il fit le récit de la vision céleste qui l'avait d'abord rempli d'une indicible crainte, mais qui, par la suite, avait été sa plus grande source de consolation. C'était une révélation de la gloire divine, où lui était apparu, assis sur son trône, celui qu'il avait méprisé et haï, et dont il avait cherché à exterminer les disciples. Paul déclara qu'à partir de ce moment-là il avait été un homme nouveau, un chrétien fervent et sincère, transformé ainsi par la grâce de Jésus. CP 385 3 Avec une clarté et un pouvoir extraordinaires, l'apôtre retraça devant Agrippa les événements principaux se rattachant à la vie du Christ sur la terre. Il montra que le Messie de la prophétie avait déjà paru dans la personne de Jésus de Nazareth. CP 385 4 L'Ancien Testament avait annoncé que le Messie devait venir ici-bas, comme un homme parmi les hommes, et dans la vie de Jésus toutes les prédictions spécifiées par Moïse et par les prophètes avaient été accomplies. Pour sauver un monde perdu, le Fils de Dieu avait souffert la croix, méprisé l'ignominie, puis était monté au ciel en triomphant de la mort et du tombeau. CP 386 1 Pourquoi, demandait Paul à ses auditeurs, la résurrection du Christ serait-elle invraisemblable? A lui aussi, jadis, elle paraissait impossible; mais pouvait-il continuer à la nier, après ce qu'il avait vu et entendu? A la porte de Damas, le Sauveur crucifié et ressuscité lui était apparu, ce Sauveur même qui avait parcouru les rues de Jérusalem, était mort sur le Calvaire, avait brisé les chaînes du sépulcre, et était monté au ciel. Oui, le Christ lui avait parlé, comme à Céphas, à Jacques, à Jean et à tant d'autres. Il lui avait ordonné de proclamer la bonne nouvelle de sa résurrection. Comment Paul aurait-il pu lui désobéir? A Damas, à Jérusalem, dans toute la Judée et dans les régions lointaines, il avait rendu témoignage de Jésus crucifié, et prêché à tous "la repentance et la conversion à Dieu, avec la pratique d'oeuvres dignes de la repentance". CP 386 2 "Voilà pourquoi les Juifs se sont saisis de moi dans le temple, et ont tâché de me faire périr, ajouta l'apôtre. Mais, grâce au secours de Dieu, j'ai subsisté jusqu'à ce jour, rendant témoignage devant les petits et les grands, sans m'écarter en rien de ce que les prophètes et Moïse ont déclaré devoir arriver, savoir que le Christ souffrirait, et que, ressuscité le premier d'entre les morts, il annoncerait la lumière au peuple et aux nations." CP 386 3 L'auditoire, captivé par le récit de Paul, avait écouté dans le recueillement cette merveilleuse expérience de sa vie chrétienne. L'apôtre s'était étendu sur son thème favori; personne, parmi l'assistance, ne pouvait mettre en doute sa sincérité. Mais alors que Paul s'abandonnait à la fougue de sa persuasive éloquence, Festus l'interrompit, et s'écria: "Tu es fou, Paul! Ton grand savoir te fait déraisonner!" CP 386 4 "Je ne suis point fou, très excellent Festus, répliqua Paul; ce sont, au contraire, des paroles de vérité et de bon sens que je prononce. Le roi est instruit de ces choses, et je lui en parle librement; car je suis persuadé qu'il n'en ignore aucune, puisque ce n'est pas en cachette qu'elles se sont passées." Alors, se tournant vers Agrippa, il s'adressa directement à lui en ces termes: "Crois-tu aux prophètes, roi Agrippa?... Je sais que tu y crois." CP 387 1 Agrippa, profondément ému, oublia pendant un instant son entourage et la dignité de son rang. Conscient seulement des vérités qu'il entendait, il ne voyait devant lui que l'humble prisonnier, l'ambassadeur de Dieu, et il dit involontairement: "Tu vas bientôt me persuader de devenir chrétien!" CP 387 2 Sur quoi, Paul répondit avec empressement: "Que ce soit bientôt ou que ce soit tard, plaise à Dieu que non seulement toi, mais encore tous ceux qui m'écoutent aujourd'hui, vous deveniez tels que je suis." Et il ajouta, en montrant ses mains enchaînées: "A l'exception de ces liens!" CP 387 3 Festus, Agrippa et Bérénice auraient mérité de porter les liens de l'apôtre, car ils étaient coupables de crimes graves. Ils avaient entendu ce jour-là l'appel du salut par le nom du Christ; or, l'un d'entre eux du moins avait été presque persuadé d'accepter la grâce et le pardon qui lui étaient offerts; mais il avait repoussé cette grâce, refusé d'accepter la croix du Rédempteur. CP 387 4 La curiosité du roi était satisfaite; il se leva de son trône et déclara que l'audience était close. Et tandis que les auditeurs se dispersaient, ils se disaient les uns aux autres: "Cet homme n'a rien fait qui mérite la mort ou la prison." CP 387 5 Bien que Juif, Agrippa ne partageait pas le zèle fanatique et les préjugés aveugles des pharisiens. "Cet homme, dit-il à Festus, pouvait être relâché, s'il n'en eût pas appelé à César." Mais Paul avait fait appel à un tribunal suprême, et son cas ne relevait plus ni de la juridiction de Festus, ni de celle d'Agrippa. ------------------------Chapitre 42 -- Le voyage et le naufrage Ce chapitre est basé sur Actes 27; 28:1-10.1 CP 389 1 Paul était enfin en route pour Rome. "Lorsqu'il fut décidé, nous dit Luc, que nous nous embarquerions pour l'Italie, on remit Paul et quelques autres prisonniers à un centenier de la cohorte d'Auguste, nommé Julius. Nous montâmes sur un navire d'Adramytte, qui devait côtoyer l'Asie, et nous partîmes, ayant avec nous Aristarque, Macédonien de Thessalonique." CP 389 2 Au premier siècle de l'ère chrétienne, les voyages comportaient souvent de dures épreuves et de réels dangers. Les marins se dirigeaient d'après la position du soleil et des étoiles; lorsque le ciel était voilé, et qu'on annonçait des tempêtes, ils n'osaient pas s'aventurer en mer. Pendant une partie de l'année, la navigation n'était donc pas assurée, car elle était à peu près impossible. Aussi l'apôtre Paul allait-il maintenant faire les douloureuses expériences d'un prisonnier enchaîné, pendant cet interminable et fatigant voyage vers l'Italie. CP 390 1 Cependant, il eut un adoucissement à ses peines: on lui permit de prendre avec lui Luc et Aristarque. Dans sa lettre aux Colossiens, il parle d'Aristarque, son compagnon de captivité; mais ce fut de sa propre volonté que celui-ci partagea la détention de Paul, car il désirait l'assister dans ses afflictions. CP 390 2 Le voyage débuta sous les meilleurs auspices; le bateau aborda le jour suivant à Sidon. Là, Julius, le centenier "qui traitait Paul avec bienveillance", ayant appris qu'il y avait des chrétiens dans cette ville, "lui permit d'aller chez ses amis et de recevoir leurs soins". L'apôtre fut très sensible à cette faveur, car sa santé laissait à désirer. CP 390 3 En quittant Sidon, le vaisseau rencontra des vents contraires qui ralentirent sa marche. A Myra, en Lycie, le centenier trouva un grand navire macédonien qui allait partir pour l'Italie, et il y fit aussitôt transférer les prisonniers. Mais les vents étaient toujours contraires et gênaient la marche du vaisseau. Luc écrit à ce sujet: "Pendant plusieurs jours nous naviguâmes lentement, et ce ne fut pas sans difficulté que nous atteignîmes la hauteur de Cnide, où le vent ne nous permit pas d'aborder. Nous passâmes au-dessous de l'île de Crète, du côté de Salmone. Nous la côtoyâmes avec peine, et nous arrivâmes à un lieu nommé Beaux-Ports, près duquel était la ville de Lasée." CP 390 4 A Beaux-Ports, le convoi dut faire relâche pendant quelque temps pour attendre un vent favorable. L'hiver approchait rapidement, "et la navigation devenait dangereuse". Ceux qui conduisaient le navire durent abandonner l'espoir d'atteindre leur destination avant la fin de la mauvaise saison. La question à résoudre maintenant était d'hiverner à Beaux-Ports, ou d'essayer d'atteindre un endroit plus hospitalier. Cette question fut sérieusement discutée et, finalement, on s'en rapporta à Paul, par l'intermédiaire du centenier, car il avait gagné le respect des marins et des soldats. L'apôtre conseilla de demeurer à Beaux-Ports. "Je vois, dit-il, que la navigation ne se fera pas sans péril et sans beaucoup de dommage, non seulement pour la cargaison et pour le navire, mais encore pour nos personnes." Cependant "le pilote et le patron du navire", ainsi que la majorité des passagers et de l'équipage, ne voulurent pas suivre ce conseil; parce que le port où ils étaient ancrés "n'était pas bon pour hiverner, la plupart furent d'avis de le quitter pour tâcher d'atteindre Phénix, port de Crète qui regarde le sud-ouest et le nord-ouest". CP 391 1 Le centenier décida donc de se soumettre à la majorité; c'est pourquoi, quand "un léger vent du sud vint à souffler", ils quittèrent Beaux-Ports dans l'espoir d'atteindre bientôt le port désiré. Mais peu après, "un vent impétueux... se déchaîna sur l'île. Le navire fut entraîné, sans pouvoir lutter contre le vent." Chassé par l'ouragan, il s'approchait de la petite île de Clauda, et pendant qu'il s'y abritait, les matelots s'attendaient au pire. CP 391 2 La chaloupe, seul moyen de sauvetage au cas où le navire sombrerait, se trouvait à l'arrière, menacée d'être mise en pièces à tout moment. Les matelots réussirent à la hisser à bord. Toutes précautions furent prises alors pour augmenter la force de résistance du bateau et pour affronter l'ouragan. La faible protection offerte par l'île ne fut pas de longue durée, et bientôt les passagers furent à nouveau exposés à la violence de la tempête. Celle-ci fit rage pendant toute la nuit, et malgré les précautions qui avaient été prises, le navire prenait l'eau. "Le lendemain on jeta la cargaison à la mer." La nuit se fit à nouveau, mais le vent ne tomba pas. Secoué par la tourmente, le bateau avec son mât brisé, ses voiles déchirées, était violemment balloté par la mer en furie. La mâture, qui gémissait sinistrement, semblait vouloir céder à tout instant, tandis que le bâtiment filait à la dérive sous les coups formidables de l'ouragan. L'eau montait rapidement. Passagers et matelots s'activaient aux pompes: personne n'avait de repos à bord. "Le troisième jour, dit Luc, nous y lançâmes [à la mer] de nos propres mains les agrès du navire. Le soleil et les étoiles ne parurent pas pendant plusieurs jours, et la tempête était si forte que nous perdîmes enfin toute espérance de nous sauver." CP 392 1 Pendant quatorze jours, ils allèrent à la dérive, sous un ciel où l'on ne voyait ni le soleil, ni les étoiles. Bien que souffrant, l'apôtre prodiguait des paroles d'espoir et d'encouragement pendant ces heures affreuses, et il était prêt à donner son aide en toutes circonstances. Il s'appuyait par la foi sur le bras du Tout-Puissant, et son coeur se reposait sur le sien. Il ne craignait rien pour lui-même, car il savait que le Seigneur lui permettrait de se rendre à Rome pour prêcher le Christ. Mais il était ému de compassion envers les passagers qui l'entouraient, pauvres pécheurs, déchus, non préparés à la mort. Tandis qu'il suppliait Dieu de leur épargner la vie, un ange lui révéla que sa prière serait exaucée. CP 392 2 La tempête se calmant, Paul en profita pour monter sur le pont et exhorter matelots et passagers. Il cria d'une voix forte: "O hommes, il fallait m'écouter et ne pas partir de Crète, afin d'éviter ce péril et ce dommage. Maintenant je vous exhorte à prendre courage; car aucun de vous ne périra, et il n'y aura de perte que celle du navire. Un ange du Dieu à qui j'appartiens et que je sers m'est apparu cette nuit, et m'a dit: Paul, ne crains point; il faut que tu comparaisses devant César, et voici, Dieu t'a donné tous ceux qui naviguent avec toi. C'est pourquoi, ô hommes, rassurez-vous, car j'ai cette confiance en Dieu qu'il en sera comme il m'a été dit. Mais nous devons échouer sur une île." CP 392 3 A ces paroles, tous reprirent espoir. Passagers et matelots sortirent de leur apathie. Il restait encore beaucoup à faire, et tout devait être mis en oeuvre pour éloigner le danger. CP 392 4 Ce fut la quatorzième nuit, au milieu des ténèbres et des vagues déchaînées, "vers le milieu de la nuit", que les hommes de bord perçurent le bruit de la mer sur les récifs. "Ayant jeté la sonde, ils trouvèrent vingt brasses; un peu plus loin, ils la jetèrent de nouveau, et trouvèrent quinze brasses. Dans la crainte de heurter contre les écueils, ils jetèrent quatre ancres de la poupe, et attendirent le jour avec impatience." CP 393 1 A l'aube, on distingua les abords d'une côte battue par la tempête, mais on ne reconnut pas le pays devant lequel on se trouvait. Le spectacle qu'offrait ce lieu était tellement sinistre que les matelots incrédules, perdant tout courage, "cherchaient à s'échapper du navire". Feignant de faire des préparatifs pour "jeter les ancres de la proue", ils avaient déjà mis la chaloupe à la mer. Mais Paul, devinant leurs vils projets, dit au centenier et aux soldats: "Si ces hommes ne restent pas dans le navire, vous ne pouvez être sauvés." Les soldats coupèrent alors immédiatement "les cordes de la chaloupe, et la laissèrent tomber" à la mer. CP 393 2 Le moment le plus critique était encore à venir. L'apôtre leur adressa à nouveau des paroles d'encouragement et les supplia tous, marins et passagers, de prendre de la nourriture. "C'est aujourd'hui, leur dit-il, le quatorzième jour que vous êtes dans l'attente et que vous persistez à vous abstenir de manger. Je vous invite donc à prendre de la nourriture, car cela est nécessaire pour votre salut, et il ne se perdra pas un cheveu de la tête d'aucun de vous. Ayant ainsi parlé, il prit du pain, et, après avoir rendu grâces à Dieu devant tous, il le rompit, et se mit à manger." CP 393 3 Alors, ces deux cent soixante-quinze passagers, exténués, découragés, qui auraient été poussés au désespoir, sans la présence de Paul, se joignirent à l'apôtre et partagèrent la nourriture qui leur était offerte. "Quand ils eurent mangé suffisamment, ils allégèrent le navire en jetant le blé à la mer." CP 393 4 Maintenant le jour était venu; cependant, nul ne savait où il se trouvait. "Mais, ayant aperçu un golfe sur une plage, ils résolurent d'y pousser le navire, s'ils le pouvaient. Ils délièrent les ancres pour les laisser aller dans la mer, et ils relâchèrent en même temps les attaches des gouvernails; puis ils mirent au vent la voile d'artimon, et se dirigèrent vers le rivage. Mais ils rencontrèrent une langue de terre, où ils firent échouer le navire; et la proue, s'étant engagée, resta immobile, tandis que la poupe se brisait par la violence des vagues." CP 394 1 Un sort plus terrible que le naufrage menaçait maintenant Paul et les autres prisonniers. Les soldats pensaient qu'en essayant de gagner le rivage, ils ne pourraient veiller sur les hommes qui leur étaient confiés. Chacun devait faire tout ce qu'il pouvait pour réussir à se sauver; et pourtant, si l'un quelconque des prisonniers manquait, il y allait de la vie des gardiens. Ceux-ci décidèrent donc de tuer les prisonniers. La loi romaine justifiait cette méthode cruelle; cependant, les soldats ne mirent pas leur projet à exécution sur-le-champ, à cause de Paul envers qui tous étaient si profondément redevables. Julius, le centenier, savait que l'apôtre avait été l'instrument de leur salut à tous. Il savait aussi que le Seigneur était avec lui, et il craignait de lui faire du mal. C'est pourquoi "il ordonna à ceux qui savaient nager de se jeter les premiers dans l'eau pour gagner la terre, et aux autres de se mettre sur des planches ou sur des débris du navire. Et ainsi tous parvinrent à terre sains et saufs". CP 394 2 Les naufragés furent recueillis avec bienveillance par les habitants de Malte "auprès d'un grand feu, qu'ils avaient allumé, raconte Luc, parce que la pluie tombait et qu'il faisait grand froid". Paul était parmi ceux qui s'activaient pour aider et réconforter les autres. Il ramassa un "tas de broussailles et l'ayant mis au feu, une vipère en sortit par l'effet de la chaleur et s'attacha à sa main". Les Maltais furent effrayés, et s'apercevant aux chaînes de Paul qu'ils avaient affaire à un prisonnier, ils se dirent les uns aux autres: "Assurément cet homme est un meurtrier, puisque la Justice n'a pas voulu le laisser vivre, après qu'il a été sauvé de la mer." Mais Paul secoua le reptile dans le brasier, et il ne ressentit aucun mal. Les spectateurs s'attendaient à le voir tomber mort d'un moment à l'autre, car ils connaissaient la virulence du venin; "mais, après avoir attendu longtemps, voyant qu'il ne lui arrivait aucun mal, ils changèrent d'avis et dirent que c'était un dieu". CP 394 3 Pendant les trois mois que les naufragés passèrent dans l'île, Paul et ses compagnons profitèrent de toutes les occasions pour prêcher l'Evangile. Le Seigneur accomplit des prodiges par leur intermédiaire. A cause de Paul, tous les naufragés furent traités avec beaucoup d'égards. On les entoura de maintes prévenances, et lorsqu'ils quittèrent Malte, on les approvisionna abondamment pour leur voyage. Les principaux événements qui s'étaient déroulés pendant leur bref séjour dans l'île sont relatés par Luc. CP 395 1 "Il y avait, dans les environs, dit-il, des terres appartenant au principal personnage de l'île, nommé Publius, qui nous reçut et nous logea pendant trois jours de la manière la plus amicale. Le père de Publius était alors au lit, malade de la fièvre et de la dysenterie; Paul, s'étant rendu vers lui, pria, lui imposa les mains, et le guérit. Là-dessus, vinrent les autres malades de l'île, et ils furent guéris. On nous rendit de grands honneurs, et, à notre départ, on nous fournit les choses dont nous avions besoin." ------------------------Chapitre 43 -- Paul à Rome Ce chapitre est basé sur Actes 28:11-31 et l'épître à Philémon. CP 397 1 Lorsque la saison de la navigation s'ouvrit, le centenier et ses prisonniers s'embarquèrent pour Rome sur un navire alexandrin, le "Castor et Pollux". Le vaisseau, qui naviguait vers l'ouest, avait hiverné à Malte. Bien qu'il fût quelque peu retardé par les vents contraires, le voyage s'effectua sans encombre, et le navire jeta l'ancre dans la magnifique baie de Pouzzoles, sur la côte italienne. CP 397 2 Là, se trouvaient quelques chrétiens qui supplièrent l'apôtre de rester avec eux pendant sept jours; le centenier accorda cette faveur à Paul avec empressement. CP 397 3 Depuis qu'ils avaient reçu l'épître de Paul aux Romains, les chrétiens d'Italie attendaient avec impatience la visite de l'apôtre. Ils ne pensaient pas le recevoir en captif, mais ses souffrances ne firent que le leur rendre plus cher encore. CP 397 4 Le trajet de Pouzzoles à Rome n'était que de deux cent vingt-cinq kilomètres, et le port était en communication fréquente avec la métropole. Les fidèles de Rome, prévenus de l'arrivée prochaine de l'apôtre, en envoyèrent quelques-uns à sa rencontre pour l'accueillir. CP 398 1 Le huitième jour après le débarquement, le centenier et ses prisonniers prirent le chemin de la capitale. Julius accordait à l'apôtre toutes les faveurs possibles; mais il ne pouvait ni changer sa condition de prisonnier, ni le libérer des chaînes qui l'attachaient au soldat de garde. Le coeur lourd de tristesse, Paul se rapprochait de la métropole du monde qu'il désirait depuis si longtemps visiter. C'était dans des circonstances bien différentes qu'il avait compté y venir. Comment pourrait-il y prêcher l'Evangile, ainsi enchaîné et chargé d'infamie? Son espoir d'amener des âmes à la vérité dans la ville de Rome semblait bien compromis. CP 398 2 Les voyageurs atteignirent enfin le Forum d'Appius, situé à une soixantaine de kilomètres de la métropole. Tandis qu'ils traversaient les grandes artères fourmillantes de monde, le vieillard aux cheveux gris, enchaîné au groupe des criminels aux faces endurcies, recevait des regards de mépris et des plaisanteries ironiques et dures. Mais soudain, on entendit un cri de joie: un homme s'élance de la foule, se jette au cou du prisonnier, l'embrasse en versant des larmes de joie, comme un fils qui accueillerait son père après une absence prolongée. Maintes fois cette scène se renouvela; on aurait dit que les regards, rendus perçants par une attente impatiente, avaient su discerner, dans le captif enchaîné, celui qui, à Corinthe, à Philippes, à Ephèse avait apporté aux fidèles les paroles de vie. CP 398 3 Tandis que les disciples entourent leur père spirituel avec une chaude émotion, tout le groupe des prisonniers et des soldats s'est immobilisé. Les gardiens s'impatientent et, cependant, ils n'ont pas le courage d'interrompre cette émouvante rencontre; car eux aussi ont appris à aimer et à respecter l'apôtre. Sur le visage amenuisé et douloureux du captif, les chrétiens voyaient un reflet de l'image du Christ. Ils déclaraient à Paul qu'ils ne l'avaient pas oublié, ni cessé de l'aimer, qu'ils lui étaient redevables de la joyeuse espérance qui les animait et leur procurait la paix envers Dieu. Dans leur enthousiasme, ils auraient voulu porter Paul sur leurs épaules pendant le reste du trajet, si on le leur avait permis. CP 399 1 Peu de personnes saisissent toute la signification des paroles de Luc, lorsqu'il dit que Paul, en voyant ses frères, "rendit grâces à Dieu, et prit courage". Au milieu du groupe des disciples qui manifestaient leur sympathie dans les difficultés sans éprouver aucune honte pour les chaînes du captif, l'apôtre louait Dieu à haute voix. Le nuage de tristesse qui oppressait son âme était dissipé. Sa vie chrétienne n'avait été qu'une suite d'épreuves, de souffrances et de déceptions; mais cette heure-là le dédommageait amplement de tout ce qu'il avait subi. Alors, il continua sa route d'un pas plus résolu et d'un coeur plus joyeux. Il ne se plaindrait pas du passé, ni ne redouterait l'avenir. La prison, l'adversité l'attendaient, il le savait; mais il savait aussi qu'il avait libéré des âmes de liens infiniment plus terribles, et il se réjouissait dans ses souffrances pour l'amour du Christ. CP 399 2 A Rome, le centurion Julius remit ses prisonniers à l'officier qui commandait la garde de l'empereur. Le rapport favorable qu'il fit sur Paul, la lettre de Festus valurent à l'apôtre d'être traité avec bienveillance par le capitaine, de sorte qu'au lieu d'être jeté en prison, il fut autorisé à loger dans une maison qu'il loua. Quoique toujours enchaîné à un soldat de garde, il pouvait recevoir ses amis en toute liberté et travailler à l'avancement du règne de Dieu. CP 399 3 De nombreux Juifs, chassés de Rome quelques années auparavant, avaient reçu l'autorisation d'y revenir, si bien qu'il s'en trouvait un nombre considérable dans cette ville. Paul décida de s'adresser à eux en leur exposant d'abord les faits relatifs à sa vie personnelle et à son travail. Il désirait les atteindre avant que ses ennemis n'aient eu le temps de les dresser contre lui. Trois jours après son arrivée, il convoqua donc les personnages marquants de la juiverie romaine et leur expliqua simplement et nettement pourquoi il était venu dans cette ville comme prisonnier. CP 400 1 "Hommes frères, dit-il, sans avoir rien fait contre le peuple ni contre les coutumes de nos pères, j'ai été mis en prison à Jérusalem et livré de là entre les mains des Romains. Après m'avoir interrogé, ils voulaient me relâcher, parce qu'il n'y avait rien en moi qui méritât la mort. Mais les Juifs s'y opposèrent, et j'ai été forcé d'en appeler à César, n'ayant du reste aucun dessein d'accuser ma nation. Voilà pourquoi j'ai demandé à vous voir et à vous parler; car c'est à cause de l'espérance d'Israël que je porte cette chaîne." CP 400 2 Il ne dit rien des outrages qu'il avait subis de la part des Juifs, ni de leurs complots réitérés pour l'assassiner. Ses paroles étaient empreintes de prudence et de bonté. Il ne cherchait à attirer sur lui ni l'attention, ni la sympathie; mais il voulait défendre la vérité et l'honneur de l'Evangile. CP 400 3 Les visiteurs déclarèrent qu'ils n'avaient rien reçu contre lui, ni lettre publique ou privée, et qu'aucun des Juifs de Jérusalem venus à Rome ne l'avait accusé de crime. Ils lui exprimèrent leur désir ardent de l'entendre exposer les raisons de sa foi en Christ: "Car nous savons que cette secte, dirent-ils, rencontre partout de l'opposition." CP 400 4 Puisqu'ils le voulaient, Paul les pria de convenir d'un jour pour leur présenter les vérités de l'Evangile. A la date fixée, "plusieurs vinrent le trouver dans son logis. Paul leur annonça le royaume de Dieu, en rendant témoignage, et en cherchant, par la loi de Moïse et par les prophètes, à les persuader de ce qui concerne Jésus. L'entretien dura depuis le matin jusqu'au soir." Il leur raconta sa propre expérience, et présenta les arguments de l'Ancien Testament avec simplicité, sincérité et puissance. CP 400 5 L'apôtre expliqua que la religion ne consiste pas en rites, en cérémonies, en symboles et en théories. S'il en était ainsi, l'homme pourrait la comprendre par l'étude, comme il le fait pour toute autre chose. La religion, leur dit-il, est une énergie pratique et salvatrice, un principe entièrement divin, une expérience personnelle du pouvoir régénérateur de Dieu dans les âmes. CP 401 1 Il leur raconta comment Moïse avait annoncé aux enfants d'Israël que le Christ était le prophète qu'ils devraient écouter, comment tous les prophètes avaient rendu témoignage de celui en qui Dieu eut recours pour sauver les hommes, et qui, dans sa parfaite innocence, dut porter les péchés des coupables. Paul ne les critiqua pas pour leur ardeur à observer les rites et les cérémonies, mais il leur expliqua comment, tout en se conformant au service sacrificiel avec une grande précision, ils rejetaient celui qui était l'antitype de tout ce système. CP 401 2 L'apôtre déclara que, avant sa conversion, il ne connaissait pas le Christ personnellement, mais simplement par une conception que lui et ses frères juifs s'étaient faite du caractère et de l'oeuvre du Messie promis. Il avait rejeté Jésus de Nazareth, le traitant d'imposteur, parce qu'il n'avait pas répondu à cette conception. Mais maintenant son opinion sur le Messie et sur sa mission était bien plus spirituelle et bien plus élevée. Paul ne leur présentait donc pas le Christ selon la chair. CP 401 3 Hérode avait vu Jésus dans son humanité. Anne aussi l'avait vu, ainsi que Pilate, les soldats romains, les prêtres et les sacrificateurs. Mais aucun d'eux ne l'avait vu avec les yeux de la foi, c'est-à-dire comme Rédempteur glorifié. Saisir le Christ par la foi, posséder de lui une connaissance spirituelle était plus désirable que de l'avoir connu personnellement, lorsqu'il était sur la terre. La communion dont Paul jouissait maintenant avec le Sauveur était plus intime, plus durable que toute affection humaine et terrestre. CP 401 4 Tandis que l'apôtre parlait de ce qu'il connaissait, et rendait témoignage de ce qu'il savait au sujet de Jésus de Nazareth, espoir d'Israël, ceux qui recherchaient sincèrement la vérité furent convaincus par ses arguments. Sur certains esprits du moins, ses paroles firent une impression ineffaçable. Mais les autres s'obstinèrent dans leur refus de croire au témoignage évident des saintes Ecritures, même ainsi présentées par un chrétien qui avait été éclairé d'une manière toute particulière par le Saint-Esprit. Ils ne pouvaient réfuter ses arguments, mais ils refusaient d'accepter ses conclusions. CP 402 1 Plusieurs mois s'étaient écoulés depuis l'arrivée de Paul à Rome, et les Juifs de Jérusalem ne s'étaient pas encore présentés pour déposer leurs accusations contre lui. Leurs projets avaient été sans cesse contrariés. Or, maintenant que l'apôtre allait comparaître devant le tribunal suprême de l'empire, ils ne voulaient pas risquer un nouvel échec. Lysias, Félix, Festus, Agrippa avaient tous déclaré qu'ils croyaient à son innocence. Ses ennemis ne pouvaient donc espérer réussir qu'en exploitant l'intrigue, afin d'influencer l'empereur et de le gagner à leur cause. Ils avaient tout intérêt à faire traîner les choses en longueur pour avoir ainsi le temps de mettre leurs projets au point et de les exécuter. C'est pourquoi ils préféraient attendre avant de venir en personne déposer contre l'apôtre. Ce retard favorisa les progrès de l'Evangile, selon la providence divine. En effet, grâce aux faveurs que lui accordaient ses gardiens, Paul pouvait loger dans une maison convenable, où il avait la possibilité de recevoir ses amis et d'annoncer tous les jours la vérité à ceux qui venaient l'écouter. Il continua ainsi sa tâche pendant deux années: "prêchant le royaume de Dieu et enseignant ce qui concerne le Seigneur Jésus-Christ, en toute liberté et sans obstacle". Pendant ce temps, les églises qu'il avait établies dans tous les pays n'étaient pas oubliées. L'apôtre se rendait compte des dangers qui menaçaient les nouveaux prosélytes, aussi cherchait-il à répondre à leurs besoins en leur adressant des lettres d'avertissement et des instructions d'ordre pratique. CP 402 2 De Rome, il envoya des prédicateurs, non seulement dans les églises, mais aussi dans les endroits où lui-même n'avait pu se rendre. Ces hommes, comme de sages bergers, affermirent l'oeuvre si bien amorcée par l'apôtre. Celui-ci, en relation constante avec les églises, était informé de l'état où elles se trouvaient, des dangers qu'elles couraient, ce qui lui permettait d'exercer sur elles une surveillance prudente. CP 403 1 L'apôtre, apparemment retiré de toute activité, exerçait donc une influence plus étendue et plus durable que s'il avait été libre de voyager pour visiter les églises comme autrefois. Et parce qu'il était prisonnier pour le Seigneur, il avait une emprise plus ferme sur l'affection de ses frères. Ses paroles écrites dans les chaînes, pour l'amour du Christ, suscitaient en eux une plus grande attention et un plus grand respect que s'il avait été en personne au milieu des fidèles. CP 403 2 Ce fut seulement après le départ de l'apôtre que les convertis se rendirent compte de la lourde charge qu'il avait assumée pour eux. Jusque-là, ils s'étaient dérobés devant les responsabilités, parce qu'ils ne possédaient pas sa sagesse, son tact, son indomptable énergie; mais maintenant, abandonnés à leur inexpérience, ils devaient apprendre les leçons qu'ils n'avaient pas voulu recevoir; et ils appréciaient ses conseils, ses instructions, alors qu'ils n'avaient pas su estimer son travail personnel. Son courage et sa foi, pendant sa longue détention, les poussaient à une plus grande fidélité et à plus de zèle dans la cause du Christ. CP 403 3 Parmi ceux qui assistaient Paul à Rome, se trouvaient quelques-uns de ses anciens collaborateurs. Luc, "le médecin bien-aimé" qui l'avait suivi à Jérusalem, à Césarée où il avait partagé sa captivité pendant deux ans, et durant son périlleux voyage à Rome, était encore près de lui. Timothée le réconfortait par ses paroles. Tychique, "le bien-aimé frère et fidèle ministre, son compagnon de service dans le Seigneur", se tenait noblement à ses côtés, ainsi que Démas et Marc. Enfin Aristarque et Epaphras étaient ses "compagnons de captivité".1 CP 403 4 Depuis les premières années de son apostolat, Marc avait mieux compris la vie chrétienne. Il avait étudié de plus près le ministère et la mort du Christ, et acquis ainsi une opinion plus nette de la mission du Sauveur, de ses luttes, de ses souffrances. Il avait appris à voir dans les stigmates des mains et des pieds du Christ les preuves de son sacrifice en faveur de l'humanité et de son abnégation pour sauver les pécheurs. Marc désirait suivre le Maître sur le sentier du renoncement. Maintenant qu'il partageait le sort du prisonnier, il comprenait mieux que jamais tout ce qu'il y a à gagner à se donner à Jésus et que se conformer au monde, c'est perdre son âme -- cette âme rachetée par le sang du Christ. Face à l'épreuve et à l'adversité, Marc, inébranlable, demeurait auprès de Paul comme son serviteur dévoué et bien-aimé. CP 404 1 Démas, fidèle pendant un certain temps, abandonna la cause du Seigneur. Paul écrivait à son sujet: "Démas m'a abandonné, par amour pour le siècle présent."2 Pour les biens de ce monde, Démas échangea tout ce qu'il y a de plus élevé et de plus noble. Quel acte insensé! Ne possédant que les richesses et les honneurs terrestres, il était en réalité un homme pauvre, alors que Marc, en choisissant de souffrir pour l'amour du Christ, possédait les richesses éternelles, puisqu'il était considéré dans le ciel comme héritier de Dieu et cohéritier avec son Fils. CP 404 2 Parmi ceux qui avaient donné leurs coeurs au Seigneur, sous l'influence de Paul, alors en captivité, se trouvait un esclave païen du nom d'Onésime, qui s'était enfui de la maison de Philémon, chrétien de Colosses. Cet esclave avait fait du tort à son maître et s'était réfugié à Rome. Dans sa grande bonté, l'apôtre chercha à soulager la pauvreté et la détresse de ce malheureux fugitif, et s'efforça de faire briller la lumière dans son esprit obscurci. Onésime écouta les paroles de vie de l'apôtre, confessa ses péchés et se convertit au christianisme. CP 404 3 Onésime sut se faire aimer de Paul par sa piété et la sincérité dont il faisait preuve, par les prévenances dont il l'entourait, par le zèle qu'il déployait pour la cause de Dieu. Paul discerna en lui les traits de caractère qui en feraient un précieux missionnaire. Il lui conseilla de retourner sans délai auprès de Philémon pour obtenir son pardon et faire des projets en vue de l'avenir. L'apôtre promit de se porter garant de la somme dérobée par l'esclave, et comme il était sur le point d'envoyer, par Tychique, des messages à différentes églises de l'Asie Mineure, il lui adjoignit Onésime. C'était une rude épreuve pour cet homme que de se livrer au maître à qui il avait fait du tort, mais il avait donné son coeur à Jésus, et il ne se détourna pas de son devoir. CP 405 1 Paul chargea Onésime d'une lettre qu'il adressait à Philémon, dans laquelle, avec sa bonté et son tact habituels, il plaidait la cause de l'esclave repentant, et exprimait le désir de le garder comme futur serviteur de l'oeuvre de Dieu. La lettre débutait par un affectueux message adressé à Philémon, son ami et son collaborateur: CP 405 2 "Je rends continuellement grâces à mon Dieu, disait-il, faisant mention de toi dans mes prières, parce que je suis informé de la foi que tu as au Seigneur Jésus et de ta charité pour tous les saints. Je lui demande que ta participation à la foi soit efficace pour la cause de Christ." L'apôtre rappelait à Philémon que toutes ses bonnes intentions, toutes ses qualités, il les devait à la grâce du Christ. Par cela seulement, il se montrait différent des méchants et des pécheurs. La même grâce faisait d'un homme vil un enfant de Dieu, un utile serviteur de l'Evangile. CP 405 3 Paul aurait pu insister sur les devoirs chrétiens de Philémon, mais il préféra employer le langage de la prière. "Paul, vieillard, et de plus maintenant prisonnier de Jésus-Christ, écrit-il. Je te prie pour mon enfant, que j'ai engendré étant dans les chaînes, Onésime, qui autrefois t'a été inutile, mais qui maintenant est utile, et à toi et à moi." Grâce à la conversion d'Onésime, l'apôtre pouvait demander à Philémon de recevoir l'esclave repentant comme son propre enfant, de lui témoigner une affection telle qu'il retourne chez son ancien maître, "non plus comme un esclave, mais comme supérieur à un esclave, comme un frère bien-aimé". Il exprimait en outre le désir de retenir Onésime pour qu'il le serve dans les chaînes comme l'aurait fait Philémon lui-même; mais il se passerait de ses services, si Philémon n'était pas décidé à l'affranchir. CP 406 1 L'apôtre connaissait bien la sévérité avec laquelle les maîtres traitaient leurs esclaves. Il n'ignorait pas que Philémon était fortement irrité contre Onésime; c'est pourquoi il essayait de lui écrire de manière à éveiller en lui les sentiments chrétiens les plus profonds et les plus délicats. L'esclave était devenu, par sa conversion, un frère en la foi de Philémon, et toute punition infligée au nouveau prosélyte affecterait Paul lui-même. CP 406 2 L'apôtre proposa d'acquitter la dette d'Onésime, afin d'épargner au coupable la honte d'un châtiment et de lui permettre de jouir à nouveau des privilèges qu'il avait perdus. "Si donc tu me tiens pour ton ami, écrivait l'apôtre, reçois-le comme moi-même. Et s'il t'a fait quelque tort, ou s'il te doit quelque chose, mets-le sur mon compte. Moi Paul, je l'écris de ma propre main, -- je paierai." CP 406 3 Quelle belle illustration de l'amour du Christ pour le pécheur repentant! Le serviteur qui avait dépouillé son maître n'avait rien à lui restituer. De même le pécheur qui a frustré le Seigneur en le privant des années de service qu'il aurait dû lui consacrer, ne peut rien faire pour annuler sa dette. Jésus s'interpose entre le pécheur et Dieu, et dit: "Je paierai cette dette, moi. Que le pécheur soit épargné. Je souffrirai à sa place." CP 406 4 Après avoir offert de rembourser la dette d'Onésime, Paul rappela à Philémon qu'il se devait lui-même à l'apôtre. Il lui était redevable, en effet, de sa propre personne, puisque Dieu avait fait de Paul l'instrument de sa conversion. Et par un appel fervent et tendre, il suppliait Philémon d'être pour lui une source de joie et de tranquilliser son esprit, comme sa charité avait tranquillisé le coeur des saints: "C'est en comptant sur ton obéissance, ajoutait-il, que je t'écris, sachant que tu feras même au-delà de ce que je dis." CP 406 5 La lettre de Paul à Philémon montre l'influence de l'Evangile sur les relations entre maîtres et serviteurs. Dans tout l'empire romain, esclaves et maîtres se rencontraient dans la plupart des églises fondées par Paul. Dans les villes, le nombre des esclaves dépassait fréquemment celui des hommes libres, et des lois extrêmement sévères étaient considérées comme indispensables pour les assujettir à leurs maîtres. Un riche Romain en possédait souvent des centaines, de tout rang, de toute nationalité, de toute qualité. Il pouvait infliger sur les âmes et sur les corps de ces malheureuses créatures n'importe quelle peine de son choix, car il avait toute autorité sur elles. Si l'une d'elles, pour se venger ou se défendre, s'aventurait à lever la main sur son maître, alors toute la famille du coupable risquait d'être cruellement sacrifiée. La plus légère faute, le plus petit incident, la moindre négligence étaient souvent punis sans merci. Certains maîtres, plus humains que d'autres, montraient cependant plus d'indulgence envers leurs serviteurs; mais la majeure partie des riches et des nobles, qui s'adonnaient sans contrainte à la débauche, aux passions, aux mauvais désirs, faisaient de leurs esclaves les misérables victimes du caprice et de la tyrannie. L'esprit de cette institution plongeait l'individu dans un avilissement déplorable. CP 407 1 Ce n'était pas l'oeuvre de l'apôtre de renverser, d'une façon arbitraire ou par une action brusque, l'ordre ainsi établi dans la société. S'il avait essayé de le faire, il aurait pu compromettre les progrès de l'Evangile. Mais il enseignait les principes qui portaient un coup fatal au système même de l'esclavage et qui, s'ils étaient appliqués, détruiraient infailliblement toute cette organisation: "Là où est l'esprit du Seigneur, là est la liberté",3 déclarait Paul. CP 407 2 Une fois converti, l'esclave devenait membre du corps du Christ; il était alors aimé et traité comme un frère, cohéritier avec son maître des bénédictions de Dieu et des privilèges de l'Evangile. CP 407 3 Par ailleurs, les serviteurs devaient s'acquitter de leurs devoirs, "non pas seulement sous leurs yeux [des maîtres], comme pour plaire aux hommes, mais comme des serviteurs de Christ, qui font de bon coeur la volonté de Dieu".4 CP 408 1 Le christianisme établit un lien très étroit entre le maître et l'esclave, entre le roi et le sujet, entre le ministre de l'Evangile et le pécheur indigne qui a trouvé son pardon en Christ. Tous ont été lavés dans le même sang, vivifiés par le même Esprit, et tous sont un en Jésus-Christ. ------------------------Chapitre 44 -- La maison de César CP 409 1 C'est parmi les classes les plus humbles que l'Evangile a toujours remporté ses plus grands succès. S'adressant à ceux qui avaient été appelés, Paul disait: "Il n'y a ni beaucoup de sages selon la chair, ni beaucoup de puissants, ni beaucoup de nobles."1 On ne pouvait guère s'attendre que lors de sa première arrestation, Paul, pauvre prisonnier sans amis, pût attirer l'attention des riches et des grands de la cité romaine. Le péché se présentait à eux sous les plus fascinants attraits, et ils demeuraient volontairement dans ses pièges. Mais, parmi les victimes malheureuses de l'oppression et même les misérables esclaves, beaucoup étaient heureux d'écouter les paroles de Paul. Dans la foi en Christ, ils trouvaient l'espoir et la paix qui les consolaient de la dureté de leur sort. CP 409 2 Cependant, si l'oeuvre de l'apôtre avait débuté parmi les petites gens, l'influence de sa prédication s'était étendue jusqu'au palais même de l'empereur. CP 410 1 Rome était, à cette époque, la métropole du monde. D'orgueilleux Césars dictaient leurs lois à presque tous les peuples de la terre. Rois et courtisans ignoraient l'existence de l'humble Nazaréen, ou n'avaient pour lui que haine et dérision. Et cependant, en moins de deux ans, l'Evangile avait pénétré, de l'humble logement du prisonnier, jusqu'aux appartements impériaux. Paul était bien lié comme un malfaiteur, "mais la Parole de Dieu n'était pas liée".2 CP 410 2 L'apôtre avait autrefois prêché publiquement la foi du Christ avec des arguments convaincants; et par des prodiges et des miracles, il avait donné des preuves irréfutables de l'origine divine de cette foi. Avec une noble fermeté, il s'était adressé aux sages de la Grèce, et grâce à son savoir et à son éloquence, il avait réfuté les sophismes de leur orgueilleuse philosophie. CP 410 3 Avec un courage indomptable, il s'était présenté devant les rois et les gouverneurs, et il avait parlé de la justice, de la tempérance, du jugement à venir, jusqu'à faire trembler les arrogants potentats qui semblaient déjà pressentir le grand jour de Dieu. CP 410 4 De telles occasions n'étaient plus offertes maintenant à l'apôtre, relégué dans sa propre demeure, et désormais réduit à ne proclamer la vérité qu'à ceux qui venaient le trouver. Il n'avait pas reçu, comme Moïse et Aaron, l'ordre divin de se présenter devant le roi dépravé, et, au nom du grand "Je suis", de lui reprocher sa cruauté et sa tyrannie. Et pourtant, ce fut à ce moment-là, alors que le grand avocat était en apparence retiré de toute activité publique, que l'Evangile remporta une éclatante victoire: des membres furent ajoutés à l'Eglise dans la maison même de l'empereur. CP 410 5 Aucun lieu, cependant, ne pouvait être plus hostile à l'atmosphère chrétienne que la cour de Rome. Néron semblait avoir effacé de son âme la dernière trace du divin et même de l'humain. On aurait dit qu'il portait l'empreinte de Satan. Ses serviteurs et ses courtisans possédaient en général le même caractère que lui -- ils étaient cruels, vils, corrompus. Il paraissait absolument impossible que le christianisme puisse prendre pied dans la cour et le palais de Néron. CP 411 1 Cependant, dans ce cas, comme dans tant d'autres, s'avéra justifiée l'affirmation de Paul: "Les armes avec lesquelles nous combattons ne sont pas charnelles; mais elles sont puissantes, par la vertu de Dieu, pour renverser des forteresses."3 Dans la maison même de Néron, des trophées de la croix furent conquis. De vils courtisans d'un roi plus vil encore furent gagnés au Christ, et devinrent enfants de Dieu. Ils ne se contentaient pas de pratiquer secrètement le christianisme, mais ils s'affichaient ouvertement, et n'avaient point honte de leur foi. CP 411 2 Par quels moyens Paul réussit-il à implanter le christianisme là où son accès même semblait impossible? Dans son épître aux Philippiens, il attribue à sa captivité les succès qu'il remporta dans la maison impériale. Et dans la crainte que l'on puisse penser que ses afflictions l'empêcheraient de faire progresser l'Evangile, il déclarait: "Je veux que vous sachiez, frères, que ce qui m'est arrivé a plutôt contribué aux progrès de l'Evangile."4 CP 411 3 Lorsqu'on apprit dans les églises, pour la première fois, que Paul devait se rendre à Rome, on s'attendait que la Parole de Dieu y remporte un éclatant succès. L'apôtre avait annoncé la bonne nouvelle dans bien des pays; il l'avait proclamée dans de grandes villes. Ce champion de la foi n'allait-il pas réussir également à gagner des âmes au Christ dans la métropole du monde? Mais tous les espoirs s'effondrèrent quand on sut que Paul était arrivé à Rome en prisonnier. On avait fermement pensé qu'une fois établi dans ce grand centre, l'Evangile se propagerait rapidement dans tous les pays, et deviendrait une puissance qui dominerait le monde entier. Mais comme on fut désappointé! Toutefois, si les espoirs humains s'étaient évanouis, les desseins de Dieu subsistaient. CP 411 4 Ce ne fut pas par ses sermons, mais par ses chaînes que Paul attira l'attention de la cour impériale sur le christianisme. Ce fut comme captif qu'il libéra de nombreuses âmes enchaînées dans l'esclavage du péché. Bien plus, il déclarait: "La plupart des frères dans le Seigneur, encouragés par mes liens, ont plus d'assurance pour annoncer sans crainte la parole."5 CP 412 1 La patience et le courage de Paul, durant sa longue et injuste détention, son ardeur et sa foi constituaient un continuel sermon. Son esprit, si différent de celui du monde, témoignait qu'une force plus puissante que tout pouvoir terrestre résidait en lui. Par son exemple, les chrétiens étaient amenés à déployer une plus grande activité en faveur de l'Evangile maintenant que Paul ne pouvait plus prêcher en public. Ainsi, les liens de l'apôtre exerçaient-ils une influence autour de lui; si bien que lorsque, apparemment, il semblait n'être plus utile à la cause de Dieu, il recueillait dans les lieux d'où l'on n'attendait rien une abondante moisson pour le Christ. C'est pourquoi il pouvait dire, à la fin de sa deuxième année de captivité: "En effet, dans tout le prétoire et partout ailleurs, nul n'ignore que c'est pour Christ que je suis dans les liens." Et parmi ceux qui envoyaient des salutations aux Philippiens, il mentionne "principalement ceux de la maison de César".6 CP 412 2 La patience, comme le courage, a ses victoires. Par la douceur dans l'épreuve, comme par l'audace dans les entreprises, on peut amener des âmes au Christ. Le chrétien qui fait preuve de persévérance et de fermeté dans les tribulations et les souffrances, celui qui affronte même la mort avec la paix et la sérénité d'une foi inébranlable, se rend parfois plus utile à l'Evangile que par toute une vie de labeur fidèle. Souvent, alors que le serviteur de Dieu est retiré de son ministère actif, la providence agit mystérieusement, et il accomplit un travail qu'il n'aurait jamais pu faire autrement. CP 412 3 Que le disciple du Christ, se croyant désormais incapable de déployer toute son activité pour Dieu et la vérité, ne s'imagine donc pas qu'il n'a plus de services à rendre, plus de fruits à récolter. Les vrais témoins du Sauveur ne sont jamais complètement mis à l'écart. Dans la santé et dans la maladie, dans la vie et dans la mort, Dieu les utilise encore. CP 413 1 Lorsque, par la malice de Satan, les serviteurs du Christ étaient persécutés, qu'ils cessaient toute activité, ayant été jetés en prison et traînés à l'échafaud ou au gibet, c'était pour faire triompher la vérité d'une façon plus éclatante. En effet, tandis que ces fidèles serviteurs scellaient leur témoignage par le sang, les âmes irrésolues et hésitantes, convaincues enfin de la foi en Christ, se décidaient courageusement à suivre le Maître. De la cendre des martyrs a surgi une abondante moisson pour Dieu. CP 413 2 Le zèle et la fidélité de Paul et de ses collaborateurs, ainsi que la foi et l'obéissance des convertis au christianisme dans des circonstances si rebutantes sont comme un vivant reproche aux ministres qui manquent d'ardeur et de foi. CP 413 3 L'apôtre et ses compagnons auraient pu prétexter qu'il était vain d'appeler à la repentance et à la foi les serviteurs de Néron, en butte aux tentations les plus farouches, aux obstacles les plus insurmontables, à l'opposition la plus violente. Même si ces serviteurs étaient convaincus de la vérité, comment pouvaient-ils l'accepter? Paul ne discuta pas ces objections et, parmi ceux qui l'écoutaient, certains se décidèrent à obéir à cette vérité coûte que coûte. CP 413 4 Ils bravèrent les obstacles et les dangers, acceptèrent la lumière de l'Evangile et se confièrent en Dieu pour qu'il les aide à la faire resplendir autour d'eux. Non seulement il y eut des conversions dans la maison de César, mais après avoir été convertis, ces nouveaux prosélytes demeurèrent dans le palais de l'empereur. Ils se sentirent contraints de rester à l'endroit où les appelait leur devoir professionnel, en dépit de l'hostilité que pouvait leur témoigner leur entourage. La vérité les avait trouvés là, et ils y restèrent, témoignant en faveur de la puissance transformatrice du christianisme par un changement radical dans leur vie et leur caractère. CP 414 1 Certains sont-ils tentés de rejeter sur les circonstances adverses leur insuccès dans la prédication? Qu'ils considèrent dans quelles conditions se trouvaient les disciples dans la maison de César, la débauche de l'empereur et la luxure de la cour qui les entouraient! Nous pouvons difficilement imaginer circonstances plus défavorables à la vie religieuse. Les nouveaux adeptes étaient, en effet, appelés à faire les plus grands sacrifices en face de la plus grande opposition. Et cependant, dans les difficultés et les dangers, ils restèrent fidèles à l'Evangile. Le chrétien peut refuser d'obéir à la vérité, en prétextant qu'il rencontre d'insurmontables obstacles, mais il ne peut offrir des excuses valables. S'il agissait ainsi, il prouverait que Dieu est injuste, car le Seigneur aurait en effet proposé à ses enfants des conditions de salut auxquelles ils ne pourraient se conformer. CP 414 2 Celui qui est résolu à servir le Seigneur trouvera toujours l'occasion de témoigner en sa faveur. Toute âme décidée à rechercher premièrement le royaume de Dieu et sa justice ne se laissera pas arrêter par les difficultés. Grâce à la force obtenue par la prière et l'étude des Ecritures, le pécheur recherchera la vertu et abandonnera le vice. Les yeux fixés sur Jésus, le chef et le consommateur de la foi, qui a souffert la contradiction des pécheurs, le chrétien bravera le mépris et la moquerie. Le secours et la miséricorde lui seront accordés en toutes circonstances par celui dont les promesses sont certaines, et dont les bras enlacent celui qui se tourne vers lui pour obtenir son aide. Nous pouvons nous reposer en sécurité sous sa garde, en disant: "Quand je suis dans la crainte, en toi je me confie."7 Dieu accomplira sa promesse envers tous ceux qui s'en remettent à lui. CP 414 3 Le Seigneur a montré par son propre exemple ce que ses disciples pouvaient être dans le monde sans être du monde. Il est venu, non pour participer aux joies illusoires d'ici-bas, ou pour se conformer aux coutumes et aux pratiques de la société, mais pour faire la volonté de son Père, pour chercher et sauver les âmes perdues. Avec cette pensée dans son coeur, le chrétien peut demeurer à l'abri de toute mauvaise influence, dans n'importe quel milieu. Quelles que soient sa situation, les circonstances où il est placé, modestes ou élevées, il peut témoigner, par l'accomplissement fidèle de sa tâche, de la puissance de la vraie foi. Ce n'est pas à l'abri des tribulations que le chrétien forme son caractère, mais dans l'épreuve même. C'est lorsqu'il est placé face à la lutte et aux difficultés que le disciple du Christ déploie une plus grande vigilance; de plus ardentes prières s'élèvent alors de son âme pour implorer l'aide du Tout-Puissant. CP 415 1 Une dure épreuve supportée grâce au secours du Maître développe la patience, la vigilance, le courage et une confiance en Dieu profonde et inébranlable. Quel triomphe remporte la foi lorsqu'elle permet à tout vrai disciple de souffrir tout en restant fort, de se soumettre tout en conquérant, de mourir constamment à lui-même et de continuer pourtant à vivre, de porter sa croix en s'assurant ainsi la couronne de gloire! ------------------------Chapitre 45 -- Lettres de Rome Ce chapitre est basé sur les épîtres aux Colossiens et aux Philippiens. CP 417 1 Dès les débuts de sa conversion, l'apôtre Paul fut favorisé par certaines circonstances qui lui firent comprendre ce que Dieu demandait des disciples de Jésus. "Ravi jusqu'au troisième ciel", "dans le paradis, [...] il entendit des paroles ineffables qu'il n'est pas permis à un homme d'exprimer". Il reconnaissait que "des visions et des révélations" lui avaient été données de la part du Seigneur. Sa connaissance des principes de l'Evangile n'était pas inférieure à celle des "apôtres par excellence".1 Il avait une nette compréhension de "la largeur, la longueur, la profondeur et la hauteur" de "l'amour de Christ, qui surpasse toute connaissance".2 CP 417 2 Paul n'osait pas dire tout ce qui lui était apparu en vision, car parmi ses auditeurs certains auraient pu mal interpréter ses paroles. Mais ce qui lui fut révélé lui permit de travailler comme un chef et un maître avisé, et de rédiger des épîtres qu'il fit parvenir aux églises. L'impression qu'il ressentait, lorsqu'il avait une vision, le suivait partout, et lui donnait une idée exacte de ce que devait être le caractère chrétien. Par sa parole et ses écrits, il répandait un message qui a apporté depuis lors aide et force à l'Eglise de Dieu. Ce message expose nettement aux croyants de nos jours les dangers qui les menacent et les fausses doctrines qu'ils doivent affronter. CP 418 1 Ce que l'apôtre désirait pour tous ceux à qui il adressait des conseils et des reproches, c'est qu'ils ne soient "plus des enfants, flottants et emportés à tout vent de doctrine", mais qu'ils parviennent "à l'unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu, à l'état d'homme fait, à la mesure de la stature parfaite de Christ". Il exhortait les disciples de Jésus dans les communautés de la Gentilité à ne plus "marcher comme les païens, qui marchent selon la vanité de leurs pensées. Ils ont l'intelligence obscurcie, leur disait-il, ils sont étrangers à la vie de Dieu, à cause de l'ignorance qui est en eux, à cause de l'endurcissement de leur coeur." Ils doivent se conduire "avec circonspection, non comme des insensés, mais comme des sages; rachetez le temps, ajoutait-il, car les jours sont mauvais".3 Il encourageait les chrétiens à attendre le jour où le Christ qui "a aimé l'Eglise, et s'est livré lui-même pour elle", la présenterait "glorieuse, sans tache, ni ride, ni rien de semblable, mais sainte et irrépréhensible".4 CP 418 2 Ces paroles, écrites avec une force qui n'émanait pas d'un homme mais de Dieu, contiennent des leçons qui devraient être étudiées par tous, et souvent répétées pour notre bien. Dans les épîtres de Paul, la piété pratique est mise en relief, les principes qu'il faudrait que toutes les églises appliquent sont établis, et le chemin qui conduit à la vie éternelle est clairement tracé. CP 418 3 Dans sa lettre aux Colossiens, écrite de sa prison de Rome "aux saints et fidèles frères en Christ", l'apôtre mentionne la joie qu'il éprouve au sujet de la fidélité qu'Epaphras lui a signalée chez ces frères. Il écrivait à ce sujet: "Epaphras [...] nous a appris de quelle charité l'Esprit vous anime. C'est pour cela, continue-t-il, que nous aussi, depuis le jour où nous en avons été informés, nous ne cessons de prier Dieu pour vous, et de demander que vous soyez remplis de la connaissance de sa volonté, en toute sagesse et intelligence spirituelle, pour marcher d'une manière digne du Seigneur et lui être entièrement agréables, portant des fruits en toutes sortes de bonnes oeuvres et croissant par la connaissance de Dieu, fortifiés à tous égards par sa puissance glorieuse, en sorte que vous soyez toujours et avec joie persévérants et patients." CP 419 1 C'est ainsi que Paul exprime son désir pour l'église de Colosses. Quel bel idéal placé devant les disciples du Christ! Quelles sont merveilleuses leurs possibilités! Ces paroles nous disent clairement qu'il ne saurait y avoir de limites aux bénédictions que les enfants de Dieu peuvent recevoir. Ils croîtront sans cesse dans la connaissance de Dieu; leur vie chrétienne se développera; ils recevront constamment de nouvelles forces et graviront de nouvelles hauteurs, jusqu'à ce que, "par sa puissance glorieuse", ils soient rendus "capables d'avoir part à l'héritage des saints dans la lumière". CP 419 2 L'apôtre glorifiait le Christ par qui Dieu a créé "toutes choses" et racheté les hommes. Il déclarait que la main qui soutient les mondes dans l'espace, préside à leur ordre harmonieux et universel, est la même qui fut clouée pour les pécheurs sur la croix du Calvaire. "En [Christ], écrivait-il, ont été créées toutes les choses qui sont dans les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles, trônes, dignités, dominations, autorités. Tout a été créé par lui et pour lui. Il est avant toutes choses, et toutes choses subsistent en lui. [...] Et vous, qui étiez autrefois étrangers et ennemis par vos pensées et par vos mauvaises oeuvres, il vous a maintenant réconciliés par sa mort dans le corps de sa chair, pour vous faire paraître devant lui saints, irrépréhensibles et sans reproche." CP 419 3 Le Fils de Dieu s'est abaissé pour élever ceux qui sont tombés. Pour eux, il a quitté les demeures célestes, les "quatre-vingt-dix-neuf" qui l'aimaient, afin de venir ici-bas pour être "blessé pour nos péchés, brisé pour nos iniquités".5 Il a été rendu en toutes choses semblable à ses frères, il s'est fait chair comme nous. Il a appris à souffrir de la soif, de la faim, de la fatigue. Comme tous les hommes, il réparait ses forces par la nourriture et le sommeil. Etranger et voyageur sur la terre, il était dans le monde, mais il n'était pas du monde. Il fut tenté comme nous le sommes quotidiennement et, cependant, sa vie fut exempte de péché. Tendre, compatissant, compréhensif, toujours indulgent pour les autres, il reflétait le caractère de Dieu. "La parole a été faite chair, dit saint Jean, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité."6 CP 420 1 Environnés par les pratiques et les influences du paganisme, les Colossiens risquaient de s'éloigner de la simplicité de l'Evangile. Paul les mettait en garde contre ce danger et les exhortait à suivre le Christ comme seul guide infaillible. "Je veux, en effet, que vous sachiez, leur disait-il, combien est grand le combat que je soutiens pour vous, et pour ceux qui sont à Laodicée, et pour tous ceux qui n'ont pas vu mon visage en la chair, afin qu'ils aient le coeur rempli de consolation, qu'ils soient unis dans la charité, et enrichis d'une pleine intelligence pour connaître le mystère de Dieu, savoir Christ, mystère dans lequel sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science. Je dis cela afin que personne ne vous trompe par des discours séduisants. [...] Ainsi donc, comme vous avez reçu le Seigneur Jésus-Christ, marchez en lui, étant enracinés et fondés en lui, et affermis par la foi, d'après les instructions qui vous ont été données, et abondez en actions de grâces. Prenez garde que personne ne fasse de vous sa proie par la philosophie et par une vaine tromperie, s'appuyant sur la tradition des hommes, sur les rudiments du monde, et non sur Christ. Car en lui habite corporellement toute la plénitude de la divinité. Vous avez tout pleinement en lui, qui est le chef de toute domination et de toute autorité." CP 421 1 Le Christ a prédit que des imposteurs s'élèveraient, que par eux "l'iniquité" serait "accrue", et que "la charité du plus grand nombre se refroidirait".7 Il a mis en garde ses disciples contre le danger qui menacerait ainsi les églises, et qui serait plus néfaste que les persécutions de ses ennemis. Maintes fois, Paul a dénoncé aux croyants le mal que feraient ces faux docteurs. Qu'ils se prémunissent contre ce péril, plus que contre tout autre; car en recevant de faux docteurs, ils ouvriraient la porte aux erreurs par lesquelles Satan affaiblirait leur spiritualité et ruinerait leur confiance dans la foi évangélique. CP 421 2 Le Sauveur est la pierre de touche qui permet d'éprouver les doctrines présentées par ces faux docteurs. Les disciples doivent rejeter tout ce qui ne s'harmonise pas avec ses enseignements. Jésus-Christ crucifié pour le péché, ressuscité des morts, monté au ciel, voilà la science du salut qu'ils doivent connaître et prêcher. CP 421 3 Les avertissements de la Parole de Dieu, au sujet des dangers qui menacent l'Eglise, nous sont aussi particulièrement adressés aujourd'hui. Alors qu'aux temps apostoliques, les imposteurs s'efforçaient par la tradition et la philosophie de détruire la foi dans les saintes Ecritures, de nos jours, par la "haute critique", l'évolutionnisme, le spiritisme, la théosophie, le panthéisme, l'ennemi de toute justice cherche à égarer les âmes. Pour beaucoup de gens, la Bible est une lampe sans huile, parce qu'ils suivent des sentiers où les croyances spéculatives mènent à la confusion et aux erreurs. L'oeuvre de la haute critique, en disséquant, en conjecturant, en reconstruisant, détruit la foi dans l'inspiration de la Bible. C'est frustrer la Parole de Dieu de son pouvoir de diriger, d'élever, d'inspirer les vies humaines que de professer de telles théories. CP 421 4 Le spiritisme enseigne aux multitudes que le désir est le mobile le plus puissant, que licence signifie liberté et que l'homme n'est responsable que de lui-même. CP 421 5 Le disciple du Christ entendra les "discours séduisants" contre lesquels l'apôtre met en garde les croyants de Colosses. Il aura affaire avec les interprétations spiritualistes des Ecritures, mais il ne les acceptera pas. Il fera entendre clairement les vérités éternelles de la Parole. Les yeux fixés sur le Christ, il ira de l'avant sur le chemin que le Sauveur a tracé, rejetant toute idée qui n'est pas en harmonie avec son enseignement. Le sujet de sa contemplation et de ses méditations sera la vérité divine. Il considérera la Bible comme étant la voix d'en haut s'adressant directement à lui. Ainsi, il trouvera la divine sagesse. CP 422 1 La connaissance de Dieu, révélée en Christ, est celle que doivent posséder tous ceux qui veulent être sauvés. C'est elle qui transforme le caractère; en effet, lorsqu'elle pénètre dans la vie, elle crée à nouveau une âme à l'image du Christ. Dieu invite ses enfants à accepter cette connaissance, auprès de laquelle toutes les autres ne sont que vanité et néant. CP 422 2 Dans toutes les générations, comme dans tous les pays, la vraie base de la formation du caractère repose sur les principes de la Parole de Dieu. Faire ce que le Seigneur ordonne, voilà la seule règle de conduite à suivre, celle qui demeure infaillible. "Le témoignage de l'Eternel est véritable." "Celui qui se conduit ainsi ne chancelle jamais."8 C'est avec la sainte Ecriture que les apôtres réfutaient les fausses théories de leurs jours; ils affirmaient: "Personne ne peut poser un autre fondement que celui qui a été posé."9 CP 422 3 Au moment de leur conversion et de leur baptême, les Colossiens s'étaient engagés à rejeter les croyances et les pratiques qui jusqu'alors faisaient partie de leur vie, et à demeurer fidèles au Christ. Dans son épître, Paul leur rappelle leurs promesses et les supplie de ne pas oublier les engagements qu'ils ont pris, grâce auxquels ils seront à même de pouvoir lutter contre les forces du mal qui cherchaient à les dominer. "Si donc vous êtes ressuscités avec Christ, leur disait-il, cherchez les choses d'en haut, où Christ est assis à la droite de Dieu. Affectionnez-vous aux choses d'en haut, et non à celles qui sont sur la terre. Car vous êtes morts, et votre vie est cachée avec Christ en Dieu." "Si quelqu'un est en Christ, il est une nouvelle créature. Les choses anciennes sont passées; voici, toutes choses sont devenues nouvelles."10 CP 423 1 Par la puissance du Christ, les pécheurs ont brisé les chaînes de leurs habitudes coupables; ils ont renoncé à leur égoïsme. Le profane est devenu déférent; l'ivrogne, tempérant; le débauché, vertueux. Les âmes qui portaient l'empreinte de Satan ont été transformées à l'image divine. Ce changement est, par lui-même, le miracle des miracles. Opéré par la Parole, il en représente un de ses plus profonds mystères. Il est pour nous impossible à comprendre. Nous pouvons seulement croire, comme le déclare l'Ecriture, que le Christ est devenu en nous "l'espérance de la gloire". CP 423 2 Quand l'Esprit de Dieu dirige la pensée et le coeur de l'homme converti, un nouveau chant s'élève de son âme; car il se rend compte que Dieu a accompli la promesse qu'il lui avait faite, que sa transgression a été pardonnée et son péché purifié. Le nouveau converti a manifesté sa repentance envers Dieu pour la violation de la loi, ainsi que sa foi envers le Christ, mort pour la justification du pécheur: "Etant donc justifié par la foi", il a "la paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ".11 CP 423 3 Mais si cette expérience est celle du chrétien, ce n'est pas une raison pour qu'il se croise les bras, satisfait de ce qui a été accompli pour lui. Celui qui a résolu d'entrer dans le royaume des cieux s'apercevra bientôt que toutes les forces, toutes les passions de sa nature irrégénérée, soutenues par les puissances du royaume des ténèbres, sont liguées contre lui. Chaque jour, il doit renouveler sa consécration au Maître, chaque jour, combattre contre le mal. Ses vieilles habitudes, ses tendances héréditaires au péché se coaliseront pour le dominer; il devra toujours être en garde contre ses adversaires, et lutter avec les armes du Christ pour triompher. Paul écrivait: "Faites donc mourir les membres qui sont sur la terre [...] parmi lesquels vous marchiez autrefois, lorsque vous viviez dans ces péchés. Mais maintenant, renoncez à toutes ces choses, à la colère, à l'animosité, à la méchanceté, à la calomnie, aux paroles déshonnêtes qui pourraient sortir de votre bouche. [...] Ainsi donc, comme des élus de Dieu, saints et bien-aimés, revêtez-vous d'entrailles de miséricorde, de bonté, d'humilité, de douceur, de patience. Supportez-vous les uns les autres, et, si l'un a sujet de se plaindre de l'autre, pardonnez-vous réciproquement. De même que Christ vous a pardonné, pardonnez-vous aussi. Mais par-dessus toutes ces choses revêtez-vous de la charité, qui est le lien de la perfection. Et que la paix de Christ, à laquelle vous avez été appelés pour former un seul corps, règne dans vos coeurs. Et soyez reconnaissants." CP 424 1 L'épître aux Colossiens est remplie de leçons de la plus haute valeur pour tous ceux qui sont au service du Christ -- leçons qui montrent la sincérité et la noblesse des intentions dont doivent faire preuve ceux qui représentent dignement le Sauveur. CP 424 2 Il faut que le chrétien renonce à tout ce qui pourrait l'empêcher de poursuivre sa marche ascendante, à tout ce qui le ferait dévier de son étroit sentier, qu'il fasse preuve dans sa vie quotidienne de miséricorde, de bonté, d'humilité, de douceur, de patience, d'amour pour le Christ. CP 424 3 Nous avons grand besoin d'une vie plus pure, plus noble, plus élevée. Nous pensons trop au monde et pas assez au royaume des cieux. CP 424 4 Dans les efforts qu'il tente pour atteindre l'idéal divin, le chrétien ne doit pas se laisser aller au désespoir, car la perfection morale et spirituelle par la grâce et la puissance du Christ est promise à tous. Jésus est la source de la vie. Il nous attire à sa Parole et nous offre des feuilles de l'arbre de vie pour panser nos âmes blessées par le péché. Il nous conduit au trône de Dieu et place sur nos lèvres une prière grâce à laquelle nous restons en étroite communion avec lui. Il met en oeuvre, à notre service, les forces toutes-puissantes du ciel, et à chaque pas nous sommes amenés en contact avec son pouvoir vivifiant. CP 425 1 Le Seigneur ne fixe pas de limites à ceux qui désirent être "remplis de la connaissance de sa volonté, en toute sagesse et intelligence spirituelle". Par la prière, la vigilance et la croissance dans la connaissance de Dieu, ils sont "fortifiés à tous égards par sa puissance glorieuse". C'est ainsi qu'ils peuvent travailler pour leur prochain. Le Sauveur désire que des hommes purifiés et sanctifiés soient pour lui comme une main secourable. Pour cet immense privilège, rendons grâces à celui qui nous a "rendus capables d'avoir part à l'héritage des saints dans la lumière, qui nous a délivrés de la puissance des ténèbres et nous a transportés dans le royaume du Fils de son amour". CP 425 2 L'épître aux Philippiens, comme celle aux Colossiens, fut écrite pendant que Paul était en captivité à Rome. L'église de Philippes avait envoyé des dons à l'apôtre par les soins d'Epaphrodite, au sujet duquel Paul disait: "Mon frère, [...] mon compagnon d'oeuvre et de combat, par qui vous m'avez fait parvenir de quoi pourvoir à mes besoins." Pendant son séjour à Rome, Epaphrodite fut malade et "tout près de la mort; mais Dieu a eu pitié de lui, et non seulement de lui, écrivait Paul, mais aussi de moi, afin que je n'eusse pas tristesse sur tristesse". Lorsqu'ils apprirent la maladie d'Epaphrodite, les Philippiens éprouvèrent une telle inquiétude que l'apôtre se décida à le leur envoyer. "Il désirait vous voir tous, écrivait Paul, et il était fort en peine de ce que vous aviez appris sa maladie. [...] Je l'ai donc envoyé avec d'autant plus d'empressement, afin que vous vous réjouissiez de le revoir, et que je sois moi-même moins triste. Recevez-le donc dans le Seigneur avec une joie entière, et honorez de tels hommes. Car c'est pour l'oeuvre de Christ qu'il a été près de la mort, ayant exposé sa vie afin de suppléer à votre absence dans le service que vous me rendiez." CP 425 3 Par Epaphrodite, Paul envoyait aux Philippiens une lettre de remerciement pour les dons qu'ils lui avaient fait parvenir. De toutes les églises, ce fut celle de Philippes qui se montra la plus généreuse envers l'apôtre. "Vous le savez vous-mêmes, Philippiens, disait Paul dans cette lettre, au commencement de la prédication de l'Evangile, lorsque je partis de la Macédoine, aucune église n'entra en compte avec moi pour ce qu'elle donnait et recevait; vous fûtes les seuls à le faire, car vous m'envoyâtes déjà à Thessalonique, et à deux reprises, de quoi pourvoir à mes besoins. Ce n'est pas que je recherche les dons; mais je recherche le fruit qui abonde pour votre compte. J'ai tout reçu, et je suis dans l'abondance; j'ai été comblé de biens, en recevant par Epaphrodite ce qui vient de vous comme un parfum de bonne odeur, un sacrifice que Dieu accepte, et qui lui est agréable." CP 426 1 "Que la grâce et la paix vous soient données de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus-Christ! Je rends grâces à mon Dieu de tout le souvenir que je garde de vous, ne cessant, dans toutes mes prières pour vous tous, de manifester ma joie au sujet de la part que vous prenez à l'Evangile, depuis le premier jour jusqu'à maintenant. Je suis persuadé que celui qui a commencé en vous cette bonne oeuvre la rendra parfaite pour le jour de Jésus-Christ. Il est juste que je pense ainsi de vous tous, parce que je vous porte dans mon coeur, soit dans mes liens, soit dans la défense et la confirmation de l'Evangile, vous qui tous participez à la même grâce que moi. Car Dieu m'est témoin que je vous chéris tous. [...] Et ce que je demande dans mes prières, c'est que votre amour augmente de plus en plus en connaissance et en pleine intelligence pour le discernement des choses les meilleures, afin que vous soyez purs et irréprochables pour le jour de Christ, remplis du fruit de justice qui est par Jésus-Christ, à la gloire et à la louange de Dieu." CP 426 2 La grâce de Dieu soutenait Paul dans ses liens; elle lui permettait de se réjouir dans la souffrance. Il écrivait aux Philippiens, avec une foi et une assurance admirables, que sa captivité avait contribué à l'avancement du règne de Dieu. Il déclarait: "Je veux que vous sachiez, frères, que ce qui m'est arrivé a plutôt contribué aux progrès de l'Evangile. En effet, dans tout le prétoire et partout ailleurs, nul n'ignore que c'est pour Christ que je suis dans les liens, et la plupart des frères dans le Seigneur, encouragés par mes liens, ont plus d'assurance pour annoncer sans crainte la parole." CP 427 1 L'épreuve de Paul est pour nous riche d'enseignements; elle nous montre comment Dieu agit. Le Seigneur peut faire éclater la victoire dans ce qui semble être pour nous la déroute et la défaite. Nous sommes tentés d'oublier Dieu, de regarder aux choses visibles, au lieu de regarder avec les yeux de la foi aux choses invisibles. Lorsque le malheur et la calamité fondent sur nous, nous sommes prêts à accuser Dieu de nous délaisser ou de nous traiter avec cruauté. S'il juge bon de se passer, dans une certaine mesure, de nos services, nous nous lamentons, sans penser qu'il peut ainsi travailler pour notre bien. Nous avons besoin d'apprendre que l'épreuve fait partie du vaste dessein de Dieu, et que sous la verge de l'affliction, le chrétien est parfois plus utile au Maître que lorsqu'il travaille pour lui. CP 427 2 Paul invitait les Philippiens à suivre l'exemple du Christ, qui, "existant en forme de Dieu, n'a point regardé comme une proie à arracher d'être égal avec Dieu, mais s'est dépouillé lui-même, en prenant une forme de serviteur, en devènant semblable aux hommes; et ayant paru comme un simple homme, il s'est humilié lui-même, se rendant obéissant jusqu'à la mort, même jusqu'à la mort de la croix". CP 427 3 "Ainsi, mes bien-aimés, continuait-il, comme vous avez toujours obéi, travaillez à votre salut avec crainte et tremblement, non seulement comme en ma présence, mais bien plus encore maintenant que je suis absent; car c'est Dieu qui produit en vous le vouloir et le faire, selon son bon plaisir. Faites toutes choses sans murmures ni hésitations, afin que vous soyez irréprochables et purs, des enfants de Dieu irrépréhensibles au milieu d'une génération perverse et corrompue, parmi laquelle vous brillez comme des flambeaux dans le monde, portant la parole de vie; et je pourrai me glorifier, au jour de Christ, de n'avoir pas couru en vain ni travaillé en vain." CP 427 4 Ces paroles furent écrites pour soutenir tous ceux qui luttent. Paul indique quel est le niveau de la perfection, et il montre comment l'atteindre: "Travaillez à votre salut, dit-il, [...] car c'est Dieu qui produit en vous le vouloir et le faire, selon son bon plaisir." CP 428 1 L'oeuvre du salut est une oeuvre d'association, de coopération. Il y a collaboration entre Dieu et le pécheur repentant; ce travail est indispensable pour la formation des vrais principes qui constituent un caractère. Nous devons lutter avec opiniâtreté pour dominer les obstacles qui nous empêchent de parvenir à la perfection. Mais nous dépendons absolument de Dieu pour réussir. CP 428 2 Les efforts humains ne suffisent pas en eux-mêmes. Sans le secours de la puissance divine, ils ne servent de rien. Dieu et l'homme doivent agir de concert. Il faut que la résistance à la tentation vienne de l'homme, qui puisera ses forces en Dieu. D'une part se trouvent la sagesse infinie, la compassion, la puissance; d'autre part, la faiblesse, la méchanceté, l'impuissance totale. CP 428 3 Dieu désire que nous ayons de l'empire sur nous-mêmes. Mais il ne peut nous aider sans notre propre consentement, ou sans notre collaboration. L'Esprit divin agit par les forces et les facultés données à l'homme. Par nous-mêmes, nous sommes incapables de mettre nos intentions, nos désirs, nos inclinations en harmonie avec la volonté de Dieu; mais si nous y consentons, le Sauveur accomplira ceci pour nous: "Nous renverserons les raisonnements et toute hauteur qui s'élève contre la connaissance de Dieu, et nous amènerons toute pensée captive à l'obéissance de Christ."12 CP 428 4 Celui qui veut former un caractère fort et bien équilibré, devenir un chrétien pondéré, doit s'abandonner totalement entre les mains du Christ et se dévouer pour lui, car le Rédempteur n'acceptera jamais un service partagé. Il apprendra, jour après jour, ce que veut dire renoncer à soi-même. Il étudiera les saintes Ecritures, en pénétrera le sens, obéira à ses préceptes. Ainsi, pourra-t-il atteindre la perfection chrétienne. CP 428 5 Jour après jour, Dieu collaborera avec l'homme pour perfectionner son caractère, afin qu'il soit en état de se présenter devant lui lors de l'épreuve finale. Jour après jour, le croyant montrera par une sublime expérience faite devant le monde et les anges comment peut opérer l'Evangile chez les êtres déchus. "Je ne pense pas l'avoir saisi; mais je fais une chose, écrit Paul: oubliant ce qui est en arrière et me portant vers ce qui est en avant, je cours vers le but, pour remporter le prix de la vocation céleste de Dieu en Jésus-Christ." CP 429 1 Paul s'adonnait à maintes tâches. Depuis le jour où il avait obéi au Sauveur, sa vie était absorbée par une activité débordante. Il allait de ville en ville, de pays en pays, prêchant le Christ crucifié, gagnant des âmes à l'Evangile, édifiant des églises. Celles-ci lui donnaient un souci constant, et il leur envoyait de nombreuses lettres pour les instruire. Parfois, il se livrait à son métier afin de pourvoir à ses besoins. Mais dans toutes ces activités, il ne perdait jamais de vue son but suprême: remporter le prix de la vocation céleste, rester fidèle à celui qui, à la porte de Damas, s'était révélé à lui. Rien ne pouvait l'en distraire. Exalter la croix du Calvaire était le mobile qui l'absorbait tout entier et inspirait ses paroles et ses actes. CP 429 2 Le but initial qui poussait Paul à avancer, face aux tribulations et aux vicissitudes, devrait déterminer tout serviteur de Dieu à se consacrer entièrement à son service. La terre et ses attraits se présenteront à lui pour essayer de détourner son attention du Sauveur, mais il se hâtera vers le but qui lui est proposé. Il montrera au monde, aux hommes et aux anges que le bonheur de voir la face de Dieu vaut la peine de faire tous les sacrifices que demande la réalisation de cette espérance. CP 429 3 Bien qu'il fût prisonnier, Paul n'était pas découragé. C'est plutôt un accent de triomphe qui retentit à travers toutes les lettres qu'il écrivit de Rome aux églises: "Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur, disait-il aux Philippiens; je le répète, réjouissez-vous. [...] Ne vous inquiétez de rien; mais en toute chose faites connaître vos besoins à Dieu par des prières et des supplications, avec des actions de grâces. Et la paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, gardera vos coeurs et vos pensées en Jésus-Christ. Au reste, frères, que tout ce qui est vrai, tout ce qui est honorable, tout ce qui est juste, tout ce qui est pur, tout ce qui est aimable, tout ce qui mérite l'approbation, ce qui est vertueux et digne de louange, soit l'objet de vos pensées. [...] Dieu pourvoira à tous vos besoins selon sa richesse, avec gloire, en Jésus-Christ. [...] Que la grâce du Seigneur Jésus-Christ soit avec votre esprit!" ------------------------Chapitre 46 -- La libération de Paul CP 431 1 Tandis que Dieu bénissait l'oeuvre de Paul à Rome, où les conversions se multipliaient, et où les croyants se fortifiaient dans la foi, des nuages s'amoncelaient à l'horizon et menaçaient, non seulement la sécurité de l'apôtre, mais aussi la prospérité de l'Eglise. A son arrivée dans la métropole, il avait été placé sous la surveillance d'un officier de la garde impériale, homme juste et intègre qui se montra assez clément pour laisser au prisonnier une liberté relative dans son travail. Mais peu avant que Paul achève ses deux ans de captivité, l'officier fut remplacé par un fonctionnaire de qui l'apôtre ne pouvait attendre aucune faveur. CP 431 2 Les Juifs étaient alors plus acharnés que jamais dans leurs attaques contre Paul, et ils trouvèrent une alliée facile dans la seconde femme de Néron, créature dépravée, prosélyte juive, qui employa son influence à faciliter toute intention criminelle contre le champion du christianisme. CP 431 3 Paul ne comptait pas beaucoup sur la justice de César à laquelle il avait fait appel. Néron était plus débauché, plus libertin, plus atrocement cruel que n'importe quel potentat l'ayant précédé. Les rênes du gouvernement ne pouvaient être confiées à un monarque plus despotique. La première année de son règne avait été marquée par l'empoisonnement de son demi-frère, héritier légitime du trône. De vices en crimes, Néron avait roulé dans l'abîme, et il était allé jusqu'à tuer sa mère, puis sa femme. On le croyait capable de toutes les atrocités possibles et de s'abaisser à commettre les actes les plus vils, si bien qu'il n'inspirait que mépris et aversion à toute personne aux sentiments nobles. CP 432 1 Les détails de l'iniquité qui régnait à la cour impériale sont trop avilissants, trop horrifiants pour se prêter à la description. La vie dissolue de l'empereur faisait naître chez tous dégoût et répugnance, même chez ceux qui étaient obligés de participer à ses crimes. Ils vivaient dans une crainte perpétuelle en pensant aux atrocités qu'il pouvait leur suggérer. Et cependant, bien que Néron exécutât de tels crimes, l'obéissance de ses sujets n'en était nullement affectée. Il était reconnu comme le souverain absolu de tout le monde civilisé; mieux encore: étant l'objet d'honneurs divins, on l'adorait comme un dieu. CP 432 2 A vues humaines, la condamnation de Paul par un tel juge était certaine. Mais l'apôtre savait qu'aussi longtemps qu'il resterait fidèle au Seigneur, il n'aurait rien à craindre. Celui qui, dans le passé, avait été si souvent son protecteur, le ferait encore triompher de la malice des Juifs et de la puissance de César. CP 432 3 En effet, Dieu fut avec son serviteur. Au cours de l'interrogatoire de Paul, les accusations dont on le chargeait ne furent pas retenues, et contrairement au verdict qu'on attendait généralement de la part de ce monarque aussi versatile, Néron déclara le prisonnier innocent. Les liens de l'apôtre tombèrent donc, et il redevint un homme libre. CP 432 4 Si son procès avait été plus longtemps différé, ou si, pour une cause quelconque, sa détention avait duré à Rome jusqu'à l'année suivante, il aurait sans nul doute péri au cours de la persécution qui sévit à ce moment-là. CP 433 1 Pendant la captivité de Paul, les chrétiens étaient devenus si nombreux à Rome qu'ils attirèrent l'attention des autorités et provoquèrent leur animosité. La colère de l'empereur s'alluma particulièrement contre les prosélytes de sa propre maison, et il ne tarda pas à trouver un prétexte pour faire des chrétiens l'objet de son impitoyable cruauté. CP 433 2 Ce fut à peu près à cette époque qu'un formidable incendie éclata à Rome, détruisant presque la moitié de la ville. Le bruit courut que Néron lui-même avait provoqué cet incendie; mais pour détourner les soupçons, il déploya une grande générosité à l'égard de ceux qui étaient sans foyer et sans ressource. Cependant, il fut accusé de ce crime. Le peuple en fut irrité et fou de rage; aussi pour se justifier et pour débarrasser en même temps la ville d'une secte qu'il redoutait et haïssait, Néron orienta l'accusation vers les chrétiens. Son stratagème réussit et des milliers de prosélytes, hommes, femmes, enfants, furent cruellement mis à mort. Paul échappa à cette persécution; car après avoir été relâché, il quitta Rome et profita de cette dernière période de liberté pour déployer une intense activité. CP 433 3 Il essaya d'établir une union plus étroite entre les églises grecques et les églises d'Orient, et de mettre en garde les chrétiens contre les fausses doctrines qui se propageaient et menaçaient de corrompre leur foi. CP 433 4 Mais les épreuves et les perplexités de l'apôtre Paul avaient porté atteinte à ses forces physiques. Il ressentait les infirmités de l'âge. Il avait le sentiment qu'il en était à ses derniers moments de labeur, et comme son temps de travail s'abrégeait, son activité devenait plus intense. Son zèle ne semblait pas connaître de bornes. Déterminé dans ses desseins, prompt à l'action, puissant dans la foi, il allait d'église en église, en divers pays, s'efforçant de fortifier les croyants pour qu'ils puissent faire un travail fidèle au service de la cause, et que dans le temps d'épreuves dans lequel ils entraient, ils demeurent fermement attachés à l'Evangile et témoignent fidèlement pour le Christ. ------------------------Chapitre 47 -- L'arrestation CP 435 1 Le travail que Paul reprit dans les églises, après avoir été acquitté à Rome, ne pouvait échapper à l'observation de ses ennemis. Depuis le début de la persécution menée par Néron, les chrétiens étaient considérés partout comme des proscrits. Au bout d'un certain temps, les Juifs non croyants avaient conçu l'idée de rendre l'apôtre responsable de l'incendie de Rome. Ils étaient certains qu'il n'en était pas coupable; mais ils savaient bien qu'une telle accusation, faite avec un minimum de vraisemblance, déciderait de son sort. Ils arrivèrent à le faire arrêter de nouveau, et il fut conduit précipitamment au lieu de sa détention finale. CP 435 2 Lors de son second voyage à Rome, l'apôtre fut accompagné par plusieurs de ses anciens compagnons d'oeuvre. D'autres désiraient vivement partager son sort, mais il ne leur permit pas de mettre leur vie en péril. La perspective qui s'ouvrait devant lui était bien moins favorable que lors de sa première captivité. CP 436 1 La persécution de Néron avait grandement diminué le nombre des chrétiens à Rome. Des milliers d'entre eux avaient été martyrisés pour leur foi, beaucoup avaient quitté cette ville, et ceux qui y restaient encore étaient effrayés et démoralisés. CP 436 2 Arrivé dans la capitale, Paul fut jeté dans un donjon ténébreux, où il dut rester jusqu'à sa mort. Accusé d'avoir comploté un attentat abominable contre la ville et la nation, il était devenu l'objet d'une haine universelle. CP 436 3 Les rares amis de l'apôtre, qui avaient partagé sa captivité, commençaient maintenant à l'abandonner, les uns par lassitude, les autres pour continuer à travailler dans les églises. Phygelle et Hermogène furent les premiers à le quitter. Puis Démas, effrayé par les nuages annonciateurs de tribulations et de dangers qui s'amoncelaient à l'horizon, quitta à son tour l'apôtre persécuté. Grescens fut envoyé par Paul aux églises de Galatie, Tite en Dalmatie, Thychique à Ephèse. L'apôtre écrivit à Timothée et lui fit part, en ces termes, de sa triste condition: "Luc est seul avec moi."1 Jamais Paul n'avait eu autant besoin de ses frères que maintenant, alors qu'il était affaibli par l'âge, le labeur, les infirmités, et relégué dans le cachot humide et sombre d'une prison romaine. CP 436 4 Les services de Luc, le "médecin" bien-aimé, l'ami fidèle, furent pour l'apôtre d'un grand réconfort, et lui permirent de rester en communication avec les frères et le monde extérieur. CP 436 5 Pendant cette période d'épreuves, Paul était fortifié par les visites fréquentes d'Onésiphore. Cet enthousiaste Ephésien fit tout ce qui était en son pouvoir pour alléger la peine du captif. Son très cher maître était dans les chaînes pour l'amour de la vérité, alors que lui jouissait de toute sa liberté; aussi ne s'épargna-t-il aucun effort pour adoucir le sort du prisonnier. Dans la dernière épître qu'il rédigea, l'apôtre parle ainsi de ce fidèle disciple: "Que le Seigneur répande sa miséricorde sur la maison d'Onésiphore, car il m'a souvent consolé, et il n'a pas eu honte de mes chaînes; au contraire, lorsqu'il est venu à Rome, il m'a cherché avec beaucoup d'empressement, et il m'a trouvé. Que le Seigneur lui donne d'obtenir miséricorde auprès du Seigneur en ce jour-là."2 CP 437 1 Le besoin d'amour et de compréhension a été implanté par Dieu lui-même dans le coeur de l'homme. Au moment de son agonie à Gethsémané, le Christ avait soif de la sympathie de ses disciples. De même Paul, apparemment indifférent à l'adversité et à la souffrance, soupirait dans son donjon après l'amitié de ses frères. Les visites d'Onésiphore, témoignages de sa fidélité, apportaient alors joie et réconfort au prisonnier, seul et abandonné, qui avait passé toute sa vie à servir les autres. ------------------------Chapitre 48 -- Paul devant Néron CP 439 1 Lorsque Paul fut sommé de comparaître devant Néron pour être jugé, il eut la conviction que sa mort était toute proche. La gravité du crime dont il était accusé, l'animosité qui régnait alors envers les chrétiens laissaient peu d'espoir, dans ce procès, à une issue favorable CP 439 2 Chez les Grecs et les Romains, on reconnaissait à un accusé le droit d'avoir recours à un avocat pour plaider son cas devant la justice. Grâce à une argumentation serrée, à une éloquence passionnée, à des supplications, à des prières, à des larmes, cet avocat obtenait souvent un jugement favorable au prisonnier, ou si une condamnation était prononcée, il s'efforçait d'en atténuer la sévérité. Mais quand Paul fut traduit devant Néron, nul n'osa se charger de sa défense. Nul ami ne fut présent pour nous transmettre le récit des accusations portées contre lui et des réponses qu'il fit à ces accusations. CP 439 3 Parmi les chrétiens de Rome, pas un seul ne vint lui tenir compagnie en cette heure décisive. C'est Paul qui nous donne lui-même le seul renseignement authentique de ce qui se passa. Lors de "ma première défense, écrivait-il dans sa seconde épître à Timothée, personne ne m'a assisté, mais tous m'ont abandonné. Que cela ne leur soit point imputé! C'est le Seigneur qui m'a assisté et qui m'a fortifié, afin que la prédication fût accomplie par moi et que tous les païens l'entendissent. Et j'ai été délivré de la gueule du lion."1 CP 440 1 Paul devant Néron. Quel contraste saisissant! Le monarque arrogant, devant lequel l'homme de Dieu devait répondre pour sa foi, avait atteint le faîte du pouvoir terrestre, de l'autorité, de la richesse ainsi que les abîmes les plus profonds du crime et de l'iniquité. Personne ne pouvait contester sa puissance, ni résister à sa volonté. Les rois déposaient leurs couronnes à ses pieds; des armées puissantes marchaient à son commandement, et les pavillons de sa flotte proclamaient ses victoires. Sa statue était érigée dans les cours de justice, et les décrets des sénateurs, comme les décisions des juges, n'étaient que l'écho de sa volonté. Des millions de sujets s'inclinaient, en obéissant à ses ordres. Son nom faisait trembler le monde entier. S'attirer son déplaisir était à la fois perdre ses biens, sa liberté, sa vie. Un mauvais regard de sa part était plus redoutable que la peste. CP 440 2 Sans amis, sans argent, sans avocat, le vieillard se tenait là, devant l'empereur. La face du tyran portait les traces dégradantes des passions qui bouillonnaient au-dedans de lui; celle de l'accusé reflétait une grande paix divine. CP 440 3 La vie de Paul avait été toute de pauvreté, de renoncement, de souffrance. Bien que ses ennemis aient essayé de le décourager par leurs injures, leurs menaces, les faux rapports qu'ils faisaient sans cesse à son sujet, l'apôtre n'avait jamais manqué de porter haut et hardiment l'étendard de la croix. Voyageur sans abri, comme son Maître, sa vie avait été une vie d'incessantes bénédictions pour l'humanité. Comment Néron, tyran capricieux, passionné et livré à la débauche aurait-il pu comprendre et apprécier le caractère ou les mobiles de cet homme de Dieu? CP 441 1 L'immense prétoire où se tenait Paul était envahi par une foule curieuse et agitée, qui s'impatientait et se pressait dans le haut de la salle pour voir et entendre ce qui allait se passer. Patriciens et plébéiens, riches et pauvres, savants et ignorants, orgueilleux et humbles s'y coudoyaient, tous aussi dépourvus de la vraie lumière qui conduit sur le chemin de la vie et vers le salut. CP 441 2 Les Juifs renouvelèrent contre Paul leurs vieilles accusations de crime, de sédition et d'hérésie. Ils se joignirent aux Romains pour le rendre responsable de l'incendie de la ville. Et alors que ces accusations pesaient sur lui l'apôtre conservait une sérénité parfaite. La foule et les juges le considéraient avec étonnement; ils avaient assisté à maints procès et à l'interrogatoire de plus d'un criminel, mais ils n'avaient jamais vu un homme manifester une paix aussi grande que celle de ce prisonnier. Le regard inquisiteur des juges, habitués à lire sur les traits des prévenus ce qui se passait en eux, cherchait en vain sur le visage de Paul les preuves de sa culpabilité. CP 441 3 Lorsqu'on permit à l'apôtre de présenter sa défense, toute l'assistance écouta avec un intense intérêt. Une fois de plus, Paul avait l'occasion d'élever la bannière de la croix devant une foule curieuse et étonnée. Les yeux fixés sur son auditoire, il considérait ces Juifs, ces Grecs, ces Romains mêlés aux étrangers de toutes nationalités, et son coeur frémissait du désir intense de les sauver. CP 441 4 Il oublie alors la situation où il se trouve, les périls qui le menacent, l'effroyable sort qui va être le sien. Il ne voit que Jésus seul, le grand intercesseur qui plaide devant Dieu la cause du pécheur, et il présente la vérité avec une éloquence et une force plus qu'humaines. Il parle à ses auditeurs du grand sacrifice qui a été consenti en faveur de la race déchue, du prix infini que représente le rachat de l'homme et des dispositions qui ont été prises pour lui permettre de partager le trône de Dieu. Par l'intermédiaire des messagers célestes, la terre est reliée au ciel, et toutes les actions des hommes, bonnes ou mauvaises, sont dévoilées aux yeux de la justice infinie. CP 442 1 C'est ainsi que l'avocat de la vérité présente son plaidoyer. Fidèle parmi les infidèles, loyal parmi les déloyaux, il se dresse comme le représentant de Dieu. Et sa voix semble venir du ciel. Nulle crainte, nulle tristesse, nul abattement ne paraît dans ses paroles ou sur son visage. Fortifié par la conviction de son innocence, revêtu de l'armure de la vérité, il se réjouit d'être enfant de Dieu. Ses paroles sont un chant de victoire dominant le tumulte de la bataille. La cause à laquelle il a consacré sa vie, dit-il, est la seule qui ne puisse jamais faillir. S'il doit périr, lui, l'Evangile ne périra pas. Dieu vit, et sa vérité triomphera. CP 442 2 Ce jour-là, le visage de l'apôtre parut, à tous ceux qui le regardaient, "comme celui d'un ange".2 CP 442 3 C'était la première fois que l'auditoire entendait des paroles semblables. Elles faisaient vibrer une corde sensible jusque dans les coeurs les plus endurcis, et l'on put voir l'erreur s'évanouir devant la clarté convaincante de la vérité. La lumière brilla dans de nombreux esprits qui, plus tard, la suivirent avec joie. Les vérités prononcées ce jour-là devaient ébranler les nations, traverser tous les siècles et influencer les coeurs des hommes quand les lèvres qui les avaient prononcées seraient scellées dans le tombeau d'un martyr. CP 442 4 Jamais Néron n'avait entendu la vérité comme il l'entendit alors. Jamais l'énorme culpabilité de sa vie ne lui avait été ainsi révélée. La lumière du ciel pénétra dans les recoins souillés de son âme et le fit trembler de terreur à la pensée d'un tribunal devant lequel, lui, le maître du monde, serait finalement traduit pour que ses oeuvres reçoivent leur juste récompense. Dans sa peur du Dieu de l'apôtre, il n'osa pas aller jusqu'à condamner l'inculpé contre lequel aucune accusation n'avait pu tenir. Un sentiment de frayeur paralysa pour un instant son esprit sanguinaire. Le ciel s'était ouvert devant son âme coupable et endurcie; la paix d'en haut, la pureté du ciel lui parurent désirables. A cette minute, un appel miséricordieux fut adressé à ce malheureux, mais le désir de pardon qu'il ressentit un instant s'évanouit rapidement. Ordre fut donné de ramener le vieillard dans sa prison; mais au moment où, sur le messager du ciel, se refermait la porte du cachot, se ferma sur Néron la porte du repentir. Dès lors, nul rayon de la lumière céleste ne perça plus jamais les ténèbres qui l'enveloppaient. Il dut bientôt subir lui-même les coups de la colère divine. CP 443 1 Peu de temps après, Néron s'embarqua pour son infâme expédition en Grèce qui fit rejaillir sur lui et son empire le déshonneur de sa conduite dépravée et méprisable. Il retourna à Rome en grande pompe, s'entoura de ses courtisans, et se livra alors à une débauche effrénée. Mais au milieu de cette orgie, on entendit des voix tumultueuses s'élever dans les rues. Un messager, dépêché pour en connaître la cause, revint avec la terrifiante nouvelle que Galba, à la tête d'une armée, avançait en grande hâte vers Rome. L'insurrection avait déjà éclaté dans la ville; les rues grouillaient d'une populace déchaînée qui s'approchait du palais impérial et menaçait de mettre à mort l'empereur et tous ses partisans. CP 443 2 En cet instant de péril, Néron n'avait pas, comme le fidèle apôtre, un Sauveur puissant et compatissant sur lequel il pouvait s'appuyer. Comme il redoutait la souffrance de la torture que la foule risquait de lui infliger, l'abject tyran pensa mettre lui-même fin à ses jours; mais, au moment voulu, le courage lui manqua. Complètement désemparé, il s'enfuit ignominieusement de la ville et chercha refuge dans une maison de campagne, située à quelques kilomètres de Rome. Mais il ne put sauver sa vie. Le lieu de son refuge fut bientôt découvert, et tandis que les cavaliers le poursuivaient, il appela un esclave à son aide et se blessa mortellement. Ainsi périt prématurément Néron, le tyran, à l'âge de trente-deux ans. ------------------------Chapitre 49 -- La dernière lettre de Paul Ce chapitre est basé sur la seconde épître à Timothée. CP 445 1 En réintégrant sa cellule, après avoir quitté le tribunal impérial, Paul se rendit bien compte qu'il n'avait gagné qu'un bref répit. Il savait que ses ennemis ne désarmeraient pas tant qu'ils n'auraient pas obtenu sa mort. Mais il savait aussi que la vérité avait eu son moment de triomphe. Quelle victoire n'avait-elle pas remportée, en effet, lorsqu'il avait parlé devant l'immense foule, attentive à ses paroles, du Sauveur crucifié et ressuscité! Un travail avait été amorcé ce jour-là, un travail qui irait grandissant et s'affermissant, et que Néron et tous les autres ennemis du Christ s'efforceraient en vain d'arrêter ou de détruire. CP 445 2 Assis dans sa lugubre cellule, certain qu'un mot ou un geste de Néron peut mettre fin à sa vie, Paul songe à Timothée, et il se décide à l'appeler auprès de lui. Celui-ci, chargé du soin de l'église d'Ephèse, n'avait pu, par conséquent, accompagner l'apôtre lors de son dernier voyage à Rome. Depuis sa conversion, il avait partagé les travaux et les souffrances de Paul. Ces deux hommes étaient liés l'un à l'autre par une affection d'une profondeur peu commune, et qui devenait de jour en jour plus forte et plus sacrée. Tout ce qu'un fils peut être pour son père aimé et honoré, Timothée l'était pour le vieil apôtre, usé par le labeur. On comprend dès lors avec quelle ardeur, dans sa solitude, ce dernier désirait le revoir. CP 446 1 Mais, même si les circonstances se présentaient sous leur jour le plus favorable, Timothée devait attendre plusieurs mois avant que, d'Asie Mineure, il puisse atteindre Rome. Paul savait que ses jours étaient comptés, et il craignait que son jeune disciple n'arrivât trop tard. Il avait d'importants conseils à lui donner, des instructions particulières, nécessaires au jeune homme qui assumait de lourdes responsabilités. Et tandis qu'il le pressait de venir sans délai, il lui adressait ses dernières volontés, de peur de ne pouvoir le faire oralement. L'âme pleine d'une touchante sollicitude pour son fils spirituel, et pour l'église dont il avait la charge, l'apôtre cherchait à le pénétrer de l'importance de la fidélité à sa mission sacrée. CP 446 2 Paul commençait sa lettre par cette salutation: "A Timothée, mon enfant bien-aimé: que la grâce, la miséricorde et la paix te soient données de la part de Dieu le Père et de Jésus-Christ notre Seigneur! Je rends grâces à Dieu, que mes ancêtres ont servi, et que je sers avec une conscience pure, de ce que nuit et jour je me souviens continuellement de toi dans mes prières." CP 446 3 L'apôtre l'exhortait ensuite à rester ferme dans la foi. "C'est pourquoi, disait-il, je t'exhorte à ranimer le don de Dieu que tu as reçu par l'imposition de mes mains. Car ce n'est pas un esprit de timidité que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d'amour et de sagesse. N'aie donc point honte du témoignage à rendre à notre Seigneur, ni de moi son prisonnier. Mais souffre avec moi pour l'Evangile, par la puissance de Dieu." Paul suppliait Timothée de se souvenir qu'il l'avait appelé à "une sainte vocation" pour proclamer la puissance de celui qui "a mis en évidence la vie et l'immortalité par l'Evangile. C'est pour cet Evangile, ajoute-t-il, que j'ai été établi prédicateur et apôtre, chargé d'instruire les païens. Et c'est à cause de cela que je souffre ces choses; mais je n'en ai point honte, car je sais en qui j'ai cru, et je suis persuadé qu'il a la puissance de garder mon dépôt jusqu'à ce jour-là." CP 447 1 Durant sa longue carrière, Paul resta toujours fidèle à son Sauveur. Où qu'il fût, devant les pharisiens menaçants ou les autorités romaines, en présence de la foule furieuse de Lystre ou de pécheurs endurcis, dans une geôle macédonienne, discutant avec les matelots épouvantés sur le vaisseau naufragé ou comparaissant devant Néron pour défendre sa vie, jamais il n'eut honte de la cause dont il se fit l'avocat. L'unique et grand objet de sa vie chrétienne fut de servir celui dont il avait autrefois méprisé le nom; et ni l'opposition, ni la persécution ne devaient l'en détourner. Sa foi, affermie par la lutte et purifiée par le sacrifice, le soutint et le fortifia. CP 447 2 "Toi donc, mon enfant, continuait Paul, fortifie-toi dans la grâce qui est en Jésus-Christ. Et ce que tu as entendu de moi en présence de beaucoup de témoins, confie-le à des hommes fidèles, qui soient capables de l'enseigner aussi à d'autres. Souffre avec moi, comme un bon soldat de Jésus-Christ." Le vrai serviteur de Dieu ne cherche pas à éviter les tribulations et les responsabilités. CP 447 3 Celui qui désire sincèrement la puissance divine s'abreuve à la source qui ne tarit jamais. Il y puise les forces qui lui permettent de lutter contre la tentation, de la vaincre, et de s'acquitter de ses devoirs envers le Seigneur. La grâce qu'il reçoit lui fait mieux connaître Dieu et son Fils. Il désire avec ardeur servir utilement le Maître, et alors qu'il avance sur le sentier de la vie chrétienne, il devient "fort de la grâce qui est en Jésus-Christ". Cette grâce le rend capable d'être le témoin fidèle des choses qu'il a entendues; il ne dédaigne ni ne néglige la connaissance qu'il a reçue de Dieu, mais il en fait part à ses semblables qui, à leur tour, en instruisent leur prochain. CP 448 1 Dans sa dernière épître à Timothée, Paul présente au jeune serviteur de Dieu l'idéal élevé du ministère, ainsi que les devoirs qui lui incombent. "Efforce-toi de te présenter devant Dieu comme un homme éprouvé, un ouvrier qui n'a point à rougir, qui dispense droitement la parole de la vérité, écrivait l'apôtre. [...] Fuis les passions de la jeunesse, et recherche la justice, la foi, la charité, la paix, avec ceux qui invoquent le Seigneur d'un coeur pur. Repousse les discussions folles et inutiles, sachant qu'elles font naître des querelles. Or, il ne faut pas qu'un serviteur du Seigneur ait des querelles; il doit, au contraire, avoir de la condescendance pour tous, être propre à enseigner, doué de patience; il doit redresser avec douceur les adversaires, dans l'espérance que Dieu leur donnera la repentance pour arriver à la connaissance de la vérité." CP 448 2 L'apôtre mettait en garde Timothée contre les faux docteurs qui chercheraient à s'introduire dans l'Eglise. "Sache que, écrivait-il, dans les derniers jours, il y aura des temps difficiles. Car les hommes seront égoïstes, amis de l'argent, fanfarons, hautains, blasphémateurs, rebelles à leurs parents, ingrats, irréligieux, insensibles, déloyaux, calomniateurs, intempérants, cruels, [...] ayant l'apparence de la piété, mais reniant ce qui en fait la force." CP 448 3 "Mais les hommes méchants et imposteurs avanceront toujours plus dans le mal, égarant les autres et égarés eux-mêmes. Toi, demeure dans les choses que tu as apprises, et reconnues certaines, sachant de qui tu les as apprises: dès ton enfance, tu connais les saintes lettres, qui peuvent te rendre sage à salut. [...] Toute Ecriture est inspirée de Dieu, et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice, afin que l'homme de Dieu soit accompli et propre à toute bonne oeuvre." CP 448 4 Dieu a tout fait pour assurer le triomphe de ceux qui luttent contre le mal. La Bible est l'armure dont nous devons nous revêtir. "Ayons à nos reins la vérité pour ceinture; revêtons la cuirasse de la justice; [...] prenons pardessus tout cela le bouclier de la foi, [...] le casque du salut, et l'épée de l'Esprit, qui est la parole de Dieu." Nous nous frayerons ainsi un passage à travers les obstacles et les pièges du péché. CP 449 1 Paul savait que l'Eglise allait vers de grands périls, et qu'un travail fidèle et opiniâtre devrait être accompli par ceux à qui serait confiée la charge des communautés, et il écrivait: "Je t'en conjure devant Dieu et devant Jésus-Christ, qui doit juger les vivants et les morts, et au nom de son apparition et de son royaume, prêche la parole, insiste en toute occasion, favorable ou non, reprends, censure, exhorte, avec toute douceur et en instruisant." CP 449 2 Cette exhortation solennelle, faite à un serviteur aussi fidèle que Timothée, est un témoignage puissant qui montre l'importance de la tâche pastorale. Paul assigne son disciple au tribunal de Dieu, et lui ordonne de ne pas prêcher la Parole selon les préceptes et les coutumes des hommes; il l'enjoint d'être prêt à témoigner pour Dieu quand l'occasion s'en présente, devant les grandes assemblées comme devant les petits groupes, sur les routes et au coin du feu, aux amis et aux ennemis, en lieu sûr ou exposé aux tribulations, au péril, à l'opprobre, aux privations. L'apôtre craignait que la douceur de Timothée et sa tolérance ne le portent à négliger une partie essentielle de sa tâche; c'est pourquoi il l'exhortait à rester ferme à l'égard des pécheurs et à les réprimander sévèrement, lorsqu'ils s'étaient montrés coupables de fautes graves. Cependant, il fallait qu'il "supporte les souffrances" et remplisse bien son ministère. Il devait manifester la patience et l'amour du Christ, tout en justifiant et en accentuant ses reproches par les enseignements de la Parole. CP 449 3 Haïr et réprouver le péché, tout en montrant de la tendresse et de la pitié pour le pécheur, est une tâche difficile. Lorsque nous serons fermement décidés à parvenir à la sainteté, lorsque le sentiment de notre péché se fera plus précis, alors nous serons plus résolus à réprouver tout écart du droit chemin. Nous devons nous garder de toute sévérité excessive à l'égard de celui qui s'égare, mais il nous faut aussi compter sur la malignité extrême du mal. Témoignons aux pécheurs la patience et l'amour du Christ; mais ne montrons pas une trop grande tolérance envers leurs fautes, car ils considéreraient par la suite toute réprimande comme déplacée et injuste. CP 450 1 Les pasteurs font parfois beaucoup de mal en manifestant une trop grande indulgence envers ceux qui se perdent. Ils peuvent en venir ainsi à supporter le péché, voire à y participer. Ils sont amenés à excuser et à admettre ce que Dieu condamne. A la longue, ils sont tellement aveuglés, qu'ils approuvent ceux-là même que le Seigneur leur enjoint de réprouver. CP 450 2 Le ministre dont les facultés spirituelles s'obscurcissent par une indulgence coupable à l'égard du mal, ne tardera pas à commettre un péché aussi grave en se montrant dur et sévère envers le croyant agréé de Dieu. CP 450 3 Tous ceux qui font profession d'être chrétiens, et croient pouvoir instruire les autres, failliront à leur tâche, s'ils font preuve d'orgueil en méprisant l'influence du Saint-Esprit et les vérités divines. Paul déclarait à Timothée: "Il viendra un temps où les hommes ne supporteront pas la saine doctrine; mais, ayant la démangeaison d'entendre des choses agréables, ils se donneront une foule de docteurs selon leurs propres désirs, détourneront l'oreille de la vérité, et se tourneront vers les fables." CP 450 4 L'apôtre ne fait pas allusion ici aux hommes qui se déclarent ouvertement irréligieux, mais à ceux qui font profession d'être chrétiens, qui prennent leurs penchants comme ligne de conduite, et deviennent ainsi esclaves de leur propre personne. Certains n'adoptent que les doctrines qui ne condamnent ni leurs péchés, ni leur vie de plaisir. Ils sont offensés par les paroles sévères des fidèles serviteurs du Christ, et ils préfèrent rechercher des docteurs qui les flattent et les encouragent. CP 450 5 Parmi ceux qui se disent ministres, certains enseignent des théories humaines au lieu de prêcher la Parole de Dieu. Etant infidèles à leur mission, ils égarent ceux qui cherchent en eux un guide spirituel. CP 451 1 Dieu a donné, dans les préceptes de sa sainte loi, une règle de vie parfaite, et il a déclaré que jusqu'à la fin des temps cette loi qui ne doit pas varier d'un seul iota régnera sur les êtres humains. Le Christ est venu pour l'honorer et la magnifier. Il a montré qu'elle repose sur les bases solides de l'amour envers Dieu et envers le prochain, et que le devoir de l'homme réside dans l'obéissance à ses préceptes. Le Christ a donné personnellement l'exemple de l'obéissance. Dans le sermon sur la montagne, il a montré que les exigences de la loi dépassent les actes extérieurs et s'inspirent des pensées et des intentions du coeur. Les hommes qui s'y conforment sont amenés à renoncer "aux convoitises mondaines, et à vivre dans le siècle présent selon la sagesse, la justice et la piété".1 Mais l'ennemi de toute justice a rendu le monde captif, en poussant les hommes à désobéir au Décalogue. Selon les prédictions de Paul, des multitudes se détournent de la saine doctrine pour suivre les docteurs qui leur présentent des fables agréables. Les commandements de Dieu sont foulés aux pieds, à la fois par les ministres et par les gens du monde. Le Créateur est ainsi bafoué, et Satan triomphe en réalisant ses desseins. CP 451 2 Plus la loi de Dieu est méprisée, plus s'amplifient l'irréligion, l'orgueil, l'amour du plaisir, la désobéissance aux parents, l'égoïsme sous toutes ses formes. Et partout s'entend le cri angoissé des gens inquiets: "Que faut-il faire pour supprimer ces maux alarmants?" La réponse se trouve dans l'exhortation de Paul à Timothée: "Prêche la parole." La Bible contient, en effet, les seuls principes d'action solides; elle est l'expression de la volonté et de la sagesse de Dieu. Elle ouvre l'esprit de l'homme aux grands problèmes de la vie, et se révèle un guide infaillible pour tous ceux qui suivent ses préceptes. CP 451 3 Dieu nous a fait connaître sa volonté. C'est folie de la part des hommes de mettre en doute les paroles prononcées par les lèvres divines. Lorsque la sagesse infinie a parlé, il est insensé d'essayer de formuler des questions douteuses, ou d'établir un compromis fallacieux. Tout ce que Dieu réclame de l'homme, c'est l'acceptation totale et loyale de sa volonté. L'obéissance est la règle la plus parfaite de la raison et de la conscience. CP 452 1 Paul continue son exhortation en ces termes: "Sois sobre en toutes choses, supporte les souffrances, fais l'oeuvre d'un évangéliste, remplis bien ton ministère." CP 452 2 L'apôtre était sur le point d'achever sa course; il désirait que Timothée le remplace et mette l'Eglise à l'abri des fables et des erreurs que l'ennemi lui présenterait pour la détourner de la simplicité de l'Evangile. Il le suppliait d'éviter toute préoccupation, tout embarras temporel qui l'empêcherait de se donner entièrement à l'oeuvre de Dieu; de supporter avec joie l'opposition, la contradiction, la persécution auxquelles il serait exposé; de rendre un témoignage parfait de sa vocation, en employant tous les moyens possibles pour faire du bien à ceux pour lesquels le Christ est mort. CP 452 3 Paul incarnait dans sa vie les vérités qu'il enseignait, et c'est là que résidait sa force. Il avait le sens profond des responsabilités qui lui incombaient; c'est pourquoi il travaillait en étroite communion avec Dieu, source de justice, de miséricorde et de vérité. Il se cramponnait à la croix du Calvaire, seule capable de lui assurer le succès. L'amour du Sauveur était le principe vital qui le soutenait dans ses conflits: conflits avec lui-même, avec le mal, tout au long de son ministère, alors qu'il avait à lutter contre un monde hostile et des ennemis farouches. CP 452 4 Ce dont l'Eglise a besoin, à notre époque troublée, c'est d'une armée d'ouvriers évangéliques, formés pour le service comme le fut Paul, d'ouvriers ayant une expérience profonde des choses de Dieu, et travaillant avec zèle et ardeur. Il faut des hommes sanctifiés et prêts aux sacrifices, des hommes qui ne reculent ni devant l'épreuve, ni devant la responsabilité; des hommes intrépides et sincères dans le coeur desquels le Christ est "l'espérance de la gloire", dont les lèvres ont été touchées par le "charbon ardent" et qui "prêchent la Parole". CP 453 1 La cause de Dieu périclite parce qu'on manque de tels hommes. Comme un poison mortel, de fatales erreurs pervertissent la moralité et ternissent les espoirs d'une grande partie de l'humanité. CP 453 2 Qui se lèvera pour prendre la place des porteurs de la bannière du Christ, de ces fidèles serviteurs usés par le labeur, et qui ont sacrifié leur vie pour l'amour de la vérité? Nos jeunes gens se chargeront-ils du dépôt sacré que leur remettront leurs aînés? Se préparent-ils à combler les vides causés par leur mort? L'exhortation de l'apôtre sera-t-elle écoutée, l'appel au devoir entendu, alors que l'égoïsme et l'ambition sollicitent si fortement la jeunesse? CP 453 3 Paul terminait sa lettre par un message adressé à quelques fidèles, et en insistant sur le pressant besoin qu'il ressentait de voir arriver Timothée -- avant l'hiver, si possible. Il parlait de sa solitude, causée par l'abandon de certains de ses amis et par l'absence justifiée de certains autres. Et de crainte que Timothée n'osât quitter l'église d'Ephèse, Paul le rassurait en lui disant qu'il lui avait déjà envoyé Tychique pour le remplacer. CP 453 4 Après avoir parlé du procès qui eut lieu devant Néron, de l'abandon de ses frères, de la miséricorde de Dieu qui le soutenait dans l'épreuve, Paul confiait son bien-aimé Timothée à la garde du Berger suprême, qui prendrait soin de son troupeau, malgré le sort fatal qui serait réservé à ses fidèles serviteurs. ------------------------Chapitre 50 -- La condamnation à mort CP 455 1 Au cours du procès final de Paul, Néron, profondément impressionné par la force d'argumentation de l'apôtre, avait différé sa sentence, n'osant ni acquitter, ni condamner l'accusé. Mais sa cruauté ne tarda pas à se réveiller. Exaspérer par son impuissance à réduire à néant les progrès de la religion chrétienne, qui s'était infiltrée jusque dans le palais impérial, il décida de faire mettre l'apôtre à mort dès qu'il trouverait un prétexte valable. Peu de temps après, il prononça la sentence suprême qui fit de Paul un martyr. CP 455 2 Un citoyen romain condamné à mort devait être décapité; mais on n'avait pas le droit de le torturer. Paul fut amené secrètement sur le lieu de l'exécution à laquelle peu de personnes furent autorisées à assister. En effet, les persécuteurs, effrayés par l'influence qu'il exerçait auprès et au loin, redoutaient que de nouveaux prosélytes ne soient gagnés au christianisme par le spectacle de sa mort. Mais même les soldats les plus endurcis, qui avaient la garde du condamné, prêtèrent l'oreille à ses paroles, stupéfaits de constater qu'il envisageait la mort avec courage, voire avec joie. CP 456 1 Pour certains de ceux qui assistèrent au martyre, l'esprit de pardon manifesté par l'apôtre envers ses meurtriers et son inébranlable confiance en Christ jusqu'aux derniers instants furent "une odeur de vie donnant la vie". CP 456 2 Plusieurs acceptèrent le Sauveur prêché par Paul et ne tardèrent pas à sceller courageusement leur foi dans le sang. La vie de l'apôtre fut, jusqu'à l'heure suprême, un témoignage de la véracité des paroles qu'il avait adressées aux Corinthiens: CP 456 3 "Dieu, qui a dit: La lumière brillera du sein des ténèbres! a fait briller la lumière dans nos coeurs pour faire resplendir la connaissance de la gloire de Dieu sur la face de Christ. Nous portons ce trésor dans des vases de terre, afin que cette grande puissance soit attribuée à Dieu, et non pas à nous. Nous sommes pressés de toute manière, mais non réduits à l'extrémité; dans la détresse, mais non dans le désespoir; persécutés, mais non abandonnés; abattus, mais non perdus; portant toujours avec nous dans notre corps la mort de Jésus, afin que la vie de Jésus soit aussi manifestée dans notre corps."1 CP 456 4 Cette sérénité ne venait pas de lui-même, mais du Saint-Esprit qui remplissait son âme, et soumettait sa pensée à la volonté du Christ. Le prophète déclare: "Tu assures la paix, la paix, parce qu'il se confie en toi."2 Cette paix d'en haut qui rayonnait sur le visage de Paul gagna plus d'un coeur à l'Evangile. CP 456 5 Une atmosphère céleste émanait de la personne de l'apôtre. Tous ceux qui l'approchaient étaient impressionnés par son union avec le Christ. Du fait que sa conduite était une démonstration des principes qu'il proclamait, sa prédication avait une puissance convaincante. C'est là, en effet, que réside la force de la vérité. L'influence inconsciente et involontaire exercée par une vie sainte est le plus éloquent sermon en faveur du christianisme. L'argumentation, pour si irréfutable qu'elle soit, peut provoquer la contradiction; mais l'exemple d'une existence irréprochable a un pouvoir auquel il est difficile de résister entièrement. CP 457 1 Dans sa sollicitude pour ceux qu'il allait quitter, l'apôtre perdait de vue les souffrances qui l'attendaient. Il pensait aux préjugés, à la haine et à la tribulation qu'ils auraient à subir. Il essayait d'encourager et de fortifier les rares chrétiens qui l'accompagnaient sur le lieu de l'exécution, en leur répétant les promesses faites aux martyrs persécutés pour la justice. Il leur affirmait que s'accomplirait tout ce que le Seigneur avait promis à ses fidèles enfants soumis à l'épreuve. Ils auraient à affronter de nombreuses tentations; ils seraient peut-être privés de leurs biens terrestres, mais ils s'encourageraient par l'assurance de la fidélité de Dieu; et ils pourraient dire: "Je sais en qui j'ai cru, et je suis persuadé qu'il a la puissance de garder mon dépôt jusqu'à ce jour-là."3 Bientôt s'achèverait la nuit de l'épreuve et de la souffrance; un matin radieux se lèverait, annonçant une journée de paix et de bonheur parfait. CP 457 2 Les yeux fixés sur l'au-delà, l'apôtre n'éprouve ni crainte, ni frayeur, mais une joyeuse espérance dans une attente impatiente. Debout sur le lieu où il va subir le martyre, il ne voit ni l'épée de l'exécuteur, ni la terre qui bientôt recevra son sang. Il lève les yeux vers le ciel pur et bleu de ce beau jour d'été, à travers lequel il contemple le trône de l'Eternel. CP 457 3 Cet homme de foi a devant les yeux l'échelle de la vision de Jacob représentant le Christ qui relie la terre au ciel, l'homme fini au Dieu infini. Sa foi est fortifiée par le souvenir des patriarches et des prophètes mettant leur confiance en celui qui soutient et console, et pour lequel il donne sa vie. De ces saints hommes, qui de siècle en siècle ont rendu témoignage de leur foi, il a hérité la confiance en la fidélité de Dieu. CP 457 4 Ses compagnons, apôtres comme lui, qui, pour prêcher l'Evangile du Christ, affrontèrent le fanatisme religieux et la superstition païenne, la persécution et le mépris, ces hommes pour lesquels la vie ne comptait pas, à moins qu'ils ne puissent faire briller la lumière de la croix dans le dédale des infidélités, ceux-là, il les entend témoigner que Jésus est le Fils de Dieu et le Sauveur du monde. CP 458 1 Du gibet, du donjon, de la roue, des cavernes et des antres de la terre, retentit à son oreille le cri de triomphe du martyr. Il entend les chrétiens qui, bien qu'affligés, tourmentés, abandonnés, rendent solennellement et courageusement leur témoignage, en disant: "Je sais en qui j'ai cru." Tous ces martyrs, qui ont fait le sacrifice de leur vie, déclarent au monde que le Seigneur en qui ils ont mis leur confiance est capable de les sauver parfaitement. CP 458 2 Racheté par le sacrifice du Christ, lavé du péché par son sang, et revêtu de sa justice, Paul peut être assuré que son âme est précieuse aux yeux du Rédempteur. Sa vie est "cachée avec le Christ en Dieu", et il est persuadé que le vainqueur de la mort peut garder ce qui lui a été confié. Son esprit se saisit de la promesse du Sauveur: "Je le ressusciterai au dernier jour."4 Ses pensées et ses espoirs convergent vers le second avènement du Christ. Et tandis que l'épée du bourreau tombe, et que l'ombre de la mort enveloppe le martyr, la dernière pensée de celui-ci se porte en avant, comme le fera sa première au grand réveil, pour saluer celui qui donne la vie, celui qui l'accueillera dans l'allégresse avec tous les rachetés. CP 458 3 Près de deux mille ans se sont écoulés depuis que l'apôtre Paul, au déclin de sa vie, scella de son sang le témoignage qu'il rendit à la Parole de Dieu et à son Sauveur. Aucune plume n'a enregistré pour les générations futures la scène finale de sa vie sainte. Mais l'inspiration nous a conservé son ultime témoignage. Comme un coup de clairon, ce cri de victoire a traversé les siècles, ranimé le courage de milliers de témoins de Jésus-Christ, et éveillé dans de nombreux coeurs cet écho de joie triomphante: "Pour moi, je sers déjà de libation, et le moment de mon départ approche. J'ai combattu le bon combat, j'ai achevé la course, j'ai gardé la foi. Désormais la couronne de justice m'est réservée; le Seigneur, le juste juge, me la donnera dans ce jour-là, et non seulement à moi, mais encore à tous ceux qui auront aimé son avènement."5 ------------------------Chapitre 51 -- Un fidèle berger Ce chapitre est basé sur la première épître de Pierre. CP 461 1 On fait peu mention, dans le livre des Actes, de l'oeuvre de l'apôtre Pierre durant ses dernières années. L'activité qu'il déploya, après l'effusion du Saint-Esprit au jour de la Pentecôte, le classe parmi ceux qui s'efforcèrent d'atteindre les Juifs venus à Jérusalem pour adorer Dieu, à l'époque des fêtes. CP 461 2 Tandis que le nombre des chrétiens s'accroissait dans cette ville et dans tous les pays où s'étaient répandus les messagers de la croix, les qualités de Pierre s'avéraient, pour l'Eglise primitive, d'une inestimable valeur. L'influence de son témoignage relatif à Jésus de Nazareth s'étendait partout. Il assumait une double charge: il rendait témoignage du Messie devant les incrédules, qu'il désirait ardemment convertir, et il s'occupait en même temps des chrétiens dont il affermissait la foi en Christ. CP 461 3 Ce ne fut qu'après avoir été amené à renoncer à lui-ême et à se confier entièrement en la puissance divine que l'apôtre reçut sa mission de berger. Le Christ lui avait dit, avant son reniement: "Quand tu seras converti, affermis tes frères."1 Ces paroles étaient significatives quant à la tâche immense et importante qui l'attendait, et qu'il devrait accomplir auprès des inconvertis. CP 462 1 L'expérience personnelle de Pierre, lequel avait péché, souffert et s'était repenti, l'avait préparé pour cette oeuvre. Tant qu'il n'avait pas conscience de sa faiblesse, il ne pouvait connaître le besoin qu'a le croyant de dépendre du Christ. Mais au milieu du tumulte des tentations, il avait mieux compris que l'homme ne peut trouver le salut qu'en se défiant complètement de lui-même, et en se reposant entièrement sur le Sauveur. CP 462 2 Quand le Christ et ses disciples se réunirent pour la dernière fois au bord de la mer, Pierre, mis à l'épreuve par la question répétée trois fois: "M'aimes-tu?"2 fut réintégré parmi les Douze. Son oeuvre lui était assignée: il devait paître les brebis du Seigneur. Maintenant, converti et ainsi réhabilité, il ne chercherait pas seulement à sauver ceux qui étaient hors du troupeau, mais deviendrait le pasteur des brebis. CP 462 3 Le Christ mentionne à Pierre une condition nécessaire à son service, lorsqu'il lui pose la question: "M'aimes-tu?" C'est là, en effet, l'essentiel. Bien que Pierre possédât toutes les autres qualités, sans l'amour du Christ il ne pouvait être un fidèle berger du troupeau de Dieu. La connaissance, la bonté, l'éloquence, le zèle sont essentiels pour accomplir un bon travail, mais sans la charité, la tâche du ministre chrétien court vers un échec. CP 462 4 L'amour du Christ n'est pas un sentiment passager, mais un principe vital qui doit se manifester comme une force résidant dans le coeur. Si le caractère et la conduite du pasteur sont une démonstration de la vérité qu'il enseigne, alors le Seigneur met le sceau de son approbation sur son travail. Le berger et le troupeau ne font qu'un, unis par leur commune espérance en Christ. CP 463 1 La façon dont le Christ avait traité Pierre contenait une leçon pour le disciple et pour ses frères. Bien que l'apôtre ait renié son Maître, l'amour que Jésus éprouvait pour lui n'avait jamais faibli. Lorsque Pierre enseignerait la Parole de Dieu, il devrait faire preuve, envers le pécheur, de patience, de sympathie et d'amour miséricordieux. Le souvenir de sa faiblesse et de son égarement l'amènerait à se comporter, envers les brebis et les agneaux confiés à ses soins, avec la même tendresse que le Christ lui avait témoignée. CP 463 2 Les êtres humains, adonnés eux-mêmes au mal, sont portés à agir durement avec les égarés et les faibles. Ils ne savent pas lire dans leur coeur, et ne connaissent pas leurs luttes, leurs souffrances. Ils ont besoin d'apprendre à connaître la réprimande faite avec amour, le coup qui blesse pour guérir, l'avertissement qui apporte l'espérance. CP 463 3 Au cours de son ministère, Pierre veilla fidèlement sur le troupeau qui lui était confié, et il se montra digne de la responsabilité dont le Seigneur l'avait chargé. Il louait sans cesse Jésus de Nazareth, l'espoir d'Israël, le Sauveur de l'humanité. Il imposait à sa vie personnelle la discipline du Maître. Il s'efforçait de former les chrétiens par tous les moyens en son pouvoir, en vue du service actif. Son saint exemple, son activité inlassable inspiraient à des jeunes gens d'avenir le désir de se consacrer entièrement au ministère. CP 463 4 A mesure que les années s'écoulaient, l'influence de l'apôtre comme chef et éducateur grandissait. Sans perdre de vue la tâche spéciale qu'il avait à remplir auprès des Juifs, il rendait son témoignage dans de nombreux pays, et affermissait la foi des multitudes gagnées à l'Evangile. CP 463 5 Dans les dernières années de son ministère, l'Esprit inspira à Pierre d'écrire aux croyants "dispersés dans le Pont, la Galatie, la Cappadoce, l'Asie et la Bithynie". Ses lettres étaient destinées à ranimer le courage, à raffermir la foi de ceux qui passaient par l'épreuve et l'affliction, et à renouveler les bonnes oeuvres des fidèles qui, assaillis par de nombreuses tentations, risquaient de perdre leur confiance en Dieu. Ces lettres reflètent les sentiments de l'homme qui a senti profondément les souffrances du Christ -- de l'homme dont l'être tout entier a été transformé par la grâce, et dont l'espoir en la vie éternelle est certain et inébranlable. CP 464 1 Le vieux serviteur de Dieu commence sa première épître en adressant à son Maître un tribut de louanges et d'actions de grâce. "Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, s'exclame-t-il, qui, selon sa grande miséricorde, nous a régénérés, pour une espérance vivante, par la résurrection de Jésus-Christ d'entre les morts, pour un héritage qui ne se peut ni corrompre, ni souiller, ni flétrir, lequel vous est réservé dans les cieux, à vous qui, par la puissance de Dieu, êtes gardés par la foi pour le salut prêt à être révélé dans les derniers temps!" CP 464 2 Cette espérance d'un héritage réservé dans la nouvelle terre réjouissait les premiers chrétiens, même dans leurs épreuves et leurs tribulations. "C'est là ce qui fait votre joie, écrivait Pierre, quoique maintenant, puisqu'il le faut, vous soyez attristés pour un peu de temps par diverses épreuves, afin que l'épreuve de votre foi, plus précieuse que l'or périssable (qui cependant est éprouvé par le feu), ait pour résultat la louange, la gloire et l'honneur, lorsque Jésus-Christ apparaîtra -- lui que vous aimez sans l'avoir vu, en qui vous croyez sans le voir encore, vous réjouissant d'une joie ineffable et glorieuse, parce que vous obtiendrez le salut de vos âmes pour prix de votre foi." CP 464 3 Les paroles que l'apôtre écrivait alors étaient destinées à édifier les croyants de toutes les époques; elles ont une signification toute particulière pour ceux qui vivent aux temps où "la fin de toutes choses est proche". Les exhortations et les avertissements de Pierre sont nécessaires à toute âme qui désire maintenir sa foi "ferme jusqu'à la fin".3 CP 464 4 L'apôtre cherchait à démontrer aux croyants qu'il est très important de ne pas laisser errer sa pensée sur des choses défendues, ou d'employer son temps à des questions frivoles. Ceux qui ne veulent pas devenir la proie de Satan feront bien de veiller attentivement sur leur âme en évitant de lire, de voir ou d'entendre ce qui pourrait leur suggérer des pensées impures. Que leur esprit ne s'attarde pas sur n'importe quel sujet présenté par l'ennemi de toute justice. CP 465 1 Gardons fidèlement nos coeurs, sans quoi les ennemis de l'extérieur réveilleront ceux de l'intérieur, et nous errerons dans les ténèbres. "C'est pourquoi, écrit Pierre, ceignez les reins de votre entendement, soyez sobres, et ayez une entière espérance dans la grâce qui vous sera apportée, lorsque Jésus-Christ apparaîtra. Comme des enfants obéissants, ne vous conformez pas aux convoitises que vous aviez autrefois, quand vous étiez dans l'ignorance. Mais, puisque celui qui vous a appelés est saint, vous aussi soyez saints dans toute votre conduite, selon qu'il est écrit: Vous serez saints, car je suis saint." CP 465 2 "Conduisez-vous avec crainte pendant le temps de votre pèlerinage, sachant que ce n'est pas par des choses périssables, par de l'argent ou de l'or, que vous avez été rachetés de la vaine manière de vivre que vous aviez héritée de vos pères, mais par le sang précieux de Christ, comme d'un agneau sans défaut et sans tache, prédestiné avant la fondation du monde, et manifesté à la fin des temps, à cause de vous, qui par lui croyez en Dieu, lequel l'a ressuscité des morts et lui a donné la gloire, en sorte que votre foi et votre espérance reposent sur Dieu." CP 465 3 Si l'or et l'argent avaient suffi pour racheter l'humanité, comme le salut aurait été facilement acquis par celui qui a déclaré: "L'argent est à moi, et l'or est à moi."4 Mais le pécheur ne pouvait être sauvé que par le sang du Fils de Dieu. Le plan du salut était basé sur le sacrifice. L'apôtre Paul a dit: "Vous connaissez la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, qui pour vous s'est fait pauvre, de riche qu'il était, afin que par sa pauvreté vous fussiez enrichis."5 Le Christ s'est donné lui-même pour nous, afin de nous purifier de toute iniquité. Et comme suprême grâce du salut, "le don gratuit de Dieu, c'est la vie éternelle en Jésus-Christ notre Seigneur".6 CP 466 1 Pierre continue son épître en ces termes: "Ayant purifié vos âmes en obéissant à la vérité pour avoir un amour fraternel sincère, aimez-vous ardemment les uns les autres, de tout votre coeur." C'est par la Parole de Dieu -- la vérité -- que se manifestent l'Esprit et la puissance d'en haut. L'obéissance à cette Parole produit le fruit désiré: "un amour fraternel sincère". Cet amour est d'origine céleste, il détermine les mobiles les plus nobles, les actes les plus désintéressés. CP 466 2 Lorsque la vérité devient un principe vital dans l'existence, l'âme est "régénérée, non par une semence corruptible, mais par une semence incorruptible, par la parole vivante et permanente de Dieu". Cette nouvelle naissance est due à l'acceptation du Christ comme Parole de Dieu. Quand les paroles divines sont gravées dans le coeur par le Saint-Esprit, alors naissent chez le chrétien de nouvelles conceptions, et les facultés qui sommeillaient en lui le rendent désormais capable de collaborer avec le Seigneur. CP 466 3 Il en fut ainsi pour Pierre et ses compagnons d'oeuvre. Le Sauveur avait révélé au monde et jeté dans les coeurs la semence incorruptible. Mais la plupart des leçons précieuses du grand Maître n'avaient pas été comprises. Lorsque, après son ascension, le Saint-Esprit rappela aux disciples les enseignements du Christ, leur raison appesantie s'éveilla. La signification de ces enseignements frappa leur esprit comme une révélation soudaine, et la vérité leur apparut dans toute sa pureté. La vie du Seigneur devint la leur. Grâce à eux, la Parole fit son oeuvre. Saint Jean s'exprime en ces termes: "La parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité. [...] Et nous avons tous reçu de sa plénitude, et grâce pour grâce."7 CP 466 4 L'apôtre exhortait donc les chrétiens à étudier la Parole de Dieu, afin que, par une bonne compréhension de celle-ci, ils puissent édifier une oeuvre solide pour l'éternité. Pierre savait que pour obtenir la victoire finale tout croyant aurait à faire face à des luttes et à des tribulations; mais il savait aussi que l'étude des saintes Ecritures apporterait, à celui qui passerait par la tentation, des promesses qui fortifieraient son âme et raffermiraient sa foi. "Car, déclarait-il, toute chair est comme l'herbe, et toute sa gloire comme la fleur de l'herbe. L'herbe sèche, et la fleur tombe; mais la parole du Seigneur demeure éternellement. Et cette parole est celle qui vous a été annoncée par l'Evangile. Rejetant donc toute malice et toute ruse, la dissimulation, l'envie et toute médisance, désirez, comme des enfants nouveau-nés, le lait spirituel et pur, afin que par lui vous croissiez pour le salut, si vous avez goûté que le Seigneur est bon." CP 467 1 La plupart des croyants auxquels Pierre adressait ses lettres vivaient au milieu des païens, et leur fidélité à la haute vocation qu'ils professaient était de toute importance. L'apôtre insistait sur les privilèges qu'ils possédaient comme disciples du Christ. "Vous êtes une race élue, écrivait-il, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis, afin que vous annonciez les vertus de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière, vous qui autrefois n'étiez pas un peuple, et qui maintenant êtes le peuple de Dieu, vous qui n'aviez pas obtenu miséricorde, et qui maintenant avez obtenu miséricorde. CP 467 2 "Bien-aimés, je vous exhorte, comme étrangers et voyageurs sur la terre, à vous abstenir des convoitises charnelles qui font la guerre à l'âme. Ayez au milieu des païens une bonne conduite, afin que, là même où ils vous calomnient comme si vous étiez des malfaiteurs, ils remarquent vos bonnes oeuvres, et glorifient Dieu, au jour où il les visitera." CP 467 3 L'apôtre indiquait nettement l'attitude que les croyants devraient observer envers les autorités. "Soyez soumis, disait-il, à cause du Seigneur, à toute autorité établie parmi les hommes, soit au roi comme souverain, soit aux gouverneurs comme envoyés par lui pour punir les malfaiteurs et pour approuver les gens de bien. Car c'est la volonté de Dieu qu'en pratiquant le bien vous réduisiez au silence les hommes ignorants et insensés, étant libres, sans faire de la liberté un voile qui couvre la méchanceté, mais agissant comme des serviteurs de Dieu. Honorez tout le monde; aimez les frères, craignez Dieu; honorez le roi." CP 468 1 Pierre conseillait aux serviteurs de rester fidèles à leurs maîtres: "Serviteurs, soyez soumis en toute crainte à vos maîtres, non seulement à ceux qui sont bons et doux, mais aussi à ceux qui sont d'un caractère difficile. Car c'est une grâce que de supporter des afflictions par motif de conscience envers Dieu, quand on souffre injustement. En effet, quelle gloire y a-t-il à supporter de mauvais traitements pour avoir commis des fautes? Mais si vous supportez la souffrance lorsque vous faites ce qui est bien, c'est une grâce devant Dieu. Et c'est à cela que vous avez été appelés, parce que Christ aussi a souffert pour vous, vous laissant un exemple, afin que vous suiviez ses traces. CP 468 2 "Lui qui n'a point commis de péché, et dans la bouche duquel il ne s'est point trouvé de fraude; lui, qui, injurié, ne rendait point d'injures, maltraité, ne faisait point de menaces, mais s'en remettait à celui qui juge justement; lui qui a porté lui-même nos péchés en son corps sur le bois, afin que morts aux péchés nous vivions pour la justice; lui par les meurtrissures duquel vous avez été guéris. Car vous étiez comme des brebis errantes. Mais maintenant vous êtes retournés vers le pasteur et le gardien de vos âmes." CP 468 3 L'apôtre exhortait les femmes croyantes à être chastes dans leur conduite, et réservées dans leur toilette. "Ayez, non cette parure extérieure, leur disait-il, qui consiste dans les cheveux tressés, les ornements d'or, ou les habits qu'on revêt, mais la parure intérieure et cachée dans le coeur, la pureté incorruptible d'un esprit doux et paisible, qui est d'un grand prix devant Dieu." CP 468 4 La leçon de l'apôtre s'applique également aux croyants de toutes les époques. "C'est donc à leurs fruits, dit Jésus, que vous les reconnaîtrez."8 La parure intérieure d'un esprit doux et paisible est inestimable. La parure extérieure d'un vrai chrétien doit être toujours en harmonie avec la paix et la sainteté intérieures: "Si quelqu'un veut venir après moi, dit le Christ, qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge de sa croix, et qu'il me suive."9 CP 469 1 Le renoncement à soi-même et le sacrifice personnel doivent caractériser la vie du croyant. On se rendra compte, d'après l'habillement des chrétiens, de la transformation qui a été apportée à leur goût, par leur conversion. Il faut cultiver la beauté et la désirer, mais Dieu nous demande de rechercher d'abord celle qui est impérissable. Aucun ornement extérieur ne peut se comparer à cet "esprit doux et paisible" et au "fin lin, blanc, et pur"10 que porteront tous les saints de la nouvelle terre. CP 469 2 Ce vêtement les rendra ici-bas beaux et aimables; et plus tard, il sera leur insigne d'admission dans le palais du Roi des rois. Voici la promesse de Dieu: "Ils marcheront avec moi en vêtements blancs, parce qu'ils en sont dignes."11 CP 469 3 L'apôtre, qui voyait prophétiquement les temps de périls par lesquels l'Eglise du Christ devrait passer, exhortait les croyants à rester fermes en face de l'épreuve et de la souffrance. "Bien-aimés, écrivait-il, ne soyez pas surpris, comme d'une chose étrange qui vous arrive, de la fournaise qui est au milieu de vous pour vous éprouver." CP 469 4 L'épreuve fait partie de l'éducation donnée à l'école du Christ; elle est destinée à purifier les croyants, et à les débarrasser des scories du monde. C'est parce que Dieu prend soin de ses enfants qu'il les éprouve; car les tribulations sont les méthodes de discipline qu'il choisit, les conditions qu'il établit pour le bien de ceux qu'il aime. Celui qui lit dans le coeur des hommes connaît leurs faiblesses mieux qu'eux-mêmes. Il voit les aptitudes de chacun; il sait que si celles-ci sont bien dirigées, elles peuvent servir à l'avancement de son règne. Dans sa providence, Dieu amène les hommes de différents pays et de différentes conditions à découvrir les défauts qu'ils ignoraient. Il leur donne le moyen de s'en corriger, afin d'être aptes au service chrétien. CP 469 5 Dieu permet souvent le creuset de l'affliction pour la purification des âmes. Il ne cesse de prendre soin de son héritage, et il ne permet que ce qui peut contribuer au bien présent et éternel de ses enfants. Toutes les épreuves, toutes les tribulations qu'il leur réserve sont destinées à éperonner leur foi et à raffermir leurs forces, afin qu'ils puissent faire triompher le message de la croix. Le Seigneur veut purifier son Eglise, de même qu'il purifia le temple de Jérusalem au cours de son ministère terrestre. CP 470 1 Il fut un temps où Pierre n'arrivait pas à comprendre le rôle que pouvait jouer la croix dans l'oeuvre du Sauveur. Lorsque Jésus entretint ses disciples de ses souffrances et de sa mort imminente, l'apôtre s'écria: "A Dieu ne plaise, Seigneur! Cela ne t'arrivera pas."12 CP 470 2 Que le sentier du Christ devait passer par l'agonie et l'humiliation, le disciple mit beaucoup de temps à l'admettre. Ce n'est qu'au creuset de l'épreuve amère qu'il allait s'en rendre compte. Son impétuosité d'autrefois s'était tempérée par le labeur et le poids des années, et il pouvait s'écrier: "Réjouissez-vous, au contraire, de la part que vous avez aux souffrances de Christ, afin que vous soyez aussi dans la joie et dans l'allégresse lorsque sa gloire apparaîtra." CP 470 3 S'adressant aux anciens, au sujet de leurs responsabilités, l'apôtre écrivait: "Paissez le troupeau de Dieu qui est sous votre garde, non par contrainte, mais volontairement, selon Dieu; non pour un gain sordide, mais avec dévouement; non comme dominant sur ceux qui vous sont échus en partage, mais en étant les modèles du troupeau. Et lorsque le souverain pasteur paraîtra, vous obtiendrez la couronne incorruptible de la gloire." CP 470 4 Les hommes appelés à officier comme pasteurs doivent exercer une vigilance active sur ceux que le Seigneur leur a confiés, non une vigilance despotique, mais encourageante, fortifiante et ennoblissante. Le ministère évangélique n'est pas synonyme de prédication, il exige un effort personnel et fervent. L'Eglise est formée de membres faibles, vacillants. Ce n'est que grâce à un travail laborieux et soutenu que l'on arrivera à leur apprendre à se soumettre à la discipline, dans l'espoir de participer un jour à la gloire et à l'immortalité. CP 470 5 Il faut des pasteurs fidèles qui ne flatteront pas le peuple de Dieu, qui ne le traiteront pas non plus avec dureté, mais qui lui dispenseront le pain de vie. Ils doivent être animés de la puissance transformatrice du Saint-Esprit, et témoigner un amour profond et désintéressé à tous ceux dont ils ont la charge. CP 471 1 La tâche du berger exige beaucoup de tact, car celui-ci aura, en effet, à affronter dans son église l'hostilité, l'amertume, l'envie, la jalousie, et il aura besoin de l'Esprit du Christ pour aplanir toutes ces difficultés. Il devra avertir, reprendre, censurer, non seulement du haut de la chaire, mais par un travail personnel auprès des âmes. Le pécheur trouvera peut-être à redire au message qui le concerne, et le serviteur de Dieu pourra être mal jugé et critiqué. Qu'il se souvienne alors que "la sagesse d'en haut est premièrement pure, ensuite pacifique, modérée, conciliante, pleine de miséricorde et de bons fruits, exempte de duplicité, d'hypocrisie. Le fruit de la justice est semé dans la paix par ceux qui recherchent la paix."13 CP 471 2 L'oeuvre du pasteur est de "mettre en lumière quelle est la dispensation du mystère caché de tout temps en Dieu".14 Si le ministre préfère le travail qui exige le moins de sacrifice, s'il se contente de prêcher et abandonne le reste à un autre, alors le Seigneur n'agréera pas son oeuvre. Les âmes pour lesquelles le Christ est mort se perdront, faute d'un effort personnel, entrepris avec méthode. CP 471 3 Le pasteur qui n'est pas disposé à faire l'effort nécessaire au bien du troupeau qui lui est confié, s'est mépris sur sa vocation. CP 471 4 Il faut que l'oubli de soi-même caractérise l'esprit du véritable berger, qu'il perde de vue sa propre personne pour se vouer uniquement à l'oeuvre de Dieu. Par la prédication de la Parole, les visites rendues à ses fidèles, il connaît leurs besoins, leurs peines et leurs épreuves. Il partage leur détresse, réconforte leur coeur affligé, nourrit leur âme affamée, et les gagne au Seigneur. Il collabore ainsi avec celui qui s'est chargé de tous leurs fardeaux. Dans cette oeuvre, il peut compter sur le secours des anges, et il est lui-même guidé par la vérité divine qui rend sage à salut. CP 472 1 En donnant les instructions nécessaires aux membres dirigeants de l'Eglise, l'apôtre énonçait quelques principes généraux que devaient suivre tous les fidèles. Il exhortait les jeunes membres du troupeau à suivre l'exemple de leurs aînés dans la pratique de l'humilité chrétienne. "De même, disait-il, vous qui êtes jeunes, soyez soumis aux anciens. Et tous, dans vos rapports mutuels, revêtez-vous d'humilité; car Dieu résiste aux orgueilleux, mais il fait grâce aux humbles. Humiliez-vous donc sous la puissante main de Dieu, afin qu'il vous élève au temps convenable; et déchargez-vous sur lui de tous vos soucis, car lui-même prend soin de vous. Soyez sobres, veillez. Votre adversaire, le diable, rôde comme un lion rugissant, cherchant qui il dévorera. Résistez-lui avec une foi ferme." CP 472 2 Pierre écrivait ainsi aux chrétiens à une époque d'épreuves particulières. Plusieurs disciples avaient déjà "participé aux souffrances du Sauveur", et bientôt une persécution plus effroyable encore s'abattrait sur les croyants. Ceux qui s'étaient signalés comme docteurs et chefs de l'Eglise ne tarderaient pas à donner leur vie pour la cause de l'Evangile. Bientôt des loups cruels s'introduiraient au milieu du troupeau, et ne l'épargneraient guère. Mais cette perspective ne décourageait nullement ceux qui avaient placé leur espoir en Christ. Par des paroles de réconfort et d'espoir, Pierre essayait de détourner la pensée des chrétiens de leurs épreuves présentes et futures, pour la fixer sur "un héritage qui ne se peut ni corrompre, ni souiller, ni flétrir". Et il ajoutait: "Le Dieu de toute grâce, qui vous a appelés en Jésus-Christ à sa gloire éternelle, après que vous aurez souffert un peu de temps, vous perfectionnera lui-même, vous affermira, vous fortifiera, vous rendra inébranlables. A lui soit la puissance aux siècles des siècles! Amen!" ------------------------Chapitre 52 -- Fermes jusqu'à la fin Ce chapitre est basé sur la seconde épître de Pierre. CP 473 1 Dans sa seconde épître adressée à ceux qui partageaient "une foi du même prix que la sienne", Pierre révèle le dessein de Dieu concernant le développement du caractère chrétien. Il écrit: "Que la grâce et la paix vous soient multipliées par la connaissance de Dieu et de Jésus, notre Seigneur! Comme sa divine puissance nous a donné tout ce qui contribue à la vie et à la piété, au moyen de la connaissance de celui qui nous a appelés par sa propre gloire et par sa vertu, lesquelles nous assurent de sa part les plus grandes et les plus précieuses promesses, afin que par elles vous deveniez participants de la nature divine, en fuyant la corruption qui existe dans le monde par la convoitise, -- à cause de cela même, faites tous vos efforts pour joindre à votre foi la vertu, à la vertu la science, à la science la tempérance, à la tempérance la patience, à la patience la piété, à la piété l'amour fraternel, à l'amour fraternel la charité. Car si ces choses sont en vous et y sont avec abondance, elles ne vous laisseront point oisifs ni stériles pour la connaissance de notre Seigneur Jésus-Christ." CP 474 1 Ces paroles sont riches d'enseignements et résonnent comme un cri de victoire. L'apôtre explique aux croyants que les progrès spirituels peuvent être comparés à une échelle dont chaque degré représente une marche en avant dans la connaissance de Dieu; cette marche ne doit pas comporter d'arrêts. La foi, la vertu, la connaissance, la tempérance, la patience, la piété, l'amour fraternel et la charité constituent les degrés de cette échelle. Nous sommes sauvés en gravissant échelon par échelon, et en nous élevant pas à pas au niveau tracé par le Christ. C'est ainsi qu'il est fait pour nous "sagesse, justice, sanctification et rédemption". CP 474 2 Dieu appelle ses enfants à la gloire et à la vertu. Ces grâces se manifestent dans la vie de tous ceux qui sont vraiment en communion avec lui. Devenus participants du don céleste, ils tendent à la perfection puisqu'ils sont "gardés par la puissance de Dieu, par la foi".1 Dieu se fait une gloire d'accorder sa force à ses enfants, car il désire les voir atteindre les plus hauts sommets de la vie spirituelle. Lorsqu'ils saisissent par la foi la puissance du Christ, lorsqu'ils sont convaincus que ses promesses sont infaillibles et qu'ils s'en réclament, lorsqu'ils recherchent avec insistance le secours du Saint-Esprit, alors ils sont rendus parfaits en lui. CP 474 3 Après avoir accepté l'Evangile, le chrétien doit avoir le souci immédiat d'acquérir la vertu. C'est ainsi qu'il purifiera son coeur et se préparera à recevoir la connaissance divine. Celle-ci est à la base même de toute éducation et de tout véritable service. Seule sauvegarde contre la tentation, elle peut rendre le caractère semblable à celui de Dieu. Par cette connaissance du Père et de son Fils, Jésus-Christ, nous est donné "tout ce qui contribue à la vie et à la piété". CP 475 4 Aucun don ne peut être refusé à celui qui désire sincèrement obtenir la justice de Dieu. "La vie éternelle, a déclaré le Christ, c'est qu'ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ."2 Et le prophète Jérémie dit de son côté: "Que le sage ne se glorifie pas de sa sagesse, que le fort ne se glorifie pas de sa force, que le riche ne se glorifie pas de sa richesse. Mais que celui qui veut se glorifier se glorifie d'avoir de l'intelligence et de me connaître, de savoir que je suis l'Eternel, qui exerce la bonté, le droit et la justice sur la terre; car c'est à cela que je prends plaisir, dit l'Eternel."3 CP 475 1 L'esprit humain a de la peine à comprendre la largeur, la profondeur, la hauteur des richesses spirituelles de celui qui acquiert cette connaissance. CP 475 2 Nul ne doit échouer dans son désir d'atteindre, dans sa propre sphère, la beauté de la vie du Christ. Par le sacrifice du Sauveur, "tout ce qui contribue à la vie et à la piété" est mis à la disposition de l'enfant de Dieu. CP 475 3 Dans son humanité, Jésus nous a prouvé que, grâce à une coopération réelle avec Dieu, l'homme peut arriver à la perfection du caractère. Nous avons donc l'assurance que nous aussi nous pouvons obtenir une victoire totale. CP 475 4 L'admirable possibilité de devenir comme le Christ, obéissant à tous les commandements, est offerte à chaque croyant. Par lui-même, l'homme est absolument incapable de parvenir à cet état. La sainteté à laquelle il doit arriver pour obtenir le salut, comme le déclare la Parole de Dieu, est le résultat de l'oeuvre de la grâce divine, dans la mesure où il se soumet à la discipline et aux influences contraignantes de l'Esprit de vérité. CP 475 5 L'obéissance ne peut être rendue parfaite que par la justice du Christ. Le rôle du chrétien est de persévérer pour surmonter tous ses penchants. Il doit prier sans cesse le Seigneur de guérir son âme contaminée par le péché. Il ne possède ni la sagesse, ni la force qui lui permettraient de triompher. Ces vertus appartiennent à Dieu qui les accorde à tous ceux qui, le coeur contrit et humilié, implorent son secours. CP 475 6 L'oeuvre de transformation qui se fait chez le pécheur à la recherche de la sainteté est permanente. Jour après jour, le Seigneur travaille à la sanctification du chrétien; mais celui-ci doit collaborer avec lui, s'efforcer de cultiver avec persévérance de bonnes habitudes, et s'attacher à ajouter grâce sur grâce. Tandis qu'il opère ainsi sur le plan de l'addition, Dieu, lui, se livre à un travail de multiplication. Notre Sauveur est toujours prêt à entendre les prières et à y répondre, si elles sont formulées par un coeur contrit. Il fait abonder sa grâce et sa paix parmi ses fidèles. C'est joyeusement qu'il leur accorde les bénédictions qui leur sont nécessaires pour lutter contre le mal qui les assaille. CP 476 1 Cependant, parmi ceux qui s'efforcent de gravir les degrés de la perfection chrétienne, certains commencent par placer leur confiance dans le pouvoir de l'homme. Ainsi, ils perdent bientôt de vue Jésus, "l'auteur et le consommateur de la foi", et ils échouent dans leurs entreprises, frustrés de tout ce qu'ils avaient gagné. Quelle est triste la condition de ceux qui, lassés par les difficultés de la route, permettent à l'ennemi des âmes de leur ravir les grâces spirituelles qui s'étaient développées en eux! "Celui en qui ces choses ne sont point est aveugle, déclare l'apôtre, il ne voit pas de loin, et il a mis en oubli la purification de ses anciens péchés." CP 476 2 Pierre avait une longue expérience des choses de Dieu. Sa foi dans la puissance salvatrice du Sauveur s'était affermie avec les années, jusqu'à ce qu'il ait prouvé qu'il n'y avait pas possibilité de chute pour celui qui, avançant par la foi, gravit degré par degré, toujours plus haut et plus résolument, l'échelle qui accède aux portes mêmes du ciel. CP 476 3 Pendant de longues années, l'apôtre avait montré aux chrétiens la nécessité d'une croissance permanente dans la grâce divine et la connaissance de la vérité. Il savait qu'il serait bientôt appelé à subir le martyre pour sa foi; c'est pourquoi il attirait une fois encore l'attention des chrétiens sur les merveilleux privilèges qui leur étaient accordés. Avec une foi assurée, le vieux disciple exhortait ses frères en ces termes: "Appliquez-vous, disait-il, à affermir votre vocation et votre élection; car, en faisant cela, vous ne broncherez jamais. C'est ainsi, en effet, que l'entrée dans le royaume éternel de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ vous sera pleinement accordée." Quelle précieuse assurance! Quelle glorieuse perspective pour le chrétien qui avance par la foi vers les sommets de la perfection! CP 477 1 "Voilà pourquoi je prendrai soin de vous rappeler ces choses, continue l'apôtre, bien que vous les sachiez et que vous soyez affermis dans la vérité présente. Et je regarde comme un devoir, aussi longtemps que je suis dans cette tente, de vous tenir en éveil par des avertissements, car je sais que je la quitterai subitement, ainsi que notre Seigneur Jésus-Christ me l'a fait connaître. Mais j'aurai soin qu'après mon départ vous puissiez toujours vous souvenir de ces choses." CP 477 2 Pierre était bien qualifié pour parler de la volonté de Dieu à l'égard des hommes; car pendant le ministère du Christ, il avait beaucoup vu et entendu concernant le royaume de Dieu. "Ce n'est pas, en effet, dit-il, en suivant des fables habilement conçues, que nous vous avons fait connaître la puissance et l'avènement de notre Seigneur Jésus-Christ, mais c'est comme ayant vu sa majesté de nos propres yeux. Car il a reçu de Dieu le Père honneur et gloire, quand la gloire magnifique lui fit entendre une voix qui disait: Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis toute mon affection. Et nous avons entendu cette voix venant du ciel, lorque nous étions avec lui sur la sainte montagne." CP 477 3 Bien que cette certitude affermît le croyant dans son espérance, il en existait une autre plus convaincante encore: celle de la prophétie, qui ancrait profondément la foi de tous les chrétiens: "Et nous tenons pour d'autant plus certaine, déclare Pierre, la parole prophétique, à laquelle vous faites bien de prêter attention, comme à une lampe qui brille dans un lieu obscur, jusqu'à ce que le jour vienne à paraître et que l'étoile du matin se lève dans vos coeurs; -- sachant tout d'abord vous-mêmes qu'aucune prophétie de l'Ecriture ne peut être un objet d'interprétation particulière, car ce n'est pas par une volonté d'homme qu'une prophétie a jamais été apportée, mais c'est poussés par le Saint-Esprit que des hommes ont parlé de la part de Dieu." CP 478 1 Tandis qu'il exaltait ainsi "la parole certaine de la prophétie", guide infaillible en période de troubles, l'apôtre mettait solennellement en garde l'Eglise contre les pseudoprophéties des "faux docteurs". Ceux-ci introduiraient des "sectes pernicieuses", et ils "renieraient même le Seigneur". L'apôtre les comparait à des "fontaines sans eau", à des "nuées que chasse un tourbillon: l'obscurité des ténèbres leur est réservée". Et il ajoutait: "Leur dernière condition est pire que la première. Car mieux valait pour eux n'avoir pas connu la voix de la justice, que de se détourner, après l'avoir connue, du saint commandement qui leur avait été donné." CP 478 2 Et Pierre, regardant à travers les âges, jusqu'à la fin de toutes choses, prédisait les conditions où se trouverait le monde avant le retour du Christ. "Dans les derniers jours, écrivait-il, il viendra des moqueurs avec leurs railleries, marchant selon leurs propres convoitises, et disant: Où est la promesse de son avènement? Car, depuis que les pères sont morts, tout demeure comme dès le commencement de la création." Mais "quand les hommes diront: Paix et sûreté! alors une ruine soudaine les surprendra."4 CP 478 3 Cependant, tous ne tomberont pas dans les pièges de Satan. Lorsque la fin du monde approchera, ceux qui seront restés fidèles au Seigneur sauront discerner les signes des temps. Alors qu'un grand nombre de chrétiens de profession renieront leur foi par leurs oeuvres, un reste demeurera ferme jusqu'à la fin. CP 478 4 Pierre gardait vivante dans son coeur l'espérance du retour du Christ; c'est pourquoi il donnait à l'Eglise l'assurance que la promesse du Sauveur s'accomplirait: "Et, lorsque je m'en serai allé, et que je vous aurai préparé une place, avait dit Jésus, je reviendrai, et je vous prendrai avec moi, afin que là où je suis vous y soyez aussi."5 CP 479 1 A ceux qui demeuraient fidèles dans l'épreuve, et qui étaient tentés de croire que leur Maître tardait à venir, l'apôtre affirmait: "Le Seigneur ne tarde pas dans l'accomplissement de la promesse, comme quelques-uns le croient; mais il use de patience envers vous, ne voulant pas qu'aucun périsse, mais voulant que tous arrivent à la repentance. Le jour du Seigneur viendra comme un voleur; en ce jour, les cieux passeront avec fracas, les éléments embrasés se dissoudront, et la terre avec les oeuvres qu'elle renferme sera consumée." CP 479 2 "Puis donc que toutes ces choses doivent se dissoudre, quels ne devez-vous pas être par la sainteté de la conduite et par la piété, attendant et hâtant l'avènement du jour de Dieu, jour à cause duquel les cieux enflammés se dissoudront et les éléments embrasés se fondront? Mais nous attendons, selon sa promesse, de nouveaux cieux et une nouvelle terre, où la justice habitera. C'est pourquoi, bien-aimés, en attendant ces choses, appliquez-vous à être trouvés par lui sans tache et irrépréhensibles dans la paix. Croyez que la patience de notre Seigneur est votre salut, comme notre bien-aimé frère Paul vous l'a aussi écrit, selon la sagesse qui lui a été donnée. [...] Vous donc, bien-aimés, qui êtes avertis, mettez-vous sur vos gardes, de peur qu'entraînés par l'égarement des impies, vous ne veniez à déchoir de votre fermeté. Mais croissez dans la grâce et dans la connaissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ." CP 479 3 Dans sa providence, Dieu permit à Pierre d'achever son ministère à Rome. Néron ordonna son emprisonnement dans cette ville, à peu près à l'époque de l'arrestation finale de Paul. Ainsi ces deux vétérans, qui avaient été si éloignés dans leurs champs d'activité respectifs, devaient-ils rendre leur dernier témoignage en faveur du Christ dans la même métropole du monde, et verser leur sang sur son sol, comme une semence dans l'immense moisson des saints et des martyrs. CP 479 4 Depuis la réhabilitation qui avait suivi son reniement, Pierre avait fait preuve d'un courage incomparable en prêchant le Sauveur crucifié, ressuscité et élevé au ciel. Et maintenant, seul, couché dans sa cellule, l'apôtre se rappelait les paroles que le Christ lui avait adressées: "En vérité, en vérité, je te le dis, quand tu étais jeune, tu te ceignais toi-même, et tu allais où tu voulais; mais quand tu seras vieux, tu étendras tes mains, et un autre te ceindra, et te mènera où tu ne voudras pas."6 Ainsi, Jésus avait révélé au disciple la façon même dont il mourrait: les bras étendus sur la croix. CP 480 1 En qualité de Juif et d'étranger, Pierre fut, en effet, condamné à la flagellation et à la crucifixion. La perspective de cette mort effroyable rappelait à l'apôtre son grand péché: le reniement de Jésus lors de son procès. Or, tandis qu'autrefois la croix lui était si antipathique, il considérait maintenant comme une joie de faire le sacrifice de sa vie pour l'Evangile. Cependant, mourir de la même manière que son Maître qu'il avait renié lui paraissait être un trop grand honneur, bien qu'il se fût sincèrement repenti de son péché, et sût que le Christ lui avait pardonné. N'en avait-il pas la preuve dans le fait qu'il lui avait confié la noble mission de paître les brebis et les agneaux de son troupeau? CP 480 2 Cependant, Pierre n'arrivait pas à oublier son péché. La pensée même de l'agonie affreuse qui l'attendait ne pouvait atténuer l'amertume de sa tristesse et de son repentir. Il supplia ses bourreaux de lui accorder comme ultime faveur de le clouer à la croix la tête en bas. On accéda à sa requête, et le grand apôtre mourut de cette effroyable manière. ------------------------Chapitre 53 -- Jean, le disciple bien-aimé CP 481 1 Jean se distingue parmi tous les apôtres comme "le disciple que Jésus aimait".1 Il semble, en effet, avoir joui d'un degré de préséance dans l'affection du Christ, et il reçut maints témoignages de sa confiance et de son amour. Il figure parmi les trois disciples qui eurent le privilège d'assister à la glorification du Christ sur la montagne de la transfiguration et à son agonie au jardin de Gethsémané. Ce fut à lui que le Sauveur, à ses dernières heures de souffrance sur la croix, confia sa mère. CP 481 2 L'affection que Jésus éprouvait pour le disciple bien-aimé lui était rendue par Jean avec une ardeur profonde. Pour l'amour de son Maître, l'apôtre brava les dangers du prétoire et s'attarda au pied de la croix. A la nouvelle de la résurrection du Christ, il courut au sépulcre, devançant même dans son élan l'impétueux Pierre. CP 481 3 L'amour confiant et le zèle désintéressé qui caractérisaient la vie de Jean offrent à l'Eglise chrétienne des leçons d'une valeur inestimable. L'apôtre ne possédait pas naturellement cette beauté de caractère dont il fit preuve à la fin de sa carrière. Il avait de graves défauts, non seulement il était orgueilleux et ambitieux, mais impétueux et vindicatif. On le surnommait, ainsi que son frère, "fils du tonnerre". Il était affligé d'un tempérament irritable et porté à la vengeance et à la critique. Mais, sous ses lacunes, le divin Maître avait discerné un coeur ardent, sincère et aimant. Il réprima l'égoïsme et les ambitions de son disciple, et mit sa foi à l'épreuve. Il lui révéla ce que son âme recherchait si ardemment: la beauté de la sainteté et la puissance transformatrice de l'amour. CP 482 1 Les défauts de Jean se manifestèrent très fortement à plusieurs reprises dans ses rapports avec le Sauveur. Un jour, le Christ envoya des messagers au-devant de lui dans un bourg samaritain pour demander que l'on préparât de quoi les loger, lui et ses disciples. Mais lorsqu'il approcha du village, il sembla passer outre pour se diriger sur Jérusalem. Cette attitude fit naître un sentiment de jalousie dans le coeur des Samaritains qui, au lieu d'insister pour que le Maître s'arrêtât chez eux, s'abstinrent même de lui adresser les salutations d'usage qu'ils auraient présentées à un voyageur ordinaire. CP 482 2 Jésus n'imposait sa présence à personne. Les habitants de Samarie perdirent donc les bénédictions qu'ils auraient reçues, s'ils avaient sollicité le Seigneur de bien vouloir être leur hôte. CP 482 3 Les disciples savaient que la présence du Christ serait un bienfait pour les Samaritains. C'est pourquoi la froideur, la jalousie, l'irrespect qu'ils lui témoignèrent les remplirent de stupéfaction et de révolte. Jacques et Jean en furent particulièrement scandalisés. Que celui qu'ils révéraient si profondément fût ainsi traité leur paraissait une trop grave injure pour ne pas être suivie immédiatement d'une punition exemplaire. Dans leur indignation, ils s'écrièrent: "Seigneur, veux-tu que nous commandions que le feu descende du ciel et les consume?" Ils faisaient allusion aux capitaines de Samarie et à leurs compagnies qui avaient été anéantis par le feu lorsqu'ils avaient essayé de s'emparer du prophète Elie. CP 483 1 Ils furent surpris de voir que Jésus était peiné par leurs paroles, et plus surpris encore d'entendre ces reproches: "Vous ne savez pas de quel esprit vous êtes animés. Car le Fils de l'homme est venu, non pour perdre les âmes des hommes, mais pour les sauver."2 CP 483 2 Forcer quelqu'un à le recevoir ne fait pas partie de la mission du Christ. C'est Satan et les hommes animés par son esprit qui cherchent à dominer les consciences. Sous prétexte d'agir au nom de la justice, les méchants, coalisés avec les anges du mal, plongent bien souvent dans la souffrance ceux qu'ils veulent convertir à leurs idées. Mais le Christ ne cesse de faire preuve de miséricorde; il est toujours prêt, lui, à gagner les âmes par l'amour. Il n'admet pas de rival dans le coeur de son disciple; il n'accepte pas un service partagé. Ce qu'il désire c'est un service volontaire, un abandon total du coeur sous la contrainte de l'amour. CP 483 3 Un jour, Jacques et Jean firent demander à Jésus, par leur mère, qu'il veuille bien leur réserver dans le royaume de Dieu la place d'honneur la plus élevée. Bien que le Christ ait enseigné à plusieurs reprises quelle était la nature de ce royaume, ces jeunes gens nourrissaient encore l'espoir d'être gouvernés par un Messie qui régnerait sur un trône, et dont les pouvoirs royaux correspondraient aux désirs du coeur humain. La mère des disciples, qui convoitait pour ses fils les places d'honneur dans ce royaume, dit à Jésus: "Ordonne que mes fils [...] soient assis, dans ton royaume, l'un à ta droite et l'autre à ta gauche." Mais le Sauveur répondit: "Vous ne savez ce que vous demandez. Pouvez-vous boire la coupe que je dois boire ou être baptisés du baptême dont je dois être baptisé?" Ils se souvinrent des paroles mystérieuses qu'il avait prononcées au sujet de sa crucifixion et de ses souffrances. Et cependant, ils répondirent avec assurance: "Nous le pouvons." Il n'y avait pas de plus grand honneur pour eux que de témoigner leur fidélité au Maître en lui offrant de participer à toutes les douleurs qui devaient lui échoir. CP 484 1 "Il est vrai que vous boirez la coupe que je dois boire, et que vous serez baptisés du baptême dont je dois être baptisé, déclara le Christ." Or, devant lui se dressait la croix du Calvaire et non un trône, et il allait être placé entre deux malfaiteurs, l'un à sa droite, l'autre à sa gauche. Jacques et Jean allaient partager ses souffrances; l'un, en effet, devait bientôt périr par l'épée, l'autre serait celui des disciples qui suivrait le plus longtemps son Maître dans son labeur pénible, dans la malédiction, dans la persécution. "Mais pour ce qui est d'être assis à ma droite et à ma gauche, ajouta le Sauveur, cela ne dépend pas de moi, et ne sera donné qu'à ceux à qui mon Père l'a réservé."3 CP 484 2 Jésus devina le mobile qui avait motivé la requête des disciples, c'est pourquoi il réprimanda leur orgueil et leur ambition: "Vous savez que les chefs des nations les tyrannisent, leur dit-il, et que les grands les asservissent. Il n'en sera pas de même au milieu de vous. Mais quiconque veut être grand parmi vous, qu'il soit votre serviteur; et quiconque veut être le premier parmi vous, qu'il soit votre esclave. C'est ainsi que le Fils de l'homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie comme la rançon de plusieurs."4 CP 484 3 Dans le royaume de Dieu, le favoritisme n'entre pas en jeu pour la place qu'on y occupe. Celle-ci n'est ni acquise, ni accordée arbitrairement. Elle s'obtient grâce au caractère. La couronne et le trône sont les gages de la maîtrise de soi par la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ. CP 484 4 Longtemps après, lorsque Jean fut plus étroitement lié au Christ par la communion dans ses souffrances, le Seigneur lui révéla la condition qu'il fallait remplir pour faire partie de son royaume. "Celui qui vaincra, dit-il, je le ferai asseoir avec moi sur mon trône, comme moi j'ai vaincu et me suis assis avec mon Père sur son trône."5 Le croyant qui vivra le plus près du Christ, c'est celui qui aura manifesté ouvertement son esprit de sacrifice dans l'amour, cet amour qui "ne se vante point, ne s'enfle point d'orgueil, [...] ne cherche point son intérêt, ne s'irrite point, [...] ne soupçonne point le mal".6 Cet amour pousse le disciple, comme il poussa le Maître lui-même, à tout donner, à vivre, à peiner et à se sacrifier même jusqu'à la mort pour le salut de l'humanité. CP 485 1 Au début de leur ministère évangélique, Jacques et Jean rencontrèrent un jour un homme qui, tout en n'étant pas reconnu comme disciple du Christ, chassait des démons en son nom. Ils lui défendirent d'user de ce droit, et ils pensaient avoir raison d'agir ainsi. Mais lorsqu'ils exposèrent ce cas au Maître, celui-ci les reprit, et leur dit: "Ne l'en empêchez pas [...] car il n'est personne qui, faisant un miracle en mon nom, puisse aussitôt après parler mal de moi."7 Aucun de ceux qui se déclarent amis du Christ ne saurait être rejeté. Les disciples ne devaient pas faire preuve d'un esprit étroit et exclusif, mais manifester, au contraire, une largesse de sympathie semblable à celle qu'ils avaient constatée chez leur Maître. Jacques et Jean avaient pensé qu'en empêchant cet homme de faire des miracles au nom de Jésus, ils s'assureraient l'approbation du Seigneur; mais ils se rendirent compte qu'ils étaient, en réalité, à la recherche de leur propre gloire. Ils reconnurent leur erreur et acceptèrent le reproche du Christ. CP 485 2 Les leçons de Jésus, qui présentaient la douceur, l'humilité et l'amour comme des éléments essentiels pour se développer dans la grâce et être apte à travailler dans son oeuvre, furent pour Jean d'une incontestable valeur. Il faisait son profit de chacune de ces leçons et s'efforçait de vivre constamment en harmonie avec le divin modèle. Il finit par apprécier, non la pompe et la puissance terrestres, mais "la gloire du Fils unique venu du Père, pleine de grâce et de vérité".8 La profondeur et la ferveur de l'affection de Jean pour son Maître n'étaient pas la cause mais l'effet de l'amour du Christ pour son disciple. Jean désirait ressembler à Jésus; et sous l'influence transformatrice de cet amour du Sauveur, il devint humble et doux. Son "moi" disparaissait en Jésus. Plus que tous ses compagnons, l'apôtre s'abandonnait à la puissance de cette vie admirable. Il dit lui-même: "La vie a été manifestée, et nous l'avons vue." "Et nous avons tous reçu de sa plénitude, et grâce pour grâce."9 CP 486 1 Jean connaissait le Sauveur par expérience. Les leçons qu'il avait reçues de lui étaient gravées dans son âme, et lorsqu'il rendait témoignage de la grâce salvatrice, son langage si simple devenait éloquent, parce qu'il émanait de l'amour qui se dégageait de tout son être. CP 486 2 Cette profonde affection pour le Christ le poussait à se tenir toujours plus près de lui. Le Sauveur aimait les Douze, mais Jean avait l'esprit le plus réceptif; il était le plus jeune, et il ouvrait son coeur à Jésus avec une foi toute juvénile. C'est pourquoi il vécut dans une plus grande intimité avec lui et, par lui, le Sauveur communiqua au monde un enseignement de la plus haute spiritualité. CP 486 3 Le Christ aime ceux qui représentent le Père, et Jean pouvait parler de l'amour du Père comme nul autre n'aurait pu le faire. Il révéla à ses semblables ce qu'il ressentait dans son propre coeur, tout en manifestant dans son caractère les qualités divines. La gloire du Seigneur illuminait son visage. La beauté de la sainteté qui l'avait transformé, semblable à celle qui émanait de Jésus, rayonnait de sa personne. Dans l'adoration et dans l'amour, il contemplait le Sauveur, jusqu'à ce que son unique désir ne fût plus que de lui ressembler et de le suivre. Son caractère était un reflet de celui de son Maître. CP 486 4 "Voyez, dit-il, quel amour le Père nous a témoigné, pour que nous soyons appelés enfants de Dieu. [...] Bien-aimés, nous sommes maintenant enfants de Dieu, et ce que nous serons n'a pas encore été manifesté; mais nous savons que lorsque cela sera manifesté, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu'il est."10 ------------------------Chapitre 54 -- Un fidèle témoin CP 487 1 Après l'ascension du Christ, Jean se révéla un serviteur consacré et fidèle à la cause du Maître. Il avait eu la joie d'assister, ainsi que les autres disciples, à l'effusion du Saint-Esprit le jour de la Pentecôte. Avec un zèle et des forces renouvelés, il continua à prêcher aux hommes la Parole de vie, tout en s'efforçant de diriger leur pensée vers l'Invisible. CP 487 2 Jean était un prédicateur puissant, fervent et profondément sincère. Doué d'une parole agréable, d'une voix musicale, il relatait les enseignements et les oeuvres de Jésus en des termes qui impressionnaient ses auditeurs. Sa simplicité, la puissance magnifique des vérités qu'il proclamait, l'ardeur qui caractérisait ses prédications, lui permettaient de pénétrer dans tous les milieux. CP 487 3 La vie de l'apôtre était en harmonie avec ses paroles. L'amour qu'il éprouvait pour le Christ et qui embrasait son coeur le poussait à accomplir un travail intense et soutenu en faveur de ses semblables, en particulier pour ses frères de l'Eglise chrétienne. CP 488 1 Jésus avait recommandé à ses disciples de s'aimer les uns les autres, comme il les avait aimés. C'est ainsi qu'ils montreraient que le Sauveur était en eux "l'espérance de la gloire". "Je vous donne un commandement nouveau, avait-il dit: Aimez-vous les uns les autres; comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres."1 CP 488 2 Lorsque ces paroles furent prononcées, les disciples ne purent les comprendre. Mais après avoir assisté aux souffrances du Christ, après sa crucifixion, sa résurrection, son ascension, et l'effusion de l'Esprit au jour de la Pentecôté, ils eurent une conception plus nette de l'amour de Dieu et de celui qu'ils devaient éprouver les uns pour les autres. C'est ainsi que Jean pouvait dire à ses compagnons d'oeuvre: "Nous avons connu l'amour, en ce qu'il a donné sa vie pour nous; nous aussi, nous devons donner notre vie pour les frères." CP 488 3 Après l'effusion du Saint-Esprit, lorsque les disciples allèrent proclamer au monde un Sauveur ressuscité, leur unique préoccupation fut le salut des âmes. Ils se complaisaient dans la douceur de la communion des saints; ils étaient compatissants, prévenants, désintéressés, désireux de se sacrifier pour la vérité. Ils révélaient dans leur vie quotidienne l'amour que le Christ leur avait recommandé de cultiver, et par des paroles et des actes généreux, ils s'efforçaient de le faire naître dans d'autres coeurs. CP 488 4 Les croyants devraient toujours pratiquer cet amour, et aller de l'avant, en obéissant à ce commandement nouveau. En vivant en communion étroite avec le Christ, ils seraient rendus capables de répondre à ses exigences. Leur vie magnifierait la puissance d'un Sauveur qui peut justifier par sa justice. CP 488 5 Mais bientôt un changement graduel se produisit: les chrétiens commencèrent à rechercher les défauts du prochain. Ils s'arrêtèrent sur leurs fautes, se livrèrent à des critiques malveillantes, et perdirent ainsi de vue le Sauveur et son amour. Ils devinrent plus stricts au sujet des cérémonies extérieures, plus difficiles sur les principes de la foi. Dans leur zèle à condamner autrui, ils ne virent pas leurs propres erreurs. Ils oublièrent de pratiquer l'amour fraternel que le Christ leur avait recommandé avec tant d'insistance et, ce qui était plus triste encore, ils n'avaient pas conscience de leur égarement. Ils ne se rendaient pas compte que le bonheur et la joie disparaissaient de leur vie, et qu'en bannissant de leur coeur la charité, ils allaient bientôt errer dans les ténèbres. CP 489 1 Jean, qui constatait ce relâchement dans l'Eglise, insistait auprès des chrétiens pour leur montrer qu'ils avaient un besoin constant de pratiquer l'amour fraternel. Ses épîtres sont dominées par cette pensée. "Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres, écrivait-il; car l'amour est de Dieu, et quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu. Celui qui n'aime pas n'a pas connu Dieu, car Dieu est amour. L'amour de Dieu a été manifesté envers nous en ce que Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde, afin que nous vivions par lui. Et cet amour consiste, non point en ce que nous avons aimé Dieu, mais en ce qu'il nous a aimés et a envoyé son Fils comme victime expiatoire pour nos péchés. Bien-aimés, si Dieu nous a ainsi aimés, nous devons aussi nous aimer les uns les autres." CP 489 2 Attirant l'attention des croyants sur le sens particulier qu'il faut donner à cet amour, l'apôtre écrivait: "Bien-aimés, ce n'est pas un commandement nouveau que je vous écris, mais un commandement ancien que vous avez eu dès le commencement; ce commandement ancien, c'est la parole que vous avez entendue. Toutefois, c'est un commandement nouveau que je vous écris, ce qui est vrai en lui et en vous, car les ténèbres se dissipent et la lumière véritable paraît déjà. Celui qui dit qu'il est dans la lumière, et qui hait son frère, est encore dans les ténèbres. Celui qui aime son frère demeure dans la lumière, et aucune occasion de chute n'est en lui. Mais celui qui hait son frère est dans les ténèbres, il marche dans les ténèbres, et il ne sait où il va, parce que les ténèbres ont aveuglé ses yeux." CP 490 1 "Ce qui vous a été annoncé et ce que vous avez entendu dès le commencement, c'est que nous devons nous aimer les uns les autres." "Celui qui n'aime pas demeure dans la mort. Quiconque hait son frère est un meurtrier, et vous savez qu'aucun meurtrier n'a la vie demeurant en lui. Nous avons connu l'amour, en ce qu'il a donné sa vie pour nous; nous aussi, nous devons donner notre vie pour les frères." CP 490 2 Ce n'est pas l'opposition venant de l'extérieur qui constitue le plus grand danger pour l'Eglise; ce sont les péchés entretenus dans le coeur des croyants. Ces péchés les mèneront au désastre et retarderont la marche de la cause de Dieu. Il n'est pas de moyen plus sûr d'affaiblir la spiritualité que de cultiver l'envie, la suspicion, la critique et la méfiance. CP 490 3 D'autre part, l'harmonie et l'unité qui existent parmi les hommes aux dispositions variées formant son Eglise constituent la preuve la plus convaincante que Dieu a envoyé son Fils dans le monde. Ce témoignage élogieux doit pouvoir s'adresser à tous les disciples du Christ. Mais pour le rendre, il faut qu'ils se placent sous la discipline du Sauveur, qu'ils modèlent leur caractère sur le sien et leur volonté sur la sienne. CP 490 4 "Je vous donne un commandement nouveau: Aimez-vous les uns les autres; comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres."2 Quelle merveilleuse parole, et cependant si rarement appliquée! Dans l'Eglise de Dieu, aujourd'hui, le manque d'amour fraternel fait tristement défaut. Beaucoup de ceux qui professent aimer le Sauveur ne s'aiment pas les uns les autres. Les incrédules les observent pour voir si leur foi exerce une influence sanctifiante sur leur vie, et ils sont prompts à découvrir leurs défauts de caractère, l'inconséquence de leurs actes. CP 490 5 Les chrétiens doivent éviter le plus possible de se faire remarquer par l'ennemi. Que celui-ci ne dise pas d'eux: "Regardez ces gens qui sont enrôlés sous la bannière du Christ, comme ils se détestent!" CP 491 1 Les croyants sont tous membres d'une même famille, tous enfants du même Père céleste, et possèdent la même espérance d'immortalité; les liens qui les unissent les uns aux autres devraient être très étroits. CP 491 2 L'amour divin nous adresse ses plus touchants appels, quand il nous invite à manifester une compassion aussi tendre que celle du Christ. Seul, celui qui fait preuve d'une charité désintéressée pour son prochain possède le véritable amour pour Dieu. Le vrai chrétien ne laisse pas son frère s'aventurer sur le chemin du danger sans l'en avertir. Il ne s'éloigne pas du pécheur qui s'enfonce toujours plus dans le mal et dans le découragement, ou risque de tomber sur le champ de bataille de Satan. Ceux qui n'ont jamais possédé l'amour tendre et compatissant du Christ ne peuvent conduire les autres à la source de la vie. CP 491 3 L'amour du Sauveur est une puissance contraignante, qui conduit les hommes à révéler le Seigneur dans leur conversation, dans leurs sentiments de tristesse et de pitié, dans leur volonté de faire du bien à ceux qui les entourent. Les serviteurs de Dieu, qui veulent réussir dans leur tâche, doivent connaître l'amour du Christ. Dans le ciel, on évalue leurs talents d'après leur faculté d'aimer comme le Christ aima, et de travailler comme il travailla. "N'aimons pas en paroles, dit l'apôtre, mais en actions et avec vérité." La perfection du caractère est atteinte quand le chrétien éprouve constamment le besoin d'aider les autres et de leur faire du bien. C'est l'influence de cet amour débordant de son âme qui lui communique "une odeur de vie qui donne la vie", et permet à Dieu de bénir son travail. CP 491 4 Le meilleur don que nous puissions recevoir de notre Père céleste, c'est un suprême amour pour lui et un amour désintéressé pour autrui. Cet amour n'est pas l'impulsion d'un moment, mais un principe divin, une force permanente. Il ne peut prendre naissance dans un coeur irrégénéré. Il ne se trouve que dans celui où Jésus règne. "Nous l'aimons, parce qu'il nous a aimés le premier." C'est le principe directeur de l'action dans l'être renouvelé par la grâce divine. Il modifie le caractère, gouverne les impulsions, contrôle les passions, et ennoblit les affections. Entretenu dans l'âme, il adoucit la vie et répand une influence qui purifie. CP 492 1 Jean s'efforçait d'amener les croyants à reconnaître les privilèges dont ils bénéficieraient s'ils pratiquaient la charité. Le pouvoir rédempteur qui remplit un coeur doit contrôler tous les autres mobiles, et élever les chrétiens au-dessus des influences corruptrices du monde. Et tandis que cet amour deviendra tout-puissant en eux, et sera la force motrice de leur vie, leur confiance et leur assurance en Dieu, d'une part, et les relations de Dieu avec eux, d'autre part, atteindront la perfection. Ils pourront alors venir à lui avec une foi confiante, sachant qu'ils recevront tout ce qui leur est nécessaire pour leur bonheur présent et éternel: "C'est en cela que l'amour est parfait en nous, afin que nous ayons de l'assurance au jour du jugement, écrivait l'apôtre. La crainte n'est pas dans l'amour, mais l'amour parfait bannit la crainte. [...] Nous avons auprès de lui cette assurance, que si nous demandons quelque chose selon sa volonté, il nous écoute. [...] Nous savons que nous possédons la chose que nous lui avons demandée." CP 492 2 "Si quelqu'un a péché, nous avons un avocat auprès du Père, Jésus-Christ le juste. Il est lui-même une victime expiatoire pour nos péchés, non seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux du monde entier." CP 492 3 Les conditions nécessaires pour bénéficier de la miséricorde divine sont simples et raisonnables. Pour nous accorder son pardon, le Seigneur ne réclame pas de nous quelque chose de pénible; nous n'avons pas besoin de faire de longs et fatigants pèlerinages, ni de nous astreindre à des pénitences douloureuses pour recommander nos âmes à Dieu ou expier nos transgressions. "Celui qui avoue et délaisse son péché obtient miséricorde."3 Le Christ plaide dans les cours célestes pour son Eglise; il intercède pour ceux qu'il a rachetés au prix de son sang. Ni les siècles ni les millénaires n'amoindrissent l'efficacité de son sacrifice expiatoire. Rien, ni la vie, ni la mort, ni la hauteur, ni la profondeur, ne peut nous séparer de l'amour de Dieu qui est en Jésus-Christ, non parce que nous nous approchons de lui, mais parce que c'est lui qui se tient tout près de nous. Si notre salut dépendait de nos propres efforts, nous ne pourrions être sauvés; mais il dépend de celui qui est au-delà de toutes les promesses. Nos possibilités peuvent paraître faibles, mais son amour pour nous est comme celui d'un frère aîné. Tant que nous restons en contact avec lui, nul ne saurait nous arracher de sa main. CP 493 1 A mesure que les années s'écoulaient et que le nombre des croyants se multipliait, Jean travaillait pour ses frères avec une fidélité et un zèle croissants. L'Eglise courait de grands dangers. Satan exerçait ses ravages partout. Par de faux rapports et des tromperies, ses émissaires tentaient de renforcer l'opposition contre les doctrines du Sauveur; par la suite, les dissensions et les sectes mettaient l'Eglise en péril. Certains, qui se réclamaient du Christ, proclamaient que son amour les dispensait d'obéir à la loi de Dieu. Par ailleurs, beaucoup d'autres enseignaient qu'il fallait observer les coutumes et les cérémonies juives, et qu'il n'était pas nécessaire d'avoir foi dans le sang de Jésus pour être sauvé; une simple observance de la loi suffisait au salut. D'autres tenaient le Christ pour un homme supérieur, mais lui refusaient la divinité. D'autres encore, prétendant être fidèles à la cause de Dieu, étaient des imposteurs et, pratiquement, reniaient le Sauveur et son Evangile. Ils vivaient dans le péché, et introduisaient des hérésies dans l'Eglise. Ainsi, beaucoup se fourvoyaient dans le dédale du scepticisme et des erreurs. Jean était rempli de tristesse en voyant ces théories empoisonnées s'insinuer au sein des communautés chrétiennes. Il devinait les dangers auxquels elles étaient exposées, et il agissait avec promptitude et décision. CP 494 2 Les épîtres de Jean recèlent l'esprit même de la charité; il semble que l'apôtre les ait rédigées avec une plume trempée dans l'amour. Mais quand il fut en contact avec ceux qui n'observaient pas la loi de Dieu, et prétendaient cependant vivre sans péché, il n'hésita pas à les avertir de leur dangereuse illusion. Il écrivait à une femme renommée et influente, qui se rendait utile dans l'oeuvre évangélique: "Plusieurs séducteurs sont entrés dans le monde, qui ne confessent point que Jésus-Christ est venu en chair. Celui qui est tel, c'est le séducteur et l'antéchrist. Prenez garde à vous-mêmes, afin que vous ne perdiez pas le fruit de votre travail, mais que vous receviez une pleine récompense. Quiconque va plus loin et ne demeure pas dans la doctrine de Christ n'a point Dieu; celui qui demeure dans cette doctrine a le Père et le Fils. Si quelqu'un vient à vous et n'apporte pas cette doctrine, ne le recevez pas dans votre maison, et ne lui dites pas: Salut! car celui qui lui dit: Salut! participe à ses mauvaises oeuvres." CP 494 1 Nous sommes autorisés à adopter envers ceux qui prétendent demeurer en Christ, tout en transgressant la loi de Dieu, la même conduite que celle de l'apôtre bien-aimé. Les dangers qui menaçaient d'enrayer la marche de l'Evangile dans la primitive Eglise sont les mêmes aujourd'hui; c'est pourquoi les enseignements de l'apôtre devraient être suivis avec soin. "Vous devez manifester la charité", c'est le cri que l'on entend s'élever partout, en particulier parmi ceux qui prétendent être sanctifiés. Mais la vraie charité est trop pure pour couvrir un péché non confessé. Tout en aimant les âmes pour lesquelles le Christ est mort, nous ne devons admettre aucun compromis avec le mal. Nous ne pouvons nous joindre à des rebelles, sous le prétexte de la charité chrétienne. Dieu demande à son peuple aujourd'hui de tenir pour la justice aussi fidèlement que Jean dans sa lutte contre les erreurs délétères. CP 494 2 L'apôtre nous enseigne que tout en faisant preuve de politesse chrétienne, nous sommes autorisés à agir avec franchise à l'égard du péché et des pécheurs. Une telle attitude n'est pas incompatible avec la vraie charité. "Quiconque pèche transgresse la loi, écrit-il, et le péché est la transgression de la loi. Or, vous le savez, Jésus a paru pour ôter les péchés, et il n'y a point en lui de péché. Quiconque demeure en lui ne pèche point; quiconque pèche ne l'a pas vu, et ne l'a pas connu." CP 495 1 Comme témoin du Christ, Jean ne se lança ni dans la controverse, ni dans de fastidieux débats. Il fit part de ce qu'il avait vu et entendu. Intimement associé à la vie du Maître, il avait écouté ses enseignements, et assisté à ses prodigieux miracles. Rares étaient ceux qui, comme Jean, avaient pu contempler la beauté du caractère du Christ. Pour l'apôtre, les ténèbres s'étaient dissipées; la vraie lumière resplendissait sur lui, et son témoignage sur la vie et la mort du Sauveur était clair et convaincant. De son coeur débordant d'amour pour le Christ s'échappaient des paroles qu'aucune puissance terrestre ne pouvait réfréner. "Ce qui était dès le commencement, déclarait-il, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché, concernant la parole de vie, [...] ce que nous avons vu et entendu, nous vous l'annonçons, à vous aussi, afin que vous aussi vous soyez en communion avec nous. Or, notre communion est avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ." CP 495 2 Ainsi, tout vrai croyant devrait-il, d'après sa propre expérience chrétienne, être capable de certifier "que Dieu est vrai"4 et pouvoir rendre témoignage de ce qu'il a vu, entendu et senti de la puissance du Christ. ------------------------Chapitre 55 -- Transformé par la grâce CP 497 1 La vie de l'apôtre Jean est un exemple de véritable sanctification. Durant ses années d'étroites relations avec le Christ, il recevait souvent de lui des avertissements et des mises en garde, qu'il savait toujours accepter. A mesure que le caractère du Sauveur se dévoilait à ses regards, il avait conscience de ses propres lacunes, et il en était humilié. Jour après jour, son coeur était attiré vers le Christ, jusqu'à ce qu'il en vînt à s'oublier lui-même dans son amour pour son Maître. La puissance et la tendresse, la majesté et l'humilité, la grandeur d'âme et la patience qu'il observait dans la vie quotidienne du Fils de Dieu le remplissaient d'admiration. Il abandonna son tempérament irritable et ambitieux au pouvoir transformateur du Christ, et l'amour divin opéra en lui une véritable métamorphose. CP 497 2 Quel contraste frappant entre la vie de Jean et la conduite ignominieuse de son compagnon d'oeuvre: Judas! Celui-ci prétendait être aussi un disciple du Christ, mais il ne possédait que la forme de la piété. Il n'était pas insensible à la beauté du caractère de Jésus. Convaincu par ses paroles, lorsqu'il l'écoutait prêcher, il ne voulait cependant ni humilier son coeur, ni confesser ses péchés. En résistant à la divine influence, il déshonorait le Maître qu'il prétendait aimer. Jean, lui, luttait avec acharnement contre ses penchants, mais Judas étouffait la voix de sa conscience et cédait à la tentation; il s'ancrait plus profondément dans ses habitudes de faire le mal. La pratique des vérités que le Christ enseignait était en désaccord avec ses plans et ses intentions, et il ne consentait pas à abandonner ses idées pour recevoir la sagesse d'en haut. Au lieu de marcher dans la lumière, il préférait les ténèbres. Il entretenait en lui les mauvais désirs, la cupidité, les pensées sombres et taciturnes, à tel point que Satan le réduisit entièrement en esclavage. CP 498 1 Jean et Judas représentent tous ceux qui se disent serviteurs du Christ. Ces deux disciples avaient les mêmes occasions d'étudier et d'imiter le divin Modèle. Tous les deux étaient en étroite relation avec Jésus, et ils avaient le privilège d'entendre ses enseignements. Chacun d'eux possédait de graves défauts, et chacun d'eux avait accès à la grâce divine qui transforme la vie; mais tandis que l'un recevait en toute humilité les instructions du Maître, l'autre montrait qu'il ne mettait pas la Parole en pratique, et n'en était qu'un simple auditeur. L'un mourait chaque jour à lui-même et, dominant son péché, se sanctifiait par la vérité; l'autre résistait au pouvoir régénérateur de la grâce et, satisfaisant ses désirs égoïstes, était réduit en esclavage par Satan. CP 498 2 Une transformation semblable à celle que l'on peut voir dans la vie de Jean résulte toujours d'une communion étroite avec le Christ. Il peut y avoir des défauts accusés dans le caractère, mais lorsqu'on devient un vrai disciple du Sauveur, la grâce divine régénère l'individu et le sanctifie. Le chrétien qui contemple, comme dans un miroir, la gloire du Seigneur est "transformé de gloire en gloire", jusqu'à ressembler à celui qu'il adore. CP 499 1 Jean était le prédicateur de la sainteté et, dans ses épîtres, il édicte des règles infaillibles qui doivent servir de ligne de conduite à tous les chrétiens. "Quiconque a cette espérance en lui se purifie, comme lui-même est pur", écrit-il. "Celui qui dit qu'il demeure en lui doit marcher aussi comme il a marché lui-même."1 CP 499 2 Jean enseigne que le chrétien doit être pur dans sa vie et dans son coeur; il ne saurait se contenter d'une vaine profession de foi. Comme Dieu est saint dans sa sphère, ainsi l'homme, par la foi en Christ, deviendra saint dans la sienne. L'apôtre Paul déclarait: "Ce que Dieu veut, c'est votre sanctification."2 CP 499 3 Cette sanctification de l'Eglise est le but que Dieu se propose dans tous ses rapports avec son peuple. Du sein de l'éternité, il a choisi ses enfants pour qu'ils soient saints. Il a donné son Fils afin qu'il meure pour eux et que, dépouillés de toutes leurs mesquineries, ils puissent être sanctifiés en obéissant à la vérité. Il réclame, en retour, une oeuvre, un renoncement personnel. Dieu ne peut être honoré par ceux qui professent croire en lui, que dans la mesure où ils reflètent son image et se laissent diriger par son Esprit. Alors, comme témoins de leur Sauveur, ils feront connaître ce que la grâce divine a fait pour eux. CP 499 4 La véritable sanctification s'obtient par la soumission aux principes de l'amour. "Dieu est amour; et celui qui demeure dans l'amour demeure en Dieu."3 La vie de celui dans le coeur duquel le Christ habite sera une manifestation de piété réelle. Le caractère sera purifié, élevé, ennobli et glorifié. La pure doctrine de l'Evangile sera associée aux oeuvres de justice; les préceptes divins se confondront avec les saintes pratiques CP 499 5 Ceux qui désirent parvenir à la sanctification doivent d'abord apprendre ce qu'est le sacrifice de soi-même. La croix du Christ est le pilier central sur lequel repose au-delà de toute mesure "un poids éternel de gloire". "Si quelqu'un veut venir après moi, dit le Christ, qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge de sa croix, et qu'il me suive."4 C'est le suave parfum de l'amour pour nos semblables qui révèle notre amour pour Dieu. C'est la patience dans le service qui apporte la paix dans l'âme. La prospérité de l'Eglise sera assurée par un travail humble, diligent et fidèle. Dieu soutient et fortifie celui qui désire suivre le chemin qui mène au Christ. CP 500 1 La sanctification n'est pas l'oeuvre d'un moment, d'une heure ou d'un jour, mais de toute une vie. On ne peut l'acquérir par une heureuse effusion de sentiments, mais c'est le résultat d'une mort définitive au péché et d'une vie constante en Christ. Des efforts faibles et intermittents ne sauraient ni redresser les erreurs, ni opérer de réforme dans le caractère. Ce n'est que par un labeur long et persévérant, par une discipline sévère et un dur combat que nous pouvons vaincre. Nous ne savons pas aujourd'hui quelle sera la sévérité de la lutte de demain. Aussi longtemps que Satan régnera, nous aurons à soumettre le moi, à vaincre nos péchés; tant que nous vivrons, il n'y aura aucun arrêt dans notre marche chrétienne. Nous ne pourrons jamais dire: J'ai pleinement abouti. La sanctification, c'est le résultat de toute une vie d'obéissance. CP 500 2 Aucun des apôtres, aucun des prophètes ne s'est jamais vanté d'être sans péché. Ceux qui ont vécu le plus près de Dieu, ceux qui ont préféré faire le sacrifice de leur vie plutôt que de commettre une action injuste, ceux que Dieu a honorés de sa lumière et de sa puissance ont reconnu leur culpabilité. Ils n'ont pas placé leur confiance dans la chair, ni mis en avant leur justice personnelle, mais ils se sont confiés entièrement dans la justice du Christ. CP 500 3 Ainsi doit se comporter celui qui contemple Jésus. Plus nous nous approcherons de lui, plus il nous sera possible de discerner la pureté de son caractère et de comprendre la nature odieuse du péché, en sorte que nous serons moins que jamais disposés à nous glorifier de notre propre personne. Notre âme soupirera constamment après Dieu; nous éprouverons au fond de nos coeurs un continuel besoin de confesser nos péchés et de nous humilier devant le Seigneur. A mesure que nous avancerons dans la vie chrétienne, notre besoin de repentance augmentera. Nous apprendrons que nous dépendons du Christ seul, et nous ferons nôtre la confession de l'apôtre: "Ce qui est bon, je le sais, n'habite pas en moi, c'est-à-dire dans ma chair." "Loin de moi la pensée de me glorifier d'autre chose que de la croix de notre Seigneur Jésus-Christ, par qui le monde est crucifié pour moi, comme je le suis pour le monde."5 CP 501 1 Que les anges enregistrent l'histoire des luttes et des conflits du peuple de Dieu, ainsi que ses prières et ses larmes, mais que Dieu ne soit pas déshonoré par cette affirmation émanant de lèvres humaines: "Je suis sans péché, je suis saint!" Des lèvres sanctifiées ne sauraient jamais prononcer de paroles aussi présomptueuses! CP 501 2 L'apôtre Paul, ravi au troisième ciel, avait vu et entendu des choses qui ne pouvaient s'exprimer. Cependant, il affirme: "Ce n'est pas que j'aie déjà... atteint la perfection; mais je cours, pour tâcher"6 d'y parvenir. CP 501 3 Que les anges prennent note des victoires de Paul qui combat le bon combat de la foi! Que le ciel se réjouisse de sa marche fidèle vers la cité céleste et que, les yeux fixés sur le but, l'apôtre estime toute considération humaine comme de la boue! Les messagers célestes inscrivent ses triomphes, mais Paul ne se vante pas de ses succès. L'attitude de l'apôtre est celle que devrait adopter tout disciple du Christ, qui court pour remporter la couronne immortelle. CP 501 4 Que ceux qui se sentent portés à faire une belle profession de sainteté, plongent les regards dans le miroir de la loi de Dieu. Lorsqu'ils verront ses exigences dont la portée est si étendue, et qu'ils comprendront qu'elle dévoile les pensées et les intentions du coeur, ils ne se vanteront plus d'être irrépréhensibles. "Si nous disons que nous n'avons pas de péché, nous nous séduisons nous-mêmes et la vérité n'est point en nous", écrit Jean, qui ne se sépare pas de ses frères. Et encore: "Si nous disons que nous n'avons pas péché, nous le faisons [Dieu] menteur, et sa parole n'est point en nous. [...] Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous les pardonner, et pour nous purifier de toute iniquité."7 CP 502 1 Il en est qui prétendent à la sainteté, qui disent appartenir complètement au Seigneur et se réclament de ses promesses, tout en refusant d'obéir à ses préceptes. Ces transgresseurs de la loi veulent recevoir tout ce qui est promis aux enfants de Dieu; mais ce n'est là que présomption, car l'apôtre déclare que le véritable amour consiste dans l'observance de tous les commandements. Croire à la théorie de la vérité, faire une profession de foi, être assuré que Jésus n'est pas un imposteur, et que la Bible n'est pas une série de fables habilement conçues, n'est pas suffisant. "Celui qui dit: Je l'ai connu, et qui ne garde pas ses commandements, écrit Jean, est un menteur, et la vérité n'est point en lui. Mais celui qui garde sa parole, l'amour de Dieu est véritablement parfait en lui: par là nous savons que nous sommes en lui. [...] Celui qui garde ses commandements demeure en Dieu, et Dieu en lui."8 CP 502 2 Jean n'a pas enseigné le salut par l'obéissance, mais a déclaré qu'elle est le fruit de l'amour et de la foi. "Vous le savez, dit-il, Jésus a paru pour ôter les péchés, et il n'y a point en lui de péché. Quiconque demeure en lui ne pèche point; quiconque pèche ne l'a pas vu, et ne l'a pas connu."9 CP 502 3 Si nous demeurons en Christ, si son amour habite dans nos coeurs, nos sentiments, nos actions seront en harmonie avec la volonté de Dieu. Le coeur sanctifié est en règle avec les préceptes de la loi divine. CP 502 4 Beaucoup de croyants s'efforcent d'obéir aux commandements de Dieu; cependant, ils jouissent de peu de paix et de joie. Cette carence dans leur vie spirituelle provient du manque d'exercice de leur foi. Ils marchent, semble-t-il, sur une terre altérée, dans un désert aride. Ils se contentent de peu, alors qu'ils pourraient demander beaucoup; car les promesses de Dieu sont illimitées. De tels croyants représentent mal la sanctification qui s'obtient en se conformant à la vérité. Le Seigneur désire que tous ses enfants possèdent le bonheur, la paix dans l'obéissance. Par l'exercice de sa foi, le chrétien acquiert ces bénédictions. C'est par elle que toute imperfection de caractère est réformée, toute souillure purifiée, toute faute corrigée, toute perfection développée. CP 503 1 L'oraison est un moyen efficace recommandé par le ciel dans le développement du caractère et la lutte contre le péché. L'influence divine qui se fait sentir dans le coeur en réponse à la prière de la foi assure au chrétien tout ce qu'il a réclamé. Nous pouvons demander le pardon de nos péchés et le don du Saint-Esprit; nous pouvons intercéder pour obtenir un caractère semblable à celui du Christ, et la sagesse et la force pour accomplir son oeuvre; tout ce que Dieu a promis, il nous l'accordera; il nous dit, en effet: "Vous recevrez." CP 503 2 C'est avec Dieu sur le mont Sinaï que Moïse contempla le modèle de cette merveilleuse construction où la gloire divine devait se manifester. C'est avec Dieu -- dans le lieu secret de la communion -- que nous contemplerons le glorieux idéal du Sauveur à l'égard de l'humanité. De tout temps, par la communion avec le ciel, et une révélation graduelle des doctrines de la grâce, se sont accomplis les desseins de Dieu en faveur de ses enfants. La manière dont il nous fait part de sa vérité est illustrée par ces paroles: "Sa venue est aussi certaine que celle de l'aurore."10 Celui qui se place là où le Seigneur peut l'illuminer, passe de l'obscurité partielle de l'aurore à l'éblouissante clarté du plein midi. CP 503 3 La vraie sanctification signifie l'amour parfait, l'obéissance parfaite, la conformité parfaite à la volonté divine. Nous sommes sanctifiés par l'obéissance à la vérité, et notre conscience est purifiée des oeuvres mortes pour servir le Dieu vivant. Nous n'avons pas encore atteint la perfection, mais nous pouvons rompre avec notre égoïsme, avec notre péché. De grandes possibilités, des réalisations nobles et saintes sont à la portée de tous. CP 504 1 La raison pour laquelle, de nos jours, beaucoup ne font pas de plus grands progrès spirituels provient de ce qu'ils confondent la volonté de Dieu avec la leur. Ils n'ont pas de luttes à soutenir contre eux-mêmes. CP 504 2 D'autres, par ailleurs, réussissent pendant un certain temps à combattre leurs désirs égoïstes, qui leur assureraient une existence facile et agréable. Ils sont sincères et loyaux, mais ils se lassent de fournir un effort prolongé, de mourir tous les jours à eux-mêmes, et de vivre dans un trouble perpétuel. L'indolence leur paraît préférable, la mort à eux-mêmes rebutante. Ils ferment leurs yeux appesantis, et retombent sous le pouvoir de la tentation, au lieu de lui résister. CP 504 3 Les instructions données dans la sainte Ecriture ne permettent aucun accommodement avec le mal. Le Fils de Dieu a promis d'attirer tous les hommes à lui. Il est venu, non pour leurrer l'humanité, mais pour lui indiquer le sentier qu'elle doit suivre, afin d'atteindre les portes de la cité céleste. Nous, ses enfants, devons marcher dans l'empreinte de ses pas, et soutenir une lutte permanente avec nous-mêmes, quel que soit le sacrifice que cela demande à notre vie facile ou à nos plaisirs égoïstes, quel que soit le prix de nos labeurs ou de nos souffrances. CP 504 4 La plus grande louange que les hommes puissent adresser à Dieu, c'est de devenir des instruments consacrés par lesquels il opérera. Le temps se jette rapidement dans l'éternité. Ne gardons pas pour nous-mêmes ce qui appartient à Dieu. Ne le privons pas de ce que nous n'avons aucun mérite à lui offrir, et qui causerait notre perte si nous le lui refusions. Ce qu'il demande, c'est notre coeur tout entier, donnons-le lui; il est sa propriété parce qu'il l'a créé et qu'il l'a racheté. Il veut notre intelligence, donnons-la lui; elle est à lui. Il nous réclame notre argent, donnons-le lui, il lui appartient. "Vous ne vous appartenez point à vous-mêmes, dit l'apôtre. Car vous avez été rachetés à un grand prix."11 CP 505 1 Pour le servir, Dieu exige l'hommage d'un coeur sincère, préparé par l'exercice de la foi, qui agit sous l'impulsion de l'amour. Il place devant nous l'idéal le plus noble, allant même jusqu'à la perfection. Le Christ nous demande d'être absolument pour lui en ce monde, comme il est pour nous en présence de Dieu. CP 505 2 "Ce que Dieu veut, c'est votre sanctification."12 Le voulez-vous, vous aussi? Vos péchés peuvent apparaître comme des montagnes qui se dressent devant vous; mais si vous humiliez vos coeurs, si vous confessez vos fautes, si vous mettez votre confiance dans les mérites d'un Sauveur crucifié et ressuscité, Dieu vous accordera son pardon et vous purifiera de toute iniquité. Il vous demande de vous conformer en tous points à sa loi. Celle-ci est l'écho de sa voix qui vous dit: "Soyez plus saints; oui, toujours plus saints." Recherchez la plénitude de la grâce du Christ. Que votre coeur désire avec ardeur sa justice, par laquelle la Parole nous assure que nous obtiendrons la paix pour toujours. CP 505 3 Plus votre âme soupirera après Dieu, plus vous contemplerez les richesses incommensurables de sa grâce. Vous entrerez ainsi en possession de ces richesses, qui vous révéleront les mérites du sacrifice du Sauveur, les bienfaits de sa justice, la plénitude de sa sagesse; et, par sa puissance, vous pourrez vous présenter devant le Père "sans tache et irrépréhensibles".13 ------------------------Chapitre 56 -- Patmos CP 507 1 Plus d'un demi-siècle s'était écoulé depuis l'organisation de l'Eglise. Le message évangélique avait été, pendant ce temps, constamment combattu. Ses ennemis n'avaient jamais relâché leurs efforts, et ils étaient finalement parvenus à mettre en branle la puissance de l'empereur romain contre les chrétiens. Dans la terrible persécution qui s'ensuivit, l'apôtre Jean déploya toutes ses forces pour affermir la foi des croyants. Il rendait un témoignage que ses adversaires ne pouvaient contredire, et qui aidait ses frères à lutter avec courage et fidélité contre l'adversité qui les accablait. Quand la foi des chrétiens semblait chanceler sous l'opposition farouche à laquelle ils devaient faire face, le disciple de Jésus, chargé d'années et accablé par l'épreuve, répétait alors avec une puissante éloquence l'histoire du Sauveur crucifié et ressuscité. Sa foi demeurait ferme, et de ses lèvres s'échappaient fréquemment ces paroles magnifiques: "Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché, concernant la parole de vie, [...] ce que nous avons vu et entendu, nous vous l'annonçons."1 CP 508 1 Jean devait devenir très vieux. Il assista à la destruction de Jérusalem et à la ruine de son temple majestueux. Comme il était le dernier survivant des disciples ayant été intimement mêlés à la vie du Sauveur, sa prédication qui prouvait que Jésus était le Messie, le Rédempteur du monde, avait une grande influence sur tous ceux qui l'entendaient. Nul ne pouvait mettre en doute sa sincérité, et beaucoup se convertissaient par son intermédiaire. CP 508 2 Les chefs des Juifs étaient remplis d'une haine farouche envers l'apôtre qui se montrait d'une fidélité inébranlable à la cause du Christ. Ils déclaraient qu'ils ne pouvaient rien tenter contre les chrétiens tant que le témoignage de Jean retentirait aux oreilles du peuple. Pour que les miracles et les enseignements de Jésus puissent être oubliés, il fallait que la voix de l'intrépide témoin soit réduite au silence. CP 508 3 Jean fut en conséquence sommé de se rendre à Rome, afin d'y être jugé pour sa foi. Dans cette ville, les doctrines de l'apôtre furent mal interprétées par les autorités. De faux témoins l'accusèrent d'enseigner des hérésies séditieuses. Ses ennemis espéraient, par ces accusations, provoquer la mort du serviteur de Dieu. CP 508 4 Jean se défendit d'une façon si brillante et si convaincante, avec tant de simplicité et de franchise, que ses paroles eurent un puissant effet sur l'assistance. Ses auditeurs demeuraient saisis par sa sagesse et son éloquence. Mais plus ses déclarations étaient persuasives, plus farouche devenait la haine de ses ennemis. L'empereur Domitien était plein de rage. Il ne pouvait ni contredire les arguments du fidèle avocat du Christ, ni rivaliser avec la puissance qui accompagnait la proclamation de la vérité; cependant, il résolut d'en finir avec lui. CP 508 5 L'apôtre fut jeté dans un chaudron d'huile bouillante, mais le Seigneur préserva la vie de son fidèle serviteur, comme il le fit pour les trois jeunes hébreux dans la fournaise ardente. CP 509 1 Tandis qu'on prononçait ces mots: "Ainsi périrent tous ceux qui ont cru à cet imposteur Jésus-Christ de Nazareth", Jean déclara: "Mon Maître s'est soumis patiemment à tout ce que Satan et ses anges pouvaient imaginer pour l'humilier et le torturer. Il a donné sa vie pour sauver le monde. Je suis honoré d'avoir la possibilité de souffrir par amour pour lui. Je suis faible et pécheur; le Christ était saint, innocent et pur. Ni le péché, ni la fraude ne furent trouvés dans sa bouche." CP 509 2 Ces paroles produisirent une profonde impression, et Jean fut retiré sain et sauf du chaudron par les hommes mêmes qui l'y avaient jeté. CP 509 3 Mais de nouveau la persécution s'abattit lourdement sur l'apôtre. Par décret de l'empereur, il fut envoyé en exil dans l'île de Patmos, condamné "à cause de la parole de Dieu et du témoignage de Jésus".2 Ses ennemis pensèrent que là il n'exercerait plus d'influence, et qu'il mourrait finalement de privations et de désespoir. CP 509 4 Patmos, île rocheuse et désertique, située dans la mer Egée, avait été choisie par le gouvernement romain comme lieu de déportation pour les criminels. Mais au serviteur de Dieu, ce lieu de détention inhospitalier devint la porte du ciel. Là, séparé de l'agitation de la vie, de l'activité des années écoulées, il était en communion avec Dieu, avec le Christ et les anges, et il en reçut des instructions pour l'Eglise des temps futurs. Les événements qui surviendraient à la fin du monde lui furent présentés, et il relata les visions qu'il avait eues à cet égard. Lorsque sa voix ne pourrait plus se faire entendre en faveur de celui qu'il aimait et servait, les messages qu'il reçut sur cette terre désolée et qui dévoilaient les desseins précis du Seigneur au sujet de chaque nation de la terre seraient comme une torche lumineuse. CP 509 5 Parmi les falaises et les rochers de l'île de Patmos, Jean communiait avec son Maître. Il faisait un retour en arrière, et pensait aux bénédictions dont il avait été l'objet et à la paix qui inondait son coeur. Ayant vécu une vie de chrétien, il pouvait dire: "Nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie."3 Il n'en était pas de même pour l'empereur qui l'avait exilé; celui-ci ne pouvait voir, en jetant un regard en arrière, que champs de bataille ou de carnage, foyers détruits, veuves et orphelins en larmes, fruits de ses désirs ambitieux de domination. CP 510 1 Dans son isolement, Jean pouvait étudier avec plus de précision encore les manifestations de la puissance divine, telles qu'elles se dégagent du livre de la nature et des pages de la Parole inspirée. C'était pour lui un ravissement que de méditer sur l'oeuvre de la création et d'en adorer le divin architecte. Au cours des années précédentes, ses yeux avaient été accoutumés à admirer le spectacle des collines couvertes de forêts, des vallées verdoyantes et des plaines aux vergers florissants; et, à travers les beautés de la nature, il s'était toujours plu à remonter à l'origine de la sagesse et de la puissance du Créateur. Maintenant, il était au milieu d'un décor qui pouvait paraître à quiconque triste et dénué de tout intérêt; mais pour lui, il en était autrement. Le spectacle environnant pouvait être désolé et aride; l'azur du ciel qu'il contemplait était aussi pur, aussi lumineux que celui de sa bien-aimée Jérusalem. Dans les rochers sauvages et chaotiques, dans les mystères de l'abîme, dans les splendeurs du firmament, il apprenait de précieuses leçons. Tout lui apportait le message de la gloire et de la puissance de Dieu. CP 510 2 Autour de lui, l'apôtre discernait les témoignages des flots ayant recouvert le globe, au temps du déluge, à cause de ses habitants qui avaient osé transgresser la loi de Dieu. Le fracas des vagues se brisant sur les rochers qui surgissaient de la mer profonde et de la côte rappelait éloquemment à son esprit les terreurs de cette colère effrayante dont la terre avait été l'objet de la part de Dieu. CP 510 3 Dans la voix des flots -- un flot appelle un autre flot -- le prophète entendait la voix du Créateur. La mer cinglée furieusement par les vents impétueux lui représentait la colère d'un Dieu offensé. Dans leur fracas épouvantable, les vagues puissantes contenues dans les limites présentes par une main invisible lui parlaient du contrôle d'une puissance infinie. Et il se rendait compte, par contraste, de la faiblesse et de la folie des mortels qui, bien que semblables à des vers, se glorifient de leur sagesse et de leur force, ces mortels dont le coeur s'oppose au Maître de l'univers, comme s'il était leur semblable. CP 511 1 Les rochers rappelaient à Jean le Christ, rocher immuable, à l'ombre duquel il pouvait se retirer sans crainte. Exilé sur son île déserte, il faisait monter vers Dieu les plus ferventes prières. CP 511 2 L'histoire de Jean offre une illustration frappante de la façon dont le Seigneur emploie ses serviteurs âgés. Quand l'apôtre fut exilé, nombreux étaient ceux qui pensaient qu'il avait achevé sa carrière, et n'était plus qu'un vieux roseau brisé, prêt à tomber à la première occasion. Mais Dieu en jugea autrement. Bien que chassé des lieux de son ancienne activité, il ne cessa de rendre témoignage en faveur de la vérité. Même à Patmos, il se fit des amis et amena des âmes à la conversion. Son message était un message de joie qui proclamait un Sauveur ressuscité, un Sauveur qui intercédait dans le ciel en faveur de son peuple, jusqu'au moment où il reviendrait et le prendrait avec lui. C'est après avoir blanchi au service de son Sauveur qu'il reçut le plus de communications du ciel, plus même qu'il n'en eut jamais pendant toute sa vie. CP 511 3 On devrait témoigner les plus tendres égards à ceux qui ont consacré leur vie à l'oeuvre du Seigneur. Ces serviteurs âgés sont demeurés fidèles au milieu de la tempête et de l'épreuve. Peut-être souffrent-ils de quelques infirmités, mais ils possèdent encore des talents qui leur permettent d'occuper une place dans l'oeuvre de Dieu. Bien qu'usés et incapables d'assumer les lourdes charges qui incombent aux jeunes, leurs conseils sont de la plus haute valeur. CP 511 4 Ils peuvent avoir commis des fautes, mais leurs échecs mêmes leur ont appris à éviter les erreurs et les dangers. Ne sont-ils pas, en conséquence, compétents pour donner les plus sages avis? Ils ont supporté l'épreuve et la tribulation, et bien que leurs forces aient décliné, le Seigneur ne les met pas de côté. Il les dote d'une grâce et d'une sagesse spéciales. CP 512 1 Ceux qui ont servi leur Maître quand le travail était dur, qui ont supporté la pauvreté et sont restés fidèles, lorsqu'ils étaient un petit nombre à répandre la vérité, doivent être honorés et respectés. CP 512 2 Le Seigneur désire que ses jeunes serviteurs acquièrent de la sagesse, de la force, de la maturité d'esprit, en collaborant avec ces fidèles disciples. Qu'ils se rendent compte du privilège dont ils jouissent en possédant parmi eux de tels hommes! Qu'ils leur donnent une place d'honneur dans leurs conseils! CP 512 3 A mesure qu'ils approcheront de la fin de leur ministère terrestre, ceux qui ont passé leur vie au service du Christ posséderont une plus grande mesure de l'Esprit, et feront part à leurs frères de leurs expériences. Le récit des merveilles que le Seigneur accomplit à l'égard de son peuple, de sa grande bonté qui l'a toujours délivré de ses épreuves, devrait être répété aux nouveaux convertis. Dieu désire que ces vieux serviteurs, éprouvés, demeurent à leur place et jouent un rôle actif dans le salut des âmes. Il veut qu'ils portent leur armure jusqu'au moment où il leur ordonnera de la déposer. CP 512 4 Une leçon merveilleuse de courage et de force se dégage du drame qui se déroula au moment où Jean subit la persécution. Dieu n'empêche pas les méchants de tramer des complots, mais il fait concourir leurs desseins au bien de ceux qui, dans l'adversité et la lutte, conservent leur foi et leur intégrité. CP 512 5 Souvent le ministre de l'Evangile poursuit sa tâche au milieu des orages de la persécution, de l'opposition farouche et de l'opprobre. Qu'à ces moments-là il se souvienne que l'expérience acquise dans la fournaise de l'épreuve et de l'affliction est digne de la souffrance qu'elle coûte. CP 512 6 Ainsi, Dieu rapproche de lui ses enfants pour leur montrer leur faiblesse et sa force. Il leur apprend à s'appuyer sur lui; il les prépare de cette manière à faire face aux situations difficiles, afin qu'ils puissent occuper des postes de confiance, et accomplir les desseins pour lesquels ils ont reçu des dons spéciaux. CP 513 1 De tout temps, les témoins de Dieu se sont exposés à l'opprobre et à la persécution pour l'amour de la vérité. Joseph fut maltraité et emprisonné, parce qu'il conserva sa fidélité et son intégrité. David, le messager élu de Dieu, fut chassé par ses ennemis comme une bête de proie. Daniel fut jeté dans la fosse aux lions, à cause de sa fidélité envers Dieu. Job fut dépouillé de toutes ses possessions terrestres et tellement tourmenté dans son corps qu'il était en abomination à sa famille et à ses amis; cependant, il demeura ferme. Jérémie ne pouvait s'empêcher de prononcer les paroles que Dieu lui avait ordonné de dire, et son témoignage irrita si fortement le roi et les princes qu'on le descendit dans une fosse infecte. Etienne fut mis à mort, parce qu'il prêchait le Christ, le Sauveur crucifié. Paul fut emprisonné, lapidé et finalement condamné, parce qu'il était, auprès des Gentils, un messager fidèle de Dieu. Et Jean fut exilé dans l'île de Patmos, "à cause de la parole de Dieu et du témoignage de Jésus". Ces exemples de fermeté humaine témoignent en faveur de l'amour du Seigneur, de sa présence permanente et de sa grâce vivifiante. Ils prouvent que la foi peut résister aux puissances du monde. C'est elle qui nous permet de demeurer en Dieu à l'heure la plus sombre et de sentir, bien que cruellement éprouvés et secoués par la tempête, que notre Père est au gouvernail. L'oeil de la foi peut seul regarder au-delà des contingences terrestres pour estimer à leur vraie valeur les richesses éternelles. CP 513 2 Jésus n'apporte pas à ses disciples l'espoir d'obtenir les gloires et les richesses de la terre, ni d'avoir une vie exempte d'épreuves. Il les invite, au contraire, à le suivre sur le chemin du renoncement et de l'opprobre. CP 513 3 Celui qui vint pour racheter le monde dut faire face aux forces liguées du mal. Dans une coalition implacable, les hommes pervers et les anges du mal déployèrent leurs forces sataniques contre le Prince de la paix. Sa parole même et ses actes révélèrent sa divine compassion, et son incompatibilité avec le monde provoqua la plus farouche des haines. CP 514 1 Il en sera de même pour tous ceux qui veulent vivre pieusement en Jésus-Christ. L'adversité attend les chrétiens pénétrés de l'Esprit du Sauveur. Le caractère de la persécution varie suivant les époques, mais le principe -- l'esprit qui le caractérise -- est le même que celui qui, depuis le temps d'Abel, a fait mourir les élus du Seigneur. CP 514 2 Satan a poursuivi de tout temps les enfants de Dieu. Il les a torturés, exécutés; mais, par leur mort même, ces martyrs sont devenus des conquérants. Ils ont témoigné en faveur de la puissance de celui qui est plus fort que Satan. Les hommes cruels peuvent maltraiter et faire périr le corps; ils ne peuvent attenter à la vie qui est cachée avec le Christ en Dieu. Ils peuvent incarcérer des hommes et des femmes dans des prisons aux murs épais; ils ne peuvent réussir à lier l'esprit. Par l'épreuve et la tribulation, la gloire -- le caractère de Dieu -- est révélée chez les élus. CP 514 3 Ceux qui croient au Seigneur, et que le monde hait et persécute, sont formés et disciplinés à l'école du Christ. Ils marchent dans des sentiers étroits. Purifiés dans le creuset de l'affliction, ils suivent le Sauveur à travers des luttes cruelles, endurent le renoncement et passent par les plus terribles déceptions. Mais ils connaissent ainsi la malignité et la malédiction du péché, et ils le considèrent avec horreur. CP 514 4 Etant participants des souffrances du Christ, ils peuvent contempler sa gloire au-delà de leur sombre tristesse, et dire avec Paul: "J'estime que les souffrances du temps présent ne sauraient être comparées à la gloire à venir qui sera révélée pour nous."4 ------------------------Chapitre 57 -- L'Apocalypse CP 515 1 Aux temps apostoliques, les chrétiens étaient remplis d'ardeur et d'enthousiasme. Ils travaillaient pour leur Maître avec tant d'acharnement que dans une période relativement courte, et malgré l'opposition qu'ils durent braver, l'Evangile du royaume retentit dans toutes les parties du monde. Le zèle que manifestèrent à cette époque les disciples de Jésus a été relaté par la plume inspirée, afin de servir d'encouragement aux chrétiens de tous les temps. CP 515 2 Au sujet de l'Eglise d'Ephèse, que le Seigneur cita pour symboliser l'Eglise des temps apostoliques, le témoin fidèle et véritable déclare: "Je connais tes oeuvres, ton travail, et ta persévérance. Je sais que tu ne peux supporter les méchants; que tu as éprouvé ceux qui se disent apôtres et qui ne le sont pas, et que tu les as trouvés menteurs; que tu as de la persévérance, que tu as souffert à cause de mon nom, et que tu ne t'es point lassé."1 CP 515 3 L'Eglise d'Ephèse, à ses débuts, se caractérisa par une simplicité et une ferveur enfantines. Ses membres se faisaient remarquer par leur empressement à obéir à toutes les paroles de Dieu, et leur vie révélait un amour profond et sincère pour le Christ. Ils étaient heureux de faire la volonté divine, parce qu'ils jouissaient de la présence permanente du Sauveur. Ils débordaient d'amour pour leur Rédempteur, et leur but le plus noble était de gagner des âmes. Ils ne gardaient pas pour eux-mêmes le précieux trésor de la grâce; ils sentaient l'importance de leur vocation et, chargés du message: "Paix sur la terre, et bonne volonté parmi les hommes", ils brûlaient du désir de porter la bonne nouvelle du salut jusqu'aux extrémités de la terre. Et c'est ainsi que les peuples apprirent à connaître ceux qui avaient vécu avec Jésus. Les pécheurs, repentants, pardonnés, purifiés, sanctifiés furent amensé à Dieu par son Fils. Les chrétiens étaient unis par le coeur et par l'action. L'amour pour le Sauveur était la chaîne d'or qui les reliait entre eux. Ils continuaient à suivre le Christ pour le connaître toujours plus parfaitement, et leur vie reflétait sa joie et sa paix. Ils visitaient les veuves et les orphelins dans leurs afflictions; ils se gardaient des souillures du monde, se rendant compte que s'ils manquaient d'observer ces choses, ils seraient en contradiction avec leurs principes et renieraient ainsi le Rédempteur. CP 516 1 L'oeuvre se poursuivait dans chaque ville; les pécheurs se convertissaient, et comprenaient qu'ils devaient transmettre à leur tour l'inestimable trésor qu'ils avaient reçu. Ils ne trouvaient de repos que lorsque la lumière qui avait illuminé leur esprit brillait sur leur prochain. Des multitudes d'incroyants connurent les raisons qui faisaient espérer les chrétiens; des appels personnels, inspirés et vibrants, étaient adressés aux égarés, aux maudits, à ceux qui, tout en prétendant connaître la vérité, aimaient le plaisir plus que Dieu. Mais après un certain temps, le zèle des croyants, leur amour pour le Seigneur et leur prochain commencèrent à décliner. La froideur se glissa dans l'Eglise. Plusieurs oublièrent la façon merveilleuse dont ils avaient connu la vérité. L'un après l'autre, les vieux gardiens de l'idéal tombèrent à leur poste. Quelques-uns des jeunes serviteurs de Dieu, qui, en partageant les charges de ces pionniers, avaient été préparés pour devenir de sages conducteurs, s'étaient fatigués de ces vérités si connues. Ils désiraient quelque chose d'inédit et de plus frappant; ils tentèrent alors d'introduire des nouveautés plus agréables pour certains, mais nullement en harmonie avec les principes fondamentaux de l'Evangile. Ils ne discernaient pas, dans leur aveuglement spirituel et leur confiance en eux-mêmes, que ces sophismes allaient susciter le doute au sujet des expériences du passé, et provoquer la confusion et le scepticisme. CP 517 1 Tandis que ces fausses théories étaient prêchées, des différends surgirent, et de nombreux chrétiens se détournèrent de la contemplation de Jésus, "l'auteur et le consommateur de leur foi". La discussion de points de doctrine sans intérêt, la complaisance dans les fables agréables d'invention humaine absorbaient le temps qui aurait dû être employé à proclamer l'Evangile. On négligeait d'avertir les multitudes par une présentation fidèle de la vérité. CP 517 2 La piété décroissait rapidement, et Satan semblait être sur le point d'avoir la supériorité sur ceux qui se proclamaient les disciples du Christ. C'est à cette époque critique de l'histoire de l'Eglise que Jean fut condamné à l'exil. Jamais celle-ci n'avait eu un aussi grand besoin de sa voix qu'à ce moment-là. Presque tous ses collaborateurs avaient subi le martyre; le reste des croyants devait faire face à une opposition farouche. Selon toute apparence extérieure, le jour n'était pas éloigné où les ennemis de l'Eglise du Christ triompheraient. Mais la main du Seigneur se mouvait invisible dans l'ombre. Dieu, dans sa providence, plaça Jean à l'endroit où le Christ lui donnerait une magnifique révélation de la vérité divine en vue d'instruire les Eglises. En exilant l'apôtre, les ennemis de l'Evangile avaient espéré réduire pour toujours au silence la voix du fidèle témoin de Dieu. Mais à Patmos le disciple reçut un message dont l'influence devait continuer à fortifier l'Eglise jusqu'à la fin des temps. CP 518 1 Bien qu'ils ne soient pas dégagés de la responsabilité de leur acte odieux, ceux qui avaient exilé Jean devinrent, dans la main de Dieu, des instruments pour accomplir les desseins du ciel. Et la lutte même, entreprise pour éclipser la lumière, servit à donner à la vérité un relief saisissant. CP 518 2 Ce fut le jour du sabbat que le Seigneur de gloire apparut à l'apôtre en exil. Jean observait le sabbat aussi fidèlement sur l'île de Patmos que dans les villes et les villages de la Judée, alors qu'il y prêchait l'Evangile. Il revendiquait comme siennes les précieuses promesses qui avaient été faites au sujet de ce jour. "Je fus ravi en esprit au jour du Seigneur, écrit-il, et j'entendis derrière moi une voix forte, comme le son d'une trompette, qui disait: Je suis l'alpha et l'oméga, le premier et le dernier. [...] Je me retournai pour connaître quelle était la voix qui me parlait. Et, après m'être retourné, je vis sept chandeliers d'or, et, au milieu des sept chandeliers, quelqu'un qui ressemblait à un fils d'homme."2 CP 518 3 Ce disciple bien-aimé était richement béni. Il avait vu autrefois l'angoisse de Jésus, et assisté à son agonie dans le jardin de Gethsémané, alors qu'il suait des grumeaux de sang. Il avait vu son "visage défiguré, tant son aspect différait de celui des fils de l'homme".3 Il l'avait vu frappé par les soldats romains, revêtu par dérision d'un manteau de pourpre, couronné d'épines, puis cloué à la croix CP 518 4 Une fois de plus, il fut permis à Jean de contempler son Seigneur. Mais comme il était changé! Ce n'était plus "l'homme de douleur, méprisé et abandonné des hommes". Il était revêtu d'un habit resplendissant. "Sa tête et ses cheveux étaient blancs comme de la laine blanche, comme de la neige; ses yeux étaient comme une flamme de feu; ses pieds étaient semblables à de l'airain ardent, comme s'il eût été embrasé dans une fournaise."4 Sa voix était comme le bruit des grandes eaux. Son aspect était semblable à celui du soleil. Il avait sept étoiles dans sa main droite, et de sa bouche sortait une épée aiguë à deux tranchants, emblème de la puissance de sa Parole. Patmos resplendissait de la gloire du Sauveur ressuscité. "Quand je le vis, écrit Jean, je tombai à ses pieds comme mort. Il posa sur moi sa main droite, en disant: Ne crains point!" CP 519 1 Des forces furent communiquées à Jean, afin qu'il puisse subsister en présence de son Sauveur glorifié. Avant d'assister à sa sublime vision, les gloires du ciel lui furent révélées. Il lui fut permis d'admirer le trône de Dieu et, par-delà les conflits terrestres, de contempler la foule des rachetés vêtus de robes blanches. Il entendit la musique des anges et les chants de triomphe de ceux qui avaient "vaincu à cause du sang de l'agneau et à cause de la parole de leur témoignage". CP 519 2 Dans la révélation qui lui fut donnée, il vit se dérouler des scènes très émouvantes se rapportant à l'histoire du peuple de Dieu, et eut un aperçu de la vie de l'Eglise jusqu'à la fin des temps. Par des images et des symboles, des sujets de grande importance lui furent présentés -- sujets qu'il devait transcrire, afin que le peuple de Dieu de cette époque et des temps futurs puisse avoir une claire compréhension des périls et des conflits qu'il lui faudrait affronter. CP 519 3 Cette révélation -- cette Apocalypse -- avait pour but de servir de guide et d'encouragement à l'Eglise pendant toute la dispensation chrétienne. Cependant, des théologiens prétendent que l'Apocalypse est un livre scellé et que ses mystères ne sauraient être expliqués. C'est pourquoi beaucoup se sont détournés de la parole prophétique et ont refusé d'en approfondir les mystères. Mais Dieu ne veut pas que son peuple considère ainsi ce livre. C'est la "révélation de Jésus-Christ, que Dieu lui a donnée pour montrer à ses serviteurs les choses qui doivent arriver bientôt". "Heureux celui qui lit et ceux qui entendent les paroles de la prophétie, dit le Seigneur, et qui gardent les choses qui y sont écrites! Car le temps est proche."5 "Je le déclare à quiconque entend les paroles de la prophétie de ce livre: Si quelqu'un y ajoute quelque chose, Dieu le frappera des fléaux décrits dans ce livre; et si quelqu'un retranche quelque chose des paroles du livre de cette prophétie, Dieu retranchera sa part de l'arbre de vie et de la ville sainte, décrits dans ce livre. Celui qui atteste ces choses dit: Oui, je viens bientôt."6 CP 520 1 Dans l'Apocalypse sont dépeintes les choses profondes de Dieu. Le nom même d'Apocalypse ou de Révélation, qui fut donné à ces pages inspirées, contredit ceux qui prétendent que ce livre est un livre scellé. Une révélation est quelque chose de compréhensible. Le Seigneur lui-même a révélé à son serviteur les mystères contenus dans ce livre, et il désire qu'il soit accessible à l'intelligence de quiconque. Ses vérités sont adressées à tous ceux qui vivront à la fin des temps, comme à ceux qui vivaient à l'époque de Jean. Quelques-unes des scènes décrites dans cette prophétie font partie du passé, d'autres se déroulent sous nos yeux. Quelques-unes nous donnent un aperçu de la fin du grand conflit déchaîné entre les puissances des ténèbres et le Prince du ciel, et d'autres décrivent le triomphe et les joies des rachetés dans la terre renouvelée. Que nul ne pense donc, parce qu'il ne peut saisir la signification de tous les symboles de l'Apocalypse, qu'il est inutile de sonder ce livre pour comprendre les vérités qu'il contient. Celui qui a révélé ces mystères à Jean donnera un avant-goût des choses célestes à quiconque cherchera diligemment à les connaître. Ceux dont le coeur est prêt à les recevoir seront rendus capables de comprendre ses enseignements, et il leur sera accordé les bénédictions promises à ceux "qui entendent les paroles de la prophétie, et qui gardent les choses qui y sont écrites". CP 520 2 Tous les livres de la Bible se résument et s'achèvent dans l'Apocalypse, qui complète le livre de Daniel. Ce dernier est une prophétie; l'autre, une révélation. Le livre qui fut scellé n'est pas l'Apocalypse, mais cette partie de la prophétie de Daniel qui se rapporte aux derniers jours. L'ange ordonna: "Toi, Daniel, tiens secrètes ces paroles, et scelle le livre jusqu'au temps de la fin."7 C'est le Christ qui commanda à Jean d'écrire ce qui allait lui être révélé. "Ce que tu vois, lui dit-il, écris-le dans un livre, et envoie-le aux sept Eglises, à Ephèse, à Smyrne, à Pergame, à Thyatire, à Sardes, à Philadelphie, et à Laodicée." "J'étais mort; et voici, je suis vivant aux siècles des siècles. [...] Ecris donc les choses que tu as vues, et celles qui sont, et celles qui doivent arriver après elles, le mystère des sept étoiles que tu as vues dans ma main droite, et des sept chandeliers d'or. Les sept étoiles sont les anges des sept Eglises, et les sept chandeliers sont les sept Eglises."8 CP 521 1 Les noms des sept Eglises symbolisent l'Eglise du Christ aux différentes périodes de l'ère chrétienne. Le chiffre sept indique la plénitude et fait ressortir que les messages s'étendent jusqu'à la fin des temps, alors que les symboles employés révèlent la condition de l'Eglise aux différentes époques de l'histoire du monde. CP 521 2 Le Christ est représenté au milieu des chandeliers d'or, symbolisant ainsi ses rapports avec les Eglises. En effet, il est en communication constante avec son peuple. Il connaît sa véritable condition; il observe son organisation, sa piété, sa consécration. Bien qu'il soit grand prêtre et médiateur dans le sanctuaire céleste, il est représenté allant et venant sur la terre parmi ses Eglises. Avec une sollicitude qui ne se relâche jamais, il veille pour voir si la lumière de l'une de ses sentinelles ne faiblit ou ne s'éteint pas. Si les chandeliers étaient abandonnés aux seuls soins des hommes, la flamme vacillerait, languirait et mourrait; mais il est, lui, la véritable sentinelle de la maison de Dieu, le vrai gardien des parvis du temple. Ses soins vigilants et sa grâce constante sont une source de vie et de lumière. Le Christ est aussi représenté comme tenant les sept étoiles dans sa main droite. Ceci nous assure qu'aucune Eglise fidèle à sa mission ne doit avoit peur d'échouer dans sa tâche, car aucune étoile placée sous la protection de l'Omnipotent ne peut être ravie de la main du Christ. CP 521 3 "Voici ce que dit celui qui tient les sept étoiles dans sa main droite."9 Ces paroles s'adressent aux pasteurs -- à ceux qui sont chargés par Dieu de lourdes responsabilités. Les douces influences qui doivent régner dans l'Eglise dépendent d'eux. Il faut qu'ils reflètent l'amour du Christ. Les étoiles sont sous le contrôle du Seigneur; il les guide, il dirige leurs mouvements. Sans cela, elles erreraient dans la nuit. Ainsi en est-il des serviteurs de Dieu. Ce ne sont que des instruments entre ses mains, et tout le bien qu'ils accomplissent se fait par son pouvoir. Il fait briller sa lumière par leur intermédiaire. C'est en lui qu'ils doivent puiser leurs énergies. S'ils regardent à lui comme lui regarde au Père, ils seront rendus capables d'accomplir son oeuvre. Et tandis qu'ils seront sous la dépendance de Dieu, la lumière céleste leur sera communiquée, et ils la refléteront à leur tour dans le monde. CP 522 1 Dès les origines de l'Eglise, le mystère de l'iniquité, prédit par l'apôtre Paul, commença son oeuvre néfaste. Les faux docteurs, contre lesquels Pierre avait mis les chrétiens en garde, prêchaient leurs hérésies, et de nombreux croyants étaient égarés par leurs fausses doctrines. Quelques-uns vacillaient dans l'épreuve, et ils étaient tentés de renier la foi. CP 522 2 A l'époque où Jean écrivit l'Apocalypse, beaucoup avaient abandonné leur premier amour de la vérité évangélique. Mais dans sa miséricorde, Dieu ne permit pas à l'Eglise de persévérer dans son apostasie. Par un message d'une tendresse infinie, il lui révéla son amour et son désir de lui voir faire un travail durable pour l'éternité: "Souviens-toi donc, dit le Christ, d'où tu es tombé, repens-toi, et pratique tes premières oeuvres."10 CP 522 3 L'Eglise était en défaut; elle avait besoin de reproches et de blâmes sévères. Dieu inspira Jean pour qu'il adressât des réprimandes et des avertissements à ceux qui, perdant de vue les principes fondamentaux de l'Eglise, mettaient leur salut en péril. Mais c'est toujours avec un tendre amour et des promesses de paix que Dieu prononce les paroles de réprobation qu'il juge nécessaires. "Voici, je me tiens à la porte, et je frappe, dit-il. Si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui, je souperai avec lui, et lui avec moi."11 CP 522 4 Et pour ceux qui, au milieu du conflit, conservent leur foi en Dieu, le prophète reçut ces paroles d'espérance et de louange: "Je connais tes oeuvres. Voici, parce que tu as eu peu de puissance, et que tu as gardé ma parole, et que tu n'as pas renié mon nom, j'ai mis devant toi une porte ouverte, que personne ne peut fermer. [...] Parce que tu as gardé la parole de la persévérance en moi, je te garderai aussi à l'heure de la tentation qui va venir sur le monde entier, pour éprouver les habitants de la terre." Chaque chrétien était ainsi exhorté: "Sois vigilant, et affermis le reste qui est près de mourir." "Je viens bientôt. Retiens ce que tu as, afin que personne ne prenne ta couronne."12 CP 523 1 C'est par celui qui déclarait être un "frère et un compagnon dans la tribulation"13 que le Christ révéla à son Eglise les souffrances qu'elle devrait endurer par amour pour lui. En regardant à travers de longs siècles de ténèbres et de superstitions, le vieil exilé apercevait des multitudes qui subissaient le martyre pour l'amour de la vérité. Mais il savait que celui qui avait soutenu ses premiers témoins n'abandonnerait pas ses disciples pendant les siècles de persécution qu'ils devraient affronter avant la fin des temps. "Ne crains pas ce que tu vas souffrir, déclare le Seigneur. Voici, le diable jettera quelques-uns de vous en prison, afin que vous soyez éprouvés, et vous aurez une tribulation. [...] Sois fidèle jusqu'à la mort, et je te donnerai la couronne de vie."14 CP 523 2 Et Jean entendit la promesse faite à tous les fidèles qui luttent contre le mal: "A celui qui vaincra, je donnerai à manger de l'arbre de vie, qui est dans le paradis de Dieu. [...] Celui qui vaincra sera revêtu ainsi de vêtements blancs; je n'effacerai point son nom du livre de vie, et je confesserai son nom devant mon Père et devant ses anges. [...] Celui qui vaincra, je le ferai asseoir avec moi sur mon trône, comme moi j'ai vaincu et me suis assis avec mon Père sur son trône."15 CP 523 3 Jean vit la miséricorde, la tendresse et l'amour de Dieu se confondant avec sa sainteté, sa justice, sa puissance. Il vit les pécheurs qui trouvaient en Dieu un Père, alors que leurs fautes le leur avaient rendu redoutable. Et tandis qu'il regardait le point culminant du grand conflit, il contemplait Sion et "ceux qui avaient vaincu [...] debout sur la mer de verre, ayant des harpes de Dieu. Et ils chantaient le cantique de Moïse et de l'agneau."16 CP 524 1 Le Seigneur fut montré à Jean sous le symbole "du lion de la tribu de Juda" et d'"un agneau qui était là comme immolé".17 Ces symboles représentent l'union de la toute-puissance et de l'amour immolé. Le lion de Juda, si terrible aux contempteurs de sa grâce, deviendra l'agneau de Dieu pour tous ceux qui sont fidèles et obéissants. La colonne de feu, qui parle de colère et de terreur au transgresseur de la loi, est un gage de lumière, de grâce et de délivrance pour celui qui observe les préceptes divins. CP 524 2 Le bras puissant qui réprime les rébellions sera aussi fort pour délivrer l'homme intègre. Tous ceux qui sont fidèles seront sauvés: "Il enverra ses anges avec la trompette retentissante, et ils rassembleront ses élus des quatre vents, depuis une extrémité des cieux jusqu'à l'autre."18 CP 524 3 Comparativement aux millions d'hommes qui occupent la terre, le peuple de Dieu sera, comme il l'a toujours été, un petit troupeau. Mais s'il persévère dans la vérité, telle qu'elle est révélée dans la Parole, Dieu sera pour lui un refuge: l'immense bouclier du Tout-Puissant le protégera. Dieu représente toujours une majorité. Quand le son de la dernière trompette se fera entendre, quand la justice triomphera, et que ces paroles seront prononcées: "O mort, où est ta victoire? O mort, où est ton aiguillon?"19 alors, avec Dieu, avec le Christ, avec les anges et avec les hommes fidèles et sincères de tous les temps, les élus constitueront de beaucoup la majorité. CP 524 4 Les vrais disciples du Christ suivent leur Maître dans les rudes combats de la vie; ils renoncent à eux-mêmes et endurent les plus amères contrariétés. Mais ces difficultés leur font mieux comprendre la malignité du péché, et ils sont amenés à considérer celui-ci avec horreur. Participant aux souffrances du Christ, ils participeront aussi à sa gloire. Dans sa vision sublime, Jean aperçut le triomphe final du "reste" de l'Eglise de Dieu. Il écrit: "Je vis comme une mer de verre, mêlée de feu, et ceux qui avaient vaincu [...] debout sur la mer de verre, ayant des harpes de Dieu. Et ils chantent le cantique de Moïse, le serviteur de Dieu, et le cantique de l'agneau, en disant: Tes oeuvres sont grandes et admirables, Seigneur Dieu tout-puissant! Tes voies sont justes et véritables, roi des nations!"20 "Je regardai, et voici, l'agneau se tenait sur la montagne de Sion, et avec lui cent quarante-quatre mille personnes, qui avaient son nom et le nom de son Père inscrits sur leurs fronts."21 Leurs pensées, ici-bas, avaient été consacrées à Dieu; ils l'avaient servi par leur intelligence et leur coeur, et maintenant le Seigneur pouvait placer son nom sur leurs fronts. "Et ils régneront aux siècles des siècles."22 Ils ne cherchent pas de-ci de-là, comme s'ils étaient en quête d'une place; ils font partie du nombre de ceux à qui le Christ a dit: "Venez, vous qui êtes bénis de mon Père; prenez possession du royaume qui vous a été préparé dès la fondation du monde." Dieu les accueille comme ses enfants, et dit à chacun d'eux: "Entre dans la joie de ton Maître."23 CP 525 1 "Ils suivent l'agneau partout où il va. Ils ont été rachetés d'entre les hommes, comme des prémices pour Dieu et pour l'agneau."24 La vision de Jean décrit les rachetés se tenant debout sur la montagne de Sion, parés pour le service divin et revêtus "d'un fin lin, éclatant, pur" -- ce fin lin qui est la justice des saints. Cependant, ceux qui suivent l'Agneau dans le ciel doivent d'abord l'avoir suivi sur la terre, non par contrainte, non par impulsion, mais avec une obéissance volontaire, faite d'amour et de fidélité, comme le troupeau suit le berger. "Et la voix que j'entendis était comme celle de joueurs de harpes jouant de leurs harpes. [...] Et personne ne pouvait apprendre le cantique, si ce n'est les cent quarante-quatre mille, qui avaient été rachetés de la terre. [...] Et dans leur bouche il ne s'est point trouvé de mensonge, car ils sont irrépréhensibles."25 "Et je vis descendre du ciel, d'auprès de Dieu, la ville sainte, la nouvelle Jérusalem, préparée comme une épouse qui s'est parée pour son époux. [...] Son éclat était semblable à celui d'une pierre très précieuse, d'une pierre de jaspe transparente comme du cristal. Elle avait une grande et haute muraille. Elle avait douze portes, et sur les portes douze anges, et des noms écrits, ceux des douze tribus des fils d'Israël. [...] Les douze portes étaient douze perles; chaque porte était d'une seule perle. La place de la ville était d'or pur, comme du verre transparent. Je ne vis point de temple dans la ville; car le Seigneur Dieu tout-puissant est son temple."26 "Il n'y aura plus d'anathème. Le trône de Dieu et de l'agneau sera dans la ville; ses serviteurs le serviront et verront sa face, et son nom sera sur leurs fronts. Il n'y aura plus de nuit; et ils n'auront besoin ni de lampe ni de lumière, parce que le Seigneur Dieu les éclairera."27 CP 526 1 "Et il me montra un fleuve d'eau de la vie, limpide comme du cristal, qui sortait du trône de Dieu et de l'agneau. Au milieu de la place de la ville et sur les deux bords du fleuve, il y avait un arbre de vie, produisant douze fois des fruits, rendant son fruit chaque mois, et dont les feuilles servaient à la guérison des nations." CP 526 2 "Heureux ceux qui gardent ses commandements, afin d'avoir droit à l'arbre de vie, et d'entrer par les portes dans la ville!"28 CP 526 3 "Et j'entendis du trône une forte voix qui disait: Voici le tabernacle de Dieu avec les hommes! Il habitera avec eux, et ils seront son peuple, et Dieu lui-même sera avec eux."29 ------------------------Chapitre 58 -- L'Eglise triomphante CP 527 1 Plus de dix-neuf siècles se sont écoulés depuis que les apôtres ont cessé leur labeur, mais l'histoire de leurs souffrances et de leurs sacrifices est pour l'Eglise le plus précieux trésor. Cette histoire fut écrite sous l'inspiration du Saint-Esprit, afin d'inciter les chrétiens de tous les temps à manifester un zèle toujours plus ardent et une consécration toujours plus grande à la cause du Sauveur. CP 527 2 Les disciples s'acquittèrent fidèlement de la mission que le Christ leur avait confiée; et tandis qu'ils répandaient la bonne nouvelle du salut, la gloire de Dieu resplendissait sur les hommes comme jamais auparavant. Grâce à la coopération de l'Esprit divin, ils accomplirent une oeuvre qui ébranla le monde entier. Dans l'intervalle d'une seule génération, l'Evangile fut annoncé à toutes les nations. CP 527 3 Quels résultats merveilleux furent obtenus par les apôtres ! Au début de leur ministère, quelques-uns n'avaient aucune formation intellectuelle; mais grâce à leur consécration totale à la cause du Maître, grâce aux instructions qu'il leur avait données, ces hommes acquirent une préparation digne de la noble tâche qui leur avait été confiée. CP 528 1 La grâce et la vérité inspiraient tous leurs mobiles, tous leurs actes. Leurs vies étaient "cachées avec le Christ en Dieu", et ils oubliaient leur propre personne, étant submergés par les flots profonds de l'amour infini. CP 528 2 Les disciples étaient des hommes qui parlaient et priaient avec sincérité, des hommes qui étaient soutenus par la force d'Israël. Ils se tenaient tout près de Dieu, et leur gloire personnelle était liée à son trône. Jéhovah était leur Dieu; son honneur, leur honneur; sa vérité, la leur. Toute attaque contre l'Evangile était comme une blessure à vif dans leur âme, et ils luttaient de toute la force de leur être pour la cause du Christ. Ils pouvaient prêcher la Parole de vie, parce qu'ils avaient reçu l'onction céleste. Ils attendaient beaucoup, c'est pourquoi ils osaient beaucoup. CP 528 3 Le Christ s'était révélé à eux, et c'est à lui qu'ils regardaient pour être dirigés. Leur compréhension de la vérité et leur force pour supporter l'adversité étaient en proportion de leur conformité à la volonté du Seigneur. Jésus-Christ, sagesse et puissance de Dieu, constituait le thème de toutes leurs prédications. Ils exaltaient son nom, le seul qui fût donné aux hommes, et par lequel ils peuvent être sauvés. Tandis qu'ils proclamaient la plénitude du Christ, du Sauveur crucifié, leurs paroles touchaient les coeurs, et hommes et femmes étaient gagnés à l'Evangile. Des multitudes, qui avaient bafoué le nom du Sauveur et méprisé sa puissance, se rangeaient maintenant du côté du Christ crucifié. CP 528 4 Ce n'est pas par leur propre force que les disciples accomplirent leur mission, mais par la force du Dieu vivant. Leur tâche n'était pas facile. Les premiers chrétiens furent fréquemment soumis à de cruelles épreuves. Ils durent constamment lutter contre les privations, la calomnie, les persécutions; mais ils ne faisaient pas cas de leur vie; ils se réjouissaient d'être appelés à souffrir pour le Christ. Leur travail ne connut ni l'irrésolution, ni l'indécision, ni l'hésitation. Leur seul désir était de se donner et de servir. La notion de leur responsabilité qui les dominait, enrichissait et purifiait leur vie. Et la grâce du ciel se révélait dans leurs conquêtes pour le Christ. La puissance de Dieu agissait par eux pour faire triompher l'Evangile. Sur les fondements que le Christ avait lui-même posés, ils édifièrent l'Eglise. Dans les Ecritures, l'image de l'érection d'un temple est fréquemment employée pour illustrer l'édification de l'Eglise. Zacharie fait allusion au Christ en mentionnant le germe qui doit bâtir le temple d'Israël. Il parle des païens qui apporteront leur concours à "ceux qui [...] éloignés, viendront et travailleront au temple de l'Eternel"; et Esaïe déclare: "Les fils de l'étranger rebâtiront tes murs."1 CP 529 1 Pierre écrit, au sujet de la construction de ce temple: "Approchez-vous de lui, pierre vivante, rejetée par les hommes, mais choisie et précieuse devant Dieu; et vous-mêmes, comme des pierres vivantes, édifiez-vous pour former une maison spirituelle, un saint sacerdoce, afin d'offrir des victimes spirituelles, agréables à Dieu par Jésus-Christ."2 CP 529 2 Les apôtres travaillèrent dans la carrière des Juifs et des Gentils pour en extraire les pierres qu'ils placèrent sur les fondements. Paul dit, dans sa lettre aux croyants d'Ephèse: "Ainsi, vous n'êtes plus des étrangers, ni des gens du dehors; mais vous êtes concitoyens des saints, gens de la maison de Dieu. Vous avez été édifiés sur le fondement des apôtres et des prophètes, Jésus-Christ lui-même étant la pierre angulaire. En lui, tout l'édifice, bien coordonné, s'élève pour être un temple saint dans le Seigneur. En lui vous êtes aussi édifiés pour être une habitation de Dieu en Esprit."3 Et il écrit aux Corinthiens: "Selon la grâce de Dieu qui m'a été donnée, j'ai posé le fondement comme un sage architecte, et un autre bâtit dessus. Mais que chacun prenne garde à la manière dont il bâtit dessus. Car personne ne peut poser un autre fondement que celui qui a été posé, savoir Jésus-Christ. Or, si quelqu'un bâtit sur ce fondement avec de l'or, de l'argent, des pierres précieuses, du bois, du foin, du chaume, l'oeuvre de chacun sera manifestée; car le jour la fera connaître, parce qu'elle se révélera dans le feu, et le feu éprouvera ce qu'est l'oeuvre de chacun."4 CP 530 1 Les apôtres bâtirent sur de solides fondements, sur le rocher des siècles lui-même. Ils employèrent à cet effet les pierres qu'ils avaient arrachées au monde. Ce ne fut pas sans difficultés que les constructeurs oeuvrèrent. Leur travail fut rendu extrêmement pénible par l'opposition des ennemis du Christ. Ils eurent à lutter contre le fanatisme, les préjugés et la haine des hommes qui construisaient sur des fondements erronés. Beaucoup de ceux qui contribuèrent à l'édification de l'Eglise peuvent être comparés aux constructeurs des murs de Jérusalem, au temps de Néhémie, et dont il est dit: "Ceux qui bâtissaient la muraille, et ceux qui portaient ou chargeaient les fardeaux, travaillaient d'une main et tenaient une arme de l'autre."5 CP 530 2 Rois et gouverneurs, prêtres et chefs cherchaient à détruire le temple de Dieu. Mais, bravant la prison, la torture et la mort, les ouvriers fidèles continuaient leur besogne; et la structure grandissait, harmonieuse et symétrique. Parfois ces ouvriers du Seigneur étaient presque aveuglés par les brouillards de la superstition qui s'étendaient autour d'eux. Parfois, ils étaient presque terrassés par la violence de leurs adversaires; mais avec une foi inébranlable et un courage à toute épreuve, ils poursuivaient leur tâche. CP 530 3 L'un après l'autre, les constructeurs les plus éminents tombèrent, frappés par l'ennemi. Etienne fut lapidé, Jacques tué par l'épée, Paul décapité, Pierre crucifié, Jean exilé. Et cependant l'Eglise grandissait. De nombreux ouvriers prenaient leur place, et ajoutaient pierre après pierre à l'édifice. C'est ainsi que, lentement, s'édifiait l'Eglise de Dieu. CP 530 4 Des siècles de persécution farouche firent suite à l'établissement de l'Eglise chrétienne, mais il y eut toujours des hommes qui considérèrent l'érection du temple de Dieu comme étant plus précieuse que la vie elle-même. Il a été dit à leur sujet: "D'autres subirent les moqueries et le fouet, les chaînes et la prison; ils furent lapidés, sciés, torturés, ils moururent tués par l'épée, ils allèrent çà et là, vêtus de peaux de brebis et de peaux de chèvres, dénués de tout, persécutés, maltraités, -- eux dont le monde n'était pas digne, -- errants dans les déserts et les montagnes, dans les cavernes et les antres de la terre."6 CP 531 1 L'ennemi de la justice mit tout en oeuvre pour entraver la tâche confiée aux constructeurs du temple du Seigneur. Mais Dieu "n'a pas cessé de rendre témoignage"7 de sa puissance. Des serviteurs capables furent suscités pour défendre la foi "qui a été transmise aux saints une fois pour toutes". L'histoire a enregistré la bravoure et l'héroïsme de ces hommes. Comme les apôtres, beaucoup tombèrent à leur poste, mais la construction du temple ne cessait d'avancer. Les ouvriers étaient massacrés, mais l'oeuvre progressait toujours. Les Vaudois, Wicleff, Huss et Jérôme, Luther et Zwingle, Cranmer, Latimer et Knox, les Huguenots, Jean et Charles Wesley, et une foule d'autres apportèrent aux fondations les matériaux qui subsisteront pendant l'éternité. Et dans les années qui suivirent, ceux qui s'efforcèrent de répandre la Parole de Dieu, et ceux qui, dans les régions païennes, préparèrent la voie à la proclamation du grand message final, contribuèrent également à hâter l'achèvement de l'édifice. CP 531 2 Depuis le temps des apôtres, le temple de Dieu n'a cessé de se construire. En regardant en arrière, nous pouvons considérer les pierres vivantes qui sont entrées dans sa structure comme des rayons lumineux au milieu des ténèbres de l'erreur et de la superstition. Pendant l'éternité, ces précieux joyaux luiront d'une lumière qui ira en grandissant, témoignant de la puissance de la vérité divine. Leur éclat éblouissant montrera le contraste saisissant qui existe entre la lumière et les ténèbres, l'or de la vérité et les scories de l'erreur. CP 531 3 Paul et les autres apôtres, ainsi que tous les justes qui ont vécu depuis lors, ont contribué à la construction de ce temple. Mais celui-ci n'est pas encore achevé. Nous qui vivons aujourd'hui, nous avons une part à prendre dans cette construction. Il faut que nous joignions nos matériaux à ceux qui ont déjà été posés. Ceux-ci devront supporter l'épreuve du feu, être d'or, d'argent, de pierres précieuses, sculptés comme "les colonnes qui font l'ornement des palais".8 A ceux qui bâtissent ainsi pour Dieu, Paul donne ces paroles d'avertissement et d'encouragement: "Si l'oeuvre bâtie par quelqu'un sur le fondement subsiste, il recevra une récompense. Si l'oeuvre de quelqu'un est consumée, il perdra sa récompense; pour lui, il sera sauvé, mais comme au travers du feu."9 Le chrétien qui présente avec foi la Parole de vie, conduisant hommes et femmes dans la voie de la sainteté et de la paix, apporte des matériaux qui dureront, et, dans le royaume de Dieu, il sera honoré comme un sage constructeur. CP 532 1 Au sujet des apôtres, il est écrit: "Ils s'en allèrent prêcher partout. Le Seigneur travaillait avec eux, et confirmait la parole par les miracles qui l'accompagnaient."10 De même que le Christ envoya jadis ses disciples, de même il envoie aujourd'hui les membres de son Eglise. Le pouvoir qu'ils possédaient, ces membres le possèdent également. S'ils font du Seigneur leur force, il sera avec eux; ils ne travailleront pas en vain, et ils se rendront compte que l'oeuvre dans laquelle ils sont engagés porte le sceau de Dieu. L'Eternel dit à Jérémie: "Ne dis pas: Je suis un enfant. Car tu iras vers tous ceux auprès de qui je t'enverrai, et tu diras tout ce que je t'ordonnerai. Ne les crains point; car je suis avec toi pour te délivrer, dit l'Eternel. Puis l'Eternel étendit sa main, et toucha ma bouche; et l'Eternel me dit: Voici, je mets mes paroles dans ta bouche."11 Dieu nous ordonne d'aller prêcher la Parole, après avoir oint nos lèvres de sa sainteté. CP 532 2 Le Christ a confié à l'Eglise une mission sacrée. Chacun de ses membres devrait être un canal par lequel Dieu peut communiquer au monde les trésors de sa grâce. Jésus désire ardemment des serviteurs qui représenteront devant le monde son esprit et son caractère. Car celui-ci a un besoin impérieux de voir l'amour du Sauveur se manifester. Tout le ciel est dans l'attente pour découvrir des hommes et des femmes par lequels Dieu puisse révéler sa puissance. CP 533 1 L'Eglise est l'organisme employé par Dieu pour la proclamation de la vérité, car elle est qualifiée en vue d'une oeuvre spéciale. Et si elle reste fidèle, si elle obéit à tous les commandements, l'excellence de la grâce divine habitera en elle. Si elle honore le Seigneur, aucune puissance ne pourra lui résister. CP 533 2 Le zèle pour Dieu et pour sa cause poussait les disciples à rendre témoignage de l'Evangile avec puissance. Un tel zèle ne devrait-il pas insuffler à nos coeurs la détermination de faire connaître l'histoire de l'amour du Christ crucifié? C'est un privilège pour tous les chrétiens, non seulement d'attendre, mais encore de hâter le retour du Sauveur. CP 533 3 Si l'Eglise veut revêtir la robe de justice du Christ, et rompre avec le monde, devant elle luira l'aurore d'un jour resplendissant et glorieux. La promesse de Dieu à son égard subsiste éternellement. Il veut faire d'elle une oeuvre parfaite et éternelle, une source de joie pour de nombreuses générations. CP 533 4 La vérité triomphera, en dépit de tous ceux qui la méprisent et la rejettent. Bien que parfois retardés en apparence, ses progrès n'ont jamais été arrêtés. Quand le message évangélique rencontre de l'opposition, le Seigneur lui donne un supplément de force qui lui permet d'exercer une plus grande influence. Avec cette énergie divine, il renversera les plus fortes barrières et triomphera de tous les obstacles. CP 533 5 C'était le salut des âmes qui soutenait le Fils de Dieu pendant sa vie de labeur et de sacrifice. "A cause du travail de son âme, il rassasiait ses regards." Jetant les yeux sur l'éternité, il contemplait par anticipation le bonheur de ceux qui -- par son humiliation -- avaient reçu le pardon et la vie éternelle. Il entendait les élus chanter le cantique de Moïse et de l'Agneau. CP 534 1 Nous pouvons nous représenter l'avenir et la félicité céleste. Les visions contenues dans la Bible nous donnent un aperçu de la gloire future. Ces scènes, décrites par la main de Dieu même, sont chères à l'Eglise. Par la foi, nous pouvons nous tenir sur le seuil de la cité céleste et entendre déjà l'accueil triomphal réservé à ceux qui, dans cette vie, espèrent en Christ et considèrent comme un honneur de souffrir pour lui. CP 534 2 Tandis qu'on entend ces paroles: "Venez, vous qui êtes bénis de mon Père", les rachetés déposent leur couronne au pied du Rédempteur, en s'écriant: "L'agneau qui a été immolé est digne de recevoir la puissance, la richesse, la sagesse, la force, l'honneur, la gloire, et la louange. [...] A celui qui est assis sur le trône, et à l'agneau, soient la louange, l'honneur, la gloire, et la force, aux siècles des siècles!"12 CP 534 3 Là, les élus accueillent par des acclamations joyeuses ceux qui les ont amenés au Sauveur, et tous s'unissent pour chanter les louanges de celui qui mourut pour que des hommes puissent posséder une vie semblable à celle de Dieu. CP 534 4 Le grand conflit est terminé. Les tribulations et les luttes sont finies. Des chants de victoire remplissent tout le ciel, lorsque les rachetés entonnent ces joyeux accents: "Gloire à l'Agneau qui a été immolé, qui est revenu à la vie, au puissant vainqueur!" CP 534 5 "Je regardai, et voici, il y avait une grande foule, que personne ne pouvait compter, de toute nation, de toute tribu, de tout peuple, et de toute langue. Ils se tenaient devant le trône et devant l'agneau, revêtus de robes blanches, et des palmes dans leurs mains. Et ils criaient d'une voix forte, en disant: Le salut est à notre Dieu qui est assis sur le trône, et à l'agneau!"13 ------------------------Éducation Éd 15 0 Chapitre 1 -- Origine et but de la véritable éducation Éd 23 0 Chapitre 2 -- L'école d'Eden Éd 27 0 Chapitre 3 -- La connaissance du bien et du mal Éd 33 0 Chapitre 4 -- Rapports entre éducation et rédemption Éd 39 0 Chapitre 5 -- L'éducation d'Israël Éd 53 0 Chapitre 6 -- Les écoles de prophètes Éd 61 0 Chapitre 7 -- Vies d'hommes de Dieu Éd 83 0 Chapitre 8 -- Le Maître envoyé par Dieu Éd 95 0 Chapitre 9 -- Les méthodes du Christ Éd 111 0 Chapitre 10 -- Dieu dans la nature Éd 115 0 Chapitre 11 -- Les leçons de la vie Éd 127 0 Chapitre 12 -- D'autres leçons encore Éd 139 0 Chapitre 13 -- Culture mentale et spirituelle Éd 145 0 Chapitre 14 -- Science et Bible Éd 153 0 Chapitre 15 -- Principes et méthodes de travail Éd 167 0 Chapitre 16 -- Les biographies bibliques Éd 181 0 Chapitre 17 -- Poésie et chant Éd 193 0 Chapitre 18 -- Les mystères de la Bible Éd 199 0 Chapitre 19 -- Histoire et prophétie Éd 211 0 Chapitre 20 -- Enseignement et étude de la Bible Éd 221 0 Chapitre 21 -- Etude de la physiologie Éd 229 0 Chapitre 22 -- Tempérance et diététique Éd 235 0 Chapitre 23 -- Récréation Éd 243 0 Chapitre 24 -- Travail manuel Éd 255 0 Chapitre 25 -- Education et caractère Éd 261 0 Chapitre 26 -- Méthodes d'enseignement Éd 271 0 Chapitre 27 -- Le comportement Éd 277 0 Chapitre 28 -- Le vêtement et l'éducation Éd 281 0 Chapitre 29 -- Le Sabbat Éd 285 0 Chapitre 30 -- La foi et la prière Éd 295 0 Chapitre 31 -- L'oeuvre de la vie Éd 307 0 Chapitre 32 -- La préparation Éd 315 0 Chapitre 33 -- La collaboration Éd 319 0 Chapitre 34 -- La discipline Éd 333 0 Chapitre 35 -- L'école de l'au-delà ------------------------Chapitre 1 -- Origine et but de la véritable éducation Éd 15 0 La connaissance des saints, c'est l'intelligence. Proverbes 9:10. Accorde-toi donc avec Dieu. Job 22:21. Éd 15 1 Nos idées en matière d'éducation sont trop étroites, trop limitées. Il nous faut les élargir et viser plus haut. La véritable éducation implique bien plus que la poursuite de certaines études. Elle implique bien plus qu'une préparation à la vie présente. Elle intéresse l'être tout entier, et toute la durée de l'existence qui s'offre à l'homme. C'est le développement harmonieux des facultés physiques, mentales et spirituelles. Elle prépare l'étudiant à la joie du service qui sera le sien dans ce monde, et à la joie plus grande encore du vaste service qui l'attend dans le monde à venir. Éd 15 2 La source de cette éducation est indiquée par ces mots de l'Ecriture sainte, désignant le Dieu infini: en lui "sont cachés tous les trésors de la sagesse". Colossiens 2:3. "A lui le conseil et l'intelligence." Job 12:13. Éd 15 3 Le monde a eu ses grands maîtres, des hommes d'une immense intelligence, doués d'une capacité de recherche considérable, des hommes dont les paroles ont stimulé la réflexion et offert à l'esprit de vastes étendues de savoir; ces hommes ont été salués comme des guides et des bienfaiteurs de l'humanité; mais il est un être qui leur est supérieur. Aussi loin que remonte la mémoire humaine, nous pouvons constater l'influence des maîtres à penser des hommes; mais avant eux était la Lumière. De même que la lune et les étoiles de notre système solaire brillent parce qu'elles réfléchissent la lumière du soleil, ainsi les grands penseurs de ce monde, pour autant que leur enseignement soit droit, réfléchissent les rayons du Soleil de Justice. La moindre lueur de pensée, le moindre éclair d'intelligence trouvent leur source dans la Lumière du monde. Éd 16 1 De nos jours, on parle beaucoup de la nature et de l'importance d'une "éducation supérieure". La véritable "éducation supérieure" nous vient de Celui en qui "résident la sagesse et la puissance" (Job 12:13), et de la bouche de qui "sortent la connaissance et la raison". Proverbes 2:6. Éd 16 2 C'est dans la connaissance de Dieu que prennent leur source toute véritable science et toute formation authentique. Dans quelque domaine que ce soit, physique, mental, spirituel; où que nous portions nos regards, en dehors du fléau du péché, cette évidence s'impose. Quelle que soit notre ligne de recherche, si nous souhaitons sincèrement parvenir à la vérité, nous sommes mis en contact avec l'intelligence invisible et toute-puissante qui est à l'oeuvre partout. L'esprit de l'homme est en communion avec l'esprit de Dieu, le fini avec l'infini. L'effet de cette communion sur le corps, l'esprit et l'âme dépasse tout ce qu'on peut concevoir. Éd 16 3 C'est d'elle que naît l'éducation supérieure. C'est à travers elle que Dieu veut assurer notre formation. "Accorde-toi donc avec Dieu" (Job 22:21), voilà son message à l'humanité. Ces mots posent les bases de la méthode selon laquelle le père de notre race fut éduqué. Lorsque Adam se trouvait dans l'Eden saint, dans toute la gloire de la race humaine sans tache, c'est ainsi que Dieu l'instruisait. Éd 17 1 Si nous voulons embrasser le champ d'action de l'éducation, nous devons considérer non seulement la nature de l'homme et l'intention de Dieu en le créant, mais aussi le bouleversement qu'entraîna, pour la condition humaine, la connaissance du mal, et le plan conçu par Dieu pour éduquer l'homme selon son glorieux projet, malgré cela. Éd 17 2 Quand Adam sortit des mains de son Créateur, il lui ressemblait, physiquement, mentalement et spirituellement. "Dieu créa l'homme à son image". Genèse 1:27. Le dessein de Dieu était que plus l'homme avancerait dans la vie, plus il lui ressemblerait -- mieux il refléterait la gloire du Créateur. Toutes ses facultés pouvaient se développer; leurs dimensions, leur vigueur étaient destinées à croître sans limites. Des champs d'études et de recherches immenses et merveilleux s'offraient à elles. Les mystères de l'univers visible -- les "merveilles de celui dont la science est parfaite" (Job 37:16) -- invitaient l'homme à l'étude. Cet homme dont le grand privilège était la communion face à face, coeur à coeur, avec son Créateur. S'il était resté fidèle à Dieu, tout cela lui aurait appartenu pour toujours. A travers l'éternité, il n'aurait cessé d'amasser des trésors constamment renouvelés de connaissances, de découvrir de nouvelles sources de bonheur, de se pénétrer de plus en plus profondément de la sagesse, de la puissance et de l'amour de Dieu. Il aurait de mieux en mieux accompli son destin de créature: il aurait de mieux en mieux reflété la gloire du Créateur. Éd 17 3 Mais par sa désobéissance, tout fut perdu. A cause du péché, la ressemblance de l'homme avec Dieu s'estompa, jusqu'à disparaître presque totalement. Les capacités physiques de l'homme s'affaiblirent, ses facultés intellectuelles s'amoindrirent, sa vision spirituelle se voila. Il était devenu mortel. Cependant, sa race n'était pas abandonnée au désespoir. Dans l'infini de son amour et de sa miséricorde, Dieu avait conçu le plan du salut et accordé à l'homme une seconde chance. Restaurer en l'homme l'image de son Créateur, le rendre à la perfection pour laquelle il avait été créé, assurer le développement de son corps, de sa pensée, de son âme, pour que le plan divin de la création soit réalisé, devaient être l'oeuvre de la rédemption. C'est le but de l'éducation, l'objet grandiose de la vie. Éd 18 1 L'amour, qui est à l'origine de l'acte créateur et rédempteur, doit être aussi à l'origine de la véritable éducation. La loi que Dieu nous a donnée pour diriger notre vie le manifeste de façon éclatante. Le premier et le plus grand commandement est: "Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta force, et de toute ta pensée." Luc 10:27. L'aimer, Lui, l'infini, l'omniscient, de toute sa force, de toute sa pensée, de tout son coeur, implique que nous développions à l'extrême chacune de nos facultés. Cela implique qu'en notre être tout entier -- le corps et la pensée, aussi bien que l'âme -- l'image de Dieu doit être restaurée. Éd 18 2 Le second commandement est semblable au premier: "Tu aimeras ton prochain comme toi-même." Matthieu 22:39. La loi d'amour nous demande de mettre au service de Dieu et de nos semblables notre corps, notre pensée et notre âme. Et ce service auquel nous nous consacrons, qui fait de nous une bénédiction pour les autres, nous apporte à nous-mêmes la plus grande des bénédictions. Le don de soi sous-tend toute véritable formation de l'être. C'est à travers le service désintéressé qu'il nous est donné de développer au mieux chacune de nos aptitudes. C'est ainsi que nous participerons de plus en plus pleinement à la nature divine. Nous sommes prêts pour le royaume des cieux, car nous le recevons dans notre coeur. Éd 19 1 Dieu étant la source de tout véritable savoir, le premier objectif de l'éducation est évidemment, comme nous l'avons vu, d'appliquer nos esprits à le connaître tel qu'il se révèle à nous. C'est par une communion directe avec Dieu que s'instruisaient Adam et Eve; ils apprirent à le connaître à travers ses oeuvres. Toute création était, dans sa perfection initiale, expression de la pensée divine. La nature offrait aux yeux d'Adam et Eve d'innombrables exemples de la sagesse divine. Mais, par la désobéissance, toute connaissance de Dieu par une communion directe devint impossible à l'homme, toute connaissance de Dieu à travers ses oeuvres mêmes lui devint difficile. La terre, abîmée, souillée par le péché, ne reflétait plus que faiblement la gloire du Créateur. Il est vrai que Dieu nous propose toujours ses "leçons de choses". Sur chaque page du grand volume de la création, on peut encore retrouver l'écriture du Seigneur. La nature parle encore de son Créateur. Mais ces témoignages sont incomplets, imparfaits. Et nous, créatures déchues, aux facultés affaiblies, à la vue courte, nous sommes incapables d'interpréter correctement ce que nous percevons. Nous avons besoin de la révélation plus complète que Dieu donne de lui-même dans sa parole écrite. Éd 19 2 Les saintes Ecritures sont le critère parfait de la vérité; c'est pourquoi nous devrions fonder sur elles tout notre système éducatif. Pour acquérir une éducation digne de ce nom, nous devons connaître Dieu le Créateur, et Christ le Rédempteur tels qu'ils sont révélés dans la parole sacrée. Éd 19 3 Tout être humain, créé à l'image de Dieu, possède une puissance semblable à celle du Créateur: le pouvoir personnel de penser et d'agir. Les hommes qui développent ce pouvoir sont des hommes prêts à assumer des responsabilités, des chefs de file, capables d'influencer les autres. C'est le rôle de la véritable éducation que de développer ce pouvoir, d'apprendre aux jeunes à penser par eux-mêmes, à ne pas se contenter d'être le miroir de la pensée des autres. Que les étudiants, au lieu de se borner à étudier ce qu'ont dit ou écrit les hommes, se tournent vers les sources de la vérité, vers les vastes espaces qu'offrent à leurs recherches la nature et la révélation. Qu'ils se mettent face à leur devoir, à leur destinée, et leur pensée se déploiera et prendra de la vigueur. Ce ne sont pas des mauviettes cultivées qui doivent sortir de nos institutions, mais des hommes solides, capables de penser et d'agir, des hommes qui dominent les circonstances et non qui les subissent, des hommes à l'esprit large, à la pensée claire, qui ont le courage de leurs convictions. Éd 20 1 Une telle éducation apporte plus qu'une formation intellectuelle; plus qu'un entraînement physique. Elle fortifie le caractère, de telle sorte que jamais la vérité et l'honnêteté ne sont sacrifiées aux désirs égoïstes ou aux ambitions terrestres. Elle arme l'esprit contre le mal. Elle empêche le développement de toute passion destructrice et ainsi chaque mobile, chaque désir se conforme aux grands principes du bien. A mesure que l'homme s'imprègne de la perfection du caractère divin, son esprit est renouvelé et son âme recréée à l'image de Dieu. Éd 20 2 Y a-t-il une éducation supérieure à celle-là? Y en a-t-il une qui lui soit comparable? Éd 20 3 "On ne peut donner, à sa place, de l'or pur, Ni peser de l'argent pour l'acheter; Elle n'entre pas en balance avec l'or d'Ophir, Ni avec le précieux onyx, ni avec le saphir; Ni l'or ni le verre ne peuvent lui être comparés, On ne peut l'échanger pour un vase d'or fin. Le corail et le cristal ne peuvent même pas être évoqués; Posséder la sagesse (vaut) plus que les perles." Job 28:15-18. Éd 21 1 L'idéal que Dieu propose à ses enfants dépasse de beaucoup tout ce qu'ils peuvent imaginer de meilleur. Le but à atteindre, c'est l'amour de Dieu -- la ressemblance avec Dieu. Devant l'étudiant s'ouvre un chemin de progrès infini. Il a une tâche à accomplir, un objectif à atteindre: tout ce qui est bien, pur, noble. Il progressera aussi vite et aussi loin que possible dans chacun des domaines de la véritable connaissance. Mais il orientera ses efforts vers des sujets aussi éloignés des profits exclusivement égoïstes et terrestres que les cieux sont éloignés de la terre. Éd 21 2 Celui qui participe au projet divin, en faisant connaître Dieu aux jeunes, en façonnant leur caractère à l'image du sien, accomplit une oeuvre noble et élevée. Lorsqu'il suscite le désir d'atteindre l'idéal divin, il propose une éducation aussi élevée que les cieux et aussi vaste que l'univers; une éducation qui ne peut être achevée dans cette vie, mais qui se poursuivra dans la vie à venir; une éducation qui permettra à l'élève de quitter l'école préparatoire de la terre pour accéder à l'échelon supérieur, à l'école d'en haut. ------------------------Chapitre 2 -- L'école d'Eden Éd 23 0 Heureux l'homme qui a trouvé la sagesse. Proverbes 3:13. Éd 23 1 La méthode d'éducation établie au commencement du monde devait servir de modèle à l'homme à travers la suite des temps. Pour en illustrer les principes, une école-pilote fut ouverte en Eden, demeure de nos premiers parents. Le jardin d'Eden était la salle de classe, la nature était le manuel d'études, le Créateur lui-même le maître, et les parents de la race humaine les élèves. Éd 23 2 Créés pour être "l'image et la gloire de Dieu" (1 Corinthiens 11:7), Adam et Eve avaient reçu des dons à la mesure de leur haute destinée. Par leur grâce et leur équilibre, leurs beaux traits réguliers, leur visage rayonnant de santé, de joie et d'espoir, ils ressemblaient de toute évidence à leur Créateur. Mais cette ressemblance n'était pas seulement physique. Chacune des facettes de leur esprit et de leur âme reflétait la gloire de Dieu. Adam et Eve, dotés de hautes qualités intellectuelles et spirituelles, n'étaient qu'"un peu inférieur[s] aux anges" (Hébreux 2:7); aussi pouvaient-ils non seulement reconnaître les merveilles manifestes de l'univers, mais aussi saisir les responsabilités et les engagements moraux qui leur incombaient. Éd 24 1 "L'Eternel Dieu planta un jardin en Eden, du côté de l'Orient, et il y mit l'homme qu'il avait formé. L'Eternel Dieu fit germer du sol toutes sortes d'arbres d'aspect agréable et bons à manger, ainsi que l'arbre de la vie au milieu du jardin." Genèse 2:8, 9. C'était là, dans la splendeur de la nature intacte, que nos premiers parents allaient recevoir leur éducation. Éd 24 2 Plein d'intérêt pour ses enfants, notre Père céleste avait lui-même pris en main cette éducation. Souvent, Adam et Eve recevaient la visite des messagers divins, les saints anges, qui leur apportaient conseils et instructions. Souvent, alors qu'ils se promenaient dans le jardin à la fraîcheur du jour, ils entendaient la voix de Dieu et communiquaient avec lui face à face. Les desseins de l'Eternel à leur égard étaient des "desseins de paix et non de malheur". Jérémie 29:11. Chacun de ses projets visait leur plus grand bien. Éd 24 3 A Adam et Eve avait été confié le soin du jardin, "pour le cultiver et pour le garder". Genèse 2:15. Quoique riches de tout ce que le possesseur de l'univers pouvait leur accorder, ils ne devaient pas rester inactifs. Une tâche utile leur avait été confiée, véritable bénédiction, pour fortifier leur corps, développer leur esprit, former leur caractère. Éd 24 4 Le livre de la nature, qui leur prodiguait des leçons vivantes, se révélait être un manuel inépuisable et merveilleux. Sur chaque feuille de la forêt, sur chaque rocher des montagnes, sur chaque étoile scintillante, sur la terre, la mer, le ciel, était écrit le nom de Dieu. Avec toutes les créatures, animées ou inanimées, avec la feuille, la fleur et l'arbre, le léviathan des mers, le grain de poussière dansant au rayon de soleil, les habitants d'Eden pouvaient s'entretenir; ils pouvaient demander à chacun les secrets de sa vie. La gloire de Dieu dans les cieux, les mondes innombrables aux révolutions ordonnées, "les nuages [...] en équilibre" (Job 37:16), les mystères de la lumière et du son, du jour et de la nuit, -- tout s'offrait à l'étude des élèves de la première école terrestre. Éd 25 1 Le Créateur de toute chose permettait que leur esprit accède aux lois et au fonctionnement de la nature, aux grands principes de vérité qui régissent l'univers spirituel. A la lumière de "la connaissance de la gloire de Dieu" (2 Corinthiens 4:6), leurs facultés mentales et spirituelles se déployaient et ils prenaient conscience des immenses joies que leur procurait leur existence sainte. Éd 25 2 Sortant de la main du Créateur, non seulement le jardin d'Eden, mais aussi la terre entière éclataient d'une beauté infinie. Les taches du péché, l'ombre de la mort ne défiguraient pas la création. La gloire de Dieu "couvr[ait] les cieux et sa louange rempliss[ait] la terre". Habakuk 3:3. "Ensemble les étoiles du matin éclataient en chants de triomphe, et tous les fils de Dieu lançaient des acclamations." Job 38:7. Ainsi la terre était l'emblème parfait de Celui qui est "riche en bienveillance et en fidélité" (Exode 34:6); c'était un excellent sujet d'étude pour ceux qui avaient été créés à son image. Dieu souhaitait que la terre entière suivît l'exemple du jardin d'Eden, et que, au fur et à mesure qu'elle s'agrandirait, la famille humaine crée d'autres foyers, d'autres écoles semblables à ceux qu'il lui avait donnés. Ainsi, au fil du temps, la terre entière abonderait en foyers et en écoles où l'on étudierait les paroles et les oeuvres de Dieu, et où les élèves pourraient de plus en plus, de mieux en mieux, réfléter la lumière de la connaissance de Dieu, à travers l'éternité. ------------------------Chapitre 3 -- La connaissance du bien et du mal Éd 27 0 Comme ils n'ont pas jugé bon d'avoir la connaissance de Dieu, Dieu les a livrés à une mentalité réprouvée. Romains 1:28. Éd 27 1 Nos premiers parents, créés saints et purs, n'étaient cependant pas hors d'atteinte du péché. Dieu aurait pu les créer incapables de transgresser ses commandements, mais leur caractère n'aurait alors connu aucun développement; c'est par contrainte et non par choix qu'ils auraient servi Dieu. Aussi leur donna-t-il le pouvoir de choisir -- l'accepter pour maître ou le rejeter. Avant qu'ils puissent recevoir dans leur plénitude les bénédictions que le Seigneur désirait leur accorder, il fallait que leur amour et leur fidélité soient éprouvés. Éd 27 2 Il y avait, dans le jardin d'Eden, "l'arbre de la connaissance du bien et du mal [...] Et l'Eternel Dieu donna ce commandement à l'homme: Tu pourras manger de tous les arbres du jardin; mais tu ne mangeras pas de l'arbre de la connaissance du bien et du mal." Genèse 2:9, 16, 17. La volonté de Dieu, c'était qu'Adam et Eve ne connaissent pas le mal. La connaissance du bien leur avait été accordée gratuitement; mais la connaissance du mal -- du péché et de ses conséquences, travail épuisant, angoisse, déception et chagrin, souffrance et mort -- cela, l'amour le taisait. Éd 28 1 Tandis que Dieu recherchait le bonheur de l'homme, Satan travaillait à sa perte. Eve, méprisant l'avertissement de Dieu à propos de l'arbre défendu, s'aventura auprès de cet arbre et rencontra là son ennemi. Satan, voyant que l'intérêt et la curiosité de la femme étaient éveillés, entreprit de contester la parole de Dieu, et de jeter le doute sur sa sagesse et sa bonté. Et lorsque Eve rapporta la défense de Dieu concernant l'arbre de la connaissance: "Vous n'en mangerez pas et vous n'y toucherez pas, sinon vous mourrez", le tentateur répondit: "Vous ne mourrez pas du tout! Mais Dieu sait que le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront, et que vous serez comme des dieux qui connaissent le bien et le mal." Genèse 3:3-5. Éd 28 2 Satan voulait faire croire que la connaissance du bien et du mal serait une bénédiction, et qu'en empêchant Adam et Eve de prendre du fruit de l'arbre, Dieu les privait d'un grand bien. Il insista sur le fait que ce fruit leur avait été interdit parce qu'il possédait la faculté merveilleuse de donner sagesse et pouvoir, et que Dieu voulait ainsi les empêcher d'atteindre un état supérieur et un plus grand bonheur. Il déclara qu'il avait lui-même mangé du fruit défendu, et avait de ce fait acquis le pouvoir de parler; s'ils en mangeaient eux aussi, leur existence serait d'un tout autre niveau, et leurs connaissances plus vastes. Éd 28 3 Lorsque Satan proclamait avoir retiré le plus grand bien du fruit défendu, il se gardait bien de laisser voir qu'il avait été banni du ciel pour cause de désobéissance. Son mensonge était si bien dissimulé sous un vernis de vérité qu'Eve, la tête tournée par des flatteries et des tromperies, ne le perçut pas. Elle convoitait ce que le Seigneur lui avait interdit; elle se défiait de la sagesse de Dieu. Elle rejetait la foi en lui, clé de toute connaissance. Éd 29 1 Lorsque Eve vit "que l'arbre était bon à manger, agréable à la vue et propre à donner du discernement, elle prit de son fruit et en mangea". Il avait un goût flatteur, et tout en mangeant, Eve crut sentir une force vivifiante la parcourir, et s'imagina qu'elle accédait à un niveau d'existence supérieur. Elle avait désobéi, elle tenta son mari, "et il mangea". Genèse 3:6. Éd 29 2 "Vos yeux s'ouvriront", avait dit leur ennemi; "vous serez comme des dieux qui connaissent le bien et le mal". Genèse 3:5. Certes, leurs yeux s'étaient ouverts; mais sur quel triste spectacle! Ce qu'ils avaient conquis par leur désobéissance, c'était de connaître le mal, et les malédictions du péché. Le fruit lui-même n'était pas toxique, et le péché n'était pas tant d'avoir succombé à la convoitise. C'est le manque de confiance dans la bonté de Dieu et dans sa parole, le rejet de son autorité qui firent de nos premiers parents des pécheurs et amenèrent le monde à connaître le mal. C'est cela qui ouvrit la porte à toutes sortes de mensonges et d'erreurs. Éd 29 3 L'homme perdit tout en choisissant d'écouter l'imposteur plutôt que celui qui est la Vérité et qui seul possède l'intelligence. Le bien et le mal se mêlèrent dans son esprit jusqu'à l'obscurcir et en paralyser les facultés mentales et spirituelles. Il ne fut plus à même d'apprécier les biens que Dieu lui avait si généreusement accordés. Éd 29 4 Adam et Eve avaient choisi de connaître le mal, et si jamais ils voulaient recouvrer la place qu'ils avaient perdue, ce devait être à travers les conditions difficiles qu'ils s'étaient eux-mêmes imposées. Ils n'habiteraient plus le jardin d'Eden, qui, dans sa perfection, ne pouvait leur apporter les enseignements dont ils avaient désormais profondément besoin. Pleins d'une tristesse inexprimable, ils dirent adieu à cet endroit magnifique et partirent sur la terre que marquait la malédiction du péché! Éd 30 1 Dieu avait dit à Adam: "Parce que tu as écouté la voix de ta femme et que tu as mangé de l'arbre dont je t'avais défendu de manger, le sol sera maudit à cause de toi; c'est avec peine que tu en tireras ta nourriture tous les jours de ta vie, il te produira des chardons et des broussailles, et tu mangeras l'herbe de la campagne. C'est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu'à ce que tu retournes dans le sol, d'où tu as été pris; car tu es poussière, et tu retourneras à la poussière." Genèse 3:17-19. Éd 30 2 Quoique la terre fût souillée par le péché, la nature demeurait le livre d'étude de l'homme. Un livre qui ne pouvait plus présenter le bien seulement; car le mal était partout présent, marquant la terre, la mer, l'air de son empreinte dégradante. Là où autrefois éclatait uniquement le caractère de Dieu, la connaissance du bien, se manifestait désormais aussi le caractère de Satan, la connaissance du mal. La nature, qui reflétait maintenant le bien et le mal, avertissait sans cesse l'homme des conséquences du péché. Éd 30 3 Les fleurs fanèrent, les feuilles tombèrent: Adam et sa compagne assistaient aux premiers signes de déchéance. Devant eux se dressait l'implacable évidence: tout ce qui vit doit mourir. L'air lui-même, dont dépendait leur vie, portait des germes de mort. Éd 30 4 Sans cesse revenait à leur esprit leur domination perdue. Adam avait régné sur les créatures inférieures et, aussi longtemps qu'il était resté fidèle à Dieu, la nature entière avait reconnu son autorité; mais par sa désobéissance, il perdit cette domination. L'esprit de rébellion, auquel il avait lui-même cédé le premier, se répandait à travers toute la création animale. Ainsi la vie de l'homme, mais aussi les bêtes, les arbres des forêts, l'herbe des champs, l'air qu'il respirait, tout répétait la triste leçon de la connaissance du mal. Éd 31 1 Cependant l'homme n'était pas abandonné aux conséquences du mal qu'il avait choisi. Dans la condamnation prononcée contre Satan, il y avait l'annonce de la rédemption. "Je mettrai inimitié entre toi et la femme, avait dit Dieu, entre ta descendance et sa descendance; celle-ci t'écrasera la tête, et tu lui écraseras le talon." Genèse 3:15. Cette condamnation, prononcée devant nos premiers parents, était pour eux une promesse. Avant d'entendre parler de broussailles et de chardons, de dur labeur et de peine -- leur part, désormais -- et de cette poussière à laquelle ils devraient retourner, ils reçurent des paroles qui ne pouvaient manquer de les remplir d'espoir. Tout ce qui avait été perdu sous l'emprise de Satan pouvait être retrouvé à travers le Christ. Éd 31 2 Cette promesse, la nature nous la répète aussi. Abîmée par le péché, elle n'en parle pas moins de création, et aussi de rédemption. Si, par des signes implacables de déclin, la terre témoigne de la malédiction, elle porte cependant les marques nombreuses et éclatantes d'un pouvoir de vie. Les arbres ne perdent leurs feuilles que pour être parés de nouveau; les fleurs fanent pour renaître resplendissantes de beauté; le moindre acte créateur nous affirme que nous pouvons être créés de nouveau "dans une justice et une sainteté que produit la vérité". Ephésiens 4:24. Ainsi la nature, qui nous fait précisément comprendre tout ce que nous avons perdu, nous apporte en même temps un message d'espoir. Éd 32 1 Où que frappe le mal, la voix de notre Père résonne; il invite ses enfants à ouvrir les yeux sur les résultats du péché, leur demande de renoncer au mal, les encourage à choisir le bien. ------------------------Chapitre 4 -- Rapports entre éducation et rédemption Éd 33 0 Faire resplendir la connaissance de la gloire de Dieu sur la face de Christ. 2 Corinthiens 4:6. Éd 33 1 Par le péché, l'homme s'était séparé de Dieu. Sans le plan de la rédemption, cette séparation aurait été éternelle; nous aurions été pour toujours plongés dans les ténèbres d'une nuit sans fin. Mais grâce au sacrifice du Sauveur, nous pouvons à nouveau communier avec Dieu. Nous ne pouvons pas l'approcher en personne; dans notre péché nous ne pouvons pas contempler sa face; mais nous pouvons le contempler et communier avec lui en Jésus, le Sauveur. La lumière de "la connaissance de la gloire de Dieu" est révélée "sur la face de Christ". Dieu est "en Christ, réconciliant le monde avec lui-même". 2 Corinthiens 4:6; 5:19. Éd 33 2 "La Parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité." "Or elle était la vie; et la vie était la lumière des hommes." Jean 1:14; 1:4. La vie et la mort du Christ, prix de notre rachat, ne sont pas seulement une promesse de vie pour nous; pas seulement un moyen de nous redonner accès aux trésors de la sagesse: elles nous révèlent des dimensions de son caractère que les saints habitants de l'Eden eux-mêmes ignoraient. Éd 34 1 Tandis que le Christ ouvre le royaume des cieux à l'homme, la vie qu'il nous donne ouvre le coeur de l'homme au royaume des cieux. Le péché ne nous sépare pas seulement de Dieu; il détruit dans nos âmes le désir et la possibilité de le connaître. La mission du Christ est de défaire ce qu'a fait le mal. Aux facultés de l'âme, paralysées par le péché, à l'intelligence obscurcie, à la volonté pervertie, il peut redonner vigueur et puissance. Il nous offre les richesses de l'univers et, grâce à lui, le pouvoir de distinguer ces trésors et de nous en emparer. Éd 34 2 Le Christ est la "lumière qui éclaire tout homme venant au monde". Jean 1:9. Chaque être humain reçoit la vie à travers le Christ; à travers lui chaque âme reçoit un peu de la lumière divine. Au fond de tout homme gisent des aspirations intellectuelles, mais aussi spirituelles, un sens de la justice, une aspiration vers le bien. Mais une puissance contraire combat ces principes. Les conséquences du premier péché -- manger de l'arbre de la connaissance du bien et du mal -- sont manifestes dans notre vie à tous. Il y a, dans la nature de l'homme, une tendance au mal, une force à laquelle il ne peut résister seul. Pour l'aider à la repousser, à atteindre cet idéal qu'il reconnaît, au fond de lui-même, comme seul valable, il n'y a qu'une puissance: celle du Christ. Le plus grand besoin de l'homme est de coopérer avec cette puissance. Ne devons-nous pas considérer que cette coopération est l'objectif suprême de tout effort d'éducation? Éd 34 3 Le maître digne de ce nom ne se satisfait pas d'un travail de second ordre. Il ne se satisfait pas de mener ses élèves à un niveau inférieur à celui qu'ils pourraient atteindre. Il ne peut pas se contenter de leur transmettre simplement des connaissances techniques, qui feront d'eux des comptables habiles, des artisans adroits, des commerçants prospères -- et c'est tout. Son ambition, c'est de leur insuffler les principes de vérité, obéissance, honneur, intégrité, pureté -- des principes leur permettant de devenir des forces qui participeront effectivement à l'équilibre et à l'élévation de la société. Il souhaite, par-dessus tout, que ses élèves apprennent de la vie la grande leçon de l'altruisme. Éd 35 1 Lorsque l'âme rencontre le Christ, que l'homme accepte d'être guidé par sa sagesse, d'être fort de sa force, à chaque instant de sa vie, à chaque battement de son coeur, ces principes deviennent une force vivante, propre à forger le caractère. L'élève qui réalise cette union a trouvé la source de la sagesse; il lui est possible d'atteindre ses idéaux les plus nobles, d'accéder à l'éducation la plus haute, de s'engager enfin sur le chemin de l'éternité. Éd 35 2 Si l'on y réfléchit profondément, on comprend qu'éducation et rédemption sont une seule et même chose, car pour l'une comme pour l'autre, "personne ne peut poser un autre fondement que celui qui a été posé, savoir Jésus-Christ." "Car il a plu [à Dieu] de faire habiter en lui toute plénitude." 1 Corinthiens 3:11; Colossiens 1:19. Éd 35 3 Malgré nos conditions de vie différentes des conditions originelles, la véritable éducation est toujours conforme au plan du Créateur, le plan de l'école d'Eden. Adam et Eve, en communion avec Dieu, étaient instruits par lui directement; quant à nous, nous contemplons la lumière de la connaissance de sa gloire sur la face du Christ. Éd 35 4 Les grands principes d'éducation n'ont pas changé. Ils sont "à toujours inébranlables" (Psaumes 111:8) puisque ce sont les principes du caractère de Dieu. L'effort fondamental, l'objectif constant du maître devraient être d'aider l'élève à les appréhender et à engager avec le Christ une relation qui fera de ces principes une force de vie. Éd 36 1 Le maître qui accepte cet objectif est réellement un collaborateur du Christ, un ouvrier avec Dieu. Tout ce qui a été écrit d'avance l'a été pour notre instruction. Romains 15:4. ------------------------Chapitre 5 -- L'éducation d'Israël Éd 39 0 L'Eternel seul le conduisait. Il l'entourait, il en prenait soin, Il le gardait comme la prunelle de son oeil. Deutéronome 32:12, 10. Éd 39 1 Le système éducatif conçu en Eden reposait sur la famille. Adam était "le fils de Dieu" (Luc 3:28) et c'était le Très-Haut lui-même qui dispensait l'instruction à ses enfants. Il y avait là dans le sens le plus complet de l'expression une école de famille. Éd 39 2 Dans le plan divin d'éducation tel qu'il fut adapté à la condition humaine après la chute, le Christ représente le Père; c'est lui le maillon qui relie les hommes à Dieu; c'est lui le grand éducateur du genre humain. Et à son tour, il demande aux hommes, aux femmes, de le représenter: la famille devait être école, les parents éducateurs. Éd 39 3 L'éducation au sein de la famille prévalut au temps des patriarches. C'est dans ces écoles familiales que, grâce à Dieu, les conditions les plus favorables au développement du caractère étaient rassemblées. Ceux qui se laissaient diriger par Dieu suivaient le mode de vie qu'il avait établi au commencement de toutes choses. Ceux qui s'éloignaient de lui s'étaient bâti des villes, et, s'y rassemblant, s'enorgueillissaient de la magnificence, du luxe et du vice qui font des villes d'aujourd'hui la gloire du monde et sa malédiction. Les hommes qui gardaient les principes divins vivaient dans les champs et sur les collines. Ils cultivaient le sol, paissaient les troupeaux, et dans cette vie libre, indépendante, dure, mais propice à l'étude et à la réflexion, ils s'instruisaient auprès de Dieu et instruisaient leurs enfants de ses oeuvres et de ses voies. Éd 40 1 Voilà la méthode d'éducation que Dieu désirait donner à Israël. Mais, à la sortie d'Egypte, bien peu d'Israélites étaient prêts à oeuvrer avec lui à la formation de leurs enfants. Les parents eux-mêmes avaient besoin d'être instruits et disciplinés. Victimes d'un esclavage qui avait toujours été leur part, ils étaient ignorants, frustes, avilis même. Leur connaissance de Dieu était mince, et bien petite leur foi en lui. Leur esprit avait été obscurci par de faux enseignements, et corrompu par un long contact avec le paganisme. Dieu désirait élever leur niveau moral, et cherchait pour cela à se faire connaître à eux. Éd 40 2 L'Eternel, tout au long de la longue errance des Israélites dans le désert, lorsqu'ils allaient çà et là, qu'ils étaient exposés à la faim, à la soif, à la fatigue, menacés par des ennemis, par des païens, et qu'il veillait lui-même sur eux, tentait de fortifier leur foi en leur faisant connaître la puissance qui agissait sans cesse pour leur bien. Après leur avoir enseigné à s'en remettre à son amour, à sa puissance, il voulait leur offrir pour modèle, à travers sa loi, le caractère qu'il souhaitait leur voir atteindre, par sa grâce. Éd 40 3 Qu'elles étaient précieuses les leçons que reçut Israël au pied du Sinaï! Ce fut une période de préparation toute particulière pour l'entrée en Canaan. Là, le projet divin trouvait un cadre favorable. Au sommet du Sinaï, étendant son ombre sur les tentes déployées dans la plaine, s'était posée la colonne de nuée qui avait guidé les enfants d'Israël durant leur voyage. La nuit, la colonne de feu les assurait de la protection divine; et lorsqu'ils dormaient, le pain du ciel descendait, doucement, sur le camp. De tous côtés les montagnes énormes, déchiquetées, se dressaient dans leur solennelle magnificence, parlaient de gloire et d'éternité. Là, l'homme se sentait faible et ignorant devant Celui qui "a pesé les montagnes au crochet, et les collines à la balance". Ésaïe 40:12. Là, en manifestant sa majesté, Dieu cherchait à ce qu'Israël s'imprégnât de la sainteté de son caractère et de ses commandements, et sentît les dimensions du péché. Éd 41 1 Mais le peuple était lent à comprendre. Habitués comme ils l'avaient été en Egypte à côtoyer des images palpables de la divinité, sous les formes les plus viles, les enfants d'Israël concevaient bien difficilement l'existence et le caractère de l'Etre invisible. Par compassion envers leur faiblesse, Dieu leur accorda un signe de sa présence. "Ils me feront un sanctuaire, dit-il, et je demeurerai au milieu d'eux." Exode 25:8. Éd 41 2 Lors de la construction du sanctuaire, maison de l'Eternel, Moïse reçut des instructions précises pour que tout fût conforme au modèle céleste. Dieu l'appela sur la montagne et lui révéla ce modèle, à la ressemblance duquel furent faits le tabernacle et tout ce qui s'y rapportait. Éd 41 3 De même, Dieu révéla à Israël, le peuple au milieu duquel il désirait habiter, son caractère glorieux. Il lui en offrit un modèle sur la montagne, lorsqu'il donna la loi du haut du Sinaï: il passa alors devant Moïse et proclama: "L'Eternel, l'Eternel, Dieu compatissant et qui fait grâce, lent à la colère, riche en bienveillance et en fidélité." Exode 34:6. Éd 42 1 Mais les enfants d'Israël étaient incapables d'accéder par leurs propres forces à ce caractère idéal. La révélation faite au Sinaï pouvait seulement les convaincre de leur misère et de leur impuissance. Les sacrifices pratiqués dans l'enceinte du sanctuaire leur réservaient une autre leçon: celle du pardon des fautes, et du pouvoir qu'a tout homme, à travers le Sauveur, de choisir l'obéissance qui mène à la vie. Éd 42 2 C'est à travers le Christ que devait s'accomplir le plan de Dieu, dont le tabernacle était un symbole -- cet ouvrage magnifique, aux parois d'or étincelant qui reflétaient, dans des lumières d'arc-en-ciel, les rideaux brodés de chérubins; pénétré des senteurs d'encens, avec ses prêtres vêtus de blanc immaculé; et, dans le profond mystère du lieu très saint, au-dessus du propitiatoire, entre les anges courbés en adoration, la gloire du Dieu très saint. Le Seigneur désirait que son peuple pût lire, dans chaque détail, son intention pour l'âme humaine. Bien plus tard, l'apôtre Paul, parlant sous la direction du Saint-Esprit, soulignait cette même intention: "Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l'Esprit de Dieu habite en vous? Si quelqu'un détruit le temple de Dieu, Dieu le détruira; car le temple de Dieu est saint, et c'est ce que vous êtes." 1 Corinthiens 3:16, 17. Éd 42 3 Grands étaient le privilège, l'honneur accordés à Israël de construire le sanctuaire; grande aussi était sa responsabilité. Un édifice incomparable, dont la construction requérait le matériel le plus coûteux, les talents les plus fins, allait être élevé dans le désert, par un peuple à peine sorti de l'esclavage! Cela semblait pourtant impossible! Mais l'architecte était là; il s'était engagé à collaborer avec les ouvriers. Éd 43 1 "L'Eternel parla à Moïse et dit: Vois: j'ai appelé par son nom Betsaleel, fils d'Ouri, fils de Hour, de la tribu de Juda. Je l'ai rempli de l'Esprit de Dieu, de sagesse, d'intelligence et de compétence pour toutes sortes d'ouvrages [...] Je lui ai donné pour aide Oholiab, fils d'Ahisamak, de la tribu de Dan. J'ai mis de la sagesse dans le coeur de tous les gens habiles, pour qu'ils fassent tout ce que je t'ai ordonné." Exode 31:1-3, 6. Éd 43 2 Quelle extraordinaire école technique que celle du Christ et de ses anges, dans le désert! Éd 43 3 Tous devaient participer à la construction du sanctuaire, et de ses accessoires. Il y avait là de quoi faire travailler esprits et mains. Il fallait toutes sortes de matériaux, et chacun était invité à prendre part à la tâche, pour autant que son coeur l'y poussait. Éd 43 4 C'est ainsi qu'en travaillant, qu'en donnant, les enfants d'Israël apprirent à collaborer avec Dieu, et les uns avec les autres. D'autre part, ils devaient bâtir ensemble un autre édifice, spirituel celui-là: le temple de Dieu en eux-mêmes. Éd 43 5 Depuis leur départ d'Egypte, ils avaient reçu des leçons qui les avaient formés et disciplinés. D'ailleurs, avant même qu'il quitte l'Egypte, le peuple avait été réparti en groupes, dirigé par des chefs; il s'agissait là d'une organisation temporaire, qui fut achevée au Sinaï. L'ordre dont témoignait avec tant d'évidence chaque ouvrage de Dieu se retrouvait là, dans l'organisation des Hébreux. Dieu était le centre de toute autorité et de tout pouvoir. Moïse, qui le représentait, devait veiller en son nom à l'application des lois. Puis venait le Conseil des soixante-dix, ensuite les prêtres et les princes, au-dessous d'eux les "chefs de mille, chefs de cent, chefs de cinquante et chefs de dix" (Nombres 11:16; Deutéronome 1:15), et, enfin, les officiers destinés à des tâches particulières. Le camp était distribué dans un ordre précis: au centre, le tabernacle, demeure de l'Eternel; autour, les tentes des prêtres et des lévites. Plus loin se répartissaient celles de chaque tribu, chacune sous sa bannière. Éd 44 1 Des règlements d'hygiène minutieux furent mis en vigueur, prescrits non seulement parce qu'ils étaient nécessaires à la santé, mais parce qu'ils étaient surtout la condition pour que le Dieu Saint demeurât parmi le peuple. Par mandat divin, Moïse déclara: "L'Eternel, ton Dieu, marche au milieu de ton camp pour te protéger [...]; ton camp sera donc saint." Deutéronome 23:14. Éd 44 2 Aucune des façons de vivre des enfants d'Israël n'échappait à l'éducation divine. Tout ce qui concernait leur bien-être était l'objet de la sollicitude de Dieu et intéressait sa loi. Il cherchait leur plus grand bien, ne serait-ce que lorsqu'il les nourrissait. La manne qu'il leur accordait dans le désert était de qualité telle qu'elle devait fortifier leur corps, leur intelligence, leur esprit. Quoique tant d'entre eux se soient insurgés contre cette alimentation restreinte, rêvant de retourner aux jours où, disaient-ils, "nous étions assis près des marmites de viande, [...] nous mangions du pain à satiété" (Exode 16:3), le choix de Dieu éclatait d'une sagesse indéniable: malgré les épreuves d'une vie rude, personne, dans aucune tribu, n'était faible. Éd 44 3 Tout au long des marches des Hébreux, l'arche renfermant les tables de la loi divine montra le chemin. Lorsque la colonne de nuée descendait, ils savaient qu'ils devaient s'arrêter là pour installer leur campement. Tant que la nuée demeurait au-dessus du tabernacle, ils demeuraient dans le camp. Lorsqu'elle s'élevait, ils reprenaient leur marche. L'arrêt aussi bien que le départ étaient ponctués d'une invocation solennelle. "Quand l'arche partait, Moïse disait: Lève-toi, Eternel! et que tes ennemis soient dispersés! [...] Et quand on la reposait, il disait: Reviens, Eternel, aux myriades des milliers d'Israël." Nombres 10:35, 36. Éd 45 1 Tandis que le peuple cheminait dans le désert, le chant contribua à imprimer dans l'esprit de chacun de nombreuses et précieuses leçons. Lorsqu'elle avait été délivrée de l'armée de Pharaon, la foule d'Israël avait uni ses voix en un chant de triomphe. Bien loin dans le désert, et jusqu'à la mer avait résonné le joyeux refrain, les montagnes avaient retenti de louanges: "Chantez à l'Eternel, car il a montré sa souveraineté". Exode 15:21. Et pendant le voyage, ce chant était souvent repris, pour réjouir les coeurs et vivifier la foi des pèlerins. Les commandements donnés au Sinaï, qui contenaient les promesses de la grâce de Dieu et rappelaient tout ce qu'il avait fait pour délivrer son peuple, étaient, à la demande divine, chantés, avec accompagnement d'instruments; ainsi les enfants d'Israël allaient, au rythme de leurs voix unies pour louer Dieu. Éd 45 2 Alors leurs pensées se détachaient des soucis et des difficultés du chemin, leur esprit agité, impatient, s'apaisait; les principes de vérité s'ancraient dans leur mémoire et leur foi se fortifiait. Chanter ensemble leur apprenait à agir en ordre et en harmonie, et chacun se rapprochait par là du Seigneur et des autres. Éd 45 3 Moïse déclara, à propos de la façon dont Dieu dirigea le peuple d'Israël pendant les quarante années de l'errance dans le désert: "L'Eternel, ton Dieu, t'éduque comme un homme éduque son fils [...] afin de t'humilier et de t'éprouver, pour reconnaître ce qu'il y avait dans ton coeur et si tu observais ses commandements, oui ou non." Deutéronome 8:5, 2. Éd 46 1 "Il l'a trouvé dans un pays désert, dans un chaos hurlant et aride; il l'entourait, il en prenait soin, il le gardait comme la prunelle de son oeil, pareil à l'aigle qui éveille sa nichée, voltige sur ses petits, déploie ses ailes, les prend, les porte sur ses plumes. L'Eternel seul le conduisait. Et il n'y avait avec lui aucun dieu étranger." Deutéronome 32:10-12. Éd 46 2 "Car il se souvint de sa parole sainte et d'Abraham, son serviteur. Il fit sortir son peuple dans l'allégresse, ses élus au milieu des acclamations. Il leur donna les terres des nations, et du travail des peuples, ils possédèrent (le fruit), afin d'observer ses prescriptions et de garder ses lois." Psaumes 105:42-45. Éd 46 3 Dieu accorda à Israël tous les moyens, tous les privilèges qui lui permettraient de faire honneur à son nom et d'être une bénédiction pour les nations voisines. Si les Israélites marchaient dans le chemin de l'obéissance, il leur promettait de leur donner "sur toutes les nations qu'il a créées la supériorité en gloire, en renom et en magnificence". "Tous les peuples de la terre verront que le nom de l'Eternel est invoqué sur toi, et ils te craindront." "Les peuples, qui entendront parler de toutes ces prescriptions [...] diront: Cette grande nation ne peut être qu'un peuple sage et intelligent!" Deutéronome 26:19; 28:10; 4:6. Éd 46 4 Les lois données à Israël contenaient des directives très précises à propos de l'éducation. Sur le Sinaï, Dieu s'était révélé à Moïse "compatissant et qui fait grâce, lent à la colère, riche en bienveillance et en fidélité". Exode 34:6. Ces principes, formulés dans sa loi, devaient être enseignés aux enfants par les pères et les mères en Israël, eux auxquels Moïse déclara, sous l'inspiration divine: "Ces paroles que je te donne aujourd'hui seront dans ton coeur. Tu les inculqueras à tes fils et tu en parleras quand tu seras dans ta maison, quand tu iras en voyage, quand tu te coucheras et quand tu te lèveras." Deutéronome 6:6, 7. Éd 47 1 Ce n'est pas en théorie qu'il fallait enseigner cela. Ceux qui veulent transmettre la vérité doivent en mettre en pratique les principes. C'est uniquement en faisant transparaître dans leur vie le caractère de Dieu, sa droiture, sa noblesse et sa générosité qu'ils peuvent avoir de l'influence sur les autres. Éd 47 2 La véritable éducation ne consiste pas à enseigner de force un esprit qui n'est ni préparé ni ouvert. Il faut d'abord éveiller les facultés intellectuelles, susciter l'intérêt. La méthode divine d'enseignement y pourvoyait. Lui qui créa l'esprit et en établit les lois peut en assurer un développement harmonieux. Dans le foyer comme dans le sanctuaire, dans les choses de la nature comme dans celles de l'art, dans le travail comme dans les fêtes, dans les constructions sacrées et les pierres commémoratives, par d'innombrables moyens, rites et symboles, les leçons que Dieu dispensait à Israël mettaient en lumière ses principes et entretenaient le souvenir de ses oeuvres merveilleuses. Aussi, lorsque se posait une question, la réponse qui y était donnée se gravait dans les coeurs et les esprits. Éd 47 3 Chaque détail de l'éducation du peuple élu nous montre, de façon éclatante, qu'une vie centrée sur Dieu est une vie de plénitude. Dieu offre de quoi satisfaire tous les besoins qu'il inspire; il cherche à développer chacune des facultés qu'il a créées en l'homme. Éd 47 4 Artisan de toute beauté, lui-même admirateur du beau, le Créateur prit soin d'éveiller et de satisfaire en ses enfants l'amour de la beauté. Il leur accorda également tout ce qui permet la vie en société, les relations bienveillantes et dévouées qui savent si bien entretenir la solidarité, éclairer et adoucir la vie. Éd 48 1 Les fêtes d'Israël étaient un moyen éducatif d'importance. Dans la vie quotidienne, la famille tenait à la fois le rôle d'école et d'église, les parents montraient la voie à suivre aussi bien dans le domaine profane que religieux. Mais trois fois par an, à des époques précises, les enfants d'Israël se retrouvaient lors de grandes rencontres au cours desquelles ils rendaient ensemble leur culte à Dieu. C'est à Silo d'abord, à Jérusalem ensuite, que ces rassemblements avaient lieu. Seuls les pères et les fils étaient tenus d'y participer; mais personne ne souhaitait s'en priver, et toute la maisonnée, dans la mesure du possible, y prenait part; avec elle, bénéficiant de son hospitalité, l'étranger, le lévite, et le pauvre. Éd 48 2 Le voyage à Jérusalem, à la façon simple des patriarches, dans la grâce du printemps, l'éclat de l'été, ou la plénitude de l'automne, avait un charme immense. Chargés de dons de remerciements, ils allaient, l'homme aux cheveux blancs et le jeune enfant, rencontrer Dieu dans sa sainte demeure. En chemin, on racontait une fois encore aux enfants les expériences passées, les histoires que tous aimaient tant, les vieillards aussi bien que les jeunes. On chantait les cantiques qui avaient adouci la longue marche dans le désert. On chantait les commandements de Dieu, qui se gravaient ainsi pour toujours dans la mémoire de nombreux enfants, de nombreux jeunes gens, sous l'influence bénie de la nature, dans ce climat d'amitié. Éd 48 3 A Jérusalem, les cérémonies pascales -- la réunion de nuit avec les hommes aux reins ceints, sandales aux pieds, bâton à la main; le repas pris en hâte, l'agneau, le pain sans levain et les herbes amères; enfin, dans le silence solennel, le récit de l'histoire du sang répandu, de l'ange porteur de mort et de la longue marche loin du pays de servitude -- ne pouvaient que frapper l'imagination et émouvoir les coeurs. Éd 49 1 La Fête des Tabernacles, ou fête des moissons, avec ses offrandes de fruits et de récoltes, ses cabanes de feuillage construites pour une semaine, les réunions, les cérémonies solennelles du souvenir, la généreuse hospitalité offerte aux ouvriers de Dieu -- les Lévites chargés du service du sanctuaire -- et à ses enfants, l'étranger et le pauvre, tournait tous les esprits vers celui qui avait "couronné l'année de ses biens", et dont "les sentiers ruisselaient de sève", et les faisait déborder de reconnaissance. Éd 49 2 Les Israélites pieux consacraient à ces fêtes religieuses un mois entier chaque année. C'était là des moments libres de tout souci et de tout travail, et presque entièrement voués à l'éducation. Éd 49 3 En distribuant à son peuple l'héritage, Dieu voulait lui enseigner, et enseigner, à travers lui, aux générations à venir, des principes justes concernant le droit de propriété de la terre. La terre de Canaan fut répartie entre tous les Israélites, excepté les Lévites, puisqu'ils étaient ministres du sanctuaire. Quoique chacun fût libre, pour un temps, de disposer de sa terre, personne ne pouvait vendre définitivement l'héritage de ses enfants. Celui qui vendait son domaine avait la possibilité de le racheter n'importe quand; les dettes étaient remises tous les sept ans, et tous les cinquante ans, lors de l'année du jubilé, chaque terre revenait à son propriétaire d'origine. Ainsi chaque famille était assurée de son avoir et l'on évitait aussi bien une trop grande richesse que trop de pauvreté. Éd 50 1 Grâce à ce partage de la terre, Dieu assurait à son peuple, comme il l'avait fait aux habitants de l'Eden, l'ouvrage le plus favorable à son épanouissement -- la charge des plantes et des animaux. Il avait prévu aussi, pour instruire ses enfants, l'arrêt des travaux agricoles une année sur sept: la terre restait alors en jachère et ce que les champs produisaient d'eux-mêmes était abandonné aux pauvres. Les Israélites avaient alors la possibilité de se livrer davantage à l'étude, aux relations sociales, à l'adoration, à la bienfaisance, si souvent délaissées à cause des soucis et des travaux quotidiens. Éd 50 2 Si les principes divins concernant la répartition des biens étaient mis en pratique aujourd'hui à travers le monde, comme la condition humaine serait différente! Le respect de ces principes aurait permis d'éviter les terribles maux qui, au fil des âges, naquirent de l'oppression qu'exercent les riches sur les pauvres et de la haine que les pauvres portent aux riches. Ces règles s'opposeraient probablement à l'amoncellement de grandes richesses, à l'ignorance et à l'avilissement de dizaines de milliers d'hommes dont l'exploitation sert à bâtir ces fortunes colossales. Elles aideraient à apporter une solution pacifique aux problèmes, à l'anarchie, aux carnages qui menacent de submerger le monde. Éd 50 3 La consécration à Dieu d'une dîme de tous les revenus, du verger ou des moissons, des troupeaux, ou encore du travail de l'intelligence ou des mains, la consécration d'une seconde dîme pour soulager les pauvres et pour d'autres oeuvres de bienfaisance permettaient aux enfants d'Israël de garder vivace à l'esprit la vérité première que tout appartient à Dieu, et qu'ils avaient là la possibilité extraordinaire de transmettre les bénédictions divines. Une telle éducation voulait tuer tout égoïsme desséchant et épanouir des caractères nobles et généreux. Éd 51 1 Connaître Dieu, communier avec lui dans l'étude et le travail, se forger un caractère à l'image du sien, étaient la source, le moyen et le but de l'éducation d'Israël -- cette éducation que Dieu avait donnée aux parents pour qu'ils en fassent à leur tour bénéficier leurs enfants. ------------------------Chapitre 6 -- Les écoles de prophètes Éd 53 0 Ils se sont tenus à tes pieds, il est ton porte-parole. Deutéronome 33:3. Éd 53 1 Partout où, en Israël, le plan divin d'éducation fut réalisé, les résultats obtenus rendaient gloire à son auteur. Mais, dans de nombreuses maisonnées, le programme céleste n'était pas observé, et rares étaient les caractères qui se formaient selon ses directives. Éd 53 2 Le plan de Dieu n'était suivi ni complètement ni parfaitement. Par leur manque de confiance à l'égard des instructions divines, leur mépris pour elles, les Israélites se précipitaient dans des tentations auxquelles peu d'entre eux étaient capables de résister. Lorsqu'ils s'installèrent en Canaan, "ils ne détruisirent pas les peuples que l'Eternel leur avait indiqués. Ils se mêlèrent avec les nations, et ils apprirent (à imiter) leurs oeuvres. Ils rendirent un culte à leurs idoles, qui furent pour eux un piège." Psaumes 106:34-36. "Leur coeur n'était pas fermement à lui (Dieu), et ils n'étaient pas fidèles à son alliance. Mais lui, qui est compatissant, faisait l'expiation de la faute et ne détruisait pas; il multipliait (les occasions) de retenir sa colère. [...] Il se souvenait qu'ils n'étaient que chair; un souffle qui s'en va et qui ne revient pas." Psaumes 78:37-39. Les pères et les mères en Israël devenaient indifférents à leurs devoirs envers Dieu, indifférents à leurs devoirs envers leurs enfants. A cause de l'infidélité qui régnait à la maison, des influences idolâtres qui venaient de l'extérieur, nombreux étaient les jeunes Hébreux qui recevaient une éducation bien éloignée de celle que Dieu avait prévue pour eux. C'était aux moeurs païennes qu'ils se conformaient. Éd 54 1 Pour parer à ce mal grandissant, pour aider les parents dans leur tâche éducative, Dieu suscita d'autres moyens. De tout temps on avait salué les prophètes comme des maîtres envoyés par Dieu. Le prophète, dans le sens le plus élevé du mot, est celui qui parle sous l'inspiration divine, qui transmet au peuple les messages qu'il a lui-même reçus de Dieu. Mais ce terme désignait aussi ceux qui, sans être aussi directement inspirés, étaient appelés à enseigner au peuple les oeuvres et les voies du Seigneur. Pour former ces maîtres, Samuel organisa, selon l'ordre divin, les écoles de prophètes. Éd 54 2 Ces écoles devaient faire obstacle à la propagation de la corruption, assurer l'équilibre intellectuel et spirituel des jeunes, et favoriser le développement de la nation en lui donnant des chefs et des guides compétents, qui agiraient dans le respect de Dieu. Dans ce but, Samuel rassembla des jeunes gens pieux, intelligents et studieux. On les appelait "fils des prophètes". Tandis qu'ils étudiaient la parole et les oeuvres divines, la puissance vivifiante de Dieu stimulait leur esprit et leur âme, et ils recevaient la sagesse d'en haut. Les maîtres ne se contentaient pas de connaître la vérité divine, mais ils vivaient eux-mêmes en communion avec Dieu, et avaient reçu une part toute particulière de son Esprit. Leur savoir et leur piété leur attiraient le respect et la confiance du peuple. Au temps de Samuel, deux écoles de ce type existaient -- l'une à Rama, résidence du prophète, l'autre à Kirjath-Jearim. Par la suite, d'autres furent fondées. Éd 55 1 Les élèves de ces écoles pourvoyaient à leur propre subsistance par leur travail, soit en cultivant le sol, soit en s'adonnant à quelque autre travail manuel. En Israël, personne ne trouvait cela surprenant ni dégradant; au contraire, on considérait comme une faute de laisser grandir un enfant dans l'ignorance d'un travail utile. Tous les jeunes, que leurs parents fussent pauvres ou riches, apprenaient un métier. Même s'ils étaient destinés à assurer une charge sacrée, on jugeait essentiel qu'ils connaissent les aspects pratiques de la vie, pour être plus efficaces. Et beaucoup de maîtres subvenaient à leurs propres besoins en travaillant de leurs mains. Éd 55 2 A l'école comme à la maison, l'enseignement était essentiellement oral; mais les jeunes apprenaient aussi à lire les textes hébreux, et les rouleaux de parchemin de l'Ancien Testament étaient à leur disposition. Les principaux sujets d'étude de ces écoles étaient la loi de Dieu, avec l'enseignement dispensé à Moïse, l'histoire sainte, la musique sacrée et la poésie. L'histoire sainte témoignait de l'action de l'Eternel. Les vérités de base, que voulaient révéler les images des cérémonies du sanctuaire, étaient étudiées, et par la foi, on arrivait à saisir l'élément central du système: l'Agneau de Dieu qui ôterait le péché du monde. La plus grande piété régnait. Les élèves n'apprenaient pas seulement qu'ils devaient prier, mais comment prier, comment s'approcher de leur Créateur, lui faire confiance, comprendre les enseignements de son Esprit et y obéir. Du trésor divin surgissaient, par l'intermédiaire de l'intelligence sanctifiée, des choses anciennes et des choses nouvelles, et l'Esprit de Dieu se révélait à travers la prophétie et le chant sacré. Éd 56 1 Il apparaît que ces écoles étaient un des moyens les plus efficaces pour encourager cette droiture qui "élève une nation". Proverbes 14:34. Elles contribuèrent très largement à jeter les bases de cette extraordinaire prospérité qui marqua les règnes de David et de Salomon. Éd 56 2 Les principes enseignés dans les écoles de prophètes étaient ceux qui formèrent le caractère de David et dirigèrent sa vie. C'est la parole de Dieu qui l'instruisait. "Par tes statuts, disait-il, je deviens intelligent [...] J'incline mon coeur à pratiquer tes prescriptions." Psaumes 119:104-112. C'est pour cela que le Seigneur, lorsqu'il appela David, tout jeune encore, à régner, dit qu'il était "un homme selon [son] coeur". Actes 13:22. Éd 56 3 Nous pouvons également admirer, au début de la vie de Salomon, les résultats de la méthode d'éducation divine. Salomon jeune homme fit le même choix que David. Plutôt que de demander à Dieu des richesses terrestres, il préféra lui demander un coeur sage et intelligent. Et le Seigneur lui accorda non seulement ce qu'il désirait, mais aussi ce qu'il ne recherchait pas: la fortune et l'honneur. La puissance de son intelligence, l'étendue de ses connaissances, la gloire de son règne devinrent un sujet d'émerveillement pour le monde. Éd 56 4 Sous les règnes de David et de Salomon, Israël atteignit le sommet de sa grandeur. La promesse faite à Abraham, répétée à Moïse, était tenue: "Si vous observez bien tous ces commandements que je vous donne et si vous les mettez en pratique, pour aimer l'Eternel, votre Dieu, pour marcher dans toutes ses voies et pour vous attacher à lui, l'Eternel dépossédera devant vous toutes ces nations, et vous prendrez possession de nations plus grandes et plus puissantes que vous. Tout lieu que foulera la plante de votre pied sera à vous: votre frontière s'étendra du désert au Liban, et du fleuve de l'Euphrate jusqu'à la mer occidentale. Nul ne tiendra contre vous." Deutéronome 11:22-25. Éd 57 1 Mais au coeur de l'abondance se tapit le danger. Le péché que David commit dans son âge mûr, quoiqu'il s'en fût sincèrement repenti et qu'il en eût été rigoureusement puni, encouragea le peuple à transgresser les commandements de Dieu. Et la vie de Salomon, passée une aube si prometteuse, fut assombrie par l'apostasie. Le désir d'accroître sa puissance politique et sa gloire poussa le roi d'Israël à s'allier aux nations païennes. L'argent de Tarsis, l'or d'Ophir, il les obtint, mais au prix de l'honnêteté, en transgressant les devoirs sacrés. Sa foi fut ébranlée par ses relations avec des idolâtres, ses mariages avec des femmes païennes. C'est ainsi que les barrières dressées par Dieu pour le salut de son peuple furent renversées; Salomon lui-même se livra au culte des idoles. Sur le sommet du mont des Oliviers, face au temple de Jéhovah, se dressèrent d'immenses statues et des autels destinés à rendre hommage aux divinités païennes. En trahissant son allégeance à Dieu, Salomon perdit le contrôle de lui-même. Son discernement s'émoussa. La conscience, la délicatesse qui avaient marqué le début de son règne disparurent. L'orgueil, l'ambition, la prodigalité, la faiblesse, engendrèrent la cruauté et l'exaction. Lui, le souverain juste, compatissant, respectueux de Dieu, devint tyrannique, despotique. Lui qui, lors de la dédicace du temple, avait prié pour que son peuple se donne à Dieu sans partage, le détournait maintenant de Dieu. Salomon se déshonorait, déshonorait Israël, déshonorait Dieu. Éd 57 2 La nation, dont il avait été la fierté, marcha sur ses pas. Plus tard le roi se repentit, mais le mal qu'il avait semé portait ses fruits. La formation que Dieu avait choisie pour les enfants d'Israël devait les amener à être différents, dans leurs modes de vie, des autres peuples. Ces différences, qui auraient dû être ressenties comme un privilège et une bénédiction, leur pesaient lourdement. La simplicité et la retenue indispensables à un développement en profondeur, ils cherchèrent à les remplacer par le luxe et la mollesse des païens. Leur ambition? être comme toutes les nations. 1 Samuel 8:5. Le plan d'éducation divin fut repoussé, la souveraineté de Dieu rejetée. Éd 58 1 C'est ainsi qu'Israël commença sa chute: en rejetant les voies de Dieu, en suivant les voies des hommes. C'est ainsi que se poursuivit son déclin, jusqu'à ce que le peuple juif devînt la proie de ces mêmes nations qu'il avait voulu copier. Éd 58 2 La nation d'Israël ne sut pas accepter les bienfaits que Dieu souhaitait lui accorder. Elle ne comprit pas l'objectif divin, et ne participa nullement à sa réalisation. Mais bien que des individus, des peuples, puissent ainsi s'écarter de lui, Dieu garde, pour ceux qui s'en remettent à lui, la même voie. "Tout ce que Dieu fait dure à toujours." Ecclésiaste 3:14. Éd 58 3 Quoique sa puissance se manifeste, à travers les âges, de différentes façons, à divers degrés, selon les besoins des hommes, l'oeuvre de Dieu est la même en tout temps. Le Maître est semblable à lui-même. Son caractère et son plan sont immuables. En lui "il n'y a ni changement, ni ombre de variation". Jacques 1:17. Éd 58 4 C'est pour nous, pour notre instruction, que furent enregistrées les expériences d'Israël. "Cela leur est arrivé à titre d'exemple et fut écrit pour nous avertir, nous pour qui la fin des siècles est arrivée." 1 Corinthiens 10:11. Pour nous, comme pour l'Israël de jadis, la réussite de notre éducation dépend de la fidélité avec laquelle nous suivons le plan du Créateur. Si nous adhérons aux principes de la parole de Dieu, nous recevrons des bénédictions aussi grandes qu'auraient pu en recevoir les Hébreux. ------------------------Chapitre 7 -- Vies d'hommes de Dieu Éd 61 0 Le fruit du juste est un arbre de vie. Proverbes 11:30. Éd 61 1 L'histoire sainte nous offre de nombreux exemples de ce qu'engendre une éducation authentique. Elle nous propose pour modèles plusieurs hommes dont le caractère s'est forgé selon la ligne divine; des hommes dont la vie fut une bénédiction pour leur entourage, des hommes qui étaient de véritables représentants de Dieu sur terre. Parmi eux, Joseph et Daniel, puissants hommes d'Etat; Moïse, le plus sage des législateurs; Elisée, un des plus fidèles réformateurs; et Paul, qui, si l'on excepte Celui qui parla comme jamais homme n'a parlé, fut le maître le plus célèbre que le monde ait connu. Éd 61 2 Au début de leur vie, au moment précis où ils quittaient l'adolescence pour entrer dans l'âge adulte, Joseph et Daniel furent arrachés à leur famille, à leur patrie, et emmenés, captifs, vers des terres païennes. Joseph surtout fut soumis à toutes sortes de tentations, de celles qui accompagnent les revers de fortune. Dans la maison de son père, c'était un enfant tendrement aimé; chez Potiphar, il fut esclave, puis confident et ami; ensuite homme d'affaires, instruit par l'étude, la réflexion, le contact avec les hommes; après cela, dans les prisons de Pharaon, injustement condamné, sans espoir de jamais pouvoir se disculper, ni d'être, à plus forte raison, libéré; enfin, appelé, dans un moment de crise aiguë, à la tête de la nation. Qu'est-ce qui lui permit, dans toutes ces circonstances, de garder toute son intégrité? Éd 62 1 Personne ne peut, sans risque, occuper une position élevée. Comme la tempête laisse intacte la fleur de la vallée et déracine l'arbre au sommet de la montagne, ainsi les tentations féroces n'effleurent même pas les petits de ce monde et accablent ceux qui se tiennent aux premières places, dans le succès et la gloire. Mais Joseph résista à la prospérité comme à l'adversité. Sa fidélité fut la même dans le palais des Pharaons que dans sa cellule de prisonnier. Éd 62 2 Enfant, Joseph avait appris à aimer et à respecter Dieu. Bien souvent, sous la tente paternelle, au creux des nuits syriennes, il avait entendu raconter la vision nocturne de Béthel: celle de l'échelle qui reliait la terre au ciel, des anges qui montaient et descendaient, et de Celui qui, du haut de son trône, s'était révélé à Jacob. Il avait entendu raconter la lutte près du Jabbok, et comment Jacob, renonçant à des fautes qui lui étaient chères, avait été vainqueur et avait reçu le titre de prince de Dieu. Éd 62 3 Berger paissant les troupeaux de son père, Joseph avait vécu une vie simple et pure, qui avait contribué à son épanouissement physique et mental. S'approchant de Dieu à travers la nature et l'étude des vérités de base que son père lui avait transmises comme un dépôt sacré, il avait acquis un caractère fort et des principes solides. Éd 62 4 Puis vint l'épreuve; et pendant ce terrible voyage qui l'emmenait, loin de son foyer de Canaan, vers l'esclavage qui devait être son lot en Egypte, alors qu'il regardait une dernière fois les collines qui cachaient les tentes sous lesquelles s'abritait sa famille, Joseph se souvint du Dieu de son père. Il se remémora les leçons de son enfance, et il résolut au fond de lui-même de se montrer fidèle -- d'agir toujours en parfait sujet du roi des cieux. Éd 63 1 Etranger et esclave, plongé dans un milieu où régnaient le vice, les tromperies d'un culte païen, culte rendu plus séduisant encore par la richesse, la culture, le luxe royaux, Joseph fut inébranlable. Il avait appris à être fidèle à son devoir. La fidélité, dans quelque situation que ce soit, de la plus humble à la plus glorieuse, prépare au service suprême. Éd 63 2 Lorsqu'il fut appelé à la cour de Pharaon, l'Egypte était la plus grande des nations. La civilisation, les arts, les sciences y étaient incomparables. Pendant une période d'extrême difficulté, de grand danger, Joseph dut administrer les affaires du royaume; et il le fit d'une façon telle qu'il gagna la confiance du roi et du peuple. Pharaon "lui donna la place de seigneur sur sa maison et de maître de tout ce qu'il possédait, pour contraindre à son gré ses ministres, et rendre sages ses anciens". Psaumes 105:21, 22. Éd 63 3 Le secret de la vie de Joseph, la parole de Dieu nous le livre. Jacob, lorsqu'il bénit ses enfants, prononça sur son fils bien-aimé ces mots empreints d'une puissance et d'une beauté divines: Éd 63 4 Joseph est le rejeton d'un arbre fertile, Le rejeton d'un arbre fertile près d'une source; Les branches s'élèvent au-dessus de la muraille. Ils l'ont provoqué, ils ont tiré. Les archers étaient ses adversaires. Mais son arc est demeuré égal à lui-même, Ses mains ont été fortifiées Par les mains du Puissant de Jacob: Il est ainsi devenu le berger, le rocher d'Israël. Par le Dieu de ton père, qui sera ton secours; Avec le Tout-Puissant, qui te bénira, Des bénédictions du haut des cieux, Des bénédictions du fond de l'abîme... Les bénédictions de ton père l'emportent Sur les bénédictions de ceux qui m'ont conçu, Jusqu'à l'extrémité des collines étendues; Qu'elles soient sur la tête de Joseph, Sur le sommet de la tête du prince de ses frères! Genèse 49:22-26. Éd 64 1 Sa fidélité à Dieu, sa foi en lui, l'Invisible, étaient l'ancre de Joseph. C'était sa force. Éd 64 2 "Ses mains ont été fortifiées Par les mains du Puissant de Jacob." Daniel, ambassadeur de Dieu Éd 64 3 A Babylone, Daniel et ses compagnons furent apparemment plus favorisés par le sort dans leur jeunesse que ne l'avait été Joseph au cours des premières années de sa vie en Egypte; cependant, leurs caractères furent mis à l'épreuve presque aussi rigoureusement. Enlevés à la relative simplicité de leurs maisons de Judée, ces jeunes gens de sang royal furent transportés dans une ville splendide, à la cour d'un roi des plus illustres; ils furent choisis et destinés au service du roi. Dans cette cour somptueuse et corrompue, les tentations étaient fortes. Les adorateurs de Jéhovah étaient prisonniers à Babylone; les vases de la maison de Dieu avaient été déposés dans le temple des idoles babyloniennes; le roi d'Israël lui-même était entre les mains des Babyloniens; tout cela, clamaient les vainqueurs, prouvait assez que leur religion et leurs moeurs étaient bien supérieures à celles des Hébreux. C'est dans ces circonstances, au milieu des humiliations qu'Israël s'était attirées en s'écartant des commandements divins, que Dieu administra à Babylone la preuve éclatante de sa toute-puissance, de la sainteté de sa loi, et des résultats de l'obéissance; il fit cette démonstration de la seule manière convenable, par l'intermédiaire de ceux qui lui étaient fidèles. Éd 65 1 Daniel et ses compagnons, à l'aube de leur carrière, subirent une épreuve décisive. L'ordre de les nourrir avec les mets de la table royale était l'expression de la faveur du roi et de l'intérêt qu'il leur portait. Mais une partie de cette nourriture avait été consacrée aux idoles, et si les jeunes gens acceptaient la faveur royale, on considérerait qu'ils se joignaient au culte rendu aux faux dieux. Leur fidélité à Jéhovah le leur interdisait. Ils ne s'aventurèrent pas plus à exposer leur épanouissement physique, intellectuel et spirituel aux effets débilitants du luxe et de la débauche. Éd 65 2 Daniel et ses compagnons avaient été fidèlement instruits dans les principes de la parole divine. Ils avaient appris à faire passer les besoins spirituels avant les besoins terrestres, à rechercher le bien authentique. Ils en reçurent la récompense. Leurs habitudes de tempérance, le sentiment qu'ils avaient d'être des représentants de Dieu, les aidèrent à développer au mieux les ressources de leur corps, de leur intelligence, de leur âme. Lorsque, au bout des années de formation, les candidats subirent l'examen final qui leur permettait d'accéder aux places d'honneur de l'Etat, "il ne s'en trouva aucun comme Daniel, Hanania, Michaël et Azaria". Daniel 1:19. Éd 65 3 La cour de Babylone réunissait des représentants de tous les pays, des hommes aux talents exceptionnels, aux qualités nombreuses, dotés d'une immense culture. Cependant aucun d'eux n'égalait les prisonniers hébreux. Ceux-ci, que ce fût sur le plan de la force et de la beauté, sur celui de la vigueur intellectuelle et des connaissances littéraires, étaient incomparables. "Sur tous les sujets qui réclamaient de la sagesse et de l'intelligence, et sur lesquels le roi les interrogeait il les trouvait dix fois supérieurs à tous les magiciens et astrologues qui étaient dans tout son royaume." Daniel 1:20. Éd 66 1 D'une fidélité à Dieu que rien n'ébranlait, d'une maîtrise de soi sans faille, Daniel, par sa dignité et par la considération qu'il témoignait aux autres, gagna très vite "la faveur et la grâce" de l'officier païen auquel il fut confié. Et il garda toujours ces qualités. Rapidement, il devint premier ministre. Plusieurs rois se succédèrent, l'empire s'effondra, un royaume rival s'établit; sa sagesse, sa perspicacité, sa délicatesse, sa courtoisie, sa bonté naturelle, jointes au respect qu'il avait de ses principes, étaient telles que ses ennemis eux-mêmes étaient contraints de reconnaître qu'ils ne pouvaient "trouver aucune occasion (de l'accuser), ni aucune erreur, parce qu'il était fidèle". Daniel 6:5. Éd 66 2 Daniel était si bien attaché à Dieu de toute la force de sa confiance que le don de l'Esprit lui fut accordé. Les hommes l'honoraient en lui confiant les responsabilités et les secrets du royaume, et Dieu l'honorait en faisant de lui son ambassadeur et en lui dévoilant les mystères de l'avenir. Les rois païens, au contact de ce représentant du ciel, durent confesser le Dieu de Daniel. "En vérité, déclara Nebucadnetsar, votre Dieu est le Dieu des dieux et le Seigneur des rois, et il révèle les mystères." Daniel 2:47. Et Darius, lorsqu'il fit sa proclamation "à tous les peuples, aux nations, aux hommes de toutes langues qui habitaient sur toute la terre", exalta "le Dieu de Daniel": Éd 67 1 Car il est le Dieu vivant Et il subsiste à jamais! Son royaume ne sera jamais détruit... C'est lui qui sauve et délivre, Qui opère des signes et des prodiges Dans les cieux et sur la terre. Daniel 6:27, 28. Des hommes loyaux et intègres Éd 67 2 Par leur sagesse et leur justice, par la pureté et la générosité dont témoignait leur vie quotidienne, par leur dévouement aux intérêts d'un peuple qui, lui, était idolâtre, Joseph et Daniel se montrèrent fidèles aux principes éducatifs de leur enfance, fidèles à celui qu'ils représentaient. L'un comme l'autre, en Egypte ou à Babylone, furent honorés par la nation qu'ils servaient; à travers eux, un peuple païen et du même coup tous les peuples qui étaient en contact avec lui purent apprécier la bonté et la bienveillance de Dieu, l'amour du Christ. Éd 67 3 Quel destin que celui de ces nobles Hébreux! Lorsqu'ils quittèrent le pays de leur enfance, ils n'imaginaient certes pas le sort qui serait le leur. Mais, fidèles et résolus, ils s'en remirent à Dieu pour qu'il les dirige et atteigne, à travers eux, son but. Éd 67 4 Or Dieu désire que les formidables vérités qui furent révélées à travers ces deux hommes soient également révélées à travers la jeunesse et les enfants d'aujourd'hui. L'histoire de Joseph et de Daniel nous offre un exemple de ce qu'il veut faire pour ceux qui mettent en lui leur confiance et cherchent de tout leur coeur à accomplir sa volonté. Éd 67 5 Ce dont le monde a le plus besoin, c'est d'hommes, non pas des hommes qu'on achète et qui se vendent, mais d'hommes profondément loyaux et intègres, des hommes qui ne craignent pas d'appeler le péché par son nom, des hommes dont la conscience soit aussi fidèle à son devoir que la boussole l'est au pôle, des hommes qui défendraient la justice et la vérité même si l'univers s'écroulait. Éd 68 1 Ce n'est pas le hasard qui forge le caractère de tels hommes; ce n'est pas non plus une grâce particulière, des dons spéciaux accordés par la Providence. Un noble caractère est le fruit d'une discipline personnelle, de la soumission de la nature inférieure à la nature supérieure -- c'est le moi qui se donne tout entier au service de l'amour de Dieu et des hommes. Éd 68 2 Les jeunes doivent se pénétrer de l'idée que leurs talents ne sont pas leur propriété. Force, temps, intelligence sont des trésors qui leur ont été confiés. Ils appartiennent à Dieu, et chaque jeune devrait décider d'en user de son mieux. Chacun est une branche dont Dieu espère qu'elle portera des fruits; un administrateur dont le capital doit augmenter; une lumière pour éclairer la nuit du monde. Éd 68 3 Chaque jeune, chaque enfant, a une oeuvre à accomplir pour l'honneur de Dieu, et pour ennoblir l'humanité. Elisée, le serviteur fidèle dans les petites choses Éd 68 4 Les années de jeunesse du prophète Elisée se déroulèrent dans le calme de la campagne, sous la direction de Dieu et de la nature, dans la discipline d'un travail utile. Dans un temps d'apostasie presque universelle, la maison de son père était de celles qui n'avaient pas fléchi le genou devant Baal. Dans cette maison, Dieu était honoré, et la fidélité au devoir était une règle de vie quotidienne. Éd 69 1 Fils d'un riche fermier, Elisée prit part aux activités de son père. Il avait des aptitudes de meneur d'hommes, mais il apprit cependant à s'acquitter des tâches les plus ordinaires. Pour diriger avec sagesse, il devait d'abord savoir obéir. C'est en étant fidèle dans les petites choses qu'il se préparait à des responsabilités plus grandes. Éd 69 2 Aimable et doux, Elisée n'en était pas moins énergique et ferme. Il aimait et respectait Dieu, et dans l'humble routine du labeur quotidien, il aiguisait sa volonté, affinait la noblesse de son caractère, en grandissant dans la grâce et la connaissance divines. En travaillant avec son père aux tâches domestiques, il apprenait à travailler avec Dieu. Éd 69 3 L'appel prophétique lui fut adressé alors qu'il labourait un champ avec les serviteurs de son père. Lorsque Elie, cherchant, sous l'inspiration divine, un successeur, jeta son manteau sur les épaules d'Elisée, le jeune homme comprit cet appel et y répondit. Il "suivit Elie, et fut à son service". 1 Rois 19:21. Au début, le travail requis n'était pas exaltant: des tâches toutes banales encore attendaient Elisée. Il nous est dit qu'il versait de l'eau sur les mains d'Elie, son maître. Serviteur attaché à la personne du prophète, il continuait à être fidèle dans les petites choses et, avec une résolution chaque jour plus grande, se consacrait à la mission que Dieu lui avait confiée. Éd 69 4 Dès le début de son appel, sa décision avait été mise à l'épreuve. Comme il s'apprêtait à suivre Elie, le prophète lui avait ordonné de retourner chez lui. Elisée devait calculer la dépense -- accepterait-il ou repousserait-il l'appel? Mais il comprit combien cette occasion était précieuse. Pour rien au monde il n'aurait renoncé à devenir un messager de Dieu, ni n'aurait négligé ce qu'il considérait comme un privilège: travailler avec un serviteur du Seigneur. Éd 70 1 Le temps passa; l'enlèvement d'Elie était proche; Elisée, lui, était prêt à succéder au prophète. Et à nouveau, sa foi et sa détermination furent éprouvées. Il accompagnait Elie dans ses visites, tout en sachant ce qui devait bientôt se produire; à chaque instant, son maître l'invitait à le quitter: "Tu vas rester ici, car l'Eternel m'envoie jusqu'à Béthel". Mais en guidant la charrue, Elisée avait appris à ne pas abandonner, à ne pas se décourager, et maintenant qu'il s'était engagé dans d'autres responsabilités, il ne s'en détournerait pas. Chaque fois qu'Elie lui proposait de le quitter, il répondait: "L'Eternel est vivant et ton âme est vivante! je ne t'abandonnerai pas." 2 Rois 2:2. Éd 70 2 "Ils poursuivirent tous deux leur chemin. [...] eux deux s'arrêtèrent au bord du Jourdain. Alors Elie prit son manteau, le roula et en frappa les eaux, qui se partagèrent çà et là, et ils passèrent tous deux à sec. Lorsqu'ils eurent passé, Elie dit à Elisée: Demande ce que tu veux que je fasse pour toi, avant que je sois enlevé d'avec toi. Elisée répondit: Qu'il y ait sur moi, je te prie, une double part de ton esprit! Elie dit: Tu me demandes une chose difficile. Mais si tu me vois pendant que je serai enlevé d'auprès de toi, cela t'arrivera ainsi; sinon, cela n'arrivera pas. Éd 70 3 " Comme ils continuaient à marcher en parlant, voici qu'un char de feu et que des chevaux de feu les séparèrent l'un de l'autre. Alors Elie monta au ciel dans un tourbillon. Elisée regardait et criait: Mon père! Mon père! Char d'Israël et sa cavalerie! Puis il ne le vit plus. Saisissant alors ses vêtements, il les déchira en deux morceaux et ramassa le manteau qu'Elie avait laissé tomber. Puis il retourna et s'arrêta au bord du Jourdain; il prit le manteau qu'Elie avait laissé tomber, il en frappa les eaux et dit: Où est l'Eternel, le Dieu d'Elie? Lui aussi, il frappa les eaux qui se partagèrent çà et là. Elisée passa. Éd 71 1 " Les fils des prophètes qui étaient vis-à-vis à Jéricho le virent et dirent: L'esprit d'Elie repose sur Elisée! Ils allèrent à sa rencontre et se prosternèrent contre terre devant lui." 2 Rois 2:6-15. Éd 71 2 Désormais Elisée remplaçait Elie. Celui qui avait été fidèle dans les moindres choses se montra fidèle aussi dans les grandes. Éd 71 3 Elie, l'homme puissant, avait été entre les mains de Dieu un instrument pour abattre des maux immenses. L'idolâtrie à laquelle le peuple avait succombé, entraîné par Achab et la reine païenne Jézabel, avait été renversée. Les prophètes de Baal avaient été tués.Le peuple d'Israël tout entier avait été bouleversé et beaucoup recommençaient à adorer Dieu. Il fallait que le successeur d'Elie soit un homme patient et prudent, pour mener Israël dans des chemins sûrs. C'est à cela que s'était préparé Elisée, en confiant à Dieu sa propre éducation. Éd 71 4 Cette leçon est pour chacun de nous. Personne ne peut savoir quel est le dessein de Dieu lorsqu'il nous propose une discipline; mais tous nous pouvons être sûrs que la fidélité dans les petites choses démontre l'aptitude à assumer de plus grandes responsabilités. Chaque action de notre vie révèle notre caractère et seul celui qui se montre dans les petites tâches "un ouvrier qui n'a pas à rougir" (2 Timothée 2:15) se verra confier par Dieu l'honneur de plus hautes charges. Moïse ou la puissance de la foi Éd 71 5 Moïse était plus jeune que Joseph et Daniel lorsqu'il fut soustrait à la protection attentive de son foyer; et pourtant les forces qui avaient façonné leurs vies avaient déjà marqué la sienne de leur empreinte. Il ne passa que douze ans dans sa famille juive; mais pendant ces années furent solidement posées les bases de sa grandeur, et c'est quelqu'un que nous connaissons à peine qui y contribua. Éd 72 1 Yokébed était une femme, une esclave. Sa condition était humble, son fardeau, lourd. Mais jamais le monde ne reçut de plus grande bénédiction à travers une femme qu'à travers elle, si l'on excepte Marie de Nazareth. Sachant que son fils serait bientôt enlevé à ses soins, remis à des gens ignorants de Dieu, elle chercha avec d'autant plus de ferveur à attacher son âme au Seigneur. Elle s'efforça d'enraciner dans son coeur l'amour de Dieu et la fidélité à son service. Elle y travailla fidèlement: par la suite, aucune influence ne put entraîner Moïse à renier les principes de vérité que sa mère lui avait enseignés de toutes ses forces, par sa vie même. Éd 72 2 Le fils de Yokébed quitta l'humble demeure de Gosen pour entrer dans le palais des pharaons, où la fille du roi l'accueillit comme un enfant bien-aimé. Dans les écoles d'Egypte, Moïse reçut l'instruction civile et militaire la meilleure possible. Très attachant, imposant, cultivé, d'allure princière, chef militaire renommé, il devint la fierté de la nation. Le roi d'Egypte était également prêtre; et Moïse, qui refusait de participer au culte païen, était néanmoins initié à tous les mystères de la religion égyptienne. A cette époque l'Egypte était toujours la nation la plus puissante, et sa civilisation était des plus raffinées; Moïse, héritier présomptif du trône, devait recevoir les honneurs les plus grands du monde. Mais il y avait pour lui une voie plus noble. Pour l'honneur de Dieu et la délivrance de son peuple opprimé, Moïse sacrifia les honneurs de l'Egypte. Alors, d'une façon toute particulière, Dieu entreprit de le former. Éd 73 1 Car Moïse n'était pas prêt encore pour la tâche qui lui incombait. Il devait apprendre à dépendre de Dieu. Il avait mal compris l'intention divine, et espérait délivrer Israël par la force. Pour y parvenir, il risqua tout, et échoua. Vaincu, déçu, il s'enfuit et s'exila en terre étrangère. Éd 73 2 Dans les déserts de Madian, Moïse passa quarante années à garder les moutons. En apparence, sa mission était remise à tout jamais; en fait, il se préparait à l'accomplir. C'est dans la maîtrise de soi qu'il trouverait la sagesse nécessaire pour diriger une foule ignorante et indisciplinée. En gardant les moutons et les jeunes agneaux, il devait acquérir l'expérience qui ferait de lui le berger fidèle et patient d'Israël. Pour représenter Dieu, il devait se mettre à son école. Éd 73 3 En Egypte, il avait été soumis à toutes sortes d'influences -- l'affection de sa mère adoptive, sa propre position de petit-fils du roi, le luxe et le vice aux mille attraits, une religion idolâtre, mais d'un mysticisme raffiné et subtil -- qui avaient marqué son esprit et son caractère. Mais dans le dépouillement du désert, tout s'effaça. Éd 73 4 Dans la solitude des montagnes majestueuses, Moïse était seul devant Dieu. Partout s'inscrivait le nom du Créateur. Moïse sentait qu'il était en sa présence, à l'ombre de sa toute-puissance. Là, il ne pouvait plus avoir l'illusion de se suffire à lui-même. En présence de l'être infini, il mesurait combien l'homme est faible, impuissant, aveugle. Éd 73 5 C'est là qu'il prit conscience de la réalité de la présence divine, une conscience qui ne le quitta pas, de toute sa longue vie épuisante et lourde de responsabilités. Non seulement il entrevit, dans le lointain, le Christ fait chair, mais il le vit accompagnant les armées d'Israël dans tous leurs voyages. Ainsi, même incompris et diffamé, accablé de reproches et d'insultes, face au danger et à la mort, "il tint ferme, comme voyant celui qui est invisible". Hébreux 11:27. Éd 74 1 Moïse faisait plus que penser à Dieu: il le voyait. Il avait sans cesse devant lui la vision de Dieu, il gardait toujours les yeux sur sa face. Éd 74 2 La foi de Moïse n'était pas incertaine; elle se fortifiait de chaque réalité. Il croyait, il reconnaissait que Dieu dirigeait sa vie personnelle, dans les moindres détails. Pour avoir la force de résister à la tentation, il se confiait à lui. Éd 74 3 Il voulait accomplir de son mieux la tâche qui lui avait été attribuée, et il se mettait entièrement sous la dépendance de Dieu. Il sentait qu'il avait besoin de l'aide divine, la demandait, la saisissait par la foi, et, assuré de recevoir une force de vie, allait de l'avant. Éd 74 4 C'est ainsi que grandit l'expérience de Moïse, pendant ces quarante années passées au désert. La sagesse infinie ne jugea pas ces années trop longues ni le prix d'un tel enrichissement trop élevé. Éd 74 5 Les enseignements, l'éducation donnés là influencèrent non seulement l'histoire d'Israël, mais tout ce qui a, depuis ce jour, contribué au progrès de l'humanité. Le plus grand éloge décerné à Moïse est ce témoignage de l'Esprit: "Il ne s'est plus levé en Israël de prophète comme Moïse, que l'Eternel connaissait face à face." Deutéronome 34:10. Paul ou le service dans la joie Éd 74 6 A la foi et à l'expérience des disciples de Galilée qui avaient suivi Jésus s'ajoutèrent, pour annoncer l'Evangile, l'énergie ardente et la puissante intelligence d'un rabbin de Jérusalem. Citoyen romain, né dans une ville païenne; juif non seulement par son origine, mais par toute son éducation, par l'amour qu'il portait à sa patrie, par sa foi religieuse; élève des plus éminents rabbins à Jérusalem, instruit dans la tradition et les lois de ses pères, Paul de Tarse partageait au plus haut degré l'orgueil et les préjugés de sa nation. Jeune encore, il devint un membre estimé du sanhédrin. On voyait en lui un homme plein d'avenir, défenseur zélé de la foi des anciens. Éd 75 1 Dans les écoles de théologie de Judée, la parole de Dieu avait été délaissée au profit des spéculations humaines; les interprétations et les traditions rabbiniques l'avaient dépouillée de sa force. Le désir de puissance, de domination, un attachement jaloux à certains privilèges, le fanatisme et un orgueil méprisant servaient aux maîtres de règles. Éd 75 2 Les rabbins se glorifiaient de leur supériorité personnelle, non seulement sur les autres peuples, mais encore sur la foule de leurs concitoyens. Ils haïssaient farouchement leurs oppresseurs romains et caressaient l'espoir que leur nation recouvrerait par les armes son indépendance. Aussi détestaient-ils et mettaient-ils à mort les disciples de Jésus, dont le message de paix s'opposait aux projets nés de leur ambition. Paul était un de leurs représentants les plus acharnés et les plus impitoyables. Éd 75 3 Dans les écoles militaires d'Egypte, Moïse avait appris à suivre la loi de la force, et cette loi avait eu une telle emprise sur lui qu'il lui fallut quarante années de silence et de communion avec Dieu et la nature pour se préparer à diriger Israël selon une règle d'amour. Paul devait apprendre la même leçon. Éd 76 1 Aux portes de Damas, la vision de Jésus crucifié bouleversa sa vie. Le persécuteur devint disciple, le maître devint élève. Les jours de ténèbres et de solitude passés à Damas pesèrent comme des années d'expérience. Sous la direction du Christ, Paul étudia l'Ancien Testament, qu'il gardait précieusement en mémoire. A lui aussi la solitude au sein de la nature servit d'école. Il partit pour le désert d'Arabie et là, s'adonna à l'étude des Ecritures, s'instruisit auprès de Dieu. Il vida son âme de tous les préjugés, de toutes les traditions qui avaient façonné sa vie, pour la remplir à la source de vérité. Éd 76 2 Dès lors, sa vie fut guidée par le seul principe du don de soi, par le ministère de l'amour. "Je me dois, disait-il, aux Grecs et aux Barbares, aux savants et aux ignorants." "L'amour du Christ nous étreint." Romains 1:14; 2 Corinthiens 5:14. Éd 76 3 Paul, le plus grand des maîtres de cette terre, assuma les tâches humbles aussi bien que les responsabilités élevées. Il reconnaissait l'utilité du travail des mains comme du travail de l'esprit, et il vivait lui-même du produit de son artisanat. Prêchant chaque jour dans les grandes villes, il continuait d'exercer son métier de faiseur de tentes. "Ces mains, dit-il en quittant les anciens d'Ephèse, ont pourvu à mes besoins et à ceux de mes compagnons." Actes 20:34. Éd 76 4 Il possédait de grandes qualités intellectuelles et sa vie témoigne d'une sagesse rare. Des principes de première importance, que les plus grands esprits de son époque ignoraient, sont proclamés dans son enseignement et illustrés par sa vie. Il avait cette extrême sagesse qui affine la perspicacité, ouvre le coeur, met l'homme en contact avec d'autres hommes et lui permet d'éveiller ce qu'il y a en eux de meilleur et de les inciter à vivre noblement. Éd 77 1 Ecoutez ce qu'il dit aux païens de Lystre, lorsqu'il veut les tourner vers Dieu tel qu'il se révèle dans la nature, Dieu source de tout bien, qui donne "du ciel les pluies et les saisons fertiles, en [nous] comblant de nourriture et de bonheur dans le coeur". Actes 14:17. Éd 77 2 Voyez-le dans la prison de Philippes: de son corps douloureux s'élève, dans le silence de la nuit, un chant de louange. Le tremblement de terre ouvre les portes de la prison, et la voix de Paul retentit de nouveau, pour réconforter le geôlier païen: "Ne te fais aucun mal, nous sommes tous ici." Actes 16:28. Chaque prisonnier est là en effet, retenu par la présence d'un seul compagnon de peine. Et le geôlier, convaincu de la valeur de cette foi qui soutient Paul, demande où est le chemin du salut et, avec toute sa famille, se joint à la troupe persécutée des disciples du Christ. Éd 77 3 Voyez Paul à Athènes devant l'Aréopage, répondant à la science par la science, à la logique par la logique, à la philosophie par la philosophie. Remarquez comment, avec la délicatesse née de l'amour divin, il présente Jéhovah comme le "Dieu inconnu" que ses auditeurs ont adoré dans leur ignorance; citant l'un de leurs poètes, il le dépeint comme un père dont ils sont les enfants. Ecoutez-le, à cette époque où règnent les castes, où les droits de l'homme en tant que tel sont méconnus, affirmer la fraternité humaine, déclarer que Dieu "a fait que toutes les nations humaines, issues d'un seul (homme) habitent sur toute la face de la terre". Puis montrer comment, dans ses contacts avec les hommes, Dieu a toujours manifesté sa grâce et sa miséricorde. "Il a déterminé les temps fixés pour eux et les bornes de leur demeure, afin qu'ils cherchent Dieu pour le trouver si possible, en tâtonnant. Or il n'est pas loin de chacun de nous." Actes 17:23, 26, 27. Éd 78 1 Ecoutez-le, à la cour de Festus, lorsque le roi Agrippa, convaincu de la vérité de l'Evangile, s'écrie: "Encore un peu, tu vas me persuader de devenir chrétien!" Avec quelle courtoisie il répond, montrant ses chaînes: "Plaise à Dieu que non seulement toi, mais encore tous ceux qui m'écoutent aujourd'hui, vous deveniez tels que je suis, moi, à l'exception de ces chaînes!" Actes 26:28, 29. Éd 78 2 Telle fut sa vie... "Souvent en voyage, (exposé) aux dangers des fleuves, aux dangers des brigands, aux dangers de la part de mes compatriotes, aux dangers de la part des païens, aux dangers de la ville, aux dangers du désert, aux dangers de la mer, aux dangers parmi les faux frères, au travail et à la peine; souvent dans les veilles, dans la faim et dans la soif; souvent dans les jeûnes, dans le froid et le dénuement." 2 Corinthiens 11:26, 27. Éd 78 3 "Insultés, nous bénissons; persécutés, nous supportons; calomniés, nous consolons; ... [nous sommes regardés] comme attristés, et nous sommes toujours joyeux; comme pauvres, et nous enrichissons plusieurs; comme n'ayant rien, et nous possédons tout." 1 Corinthiens 4:12, 13; 2 Corinthiens 6:10. Éd 78 4 C'est dans le service que Paul trouva sa joie; et à la fin de sa vie, lorsqu'il pesa ses luttes et ses victoires, il put dire: "J'ai combattu le bon combat". 2 Timothée 4:7. Éd 78 5 Ces histoires présentent un intérêt vital, surtout pour les jeunes. Moïse renonça au royaume qui s'offrait à lui, Paul à vivre riche et honoré de son peuple; tous deux choisirent une vie difficile, mais au service de Dieu. Nombreux sont ceux qui pourraient croire que c'était là une vie de renoncement et de sacrifice. Qu'en était-il en réalité? Moïse "estimait en effet que l'opprobre du Christ était une plus grande richesse que les trésors de l'Egypte" (Hébreux 11:26), et il en était bien ainsi pour lui. Quant à Paul, il déclara: "ce qui était pour moi comme un gain, je l'ai considéré comme une perte à cause du Christ. Et même je considère tout comme une perte à cause de l'excellence de la connaissance de Christ-Jésus, mon Seigneur. A cause de lui, j'ai accepté de tout perdre, et je considère tout comme des ordures, afin de gagner Christ." Philippiens 3:7, 8. Il était heureux de son choix. Éd 79 1 A Moïse s'offraient le palais et le trône des Pharaons; mais les plaisirs coupables qui entraînent l'homme à oublier Dieu régnaient dans les cours royales, et Moïse leur préféra "les biens durables et la justice". Proverbes 8:18. Au lieu de s'attacher à la grandeur de l'Egypte, il abandonna sa vie au dessein divin. Au lieu de légiférer pour l'Egypte, il fit connaître au monde ces règles qui sont la sauvegarde du foyer et de la société, la pierre angulaire sur laquelle s'élèvent les nations -- ces règles que les plus grands hommes considèrent aujourd'hui comme la base de ce qu'il y a de meilleur dans les gouvernements terrestres. Éd 79 2 La grandeur de l'Egypte n'est plus que poussière. Sa puissance, le raffinement de sa civilisation ont passé. Mais l'oeuvre de Moïse ne périra jamais. Les grands principes de droiture qu'il a passé sa vie à poser sont éternels. Éd 79 3 La vie de labeur, de responsabilités pesantes que connut Moïse fut illuminée par la présence de celui qui "se signale entre dix mille", dont toute la personne est "désirable". Cantique des cantiques 5:10, 16. Avec le Christ dans la longue marche au désert, avec le Christ sur la montagne de la transfiguration, avec le Christ dans les cours célestes: sa vie fut une vie bénie et une source de bénédictions sur la terre, elle fut honorée dans le ciel. Éd 80 1 De même Paul, dans ses nombreuses peines, fut soutenu par la puissance de la présence divine. "Je puis tout par celui qui me fortifie." "Qui nous séparera de l'amour de Christ? La tribulation, ou l'angoisse, ou la persécution, ou la faim, ou le dénuement, ou le péril, ou l'épée? [...] Dans toutes ces choses, nous sommes plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés. Car je suis persuadé que ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les dominations, ni le présent, ni l'avenir, ni les puissances, ni les êtres d'en haut, ni ceux d'en bas, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu en Christ-Jésus notre Seigneur." Philippiens 4:13; Romains 8:35, 37-39. Éd 80 2 Cependant Paul espérait une joie en récompense de ses peines -- cette joie même pour laquelle le Christ souffrit la croix et méprisa l'humiliation -- , la joie de voir un jour le fruit de son travail. "Qui donc est en effet notre espérance, notre joie, notre couronne de gloire? écrivait-il aux chrétiens de Thessalonique. N'est-ce pas vous aussi, devant notre Seigneur Jésus, à son avènement? Oui, vous êtes notre gloire et notre joie." 1 Thessaloniciens 2:19, 20. Éd 80 3 Qui peut mesurer les résultats de l'oeuvre de Paul en faveur de notre monde? De toutes les influences salutaires qui adoucissent la souffrance, soulagent le chagrin, refrènent le mal, élèvent la vie au-dessus de l'égoïsme et de la chair, l'animent de l'espoir de l'immortalité, combien sont dues à l'action de Paul et de ses compagnons, qui, de l'Asie aux rives de l'Europe, proclamèrent l'Evangile du Fils de Dieu, dans des voyages alors à peine remarqués? Éd 80 4 Cela valait-il la peine d'avoir été l'instrument de Dieu pour déverser ses bénédictions sur le monde? Et cela vaudra-t-il la peine de contempler, pendant l'éternité, le résultat de son travail? Jamais homme n'a parlé comme parle cet homme. Jean 7:46. ------------------------Chapitre 8 -- Le Maître envoyé par Dieu Éd 83 0 Considérez [...] celui qui a enduré de la part des pécheurs une telle opposition contre sa personne... Hébreux 12:3. Éd 83 1 "On l'appellera Admirable, Conseiller, Dieu puissant, Père éternel, Prince de la paix." Ésaïe 9:5. Éd 83 2 A travers le Maître envoyé par Dieu parvenait aux hommes tout ce que le ciel possédait de meilleur, de plus grand. Celui qui avait siégé aux assemblées du Très-Haut, qui avait résidé au plus secret du sanctuaire de l'Eternel, celui-là était choisi pour révéler Dieu personnellement à l'humanité. Éd 83 3 C'est à travers le Christ que les rayons de la lumière divine ont touché notre monde déchu. C'est lui qui anima tous ceux qui, au cours des siècles, ont annoncé aux hommes la Parole de Dieu. Toutes les qualités des hommes les plus grands, les plus nobles, ne font que refléter les siennes. La pureté et la générosité de Joseph, la foi, la douceur, la patience de Moïse, la résolution d'Elisée, l'honnêteté et la constance de Daniel, la ferveur et le dévouement de Paul, les forces mentales et spirituelles de ces hommes et de tous ceux qui sont passés sur cette terre ne sont que de pâles reflets de l'éclat de sa gloire. En lui se trouve l'idéal parfait. Éd 84 1 Jésus est venu dans le monde pour révéler aux hommes que c'est cette perfection même qu'il faut atteindre; pour leur montrer à quel point ils peuvent se transformer; à quel point, en recevant en eux Dieu, à travers lui, ils se transformeront. Il est venu apporter aux hommes un enseignement digne des fils de Dieu; leur apprendre comment ils peuvent sur terre obéir aux règles divines et vivre une vie céleste. Éd 84 2 Le Seigneur accorda aux hommes ce don si précieux pour soulager leur extrême dénuement. Lorsque la lumière parut, les ténèbres pesaient lourdement sur le monde. Cela faisait bien longtemps que, sous l'effet d'enseignements trompeurs, les esprits des hommes s'étaient éloignés de Dieu. Dans les systèmes d'éducation en vigueur la philosophie humaine avait pris la place de la révélation divine. Au critère de vérité céleste, les hommes avaient substitué leurs propres critères. Ils s'étaient détournés de la lumière de vie pour marcher à la lueur du feu qu'ils avaient eux-mêmes allumé. Éd 84 3 Ainsi séparés de Dieu, ne s'appuyant que sur la puissance humaine, leur force n'était que faiblesse. Ils étaient incapables même d'atteindre l'idéal qu'ils avaient conçu. L'apparence, les discours palliaient les imperfections profondes. Tout n'était que semblant. Éd 84 4 De temps à autre se dressaient des maîtres qui orientaient les hommes vers la source de la vérité. Les règles authentiques étaient retrouvées et des vies humaines témoignaient de leur valeur. Mais ce n'était là qu'efforts sans lendemain, ce n'était que tentatives isolées pour refréner le mal, dont la course fatale n'était pas pour autant arrêtée. Ces réformateurs étaient des lumières qui brillaient dans l'obscurité, une obscurité qu'ils ne pouvaient pourtant pas dissiper. "Les hommes ont aimé les ténèbres plus que la lumière." Jean 3:19. Éd 85 1 Quand le Christ vint sur la terre, il semble que l'humanité était près de toucher le fond de sa déchéance. Les bases de la société étaient minées; la vie n'était plus que mensonge et artifice. Les juifs, dépossédés de la puissance que donne la Parole de Dieu, transmettaient au monde des traditions, des théories paralysantes, étouffantes. Ils n'adoraient plus Dieu "en esprit et en vérité", ils glorifiaient l'homme au cours de cérémonies artificielles qu'ils répétaient sans fin. Dans le monde entier les religions perdaient leur empire sur les esprits et les âmes. Ecoeurés des fables et des mensonges, désireux d'étourdir leur pensée, les hommes se laissaient aller à l'incrédulité et au matérialisme. Ecartant l'éternité de leurs préoccupations, ils vivaient pour l'instant présent. Éd 85 2 En cessant d'honorer Dieu, ils cessèrent d'estimer l'homme. La vérité, le sens de l'honneur, l'honnêteté, la confiance, la miséricorde quittaient la terre. L'avidité cruelle, l'ambition dévorante engendrèrent une méfiance universelle. Les notions de devoir, de secours à apporter aux faibles, de dignité et de droits humains furent rejetées, comme des rêves ou des mensonges. Les gens du petit peuple étaient considérés comme des bêtes de somme, des instruments, des marchepieds pour l'ambition. On recherchait la richesse, le pouvoir, la facilité, la mollesse, qui semblaient être les biens les plus précieux. Un état de dégénérescence physique, d'hébétude intellectuelle, de mort spirituelle caractérisait cette époque. Éd 85 3 Les passions mauvaises et les desseins des hommes chassaient Dieu de leurs pensées; éloignés de la divinité, ils s'enfonçaient plus loin dans le mal; s'abandonnant au péché, ils attribuaient à Dieu leurs propres caractéristiques, ce qui renforçait encore le pouvoir du mal. Ne désirant que se satisfaire, les hommes en arrivèrent à voir en Dieu un des leurs -- un être qui recherchait sa propre gloire, qui pliait tout à son propre plaisir; un être qui élevait ou rejetait les hommes selon qu'ils favorisaient ou non ses visées égoïstes; aux plus défavorisés, l'être suprême semblait à peine différent de leurs oppresseurs, sinon par l'étendue de sa puissance. Ces idées-là marquèrent toutes les religions, qui toutes entraînèrent des exactions. Par des dons, des cérémonies, les adorateurs tentaient de se concilier la bienveillance de la divinité, pour en arriver à leurs fins. De telles religions, qui ne touchaient ni les coeurs, ni les consciences, ne pouvaient être qu'un ensemble de formes, dont les hommes se lassaient, et dont ils auraient aspiré à se dégager, n'eussent été les profits qu'ils pensaient en tirer. Ainsi le mal, effréné, ne cessait de croître tandis que le sens du bien et le désir de l'accomplir s'effaçaient. Les hommes perdaient l'image de Dieu et recevaient la marque du pouvoir démoniaque qui les dominait. Le monde entier devenait un cloaque de corruption. Éd 86 1 Il n'y avait qu'un espoir pour la race humaine: que dans cet enchevêtrement de désordre et de corruption fût jeté un levain nouveau; que l'assurance puissante d'une vie nouvelle fût apportée à l'humanité; que la connaissance de Dieu fût rétablie dans le monde. Éd 86 2 Le Christ vint restaurer cette connaissance. Il vint dénoncer les enseignements trompeurs par lesquels ceux qui prétendaient bien haut connaître Dieu l'avaient dénaturé. Il vint révéler la nature de sa loi, ainsi que la sainteté et la beauté de son propre caractère. Éd 86 3 Le Christ vint dans le monde chargé de tout l'amour de l'éternité. Balayant les malversations qui avaient fait si lourdement obstacle à la loi de Dieu, il montra que cette loi était une loi d'amour, une expression de la bonté divine. Il montra qu'en l'observant, l'homme trouvait son bonheur, et par là assurait les bases, la structure, l'équilibre de la société. Éd 87 1 Bien loin de poser des exigences arbitraires, la loi de Dieu est pour l'homme un rempart, un bouclier. Qui l'accepte est préservé du mal. Et comme la loyauté envers Dieu implique la loyauté envers les hommes, cette loi protège les droits et l'intégrité de chacun; elle retient les maîtres d'opprimer, les subalternes de désobéir. Elle assure le bien-être de l'homme, dans ce monde et dans le monde à venir. Pour celui qui obéit, elle est le gage de la vie éternelle, car les principes qui la composent sont éternels. Éd 87 2 Le Christ vint prouver la valeur des principes divins, en dégager la puissance régénératrice. Il vint nous apprendre à les utiliser, à les mettre en pratique. Éd 87 3 Pour les gens de cette époque, l'apparence garantissait la valeur de toutes choses. Au fur et à mesure que la force réelle de la religion déclinait, l'apparat dont on l'entourait augmentait. Les éducateurs de ce temps cherchaient à imposer le respect par l'ostentation et le déploiement du luxe. La vie de Jésus s'opposait à cela de façon saisissante. Elle soulignait l'inutilité de toutes ces choses que les hommes prennent pour les richesses essentielles de la vie. Né dans un milieu des plus simples, vivant, mangeant comme un paysan, exerçant un métier artisanal, menant une vie humble, celle de tous les travailleurs ignorés -- ainsi, Jésus appliquait le plan d'éducation divine. Il ne recherchait pas les écoles de son temps, qui exaltaient les petites choses et méprisaient les grandes. Il s'instruisait directement aux sources célestes: le travail utile, l'étude des Ecritures, de la nature, les expériences de la vie, tous ces manuels divins, si pleins d'enseignements pour qui les ouvre avec bonne volonté et discernement. Éd 88 1 "Or le petit enfant grandissait et se fortifiait; il était rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui." Luc 2:40. Éd 88 2 Ainsi préparé, il se lança dans sa mission, allant vers les hommes, exerçant sur eux une influence bénéfique, un pouvoir transformateur tels que le monde n'en avait jamais connu. Éd 88 3 Celui qui veut transformer les hommes doit d'abord les comprendre. C'est seulement par la sympathie, la confiance et l'amour qu'on peut les atteindre et les relever. C'est là que le Christ se révèle être le Maître des maîtres: lui seul, de tous ceux qui ont vécu sur cette terre, a parfaitement pénétré l'âme humaine. Éd 88 4 "Nous n'avons pas un souverain sacrificateur [un maître, puisque les prêtres étaient chargés de l'enseignement] incapable de compatir à nos faiblesses; mais il a été tenté comme nous à tous égards..." Hébreux 4:15. Éd 88 5 "Du fait qu'il a souffert lui-même quand il fut tenté, il peut secourir ceux qui sont tentés." Hébreux 2:18. Éd 88 6 Seul le Christ a l'expérience de toutes les souffrances, de toutes les tentations qui pèsent sur les hommes. Plus que tout autre homme né d'une femme, il fut cruellement tenté; plus que personne il supporta le lourd fardeau du péché et de la douleur du monde. Plus que personne il prodigua sa sympathie tendre. Partageant toutes les expériences de l'humanité, non seulement il compatissait aux peines de tous ceux qui luttaient, accablés, éprouvés de toutes parts, mais il souffrait avec eux. Éd 88 7 Il vivait ce qu'il enseignait. "Je vous ai donné un exemple, dit-il aux disciples, afin que, vous aussi, vous fassiez comme moi je vous ai fait." Jean 13:15. "J'ai gardé les commandements de mon Père." Jean 15:10. Ainsi la vie du Christ appuyait et illustrait parfaitement ses paroles. Plus encore: il était ce qu'il enseignait. Ses paroles n'exprimaient pas seulement son expérience, mais aussi son caractère. Non seulement il enseignait la vérité, mais il était la vérité. C'est ce qui donnait tant de puissance à son enseignement. Éd 89 1 Le Christ dénonça le mal avec fidélité. Jamais personne ne le détesta autant que lui; jamais personne ne le dénonça avec autant de courage. Pour tout ce qu'il y avait d'indigne, de mensonger, sa seule présence était un reproche. A la lumière de sa pureté, les hommes découvraient leur bassesse, la petitesse et la perfidie de leurs visées. Et pourtant, il les attirait à lui. Lui, le Créateur de l'homme, connaissait la valeur de l'humanité. Il dénonçait le mal, ennemi de ceux qu'il voulait bénir et sauver. En chaque être humain, même déchu, il voyait un fils de Dieu qui pouvait, à travers lui, le Sauveur, renouer avec Dieu des relations privilégiées. Éd 89 2 "Dieu, en effet, n'a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui." Jean 3:17. En regardant les hommes, leurs souffrances, leur déchéance, le Christ trouvait des raisons d'espérer, là où il semblait n'y avoir que désolation et ruine. Chaque fois qu'un homme mesurait son dénuement, il voyait pour lui une occasion de progrès. Il allait au-devant des âmes, qu'elles fussent tentées, brisées, égarées, prêtes à sombrer, non pour les confondre, mais pour les bénir. Éd 89 3 C'est par les béatitudes qu'il salua la famille humaine. Promenant ses regards sur l'immense foule rassemblée pour écouter le sermon sur la montagne, il parut un moment oublier qu'il n'était pas dans les cieux, et il utilisa la salutation familière au monde de lumière. De ses lèvres jaillirent les bénédictions, comme si elles avaient été longtemps retenues. Éd 90 1 Se détournant des favoris de ce monde, de leurs ambitions et de leur fatuité, le Christ affirma que seraient bénis ceux qui, quel que fût leur dénuement, recevraient de lui lumière et amour. Aux pauvres en esprit, aux affligés, aux persécutés, il ouvrit les bras: "Venez à moi [...] et je vous donnerai du repos." Matthieu 11:28. Éd 90 2 En chaque être humain il discernait des possibilités infinies. Il voyait les hommes tels qu'ils pouvaient être, transfigurés par sa grâce -- dans "la tendresse du Seigneur, notre Dieu". Psaumes 90:17. Mettant en eux son espoir, il leur inspirait l'espoir. Allant à eux avec confiance, il faisait naître leur confiance. Offrant en sa personne le véritable idéal de l'homme, il suscitait le désir et l'assurance d'atteindre cet idéal. A son contact ceux qui étaient méprisés et déchus prenaient conscience d'être toujours des hommes, et aspiraient à se montrer dignes de son attention. Plus d'un coeur mort en apparence à toutes les choses saintes frémissait à des appels nouveaux. Plus d'un être désespéré voyait poindre devant lui l'aurore d'une vie nouvelle. Éd 90 3 Le Christ s'attache les hommes par des liens d'amour; par ces mêmes liens il les attache à leurs frères. Avec lui, aimer, c'est vivre; vivre, c'est servir. "Vous avez reçu gratuitement, dit-il, donnez gratuitement." Matthieu 10:8. Éd 90 4 Ce n'est pas sur la croix seulement que le Christ se donna pour l'humanité. Comme "il allait de lieu en lieu en faisant le bien" (Actes 10:38), à chaque instant, dans chaque expérience, il s'offrait. Il n'y avait qu'un moyen de vivre ainsi: Jésus se confiait tout entier à Dieu et était en communion constante avec lui. Les hommes se réfugient de temps à autre à l'abri du Très-Haut, à l'ombre du Tout-Puissant; ils y demeurent un moment, de nobles actions en témoignent; puis la foi faiblit, la communion se brise, l'oeuvre est compromise. Mais la vie de Jésus fut marquée par une confiance, une communion continuelles; Jésus servit le ciel et la terre avec fidélité et assurance. Éd 91 1 Dans son humanité, il implora le trône de Dieu, l'implora jusqu'à ce qu'il reçût ce courant céleste qui met en contact l'humain avec le divin. Et la vie qu'il recevait de Dieu, il la transmettait aux hommes. Éd 91 2 "Jamais homme n'a parlé comme parle cet homme." Jean 7:46. Ceci aurait été vrai même si le Christ n'avait abordé que le domaine physique ou intellectuel, ou s'était contenté de théories et de spéculations. Il aurait pu dévoiler des mystères dont l'étude a demandé des siècles. Il aurait pu suggérer des lignes de recherche scientifique qui auraient fourni de quoi nourrir la pensée et stimuler l'invention jusqu'à la fin des temps. Mais il ne le fit pas. Il ne fit aucune déclaration pour satisfaire la curiosité des hommes ou stimuler leur ambition égoïste. Il ne se lança pas dans des théories abstraites, mais traita de ce qui est essentiel au développement du caractère; de ce qui aide l'homme à développer sa connaissance de Dieu, à augmenter son pouvoir de faire le bien. Il enseigna les vérités qui touchent à la conduite de la vie et unissent l'homme à l'éternité. Éd 91 3 Au lieu d'inciter ses auditeurs à étudier les théories humaines sur Dieu, sa parole, ses oeuvres, il leur demanda de le contempler tel qu'il se manifeste à travers ses oeuvres, sa parole, ses bienfaits. Il chercha à mettre leur esprit en relation avec l'esprit du Dieu infini. Éd 92 1 "On était frappé de son enseignement, car il parlait avec autorité." Luc 4:32. Il n'y avait jamais eu auparavant quelqu'un qui pût, comme lui, par sa parole, aiguiser la pensée, stimuler les aptitudes du corps, de l'intelligence, de l'âme, entraîner l'homme vers de nouvelles aspirations. Éd 92 2 L'enseignement du Christ, comme son amour, s'adressait au monde entier. Jésus a prévu tous les moments de l'expérience humaine, y compris les phases critiques; pour chacun, il nous propose une leçon. Il est le Maître des maîtres, et ses paroles guideront ses collaborateurs jusqu'à la fin des temps. Éd 92 3 Pour lui, présent et futur, proche et lointain se confondaient. Il avait à l'esprit les besoins de l'humanité tout entière. Devant lui se déployait le spectacle de l'effort humain et de son aboutissement, de la tentation et de la lutte, du souci et du danger. Il connaissait chaque coeur, chaque maison, le moindre plaisir, la moindre joie, le moindre élan. Éd 92 4 Il ne parlait pas seulement pour les hommes, il parlait aussi à chacun d'entre eux. A l'enfant, tout à la joie de sa vie naissante; au jeune, ardent et impatient; à l'homme dans la force de l'âge, chargé de responsabilités, de soucis; au vieillard, faible et fatigué. Son message s'adressait à eux tous, aux hommes de tous les pays et de toutes les époques. Éd 92 5 Son enseignement embrassait les choses qui appartiennent au temps, et celles qui sont éternelles, ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas, les événements éphémères de la vie courante et les graves questions que pose la vie à venir. Éd 92 6 Il mettait à leur juste place les choses de cette vie: elles sont subordonnées à celles de la vie éternelle; mais il n'en ignorait pas l'importance. Il enseignait que le ciel et la terre sont reliés l'un à l'autre, et que la connaissance des vérités divines dispose l'homme à mieux accomplir les devoirs de sa vie quotidienne. Éd 93 1 Pour lui, rien de fortuit. Les jeux de l'enfant, le dur labeur de l'homme, les plaisirs, les soucis et les peines de la vie -- tout concourait à révéler Dieu pour ennoblir l'humanité. Éd 93 2 Sortant de ses lèvres, la parole de Dieu parvenait aux coeurs des hommes chargée d'un pouvoir et d'un sens nouveaux. A la lumière de son enseignement, la création prenait un relief nouveau. La nature retrouvait une partie de l'éclat que le péché lui avait ôté. Chaque événement, chaque instant de la vie, pouvait permettre de découvrir une leçon divine, de rétablir les relations avec le Seigneur. A nouveau Dieu habitait sur la terre; les hommes étaient sensibles à sa présence, le monde imprégné de son amour. Le ciel était descendu parmi les hommes qui saluaient, dans leur Sauveur, celui qui leur avait ouvert les portes de l'éternité: Éd 93 3 "Emmanuel, [...] Dieu avec nous." Éd 93 4 Ce Maître envoyé de Dieu est le centre de tout travail d'éducation authentique. En ce qui concerne cette oeuvre, aujourd'hui, comme il y a deux mille ans, le Seigneur dit: Éd 93 5 "Moi je suis le premier et le dernier, le vivant." Apocalypse 1:18. Éd 93 6 "Je suis l'Alpha et l'Oméga, le commencement et la fin." Apocalypse 21:6. Éd 94 1 Face à un tel Maître, face à cette extraordinaire possibilité de recevoir et de dispenser une éducation divine, quelle pire folie y aurait-il que de vouloir faire son éducation en dehors de lui, de vouloir être sage loin de la sagesse, de vouloir être vrai loin de la vérité, de vouloir être éclairé loin de la lumière et de vivre loin de la Vie; de se détourner de la Source d'eau vive pour fabriquer soi-même des citernes fendues qui ne sauraient garder l'eau? Éd 94 2 Voyez, il nous invite encore: "Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive. Celui qui croit en moi, des fleuves d'eau vive couleront de son sein." Jean 7:37, 38. "L'eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d'eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle." Jean 4:14. ------------------------Chapitre 9 -- Les méthodes du Christ Éd 95 0 J'ai manifesté ton nom aux hommes que tu m'as donnés du milieu du monde. Jean 17:6. Éd 95 1 La formation des douze premiers disciples nous offre le meilleur exemple des méthodes d'enseignement du Christ. Sur ces disciples devaient reposer de lourdes responsabilités. Jésus les avait choisis pour les imprégner de son Esprit, et les disposer à continuer son oeuvre sur la terre lorsqu'il l'aurait quittée. Eux, plus que tout autre, bénéficièrent de sa présence. Les relations intimes qu'il établit avec ces collaborateurs privilégiés lui permirent de laisser en eux son empreinte. "La vie a été manifestée, dit Jean le bien-aimé, nous l'avons vue, nous en rendons témoignage." 1 Jean 1:2. Éd 95 2 Seule une telle communion -- celle de l'esprit avec l'esprit, du coeur avec le coeur, de l'homme avec Dieu -- peut faire naître cette énergie vivifiante que la véritable éducation se doit de communiquer. Seule la vie engendre la vie. Éd 95 3 Pour former ses disciples, le Seigneur appliqua le système d'éducation établi aux origines du monde. Les Douze, et quelques autres qui se joignaient à eux de temps en temps pour bénéficier de son ministère, composaient la famille de Jésus. Ils étaient avec lui à la maison, à table, aux champs. Ils l'accompagnaient dans ses voyages, partageaient ses épreuves, ses souffrances, et, autant qu'ils le pouvaient, participaient à son oeuvre. Éd 96 1 Et il les enseignait, tantôt lorsqu'ils étaient assis au flanc de la montagne; tantôt au bord de la mer; tantôt dans une barque de pêcheur; tantôt lorsqu'ils cheminaient ensemble. Lorsqu'il parlait à la foule, les disciples étaient là, tout près de lui, pour ne rien perdre de son enseignement, auditeurs attentifs, avides de saisir les vérités qu'ils seraient appelés à faire partager aux hommes du monde entier, de tous les temps. Éd 96 2 Les premiers élèves de Jésus sortaient des rangs du petit peuple. C'étaient des hommes humbles, ignorants, que ces pêcheurs de Galilée; ils n'avaient pas reçu l'enseignement, ne s'étaient pas initiés aux coutumes des rabbins; ils avaient été dressés à la rude discipline du travail et de la privation. Ils avaient des qualités innées, un esprit prêt à apprendre; ils pouvaient être instruits et formés pour l'oeuvre du Seigneur. Il est de par le monde beaucoup de ces travailleurs qui, patiemment penchés sur leurs tâches quotidiennes, ignorent les forces dissimulées en eux, et qui, réveillées, les placeraient au rang des plus grands chefs. Tels étaient les hommes auxquels le Seigneur demanda de collaborer avec lui. Ils reçurent l'avantage inappréciable d'être enseignés trois années durant par le plus grand maître que le monde ait jamais connu. Éd 96 3 Ces premiers disciples étaient bien différents les uns des autres. Ils étaient appelés à enseigner le monde, et (à cause de cela sans doute) offraient des caractères très divers. Il y avait là Lévi Matthieu, le publicain, qui avait jusque-là "fait des affaires" au service de Rome; Simon le Zélote, ennemi inflexible de l'autorité impériale; Pierre, fougueux, affectueux, mais si sûr de lui; André, son frère; Judas, de Judée, fin, habile, mais mesquin; Philippe et Thomas, fidèles, sérieux, mais lents à croire; Jacques le Mineur et Jude, que l'on remarquait moins, mais qui étaient forts cependant, et si entiers, dans leurs erreurs comme dans leurs vertus; Nathanaël, à la sincérité et à la foi d'enfant; et les fils de Zébédée, ambitieux mais aimants. Éd 97 1 Pour travailler avec succès à l'oeuvre à laquelle ils avaient été appelés, ces disciples dont le caractère, l'éducation, les habitudes étaient si différents, devaient apprendre à sentir, à penser, à agir dans l'unité, une unité que le Christ voulait assurer. Aussi chercha-t-il à les mettre en accord avec lui-même; le souci qu'il avait de cette tâche s'exprime dans cette prière: "Afin que tous soient un; comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi, qu'eux aussi soient (un) en nous, [...] que le monde connaisse que tu m'as envoyé et que tu les as aimés, comme tu m'as aimé." Jean 17:21, 23. Le pouvoir transformateur du Christ Éd 97 2 Quatre des douze disciples devaient jouer un rôle prépondérant, chacun d'une façon différente. Le Christ, prévoyant tout, les y prépara. Jacques, destiné à mourir brutalement par l'épée; Jean, celui qui suivit le plus longtemps son Maître dans le travail et la persécution; Pierre, qui le premier renversa les barrières ancestrales et évangélisa les païens; et Judas, qui aurait pu être au premier rang parmi ses frères, mais qui méditait en son coeur des projets dont il n'imaginait pas l'issue -- tous quatre étaient l'objet de la plus grande attention du Christ, qui les instruisait avec beaucoup de soin et de persévérance. Éd 98 1 Pierre, Jacques et Jean cherchaient toutes les occasions d'être en contact étroit avec leur Maître, et leur désir fut exaucé. Des Douze, c'est eux qui entretenaient avec Jésus les relations les plus intimes. Jean, lui, ne pouvait s'épanouir que dans une intimité encore plus grande, qui lui fut accordée. Lors de la première rencontre près du Jourdain, tandis qu'André, après avoir entendu Jésus, courait appeler son frère, Jean restait assis, silencieux, plongé dans la méditation de sujets merveilleux. Il suivit le Sauveur et l'écouta toujours avec passion. Mais Jean n'était pas sans défaut. Ce n'était pas un passionné doux et rêveur: lui et son frère étaient surnommés "fils du tonnerre". Marc 3:17. Jean était orgueilleux, ambitieux, agressif; mais sous ces faiblesses le divin Maître devina un coeur ardent, sincère, aimant. Jésus blâma son égoïsme, déçut ses ambitions, éprouva sa foi. Mais il lui révéla ce que son âme désirait connaître: la beauté de la sainteté, le pouvoir transformateur de l'amour divin. "J'ai fait connaître ton nom aux hommes que tu m'as donnés du milieu du monde" (Jean 17:6), dit Jésus à son Père. Éd 98 2 Jean avait besoin d'affection, de sympathie, d'amitié. Il se tenait tout près de Jésus, s'asseyait à côté de lui, se penchait sur sa poitrine. Comme une fleur se pénètre de soleil et de rosée, il se pénétrait de lumière et de vie divine. Plein d'adoration, il contemplait le Sauveur, au point que son seul désir était de ressembler au Christ, et de communier avec lui, et que son caractère reflétait celui du Maître. Éd 98 3 "Voyez, écrit-il, quel amour le Père nous a donné, puisque nous sommes appelés enfants de Dieu! Et nous le sommes. Voici pourquoi le monde ne nous connaît pas: c'est qu'il ne l'a pas connu. Bien-aimés, nous sommes maintenant enfants de Dieu, et ce que nous serons n'a pas encore été manifesté; mais nous savons que lorsqu'il sera manifesté, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu'il est. Quiconque a cette espérance en lui se purifie, comme lui [le Seigneur] est pur." 1 Jean 3:1-3. De la faiblesse à la force Éd 99 1 Aucune vie de disciple n'aide mieux à comprendre les méthodes éducatives du Christ que celle de Pierre. Hardi, agressif, sûr de lui, vif pour comprendre comme pour agir, prompt à se venger mais prêt à pardonner, Pierre se trompa souvent, et fut souvent repris. Sa fidélité chaleureuse et son dévouement au Christ n'en étaient pas moins résolument reconnus et loués. Patiemment, avec un amour avisé, le Seigneur veilla sur le fougueux disciple, cherchant à réduire sa confiance en lui-même, et à lui enseigner humilité, obéissance et confiance. Éd 99 2 Mais la leçon ne fut comprise qu'en partie. La confiance de Pierre en lui-même demeurait intacte. Éd 99 3 Souvent Jésus, le coeur lourd, cherchait à faire découvrir à ses disciples les souffrances et l'épreuve qui l'attendaient. Mais leurs yeux étaient fermés. Ils refusaient cette révélation, ne voulaient pas la comprendre. L'apitoiement sur soi-même, la crainte d'avoir à partager les souffrances du Christ poussèrent Pierre à protester: "A Dieu ne plaise, Seigneur! Cela ne t'arrivera pas." Matthieu 16:22. Ces paroles-là exprimaient la pensée et les sentiments des Douze. Éd 99 4 Le temps passait, le moment critique approchait; et eux fanfaronnaient, se querellaient pour savoir comment ils se partageraient les honneurs du royaume; ils ne pensaient pas à la croix. Éd 100 1 Pour chacun d'eux, l'expérience de Pierre fut une leçon. Pour celui qui se confie en lui-même, l'épreuve conduit à la défaite. Le Christ ne pouvait pas empêcher un mal, toujours chéri, de porter ses fruits. Mais de même qu'il avait tendu la main pour sauver Pierre lorsque les vagues étaient prêtes à l'engloutir, de même son amour voulait le sauver des eaux profondes qui menaçaient son âme. Combien de fois les vantardises de Pierre ne l'amenèrent-elles pas à deux doigts de sa perte! Combien de fois ne reçut-il pas cet avertissement: "Tu me renieras." Luc 22:34. Et le coeur aimant du disciple désolé était tout entier dans ces mots: "Seigneur, je suis prêt à aller avec toi en prison et à la mort." Luc 22:33. Celui qui lit dans les coeurs laissa à Pierre ce message, mal compris sur le coup, mais qui, dans l'obscurité subite, devait diffuser une lueur d'espoir: "Simon, Simon, Satan vous a réclamés pour vous passer au crible comme le blé. Mais j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas, et toi, quand tu seras revenu (à moi), affermis tes frères." Luc 22:31, 32. Éd 100 2 Quand dans la cour du souverain sacrificateur eurent résonné les mots du reniement; quand l'amour et la fidélité de Pierre, réveillés par le regard de Jésus, chargé de pitié, d'amour et de tristesse, l'eurent jeté vers le jardin où le Christ avait pleuré et prié; quand les larmes du remords eurent rejoint sur le sol les gouttes de sang de l'agonie -- alors les paroles du Sauveur: "J'ai prié pour toi, [...] quand tu seras revenu (à moi), affermis tes frères", réconfortèrent son âme. Le Christ, qui avait pressenti sa trahison, ne l'avait pas abandonné au désespoir. Éd 100 3 Si le regard que Jésus lui avait lancé avait condamné, et non aimé; si en lui prédisant son péché, le Seigneur n'avait pas parlé d'espérance, comme les ténèbres qui entouraient Pierre auraient été épaisses! Quel désespoir extrême dans son âme torturée! A cette heure d'angoisse et de dégoût de soi-même, qu'est-ce qui aurait pu le retenir de suivre le chemin tracé par Judas? Éd 101 1 Jésus ne pouvait pas épargner l'angoisse à son disciple, mais ne voulait pas l'abandonner à l'amertume de cette expérience; son amour est toujours présent, toujours puissant. Éd 101 2 Les hommes, pourtant portés au mal, sont enclins à traiter sévèrement leurs frères lorsqu'ils sont tentés et qu'ils commettent des fautes. Ils ne lisent pas dans les coeurs, ils n'en connaissent pas les luttes et les souffrances. Il leur faut apprendre le reproche qui n'est qu'amour, le coup qui blesse pour mieux guérir, l'avertissement qui parle d'espoir. Éd 101 3 Ce n'est pas Jean, lui qui suivit Jésus jusqu'à la cour du prétoire, qui se tint près de sa croix, qui, des Douze, arriva le premier au tombeau, ce n'est pas Jean, mais Pierre, que le Seigneur nomma, après sa résurrection. "Allez dire à ses disciples et à Pierre, dit l'ange, qu'il vous précède en Galilée: C'est là que vous le verrez." Marc 16:7. Éd 101 4 Lors de la dernière rencontre du Christ avec ses disciples, au bord de la mer, Pierre, éprouvé par la question trois fois posée: "M'aimes-tu?" (Jean 21:17), reprit sa place parmi les Douze. Une charge lui fut confiée: paître le troupeau du Seigneur. Puis Jésus lui lança un dernier appel: "Suis-moi." Jean 21:22. Éd 101 5 Maintenant il pouvait apprécier les paroles de Jésus à leur juste valeur. Cette leçon que le Christ avait voulu donner lorsqu'il avait placé au milieu des disciples un petit enfant, et qu'il les avait invités à lui ressembler, Pierre la comprenait mieux maintenant. Il avait éprouvé sa propre faiblesse et la force du Christ, et il était prêt à croire et à obéir. Il pouvait suivre son Maître en se confiant à lui. Éd 102 1 Au terme de sa vie de travail et de sacrifice, le disciple qui avait eu tant de mal autrefois à comprendre la croix était heureux de donner sa vie pour l'Evangile; il estimait simplement que, pour lui qui avait renié son Maître, mourir de la même manière que lui était un honneur trop grand. Éd 102 2 La transformation de Pierre était un miracle de l'amour divin. C'est une leçon de vie pour tous ceux qui veulent marcher sur les pas du Maître des maîtres. Une leçon d'amour Éd 102 3 Jésus reprit ses disciples, les avertit, les mit en garde; pourtant Jean, Pierre et leurs frères ne le quittèrent pas. Malgré les reproches qu'il leur faisait parfois, ils choisirent de rester avec Jésus. De son côté, le Seigneur ne s'écarta pas d'eux à cause de leurs fautes: il prend les hommes comme ils sont, avec leurs défauts, leurs faiblesses, et les prépare à son service, s'ils acceptent de se laisser discipliner par lui et de remettre entre ses mains leur éducation. Éd 102 4 Mais à l'un des Douze Jésus n'adressa pas de reproche direct, et cela presque jusqu'à la fin de son ministère. Éd 102 5 Judas apportait un élément de conflit parmi les disciples. En s'attachant à Jésus, il s'était abandonné à l'attraction qu'exerçait sur lui le caractère et la manière de vivre du Sauveur. Il avait sincèrement désiré se transformer et il avait espéré qu'il y arriverait en s'attachant à Jésus. Mais ce n'était pas là son premier désir. Ce qui dominait en lui, c'était l'espoir du profit personnel qu'il escomptait dans le royaume terrestre que, d'après lui, le Christ allait établir. Judas reconnaissait le pouvoir divin de l'amour du Christ, mais ne s'y abandonnait pas. Il continuait à faire passer avant tout son propre jugement, ses propres opinions, à critiquer et à condamner. Les mobiles du Christ, ses actes, souvent incompréhensibles pour Judas, éveillaient en lui le doute, la désapprobation, et ses incertitudes, les ambitions qu'il nourrissait pénétraient insidieusement les disciples. Leurs démêlés pour savoir qui aurait la première place, leur mécontentement devant les méthodes du Christ avaient souvent Judas pour origine. Éd 103 1 Jésus, voyant qu'une opposition directe ne ferait que durcir la situation, l'évita. Il chercha à corriger Judas de son égoïsme desséchant en le faisant vivre au contact de son propre amour, de son dévouement. Son enseignement, leçon après leçon, révéla des principes qui ébranlaient fortement les ambitions égocentriques du disciple. Plus d'une fois Judas comprit qu'il avait été dévoilé, que sa faute avait été dénoncée; mais il ne voulait pas céder. Éd 103 2 Cette résistance aux prières de l'amour finit par laisser le champ libre aux forces du mal. Judas, exaspéré par un reproche silencieux, désespéré de voir s'écrouler ses rêves ambitieux, céda au démon de la cupidité, et se résolut de trahir son Maître. Il quitta la chambre haute, illuminée par la présence du Christ et l'espoir de l'immortalité, pour se livrer à son oeuvre de mort -- dehors, dans la nuit sans espoir. Éd 103 3 "Jésus savait dès le commencement qui étaient ceux qui ne croyaient pas et qui était celui qui le livrerait." Jean 6:64. Cependant, tout en le sachant, il n'avait pas cessé d'exercer sa miséricorde, de prodiguer son amour. Éd 104 1 Voyant le danger qui guettait Judas, il l'avait attiré à lui, introduit dans le petit groupe des disciples élus et fidèles. Jour après jour, alors que le fardeau pesait plus lourd sur son coeur, il avait entretenu, malgré sa souffrance, un contact incessant avec cet esprit obstiné, soupçonneux, renfermé. Il avait assisté à un conflit permanent, larvé, subtil entre ses disciples, et s'était efforcé d'en contrebalancer la mauvaise influence. Tout cela pour que rien ne manque de ce qui pouvait contribuer à sauver une âme en péril! Éd 104 2 Les grandes eaux ne peuvent éteindre l'amour, Et les fleuves ne le submergeraient pas; Car l'amour est fort comme la mort. Cantique des cantiques 8:7, 6. Éd 104 3 Pour Judas, l'amour du Christ s'était déployé en vain; mais pas pour les autres disciples. Ce qu'ils avaient appris là retentirait sur toute leur vie. Ce modèle de tendresse, de patience influencerait à jamais leurs rapports avec leurs frères tentés, égarés. Mais il y avait autre chose encore. Lors de la consécration des Douze, les disciples avaient vivement souhaité que Judas fût des leurs, et avaient estimé que sa présence enrichirait abondamment leur groupe. Il connaissait le monde mieux qu'eux, il parlait bien, il possédait discernement et qualités administratives; il avait de ses talents une haute opinion et avait amené les disciples à la partager. Mais les méthodes qu'il désirait appliquer à l'oeuvre du Christ reposaient sur les principes de ce monde et étaient soumises aux règles de ce monde. Elles visaient à procurer la reconnaissance et les honneurs sur cette terre -- à établir un royaume terrestre. Ce qu'il advint finalement de ces désirs dans la vie de Judas fit comprendre aux disciples l'antagonisme existant entre le principe de l'exaltation de soi-même d'une part et d'autre part l'humilité et l'esprit de sacrifice du Christ -- qui sont les principes mêmes du royaume de Dieu. La destinée de Judas leur montra où pouvait mener l'égoïsme. Éd 105 1 Le Christ avait pu accomplir sa mission auprès de ses disciples. Peu à peu, son abnégation agissait sur leur caractère. Sa mort anéantit l'espoir qu'ils avaient caressé, d'être grands sur cette terre. La chute de Pierre, l'apostasie de Judas, la façon dont chacun d'eux avait abandonné le Christ à l'angoisse et au danger détruisirent ce qu'il leur restait de présomption. Ils comprirent leur faiblesse, ils entrevirent la noblesse de la tâche qui leur était confiée. Ils sentirent qu'à chaque pas ils avaient besoin de leur Maître pour les guider. Éd 105 2 Ils savaient que Jésus ne serait plus avec eux, physiquement, et ils reconnurent, comme ils ne l'avaient jamais fait encore, le prix de ces instants où ils avaient pu marcher et parler avec l'Envoyé de Dieu. Ils n'avaient pas toujours apprécié, ou pas compris ses enseignements; et maintenant ils auraient tant voulu se rappeler ses leçons, entendre à nouveau ses paroles! Quelle joie fut la leur lorsque leur revinrent en mémoire ces promesses: Éd 105 3 "Il est avantageux pour vous que je parte, car si je ne pars pas, le Consolateur ne viendra pas vers vous; mais si je m'en vais, je vous l'enverrai. [...] Tout ce que j'ai appris de mon Père, je vous l'ai fait connaître. [...] Le Consolateur [...] que le Père enverra en mon nom, c'est lui qui vous enseignera toutes choses et vous rappellera tout ce que moi je vous ai dit." Jean 16:7; 15:15; 14:26. Éd 105 4 "Tout ce que le Père a, est à moi. [...] Quand il sera venu, lui, l'Esprit de vérité, il vous conduira dans toute la vérité. [...] Il prendra de ce qui est à moi, et vous l'annoncera." Jean 16:15, 13, 14. Éd 106 1 Les disciples avaient assisté à l'ascension du Christ au mont des Oliviers. Comme les cieux l'accueillaient, ils s'étaient rappelé sa promesse d'adieu: "Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde." Matthieu 28:20. Éd 106 2 Ils savaient que son amour demeurait avec eux. Ils savaient qu'ils avaient un représentant, un avocat, auprès du trône de Dieu. C'est au nom de Jésus qu'ils présentaient leurs prières, répétant sa parole: "Ce que vous demanderez au Père, il vous le donnera en mon nom." Jean 16:23. Éd 106 3 Leur foi grandissait de plus en plus, soutenue par cette puissante vision: "Le Christ-Jésus est celui qui est mort; bien plus, il est ressuscité, il est à la droite de Dieu, et il intercède pour nous." Romains 8:34. Éd 106 4 Fidèle à sa promesse, le Christ, élevé dans les parvis célestes, prodigua sa puissance à ceux qui poursuivaient son oeuvre sur la terre. Son intronisation à la droite de Dieu fut marquée par l'effusion du Saint-Esprit sur les disciples. Éd 106 5 Grâce à l'action du Christ, ces disciples avaient été amenés à sentir combien ils avaient besoin de l'Esprit; le Saint-Esprit acheva de les préparer et ils purent se lancer dans l'oeuvre de leur vie. Éd 106 6 Ils n'étaient plus ignorants, incultes. Ils n'étaient plus un ensemble d'individus indépendants les uns des autres, prêts à s'opposer. Ce n'était plus la grandeur terrestre qu'ils espéraient. Ils étaient, d'un commun accord, un seul coeur, une seule âme. Le Christ remplissait leur pensée. Leur but, c'était le progrès de son règne. Par l'esprit et le caractère ils ressemblaient maintenant à leur Maître; et les gens "les reconnaissaient pour avoir été avec Jésus". Actes 4:13. Éd 107 1 La gloire du Christ se manifesta alors comme jamais auparavant. Des foules qui avaient insulté son nom, méprisé sa puissance, se proclamèrent disciples du Crucifié. Avec l'aide du Saint-Esprit, l'oeuvre de ces hommes humbles que le Christ avait choisis bouleversa le monde. En une seule génération, tous les habitants de la terre entendirent l'Evangile. Éd 107 2 L'Esprit que le Christ envoya, après lui, instruire ses premiers collaborateurs a pour mission d'instruire également ses collaborateurs d'aujourd'hui. Voici sa promesse: "Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde." Matthieu 28:20. Éd 107 3 Le même guide est là pour nous diriger aujourd'hui dans le travail d'éducation; les résultats seront les mêmes qu'autrefois. C'est le but de toute éducation authentique; c'est l'oeuvre qu'elle doit accomplir, selon le dessein de Dieu. Arrête-toi pour comprendre [...] les merveilles de celui dont la science est parfaite. Job 37:16. ------------------------Chapitre 10 -- Dieu dans la nature Éd 111 0 Sa majesté couvre les cieux, et sa louange remplit la terre. Habakuk 3:3. Éd 111 1 Chaque élément de la création porte la marque de la divinité. La nature rend témoignage à Dieu. Les esprits sensibles, au contact de l'univers, de ses miracles et de ses mystères, ne peuvent que reconnaître une puissance infinie à l'oeuvre. Ce n'est pas d'elle-même que la terre nous prodigue ses dons et continue, année après année, sa course autour du soleil. Une main invisible ordonne le mouvement des planètes dans les cieux. Une vie mystérieuse pénètre la nature -- les innombrables mondes de l'immensité, l'insecte porté par la brise d'été, le vol de l'hirondelle, les jeunes corbeaux pleurant de faim, le bourgeon qui va éclore et la fleur qui donnera du fruit. Éd 111 2 Ce pouvoir qui agit dans la nature agit aussi dans l'homme. Ces grandes lois qui régissent l'étoile et l'atome gouvernent aussi la vie de l'homme. Ces lois qui règlent les battements du coeur assurant au corps la vie proviennent de la toute-puissante intelligence qui dirige l'âme. C'est de Dieu qu'émane toute vie. C'est de lui seul que procède tout acte authentique. Pour chacune de ses créatures, les conditions sont les mêmes: une vie qui vient de Dieu, une vie en accord avec la volonté divine. Transgresser ces lois, physiques, intellectuelles, morales, c'est rompre avec l'ordre de l'univers, c'est introduire la discorde, l'anarchie, la ruine. Éd 112 1 La nature, pour qui est attentif à ses enseignements, rayonne. Le monde est un livre d'études, la vie est une école. L'harmonie de l'homme avec Dieu et la nature, la puissance universelle des lois divines, les conséquences du péché ne peuvent que marquer l'esprit et le caractère. Éd 112 2 Voilà les leçons que nos enfants doivent apprendre. Pour les tout-petits, qui ne savent pas lire encore ou ne peuvent aller à l'école, la nature est là, source inépuisable d'enseignements et de délices. Le coeur qui n'est pas encore endurci par le contact avec le mal reconnaît vite la présence de Dieu dans toute création. L'oreille qui n'est pas assourdie par le bruit du monde est attentive à la voix de la nature. Aux plus grands, qui ont sans cesse besoin qu'elle les ramène en silence aux choses spirituelles et éternelles, la nature ne dispensera pas moins plaisir et connaissances. Les enfants d'aujourd'hui, tout comme les habitants d'Eden qui étudiaient le livre de la nature, comme Moïse qui discernait sur les plaines et les montagnes de l'Arabie l'écriture de Dieu et comme l'enfant Jésus qui la reconnaissait sur les collines de Nazareth, ont à apprendre de Dieu. Le visible révèle l'invisible. De l'arbre le plus élevé de la forêt au lichen accroché au rocher, de l'océan immense au plus minuscule coquillage abandonné sur le rivage, tout ce qui est sur la terre nous offre l'image et l'empreinte de Dieu. Éd 112 3 Autant que possible, mettons l'enfant, dès son plus jeune âge, en contact avec ce livre merveilleux. Qu'il contemple les paysages magnifiques que le plus grand des artistes a mis au front mouvant des cieux, qu'il se familiarise avec les merveilles de la terre et de la mer, qu'il admire les mystères de la ronde des saisons, qu'il connaisse son Créateur dans toutes ses oeuvres. Éd 113 1 C'est ainsi, et pas autrement, que peuvent être posées solidement les bases d'une éducation authentique. Et pourtant l'enfant en contact avec la nature trouvera des sujets de perplexité. Il devra bien constater que des forces antagonistes se heurtent. C'est alors que la nature aura besoin d'un interprète. Lorsque nous considérons le mal en son sein même, nous avons tous à apprendre cette triste leçon: "C'est un ennemi qui a fait cela." Matthieu 13:28. Éd 113 2 C'est seulement à la lumière qui émane du Calvaire que les enseignements de la nature peuvent être compris correctement. C'est à travers l'histoire de Bethléem et de la croix que nous comprenons comme le bien peut triompher du mal, et que chacune des bénédictions que nous recevons est un don de la rédemption. Éd 113 3 Les ronces et les épines, le chardon et l'ivraie, c'est le mal qui abîme et détruit. L'oiseau qui chante, la fleur qui s'ouvre, la pluie et le soleil, la brise d'été et la douce rosée, le chêne de la forêt et la violette qui éclot à son pied, des milliers de choses nous montrent l'amour qui rétablit tout. Et la nature nous parle encore et encore de la bonté de Dieu. Éd 113 4 "Je connais, moi, les desseins que je forme à votre sujet -- oracle de l'Eternel -- , desseins de paix et non de malheur." Jérémie 29:11. Voilà le message qui, à la lumière de la croix, se dégage de la nature tout entière. Les cieux racontent la gloire de Dieu, et la terre est remplie de ce qu'il possède. ------------------------Chapitre 11 -- Les leçons de la vie Éd 115 0 Médite au sujet de la terre, elle t'instruira. Job 12:8. Éd 115 1 Le Maître des maîtres mettait ses auditeurs en contact avec la nature pour qu'ils puissent écouter la voix de la création; au fur et à mesure que leurs coeurs et leurs esprits s'ouvraient, il les aidait à saisir la portée spirituelle de ce que voyaient leurs yeux. Les paraboles, dont il aimait à émailler ses enseignements, montrent combien son esprit était ouvert aux influences de la nature et combien il aimait dégager les leçons spirituelles de la vie quotidienne. Éd 115 2 Les oiseaux du ciel, les lis des champs, le semeur et la semence, le berger et ses moutons, voilà avec quoi le Christ illustrait la vérité immortelle. D'autres images lui venaient encore des événements familiers à ses auditeurs: le levain, le trésor caché, la perle, le filet de pêche, la drachme perdue, le fils prodigue, la maison sur le roc et la maison sur le sable. Il y avait, dans ses leçons, de quoi intéresser toutes les intelligences, attirer tous les coeurs. Ainsi, l'ouvrage quotidien, au lieu d'être une routine pénible, terre à terre, resplendissait d'une valeur nouvelle, grandi par tout ce qu'il contient d'invisible et de spirituel. Éd 116 1 C'est ainsi que nous devrions enseigner. Il faut que nos enfants apprennent à voir dans la nature l'amour et la sagesse divins; que la pensée de Dieu soit pour eux indissociable de l'oiseau, de la fleur, de l'arbre; que tout ce qu'ils voient témoigne de ce qu'ils ne voient pas, que chaque événement de leur vie leur apporte un enseignement divin. Éd 116 2 Et pendant qu'ils étudient ainsi les leçons de la création et de la vie, il nous faut leur enseigner que les mêmes lois (qui régissent création et vie) doivent nous diriger; qu'elles nous sont données pour notre bien et que c'est seulement en nous réglant sur elles que nous trouverons le bonheur et la réussite authentiques. La loi du service Éd 116 3 Tout, dans les cieux et sur la terre, proclame que la grande loi de la vie est de servir. Notre Père éternel assure la vie de chacune de ses créatures. Le Christ est venu sur terre comme "celui qui sert". Luc 22:27. Les anges sont "des esprits au service (de Dieu), envoyés pour exercer un ministère en faveur de ceux qui doivent hériter du salut". Hébreux 1:14. La même loi du service est écrite sur toutes choses dans la nature. Les oiseaux du ciel, les bêtes des champs, les arbres de la forêt, les feuilles, l'herbe, les fleurs, le soleil et les étoiles -- tous ont un rôle. Lacs et océans, fleuves et sources, tous reçoivent pour donner. Éd 116 4 Tout élément de la nature, en participant à la vie du monde, assure par là la sienne propre. "Donnez, et l'on vous donnera" (Luc 6:38); cette leçon est inscrite au creux de la nature aussi sûrement que dans les pages du saint Livre. Éd 117 1 Les coteaux et les plaines se creusent pour permettre au torrent des montagnes d'atteindre la mer, et cela leur est rendu au centuple. Le ruisseau qui s'en va chantant laisse sur son passage beauté et abondance. A travers les champs nus et brûlés par le soleil d'été, le courant a tracé une ligne de verdure; chaque arbre, chaque bourgeon, chaque fleur nous montre quelle récompense Dieu accorde par sa grâce à tous ceux qui en sont les canaux de par le monde. Semer et croire Éd 117 2 Des innombrables leçons que nous offrent les différents processus de croissance, quelques-unes des plus précieuses nous sont présentées dans la parabole de la semence. Jeunes et moins jeunes y trouveront des enseignements. Éd 117 3 "Il en est du royaume de Dieu comme d'un homme qui jette de la semence en terre: qu'il dorme ou qu'il veille, nuit et jour, la semence germe et croît sans qu'il sache comment. La terre produit d'elle-même, premièrement l'herbe, puis l'épi, enfin le blé bien formé dans l'épi." Marc 4:26-28. Éd 117 4 La semence porte en elle un germe de vie que Dieu lui-même lui a accordé; cependant, abandonnée à elle-même, elle n'aurait absolument pas le pouvoir de croître. L'homme a son rôle à jouer dans la croissance de la graine; mais au-delà d'un certain point, il ne peut rien faire. Il doit compter sur celui qui a associé les semailles à la moisson par les liens merveilleux de sa toute-puissance. Éd 117 5 Il y a dans la semence un germe de vie, dans le sol un pouvoir; mais sans la puissance infinie qui est à l'oeuvre jour et nuit, la graine ne produirait rien. Les averses doivent désaltérer les champs; le soleil dispenser la chaleur; l'électricité se communiquer à la plante enfouie dans le sol. La vie que le Créateur a accordée, le Créateur seul peut la faire croître. C'est par la puissance de Dieu que germent les semences, que se développent les plantes. Éd 118 1 "La semence, c'est la parole de Dieu." Luc 8:11. "Comme la terre fait sortir son germe, et comme un jardin fait germer ses semences, ainsi le Seigneur, l'Eternel, fera germer la justice et la louange." Ésaïe 61:11. Il en est de même des semailles spirituelles comme des semailles matérielles: seule la puissance de Dieu engendre la vie. Éd 118 2 Le travail du semeur est oeuvre de foi. Il ne peut comprendre les mystères de la germination et de la croissance de la semence; mais il a confiance dans les moyens que Dieu suscite pour faire s'épanouir la végétation. Il jette la graine et espère en retirer une abondante moisson. C'est ainsi que les parents et les maîtres doivent travailler, escomptant qu'une moisson surgira de la semence qu'ils ont jetée. Éd 118 3 Il se peut que pendant un temps la bonne graine soit enfouie dans le coeur, comme si elle n'avait pas pris racine; mais lorsque souffle l'esprit de Dieu, elle se développe et enfin porte du fruit. Dans l'oeuvre de notre vie, nous ne savons pas ce qui, de ceci ou de cela, réussira. Nous n'avons pas à en décider. "Dès le matin sème ta semence, et le soir ne laisse pas reposer ta main." Ecclésiaste 11:6. Dieu s'est engagé à ce que "tant que la terre subsistera, les semailles et la moisson..." ne cessent pas. Genèse 8:22. Confiant en cette promesse le cultivateur laboure et sème. Ce n'est pas avec moins de confiance que nous devons travailler à des semailles spirituelles, car Dieu nous a donné cette assurance: "Ainsi en est-il de ma parole qui sort de ma bouche: elle ne retourne pas à moi sans effet, sans avoir exécuté ma volonté et accompli avec succès ce pour quoi je l'ai envoyée." Ésaïe 55:11. "Celui qui s'en va en pleurant, quand il porte la semence à répandre, s'en revient avec cris de triomphe, quand il porte ses gerbes." Psaumes 126:6. Éd 119 1 La germination de la plante représente le début de toute vie spirituelle, le développement de la plante est une illustration du développement du caractère. Il ne peut y avoir de vie sans croissance. La plante doit croître ou mourir. Elle grandit silencieusement et imperceptiblement, mais sans cesse; ainsi doit-il en être de notre caractère. A chaque étape de son développement notre vie peut être parfaite; néanmoins si le plan conçu pour nous par Dieu se réalise, nous progresserons sans cesse. Éd 119 2 C'est en recevant ce que Dieu a préparé pour elle que croît la plante. De même, c'est en collaborant avec les agents divins que nous grandirons spirituellement. Comme la plante s'enracine dans le sol, ainsi nous devons nous enraciner en Christ. Comme la plante reçoit le soleil, la rosée, la pluie, nous devons recevoir le Saint-Esprit. Si nous nous appuyons sur le Christ de tout notre coeur, "il viendra pour nous comme une ondée, comme la pluie du printemps qui arrose la terre". Osée 6:3. Comme le soleil de justice, il se lèvera sur nous, "et la guérison sera sous ses ailes". Malachie 4:2. Nous fleurirons "comme le lis", "comme la vigne". Osée 14:6, 8. Éd 119 3 "La terre produit [...] premièrement l'herbe, puis l'épi, enfin le blé bien formé dans l'épi." Marc 4:28. Le but du paysan lorsqu'il sème et cultive est de récolter du grain pour obtenir du pain pour ceux qui ont faim et de la semence pour d'autres moissons. De même le divin laboureur espère une moisson. Il souhaite reproduire son image dans les coeurs et les vies de ses disciples pour qu'à travers eux elle se reproduise aussi dans d'autres coeurs et d'autres vies. Éd 120 1 Le développement progressif de la plante issue de la semence nous apporte un enseignement de pédagogie pratique. "Premièrement l'herbe, puis l'épi, enfin le blé bien formé dans l'épi." Marc 4:28. Celui qui raconta cette parabole créa la minuscule semence, lui donna son germe de vie et mit en place les lois qui en régissent la croissance. Les vérités enseignées par cette parabole, il les applique dans sa propre vie. Lui, le roi des cieux, le roi de gloire, devint petit enfant à Bethléem, et pendant un temps, nouveau-né désarmé, dépendant des soins de sa mère. Dans son enfance, il parla et agit comme un garçon de son âge, honorant ses parents et respectant leurs désirs avec gentillesse. Mais dès que son intelligence s'éveilla, il ne cessa de grandir dans la grâce et la connaissance de la vérité. Éd 120 2 Les parents et les maîtres devraient avoir pour but de cultiver les tendances de la jeunesse de telle façon qu'à chaque étape de la vie elles s'épanouissent dans toute leur beauté, comme les fleurs au jardin. Éd 120 3 Les petits devraient être élevés dans la simplicité de l'enfance. Ils devraient apprendre à être heureux des devoirs modestes, des plaisirs et des expériences de leur âge. L'enfance, c'est l'herbe de la parabole, et l'herbe possède une beauté qui n'est qu'à elle. Les enfants ne devraient pas être poussés vers une maturité trop précoce, mais devraient garder aussi longtemps que possible la fraîcheur et la grâce de leurs jeunes années. Plus la vie d'un enfant est paisible et simple -- plus elle s'éloigne de tout ce qui est agitation, artifice et plus elle est en harmonie avec la nature -- , plus elle est propice au développement d'une vitalité physique et intellectuelle, d'une force spirituelle. Éd 121 1 Le miracle des cinq mille personnes nourries par Jésus montre comment la puissance de Dieu oeuvre pour la moisson. Jésus nous fait découvrir le monde naturel et nous révèle la force créatrice qui agit sans cesse pour notre bien. En multipliant la semence jetée dans le sol, celui qui multiplia les pains accomplit chaque jour un miracle. C'est par un miracle qu'il nourrit sans discontinuer des millions de personnes du produit des champs. Les hommes ont été appelés à collaborer avec lui pour surveiller la semence et préparer le pain et, en faisant cela, ils ont oublié l'action divine. On attribue l'oeuvre de Dieu à des causes naturelles ou à l'ingéniosité des hommes et trop souvent, ses dons, dénaturés, sont utilisés à des fins égoïstes et deviennent source de malédictions et non de bénédictions. Dieu cherche à changer tout cela. Il désire que nos sens émoussés retrouvent leur finesse pour discerner sa bonté miséricordieuse et pour que ses dons soient pour nous les bénédictions qu'il veut nous accorder. Éd 121 2 C'est la parole de Dieu, c'est sa vie, qui donne vie à la semence; et nous devenons participants de cette vie en mangeant le grain. Dieu désire que nous le comprenions; il désire que lorsque nous recevons notre pain de chaque jour nous puissions reconnaître son action et nous approcher de lui plus intimement. Éd 121 3 Grâce aux lois de Dieu, dans la nature les effets suivent les causes à coup sûr. La moisson atteste les semailles. Ici, aucune feinte n'est possible. Les hommes peuvent tromper leurs semblables et recevoir des louanges et des rémunérations pour des services qu'ils n'ont pas rendus. Mais la nature ne trompe pas. La moisson condamne le cultivateur infidèle. C'est vrai aussi dans le domaine spirituel. C'est en apparence, non en réalité que le mal triomphe. L'enfant qui fait l'école buissonnière, le jeune qui néglige ses études, l'employé ou l'apprenti qui méconnaît les intérêts de son employeur, l'homme qui, dans quelque travail, quelque profession que ce soit, manque à ses responsabilités, peut se flatter que, tant que le mal est caché, il en tire un avantage. Mais non; il se trompe lui-même. La moisson de notre vie, c'est notre caractère, qui décide de notre avenir, tant pour cette vie que pour la vie future. Éd 122 1 La moisson nous montre la reproduction de la semence qui a été jetée en terre. Chaque semence porte du fruit selon son espèce. Il en est de même des traits de caractère que nous cultivons. L'égoïsme, l'amour de soi, la vanité, la recherche des plaisirs n'engendrent qu'eux-mêmes et n'entraînent que misère et ruine. "Celui qui sème pour sa chair, moissonnera de la chair la corruption; mais celui qui sème pour l'Esprit, moissonnera de l'Esprit la vie éternelle." Galates 6:8. L'amour, la solidarité, la bonté produisent des fruits bénis, une moisson immortelle. Éd 122 2 Pour la récolte, la semence se multiplie. Grâce à un seul grain de froment, semé et semé encore, une terre immense peut se couvrir de gerbes dorées. Une seule vie, une seule action même peuvent avoir une influence comparable. Éd 122 3 A quels actes d'amour n'a pas poussé, tout au long des siècles, le souvenir de ce vase d'albâtre brisé pour Jésus! A quels dons innombrables la générosité d'une pauvre veuve, restée anonyme, seulement "deux petites pièces faisant un quart de sou" (Marc 12:42), n'a-t-elle pas entraîné les hommes, pour le Sauveur! Mourir pour vivre Éd 123 1 La leçon des semailles nous enseigne la générosité. "Celui qui sème en abondance moissonnera en abondance." 2 Corinthiens 9:6. Éd 123 2 Dieu dit: "Heureux vous qui partout semez le long des eaux." Ésaïe 32:20. Celui qui sème le long des eaux, c'est celui qui apporte sa collaboration partout où c'est nécessaire. Cela ne le précipitera pas dans la pauvreté: "Celui qui sème en abondance moissonnera en abondance." C'est en jetant la graine que le semeur la multiplie; de même, c'est parce que nous donnons que nous recevons toujours plus de bénédictions. Dieu nous promet de nous accorder tout ce qui nous est nécessaire, afin que nous puissions continuer à donner. Éd 123 3 Mieux encore: lorsque nous partageons les bénédictions de cette vie, celui qui les reçoit se prépare, par la reconnaissance qui remplit son coeur, à accepter les vérités spirituelles; c'est une moisson pour la vie éternelle. Éd 123 4 Le grain jeté en terre illustre le sacrifice accompli pour nous par Jésus. "En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé ne tombe en terre et ne meurt, il reste seul; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit." Jean 12:24. Seul le sacrifice du Christ, semence de vie, pouvait porter du fruit pour le royaume de Dieu. Suivant la loi du monde végétal, la vie naît de la mort. Éd 123 5 Ainsi, en tous ceux qui veulent travailler avec le Christ, porter du fruit en lui, l'amour égoïste de soi-même doit mourir; il faut jeter sa vie dans le sillon du monde et de ses besoins. Mais cet abandon de soi est une sauvegarde. Le cultivateur conserve sa graine en la semant. C'est la vie librement donnée au service de Dieu et des hommes qui est sauvée. Éd 124 1 La semence meurt, pour jaillir en une vie nouvelle. C'est la leçon de la résurrection. Du corps qui va partir en poussière dans la tombe, il est dit: "Semé corruptible, on ressuscite incorruptible. Semé méprisable, on ressuscite glorieux. Semé plein de faiblesse, on ressuscite plein de force." 1 Corinthiens 15:42, 43. Éd 124 2 Que les parents et les maîtres qui essayent d'enseigner tout cela donnent des leçons pratiques. Que les enfants eux-mêmes préparent la terre et sèment les graines. Pendant qu'ils travailleront, parents ou maîtres pourront leur parler de ce jardin qu'est le coeur, qui peut recevoir lui aussi bonnes ou mauvaises graines; leur dire que, de même que la terre doit être préparée pour recevoir les semences matérielles, le coeur doit l'être pour la semence de vérité. Lorsque la graine sera dans le sol, ils pourront parler de la mort du Christ; de sa résurrection lorsque pointera le germe. Et, lorsque la plante grandira, ils continueront à comparer semailles matérielles et semailles spirituelles. Éd 124 3 C'est ainsi que les jeunes doivent être instruits. La culture du sol nous offre toutes sortes de leçons. Personne ne s'attend à ce qu'un terrain en friche produise tout de suite une moisson. Il faudra un travail assidu, tenace, pour préparer le sol, semer, mener à bien la récolte. Il en est de même pour les semailles spirituelles: le jardin du coeur doit être cultivé. Son sol doit être retourné par la repentance; les mauvaises herbes qui étouffent le bon grain doivent être arrachées. Comme la terre autrefois envahie par les ronces ne peut être remise en valeur que par un travail diligent, les tendances mauvaises qui sont en nous ne peuvent être maîtrisées que grâce à des efforts persévérants accomplis au nom et avec la puissance du Christ. Éd 125 1 En travaillant, le cultivateur attentif verra des trésors insoupçonnés se révéler à lui. Aucun agriculteur, aucun jardinier ne peut mener à bien sa tâche sans tenir compte des lois de la nature. Chaque plante a des exigences particulières, qui doivent être connues. A chacune correspond une terre, un mode de culture qu'il faut respecter pour réussir. Il faut savoir soigneusement transplanter une plante, en aérer et bien placer les moindres racines, s'occuper des jeunes pousses, tailler et arroser, protéger du froid de la nuit comme du soleil trop ardent, des mauvaises herbes, des maladies, des insectes nuisibles; tout ce travail nous apporte de précieux enseignements au sujet de la formation du caractère, mais est aussi en soi un moyen de croissance. Développer le soin, la patience, la précision, apprendre à respecter les lois, tout cela est essentiel à l'éducation de l'être humain. Le contact permanent avec les mystères de la vie et la beauté de la nature, la sensibilité qui naît lorsqu'on s'occupe de ces admirables créatures de Dieu tendent à vivifier l'intelligence, à affiner et ennoblir le caractère; les leçons ainsi apprises préparent l'ouvrier à s'occuper avec plus de succès d'autres esprits. ------------------------Chapitre 12 -- D'autres leçons encore Éd 127 0 Que celui qui est sage prenne garde à ces choses et comprenne les actes bienveillants de l'Eternel. Psaumes 107:43. Éd 127 1 Dieu possède un pouvoir de guérison qui s'exerce à travers la nature entière. Si un arbre est coupé, si un être humain est blessé, la nature entreprend immédiatement de réparer le mal. Avant même que le besoin ne s'en fasse sentir, les puissances de restauration sont prêtes; dès qu'un coup est porté, toutes les énergies se concentrent pour guérir la blessure. Il en est de même dans le domaine spirituel. Dieu avait prévu un remède au péché avant même son apparition. L'âme qui cède à la tentation est blessée, meurtrie par l'adversaire; mais là où il y a péché, le Sauveur vient. Il appartient au Christ de "guérir ceux qui ont le coeur brisé; [...] proclamer aux captifs la délivrance, [...] renvoyer libres les opprimés." Luc 4:18. Éd 127 2 Nous devons participer à cette oeuvre. "Si un homme vient à être surpris en quelque faute [...], redressez-le..." Galates 6:1. Le mot traduit ici par "redresser" signifie "remettre en place", comme l'on remet en place un os déboîté. Quelle image évocatrice! Celui qui tombe dans l'erreur ou le péché est en rupture avec ce qui l'entoure. Il peut prendre conscience de sa faute et être rempli de remords, mais il ne peut se "redresser" seul. Il est dans un état profond de confusion, de doute, de défaite, d'impuissance. Il a besoin d'être débarrassé de ses souffrances, soigné, réhabilité. "Vous qui êtes spirituels, redressez-le." Galates 6:1. Seul l'amour qui jaillit du coeur du Christ peut guérir. Seul celui en qui a pénétré cet amour, comme la sève dans l'arbre, le sang dans le corps, peut soulager l'âme meurtrie. Éd 128 1 L'amour possède un pouvoir merveilleux car il vient de Dieu. Si nous connaissions "la réponse douce qui calme la fureur" (Proverbes 15:1), si nous possédions "l'amour [...] patient [...], serviable" (1 Corinthiens 13:4) qui "couvre une multitude de péchés" (1 Pierre 4:8), de quel pouvoir de guérison ne serions-nous pas gratifiés! Comme la vie serait différente: la terre deviendrait alors un avant-goût du ciel. Éd 128 2 Ces enseignements précieux peuvent être dispensés simplement et compris même des petits enfants. Le coeur de l'enfant est sensible et impressionnable. Lorsque nous qui sommes plus âgés deviendrons "comme les petits enfants" (Matthieu 18:3), lorsque nous aurons pénétré la simplicité, la douceur, l'amour profond du Sauveur, nous pourrons sans peine atteindre les coeurs des tout-petits et leur enseigner ce ministère de guérison qui est un ministère d'amour. Éd 128 3 La perfection se trouve dans toutes les oeuvres de Dieu, des plus petites aux plus grandes. La main qui a suspendu les mondes dans l'espace est celle qui a dessiné les fleurs des champs. Regardez au microscope la plus petite, la plus banale des fleurs qui poussent au bord du chemin, et voyez combien elle est belle et achevée dans les moindres détails. Dans tout ce qu'il y a de plus humble peut exister la perfection; les tâches les plus communes, accomplies avec amour et fidélité, sont splendides au regard de Dieu. En accordant aux petites choses une attention scrupuleuse nous deviendrons ouvriers avec lui, et recevrons l'approbation de celui qui voit et sait tout. Éd 129 1 L'arc qui jette dans le ciel sa courbe de lumière est le témoin de "l'alliance perpétuelle entre Dieu et tous les êtres vivants qui sont sur la terre". Genèse 9:16. L'arc qui environne le trône divin est aussi pour les enfants de Dieu le témoin de son alliance de paix. Éd 129 2 Comme l'arc dans la nue est issu de l'union du soleil et de la pluie, l'arc du trône est l'union de la grâce et de la justice divines. Au pécheur repentant, Dieu dit: "Vis"; "J'ai trouvé une rançon". Job 33:24. Éd 129 3 "J'avais juré que les eaux de Noé ne se répandraient plus sur la terre; je jure de même de ne plus m'indigner contre toi et de ne plus te menacer. Quand les montagnes s'ébranleraient, quand les collines chancelleraient, ma bienveillance pour toi ne sera pas ébranlée, et mon alliance de paix ne chancellera pas, dit l'Eternel, qui a compassion de toi." Ésaïe 54:9, 10. Le message des étoiles Éd 129 4 Les étoiles aussi ont un message d'encouragement pour chacun de nous. A ces heures auxquelles nul n'échappe, où le coeur est faible et la tentation cruelle, où les difficultés semblent insurmontables, les objectifs que l'on s'est fixés hors d'atteinte, où les plus belles promesses de la vie s'évanouissent comme un mirage, où puiser courage et résolution mieux que dans l'enseignement que Dieu nous offre à travers la course paisible des étoiles? Éd 130 1 "Levez les yeux en haut, et regardez! Qui a créé ces choses? C'est celui qui fait sortir leur armée au complet. Il les appelle toutes par leur nom, par son grand pouvoir et sa force puissante: pas une qui ne fasse défaut. Pourquoi dis-tu, Jacob, pourquoi répètes-tu, Israël: ma destinée est cachée à l'Eternel, mon droit passe inaperçu de mon Dieu? Ne l'as-tu pas reconnu? Ne l'as-tu pas entendu? C'est le Dieu d'éternité, l'Eternel, qui a créé les extrémités de la terre; il ne se fatigue ni ne se lasse; son intelligence est insondable. Il donne de la force à celui qui est fatigué et il augmente la vigueur de celui qui est à bout de ressources." Ésaïe 40:26-29. "Sois sans crainte, car je suis avec toi; n'ouvre pas des yeux inquiets, car je suis ton Dieu; je te fortifie, je viens à ton secours, je te soutiens de ma droite victorieuse. [...] Je suis l'Eternel, ton Dieu, qui saisit ta main, qui te dit: sois sans crainte, je viens à ton secours." Ésaïe 41:10, 13. Éd 130 2 Le palmier, malgré l'ardeur du soleil et la brutalité des tempêtes de sable, se dresse vert, resplendissant, fécond, au milieu du désert. Il est nourri par des sources vives. Son feuillage domine l'étendue brûlée, désertique. Et le voyageur épuisé presse ses pas défaillants vers l'ombre fraîche et l'eau vivifiante. Éd 130 3 L'arbre du désert symbolise ce que Dieu attend de ses enfants. Ils doivent guider les âmes fatiguées, troublées, près de mourir dans le désert du péché, vers la source de vie. Ils doivent diriger leurs prochains vers celui qui fait cette invitation: "Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive." Jean 7:37. Éd 131 1 Le fleuve large et profond qui sert de voie de communication et d'échange aux peuples du monde est considéré comme un avantage universel; et les petits ruisseaux qui ont contribué à former ce vaste cours d'eau? Sans eux, il n'y aurait plus de fleuve; son existence dépend d'eux. De même les hommes appelés à diriger quelque grand ouvrage sont loués comme si la réussite de l'entreprise n'était due qu'à eux, et non à la collaboration fidèle d'innombrables travailleurs modestes -- des hommes dont le monde ne sait rien. La plupart des travailleurs peinent sans jamais recevoir d'éloges, sans que leur ouvrage soit même reconnu. Beaucoup en sont mécontents; ils ont le sentiment que leur vie est gâchée. Mais le ruisselet qui va sans bruit son petit bonhomme de chemin à travers bocages et prairies, prodiguant bien-être, beauté et fertilité, est aussi utile que le fleuve. Et en participant à la vie de celui-là, il l'aide à accomplir ce que le grand cours d'eau ne pourrait faire seul. Éd 131 2 Nous sommes nombreux à avoir besoin de cette leçon. On idolâtre le talent, on espère se faire une place dans la société. Trop de gens ne veulent rien faire à moins d'être considérés comme des chefs. Trop ont besoin d'être loués pour s'intéresser à leur travail. Nous devons apprendre à utiliser avec fidélité les dons et les occasions qui sont nôtres et à être heureux de ce que Dieu nous accorde. Une leçon de confiance Éd 131 3 "Interroge donc les bêtes, elles t'instruiront, les oiseaux du ciel, ils te le révéleront, [...] et les poissons de la mer te le raconteront." Job 12:7, 8. "Va vers la fourmi [...]; considère ses voies." Proverbes 6:6. "Regardez les oiseaux du ciel." Matthieu 6:26. "Considérez les corbeaux." Luc 12:24. Éd 132 1 Nous ne devons pas nous contenter de parler aux enfants de ces créatures de Dieu. Les animaux eux-mêmes ont des leçons à leur apprendre. Les fourmis leur enseigneront l'assiduité patiente, la persévérance nécessaire pour franchir les obstacles, la prévoyance. Et les oiseaux leur enseigneront la confiance. Notre Père céleste veille à ce qu'ils aient tout ce qu'il leur faut, mais ils doivent chercher leur nourriture, bâtir leurs nids, élever leurs petits. A tout instant ils peuvent être à la merci d'ennemis décidés à les détruire. Et pourtant comme ils travaillent gaiement! Comme leurs petits chants sont joyeux! Éd 132 2 Elle est belle, la description que fait le psalmiste de la façon dont Dieu veille sur les créatures des bois: Éd 132 3 Les montagnes élevées sont pour les bouquetins, Les rocs sont le refuge des damans. Psaumes 104:18. Éd 132 4 Dieu commande aux sources de courir à travers les coteaux où habitent les oiseaux, où "ils font retentir leur voix parmi le feuillage". Psaumes 104:12. Toutes les créatures des bois et des collines font partie de sa grande maisonnée. Il ouvre la main et rassasie "à souhait tout ce qui a vie". Psaumes 145:16. Éd 132 5 L'aigle des Alpes est parfois rabattu par la tempête dans d'étroits défilés. D'épais nuages entourent alors le grand oiseau de la forêt, et le séparent des hauteurs ensoleillées où il a construit son nid. Tous les efforts qu'il fait pour leur échapper semblent vains. Il s'élance çà et là, battant l'air de ses ailes puissantes et jetant ses appels à tous les échos. Enfin, avec un cri de triomphe, il part en flèche, traverse les nuages et rejoint le ciel clair, laissant bien loin au-dessous de lui l'obscurité et la tempête. Nous pouvons nous aussi être assiégés par les difficultés, le découragement, les ténèbres, assaillis par les mensonges, les malheurs, les injustices, plongés dans des nuages que nous ne pouvons chasser, aux prises avec des événements contre lesquels nous nous battons en vain. Il n'y a qu'une seule issue. Les brouillards et les nuages s'accrochent à la terre; plus haut brille la lumière de Dieu. C'est vers elle que nous pouvons nous élever sur les ailes de la foi. Éd 133 1 Il est tant d'enseignements que nous pouvons recevoir ainsi! L'arbre qui pousse seul dans la plaine ou au flanc de la montagne, qui enfonce profondément en terre ses racines et qui, de toute sa puissance rugueuse, défie la tempête, nous apprend à compter sur nous-mêmes. Le tronc noueux, informe, d'un arbre tordu lorsqu'il n'était encore qu'arbuste et auquel aucun pouvoir terrestre n'a pu redonner son harmonie perdue, nous montre la force des premières influences. Le nénuphar qui, dans quelque mare pleine de vase, environné de mauvaises herbes et de saletés, enfonce ses racines jusque dans le sable pur et, trouvant là de quoi vivre, élève à la lumière une fleur parfumée et immaculée, nous révèle le secret d'une vie sainte. Éd 133 2 Ainsi, pendant que les enfants et les jeunes s'instruisent auprès de leurs maîtres, à l'aide de leurs manuels, qu'ils apprennent aussi à tirer les leçons des faits, à discerner la vérité par eux-mêmes. Lorsqu'ils jardinent, interrogez-les sur ce qu'ils découvrent en veillant sur leurs plantes. Lorsqu'ils admirent un paysage, demandez-leur pourquoi Dieu a revêtu les champs et les bois de tant de nuances différentes et délicates; pourquoi tout n'est-il pas brun? Lorsqu'ils font un bouquet, amenez-les à chercher pourquoi le Seigneur a permis aux fleurs égarées loin de l'Eden de conserver pour nous leur beauté. Enseignez-leur à découvrir tout ce qui dans la nature prouve que Dieu se préoccupe de nous, et la façon merveilleuse dont tout concourt à nos besoins et à notre bonheur. Éd 134 1 Seul celui qui reconnaît dans la nature l'ouvrage de son Père céleste, qui voit dans les richesses et les beautés de la terre l'empreinte du Seigneur peut tirer de ce qui l'environne des leçons profondes et bénéficier au maximum des bienfaits prodigués par la nature. Seul peut apprécier la colline et la vallée, le fleuve et la mer celui qui voit Dieu à travers eux. Éd 134 2 Les écrivains bibliques ont tiré de la nature de nombreuses illustrations et c'est en observant l'univers que nous pourrons, sous l'influence du Saint-Esprit, comprendre plus pleinement les leçons de la Parole de Dieu. C'est ainsi que la nature devient la clé de la Parole. Éd 134 3 Il faudrait encourager les enfants à chercher dans la nature les éléments qui illustrent les enseignements de la Bible, à relever dans la Bible les comparaisons tirées de la nature. Ils devraient s'efforcer de découvrir dans la nature et dans l'Ecriture sainte également tout ce qui représente le Christ, et aussi ce qu'il utilise pour illustrer la vérité. Qu'ils apprennent à le voir à travers l'arbre et la vigne, le lis et la rose, le soleil et l'étoile; qu'ils entendent sa voix dans le chant des oiseaux, le murmure de la forêt, le grondement du tonnerre, la symphonie de la mer. Que tout dans la nature leur prodigue de précieuses leçons! Éd 135 1 Pour ceux qui seront ainsi en contact avec le Christ, la terre ne paraîtra plus jamais vide et désolée. Ce sera la maison de leur Père, remplie de la présence de celui qui autrefois habitait parmi les hommes. Ils te dirigeront dans ta marche, ils te garderont sur ta couche, ils te parleront à ton réveil. Proverbes 6:22. ------------------------Chapitre 13 -- Culture mentale et spirituelle Éd 139 0 C'est par la connaissance que les chambres se remplissent de tous les biens précieux et agréables. Proverbes 24:4. Éd 139 1 La loi divine demande que la vigueur de l'esprit et de l'âme, comme celle du corps, s'acquière et se développe par des efforts et un entraînement constant. Dieu nous a donné dans sa Parole des indications propres à notre développement intellectuel et spirituel. Éd 139 2 La Bible contient tous les principes que les hommes ont besoin d'assimiler pour être aptes à cette vie comme à la vie à venir. Tous peuvent comprendre ces principes. Le moindre passage de la Parole de Dieu suscitera, chez tous ceux qui la lisent avec un esprit bien disposé, des réflexions bénéfiques. Mais l'enseignement le plus précieux ne sera pas saisi à travers une étude fortuite, intermittente. L'ensemble des vérités profondes de la Bible ne peut être discerné par un lecteur pressé ou peu attentif. Bien des trésors sont cachés en profondeur et ne peuvent être découverts qu'à force de recherches assidues et d'efforts persévérants. Ces vérités qui forment un grand tout doivent être poursuivies et rassemblées, "un peu ici, un peu là". Ésaïe 28:10. Éd 140 1 Alors on constatera qu'elles s'accordent parfaitement entre elles. Chaque évangile complète les autres, chaque prophétie explique l'autre, les vérités se répondent et se parachèvent. La signification du judaïsme devient évidente grâce à l'Evangile. Chaque principe a sa place dans la Parole de Dieu, chaque fait a son sens. Et l'ensemble, par son dessein et sa facture, témoigne de son auteur. Seul le Dieu infini pouvait le concevoir et en venir à bout. Éd 140 2 L'étude des différentes parties de la Bible et des relations qui existent entre elles engage dans une activité intense les plus hautes facultés de l'esprit de l'homme. Personne ne peut se lancer dans une telle étude sans développer ses possibilités mentales. Éd 140 3 La valeur de l'étude de la Bible ne réside pas seulement dans la recherche et la synthèse des vérités qu'elle nous offre, mais aussi dans l'effort qu'il faut accomplir pour saisir les sujets offerts. La pensée préoccupée seulement de questions banales se rétrécit et s'affaiblit. Si elle ne s'exerce jamais sur des vérités profondes et de grande portée, elle perdra, au bout d'un certain temps, la possibilité de se développer. L'étude de la Parole de Dieu est la meilleure protection contre la dégénérescence, le meilleur stimulant au progrès de l'esprit. La Bible est un moyen de formation intellectuelle plus efficace que n'importe quel autre livre, et même que tous les autres livres réunis. La grandeur de ses sujets, la simplicité digne de ses expressions, la beauté de ses images stimulent et élèvent les pensées mieux que tout autre ouvrage ne le ferait. L'effort à fournir pour saisir les formidables vérités de la révélation développe une force mentale qu'aucune autre étude ne pourrait dispenser. L'esprit mis ainsi en contact avec la pensée du Dieu infini ne peut que croître et s'affermir. Éd 141 1 Le pouvoir de la Bible sur notre développement spirituel est encore plus grand. L'homme, créé pour être le compagnon de Dieu, ne peut trouver de vie réelle, de progrès profond que dans une relation avec le Seigneur. Créé pour éprouver en Dieu toute sa joie, il ne peut trouver ailleurs de quoi apaiser les désirs de son coeur, satisfaire la faim et étancher la soif de son âme. Celui qui étudie la Parole de Dieu avec sincérité, en souhaitant s'instruire de ses vérités, établira une relation avec son auteur; et il n'y aura pas de limites aux progrès de cet homme, à moins qu'il n'en pose lui-même. Éd 141 2 Par la diversité de ses styles et de ses sujets, la Bible peut intéresser tous les esprits, attirer tous les coeurs. Dans ses pages, on trouve l'histoire de la plus haute Antiquité, les biographies les plus exactes, des principes de gouvernement, d'économie domestique -- que la sagesse humaine n'a jamais égalés. On y trouve la philosophie la plus profonde, la poésie la plus délicate et la plus grandiose, la plus vibrante et la plus émouvante. Même sur ces plans-là les textes bibliques sont incomparablement supérieurs à tous les autres textes. Mais si on les considère en rapport avec la grande pensée centrale, leur valeur, leur portée deviennent immenses. Chaque sujet prend alors un sens nouveau. Les vérités les plus simplement dites contiennent des principes dont les dimensions approchent celles des cieux et de l'éternité. Éd 141 3 Le thème central de la Bible, celui auquel se rattachent tous les autres, est le plan de la rédemption, la restauration en l'homme de l'image de Dieu. De la première lueur d'espoir donnée en Eden jusqu'aux promesses glorieuses de l'Apocalypse: "Ses serviteurs verront sa face, et son nom sera sur leurs fronts" (Apocalypse 22:4), la substance de chaque livre, de chaque passage de la Bible est la révélation de cette merveille: la rédemption de l'homme, et donc la puissance de Dieu "qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus-Christ!" 1 Corinthiens 15:57. Éd 142 1 Celui qui s'empare de cette pensée voit s'ouvrir devant lui un champ d'étude infini. Il possède la clé qui lui ouvrira le trésor de la Parole de Dieu. Éd 142 2 La science de la rédemption est la science suprême; les anges et les mondes fidèles à Dieu l'étudient, notre Seigneur et Sauveur lui accorde toute son attention; elle entre dans le plan préparé par le Créateur et "tenu secret dès l'origine des temps" (Romains 16:25); les rachetés la sonderont aux siècles des siècles. L'homme ne peut s'engager dans une étude plus haute; mieux que toute autre, elle aiguise l'esprit et élève l'âme. Éd 142 3 "L'avantage de la connaissance c'est que la sagesse fait vivre ceux qui la possèdent." Ecclésiaste 7:12. "Les paroles que je vous ai dites sont Esprit et vie." Jean 6:63. "La vie éternelle, c'est qu'ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ." Jean 17:3. Éd 142 4 L'énergie créatrice qui appelle les mondes à l'existence jaillit de la Parole de Dieu. Cette Parole communique la force, engendre la vie. Chaque prescription est une promesse qui apporte la vie divine à qui l'accepte de toute sa volonté et la reçoit dans son âme. La Parole de Dieu transforme le caractère et recrée l'homme à l'image de son Seigneur. Éd 142 5 La vie ainsi engendrée se poursuivra, fortifiée de même "de toute parole qui sort de la bouche de Dieu". Matthieu 4:4. Éd 142 6 L'esprit et l'âme sont faits de ce dont ils se nourrissent, et il nous revient de choisir leur nourriture. Chacun doit décider de ce qui occupera ses pensées et façonnera son caractère. Dieu dit de ceux qui ont le privilège d'accéder aux Ecritures: "Que j'écrive pour lui tous les détails de ma loi." Osée 8:12. "Invoque-moi, et je te répondrai; je t'annoncerai de grandes choses, des choses cachées, que tu ne connaissais pas." Jérémie 33:3. Éd 143 1 Avec la Parole de Dieu entre les mains, tout être humain, quelle que soit sa part dans cette vie, peut choisir ses amis. Il peut s'entretenir avec les plus nobles, les meilleurs des hommes; il peut écouter la voix de l'Eternel qui leur parle. Tout en étudiant et en méditant les thèmes dans lesquels "les anges désirent plonger leurs regards" (1 Pierre 1:12) il peut jouir de la compagnie des messagers de Dieu. Il peut suivre les pas du divin Maître et écouter les paroles qu'il prononça sur la montagne, dans la plaine, au bord de la mer. Il peut vivre sur cette terre dans une atmosphère céleste, communiquant à ceux qui souffrent et qui sont tentés l'espérance et le désir d'une vie sainte; s'approchant toujours plus de Dieu, semblable à celui qui marcha avec lui, toujours plus près du seuil du monde éternel, jusqu'à ce que les portes s'ouvrent et qu'il puisse entrer. Il ne s'y sentira pas étranger. Les voix qui le salueront seront celles des saints qui étaient déjà sur terre ses compagnons invisibles -- des voix qu'il aura appris à connaître et à aimer. Lui qui aura vécu de la Parole de Dieu en communion avec le ciel se sentira chez lui en compagnie des êtres célestes. ------------------------Chapitre 14 -- Science et Bible Éd 145 0 Qui ne reconnaît chez eux la preuve que la main de l'Eternel a fait tout cela. Job 12:9. Éd 145 1 Puisque le livre de la nature et le livre de la révélation sont issus à l'origine de la même intelligence, ils ne peuvent que s'accorder. De façons différentes, dans des langages différents, ils attestent les mêmes vérités. La science découvre sans cesse de nouvelles merveilles et aucune de ses recherches, si nous les comprenons bien, n'entre en contradiction avec la révélation divine. La nature et la parole écrite s'éclairent mutuellement. Elles nous font connaître Dieu en nous enseignant certains aspects des lois à travers lesquelles il agit. Éd 145 2 Toutefois des conclusions erronées tirées de faits naturels ont poussé les hommes à imaginer que la science et la révélation s'opposaient; et dans un désir profond de rétablir l'harmonie, on a adopté pour les Ecritures des interprétations qui sapent et détruisent l'autorité de la Parole de Dieu. On a pensé que la géologie était en contradiction flagrante avec l'interprétation littérale du récit mosaïque de la création. Il a fallu des millions d'années -- est-il proclamé -- pour que le monde sorte du chaos; alors, pour adapter la Bible à cette prétendue révélation de la science, on a considéré que chaque jour de la création recouvrait une période infiniment longue: des milliers ou même des millions d'années. Éd 146 1 Une telle conclusion est totalement déplacée. Le récit de la Bible ne se contredit ni ne contredit la nature. Du premier jour consacré au travail de la création, il est dit: "Il y eut un soir et il y eut un matin: ce fut un jour." Genèse 1:5. Chacun des six jours de la création est présenté de façon analogue. La parole inspirée nous déclare que chacune de ces périodes a été un jour, avec un soir et un matin, comme tous les autres jours depuis lors. En ce qui concerne le travail de création lui-même, la Bible nous dit: "Car il dit, et [la chose] arrive; il ordonne, et elle existe." Psaumes 33:9. Combien de temps fallait-il donc à Celui qui peut ainsi appeler à la vie des mondes innombrables, pour faire sortir la terre du chaos? Pour rendre compte de ses oeuvres, devons-nous dénaturer sa Parole? Éd 146 2 Il est vrai que des vestiges trouvés en terre attestent l'existence d'hommes, d'animaux, de plantes beaucoup plus grands que ceux que nous connaissons. On les considère comme des preuves d'une existence végétale et animale antérieure au temps du récit mosaïque. Mais l'histoire telle que nous la trouvons dans la Bible nous fournit d'abondantes explications à ce sujet. Avant le déluge, le développement de la faune et de la flore était incomparablement supérieur à ce qu'il est maintenant. Au moment du déluge, la surface de la terre fut brisée, d'importants changements eurent lieu et la croûte terrestre se reconstitua, renfermant en son sein de nombreux témoignages de la vie antédiluvienne. Les immenses forêts enfouies sous terre au temps du déluge se transformèrent pour devenir d'immenses bassins houillers et des gisements de pétrole si précieux à notre confort d'aujourd'hui. Tous ces faits, au fur et à mesure qu'on les découvre, se révèlent être autant de témoins muets de la véracité de la Parole divine. Éd 147 1 Une autre théorie va de pair avec la théorie de l'évolution de la terre: c'est celle qui rattache l'homme, couronnement de la création, à une ascendance de quadrupèdes, de mollusques et de bactéries. Éd 147 2 Mesurons les occasions de recherche qui s'offrent à l'homme, la brièveté de sa vie; voyons combien son action est limitée, combien sa vision des choses est restreinte, ses erreurs de conclusion nombreuses et importantes, surtout en ce qui concerne les faits considérés comme antérieurs à l'époque biblique; à quel rythme les prétendues démonstrations scientifiques sont revues ou rejetées; avec quelle promptitude on ajoute ou on retranche de temps à autre quelques millions d'années à la période présumée être celle de l'évolution de la terre; à quel point les théories avancées par les savants diffèrent les unes des autres. Face à tout cela, accepterons-nous, pour avoir le privilège de descendre de bactéries, de mollusques et d'anthropoïdes, de rejeter cette déclaration de la Parole sainte, si grande en sa simplicité: "Dieu créa l'homme à son image: il le créa à l'image de Dieu." Genèse 1:27. Répudierons-nous cet arbre généalogique -- plus noble que celui d'un roi -- "fils d'Adam, fils de Dieu"? Luc 3:38. Éd 147 3 Bien comprises, les découvertes de la science et les expériences de la vie s'avèrent être en parfait accord avec le témoignage que nous donnent les Ecritures de l'oeuvre incessante de Dieu dans la nature. Éd 147 4 Dans l'hymne rapportée par Néhémie, les Lévites chantent ainsi: "C'est toi, Eternel, toi seul, qui as fait les cieux, les cieux des cieux et toute leur armée, la terre et tout ce qui est sur elle, les mers et tout ce qu'elles renferment. A tout cela, tu donnes la vie..." Néhémie 9:6. Éd 148 1 L'Ecriture déclare le travail de la création achevé en ce qui concerne notre terre: "Les oeuvres de Dieu étaient [...] faites depuis la fondation du monde." Hébreux 4:3. Mais Dieu continue de sa toute-puissance à soutenir ses créatures. Il n'y a pas de mécanisme qui une fois mis en mouvement continue sur sa propre lancée pour que le coeur batte de lui-même, que la respiration s'effectue seule. Chaque souffle, chaque battement prouve que celui en qui nous avons "la vie, le mouvement, l'être" (Actes 17:28) veille sur nous. Toute créature, du plus minuscule insecte jusqu'à l'homme, dépend chaque jour de la providence divine. Éd 148 2 Tous ces animaux mettent leur espoir en toi, Pour que tu leur donnes leur nourriture en son temps. Tu la leur donnes et ils la recueillent; Tu ouvres la main et ils se rassasient de biens. Tu caches ta face; ils sont épouvantés; Tu leur retires le souffle: ils expirent Et retournent dans leur poussière. Tu envoies ton souffle: ils sont créés, Et tu renouvelles la face du sol. Psaumes 104:27-30. Éd 148 3 Il étend le septentrion sur le vide, Il suspend la terre sur le néant. Il renferme les eaux dans ses nuages, Et les nuées ne crèvent pas sous leur poids. [...] Il a tracé un cercle à la surface des eaux, Jusqu'à la limite entre la lumière et les ténèbres. Les colonnes du ciel s'ébranlent Et s'étonnent à sa menace. Par sa force il fait trembler la mer, [...] Par son souffle le ciel devient immaculé, Sa main transperce le serpent fuyard. Si telles sont les moindres de ses actions, -- Et combien léger est l'écho que nous en percevons -- , Alors qui comprendra le tonnerre de sa puissance? Job 26:7-14. Éd 149 1 L'Eternel [fraye] son chemin dans le tourbillon, dans la tempête, Les nuées sont la poussière de ses pieds. Nahum 1:3. Éd 149 2 La puissance qui s'exerce à travers la nature entière et qui nourrit toutes choses n'est pas, comme l'affirment certains savants, un pur principe, une énergie en action qui s'insinue partout. Dieu est esprit; et pourtant c'est une personne, puisque l'homme a été fait à son image. Il s'est révélé à nous à travers son Fils en tant que personne. Jésus, rayonnement de la gloire du Père, et "expression de son être" (Hébreux 1:3), était sur terre semblable aux hommes. C'est une personne, notre Sauveur, qui vint dans le monde, qui remonta aux cieux, où il intercède pour nous. Devant le trône de Dieu il parle en notre faveur "comme un fils d'homme". Daniel 7:13. Éd 149 3 L'apôtre Paul, guidé par le Saint-Esprit, déclare à propos du Christ que "tout a été créé par lui et pour lui. Il est avant toutes choses et tout subsiste en lui". Colossiens 1:16, 17. La main qui soutient les mondes dans l'espace, qui maintient dans un ordre parfait, dans une activité incessante toutes choses à travers l'univers est celle de Jésus cloué pour nous sur la croix. Éd 149 4 La grandeur de Dieu échappe à notre compréhension. "L'Eternel a son trône dans les cieux" (Psaumes 11:4); cependant, par son esprit, il est présent partout. Il connaît intimement chacune de ses oeuvres, il s'intéresse personnellement à chacune. Éd 149 5 Qui est semblable à l'Eternel, notre Dieu? Il s'élève très haut pour siéger; Il s'abaisse pour regarder Les cieux et la terre. Psaumes 113:5, 6. Éd 150 1 Où irais-je loin de ton Esprit Et où fuirais-je loin de ta face? Si je monte aux cieux, tu y es; Si me couche au séjour des morts, t'y voilà. Si je prends les ailes de l'aurore, Et que j'aille demeurer au-delà de la mer, Là aussi ta main me conduira, Et ta droite me saisira. Psaumes 139:7-10. Éd 150 2 Tu sais quand je m'assieds et quand je me lève, Tu comprends de loin ma pensée; Tu sais quand je marche et quand je me couche, Et tu pénètres toutes mes voies... Tu m'entoures par derrière et par devant, Et tu mets ta main sur moi. Une telle science est trop merveilleuse pour moi, Trop élevée pour que je puisse la saisir. Psaumes 139:2, 3, 5, 6. Éd 150 3 C'est le Créateur de toutes choses qui a fait en sorte que les moyens soient adaptés aux fins, les remèdes aux besoins. C'est lui qui a veillé à ce que, dans le monde matériel, chaque désir légitime soit satisfait. Lui qui a engendré l'âme humaine, avec ses aptitudes à savoir et aimer. Et il n'est pas dans la nature de Dieu de laisser les demandes de l'âme sans réponse. Aucun principe impalpable, aucune substance impersonnelle, aucune abstraction ne pourra assouvir les besoins et les aspirations des hommes aux prises dans cette vie avec le péché, la tristesse et la souffrance. Il ne peut suffire de croire dans la loi et dans la puissance, dans des choses qui n'éprouvent aucun sentiment de compassion, qui n'entendent jamais les appels au secours. Nous avons besoin d'un bras puissant qui nous soutienne, d'un ami parfait qui ait pitié de nous. Nous avons besoin de serrer une main chaleureuse, de nous confier en un coeur plein de tendresse. Et Dieu dans sa Parole se révèle tel. Éd 151 1 Celui qui étudie en profondeur les mystères de la nature prendra pleinement conscience de son ignorance et de sa faiblesse. Il comprendra qu'il existe des abîmes qu'il ne peut sonder, des sommets qu'il ne peut atteindre, des secrets qu'il ne peut pénétrer, de vastes champs de connaissances qu'il ne peut approfondir. Il pourra dire, avec Newton: "Je m'imagine avoir été un jeune garçon qui a joué sur la plage, qui a trouvé parfois un caillou mieux poli, une coquille plus gracieuse tandis que le grand océan des vérités étalait devant lui son mystère." Éd 151 2 Ceux qui étudient en profondeur la science sont contraints de reconnaître qu'un pouvoir infini est à l'oeuvre dans la nature. Pour l'homme livré à sa seule raison, les enseignements de la nature ne peuvent qu'être contradictoires et décevants. Ils ne pourront être correctement interprétés qu'à la lumière de la révélation. "C'est par la foi que nous comprenons." Hébreux 11:3. Éd 151 3 "Au commencement Dieu..." Genèse 1:1. C'est là seulement que l'esprit agité de questions incessantes, comme la colombe qui se réfugiait dans l'arche, trouve le repos. L'amour de Dieu se trouve partout, en haut, en bas, au-delà, il est à l'oeuvre en toutes choses pour accomplir "tous les desseins bienveillants de sa bonté". 2 Thessaloniciens 1:11. Éd 151 4 "Les (perfections) invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient fort bien depuis la création du monde, quand on les considère dans ses ouvrages." Romains 1:20. Mais leur témoignage ne peut être compris qu'avec l'aide du divin Maître. "Qui donc, parmi les hommes, sait ce qui concerne l'homme, si ce n'est l'esprit de l'homme qui est en lui? De même, personne ne connaît ce qui concerne Dieu, si ce n'est l'Esprit de Dieu." 1 Corinthiens 2:11. Éd 152 1 "Quand il sera venu, lui, l'Esprit de vérité, il vous conduira dans toute la vérité." Jean 16:13. C'est seulement par l'Esprit, qui, au commencement "planait au-dessus des eaux", par la Parole par laquelle "tout a été fait", par "la véritable lumière qui, en venant dans le monde, éclaire tout homme", que le témoignage de la science peut être correctement interprété. C'est sous leur direction uniquement que nous pouvons discerner les vérités les plus profondes. Éd 152 2 Ce n'est que si nous nous remettons entre les mains du Dieu omniscient que nous pourrons, en étudiant ses oeuvres, modeler nos pensées sur les siennes. ------------------------Chapitre 15 -- Principes et méthodes de travail Éd 153 0 Celui qui marche dans l'intégrité marchera en sécurité. Proverbes 10:9. Éd 153 1 La Bible nous offre les éléments de préparation indispensables à toute activité légitime. Ses principes d'assiduité, d'honnêteté, d'économie, de modération, de pureté sont le secret d'une réussite authentique. Présentés dans le livre des Proverbes, ils forment un trésor de sagesse pratique. Où donc le marchand, l'artisan, le directeur d'entreprise trouveront-ils de meilleures règles de conduite pour eux-mêmes et leurs employés que dans ces paroles du sage: Éd 153 2 "Si tu vois un homme habile dans son ouvrage il se tiendra devant des rois; il ne se tiendra pas devant des gens obscurs." Proverbes 22:29. Éd 153 3 "En tout travail se trouve du profit, mais les paroles toutes seules ne mènent qu'à la disette." Proverbes 14:23. Éd 153 4 "L'âme du paresseux a des désirs qui n'aboutissent à rien." Proverbes 13:4. Éd 153 5 "L'ivrogne et celui qui fait des excès s'appauvrissent, et l'assoupissement fait porter des haillons." Proverbes 23:21. Éd 154 1 "Celui qui répand la calomnie dévoile les secrets; ne fréquente pas celui qui ouvre ses lèvres." Proverbes 20:19. Éd 154 2 "Celui qui ménage ses discours possède la connaissance." Proverbes 17:27. Éd 154 3 "Mais tout homme stupide est déchaîné." Proverbes 20:3. Éd 154 4 "N'entre pas dans le sentier des méchants." Proverbes 4:14. Éd 154 5 "Quelqu'un marchera-t-il sur des charbons ardents, sans que ses pieds soient brûlés?" Proverbes 6:28. Éd 154 6 "Celui qui marche avec les sages devient sage." Proverbes 13:20. Éd 154 7 "Celui qui a des amis peut les avoir pour son malheur." Proverbes 18:24. Éd 154 8 Nos obligations mutuelles sont ainsi définies par le Christ: "Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, vous aussi, faites-le de même pour eux." Matthieu 7:12. Éd 154 9 Combien d'hommes auraient échappé à la faillite, à la ruine, s'ils avaient prêté attention aux avertissements maintes fois répétés, avec insistance, par les Ecritures! Éd 154 10 "Celui qui se hâte de s'enrichir ne sera pas tenu pour innocent." Proverbes 28:20. Éd 155 1 "Les biens mal acquis diminuent, mais celui qui amasse peu à peu les augmente." Proverbes 13:11. Éd 155 2 "Des trésors acquis par une langue fausse sont une vanité fugitive de gens qui recherchent la mort." Proverbes 21:6. Éd 155 3 "Celui qui emprunte est l'esclave de celui qui prête." Proverbes 22:7. Éd 155 4 "Celui qui se porte garant pour autrui s'en trouve mal, mais celui qui déteste les engagements est en sécurité." Proverbes 11:15. Éd 155 5 "Ne déplace pas la borne ancienne et n'entre pas dans le champ des orphelins; car leur vengeur est puissant: il défendra leur cause contre toi." Proverbes 23:10, 11. Éd 155 6 "Celui qui opprime l'indigent, (arrive) à l'enrichir, celui qui donne au riche, n'(arrive) qu'à l'appauvrir." Proverbes 22:16. Éd 155 7 "Celui qui creuse une fosse y tombe, et la pierre revient sur celui qui la roule." Proverbes 26:27. Éd 155 8 Du respect de ces principes dépend le bien-être de la société et des communautés, tant profanes que religieuses. Ce sont ces principes qui garantissent la sécurité de la propriété et de la vie. Pour tout ce qui rend possibles la confiance et la collaboration, le monde est redevable à la loi divine, telle que nous la donne la Parole, cette loi dont il subsiste encore des traces, souvent bien légères, presque effacées, dans le coeur de l'homme. Éd 156 1 La phrase du psalmiste: "Mieux vaut pour moi la loi de la bouche que mille objets d'or et d'argent" (Psaumes 119:72) affirme une vérité valable en dehors de toute considération religieuse. Elle révèle une vérité absolue, reconnue dans le monde des affaires. Même à notre époque de course à l'argent, où la rivalité est si vive, les méthodes si peu délicates, il est encore généralement reconnu qu'un jeune homme débutant dans la vie possédera, avec l'honnêteté, l'assiduité, la modération, la pureté, le sens de l'économie, un capital plus précieux que ne le serait n'importe quelle somme d'argent. Éd 156 2 Pourtant, même parmi ceux qui apprécient ces qualités et reconnaissent qu'elles sont issues de la Bible, peu discernent sur quel principe elle repose. Éd 156 3 La base de l'honnêteté dans les affaires, et d'une réussite authentique, c'est la reconnaissance que Dieu possède toutes choses. Le Créateur est le premier propriétaire; nous sommes ses intendants. Tout ce que nous avons, c'est lui qui nous l'a confié, pour que nous l'utilisions selon ses voies. Éd 156 4 Cette obligation repose sur chaque homme, et concerne toutes les activités humaines. Que nous le reconnaissions ou non, nous sommes des administrateurs auxquels Dieu a accordé talents et aptitudes, placés dans le monde pour accomplir l'oeuvre qu'il nous a confiée. Éd 156 5 A chaque homme est distribuée "sa tâche" (Marc 13:34), tâche à laquelle le disposent ses capacités, tâche dont sortira le plus grand bien pour lui-même et pour ses semblables, à la plus grande gloire de Dieu. Éd 156 6 Ainsi notre travail, notre vocation fait partie du plan divin, et tant que nous l'assumons selon la volonté du Seigneur, il prend lui-même la responsabilité des résultats. "Comme ouvriers avec Dieu" (1 Corinthiens 3:9), notre part est d'accepter avec foi la direction divine. Alors il n'y a pas place pour l'inquiétude. Il nous faut être assidus, fidèles, appliqués, économes, réservés. Chacune de nos possibilités doit être exploitée au maximum. Nous ne dépendons pas de l'issue de nos efforts, mais de la promesse de Dieu. La parole qui nourrissait Israël au désert, et Elisée pendant la famine, a toujours la même puissance. "Ne vous inquiétez donc pas, en disant: Que mangerons-nous? Ou: Que boirons-nous? [...] Cherchez premièrement son royaume et sa justice (de Dieu), et tout cela vous sera donné pardessus." Matthieu 6:31, 33. Éd 157 1 Celui qui accorde aux hommes le pouvoir de devenir riches leur assigne en même temps un devoir. Il nous demande une part bien précise de tout ce que nous acquérons. La dîme appartient au Seigneur. "Toute dîme (des produits) de la terre, soit des semences de la terre, soit des fruits des arbres", "toute dîme de gros et de menu bétail [...] sera consacrée à l'Eternel". Lévitique 27:30, 32. L'engagement pris par Jacob à Béthel montre l'importance de cette obligation: "Je te donnerai la dîme de tout ce que tu me donneras." Genèse 28:22. Éd 157 2 "Apportez à la maison du trésor toute la dîme" (Malachie 3:10) est l'ordre de Dieu. Ce n'est pas un appel à la reconnaissance ou à la générosité. Il n'y a là qu'une simple question d'honnêteté. La dîme appartient au Seigneur; il nous demande de lui rendre ce qui lui appartient. Éd 157 3 "Ce qu'on demande des administrateurs, c'est que chacun soit trouvé fidèle." 1 Corinthiens 4:2. Si la probité est un principe essentiel dans le monde des affaires, ne reconnaîtrons-nous pas notre obligation envers Dieu, une obligation qui sous-tend toutes les autres? Éd 158 1 Les termes de l'économat chrétien nous prescrivent des devoirs non seulement à l'égard de Dieu, mais aussi à l'égard des hommes. Chaque être humain est redevable de la vie à l'amour infini du Rédempteur. Notre nourriture, notre vêtement, notre logement, notre corps, notre esprit, notre âme, il les a payés de son sang. Le Christ nous attache aux autres hommes par les liens de la reconnaissance que nous avons envers lui: "Par amour, soyez serviteurs les uns des autres." Galates 5:13. "Dans la mesure où vous avez fait cela à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait." Matthieu 25:40. Éd 158 2 "Je me dois, dit Paul, aux Grecs et aux Barbares, aux savants et aux ignorants." Romains 1:14. Il en est de même pour nous. Toutes les bénédictions que nous recevons dans notre vie, nous devons les mettre au service de tous ceux à qui nous pouvons faire du bien. Éd 158 3 Ces vérités sont aussi valables dans le domaine des affaires que dans la vie privée. Les richesses que nous possédons ne nous appartiennent pas, nous ne pouvons l'oublier sans risque. Nous ne sommes que des administrateurs, et de la manière dont nous nous acquittons de notre tâche dépend le bien-être de nos semblables, de même que notre destin ici-bas et dans la vie à venir. Éd 158 4 "Tel, qui fait des largesses, devient plus riche; et tel, qui épargne à l'excès, ne fait que s'appauvrir. Celui qui répand la bénédiction sera dans l'abondance, et celui qui arrose sera lui-même arrosé." Proverbes 11:24, 25. Éd 159 1 "Jette ton pain à la surface des eaux, car avec le temps tu le retrouveras." Ecclésiaste 11:1. Éd 159 2 "Ne te fatigue pas pour t'enrichir. [...] Tes yeux volent-ils vers (la richesse)? Il n'y a plus rien! Car elle se fait des ailes, et comme l'aigle, elle s'envole vers le ciel." Proverbes 23:4, 5. Éd 159 3 "Donnez, et l'on vous donnera: on versera dans votre sein une bonne mesure, serrée, secouée et qui déborde; car on vous mesurera avec la mesure dont vous mesurez." Luc 6:38. Éd 159 4 "Honore l'Eternel avec tes biens et avec les prémices de tout ton revenu: alors tes greniers seront abondamment remplis, et tes cuves regorgeront de vin nouveau." Proverbes 3:9, 10. Éd 159 5 "Apportez à la maison du trésor toute la dîme, afin qu'il y ait des provisions dans ma Maison; mettez-moi de la sorte à l'épreuve, dit l'Eternel des armées. (Et vous verrez) si je n'ouvre pas pour vous les écluses du ciel. Si je ne déverse pas pour vous la bénédiction, au-delà de toute mesure. Pour vous je menacerai celui qui dévore, et il ne vous détruira pas les fruits du sol, et la vigne ne sera pas stérile dans vos campagnes. [...] Toutes les nations vous diront heureux, car vous serez un pays de délices." Malachie 3:10-12. Éd 159 6 "Si vous suivez mes prescriptions, si vous observez mes commandements et les mettez en pratique, je vous donnerai les pluies en leur saison, la terre donnera ses productions, et les arbres de la campagne donneront leurs fruits. Le vannage durera jusqu'à la vendange et la vendange durera jusqu'aux semailles; vous mangerez votre pain à satiété et vous habiterez en sécurité dans votre pays. Je mettrai la paix dans le pays, vous dormirez sans que personne ne vous trouble." Lévitique 26:3-6. Éd 160 1 "Apprenez à faire le bien, recherchez le droit, ramenez l'oppresseur dans le bon chemin, faites droit à l'orphelin, défendez la veuve." Ésaïe 1:17. Éd 160 2 "Heureux celui qui agit avec discernement envers le faible! Au jour du malheur l'Eternel le délivre; l'Eternel le garde et le fait vivre; il est heureux sur la terre; tu ne le livreras pas au désir de ses ennemis." Psaumes 41:1, 2. Éd 160 3 "Celui qui a pitié de l'indigent prête à l'Eternel, qui lui rendra ce qui lui est dû." Proverbes 19:17. Éd 160 4 Celui qui investit ainsi ses richesses double son trésor. En plus de celle qu'il devra quitter un jour, même s'il en tire parti avec sagesse, il s'amasse une fortune pour l'éternité -- notre caractère est notre plus grande fortune sur terre comme au ciel. Honnêteté dans les affaires Éd 160 5 "L'Eternel connaît les jours des hommes intègres, et leur héritage dure à jamais. Ils ne sont pas dans la honte au temps du malheur, et aux jours de la famine, ils sont rassasiés." Psaumes 37:18, 19. Éd 160 6 "[...] Celui qui marche dans l'intégrité, qui pratique la justice et qui dit la vérité selon son coeur. [...] Il ne se rétracte pas, s'il fait un serment à son préjudice." Psaumes 15:2, 4. Éd 160 7 "Celui qui [...] refuse un gain acquis par extorsion, qui secoue les mains pour ne pas toucher un présent, [...] et qui se bande les yeux pour ne pas voir le mal, celui-là habitera dans les lieux élevés; [...] le pain lui sera donné, et l'eau lui sera assurée. Tes yeux verront le roi dans sa beauté, ils contempleront le pays dans toute son étendue." Ésaïe 33:15-17. Éd 161 1 Dieu nous a donné, dans sa Parole, l'exemple d'un homme prospère -- un homme dont la vie était vraiment une réussite, un homme que les cieux et la terre honoraient avec joie. Ecoutons Job lui-même parler de son expérience: Éd 161 2 Tel que j'étais aux jours de ma pleine maturité, Quand Dieu veillait en ami sur ma tente, Quand le Tout-Puissant était encore avec moi, Et que mes jeunes fils m'entouraient; [...] Quand je sortais (pour aller) à la porte de la ville, Et que je me faisais préparer un siège sur la place, Les jeunes gens me voyaient et se retiraient, Les vieillards se levaient et se tenaient debout. Les princes arrêtaient leurs propos Et mettaient la main sur leur bouche; La voix des chefs se taisait, [...] Car l'oreille qui (m') entendait me disait heureux, L'oeil qui (me) voyait me rendait témoignage; En effet je délivrais le malheureux qui implorait de l'aide, Et l'orphelin que personne ne secourait. La bénédiction de celui qui allait périr venait sur moi; Je remplissais de joie le coeur de la veuve. Je me revêtais de la justice; elle me revêtait. J'avais mon droit pour manteau et pour turban. J'étais des yeux pour l'aveugle Et des pieds pour le boiteux. J'étais un père pour les pauvres, J'examinais la cause de l'inconnu. Job 29:4, 5, 7-16. Éd 161 3 L'étranger ne passait pas la nuit dehors, J'ouvrais ma porte au voyageur. Job 31:32. Éd 162 1 On m'écoutait et l'on restait dans l'attente, [...] Ils ne pouvaient faire disparaître la lumière de mon visage. Je choisissais d'aller avec eux, et je m'asseyais à leur tête; Je demeurais comme un roi au milieu d'une troupe, Comme celui qui console les affligés. Job 29:21, 24, 25. Éd 162 2 "C'est la bénédiction de l'Eternel qui enrichit, et il n'y ajoute aucun chagrin." Proverbes 10:22. Éd 162 3 "Avec moi sont la richesse et la gloire, les biens durables et la justice." Proverbes 8:18. Éd 162 4 La Bible nous montre aussi les conséquences d'un manquement aux justes principes, aussi bien dans nos rapports avec Dieu qu'avec notre prochain. A ceux qui reçoivent ses dons mais restent sourds à ses demandes, Dieu dit: Éd 162 5 "Réfléchissez à votre conduite! Vous avez beaucoup semé et vous rapportez peu, vous mangez sans être rassasiés, vous buvez, mais pas à votre soûl, vous êtes vêtus sans avoir chaud; le salarié reçoit son salaire dans un sac percé. [...] Vous comptiez sur beaucoup, et voici que vous avez eu peu; vous l'avez rapporté à la maison, mais j'ai soufflé dessus." Aggée 1:5, 6, 9. Éd 162 6 "Alors, quand on venait à un tas de vingt (mesures), il n'y en avait que dix; quand on venait au pressoir pour puiser cinquante cuvées, il n'y en avait que vingt." Aggée 2:16. Éd 162 7 "A cause de quoi? -- Oracle de l'Eternel des armées: A cause de ma Maison qui est en ruines." Aggée 1:9. Éd 162 8 "Un être humain peut-il frustrer Dieu? Car vous me frustrez et vous dites: En quoi t'avons-nous frustré? C'est sur la dîme et le prélèvement!" Malachie 3:8. Éd 163 1 "C'est pourquoi le ciel vous a retenu la rosée, et la terre a retenu ses produits." Aggée 1:10. Éd 163 2 "Aussi, parce que vous avez foulé l'indigent [...] vous avez bâti des maisons en pierre de taille, mais vous ne les habiterez pas; vous avez planté d'excellentes vignes, mais vous n'en boirez pas le vin." Amos 5:11. Éd 163 3 "L'Eternel enverra contre toi la malédiction, le trouble et la menace, dans toutes tes entreprises. [...] Tes fils et tes filles seront livrés à un autre peuple, tes yeux le verront et languiront tout le jour après eux, et tu n'y pourras rien." Deutéronome 28:20, 32. Éd 163 4 "Tel est celui qui acquiert des richesses injustement; au milieu de ses jours il doit les quitter, et au moment de sa fin, il n'est qu'un insensé." Jérémie 17:11. Éd 163 5 Les comptes de toutes les affaires, les détails de toutes les transactions sont soumis au regard de vérificateurs invisibles, représentants de celui qui ne fait aucun compromis avec l'injustice, qui ne ferme jamais les yeux sur le mal et ne le dissimule jamais. Éd 163 6 "Si tu vois dans une province qu'on opprime le pauvre et qu'on viole le droit et la justice, ne t'étonne pas de la chose; car un grand protège un autre grand." Ecclésiaste 5:7. Éd 163 7 "Il n'y a ni ténèbres ni ombre de la mort, où puissent se cacher ceux qui commettent l'injustice." Job 34:22. Éd 163 8 "Ils élèvent leur bouche jusqu'aux cieux, [...] et l'on dit: Comment Dieu (le) connaîtrait-il? Y a-t-il même de la connaissance chez le Très-Haut?" Psaumes 73:9, 11. Éd 164 1 "Voilà ce que tu as fait, et je me suis tu. Tu t'es imaginé que j'étais comme toi, mais je vais te faire des reproches et tout mettre sous tes yeux." Psaumes 50:21. Éd 164 2 "Je levai de nouveau les yeux et j'eus la vision que voici: un rouleau volait. [...] C'est la malédiction qui se répand à la surface de tout le pays; en effet d'après elle tout voleur sera chassé d'ici, et d'après elle tout parjure sera chassé d'ici. Je la répands -- oracle de l'Eternel des armées -- afin qu'elle entre dans la maison du voleur et dans la maison de celui qui jure faussement par mon nom, afin qu'elle s'y loge et qu'elle la consume avec sa charpente et ses pierres." Zacharie 5:1, 3, 4. Éd 164 3 La loi de Dieu prononce la condamnation du méchant. Celui-là peut ignorer l'avertissement, essayer de l'étouffer; c'est en vain. Une voix le poursuit, une voix qui résonne; elle détruit sa paix. S'il n'y prête pas attention, elle le poursuivra jusqu'à sa mort. Elle portera témoignage contre lui au jour du jugement. C'est un feu inextinguible qui finira par le consumer, corps et âme. Éd 164 4 "Que sert-il à un homme de gagner le monde entier, s'il perd son âme? Que donnerait un homme en échange de son âme?" Marc 8:36, 37. Éd 164 5 Cette question mérite d'être examinée attentivement par tous les parents, tous les maîtres, tous les élèves -- par tous les êtres humains, de tous âges. Aucun plan de travail, aucun projet de vie ne peut être solide ou complet s'il ne vise que les années de vie terrestre et n'embrasse pas l'éternité. Il faut que les jeunes apprennent à tenir compte de la vie éternelle. Qu'ils apprennent à choisir des principes, à rechercher des biens durables -- à amasser pour eux-mêmes "un trésor inépuisable dans les cieux, où il n'y a pas de voleur qui approche, ni de mite qui détruise" (Luc 12:33); à se faire des amis "avec les richesses injustes" afin que lorsqu'elles leur feront défaut, ils les reçoivent "dans les tabernacles éternels". Luc 16:9. Éd 165 1 Ceux qui agissent ainsi se préparent de leur mieux pour cette vie. Personne ne peut s'amasser un trésor dans le ciel sans enrichir et ennoblir par là même sa vie terrestre. Éd 165 2 "La piété est utile à tout, elle a la promesse de la vie présente et de la vie à venir." 1 Timothée 4:8. ------------------------Chapitre 16 -- Les biographies bibliques Éd 167 0 [...] qui, par la foi, vainquirent des royaumes, exercèrent la justice, [...] reprirent des forces après avoir été malades. Hébreux 11:33, 34. Éd 167 1 Pour un éducateur, aucune partie de la Bible n'est plus précieuse que les biographies. Leur particularité est qu'elles sont absolument conformes à la vérité. Aucun esprit limité ne peut interpréter correctement, dans tous leurs aspects, les agissements de ses semblables. Seul celui qui sait lire dans les coeurs, qui discerne les ressorts les plus secrets de nos actions peut avec une fidélité absolue décrire le caractère, la vie d'un homme. La Parole de Dieu nous offre de telles descriptions. Éd 167 2 La Bible nous enseigne d'une façon parfaitement claire que ce que nous faisons est le résultat de ce que nous sommes. Nos expériences sont essentiellement le fruit de nos pensées et de nos actions. Éd 167 3 "La malédiction sans cause n'arrive pas." Proverbes 26:2. Éd 167 4 "Dites: le juste est en bonne voie, on mangera le fruit de ses oeuvres. Malheur au méchant! Il est sur la mauvaise (voie), car il lui sera fait ce que ses mains auront préparé." Ésaïe 3:10, 11. Éd 168 1 "Ecoute, terre! Voici: c'est moi qui fais venir sur ce peuple le malheur; fruit de ses pensées." Jérémie 6:19. Éd 168 2 Cette vérité est redoutable et devrait être bien comprise. Chaque acte a un retentissement sur son auteur. L'être humain est obligé de reconnaître que les maux qui le frappent sont la conséquence de ses propres agissements. Mais malgré cela, nous ne sommes pas privés d'espoir. Éd 168 3 Pour obtenir le droit d'aînesse que Dieu lui avait pourtant déjà promis, Jacob eut recours à la supercherie, et moissonna la haine de son frère. Pendant ses vingt années d'exil, il fut lui-même traité injustement et trompé, et dut finalement chercher le salut dans la fuite; il moissonna encore une seconde récolte, car les défauts de son propre caractère ressurgirent dans ses fils -- images trop vraies des rétributions qui attendent l'homme. Éd 168 4 Mais Dieu dit: "Je ne veux pas contester à toujours, ni garder une éternelle indignation, quand devant moi tombent en défaillance les esprits, les êtres que j'ai faits. A cause de son avidité coupable, je me suis indigné et je l'ai frappé, je me suis caché dans mon indignation; mais il a suivi, rebelle, la voie de son coeur. J'ai vu ses voies, mais je le guérirai; je le guiderai et je le comblerai de consolations, lui et ceux qui sont en deuil avec lui. [...] Paix, paix à celui qui est loin et à celui qui est près! dit l'Eternel. Je les guérirai." Ésaïe 57:16-19. Éd 168 5 Jacob ne se laissa pas submerger par le désespoir. Il s'était repenti, il s'était efforcé d'expier le mal commis à l'égard de son frère. Menacé de mort par la colère d'Esaü, il rechercha l'aide divine. "Il lutta avec un ange, et fut vainqueur, il pleura et lui demanda grâce." Osée 12:4. "Et il le bénit là." Genèse 32:30. Dans la main puissante de Dieu, l'homme gracié se redressa; ce n'était plus un usurpateur, mais un prince avec Dieu. Non seulement il était libéré de la colère de son frère, mais il était libéré de lui-même. Le pouvoir qu'avait exercé sur lui le mal était brisé; son caractère était transformé. Éd 169 1 Au soir de sa vie, c'était la lumière. Jacob, se remémorant sa propre existence, reconnaissait la puissance vitale de Dieu, "le Dieu qui est mon berger depuis que j'existe jusqu'à ce jour, [...] l'ange qui m'a racheté de tout mal". Genèse 48:15, 16. Éd 169 2 La même expérience s'est répétée pour les fils de Jacob: le péché et ses conséquences, la repentance qui mène à la vie. Éd 169 3 Dieu n'infirme pas ses lois. Il n'agit pas à leur encontre. Il n'annule pas le résultat du péché. Il transforme: par sa grâce, d'une malédiction jaillit une bénédiction. Éd 169 4 Parmi les fils de Jacob, Lévi était l'un des plus cruels et des plus rancuniers, l'un de ceux qui portaient la plus grande responsabilité dans le meurtre perfide des Sichémites. Les traits de caractère de Lévi, reflétés chez ses descendants, attirèrent sur eux ce jugement divin: "Je les séparerai dans Jacob, et je les disséminerai dans Israël." Genèse 49:7. Mais leur repentance entraîna un changement de vie; et grâce à leur fidélité à Dieu face à l'apostasie des autres tribus, la malédiction fut suivie d'un témoignage d'honneur insigne. Éd 170 1 "L'Eternel mit à part la tribu de Lévi, pour porter l'arche de l'alliance de l'Eternel, pour se tenir devant l'Eternel afin d'être à son service et pour bénir le peuple en son nom." Deutéronome 10:8. "Mon alliance demeurait avec lui, c'était la vie et la paix. Je les lui ai données pour qu'il me craigne, et il a eu pour moi de la crainte, il a tremblé devant mon nom. [...] Il a marché avec moi dans la paix et dans la droiture, et il a détourné du mal beaucoup d'hommes." Malachie 2:5, 6. Éd 170 2 Ministres du sanctuaire, les Lévites ne reçurent aucune terre en héritage. Ils habitaient des villes qui leur étaient réservées, et vivaient des dîmes et des offrandes consacrées au service de Dieu. Ils enseignaient le peuple, participaient aux fêtes et étaient partout honorés comme serviteurs et représentants de Dieu. La nation entière avait reçu ce commandement: "Aussi longtemps que tu vivras sur ton sol, garde-toi de délaisser le Lévite." Deutéronome 12:19. "C'est pourquoi Lévi n'a ni part ni héritage avec ses frères: l'Eternel est son héritage." Deutéronome 10:9. Conquérir par la foi Éd 170 3 Le proverbe affirmant que l'homme est tel "que sont les arrière-pensées de son âme" (Proverbes 23:7) trouve d'autres illustrations dans l'expérience d'Israël. Aux frontières de Canaan, les espions, revenus de leur exploration, firent leur rapport. Ils redoutaient tant les difficultés qui pouvaient surgir pour conquérir cette terre qu'ils en oubliaient sa beauté et sa fertilité. Les villes, dont les murailles se dressaient jusqu'au ciel, les guerriers géants, les chars de fer, tout cela décourageait leur foi. Négligeant de consulter Dieu, le peuple fit écho aux espions incrédules: "Nous ne pouvons pas monter pour combattre ce peuple, car il est plus fort que nous." Nombres 13:31. Ces paroles s'avérèrent exactes: ils ne purent pas monter contre Canaan, et moururent dans le désert. Éd 171 1 Cependant, deux des Douze qui avaient exploré le pays parlaient autrement: "Nous en serons vainqueurs!" Nombres 13:30. Ils exhortaient le peuple, estimant que la promesse de Dieu avait bien plus de puissance que les géants, les villes fortifiées, les chars de fer. Ils avaient raison, en ce qui les concernait personnellement. Caleb et Josué durent partager les quarante années d'errance de leurs frères, mais ils entrèrent dans la terre promise. Aussi plein de courage que le jour où il avait, avec les armées de l'Eternel, quitté l'Egypte, Caleb demanda et obtint pour héritage la forteresse des géants. Avec la puissance de Dieu, il chassa les Cananéens. Les vignes, les oliveraies dont il avait foulé le sol si longtemps auparavant lui appartenaient désormais. Les peureux et les rebelles périrent dans le désert, mais les hommes de foi goûtèrent au raisin d'Eschol. Éd 171 2 La Bible souligne très vivement le danger que présente la moindre déviation loin de la droite ligne -- danger pour celui qui dévie, et pour tous ceux qui peuvent être atteints par son influence. La force de l'exemple est immense; quand elle se place du côté de nos tendances mauvaises, elle devient presque irrésistible. Éd 171 3 La citadelle du mal la plus solide dans notre monde n'est pas la vie inique du pécheur livré à lui-même, ou celle de l'homme avili; c'est la vie de celui qui semble vertueux, honorable, noble, mais qui se laisse aller à une faute, qui cède à une faiblesse. Pour l'être qui combat en secret quelque énorme tentation, qui vacille au bord du précipice, un tel exemple est une incitation puissante au mal. Et celui qui, malgré sa haute conception de la vie, de la vérité, de l'honneur transgresse sciemment un seul précepte de la loi divine, celui-là dénature les dons qu'il a reçus, et les transforme en pièges. Le génie, le talent, la sympathie, même les actes bons et généreux, peuvent servir à Satan d'embûches pour précipiter les êtres vers leur perte. Éd 172 1 C'est pourquoi Dieu nous a donné tant d'exemples qui nous montrent les conséquences d'une seule action mauvaise. De la triste histoire du péché qui introduisit la mort dans le monde, et notre malheur, avec la perte de l'Eden, à celle de l'homme qui, pour trente pièces d'argent, vendit le roi de gloire, les biographies bibliques abondent en récits de cette sorte dressés comme des phares pour nous signaler les voies qui risquent de nous détourner du chemin de la vie. Éd 172 2 Nous sommes également mis en garde contre le fléchissement de la foi, qui peut entraîner l'homme à céder, ne serait-ce qu'une seule fois, à la faiblesse et à l'erreur humaine. Éd 172 3 Pour avoir manqué de confiance, une seule fois, Elie coupa court à l'oeuvre de sa vie. Lourd était le fardeau qui pesait sur lui, pour Israël; il avait fidèlement prévenu sa nation contre l'idôlatrie qui la gagnait; son intérêt pour son peuple était si profond que pendant trois ans et demi il avait guetté le moindre signe de repentance. Seul il resta fidèle à Dieu au mont Carmel. Par la puissance de sa foi, l'idôlatrie fut renversée et la pluie bénie annonça les averses de grâce qui s'apprêtaient à se répandre sur Israël. C'est alors que faible, fatigué, il s'enfuit devant les menaces de Jézabel, et, seul au désert, il demanda la mort. La foi lui manquait. Il ne pouvait pas achever l'oeuvre qu'il avait commencée. Aussi Dieu lui demanda-t-il d'oindre un autre prophète à sa place. Éd 173 1 Mais Dieu avait été attentif au dévouement de son serviteur. Elie n'allait pas mourir, seul et découragé, dans le désert. Ce n'était pas la descente au tombeau qui l'attendait, mais l'enlèvement au ciel au milieu des anges. Éd 173 2 Ces biographies nous enseignent ce que chaque homme comprendra un jour -- que le péché ne peut mener qu'à la honte et à la perdition; que l'incrédulité entraîne l'échec; mais que la miséricorde divine est insondable et que la foi élève celui qui se repent au rang de fils de Dieu. La discipline de la souffrance Éd 173 3 Tous ceux qui, dans ce monde, servent fidèlement Dieu et les hommes passent par l'école de la souffrance. Plus lourde est la responsabilité et plus élevée la charge, plus dure est l'épreuve et plus rigoureuse la discipline. Éd 173 4 Voyez Joseph et Moïse, Daniel et David. Comparez la jeunesse de David et celle de Salomon, observez-en les résultats. Éd 173 5 David jeune homme faisait partie des familiers de Saül, et son séjour à la cour, son appartenance à la maisonnée du roi lui permirent de pénétrer les soucis, les chagrins et les problèmes dissimulés sous le chatoiement et le faste royaux. Il vit combien la gloire humaine était impuissante à apporter la paix à l'âme. C'est avec soulagement et joie qu'il quitta la cour du roi et retrouva ses troupeaux. Éd 173 6 Quand la jalousie de Saül l'obligea à fuir au désert, David, privé de tout soutien humain, s'appuya davantage sur Dieu. Les incertitudes et la fatigue de sa vie sauvage, les dangers incessants, la contrainte à laquelle il était soumis de fuir toujours plus loin, le caractère des hommes qui se rassemblaient autour de lui -- "tous ceux qui se trouvaient dans la détresse, qui avaient des créanciers ou qui étaient mécontents" (1 Samuel 22:2), tout cela rendait indispensable une autodiscipline rigoureuse. Ces expériences éveillèrent et firent grandir en lui ses capacités de meneur d'hommes, la bienveillance à l'égard des opprimés et la haine de l'injustice. A travers ces années d'attente et de danger, David apprit à trouver en Dieu son réconfort, son soutien, sa vie. Il apprit que seul le pouvoir de Dieu l'amènerait au trône et qu'il ne pourrait régner sagement qu'en se confiant à la sagesse divine. C'est pour avoir été formé à la dure école de la souffrance que David put laisser le souvenir -- malheureusement altéré par la faute qu'il commit ensuite -- d'un roi qui "faisait droit et justice à tout son peuple". 2 Samuel 8:15. Éd 174 1 Cette discipline que David apprit dès sa jeunesse manqua à Salomon. Pourtant celui-là semblait favorisé entre tous par sa condition, son caractère, la vie qu'il menait. Les débuts du règne de Salomon, jeune homme puis homme mûr plein de noblesse, bien-aimé de son Dieu, laissaient espérer une prospérité et une gloire incomparables. Les nations étaient en admiration devant les connaissances et le discernement de celui auquel l'Eternel avait accordé la sagesse. Mais s'enorgueillissant de sa prospérité, Salomon se détourna de Dieu; délaissant la joie de l'union avec son Seigneur, il rechercha la satisfaction des sens. Ecoutons-le: Éd 174 2 "J'ai exécuté de grands ouvrages: je me suis bâti des maisons; je me suis planté des vignobles; je me suis fait des jardins et des parcs, [...] J'ai acquis des esclaves hommes et femmes, [...] Je me suis aussi amassé de l'argent et de l'or, précieux trésor des rois et des provinces. Je me suis procuré des chanteurs et des chanteuses, et raffinement pour les humains, des dames en grand nombre. Je suis devenu grand, et j'ai surpassé tous ceux qui étaient avant moi à Jérusalem. [...] Tout ce que mes yeux ont réclamé, je ne les en ai pas privés; je n'ai refusé aucune joie à mon coeur; car mon coeur se réjouissait de tout mon travail; [...] Puis, j'ai envisagé tous les ouvrages que mes mains avaient faits, et la peine que j'avais prise à les faire; et voici que tout est vanité et poursuite du vent, il n'en reste rien sous le soleil. Alors j'ai envisagé de voir la sagesse, ainsi que la démence et la folie. -- En effet que fera l'homme qui succédera au roi? Ce qu'on a déjà fait." Ecclésiaste 2:4-12. Éd 175 1 "J'ai donc haï la vie. [...] J'ai haï toute la peine que je me donne sous le soleil." Ecclésiaste 2:17, 18. Éd 175 2 Par cette expérience amère, Salomon connut le vide d'une vie qui pense trouver le bien suprême dans les choses terrestres. Il n'éleva des autels aux idoles païennes que pour apprendre combien étaient vaines leurs promesses de repos pour les âmes. Éd 175 3 Dans ses dernières années, lassé des citernes crevassées de la terre, et toujours assoiffé, il retourna boire à la source de vie. Pour les générations à venir, il rapporta, sous l'influence de l'Esprit, l'histoire de ses années perdues et des enseignements qu'elles contenaient. Ainsi, quoique son peuple ait eu à moissonner les récoltes issues de la mauvaise graine qu'elle avait jetée, la vie de Salomon ne fut pas entièrement inutile. En lui aussi la discipline de la souffrance finit par accomplir son oeuvre. Éd 175 4 Mais, avec une telle aurore, comme la journée de Salomon aurait pu être belle, s'il avait appris dès sa jeunesse ce que la souffrance avait enseigné à d'autres! L'épreuve de Job Éd 176 1 A ceux qui aiment Dieu, "qui sont appelés selon son dessein" (Romains 8:28), les biographies de la Bible offrent une illustration plus forte encore du ministère de la souffrance. "Vous êtes mes témoins, -- oracle de l'Eternel -- : c'est moi qui suis Dieu." Ésaïe 43:12. Nous sommes témoins de sa bonté suprême. "Nous avons été en spectacle au monde, aux anges et aux hommes." 1 Corinthiens 4:9. Éd 176 2 L'amour d'autrui, principe de base du royaume de Dieu, est détesté de Satan; il en refuse l'existence. Dès le début de sa lutte contre Dieu, il a cherché à prouver que les mobiles de Dieu étaient égoïstes, et il procède de la même façon avec tous ceux qui servent Dieu. L'oeuvre du Christ et de tous ceux qui portent son nom est de démontrer la fausseté des revendications de Satan. Éd 176 3 C'était pour donner par sa propre vie une illustration de l'amour d'autrui que Jésus est venu sur terre sous forme humaine. Et tous ceux qui acceptent ce principe sont appelés à être ouvriers avec Dieu en l'appliquant dans leur vie quotidienne. Choisir le bien parce que c'est le bien, défendre la vérité au prix de souffrances, de sacrifices -- "tel est l'héritage des serviteurs de l'Eternel, telle est la justice qui leur vient de moi -- oracle de l'Eternel". Ésaïe 54:17. Éd 176 4 La vie de cet homme au sujet duquel Satan entra en lutte est tôt placée dans l'histoire du monde. Éd 176 5 De Job, le patriarche d'Uz, celui qui sonde les coeurs rendait ainsi témoignage: "Il n'y a personne comme lui sur la terre; c'est un homme intègre et droit, qui craint Dieu et s'écarte du mal." Job 1:8. Éd 177 1 Satan répondit en attaquant avec mépris: "Est-ce d'une manière désintéressée que Job craint Dieu? Ne l'as-tu pas protégé, lui, sa maison et tout ce qui lui appartient? [...] Etends ta main, touche à tout ce qui lui appartient, [...] touche à ses os et à sa chair et je suis sûr qu'il te maudira en face." Job 1:9-11; 2:5. Éd 177 2 L'Eternel dit à Satan: "Tout ce qui lui appartient est en ton pouvoir. [...] Le voici, il est en ton pouvoir: seulement, épargne sa vie." Job 1:12; 2:6. Éd 177 3 Alors Satan fit disparaître tout ce que possédait Job -- ses troupeaux, ses serviteurs et ses servantes, ses fils et ses filles; "puis il frappa Job d'un ulcère malin, depuis la plante du pied jusqu'au sommet de la tête". Job 2:7. Éd 177 4 Mais sa coupe d'amertume n'était pas pleine encore. Ses amis, considérant que son malheur n'était rien d'autre que la rétribution de son péché, poursuivaient son esprit meurtri et accablé de leurs accusations. Éd 177 5 Apparemment abandonné du ciel et de la terre, Job se cramponnait cependant à Dieu, et, conscient de son intégrité, s'écriait, plein d'angoisse et de doute: Éd 177 6 Mon âme est dégoûtée de la vie. Job 10:1. Éd 177 7 Oh! si tu voulais me cacher dans le séjour des morts, M'y tenir au secret jusqu'à ce que ta colère s'apaise, Et me fixer un terme pour que tu te souviennes de moi! Job 14:13. Éd 177 8 Si je crie à la violence, nul ne répond; Si j'appelle au secours, point de jugement! [...] Il m'a dépouillé de ma gloire, Il a ôté la couronne de ma tête. [...] Je suis abandonné de mes proches, Je suis oublié de mes intimes. [...] Ceux que j'aimais se sont tournés contre moi. [...] Ayez pitié, ayez pitié de moi, vous, mes amis! Car la main de Dieu m'a frappé. Job 19:7, 9, 14, 19, 21. Éd 178 1 Oh, si je savais où le trouver, Si je pouvais arriver jusqu'à sa résidence, [...] Mais, si je vais à l'orient, il n'y est pas; A l'occident, je ne le remarque pas; Est-il occupé au nord, je ne puis le voir; Se cache-t-il au midi, je ne puis l'apercevoir. Il connaît pourtant la voie où je me tiens; Quand il m'aura mis à l'épreuve, j'en sortirai (pur) comme l'or. Job 23:3, 8-10. Éd 178 2 Même s'il voulait me tuer, je m'attendrais à lui. Job 13:15. Éd 178 3 Mais je sais que mon rédempteur est vivant, Et qu'il se lèvera le dernier sur la terre, Après que ma peau aura été détruite, Moi-même en personne, je contemplerai Dieu. C'est lui que moi je contemplerai, Que mes yeux verront, et non quelqu'un d'autre. Job 19:25-27. Éd 178 4 Il fut fait à Job selon sa foi. "Quand il m'aura mis à l'épreuve, j'en sortirai (pur) comme l'or." Job 23:10. C'est ce qui advint. Par sa patience, son endurance, il se défendit avec succès et défendit par là même celui qu'il représentait. Et "l'Eternel rétablit la situation de Job, [...] et l'Eternel lui accorda le double de tout ce qu'il avait possédé. [...] L'Eternel bénit la dernière partie (de la vie) de Job plus que la première." Job 42:10, 12. Éd 178 5 Au nombre de ceux qui ont communié aux souffrances du Christ par leur abnégation, il faut citer Jonathan et Jean-Baptiste -- un homme de l'Ancien, un homme du Nouveau Testament. Éd 179 1 Jonathan, héritier du trône par sa naissance, savait qu'il en était écarté par décision divine; il fut pour son rival le plus tendre et le plus fidèle des amis, protégeant la vie de David au péril de la sienne propre; en même temps loyal envers son père près duquel il resta durant les dernières années d'un règne déclinant, mourant finalement à ses côtés. Le nom de Jonathan est chéri dans les cieux et témoigne sur la terre de l'existence et de la puissance de l'amour désintéressé. Éd 179 2 Jean-Baptiste, lorsqu'il apparut comme le précurseur du Messie, bouleversa la nation. De partout venaient pour le suivre des foules d'hommes et de femmes de tous rangs, de toutes conditions. Mais lorsque arriva celui auquel il avait porté témoignage, tout changea. Les foules suivaient Jésus, et l'oeuvre de Jean semblait terminée. Sa foi ne vacilla pas. "Il faut qu'il croisse, disait-il, et que je diminue." Jean 3:30. Éd 179 3 Le temps passait et le royaume que Jean avait espéré avec confiance n'était pas établi. Dans la prison d'Hérode, loin de l'air vivifiant et de la liberté qu'il avait connue au désert, il attendait avec vigilance. Éd 179 4 Aucune armée n'apparut pour le délivrer et les portes de sa prison restèrent closes. Mais la guérison des malades, la prédication de l'Evangile et le relèvement des âmes déchues témoignaient de la mission du Christ. Éd 179 5 Seul dans sa prison, voyant où son sentier -- comme celui de son Maître -- le menait, Jean accepta sa charge: participer au sacrifice du Christ. Les messagers célestes l'accompagnèrent jusqu'à la tombe. L'univers entier -- les êtres déchus comme les êtres fidèles à Dieu -- pouvait témoigner qu'il avait oeuvré pour défendre l'amour d'autrui. Éd 180 1 Depuis lors, nombreuses ont été les âmes souffrantes encouragées par la vie de Jean. En prison, sur l'échafaud, sur le bûcher, des hommes et des femmes, au long de siècles de ténèbres, ont été fortifiés par le souvenir de celui dont le Christ a dit: "Parmi ceux qui sont nés de femmes, il ne s'en est pas levé de plus grand que Jean-Baptiste." Matthieu 11:11. Éd 180 2 "Et que dirais-je encore? Car le temps me manquerait si je passais en revue Gédéon, Barak, Samson, Jephté, [...] Samuel et les prophètes qui, par la foi, vainquirent des royaumes, exercèrent la justice, obtinrent des promesses, fermèrent la gueule des lions, éteignirent la puissance du feu, échappèrent au tranchant de l'épée, reprirent des forces après avoir été malades, furent vaillants à la guerre et mirent en fuite des armées étrangères. Éd 180 3 " Des femmes retrouvèrent leurs morts par la résurrection. D'autres furent torturés et n'acceptèrent pas de délivrance, afin d'obtenir une résurrection meilleure. D'autres éprouvèrent les moqueries et le fouet, bien plus, les chaînes et la prison. Ils furent lapidés, mis à l'épreuve, sciés, ils furent tués par l'épée, ils allèrent çà et là, vêtus de peaux de brebis et de peaux de chèvres, dénués de tout, opprimés, maltraités -- eux dont le monde n'était pas digne! -- errants dans les déserts, les montagnes, les cavernes et les antres de la terre. Éd 180 4 " Et tous ceux-là, qui avaient reçu par leur foi un bon témoignage, n'ont pas obtenu ce qui leur avait été promis. Car Dieu avait en vue quelque chose de meilleur pour nous, afin qu'ils ne parviennent pas sans nous à la perfection." Hébreux 11:32-40. ------------------------Chapitre 17 -- Poésie et chant Éd 181 0 Tes prescriptions sont le sujet de mes psaumes, Dans la maison où je suis étranger. Psaumes 119:54. Éd 181 1 C'est dans les Ecritures que l'on trouve les poèmes les plus anciens et les plus sublimes que l'homme connaisse. Avant que le premier des poètes du monde ne chantât, le berger de Madian rapportait ces paroles de Dieu à Job -- paroles dont la splendeur n'a jamais été égalée ni même approchée par les plus beaux ouvrages du génie humain: Éd 181 2 Où étais-tu quand je fondais la terre? [...] Qui a fermé la mer avec des portes, Quand elle s'élança et sortit du sein maternel; Quand je fis de la nuée son vêtement, Et de l'obscurité ses langes; Quand je lui fixai mes prescriptions, Et que je lui mis des verrous et des portes; Quand je dis: Tu viendras jusqu'ici, tu n'iras pas au-delà; Ici s'arrêtera l'orgueil de tes flots? Depuis que tu existes, as-tu commandé au matin? As-tu fait connaître sa place à l'aurore? [...] Es-tu parvenu jusqu'aux sources de la mer? T'es-tu promené dans les profondeurs de l'abîme? Les portes de la mer t'ont-elles été dévoilées, As-tu vu les portes de l'ombre de la mort? As-tu considéré l'immensité de la terre? Déclare-le, si tu sais toutes ces choses. Où est le chemin (qui conduit) à la demeure de la lumière Et les ténèbres, où ont-elles leur emplacement? [...] Es-tu parvenu jusqu'aux réserves de neige? As-tu vu les réserves de grêle? [...] Où est le chemin par où la lumière se divise, Et par où le vent d'orient se répand sur la terre? Qui a ouvert un passage aux averses Et tracé le chemin de l'éclair et du tonnerre, Pour faire pleuvoir sur une terre sans hommes, Sur un désert où il n'y a pas d'êtres humains, Pour abreuver des lieux dévastés et ravagés, Et faire germer et sortir de l'herbe? [...] Peux-tu nouer les liens des pléiades Ou dénouer les cordages d'Orion? Fais-tu paraître en leur temps les constellations, Et conduis-tu la Grande Ourse avec ses petits? Job 38:4, 8-12, 16-19, 22, 24-27, 31, 32. Éd 182 1 Il faut lire aussi, dans le Cantique des Cantiques, la description du printemps, pour sa beauté: Éd 182 2 Car (voilà) l'hiver passé; La pluie a cessé, elle s'en est allée. Dans le pays, les fleurs paraissent, Le temps de psalmodier est arrivé, Et la voix de la tourterelle se fait entendre dans notre pays. Le figuier forme ses premiers fruits, Et les vignes en fleur exhalent leur parfum. Lève-toi, ma compagne, ma belle, et viens! Cantique des cantiques 2:11-13. Éd 182 3 La bénédiction que Balaam prononça contre son gré sur Israël n'est pas moins admirable: Éd 182 4 Balak m'a fait descendre d'Aram, Le roi de Moab (m'a fait descendre) des montagnes de l'est. Viens, maudis-moi Jacob! Viens, répands ta fureur contre Israël! Comment vouerais-je à la malédiction celui que Dieu n'a pas maudit? Comment répandrais-je ma fureur quand l'Eternel n'est pas en fureur? Je le vois du sommet des rochers, Je le contemple (du haut) des collines: Voici un peuple qui a sa demeure à part, Et qui ne fait point partie des nations. [...] Voici que j'ai reçu (l'ordre) de bénir: (Dieu) a béni, je ne le révoquerai pas. Il n'aperçoit pas d'injustice en Jacob; Il ne voit rien de pénible en Israël; L'Eternel, son Dieu, est avec lui, Il fait entendre une clameur royale. [...] L'occultisme ne peut rien contre Jacob, Ni la divination contre Israël; Au temps marqué, il sera dit à Jacob et à Israël Quelle est l'action de Dieu. Nombres 23:7-9, 20, 21, 23. Éd 183 1 Oracle de celui qui entend les paroles de Dieu, De celui qui voit la vision du Tout-Puissant, [...] Qu'elles sont belles, tes tentes, ô Jacob, Tes demeures, ô Israël! Elles s'étendent comme des torrents, Comme des jardins près d'un fleuve, Comme des aloès que l'Eternel a plantés, Comme des cèdres le long des eaux. Nombres 24:4-6. Éd 183 2 Oracle de celui qui entend les paroles de Dieu, De celui qui connaît les desseins du Très-Haut, [...] Je le vois, mais non maintenant, Je le contemple, mais non de près. Un astre sort de Jacob, Un sceptre s'élève d'Israël, [...] Celui qui sort de Jacob règne en souverain. Nombres 24:16, 17, 19. Éd 184 1 Le chant de louange, c'est l'atmosphère du ciel; quand le ciel rejoint la terre, on entend de la musique et des mélodies, "les choeurs et le chant des psaumes". Ésaïe 51:3. Éd 184 2 Au-dessus de la terre nouvelle-née, qui s'étendait dans une beauté sans tache, sous le sourire divin, "ensemble les étoiles du matin éclataient en chants de triomphe, et [...] tous les fils de Dieu lançaient des acclamations". Job 38:7. De la même façon, les hommes, en communion avec le ciel, ont répondu à la bonté de Dieu par des accents de louange. Le chant a été associé à de nombreux événements de l'histoire humaine. Éd 184 3 Le premier cantique des hommes que nous rapporte la Bible est cette splendide explosion de reconnaissance qui jaillit du sein des armées d'Israël après le passage de la mer Rouge: Éd 184 4 Je chanterai à l'Eternel, car il a montré sa souveraineté, Il a jeté dans la mer le cheval et son cavalier. L'Eternel est ma force et l'objet de mes cantiques, Il est devenu mon salut. Il est mon Dieu: Je veux lui rendre hommage. Il est le Dieu de mon père: je l'exalterai. Exode 15:1, 2. Éd 184 5 Ta droite, ô Eternel! est magnifiée par sa vigueur; Ta droite, ô Eternel! a écrasé l'ennemi. [...] Qui est comme toi parmi les dieux, ô Eternel? Qui est comme toi magnifique en sainteté, Redoutable (et digne) de louanges, Opérant des miracles? Exode 15:6, 11. Éd 184 6 L'Eternel régnera éternellement et à toujours. [...] Chantez à l'Eternel, car il a montré sa souveraineté. Exode 15:18, 21. Éd 184 7 En réponse à leurs chants de louange, les hommes reçurent de grandes bénédictions. Ces quelques lignes qui retracent une expérience d'Israël lors de la traversée du désert contiennent une leçon qui mérite réflexion: Éd 185 1 "De là (ils allèrent) à Beer. C'est ce Beer, où l'Eternel dit à Moïse: Rassemble le peuple, et je leur donnerai de l'eau. Alors Israël chanta ce cantique: Éd 185 2 Monte, puits! Entonnez un hymne en son honneur! Puits, que des princes ont foré, Que les notables du peuple ont creusé, Avec le sceptre, avec leurs cannes!" Nombres 21:16-18. Éd 185 3 Si souvent se répète cette expérience spirituelle! Si souvent jaillissent du plus profond du coeur des cantiques de repentir, de confiance, d'espoir, de joie, d'amour! Éd 185 4 C'est avec des chants de louange que les armées d'Israël se levèrent pour délivrer le peuple d'une guerre qui menaçait, sous le règne de Josaphat. "On vint [...] informer Josaphat, en disant: Une multitude nombreuse s'avance contre toi [...] les fils de Moab et les fils d'Ammon, et avec eux, d'autres Ammonites." 2 Chroniques 20:2, 1. "Josaphat éprouva de la crainte et décida de consulter l'Eternel. Il proclama un jeûne pour tout Juda. Juda se rassembla pour chercher l'Eternel et l'on vint de toutes les villes de Juda pour chercher l'Eternel." 2 Chroniques 20:3, 4. Et Josaphat se tint debout dans la cour du temple devant son peuple; il répandit son âme en prière, reconnaissant l'impuissance d'Israël et implorant le secours divin. "Nous sommes sans force devant cette multitude nombreuse qui s'avance contre nous, et nous ne savons que faire, mais nos yeux sont sur toi." 2 Chroniques 20:12. Éd 185 5 "Alors l'esprit de l'Eternel saisit [...] Yayaziel [...] Lévite [...] et Yahaziel dit: Soyez attentifs, tout Juda et habitants de Jérusalem, et toi, roi Josaphat! Ainsi vous parle l'Eternel: Soyez sans crainte et sans effroi devant cette multitude nombreuse, car ce n'est pas votre combat, mais celui de Dieu. [...] Vous n'aurez pas à y combattre: présentez-vous, tenez-vous (là) et vous verrez le salut de l'Eternel en votre faveur. [...] Soyez sans crainte et sans effroi: demain, sortez à leur rencontre, et l'Eternel sera avec vous!" 2 Chroniques 20:14, 15, 17. Éd 186 1 "Ils se levèrent de bon matin et sortirent vers le désert de Teqoa." 2 Chroniques 20:20. Devant l'armée marchaient des chantres, qui élevaient leurs voix pour remercier Dieu -- le remercier de la victoire promise. Éd 186 2 Le quatrième jour, l'armée rentra à Jérusalem, chargée de butin, chantant sa reconnaissance pour la victoire remportée. Éd 186 3 C'est grâce au chant que David, au milieu des difficultés de sa vie instable, resta en communion avec Dieu. Avec quelle douceur son expérience de berger ne se reflète-t-elle pas ici: Éd 186 4 L'Eternel est mon berger: je ne manquerai de rien. Il me fait reposer dans de verts pâturages, Il me dirige près des eaux paisibles. [...] Quand je marche dans la vallée de l'ombre de la mort, Je ne crains aucun mal, car tu es avec moi: Ta houlette et ton bâton, voilà mon réconfort. Psaumes 23:1, 2, 4. Éd 186 5 Plus tard, fugitif traqué, cherchant refuge dans les rochers et les cavernes du désert, il écrivit: Éd 186 6 O Dieu! tu es mon Dieu, je te cherche, Mon âme a soif de toi, mon corps soupire après toi, Dans une terre aride, desséchée, sans eau. [...] Car tu es mon secours, Et je crie de joie à l'ombre de tes ailes. Psaumes 63:2, 8. Éd 187 1 Pourquoi t'abats-tu, mon âme, et gémis-tu sur moi? Attends-toi à Dieu, car je le célébrerai encore; Il est mon salut et mon Dieu. Psaumes 42:12. Éd 187 2 L'Eternel est ma lumière et mon salut: De qui aurais-je crainte? L'Eternel est le refuge de ma vie: De qui aurais-je peur? Psaumes 27:1. Éd 187 3 La même confiance se lit dans les chants que David écrivit lorsque, roi détrôné, il fuyait Jérusalem devant la révolte d'Absalom. Epuisé de chagrin et de fatigue, il s'était arrêté avec ses compagnons pour prendre quelques heures de repos au bord du Jourdain. On le réveilla pour le presser de poursuivre sa fuite. Dans l'obscurité, les hommes, les femmes, les enfants devaient traverser le fleuve profond et rapide, car le fils infidèle les talonnait. A cette heure pénible, David composa ce chant: Éd 187 4 A haute voix je crie à l'Eternel, Et il me répond de sa montagne sainte. Je me couche et je m'endors; Je me réveille, car l'Eternel me soutient. Je ne crains pas les myriades de gens Qui de toutes parts se sont mis contre moi. Psaumes 3:5-7. Éd 187 5 Après sa grande faute, rongé de remords et de dégoût, il se tourna encore vers Dieu comme vers son meilleur ami: Éd 187 6 O Dieu! fais-moi grâce selon ta bienveillance, Selon ta grande compassion, efface mes crimes. [...] Purifie-moi avec l'hysope, et je serai pur; Lave-moi, et je serai plus blanc que la neige. Psaumes 51:3, 9. Éd 188 1 Dans sa longue vie, David ne trouva sur terre aucun lieu de repos. "Nous sommes devant toi des étrangers et des résidents temporaires, comme tous nos pères, disait-il, nos jours sur la terre sont comme l'ombre, et il n'y a point d'espérance." 1 Chroniques 29:15. Éd 188 2 Dieu est pour nous un refuge et un appui, Un secours qui se trouve toujours dans la détresse. C'est pourquoi nous sommes sans crainte quand la terre est bouleversée, Et que les montagnes chancellent au coeur des mers, [...] Il est un fleuve dont les courants réjouissent la cité de Dieu, Le sanctuaire des demeures du Très-Haut, Dieu est au milieu d'elle: elle ne chancelle pas; Dieu la secourt dès l'aube du matin. [...] L'Eternel des armées est avec nous, Le Dieu de Jacob est pour nous une haute retraite. Psaumes 46:2, 3, 5, 6, 8. Éd 188 3 Voilà le Dieu qui est notre Dieu éternellement et à perpétuité; Il sera notre guide jusqu'à la mort. Psaumes 48:15. Éd 188 4 C'est avec un cantique que Jésus, sur terre, affrontait la tentation. Souvent, quand avaient été prononcées des paroles dures et blessantes, quand l'atmosphère était lourde de tristesse, de mécontentement, de méfiance ou de peur, s'élevait son chant de foi et de joie sainte. Éd 188 5 Le dernier soir du dîner de la Pâque, alors qu'il s'apprêtait à souffrir la trahison et la mort, il entonna ce psaume: Éd 188 6 Que le nom de l'Eternel soit béni, Dès maintenant et à toujours! Du lever du soleil jusqu'à son couchant, Que le nom de l'Eternel soit loué! Psaumes 113:2, 3. Éd 188 7 J'aime l'Eternel, car il entend Ma voix, mes supplications; Car il a tendu son oreille vers moi; Et je l'invoquerai toute ma vie. Les liens de la mort m'avaient enserré, Et les angoisses du séjour des morts m'avaient atteint; J'avais atteint (le fond de) la détresse et du chagrin. Mais j'invoquai le nom de l'Eternel: Je t'en prie, Eternel, sauve mon âme! Éd 189 1 L'Eternel fait grâce et il est juste, Notre Dieu est compatissant; L'Eternel garde les simples; J'étais affaibli, et il m'a sauvé. Mon âme, retourne à ton repos, Car l'Eternel t'a fait du bien. Oui, tu as délivré mon âme de la mort, Mes yeux des larmes, Mes pieds de la chute. Psaumes 116:1-8. Éd 189 2 Malgré les ombres qui s'étendront sur la terre au moment de la crise finale, la lumière de Dieu brillera de tout son éclat, et des chants d'espoir et de foi retentiront avec vigueur. Éd 189 3 En ce jour, on chantera ce cantique dans le pays de Juda: Nous avons une ville forte; Il nous donne le salut pour murailles et pour rempart. Ouvrez les portes, Qu'elle entre, la nation juste, Qui a gardé la fidélité. A celui qui est ferme dans ses dispositions, Tu assures la paix, la paix, Parce qu'il se confie en toi. Confiez-vous en l'Eternel pour toujours, Car l'Eternel, l'Eternel Est le rocher des siècles. Ésaïe 26:1-4. Éd 189 4 "Ainsi ceux que l'Eternel a libérés retourneront, ils arriveront dans Sion avec chants de triomphe, et une joie éternelle couronnera leur tête; l'allégresse et la joie s'approcheront, le chagrin et les gémissements s'enfuiront." Ésaïe 35:10. Éd 190 1 "Ils viendront et triompheront sur les hauteurs de Sion, ils afflueront vers les biens de l'Eternel, [...] leur âme sera comme un jardin arrosé, et ils n'éprouveront plus de panique." Jérémie 31:12. Le pouvoir du chant Éd 190 2 L'histoire des hymnes de la Bible est pleine d'indications qui nous permettent de comprendre l'utilité et les bienfaits de la musique et du chant. La musique est souvent dénaturée, mise au service du mal, et devient ainsi un des moyens de tentation les plus séduisants. Mais bien employée, elle est un don précieux de Dieu, destiné à élever les esprits et les âmes à de nobles pensées. Éd 190 3 Les enfants d'Israël cheminant à travers le désert s'encourageaient par des chants sacrés; Dieu nous invite à adoucir de la même façon notre pèlerinage terrestre. Il y a peu de moyens plus efficaces pour retenir les paroles divines que de les répéter en chantant. De tels chants possèdent des pouvoirs merveilleux; ils peuvent apaiser les tempéraments violents et frustes, affiner la pensée, éveiller la sympathie, favoriser l'action communautaire, et chasser la tristesse et les pressentiments débilitants et destructeurs. Éd 190 4 C'est un des moyens les plus efficaces pour imprimer dans les coeurs les vérités divines. Bien souvent l'être angoissé, au bord du désespoir, entendra revenir à sa mémoire quelque parole de Dieu -- un chant d'enfant depuis longtemps oublié -- et les tentations perdront de leur pouvoir, la vie prendra un sens nouveau, une direction nouvelle, le courage et la joie reviendront et rejailliront sur d'autres âmes. Éd 191 1 Il ne faudrait jamais perdre de vue que le chant est un précieux moyen d'éducation. Ces hymnes purs et doux, chantons-les chez nous, et la bonne humeur, l'espoir, la joie remplaceront les paroles de blâme. Chantons-les à l'école, et les élèves se sentiront plus près de Dieu, de leurs maîtres, plus près les uns des autres. Éd 191 2 Lors du culte, le chant est un acte d'adoration, tout autant que la prière. D'ailleurs, nombre de chants sont des prières. Si l'enfant comprend cela, il sera plus attentif aux mots qu'il prononce en chantant, et plus profondément soumis à leur influence. Éd 191 3 Alors que notre Rédempteur nous mène au seuil du royaume, inondé de la gloire de Dieu, nous pouvons percevoir les cantiques de louange et de reconnaissance que chante le choeur des anges autour du trône; l'écho s'en répercute dans nos demeures terrestres, et nos coeurs se rapprochent des chantres célestes. C'est sur terre que commence la communion avec le ciel. C'est ici que nos coeurs apprennent à s'accorder avec l'harmonie céleste. ------------------------Chapitre 18 -- Les mystères de la Bible Éd 193 0 "Peux-tu découvrir les profondeurs de Dieu?" Job 11:7. Éd 193 1 Aucun esprit fini ne peut pleinement comprendre le caractère et les oeuvres de l'Etre infini. Nous ne pouvons pas découvrir les profondeurs de Dieu. Pour les esprits les plus puissants, les plus cultivés, tout comme pour les plus faibles et les plus ignorants, l'Etre saint demeure un mystère. Mais si "la nuée et l'obscurité l'environnent, la justice et le droit sont la base de son trône". Psaumes 97:2. Nous arrivons à discerner, dans les rapports de Dieu avec nous, une miséricorde sans limites, jointe à une puissance infinie. Nous pouvons saisir une partie des desseins divins; mais lorsque notre entendement est dépassé, nous ne pouvons plus que faire confiance à la main toute-puissante, au coeur plein d'amour. Éd 193 2 La Parole de Dieu, tout comme le caractère de son auteur, contient des mystères qui ne pourront jamais être totalement élucidés par des êtres finis. Mais Dieu a donné dans les Ecritures des signes suffisants de leur autorité divine. Sa propre existence, son caractère, la véracité de sa Parole, tant de signes s'adressant à notre raison les ont établis de manière satisfaisante. Il est vrai qu'il n'a pas écarté la possibilité du doute; la foi repose sur des indices, non sur des démonstrations; ceux qui veulent douter peuvent le faire; ceux qui désirent connaître la vérité ont de quoi fonder leur foi. Éd 194 1 Nous n'avons pas à douter de la Parole de Dieu parce que nous ne pouvons pas comprendre les mystères de sa providence. La nature nous offre constamment des merveilles qui dépassent notre compréhension. Serions-nous donc surpris de trouver dans le monde spirituel des mystères insondables? C'est dans la faiblesse et dans l'étroitesse de l'esprit humain que réside la difficulté. Éd 194 2 Les mystères de la Bible, loin d'être un argument contre elle, sont au contraire un des signes les plus convaincants de son inspiration divine. Si la Bible ne rapportait de Dieu que ce que nous pouvons comprendre; si la grandeur et la majesté divines étaient à la portée d'esprits finis, alors le saint Livre ne contiendrait pas, comme il le fait, des preuves indubitables de l'existence de Dieu. La grandeur de ses thèmes devrait nous amener à reconnaître en elle la Parole de Dieu. Éd 194 3 La Bible révèle la vérité avec une telle simplicité, elle répond si bien aux besoins et aux aspirations du coeur humain qu'elle saisit d'étonnement et ravit les esprits les plus cultivés tout en montrant aux hommes humbles et ignorants le chemin de la vie. "Ceux qui le suivront, même les insensés, ne pourront s'égarer." Ésaïe 35:8. Aucun enfant ne devrait se tromper. Aucun de ceux qui cherchent en tremblant ne devrait manquer de voir la pure et sainte Lumière. Et pourtant les vérités les plus simples nous présentent des sujets élevés, vastes, dépassant infiniment l'intelligence humaine -- des mystères où se cache la gloire de Dieu, des mystères qui subjuguent l'esprit, mais insufflent à ceux qui les étudient avec sincérité respect et foi. Plus nous sondons la Bible, plus profonde est notre conviction que nous avons en elle la Parole du Dieu vivant, et la raison humaine se prosterne devant la grandeur de la révélation divine. Éd 195 1 Dieu désire que les vérités de sa Parole se déploient sans cesse devant le chercheur fervent. Car si "les choses cachées sont à l'Eternel, notre Dieu, les choses révélées sont à nous et à nos fils". Deutéronome 29:28. L'idée que certaines parties de la Bible sont incompréhensibles nous a conduits à négliger quelques-unes des vérités les plus importantes. Il nous faut souligner et répéter souvent que les mystères de la Bible ne sont pas tels parce que Dieu cherche à dissimuler certains aspects de la vérité, mais parce que notre faiblesse et notre ignorance nous rendent incapables de les comprendre ou de les assimiler. Ce n'est pas le Seigneur qui pose des limites, c'est nos facultés qui sont limitées. Et ces passages de l'Ecriture que nous délaissons sous prétexte qu'ils sont impossibles à comprendre, Dieu désire que nous nous efforcions d'en tirer tout ce que nous pouvons. "Toute écriture est inspirée de Dieu [...] afin que l'homme de Dieu soit adapté et préparé à toute oeuvre bonne." 2 Timothée 3:16, 17. Éd 195 2 Il est impossible à l'esprit humain d'épuiser ne serait-ce qu'un seul principe, une seule promesse de la Bible. L'un en saisit un aspect, l'autre un autre; mais nous n'en discernons que des lueurs. La pleine lumière, nous ne la voyons pas. Éd 195 3 Contempler la Parole de Dieu, c'est regarder une source qui s'élargit et se creuse sous nos yeux. Sa largeur, sa profondeur dépassent notre intelligence. La vision s'étend à mesure que nous la fixons; elle est comme une mer sans limites, sans rivage. Éd 196 1 Une telle étude a un pouvoir vivifiant. L'esprit et le coeur y puisent une force, une vie nouvelle. Éd 196 2 C'est le meilleur indice que la Bible est l'oeuvre de Dieu. La Parole de Dieu nourrit notre âme, comme le pain nourrit notre corps. Le pain subvient aux besoins de notre organisme; nous savons d'expérience qu'il devient sang, os, cerveau. Et la Bible? Quand ses principes sont effectivement devenus des composantes de notre caractère, quel en a été le résultat? Qu'est-ce qui a changé dans notre vie? "Les choses anciennes sont passées; voici: (toutes choses) sont devenues nouvelles." 2 Corinthiens 5:17. Par sa puissance, hommes et femmes ont brisé les chaînes du péché. Ils ont abandonné leur égoïsme. Les impies sont devenus respectueux, les alcooliques sobres, les débauchés vertueux. Les êtres qui portaient l'empreinte de Satan ont été transformés à l'image de Dieu. Cette transformation est le miracle des miracles. Une transformation opérée par la Parole est l'un des plus grands mystères de cette Parole. Nous ne pouvons pas le comprendre, nous pouvons seulement croire, comme le déclarent les Ecritures, que c'est "Christ en vous, l'espérance de la gloire". Colossiens 1:27. Éd 196 3 La connaissance de ce mystère offre la clé de tous les autres. Elle découvre à l'âme les trésors de l'univers, les possibilités d'un développement infini. Éd 196 4 C'est à travers la révélation incessante du caractère de Dieu -- gloire et mystère de la Parole écrite -- que nous nous développons. S'il nous était possible d'accéder à une compréhension parfaite de Dieu et de sa Parole, il n'y aurait plus pour nous de progrès dans la découverte et la connaissance de la vérité, ni d'épanouissement possible. Dieu ne serait plus au-dessus de tous, l'homme cesserait de progresser. Remercions le Seigneur. Il n'en est rien. Dieu est infini, en lui sont les trésors de la sagesse, et nous aurons l'éternité pour chercher, pour étudier sans jamais en épuiser les richesses, sa sagesse, sa bonté, sa puissance. ------------------------Chapitre 19 -- Histoire et prophétie Éd 199 0 Qui a fait entendre cela depuis les origines [...]? N'est-ce pas moi, l'Eternel? En dehors de moi, il n'y a point de Dieu. Ésaïe 45:21. Éd 199 1 La Bible est le livre d'histoire le plus ancien et le plus complet que les hommes possèdent. Elle jaillit de la source de vérité éternelle, et, à travers les âges, la main de Dieu a préservé sa pureté. Elle éclaire le passé lointain que l'homme cherche en vain à pénétrer. C'est uniquement dans la Parole de Dieu que nous pouvons contempler la puissance qui a posé les fondements de la terre et déployé les cieux. C'est là seulement que nous trouvons l'explication véridique de l'origine des nations. Là seulement que nous pouvons trouver une histoire de notre race pure de tout orgueil, de tout préjugé. Éd 199 2 Dans les annales de l'histoire moderne, la croissance des nations, la grandeur et la décadence des empires semblent dépendre de la volonté et des prouesses des hommes. La tournure des événements paraît relever essentiellement de leur pouvoir, de leur ambition, de leur caprice. Mais dans la Parole de Dieu le rideau est tiré, et nous pouvons voir, au-delà du jeu des intérêts, des pouvoirs, des passions des hommes, la puissance du Dieu miséricordieux accomplissant silencieusement et patiemment ses desseins. Éd 200 1 La Bible nous révèle la vraie philosophie de l'histoire. Avec des mots d'une beauté et d'une délicatesse incomparables, l'apôtre Paul fait connaître aux sages athéniens les intentions divines concernant les races et les peuples: "Il a fait que toutes les nations humaines, issues d'un seul (homme) habitent sur toute la face de la terre; il a déterminé les temps fixés pour eux et les bornes de leur demeure, afin qu'ils cherchent Dieu, pour le trouver si possible, en tâtonnant." Actes 17:26, 27. Dieu déclare que quiconque le veut peut être conduit "par le lien de l'alliance". Ezéchiel 20:37. Lors de la création, il souhaitait que la terre soit habitée d'êtres dont l'existence serait une bénédiction pour eux-mêmes, pour les autres, et un honneur pour leur Créateur. Tous ceux qui le veulent peuvent participer à la réalisation de ce projet. D'eux, il est écrit: "Le peuple que je me suis formé publiera mes louanges." Ésaïe 43:21. Éd 200 2 Dieu a révélé dans sa loi les principes qui sous-tendent toute véritable prospérité, tant pour les peuples que pour les individus. "Ce sera là votre sagesse et votre intelligence" (Deutéronome 4:6), déclare Moïse aux Israélites à propos de la loi de Dieu. "Ce n'est pas pour vous une parole creuse; c'est votre vie." Deutéronome 32:47. Les bénédictions accordées à Israël sont aussi bien accordées à toutes les nations, à tous les individus sous les vastes cieux. Éd 200 3 Le pouvoir exercé sur terre par tout chef d'Etat lui est confié par Dieu; de l'usage qu'il en fait dépend sa réussite. A chacun le Vigilant divin dit: "Je t'ai pourvu d'une ceinture, sans que tu me connaisses." Ésaïe 45:5. Pour chacun les mots autrefois adressés à Nebucadnetsar sont une leçon de vie: "Mets un terme à tes péchés par la justice et à tes fautes par la compassion envers les malheureux, et ta tranquillité se prolongera." Daniel 4:24. Éd 201 1 Comprendre cela, comprendre que "la justice élève une nation" (Proverbes 14:34), que "c'est par la justice que le trône s'affermit" (Proverbes 16:12), qu'il est soutenu par la bienveillance (voir Proverbes 20:28); reconnaître que ces principes sont à l'oeuvre dans les manifestations de la puissance de celui "qui renverse les rois et qui établit les rois" (Daniel 2:21) -- c'est comprendre la philosophie de l'histoire. Éd 201 2 Seule la Parole de Dieu met tout cela bien en évidence. Elle nous montre que la force des nations, des individus ne réside pas dans des occasions, des facilités qui semblent les rendre invincibles, ni dans leur valeur tant vantée. Elle se mesure à la fidélité avec laquelle ils accomplissent les desseins divins. Éd 201 3 Un exemple nous en est donné dans l'histoire de l'ancienne Babylone. Au roi Nebucadnetsar, l'objectif que doit se fixer un gouvernement fut présenté sous la forme d'un grand arbre: "Sa cime atteignait le ciel, et on le voyait des extrémités de toute la terre. Son feuillage était beau, et ses fruits abondants; il portait de la nourriture pour tous; sous lui, les bêtes des champs trouvaient de l'ombre; dans ses branches habitaient les oiseaux du ciel." Daniel 4:8, 9. C'est là le gouvernement selon Dieu qui protège et forme la nation. Éd 201 4 Dieu exalta Babylone pour qu'elle puisse atteindre ce but. Cette nation prospéra et parvint à une richesse, une puissance qui n'ont jamais été égalées depuis -- elle a été à juste titre symbolisée dans les Ecritures par "la tête d'or". Daniel 2:38. Éd 201 5 Mais le roi omit de reconnaître le pouvoir qui l'avait élevé. Nebucadnetsar, dans l'orgueil de son coeur, dit: "N'est-ce pas ici Babylone la grande que j'ai bâtie comme résidence royale, par la puissance de ma force et pour l'honneur de ma gloire?" Daniel 4:27. Éd 202 1 Au lieu de protéger les hommes, Babylone se mit à les écraser de son arrogante cruauté. Les paroles inspirées qui dépeignent la férocité et la rapacité des chefs d'Israël nous révèlent les raisons de la chute de Babylone et de bien d'autres royaumes, depuis la fondation du monde: "Vous mangez la graisse, vous êtes vêtus avec la laine, vous avez sacrifié les bêtes grasses, vous ne faites pas paître les brebis. Vous n'avez pas fortifié celles qui étaient faibles, soigné celle qui était malade, pansé celle qui était blessée; vous n'avez pas ramené celle qui s'égarait, cherché celle qui était perdue; mais vous les avez dominées avec force et avec rigueur." Ezéchiel 34:3, 4. Éd 202 2 Sur le roi de Babylone descendit la parole divine: "C'est à toi que l'on parle, roi Neboukadnetsar. Ta royauté s'est retirée de toi." Daniel 4:28. Éd 202 3 Descends, assieds-toi dans la poussière, Vierge, fille de Baylone! Assieds-toi à terre, sans trône, [...] Assieds-toi en silence Et va dans les ténèbres, Fille des Chaldéens! On ne t'appellera plus La souveraine des royaumes. Ésaïe 47:1, 5. Éd 202 4 Toi qui demeures près des grandes eaux Et qui as d'immenses trésors, Ta fin est venue, à la mesure de ta cupidité! Jérémie 51:13. Éd 202 5 Et Babylone, l'ornement des royaumes, La fière parure des Chaldéens, Sera comme Sodome et Gomorrhe que Dieu bouleversa. Ésaïe 13:19. Éd 203 1 "J'en ferai le domaine du hérisson et un marécage, et je la balaierai avec le balai de la destruction, oracle de l'Eternel des armées." Ésaïe 14:23. Éd 203 2 Toutes les nations du monde ont eu leur rôle à jouer et l'occasion de réaliser le plan du "Vigilant" et du "Saint". Éd 203 3 La prophétie a annoncé la grandeur et la décadence des grands empires mondiaux -- Babylone, les Mèdes et les Perses, la Grèce, Rome. Pour chacun d'eux, comme pour les nations moins puissantes, l'histoire se répéta. Tous eurent une période d'épreuve, tous échouèrent; leur gloire passa, leur puissance s'évanouit, une autre les remplaça. Éd 203 4 Tandis que les nations rejetaient les principes de Dieu et couraient à leur propre ruine, il était clair cependant que le dessein divin se réalisait à travers tous leurs mouvements. Éd 203 5 C'est ce qu'enseigne l'extraordinaire vision accordée au prophète Ezéchiel pendant son exil en Chaldée. Elle lui fut donnée alors qu'il était accablé de souvenirs désolés et de pressentiments inquiétants. La terre de ses pères n'était plus que désolation. Jérusalem était dépeuplée. Le prophète lui-même était étranger dans un pays où l'ambition et la cruauté régnaient en maîtres. Ne voyant autour de lui que tyrannie et injustice, il était dans le désarroi et se lamentait jour et nuit. Mais la vision qu'il reçut lui révéla une puissance bien supérieure aux puissances terrestres. Éd 203 6 Au bord du fleuve Kebar "je regardai et voici qu'il vint du nord un vent de tempête, une grosse nuée et une gerbe de feu, qui répandait tout autour une clarté. Il y avait comme un éclat étincelant sortant du milieu d'elle, du milieu du feu." Ezéchiel 1:4. Des roues, imbriquées les unes dans les autres, étaient mues par quatre êtres vivants. Au-dessus "il y avait quelque chose qui avait l'aspect d'un saphir et l'apparence d'un trône; et par-dessus cette sorte de trône apparaissait une forme humaine". Ezéchiel 1:26. "On voyait aux chérubins une forme de main humaine sous leur ailes." Ezéchiel 10:8. La disposition des roues était si compliquée qu'à première vue tout paraissait être en désordre; en fait tout fonctionnait parfaitement. Les êtres célestes, soutenus et guidés par la main qu'on voyait sous les ailes des chérubins, poussaient ces roues; au-dessus d'eux, sur le trône de saphir, se trouvait l'Eternel, et autour du trône, l'arc, emblème de la miséricorde divine. Éd 204 1 De même que les rouages compliqués étaient dirigés par la main qu'on voyait sous les ailes des chérubins, de même le jeu embrouillé des événements de l'histoire de l'humanité est soumis au contrôle divin. Au milieu des querelles et du tumulte des nations, celui qui est assis au-dessus des chérubins conduit toujours les affaires du monde. Éd 204 2 L'histoire des nations qui l'une après l'autre ont pris place dans le temps et l'espace, témoins inconscients d'une vérité dont elles ne connaissaient pas elles-mêmes le sens, nous parle. A chaque nation, à chaque homme d'aujourd'hui, Dieu a donné une place précise dans son plan. Les hommes et les nations d'aujourd'hui sont mesurés par celui qui ne se trompe pas. Ils décident eux-mêmes de leur destinée, et Dieu dirige toutes choses pour l'accomplissement de ses desseins. Éd 204 3 L'histoire que le grand JE SUIS traça dans sa Parole, maillon après maillon dans une chaîne prophétique, de l'éternité du passé à l'éternité du futur, nous apprend à quel endroit nous nous trouvons dans le défilé des siècles, et ce que nous pouvons attendre du temps à venir. Tout ce que la prophétie a prédit, jusqu'à nos jours, s'est accompli dans l'histoire, et nous pouvons être sûrs que ce qui doit encore arriver arrivera en son temps. Éd 205 1 La ruine finale de tous les royaumes terrestres est clairement annoncée dans la Parole. Dans la prophétie qui accompagne le jugement de Dieu sur le dernier roi d'Israël, nous trouvons ce message: "Ainsi parle le Seigneur, l'Eternel: La tiare sera ôtée, la couronne sera enlevée. [...] Ce qui est abaissé sera élevé, et ce qui est élevé sera abaissé. Une ruine, une ruine, une ruine! C'est ce que j'en ferai. Tout a déjà changé, en attendant la venue de celui à qui appartient le jugement et à qui je le remettrai." Ezéchiel 21:31, 32. Éd 205 2 La couronne enlevée à Israël passa à l'Empire de Babylone, puis à l'Empire des Mèdes et des Perses, ensuite à la Grèce, et à Rome. Dieu dit: "Une ruine, une ruine, une ruine! C'est ce que j'en ferai. Tout a déjà changé, en attendant la venue de celui à qui appartient le jugement et à qui je le remettrai." Éd 205 3 Ce moment est proche. Aujourd'hui les signes des temps nous disent que nous sommes au seuil d'événements solennels. Notre monde n'est qu'agitation. A nos yeux s'accomplit la prophétie dans laquelle le Sauveur parle de ce qui précédera son retour: "Vous allez entendre parler de guerres et de bruits de guerres: [...] Une nation s'élèvera contre une nation, et un royaume contre un royaume, et il y aura, par endroits, des famines et des tremblements de terre." Matthieu 24:6, 7. Éd 205 4 Notre époque présente un intérêt extrême. Les chefs et les hommes d'Etat, tous ceux qui occupent des postes de confiance et de responsabilité, les hommes et les femmes de toutes conditions, qui réfléchissent, ont les yeux fixés sur ce qui se passe autour d'eux. Ils examinent les relations tendues, difficiles des nations entre elles. Ils observent la violence qui s'empare de la terre et ils reconnaissent que quelque chose d'immense, de décisif, va se passer -- que le monde est au bord d'une crise extraordinaire. Éd 206 1 En ce moment les anges retiennent les vents des guerres, pour qu'ils ne soufflent pas avant que le monde n'ait été averti qu'il va à sa perte; mais la tempête se prépare, prête à se déchaîner sur la terre; et quand Dieu ordonnera à ses anges de lâcher les vents, éclatera un conflit indescriptible. Éd 206 2 La Bible, la Bible seule donne une vision exacte de ces choses. Elle révèle les dernières et terribles scènes de l'histoire de notre monde, ces événements dont nous apercevons déjà l'ombre, et dont la rumeur fait trembler la terre et défaillir de peur les hommes. Éd 206 3 "Voici que l'Eternel dévaste la terre et la dépeuple, il en bouleverse la face, en disperse les habitants: [...] Ils enfreignaient les lois, altéraient les prescriptions, ils rompaient l'alliance éternelle. C'est pourquoi la malédiction dévore la terre, et ses habitants en portent la culpabilité; [...] l'allégresse des tambourins a cessé, le bruit des amusements a pris fin, l'allégresse de la cithare a cessé." Ésaïe 24:1, 5, 6, 8. Éd 206 4 "Ah! quel jour! Car le jour de l'Eternel est proche: Il vient comme un ravage du Tout-Puissant. [...] Les semences ont séché sous les mottes; les greniers sont vidés, les magasins sont en ruines, car le blé est épuisé. Comme les bêtes gémissent! Les troupeaux de gros bétail sont errants, parce qu'ils n'ont point de pâture; et même les troupeaux de petit bétail sont punis." Joël 1:15-18. Éd 206 5 "La vigne est épuisée, le figuier est desséché; le grenadier, comme le palmier et le pommier, tous les arbres des champs sont secs... La gaieté est tarie, pour les humains." Joël 1:12. Éd 207 1 "Je souffre de toutes les fibres de mon coeur! Mon coeur frémit, je ne puis me taire; car tu entends, mon âme, le son du cor, la clameur guerrière. On annonce désastre sur désastre, car tout le pays est dévasté." Jérémie 4:19, 20. Éd 207 2 "Je regarde la terre, et voici qu'elle est informe et vide, vers les cieux, et leur lumière n'est plus. Je regarde les montagnes, et voici qu'elles sont ébranlées; et toutes les collines chancellent. Je regarde, et voici que l'homme n'est plus; et tous les oiseaux des cieux ont pris la fuite. Je regarde, et voici le Carmel: c'est un désert; et toutes ses villes sont abattues, devant l'Eternel." Jérémie 4:23-26. Éd 207 3 "Malheur! Car ce jour est grand, aucun autre n'est comme lui. C'est un temps d'angoisse pour Jacob; mais il en sortira sauvé." Jérémie 30:7. Éd 207 4 "Va, mon peuple, entre dans tes chambres, et ferme tes portes derrière toi; cache-toi pour quelques instants jusqu'à ce que la fureur soit passée." Ésaïe 26:20. Éd 207 5 Car tu es mon refuge, ô Eternel! -- Tu fais du Très-Haut ta retraite -- . Aucun malheur ne t'arrivera, Aucun fléau n'approchera de ta tente. Psaumes 91:9, 10. Éd 207 6 Dieu, Dieu, l'Eternel, parle et convoque la terre, Depuis le soleil levant jusqu'au couchant. De Sion, beauté parfaite, Dieu resplendit. Il vient, notre Dieu, il ne reste pas en silence. Psaumes 50:1-3. Éd 208 1 Il crie vers les cieux en haut Et vers la terre, pour juger son peuple: [...] Et les cieux annonceront sa justice, Car c'est Dieu qui est juge. Psaumes 50:4, 6. Éd 208 2 "Fille de Sion, [...] l'Eternel te rachètera de la main de tes ennemis, maintenant des armées nombreuses (se sont rassemblées) contre toi: elle est dans la souillure, disent-elles; nos yeux se fixent sur Sion! Mais elles ne connaissent pas les pensées de l'Eternel, elles ne comprennent pas ses desseins." Michée 4:10-12. Éd 208 3 "Car je te rétablirai, je te guérirai de tes plaies, -- oracle de l'Eternel. Puisqu'ils t'appellent la bannie, -- c'est Sion -- celle que nul ne recherche, ainsi parle l'Eternel: Voici: je fais revenir les captifs des tentes de Jacob, j'ai compassion de ses demeures." Jérémie 30:17, 18. Éd 208 4 En ce jour l'on dira: Voici notre Dieu, C'est en lui que nous avons espéré Et c'est lui qui nous a sauvés; C'est l'Eternel, en qui nous avons espéré; Soyons dans l'allégresse, Et réjouissons-nous de son salut! Ésaïe 25:9. Éd 208 5 "Il anéantit la mort pour toujours; [...] il fait disparaître de toute la terre le déshonneur de son peuple; car l'Eternel a parlé." Ésaïe 25:8. Éd 208 6 "Regarde Sion, la cité de nos rencontres! Tes yeux verront Jérusalem, séjour serein, tente qui ne sera plus transportée, [...] car l'Eternel est notre juge, l'Eternel est notre législateur, l'Eternel est notre roi." Ésaïe 33:20, 22. Éd 208 7 "Il jugera les pauvres avec justice, avec droiture il sera l'arbitre des malheureux de la terre." Ésaïe 11:4. Éd 209 1 Alors le dessein de Dieu sera accompli; les principes de son royaume seront respectés partout dans le monde. Éd 209 2 On n'entendra plus (parler) de violence dans ton pays, Ni de ravage ni de ruines dans tes frontières; Tu donneras à tes murailles le nom de salut Et à tes portes celui de louange. Ésaïe 60:18. Éd 209 3 Tu seras affermie par la justice; Tiens-toi éloignée de l'oppression, Car tu n'as rien à craindre, Et de la terreur, Car elle n'approchera pas de toi. Ésaïe 54:14. Éd 209 4 Les prophètes à qui ont été révélées ces scènes désiraient ardemment en comprendre le sens. Ils "ont fait de ce salut l'objet de leurs recherches et de leurs investigations. Ils se sont appliqués à découvrir à quelle époque et à quelles circonstances se rapportaient les indications de l'Esprit de Christ qui était en eux [...]. Il leur fut révélé que ce n'était pas pour eux-mêmes, mais pour vous qu'ils étaient ministres de ces choses. Maintenant, elles vous ont été annoncées [...], et les anges désirent y plonger leurs regards." 1 Pierre 1:10-12. Éd 209 5 Pour nous qui sommes tout près de leur accomplissement, l'esquisse des choses à venir -- que les enfants de Dieu, depuis que nos premiers parents se sont éloignés de l'Eden, ont espérées, attendues, et pour la réalisation desquelles ils ont prié -- a un intérêt, une importance immenses. Éd 209 6 Aujourd'hui, en cette période qui précède la grande crise finale, comme avant la première destruction du monde, les hommes sont absorbés par la recherche des plaisirs. Absorbés par ce qui est visible et passager, ils ont perdu de vue les choses invisibles et éternelles. Aux richesses éphémères ils sacrifient les richesses immortelles. Il faut qu'ils lèvent la tête, que leur vision de la vie s'élargisse! Il faut les sortir de leur léthargie, de leur rêve terrestre. Éd 210 1 Il faut qu'ils apprennent, à travers la grandeur et la décadence des nations, telles que nous l'explique la sainte Ecriture, combien est vaine la gloire terrestre, toute d'apparence. Babylone, puissante et magnifique, telle que notre monde n'a plus jamais rien contemplé de semblable, Babylone qui semblait si forte et si solide -- il ne reste plus rien de toi. Comme "l'herbe des champs", tu as passé. Ainsi passe tout ce qui ne se fonde pas sur Dieu. Seul peut subsister ce qui est lié au dessein divin, ce qui exprime le caractère de Dieu. Ses principes sont les seules données inébranlables de notre monde. Éd 210 2 Voilà les grandes vérités que tous doivent apprendre, jeunes et vieux. Il nous faut étudier la réalisation du plan de Dieu à travers l'histoire des nations et la révélation de l'avenir, pour estimer à leur juste valeur les choses visibles et invisibles, pour comprendre quel est le véritable objectif de la vie, pour donner à chaque chose terrestre sa véritable place et son usage le plus noble, à la lumière de l'éternité. Ainsi, en étudiant ici-bas les principes du royaume de Dieu, en en devenant les sujets, les citoyens, nous serons prêts, au retour de Jésus, à entrer avec lui dans ce royaume. Éd 210 3 Le jour est proche. Il nous faut apprendre, travailler, transformer notre caractère; pour tout cela, le temps est court. Éd 210 4 "Fils d'homme, voici ce que dit la maison d'Israël: La vision qu'il a n'est que pour des jours lointains, il prophétise pour des temps éloignés. C'est pourquoi dis-leur: Ainsi parle le Seigneur, l'Eternel: Toute parole que je dirai sera une parole qui se réalisera sans délai. -- Oracle du Seigneur, l'Eternel." Ezéchiel 12:27, 28. ------------------------Chapitre 20 -- Enseignement et étude de la Bible Éd 211 0 Si tu prêtes une oreille attentive à la sagesse, [...] si tu la recherches avec soin comme des trésors... Proverbes 2:2, 4. Éd 211 1 Enfant, adolescent, homme, Jésus étudia les Ecritures. Lorsqu'il était petit, sa mère, le prenant sur ses genoux, l'enseignait chaque jour à l'aide des rouleaux des prophètes. Plus tard, l'aube et le crépuscule le trouvèrent bien souvent seul sur la montagne ou dans la forêt, pour une heure paisible de prière et d'étude de la Parole de Dieu. Pendant son ministère, sa maîtrise des Ecritures attesta le soin qu'il avait mis à leur étude. Il s'instruisait comme nous pouvons nous instruire, et sa puissance mentale et spirituelle témoigne de la valeur de la Bible en tant que moyen d'éducation. Éd 211 2 Notre Père céleste, en nous donnant sa Parole, n'a pas oublié les enfants. Dans tout ce que les hommes ont écrit, où pourrait-on trouver des histoires qui aient autant d'emprise sur le coeur, qui soient aussi propres à intéresser les petits, que dans la Bible? Éd 211 3 A travers ces histoires toutes simples, les grands principes de la loi de Dieu sont accessibles aux enfants. Ainsi, par des exemples tout à fait à la portée de l'intelligence enfantine, les parents et les maîtres peuvent suivre très tôt le commandement divin: "[...] ces paroles [...] tu les inculqueras à tes fils et tu en parleras quand tu seras dans ta maison, quand tu iras en voyage, quand tu te coucheras et quand tu te lèveras." Deutéronome 6:7. Éd 212 1 L'usage des leçons de choses, des tableaux noirs, de cartes géographiques, d'images sera d'une grande aide pour expliquer les principes divins et les fixer dans la mémoire. Parents et maîtres devraient s'efforcer de perfectionner constamment leurs méthodes. L'enseignement de la Bible requiert une pensée dispose, les instruments les meilleurs, les efforts les plus vigoureux. Éd 212 2 La façon dont naîtra et se développera en nos enfants l'amour de l'étude de la Bible dépendra largement des moments d'adoration passés en famille. Les instants de culte du matin et du soir devraient compter parmi les plus doux, les plus salutaires de la journée. Comprenons qu'alors, aucune pensée inquiète, malveillante ne doit se glisser, que parents et enfants se réunissent pour rencontrer Jésus, pour inviter chez eux les saints anges. Que ces moments d'adoration soient courts et vivants, adaptés aux circonstances, variés. Que tous s'associent pour lire la Bible, apprendre et répéter la loi de Dieu. L'intérêt des enfants croîtra s'ils peuvent de temps à autre choisir le texte à lire. Posez-leur des questions sur ce texte, et laissez-les en poser. Utilisez tout ce qui peut aider à en comprendre le sens. Si le culte n'est pas trop long, que les petits prennent part à la prière et chantent, ne serait-ce qu'une strophe. Éd 212 3 Pour rendre un culte digne de ce nom, il faut prendre le temps d'y penser, de le préparer. Les parents devraient chaque jour consacrer un moment à l'étude de la Bible en compagnie de leurs enfants. Sans doute cela demande des efforts, une organisation, des sacrifices; mais cela en vaut la peine. Éd 213 1 Dieu demande aux parents de se préparer à enseigner ses préceptes en les enfouissant tout d'abord au fond de leur propre coeur: "Ces paroles que je te donne aujourd'hui seront dans ton coeur. Tu les inculqueras à tes fils." Deutéronome 6:6, 7. Nous pourrons intéresser nos enfants à la Bible, si nous nous y intéressons nous-mêmes; nous pourrons leur en faire aimer l'étude si nous l'aimons nous-mêmes. L'efficacité de notre enseignement dépendra de l'exemple que nous leur donnerons et de nos propres dispositions. Éd 213 2 Dieu appela Abraham à enseigner sa Parole, il le choisit pour être le père d'une grande nation parce qu'il voyait qu'Abraham élèverait ses enfants et sa maison dans le respect de la loi divine. Ce qui donna toute sa force à l'enseignement d'Abraham fut l'exemple de sa propre vie. Sa maison comprenait plus de mille personnes, beaucoup d'entre elles étaient des chefs de famille, et la plupart n'avait abandonné le paganisme que récemment. Une telle maisonnée demandait une direction ferme; une conduite faible, hésitante ne pouvait convenir. D'Abraham, Dieu dit: "Je l'ai choisi afin qu'il ordonne à ses fils et à sa famille après lui." Genèse 18:19. Pourtant il exerçait son autorité avec tant de sagesse et de douceur qu'il gagnait tous les coeurs. Voici le témoignage du Vigilant divin. Ils garderont "la voie de l'Eternel, en pratiquant la justice et le droit". Genèse 18:19. Et l'influence d'Abraham dépassa largement le cadre de sa maison. Partout où il dressait sa tente, il bâtissait un autel. Quand la tente était démontée, l'autel restait; et plus d'un Cananéen nomade, ayant appris à connaître Dieu à travers son serviteur Abraham, s'attarda auprès d'un de ces autels pour offrir un sacrifice à Jéhovah. Éd 214 1 L'enseignement de la Parole de Dieu n'aura pas moins d'impact aujourd'hui s'il est aussi fidèlement reflété par la vie du maître. Éd 214 2 Il ne suffit pas de savoir ce que les autres ont pensé ou ont étudié de la Bible. Chacun devra, au jour du jugement, rendre compte de lui-même à Dieu et chacun devrait étudier pour lui-même la vérité. Pour qu'une étude soit efficace, il faut que l'intérêt de l'élève soit éveillé. Ceci ne doit jamais être oublié, en particulier par ceux qui s'occupent d'enfants ou de jeunes dont le caractère, l'éducation, les modes de pensée sont différents les uns des autres. Lorsque nous enseignons la Bible aux enfants, nous pouvons progresser en observant la tournure de leurs esprits, les sujets qui les intéressent et en les encourageant à chercher ce que la Bible en dit. Celui qui nous créa si divers parle dans sa Parole à chacun de nous. Et lorsque les enfants constateront que les enseignements bibliques intéressent leur propre vie, amenez-les à prendre le saint Livre pour conseiller. Éd 214 3 Aidez-les aussi à en apprécier la beauté merveilleuse. La lecture de nombre de livres sans valeur réelle, excitants et malsains est recommandée, ou tout du moins autorisée, sous prétexte que ces ouvrages ont une valeur littéraire. Pourquoi dirigerions-nous nos enfants vers des eaux polluées alors qu'ils ont librement accès à la source pure de la Parole de Dieu? La Bible a une plénitude, une puissance, une profondeur inépuisables. Encourageons les enfants et les jeunes à découvrir les joyaux de sa pensée et de son style. Éd 214 4 Au fur et à mesure que ces merveilles attireront leurs esprits, une puissance de paix touchera leur coeur. Ils s'approcheront de celui qui s'est ainsi révélé à eux et il y en aura bien peu qui ne désireront pas connaître davantage ses oeuvres et ses voies. Éd 215 1 Celui qui étudie la Bible doit l'approcher avec un esprit toujours disposé à apprendre. Nous ne cherchons pas dans ses pages de quoi étayer nos opinions, mais la Parole de Dieu. Éd 215 2 Une véritable connaissance de la Bible ne peut être acquise qu'avec l'aide de l'Esprit qui l'a donnée. Pour atteindre cette connaissance nous devons en vivre. Ce que Dieu nous commande, nous devons l'accomplir. Ce qu'il nous promet, nous pouvons le demander. Notre vie doit être celle que la Parole nous enjoint de vivre, par sa puissance. C'est ainsi seulement que nous pourrons étudier la Bible utilement. Éd 215 3 Cette étude nous demande des efforts assidus et persévérants. Comme le mineur creuse la terre pour trouver de l'or, avec ardeur et obstination, nous devons chercher le trésor de la Parole de Dieu. Éd 215 4 Dans l'étude quotidienne, la méthode qui consiste à examiner le texte verset par verset est souvent très utile. Que l'étudiant choisisse un verset et concentre son esprit pour bien comprendre la pensée que Dieu y a placée pour lui; ensuite qu'il approfondisse cette pensée jusqu'à ce qu'elle soit bien sienne. Etudier un court passage jusqu'à ce qu'il soit clairement saisi est plus précieux que lire plusieurs chapitres sans but défini, sans recherche effective. Éd 215 5 Une des principales causes de la faiblesse intellectuelle et morale est l'incapacité à se concentrer sur des sujets dignes d'intérêt. Nous nous enorgueillissons de l'abondance de la littérature, mais la multiplication des livres, même de ceux qui ne sont pas mauvais, peut être un véritable fléau. Sous le flot des textes imprimés, jeunes et vieux prennent l'habitude de lire rapidement et superficiellement, et leur esprit perd la faculté d'élaborer une réflexion suivie et vigoureuse. En outre, une bonne partie de ces revues et de ces livres qui, comme les grenouilles en Egypte, envahissent la terre, n'est pas seulement pleine d'idées banales, futiles, débilitantes, mais aussi d'idées impures et dégradantes. Tout cela n'a pas pour seul effet d'intoxiquer et de miner l'intelligence, mais aussi de corrompre et de détruire l'âme. L'esprit, le coeur indolent, désoeuvré est une proie facile pour le mal. C'est dans les organismes malades, sans vigueur, que se forment les tumeurs. L'esprit oisif est l'atelier de Satan. Il faut que les facultés se tendent vers des idéaux élevés et saints, que la vie ait un noble but, un projet qui l'occupe tout entière, et le mal ne trouvera guère de prise. Éd 216 1 Que les jeunes apprennent à étudier de près la Parole de Dieu. Dans leur coeur, elle élèvera un puissant rempart contre la tentation: "Je serre ta promesse dans mon coeur, afin de ne pas pécher contre toi." Psaumes 119:11. "Par la parole de tes lèvres, je me garde des sentiers des violents." Psaumes 17:4. Éd 216 2 La Bible est son propre interprète. Ce n'est qu'à l'Ecriture que l'on peut comparer l'Ecriture. Celui qui l'étudie doit apprendre à considérer la Parole de Dieu comme un tout, et à voir les relations qui existent entre ses différentes parties. Il doit apprendre à connaître le thème central du saint Livre: le plan originel de Dieu pour le monde, la montée du grand conflit, l'oeuvre de la rédemption. Il doit comprendre la nature des deux forces qui se combattent, apprendre à en relever l'empreinte dans les récits de l'histoire et de la prophétie, jusqu'à l'accomplissement de toutes choses. Il doit voir que cette lutte se poursuit à tous les instants de l'expérience humaine, que dans chacun de ses actes il agit lui-même selon l'une ou l'autre de ces forces antagonistes et qu'à chaque instant il choisit son camp, qu'il le veuille ou non. Éd 217 1 Chaque partie de la Bible est inspirée et utile. L'Ancien Testament doit retenir notre attention aussi bien que le Nouveau. Nous trouverons, en l'étudiant, des sources d'eau vive là ou le lecteur négligent ne voit qu'aridité. Éd 217 2 L'Apocalypse demande tout particulièrement d'être étudiée en rapport avec le livre de Daniel. Que chaque maître respectueux de Dieu décide de la façon la plus simple de saisir et de présenter l'Evangile que notre Sauveur vint lui-même révéler à son serviteur Jean: "Révélation de Jésus-Christ, que Dieu lui a donnée pour montrer à ses serviteurs ce qui doit arriver bientôt." Apocalypse 1:1. Personne ne devrait se laisser décourager par les symboles apparemment obscurs de l'Apocalypse. "Si quelqu'un d'entre vous manque de sagesse, qu'il la demande à Dieu qui donne à tous libéralement et sans faire de reproche." Jacques 1:5. Éd 217 3 "Heureux celui qui lit et ceux qui écoutent les paroles de la prophétie et gardent ce qui s'y trouve écrit! Car le temps est proche!" Apocalypse 1:3. Éd 217 4 Lorsque s'est éveillé un amour authentique pour la Bible, et que celui qui l'étudie comprend l'immensité du champ qui s'offre à lui et la valeur du trésor qu'il possède, il désirera saisir toutes les occasions de s'approcher de la Parole de Dieu. Son étude ne se limitera pas à un lieu, à un moment particuliers. Incessante, elle sera un des meilleurs moyens d'entretenir cet amour pour les Ecritures. Vous qui voulez la sonder, ayez toujours votre Bible avec vous. Lorsque vous en avez l'occasion, lisez un texte et méditez-le. Quand vous marchez dans la rue, quand vous attendez un train ou l'heure d'un rendez-vous, profitez-en pour glaner dans le trésor de vérité quelque précieuse pensée. Éd 217 5 Les grandes forces motrices de l'être sont la foi, l'espérance et la charité, et c'est vers elles que mène une étude approfondie de la Bible. La beauté extérieure de la Bible, ses images, son style, n'est que l'écrin de sa véritable richesse -- sa sainteté. Dans les récits retraçant la vie des hommes qui marchèrent avec Dieu nous pouvons entrevoir la gloire divine. A travers celui dont toute la personne est désirable (Cantique des cantiques 5:16), nous voyons celui dont la terre et les cieux ne sont qu'un faible reflet. "Et moi, quand j'aurai été élevé de la terre, j'attirerai tous (les hommes) à moi." Jean 12:32. L'être qui contemple le Rédempteur sent s'élever en lui une force mystérieuse de foi, d'adoration, d'amour. Le regard fixé sur le Christ, il se transforme à la ressemblance de celui qu'il adore. Les mots de l'apôtre Paul deviennent ceux de son âme: "Je considère tout comme une perte à cause de l'excellence de la connaissance du Christ-Jésus [...]. Mon but est de le connaître, lui, ainsi que la puissance de sa résurrection et la communion de ses souffrances." Philippiens 3:8, 10. Éd 218 1 Les sources de la paix et de la joie célestes libérées dans une âme par la parole du Saint-Esprit ruisselleront de bénédictions pour tous ceux qui en approcheront. Que les jeunes d'aujourd'hui, les jeunes qui grandissent, Bible en main, deviennent les vases et les canaux où coulera l'eau de la vie; quels flots de bénédictions se répandront alors à travers le monde -- des influences dont nous ne concevons pas la puissance de guérison, de réconfort -- , des fleuves d'eau vive, des sources jaillissant "jusque dans la vie éternelle"! Voir Jean 4:14. Bien-aimé, je souhaite que tu prospères à tous égards et que tu sois en bonne santé, comme prospère ton âme. 3 Jean 1:2. ------------------------Chapitre 21 -- Etude de la physiologie Éd 221 0 Je suis une créature merveilleuse. Psaumes 139:14. Éd 221 1 Etant donné que l'esprit et l'âme s'expriment au moyen du corps, l'énergie mentale et l'énergie spirituelle dépendent dans une grande mesure de la robustesse et de l'activité de ce corps; tout ce qui favorise la santé physique favorise également le développement d'un esprit solide et d'un caractère équilibré. Sans la santé, personne ne peut concevoir clairement ses obligations envers soi-même, ses semblables, son Créateur, ni, à plus forte raison, s'en acquitter entièrement. Il faut donc veiller sur la santé aussi attentivement que sur le caractère. A la base de tout effort d'éducation il devrait y avoir une connaissance assurée de la physiologie et de l'hygiène. Éd 221 2 Quoique les bases de la physiologie soient maintenant assez bien comprises, l'indifférence aux principes de santé est inquiétante. Parmi ceux mêmes qui les connaissent il y en a peu qui les appliquent. On suit ses penchants, ses instincts aussi aveuglément que si le hasard seul dirigeait la vie, et non des lois précises et immuables. Éd 222 1 La jeunesse, dans la fraîcheur et l'ardeur de la vie, ne mesure pas pleinement l'énergie débordante qui l'anime. Ce trésor plus précieux que l'or, plus nécessaire aux progrès que le savoir, la condition sociale, les richesses -- comme il est peu apprécié, comme il est imprudemment gaspillé! Combien d'hommes, sacrifiant leur santé à l'argent, au pouvoir, sont tombés, impuissants, juste avant d'atteindre l'objet de leurs désirs, tandis que d'autres, au corps plus résistant, s'emparaient du prix convoité! Combien ont été amenés par un état morbide, résultat de leur négligence à l'égard des lois de la santé, à des pratiques funestes, et à sacrifier tout espoir pour ce monde et le monde à venir! Éd 222 2 Par l'étude de la physiologie, les élèves devraient être amenés à estimer la vigueur physique à sa juste valeur et à apprendre à la préserver, à la développer pour qu'elle participe de son mieux à la victoire dans la bataille de la vie. Éd 222 3 Il faut que les enfants apprennent très tôt les rudiments de la physiologie et de l'hygiène, dans des leçons simples et faciles. Ce travail devrait être commencé par les mères, à la maison, et continué avec soin à l'école. Au fur et à mesure que les enfants avancent en âge, leurs connaissances dans ce domaine devraient grandir jusqu'à ce qu'ils soient capables de se prendre en charge. Ils devraient comprendre combien il est important de se défendre contre la maladie en veillant à la bonne santé de chaque organe, et apprendre à venir à bout des affections et accidents banals. Toutes les écoles devraient enseigner la physiologie et l'hygiène et avoir, autant que possible, les moyens d'illustrer ces leçons sur l'agencement, le fonctionnement et le soin du corps. Éd 222 4 Certains sujets, qui ne sont pas inclus habituellement dans les études de physiologie, devraient attirer l'attention -- des sujets d'une importance bien plus grande que beaucoup de ces détails techniques qui sont couramment enseignés aux étudiants dans cette discipline. Le point de départ de tout enseignement dans cette matière est le suivant: les jeunes devraient apprendre que les lois de la nature sont les lois de Dieu -- au même titre que les préceptes du Décalogue. Les lois qui gouvernent notre organisme ont été écrites par Dieu sur chacun de nos nerfs, de nos muscles, sur chaque fibre de notre corps. Toute négligence, toute violation consciente de ces lois est une faute contre notre Créateur. Éd 223 1 Comme il est nécessaire, alors, qu'une connaissance approfondie de ces lois soit dispensée! Il faudrait accorder aux principes d'hygiène relatifs à la nourriture, à l'exercice, à la garde des enfants, aux soins donnés aux malades et à bien d'autres sujets semblables beaucoup plus d'attention qu'il n'est coutume de le faire. Éd 223 2 Les influences réciproques qu'exercent l'esprit sur le corps et le corps sur l'esprit doivent être soulignées. La puissance électrique du cerveau, stimulé par l'activité mentale, vivifie le corps entier et apporte ainsi une aide inestimable dans le combat contre la maladie. Il faut le mettre en évidence. Il faut montrer le pouvoir de la volonté, de la maîtrise de soi dans la protection et le recouvrement de la santé, le rôle déprimant et souvent désastreux de la colère, du mécontentement, de l'égoïsme, de l'impureté face à l'extraordinaire pouvoir vivifiant de la gaieté, de la générosité, de la reconnaissance. Éd 223 3 Il se trouve, dans l'Ecriture, une vérité d'ordre physiologique sur laquelle nous devons réfléchir: "Un coeur joyeux est un bon remède." Proverbes 17:22. Éd 223 4 Dieu dit: "Que ton coeur garde mes commandements; car ils augmenteront la durée de tes jours, les années de ta vie et ta paix." Proverbes 3:1, 2. "Car ils sont la vie pour ceux qui les trouvent, et pour tout leur corps c'est la santé." Proverbes 4:22. "Les discours agréables sont un rayon de miel, douceur pour l'âme et remède pour le corps." Proverbes 16:24. Éd 224 1 Il faut que les jeunes comprennent le sens profond de cette parole biblique: "Auprès de toi est la source de la vie". Psaumes 36:10. Dieu n'est pas seulement à l'origine de toutes choses, il est la vie de tout ce qui vit. C'est sa vie que nous recevons avec le soleil, l'air pur et doux, la nourriture qui construit nos corps et nous donne des forces. C'est par sa vie que nous existons, à chaque heure, à chaque instant. Tous les dons divins, à moins qu'ils ne soient dénaturés par le péché, concourent à la vie, à la santé, à la joie. Éd 224 2 "Tout ce qu'il a fait est beau en son temps." Ecclésiaste 3:11. Ce n'est pas en altérant l'ouvrage divin, mais c'est en s'accordant aux lois de celui qui a créé toutes choses et qui se plaît à leur beauté et à leur perfection que l'on atteindra la beauté véritable. Éd 224 3 Lors de l'étude du corps humain et de ses mécanismes, il faudra attirer l'attention sur la façon remarquable dont moyens et fins se correspondent, sur le travail harmonieux et l'interdépendance des organes. Son intérêt ainsi éveillé, l'étudiant saisira alors l'importance de l'éducation physique et le maître pourra alors l'aider à croître de son mieux et à prendre de bonnes habitudes. Éd 224 4 Une des premières choses à assurer est une attitude correcte, tant assise que debout. Dieu a créé l'homme "droit", et désire qu'il en retire des bienfaits physiques, mais aussi mentaux et spirituels: grâce, dignité et assurance, courage et indépendance, toutes qualités favorisées par cette position. Que le maître enseigne par l'exemple et la parole. Qu'il montre ce qu'est une attitude correcte et insiste pour qu'elle soit observée. Éd 225 1 Viennent ensuite la respiration et l'éducation de la voix. Celui qui, assis ou debout, se tient droit est mieux à même que les autres de respirer correctement. Mais le maître fera comprendre à ses élèves l'importance d'une respiration en profondeur. Il montrera l'action bienfaisante des organes respiratoires, qui contribue à une bonne circulation du sang, revigore le corps entier, excite l'appétit, encourage la digestion et entraîne un sommeil sain, un sommeil qui ne se contente pas de détendre le corps mais qui apaise aussi l'esprit. D'autre part, en plus de cet enseignement théorique, il insistera sur la pratique de cette respiration profonde, fera exécuter des exercices adéquats et veillera à ce que de bonnes habitudes soient acquises. Éd 225 2 La culture de la voix tient une place importante dans l'éducation physique, puisqu'elle permet aux poumons de se développer, de se fortifier, et de parer ainsi à la maladie. Pour assurer une lecture et une élocution correctes, veillons à ce que les muscles abdominaux agissent librement et à ce que les organes respiratoires ne soient pas comprimés. Que l'effort vienne de l'abdomen plutôt que de la gorge. On peut éviter ainsi une grande fatigue et de graves affections de la gorge et des poumons. Il faut accorder une attention toute particulière à la prononciation pour qu'elle soit distincte, harmonieuse, nuancée et pas trop rapide. Cela n'aura pas seulement un heureux effet sur la santé, mais contribuera grandement à l'agrément et à l'efficacité du travail de l'élève. Éd 225 3 Cette étude offre l'occasion précieuse de dénoncer le caractère malsain des vêtements trop serrés et de tout ce qui limite les mouvements essentiels à la vie. Des modes malsaines entraînent des maladies presque sans fin, il faut en être soigneusement averti. Expliquons bien aux élèves le danger que présente un vêtement qui serre trop les hanches ou comprime un organe, quel qu'il soit. Les vêtements doivent permettre une respiration complète et laisser la liberté de lever les bras au-dessus de la tête sans aucune difficulté. Lorsque les poumons sont comprimés, d'une part ils ne se développent pas, d'autre part la digestion et la circulation du sang sont entravées; le corps tout entier est affaibli. Tout cela amoindrit les facultés physiques et mentales, entrave les progrès de l'étudiant et l'empêche souvent de réussir. Éd 226 1 Lorsqu'il enseignera l'hygiène, le maître consciencieux saisira toutes les occasions de montrer qu'une propreté parfaite est indispensable, aussi bien sur sa personne que dans son environnement. Il faut insister sur l'importance du bain quotidien qui favorise la santé et fortifie l'esprit. Accorder du prix à la lumière du soleil, à l'aération, à l'hygiène de la chambre à coucher et de la cuisine. Apprendre aux élèves qu'une chambre salubre, une cuisine vraiment propre, une table garnie avec goût d'aliments sains procurera à la famille plus de bonheur et plus d'estime de la part du visiteur avisé que n'importe quels meubles coûteux dans le salon. Nous avons besoin aujourd'hui encore de cette leçon du divin Maître donnée il y a plus de dix-neuf siècles: "La vie est plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement." Luc 12:23. Éd 226 2 L'étudiant en physiologie doit savoir que des connaissances de faits et de principes lui seront de peu de profit si elles ne sont suivies d'une mise en application. S'il comprend l'importance de l'aération, si sa chambre est baignée d'air pur, mais qu'il ne remplit pas correctement ses poumons, il devra en subir les conséquences. A quoi bon avoir saisi l'utilité de la propreté, à quoi bon tous les moyens mis à sa disposition s'il n'en tire pas parti? Il faut convaincre les élèves de l'importance de ces principes pour qu'ils les mettent consciencieusement en pratique. Éd 227 1 Par une image impressionnante Dieu nous montre l'intérêt qu'il accorde à notre corps et la responsabilité qui nous incombe de veiller au mieux sur son bon fonctionnement. "Ne savez-vous pas ceci: votre corps est le temple du Saint-Esprit qui est en vous et que vous avez reçu de Dieu, et vous n'êtes pas à vous-mêmes?" 1 Corinthiens 6:19; voir 1 Corinthiens 3:17. Éd 227 2 Que les élèves se pénètrent de l'idée que leur corps est un temple dans lequel Dieu désire habiter, et qu'il doit être gardé pur, lieu de pensées nobles et élevées. En avançant dans l'étude de la physiologie, ils verront qu'ils sont assurément des "créatures merveilleuses" (Psaumes 139:14) et seront remplis de respect. Au lieu de détériorer l'oeuvre divine, ils voudront faire de leur mieux pour accomplir le plan merveilleux du Créateur. Ils verront alors dans la soumission aux lois de la santé non pas une occasion de sacrifice et de renoncement, mais le privilège et la bénédiction inestimables qui s'y trouvent véritablement. ------------------------Chapitre 22 -- Tempérance et diététique Éd 229 0 Tout lutteur s'impose toute espèce d'abstinences. 1 Corinthiens 9:25. Éd 229 1 Les étudiants doivent comprendre le rapport qu'il y a entre une vie simple et une pensée élevée. Il incombe à chacun de nous de décider, pour soi-même, si sa vie sera dirigée par le corps ou l'esprit. Les jeunes doivent, chacun pour soi, faire le choix dont dépendra leur vie; il ne faut épargner aucun effort pour leur faire comprendre à quelles forces ils auront affaire et quelles influences agissent sur le caractère et la destinée. Éd 229 2 L'intempérance est un ennemi dont tous doivent se garder. Elle se développe avec une telle rapidité, une telle puissance que tous ceux qui aiment leurs frères doivent se dresser contre elle. En invitant à l'étude de la tempérance les écoles font un pas dans la bonne direction qui devrait être suivi dans tous les établissements, tous les foyers. Il faut que les jeunes comprennent l'effet destructeur, tant pour l'esprit et l'âme que pour le corps, de l'alcool, du tabac et des autres poisons du même genre. Il faut montrer clairement que personne ne peut en user et jouir longtemps pleinement de ses facultés physiques, mentales, morales. Éd 230 1 Mais pour traiter à fond l'intempérance, nous ne devons pas nous contenter de combattre l'usage de l'alcool et du tabac: le désoeuvrement, une vie sans but, les mauvaises fréquentations peuvent être des facteurs déterminants. L'intempérance se rencontre souvent à la table de gens qui se croient stricts. Tout ce qui dérange la digestion, qui cause une excitation excessive ou qui, d'une façon ou d'une autre, affaiblit l'organisme, déséquilibrant les rapports de l'esprit et du corps, porte atteinte au contrôle qu'exerce l'esprit sur le corps et pousse à l'intempérance. L'échec de plus d'un jeune à l'avenir prometteur s'explique peut-être par une alimentation malsaine qui a entraîné des convoitises anormales. Éd 230 2 Le thé, le café, les condiments, les sucreries et les pâtisseries provoquent des digestions pénibles. La viande aussi est nuisible. L'excitation qu'elle produit devrait suffire à en prévenir l'usage; et l'état malsain des animaux, à peu près général, fournit une autre raison de la rejeter. Elle excite les nerfs, avive les émotions violentes et donne ainsi la part belle aux tendances les plus basses. Éd 230 3 Ceux qui se sont habitués à une nourriture riche, excitante finissent par constater que leur estomac ne se satisfait plus d'aliments simplement préparés, mais réclame une cuisine de plus en plus assaisonnée, relevée, épicée. Des troubles nerveux s'ensuivent, l'organisme est affaibli, la volonté semble ne pas pouvoir résister à ces goûts contre nature. La délicate paroi stomacale s'irrite, s'enflamme et la nourriture la meilleure ne peut la soulager. Seule une boisson forte peut apaiser la soif qui a été déclenchée. Éd 230 4 Ainsi commencent des maux dont il faut précisément se garder. Il faut expliquer très clairement aux jeunes les conséquences de ce qui paraît être de petits écarts. Qu'ils comprennent qu'une nourriture simple et saine préviendra l'envie d'excitants artificiels; qu'ils s'exercent au plus tôt à la maîtrise d'eux-mêmes; qu'ils se pénètrent de l'idée qu'ils doivent être des maîtres et non des esclaves. Dieu les a établis souverains de leur royaume intérieur et ils doivent exercer cette royauté. Si cet enseignement est fidèlement transmis, il portera des fruits chez la jeunesse et ailleurs encore. Son influence atteindra et sauvera des milliers d'hommes et de femmes qui sont au bord de la catastrophe. Alimentation et développement mental Éd 231 1 Il faudrait prêter beaucoup plus d'attention qu'on ne le fait aux rapports qui existent entre l'alimentation et le développement intellectuel. Des erreurs d'alimentation sont souvent à l'origine de la confusion et de la lourdeur d'esprit. Éd 231 2 On admet fréquemment que l'appétit est un bon guide dans le choix de la nourriture. Si l'on s'était toujours conformé aux lois de la santé, ce serait exact. Mais le goût a été tellement perverti par des générations de mauvaises habitudes qu'il réclame sans cesse des plaisirs nuisibles et que l'on ne peut plus s'y fier. Éd 231 3 Dans leur cours d'hygiène, les élèves devront bien étudier la valeur nutritive des différents aliments, la portée d'une alimentation fortifiante étudiée avec soin, les conséquences d'une alimentation carencée. Le thé et le café, le pain de farine fine, les pickles, les légumes de mauvaise qualité, les sucreries, les condiments, les pâtisseries ne contiennent pas les nutriments convenables. Beaucoup d'étudiants se sont effondrés pour avoir usé de ces aliments. Et combien d'enfants chétifs, incapables du moindre effort physique ou intellectuel, victimes d'une nourriture pauvre! Les céréales, les fruits, les oléagineux et les légumes, mélangés les uns aux autres dans des proportions convenables, contiennent tous les éléments nutritifs nécessaires; correctement préparés ils assurent l'alimentation qui contribue le mieux au développement des forces physiques et mentales. Éd 232 1 Mais il ne suffit pas de considérer la nourriture elle-même, il s'agit aussi de l'adapter à celui qui la reçoit. Souvent une nourriture qui peut être absorbée sans restriction par des travailleurs manuels, ne conviendra pas à des gens qui s'adonnent essentiellement à un travail intellectuel. Il faut aussi savoir associer les aliments. Ceux qui ont des activités cérébrales ou sédentaires ne devraient pas au cours d'un même repas consommer des aliments trop variés. Éd 232 2 Il faut aussi se garder de trop manger, même la nourriture la plus saine. La nature utilise juste ce qu'il lui faut pour chaque organe; ce qui est en trop encrasse l'organisme. On croit souvent que des étudiants tombent malades pour avoir trop travaillé, alors qu'en fait ils ont trop mangé. Si l'on accorde aux règles de santé une attention convenable, il n'y a guère à redouter le surmenage; bien souvent ce prétendu épuisement intellectuel provient d'une surcharge de l'estomac qui fatigue le corps et affaiblit l'esprit. Éd 232 3 Mieux vaudrait, le plus souvent, deux repas par jour plutôt que trois. Le dîner pris de bonne heure empiète sur la digestion du précédent repas. Pris tard, il n'est pas digéré avant le sommeil; aussi l'estomac ne peut-il se reposer correctement. Sommeil troublé, nerfs et cerveau fatigués, pas d'appétit au petit déjeuner: l'organisme n'est ni détendu ni prêt à affronter les tâches de la journée. Éd 233 4 Il ne faut pas négliger l'importance de la régularité des horaires, pour les repas et le sommeil. Les heures du repos sont des heures où le corps se bâtit, et il est essentiel, pour les jeunes en particulier, de dormir régulièrement et suffisamment. Éd 233 1 Nous devons, autant que possible, éviter de manger à la hâte. Moins nous aurons de temps pour un repas, moins nous devrons manger. Il vaut mieux supprimer un repas que manger sans mâcher correctement. Éd 233 2 Le repas devrait être un moment de délassement et d'échange. Tout ce qui pèse ou irrite devrait être oublié. Laissons s'exprimer notre bonne humeur, notre confiance, notre reconnaissance envers celui qui nous accorde toutes choses, et la conversation sera joyeuse, faite de pensées qui n'importunent pas, mais élèvent. Éd 233 3 La tempérance, la discipline ont un merveilleux pouvoir. Elles contribuent, bien mieux que les circonstances ou les aptitudes naturelles, à développer la douceur et l'égalité d'humeur qui aplanissent si bien le chemin de la vie. D'autre part, la maîtrise de soi ainsi acquise sera une des armes les plus solides pour affronter avec succès les dures réalités, les devoirs rigoureux qui sont le lot de chacun d'entre nous. Éd 233 4 Les voies de la sagesse "sont des voies agréables, et tous ses sentiers (apportent) la paix". Proverbes 3:17. Puisse chacun de nos jeunes, appelés à un destin plus haut que celui des plus puissants rois, méditer ces paroles: "Heureux toi, pays [...] dont les ministres mangent au temps convenable, pour (prendre) des forces, et sans beuveries!" Ecclésiaste 10:17. ------------------------Chapitre 23 -- Récréation Éd 235 0 Il y a un moment pour tout. Ecclésiaste 3:1. Éd 235 1 Il faut distinguer entre récréation et amusement. La récréation, re-création, selon l'étymologie, est destinée à nous fortifier. Elle nous tire de nos soucis et de nos préoccupations pour restaurer notre corps et notre esprit et nous permettre de retourner, pleins d'une vigueur nouvelle, à notre ouvrage. L'amusement, lui, est recherché pour le plaisir et bien souvent excessif; il consume l'énergie destinée au travail et se révèle être une entrave à la réussite d'une vie authentique. Éd 235 2 Le corps entier est créé pour agir; si les forces physiques ne sont pas activement entretenues, les forces mentales ne pourront pas donner longtemps leur pleine mesure. L'inactivité du corps, qui semble chose presque inévitable dans une salle de classe -- jointe à d'autres conditions malsaines -- est une épreuve pénible pour les enfants, surtout pour ceux qui sont fragiles. L'aération est souvent insuffisante. Des sièges mal étudiés provoquent de mauvaises positions qui gênent le travail des poumons et du coeur. Et de petits enfants doivent passer ainsi trois à cinq heures par jour à respirer un air vicié, peut-être même chargé de microbes. Rien d'étonnant à ce que certaines affections durables prennent naissance à l'école. Le cerveau, le plus délicat de nos organes, celui qui envoie à notre organisme tout entier l'influx nerveux, est durement malmené. L'activité prématurée ou excessive qui lui est demandée, dans de mauvaises conditions, l'affaiblit de façon souvent définitive. Éd 236 1 Les enfants ne devraient pas être longuement enfermés, on ne devrait pas leur demander de s'adonner à une étude rigoureuse avant que leur développement physique n'ait reçu de bonnes bases. Pendant les huit ou dix premières années de leur vie, la meilleure école est un champ, un jardin, la meilleure institutrice est leur mère, le meilleur manuel, la nature. Même lorsque l'enfant est assez âgé pour aller en classe, il faut attacher plus d'importance à sa santé qu'à une connaissance livresque. Il doit être placé dans les meilleures conditions pour grandir à la fois physiquement et intellectuellement. Éd 236 2 Les enfants ne sont pas seuls exposés au manque d'air et d'exercice. Dans l'enseignement supérieur comme dans le premier cycle, ces éléments indispensables à la santé sont encore trop souvent négligés. Tant d'étudiants restent assis, jour après jour, dans une pièce confinée, penchés sur leurs livres, la poitrine si comprimée qu'ils ne peuvent pas respirer à fond, le sang circulant mal, les pieds froids, la tête brûlante. Leur corps n'est pas suffisamment alimenté, leurs muscles sont affaiblis, tout leur organisme est fatigué et malade. Ces étudiants risquent d'être handicapés pour le restant de leurs jours. Ils auraient pu quitter l'école avec des forces physiques et mentales accrues s'ils avaient poursuivi leurs études dans de bonnes conditions, en s'entraînant régulièrement au soleil et au grand air. Éd 237 1 L'étudiant qui dispose de temps et de moyens limités pour s'instruire doit prendre conscience que les moments qu'il accorde à l'exercice physique ne sont pas perdus. Celui qui sans cesse s'absorbe dans ses livres finira par constater que son esprit a perdu de sa vivacité. Et ceux qui veillent à leur développement physique progresseront mieux dans le domaine intellectuel que s'ils consacraient tout leur temps à l'étude. Éd 237 2 L'esprit qui travaille toujours sur le même sujet perd son équilibre. Mais si les aptitudes physiques et mentales sont équitablement entraînées, si les sujets de réflexion sont variés, toutes les facultés pourront se développer sainement. Éd 237 3 L'inactivité physique restreint les forces mentales mais aussi morales. Les nerfs qui relient le cerveau à l'organisme entier sont l'intermédiaire qu'utilise Dieu pour communiquer avec l'homme et l'atteindre dans sa vie intérieure. Tout ce qui fait obstacle à la bonne circulation de l'influx nerveux, affaiblissant ainsi les puissances vitales et la réceptivité de l'esprit, rend plus difficile une croissance morale. Éd 237 4 En outre, le fait d'étudier sans mesure augmente l'afflux de sang au cerveau et engendre une excitabilité maladive qui risque d'amoindrir la maîtrise de soi et qui trop souvent laisse prise aux coups de tête et à l'inconstance. C'est la porte ouverte à la corruption. Le mauvais usage ou le non-usage des forces physiques est grandement responsable de la perversion du monde. L'orgueil, l'abondance et l'oisiveté livrent un combat sans merci au progrès humain aujourd'hui comme autrefois à Sodome, qu'ils détruisirent. Éd 237 5 Il faut que les maîtres comprennent tout cela, et en instruisent leurs élèves. Apprenez aux étudiants qu'une vie droite se construit sur une pensée droite, et que l'activité physique est essentielle à une pensée saine. Éd 238 1 Les maîtres s'interrogent souvent avec perplexité sur le genre de récréation qui convient à leurs élèves. Dans beaucoup d'écoles, les exercices de gymnastique tiennent une place appréciable; mais s'ils ne sont pas dirigés avec soin ils peuvent conduire à des excès. Beaucoup de jeunes, pour avoir voulu accomplir des prouesses, se sont fait du tort pour la vie. Éd 238 2 L'entraînement au gymnase, même s'il est très bien mené, ne peut remplacer la récréation au grand air, que nos écoles devraient offrir dans les meilleures conditions. Les élèves ont besoin d'exercices vigoureux, qui sont moins à redouter que l'indolence et le désoeuvrement. Cependant la tournure que prennent beaucoup de sports inquiète ceux qui ont à coeur le bonheur des jeunes. Les maîtres sont troublés lorsqu'ils voient l'incidence de ces activités sur les progrès scolaires et l'avenir des étudiants. Des jeux qui prennent trop de temps détournent l'esprit du travail. Ils n'aident pas la jeunesse à se préparer à un travail sérieux et efficace; ils ne disposent pas à la délicatesse, à la générosité, à la virilité bien comprise. Éd 238 3 Certains sports populaires, comme le football ou la boxe, sont devenus des écoles de brutalité et présentent les mêmes caractéristiques que les jeux de la Rome antique. La volonté de puissance, l'apologie de la force pour la force, le mépris de la vie exercent sur les jeunes une influence consternante. Éd 238 4 D'autres activités athlétiques, moins brutales, sont à peine plus acceptables, à cause des excès avec lesquels on s'y livre. Elles exacerbent l'amour du plaisir, enivrent, détournent du travail utile, des devoirs et des responsabilités. Elles annihilent le goût pour la vie simple et ses plaisirs tranquilles. C'est le chemin des gaspillages et des abus de toutes sortes, avec leurs conséquences redoutables. Éd 239 1 Les parties de plaisir, telles qu'elles se déroulent d'ordinaire, sont aussi un obstacle à la véritable croissance de l'esprit ou du caractère. Alors naissent des relations superficielles, des habitudes de prodigalité, de recherche du plaisir et, trop souvent, de la dissipation qui déforment la vie entière. Les parents et les maîtres ont la responsabilité de proposer, à la place de tout cela, des distractions saines et vivifiantes. Éd 239 2 En cela, comme en tout ce qui concerne notre bonheur, la Parole de Dieu nous montre le chemin. Autrefois, lorsque Dieu guidait le peuple, la vie était simple. On vivait au sein de la nature. Les enfants partageaient l'ouvrage des parents et apprenaient à connaître les beautés et les mystères de la nature. Dans le calme des champs et des bois on méditait les vérités puissantes, dépôt sacré, que les générations se transmettaient. Voilà qui donnait des hommes forts. Éd 239 3 Aujourd'hui, la vie est devenue superficielle, les hommes ont dégénéré. Nous ne pouvons pas retrouver les façons de vivre des temps passés, mais nous pouvons apprendre, grâce à elles, ce qu'est une véritable récréation -- un moment de régénération du corps, de l'esprit, de l'âme. Éd 239 4 L'environnement de la maison, de l'école influe nettement sur la récréation. Au moment de choisir l'emplacement de l'une ou de l'autre, il faut réfléchir à cela. Ceux qui attachent plus d'importance à leur bien-être mental et physique qu'à l'argent ou aux pressions sociales chercheront à placer leurs enfants dans un cadre naturel où ils trouveront à la fois enseignement et récréation. Si toutes les écoles pouvaient offrir aux élèves des terres à cultiver, et aussi une possibilité d'accès à des champs, à des bois, ce serait d'un apport éducatif inestimable. Éd 240 1 En ce qui concerne les étudiants, d'excellents résultats seront atteints si le maître prend part à leurs récréations. Un maître authentique ne peut guère faire à ses élèves de cadeau plus précieux que celui de son amitié. Plus nous avons de relations de sympathie avec les autres, mieux nous pouvons les comprendre: c'est vrai pour les adultes et plus encore pour les enfants et les jeunes; or nous avons besoin de cette compréhension pour nous faire du bien. Pour resserrer les liens entre le maître et l'étudiant il y a peu de moyens aussi efficaces que des rapports qui dépassent le cadre de la salle de classe. Dans certaines écoles, le maître est toujours avec ses élèves pendant les récréations. Il se joint à leurs activités, à leurs sorties, semble ne faire qu'un avec eux. Comme il serait bon que nos écoles suivent systématiquement cet usage! Le sacrifice demandé aux maîtres serait grand, mais la moisson abondante! Éd 240 2 Les enfants et les jeunes ne retireront jamais autant de bienfaits d'une récréation que si elle a été profitable à autrui. D'un naturel enthousiaste et sensible, les jeunes sont prêts à répondre à ce qu'on leur propose. Le maître qui fera des projets de culture cherchera à éveiller chez ses élèves le désir d'embellir le terrain de l'école et la classe elle-même. Un double bénéfice en résultera. Les élèves n'auront aucune tentation d'abîmer ce qu'ils veulent au contraire embellir. Cette occupation éveillera en eux un goût raffiné, l'amour de l'ordre et du travail bien fait; et l'esprit d'amitié et d'entraide qu'ils développeront sera une bénédiction pour toute leur vie. Éd 240 3 On peut susciter un surcroît d'intérêt pour le jardinage ou les excursions dans les champs et les bois en encourageant les élèves à penser à ceux qui en sont privés, et à partager avec eux les beautés de la nature. Éd 241 1 L'éducateur attentif trouvera de multiples occasions de diriger ses élèves sur le chemin de la serviabilité. Les petits en particulier ont pour leur maître une confiance et un respect presque illimités. Tout ce qu'il peut suggérer: aide à la maison, accomplissement fidèle des tâches quotidiennes, soutien aux malades et aux pauvres, ne manquera pas de porter des fruits. Et à nouveau avec un double profit. L'auteur de ces bons conseils moissonnera ce qu'il aura semé. La reconnaissance et la collaboration des parents allégeront son fardeau et égaieront son sentier. Éd 241 2 Assurément, récréation et exercice physique interrompront de temps à autre le travail scolaire; mais cette interruption ne sera jamais un obstacle. Le temps passé, les efforts déployés seront payés au centuple: les esprits et les corps seront fortifiés, un sentiment de générosité se sera développé, élèves et maîtres auront été rapprochés par des intérêts communs et une amitié profonde. L'énergie turbulente de la jeunesse, si souvent redoutable, aura trouvé une voie bénie. Pour se garder du mal, appliquer son esprit au bien est plus efficace que toutes les barrières dressées par les lois et les règlements. ------------------------Chapitre 24 -- Travail manuel Éd 243 0 Nous vous exhortons [...] à travailler de vos mains. 1 Thessaloniciens 4:10, 11. Éd 243 1 A la création, le travail fut donné comme une bénédiction. Il contenait en soi le progrès, la puissance, le bonheur. Le péché, en altérant l'état de la terre, altéra les conditions du travail; pourtant, quoique celui-ci entraîne maintenant l'inquiétude, la fatigue, les difficultés, il est toujours source de bonheur et d'épanouissement; bouclier aussi contre la tentation. La discipline qu'il requiert fait échec à l'indolence et encourage l'application, l'honnêteté, l'assurance. Il devient ainsi partie du plan de rédemption divin. Éd 243 2 Il faut amener la jeunesse à mesurer la noblesse du travail; lui montrer que Dieu est sans cesse à l'ouvrage, que chaque chose dans la nature remplit sa tâche. La création tout entière s'affaire, et si nous voulons remplir notre mission, nous devons suivre son exemple. Éd 243 3 Et nous sommes appelés à travailler avec Dieu. Il nous donne la terre et ses trésors; mais c'est à nous d'en tirer parti. Il fait pousser les arbres; mais c'est nous qui préparons le bois pour construire la maison. Il a mis dans la terre l'argent et l'or, le fer et le charbon; mais c'est seulement à force de travail que nous pourrons les extraire. Éd 244 1 Montrons que Dieu, tout en créant et en veillant sans cesse sur sa création, nous a accordé un pouvoir qui n'est pas sans rapport avec le sien. Nous avons reçu, dans une certaine mesure, la possibilité de contrôler les forces de la nature. De même que Dieu tira la terre du chaos, nous pouvons faire sortir du désordre l'ordre et la beauté. Et malgré le péché, nous ressentons, devant la tâche accomplie, une joie semblable à la sienne lorsque, contemplant la terre, il vit que cela était bon. Éd 244 2 En règle générale, c'est d'un travail utile que les jeunes tireront le plus grand bénéfice. Les petits enfants trouvent dans le jeu à la fois un plaisir et une occasion de progrès; et leurs divertissements devraient profiter à leur croissance, physique certes, mais aussi mentale et spirituelle. A mesure qu'ils grandissent en force et en intelligence, la meilleure récréation sera celle qui leur demandera un effort utile. Celle qui apprend aux jeunes à se rendre utiles de leurs mains, à prendre leur part des responsabilités de la vie, contribuera efficacement au développement de leur esprit et de leur caractère. Éd 244 3 La jeunesse a besoin d'apprendre que vivre signifie travailler avec ardeur, attention, en prenant ses responsabilités. Elle a besoin d'une éducation positive, qui lui permette de faire face en toutes circonstances. Elle devrait apprendre que la discipline exigée par un travail régulier est d'une importance primordiale, car elle arme contre les vicissitudes de la vie et surtout favorise un épanouissement total de l'être. Éd 244 4 Malgré tout ce que l'on a dit et écrit à propos de la noblesse du travail manuel, le sentiment qu'il est dégradant l'emporte. Les jeunes gens ont envie de devenir professeurs, employés, négociants, médecins, hommes de loi, ou d'embrasser toute autre carrière qui ne demande pas d'effort physique. Les jeunes filles fuient les travaux ménagers et recherchent une autre sorte d'instruction. Ils ont tous besoin d'apprendre qu'un travail honnête ne déshonore personne. Ce qui est déshonorant, c'est la paresse et la nécessité de dépendre d'autrui. La paresse engendre l'indulgence envers soi-même et une vie vide, stérile, comme un champ où pousseront toutes sortes de mauvaises herbes. "En effet, lorsqu'une terre abreuvée de pluies fréquentes produit des plantes utiles à ceux pour qui elle est cultivée, elle a part à la bénédiction de Dieu. Mais si elle produit des épines et des chardons, elle est réprouvée, près d'être maudite, et finit par être brûlée." Hébreux 6:7, 8. Éd 245 1 Parmi les matières auxquelles les étudiants consacrent leur temps, il en est beaucoup qui ne sont indispensables ni au service, ni au bonheur; par contre il est indispensable que chaque jeune sache parfaitement s'acquitter des tâches quotidiennes. Si besoin est, une jeune fille peut se passer de la connaissance des langues étrangères, de l'algèbre, et même du piano; mais il lui faut savoir faire un bon pain, confectionner des vêtements seyants, accomplir avec compétence les travaux de la maison. Éd 245 2 Rien n'est plus important pour la santé et le bonheur de la famille qu'une cuisinière habile et intelligente. Une nourriture malsaine, mal préparée peut entraver et même compromettre gravement l'efficacité des adultes et la croissance des enfants. Mais par une nourriture qui correspond aux besoins du corps tout en étant appétissante et savoureuse, la cuisinière peut accomplir une oeuvre remarquable. Bien souvent notre bonheur de vivre dépend étroitement de notre fidélité aux tâches quotidiennes. Éd 246 1 Puisque hommes et femmes partagent les travaux de la maison, garçons et filles doivent les connaître et s'en charger. Ranger une chambre, faire un lit, la vaisselle, le repas, laver et raccommoder ses vêtements sont des activités qui n'ôtent pas aux garçons de leur virilité, mais qui les rendront plus heureux et plus utiles. Et si les filles, de la même façon, apprenaient à atteler et à conduire un cheval, à utiliser la scie et le marteau, aussi bien que le râteau et la houe, elles seraient mieux préparées aux exigences de la vie*. Éd 246 2 Que les enfants et les jeunes voient dans la Bible combien Dieu honore le travail manuel. Qu'ils lisent l'histoire des fils de prophètes (2 Rois 6:1-7), ces étudiants qui construisaient leur lieu d'habitation; ils perdirent la hache qu'ils avaient empruntée et un miracle leur permit de la retrouver. Qu'ils lisent l'histoire de Jésus le charpentier, de Saul le faiseur de tentes, ces artisans qui assumaient le plus haut ministère au service de Dieu et des hommes. Qu'ils lisent l'histoire du jeune garçon dont le Seigneur utilisa les cinq pains pour nourrir la foule, miracle merveilleux; de Dorcas la couturière, rappelée à la vie pour continuer à vêtir les pauvres; de la femme sage des Proverbes: "Elle se procure de la laine et du lin et travaille d'une main joyeuse. [...] Elle donne la nourriture à sa maison et ses instructions à ses servantes. [...] elle plante une vigne. [...] elle affermit ses bras. [...] Elle ouvre ses mains pour le malheureux, [...] elle tend la main au pauvre. [...] Elle surveille la marche de sa maison, elle ne mange pas le pain de paresse." Proverbes 31:13, 15-17, 20, 27. Éd 246 3 Dieu dit d'une telle femme qu'elle "sera louée". "Donnez-lui du fruit de son travail, et qu'aux portes ses oeuvres la louent." Proverbes 31:30, 31. Éd 247 1 La première école technique enfantine devrait être la maison. Et chaque école devrait posséder, autant que possible, des installations permettant le travail manuel, discipline précieuse qui remplacerait souvent avantageusement la gymnastique. Éd 247 2 Le travail manuel mérite beaucoup plus d'attention qu'il n'en a reçu jusqu'à présent. Les écoles devraient, en plus de la formation mentale et morale la plus soignée, offrir les instruments les meilleurs du développement physique et de l'éducation technique. L'enseignement dispensé devrait englober l'agriculture, les industries -- en proposant l'éventail le plus large possible de métiers utiles -- , l'économie domestique, la cuisine saine, la couture, la confection, le traitement des malades et d'autres sujets analogues. Des éducateurs avertis devraient assurer ces enseignements dans des jardins, des ateliers, des salles de soins prévus à cet effet. Éd 247 3 Le travail doit être accompli consciencieusement et viser un but défini. S'il faut avoir des connaissances dans divers métiers d'artisanat, il est indispensable de se spécialiser dans un domaine au moins. Chaque jeune, en quittant l'école, devrait, si besoin était, pouvoir gagner sa vie grâce à ce qu'il a appris. Éd 247 4 L'investissement que demande l'enseignement technique est le plus gros obstacle à son développement dans les écoles. Mais le but recherché mérite la dépense. Il n'y a rien d'aussi important que la formation de la jeunesse, et chacune des dépenses qu'elle entraîne se justifie. Éd 247 5 Même sur le plan financier cet investissement se révélera être une véritable économie. Tant de nos garçons seront ainsi dissuadés de traîner dans les rues et dans les bars; les frais occasionnés par le jardinage, les ateliers, les bains épargneront les frais des hôpitaux et des centres de rééducation. Et qui peut mesurer la valeur, pour la société et la nation, des jeunes habitués à l'ouvrage, qualifiés pour un travail utile et fécond? Éd 248 1 Pour se délasser après l'étude, rien ne vaut l'exercice en plein air, qui met en mouvement le corps entier. Aucun exercice manuel n'égalera l'agriculture. Il faut s'appliquer davantage à faire naître et à encourager l'intérêt pour les travaux agricoles. Le maître doit attirer l'attention sur ce que la Bible dit de l'agriculture: selon le plan de Dieu, l'homme devait cultiver la terre; le premier homme, chef de la création, avait reçu un jardin dont s'occuper; et beaucoup de grands hommes, de ceux qui sont l'honneur de la terre, ont été des cultivateurs. Que le maître montre les avantages d'une telle vie. "Même un roi est tributaire de la campagne", dit le sage. Ecclésiaste 5:8. Du cultivateur, il est écrit: "Son Dieu lui a enseigné la marche à suivre, il lui a donné ses instructions." Ésaïe 28:26. Et aussi: "Celui qui veille sur un figuier en mangera le fruit." Proverbes 27:18. Celui qui vit de l'agriculture échappe à bien des tentations et reçoit en partage bien des privilèges et des bénédictions qui ne peuvent échoir à ceux qui travaillent dans les grandes villes. A notre époque de sociétés géantes, de concurrence, peu de gens peuvent jouir d'une indépendance et d'une assurance quant au fruit de leur travail aussi grandes que celles du cultivateur. Éd 248 2 N'enseignons pas aux étudiants l'agriculture en théorie seulement, mais aussi en pratique. Qu'ils apprennent tout ce qu'il est possible d'apprendre à propos de la nature, de la préparation du sol, des différentes récoltes, des meilleures méthodes de production; qu'ils mettent aussi leur savoir en pratique! Que les maîtres participent à leur ouvrage et insistent sur les résultats que peut produire un effort habile, intelligent. Ceci peut éveiller un intérêt authentique, un désir profond de travailler du mieux possible. Un tel désir, joint à l'effet tonifiant de ce travail, du soleil, de l'air pur, fera naître un goût pour l'agriculture qui décidera du choix du métier chez beaucoup de jeunes. Ainsi peut-être pourrait être renversé le courant qui entraîne maintenant tant de gens vers les grandes villes. Éd 249 1 C'est ainsi également que nos écoles pourraient aider tant de gens sans emploi. Des milliers d'êtres sans ressources, affamés, qui viennent chaque jour grossir les rangs des délinquants, pourraient se prendre en charge, mener une vie heureuse, saine, indépendante s'ils apprenaient à cultiver le sol avec zèle et compétence. Éd 249 2 Le travail manuel est également salutaire à ceux qui exercent une profession libérale. Un homme peut avoir un esprit brillant, vif; ses connaissances, ses dispositions peuvent lui assurer l'accès au métier qu'il a choisi; il est néanmoins possible qu'il ne soit pas prêt pour les tâches qui l'attendent. Une éducation essentiellement théorique ne conduit guère qu'à une pensée superficielle. La pratique, par contre, apprend l'esprit d'observation et à penser par soi-même. Elle favorise le développement de cette sagesse que nous nommons "bon sens". Elle nous enseigne à faire des projets et à les mener à bien, elle développe notre courage et notre persévérance, en appelle à notre tact, à notre habileté. Éd 249 3 Le médecin qui affermit ses connaissances en visitant les chambres des malades acquerra une perspicacité aiguisée, un savoir plus complet, une capacité de réaction en toute circonstance -- toutes ces qualités indispensables que seule l'expérience peut donner. Éd 250 1 Le pasteur, le missionnaire, le maître qui savent assumer les tâches quotidiennes avec compétence verront leur influence redoubler. Bien souvent le succès, parfois même la vie du missionnaire, dépend de ses connaissances pratiques. Sa capacité à préparer un repas, à faire face à un accident, une situation imprévue, à soigner une maladie, à construire une maison, une église au besoin, marque souvent la frontière entre sa réussite et son échec. Éd 250 2 Beaucoup d'étudiants s'assureraient une éducation de grande valeur s'ils subvenaient eux-mêmes à leurs propres besoins. Qu'au lieu de contracter des dettes ou de dépendre de l'abnégation de leurs parents, ils comptent sur eux-mêmes. Ils apprendront ainsi la valeur de l'argent, du temps, de la force, des occasions, et seront bien loin de se laisser aller à des habitudes de paresse et de gaspillage. Ils apprendront l'économie, l'application, l'abnégation, l'organisation, la persévérance, et s'ils maîtrisent ces qualités, ils seront alors solidement armés pour la bataille de la vie. Leurs efforts pour se prendre en charge mettraient les écoles à l'abri de ces dettes contre lesquelles tant d'entre elles se débattent et qui limitent si souvent leurs possibilités. Éd 250 3 Il faut que les jeunes comprennent qu'éduquer n'est pas apprendre à échapper aux tâches désagréables, aux fardeaux pesants de la vie; mais que le propos de toute éducation est d'alléger le travail en apportant des méthodes meilleures et des aspirations plus élevées. Le véritable but de la vie n'est pas de s'assurer les plus grands profits, mais d'honorer le Créateur en accomplissant sa part dans l'oeuvre du monde, et en accordant son aide aux faibles et aux ignorants. Éd 250 4 Une des causes du mépris affiché à l'égard du travail manuel est la négligence, le manque d'attention avec lequel il est si souvent exécuté. Il est fait par contrainte, non par goût. Celui qui l'accomplit n'y met pas son coeur; il ne se respecte pas lui-même et ne peut espérer le respect des autres. L'éducation manuelle doit corriger cette erreur; elle doit développer des habitudes de précision et de perfection. Il faut que les enfants apprennent à travailler avec délicatesse et méthode; qu'ils apprennent à utiliser au mieux chaque instant, chaque geste; qu'on ne se contente pas de leur enseigner les meilleures méthodes, mais qu'ils soient animés du désir constant d'améliorer leur ouvrage; que leur objectif soit de le perfectionner autant qu'il est possible aux cerveaux et aux mains des hommes. Éd 251 1 Une telle éducation permettra aux jeunes d'être les maîtres et non les esclaves de leur travail. Elle allégera la tâche dure, donnera sa noblesse à la plus humble besogne. Celui qui considère le travail comme une corvée et s'y attelle avec une ignorance satisfaite, à laquelle il ne cherche pas à échapper, ne pourra qu'être davantage rebuté. Mais ceux qui savent reconnaître dans le moindre ouvrage une science en salueront la noblesse et la beauté, et prendront plaisir à l'accomplir avec loyauté et efficacité. Éd 251 2 Des jeunes qui auront été éduqués ainsi, quel que soit leur métier, pourvu qu'ils soient honnêtes, tiendront dans le monde une place utile et estimable. Regarde, puis exécute d'après le modèle qui t'est montré sur la montagne. Exode 25:40. ------------------------Chapitre 25 -- Education et caractère Éd 255 0 La sagesse et la connaissance sont une richesse qui sauve. Ésaïe 33:6. Éd 255 1 La véritable éducation ne méconnaît pas la valeur des connaissances scientifiques ou littéraires; mais au-dessus du savoir elle met la compétence; au-dessus de la compétence, la bonté; au-dessus des acquisitions intellectuelles, le caractère. Le monde n' a pas tant besoin d'hommes d'une grande intelligence que d'hommes au noble caractère. Il a besoin d'hommes qui allient au talent la fermeté. Éd 255 2 "Voici le commencement de la sagesse: acquiers la sagesse." Proverbes 4:7. "La langue des sages rend la connaissance meilleure." Proverbes 15:2. Une éducation authentique transmet cette sagesse. Elle nous enseigne à utiliser au mieux toutes nos connaissances, toutes nos facultés, et non l'une ou l'autre d'entre elles seulement. Ainsi elle nous amène à faire face à toutes nos obligations -- envers nous-mêmes, le monde et Dieu. Éd 255 3 Former le caractère! Jamais oeuvre plus importante n'a été confiée aux hommes. Jamais il n'a été aussi essentiel qu'aujourd'hui de s'y consacrer avec soin. Jamais aucune des générations passées n'a été placée devant des problèmes aussi considérables, jamais les jeunes gens, les jeunes femmes n'ont été confrontés à des dangers aussi grands qu'aujourd'hui. Éd 256 1 A notre époque, quelle orientation prend l'éducation? A quelle tendance fait-on le plus souvent appel? A l'égoïsme: l'éducation n'est bien souvent qu'un mot. Une véritable éducation fait contrepoids à l'ambition égoïste, au désir de puissance, au mépris des droits et des besoins de l'humanité, fléaux de notre monde. Dans le plan de Dieu, il y a place pour chaque être humain. Chacun doit cultiver au mieux ses talents, et c'est la fidélité à les développer, qu'ils soient nombreux ou pas, qui honorera l'homme. Il n'y a pas de place, dans le plan de Dieu, pour la rivalité égoïste. Ceux qui se mesurent à leur propre mesure et se comparent à eux-mêmes manquent de sagesse. Voir 2 Corinthiens 10:12. Tout ce que nous faisons doit être accompli "par la force que Dieu [...] accorde". 1 Pierre 4:11. "Tout ce que vous faites, faites-le de (toute) votre âme, comme pour le Seigneur, et non pour des hommes, sachant que vous recevrez du Seigneur l'héritage en récompense. Servez Christ le Seigneur." Colossiens 3:23, 24. Qu'ils sont précieux, le service accompli, l'éducation acquise selon ces principes! Mais l'éducation dispensée de nos jours en est bien loin! Dès les premières années de la vie de l'enfant, appel est fait à la compétition, à la rivalité, qui encouragent l'égoïsme, source de tous les maux. Éd 256 2 Ainsi naît la lutte pour la première place, ainsi se développe le système du "bourrage de crâne", qui si souvent porte atteinte à la santé et rend inapte au service. La concurrence peut mener, par ailleurs, à la malhonnêteté; et en alimentant l'ambition et le mécontentement, elle empoisonne la vie et remplit le monde d'esprits agités, excités, qui sont pour la société une menace permanente. Le danger ne réside pas seulement dans la manière d'enseigner, mais aussi dans les sujets d'étude. Éd 257 1 Vers quels ouvrages dirige-t-on les esprits, pendant les années les plus sensibles de la jeunesse? Pour étudier la langue, la littérature, à quelles sources les mène-t-on? Aux puits corrompus du paganisme antique. On leur demande d'étudier des auteurs dont chacun sait, sans discussion, qu'ils ne se soucient nullement de principes moraux. Éd 257 2 Et de combien d'auteurs modernes pourrait-on dire la même chose! L'élégance, la beauté du langage ne font si souvent que voiler des principes qui, dans leur crudité, repousseraient le lecteur! Éd 257 3 A côté d'eux, il existe une multitude de romanciers prêts à nous entraîner dans des rêves délicieux, dans des palais de facilité. Ces auteurs peuvent n'être pas taxés d'immoralité, leurs ouvrages n'en causent pas moins du tort. Ils volent à des milliers de gens le temps, l'énergie, la discipline que requièrent les graves problèmes de la vie. Éd 257 4 L'étude des sciences, telle qu'elle s'offre généralement à nous, présente également de grands dangers. L'évolution et son chapelet d'erreurs sont enseignés dans toutes les classes, de l'école maternelle à l'université. Ainsi cette étude, qui devrait mener à la connaissance de Dieu, est tellement imprégnée de spéculations, de théories humaines qu'elle conduit à l'infidélité. Éd 257 5 L'étude de la Bible elle-même, telle qu'on la pratique trop souvent dans les écoles, prive le monde du trésor inestimable qu'est la Parole de Dieu. Le travail de "haute critique", qui consiste à disséquer, conjecturer, reconstituer, sape la foi en une Bible divinement révélée et enlève à la Parole de Dieu le pouvoir de diriger, élever, inspirer les vies humaines. Éd 258 1 Lorsque les jeunes vont dans le monde et en affrontent les tentations perverses -- la soif d'argent et de plaisir, l'indulgence envers soi-même, l'ostentation, la luxure, le gaspillage, la malhonnêteté, la fraude, le vol, la ruine -- , quels enseignements rencontrent-ils alors? Éd 258 2 Le spiritisme affirme que les hommes sont des demi-dieux qui ne sont pas déchus; que "chaque esprit se jugera lui-même"; que "la vraie connaissance place l'homme au-dessus des lois"; que "les fautes commises ne sont pas blâmables"; car "tout ce qui est, est bien" et "Dieu ne condamne pas". Il déclare que les plus vils des êtres humains sont au ciel et s'y trouvent exaltés. Il assure à tout homme: "Ce que vous faites n'a pas d'importance; vivez comme vous voulez, le ciel est votre maison." Des foules d'hommes sont ainsi amenés à croire que la seule loi valable est le désir, que la vraie liberté, c'est la licence, que chacun n'a de comptes à rendre qu'à soi-même. Éd 258 3 Lorsqu'un tel enseignement est dispensé à l'aube de la vie, alors que les impulsions sont les plus fortes et que la jeunesse doit apprendre retenue et pureté, comment protéger les forces morales? Que faire pour que le monde ne devienne une seconde Sodome? Éd 258 4 En même temps, le désordre cherche à balayer toutes les lois, non seulement divines, mais humaines. La concentration des richesses et des pouvoirs; les subtiles combinaisons destinées à enrichir quelques hommes aux dépens des masses; les associations formées par les classes les plus pauvres pour défendre leurs intérêts et leurs revendications; l'esprit d'agitation, de violence, de carnage; la propagation à travers le monde de ces enseignements qui ont engendré la Révolution française -- tout cela entraîne le monde entier vers une lutte semblable à celle qui bouleversa la France. Éd 259 1 Voilà les influences que subissent les jeunes d'aujourd'hui. Pour tenir ferme au milieu de telles secousses, ils doivent poser maintenant les fondements de leur caractère. Éd 259 2 Dans tous les pays, pour toutes les générations, le véritable fondement, le véritable modèle a été le même. La loi divine -- "Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ta pensée; et ton prochain comme toi-même" (Luc 10:27) --, le grand principe manifesté dans le caractère et la vie de notre Seigneur, est la seule base solide, le seul guide sûr. Éd 259 3 "Tes jours seront en sûreté; la sagesse et la connaissance sont une richesse qui sauve" (Ésaïe 33:6) -- cette sagesse et cette connaissance que seule la Parole de Dieu peut dispenser. Éd 259 4 Ces paroles autrefois adressées à Israël, à propos de l'obéissance à la loi divine, gardent aujourd'hui toute leur vérité: "Ce sera là votre sagesse et votre intelligence aux yeux des peuples." Deutéronome 4:6. Éd 259 5 C'est la seule voie pour que l'homme préserve son intégrité, la famille sa pureté, la société son bien-être, la nation son équilibre. Au milieu des doutes, des dangers, des revendications et des luttes de la vie, le seul chemin sûr est celui que Dieu nous propose. "La loi de l'Eternel est parfaite." Psaumes 19:8. "Celui qui agit ainsi ne chancellera jamais." Psaumes 15:5. ------------------------Chapitre 26 -- Méthodes d'enseignement Éd 261 0 [...] pour donner aux simples de la prudence, au jeune homme de la connaissance et de la réflexion. Proverbes 1:4. Éd 261 1 Pendant des siècles, l'enseignement a essentiellement fait appel à la mémoire, grandement mise à l'épreuve, ce qui n'était pas le cas des autres facultés mentales. Les étudiants bourraient laborieusement leur esprit de toutes sortes de connaissances, dont seules quelques-unes étaient utilisables. Un esprit ainsi chargé de notions qu'il ne peut assimiler s'affaiblit; il devient incapable d'un effort vigoureux et indépendant et se contente de s'en remettre au jugement, aux idées des autres. Éd 261 2 Certains, constatant les défauts de ce système, ont donné dans l'extrême inverse. Pour eux, l'homme doit simplement développer ce qui est en lui. Mais une telle conception conduit l'étudiant à une autosatisfaction, une indépendance qui le coupe de la source de la vraie connaissance, de la vraie puissance. Éd 261 3 L'éducation qui s'adresse à la mémoire, au risque d'éloigner l'homme de toute pensée personnelle, contient des éléments souvent mal évalués. Un étudiant qui renonce à raisonner et à décider par lui-même, devient incapable de distinguer la vérité de l'erreur et se laisse bien aisément tromper. Il suit tout naturellement la tradition, les habitudes établies. Éd 262 1 On ignore généralement, et non sans danger, que l'erreur montre rarement son vrai visage. C'est en se mêlant à la vérité ou en l'accompagnant qu'elle séduit. Nos premiers parents se sont perdus pour avoir mangé de l'arbre de la connaissance du bien et du mal; les hommes et les femmes d'aujourd'hui se perdent parce qu'ils acceptent des compromis entre le bien et le mal. L'esprit qui s'en remet au jugement d'autrui ne peut, tôt ou tard, que se fourvoyer. Éd 262 2 C'est en nous reconnaissant personnellement dépendants de Dieu, et ainsi seulement, que nous pourrons distinguer entre la vérité et l'erreur. Chacun doit apprendre, individuellement, auprès de Dieu, à travers sa Parole. La faculté de raisonner nous a été donnée pour que, selon le désir divin, nous l'utilisions. "Venez et discutons, dit le Seigneur." Ésaïe 1:18 (TOB). C'est là son invitation. Si nous nous confions en lui, nous pouvons avoir la sagesse de "refuser ce qui est mauvais et choisir ce qui est bon". Ésaïe 7:15; voir aussi Jacques 1:5. Éd 262 3 Dans tout enseignement, le contact personnel joue un rôle déterminant. C'est aux individus que s'adressait le Christ. C'est par des relations personnelles qu'il forma les Douze. Ses instructions les plus précieuses, il les donnait en privé, souvent à un seul auditeur. Il dévoila ses trésors aussi bien à un respectable rabbin un soir au mont des Oliviers qu'à la femme méprisée, près du puits de Sychar, car il discernait en eux un coeur sensible, une pensée ouverte, un esprit réceptif. Même la foule qui, si souvent, se pressait sur les pas du Maître n'était pas pour lui un amas confus d'êtres humains. Le Christ s'adressait à chaque esprit, à chaque coeur. Il observait ceux qui l'écoutaient, notait l'éclat de leur visage, leur regard vif, intelligent, qui témoignaient que la vérité les avait pénétrés; et alors résonnaient dans son coeur joie et sympathie. Éd 263 1 Le Christ discernait les possibilités de chacun. Il n'était pas rebuté par une apparence décevante, ni par un environnement contraire. Il enleva Matthieu au bureau de péage, Pierre et son frère à leur bateau de pêche, pour qu'ils le suivent et étudient auprès de lui. Éd 263 2 Aujourd'hui le travail d'éducation demande toujours qu'on accorde à l'individu attention et intérêt personnel. Beaucoup de jeunes, apparemment sans talents, possèdent des richesses qui ne sont pas exploitées. Leurs dons restent cachés car leurs éducateurs manquent de discernement. Plus d'un garçon, plus d'une fille à l'aspect rude possèdent au fond d'eux-mêmes un matériau précieux qui résistera à la chaleur, à la tempête, à toute pression. Le véritable éducateur, animé par la vision de ce que ses élèves peuvent devenir, reconnaîtra la valeur du matériau sur lequel il travaille. Il s'intéressera personnellement à chaque élève et cherchera à en développer toutes les capacités. Tout effort pour observer les principes de vérité sera encouragé, même s'il est imparfait. Éd 263 3 Chaque jeune devrait savoir combien l'application est nécessaire et puissante. C'est d'elle, bien plus que du génie ou du talent, que dépend le succès. Sans elle, les talents les plus brillants n'ont pas grande utilité, tandis que des gens très moyennement doués ont accompli des merveilles, grâce à des efforts bien dirigés. Quant au génie, dont nous admirons tant les prouesses, il va presque toujours de pair avec une application infatigable et soutenue. Éd 264 1 Les jeunes devraient aspirer au développement de toutes leurs facultés, des plus modestes aux plus efficaces. Beaucoup ont tendance à limiter leur étude à certains sujets pour lesquels ils ont un goût naturel. Il faut se garder de cette erreur. Les dispositions naturelles marquent la direction que prendra la vie et, si elles sont bien fondées, doivent être cultivées avec soin. Mais il faut aussi se rappeler qu'un caractère équilibré, un travail efficace reposent essentiellement sur cet épanouissement qui résulte lui-même d'une formation complète. Éd 264 2 Le maître devrait viser sans cesse la simplicité et l'efficacité. Il devrait illustrer abondamment son enseignement et, même lorsqu'il s'adresse à des élèves plus âgés, veiller à donner des explications claires et faciles à comprendre. Tant d'élèves, d'un certain âge déjà, n'ont qu'une compréhension infantile. Éd 264 3 L'enthousiasme est un autre élément important de l'oeuvre éducative. Rappelons la remarque précieuse faite à ce sujet par un comédien célèbre, à qui l'archevêque de Canterbury demandait pourquoi les comédiens émouvaient si puissamment leurs auditoires avec des faits imaginaires, alors que les prédicateurs de l'Evangile n'y parvenaient guère à partir de faits réels: "Avec tout le respect que je dois à Votre Excellence, permettez-moi d'en donner la raison, qui est bien simple: c'est une question d'enthousiasme. Sur scène, nous évoquons des choses imaginaires comme si elles étaient réelles; alors que vous, de la chaire, parlez de choses réelles comme si elles étaient imaginaires." Éd 264 4 Le maître se mesure à la réalité et doit parler avec toute la force et l'enthousiasme que lui insufflent l'authenticité et l'importance de ce qu'il enseigne. Éd 265 1 Le maître doit viser des résultats précis. Avant d'aborder une étude quelconque, il doit avoir à l'esprit un plan bien clair, et savoir où il veut aller. Il ne doit pas être satisfait de son enseignement tant que l'étudiant n'a pas saisi le principe qui est en jeu, dans toute sa vérité, et n'est pas capable de formuler clairement ce qu'il a appris. Éd 265 2 Dans la mesure où l'on garde à l'esprit le grand dessein proposé par l'éducation, les jeunes seront encouragés à progresser autant que leurs capacités le leur permettront. Mais avant qu'ils se lancent dans des études supérieures, ils doivent maîtriser les connaissances de base. Cette évidence est trop souvent négligée. Dans les collèges, les universités même, tant d'étudiants ont de sérieuses lacunes. Tant d'entre eux consacrent leur temps à étudier les mathématiques supérieures, qui sont incapables d'assurer une comptabilité élémentaire. Tant étudient la diction, espérant pénétrer les secrets de l'éloquence, qui sont incapables de lire de manière intelligible et sensible. Tant, alors qu'ils ont terminé leurs études de rhétorique, ne savent ni construire, ni orthographier une banale lettre. Éd 265 3 Une connaissance approfondie des éléments de base ne devrait pas être réclamée seulement au moment d'accéder à un degré supérieur, mais devrait être un critère constamment valable. Éd 265 4 Dans chacun des domaines de l'éducation il y a des objectifs à atteindre de bien plus grande importance que ceux que vise une connaissance purement technique. Prenons le langage, par exemple. Il est plus important d'écrire et de parler avec aisance et précision sa langue maternelle que d'étudier des langues étrangères, vivantes ou mortes. Mais la formation dispensée par les règles de grammaire ne peut être comparée à une autre, d'un niveau supérieur. Celle-ci, dont nous allons parler, est en relation étroite avec le bonheur ou le malheur. Éd 266 1 Avant tout, le langage doit être pur, bienveillant, franc -- "l'expression d'une grâce intérieure". Dieu dit: "Que tout ce qui est vrai, tout ce qui est honorable, tout ce qui est juste, tout ce qui est pur, tout ce qui est aimable, tout ce qui mérite l'approbation, ce qui est vertueux et digne de louange, soit l'objet de vos pensées." Philippiens 4:8. Et l'expression découlera de la pensée. Éd 266 2 La meilleure école pour cet apprentissage est la maison. Mais il est si souvent négligé qu'il incombe au maître d'aider ses élèves à acquérir une bonne manière de parler. Éd 266 3 Le maître peut faire beaucoup pour détourner les enfants de ces habitudes néfastes, fléaux de la société et de la famille, que sont la médisance, le bavardage, la critique. Il ne doit épargner aucun effort pour cela. Il faut que les étudiants soient pénétrés de l'idée que ces façons de faire témoignent d'un manque de culture, de délicatesse, de bonté; elles nous empêchent de côtoyer les êtres réellement cultivés de notre monde, et aussi les êtres célestes. Éd 266 4 Nous évoquons avec horreur les cannibales qui se repaissent de la chair, frémissante encore, de leurs victimes; mais est-ce pire que la douleur, la ruine causées par ceux qui déforment les intentions des autres, salissent leur réputation, dissèquent leur caractère? Que les enfants, les jeunes, sachent ce que Dieu dit de tout cela: "La mort et la vie sont au pouvoir de la langue." Proverbes 18:21. Éd 266 5 Dans l'Ecriture, les médisants sont comptés avec "les impies", les hommes "ingénieux au mal", ceux qui sont "sans affection, sans indulgence", "pleins d'envie, de meurtre, de discorde, de fraude, de vice". Or, "le jugement de Dieu", c'est que "ceux qui pratiquent de telles choses sont dignes de mort". Romains 1:30, 31, 29, 32. Et celui que Dieu accueille comme un citoyen de Sion est celui "qui dit la vérité selon son coeur. Il ne calomnie pas de sa langue, [...] il ne jette pas le déshonneur sur ses proches." Psaumes 15:2, 3. Éd 267 1 La Parole de Dieu condamne aussi ces phrases oiseuses et grossières qui confinent à l'impiété. Elle condamne les compliments trompeurs, les faux-fuyants, les exagérations, les déformations, toutes choses si courantes dans la société, le travail, les affaires. "Que votre parole soit oui, oui, non, non; ce qu'on y ajoute vient du malin." Matthieu 5:37. "Comme un furieux qui lance des flammes, des flèches et la mort, ainsi est un homme qui trompe son prochain et qui dit: C'était pour plaisanter." Proverbes 26:18, 19. Éd 267 2 A l'ombre du bavardage se tapit l'insinuation, l'allusion sournoise qui sécrète le mal que les hommes au coeur trouble n'osent pas répandre ouvertement. Il faut que les jeunes apprennent à fuir cela comme ils fuiraient la lèpre. Éd 267 3 Jeunes et vieux sont bien souvent prêts à se pardonner généreusement à eux-mêmes cette faute de langage que sont des propos irréfléchis et impatients. Ils pensent qu'il suffit, pour s'excuser, de dire: "Je ne me suis pas maîtrisé, je ne pensais pas vraiment ce que j'ai dit." Mais la Parole de Dieu ne prend pas les mots à la légère: "Si tu vois un homme irréfléchi dans ses paroles, il y a plus d'espérance pour un insensé que pour lui." Proverbes 29:20. "Une ville forcée et sans murailles, tel est l'homme qui n'est point maître de lui-même." Proverbes 25:28. Éd 267 4 En un instant, quelques paroles inconsidérées, emportées, peuvent causer un mal qu'une vie entière de repentance n'effacera pas. Tant de coeurs brisés, d'amis séparés, de vies gâchées par des mots cruels et irréfléchis quand on aurait voulu trouver aide et réconfort! "Tel, qui bavarde à la légère, blesse comme une épée; mais la langue des sages apporte la guérison." Proverbes 12:18. Éd 268 1 L'oubli de soi, qui donne à la vie une grâce naturelle, devrait être tout spécialement apprécié et encouragé chez les enfants. De toutes les qualités du caractère c'est une des plus grandes, qui prépare particulièrement l'être à une oeuvre authentique. Éd 268 2 Les enfants ont besoin d'être appréciés, compris, stimulés, mais il faut veiller à ne pas développer en eux le goût des compliments. Il n'est pas sage de leur accorder un intérêt exceptionnel, ni de répéter en leur présence leurs réparties. Les parents, les maîtres qui ne perdent pas de vue un noble idéal et l'épanouissement de la personnalité ne peuvent apprécier ni favoriser la suffisance. Ils n'encourageront chez les jeunes aucun désir, aucune tendance à faire étalage de leurs dons, de leurs compétences. Ceux qui ont un but plus élevé qu'eux-mêmes sont humbles, et cependant possèdent une dignité que ni l'ostentation ni les splendeurs humaines ne peuvent humilier ou troubler. Éd 268 3 Ce n'est pas au gré du hasard que se développent les beautés du caractère. C'est par la fréquentation de tout ce qui est pur, noble, authentique. Et toujours, la pureté du coeur, la noblesse du caractère se manifesteront à travers la pureté, la noblesse des actions et du langage. Éd 268 4 "Celui qui aime la pureté du coeur, la grâce est sur ses lèvres, et le roi est son ami." Proverbes 22:11. Éd 269 1 Ce qui est vrai pour le langage est vrai ailleurs. Chaque enseignement peut être mené de telle façon qu'il participera à l'élaboration, à l'affermissement du caractère. Éd 269 2 L'étude de l'histoire nous en offre un exemple probant. Considérons-la d'un point de vue qui fait intervenir Dieu. Éd 269 3 Trop souvent l'histoire n'est guère présentée autrement que comme une succession de rois, d'intrigues, de victoires et de défaites -- un récit tissé d'ambitions et de convoitises, de tromperies, de cruautés et de carnages. Envisagée ainsi, elle ne peut qu'être nuisible. Les crimes et les atrocités répétés, les cruautés dépeintes sèment des graines qui produisent bien souvent de mauvais fruits. Éd 269 4 Il vaut beaucoup mieux étudier, à la lumière de la Parole de Dieu, les causes de l'avènement et de la chute des royaumes. Il faut que les jeunes comprennent, en étudiant le récit de ces événements, que la prospérité des nations est liée à la reconnaissance des principes divins. Qu'ils étudient l'histoire des grands courants réformateurs et voient comment leurs principes ont triomphé, malgré le mépris et la haine, malgré la prison et l'échafaud, et à travers tous les sacrifices. Éd 269 5 Une étude ainsi menée ouvrira l'intelligence des jeunes sur les réalités de la vie. Elle les aidera à comprendre les lois de relations et de dépendances, à se rendre compte que nous sommes étonnamment solidaires les uns des autres dans le mouvement des sociétés et des nations, et que l'oppression ou la dégradation d'un seul est une perte pour tous. Éd 269 6 Pour l'enseignement des mathématiques, il faut être pratique. Les jeunes, les enfants doivent apprendre non seulement à résoudre des problèmes imaginaires, mais aussi à tenir un compte exact de leurs recettes et dépenses. Ils doivent apprendre à bien utiliser l'argent. Qu'ils soient à la charge de leurs parents ou qu'ils s'assument eux-mêmes, garçons et filles doivent s'habituer à choisir et à acheter leurs propres vêtements, leurs livres, tout ce qui leur est nécessaire; en tenant leurs comptes, ils découvriront, comme ils ne pourraient le faire d'aucune autre façon, la valeur de l'argent et son bon emploi. Cette éducation leur apprendra à distinguer la véritable économie de l'avarice d'une part, et de la prodigalité d'autre part. S'ils sont bien guidés, ils apprendront à être généreux, à donner, non sur un coup de tête ou sous l'effet d'une exaltation passagère, mais avec régularité et détermination. Éd 270 1 Ainsi chaque étude peut participer à la résolution du plus grand des problèmes: former des hommes et des femmes capables de faire face aux responsabilités de la vie. ------------------------Chapitre 27 -- Le comportement Éd 271 0 L'amour [...] ne fait rien de malhonnête. 1 Corinthiens 13:5. Éd 271 1 La politesse est trop peu appréciée. Beaucoup de gens au bon coeur ont des manières rudes. Beaucoup de ceux dont la sincérité et la droiture inspirent le respect manquent d'amabilité. Ce défaut ternit leur propre bonheur et porte atteinte à la qualité de leur service. Combien d'expériences, qui pourraient être parmi les plus agréables, les plus utiles, sont souvent manquées par défaut de courtoisie -- de réflexion, tout simplement. Éd 271 2 Parents et maîtres devraient tout particulièrement cultiver la bonne humeur et la politesse. Tous devraient avoir une attitude joyeuse, une voix douce, des manières aimables: ce sont des armes puissantes. Les enfants sont attirés par un comportement gai, épanoui. Soyez bons et courtois envers eux, ils agiront de même envers vous et entre eux. Éd 271 3 La vraie politesse ne s'apprend pas simplement en respectant les usages. Il faut observer sans cesse un comportement correct; tant qu'il n'y a pas de compromis sur les principes, il nous sera facile de nous conformer aux coutumes, par égard pour les autres; mais la véritable courtoisie ne demande pas de sacrifier les principes aux habitudes établies. Elle ignore les castes et enseigne le respect de soi, le respect de la dignité humaine, la considération pour chacun des membres de la grande famille humaine. Éd 272 1 Il y aurait danger à s'attacher trop aux manières extérieures, à consacrer trop de temps à une éducation de politesse formelle. Les efforts acharnés que demandent aux jeunes la vie, les travaux durs, rebutants souvent, que réclame chaque journée, surtout lorsqu'il s'agit de rendre moins lourd le fardeau humain d'ignorance et de misère, laissent peu de place aux conventions. Éd 272 2 Beaucoup de ceux qui mettent l'accent sur les convenances ont peu de respect pour tout ce qui échappe à leurs normes, même si la valeur en est grande. Ils sont victimes d'une fausse éducation qui entretient l'orgueil, la critique et l'étroitesse d'esprit. Éd 272 3 Avoir de la considération pour autrui, voilà l'essence de la vraie politesse. L'éducation indispensable, durable, élargit le coeur et mène à une sympathie universelle. Ce prétendu savoir-vivre qui ne conduit pas les jeunes à respecter leurs parents, à en apprécier les qualités, à en accepter les défauts, à leur apporter de l'aide; qui ne les rend pas prévenants et compatissants, généreux et prêts à soutenir les plus jeunes qu'eux, les personnes âgées, les malheureux, courtois envers chacun, est un échec. Éd 272 4 C'est à l'école du divin Maître, bien mieux que par l'observance des règles établies, que l'on acquiert une pensée et des façons pleines de délicatesse. Lorsque l'amour de Dieu pénètre le coeur de l'homme, il imprègne le caractère d'une sensibilité à l'image de la sienne. Cette éducation-là confère une dignité et une correction célestes; elle fait naître une douceur, une bonté qu'aucun vernis de bonne société ne peut égaler. Éd 273 1 La Bible nous invite à être courtois, et nous propose de nombreux exemples de la générosité, de la douce distinction, de l'humeur aimable qui caractérisent la véritable politesse. Ce sont des reflets du caractère du Christ. Toute la bienveillance, toute la courtoisie du monde viennent de lui, même en ceux qui ne reconnaissent pas son nom. Il désire que ses enfants les reflètent parfaitement, et qu'à travers eux les hommes puissent le contempler. Éd 273 2 Le meilleur traité de savoir-vivre se compose de cet ordre précieux que le Seigneur nous a donné, et des paroles que le Saint-Esprit inspira à l'apôtre Paul; il doit être gravé à jamais dans les mémoires humaines, que l'on soit jeune ou vieux: Éd 273 3 "Comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres." Jean 13:34. Éd 273 4 "L'amour est patient, l'amour est serviable, il n'est pas envieux; l'amour ne se vante pas, il ne s'enfle pas d'orgueil, il ne fait rien de malhonnête, il ne cherche pas son intérêt, il ne s'irrite pas, il ne médite pas le mal, il ne se réjouit pas de l'injustice, mais il se réjouit de la vérité; il pardonne tout, il croit tout, il espère tout, il supporte tout. L'amour ne succombe jamais." 1 Corinthiens 13:4-8. Éd 273 5 Il nous faut aussi apprendre et encourager la révérence. C'est le sens de son infinie grandeur, la conscience de sa présence qui nous inspirent envers Dieu du respect. Le coeur des enfants doit également en être imprégné. Nous devons enseigner aux petits que le lieu, le moment de la prière, des services religieux sont sacrés, parce que Dieu est présent. Si notre comportement témoigne de notre respect, notre conscience de Dieu ne pourra que s'approfondir. Éd 274 1 Il serait bon pour tous, jeunes et vieux, d'étudier, de méditer, de répéter souvent des paroles de l'Ecriture qui nous montrent comment considérer le lieu où Dieu se manifeste d'une façon particulière: Éd 274 2 "Ote tes sandales de tes pieds", dit l'Eternel à Moïse devant le buisson ardent, "car l'endroit sur lequel tu te tiens est une terre sainte". Exode 3:5. Éd 274 3 Et Jacob, après avoir contemplé en vision les anges, s'écria: "Vraiment le Seigneur est ici, mais je ne le savais pas. [...] Ce n'est rien de moins que la maison de Dieu et la porte du ciel!" Genèse 28:16, 17, la Bible en français courant. Éd 274 4 "L'Eternel est dans son saint temple. Que toute la terre fasse silence devant lui!" Habakuk 2:20. Éd 274 5 Car l'Eternel est un grand Dieu, Il est un grand roi au-dessus de tous les dieux. [...] Venez, prosternons-nous, courbons-nous, Fléchissons le genou devant l'Eternel qui nous a faits. Psaumes 95:3, 6. Éd 274 6 C'est lui qui nous a faits, et nous sommes à lui: Son peuple et le troupeau de son pâturage. Entrez dans ses portes avec reconnaissance, Dans ses parvis avec la louange! Célébrez-le, bénissez son nom! Psaumes 100:3, 4. Éd 274 7 Du respect aussi pour le nom de Dieu. Jamais il ne devrait être prononcé à la légère, négligemment. Lorsque nous prions même, nous devrions éviter de le répéter fréquemment ou sans raison. "Son nom est saint et redoutable." Psaumes 111:9. Les anges, lorsqu'ils le prononcent, se voilent la face. Quel respect doit être le nôtre, à nous hommes déchus et pécheurs, lorsque nous le prononçons! Éd 275 1 Nous devons révérer la Parole de Dieu, traiter respectueusement le Livre imprimé, ne pas l'utiliser sans réfléchir, ni le manier sans faire attention. Jamais on ne devrait citer l'Ecriture en plaisantant, ou la paraphraser pour faire un trait d'esprit. "Les paroles de l'Eternel sont des paroles pures; un argent éprouvé au creuset de la terre, et sept fois épuré." Psaumes 12:7. Cf. Proverbes 30:5. Éd 275 2 Les enfants doivent apprendre, par-dessus tout, que l'obéissance atteste le respect. Dieu ne demande rien qui ne soit essentiel, et le meilleur moyen de lui marquer notre respect est de se soumettre à ses commandements. Éd 275 3 Il faut honorer aussi les représentants de Dieu, pasteurs, enseignants, parents appelés à parler, à agir de sa part; c'est le Seigneur que nous honorons à travers eux. Éd 275 4 D'autre part, Dieu nous enjoint tout spécialement de vénérer tendrement les personnes âgées. "Les cheveux blancs sont une magnifique couronne; c'est sur la voie de la justice qu'on la trouve." Proverbes 16:31. Cette couronne témoigne de batailles livrées, de victoires remportées; de fardeaux portés, de tentations rejetées. Elle parle de pieds fatigués, qui bientôt cesseront de marcher, de places bientôt vides. Aidez les enfants à comprendre tout cela, pour que, par leur respect, leur courtoisie, ils aplanissent le chemin des gens âgés, pour que leurs jeunes vies rayonnent de grâce et de beauté tandis qu'ils observeront ce commandement: "Tu te lèveras devant les cheveux blancs et tu honoreras la personne du vieillard." Lévitique 19:32. Éd 276 1 Les pères, les mères, les enseignants doivent mesurer plus pleinement la responsabilité et l'honneur que Dieu leur accorde en les plaçant auprès des enfants comme ses envoyés. C'est par un contact quotidien avec eux que les enfants comprendront, bien ou mal, ces paroles divines: "Comme un père a compassion de ses fils, l'Eternel a compassion de ceux qui le craignent." Psaumes 103:13. "Comme un homme que sa mère console, ainsi moi je vous consolerai." Ésaïe 66:13. Éd 276 2 Heureux l'enfant en qui ces mots éveillent l'amour, la reconnaissance, la confiance; l'enfant qui, à travers la tendresse, l'équité, la patience de ses parents et de ses maîtres, sentira la tendresse, la justice, la patience de Dieu; l'enfant qui, confiant en ses protecteurs terrestres, docile et respectueux, apprend à s'en remettre au Seigneur, à lui obéir et à l'honorer. Celui qui enseigne un enfant, un élève, selon ces voies, lui fait don d'un trésor plus précieux que toutes les richesses de tous les temps, un trésor qui gardera éternellement sa valeur. ------------------------Chapitre 28 -- Le vêtement et l'éducation Éd 277 0 Toute glorieuse est la fille du roi dans l'intérieur (du palais). Psaumes 45:14. Éd 277 1 Aucune éducation n'est complète si elle ne s'intéresse pas au vêtement. Trop souvent le travail éducatif est retardé, faussé même par un défaut d'enseignement dans ce domaine. L'amour du vêtement, l'attachement à la mode sont souvent les rivaux du maître et peuvent devenir de redoutables obstacles. Éd 277 2 La mode est une souveraine à la poigne de fer. Dans de nombreux foyers, parents et enfants consacrent leur attention, leur énergie, leur temps à la suivre. Les riches font assaut d'élégance pour être au goût du jour; les classes moyennes, les classes pauvres s'évertuent à respecter les critères établis par ceux qui sont, soi-disant, "au-dessus" d'eux. Lorsque les moyens manquent et que les prétentions abondent, la situation devient presque intolérable. Éd 277 3 Beaucoup de gens ne se soucient pas de savoir si un vêtement leur va bien, ni même s'il est beau; que la mode change et il faudra le refaire ou le mettre de côté. La maisonnée est condamnée à travailler sans cesse. Pas un instant pour s'occuper des enfants, pour prier ou étudier la Bible, pour aider les petits à rencontrer Dieu à travers ses oeuvres. Éd 278 1 Pas un instant, pas un sou pour secourir les autres. Et souvent, on lésine sur la nourriture: mal choisie, préparée à la hâte, elle ne répond pas correctement aux besoins de l'organisme. D'où de mauvaises habitudes alimentaires, qui engendrent l'intempérance et la maladie. Éd 278 2 L'amour de l'ostentation mène au gaspillage et arrête beaucoup de jeunes dans leur élan vers une vie plus noble. Au lieu de chercher à s'instruire, certains se lancent trop tôt dans un travail qui leur permettra de gagner de l'argent... pour satisfaire leur passion du vêtement. Combien de jeunes filles sont séduites et perdues par cette passion! Éd 278 3 Dans bien des familles, les ressources sont insuffisantes. Le père, incapable de satisfaire les exigences de la mère et des enfants, se laisse aller à la malhonnêteté, et là encore surgissent la honte et la misère. Éd 278 4 Le jour du culte, le service lui-même ne sont pas à l'abri de la puissance de la mode, mais lui donnent plutôt l'occasion de se manifester. Le temple devient un lieu de parade, où l'on est plus attentif aux toilettes qu'au sermon. Les pauvres, qui ne peuvent suivre les exigences de la mode, restent complètement à l'écart de l'église. Le jour du repos s'écoule dans l'oisiveté et les jeunes se retrouvent souvent dans des groupes qui leur sont néfastes. Éd 278 5 A l'école, il arrive que les filles, à cause de leur habillement inadéquat, peu commode, ne puissent profiter ni de l'étude ni de la détente. Leur esprit est préoccupé et le maître à fort à faire pour éveiller leur intérêt. Éd 279 1 Pour rompre le charme qu'exerce la mode, le moyen le plus efficace dont dispose le maître est souvent le contact avec la nature. Faites savourer aux élèves la joie de se trouver au bord d'une rivière, d'un lac, de la mer; faites-leur escalader les collines, admirer le coucher du soleil, explorer les champs et les bois; qu'ils apprennent à cultiver plantes et fleurs; alors rubans et dentelles sombreront dans l'oubli. Éd 279 2 Amenez les jeunes à comprendre que la profondeur d'esprit réclame la simplicité du vêtement comme de la nourriture. Qu'ils mesurent tout ce qu'il y a à apprendre, à faire; qu'ils sentent combien il est important de se préparer, dans sa jeunesse, à l'oeuvre de la vie. Aidez-les à distinguer les trésors que contiennent la Parole de Dieu, le livre de la nature, la vie des grands hommes. Éd 279 3 Dirigez leurs esprits vers les souffrances qu'ils peuvent soulager. Qu'ils prennent conscience que chaque somme gaspillée les empêchera de nourrir les affamés, vêtir ceux qui sont nus, consoler les affligés. Éd 279 4 Ils ne peuvent négliger les magnifiques occasions que leur offre la vie, étouffer leur esprit, gâcher leur santé, détruire leur bonheur pour se conformer à des usages qui ne se fondent ni sur la raison, ni sur le bien-être, ni sur le bon goût. Éd 279 5 En même temps la jeunesse doit étudier la leçon de la nature: "Tout ce qu'il a fait est beau en son temps." Ecclésiaste 3:11. Que ce soit par notre vêtement, ou de toute autre façon, nous avons le privilège de pouvoir honorer notre Créateur. Il désire que notre habillement soit net et sain, mais aussi convenable et seyant. Éd 279 6 On juge les gens sur leurs vêtements. Une tenue simple et correcte sera le signe d'un goût délicat, d'un esprit cultivé. Des habits sobres, joints à un comportement réservé, seront pour une jeune femme un bouclier sacré contre bien des dangers. Éd 280 1 Enseigner aux jeunes filles l'art de bien s'habiller signifie aussi leur enseigner à faire leurs propres vêtements. Chaque jeune fille devrait en avoir l'ambition; elle ne doit pas manquer cette occasion d'être utile et indépendante. Éd 280 2 Il est bon d'aimer le beau et de le rechercher; mais Dieu désire que nous aimions et recherchions avant tout le beau suprême -- celui qui ne périt pas. Les réalisations humaines les plus belles ne peuvent rivaliser avec cette beauté de caractère qui est d'un grand prix aux yeux du Seigneur. Éd 280 3 Amenons les jeunes et les enfants à choisir pour eux-mêmes cette robe royale tissée au ciel -- de fin lin, éclatant et pur (Apocalypse 19:8), que tous les saints de la terre porteront. Cette robe, symbole du caractère sans tache du Christ, est offerte gratuitement à chaque être humain. Mais tous ceux qui l'acceptent la recevront et la revêtiront ici-bas. Éd 280 4 Les enfants doivent comprendre qu'en ouvrant leur esprit à des pensées pures et aimantes, en accomplissant des actes bienveillants et secourables, ils se parent de ce vêtement magnifique. Cette robe sera pour eux signe de beauté et d'amour sur terre et leur permettra plus tard d'être reçus dans le palais du roi. "Ils marcheront avec moi en vêtements blancs, parce qu'ils en sont dignes." Apocalypse 3:4. ------------------------Chapitre 29 -- Le Sabbat Éd 281 0 Sanctifiez mes sabbats, et ils seront entre moi et vous un signe auquel on reconnaîtra que je suis l'Eternel, votre Dieu. Ezéchiel 20:20. Éd 281 1 Le sabbat détient une valeur éducative inestimable. Tout ce que Dieu nous demande, il nous le rend, enrichi, transfiguré par sa propre gloire. La dîme qu'il réclamait à Israël était destinée à préserver parmi les hommes, dans toute sa beauté, la reproduction du sanctuaire bâti sur le modèle du temple céleste, témoignage de la présence divine sur la terre. Éd 281 2 De même, le temps qu'il nous demande nous est rendu, marqué de son nom et de son sceau. "Ce sera un signe entre vous et moi [...] grâce auquel on reconnaîtra que je suis l'Eternel..." Exode 31:13. "En six jours l'Eternel a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qui s'y trouve, et il s'est reposé le septième jour: c'est pourquoi l'Eternel a béni le jour du sabbat et l'a sanctifié." Exode 20:11. Le sabbat est un signe de la puissance créatrice et rédemptrice; il nous montre que Dieu est la source de la vie et de la connaissance; il nous rappelle la gloire originelle de l'homme, et témoigne du dessein qu'a Dieu de nous recréer à son image. Éd 281 3 Le sabbat et la famille ont été institués en Eden, et sont, dans le projet divin, indissolublement liés. C'est ce jour-là, plus que n'importe quel autre, qu'il nous est possible de vivre la vie de l'Eden. Le plan de Dieu était que les membres d'une même famille s'associent dans le travail et dans l'étude, dans l'adoration et dans le délassement; le père devait être le prêtre de la maisonnée, et le père comme la mère devraient être les instructeurs et les compagnons de leurs enfants. Mais le péché, en transformant les conditions de vie, a fait grandement obstacle à cette communauté. Souvent le père voit à peine ses enfants pendant la semaine. Il n'a quasiment pas la possibilité de les instruire, de leur consacrer du temps. Mais Dieu dans son amour a fixé une limite aux exigences du travail. Il a posé sur le jour du sabbat sa main miséricordieuse: il réserve aux membres de la famille l'occasion de vivre alors en union avec lui, avec la nature, et les uns avec les autres. Éd 282 1 Puisque le sabbat est le signe de la création, c'est le jour par excellence où nous pouvons rencontrer Dieu à travers ses oeuvres. Son nom même devrait évoquer dans l'esprit des enfants les beautés de la nature. Heureuse la famille qui chemine jusqu'au lieu de culte comme cheminait Jésus avec ses disciples jusqu'à la synagogue -- à travers les champs ou les bois, ou au bord d'un lac. Heureux les parents qui peuvent illustrer pour leurs enfants l'Ecriture à l'aide du livre de la nature; qui peuvent, à l'ombre des arbres, au bon air, étudier la Parole et glorifier de leurs chants notre Père céleste. Éd 282 2 C'est ainsi que les parents tisseront entre eux-mêmes et leurs enfants, entre leurs enfants et Dieu des liens que rien ne pourra rompre. Éd 282 3 Le sabbat offre également à notre intelligence des ouvertures incomparables. Etudions la leçon de l'Ecole du Sabbat, non pas d'un rapide coup d'oeil le sabbat matin, mais avec soin dans l'après-midi du sabbat précédent, pour pouvoir y revenir en l'illustrant chaque jour de la semaine. Ainsi cette leçon se gravera dans notre mémoire et sa richesse ne sera jamais complètement perdue. Éd 283 1 Parents et enfants, lorsqu'ils écoutent le sermon, devraient noter les textes bibliques cités ainsi que la ligne directrice de la méditation, pour pouvoir en parler ensemble à la maison. De cette façon, les petits ne s'ennuieraient pas, comme cela leur arrive si souvent au culte, et tous exerceraient leur attention et leur pensée. Éd 283 2 Celui qui veut étudier et réfléchir trouvera, en approfondissant toutes ces remarques, des trésors qu'il n'aurait jamais imaginés. Il constatera par lui-même la véracité de l'expérience que nous rapporte l'Ecriture: Éd 283 3 "Tes paroles se sont trouvées (devant moi) et je les ai dévorées. Tes paroles ont fait l'agrément et la joie de mon coeur." Jérémie 15:16. Éd 283 4 "Je veux méditer tes prescriptions." Psaumes 119:48. Éd 283 5 "[...] plus précieuses que l'or, même que beaucoup d'or fin [...] Ton serviteur aussi en est averti, pour qui les observe l'avantage est grand." Psaumes 19:11, 12. ------------------------Chapitre 30 -- La foi et la prière Éd 285 0 La foi, c'est l'assurance des choses qu'on espère. Hébreux 11:1. Tout ce que vous demanderez avec foi par la prière, vous le recevrez. Matthieu 21:22. Éd 285 1 Avoir la foi, c'est faire confiance à Dieu, croire qu'il nous aime et sait mieux que personne ce qui est pour notre bien. Cela nous amène à suivre sa voie au lieu de la nôtre, à accepter sa sagesse au lieu de notre ignorance, sa force au lieu de notre faiblesse, sa justice au lieu de nos péchés. Nos vies lui appartiennent, nous lui appartenons déjà; notre foi reconnaît cet état de fait et l'accepte, avec toutes les bénédictions qu'il entraîne. La vérité, l'honnêteté, la pureté sont, nous l'avons vu, les secrets d'une vie réussie; c'est par la foi que nous y accédons. Éd 285 2 Tout élan, toute aspiration vers le bien est un don de Dieu; seule la vie qui vient de Dieu, et que nous acceptons par la foi, peut nous permettre réellement de croître et d'être efficaces. Éd 285 3 Il faut montrer clairement comment exercer la foi. Chaque promesse de Dieu s'accompagne de conditions. Si nous voulons faire sa volonté, le Seigneur nous accorde toute sa puissance. Quel que soit le don promis, il est là, dans la promesse. "La semence, c'est la parole de Dieu." Luc 8:11. La promesse contient le don divin aussi sûrement que le gland contient le chêne. Si nous recevons la promesse, nous détenons le don. Éd 286 1 Cette foi qui nous permet de recevoir les bienfaits de Dieu en est un elle-même, et chaque être humain en a reçu une certaine mesure. Elle se fortifie selon que nous l'exerçons en faisant nôtre la Parole de Dieu, à laquelle nous devons nous confronter souvent. Éd 286 2 Celui qui étudie la Bible sera amené à constater la puissance de la Parole de Dieu. "Car il dit, et (la chose) arrive; il ordonne, et elle existe." Psaumes 33:9. Il "appelle à l'existence ce qui n'existe pas". Romains 4:17. Lorsque Dieu nomme les choses, elles existent. Éd 286 3 Que de fois ceux qui se confiaient en la Parole de Dieu ont résisté à la force du monde, malgré leur propre faiblesse. Enoch au coeur pur, à la vie sainte, fermement attaché à sa foi, triomphant dans sa droiture, face à une génération railleuse et corrompue; Noé et sa famille, face à leurs contemporains, des hommes d'une grande force physique et mentale, mais aux moeurs dégradées; les enfants d'Israël traversant la mer Rouge, multitude d'esclaves impuissants et terrifiés, fuyant devant la plus puissante armée de la plus puissante nation de la terre; David, jeune berger, promis par Dieu au trône, face à Saül, roi en place, résolu à conserver son pouvoir; Schadrac et ses compagnons dans la fournaise, face à Nebucadnetsar; Daniel dans la fosse aux lions, face à ses ennemis, grands dignitaires du royaume; Jésus sur la croix, face aux prêtres et aux chefs juifs qui soumettaient le gouverneur romain lui-même à leur volonté; Paul dans les chaînes, condamné à mort comme un criminel, face à Néron, tyran d'un immense empire. Éd 287 1 De tels exemples ne se rencontrent pas seulement dans la Bible. L'histoire de l'humanité en foisonne. A travers les Vaudois et les Huguenots, Wyclef et Huss, Jérôme de Prague et Luther, Tyndale et Knox, Zinzendorf et Wesley, et tant d'autres encore, s'est manifestée la puissance de la Parole de Dieu face au pouvoir et à la politique humains, passés du côté du mal. Ces hommes sont la vraie noblesse du monde, ils en sont la lignée royale, et les jeunes d'aujourd'hui sont appelés à les rejoindre. Éd 287 2 Les petits événements de la vie, tout autant que les grands, requièrent notre foi. Si nous nous y abandonnons, l'action fortifiante de Dieu est une réalité qui concerne nos intérêts, nos préoccupations de chaque jour. Éd 287 3 D'un point de vue humain, la vie est pour chacun un chemin vierge, dans lequel, en ce qui concerne nos expériences les plus profondes, nous marchons seuls. Aucun être humain ne peut pleinement partager notre vie intérieure. Alors que l'enfant s'engage dans ce voyage, au cours duquel il devra, tôt ou tard, choisir sa propre route, et décider de son éternité, il nous faut faire tous nos efforts pour l'aider à mettre sa confiance dans le vrai guide. Éd 287 4 Rien ne nous permettra de résister à la tentation, rien ne nous dirigera vers la pureté et la vérité aussi bien que le sentiment de la présence de Dieu. "Tout est mis à nu et terrassé aux yeux de celui à qui nous devons rendre compte." Hébreux 4:13. "Tes yeux sont trop purs pour voir le mal, tu ne peux pas regarder l'oppression." Habakuk 1:13. Cette pensée préserva Joseph des corruptions de l'Egypte; aux séductions de la tentation, il répondait résolument: "Comment ferais-je un aussi grand mal et pécherais-je contre Dieu?" Genèse 39:9. Notre foi, si nous la nourrissons, sera notre bouclier. Éd 288 1 Seul le sentiment de la présence de Dieu vaincra la peur de l'enfant craintif pour qui la vie serait un fardeau. Aidons-le à graver dans sa mémoire cette promesse: "L'ange de l'Eternel campe autour de ceux qui le craignent, et il les délivre." Psaumes 34:8. Faisons-lui lire la merveilleuse histoire d'Elisée qui, dans la ville située sur la montagne, fut protégé des chevaux, des chars, de la troupe ennemis par les chevaux et les chars de feu de l'Eternel. L'histoire de Pierre, emprisonné, condamné à mort, à qui l'ange de Dieu apparut et qui fut par lui guidé en lieu sûr, loin des gardes en armes, des lourdes portes, de l'énorme portail d'entrée muni de barres et de verrous. Et ce passage où, sur la mer déchaînée, Paul, prisonnier, appelé à être jugé et exécuté, adressa aux soldats et aux marins épuisés par les efforts et le manque de sommeil et de nourriture ces paroles d'encouragement et d'espoir: "Je vous exhorte à prendre courage; car aucun de vous ne perdra la vie. [...] Un ange du Dieu, à qui j'appartiens et rends un culte, s'est approché de moi cette nuit et m'a dit: Sois sans crainte, Paul; il faut que tu comparaisses devant César, et voici: Que Dieu t'accorde la grâce de tous ceux qui naviguent avec toi." Actes 27:22-24. Confiant en cette promesse, Paul exhorta ses compagnons: "Personne de vous ne perdra un cheveu de sa tête." Actes 27:34. Il en fut ainsi. Parce qu'il se trouvait dans ce bateau un homme par qui passait l'oeuvre de Dieu, tous les soldats et marins païens furent sauvés: "Tous parvinrent à terre sains et saufs." Actes 27:44. Éd 288 2 Ces récits n'ont pas été écrits seulement pour être lus et admirés, mais pour que la foi qui habitait les serviteurs de Dieu autrefois puisse aussi nous habiter. Lorsque le Seigneur trouve des coeurs disposés à être les canaux de sa grâce, il agit aujourd'hui d'une façon tout aussi éclatante qu'alors. Éd 288 3 Que ceux qui n'ont pas confiance en eux-mêmes et qui, à cause de cela, reculent devant les responsabilités, apprennent à s'en remettre à Dieu. Beaucoup d'entre eux, qui sans cela n'auraient été qu'un numéro matricule ou un fardeau inutile, pourront dire avec l'apôtre Paul: "Je puis tout par celui qui me fortifie." Philippiens 4:13. Éd 289 1 Aux enfants qui souffrent vivement des blessures de la vie, la foi réserve des richesses. Leur disposition à résister au mal ou à venger les torts est souvent motivée par un sens aigu de la justice et un esprit vif, vigoureux. Apprenons à ces enfants que Dieu est le gardien du bien; il veille avec tendresse sur ceux qu'il aime tant qu'il a donné pour les sauver son Fils bien-aimé; il se chargera lui-même des malfaiteurs. Éd 289 2 "Celui qui vous touche touche la prunelle de son oeil." Zacharie 2:12. Éd 289 3 "Remets ton sort à l'Eternel, confie-toi en lui, et c'est lui qui agira. Il fera paraître ta justice comme la lumière et ton droit comme le (soleil à son) midi." Psaumes 37:5, 6. Éd 289 4 "Que l'Eternel soit une forteresse pour l'opprimé, une forteresse pour les temps de détresse. Ceux qui connaissent ton nom se confient en toi. Car tu n'abandonnes pas ceux qui te cherchent, Eternel!" Psaumes 9:10, 11. Éd 289 5 Dieu nous demande de faire preuve envers les hommes de la miséricorde qu'il éprouve à notre égard. Laissons les esprits impulsifs, indépendants, vengeurs contempler celui qui est doux et humble de coeur, mené comme un agneau à l'abattoir, silencieux comme une brebis devant ceux qui la tondent. Laissons-les considérer celui qui a souffert de nos péchés et porté nos douleurs; ils apprendront à supporter, à être patients, à pardonner. Éd 290 1 Par la foi dans le Christ, tous les défauts de caractère peuvent être corrigés, toutes les souillures purifiées, toutes les qualités développées. Éd 290 2 "Vous avez tout pleinement en lui." Colossiens 2:10. Éd 290 3 La prière et la foi ont des liens étroits et doivent être étudiées ensemble. Il y a, dans la prière de la foi, une science divine, à laquelle doit accéder celui qui veut réussir sa vie. Le Christ a dit: "Tout ce que vous demandez en priant, croyez que vous l'avez reçu, et cela vous sera accordé." Marc 11:24. Bien sûr, nos demandes doivent être en harmonie avec la volonté de Dieu; nous devons rechercher ce qu'il nous a promis, et utiliser ce que nous recevons selon son vouloir. Dans ces conditions, sa promesse est sans équivoque. Éd 290 4 Nous pouvons demander le pardon de nos péchés, le Saint-Esprit, un caractère à l'image du Christ, la sagesse et la force pour accomplir l'oeuvre de Dieu, ou n'importe lequel des dons promis; et puis croyons que nous le recevons, et remercions-en Dieu. Éd 290 5 Nous n'avons à attendre aucune manifestation extérieure de la bénédiction divine. Le don est dans la promesse, et nous pouvons vaquer à nos occupations, certains que ce que Dieu a promis, il peut l'accorder, et que ce don, que nous possédons déjà, se manifestera lorsque nous en aurons le plus besoin. Éd 290 6 Vivre ainsi, de la Parole de Dieu, signifie que l'on s'est totalement abandonné au Seigneur, que l'on a sans cesse besoin de lui, que l'on en est sans cesse dépendant, que le coeur s'élance vers lui. La prière est alors indispensable: c'est la vie de l'âme. Prière en famille, prière publique ont leur importance; mais c'est la relation secrète avec Dieu qui fait vivre l'âme. Éd 291 1 C'est sur la montagne, en compagnie de Dieu, que Moïse contempla le modèle du superbe édifice qui devait être la demeure de la gloire divine. C'est sur la montagne, en compagnie de Dieu -- dans un lieu retiré -- que nous devons contempler l'idéal glorieux qu'il propose à l'humanité. Ainsi nous aurons la possibilité de façonner notre caractère pour que s'accomplisse la promesse: "J'habiterai et je marcherai au milieu d'eux; je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple." 2 Corinthiens 6:16. Éd 291 2 C'est en des moments de prière solitaire que Jésus, sur terre, recevait la sagesse et la force. Que la jeunesse suive son exemple et réserve, le matin, le soir, un temps de communion personnelle avec son Père céleste. Que tout au long du jour elle élève son coeur vers Dieu. A chaque pas de notre vie, il nous dit: "Je suis l'Eternel, ton Dieu, qui saisit ta main, [...] Sois sans crainte, je viens à ton secours." Ésaïe 41:13. Puissent nos enfants comprendre tout cela dès l'aube de leur vie; quelle fraîcheur, quelle force, quelle joie, quelle douceur seront alors les leurs! Éd 291 3 Ces leçons, seul celui qui les a assimilées peut les enseigner. Beaucoup de parents et de maîtres déclarent croire en la Parole de Dieu, alors que leur vie en renie la puissance: voilà pourquoi l'enseignement de l'Ecriture n'a pas plus d'effet sur la jeunesse. De temps à autre les jeunes sentent la force de la Parole. Ils discernent la richesse de l'amour du Christ, la beauté de son caractère, les dimensions d'une vie consacrée à son service. Mais ils voient d'autre part la vie de ceux qui prétendent respecter les préceptes divins. Il en est tant à qui s'appliquent ces mots adressés au prophète Ezéchiel: "Les gens de ton peuple [...] se disent l'un à l'autre, chacun à son frère: Venez donc écouter quelle est la parole qui provient de l'Eternel! Ils se rendent en foule auprès de toi, et mon peuple s'assied devant toi. Ils écoutent tes paroles, mais ils ne les mettent pas en pratique, car ils agissent avec des paroles (aimables) à la bouche alors que la cupidité mène leur coeur. Te voilà pour eux comme une aimable chanson: musique agréable et belle mélodie. Ils écoutent tes paroles, mais ils ne les mettent point en pratique." Ezéchiel 33:30-32. Éd 292 1 C'est une chose d'utiliser la Bible comme un livre qui offre de bons principes moraux, à respecter autant que l'époque et notre situation dans la société nous le permettent; c'en est une autre de la considérer telle qu'elle est réellement -- comme la parole du Dieu vivant, la parole de notre vie, la parole destinée à modeler nos actions, notre langage, nos pensées. La considérer autrement, c'est la rejeter. Que ceux qui prétendent y croire la rejettent ainsi est une des principales causes du scepticisme et de l'infidélité de la jeunesse. Éd 292 2 Une fièvre telle qu'on n'en a jamais vu gagne le monde. Divertissement, course à l'argent, au pouvoir, lutte pour la vie, une puissance terrible s'empare du corps, de l'esprit, de l'âme. Au milieu de cette ruée, de cette folie, Dieu parle. Il nous invite à prendre du recul et à communier avec lui. "Arrêtez, et reconnaissez que je suis Dieu." Psaumes 46:11. Éd 292 3 Beaucoup de gens, même dans les moments qu'ils consacrent à l'adoration, ne peuvent jouir des bénédictions qu'apporte une véritable communion avec Dieu. Ils sont trop pressés. Ils se hâtent de traverser le cercle de la présence aimante du Christ, s'y arrêtent un instant peut-être, mais n'attendent pas le moindre conseil. Ils n'ont pas le temps de rester avec le divin Maître, et c'est chargés de leurs fardeaux qu'ils retournent à leur tâche. Éd 293 1 Ces ouvriers ne pourront pas réussir vraiment tant qu'ils n'auront pas appris le secret de la force. Ils doivent prendre le temps de penser, de prier, d'attendre de Dieu le renouvellement de leurs énergies physiques, mentales, spirituelles. Ils ont besoin de l'action ennoblissante du Saint-Esprit. Tout cela les enflammera d'une vie nouvelle. Leur corps las, leur esprit fatigué seront revigorés, leur coeur lourd sera soulagé. Éd 293 2 Ce dont nous avons besoin, ce n'est pas d'un instant passé en présence du Christ, mais d'un contact personnel, de relations intimes avec lui. Quel bonheur pour les enfants de nos familles, les élèves de nos écoles, lorsque les parents et les maîtres feront dans leur propre vie l'expérience précieuse que nous rapporte le Cantique des Cantiques: Éd 293 3 Comme un pommier au milieu des arbres de la forêt, Tel est mon bien-aimé parmi les jeunes hommes. A son ombre, j'ai désiré m'asseoir, Et son fruit est doux à mon palais. Il m'a introduite dans la maison du vin; Et la bannière qu'il déploie sur moi, c'est l'amour. Cantique des cantiques 2:3, 4. ------------------------Chapitre 31 -- L'oeuvre de la vie Éd 295 0 Je fais une chose. Philippiens 3:13. Éd 295 1 Pour réussir en quoi que ce soit, il faut avoir un but précis et le poursuivre inlassablement. Un objectif digne de tous les efforts se présente aux jeunes d'aujourd'hui, un objectif proposé par le ciel, le plus noble qui puisse être: apporter l'Evangile au monde en cette génération. Il offre des perspectives magnifiques à tous ceux dont le Christ a touché le coeur. Éd 295 2 Les intentions de Dieu à l'égard des enfants qui grandissent dans nos foyers dépassent de beaucoup ce que notre vision étriquée peut saisir. Parce qu'il les voyait fidèles aux plus humbles places, il a appelé des êtres à témoigner pour lui aux plus hautes places de la terre. Et il y aura dans les assemblées législatives, les tribunaux, les cours royales, pour rendre témoignage au Roi des rois, bien des jeunes d'aujourd'hui, qui grandissent comme Daniel dans sa demeure de Judée, s'appliquant à étudier la parole et les oeuvres divines, et à servir loyalement. Des foules seront appelées à un vaste service. Le monde entier s'ouvre à l'Evangile. L'Ethiopie tend les mains vers Dieu. Du Japon, de la Chine, de l'Inde, des pays enténébrés encore de notre monde, de tous les coins de cette terre, monte le cri des coeurs blessés par le péché et avides de connaître le Dieu d'amour. Des millions et des millions de gens n'ont jamais entendu parler de Dieu ni de son amour révélé en Christ. Ils ont le droit de le connaître, de recevoir la miséricorde divine, au même titre que nous. Et il nous incombe, à nous qui avons reçu ces connaissances, à nos enfants avec qui nous les partageons, de répondre à leur cri. A chaque famille, à chaque parent, maître, enfant sur lequel a brillé la lumière de l'Evangile, se pose, dans ce douloureux moment, la question autrefois posée à la reine Esther, en une période capitale de l'histoire d'Israël: "Qui sait si ce n'est pas pour une occasion comme celle-ci que tu es parvenue à la royauté?" Esther 4:14. Éd 296 1 Les hommes imaginent ce qui adviendra selon que la propagation de l'Evangile sera rapide ou difficile, mais ils le font par rapport à eux-mêmes et au monde, non par rapport à Dieu. Il en est peu qui réfléchissent aux souffrances que cause le péché à notre Créateur. Le ciel entier souffrit pendant l'agonie du Christ; mais cette douleur ne commença pas lorsque le Christ, fait homme, vint sur la terre, pour finir lorsqu'il remonta aux cieux. La croix révèle à nos sens émoussés la blessure faite à Dieu par le péché dès le début. Chaque manquement au bien, chaque acte cruel, chaque échec de l'humanité à atteindre l'idéal qu'il lui a fixé afflige le Seigneur. Lorsque s'abattirent sur Israël ces désastres qui étaient la conséquence inéluctable de la séparation d'avec Dieu -- le joug ennemi, la cruauté, la mort -- il est dit que "l'Eternel [...] fut touché des maux d'Israël". Juges 10:16. "Toutes leurs détresses [...] étaient pour lui (aussi) une détresse -- [...] il les a soutenus et portés tous les jours d'autrefois." Ésaïe 63:9. Éd 297 1 "L'Esprit lui-même intercède par des soupirs inexprimables." Romains 8:26. "La création tout entière soupire et souffre les douleurs de l'enfantement" (Romains 8:22) et le coeur de notre Père céleste est plein de compassion. Notre monde est une immense léproserie, le théâtre de misères telles que nous n'osons même pas les évoquer. Si nous en prenions l'exacte mesure, le fardeau en serait trop pesant. Et pourtant Dieu le porte tout entier. Pour détruire le péché et ses conséquences il a donné son Fils bien-aimé et nous a confié le pouvoir d'oeuvrer avec lui pour que les souffrances prennent fin. "Cette bonne nouvelle du royaume sera prêchée dans le monde entier, pour servir de témoignage à toutes les nations. Alors viendra la fin." Matthieu 24:14. Éd 297 2 "Allez dans le monde entier et prêchez la bonne nouvelle à toute la création." Marc 16:15. C'est l'ordre du Christ à ses disciples. Non que tous soient appelés à être pasteurs ou missionnaires; mais tous peuvent travailler avec Dieu en partageant la bonne nouvelle avec leurs semblables. Cet ordre s'adresse à tous, grands et petits, jeunes ou vieux, savants ou ignorants. Éd 297 3 Pouvons-nous répondre à ce commandement en donnant à nos fils et nos filles une éducation qui les mènerait à une vie conformiste, respectable, soi-disant chrétienne, mais vide de l'esprit de sacrifice du Christ, une vie à la fin de laquelle le Seigneur de vérité dirait: "Je ne vous connais pas"? Éd 297 4 Des milliers de gens agissent ainsi. Ils pensent prodiguer à leurs enfants les bienfaits de l'Evangile alors qu'ils en rejettent l'esprit. Ils font erreur. Ceux qui rejettent le privilège de collaborer avec le Christ se privent du seul moyen d'entrer dans la gloire de Dieu: ils rejettent l'éducation qui, en cette vie, fortifie et ennoblit le caractère. Combien de pères, de mères, refusant d'amener leurs enfants au pied de la croix, ont appris trop tard qu'ils les avaient ainsi abandonnés à l'ennemi. Ils sont allés à leur perte, pour la vie à venir et pour la vie présente; la tentation les a submergés; ils sont devenus une malédiction pour le monde, un sujet de souffrance et de honte pour ceux qui leur ont donné naissance. Éd 298 1 Beaucoup de gens, alors qu'ils cherchent à se préparer pour servir Dieu, en sont détournés par de mauvaises méthodes d'éducation. On croit trop communément que la vie est faite de différentes parties, un temps pour apprendre, un temps pour agir -- un temps de préparation, un temps de réalisation. Les jeunes qui se préparent à servir sont envoyés à l'école pour s'instruire dans les livres. Loin des responsabilités de la vie quotidienne, ils s'absorbent dans leurs études, et souvent en oublient le but. Leur premier élan tombe, et trop d'entre eux se laissent complètement absorber par une ambition égoïste. Leurs diplômes leur font perdre le contact avec la vie réelle. Ils ont si longtemps vécu dans l'abstraction et la théorie qu'ils ne sont pas prêts à affronter, de tout leur être, les durs combats de la vie. Au lieu de s'appliquer à la noble tâche qu'ils avaient envisagée, ils consacrent toute leur énergie à lutter pour subsister. Après de nombreuses déceptions, désespérant même de gagner honnêtement leur vie, beaucoup d'entre eux se laissent aller à des agissements discutables ou criminels. Le monde est privé de leur service et Dieu est privé des âmes qu'il espérait tant élever, ennoblir et saluer comme ses envoyées. Éd 298 2 Tant de parents se trompent en faisant des différences entre leurs enfants dans le domaine de l'éducation. Ils sont prêts à n'importe quel sacrifice pour assurer les plus grands avantages à celui qui est brillant, doué, mais n'offrent pas des chances analogues à ceux qui ont moins de possibilités. On estime que les obligations de la vie courante ne nécessitent pas une grande instruction. Éd 299 1 Mais qui peut, devant un groupe d'enfants d'une même famille, désigner ceux à qui incomberont les plus grandes charges? Le jugement humain est si fragile! Rappelez-vous l'expérience de Samuel, qui dut oindre un des fils de Jessé comme roi d'Israël. Sept jeunes gens à la noble apparence passèrent devant lui. Lorsqu'il vit le premier, qui avait une haute taille, un visage agréable, une allure princière, il s'exclama: "Certainement, le messie de l'Eternel est ici devant lui. Mais l'Eternel dit à Samuel: Ne prends pas garde à son apparence et à sa haute taille, car je l'ai rejeté. (Il ne s'agit) pas de ce que l'homme considère; l'homme regarde à (ce qui frappe) les yeux, mais l'Eternel regarde au coeur." 1 Samuel 16:6, 7. Il en fut ainsi pour chacun des sept frères: "L'Eternel n'a choisi aucun d'eux." 1 Samuel 16:10. Et le prophète dut attendre, pour accomplir sa mission, qu'on soit allé chercher le berger David. Éd 299 2 Les frères aînés, parmi lesquels aurait choisi Samuel, ne possédaient pas les qualités essentielles aux yeux de Dieu pour diriger son peuple. Fiers, égoïstes, sûrs d'eux-mêmes, ils furent écartés au profit de celui dont ils ne faisaient aucun cas, de celui qui avait gardé la simplicité et la sincérité de sa jeunesse et qui, alors qu'il se sentait petit, pouvait être préparé par Dieu à prendre le royaume en charge. Aujourd'hui aussi, Dieu discerne, dans bien des enfants que les parents négligeraient, des capacités qui dépassent de beaucoup celles d'autres enfants qui semblent pleins de promesses. Éd 299 3 D'autre part, qui peut, face aux possibilités d'un être humain, décider de ce qui est grand, de ce qui est sans valeur? Combien d'ouvriers à la situation très modeste ont accompli, pour la bénédiction du monde, une oeuvre que les rois pourraient envier! Éd 299 4 Que chaque enfant reçoive donc une éducation qui le préparera au plus haut service. "Dès le matin sème ta semence, et le soir ne laisse pas reposer ta main; car tu ne sais point ce qui réussira, ceci ou cela, ou si l'un ou l'autre sont également bons." Ecclésiaste 11:6. Éd 300 1 Notre position dans la vie dépend de nos capacités. Nous ne nous développons pas tous de la même façon, nous n'accomplissons pas tous le même travail avec la même efficacité. Mais Dieu ne s'attend pas à ce que l'hysope atteigne la taille du cèdre, ni l'olivier celle du palmier. Chacun de nous doit viser l'objectif qu'il peut atteindre en unissant ses possibilités humaines à la puissance divine. Éd 300 2 Beaucoup ne deviennent pas ce qu'ils pourraient être parce qu'ils ne tirent pas parti de ce qui est en eux. Ils ne s'emparent pas, comme ils le pourraient, de la force divine. Ils se détournent de la voie qui est la leur, où ils réussiraient pleinement. Ils cherchent de plus grands honneurs ou une tâche plus agréable et s'engagent dans un chemin qui ne leur convient pas. Les uns se laissent guider non par leurs talents, mais par leur ambition; et celui qui aurait pu être un bon fermier, un bon artisan, un bon infirmier, se retrouve médiocre pasteur, homme de loi, médecin. D'autres auraient pu assumer de hautes responsabilités mais se sont contentés, par manque d'énergie, de zèle, de persévérance, d'un travail plus facile. Éd 300 3 Il nous faut suivre plus étroitement le plan de Dieu pour nos vies. Accomplir de notre mieux l'ouvrage qui s'offre à nous, confier nos projets au Seigneur, être attentif aux indications qu'il nous donne par sa providence -- voilà ce qui nous guidera avec sûreté dans le choix d'une profession. Éd 300 4 Jésus, qui vint du ciel pour être notre exemple, passa près de trente années de sa vie à exercer de ses mains un métier ordinaire; mais pendant ce temps il étudiait la parole et les oeuvres de Dieu et aidait, enseignait tous ceux qu'il pouvait toucher de son influence. Lorsque commença son ministère public, il parcourut le pays, guérissant les malades, consolant les affligés, annonçant la bonne nouvelle aux pauvres. C'est là la tâche de tous ceux qui le suivent. Éd 301 1 "Que le plus grand parmi vous soit comme le plus jeune, et celui qui gouverne comme celui qui sert. [...] Et moi, [...] je suis au milieu de vous comme celui qui sert." Luc 22:26, 27. Éd 301 2 A l'origine de tout service authentique, il y a l'amour et la fidélité au Christ. Celui qui aime le Seigneur a envie de travailler pour lui; il faut encourager et guider ce désir. La présence des pauvres, des affligés, des ignorants, des malheureux, que ce soit à la maison, dans le voisinage ou à l'école, ne devrait pas être considérée comme une malchance, mais comme une précieuse occasion de servir. Éd 301 3 Dans cette tâche-là comme dans toute autre, c'est en travaillant que l'on devient habile. C'est en s'exerçant aux travaux quotidiens, en apportant de l'aide aux nécessiteux et aux malades que l'on devient efficace. Sinon les meilleures intentions sont souvent inutiles et même nuisibles. C'est dans l'eau, non sur terre, que l'on apprend à nager. Éd 301 4 Il est un autre engagement, trop souvent négligé, à montrer clairement aux jeunes qui prennent conscience des demandes du Christ: c'est l'engagement à vivre en relation étroite avec l'Eglise. Éd 301 5 Le lien noué entre le Christ et son Eglise est intime et sacré -- Jésus est l'époux, l'Eglise est l'épouse; il est la tête, elle est le corps. Aussi notre union avec le Christ implique-t-elle une union avec son Eglise. Éd 302 1 L'Eglise est organisée pour servir, et celui qui veut suivre le Seigneur se tournera d'abord vers elle. Si nous sommes fidèles au Christ, nous nous acquitterons loyalement de nos devoirs envers l'Eglise; c'est un élément important de notre formation. Et si l'Eglise est vivante de la vie du Maître, elle nous amènera tout droit à travailler pour le monde extérieur. Éd 302 2 Les jeunes peuvent trouver de nombreuses façons de coopérer. Qu'ils forment des équipes au service du Christ et leur collaboration sera un soutien et un encouragement. Les parents et les maîtres, en s'intéressant à leur travail, pourront les faire profiter de leur expérience et les aider à oeuvrer avec efficacité pour le bien. Éd 302 3 C'est la connaissance qui éveille la sympathie, et celle-ci est la source de tout ministère efficace. Si nous voulons éveiller chez les enfants et les jeunes la sympathie et l'esprit de dévouement à l'égard des millions d'êtres qui souffrent dans les pays lointains, apprenons-leur à connaître ces terres et ces gens. Nos écoles peuvent y contribuer largement. Au lieu de nous attarder sur les exploits d'Alexandre ou de Napoléon, faisons-leur étudier la vie de l'apôtre Paul, de Martin Luther, Moffat, Livingstone, Carey; parlons-leur du travail missionnaire d'aujourd'hui. Au lieu d'encombrer leur mémoire d'une foule de noms et de théories qui ne concernent en rien leur vie, et auxquels, une fois partis de l'école, ils n'adresseront pas une pensée, apprenons-leur à connaître tous les pays à la lumière des efforts missionnaires, renseignons-les sur ces peuples et leurs besoins. Éd 302 4 Pour achever de répandre l'Evangile, il y a beaucoup à faire; plus que jamais cette tâche requiert le concours de tout un chacun. Les jeunes et les moins jeunes seront appelés de leurs champs, de leurs vignes, de leur atelier; le Maître les enverra porter son message. Beaucoup d'entre eux n'auront reçu qu'une instruction limitée; mais le Christ distingue en eux des compétences qui leur permettront d'atteindre son objectif. S'ils s'attellent à la tâche de tout leur coeur, s'ils continuent à apprendre, le Seigneur les rendra capables de travailler avec lui. Éd 303 1 Celui qui sonde les profondeurs de la misère et du désespoir humains sait comment les soulager. Partout il voit des âmes dans l'obscurité, ployant sous le poids du péché, du chagrin, de la souffrance. Mais il en connaît aussi les qualités; il sait jusqu'où elles peuvent s'élever. Quoique les êtres humains aient gaspillé les bénédictions, les talents qu'ils avaient reçus, quoiqu'ils aient perdu leur dignité originelle, le Créateur doit être glorifié par leur rédemption. Éd 303 2 A ceux qui peuvent comprendre les ignorants, les égarés, le Christ confie la lourde tâche d'agir pour les nécessiteux de tous les coins de la terre. Il sera là pour aider les hommes au coeur compatissant, même si leurs mains sont calleuses et maladroites. Son oeuvre s'accomplira à travers ceux qui discernent dans la misère des bénédictions, dans les pertes un gain. En présence de la lumière du monde nous distinguerons la grâce au milieu de la souffrance, l'ordre dans la confusion, le succès dans l'échec apparent. Des désastres se révéleront avoir été des bienfaits. Les ouvriers venus du commun, qui partagent les peines de leurs semblables comme leur Maître partageait celles de l'humanité, le verront, par la foi, travailler avec eux. Éd 303 3 "Il est proche, le grand jour de l'Eternel, il est proche, il arrive en toute hâte." Sophonie 1:14. Et il faut avertir le monde. Éd 303 4 Avec la préparation qu'ils peuvent acquérir, des milliers et des milliers de jeunes et d'adultes devraient se consacrer à cette oeuvre. Beaucoup répondent déjà à l'appel du Maître, et leur nombre augmentera encore. Que les éducateurs chrétiens accordent à ces ouvriers sympathie et appui. Qu'ils encouragent et aident les jeunes qui leur sont confiés à se préparer à rejoindre leurs rangs. Éd 304 1 Cette tâche sera pour les jeunes d'un plus grand profit qu'aucune autre. Tous ceux qui s'engagent sur ce chemin sont les assistants de Dieu, les associés des anges, ou plutôt les intermédiaires humains à travers lesquels ceux-ci accomplissent leur mission: les anges parlent par leur bouche, travaillent de leurs mains. Et les ouvriers qui collaborent avec les puissances célestes bénéficient de leur éducation et de leur expérience. Quel cours universitaire pourrait en faire autant? Éd 304 2 Avec l'armée que formeraient nos jeunes, bien préparés, la bonne nouvelle de notre Sauveur crucifié, ressuscité, prêt à revenir, serait vite portée au monde entier! Comme la fin viendrait vite -- la fin de la souffrance, du chagrin, du péché! Au lieu de possessions terrestres, marquées par le mal et la douleur, nos enfants recevraient bientôt l'héritage divin: "Les justes posséderont le pays et ils y demeureront à jamais." Psaumes 37:29. "Aucun habitant ne dit: Je suis malade!" Ésaïe 33:24. "On n'y entendra plus le bruit des pleurs et le bruit des cris." Ésaïe 65:19. Comme le Père m'a envoyé, moi aussi, je vous envoie. Jean 20:21. ------------------------Chapitre 32 -- La préparation Éd 307 0 Efforce-toi de te présenter devant Dieu comme un homme qui a fait ses preuves. 2 Timothée 2:15. Éd 307 1 Le premier éducateur de l'enfant est la mère. Durant la période où l'enfant est le plus sensible, où il se développe le plus rapidement, son éducation est essentiellement confiée aux soins maternels. La mère a, la première, la possibilité de façonner le caractère du bébé. Elle devrait mesurer la valeur de ce privilège et, plus que tout autre éducateur, être prête à en user au mieux. Cependant, si une formation est négligée, c'est bien la sienne. Celle dont l'influence éducative est essentielle, d'une portée considérable, est celle que l'on pense le moins à instruire. Éd 307 2 Ceux à qui est confié un petit enfant ignorent trop souvent ses besoins physiques; ils ne savent pas grand-chose des principes de santé ou du développement de l'organisme. Ils ne sont pas mieux armés pour veiller à sa croissance mentale et spirituelle. Ils sont peut-être qualifiés pour les affaires ou pour briller en société; ils ont peut-être de grandes connaissances en littérature, en sciences; mais ils n'en ont guère en ce qui concerne l'éducation d'un enfant. C'est essentiellement pour cette raison, et en particulier à cause du manque de soins apportés très tôt à leur développement physique, que tant d'êtres humains meurent en bas âge et que ceux qui atteignent la maturité sont si nombreux à porter la vie comme un fardeau. Éd 308 1 Le père aussi bien que la mère est responsable de l'éducation de l'enfant, dès le départ, et il est essentiel que tous deux se préparent soigneusement et complètement. Avant d'envisager d'être parents, les hommes et les femmes devraient s'informer des lois relatives à la croissance -- la physiologie, l'hygiène, les influences prénatales, l'hérédité, le vêtement, l'exercice, le traitement des maladies; ils devraient comprendre aussi les lois du développement mental et moral. Éd 308 2 Dieu a attaché tant d'importance à cette oeuvre d'éducation qu'il a envoyé des messagers célestes à une future mère pour répondre à la question: "Quelles seront la règle et la conduite à tenir à l'égard de l'enfant?" (Juges 13:12), et pour enseigner à un père comment élever le fils qui lui était promis. Éd 308 3 Jamais l'éducation n'accomplira tout ce qu'elle pourrait et devrait accomplir si l'importance de l'oeuvre des parents n'est pas reconnue, et s'ils ne se préparent pas à leurs responsabilités sacrées. Éd 308 4 Tout le monde s'accorde à dire que le maître doit être formé à sa tâche; mais peu de gens distinguent la nature de la préparation de base. Ceux qui mesurent la responsabilité que l'on engage dans l'éducation de la jeunesse se rendent compte qu'un enseignement scientifique et littéraire ne peut suffire. Le maître devrait posséder des connaissances qui dépassent de beaucoup celles que peuvent apporter les livres. Il devrait posséder la vigueur et l'ouverture d'esprit; une belle âme et un grand coeur. Éd 309 1 Seul celui qui a créé l'intelligence et ses lois peut parfaitement en comprendre les besoins et en diriger le développement. Les principes d'éducation qu'il a donnés sont le seul guide sûr. Il est indispensable que les maîtres connaissent ces principes et règlent leur vie sur eux. Éd 309 2 L'expérience pratique est essentielle aussi, avec l'ordre, la minutie, la ponctualité, la maîtrise de soi, un caractère enjoué, une humeur égale, le dévouement, l'intégrité, la courtoisie. Éd 309 3 Il y a tant de médiocrité, tant d'hypocrisie autour des jeunes qu'il est nécessaire que les paroles, l'attitude, le comportement du maître témoignent de ce qui est grand et vrai. Les enfants ont vite fait de déceler l'affectation ou toute autre faiblesse, ou défaut. Le maître ne peut gagner le respect de ses élèves autrement qu'en se conformant lui-même aux principes qu'il veut leur enseigner. C'est seulement ainsi qu'il pourra, jour après jour, avoir sur eux une bonne et durable influence. Éd 309 4 D'autre part, la réussite du maître dépend grandement de son état physique. Mieux il se portera, meilleur sera son travail. Éd 309 5 Sa responsabilité est si épuisante qu'il doit faire un effort tout particulier pour conserver son énergie et sa fraîcheur. Souvent la fatigue gagne son coeur, son cerveau, et l'entraîne irrésistiblement vers le découragement, la froideur, l'irritabilité. Non seulement le maître doit résister à de telles humeurs, mais il doit en éviter les causes. Il lui faut garder un coeur pur, doux, confiant et bienveillant. Afin d'être toujours ferme, calme et de bonne humeur, il doit ménager son cerveau et ses nerfs. Éd 310 1 La qualité de son travail étant tellement plus importante que la quantité, l'enseignant doit se garder du surmenage -- ne pas trop entreprendre dans son propre domaine, ne pas accepter d'autres responsabilités qui l'empêcheraient d'assumer correctement sa tâche, ne pas s'adonner à des divertissements, des plaisirs plus fatigants que réparateurs. Éd 310 2 L'exercice de plein air, surtout lorsqu'il a une utilité, est une des meilleures façons de délasser le corps et l'esprit; et l'exemple du maître amènera les élèves à s'intéresser au travail manuel et à le respecter. Éd 310 3 Le maître devrait se conformer fidèlement aux principes de santé, non seulement pour le bien qu'il en retirera, mais à cause de l'effet que son attitude aura sur ses élèves. Il devrait être tempéré en toutes choses: nourriture, vêtement, travail et détente; il est appelé à servir d'exemple. Éd 310 4 A la santé physique, à la droiture de caractère, il faut joindre une grande culture. Plus le maître a de connaissances solides, meilleur sera son travail. La salle de classe n'est pas le lieu d'un travail de surface. Un enseignant qui se satisferait de connaissances superficielles ne serait pas très efficace. Éd 310 5 Cependant l'efficacité du maître ne dépend pas tant de l'étendue de son savoir que du niveau qu'il vise. Un maître digne de ce nom ne se satisfait pas de pensées quelconques, d'un esprit nonchalant, d'une mémoire imprécise. Il est constamment à la recherche de résultats plus satisfaisants, de meilleures méthodes. Sa vie est en continuelle progression. Il y a dans son travail une vivacité, une force qui éveillent et stimulent ses élèves. Éd 310 6 Le maître doit être qualifié pour son travail. Il doit posséder la sagesse et le tact nécessaires pour s'adresser à l'esprit des élèves. Même si ses connaissances sont grandes, ses qualités nombreuses et développées, s'il ne gagne pas le respect et la confiance de ses élèves, ses efforts seront vains. Éd 311 1 Nous avons besoin de maîtres prompts à discerner et à saisir toutes les occasions de faire le bien; de maîtres qui joignent à l'enthousiasme une dignité profonde, qui sachent diriger, enseigner, qui stimulent la pensée, éveillent l'énergie, communiquent courage et vie. Éd 311 2 Les qualifications d'un maître peuvent être limitées, il peut ne pas posséder des connaissances livresques aussi étendues qu'il serait souhaitable; pourtant, s'il discerne avec finesse la nature humaine, s'il éprouve pour sa tâche un amour véritable et en mesure l'ampleur, s'il est résolu à progresser, disposé à travailler avec ardeur et persévérance, il comprendra les besoins de ses élèves et, grâce à sa démarche de sympathie et de progrès, les amènera à le suivre plus loin, plus haut. Éd 311 3 Les enfants, les jeunes qui sont confiés au maître ont un caractère, des habitudes, une formation bien différents les uns des autres. Certains n'ont pas de but défini, pas de principes. Ils ont besoin de prendre conscience de leurs responsabilités, de leurs possibilités. Peu d'enfants ont reçu à la maison une éducation solide. Les uns ont été dorlotés, éduqués superficiellement; ils ont pris l'habitude de suivre leurs envies et d'éviter les responsabilités, les charges, ils manquent de solidité, de persévérance, de dévouement. Ils considèrent souvent que la discipline n'est qu'une inutile contrainte. D'autres ont été critiqués, découragés. Des pressions arbitraires, la dureté ont fait naître et croître en eux l'entêtement et la provocation. Si ces caractères déformés sont remodelés, ce sera le plus souvent par le maître. Celui-ci doit, pour réussir dans cette tâche, posséder une bienveillance et une clairvoyance assez grandes pour pouvoir trouver la cause des défauts et des erreurs présents chez ses élèves. Il doit aussi être plein de tact et d'habileté, de patience et de fermeté, pour dispenser à chacun ce dont il a besoin -- à ceux qui sont irrésolus, qui aiment la facilité, des encouragements et un appui qui leur donnent le goût de l'effort; à ceux qui sont découragés, la compréhension et l'estime qui fassent naître leur confiance et leur permettent de s'atteler au travail. Éd 312 1 Souvent les maîtres n'ont pas assez de contact avec leurs élèves. Ils ne leur témoignent pas suffisamment de sympathie, de tendresse, mais leur apparaissent comme des juges rigides. Etre ferme et résolu, ce n'est pas être exigeant et dictatorial. Le maître dur et critique, qui se tient à l'écart de ses élèves ou les traite avec indifférence, ferme les portes entre eux et lui et ne pourra les amener à bien faire. Éd 312 2 Jamais, dans aucune circonstance, le maître ne devrait être partial. Favoriser les enfants brillants, charmeurs, et se montrer sévère, impatient, désagréable envers ceux qui ont le plus besoin d'aide et d'encouragement, c'est méconnaître totalement son rôle. C'est en s'occupant des enfants qui sont en faute, qui peinent ou qui sont difficiles que le maître montrera s'il est vraiment à la hauteur de sa tâche. Éd 312 3 Grande est la responsabilité de ceux qui ont accepté de guider des âmes. Des parents dignes de ce nom considèrent qu'ils ne seront jamais totalement déchargés de leur devoir. L'enfant, de son premier à son dernier jour, éprouve la puissance du lien qui l'attache au coeur de ses parents; les actions, les paroles, le regard même de ces derniers continuent à le former pour le bien ou pour le mal. Le maître partage cette responsabilité; il lui faut en peser sans cesse le caractère sacré et garder présent à l'esprit le but de sa tâche. Il n'a pas seulement à s'acquitter de ses besognes quotidiennes, à satisfaire ses employeurs, à maintenir la réputation de l'école; il doit considérer le plus grand bien de ses élèves, en tant qu'individus, les charges que la vie posera sur leurs épaules, l'oeuvre qui leur sera demandée, et la préparation qui leur est nécessaire. Le travail qu'il accomplit jour après jour exercera sur ses élèves, et à travers eux sur d'autres, une influence qui ne cessera de croître jusqu'à la fin des temps. Il en cueillera les fruits le jour où chaque mot, chaque acte sera examiné devant Dieu. Éd 313 1 Un maître conscient de tout cela n'a pas le sentiment que son travail est terminé lorsque le train-train des leçons quotidiennes est achevé et que ses élèves, pour un moment, ne sont plus sous sa responsabilité directe. Il porte ces enfants, ces jeunes dans son coeur. Il cherche sans cesse, de toutes ses forces, comment les mener au plus noble niveau de connaissances. Éd 313 2 Celui qui reconnaît les privilèges de sa charge n'acceptera pas que quoi que ce soit l'empêche de se perfectionner. Il n'épargnera aucune peine pour atteindre le degré le plus élevé. Tout ce qu'il désire que ses élèves deviennent, il s'efforcera de le devenir lui-même. Éd 313 3 Plus le sens de sa responsabilité grandira, plus il tentera de progresser, mieux il percevra et plus il déplorera les défauts qui font obstacle à son efficacité. Lorsqu'il considérera l'ampleur de sa tâche, ses difficultés et ses possibilités, souvent il s'écriera: "Qui est capable d'assumer tout cela?" Éd 313 4 Chers maîtres qui mesurez le besoin que vous avez d'être fortifiés et dirigés -- besoin que nulle réponse humaine ne peut satisfaire -- je vous le demande, pensez aux promesses du Conseiller merveilleux. Éd 314 1 "Voici, j'ai mis devant toi une porte ouverte que nul ne peut fermer." Apocalypse 3:8. Éd 314 2 "Invoque-moi et je te répondrai." Jérémie 33:3. Éd 314 3 "Je t'instruirai et te montrerai la voie que tu dois suivre; je te conseillerai, j'aurai le regard sur toi." Psaumes 32:8. Éd 314 4 "Je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde." Matthieu 28:20. Éd 314 5 Pour vous préparer du mieux possible à votre tâche, soyez attentifs, je vous en prie, aux paroles, à la vie, aux méthodes du Maître des maîtres. C'est lui votre idéal. Contemplez-le, appuyez-vous sur lui jusqu'à ce que son Esprit s'empare de votre coeur et de votre vie. Éd 314 6 "Nous tous, qui [...] reflétons comme un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image." 2 Corinthiens 3:18. Voilà le secret de votre autorité sur les élèves. Reflétez le Seigneur Jésus. ------------------------Chapitre 33 -- La collaboration Éd 315 0 Nous sommes membres les uns des autres. Ephésiens 4:25. Éd 315 1 Pour former le caractère, il n'est pas d'influence aussi puissante que celle de là famille. L'oeuvre du maître s'ajoutera à celle des parents, mais n'en prendra pas la place. Parents et enseignants devraient travailler ensemble à tout ce qui touche au bien-être des enfants. Éd 315 2 L'apprentissage de la collaboration commence à la maison, dans la vie quotidienne; père et mère partagent la responsabilité d'éduquer leurs enfants, et devraient s'efforcer d'agir toujours de concert. Qu'ils se confient à Dieu et lui demandent de les aider à se soutenir mutuellement. Qu'ils apprennent à leurs enfants à être fidèles au Seigneur, aux principes reconnus, à eux-mêmes et à tous ceux avec qui ils sont en contact. Ces enfants, à l'école, ne causeront ni troubles ni soucis, mais seront un appui pour leurs maîtres, un exemple et une source d'encouragement pour leurs camarades. Éd 315 3 Les parents qui agissent ainsi ne critiqueront pas le maître. Ils sentent bien que dans l'intérêt de leurs enfants et par honnêteté envers l'école ils doivent, autant que faire se peut, aider et estimer celui qui prend part à leur responsabilité. Éd 316 1 Mais beaucoup de parents commettent là des erreurs. Leur tendance à critiquer à tort et à travers, sans réfléchir, réduit souvent presque à néant l'influence bienfaisante et généreuse du maître. De nombreux parents qui ont gâté leurs enfants par une indulgence excessive et laissent à l'enseignant la pénible charge de réparer leur négligence adoptent un comportement qui rend à ce dernier la tâche quasiment impossible: ils attaquent l'organisation de l'école de telle façon qu'ils ne font qu'encourager chez leurs enfants l'esprit de rébellion et les mauvaises habitudes. Éd 316 2 Si jamais il est nécessaire de faire une critique ou une suggestion à propos du travail du maître, ce doit être à l'enseignant lui-même, en privé. Si cela s'avère infructueux, il faut remettre la chose entre les mains de ceux qui ont la responsabilité de l'école. Aucune parole, aucun acte ne doit risquer d'affaiblir le respect que portent les enfants à la personne dont dépend, en grande partie, leur bien-être. Éd 316 3 Si les parents faisaient partager au maître la connaissance intime qu'ils ont du caractère de leurs enfants et de leurs particularités, de leurs faiblesses physiques, ils lui rendraient là un grand service. Il est regrettable que cela n'arrive que bien rarement. La plupart des parents ne cherchent guère à s'informer des compétences du maître ni à collaborer avec lui. Éd 316 4 Il est donc essentiel que le maître s'efforce de rencontrer ces parents qui restent à l'écart. Il devrait leur rendre visite et apprendre à connaître les influences que subissent ses élèves, l'environnement dans lequel ils vivent. Par ce contact personnel avec leur foyer, leur vie quotidienne, il peut resserrer les liens qui l'unissent à ses élèves, mieux comprendre et diriger leur caractère. Éd 317 1 Le maître qui s'intéresse à la vie des familles peut être utile de deux façons. Nombreux sont les parents qui, pris par le travail, les soucis, ne distinguent plus les occasions qu'ils ont d'agir de façon bénéfique sur la vie de leurs enfants. Le maître peut les aider grandement à prendre conscience de leurs possibilités, de leurs privilèges. Il en rencontrera d'autres qui portent leurs responsabilités comme une lourde charge, anxieux de voir leurs enfants devenir des hommes et des femmes bons et utiles. Souvent il pourra les aider, en partageant leur fardeau. Par leurs échanges, parents et enseignants s'encourageront, se fortifieront mutuellement. Éd 317 2 La valeur éducative de la collaboration est inestimable. Il faut faire sentir aux enfants, dès leur plus jeune âge, qu'ils sont partie intégrante de la maisonnée. Les petits eux-mêmes doivent apprendre à assumer leur part de travail quotidien et sentir que leur aide est nécessaire et appréciée. Les plus grands doivent seconder les parents, participer à l'élaboration des projets, partager les responsabilités, les charges. Que les pères et mères prennent le temps d'instruire leurs enfants, qu'ils leur montrent combien ils apprécient leur aide, souhaitent leur confiance, aiment leur compagnie; les enfants réagiront promptement à ces marques d'estime. D'une part les charges des parents seront allégées et les enfants bénéficieront d'une formation irremplaçable, d'autre part les liens familiaux se resserreront et les caractères gagneront en profondeur. Éd 317 3 L'esprit de collaboration devrait animer la classe, en être la règle de vie. Le maître qui obtient l'aide de ses élèves possède là un moyen de discipline précieux. En participant de façon active à la vie de la classe, combien de ces garçons dont l'agitation entraîne le désordre trouveraient la possibilité de dépenser leur trop-plein d'énergie. Que les plus âgés aident les plus jeunes, que les forts aident les faibles; que, dans la mesure du possible, chacun soit invité à accomplir ce qu'il réussit le mieux. Cela développera en chacun le respect de soi-même et le désir de se rendre utile. Éd 318 1 Il serait bon que les jeunes, mais aussi bien les parents et les enseignants, se penchent sur les leçons de travail en commun que nous offrent les Ecritures. Parmi de nombreux exemples, distinguons celui de la construction du sanctuaire -- qui illustre la formation du caractère -- , à laquelle participa le peuple entier, uni dans l'effort, "tous ceux dont le coeur était bien disposé et l'esprit généreux". Exode 35:21. Lisons le récit qui nous raconte comment furent reconstruites les murailles de Jérusalem, par des hommes qui revenaient de captivité, assaillis par la pauvreté, les difficultés, les dangers, mais qui menèrent à bien leur ouvrage parce que "le peuple prit à coeur ce travail". Néhémie 4:1. Examinons le rôle des disciples lors de la multiplication des pains. C'est eux qui recevaient, des mains du Seigneur où elles se multipliaient, les miches de pain, et les distribuaient à la foule. Éd 318 2 "Nous sommes membres les uns des autres." Ephésiens 4:25. "Puisque chacun a reçu un don, mettez-le au service des autres en bons intendants de la grâce si diverse de Dieu." 1 Pierre 4:10. Éd 318 3 Comme il serait bon que les paroles des bâtisseurs d'idoles d'autrefois soient adoptées, mais pour une cause meilleure, par les bâtisseurs de caractères d'aujourd'hui: "Ils s'aident l'un l'autre, et chacun dit à son frère: Courage!" Ésaïe 41:6. ------------------------Chapitre 34 -- La discipline Éd 319 0 Convaincs, reprends, exhorte, avec toute patience et en instruisant. 2 Timothée 4:2. Éd 319 1 Une des premières choses que doit apprendre un enfant, c'est obéir. On peut, avant qu'il soit assez grand pour raisonner, lui enseigner l'obéissance. La douceur et la persévérance permettront d'instaurer cette habitude, qui évitera par la suite bien des conflits entre la volonté et l'autorité, de ceux qui éloignent les enfants des parents et des maîtres, les remplissent d'amertume et les amènent trop souvent à résister à toute autorité, qu'elle soit humaine ou divine. Éd 319 2 L'objectif de la discipline est de préparer les enfants à devenir autonomes. Ils doivent apprendre à se diriger, à se maîtriser. Aussi, dès qu'ils sont capables de comprendre, de raisonner, il faut leur enseigner la valeur de l'obéissance. Nos rapports avec eux doivent être tels qu'elle s'avère justifiée et raisonnable. Montrons-leur que tout est régi par des lois, dont la transgression mène finalement au désastre, à la souffrance. Lorsque Dieu dit: "Tu ne dois pas", il nous avertit, dans son amour, des effets d'une désobéissance éventuelle pour nous protéger du mal et de l'épreuve. Éd 320 1 Aidons les enfants à comprendre que les parents et les maîtres sont les représentants de Dieu et que, lorsqu'ils agissent en accord avec lui, les règles qu'ils leur demandent de suivre, à la maison, à l'école, sont les siennes. De même que l'enfant doit se soumettre à ses parents, à ses maîtres, ces derniers, à leur tour, doivent se soumettre à Dieu. Éd 320 2 Parents et enseignants doivent s'efforcer de guider le développement des enfants sans en entraver le cours, sans autorité excessive. Il ne faut verser ni dans un excès, ni dans un autre. C'est une effroyable erreur que de vouloir "briser la volonté" d'un enfant. Les tempéraments sont divers; si la force peut garantir une soumission extérieure, elle fait naître dans bien des coeurs d'enfants une rébellion d'autant plus profonde. Même si les parents ou les maîtres réussissent à obtenir la soumission qu'ils désirent imposer, le résultat peut être nuisible à l'enfant. L'éducation d'un être humain doué de raison n'a rien à voir avec le dressage d'un animal. Celui-ci apprend uniquement à se soumettre à son maître, qui est pour lui l'intelligence et la volonté. Cette méthode, employée parfois avec les enfants, fait d'eux des sortes d'automates: leur esprit, leur volonté, leur conscience sont soumis à quelqu'un d'autre. Ce n'est pas le dessein de Dieu qu'un esprit soit ainsi asservi. Ceux qui affaiblissent ou détruisent l'individu endossent des responsabilités lourdes de conséquences. Les enfants qui se plient à l'autorité peuvent ressembler à des soldats bien entraînés; mais quand elle n'est plus là, on constate que leur caractère manque de force, de fermeté. Ils n'ont jamais appris à se diriger eux-mêmes et ne connaissent aucune contrainte, sinon les exigences de leurs parents, de leurs maîtres; loin d'elles, ils ne savent comment user de leur liberté et souvent se laissent aller à une faiblesse désastreuse. Éd 320 3 Soumettre sa volonté est beaucoup plus difficile pour certains enfants que pour d'autres, et le maître doit veiller à ce qu'il soit aussi facile que possible de respecter ses exigences. La volonté doit être guidée, éduquée, et non pas ignorée, écrasée. Respectons sa puissance; dans la bataille de la vie, elle sera si précieuse! Éd 321 1 Les enfants doivent apprécier la volonté à sa juste valeur. Il faut leur apprendre à distinguer la dimension de responsabilité qu'elle contient. Elle est la force qui permet à l'homme de gouverner, de décider, de choisir. Tout être humain doué de raison a le pouvoir de choisir le bien. Dans nos expériences de chaque jour, Dieu nous dit: "Choisissez aujourd'hui qui vous voulez servir." Josué 24:15. Chacun peut appliquer sa volonté à suivre la volonté de Dieu, choisir de lui obéir et, en s'unissant ainsi aux puissances divines, se tenir fermement à l'écart du mal. Chaque jeune, chaque enfant a le pouvoir, avec l'aide de Dieu, de se forger un caractère intègre et de vivre une vie utile. Éd 321 2 Les parents et les maîtres avertis qui apprennent aux enfants à se maîtriser seront pour eux une aide précieuse et efficace. Leur travail n'apparaîtra peut-être pas sous son meilleur jour à un observateur hâtif et ne sera peut-être pas aussi apprécié que s'ils exerçaient sur l'esprit et la volonté des enfants une autorité absolue; mais les années montreront quelle méthode est la meilleure. Éd 321 3 L'éducateur sage cherche à établir la confiance, à développer le sens de l'honneur. Les enfants et les jeunes ont besoin qu'on leur fasse confiance; les petits eux-mêmes ont une grande dignité; tous désirent qu'on ait foi en eux, qu'on les respecte, et c'est bien leur droit. Ils ne devraient pas avoir le sentiment qu'ils ne peuvent aller et venir sans être surveillés. La méfiance décourage et suscite les maux que l'on voulait justement prévenir. Les maîtres ne surveilleront pas sans cesse leurs élèves, comme s'ils soupçonnaient le mal, mais sauront reconnaître l'esprit agité et s'efforceront de neutraliser les influences néfastes. Il faut que les jeunes sentent qu'on leur fait confiance: il n'en est guère alors qui ne chercheront pas à s'en montrer dignes. Éd 322 1 Pour cette raison, il vaut mieux demander que commander; celui à qui on s'adresse a alors l'occasion de montrer sa fidélité. Son obéissance est le résultat d'un choix, non d'une pression. Éd 322 2 Les règles de la classe devraient exprimer, autant que possible, l'avis de l'école. Chaque principe devrait être soumis à l'appréciation des étudiants, pour qu'ils puissent en reconnaître le bien-fondé. Ils trouveraient alors tout naturel de veiller à ce que soient respectées des règles à l'élaboration desquelles ils auraient travaillé. Éd 322 3 Ces règles devraient être peu nombreuses et mûrement réfléchies; une fois établies, elles doivent être respectées: l'esprit apprend à accepter ce qui ne peut être changé, et à s'y adapter; mais le manque de fermeté engendre l'envie, l'espoir, le doute, puis l'agitation, l'excitation, l'indiscipline. Éd 322 4 Il doit être bien clair que Dieu n'accepte aucun compromis avec le mal. La désobéissance ne peut être tolérée ni à la maison, ni en classe. Aucun des parents ni des maîtres qui ont à coeur le bien-être de ceux qui leur sont confiés ne transigera avec l'obstination qui défie l'autorité ou recourt au subterfuge, à l'échappatoire pour ne pas obéir. Ce n'est pas l'amour mais le sentimentalisme qui transige avec les mauvaises actions, qui tente, par des cajoleries, des cadeaux, d'obtenir la soumission et qui finalement accepte autre chose que ce qui était demandé. Éd 323 1 "Les stupides se moquent d'un sacrifice de culpabilité." Proverbes 14:9. Veillons à ne pas traiter le péché à la légère. Il exerce une puissance redoutable sur celui qu'il entraîne. "Le méchant est pris dans ses propres fautes, il est retenu par les liens de son péché." Proverbes 5:22. Le plus grand tort que l'on puisse faire à un enfant, à un jeune est de le laisser s'abandonner à de mauvaises habitudes. Éd 323 2 Les jeunes ont un amour inné de la liberté, ils la désirent; il leur faut comprendre qu'ils ne peuvent jouir de cette bénédiction inestimable qu'à travers leur obéissance à la loi divine, seule garante de la véritable liberté. Elle dénonce et condamne ce qui dégrade et asservit l'homme, protégeant ainsi des puissances du mal celui qui la suit. Éd 323 3 Voici ce que dit le psalmiste: "Je marcherai à l'aise, car je recherche tes statuts. [...] Tes préceptes font mes délices, ce sont mes conseillers." Psaumes 119:45, 24. Éd 323 4 Dans notre application à corriger le mal, gardons-nous de la critique. Les observations incessantes désorientent mais ne redressent pas. Tant d'esprits, des plus sensibles surtout, ne peuvent donner leur mesure dans une ambiance lourde de blâmes sans bienveillance. Les fleurs ne s'épanouissent pas sous un vent desséchant. Éd 323 5 Un enfant que l'on reprend fréquemment pour la même faute finit par penser que cette faute lui est personnelle et qu'il ne peut lutter contre elle. C'est ainsi que naissent le découragement et le désespoir, souvent cachés sous l'apparence de l'indifférence ou de la bravade. Éd 323 6 La réprimande n'atteint son objectif que lorsque celui qui a commis une erreur la reconnaît et souhaite la corriger. Alors il faut le guider vers la source du pardon et de la puissance, l'aider à garder sa dignité, lui insuffler le courage et l'espoir. Éd 324 1 Cette tâche est la plus délicate, la plus difficile qui ait jamais été confiée à un être humain. Elle nécessite un tact, une sensibilité extrêmes, une connaissance profonde de l'être humain, une foi et une patience célestes, une volonté intense de travailler, de veiller, d'attendre. C'est une oeuvre plus importante que toute autre. Éd 324 2 Ceux qui veulent diriger les autres doivent d'abord se diriger eux-mêmes. Si l'on s'emporte face à un enfant ou un jeune, on ne fera qu'éveiller son ressentiment. Quand des parents ou un maître s'irritent et s'exposent à parler inconsidérément, qu'ils se taisent. Il y a dans le silence une vertu extraordinaire. Éd 324 3 Le maître doit savoir qu'il rencontrera des tempéraments obstinés, des coeurs endurcis. En face d'eux, il ne doit jamais oublier qu'il a été enfant lui aussi, qu'il a eu lui aussi à apprendre la discipline. Maintenant encore, malgré son âge, sa formation, son expérience, il commet souvent des fautes et doit faire appel à l'indulgence, à la patience. Il lui faut considérer qu'il a affaire à des êtres affligés des mêmes tendances au mal que lui. Ils ont presque tout à apprendre, et pour certains d'entre eux c'est beaucoup plus difficile que pour d'autres. Le maître doit agir patiemment avec les élèves obtus, sans blâmer leur ignorance, mais en saisissant chaque occasion de les encourager. Avec les élèves sensibles, fragiles, il doit se montrer plein de délicatesse. La conscience de ses propres faiblesses l'amènera à traiter sans cesse avec sympathie et patience ceux qui sont aux prises avec des difficultés. Éd 324 4 La règle de vie donnée par le Seigneur: "Ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le pareillement pour eux" (Luc 6:31), devrait être adoptée par tous ceux qui assurent l'éducation des enfants, des jeunes qui sont eux aussi membres de la famille divine, héritiers de la vie. La règle du Christ doit être fidèlement respectée à l'égard des plus jeunes, des moins doués, des plus maladroits, de tous ceux aussi qui s'égarent et se rebellent. Éd 325 1 Cela conduira le maître à éviter, autant que faire se peut, de rendre publiques les fautes, les erreurs des élèves. Il se gardera de blâmer, de punir en présence des autres. Il ne renverra jamais un étudiant sans avoir tout tenté pour lui. Mais s'il s'avère que l'étudiant lui-même ne tire aucun profit de sa présence à l'école, alors que son attitude, son manque de respect à l'égard de l'autorité deviennent nuisibles et contagieux, il faut le renvoyer. Cependant, attention au renvoi public qui conduit tant d'êtres à l'imprudence, au désastre; lorsqu'il faut agir radicalement, l'affaire peut bien souvent se traiter en privé. Que le maître fasse au mieux, avec discrétion, en collaboration avec les parents. Éd 325 2 Notre époque est particulièrement difficile à vivre pour la jeunesse, environnée comme elle l'est de tentations; alors qu'il est facile de se laisser aller à la dérive, il faut tant d'efforts pour remonter le courant. Les écoles devraient être des "villes de refuge" pour les jeunes, des endroits où leurs "folies" seraient considérées avec patience et sagesse. Les maîtres qui ont conscience de leurs responsabilités écarteront de leur coeur, de leur vie, tout ce qui pourrait les empêcher de s'occuper au mieux des élèves têtus et insoumis. Leurs paroles seront pleines d'amour et de tendresse, de patience et de maîtrise de soi. Ils joindront au sens de la justice l'indulgence et la compassion. Lorsqu'ils auront à réprimander, ils le feront sans exagération, humblement. Avec douceur, ils montreront à l'enfant ses erreurs, et l'aideront à se reprendre. Chaque maître digne de ce nom sentira qu'il vaut mieux se tromper par excès d'indulgence que de sévérité. Éd 326 1 Beaucoup de jeunes que l'on croit incorrigibles ne sont pas, au fond, si durs qu'ils le paraissent. Nombre de ceux qui semblent être des cas désespérés peuvent se corriger sous l'effet d'une saine discipline. La bonté vient souvent aisément à bout de ces enfants-là. Que le maître gagne leur confiance; en discernant et en les aidant à développer ce qu'il y a de bon en eux, il peut, dans la plupart des cas, corriger le mal sans attirer l'attention sur lui. Éd 326 2 Le divin Maître supporte patiemment les hommes, avec leurs erreurs et leurs méchancetés. Son amour ne faiblit jamais; ses efforts pour gagner le coeur de ses enfants n'ont pas de cesse. Les bras ouverts, il attend, prêt à accueillir ceux qui s'égarent, se rebellent, apostasient même. Son coeur est sensible à la faiblesse de l'enfant maltraité, aux cris de souffrance qui montent vers lui. Tous les hommes sont précieux à ses yeux, mais les caractères durs, renfermés, obstinés sont particulièrement l'objet de sa compassion, de son amour; c'est qu'il voit les causes et les effets. Il veille avec une sollicitude toute spéciale sur celui qui est facilement sujet à la tentation, porté au péché. Éd 326 3 Les parents, les maîtres devraient cultiver les qualités de celui qui prend la défense des affligés, de ceux qui souffrent, qui sont tentés. Ils doivent "avoir de la compréhension pour les ignorants et les égarés" puisque eux-mêmes sont "sujet[s] à la faiblesse". Hébreux 5:2. Jésus nous traite bien mieux que nous ne le méritons; ce qu'il fait pour nous, nous devons le faire pour les autres. Le comportement des parents, des maîtres est injustifiable s'il n'est semblable à celui qu'adopterait le Sauveur dans les mêmes circonstances. La discipline de la vie Éd 327 1 Par-delà la discipline de la maison et de l'école, il y a la sévère discipline de la vie. Il faut apprendre aux enfants, aux jeunes gens, à s'y soumettre avec sagesse. C'est vrai que Dieu nous aime, qu'il agit pour notre bonheur, et que nous n'aurions jamais connu la souffrance si sa loi avait été respectée; ce n'est pas moins vrai qu'en ce monde les conséquences du péché: la douleur, la peine, les fardeaux, se font sentir dans chaque vie. Nous pouvons faire beaucoup de bien à nos enfants, à nos jeunes, en leur apprenant à affronter courageusement ces difficultés. Nous devons leur témoigner notre sympathie, mais non les inciter à s'apitoyer sur eux-mêmes; ils ont besoin d'être encouragés, fortifiés, et non affaiblis. Éd 327 2 Ils doivent savoir que ce monde n'est pas un lieu de parade, mais un champ de bataille où chacun est appelé à supporter une vie rude, comme un bon soldat, à être ferme et à se conduire en homme. Que la force de caractère se mesure à la volonté de porter des responsabilités, d'accepter des postes difficiles, de faire le travail qu'il y a à faire même si personne ne vous en est reconnaissant. Éd 327 3 La bonne attitude face aux épreuves ne consiste pas à essayer de leur échapper, mais à en tirer profit; ceci est vrai à tout âge. Si la formation du jeune enfant est négligée, ses tendances mauvaises s'accentueront; il deviendra plus difficile de l'éduquer, car il lui sera pénible de se plier à la discipline. Elle est dure, en effet, pour notre être charnel, cette discipline qui contrarie nos désirs et nos inclinations naturelles; mais la souffrance peut s'oublier au profit d'une joie plus profonde. Éd 327 4 Que les enfants et les jeunes apprennent que chaque erreur, chaque faute, chaque difficulté dépassée mène à quelque chose de meilleur. C'est à travers de telles expériences que ceux qui ont jamais vécu une vie digne de ce nom ont réussi. Éd 328 1 Les grands hommes qui ont conquis des sommets Ne les ont pas vaincus sans souffrance. Tandis que leurs semblables dormaient, Ils grimpaient avec peine dans la nuit. Éd 328 2 C'est ce qui est à nos pieds qui nous fait grandir, Ce que nous avons appris à maîtriser, L'orgueil dominé, la passion morte, Les difficultés que chaque jour nous surmontons. Éd 328 3 Toutes les choses banales, les faits quotidiens Qui emplissent notre temps, Nos plaisirs et nos tristesses Peuvent nous aider à nous élever. Éd 328 4 Nous devons regarder "non point aux choses visibles, mais à celles qui sont invisibles; car les choses visibles sont momentanées, et les invisibles sont éternelles". 2 Corinthiens 4:18. Lorsque nous renonçons à nos désirs, à nos tendances égoïstes, nous échangeons en fait un avoir éphémère et de peu de valeur contre des biens précieux et durables. Il n'y a pas là de sacrifice, mais un bénéfice immense. Éd 328 5 "Quelque chose de meilleur": c'est le mot d'ordre de toute éducation, la loi de la vraie vie. Chaque fois que le Christ nous demande d'abandonner quoi que ce soit, c'est qu'il a à nous offrir quelque chose de meilleur. Les jeunes s'adonnent souvent à des occupations, des carrières, des plaisirs qui ne semblent pas mauvais mais qui sont loin du bien suprême; ils détournent la vie de son noble but. Des mesures arbitraires, une condamnation catégorique risquent de ne pas amener ces jeunes à renoncer à ce à quoi ils tiennent tant. Dirigeons-les vers quelque chose de meilleur que l'ostentation, l'ambition, l'amour du confort. Faisons-leur connaître la vraie beauté, les principes élevés, les vies généreuses. Faisons-leur contempler "celui dont toute la personne est désirable"; lorsque nous fixons sur lui notre regard, notre vie trouve son point d'attache. Là l'enthousiasme, l'ardeur, la flamme de la jeunesse découvrent un objectif authentique. Le devoir s'accomplit dans la liesse, le sacrifice avec plaisir. Honorer le Christ, être semblable à lui, travailler pour lui sont la plus grande ambition, la joie la plus intense de la vie. Éd 329 1 "L'amour du Christ nous étreint." 2 Corinthiens 5:14. Jamais on n'a appris ni entendu dire, et jamais l'oeil n'a vu qu'un autre dieu que toi agisse (ainsi) pour celui qui s'attendait à lui. Ésaïe 64:3. ------------------------Chapitre 35 -- L'école de l'au-delà Éd 333 0 [Ils] verront sa face, et son nom sera sur leurs fronts. Apocalypse 22:4. Éd 333 1 Le ciel est une école dont le champ d'études est l'univers et le maître, le Dieu infini. Une section de cette école fut installée en Eden et fonctionnera à nouveau lorsque le plan de la rédemption aura été mené à terme. Éd 333 2 "Ce que l'oeil n'a pas vu, ce que l'oreille n'a pas entendu, et ce qui n'est pas monté au coeur de l'homme, tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment" (1 Corinthiens 2:9), toutes ces choses, nous ne pouvons les connaître qu'à travers la Parole de Dieu, et partiellement seulement. Éd 333 3 Voici comment le prophète de Patmos décrit l'école de l'au-delà: "Je vis un nouveau ciel et une nouvelle terre; car le premier ciel et la première terre avaient disparu, [...] Et je vis descendre du ciel, d'auprès de Dieu, la ville sainte, prête comme une épouse qui s'est parée pour son époux." Apocalypse 21:1, 2. Éd 333 4 "La ville n'a besoin ni du soleil ni de la lune pour y briller, car la gloire de Dieu l'éclaire, et l'Agneau est son flambeau." Apocalypse 21:23. Éd 334 1 Entre l'école d'Eden du commencement et celle du futur, il y a toute l'histoire de ce monde -- l'histoire de la transgression et de la souffrance, du sacrifice divin et de la victoire sur le péché et la mort. L'école à venir ne sera pas exactement semblable à celle des premiers jours. Nul arbre de la connaissance du bien et du mal, nul tentateur, nulle occasion d'erreur: chacun aura déjà résisté à l'épreuve du mal, et plus personne ne saurait y succomber. Éd 334 2 "Au vainqueur, je donnerai à manger de l'arbre de vie qui est dans le paradis de Dieu", dit le Christ. Apocalypse 2:7. Les bienfaits dispensés par l'arbre de vie étaient en Eden conditionnels, et furent finalement retirés à l'homme. Les dons de la vie à venir sont absolus et éternels. Éd 334 3 Le prophète contempla "le fleuve d'eau de la vie, limpide comme du cristal, qui sortait du trône de Dieu et de l'Agneau. [...] Sur les deux bords du fleuve se trouve l'arbre de vie. [...]La mort ne sera plus, et il n'y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses ont disparu." Apocalypse 22:1, 2; 21:4. Éd 334 4 Il n'y aura plus que des justes parmi ton peuple, Ils posséderont à toujours le pays; C'est le rejeton que j'ai planté, L'oeuvre de mes mains, Pour servir à ma splendeur. Ésaïe 60:21. Éd 334 5 L'homme, à nouveau en présence de Dieu, pourra, comme au commencement, être enseigné par lui. "Mon peuple connaîtra mon nom; [...] il saura, en ce jour-là, que c'est moi qui parle: me voici!" Ésaïe 52:6. Éd 334 6 "Voici le tabernacle de Dieu avec les hommes! Il habitera avec eux, ils seront son peuple, et Dieu lui-même sera avec eux." Apocalypse 21:3. Éd 335 1 "Ce sont ceux qui viennent de la grande tribulation. Ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l'Agneau. C'est pourquoi ils sont devant le trône de Dieu et lui rendent un culte jour et nuit dans son temple. [...] ils n'auront plus faim, ils n'auront plus soif, et le soleil ne les frappera plus, ni aucune chaleur. Car l'Agneau qui est au milieu du trône les fera paître et les conduira aux sources des eaux de la vie." Apocalypse 7:14-17. Éd 335 2 "Aujourd'hui nous voyons au moyen d'un miroir, d'une manière confuse, mais alors, nous verrons face à face; aujourd'hui je connais partiellement, mais alors, je connaîtrai comme j'ai été connu." 1 Corinthiens 13:12. Éd 335 3 Ils "verront sa face, et son nom sera sur leurs fronts". Apocalypse 22:4. Éd 335 4 Alors, lorsque le voile qui obscurcit notre vue sera ôté et que nos yeux contempleront ce monde magnifique que nous nous contentons actuellement d'entrevoir au microscope; lorsque nous admirerons les splendeurs célestes que le télescope nous laisse deviner; lorsque la terre entière, débarrassée de la lèpre du péché, apparaîtra dans la beauté du Seigneur, notre Dieu, quel champ d'études s'étendra devant nous! L'étudiant pourra se pencher sur les récits de la création, il n'y rencontrera aucune trace du péché. Il pourra écouter les chants de la nature, il n'y distinguera aucune plainte, aucune note de chagrin. Sur chaque objet créé, il pourra reconnaître la main de Dieu, contempler le nom du Seigneur à travers l'univers; ni la terre, ni la mer, ni le ciel ne porteront plus la moindre marque du mal. Éd 335 5 Alors nous vivrons la vie de l'Eden, dans les champs et les jardins. "Ils bâtiront des maisons et les habiteront; ils planteront des vergers et en mangeront le fruit. Ils ne bâtiront pas des maisons pour qu'un autre (les) habite, ils ne planteront pas pour la nourriture d'un autre; car les jours de mon peuple seront comme les jours des arbres, et mes élus jouiront de l'oeuvre de leurs mains." Ésaïe 65:21, 22. Éd 336 1 "Il ne se fera ni tort ni dommage sur toute ma montagne sainte, dit l'Eternel." Ésaïe 65:25. L'homme sera rétabli dans sa royauté et les créatures inférieures reconnaîtront à nouveau sa supériorité; les bêtes cruelles deviendront douces, les craintives, confiantes. Éd 336 2 L'histoire se présentera à l'étudiant dans toutes ses dimensions, toute sa richesse. Aujourd'hui, grâce à la Parole de Dieu, les étudiants ont une idée des faits historiques, une certaine connaissance des principes qui régissent les affaires humaines. Mais leur vision est floue, leur savoir incomplet. Ils ne pourront tout voir clairement tant qu'ils ne seront pas dans la lumière de l'éternité. Éd 336 3 Alors ils saisiront le déroulement du grand conflit qui commença avant le temps et ne finira qu'avec lui. Les débuts du péché, la funeste tromperie dans toute sa fausseté, la vérité sans détour victorieuse de l'erreur -- tout sera éclatant. Le voile qui sépare le monde visible du monde invisible sera écarté, des choses merveilleuses seront révélées. Éd 336 4 Nous ne comprendrons ce que nous devons à l'attention, aux interventions des anges que lorsque nous découvrirons, à la clarté de l'éternité, la providence divine. Les êtres célestes ont pris une part active aux affaires humaines. Ils sont apparus en habits de lumière, ou comme des hommes, des voyageurs. Ils ont accepté l'hospitalité, guidé des voyageurs surpris par la nuit. Ils ont retenu des intentions criminelles, détourné des coups destructeurs. Éd 337 1 Les dirigeants de ce monde ignorent que dans leurs assemblées des anges ont parlé. Des hommes les ont vus, ont entendu leurs appels. Dans les conseils des ministres et dans les tribunaux, des messagers célestes ont plaidé la cause des persécutés, des opprimés. Ils ont déjoué des projets, mis un frein à des maux qui auraient causé tort et souffrance aux enfants de Dieu. Tout cela sera dévoilé aux étudiants de l'école des cieux. Éd 337 2 Chaque racheté mesurera alors l'importance du ministère des anges dans sa propre vie. L'ange qui l'a gardé dès le premier instant, qui a veillé sur ses pas et l'a protégé du danger; l'ange qui était avec lui dans la vallée de l'ombre de la mort, qui connaissait le lieu de son repos, qui fut le premier à le saluer au matin de la résurrection -- qu'il sera bon de parler avec lui, d'apprendre de lui comment Dieu est intervenu dans chaque vie humaine, comment les créatures célestes ont collaboré à cette oeuvre pour l'humanité! Éd 337 3 Toutes les questions que nous nous posons à propos de notre vie trouveront alors une réponse. Là où nous n'avions vu que perplexité, confusion, projets avortés, plans contrecarrés, nous verrons le dessein tout-puissant, victorieux, harmonieux de Dieu. Éd 337 4 Ceux qui auront travaillé avec désintéressement pourront contempler le fruit de leur labeur. On appréciera les conséquences des bons principes, des nobles actions. Nous les voyons en partie maintenant; mais ceux qui se sont attelés à de nobles travaux jouissent si peu de ce qui en a découlé, dans cette vie! Il en est tant qui peinent, généreusement, inlassablement, pour d'autres qu'ils ne connaissent pas, ni ne peuvent atteindre. Des parents et des maîtres dorment de leur dernier sommeil, leur vie semble avoir été vaine; ils ne savent pas que leur fidélité a fait jaillir des flots de bénédictions intarissables; c'est par la foi, pas autrement, qu'ils ont vu les enfants élevés par leurs soins devenir sources de bénédictions et d'inspiration pour leurs semblables, et leur influence se multiplier. Nombre d'ouvriers font parvenir dans tous les coins du monde des messages de force, d'espoir, de courage; mais ils agissent dans la solitude et l'obscurité et ne savent pas grand-chose des suites de leur entreprise. Ainsi des dons sont accordés, des fardeaux portés, des travaux accomplis. Des hommes sèment, et sur leurs tombes d'autres moissonnent d'abondance. Ils plantent des arbres, et d'autres en mangent le fruit. Ici-bas, ils se contentent de savoir qu'ils ont mis en oeuvre les forces du bien. Dans l'au-delà, nous verrons chaque effort avec ses résultats. Éd 338 1 Le ciel tient un compte exact de tous les dons que Dieu a accordés aux hommes pour les inciter à oeuvrer de manière désintéressée. Le découvrir dans toute son ampleur, rencontrer ceux qui, à travers nous, ont été élevés, ennoblis, constater dans leur histoire l'efficacité des principes de vérité -- ce sera un sujet d'étude, un don que nous offrira l'école des cieux. Éd 338 2 Alors, nous connaîtrons comme nous sommes connus. Nous prodiguerons de la manière la plus vraie, la plus douce, l'amour et la sympathie que Dieu a placés dans nos âmes. Communier avec les êtres saints, vivre en harmonie avec les anges et les fidèles de tous les temps, éprouver cette amitié sacrée qui unit la grande famille des cieux et de la terre -- voilà ce que nous réserve la vie future. Éd 338 3 Il y aura de la musique, des chants, tels qu'aucune oreille n'en a jamais entendu, aucun esprit n'en a jamais conçu, sinon des visions envoyées par Dieu. Éd 338 4 "Ceux qui chantent comme ceux qui dansent s'écrient: Toutes mes sources sont en toi." Psaumes 87:7. "Mais ceux-ci élèvent leurs voix, ils poussent des acclamations; de l'ouest ils poussent des cris de joie en l'honneur de l'Eternel." Ésaïe 24:14. Éd 339 1 "Ainsi l'Eternel console Sion, il console toutes ses ruines; il rendra son désert semblable à l'Eden et sa steppe au jardin de l'Eternel. La gaieté et la joie se trouveront au milieu d'elle, les choeurs et le chant des psaumes." Ésaïe 51:3. Éd 339 2 Toutes les aptitudes, les facultés se développeront. Les entreprises les plus extraordinaires seront menées à bien, les aspirations les plus élevées seront satisfaites, les ambitions les plus grandes se réaliseront. Et pourtant, il y aura toujours de nouveaux sommets à atteindre, de nouvelles merveilles à admirer, de nouvelles vérités à pénétrer, de nouveaux sujets d'intérêt pour notre corps, notre esprit, notre âme. Éd 339 3 Tous les trésors de l'univers se proposeront à l'étude des enfants de Dieu. Avec un bonheur indicible nous participerons à la joie, à la sagesse des êtres purs. Nous aurons part aussi aux richesses accumulées pendant des siècles et des siècles de contemplation de l'oeuvre divine. L'éternité nous apportera sans cesse de plus glorieuses révélations; les dons divins seront, pour toujours, "infiniment au-delà de tout ce que nous demandons ou pensons". Ephésiens 3:20. Éd 339 4 "Ses serviteurs le serviront." Apocalypse 22:3. La vie sur terre est le commencement de la vie dans les cieux; l'éducation ici-bas nous initie aux principes célestes; notre vie actuelle nous prépare à notre vie future. Ce que nous sommes maintenant, notre caractère, notre disposition à servir Dieu annoncent infailliblement ce que nous serons. Éd 339 5 "Le Fils de l'homme est venu, non pour être servi, mais pour servir." Matthieu 20:28. L'oeuvre du Christ ici-bas et son oeuvre là-haut sont semblables; notre récompense pour avoir travaillé avec lui en ce monde sera de pouvoir travailler plus et mieux en sa compagnie dans le monde à venir. Éd 340 1 "Vous êtes donc mes témoins, -- oracle de l'Eternel -- : C'est moi qui suis Dieu." Ésaïe 43:12. Nous témoignerons encore dans l'éternité. Éd 340 2 Pourquoi la terrible lutte dura-t-elle à travers les siècles? Pourquoi Satan ne fut-il pas détruit dès son premier mouvement de rébellion? C'était pour que l'univers soit convaincu de la justice de Dieu face au mal; pour que le péché reçoive une condamnation définitive. Dans le plan de la rédemption, il y a des hauteurs, des profondeurs que l'éternité elle-même ne pourra pas épuiser, des merveilles que les anges désirent sonder. Seuls de toutes les créatures les rachetés ont livré le combat contre le péché. Ils ont travaillé avec le Christ, ont communié à ses souffrances comme les anges eux-mêmes n'ont pu le faire. N'auraient-ils pas de témoignage à rendre sur la rédemption -- rien qui soit précieux aux êtres restés fidèles? Éd 340 3 "Ainsi désormais les principautés et les pouvoirs dans les lieux célestes connaissent par l'Eglise la sagesse de Dieu dans sa grande diversité." Ephésiens 3:10. "Il nous a ressuscités ensemble et fait asseoir ensemble dans les lieux célestes en Christ-Jésus, afin de montrer dans les siècles à venir la richesse surabondante de sa grâce par sa bonté envers nous en Christ-Jésus." Ephésiens 2:6, 7. Éd 340 4 "Dans son palais tout s'écrie: Gloire!" Psaumes 29:9. Et le chant des rachetés -- témoignage de leur expérience -- célébrera la gloire de Dieu: "Tes oeuvres sont grandes et admirables, Seigneur Dieu Tout-Puissant! Tes voies sont justes et véritables, Roi des nations! Seigneur, qui ne craindrait et ne glorifierait ton nom? Car seul tu es saint." Apocalypse 15:3, 4. Éd 341 1 La plus grande joie, la plus noble éducation que puisse nous apporter notre vie terrestre, si marquée qu'elle soit par le péché, sont de servir. Dans la vie à venir, qui ne sera pas limitée ainsi, notre plus grande joie, notre plus noble éducation seront de servir -- témoigner, et découvrir encore "la glorieuse richesse de ce mystère [...], c'est-à-dire: Christ en vous, l'espérance de la gloire". Colossiens 1:27. Éd 341 2 "Ce que nous serons n'a pas encore été manifesté; mais nous savons que lorsqu'il sera manifesté, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu'il est." 1 Jean 3:2. Éd 341 3 Alors le Christ pourra contempler les résultats de son oeuvre -- sa récompense. Face à cette foule innombrable, à ces hommes qui paraîtront, "devant sa gloire, irréprochables dans l'allégresse" (Jude 1:24), celui qui nous racheta de son sang, qui nous instruisit de sa vie, "après les tourments de son âme, [...] rassasiera ses regards". Ésaïe 53:11. ------------------------Heureux ceux qui HCQ 9 1 Préface HCQ 11 1 Chapitre 1 -- Sur la montagne HCQ 15 0 Chapitre 2 -- Les béatitudes HCQ 43 0 Chapitre 3 -- La spiritualité de la loi HCQ 67 0 Chapitre 4 -- Le vrai mobile de la vie chrétienne HCQ 85 0 Chapitre 5 -- L'oraison dominicale HCQ 101 0 Chapitre 6 -- Aimez-vous les uns les autres ------------------------Préface HCQ 9 1 Une voix du trône de Dieu, la bénédiction divine au monde: voilà le Sermon sur la montagne. Le divin Prédicateur prononce les paroles que son Père lui inspire. C'est pour l'humanité la loi du devoir, la lumière céleste, I'espérance et la consolation dans le désespoir, la joie et le réconfort dans les luttes de la vie. HCQ 9 2 Les Béatitudes sont la salutation de Jésus aux croyants et à l'humanité entière. Pour un instant, Jésus semble avoir oublié qu'il est dans ce monde et non au ciel: il emploie le langage familier au royaume de Dieu. La bénédiction s'échappe de ses lèvres comme le bouillonnement d'un riche courant d'eau. HCQ 9 3 Le Christ définit d'une manière parfaitement claire le caractère que doivent posséder ceux qui veulent être agréés et bénis de lui. Délaissant les ambitieux, il se tourne vers les déshérités et affirme que ceux qui reçoivent sa lumière et sa vie sont bénis. Aux pauvres en esprit, aux faibles, aux débonnaires, aux persécutés, à ceux qui souffrent ou qui doutent, il ouvre ses bras et dit: "Venez à moi... et je vous donnerai du repos." HCQ 9 4 Témoin de la misère de l'homme, le Christ ne regrette cependant pas de l'avoir créé. Dans le coeur humain, il ne voit pas seulement le péché ou la misère; son amour et sa sagesse y distinguent la possibilité d'atteindre un niveau élevé. Il sait que le Créateur sera glorifié par la rédemption de ces hommes qui, abusant d'eux-mêmes, ont détruit leur dignité divine. HCQ 9 5 C'est pourquoi le Sermon sur la montagne conservera toujours toute sa force. Chacune de ses maximes est une parole de vie. Les principes établis dans ce discours valent pour tous les temps et tous les hommes. Avec une fermeté divine, le Christ exprime sa foi et son espérance en signalant certains traits distinctifs de ceux qui seront bénis pour avoir recherché la sanctification. En vivant par la foi la vie du Christ, chacun peut atteindre l'idéal inspiré par ses paroles. Les Éditeurs ------------------------Chapitre 1 -- Sur la montagne HCQ 11 1 Pour prononcer, en présence de ses disciples et de la multitude, son incomparable Sermon sur la montagne, Jésus choisit comme cadre le "mont des Béatitudes", situé près du lac de Génésareth, en Galilée. HCQ 11 2 Essayons d'évoquer cette scène en nous mêlant aux auditeurs. Ouvrons nos coeurs aux sentiments qui devaient agiter la foule à cette occasion et cherchons à comprendre ce que les paroles de Jésus pouvaient signifier pour elle. Qui sait si les principes énoncés dans son manifeste par celui qui s'appelait le futur "Roi d'Israël" n'apporteraient pas aujourd'hui un remède souverain à la maladie mortelle dont souffre l'humanité? Qui sait si les vérités proclamées par le plus sublime des docteurs en son discours inaugural ne recèleraient point une vie et une beauté nouvelles capables -- si elles étaient reçues et pratiquées -- de régénérer notre société chancelante? HCQ 11 3 Lorsque Jésus parut, le peuple juif avait de l'oeuvre du Messie une conception si erronée qu'il ne la comprit pas et ne voulut pas l'accueillir. La vraie piété s'était perdue dans les traditions et le formalisme, et les prophéties étaient interprétées par des hommes orgueilleux et mondains. HCQ 11 4 Les Juifs attendaient, non pas un Messie qui les guérirait de leurs vices, mais un prince puissant qui soumettrait toutes les nations à la suprématie du "lion de la tribu de Juda". C'est en vain que Jean-Baptiste, animé de la puissance des anciens prophètes, les avait appelés à la conversion, en vain que, sur les rives du Jourdain, il avait montré Jésus, "l'agneau de Dieu qui ôte les péchés du monde", en vain, aussi, que Dieu avait voulu attirer leur attention sur les prophéties d'Ésaïe annonçant les souffrances du Sauveur; ils ne voulurent rien entendre. HCQ 12 1 Si les docteurs de la loi et les chefs d'Israël s'étaient abandonnés à sa grâce salutaire, Jésus aurait fait d'eux ses ambassadeurs auprès du monde entier. HCQ 12 2 C'est en Judée tout d'abord que le royaume des cieux avait été proclamé et que l'appel à la conversion avait retenti. En chassant les vendeurs du temple de Jérusalem, Jésus s'était présenté comme le Messie, celui qui pouvait purifier les âmes du péché et faire de son peuple une nation sainte. Mais les chefs juifs manquaient de l'humilité, nécessaire pour recevoir le doux Maître de Nazareth. Lors de sa seconde visite à Jérusalem, Jésus avait été conduit devant le Sanhédrin, et seule la crainte du peuple avait retenu ces dignitaires d'attenter à ses jours. Quittant la Judée, il avait alors entrepris son ministère en Galilée. HCQ 12 3 Pendant plusieurs mois Jésus avait parcouru la contrée, et son message: "Le royaume des cieux est proche" avait éveillé l'attention de toutes les classes de la société, avivant la flamme de leurs ambitieuses espérances. La réputation du nouveau maître avait dépassé les frontières de la Palestine et, malgré l'attitude hostile des chefs à son égard, le sentiment qu'il pouvait être le libérateur attendu s'était répandu de proche en proche. Des foules s'attachaient à ses pas et l'enthousiasme populaire était à son comble. HCQ 12 4 L'heure était venue pour ceux de ses disciples qui lui avaient été le plus étroitement associés de resserrer encore leur intimité avec lui en participant plus directement à son ministère en faveur de ces foules, abandonnées comme un troupeau sans berger. Quelques-uns d'entre eux le suivaient depuis le début de sa vie publique et les Douze étaient presque tous considérés comme des membres de sa famille. Pourtant, eux aussi, égarés par l'enseignement des chefs, partageaient l'attente populaire d'un royaume terrestre, et ne pouvaient comprendre l'attitude du Maître. Déjà, le fait qu'il ne recherchait ni l'appui des prêtres ni celui des rabbins et ne faisait rien pour établir son autorité royale les avait grandement troublés. Une transformation devait s'accomplir en eux leur permettant de remplir le mandat sacré qui devait leur être confié avant l'ascension de leur Maître. Toutefois ils avaient répondu à son amour et, malgré leur lenteur à croire, Jésus avait vu en eux ceux qu'il pourrait former et discipliner pour le seconder dans son ministère. HCQ 13 1 Ils avaient maintenant vécu assez longtemps avec lui pour croire, dans une certaine mesure, au caractère divin de sa mission. De son côté, le peuple, qui avait eu des preuves indéniables de sa puissance, était prêt à entendre les principes de son royaume et à comprendre sa véritable nature. HCQ 13 2 Seul sur une montagne, Jésus avait prié toute la nuit pour ceux qu'il avait choisis. Dès l'aube, il les appela auprès de lui, leur donna ses instructions, puis, posant ses mains sur leurs têtes, il les bénit et les mit à part pour le ministère évangélique. Il se dirigea ensuite avec eux vers le rivage où, malgré l'heure matinale, une foule nombreuse s'était rassemblée. HCQ 13 3 Se joignant à la multitude habituelle venue des villes de Galilée, un grand nombre d'auditeurs étaient accourus de la Judée et même de Jérusalem, de la Pérée, du pays à demi païen appelé Décapole, de l'ldumée, au sud de la Judée, de Tyr et de Sidon, villes phéniciennes au bord de la Méditerranée. "Une grande multitude, apprenant ce qu'il faisait, vint à lui." "Ils étaient venus pour l'entendre, et pour être guéris de leurs maladies. Et une force sortait de lui et les guérissait tous." Marc 3:8; Luc 6:17-19. HCQ 13 4 Le rivage étant trop étroit pour permettre à la foule d'entendre sa voix, Jésus retourna sur la montagne. Arrivé sur un plateau qui offrait un lieu de réunion agréable pour toute cette multitude, il s'assit sur l'herbe et tous firent de même. HCQ 13 5 Pressentant quelque chose d'extraordinaire, les disciples se groupèrent autour du Maître. La scène intime du matin leur donnait lieu de croire que Jésus allait parler du royaume qu'il était, comme ils l'espéraient fermement, sur le point d'établir. HCQ 13 6 La même espérance planait aussi sur la foule attentive, impatiente d'entendre les paroles du divin Maître. Les coeurs remplis de glorieuses perspectives, scribes et pharisiens rêvaient déjà de dominer les Romains détestés et de s'accaparer les richesses de ce grand empire universel; les paysans et les pêcheurs entrevoyaient la fin de leur vie de labeur. Leurs demeures misérables, leur nourriture frugale, la crainte continuelle de la gêne et de la misère, tout cela disparaîtrait pour faire place à une vie de facilité et d'abondance. Le Christ remplacerait le pauvre vêtement qui les couvrait le jour et dans lequel ils s'enroulaient la nuit par les opulentes dépouilles de leurs oppresseurs. Tous les coeurs vibraient d'un espoir orgueilleux: en présence de toutes les nations, Israël allait enfin recevoir les honneurs dus au peuple élu de Dieu, et Jérusalem devenir la capitale d'un royaume universel. ------------------------Chapitre 2 -- Les béatitudes HCQ 15 0 "Puis, ayant ouvert la bouche, il les enseigna et dit: Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux!" HCQ 15 1 Ces paroles retentissent aux oreilles de la foule étonnée comme une doctrine étrange et nouvelle. Un tel enseignement est nettement opposé à celui qu'ils ont reçu des sacrificateurs et des rabbins; il ne renferme rien qui flatte leur orgueil, rien qui alimente leurs ambitions. Et pourtant, il rayonne de ce nouveau maître une puissance qui les subjugue... HCQ 15 2 De sa présence émane comme le parfum d'une fleur, la douceur de l'amour divin. Ses paroles descendent "comme une pluie qui tombe sur un terrain fauché, comme des ondées qui arrosent la campagne". Psaumes 72:6. Instinctivement, les auditeurs sentent qu'ils sont en présence d'un Être qui lit les secrets de l'âme et qui, cependant, vient à eux plein d'une compassion infinie. Leurs coeurs s'ouvrent à lui et, tandis qu'ils écoutent, l'Esprit leur fait entrevoir le sens de cet enseignement si nécessaire à l'humanité de tous les âges. HCQ 15 3 Aux jours du Christ, les chefs religieux du peuple se croyaient spirituellement riches. La prière du pharisien: "0 Dieu, je te rends grâces de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes" (Luc 18:11) exprimait le sentiment de sa classe et de presque toute la nation. Mais, dans la foule qui entourait Jésus, se trouvaient des gens qui avaient conscience de leur dénuement spirituel. Lorsque, après la pêche miraculeuse, la puissance divine de Jésus s'était révélée, Pierre s'était jeté aux pieds du Sauveur, en disant: "Seigneur, retire-toi de moi, parce que je suis un homme pécheur." Luc 5:8. Dans cette foule, assemblée sur la montagne, se trouvaient aussi des prêtres qui, en présence de la pureté de Jésus, se découvrant "malheureux, misérables, pauvres, aveugles et nus" (Apocalypse 3:17), soupiraient après "la grâce de Dieu, source de salut pour tous les hommes". Tite 2:11. Les paroles de Jésus, ranimant l'espérance endormie dans ces âmes, leur faisaient comprendre que Dieu leur offrait le bonheur. HCQ 16 1 Le même bonheur gratuit présenté par Jésus à ceux qui se croyaient riches et à l'abri du besoin fut au contraire repoussé par eux avec dédain et mépris. Celui qui s'estime saint, juste et bon, qui est satisfait de soi, ne cherche pas à bénéficier de la grâce et de la justice du Christ. L'orgueil ferme le coeur à la douce influence du Sauveur et aux bénédictions qui découlent de sa présence. Il n'y a pas de place pour Jésus dans de telles âmes. Ceux qui sont riches et honorables à leurs propres yeux ne demandent ni ne reçoivent la bénédiction de Dieu. Ils se croient pourvus et s'en vont à vide, tandis que ceux qui sentent leur incapacité de "faire leur salut" ou d'accomplir par eux-mêmes une bonne action apprécieront l'aide que Jésus leur apporte. Ce sont là les pauvres en esprit, ceux auxquels précisément le bonheur est promis. HCQ 16 2 Pour pardonner à l'homme, Jésus lui inspire le repentir; le Saint-Esprit le rend conscient de ses fautes et lui fait comprendre qu'il n'y a rien de bon en lui; que l'égoïsme et le péché entachent toutes ses actions. Comme le pauvre publicain, il se tient à l'écart, n'osant lever les yeux et s'écrie: "0 Dieu, sois apaisé envers moi, qui suis un pécheur." Luc 18:13. Et il est exaucé. Le pardon est pour celui qui se repent; car le Christ "est l'agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde". Dieu dit: "Si vos péchés sont comme le cramoisi, ils deviendront blancs comme la laine." Ésaïe 1:18. "Je vous donnerai un coeur nouveau... Je mettrai mon esprit en vous." Ezéchiel 36:26, 27. HCQ 16 3 Parlant des pauvres en esprit, Jésus déclare que le royaume des cieux leur appartient. Ce règne n'est pas temporel et terrestre comme ses auditeurs l'espéraient; le Fils de l'homme voulait leur faire comprendre en quoi consiste ce royaume spirituel de l'amour, de la grâce, de la justice, dont il était le symbole vivant, royaume destiné aux pauvres en esprit, aux débonnaires, aux persécutés, qui en sont les sujets et auxquels il appartient. Bien qu'elle ne soit pas encore achevée, l'oeuvre est commencée en eux et les rendra "capables d'avoir part à l'héritage des saints dans la lumière". Colossiens 1:12. HCQ 17 1 Tous ceux qui sont conscients de leur profond dénuement spirituel trouveront justification et force en regardant à Jésus. Il leur dit: "Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos." Matthieu 11:28. Il nous invite à échanger notre misère contre les richesses de sa grâce. Nous ne méritons pas l'amour de Dieu, mais Jésus-Christ, notre avocat, se charge de sauver parfaitement tous ceux qui viennent à lui. Si sombre qu'ait pu être notre passé, si décourageant que soit le présent, si nous nous approchons de Jésus tels que nous sommes, faibles, privés de soutien ou désespérés, le Sauveur compatissant viendra au-devant de nous. Il nous entourera de ses bras avec amour, pour nous présenter au Père, revêtus de son propre caractère comme d'un vêtement éclatant. Il intercédera pour nous auprès de lui en disant: "J'ai pris la place du pécheur, n'abaisse pas les regards sur cet enfant prodigue, mais regarde à moi." Si Satan nous accuse à grands cris en dévoilant notre péché et en nous revendiquant comme sa proie, sachons que le sang du Christ plaide avec une puissance plus grande encore pour nous arracher à lui. HCQ 17 2 "En l'Éternel seul [...] résident la justice et la force. [...] Par l'Éternel seront justifiés et glorifiés tous les descendants d'Israël." Ésaïe 45:24, 25. "Heureux les affligés, car ils seront consolés." HCQ 17 3 L'affliction dont il s'agit ici est celle que cause le sentiment intime du péché. Jésus dit: "Quand j'aurai été élevé de la terre, j'attirerai tous les hommes à moi." Jean 12:32. En contemplant Jésus sur la croix, on saisit mieux la corruption et la culpabilité de l'homme. C'est le péché qui a frappé et cloué au bois le Seigneur de gloire. Le pécheur reconnaît que, malgré la tendresse inconcevable dont il n'a cessé d'être entouré, sa vie entière a été faite d'ingratitude et de révoltes. Il s'est détourné de son meilleur Ami, il a méprisé le don le plus précieux du ciel. Il a personnellement crucifié à nouveau le Fils de Dieu dont un sombre abîme le sépare, et, le coeur meurtri, il gémit et se lamente. HCQ 18 1 Voilà l'affligé qui sera consolé. Dieu nous révèle notre indignité pour que nous nous réfugiions auprès du Sauveur qui nous délivrera de l'esclavage du péché et nous fera jouir du bonheur et de la liberté des enfants de Dieu. Quand notre coeur sera réellement brisé par le remords, nous pourrons alors nous jeter au pied de la Croix et nous y décharger de tous nos fardeaux. HCQ 18 2 Les paroles du Sauveur contiennent aussi un message de réconfort pour ceux qui sont dans le deuil ou le dénuement. Nos épreuves ne sont pas fortuites et "ce n'est pas volontiers que Dieu humilie et afflige les enfants des hommes". Lamentations 3:33. Lorsqu'il permet à la tribulation ou au chagrin de nous visiter, c'est "pour notre bien, afin que nous participions à sa sainteté". Hébreux 12:10. Si nous la recevons avec foi, cette épreuve, aujourd'hui si amère et si lourde, se changera pour nous en bénédiction. Les coups du sort qui flétrissent nos joies nous amènent à diriger nos regards vers le ciel. Combien d'êtres n'auraient jamais connu Jésus si la douleur ne les avait poussés à chercher en lui leur consolation! HCQ 18 3 Les épreuves de la vie sont des agents dont Dieu se sert pour discipliner et transformer notre caractère. Il est douloureux d'être par elles taillé, épuré, ciselé, lissé, poli, broyé sous la meule. Mais c'est ainsi seulement que l'on peut devenir une pierre vivante et authentique dans l'Église du Seigneur. Les matériaux ordinaires ne sont pas l'objet d'attentions et de soins minutieux, mais seulement les pierres de choix, dignes d'entrer dans l'édification d'un palais. HCQ 18 4 Le Seigneur agira ainsi pour tous ceux qui mettent leur confiance en lui, et, s'ils sont fidèles, ils remporteront de brillantes victoires; ils recevront de précieuses leçons et acquerront une expérience inestimable. HCQ 18 5 Notre Père céleste n'est jamais insensible envers les affligés. Quand David, en fuite devant l'armée séditieuse de son fils Absalom, gravissait, nu-pieds, le mont des Oliviers (2 Samuel 15:30), Dieu eut compassion de lui. Bourrelé de remords, le roi avait pris le sac et la cendre. En larmes, le coeur brisé, il implora l'Éternel. Jamais il n'avait été aussi près du coeur de Dieu qu'au moment où, repris par sa conscience, il fuyait les ennemis que son propre fils avait soulevés contre lui. "Moi, dit l'Éternel, je reprends et je châtie tous ceux que j'aime. Aie donc du zèle, et repens-toi." Apocalypse 3:19. Le Christ purifie le coeur contrit et console l'âme affligée pour en faire sa demeure. HCQ 19 1 Mais, quand vient la tribulation, combien sont comme Jacob! Nous croyons qu'elle vient d'un ennemi, et nous luttons aveuglément dans l'ombre jusqu'à l'épuisement sans trouver ni réconfort ni délivrance. À l'aube, l'attouchement divin apprit à Jacob qu'il avait lutté avec l'ange de l'alliance. Alors, pleurant de joie, il s'abandonna à l'amour de l'Être infini pour recevoir la bénédiction après laquelle son âme soupirait. Il faut que nous apprenions, nous aussi, que les épreuves sont salutaires et qu'il ne convient pas de nous rebeller contre les châtiments de Dieu, ni de nous laisser abattre lorsqu'il nous reprend. HCQ 19 2 "Heureux l'homme que Dieu châtie! [...] Il fait la plaie, et il la bande; il blesse, et sa main guérit. Six fois il te délivrera de l'angoisse, et sept fois le mal ne t'atteindra pas." Job 5:17-19. À tous ceux qui sont frappés, Jésus offre la guérison. Une vie de douleur et de souffrance peut être illuminée par les précieuses manifestations de sa présence. HCQ 19 3 Dieu ne veut pas que nous nous laissions terrasser par une douleur muette qui nous brise le coeur. Il désire au contraire que nous dirigions nos regards en haut, et contemplions sa personne adorable. Que d'affligés dont les yeux, si aveuglés par les larmes, ne voient pas le Sauveur, pourtant tout près d'eux! Il serait si heureux de prendre notre main dans la sienne, si nous voulions nous tourner vers lui dans la simplicité de notre foi, et nous laisser conduire! Son coeur est sensible à nos chagrins, à nos douleurs, à nos épreuves. Il nous aime d'un amour éternel et sa tendresse nous entoure. Si notre coeur est uni au sien et médite sur sa grande bonté, il élèvera notre âme au-dessus des tristesses quotidiennes et la fera demeurer dans le domaine de la paix. HCQ 19 4 Pensez-y, victimes de la douleur et de la souffrance, et réjouissez-vous de savoir que "la victoire qui triomphe du monde, c'est notre foi". 1 Jean 5:4. HCQ 19 5 Heureux ceux qui -- avec le Sauveur -- pleurent sur la souffrance humaine et gémissent sur le péché du monde! Ce deuil est exempt d'égoïsme. Jésus fut "l'homme de douleur". Aucune langue ne peut décrire les angoisses de son âme. Ce sont nos forfaits qui l'ont meurtri et brisé. Consumé par un désir sans bornes de soulager les maux et la misère de la multitude, son coeur était d'autant plus navré de la voir refuser de venir à lui pour avoir la vie. HCQ 20 1 Tous les vrais disciples éprouveront les mêmes sentiments. À mesure que son amour agira sur eux, ils se mettront à l'oeuvre pour travailler au salut des perdus. Ayant participé à ses souffrances, ils participeront aussi à sa gloire. Unis avec lui dans son oeuvre, ayant pris part comme lui à la coupe de douleur, ils auront aussi part à sa joie. HCQ 20 2 C'est par ses souffrances que Jésus s'est qualifié pour le ministère de la consolation. Le tourment de l'humanité le désole. "Ayant été tenté lui-même dans ce qu'il a souffert, il peut secourir ceux qui sont tentés." Hébreux 2:18. Toute âme qui aura souffert avec le Sauveur sera digne de prendre part à son ministère. Car, "de même que les souffrances du Christ abondent en nous, de même notre consolation abonde par le Christ". 2 Corinthiens 1:5. Le Seigneur accorde à celui qui est affligé une grâce particulière qui lui permet d'attendrir les coeurs et de les sauver. Son amour rafraîchit ceux dont l'âme est brisée et meurtrie, et devient un baume pour ceux qui sont dans la souffrance. "Béni soit Dieu, [...] le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation, qui nous console dans toutes nos afflictions, afin que, par la consolation dont nous sommes l'objet de la part de Dieu, nous puissions consoler ceux qui se trouvent dans quelque affliction!" 2 Corinthiens 1:3, 4. "Heureux les doux, car ils hériteront la terre." HCQ 20 3 Les béatitudes indiquent une marche progressive dans la vie chrétienne. L'homme, que la tristesse due à son péché et le sentiment de son néant ont conduit aux pieds du Christ et qui s'est assis avec lui à l'école de la douleur, apprendra de ce divin Maître la véritable douceur. Répondre aux mauvais traitements par l'indulgence et la patience, quelle nouveauté, pour les païens comme pour les Juifs! La déclaration inspirée selon laquelle Moïse était l'homme le plus doux de la terre n'aurait pas été considérée par les contemporains de Jésus comme une louange. Elle aurait plutôt éveillé leur pitié ou leur mépris. Mais le Sauveur place la douceur parmi les premières qualités requises pour entrer dans son royaume. Sa vie et son caractère révèlent la beauté divine de cette grâce précieuse. HCQ 21 1 Jésus, l'éclat de la gloire du Père, "n'a pas regardé comme une proie à arracher d'être égal avec Dieu, mais s'est dépouillé lui-même, en prenant une forme de serviteur". Philippiens 2:6, 7. Il consentit à passer par toutes les phases humiliantes de la vie, vivant au milieu de notre humanité, non comme un roi exigeant des hommages, mais comme un homme dont la mission est de servir son prochain. Il n'y avait dans son attitude aucune trace d'ostentation, pas plus que de froide austérité. Le Rédempteur du monde était revêtu d'une nature supérieure à celle des anges et cependant il joignait à sa majesté divine une douceur et une humilité qui lui attiraient tous les coeurs. HCQ 21 2 Jésus s'était dépouillé de lui-même au point que le moi n'apparaissait jamais dans ses actions. Il subordonnait toutes choses à la volonté de son Père. À la fin de sa mission terrestre, il pouvait dire: "Je t'ai glorifié sur la terre, j'ai achevé l'oeuvre que tu m'as donnée à faire." Jean 17:4. Et voici l'exhortation qu'il nous adresse: "Recevez mes instructions, car je suis doux et humble de coeur." "Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à lui-même." Matthieu 11:29; 16:24. Le moi doit être détrôné et ne plus dominer l'âme. HCQ 21 3 Celui qui contemple le Christ dans son renoncement et son humilité sera obligé de répéter les paroles de Daniel lorsqu'il aperçut quelqu'un ayant l'apparence du Fils de l'homme: "Mon visage changea de couleur et fut décomposé, et je perdis toute vigueur." Daniel 10:8. Il verra toute la bassesse et la laideur de l'esprit de domination et d'indépendance dans lequel nous nous complaisons et y reconnaîtra des gages de notre asservissement à Satan. La nature humaine cherche toujours à se mettre en avant et à surpasser autrui, mais le disciple du Christ se dépouille de lui-même, de son orgueil, de son esprit de domination. Le silence s'établit dans son âme. Il s'abandonne à la volonté du Saint-Esprit et ne cherche plus à obtenir la première place; son ambition n'est plus de se signaler à l'attention d'autrui, mais de se tenir aux pieds du Sauveur, ce qu'il considère comme un immense privilège. Il regarde à Jésus, certain que sa main le conduira et que sa voix le dirigera. Telle fut l'expérience de l'apôtre Paul: "J'ai été crucifié avec Christ; et si je vis, ce n'est plus moi qui vis, c'est Christ qui vit en moi; si je vis maintenant dans la chair, je vis dans la foi au Fils de Dieu, qui m'a aimé et qui s'est livré lui-même pour moi." Galates 2:20. HCQ 22 1 Lorsque nous permettrons au Christ de demeurer dans notre âme, la paix de Dieu qui surpasse toute intelligence gardera nos coeurs et nos esprits en lui. Quoique se déroulant au milieu des luttes, la vie de Jésus sur la terre fut une vie de paix. Poursuivi par des ennemis furieux, il disait: "Celui qui m'a envoyé est avec moi; il ne m'a pas laissé seul, parce que je fais toujours ce qui lui est agréable." Jean 8:29. Aucune manifestation de colère humaine ou satanique ne pouvait troubler le calme de sa communion parfaite avec Dieu. Il nous dit: "Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix." Jean 14:27. "Prenez mon joug sur vous et recevez mes instructions, car je suis doux et humble de coeur; et vous trouverez du repos pour vos âmes." Matthieu 11:29. Portez avec moi le joug du service pour la gloire de Dieu et pour le relèvement de l'humanité, et vous verrez combien il est doux et combien ce fardeau est léger. HCQ 22 2 C'est l'amour du moi qui détruit notre paix. Aussi longtemps que ce moi est vivant, nous le défendons contre la mortification et l'insulte. Mais lorsque nous sommes morts et que notre vie est cachée avec le Christ en Dieu, nous ne prenons plus à coeur les manques d'égards ou d'estime. Nous devenons sourds et aveugles aux brimades, aux moqueries et aux insultes. "La charité est patiente, elle est pleine de bonté; la charité n'est pas envieuse; la charité ne se vante pas, elle ne s'enfle pas d'orgueil, elle ne fait rien de malhonnête, elle ne cherche pas son intérêt, elle ne s'irrite pas, elle ne soupçonne pas le mal, elle ne se réjouit pas de l'injustice, mais elle se réjouit de la vérité; elle excuse tout, elle croit tout, elle espère tout, elle supporte tout. La charité ne périt jamais." 1 Corinthiens 13:4-8. HCQ 22 3 Le bonheur terrestre est éphémère. Il dépend essentiellement des circonstances qui le produisent; mais la paix du Christ est une paix qui demeure. Ni les circonstances de la vie, ni les biens de la terre, ni le nombre de nos amis terrestres n'influent sur elle. Le Christ est la fontaine d'où jaillit l'eau de la vie, et le bonheur que nous y puisons ne tarira jamais. HCQ 23 1 La douceur du Christ manifestée au sein de la famille rend chaque membre heureux. Elle ne provoque pas de querelles, ne réplique pas de façon courroucée, mais apaise l'irritation et répand une paix qui gagne tous ceux qui se trouvent dans son cercle enchanté. Elle intègre à la grande famille du ciel les familles où elle règne ici-bas. HCQ 23 2 Il est infiniment préférable de se laisser accuser faussement que d'appliquer la loi du talion à nos ennemis. L'esprit de haine et de vengeance nous vient de Satan et cet esprit ne peut qu'apporter le mal à celui qui l'accueille. L'humilité du coeur, la douceur, qui est le fruit de la présence du Christ en nous, voilà le vrai secret de la bénédiction. "Il glorifie les malheureux en les sauvant." Psaumes 149:4. HCQ 23 3 Les débonnaires "hériteront la terre". C'est l'orgueil qui a ouvert la porte du monde au péché; c'est par lui que nos premiers parents ont perdu la domination de la terre, leur royaume. Par son abnégation, le Sauveur a racheté ce qui avait été perdu et il déclare que nous devons vaincre comme il a vaincu. C'est en nous humiliant et en nous abandonnant à lui que nous deviendrons héritiers avec lui, au moment où les débonnaires "hériteront la terre". HCQ 23 4 La terre qui leur est promise ne sera pas, comme celle-ci, assombrie par les ombres de la mort et de la malédiction. "Mais nous attendons, selon sa promesse, de nouveaux cieux et une nouvelle terre, où la justice habitera." 2 Pierre 3:13. "Il n'y aura plus d'anathème. Le trône de Dieu et de l'agneau sera dans la ville; ses serviteurs le serviront." Apocalypse 22:3. HCQ 23 5 Sur cette terre nouvelle, il n'y aura plus de déceptions, plus de douleurs, plus de péchés, plus personne qui dise: "Je suis malade." Il n'y aura plus de tombes, plus de deuils, plus de morts, plus de séparations, plus de coeurs brisés. Car Jésus sera là et sa paix avec lui: "Ils n'auront pas faim et ils n'auront pas soif; le mirage et le soleil ne les feront point souffrir; car celui qui a pitié d'eux sera leur guide, et il les conduira vers des sources d'eaux." Ésaïe 49:10. "Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés." HCQ 23 6 Être juste, c'est être saint, c'est ressembler à Dieu, et "Dieu est amour". 1 Jean 4:16. C'est obéir à la loi de Dieu; car "tous ses commandements sont justes". Psaumes 119:172. Accomplir la loi, c'est aimer. Romains 13:10. La justice, c'est l'amour et l'amour est la caractéristique et la vie même de Dieu. La justice de Dieu a été personnifiée par Jésus: en le recevant, nous recevons la justification. HCQ 24 1 Elle ne s'obtient ni par des luttes douloureuses, ni par un labeur épuisant, ni par des dons ou des sacrifices; elle est donnée gratuitement à toute âme qui a faim et soif de la recevoir. "Vous tous qui avez soif, venez aux eaux, même celui qui n'a pas d'argent! Venez, achetez et mangez, [...] sans argent et sans rien payer." Ésaïe 55:1. "Tel est le salut qui leur viendra de moi, dit l'Éternel." Ésaïe 54:17. "Et voici le nom dont on l'appellera: l'Éternel notre justice." Jérémie 23:6. HCQ 24 2 Il n'y a rien d'humain qui puisse apporter quelque satisfaction à cette faim et à cette soif de l'âme. Mais Jésus dit: "Voici, je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui, je souperai avec lui, et lui avec moi." Apocalypse 3:20. "Je suis le pain de vie. Celui qui vient à moi n'aura jamais faim, et celui qui croit en moi n'aura jamais soif." Jean 6:35. HCQ 24 3 De même que nous avons besoin d'aliments pour entretenir nos forces physiques, nous avons aussi besoin de Jésus-Christ, le pain du ciel, pour entretenir notre vie spirituelle et les forces nécessaires à l'accomplissement des oeuvres de Dieu. De même que le corps a besoin de nourriture pour conserver sa santé et sa vigueur, de même aussi l'âme doit être sans cesse en communion avec le Christ, se soumettre à lui et dépendre entièrement de lui. HCQ 24 4 Comme le voyageur lassé cherche avidement la source dans le désert et y étanche la soif qui le dévore, le chrétien altéré cherchera l'eau pure de la vie, et la trouvera en Jésus qui en est la source. HCQ 24 5 Quand nous discernerons la perfection du caractère du Sauveur, nous désirerons être complètement transformés à son image. Plus nous connaîtrons Dieu, plus notre idéal sera élevé et plus sincère notre désir de lui ressembler. Un élément divin s'unit à l'homme lorsqu'il cherche Dieu et qu'avec ardeur il s'écrie: "Oui, mon âme, confie-toi en Dieu! Car de lui vient mon espérance." Psaumes 62:6. HCQ 24 6 Si votre âme ressent son dénuement, si elle a faim et soif de justice, cela prouve que Jésus fait son oeuvre dans votre coeur pour vous amener, grâce au Saint-Esprit, à chercher en lui ce que vous ne pouvez vous procurer par vous-même. Pourquoi étancher votre soif à des sources illusoires alors que la source véritable à laquelle nous pouvons tous nous abreuver à longs traits est à notre portée, si toutefois nous consentons à nous élever progressivement dans le sentier de la foi? HCQ 25 1 Les paroles de Dieu sont des sources de vie. Tandis que, sous la direction du Saint-Esprit, vous sonderez ces sources, vous entrerez en communion avec le Sauveur. Des vérités familières se présenteront à votre esprit sous un aspect nouveau; des versets des saintes Écritures vous apparaîtront, comme dans un éclair, pleins de pensées nouvelles. Vous saurez le rapport qui existe entre la doctrine de la rédemption et d'autres vérités, vous saurez que Jésus vous conduit, qu'un Maître divin est à votre côté. Le Seigneur dit: "L'eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d'eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle." Jean 4:14. HCQ 25 2 À mesure que le Saint-Esprit ouvrira vos yeux à la vérité, vous vous enrichirez des expériences les plus précieuses et vous éprouverez un ardent désir de vous entretenir avec d'autres des choses réconfortantes qui vous ont été révélées; vous leur apporterez des éléments nouveaux sur le caractère et l'oeuvre du Christ. Vous pourrez donner à ceux qui ne l'aiment pas la révélation de son amour compatissant. HCQ 25 3 "Donnez, et il vous sera donné." Luc 6:38. Car la Parole de Dieu est "une fontaine des jardins, une source d'eaux vives, des ruisseaux du Liban". Cantique des cantiques 4:15. Celui qui a goûté un jour à l'amour de Jésus désire le sentir toujours plus profondément, et il sera d'autant plus richement et abondamment exaucé qu'il aura fait part à d'autres de ce qu'il aura reçu. Chaque fois que Dieu se révèle à l'âme humaine, celle-ci augmente sa capacité de connaître et d'aimer. Son cri continuel est: "Plus près de toi." Notre Dieu aime faire "infiniment au-delà de tout ce que nous demandons ou pensons". Ephésiens 3:20. À Jésus qui a renoncé à lui-même pour sauver l'humanité, le Saint-Esprit fut donné sans réserve. De même, cet Esprit sera accordé à tout disciple qui donnera son coeur sans réserve à son Maître pour qu'il en fasse sa demeure. Notre Dieu a donné cet ordre qui est aussi la promesse d'un accomplissement: "Soyez [...] remplis de l'Esprit." Ephésiens 5:18. Le bon plaisir du Père est "que toute plénitude habite en nous", et que "nous ayons tout pleinement en lui". Colossiens 1:19; 2:10. HCQ 26 1 Dieu a répandu son amour sur l'humanité avec autant de profusion que les pluies qui rafraîchissent la terre. Il dit: "Que les cieux répandent d'en haut et que les nuées laissent couler la justice! Que la terre s'ouvre, que le salut y fructifie, et qu'il en sorte à la fois la délivrance!" Ésaïe 45:8. "Les malheureux et les indigents cherchent de l'eau, et il n'y en a pas; leur langue est desséchée par la soif. Moi, l'Éternel, je les exaucerai; moi, le Dieu d'Israël, je ne les abandonnerai pas. Je ferai jaillir des fleuves sur les collines, et des sources au milieu des vallées; je changerai le désert en étang, et la terre aride en courants d'eau." Ésaïe 41:17, 18. HCQ 26 2 "Et nous avons tous reçu de sa plénitude, et grâce pour grâce." Jean 1:16. "Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde." HCQ 26 3 Par nature l'homme a un coeur froid, indifférent, ombrageux. Lorsqu'il manifeste un esprit de pitié ou de pardon, il ne le fait pas de lui-même, mais seulement sous l'influence de l'Esprit de Dieu. "Nous l'aimons, parce qu'il nous a aimés le premier." 1 Jean 4:19. HCQ 26 4 Dieu est la source de toute miséricorde. Il s'appelle "miséricordieux et compatissant". Exode 34:6. Il ne nous traite pas selon nos péchés; il ne nous demande pas d'être dignes de son amour, mais il nous comble de ses largesses pour que nous le devenions. Dieu n'est pas vindicatif; il ne cherche pas à punir, mais à sauver. La sévérité même dont parfois il fait preuve dans ses interventions a pour but le salut du méchant. Il désire ardemment soulager les hommes de leurs maux et répandre son baume sur leurs blessures. Et s'il "ne tient pas le coupable pour innocent" (Exode 34:7), il désire cependant le délivrer de sa culpabilité. HCQ 26 5 Les miséricordieux sont "participants de la nature divine"; l'amour compatissant de Dieu trouve en eux son expression. Tous ceux dont le coeur sympathise avec l'Amour infini chercheront à guérir au lieu de condamner. La présence du Christ dans l'âme est une source qui ne tarira jamais. Là où il demeure, sa bonté sera débordante. HCQ 26 6 Quand il entend l'appel des égarés, de ceux qui sont tentés et des malheureuses victimes de la misère et du péché, le chrétien ne se demande pas: "Sont-ils dignes?" mais plutôt: "Comment puis-je leur être utile?" Dans les hommes les plus dégradés, les plus souillés, il voit des êtres pour le salut desquels Jésus est mort et pour lesquels il a confié à ses disciples le ministère de la réconciliation. HCQ 27 1 Les miséricordieux sont ceux qui ont compassion des pauvres, des affligés et des opprimés. Job déclare: "Car je sauvais le pauvre qui implorait du secours, et l'orphelin qui manquait d'appui. La bénédiction du malheureux venait sur moi; je remplissais de joie le coeur de la veuve. Je me revêtais de la justice et je lui servais de vêtement, j'avais ma droiture pour manteau et pour turban. J'étais l'oeil de l'aveugle et le pied du boiteux. J'étais le père des misérables, j'examinais la cause de l'inconnu." Job 29:12-16. HCQ 27 2 Nombreux sont ceux pour lesquels la vie est une lutte douloureuse; conscients de leurs déficiences, ils sont misérables, aigris et incrédules, et ne voient rien qui puisse motiver leur reconnaissance. Une parole opportune, un regard de sympathie, un témoignage d'estime seraient pour les âmes solitaires en proie à ces luttes amères comme le verre d'eau pour celui qui a soif. Un mot aimable, un acte de bonté allégeraient les fardeaux qui pèsent si lourdement sur ces épaules fatiguées. Car, chaque parole, chaque geste charitable est l'expression de l'amour du Christ pour l'humanité perdue. HCQ 27 3 Les miséricordieux "obtiendront miséricorde". "L'âme bienfaisante sera rassasiée, et celui qui arrose sera lui-même arrosé." Proverbes 11:25. Une douce paix remplit l'esprit compatissant, et une joie bénie accompagne tout acte désintéressé. Le Saint-Esprit qui demeure dans une âme et se manifeste au-dehors attendrira les coeurs les plus endurcis et suscitera la sympathie et la tendresse. Vous moissonnerez ce que vous semez. "Heureux celui qui s'intéresse au pauvre! [...] L'Éternel le garde et lui conserve la vie. Il est heureux sur la terre, et tu ne le livres pas au bon plaisir de ses ennemis. L'Éternel le soutient sur son lit de douleur; tu le soulages dans toutes ses maladies." Psaumes 41:1-4. HCQ 27 4 Quiconque a consacré sa vie à Dieu pour le salut de ses semblables est intimement uni à celui qui dispose de toutes les richesses de l'univers. Sa vie est liée à celle de Dieu par d'immuables promesses. Le Seigneur ne lui manquera pas à l'heure de la souffrance et de la détresse. "Et mon Dieu pourvoira à tous vos besoins selon sa richesse, avec gloire, en Jésus-Christ." Philippiens 4:19. Aussi, lors de la lutte finale, les miséricordieux trouveront-ils un refuge dans la miséricorde du Sauveur compatissant et seront-ils reçus dans les demeures éternelles. "Heureux ceux qui ont le coeur pur, car ils verront Dieu." HCQ 28 1 Les Juifs étaient si intransigeants au sujet de la pureté cérémonielle que leurs prescriptions en étaient insupportables. Les règlements, les restrictions et la crainte de l'impureté extérieure occupaient à tel point leurs esprits qu'ils ne voyaient plus la laideur imprimée au fond de leur âme par l'égoïsme et la méchanceté. HCQ 28 2 Le Sauveur ne fait pas de cette pureté cérémonielle une condition d'entrée dans le royaume des cieux, mais il montre la nécessité de posséder un coeur pur. La sagesse qui vient d'en haut est "premièrement pure". Jacques 3:17. Dans la cité de Dieu, il n'entrera rien de souillé. Tous ceux qui veulent y habiter devront avoir purifié leur coeur ici-bas. Celui qui veut suivre Jésus marquera une aversion toujours plus vive tant pour les manières et le langage inconvenants que pour les pensées grossières. Quand Jésus entre dans un coeur, il y apporte la pureté de la pensée et de la conduite. HCQ 28 3 Mais les paroles de Jésus: "Heureux ceux qui ont le coeur pur", ont une signification plus profonde encore. Il ne s'agit pas simplement d'être pur dans le sens où le monde comprend habituellement la pureté, c'est-à-dire le contraire de la sensualité et de la volupté, mais de cette pureté qui implique la loyauté dans les mobiles les plus secrets de l'âme, l'humilité, le désintéressement, la candeur enfantine. HCQ 28 4 Seuls ceux qui se ressemblent peuvent s'apprécier. À moins que dans votre propre vie vous ne fassiez place à l'amour désintéressé, qui est le principe même du caractère divin, vous ne pouvez connaître Dieu. Le coeur que Satan aveugle considère Dieu comme un être tyrannique et impitoyable. Il attribue au Dieu d'amour l'égoïsme de l'humanité et de Satan lui-même. "Tu t'es imaginé que je te ressemblais." Psaumes 50:21. Ses interventions sont interprétées comme l'expression d'une nature arbitraire et vindicative. Il en est de même de la Bible, trésor des richesses de sa grâce. On ne discerne pas la gloire de ses plans qui sont aussi élevés que le ciel et qui embrassent l'éternité. Pour la plus grande partie du genre humain, le Christ lui-même est "comme un rejeton qui sort d'une terre desséchée" et l'on ne voit en lui "ni beauté, ni éclat pour attirer nos regards". Ésaïe 53:2. Lorsque Jésus se trouvait parmi les hommes -- révélation de Dieu sous une forme humaine -- les scribes et les pharisiens lui déclarèrent: "N'avons-nous pas raison de dire que tu es un Samaritain, et que tu as un démon?" Jean 8:48. Ses disciples eux-mêmes étaient tellement aveuglés par l'égoïsme de leur coeur qu'ils étaient lents à comprendre celui qui était venu leur révéler l'amour du Père. C'était la raison pour laquelle Jésus était solitaire au milieu d'eux. Le ciel était le seul lieu où il fut complètement compris. HCQ 29 1 Lorsque le Christ viendra dans sa gloire, les méchants ne pourront supporter sa vue. Si l'éclat de sa présence apporte la vie à ceux qui l'aiment, il dispensera la mort aux impies. Son retour sera pour ceux-ci "une attente terrible du jugement et de l'ardeur d'un feu qui dévorera les rebelles". Hébreux 10:27. Et, lorsqu'il paraîtra, ils se répandront en supplications afin de ne pas voir la face de celui qui est mort pour leur rachat. HCQ 29 2 Mais pour les coeurs qui ont été purifiés par la présence du Saint-Esprit, tout est différent. Ceux-là peuvent connaître Dieu. De même que Moïse dut se cacher dans l'anfractuosité du rocher pour que le Seigneur lui révélât sa gloire, nous devons nous cacher dans le Christ pour contempler l'amour du Père. HCQ 29 3 "Celui qui aime la pureté du coeur, et qui a la grâce sur les lèvres, a le roi pour ami." Proverbes 22:11. Par la foi, nous voyons Dieu ici-bas et dès maintenant. Chaque jour nous découvrons sa bonté et sa compassion dans la manifestation de sa providence. Nous le reconnaissons dans le caractère de son Fils. Le Saint-Esprit dévoile à l'intelligence et au coeur les vérités relatives à Dieu et à Celui qu'il a envoyé. Le Créateur apparaît sous un jour nouveau à ceux dont le coeur est pur; leur Rédempteur leur devient plus cher, et plus ils discernent la pureté et la beauté de son caractère, plus ils aspirent à lui ressembler. Ils voient en Dieu un Père qui voudrait serrer dans ses bras un fils repentant, et leurs coeurs se remplissent d'une joie ineffable et glorieuse. HCQ 30 1 Ceux dont le coeur est pur reconnaissent le Créateur dans les oeuvres de sa main puissante et dans les beautés répandues dans l'univers. Dans sa parole écrite, ils lisent en lignes plus claires la révélation de sa miséricorde, de sa bonté et de sa grâce. Les vérités qui sont cachées aux sages et aux intelligents sont révélées aux enfants. La beauté et la valeur de cette Parole, que les sages de ce monde ne peuvent pas discerner, se manifestent constamment aux humbles qui désirent sincèrement connaître Dieu et lui obéir. C'est dans la mesure où nous participerons de la nature divine que nous comprendrons la vérité. HCQ 30 2 Ceux dont le coeur est pur vivent comme en la présence visible de Dieu pendant le temps qu'il leur accorde de passer sur cette terre. Puis, plus tard, quand ils auront revêtu l'immortalité, ils le verront face à face, comme Adam lorsqu'il se promenait dans le jardin d'Éden et s'entretenait avec Dieu. "Aujourd'hui nous voyons au moyen d'un miroir, d'une manière obscure, mais alors nous verrons face à face." 1 Corinthiens 13:12. "Heureux ceux qui procurent la paix, car ils seront appelés Fils de Dieu." HCQ 30 3 Jésus est "le prince de la paix" (Ésaïe 9:5); il a pour mission de rendre à la terre et au ciel la paix que le péché en a bannie. "Étant donc justifiés par la foi, nous avons la paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ." Romains 5:1. Quiconque consent à renoncer au péché et à ouvrir son coeur à l'amour du Christ participe à cette paix céleste. HCQ 30 4 Cette paix ne peut s'obtenir par aucun autre moyen. Reçue dans une âme, la grâce de Jésus dompte l'ennemi, apaise le combat et remplit le coeur d'amour. Celui qui est en paix avec Dieu et son prochain ne peut être malheureux. L'envie n'aura pas de prise sur lui, pas plus que les soupçons ou la haine. L'homme qui est en règle avec Dieu jouit de la paix d'en haut et répand autour de lui une influence bénie. L'esprit de paix descendra comme la rosée sur les coeurs travaillés et lassés par les luttes de ce monde. HCQ 30 5 Les disciples de Jésus sont envoyés dans le monde avec un message de paix. Celui qui, inconscient de l'influence de sa vie sainte, révèle naturellement l'amour du Christ ou qui, par la parole ou l'action, amène un homme à renoncer au péché et à se donner à Dieu, "procure la paix". HCQ 31 1 Et "heureux ceux qui procurent la paix, car ils seront appelés fils de Dieu". L'esprit de paix qui les habite est la preuve de leur communion avec le Ciel. La bonne odeur de Jésus les entoure. Le parfum de leur vie, la beauté de leur caractère révèlent au monde leur qualité de fils de Dieu, et les hommes comprennent qu'ils ont été avec le Sauveur. "Quiconque aime est né de Dieu." 1 Jean 4:7. "Si quelqu'un n'a pas l'Esprit du Christ, il ne lui appartient pas." Mais "tous ceux qui sont conduits par l'Esprit de Dieu sont fils de Dieu". Romains 8:9, 14. HCQ 31 2 "Le reste de Jacob sera au milieu des peuples nombreux comme une rosée qui vient de l'Éternel, comme des gouttes d'eau sur l'herbe: elles ne comptent pas sur l'homme, elles ne dépendent pas des enfants des hommes." Michée 5:6. "Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des cieux est à eux." HCQ 31 3 Jésus ne promet pas à ses disciples la gloire et les richesses de la terre, ni même une vie sans épreuves; il leur offre le privilège de marcher avec lui sur le chemin étroit du renoncement, en butte au mépris d'un monde qui le méconnaît. HCQ 31 4 Le Rédempteur de l'humanité dut affronter à la fois les adversaires de Dieu et de l'homme. Dans un complot impitoyable, des hommes pervers et des anges de ténèbres se liguèrent contre le prince de la paix. Bien que ses paroles et ses actions fussent empreintes d'une divine compassion, sa dissemblance d'avec le monde était telle qu'elle souleva une hostilité acharnée. Parce qu'il condamnait les passions mauvaises de notre nature, il souleva une inimitié et une opposition cruelles. Il en sera de même pour tous ceux qui vivront pieusement en Jésus. Il existe un conflit inévitable entre la justice et le péché, l'amour et la haine, la vérité et le mensonge. Lorsque, par sa vie, un homme met en évidence l'amour du Sauveur et la beauté de la sainteté, il enlève des sujets au royaume de Satan; le prince des ténèbres cherche alors à l'abattre. La persécution et les railleries attendent tous ceux qui sont remplis de l'Esprit du Christ. Le caractère de la persécution change avec les époques, mais l'esprit qui la provoque et l'anime ne change jamais; c'est celui qui, depuis les jours d'Abel, a toujours cherché à détruire les élus du Seigneur. HCQ 32 1 Ceux qui voudront vivre en harmonie avec Dieu s'apercevront que l'opprobre de la croix n'a pas cessé. Les autorités, les puissances et les esprits méchants dans les lieux célestes sont ligués contre tous ceux qui désirent obéir à la loi du ciel. C'est pourquoi, au lieu d'être un motif de chagrin, la persécution devrait être un sujet de joie pour les disciples du Christ, car elle prouve qu'ils suivent bien les traces de leur Maître. HCQ 32 2 S'il est vrai que le Seigneur n'a pas promis à ses disciples de les mettre à l'abri de l'épreuve, il leur a promis beaucoup mieux: "Que ta vigueur dure autant que tes jours." Deutéronome 33:25. Et encore: "Ma grâce te suffit, car ma puissance s'accomplit dans la faiblesse." 2 Corinthiens 12:9. Si, pour son nom, vous êtes appelés à passer par l'épreuve de la fournaise ardente, Jésus se tiendra à votre côté comme il s'est tenu auprès des trois fidèles Hébreux, à la cour de Babylone. Ceux qui aiment leur Rédempteur se réjouiront toutes les fois qu'ils pourront participer à son humiliation et à son opprobre. L'amour qu'ils éprouvent pour leur Seigneur rend douces les souffrances qu'ils doivent endurer à cause de lui. HCQ 32 3 Dans tous les siècles, Satan a persécuté les enfants de Dieu, les a torturés et mis à mort; mais, en mourant, ils devinrent des vainqueurs. Par leur foi inébranlable, ils firent connaître celui qui est plus puissant que Satan. Celui-ci pouvait torturer et tuer les corps, mais il ne pouvait pas toucher à la vie qui est cachée avec le Christ en Dieu. Il pouvait faire jeter les disciples en prison, mais il ne pouvait pas lier leur esprit. À travers les ombres, ceux-ci pouvaient entrevoir la gloire et se dire: "J'estime que les souffrances du temps présent ne sauraient être comparées à la gloire à venir qui sera révélée pour nous." Romains 8:18. "Car nos légères afflictions du moment présent produisent pour nous, au-delà de toute mesure, un poids éternel de gloire." 2 Corinthiens 4:17. HCQ 32 4 Par les épreuves et la persécution, la gloire et le caractère de Dieu sont révélés à ses élus. L'Église, haïe et persécutée par le monde, est formée et disciplinée à l'école du Christ. Elle avance le long de sentiers étroits sur la terre, où elle est purifiée dans la fournaise de l'affliction. À travers des luttes douloureuses, elle suit le Maître sur le chemin du sacrifice, exposée à d'amères déceptions; mais cette rude école lui enseigne la culpabilité et la malédiction du péché qu'elle considère avec horreur. Participant aux souffrances du Christ, les enfants de Dieu auront aussi part à sa gloire. Dans une sainte vision, le prophète vit le triomphe de Dieu. Il dit: "Et je vis comme une mer de verre, mêlée de feu, et ceux qui avaient vaincu... debout sur la mer de verre, ayant des harpes de Dieu. Et ils chantent le cantique de Moïse, le serviteur de Dieu, et le cantique de l'agneau, en disant: Tes oeuvres sont grandes et admirables, Seigneur Dieu tout-puissant! Tes voies sont justes et véritables, roi des nations." Apocalypse 15:2, 3. "Ce sont ceux qui viennent de la grande tribulation; ils ont lavé leurs robes, et ils les ont blanchies dans le sang de l'agneau. C'est pour cela qu'ils sont devant le trône de Dieu, et le servent nuit et jour dans son temple. Celui qui est assis sur le trône dressera sa tente sur eux." Apocalypse 7:14, 15. "Heureux serez-vous, lorsqu'on vous outragera." HCQ 33 1 Depuis sa chute, Satan a toujours eu recours au mensonge. De même qu'il a calomnié Dieu, il calomnie les enfants de Dieu. Le Sauveur dit: "C'est pour toi que je porte l'opprobre." Psaumes 69:8. Les disciples, eux aussi, doivent porter cet opprobre. HCQ 33 2 De tous ceux qui vécurent au milieu des hommes, nul ne fut plus diffamé que le Fils de l'homme. On le raillait, on l'accablait de sarcasmes à cause de son obéissance inébranlable aux principes de la sainte loi de Dieu. Haï sans cause, il affronta courageusement et calmement ses ennemis, déclarant que l'opprobre faisait partie de l'héritage du chrétien. Il enseigna à ses disciples la manière de parer les flèches de la méchanceté, les exhortant à ne pas se laisser abattre par la persécution. HCQ 33 3 La calomnie peut noircir la réputation, mais elle ne peut ternir le caractère. Dieu le tient en sa garde. Tant que nous ne consentons pas à pécher, il n'y a pas de puissance humaine ou satanique qui puisse souiller notre âme. L'homme dont le coeur s'appuie sur Dieu est aussi ferme à l'heure de l'épreuve la plus cruelle et dans les circonstances les plus décourageantes qu'au temps de la prospérité, alors que la lumière et la faveur de Dieu semblent le protéger. Ses paroles, ses actions, ses mobiles peuvent être incompris, faussés; peu lui importe, puisqu'il a de plus grands intérêts en jeu. Comme Moïse, il patiente, "voyant ce qui est invisible" (Hébreux 11:27), regardant "non aux choses visibles, mais à celles qui sont invisibles". 2 Corinthiens 4:18. HCQ 34 1 Jésus voit tout ce qui est incompris ou falsifié par les hommes. Ses disciples peuvent se reposer sur lui avec patience et avec confiance, bien que maltraités et méprisés. Car tout ce qui est secret sera dévoilé, et ceux qui honorent Dieu seront honorés par lui en présence des hommes et des anges. HCQ 34 2 "Lorsqu'on vous outragera, qu'on vous persécutera", dit Jésus, "réjouissez-vous et soyez dans l'allégresse". Puis il entretient ses auditeurs des prophètes qui ont parlé au nom du Seigneur et les donne comme "modèles de souffrance et de patience". Jacques 5:10. Abel, le premier chrétien de la famille d'Adam, mourut martyr. Énoch marcha avec Dieu et le monde ne le vit plus. On se moqua de Noé et on le considéra comme un fanatique et un alarmiste. "D'autres subirent les moqueries et le fouet, les chaînes et la prison." "D'autres furent livrés aux tourments, et n'acceptèrent pas de délivrance, afin d'obtenir une meilleure résurrection." Hébreux 11:36, 35. HCQ 34 3 En tout temps, les messagers choisis par Dieu ont été méprisés et persécutés; mais leurs afflictions ont contribué à répandre la connaissance de Dieu. Chaque disciple du Christ doit entrer dans les rangs et accomplir la même oeuvre, sachant que ses ennemis ne peuvent rien contre la vérité mais que tout ce qu'ils feront tournera en faveur de celle-ci. Dieu désire que cette vérité soit mise en évidence, qu'elle soit examinée et discutée, malgré le mépris dont on l'accable. Les esprits doivent être remués. Tous les efforts qui sont faits dans le but de restreindre la liberté de conscience sont des moyens dont Dieu se sert pour éveiller les esprits, qui, autrement, sommeilleraient. HCQ 34 4 Combien de fois ce fait ne s'est-il pas confirmé dans la vie des messagers de Dieu? Quand l'éloquent et noble Étienne fut lapidé sur l'ordre du Sanhédrin, sa mort ne fut pas une perte pour la cause de l'Évangile. Un éclat céleste illuminait son visage, une compassion infinie imprégnait sa dernière prière et ce furent ces traits de lumière qui amenèrent Saul, pharisien fanatique, membre du Sanhédrin, à devenir, lui, persécuteur, l'instrument par lequel Dieu fit connaître le nom de Jésus-Christ aux non-juifs, aux rois et aux enfants d'Israël. C'est ce même Paul qui, devenu vieux, écrivit de sa prison à Rome: "Quelques-uns, il est vrai, prêchent [...] Christ par envie, et par esprit de dispute, [...] avec la pensée de me susciter quelque tribulation dans mes liens. Qu'importe? De toute manière, que ce soit pour l'apparence, que ce soit sincèrement, Christ n'est pas moins annoncé." Philippiens 1:15, 17, 18. Grâce à l'emprisonnement de Paul, l'Évangile fut répandu au loin, et des âmes furent gagnées au Christ, même dans le palais des Césars. Malgré les efforts destructeurs de Satan, "la semence incorruptible" de la Parole de Dieu "vivante et permanente" (1 Pierre 1:23) est semée dans le coeur des hommes. Par l'opprobre et la persécution de ses disciples, le nom de Jésus est glorifié et des âmes sont sauvées. HCQ 35 1 Grande sera la récompense accordée dans le ciel à ceux qui, pour rendre témoignage au Sauveur, auront été persécutés et opprimés. Tandis que le monde recherche les biens de la terre, Jésus leur montre la récompense céleste. Et il ne la place pas uniquement dans la vie future, mais déjà ici-bas. Le Seigneur apparut à Abraham et lui dit: "N'aie pas peur, je suis ton bouclier, et ta récompense sera très grande." Genèse 15:1. La rémunération de ceux qui suivent le Christ, c'est Yahveh, Emmanuel, celui en qui "sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science" et en qui "habite corporellement toute la plénitude de la divinité". Colossiens 2:3, 9. Ils apprendront à l'aimer, à le connaître, à le rechercher à mesure que leur coeur s'ouvrira pour recevoir ses attributs, à ressentir son amour et sa puissance, posséder les insondables richesses du Seigneur, comprendre de mieux en mieux "quelle est la largeur, la longueur, la profondeur et la hauteur, et connaître l'amour du Christ qui surpasse toute connaissance, en sorte [qu'ils soient] remplis jusqu'à toute la plénitude de Dieu". Ephésiens 3:18, 19. "Tel est l'héritage des serviteurs de l'Éternel, tel est le salut qui leur viendra de moi, dit l'Éternel." Ésaïe 54:17. HCQ 35 2 C'était cette joie qui remplissait le coeur de Paul et de Silas quand, au milieu de la nuit, ils chantaient les louanges du Seigneur dans la prison de Philippes. Le Christ se trouvait auprès d'eux, et la lumière de sa présence dissipait les ténèbres. De Rome, en dépit de ses fers, Paul écrivait, constatant la puissance irrésistible de la proclamation de l'Évangile: "Je m'en réjouis, et je m'en réjouirai encore." Philippiens 1:18. Et les paroles que Jésus prononça sur la montagne font encore entendre leur écho dans le message que Paul adressa aux Philippiens alors qu'ils se trouvaient au milieu de la tribulation: "Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur; je le répète, réjouissez-vous." Philippiens 4:4. "Vous êtes le sel de la terre." HCQ 36 1 La valeur du sel réside dans ses propriétés de préservation. Lorsque Dieu compare ses enfants à du sel, il désire leur faire comprendre qu'ils doivent devenir les canaux de sa grâce pour sauver d'autres âmes. En se choisissant un peuple, Dieu ne pensait pas seulement adopter des fils et des filles, mais il voulait encore permettre au monde de recevoir par eux la grâce qui apporte le salut. Tite 2:11. En choisissant Abraham il n'avait pas simplement pour but d'en faire son ami personnel mais bien un intermédiaire qui ferait connaître au monde les privilèges qu'il désirait accorder aux nations. Dans la dernière prière que Jésus prononça en faveur de ses disciples, avant la crucifixion, il dit: "Je me sanctifie moi-même pour eux, afin qu'eux aussi soient sanctifiés par la vérité." Jean 17:19. De même, les chrétiens qui auront été purifiés par la vérité posséderont les qualités qui préserveront le monde d'une corruption morale complète. HCQ 36 2 Le sel doit être mélangé à la substance à laquelle on l'ajoute; il faut qu'il la pénètre pour pouvoir la conserver. C'est grâce à notre contact personnel et notre affection que le monde peut être touché par la puissance de l'Évangile. Les hommes ne sont pas sauvés par groupes, mais individuellement. L'influence personnelle est une puissance. Il faut que nous nous approchions tout près de ceux auxquels nous désirons faire du bien. HCQ 36 3 La saveur du sel représente la puissance vitale du chrétien, l'amour de Jésus dans le coeur, la justice du Christ imprégnant la vie. L'amour du Sauveur est expansif et actif. S'il habite en nos coeurs, il rayonnera sur ceux qui nous entourent. Nous fraterniserons avec eux jusqu'à ce que leurs coeurs soient réchauffés par nos attentions désintéressées et par notre amour. Les croyants sincères répandent une énergie vitale, active, qui communique une nouvelle force morale aux âmes pour lesquelles ils travaillent. Ce n'est pas la puissance de l'homme, mais celle du Saint-Esprit qui accomplit cette oeuvre de transformation. HCQ 37 1 Et Jésus ajoute cet avertissement solennel: "Si le sel perd sa saveur, avec quoi la lui rendra-t-on? Il ne sert plus qu'à être jeté dehors, et foulé aux pieds par les hommes." HCQ 37 2 Tandis que Jésus prononçait ces paroles, ses auditeurs pouvaient voir en effet étinceler, sur les sentiers, le sel sans saveur qu'on y avait jeté. Cette image représentait à merveille l'état des pharisiens et l'effet de leur religion sur la société. Elle représente aussi la vie de toute âme d'où la puissance de la grâce de Dieu s'est retirée, la laissant froide et sans Sauveur. Quelle que soit sa profession de foi, une telle âme est considérée par les anges et par les hommes comme insipide et désagréable. C'est à elle que le Christ dit: "Puisses-tu être froid ou bouillant! Ainsi, parce que tu es tiède, et que tu n'es ni froid ni bouillant, je te vomirai de ma bouche." Apocalypse 3:15, 16. HCQ 37 3 Sans une foi vivante en Jésus, notre Sauveur personnel, nous ne pourrons pas exercer notre influence sur le monde incrédule. Nous ne pouvons donner aux autres que ce que nous possédons nous-mêmes. Notre influence pour le bien et pour le relèvement de l'humanité est proportionnée à notre piété et à notre consécration. Là où il n'y a pas de désintéressement réel, pas d'amour sincère, pas d'expérience vraie, il n'y a pas non plus de puissance efficace, pas de contact avec le Ciel. La vie n'est pas imprégnée de la saveur du Christ. À moins que le Saint-Esprit ne nous emploie comme des canaux pour communiquer au monde la vérité qui se trouve en Jésus, nous sommes comme du sel qui, ayant perdu sa saveur, est devenu inutile. Si nous ne possédons pas en nous la grâce du Sauveur, nous montrons que la vérité à laquelle nous professons croire n'est pas assez puissante pour nous sanctifier, et, en ce qui concerne notre influence, nous rendons sans effet la Parole de Dieu. "Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n'ai pas la charité, je suis un airain qui résonne, ou une cymbale qui retentit. Et quand j'aurais le don de prophétie, la science de tous les mystères et toute la connaissance, quand j'aurais même toute la foi jusqu'à transporter des montagnes, si je n'ai pas la charité, je ne suis rien. Et quand je distribuerais tous mes biens pour la nourriture des pauvres, quand je livrerais mon corps pour être brûlé, si je n'ai pas la charité, cela ne me sert de rien." 1 Corinthiens 13:1-3. HCQ 38 1 Si l'amour remplit notre coeur, il débordera sur ceux qui nous entourent, non à cause des faveurs qu'ils nous auront accordées, mais parce que l'amour est un principe actif. L'amour transforme le caractère, gouverne les impulsions, bannit l'inimitié et ennoblit les affections. Cet amour est aussi vaste que l'univers et il est en harmonie avec celui des anges du ciel; quand il pénètre dans un coeur, il répand son parfum dans toute la vie et sa bénédiction tout alentour. C'est grâce à lui, et à lui seul, que nous pouvons devenir le sel de la terre. "Vous êtes la lumière du monde." HCQ 38 2 L'enseignement de Jésus était captivant, il fixait l'attention de ses auditeurs par de fréquentes illustrations tirées des scènes de la nature. Le peuple s'était rassemblé dès le matin alors que le soleil radieux, s'élevant toujours plus haut dans le ciel bleu, chassait les ombres qui s'attardaient encore dans les vallées et dans les étroits défilés montagneux. La gloire de l'aurore ne s'était pas encore évanouie. Les rayons du soleil inondaient le pays de leur splendeur; paisible, le lac réfléchissait la lumière dorée et les nuages légers du matin. Chaque bouton, chaque fleur, chaque brin de feuillage étincelait de rosée. La nature souriait sous la bénédiction d'un jour nouveau et les oiseaux chantaient dans les branches. Embrassant du regard la foule qui se pressait devant lui, le Sauveur dit à ses disciples : "Vous êtes la lumière du monde." De même que le soleil se lève pour accomplir son oeuvre d'amour, pour dissiper les ombres de la nuit et rendre la vie au monde, de même les disciples du Christ doivent poursuivre leur mission, et répandre la lumière du ciel sur ceux qui sont dans les ténèbres de l'erreur et du péché. HCQ 38 3 Dans la radieuse lumière du matin, les villes et les villages situés sur les collines environnantes resplendissaient, augmentant encore l'attrait du décor. Dirigeant ses regards de ce côté, Jésus dit: "Une ville située sur une montagne ne peut être cachée." Puis il ajouta: "On n'allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais on la met sur le chandelier, et elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison." La plupart de ceux qui écoutaient les paroles de Jésus étaient des paysans et des pêcheurs; leurs modestes demeures ne comprenaient qu'une seule pièce dans laquelle une lampe unique devait assurer l'éclairage. De même, dit Jésus: "Que votre lumière luise ainsi devant les hommes, afin qu'ils voient vos bonnes oeuvres, et qu'ils glorifient votre Père qui est dans les cieux." HCQ 39 1 Aucune lumière n'a brillé ni ne brillera sur l'homme perdu si ce n'est celle qui émane de Jésus-Christ. Notre Sauveur est la seule lumière qui puisse illuminer les ténèbres d'un monde plongé dans le péché. Il est écrit à son sujet: "En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes." Jean 1:4. C'est seulement en recevant sa vie que les disciples peuvent devenir des porte-lumière. Sa vie dans leur âme et son amour révélé dans leur caractère sont nécessaires pour faire d'eux la lumière du monde. HCQ 39 2 Le monde est plongé dans les ténèbres. Sans le Christ nous sommes comme une mèche éteinte, comme la lune quand elle ne réfléchit pas la lumière du soleil; nous ne possédons pas le moindre rayon à projeter sur le monde. Mais, lorsque nous nous tournons vers le Soleil de Justice, lorsque nous entrons en contact avec Jésus, l'âme entière est illuminée par sa radieuse présence. HCQ 39 3 Les disciples du Christ doivent être plus qu'une lumière au milieu des hommes. Ils doivent être la lumière du monde. Jésus dit à tous ceux qui l'invoquent: "Vous vous êtes donnés à moi et je vous ai donnés au monde pour m'y représenter." De même que le Père l'avait envoyé dans le monde, il déclare: "Je les ai aussi envoyés dans le monde." Jean 17:18. C'est par son Fils que le Père est révélé; nous devons à notre tour le faire connaître au monde. Si le Sauveur est la source de la lumière, n'oublions pas que c'est nous, chrétiens, qui devons l'apporter au monde. C'est par notre intermédiaire que Dieu répand ses bienfaits. Les humains, régénérés par la nature divine, doivent entrer en contact avec le reste de l'humanité. Dans l'Église, dit le Christ, chaque disciple est destiné par le Ciel à révéler Dieu aux hommes. Les anges vous attendent pour communiquer, par votre moyen, la lumière du ciel aux âmes qui sont sur le point de périr. Si nous manquons à notre tâche, le monde ne sera-t-il pas frustré, dans la mesure de notre déficience, de l'oeuvre du Saint-Esprit? HCQ 40 1 Jésus n'a pas dit aux disciples: "Faites tous vos efforts pour que votre lumière luise", mais: "Que votre lumière luise." Si le Christ habite dans notre coeur nous ne pourrons dissimuler la lumière de sa présence. Si ceux qui professent être ses disciples ne sont pas la lumière du monde, c'est qu'ils ne sont pas en contact avec la source de la lumière. HCQ 40 2 Dans tous les siècles, "l'Esprit du Christ qui était en eux" (1 Pierre 1:11) a fait des véritables enfants de Dieu la lumière de leur génération. Joseph fit resplendir sa lumière en Égypte. Par sa pureté, sa bonté et son amour filial, il représenta le Sauveur au milieu d'une nation idolâtre. Les Israélites au coeur sincère qui d'Égypte firent route vers la terre promise furent, durant leur exode, des lumières pour les nations environnantes. Ils révélèrent Dieu au monde. Daniel et ses compagnons, à Babylone, Mardochée, en Perse, projetèrent d'éclatants rayons de lumière au milieu des ténèbres de deux cours royales. De même, les disciples du Sauveur doivent faire connaître la miséricorde et la bonté de Dieu à un monde plongé dans l'obscurité et qui ne le connaît pas. En voyant leurs bonnes oeuvres, plusieurs seront amenés à rendre gloire au Père céleste parce qu'ils comprendront alors que c'est un Dieu digne d'être loué et imité qui se tient sur le trône de l'univers. L'amour divin, rayonnant dans le coeur et dans la vie de ses enfants, entrouvrira, en quelque sorte, les portes du ciel aux hommes, leur permettant d'en apprécier la félicité. HCQ 40 3 C'est ainsi que d'aucuns pourront dire: "Nous avons connu l'amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru." 1 Jean 4:16. Des coeurs, autrefois pécheurs et corrompus, seront purifiés et transformés pour paraître un jour "devant sa gloire, irrépréhensibles et dans l'allégresse". Jude 1:24. HCQ 40 4 Les paroles du Sauveur: "Vous êtes la lumière du monde", nous révèlent qu'il a confié à ses disciples une mission mondiale. À l'époque du Christ, l'égoïsme, l'orgueil et les préjugés avaient élevé une haute et forte muraille de séparation entre les gardiens officiels des oracles sacrés et les autres nations de la terre. Mais le Sauveur est venu remédier à cet état de choses. Les paroles qui tombaient de ses lèvres ne ressemblaient en rien à celles que le peuple avait l'habitude d'entendre prononcer par les sacrificateurs ou les rabbins. Il a abattu le mur de séparation, ainsi que les préjugés de race et il a enseigné l'amour universel à la grande famille humaine. Il a fait sortir les hommes du cercle étroit de leur égoïsme; il a aboli les frontières et les distinctions de classes. Il n'a fait aucune différence entre les voisins et les étrangers, entre les amis et les ennemis. Il nous a enseigné à considérer toute âme se trouvant dans le besoin comme notre prochain et le monde comme notre champ de travail. HCQ 41 1 De même que les rayons du soleil éclairent jusqu'aux parties les plus reculées de la terre, Dieu désire que la lumière de l'Évangile parvienne à tous ses habitants. Si l'Église du Christ accomplissait la volonté du Seigneur, la lumière brillerait sur tous ceux qui sont dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort. Au lieu de se concentrer sur eux-mêmes, et de refuser égoïstement de porter leur croix, les membres de l'Église se répandraient dans tous les pays, pour y faire luire, comme Jésus lui-même l'a fait, la lumière de "l'Évangile du royaume". HCQ 41 2 Tel a été le but de Dieu en choisissant son peuple, depuis le patriarche Abraham dans les plaines de la Mésopotamie jusqu'à nos jours. Il dit: "Je te bénirai... et tu seras une source de bénédiction." Genèse 12:2. Les paroles du prophète évangélique, répétées dans le Sermon sur la montagne, s'adressent à nous qui faisons partie de la dernière génération: "Lève-toi, sois éclairée, car ta lumière arrive, et la gloire de l'Éternel se lève sur toi." Ésaïe 60:1. Si la gloire du Seigneur s'est levée sur notre esprit, si nous avons contemplé la beauté de celui "qui se distingue entre dix mille" et dont "toute la personne est pleine de charme", si notre âme a été illuminée de sa gloire, alors c'est à nous que le Maître adresse cette parole. Si nous avons accompagné le Christ sur la montagne de la transfiguration, songeons aux âmes qui, en bas dans la vallée, sont retenues en esclavage par Satan; elles attendent la parole de foi et la prière qui les libéreront. HCQ 41 3 Nous ne devons pas seulement contempler la gloire du Christ, nous devons aussi la proclamer. Ésaïe, ayant vu la gloire du Seigneur, en parla. David, de même, contemplant le merveilleux amour de Dieu, ne pouvait se taire sur ce qu'il ressentait et voyait. Qui peut, par la foi, diriger ses regards vers le plan de la rédemption, vers la gloire du Fils unique de Dieu, et garder le silence? Qui peut considérer l'amour insondable du Christ mourant sur la croix du Calvaire -- pour nous sauver de la mort et nous acquérir la vie éternelle -- sans chanter ensuite la gloire de son Amour? HCQ 42 1 "Dans son palais tout s'écrie: Gloire!" Le doux chantre d'Israël louait Dieu sur la harpe et déclarait: "Je dirai la splendeur glorieuse de ta majesté; je chanterai tes merveilles. On parlera de ta puissance redoutable, et je raconterai ta grandeur." Psaumes 29:9; 145:5, 6. HCQ 42 2 La croix du Calvaire doit être élevée assez haut pour attirer les regards de la foule et absorber ses pensées. Alors toutes nos facultés spirituelles recevront une énergie divine. Alors on sentira un besoin irrésistible de travailler pour le Maître, et les hérauts du Seigneur feront rayonner sur le monde des ondes lumineuses et des activités bienfaisantes qui éclaireront la terre. HCQ 42 3 Avec quelle joie le Christ accepte tous ceux qui s'abandonnent à lui! Il unit notre nature humaine à sa nature divine afin de dévoiler au monde les mystères de l'amour incarné. Parlons de cet amour, chantons-le, adressons-lui nos prières et proclamons-en la gloire toujours plus loin. HCQ 42 4 La patience dans les épreuves, la reconnaissance pour les bénédictions reçues, la fermeté dans la tentation, la douceur, l'humilité, la bonté, la pitié et l'amour sont les traits de caractère qui, devenus habituels, font ressortir le contraste entre un coeur illuminé par Dieu et celui dans lequel règne l'amour du moi, où la lumière de la Vie n'a jamais pénétré. ------------------------Chapitre 3 -- La spiritualité de la loi HCQ 43 0 "Je ne suis pas venu pour abolir, mais pour accomplir." HCQ 43 1 Ce fut Jésus-Christ lui-même qui proclama la loi de Dieu du haut des rochers formidables et enflammés du Sinaï, au milieu des grondements du tonnerre. Le sommet de la montagne, ébranlée tout entière par la présence de l'Éternel, était enveloppé du feu de la gloire de Dieu. Saisies d'une sainte terreur, prosternées le visage contre terre, les armées d'Israël entendaient énoncer les préceptes sacrés de la loi. Quel contraste entre cette scène et celle du Sermon sur la montagne! HCQ 43 2 C'est en effet sous un ciel d'été et dans un silence à peine troublé par le chant des oiseaux que Jésus exposa avec tant d'amour les règles de son royaume, à savoir les principes mêmes de la loi du Sinaï. HCQ 43 3 Lors de la scène du mont Sinaï, Israël, dégradé par un long esclavage en Égypte, avait grand besoin d'être pénétré de la puissance et de la majesté divines; Dieu pourtant se révéla à lui comme un Dieu d'amour. HCQ 43 4 L'Éternel est venu de Sinaï, Il s'est levé sur eux de Séir, Il a resplendi de la montagne de Paran, Et il est sorti du milieu des saintes myriades: Il leur a, de sa droite, envoyé le feu de la loi. Oui, il aime les peuples; Tous ses saints sont dans ta main. Ils se sont tenus à tes pieds, Ils ont reçu tes paroles. Deutéronome 33:2, 3. HCQ 43 5 Voici en quelles paroles, héritage inoubliable et séculaire, Dieu montra sa gloire à Moïse: "L'Éternel, l'Éternel, Dieu miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en bonté et en fidélité, qui conserve son amour jusqu'à mille générations, qui pardonne l'iniquité, la rébellion et le péché." Exode 34:6, 7. HCQ 44 1 La loi du Sinaï était l'énoncé du principe de l'amour. Elle révélait à la terre la loi du Ciel. Elle fut confiée à un Médiateur dont la divine puissance amènerait les hommes à aimer ses exigences. Dieu en avait indiqué le but à Israël par ces paroles: "Vous serez pour moi des hommes saints." Exode 22:31. HCQ 44 2 Mais Israël n'avait pas saisi le caractère spirituel de la loi et trop souvent son obéissance n'était que formalisme, et non élan du coeur. Dans son caractère et dans sa vie, Jésus refléta les attributs de Dieu: la sainteté, la bienveillance, l'amour paternel. Il soulignait l'inutilité d'une obéissance purement extérieure. Mais les chefs juifs, qui ne comprenaient pas ses paroles, l'accusèrent de considérer avec trop de légèreté les exigences de la loi. Et, quand il leur présenta les vérités fondamentales de l'obéissance demandée par Dieu, aveuglés par les formes, ils l'accusèrent de chercher à annuler la loi. HCQ 44 3 Quoique prononcées avec calme, les paroles de Jésus étaient empreintes d'une fermeté et d'une puissance qui touchaient les coeurs. Les pharisiens s'attendaient à l'entendre parler des traditions des rabbins et de leurs ordonnances; mais il n'en fit rien, et "ils étaient frappés de sa doctrine; car il enseignait comme ayant autorité, et non pas comme leurs scribes". Matthieu 7:29. Ils sentirent la différence considérable qui existait entre leur enseignement et le sien. Ils virent que la majesté, la pureté et la beauté de la vérité, ainsi que sa profonde et douce influence, s'emparaient de nombreux esprits et que l'amour et la tendresse du Sauveur lui gagnaient tous les coeurs. Les rabbins comprirent que sa doctrine allait anéantir leur enseignement en renversant le mur qui les séparait du peuple et qui flattait tant leur orgueil et leur exclusivisme. Aussi, redoutant qu'il n'attirât tous les hommes à lui si on ne l'en empêchait, devenant nettement hostiles, ils guettèrent l'occasion de le décrier aux yeux du peuple et permirent ainsi au Sanhédrin de le condamner à mort. HCQ 44 4 Des espions observaient attentivement Jésus tandis que, sur la montagne, il exposait les principes de la justice. Encouragés par les pharisiens, certains parmi le peuple murmuraient que son enseignement s'opposait aux préceptes que Dieu avait donnés au Sinaï. Accusation gratuite, car rien dans les paroles du Sauveur ne pouvait jeter le moindre doute dans l'esprit de ses auditeurs sur les institutions qu'il avait lui-même données à Moïse. Mais, comme cette pensée agite bien des coeurs, Jésus va faire une déclaration indiquant nettement son attitude à l'égard des préceptes divins: "Ne croyez pas, proclame-t-il, que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes." HCQ 45 1 C'est le Créateur des hommes, l'Auteur même de la loi, qui déclare qu'il n'a pas l'intention d'abolir ses commandements. Dans la nature, tout, depuis le grain de poussière qui danse dans le rayon de soleil, jusqu'aux mondes qui nous entourent, tout est soumis à des lois. L'ordre et l'harmonie de l'univers sont fondés sur elles. Sa vie et son bien-être dépendent de la soumission des êtres intelligents aux principes de justice qui règlent leur existence à tous. La loi de Dieu existait bien avant la création du monde. Les anges sont gouvernés par elle et, pour que l'harmonie règne entre le ciel et la terre, l'homme doit, lui aussi, obéir aux ordres de Dieu. Dans le jardin d'Éden, "alors que les étoiles du matin éclataient en chants d'allégresse, et que tous les fils de Dieu poussaient des cris de joie" (Job 38:7), le Christ avait fait connaître à Adam les principes de sa loi; donc sa mission terrestre ne pouvait pas consister à détruire cette loi; au contraire, il venait rendre l'homme capable de s'y soumettre. HCQ 45 2 Le disciple bien-aimé, qui entendit les paroles de Jésus sur la montagne et qui, fort longtemps après, écrivit sous l'inspiration du Saint-Esprit, parle de la loi comme devant être observée perpétuellement. "Le péché, dit-il, est la transgression de la loi" et "quiconque pèche transgresse la loi". 1 Jean 3:4. Il montre clairement que la loi dont il s'agit est "un commandement ancien" (1 Jean 2:7) qui existait dès le commencement, avant la création, et qui fut répété plus tard sur le Sinaï. HCQ 45 3 Parlant de cette loi, Jésus déclare: "Je ne suis pas venu pour abolir, mais pour accomplir." Le mot "accomplir" qui se trouve ici a le même sens que dans les Paroles de Jésus à Jean-Baptiste: "Il est convenable que nous accomplissions tout ce qui est juste" (Matthieu 3:15), c'est-à-dire: il est convenable que nous répondions aux exigences de la loi en donnant un exemple de soumission parfaite à la volonté de Dieu. HCQ 46 1 Sa mission était de montrer la magnificence de cette loi et d'en dégager la spiritualité; de la faire respecter et d'en présenter l'étendue ainsi que les exigences éternelles. HCQ 46 2 La divine beauté du caractère de Jésus reflète celui du Père et l'éclat de sa gloire. Les hommes les plus réputés pour leur douceur, leur bonté ou leur grandeur d'âme ne peuvent donner qu'une très faible image du Rédempteur dont Salomon, sous l'inspiration de l'Esprit, disait: "Il se distingue entre dix mille. [...] Toute sa personne est pleine de charme" (Cantique des cantiques 5:10, 16); et de qui David en vision déclarait prophétiquement: "Tu es le plus beau des fils de l'homme." Psaumes 45:3. Rempli d'abnégation pendant son pèlerinage d'amour sur la terre, il a été une illustration vivante du caractère de la loi de Dieu. Il a manifesté dans sa vie l'amour et les principes divins qui sont à la base des lois de la justice éternelle. HCQ 46 3 "Tant que le ciel et la terre ne passeront point, dit Jésus, il ne disparaîtra pas de la loi un seul iota ou un seul trait de lettre, jusqu'à ce que tout soit arrivé." En observant la loi, Jésus a fait ressortir son immuabilité et a montré que, par sa grâce, les fils et les filles d'Adam peuvent parfaitement s'y conformer. Il a déclaré, sur la montagne, que pas un trait de lettre n'en disparaîtrait avant que tout ce qui concerne la race humaine et le plan du salut soit accompli. Il n'enseigne pas que la loi doit être abrogée, mais, portant ses regards jusqu'au point le plus éloigné de l'horizon humain, et afin que nul ne se méprenne sur le but de sa mission, il nous assure que, jusqu'à ce que ce point soit atteint, la loi conservera toute son autorité. Aussi longtemps que le ciel et la terre subsisteront, les saints principes de la loi de Dieu subsisteront également. Sa justice, "comme les montagnes de Dieu" (Psaumes 36:7), sera une source intarissable de bénédictions dont les ruisseaux couleront pour rafraîchir la terre. HCQ 46 4 La loi de l'Éternel étant parfaite, et, par conséquent, immuable, les pécheurs ne peuvent, par leur seule force, satisfaire à ses exigences. C'est pour cela même que le Fils de Dieu a dû venir ici-bas. Sa mission était de rendre les hommes participants de la nature divine et de rétablir l'harmonie rompue entre eux et les principes de la loi du ciel. Quand, acceptant Jésus pour notre Sauveur, nous renonçons au péché, nous exaltons la loi de Dieu. L'apôtre Paul demande: "Anéantissons-nous donc la loi par la foi? [...] Au contraire, nous confirmons la loi." Romains 3:31. HCQ 47 1 Telle est la promesse de la nouvelle alliance: "Je mettrai mes lois dans leurs coeurs, et je les écrirai dans leur esprit." Hébreux 10:16. S'il est vrai que le système des symboles, désignant Jésus comme l'agneau de Dieu qui ôte le péché du monde, devait prendre fin à la mort du Christ, il n'est pas moins vrai que les principes de justice contenus dans le Décalogue sont, eux, aussi immuables que le trône éternel de Dieu. Pas un commandement n'a été annulé, pas un iota ni un trait de lettre n'ont été changés. Les principes, reconnus en Éden comme la grande loi de la vie, subsisteront sans modification jusqu'à la restauration du paradis. Quand l'Éden refleurira sur la terre, toutes les créatures qui se meuvent sous le soleil obéiront à la divine loi de l'amour. HCQ 47 2 "À toujours, ô Éternel! Ta parole subsiste dans les cieux." Psaumes 119:89. "Toutes ses ordonnances sont véritables, affermies pour l'éternité, faites avec fidélité et droiture." Psaumes 111:7, 8. "Dès longtemps, je sais par tes préceptes que tu les as établis pour toujours." Psaumes 119:152. "Celui qui supprimera l'un de ces plus petits commandements, et qui enseignera aux hommes à faire de même, sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux." HCQ 47 3 Cette déclaration revient à dire que "le plus petit dans le royaume des cieux" n'y entrera pas. Celui qui transgresse volontairement un commandement n'en observe aucun, ni en esprit, ni en vérité. "Car quiconque observe toute la loi, mais pèche contre un seul commandement, devient coupable de tous." Jacques 2:10. HCQ 47 4 Ce n'est pas l'importance de la désobéissance qui détermine la gravité du péché, mais le fait de s'écarter, si peu que ce soit, de la volonté de Dieu, car cet acte implique une communion entre l'âme et le péché et montre que le coeur est partagé dans son service. La transgression est un reniement virtuel de Dieu, une rébellion contre les lois de son gouvernement. HCQ 47 5 Si les hommes pouvaient librement s'affranchir des ordres de Dieu et se tracer leur propre ligne de conduite, il y aurait autant de règles que d'individus, et le gouvernement serait enlevé des mains de Dieu. Les caprices de l'homme occuperaient la place suprême, et la haute et sainte volonté de Dieu -- son dessein d'amour à l'égard de ses créatures -- serait déshonorée et méprisée. HCQ 48 1 Chaque fois que les hommes veulent suivre leurs propres desseins, ils s'opposent à Dieu. Ils n'auront point de place dans le royaume des cieux car ils sont en guerre avec les principes mêmes du ciel. En se détournant de la volonté de Dieu, ils se rangent du côté de Satan, l'ennemi de Dieu et de l'homme. Ce n'est ni par une parole, ni par beaucoup de paroles, mais par toutes les paroles qui sortent de la bouche de Dieu que l'homme vivra. Nous n'en pouvons négliger un seul mot, si insignifiant qu'il nous paraisse, et nous sentir en sécurité. Il n'est pas de commandement qui ne soit pour le bien et le bonheur de l'homme pendant cette vie et dans la vie éternelle. L'obéissance à la loi de Dieu est comme une digue protégeant l'homme contre le mal. Celui qui, à un endroit quelconque, démolit le divin barrage a, par ce fait, anéanti la protection qui l'entourait; il a frayé un chemin qui permettra à l'ennemi de venir commettre ses ravages. HCQ 48 2 C'est en méprisant un point de la volonté de Dieu que nos premiers parents ouvrirent sur le monde les écluses de la calamité. Et quiconque suit leur exemple recevra la même rançon. L'amour de Dieu est la base de chaque précepte de sa loi, et celui qui en transgresse un seul travaille à son malheur et à sa ruine. "Si votre justice ne dépasse celle des scribes et des pharisiens, vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux." HCQ 48 3 Non seulement le Sauveur, mais les disciples eux-mêmes étaient considérés par les scribes et les pharisiens comme des pécheurs, parce qu'ils ne respectaient pas les rites et les pratiques rabbiniques. Bien souvent, les disciples avaient été inquiétés et tourmentés par les réprimandes de ceux qu'ils avaient eu l'habitude de révérer comme des maîtres spirituels. Jésus dévoila le mal-fondé de leurs censures en déclarant que la justice à laquelle les pharisiens accordaient un tel prix n'avait aucune valeur. Les Israélites prétendaient être le peuple particulier et fidèle auquel Dieu avait accordé ses faveurs spéciales, alors que leur religion était dépourvue de l'essentiel: la foi qui sauve. Leur prétendue piété, leurs cérémonies, leurs traditions humaines, et même leur observance orgueilleuse des formes extérieures de la loi ne pouvaient les rendre saints. Ils ignoraient la pureté du coeur et la noblesse d'un caractère formé à l'image de celui du Sauveur. HCQ 49 1 Une religion formaliste ne suffit pas pour mettre l'âme en accord avec Dieu. La dure et froide orthodoxie des pharisiens, dénuée de repentir, de tendresse et d'amour, n'était qu'une pierre d'achoppement sur le sentier des pécheurs. Semblables au sel qui a perdu sa saveur, ils étaient impuissants à régénérer le monde ou à le préserver de la corruption. La seule foi véritable est celle qui est "agissante par la charité" (Galates 5:6) et qui purifie l'âme. C'est un levain qui transforme le caractère. HCQ 49 2 Les Juifs auraient pu trouver toutes ces vérités dans les enseignements des prophètes. Bien des siècles auparavant, le prophète Michée, répondant au soupir de l'âme humaine aspirant à la justification et à la paix avec Dieu, avait prononcé ces paroles: "Avec quoi me présenterai-je devant l'Éternel, pour m'humilier devant le Dieu Très-Haut? Me présenterai-je avec des holocaustes, avec des veaux d'un an? L'Éternel agréera-t-il des milliers de béliers, des myriades de torrents d'huile? [...] On t'a fait connaître, ô homme, ce qui est bien; et ce que l'Éternel demande de toi, c'est que tu pratiques la justice, que tu aimes la miséricorde, et que tu marches humblement avec ton Dieu." Michée 6:6-8. HCQ 49 3 Tout en prétendant servir Dieu très scrupuleusement, c'est eux-mêmes que les Juifs servaient. Leur justice était le fruit de leurs efforts pour observer la loi d'après leurs idées personnelles et pour servir leur propre égoïsme. Mais leur service ne pouvait être meilleur qu'eux-mêmes. En cherchant à devenir saints, ils voulaient, en somme, tirer de la souillure quelque chose de pur. La loi de Dieu est aussi sainte, et aussi parfaite que Dieu est saint et parfait. Elle révèle aux hommes la justice de Dieu. Or, par lui-même, l'homme est incapable d'observer cette loi, puisque, par nature, il est dépravé, perverti et tout à fait étranger au caractère de Dieu. Les oeuvres émanant d'un coeur égoïste sont impures et "toute sa justice est comme un vêtement souillé". Ésaïe 64:5. HCQ 50 1 La loi étant sainte, et les hommes ne pouvant atteindre à la justification par leurs efforts, les disciples du Christ doivent rechercher une justice différente de celle des pharisiens s'ils veulent entrer dans le royaume des cieux. En son Fils, Dieu leur offre la justice parfaite de la loi. S'ils ouvraient leur coeur à Jésus, la vie et l'amour de Dieu demeureraient en eux et les transformeraient à son image; ainsi, par le don gratuit de Dieu, ils posséderaient la justice exigée par la loi. Les pharisiens rejetèrent le Christ. "Ne connaissant pas la justice de Dieu, et cherchant à établir leur propre justice" (Romains 10:3), ils refusèrent de se soumettre à la justice de Dieu. HCQ 50 2 Jésus, au contraire, voulant faire comprendre à ses auditeurs en quoi consiste l'observation des commandements de Dieu, révéla dans sa vie quotidienne le caractère de son Père. "Quiconque se met en colère contre son frère mérite d'être puni par les juges." HCQ 50 3 Par la voix de Moïse, Dieu avait déclaré: "Tu ne haïras pas ton frère dans ton coeur. [...] Tu ne te vengeras pas, et tu ne garderas pas de rancune contre les enfants de ton peuple. Tu aimeras ton prochain comme toi-même." Lévitique 19:17, 18. Les vérités présentées par le Christ étaient celles que les prophètes avaient enseignées aux Israélites, mais elles avaient été obscurcies par la dureté de leur coeur et leur amour du péché. HCQ 50 4 Aussi le Sauveur leur déclare-t-il qu'en cultivant la méchanceté et la haine, ils sont tout aussi coupables que ceux qu'ils condamnent comme criminels. HCQ 50 5 De l'autre côté du rivage où ils étaient assemblés s'étendait le pays de Basan. C'était une région solitaire dont les gorges sauvages et les collines boisées étaient depuis longtemps le repaire de criminels de toute espèce. Le récit des meurtres et des crimes commis en ces lieux était encore dans tous les esprits et bien des gens condamnaient sans pitié les malfaiteurs. Et pourtant, ces zélés accusateurs étaient eux aussi emportés et querelleurs; ils nourrissaient la haine la plus violente à l'égard des Romains, leurs oppresseurs. Ils s'arrogeaient le droit de haïr et de mépriser tous les autres peuples et même ceux de leurs compatriotes dont les opinions différaient des leurs. En agissant ainsi, ils transgressaient le commandement qui déclare: "Tu ne tueras point." HCQ 51 1 L'esprit de haine et de vengeance -- dont Satan est l'auteur -- fit mettre à mort le Fils de Dieu. Quiconque ouvre son coeur à la rancune et à la malveillance y accueille un esprit dont les fruits sont mortels. Le mal y est renfermé comme la plante l'est dans la semence. "Quiconque hait son frère est un meurtrier, et vous savez qu'aucun meurtrier n'a la vie éternelle demeurant en lui." 1 Jean 3:15. HCQ 51 2 "Celui qui dira à son frère: Raca (stupide)! mérite d'être puni par le Sanhédrin." En donnant son Fils pour nous racheter, Dieu a montré à quelle valeur il estime chaque être humain, et pourquoi il ne permet à personne de parler avec mépris de son prochain. Nous pouvons remarquer les fautes et les faiblesses de ceux qui nous entourent, mais Dieu déclare que tout être lui appartient, d'abord parce qu'il en est le Créateur, puis doublement, parce qu'il l'a racheté par le sang précieux de Jésus-Christ. Les hommes les plus déchus doivent être traités avec tendresse et respect. Dieu nous demandera compte de la moindre parole de mépris prononcée à l'égard d'un être pour lequel le Christ a donné sa vie. HCQ 51 3 "Qui est-ce qui te distingue? Qu'as-tu, que tu n'aies reçu? Et si tu l'as reçu, pourquoi te glorifies-tu, comme si tu ne l'avais pas reçu?" 1 Corinthiens 4:7. "Qui es-tu, toi qui juges un serviteur d'autrui? S'il se tient debout, ou s'il tombe, cela regarde son maître." Romains 14:4. HCQ 51 4 "Celui qui dira à son frère: Insensé! mérite d'être puni par le feu de la géhenne." Dans l'Ancien Testament le mot "insensé" est employé pour désigner un apostat ou celui qui s'adonne au mal. Jésus déclare que quiconque accuse son frère d'apostasie ou de mépris envers Dieu mérite aussi la même condamnation. HCQ 51 5 Lorsque le Christ lui-même disputait à Satan le corps de Moïse il "n'osa porter contre lui un jugement injurieux". Jude 1:9. S'il s'était laissé entraîner à accuser, il se serait placé sur le terrain du diable, car l'accusation est l'arme du malin. C'est lui que les saintes Écritures appellent "l'accusateur des frères". Jésus refusa d'employer les armes de Satan. Il lui adressa ces paroles: "Que le Seigneur te réprime!" Jude 1:9. HCQ 51 6 Son exemple doit être le nôtre. Chaque fois que nous entrons en conflit avec les ennemis du Christ nous devons veiller à ne prononcer aucune parole vindicative. Le porte-parole de Dieu ne doit pas se servir de termes que la Majesté du ciel elle-même a refusé d'employer avec Satan. C'est à Dieu qu'appartiennent le jugement et la condamnation. "Va d'abord te réconcilier avec ton frère." HCQ 52 1 L'amour de Dieu est plus qu'une simple négation; c'est un principe positif et actif, une source vive et jaillissante toujours prête à venir en aide à autrui. Si l'amour du Christ demeure en nous, non seulement nos coeurs ne pourront plus abriter de haine envers nos semblables, mais nous chercherons par tous les moyens à leur témoigner de l'intérêt et de l'affection. HCQ 52 2 Jésus a dit: "Si donc tu présentes ton offrande à l'autel, et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande devant l'autel, et va d'abord te réconcilier avec ton frère; puis, viens présenter ton offrande." L'offrande de celui qui se présentait devant l'autel était un acte de foi par lequel il déclarait croire qu'en son Sauveur il avait part à la miséricorde et à l'amour de Dieu. Mais exprimer sa foi en un amour divin qui pardonne, alors qu'on entretient en soi un esprit dur et implacable, ne serait qu'une comédie. HCQ 52 3 Lorsqu'un soi-disant enfant de Dieu lèse un frère ou l'offense, il présente à ce frère le caractère de Dieu sous un faux aspect. Pour que l'harmonie règne entre Dieu et le pécheur, il faut que l'homme avoue et reconnaisse ses torts. Il est possible que notre frère soit plus coupable à notre égard que nous ne le sommes vis-à-vis de lui, mais cela ne diminue en rien notre responsabilité. Si, au moment de nous présenter devant Dieu, nous nous souvenons que quelqu'un nourrit envers nous quelque rancoeur, laissons là notre requête ou notre action de grâces et allons trouver la personne avec laquelle nous avons eu un différend. Confessons-lui humblement notre faute et demandons-lui pardon. HCQ 52 4 Si, d'une manière ou d'une autre, nous avons lésé quelqu'un, nous devons réparer nos torts. Avons-nous, sans le vouloir, porté un faux témoignage, répété inexactement les paroles de quelqu'un, ou, d'une façon quelconque, porté préjudice à son influence? Si oui, allons auprès de la personne en question, et rétractons toute déclaration calomnieuse. HCQ 53 1 Combien de maux pourraient être évités si, lorsque des griefs surgissent entre frères, les intéressés en parlaient entre eux dans un esprit d'amour chrétien au lieu de les exposer à droite et à gauche! Combien de ces racines d'amertume qui séparent tant de frères seraient arrachées et détruites! S'ils mettaient en pratique les enseignements de leur Maître, les disciples du Christ pourraient vivre enfin étroitement unis. "Quiconque regarde une femme pour la convoiter a déjà commis un adultère avec elle dans son coeur." HCQ 53 2 L'occupation romaine en Palestine y avait amené des troupes dont les moeurs relâchées étaient un scandale permanent pour les Juifs qui, considérant ces exemples avec horreur, leur opposaient leur propre moralité. À Capharnaüm, les officiers romains, escortés de leurs joyeuses compagnes, étalaient leur inconduite sur les promenades publiques, et troublaient du bruit de leurs fêtes la tranquillité du lac sillonné par leurs bateaux de plaisir. HCQ 53 3 Le peuple espérait que Jésus censurerait sévèrement ces étrangers; aussi quelle ne fut pas la surprise des auditeurs quand, des lèvres du Maître, tombèrent les paroles qui mettaient à nu les sentiments de leurs propres coeurs! HCQ 53 4 Quand une pensée mauvaise, si secrète soit-elle, est accueillie et entretenue, dit Jésus, c'est la preuve que le péché règne encore sur le coeur et que l'âme est encore esclave de l'iniquité. Celui qui prend plaisir aux scènes impures et aux regards de convoitise peut comprendre la véritable nature du mal qu'il cache dans le secret de son âme en constatant la honte et les cuisants remords de celui qui est tombé dans le péché flagrant. La période de tentation qui précède un péché grave ne le crée pas; elle ne fait que révéler le mal qui était à l'état latent au fond de son coeur. L'homme "est tel que sont les pensées dans son âme". Car c'est du coeur que "viennent les sources de la vie". Proverbes 23:7; 4:23. "Si ta main droite est pour toi une occasion de chute, coupe-la et jette-la loin de toi." HCQ 54 1 Pour empêcher que le mal ne s'étende à tout son corps et ne mette sa vie en danger, un homme consentirait à sacrifier sa main droite. A combien plus forte raison ne devrait-il pas être disposé à sacrifier ce qui menace la vie de son âme! HCQ 54 2 L'Évangile a pour but de racheter les âmes que Satan a dégradées et réduites en esclavage, et de les amener à la liberté glorieuse des fils de Dieu. Le dessein de Dieu n'est pas seulement de soulager les souffrances qui sont le résultat inévitable du péché, mais de nous arracher au péché lui-même. Une âme souillée et dégradée doit être purifiée et transformée avant d'être revêtue de "la grâce de l'Éternel" et rendue "semblable à l'image de son Fils". "Ce sont des choses que l'oeil n'a pas vues, que l'oreille n'a pas entendues, et qui ne sont pas montées au coeur de l'homme, des choses que Dieu a préparées pour ceux qui l'aiment." Psaumes 90:17; Romains 8:29; 1 Corinthiens 2:9. L'éternité seule révélera la glorieuse destinée de l'homme régénéré à l'image de Dieu. HCQ 54 3 Pour atteindre un idéal si élevé, il faut sacrifier tout ce qui est pour l'âme une occasion de chute. C'est par la volonté que le péché a prise sur l'homme. La volonté de renoncer au mal est comparée au sacrifice d'un oeil ou d'une main. Il nous semble parfois que se soumettre à la volonté de Dieu, c'est consentir à traverser l'existence en mutilé ou en infirme. Il est préférable, dit Jésus, de mutiler le moi, de l'amputer, de le diminuer, si ce sacrifice nous assure l'entrée dans la vie. Ce que vous regardez comme un malheur vous ouvre, en réalité, la porte du plus grand bonheur. HCQ 54 4 Dieu étant la source de la vie, nous ne pouvons obtenir cette vie que si nous sommes en communion avec lui. Séparés de Dieu, nous pouvons apparemment exister pendant un certain temps, mais nous ne possédons pas la vie. "Celle qui vit dans les plaisirs est morte, quoique vivante." 1 Timothée 5:6. Ce n'est que lorsque nous lui abandonnons notre volonté que Dieu peut nous insuffler la sienne. C'est uniquement en renonçant à nous-mêmes, dit Jésus, que nous pourrons recevoir cette vie qui seule nous permettra de vaincre les péchés secrets dont nous avons parlé. Il nous est peutêtre possible de les dissimuler au fond de notre coeur et de les cacher aux yeux de nos semblables, mais que ferons-nous en la présence de Dieu? HCQ 55 1 En vous aimant vous-même au point de refuser de soumettre votre volonté à Dieu, vous choisissez la mort. Car, pour le péché, où qu'il se trouve, Dieu est un feu consumant et si vous choisissez le péché, si vous refusez de vous en séparer, la présence de Dieu vous consumera tous deux en même temps. HCQ 55 2 Le don de soi-même à Dieu exige un sacrifice mais c'est échanger ce qui est vil pour ce qui est noble, ce qui est terrestre pour ce qui est spirituel, ce qui est éphémère pour ce qui est éternel. Dieu ne souhaite pas anéantir notre volonté puisque ce n'est qu'en l'exerçant que nous pouvons accomplir ce qu'il désire de nous. Mais nous devons la lui abandonner pour qu'il nous la rende purifiée, régénérée et si étroitement unie à lui qu'il puisse répandre en nous les forces vives de son divin amour. Si amère et douloureuse que cette soumission paraisse au coeur volontaire et égaré, elle est "pour notre bien". Hébreux 12:10. HCQ 55 3 C'est seulement lorsqu'il s'effondra, infirme et épuisé, sur la poitrine de l'ange de l'alliance, que Jacob connut la victoire d'une foi conquérante et reçut le titre de prince de Dieu. C'est après qu'il eut la hanche démise que les hommes d'armes d'Ésaü s'arrêtèrent devant ce boiteux et que, plus tard, le Pharaon, orgueilleux descendant d'une lignée royale, s'inclina pour recevoir sa bénédiction. C'est ainsi que le "Prince de notre salut" fut élevé à la perfection "par la souffrance", que les enfants de la foi "furent vaillants à la guerre", "mirent en fuite des armées étrangères" (Hébreux 11:34), que "les boiteux même prirent part au pillage" (Ésaïe 33:23) et que les faibles furent "comme David" et "la maison de David [...] comme l'ange de l'Éternel". Zacharie 12:8. "Est-il permis à un homme de répudier sa femme?" HCQ 55 4 Les Juifs permettaient à un homme de répudier sa femme pour les motifs les plus futiles, et à la femme de se remarier. Cette coutume entraînait bien des misères et bien des péchés. Dans le Sermon sur la montagne, Jésus déclare nettement que les liens du mariage sont indissolubles, excepté en cas d'infidélité aux voeux du mariage. Il dit: "Celui qui répudie sa femme, sauf pour cause d'infidélité, l'expose à devenir adultère, et [...] celui qui épouse une femme répudiée commet un adultère." Matthieu 5:32. HCQ 56 1 Lorsque, plus tard, les pharisiens questionnèrent Jésus au sujet de la légitimité du divorce, le Maître leur rappela l'institution du mariage, lors de la création. Il leur dit: "C'est à cause de la dureté de votre coeur que Moïse vous a permis de répudier vos femmes; au commencement, il n'en était pas ainsi." Matthieu 19:8. Jésus évoqua les jours bénis du jardin d'Éden où Dieu avait déclaré que "tout était bon". C'est alors que le mariage et le sabbat furent institués. Ces deux institutions jumelles étaient destinées à la gloire de Dieu et au bien de l'humanité. Le couple saint s'étant donné la main, le Créateur dit: "L'homme quittera son père et sa mère, et s'attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair" (Genèse 2:24), énonçant ainsi la loi du mariage pour les enfants d'Adam jusqu'à la fin des temps. Ce que le Dieu éternel lui-même avait déclaré bon, c'était la loi qui assurait à l'homme, en même temps que le plus grand bonheur, la continuité et le développement de sa race. HCQ 56 2 Comme pour tous les dons que Dieu a confiés à l'homme, le péché a posé sa sombre empreinte sur le mariage; aussi le but de l'Évangile est de lui rendre sa pureté et sa beauté. Dans l'Ancien comme dans le Nouveau Testament les liens du mariage représentaient l'union tendre et sacrée qui existe entre le Christ et le peuple des rachetés qu'il s'est acquis sur le Calvaire. "Ne crains pas, dit-il, [...] car ton créateur est ton époux: l'Éternel des armées est son nom et ton rédempteur est le Saint d'Israël." Ésaïe 54:4, 5. "Revenez, enfants rebelles, dit l'Éternel, car je suis votre maître." Jérémie 3:14. Dans le Cantique des cantiques nous entendons l'épouse dire: "Mon bien-aimé est à moi, et je suis à lui." Et celui qui pour elle "se distingue entre dix mille" déclare à son élue: "Tu es parfaitement belle, mon amie, et il n'y a point en toi de défaut." Cantique des cantiques 2:16; 5:10; 4:7. HCQ 56 3 Plus tard, l'apôtre Paul, écrivant aux chrétiens d'Éphèse, déclare que le Seigneur a établi l'homme au-dessus de la femme pour qu'il la protège et qu'il entoure les membres de la famille, comme le Christ est le Chef et le Sauveur de l'Église. C'est pourquoi il est dit: "De même que l'Église est soumise à Christ, les femmes aussi doivent l'être à leurs maris en toutes choses. Maris, aimez vos femmes, comme Christ a aimé l'Église, et s'est livré lui-même pour elle, afin de la sanctifier par la parole, après l'avoir purifiée par le baptême d'eau, afin de faire paraître devant lui cette Église glorieuse, sans tache, ni ride, ni rien de semblable, mais sainte et irrépréhensible. C'est ainsi que les maris doivent aimer leurs femmes." Ephésiens 5:24-28. HCQ 57 1 Seule la grâce du Christ peut faire de cette institution ce que Dieu désirait qu'elle fût: une source de bénédictions et d'édification pour l'humanité. Et c'est ainsi que, par leur union, leur paix et leur amour, les membres d'une famille peuvent dès ici-bas représenter la grande famille céleste. HCQ 57 2 Aujourd'hui, comme au temps de Jésus, l'état de la société offre une triste caricature de cet idéal. Et, cependant, même à ceux qui n'ont trouvé dans le mariage qu'amertume et déception au lieu de l'affection et de la joie auxquelles ils s'attendaient, l'Évangile du Christ apporte une consolation. La patience et la douceur que son Esprit communique adouciront leurs tristesses. Celui dans lequel le Sauveur demeure sera tellement rempli et rassasié de son amour qu'il ne cherchera plus à attirer la sympathie ou l'attention. En s'abandonnant complètement à Dieu, il permettra à la sagesse divine d'agir là où la sagesse humaine est impuissante. Sous l'influence de la grâce divine, des coeurs indifférents ou même hostiles pourront se rapprocher et s'unir par les liens solides et éternels d'un amour idéal qui triomphera de toutes les épreuves. "Je vous dis de ne jurer aucunement." HCQ 57 3 Le Christ nous donne les raisons de ce commandement: "Je vous dis de ne jurer aucunement, ni par le ciel, parce que c'est le trône de Dieu; ni par la terre, parce que c'est son marchepied; ni par Jérusalem, parce que c'est la ville du grand roi. Ne jure pas non plus par ta tête, car tu ne peux rendre blanc ou noir un seul cheveu." Matthieu 5:33-36. HCQ 57 4 Toutes choses viennent de Dieu. Nous ne possédons rien que nous n'ayons reçu et rien non plus qui ne nous ait été acquis par le sang du Christ. C'est de la croix que nous parviennent toutes choses et tout ce que nous recevons porte sa marque puisque tout a été racheté pour nous par un sang précieux et inestimable entre tous: la vie même de Dieu. Aussi n'avons-nous rien qui nous appartienne réellement à offrir en garantie de notre parole. HCQ 58 1 Les Juifs considéraient le troisième commandement comme leur interdisant d'employer le nom de Dieu en vain. Mais ils se réservaient de faire d'autres serments. On jurait d'ailleurs communément parmi eux. Et si Moïse leur avait enseigné à ne pas être parjures, ils avaient inventé bien des moyens pour se libérer des obligations imposées par leurs serments. Ils ne craignaient pas de blasphémer ni de parjurer lorsqu'ils estimaient pouvoir se couvrir par quelque subterfuge légal. HCQ 58 2 Jésus condamna leurs pratiques, déclarant que leurs serments étaient une transgression du commandement de Dieu. Mais le Sauveur n'interdit point le serment judiciaire dans lequel Dieu est solennellement pris à témoin que la déclaration énoncée est la vérité, et rien que la vérité. Lorsque Jésus fut lui-même traduit devant le Sanhédrin, il ne refusa pas de prêter serment. Prenant la parole, le souverain sacrificateur lui dit: "Je t'adjure, par le Dieu vivant, de nous dire si tu es le Christ, le Fils de Dieu. Jésus lui répondit: Tu l'as dit." Matthieu 26:63, 64. Si, au moment où il prononça le Sermon sur la montagne, Jésus avait condamné le serment judiciaire, il aurait repris le souverain sacrificateur, et, pour le profit de ses disciples, il aurait ainsi souligné son propre enseignement. HCQ 58 3 Beaucoup trompent leurs semblables sans aucune crainte, pourtant ils ont appris et le Saint-Esprit leur a montré combien il est terrible de mentir à son Créateur. Celui qui est appelé à prêter serment comprend que ce n'est pas seulement devant les hommes, mais devant Dieu qu'il le fait. S'il rend un faux témoignage, c'est en présence de celui qui sonde les coeurs et qui connaît la vérité. Le souvenir des châtiments terribles qui ont frappé ceux qui s'étaient rendus coupables d'un tel péché le dissuade de les imiter. HCQ 58 4 Si quelqu'un peut sincèrement prêter serment, c'est bien le chrétien. Il vit constamment en présence de Dieu, sachant que ses pensées sont comme un livre ouvert devant celui auquel nous devons rendre compte. Aussi, lorsqu'un chrétien est appelé à prêter serment, il est naturel qu'il se réclame de Dieu, témoin de la véracité de ses déclarations. HCQ 59 1 Jésus pose un principe destiné à rendre les serments inutiles: nos paroles devraient toujours être strictement vraies. "Que votre parole soit oui, oui, dit-il, non, non; ce qu'on y ajoute vient du malin." HCQ 59 2 Ainsi se trouvent condamnées les phrases dénuées de sens et toutes les formules vaines qui frisent le blasphème, les compliments trompeurs et les libertés que l'on prend avec la vérité: flatteries, exagérations, fraudes commerciales qui sont courantes dans la société et dans le monde des affaires. Quiconque donc cherche à paraître ce qu'il n'est pas, ou dont les paroles ne sont pas le reflet exact des sentiments, ne peut être appelé véridique. HCQ 59 3 Si ces paroles du Christ étaient pratiquées, elles mettraient un frein aux critiques et aux soupçons malveillants. Car quelle certitude avons-nous de ne pas nous tromper quand nous parlons des actes et des mobiles d'autrui? Combien de fois l'orgueil, la colère, le ressentiment personnel ne viennent-ils pas influencer nos impressions ou nos dires? Un regard, une parole, une intonation peuvent constituer de vrais mensonges. Même des faits authentiques peuvent être exposés d'une manière trompeuse. Et "ce qu'on y ajoute vient du malin". HCQ 59 4 Tous les actes du chrétien doivent être aussi clairs que la lumière du soleil. La vérité vient de Dieu. La tromperie, sous quelque forme qu'elle se présente, vient de Satan. Quiconque s'écarte de la ligne droite de la vérité se place imprudemment sous la puissance du malin. Et cependant, il n'est ni aisé, ni facile de dire la vérité. Nous ne pouvons en témoigner que si nous la connaissons. Trop souvent il arrive que des idées préconçues, des préjugés, une connaissance imparfaite des faits, des erreurs de jugement nous empêchent de bien comprendre les problèmes qui nous préoccupent. Nous ne pouvons parler avec vérité que si nous sommes guidés par celui qui est la Vérité. HCQ 59 5 Par la voix de l'apôtre Paul, le Christ nous dit: "Que votre parole soit toujours accompagnée de grâce." Colossiens 4:6. "Qu'il ne sorte de votre bouche aucune parole mauvaise, mais, s'il y a lieu, quelque bonne parole, qui serve à l'édification et communique une grâce à ceux qui l'entendent." Ephésiens 4:29. A la lumière de ces déclarations, on se rend compte que Jésus, dans le Sermon sur la montagne, condamne les plaisanteries malsaines, les paroles vaines et les conversations légères. Il exige que nos paroles soient non seulement vraies, mais pures. HCQ 60 1 Ceux qui connaissent le Sauveur ne prendront "point part aux oeuvres infructueuses des ténèbres". Ephésiens 5:11. Dans leurs paroles comme dans leur conduite ils seront simples, véridiques et sincères; car ils se préparent à vivre en compagnie de ceux dans la bouche desquels "il ne s'est pas trouvé de mensonge". Apocalypse 14:5. "Je vous dis de ne pas résister au méchant. Si quelqu'un te frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l'autre." HCQ 60 2 Les Juifs étaient sans cesse irrités par leur contact avec les soldats romains. Des détachements de troupes stationnaient ici et là dans toute la Judée et la Galilée et leur présence rappelait constamment au peuple son humiliation politique. L'âme remplie d'amertume, ils écoutaient le son de la trompette et voyaient les troupes se ranger autour de l'étendard de Rome, puis se prosterner pour rendre hommage au symbole de sa puissance. Les querelles entre le peuple et les soldats étaient fréquentes et elles contribuaient à enflammer la haine populaire. Il arrivait souvent qu'un officier romain, traversant la contrée avec son escorte, obligeât les paysans juifs qui travaillaient dans les champs à porter des fardeaux jusqu'au sommet de la montagne ou à rendre tout autre service de ce genre. Cette manière de faire était conforme à la loi et aux coutumes romaines, et la moindre résistance aurait amené des insultes et des représailles de la part des vainqueurs. HCQ 60 3 Chaque journée qui s'écoulait augmentait dans le coeur du peuple le désir de s'affranchir du joug étranger. Cet esprit d'insurrection était fréquent surtout parmi les rudes et intrépides Galiléens. Capernaüm, ville frontière, étant le siège d'une garnison romaine, il se trouva qu'au moment où Jésus parlait, le passage d'un groupe de soldats vint rappeler l'humiliation d'Israël à ses auditeurs. Le peuple, qui voyait en Jésus celui qui devait humilier l'orgueil romain, dirigea instinctivement ses regards dans sa direction. HCQ 60 4 Avec pitié, Jésus considère les visages de ses auditeurs tournés vers lui. Il voit que l'esprit de vengeance les a marqués de son sceau et il sent combien est ardent leur désir d'écraser l'oppresseur. Il les exhorte par ces paroles: "Je vous dis de ne pas résister au méchant. Si quelqu'un te frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l'autre." HCQ 61 1 Ces paroles n'étaient qu'une répétition des enseignements de l'Ancien Testament. Il est vrai que la règle: "oeil pour oeil, dent pour dent" figurait dans les lois communiquées par Moïse, mais c'était une ordonnance juridique. Rien ne justifiait la vengeance personnelle; l'Éternel avait dit: "Ne te réjouis pas de la chute de ton ennemi." "Si ton ennemi a faim, donne-lui du pain à manger; s'il a soif, donne-lui de l'eau à boire. Car ce sont des charbons ardents que tu amasses sur sa tête." "Ne dis pas: Je rendrai le mal." "Ne dis pas: Je lui ferai comme il m'a fait." Proverbes 24:17; 25:21, 22; 20:22; 24:29. HCQ 61 2 Toute la vie terrestre de Jésus fut une manifestation de ce principe. C'est pour apporter le pain de vie à ses ennemis que notre Sauveur quitta sa demeure céleste. Malgré la calomnie et la persécution qui, de sa naissance à sa mort, s'acharnèrent sur lui, on ne put obtenir de lui que des paroles de pardon. Par la bouche du prophète Ésaïe, il déclare: "J'ai livré mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m'arrachaient la barbe; je n'ai pas dérobé mon visage aux ignominies et aux crachats." Ésaïe 50:6. "Il a été maltraité et opprimé, et il n'a pas ouvert la bouche, semblable à un agneau qu'on mène à la boucherie, à une brebis muette devant ceux qui la tondent; il n'a pas ouvert la bouche." Ésaïe 53:7. Et, sur la croix du Calvaire, il priera pour ses meurtriers et adressera un message d'espérance au brigand agonisant. HCQ 61 3 Le Père entourait son Fils de sa présence, et l'amour infini ne permit rien qui ne fût pour le bien du monde. C'est dans cette pensée que Jésus puisait sa consolation et c'est là aussi que doit se trouver la nôtre. Celui qui est rempli de l'esprit du Christ demeure en lui. Le coup qui lui est destiné frappe le Sauveur qui l'entoure de sa présence. Tout ce qui lui arrive vient de Dieu. Point n'est besoin qu'il résiste au mal, car le Christ est sa défense. Rien ne peut l'atteindre sans la permission du Seigneur et "toutes les choses" permises "concourent au bien de ceux qui aiment Dieu". Romains 8:28. HCQ 61 4 "Si quelqu'un veut plaider contre toi et prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau. Si quelqu'un te force à faire un mille, fais-en deux avec lui." Matthieu 5:40, 41. HCQ 62 1 Jésus ordonne à ses disciples, tentés de résister aux autorités, de faire plus qu'il ne leur est demandé et de s'acquitter, autant que possible, de toute obligation, même si elle dépasse ce qui est légalement requis. La loi transmise par Moïse enjoignait aux Juifs de témoigner de grands égards aux pauvres. Lorsqu'un malheureux donnait son vêtement comme gage de sa parole ou de sa dette, le créancier ne devait pas même entrer dans sa demeure pour le chercher, mais il devait attendre dans la rue qu'on le lui apportât. Et quelles que fussent les circonstances, le gage devait être rendu à son propriétaire au coucher du soleil. HCQ 62 2 Bien qu'on fit peu de cas de ces égards à son époque, Jésus enseigna à ses disciples à respecter les décisions du tribunal, même si elles exigeaient d'eux plus que n'autorisait la loi de Moïse. Allait-on jusqu'à les priver d'une partie de leur vêtement, ils devaient se soumettre et accepter la décision. Bien plus, ils devaient rendre son dû au créancier et lui céder même, s'il le fallait, plus que le tribunal ne lui avait accordé. "Si quelqu'un veut plaider contre toi, leur disait-il, et prendre ta tunique, laisse-lui aussi ton manteau." Et si les courriers de l'empereur te forcent à faire un mille avec eux, fais-en deux. HCQ 62 3 Jésus ajoute: "Donne à celui qui te demande, et ne te détourne pas de celui qui veut emprunter de toi." Par Moïse, Dieu avait d'ailleurs donné cette injonction: "Tu n'endurciras pas ton coeur et tu ne fermeras pas ta main devant ton frère indigent. Mais tu lui ouvriras ta main, et tu lui prêteras de quoi pourvoir à ses besoins." Deutéronome 15:7, 8. Ce texte complète les paroles du Sauveur. Le Christ ne nous enseigne pas à donner aveuglément à tous ceux qui demandent la charité, mais il dit: "Tu lui prêteras de quoi pourvoir à ses besoins." Et ce sera un don plutôt qu'un prêt car il est dit: "Prêtez sans rien espérer." Luc 6:35. "Aimez vos ennemis." HCQ 62 4 La leçon du Sauveur: "Ne résistez pas au méchant" était dure aux oreilles des Juifs belliqueux, aussi murmurèrent-ils entre eux. Mais Jésus ajouta: HCQ 62 5 "Vous avez appris qu'il a été dit: Tu aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi. Mais moi, je vous dis: Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent, afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux." HCQ 63 1 Tel était l'esprit de cette loi que les rabbins avaient réduite à un code d'exigences froides et rigides. Ils se considéraient comme meilleurs que les autres peuples, estimant que leur race leur donnait droit à des faveurs spéciales de la part de Dieu. Mais le Christ leur montra que c'était en manifestant un esprit d'amour et de miséricorde qu'ils prouveraient la supériorité de leurs principes sur ceux des publicains et des pécheurs qu'ils méprisaient. HCQ 63 2 Jésus présente à ses auditeurs celui qui règne sur l'univers sous le nouveau nom de "notre Père". Il voulait leur faire comprendre, par là, toute la tendresse avec laquelle le coeur de Dieu soupirait après eux. Il leur enseigna que Dieu aime toutes les âmes perdues; que, "comme un père a compassion de ses enfants, l'Éternel a compassion de ceux qui le craignent". Psaumes 103:13. Aucune religion, si ce n'est celle de la Bible, n'avait présenté une telle conception de Dieu au monde. Le paganisme enseignait à l'homme à considérer l'Être suprême avec effroi plutôt qu'avec amour, comme une divinité cruelle qui veut être apaisée par des sacrifices, et non comme un Père qui répand sur ses enfants le don de son amour. Israël lui-même s'était montré à tel point rebelle aux précieux enseignements des prophètes concernant la personne de Dieu, que cette révélation de l'amour paternel était pour eux une conception tout à fait nouvelle. HCQ 63 3 Les Juifs prétendaient que Dieu aimait ceux qui le servaient -- c'est-à-dire, selon leurs idées, ceux qui répondaient aux exigences des rabbins -- et que tout le reste du monde vivait dans un état de disgrâce et de malédiction. Mais Jésus déclara qu'il n'en était pas ainsi. Tous les hommes -- les bons comme les mauvais -- bénéficient du rayonnement de son amour, vérité qu'ils auraient pu découvrir dans la nature, "car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes". HCQ 63 4 Ce n'est pas grâce à une puissance qui lui serait propre que chaque année la terre produit ses richesses et poursuit sa course autour du soleil. La main de Dieu dirige les planètes et assure l'ordre de leur marche à travers le firmament, et c'est par sa puissance que l'été et l'hiver, les semailles et la moisson, le jour et la nuit se suivent en une succession ininterrompue. C'est par sa parole que la végétation fleurit, que les feuilles apparaissent et que les fleurs éclosent. Tout ce dont nous jouissons, que ce soit un rayon de soleil, ou une ondée rafraîchissante, chaque parcelle de nourriture que nous prenons, chaque moment même de notre existence, tout est un don de son amour. HCQ 64 1 Alors que notre caractère était dépourvu de vertus et d'attraits, alors que, haïssables nous-mêmes, nous nous haïssions les uns les autres, notre Père céleste eut pitié de nous. "Lorsque la bonté de Dieu, notre Sauveur, et son amour pour les hommes ont été manifestés, il nous a sauvés, non à cause des oeuvres de justice que nous aurions faites, mais selon sa miséricorde." Tite 3:4, 5. Si nous acceptons son amour, cet amour nous rendra aimables et tendres, non seulement pour ceux que nous aimons, mais encore pour les plus coupables, les plus vicieux et les plus égarés des hommes. HCQ 64 2 Les enfants de Dieu sont ceux qui participent de sa nature. Ce n'est ni le rang terrestre, ni la naissance, ni la race, ni les privilèges religieux qui font de nous des membres de la famille céleste. C'est l'amour, un amour qui embrasse l'humanité tout entière. Même les pécheurs dont le coeur n'est pas irrémédiablement fermé à l'Esprit de Dieu sont susceptibles de répondre à la bonté; de même qu'ils rendent la haine pour la haine, ils rendront l'amour pour l'amour. Mais ce n'est que par l'Esprit de Dieu qu'ils agiront ainsi. Témoigner de la bonté aux ingrats et aux méchants, faire du bien sans rien attendre en retour, voilà les signes irréfutables auxquels on reconnaît les citoyens du royaume des cieux, et par lesquels les enfants du Très-Haut attestent leur filiation divine. "Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait." HCQ 64 3 Le mot "donc" indique une conclusion découlant de ce qui précède. Jésus a décrit à ses auditeurs l'amour et la miséricorde infaillibles de Dieu et il les exhorte à être parfaits. Puisque votre Père céleste est "bon pour les ingrats et pour les méchants", puisqu'il s'est abaissé afin de vous élever, il vous est possible de devenir semblables à lui par le caractère et de vous tenir irrépréhensibles en présence des hommes et des anges. HCQ 65 1 Les conditions requises sous la grâce pour hériter la vie éternelle sont exactement ce qu'elles étaient en Éden: une justice parfaite, une vie en harmonie avec Dieu, en conformité absolue avec les principes de sa loi. L'idéal de caractère présenté dans le Nouveau Testament est semblable à celui de l'Ancien. Cet idéal n'est pas hors de notre atteinte. Chaque commandement, chaque ordre de Dieu renferme une promesse précise. Dieu a fait en sorte que nous puissions devenir semblables à lui, et il accomplira cette oeuvre pour tous ceux qui ne s'obstinent pas contre l'influence de sa grâce. HCQ 65 2 Notre Dieu nous a aimés d'un amour inexprimable et c'est dans la mesure où nous comprenons la longueur, la largeur, la profondeur et la hauteur de cet amour dépassant toute intelligence, que le nôtre répond au sien. Par la vision de la beauté attirante du Christ, par la connaissance de l'amour qu'il a témoigné aux hommes alors qu'ils étaient encore des pécheurs, le coeur humain est touché et soumis, le pécheur se transforme et devient un enfant du ciel. Dieu n'emploie jamais de mesures coercitives. C'est par l'amour qu'il déracine le péché du coeur humain, et c'est ainsi que l'orgueil cède la place à l'humilité et l'incrédulité à l'amour et à la foi. HCQ 65 3 Aux Juifs qui s'efforçaient en vain d'atteindre à la perfection par leurs propres efforts, Jésus avait déclaré que leur justice ne leur ouvrirait jamais les portes du royaume de Dieu. Il va leur indiquer maintenant les caractéristiques de la véritable justice. Depuis le début de son sermon il en a énuméré les fruits, et voici maintenant qu'en une phrase il en indique la source et la nature: être parfait, comme Dieu est parfait. La loi n'est qu'une représentation du caractère de Dieu. Considérons dans la personne de notre Père céleste la réalisation parfaite des principes qui sont à la base de son royaume. HCQ 65 4 Dieu est amour. Comme les rayons lumineux partent du soleil, l'amour, la lumière et la joie jaillissent de lui vers toutes ses créatures. Il est dans sa nature de donner et sa vie même est la source de l'amour désintéressé. Il désire que nous soyons parfaits comme lui-même est parfait. Nous devons être pour notre entourage un foyer de lumière et de bénédiction comme il en est un pour l'univers. Nous n'avons rien par nous-mêmes, mais la lumière de son amour resplendit sur nous et nous devons en réfléchir l'éclat. Grâce à cette perfection dont il nous recouvre, nous pouvons être parfaits dans notre sphère comme Dieu lui-même est parfait dans la sienne. HCQ 66 1 Jésus a dit: "Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait." Si vous êtes enfants de Dieu, vous participez de sa nature, et vous ne pouvez faire autrement que lui ressembler, car tout enfant vit de la vie de son père, et, engendrés par son Esprit, vous vivez de la vie de Dieu. Dans le Christ se trouve "toute la plénitude de la divinité" (Colossiens 2:9), et sa vie est manifestée "dans votre chair mortelle". 2 Corinthiens 4:11. Cette vie produira en vous les mêmes fruits qu'en Jésus et votre caractère s'identifiera au sien. C'est ainsi que vous serez en harmonie avec chaque précepte de sa loi. Car "la loi de l'Éternel est parfaite, elle restaure l'âme". Psaumes 19:8. Par le moyen de l'amour, la "justice de la loi" sera "accomplie en nous, qui marchons, non selon la chair, mais selon l'Esprit". Romains 8:4. ------------------------Chapitre 4 -- Le vrai mobile de la vie chrétienne HCQ 67 0 "Gardez-vous de pratiquer votre justice devant les hommes, pour en être vus." HCQ 67 1 Les paroles du Christ sur la montagne exposaient l'enseignement muet de sa vie, que le peuple avait jusqu'alors refusé de comprendre. Les Juifs ne pouvaient admettre que, possédant une si grande puissance, il négligeât de s'en servir pour obtenir ce qui leur paraissait être le bien suprême. Leurs mobiles, leurs principes et leurs voies étaient à l'opposé des siens. Apparemment jaloux de l'honneur de la loi, ils ne recherchaient en réalité que leur propre gloire et le Sauveur désirait précisément leur montrer que l'amour de soi était une transgression de la loi. HCQ 67 2 Mais les principes des pharisiens caractérisent l'humanité de tous les siècles. L'esprit pharisaïque est l'expression des instincts naturels de l'homme charnel et, en soulignant le contraste entre cet esprit, ces principes et les siens, le Sauveur s'adresse aux hommes de tous les temps. HCQ 67 3 À l'époque du Christ, les pharisiens cherchaient sans cesse à mériter les faveurs du ciel pour s'assurer les honneurs du monde et la prospérité qu'ils considéraient comme la récompense de la vertu. En même temps, ils faisaient parade de leur charité pour attirer l'attention du public et acquérir ainsi une réputation de sainteté. Jésus blâma leur ostentation, déclarant que Dieu n'avait point d'égard pour de telles pratiques et que la flatterie et l'admiration du peuple, qu'ils recherchaient avec tant d'ardeur, étaient la seule récompense qu'ils recevraient. HCQ 68 1 "Quand tu fais l'aumône, dit-il, que ta main gauche ne sache pas ce que fait ta droite, afin que ton aumône se fasse en secret; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra." HCQ 68 2 Ces paroles de Jésus n'enseignent pas que tous les actes de charité doivent être tenus secrets. L'apôtre Paul, écrivant sous l'inspiration du Saint-Esprit, ne tut point le généreux sacrifice des chrétiens de Macédoine. Il raconta ce que la grâce du Sauveur avait accompli en eux, et d'autres se laissèrent enflammer par le même Esprit. Écrivant aussi à l'église de Corinthe, il dit: "Ce zèle de votre part a stimulé le plus grand nombre." 2 Corinthiens 9:2. HCQ 68 3 Les paroles du Sauveur éclairent bien sa pensée. En exerçant la charité nous ne devons pas rechercher la louange et les honneurs des hommes. La véritable sainteté ne s'affiche pas. Ceux qui aiment les louanges et les flatteries et s'en nourrissent comme d'un mets rare ne sont chrétiens que de nom. HCQ 68 4 Que les bonnes oeuvres des disciples du Christ glorifient celui par la grâce et la puissance duquel elles ont pu être faites, et non pas ceux qui n'en furent que les instruments. C'est par le Saint-Esprit que toute bonne oeuvre est accomplie et l'Esprit est donné pour glorifier non pas celui qui reçoit, mais celui qui donne. Quand la lumière du Sauveur fait rayonner l'âme, les lèvres s'ouvrent pour des chants de louange et de reconnaissance envers Dieu. Nos pensées pas plus que nos conversations ne doivent avoir pour thème nos prières, l'accomplissement de notre devoir, notre générosité ou notre renoncement. C'est Jésus qui doit être exalté: l'égoïsme doit disparaître et alors Jésus sera tout en tous. HCQ 68 5 Nous devons donner de tout notre coeur, non pour faire étalage de nos bonnes actions, mais par pitié et par amour pour ceux qui souffrent. La sincérité et la vraie bonté sont des mobiles que le ciel approuve et Dieu considère comme plus précieux que l'or d'Ophir ceux dont l'amour est sincère et dont le coeur est tout entier à lui. HCQ 68 6 Nous ne devons pas avoir en vue une rémunération quelconque, mais penser uniquement à notre service. Tout acte de bienveillance, si désintéressé soit-il, n'en perdra pas pour cela sa récompense. "Et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra..." S'il est vrai que Dieu lui-même est la récompense suprême, celle qui embrasse toutes les autres, l'âme ne peut le recevoir et en jouir que dans la mesure où elle devient semblable à lui. Seuls les êtres semblables peuvent se reconnaître et s'estimer. C'est lorsque nous nous donnons à lui pour le service de l'humanité qu'à son tour Dieu se donne à nous. HCQ 69 1 Nul ne peut ouvrir son coeur au Seigneur et lui consacrer sa vie pour transmettre au monde les bénédictions qui lui sont destinées sans en être lui-même enrichi. Les collines et les vallons, qui offrent un lit aux cours d'eau descendant de la montagne pour leur permettre d'atteindre la mer, bénéficient largement de leur passage. Le ruisseau qui poursuit allégrement sa course laisse après lui verdure et fécondité. Sur ses rives, l'herbe est plus fraîche, les arbres plus verts et les fleurs plus abondantes. Lorsque, brutalement exposée à la chaleur brûlante du soleil d'été, la terre se dessèche, une ligne de verdure signale le passage de la rivière. Et la plaine, qui a ouvert son sein au fleuve venant d'amont, se trouve revêtue de fraîcheur et de beauté: symbole de la récompense que Dieu accorde à ceux qui consentent à devenir les canaux de sa grâce en faveur d'un monde perdu. HCQ 69 2 Telles sont les bénédictions accordées à ceux qui sont miséricordieux envers les pauvres. Le prophète Ésaïe dit: "Partage ton pain avec celui qui a faim, et fais entrer dans ta maison les malheureux sans asile; si tu vois un homme nu, couvre-le, et ne te détourne pas de ton semblable. Alors ta lumière poindra comme l'aurore, et ta guérison germera promptement. [...] L'Éternel sera toujours ton guide, il rassasiera ton âme dans les lieux arides... Tu seras comme un jardin arrosé, comme une source dont les eaux ne tarissent pas." Ésaïe 58:7-11. HCQ 69 3 L'exercice de la bienfaisance est doublement bénéfique. C'est une bénédiction pour les nécessiteux, mais le donateur est lui-même l'objet d'une grâce plus grande encore. Le Saint-Esprit agissant dans son coeur développe en lui un caractère désintéressé qui affine, ennoblit et enrichit toute sa vie. La charité pratiquée avec tact unit les coeurs et les rapproche de celui qui est la source de toute générosité. Les petites attentions, les humbles marques d'affection et d'abnégation, écloses aussi spontanément qu'une fleur donne son parfum, contribuent largement au bonheur et à l'utilité d'une existence. Il deviendra ainsi évident que le renoncement personnel en faveur du bien et du bonheur des autres, si incompris et méprisé soit-il ici-bas, est considéré au ciel comme une preuve de notre communion avec le Roi de gloire qui, de riche qu'il était, s'est fait pauvre par amour pour nous. HCQ 70 1 Le bien peut avoir été accompli dans le secret; son influence sur le caractère de celui qui l'aura exercé ne pourra rester cachée. Si, comme disciple du Christ, nous nous consacrons sans réserve à notre tâche, notre coeur sera en étroite communion avec le Seigneur qui, par son divin contact, et l'action de son Esprit en nous, fera vibrer dans notre âme de saintes harmonies. HCQ 70 2 Dieu multiplie les talents de ceux qui ont fait un usage judicieux des biens qu'il leur a confiés. Il se plaît à reconnaître les oeuvres de son peuple resté fidèle à son Fils bien-aimé, par la force et la grâce duquel elles ont été accomplies. Ceux qui ont recherché le développement et la perfection du caractère chrétien en faisant servir leurs facultés à l'exercice de la bienfaisance recevront leur récompense dans le monde à venir, car l'oeuvre commencée ici-bas ne s'achèvera que dans la vie future, parfaite et éternelle. "Lorsque vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites." HCQ 70 3 Les pharisiens avaient fixé des heures pour la prière et, lorsqu'ils étaient en chemin à ces moments-là, comme c'était souvent le cas, ils s'arrêtaient où ils se trouvaient, parfois dans la rue ou sur une place publique au milieu de la foule, et se mettaient à réciter à haute voix leurs vaines formules. Jésus ne pouvait que blâmer sans pitié un tel culte offert dans le seul but d'une glorification personnelle. Mais il ne réprouvait pas la prière publique puisque lui-même priait souvent avec ses disciples en présence de la multitude. Il voulait montrer que les requêtes intimes ne devaient pas être prononcées en public mais monter vers Dieu dans le secret du coeur, à l'abri de toute oreille indiscrète. HCQ 70 4 "Quand tu pries, entre dans ta chambre." Réservons-nous une place pour la prière secrète. Jésus avait choisi plusieurs endroits où il se retirait pour communier avec son Père, faisons de même. Nous avons souvent besoin de nous recueillir dans quelque lieu si humble qu'il soit, où nous puissions nous rencontrer seuls avec Dieu. HCQ 71 1 "Prie ton Père qui est là dans le lieu secret." Au nom de Jésus, nous pouvons nous présenter devant Dieu avec la confiance d'un enfant. Nous n'avons besoin d'aucun homme comme médiateur. Par Jésus, nous pouvons ouvrir nos coeurs à Dieu comme à quelqu'un qui nous connaît et qui nous aime. HCQ 71 2 Dans le lieu secret, là où aucun autre oeil que celui de Dieu ne peut nous voir, où aucune autre oreille que la sienne ne peut nous entendre, nous pouvons sans crainte exprimer au Père de toutes les miséricordes nos besoins et nos désirs les plus cachés; alors dans la paix et le silence nos coeurs entendront la voix qui ne manque jamais de répondre au cri de la détresse humaine. HCQ 71 3 "Le Seigneur est plein de miséricorde et de compassion." Jacques 5:11. Son amour inlassable attend la confession de l'âme égarée et l'expression de son repentir. Il se réjouit autant du moindre signe de reconnaissance de notre part que la mère du sourire de gratitude de son enfant. Il désire que nous comprenions avec quelle ardeur et quelle tendresse son coeur nous cherche. Il nous invite à nous confier, dans nos épreuves à sa commisération, dans nos chagrins à son amour, dans nos blessures à la guérison qu'il apporte, dans notre faiblesse à sa force, dans notre néant à sa plénitude. Il n'a jamais trompé l'attente de celui qui vient à lui. "Quand on tourne vers lui les regards, on est rayonnant de joie et le visage ne se couvre pas de honte." Psaumes 34:6. HCQ 71 4 Ceux qui, dans le secret de leur coeur, recherchent Dieu, lui confient leurs besoins et font appel à son secours, ne le prient pas en vain. "Ton Père qui voit dans le secret te le rendra." Quand nous ferons du Christ le compagnon de notre vie, nous sentirons autour de nous la puissance d'un monde invisible et en regardant à lui nous lui ressemblerons. Par la contemplation nous serons transformés, notre caractère s'adoucira, s'affinera et s'ennoblira pour le royaume céleste. Notre communion avec le Sauveur augmentera notre piété, notre pureté, notre ferveur et notre sens de la prière. Cette éducation divine se manifestera par une vie de zèle et d'activité. HCQ 71 5 L'âme qui, par la prière quotidienne et sincère, attend de Dieu secours, patience et puissance, acquerra de nobles aspirations, et un sens plus clair de la vérité et du devoir. Des mobiles plus élevés l'animeront et elle éprouvera une soif et une faim continuelles de justice. Par une communion constante avec le ciel nous pourrons communiquer à ceux avec lesquels nous vivons la lumière, la paix et la sérénité qui règnent dans notre coeur. La force puisée dans la prière, jointe aux efforts persévérants de notre esprit pour rester vigilant et recueilli, rend aisé l'accomplissement des devoirs quotidiens et sauvegarde notre paix. HCQ 72 1 Si nous nous approchons de Dieu, il mettra ses louanges sur nos lèvres. Il nous enseignera le chant des anges qui est un cantique de reconnaissance à notre Père céleste. Il nous suggérera quelque bonne parole à dire à son honneur. Et tous nos actes révéleront la lumière et l'amour du Sauveur qui demeure en nous. Les agitations du dehors ne pourront pas troubler la vie qui s'accomplit dans la foi au Fils de Dieu. "En priant, ne multipliez pas de vaines paroles, comme les païens." HCQ 72 2 Les païens prétendaient que leurs prières possédaient une vertu expiatoire. C'est pourquoi, plus la prière était longue, plus elle était méritoire. Si leurs propres efforts avaient pu les conduire à la sainteté, ils auraient eu lieu de se réjouir et de s'enorgueillir. Cette conception de la prière découle du principe erroné de l'expiation personnelle qui se trouve à la base de toutes les fausses religions. Les pharisiens l'avaient adopté et il est loin d'avoir disparu de certains milieux qui se disent chrétiens. Répéter des formules, des phrases toutes faites alors que le coeur n'éprouve aucun besoin de Dieu, cela revient à "multiplier les vaines paroles" des païens. HCQ 72 3 La prière n'est pas une expiation du péché. Elle ne possède aucune vertu ni aucun mérite en elle-même. Les expressions les plus fleuries de notre vocabulaire ne valent pas un seul désir de sainteté. Les prières les plus éloquentes ne sont que des paroles vides si elles n'expriment pas les véritables sentiments intérieurs. Mais la prière qui jaillit d'un coeur sincère, exprimant simplement les besoins de notre âme -- comme on demande une faveur à son ami, sachant qu'elle nous sera accordée -- voilà la prière de la foi. Dieu ne nous demande pas des formules protocolaires, mais l'appel inexprimé d'un coeur brisé et soumis, conscient de son péché et de sa complète impuissance, appel qui arrive directement jusqu'au trône du Père de toutes les compassions. "Lorsque vous jeûnez, ne prenez pas un air triste, comme les hypocrites." HCQ 73 1 Le jeûne prescrit par la Parole de Dieu est plus qu'une forme. Il ne consiste pas simplement à se priver de nourriture, ou à prendre le sac et la cendre. Celui qui jeûne vraiment le fait dans un profond sentiment de culpabilité, et en secret. HCQ 73 2 Le but du jeûne que l'Éternel nous invite à pratiquer n'est pas d'affliger le corps pour expier le péché de l'âme, mais de nous aider à comprendre le caractère odieux du péché tout en nous mettant à même de recevoir pardon et grâce. L'ordre donné à Israël était: "Déchirez vos coeurs et non vos vêtements, et revenez à l'Éternel, votre Dieu." Joël 2:13. HCQ 73 3 Nous ne gagnerons rien à faire pénitence ou à nous persuader que, par nos propres oeuvres, nous pouvons nous assurer un héritage avec les saints. Quand les disciples de Jésus lui demandèrent: "Que devons-nous faire, pour faire les oeuvres de Dieu?" il leur répondit: "L'oeuvre de Dieu, c'est que vous croyiez en celui qu'il a envoyé." Jean 6:28, 29. HCQ 73 4 Se repentir -- traduit aussi: se convertir -- c'est se détourner de soi pour regarder au Sauveur. Nous produirons de bonnes oeuvres lorsque nous aurons reçu le Christ par la foi de telle sorte qu'il puisse vivre en nous. HCQ 73 5 Jésus dit encore: "Quand tu jeûnes, parfume ta tête et lave ton visage, afin de ne pas montrer aux hommes que tu jeûnes, mais à ton Père qui est là dans le lieu secret." Matthieu 6:17, 18. Tout ce qui est destiné à glorifier Dieu doit être fait d'un coeur joyeux, sans tristesse ni mélancolie. Il n'y a rien de sombre dans la religion de Jésus. Si par leur attitude morose les chrétiens donnent l'impression que le Seigneur les a déçus, ils dénaturent le caractère du Christ et placent des arguments dans la bouche de ses ennemis. Bien que leurs lèvres déclarent que Dieu est leur Père, leur tristesse les dément et leur donne, aux yeux du monde, l'apparence d'orphelins. HCQ 74 1 Jésus nous demande de montrer que la vie à son service est réellement attrayante. Confiez au Sauveur compatissant vos renoncements personnels et vos chagrins secrets. Déposez vos fardeaux au pied de la croix et poursuivez votre route, vous réjouissant dans l'amour de celui qui vous a aimés le premier. L'oeuvre qui s'accomplit secrètement entre l'âme et Dieu restera ignorée des hommes, mais ses effets, bientôt, éclateront au grand jour. Car, est-il dit, celui "qui voit dans le secret, te le rendra". "Ne vous amassez pas des trésors sur la terre." HCQ 74 2 "Là où est ton trésor, là aussi sera ton coeur." Les trésors amassés sur la terre accaparent l'esprit au détriment des choses spirituelles; ils passeront; les voleurs percent et dérobent; la teigne dévore et la rouille ronge; le feu et les tempêtes dispersent et anéantissent. HCQ 74 3 L'amour de l'argent était la passion dominante à l'époque des Juifs. La mondanité avait usurpé dans les coeurs la place de Dieu et de la religion. Il en est de même aujourd'hui. La cupidité exerce une telle fascination et un tel envoûtement qu'elle pervertit et anéantit dans l'homme tout sentiment de noblesse et d'humanité jusqu'à l'amener à la perdition. Au service de Satan, on ne s'attire que soucis, perplexités, labeur épuisant et pourtant ces trésors que les hommes cherchent à accumuler sur la terre ne durent qu'un temps. Jésus a dit: "Amassez-vous des trésors dans le ciel, où la teigne et la rouille ne détruisent point, et où les voleurs ne percent ni ne dérobent. Car là où est ton trésor, là aussi sera ton coeur." De tous nos biens, ceux-là seuls sont vraiment à nous. Les trésors amassés dans le ciel sont impérissables. Le feu et l'eau ne peuvent les anéantir, ni les voleurs les dérober, ni la teigne et la rouille les détruire parce qu'ils sont sous la garde de Dieu. HCQ 74 4 Ces trésors, que Dieu considère comme étant plus précieux que tous les autres biens, sont "la richesse de la gloire de son héritage qu'il réserve aux saints". Ephésiens 1:18. Les disciples du Christ sont appelés ses joyaux, son trésor particulier d'une valeur inestimable. Il les appelle les "pierres d'un diadème". Zacharie 9:16. "Je rendrai les hommes plus rares que l'or fin, je les rendrai plus rares que l'or d'Ophir." Ésaïe 13:12. Contemplant son peuple dans sa pureté et sa perfection, il le considère comme la récompense de toutes ses souffrances, de son humiliation et de son amour, et le complément de sa gloire. HCQ 75 1 C'est ainsi que nous pouvons nous unir à Jésus dans sa grande oeuvre de rédemption et avoir part, avec lui, aux richesses que sa mort et ses souffrances nous ont acquises. Écrivant aux chrétiens de Thessalonique, l'apôtre Paul disait: "Qui est, en effet, notre espérance, ou notre joie, ou notre couronne de gloire? N'est-ce pas vous aussi, devant notre Seigneur Jésus, lors de son avènement? Oui, vous êtes notre gloire et notre joie." 1 Thessaloniciens 2:19, 20. Voilà le trésor pour lequel Jésus nous demande de travailler. Le fruit réel de notre vie, c'est notre caractère. Toute parole, toute action qui, par la grâce du Seigneur, fait naître dans une âme une aspiration vers les choses du ciel, le moindre effort tenté dans le but de former un caractère semblable à celui du Christ constituent une partie des trésors que nous amassons dans le ciel. HCQ 75 2 "Là où est ton trésor, là aussi sera ton coeur." Tout ce que nous faisons pour notre prochain contribue à notre bien. Quiconque donne son argent ou son temps pour la proclamation de l'Évangile s'intéressera à cette oeuvre ainsi qu'aux âmes qu'elle peut gagner, et il priera pour elles. Il se sentira attiré vers ses semblables et ressentira un besoin croissant de se consacrer toujours plus à Dieu pour devenir capable de leur faire toujours plus de bien. Et, au dernier jour, quand les richesses de la terre auront disparu, celui qui se sera amassé des trésors dans le ciel pourra contempler ce que sa vie lui aura permis d'acquérir. Si nous avons pris garde aux paroles du Christ, lorsque nous nous assemblerons autour du grand trône blanc, nous verrons ceux qui auront été sauvés par notre moyen, et nous apprendrons que telle âme sauvée en a sauvé une autre, et celle-ci d'autres encore. Nombreux seront ceux qui, grâce à nos efforts, entreront au port, jetteront leur couronne aux pieds de Jésus et chanteront ses louanges pendant l'éternité. Avec quelle joie les ouvriers du Christ contempleront les rachetés qui auront part à la gloire du Rédempteur! Que le ciel sera précieux à ceux qui auront travaillé fidèlement au salut des âmes! HCQ 75 3 "Si donc vous êtes ressuscités avec Christ, cherchez les choses d'en haut, où Christ est assis à la droite de Dieu." Colossiens 3:1. "Si ton oeil est en bon état, tout ton corps sera éclairé." HCQ 76 1 Ces paroles du Sauveur montrent que la pureté des mobiles et une consécration absolue sont essentielles. Si nos intentions sont pures et si nous sommes sans défaillance dans notre recherche de la vérité afin d'y obéir coûte que coûte, nous recevrons la lumière d'en haut. La piété véritable commence lorsque cessent les compromis avec le péché. Le coeur dit alors avec l'apôtre Paul: "Je fais une chose: oubliant ce qui est en arrière et me portant vers ce qui est en avant, je cours vers le but, pour remporter le prix de la vocation céleste de Dieu en Jésus-Christ." Philippiens 3:13, 14. HCQ 76 2 Quand l'amour de soi obscurcit la vue, l'être tout entier est dans les ténèbres. "Si ton oeil est en mauvais état, tout ton corps sera dans les ténèbres." C'étaient là les ténèbres effrayantes qui enveloppaient les Juifs dans leur incrédulité obstinée, les empêchant d'apprécier le caractère et la mission de celui qui était venu les sauver de leurs péchés. HCQ 76 3 Nous cédons à la tentation dès que nous sommes irrésolus et inconstants dans notre confiance en Dieu. Nous sommes dans les ténèbres lorsque nous ne décidons pas de nous consacrer entièrement à Dieu. La moindre réserve de notre part ouvre une porte par laquelle Satan peut entrer et nous séduire. Il sait que s'il peut obscurcir notre vision, cachant Dieu à l'oeil de la foi, toute barrière cédera devant le péché. HCQ 76 4 La puissance d'un mauvais désir dévoile l'égarement de notre âme. Tout assouvissement de ce désir augmente notre aversion pour Dieu. À mesure que nous avançons dans le sentier du malin les ombres nous environnent; chaque pas nous enfonce dans des ténèbres plus épaisses et augmente la cécité de notre coeur. HCQ 76 5 Il en est du monde spirituel comme du monde naturel. Celui qui persiste à se tenir dans l'obscurité finira par perdre la vue. Il est prisonnier d'une ombre plus épaisse que celle de la nuit et le soleil le plus éclatant ne peut pénétrer jusqu'à lui. "Il marche dans les ténèbres, et il ne sait où il va, parce que les ténèbres ont aveuglé ses yeux." 1 Jean 2:11. C'est en persistant à aimer le mal, en prêtant obstinément une oreille indifférente aux appels de l'amour divin que le pécheur perd le désir de bien faire, de posséder Dieu, et en même temps la faculté de recevoir la lumière du ciel. L'appel de la miséricorde est encore empreint d'amour, la lumière brille avec autant d'éclat qu'au jour où elle s'est révélée à l'âme pour la première fois; mais la voix frappe des oreilles sourdes et la lumière éclaire des yeux aveugles. HCQ 77 1 Tant qu'un espoir de salut demeure, Dieu n'abandonne pas une âme à elle-même. Ce n'est pas lui qui se détourne de l'homme, mais l'homme qui se détourne de lui. Notre Père céleste nous poursuit de ses appels, de ses avertissements, de l'assurance de sa compassion jusqu'à ce que tout espoir soit vain. Le pécheur seul est responsable. En résistant au Saint-Esprit aujourd'hui, il s'expose à repousser plus tard la lumière lorsqu'elle lui sera envoyée avec une puissance plus grande encore. C'est ainsi que, passant d'un degré de résistance à un autre, il deviendra incapable de voir clair et d'entendre les appels de l'Esprit de Dieu. Alors, la lumière même qui était en lui sera devenue ténèbres; la vérité qu'on a connue sera faussée et servira même à augmenter l'aveuglement de l'âme. "Nul ne peut servir deux maîtres." HCQ 77 2 Le Sauveur ne dit pas que personne ne veut ou ne voudra servir deux maîtres, mais il affirme que cela est impossible. Les intérêts de Dieu et les intérêts de Mammon n'ont rien de commun entre eux ni rien qui puisse les rapprocher. Là où la conscience du chrétien l'exhorte à s'abstenir, à renoncer, à s'arrêter, celle du mondain, franchissant l'obstacle, le pousse à satisfaire ses inclinations égoïstes. D'un côté du mur se trouve le disciple du Christ, avec ses renoncements, son abnégation; de l'autre côté se trouve le mondain, égoïstement satisfait, complaisant à l'égard de la mode frivole et se délectant dans les plaisirs défendus. À aucun prix, le chrétien ne doit passer de ce côté du mur. HCQ 78 1 Nul ne peut demeurer neutre; il n'existe pas de catégorie moyenne englobant ceux qui décident de ne servir ni Dieu, ni l'ennemi de la justice. Le Christ doit demeurer en ses disciples et agir par le moyen de leurs facultés et de leurs talents. Leur volonté doit être soumise à sa volonté; ils doivent être inspirés par son Esprit. Alors ce n'est plus eux qui vivent, mais lui qui vit en eux. Celui qui ne se donne pas à Dieu sans réserve se place sous le contrôle d'une autre puissance; il écoute une autre voix dont les suggestions sont d'un caractère absolument différent. Une obéissance partagée place l'homme du côté de l'ennemi et en fait un allié précieux de l'armée des ténèbres. Lorsque des hommes qui prétendent être des soldats du Christ entrent dans les rangs de Satan, travaillent à ses côtés, ils prouvent qu'ils sont les ennemis de Jésus. Ils trahissent des intérêts sacrés. Ils deviennent, entre Satan et les troupes fidèles, un trait d'union permettant à l'ennemi de gagner à sa cause les soldats du Christ. HCQ 78 2 Ce qui constitue la plus grande force du mal en ce monde, ce n'est pas la conduite des gens corrompus, mais bien la vie de ceux qui, en apparence vertueux, honorables et nobles, entretiennent cependant un vice caché. Pour l'âme qui, en secret, luttant contre quelque grande tentation, tremble au bord même du précipice, un tel exemple est le plus puissant appel au péché. Celui qui, doté d'une conception élevée de la vie, de la vérité et de l'honneur, transgresse en connaissance de cause un seul précepte de la sainte loi de Dieu, devient par ses nobles dons un piège pour ses semblables. Le génie, le talent, la sympathie et même des oeuvres de bonté et de générosité peuvent devenir des rabatteurs de Satan qui entraîneront des âmes dans la ruine, présente et éternelle. HCQ 78 3 "N'aimez pas le monde, ni les choses qui sont dans le monde. Si quelqu'un aime le monde, l'amour du Père n'est pas en lui; car tout ce qui est dans le monde, la convoitise de la chair, la convoitise des yeux, et l'orgueil de la vie, ne vient pas du Père, mais vient du monde." 1 Jean 2:15, 16. "Ne vous inquiétez pas." HCQ 79 1 Celui qui vous a donné la vie sait que vous avez besoin de nourriture. Celui qui a formé votre corps sait que des vêtements vous sont nécessaires. Celui qui vous a fait don du Bien Suprême ne vous accordera-t-il pas tout ce qu'il faudra pour rendre ce don plus complet? HCQ 79 2 Sur la montagne, Jésus attira l'attention de ses auditeurs sur les oiseaux qui, libres de soucis, faisaient retentir leurs chants joyeux. "Ils ne sèment ni ne moissonnent [...] et votre Père céleste les nourrit." "Ne valez-vous pas beaucoup plus qu'eux?" nous demande-t-il. HCQ 79 3 Humides encore de la rosée du matin, les fleurs égayaient collines et prairies; Jésus les leur montra et dit: "Considérez comment croissent les lis des champs." L'art des hommes peut chercher à imiter la grâce des plantes et des fleurs ainsi que leurs coloris délicats, mais où est celui qui donnera la vie à la moindre fleur ou au plus petit brin d'herbe? Le buisson fleuri au bord de la route doit son existence à la puissance même qui a placé dans les cieux la multitude des astres. Toute la création palpite de la vie qui a sa source dans le coeur magnanime de Dieu, dont la main a revêtu les fleurs des champs avec plus de somptuosité qu'aucun roi de la terre n'en connut jamais. "Si Dieu revêt ainsi l'herbe des champs, qui existe aujourd'hui et qui demain sera jetée au four, ne vous vêtirat-il pas à plus forte raison, gens de peu de foi?" Matthieu 6:30. HCQ 79 4 Celui qui a créé les fleurs et qui a donné son chant au passereau dit aussi: "Considérez comment croissent les lis", "regardez les oiseaux". Mieux que les savants, la beauté de la nature saura nous enseigner la sagesse de Dieu. Sur les pétales des lis, Dieu a tracé pour nous un message que notre coeur comprendra dans la mesure où il oubliera la méfiance, l'égoïsme et les soucis dévorants. Pourquoi, dans l'amour débordant de son coeur de Père, Dieu nous a-t-il donné le chant des oiseaux ou la grâce des fleurs sinon pour éclairer et égayer notre vie? Même s'il n'y avait ni fleurs ni oiseaux nous posséderions tout ce qui est nécessaire à notre existence; mais Dieu ne s'est pas contenté de nous donner seulement l'indispensable. La beauté des choses créées n'est qu'un faible rayon de l'éclat de sa gloire. S'il a répandu à profusion tant d'art et de magnificence dans la nature pour notre bonheur et notre joie, comment pouvons-nous douter qu'il nous accordera aussi les biens qui nous seront nécessaires? HCQ 80 1 "Considérez comment croissent les lis." Chaque fleur qui ouvre ses pétales à la lumière du soleil obéit à la grande loi qui régit les astres, et comme sa vie est simple, belle et douce! Par elle, Dieu attire notre attention sur la grâce et l'amabilité qui doivent caractériser le chrétien. Celui qui pare les fleurs de tant de beauté désire bien plus encore que les âmes soient revêtues des perfections du Christ. HCQ 80 2 Jésus nous invite à considérer comment croissent les lis des champs. Sortis de la terre froide et sombre, ils répandent leur grâce et leur parfum. En voyant le bulbe qui le produit, qui pourrait soupçonner la future perfection du lis? Mais, quand la vie de Dieu, qui est cachée dans son coeur, répond à l'appel de la pluie et du soleil, il donne aux hommes une vision de grâce et de beauté qui les émerveille. Il en est de même de la vie que le Seigneur répand dans toute âme humaine qui s'abandonne au ministère de sa grâce. Comme la pluie et le soleil, elle dispense à tous ses bienfaits. C'est la parole du Seigneur qui fait éclore les fleurs, c'est cette même parole qui produit en nous les grâces de son Esprit. HCQ 80 3 La loi de Dieu est une loi d'amour. Il nous a entourés de beauté pour nous enseigner que nous ne sommes pas sur la terre uniquement pour bêcher, planter, construire, scier et filer, mais pour apporter, comme les fleurs, de la joie et de la lumière, avec l'amour du Christ, dans la vie de ceux qui nous entourent. HCQ 80 4 Parents, apprenez à vos enfants cette leçon des fleurs. Emmenez-les dans les jardins, dans les champs et sous les arbres couverts de feuilles, enseignez-leur à lire dans la nature le message de l'amour de Dieu. Que la pensée de Dieu soit unie à celle des oiseaux, des fleurs et des arbres. Que les enfants apprennent à contempler dans toute la création une expression de la sollicitude de Dieu pour eux. Rendez votre religion attrayante aux yeux de vos enfants et montrez-leur cette loi de bonté répandue tout autour de nous. HCQ 80 5 Dites à vos enfants que, par son amour, Dieu peut transformer leur nature afin qu'elle s'accorde avec la sienne; qu'il désire voir s'épanouir dans leur vie la grâce et la beauté des fleurs. Et, tandis qu'ils en cueillent les douces corolles, rappelez-leur que celui qui les a créées resplendit d'une beauté plus grande encore. Alors ils s'atacheront à Dieu de toutes les fibres de leur coeur. Celui "dont la personne est pleine de charme" deviendra leur compagnon de chaque jour, leur ami intime, et leur vie transformée sera aussi pure que la sienne. "Cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu." HCQ 81 1 La foule qui écoutait Jésus attendait toujours une allusion à son royaume terrestre. Tandis qu'il ouvrait devant eux les trésors du ciel, la question suprême qui se posait dans beaucoup d'esprits était: Jusqu'à quel point nos rapports avec lui favoriseront-ils nos projets d'avenir? Jésus leur montra qu'en faisant des choses de la terre leur premier souci, ils ressemblaient aux païens qui les entouraient et qui vivaient comme si Dieu ne veillait pas avec tendresse sur toutes ses créatures. HCQ 81 2 "Toutes ces choses, dit Jésus, ce sont les païens qui les recherchent. Votre Père céleste sait que vous en avez besoin. Cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu, et toutes ces choses vous seront données par-dessus." Matthieu 6:33. Le royaume que je viens établir au milieu de vous est un royaume d'amour, de justice et de paix. Ouvrez votre coeur pour le recevoir et que la chose la plus importante de votre vie soit de servir fidèlement votre Maître. Quoique son royaume soit spirituel, ne craignez pas qu'il reste sourd à vos besoins temporels. Si vous vous consacrez au service de Dieu, celui qui possède toute puissance dans les cieux et sur la terre prendra soin de vous. HCQ 81 3 Le Christ ne nous dispense pas de l'effort, mais il nous enseigne à lui donner la première, la dernière et la meilleure place dans notre existence. Nous ne devons entreprendre aucun travail, ne poursuivre aucun effort, ne rechercher aucun plaisir qui pourrait contrarier son influence sur notre caractère ou sur notre vie. Tout ce que nous faisons doit être fait de bon coeur, comme pour le Seigneur. HCQ 81 4 Pendant son séjour ici-bas, Jésus ennoblit chaque détail de la vie en rappelant sans cesse aux hommes la gloire de Dieu et en subordonnant tout à la volonté de son Père. Nous pouvons être assurés, si nous suivons ses traces, que toutes les choses dont nous avons besoin nous "seront données par-dessus". Pauvreté ou richesse, maladie ou santé, la promesse de sa grâce pourvoit à tout. HCQ 82 1 L'amour éternel de Dieu entoure l'âme qui attend de lui son secours. Les collines et leurs parures précieuses disparaîtront, mais l'âme qui vit pour Dieu demeurera éternellement. "Le monde passe, et sa convoitise aussi; mais celui qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement." 1 Jean 2:17. La cité de Dieu ouvrira ses portes d'or pour accueillir celui qui, sur la terre, aura appris à recevoir d'en haut la sagesse, la consolation, l'espérance et se laissera guider par lui au milieu des afflictions. Les chants des anges l'accueilleront et l'arbre de vie donnera pour lui son fruit. "Quand les montagnes s'éloigneraient, quand les collines chancelleraient, mon amour ne s'éloignera pas de toi, et mon alliance de paix ne chancellera pas, dit l'Éternel, qui a compassion de toi." Ésaïe 54:10. "Ne vous inquiétez donc pas du lendemain... À chaque jour suffit sa peine." HCQ 82 2 Si vous vous êtes consacré au service de Dieu, inutile de vous inquiéter du lendemain. Celui dont vous êtes le serviteur connaît la fin dès le commencement. Les événements de demain, invisibles à nos yeux, sont présents à ceux du Tout-Puissant. HCQ 82 3 Lorsque nous prenons en main la direction de nos affaires personnelles, comptant sur notre propre sagesse pour réussir, et cherchons à les porter sans son aide, nous nous chargeons d'un fardeau que Dieu ne nous destinait pas. Nous nous mettons ainsi à sa place et endossons la responsabilité qui lui incombe. C'est alors que nous pouvons nous inquiéter sérieusement et appréhender ennuis et pertes, car ils viendront certainement. Mais si nous croyons vraiment que Dieu nous aime et qu'il désire notre bien, nous cesserons de nous agiter au sujet de l'avenir. Nous nous abandonnerons à lui comme un enfant s'abandonne à son père qui l'aime. Nos soucis et nos tourments s'évanouiront alors car nos désirs devenus conformes à la volonté de Dieu se confondront avec elle. HCQ 83 1 Jésus ne nous a pas promis de nous aider aujourd'hui à porter les fardeaux de demain. Il a dit: "Ma grâce te suffit." 2 Corinthiens 12:9. Mais, comme la manne dans le désert, sa grâce nous est donnée chaque jour pour les besoins de la journée. Comme la multitude d'Israël pendant sa vie nomade, nous pouvons compter jour après jour sur le pain qui nous est nécessaire. HCQ 83 2 Dieu ne nous donne qu'un jour à la fois, pendant lequel nous devons vivre pour lui. C'est pour ce jour-là que nous devons soumettre au Sauveur nos projets et nos besoins en vue d'un service fidèle, nous déchargeant sur lui de tous nos soucis car il prend soin de nous. "Je connais les projets que j'ai formés sur vous, dit l'Éternel, projets de paix et non de malheur, afin de vous donner un avenir et de l'espérance." Jérémie 29:11. "C'est dans la tranquillité et le repos que sera votre salut, c'est dans le calme et la confiance que sera votre force." Ésaïe 30:15. HCQ 83 3 Si vous attendez du Seigneur une conversion journalière, si, de vous-même, vous aspirez à la liberté et à la joie qui résident en Dieu, si, répondant à l'appel de sa grâce, vous acceptez de porter le joug de l'obéissance et du service, alors tous vos murmures cesseront, vos difficultés seront aplanies, et les problèmes angoissants qui vous tourmentaient trouveront leur solution. ------------------------Chapitre 5 -- L'oraison dominicale HCQ 85 0 "Voici donc comment vous devez prier." HCQ 85 1 Notre Sauveur a prononcé deux fois l'oraison dominicale. La première fois en présence de la multitude, dans le Sermon sur la montagne et la seconde fois, quelques mois plus tard, en présence de ses disciples. Pendant quelques instants, ceux-ci s'étaient éloignés de leur Maître et voici qu'à leur retour ils le trouvèrent en prière. Apparemment inconscient de leur présence, il continua de s'exprimer à haute voix. Son visage resplendissait; il semblait voir l'Invisible et dans ses paroles résidait une puissance de vie qui n'appartient qu'à ceux qui s'entretiennent avec Dieu. HCQ 85 2 Une émotion profonde étreignit les disciples. Ils avaient remarqué que, fréquemment, leur Maître restait de longues heures en communion avec son Père. Ses journées se passaient à soulager les foules qui se pressaient autour de lui, à démasquer les perfides sophismes des rabbins, et ce labeur incessant le laissait souvent si épuisé que sa mère, ses frères et même ses disciples avaient craint pour sa vie. Mais lorsqu'il revenait de ces heures de prière qui terminaient ces journées épuisantes, ils étaient frappés de la paix dont son visage était empreint et de la fraîcheur qui émanait de toute sa personne. C'est après avoir passé des heures avec Dieu que jour après jour il allait porter aux hommes la lumière du ciel. Les disciples en étaient arrivés à établir un rapport entre ses moments de prière et la puissance de ses paroles et de ses oeuvres. Aussi, tandis qu'en cet instant ils écoutaient ses supplications, leurs coeurs étaient saisis de crainte et d'humilité. Et lorsqu'il cessa de prier, conscients de leurs besoins, ils s'écrièrent "Seigneur, enseigne-nous à prier." Luc 11:1. HCQ 86 1 Jésus ne leur donna aucune formule nouvelle à réciter. Il répéta simplement celle qu'il avait prononcée devant eux, comme s'il voulait dire: Ce dont vous avez besoin, c'est de comprendre ce que je vous ai exposé. Cette prière a des profondeurs que vous n'avez pas encore sondées. HCQ 86 2 Le Sauveur ne nous astreint pas cependant à l'usage exclusif de cette requête. Ne faisant qu'un avec l'humanité, il nous offre une prière idéale, mais en termes si simples, qu'ils peuvent être compris par un petit enfant, et d'un sens cependant si vaste que même les esprits les plus intelligents ne pourront jamais en saisir toute la portée. Dieu nous invite à nous approcher de lui avec reconnaissance, à lui faire connaître nos besoins, à lui confesser nos péchés et à nous confier en sa miséricorde, selon ses promesses. "Quand vous priez, dites Père!" -- Luc 11:2 HCQ 86 3 Jésus nous dit d'appeler son Père, notre Père. Il n'a pas honte de nous appeler ses frères. Le Sauveur éprouve un si ardent désir de nous accueillir dans la famille céleste, que, dès les premiers mots qu'il nous invite à adresser à Dieu, il nous donne l'assurance de notre filiation divine: "Notre Père". HCQ 86 4 Dieu nous aime comme il aime son Fils. C'est l'affirmation de cette vérité merveilleuse si pleine d'encouragement et de réconfort que Jésus confirma dans la prière sacerdotale: "Tu les as aimés comme tu m'as aimé." Jean 17:23. HCQ 86 5 Ce monde que Satan a revendiqué comme lui appartenant et sur lequel il règne avec une si cruelle tyrannie, le Fils de Dieu, par un acte suprême, l'a couvert de son amour et réconcilié avec le trône de Yahveh. Quand son triomphe fut assuré, les chérubins, les séraphins et les multitudes innombrables des mondes qui n'ont pas péché entonnèrent des chants à la louange de Dieu et de l'Agneau. Ils se réjouirent de ce que le chemin du salut avait été ouvert à la race déchue et de ce que la terre allait être rachetée de la malédiction du péché. À combien plus forte raison ceux qui sont l'objet d'un amour merveilleux devraient-ils se réjouir! HCQ 87 1 Comment pouvons-nous encore nous croire orphelins ou même être dans le doute ou l'incertitude? C'est pour venir en aide à ceux qui ont transgressé sa loi que Jésus a revêtu la nature humaine. Il est devenu semblable à nous afin que nous possédions une paix et une confiance éternelles. Nous avons un Avocat aux cieux: si nous l'acceptons comme Sauveur personnel nous ne serons ni abandonnés ni obligés de porter le fardeau de nos propres péchés. HCQ 87 2 "Bien-aimés, nous sommes maintenant enfants de Dieu." "Si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers: héritiers de Dieu, et cohéritiers du Christ, si toutefois nous souffrons avec lui, afin d'être glorifiés avec lui." "Ce que nous serons n'a pas encore été manifesté; mais nous savons que, lorsque cela sera manifesté, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu'il est." 1 Jean 3:2; Romains 8:17. HCQ 87 3 Pour nous approcher de Dieu, il nous faut avant tout connaître l'amour qu'il a pour nous et y croire (1 Jean 4:16), car c'est son amour qui nous attire à lui. HCQ 87 4 La conscience de cet amour engendre le renoncement personnel. Lorsque, nous adressant à Dieu, nous l'appelons notre Père, nous reconnaissons que tous ses enfants sont nos frères. Nous faisons partie de l'humanité, car nous sommes membres d'une seule famille. Notre prochain doit, comme nous-mêmes, trouver une place dans nos requêtes. Nul ne prie bien qui ne recherche des bénédictions que pour soi. HCQ 87 5 Le Dieu infini, dit Jésus, nous offre le privilège de pouvoir nous approcher de lui comme de notre Père. Comprenons tout ce que cela implique. Le Créateur exhorte le pécheur avec plus de tendre instance qu'aucun parent terrestre ne l'a jamais fait pour son enfant égaré. L'amour humain est incapable de supplier l'impénitent d'une manière aussi poignante. Dieu se tient dans chaque demeure. Il entend ce qu'on y prononce, il prend sa part des douleurs et des déceptions de chaque âme, considère comment sont traités le père, la mère, la soeur, l'ami, le voisin. Il est conscient de nos besoins et son amour, sa miséricorde et sa grâce veillent sans cesse pour y répondre. HCQ 87 6 Mais si vous appelez Dieu votre Père, vous reconnaissez que vous êtes ses enfants; vous devez donc vous laisser guider par sa sagesse, lui obéir en toutes choses, et, conscients de son amour éternel, accepter les desseins qu'il a conçus pour votre vie. En qualité d'enfants de Dieu, vous considérerez que sa gloire, son caractère, sa famille, son oeuvre doivent être l'objet de votre attention la plus vigilante. Vous vous réjouirez de vos rapports avec votre Père et avec chaque membre de sa famille et vous accomplirez avec joie toute action, si humble soit-elle, qui vous permettra d'honorer son nom ou de contribuer au bien-être de vos frères. HCQ 88 1 "Qui es aux cieux." Le Père vers qui Jésus désire que nous tournions nos regards "est au ciel" et "il fait tout ce qu'il veut". Nous pouvons nous placer sous sa garde en disant: "Quand je suis dans la crainte, en toi je me confie." Psaumes 115:3; 56:4. "Que ton nom soit sanctifié." HCQ 88 2 Sanctifier le nom du Seigneur, c'est parler de l'Être suprême avec une extrême vénération. "Son nom est saint et redoutable." Psaumes 111:9. Les noms et les qualificatifs de Dieu ne doivent jamais être prononcés à la légère. Par la prière nous pénétrons dans la salle d'audience du Très-Haut et c'est remplis d'une crainte respectueuse que nous devons nous présenter devant lui. Les anges voilent leur face en sa présence; les chérubins et les séraphins, saints et resplendissants, s'approchent de son trône dans une attitude de profond respect. Mais, nous qui sommes pécheurs, ne devons-nous donc pas nous approcher de notre Seigneur et Créateur avec une sainte révérence et avec adoration? HCQ 88 3 Mais sanctifier le nom du Seigneur signifie plus que cela. Nous pouvons, comme les Juifs au temps du Christ, manifester une grande vénération extérieure pour Dieu et cependant profaner constamment son nom. "L'Éternel est miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en bonté et en fidélité." "Il pardonne l'iniquité [...] et le péché." Exode 34:6, 7. Au sujet de l'Église du Christ, il est écrit: "Et voici comment on l'appellera: l'Éternel notre justice." Jérémie 33:16. Ce nom est attribué à chaque disciple de Jésus; c'est l'héritage de l'enfant de Dieu. Le Père donne son nom à sa famille. Pendant la détresse et les tribulations d'Israël, le prophète Jérémie priait, disant: "Ton nom est invoqué sur nous: ne nous abandonne pas!" Jérémie 14:9. HCQ 89 1 Ce nom est sanctifié par les anges des cieux et par les habitants des mondes qui n'ont pas péché. En disant: "Que ton nom soit sanctifié", vous exprimez le désir que ce nom soit sanctifié dans le monde et aussi en vous: Dieu vous a reconnus comme ses enfants devant les anges et devant les hommes; craignez donc d'outrager le "beau nom que vous portez". Jacques 2:7. Dieu vous envoie dans le monde comme ses représentants. Vos moindres actions doivent glorifier son nom. Cette prière vous invite à adopter son caractère. Vous ne pouvez sanctifier son nom, vous ne pouvez le représenter dans le monde si votre vie et votre caractère ne représentent pas sa vie et son caractère. Ce n'est qu'en acceptant sa grâce et sa justice que vous y parviendrez. "Que ton règne vienne." HCQ 89 2 Dieu est notre Père; il nous aime et veille sur nous comme sur ses enfants. Il est aussi le grand Roi de l'Univers. Les intérêts de son royaume étant nos intérêts, nous devons travailler à son avènement. HCQ 89 3 Les disciples du Christ attendaient l'établissement immédiat de son royaume de gloire. Par cette prière, Jésus leur montre qu'il n'est pas sur le point d'être instauré. Ils devaient prier pour son retour comme pour un événement à venir. En même temps, cette prière était une promesse pour eux. Si ce royaume ne devait pas être établi au cours de leur vie terrestre, le fait que Jésus les invite à prier pour qu'il vienne prouve qu'il viendra sûrement à l'heure fixée par Dieu. HCQ 89 4 Nous vivons aujourd'hui dans un royaume de grâce. Jour après jour, des coeurs pécheurs et rebelles s'abandonnent à la souveraineté de l'amour de Dieu; mais le royaume de sa gloire ne sera établi qu'au retour de Jésus. "Le règne, la domination, et la grandeur de tous les royaumes qui sont sous les cieux, seront donnés au peuple des saints du Très-Haut." Daniel 7:27. Ils entreront en possession du royaume préparé pour eux "dès la fondation du monde". Matthieu 25:34. Alors, le Christ, revêtu de sa grande puissance, entrera dans son règne. HCQ 89 5 Les portes célestes élèveront une fois encore leurs linteaux, alors que, escorté de millions et de millions de saints, notre Sauveur s'avancera comme Roi des rois et Seigneur des seigneurs, Yahveh Emmanuel "sera roi de toute la terre; en ce jour-là, l'Éternel sera le seul Éternel". "Le tabernacle de Dieu sera avec les hommes. Il habitera avec eux, et ils seront son peuple, et Dieu lui-même sera avec eux." Zacharie 14:9; Apocalypse 21:3. HCQ 90 1 Mais Jésus déclare qu'avant cela, "cette bonne nouvelle du royaume sera prêchée dans le monde entier, pour servir de témoignage à toutes les nations". Matthieu 24:14. Son royaume ne sera pas établi avant que la bonne nouvelle de sa grâce ait été portée à la terre entière, c'est pourquoi, lorsque nous nous consacrons à Dieu et que nous lui gagnons des âmes, nous hâtons la venue de ce royaume. Seuls ceux qui se donnent sans réserve à son service, disant: "Me voici, envoie-moi" pour ouvrir les yeux des aveugles, pour conduire les hommes "des ténèbres à la lumière et de la puissance de Satan à Dieu", pour qu'ils reçoivent le pardon des péchés et l'héritage avec ceux qui sont sanctifiés (Ésaïe 6:8; Actes 26:18), ceux-là seuls prient sincèrement quand ils disent: "Que ton règne vienne." "Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel." HCQ 90 2 La volonté de Dieu est résumée dans les préceptes de sa sainte loi dont les principes régissent le ciel. Les anges eux-mêmes n'ont pas de plus chère ambition que de connaître la volonté de Dieu, et c'est en l'accomplissant qu'ils exercent le plus noblement toutes leurs facultés. HCQ 90 3 Mais, dans le ciel, l'obéissance est spontanée. Jusqu'au jour où Satan s'est révolté contre Yahveh, les anges n'ont pas eu conscience d'être soumis à une loi; car ils n'obéissent pas comme des serviteurs, mais comme des fils. Une harmonie parfaite les unit à leur Créateur. Pour eux, l'obéissance n'est nullement pénible car leur amour pour Dieu fait de chacun de leurs actes une expression de joie. Il en est de même de toute âme où habite Jésus, "l'espérance de la gloire", et ces paroles y trouvent un écho: "Je veux faire ta volonté, mon Dieu, et ta loi est au fond de mon coeur." Psaumes 40:9. HCQ 91 1 Les mots: "Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel" expriment le désir de voir sur cette terre la fin du règne de Satan, la destruction définitive du péché et l'établissement du royaume de la justice. Sur la terre, comme au ciel, s'accompliront alors "les desseins bienveillants de sa bonté". 2 Thessaloniciens 1:11. "Donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien." HCQ 91 2 La première partie de la prière enseignée par Jésus concerne le nom, le règne et la volonté de Dieu: que son nom soit sanctifié, que son règne vienne, que sa volonté soit faite. Lorsque, dans notre vie, nous aurons donné la première place au service de Dieu, nous pourrons lui demander avec confiance de répondre à nos besoins. Si nous avons renoncé à nous-mêmes, si nous nous sommes donnés au Christ, nous sommes membres de la famille de Dieu et tout ce qui se trouve dans la maison du Père nous appartient. Tous les trésors de Dieu sont à nous, à la fois en ce monde et dans le monde à venir. Le ministère des anges, le don du Saint-Esprit, l'action de ses serviteurs s'exercent en notre faveur. Le monde et tout ce qu'il contient est à nous, dans la mesure où cela peut contribuer à notre bien. L'inimitié même des méchants, en nous disciplinant pour le ciel, se tournera en bénédiction. Si "vous êtes au Christ", "tout est à vous". 1 Corinthiens 3:23, 21. HCQ 91 3 Mais nous sommes dans la situation d'un enfant qui n'est pas encore entré en possession de son héritage. Dieu ne nous confie pas les biens précieux qu'il nous destine, de peur que Satan ne nous séduise par ses artifices, comme il a séduit nos premiers parents dans le jardin d'Éden. Le Seigneur les garde pour nous, hors de l'atteinte du destructeur. Comme l'enfant, nous recevrons jour après jour ce qui est nécessaire à nos besoins quotidiens. Notre prière de chaque jour doit être: "Donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien." Ne soyons pas découragés si nous n'avons pas assez pour demain. Voici sa promesse: "Aie le pays pour demeure et la fidélité pour pâture." Et David déclare: "J'ai été jeune, j'ai vieilli; et je n'ai pas vu le juste abandonné, ni sa postérité mendiant son pain." Psaumes 37:3, 25. Le Dieu qui a envoyé des corbeaux pour nourrir Élie, près du torrent de Kérith, n'oubliera pas un seul de ses enfants fidèles et dévoués. HCQ 92 1 Voici ce qui est écrit de celui qui marche avec droiture: "Du pain lui sera donné, de l'eau lui sera assurée." "Ils ne sont pas confondus au temps du malheur, et ils sont rassasiés au jour de la famine." "Lui, qui n'a pas épargné son propre Fils, mais qui l'a livré pour nous tous, comment ne nous donnera-t-il pas aussi toutes choses avec lui?" Romains 8:32. Celui qui déchargea sa mère, veuve, des soucis et des inquiétudes de la vie et qui l'aida à subvenir aux besoins du ménage de Nazareth, sympathise avec chaque mère dans ses luttes pour assurer la nourriture de ses enfants. Celui qui eut compassion de la foule "parce qu'elle était languissante et abattue" (Matthieu 9:36) a toujours compassion des pauvres qui souffrent. Ses mains se tendent vers eux pour les bénir et, dans la prière même qu'il donna à ses disciples, il nous enseigne à nous souvenir des pauvres. HCQ 92 2 Quand nous disons: "Donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien", nous prions aussi bien pour nos semblables que pour nous-mêmes. Et nous reconnaissons que les biens reçus de Dieu ne sont pas exclusivement pour nous. Dieu nous prête afin que nous puissions venir en aide à ceux qui ont faim. Dans sa bonté, il a pourvu au soulagement des pauvres. Et il dit: "Lorsque tu donnes à dîner ou à souper, n'invite pas tes amis, ni tes frères, ni tes parents, ni des voisins riches. [...] Mais, lorsque tu donnes un festin, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles. Et tu seras heureux de ce qu'ils ne peuvent pas te rendre la pareille; car elle te sera rendue à la résurrection des justes." Luc 14:12-14. HCQ 92 3 "Et Dieu peut vous combler de toutes sortes de grâces, afin que, possédant toujours en toutes choses de quoi satisfaire à tous vos besoins, vous ayez encore en abondance pour toute bonne oeuvre." "Celui qui sème peu moissonnera peu, et celui qui sème abondamment moissonnera abondamment." 2 Corinthiens 9:8, 6. HCQ 92 4 La prière pour le pain quotidien ne concerne pas seulement la nourriture du corps. Elle comprend aussi le pain spirituel, indispensable à l'âme pour lui assurer la vie éternelle. Jésus nous dit: "Travaillez, non pour la nourriture qui périt, mais pour celle qui subsiste pour la vie éternelle." Il dit encore: "Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement." Jean 6:27, 51. Notre Sauveur est le pain de vie; c'est en l'accueillant dans notre âme que nous mangeons vraiment le pain qui est descendu du ciel. HCQ 93 1 Nous recevons le Christ en acceptant sa Parole et le Saint-Esprit nous est donné pour nous aider à la comprendre et à accepter les vérités qu'elle contient. Chaque jour, en lisant les Écritures, nous devons prier pour que l'Esprit de Dieu nous révèle la vérité propre à affermir notre âme en vue des besoins de la journée. HCQ 93 2 En nous enseignant à demander chaque jour ce dont nous avons besoin, tant pour notre corps que pour notre âme, Dieu a un but: il désire que nous nous sentions dépendants de sa constante sollicitude; il cherche à nous attirer dans sa communion, grâce à laquelle, par la prière et par l'étude des grandes et précieuses vérités de sa Parole, notre âme sera nourrie et désaltérée à la fontaine de la Vie. "Pardonne-nous nos offenses, comme nous aussi nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés" -- Matthieu 6:12 HCQ 93 3 Jésus nous enseigne ici que Dieu ne peut nous accorder son pardon que dans la mesure où nous l'accordons nous-mêmes à nos semblables. C'est l'amour de Dieu qui nous attire à lui et cet amour ne peut toucher nos coeurs sans susciter en nous de l'amour pour nos frères. HCQ 93 4 Après avoir terminé cette prière, Jésus ajoute "Si vous pardonnez aux hommes leurs offenses, votre Père céleste vous pardonnera aussi; mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père ne vous pardonnera pas non plus vos offenses." Matthieu 6:14. Celui qui ne pardonne pas se prive du seul moyen par lequel il puisse bénéficier de la miséricorde de Dieu. Ne pensons pas que, si ceux qui nous ont fait du tort ne confessent pas leur péché, nous avons le droit de leur refuser notre pardon. Sans aucun doute, leur devoir est d'humilier leur coeur par le repentir et la confession; mais nous devons nous montrer miséricordieux à l'égard de ceux qui nous ont offensés même s'ils ne reconnaissent pas leurs torts. Aussi douloureusement qu'ils aient pu nous meurtrir, nous ne devons pas entretenir en nous de rancoeur ni nous apitoyer sur nous-mêmes du mal qui nous a été infligé, mais au contraire nous devons accorder notre pardon à ceux qui nous ont fait du tort, comme nous espérons le recevoir de Dieu pour nos offenses envers lui. HCQ 94 1 Le pardon a une signification plus vaste que beaucoup ne se l'imaginent. Quand Dieu nous dit qu'"il ne se lasse pas de pardonner", il ajoute, comme si la portée de cette promesse dépassait notre compréhension: "Car mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos voies ne sont pas mes voies, dit l'Éternel. Autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre, autant mes voies sont élevées au-dessus de vos voies, et mes pensées au-dessus de vos pensées." Ésaïe 55:8, 9. Le pardon de Dieu n'est pas seulement un acte judiciaire par lequel il nous affranchit de la condamnation. Ce n'est pas simplement le pardon du péché, c'en est la délivrance. L'amour rédempteur transforme le coeur. David avait bien compris toute la portée de ce pardon quand il demandait: "0 Dieu! Crée en moi un coeur pur, renouvelle en moi un esprit bien disposé", ou encore: "Autant l'orient est éloigné de l'occident, autant il éloigne de nous nos transgressions." Psaumes 51:12; 103:12. HCQ 94 2 En Jésus, Dieu s'est donné lui-même en rançon pour nos fautes. Il a souffert la mort cruelle de la croix; il a porté pour nous le fardeau du péché, "lui, juste, pour les injustes" afin de nous révéler son amour et de nous attirer à lui. Il nous dit: "Soyez bons les uns envers les autres, compatissants, vous pardonnant réciproquement, comme Dieu vous a pardonné en Christ." Ephésiens 4:32. Que Jésus, la "Vie" divine, habite en nous et qu'ainsi se manifeste l'amour céleste apportant l'espérance à l'âme désespérée et la paix du ciel au coeur accablé. Pour pouvoir nous approcher de Dieu, il faut que nous soyons décidés à faire connaître à nos semblables la grâce dont nous avons nous-mêmes été l'objet. HCQ 94 3 Avant de bénéficier de l'amour miséricordieux de notre Père céleste et d'en faire part autour de nous, il est nécessaire que nous connaissions cet amour et que nous y croyions. 1 Jean 4:16. Par tous les moyens dont il dispose, Satan cherche à nous dissimuler cet amour. Il veut nous faire croire que nos erreurs et nos transgressions ont offensé Dieu si gravement qu'il détourne son oreille de nos prières et refuse de nous bénir et de nous sauver. En nous-mêmes, nous ne voyons que faiblesse, nous n'avons rien qui puisse nous recommander à Dieu. Satan nous affirme que notre cas est sans remède et qu'il n'y a aucune guérison pour nos fautes de caractère. Lorsque nous voulons nous approcher de Dieu, l'ennemi chuchote à notre oreille: "À quoi bon prier! N'as-tu pas commis tel péché? N'as-tu pas offensé Dieu? N'as-tu pas violenté ta conscience?" Mais nous pouvons le repousser en lui disant que "le sang de Jésus [...] nous purifie de tout péché". 1 Jean 1:7. C'est justement lorsque le sentiment de notre péché nous empêche de prier que nous devons le faire. Nous pouvons avoir honte et nous sentir profondément humiliés, mais il nous faut prier et croire. "C'est une parole certaine et entièrement digne d'être reçue que Jésus-Christ est venu dans le monde pour sauver les pécheurs, dont je suis le premier." 1 Timothée 1:15. Le pardon et la réconciliation avec Dieu nous sont accordés, à nous, pécheurs, non pas en vertu de nos oeuvres ou d'un mérite quelconque de notre part, mais à titre de don gratuit dû à la justice immaculée du Christ. HCQ 95 1 Nous ne devons pas chercher à diminuer notre culpabilité en trouvant des excuses à notre péché. Nous devons accepter l'estimation de Dieu sur le péché, et elle est lourde. Seul le Calvaire peut nous révéler l'énormité du mal. Si nous devions porter le poids de nos fautes, nous serions écrasés. Mais un Être sans péché a pris notre place, un innocent, s'en est chargé. "Si nous confessons nos péchés", Dieu "est fidèle et juste pour nous les pardonner, et pour nous purifier de toute iniquité". 1 Jean 1:9. Quelle glorieuse vérité! Il reste juste devant sa loi tout en justifiant tous ceux qui croient en Jésus. "Quel Dieu est semblable à toi, qui pardonnes l'iniquité, qui oublies les péchés du reste de ton héritage? Il ne garde passa colère à toujours, car il prend plaisir à la miséricorde." Michée 7:18. "Ne nous induis pas en tentation, mais délivre-nous du malin." HCQ 95 2 La tentation est une incitation au péché; elle ne vient pas de Dieu, mais de Satan et du mal qui est dans nos coeurs. "Dieu ne peut être tenté par le mal, et il ne tente lui-même personne." Jacques 1:13. HCQ 95 3 Par tous les moyens dont il dispose, Satan cherche à nous faire pécher, afin que, la laideur de notre caractère s'étant ainsi manifestée devant les hommes et les anges, il puisse nous réclamer comme lui appartenant. La prophétie symbolique de Zacharie nous montre Josué, le souverain sacrificateur, couvert de vêtements souillés, debout devant l'ange de l'Éternel qui s'apprête à le purifier en lui offrant un vêtement blanc. Mais Satan s'y oppose vivement en rappelant les péchés du grand prêtre d'Israël. Ce passage caractérise l'attitude de Satan à l'égard de toutes les âmes que Jésus cherche à attirer à lui. L'ennemi nous induit à mal faire, puis il nous accuse devant l'univers céleste, en nous déclarant indignes de l'amour de Dieu. Mais "l'Éternel dit à Satan: Que l'Éternel te réprime, Satan! Que l'Éternel te réprime, lui qui a choisi Jérusalem! N'est-ce pas là un tison arraché du feu?" Et, à Josué, il déclare: "Vois, je t'enlève ton iniquité, et je te revêts d'habits de fête." Zacharie 3:2, 4. HCQ 96 1 Dans son grand amour, Dieu cherche à développer en nous les grâces précieuses de son Esprit. S'il permet que nous rencontrions des obstacles, des persécutions et des difficultés, c'est un immense bienfait et non un grand malheur, car chaque tentation repoussée, chaque épreuve supportée avec courage nous apporte une nouvelle énergie, et nous fait progresser dans la formation de notre caractère. L'âme qui, par la puissance divine, arrive à résister à la tentation, rend ainsi, devant les habitants du ciel et de la terre, un témoignage éclatant à l'efficacité de la grâce de Dieu. HCQ 96 2 Nous ne devons pas nous laisser effrayer par l'épreuve, si amère soit-elle, mais nous devons demander à Dieu de nous garder d'être entraînés vers le mal, au point d'être submergés par les mauvais désirs de notre coeur. En priant comme Jésus nous l'a enseigné, nous nous abandonnons à la direction de Dieu, lui demandant de nous guider dans des sentiers sûrs. Nous ne pouvons prononcer cette prière avec sincérité si, en même temps, nous décidons de suivre un chemin de notre choix. Nous devons attendre que sa main nous conduise et que sa voix nous dise: "Voici le chemin, marchez-y!" Ésaïe 30:21. HCQ 96 3 Il est bien risqué de nous attarder dans la contemplation des avantages que nous apporterait l'obéissance aux suggestions de Satan. Le péché apporte le déshonneur et la ruine à toute âme qui s'y adonne. Mais comme, par nature, il est décevant et trompeur, il nous est présenté sous les apparences les plus séduisantes. Si nous nous aventurons sur le terrain de l'ennemi, nous ne pouvons espérer être protégés contre sa puissance. Autant que nous le pouvons, fermons au tentateur toutes les voies de notre âme. HCQ 97 1 Cette pensée: "Ne nous induis pas en tentation" renferme en elle-même une promesse, car elle montre que si nous nous confions en Dieu, nous pouvons être assurés qu'il "ne permettra pas que nous soyons tentés au-delà de nos forces; mais, avec la tentation, il préparera aussi le moyen d'en sortir, afin que nous puissions la supporter". 1 Corinthiens 10:13. HCQ 97 2 Notre seule garantie contre le mal est la présence de Jésus dans notre coeur, par la foi en sa justice. C'est à cause de notre égoïsme que la tentation a une prise sur nous. Mais, en contemplant le grand amour de Dieu, nous comprendrons combien ce défaut est odieux, repoussant, et nous désirerons vivement l'extirper de notre âme. En nous révélant le Fils de Dieu, le Saint-Esprit attendrira et soumettra notre coeur, la tentation perdra alors son pouvoir et la grâce du Christ transformera notre caractère. HCQ 97 3 Le Sauveur n'abandonnera jamais une âme pour laquelle il est mort. Elle peut se séparer de lui et se laisser subjuguer par le tentateur, mais il ne se détournera jamais de celle dont il a payé la rançon au prix de sa vie. Si notre vision spirituelle était plus claire, nous verrions des âmes accablées par l'oppression ou le chagrin, ployant sous la douleur comme un attelage sous son fardeau et sur le point de succomber au découragement; en même temps, nous verrions des anges voler à leur secours, repousser les forces du malin et conduire leurs protégés en lieu sûr. Nous comprendrions que les batailles qui se livrent entre ces deux armées sont aussi réelles que celles où s'affrontent les nations de ce monde. Nous verrions que notre destin éternel dépend de l'issue de ce conflit spirituel. HCQ 97 4 Les paroles de Jésus à Pierre s'adressent aussi à nous: "Satan vous a réclamés, pour vous cribler comme le froment. Mais j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas." Luc 22:31, 32. Dieu soit loué, nous ne sommes pas livrés à nous-mêmes. Celui qui a "tant aimé le monde, qu'il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu'il ait la vie éternelle" ne nous abandonnera pas dans nos luttes contre l'adversaire de Dieu et des hommes. "Voici, dit-il, je vous ai donné le pouvoir de marcher sur les serpents et sur les scorpions, et sur toute la puissance de l'ennemi; et rien ne pourra vous nuire." Luc 10:19. HCQ 98 1 Vivez en communion avec le Christ et il vous tiendra fermement, d'une main sûre et inébranlable. Apprenez à connaître l'amour de Dieu à votre égard, ayez confiance en cet amour et vous serez en sécurité, car il sera pour vous une forteresse qui résiste à toutes les ruses et à tous les assauts de Satan. "Le nom de l'Éternel est une tour forte; le juste s'y réfugie, et se trouve en sûreté." Proverbes 18:10. "C'est à toi qu'appartiennent, dans tous les siècles, le règne, la puissance et la gloire." HCQ 98 2 La dernière pensée de l'oraison dominicale nous rappelle, comme la première, que notre Père céleste est bien au-dessus de toutes les puissances, de toutes les autorités et de tous les êtres quels qu'ils soient. Le Sauveur jetait les regards sur l'avenir de ses disciples; contrairement à ce qu'ils espéraient, leur sort ne devait pas se dérouler dans le rayonnement de la prospérité et des honneurs du monde: leur vie devait être assombrie d'orages attirés par la haine des hommes et par la colère de Satan. Au cours des combats qui entraîneraient la ruine de leur nation, ils devaient être en butte à de graves dangers; la crainte oppresserait souvent leurs coeurs; ils devaient voir la destruction de Jérusalem, l'effondrement du temple et la fin des grandes fêtes et solennités, ainsi que la dispersion d'Israël dans tous les pays. Jésus le leur avait dit: "Vous entendrez parler de guerres et de bruits de guerres." "Une nation s'élèvera contre une nation, et un royaume contre un royaume, et il y aura, en divers lieux, des famines et des tremblements de terre. Tout cela ne sera que le commencement des douleurs." Matthieu 24:6-8. HCQ 98 3 Toutefois, ils ne devaient pas en conclure que toute espérance était perdue ou que Dieu avait abandonné la terre. Car la puissance et la gloire appartiennent à celui dont les desseins suprêmes s'accomplissent sans arrêt, sans obstacle jusqu'à leur complète réalisation. Au-dessus de la puissance et de la domination du mal, la prière dans laquelle ils exposaient leurs besoins quotidiens devait leur rappeler que leur Dieu et Seigneur, dont l'empire embrasse l'univers, est aussi, pour l'éternité, leur Père et leur Ami. HCQ 99 1 La ruine de Jérusalem symbolisait la ruine finale qui va fondre sur le monde, mais les prophéties qui l'annonçaient -- et qui n'ont reçu alors qu'un accomplissement partiel -- s'adressent particulièrement aux derniers temps. Nous sommes à la veille d'événements graves et solennels, à la veille d'une crise telle que le monde n'en a jamais vue de semblable. Mais, aussi tendrement qu'aux premiers disciples, cette affirmation nous est répétée: c'est Dieu qui dirige toutes choses et la suite des événements qui s'approchent est entre ses mains. La majesté divine prend soin du destin des nations aussi bien que de tout ce qui touche à son Église. À tous ceux qui travaillent à l'accomplissement de ses desseins, le divin Maître déclare comme à Cyrus: "Je t'ai oint, avant que tu m'aies connu." Ésaïe 45:5. HCQ 99 2 Dans la vision du prophète Ézéchiel, "une forme de main d'homme" apparut sous les ailes des chérubins. Ezéchiel 10:8. Cela montre aux serviteurs de Dieu que leur succès est dû à sa puissance et non à la leur. Ceux que le Seigneur emploie comme messagers ne doivent pas penser, en effet, que la réussite soit leur fait. Mortels et bornés, ils ne sont pas abandonnés à eux-mêmes ni chargés du poids d'une telle responsabilité. Celui qui ne sommeille pas, qui poursuit sans trêve l'accomplissement de ses desseins, dirigera lui-même son oeuvre. Il déjouera les plans des méchants et confondra les conseils de ceux qui cherchent à nuire à son peuple. Le Roi, le Seigneur des armées, qui siège entre les chérubins, protège ses enfants, au milieu même des luttes et des tumultes des nations. Celui qui règne dans le ciel est notre Sauveur. Il mesure les épreuves qui attendent toute âme, et dose le feu de la fournaise par laquelle elle doit passer. HCQ 99 3 Lorsque les forteresses des rois seront renversées, lorsque les flèches de sa colère perceront le coeur de ses ennemis, son peuple sera en sécurité entre ses mains. HCQ 99 4 "À toi, Éternel, la grandeur, la force et la magnificence, l'éternité et la gloire, car tout ce qui est au ciel et sur la terre t'appartient. [...] C'est dans ta main que sont la force et la puissance, et c'est ta main qui a le pouvoir d'agrandir et d'affermir toutes choses." 1 Chroniques 29:11, 12. ------------------------Chapitre 6 -- Aimez-vous les uns les autres HCQ 101 0 "Ne jugez pas, afin que vous ne soyez pas jugés." HCQ 101 1 Quand les hommes s'efforcent de mériter le salut par leurs propres oeuvres, ils sont inévitablement amenés à imaginer des préceptes qu'ils dressent comme des barrières contre le péché. Dans leur impuissance à observer la loi, ils imaginent des codes et des règlements impératifs dans l'espoir d'y parvenir. Mais tous ces efforts ont pour effet de détourner l'homme de son Créateur pour le ramener à lui-même. L'amour de Dieu s'éteint dans son coeur en même temps que l'amour du prochain. Les codes humains, avec leurs innombrables prescriptions, amènent leurs partisans à condamner tous ceux qui ne s'y conforment pas exactement. Cette atmosphère d'égoïsme et de critique mesquine étouffe tout sentiment noble et généreux et transforme les hommes en juges prétentieux et en espions. HCQ 101 2 Tels étaient les pharisiens. Ils sortaient de leurs services religieux, non pas humiliés par le sentiment de leur propre faiblesse, ni reconnaissants envers Dieu pour les grands privilèges qu'ils avaient reçus de lui, mais enflés d'un orgueil spirituel qui leur faisait dire: moi, mes sentiments, mes connaissances, mes habitudes. Jugeant les autres d'après leurs conceptions personnelles, drapés dans leur propre dignité et s'érigeant en juges, ils se condamnaient mutuellement du haut de leur tribunal. HCQ 101 3 Le même esprit était largement répandu parmi les gens du peuple, où, violant le domaine de la conscience, on se permettait de juger ses semblables dans des domaines qui ne concernaient que l'âme et Dieu. C'est en pensant à cet esprit et à ces pratiques que Jésus recommanda: "Ne jugez pas, afin que vous ne soyez pas jugés", c'est-à-dire: Ne vous donnez pas en exemple. Ne faites pas de vos opinions, de vos idées personnelles sur le devoir ou de votre interprétation des saintes Écritures un critère pour juger les autres. Ne condamnez pas ceux qui ne suivent pas à votre idéal. Ne critiquez pas non plus vos frères en les jugeant sur des mobiles que vous leur prêtez. HCQ 102 1 "C'est pourquoi ne jugez de rien avant le temps, jusqu'à ce que vienne le Seigneur, qui mettra en lumière ce qui est caché dans les ténèbres, et qui manifestera les desseins des coeurs." 1 Corinthiens 4:5. Nous ne savons pas lire dans les coeurs. Les fautes que nous commettons nous disqualifient pour juger celles d'autrui. Les hommes étant mortels et bornés, ils ne peuvent juger que d'après les apparences. Celui-là seul qui voit les mobiles secrets, qui est plein de tendresse et de compassion, peut juger avec équité. HCQ 102 2 "0 homme, qui que tu sois, toi qui juges, tu es donc inexcusable; car, en jugeant les autres, tu te condamnes toi-même, puisque toi qui juges, tu fais les mêmes choses." Romains 2:1. Ainsi donc, ceux qui critiquent et condamnent leurs semblables se proclament par là même coupables, puisqu'ils font les mêmes choses. En condamnant les autres, ils se condamnent eux-mêmes, et Dieu approuve le verdict qu'ils prononcent. "Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l'oeil de ton frère?" HCQ 102 3 Cette déclaration: "Toi qui juges, tu fais les mêmes choses", ne souligne pas toute la gravité du péché de celui qui se permet de critiquer et de condamner son frère. Jésus dit: "Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l'oeil de ton frère, et n'aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton oeil?" HCQ 102 4 Ces paroles s'adressent à ceux qui excellent à découvrir les défauts des autres et qui, lorsqu'ils pensent avoir trouvé une tache dans le caractère ou dans la vie d'autrui, déploient tout leur zèle pour la faire remarquer. Jésus déclare que cette façon d'agir, peu chrétienne, dénote un défaut de caractère dont la gravité est, par rapport à la faute en question, comme une poutre comparée à une paille. HCQ 103 1 C'est le manque d'indulgence et d'amour qui pousse à faire un monde d'un atome. Il est impossible à ceux qui n'ont jamais ressenti la contrition que procure un abandon total à Dieu de manifester dans leur vie la tendre influence de l'amour du Sauveur. Ils dénaturent l'esprit aimable et courtois de l'Évangile et blessent des âmes précieuses pour lesquelles Jésus est mort. La comparaison employée par le Maître montre que celui qui entretient en lui un esprit de jugement est plus coupable que celui qu'il censure, car non seulement il commet les mêmes fautes, mais il y ajoute encore l'orgueil et la critique. HCQ 103 2 Jésus étant le seul vrai modèle, quiconque se donne en exemple aux autres prend la place du Christ. Et puisque le Père "a remis tout jugement au Fils" (Jean 5:22), celui qui a la prétention de juger les mobiles des autres usurpe en outre les prérogatives du Fils de Dieu. Ces prétendus juges et critiques se placent ainsi dans les rangs de l'Antichrist "qui s'élève au-dessus de tout ce qu'on appelle Dieu ou de ce qu'on adore, jusqu'à s'asseoir dans le temple de Dieu, se proclamant lui-même Dieu". 2 Thessaloniciens 2:4. HCQ 103 3 Le péché dont les conséquences sont les plus lamentables est cet esprit froid, critique, implacable, qui caractérisait le pharisaïsme. Une vie religieuse qui manque de charité prouve qu'elle n'est pas illuminée par l'amour du Christ, et ce n'est pas une activité intense ni un zèle dévorant qui comblera cette lacune. On peut posséder une merveilleuse finesse de perception pour découvrir les défauts des autres, mais, à celui qui s'adonne à cet exercice, Jésus dit: "Hypocrite, ôte premièrement la poutre de ton oeil, et alors tu verras comment ôter la paille de l'oeil de ton frère." Le coupable est le premier à suspecter les autres. En condamnant son semblable, il cherche à cacher ou à excuser le mal qui est en lui. C'est par le péché que les hommes ont eu la connaissance du mal. À peine nos premiers parents eurent-ils désobéi qu'ils se mirent à s'accuser mutuellement. Telle est la nature humaine chaque fois qu'elle n'est pas sous l'influence de la grâce. HCQ 103 4 Ceux qui agissent ainsi ne se contentent pas de signaler ce qu'ils estiment répréhensible chez leur frère. S'ils ne parviennent pas, par des mesures modérées, à le rendre tel qu'ils voudraient le voir, ils ont recours à la manière forte; ils vont dans cette voie aussi loin qu'ils le peuvent pour l'obliger à se soumettre à leur conception du bien. C'est ce que faisaient les Juifs aux jours du Sauveur et ce que l'Église a toujours fait depuis, chaque fois qu'elle a perdu de vue l'esprit du Christ. Dépourvue de la puissance d'amour qui l'animait, elle a fait appel au bras séculier pour imposer ses dogmes et faire exécuter ses décrets. C'est là qu'il faut chercher la véritable raison d'être de toutes les lois religieuses qui ont été promulguées et de toutes les persécutions, depuis Abel jusqu'à nos jours. HCQ 104 1 Loin d'obliger les hommes, Jésus les attire à lui. La seule force dont il se serve est celle de l'amour. Quand l'Église recherche le secours du pouvoir séculier, il est évident que c'est parce que la puissance d'en haut -- l'amour divin -- lui fait défaut. HCQ 104 2 C'est dans les membres de l'Église, pris individuellement, que réside le mal, et c'est là qu'il faut appliquer le remède. Jésus invite l'accusateur à enlever d'abord la poutre de son oeil, c'est-à-dire à renoncer à son esprit caustique et à confesser son péché, avant de chercher à corriger les autres. Car "ce n'est pas un bon arbre qui porte du mauvais fruit, ni un mauvais arbre qui porte du bon fruit". Luc 6:43. Cet esprit de jugement auquel nous nous laissons aller est un mauvais fruit qui montre que l'arbre est mauvais. Il serait vain de vouloir persévérer dans notre propre justice. Ce dont nous avons besoin, c'est que notre coeur soit changé. Voilà l'expérience par laquelle nous devons passer avant d'espérer pouvoir corriger les autres, car "c'est de l'abondance du coeur que la bouche parle". Matthieu 12:34. HCQ 104 3 Lorsqu'une crise survient dans la vie d'une personne à laquelle nous désirons apporter le secours de nos conseils ou de nos réprimandes, souvenons-nous que nos paroles n'auront d'autre influence que celle que notre exemple et notre esprit nous auront acquise. Il faut être bon avant de vouloir faire le bien. Nous n'exercerons jamais une action efficace sur nos semblables si notre coeur n'a pas été humilié, purifié et attendri par la grâce du Christ. Quand ce changement aura été accompli en nous, il nous sera alors aussi naturel de vivre pour le bonheur des autres qu'il l'est au rosier de donner ses boutons odorants ou à la vigne ses grappes dorées. HCQ 104 4 Si Christ, "l'espérance de la gloire", demeure en nous, nous ne chercherons plus à observer nos frères pour découvrir leurs erreurs. Au lieu de vouloir accuser ou condamner les autres, efforçons-nous de les aider, de les encourager et de les sauver. Dans nos rapports avec ceux qui tombent, pensons au conseil qui nous est donné: "Prends garde à toi-même, de peur que tu ne sois aussi tenté." Galates 6:1. Souvenons-nous de nos nombreuses défaillances et de la difficulté que nous éprouvons à retrouver le droit chemin après l'avoir abandonné. Au lieu de pousser notre frère plus loin dans les ténèbres, montrons-lui, d'un coeur rempli de compassion, le danger auquel il est exposé. HCQ 105 1 Celui qui contemple souvent la croix du Calvaire, conscient que ses péchés y ont conduit le Christ, ne cherchera jamais à atténuer sa culpabilité en la comparant à celle d'autrui. Il ne s'érigera pas en juge pour accuser ses semblables. Ceux qui marchent à l'ombre de la croix ignorent complètement l'esprit de critique et d'orgueil. HCQ 105 2 Ce n'est que lorsque nous nous sentirons prêts à sacrifier notre amour-propre et même notre vie pour sauver un frère tombé que nous aurons vraiment ôté la poutre de notre oeil, et qu'il nous sera possible de venir en aide à ce frère. Alors seulement nous pourrons nous approcher de lui et toucher son coeur. Les censures et les reproches n'ont jamais arraché personne au mal; au contraire, beaucoup d'âmes ont été ainsi éloignées de Jésus et se sont fermées à la foi; au contraire, la tendresse, la douceur et l'amabilité apportent le salut aux égarés et couvrent une multitude de péchés. HCQ 105 3 La manifestation de l'Esprit du Christ dans votre caractère opérera chez ceux qui vous entourent une réelle transformation. Laissez Jésus agir dans votre coeur jour après jour et vous verrez se développer en vous la puissance créatrice de sa Parole: une influence douce, persuasive mais efficace, qui recréera dans d'autres âmes la beauté du Seigneur notre Dieu. "Ne donnez pas les choses saintes aux chiens." HCQ 105 4 Jésus fait ici allusion à ceux qui ne souffrent pas de l'esclavage du péché et n'ont donc aucun désir d'en être délivrés. Après s'être complus dans la perversité et la souillure, ils sont à tel point pervertis qu'ils se cramponnent au mal et ne veulent pas s'en séparer. Les serviteurs de Dieu ne doivent pas perdre leur temps avec ceux qui ne voient dans l'Évangile qu'un sujet de discussion et de raillerie. HCQ 106 1 Mais le Sauveur ne se détourne jamais d'une âme, si déchue soit-elle, lorsqu'elle est disposée à recevoir les précieuses vérités du ciel. Pour des publicains et des femmes débauchées, ses paroles furent le commencement d'une vie nouvelle. Marie-Madeleine, qu'il avait délivrée de sept démons, resta la dernière au sépulcre et fut la première que Jésus salua au matin de la résurrection. Saul de Tarse, l'un des ennemis les plus acharnés de l'Évangile, devint Paul, l'ardent ministre du Christ. Il arrive souvent que, sous l'extérieur du crime et de la dégradation, soit cachée une âme que la grâce du Sauveur délivrera du péché et qui deviendra ensuite un joyau resplendissant dans la couronne du Rédempteur. "Demandez, et l'on vous donnera; cherchez, et vous trouverez; frappez, et l'on vous ouvrira." HCQ 106 2 Pour ne laisser aucune place au scepticisme, au malentendu, ou à une fausse interprétation de ses paroles, Jésus, pour la quatrième fois, répète encore cette promesse. Il désire que ceux qui cherchent Dieu croient en sa toute-puissance. C'est pourquoi il ajoute: "Car quiconque demande reçoit, celui qui cherche trouve, et l'on ouvre à celui qui frappe." HCQ 106 3 Le Seigneur ne pose d'autre condition qu'un désir ardent et sincère de son pardon, de ses enseignements, de son amour. "Demandez." Ce faisant, vous montrez que vous avez conscience de vos besoins, et vous recevrez si vous demandez avec foi. Le Christ a donné sa parole et il ne saurait y manquer; ne croyez pas qu'il soit présomptueux de votre part de venir solliciter ce qu'il a promis. Quand vous réclamez la grâce divine qui vous est nécessaire pour rendre votre caractère semblable au sien, le Sauveur affirme que votre demande sera exaucée. Pourvu que vous reconnaissiez votre condition de pécheur, vous pouvez invoquer sa miséricorde et sa compassion. Ce n'est pas parce que vous êtes saint que vous venez à Dieu, mais parce que vous désirez être lavé de tout péché et purifié de toute iniquité. Notre dénuement total et notre état désespéré plaideront toujours en notre faveur, car ils font de la bonté de Dieu et de sa puissance rédemptrice une nécessité absolue. HCQ 107 1 "Cherchez." Ne recherchez pas seulement sa bénédiction mais recherchez-le lui-même. "Attache-toi donc à Dieu, et tu auras la paix; tu jouiras ainsi du bonheur." Job 22:21. Cherchez et vous trouverez. Rappelez-vous que c'est Dieu lui-même qui vous appelle et que le désir que vous éprouvez de venir à lui est un effet de l'action de son Esprit en vous. Cédez donc à cette attraction. Jésus intercède en faveur de ceux qui sont tentés, égarés, sans foi. Il désire les élever jusqu'à lui et devenir leur compagnon. "Si tu le cherches, il se laissera trouver par toi." 1 Chroniques 28:9. HCQ 107 2 "Frappez." Nous sommes tout particulièrement invités à venir à Dieu, qui nous attend patiemment pour nous accueillir en sa présence. Les premiers disciples de Jésus ne se contentèrent pas d'une conversation hâtive avec lui; chemin faisant, ils lui dirent: "Rabbi, où demeures-tu? [...] Ils allèrent, et ils virent où il demeurait; et ils restèrent avec lui ce jour-là." Jean 1:38, 39. De même, nous pouvons, nous aussi, être admis dans une communion intime et étroite avec Dieu. "Celui qui demeure sous l'abri du Très-Haut repose à l'ombre du Tout-Puissant." Psaumes 91:1. Que ceux qui recherchent la bénédiction de Dieu frappent à la porte de la grâce et attendent avec assurance en disant: "Tu as dit, Seigneur, que quiconque demande reçoit, que celui qui cherche trouve, et qu'on ouvre à celui qui frappe." HCQ 107 3 Regardant la foule assemblée pour entendre ses paroles, et désirant vivement lui faire apprécier la miséricorde et l'amour de Dieu, Jésus prend pour exemple un enfant qui, ayant faim, demande du pain à son père. "Lequel de vous, dit-il, donnera une pierre à son fils, s'il lui demande du pain?" Puis, s'appuyant sur les sentiments très forts qui unissent parents et enfants, il continue: "Si donc, méchants comme vous l'êtes, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, à combien plus forte raison votre Père qui est dans les cieux donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui les lui demandent." Aucun père ne se détournerait de son fils affamé. Se moquerait-il de ce fils, le torturerait-il en excitant son appétit avec l'intention de tromper son attente? Lui promettrait-il de bons aliments pour ne lui donner qu'une pierre? Qui donc oserait offenser Dieu en pensant qu'il puisse rester sourd aux appels de ses enfants? HCQ 108 1 "Si donc, méchants comme vous l'êtes, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, à combien plus forte raison le Père céleste donnera-t-il le Saint-Esprit à ceux qui le lui demandent." Luc 11:13. Le Saint-Esprit -- le représentant de Dieu -- constitue le plus grand de tous les dons. Toutes les "bonnes choses" sont comprises dans ce don. Le Créateur lui-même ne peut rien nous donner de plus grand ni de meilleur. Quand nous supplions Dieu d'avoir pitié de notre détresse et de nous guider par son Saint-Esprit, il ne rejette jamais notre prière. Un père pourrait peut-être rester insensible aux besoins de son enfant, mais Dieu, lui, n'est jamais sourd aux appels d'un coeur indigent ou malheureux qui s'attend à lui. Avec quelle merveilleuse tendresse n'a-t-il pas affirmé son amour! Voici le message qu'il adresse à tous ceux qui, aux jours sombres, se croient abandonnés: "Sion disait: l'Éternel m'abandonne, le Seigneur m'oublie! -- Une femme oublie-t-elle l'enfant qu'elle allaite? N'a-t-elle pas pitié du fruit de ses entrailles? Quand elle l'oublierait, moi je ne t'oublierai pas. En effet, je t'ai gravée sur mes mains." Ésaïe 49:14-16. HCQ 108 2 Chaque promesse de la Parole de Dieu repose sur un serment de Yahveh et nous invite à la prière. Mais quelle que soit la bénédiction dont nous ayons besoin, demandons-la au nom de Jésus. Simplement, comme le ferait un enfant, nous pouvons dire au Seigneur précisément ce qu'il nous faut. Nous pouvons lui exprimer nos besoins temporels: la nourriture et le vêtement, aussi bien que nos besoins spirituels, qui sont le Pain de vie et le vêtement de la justice du Christ. Notre Père céleste sachant que tout cela nous est nécessaire nous invite à nous adresser à lui au nom de Jésus. Car, pour honorer ce nom, il puisera dans son infinie richesse et nous donnera tout ce qui nous est utile. HCQ 108 3 Mais n'oublions pas que si nous venons à Dieu comme à un père c'est que nous reconnaissons être son enfant, et que non seulement nous faisons confiance à sa bonté, mais que nous acceptons d'accomplir sa volonté en toutes choses, nous consacrant nous-mêmes à son service. C'est à ceux auxquels il a recommandé de chercher d'abord le royaume de Dieu et sa justice que Jésus dit: "Demandez et vous recevrez." HCQ 108 4 Les dons de celui qui possède toute-puissance dans les cieux et sur la terre sont à la disposition de ses enfants. Ils ont une valeur inestimable puisqu'ils nous ont été acquis par le sang précieux du Rédempteur, et ils sont éternels. Répondant aux besoins les plus profonds et les plus ardents du coeur, ils seront le joyeux partage de tous ceux qui viennent au Père comme de petits enfants. Approprions-nous les promesses de Dieu; présentons-les lui comme étant ses propres paroles et nous connaîtrons une joie parfaite. "Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le de même pour eux." HCQ 109 1 La certitude que Dieu nous aime nous oblige à nous aimer les uns les autres. Cet amour mutuel, nous dit Jésus, est le grand principe qui doit présider aux relations humaines. HCQ 109 2 Les Juifs comptaient recevoir divers avantages sous le règne du Messie. Leur souci suprême était de s'assurer la puissance, les égards et les hommages auxquels ils pensaient avoir droit. Mais le Christ nous montre, par ces paroles, que le but de nos préoccupations ne devrait pas être de savoir ce que nous devons recevoir, mais ce que nous pouvons donner. Nos obligations envers autrui sont précisément celles que nous estimons être les leurs à notre égard. HCQ 109 3 Dans nos rapports avec nos semblables, nous devons nous mettre à leur place, essayer de comprendre leurs sentiments, leurs difficultés, leurs déceptions, leurs joies et leurs douleurs. Nous devons nous identifier à eux et les traiter comme nous aimerions l'être si nous étions dans leur situation. Voilà l'essence même de l'honnêteté. C'est un autre aspect du commandement: "Tu aimeras ton prochain comme toi-même." Et c'est aussi le résumé de l'enseignement des prophètes. C'est un principe divin qui se sera développé dans tous ceux qui seront admis à jouir de la société des êtres célestes. HCQ 109 4 Cette règle d'or est le fondement même de la véritable courtoisie et c'est dans la vie et dans le caractère de Jésus qu'elle a été le mieux illustrée. Oh! Quels rayons de tendresse et de bonté émanaient de la vie quotidienne de notre Sauveur! Quelle douceur procurait sa présence! Ses enfants manifesteront le même esprit. Ceux en qui Jésus demeure vivront dans son atmosphère. Le vêtement blanc de leur pureté exhalera les parfums du jardin de l'Éternel. Leur visage resplendira de son éclat et illuminera le chemin des âmes lassées et chancelantes. HCQ 110 1 Celui qui a saisi en quoi consiste la perfection idéale du caractère ne manquera jamais de témoigner autour de lui la sympathie et la tendresse du Christ. L'influence de la grâce doit attendrir le coeur, affiner et purifier les sentiments et communiquer un sens élevé de la délicatesse et de la bienséance. HCQ 110 2 Mais la règle d'or a une portée encore plus étendue. Quiconque est devenu dispensateur de la grâce de Dieu doit la partager avec les âmes qui sont dans l'ignorance et les ténèbres, comme il aimerait que les autres le fissent, s'il se trouvait dans leur cas. L'apôtre Paul déclare: "Je me dois aux Grecs et aux barbares, aux savants et aux ignorants." Romains 1:14. Considérez tout ce que vous devez à l'amour, à la richesse de la grâce de Dieu et comprenez quelles sont vos obligations à l'égard des âmes enténébrées et avilies. HCQ 110 3 Il en est de même en ce qui concerne les dons et les avantages matériels. Tout ce que nous possédons de plus que nos semblables nous donne un devoir à l'égard des moins favorisés. Si nous sommes riches ou seulement aisés, nous sommes dans l'obligation solennelle de prendre soin de ceux qui souffrent, de la veuve et de l'orphelin, et cela de la manière même dont nous aimerions être traités si nous étions à leur place. HCQ 110 4 La règle d'or rejoint ici la même vérité enseignée dans le Sermon sur la montagne: "On vous mesurera avec la mesure dont vous mesurez." Tout ce que nous faisons à autrui, soit en bien, soit en mal, rejaillira inévitablement sur nous en bénédiction ou en malédiction. Nous retrouverons tout ce que nous donnons. Les biens terrestres que nous partageons avec nos semblables nous sont même souvent rendus sous une forme tangible. Nous recevons fréquemment dans un moment difficile bien plus que le quadruple de ce que nous avons donné. Mais si nous sommes, dès ici-bas, récompensés de nos bienfaits, c'est surtout par le sentiment toujours plus intime et profond de l'amour de Dieu, qui réunit en lui toutes les gloires et tous les trésors du ciel. HCQ 110 5 Mais le mal que nous avons commis nous revient de la même façon. Quiconque se permet de condamner ou de décourager quelqu'un passera lui aussi par le découragement. À son tour, il éprouvera ce que d'autres ont souffert à cause de son manque de sympathie ou de tendresse. HCQ 111 1 C'est l'amour de Dieu qui en a ainsi décidé. Il désire nous amener à haïr la dureté de nos coeurs, afin que nous les ouvrions tout grands pour que Jésus y habite. Et c'est ainsi que du mal sort le bien et que ce qui semblait une malédiction devient une bénédiction. HCQ 111 2 L'idéal de la règle d'or est, en réalité, celui du christianisme lui-même. Tout ce qui ne l'atteint pas n'est que vanité et mensonge. Une religion qui nous permettrait de mépriser nos semblables quand Jésus les a estimés assez précieux pour leur donner sa vie, ou de rester indifférents devant leurs besoins, leurs souffrances ou leurs droits matériels, serait une religion inconséquente. HCQ 111 3 En dédaignant les appels de ceux qui se débattent dans la misère, la douleur ou le péché, nous trahissons le Sauveur. C'est parce que les hommes portent le nom du Christ tout en reniant son caractère par leur conduite, que le christianisme a si peu de puissance dans le monde et que ce nom est blasphémé. HCQ 111 4 Il est écrit de l'Église apostolique, aux jours radieux où la gloire du Sauveur ressuscité resplendissait sur elle: "Nul ne disait que ses biens lui appartinssent en propre." "Il n'y avait parmi eux aucun indigent." "Les apôtres rendaient avec beaucoup de force témoignage de la résurrection du Seigneur Jésus. Et une grande grâce reposait sur eux tous." "Ils étaient chaque jour tous ensemble assidus au temple, ils rompaient le pain dans les maisons, et prenaient leur nourriture avec joie et simplicité de coeur, louant Dieu, et trouvant grâce auprès de tout le peuple. Et le Seigneur ajoutait chaque jour à l'Église ceux qui étaient sauvés." Actes 4:32-34; 2:46, 47. HCQ 111 5 Parcourez le ciel et la terre, vous n'y trouverez aucune vérité qui soit révélée avec plus de puissance que ce ministère de charité en faveur de ceux qui ont besoin de notre sympathie et de notre aide. Jésus, d'ailleurs, en était la personnification. Lorsque ceux qui professent le nom du Christ mettront en pratique les principes de cette règle d'or, la puissance même des temps apostoliques accompagnera la prédication de l'Évangile. "Étroite est la porte, resserré le chemin qui mène à la vie." HCQ 112 1 Au temps du Christ, les habitants de la Palestine vivaient dans des villes fortifiées situées, la plupart du temps, sur une colline ou sur une hauteur. Les portes en étaient fermées au coucher du soleil, et le voyageur qui rentrait vers le soir devait, pour arriver avant la tombée de la nuit, presser le pas, en gravissant des chemins escarpés et rocailleux. Les retardataires restaient dehors. HCQ 112 2 Ces sentiers raboteux qui conduisaient au foyer et au repos fournirent à Jésus une image saisissante de la route du chrétien. Le chemin que j'ai placé devant vous, dit-il, est étroit et l'entrée difficile, car la règle d'or en interdit l'accès à tous ceux qui sont encore sujets à l'orgueil ou à l'égoïsme. Il existe bien, en vérité, une route plus large, mais elle mène à la perdition. Si vous consentez à gravir le sentier de la vie spirituelle, vous vous élèverez sans cesse, car il monte, mais vous serez avec le petit nombre, car la multitude suit le chemin qui descend. HCQ 112 3 La route qui mène à la mort est assez large pour que l'humanité y chemine avec son esprit mondain et intéressé, son orgueil, son improbité et sa déchéance morale. Toutes les opinions et les doctrines humaines y ont leur place. On peut y suivre ses propres inclinations et satisfaire les exigences de son égoïsme. Inutile de chercher longuement sa route, car la porte est large, le chemin spacieux, et c'est naturellement que les pas s'y engagent. HCQ 112 4 Mais le chemin qui mène à la vie est resserré et la porte en est étroite. Si vous entretenez quelque péché secret, vous vous apercevrez que l'entrée est trop exiguë pour vous et lui. Si vous voulez suivre le chemin du Seigneur, il vous faudra abandonner vos propres goûts, vos désirs et vos mauvaises habitudes. Celui qui veut servir le Christ ne peut se conformer aux principes du monde, ni vivre en prenant celui-ci comme modèle. Le chemin du ciel est trop étroit pour que l'on puisse s'y encombrer de richesses ou de titres ou pour y entretenir des ambitions égoïstes; il est trop raide et trop pierreux aussi pour ceux que l'effort rebute. Les fatigues, la douceur et la patience, le renoncement personnel, la pauvreté, l'opposition et l'opprobre, telle fut la part du Seigneur et telle doit être aussi la nôtre si nous voulons entrer dans le paradis de Dieu. HCQ 113 1 N'allons pas, cependant, en conclure que le chemin qui monte est pénible et que celui qui descend est agréable. La route qui mène à la mort est semée de souffrances, de châtiments, de chagrins et de déceptions qui sont autant d'invitations à revenir en arrière. HCQ 113 2 L'amour de Dieu a voulu rendre le chemin de la destruction pénible aux insouciants et aux entêtés. Il est vrai que le chemin de Satan paraît séduisant, mais ce n'est qu'une illusion, car il abonde en remords amers et en soucis dévorants. Le monde et ses ambitions peuvent exercer un certain attrait sur nous, mais ils n'apportent, en fin de compte, que douleurs et chagrins. Des projets intéressés et personnels peuvent offrir des perspectives flatteuses à notre amour-propre ou nous donner l'espoir de certaines jouissances, mais nous aurons tôt fait de découvrir que notre bonheur est empoisonné et qu'en réalité l'égoïsme remplit la vie d'amertume. Le chemin qui descend est peut-être couvert de fleurs à son début, il n'en cache pas moins beaucoup d'épines. L'éclat des illusions qui brille à l'entrée s'éteint bientôt pour faire place aux ténèbres du désespoir; et l'âme qui suit ce sentier s'enfonce toujours plus dans les ombres d'une nuit sans fin. HCQ 113 3 Salomon nous dit: "La voie des perfides est rude", mais les voies de la sagesse "sont des voies agréables, et tous ses sentiers sont paisibles". Proverbes 13:15; 3:17. Chaque acte d'obéissance au Christ ou de renoncement personnel accompli en son nom, chaque tentation vaincue marque un pas en avant vers la gloire de la victoire finale. Si nous prenons Jésus-Christ comme guide, il nous conduira en sûreté. Le plus grand des pécheurs peut trouver la bonne route. Tous ceux qui cherchent en tremblant peuvent marcher dans la lumière sainte et pure sans craindre de tomber. Bien que le sentier soit si étroit, si saint que le péché ne puisse y être admis, l'accès en est cependant ouvert à tous et aucune âme, quelle que soit sa faiblesse ou la crainte qui puisse l'étreindre, ne peut dire: "Dieu ne se soucie pas de moi." HCQ 113 4 Le chemin sera peut-être rude, bordé de précipices à droite et à gauche, et l'ascension pénible. Harassés, soupirant après le repos, nous plierons parfois sous le poids de la fatigue. Mais, avec Jésus, nous pourrons poursuivre la lutte; il renouvellera notre courage, nous servira de guide et nous mènera sûrement au but. Il a lui-même parcouru ce sentier avant nous et en a aplani pour nous tous les obstacles. HCQ 114 1 D'ailleurs, tout le long de la montée abrupte qui conduit à la vie éternelle se trouvent des sources de joie pour rafraîchir les pèlerins lassés. En dépit de nombreuses tribulations, ceux qui marchent dans les sentiers de la sagesse sont débordants de joie, car celui qu'aime leur âme chemine, invisible, tout près d'eux. Si la côte devient plus escarpée, ils discernent mieux le réconfort de sa présence. À chaque pas en avant, les rayons de gloire de l'lnvisible illuminent davantage leur sentier, et leurs chants de louange montent toujours plus haut, pour se confondre avec les cantiques des anges qui se tiennent devant le trône. "Le sentier des justes est comme la lumière resplendissante, dont l'éclat va croissant jusqu'au milieu du jour." Proverbes 4:18. "Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite." HCQ 114 2 Le voyageur attardé qui se hâtait d'arriver avant le coucher du soleil aux portes de la ville ne pouvait se laisser distraire par quoi que ce fût le long du chemin. Toute son attention était concentrée sur ce seul but: passer la porte. La vie chrétienne, nous dit Jésus, exige une même constance opiniâtre. Je vous ai montré la splendeur du caractère qui constitue, en réalité, la gloire de mon royaume. Elle ne vous assure aucune puissance terrestre et cependant elle est digne de vos aspirations les plus ardentes et de vos efforts les plus énergiques et les plus tenaces. Je ne vous demande pas de combattre pour la suprématie d'un grand empire de ce monde; mais n'en concluez pas qu'il n'y aura pas de batailles à livrer ni de victoires à remporter car, pour entrer dans mon royaume spirituel, vous devrez vous battre, peut-être même jusqu'à la mort. HCQ 114 3 La vie chrétienne est à la fois une marche et un combat; mais ce n'est pas la puissance humaine qui peut rendre victorieux. C'est dans le domaine du coeur qu'a lieu cette lutte, la plus grande qu'ait jamais soutenue un homme et qui a pour but la soumission personnelle à la volonté de Dieu et à la souveraineté de son amour. "Le vieil homme", né du sang et par la volonté de la chair, ne peut hériter du royaume de Dieu, il doit abandonner ses goûts héréditaires et ses anciennes habitudes. HCQ 115 1 Celui qui décide d'entrer dans ce royaume spirituel s'apercevra bientôt que, liguées contre lui, les forces et les passions de sa nature déchue sont soutenues par la puissance du royaume des ténèbres. Il doit s'attendre à voir l'égoïsme et l'orgueil se dresser contre tout ce qui pourrait lui en dévoiler la laideur. Livrés à nous-mêmes nous ne pouvons ni surmonter nos mauvais désirs et nos habitudes pernicieuses, ni vaincre l'ennemi puissant qui nous retient en servitude. Dieu seul peut nous donner la victoire. Il désire que nous soyons maîtres de nous-mêmes, de notre volonté et de nos goûts, mais il ne peut agir en nous sans notre consentement ni notre concours. L'Esprit divin opère par le moyen des facultés et des énergies qui nous ont été données et toutes nos forces doivent collaborer avec Dieu. HCQ 115 2 Pas de victoire possible sans la prière constante et sincère, sans l'humilité et la défiance de soi. Notre volonté ne sera pas contrainte à collaborer avec les agents divins: elle devra le faire librement. Si l'influence du Saint- Esprit nous était imposée avec une puissance cent fois plus grande, nous n'en deviendrions pas de meilleurs chrétiens et le pouvoir de Satan sur nous n'en serait pas brisé. Notre volonté doit se mettre du même côté que celle de Dieu. Nous ne pouvons de nous-mêmes soumettre nos intentions, nos désirs, nos inclinations à cette volonté: mais nous pouvons souhaiter être rendus capables de vouloir le faire. Alors Dieu accomplira son oeuvre en nous, au point d'amener "toute pensée captive à l'obéissance de Christ". Alors nous travaillerons "à notre salut avec crainte et tremblement [...] car c'est Dieu qui produira en nous, selon son bon plaisir, le vouloir et le faire". 2 Corinthiens 10:5; Philippiens 2:12, 13. HCQ 115 3 Un grand nombre d'hommes, attirés par la beauté du Christ et la gloire du ciel, reculent devant les conditions nécessaires pour les posséder. Nombreux sont ceux qui, engagés dans le chemin large, et déçus, voudraient briser l'esclavage du péché et s'opposer au mal par leurs propres forces. Leurs regards se tournent tristement vers la porte étroite; mais les plaisirs égoïstes, l'amour du monde, l'orgueil et les ambitions profanes dressent une barrière entre eux et leur Sauveur. Le renoncement à leur propre volonté, à leurs entreprises favorites, demande un sacrifice devant lequel ils hésitent et faiblissent. Finalement, ils retournent en arrière. "Beaucoup chercheront à entrer, et ne le pourront pas." Ils désirent faire le bien, font certains efforts dans ce but, mais ne persévèrent pas parce qu'ils ne veulent pas y mettre le prix nécessaire. HCQ 116 1 Notre seul espoir de victoire consiste à unir notre volonté à celle de Dieu et à travailler en communion avec lui heure après heure, et jour après jour. Nous ne pouvons laisser notre égoïsme dominer en nous et entrer quand même dans le royaume de Dieu. Si nous voulons atteindre à la sainteté, nous devons renoncer à nous-mêmes, nous pénétrer de la pensée et des sentiments du Christ. L'orgueil et la suffisance doivent être crucifiés. Sommes-nous disposés à accepter ces conditions? Voulons-nous que notre volonté s'harmonise avec celle du Seigneur? Tant que nous nous y refuserons, la grâce régénératrice de Dieu ne pourra se manifester en nous. HCQ 116 2 La lutte que nous devons soutenir est "le bon combat de la foi". "C'est à quoi je travaille, s'écrie l'apôtre Paul, en combattant avec sa force, qui agit puissamment en moi." Colossiens 1:29. HCQ 116 3 Au moment de la grande crise de sa vie, Jacob se retira à l'écart pour prier. Il était pénétré d'un idéal qui le dominait: la transformation de son caractère. Mais tandis qu'il luttait avec Dieu, un ennemi, pensait-il, vint poser sa main sur lui et, toute la nuit, il dut combattre corps à corps pour sauver sa vie, mais sa volonté ne faiblit pas un seul instant. Il était sur le point de succomber à l'épuisement quand l'ange manifesta sa puissance divine en lui déboîtant la hanche. Alors Jacob comprit avec qui il avait lutté. Blessé et sans force, il s'écroula sur la poitrine du Sauveur, implorant sa bénédiction. Il ne voulut pas se détourner du Christ, ni cesser de le supplier et celui-ci exauça la prière de cette âme accablée et repentante. Le cri éploré de Jacob: "Je ne te laisserai pas partir si tu ne me bénis pas" (Genèse 32:26), lui fut inspiré par le lutteur invisible, qui changea son nom de Jacob en celui d'Israël, en disant: "Car tu as lutté avec Dieu et avec des hommes, et tu as été vainqueur." Genèse 32:28. Par le renoncement à soi-même et par une foi ferme, Jacob obtint enfin ce pour quoi il avait pendant si longtemps lutté. "La victoire qui triomphe du monde, c'est notre foi." 1 Jean 5:4. "Gardez-vous des faux prophètes." HCQ 117 1 De faux docteurs se présenteront pour vous détourner du chemin resserré et de la porte étroite. Gardez-vous d'eux. Quoique cachés sous des vêtements de brebis, ils ne sont en réalité que des loups ravisseurs. Jésus indique le moyen de les identifier. "Vous les reconnaîtrez à leurs fruits. Cueille-t-on des raisins sur des épines, ou des figues sur des chardons?" HCQ 117 2 Ce n'est pas sur de belles paroles ni même sur une profession de foi que nous sommes appelés à les juger, mais en les confrontant avec la Parole de Dieu: "A la loi et au témoignage! Si l'on ne parle pas ainsi, il n'y aura pas d'aurore pour le peuple." Ésaïe 8:20. "Cesse, mon fils, d'écouter l'instruction, si c'est pour t'éloigner des paroles de la sagesse." Proverbes 19:27. Quel message ces maîtres apportent-ils? Nous invitent-ils à révérer et à craindre Dieu? À lui prouver notre amour par notre fidélité à ses commandements? Ou, au contraire, s'affranchissent-ils de l'autorité de la loi morale? Traitent-ils à la légère les préceptes de Dieu? Transgressent-ils, ne serait-ce qu'un des plus petits commandements de sa loi et enseignent-ils aux autres à faire de même? Dans ce dernier cas, le ciel ne peut les approuver et nous pourrons reconnaître que leurs prétentions sont sans fondement. Ils accomplissent, en réalité, l'oeuvre du prince des ténèbres, l'ennemi de Dieu. HCQ 117 3 Tous ceux qui se réclament du nom du Christ ou qui portent sa livrée ne lui appartiennent pas d'office. Nombreux sont ceux, dit Jésus, qui auront enseigné en mon nom et qui, pourtant, à la fin, seront trouvés trop légers. "Plusieurs me diront en ce jour-là: Seigneur, Seigneur, n'avons-nous pas prophétisé par ton nom? N'avons-nous pas chassé les démons par ton nom? et n'avonsnous pas fait beaucoup de miracles par ton nom? Alors je leur dirai ouvertement: Je ne vous ai jamais connus, retirez-vous de moi, vous qui commettez l'iniquité." HCQ 117 4 D'aucuns croient être dans la vérité alors qu'ils sont dans l'erreur. Tout en revendiquant le Christ comme leur Seigneur et tout en faisant publiquement de grandes choses en son nom, ils sont des ouvriers d'iniquité. "Ils écoutent tes paroles, mais ils ne les mettent pas en pratique, car leur bouche en fait un sujet de moquerie, et leur coeur se livre à la cupidité." Mais la Parole de Dieu est pour eux "comme un chanteur agréable, possédant une belle voix, et habile dans la musique. Ils écoutent tes paroles, mais ils ne les mettent pas en pratique." Ezéchiel 33:31, 32. HCQ 118 1 Une simple adhésion de principe est sans valeur en elle-même. Beaucoup donnent de la foi salvatrice en Jésus une impression trompeuse. "Croyez, croyez, disent-ils, et vous ne serez plus dans l'obligation d'observer la loi." Mais toute croyance qui ne conduit pas à l'obéissance n'est que présomption. L'apôtre Jean dit: "Celui qui dit: Je l'ai connu, et qui ne garde pas ses commandements, est un menteur, et la vérité n'est pas en lui." 1 Jean 2:4. Que nul ne s'imagine que des interventions providentielles ou des manifestations miraculeuses prouvent l'authenticité de ses opinions ou de ses oeuvres. Lorsque d'aucuns parlent avec légèreté de la Parole de Dieu et mettent leurs impressions, leurs sentiments ou leur conduite au-dessus de l'idéal divin, nous pouvons en conclure que la lumière n'est pas en eux. HCQ 118 2 L'obéissance est le critère d'une religion. C'est notre fidélité dans l'observation des commandements de Dieu qui prouve la sincérité de notre amour. Lorsque la doctrine que nous avons acceptée nous aide à vaincre le péché, nous purifie et porte en nous les fruits de la sainteté, nous pouvons avoir la certitude qu'elle vient de Dieu. Quand notre vie respirera la générosité, la bonté, la tendresse, la sympathie, quand notre coeur se réjouira de faire le bien, quand nous chercherons la gloire du Christ et non la nôtre, alors nous saurons que notre foi est authentique. "Si nous gardons ses commandements, par là nous savons que nous l'avons connu." 1 Jean 2:3. "Elle n'est point tombée, parce qu'elle était fondée sur le roc." HCQ 118 3 Les paroles de Jésus avaient profondément remué la foule de ses auditeurs. La divine beauté des principes de la vérité les attirait et les avertissements solennels du Maître résonnaient à leurs oreilles comme la voix du Dieu qui sonde les coeurs. Ses paroles avaient atteint la source même de leurs pensées et de leurs sentiments, mais, pour obéir à ses enseignements, ils devaient réformer leurs manières de voir et d'agir. Il leur fallait entrer en conflit avec leurs chefs religieux et l'édifice élevé par les rabbins au cours des siècles s'en serait trouvé ébranlé. Aussi, bien que le coeur du peuple répondît aux paroles du Maître, peu se trouvèrent prêts à se laisser guider par lui. HCQ 119 1 Jésus termina le Sermon sur la montagne par une image qui illustrait de façon éclatante l'importance qu'il attachait à la mise en pratique de ses paroles. Dans la foule qui entourait le Sauveur, nombreux étaient ceux qui avaient passé leur vie au bord de la mer de Galilée. Et, tandis qu'assis sur le plateau ils écoutaient ses paroles, ils pouvaient voir les vallées et les gorges par lesquelles les torrents descendaient jusqu'à la mer. Bien souvent ceux-ci, pendant l'été, tarissaient et leur lit devenait sec et poussiéreux. Mais, lorsque les pluies abondantes de l'hiver tombaient sur les montagnes, ils redevenaient impétueux et violents, débordaient parfois de leur lit, inondaient les vallées et dévastaient tout sur leur passage. Souvent, même, les cabanes construites par les paysans dans les prairies, en des endroits apparemment à l'abri du danger, étaient balayées par les flots en furie. En revanche, sur les collines se trouvaient des maisons bâties sur le roc: certaines étaient même construites entièrement en pierre et un grand nombre d'entre elles avaient résisté, pendant plus de dix siècles, aux éléments déchaînés. Elles avaient été élevées avec beaucoup de peine et de difficultés. On n'y accédait pas facilement et leur emplacement même les faisait paraître moins attrayantes que celles de la prairie; mais, bâties sur le roc, elles résistaient au vent, aux inondations et aux orages qui déferlaient sur elles. HCQ 119 2 Celui qui écoute mes paroles et les accepte pour normes de sa vie et de son caractère est semblable, dit Jésus, à celui qui construit sa maison sur le roc. Des siècles auparavant, le prophète Ésaïe avait écrit: "La parole de notre Dieu subsiste éternellement." Ésaïe 40:8. En citant ces paroles, longtemps après le Sermon sur la montagne, l'apôtre Pierre ajoute: "Cette parole est celle qui vous a été annoncée par l'Évangile." 1 Pierre 1:25. La Parole de Dieu est la seule chose qui soit immuable en ce monde. Elle est le fondement sûr. "Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point." Matthieu 24:35. HCQ 119 3 Les grands principes de la loi, qui sont ceux de la véritable nature de Dieu, sont résumés et concrétisés dans les déclarations du Sauveur sur la montagne. Quiconque bâtit sur elles bâtit sur le Christ, le Rocher des siècles. En acceptant la Parole, nous acceptons le Christ. Seuls ceux qui l'écoutent et la vivent construisent sur lui. "Car personne ne peut poser un autre fondement que celui qui a été posé, savoir Jésus-Christ." 1 Corinthiens 3:11. "Il n'y a sous le ciel aucun autre nom qui ait été donné parmi les hommes, par lequel nous devions être sauvés." Actes 4:12. HCQ 120 1 Le Christ, la Parole, en qui Dieu révéla sa nature, sa loi, son amour et sa vie est le seul fondement sur lequel nous puissions édifier un caractère inébranlable. HCQ 120 2 Nous bâtissons sur le Christ quand nous obéissons à sa Parole. Le véritable juste n'est pas celui qui se contente d'aimer la justice, mais celui qui la pratique. La sainteté n'est pas une extase, elle est le résultat d'un abandon total à Dieu et de l'accomplissement de sa volonté. Lorsque les enfants d'Israël campaient à l'entrée de la terre promise, il ne leur suffisait pas de connaître le pays de Canaan et de chanter. Cela ne pouvait les faire entrer en possession des vignes et des oliviers de ce merveilleux pays. Celui-ci ne tomba entre leurs mains que lorsqu'ils l'occupèrent, par l'exercice d'une foi vivante en Dieu, s'appropriant ses promesses et obéissant à ses instructions. HCQ 120 3 La véritable religion consiste à mettre en pratique les paroles du Sauveur, non pas en vue de s'attirer la faveur de Dieu, mais parce que, malgré notre indignité, nous avons reçu et accepté le don de son amour. Le Christ ne fait pas dépendre le salut d'un homme de ses prétentions, mais de la foi qu'il manifeste par ses oeuvres. Des actes, non seulement des paroles, voilà ce que Jésus demande à ses disciples. C'est dans l'action que l'on forme son caractère. "Tous ceux qui sont conduits par l'Esprit de Dieu sont fils de Dieu." Romains 8:14. Non pas ceux dont le coeur, touché par cet Esprit, ne cède que de temps en temps à sa puissance, mais ceux dont tous les actes sont inspirés par lui. HCQ 120 4 Êtes-vous de ceux qui désirent devenir disciples du Christ mais ne savent comment s'approcher de lui? Êtes-vous dans les ténèbres, ignorant où trouver la lumière? Suivez celle que vous possédez. Prenez à coeur d'obéir à ce que vous connaissez de la Parole de Dieu, qui renferme puissance et vie. Dans la mesure où vous recevrez cette Parole avec foi, elle vous donnera la force d'obéir. Si vous accueillez la lumière qui vous est envoyée, des rayons plus puissants viendront éclairer votre route. Ainsi vous bâtirez sur la Parole de Dieu et votre caractère deviendra semblable à celui du Sauveur. HCQ 121 1 Le Christ, le fondement véritable, est une pierre vivante; il donne la vie à tous ceux qui construisent sur lui. "Et vous-mêmes, comme des pierres vivantes, édifiez-vous pour former une maison spirituelle." 1 Pierre 2:5. "En lui tout l'édifice, bien coordonné, s'élève pour être un temple saint dans le Seigneur." Ephésiens 2:21. Ses pierres et le divin fondement sur lequel elles sont édifiées forment un tout, car une même vie les anime. Aucune tempête ne pourra renverser un tel édifice, tandis que toute construction érigée sur un fondement autre que la Parole de Dieu s'écroulera. HCQ 121 2 Celui qui, semblable aux Juifs de l'époque de Jésus, veut établir sa foi sur des idées ou des sentiments purement humains, sur des rites, des cérémonies inventés par les hommes ou sur des oeuvres accomplies sans la grâce du Christ, celui-là édifie son caractère sur des sables mouvants. Les ouragans de la tentation balayeront les fondements sablonneux et jetteront la maison comme une épave sur les rives du temps. HCQ 121 3 "C'est pourquoi ainsi parle le Seigneur, Yahveh: Je ferai de la droiture une règle, et de la justice un niveau; et la grêle emportera le refuge de la fausseté, et les eaux inonderont l'abri du mensonge." Ésaïe 28:16, 17. HCQ 121 4 Mais aujourd'hui encore la grâce est offerte au pécheur. "Je suis vivant! dit le Seigneur, l'Éternel, ce que je désire, ce n'est pas que le méchant meure, c'est qu'il change de conduite et qu'il vive. Revenez, revenez de votre mauvaise voie; et pourquoi mourriez-vous, maison d'Israël?" Ezéchiel 33:11. La voix qui aujourd'hui s'adresse au pécheur est celle de celui qui, dans son angoisse, s'écria, tandis qu'il considérait la ville bien-aimée: "Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes et qui lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants, comme une poule rassemble sa couvée sous ses ailes, et vous ne l'avez pas voulu!" Luc 13:31, 35. En Jérusalem, Jésus voyait un symbole du monde qui avait rejeté et méprisé sa grâce. C'est pour nous, coeurs obstinés, qu'il versait des larmes! Au moment où il pleurait sur elle, Jérusalem aurait encore pu se repentir et échapper à son malheur. Pendant un court laps de temps, le Fils de Dieu attendit qu'elle l'accueillît. De même, Jésus nous adresse encore les appels de son amour: "Voici, je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui, je souperai avec lui, et lui avec moi." Apocalypse 3:20. "Voici maintenant le temps favorable, voici maintenant le jour du salut." 2 Corinthiens 6:2. HCQ 122 1 Vous qui fondez sur vous-même vos espérances, vous édifiez sur le sable. Mais il n'est pas trop tard pour échapper à la ruine imminente. Avant que n'éclate la tempête, réfugiez-vous sur le fondement sûr. "C'est pourquoi ainsi parle le Seigneur, l'Éternel: Voici, j'ai mis pour fondement en Sion une pierre, une pierre éprouvée, une pierre angulaire de prix, solidement posée; celui qui la prendra pour appui n'aura pas hâte de fuir." Ésaïe 28:16. "Tournez-vous vers moi et vous serez sauvés, vous tous qui êtes aux extrémités de la terre! Car je suis Dieu, et il n'y en a pas d'autre." Ésaïe 45:22. "Ne crains rien, car je suis avec toi, ne promène pas des regards inquiets, car je suis ton Dieu; je te fortifie, je viens à ton secours, je te soutiens de ma droite triomphante." Ésaïe 41:10. "Vous ne serez ni honteux ni confus, jusque dans l'éternité." Ésaïe 45:17. ------------------------L'histoire de la Rédemption HR 9 2 Le triomphe final de l'amour de Dieu HR 11 1 Chapitre 1 -- La chute de Lucifer HR 18 0 Chapitre 2 -- La création HR 21 1 Chapitre 3 -- Conséquences de la rébellion HR 29 0 Chapitre 4 -- La tentation et la chute HR 39 1 Chapitre 5 -- Le plan du salut HR 49 0 Chapitre 6 -- Les offrandes de Caïn et d'Abel HR 54 0 Chapitre 7 -- Seth et Hénok HR 59 0 Chapitre 8 -- Le déluge HR 69 0 Chapitre 9 -- La tour de Babel HR 72 0 Chapitre 10 -- Abraham et la postérité promise HR 81 0 Chapitre 11 -- Le mariage d'Isaac HR 84 0 Chapitre 12 -- Jacob et Esaü HR 91 0 Chapitre 13 -- Jacob et l'ange HR 97 0 Chapitre 14 -- Les enfants d'Israël HR 110 0 Chapitre 15 -- La puissance divine se révèle HR 118 0 Chapitre 16 -- Israël délivré de la servitude HR 125 0 Chapitre 17 -- Les pérégrinations d'Israël HR 136 1 Chapitre 18 -- La loi de Dieu HR 151 0 Chapitre 19 -- Le sanctuaire HR 158 0 Chapitre 20 -- Le compte rendu des espions HR 165 0 Chapitre 21 -- La faute de Moïse HR 171 0 Chapitre 22 -- La mort de Moïse HR 176 0 Chapitre 23 -- L'entrée dans la terre promise HR 184 0 Chapitre 24 -- L'arche de Dieu et les vicissitudes d'Israël HR 198 1 Chapitre 25 -- La première venue du Christ HR 205 1 Chapitre 26 -- Le ministère du Christ HR 211 1 Chapitre 27 -- Jésus trahi par l'un des siens HR 216 1 Chapitre 28 -- Le procès de Jésus HR 224 1 Chapitre 29 -- La crucifixion du Christ HR 234 1 Chapitre 30 -- La résurrection du Christ HR 244 1 Chapitre 31 -- L'ascension du Christ HR 247 0 Chapitre 32 -- La Pentecôte HR 255 0 Chapitre 33 -- La guérison du paralytique HR 261 0 Chapitre 34 -- Fidèles malgré la persécution HR 267 0 Chapitre 35 -- L'Eglise s'organise HR 270 0 Chapitre 36 -- Le martyre d'Etienne HR 276 0 Chapitre 37 -- La conversion de Saul HR 284 0 Chapitre 38 -- Les débuts du ministère de Paul HR 289 0 Chapitre 39 -- Le ministère de Pierre HR 301 0 Chapitre 40 -- Pierre libéré de prison HR 310 0 Chapitre 41 -- Dans les régions lointaines HR 319 1 Chapitre 42 -- Le ministère de Paul HR 324 1 Chapitre 43 -- Le martyre de Paul et de Pierre HR 329 1 Chapitre 44 -- La grande apostasie HR 335 1 Chapitre 45 -- Le mystère de l'iniquité HR 345 1 Chapitre 46 -- Les premiers réformateurs HR 350 1 Chapitre 47 -- Luther et la grande Réforme HR 356 1 Chapitre 48 -- Les progrès de la Réforme HR 363 1 Chapitre 49 -- La Réforme reste en suspens HR 366 1 Chapitre 50 -- Le message du premier ange HR 375 1 Chapitre 51 -- Le message du deuxième ange HR 380 1 Chapitre 52 -- Le cri de minuit HR 386 1 Chapitre 53 -- Le sanctuaire céleste HR 390 1 Chapitre 54 -- Le message du troisième ange HR 396 1 Chapitre 55 -- Un fondement solide HR 399 1 Chapitre 56 -- Les tromperies de Satan HR 405 1 Chapitre 57 -- Le spiritisme HR 412 1 Chapitre 58 -- Le grand cri HR 415 1 Chapitre 59 -- La fin du temps d'épreuve HR 419 1 Chapitre 60 -- Le temps de détresse de Jacob HR 422 1 Chapitre 61 -- La délivrance des saints HR 426 1 Chapitre 62 -- La récompense des saints HR 428 1 Chapitre 63 -- Le millénium HR 431 1 Chapitre 64 -- La seconde résurrection HR 434 1 Chapitre 65 -- Le couronnement du Christ HR 440 1 Chapitre 66 -- La seconde mort HR 443 1 Chapitre 67 -- La nouvelle terre ------------------------Le triomphe final de l'amour de Dieu HR 9 2 Plusieurs politiciens et scientifiques de premier plan nous permettent de garder espoir, mais la plupart des philosophes, des hommes d'état et des ecclésiastiques sont beaucoup moins optimistes. HR 9 3 Existe-t-il des motifs de réconfort et de certitudes? Oui, pour ceux qui, refusant de sombrer dans le désespoir, croient que Dieu connaît certainement la situation difficile dans laquelle se débat notre monde et qu'il changera de façon spectaculaire le cours des événements. Pour de telles personnes, il existe une issue à la conjoncture actuelle. Mais le lecteur trouvera dans ce livre plus que des raisonnements humains pour justifier cette vue optimiste des choses. La foi naîtra dans son coeur à mesure qu'il lira le récit éclairant et puissant de la lutte acharnée que l'humanité mène contre les forces du mal. Ce récit est fondé sur le thème biblique du conflit millénaire qui oppose les forces divines aux armées sataniques dans le but de contrôler la volonté et le destin de l'homme. Cet ouvrage rappelle également l'histoire de la création du genre humain, du péché originel, du pouvoir démoniaque qui a inspiré les guerres, les crimes, les souffrances dont la terre entière a été affligée. Au coeur du livre, la rédemption de l'homme obtenue par Jésus sur la croix est particulièrement mise en lumière. HR 10 1 Chaque page offre une vision de l'histoire que bien peu d'auteurs ont égalée, parmi lesquels il faut mentionner les écrivains sacrés de la Bible. L'histoire de la rédemption est une véritable histoire de guerre -- celle d'un conflit dans lequel Dieu, les démons et l'homme sont impliqués. Elle s'achève par un dénouement glorieux, par la paix et la réhabilitation de tous ceux qui ont suivi Jésus-Christ, le Roi des rois, qui revient triomphant sur la terre. HR 10 2 Les compilateurs de cet ouvrage ont extrait des passages choisis de quatre livres dus à la plume d'Ellen G. White et relatifs à ce thème important. Ces extraits ont été disposés selon l'ordre chronologique des faits qu'ils mentionnent. Le récit couvre tout le champ de l'existence humaine et présente le sujet de façon complète et éclairante. HR 10 3 Chaque minute est précieuse. Le temps passe vite et nous rapproche à grands pas de l'éternité. Quoi qu'il en soit, le lecteur découvrira qu'un brillant avenir est devant nous, car Dieu et les forces du bien remporteront la victoire finale. Les Editeurs ------------------------Chapitre 1 -- La chute de Lucifer HR 11 1 Avant sa rébellion, Lucifer était un ange de haut rang dont le niveau hiérarchique venait aussitôt après celui du Fils bien-aimé de Dieu. Son expression, comme celle des autres anges, était paisible et exprimait le bonheur. Son front haut et large était la marque d'une grande intelligence. Sa forme était parfaite; son attitude noble et majestueuse. Une lumière spéciale émanait de son visage et rayonnait autour de lui, plus vive et plus belle que la lumière des autres anges; de plus, Jésus, le Fils bien-aimé de Dieu, avait la primauté sur tous les anges. Lucifer était jaloux du Christ et peu à peu il assuma le commandement qui revenait à Jésus seul. HR 11 2 Le souverain Créateur convoqua tous les habitants du ciel, afin d'honorer tout particulièrement son Fils en présence de tous les anges. Le Fils était assis sur le trône avec le Père, la multitude céleste des saints anges étant rasssemblée autour d'eux. Le Père fit alors savoir qu'il avait lui-même ordonné que Jésus, son Fils, soit son égal; ainsi, où que son Fils soit présent, le Père était lui-même présent. Il fallait obéir à la parole du Fils comme on obéissait à celle du Père. Il avait conféré à son Fils l'autorité requise pour qu'il prenne la tête des habitants du ciel. Son Fils devait notamment réaliser avec lui la création de la terre et de toute chose vivante qui existerait ici-bas, conformément aux plans de la Providence. Son Fils exécuterait sa volonté et ses desseins, mais ne ferait rien de sa propre initiative. La volonté du Père serait accomplie en Jésus. HR 12 1 Lucifer était jaloux de Jésus-Christ; il l'enviait. Cependant, quand tous les anges se prosternèrent devant Jésus pour reconnaître sa suprématie et son autorité légitime, il s'inclina avec eux; mais son coeur était rempli de haine et d'envie. Le Christ faisait partie du conseil spécial de Dieu concernant ses plans, tandis que Lucifer ne les connaissait pas. Il ne comprenait pas et il ne lui était pas permis de connaître les desseins du Très-Haut. Mais Jésus était le souverain reconnu du ciel; son pouvoir et son autorité étaient comparables au pouvoir et à l'autorité de Dieu lui-même. Lucifer se croyait le préféré parmi les habitants du ciel. Il avait été grandement exalté, mais cela n'avait suscité chez lui ni la reconnaissance ni la louange envers le Créateur. Il aspirait au rang de Dieu lui-même. Il se glorifiait de sa position élevée. Il se savait honoré des anges et avait une mission spéciale à remplir. Ayant été très proche du Tout-Puissant, les rayons incessants de la lumière glorieuse qui entourait le Dieu éternel avaient brillé sur lui. C'est avec plaisir qu'il se rappelait comment les anges avaient obéi à sa parole. Ses vêtements n'étaient-ils pas magnifiques? Pourquoi fallait-il qu'on rende hommage à Jésus plus qu'à lui? HR 12 2 Il quitta la présence immédiate du Père, mécontent et rempli d'envie à l'égard de Jésus-Christ. Dissimulant ses véritables desseins, il rassembla les anges et exposa son sujet: lui-même. Se faisant passer pour une victime, il dit que Dieu lui avait préféré Jésus et l'avait laissé de côté. Satan affirma que c'en était fini désormais de la belle liberté dont les anges avaient joui jusque-là. En effet, un chef n'avait-il pas été nommé pour les diriger et ne faudrait-il pas honorer servilement celui-ci? Il déclara qu'il les avait réunis pour les assurer qu'il ne supporterait plus cette aliénation de ses droits et des leurs, qu'il ne se prosternerait jamais plus devant Jésus, qu'il s'attribuerait l'honneur qui lui revenait et prendrait la tête de tous ceux qui étaient disposés à le suivre et à lui obéir. HR 13 1 Un conflit éclata parmi les anges. Lucifer et ses disciples cherchaient à réformer le gouvernement de Dieu. Ils étaient mécontents et irrités de ce qu'ils ne pouvaient pas pénétrer la sagesse insondable de Dieu ni deviner les desseins qu'il avait formés en exaltant son Fils et en lui conférant un pouvoir illimité. Ils se révoltèrent contre l'autorité de Jésus. HR 13 2 Les anges restés fidèles s'efforcèrent de rallier l'ange puissant et rebelle à la cause de son Créateur. Ils justifièrent la décision de Dieu qui avait conféré les honneurs à Jésus, et, avec force arguments, ils essayèrent de convaincre Lucifer qu'il ne jouissait pas d'un honneur inférieur à celui dont il bénéficiait auparavant. Ils montrèrent clairement que Jéus était le Fils de Dieu, et qu'il avait toujours siégé à la droite du Père. Sa suprématie n'avait jamais encore été mise en doute, et tous les ordres qu'il donnait étaient exécutés avec joie par les anges. Ils déclarèrent que si Jésus recevait un hommage particulier du Père, en présence des anges, cela ne diminuait en rien l'honneur dont Lucifer était entouré jusqu'à présent. Les anges pleurèrent. Ils firent l'impossible pour le convaincre de renoncer à ses mauvais desseins et de se soumettre à leur Créateur. Puisque la paix et l'harmonie avaient régné jusqu'alors, pourquoi la discorde éclaterait-elle maintenant? HR 13 3 Lucifer refusa d'écouter. Il s'éloigna alors des anges restés fidèles en les accusant de se conduire en esclaves. Ceux-ci furent surpris en voyant que Satan réussissait dans ses efforts pour inciter les habitants du ciel à la rébellion. Il leur promit un gouvernement nouveau et meilleur, qui garantirait à chacun sa liberté. De nombreux anges déclarèrent qu'ils étaient décidés à l'accepter pour guide et commandant en chef. Flatté de la faveur avec laquelle ses avances étaient reçues, Lucifer caressa l'espoir que tous les anges se rallieraient à lui, qu'il deviendrait l'égal de Dieu et que sa voix impérieuse se ferait entendre quand il commanderait toute l'armée céleste. Une fois de plus, les anges demeurés fidèles le conjurèrent et lui firent comprendre quelles seraient les conséquences de son entêtement. Celui qui a créé les anges pouvait leur enlever leur autorité et punir sévèrement leur audacieuse et redoutable sédition. Comment imaginer qu'un ange puisse résister à la loi de Dieu qui est aussi sacrée que Dieu lui-même? Les anges fidèles exhortèrent les rebelles à ne pas prêter l'oreille aux arguments trompeurs de Lucifer; ils engagèrent ce dernier et ses partisans à venir en présence de Dieu pour lui confesser leur erreur d'avoir eu seulement l'idée de contester son autorité. HR 14 1 Un grand nombre de dissidents furent disposés à écouter le conseil des anges fidèles; ils devaient se repentir de leur ressentiment et demander à rentrer de nouveau dans la faveur de Dieu et de son Fils. Mais Satan déclara qu'il connaissait bien la loi divine, et que, s'il s'y soumettait d'une manière servile, il serait déshonoré et sa haute mission ne lui serait jamais rendue. Il déclara que lui-même et les anges restés sous sa coupe étaient allés trop loin et qu'il devait en subir les conséquences, car il ne s'inclinerait jamais plus inconditionnellement devant l'autorité du Fils de Dieu. Le Très-Haut ne leur pardonnerait jamais, déclara-t-il, et ils devaient maintenant revendiquer leur liberté et s'emparer par la force des droits qu'on ne leur avait pas accordés de bon gré* HR 15 1 Les anges fidèles s'empressèrent d'aller trouver le Fils de Dieu et l'informèrent de ce qui se passait parmi les anges. Ils trouvèrent le Père en train de conférer avec son Fils bien-aimé pour déterminer les moyens qu'ils emploieraient afin d'ôter définitivement à Satan l'autorité qu'il s'était attribuée. Ils voulaient cela pour le bien des anges restés fidèles. Le Très-Haut aurait pu expulser immédiatement du ciel le grand séducteur, mais tel n'était pas son but. Il voulait donner aux rebelles une occasion de mesurer leur force à celle de son propre Fils et à celle des anges fidèles. Lors de ce combat, chaque ange pourrait ainsi choisir son camp et manifester sa décision devant tous. Il n'était pas sage de permettre à ceux qui avaient fait sécession avec Satan de demeurer dans le ciel. Ils avaient appris ce qu'il en coûte de se révolter contre la loi immuable de Dieu, ce qui était irréparable. Si Dieu avait usé de son pouvoir pour châtier ce chef rebelle, les anges infidèles n'auraient pas eu l'occasion de se manifester sous leur vrai jour. C'est pourquoi le Seigneur décida d'agir d'une autre manière afin de donner à tous les habitants du ciel une preuve évidente de sa justice et de son jugement. La guerre dans le ciel HR 15 2 Se révolter contre le gouvernement de Dieu était un crime de haute trahison. Le ciel tout entier paraissait bouleversé. Les anges étaient répartis en formations distinctes, chaque section ayant à sa tête un ange. Satan s'opposait à la loi de Dieu parce qu'il aspirait à se glorifier et qu'il refusait l'autorité du Fils de Dieu, le commandant en chef du ciel. HR 15 3 Toute l'armée angélique fut convoquée devant le Père, afin que chaque cas fût examiné. Satan exprima avec audace son mécontentement parce qu'on lui avait préféré Jésus. Il se leva avec arrogance et déclara qu'il devait être égal à Dieu et qu'il devait participer à ses conseils afin de comprendre ses desseins. Le Seigneur informa Satan qu'il ne révélerait ses desseins secrets qu'à son Fils et qu'il s'attendait à ce que toute la famille du ciel, y compris Satan, se soumette sans condition à son autorité et lui obéisse. Satan s'était montré indigne d'occuper une place au ciel. Le grand séducteur montrant alors avec un air de triomphe ses sympathisants, qui représentaient presque la moitié des anges, s'exclama: "Ils sont avec moi! Si tu les chasses aussi, le ciel restera presque vide!" Puis il affirma qu'il était prêt à résister à l'autorité de Jésus et à défendre sa place au ciel par sa propre puissance, en mesurant ses forces aux autres forces en présence. HR 16 1 Les bons anges pleurèrent en entendant Satan prononcer ces mots et faire part de ses prétentions inouïes. Le Très-Haut déclara que les rebelles ne pouvaient plus rester au ciel. Ils occupaient leur position élevée et heureuse à condition qu'ils obéissent à la loi que Dieu avait établie pour gouverner les êtres doués d'une intelligence supérieure. Mais rien n'avait été prévu pour ceux qui oseraient la transgresser. Satan s'était enhardi dans sa révolte et avait affiché son mépris pour la loi du Créateur. Elle lui était devenue insupportable. Il prétendait que les anges n'avaient pas besoin de loi, mais qu'il devaient se sentir libres de suivre leur propre volonté, qui les conduirait toujours avec sûreté. La loi mettait un frein à leur liberté et son but principal était de l'abolir. Selon lui, la condition des anges avait besoin d'être améliorée. Telle n'était pas la pensée de Dieu, qui avait promulgué ces lois et les avait rendues égales à lui-même. Le bonheur des habitants du ciel dépendait de leur parfaite obéissance à ces lois. Chacun d'eux avait un rôle particulier à jouer, et jusqu'au jour où Lucifer s'était révolté, l'ordre parfait et l'harmonie régnaient dans le ciel. HR 17 1 Alors, il y eu guerre dans le ciel. Le Fils de Dieu, le Prince du ciel et ses anges fidèles s'engagèrent dans le conflit contre le chef de file des rebelles et ceux qui s'étaient ralliés à lui. Le Fils de Dieu et les bons anges prévalurent et Satan fut chassé du ciel avec sa suite. Tous les habitants du ciel reconnurent le Dieu juste et l'adorèrent. Le ciel ne garda pas la moindre trace de la rébellion. Tout fut de nouveau paisible et harmonieux. Les anges fidèles déplorèrent le sort de ceux qui avaient partagé jusque-là leur bonheur et leur félicité. Leur perte fut vivement ressentie dans le ciel. HR 17 2 Le Père consulta son Fils au sujet de la création de l'homme qui vivrait sur la terre. Le Très-Haut mettrait celui-ci à l'épreuve pour tester sa fidélité avant que l'on puisse le considérer comme définitivement hors de danger. S'il passait avec succès l'épreuve à laquelle le Seigneur jugeait bon de le soumettre, il deviendrait finalement l'égal des anges. Il jouirait de la faveur de Dieu, s'entretiendrait avec eux, et eux avec lui. Le Créateur ne jugea pas à propos de mettre l'homme dans l'impossibilité de désobéir. ------------------------Chapitre 2 -- La création HR 18 0 Ce chapitre est basé sur Genèse 1. HR 18 1 Le Père et le Fils entreprirent l'oeuvre grandiose et admirable qu'ils avaient projetée: la création du monde. Lorsqu'elle sortit des mains de son Créateur, la terre était d'une éclatante beauté. Sa surface était ondulée de montagnes et de collines, parsemée de rivières et de lacs. La terre n'était pas une immense plaine; la monotonie du paysage était rompue par des collines et des montagnes, non pas escarpées et déchiquetées comme de nos jours, mais avec des formes belles et régulières. On n'apercevait pas de rocs saillants et rugueux; ils se trouvaient sous la surface du globe, servant de charpente à la terre. Les eaux étaient convenablement réparties. Les collines, les montagnes et les plaines magnifiques étaient couvertes de plantes, de fleurs et d'arbres majestueux de toute espèce, d'une taille et d'une beauté bien supérieures à celle des arbres que nous voyons aujourd'hui. L'air était pur et sain, et la terre ressemblait à un merveilleux palais. Les anges se réjouissaient en contemplant les oeuvres admirables du Seigneur. HR 18 2 Dès que la terre fut créée et peuplée d'animaux, le Père et le Fils mirent à exécution le dessein qu'ils avaient conçu avant la chute de Lucifer: créer l'homme à leur image. Ils avaient collaboré dans la création de la terre et de toute créature vivante. Alors Dieu dit à son Fils: "Faisons l'homme à notre image". HR 19 1 Quand Adam sortit des mains de son Créateur, il avait une taille élancée et des formes tout à fait harmonieuses. Sa stature était deux fois plus élevée que celle des hommes de la génération actuelle. Ses traits étaient d'une beauté parfaite. Son teint, ni blanc ni livide, était frais et resplendissant de santé. Eve, qui était moins grande qu'Adam, dépassait de peu la hauteur de ses épaules. Elle aussi était belle; ses formes étaient parfaitement harmonieuses et pleines de charme. HR 19 2 Le couple innocent ne portait aucun vêtement artificiel. L'homme et sa femme étaient nimbés comme les anges d'un voile de lumière et de gloire qu'ils conservèrent aussi longtemps qu'ils furent obéissants. Tout ce que Dieu avait fait n'était que beauté et perfection, et rien ne semblait manquer au bonheur du premier couple humain. Mais Dieu voulut donner à Adam et Eve une autre preuve de son grand amour en préparant un jardin qui fût leur demeure particulière. Ils devaient passer une partie de leur temps à cultiver ce jardin avec joie, à recevoir la visite des anges, à écouter leurs instructions et à méditer toujours avec joie. Leur travail n'était pas fatigant mais plaisant et stimulant. Ce jardin magnifique était leur demeure. HR 19 3 Ce paradis contenait des arbres de toutes espèces, beaux et utiles. Certains portaient une grande quantité de fruits succulents, au parfum délicieux. Différente de ce que l'on a pu voir après la chute, la vigne poussait en hauteur et était chargée de fruits aux teintes les plus riches et les plus variées: noirâtre, violet, rouge, rose et vert clair. Ces fruits sur les sarments de vigne furent appelés raisins. Bien qu'ils n'étaient supportés par aucun treillis, et que le poids des grappes faisaient courber les sarments, les fruits ne touchaient pas le sol. La tâche d'Adam et d'Eve consistait à disposer ces sarments en arcades pour en faire des tonnelles, véritables maisons de feuillage chargé de fruits au parfum délicieux. HR 20 1 La terre était recouverte d'un superbe manteau de verdure, et des milliers de fleurs odoriférantes de toutes couleurs poussaient à profusion. Tout respirait le bon goût et la beauté. Au milieu du jardin se dressait l'arbre de vie, dont la gloire éclipsait tous les autres. Son fruit, qui ressemblait à des pommes d'or et d'argent, était destiné à perpétuer l'immortalité. Ses feuilles avaient des vertus curatives. Adam et Eve dans le jardin d'Eden HR 20 2 En Eden, le saint couple vivait un bonheur sans nuages. Il possédait un pouvoir sans limites sur tous les êtres vivants. Le lion et l'agneau jouaient paisiblement autour d'Adam et Eve ou sommeillaient à leurs pieds. Des oiseaux au plumage de toutes les couleurs voletaient parmi les arbres et les fleurs, en faisant entendre leurs chants mélodieux pour louer leur Créateur. HR 20 3 L'homme et sa femme étaient enchantés des beautés de leur demeure édénique. Ils étaient ravis à l'ouïe des petits chanteurs qui les entouraient, parés de leur plumage brillant et délicat, et qui faisaient retentir leur gazouillis joyeux. Nos premiers parents unissaient leur voix à la leur et faisaient monter des chants d'amour, de gratitude et d'adoration vers le Père et son Fils bien-aimé pour les preuves de bonté dont ils jouissaient. Ils appréciaient l'ordre et l'harmonie de la création qui témoignaient d'une science et d'une sagesse infinies. Dans le paradis où ils vivaient, ils découvraient constamment des beautés et des gloires nouvelles qui remplissaient leur coeur d'un amour toujours plus profond et les poussaient à exprimer leur reconnaissance et leur révérence envers le Créateur. ------------------------Chapitre 3 -- Conséquences de la rébellion HR 21 1 Au milieu du jardin, à proximité de l'arbre de vie, il y avait l'arbre de la connaissance du bien et du mal, qui devait servir à éprouver l'obéissance, la foi et l'amour de nos premiers parents. Le Seigneur leur ordonna de ne pas en manger ni de le toucher, sinon ils mourraient, Il leur dit qu'ils pouvaient manger librement du fruit de tous les autres, mais qu'ils ne pouvaient, sous peine de mort, goûter du fruit de cet arbre-là. HR 21 2 Lorsque Adam et Eve furent placés dans le paradis terrestre, ils avaient tout ce qu'ils désiraient pour être heureux. Mais selon ses desseins pleins de sagesse, le Très-Haut voulut mettre leur fidélité à l'épreuve avant qu'ils puissent être considérés comme définitivement hors de danger. Ils pouvaient jouir de sa faveur, ils s'entretenaient avec lui et lui avec eux. Cependant, le Seigneur ne mit pas le mal hors de leur portée. S'ils passaient cette épreuve avec succès, ils bénéficieraient en permanence de la faveur de Dieu et des anges du ciel. HR 21 3 Satan fut surpris de la nouvelle condition dans laquelle il se trouvait. Son bonheur avait disparu. Il considéra les anges qui, jusque-là, avaient été heureux comme lui, mais qui avaient été chassés du ciel à sa suite. Avant leur chute, aucune ombre de mécontentement ne venait assombrir leur parfait bonheur. Maintenant, tout semblait avoir changé. Les visages qui reflétaient auparavant l'image de leur Créateur étaient aujourd'hui marqués par la tristesse et le désespoir. Un esprit de discorde et de contestation régnait parmi eux. Avant leur révolte, il n'y avait rien de tout cela dans le ciel. Désormais, Satan pouvait constater les terribles résultats de sa rébellion. Il frémit à la pensée de devoir affronter l'avenir et la fin de ces choses. HR 22 1 Il avait connu le temps où de joyeux chants de louange étaient adressés à Dieu et à son Fils bien-aimé. Lucifer donnait le ton, et tous les habitants du ciel s'unissaient à lui. Alors, le ciel tout entier retentissait de glorieux accords en l'honneur de Dieu et de son Fils. Mais maintenant, au lieu de ces doux accords, des paroles de colère et de dispute parvenaient aux oreilles du grand chef rebelle. Que lui était-il arrivé? N'était-ce qu'un horrible cauchemar? Avait-il été réellement expulsé du ciel? Ses portes ne s'ouvriraient-elles jamais plus devant lui? L'heure du culte d'adoration s'approche, et les saints anges resplendissants de lumière se prosternent devant le Père. Mais jamais plus Satan ne pourra unir sa voix aux choeurs célestes. Jamais plus il ne pourra s'incliner avec crainte et respect en présence du Dieu éternel. HR 22 2 S'il pouvait être à nouveau pur, fidèle et loyal, il renoncerait volontiers à ses prétentions au pouvoir. Mais il était perdu, désespérément perdu, à cause de son orgueilleuse rébellion. Bien plus, il avait incité d'autres anges à se révolter et les avait entraînés avec lui dans sa chute, eux qui n'avaient jamais mis en doute la volonté du ciel, ni refusé d'obéir à la loi de Dieu jusqu'à ce qu'il les y ait poussés, en leur promettant qu'ils obtiendraient ainsi un plus grand nombre d'avantages, une liberté plus grande et plus glorieuse. C'est en recourant à de tels sophismes qu'il les avait trompés. Il portait désormais une responsabilité à laquelle il aurait bien voulu échapper. HR 22 3 Voyant leurs espoirs anéantis, ces êtres célestes furent bouleversés. En effet, au lieu d'obtenir de plus grands bienfaits, ils souffraient des tristes conséquences de leur désobéissance et du mépris de la loi. Jamais plus ces pauvres êtres ne seraient sous la bienveillante houlette de Jésus-Christ. Jamais plus ils ne pourraient être touchés par l'amour profond et fervent, par la paix et la joie que la présence du Seigneur leur procurait, et ils ne pourraient plus lui obéir de bon coeur et avec respect. Satan cherche à être réintégré HR 23 1 Satan tremblait en considérant son oeuvre. Seul, il méditait sur le passé, sur le présent, et il réfléchissait aux plans qu'il envisageait pour l'avenir. Si solide fût-il, son être tout entier était ébranlé comme par une tempête. Un ange du ciel passa devant lui. Satan l'appela et le supplia d'obtenir en sa faveur une entrevue avec Jésus. Celle-ci lui fut accordée. Il dit alors au Fils de Dieu qu'il se repentait de sa révolte et souhaitait obtenir de nouveau la faveur divine. Il voulait reprendre la place que le Très-Haut lui avait assignée auparavant, et se soumettre à son autorité empreinte de sagesse. Voyant le désespoir de Satan, Jésus pleura. Cependant, il lui fit part de la volonté du Père, à savoir qu'il ne serait jamais plus admis au ciel, car sa présence serait un danger pour ses habitants. Si on lui permettait d'y entrer à nouveau, l'atmosphère du ciel tout entier serait troublée car c'était lui qui était à l'origine du péché et de la rébellion, et il portait encore en lui les germes de la révolte. Il n'avait eu aucun motif valable d'agir comme il l'avait fait, et il avait entraîné dans une ruine définitive non seulement lui-même, mais une multitude d'anges qui auraient continué à jouir du bonheur céleste s'il était resté fidèle. La loi de Dieu pouvait condamner, mais elle ne pouvait pas pardonner. HR 23 2 S'il s'était repenti de sa rébellion, ce n'était pas parce qu'il avait compris la bonté de Dieu dont il avait abusé. Il était inconcevable que son amour pour Dieu ait grandi au point que, depuis sa chute, il était prêt à se soumettre volontiers et avec joie à la loi qu'il avait foulée aux pieds. Sa tristesse provenait du fait qu'il se voyait privé de la douce lumière du ciel, qu'il se sentait accablé par un sentiment de culpabilité et qu'il était déçu de voir que ses espérances ne s'étaient pas réalisées. Se trouver dans la position d'un chef exclu du ciel était tout autre chose que d'être honoré du ciel. La perte de tous les privilèges célestes lui paraissait trop lourde à supporter. C'est pour cela qu'il désirait que ces privilèges lui soient rendus. HR 24 1 En réalité, ce renversement complet de situation n'avait pas renforcé son amour pour le Très-Haut, ni pour sa loi sage et juste. Quand Satan fut pleinement convaincu qu'il lui était impossible de rentrer à nouveau dans la faveur de Dieu, il fit preuve d'une méchanceté et d'une haine plus farouches que jamais. HR 24 2 Le Seigneur savait qu'une telle rébellion ne resterait pas sans lendemain. Il savait que l'adversaire trouverait le moyen de nuire aux habitants du ciel et de montrer son mépris envers l'autorité divine. Puisqu'il lui était interdit de franchir les portes du ciel, il se tiendrait sur le seuil même pour provoquer les anges et leur chercher querelle tandis qu'ils entraient et sortaient. De plus, il s'efforcerait de détruire le bonheur d'Adam et d'Eve. Il ferait tout pour les pousser à se révolter, sachant que cela causerait beaucoup de tristesse parmi les êtres célestes. Conspiration contre la famille humaine HR 24 3 Les acolytes de Satan cherchaient leur chef; celui-ci, sur un air de défi, leur révéla son plan: arracher à Dieu le noble Adam -- et Eve, sa compagne. S'il pouvait les inciter, d'une manière ou d'une autre, à désobéir, Dieu prendrait des mesures pour leur pardonner, et par conséquent, lui-même et tous les anges déchus seraient en droit de bénéficier comme eux de la miséricorde divine. Mais si son plan échouait, Satan et ses suppôts s'uniraient à Adam et Eve, car, ayant transgressé la loi de Dieu, ceux-ci seraient, comme eux, l'objet de sa colère. Leur transgression les placerait ainsi en état de révolte, et les anges déchus pourraient, avec Adam et Eve, prendre possession du jardin d'Eden et y élire domicile. Si nos premiers parents pouvaient avoir de nouveau accès à l'arbre de vie, leur force deviendrait égale à celle des saints anges, pensaient-ils, et le Seigneur lui-même ne pourrait plus les en chasser. HR 25 1 Satan conféra avec ses anges, mais tous ne furent pas immédiatement d'accord pour mettre à exécution ce plan hasardeux et terrible. Il leur dit qu'il ne confierait à aucun d'entre eux le soin d'assurer sa réalisation, parce qu'il se croyait être le seul à posséder la sagesse nécessaire pour mener à bien pareille entreprise. Le chef rebelle voulait qu'ils réfléchissent à la question tandis que de son côté, il se retirerait pour mettre au point son plan. Il essaya de les persuader qu'il n'y avait pas d'autre issue. S'ils échouaient, tout espoir de réintégrer le ciel et toute autre partie de la création de Dieu serait définitivement perdu. HR 25 2 Satan resta seul pour élaborer les plans qui devaient provoquer la chute d'Adam et d'Eve. Il craignait que ses desseins ne puissent se réaliser. Même s'il arrivait à pousser Adam et Eve à désobéir au commandement de Dieu et à devenir ainsi des transgresseurs de sa loi, mais qu'en retour il n'en obtienne aucun avantage, sa condition n'en serait nullement améliorée et sa culpabilité serait accrue. HR 25 3 Il frémit en pensant qu'il plongerait le saint et heureux couple dans la détresse et le remords dont il souffrait lui-même maintenant. Satan paraissait indécis, tantôt déterminé, tantôt hésitant. Quant à ses anges, ils le cherchaient, lui, leur chef, car ils voulaient lui faire part de leur décision. Ils étaient prêts à faire cause commune avec lui pour exécuter son plan, dont ils assumeraient les conséquences et la responsabilité. HR 26 1 Satan réagit contre ses sentiments de désespoir et de faiblesse, et, en tant que chef, il s'arma de courage afin d'affronter la situation et de faire tout ce qui était en son pouvoir pour défier l'autorité de Dieu et de son Fils. Il mit ses anges au courant de son plan. S'il s'approchait ouvertement d'Adam et d'Eve et formulait des griefs contre le Fils de Dieu, ils ne l'écouteraient pas et seraient prêts à réfuter ses accusations. S'il essayait de leur en imposer par son pouvoir, lui, un ange occupant de fraîche date un poste d'autorité, il ne réussirait pas davantage. Aussi jugea-t-il que la ruse et la supercherie accompliraient ce que ni la force ni la puissance ne pourraient obtenir. Adam et Eve sont avertis HR 26 2 Dieu convoqua les habitants du ciel pour prendre des mesures afin de conjurer le mal qui menaçait. Il fut décidé que les anges se rendraient dans le jardin d'Eden et mettraient Adam en garde contre l'ennemi. Deux anges furent donc dépêchés auprès de nos premiers parents. Le saint couple les reçut avec une joie candide, exprimant sa reconnaissance envers le Créateur qui lui avait si généreusement prodigué sa bonté. L'homme et sa femme pouvaient jouir de tout ce qui était beau et agréable, et toutes choses semblaient parfaitement adaptées à leurs besoins. Ils appréciaient par-dessus tout la compagnie du Fils de Dieu et des anges, car ils avaient tant à leur dire sur les splendeurs de la nature qu'ils découvraient mieux chaque jour dans leur merveilleuse demeure édénique, tant de questions à leur poser concernant certains points qu'ils ne pouvaient pas comprendre pleinement. HR 27 1 Avec bonté et amour, les anges leur dispensèrent les enseignements dont ils avaient besoin. Ils leur firent également le triste récit de la révolte de Lucifer dans le ciel et de sa chute. Ils leur indiquèrent clairement que l'arbre de la connaissance du bien et du mal, qui était au milieu du jardin, devait servir de preuve de leur obéissance et de leur amour envers Dieu. Les saints anges pouvaient conserver leurs privilèges et leur bonheur, à condition qu'ils obéissent, et il en était de même pour eux. Adam et Eve pouvaient soit obéir à la loi de Dieu et jouir d'un bonheur ineffable, soit désobéir, et en conséquence perdre leurs privilèges et être plongés dans le désespoir. HR 27 2 Les anges fidèles dirent à Adam et Eve que Dieu ne les forcerait pas à obéir, qu'il leur laisserait la possibilité d'agir contre sa volonté, qu'ils étaient des êtres dotés d'une nature morale, donc libres d'obéir ou de désobéir. Présentement, le Seigneur avait estimé devoir leur imposer une seule interdiction. S'ils désobéissaient à cet ordre, ils mourraient certainement. Les êtres célestes dirent aussi à nos premiers parents que le chef des anges -- celui qui venait immédiatement après Jésus -- avait refusé d'obéir à la loi destinée à gouverner les habitants du ciel. Cette révolte avait fait éclater une guerre dans le ciel, et les rebelles en avaient été expulsés. Tout ange qui s'était rallié à Satan en doutant de l'autorité du Très-Haut avait été chassé du ciel, et l'adversaire déchu était désormais opposé à tout ce qui intéressait la cause de Dieu et celle de son Fils bien-aimé. HR 27 3 Ils dirent à Adam et Eve que Satan avait l'intention de leur faire du mal et qu'ils devaient être sur leurs gardes, car ils risquaient de rencontrer le grand adversaire. Tant qu'ils obéiraient aux ordres divins, l'ennemi ne pourrait pas leur nuire, et, s'il le fallait, tous les anges du ciel viendraient à leur secours pour les préserver du danger. Mais s'ils désobéissaient aux ordres du Créateur, Satan aurait le pouvoir de les tourmenter, de les troubler et de les confondre. S'ils demeuraient fermes devant les insinuations du diable, ils étaient en sécurité comme les anges du ciel. Mais s'il cédaient au tentateur, Dieu, qui n'avait pas épargné les anges malgré leur position élevée, ne les épargnerait pas non plus. Ils devraient subir la peine de leur faute, car la loi divine est aussi sacrée que Dieu lui-même, et il exige de tous les habitants du ciel et de la terre une obéissance sans réserve. HR 28 1 Les anges avertirent Eve du danger auquel elle s'exposait si, tandis qu'elle vaquait à ses occupations, elle se séparait de son mari et rencontrait l'adversaire. Séparés l'un de l'autre, l'homme et sa femme couraient plus de danger que s'ils restaient ensemble. Les anges leur recommandèrent de suivre fidèlement les instructions divines concernant l'arbre de la connaissance, car leur sécurité résidait dans une obéissance parfaite, et l'ennemi ne pourrait alors nullement les tromper. Dieu ne permettrait pas que Satan assaille constamment le saint couple de ses tentations. Ce n'est qu'auprès de l'arbre de la connaissance du bien et du mal que le grand adversaire pouvait s'approcher d'eux. HR 28 2 Adam et Eve assurèrent les anges qu'ils ne désobéiraient jamais à l'ordre explicite de Dieu, car ils éprouvaient le plus grand plaisir à faire sa volonté. Les anges se joignirent à eux pour faire entendre les saintes harmonies d'une musique mélodieuse, et tandis que leurs hymnes s'élevaient au-dessus du paradis de Dieu, Satan entendait ces accents de joyeuse adoration destinée au Père et à son Fils. A l'ouïe de ces chants, sa jalousie, sa haine et sa méchanceté furent plus vives que jamais, et il suggéra à ses suppôts d'inciter Adam et Eve à désobéir afin que la colère de Dieu atteigne ceux-ci et que leurs hymnes de louanges se changent en paroles de révolte et de malédiction envers le Créateur. ------------------------Chapitre 4 -- La tentation et la chute HR 29 0 Ce chapitre est basé sur Genèse 3. HR 29 1 Satan prit la forme d'un serpent et entra dans le jardin d'Eden. Cet animal était une merveilleuse créature qui avait des ailes et qui, en plein vol, avait l'éclat de l'or poli. Il ne rampait pas sur le sol, mais volait cà et là et mangeait des fruits comme l'homme. Satan entra dans le serpent, prit position dans l'arbre de la connaissance, et commenca à manger tranquillement de son fruit. HR 29 2 Sans s'en rendre compte, Eve s'était éloignée de son mari au cours de leurs occupations. S'apercevant tout à coup qu'elle était seule, elle éprouva d'abord un sentiment d'effroi, mais elle ne tarda pas à se sentir en sécurité, bien que son mari ne fusse pas à ses côtés. Elle se dit qu'elle était assez sage et forte pour reconnaître le malin et pour l'affronter. Oubliant les recommandations de l'ange, elle se trouva bientôt en face de l'arbre défendu, qu'elle regarda avec un mélange de curiosité et d'admiration. Voyant que son fruit était très beau, elle se demanda pourquoi Dieu leur avait interdit d'y toucher et d'en manger. Satan profita de l'occasion pour intervenir. Comme s'il pouvait deviner ses pensées, il dit à la femme: "Est-ce vrai que Dieu vous a dit: 'Vous ne devez manger aucun fruit du jardin'?" Genèse 3:1.** C'est ainsi qu'avec une voix mélodieuse et caressante, le diable s'adressa à Eve qui fut surprise et trouva étrange qu'un serpent puisse parler. Il la complimenta pour sa beauté incomparable, ce qu'elle écouta non sans plaisir. Quoi qu'il en soit, elle fut saisie d'étonnement, car elle savait que Dieu n'avait pas donné au serpent la faculté de parler. HR 30 1 La curiosité d'Eve fut éveillée et, au lieu de s'enfuir, elle s'attarda, émerveillée d'entendre parler un serpent. Il ne lui vint pas à l'esprit que ce séduisant animal pouvait être un ange déchu. En fait, ce n'était pas le serpent qui avait parlé, mais Satan lui-même. Eve fut charmée, séduite, et perdit la tête. Si elle avait rencontré un personnage imposant, possédant une forme comparable à celle des anges, elle aurait été sur ses gardes. En tout cas, cette voix étrange aurait dû la pousser à retourner auprès de son mari et à lui demander pourquoi un autre que lui pouvait s'adresser à elle aussi librement. Au lieu de cela, elle commença à discuter avec le serpent et répondit à sa question: "Nous pouvons manger les fruits du jardin. Mais quant aux fruits de l'arbre qui est au centre du jardin, Dieu nous a dit: 'Vous ne devez pas en manger, pas même y toucher, de peur d'en mourir'. Le serpent répliqua: Pas du tout, vous ne mourrez pas. Mais Dieu le sait bien; dès que vous en aurez mangé, vous verrez les choses telles qu'elles sont, vous serez comme lui, capables de savoir ce qui est bien ou mal." Genèse 3:2-5. HR 30 2 Le tentateur voulait faire croire à Eve qu'en mangeant du fruit de cet arbre, elle et son mari accéderaient à une sphère de connaissances plus élevées que celle qu'ils avaient atteinte jusque-là. Depuis sa chute, la tactique particulièrement efficace de Satan a été la même: inciter les humains à pénétrer les secrets du Très-Haut, à se montrer insatisfaits de ce qu'il leur a révélé, et à ne pas obéir implicitement à ses commandements. L'adversaire pousse les hommes à la désobéissance en leur suggérant que le terrain défendu va leur dévoiler de merveilleux secrets, Mais ce n'est là qu'illusion et vile tromperie. N'arrivant pas à comprendre ce que Dieu a révélé, les hommes négligent ses ordres explicites, et cherchent à sonder ce qu'il a voulu cacher aux mortels. Grisés par leurs idées de progrès et séduits par leurs vaines philosophies, ils tâtonnent dans les ténèbres au lieu d'obtenir la véritable connaissance. Toujours en train d'apprendre, ils ne parviennent jamais à la connaissance de la vérité. HR 31 1 Dieu ne voulait pas que ce couple innocent eût la moindre connaissance du mal. Il leur avait généreusement dispensé le bien, et les avait protégés du mal. Eve pensa que les paroles du serpent étaient sages, et elle crut à son audacieuse déclaration: "Pas du tout, vous ne mourrez pas. Mais Dieu le sait bien: dès que vous en aurez mangé, vous verrez les choses telles qu'elles sont, vous serez comme lui, capables de savoir ce qui est bien ou mal". Cela équivalait à dire que le Créateur avait menti. Le diable alla jusqu'à insinuer que le Seigneur avait trompé nos premiers parents pour les empêcher d'atteindre un niveau de connaissance égal au sien. Dieu avait dit: "Vous ne devez pas en manger, pas même y toucher, de peur d'en mourir". Mais le serpent rétorqua: "Pas du tout, vous ne mourrez pas". HR 31 2 S'adressant à Eve, le tentateur affirma qu'aussitôt qu'elle mangerait le fruit, elle parviendrait à une sphère de connaissance plus élevée, ce qui la placerait sur un pied d'égalité avec Dieu. Attirant son attention sur lui-même, le serpent déclara qu'il mangeait librement du fruit de l'arbre, et que celui-ci était non seulement inoffensif, mais délicieux et stimulant. Il ajouta que c'était justement à cause de ses merveilleuses propriétés qui donnaient sagesse et puissance que le Seigneur leur avait interdit d'en manger, et même d'y toucher, car il en connaissait bien les vertus. Satan déclara que c'est après avoir mangé du fruit défendu qu'il avait acquis la faculté de parler. Selon lui, Dieu ne tiendrait pas parole. Ce n'était de sa part rien de plus qu'une menace destinée à les intimider et à les empêcher d'atteindre un niveau de bonheur plus élevé et une joie plus parfaite. Le diable cueillit alors un fruit, et le tendit à Eve qui le prit. "Eh bien, lui dit-il, ne vous avait-on pas interdit de le toucher, de peur que vous ne mourriez?" Il s'empressa d'ajouter qu'elle ne serait pas plus affectée par le mal et la mort pour l'avoir mangé qu'elle ne l'avait été pour l'avoir touché de sa main. Eve s'enhardit parce qu'elle ne sentit pas immédiatement les signes du déplaisir divin. Trouvant que les paroles du tentateur étaient justes et sensées, elle mangea du fruit. Son goût lui parut excellent, et elle crut en ressentir déjà les effets merveilleux. Eve devient la tentatrice HR 32 1 Eve cueilla alors elle-même un fruit, et elle en mangea. Elle crut de nouveau ressentir en elle une force vivifiante et s'imagina entrer dans une sphère plus élevée, résultat direct de la vertu du fruit interdit. Sous l'empire d'une étrange fascination, elle alla trouver son mari, le fruit défendu dans les mains. Elle lui rapporta les paroles perspicaces du serpent, et voulut le conduire immédiatement auprès de l'arbre de la connaissance. Elle lui dit avoir goûté du fruit et que, loin de s'être sentie envahie par la mort, elle avait éprouvé une sensation agréable et stimulante. Aussitôt qu'Eve eut désobéi, elle devint un instrument puissant pour entraîner son mari dans sa chute. HR 32 2 Je vis que le visage d'Adam était couvert de tristesse. Il était visiblement étonné et rempli de crainte. Son esprit était en proie à un terrible combat. Il dit à Eve qu'elle avait certainement eu affaire à l'ennemi contre lequel on les avait mis en garde, et qu'elle allait mourir. Mais elle affirma qu'elle ne ressentait aucun malaise, qu'elle éprouvait au contraire une sensation délicieuse, et elle l'engagea à manger du fruit. HR 33 1 Adam comprit aussitôt que sa femme avait passé outre à la seule défense qui leur avait été imposée pour éprouver leur fidélité et leur amour. Eve insista en disant que le serpent lui avait donné l'assurance qu'ils ne mourraient pas. A son avis, ce qu'il avait dit devait être vrai, puisqu'elle ne sentait aucun signe du déplaisir de Dieu, mais plutôt une sensation agréable, comme celle que les anges éprouvaient sans doute. HR 33 2 Adam regretta qu'Eve se fût éloignée de lui, mais l'acte ayant été accompli, il serait forcément séparé de celle dont la compagnie faisait sa joie. Qu'allait-il advenir maintenant? Son amour pour elle était très grand. Profondément découragé, il décida de partager le sort qui était réservé à sa femme. Il se dit qu'Eve était une partie de son être, et que, si elle devait mourir, il mourrait avec elle, car il ne pouvait supporter l'idée de s'en séparer. En cela, Adam manqua de foi envers son généreux et bienveillant Créateur. Il ne lui vint pas à l'esprit que Dieu, qui l'avait formé de la poussière de la terre et avait fait de lui un être vivant, aux formes merveilleuses, qui avait créé Eve, sa compagne, pouvait aussi la remplacer. Eve était là, devant lui, aussi ravissante et apparemment aussi innocente qu'avant sa désobéissance. Elle lui manifesta même un amour plus profond que jamais, comme sous l'effet du fruit qu'elle avait mangé, et il ne vit aucun signe de mort sur ses traits. Elle lui avait parlé des vertus bienfaisantes de ce fruit, de son grand amour pour lui, son mari, et il décida d'assumer les conséquences de la situation, quelles qu'elles soient. Il prit donc le fruit, s'empressa de le manger, et il n'en ressentit pas immédiatement les effets nocifs. HR 34 1 Eve croyait pouvoir discerner entre le bien et le mal. L'espérance trompeuse d'accéder à un niveau plus élevé de connaissance l'avait conduite à penser que le serpent était son ami, et qu'il s'intéressait à son bien-être. Si elle avait au préalable consulté son mari et s'ils avaient rapporté au Créateur les paroles du serpent, ils auraient échappé à cette tentation subtile. Le Seigneur ne voulait pas qu'ils s'approchent de l'arbre de la connaissance, car ils seraient par là même exposés aux pièges de Satan. Dieu savait que, s'ils ne touchaient pas le fruit défendu, ils seraient parfaitement en sécurité. Le libre arbitre de l'homme HR 34 2 Le Très-Haut avait instruit nos premiers parents au sujet de l'arbre de la connaissance; ils étaient pleinement informés de la chute de Satan et du danger qu'ils couraient en prêtant l'oreille à ses suggestions. Cependant, il ne les mit pas dans l'impossibilité de manger du fruit interdit. En tant qu'êtres libres, ils pouvaient ou bien croire en sa parole, obéir à ses commandements et vivre, ou bien faire confiance au tentateur, désobéir et périr. Or, tous deux mangèrent du fruit, et la seule grande sagesse qu'ils obtinrent fut la connaissance du péché et un sentiment de culpabilité. Leur vêtement de lumière ne tarda pas à disparaître, et, remplis de remords pour avoir perdu ce vêtement divin, ils commencèrent à trembler et essayèrent de couvrir leur nudité. HR 34 3 Ainsi, nos premiers parents avaient décidé d'écouter les paroles d'un serpent, qui ne leur avait donné aucune preuve de son amour. Alors que Dieu leur avait accordé tout ce qui est bon à manger et agréable à la vue, Satan n'avait nullement contribué à leur bonheur et à leur bien-être. Partout les yeux pouvaient contempler l'abondance et la beauté, et, cependant, Eve fut trompée par le serpent, parce qu'elle avait cru qu'on les avait privés de quelque chose qui pouvait les rendre aussi intelligents que le Très-Haut. Au lieu de faire confiance à Dieu, elle se méfia de sa bonté et se plut à écouter les paroles de Satan. HR 35 1 Une fois qu'Adam eut transgressé l'ordre divin, il eut tout d'abord l'impression d'accéder à une sphère nouvelle et plus élevée. Mais bientôt, la pensée de sa faute le remplit de terreur. L'atmosphère, qui avait toujours été douce et uniforme, parut glaciale à l'homme et à sa femme. Le couple désobéissant ployait sous le fardeau de son péché. Ils avaient peur de l'avenir et éprouvaient un sentiment de vide. L'amour, la douce paix et le bonheur qu'ils avaient connus jusqu'alors firent place à un sentiment de dénuement qu'ils n'avaient jamais ressenti auparavant. Puis, pour la première fois, ils remarquèrent leur apparence extérieure. Jusqu'à ce jour, ils ne portaient pas de vêtements; ils étaient couverts d'habits de lumière, comme les anges du ciel. Mais cette lumière dont ils étaient entourés avait disparu. Pour dissiper leur impression de dénuement, ils cherchèrent de quoi se couvrir, car comment oseraient-ils se présenter nus devant Dieu et devant les anges? HR 35 2 Leur faute apparut alors à leurs yeux sous son vrai jour. Leur transgression du commandement explicite de Dieu prit un relief plus précis. Adam reprocha à Eve la folie dont elle avait fait preuve en s'éloignant de lui, et de s'être laissée séduire par le serpent. Néanmoins, l'un et l'autre se rassurèrent à l'idée que celui qui les avait comblés jusque-là de tant de bontés, pardonnerait sans doute leur désobéissance à cause de son grand amour, et que leur châtiment ne serait peut-être pas aussi sévère qu'ils pouvaient le penser. HR 36 1 De son côté, Satan se réjouit de son succès: il avait poussé Eve à manquer de confiance en Dieu, à douter de sa sagesse, à essayer de pénétrer ses desseins. Par elle, il avait provoqué la chute d'Adam qui, par amour pour sa femme, avait désobéi à l'ordre du Créateur et péché avec elle. HR 36 2 La nouvelle de la chute de l'homme se répandit à travers le ciel. Toutes les harpes se turent. Les anges ôtèrent leur couronnes en signe de tristesse. Tout le ciel fut bouleversé. Les anges furent affligés de voir l'ingratitude inqualifiable de l'homme comparée aux riches bénédictions que le Seigneur lui avait accordées. Un conseil fut réuni pour décider ce qu'il convenait de faire à l'égard des coupables. Les anges craignaient que ceux-ci n'avancent la main, ne mangent du fruit de l'arbre de vie, et ne deviennent des pécheurs immortels. HR 36 3 Le Seigneur s'adressa à Adam et Eve, et leur fit connaître les conséquences de leur désobéissance. A l'approche de la majesté du Très-Haut, ils cherchèrent à se cacher, alors qu'auparavant, dans leur innocence et leur sainteté, ils se réjouissaient de pouvoir rencontrer Dieu. "Le Seigneur Dieu appela l'homme et lui demanda: Où es-tu? L'homme répondit: Je t'ai entendu dans le jardin. J'ai eu peur, car je suis nu, et je me suis caché. Qui t'a appris que tu étais nu, demanda le Seigneur Dieu; aurais-tu goûté au fruit que je t'avais défendu de manger?" Genèse 3:9-11. Le Seigneur posa cette question, non parce qu'il avait besoin d'être informé, mais pour convaincre le couple de sa culpabilité: Qu'est-ce qui vous fait éprouver de la honte, et pourquoi avez-vous peur? Si Adam reconnut sa transgression, ce ne fut pas parce qu'il se repentit de sa désobéissance, mais pour en rejeter la responsabilité sur Dieu: "C'est la femme que tu m'as donnée pour compagne; c'est elle qui m'a donné ce fruit, et j'en ai mangé. Le Seigneur Dieu dit alors à la femme: Pourquoi as-tu fait cela? Elle répondit: Le serpent m'a trompée, et j'ai mangé du fruit". Genèse 3:12, 13. La malédiction HR 37 1 Le Seigneur prononça alors la condamnation du serpent: "Puisque tu as fait cela, je te maudis. Seul de tous les animaux tu devras ramper sur ton ventre et manger de la poussière tous les jours de ta vie". Genèse 3:14. Après avoir été la plus admirée des créatures des champs, il allait devenir la plus rampante de toutes et la plus détestée des humains, puisque le serpent avait été l'instrument de Satan. "Il (le Seigneur Dieu) dit enfin à l'homme: Tu as écouté la suggestion de ta femme et tu as mangé le fruit que je t'avais défendu. Eh bien, par ta faute, le sol est maintenant maudit. Tu auras beaucoup de peine à en tirer ta nourriture pendant toute ta vie; il produira pour toi épines et chardons. Tu devras manger ce qui pousse dans les champs; tu gagneras ton pain à la sueur de ton front, jusqu'à ce que tu retournes à la terre dont tu as été tiré". Genèse 3:17-19. HR 37 2 Dieu maudit la terre à cause du péché commis par Adam et Eve qui avaient mangé de l'arbre de la connaissance, et il dit: "Tu auras beaucoup de peine à en tirer ta nourriture pendant toute ta vie". Il leur avait prodigué le bien et voilé le mal. Désormais, ils allaient continuer à en manger, c'est-à-dire à côtoyer le mal tous les jours de leur vie. HR 37 3 Dès lors, la race humaine allait être harcelée par les tentations de Satan. Aux occupations paisibles qui lui avaient été assignées, allaient succéder les soucis et le labeur quotidien, les déceptions, les chagrins, la souffrance, et finalement la mort. L'homme et la femme avaient été faits avec la poussière de la terre, et ils retourneraient à la poussière. HR 38 1 Adam et Eve furent informés qu'ils ne pourraient plus résider dans le jardin d'Eden. Ils étaient tombés dans les pièges de Satan et avaient cru en ses paroles selon lesquelles Dieu leur avait menti. En transgressant l'ordre du Créateur, ils avaient ouvert la voie à l'adversaire qui pourrait alors entrer plus facilement en contact avec eux. Aussi n'était-il pas prudent pour eux de rester dans le jardin d'Eden où ils auraient accès à l'arbre de vie et risqueraient ainsi de perpétuer une vie de péché. Tout en reconnaissant qu'ils avaient perdu le droit d'occuper ce merveilleux paradis, ils supplièrent Dieu de leur permettre d'y rester. Ils promirent de se conformer désormais strictement aux ordres du Très-Haut. Il leur fut répondu que par suite de leur chute de l'état d'innocence dans la condition de pécheurs, non seulement ils ne s'étaient pas fortifiés, mais qu'il s'étaient grandement affaiblis. Etant donné qu'ils n'avaient pu conserver leur intégrité alors qu'ils possédaient l'innocence et la sainteté, ils seraient bien moins à même de rester fidèles, maintenant qu'ils avaient une nature pécheresse. Prenant alors conscience que le châtiment du péché, c'est la mort, Adam et Eve furent envahis par un profond sentiment d'angoisse et de remords. HR 38 2 Des anges reçurent l'ordre de garder le chemin conduisant à l'arbre de vie. Satan avait espéré que nos premiers parents désobéiraient à Dieu, encourraient sa réprobation, puis qu'ils mangeraient de l'arbre de vie, et qu'ils pourraient ainsi vivre pour toujours dans le péché. Mais de saints anges furent envoyés pour leur barrer l'accès de l'arbre de vie. La lumière qui rayonnait autour de ces anges avait l'apparence d'une épée flamboyante. ------------------------Chapitre 5 -- Le plan du salut HR 39 1 Le ciel se remplit de douleur lorsqu'on sut que l'homme était perdu et que ce monde créé par Dieu serait peuplé d'êtres condamnés à la souffrance, à la maladie et à la mort, sans espoir de salut. Toute la famille d'Adam devait périr. Je vis sur le visage de Jésus une expression de sympathie et de douleur. Il s'approcha bientôt de la lumière éblouissante dont le Père était environné. L'ange qui était à mes côtés me dit: "Il a un entretien privé avec son Père". Les anges semblaient très préoccupés pendant que Jésus s'entretenait ainsi avec le Très-Haut. Trois fois il pénétra dans la lumière éclatante qui l'entourait; la troisième fois, il quitta le Père, et la personne du Fils de Dieu fut visible. Il paraissait calme, exempt de toute perplexité, rayonnant d'une bienveillance et d'une beauté indicibles. HR 39 2 Il fit savoir à l'armée céleste qu'un moyen de salut avait été trouvé pour l'homme perdu, et comment il avait intercédé auprès du Père, offrant sa vie en rançon, acceptant de subir la mort afin que les humains puissent obtenir le pardon. Par les mérites de son sang et par l'obéissance à la loi divine, ils rentreraient dans la faveur de Dieu, seraient réintégrés dans le merveilleux jardin, et pourraient manger du fruit de l'arbre de vie. HR 39 3 De prime abord, les anges ne purent se réjouir, car leur Chef ne leur cacha rien, mais leur fit connaître le plan du salut. Jésus leur dit qu'il devrait s'interposer entre la colère de son Père et l'homme coupable, supporter l'iniquité et le mépris, et qu'un petit nombre seulement le reconnaîtrait comme Fils de Dieu. Presque tous le haïraient et le rejetteraient. Il abandonnerait totalement la gloire céleste, s'incarnerait sur la terre, s'humilierait en tant qu'homme, serait tenté comme un homme, afin de pouvoir secourir ceux qui sont tentés. Enfin, après avoir accompli sa mission d'enseignant, il serait livré entre les mains des hommes qui lui feraient subir tous les tourments et toutes les souffrances que Satan et ses anges puissent inspirer à des êtres méchants. Puis il mourrait de la mort la plus cruelle, suspendu entre ciel et terre comme un coupable. Il souffrirait pendant des heures une agonie si atroce que les anges mêmes ne pourraient en supporter la vue, et se voileraient la face. Jésus souffrirait non seulement dans son corps, mais traverserait une agonie mentale pire que les souffrances physiques. Le poids des péchés du monde reposerait sur lui. Il dit aux anges qu'il devrait mourir et ressusciter le troisième jour; puis que le Fils de Dieu monterait au ciel pour intercéder en faveur de l'homme coupable. L'unique voie de salut HR 40 1 Les anges se prosternèrent devant lui. Ils proposèrent de donner leur vie. Mais Jésus leur dit que par sa mort il sauverait un grand nombre de pécheurs dont la dette ne pourrait être payée par la vie d'un ange. Seule la vie du Fils bien-aimé pouvait être accceptée du Père en rançon pour l'homme. Jésus leur dit aussi qu'ils auraient un rôle à jouer dans ce plan: ils seraient appelés à l'assister en différentes occasions. Il allait revêtir la nature de l'homme déchu, et sa force n'égalerait pas même la leur. Les anges seraient témoins de son humiliation, de ses souffrances et de la haine des humains à son égard, ce qui plongerait les anges dans une profonde affliction. Par amour pour lui, ils désireraient le secourir et le délivrer de ses meurtriers. Mais ils ne devaient rien faire pour empêcher le déroulement des faits auxquels ils allaient assister. Ils devaient également jouer un rôle lors de sa résurrection. Le plan du salut avait été fixé, et son Père l'avait approuvé. HR 41 1 Animé d'une sainte tristesse, Jésus réconforta les anges; il leur dit que plus tard, les humains qu'il allait racheter seraient avec lui. Par sa mort, il en sauverait un grand nombre, et détruirait celui qui avait le pouvoir de la mort. Son Père lui remettrait le royaume, et il posséderait pour toujours la grandeur de tous les royaumes qui sont sous les cieux. Satan et les pécheurs seraient détruits; plus jamais ils ne troubleraient le ciel ni la nouvelle terre purifiée. Jésus invita les armées célestes à adopter ce plan de salut que son Père avait approuvé, et à se réjouir de la mort du Christ, grâce à laquelle le pécheur pourrait obtenir de nouveau la faveur divine et jouir des bienfaits du ciel. HR 41 2 Alors une joie inexprimable remplit le ciel. L'armée angélique entonna un chant de louange et d'adoration. Les messagers célestes touchèrent de leurs harpes et chantèrent sur un ton plus élevé qu'auparavant, pour célébrer la miséricorde et la magnanimité de Dieu qui avait donné son Fils bien-aimé afin qu'il mourût en faveur d'une race rebelle. Cette louange et cette adoration furent une expression de reconnaissance pour le renoncement et le sacrifice que Jésus avait consentis en quittant le sein du Père, en acceptant de vivre une vie de souffrance et d'angoisse, et de mourir d'une mort infamante afin de donner la vie à ses semblables. HR 41 3 L'ange me dit: "Penses-tu que le Père ait consenti à donner son Fils bien-aimé de gaîté de coeur? Loin de là! Ce n'est pas sans luttes que Dieu dut choisir entre deux alternatives: soit laisser périr l'humanité coupable, soit donner son Fils bien-aimé afin qu'il meure pour elle." L'intérêt des anges pour le salut de l'humanité était tel que certains d'entre eux auraient été disposés à renoncer à leur gloire et à sacrifier leur vie pour l'homme perdu. L'ange qui était à mes côtés ajouta: "C'eût été un sacrifice inutile, car la transgression était si grave que la vie d'un ange n'aurait pu en payer la dette. Seules la mort et l'intercession du Fils de Dieu pouvaient payer cette dette et sauver l'homme perdu de son profond désespoir et de sa détresse." HR 42 1 L'oeuvre assignée aux anges consistait à procurer au Fils de Dieu un baume céleste pour adoucir ses souffrances et à le servir. Ils avaient aussi pour mission de préserver les bénéficiaires de la grâce divine de l'influence des mauvais anges et de dissiper les ténèbres dont Satan s'efforçait constamment de les entourer. J'ai vu qu'il était impossible que Dieu modifie sa loi afin de sauver l'homme perdu. C'est pourquoi il a permis que son Fils bien-aimé meure pour leurs péchés. HR 42 2 Satan se réjouit de nouveau avec ses anges à l'idée qu'en provoquant la chute de l'homme, le Fils de Dieu serait conduit à abandonner le rang éminent qu'il occupait au ciel. Il leur dit qu'il réussirait à faire succomber Jésus lorsque celui-ci aurait revêtu la nature humaine, et qu'ainsi, il ferait échouer le plan de la rédemption. HR 42 3 Il me fut montré que Satan avait été un ange heureux, qui jouissait d'un rang élevé. Puis je le vis tel qu'il est maintenant. Il a conservé un aspect royal. Ses traits sont encore nobles, car c'est un ange déchu. Mais l'expression de son visage est chargée d'anxiété, de tristesse, de malice, de haine, de fausseté et de toute sorte de défauts. Je remarquai particulièrement son front, autrefois si noble. Il était devenu fuyant. Depuis le temps qu'il s'applique à mal faire, ses qualités se sont détériorées, et toute sorte de mauvais traits de caractère se sont développés en lui. Ses yeux sont rusés, sournois, scrutateurs. Il est d'une forte corpulence, mais la peau de ses mains et de son visage est distendue. Quand je le vis, il avait le menton appuyé sur la main gauche. Il semblait profondément absorbé dans ses pensées. Son visage laissait transparaître un sourire si plein de malice et de ruse diaboliques que j'en tremblai. C'est ainsi qu'il sourit lorsqu'il est sur le point de se jeter sur sa victime. Et quand il l'a prise dans ses pièges, son sourire devient terrible. HR 43 1 Humiliés, accablés d'une tristesse inexprimable, Adam et Eve dirent adieu à leur ravissante demeure où ils avaient vécu si heureux jusqu'au jour où ils avaient désobéi au commandement du Très Haut. L'atmosphère avait changé; elle n'était plus uniforme comme c'était le cas avant le péché. Pour les protéger contre les variations de température, Dieu leur procura des vêtements faits de peaux d'animaux. La loi immuable de Dieu HR 43 2 Tout le ciel déplora la désobéissance et la chute d'Adam et d'Eve, qui avaient attiré la colère de Dieu sur toute la race humaine. Ils ne pouvaient plus entrer en communion directe avec le Créateur, et ils étaient plongés dans une profonde détresse. La loi divine ne pouvait être changée pour être adaptée aux besoins de l'homme, car selon le plan de Dieu, elle ne devait jamais perdre de sa force ni la moindre de ses exigences. HR 43 3 Les anges de Dieu furent chargés de se rendre auprès du couple déchu et de faire comprendre à nos premiers parents que si, à cause de leur désobéissance à la loi divine, ils ne pouvaient retrouver la condition de sainteté dont ils jouissaient dans le jardin d'Eden, cependant, leur cas n'était pas totalement désespéré. Adam et Eve apprirent qu'ému de pitié devant leur profonde tristesse. le Fils de Dieu -- qui avait conversé avec eux dans le jardin d'Eden -- s'était offert pour assumer lui-même le châtiment qui devait leur être infligé. Ainsi, il mourrait afin que l'homme puisse vivre, si ce dernier avait foi en l'expiation que le Christ se proposait d'accomplir en sa faveur. Grâce à Jésus, la porte de l'espoir était ouverte afin que, malgré la gravité de son péché, l'homme ne soit pas livré au pouvoir de Satan. La foi dans les mérites du Fils de Dieu élèverait l'homme de telle manière qu'il puisse échapper aux pièges du diable. Un temps d'épreuve lui serait accordé, afin que, par une vie de repentir et de foi en l'expiation du Fils de Dieu, il puisse être racheté de son péché, et parvenir à un niveau où ses efforts pour observer la loi seraient acceptés. HR 44 1 Les anges dirent à nos premiers parents la tristesse que le ciel avait ressentie en apprenant qu'ils avaient transgressé la loi de Dieu, ce qui avait amené Jésus à offrir le sacrifice de sa propre vie. HR 44 2 Quand Adam et Eve comprirent le caractère sacré de la loi divine, et que leur transgression exigeait un tel sacrifice pour les sauver de la perdition, eux et leur postérité, ils demandèrent à mourir eux-mêmes, ou bien qu'eux et leurs descendants recoivent le châtiment de leurs transgressions, au lieu que le Fils bien-aimé de Dieu offre sa vie. L'angoisse d'Adam s'était accrue. Il prit conscience de son péché et de ses terribles conséquences. Etait-il concevable que le Chef respecté et vénéré des armées du ciel, qui avait marché et parlé avec lui lorsqu'il était dans son état d'innocence, fût dessaisi de sa position élevée et mourût à cause de son péché? HR 44 3 Adam apprit que la vie d'un ange ne pourrait pas payer la dette. La loi de l'Eternel, sur laquelle est fondé son gouvernement céleste et terrestre, est aussi sacrée que Dieu lui-même. C'est pourquoi le Très-Haut ne pouvait pas accepter la vie d'un ange comme sacrifice pour sa transgression. La loi de Dieu a plus de valeur à ses yeux que les saints anges qui entourent son trône. Le Père ne pouvait ni abolir ni changer un seul précepte de sa loi pour l'adapter à la condition de l'homme déchu. Mais le Fils de Dieu qui, en accord avec le Père, avait créé le genre humain, pouvait expier valablement les péchés de l'homme et donner sa vie en sacrifice, devenant lui-même l'objet de la colère divine. Les anges dirent à Adam que, de même que son péché avait entraîné la mort et le malheur, de même, la vie et l'immortalité seraient mises en lumière par le sacrifice de Jésus-Christ. Un regard sur l'avenir HR 45 1 A Adam furent révélés d'importants événements à venir, portant sur son expulsion du jardin d'Eden, sur le déluge et la première venue du Christ sur la terre. Dans son amour pour Adam et sa postérité, le Fils de Dieu consentirait à revêtir la nature humaine et, par son humiliation, il élèverait tous ceux qui croiraient en lui. Ce sacrifice admirable était suffisant pour sauver le monde entier, mais seuls quelques-uns tireraient profit de la rédemption obtenue à ce prix. Un grand nombre ne rempliraient pas les conditions requises pour bénéficier de ce grand salut. Ils préféreraient le péché et la transgression de la loi divine au lieu de se repentir et d'obéir, en se reposant sur la foi et les mérites du sacrifice offert. Ce sacrifice avait une valeur telle que, pour l'homme qui l'accepterait, il était plus précieux que l'or fin, que l'or d'Ophir. HR 45 2 Adam fut transporté en esprit à travers les générations successives pour qu'il puisse voir l'accumulation de crimes, de délits et d'impuretés qui résulteraient du fait que l'homme cède à la force de ses inclinations naturelles qui le poussent à violer la sainte loi de Dieu. Il vit que la malédiction du Seigneur frapperait toujours plus la race humaine, le règne animal et la terre, à cause des transgressions continuelles de l'homme. Il lui fut montré que l'iniquité et la violence iraient en s'accroissant. Cependant, malgré cette marée de détresse et de misère humaines, il y aurait toujours quelques personnes qui resteraient attachées à la connaissance de Dieu et qui demeureraient sans tache en dépit de la grande dégénérescence morale. Adam devait comprendre ce qu'était le péché: la transgression de la loi. Il vit que le genre humain serait affligé d'une déchéance morale, mentale et physique consécutive au péché, jusqu'à ce que le monde soit rempli d'une multitude de souffrances. HR 46 1 L'homme ayant violé la sainte loi de Dieu à cause de sa perversité, les jours de sa vie furent abrégés. La race humaine tomba si bas que finalement elle donna l'impression d'être méprisable et presque totalement dépourvue de valeur. Parce qu'ils obéissent à leurs instincts charnels, la plupart des humains se montrent incapables d'apprécier le mystère du calvaire, les faits sublimes de l'expiation et le plan de la rédemption. Mais, malgré cet affaiblissement des facultés mentales, morales et physiques, Jésus, fidèle à l'objectif pour lequel il a quitté le ciel, n'a cessé de témoigner son intérêt envers ces êtres faibles et dégénérés. Il invite hommes et femmes à cacher en lui leurs faiblesses et leurs grandes déficiences. S'ils viennent à lui, il suppléera à leurs besoins. Les sacrifices HR 46 2 Lorsque, selon les instructions qu'il avait reçues de Dieu, Adam présenta une offrande pour son péché, ce fut pour lui une expérience douloureuse. De sa propre main, il dut ôter à un être vivant une vie que Dieu seul pouvait donner, et offrir un holocauste pour sa faute. Pour la première fois, il était confronté à la mort. En regardant l'innocente victime égorgée, souffrant les douleurs de l'agonie, il devait voir par la foi le Fils de Dieu, que cette victime préfigurait, et qui mourrait en sacrifice pour l'homme. HR 47 1 Cette offrande rituelle, prescrite par Dieu, devait rappeler constamment à Adam le souvenir de son péché et la nécessité de s'en repentir. En tuant l'animal, Adam éprouva un sentiment plus vif et plus profond de la gravité d'une faute qui ne pouvait être expiée que par la mort du bien-aimé Fils de Dieu. Il était émerveillé de la bonté infinie et de l'amour incomparable de celui qui consentait à offrir une telle rançon pour sauver le pécheur. En égorgeant l'innocente victime, il avait l'impression de verser de sa propre main le sang du Christ. Il savait que s'il était resté fidèle au Seigneur et à sa sainte loi, aucun animal ni aucun homme n'aurait dû mourir. Quoi qu'il en soit, ces sacrifices, en préfigurant la grande et parfaite offrande du Fils de Dieu, permettaient à Adam d'apercevoir une lumière d'espérance qui dissipait les ténèbres de son avenir incertain, et lui procurait un encouragement au milieu de sa détresse et de son désespoir. HR 47 2 Aux origines, le chef de chaque famille était considéré comme le responsable et le sacrificateur de son propre foyer. Puis, à mesure que la race humaine se multipliait sur la terre, certains hommes furent désignés par Dieu pour accomplir ce rite solennel des sacrifices en faveur du peuple. Le sang de l'animal devait représenter dans l'esprit des pécheurs le sang de Jésus. La mort de la victime devait être pour tous une preuve que le salaire du péché, c'est la mort. Par ce sacrifice, le pécheur reconnaissait sa faute et manifestait sa foi, dans la perspective du grand et parfait sacrifice du Fils bien-aimé de Dieu que les offrandes d'animaux préfiguraient. Sans l'expiation accomplie par le Christ, l'homme ne pourrait pas recevoir de Dieu la bénédiction et le salut. L'Eternel défendait jalousement l'honneur de sa loi. La transgression de cette loi avait causé une redoutable séparation entre Dieu et l'humanité. Lorsqu'il était dans son état d'innocence, Adam avait joui d'une communion étroite, libre et heureuse avec son Créateur. Après le péché, Dieu devait entrer en contact avec l'homme par le moyen de Jésus et de ses anges. ------------------------Chapitre 6 -- Les offrandes de Caïn et d'Abel HR 49 0 Ce chapitre est basé sur Genèse 4:1-15. HR 49 1 Les fils d'Adam, Caïn et Abel, avaient un caractère très différent l'un de l'autre. Abel craignait Dieu. Caïn nourrissait des pensées de révolte et murmurait contre Dieu en raison de la malédiction qui avait été prononcée sur Adam et sur le sol à cause de son péché. Ces deux frères avaient été informés des dispositions qui avaient été prises pour le salut de la race humaine. Il leur avait été prescrit de se conformer humblement à un rituel qui devait montrer leur foi et leur dépendance à l'égard du Sauveur promis; ce rituel consistait à sacrifier les premiers-nés du troupeau et à les offrir solennellement à Dieu avec le sang, en holocauste. Grâce à ces sacrifices, ils se souviendraient continuellement de leur péché et du Rédempteur qui devait venir et qui constituerait la suprême offrande faite pour l'homme. HR 49 2 Caïn apporta son offrande au Seigneur en murmurant et le coeur incrédule envers le grand sacrifice promis. Il n'était pas disposé à suivre fidèlement ce qui leur avait été prescrit: se procurer un agneau pour l'offrir avec des fruits de la terre. Sans tenir compte de ce que Dieu avait demandé, il se contenta d'apporter des produits du sol. Pourtant, l'Eternel Dieu avait fait savoir à Adam que sans effusion de sang, il n'y aurait pas de rémission des péchés. Caïn ne jugea même pas utile d'offrir ses meilleurs fruits. Abel conseilla à son frère de ne pas se présenter devant le Seigneur sans le sang d'un sacrifice. Mais comme Caïn était l'aîné, il ne voulut pas écouter ce que lui disait son frère. Repoussant le conseil qui lui avait été donné, Caïn, sceptique et mécontent de devoir présenter des sacrifices, apporta son offrande. Mais Dieu n'accepta pas cette offrande. HR 50 1 De son côté, Abel apporta les premiers-nés, les meilleurs de son troupeau, comme l'Eternel l'avait prescrit. Avec une foi totale dans le Messie à venir et un respect mêlé d'humilité, il présenta son offrande que Dieu accepta. Une flamme jaillit du ciel et consuma l'offrande d'Abel. Mais Caïn ne vit aucun signe indiquant que la sienne avait été agréée, et il s'irrita contre Dieu et contre son frère. Cependant, le Seigneur envoya un ange auprès de Caïn pour qu'il s'entretienne avec lui. HR 50 2 L'ange lui demanda la raison de sa colère et lui dit que s'il se conformait aux instructions que Dieu avait données, l'Eternel l'accepterait, lui et son offrande, mais que s'il ne se soumettait pas aux directives du Très-Haut, s'il ne lui faisait pas confiance et ne lui obéissait pas, Dieu ne pourrait pas agréer son offrande. Le messager céleste dit à Caïn que ce n'était pas là une injustice ni un parti pris de la part de Dieu à son égard, et que si son offrande ne pouvait pas être honorée, c'était uniquement à cause de son péché et de sa désobéissance à l'ordre explicite du Créateur. Si en revanche Caïn se montrait bien disposé, Dieu l'accueillerait favorablement, et il serait à la tête puisqu'il était l'aîné. HR 50 3 Mais même après avoir reçu ces éclaircissements, Caïn ne se repentit pas. Au lieu de reconnaître sa culpabilité et son incrédulité, il continua à se plaindre de l'injustice et du favoritisme de Dieu. Poussé par l'envie et la haine, il prit Abel à partie et lui adressa des reproches. Son frère cadet lui fit alors humblement remarquer qu'il avait commis une erreur et lui montra qu'il avait tort. En fait, la haine de Ca?n à l'égard de son frère remontait au jour où le Seigneur avait agréé l'offrande de ve dernier. Abel tenta de calmer la colère de son frère en lui rappelant la bonté que Dieu avait témoignée envers leurs parents en leur épargnant la vie, alors qu'il aurait pu les faire mourir sur-le-champ. Il dit à son aîné que le Seigneur les aimait, sinon, il n'aurait pas donné son Fils, innovent et saint, pour qu'il subisse le châtiment que l'homme aurait mérité par sa désobéissance. Le premier meurtre HR 51 1 Tandis qu'Abel justifie le plan de Dieu, Ca?n devient furieux et une rage aveugle s'empare de lui au point qu'il frappe mortellement son frère. Et quand le Seigneur demande à Ca?n où est son frère, celui-ci profère un odieux mensonge : " Je n'en sais rien. Est-ce à moi de surveiller mon frère?" Genèse 4:9. Mais Dieu lui répond qu'il connaît sa faute, qu'il est au courant de toutes ses actions et qu'il pénètre même les pensées de son coeur : "La voix du sang de ton frère crie de l terre jusqu'à moi. Maintenant, tu seras maudit de la terre qui a ouvert sa bouche pour recevoir de ta main le sang de ton frère. Quand tu cultiveras le sol, il ne te donnera plus sa richesse. Tu seras errant et vagabond sur lat terre". Genèse 4:10-12 (Segond). HR 51 2 Au début, la malédiction prononcée sur la terre fut très légère ; mais dès lors, elle fut deux fois plus sévère. Ca?n et Abel représentent deux catégories d'humains : les justes et les méchants, les croyants et les incroyants, qui devaient vivre depuis la chute d'Adam jusqu'à la seconde venue du Christ. Le meurtre d'Abel représente la jalousie des méchants à l'égard des justes qu'ils ha?ssent parce que ceux-ci sont meilleurs qu'eux. Ils seront jaloux des justes, les persécuteront et les tueront parce que leurs bonnes actions condamnent leur mauvaise conduite. HR 52 1 La vie d'Adam fut marquée par le regret, l'humilité et le repentir continuels. Lorsqu'il enseignait à ses enfants et à ses petits-enfants la crainte de l'Eternel, on lui reprocha souvent sa faute qui avait attiré tant de souffrances sur sa postérité. Quand il avait dû quitter le magnifique jardin d'Eden, la pensée qu'il devait mourir l'avait terrifié, car il considérait la mort comme une redoutable calamité. Lorsque son propre fils Abel fut tué par son frère Caïn,il fut, pour la première fois, confronté avec la réalité de la mort qui frappait le genre humain. Plein de remords pour sa propre transgression, privé de son fils Abel dont Caïn était le meurtrier, et sachant quelle malédiction le Seigneur avait prononcée sur ce dernier, Adam était accablé de tristesse. Il se faisait de vifs reproches pour son premier grand péché. Il sollicita le pardon divin grâce au suprême sacrifice. Il avait profondément ressenti la colère de Dieu pour la faute qu'il avait commise dans le paradis. De plus, le Seigneur lui révéla de corruption généralisée qui l'amènerait à détruire les habitants de la terre par le déluge. Après qu'Adam eut vécu plusieurs centaines d'années, la sentence de mort prononcée sur lui par le Créateur, qui lui avait semblé si terrible de prime abord, lui parut juste et miséricordieuse, car elle mettait un terme à une vie de souffrances. HR 52 2 Quand Adam constata les premiers signes de la dégénérescence de la nature en voyant que les feuilles tombaient et que les fleurs se fanaient, il éprouva une tristesse plus grande que celle que les humains ressentent devant la mort de leurs semblables. Ce qui l'attristait, ce n'était pas tant la flétrissure des fleurs, car il les savait fragiles et délicates, mais le fait que les grands et puissants arbres perdaient leurs feuilles et dépérissaient, témoignant ainsi de la dégénérescence de cette nature magnifique, que Dieu avait créée pour le bien-être de l'homme. HR 53 1 A ses enfants et à leurs descendants, jusqu'à la neuvième génération, Adam décrivit les beautés du jardin d'Eden, parla de sa faute et de ses terribles conséquences, et du chagrin que lui avait causé la mort d'Abel, laquelle avait creusé un vide dans sa famille. Il leur parla aussi des épreuves auxquelles le Seigneur l'avait soumis, pour lui enseigner la nécessité de se conformer fidèlement à sa loi. Il leur déclara que, sous quelque forme qu'il se présente, le péché serait sanctionné. Il les exhorta à obéir au Très-Haut, qui serait miséricordieux envers eux s'ils l'aimaient et le craignaient. HR 53 2 Les anges s'entretinrent avec Adam après sa faute, lui révélèrent le plan de la rédemption, lui faisant comprendre que la race humaine n'était donc pas dans une situation désespérée. Malgré la terrible séparation qui s'était produite entre Dieu et l'homme, celui-ci pouvait être sauvé grâce à l'offrande de son Fils bien-aimé. Mais le seul espoir des humains résidait dans une vie d'humble repentir et de foi dans le plan établi par le Créateur. Tous ceux qui accepteraient ainsi Jésus comme leur unique Sauveur jouiraient à nouveau de la faveur de Dieu grâce aux mérites de son Fils. ------------------------Chapitre 7 -- Seth et Hénok HR 54 0 Ce chapitre est basé sur Genèse 4:25, 26; 5:3-8, 18-24; Jude 1:14, 15. HR 54 1 Seth était un homme respectable qui devait succéder à Abel dans la voie du bien. Cependant, c'était un fils d'Adam, tout comme le méchant Caïn; il avait donc hérité de son père une nature qui n'était pas meilleure que celle de Caïn. Seth était né dans le péché, mais avec l'aide de Dieu et grâce aux fidèles instructions qu'il avait reçues d'Adam, il honora Dieu en faisant sa volonté. Il se tint à l'écart des enfants corrompus de Caïn et, comme l'aurait fait Abel s'il avait survécu, Seth eut à coeur d'exhorter les pécheurs à respecter le Seigneur et à lui obéir. HR 54 2 Hénok était un homme saint. Il servait Dieu avec sincérité de coeur. Constatant à quel point la famille humaine était dépravée, il renonça lui aussi à fréquenter les descendants de Caïn et leur reprocha leur perversité. Certes, il y avait sur la terre des humains qui connaissaient Dieu, qui le craignaient et l'adoraient. Mais le juste Hénok était tellement attristé par la méchanceté grandissante des impies qu'il s'abstenait de les fréquenter quotidiennement, craignant d'être influencé par leur infidélité et que ses pensées ne soient détournées du Seigneur et qu'il cesse de le vénérer comme l'exige sa majesté souveraine. Son âme était choquée de voir que les impies foulaient aux pieds l'autorité du Très-Haut. Il décida donc de ne plus avoir de relations avec eux, et de passer la plus grande partie de son temps dans la solitude afin de pouvoir méditer et prier. Il s'appuyait sur le Seigneur et priait pour connaître plus parfaitement sa volonté, afin de pouvoir l'accomplir. Dieu entrait en communication avec Hénok par l'intermédiaire de ses anges et lui donnait ses instructions. L'Eternel lui dit qu'il ne supporterait pas toujours la rébellion des humains, et qu'il envisageait de les détruire par un déluge qui inonderait le globe. HR 55 1 Le jardin d'Eden, ravissant et immaculé, d'où nos premiers parents avaient été chassés, demeura intact jusqu'à ce que Dieu décidât de détruire la terre par un déluge. Il avait planté ce jardin et l'avait béni d'une manière particulière. Mais dans sa grande sagesse, il le retira de ce monde et l'y ramènera, plus magnifique encore que lorsqu'il l'en avait enlevé. Ainsi fut conservé un échantillon de son oeuvre parfaite de création, exempt de la malédiction qu'il avait prononcée sur la terre. HR 55 2 Le Seigneur fit connaître plus pleinement à Hénok le plan de la rédemption, et grâce à l'Esprit de prophétie, il lui fit voir les générations qui devaient vivre après le déluge, et les grands événements relatifs à la seconde venue du Christ et à la fin du monde. Jude 1:14. HR 55 3 Hénok était préoccupé par la mort. Il lui semblait que les justes comme les méchants retourneraient définitivement dans la poussière. Il pouvait difficilement concevoir que les justes puissent vivre au-delà de la tombe. Au cours d'une vision prophétique, il fut instruit au sujet du Fils de Dieu, qui devait mourir en sacrifice pour les humains, et il vit le retour de Jésus sur les nuées du ciel, escorté de l'armée des anges, ressuscitant les justes morts et les libérant de leurs tombeaux. Il vit aussi quel serait l'état de corruption qui régnerait dans le monde lors de la seconde apparition du Christ; que les hommes de cette génération seraient arrogants, présomptueux et têtus, qu'ils se révolteraient contre la loi divine et renieraient le seul vrai Dieu et notre Seigneur Jésus-Christ, n'ayant que mépris pour son sang et son expiation. Il vit les justes couronnés de gloire et d'honneur, tandis les méchants étaient éloignés de la présence de Dieu et consumés par le feu. HR 56 1 Hénok transmit fidèlement au peuple tout ce que le Seigneur lui avait révélé par l'Esprit de prophétie. Plusieurs crurent en ses paroles, et après s'être détournés de leurs iniquités, ils craignirent l'Eternel et l'adorèrent. La translation d'Hénok HR 56 2 Hénok continua de croître spirituellement grâce à sa communion avec Dieu. Tandis qu'il instruisait ceux qui écoutaient ses paroles de sagesse, une sainte lumière rayonnait de son visage. A la vue de son aspect plein d'une dignité céleste, ses auditeurs étaient remplis de crainte. Le Seigneur aimait Hénok parce qu'il lui obéissait fidèlement, qu'il détestait l'iniquité, et qu'il recherchait sincèrement la connaissance d'en haut afin d'accomplir parfaitement sa volonté. Il désirait tisser des liens plus étroits avec le Très-Haut, qu'il craignait, respectait et adorait. Dieu ne voulait pas que ce saint homme mourût comme les autres humains. Aussi envoya-t-il des anges pour qu'il fût enlevé au ciel sans passer par la mort. En présence des justes et des méchants, Hénok fut donc enlevé du milieu d'eux. Croyant que le Seigneur l'avait laissé dans l'un de ses lieux de retraite, ceux qui l'aimaient allèrent à sa recherche; mais après l'avoir vainement recherché, ils firent savoir qu'il n'était plus, car Dieu l'avait pris. HR 56 3 Par la translation d'Hénok, Dieu entendait donner un enseignement de la plus haute importance: bien que descendants d'Adam, lequel avait péché, tous ceux qui acceptaient par la foi le sacrifice promis et obéissaient fidèlement à ses commandements seraient récompensés. Il est ici question de deux catégories de personnes qui devaient exister jusqu'à la seconde venue du Christ: les justes et les méchants, les rebelles et les fidèles. Dieu se souviendra des justes, qui le craignent. Au nom de son Fils bien-aimé, il les honorera et leur accordera la vie éternelle. Mais les méchants, qui méprisent son autorité, seront détruits et retranchés de la terre; il en sera d'eux comme s'ils n'avaient jamais existé. HR 57 1 Puisque Adam avait perdu la condition de bonheur parfait qu'il avait connu, et qu'il était tombé dans le péché et le malheur, les humains risquaient de se décourager et de dire: "Il est inutile de servir Dieu. Nous avons obéi à ses ordres et nous avons participé à des cérémonies de deuil pour obtenir la faveur du Seigneur de l'univers, mais nous n'en avons tiré aucun profit" (Malachie 3:14), car une grande malédiction pèse sur la race humaine et nous sommes tous voués à la mort. Mais les enseignements que le Seigneur donna à Adam, qui furent transmis par Seth et pleinement mis en lumière par Hénok, dissipèrent les ténèbres et redonnèrent espoir aux hommes, car, de même que la mort est venue par Adam, de même, la vie et l'immortalité seraient obtenues par Jésus, le Rédempteur promis. HR 57 2 Au temps d'Hénok, on fit savoir aux fidèles découragés que, bien que vivant dans un milieu corrompu qui affichait ouvertement sa rébellion contre le Créateur, ceux qui lui obéiraient et qui mettraient leur confiance dans le Sauveur promis, agissant avec droiture comme le saint homme Hénok, seraient approuvés de Dieu et finalement élevés jusqu'à son trône céleste. HR 57 3 En se séparant du monde et en passant la majeure partie de son temps dans la prière et la communion avec le Seigneur, Hénok représentait le peuple de Dieu fidèle des derniers jours qui se tiendra à l'écart du monde. L'iniquité des humains atteindra alors un degré effrayant. Ils se livreront à tous les penchants de leurs coeurs pervers et adopteront une philosophie trompeuse et hostile à l'autorité d'en haut. HR 58 1 Les membres du peuple de Dieu renonceront aux coutumes impies de ceux qui les entourent et rechercheront la pureté des pensées et la conformité à sa sainte volonté jusqu'à ce que son image se reflète en eux. Comme Hénok, ils seront dans les conditions requises pour être transmués au ciel. Soucieux d'enseigner et d'avertir le monde, ils ne se conformeront pas à l'esprit et aux habitudes des incroyants, mais ils les condamneront par la sainteté de leur conduite et par l'exemple de leur piété. La translation d'Hénoc qui précéda de peu la destruction de l'humanité par le déluge préfigurait l'enlèvement de tous les justes vivants qui aura lieu avant la destruction de la terre par le feu. Alors, les saints seront glorifiés aux yeux de ceux qui les ont haïs à cause de leur obéissance fidèle aux saints commandements de Dieu. ------------------------Chapitre 8 -- Le déluge HR 59 0 Ce chapitre est basé sur Genèse 6:7; 8; 9:8-17. HR 59 1 Les descendants de Seth furent appelés les fils de Dieu, et les descendants de Caïn furent appelés les fils des hommes. Quand les fils de Dieu se mêlèrent aux filles des hommes, ils se corrompirent, et l'influence des femmes qu'ils choisirent pour épouses parmi eux leur fit perdre leur caractère saint et particulier, au point qu'ils se joignirent aux fils de Caïn pour se livrer à l'idolâtrie. Nombreux furent ceux qui abandonnèrent la crainte de l'Eternel et qui foulèrent aux pieds ses commandements. Cependant, une minorité d'entre eux pratiquèrent la justice, craignirent Dieu et le glorifièrent. Noé et sa famille étaient de ce nombre. HR 59 2 La perversité du genre humain était si profonde et si répandue que le Seigneur se repentit d'avoir créé l'homme sur la terre: "L'Eternel vit que la méchanceté des hommes était grande sur la terre, et que toutes les pensées de leur coeur se portaient chaque jour uniquement vers le mal". Genèse 6:5 (Segond). HR 59 3 Plus d'un siècle avant le déluge, Dieu envoya un ange auprès de Noé, le juste, pour lui faire savoir qu'il n'accorderait plus sa miséricorde à cette race corrompue. Le Seigneur ne voulait pas que les humains ignorent quel était son plan. Il donnerait ses instructions à Noé et ferait de lui un porte parole fidèle dont la mission serait d'avertir le monde de son imminente destruction, afin que les habitants de la terre soient sans excuse. Noé devait donc s'adresser au peuple, et par ailleurs, construire, selon les directives divines, une arche dans laquelle lui-même et sa famille trouveraient refuge. Il ne devait pas se contenter de prêcher: le fait qu'il était occupé à construire l'arche était destiné à convaincre les humains qu'il croyait ce qu'il prêchait. HR 60 1 Noé et sa famille n'étaient pas les seuls qui craignaient Dieu et obéissaient à sa parole. Mais Noé était l'homme le plus saint et le plus pieux de toute la terre. L'Eternel lui avait préservé la vie afin qu'il exécute sa volonté en construisant l'arche et qu'il avertisse le monde du destin qui l'attendait. Matusalem, grand-père de Noé, vécut jusqu'à la dernière année qui précéda le déluge. D'autres personnes, qui acceptèrent le message de Noé et l'aidèrent à la construction de l'arche, moururent avant que les eaux du déluge ne recouvrent la terre. Par sa prédication et par l'exemple qu'il donna en construisant l'arche, Noé condamna le monde. HR 60 2 Dieu donna à tous les humains l'occasion de se repentir et de revenir à lui. Mais ils ne crurent pas au message de Noé. Ils se moquèrent de ses avertissements et tournèrent en ridicule la construction de cet énorme navire sur la terre sèche. Les efforts de cet homme de Dieu pour que ses contemporains changent de conduite aboutirent à un échec. Mais durant plus d'un siècle, il ne cessa de les exhorter à se repentir et à revenir à l'Eternel. Chaque coup de marteau qui retentissait sur le bois de l'arche était un appel adressé au peuple. Noé dirigeait les travaux, prêchait, travaillait, tandis que les gens regardaient avec étonnement et le considéraient comme un fanatique. La construction de l'arche HR 61 1 Dieu indiqua à Noé les dimensions exactes de l'arche et lui donna des directives précises touchant sa construction jusque dans les moindres détails. Comparable à un navire quant à sa carène, de manière à pouvoir flotter sur l'eau, il ressemblait à d'autres égards à une maison d'habitation. Les côtés de l'arche ne comportaient pas de fenêtres. Elle avait trois étages et la lumière y pénétrait par une fenêtre située à son sommet. La porte d'accès était sur l'un des côtés. Les compartiments du vaisseau destinés à abriter différents animaux étaient disposés de manière à être tous éclairés par la fenêtre du haut. Le matériau employé pour sa construction était le cyprès ou bois de gopher, capable de résister à l'usure du temps pendant des siècles. La sagesse humaine eût été incapable de concevoir un bâtiment d'une telle solidité. Dieu en fut l'architecte et Noé le maître d'oeuvre. HR 61 2 Bien que Noé eût fait de son mieux pour exécuter le travail dans tous ses détails, il était inconcevable que l'arche puisse affronter le déchaînement de la colère de Dieu qui allait frapper la terre. La construction de l'arche fut un travail de longue haleine; chaque pièce de bois fut soigneusement ajustée et tous les joints furent enduits de poix. Tout ce que les hommes avaient pu faire pour que l'oeuvre réalisée soit parfaite avait été accompli. Mais seul -- par sa puissance miraculeuse -- le Très-Haut pouvait préserver le vaisseau des éléments en furie. HR 61 3 Au début, nombreux furent ceux qui semblèrent prêter l'oreille aux avertissements de Noé, mais ils ne revinrent pas totalement à Dieu et ne se repentirent pas sincèrement. Le temps qui s'écoula avant le déluge mit leur foi à l'épreuve; mais celle-ci ne résista pas à l'épreuve. Finalement, ils se laissèrent entraîner par la corruption générale et se joignirent aux êtres pervertis qui tournaient en dérision le saint homme Noé. Ils n'étaient pas décidés à abandonner leurs péchés, et continuèrent à pratiquer la polygamie et à se complaire dans leurs passions dégradantes. HR 62 1 Les jours de grâce étaient sur le point d'arriver à leur terme. Mais auparavant, les incrédules et les moqueurs devaient être témoins d'une manifestation particulière de la puissance divine. Noé s'étant strictement conformé aux instructions du Seigneur, la construction de l'arche fut terminée en plein accord avec ses directives et chargée d'une énorme provision de nourriture pour les hommes et les animaux. Après quoi, l'Eternel donna cet ordre au patriarche: "Entre dans l'arche, toi et toute ta famille, car j'ai constaté que tu es le seul parmi tes contemporains à m'être fidèle". Genèse 7:1. Les animaux entrent dans l'arche HR 62 2 Des anges furent envoyés dans les forêts et dans les champs pour rassembler les animaux que Dieu avait créés. On vit donc défiler, sous la conduite des anges, une foule d'animaux avançant deux par deux -- mâles et femelles -- ou par groupes de sept pour les animaux purs. Tous -- depuis les plus féroces jusqu'aux plus inoffensifs -- entrèrent paisiblement dans l'arche. Rempli d'oiseaux de toute espèce, le ciel s'obscurcit. Ces volatiles pénétrèrent dans l'arche, deux par deux, par couples, les oiseaux purs par groupes de septembre Les humains assistèrent à ce spectacle avec admiration, d'autres avec crainte; mais la rébellion les avait tellement endurcis que cette éclatante manifestation de la puissance divine ne produisit sur eux qu'une impression passagère. Sept jours durant, ces animaux continuèrent à entrer dans l'arche, où Noé les répartit dans les places qui leur avaient été réservées. HR 63 1 Pendant ce temps, l'humanité condamnée regarde avec admiration le soleil resplendissant de tous ses feux et la terre revêtue de sa beauté quasi-édénique. Alors, comme pour braver la colère divine, hommes et femmes cherchent à dissiper leurs craintes en se livrant à leurs divertissements tapageurs et à leurs actions de violence. HR 63 2 Tout était prêt pour que l'arche soit fermée, ce que Noé n'aurait pu faire de l'intérieur du vaisseau. La multitude des moqueurs aperçut bientôt un ange qui descendait du ciel, entouré d'une lumière aussi éblouissante que l'éclair. Après avoir fermé la lourde porte, l'ange reprit le chemin du ciel. HR 63 3 Sept jours durant, Noé et sa famille restèrent dans l'arche avant que la pluie ne commence à tomber. Ils en profitèrent pour préparer leur long séjour tandis que les eaux couvriraient la terre. Pendant ce temps, la multitude des incrédules se livraient avec joie à des blasphèmes. La prédiction de Noé ne s'étant pas réalisée aussitôt après son entrée dans l'arche, ils pensaient que celui-ci s'était trompé et que, de toute façon, il était impossible que le monde fût détruit par un déluge. D'ailleurs, il n'avait jamais plu jusque-là sur la terre; une vapeur s'élevait au-dessus des eaux, que Dieu faisait redescendre pendant la nuit sous forme de rosée, qui redonnait vie à la végétation et la faisait croître. HR 63 4 Malgré l'intervention extraordinaire de la puissance divine -- le défilé spectaculaire des animaux venus des forêts et des champs et pénétrant dans l'arche, et l'ange de Dieu revêtu de lumière et rayonnant d'une majesté redoutable venu du ciel pour en fermer la porte -- les humains endurcirent leur coeur et continuèrent de plus belle à se divertir au mépris des manifestations de la Providence. La tempête se déchaîne HR 64 1 Cependant, au huitième jour, le ciel s'obscurcit. Le tonnerre gronda et des éclairs sillonnèrent le ciel, terrifiant les hommes et les animaux. Les nuages commencèrent à répandre la pluie sur la terre. A ce spectacle sans précédent, ils ne tardèrent pas à être saisis de crainte. En proie à une folle terreur, les bêtes erraient en tous sens et, par leurs cris discordants, paraissaient gémir sur le sort qui les attendait, eux et les hommes. L'orage devint d'une violence telle que la pluie tombait du ciel comme de véritables cataractes. Les rivières débordèrent au point d'inonder les vallées. "Les sources du grand abîme jaillirent". Genèse 7:11 (Segond). Des trombes d'eau sortant du sein de la terre avec une force indescriptible projetèrent à cent et deux cents mètres de hauteur d'énormes rochers qui, en retombant, s'enfoncèrent dans le sol. HR 64 2 Les hommes constatèrent tout d'abord la destruction de l'ouvrage de leurs mains. Leurs somptueuses demeures, les jardins et les bosquets magnifiquement plantés, où ils avaient érigé leurs idoles, furent anéantis par la foudre qui en dispersa les débris. Ils avaient élevé des autels dans leurs parcs de verdure et les avaient consacrés à leurs idoles sur lesquels ils avaient offert des sacrifices humains. Ces autels que le Seigneur réprouvait furent renversés par sa colère sous leurs yeux, et ces adorateurs se mirent à trembler devant le pouvoir du Dieu vivant, qui a fait les cieux et la terre. Ils comprirent que c'étaient leurs abominations et leurs odieux sacrifices qui avaient causé leur destruction. HR 64 3 La violence de l'orage grandit, et le bruit des éléments en furie s'unit aux lamentations des humains qui avaient méprisé l'autorité du Très-Haut. Arbres, constructions, rochers et bancs de terre étaient projetés dans toutes les directions. La frayeur des hommes et des bêtes était indescriptible. Satan lui-même, qui n'avait pu échapper aux éléments déchaînés, tremblait pour sa vie. Après s'être réjoui de pouvoir tenir sous sa coupe une race aussi puissante, et désiré voir les hommes se livrer à leurs abominations et se révolter toujours plus contre le Dieu du ciel, il se répandit en imprécations contre lui, l'accusant d'injustice et de cruauté. Parmi le peuple, nombreux furent ceux qui, comme Satan, blasphémèrent le Très-Haut, et, s'ils avaient pu faire aboutir leur révolte, l'auraient volontiers chassé de son trône d'équité. HR 65 1 Tandis que les uns maudissaient et blasphémaient leur Créateur, d'autres, fous de peur, tendaient les mains vers l'arche, en suppliant qu'on leur permette d'y entrer. Mais c'était impossible. Dieu en avait fermé la porte, qui était la seule voie d'accès. Noé était à l'intérieur de l'arche; les impies étaient dehors, et le Seigneur seul pouvait ouvrir la porte. Leur angoisse et leur repentir se manifestaient trop tard. Ils étaient contraints de reconnaître l'existence d'un Dieu vivant et plus puissant que l'homme, d'un Dieu qu'ils avaient méprisé et blasphémé. Ils faisaient monter vers lui leurs supplications, mais ses oreilles étaient fermées à leurs cris. Dans leur désespoir, certains essayèrent de pénétrer de force dans l'arche, mais la solidité du vaisseau résistait à tous leurs efforts. D'autres se cramponnèrent à la coque jusqu'à ce qu'ils soient emportés par les flots en furie ou sous le choc des rochers et des arbres projetés en tous sens. HR 65 2 Ceux qui avaient pris à la légère le message de Noé et qui s'étaient moqué de ce prédicateur de la justice regrettèrent trop tard leur incrédulité. L'arche était secouée et ballottée par les vagues. A l'intérieur, les animaux manifestaient leur grande frayeur par toutes sortes de cris. Cependant, le vaisseau n'en continuait pas moins sa route au milieu des éléments déchaînés, de la force des vagues et en dépit des arbres et des rochers bousculés par les eaux. Des anges puissants avaient mission de guider l'arche et de la protéger. Pendant les quarante jours et les quarante nuits que dura cette violente tempête, le vaisseau fut constamment préservé par un miracle de la toute-puissance. HR 66 1 Menacés par la tempête, les animaux accouraient auprès des humains, comme pour chercher refuge auprès d'eux. Plusieurs, parmi le peuple, s'attachèrent, eux et leurs enfants, sur certains animaux particulièrement robustes, dotés d'un grand instinct de conservation, dans l'espoir qu'ils atteindraient certains points élevés du globe, et qu'ils échapperaient ainsi à la montée des eaux. Mais, loin de se calmer, la tempête continua de plus belle et les eaux montèrent plus vite que jamais. D'autres escaladèrent les hauteurs, croyant trouver refuge au sommet des arbres de haute taille. Mais ces arbres furent déracinés et projetés, avec des pierres et de la terre, au milieu des vagues écumantes. Sur des points particulièrement élevés, hommes et bêtes se disputaient une parcelle de terre ferme jusqu'à ce qu'ils soient emportés par les vagues déferlantes, qui atteignaient presque les plus hautes cimes. Finalement, ces cimes elles-mêmes furent atteintes par les eaux du déluge qui engloutirent les hommes et les bêtes. HR 66 2 Noé et sa famille étaient impatients de voir la décrue des eaux. Ils désiraient vivement se retrouver sur la terre ferme. Noé lâcha un corbeau qui se contenta de voler autour de l'arche. N'ayant pas obtenu l'information souhaitée, le patriarche lâcha une colombe qui, n'ayant pas trouvé de quoi se poser, revint à son point de départ. Sept jours plus tard, la colombe fut lâchée de nouveau, et quand elle revint, portant dans son bec une feuille d'olivier, les huit passagers qui étaient restés si longtemps dans l'arche se réjouirent. HR 67 1 Puis un ange descendit du ciel et ouvrit la porte du vaisseau. Noé pouvait ouvrir la fenêtre qui se trouvait sur le toit, mais il ne pouvait pas ouvrir la porte, que Dieu avait fermée. L'Eternel s'adressa à Noé par l'intermédiaire de l'ange qui avait ouvert la porte, et l'invita, lui et sa famille, à quitter l'arche, et à faire sortir avec eux tous les animaux qui s'y trouvaient. Le sacrifice de Noé et la promesse de Dieu HR 67 2 Noé n'oublia pas le Très-Haut qui, dans sa bonté, les avait protégés. Désireux de lui témoigner sa gratitude pour sa merveilleuse sollicitude, il bâtit l'autel sur lequel il offrit en holocauste toute espèce d'animaux et d'oiseaux purs, montrant ainsi sa foi dans le grand sacrifice du Christ. L'offrande de Noé fut en agréable odeur à l'Eternel qui agréa cet holocauste et le bénit, lui et les siens. Le patriarche donna ainsi une leçon destinée à toutes les générations futures: chaque manifestation de la miséricorde et de l'amour de Dieu à l'égard des humains devrait les inciter avant tout à lui rendre grâces et à l'adorer dans l'humilité. HR 67 3 Afin que les humains ne soient pas terrorisés à la vue de l'amoncellement des nuages et de la pluie, et qu'ils ne redoutent pas un autre déluge, le Seigneur fit à la famille de Noé cette promesse encourageante: "Voici à quoi je m'engage: Jamais plus la grande inondation ne supprimera la vie sur terre. Et Dieu ajouta: 'Voici le signe que je m'y engage envers vous et envers tout être vivant, aussi longtemps qu'il y aura des hommes: Je place mon arc dans les nuages; il sera le signe qui rappellera l'engagement que j'ai pris à l'égard de la terre. Chaque fois que j'accumulerai des nuages au-dessus de la terre et que l'arc-en-ciel apparaîtra, je penserai à l'engagement que j'ai pris envers vous et envers toutes les espèces d'animaux: il n'y aura jamais plus de grande inondation pour anéantir la vie. Je ferai paraître l'arc-en-ciel, et je penserai à l'engagement éternel que j'ai pris à l'égard de toutes les espèces vivantes de la terre'". Genèse 9:11-16. HR 68 1 Quelle sollicitude de la part de Dieu! Quelle compassion envers l'homme pécheur d'avoir ainsi prévu de faire apparaître au milieu des nuages ce magnifique arc-en-ciel multicolore, signe de son alliance avec les humains! Cet arc-en-ciel devait aussi rappeler aux générations successives que l'Eternel détruisit les habitants de la terre par un déluge, à cause de leur grande perversité. Il entrait dans ses desseins que lorsque les enfants des générations à venir interrogeraient leurs parents sur la signification de ce glorieux arc-en-ciel, ceux-ci puissent leur dire que l'ancien monde fut exterminé par un déluge parce que les hommes se livrèrent à toute sorte de méchanceté, et que le Tout-Puissant a placé cet arc dans les cieux pour rappeler que la terre entière ne serait jamais plus envahie par les eaux. HR 68 2 Ce signe dans le ciel est destiné à affermir la foi de tous et à fortifier leur confiance en Dieu. C'est une marque de sa miséricorde et de sa bonté envers ses créatures. Si le Seigneur a été amené à détruire l'humanité par le déluge, sa sollicitude n'en continue pas moins à englober la terre. Selon sa parole, lorsqu'il voit l'arc dans la nue, il se souvient de l'homme. Cela ne signifie pas qu'il risquerait sans cela d'oublier ses promesses, mais il utilise notre propre langage pour que nous puissions mieux le comprendre. ------------------------Chapitre 9 -- La tour de Babel HR 69 0 Ce chapitre est basé sur Genèse 11:1-9. HR 69 1 Certains des descendants de Noé commencèrent à se détourner de Dieu. Plusieurs suivirent l'exemple du patriarche et obéirent aux commandements de l'Eternel; d'autres, qui se montrèrent incrédules et rebelles, étaient par ailleurs en désaccord sur la signification du déluge. Les uns niaient l'existence de Dieu et attribuaient le déluge à des causes naturelles. Les autres croyaient que Dieu avait détruit les antédiluviens par le déluge, et ils se révoltaient contre lui à cause de cette extermination, et parce que la terre avait été maudite pour la troisième fois par ce cataclysme. HR 69 2 Les ennemis de Dieu se sentaient journellement condamnés par la bonne conduite et la vie sainte de ceux qui l'aimaient, lui obéissaient et le glorifiaient. Après s'être concertés, les incrédules décidèrent de se séparer des fidèles, dont la vie de droiture était incompatible avec leur conduite relâchée. Ils s'en éloignèrent donc à une distance respectable et choisirent une vaste plaine où ils s'installèrent. Après avoir construit une ville, ils eurent l'idée d'édifier une grande tour dont le sommet atteindrait le ciel, afin de pouvoir habiter dans la ville et dans la tour, et de ne plus être dispersés. HR 69 3 Désireux de se prémunir contre un autre cataclysme, ils voulaient édifier une tour dont la hauteur dépasserait de beaucoup le niveau que les eaux avaient atteint lors du déluge, si bien que le monde les honorerait comme s'ils étaient des dieux et qu'ils auraient la haute main sur le peuple. Cette construction fut réalisée de manière à glorifier ceux qui l'avaient conçue, détournant ainsi du Créateur les habitants de la terre et les incitant à se livrer à l'idolâtrie. Avant même que l'édifice ne soit achevé, la tour fut habitée. Elle comportait des pièces richement meublées et ornées qui étaient dédiées aux idoles. Ceux qui ne croyaient pas en l'Eternel s'imaginaient que si la tour pouvait atteindre jusqu'au ciel, ils pourraient connaître ainsi la cause du déluge. HR 70 1 Ces incrédules étaient en révolte contre Dieu. Mais le Seigneur ne permettrait pas que ces hommes achèvent leur ouvrage. La tour avait déjà atteint une hauteur impressionnante quand le Seigneur envoya deux anges pour faire obstacle à leurs travaux. Les choses avaient été organisées de telle sorte que les ouvriers qui travaillaient au sommet transmettaient leur demande de matériel à d'autres qui se trouvaient à l'étage au-dessous, lesquels la transmettaient à ceux qui se tenaient à l'étage inférieur, et ainsi de suite, jusqu'à ce que la demande parvienne à ceux qui étaient au niveau du sol. Or, c'est au moment où ce genre de message était transmis d'un étage à l'autre que les anges confondirent leur langage, de sorte que, parvenu aux ouvriers qui étaient postés au sol, la demande ne correspondait pas du tout à celle qui avait été formulée par ceux qui étaient au sommet de l'édifice. Mécontents et irrités, ces ouvriers se mirent à accuser ceux qu'ils croyaient responsables d'un tel malentendu. HR 70 2 Sur ce, leur travail fut complètement désorganisé. Furieux les uns contre les autres, et incapables d'expliquer pourquoi ils n'arrivaient plus à se comprendre, ces hommes se séparèrent et se dispersèrent sur la face de la terre. Jusque-là, les humains n'avaient parlé qu'une seule et même langue. HR 71 1 Finalement, pour manifester la colère divine, la foudre tomba sur le sommet de la tour et la précipita sur le sol. Ainsi, l'Eternel montra sa souveraineté à l'homme rebelle. ------------------------Chapitre 10 -- Abraham et la postérité promise HR 72 0 Ce chapitre est basé sur Genèse 12:1-5; 13; 15; 16; 17; 21; 22:1-19. HR 72 1 Le Seigneur choisit Abraham pour qu'il accomplisse sa volonté. Il lui ordonna de quitter le pays idolâtre qu'il habitait et de se séparer de sa famille. Il s'était révélé à Abraham dans sa jeunesse et l'avait instruit de manière à le préserver de l'idolâtrie. Le Très-Haut désirait faire de lui un modèle de foi et de piété pour son peuple qui devait vivre ici-bas. Cet homme était intégre, généreux et hospitalier. Comme un prince puissant au milieu de ses sujets, il inspirait le respect. Sa révérence et son amour envers Dieu, ainsi que sa fidèle obéissance à sa volonté lui attiraient l'estime de ses serviteurs et de ses voisins. L'exemple de piété et de droiture et les instructions qu'il donnait à ses gens de maison et à toute sa famille les incitaient à craindre le Dieu d'Abraham, à l'aimer et à le respecter. HR 72 2 Le Seigneur apparut à Abraham et lui promit que sa postérité serait aussi nombreuse que les étoiles du ciel. Il lui fit aussi savoir, au moyen d'une profonde et terrible obscurité dans laquelle il fut plongé, quel long et pénible esclavage ses descendants souffriraient en Egypte. HR 72 3 Aux origines, Dieu donna à Adam une seule femme, lui montrant ainsi quel était son plan. Il n'entrait nullement dans ses desseins que l'homme ait plusieurs femmes. Lémek fut le premier à s'écarter de cette disposition divine empreinte de sagesse. Cet homme eut deux femmes, ce qui fut une cause de discorde dans sa famille. L'envie et la jalousie de ces deux épouses le rendit vraiment malheureux. Quand les humains commencèrent à se multiplier sur la face de la terre et que des filles virent le jour, ils en prirent pour femmes parmi toutes celles qu'ils choisirent. Tel fut l'un des grands péchés des antédiluviens qui attirèrent sur eux la colère divine. Cette coutume se perpétua après le déluge et devint si courante que même des hommes justes l'adoptèrent: ils eurent, eux aussi, plusieurs femmes. Mais ce n'en était pas moins un péché, car ces hommes se corrompirent et s'écartèrent en cela du plan de Dieu. HR 73 1 Le Seigneur dit à Noé et à sa famille qui trouvèrent refuge dans l'arche: "J'ai constaté que tu es le seul parmi tes contemporains à m'être fidèle". Genèse 7:1. Noé n'avait qu'une seule épouse, et la discipline de leur unité familiale était bénie par Dieu. C'est parce que les fils de Noé étaient justes qu'ils furent admis dans l'arche au même titre que leur père. L'Eternel n'a jamais approuvé la polygamie. Elle est contraire à sa volonté, et il savait qu'une telle pratique détruirait le bonheur de l'homme. La paix d'Abraham fut grandement troublée à cause de son union avec Agar. Incrédulié à l'égard des promesses divines HR 73 2 Après qu'Abraham se fut séparé de Lot, le Seigneur lui dit: "Porte ton regard depuis le lieu où tu es, vers le nord et vers le sud, vers l'est et vers l'ouest. Tout le pays que tu vois, je le donnerai à toi et à tes descendants pour toujours. Je rendrai tes descendants si nombreux que personne ne pourra les compter, pas plus qu'on ne peut compter les grains de poussière sur le sol. ... Le Seigneur apparut à Abram et lui dit: N'aie pas peur, Abram! Je suis ton protecteur et je te donnerai une grande récompense. Abram répondit: Seigneur mon Dieu, à quoi bon me donner quelque chose? Je suis sans enfant, tu ne m'as pas accordé de descendant. Mon héritier, celui qui recevra mes biens, c'est Eliézer de Damas, un de mes domestiques". Genèse 13:14-16; 15:1-3. HR 74 1 Puisque Abraham n'avait pas de fils, il avait tout d'abord pensé qu'Eliézer, son fidèle serviteur, deviendrait son fils adoptif et son héritier. Le Seigneur fit alors savoir à Abraham que ce serviteur ne serait pas son fils ni son héritier, mais qu'il aurait un fils de sa propre chair. "Puis il (le Seigneur) fit sortir Abram de sa tente et lui dit: Regarde le ciel et compte les étoiles si tu le peux. Et il ajouta: Comme elles, tes descendants seront innombrables." Genèse 15:5. HR 74 2 Si Abraham et Sara avaient attendu avec confiance que la promesse d'avoir un fils se réalise, ils se seraient évité bien des soucis. Ils croyaient que la promesse divine était certaine, mais ils ne pouvaient pas croire que Sara, vu son âge, puisse avoir un fils. Sara suggéra alors à son mari de recourir à un moyen qui, selon elle, permettrait à la promesse de Dieu de se réaliser, et elle supplia Abraham de prendre Agar comme épouse. En cela, ils manquèrent l'un et l'autre de totale confiance en la puissance de Dieu. Du fait qu'il écouta Sara et qu'il prit Agar comme épouse, Abraham échoua dans l'épreuve de foi en la puissance illimitée du Seigneur à laquelle il avait été soumis, et il en résulta pour lui et pour Sara bien des souffrances morales. Dieu voulait éprouver la confiance du patriarche dans les promesses qui lui avaient été faites. L'arrogance d'Agar HR 75 1 Agar devint hautaine, présomptueuse, et traita sa maîtresse avec mépris. Elle était fière à l'idée de devenir la mère du peuple nombreux que Dieu avait promis à Abraham. Celui-ci dut écouter les plaintes de Sara au sujet du comportement d'Agar, et il se vit reprocher d'avoir mal agi. Attristé, Abraham dit à Sara qu'Agar étant sa servante, elle était en son pouvoir, mais que pour sa part, il refusait de la renvoyer, car elle devait donner le jour à son enfant, celui par qui la promesse devait s'accomplir. Et il ajouta qu'il n'aurait pas pris Agar pour épouse si Sara elle-même ne le lui avait pas instamment demandé. HR 75 2 Abraham dut à nouveau écouter les récriminations de Sara à propos de l'attitude de dénigrement de sa servante, ce qui le plongea dans la perplexité. S'il essayait de corriger les fautes d'Agar, il ne ferait qu'augmenter la jalousie et le mécontentement de Sara, sa première épouse, qu'il aimait profondément. De son coté, Agar décida de s'enfuir loin de sa maîtresse. Mais un ange de l'Eternel lui apparut d'abord pour la réconforter, ensuite pour lui reprocher son arrogance et pour l'engager à retourner auprès de sa maîtresse et à se soumettre à elle. HR 75 3 Après la naissance d'Ismaël, le Seigneur se révéla de nouveau à Abraham, et lui dit: "Je maintiendrai mon alliance avec toi, puis, après toi, avec tes descendants, de génération en génération, pour toujours". Genèse 17:7. Ainsi, l'Eternel réitéra, par l'intermédiaire de son ange, la promesse selon laquelle Sara aurait un fils, et qu'elle deviendrait la mère de beaucoup de nations. Verset 6. Mais Abraham ne comprenait pas encore le sens de cette promesse divine. Pour l'heure, sa pensée était fixée sur Ismaël, comme si, de ce dernier, naîtraient les nombreuses nations promises. Le patriarche s'écria, dans un élan d'affection pour ce fils: "Pourvu qu'Ismaël vive et que tu t'intéresses à lui, je n'en demande pas plus". Genèse 17:18. HR 76 1 Cependant, la promesse fut rappelée de manière formelle à Abraham: "Certainement Sara, ta femme, t'enfantera un fils; et tu l'appelleras du nom d'Isaac. J'établirai mon alliance avec lui comme une alliance perpétuelle". Genèse 17:19 (Segond). Des anges furent envoyés une deuxième fois auprès d'Abraham, tandis qu'ils se rendaient à Sodome pour détruire cette ville, et ils rappelèrent de façon plus précise encore la promesse selon laquelle Sara aurait un fils. Le fils promis HR 76 2 La naissance d'Isaac, qui remplit de joie Abraham et Sara, rendit Agar profondément jalouse. Ismaël avait appris par sa mère qu'il serait particulièrement béni de Dieu, en tant que fils d'Abraham, et qu'il deviendrait l'héritier promis. Ismaël partagea les sentiments de sa mère et fut irrité de voir la joie manifestée lors de la naissance d'Isaac. Il le méprisa, car il crut qu'on lui préférait Isaac. En voyant les sentiments qu'Ismaël manifestait à l'égard de son fils Isaac, Sara fut douloureusement affectée. Elle fit part à Abraham de l'attitude méprisante d'Ismaël à son égard et à l'égard d'Isaac, et lui dit: "Chasse cette esclave et son fils. Celui-ci ne doit pas hériter avec mon fils Isaac". Genèse 21:10. HR 76 3 Le patriarche fut profondément affligé par cette demande. Après tout, Ismaël était son fils; il l'aimait. Comment pourrait-il s'en séparer? Totalement désemparé, il implora l'aide de Dieu. Et le Seigneur lui dit, par l'intermédiaire de ses anges, d'accéder à la demande de Sara, sa femme, et de ne pas permettre que ses sentiments pour son fils ou pour Agar l'en empêchent. C'était du reste le seul moyen de rétablir l'harmonie et le bonheur dans sa famille. L'ange ajoutait une promesse réconfortante: bien que séparé de la maison de son père, Ismaël ne mourrait pas et ne serait pas abandonné de Dieu; il serait protégé parce qu'il était fils d'Abraham, et il deviendrait le père d'une grande nation. HR 77 1 Abraham fit preuve de grandeur d'âme et de bienveillance lorsqu'il intercéda avec ardeur en faveur des habitants de Sodome. Son caractère fort souffrit beaucoup. Il fut accablé de tristesse et ses sentiments de père furent profondément affectés lorsqu'il dut renvoyer Agar et son fils Ismaël désormais condamnés à errer comme des étrangers en terre inconnue. HR 77 2 Si Dieu avait approuvé la polygamie, il n'aurait pas dit à Abraham de renvoyer Agar et son fils. Le Seigneur nous enseigne par là une leçon, à savoir que les droits et le bonheur conjugaux doivent toujours être respectés et sauvegardés, fût-ce au prix d'un grand sacrifice. Sara étant la première -- et donc la seule femme légitime -- d'Abraham, elle possédait des droits exclusifs d'épouse et de mère au sein de sa famille. Elle respectait son mari, l'appelait son seigneur, mais se refusait à partager ses affections avec Agar. Dieu ne la blâma pas de son comportement. En revanche, les anges reprochèrent à Abraham d'avoir douté de la puissance de Dieu, d'avoir pris Agar pour femme et d'avoir espéré que par elle la promesse divine s'accomplirait. L'épreuve suprême de la foi HR 77 3 Puis le Seigneur jugea bon de tester la foi d'Abraham en le soumettant à une redoutable épreuve. S'il avait passé avec succès le premier test, en attendant patiemment que la promesse soit accomplie en faveur de Sara, et s'il n'était pas allé auprès d'Agar, il n'aurait pas été nécessaire qu'il soit soumis à l'épreuve la plus sévère qui ait jamais été imposée à l'homme. Dieu dit à Abraham: "Prends ton fils Isaac, ton fils unique que tu aimes tant, va dans le pays de Moria, sur une montagne que je t'indiquerai, et là offre-le moi en sacrifice". Genèse 22:2. HR 78 1 Abraham ne douta pas et n'hésita pas; de bon matin, il prit deux de ses serviteurs et Isaac, son fils, se munit de bois pour l'holocauste, et se dirigea vers l'endroit que le Seigneur lui avait indiqué. Sachant que l'affection de Sara pour son fils la conduirait à douter de Dieu et à retenir Isaac, Abraham ne révéla pas à son épouse le véritable motif de son voyage. De son côté, le patriarche ne permit pas à ses sentiments paternels de le dominer et de le conduire à se révolter contre Dieu. Pourtant, l'ordre divin fut formulé en des termes qui étaient de nature à le troubler au plus profond de son âme. "Prends ton fils". Puis, comme pour sensibiliser son coeur un peu plus, le Seigneur ajouta: "Ton fils unique que tu aimes tant, Isaac"; autrement dit, le seul fils de la promesse, "et offre-le moi en sacrifice". HR 78 2 Trois jours durant, ce père marcha avec son fils; il eut donc suffisamment de temps pour réfléchir et pour douter finalement de Dieu s'il y avait été enclin. Mais la foi du patriarche ne faiblit pas. Il ne lui vint pas à l'esprit que la promesse pourrait être accomplie par Ismaël, car l'Eternel lui avait dit clairement qu'elle le serait par Isaac. HR 78 3 Abraham croyait qu'Isaac était le fils de la promesse. Par ailleurs, il savait que Dieu avait été très explicite lorsqu'il lui avait dit de l'offrir en holocauste. Il ne douta pas de la promesse divine, mais il crut que le Seigneur qui, dans sa providence, avait donné un fils à Sara dans sa vieillesse, et qui lui demandait maintenant de sacrifier la vie de ce fils, pouvait redonner vie à Isaac et le ramener d'entre les morts. HR 79 1 Abraham laissa les serviteurs au bord du chemin, car il se proposait de s'éloigner à quelque distance pour adorer avec son fils. Il ne voulait pas que ces serviteurs les accompagnent de peur que, par affection pour Isaac, ils ne s'opposent à ce que l'Eternel avait ordonné de faire. Il prit donc le bois de leurs mains, et le chargea sur les épaules de son fils. Il prit aussi le feu et le couteau. Le saint homme s'apprêtait donc à accomplir la terrible mission que Dieu lui avait confiée. Père et fils marchèrent tous deux ensemble. HR 79 2 "Isaac s'adressa à son père, Abraham. Celui-ci répondit: Oui, je t'écoute, mon fils. Nous avons le feu et le bois, dit Isaac, mais où est l'agneau pour le sacrifice? Abraham répondit: Mon fils, Dieu veillera lui-même à procurer l'agneau. Ils continuèrent d'avancer ensemble". Genèse 22:7, 8. HR 79 3 A la fois décidé, grave, aimant et affligé, le père avançait aux côtés de son fils. Lorsqu'ils arrivèrent à l'endroit que Dieu avait indiqué, Abraham construisit un autel, et y disposa le bois pour le sacrifice. Alors, il fit part à Isaac de l'ordre que l'Eternel lui avait donné: l'offrir en holocauste. Il lui rappela la promesse que le Seigneur lui avait faite à plusieurs reprises, à savoir qu'Isaac deviendrait une grande nation, et que si le patriarche obéissait à l'ordre divin de sacrifier son fils, le Très-Haut accomplirait sa promesse, car il avait le pouvoir de le ressusciter des morts. Le message de l'ange HR 79 4 Isaac crut en Dieu. Dès son enfance, il avait appris à obéir aveuglément à son père; de plus, il aimait et révérait le Dieu de son père. En la circonstance, il aurait pu, s'il l'avait voulu, s'opposer à la volonté d'Abraham. Mais après l'avoir embrassé affectueusement, le jeune homme accepta d'être attaché sur le bois. "Il (Abraham) saisit alors le couteau pour égorger son fils, mais l'ange du Seigneur l'appela du ciel: Abraham, Abraham! Oui, répondit Abraham, je t'écoute. Le Seigneur reprit: Epargne l'enfant, ne lui fais aucun mal. Je sais maintenant que tu respectes mon autorité; tu ne m'as pas refusé ton fils unique. Abraham aperçut alors un bélier retenu par les cornes dans un buisson. Il alla le prendre et l'offrit en sacrifice à la place de son fils". Genèse 22:10-13. HR 80 1 Ainsi, Abraham avait passé victorieusement l'épreuve, et sa fidélité avait réparé son manque de foi totale en Dieu, ce qui l'avait poussé à prendre Agar comme épouse. Après cette manifestation de foi et de confiance, le Seigneur lui réitéra une fois encore sa promesse: "Du ciel l'ange du Seigneur appela Abraham une seconde fois et lui dit: Le Seigneur déclare ceci: Parce que tu as agi ainsi et que tu ne m'as pas refusé ton fils unique, je jure de te bénir en rendant tes descendants aussi nombreux que les étoiles dans le ciel ou les grains de sable au bord de la mer. Tes descendants s'empareront des cités de leurs ennemis. A travers eux je bénirai toutes les nations de la terre parce que tu as obéi à mes ordres." Genèse 22:15-18. ------------------------Chapitre 11 -- Le mariage d'Isaac HR 81 0 Ce chapitre est basé sur Genèse 24. HR 81 1 Les habitants de Canaan étaient des idolâtres; aussi le Seigneur avait-il défendu à son peuple de contracter mariage avec eux, de peur qu'il ne soit entraîné dans l'idolâtrie. Abraham était âgé, et il s'attendait à mourir sous peu. Quant à Isaac, il n'était pas encore marié. Abraham était inquiet à cause du milieu corrompu dans lequel Isaac vivait, et il était désireux de lui choisir une épouse qui ne l'éloignerait pas de Dieu. Il en confia le soin à son fidèle et expérimenté serviteur qui administrait tous ses biens. HR 81 2 Abraham demanda donc à ce serviteur de lui promettre solennellement devant le Seigneur qu'il ne choisirait pas pour Isaac une épouse parmi les Cananéens, mais qu'il dirigerait ses recherches parmi la parenté d'Abraham dont les membres croyaient au vrai Dieu. Il lui dit de prendre garde de ne pas conduire Isaac dans le pays d'où il venait, car les habitants s'adonnaient presque tous à l'idolâtrie. S'il ne pouvait pas trouver pour Isaac une jeune fille qui consente à quitter sa famille et à venir habiter là où Isaac et les siens résidaient, le serviteur serait délié de sa promesse. HR 81 3 Cette importante question ne fut pas laissée au loisir d'Isaac, sans que son père soit consulté. Abraham dit à son serviteur que le Seigneur enverrait un ange devant lui pour le diriger dans son choix. Chargé de cette mission, le serviteur partit pour un long voyage. Tandis qu'il entrait dans la ville où habitait la parenté d'Abraham, il pria Dieu avec ferveur pour qu'il l'inspire dans le choix d'une épouse pour Isaac, et il demanda un signe, afin qu'il ne commette pas d'erreur. Il s'était arrêté pour se reposer près d'un puits, qui était un endroit où l'on rencontrait un grand nombre de personnes. Là, son attention fut attirée par l'amabilité et l'empressement d'une jeune fille nommée Rébecca. Et il vit aussitôt en elle le signe qu'il avait demandé à Dieu: c'était manifestement elle que l'Eternel destinait comme épouse pour Isaac. Puis Rébecca invita le serviteur dans la maison de son père. Et le serviteur raconta au père et au frère de Rébecca comment le Seigneur lui avait montré que celle-ci était destinée à devenir l'épouse d'Isaac, le fils de son maître. HR 82 1 Le serviteur d'Abraham leur dit: "Maintenant, dites-moi si vous êtes disposés à agir avec bienveillance et fidélité envers mon maître. Sinon je m'en irai ailleurs. Laban et Betouel répondirent: C'est le Seigneur qui a dirigé ces événements. Nous n'avons pas à en discuter. Rébecca est là, devant toi. Emmène-la avec toi. Qu'elle devienne la femme du fils de ton maître, comme le Seigneur l'a dit. Quand le serviteur d'Abraham entendit ces paroles, il remercia le Seigneur en s'inclinant jusqu'à terre". Genèse 24:49-52. HR 82 2 Après que tout fut arrangé, et que le consentement du père et du frère fut obtenu, on demanda à Rébecca si elle était disposée à partir avec le serviteur d'Abraham dans une contrée éloignée pour devenir le femme d'Isaac. "Oui, répondit-elle". HR 82 3 A cette époque, les questions matrimoniales étaient généralement réglées par les parents. Cependant, on ne contraignait pas les intéressés à épouser une personne qu'ils n'aimaient pas. Mais les affections des jeunes étaient dirigées par le jugement mûri des parents. Ils suivaient leurs conseils et portaient leur affection sur celui ou celle que leurs parents, qui craignaient Dieu et avaient de l'expérience, avaient choisi pour eux. Refuser de tenir compte de leur avis était considéré comme un délit. Un exemple d'obéissance filiale HR 83 1 Isaac avait été élevé dans la crainte de l'Eternel et avait appris à vivre dans l'obéissance. Agé de quarante ans, il consentit à ce que le serviteur de son père, qui craignait Dieu et avait de l'expérience, choisisse pour lui. Isaac croyait que le Seigneur dirigerait ce serviteur pour qu'il trouve la femme qui lui était destinée. HR 83 2 L'histoire d'Isaac nous a été rapportée à titre d'exemple, pour que les enfants des générations à venir le suive, notamment ceux qui professent craindre l'Eternel. HR 83 3 L'éducation qu'Abraham donna à son fils Isaac, et qui permit à celui-ci de pratiquer une vie d'obéissance inspirée par des sentiments nobles, a été consignée dans les Ecritures à l'intention des parents, qui doivent diriger leur famille de manière que leur exemple soit suivi. Ils doivent apprendre à leurs enfants à respecter leur autorité et à s'y soumettre. Ils doivent prendre conscience de la responsabilité qui repose sur eux et qui consiste à diriger les affections de leurs enfants, afin qu'éclairées par leur jugement, celles-ci se portent sur des personnes susceptibles de devenir de bons conjoints pour leurs fils et leurs filles. ------------------------Chapitre 12 -- Jacob et Esaü HR 84 0 Ce chapitre est basé sur Genèse 25:19-34; 27:1-32. HR 84 1 Dieu connaît la fin dès le commencement. Il savait donc, avant même leur naissance, quel serait le caractère de Jacob et d'Esaü. Il savait qu'Esaü n'aurait pas un coeur enclin à lui obéir. Le Seigneur répondit à la prière angoissée de Rébecca et lui annonça qu'elle aurait deux enfants, dont l'aîné serait assujetti au plus jeune. Il lui prédit l'avenir de ses deux fils, à savoir qu'ils seraient à l'origine de deux peuples, dont l'un serait plus fort que l'autre, et que le plus grand serait dominé par le plus petit. Le premier-né bénéficiait d'avantages et de privilèges particuliers dont ne jouissaient pas les autres membres de la famille. HR 84 2 Isaac aimait Esaü plus que Jacob, parce qu'Esaü lui procurait du gibier. Il admirait le courage et l'audace avec lesquels ce fils chassait les animaux sauvages. Jacob, lui, était le préféré de sa mère, parce que sa douceur convenait mieux à son coeur de femme. Elle avait appris à Jacob ce que Dieu lui avait fait savoir: que l'aîné de ses deux fils serait soumis au plus jeune. Or, dans l'esprit du jeune Jacob, cela signifiait que cette promesse ne pouvait pas se réaliser aussi longtemps qu'Esaü possédait les privilèges qui appartenaient de droit au premier-né. Un jour qu'Esaü revenait des champs, très affamé, Jacob profita de l'occasion pour en tirer avantage: il consentirait à lui offrir du potage aux lentilles qu'il avait préparé à condition qu'Esaü renonçe totalement à ses droits. C'est ainsi qu'Esaü vendit son droit d'aînesse à Jacob. HR 85 1 Esaü épousa deux femmes idolâtres, ce qui fut une cause de profonde tristesse pour Isaac et Rébecca. Malgré cela, Jacob préférait Esaü à Jacob. Quand il vit sa fin approcher, il demanda à Esaü de lui préparer un plat de viande, afin qu'il puisse le bénir avant de mourir. Esaü n'avait pas dit à son père qu'il avait vendu sous serment son droit d'aînesse à Jacob. De son côté, Rébecca avait entendu ce qu'Isaac avait demandé à Esaü, et elle se souvint des paroles du Seigneur: "L'aîné servira le plus jeune". Genèse 25:23. Par ailleurs, elle savait qu'Esaü avait fait bon marché de son droit d'aînesse et qu'il l'avait vendu à Jacob. Elle persuada celui-ci de tromper son père et, en usant de supercherie, de recevoir la bénédiction de son père qu'elle ne croyait pas pouvoir obtenir par un autre moyen. Jacob se montra tout d'abord réticent à l'idée de commettre cette tromperie. Mais finalement, il accepta le plan de sa mère. HR 85 2 Rébecca connaissait bien les préférences d'Isaac pour Esaü, et elle savait qu'aucun raisonnement n'y changerait rien. Loin de se confier en Dieu, qui dirige les événements, elle montra son manque de foi en persuadant Jacob de tromper son père. Sur ce point, le Seigneur n'approuva pas Jacob. Rébecca et Jacob auraient dû attendre que Dieu accomplisse ses desseins à sa manière et au moment qu'il jugeait opportun, au lieu de forcer le cours des événements en recourant à une tromperie. HR 85 3 Si Esaü avait reçu la bénédiction de son père, qui était accordée au premier-né, sa prospérité serait venue de Dieu seul, et le ciel aurait pu lui donner soit la prospérité, soit l'adversité, selon sa conduite. S'il avait aimé et respecté Dieu, comme Abel, le juste, il aurait été agréé et béni du Seigneur. Mais si, comme le méchant Caïn, il n'avait pas respecté Dieu ni ses commandements, et s'il avait suivi ses mauvaises voies, il n'aurait pas été béni du Très-Haut et aurait été rejeté de lui, comme Caïn. Si la conduite de Jacob était digne, s'il aimait et craignait Dieu, il serait béni, et la sollicitude divine lui serait assurée, même s'il n'avait pas obtenu les bénédictions et les privilèges habituellement réservés au premier-né. Les années d'exil HR 86 1 Rébecca se repentit amèrement du mauvais conseil qu'elle avait donné à Jacob, car, à la suite de cela, elle fut séparée de lui pour toujours. En effet, celui-ci fut obligé de fuir pour sauver sa vie, à cause de la colère de son frère, et sa mère ne devait jamais plus revoir son fils préféré. Isaac vécut de nombreuses années après avoir accordé sa bénédiction à Jacob, et, en comparant la conduite de ses deux fils, le patriarche acquit la conviction que cette bénédiction revenait de droit à Jacob. HR 86 2 Bien que ses deux épouses fussent soeurs, Jacob n'était pas heureux en ménage. Il avait passé un contrat de mariage avec Laban pour pouvoir épouser sa fille Rachel, qu'il aimait. Après que Jacob eut travaillé pendant sept ans à son service pour obtenir la main de Rachel, Laban usa de supercherie à son égard et lui donna Léa comme épouse. Quand Jacob se rendit compte de la tromperie dont il avait été victime, et que de plus Léa avait été complice de cette ruse, il ne lui fut pas possible de l'aimer. En fait, Laban, oncle de Jacob, voulait profiter le plus longtemps possible des services de son neveu; c'est pourquoi il le trompa et lui donna Léa à la place de Rachel. Jacob reprocha à Laban de n'avoir tenu aucun compte de ses sentiments et de lui avoir donné Léa, qu'il n'aimait pas. Néanmoins, Laban supplia Jacob de ne pas la répudier, car à l'époque, un tel geste était considéré comme un grand déshonneur, non seulement pour l'épouse, mais pour la famille tout entière. Jacob se trouva donc dans une situation très délicate, mais il décida de garder Léa, et d'épouser aussi Rachel. Mais Léa fut beaucoup moins aimée que sa soeur. HR 87 1 Laban se comportait en égoïste à l'égard de Jacob. Il cherchait uniquement à tirer profit des fidèles services de Jacob. Ce dernier aurait quitté depuis longtemps son oncle rusé s'il n'avait craint de rencontrer Esaü. Un jour, Jacob "apprit que les fils de Laban disaient: 'Jacob s'est emparé de tout ce qui appartenait à notre père; c'est de cette façon qu'il s'est constitué toute sa richesse.' Il s'aperçut aussi que Laban n'avait plus à son égard la même attitude qu'auparavant". Genèse 31:1, 2. HR 87 2 Jacob fut attristé et désemparé. Il présenta son cas au Seigneur et lui demanda de le diriger. Dans sa bonté, l'Eternel répondit à ses appels de détresse: "Retourne au pays de tes parents, auprès de ta famille. Je serai avec toi. Jacob fit venir Rachel et Léa aux champs, où étaient ses troupeaux, pour leur dire: Je m'aperçois que votre père n'a plus à mon égard la même attitude qu'auparavant, mais le Dieu de mon père a été avec moi. Vous savez bien que j'ai servi votre père de toutes mes forces; pourtant il a changé dix fois mon salaire. Mais Dieu ne l'a pas laissé me faire du tort". Genèse 31:3-7. Jacob raconta à ses deux femmes le songe qu'il avait reçu de Dieu, d'après lequel il devait quitter Laban et retourner dans sa famille. Rachel et Léa lui dirent qu'elles n'approuvaient pas les agissements de leur père. Et après que Jacob eut rappelé les torts de son oncle à leur égard et qu'il leur eut proposé de quitter Laban, Rachel et Léa répondirent: "Nous n'avons plus de part d'héritage dans la maison de notre père. Ne nous a-t-il pas considérées comme des étrangères, puisqu'il nous a vendues et qu'il a ensuite dépensé l'argent qui devait nous revenir? Par conséquent tous les biens que Dieu a enlevés à notre père nous appartiennent, à nous et à nos enfants. Fais donc tout ce que Dieu t'a ordonné". Genèse 31:14-16. Le retour en Canaan HR 88 1 En l'absence de Laban, Jacob prit sa famille et tous ses biens, et partit. Après que celui-ci eut voyagé pendant trois jours, Laban apprit qu'il l'avait quitté, et il entra dans une grande colère. Il se mit alors à sa poursuite, bien décidé à le ramener chez lui de force. Mais le Seigneur eut pitié de Jacob et, tandis que Laban était sur le point de le rattraper, Dieu lui parla en songe et lui dit: "Garde-toi de faire quoi que ce soit à Jacob". Genèse 31:24. Autrement dit, il ne devait ni l'obliger à revenir chez lui, ni lui faire des promesses mirifiques. HR 88 2 Quand Laban se trouva devant Jacob, il lui demanda pourquoi il était parti comme un voleur, en emmenant ses filles comme des captives prises par l'épée, et il ajouta: "Ma main est assez forte pour vous faire du mal; mais le Dieu de votre père m'a dit hier: Garde-toi de parler à Jacob ni en bien ni en mal!" Jacob rappela alors à Laban la mesquinerie dont il avait fait preuve à son égard, ne cherchant toujours que son avantage. Puis il dit à son oncle qu'il avait agi avec droiture envers lui: "Jamais je ne t'ai rapporté une bête tuée par les animaux sauvages, j'en ai suppporté moi-même la perte. Tu me réclamais les bêtes volées, qu'elles aient été dérobées le jour ou la nuit. Le jour je souffrais de la chaleur et la nuit du froid, au point de ne pouvoir trouver le sommeil". Genèse 31:39, 40. HR 88 3 Jacob ajouta: "J'ai accepté de passer vingt ans chez toi; j'ai travaillé chez toi quatorze ans pour épouser tes deux filles et six ans pour acquérir du bétail, mais toi, tu as changé dix fois mon salaire. Si le Dieu de mon grand-père Abraham, le Dieu qui faisait trembler mon père Isaac, ne m'avait pas aidé, tu m'aurais laissé repartir les mains vides". Genèse 31:41, 42. HR 89 1 Sur ce, Laban donna à son neveu l'assurance qu'il avait de l'affection pour ses filles et pour leurs enfants, et que par conséquent, il ne leur ferait pas de mal. Il proposa même de conclure une alliance avec Jacob: "Allons, concluons tous les deux un accord, et qu'il y ait un témoin entre nous. Jacob prit alors une pierre et la dressa. Ensuite il dit à ses gens de ramasser des pierres. Ils en ramassèrent et en firent un tas. Puis tous mangèrent sur ce tas". Genèse 31:44-46. HR 89 2 Et Laban dit encore: "Que le Seigneur nous surveille quand nous serons hors de vue l'un de l'autre. Si tu fais souffrir mes filles, si tu prends d'autres femmes pour épouses, fais bien attention, ce n'est pas un homme qui est témoin entre nous, mais Dieu lui-même". Genèse 31:49, 50. HR 89 3 De son côté, Jacob fit devant Dieu la promesse solennelle qu'il ne prendrait pas d'autres femmes. "Laban dit à Jacob: Regarde ce tas de pierres que j'ai placé entre nous, regarde cette pierre dressée. Ce tas et cette pierre sont pour nous des témoins: je ne dois pas les dépasser dans ta direction avec de mauvaises intentions, ni toi non plus dans ma direction. Que le Dieu d'Abraham et le Dieu de Nahor soient juges entre nous. Alors Jacob prêta serment par le Dieu qui faisait trembler son père Isaac". Genèse 31:51-53. HR 89 4 Tandis que Jacob poursuivait son chemin, les anges de Dieu le rencontrèrent. Quand il les vit, il dit: "C'est le camp de Dieu!" Genèse 32:2 (Segond). Il vit en songe les anges du Seigneur qui se tenaient autour de lui, et il envoya un message empreint d'humilité et d'esprit de conciliation à son frère Esaü. HR 90 1 "Les messagers revinrent dire à Jacob: Nous sommes allés trouver ton frère Esaü. Il marche à ta rencontre avec quatre cents hommes. Jacob fut saisi d'une très grande peur. Il sépara en deux groupes les gens qui étaient avec lui, ainsi que les moutons et les chèvres, les boeufs et les chameaux. Il se disait: 'Si Esaü s'attaque à un groupe, l'autre pourra échapper.' HR 90 2 "Ensuite, Jacob pria: O Dieu de mon grand-père Abraham, de mon père Isaac, tu m'as dit: 'Retourne dans ton pays, auprès de ta famille. J'agirai et tout ira bien pour toi.' Seigneur, je ne suis pas digne de toutes les faveurs que tu m'as accordées avec tant de fidélité, à moi ton serviteur. Je n'avais que mon bâton quand j'ai traversé le Jourdain, et maintenant je reviens avec ces deux groupes. Délivre-moi de mon frère Esaü, car j'ai peur de lui, je crains qu'il vienne me tuer avec les femmes et les enfants. Souviens-toi que tu m'as dit: 'J'agirai et tout ira très bien pour toi. Je rendrai tes descendants innombrables, comme les grains de sable au bord de la mer'". Genèse 32:6-12. ------------------------Chapitre 13 -- Jacob et l'ange HR 91 0 Ce chapitre est basé sur Genèse 32:24-33:11. HR 91 1 La faute dont Jacob s'était rendu coupable en obtenant par une tromperie la bénédiction destinée à son frère lui revint en mémoire avec force, et il eut peur que Dieu ne permette à Esaü de lui ôter la vie. Dans son angoisse, il pria Dieu toute la nuit. Je vis qu'un ange se présenta devant Jacob pour lui révéler sa faute sous son vrai jour. Mais au moment où l'ange s'apprêtait à le quitter, Jacob s'accrocha à lui, et le supplia avec larmes de ne pas s'en aller. Il affirma qu'il s'était profondément repenti de ses péchés et des torts qu'il avait causés à son frère, et il dit qu'à la suite de cela, il avait dû rester éloigné de la maison de son père pendant vingt ans. Jacob alla jusqu'à mentionner les promesses de Dieu et les signes de sa faveur dont il avait été l'objet de temps à autre depuis qu'il avait quitté sa famille. HR 91 2 Toute la nuit, Jacob lutta avec l'ange, le suppliant de le bénir. L'ange semblait vouloir repousser sa prière, en lui rappelant constamment ses péchés, tout en essayant de se détacher de lui. Jacob était bien décidé à retenir l'ange, non par la force physique, mais par celle d'une foi vivante. Dans sa détresse, Jacob mentionna le repentir de son âme, et la honte qu'il éprouvait à cause de ses fautes. L'ange considérait sa prière avec une apparente indifférence, cherchant continuellement à se dégager de son étreinte. Il aurait pu faire appel à sa puissance surnaturelle pour s'en libérer, mais préféra s'en abstenir. HR 92 1 Quand l'ange se rendit compte qu'il ne parvenait pas à persuader Jacob de son pouvoir surnaturel, il le frappa à l'articulation de la hanche, qui se déboîta aussitôt. Mais malgré la douleur ainsi causée, Jacob n'était pas disposé à abandonner la partie. Son but était d'obtenir une bénédiction, et la souffrance physique ne suffit pas à détourner son esprit de cet objectif. Dans les derniers instants du combat, il fut encore plus déterminé qu'au début. Sa foi persista et grandit jusqu'au dernier moment -- jusqu'au lever du jour. Il ne laissa pas l'ange partir jusqu'à ce que celui-ci l'ait béni. "Il (l'ange) dit alors: Laisse-moi partir, car voici l'aurore. Je ne te laisserai pas partir si tu ne me bénis pas, répliqua Jacob". Genèse 32:26, 27. Alors l'ange lui demanda: "Comment t'appelles-tu? Jacob, répondit-il. L'autre reprit: On ne t'appellera plus Jacob mais Israël, car tu as lutté avec Dieu et contre les hommes, et tu as été le plus fort". Genèse 32:28, 29. La victoire de la foi HR 92 2 La foi persévérante de Jacob remporta la victoire. Il se cramponna à l'ange jusqu'à ce qu'il ait obtenu la bénédiction qu'il désirait, et l'assurance que ses péchés étaient pardonnés. Son nom: Jacob, le supplanteur, fut changé en celui d'Israël, qui signifie un prince de Dieu. S'adressant à l'ange, il lui demanda: "Dis-moi donc quel est ton nom. Pourquoi me demandes-tu mon nom? répondit-il. Alors il bénit Jacob. Celui-ci déclara: J'ai vu Dieu face à face et je suis encore en vie". Genèse 32:30, 31. C'est le Christ qui avait lutté toute cette nuit-là avec Jacob, et qu'il avait retenu auprès de lui jusqu'à ce qu'il l'ait béni. HR 92 3 Le Seigneur entendit les supplications de Jacob et changea les dispositions du coeur d'Esaü. Cependant, il n'approuva aucune des mauvaises actions que Jacob avait commises. La vie de celui-ci avait été marquée par le doute, la perplexité et le remords, à cause de son péché, jusqu'à ce qu'il ait lutté de toute son âme avec l'ange et qu'il ait acquis la certitude que le Seigneur avait pardonné ses fautes. HR 93 1 "Il (Jacob) combattit contre un ange, celui-ci fut vainqueur. Jacob pleura et demanda grâce. A Béthel il rencontra Dieu, et Dieu lui parla". Osée 12:4, 5. HR 93 2 Esaü allait à la rencontre de Jacob avec une armée, dans l'intention de tuer son frère. Mais tandis que Jacob luttait avec l'ange, un autre ange était envoyé pour agir sur le coeur d'Esaü durant son sommeil. En songe, celui-ci vit son frère en exil depuis vingt ans loin de la maison de son père, parce qu'il craignait pour sa vie. Il le vit marqué par le chagrin à cause de la mort de sa mère. Il le vit plein d'humilité et entouré des anges de Dieu. Esaü rêva qu'en le retrouvant, il n'éprouvait aucune envie de lui faire du mal. Lorsqu'il sortit de son sommeil, il raconta le songe qu'il avait eu à ses quatre cents hommes, et leur dit de ne pas faire de mal à Jacob, parce que le Dieu de son père était avec lui. Quand ils rencontreraient Jacob, nul d'entre eux ne devait porter la main sur lui. HR 93 3 "Jacob vit Esaü qui arrivait avec quatre cents hommes. Il répartit les enfants entre Léa, Rachel et les deux servantes. Il plaça en tête les deux servantes avec leurs enfants, puis derrière eux Léa et ses enfants, enfin Rachel et Joseph. Lui-même s'avança le premier. Il s'inclina sept fois jusqu'à terre avant d'arriver près de son frère. Alors Esaü courut à sa rencontre, se jeta à son cou et l'embrassa". Genèse 33:1-4. Jacob pria Esaü de bien vouloir accepter de sa part une offrande de paix, que son frère refusa. Jacob lui dit: "Accepte donc, je t'en prie, le cadeau que je t'ai envoyé, car Dieu m'a été favorable, et j'ai tout ce qu'il me faut. Jacob insista. Esaü finit par accepter". Genèse 33:11. Un enseignement pour le peuple de Dieu HR 94 1 Jacob et Esaü représentent deux catégories de personnes: Jacob représente les justes, et Esaü les méchants. La détresse que Jacob éprouva en apprenant que son frère marchait à sa rencontre avec quatre cents hommes représente l'angoisse des justes lorsqu'un décret de mort sera promulgué contre eux aussitôt avant le retour du Seigneur. Quand ils seront encerclés par les méchants, ils seront saisis de frayeur, car, comme Jacob, ils ne verront aucun moyen de sauver leur vie. L'ange se tint devant Jacob qui s'accrocha à lui, le retint et lutta avec lui toute la nuit. Il en sera de même des justes, au temps de trouble et d'angoisse: ils lutteront avec Dieu dans la prière comme Jacob a lutté avec l'ange. Dans sa détresse, Jacob pria toute la nuit, afin d'être délivré de la main d'Esaü. Les justes, effrayés, crieront eux aussi à Dieu jour et nuit pour qu'il les délivre de la main des méchants qui les assailliront de toutes parts. HR 94 2 Jacob reconnut son indignité: "Seigneur, je ne suis pas digne de toutes les faveurs que tu m'as accordées avec tant de fidélité, à moi ton serviteur". Genèse 32:10. Dans leur détresse, les justes auront le sentiment de leur totale indignité, la confesseront avec larmes et, à l'exemple de Jacob, se réclameront des promesses de Dieu par Jésus-Christ, destinées à de tels pécheurs dépendants, impuissants et repentants. HR 94 3 Jacob se raccrocha désespérément à l'ange, refusant de le laisser aller. Comme il le suppliait avec larmes, l'ange lui rappela ses fautes passées et, pour l'éprouver, il essaya de lui échapper. Ainsi, aux jours d'angoisse, les justes seront éprouvés et passés au crible, pour que soient manifestées la force de leur foi, leur endurance et leur confiance inébranlable en la puissance de Dieu qui peut les délivrer. HR 95 1 Jacob ne lâcha pas prise. Connaissant la bonté de Dieu, il fit appel à sa miséricorde. Il confessa ses erreurs passées, rappela qu'il s'en était repenti, et supplia le Seigneur de le délivrer de la main d'Esaü. Ses supplications se prolongèrent toute la nuit. Le souvenir de ses fautes le conduisit presque au désespoir. Jacob savait qu'il lui fallait recevoir l'aide de Dieu, ou périr. Il se cramponna donc à l'ange et formula sa requête avec ardeur et angoisse, jusqu'à ce qu'il eut obtenu gain de cause. HR 95 2 Il en sera de même des justes. En se remémorant les faits de leur vie passée, ils perdront presque tout espoir. Mais, comprenant qu'il s'agit d'une question de vie ou de mort, ils crieront à Dieu de toute leur âme, le supplieront de prendre en compte leurs regrets et leur humble repentir à cause de leurs nombreux péchés; puis ils se réclameront de sa promesse: "Celui qui me prendra pour rempart avec moi fera la paix, il fera la paix avec moi" (Ésaïe 27:5), Traduction Oecuménique de la Bible. Ainsi, leurs ardentes requêtes monteront vers Dieu jour et nuit. L'Eternel n'aurait pas exaucé la prière de Jacob et il n'aurait pas sauvé sa vie dans sa bonté s'il ne s'était pas repenti au préalable des fautes qu'il avait commises en obtenant la bénédiction de son père par une supercherie. HR 95 3 Les justes, comme Jacob, manifesteront une foi inlassable et une détermination à toute épreuve. Ils auront le sentiment de leur indignité, mais n'auront pas de fautes cachées. S'ils n'avaient pas confessé certains de leurs péchés et s'ils ne s'en étaient pas repenti, et que ces péchés leur reviennent à l'esprit tandis qu'ils sont torturés par la peur et l'angoisse et éprouvent le vif sentiment de leur indignité, ils seraient totalement vaincus. Leur foi serait anéantie par le désespoir, ils seraient incapables de supplier Dieu de les délivrer, et ils perdraient leur temps à confesser des péchés cachés et à se lamenter sur leur condition désespérée. HR 96 1 Le temps de grâce est celui qui est accordé à tous pour qu'ils se préparent au jour du Seigneur. Ceux qui négligent la préparation requise et n'écoutent pas les avertissements qui sont donnés, seront sans excuse. La lutte ardente, persévérante de Jacob avec l'ange est un exemple pour les chrétiens: Jacob a été vainqueur parce qu'il s'est montré persévérant et déterminé. HR 96 2 Tous ceux qui, à l'instar de Jacob, désirent obtenir la bénédiction de Dieu, se réclament de ses promesses, qui font preuve de la même sincérité et de la même persévérance que lui, vaincront comme il a vaincu. Parce qu'ils sont indolents dans les choses spirituelles, de nombreux soi-disant croyants manifestent peu de foi réelle et reflètent bien faiblement la vérité divine. Ils ne sont pas disposés à faire des efforts, à renoncer au moi, à souffrir pour Dieu, à prier longuement et avec ferveur pour obtenir sa bénédiction -- et en conséquence, ils ne l'obtiennent pas. La foi qui survivra au temps de trouble doit être exercée maintenant chaque jour. Ceux qui, actuellement, ne font pas de grands efforts pour développer leur foi, seront incapables d'exercer la foi qui leur permettrait de rester fermes pendant le temps de trouble. ------------------------Chapitre 14 -- Les enfants d'Israël HR 97 0 Ce chapitre est basé sur Genèse 37; 39; 41-48; Exode 11:1-4. HR 97 1 Joseph prêtait l'oreille aux instructions de son père et craignait l'Eternel. Il obéissait plus que tous ses frères aux bons enseignements de son père. Il les appréciait et, intègre de coeur, il aimait Dieu et obéissait à sa parole. Il était attristé par la mauvaise conduite de quelques-uns de ses frères et les exhortait avec douceur à suivre la voie droite et à renoncer à leurs mauvaises actions. Mais cela ne faisait que les irriter contre lui. Sa haine du péché était telle qu'il ne pouvait supporter de voir ses frères pécher contre Dieu. Il en fit part à son père, dans l'espoir que son autorité parviendrait à les réformer. Mais ayant appris que leurs fautes avaient été ainsi dévoilées, ils devinrent furieux contre Joseph. Par ailleurs, ils avaient remarqué que leur père aimait beaucoup celui-ci, et ils en étaient jaloux. Cette jalousie se transforma en haine et aboutit finalement à un meurtre. HR 97 2 L'ange du Seigneur se révéla à Joseph par des songes qu'il raconta innocemment à ses frères: "Ecoutez mon rêve, leur dit-il: Nous étions tous à la moisson, en train de lier des gerbes de blé. Soudain ma gerbe se dressa et resta debout; toutes vos gerbes vinrent alors l'entourer et s'incliner devant elle. Est-ce que tu prétendrais devenir notre roi et dominer sur nous? lui demandèrent ses frères. Ils le détestèrent davantage, à cause de ses rêves et des récits qu'il en faisait. HR 98 1 "Joseph fit un autre rêve et le raconta également à ses frères. J'ai de nouveau rêvé, dit-il: le soleil, la lune et onze étoiles venaient s'incliner devant moi. Il raconta aussi ce rêve à son père. Celui-ci le réprimanda: Qu'as-tu rêvé là? lui demanda-t-il. Devrons-nous, tes frères, ta mère et moi-même, venir nous incliner jusqu'à terre devant toi? Ses frères étaient jaloux de lui, mais son père repensait souvent à ces rêves". Genèse 37:6-11. Joseph en Egypte HR 98 2 Les frères de Joseph se proposaient de le tuer, mais finalement, ils décidèrent de le vendre comme esclave, afin de l'empêcher de devenir plus grand qu'eux. De cette façon, ils pensaient le mettre dans une situation où il ne les troublerait plus avec ses songes et où ceux-ci ne pourraient pas se réaliser. Mais Dieu fit échouer leur plan qui était destiné à empêcher que Joseph ne les domine. HR 98 3 Le Seigneur ne permit pas que Joseph parte seul en Egypte. Des anges lui préparèrent la voie dans ce pays. Potifar, officier de Pharaon, chef des gardes, acheta le jeune captif à des Ismaélites. Et Dieu fut avec Joseph, le fit prospérer et trouver faveur auprès de son maître, au point que celui-ci avait l'administration de tous ses biens. "C'est pourquoi Potifar remit tout ce qu'il possédait aux soins de Joseph et ne s'occupa plus de rien, excepté de sa propre nourriture". Genèse 39:6. Car le fait qu'un Hébreu prépare de la nourriture pour un Egyptien était considéré comme une abomination. HR 98 4 Lorsque Joseph fut tenté de se détourner du droit chemin, de transgresser la loi de Dieu et d'être infidèle à son maître, il fit preuve de fermeté dans la manière dont il répondit à la femme de Potifar et montra le pouvoir ennoblissant de la crainte de l'Eternel. Après avoir mentionné la grande confiance dont il jouissait auprès de son maître, au point qu'il administrait tous ses biens, il s'exclama: "Comment pourrais-je commettre un acte aussi abominable et pécher contre Dieu lui-même?" Genèse 39:9. Aucune tentation ni aucune menace ne pouvaient le faire dévier du sentier de la justice et fouler aux pieds la loi divine. HR 99 1 Ainsi, quand Joseph fut accusé d'avoir commis un grave délit, il ne sombra pas dans le désespoir. Sachant qu'il était innocent et honnête, il se confia en Dieu. Et le Seigneur -- qui l'avait soutenu jusque-là -- ne l'abandonna pas. Il fut enfermé dans une prison obscure et on le mit aux fers. Cependant, l'Eternel changea son épreuve en bénédiction. En effet, il lui fit trouver grâce auprès du chef de la prison, si bien que Joseph ne tarda pas à être chargé de surveiller tous les prisonniers. HR 99 2 Nous avons ici un exemple destiné à toutes les générations qui devaient se succéder sur la terre. Bien que les humains soient exposés aux tentations, ils doivent toujours se souvenir qu'ils ont un moyen de défense à leur disposition, et que s'ils ne sont pas protégés, ce sera leur faute. Dieu est un secours permanent, et son Esprit est un bouclier. Hommes et femmes ont beau être assaillis de tous côtés par les plus fortes tentations, ils ont à leur disposition une source de force grâce à laquelle ils peuvent y résister. HR 99 3 La moralité de Joseph fut soumise à de redoutables assauts. La tentation venait d'une personne influente, qui pouvait facilement le faire dévier du droit chemin. Mais il réagit sur-le-champ et avec fermeté. Quoi qu'il en soit, il eut à souffrir à cause de sa vertu et de son intégrité, car celle qui aurait voulu le faire succomber se vengea de la loyauté dont elle n'avait pu triompher, et usa de son influence pour le faire jeter en prison, en l'accusant d'une faute abominable. Là, Joseph souffrit pour ne pas s'être départi de sa fidélité. Quant à sa réputation et à ses intérêts, il s'en était remis à Dieu. Bien que son épreuve durât un temps assez long -- ce qui permit de le préparer en vue d'une importante mission -- le Seigneur veilla sur sa réputation qui avait été entachée par une cruelle accusatrice, réputation qui, au moment voulu, devait être blanchie. Dieu se servit même de la prison pour que Joseph accède à une position plus élevée. La vertu recevrait sa récompense à point nommé. Le bouclier qui protégeait le coeur de Joseph n'était autre que la crainte de Dieu, qui le poussait à être fidèle et juste envers son maître et loyal envers le Seigneur. HR 100 1 Bien que Joseph fût élevé au rang de gouverneur de tout le pays, il n'oublia pas son Dieu. Il se savait étranger vivant en terre étrangère, loin de son père et de ses frères, ce qui le rendait souvent triste. Mais il croyait de toute son âme que la main de Dieu avait dirigé sa vie de telle sorte qu'il occupait maintenant un poste de haut rang. S'appuyant continuellement sur le Seigneur, il accomplissait fidèlement tous les devoirs de sa charge, en tant que gouverneur général du pays d'Egypte. HR 100 2 Joseph marcha avec Dieu. Il ne permit pas qu'on le détourne du chemin de la justice et qu'on l'amène à transgresser la loi de Dieu par des appâts ou des menaces. La maîtrise de soi et la patience dont il fit preuve dans l'adversité et sa fidélité constante ont été consignées dans la Bible pour le bien de tous ceux qui devaient vivre sur la terre. Et quand les frères de Joseph reconnurent devant lui leur péché, il leur pardonna spontanément, et il montra, par ses actes de bienveillance et d'amour, qu'il ne cultivait aucun ressentiment pour la cruauté dont ils avaient fait preuve autrefois à son égard. Jours de prospérité HR 101 1 Les enfants d'Israël n'avaient jamais été esclaves. Il ne leur était jamais arrivé de vendre leur bétail, leurs terres, ni de se vendre eux-mêmes à Pharaon pour obtenir de la nourriture, comme de nombreux Egyptiens l'avaient fait. A cause des services que Joseph avait rendus à l'Egypte, on avait mis à la disposition des Israélites une partie du pays où ils étaient autorisés à résider, eux et leur bétail. Pharaon appréciait la sagesse dont Joseph témoignait dans l'administration de tout ce qui concernait son royaume, et notamment les prévisions qu'il avait faites en vue de la famine qui devait sévir en Egypte. Il estimait que la prospérité de tout le royaume était due à la bonne administration de Joseph, et pour lui exprimer sa gratitude, il lui dit: "Toute l'Egypte est à ta disposition. Choisis le meilleur endroit du pays pour les y installer (les Hébreux). Ils peuvent très bien s'installer dans la région de Gochen. Et si tu estimes qu'il y a parmi eux des hommes compétents, désigne-les comme responsables de mes propres troupeaux". Genèse 47:6. HR 101 2 "Joseph installa son père et ses frères dans le meilleur endroit d'Egypte, dans les environs de Ramsès, conformément à l'ordre du Pharaon. Il leur donna des terres en propriété. Il fournit des vivres à son père, à ses frères et à toutes leurs familles, selon le nombre des bouches à nourrir". Genèse 47:11, 12. HR 101 3 Le roi d'Egypte ne demanda aucun impôt au père et aux frères de Joseph, qui, de plus, fut autorisé à leur fournir toute la nourriture dont ils auraient besoin. Le roi dit à ses gouverneurs: Ne sommes-nous pas redevables envers le Dieu de Joseph, et envers lui-même, pour cette abondante provision de nourriture? N'est-ce pas à cause de sa sagesse que nous jouissons d'une telle abondance? Tandis que d'autres pays meurent de faim, nous avons le nécessaire! Sous son administration, le royaume s'est grandement enrichi. HR 102 1 "Joseph mourut, ainsi que tous ses frères et toute cette génération-là. Les enfants d'Israël furent féconds et multiplièrent, ils s'accrurent et devinrent de plus en plus puissants. Et le pays en fut rempli. Il s'éleva sur l'Egypte un nouveau roi, qui n'avait point connu Joseph. Il dit à son peuple: Voilà les enfants d'Israël qui forment un peuple plus nombreux et plus puissant que nous. Allons! montrons-nous habiles à son égard; empêchons qu'il ne s'accroisse, et que, s'il survient une guerre, il ne se joigne à nos ennemis, pour nous combattre et sortir ensuite du pays". Exode 1:6-10 (Segond). L'oppression HR 102 2 Le nouveau roi d'Egypte apprit que les enfants d'Israël rendaient de grands services au royaume. Nombre d'entre eux étaient des ouvriers habiles et intelligents; aussi ne voulait-il pas perdre le fruit de leur labeur. Ce nouveau roi avait ravalé les Israélites au rang des esclaves qui avaient vendu leurs troupeaux, leurs vêtements, leurs terres, et qui s'étaient vendus eux-mêmes au royaume. "Les Egyptiens désignèrent alors des chefs de corvées pour accabler le peuple d'Israël en lui imposant certains travaux. C'est ainsi que les Israélites durent construire les villes de Pitom et Ramsès pour y entreposer les réserves du Pharaon. Mais plus on les opprimait, plus ils devenaient nombreux et plus ils prenaient de place, si bien qu'on les redoutait. Les Egyptiens les traitèrent durement, comme des esclaves; ils leur rendirent la vie insupportable par un travail pénible". Exode 1:11-14. HR 102 3 Ils obligèrent aussi les femmes israéalites à travailler dans les champs, comme des esclaves. Cependant, leur nombre ne diminuait pas. Quand le roi et ses gouverneurs virent que ce nombre allait croissant, ils décidèrent de les contraindre à accomplir chaque jour une certaine somme de travail. Ils espéraient ainsi les briser par la dureté de la tâche; mais ils constatèrent avec colère qu'il n'avaient réussi ni à en diminuer le nombre, ni à venir à bout de leur esprit d'indépendance. HR 103 1 Ayant échoué dans leurs plans, ils continuèrent à endurcir leur coeur. Alors, le roi ordonna que les enfants mâles soient tués dès leur naissance. Satan lui-même avait inspiré une telle décision, car il savait qu'un libérateur serait suscité parmi les Hébreux pour les affranchir de l'esclavage. Si donc il réussissait à pousser le roi à exterminer les enfants mâles, le dessein de Dieu serait voué à l'échec. Mais les sages-femmes craignaient l'Eternel, et, loin d'obéir à l'ordre du roi, elles épargnèrent les enfants mâles. HR 103 2 Les sages-femmes n'osèrent pas porter la main sur les enfants hébreux; et parce qu'elles n'obéirent pas à l'ordre du roi, le Seigneur leur fit du bien. Lorsque Pharaon apprit que ses ordres n'avaient pas été exécutés, il entra dans une violente colère, et donna une injonction plus sévère et de portée plus générale. Il ordonna à son peuple de se mettre aux aguets et dit: "Jetez dans le Nil tout garçon hébreu nouveau-né! Ne laissez en vie que les filles!" Exode 1:22. Moïse HR 103 3 Moïse naquit lorsque ce cruel décret était pleinement en vigueur. Après l'avoir caché aussi longtemps qu'elle le put, sa mère confectionna un petit panier en osier qu'elle rendit imperméable en l'enduisant de bitume et de poix. Elle mit le petit enfant dans ce panier et déposa celui-ci sur le bord du fleuve. La soeur du nourrisson se tenait à proximité, feignant l'indifférence. En fait, elle observait avec inquiétude pour voir ce qu'il adviendrait de son petit frère. Des anges, eux aussi, veillaient, afin qu'aucun mal ne soit fait à l'innocent petit Moïse. Celui-ci avait été placé là par une mère pleine d'affection qui l'avait confié à la garde du Seigneur par des prières ferventes mêlées de larmes. HR 104 1 Ces anges dirigèrent les pas de la fille de Pharaon vers le fleuve, près de l'endroit où avait été déposé l'innocent enfant étranger. L'attention de la jeune fille fut attirée par le curieux petit panier, et elle envoya une de ses servantes pour le prendre et le lui apporter. Quand elle eut soulevé le couvercle de cet étrange petit navire, elle vit un magnifique bébé. "Elle en eut pitié et s'écria: C'est un enfant des Hébreux!" Exode 2:6. Et elle comprit qu'une mère affectueuse d'entre les Hébreux avait usé de ce moyen singulier pour préserver la vie de son enfant chéri, et elle décida immédiatement de l'adopter. Alors "la soeur de l'enfant demanda à la princesse: Dois-je aller te chercher une nourrice chez les Hébreux pour qu'elle allaite l'enfant? Oui, répondit-elle". Exode 2:6-8. HR 104 2 La soeur du petit enfant courut avec joie auprès de sa mère pour lui faire part de la bonne nouvelle, et la conduisit sur-le-champ auprès de la fille de Pharaon. Et le nourrisson fut confié à sa mère qui l'allaita. De plus, elle fut généreusement rétribuée pour avoir servi de nourrice à son propre fils. Cette tâche, elle l'accomplit le coeur débordant de reconnaissance et de joie. Elle croyait que le Seigneur avait protégé la vie de son enfant, et elle profita de la merveilleuse occasion qui lui était offerte pour éduquer son fils en vue d'une vie d'efficacité. Elle l'instruisit avec plus de soin que pour ses autres enfants, car elle croyait que Moïse avait été protégé à cause de l'importante mission à laquelle il était appelé. Par son fidèle enseignement, elle inculqua à son jeune esprit la crainte de Dieu et l'amour de la vérité et de la justice. HR 105 1 La mère de Moïse n'arrêta pas là ses efforts, mais elle pria Dieu avec ferveur afin que son fils soit préservé de toute influence mauvaise. Elle lui apprit à s'incliner devant l'Eternel, à le prier, lui, le Dieu vivant, car lui seul pouvait l'entendre et venir à son aide en cas de besoin. Elle chercha à lui faire comprendre les dangers de l'idolâtrie, car elle savait qu'il allait être bientôt privé de son influence et laissé à sa royale mère adoptive, et que par conséquent il serait soumis à une foule d'autres influences destinées à le faire douter de l'existence du Créateur des cieux et de la terre. HR 105 2 Les instructions que Moïse reçut de ses parents étaient de nature à fortifier son esprit et à le protéger de la vanité, de la corruption du péché et de l'orgueil qu'il aurait pu éprouver au milieu des splendeurs et du luxe de la cour royale. Il avait un esprit lucide et un coeur intelligent, et l'influence religieuse dont il a bénéficié pendant son enfance ne s'effaça jamais. Sa mère le garda auprès d'elle aussi longtemps qu'elle le put, mais elle dut s'en séparer quand il eut atteint l'âge de douze ans; il devint alors le fils de la princesse d'Egypte. HR 105 3 Les plans de Satan avaient échoué. En poussant Pharaon à exterminer les enfants mâles, il croyait pouvoir réduire à néant le dessein de Dieu et faire mourir celui que le Seigneur voulait susciter pour délivrer son peuple. Mais Dieu se servit du décret même qui condamnait à mort les enfants hébreux pour introduire Moïse dans la cour du roi, là où il put devenir un homme instruit et éminemment qualifié pour faire sortir son peuple d'Egypte. HR 105 4 Pharaon espérait bien faire monter sur le trône son petit-fils adoptif. Il l'avait formé de manière qu'il prenne le commandement des armées d'Egypte et les mène au combat. Moïse était très estimé des armées de Pharaon; son prestige venait de ce qu'il faisait la guerre de main de maître. "Moïse fut instruit dans toute la sagesse des Egyptiens, et il était puissant en paroles et en oeuvres". Actes 7:22 (Segond). Les Egyptiens considéraient Moïse comme un homme remarquable. La préparation d'un chef HR 106 1 Des anges firent savoir à Moïse que Dieu l'avait choisi pour qu'il délivre les enfants d'Israël. Ils informèrent également les anciens d'Israël que le jour de leur libération était proche, et que le Seigneur se servirait de Moïse pour accomplir cette oeuvre. Moïse croyait que les enfants d'Israël seraient libérés par la force des armes, que lui-même prendrait la tête de l'armée des Hébreux pour faire la guerre aux armées de l'Egypte, et qu'il libérerait ainsi ses frères de l'esclavage. Dans cette perspective, il mit un frein à ses affections, pour qu'il se s'attache pas trop à sa mère adoptive et à Pharaon, et afin qu'il se sente plus libre d'accomplir la volonté divine. HR 106 2 Le Seigneur préserva Moïse des influences corruptrices qui l'entouraient. Jamais il n'oublia les principes de vérité que ses parents pieux lui avaient enseigné dans sa jeunesse. Et lorsqu'il avait particulièrement besoin d'être protégé des influences perverses qui se faisaient sentir à la cour du roi, les enseignements qui lui avaient été inculqués dans son enfance portaient leur fruit. Il craignait Dieu. Son amour pour ses frères était si grand et il respectait tellement la foi hébraïque qu'il ne cachait pas ses origines pour avoir l'honneur d'être un héritier de la famille royale. HR 106 3 Quand Moïse fut âgé de quarante ans, il "alla voir ses frères de race. Il fut témoin des corvées qui leur étaient imposées. Soudain il aperçut un Egyptien en train de frapper un de ses frères hébreux. Moïse regarda tout autour de lui et ne vit personne; alors il tua l'Egyptien et enfouit le corps dans le sable. Il revint le lendemain et trouva deux Hébreux en train de se battre. Il demanda à celui qui avait tort: Pourquoi frappes-tu ton compatriote? Qui t'a nommé chef pour juger nos querelles? répliqua l'homme. As-tu l'intention de me tuer come tu as tué l'Egyptien? Voyant que l'affaire était connue, Moïse eut peur. Le Pharaon lui-même en entendit parler et chercha à le faire mourir. Alors Moïse s'enfuit et alla se réfugier dans le pays de Madian". Exode 2:11-15. Le Seigneur dirigea ses pas, et il fut accueilli dans la maison d'un homme qui adorait Dieu et se nommait Jéthro. Cet homme était berger et sacrificateur à Madian. Ses filles surveillaient les troupeaux. Mais bientôt, Jéthro confia la garde de ses troupeaux à Moïse, qui devait épouser l'une de ses filles et qui resta quarante ans dans le pays de Madian. Moïse avait anticipé sur les événe- ments lorsqu'il avait tué l'Egyptien. Il croyait que le peuple d'Israël avait compris que par décision spéciale de la Providence, il avait été suscité pour les délivrer. Mais il n'entrait pas dans le plan de Dieu que les enfants d'Israël soient libérés par les armes, comme Moïse le pensait, mais par sa force toute-puissante, afin qu'à lui seul revienne toute la gloire. Cependant, le Seigneur se servit de l'homicide commis par Moïse contre l'Egyptien pour l'accomplissement de ses desseins. Il avait permis que Moïse fût admis au sein de la famille royale d'Egypte afin d'y recevoir une bonne éducation; toutefois, le futur libérateur d'Israël n'avait pas encore acquis les qualifications requises pour que lui soit confiée l'importante mission à laquelle il était appelé. Par ailleurs, Moïse ne pouvait pas quitter du jour au lendemain la cour du roi d'Egypte pour accomplir l'oeuvre spéciale du Seigneur et renier les avantages dont il avait HR 108 1 joui en tant que petit-fils du roi. Il devait au préalable acquérir de l'expérience et être formé à l'école de l'adversité et de la pauvreté. Quand il vécut dans la solitude, Dieu envoya ses anges pour l'instruire tout particulièrement au sujet de l'avenir. C'est là qu'il apprit les grandes leçons de la maîtrise de soi et de l'humilité. Il garda les troupeaux de Jéthro, et tandis qu'il remplissait les humbles tâches d'un berger, le Seigneur préparait cet homme à devenir le berger spirituel de son propre troupeau, c'est-à-dire du peuple d'Israël. HR 108 2 Un jour que Moïse conduisait le troupeau au désert à la montagne de Dieu, à Horeb, "l'ange du Seigneur lui apparut dans une flamme, au milieu d'un buisson". Le Seigneur lui dit: "J'ai vu comment on maltraite mon peuple en Egypte; j'ai entendu les Israélites crier sous les coups de leurs oppresseurs. Oui, je connais leurs souffrances. Je suis donc venu pour les délivrer du pouvoir des Egyptiens, et pour les conduire d'Egypte vers un pays qui regorge de lait et de miel... Puisque les cris des Israélites sont montés jusqu'à moi et que j'ai même vu de quelle manière les Egyptiens les oppriment, je t'envoie maintenant vers le Pharaon. Va, et fais sortir d'Egypte Israël, mon peuple". Exode 3:2, 7-10. HR 108 3 L'heure était venue où le Seigneur voulait que Moïse échangeât son bâton de berger contre la verge de Dieu, qui lui permettrait d'accomplir des signes et des prodiges puissants pour délivrer son peuple de l'esclavage et le protéger lorsqu'il serait poursuivi par ses ennemis. HR 108 4 Moïse accepta de remplir sa mission. Il alla d'abord voir son beau-père et obtint son consentement pour que lui-même et sa famille retournent en Egypte. Il n'osa pas dire à Jéthro quelle requête il devait présenter à Pharaon, de peur qu'il ne refuse de laisser sa fille et ses petits-enfants l'accompagner pour une aussi dangereuse mission. Quoi qu'il en soit, l'Eternel fortifia Moïse et dissipa ses craintes en lui disant: "Oui, retourne en Egypte, car tous ceux qui en voulaient à ta vie sont morts". Exode 4:19. ------------------------Chapitre 15 -- La puissance divine se révèle HR 110 0 Ce chapitre est basé sur Exode 5:1-12:28. HR 110 1 L'esclavage des enfants d'Israël en Egypte dura de nombreuses années. Au départ, seules quelques familles étaient descendues en Egypte; mais par la suite, elles étaient devenues une multitude. Entourés qu'ils étaient par l'idolâtrie, beaucoup d'Israélites avaient perdu la connaissance du vrai Dieu et oublié sa loi. Ils se joignaient aux Egyptiens pour adorer le soleil, la lune et les étoiles, des animaux et des statues, oeuvres des mains humaines. HR 110 2 Tout ce qui entourait les enfants d'Israël était calculé pour leur faire oublier le Dieu vivant. Cependant, parmi les Hébreux, certains avaient conservé la connaissance du vrai Dieu, Créateur des cieux et de la terre. Ils étaient attristés de constater que leurs enfants étaient chaque jour témoins des abominations auxquelles se livrait le peuple idolâtre qu'ils côtoyaient, et auxquelles ils participaient eux-mêmes en se prosternant devant les dieux égyptiens, faits de bois et de pierre et en offrant des sacrifices à ces objets inanimés. Affligés de cet état de choses, les croyants fidèles supplièrent l'Eternel de les délivrer du joug égyptien, de les faire sortir du pays d'Egypte et de les affranchir de l'idolâtrie et des influences néfastes dont ils étaient environnés. HR 110 3 Mais de nombreux Israélites préféraient vivre dans l'esclavage plutôt que de devoir partir dans un nouveau pays et affronter les difficultés d'un tel voyage. C'est pourquoi le Seigneur ne les délivra pas immédiatement après la première manifestation de signes et de prodiges qui eut lieu devant Pharaon. Le Très-Haut dirigea les événements de telle sorte que l'esprit tyrannique de Pharaon se révèle de façon plus éclatante et que la puissance divine se manifeste dans toute son ampleur aux yeux des Egyptiens et aux yeux des Hébreux, afin que ces derniers aient le désir de quitter l'Egypte et choisissent de servir Dieu. HR 111 1 S'il est vrai qu'un grand nombre d'Israélites avaient été contaminés par l'idolâtrie, les fidèles restaient fermes dans leur foi. Ils n'avaient pas abandonné leurs convictions et ils déclaraient ouvertement aux Egyptiens qu'ils servaient le seul Dieu vivant et vrai. Ils énuméraient les preuves de l'existence et de la puissance de Dieu qui avaient pu être constatées depuis la création jusqu'à leur époque. Les Egyptiens eurent ainsi l'occasion de connaître la foi et le Dieu des Hébreux. Ils avaient essayé de corrompre les fidèles adorateurs du vrai Dieu, et ils étaient irrités parce qu'ils n'y étaient pas parvenus, ni par les menaces, ni par la promesse de récompenses, ni par les mauvais traitements. HR 111 2 Les deux derniers monarques qui avaient régné sur l'Egypte étaient des tyrans qui s'étaient montrés cruels envers le peuple hébreux. Les anciens d'Israël s'étaient efforcés de soutenir la foi chancelante des Israélites en leur rappelant la promesse faite à Abraham et les paroles prophétiques que Joseph avait prononcées juste avant sa mort et qui annonçaient leur délivrance du pays d'Egypte. Certaines personnes parmi le peuple prêtaient l'oreille à ce que disaient les anciens, tandis que d'autres avaient l'esprit obnubilé par leur triste condition et refusaient tout espoir. Israël influencé par son entourage HR 112 1 Les Egyptiens, ayant appris quelles étaient les espérances des enfants d'Israël, tournaient en dérision leurs perspectives de délivrance et se raillaient de la puissance de leur Dieu. Ils disaient aux Hébreux de prendre conscience de leur propre situation -- celle d'un peuple d'esclaves, et leur lançaient ce défi: Si votre Dieu est aussi juste et aussi bienveillant que vous le prétendez, et s'il est plus fort que les dieux égyptiens, pourquoi ne vous libère-t-il pas? Pourquoi ne manifeste-t-il pas sa grandeur et sa puissance et ne vous relève-t-il pas de votre pitoyable condition? HR 112 2 Puis les Egyptiens attiraient l'attention des Israélites sur leur peuple à eux, qui adorait des dieux choisis par eux-mêmes, et que les Hébreux appelaient de faux dieux. Ils disaient sur un air de triomphe que leurs dieux leur avaient donné la prospérité, de la nourriture, des vêtements et de grandes richesses, sans parler des Israélites qu'ils avaient livrés entre leurs mains pour les servir. De plus, ajoutaient-ils, les Egyptiens avaient le pouvoir de les opprimer et de les exterminer, afin que leur peuple soit effacé de la terre. Ils se moquaient des Israélites qui croyaient être un jour libérés de l'esclavage. HR 112 3 Pharaon usait de provocation en disant qu'il aimerait bien voir comment l'Eternel pourrait les délivrer de sa main. A l'ouïe de ces paroles, de nombreux enfants d'Israël perdirent courage. Tout, en effet, semblait confirmer ce que le roi et ses conseillers avaient dit. Les Hébreux savaient qu'ils étaient traités en esclaves et qu'il leur fallait endurer bon gré mal gré l'oppression que leurs surveillants et leurs gouverneurs entendaient faire peser sur eux. Leurs enfants mâles avaient été pourchassés et mis à mort. Bien qu'ils croyaient au Dieu du ciel et l'adoraient, leur vie était un véritable calvaire. HR 113 1 Ils ne pouvaient s'empêcher de comparer leur condition à celle dont jouissaient les Egyptiens. Ceux-ci ne croyaient nullement dans le Dieu vivant qui a le pouvoir de sauver ou de détruire. Les uns adoraient des idoles, sous forme de statues de bois ou de pierre, tandis que d'autres adoraient le soleil, la lune et les étoiles; malgré cela, ils vivaient dans l'abondance. Plusieurs, parmi les Israélites, allaient jusqu'à penser que si l'Eternel était supérieur à tous les dieux, il ne permettrait pas que son peuple soit à la merci d'une nation idolâtre. HR 113 2 Mais les fidèles serviteurs de Dieu comprenaient que si le Seigneur avait permis que les Hébreux soient réduits en esclavage dans le pays d'Egypte, c'était à cause de leur infidélité envers lui, à cause des mariages avec des personnes étrangères auxquelles ils avaient consenti et qui les avaient conduits à l'idolâtrie. Ces serviteurs fidèles donnaient à leurs frères l'assurance que Dieu les ferait bientôt sortir d'Egypte et qu'il briserait le joug de leur servitude. HR 113 3 L'heure était venue où le Très-Haut répondrait aux prières de son peuple opprimé, où il le libérerait du pays d'Egypte grâce à un tel déploiement de puissance que les Egyptiens seraient obligés de reconnaître que le Dieu des Hébreux, qu'ils avaient méprisé, était supérieur à tous les dieux. Bien plus, l'Eternel punirait les Egyptiens pour leur idolâtrie et pour s'être vantés des bénédictions qui leur étaient accordées soi-disant par leurs faux dieux. Et le Seigneur glorifierait son nom, afin que les autres nations entendent parler de sa puissance, qu'elles tremblent à l'ouïe de ses prodiges et qu'à la vue de ses oeuvres miraculeuses, son peuple abandonne l'idolâtrie et l'adore comme l'Eternel le demande. HR 113 4 En délivrant Israël du pays d'Egypte, Dieu montra clairement à tous les Egyptiens sa bonté manifeste envers son peuple. Il jugea utile d'exécuter ses jugements sur Pharaon afin que celui-ci apprenne par l'épreuve -- seul moyen de le convaincre -- que la puissance de l'Eternel est supérieure à celle de tous les autres dieux. Afin que son nom soit publié par toute la terre, le Seigneur entendait donner à toutes les nations une preuve éclatante et indiscutable de son pouvoir et de sa justice. Il voulait que ces manifestations puissantes fortifient la foi de son peuple afin que ses descendants l'adorent avec fidélité, lui qui avait acccompli de tels prodiges en faveur d'Israël. HR 114 1 Après que Pharaon eut exigé que les Hébreux continuent à faire des briques, mais sans qu'il leur soit fourni de paille, Moïse lui dit que l'Eternel le contraindrait malgré lui à se soumettre à sa volonté et à reconnaître son autorité suprême. Les plaies HR 114 2 Le coeur de Pharaon ne fut touché ni par le prodige du bâton de Moïse changé en serpent ni par l'eau du fleuve changée en sang, bien au contraire: sa haine envers le peuple d'Israël ne fit que grandir. Les exploits réalisés par les magiciens lui firent croire que les prodiges accomplis par Moïse étaient le résultat de la magie; mais quand la plaie des grenouilles cessa, il eut la preuve du contraire. En effet, Dieu aurait pu faire disparaître instantanément ces animaux et les réduire en poussière, mais il ne le fit pas; autrement, le roi et les Egyptiens auraient pu dire que ce miracle de l'invasion des grenouilles était un acte de magie, comme ceux accomplis par les magiciens. Les grenouilles moururent, et on en fit des monceaux. On en voyait partout et l'atmosphère en était infesté. Cette fois, Pharaon et toute l'Egypte se rendirent compte que leur prétendue philosophie était obligée de reconnaître que ce prodige n'était pas un produit de la magie, mais un châtiment envoyé par le Dieu du ciel. HR 115 1 Les magiciens furent incapables de produire des poux. Le Seigneur ne permit pas que les poux surgissent ni à leurs propres yeux ni aux yeux des Egyptiens. Ainsi, l'Eternel privait Pharaon de tout motif d'incrédulité. Les magiciens eux-mêmes durent reconnaître: "C'est la puissance de Dieu qui est à l'oeuvre!" Exode 8:15. HR 115 2 Puis vint la plaie des mouches. Il ne s'agissait pas du genre de mouches inoffensives qui nous ennuient à certaines époques de l'année. Les mouches qui s'abattirent sur l'Egypte étaient grosses et venimeuses. Les piqûres qu'elles infligeaient aux hommes et aux animaux étaient très douloureuses. Mais Dieu isola son peuple des Egyptiens et il fit en sorte qu'aucune mouche n'apparaisse sur leur territoire. HR 115 3 Après quoi l'Eternel envoya la peste parmi le bétail des Egyptiens, mais chez les Hébreux, pas une seule tête de bétail ne fut frappée. Puis, hommes et bêtes furent atteints d'ulcères; les magiciens eux-mêmes ne furent pas épargnés. Une fois ce malheur passé, le Seigneur envoya sur le pays d'Egypte la plaie de la grêle mêlée de feu, accompagnée d'éclairs et de tonnerre. Chaque plaie était annoncée avant qu'elle ne survienne, si bien qu'on ne pouvait pas dire qu'elle était un produit du hasard. Le Très-Haut montrait ainsi aux Egyptiens que toute la terre était soumise au Dieu des Hébreux -- que le tonnerre, la grêle et l'orage obéissaient à sa voix. Pharaon, l'orgueilleux monarque qui avait un jour posé la question: "Qui est ce Seigneur à qui je devrais obéir?" (Exode 5:2), finit par s'humilier et dit: "Cette fois, j'ai eu tort. C'est mon peuple et moi qui sommes coupables; le Seigneur, lui, agit avec justice". Exode 9:27. Il demanda même à Moïse d'intercéder en sa faveur auprès de Dieu, pour que cessent le tonnerre et les éclairs. HR 116 1 L'Eternel envoya aussi la plaie redoutable des sauterelles. Le roi d'Egypte préférait souffrir des plaies plutôt que de se soumettre à Dieu. Sans éprouver le moindre remords, Pharaon vit s'abattre ces terribles fléaux sur tout le royaume. Le Dieu du ciel plongea ensuite le pays dans l'obscurité. Les habitants n'étaient pas seulement privés de lumière, mais l'atmosphère était si lourde qu'ils avaient de la peine à respirer. Pendant ce temps, les Hébreux jouissaient, là où ils habitaient, d'une atmosphère agréable et de la lumière nécessaire. HR 116 2 Finalement, le Seigneur fit tomber sur l'Egypte la plus terrible de toutes les plaies dont le pays avait souffert jusqu'ici. C'étaient le roi et les prêtres idolâtres qui s'opposaient plus que quiconque à la requête de Moïse. Le peuple, lui, souhaitait que les Hébreux soient autorisés à quitter l'Egypte. Moïse informa Pharaon, les Egyptiens, ainsi que les Israélites de la nature et des conséquences de la dernière plaie. Cette nuit-là -- si terrible pour les Egyptiens et si merveilleuse pour le peuple de Dieu -- fut instituée la fête solennelle de la Pâque. HR 116 3 Il était particulièrement pénible pour le roi d'Egypte comme pour un peuple fier et idolâtre de se soumettre aux exigences du Dieu du ciel. Il fallut du temps avant que Pharaon accepte de faire des concessions. Sous la pression des épreuves les plus dures, il cédait un peu de terrain; puis, une fois que l'épreuve était passée, il se ressaisissait et revenait sur sa parole. Ainsi, l'une après l'autre, les plaies s'abattirent sur l'Egypte, mais le monarque ne céda rien de plus que ce à quoi il fut contraint par les terribles manifestations de la colère divine. Il persista dans sa rébellion après que son pays eut été ruiné. HR 116 4 Chaque fois qu'il refusait d'autoriser Israël à quitter l'Egypte, Moïse et Aaron expliquaient à Pharaon le fléau qui s'ensuivrait et ses conséquences. Chaque fois, le roi constatait que les plaies se produisaient conformément à ce qui avait été prédit; et pourtant, il refusait de céder. Dans un premier temps, il donna aux Hébreux l'autorisation d'offrir des sacrifices à Dieu en Egypte; puis, après que le pays eut souffert de la colère de l'Eternel, il limita cette autorisation aux hommes seulement. Une fois que l'Egypte eut été presque entièrement détruite par l'invasion des sauterelles, il consentit à ce que les femmes et les enfants aillent aussi, mais sans le bétail. C'est alors que Moïse dit à Pharaon que l'ange de l'Eternel tuerait tous les premiers-nés du pays. HR 117 1 Chaque plaie était plus sévère que la précédente; mais celle-ci fut la plus terrible de toutes. L'orgueilleux monarque entra dans une violente colère, mais il refusa de s'humilier. Quand les Egyptiens virent les grands préparatifs que faisaient les Israélites au cours de cette sombre nuit, ils tournèrent en ridicule la marque du sang qu'ils avaient faite sur les linteaux de leurs portes. ------------------------Chapitre 16 -- Israël délivré de la servitude HR 118 0 Ce chapitre est basé sur Exode 12:29-15:19. HR 118 1 Les enfants d'Israël avaient suivi les directives que Dieu leur avait données, et tandis que l'ange de la mort passait parmi les Egyptiens de maison en maison, les Hébreux étaient tous prêts à partir. Ils attendaient seulement que le roi rebelle et ses conseillers les autorisent à quitter le pays. HR 118 2 "Au milieu de la nuit, le Seigneur fit mourir tous les premiers-nés d'Egypte, aussi bien le fils aîné du Pharaon, roi d'Egypte, que le fils aîné du captif enfermé dans la prison, et que les premiers-nés du bétail. En cette nuit-là, le Pharaon, ses ministres et tous les Egyptiens se levèrent, et il y eut de grands cris dans tout le pays, car il n'y avait pas une seule maison sans un mort. Le Pharaon, en pleine nuit, convoqua Moïse et Aaron et leur dit: HR 118 3 "Quittez mon pays! Partez, vous et vos Israélites; allez rendre un culte au Seigneur, comme vous l'avez demandé. Prenez même tout votre bétail, comme vous l'avez dit, et allez vous-en. Et puis demandez à votre Dieu de me bénir. HR 118 4 "Les Egyptiens, croyant qu'ils allaient tous mourir, poussèrent les Israélites à quitter rapidement leur pays. C'est pour cette raison que les Israélites durent emporter leur pâte à pain avant qu'elle ait levé; ils tenaient leur pétrin sur l'épaule, enveloppé dans leur manteau. HR 118 5 "Les Israélites avaient fait ce que Moïse leur avait dit: ils avaient demandé aux Egyptiens des objets d'or et d'argent et des vêtements. Le Seigneur avait amené les Egyptiens à les considérer avec faveur et à leur acccorder ce qu'ils demandaient. C'est ainsi que les Israélites dépouillèrent les Egyptiens". Exode 12:29-36. HR 119 1 C'est ainsi que se réalisa la prédiction que le Seigneur avait révélée à Abraham environ quatre cents ans auparavant:"Sache bien que tes descendants séjourneront dans un pays étranger, ils y seront esclaves et on les opprimera pendant quatre cents ans. Mais après que j'aurai puni le peuple dont ils seront les esclaves, ils pourront partir en emportant de grands biens". Genèse 15:13, 14. HR 119 2 "Une foule de gens d'origines diverses partirent en même temps qu'eux. Les moutons, chèvres et boeufs formaient des troupeaux considérables". Les enfants d'Israël partaient d'Egypte en emportant leurs biens, qui n'appartenaient pas au Pharaon, car ils ne les avaient jamais vendus à ce dernier. Jacob et ses fils avaient emmené leurs troupeaux avec eux en Egypte. Les enfants d'Israël s'étaient beaucoup multipliés et leurs troupeaux avaient augmenté d'une manière considérable. Dieu faisait retomber son jugement sur les Egyptiens en leur envoyant les plaies, ce qui hâta le départ de son peuple avec tout ce qu'il possédait. HR 119 3 "Lorsque le Pharaon laissa partir les Israélites, Dieu ne leur fit pas prendre le chemin du pays des Philistins, bien que ce soit plus direct. Il craignait en effet que le peuple, effrayé par les combats à livrer, ne change d'avis et revienne en Egypte. C'est pourquoi il les mena par le chemin détourné qui, à travers le désert, se dirige vers la mer des Roseaux (= mer Rouge). Les Israélites quittèrent l'Egypte en bon ordre. Moïse emportait le corps de Joseph, car celui-ci avait dit à ses frères: 'Dieu vous viendra certainement en aide. Jurez-moi d'emporter alors mon corps avec vous'". Exode 12:38; 13:17-19. La colonne de feu HR 120 1 "Les Israélites quittèrent Soukot et allèrent installer leur camp à Etam, en bordure du désert. Le Seigneur les précédait, de jour dans une colonne de fumée pour les guider le long du chemin, et de nuit dans une colonne de feu pour les éclairer". Exode 13:20, 21. HR 120 2 L'Eternel savait que les Philistins refuseraient de laisser passer les Hébreux à travers leur pays. Ils auraient dit en parlant des Israélites: Ils ont dérobé leurs maîtres en Egypte, et ils auraient pris les armes contre eux. C'est pourquoi, en faisant passer son peuple par la mer, le Seigneur s'est révélé comme un Dieu à la fois compatissant et juste. Il informa Moïse que Pharaon poursuivrait son peuple et lui indiqua à quel endroit il devait camper, près de la mer. Il ajouta que le Très-Haut serait glorifié aux yeux de Pharaon et de toute son armée. HR 120 3 Quelques jours après que les Hébreux eurent quitté le pays d'Egypte, les Egyptiens dirent à Pharaon que ses captifs s'étaient enfui, et qu'ils ne reviendraient jamais pour travailler à son service. Alors Pharaon et ses ministres regrettèrent amèrement de leur avoir permis de quitter le pays. C'était en effet une grosse perte pour les Egyptiens d'être désormais privés d'une telle main-d'oeuvre. Malgré les épreuves qu'ils avaient subies à cause des jugements de Dieu, ils étaient tellement endurcis par leur constante rébellion qu'ils décidèrent de poursuivre les enfants d'Israël et de les ramener de force en Egypte. Pharaon partit à leur poursuite, à la tête d'une grande armée et de six cents chars, et les rattrapa alors qu'ils campaient près de la mer. HR 120 4 "Les Israélites virent que les Egyptiens s'étaient mis en route pour les poursuivre, et que déjà le Pharaon arrivait. Ils eurent très peur, ils se mirent à appeler le Seigneur à grands cris et dirent à Moïse: HR 121 1 "N'y avait-il pas assez de tombeaux en Egypte? Pourquoi nous as-tu emmenés mourir dans le désert? Pourquoi nous as-tu fait quitter l'Egypte? Nous te l'avions bien dit, quand nous étions encore là-bas: 'Laisse-nous tranquilles, nous voulons servir les Egyptiens. Cela vaut mieux pour nous que de mourir dans le désert'. HR 121 2 "N'ayez pas peur, répondit Moïse. Tenez bon et vous verrez comment le Seigneur interviendra aujourd'hui pour vous sauver. En effet, les Egyptiens que vous voyez aujourd'hui, vous ne les reverrez plus jamais. Le Seigneur va combattre à votre place. Vous n'aurez pas à intervenir". Exode 14:10-14. HR 121 3 Il ne fallut pas longtemps pour que les Israélites perdent confiance en l'Eternel! Pourtant, ils avaient été témoins des jugements divins qui s'étaient abattus sur l'Egypte, pour que le roi se décide à les laisser partir; mais quand leur foi en Dieu fut mise à l'épreuve, ils murmurèrent, bien qu'ils aient vu des manifestations aussi éclatantes de sa puissance et de la merveilleuse délivrance qu'il avait opérée en leur faveur. Au lieu de se confier dans le Très-Haut, ils firent part de leur mécontentement à Moïse, ce fidèle serviteur de Dieu, et lui rappelèrent les réticences qu'ils avaient formulées quand ils étaient en Egypte. Ils l'accusèrent d'être la cause de tous leurs ennuis. Moïse les exhorta à cesser de proférer des paroles d'incrédulité et à se confier en Dieu, et leur promit que le Seigneur interviendrait en leur faveur. Puis Moïse supplia l'Eternel de délivrer le peuple qu'il s'était choisi. Libérés de la mer Rouge HR 121 4 "Le Seigneur dit à Moïse: HR 121 5 "Pourquoi m'appelles-tu à l'aide? Dis aux Israélites de se mettre en route. Prends ton bâton en main et élève-le au-dessus de la mer afin que les Israélites puissent la traverser à pied sec. Quant à moi, j'incite les Egyptiens à s'obstiner et à y pénétrer derrière vous. Je manifesterai alors ma gloire en écrasant le Pharaon avec toutes ses troupes, ses chars et ses cavaliers. Les Egyptiens sauront que je suis le Seigneur, lorsque j'aurai manifesté ma gloire de cette manière. HR 122 1 "L'ange de Dieu, qui auparavant précédait les Israélites, alla se placer derrière leur camp. De même, la colonne de fumée qui était devant eux passa derrière eux; elle se plaça entre le camp des Egyptiens et celui des Israélites. Cette fumée était obscure d'un côté, tandis que de l'autre elle éclairait la nuit. Ainsi les adversaires ne s'approchèrent pas les uns des autres de toute la nuit". Exode 14:15-20. HR 122 2 Les Egyptiens ne pouvaient pas voir les Hébreux, car la nuée ténébreuse se trouvait devant eux, tandis qu'elle était entièrement lumineuse pour les Israélites. C'est ainsi que Dieu manifesta sa puissance afin d'éprouver les membres de son peuple, de voir s'ils allaient lui faire confiance après qu'il leur ait fourni tant de preuves de son amour, et de les reprendre à cause de leur incrédulité et de leurs murmures. "Moïse étendit le bras au-dessus de la mer. Le Seigneur fit alors souffler un fort vent d'est durant toute la nuit pour refouler la mer et la mettre à sec; de chaque côté d'eux, l'eau formait comme une muraille". Exode 14:21, 22. Les eaux s'élevèrent et se figèrent, comme deux parois de glace, de part et d'autre, frayant ainsi la voie aux enfants d'Israël, qui marchaient à pied sec au milieu de la mer. HR 122 3 Cette nuit-là, les Egyptiens se vantaient d'avoir à nouveau les Hébreux en leur pouvoir. Ils pensaient que ceux-ci n'avaient aucun moyen de leur échapper; car devant eux s'étendait la mer Rouge, et la puissante armée égyptienne les encerclait par derrière. Mais au matin, quand les soldats de Pharaon arrivèrent sur le rivage, voici qu'il y avait devant eux un chemin sec tracé au milieu d'un couloir formé par les eaux divisées et amoncelées en deux murs liquides qui se dressaient de chaque côté. Et les Israélites, marchant à pied sec, avaient déjà fait la moitié de la traversée. Les Egyptiens attendirent quelques instants pour savoir quelle décision ils devaient prendre. Ils étaient contrariés et irrités de voir que ces Hébreux -- qu'ils croyaient avoir à portée de leur main -- avaient trouvé le moyen de leur échapper en traversant la mer. Quoi qu'il en soit, ils décidèrent de les suivre. HR 123 1 "Les Egyptiens les poursuivirent; tous les chevaux du Pharaon, avec chars et cavaliers, pénétrèrent derrière eux dans la mer. Vers la fin de la nuit, le Seigneur, du milieu de la colonne de feu et de fumée, regarda l'armée égyptienne et la désorganisa. Il bloqua les roues des chars, qui n'avançèrent plus que difficilement. Alors les Egyptiens s'écrièrent: HR 123 2 "Fuyons loin des Israélites, car le Seigneur combat avec eux contre nous!" Exode 14:23-25. HR 123 3 Les Egyptiens ayant osé s'aventurer sur le chemin que le Seigneur avait préparé pour son peuple, des anges de Dieu pénétrèrent dans leurs rangs et ôtèrent les roues de leurs chars. L'armée fut pratiquement paralysée; en tout cas, elle ne put que progresser très lentement, et l'inquiétude grandit. Officiers et soldats se souvinrent des jugements que le Dieu des Hébreux avait fait tomber sur l'Egypte pour obliger Pharaon à libérer Israël, et ils craignaient que l'Eternel ne les livre entre les mains des Hébreux. Les Egyptiens comprirent que Dieu combattait pour les Israélites et, terrifiés, ils étaient sur le point de rebrousser chemin pour prendre la fuite quand "le Seigneur dit à Moïse: Etends ton bras au-dessus de la mer, pour faire revenir l'eau sur les chars et les cavaliers égyptiens. HR 124 1 "Moïse obéit. Alors, à l'aube, la mer reprit sa place habituelle. Les Egyptiens qui s'enfuyaient se trouvèrent soudain face à l'eau, et le Seigneur les y précipita. L'eau recouvrit tous les chars et les cavaliers des troupes du Pharaon qui avaient poursuivi les Israélites dans la mer. Personne n'échappa. Quant aux Israélites, ils avaient traversé la mer à pied sec, l'eau formant comme une muraille de chaque côté d'eux. HR 124 2 "Ainsi, ce jour-là, le Seigneur délivra les Israélites du pouvoir des Egyptiens, et les Israélites purent voir les cadavres des Egyptiens sur le rivage de la mer. Les Israélites virent avec quelle puissance le Seigneur était intervenu contre l'Egypte. C'est pourquoi ils acceptèrent son autorité; ils mirent leur confiance en lui et en son serviteur Moïse". Exode 14:26-31. HR 124 3 Après avoir vu le prodige que l'Eternel avait accompli pour détruire les Egyptiens, les Hébreux unirent leurs voix pour exprimer leur reconnaissance par un cantique aux sublimes accents. ------------------------Chapitre 17 -- Les pérégrinations d'Israël HR 125 0 Ce chapitre est basé sur Exode 15:23-26; 17:2-7, 13-16; 18:7-12, 19-27. HR 125 1 Les enfants d'Israël marchèrent dans le désert, et pendant trois jours ils ne trouvèrent pas d'eau potable. Ils souffrirent de la soif, et "la foule se mit à critiquer Moïse et à dire: 'Qu'allons-nous boire?' Moïse implora le Seigneur, qui lui montra un morceau de bois. Moïse le jeta dans l'eau et l'eau devint buvable. HR 125 2 "C'est là que le Seigneur donna aux Israélites des lois et des coutumes, là aussi qu'il les mit à l'épreuve. Il leur dit: 'Si vous m'obéissez vraiment, à moi, le Seigneur votre Dieu, en faisant ce que je considère comme juste, si vous écoutez mes commandements et mettez en pratique toutes mes lois, alors je ne vous infligerai aucune des maladies que j'ai infligées aux Egyptiens.. En effet, je suis le Seigneur, celui qui vous guérit'". Exode 15:24-26. HR 125 3 Il semble que les Israélites avaient un coeur mauvais et incrédule. Ils n'étaient pas disposés à supporter des privations dans le désert. Quand ils rencontraient des difficultés, ils les considéraient comme des obstacles insurmontables. Ils perdaient confiance en Dieu et ne voyaient rien d'autre que la mort devant eux. "Là, dans le désert, les Isrélites se remirent à critiquer Moïse et Aaron. Ils disaient: HR 125 4 "Si seulement le Seigneur nous avait fait mourir en Egypte, quand nous nous réunissions autour des marmites de viande et que nous avions assez à manger! Mais vous nous avez conduits dans ce désert pour nous y laisser mourir de faim!" Exode 16:2, 3. HR 126 1 En réalité, ils n'avaient pas vraiment souffert de la faim. Ils avaient de quoi manger, mais ils craignaient pour l'avenir. Ils se demandaient comment la multitude d'Israël pourrait subsister au long de leurs pérégrinations dans le désert, en puisant dans les seules réserves alimentaires dont ils disposaient et, dans leur incrédulité, ils voyaient déjà leurs enfants mourir d'inanition. L'Eternel voulait que la nourriture vienne à leur manquer et qu'ils soient confrontés à des difficultés, pour que leurs coeurs se tournent vers lui qui, jusqu'ici, leur était venu en aide, et ce, afin qu'ils se confient en lui. Le Seigneur voulait être pour eux un secours de tous les instants. S'ils se trouvaient dans le besoin, ils auraient recours à lui, et il leur témoignerait son amour et sa sollicitude. HR 126 2 Mais ils semblaient disposés à se confier en l'Eternel seulement dans la mesure où ils continuaient à voir de leurs propres yeux les manifestations permanentes de sa puissance. S'ils avaient réellement cru en lui et s'ils s'étaient entièrement reposés sur lui, ils auraient surmonté avec courage les difficultés, les obstacles, et même de véritables épreuves, après avoir vu de quelle façon merveilleuse le Seigneur les avait affranchis de l'esclavage. En effet, il leur avait fait la promesse que s'ils obéissaient à ses commandements, ils ne souffriraient d'aucune maladie, car il leur avait dit: "Je suis le Seigneur, celui qui vous guérit". HR 126 3 Après avoir reçu cette merveilleuse promesse divine, c'était de la part des Hébreux un manque de foi très grave que d'imaginer qu'eux et leurs enfants risquaient de mourir de faim. Ils avaient beaucoup souffert en Egypte où ils étaient accablés de travail. Leurs enfants avaient été mis à mort, mais l'Eternel avait étendu sur eux sa main protectrice en réponse à leurs supplications. Il leur avait promis qu'il serait leur Dieu, qu'il les prendrait pour son peuple et qu'il les conduirait dans un pays vaste et riche. HR 127 1 Quoi qu'il en soit, tandis qu'ils s'acheminaient vers ce pays, chaque fois qu'ils rencontraient une difficulté, ils perdaient courage. Ils avaient beaucoup souffert quand ils étaient au service des Egyptiens; mais maintenant, ils paraissaient incapables de souffrir pour servir Dieu. Lorsqu'ils étaient éprouvés, ils se seraient laissé volontiers envahir par de sombres doutes et enliser dans le découragement. Ils murmuraient contre Moïse, ce fidèle serviteur de Dieu, rejetaient sur lui la responsabilité de tous leurs maux et, donnant libre cours à leur amertume, ils disaient qu'il eût mieux valu pour eux rester en Egypte, où ils pouvaient s'asseoir devant les pots de viande et manger du pain à satiété. Une leçon pour notre époque HR 127 2 L'incrédulité et les murmures des enfants d'Israël illustrent bien la condition du peuple de Dieu à notre époque. Nombreux sont ceux qui, en considérant leur histoire, s'étonnent de leur manque de foi et de leurs plaintes continuelles, malgré tout ce que le Seigneur avait fait pour eux, en leur témoignant si souvent son amour et sa sollicitude. Ils pensent que les Israélites n'auraient pas dû se montrer aussi ingrats. Mais parmi ceux qui sont de cet avis, certains murmurent et se plaignent pour des motifs moins importants. Ceux-là se connaissent mal. Dieu met souvent leur foi à l'épreuve sur de petites choses; mais ils ne se montrent pas plus forts que l'ancien Israël. HR 127 3 D'autres personnes, dont les besoins présents sont assurés, ne font pas confiance au Seigneur pour l'avenir. Elles font preuve d'incrédulité et sombrent dans le découragement parce qu'elles craignent de se trouver dans le besoin. D'autres sont constamment anxieuses à l'idée qu'elles-mêmes et leurs enfants risquent de manquer du nécessaire. Quand surviennent des difficultés, et qu'elles se trouvent dans une situation critique où leur foi et leur amour pour Dieu sont mis à l'épreuve, elles refusent l'adversité et se révoltent contre le moyen que le Seigneur a choisi pour les purifier. Cela prouve que leur amour n'est ni pur ni parfait puisqu'il n'est pas capable de supporter tout. HR 128 1 La foi des enfants de Dieu devrait être forte, agissante et persévérante -- être sûre des choses que l'on espère. Elle devrait s'exprimer par ces paroles: "Mon âme, bénis l'Eternel! Que tout ce qui est en moi bénisse son saint nom!" (Psaumes 103:1) car il a été généreux envers moi. HR 128 2 Certains pensent que la sobriété est une véritable épreuve, et ils laissent libre cours à leur gloutonnerie. Quand ils doivent mettre un frein à leur appétit malsain, de nombreux soi-disant chrétiens s'y refusent, comme si une alimentation saine signifiait un régime de famine. Comme les Israélites, ils préféreraient l'esclavage, la maladie et même la mort, plutôt que de devoir se passer de viande. Le pain et l'eau sont les seules choses qui ont été promises au reste du peuple de Dieu pendant le temps de détresse. La manne HR 128 3 "Lorsque la rosée s'évapora, quelque chose de granuleux, fin comme du givre, restait par terre. Les Israélites le virent, mais ne savaient pas ce que c'était, et ils se demandèrent les uns aux autres: HR 128 4 "Qu'est-ce que c'est? HR 128 5 "Moïse leur répondit: HR 129 1 "C'est le pain que le Seigneur vous donne à manger. Et voici ce que le Seigneur a ordonné: 'Que chacun en ramasse la ration qui lui est nécessaire; vous en ramasserez environ quatre litres par personne, d'après le nombre de personnes vivant sous la même tente'. HR 129 2 "Les Israélites agirent ainsi; ils en ramassèrent, les uns beaucoup, les autres peu. Mais lorsqu'ils en mesurèrent la quantité, ceux qui en avaient beaucoup n'en avaient pas trop, et ceux qui en avaient peu n'en manquaient pas. Chacun en avait la ration nécessaire. HR 129 3 "Moïse leur dit encore: HR 129 4 "Que personne n'en mette de côté pour demain matin. HR 129 5 "Mais certains désobéirent et en conservèrent jusqu'au matin; la vermine s'y mit et rendit le tout infect. Alors Moïse se mit en colère contre eux. Dès lors, chaque matin, ils en ramassèrent leur ration quotidienne. Quand le soleil devenait chaud, le reste fondait. HR 129 6 "Le sixième jour, ils en ramassèrent une double ration, environ huit litres par personne. Les responsables du peuple allèrent l'annoncer à Moïse, qui leur dit: HR 129 7 "C'est bien ce que le Seigneur a ordonné. Demain, c'est le sabbat, jour de repos consacré au Seigneur. Cuisez ce que vous voulez cuire, faites bouillir ce que vous voulez bouillir, et gardez le surplus jusqu'à demain matin. HR 129 8 "Ils en mirent donc de côté pour le lendemain, selon les instructions de Moïse, et il n'y eut ni puanteur ni vermine. HR 129 9 "Mangez cela aujourd'hui, leur dit alors Moïse. Car aujourd'hui, c'est le sabbat en l'honneur du Seigneur; vous ne trouveriez rien dehors. En effet, pendant six jours vous pouvez ramasser de cette nourriture, mais le septième jour, le jour du sabbat, il n'y en a pas". Exode 16:14-26. HR 129 10 Aujourd'hui, le Seigneur ne demande pas moins, en ce qui concerne l'observation du sabbat, que lorsqu'il a donné aux enfants d'Israël les instructions particulières dont nous venons de parler. Il leur prescrivit de faire cuire et de faire bouillir ce qui devait l'être le sixième jour, afin de se préparer au repos du sabbat. HR 130 1 En leur envoyant le pain du ciel, Dieu leur a témoigné son amour et sa grande bonté. "Les hommes purent manger le pain des anges" (Psaumes 78:25), autrement dit une nourriture qui leur avait été fournie par les anges. Le triple miracle de la manne -- double ration le sixième jour, rien le septième, et la nourriture gardée intacte le sabbat, alors que les autres jours elle se gâtait -- était destiné à leur inculquer le caractère sacré du sabbat. HR 130 2 Après avoir été si abondamment pourvus en nourriture, les Hébreux éprouvèrent de la honte à cause de leur incrédulité et de leurs murmures. Aussi promirent-ils de faire confiance au Seigneur dans l'avenir; mais ils ne tardèrent pas à oublier leur promesse et, à la première occasion, leur foi ne résista pas à l'épreuve. L'eau du rocher HR 130 3 Après avoir quitté le désert de Sin, les Israélites se rendirent jusqu'à Refidim. Là, ils installèrent leur camp, mais ne trouvèrent pas d'eau à boire, "de sorte qu'ils cherchèrent querelle à Moïse et dirent: HR 130 4 "Donnez-nous de l'eau à boire! HR 130 5 "Moïse leur demanda: HR 130 6 "Pourquoi me cherchez-vous querelle? Et pourquoi mettez-vous ainsi le Seigneur à l'épreuve? HR 130 7 "Le peuple, de plus en plus assoiffé, continua de critiquer Moïse en disant: HR 130 8 "Pourquoi nous as-tu fait quitter l'Egypte? Est-ce pour nous faire mourir de soif ici, avec nos enfants et nos troupeaux? HR 131 1 "Moïse implora le secours du Seigneur: HR 131 2 "Que dois-je faire pour ce peuple? demanda-t-il. Encore un peu et ils vont me lancer des pierres! HR 131 3 "Passe devant le peuple, répondit le Seigneur, et choisis quelques-uns des anciens d'Israël pour t'accompagner. Tu t'avanceras en tenant à la main le bâton avec lequel tu as frappé le Nil. Moi, je me tiendrai là, devant toi, sur un rocher du mont Horeb; tu frapperas ce rocher, il en sortira de l'eau et le peuple pourra boire. HR 131 4 "Moïse obéit à cet ordre, sous le regard des anciens. HR 131 5 "On a appelé cet endroit Massa et Meriba, ce qui signifie 'Epreuve' et 'Querelle', parce que les Israélites avaient cherché querelle à Moïse et avaient mis le Seigneur à l'épreuve, en demandant: 'Le Seigneur est-il parmi nous, oui ou non?'" Exode 17:2-7. HR 131 6 Dieu avait dirigé les enfants d'Israël pour qu'ils campent en cet endroit où il n'y avait pas d'eau, afin de les mettre à l'épreuve, pour voir si, devant cette difficulté, ils se tourneraient vers lui ou s'ils se mettraient à murmurer comme ils l'avaient fait précédemment. Etant donné la merveilleuse délivrance que l'Eternel avait opérée en leur faveur, malgré leur déception, ils auraient dû lui faire confiance. Puisqu'il leur avait promis de les adopter comme son peuple, ils auraient dû comprendre qu'il ne permettrait pas que ses enfants meurent de soif. Mais au lieu de supplier humblement le Très-Haut de pourvoir à leurs besoins, ils murmurèrent contre Moïse et lui réclamèrent de l'eau. HR 131 7 Dieu n'avait cessé de manifester de façon merveilleuse sa puissance sous leurs yeux, pour qu'ils puissent comprendre que tous les bienfaits dont ils jouissaient venaient de lui, qu'il pouvait les leur accorder ou les en priver, selon sa volonté. Parfois, ils en avaient pleinement conscience et s'humiliaient profondément devant lui; mais quand ils étaient assoiffés ou affamés, ils s'en prenaient à Moïse, comme si c'était pour lui plaire qu'ils avaient quitté l'Egypte. Celui-ci était affligé par leurs plaintes malveillantes. Il demanda au Seigneur ce qu'il devait faire, car le peuple était sur le point de le lapider. Le Très-Haut ordonna à Moïse de frapper le rocher avec le bâton de Dieu. La nuée de sa gloire se trouvait devant le rocher même. "Il avait fendu des rochers dans le désert pour les faire boire aux eaux souterraines. De la pierre il avait fait jaillir des ruisseaux et couler des torrents d'eau". Psaumes 78:15, 16. HR 132 1 Moïse frappa donc le rocher; mais c'est le Christ, qui se tenait à ses côtés, qui en fit jaillir l'eau. Le peuple assoiffé avait provoqué Dieu en disant: "Si Dieu nous a conduits jusqu'ici, pourquoi ne nous donne-t-il pas d'eau, comme il nous a donné du pain?" Ce "si" revélait l'incrédulité coupable des enfants d'Israël et faisait craindre à Moïse que le Seigneur ne les châtie pour leurs plaintes malveillantes. L'Eternel mit la foi de son peuple à l'épreuve, mais sa foi se révéla trop faible pour y résister. Les Hébreux réclamèrent à Moïse de la nourriture et de l'eau. A cause de leur incrédulité, Dieu permit à leurs ennemis de leur faire la guerre, afin qu'il puisse montrer à son peuple quel est le secret de sa force. Délivrés d'Amalec HR 132 2 "Les Amalécites vinrent attaquer les Israélites à Refidim. Moïse dit à Josué: HR 132 3 "Choisis des hommes capables de nous défendre et va combattre les Amalécites. Demain je me tiendrai au sommet de la colline, avec le bâton de Dieu à la main. HR 132 4 "Josué partit combattre les Amalécites, comme Moïse le lui avait ordonné, tandis que Moïse, Aaron et Hour se posteraient au sommet de la colline. Tant que Moïse tenait un bras levé, les Israélites étaient les plus forts, mais quand il le laissait retomber, les Amalécites l'emportaient. Lorsque les deux bras de Moïse furent lourds de fatigue, Aaron et Hour prirent une pierre et la placèrent près de Moïse. Moïse s'y assit. Aaron et Hour, chacun d'un côté, lui soutinrent les bras, qui restèrent ainsi fermement levés jusqu'au coucher du soleil". Exode 17:8-12. HR 133 1 Moïse élevait les bras vers le ciel, le bâton de Dieu dans la main droite, pour supplier l'Eternel de venir à leur aide. Alors, Israël triomphait et repoussait ses ennemis. Mais quand Moïse baissait les bras, on voyait qu'il perdrait bientôt tout ce qu'il avait gagné et que ses ennemis auraient l'avantage sur lui. Dès que Moïse levait de nouveau les bras vers le ciel, Israël était vainqueur et ses ennemis étaient refoulés. HR 133 2 Cette attitude de Moïse, élevant les bras vers le ciel, contenait un enseignement pour les Israélites: aussi longtemps qu'ils faisaient confiance à Dieu, qu'ils s'appuyaient sur sa force et exaltaient son autorité, il combattrait pour eux et soumettrait leurs ennemis. Mais dès qu'ils cesseraient de se reposer sur sa puissance, pour se confier dans leurs propres forces, ils deviendraient plus faibles que leurs ennemis, qui ne connaissaient pas l'Eternel, et leurs ennemis auraient l'avantage sur eux. Alors, "Josué remporta une victoire complète sur l'armée amalécite. HR 133 3 "Le Seigneur dit à Moïse: HR 133 4 "Mets tout cela par écrit, pour qu'on ne l'oublie pas. Et dis à Josué que j'exterminerai les Amalécites, de telle sorte que personne sur la terre ne se souviendra d'eux. HR 133 5 "Alors Moïse construisit un autel, auquel il donna un nom signifiant 'Le Seigneur est mon étendard'. Et il déclara: HR 134 1 "Puisque les Amalécites ont osé lever la main contre le trône du Seigneur, le Seigneur sera toujours en guerre contre eux". Exode 17:14-16. La visite de Jéthro HR 134 2 Avant de quitter l'Egypte, Moïse avait renvoyé sa femme et ses enfants chez son beau-père. Ayant appris de quelle manière miraculeuse les Israélites avaient été délivrés d'Egypte, Jéthro rendit visite à Moïse dans le désert, et lui ramena sa femme et ses enfants. "Moïse vint à sa rencontre, s'inclina profondément devant lui, puis l'embrassa. Après avoir échangé des nouvelles de leur santé, ils se rendirent dans la tente de Moïse. Moïse raconta à son beau-père comment le Seigneur avait traité le Pharaon et les Egyptiens, à cause d'Israël, et comment le peuple avait pu surmonter, grâce au Seigneur, les difficultés rencontrées en chemin. Jéthro se réjouit de tout le bien que le Seigneur avait fait aux Israélites en les délivrant de la domination des Egyptiens, et il s'écria: HR 134 3 "Loué soit le Seigneur, qui vous a délivrés de la domination du Pharaon et des Egyptiens. Je reconnais maintenant que le Seigneur est plus grand que tous les autres dieux: il l'a montré lorsque les Egyptiens tyrannisaient les Israélites. HR 134 4 "Jéthro offrit à Dieu un sacrifice complet et des sacrifices de communion. Alors Aaron et tous les anciens d'Israël vinrent prendre part au repas sacré, en compagnie du beau-père de Moïse". Exode 18:10-12. HR 134 5 Jéthro, très perspicace, ne tarda pas à se rendre compte de la lourde charge qui reposait sur les épaules de Moïse; car les Hébreux faisaient part à ce dernier de tous leurs problèmes et il devaient les enseigner concernant les statuts et la loi de Dieu. Jéthro dit à son gendre: "Ecoute donc ce que je te conseille, et que Dieu soit avec toi: Ton rôle consiste à représenter le peuple devant Dieu pour lui présenter les affaires litigieuses; tu dois aussi informer les gens des lois et des enseignements de Dieu, leur indiquer la conduite à tenir et leur dire ce qu'ils doivent faire. Pour le reste, choisis parmi le peuple des hommes de valeur, pleins de respect pour Dieu, aimant la vérité et incorruptibles; tu les désigneras comme responsables, à la tête de groupes de mille, de cent, de cinquante ou de dix hommes. Ce sont ceux qui siégeront chaque jour pour juger les querelles du peuple; ils te soumettront les affaires importantes, mais régleront eux-mêmes les causes mineures. De cette manière tu pourras alléger ta tâche, puisqu'ils en partageront la responsabilité avec toi. Si tu fais cela -- et si c'est bien ce que Dieu t'ordonne -- , tu ne t'épuiseras pas; et de leur côté tous ces gens pourront rentrer chez eux réconciliés. HR 135 1 "Moïse suivit les conseils de son beau-père: il choisit parmi les Israélites des hommes de valeur et les désigna comme responsables du peuple, à la tête de groupes de mille, de cent, de cinquante ou de dix hommes. Ils devaient siéger chaque jour pour juger les querelles du peuple; ils soumettaient à Moïse les affaires difficiles, mais réglaient eux-mêmes les causes mineures. HR 135 2 "Moïse prit congé de son beau-père, qui s'en retourna dans son pays". Exode 18:19-27. HR 135 3 Moïse ne refusa pas d'écouter les conseils de son beau-père. Dieu l'avait grandement honoré et avait accompli de grands prodiges par sa main. Mais il ne vint pas à l'esprit de Moïse de penser qu'il n'avait besoin des conseils de personne puisque le Seigneur l'avait choisi pour enseigner ses semblables et pour accomplir par lui de grandes choses. Il prêta donc l'oreille aux suggestions de son beau-père qui lui parurent sages, et il agit en conséquence. ------------------------Chapitre 18 -- La loi de Dieu HR 136 1 Après avoir quitté Refidim, les enfants d'Israël "pénétrèrent dans le désert du Sinaï. Ils installèrent leur camp dans le désert, près du mont Sinaï. Moïse gravit la montagne pour rencontrer Dieu. HR 136 2 "Du sommet, le Seigneur appela Moïse et lui dit: HR 136 3 "Voici ce que tu déclareras aux descendants de Jacob, les Israélites: 'Vous avez vu comment j'ai traité les Egyptiens, vous avez vu comment je vous ai amenés ici près de moi, comme un aigle porte ses petits sur son dos. Maintenant, si vous écoutez bien ce que je vous dis et si vous respectez mon alliance, vous serez pour moi un peuple particulièrement précieux parmi tous les peuples. En effet toute la terre m'appartient, mais vous serez pour moi un royaume de prêtres, une nation consacrée à mon service.' Voilà ce que tu diras aux Israélites. HR 136 4 "Moïse revint au camp, convoqua les anciens d'Israël et leur communiqua tout ce que le Seigneur lui avait ordonné. Le peuple dans son ensemble s'écria: HR 136 5 "Nous obéirons à tous les ordres du Seigneur. HR 136 6 "Moïse rapporta leur réponse au Seigneur". Exode 19:2-8. HR 136 7 Les Israélites contractaient ainsi une alliance solennelle avec le Seigneur, en le reconnaissant comme leur souverain et en se soumettant à son autorité divine. "Alors le Seigneur déclara à Moïse: HR 136 8 "Je vais venir jusqu'à toi caché dans une épaisse fumée, afin que les Israélites m'entendent parler avec toi et qu'ils aient confiance en toi pour toujours". Exode 19:9. HR 137 1 Quand les Hébreux rencontraient des difficultés sur leur route, ils étaient enclins à murmurer contre Moïse et Aaron et à les accuser d'avoir conduit la multitude d'Israël hors d'Egypte pour la précipiter à sa perte. Pour cette raison, et afin qu'ils aient confiance en son serviteur, Dieu voulait maintenant honorer Moïse à leurs yeux et leur montrer qu'il avait mis son Esprit sur lui. Préparatifs pour rencontrer Dieu HR 137 2 Puis le Seigneur donna des instructions précises à Moïse concernant la manière dont le peuple devait se préparer pour le jour où Dieu s'approcherait d'eux de manière qu'ils puissent entendre sa loi proclamée non par des anges, mais par lui-même. "Et le Seigneur dit encore à Moïse: HR 137 3 "Retourne vers le peuple et dis-leur de se purifier aujourd'hui et demain. Qu'ils lavent aussi leurs vêtements. Qu'ils se tiennent prêts pour après-demain, car ce jour-là je descendrai sur le mont Sinaï à la vue de tout le peuple". Exode 19:10, 11. HR 137 4 Le peuple fut invité à s'abstenir de travaux et de préoccupations profanes et à tourner leurs pensées vers Dieu. Le Seigneur leur demanda aussi de laver leurs vêtements. Il n'est pas moins exigeant de nos jours qu'il l'était alors, car c'est un Dieu d'ordre, et il requiert aujourd'hui de son peuple qu'il ait des habitudes de minutieuse propreté. Ceux qui adorent le Très-Haut avec des vêtements sales et sans avoir fait leur toilette ne s'approchent pas de lui comme il convient. Le manque de respect à son égard lui déplaît, et il n'accepte pas le culte offert par des adorateurs malpropres, car c'est une offense envers lui. Le Créateur des cieux et de la terre considère l'hygiène comme quelque chose d'important puisqu'il a dit: "Qu'ils lavent aussi leurs vêtements". HR 138 1 "Tu leur fixeras des limites autour de la montagne et tu les mettras en garde: ils ne doivent pas gravir cette montagne, ni même s'en approcher. Tout être qui s'en approchera sera mis à mort. Qu'il s'agisse d'un homme ou d'un animal, on ne le laissera pas vivre. On ne le touchera pas, mais on le tuera en lui lançant des pierres ou des flèches. C'est seulement quand le cor sonnera que certains pourront monter sur la montagne". Exode 19:12, 13. Cet ordre était destiné à inculquer à ce peuple rebelle un profond respect pour l'autorité de Dieu, en tant qu'auteur des lois qui devaient leur être prescrites. Dieu manifeste sa majesté redoutable HR 138 2 "Le surlendemain, dès l'aube, il y eut sur la montagne des coups de tonnerre, des éclairs et une épaisse fumée. On entendit aussi une puissante sonnerie de trompette. Dans le camp, le peuple tremblait de peur". Exode 19:16. L'armée des anges qui se tenait en présence de la majesté divine convoqua le peuple en faisant entendre un son comparable à celui d'une trompette et qui retentissait de plus en plus fort au point que toute la terre tremblait. HR 138 3 "Moïse les fit sortir (les Israélites) du camp pour s'approcher de Dieu. Ils s'arrêtèrent au pied de la montagne. HR 138 4 "Le Sinaï était tout fumant, parce que le Seigneur y était descendu dans le feu; la fumée s'élevait comme celle d'une fournaise, et toute le montagne tremblait". Exode 19:17, 18. La majesté divine descendit enveloppée d'un nuage et entourée d'un glorieux cortège d'anges qui ressemblaient à des flammes de feu. HR 139 1 "La sonnerie de trompette devint de plus en plus puissante. Quand Moïse parlait, Dieu lui répondait dans le tonnerre. Le Seigneur descendit au sommet du Sinaï, d'où il appela Moïse, et Moïse y remonta. Le Seigneur lui dit: HR 139 2 "Va avertir le peuple de ne pas se précipiter pour me voir. Sinon beaucoup d'entre eux mourraient. Même les prêtres, qui peuvent pourtant s'approcher de moi, doivent se purifier, de peur que je n'intervienne contre eux". Exode 19:19-22. HR 139 3 Dans sa majesté redoutable, le Seigneur promulgua sa loi du haut du Sinaï, afin que le peuple croie en lui. Cette promulgation de la loi fut accompagnée d'une manifestation sublime de l'autorité du Très-Haut, afin que les Hébreux sachent qu'il est le seul Dieu vivant et vrai. Moïse lui-même ne fut pas autorisé à pénétrer dans la nuée glorieuse; il lui fut seulement permis de s'approcher et d'entrer dans les épaisses ténèbres qui entouraient cette nuée. Il se tint debout entre le peuple et Dieu. L'Eternel proclame sa loi HR 139 4 Après avoir ainsi manifesté sa puissance, Dieu s'est présenté en ces termes aux Israélites: "Je suis le Seigneur ton Dieu, c'est moi qui t'ai fait sortir du pays d'Egypte où tu étais esclave". Exode 20:2. Puis, le même Dieu qui avait déployé sa puissance au milieu des Egyptiens, édicta sa loi: HR 139 5 "Tu n'adoreras pas d'autres dieux que moi. HR 139 6 "Tu ne te fabriqueras aucune idole, aucun objet qui représente ce qui est dans le ciel, sur la terre ou dans l'eau sous la terre; tu ne t'inclineras pas devant des statues de ce genre, tu ne les adoreras pas. En effet, je suis le Seigneur ton Dieu, et j'exige d'être ton seul Dieu. Si quelqu'un s'oppose à moi, je le punis, lui et ses descendants, jusqu'à la troisième ou la quatrième génération; mais je traite avec bonté pendant mille générations ceux qui m'aiment et obéissent à mes commandements. HR 140 1 "Tu ne prononceras pas mon nom de manière abusive, car moi, le Seigneur ton Dieu, je tiens pour coupable celui qui agit ainsi. HR 140 2 "N'oublie jamais de me consacrer le jour du sabbat. Tu as six jours pour travailler et faire tout ton ouvrage. Le septième jour, c'est le sabbat qui m'est réservé, à moi, le Seigneur ton Dieu; tu ne feras aucun travail ce jour-là, ni toi, ni tes enfants, ni tes serviteurs ou servantes, ni ton bétail, ni l'étranger qui réside chez toi. Car en six jours j'ai créé le ciel, la terre, la mer et tout ce qu'ils contiennent, puis je me suis reposé le septième jour. C'est pourquoi moi, le Seigneur, j'ai béni le jour du sabbat et je veux qu'il me soit consacré. HR 140 3 "Respecte ton mère et ta mère, afin de jouir d'une longue vie dans le pays que moi, le Seigneur ton Dieu, je te donne. HR 140 4 "Tu ne commettras pas de meurtre. HR 140 5 "Tu ne commettras pas d'adultère. HR 140 6 "Tu ne commettras pas de vol. HR 140 7 "Tu ne prononceras pas de faux témoignage contre ton prochain. HR 140 8 "Tu ne convoiteras rien de ce qui appartient à ton prochain, ni sa maison, ni sa femme, ni son serviteur, ni sa servante, ni son boeuf, ni son âne". Exode 20:3-17. HR 141 9 Les deux premiers commandements énoncés par l'Eternel condamnent l'idolâtrie. Cette pratique conduit en effet les hommes à s'enliser toujours plus dans le péché et dans la rébellion, au point d'aboutir à des sacrifices humains. Le Seigneur veut que nous nous éloignions le plus possible de telles abominations. Les quatre premiers commandements prescrivent à l'homme ses devoirs envers Dieu. Le quatrième sert de trait d'union entre le Très-Haut et l'homme. Le sabbat a été institué pour le bien de l'homme et pour honorer le Créateur. Les six derniers préceptes indiquent les devoirs de l'homme envers ses semblables. HR 141 1 Le sabbat devait être à jamais un signe entre Dieu et son peuple. Il devait être un signe en ce sens que tous ceux qui l'observent montrent par là qu'ils vénèrent le Dieu vivant, le Créateur des cieux et de la terre. Le sabbat devait être un signe entre Dieu et son peuple aussi longtemps que le Seigneur disposait sur la terre d'un peuple à son service. HR 141 2 "Tous les Israélites entendirent les coups de tonnerre et la sonnerie de trompette, tous virent les éclairs et la montagne fumante; ils se mirent à trembler de peur et se tinrent à distance. Ils dirent à Moïse: HR 141 3 "Parle-nous toi-même, et nous t'écouterons; mais que Dieu ne nous parle pas directement, sinon nous mourrons. HR 141 4 "Moïse leur répondit: HR 141 5 "Ne craignez rien! Si Dieu s'est approché de vous, c'est pour vous mettre à l'épreuve; il veut que vous reconnaissiez son autorité et que vous ne commettiez pas de péché. HR 141 6 "Les Israélites restèrent à distance, tandis que Moïse s'approchait de l'épais nuage où se tenait Dieu. HR 141 7 "Le Seigneur dit à Moïse: HR 141 8 "Voici ce que tu transmettras de ma part aux Israélites: 'Vous l'avez vu, c'est du haut du ciel que je me suis adressé à vous'." Exode 20:18-22. HR 141 9 La sainte présence de Dieu sur le mont Sinaï, les tremblements de terre, le tonnerre et les éclairs qui accompagnèrent cette manifestation divine suscitèrent chez le peuple une telle crainte et un tel respect envers sa majesté souveraine que les Israélites fuirent instinctivement sa présence solennelle, car ils craignaient de ne pouvoir supporter l'éclat de cette gloire redoutable. Les dangers de l'idolâtrie HR 142 1 Voulant mettre son peuple particulièrement en garde contre l'idolâtrie, l'Eternel dit: "Vous ne vous fabriquerez pas d'idoles en argent ou en or, pour adorer d'autres dieux à côté de moi". Exode 20:23. En effet, les Hébreux risquaient de vouloir suivre l'exemple des Egyptiens en se faisant des statues pour représenter Dieu. HR 142 2 Le Seigneur dit à Moïse: "Je vais envoyer un ange qui vous précédera et vous protégera le long du chemin; il vous conduira dans le pays que je vous ai préparé. Prenez bien soin de lui obéir, de ne pas vous montrer insoumis; il ne supporterait pas votre révolte, car il agit en mon nom. Si vous lui obéissez fidèlement, si vous accomplissez scrupuleusement ce que je vous ordonne, moi le Seigneur, je serai l'ennemi de vos ennemis et l'adversaire de vos adversaires. Lorsque mon ange vous précédera pour vous conduire chez les Amorites, les Hittites, les Perizites, les Cananéens, les Hivites et les Jébusites, je détruirai ces peuples". Exode 23:20-23. L'ange qui précédait Israël était le Seigneur Jésus-Christ. "Mais vous ne devrez pas vous incliner devant leurs dieux pour les adorer, ni imiter leurs cérémonies. Au contraire vous détruirez les statues de ces dieux et vous briserez leurs pierres dressées; et c'est moi seul, le Seigneur votre Dieu, que vous adorerez. Alors je vous bénirai en vous accordant nourriture et boisson, et en vous préservant des maladies". Exode 23:24, 25. HR 142 3 L'Eternel voulait que son peuple comprenne qu'il devait l'adorer, lui seul; et s'il arrivait que les Israélites remportent une victoire sur les nations idolâtres qui les entouraient, ils ne devaient garder aucune des statues auxquelles ces nations rendaient un culte, mais devaient au contraire les détruire. Un grand nombre de ces idoles païennes étaient très belles et donc d'une grande valeur artistique; elles risquaient donc de tenter ceux qui avaient été témoins des cultes idolâtres, si répandus en Egypte, au point de faire éprouver un certain respect pour ces objets inanimés. Mais Dieu voulait que son peuple sache que c'est à cause de l'idolâtrie pratiquée par ces nations-là -- qui les avait conduites à toutes les formes possibles de perversité -- qu'il avait choisi les Israélites comme ses instruments pour punir ces idolâtres et détruire leurs dieux. HR 143 1 "Voici ce que je provoquerai: à la nouvelle de votre approche, les nations seront terrifiées; tous les peuples chez qui vous pénétrerez seront mis en déroute et vos ennemis tourneront tous le dos pour s'enfuir. J'enverrai aussi devant vous des frelons qui mettront en fuite les Hivites, les Cananéens et les Hittites, avant même votre arrivée. Cependant je ne ferai pas fuir tous ces peuples devant vous la même année; s'il en était ainsi, le pays deviendrait un désert où les bêtes sauvages se multiplieraient à vos dépens. Je chasserai vos ennemis peu à peu, au fur et à mesure que vous deviendrez plus nombreux et que vous occuperez le pays. Finalement votre territoire s'étendra de la mer des Roseaux à la mer Méditerranée et du désert du Sinaï à l'Euphrate, car je livrerai en votre pouvoir les habitants de ces régions, afin que vous les chassiez. Vous ne conclurez aucune alliance avec eux ou avec leurs dieux. Vous ne leur permettrez pas de demeurer dans votre pays, afin qu'ils ne vous entraînent pas à commettre des fautes contre moi. En effet, si vous adoriez leurs dieux, vous seriez pris au piège de l'idolâtrie". Exode 23:27-33. Dieu fit ces promesses à son peuple à condition que ce dernier lui obéisse. Si les Israélites servaient fidèlement le Seigneur, il ferait de grandes choses en sa faveur. HR 144 1 Après que Moïse eut pris connaissance des lois de Dieu, qu'il les eut écrites pour le peuple, en mentionnant les promesses qui lui étaient destinées s'il obéissait, le Seigneur lui dit: "Monte vers moi sur la montagne avec Aaron, Nadab, Abihou et soixante-dix des anciens d'Israël. Lorsque vous serez encore à bonne distance, vous vous inclinerez jusqu'à terre. Ensuite tu seras le seul à t'approcher de moi. Les autres ne s'approcheront pas et le peuple ne montera pas sur la montagne avec vous. Moïse alla rapporter aux Israélites tout ce que le Seigneur lui avait dit et ordonné. Ils répondirent d'une seule voix: Nous obéirons à tous les ordres du Seigneur". Exode 24:1-3. HR 144 2 Moïse écrivit non pas les dix commandements, mais les ordonnances que Dieu avait prescrites à son peuple, ainsi que les promesses faites sous condition d'obéissance. Il lut à haute voix ce qu'il avait écrit, et le peuple promit d'obéir à toutes les paroles que le Seigneur avait prononcées. Puis Moïse écrivit dans un livre le texte de cette promesse et il offrit un sacrifice à l'Eternel pour le peuple. "Il prit ensuite le livre de l'alliance et le lut à haute voix devant le peuple. Les Israélites déclarèrent: Nous obéirons scrupuleusement à tous les ordres du Seigneur. Moïse prit alors le sang des vases, en aspergea les Israélites et dit: Ce sang confirme l'alliance que le Seigneur a conclue avec vous, en vous donnant tous ces commandements". Exode 24:7, 8. Le peuple répéta alors la promesse qu'il avait faite à Dieu de se conformer à tout ce qui lui avait été prescrit. La loi éternelle de Dieu HR 145 1 La loi de Dieu existait avant que l'homme ne fût créé. Les anges eux-mêmes étaient régis par cette loi. Satan est tombé parce qu'il a violé les principes du gouvernement de Dieu. Après avoir créé Adam et Eve, le Seigneur leur fit connaître sa loi. Elle n'était pas encore écrite à cette époque-là, mais il la leur révéla oralement. HR 145 2 Le sabbat prescrit dans le quatrième commandement fut institué en Eden. Après qu'il eut créé le monde et formé l'homme sur la terre, Dieu institua le sabbat pour l'homme. Après le péché et la chute d'Adam, aucune partie de la loi divine ne fut supprimée. Les principes qui sont à la base des dix commandements existaient avant la chute; ils étaient adaptés à la nature des êtres saints. Après la chute de l'homme, les principes qui sont les fondements de ces préceptes ne furent pas modifiés; en revanche, un certain nombre de préceptes y furent ajoutés, pour répondre aux besoins de l'homme déchu. HR 145 3 Un rituel fut alors établi qui exigeait des sacrifices d'animaux destinés à rappeler à l'homme déchu que la mort est le châtiment de la désobéissance, contrairement à ce que le serpent avait voulu faire croire à Eve. La transgression de la loi divine avait nécessité la mort du Christ en sacrifice, offrant ainsi à l'homme un moyen d'échapper au châtiment tout en préservant l'autorité de la loi de Dieu. Le rituel des sacrifices avait pour but d'apprendre l'humilité à l'homme pécheur, de l'amener à se repentir et à se confier en Dieu seul, afin qu'il obtienne, grâce au Rédempteur promis, le pardon des transgressions de la loi. Si l'homme n'avait pas violé la loi divine, la mort n'aurait jamais existé, et il n'aurait pas été nécessaire d'instituer des préceptes complémentaires pour répondre aux besoins de l'homme déchu. HR 146 1 Adam instruisit ses descendants au sujet de la loi de Dieu, qui fut transmise aux croyants fidèles, de génération en génération. La violation constante de la loi divine fut à l'origine d'un déluge d'eau sur la terre. Cette loi fut préservée par Noé et sa famille qui, en pratiquant le bien, furent miraculeusement sauvés par Dieu au moyen de l'arche. Noé fit connaître les dix commandements à sa postérité. Depuis Adam et après lui, le Seigneur se réserva un peuple qui avait sa loi gravée dans le coeur. A propos du père des croyants, il nous est dit: "Abraham a obéi à mes ordres, observé mes règles, mes commandements, mes décrets et mes lois". Genèse 26:5. HR 146 2 Le Seigneur apparut à Abraham et lui déclara: HR 146 3 "Je suis le Dieu tout-puissant. Vis toujours en ma présence et sois irréprochable. Je vais établir mon alliance entre toi et moi et te donner un très grand nombre de descendants". Genèse 17:1, 2. "Je maintiendrai mon alliance avec toi, puis, après toi, avec tes descendants, de génération en génération, pour toujours: ainsi je serai ton Dieu et celui de tes descendants après toi". Genèse 17:7. HR 146 4 Puis le Seigneur prescrivit à Abraham et à sa postérité de pratiquer la circoncision, qui consiste dans l'excision du prépuce, et qui signifiait que Dieu les avait retranchés, séparés de toutes les autres nations pour en faire son bien le plus précieux. Par ce signe, ils s'engageaient solennellement à ne pas contracter mariage avec des personnes appartenant à d'autres peuples, car en agissant ainsi, ils manqueraient de respect envers Dieu et envers sa sainte loi et deviendraient comme les nations idolâtres qui les entouraient. HR 146 5 En accomplissant le rite de la circoncision, ils acceptaient solennellement de remplir les conditions de l'alliance conclue avec Abraham qui consistaient à se séparer des autres peuples et à être parfait. Si les descendants d'Abraham s'étaient tenus à l'écart des autres nations, ils ne se seraient pas laissé entraîner dans l'idolâtrie. En refusant d'être en contact avec les autres peuples, ils étaient préservés de la grande tentation de pratiquer des coutumes perverses et de se rebeller contre Dieu. Au contraire, en se mêlant avec ces nations, ils perdaient en grande partie leur caractère distinctif et saint. Pour punir les Hébreux de leur infidélité, le Seigneur envoya une famine dans leur pays qui les obligea à se rendre en Egypte pour sauver leur vie. Mais Dieu ne les abandonna pas tandis qu'ils séjournaient en Egypte, car il en avait fait la promesse à Abraham. Il permit aux Egyptiens d'opprimer les enfants d'Israël afin que, dans leur détresse, ils décident librement de se soumettre à son autorité empreinte de justice et de bonté et qu'ils obéissent à ses exigences. HR 147 1 Au début, quelques familles seulement descendirent en Egypte; mais avec le temps, elles devinrent une grande multitude. Certains d'entre les Hébreux veillaient à inculquer à leurs enfants les principes de la loi de Dieu, mais de nombreux Israélites avaient été tellement en contact avec l'idolâtrie qu'ils n'avaient plus que des idées confuses sur sa loi. Ceux qui craignaient l'Eternel le suppliaient dans leur angoisse de les libérer du joug de leur pénible esclavage et du pays où ils étaient captifs pour qu'ils puissent le servir librement. Le Seigneur fut attentif à leurs supplications et suscita Moïse pour qu'il devienne l'instrument par lequel son peuple serait libéré. Après que les Israélites eurent quitté l'Egypte et qu'ils eurent franchi les eaux de la mer des Roseaux (mer Rouge) où Dieu avait frayé un chemin devant eux, l'Eternel les mit à l'épreuve pour voir s'ils se confieraient en lui qui les avait choisis parmi les nations au moyen de signes, de tentations et de prodiges. Mais ils ne supportèrent pas l'épreuve. Devant les difficultés qu'ils rencontrèrent sur leur route, ils murmurèrent contre Dieu et allèrent jusqu'à désirer retourner en Egypte. La loi écrite sur des tablettes de pierre HR 148 1 Pour que les Israélites n'aient aucune excuse, le Seigneur lui-même descendit sur le mont Sinaï, enveloppé de sa gloire et entouré de ses anges. C'est ainsi que, d'une manière sublime et imposante, il promulgua la loi des dix commandements. Il ne laissa à personne le soin de les énoncer, pas même à ses anges; mais il publia sa loi à haute voix de façon que tout son peuple puisse l'entendre. L'Eternel ne les confia pas à la mémoire d'un peuple si enclin à oublier ses prescriptions, mais il les écrivit de son doigt saint sur des tablettes de pierre. Il évitait ainsi que l'on mêle quelque tradition à ses saints préceptes ou que l'on confonde ses exigences avec des coutumes humaines. HR 148 2 Le Seigneur s'approcha davantage encore de son peuple, qui s'égarait si facilement; aussi, il ne se contenta pas de lui donner le décalogue, mais il ordonna à Moïse d'écrire des lois et des statuts contenant des directives précises concernant la manière de les appliquer, et qui constituaient le garant des dix commandements que l'Eternel avait gravé sur des tablettes de pierre. Ces directives et ces prescriptions particulières avaient pour but de conduire l'homme faillible à obéir à la loi morale qu'il transgresse si aisément. HR 148 3 Si l'homme s'était conformé à la loi de Dieu telle que Dieu l'a faite connaître après la chute, telle qu'elle fut conservée dans l'arche par Noé et observée par Abraham, le précepte de la circoncision n'eût pas été nécessaire. Si les descendants d'Abraham avaient été fidèles à l'alliance dont la circoncision était le signe, ils ne seraient pas tombés dans l'idolâtrie, ils n'auraient pas souffert de la captivité en Egypte. Il n'eût pas non plus été nécessaire que l'Eternel proclame sa loi sur le mont Sinaï et qu'il en garantisse l'observation par les directives et les statuts écrits par Moïse. Les ordonnances et les statuts HR 149 1 Ces ordonnances et ces statuts, Moïse les reçut de la bouche même du Seigneur lorsqu'il était avec lui sur la montagne. Si le peuple de Dieu avait obéi aux principes contenus dans les dix commandements, les directives précises données à Moïse, qui les écrivit dans un livre et qui concernent les devoirs de l'homme envers Dieu et envers ses semblables, auraient été superflues. Les prescriptions particulières que le Seigneur donna à Moïse touchant les devoirs de son peuple à l'égard du prochain et de l'étranger sont en réalité les principes des dix commandements simplifiés et énoncés de façon précise, afin que son peuple ne s'égare pas. HR 149 2 L'Eternel donna également à Moïse des instructions détaillées pour le rituel des sacrifices qui devait cesser à la mort du Christ. Ce rituel sanglant préfigurait l'offrande de Jésus, l'Agneau sans tache. HR 149 3 Le Seigneur institua tout d'abord le rite des sacrifices après la chute d'Adam. Celui-ci le transmit à ses descendants. Ce rituel fut perverti avant le déluge par ceux qui se séparèrent des croyants fidèles à Dieu et qui avaient entrepris de construire la tour de Babel. Ces infidèles offrirent des sacrifices aux dieux qu'ils avaient fabriqués de leurs propres mains au lieu de les offrir au Dieu du ciel. Ils offrirent des sacrifices non parce qu'ils croyaient dans le Rédempteur à venir, mais parce qu'ils s'imaginaient plaire à leurs dieux en leur immolant un grand nombre d'animaux sur des autels souillés par des idoles. Leur superstition les conduisit à de grands excès. Ils prétendaient que plus un sacrifice était coûteux, plus il était agréable à leurs dieux idolâtres et plus leur nation serait riche et prospère. C'est pourquoi on alla jusqu'à offrir des sacrifices humains à ces idoles muettes. Les lois et les règles de ces nations, destinées à gouverner le peuple, étaient extrêmement cruelles, car elles avaient été instituées par des hommes dont le coeur n'avait pas été attendri par la grâce. D'après ces lois, les crimes les plus odieux étaient admis, tandis que pour la moindre faute, ceux qui détenaient l'autorité pouvaient infliger la peine la plus sévère. HR 150 1 C'est ce que Moïse avait à l'esprit lorsqu'il dit au peuple d'Israël: "Vous le savez, je vous ai enseigné des lois et des règles, comme le Seigneur mon Dieu me l'a ordonné; vous les mettrez en pratique quand vous serez dans le pays dont vous allez prendre possession. Si vous les mettez soigneusement en pratique, les autres nations qui auront connaissance de ces lois vous considéreront comme sages et intelligents; on dira de vous: 'Quelle sagesse, quelle intelligence il y a dans cette grande nation!' En effet, existe-t-il une autre nation, même parmi les plus grandes, qui ait des dieux aussi proches d'elle que le Seigneur notre Dieu l'est pour nous chaque fois que nous l'appelons à l'aide? Existe-t-il une autre nation, même parmi les plus grandes, qui possède des lois et des règles aussi justes que celles contenues dans le code de la loi que je vous présente aujourd'hui?" Deutéronome 4:5-8. ------------------------Chapitre 19 -- Le sanctuaire HR 151 0 Ce chapitre est basé sur Exode 25-40. HR 151 1 Le Tabernacle fut construit selon ce que Dieu avait prescrit. Pour accomplir cet ouvrage particulièrement ingénieux, le Seigneur avait fait appel à des hommes auxquels il donna des qualifications supérieures aux dons naturels. Les plans et la réalisation de cette construction ne furent confiés ni à Moïse ni à ces ouvriers. Dieu lui-même en traça les plans et les remit à Moïse, avec des instructions précises concernant les dimensions de l'édifice, sa forme et les matériaux à utiliser. Le Seigneur indiqua également quel genre de mobilier devait s'y trouver. Il montra à Moïse une maquette du sanctuaire céleste et lui ordonna de faire tout d'après le modèle qui lui avait été présenté sur la montagne. Moïse écrivit toutes ces instructions dans un livre et fit part de son contenu aux membres les plus influents du peuple. HR 151 2 Puis l'Eternel demanda aux Israélites d'apporter des offrandes volontaires pour lui construire un sanctuaire et qu'il habite au milieu d'eux. "Les Israélites quittèrent Moïse. Ensuite tous les gens au coeur et à l'esprit généreux vinrent apporter au Seigneur leur contribution pour l'édification de la tente de la rencontre, pour la célébration du culte et pour la confection des vêtements sacrés. Les hommes et les femmes généreux vinrent avec toutes sortes de bijoux d'or, broches, boucles, anneaux ou colliers, et ils les offrirent au Seigneur avec le geste rituel de présentation". Exode 35:20-22. HR 152 1 La construction du sanctuaire exigeait des préparatifs considérables et coûteux. Pour cela, il fallut recueillir des matériaux précieux dont le prix était élevé. Cependant, le Seigneur accepta uniquement des offrandes volontaires. Pour que soit érigée la demeure du Très-Haut, les deux premières conditions étaient le dévouement à sa cause et un esprit de sacrifice venant du coeur. Tandis que la construction se poursuivait, le peuple continuait à apporter des offrandes à Moïse et il les présentait aux ouvriers. Or, les hommes compétents qui étaient chargés de l'ouvrage estimèrent que les dons apportés par les Israélites étaient suffisants et qu'il y en avait même plus que ce qui était nécessaire. "Aussitôt Moïse donna l'ordre de proclamer à travers tout le camp: 'Que plus personne, ni homme ni femme, ne prépare de dons pour le sanctuaire!'. On cessa donc d'apporter des dons". Exode 36:6. Un avertissement pour les générations à venir HR 152 2 Les plaintes répétées des Israélites et les manifstations de la colère divine à cause de leurs transgressions nous ont été rapportées dans les écrits sacrés pour le bien du peuple de Dieu, et spécialement afin que cela serve d'avertissement pour ceux qui vivraient près du temps de la fin. La piété des Hébreux, leur énergie et la générosité dont ils ont fait preuve en apportant des offrandes volontaires à Moïse, sont également consignées pour l'édification des croyants. La spontanétité avec laquelle ils ont préparé les matériaux nécessaires à la construction du tabernacle est aussi un exemple pour tous ceux qui savent goûter les bienfaits du culte rendu à Dieu. Quand ils travaillent à l'édification d'un lieu où le Seigneur peut les rencontrer, ceux qui apprécient la grâce de sa sainte présence devraient manifester un intérêt et un zèle d'autant plus grands pour cette oeuvre sacrée qu'ils estiment les bénédictions célestes davantage que leur confort terrestre. Ils devraient comprendre qu'ils préparent un temple pour l'Eternel. HR 153 1 Il est bien qu'un édifice spécialement construit pour que Dieu y rencontre son peuple soit agencé avec soin, qu'il soit confortable, net et bien adapté, car il doit être dédicacé et présenté au Seigneur à qui l'on demandera de venir l'habiter et de le sanctifier par sa sainte présence. Les offrandes volontaires pour la construction du lieu de culte doivent affluer au point que ceux qui y travaillent puissent dire: N'apportez plus d'offrandes! "D'après le modèle" HR 153 2 Une fois terminée la construction du tabernacle, Moïse examina l'ensemble de l'ouvrage, le compara avec la maquette et à la lumière des instructions que Dieu lui avait données, et il vit qu'il correspondait en tous points au modèle de base. Alors Moïse bénit le peuple. HR 153 3 Dieu montra également à Moïse une maquette de l'arche, avec des indications sur la manière dont elle devait être fabriquée. L'arche était destinée à contenir les tablettes de pierre, sur lesquelles le Seigneur avait gravé de son doigt les dix commandements. La forme de l'arche était comparable à celle d'un coffre; elle était recouverte intérieurement et extérieurement d'or pur. Son bord supérieur était orné de couronnes d'or tout autour. Le couvercle de ce coffre sacré, appelé propitiatoire, était en or massif. De chaque côté du propitiatoire, il y avait un chérubin également en or massif. Leurs visages se faisaient face et étaient tournés pieusement vers le propitiatoire. Les deux chérubins représentaient la totalité des anges du ciel considérant avec intérêt et respect la loi divine déposée dans l'arche du sanctuaire céleste. Ces chérubins avaient des ailes. L'une d'elles était déployée vers le ciel, tandis que l'autre était repliée sur le corps. L'arche du sanctuaire terrestre était calquée sur celle qui se trouve dans le ciel. A chaque extrémité de l'arche céleste se tiennent deux anges vivants dont une aile, étendue vers le ciel, couvre le propitiatoire, tandis que l'autre est repliée sur eux-mêmes en signe de déférence et d'humilité. HR 154 1 Moïse reçut l'ordre des déposer les tablettes de pierre dans l'arche du sanctuaire terrestre. Celles-ci sont appelées "les tables du témoignage" ("le document de l'alliance" -- B.F.C.), et l'arche est appelée "l'arche du témoignage" ("l'arche du document de l'alliance" -- Idem), parce qu'elle renfermait le témoignage de Dieu contenu dans les dix commandements. Les deux appartements HR 154 2 Le tabernacle comprenait deux pièces séparées par un rideau, ou voile. Tous les meubles du sanctuaire étaient en or massif ou recouverts d'or. Les tentures du tabernacle étaient faites d'un tissu multicolore et disposées avec art. Sur ces tentures figuraient des chérubins tissés avec des fils d'or et d'argent. Ces chérubins représentaient l'armée des anges qui officient dans le sanctuaire céleste et accomplissent un ministère auprès des croyants sur la terre. HR 154 3 Derrière le second voile se trouvait l'arche du témoignage qui était masquée par un rideau d'une beauté somptueuse. Ce rideau n'atteignait pas la hauteur de la construction, si bien que la gloire de Dieu -- qui apparaissait au-dessus du propitiatoire -- pouvait être vue depuis les deux pièces, mais à un moindre degré depuis le lieu saint. HR 155 1 En face de l'arche, et tout près du rideau qui les séparait, il y avait l'autel d'or des parfums. Le feu qui brûlait sur cet autel, et qui était allumé par Dieu lui-même, était pieusement alimenté par un encens sacré dont le parfum remplissait le sanctuaire jour et nuit. Ce parfum se répandait à des kilomètres à la ronde. Quand le prêtre offrait l'encens au Seigneur, il regardait vers le propitiatoire. Bien qu'il ne puisse le voir, il savait qu'il était là, et à mesure que la fumée de l'encens s'élevait comme un nuage, la gloire de Dieu descendait sur le propitiatoire, remplissait le lieu très saint et était visible depuis le lieu saint. Souvent, l'éclat de la gloire divine qui se manifestait dans les deux pièces était tel que le prêtre était incapable d'officier et devait rester à l'entrée du tabernacle. HR 155 2 Le prêtre qui se tenait dans le lieu saint et dont les prières étaient dirigées vers le propitiatoire, bien qu'il ne puisse pas le voir, représentait les membres du peuple de Dieu qui font monter leurs prières jusqu'à Jésus-Christ qui officie devant le propitiatoire dans le sanctuaire céleste. A vues humaines, eux non plus ne peuvent pas voir leur Médiateur, mais par l'oeil de la foi, ils voient le Christ devant le propitiatoire, lui adressent leurs prières et se réclament avec assurance des bienfaits de son intercession. HR 155 3 Ces lieux saints du sanctuaire ne comportaient aucune fenêtre par où la clarté puisse pénétrer, mais le chandelier d'or pur, qui était allumé jour et nuit, répandait sa lumière dans les deux pièces. Les parois d'or du tabernacle réfléchissaient celle du chandelier et la projetaient sur les meuibles sacrés, sur les tentures aux couleurs magnifiques et où l'on pouvait voir des chérubins tissés avec des fils d'or et d'argent. (...) Nul langage ne saurait décrire la beauté, la splendeur glorieuse de ces lieux. L'or du sanctuaire reflétait les couleurs des tentures qui ressemblaient à celles de l'arc-en-ciel. HR 156 1 Une seule fois par an, et après s'y être soigneusement préparé, le grand prêtre entrait dans le lieu très saint. Personne, excepté lui, ne pouvait contempler la grandiose sainteté de cette pièce, où la gloire divine se manifestait de façon visible. Le souverain sacrificateur n'y pénétrait jamais sans trembler, tandis que le peuple attendait, dans un silence solennel, qu'il sorte de ce lieu sacré. Tous désiraient obtenir la bénédiction du Très-Haut. Devant le propitiatoire, le Seigneur s'adressait au grand prêtre. Si celui-ci restait dans le lieu très saint plus longtemps que de coutume, les Israélites étaient remplis d'effroi: ils craignaient qu'à cause de leurs péchés ou de quelque faute commise par le souverain sacrificateur, la gloire de l'Eternel ne l'ait anéanti. Aussi, lorsqu'ils entendaient le son des clochettes cousues sur ses vêtements, ils étaient grandement rassurés. Alors le grand prêtre sortait du sanctuaire et bénissait le peuple. HR 156 2 Une fois terminée la construction du tabernacle, "la fumée vint recouvrir la tente de la rencontre et la gloire du Seigneur remplit la demeure sainte, de telle sorte que Moïse ne put pas pénétrer dans la tente. ... Le Seigneur manifesta sa présence aux Israélites par la fumée qui enveloppait la demeure pendant le jour ou par la feu qui y brillait pendant la nuit, et cela tout au long du voyage". Exode 40:35, 38. HR 156 3 Le tabernacle était démontable, pour pouvoir être transporté au cours de leurs déplacements. Guidés par une nuée HR 157 1 Le Seigneur dirigea les Israélites tout au long de leurs marches à travers le désert. Quand, pour le bien du peuple et pour la gloire de Dieu, ils devaient installer leur campement dans un certain endroit, l'Eternel indiquait sa volonté par la fumée qui s'arrêtait au-dessus du tabernacle, et elle y restait jusqu'au jour où il voulait qu'ils repartent. Alors, la fumée s'élevait au-dessus du sanctuaire, et ils reprenaient leur route. HR 157 2 Un ordre parfait présidait à leurs déplacements. Chaque tribu avait son fanion, sur lequel figurait l'emblème de sa maison patriarcale, et chacune de ces tribus devait planter sa tente autour de son fanion. Au cours de leurs pérégrinations, les différentes tribus marchaient en ordre, chacune derrière sa bannière. Quand ils s'arrêtaient pour quelque temps, on installait le tabernacle, et les différentes tribus disposaient leurs tentes conformément aux instructions que le Seigneur avait données, à une certaine distance du sanctuaire. HR 157 3 Au cours des voyages, l'arche de l'alliance était portée en tête. "De jour la fumée du Seigneur planait au-dessus d'eux, losqu'ils levaient le camp. Au moment du départ du coffre sacré, Moïse s'écriait: 'Dresse-toi, Seigneur, afin que tes ennemis soient dispersés et que tes adversaires s'enfuient devant toi!' Et lorsque l'on déposait le coffre, Moïse s'écriait: 'Seigneur, reviens prendre place au milieu des familles innombrables d'Israël!'" Nombres 10:34-36. ------------------------Chapitre 20 -- Le compte rendu des espions HR 158 0 Ce chapitre est basé sur Nombres 13:1-14:39. HR 158 1 Le Seigneur ordonna à Moïse d'envoyer des hommes pour explorer le pays de Canaan, qu'il avait promis de donner aux enfants d'Israël. Un responsable de chaque tribu fut choisi pour remplir cette mission. Ils y allèrent et, au bout de quarante jours, ils revinrent, se présentèrent devant Moïse et Aaron et devant tout le peuple d'Israël et leur montrèrent des fruits du pays. Les espions furent unanimes pour dire qu'il s'agissait d'un bon pays dont ils rapportaient des fruits magnifiques: une grappe de raisins était si grosse qu'il avait fallu deux hommes pour la transporter au moyen d'une perche, ainsi que des figues et des grenades qui poussaient dans cette région-là en abondance. HR 158 2 Après avoir décrit la fertilité du pays, tous les espions, sauf deux, se montrèrent profondément défaitistes quant à la prise de possession de la terre de Canaan. Ils dirent que ses habitants étaient très forts et que les villes étaient entourées de hautes et puissantes murailles; par-dessus tout, ils y avaient vu les enfants du géant Anak. Enfin, ils énumérèrent les nations qui habitaient tout autour de Canaan et qui rendaient impossible la conquête du pays. HR 158 3 A l'ouïe de ce compte rendu, les Israélites, donnant libre cours à leur déception, se mirent à récriminer fortement et à se lamenter. Ils ne prirent pas le temps de réfléchir et de se dire que si le Seigneur les avait amenés jusque-là, il leur donnerait sûrement la terre promise. Au lieu de cela, ils se laissèrent aller de suite au découragement. Ils minimisèrent la puissance du Très-Haut et ne se confièrent pas en Celui qui les avait conduits jusqu'à cet endroit. Ils adressèrent des reproches à Moïse et se dirent les uns aux autres: Ainsi s'évanouissent tous nos espoirs. Voilà le pays pour lequel nous avons fait tout ce voyage depuis l'Egypte! HR 159 1 Caleb et Josué auraient bien voulu s'adresser au peuple, mais les Israélites étaient dans un tel état de surexcitation qu'ils étaient incapables de se calmer et de les écouter. Après que le tumulte se fut quelque peu apaisé, Caleb leur dit: "Allons-y! Nous nous emparerons de ce pays. Nous en sommes capables! Mais les compagnons de Caleb déclarèrent: Nous ne pouvons pas attaquer ces gens, ils sont bien plus forts que nous". Nombres 13:30, 31. Et, s'entêtant dans leur vue défaitiste des choses, ils parlèrent de la taille exceptionnelle des habitants de Canaan: "Nous avons même vu des géants, les descendants d'Anac; par rapport à eux, nous nous sentions comme des fourmis, et c'est bien l'impression qu'ils devaient avoir eux-mêmes de nous". Nombres 13:33. Nouvelles plaintes du peuple d'Israël HR 159 2 "Toute la nuit les Israélites crièrent et pleurèrent. Ils critiquaient Moïse et Aaron, et ils leur dirent: Ah, si seulement nous étions morts en Egypte, ou dans ce désert! Pourquoi le Seigneur nous conduit-il dans un tel pays? Nous y mourrons dans des combats, nos femmes et nos enfants feront partie du butin des vainqueurs. Ne vaudrait-il pas mieux pour nous retourner en Egypte? Ils se dirent alors les uns aux autres: Nommons un chef et retournons en Egypte! Moïse et Aaron se jetèrent le visage contre terre, face à l'ensemble des Israélites". Nombres 14:1-5. HR 160 1 Les Hébreux ne se contentaient pas de critiquer Moïse; ils accusaient Dieu lui-même de les avoir trompés en leur promettant un pays qu'ils ne pouvaient pas conquérir. Leur esprit de rébellion atteignit un point tel que, oubliant que le bras invincible du Tout-Puissant les avait libérés du pays d'Egypte et les avait conduits jusque-là grâce à une succession de miracles, ils décidèrent de se choisir un chef sous la conduite duquel ils seraient retournés en Egypte, où ils avaient été esclaves et supporté tant de souffrances. Ils nommèrent donc effectivement un chef, écartant ainsi Moïse, leur patient et bienveillant conducteur, et murmurèrent fortement contre Dieu. HR 160 2 Moïse et Aaron se jetèrent le visage contre terre devant le Seigneur et en présence de toute l'assemblée d'Israël, pour implorer sa miséricorde en faveur de ce peuple rebelle. Mais leur détresse et leur angoisse étaient telles qu'ils furent incapables de prononcer un mot. Caleb et Josué restèrent donc prosternés en silence. Ils déchirèrent leurs vêtements en signe de tristesse. Puis ils dirent au peuple: "Le pays que nous avons exploré est un excellent pays, qui regorge de lait et de miel. Si le Seigneur nous est favorable, il nous conduira dans ce pays et nous le donnera. Seulement, ne vous révoltez pas contre le Seigneur. Et n'ayez pas peur des habitants de ce pays: nous n'en ferons qu'une bouchée. En effet leurs dieux protecteurs les ont abandonnés, tandis que le Seigneur est avec nous. Ne les craignez donc pas". Nombres 14:7-9. HR 160 3 "Ils n'ont plus d'ombrage pour les couvrir". Nombres 14:9 (Segond). Autrement dit, les Cananéens ayant mis le comble à leurs iniquités, ils ne bénéficient plus de la protection divine; cependant, ils se croient parfaitement en sécurité et ne sont donc pas prêts pour la bataille. De plus, en vertu de la promesse de Dieu, la conquête du pays nous est assurée. Mais, loin de produire l'effet désiré sur les Israélites, ces paroles ne firent qu'attiser davantage encore leur révolte. Tremblants de colère et de rage, ils se mirent à crier, disant que Caleb et Josué devaient être lapidés, ce qui serait arrivé si le Seigneur n'était intervenu en faisant éclater sa gloire redoutable dans la tente de la rencontre en présence des enfants d'Israël. Moïse intercède en faveur de son peuple HR 161 1 Moïse se rendit à la tente de la rencontre pour s'entretenir avec Dieu. "Le Seigneur dit à Moïse: Ce peuple ne cessera-t-il jamais de me rejeter? Refusera-t-il toujours de me faire confiance, malgré tous les signes que je lui ai donnés de ma puissance? Je vais le frapper de la peste et l'exterminer, puis je ferai naître de toi une nation plus puissante et plus nombreuse qu'Israël. Moïse répondit au Seigneur: Les Egyptiens ont su que, par ta force, tu avais fait sortir ce peuple de chez eux. Ils l'ont raconté aux habitants de ce pays. Ceux-ci ont donc appris que toi, le Seigneur, tu accompagnes ton peuple, que tu te manifestes à lui face à face; ils ont appris que c'est toi qui le protèges, puisque tu marches devant lui, le jour dans une colonne de fumée, la nuit dans une colonne de feu. Si maintenant tu extermines ton peuple d'un seul coup, les nations qui ont entendu parler de tout ce que tu as fait vont dire: 'Le Seigneur n'a pas été capable de conduire ce peuple dans le pays qu'il lui avait promis; c'est pourquoi il l'a massacré dans le désert'". Nombres 14:11-16. HR 161 2 Une fois de plus, Moïse n'acceptait pas l'idée qu'Israël soit détruit et que lui-même devienne le père d'une nation plus puissante. Ce serviteur choisi de Dieu témoigne son amour envers Israël et son zèle pour la gloire de son Créateur et pour l'honneur de son peuple: Tu as pardonné à ce peuple depuis qu'il a quitté l'Egypte jusqu'à maintenant, tu as manifesté jusqu'ici ta patience et ta bienveillance envers ce peuple ingrat, bien qu'il en soit indigne, et ta bonté est la même. Puis Moïse supplie l'Eternel; Ne veux-tu pas, cette fois encore, les épargner et ajouter cette preuve supplémentaire de ta divine patience à celles, nombreuses, que lui as déjà données? HR 162 1 "Je lui pardonne, comme tu le demandes, répondit le Seigneur. Cependant, aussi vrai que je suis vivant et que ma gloire remplit toute la terre, je jure que personne de cette génération n'entrera dans ce pays. Ils ont vu ma gloire, et tous les actes puissants que j'ai accomplis en Egypte et dans le désert; malgré cela ils n'ont pas cessé de me mettre à l'épreuve en me désobéissant. C'est pourquoi aucun d'eux ne verra le pays que j'ai promis à leurs ancêtres, puisqu'ils m'ont tous rejeté. Mais mon serviteur Caleb a été animé d'un autre esprit et m'est resté fidèle; je le ferai entrer dans le pays qu'il a exploré, et je donnerai cette région à ses descendants". Nombres 14:20-24. Retour au désert HR 162 2 Le Seigneur ordonna aux Hébreux de rebrousser chemin et de retourner dans le désert en longeant la mer Rouge. Ils avaient été très près de la terre promise; mais à cause de leur méchanceté et de leur révolte, ils furent privés de la protection divine. S'ils avaient prêté l'oreille au compte rendu de Caleb et de Josué et s'ils avaient agi en conséquence, Dieu leur aurait donné le pays de Canaan. Au lieu de cela, ils se montrèrent incrédules et firent preuve d'une telle insolence envers l'Eternel qu'ils furent condamnés à ne jamais entrer dans la terre promise. C'est dans sa bonté envers son peuple que le Seigneur le fit retourner vers la mer Rouge; en effet, tandis que les Hébreux temporisaient et murmuraient, de leur côté, les Amalécites et les Cananéens, qui avaient été informés de la visite des espions, se préparaient à faire la guerre aux enfants d'Israël. HR 163 1 "Le Seigneur dit encore à Moïse et à Aaron: J'ai entendu les Israélites se plaindre de moi. Ce peuple insupportable ne cessera-t-il jamais de le faire?" Nombres 14:27. Le Seigneur dit alors à Moïse et à Aaron de faire savoir au peuple qu'il lui serait fait selon ce qu'il avait lui-même souhaité: "Ah, avaient dit les Israélites, si seulement nous étions morts en Egypte, ou dans ce désert!" Ainsi, Dieu les prenait au mot. Il chargea donc ses deux serviteurs de leur dire qu'ils mourraient dans le désert, ceux du moins qui avaient plus de vingt ans, parce qu'ils s'étaient révoltés et avaient murmuré contre lui. Seuls Caleb et Josué entreraient dans le pays de Canaan. "Quant à vos jeunes enfants, dont vous disiez qu'ils deviendraient le butin des vainqueurs, je les ferai entrer dans le pays que vous avez méprisé, et ils le connaîtront". Nombres 14:31. HR 163 2 A cause de la rébellion du peuple d'Israël, l'Eternel déclara que les enfants des Hébreux devraient errer dans le désert pendant quarante ans, en comptant depuis le jour où ils avaient quitté l'Egypte, et jusqu'à ce que leurs parents soient tous morts. Les Israélites devraient donc subir les conséquences de leur iniquité durant quarante années, d'après le nombre de jours que les espions avaient mis pour explorer la terre promise, à raison d'une année pour un jour. "Ainsi vous saurez ce qu'il en coûte de s'opposer à moi". Nombres 14:34. Ils devaient bien comprendre que c'était pour sanctionner leur idolâtrie et leur esprit de révolte que le Seigneur avait été amené à changer son plan à leur égard. La promesse d'une récompense fut accordée à Caleb et à Josué, contrairement à la multitude d'Israël, parce que celle-ci avait perdu tous les droits qui lui permettaient d'obtenir la faveur et la protection divines. ------------------------Chapitre 21 -- La faute de Moïse HR 165 0 Ce chapitre est basé sur Nombres 20. HR 165 1 L'assemblee d'Israël se retrouva donc dans le désert, là même où Dieu l'avait mise à l'épreuve, peu après que les Hébreux eurent quitté l'Egypte. Le Seigneur avait fait jaillir de l'eau du rocher, qui avait continué de couler jusqu'à ce qu'ils reviennent dans ce lieu. Alors il permit que cette source tarisse, pour éprouver à nouveau leur foi et voir s'ils murmureraient encore contre lui. HR 165 2 Quand les Israélites assoiffés ne purent trouver d'eau, ils oublièrent comment, quelque quarante ans auparavant, l'Eternel avait fait jaillir de l'eau du rocher, et ils s'irritèrent. Au lieu de se confier en Dieu, il se plaignirent auprès de Moïse et d'Aaron et leur dirent: "Si seulement nous étions morts sous les coups du Seigneur en même temps que nos compatriotes!" Nombres 20:3. Autrement dit, ils regrettaient de n'avoir pas été détruits lors du châtiment qui avait sanctionné la révolte de Koré, Dathan et Abiram. HR 165 3 Exaspérés, ils demandèrent: "Pourquoi nous avez-vous conduits dans ce désert, nous, le peuple du Seigneur? Pour que nous y mourions avec nos troupeaux? Pourquoi nous avoir fait quitter l'Egypte? Pour nous amener dans cet endroit horrible? On ne peut rien y semer, on n'y trouve ni figuiers, ni vignes, ni grenadiers, ni même d'eau à boire". Nombres 20:4, 5. HR 165 4 "Moïse et Aaron s'éloignèrent des Israélites, se rendirent à l'entrée de la tente de la rencontre et s'y jetèrent le visage contre terre. Alors la présence glorieuse du Seigneur se manifesta à eux, et le Seigneur dit à Moïse: Prends ton bâton, puis, avec ton frère Aaron, rassemble les Israélites. Sous leurs yeux, vous vous adresserez à ce rocher, là-bas, et il donnera de l'eau; oui, tu feras jaillir de l'eau de ce rocher, pour donner à boire aux Israélites et à leurs troupeaux! Moïse alla chercher son bâton dans la demeure du Seigneur, selon l'ordre reçu". Nombres 20:6-9. Moïse cède à l'impatience HR 166 1 "Aaron et lui (Moïse) convoquèrent la communauté devant le rocher désigné, et leur dirent: Ecoutez donc, vous, les rebelles! Serons-nous capables de faire jaillir pour vous de l'eau de ce rocher? Moïse leva le bras et frappa à deux reprises le rocher avec son bâton. Aussitôt de grandes quantités d'eau en jaillirent, et les Israélites purent s'y désaltérer, de même que leurs troupeaux. Mais le Seigneur dit à Moïse et à Aaron: Vous n'avez pas eu confiance en moi, vous n'avez pas laissé ma sainteté se manifester aux yeux des Israélites! Pour cette raison, ce n'est pas vous qui conduirez ce peuple dans le pays que je leur donne". Nombres 20:10-12. HR 166 2 En la circonstance, Moïse se rendit coupable d'une faute: fatigué d'entendre les plaintes continuelles que le peuple formulait contre lui, sur l'ordre du Seigneur il prit son bâton et, au lieu de parler au rocher comme Dieu le lui avait dit, il le frappa à deux reprises en disant: "Serons-nous capables de faire jaillir pour vous de l'eau de ce rocher?" Il prononça là des paroles inconsidérées. Il ne dit pas: L'Eternel va maintenant vous donner une autre preuve de son pouvoir en faisant jaillir de l'eau de ce rocher. Il ne dit pas que c'était la puissance et la gloire divines qui avaient fait surgir à nouveau l'eau du rocher, et par conséquent, il ne magnifia pas Dieu au yeux du peuple. A cause de cette faute, le Seigneur ne permit pas à Moïse de conduire Israël jusque dans la terre promise. HR 167 1 Cette manifestation de la puissance de Dieu, qui répondait à une nécessité, était une occasion particulièrement solennelle que Moïse et Aaron auraient dû saisir pour impressionner favorablement le peuple. Mais, énervé, excédé et irrité par les murmures continuels des Israélites, Moïse leur dit: "Ecoutez donc, vous, les rebelles! Serons-nous capables de faire jaillir pour vous de l'eau du rocher?" En s'exprimant de cette façon, il admettait pratiquement qu'ils se plaignaient à juste titre quand ils l'acccusaient de les avoir fait sortir d'Egypte. Certes, Dieu avait pardonné les Hébreux pour des fautes plus graves que celle dont Moïse s'était rendu coupable; mais la gravité d'un péché commis par un chef n'est pas la même que s'il a été commis par ses subordonnés. C'est pourquoi le Seigneur ne pouvait pas excuser la faute de Moïse et ne lui permit pas d'entrer au pays de Canaan. HR 167 2 Là -- à Cadès -- Dieu montra à son peuple de façon évidente que Celui qui avait accompli une telle délivrance en les libérant de l'esclavage dont ils souffraient en Egypte n'était pas Moïse, mais l'Ange puissant qui les guida au cours de tous leurs déplacements et dont il est écrit: "Je vais envoyer un ange qui vous précédera et vous protégera le long du chemin; il vous conduira dans le pays que je vous ai préparé. Prenez bien soin de lui obéir, de ne pas vous montrer insoumis; il ne supporterait pas votre révolte, car il agit en mon nom". Exode 23:20, 21. HR 167 3 Moïse s'était arrogé la gloire qui appartient à Dieu seul. L'Eternel fit donc en sorte que le peuple rebelle sache avec certitude que ce n'était pas Moïse qui les avait fait sortir d'Egypte, mais lui-même. Le Seigneur avait confié à Moïse la charge de conduire Israël tandis que l'Ange puissant précéderait les Hébreux dans tous leurs déplacements et les dirigerait au cours de leurs pérégrinations. Etant donné qu'ils oubliaient si facilement que Dieu les conduisait au moyen de son Ange et qu'ils attribuaient à l'homme ce que la puissance divine seule pouvait accomplir, l'Eternel les mit à l'épreuve pour voir s'ils lui obéiraient. Mais chaque fois, ils ne supportaient pas l'épreuve. Au lieu de croire en Dieu et de reconnaître qu'il avait jalonné leur route de manifestations de son pouvoir et de preuves de son amour et de sa sollicitude, ils doutèrent de lui et accusèrent Moïse de les avoir fait sortir d'Egypte et d'être responsable de tous leurs malheurs. Moise avait supporté leur entêtement avec une patience remarquable. Une fois, ils avaient même voulu le lapider. Un châtiment exemplaire HR 168 1 En interdisant à Moïse l'entrée dans la terre promise, le Seigneur voulut effacer définitivement de l'esprit des Israélites l'idée erronée que la faute de leur dirigeant resterait impunie. L'Eternel avait grandement honoré Moïse et avait déployé devant lui sa gloire. Il lui avait permis de s'approcher de sa sainte présence sur la montagne, et était allé jusqu'à s'entretenir avec lui comme un homme parle avec son ami. Par l'intermédiaire de Moïse, il avait fait connaître au peuple, sa volonté, ses statuts et ses lois. Le fait que Moïse avait bénéficié d'un tel honneur rendit sa faute d'autant plus grave. Il s'était repenti de son péché et s'en était profondément humilié devant Dieu. Il fit part de sa faute et de son repentir aux Israélites, et il ne leur cacha pas les conséquences qui en résultaient, à savoir que pour n'avoir pas rendu gloire au Seigneur, il ne les introduirait pas dans le pays promis. Il ajouta que si sa faute avait été estimée d'une gravité suffisante pour être sanctionnée par un châtiment divin, avec quelle sévérité le Très-Haut ne condamnerait-il pas les accusations répétées qu'ils avaient proférées contre lui (Moïse), par suite des jugements de Dieu dont ils avaient été frappés à cause de leurs péchés! HR 169 1 En raison de cette seule défaillance, Moïse avait donné l'impression que c'était lui qui avait fait jaillir l'eau du rocher, alors qu'il aurait dû exalter le nom de l'Eternel devant les Hébreux. Quoi qu'il en soit, le Seigneur entendait tirer les choses au clair avec son peuple en rappelant que Moïse n'était qu'un homme, qui agissait sous la conduite d'un plus puissant que lui: le Fils de Dieu lui-même. Aucun doute ne devait planer sur ce point. "A qui l'on a beaucoup donné, on demandera beaucoup". Luc 12:48. Moïse avait eu l'immense privilège de contempler la majesté divine. La lumière et la gloire de Dieu lui avaient été accordées en abondance. En présence du peuple, son visage avait reflété la gloire que le Seigneur avait fait resplendir sur lui. Tous seront jugés selon les privilèges, les lumières et les bienfaits qu'ils ont reçus. HR 169 2 Dieu est particulièrement offensé lorsque des hommes de bien -- dont la conduite habituelle est édifiante -- commettent des fautes. C'est alors que Satan triomphe, qu'il accable les anges de sarcasmes en faisant ressortir les défaillances des instruments que Dieu s'est choisis et que l'adversaire donne aux incroyants l'occasion de s'élever contre Dieu. Le Seigneur avait conduit tout spécialement Moïse, et il lui avait fait connaître sa gloire comme il ne l'avait fait pour nul autre sur la terre. D'un naturel impatient, il s'était cependant confié dans la grâce divine et avait imploré la sagesse d'en haut avec une telle humilité que le Seigneur l'avait fortifié et lui avait permis de maîtriser son impatience au point que l'Ecriture dit de lui qu'il était plus patient qu'aucun homme sur la face de la terre. Nombres 12:3 (Segond). HR 170 1 Aaron mourut sur la montagne de Hor, car l'Eternel avait dit qu'il n'entrerait pas dans la terre promise parce que, avec Moïse, il avait péché lorsque l'eau avait jailli au rocher de Meriba. Moïse et les fils d'Aaron l'enterrèrent sur la montagne, afin que le peuple ne soit pas tenté d'organiser une grande cérémonie autour de son corps et qu'il ne tombe dans l'idolâtrie. ------------------------Chapitre 22 -- La mort de Moïse HR 171 0 Ce chapitre est basé sur Deutéronome 31-34. HR 171 1 Peu avant sa mort, Moïse reçut l'ordre de rassembler les enfants d'Israël, et, avant qu'il ne rende le dernier soupir, de leur raconter tous les déplacements de l'assemblée des Hébreux depuis qu'ils avaient quitté l'Egypte, et toutes les fautes graves que leurs ancêtres avaient commises, qui leur avaient attiré les jugements de Dieu et avaient conduit l'Eternel à leur refuser l'entrée dans la terre promise. Leurs pères étaient morts dans le désert, conformément à la parole du Seigneur. Leurs enfants avaient grandi, et pour eux devait s'accomplir la promesse de prendre possession du pays de Canaan. Quand la loi fut promulguée sur le mont Sinaï, la plupart étaient encore de petits enfants; par conséquent, ils ne se souvenaient pas de la solennité de l'événement. D'autres étaient nés pendant le séjour dans le désert, et pour qu'ils comprennent la nécessité d'obéir aux dix commandements, à toutes les lois et à toutes les ordonnances qui avaient été données à Moïse, l'Eternel prescrivit à ce dernier de rappeler les dix commandements et toutes les circonstances qui avaient marqué la promulgation de la loi. HR 171 2 Moïse avait écrit dans un livre toutes les lois et toutes les ordonnances que Dieu lui avait données; il avait fidèlement consigné toutes les instructions qu'il avait reçues chemin faisant, ainsi que tous les prodiges qui avaient été accomplis en faveur du peuple, et toutes les doléances des enfants d'Israël. Il avait aussi mentionné qu'il avait été poussé à bout par leurs plaintes continuelles. Dernières directives données à Israël HR 172 1 Devant toute l'assemblée réunie, Moïse lut dans le livre qu'il avait écrit les événements qui avaient marqué leur histoire. Ils lut aussi les promesses divines qui leur étaient destinées, à condition qu'ils soient obéissants, et les malédictions dont ils seraient l'objet s'ils désobéissaient à ses préceptes. HR 172 2 Moïse leur dit qu'à cause de leur rébellion, l'Eternel avait, à plusieurs reprises, eu l'intention de les exterminer, mais qu'il avait intercédé pour eux avec une telle ferveur que dans sa grâce, Dieu les avait épargnés. Il leur rappela les prodiges que le Seigneur avait accomplis devant le Pharaon et tout le pays d'Egypte. Puis il ajouta: "Oui, vous avez été témoins des interventions grandioses du Seigneur. Mettez donc en pratique tous les commandements que je vous communique aujourd'hui. Vous y trouverez les forces nécessaires pour prendre possession du territoire dans lequel vous allez entrer". Deutéronome 11:7, 8. HR 172 3 Moïse mit les Israélites particulièrement en garde contre l'idolâtrie. Il les engagea à obéir aux commandements de Dieu. S'ils se montraient obéissants, s'ils aimaient et servaient le Seigneur de tout leur coeur, il leur donnerait la pluie au moment opportun, ferait pousser leurs plantations et multiplierait leur bétail. Ils jouiraient en outre de privilèges particulièrement appréciables et triompheraient de leurs ennemis. HR 172 4 La gravité avec laquelle Moïse parla aux enfants d'Israël était de nature à les impressionner. Il savait que c'était la dernière fois qu'il pourrait s'adresser à eux. Après quoi, il acheva d'écrire dans un livre toutes les lois, toutes les ordonnances et tous les statuts que Dieu lui avait donnés, ainsi que diverses règles relatives aux offrandes sacrificielles. Puis il remit ce livre à des hommes chargés d'un ministère sacré en leur demandant que pour assurer sa préservation, il soit déposé à côté de l'arche, car Dieu veillait constamment sur elle. Ce livre de Moïse devait être conservé, afin que les juges d'Israël puissent s'y référer en cas de besoin. Un peuple sujet à l'erreur interprète souvent les exigences divines selon ses propres désirs; aussi le livre de Moïse devait-il être placé dans un lieu particulièrement sacré, pour que l'on puisse le consulter dans l'avenir. HR 173 1 Moïse conclut les dernières instructions destinées au peuple par un message puissant et prophétique, à la fois pathétique et éloquent. Sous l'inspiration divine, il bénit chacune des tribus du peuple. Dans ses dernières paroles, il mit l'accent sur la majesté de Dieu et le prestige d'Israël qui serait maintenu s'il obéissait à l'Eternel et s'appuyait sur sa force. Mort et résurrection de Moïse HR 173 2 "Des plaines de Moab, Moïse monta sur le mont Nébo, au sommet de la Pisga, qui est à l'est de Jéricho. Le Seigneur lui montra tout le pays: la région de Galaad jusqu'à Dan, les régions de Neftali, d'Efraïm, de Manassé, et celle de Juda jusqu'à la Méditerranée, la région du Néguev, et enfin, dans la vallée du Jourdain, le district de Jéricho (la ville des Palmiers) jusqu'à Soar. Alors le Seigneur lui dit: Regarde le pays que j'ai promis à Abraham, à Isaac et à Jacob, lorsque je leur ai dit: 'Je donnerai ce pays à vos descendants.' Je te le montre, mais tu n'y entreras pas. Moïse, le serviteur du Seigneur, mourut là, dans le pays de Moab, comme le Seigneur l'avait annoncé. Dieu lui-même l'enterra dans une vallée de Moab, en face de la localité de Bet-Péor, et jusqu'à ce jour, personne n'a su exactement où se trouve sa tombe. Moïse avait cent vingt ans quand il mourut. Pourtant sa vue n'avait pas baissé et il était encore plein de vitalité". Deutéronome 34:1-7. HR 174 1 L'Eternel ne voulait pas que qui que soit accompagne Moïse sur le sommet du mont Pisga. Le vieillard se tint là, sur une éminence du lieu, en présence de Dieu et des anges. Après avoir contemplé Canaan avec satisfaction, il se coucha, tel un guerrier épuisé, pour se reposer. Puis il s'endormit, mais du sommeil de la mort. Des anges prirent son corps et l'enterrèrent dans la vallée. Les Israélites ne purent jamais trouver l'endroit où il fut inhumé. Le secret qui entoura son ensevelissement avait pour but d'empêcher que les Hébreux ne se livrent à des pratiques idolâtres sur le corps du défunt, et qu'ils ne pèchent contre le Très-Haut. HR 174 2 Satan s'était grandement réjoui d'avoir réussi à pousser Moïse à pécher contre Dieu. A cause de cette faute, le patriarche fut livré au pouvoir de la mort. S'il avait continué à être fidèle et si sa vie n'avait pas été entachée par une seule défaillance -- qui avait consisté à n'avoir pas glorifié Dieu qui avait fait jaillir l'eau du rocher -- , il serait entré dans la terre promise et aurait été transmué au ciel, sans passer par la mort. Après que la dépouille de Moïse fut restée quelque temps dans la tombe, Michel, c'est-à-dire le Christ, et les anges qui l'avaient enterré, descendirent du ciel, ressuscitèrent le patriarche et l'emmenèrent dans le royaume céleste. HR 174 3 Quand le Christ et ses anges arrivèrent près du lieu où le prophète avait été enseveli, Satan et ses anges se trouvaient devant sa tombe, pour garder le corps et pour empêcher que quelqu'un ne s'en empare. Lorsque le Christ et ses anges s'approchèrent plus avant, Satan essaya de s'opposer à eux, mais la gloire et la puissance du Christ obligèrent celui-ci à reculer. Satan prétendait avoir des droits sur le corps de Moïse, à cause du seul péché qu'il avait commis; mais le Christ se borna à lui répondre, en parlant de son Père: "Que le Seigneur te punisse!" Jude 1:9. Le Christ dit à Satan que Moïse s'était humblement repenti de la faute qu'il avait commise, qu'il était désormais sans tache, et que son nom restait inscrit en bonne place sur les livres du ciel. Alors, le Christ ressuscita le corps de Moïse, que Satan avait revendiqué comme sa propriété. HR 175 1 Lors de la transfiguration de Jésus, Moïse et Elie, qui avait été transmué, furent envoyés pour s'entretenir avec le Christ de ses souffrances et pour être les réflecteurs de la gloire du Fils bien-aimé de Dieu. Le Seigneur avait accordé à Moïse de grands honneurs; il avait eu le privilège de parler face à face avec l'Eternel, comme un homme parle avec son ami. Dieu lui avait révélé sa gloire suprême, ce qu'il n'avait fait pour aucun autre mortel. ------------------------Chapitre 23 -- L'entrée dans la terre promise HR 176 0 Ce chapitre est basé sur Josué 1; 3-6; 23; 24. HR 176 1 Apres la mort de Moïse, Josué devait prendre la tête du peuple d'Israël pour l'introduire dans la terre promise. Pendant la plus grande partie du temps que les Hébreux avaient erré dans le désert, Josué avait servi aux côtés de Moïse en qualité de premier ministre. Il avait été témoin des prodiges que le Seigneur avait accomplis par l'intermédiaire de Moïse, et il connaissait bien les sentiments du peuple. Josué faisait partie des douze espions qui avaient été envoyés pour explorer le pays de Canaan, et il était l'un des deux qui avaient fait un compte rendu fidèle des richesses de cette région et encouragé le peuple à en prendre possession par la force de Dieu. Cet homme était tout à fait qualifié pour remplir cette importante fonction. Le Seigneur promit à Josué qu'il serait avec lui comme il avait été avec Moïse, de sorte que la conquête de Canaan lui serait chose facile, à condition qu'il observe scrupuleusement tous ses commandements. Le nouveau chef d'Israël se demandait comment il pourrait remplir sa mission, qui consistait à conduire le peuple jusque dans la terre promise; mais ces encouragements suffirent à dissiper toutes ses craintes. HR 176 2 Josué ordonna aux enfants d'Israël de se préparer pour un voyage de trois jours; après quoi, tous les hommes de guerre devaient aller au combat. "Ils répondirent à Josué: Nous ferons tout ce que tu nous ordonnes, nous irons partout où tu nous enverras. Nous t'obéirons exactement comme nous avons obéi à Moïse. Le Seigneur ton Dieu sera certainement avec toi comme il a été avec Moïse. Quiconque s'opposera à toi et refusera d'obéir à tes ordres sera mis à mort. Pour ta part, sois courageux et fort!" Josué 1:16-18. HR 177 1 La traversée du Jourdain par les Israélites devait se faire grâce à un miracle. "Josué dit au peuple: Purifiez-vous, car demain le Seigneur va accomplir des prodiges au milieu de vous. Le jour suivant il ordonna aux prêtres de porter le coffre de l'alliance et de marcher à la tête du peuple. C'est ce qu'ils firent. Le Seigneur dit à Josué: A partir d'aujourd'hui je vais affermir ton autorité aux yeux de tous les Israélites! Ils sauront que je suis avec toi comme j'ai été avec Moïse". Josué 3:5-7. La traversée du Jourdain HR 177 2 Les prêtres qui marchaient à la tête du peuple portaient l'arche qui contenait la loi de Dieu. Au moment où leurs pieds touchaient la rive du Jourdain, les eaux qui étaient en amont s'arrêtèrent de couler, et ils franchirent le fleuve à pied sec, en portant le coffre sacré, emblème de la présence divine; la multitude des Hébreux suivit. Quand les prêtres furent arrivés au milieu du lit du Jourdain, ils reçurent l'ordre d'y stationner jusqu'à ce que tout le peuple ait traversé. Cette génération d'Israélites eut alors la preuve que les eaux du Jourdain obéissaient à la même puissance que celle qui s'était manifestée aux yeux de leurs pères quarante ans plus tôt à travers la mer des Roseaux, lorsqu'ils étaient enfants. Mais maintenant, ils franchissaient le Jourdain en hommes de guerre, pleinement équipés pour le combat. HR 177 3 Une fois que la multitude des Hébreux eut franchi le Jourdain, Josué donna l'ordre aux prêtres de sortir du lit du fleuve. Dès qu'ils furent à nouveau sur la terre ferme, porteurs du coffre sacré, le Jourdain se remit à couler comme auparavant et à inonder ses rives. A la vue de ce prodige, la foi des Israélites fut grandement fortifiée. Pour que ce merveilleux miracle ne soit jamais oublié, le Seigneur dit à Josué de donner des ordres pour que des hommes de renom -- un pour chaque tribu -- aillent prendre des pierres dans le lit du fleuve, à l'endroit même où les prêtres avaient stationné pendant que la multitude des Hébreux traversait le Jourdain, qu'ils portent ces pierres sur leurs épaules, et s'en servent pour ériger un monument à Guilgal, destiné à commémorer le fait que le peuple d'Israël avait franchi le Jourdain à pied sec. Dès que les prêtres furent sortis du lit du fleuve, Dieu retira sa main puissante, et les eaux du Jourdain se remirent à couler avec force dans leur lit. HR 178 1 Lorsque tous les rois des Amorites et ceux des Cananéens entendirent que le Seigneur avait arrêté le cours des eaux du Jourdain pour livrer passage aux enfants d'Israël, leur coeur défaillit d'effroi. Déjà, deux rois de Moab avaient péri par la main des Israélites, et maintenant, la traversée miraculeuse des eaux grossies et impétueuses du fleuve les remplissait de terreur. HR 178 2 Après cela, Josué circoncit tous les Israélites nés pendant la traversée du désert. Puis ils célébrèrent la Pâque dans les plaines de Jéricho. "Le Seigneur dit à Josué: Aujourd'hui, je vous ai débarrassés de la honte que vous aviez ramenée d'Egypte". Josué 5:9. HR 178 3 Les nations païennes avaient critiqué l'Eternel et son peuple parce que les Hébreux n'étaient pas entrés en possession du pays de Canaan, dont ils s'attendaient à hériter après avoir quitté l'Egypte. Leurs ennemis avaient chanté victoire en voyant que les Israélites avaient si longtemps erré dans le désert et, dans leur orgueil, ils avaient méprisé leur Dieu en disant qu'il était incapable de conduire son peuple dans le pays de Canaan. Mais maintenant, les Israélites avaient traversé le Jourdain à pied sec; ils étaient donc à l'abri des moqueries de leurs ennemis. HR 179 1 La manne avait continué de tomber jusqu'à ce jour; mais comme les Hébreux étaient sur le point de conquérir la terre promise et de manger des produits de son sol, ils n'avaient plus besoin de cette manne. C'est pourquoi celle-ci cessa alors de tomber. Le chef de l'armée du Seigneur HR 179 2 S'étant éloigné des armées d'Israël pour méditer et demander au Seigneur de l'assister tout spécialement de sa présence, Josué vit devant lui un homme de haute stature, portant des vêtements de guerrier et une épée nue dans sa main. Josué vit de suite qu'il n'était pas en présence d'un homme faisant partie des armées d'Israël, et pourtant, il n'avait pas l'apparence d'un ennemi. Aussi s'empressa-t-il de lui demander: "Es-tu de notre côté ou du côté de nos ennemis? Ni l'un ni l'autre, répondit l'homme. Je suis le chef de l'armée du Seigneur et je viens d'arriver. Alors Josué se jeta la face contre terre et lui dit: Je suis ton serviteur, que m'ordonnes-tu? Le chef de l'armée du Seigneur lui répondit: Enlève tes sandales, car tu te trouves dans un endroit saint. Et Josué obéit". Josué 5:13-15. HR 179 3 Ce personnage n'était pas un ange ordinaire. Il s'agissait du Seigneur Jésus-Christ, qui avait conduit les Hébreux à travers le désert enveloppé de la colonne de feu pendant la nuit et d'une colonne de fumée pendant le jour. L'endroit était saint à cause de sa présence; c'est pourquoi Josué reçut l'ordre d'ôter ses sandales. HR 180 1 Le Seigneur donna ensuite à Josué des instructions concernant les dispositions à prendre pour s'emparer de la ville de Jéricho. Tous les hommes de guerre devaient faire le tour de la ville une fois par jour et six jours consécutifs; le septième jour, ils devaient faire sept fois le même circuit. La prise de Jéricho HR 180 2 "Josué, fils de Noun, appela les prêtres et leur dit: Chargez sur vos épaules le coffre de l'alliance du Seigneur et que sept d'entre vous le précèdent avec des trompettes. Puis il donna cet ordre au peuple: En route! Faites le tour de la ville. Que l'avant-garde passe devant le coffre sacré du Seigneur. Tout se passa comme Josué l'avait ordonné. Les sept prêtres porteurs de trompettes avançaient en sonnant de leur instrument devant le coffre sacré. L'avant-garde les précédait et l'arrière-garde suivait le coffre. Pendant qu'ils marchaient, le son des trompettes ne cessait de retentir. Mais Josué avait commandé au peuple lui-même de rester parfaitement silencieux et de ne pousser le cri de guerre qu'au moment où il en donnerait l'ordre. Il leur fit faire une fois le tour de la ville avec le coffre sacré, puis ils retournèrent au camp pour y passer la nuit". Josué 6:6-10. HR 180 3 Le cortège des Hébreux marchait en ordre parfait. En tête il y avait un groupe d'hommes d'élite en tenue de combat; pour le moment, ces hommes ne devaient pas faire usage de leurs armes, mais ils devaient croire et obéir aux instructions qui leur avaient été données. Derrière eux venaient sept prêtres munis de trompettes. Ensuite, on pouvait voir le coffre de Dieu, étincelant d'or et auréolé de gloire, porté par des prêtres revêtus de riches vêtements, emblèmes de leur ministère sacré. Enfin, clôturant le cortège, l'imposante armée d'Israël avançait en rangs, chaque tribu sous sa bannière respective. C'est ainsi que tous faisaient le tour de la ville, avec le coffre de Dieu. On n'entendait aucun bruit, si ce n'est celui des pas de la multitude et le son grave des trompettes répercuté par les collines et qui retentissait dans les rues de Jéricho. HR 181 1 Etonnées et sur le qui-vive, les sentinelles de cette ville condamnée guettaient le moindre mouvement et rendaient compte aux autorités en place de ce qu'ils voyaient. Nul ne comprenait ce que signifiait cette démonstration. Certains tournaient en ridicule l'idée que la ville puisse être prise de cette manière; d'autres étaient remplis de crainte en voyant la beauté éclatante du coffre sacré et l'attitude digne et solennelle des prêtres et de l'armée d'Israël qui les suivait, Josué en tête. Ces habitants de Jéricho se souvenaient que quarante ans auparavant, la mer des Roseaux (mer Rouge) s'était ouverte devant les Hébreux, et qu'un passage avait été frayé pour eux à travers le Jourdain. Ceux-là étaient bien trop effrayés pour se laisser aller à la plaisanterie. Quoi qu'il en soit, on veilla à ce que les portes de la ville soient bien fermées et des soldats puissamment armés montèrent la garde auprès de chacune d'elle. HR 181 2 Six jours de suite, l'armée d'Israël fit le tour de la ville. Le septième jour, elle en fit sept fois le tour. Comme d'habitude, le peuple avait reçu l'ordre de garder le silence. On ne devait entendre que le son des trompettes. Les Israélites devaient prêter l'oreille: dès que les trompettes feraient entendre un son plus prolongé qu'auparavant, tous devaient pousser un grand cri; alors, le Seigneur livrerait la ville entre leurs mains. "Le septième jour, ils se levèrent à l'aurore et firent sept fois le tour de la ville, de la même manière. C'est le seul jour où ils en firent sept fois le tour. La septième fois, quand les prêtres eurent sonné de la tompette, Josué dit au peuple: Poussez le cri de guerre! Le Seigneur vous a livré la ville!" Josué 6:15, 16. "On sonna de la trompette; dès que le peuple l'entendit, il poussa un formidable cri de guerre et les murailles s'écroulèrent. Aussitôt, les Israélites montèrent à l'assaut de la ville, chacun droit devant soi, et ils s'en emparèrent". Josué 6:20. HR 182 1 Dieu voulait montrer par là aux Hébreux que la conquête du pays de Canaan ne devait pas leur être attribuée. C'est le chef de l'armée du Seigneur qui conquit Jéricho, car lui et ses anges avaient engagé le combat. Le Christ lui-même était à la tête des armées du ciel pour détruire les murailles de la ville et frayer ainsi la voie à Josué et à l'armée d'Israël. Par ce merveilleux prodige, l'Eternel ne fit pas seulement grandir la foi des Israélites dans la puissance divine pour vaincre leurs ennemis; il condamnait aussi l'incrédulité dont ils avaient fait preuve auparavant. HR 182 2 Les habitants de Jéricho avaient défié l'armée d'Israël et le Dieu du ciel. Ils avaient été inquiets de voir la multitude des Hébreux défiler jour après jour autour de la ville; mais ils se confiaient dans leurs bastions, dans leurs hautes et puissantes murailles et avaient la certitude que ces fortifications résisteraient à tous les assauts. Aussi, quand ils virent les hautes murailles chanceler et tomber avec un fracas de tonnerre, ils furent paralysés de frayeur et incapables d'opposer la moindre résistance. Un chef sage et consacré HR 182 3 La personnalité de Josué, homme saint et sage conducteur, n'a été entachée d'aucune faute. Sa vie était entièrement consacrée à Dieu. Avant de mourir, il rassembla la multitude des Hébreux et, à l'exemple de Moïse, il récapitula devant eux leurs pérégrinations dans le désert et les manifestations de la bonté de Dieu envers eux. Il leur parla de manière persuasive. Il leur rappela que le roi de Moab leur avait déclaré la guerre et qu'il avait fait appel à Balaam pour les maudire; mais Dieu refusa d'écouter Balaam qui dut, malgré lui, bénir Israël. Josué 24:10. Josué ajouta: "A vous maintenant de reconnaître l'autorité du Seigneur pour le servir de tout votre coeur, avec fidélité. Débarrassez-vous des dieux que vos ancêtres adoraient quand ils étaient de l'autre côté de l'Euphrate ou en Egypte, et mettez-vous au service du Seigneur. Si cela ne vous convient pas, alors choisissez aujourd'hui les dieux auxquels vous rendez votre culte: par exemple ceux que vos ancêtres adoraient de l'autre côté de l'Euphrate, ou ceux des Amorites dont vous habitez le pays. Mais ma famille et moi, nous servirons le Seigneur. HR 183 1 "Le peuple répondit: Il n'est pas question que nous abandonnions le Seigneur pour nous mettre au service d'autres dieux! Car c'est le Seigneur notre Dieu qui nous a arrachés, nos pèrés et nous, à l'esclavage d'Egypte, et nous avons vu les grands miracles qu'il a faits alors. C'est lui qui nous a protégés tout le long du chemin que nous avons parcouru et au milieu de tous les peuples dont nous avons traversé le territoire". Josué 24:14-17. HR 183 2 Le peuple renouvela son alliance en présence de Josué et déclara: "Oui, nous voulons servir le Seigneur notre Dieu et obéir à ses ordres". Josué 24:24. Josué écrivit les paroles de cette alliance dans le livre qui renferme les lois et les statuts qui avaient été donnés à Moïse. Josué avait été estimé et respecté de tout le peuple; lorsqu'il mourut, les Israélites furent profondément attristés. ------------------------Chapitre 24 -- L'arche de Dieu et les vicissitudes d'Israël HR 184 0 Ce chapitre est basé sur 1 Samuel 3-6; 2 Samuel 6; 1 Rois 8. HR 184 1 L'arche de Dieu était un coffre sacré contenant la loi des dix commandements, qui était l'emblème de Dieu lui-même. Ce coffre sacré était considéré comme la gloire et la force d'Israël. Le signe de la présence divine s'y manifestait jour et nuit. Les prêtres qui officiaient devant l'arche étaient consacrés en vue de ce saint sacerdoce. Ils portaient un pectoral orné de pierres précieuses de différentes sortes et qui correspondaient à celles qui constituent les douze fondements de la cité de Dieu. Sur ces pierres précieuses fixées sur une monture en or, figuraient les noms des douze tribus d'Israël. Ce splendide ornement était suspendu aux épaules des prêtres et recouvrait leur poitrine. HR 184 2 Des deux côtés du pectoral, il y avait deux autres pierres précieuses de grosse taille qui brillaient d'un vif éclat. Quand des questions difficiles étaient soumises aux juges du peuple, et sur lesquelles ils n'arrivaient pas à se prononcer, ces juges s'adressaient aux prêtres qui interrogeaient Dieu dont ils obtenaient une réponse. Si cette réponse était favorable et s'il accordait sa bénédiction, une auréole de lumière et de gloire apparaissait sur la pierre de droite. Si la réponse du Seigneur était défavorable, un voile de vapeur semblait entourer la pierre précieuse de gauche. Quand les Hébreux demandaient à Dieu s'ils devaient aller au combat et que la pierre précieuse de droite était entourée de lumière, cela signifiait: Allez, et vous obtiendrez la victoire. Mais lorsque la pierre située à gauche du pectoral était voilée, cela voulait dire: N'y allez pas; vous n'auriez pas la victoire. HR 185 1 Quand -- une fois par an -- le souverain sacrificateur entrait dans le lieu très saint et qu'il officiait devant le coffre sacré en la sainte présence de l'Eternel, il posait alors des questions, et souvent le Seigneur lui répondait d'une manière audible. Sinon, Dieu permettait que des rayons de lumière et de gloire entourent le chérubin situé à la droite de l'arche pour montrer son approbation ou accorder sa bénédiction. Si la requête était refusée, un nuage apparaissait sur le chérubin placé à gauche du coffre sacré. HR 185 2 Quatre anges du ciel accompagnaient l'arche de Dieu pendant tous les déplacements des Israélites pour la préserver de tout danger et pour que ceux-ci puissent accomplir une mission qui leur était confiée en rapport avec ce coffre sacré. Jésus, le Fils de Dieu, escorté de ces saints anges, précédait l'arche quand elle pénétra dans le Jourdain, et les eaux du fleuve se séparèrent en sa présence. Le Christ et ses anges se tinrent près du coffre sacré et aux côtés des prêtres qui stationnèrent dans le lit du fleuve jusqu'à ce que tout Israël l'ait traversé. Le Christ et ses anges suivirent aussi l'arche lorsque le peuple fit le tour de Jéricho, et ce sont eux qui firent tomber les murailles de la ville et la livrèrent entre les mains des Hébreux. Faiblesse d'Héli et ses conséquences HR 185 3 Quand Héli était grand prêtre, il avait élevé ses fils à la dignité sacerdotale. Lui seul avait le droit de pénétrer dans le lieu très saint une fois l'an. Ses fils officiaient à la porte du tabernacle et s'occupaient de l'immolation des animaux et de l'autel des sacrifices. Mais ils abusaient de leurs fonctions sacerdotales. Ils étaient égoïstes, cupides, gloutons et débauchés. Le Seigneur réprimanda Héli qui négligeait d'exercer l'autorité nécessaire dans sa famille. Il reprenait ses fils, mais il ne les réprimait pas. Après qu'ils eurent pris leurs fonctions de prêtres, Héli entendit parler de la manière dont ils frustraient les Israélites de leurs offrandes; il entendit aussi parler de leurs violations manifestes de la loi de Dieu et de leur conduite scandaleuse qui incitait le peuple d'Israël à pécher. HR 186 1 Le Seigneur fit connaître au jeune Samuel quels jugements atteindraient la famille d'Héli à cause de sa faiblesse. "Le Seigneur déclara à Samuel: Je vais frapper Israël d'un malheur qui fera l'effet d'un coup de tonnerre sur ceux qui l'apprendront. Ce jour-là je réaliserai à l'égard d'Héli et de sa famille tous les malheurs dont je les ai menacés, sans rien négliger. Je l'ai averti que je condamnais sa famille pour toujours; en effet ses fils ont péché en me traitant avec mépris, et lui, qui savait cela, les a laissés faire. C'est pourquoi j'ai juré à la famille d'Héli que ni sacrifices ni offrandes ne pourront jamais faire oublier son péché". 1 Samuel 3:11-14. HR 186 2 Les transgressions commises par les fils d'Héli témoignaient d'une telle insolence envers Dieu et elles étaient si offensantes pour sa sainteté, qu'aucun sacrifice ne pouvait les expier. Ces prêtres corrompus profanaient les sacrifices qui représentaient le Fils de Dieu. Par leur conduite blasphématoire, ils foulaient aux pieds le sang expiatoire dont dépendait l'efficacité de tous les sacrifices. HR 186 3 Samuel rapporta à Héli les paroles de l'Eternel, et le souverain sacrificateur répondit: "Il est le Seigneur! Qu'il fasse ce qu'il juge bon". 1 Samuel 3:18. Héli savait que Dieu avait été déshonoré, et il avait conscience d'avoir péché. Il admettait que le Seigneur le punisse ainsi pour sa négligence coupable. Il fit connaître à tout Israël le message que Dieu avait adressé à Samuel. Ce faisant, Héli espérait racheter dans une certaine mesure ses fautes passées. Mais la malédiction prononcée sur lui ne tarderait pas à se manifester. HR 187 1 Les Israélites partirent en guerre contre les Philistins, mais ils furent vaincus, et quatre mille d'entre eux moururent. Les Hébreux prirent peur, car ils savaient que si d'autres peuples apprenaient la défaite qu'ils venaient de subir, cela les encouragerait à leur déclarer la guerre. Les anciens d'Israël crurent que cette défaite venait de ce qu'ils n'avaient pas pris avec eux le coffre sacré. Ils envoyèrent donc des hommes à Silo pour aller chercher l'arche de l'alliance. Les Israélites se souvenaient de la traversée du Jourdain et de la facilité avec laquelle ils avaient pris la ville de Jéricho quand le coffre sacré les avait accompagnés, et ils pensèrent qu'il leur suffirait de prendre à nouveau l'arche avec eux pour triompher de leurs ennemis. Ils semblaient ignorer que leur force résidait dans leur obéissance à la loi qui se trouvait dans le coffre sacré, et qui représentait l'autorité de Dieu. Hofni et Pinhas, prêtres indignes, accompagnèrent l'arche sainte, violant ainsi la loi du Très-Haut. Ces hommes pécheurs conduisirent l'arche jusqu'au campement d'Israël. Voyant cela, les hommes de guerre reprirent courage et crurent que leur succès était désormais assuré. Le coffre sacré aux mains des Philistins HR 187 2 "Dès qu'il (le coffre sacré) arriva au camp, les soldats israélites poussèrent de si grandes acclamations que la terre trembla. Les Philistins entendirent cela et s'écrièrent: Que signifient ces bruyantes acclamations dans le camp des Hébreux? Lorsqu'ils surent que le coffre du Seigneur était arrivé au camp d'Israël, ils prirent peur; ils se disaient en effet: 'Dieu est arrivé dans leur camp; précédemment il n'y était pas, mais maintenant, malheur à nous! Oui, malheur à nous! Qui nous sauvera du pouvoir de ce Dieu si puissant qui a infligé aux Egyptiens toutes sortes de fléaux dans le désert? Allons, Philistins, montrons-nous courageux et soyons des hommes. Nous risquons de devenir les esclaves des Hébreux, tout comme ils ont été les nôtres; combattons-les donc courageusement!' Les Philistins engagèrent alors le combat; les Israélites furent battus et s'enfuirent chez eux. Ce fut une très lourde défaite: trente mille soldats israélites furent tués, le coffre sacré fut pris par les Philistins, et les deux fils d'Héli, Hofni et Pinhas, moururent". 1 Samuel 4:5-11. HR 188 1 Les Philistins s'imaginaient que ce coffre sacré était le dieu des Israélites. Car ils ignoraient que le Dieu vivant, qui a créé les cieux et la terre, et qui a promulgué sa loi sur le mont Sinaï, produit le succès ou l'adversité selon que l'on obéit ou non à sa loi contenue dans l'arche sainte. HR 188 2 Le peuple d'Israël subit une terrible défaite. Assis sur le bord de la route, Héli attendait en tremblant des nouvelles de l'armée. Il craignait que l'arche du Seigneur ne soit prise et qu'elle ne soit souillée par les Philistins. Bientôt, un messager venant de l'armée d'Israël arriva en courant à Silo et informa Héli que ses deux fils avaient été tués dans la bataille. Le vieillard apprit la nouvelle avec un calme relatif: il s'y attendait. Mais quand le messager ajouta: "Le coffre sacré de Dieu a été emporté par les Philistins", Héli vacilla sur son siège, tomba à la renverse et mourut. Ainsi, la colère divine qui s'était abattue sur ses fils l'atteignait à son tour. Il était en grande partie responsable de leurs transgressions, car il avait honteusement négligé de les corriger. La prise de l'arche de Dieu par les Philistins fut considérée comme le plus grand malheur qui pouvait arriver à Israël. La femme de Pinhas, qui était sur le point de mourir en couches, appela son fils nouveau-né Ikabod. "Ce nom, qui signifie 'Il n'y a plus de gloire', était une allusion à la prise du coffre sacré". 1 Samuel 4:21. L'arche de Dieu au pays des Philistins HR 189 1 Le Seigneur permit que le coffre sacré tombât aux mains de l'ennemi pour montrer aux Israélites qu'il ne servait à rien de se confier dans ce coffre, symbole de sa présence, alors que par ailleurs ils transgressaient les commandements qu'il renfermait. C'est pourquoi Dieu les humilia en permettant que cette arche sainte dont ils se glorifiaient leur soit enlevée. HR 189 2 De leur côté, les Philistins criaient victoire parce qu'ils s'imaginaient tenir entre leurs mains le fameux dieu des Hébreux, qui avait accompli en leur faveur de si grands prodiges et avait fait d'eux un sujet de crainte pour leurs ennemis. Les Philistins prirent donc le coffre sacré, l'emmenèrent à Asdod, et le déposèrent dans un temple magnifique dédié à Dagon, leur dieu préféré, à côté de sa statue. Le lendemain matin, quand les prêtres du dieu Dagon entrèrent dans leur temple, ils furent effrayés en constatant que la statue de leur dieu gisait sur le sol, devant l'arche du Seigneur. Ils remirent donc la statue à sa place habituelle. Ces prêtres pensaient qu'il s'agissait d'un accident. Or, le matin suivant, ils trouvèrent de nouveau la statue de Dagon tombée comme la veille, la face sur le sol, et, de plus, la tête et les mains brisées. HR 189 3 Les anges de Dieu, qui accompagnaient le coffre sacré en permanence, avaient frappé cette idole inanimée, puis l'avaient mutilée, afin de montrer que l'Eternel, le Dieu vivant, est au-dessus de tous les dieux, et qu'à ses yeux, tous les dieux païens ne sont rien. Les païens avaient beaucoup de respect pour Dagon, leur dieu; aussi, quand ils le virent ainsi complètement démoli et face contre terre devant l'arche du Seigneur, ils furent affligés, car aux yeux des Philistins, c'était un très mauvais présage. Pour eux, cela signifiait que leur peuple et tous leurs dieux seraient soumis aux Hébreux qui détruiraient les Philistins, et que le Dieu des Hébreux était plus grand et plus puissant que tous leurs dieux. Ils ôtèrent donc le coffre sacré de leur temple idolâtre et le mirent dans un lieu isolé. HR 190 1 L'arche de Dieu resta sept mois aux mains des Philistins. Ils avaient vaincu les Israélites et avaient pris leur coffre sacré qui, croyaient-ils, contenait toute la force des Hébreux. Par conséquent, ils se sentaient en sécurité, et n'avaient plus à redouter l'armée d'Israël. Mais tandis qu'ils se réjouissaient de leur victoire, on entendait des plaintes dans le pays, que l'on attribua en fin de compte à l'arche du Seigneur. Effrayés, les Philistins la déplacèrent d'un endroit à l'autre; mais partout où on la déposait, elle semait la destruction sur son passage, si bien qu'on ne savait plus ce qu'il fallait en faire. Quant au coffre sacré, il était protégé de tout danger par les anges. Les Philistins n'osaient pas en soulever le couvercle; leur dieu Dagon avait subi un tel sort qu'ils n'osaient même pas toucher l'arche, ni même s'en approcher. Ils firent appel à leurs prêtres et à leurs devins et leur demandèrent ce qu'il fallait faire du coffre sacré. En réponse, ils leur conseillèrent de le renvoyer au peuple auquel il appartenait, sans oublier d'y joindre une offrande pour le péché. Si le Dieu des Hébreux voulait bien accepter cette offrande, ils seraient soulagés du fléau dont ils étaient atteints. Ils devaient comprendre que la main de l'Eternel les avait frappés parce que l'arche dont ils s'étaient emparés était la propriété exclusive d'Israël. Le coffre sacré renvoyé en Israël HR 191 1 Certains n'approuvaient pas cette solution: à leurs yeux, il était par trop humiliant de restituer l'arche, et ils estimaient que nul d'entre eux ne devait risquer sa vie en ramenant aux Israélites une chose qui avait causé tant de malheurs parmi les Philistins. Quoi qu'il en soit, leurs conseillers exhortèrent le peuple à ne pas endurcir son coeur, comme l'avaient fait les Egyptiens et le Pharaon, ce qui aurait attiré sur eux de plus grands fléaux. Tandis que les Philistins redoutaient encore de devoir ramener le coffre sacré, les prêtres et les devins leur dirent: "Maintenant construisez un char neuf et prenez deux vaches qui allaitent leurs veaux à l'étable et n'ont jamais porté le joug. Vous les attellerez au char, mais vous ramènerez leurs veaux à l'étable. Vous prendrez le coffre du Seigneur et le déposerez sur le char; vous placerez dans une caissette, à côté du coffre, les objets d'or que vous offrez à Dieu, à titre de compensation. Ensuite vous laisserez partir le char. Et vous verrez: si les vaches prennent le chemin du pays d'Israël, en direction de Bet-Chémech, cela veut dire que c'est bien le Dieu d'Israël qui nous a fait tout ce mal; si elles ne prennent pas cette direction, nous saurons que ce n'est pas lui qui nous a infligé ces malheurs, mais qu'ils nous sont arrivés par hasard. Les Philistins firent ce qu'on leur avait conseillé. Ils prirent deux vaches qui allaitaient et les attelèrent au char, mais ils enfermèrent leurs veaux à l'étable. ... Les vaches prirent tout droit le chemin de Bet-Chémech. Elles le suivirent sans cesser de meugler; elles ne se détournèrent ni à droite ni à gauche". 1 Samuel 6:7-10, 12. HR 192 1 Les Philistins savaient bien que, d'instinct, les vaches n'auraient pas abandonné leurs jeunes veaux à l'étable si elles n'y avaient été poussées par une force invisible. Elles se dirigèrent aussitôt vers Bet-Chémech, en mugissant à cause de leurs veaux, mais tout en s'en éloignant. Les chefs des Philistins suivirent le char jusqu'à la limite de Bet-Chémech, car ils n'osaient pas confier ainsi le coffre sacré à de simples bovidés, et ils craignaient que si celui-ci était endommagé, leur peuple ne soit frappé de plus grandes calamités. Ils ne savaient pas que les anges du Seigneur veillaient sur l'arche et guidaient les vaches vers leur destination. La présomption punie HR 192 2 Les habitants de Bet-Chémech étaient occupés à moissonner quand ils virent l'arche du Seigneur placée sur le char, tiré par les vaches, et ils en éprouvèrent une grande joie. Les vaches conduisirent le véhicule portant le coffre sacré jusqu'à une grosse pierre où elles s'arrêtèrent. Les lévites déchargèrent le coffre sacré et les offrandes des Philistins et, avec le bois du char, ils offrirent en holocauste les vaches qui avaient amené l'arche sainte et les offrandes des Philistins. Les chefs des Philistins retournèrent à Ecron, et le fléau cessa. HR 192 3 Les gens de Bet-Chémech étaient curieux de savoir quel grand pouvoir était contenu dans cette arche, puisqu'il permettait d'accomplir de si grands prodiges. Ils n'attribuaient pas ce pouvoir à Dieu, mais ils croyaient que cette force venait de l'arche elle-même. Aucun être humain, sinon ceux qui avaient été investis de cette fonction sacrée, n'avait le droit de regarder l'arche découverte, sous peine de mort, car c'était comme s'il avait regardé Dieu lui-même. Et quand ces gens, cédant à leur curiosité, ouvrirent le coffre sacré et pénétrèrent ses secrets, les anges qui accompagnaient l'arche firent mourir plus de cinquante mille personnes. HR 193 1 Effrayés, les habitants de Bet-Chémech déclarèrent: "Personne ne pourrait subsister en présence du Seigneur, ce Dieu saint. Où allons-nous donc faire transporter, loin de chez nous, son coffre sacré? Ils envoyèrent des messagers aux habitants de Quiriat-Yéarim pour leur dire: Les Philistins ont rapporté le coffre du Seigneur. Venez donc le chercher et emportez-le chez vous". 1 Samuel 6:20, 21. Les habitants de Quiriat-Yéarim vinrent donc chercher l'arche du Seigneur et la déposèrent dans la maison d'Abinadab, et ils consacrèrent son fils pour en assurer la garde. Pendant vingt ans, les Hébreux vécurent sous la coupe des Philistins; ils en furent profondément humiliés et se repentirent de leurs fautes. Samuel intercéda en leur faveur et Dieu exerça sa miséricorde envers eux. De nouveau, les Philistins leur déclarèrent la guerre, et le Seigneur accomplit des prodiges pour Israël qui triompha de ses ennemis. HR 193 2 Le coffre sacré resta dans la maison d'Abinadab jusqu'à ce que David fût couronné roi. David rassembla tous les hommes d'élite d'Israël, au nombre de trente mille, et il alla reprendre l'arche de Dieu. Il plaça celle-ci sur un char neuf et l'enleva de la maison d'Abinadab. Ouza et Ahio, fils d'Abinadab, conduisaient le char. Toute la maison d'Israël, sous la conduite de David, jouait de toute sorte d'instruments devant le Seigneur. "Lorsqu'on arriva près de l'aire de Nakon, les boeufs faillirent faire tomber le coffre sacré. Ouza étendit la main pour le retenir. Alors le Seigneur se mit en colère contre lui: il le frappa sur place à cause de ce geste irréfléchi. Ouza mourut là, à côté du coffre". 2 Samuel 6:6, 7. Ouza s'était emporté contre les boeufs parce qu'ils avaient trébuché. En cela, il montra son manque de confiance en Dieu, comme si Celui qui avait repris le coffre sacré des mains des Philistins n'avait pas le pouvoir d'en prendre soin. Les anges qui étaient chargés de veiller sur l'arche firent périr Ouza parce que, dans un geste d'impatience, il avait mis la main sur le coffre sacré. HR 194 1 "Ce jour-là, il (David) eut peur du Seigneur et déclara: Je ne peux pas accueillir chez moi le coffre du Seigneur! Il renonça donc à transférer le coffre chez lui, dans la Cité de David, mais le fit déposer dans la maison d'Obed-Edom, un homme originaire de Gat". 2 Samuel 6:9, 10. David savait qu'il était lui-même pécheur, et il craignait de faire preuve de quelque présomption et d'attirer sur lui la colère divine. "Le coffre y demeura trois mois (dans la maison d'Obed-Edom), et le Seigneur bénit Obed-Edom et tous les siens". 2 Samuel 6:11. HR 194 2 Dieu voulait faire comprendre à son peuple que si d'une part le coffre sacré produisait la frayeur et la mort chez ceux qui violaient les commandements qu'il contenait, d'autre part, ce coffre sacré était une source de bénédiction et de force pour ceux qui obéissaient à ses préceptes. Lorsque David apprit que la maison d'Obed-Edom avait été richement bénie et que tous les biens de cet homme avaient prospéré grâce à l'arche du Seigneur, il éprouva le désir de la faire transporter dans sa propre cité. Mais auparavant, il se consacra lui-même à Dieu et ordonna à tous les notables de son royaume de s'abstenir de toutes affaires profanes susceptibles de les distraire de leur idéal religieux. Il durent donc se purifier pour pouvoir transporter l'arche sainte dans la cité de David. "Alors David se rendit chez Obed-Edom, pour en faire amener le coffre à la Cité de David, dans un joyeux cortège. ... On vint déposer le coffre à la place qui lui était réservée, dans la tente que David avait fait dresser pour lui. Ensuite David offrit au Seigneur des sacrifices complets et des sacrifices de communion". 2 Samuel 6:12, 17. Dans le temple de Salomon HR 195 1 Après avoir achevé la construction du temple, Salomon réunit les anciens d'Israël et les notables du peuple, afin de faire venir le coffre sacré qui se trouvait dans la Cité de David. "Les prêtres-lévites transportèrent ainsi le coffre sacré, de même que la tente de la rencontre et les objets sacrés qui s'y trouvaient. Le roi Salomon et tous les Israélites rassemblés avec lui autour du coffre offrirent en sacrifice un si grand nombre de moutons et de boeufs qu'on ne pouvait pas les compter exactement". 2 Chroniques 5:4-6. HR 195 2 Salomon suivit l'exemple de David, son père. Tous les six pas, il offrait un sacrifice. Accompagnés de chants et de musique et au milieu d'une grande pompe, "les prêtres introduisirent le coffre à la place prévue pour lui, dans la salle appelée lieu très saint, sous les ailes des chérubins". 2 Chroniques 5:7. HR 195 3 Un magnifique sanctuaire avait été construit, selon le modèle qui avait été montré à Moïse sur la montagne et que le Seigneur avait ensuite présenté à David. Le sanctuaire terrestre était semblable au sanctuaire céleste. En plus des chérubins qui se trouvaient au-dessus de l'arche, Salomon fit faire deux autres anges de plus grande taille, qui furent placés de chaque côté du coffre sacré, et qui représentaient les anges du ciel qui protègent en permanence la loi de Dieu. La beauté sublime de ce sanctuaire est indescriptible. Là, comme dans le tabernacle, l'arche de Dieu fut déposée de façon solennelle, sous les ailes des chérubins qui se tenaient de chaque côté. HR 196 1 Le choeur sacré unit ses voix à toute sorte d'instruments de musique pour louer le Seigneur. Et tandis que ces voix, à l'unisson des instruments, résonnaient dans le sanctuaire et retentissaient jusque dans la ville de Jérusalem, la nuée de la gloire divine pénétra dans le temple comme elle l'avait fait auparavant dans le tabernacle. "Les prêtres ne purent pas reprendre leur service à cause de ce nuage, car c'était la gloire du Seigneur qui remplissait le temple". 2 Chroniques 5:14. HR 196 2 Se tenant debout sur un socle de bronze placé devant l'autel, le roi Salomon bénit le peuple. Puis il se mit à genoux et, les mains levées vers le ciel, il adressa à Dieu une prière ardente et solennelle tandis que les Israélites inclinaient le visage vers le sol. Dès que Salomon eut achevé sa prière, un feu descendit miraculeusement du ciel et consuma le sacrifice. HR 196 3 Comme le Seigneur l'avait annoncé, à cause des péchés d'Israël, les calamités qui devaient s'abattre sur le temple si son peuple se détournait de lui se réalisèrent plusieurs siècles après la construction du temple. Dieu promit à Salomon, si celui-ci restait fidèle et si le peuple obéissait à ses commandements, que ce temple magnifique demeurerait dans toute sa splendeur, comme témoignage de la prospérité d'Israël et des riches bénédictions qui lui étaient assurées. Israël en captivité HR 196 4 Le peuple d'Israël ayant transgressé les commandements de Dieu et accompli des actions répréhensibles, le Seigneur permit qu'il soit emmené en captivité (à Babylone), pour l'humilier et le punir. Avant que le temple ne fût détruit, le Très-Haut fit savoir à quelques-uns de ses fidèles serviteurs quel sort serait réservé à cet édifice qui était l'orgueil des Israélites, qu'ils révéraient avec idolâtrie tout en péchant contre l'Eternel. Il annonça aussi à ces serviteurs fidèles la captivité d'Israël. Peu avant la destruction du temple, ces hommes justes retirèrent le coffre sacré contenant les tablettes de pierre, et, le coeur accablé de tristesse, le cachèrent dans une grotte où il a été soustrait définitivement aux regards du peuple d'Israël à cause de ses transgressions. Le lieu secret où cette arche sainte a été déposée n'a jamais été découvert jusqu'à ce jour. ------------------------Chapitre 25 -- La première venue du Christ HR 198 1 Je fus reportée à l'époque où Jésus revêtit la nature humaine, où il s'humilia en tant qu'homme et subit les tentations de Satan. HR 198 2 Sa naissance ne connut pas les grandeurs de ce monde. Il naquit dans une étable et une mangeoire lui servit de berceau. Cependant, sa naissance reçut des honneurs bien supérieurs à n'importe lequel des enfants des hommes. Des anges du ciel informèrent les bergers de la venue de Jésus, et leur témoignage fut accompagné par la lumière et la gloire de Dieu. Les armées célestes firent retentir leurs harpes et louèrent le Seigneur. Elles annoncèrent triomphalement l'avènement du Fils de Dieu dans un monde déchu pour y accomplir l'oeuvre de la rédemption. Par sa mort, Jésus apporterait aux humains la paix, le bonheur et la vie éternelle. Dieu honora la venue de son Fils que les anges adorèrent. Le baptême de Jésus HR 198 3 Des anges de Dieu assistèrent à son baptême; le Saint-Esprit descendit sous la forme d'une colombe, illumina la personne de Jésus, et tandis que le peuple était dans l'étonnement et ne le quittait pas des yeux, la voix du Père se fit entendre du ciel disant: "Celui-ci est mon Fils bien-aimé; je mets en lui toute ma joie". Matthieu 3:17. HR 198 4 Jean-Baptiste n'avait pas la certitude que celui qui venait à lui pour qu'il le baptise dans le Jourdain était le Sauveur. Mais Dieu lui avait promis de lui donner un signe par lequel il reconnaîtrait l'Agneau de Dieu. Ce signe lui fut donné lorsque la colombe céleste s'arrêta sur Jésus et qu'il rayonna de la gloire divine. Jean désigna de sa main le Seigneur et s'écria d'une voix forte: "Voici l'Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde". Jean 1:29. Le ministère de Jean-Baptiste HR 199 1 Jean-Baptiste informa ses disciples que Jésus était le Messie promis, le Sauveur du monde. Au terme de son ministère, il exhorta ses disciples à se confier dans le Christ et à suivre ses traces puisqu'il était le souverain Docteur. La vie de Jean-Baptiste fut faite de souffrance et de renoncement. Messager de la première venue du Sauveur, il n'eut cependant pas le privilège de voir ses miracles ni la puissance qui l'accompagnait. A l'heure où Jésus commença à enseigner le peuple, Jean-Baptiste savait que lui-même devait mourir. On entendit rarement le son de sa voix, si ce n'est dans le désert. Sa vie fut celle d'un solitaire. Au lieu de rester attaché à la famille de son père et d'en jouir, il s'en éloigna afin d'accomplir sa mission. Les foules quittaient l'agitation des villes et des villages et accouraient au désert pour y entendre les paroles de ce prophète exceptionnel. Jean-Baptiste frappait de la hache la racine des arbres. Il dénonçait le péché avec courage, préparant ainsi le chemin de l'Agneau de Dieu. HR 199 2 En entendant le témoignage puissant et percutant de Jean-Baptiste, Hérode fut touché, et il voulut savoir ce qu'il devait faire pour devenir son disciple. Mais Jean n'ignorait pas qu'Hérode était sur le point d'épouser sa belle-soeur, bien que le mari de cette dernière fût encore vivant. Jean dit clairement à Hérode que c'était là une union illicite. Mais comme Hérode n'était pas disposé à renoncer à ce projet, il épousa la femme de son frère. Influencé par elle, il fit emprisonner Jean-Baptiste, avec toutefois l'intention de le relâcher. Tandis qu'il était en prison, ses disciples lui firent part des oeuvres merveilleuses accomplies par Jésus. Bien qu'il ne puisse entendre les paroles de bonté prononcées par le Sauveur, ils en faisaient part à Jean-Baptiste et l'encourageaient par ce dont ils avaient été témoins. Mais sous l'instigation de la femme d'Hérode, le prisonnier fut bientôt décapité. HR 200 1 Je vis que les plus humbles d'entre les disciples qui suivirent les traces de Jésus, qui furent témoins de ses miracles et entendirent les paroles réconfortantes qui sortaient de sa bouche, étaient plus grands que Jean-Baptiste; c'est-à-dire qu'ils furent plus honorés et estimés que lui et eurent davantage de satisfactions dans leur vie. HR 200 2 Jean-Baptiste est venu dans l'esprit et la puissance d'Elie pour annoncer la première venue de Jésus. Je fus reportée aux derniers jours, et je vis que Jean-Baptiste représente ceux qui, animés par l'esprit et la puissance du prophète Elie, publieront le jour de la colère divine et celui de la seconde venue du Seigneur. La tentation HR 200 3 Après avoir été baptisé dans le Jourdain, Jésus fut conduit par l'Esprit dans le désert, pour y être tenté par le diable. Le Saint-Esprit l'avait préparé en vue de cette série de tentations redoutables. Il fut tenté par Satan pendant quarante jours durant lesquels il ne mangea rien. Le cadre où le Seigneur se trouvait était si déplaisant qu'il répugnait à sa nature humaine. Il était avec les bêtes sauvages et avec le diable dans un lieu désolé et inhabité. A force de jeûner et de souffrir, le Fils de Dieu était devenu pâle et émacié. Mais il devait passer par là et accomplir l'oeuvre pour laquelle il était venu sur la terre. HR 201 1 Profitant des souffrances que le Fils de Dieu endurait, Satan se prépara à l'assiéger de multiples tentations, espérant ainsi l'emporter sur lui puisqu'il s'était abaissé jusqu'à prendre la nature humaine. Il lui dit: "Si tu es le Fils de Dieu, ordonne à ces pierres de se changer en pains". Matthieu 4:3. En incitant Jésus à employer sa puissance divine, le diable voulait le pousser à démontrer qu'il était le Messie. Le Sauveur lui répondit avec douceur: "L'Ecriture déclare: 'L'homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole que Dieu prononce'". Matthieu 4:4. HR 201 2 Satan cherchait querelle à Jésus concernant le fait qu'il était le Fils de Dieu. Soulignant sa condition humaine faite de faiblesse et de souffrance, le diable affirma avec orgueil être plus fort que le Christ. Heureusement, la parole qui s'était fait entendre du ciel: "Tu es mon Fils bien-aimé; je mets en toi toute ma joie" (Luc 3:22) suffisait à réconforter Jésus au milieu de toutes ses souffrances. Je vis que le Christ ne cherchait nullement à convaincre Satan de sa puissance ni à lui démontrer qu'il était le Sauveur du monde. L'adversaire avait en effet suffisamment de preuves de la position élevée et de l'autorité du Fils de Dieu. En fait, c'était son refus de se soumettre à l'autorité du Christ qui avait chassé Lucifer des parvis célestes. HR 201 3 Désireux d'imposer son point de vue, Satan conduisit Jésus à Jérusalem et le plaça au sommet du temple. Il lui suggéra de se jeter jusqu'à terre depuis cette hauteur impressionnante pour montrer qu'il était bien le Fils de Dieu. Pour cela, Satan se servit d'un passage de la Bible en disant: "L'Ecriture déclare: 'Dieu donnera des ordres à ses anges à ton sujet et ils te porteront sur leurs mains pour éviter que ton pied ne heurte une pierre'. Jésus lui répondit: L'Ecriture déclare aussi: 'Ne mets pas à l'épreuve le Seigneur ton Dieu'". Matthieu 4:6, 7. Le diable voulait amener le Christ à abuser de la bonté de son Père et à risquer sa vie avant d'avoir accompli sa mission. Il avait espéré que le plan de la rédemption échouerait. Mais les bases de ce plan étaient trop solides pour qu'il soit réduit à néant ou compromis par l'adversaire. HR 202 1 Le Christ est le suprême exemple de tous les chrétiens. Lorsqu'ils sont tentés, ou que leurs droits sont contestés, ils devraient faire preuve de patience. Ils ne devraient pas s'imaginer qu'ils peuvent demander au Seigneur de manifester sa puissance pour qu'ils remportent la victoire sur leurs ennemis -- à moins que ce soit un moyen pour honorer et glorifier Dieu. Si Jésus s'était jeté dans le vide depuis le pinacle du temple, le Tout-Puissant n'aurait pas été glorifié pour autant car personne n'en aurait été témoin excepté Satan et les anges de Dieu. C'eût été mettre le Seigneur à l'épreuve que de l'amener à déployer sa puissance pour obéir à son pire ennemi. C'eût été se soumettre à celui que Jésus était venu vaincre. HR 202 2 "Le diable l'emmena (Jésus) encore sur une très haute montagne, lui fit voir tous les royaumes du monde et leur splendeur, et lui dit: Je te donnerai tout cela, si tu te mets à genoux devant moi pour m'adorer. Alors Jésus lui dit: Va-t'en, Satan! Car l'Ecriture déclare: 'Adore le Seigneur ton Dieu et sers-le, lui seul'". Matthieu 4:8-10. HR 202 3 Satan montra à Jésus les royaumes du monde sous leur jour le plus attrayant. Si Jésus consentait à l'adorer, le diable lui proposait de lui céder ses droits sur les biens de la terre. Si le plan de la rédemption était mis en oeuvre et si le Christ mourait pour racheter l'homme, Satan savait que son propre pouvoir serait limité et qu'il lui serait finalement ôté avant que lui-même ne soit détruit. C'est pourquoi il employait toute sa ruse pour faire obstacle à l'oeuvre magnifique commencée par le Fils de Dieu. Si le plan de la rédemption de l'homme avait échoué, Satan aurait gardé les royaumes dont il revendiquait la propriété. Et s'il avait réalisé ses projets, il se serait vanté d'imposer sa loi en opposition avec le Dieu du ciel. Le tentateur réprimandé HR 203 1 Satan exulta de joie lorsque Jésus abandonna sa puissance et sa gloire et quitta le ciel. Il s'imaginait qu'à partir de ce moment-là, le Fils de Dieu serait sous sa coupe. Il lui avait été si facile de faire succomber Adam et Eve dans le jardin d'Eden qu'il espérait que grâce à son pouvoir et à ses ruses diaboliques, il remporterait la victoire même sur le Fils de Dieu, et qu'ainsi, il sauverait sa propre vie et son royaume. S'il amenait le Christ à s'écarter de la volonté de son Père, son objectif serait atteint. Mais Jésus lui répondit avec sévérité: "Retire-toi, Satan!" Matthieu 4:10 (Segond). Le Sauveur ne devait s'incliner que devant le Père. HR 203 2 Satan prétendait être le propriétaire du royaume terrestre, et il essaya de faire croire à Jésus que toutes ses souffrances pourraient lui être épargnées, et qu'il n'avait pas besoin de mourir pour obtenir des droits sur les royaumes d'ici-bas; il lui suffirait de se prosterner devant lui, et il obtiendrait tous les pays de la terre et aurait l'honneur de régner sur eux tous. Mais le Christ resta inébranlable. Il savait que l'heure viendrait où, par le sacrifice de sa vie, il arracherait le royaume des mains de Satan et qu'après un certain temps, tous dans le ciel et sur la terre lui seraient soumis. Il avait choisi de vivre une vie de souffrance et de subir une mort atroce parce que tels étaient les moyens fixés par son Père afin qu'il devienne un héritier fidèle des royaumes de ce monde et qu'ils lui soient remis en propre et pour toujours. Satan lui-même sera livré entre les mains de Jésus-Christ pour qu'il soit détruit à jamais par la mort et mis dans l'incapacité de nuire au Fils de Dieu et aux élus lorsqu'il seront dans la gloire. ------------------------Chapitre 26 -- Le ministère du Christ HR 205 1 Dès que Satan eut cessé de tenter le Christ, il le quitta pour un certain temps. Alors des anges lui préparèrent de la nourriture dans le désert, le réconfortèrent, et la bénédiction de son Père reposa sur lui. Malgré la force de ses tentations, Satan avait échoué; mais il comptait bien qu'au cours du ministère de Jésus, il pourrait à plusieurs reprises mettre en oeuvre ses machinations contre lui. Le diable espérait aussi l'emporter sur lui en incitant ceux qui n'accepteraient pas l'Evangile à le haïr et à chercher à le faire mourir. HR 205 2 Satan convoqua ses anges pour une assemblée spéciale. Déçus et furieux de n'avoir pu venir à bout du Fils de Dieu, ils décidèrent de se montrer plus rusés que jamais et de déployer tous leurs efforts pour faire naître l'incrédulité chez ceux de sa propre nation concernant sa qualité de Sauveur du monde afin de le décourager dans sa mission. Qu'importait à Satan la minutie avec laquelle les Juifs accomplissaient leurs cérémonies et leurs sacrifices! Si par ailleurs ils pouvaient être maintenus dans l'aveuglement concernant les prophéties et s'ils étaient amenés à croire que le Messie apparaîtrait comme un roi puissant, ils en arriveraient à dédaigner et à rejeter Jésus. HR 205 3 Je vis que pendant le ministère du Christ, Satan et ses anges déployaient une grande activité dans le but d'inspirer aux humains l'incrédulité, la haine et le mépris. Souvent, lorsque Jésus énonçait quelque vérité tranchante, de nature à condamner leurs péchés, ses auditeurs devenaient furieux. Alors Satan et ses anges poussaient les gens à mettre à mort le Fils de Dieu. Plus d'une fois, ils prirent des pierres pour le lapider; mais des anges veillaient sur lui et le conduisaient en lieu sûr loin de la foule déchaînée. Fréquemment, quand ses lèvres prononçaient des vérités limpides, la multitude se saisissait de lui et l'emmenait en haut d'une colline avec l'intention de le précipiter en bas. Un jour qu'une discussion s'était élevée parmi le peuple sur la question de savoir ce qu'il fallait faire de Jésus, des anges le cachèrent à la vue de la foule; et lui, passant au milieu d'elle, s'en alla. HR 206 1 Satan espérait toujours que le grand plan de la rédemption échouerait. Il usa de toute sa puissance pour endurcir le coeur des humains et pour exciter leur colère contre le Christ. Il espérait surtout que, vu le petit nombre de ceux qui accepteraient Jésus comme le Fils de Dieu, il estimerait que ses souffrances et son sacrifice seraient trop grands. Mais je vis que si deux personnes seulement l'avaient accepté comme le Fils de Dieu et avaient cru en lui pour le salut de leur âme, il aurait accompli le plan de la rédemption. Soulager ceux qui souffrent HR 206 2 Jésus a commencé son ministère en brisant le pouvoir de Satan sur ceux qui souffrent. Il guérit les malades, rendit la vue aux aveugles, guérit les handicapés, si bien que ces gens sautaient de joie et glorifiaient Dieu. Il redonnait la santé à des personnes qui avaient été infirmes et victimes du pouvoir de Satan pendant de nombreuses années. Avec des paroles de bonté, il réconfortait les faibles, les inquiets et les déprimés. Le Christ arrachait à l'emprise de Satan les êtres fragiles et souffrants que celui-ci considérait comme ses trophées; Jésus redonnait la santé à leurs corps, ce qui leur procurait joie et bonheur. Ceux qu'il ressuscitait d'entre les morts louaient Dieu qui avait si merveilleusement manifesté sa puissance. Le Sauveur agissait puissamment en faveur de tous ceux qui croyaient en lui. HR 207 1 La vie du Christ fut remplie de paroles et d'actes de bienveillance, de sympathie et d'amour. Il prêtait toujours une oreille attentive à ceux qui venaient à lui, et soulageait leurs maux. De nombreuses personnes portaient en elles-mêmes la preuve de sa puissance divine. Cependant, une fois que cette oeuvre avait été acccomplie, nombreux furent ceux qui méprisèrent ce maître humble et puissant. Etant donné que les chefs du peuple ne croyaient pas en lui, la foule n'était pas disposée non plus à se rallier à lui. Jésus était un homme de douleur et habitué à la souffrance. Ses contemporains refusaient de se soumettre à une personne comme lui dont le caractère était marqué par la sérénité et le renoncement à soi-même. Ils préféraient jouir des honneurs qu'offre le monde. Cependant, plusieurs suivaient le Fils de Dieu, écoutaient ses enseignements et appréciaient les paroles bienveillantes qui sortaient de sa bouche, paroles profondes et pourtant si simples que même les petites gens pouvaient les comprendre. Opposition inefficace HR 207 2 Satan et ses anges bouchèrent les yeux et obscurcirent l'intelligence des Juifs; ils poussèrent les chefs à faire mourir le Sauveur. Certains furent chargés de se saisir de lui et de le leur amener; mais lorsqu'ils s'approchèrent de Jésus, ils furent frappés de stupeur. Ils constatèrent que cet homme était plein de sympathie et de compassion envers la détresse humaine. Ils l'entendirent parler avec amour et tendresse pour encourager les faibles et les affligés. Ils l'entendirent également réprimander Satan avec autorité et libérer ses captifs. Ils prêtaient l'oreille aux paroles de sagesse qui sortaient de ses lèvres et ils étaient captivés au point qu'ils furent incapables de mettre la main sur lui. Ils retournèrent donc vers les prêtres et les anciens du peuple, mais sans Jésus. HR 208 1 Quand on leur demanda pourquoi ils ne l'avaient pas amené, ils répondirent qu'ils avaient été témoins de ses miracles et rapportèrent les paroles de sagesse, d'amour et de science qu'ils avaient entendues, et conclurent en disant: "Jamais personne n'a parlé comme cet homme". Jean 7:46. Les chefs des prêtres les accusèrent de s'être laissé séduire, et plusieurs de ceux qui avaient été chargés d'amener Jésus avaient honte de ne pas l'avoir fait. Les prêtres demandèrent sur un ton de mépris si quelqu'un des chefs religieux avait cru en Jésus. Je vis que bon nombre de légistes et d'anciens croyaient en lui, mais que Satan les empêchait de le reconnaître publiquement; ainsi, ils craignirent plus la réprobation du peuple que celle de Dieu. HR 208 2 Jusque-là, les ruses et la haine de Satan n'avaient pu faire échec au plan du salut. Mais l'heure approchait où le Christ devrait réaliser le dessein pour lequel il était venu dans le monde. Satan et ses anges se consultèrent et décidèrent d'inciter les compatriotes de Jésus à réclamer son sang et à l'accabler de cruauté et de mépris. Ils espéraient que le Christ en serait irrité et qu'il renoncerait à maintenir son attitude d'humilité et de soumission. HR 208 3 Tandis que Satan élaborait ses plans, Jésus révélait clairement à ses disciples les souffrances qu'il aurait à traverser: il serait crucifié et il ressusciterait le troisième jour. Mais leur esprit semblait fermé, au point qu'ils furent incapables de comprendre ce qu'il leur disait. La transfiguration HR 209 1 La foi des disciples fut grandement fortifiée à la transfiguration, lorsqu'ils purent contempler la gloire du Christ et entendre la voix du ciel affirmer son origine divine. Dieu voulut ainsi donner aux disciples du Sauveur une preuve convaincante que Jésus était bien le Messie promis afin que, malgré la profonde tristesse et la déception qu'ils éprouveraient à sa crucifixion, ils ne perdent pas entièrement confiance. Lors de la transfiguration, le Seigneur envoya Moïse et Elie pour qu'ils s'entretiennent avec Jésus au sujet de ses souffrances et de sa mort. Au lieu de faire appel à des anges pour parler avec son Fils, Dieu eut recours à des humains qui avaient fait personnellement l'expérience des épreuves de la terre. HR 209 2 Elie avait marché avec Dieu. Son oeuvre avait été pénible, éprouvante, car par son intermédiaire, le Seigneur avait dénoncé les infidélités d'Israël. Elie était un prophète de Dieu; pourtant, il avait dû fuir de lieu en lieu pour sauver sa vie. Décidés à le faire mourir, ses compatriotes le pourchassèrent comme une bête sauvage. Mais il fut transmué par Dieu. Des anges l'introduisirent en triomphe dans la gloire du ciel. HR 209 3 La stature morale de Moïse dépassait celle de tous les humains qui l'avaient précédé. Il avait été grandement honoré par Dieu avec qui il parlait face à face, comme un homme parle avec un de ses amis. Il eut le privilège de voir la lumière éclatante et la merveilleuse gloire dont le Père est entouré. Par l'intermédiaire de Moïse, le Seigneur délivra les enfants d'Israël de l'esclavage du pays d'Egypte. Il joua le rôle de médiateur en faveur de son peuple, intervenant fréquemment pour apaiser la colère divine envers les Hébreux. Lorsque le Seigneur fut enflammé de colère contre les Israélites à cause de leur incrédulité, de leurs murmures et de leurs fautes graves, l'amour de Moïse envers eux fut mis à rude épreuve. Dieu envisageait de les détruire et de faire de lui le père d'une puissante nation. Mais le conducteur du peuple montra son amour pour Israël en plaidant leur cause avec ardeur. Dans sa détresse, il supplia le Très-Haut de renoncer à son courroux et de pardonner à son peuple, sinon, d'effacer de son livre son propre nom -- celui de Moïse. HR 210 1 Moïse mourut, mais Michaël descendit et le ranima avant que son corps ait vu la corruption. Satan essaya de retenir sa dépouille en prétendant qu'elle lui appartenait; mais Michaël ressuscita Moïse et l'enleva au ciel. Satan se répandit en injures contre Dieu et l'accusa d'injustice parce qu'il avait permis que sa proie lui fût enlevée. Mais bien que ce fût à cause de ses tentations que son serviteur avait fauté, le Christ ne réprimanda pas son adversaire. Il soumit humblement le cas de Satan à son Père en disant: "Que le Seigneur te réprime!" Jude 1:9 (Segond). HR 210 2 Jésus avait dit à ses disciples que plusieurs d'entre eux ne mourraient pas avant d'avoir vu le royaume de Dieu venir avec puissance. Cette promesse s'est acomplie à la transfiguration. Le visage de Jésus fut changé et resplendit comme le soleil. Ses vêtements devinrent d'un blanc étincelant. Moïse était présent; il représentait ceux qui ressusciteront des morts à la seconde venue du Seigneur. Elie, qui fut transmué sans être passé par la mort, représentait ceux qui revêtiront l'immortalité au retour du Christ sans avoir connu la mort. Les disciples contemplèrent avec une stupéfaction mêlée de crainte la majesté parfaite de Jésus, ainsi que la nuée qui vint les couvrir, et ils entendirent la voix terriblement impressionnante de Dieu qui disait: "Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je mets toute ma joie. Ecoutez-le!" Matthieu 17:5. ------------------------Chapitre 27 -- Jésus trahi par l'un des siens HR 211 1 Je fus reportée au jour où le Christ mangea la Pâque avec ses disciples. Satan avait induit Judas en erreur en lui faisant croire qu'il était l'un de ses fidèles disciples; mais en réalité, son coeur avait toujours été charnel. Il avait été témoin des oeuvres puissantes du Sauveur, était resté à ses côtés tout au long de son ministère, et la preuve qu'il était le Messie s'était imposée à lui; malheureusement, Judas était avide et cupide. Bref, il aimait l'argent. C'est pourquoi il exprima son mécontentement lorsqu'un parfum de grand prix fut répandu sur Jésus. HR 211 2 Marie aimait son Seigneur. Il lui avait pardonné ses nombreux péchés et avait ressuscité des morts son frère bien-aimé; aussi trouvait-elle que rien de ce qu'on pouvait donner pour Jésus n'était trop cher. Plus le prix du parfum qu'elle lui destinait était élevé, mieux elle exprimerait sa gratitude à son égard. HR 211 3 Pour cacher sa cupidité, Judas prétendit que le parfum aurait pu être vendu, et que le montant aurait pu être donné aux pauvres. En fait, il ne se souciait pas des nécessiteux, mais il était égoïste et détournait souvent à son profit l'argent qu'on lui confiait et qui était destiné aux pauvres. Judas ne se préoccupait guère du bien-être du Sauveur, ni même de ses besoins. S'il parlait fréquemment des nécessiteux, c'était uniquement par cupidité. Cet acte de générosité de la part de Marie était un blâme cinglant adressé à son amour de l'argent. Satan préparait ainsi dans le coeur de Judas un chemin d'accès tout tracé pour la tentation. HR 212 1 Les prêtres et les chefs des Juifs haïssaient Jésus, mais les foules se pressaient pour entendre ses paroles de sagesse et pour voir les miracles qu'il accomplissait. Profondément intéressés et enthousiasmés, les gens avaient à coeur de suivre ce merveilleux Maître pour écouter ses enseignements. De nombreux chefs croyaient en lui, mais ils n'osaient pas l'avouer, de peur d'être exclus de la synagogue. Les prêtres et les anciens décidèrent d'intervenir pour détourner de Jésus l'attention du peuple, car ils craignaient que tous ne crussent en lui. Ils ne se sentaient pas en sécurité. Il leur fallait faire mourir le Christ, sinon, ils perdraient leur position sociale. Quoi qu'il en soit, même s'ils faisaient disparaître Jésus, ils n'empêcheraient pas que des témoins vivants continuent à proclamer sa puissance. HR 212 2 Etant donné que le Christ avait ressuscité Lazare, les chefs du peuple craignaient que, s'ils mettaient Jésus à mort, Lazare ne continue à témoigner de son grand pouvoir. Constatant que les gens accouraient pour voir l'homme qui avait été ressuscité des morts, ces chefs décidèrent de faire mourir également Lazare, afin de mettre un terme à ce mouvement de foule. Après quoi, ils se proposaient de porter l'attention des Juifs sur les traditions et les doctrines humaines, leur prescrivant de payer la dîme de la menthe et de la rue (Luc 11:42), et pour exercer à nouveau leur influence sur eux. Les dignitaires religieux se mirent d'accord pour se saisir de Jésus quand il serait seul. En effet, s'ils avaient tenté de s'emparer de lui au milieu de la foule, alors que ses auditeurs étaient suspendus à ses lèvres, ceux-ci les auraient lapidés. HR 212 3 Sachant à quel point les chefs de la nation souhaitaient appréhender Jésus, Judas leur proposa de le leur livrer moyennant quelques pièces d'argent. Sa cupidité le poussa à trahir son Seigneur au bénéfice de ses pires ennemis. Satan agissait directement par l'intermédiaire de Judas. Au milieu même de la scène émouvante du dernier repas, le traître méditait des plans en vue de trahir son Maître. Jésus dit avec tristesse à ses disciples qu'en cette nuit-là, il serait pour eux tous une occasion de chute. Alors Pierre déclara avec assurance que même si tous défaillaient à cause du Christ, lui-même ne défaillirait pas. Mais le Seigneur lui dit: "Simon, Simon, Satan vous a réclamés, pour vous cribler comme le froment. Mais j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point; et toi, quand tu seras converti, affermis tes frères". Luc 21:31, 32 (Segond). Dans le jardin de Gethsémané HR 213 1 Je vis Jésus et ses disciples dans le jardin. En proie à une grande tristesse, il leur demanda de veiller et de prier, de peur qu'ils ne succombent à la tentation. Il savait que leur foi serait mise à l'épreuve, que leurs espoirs seraient déçus et qu'ils auraient besoin de toute la force qu'ils pourraient obtenir grâce à une vigilance de tous les instants et à une prière fervente. Avec de grands cris et avec larmes, le Seigneur pria ainsi: "Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe de douleur. Toutefois, que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la tienne". Luc 22:42. Le Fils de Dieu priait avec angoisse. De grosses gouttes de sang ruisselaient sur son visage et tombaient sur le sol. Des anges assistaient à la scène; mais seul l'un d'entre eux fut chargé d'intervenir et de réconforter le Fils de Dieu au bord de l'agonie. La joie avait disparu du ciel; les anges ôtèrent leurs couronnes, laissèrent leurs harpes et, sans un mot, regardèrent Jésus avec une attention intense. Ils auraient aimé prêter assistance au Fils de Dieu, mais leurs chefs ne le leur permirent pas, de peur qu'ils ne soient tentés de le délivrer. En effet, le plan du salut avait été décidé, et il devait se réaliser. HR 214 1 Après avoir prié, le Christ revint auprès de ses disciples; mais ceux-ci s'étaient endormis. En cette heure redoutable, il ne bénéficia pas de la sympathie et des prières de ses propres disciples. Pierre, si dynamique peu de temps auparavant, était engourdi par le sommeil. Faisant allusion à ses déclarations affirmatives, Jésus lui dit: "Ainsi vous n'avez pas pu veiller avec moi même une heure?" Matthieu 26:40. A trois reprises, le Fils de Dieu pria jusqu'à l'agonie. La trahison HR 214 2 Alors parut Judas, à la tête d'une bande armée. Il s'approcha de son Maître comme d'habitude, pour le saluer. Le groupe d'hommes encercla Jésus; mais à ce moment-là, le Seigneur manifesta son pouvoir divin en disant: "Qui cherchez-vous? Ils répondirent: Jésus de Nazareth. Jésus leur répondit: C'est moi". Jean 18:4, 5. Aussitôt, ils reculèrent et tombèrent à terre. Le Christ avait posé cette question pour que ces hommes se rendent compte de sa puissance et qu'ils comprennent que, s'il l'avait voulu, il se serait échappé de leurs mains. HR 214 3 En voyant que la bande armée d'épées et de bâtons était tombée si rapidement à terre, les disciples reprirent courage. Tandis que ces hommes de main se relevaient, Pierre tira son épée, frappa un serviteur du grand prêtre et lui coupa une oreille. Mais Jésus ordonna à Pierre de rengainer son épée en disant: "Ne sais-tu pas que je pourrais appeler mon Père à l'aide et qu'ausssitôt il m'enverrait plus de douze armées d'anges?" Matthieu 26:53. J'ai vu que lorsque ces paroles furent prononcées, le visage des anges fut illuminé d'espoir. Car ils auraient voulu entourer sur-le-champ leur Chef suprême et disperser cette populace déchaînée. Mais à nouveau les anges furent attristés en entendant le Seigneur ajouter: "Comment donc s'accompliraient les Ecritures, d'après lesquelles il doit en être ainsi?" Matthieu 26:54 (Segond). A l'ouïe de cette déclaration, le coeur des disciples fut accablé par le découragement et par une cruelle déception puisque Jésus acceptait de se laisser emmener par ses ennemis. HR 215 1 Les disciples craignaient pour leur propre vie, au point que tous abandonnèrent leur Maître et prirent la fuite. Jésus resta donc seul aux mains d'une bande de scélérats. Quelle victoire ce fut alors pour Satan! Mais quel déchirement pour les anges de Dieu! De nombreuses légions de saints anges, dont chacune avait à sa tête un chef puissant, furent envoyées pour être témoins de la scène. Ces êtres célestes avaient mission d'enregistrer toutes les insultes, toutes les souffrances imposées au Fils de Dieu, toutes les angoisses qu'il dut éprouver; car les hommes qui furent les acteurs de ce terrible drame sont appelés à le revoir entièrement et de façon vivante. ------------------------Chapitre 28 -- Le procès de Jésus HR 216 1 Lorsqu'ils quittèrent le ciel, les anges ôtèrent tristement leurs couronnes. Ils ne pouvaient pas les garder alors que leur Chef, accablé de souffrances, devait porter une couronne d'épines. De leur côté, Satan et ses anges s'activaient dans la salle d'audience du tribunal afin d'y détruire tout sentiment de sympathie humaine. L'atmosphère elle-même était lourde, souillée par leur influence. Poussés par eux, les chefs des prêtres et les anciens du peuple insultaient et maltraitaient Jésus d'une manière extrêmement difficile à supporter pour la nature humaine. Satan espérait qu'un tel mépris et une telle cruauté amèneraient le Fils de Dieu à proférer quelque plainte ou quelque murmure, ou qu'il manifesterait sa puissance divine, qu'il s'arracherait à l'étreinte de la foule, et qu'ainsi, le plan de la rédemption serait voué à l'échec. Le reniement de Pierre HR 216 2 Pierre suivit son Maître après qu'il eut été trahi. Il se demandait ce qui allait advenir de Jésus. Mais lorsqu'on l'accusa d'être l'un de ses disciples, le souci de sa propre sécurité le poussa à dire qu'il ne connaissait pas cet homme. Matthieu 26:72. Les disciples étaient réputés pour la noblesse de leur langage. Aussi, pour convaincre ses accusateurs qu'il n'était pas disciple du Christ, Simon rejeta pour la troisième fois l'accusation qui était portée contre lui en jurant et en proférant des imprécations. Le Seigneur, qui se trouvait non loin de Pierre, lui jeta un regard de reproche mêlé de tristesse. Alors il se rappela les paroles que son Maître lui avait adressées dans la chambre haute et sa présomtueuse affirmation: "Même si tous les autres t'abandonnaient, moi je ne t'abandonnerai jamais". Matthieu 26:33. Ainsi, il avait renié son Seigneur en formulant des jurons et des imprécations. Heureusement, ce regard de Jésus vainquit le coeur de Pierre et le sauva. Il pleura amèrement, se repentit de la faute grave qu'il avait commise et se convertit. Alors il fut en mesure de fortifier ses frères. Dans la salle d'audience du tribunal HR 217 1 La foule réclamait à grands cris le sang de Jésus. Il fut cruellement flagellé, on le revêtit d'un vieux manteau de pourpre, et on fixa sur sa tête sainte une couronne d'épines. On lui mit aussi un roseau dans la main et on s'inclina devant lui en disant, sur un ton de moquerie: "Salut, roi des Juifs!" Jean 19:3. Puis on lui prenait le roseau et on l'en frappait sur la tête, enfonçant ainsi les épines dans ses tempes, ce qui faisait ruisseler le sang sur son visage et sur sa barbe. HR 217 2 Pour les anges, pareil spectacle était difficilement supportable. Ils auraient voulu délivrer le Seigneur, mais ceux qui les commandaient les en empêchaient et déclaraient que telle était la lourde rançon qui devait être payée pour les humains, que celle-ci devait être parfaite et qu'elle coûterait la vie de Celui qui avait le pouvoir de la mort. Jésus savait que les anges étaient témoins de cette scène d'humiliation. Assurément, le plus faible d'entre eux aurait pu terrasser cette foule railleuse et délivrer le Christ. Le Sauveur avait la certitude que s'il le demandait à son Père, des anges le libéreraient immédiatement. Mais il fallait qu'il subisse la violence des hommes méchants pour réaliser le plan du salut. HR 218 1 Pendant que la foule en furie lui faisait subir les plus viles injures, Jésus se tenait doux et humble devant elle. On lui crachait au visage -- ce visage dont les impies essaieront un jour de se cacher, qui éclairera la cité de Dieu et brillera d'un éclat plus éblouissant que celui du soleil. Cependant, le Christ ne jeta pas sur ses offenseurs un regard de colère. Ils lui couvrirent la tête d'un vieux vêtement pour l'empêcher de voir, le frappèrent au visage et lui crièrent: "Qui t'a frappé? Devine!" Luc 22:64. Les anges étaient bouleversés. Ils auraient voulu délivrer Jésus sur-le-champ; mais ceux qui étaient à leur tête les en empêchèrent. HR 218 2 Plusieurs disciples avaient obtenu l'autorisation de pénétrer là où se trouvait leur Maître et d'assister à son jugement. Ils espéraient que Jésus manifesterait sa puissance divine, qu'il échapperait à ses ennemis et les punirait de leur cruauté à son égard. Les espoirs des disciples renaissaient et s'évanouissaient à mesure que se déroulaient les différentes phases du procès. Ils se laissaient parfois gagner par le doute et craignaient d'avoir été trompés. Mais la voix qu'ils avaient entendue sur la montagne de la transfiguration et la gloire qu'ils y avaient contemplé renforçaient leur foi que Jésus était bien le Fils de Dieu. Ils se remémoraient les scènes dont ils avaient été témoins, les miracles que le Seigneur avait accomplis pour guérir les malades, pour ouvrir les yeux des aveugles, les oreilles des sourds, pour reprendre et chasser les démons, pour ressusciter les morts et même pour calmer le vent et la mer. HR 218 3 Ils ne pouvaient se faire à l'idée que leur Maître mourrait. Ils espéraient toujours qu'il se dresserait, qu'il déploierait sa puissance et qu'avec autorité, il disperserait cette foule assoiffée de sang -- comme lorsqu'il était entré dans le temple dont il avait chassé ceux qui avaient fait de la maison du Seigneur un lieu de trafic et qui s'étaient enfuis devant lui comme s'ils avaient été poursuivis par un régiment d'hommes armés. Oui, les disciples auraient souhaité que Jésus montre son pouvoir de manière que tous soient convaincus qu'il était le Roi d'Israël. Une confession tardive HR 219 1 Judas était bourrelé de remords et de honte à la pensée d'avoir trahi Jésus. Et quand il fut témoin des mauvais traitements qui furent imposés au Sauveur, il fut littéralement accablé. Il avait aimé Jésus, mais davantage encore l'argent. Il n'avait pas cru que le Seigneur se laisserait emmener par la troupe d'hommes qu'il avait conduite au jardin. Judas s'était attendu à voir le Christ faire un miracle pour s'échapper de leurs mains. Mais quand le traître vit la foule en délire et assoiffée de sang massée dans la salle d'audience du tribunal, il se sentit profondément coupable; et tandis que de nombreuses personnes accusaient Jésus avec véhémence, Judas se fraya un chemin parmi l'assistance et vint confesser qu'il avait péché en livrant le sang d'un innocent. Il proposa même aux prêtres de restituer l'argent qu'ils lui avaient versé en échange, les supplia de relâcher le Seigneur, en affirmant qu'il était totalement innocent. HR 219 2 Pendant quelques instants, le mécontentement et la confusion imposèrent le silence aux prêtres. Ces derniers ne voulaient pas que le peuple apprenne qu'ils avaient soudoyé un des disciples de Jésus pour le leur livrer. Ils ne voulaient pas que l'on sache qu'ils l'avaient pourchassé comme un voleur et avaient mis secrètement la main sur lui. Mais la confession que Judas venait de faire, son air désemparé, coupable, montraient suffisamment à l'assistance que c'était par méchanceté que les prêtres avaient fait arrêter Jésus. Tandis que Judas déclarait haut et fort que son Maître était innocent, les prêtres lui répliquèrent: "Que nous importe? C'est ton affaire!" Matthieu 27:4. Le Sauveur était entre leurs mains, et ils étaient bien décidés à ne pas le lâcher. Tourmenté au plus haut point, Judas jeta l'argent qu'il méprisait maintenant aux pieds de ceux qui l'avaient soudoyé et, saisi de frayeur et d'angoisse, il sortit et alla se pendre. HR 220 1 Jésus comptait de nombreux sympathisants parmi les gens qui l'entouraient, et en ne répondant pas aux multiples questions qui lui étaient posées, il avait beaucoup impressionné la foule. Malgré les quolibets et les attaques dont il était l'objet, pas un signe de mécontentement, pas le moindre trouble n'étaient apparus sur son visage. Le Sauveur restait digne et calme. Les spectateurs le considéraient avec étonnement. Ils comparaient son attitude empreinte de dignité avec le comportement des hommes qui étaient là pour le juger, et ils se disaient les uns aux autres que ce Jésus ressemblait davantage à un roi que n'importe lequel de leurs chefs. Il n'avait rien d'un criminel. Son regard était à la fois doux, limpide et résolu. Son front était haut et large; chacun de ses traits reflétait la bonté et la grandeur d'âme. Beaucoup tremblaient devant sa patience et sa magnanimité sans pareilles. Hérode et Pilate eux-mêmes furent profondément impressionnés par son attitude noble, proprement divine. Jésus devant Pilate HR 220 2 Dès l'abord, Pilate eut la conviction que Jésus était une personne hors du commun. Il le considérait comme un homme de haute qualité et parfaitement innocent des accusations qui étaient portées contre lui. Les anges qui assistaient à la scène remarquèrent les convictions du gouverneur romain. Pour essayer de l'empêcher de prendre la responsabilité redoutable de livrer le Seigneur pour qu'il soit crucifié, un ange intervint au moyen d'un songe auprès de la femme de Pilate afin de l'informer que l'homme traduit devant son mari pour être jugé était le Fils de Dieu et qu'il était innocent. Elle fit immédiatement parvenir un message à Pilate dans lequel elle lui disait avoir beaucoup souffert en songe à propos de Jésus et l'avertissait de ne rien avoir à faire avec ce saint homme. Le porteur de ce message, se frayant rapidement un chemin parmi la foule, le remit en main propre au gouverneur. En lisant son contenu, Pilate se mit à trembler, devint tout pâle et décida sur-le-champ de ne pas engager sa responsabilité dans la condamnation du Christ. Si les Juifs voulaient à tout prix la mort de Jésus, il ne leur prêterait pas son appui, mais il s'efforcerait au contraire de le faire libérer. Le Seigneur devant Hérode HR 221 1 Quand Pilate apprit qu'Hérode se trouvait à Jérusalem, il fut grandement soulagé, car il espérait ainsi se dégager de toute responsabilité dans le jugement et la condamnation de Jésus. Aussi envoya-t-il immédiatement le Christ et ses accusateurs à Hérode. Ce dignitaire était un pécheur endurci. L'exécution de Jean-Baptiste avait laissé dans sa conscience une tache indélébile. Lorsqu'il entendit parler de Jésus et des grands miracles qu'il accomplissait, Hérode fut saisi de crainte et se mit à trembler, croyant qu'il s'agissait de Jean-Baptiste ressuscité des morts. Le fait que Pilate déféra l'accusé devant Hérode fut considéré par ce dernier comme un hommage rendu à son pouvoir, à son autorité et à sa capacité juridique. Il en résulta que ces deux dignitaires autrefois ennemis devinrent amis. Quoi qu'il en soit, Hérode se réjouit de voir Jésus, car il espérait que le Seigneur accomplirait un grand miracle pour lui être agréable. Mais l'oeuvre du Sauveur ne consistait pas à satisfaire la curiosité des humains ni à rechercher sa propre sécurité. Son pouvoir divin, miraculeux, devait s'exercer non pour lui-même, mais pour le salut de ses semblables. HR 222 1 Jésus ne répondit pas un seul mot à la série de questions qu'Hérode lui posa; il ne répondit pas non plus à ses ennemis qui l'accusaient avec violence. Hérode fut profondément vexé de voir qu'il ne semblait pas craindre son autorité. Sur ce, lui-même et ses soldats se moquèrent du Fils de Dieu et le maltraitèrent. Mais il fut surpris de l'attitude noble, divine de Jésus lorsqu'il était soumis à de tels mauvais traitements. Aussi, craignant de le condamner, il le renvoya à Pilate. HR 222 2 Satan et ses anges assaillaient Pilate de leurs tentations dans le but de le conduire à sa perte. Ils essayaient de le persuader que s'il ne prenait pas la responsabilité de faire condamner le Christ, d'autres la prendraient à sa place. En effet, la foule voulait à tout prix la mort de Jésus. S'il ne lui livrait pas l'accusé pour qu'il soit crucifié, Pilate perdrait son pouvoir et son prestige aux yeux des hommes, et on le dénoncerait, lui, comme ayant pris fait et cause pour un imposteur. Par crainte de perdre son pouvoir et son autorité, ce gouverneur romain consentit à la mort du Fils de Dieu. Et bien qu'il ait rejeté la responsabilité de cette condamnation sur les accusateurs du Christ, et que la foule acquiesça en disant: "Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants!" (Matthieu 27:25, Segond), Pilate ne fut pas lavé pour autant de sa faute. Il fut coupable du sang de Jésus. Par pur égoïsme, par amour des honneurs des grands de la terre, il a livré à la mort un innocent. Si ce procurateur avait agi selon ses convictions intimes, il aurait refusé de participer en quoi que ce soit à la condamnation du Sauveur. HR 223 1 L'attitude de Jésus et les paroles qu'il a prononcées au cours de son procès firent une impression profonde sur les esprits d'un grand nombre de personnes présentes à cette occasion. Les fruits de l'influence ainsi exercée par le Seigneur se manifestèrent après sa résurrection. Parmi ceux qui furent alors ajoutés à l'Eglise, nombreux étaient ceux dont la foi en lui avait été éveillée le jour de son procès. HR 223 2 Satan entra dans une grande colère lorsqu'il vit que toutes les cruautés infligées à Jésus et qu'il avait inspirées aux Juifs, ne lui avaient pas arraché le moindre murmure. Bien que le Christ eût revêtu la nature humaine, le Sauveur était soutenu par une force divine, et il ne s'écarta nullement de la volonté de son Père -- pas même d'un iota. ------------------------Chapitre 29 -- La crucifixion du Christ HR 224 1 Jésus-Christ, le Fils bien-aimé de Dieu, fut livré au peuple pour être crucifié. Disciples et croyants de la contrée avoisinante se joignirent à la foule qui suivait le Sauveur jusqu'au calvaire. Soutenue par Jean, le disciple bien-aimé, la mère de Jésus était présente elle aussi, le coeur en proie à une douleur indicible. Pourtant, elle espérait, comme les disciples, que cette scène pénible changerait: que Jésus manifesterait sa puissance et qu'il apparaîtrait aux yeux de ses ennemis comme le Fils de Dieu. Puis son coeur défaillait à nouveau lorsqu'elle se rappelait les paroles qu'il lui avait dites à mots couverts concernant les événements qui se déroulaient ce jour-là. HR 224 2 A peine le Christ avait-il franchi la porte de la maison de Pilate qu'on apporta la croix qui avait été préparée pour Barrabas; on la chargea sur les épaules sanglantes et meurtries du Sauveur. Les compagnons de Barrabas, qui étaient condamnés à mourir en même temps que Jésus, furent, eux aussi, chargés d'une croix. Le Seigneur fit quelques pas en portant sa croix; puis, à cause de la perte de sang, de la souffrance et de la fatigue excessive, il s'écroula sans connaissance sur le sol. HR 224 3 Quand il eut reprit ses sens, la croix fut de nouveau chargée sur ses épaules, et on l'obligea à avancer. Après avoir fait quelques pas en titubant, ployant sous le lourd fardeau, il s'affaissa une fois de plus inanimé sur le sol. On crut d'abord qu'il était mort, mais finalement, il reprit connaissance. Les prêtres et les chefs du peuple n'éprouvaient pas la moindre pitié pour leur victime, mais ils comprirent que Jésus était incapable de faire un pas de plus avec cet instrument de torture. Tandis qu'ils réfléchissaient à ce qu'ils pourraient faire, un Cyrénéen dénommé Simon, arrivait en sens contraire du cortège. A l'instigation des prêtres, on réquisitionna cet homme et on l'obligea à porter la croix du Christ. Les fils de Simon étaient des disciples de Jésus, mais lui-même n'était jamais entré en contact avec le Sauveur. HR 225 1 Une grande foule suivit le Christ jusqu'au calvaire; de nombreuses personnes se moquaient de lui et le ridiculisaient, d'autres pleuraient et chantaient ses louanges. Ceux qu'il avait guéris de différentes infirmités et ceux qu'il avait ressuscités des morts proclamaient avec force ses oeuvres merveilleuses. Ils insistaient pour savoir ce que Jésus avait fait pour être ainsi traité comme un malfaiteur. Quelques jours auparavant, cette foule l'avait salué au milieu de joyeux hosanna, en agitant des branches de palmiers, tandis qu'il entrait triomphalement dans Jérusalem. Mais parmi tous les gens qui, ce jour-là, avaient chanté ses louanges pour faire comme tout le monde, nombreux étaient ceux qui criaient maintenant: "Crucifie-le! Crucifie-le!" Cloué sur la croix HR 225 2 Parvenus au lieu de l'exécution, les condamnés furent fixés aux instruments de supplice. Tandis que les deux brigands se débattirrent lorsqu'on voulut les mettre en croix, Jésus, lui, n'offrit aucune résistance. La mère du Seigneur regardait, ulcérée d'angoisse, espérant toutefois qu'il ferait un prodige pour échapper à ses tortionnaires. Elle vit qu'on étendait ses mains sur la croix -- ces mains bénies qui avaient dispensé tant de bienfaits, et qui étaient intervenues si souvent pour apaiser la souffrance. Puis on apporta un marteau et des clous. Quand ceux-ci furent enfoncés dans les chairs tendres, fixant les mains à la croix, les disciples, le coeur brisé, éloignèrent de ce spectacle atroce la mère du Sauveur qui ne pouvait en supporter davantage. HR 226 1 Jésus ne fit entendre aucune plainte; son visage resta calme et serein, mais de grosses gouttes de sueur perlèrent sur son front. Nulle main secourable n'essuya cette sueur mortelle, aucune parole de sympathie ou de fidélité inébranlable ne vinrent réconforter son coeur humain. Seul il foulait au pressoir, et nul homme d'entre les peuples n'était avec lui. Ésaïe 63:3. Tandis que les soldats accomplissaient leur épouvantable besogne et qu'il souffrait la plus cruelle agonie, le Sauveur priait pour ses ennemis: "Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font". Luc 23:34. Cette prière du Christ pour ses ennemis englobait le monde entier, c'est-à-dire tous les pécheurs qui vivraient jusqu'à la fin des temps. HR 226 2 Une fois que Jésus fut cloué à la croix, des hommes robustes se saisirent de celle-ci, la dressèrent et la plantèrent brutalement à l'endroit prévu, ce qui causa au Fils de Dieu une douleur extrêmement intense. Après quoi se déroula une scène affreuse: oubliant la dignité sacrée dont ils étaient investis, les prêtres, les chefs de la nation et les scribes se joignirent à la populace et se mirent à railler et à insulter le Fils de Dieu agonisant: "Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même!" Luc 23:37. Certains, goguenards, se disaient les uns aux autres: "Il a sauvé d'autres gens, mais il ne peut pas se sauver lui-même!" Marc 15:31. Les hauts fonctionnaires du temple, les soldats endurcis, le brigand non repentant sur la croix, ainsi que les gens vulgaires et malveillants parmi la foule -- tous unirent leur voix pour insulter le Christ. HR 226 3 Les deux brigands qui furent crucifiés avec Jésus subirent les mêmes tortures physiques que lui; mais au milieu de ses souffrances, l'un d'eux devint toujours plus agressif et plus insolent, au point de se joindre aux moqueries des prêtres et de lui dire: "N'es-tu pas le Messie? Sauve-toi toi-même et sauve-nous!" Luc 23:39. L'autre brigand n'était pas un criminel endurci. Quand il entendit les paroles blessantes de son complice, il le reprit en disant: "Ne crains-tu pas Dieu, toi qui subis la même punition? Pour nous, cette punition est juste, car nous recevons ce que nous avons mérité par nos actes; mais lui n'a rien fait de mal". Versets 40, 41. Puis le coeur de cet homme fut ému de compassion pour Jésus et la lumière céleste inonda son esprit. En ce Jésus meurtri, ridiculisé et suspendu à sa croix, il vit son Rédempteur, son unique espoir, et il lui demanda avec une humble foi: "Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton règne". Le Sauveur lui répondit: "Je te le dis en vérité, aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis". Luc 23:43 (Segond). HR 227 1 Les anges considéraient avec étonnement l'amour infini de Jésus qui, endurant les souffrances les plus intenses dans son esprit et dans son corps, ne pensait qu'aux autres, et exhortait à la foi l'âme repentante. Tandis qu'il sacrifiait sa vie, il manifestait pour l'homme un amour plus fort que la mort. Parmi ceux qui furent témoins des scènes du calvaire, nombreux furent ceux qui, grâce à elles, furent par la suite affermis dans la foi en Christ. HR 227 2 Les ennemis de Jésus attendaient maintenant sa mort avec un espoir mélé d'impatience. Ils croyaient que cet événement ferait taire définitivement les rumeurs concernant sa puissance divine et ses merveilleux miracles. Ils se réjouissaient à la pensée qu'ils n'auraient plus à redouter son influence sur le peuple. Les soldats sans pitié qui avaient cloué le corps du Sauveur sur la croix se partagèrent ses vêtements et se disputèrent pour savoir lequel d'entre eux aurait pour lui la tunique tissée d'une seule pièce. Finalement, ils décidèrent de la tirer au sort. Cette scène avait été décrite dans le texte sacré plusieurs siècles avant qu'elle ne se déroule: "Des chiens m'environnent, une bande de scélérats rôdent autour de moi, ils ont percé mes mains et mes pieds. ... Ils se partagent mes vêtements, ils tirent au sort ma tunique". Psaumes 22:17-19. Une leçon d'amour filial HR 228 1 Tandis que les regards de Jésus parcouraient la foule qui s'était massée pour être témoin de sa mort, il vit au pied de la croix Jean qui soutenait Marie, sa propre mère. Incapable de rester plus longtemps éloignée de son cher Fils, elle était revenue sur les lieux de l'horrible scène. Le dernier enseignement du Sauveur fut une leçon d'amour filial. Considérant le visage de sa mère, accablé de douleur, il fixa ses regards vers Jean et lui dit: "Voici ton fils, mère". Puis, s'adressant au disciple, il lui dit: "Voici ta mère". Jean 19:26, 27. Jean comprit très bien ces paroles du Seigneur et le dépôt sacré qui lui était ainsi confié. Immédiatement, il éloigna la mère de Jésus du spectacle insoutenable du calvaire. Depuis lors, le disciple prit soin d'elle comme l'aurait fait un fils plein d'égards pour sa propre mère, et lui offrit l'hospitalité sous son toit. L'exemple parfait de l'amour filial du Christ brille d'un éclat toujours aussi vif à travers les siècles. Bien que soumis à la souffrance la plus atroce, loin d'oublier sa mère, il prit toutes les dispositions nécessaires pour assurer son avenir. HR 228 2 La mission du Sauveur sur la terre était sur le point de s'achever. La langue sèche, il s'écria: "J'ai soif". Ils trempèrent une éponge dans du vinaigre mêlé de fiel qu'ils lui offrirent à boire. Mais quand il y eut goûté, il le refusa. HR 229 1 Ainsi, le Maître de la vie et de la gloire allait mourir comme rançon de l'humanité. Le sentiment du péché, qui faisait reposer la colère du Père sur lui en tant que substitut de l'homme, voilà ce qui rendit sa coupe si amère, ce qui brisa le coeur du Fils de Dieu. HR 229 2 Le Christ s'est substitué à nous, il a porté l'iniquité de tous. Il a été mis au nombre des transgresseurs, afin de pouvoir nous racheter de la condamnation de la loi. La culpabilité de tous les descendants d'Adam pesait sur son coeur; l'effroyable manifestation de la colère que Dieu éprouve envers le péché remplissait de consternation l'âme de Jésus. En cette heure d'angoisse suprême, l'éloignement de la présence divine remplit le coeur du Sauveur d'une détresse que l'homme ne comprendra jamais totalement. Chaque souffrance endurée par le Fils de Dieu sur la croix -- les gouttes de sang qui ont coulé de sa tête, de ses mains et de ses pieds, les hoquets de l'agonie qui ont secoué son corps et l'effroi indicible qui a rempli son être lorsque le Père lui a caché sa face -- tout cela parle à l'homme: C'est par amour pour toi que le Fils de Dieu a consenti à prendre sur lui ce fardeau de culpabilité; c'est pour toi qu'il a dépouillé la mort, qu'il a ouvert les portes du paradis et de la vie éternelle. Lui qui a calmé par sa parole les flots irrités, qui a marché sur les vagues écumantes, qui a fait trembler les démons, qui de sa main a guéri les maladies, ressuscité les morts, ouvert les yeux des aveugles, s'est offert volontairement sur la croix comme l'ultime sacrifice pour les humains. Il a porté le péché, a subi le châtiment de la justice divine et s'est fait lui-même péché pour l'homme. HR 229 3 Satan assiégeait le coeur de Jésus de ses tentations redoutables. Le péché, si odieux à ses yeux, le submergea au point qu'il gémit sous son poids. Rien d'étonnant que son humanité frémit en cette heure tragique. Les anges assistaient avec étonnement à l'agonie morale du Fils de Dieu qui était si intense qu'il ressentait à peine ses souffrances physiques. Les habitants du ciel se voilèrent la face devant cet horrible spectacle. HR 230 1 La nature elle-même compatissait avec son Auteur maltraité et mourant. Le soleil refusait d'éclairer une scène aussi atroce. En plein midi, alors qu'il illuminait la terre de tous ses feux, l'astre sembla disparaître soudain, et une obscurité totale enveloppa la croix et ce qui l'entourait comme dans un suaire. Les ténèbres durèrent trois heures; à la neuvième heure, elles se dissipèrent au-dessus de la foule, mais elles continuèrent à envelopper le Sauveur comme dans un manteau. Des éclairs menaçants paraissaient viser Celui qui était suspendu à la croix. Alors "Jésus cria d'une voix forte: Eloï, Eloï, lema sabachthani, (ce qui signifie: 'Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné?')". Marc 15:34. C'est accompli HR 230 2 La foule, muette, regardait pour voir comment allait se terminer cet impressionnant spectacle. A nouveau le soleil brilla, mais la croix resta plongée dans les ténèbres. Puis, brusquement, l'obscurité qui enveloppait la croix se dissipa, et d'une voix claire qui retentit comme une trompette, Jésus s'écria: "C'est accompli". "Père, je remets mon esprit entre tes mains". Une lumière inonda la croix, et le visage du Sauveur resplendit comme le soleil. Sa tête retomba sur sa poitrine, et il expira. HR 230 3 Au moment où Jésus mourut, des prêtres officiaient dans le temple devant le voile qui séparait le lieu saint du lieu très saint. Soudain, ils sentirent la terre trembler sous leurs pieds, et le voile du temple, fait d'un tissu épais et solide que l'on changeait chaque année, se déchira du haut en bas par la même main qui avait tracé les mots de condamnation sur les murs du palais de Belschatsar. HR 231 1 Le Christ ne fit pas le sacrifice de sa vie avant d'avoir accompli l'oeuvre pour laquelle il était venu ici-bas; en rendant son dernier soupir, il déclara: "C'est accompli". Les anges se réjouirent en entendant ces paroles, car le vaste plan de la rédemption avait été parfaitement mené à bien. Il y avait de la joie dans le ciel parce que les fils d'Adam pouvaient désormais, grâce à une vie d'obéissance, être finalement introduits en la présence de Dieu. Satan, vaincu, savait qu'il avait perdu son royaume. La sépulture HR 231 2 Jean ne savait pas quelles dispositions il devait prendre pour le corps de son Maître bien-aimé. Il craignait que, livré aux mains de soldats rustres et indifférents, il ne reçoive une sépulture indigne. Le disciple savait qu'il ne pouvait obtenir aucune faveur des autorités juives, et il ne comptait guère sur Pilate. Mais en la circonstance, Joseph (d'Arimathée) et Nicodème jouèrent un rôle important. Ils étaient membres du sanhédrin et connaissaient bien Pilate. L'un comme l'autre étaient des hommes riches et influents. Ils entendaient que le corps de Jésus bénéficie d'une sépulture honorable. HR 231 3 Joseph d'Arimathée se rendit auprès de Pilate et lui demanda d'emblée le corps de Jésus pour assurer sa sépulture. Pilate donna donc l'ordre de mettre le corps à la disposition de Joseph. Tandis que Jean, le disciple, s'inquiétait de savoir ce qu'il allait advenir des précieux restes de son Maître bien-aimé, Joseph d'Arimathée, ayant accompli sa démarche, détenait l'autorisation voulue du gouverneur. De son côté, Nicodème, s'attendant à un résultat favorable après l'entrevue de Joseph avec Pilate, apporta un coûteux mélange de myrrhe et d'aloès, pesant environ trente kilos. Lors de leurs obsèques, les plus hauts dignitaires de Jérusalem n'auraient pu bénéficier de plus grands honneurs. HR 232 1 De leurs propres mains, ils détachèrent avec délicatesse et respect le corps du Sauveur de l'instrument de torture où il avait été fixé. En considérant ce corps meurtri et déchiré, ces hommes fondirent en larmes. Ils le lavèrent soigneusement pour faire disparaître les taches de sang. Joseph possédait un tombeau tout neuf, creusé dans le roc, qu'il réservait pour sa propre sépulture; ce tombeau, situé à proximité du calvaire, il le réservait maintenant pour Jésus. Le corps fut soigneusement enveloppé d'un drap de lin et entouré des aromates apportés par Nicodème; puis les trois disciples transportèrent leur précieux fardeau jusqu'au sépulcre neuf, où personne n'avait été déposé jusqu'ici. Là, ils redressèrent les membres lésés et joignirent les mains percées du Seigneur sur sa poitrine inerte. Les femmes galiléennes s'approchèrent pour s'assurer que tout ce qui pouvait être fait pour la dépouille de leur Maître bien-aimé l'avait été. Elles virent que la lourde pierre avait été roulée pour fermer l'entrée du sépulcre, et que le Fils de Dieu y reposait en paix. Restées les dernières au pied de la croix, ces femmes furent aussi les dernières à quitter le tombeau du Christ. HR 232 2 Bien que les chefs de la nation juive aient réussi à mener à bien leur projet diabolique en mettant à mort le Fils de Dieu, cette mort ne les empêchait pas d'avoir peur de lui, et ils restaient sur le qui-vive. La satisfaction d'avoir pu ainsi se venger était troublée par la crainte permanente que son cadavre, qui reposait maintenant dans le tombeau de Joseph, ne ressuscite. Aussi, "les chefs des prêtres et les Pharisiens allèrent ensemble chez Pilate et dirent: Excellence, nous nous souvenons que ce menteur, quand il était encore vivant, a dit: 'Après trois jours, je reviendrai à la vie'. Veuillez donc ordonner que le tombeau soit gardé jusqu'au troisième jour, afin que ses disciples ne viennent pas voler le corps et ne puissent pas dire ensuite au peuple: 'Il est revenu de la mort à la vie'". Matthieu 27:62-64. Pilate craignant, tout comme les Juifs, que le Christ ne ressuscite avec puissance d'entre les morts et qu'il ne punisse ceux qui l'avaient condamné, mit à la disposition des prêtres une escouade de soldats romains en leur disant: "Voici des soldats pour monter la garde. Allez et faites surveiller le tombeau le mieux que vous pourrez. Ils allèrent donc organiser la surveillance du tombeau: ils scellèrent la pierre qui le fermait et placèrent les soldats pour le garder". Matthieu 27:65, 66. HR 233 1 Les Juifs tirèrent donc profit de la garde qui leur était offerte pour surveiller le tombeau de Jésus. Ils mirent les scellés sur la pierre qui en fermait l'entrée, afin que celle-ci ne soit pas déplacée sans qu'on s'en aperçoive, et ils prirent toutes les dispositions nécessaires, de peur que les disciples n'usent d'un subterfuge en enlevant le corps de leur Maître. Mais tous leurs plans et toutes ces précautions ne servirent qu'à faire mieux ressortir la victoire de la résurrection et à en établir plus solidement la certitude. ------------------------Chapitre 30 -- La résurrection du Christ HR 234 1 Les disciples se reposèrent le jour du sabbat, attristés de la mort de Jésus, leur Seigneur, le Roi de gloire, qui gisait dans le tombeau. A la tombée du jour, les soldats montaient la garde devant le sépulcre où reposait le Sauveur, pendant que des anges, invisibles, survolaient le lieu saint. La nuit s'écoula lentement, et, alors qu'il faisait encore sombre, les anges qui veillaient savaient que l'heure de délivrer le Fils bien-aimé de Dieu était sur le point de sonner. Tandis qu'ils attendaient avec la plus intense émotion le moment de sa victoire, un ange puissant descendit rapidement du ciel. Son visage resplandissait comme l'éclair et ses vêtements étaient blancs comme la neige. Son éclat dissipa les ténèbres qui l'entouraient et fit fuir loin de sa glorieuse lumière les mauvais anges qui, avec un air de triomphe, avaient revendiqué le corps de Jésus. L'un des anges qui avaient été témoins de l'humiliation du Christ et veillé sur son lieu de repos, se joignit à l'ange descendu du ciel, et, ensemble, ils vinrent près du sépulcre. A leur approche, il y eut un grand tremblement de terre. HR 234 2 Les soldats de la garde romaine furent saisis de frayeur. Qu'en était-il maintenant de leur pouvoir de surveiller le corps de Jésus? Ils en avaient oublié leur mission et l'éventualité que les disciples ne viennent s'emparer de sa dépouille. Lorsque la lumière des anges resplendit autour d'eux, plus brillante que le soleil, les hommes de cette garde romaine tombèrent à terre comme morts. L'un des anges saisit la grande pierre, la roula et s'assit dessus: le sépulcre était ouvert. L'autre pénétra dans le tombeau et ôta le linge qui entourait la tête du Sauveur. "Ton Père t'appelle!" HR 235 1 Puis l'ange qui était descendu du ciel s'écria d'une voix qui fit trembler la terre: "Fils de Dieu, sors! Ton Père t'appelle!" La mort ne pouvait le garder plus longtemps en son pouvoir. Jésus ressuscita des morts en conquérant victorieux. Saisies d'une admiration mêlée de crainte, les armées angéliques contemplèrent la scène. Quand Jésus surgit du tombeau, ces anges resplendissants se prosternèrent pour l'adorer, et le saluèrent par de glorieux chants de triomphe. HR 235 2 Les anges de Satan n'avaient pu s'empêcher de fuir devant la lumière éblouissante des messagers du ciel, et ils se plaignirent amèrement auprès de leur commandant de ce que leur proie avait été ainsi arrachée de leurs mains et de ce que leur ennemi juré était ressuscité d'entre les morts. Satan et ses suppôts s'étaient grandement réjouis en constatant que leur pouvoir sur l'homme déchu avait obligé le Seigneur de la vie à descendre dans le sépulcre; mais leur satisfaction avait été de courte durée. Car lorsqu'il vit que Jésus était sorti de la prison du tombeau en conquérant glorieux, Lucifer comprit qu'au bout de quelque temps, il devrait lui-même mourir et que son royaume serait alors remis à qui il appartenait de droit. Le diable était mécontent, furieux de ce que, malgré tous ses efforts, Jésus-Christ n'avait pas été vaincu; qu'il avait au contraire ouvert le chemin du salut pour l'homme, et que quiconque s'y engagerait serait effectivement sauvé. HR 236 1 Les mauvais anges et leur commandant en chef tinrent conseil pour décider de la manière dont ils pourraient continuer à nuire au gouvernement de Dieu. Satan ordonna à ses suppôts de se rendre auprès des chefs des prêtres et des anciens du peuple. Il leur dit: "Nous avons réussi à les égarer, en fermant leurs yeux et en endurcissant leurs coeurs au sujet de Jésus. Nous leur avons fait croire que c'était un imposteur. Les soldats de la garde romaine vont répandre la détestable nouvelle que le Christ est ressuscité. Nous avons incité les prêtres et les anciens à haïr Jésus et à le faire mourir. Maintenant, dites-leur que si la nation apprend que Jésus est ressuscité, ils seront lapidés par le peuple pour avoir fait mourir un innocent". Le compte rendu de la garde romaine HR 236 2 Une fois que l'armée des anges célestes eut quitté le sépulcre du Seigneur et que leur glorieuse lumière eut disparu, les soldats de la garde romaine se risquèrent à lever la tête et regardèrent tout autour d'eux. Ils furent stupéfaits de constater que la grosse pierre qui fermait l'entrée du sépulcre avait été roulée de côté et que le corps de Jésus ne se trouvait plus dans le tombeau. Ils allèrent en hâte à la ville pour informer les prêtres et les anciens de ce qu'ils avaient vu. Lorsque ces meurtriers entendirent le témoignage des soldats, ils devinrent tout pâles car ils étaient horrifiés à la pensée de ce qu'ils avaient fait. Si ce témoignage était exact, ils étaient perdus. Pendant quelques instants, ils gardèrent le silence; ils se regardaient les uns les autres, ne sachant que dire ni que faire. Accepter tel quel le compte rendu de la garde romaine, c'était se condamner eux-mêmes. Les prêtres et les anciens se retirèrent pour se consulter sur la décision à prendre. Ils se dirent que si la nouvelle rapportée par les soldats se répandait parmi le peuple, ceux qui avaient fait mourir le Christ seraient eux-mêmes mis à mort en tant que ses meurtriers. HR 237 1 On décida donc de soudoyer les soldats romains pour qu'ils gardent la chose secrète. Les prêtres et les anciens leur offrirent une forte somme d'argent et leur dirent: "Vous déclarerez que ses disciples sont venus durant la nuit et qu'ils ont volé son corps pendant que vous dormiez". Matthieu 28:13. Lorsque les gardes s'inquiétèrent des sanctions qui seraient prises contre eux pour s'être endormis à leur poste, les principaux des Juifs leur promirent d'apaiser le gouverneur et de faire le nécessaire pour qu'ils n'aient pas d'ennuis. Ainsi, par amour de l'argent, la garde romaine décida de forfaire à son honneur: elle accepta la proposition des prêtres et des anciens. Les prémices de la rédemption HR 237 2 Lorsque, sur la croix, le Sauveur s'écria: "C'est accompli", les rochers se fendirent, la terre trembla et plusieurs tombeaux s'ouvrirent. Quand il se releva vainqueur sur la mort et sur le séjour des morts, tandis que la terre chancelait et que la gloire du ciel illuminait ce lieu sacré, de nombreux justes qui étaient morts, obéissant à son appel, sortirent de leurs tombeaux comme témoins de sa résurrection. Ces êtres favorisés se présentèrent glorifiés. Ils furent choisis parmi les saints de tous les âges, depuis la création jusqu'au temps de Jésus. Ainsi, tandis que les chefs de la nation juive s'efforçaient de cacher le fait de la résurrection du Sauveur, Dieu libéra de leurs sépulcres un groupe de personnes qui témoignèrent que le Christ était ressuscité et qui proclamèrent sa gloire. HR 238 1 La stature et la forme de ces saints ressuscités n'était pas la même; certains avaient une apparence plus noble que les autres. On me dit que les habitants de la terre avaient dégénéré, qu'ils avaient perdu leur force et leur distinction. Satan avait un pouvoir sur la maladie et sur la mort, et, au fil des siècles, les effets de la malédiction se faisaient sentir davantage et la puissance du grand adversaire était plus évidente. La forme, l'éclat et la force de ceux qui vivaient à l'époque de Noé et d'Abraham étaient comparables à ceux des anges. Mais chaque génération était plus faible, plus sujette à la maladie et plus limitée par la mort que celle qui l'avait précédée. Satan avait appris comment nuire à la race humaine et comment l'affaiblir. HR 238 2 Ceux qui revinrent à la vie après la résurrection du Christ apparurent à un grand nombre de personnes et leur annonçèrent que le sacrifice consenti pour l'homme avait été accompli, que Jésus, qui avait été crucifié par les Juifs, était ressuscité d'entre les morts. Pour prouver que leur témoignage était vrai, ils déclarèrent: "Nous avons été ressuscités avec lui". Ces privilégiés attestèrent que c'était par la force toute-puissante du Sauveur qu'ils avaient été libérés de leurs tombeaux. En dépit de toutes les rumeurs mensongères qui circulaient parmi le peuple, ni Satan, ni ses anges, ni les chefs des prêtres ne pouvaient cacher le fait de la résurrection du Christ; car la sainte phalange, surgie des tombeaux, répandait la merveilleuse et joyeuse nouvelle. De plus, Jésus devait bientôt apparaître lui-même à ses disciples attristrés et découragés, afin de dissiper leurs craintes et de les combler de joie et de bonheur. Les saintes femmes viennent au sépulcre HR 239 1 Le premier jour de la semaine, de bon matin, avant l'aube, les saintes femmes se rendirent au sépulcre, apportant avec elles des aromates pour oindre le corps de Jésus. Elles virent que la lourde pierre qui fermait l'entrée du sépulcre avait été roulée de côté et que le corps du Seigneur avait disparu. A ce spectacle, leur coeur défaillit car elles craignaient que leurs ennemis ne se soient emparés de sa dépouille. Soudain, elles virent deux anges en vêtements blancs, au visage resplendissant. Comprenant pourquoi ces femmes étaient venues, ces êtres célestes leur dirent aussitôt que Jésus n'était pas là, mais qu'il était ressuscité; elles pouvaient le constater en regardant l'endroit où il avait été déposé. Les anges leur donnèrent l'ordre d'aller dire aux disciples qu'il les précéderait en Galilée. Avec crainte et une grande joie, ces femmes revinrent en hâte vers les disciples affligés et leur firent part de ce qu'elles avaient vu et entendu. HR 239 2 Les disciples ne pouvaient pas croire que le Christ était ressuscité; mais, accompagnés par les femmes qui étaient venues les prévenir, ils coururent au sépulcre. Là, ils constatèrent que Jésus ne s'y trouvait plus. Ils virent le linceul, mais ils n'arrivaient pas à croire à la bonne nouvelle de sa résurrection. Ils retournèrent chez eux, étonnés de ce qu'ils avaient vu et de ce que les femmes leur avaient raconté. HR 239 3 Marie de Magdala préféra s'attarder auprès du tombeau; elle réfléchissait à ce qu'elle avait vu et s'attristait à la pensée qu'elle pouvait avoir été trompée. Elle avait le pressentiment que de nouvelles épreuves l'attendaient. Sa tristesse grandit, et elle éclata en sanglots. Puis elle se pencha une fois de plus pour regarder dans le sépulcre, et elle vit deux anges vêtus de blanc. L'un d'eux était assis à l'endroit où la tête de Jésus avait reposé, HR 240 1 l'autre là où se trouvaient ses pieds. S'adressant à elle avec douceur, ils lui demandèrent pourquoi elle pleurait. Marie répondit: "On a enlevé mon Seigneur, et je ne sais pas où on l'a mis". Jean 20:13. "Ne me touche pas" HR 240 2 En se détournant du sépulcre, elle vit Jésus debout près d'elle, mais elle ne le reconnut pas. Le Seigneur lui demanda avec bonté quelle était la cause de sa tristesse et qui elle cherchait. Le prenant pour le jardinier, elle le pria, s'il avait enlevé le corps, de lui dire où il l'avait déposé, afin qu'elle puisse le prendre. Jésus, s'adressant à elle de sa voix céleste, lui dit: "Marie!" Elle connaissait bien le timbre de cette voix si chère, et elle répondit aussitôt: "Maître!" Dans sa joie, elle fut sur le point de le prendre dans ses bras; mais le Sauveur lui dit: "Ne me touche pas, car je ne suis pas encore monté vers mon Père. Mais va trouver mes frères, et dis-leur que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu". Jean 20:17 (Segond). Radieuse, elle courut annoncer la bonne nouvelle aux disciples. Jésus s'empressa de monter vers son Père pour s'entendre dire que son sacrifice avait été accepté et afin de recevoir tout pouvoir dans les cieux et sur la terre. HR 240 3 Des anges entourèrent le Fils de Dieu comme d'un nuage et ordonnèrent que les portes éternelles soient ouvertes, afin que le Roi de gloire puisse entrer. J'ai vu que, tandis que le Sauveur était escorté par cette céleste phalange, en présence de Dieu et entouré de sa gloire, il n'oubliait pas ses disciples restés sur la terre, mais qu'il lui fallait recevoir du Père la puissance afin qu'il puisse revenir auprès d'eux et la leur communiquer. Le jour même, il redescendit du ciel, et se montra à ses disciples. Alors, il leur permit de les toucher, car il était monté auprès de son Père et avait reçu de lui la puissance. Thomas l'incrédule HR 241 1 Ce jour-là, Thomas était absent. Il refusa d'accepter humblement pour vrai ce que lui dirent les disciples, mais il affirma avec fermeté et orgueil qu'il ne croirait pas à leur déclaration s'il ne mettait pas ses doigts dans la marque des clous et sa main dans le côté du Seigneur qui avait été transpercé d'un coup de lance. En cela, Thomas manqua de confiance en ses frères. Si tout le monde se montrait aussi exigeant, personne n'accepterait Jésus ni ne croirait à sa résurrection. Mais Dieu voulait que le compte rendu des disciples soit accepté sans discussion par ceux qui n'avaient pu voir et entendre le Sauveur ressuscité. HR 241 2 L'incrédulité de Thomas déplut à Dieu. Quand Jésus rencontra de nouveau ses disciples, Thomas était avec eux; quand il vit le Seigneur, il crut. Comme il avait déclaré qu'il ne se contenterait pas d'une preuve fondée sur la vue, mais qu'il lui faudrait aussi celle du toucher, Jésus lui donna satisfaction. Alors Thomas s'écria: "Mon Seigneur et mon Dieu!" Mais le Sauveur lui reprocha son incrédulté: "Jésus lui dit: C'est parce que tu m'as vu que tu as cru? Heureux ceux qui croient sans m'avoir vu!" Jean 20:28, 29. Angoisse et désespoir de Pilate HR 241 3 A mesure que la nouvelle (de la résurrection de Jésus) se répandait de ville en ville et de village en village, les Juifs à leur tour craignirent pour leur vie et dissimulèrent les sentiments de haine qu'ils nourrissaient envers les disciples. Leur unique espoir était que leur version mensongère des faits soit propagée. Ceux qui souhaitaient croire à ce mensonge y adhérèrent. Pilate frémit en apprenant que le Christ était ressuscité; il ne pouvait douter du témoignage ainsi apporté, et à partir de ce moment-là, il ne fut plus jamais en paix avec lui-même. Par amour des honneurs du monde, par crainte de perdre son autorité et sa vie, il avait livré Jésus à la mort. Maintenant, il était pleinement convaincu que le Christ n'était pas seulement un innocent et qu'il était coupable de son sang versé, mais qu'il était le Fils de Dieu. Dès lors, jusqu'à la fin, la vie de Pilate fut pitoyable. L'angoisse et le désespoir le privèrent de toute joie et de toute espérance. Il refusa toute consolation et mourut misérablement. Quarante jours avec les disciples HR 242 1 Jésus resta quarante jours avec ses disciples, faisant régner dans leurs coeurs la joie et le bonheur tandis qu'il leur révélait plus pleinement les réalités du royaume de Dieu. Il les chargea d'une mission: témoigner de ce qu'ils avaient vu concernant ses souffrances, sa mort et sa résurrection, et leur prescrivit d'enseigner qu'il avait accompli un sacrifice pour le péché, et que tous ceux qui le voulaient pouvaient venir à lui et avoir la vie. Il les avertit avec ménagements qu'ils seraient persécutés, affligés, mais qu'ils seraient réconfortés en se rappelant leur expérience et les paroles qu'il leur avait dites. Il leur rappela qu'il avait triomphé des tentations de Satan et obtenu la victoire sur les épreuves et les souffrances. Le diable n'avait plus aucun pouvoir sur lui, mais il reporterait directement ses tentations sur eux et sur tous ceux qui croiraient en son nom. Cependant, ils pouvaient vaincre comme lui-même avait vaincu. Jésus donna à ses disciples le pouvoir de faire des miracles, et il leur dit que si d'une part ils allaient être persécutés par des hommes méchants, d'autre part le Seigneur leur enverrait de temps à autre ses anges pour les délivrer, et qu'ils ne seraient pas mis à mort tant que leur mission n'aurait pas été accomplie. Alors seulement, il pourraient être appelés à sceller de leur sang le témoignage qu'ils avaient rendu. HR 243 1 Les disciples écoutèrent avidement et joyeusement les enseignements du Christ, buvant chaque mot qui sortait de ses lèvres saintes. Maintenant, ils avaient la certitude qu'il était le Sauveur du monde. Ses paroles pénétraient profondément dans leur coeur; ils étaient attristés à la pensée d'être bientôt séparés de leur céleste Maître, et de ne plus pouvoir entendre ses paroles bienveillantes et réconfortantes. Mais leurs coeurs furent à nouveau réchauffés par l'amour et par une joie immense lorsque Jésus leur dit qu'il allait leur préparer des places, qu'il reviendrait et les prendrait auprès de lui, afin qu'ils soient toujours avec lui. Il leur promit aussi de leur envoyer le Consolateur, le Saint-Esprit, pour les guider dans toute la vérité. "Puis Jésus les emmena hors de la ville, près de Béthanie, et là, il leva les mains et les bénit". Luc 24:50. ------------------------Chapitre 31 -- L'ascension du Christ HR 244 1 Le ciel tout entier attendait l'heure triomphale où Jésus remonterait vers son Père. Des anges vinrent à la rencontre du Roi de gloire pour l'escorter triomphalement jusqu'au ciel. Après que le Sauveur eut béni ses disciples, il fut séparé d'eux et enlevé. Tandis qu'il montait vers les cieux, les nombreux captifs qui ressuscitèrent en même temps que lui le suivirent. Une multitude de l'armée céleste était là, tandis que dans le ciel une foule innombrable d'anges attendaient son arrivée. HR 244 2 Durant leur ascension vers la céleste Cité, les anges qui accompagnaient Jésus criaient d'une voix forte: "Portes, relevez vos linteaux; haussez-vous, portails éternels, pour que le grand Roi fasse son entrée!" Transportés de joie, les anges qui se tenaient dans la Cité demandèrent: "Qui est ce grand Roi?" Les anges qui formaient son escorte répondirent: "C'est le Seigneur, le puissant héros, le Seigneur, le héros des combats. Portes, relevez vos linteaux; haussez-vous, portails éternels, pour que le grand Roi fasse son entrée!" De nouveau, les anges qui attendaient posèrent la question: "Qui est donc ce grand Roi?" Et les anges qui l'escortaient répondirent: "C'est le Seigneur de l'univers, c'est lui le grand Roi". Psaumes 24:7-10. Puis la céleste cohorte entra dans la Cité de Dieu. HR 244 3 Alors, toute l'armée céleste entoura son chef majestueux, et, pleins de vénération, les anges se prosternèrent devant lui et jetèrent à ses pieds leurs couronnes étincelantes. Puis, faisant vibrer leurs harpes d'or, ils remplirent le ciel de doux et mélodieux accents, accompagnés de musique et de chants en l'honneur de l'Agneau qui avait été immolé, mais qui vivait de nouveau dans la majesté et la gloire. La promesse du retour HR 245 1 Tandis que les disciples fixaient tristement les yeux sur le ciel pour jeter un dernier regard sur le Seigneur, deux anges vêtus de blanc se tinrent près d'eux et leur dirent: "Hommes de Galilée, pourquoi restez-vous là à regarder le ciel? Ce Jésus, qui vous a été enlevé pour aller au ciel, reviendra de la même manière que vous l'y avez vu partir". Actes 1:11. Les disciples et la mère de Jésus, qui avait assisté avec eux à l'ascension du Fils de Dieu, passèrent la nuit suivante à s'entretenir de ses oeuvres merveilleuses et des événements étranges et glorieux qui s'étaient succédé en peu de temps. La colère de Satan HR 245 2 Satan tint de nouveau conseil avec ses anges. Animé d'une haine farouche contre le gouvernement de Dieu, il leur dit qu'aussi longtemps qu'il conserverait son pouvoir et son autorité sur la terre, leur opposition contre les disciples du Christ devait être dix fois plus forte. Puisqu'ils n'avaient nullement réussi à vaincre le Sauveur, maintenant, ils devaient à tout prix remporter la victoire sur ses disciples. Dans chaque génération, ils devaient essayer de prendre au piège ceux qui croiraient en Jésus. Le diable dit à ses suppôts que le Christ avait donné à ses disciples le pouvoir de les chasser et de guérir ceux auxquels ils feraient du mal. Après quoi, les anges de Satan partirent comme des lions rugissants, cherchant à dévorer les disciples du Seigneur. ------------------------Chapitre 32 -- La Pentecôte HR 247 0 Ce chapitre est basé sur Actes 2. HR 247 1 Quand Jésus ouvrit l'esprit de ses disciples à la compréhension des prophéties qui le concernaient, il leur donna l'assurance que tout pouvoir lui avait été donné dans le ciel et sur la terre, et il leur ordonna d'aller annoncer l'Evangile à toute créature. Sentant brusquement renaître en eux l'ancien espoir que le Christ monterait sur le trône de David à Jérusalem, les disciples lui demandèrent: "Seigneur, est-ce en ce temps que tu rétabliras le royaume d'Israël?" Actes 1:6. Le Sauveur laissa planer dans leur pensée une incertitude sur ce sujet en leur répondant: "Il ne vous appartient pas de savoir quand viendront les temps et les moments, car le Père les a fixés de sa propre autorité". Actes 1:7. HR 247 2 Les disciples commencèrent à espérer que la merveilleuse effusion du Saint-Esprit inciterait le peuple juif à accepter Jésus. Le Sauveur ne jugea pas utile de leur donner davantage d'explications, car il savait que lorsque la plénitude du Saint-Esprit viendrait sur eux, leur esprit serait éclairé et qu'ils comprendraient pleinement l'oeuvre à laquelle ils étaient appelés, et qu'ils l'entreprendraient là même où il l'avait laissée. HR 247 3 Les disciples s'assemblèrent dans la chambre haute, et unirent leurs supplications à celles des saintes femmes, de Marie, la mère de Jésus, et de ses frères. Ces derniers, qui jusqu'alors n'avaient pas cru, étaient maintenant pleinement affermis dans la foi, grâce aux scènes de la crucifixion, de la résurrection et de l'ascension du Seigneur dont ils avaient été témoins. Le nombre des personnes ainsi réunies s'élevait à environ cent vingt. L'effusion du Saint-Esprit HR 248 1 "Quand le jour de la Pentecôte arriva, les croyants étaient réunis tous ensemble au même endroit. Tout à coup, un bruit vint du ciel, comme si un vent violent se mettait à souffler, et il remplit toute la maison où ils étaient assis. Ils virent alors apparaître des langues pareilles à des flammes de feu; elles se séparèrent et elles se posèrent une à une sur chacun d'eux. Ils furent tous remplis du Saint-Esprit et se mirent à parler en d'autres langues, selon ce que l'Esprit leur donnait d'exprimer". Actes 2:1-4. Le Saint-Esprit, prenant la forme de langues de feu divisées en pointes et s'arrêtant sur ceux qui étaient assemblés, était un emblème du don ainsi accordé et qui leur permettait de parler couramment différentes langues qu'ils ignoraient auparavant. Le feu représentait le zèle ardent avec lequel ils se mettraient à l'oeuvre et la puissance qui accompagnerait leurs paroles. HR 248 2 Grâce à cette illumination céleste, les Ecritures, que Jésus leur avait expliquées, prenaient maintenant à leurs yeux un vif relief et faisaient apparaître la vérité sous un jour plus beau, plus limpide et plus puissant. Le voile qui les avait empêchés de voir la fin de ce qui était aboli était maintenant levé; aussi, l'objet de la mission du Christ et la nature de son royaume devenaient-ils parfaitement clairs pour eux. Une manifestation de puissance HR 249 1 Les Juifs avaient été disséminés dans presque tous les pays, et ils parlaient différentes langues. Ils étaient venus de loin à Jérusalem et avaient élu temporairement domicile dans cette ville pendant que se déroulaient les fêtes religieuses pour en observer les préceptes. Quand ces Juifs se retrouvaient, ils représentaient toutes les langues connues. Or, cette diversité de langues constituait un grand obstacle pour les serviteurs de Dieu qui devaient diffuser la doctrine du Sauveur jusqu'aux extrémités de la terre. Le fait que Dieu ait à cet égard miraculeusement suppléé aux déficiences des apôtres fut pour le public la meilleure confirmation de la véracité de ces témoins du Christ. Le Saint-Esprit avait ainsi fait pour eux ce qu'ils n'auraient pu accomplir par eux-mêmes pendant toute une vie; désormais, ils pouvaient prêcher le message de l'Evangile en terre étrangère, puisqu'ils parlaient couramment la langue de ceux qu'ils étaient appelés à évangéliser. Ce don miraculeux était, au yeux du monde, la meilleure preuve que leur mission portait le sceau du ciel. HR 249 2 "A Jérusalem vivaient des Juifs, hommes pieux venus de tous les pays du monde. Quand ce bruit se fit entendre, ils s'assemblèrent en foule. Ils étaient tous profondément surpris, car chacun d'eux entendait les croyants parler dans sa propre langue. Ils étaient remplis d'étonnement et d'admiration, et disaient: Ces hommes qui parlent ne sont-ils pas tous Galiléens? Comment se fait-il alors que chacun de nous les entende parler dans sa langue maternelle?" Actes 2:5-8. HR 249 3 Les prêtres et les chefs du peuple étaient très irrités de cette manifestation extraordinaire, dont on parlait dans tout Jérusalem et dans ses environs, mais ils n'osaient pas donner libre cours à leur méchanceté, de crainte de s'exposer à la haine du peuple. Ils avaient fait mourir le Maître, et voici que ses serviteurs, hommes illettrés de la Galilée, montraient le merveilleux accomplissement de la prophétie et enseignaient la doctrine de Jésus dans toutes les langues connues à l'époque. Ils parlaient avec puissance des oeuvres admirables du Sauveur et dévoilaient à leurs auditeurs le plan de la rédemption réalisé grâce à la miséricorde et au sacrifice du Fils de Dieu. Leurs paroles eurent pour effet de convaincre et de convertir des milliers d'auditeurs. Les traditions et les superstitions inculquées par les prêtres étaient balayées des esprits, et les gens acceptaient les purs enseignements de la Parole de Dieu. Le sermon de Pierre HR 250 1 Pierre expliqua que cette manifestation était l'accomplissement exact de la prophétie de Joël, dans laquelle il est prédit qu'une telle puissance devait s'emparer des hommes pour les qualifier en vue d'une oeuvre spéciale. HR 250 2 Pierre fit remonter l'origine de Jésus en ligne directe jusqu'à la prestigieuse maison de David. Il ne fit pas allusion aux enseignements du Christ pour justifier son point de vue, parce qu'il savait que les préjugés de ses auditeurs étaient si tenaces que tout ce qu'il pourrait dire sur cette question ne serait d'aucun effet. Il préféra citer David qui était vénéré par les Juifs comme un patriarche de leur nation. Pierre déclara: "En effet, David a dit à son sujet (au sujet du Christ): 'Je voyais continuellement le Seigneur devant moi, il est à mes côtés pour que je ne tremble pas. C'est pourquoi mon coeur est rempli de bonheur et mes paroles sont pleines de joie; et même dans la faiblesse de mon corps, je reposerai avec espérance, car tu ne m'abandonneras pas dans le monde des morts, tu ne permettras pas que moi, ton fidèle, je pourrisse dans la tombe'". Actes 2:25-27. HR 251 1 En s'exprimant ainsi, Pierre montra que David ne parlait pas de lui-même, mais manifestement de Jésus-Christ. David mourut d'une mort naturelle comme les autres hommes. Sa tombe, ainsi que les cendres vénérables qu'elle contenait, avaient été soigneusement préservées jusqu'alors. En tant que roi d'Israël, et aussi en sa qualité de prophète, David avait été particulièrement honoré par Dieu. Dans une vision prophétique, la vie future et le ministère du Christ lui avaient été montrés. Il avait vu son rejet, son jugement, sa crucifixion, son ensevelissement, sa résurrection et son ascension. HR 251 2 David déclarait que l'âme du Christ ne serait pas abandonnée dans le séjour des morts et que sa chair ne connaîtrait pas la corruption. Pierre mit en évidence l'accomplissement de cette prophétie en la personne de Jésus de Nazareth. Dieu l'avait effectivement libéré de la tombe avant que son corps ne se décompose, et maintenant, il était exalté dans les lieux très hauts. HR 251 3 En ce jour mémorable, de nombreuses personnes qui avaient tourné en ridicule l'idée que Jésus, homme de condition si modeste, était le Fils de Dieu, furent pleinement convaincues de cette vérité et l'acceptèrent comme leur Sauveur. Trois mille croyants furent ajoutés à l'Eglise. Les apôtres parlaient sous l'inspiration du Saint-Esprit, et leurs déclarations ne pouvaient pas être contredites car elles étaient confirmées par de grands miracles, qu'ils accomplissaient grâce à l'effusion de l'Esprit de Dieu. Les disciples eux-mêmes étaient surpris des résultats de cette manifestation de la Providence, de la rapidité et de l'abondance de cette moisson d'âmes. Tout le monde était stupéfait. Ceux qui persistaient dans leurs préjugés et dans leur fanatisme étaient tellement impressionnés qu'ils n'osaient pas faire obstacle à cette oeuvre puissante, ni en paroles ni par la violence, et leur opposition cessa momentanément. HR 252 1 Si clairs et convaincants fussent-ils, les arguments des apôtres n'auraient pu détruire les préjugés des Juifs qui avaient refusé de se rendre devant une telle évidence. Mais par sa puissance divine, le Saint-Esprit fit pénétrer ces arguments dans leurs coeurs, comme des flèches acérées du Tout-Puissant, les convainquant du terrible délit qu'il avaient commis en rejetant et en crucifiant le Seigneur de gloire. "Quand ils entendirent ces paroles, ils furent profondément bouleversés. Ils demandèrent à Pierre et aux autres apôtres: Frères, que devons-nous faire? Pierre leur répondit: Changez de comportement et que chacun de vous se fasse baptiser au nom de Jésus-Christ, pour que vos péchés soient pardonnés. Vous recevrez alors le don de Dieu, le Saint-Esprit". Actes 2:37, 38. HR 252 2 Pierre insista auprès de ceux qui avaient été convaincus sur le fait qu'ils avaient rejeté le Christ parce qu'ils avaient été trompés par les prêtres et les chefs du peuple. Il leur dit que s'ils continuaient à prendre ces hommes comme conseillers et à compter sur eux pour qu'ils leur fassent connaître le Christ sans avoir le courage de le faire eux-mêmes, ils ne l'accepteraient jamais. Ces hommes puissants, bien que faisant profession de piété, ambitionnaient les richesses et la gloire terrestres. Ils ne désiraient nullement venir au Christ pour être éclairés. Le Sauveur avait prédit qu'un terrible châtiment retomberait sur ces gens à cause de leur refus obstiné de croire, malgré les preuves les plus évidentes montrant que Jésus était le Fils de Dieu. HR 252 3 Dès ce jour, le langage des disciples fut pur, simple et précis, en ce qui concerne les mots et l'accent, qu'ils s'expriment dans leur langue maternelle ou dans une langue étrangère. Ces hommes de petite condition, qui n'avaient jamais fréquenté l'école des prophètes, présentaient des vérités si élevées et si limpides que ceux qui les entendaient étaient stupéfaits. Les disciples ne pouvaient aller personnellement jusqu'aux extrémités de la terre; mais il y avait, à l'occasion de la fête (de la Pentecôte), des hommes venus des quatre coins du monde, et les vérités que ces hommes accepteraient allaient être répétées dans leurs différentes familles et publiées parmi leur peuple. Ainsi, des âmes seraient gagnées au Christ. Un enseignement pour notre époque HR 253 1 Ce témoignage concernant l'implantation de l'Eglise chrétienne nous est donné non seulement comme un épisode important de l'histoire sacrée, mais aussi comme un enseignement. Ceux qui professent le nom de Jésus doivent attendre, veiller et prier d'un même coeur. Tous les différends doivent être aplanis; l'unité et l'amour sincère les uns pour les autres doivent régner. Alors nos prières pourront monter, avec une foi ferme et ardente, vers notre Père céleste; alors nous pourrons attendre avec patience et espoir l'accomplissement de la promesse. HR 253 2 L'exaucement peut venir de façon soudaine et avec une force invincible -- ou bien il peut être différé de plusieurs jours ou de plusieurs semaines, et ainsi, notre foi peut être mise à l'épreuve. Mais Dieu sait quand et comment nos prières doivent être exaucées. Notre part consiste à entrer en contact avec le canal divin. Le Seigneur a sa part à assumer dans son oeuvre. Il est fidèle à ses promesses. L'essentiel pour nous est d'être un coeur et une âme, de rejeter toute envie et toute malice et, comme d'humbles suppliants, de veiller et d'attendre. Jésus, notre représentant et notre Chef, est prêt à faire pour nous ce qu'il a fait pour les croyants qui priaient et veillaient le jour de la Pentecôte. ------------------------Chapitre 33 -- La guérison du paralytique HR 255 0 Ce chapitre est basé sur Actes 3 et 4. HR 255 1 Peu après l'effusion du Saint-Esprit, et immédiatement après avoir fait monter vers le ciel d'ardentes prières, Pierre et Jean, qui se rendaient au temple pour adorer, virent un misérable impotent, âgé de quarante ans, dont la vie depuis sa naissance avait été faite de souffrance et de fragilité. Ce malheureux désirait depuis longtemps voir Jésus, afin d'être guéri; mais pratiquement personne ne lui venait en aide, et il était très éloigné de la scène où opérait le grand Médecin. Finalement, ses supplications décidèrent certaines personnes charitables à le transporter jusqu'à la porte du temple. Mais en y arrivant, il apprit que celui en qui il fondait ses espoirs venait d'être cruellement mis à mort. HR 255 2 Sa déception provoqua la sympathie de ceux qui savaient qu'il avait depuis longtemps désiré être guéri par Jésus, et chaque jour ils l'amenaient au temple pour que les passants émus de pitié lui fassent la charité et qu'il reçoive ainsi de quoi pourvoir à ses besoins. Quand Pierre et Jean passèrent devant lui, il leur demanda l'aumône. Les disciples jetèrent sur lui un regard compatissant. "Pierre et Jean fixèrent les yeux sur lui et Pierre lui dit: Regarde-nous. L'homme les regarda avec attention, car il s'attendait à recevoir d'eux quelque chose. Pierre lui dit alors: Je n'ai ni argent ni or, mais ce que j'ai, je te le donne: au nom de Jésus-Christ de Nazareth, marche!" Actes 3:4-6. HR 256 1 Tandis que l'apôtre révélait ainsi sa pauvreté, le visage du paralytique exprimait le désappointement; mais il rayonna d'espoir et de foi quand le disciple poursuivit sa pensée. "Puis il le prit par la main droite et le fit lever. Aussitôt, les pieds et les chevilles de l'infirme devinrent fermes; d'un saut, il fut sur ses pieds, se tint debout puis se mit à marcher. Il entra avec les apôtres dans le temple, en marchant, sautant et louant Dieu. Toute la foule le vit marcher et louer Dieu. Quand ils reconnurent en lui l'homme qui se tenait assis à la Belle Porte du temple pour mendier, ils furent tous remplis de crainte et d'étonnement, à cause de ce qui était arrivé". Actes 3:7-10. HR 256 2 Les Juifs étaient surpris que les disciples puissent accomplir des miracles semblables à ceux de Jésus. Puisqu'il était mort, ils s'attendaient à ce que ces étonnantes manifestations disparaissent avec lui. Or voici que se tenait devant eux un homme qui avait été gravement infirme pendant quarante ans, et qui, maintenant, avait recouvré le plein usage de ses membres, qui ne souffrait plus et se réjouissait de sa foi en Jésus. HR 256 3 Les apôtres virent la stupéfaction de la foule, et ils demandèrent pourquoi le peuple était étonné du miracle dont il avait été témoin, et pourquoi il les considérait avec crainte, comme si c'était par leur propre puissance que ce miracle avait été accompli. Pierre leur affirma que c'était par les mérites de Jésus de Nazareth, qu'ils avaient rejeté et crucifié, mais que Dieu avait ressuscité le troisième jour. "C'est par la puissance du nom de Jésus qui, grâce à la foi en ce nom, a rendu la force à cet homme que vous voyez et connaissez. C'est la foi en Jésus qui lui a donné d'être complètement guéri comme vous pouvez le constater. Cependant, frères, je sais bien que vous et vos chefs avez agi par ignorance à l'égard de Jésus. Mais Dieu a réalisé ainsi ce qu'il avait annoncé autrefois par tous les prophètes: son Messie devait souffrir". Actes 3:16-18. HR 257 1 Après ce miracle, les gens entrèrent en foule dans le temple. Pierre et Jean s'adressèrent à eux dans ce même lieu, en deux endroits différents. Après avoir clairement dénoncé la lourde faute que les Juifs avaient commise en rejetant et en mettant à mort le Prince de la vie, Pierre veilla à ne pas les pousser à la fureur ou au désespoir. Il s'efforça de minimiser leur culpabilité, en supposant qu'ils avaient agi par ignorance. Il ajouta que le Saint-Esprit les appelait à se repentir de leurs péchés et à se convertir. Il leur dit qu'il n'y avait d'espoir pour eux que dans la grâce de celui qu'ils avaient crucifié, et que leurs péchés pourraient être effacés seulement par la foi en son sang. Les apôtres sont arrêtés et jugés HR 257 2 Cette prédication de la résurrection du Christ, selon laquelle tous les morts seraient finalement libérés de leurs tombeaux grâce à sa mort et à sa résurrection, sema le trouble parmi les sadducéens. En effet, leur doctrine se trouvait par là même en péril et leur réputation était en jeu. Plusieurs des fonctionnaires et le commndant du temple étaient sadducéens. Avec un certain nombre d'entre eux, le commandant fit arrêter les deux apôtres et les fit jeter en prison, car il était trop tard, ce soir-là, pour qu'ils soient interrogés. HR 257 3 Le lendemain, Anne et Caïphe, ainsi que d'autres dignitiaires du temple, se retrouvèrent pour juger les prisonniers qui furent amenés pour comparaître devant eux. C'est dans cette même salle et en présence de ces mêmes hommes que Pierre avait honteusement renié le Seigneur. Ce reniement revint distinctement à l'esprit du disciple au moment où il passait lui-même en jugement. Maintenant, il avait la possibilité de se racheter de sa lâcheté passée. HR 258 1 Les accusateurs se souvenaient du rôle que Pierre avait joué lors du procès de son Maître, et ils se réjouissaient de pouvoir l'impressionner maintenant par des menaces d'emprisonnement et de mort. Mais cet homme, qui comparaissait ce jour-là devant le sanhédrin pour être jugé, cet homme impulsif et présomptueux qui avait renié le Christ à l'heure où il était privé de tout appui, n'était plus le même. Pierre était converti; il se défiait de lui-même et n'était plus le vantard qu'il avait été. Il était rempli du Saint-Esprit, et grâce à cette puissance, il était devenu aussi solide qu'un roc, courageux, tout en restant modeste, lorsqu'il exaltait le Christ. Il était résolu à effacer la faute de son reniement en glorifiant le nom qu'il avait désavoué. La courageuse défense de Pierre HR 258 2 Jusqu'alors les prêtres avaient évité de mentionner la crucifixion ou la résurrection de Jésus. Mais maintenant, pour arriver à leurs fins, ils étaient obligés de demander aux accusés par quel pouvoir ils avaient opéré la remarquable guérison de l'infirme. Alors Pierre, rempli du Saint-Esprit, s'adressant respectueusement aux prêtres et aux anciens, déclara: "Il faut que vous le sachiez, vous tous, et que tout le peuple d'Israël le sache: cet homme se présente devant vous en bonne santé par le pouvoir du nom de Jésus de Nazareth, celui que vous avez cloué à la croix et que Dieu a ramené de la mort à la vie. Jésus est celui dont l'Ecriture affirme: 'La pierre que vous, les bâtisseurs, avez rejetée est devenue la pierre principale.' Le salut ne s'obtient qu'en lui, car nulle part dans le monde entier Dieu n'a donné aux hommes quelqu'un d'autre par qui nous pourrions être sauvés." Actes 4:10-12. HR 259 1 Les paroles de Pierre portaient le sceau du Christ, et son visage était illuminé par le Saint-Esprit. Tout près de lui, en tant que témoin irrécusable, se tenait l'homme qui avait été miraculeusement guéri. La présence de cet homme qui, quelques heures auparavant, n'était qu'un misérable impotent, et qui était maintenant resplendissant de santé et éclairé concernant Jésus de Nazareth, ajoutait du poids aux paroles de Pierre. Les prêtres et les chefs du peuple gardaient le silence: ils étaient incapables de réfuter ses affirmations. Ils avaient été obligés d'écouter ce dont ils ne voulaient surtout pas entendre parler -- à savoir que Jésus-Christ était ressuscité et que son pouvoir céleste accomplissait des miracles sur la terre par le moyen des apôtres. HR 259 2 La courageuse défense de Pierre, dans laquelle il déclarait sans ambages d'où lui venait son pouvoir, frappa d'étonnement les chefs du peuple. Il avait parlé de la pierre éliminée par les bâtisseurs -- c'est-à-dire les autorités de l'église, qui auraient dû reconnaître la valeur de celui qu'elles avaient rejeté -- mais qui était devenue néanmoins la pierre principale. L'apôtre désignait ainsi le Christ, qui était la pierre fondamentale de l'Eglise. HR 259 3 Le peuple fut étonné de la hardiesse dont faisaient preuve les disciples. En effet, les gens supposaient que ces derniers étant des pêcheurs sans instruction, ils seraient désemparés lorsqu'ils se trouveraient en présence des prêtres, des scribes et des anciens. Mais ils se rendirent compte que les disciples avaient été avec Jésus. Les apôtres parlaient comme le Christ avait parlé, avec une force de conviction qui imposait le silence à leurs adversaires. Afin de ne pas montrer leur embarras, et de pouvoir se concerter, les prêtres et les chefs juifs ordonnèrent que l'on fasse sortir les apôtres. HR 260 1 Tous les dignitaires de la nation s'accordèrent à dire qu'il serait inutile de nier que l'homme avait été guéri par le pouvoir donné aux apôtres au nom de Jésus crucifié. Ils auraient volontiers dissimulé le miracle par des supercheries; mais la guérison avait été opérée en plein jour et devant une foule de gens, et elle était déjà connue par des milliers de personnes. Quoi qu'il en soit, ils estimèrent qu'il fallait immédiatement mettre un terme à l'oeuvre des apôtres, sinon de nombreux adeptes seraient gagnés à Jésus, cela jetterait le discrédit sur eux, les chefs du peuple, et ils seraient reconnus coupables d'avoir mis à mort le Fils de Dieu. HR 260 2 Malgré leur désir de faire périr les disciples, ils se contentèrent de les menacer des plus cruels châtiments s'ils continuaient à prêcher ou à agir au nom de Jésus. Sur ce, Pierre et Jean déclarèrent avec assurance que Dieu lui-même leur avait confié cette oeuvre, et qu'ils ne pouvaient pas renoncer à parler de ce qu'ils avaient vu et entendu. Les prêtres auraient bien aimé punir ces hommes courageux pour leur fidélité envers leur mission sacrée, mais ils craignaient la foule, "car tout le peuple louait Dieu de ce qui était arrivé". Actes 4:21. Aussi, après que des menaces et des injonctions répétées aient uété proférées contre eux, les apôtres furent relâchés. ------------------------Chapitre 34 -- Fidèles malgré la persécution HR 261 0 Ce chapitre est basé sur Actes 5:12-42. HR 261 1 Les apôtres, revêtus d'une grande puissance, continuèrent leur oeuvre de miséricorde en guérissant les malades et en prêchant le Sauveur crucifié et ressuscité. Nombreux étaient ceux qui entraient dans l'Eglise par le baptême, mais nul n'osait se joindre à elle, à moins d'être complètement un de coeur et d'esprit avec ceux qui croyaient en Jésus. Des multitudes de gens accouraient à Jérusalem, pour y amener des malades et ceux qui étaient tourmentés par des esprits impurs. Un grand nombre d'entre eux étaient placés dans les rues où Pierre et Jean passaient, afin que leur ombre les couvre et qu'ils soient guéris. La puissance du Sauveur ressuscité s'était manifestement emparée des apôtres qui accomplissaient des signes et des miracles qui augmentaient chaque jour le nombre des croyants. HR 261 2 Tout cela mettait les prêtres et les chefs de la nation dans un cruel embarras, notamment ceux qui, parmi eux, étaient sadducéens. Ils se rendaient compte que si l'on permettait aux apôtres de prêcher la résurrection du Sauveur et d'accomplir des miracles en son nom, la doctrine des sadducéens selon laquelle il n'y a pas de résurrection des morts serait finalement rejetée par tous, et leur secte ne tarderait pas à disparaître. De leur côté, les pharisiens comprenaient que cette prédication de Jésus-Christ aurait pour effet de saper les fondements des cérémonies juives et de rendre superflues leurs offrandes rituelles. Les efforts qu'ils avaient faits jusque-là pour réduire au silence ces prédicateurs avaient été vains, mais maintenant, ils étaient déterminés à mettre un terme à cette effervescence. Délivrés par un ange HR 262 1 Les apôtres furent donc arrêtés et mis en prison, et le sanhédrin fut convoqué pour examiner leur cas. Outre les membres de ce conseil, un grand nombre d'hommes instruits furent appelés en renfort, et ils se consultèrent sur ce qu'il convenait de faire avec ces perturbateurs de l'ordre public. "Mais pendant la nuit, un ange du Seigneur ouvrit les portes de la prison, fit sortir les apôtres et leur dit: Allez dans le temple et annoncez au peuple tout ce qui concerne la vie nouvelle. Les apôtres obéirent: tôt le matin, ils allèrent dans le temple et se mirent à enseigner". Actes 5:19-21. HR 262 2 Quand les deux apôtres apparurent parmi les frères et racontèrent comment l'ange les avait conduits à travers le groupe de soldats qui gardaient la prison et qui leur avait donné l'ordre de poursuivre l'oeuvre qui avait été interrompue par les prêtres et les chefs du peuple, les frères furent remplis d'étonnement et de joie. HR 262 3 Pendant ce temps, les prêtres et les anciens réunis en conseil avaient décidé d'accuser les disciples d'insurrection, du meurtre d'Ananias et de Saphira (Actes 5:1-11), et de conspiration contre les prêtres qu'ils auraient voulu priver de leur autorité et faire mourir. Ils espéraient ainsi exciter la foule qui prendrait les choses en main, et traiterait les apôtres comme elle avait traité Jésus. Ils savaient que parmi ceux qui n'acceptaient pas la doctrine du Christ, certains, las du gouvernement arbitraire des autorités juives, désiraient vivement un changement décisif. Les dirigeants craignaient que si ces mécontents s'intéressaient aux enseignements des apôtres et s'ils y adhéraient, reconnaissant Jésus comme le Messie, la colère de tout le peuple se déchaînerait contre les prêtres qui devraient alors répondre de la mort du Christ. Pour éviter cela, ils décidèrent de prendre des mesures énergiques. Ils firent donc appeler les prétendus prisonniers pour qu'on les amène devant eux. Grand fut leur étonnement quand on les informa que ceux-ci n'avaient été trouvés nulle part, bien que les portes de la prison aient été soigneusement fermées et les gardes placés devant elles. HR 263 1 Bientôt leur parvint ce compte rendu stupéfiant: "Ecoutez! Les hommes que vous avez mis en prison se trouvent dans le temple où ils enseignent le peuple". Actes 5:25. Bien que miraculeusement délivrés de la prison, les disciples n'échappèrent ni à l'interrogatoire ni au châtiment. Le Christ avait dit, lorsqu'il était avec eux: "Faites attention à vous-mêmes. Car des gens vous feront passer devant les tribunaux". Marc 13:9. En leur envoyant un ange pour les libérer, Dieu leur avait donné une preuve de son amour et l'assurance de sa présence. C'était maintenant à eux de souffrir pour l'amour de celui dont ils annonçaient le message. Les gens avaient été tellement bouleversés par ce qu'ils avaient vu et entendu que les prêtres et les chefs de la nation se rendirent compte qu'il était impossible de les dresser contre les apôtres. Deuxième comparution devant le sanhédrin HR 263 2 "Le chef des gardes partit alors avec ses hommes et ils ramenèrent les apôtres. Mais ils n'usèrent pas de violence, car ils avaient peur que le peuple leur lance des pierres. Après les avoir ramenés, ils les firent comparaître devant le Conseil et le grand-prêtre se mit à les interroger. Il leur dit: Nous vous avions sévèrement défendu d'enseigner au nom de cet homme. Et qu'avez-vous fait? Vous avez répandu votre enseignement dans toute la ville de Jérusalem et vous voulez nous rendre responsables de sa mort!" Actes 5:26-28. Ils n'étaient plus disposés à assumer la responsabilité de la mort de Jésus comme le jour où ils s'étaient joints à la foule pour crier: "Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants!" Matthieu 27:25 (Segond). HR 264 1 Pierre et les autres apôtres employèrent le même système de défense que celui qu'ils avaient adopté lors de leur précédente comparution: "Pierre et les apôtres répondirent: Nous devons obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes". Actes 5:29. C'était l'ange du ciel qui les avait délivrés de la prison qui leur avait donné l'ordre d'enseigner dans le temple. En suivant ses ordres, ils obéissaient à un commandement divin, ce qu'ils devaient continuer à faire quoi qu'il leur en coûte. Pierre ajouta: "Le Dieu de nos ancêtres a rendu la vie à ce Jésus que vous aviez fait mourir en le clouant à la croix. Dieu l'a élevé à sa droite et l'a établi comme chef et Sauveur pour donner l'occasion au peuple d'Israël de changer de comportement et de recevoir le pardon de ses péchés. Nous sommes témoins de ces événements, nous et le Saint-Esprit que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent". Actes 5:30-32. HR 264 2 L'Esprit d'inspiration descendit alors sur les disciples, et les accusés devinrent des accusateurs en chargeant les prêtres et les chefs de la nation, membres du sanhédrin, du meurtre du Christ. Les Juifs, exaspérés par ces paroles, décidèrent d'appliquer la loi et de mettre les prisonniers à mort sans autre forme de procès et sans l'accord des autorités romaines. Coupables déjà du sang du Christ, ils étaient impatients de souiller leurs mains avec le sang des disciples. Mais il y avait là un homme éclairé et lucide qui occupait un rang élevé et qui comprit que ce procédé violent entraînerait de terribles conséquences. Dieu suscita donc au sein de leur conseil cet homme capable d'apaiser la colère des prêtres et des chefs du peuple. HR 265 1 Il s'agissait de Gamaliel, pharisien et docteur de la loi instruit de haute réputation et d'une très grande prudence qui, avant d'intervenir en faveur des prisonniers, demanda qu'on les fasse sortir. Puis il déclara avec calme et circonspection: "Gens d'Iraël, prenez garde à ce que vous allez faire à ces hommes. Il n'y a pas longtemps est apparu Theudas, qui prétendait être un personnage important; environ quatre cents hommes se sont joints à lui. Mais il fut tué, tous ceux qui l'avaient suivi se dispersèrent et il ne resta rien du mouvement. Après lui, à l'époque du recencement, est apparu Judas le Galiléen; il entraîna une foule de gens à sa suite. Mais il fut tué, lui aussi, et tous ceux qui l'avaient suivi furent dispersés. Maintenant donc, je vous le dis: ne vous occupez plus de ces hommes et laissez-les aller. Car si leur entreprise et leur oeuvre viennent des hommes, elles disparaîtront. Mais si elles viennent de Dieu, vous ne pourrez pas les détruire. Prenez garde de ne pas vous mettre à combattre Dieu". Actes 5:35-39. HR 265 2 Les prêtres comprirent la justesse de ce raisonnement; ils furent obligés de se ranger à l'avis de Gamaliel et ils relâchèrent à contrecoeur les prisonniers, après les avoir fait battre de verges et après leur avoir formellement défendu sous peine de mort de parler au nom de Jésus. "Les apôtres quittèrent le Conseil, tout joyeux de ce que Dieu les ait jugés dignes d'être traités avec mépris pour le nom de Jésus. Et chaque jour, dans le temple et dans les maisons, ils continuaient sans arrêt à enseigner et à annoncer la Bonne Nouvelle qui concerne Jésus le Messie". Actes 5:41-42. HR 266 1 Les persécuteurs des apôtres durent être bien irrités de voir qu'ils étaient incapables de mettre à la raison ces témoins du Christ dont la foi et le courage transformaient leur opprobre en gloire et leurs épreuves en joie pour la cause de leur Maître qui avait souffert l'humiliation et l'agonie avant eux. Ainsi donc, ces courageux disciples continuaient à enseigner publiquement et secrètement dans les maisons privées, à la demande des occupants qui n'osaient pas confesser ouvertement leur foi, par crainte des Juifs. ------------------------Chapitre 35 -- L'Eglise s'organise HR 267 0 Ce chapitre est basé sur Actes 6:1-7. HR 267 1 "En ce temps-là, comme le nombre des disciples augmentait, les Juifs parlant grec se plaignirent des Juifs du pays: ils disaient que leurs veuves étaient négligées au moment où chaque jour, on distribuait la nourriture". Actes 6:1. Ces Juifs (appelés Hellénistes) habitaient d'autres pays où l'on parlait la langue grecque. La plupart des Juifs convertis parlaient l'hébreu, mais ceux-ci, qui avaient vécu dans l'empire romain, parlaient uniquement le grec. Le mécontentement commença à se manifester parmi eux parce que leurs veuves indigentes ne recevaient pas une aide aussi importante que celle dont bénéficiaient les nécessiteux juifs. Toute injustice en ce domaine étant une offense à Dieu, on prit rapidement des mesures pour que la paix et l'harmonie soient rétablies parmi les croyants. HR 267 2 Le Saint-Esprit suggéra un système qui permettrait aux apôtres d'être déchargés de la tâche qui consistait à faire la distribution des secours aux pauvres et dispensés d'autres charges semblables, afin qu'ils puissent consacrer leur temps à annoncer le Christ. "Les douze apôtres réunirent alors tout le groupe des disciples et leur dirent: Il ne serait pas juste que nous cessions de prêcher la parole de Dieu pour nous occuper des repas. C'est pourquoi, frères, choisissez parmi vous sept hommes de bonne réputation, remplis du Saint-Esprit et de sagesse, et nous les chargerons de ce travail. Nous pourrons ainsi continuer à donner tout notre temps à la prière et à la tâche de la prédication". Actes 6:2-4. HR 268 1 L'Eglise choisit donc sept hommes pleins de foi, ayant la sagesse de l'Esprit de Dieu, afin qu'ils remplissent cette fonction dans l'oeuvre du Seigneur. On choisit en premier Etienne qui était Juif de naissance, mais qui parlait le grec et connaissait bien les us et coutumes des Grecs. C'est pourquoi on estima qu'il était le mieux à même de diriger et de superviser la distribution des fonds destinés aux veuves, aux orphelins et aux vrais pauvres. Ce choix fut approuvé de tous, et le mécontentement et les murmures cessèrent. HR 268 2 Les sept hommes ainsi choisis furent solennellement consacrés pour leur tâche par la prière et l'imposition des mains. Ceux qui furent mis à part pour cet office ne furent pas exclus pour autant du ministère de la prédication, bien au contraire; il nous est dit: "Etienne, qui était rempli de force par la bénédiction de Dieu, accomplissait des prodiges et de grands miracles parmi le peuple." Actes 6:8. Ces hommes étaient pleinement qualifiés pour enseigner la vérité. Leur calme, leur discernement et leur discrétion les rendaient aptes à résoudre des cas difficiles en matière de litiges, de plaintes ou de jalousies. HR 268 3 Le choix de ces hommes chargés de s'occuper des affaires de l'Eglise, afin que les apôtres soient disponibles pour enseigner la vérité, fut grandement béni de Dieu. L'Eglise progressa en nombre et en force. "La parole de Dieu se répandait de plus en plus. Le nombre des disciples augmentait beaucoup à Jérusalem et de très nombreux prêtres acceptaient la foi". Actes 6:7. HR 268 4 Il est nécessaire que la même forme d'organisation soit maintenue aujourd'hui dans l'Eglise comme au temps des apôtres. Les progrès de la cause de Dieu dépendent en grande partie du fonctionnement de ses différents services qui doivent être assurés par des hommes compétents, possédant les qualifications requises pour leur tâche. Ceux que Dieu choisit comme dirigeants dans son oeuvre, pour veiller aux intérêts spirituels de l'Eglise, devraient, autant que possible, être déchargés des responsabilités et des soucis d'ordre temporel. Ceux que le Seigneur a appelés à enseigner la parole et la doctrine devraient avoir du temps pour méditer, pour prier et pour étudier les Ecritures. En s'occupant des détails relatifs aux affaires séculières et en étant confrontés aux différents tempéraments de ceux qui participent aux activités de l'Eglise, leur discernement spirituel s'affaiblit. Il est normal que toutes les affaires à caractère temporel soient soumises à des administrateurs compétents et réglées par eux. Mais si ces affaires sont compliquées au point que ceux-ci ne sont pas capables de les résoudre, elles devraient être portées devant un comité composé de ceux qui sont chargés de superviser l'Eglise tout entière. ------------------------Chapitre 36 -- Le martyre d'Etienne HR 270 0 Ce chapitre est basé sur Actes 6:8-7:60. HR 270 1 Etienne jouait un rôle très actif dans la cause de Dieu et faisait part de sa foi avec courage. "Quelques hommes s'opposèrent alors à lui: c'étaient d'une part des membres de la synagogue dite des 'Esclaves libérés', qui comprenaient des Juifs de Cyrène et d'Alexandrie, et d'autre part des Juifs de Cilicie et de la province d'Asie. Ils se mirent à discuter avec Etienne. Mais ils ne pouvaient pas lui résister, car il parlait avec la sagesse que lui donnait l'Esprit Saint". Actes 6:9, 10. Ces élèves des grands rabbins croyaient qu'au cours d'un débat public, ils battraient Etienne sur toute la ligne, à cause de sa soi-disant ignorance. En fait, Etienne ne parla pas seulement sous l'influence du Saint-Esprit, mais il démontra devant la vaste assistance qu'il était également versé en matière de prophéties et sur toutes les questions concernant la loi. Il défendit avec compétence les vérités qu'il prêchait et confondit totalement ses adversaires. HR 270 2 En constatant la merveilleuse puissance qui accompagnait la prédication d'Etienne, les prêtres et les chefs de la nation furent remplis d'une haine farouche, et au lieu de reconnaître le bien-fondé de ses arguments, ils décidèrent de le réduire au silence en le faisant mourir. HR 270 3 Ils se saisirent donc de lui et l'amenèrent devant le sanhédrin pour être jugé. HR 270 4 Des savants juifs des pays voisins furent appelés en renfort pour réfuter les arguments de l'accusé. Saul de Tarse, qui s'était révélé un ennemi juré de la doctrine du Christ et un persécuteur de tous ceux qui croyaient en Jésus, était également présent, et il prit une part active dans les accusations formulées contre Etienne. Il apporta tout le poids de l'éloquence et de la logique des rabbins pour aggraver le cas de l'accusé et convaincre l'assistance qu'il prêchait des doctrines trompeuses et dangereuses. HR 271 1 Mais Saul de Tarse trouva en Etienne un homme aussi instruit que lui et qui comprenait pleinement le plan de Dieu pour la diffusion de l'Evangile parmi les autres nations. Etienne croyait dans le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, et il mesurait parfaitement les privilèges des Juifs. Cependant, sa foi n'était pas étriquée, bien au contraire, et il savait que l'heure était venue où les vrais croyants n'adoreraient pas seulement dans des temples faits de main d'homme, mais que, dans le monde entier, des hommes adoreraient Dieu en esprit et en vérité. Le voile avait été tiré de devant les yeux d'Etienne, et il pouvait voir la fin de ce qui avait été aboli par la mort du Christ. HR 271 2 Malgré leur hostilité farouche, les prêtres et les chefs du peuple ne pouvaient l'emporter sur la sagesse évidente et sereine d'Etienne. Ils résolurent donc de faire un exemple: tandis qu'ils assouviraient ainsi leur haine vengeresse, par la menace ils empêcheraient les autres d'adopter la foi de l'accusé. Ils soudoyèrent donc de faux témoins qui affirmèrent l'avoir entendu proférer des paroles blasphématoires contre le temple et contre la loi: "Nous l'avons entendu dire que ce Jésus de Nazareth détruira le temple et changera les coutumes que nous avons reçues de Moïse". Actes 6:14. HR 271 3 Tandis qu'Etienne était debout devant ses juges, pour répondre à l'accusation de blasphème qui était portée contre lui, une sainte lumière illuminait son visage. "Tous ceux qui étaient assis dans la salle du Conseil avaient les yeux fixés sur Etienne et ils virent que son visage était semblable à celui d'un ange". Actes 6:15. Plusieurs de ceux qui virent cette lumière se mirent à trembler et se voilèrent la face, mais l'incrédulité et les préjugés ne faiblirent pas pour autant. La défense d'Etienne HR 272 1 Quand on questionna Etienne sur la véracité des accusations qui pesaient sur lui, il entreprit sa défense d'une voix claire et vibrante qui résonna dans la salle du Conseil. En termes qui tinrent l'auditoire sous le charme, il rappela l'histoire du peuple élu. Il fit preuve d'une connaissance parfaite de l'économie juive et de son interprétation spirituelle, rendue désormais manifeste en Christ. Il commença par Abraham et retraça l'histoire de génération en génération, en se référant aux annales de la nation d'Isaël jusqu'à Salomon et en mettant en relief les épisodes les plus marquants pour soutenir sa cause. HR 272 2 Il affirma sa fidélité à Dieu et à la foi juive, tout en déclarant que la loi dans laquelle les Juifs espéraient trouver le salut n'avait pu sauver Israël de l'idolâtrie. Il établit un lien entre Jésus-Christ et toute l'histoire juive. Il évoqua la construction du temple de Salomon, cita les paroles du fils de David et celles d'Esaïe: "Mais le Très-Haut n'habite pas dans des maisons construites par les hommes. Comme le déclare le prophète: 'Le ciel est mon trône, dit le Seigneur, et la terre un escabeau sous mes pieds. Quel genre de maison pourriez-vous me bâtir? En quel endroit pourrais-je m'installer? N'est-ce pas moi-même qui ai fait tout cela?'" Actes 7:48-50. HR 272 3 Lorsque Etienne arriva à ce passage de l'Ecriture, un tumulte éclata dans l'assistance. L'accusé lut alors sur le visage de ses juges quel sort lui était réservé. Il sentit quelle résistance rencontraient ses paroles qui lui étaient inspirées par le Saint-Esprit. Il savait qu'il rendait son ultime témoignage. Parmi ceux qui lisent le discours d'Etenne, rares sont ceux qui l'apprécient à sa juste valeur. Pour que ses paroles revêtent leur pleine signification, les circonstances, le temps et le lieu doivent être pris en considération. HR 273 1 Quand il montra le lien entre le Christ et les prophéties et parla du temple, le grand prêtre, frappé d'indignation, déchira ses vêtements. Ce geste avertit Etienne que sa voix serait bientôt réduite à jamais au silence. Bien qu'étant au milieu de son discours, il conclut brusquement en interrompant le fil de son récit et, se tournant vers ses juges devenus furieux, il s'écria: "O vous hommes rebelles, dont le coeur et les oreilles sont fermés aux appels de Dieu, vous résistez toujours au Saint-Esprit! Vous êtes comme vos ancêtres! Lequel des prophètes vos ancêtres n'ont-ils pas persécuté? Ils ont tué ceux qui ont annoncé la venue du seul juste; et maintenant, c'est lui que vous avez trahi et tué. Vous qui avez reçu la loi de Dieu par l'intermédiaire des anges, vous n'avez pas obéi à cette loi!" Actes 7:51-53. La lapidation HR 273 2 En entendant ces paroles, les prêtres et les chefs de la nation, exaspérés, écumèrent de rage. Agissant comme des bêtes de proie plutôt que comme des êtres humains, ils se ruèrent sur Etienne en grinçant des dents. Mais il ne fut pas impressionné; il s'y attendait. Son visage était calme et brillait d'une lumière angélique. Les prêtres déchaînés et la foule excitée ne provoquèrent en lui aucune crainte. "Mais lui, rempli du Saint-Esprit, regarda vers le ciel; il vit alors la gloire de Dieu et Jésus debout à la droite de Dieu. Il dit: Ecoutez, je vois les cieux ouverts et le Fils de l'homme debout à la droite de Dieu". Actes 7:55, 56. HR 274 1 Puis la scène qu'il avait devant lui disparut à ses yeux. Les portes du ciel s'entrouvrirent à ses regards, et il vit la gloire de ses parvis et le Christ se levant de son trône, prêt à intervenir en faveur de son serviteur sur le point de souffrir le martyre pour son nom. Lorsque Etienne décrivit la scène glorieuse qui se déroulait devant lui, ce fut plus que ses persécuteurs n'en pouvaient supporter. "Ils poussèrent alors de grands cris et se bouchèrent les oreilles. Ils se précipitèrent tous ensemble sur lui, l'entraînèrent hors de la ville et se mirent à lui jeter des pierres pour le tuer. ... Tandis qu'on lui jetait des pierres, Etienne priait ainsi: Seigneur Jésus, reçois mon esprit! Puis il tomba à genoux et cria d'une voix forte: Seigneur, ne les tiens pas pour coupables de ce péché! Après avoir dit ces mots, il mourut". Actes 7:57-60. HR 274 2 Le martyre d'Etienne fit une profonde impression sur tous ceux qui en furent témoins. Ce fut une douloureuse épreuve pour l'Eglise, mais elle eut pour résultat la conversion de Saul de Tarse qui n'arrivait pas à effacer de son esprit la foi, le courage et le rayonnement de ce martyr. A l'exception de ceux qui s'endurcirent pour résister à la lumière, le souvenir du sceau de Dieu imprimé sur le visage d'Etienne, celui de ses paroles qui pénétrèrent l'âme des hommes qui les entendirent se gravèrent dans la mémoire de ceux qui assistèrent à sa lapidation et témoignèrent de la vérité qu'il avait proclamée. HR 274 3 Aucune sentence légale ne fut prononcée contre Etienne, mais les autorités romaines reçurent de fortes sommes d'argent pour que l'affaire soit étouffée. A la vue du jugement et de la mise à mort d'Etienne, Saul avait paru animé d'un zèle frénétique. Cependant, il était irrité contre lui-même, car il avait l'intime conviction que ce martyr était honoré par Dieu au moment même où il était rejeté des hommes. HR 275 1 Saul continua à persécuter l'Eglise du Seigneur, pourchassant les croyants, les arrachant de leurs maisons et les livrant aux prêtres et aux chefs du peuple pour les envoyer en prison et les faire mourir. Le zèle qu'il mit à poursuivre la persécution sema la terreur parmi les chrétiens de Jérusalem. Les autorités romaines ne firent aucun effort particulier pour mettre un terme à cette cruelle entreprise; mais elles aidèrent secrètement les Juifs pour se concilier leur faveur. HR 275 2 Saul l'érudit fut un puissant instrument entre les mains de Satan pour alimenter la rébellion contre le Fils de Dieu. Mais un être plus fort que Satan avait choisi Saul de Tarse qui allait succéder à Etienne, le martyr, et qui allait agir et souffrir à son tour pour le nom de Jésus. Saul jouissait d'une haute réputation parmi les Juifs, à cause de son instruction et de son zèle pour persécuter les chrétiens. Avant la mort d'Etienne, il ne faisait pas partie du sanhédrin dont il devint membre à cause du rôle qu'il avait joué en la circonstance. ------------------------Chapitre 37 -- La conversion de Saul HR 276 0 Ce chapitre est basé sur Actes 9:1-22. HR 276 1 Saul de Tarse fut profondément troublé par le glorieux martyre d'Etienne, au point que ses préjugés furent ébranlés. Mais le point de vue et les arguments des prêtres et des notables finirent par le convaincre qu'Etienne était un blasphémateur, que le Christ qu'il annonçait était un imposteur et que ceux qui remplissaient des fonctions sacrées devaient avoir raison. Homme de caractère et d'action, Saul devint profondément hostile au christianisme, après avoir acquis la conviction que les prêtres et les scribes étaient dans le vrai. Son zèle le conduisit à persécuter de sa propre initiative les croyants. Il agissait pour que de saints hommes soient traînés devant les tribunaux, pour qu'ils soient jetés en prison ou condamnés à mort sans preuves, et sans qu'on puisse leur reprocher quoi que ce soit, si ce n'est leur foi en Jésus. Jacques et Jean témoignèrent d'un tempérament semblable, quoique différemment orienté, lorsqu'ils voulurent faire tomber le feu du ciel sur ceux qui avaient méprisé et ridiculisé leur Maître. HR 276 2 Saul se proposait de se rendre à Damas pour ses propres affaires; mais il souhaitait faire d'une pierre deux coups en recherchant, chemin faisant, tous ceux qui croyaient en Jésus. Dans ce but, il obtint des lettres émanant du grand prêtre, destinées à être lues dans les synagogues, et qui l'autorisaient à arrêter tous ceux qui étaient soupçonnés de croire au Christ et à les conduire avec des porteurs d'ordres à Jérusalem pour y être jugés et condamnés. Saul de Tarse, en pleine possession de sa force virile et enflammé par un zèle trompeur, se mit donc en route. HR 277 1 Tandis que les voyageurs fatigués approchaient de Damas, les yeux de Saul contemplèrent avec satisfaction la plaine fertile, les magnifiques jardins, les vergers couverts de fruits et les ruisseaux limpides qui couraient parmi la verdure. Après avoir effectué un long parcours à travers une région désolée, c'était un spectacle rafraîchissant pour la vue. Tandis que Saul et ceux qui l'accompagnaient admiraient ce spectacle, soudain, une lumière plus forte que celle du soleil resplendit autour de lui. "Il tomba à terre et entendit une voix qui lui disait: Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu? Il demanda: Qui es-tu Seigneur? Et la voix répondit: Je suis Jésus que tu persécutes". Actes 9:4, 5. La vision du Christ HR 277 2 La scène sema la plus grande confusion. Les compagnons de Saul furent frappés de terreur et presque aveuglés par l'éclat de la lumière. Ils entendaient la voix, mais ils ne voyaient personne; pour eux, tout cela était incompréhensible et mystérieux. Saul, qui gisait sur le sol, comprenait les paroles que l'on entendait et voyait clairement devant lui le Fils de Dieu. Un seul regard sur cet Etre glorieux grava pour toujours son image dans l'âme du Juif terrassé. Les paroles qu'il entendait lui allaient droit au coeur avec une force redoutable. Des flots de lumière se déversaient dans les replis obscurs de son esprit, lui révélant son ignorance et son erreur. Saul se rendit compte qu'en croyant servir Dieu avec zèle lorsqu'il persécutait les disciples du Christ, il avait en réalité accompli l'oeuvre de Satan. HR 278 1 Il comprit la folie dont il avait fait preuve en faisant reposer sa foi sur l'autorité des prêtres et des chefs religieux qui, en raison de leurs fonctions sacrées, avaient exercé une grande influence sur lui, et qui l'avaient incité à croire que le récit de la résurrection était une supercherie montée de toutes pièces par les disciples de Jésus. Maintenant que le Christ s'était révélé à Saul, le sermon d'Etienne s'imposait avec force à sa pensée. Les paroles de ce martyr, que les prêtres avaient qualifiées de blasphématoires, lui apparaissaient maintenant comme véridiques. En cette heure de merveilleuse illumination, son esprit réagit avec une remarquable rapidité: il récapitula l'histoire prophétique et comprit le rejet du Christ par les Juifs, sa crucifixion, sa résurrection et son ascension, qui avaient été prédites par les prophètes, autant de preuves que Jésus était bien le Messie promis. Les paroles d'Etienne lui revinrent en mémoire: "Je vois les cieux ouverts et le Fils de l'homme debout à la droite de Dieu" (Actes 7:56), et il réalisa que le saint agonisant avait contemplé le royaume de gloire. HR 278 2 Quelles révélations pour le persécuteur des croyants! Une lumière éclatante et terrible avait transpercé son âme. Le Christ s'était revélé à lui comme celui qui était venu ici-bas pour accomplir sa mission, qui avait été rejeté, maltraité, condamné et crucifié par ceux qu'il était venu sauver, qui était ressuscité des morts et monté aux cieux. En ce moment redoutable, Saul se souvint qu'Etienne, le saint, avait été sacrifié avec son consentement, et qu'à cause de lui, de nombreux croyants de valeur avaient été persécutés et mis à mort. HR 278 3 "Je demandai alors: 'Que dois-je faire, Seigneur?' Et le Seigneur me dit: 'Relève-toi, va à Damas, et là on te dira tout ce que Dieu t'ordonne de faire'". Actes 22:10. Pas un instant Saul ne douta que celui qui lui parlait était bien Jésus de Nazareth et qu'il était véritablement le Messie attendu depuis longtemps, la consolation et le Rédempteur d'Israël. HR 279 1 Lorsque la glorieuse lumière eut disparu, et que Saul se fut relevé de terre, il était frappé de cécité. L'éclat de la gloire du Christ avait été trop intense pour ses yeux de mortel, et lorsque cette gloire s'évanouit, il fut plongé dans d'épaisses ténèbres. Il crut que cette cécité était une punition infligée par Dieu pour les cruelles persécutions qu'il avait fait subir aux disciples de Jésus. Il avança en tâtonnant au milieu de cette obscurité inquiétante, et ses compagnons, saisis de crainte et de stupeur, le prirent par la main et le conduisirent jusqu'à Damas. Prise de contact avec l'Eglise HR 279 2 La réponse à la question de Saul était ainsi conçue: "Relève-toi, va à Damas, et là on te dira ce que tu dois faire." Le Seigneur adressa le Juif perplexe à son Eglise pour que celle-ci lui fasse connaître quel était son devoir. Le Christ avait accompli l'oeuvre de révélation et de conviction; maintenant, le pénitent était dans les conditions requises pour être éclairé par ceux que Dieu avait chargés d'enseigner sa vérité. Ainsi, le Sauveur approuvait l'autorité de son Eglise organisée et mettait Saul en contact avec ses représentants sur la terre. L'illumination céleste avait privé Saul de la vue; cependant, Jésus, le grand Médecin, ne la lui a pas rendue immédiatement. Le Christ est la source de toutes les bénédictions, mais il a établi une Eglise qui le représente sur la terre, et c'est à elle qu'il appartient de conduire le pécheur repentant sur le chemin de la vie. Ceux-là même que Saul avait voulu détruire allaient devenir ses instructeurs dans la religion qu'il avait méprisée et à laquelle il s'était violemment opposé. HR 280 1 La foi de Saul avait été mise à rude épreuve pendant les trois jours durant lesquels il avait jeûné et prié dans la maison de Judas, à Damas. Il était complètement aveugle et ignorait totalement ce qu'on attendait de lui. Il avait reçu l'ordre de se rendre à Damas, et là, on lui dirait ce qu'il avait à faire. Dans son incertitude et sa détresse, il pria Dieu avec ferveur. "Il y avait à Damas un disciple appelé Ananias. Le Seigneur lui apparut dans une vision et lui dit: Ananias! Il répondit: Me voici, Seigneur. Le Seigneur lui dit: Pars tout de suite pour aller dans la rue Droite et, dans la maison de Judas, demande un homme de Tarse appelé Saul. Il prie en ce moment et, dans une vision, il a vu un homme appelé Ananias qui entrait et posait les mains sur lui afin qu'il puisse voir de nouveau". Actes 9:10-12. HR 280 2 Ananias avait de la peine à croire ce que lui disait le messager angélique, car la cruelle persécution provoquée par Saul avait sévi partout. Il se permit d'objecter: "Seigneur, de nombreuses personnes m'ont parlé de cet homme et m'ont dit tout le mal qu'il a fait à ceux qui t'appartiennent à Jérusalem. Et il est venu ici avec le pouvoir que lui ont accordé les chefs des prêtres d'arrêter tous ceux qui font appel à ton nom". Actes 9:13, 14. Mais l'ordre donné à Ananias était impératif: "Va, car j'ai choisi cet homme et je l'utiliserai pour faire connaître mon nom aux autres nations, à leurs rois et au peuple d'Israël". Actes 9:15. HR 280 3 Le disciple, suivant les directives de l'ange, se rendit donc auprès de l'homme qui, tout récemment encore, avait proféré des menaces contre tous ceux qui croyaient dans le nom de Jésus, et lui dit: "Saul, mon frère, le Seigneur Jésus qui t'est apparu sur le chemin par lequel tu venais m'a envoyé pour que tu puisses voir de nouveau et que tu sois rempli du Saint-Esprit. Aussitôt quelque chose de semblable à des écailles tomba des yeux de Saul et il put voir de nouveau. Il se leva et fut baptisé". Actes 9:17, 18. HR 281 1 Ici, le Christ nous donne un enseignement concernant la manière dont il agit pour le salut des humains. Il aurait pu accomplir cette oeuvre directement par Saul; mais tel n'était pas son plan. Ses bénédictions devaient être répandues par l'intermédiaire de ceux qu'il avait désignés dans ce but. Saul devait se confesser à ceux qu'il avait voulu détruire et le Seigneur entendait confier une oeuvre impliquant des responsabilités à des hommes qu'il avait autorisés à agir en son nom. HR 281 2 Saul devint donc un élève des disciples du Christ. A la lumière de la loi, il comprit qu'il était pécheur. Il vit que Jésus, qu'il avait, dans son ignorance, considéré comme un imposteur, était l'auteur et le fondateur de la religion du peuple de Dieu depuis l'époque d'Adam, celui qui porte la foi à son achèvement et qui illuminait maintenant sa vision avec clarté. Il vit aussi que le Christ était le défenseur de la vérité et en qui se réalisaient les prophéties. Saul avait cru que Jésus avait annulé la loi divine; mais quand le doigt de Dieu eut guéri son aveuglement spirituel, il comprit que le Christ était à l'origine de tout le rituel juif des sacrifices, qu'il était venu sur la terre dans le but précis de justifier la loi de son Père, et que par sa mort, les éléments préfigurateurs de la loi avaient rencontré la réalité. A la lumière de la loi morale, qu'il avait cru observer scrupuleusement, Saul apparut à ses propres yeux comme le plus grand des pécheurs. Le persécuteur devient apôtre HR 282 1 Paul fut baptisé par Ananias dans le fleuve de Damas. Après avoir mangé, il reprit des forces et commença aussitôt à prêcher le nom de Jésus aux croyants de la ville, ceux-là même qu'il s'était proposé de faire mourir lorsqu'il avait quitté Jérusalem. Il enseigna également dans les synagogues que Jésus, qui avait été mis à mort, était véritablement le Fils de Dieu. Ses arguments, fondés sur la prophétie, étaient si concluants et ses efforts étaient si manifestement soutenus par la puissance de Dieu que les Juifs restaient confondus et ne savaient que lui répondre. L'éducation rabbinique et pharisaïque de Paul pouvait désormais être employée à bon escient pour annoncer l'Evangile et pour prêter main forte à la cause qu'il s'était évertué à détruire jusqu'alors. HR 282 2 Les Juifs furent profondément surpris et déconcertés par la conversion de Paul. Ils savaient quelles étaient ses fonctions à Jérusalem et quel était l'objet principal de sa venue à Damas. Ils savaient que le grand prêtre l'avait chargé d'une mission qui l'autorisait à se saisir de ceux qui croyaient en Jésus et de les faire emprisonner à Jérusalem. Or, ils constataient que cet homme annonçait maintenant l'Evangile du Christ, qu'il fortifiait ceux qui étaient déjà ses disciples et gagnait continuellement de nouveaux adeptes à la foi qu'il avait naguère si farouchement combattue. Paul démontrait à tous ceux qui l'écoutaient que sa conversion n'était pas l'effet d'une impulsion passagère ni du fanatisme, mais qu'elle était fondée sur des preuves irréfutables. HR 282 3 A mesure qu'il prêchait dans les synagogues, la foi de Paul s'affermissait; le zèle qu'il mettait à proclamer que Jésus était le Fils de Dieu grandissait devant l'opposition violente des Juifs. Cependant, il ne pouvait pas prolonger son séjour à Damas, car une fois que les Juifs furent remis de la surprise que produisit sur eux sa conversion spectaculaire et les efforts qu'il déploya par la suite, ils rejetèrent résolument les preuves éclatantes en faveur de la doctrine du Christ. L'étonnement qu'ils éprouvèrent devant la conversion de Paul devint une haine implacable envers lui, comparable à celle qu'ils avaient témoignée contre Jésus. Se préparer à servir HR 283 1 La vie de Paul étant en danger, le Seigneur lui donna l'ordre de quitter temporairement Damas. Il partit donc pour l'Arabie. Là, dans une solitude relative, il put communier avec Dieu et se livrer au recueillement. Il désirait être seul avec le Seigneur, sonder son propre coeur, fortifier son repentir et se préparer par la prière et par l'étude à entreprendre une oeuvre qui, à ses yeux, semblait trop vaste et trop importante pour lui. Paul était un apôtre choisi non par des hommes mais par Dieu lui-même et sa mission était clairement définie: il devait prêcher parmi les Gentils. HR 283 2 Pendant son séjour en Arabie, Paul ne prit pas contact avec les apôtres; il rechercha Dieu de tout son coeur, bien décidé à ne s'accorder aucun repos avant d'être sûr que son repentir était accepté et que sa grande faute avait été pardonnée. Il n'abandonnerait pas la partie avant d'avoir la certitude que Jésus serait avec lui dans le ministère auquel il était appelé. Il porterait à jamais dans son corps les marques de la gloire de Jésus -- dans ses yeux qui avaient été aveuglés par la lumière céleste; mais il désirait aussi avoir constamment l'assurance que la grâce du Christ le soutiendrait. Paul entra en contact étroit avec le ciel, et Jésus communia avec lui, l'affermit dans la foi et lui communiqua sa sagesse et sa grâce. ------------------------Chapitre 38 -- Les débuts du ministère de Paul HR 284 0 Ce chapitre est basé sur Actes 9:23-31; 22:17-21. HR 284 1 Retour d'Arabie, Paul se rendit de nouveau à Damas et prêcha avec courage au nom de Jésus. Incapables de réfuter le bien-fondé de ses arguments, les Juifs se concertèrent pour le réduire au silence par la force, seul argument qui restait à une cause perdue d'avance: ils décidèrent de le tuer. L'apôtre eut vent de leur projet. Les portes de la ville étaient fermées jour et nuit, pour l'empêcher de s'enfuir. Préoccupés, les disciples furent conduits à chercher Dieu dans la prière. Ils dormaient peu, car ils essayaient d'imaginer par quel moyen ils pourraient faire échapper l'apôtre. Finalement, ils eurent l'idée de le faire passer par une fenêtre et de le faire descendre de nuit le long de la muraille de la ville dans une corbeille. C'est de cette manière peu glorieuse que Paul s'échappa de Damas. HR 284 2 Après quoi, Paul se rendit à Jérusalem, désireux qu'il était de faire la connaissance des apôtres et notamment celle de Pierre. Il souhaitait vivement rencontrer le pêcheur galiléen qui avait vécu, prié et conversé avec le Christ quand il était sur la terre. Il désirait ardemment rencontrer le chef des apôtres. Quand Paul entra dans Jérusalem, il considéra la ville et le temple sous un autre angle, car il savait que la menace des jugements de Dieu pesait sur eux. HR 285 1 Le mécontentement et la colère des Juifs qui avaient appris la conversion de Paul étaient sans bornes; mais il restait ferme comme un roc et il espérait que lorsqu'il raconterait sa merveilleuse expérience à ses amis, ils renonceraient à leurs conceptions religieuses comme il l'avait fait lui-même et croiraient en Jésus. C'est en toute bonne conscience qu'il s'était opposé au Christ et à ses disciples; mais quand il fut arrêté par le Seigneur (sur le chemin de Damas) et convaincu de son erreur, il se détourna aussitôt de ses mauvaises voies et professa la foi de Jésus. Maintenant, il était persuadé qu'après avoir appris dans quelles circonstances s'était produite sa conversion et après avoir constaté à quel point il avait changé, lui qui était auparavant un pharisien orgueilleux qui persécutait et livrait à la mort ceux qui croyaient en Jésus Fils de Dieu, ses anciens amis et connaissances se rendraient compte de leur erreur et rallieraient la communauté des chrétiens. HR 285 2 Pour sa part, il essaya de se joindre aux disciples du Seigneur, ses frères; mais grandes furent sa peine et sa déception quand il s'aperçut qu'ils ne l'accueillaient pas comme l'un des leurs. Ils se souvenaient de Saul le persécuteur et le soupçonnaient de leur tendre un piège pour les tromper et les perdre. Certes, ils avaient entendu le récit de sa magnifique conversion, mais comme il s'était immédiatement retiré en Arabie et qu'ils n'avaient plus rien entendu de précis à son sujet, ils n'avaient pas pris au sérieux la rumeur de ce remarquable revirement. La rencontre avec Pierre et Jacques HR 285 3 Barnabas qui avait largement contribué à soutenir financièrement la cause du Christ et à soulager les nécessiteux avait fait la connaissance de Paul quand celui-ci luttait contre les croyants en Jésus. Maintenant, Barnabas allait faire un pas de plus: il renoua donc avec Paul et entendit le récit de sa miraculeuse conversion et de l'expérience qui s'ensuivit. Il crut sans réserve à son témoignage, accueillit Paul et le conduisit auprès des apôtres. Il leur raconta l'expérience qu'il venait d'entendre, à savoir que le Christ était apparu personnellement à Paul sur le chemin de Damas, que le Seigneur avait parlé avec lui, que Paul avait recouvré la vue en réponse aux prières d'Ananias, et qu'à partir de ce jour il n'avait cessé de proclamer dans les synagogues de cette ville que Jésus était le Fils de Dieu. HR 286 1 Sur ce, les apôtres n'hésitèrent pas davantage; ils ne pouvaient en effet s'opposer à Dieu. Pierre et Jean -- qui à l'époque étaient les seuls apôtres résidant à Jérusalem -- serrèrent la main en signe d'accord à celui qui auparavant avait été un ennemi juré de leur foi; désormais, il fut aussi aimé et respecté qu'il avait été craint et repoussé. En la circonstance, les deux grandes figures de la foi nouvelle se trouvaient en présence: Pierre, l'un des disciples préférés du Christ lorsqu'il était sur la terre, et Paul, le pharisien, qui, après l'ascension de Jésus, avait rencontré le Sauveur face à face, avait parlé avec lui, l'avait vu en vision et eu connaissance de son ministère dans le ciel. HR 286 2 Cette première entrevue qui allait être lourde de conséquences pour ces deux apôtres, fut de courte durée car Paul avait hâte de se consacrer aux affaires de son Maître. Bientôt, la voix qui s'était élevée avec tant de force contre Etienne retentit dans la même synagogue pour proclamer hardiment que Jésus était le Fils de Dieu, défendant ainsi la cause pour laquelle Etienne était mort. Paul raconta sa merveilleuse expérience personnelle et, avec un coeur plein d'amour pour ses frères et anciens collaborateurs, il exposa les preuves tirées de la prophétie, comme l'avait Etienne, montrant que Jésus, qui avait été crucifié, était le Fils de Dieu. HR 287 1 Mais Paul s'était mépris sur la mentalité de ses frères juifs. La même fureur qui s'était déchaînée contre Etienne s'abattit sur lui. Alors il comprit qu'il lui fallait se séparer d'eux, et son coeur fut rempli de tristesse. Il aurait volontiers sacrifié sa vie, si par ce moyen il avait pu les amener à la connaissance de la vérité. Pour leur part, les Juifs se mirent à comploter pour le tuer; aussi les disciples engagèrent-ils Paul à quitter Jérusalem. Mais ne désirant pas quitter la ville, soucieux qu'il était de travailler encore un peu en faveur de ses frères juifs, il différa son départ. Il avait pris une part si active dans le martyre d'Etienne qu'il souhaitait ardemment effacer sa faute en prêchant avec courage la vérité qu'Etienne avait payée de sa vie. Au yeux de l'apôtre, quitter Jérusalem eût été un acte de lâcheté. Paul quitte Jérusalem HR 287 2 Tandis que Paul, bravant les conséquences d'un tel geste, priait avec ferveur dans le temple, le Sauveur lui apparut en vision et lui dit: "Hâte-toi, sors vite de Jérusalem, car ses habitants n'accepteront pas ce que tu affirmes à mon sujet". Actes 22:18. Malgré cela, Paul hésitait encore à quitter Jérusalem avant d'avoir réussi à convaincre les Juifs obstinés du bien-fondé de sa foi. Il pensait que, même s'il offrait sa vie en sacrifice pour la vérité, cela suffirait tout juste à payer la lourde dette qu'il avait contractée envers lui-même pour avoir fait mourir Etienne. C'est pourquoi il répondit: "Seigneur, ils (les habitants de Jérusalem) savent bien que j'allais dans les synagogues et que je jetais en prison et faisais battre ceux qui croient en toi. Et lorsqu'on mit à mort Etienne, ton témoin, j'étais là moi aussi. J'ai approuvé ceux qui le tuaient et j'ai gardé leurs vêtements". Actes 22:19, 20. Mais la réponse du Seigneur fut catégorique: "Va, car je t'enverrai au loin, vers ceux qui ne sont pas juifs". Actes 22:21. HR 288 1 Quand les disciples du Christ eurent connaissance de la vision de Paul et de la protection que Dieu lui accordait, leur inquiétude à son sujet grandit, car ils se rendaient compte que Paul était manifestement un instrument choisi de Dieu, destiné à prêcher la vérité aux Gentils. Craignant qu'il ne soit tué par les Juifs, ils précipitèrent en secret son départ de Jérusalem. Ce départ mit provisoirement un terme à la violente opposition des Juifs, et l'Eglise connut une période de répit au cours de laquelle un grand nombre de personnes fut ajouté à la communauté des croyants. ------------------------Chapitre 39 -- Le ministère de Pierre HR 289 0 Ce chapitre est basé sur Actes 9:32-11:18. HR 289 1 Au cours de son ministère, l'apôtre Pierre rendit visite aux croyants de Lydda. Là, il guérit Enée, qui était cloué au lit depuis huit ans par une paralysie. "Pierre lui dit: Enée, Jésus-Christ te guérit! Léve-toi et fais ton lit. Aussitôt Enée se leva. Tous les habitants de Lydda et de la plaine de Saron le virent et se convertirent au Seigneur". Actes 9:34, 35. HR 289 2 Près de Lydda se trouvait Joppé, où mourut Tabitha, appelée en grec Dorcas. Cette femme avait été un fidèle disciple de Jésus-Christ, et sa vie avait été marquée par des oeuvres de charité et de bonté envers les pauvres et les affligés et par son zèle pour la cause de la vérité. Sa mort avait été une grande perte; car l'Eglise naissante pouvait difficilement se passer de ses loyaux services. Quand les croyants entendirent parler des merveilleuses guérisons que Pierre avait accomplies à Lydda, ils souhaitèrent vivement que l'apôtre vienne à Joppé. Des messagers lui furent donc envoyés pour le prier de s'y rendre. HR 289 3 "Pierre partit tout de suite avec eux. Lorsqu'il fut arrivé, on le conduisit dans la chambre située en haut de la maison. Toutes les veuves s'approchèrent de lui en pleurant; elles lui montrèrent les chemises et les manteaux que Dorcas avait faits quand elle vivait encore". Actes 9:39. L'apôtre demanda que les amis qui pleuraient et se lamentaient sortent de la chambre. Puis il se mit à genoux et adressa au Seigneur une fervente prière pour qu'il redonne la vie et la santé au corps inanimé de Dorcas. "Il se tourna vers le corps et dit: Tabitha, lève-toi! Elle ouvrit les yeux et, quand elle vit Pierre, elle s'assit. Pierre lui prit la main et l'aida à se lever. Il appela ensuite les croyants et les veuves, et la leur présenta vivante". Actes 9:40, 41. HR 290 1 Ce grand miracle qui consista à rendre la vie à une femme morte fut le moyen grâce auquel de nombreuses personnes de la ville de Joppé embrassèrent la foi en Jésus. La conversion d'un officier romain HR 290 2 "Il y avait à Césarée un homme appelé Corneille, qui était capitaine dans un bataillon romain dit 'bataillon italien'. Cet homme était pieux et, avec toute sa famille, il participait au culte rendu à Dieu". Actes 10:1, 2. Bien que Corneille fût romain, il avait appris à connaître le vrai Dieu et avait renoncé à l'idolâtrie. Il obéissait à la volonté de Dieu et l'adorait d'un coeur sincère. Il ne s'était pas rallié aux Juifs, mais il connaissait la loi morale et s'y conformait. Il n'avait pas été circoncis et ne pratiquait pas les sacrifices rituels. A cause de cela, les Juifs le considéraient comme impur. Néanmoins, il apportait son soutien à la religion juive par des dons généreux, et il était connu auprès et au loin pour ses oeuvres de charité et de bienfaisance. Par sa vie exemplaire, il jouissait d'une bonne réputation parmi les Juifs et les Gentils. HR 290 3 Bien que croyant aux prophéties et bien qu'attendant le Messie promis, Corneille ne comprenait pas pleinement la foi en Christ. Grâce à son amour et à son obéissance envers Dieu, il s'était approché de lui et était prêt à accepter le Sauveur dès qu'il lui serait révélé. Seuls ceux qui rejettent la lumière sont condamnés. Cet officier appartenait à une famille de l'aristocratie romaine et occupait une position élevée qui comportait de grandes responsabilités; mais cette position sociale n'avait nullemement altéré la noblesse de son caractère. Une bonté et une grandeur d'âme authentiques avaient fait de lui un homme d'une haute valeur morale. Son influence était une bénédiction pour tous ceux avec lesquels il entrait en contact. HR 291 1 Il croyait dans le Dieu unique, créateur des cieux et de la terre. Il le vénérait, reconnaissait son autorité et lui demandait de le diriger dans tous les domaines de sa vie. Il était fidèle dans ses devoirs familiaux comme dans ses responsabilités officielles et avait fait de son foyer un temple pour Dieu. Il ne se serait pas avisé de mettre ses plans à exécution ou d'assumer ses lourdes responsabilités sans l'aide du Seigneur; c'est pourquoi il priait beaucoup et avec ferveur pour obtenir son appui. Tous ses actes étaient accompagnés de foi, et Dieu portait sur lui un regard favorable à cause de la droiture de ses actions, à cause de ses libéralités, et il se tenait près de lui par la parole et par l'Esprit. L'ange rend visite à Corneille HR 291 2 Tandis que Corneille était en prière, Dieu lui envoya un messager céleste qui l'appela par son nom. Tout en sachant que l'ange était un envoyé du Seigneur dont la mission était de l'instruire, l'officier fut effrayé et lui dit: "Qu'y a-t-il, Seigneur? L'ange répondit: Dieu a accepté tes prières et l'aide que tu as apportée aux pauvres, et il ne t'oublie pas. Maintenant donc, envoie des hommes à Joppé pour en faire venir un certain Simon, surnommé Pierre. Il loge chez un ouvrier sur cuir nommé Simon, dont la maison est au bord de la mer". Actes 10:5. HR 292 1 Dieu montrait ainsi de façon évidente sa considération pour le ministère évangélique et pour son Eglise organisée. Son ange ne fut pas envoyé pour faire à Corneille le récit de la crucifixion. Ce fut un homme, sujet aux faiblesses et aux tentations propres à la nature humaine, qui l'enseigna concernant le Sauveur crucifié, ressuscité et monté au ciel. Le messager céleste fut envoyé dans le but précis de mettre Corneille en rapport avec le ministre de Dieu, qui devait lui apprendre comment lui-même et sa famille pouvaient être sauvés. HR 292 2 Corneille s'empressa d'obéir aux directives de l'ange, et il envoya immédiatement des messagers pour aller chercher Pierre, comme l'ange le lui avait dit. La précision de ces directives, qui indiquaient jusqu'au métier de l'homme chez qui Pierre logeait, montre que la Providence connaît tous les détails de la vie des humains. Dieu est au courant de ce que font chaque jour l'humble travailleur et le monarque sur son trône. Il connaît l'avarice, la cruauté, les fautes secrètes, l'égoïsme des hommes, aussi bien que leurs bonnes actions, leur charité, leur générosité et leur bonté. Rien n'est caché à ses yeux. La vision de Pierre HR 292 3 Aussitôt après son entrevue avec Corneille, l'ange se rendit auprès de Pierre qui, fatigué et affamé après le voyage qu'il avait fait, priait sur la terrasse de la maison. Pendant qu'il priait, il eut une vision: "Il vit le ciel ouvert et quelque chose qui en descendait: une sorte de grande nappe, tenue aux quatre coins, qui s'abaissait à terre. Et dedans il y avait toutes sortes d'animaux à quatre pattes et de reptiles, et toutes sortes d'oiseaux. Une voix lui dit: Lève-toi, Pierre, tue et mange! Mais Pierre répondit: Oh non! Seigneur, car je n'ai jamais rien mangé d'interdit ni d'impur. La voix se fit de nouveau entendre et lui dit: Ne considère pas comme impur ce que Dieu a déclaré pur. Cela arriva jusqu'à trois fois, et aussitôt après l'objet fut remonté dans le ciel". Actes 10:11-16. HR 293 1 Nous voyons ici la mise en oeuvre du plan de Dieu par lequel sa volonté s'accomplit sur la terre comme elle l'est au ciel. Pierre n'avait pas encore annoncé l'Evangile aux Gentils. Un grand nombre d'entre eux avaient prêté une oreille attentive aux vérités qu'il avait enseignées; mais le mur de séparation, qui avait été renversé grâce à la mort du Christ, existait encore dans l'esprit des apôtres qui considéraient que les Gentils n'avaient pas accès aux privilèges de l'Evangile. Les juifs d'origine grecque (Hellénistes) avaient approuvé l'oeuvre des apôtres, et un grand nombre d'entre eux avaient donné leur adhésion à cette oeuvre en embrassant la foi de Jésus; cependant, la conversion de Corneille devait être la première conversion importante parmi les païens. HR 293 2 La vision de la nappe et de son contenu, qui descendaient du ciel, était destinée à détruire les préjugés de Pierre contre les Gentils, à lui faire comprendre qu'en Jésus-Christ, les nations païennes avaient accès aux bénédictions et aux privilèges des Juifs, et qu'ainsi, ils pouvaient obtenir les mêmes avantages qu'eux. Certains ont prétendu que cette vision signifiait que Dieu avait annulé l'interdiction de consommer la chair d'animaux qu'il avait autrefois déclarée impure, et que par conséquent, la viande de porc est désormais comestible. Mais c'est là une interprétation subjective et totalement erronée qui n'est pas du tout en accord avec le récit de cette vision et les conséquences qui en ont résulté. HR 293 3 La vision des différentes sortes d'animaux vivants, qui figuraient sur la nappe et que Pierre reçut l'ordre de tuer et de manger, étant donné qu'il ne devait pas considérer comme souillé ou impur ce que Dieu avait purifié, était destinée à lui faire comprendre le véritable statut des Gentils et que, par la mort du Christ, ils étaient devenus cohéritiers avec l'Israël de Dieu. Cette révélation contenait pour Pierre une réprimande et un enseignement, car jusqu'alors son apostolat s'était limité uniquement aux Juifs et il avait considéré les Gentils comme une race impure, qui n'avait pas droit aux promesses divines. Maintenant, il lui était donné de mesurer l'ampleur mondiale du plan de Dieu. HR 294 1 "Pierre se demandait quel pouvait être le sens de la vision qu'il avait eue. Mais pendant ce temps, les hommes envoyés par Corneille s'étaient renseignés pour savoir où était la maison de Simon et ils se trouvaient maintenant devant l'entrée. Ils appelèrent et demandèrent: Est-ce ici que loge Simon, surnommé Pierre? Pierre était encore en train de réfléchir au sens que pouvait avoir la vision quand l'Esprit lui dit: Ecoute, il y a ici trois hommes qui te cherchent. Lève-toi, descends et pars avec eux sans hésiter, car c'est moi qui les ai envoyés". Actes 10:17-20. HR 294 2 Pour Pierre, c'était un ordre auquel il était difficile d'obéir; mais, sans écouter ses propres sentiments, il descendit et accueillit les messagers que Corneille lui avait envoyés. Ceux-ci firent part à l'apôtre de l'étrange mission qui leur avait été confiée et, conformément aux directives que le Seigneur venait de lui donner, il décida de partir avec eux le lendemain. Il les reçut très cordialement ce soir-là et, au matin du jour suivant, il partit avec eux pour Césarée, accompagné de six de ses frères qui seraient témoins de tout ce que Pierre dirait ou ferait parmi les Gentils; car il savait qu'on lui demanderait des comptes pour avoir eu un comportement en opposition aussi flagrante avec la foi et les enseignements juifs. HR 295 1 Ils arrivèrent à destination deux jours plus tard, et c'est alors que Corneille eut l'heureux privilège d'ouvrir sa porte à un ministre de l'Evangile qui, selon ce que Dieu lui avait promis, lui enseignerait, ainsi qu'aux siens, comment ils pouvaient être sauvés. Pendant que les messagers étaient partis pour accomplir leur mission, l'officier romain avait averti le plus grand nombre possible de personnes de sa parenté, afin qu'elles puissent, comme lui, être instruites dans la vérité. Lorsque Pierre arriva, il trouva donc une assistance nombreuse prête à l'écouter avec avidité. Pierre chez Corneille HR 295 2 Quand Pierre entra dans la maison de Corneille, celui-ci ne le salua pas comme on saluait un visiteur ordinaire, mais comme un personnage envoyé de Dieu et honoré du ciel. En Orient, on a coutume de se prosterner devant un prince ou devant d'autres dignitaires de haut rang; de même, les enfants s'inclinent devant leurs parents en signe de déférence pour les responsabilités qu'ils assument. Débordant de respect pour l'apôtre qui était un envoyé de Dieu, Corneille tomba donc à ses pieds pour l'adorer. HR 295 3 Saisi d'horreur devant un tel acte, "Pierre le releva en lui disant: Lève-toi, car je ne suis qu'un homme, moi aussi". Actes 10:26. Puis l'apôtre se mit à converser avec lui familièrement afin de dissiper chez Corneille le sentiment de crainte et de profond respect qu'il lui témoignait. HR 295 4 Si Pierre avait été investi de l'autorité et de la position élevées que l'Eglise catholique romaine lui attribue, il aurait approuvé l'attitude de Corneille au lieu de s'y opposer. Les soi-disant successeurs de Pierre exigent que les rois et les empereurs se prosternent à leurs pieds; Pierre, quant à lui, affirmait qu'il n'était qu'un homme faillible, autrement dit sujet à l'erreur. HR 296 1 Pierre expliqua à Corneille et à ceux qui étaient rassemblés dans sa maison les coutumes juives, à savoir qu'il était interdit aux Juifs de se mêler aux Gentils, et que de telles relations entraînaient une souillure rituelle. Bien que la loi de Dieu n'ait pas interdit de telles relations, la tradition des hommes en avaient fait une obligation. "Il leur dit: Vous savez qu'un Juif n'est pas autorisé par sa religion à fréquenter un étranger ou à entrer dans sa maison. Mais Dieu m'a montré que je ne devais considérer personne comme impur ou indigne d'être fréquenté. C'est pourquoi, quand vous m'avez appelé, je suis venu sans faire d'objection. J'aimerais donc savoir pourquoi vous m'avez fait venir". Actes 10:28, 29. HR 296 2 Sur ce, Corneille raconta la vision qu'il avait eue et rapporta les paroles de l'ange qui lui était apparu. Il conclut en disant: "J'ai immédiatement envoyé des gens te chercher et tu as bien voulu venir. Maintenant, nous sommes tous ici devant Dieu pour écouter tout ce que le Seigneur t'a chargé de dire. Pierre prit alors la parole et dit: Maintenant, je comprends vraiment que Dieu n'agit pas différemment selon les personnes; tout homme, de n'importe quelle nationalité, qui le respecte et fait ce qui est juste lui est agréable". Actes 10:33-35. Bien que Dieu ait favorisé les Juifs plus que toute autre nation, s'ils rejetaient la lumière et ne vivaient pas en harmonie avec leur profession de foi, ils n'étaient pas plus estimés à ses yeux que les autres peuples. Parmi les Gentils, le Seigneur jetait un regard favorable sur ceux qui, comme Corneille, craignaient Dieu et pratiquaient la justice selon la lumière qu'ils avaient reçue, le Très-Haut acceptait leur service sincère. HR 297 1 Mais sans la connaissance du Christ, la foi et la justice de Corneille ne pouvaient être parfaites. C'est pourquoi Dieu lui révéla cette lumière et cette connaissance en vue d'un meilleur développement de son caractère empreint de justice. Nombreux sont ceux qui repoussent la lumière que la divine Providence leur envoie et, pour justifier leur attitude, ils s'appuient sur la parole que Pierre adressa à Corneille et à ses amis: "Tout homme, de n'importe quelle nationalité, qui le respecte et fait ce qui est juste lui est agréable." D'après eux, peu importe ce que l'on croit, pourvu que l'on pratique le bien. Mais de telles personnes se trompent: la foi doit aller de pair avec les oeuvres. Les humains doivent marcher d'après la lumière qu'ils ont reçue. Si le Seigneur les met en contact avec ceux de ses serviteurs qui ont connaissance d'une vérité nouvelle fondée sur la Parole de Dieu, ils doivent accepter cette vérité nouvelle avec joie. La vérité ne cesse de progresser et de grandir. Par ailleurs, ceux qui prétendent que leur foi seule suffira à les sauver s'appuient sur une corde de sable, car la foi ne peut être fortifiée et rendue parfaite que par les oeuvres. Le Saint-Esprit accordé aux Gentils HR 297 2 S'adressant à cet auditoire attentif, Pierre annonça le Christ: sa vie, son ministère, ses miracles, la trahison dont il avait été l'objet, sa crucifixion, sa résurrection, son ascension et l'oeuvre qu'il accomplit dans le ciel en sa qualité de représentant et d'avocat des humains, pour plaider la cause des pécheurs. Tandis que l'apôtre parlait, son coeur brûlait d'ardeur pour la vérité que l'Esprit de Dieu lui permettait de présenter à l'assistance. Ses auditeurs étaient conquis par la doctrine qu'ils entendaient, car leurs coeurs avaient été préparés à recevoir la vérité. Le sermon de Pierre fut interrompu par l'effusion du Saint-Esprit telle qu'elle se manifesta le jour de la Pentecôte. "Les chrétiens d'origine juive qui étaient venus avec Pierre furent très étonnés de ce que le Saint-Esprit donné par Dieu se répande aussi sur des hommes non-juifs. En effet, ils les entendaient parler en des langues inconnues et louer la grandeur de Dieu. Pierre dit alors: Pourrait-on empêcher ces hommes d'être baptisés avec de l'eau, maintenant qu'ils ont reçu le Saint-Esprit aussi bien que nous? Et il ordonna de les baptiser au nom de Jésus-Christ. Ils lui demandèrent alors de rester quelques jours avec eux". Actes 10:45-48. HR 298 1 L'effusion du Saint-Esprit sur les Gentils n'était pas un équivalent du baptême. Lors de la conversion, les étapes requises sont toujours la foi, la repentance et le baptême. Ainsi, il y a unité dans l'Eglise, car elle professe un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême. Les différents tempéraments sont modifiés par la grâce sanctifiante et les mêmes principes distinctifs gouvernent la vie de tous. Pierre accéda à la demande des croyants d'origine païenne et resta pendant quelque temps parmi eux, annonçant le nom de Jésus à tous les païens du voisinage. HR 298 2 Quand les frères de Judée apprirent que Pierre avait annoncé l'Evangile aux Gentils, qu'il était entré en contact avec eux et avait mangé avec eux dans leurs maisons, ils furent surpris et choqués d'un aussi étrange comportement. Ils craignirent qu'un tel comportement, qu'ils jugeaient scandaleux, n'ait pour effet de le mettre en contradiction avec son propre enseignement. Dès qu'ils en eurent l'ocasion, ils lui adressèrent de vifs reproches en disant: "Tu es entré chez des gens qui ne sont pas circoncis et tu as mangé avec eux!" Actes 11:3. La vision de l'Eglise s'élargit HR 299 1 Pierre s'expliqua en toute simplicité devant eux. Il leur raconta la vision qu'il avait eue et plaida sa cause en disant que d'après cette vision, le Seigneur lui avait prescrit de ne plus faire de distinction entre les circoncis et les incirconcis et de ne plus considérer les Gentils comme des impurs, car Dieu ne fait pas de favoritisme. Il leur dit que le Seigneur lui avait donné l'ordre d'aller vers les païens, leur raconta l'arrivée des messagers, son voyage à Césarée, ainsi que sa rencontre avec Corneille et les personnes réunies dans sa maison. Bien que Dieu lui ait ordonné d'entrer dans la maison d'un Gentil, les frères reconnurent que Pierre avait agi avec prudence en prenant avec lui six disciples comme témoins de tout ce qu'il dirait ou ferait en la circonstance. Il résuma l'entretien qu'il avait eu avec Corneille au cours duquel celui-ci raconta la vision qu'il avait eue, à la suite de quoi il avait envoyé des messagers à Joppé pour demander à Pierre de venir chez lui et de lui faire connaître ce que lui et toute sa famille devaient faire pour être sauvés. HR 299 2 Il rapporta les circonstances de sa première prise de contact avec les Gentils en disant: "Je commençais à parler, lorsque le Saint-Esprit descendit sur eux, tout comme il était descendu sur nous au début. Je me souvins alors de ce que le Seigneur avait dit: 'Jean a baptisé avec de l'eau, mais vous serez baptisés avec le Saint-Esprit.' Dieu leur a accordé ainsi le même don que celui qu'il nous a fait quand nous avons cru au Seigneur Jésus-Christ: qui étais-je donc pour m'opposer à Dieu?" Actes 11:15-17. HR 299 3 Après avoir entendu ce témoignage, les disciples gardèrent le silence; ils furent convaincus que Pierre avait agi en plein accord avec le plan de Dieu et que l'Evangile devait triompher de leurs anciens préjugés et de leur sectarisme. "Après avoir entendu ces mots, ils se calmèrent et louèrent Dieu en disant: c'est donc vrai, Dieu a donné aussi à ceux qui ne sont pas juifs la possibilité de changer de comportement et de recevoir la vraie vie". Actes 11:18. ------------------------Chapitre 40 -- Pierre libéré de prison HR 301 0 Ce chapitre est basé sur Actes 12:1-23. HR 301 1 Hérode Agrippa était un prosélyte fervent de la foi israélite qui paraissait très zélé dans la pratique des cérémonies de la loi. Le gouvernement de Judée était alors entre ses mains, aux ordres de Claude, l'empereur romain. Hérode était aussi tétrarque de Galilée. Désireux de gagner la faveur des Juifs, et dans l'espoir de s'assurer ainsi le pouvoir et les honneurs, il combla leurs désirs en persécutant l'Eglise du Christ. Il commença par dépouiller les croyants de leurs maisons et de leurs biens et à emprisonner leurs dirigeants. Ils arrêtèrent Jacques et le jetèrent en prison où un bourreau le fit périr par l'épée comme un autre Hérode (Antipas) avait fait décapiter le prophète Jean-Baptiste. Voyant que sa politique plaisait aux Juifs, Hérode fit aussi emprisonner Pierre. Cette persécution eut lieu durant le temps sacré de la Pâque. HR 301 2 La décision d'Hérode de mettre à mort Jacques fut approuvée par le peuple, bien que certains aient regretté le caractère privé de cette mise à mort. Ils estimaient qu'une exécution publique aurait davantage dissuadé tous les croyants et les sympathisants de la foi chrétienne. C'est pourquoi Hérode fit arrêter Pierre en vue de satisfaire les Juifs par le spectacle public de sa mort. Mais on lui fit comprendre qu'il ne serait pas prudent d'exécuter le vieil apôtre en l'exposant à la vue de la foule alors rassemblée à Jérusalem pour la Pâque. Il était à craindre que son aspect vénérable n'éveille la pitié et le respect des gens. Les chefs religieux redoutaient aussi que Pierre n'adresse, à cette occasion, un de ces appels pathétiques qui avaient fréquemment incité le peuple à se pencher sur la vie et le caractère de Jésus -- appels auxquels, malgré leur ruse, ils n'avaient pu opposer aucun argument. Dans ces conditions, les Juifs craignaient que la libération de l'apôtre ne fût demandée au roi. HR 302 1 Tandis que sous différents prétextes l'exécution fut renvoyée après la Pâque, les membres de l'Eglise du Christ en profitèrent pour se livrer au recueillement et à la prière fervente, adressant au Seigneur d'instantes requêtes accompagnées de larmes et de jeûnes. Ils ne cessaient d'intercéder en faveur de Pierre, car ils sentaient que l'oeuvre missionnaire chrétienne ne pouvait se passer de lui, et ils se rendaient compte que l'heure était venue où, sans un secours spécial d'en haut, l'Eglise serait anéantie. HR 302 2 Finalement, le jour de l'exécution de Pierre fut fixé; mais les prières des croyants de cessaient de monter vers le ciel. Tandis que leur énergie et leur amour s'exprimaient par de ferventes requêtes, des anges veillaient sur l'apôtre en prison. Dieu intervient lorsque l'homme est dans une situation sans issue. Pierre se trouvait entre deux soldats et il était attaché par deux chaînes dont chacune était reliée au poignet de l'un de ses gardiens. Il lui était donc impossible de bouger sans qu'ils s'en rendent compte. Les portes de la prison étaient solidement verrouillées et gardées par un soldat en armes. Humainement parlant, toute tentative d'évasion ou de délivrance était futile. HR 302 3 Pierre n'était pas angoissé de se trouver dans cette situation. Depuis qu'il avait été réhabilité après avoir renié son Maître, il avait affronté le danger avec un courage inflexible et avait prêché hardiment le Sauveur crucifié, ressuscité et monté au ciel. Il croyait que le moment était venu pour lui de sacrifier sa vie pour la cause du Christ. HR 303 1 La nuit précédant l'exécution prévue, Pierre, chargé de chaînes, dormait comme d'habitude entre les deux soldats. Se souvenant que Pierre et Jean avaient été libérés de prison où ils avaient été mis à cause de leur foi, Hérode avait pris des mesures exceptionnelles de prudence: afin de s'assurer d'une plus grande vigilance de leur part, les soldats étaient tenus pour personnellement responsables de la bonne garde du prisonnier. Celui-ci était enchaîné, comme nous l'avons dit, dans une cellule taillée dans le roc dont les portes étaient garnies de barres et de solides verrous. Seize hommes avaient été affectés à la garde de cette cellule, et ils se relayaient à intervalles réguliers. La garde du prisonnier était assurée chaque fois par quatre soldats. Mais les verrous, les barres et les gardiens, qui rendaient impossible toute intervention humaine en faveur du prisonnier, devaient rendre encore plus éclatante la victoire du Seigneur lorsque Pierre serait libéré de sa prison. Hérode s'était dressé contre le Tout-Puissant, et il allait être profondément humilié car sa tentative d'ôter la vie au serviteur de Dieu était vouée à un échec. Libéré par un ange HR 303 2 Au cours de la nuit qui précéde son exécution, un ange puissant, venant du ciel, descend pour libérer l'apôtre. Les lourdes portes derrière lesquelles le saint de Dieu est enfermé s'ouvrent d'elles-mêmes; l'ange du Très-Haut entre et elles se referment sans bruit derrière lui. Il pénètre dans la cellule taillée dans le roc où Pierre repose, confiant en Dieu, et dormant paisiblement, enchaîné entre deux robustes soldats. La lumière dont l'ange est enveloppé remplit le cachot sans réveiller l'apôtre endormi. La sérénité de Pierre est celle qui vivifie, régénère et vient d'une bonne conscience. HR 304 1 Il ne sort pas de son sommeil tant qu'il n'a pas senti la main de l'ange et entendu sa voix qui lui dit: "Lève-toi vite!" Actes 12:7. L'apôtre regarde alors son cachot, qui n'avait jamais encore bénéficié d'un rayon de soleil, illuminé par la lumière du ciel, et il voit debout devant lui un ange revêtu d'une grande gloire. Il obéit machinalement aux paroles du messager céleste; puis, en levant les mains, il s'aperçoit que les chaînes se sont détachées de ses poignets. A nouveau, la voix de l'ange se fait entendre: "Mets ta ceinture et attache tes sandales". Actes 12:8. HR 304 2 Une fois de plus, Pierre obéit sans réfléchir, les regards figés d'étonnement devant son visiteur céleste, croyant rêver ou pensant être l'objet d'une vision. Tandis que l'ange lui dit: "Mets ton manteau et suis-moi." (Actes 12:8), les soldats en armes restent impassibles comme des statues de marbre. Sur ce, le personnage céleste se dirige vers la porte, et Pierre, habituellement si loquace, le suit muet de stupeur. Tous deux franchissent l'endroit où sont postés les soldats toujours impassibles et atteignent la lourde porte solidement verrouillée qui s'ouvre d'elle-même et se referme aussitôt. Pendant ce temps, les sentinelles placées devant et derrière la porte demeurent immobiles à leur poste. HR 304 3 Ils atteignent alors la deuxième porte, gardée elle aussi intérieurement et extérieurement; elle s'ouvre comme la première, sans qu'on n'entende ni grincement de gonds, ni bruit de verrous. Ils la franchissent, et elle se referme à nouveau en silence. Ensuite, ils passent de même par la troisième porte et se retrouvent dans la rue. Nulle voix, nul bruit de pas ne se font entendre. L'ange, environné d'une lumière éblouissante, glisse doucement devant Pierre frappé de stupeur qui suit son libérateur, se croyant toujours le jouet d'un songe. Ils parcourent ainsi une rue après l'autre. Puis, sa mission étant terminée, l'ange disparaît soudain. HR 305 1 Lorsque la lumière céleste eut disparu, l'apôtre eut l'impression d'être plongé dans de profondes ténèbres; mais peu à peu les ténèbres se dissipèrent, à mesure que ses yeux s'y habituèrent, et il se retrouva seul dans la rue où il sentit la fraîcheur de la nuit. Alors il se rendit compte qu'il n'avait eu ni songe ni vision, mais qu'il était libre et se trouvait dans un quartier de la ville qu'il connaissait bien. Il reconnut les endroits qu'il avait souvent fréquentés et qu'il s'était attendu à voir le lendemain pour la dernière fois lorsqu'on devait le conduire sur le lieu de son exécution. Il essaya de récapituler les heures qu'il venait de vivre; il se souvint de s'être endormi attaché entre deux soldats et qu'on lui avait ôté ses sandales et son manteau. Or il portait maintenant tous ses vêtements et sa ceinture. HR 305 2 Ses poignets gonflés par les horribles fers étaient maintenant libres de leurs entraves, et il voyait bien que sa libération n'était pas une illusion mais une merveilleuse réalité. Le lendemain, il aurait dû être conduit à la mort; mais voici qu'un ange l'avait délivré de la prison et de la mort. "Alors Pierre se rendit compte de ce qui était arrivé et dit: Maintenant, je vois bien que c'est vrai: le Seigneur a envoyé son ange, il m'a délivré du pouvoir d'Hérode et de tout le mal que le peuple juif me souhaitait". Actes 12:11. Les prières sont exaucées HR 305 3 L'apôtre se rendit aussitôt à la maison où ses frères étaient réunis pour prier, et il les trouva en train d'intercéder en sa faveur. "Pierre frappa à la porte d'entrée et une servante, nommée Rhode, s'approcha pour ouvrir. Elle reconnut la voix de Pierre et en fut si joyeuse que, au lieu d'ouvrir la porte, elle courut à l'intérieur annoncer que Pierre se trouvait dehors. Ils lui dirent: Tu es folle! Mais elle assurait que c'était bien vrai. Ils dirent alors: C'est son ange. Cependant, Pierre continuait à frapper. Quand ils ouvrirent enfin la porte, ils le virent et furent saisis d'étonnement. De la main il leur fit signe de se taire et leur raconta comment le Seigneur l'avait conduit hors de la prison. Il dit encore: Annoncez-le à Jacques et aux autres frères. Puis il sortit et s'en alla ailleurs". Actes 12:13-17. HR 306 1 La joie et la louange remplit le coeur des croyants qui avaient jeûné et prié, car Dieu avait exaucé leurs requêtes et délivré Pierre de la main d'Hérode. Ce matin-là, la foule se rassembla pour assister à l'exécution de l'apôtre. Hérode envoya des officiers à la prison pour emmener Pierre avec un grand déploiement d'hommes en armes pour éviter qu'il ne s'échappe de leurs mains, pour impressionner tous ceux qui sympathisaient avec le condamné et faire étalage de son propre pouvoir. Les sentinelles montaient toujours la garde à la porte de la prison dont les portes étaient solidement verrouillées; il y avait aussi les gardes qui étaient à l'intérieur, et les chaînes étaient toujours fixées aux poignets des deux soldats; mais le prisonnier avait disparu. Le châtiment d'Hérode HR 306 2 Quand Hérode apprit ce qui s'était passé, il entra dans une grande colère et il accusa les gardes de la prison de négligence. Ils furent mis à mort pour s'être endormis soi-disant à leur poste. Pourtant, Hérode savait que Pierre n'avait pas été libéré par une puissance humaine, mais il ne voulait pas reconnaître qu'une puissance divine était intervenue pour déjouer ses vils desseins. Il refusa de s'humilier et préféra braver Dieu. HR 307 1 Peu de temps après la libération de Pierre, Hérode quitta la Judée et se rendit à Césarée où il séjourna. Il y organisa de grandes réjouissances pour s'attirer l'admiration et la faveur du peuple. Ces festivités avaient rassemblé de partout des amateurs de plaisirs qui festoyèrent copieusement. Hérode se montra au peuple en grande pompe, revêtu d'une robe étincelante d'argent et d'or dont les pans reflétaient les rayons du soleil et éblouissaient les yeux des spectateurs. Il se présenta devant la foule avec un faste extraordinaire et prononça un éloquent discours. HR 307 2 Son apparence majestueuse et la beauté de son langage impressionnèrent fortement le peuple. Les sens déjà altérés par les plaisirs de la fête et par l'excès des boissons, tous étaient éblouis par les ornements royaux d'Hérode, séduits par son aspect et son éloquence. Délirant d'enthousiasme, ils le couvrirent de paroles d'adulation et le proclamèrent dieu, affirmant qu'aucun mortel ne pouvait refléter une telle majesté ni parler avec une telle éloquence. En outre, ils déclarèrent que, s'ils n'avaient cessé jusque-là de le respecter comme un souverain, ils l'adoreraient désormais comme un dieu. HR 307 3 Hérode savait qu'il ne méritait nullement les louanges et les hommages qu'on lui décernait; cependant, loin de refuser ces manifestations d'idolâtrie, ils les accepta comme un dû. Une flamme d'orgueil brilla sur son visage quand il entendit ce cri: "C'est un dieu qui parle et non pas un homme!" Actes 12:22. Quelques années auparavant, les voix mêmes qui, ce jour-là, glorifiaient ce misérable pécheur s'étaient écriées avec frénésie: "A bas Jésus! Crucifie-le! Crucifie-le!" Hérode écoutait avec un immense plaisir ces flatteries et ces hommages; son coeur bondissait de joie devant le triomphe qu'on lui réservait. Mais soudain, un terrible changement se produisit. Son visage devint pâle comme la mort et crispé par l'angoisse. De tous ses pores ruisselaient de grosses gouttes de sueur. Il resta quelques instants immobile, comme figé par la douleur et l'épouvante. Puis, se tournant, livide, vers ses amis frappés de stupeur, il s'écria sur un ton grave marqué par le desespoir: "Celui que vous avez exalté comme un dieu est frappé à mort!" HR 308 1 On emmena Hérode, tandis qu'il était en proie à l'angoisse la plus atroce, loin de cette scène de réjouissances, de débauche et d'apparat pour lesquels il n'éprouvait maintenant que répugnance. Après avoir été l'objet de la louange et de l'adoration de cette grande foule, il se rendait compte qu'il était à la merci d'un Souverain plus puissant que lui. Saisi de remords, il se souvint de l'ordre cruel qu'il avait donné pour que Jacques, bien qu'innocent, soit mis à mort, des persécutions impitoyables qu'il avait infligées aux disciples du Christ, de l'intention qu'il avait eue de faire mourir l'apôtre Pierre que Dieu avait délivré de sa main; il se rappela aussi de quelle manière il avait assouvi sa rage en faisant exécuter sans pitié les soldats chargés de garder le prisonnier. Hérode comprit que Dieu, qui avait sauvé Pierre de la mort, lui demandait maintenant des comptes, à lui, le persécuteur inflexible. Il ne trouva aucun soulagement à ses souffrances physiques, aucun à son angoisse morale, et il n'en espéra point. Il connaissait le commandement de Dieu qui dit: "Tu n'adoreras pas d'autres dieux que moi", et il savait qu'en acceptant l'adoration du peuple, il avait mis le comble à son iniquité et attiré sur lui la juste colère du Tout-Puissant. HR 308 2 L'ange même qui, des parvis célestes, était venu au secours de Pierre pour l'arracher au pouvoir de son persécuteur, fut l'instrument de la colère de Dieu et de son jugement prononcé sur Hérode. Cet ange qui avait secoué Pierre pour l'éveiller de son sommeil agit d'une tout autre manière à l'égard du roi pervers qu'il frappa d'une maladie mortelle. Le Seigneur brisa l'orgueil d'Hérode, et son corps, qu'il avait revêtu de vêtements somptueux pour se faire admirer du peuple, fut dévoré par les vers et voué à la pourriture pendant il était encore vivant. Le souverain expira après une terrible agonie physique et morale, sous le jugement réprobateur de Dieu. HR 309 1 Cette manifestation de la justice divine fit une profonde impression sur le peuple. Tandis que l'apôtre du Christ avait été miraculeusement délivré de la prison et de la mort, son persécuteur avait été frappé par la malédiction du Très-Haut. Ces événements furent connus dans tous les pays et servirent de moyen par lequel beaucoup crurent en Jésus. ------------------------Chapitre 41 -- Dans les régions lointaines HR 310 0 Ce chapitre est basé sur Actes 13:1-4; 15:1-31. HR 310 1 Après avoir quitté Jérusalem durant la persécution qui sévit après le martyre d'Etienne, les apôtres et les disciples annoncèrent le nom du Christ dans les villes avoisinantes, en exercant leur action missionnaire parmi les Juifs d'origine hébraïque et d'origine grecque. "La puissance du Seigneur était avec eux et un grand nombre de personnes crurent et se convertirent au Seigneur". Actes 11:21. HR 310 2 Quand les croyants vivant à Jérusalem apprirent cette bonne nouvelle, ils s'en réjouirent, et Barnabas, "homme bon, rempli du Saint-Esprit et de foi" (Actes 11:24), fut envoyé à Antioche, la métropole de Syrie, pour prêter main forte à l'église. Il remplit son ministère avec beaucoup de succès dans cette ville. Comme l'oeuvre du Seigneur se développait, il sollicita et obtint le concours de Paul; ces deux disciples travaillèrent ensemble dans cette localité pendant une année, enseignant le peuple et gagnant de nouveaux membres à l'Eglise du Christ. HR 310 3 Une forte colonie juive et une nombreuse population païenne vivaient à Antioche. Cette métropole était recherchée par les amateurs de confort et de plaisir à cause de son climat salubre, de la beauté de son site, de sa prospérité, de sa vie culturelle et de ses moeurs raffinées. C'était aussi une ville où régnait la débauche. Les jugements de Dieu s'abattirent finalement sur Antioche, à cause de la perversité de ses habitants. HR 311 1 C'est là qu'on donna pour la première fois aux disciples le nom de chrétiens. On les appela ainsi parce que le Christ était le thème principal de leur prédication, de leur enseignement et de leurs conversations. Ils faisaient sans cesse le récit des événements survenus pendant son ministère terrestre, alors que ses premiers disciples jouissaient de sa présence personnelle. Ils mettaient continuellement l'accent sur ses enseignements, sur les guérisons qu'il accomplissait, sur ses exorcismes et sur les morts qu'il avait ramenés à la vie. Les lèvres tremblantes d'émotion, les yeux pleins de larmes, ils parlaient de son agonie dans le jardin de Gethsémané, de la trahison dont il avait été victime, de son jugement et de son exécution, de la patience et de l'humilité avec lesquelles il avait supporté les outrages et les tortures infligées par ses ennemis, et du pardon que, dans sa grâce infinie, il avait demandé à Dieu pour ses persécuteurs. La résurrection du Christ, son ascension, son oeuvre dans le ciel en tant que Médiateur au service de l'homme déchu: tels étaient les sujets qu'ils aimaient traiter. Les païens pouvaient à juste titre les appeler chrétiens puisqu'ils prêchaient le Christ et qu'ils priaient Dieu en son nom. HR 311 2 Dans la cité populeuse d'Antioche, Paul trouva un excellent champ d'action où, grâce à son grand savoir, sa sagesse et son dynamisme, il exerça une profonde influence sur les habitants et les visiteurs de ce centre culturel. HR 311 3 Pendant ce temps, l'oeuvre des apôtres était concentrée sur Jérusalem où, à l'occasion des fêtes annuelles, des Juifs de toutes langues et de tous les pays se rendaient au temple pour adorer. En de telles occasions, les apôtres prêchaient le Christ avec un courage sans défaillance, tout en sachant qu'ils agissaient au péril de leur vie. L'Eglise chrétienne faisait de nombreux adeptes, et en retournant dans leurs pays respectifs, les nouveaux convertis répandaient la semence de la vérité parmi toutes les nations et dans toutes les classes de la société. HR 312 1 Pierre, Jacques et Jean avaient la certitude que le Seigneur les avait désignés pour prêcher le Christ dans leur propre pays et à leurs compatriotes. Paul, quant à lui, avait reçu sa mission de Dieu lui-même, tandis qu'il priait dans le temple, et l'ampleur de son champ d'action lui avait été clairement indiquée. Afin de le préparer à remplir cette tâche immense et importante, le Seigneur était entré en relation étroite avec l'apôtre et lui avait permis d'entrevoir au cours d'une vision la splendeur et la gloire du ciel. Paul et Barnabas consacrés au ministère HR 312 2 Dieu se révéla aux pieux prophètes et enseignants de l'église d'Antioche: "Un jour, pendant qu'ils célébraient le culte du Seigneur et qu'ils jeûnaient, le Saint-Esprit leur dit: Mettez à part Barnabas et Saul pour accomplir l'oeuvre à laquelle je les ai appelés". Actes 13:2. Ces apôtres furent donc solennellement consacrés à Dieu par le jeûne, la prière et l'imposition des mains; puis ils furent envoyés dans leur champ missionnaire parmi les Gentils. HR 312 3 Jusque-là, Paul et Barnabas avaient travaillé comme ministres du Christ, et le Seigneur avait richement béni leurs efforts; cependant, ni l'un ni l'autre n'avait été consacré au ministère de l'Evangile par la prière et l'imposition des mains. Etant désormais investis des pleins pouvoirs ecclésiastiques, ils étaient autorisés non seulement à enseigner la vérité, mais aussi à baptiser et à organiser des communautés locales. C'était une époque importante pour l'Eglise. Bien que le mur de séparation entre les Juifs et les Gentils ait été renversé par la mort du Christ, donnant aux païens libre accès aux privilèges de l'Evangile, un voile masquait encore les yeux de nombreux chrétiens d'origine juive et les empêchait de voir clairement la fin de ce qui avait été aboli par le Fils de Dieu. L'oeuvre devait maintenant se poursuivre activement parmi les Gentils et aboutir à fortifier l'Eglise par une riche moisson d'âmes. HR 313 1 Dans cette oeuvre missionnaire spéciale, les apôtres étaient à la merci de la suspicion, des préjugés et de la jalousie. En rompant avec le sectarisme des Juifs, leur doctrine et leur enseignement les feraient tout naturellement accuser d'hérésie, et leur autorité comme ministres de l'Evangile serait mise en doute par de nombreux chrétiens zélés, issus du judaïsme. Mais Dieu avait prévu tous ces obstacles auxquels les apôtres allaient être confrontés. C'est pourquoi, dans sa sagesse, le Seigneur fit en sorte qu'ils soient revêtus par l'Eglise d'une autorité incontestable, afin que leur apostolat soit inattaquable. HR 313 2 Plus tard, on abusa de la cérémonie de l'imposition des mains en y attachant une importance excessive, comme si elle conférait ipso-facto toutes les qualités nécessaires à l'exercice du ministère. Cette imposition des mains était considérée comme ayant une vertu magique. Mais dans le cas de ces deux apôtres, il est simplement fait mention de l'importance que cette imposition des mains revêtait en vue de leur ministère. Dieu lui-même avait déjà prescrit à Paul et à Barnabas leur mission; la cérémonie de l'imposition des mains ne leur conférait donc pas une force nouvelle ou des qualifications spéciales. Cette cérémonie équivalait à mettre le sceau de l'Eglise sur l'oeuvre du Seigneur; c'était une manière d'investir officiellement quelqu'un en vue d'une fonction particulière. La première Conférence Générale HR 314 1 Certains Juifs de Judée semèrent le trouble parmi les croyants d'origine païenne en soulevant la question de la circoncision. Ces judaïsants affirmaient avec force que nul ne pouvait être sauvé s'il n'était circoncis et s'il n'observait toute la loi cérémonielle. HR 314 2 C'était une question importante et qui affectait profondément l'Eglise. Paul et Barnabas réagirent aussitôt et s'opposèrent à ce que le sujet soit discuté parmi les Gentils. Les Juifs convertis d'Antioche, qui se rangeaient à l'avis de ceux de Judée, n'étaient pas d'accord sur ce point avec Paul et Barnabas. Le litige aboutit finalement à un grand débat et au désaccord dans la communauté, au point que l'église d'Antioche, craignant qu'en se prolongeant, la discussion n'engendre une scission, décida d'envoyer Paul et Barnabas, accompagnés de quelques dirigeants d'Antioche, à Jérusalem, afin que le problème soit soumis aux apôtres et aux anciens. Les frères venus d'Antioche devaient y rencontrer des délégués de différentes communautés ainsi que les croyants venus assister aux prochaines fêtes annuelles. Entre-temps, toute discussion sur le sujet devait cesser, jusqu'à ce qu'une décision finale soit prise par les responsables de l'Eglise. Cette décision serait alors universellement acceptée par les différentes communautés du pays. HR 314 3 A leur arrivée à Jérusalem, les délégués d'Antioche firent part à l'assemblée des églises des succès de leur ministère; ensuite, ils rendirent compte de la discorde engendrée par le fait que certains pharisiens convertis affirmaient que les païens entrant dans l'Eglise devaient être circoncis et observer la loi de Moïse pour être sauvés. HR 314 4 Les Juifs s'étaient toujours glorifiés de la mission divine qui leur avait été confiée. Puisque Dieu leur avait clairement indiqué autrefois la manière hébraïque de lui rendre un culte, il était inadmissible à leurs yeux qu'un changement quelconque puisse être apporté à ce qui avait été prescrit. Selon eux, les lois et les cérémonies juives devaient être incorporées au christianisme. Ces judaïsants étaient lents à discerner la fin de ce qui avait été aboli par la mort du Christ; ils n'arrivaient pas à comprendre que tous les sacrifices rituels n'avaient fait que préfigurer la mort du Fils de Dieu en qui le type avait rencontré son antitype et que, par conséquent, les rites et les cérémonies de la religion juive étaient désormais périmés. HR 315 1 Paul s'était glorifié de son rigorisme pharisaïque; mais depuis que le Christ s'était révélé à lui sur le chemin de Damas, il concevait nettement la mission du Sauveur et l'oeuvre qu'il lui avait confiée pour la conversion des Gentils; de plus, il comprenait pleinement la différence entre une foi vivante et un formalisme sans vie. Cependant, Paul se considérait toujours comme un fils d'Abraham, et il respectait l'esprit et la lettre des dix commandements aussi fidèlement qu'avant sa conversion au christianisme. Mais il savait que toutes les cérémonies typiques devaient cesser puisque ce qu'elles préfiguraient s'était réalisé et que la lumière de l'Evangile inondait de sa gloire la religion juive, donnant ainsi une signification nouvelle à ses anciens rites. La conversion de Corneille: une référence HR 315 2 Quelque soit l'angle sous lequel on l'envisageait, la question en litige soumise au concile présentait des difficultés insurmontables. Mais, en fait, le Saint-Esprit avait déjà élucidé le problème, et de sa solution dépendait la prospérité et l'existence même de l'Eglise chrétienne. L'aide, la sagesse divine et le discernement furent donnés aux apôtres pour trancher l'épineuse question. HR 316 1 Pierre expliqua que le Saint-Esprit avait réglé ce différend en accordant une puissance égale aux Gentils incirconcis comme aux Juifs circoncis. Il raconta la vision dans laquelle Dieu lui avait présenté une nappe couverte de toutes espèces de quadrupèdes, et lui avait donné l'ordre de tuer et de manger, ce qu'il avait refusé de faire en affirmant n'avoir jamais mangé ce qui était souillé ou impur. Sur ce, le Seigneur lui avait dit: "Ne considère pas comme impur ce que Dieu a déclaré pur". Actes 10:15. HR 316 2 L'apôtre ajouta: "Dieu, qui connaît le coeur des hommes, a montré qu'il les acceptait (les Gentils) en leur donnant le Saint-Esprit aussi bien qu'à nous. Il n'a fait aucune différence entre eux et nous: il a purifié leur coeur parce qu'ils ont cru. Maintenant donc, pourquoi mettez-vous Dieu à l'épreuve en voulant imposer aux croyants un fardeau que ni nos ancêtres ni nous-mêmes n'avons pu porter?" Actes 15:8-10. HR 316 3 Ce fardeau n'était pas la loi des dix commandements, comme le prétendent ceux qui contestent les obligations de la loi morale; Pierre faisait allusion à la loi cérémonielle, qui fut rendue nulle et non avenue par la crucifixion du Sauveur. Le discours de l'apôtre disposa l'assemblée à prêter une oreille attentive au récit que Paul et Barnabas firent de leur expérience missionnaire parmi les Gentils. La décision du concile HR 316 4 Jacques rendit son témoignage avec hardiesse en déclarant que Dieu désirait accorder aux Gentils les mêmes privilèges que ceux dont bénéficiaient les Juifs. Le Saint-Esprit jugea qu'il n'était pas nécessaire d'imposer la loi cérémonielle aux païens convertis. Après avoir mûrement réfléchi à la question, les apôtres parvinrent à la même conclusion: leur pensée était en harmonie avec l'Esprit de Dieu. Jacques présidait l'assemblée; il la clôtura par ces mots: "Je suis d'avis qu'on ne crée pas des difficultés à ceux des païens qui se convertissent à Dieu". Actes 15:19 (Segond). HR 317 1 Selon lui, il n'était pas sage d'imposer, ni même de recommander aux Gentils l'observation de la loi cérémonielle, et notamment de la circoncision. Jacques s'efforça de faire comprendre à ses frères qu'un réel changement de vie s'était opéré chez les païens convertis, et qu'il fallait éviter de les troubler par des questions secondaires susceptibles de faire naître dans leur esprit la perplexité et le doute, et de les décourager de suivre le Christ. HR 317 2 De leur côté, les Gentils devenus chrétiens ne devaient rien faire qui soit de nature à les mettre en conflit avec leurs frères d'origine juive ou de susciter de leur part des préjugés contre eux. Les apôtres et les anciens tombèrent donc d'accord pour adresser aux païens convertis une lettre dans laquelle ils étaient exhortés à s'abstenir des viandes sacrifiées aux idoles, de la fornication, de consommer de la chair d'animaux étouffés et du sang. Ils devaient garder les commandements de Dieu et vivre une vie sainte. Autant dire que ceux qui avaient déclaré la circoncision obligatoire n'y avaient pas été autorisés par les apôtres. HR 317 3 Paul et Barnabas furent recommandés par le concile comme des hommes qui avaient exposé leur vie pour le Seigneur. Jude et Silas furent envoyés avec eux pour faire connaître verbalement aux Gentils la décision prise par l'assemblée. Ces quatre serviteurs de Dieu furent donc chargés de se rendre à Antioche munis de la lettre dont le contenu devait mettre un terme à toute controverse, car cette lettre émanait de la plus haute autorité existant sur la terre. HR 318 1 L'assemblée qui régla le litige se composait des hommes qui avaient fondé les églises chrétiennes issues du judaïsme et de la gentilité. Etaient également présents les anciens de l'église de Jérusalem, des délégués d'Antioche et des églises les plus influentes. Ce concile ne prétendit pas à l'infaillibilité mais il agit conformément à l'inspiration divine et avec la dignité d'une Eglise établie par la voloné d'en haut. A la suite des délibérations de l'assemblée, les croyants comprirent que le Seigneur lui-même avait tranché le litige en accordant aux païens le Saint-Esprit, et qu'il appartenait à l'Eglise de suivre ses directives. HR 318 2 Le corps entier des chrétiens ne fut pas appelé à statuer sur ce différend. Ce furent les apôtres et les anciens -- hommes influents et au jugement sain -- qui rédigèrent et publièrent le décret, lequel fut généralement accepté par les églises chrétiennes. Cependant, tous ne furent pas satisfaits de la décision qui avait été prise: un groupe de faux frères décidèrent d'entreprendre un travail sous leur propre responsabilité. Ils se complurent dans la critique, proposèrent de nouveaux plans et cherchèrent à saper l'oeuvre accomplie par des hommes expérimentés que Dieu avait choisis pour prêcher la doctrine du Christ. Dès les origines, l'Eglise rencontra de tels obstacles auxquels elle sera confrontée jusqu'à la fin des temps. ------------------------Chapitre 42 -- Le ministère de Paul HR 319 1 Paul était infatigable. Il voyageait constamment de lieu en lieu, parfois dans des contrées inhospitalières, parfois sur l'eau, traversant orages et tempêtes. Il ne permettait pas que quoi que ce soit l'empêche de poursuivre son oeuvre. Etant serviteur de Dieu, il se devait d'accomplir sa volonté. De vive voix et par écrit, il prêchait un message qui, depuis lors, a aidé et fortifié l'Eglise de Dieu. Pour nous qui vivons à la fin de l'histoire de ce monde, son message signale clairement les dangers qui menacent l'Eglise et dénonce les fausses doctrines auxquelles le peuple de Dieu sera confronté. HR 319 2 De pays en pays et de ville en ville, Paul annonçait le Christ et fondait des églises. Partout où il trouvait un auditoire, il travaillait à réfuter l'erreur et à conduire hommes et femmes sur le droit chemin. Même s'il n'atteignait qu'une minorité, il agissait dans ce sens. Par ailleurs, l'apôtre n'oubliait pas les églises qu'il avait fondées. Si petites soient-elles, ces communautés faisaient l'objet de son attention et de sa sollicitude. HR 319 3 La vocation de Paul exigeait qu'il se livre à différentes activités: travaux manuels pour assurer sa subsistance, organisation d'églises, rédaction d'épîtres adressées aux communautés qu'il avait crées. Mais malgré ces multiples activités, il pouvait dire: "Je fais une chose". Philippiens 3:13. Au milieu de ses occupations, il n'avait qu'un seul but à l'esprit: rester fidèle à Jésus-Christ qui, alors qu'il blasphémait son nom et employait tous les moyens possibles pour que d'autres fassent de même, s'était révélé à lui. Le suprême objectif de sa vie était de servir et de glorifier Celui qu'il méprisait autrefois. Son unique désir était de gagner des âmes au Sauveur. Juifs et Gentils avaient beau le persécuter: rien ne pouvait le détourner de son objectif. Paul récapitule son expérience religieuse HR 320 1 Ecrivant aux Philippiens, il évoque son expérience avant et après sa conversion: "Si quelqu'un pense être en sûreté grâce à des pratiques humaines, j'ai bien plus de raisons que lui de le penser. J'ai été circoncis quand j'avais une semaine. Je suis Israélite de naissance, de la tribu de Benjamin, Hébreu de pure race. En ce qui concerne la pratique de la loi juive, j'étais Pharisien, et j'étais si zélé que je persécutais l'Eglise. En ce qui concerne la recherche d'une vie juste par l'obéissance aux commandements de la loi, on ne pouvait rien me reprocher". Philippiens 3:4-6. HR 320 2 Par ailleurs, il pouvait résumer ainsi le changement qui s'était produit en lui après sa conversion: "Ce n'est pas seulement ces qualités mais tout avantage que je considère comme une perte à cause de ce bien tellement supérieur: la connaissance de Jésus-Christ mon Seigneur. A cause de lui, je me suis débarrassé de tout avantage personnel; je considère tout cela comme des déchets, afin de gagner le Christ et d'être parfaitement uni à lui. Je n'ai plus la prétention d'être juste grâce à mon obéissance à la loi. C'est par la foi au Christ que je suis juste, grâce à cette possibilité d'être juste qui vient de Dieu et que Dieu accorde à celui qui croit". Philippiens 3:8, 9. HR 320 3 La justice à laquelle il avait attaché tant de prix jusque-là avait désormais perdu toute valeur à ses yeux. Ses aspirations se résumaient à ceci: "Tout ce que je désire, c'est de connaître le Christ et la puissance de sa résurrection, d'avoir part à ses souffrances et d'être rendu semblable à lui dans sa mort, avec l'espoir que je serai moi aussi ramené de la mort à la vie. Je ne prétends pas que j'aie déjà atteint le but ou que je sois déjà devenu parfait. Mais je continue à avancer pour m'efforcer de saisir le prix de la course, car Jésus-Christ m'a déjà saisi. Non, frères, je ne pense pas avoir déjà obtenu le prix; mais je fais une chose: j'oublie ce qui est derrière moi et m'efforce d'atteindre ce qui est devant moi. Ainsi, je cours vers le but afin de gagner le prix que Dieu, par Jésus-Christ, nous appelle à recevoir là-haut". Philippiens 3:10-14. Un homme capable de s'adapter aux circonstances HR 321 1 Considérons le comportement de Paul dans la prison de Philippes où, malgré ses souffrances physiques, il rompt le silence de la nuit en chantant des louanges. Après que le tremblement de terre eut ouvert les portes de la prison, sa voix se fait de nouveau entendre pour adresser des paroles de réconfort au geôlier païen: "Ne te fais pas de mal! Nous sommes tous ici!" Actes 16:28. Autrement dit, tous les prisonniers étaient restés à leur place, grâce à la présence d'un de leurs codétenus. Et le geôlier, convaincu de la réalité de la foi qui soutenait Paul, voulut connaître le chemin du salut et, avec toute sa famille, il se rallia au groupe des disciples du Christ persécutés. HR 321 2 Remarquons son attitude à Athènes, dans l'aréopage, lorsqu'il oppose la science à la science, la logique à la logique et la philosophie à la philosophie; comment, avec un tact inspiré par l'amour divin, il désigne le Très-Haut comme le "Dieu inconnu" (Actes 17:23) que ses auditeurs adoraient sans le savoir; comment, empruntant les paroles d'un de leurs poètes, il présente Dieu comme un Père dont ils sont les enfants. En un temps où régnait l'esprit de caste, et où les droits de l'homme étaient foulés aux pieds, Paul n'hésite pas à proclamer la grande vérité de la fraternité humaine en affirmant: "Il (Dieu) a créé à partir d'un seul homme tous les peuples et les a établis sur toute la terre". Actes 17:26. Puis il démontre comment, tel un long fil d'or qui parcourt l'histoire, la divine Providence témoigne de sa grâce et de sa bonté envers les humains: "Il a déterminé les temps fixés pour eux et les bornes de leur demeure, afin qu'ils cherchent Dieu pour le trouver si possible, en tâtonnant. Or il n'est pas loin de chacun de nous". Actes 17:26, 27 (V. Colombe). HR 322 1 Le comportement de l'apôtre nous est aussi un exemple quand il fut traduit devant le gouverneur Festus et que le roi Agrippa, convaincu de la vérité de l'Evangile, déclara: "Encore un peu et, par tes raisons, tu vas faire de moi un chrétien!" Actes 26:28 (V. Jérusalem). Avec quelle courtoisie Paul, montrant ses chaînes, répondit au souverain: "Qu'il faille peu ou beaucoup de temps, je prie Dieu que non seulement toi, mais encore vous tous qui m'écoutez aujourd'hui, vous deveniez tels que je suis, à l'exception de ces chaînes!" Actes 26:29. HR 322 2 Ainsi s'écoula sa vie, telle qu'il la décrit lui-même: "Pendant mes nombreux voyages j'ai connu les dangers des rivières qui débordent, les dangers des brigands, les dangers venant de mes compatriotes juifs et ceux causés par des non-juifs, j'ai été en danger dans les villes, en danger dans les lieux déserts, en danger sur la mer et en danger parmi de faux frères. J'ai connu des travaux pénibles et de dures épreuves; souvent j'ai été privé de sommeil; j'ai eu faim et soif; souvent j'ai été obligé de me passer de nourriture; j'ai souffert du froid et du manque de vêtements". 2 Corinthiens 11:26, 27. HR 323 1 "Quand on nous insulte, écrit-il encore, nous bénissons; quand on nous persécute, nous supportons; quand on dit du mal de nous, nous répondons avec bienveillance". 1 Corinthiens 4:12, 13. "On nous attriste et pourtant nous sommes toujours joyeux; nous paraissons pauvres, mais nous enrichissons beaucoup de gens; nous paraissons ne rien avoir alors que, en réalité, nous possédons tout". 2 Corinthiens 6:10. Paul dans les chaînes HR 323 2 Bien que l'apôtre fût prisonnier pendant assez longtemps, le Seigneur accomplit une oeuvre spéciale par son intermédiaire. Ses chaînes allaient devenir un moyen de propager la connaissance du Christ et de glorifier Dieu. Tandis que Paul était transféré de ville en ville pour y être jugé, son témoignage concernant Jésus et les détails palpitants de sa conversion étaient relatés devant les rois et les gouverneurs, si bien que ceux-ci ne pouvaient plus prétendre ignorer l'Evangile. De fait, des milliers de personnes croyaient au Christ et se réjouissaient en son nom. HR 323 3 J'ai vu qu'il entrait dans les plans du Seigneur que Paul voyageât en mer. Ainsi, l'équipage du navire verrait la puissance divine manifestée chez l'apôtre, les païens entendraient annoncer le nom de Jésus, et beaucoup se convertiraient grâce à l'enseignement de Paul et en constatant les miracles qu'il accomplissait. Les rois et les gouverneurs étaient conquis par la logique de son raisonnement, par le dynamisme et la puissance du Saint-Esprit avec lesquels il prêchait Jésus et racontait les événements saillants de son expérience, au point d'acquérir la conviction que Jésus était le Fils de Dieu. ------------------------Chapitre 43 -- Le martyre de Paul et de Pierre HR 324 1 Pendant de nombreuses années, les apôtres Paul et Pierre travaillèrent tout à fait indépendamment l'un de l'autre: Paul prêchant l'Evangile parmi les Gentils et Pierre exerçant son ministère surtout parmi les Juifs. Mais la divine Providence avait voulu qu'ils témoignent pour le Christ dans la grande métropole du monde, et que dans ce lieu l'un et l'autre versent leur sang qui deviendrait une semence en vue d'une grande moisson de saints et de martyrs. HR 324 2 A l'époque où Paul fut arrêté pour la seconde fois, Pierre aussi fut arrêté et jeté en prison. Ce dernier était particulièrement mal vu des autorités à cause de son zèle et parce qu'il avait réussi à démasquer et à déjouer les supercheries de Simon le magicien qui l'avait suivi jusqu'à Rome pour s'opposer à lui et faire obstacle à l'oeuvre de l'Evangile. L'empereur Néron qui croyait à la magie avait prêté son appui à ce Simon; c'est pourquoi il était très irrité contre l'apôtre et avait ordonné son arrestation. HR 324 3 La rage de l'empereur contre Paul grandit lorsque des membres du palais impérial et d'autres personnes de distinction se convertirent au christianisme pendant son premier emprisonnement. C'est pourquoi le souverain fit en sorte que la deuxième incarcération soit plus pénible que la première, pour que le prisonnier n'ait guère la possibilité de prêcher l'Evangile. De plus, Néron était déterminé à trouver dès que possible un chef d'accusation contre l'apôtre pour qu'il soit mis à mort. Mais il avait été tellement impressionné par la force du témoignage de Paul lors de sa dernière comparution qu'il préféra laisser le procès en suspens, sans qu'un acquittement ou une condamnation soient prononcés. Mais la condamnation n'était que différée. Peu de temps après, la sentence fut prononcée: Paul était destiné à mourir martyr. Comme il était citoyen romain, il ne pouvait être soumis à la torture; il fut donc condamné à être décapité. HR 325 1 En tant que Juif et étranger, Pierre, pour sa part, fut condamné à être flagellé et crucifié. En songeant à la mort horrible qui l'attendait, l'apôtre se rappela la grave faute qu'il avait commise en reniant le Sauveur tandis qu'il passait en jugement, et sa seule pensée fut qu'il était indigne de mourir de la même manière que son Maître. Pierre s'était sincèrement repenti de sa faute, et le Seigneur l'avait pardonné comme le montre la haute mission qui lui fut confiée de paître les brebis et les agneaux du troupeau; mais il n'arrivait pas à se pardonner à lui-même. Même la pensée de l'agonie qui lui était réservée n'atténuait pas l'amertume de sa peine et de son repentir. Il demanda à ses bourreaux de lui accorder une ultime faveur: qu'il soit crucifié la tête en bas. Cette requête fut accordée, et c'est ainsi que mourut Pierre, le grand apôtre. Le dernier témoignage de Paul HR 325 2 Paul fut conduit secrètement sur le lieu de son exécution. Compte tenu de la grande influence de l'apôtre, ses persécuteurs craignaient qu'en assistant à son martyre, des adeptes ne soient gagnés au christianisme. C'est pourquoi peu de personnes furent présentes lors de son exécution. Mais, si endurcis qu'ils fussent, les soldats qui avaient la garde du condamné et qui purent entendre ses paroles furent stupéfaits de voir qu'il affrontait la mort avec courage et même avec joie. Pour ceux qui assistèrent à son martyre, l'esprit de pardon qu'il manifesta envers ses bourreaux et la foi indéfectible en Christ dont il témoigna jusqu'à la fin fut une odeur de vie pour la vie. Plusieurs acceptèrent le Sauveur prêché par Paul et ne tardèrent pas à sceller courageusement leur foi dans le sang. HR 326 1 La vie de l'apôtre fut, jusqu'à l'heure suprême, un témoignage de la véracité des paroles qu'il avait adressées aux Corinthiens: "Le Dieu qui a dit: 'Que la lumière brille du milieu de l'obscurité!' est aussi celui qui a fait briller sa lumière dans nos coeurs, pour nous donner la connaissance lumineuse de la gloire de Dieu qui resplendit sur le visage du Christ. Mais nous qui portons ce trésor spirituel, nous sommes comme des vases d'argile, pour que l'on voie bien que cette puissance extraordinaire appartient à Dieu et non pas à nous. Nous sommes accablés de toutes sortes de souffrances, mais non écrasés; nous sommes inquiets, mais non désespérés; on nous persécute, mais Dieu ne nous abandonne pas; nous sommes jetés à terre, mais non détruits. Nous portons toujours dans notre corps la mort de Jésus, afin que sa vie se manifeste aussi dans notre corps". 2 Corinthiens 4:6-10. Cette sérénité ne venait pas de lui-même, mais du Saint-Esprit qui remplissait son âme et soumettait sa pensée à la volonté du Christ. Le fait que sa propre vie était un reflet de la vérité qu'il enseignait donnait une force persuasive à sa prédication et à son comportement. Le prophète déclare: "Toi, Seigneur, tu le gardes en paix, car il te fait confiance". Ésaïe 26:3. Cette paix d'en haut qui rayonnait sur le visage de Paul gagna plus d'un coeur à l'Evangile. HR 326 2 L'apôtre fixait ses regards sur l'au-delà, sans crainte ni frayeur, mais avec une joyeuse espérance et dans une ardente expectative. Debout sur le lieu de l'exécution, il ne vit ni l'épée flamboyante du bourreau, ni le sol verdoyant qui bientôt serait couvert de son sang. Il leva les yeux vers le ciel bleu de ce jour d'été à travers lequel il contemplait le trône de l'Eternel en disant: Seigneur, tu es mon refuge et mon partage. Quand reposerai-je dans tes bras? Quand verrai-je ta face, sans qu'un voile ne te cache à mes yeux? HR 327 1 Tout au long de sa vie, une atmosphère céleste émanait de la personne de l'apôtre. Tous ceux qui l'approchaient ressentaient l'influence de sa communion avec le Christ et avec les anges. En cela réside la force de la vérité. Le rayonnement inconscient et involontaire exercé par une vie sainte est le plus éloquent sermon en faveur du christianisme. Si irréfutable soit-elle, une argumentation ne peut que susciter la contradiction; mais l'exemple d'une vie sainte a un pouvoir auquel il est difficile de résister. HR 327 2 Perdant de vue les souffrances qui l'attendaient, Paul éprouvait une profonde sollicitude pour ses frères en la foi qu'il allait quitter; il songeait aux préjugés, à la haine et aux persécutions qu'ils auraient à subir. Il essayait d'encourager et de réconforter les rares chrétiens qui l'accompagnaient sur le lieu de l'exécution, en leur rappelant les précieuses promesses faites à ceux qui sont persécutés pour la justice. Il les assurait que Dieu accomplirait tout ce qu'il avait promis à ceux de ses fidèles soumis à l'épreuve: ils se lèveront et brilleront, car la lumière du Seigneur se lèvera sur eux, ils revêtiront de magnifiques vêtements quand il manifestera sa gloire. Pour un peu de temps ils auraient à affronter de multiples tentations et risquaient d'être privés du bien-être terrestre, mais ils devaient fortifier leurs coeurs en disant: "Je sais en qui j'ai mis ma confiance" (2 Timothée 1:12); le Seigneur peut garder ce que je lui ai confié. Bientôt s'achèverait l'épreuve, le radieux matin se lèverait, annonçant la paix et le bonheur parfait. HR 328 1 Le maître d'oeuvre de notre salut a préparé son serviteur en vue du dernier grand conflit. Racheté par le sacrifice du Christ, lavé du péché par son sang, revêtu de sa justice, Paul a l'intime certitude que son âme est précieuse aux yeux du Rédempteur. Sa vie est cachée avec le Christ en Dieu, et il est persuadé que celui qui a vaincu la mort est capable de garder ce qui lui a été confié. Il s'accroche à la promesse: "Je le ressusciterai au dernier jour". Jean 6:40. Ses pensées et ses espoirs sont fixés sur le second avènement du Christ. Lorsque l'épée du bourreau tombe et que l'ombre de la mort enveloppe le martyr, sa dernière pensée s'élève vers le Dispensateur de la vie, comme au jour du grand réveil, quand il sera introduit dans la joie éternelle avec tous les rachetés. HR 328 2 Près de vingt siècles se sont écoulés depuis que Paul, âgé, scella de son sang le témoignage qu'il rendit à la Parole de Dieu et à Jésus-Christ. Aucune plume n'a fidèlement enregistré pour les générations futures les dernières scènes de la vie de ce saint homme; mais l'Ecriture inspirée nous a conservé les paroles qu'il a prononcées avant de rendre son dernier soupir. Tel un coup de clairon, ces paroles, retentissant à travers les siècles, ont ranimé le courage de milliers de témoins du Sauveur et éveillé dans de nombreux coeurs l'écho de sa joie triomphante: "Quant à moi, l'heure est arrivée où je vais être offert en sacrifice; le moment est venu pour moi de mourir. J'ai combattu le bon combat, je suis allé jusqu'au bout de la course, j'ai gardé la foi. Et maintenant, le prix de la victoire m'attend: c'est la couronne de justice que le Seigneur, le juste juge, me donnera au jour du Jugement. Et il ne la donnera pas seulement à moi, mais à tous ceux qui attendent avec amour le moment où il apparaîtra". 2 Timothée 4:6-8. ------------------------Chapitre 44 -- La grande apostasie HR 329 1 En révélant à ses disciples le sort de Jérusalem et les scènes de sa seconde venue, Jésus avait prédit les difficultés qu'ils allaient devoir affronter depuis le jour où il leur serait enlevé jusqu'à celui de son retour en puissance et en gloire. Du haut de la colline des Oliviers, le Sauveur voyait venir les orages qui allaient s'abattre sur l'Eglise apostolique. Pénétrant plus profondément dans l'avenir, il contemplait les tempêtes terribles, dévastatrices, qui atteindraient les disciples pendant les siècles de ténèbres et de persécution. En quelques phrases succinctes mais d'une signification redoutable, il prédit le sort cruel que les grands de ce monde infligeraient à l'Eglise de Dieu. Ses disciples étaient appelés à suivre le même sentier d'humiliations, d'opprobres et de souffrances que leur Maître avait foulé. L'inimitié dont le Rédempteur avait été l'objet allait se déchaîner contre ceux qui croiraient en son nom. HR 329 2 L'histoire de l'Eglise primitive témoigne de l'accomplissement des paroles du Sauveur. Les puissances de la terre et de l'enfer étaient liguées contre Jésus-Christ en la personne de ses fidèles. Le paganisme, prévoyant que, si l'Evangile triomphait, ses temples et ses autels seraient détruits, mobilisa ses forces pour éliminer le christianisme. Les feux de la persécution s'allumèrent; dépouillés de leurs biens et chassés de leurs demeures, les chrétiens ont soutenu "un grand combat au milieu des souffrances". Hébreux 10:32 (Segond). "D'autres encore subirent des moqueries et des coups de fouet, certains furent liés de chaînes et jetés en prison". Hébreux 11:36. Un grand nombre d'entre eux scellèrent leur témoignage de leur sang. Nobles et esclaves, riches et pauvres, savants et ignorants furent massacrés sans pitié. HR 330 1 Mais les efforts de Satan pour détruire l'Eglise du Christ par la violence étaient vains, car le grand conflit au cours duquel les disciples de Jésus étaient mis à mort ne s'arrêtait pas lorsque ces fidèles porte-drapeaux tombaient à leur poste. Bien qu'apparemment vaincus, ils étaient vainqueurs. Même lorsque des serviteurs de Dieu étaient égorgés, son oeuvre se poursuivait sans relâche, l'Evangile continuait à se répandre et le nombre de ses adhérents allait en augmentant. Il pénétrait jusque dans des contrées demeurées inaccessibles aux enseignes des légions romaines. S'adressant aux autorités païennes qui encourageaient la persécution, un chrétien a pu dire: "Tuez-nous, torturez-nous, condamnez-nous... Votre injustice est la preuve de notre innocence... Votre cruauté ne sert de rien". En agissant ainsi, vous rendez notre foi encore plus persuasive. "Nous croissons en nombre à mesure que vous nous moissonnez: le sang des chrétiens est une semence". HR 330 2 Des milliers de chrétiens étaient incarcérés et mis à mort, mais d'autres entraient dans l'Eglise et comblaient les vides ainsi laissés. Le sort de ceux qui subissaient le martyre pour leur foi était scellé, et le Seigneur les mettait au nombre des vainqueurs. Ils avaient combattu le bon combat, et ils devaient recevoir la couronne de gloire au retour du Christ. Les souffrances endurées par les chrétiens les rapprochaient les uns des autres et de leur Sauveur. L'exemple de leur vie et le témoignage de leur mort en martyrs plaidaient si bien en faveur de la vérité qu'au moment où on s'y attendait le moins, des sujets de Satan quittaient les rangs de celui-ci pour se rallier à Jésus-Christ. Mélange de christianisme et de paganisme HR 331 1 Pour mieux réussir dans sa guerre contre le gouvernement de Dieu, Satan mit sur pied une tactique nouvelle qui consistait à planter sa bannière au coeur même de l'Eglise chrétienne. S'il parvenait à égarer les disciples du Christ et à attirer sur eux le déplaisir de Dieu, ils perdraient leur énergie, leur courage, leur fermeté, et deviendraient pour lui une proie facile. HR 331 2 Dès lors, le grand adversaire tenta d'obtenir par la ruse ce qu'il n'avait pu obtenir par la force. La persécution cessa et fut remplacée par les dangereux attraits de la prospérité et des honneurs temporels. Des idolâtres furent amenés à donner partiellement leur adhésion à la foi chrétienne, tout en rejetant certaines vérités essentielles. Ils prétendaient accepter Jésus comme le Fils de Dieu et croire à sa mort et à sa résurrection, mais ils n'avaient pas conscience de leur état de péché, ni de leur besoin de se repentir et de changer de comportement. Prêts à faire un certain nombre de concessions, ces idolâtres proposèrent aux chrétiens de faire à leur tour des concessions, pour qu'ils puissent se rencontrer sur un même terrain au nom du Christ. HR 331 3 Ce fut une heure très dangereuse pour l'Eglise. En comparaison de ce danger, la prison, la torture, le feu et l'épée auraient été des bénédictions. Certains chrétiens demeurèrent inébranlables, déclarant que tout compromis leur était imposssible. D'autres pensèrent que s'ils cédaient sur certains points, s'ils étaient disposés à modifier certains aspects de leur foi et s'ils se joignaient à ceux qui avaient partiellement accepté la religion chrétienne, ce pourrait être un moyen d'amener ces nouveaux croyants à une conversion complète. Ce fut une période angoissante pour les fidèles disciples du Christ. Sous le manteau d'un prétendu christianisme, Satan lui-même entrait dans l'Eglise pour corrompre sa foi et détourner les esprits des croyants de la Parole de vérité. HR 332 1 Finalement, la plupart des chrétiens consentirent à transiger sur leurs principes, et une union fut formée entre christianisme et paganisme. Tout en se prétendant convertis et membres de l'Eglise, les idolâtres restèrent attachés à leurs divinités; ils se contentèrent de remplacer les objets de leur culte par des statues de Jésus, de Marie et des saints. Le levain corrompu de l'idolâtrie ainsi introduit dans l'Eglise y poursuivit son oeuvre néfaste. De fausses doctrines, des rites superstitieux et des cérémonies païennes se glissèrent dans la foi et dans le culte chrétiens. L'union des disciples du Christ et des idolâtres eut pour effet de corrompre le christianisme, et l'Eglise perdit sa pureté et sa puissance. Cependant, certains croyants ne se laissèrent pas égarer par ces séductions. Ils restèrent fidèles à l'Auteur de la vérité et adorèrent Dieu seul. HR 332 2 Les disciples du Christ ont toujours été répartis en deux catégories: ceux qui méditent avec soin la vie du Sauveur, qui cherchent sincèrement à se corriger de leurs défauts et à se conformer à ce Modèle, et ceux qui ferment les yeux sur les vérités simples et claires qui démasquent leurs erreurs. Même lorsqu'elle avait atteint des sommets spirituels, l'Eglise n'était pas uniquement composée de membres loyaux, consciencieux et intègres. Le Sauveur enseigne que ceux qui vivent sciemment dans le péché ne doivent pas être admis dans l'Eglise. Pourtant, il s'associa des hommes qui avaient des travers de caractère, mais auxquels il donna, grâce à son enseignement et à son exemple, la possibilité de voir leurs défauts et de s'en corriger. HR 332 3 Il n'y a pas d'accord possible entre le Prince de la lumière et le prince des ténèbres, et il ne saurait y en avoir entre leurs disciples. Quand les chrétiens consentirent à s'unir aux païens à moitié convertis, ils s'engagèrent dans une voie qui devait les éloigner de plus en plus de la vérité. Satan se réjouit d'avoir réussi à égarer un aussi grand nombre de disciples du Christ. Et, à mesure que son ascendant sur eux grandit, il les incita à persécuter ceux qui restaient fidèles à l'Evangile. Nul ne savait mieux combattre la foi chrétienne que ceux qui en avaient été auparavant les défenseurs. Ainsi, ces chrétiens apostats, faisant cause commune avec les demi-païens, s'attaquèrent aux doctrines essentielles du christianisme. HR 333 1 Ceux qui voulaient rester fidèles durent mener une lutte sans merci pour résister aux séductions et aux abominations qui, sous le couvert des vêtements sacerdotaux, avaient pénétré dans l'Eglise. La Bible n'était plus reconnue comme la norme de la foi. Quant à la doctrine de la liberté religieuse, elle fut qualifiée d'hérésie, et ses défenseurs furent haïs et proscrits. Les fidèles se séparent HR 333 2 Après un conflit long et acharné, les quelques chrétiens restés fidèles décidèrent de se séparer de l'Eglise apostate si elle persistait à refuser de rompre avec l'erreur et l'idolâtrie. Ils se rendaient compte que s'ils voulaient obéir à la Parole de Dieu, la séparation devenait une impérieuse nécessité. Ils ne pouvaient pas tolérer plus longtemps des erreurs qui auraient été fatales à leur âme et mis en danger la foi de leurs descendants. Pour assurer la paix et l'unité, ils étaient disposés à faire toutes les concessions compatibles avec leur fidélité envers Dieu; mais ils estimaient que le prix de la paix aurait été trop élevé s'ils avaient dû le payer en sacrifiant leurs principes. Si l'unité devait être obtenue au détriment de la vérité et de la justice, ils préféraient la dissidence et même la lutte ouverte. Si le courage qui animait ces croyants intrépides pouvait ressusciter dans le coeur du peuple de Dieu, ce serait un grand bienfait pour l'Eglise et pour le monde. HR 334 1 L'apôtre Paul déclare: "Tous ceux qui veulent mener une vie fidèle à Dieu dans l'union avec Jésus-Christ seront persécutés". 2 Timothée 3:12. D'où vient donc que la persécution semble dans un état de profonde léthargie? La seule explication qui puisse être donnée, c'est que l'Eglise, ayant accepté les principes du monde, ne provoque plus d'opposition. La religion qui prévaut de nos jours n'a pas la pureté et la sainteté qui caractérisaient les chrétiens au temps du Christ et des apôtres. C'est à cause de ses compromis avec le péché, à cause de son indifférence à l'égard des grandes vérités de la Parole de Dieu et de l'absence de piété vivante, que le christianisme est en bons termes avec le monde. Si la religion chrétienne connaissait un réveil de la foi et de la puissance dont l'Eglise primitive était animée, l'esprit d'intolérance renaîtrait et les bûchers de la persécution se rallumeraient. ------------------------Chapitre 45 -- Le mystère de l'iniquité HR 335 1 Dans sa seconde épître aux Thessaloniciens, l'apôtre Paul prédit la grande apostasie qui devait aboutir à l'établissement du pouvoir papal. Il déclare que le jour du Seigneur ne viendra pas avant que "l'apostasie soit arrivée... et qu'on ait vu paraître l'homme du péché, le fils de la perdition, l'adversaire qui s'élève au-dessus de tout ce qu'on appelle Dieu ou de ce qu'on adore, jusqu'à s'asseoir dans le temple de Dieu, se proclamant lui-même Dieu". 2 Thessaloniciens 2:3, 4 (Segond). L'apôtre avertissait encore les croyants en ces termes: "Le mystère de l'iniquité agit déjà". 2 Thessaloniciens 2:7. Dès son époque, il voyait s'infiltrer dans l'Eglise des erreurs qui préparaient la voie à l'essor de la papauté. HR 335 2 Peu à peu, modestement et en silence d'abord, puis plus ouvertement à mesure qu'il prenait des forces et avait plus d'emprise sur l'esprit des humains, ce "mystère de l'iniquité" poursuivait son oeuvre trompeuse et blasphématoire. Presque imperceptiblement, des coutumes païennes pénétrèrent dans l'Eglise. L'esprit de compromis et de conformisme fut provisoirement tenu en échec par les cruelles persécutions que l'Eglise endura de la part du paganisme. Mais dès que les persécutions cessèrent et que le christianisme eut ses entrées dans les cours et les palais des rois, l'Eglise échangea l'humble simplicité du Christ et de ses apôtres contre la pompe et le faste des prêtres et des pontifes païens, et substitua les théories et les traditions humaines à la Parole de Dieu. La prétendue conversion de l'empereur Constantin, au début du quatrième siècle, donna lieu à de grandes réjouissances, et le monde, vêtu des apparences de la justice, pénétra dans l'Eglise. Dès lors, la situation s'aggrava rapidement. Le paganisme, apparemment vaincu, était vainqueur. Ses doctrines, ses cérémonies et ses superstitions se mêlèrent à la foi et au culte des soi-disant disciples du Christ. HR 336 1 Ce compromis entre paganisme et christianisme ouvrit la voie à l'homme du péché mentionné dans la prophétie comme devant s'opposer à Dieu et s'exalter au-dessus de lui. Ce formidable système fondé sur une fausse religion est un chef-d'oeuvre de la puissance satanique, un monument érigé en l'honneur de ses efforts visant à occuper le trône du Très-Haut et à gouverner la terre selon son bon plaisir. HR 336 2 Désireuse de s'assurer les largesses et les honneurs du monde, l'Eglise fut amenée à solliciter l'appui et les faveurs des grands de la terre. Ayant, de ce fait, rejeté le Christ, elle finit par se soumettre au représentant de Satan: l'évêque de Rome. HR 336 3 D'après l'une des doctrines fondamentales de l'Eglise romaine, le pape, investi d'une autorité suprême sur les évêques et les pasteurs du monde entier, est le chef visible de l'Eglise universelle du Christ. De plus, le pape s'est arrogé les titres mêmes de la divinité. HR 336 4 Satan savait bien que les Ecritures permettent aux humains de démasquer ses impostures et de résister à son pouvoir. C'est en se servant de cette Parole sainte que le Sauveur du monde lui-même avait résisté à ses attaques. A chaque assaut, Jésus avait saisi le bouclier de la vérité éternelle en disant: "Il est écrit". Contre chaque suggestion de l'adversaire, il avait opposé la sagesse et l'autorité de la Parole divine. Le seul moyen dont Satan disposait pour exercer sa domination sur les hommes et pour asseoir l'autorité de l'usurpateur papal était de maintenir le monde dans l'ignorance des Ecritures. Etant donné que la Bible exalte la souveraineté de Dieu et situe l'homme limité à sa vraie place, les vérités sacrées qu'elle renferme devaient être cachées et annulées. Tel fut le raisonnement adopté par l'Eglise romaine. Des siècles durant, la diffusion de la Bible fut interdite. On défendait au peuple de la lire ou de la posséder chez soi, tandis que des prêtres et des prélats sans principes l'interprétaient de manière à justifier leurs prétentions. C'est ainsi que le pape en vint à être presque universellement reconnu comme le vicaire de Dieu sur la terre, et investi de l'autorité suprême sur l'Eglise et sur l'état. Les temps et la loi sont changés HR 337 1 Le livre détecteur de l'erreur ayant été éliminé, Satan pouvait agir à sa guise. Selon la prophétie, la papauté devait "changer les temps et la loi". Daniel 7:25 (Segond). Elle ne tarda pas à agir dans ce sens. Pour offrir aux convertis venus du paganisme de quoi remplacer le culte de idoles, et pour faciliter ainsi leur adhésion au christianisme, on introduisit graduellement dans l'Eglise le culte des statues et des reliques. Cette idolâtrie papiste fut officiellement reconnue par un concile général. Pour compléter cette oeuvre sacrilège, Rome n'hésita pas à effacer de la loi de Dieu le deuxième commandement, qui condamne précisément le culte des images taillées; et, pour rétablir le nombre (dix), le dixième commandement fut divisé en deux. HR 337 2 Les concessions faites au paganisme ouvrirent la voie à un nouvel attentat contre l'autorité du ciel: Satan falsifia le quatrième commandement, en essayant d'éliminer l'ancien sabbat, jour que Dieu avait béni et sanctifié, et de lui substituer un jour que les païens observaient sous le nom de "jour vénérable du soleil". Au début, ce changement ne fut pas opéré ouvertement. Durant les premiers siècles, tous les chrétiens observaient le vrai sabbat. Soucieux de sauvegarder l'honneur de Dieu et convaincus de l'immutabilité de sa loi, ils veillaient avec un soin jaloux sur ses préceptes sacrés. Aussi Satan manoeuvra-t-il par ses agents avec une grande habileté. Pour attirer l'attention sur le premier jour de la semaine, on commença par en faire une fête en l'honneur de la résurrection du Christ. On y célébra des services religieux, tout en le considérant comme un jour de divertissement, tandis que le sabbat continuait à être sanctifié. HR 338 1 Alors qu'il était encore païen, l'empereur Constantin promulgua un édit prescrivant que le dimanche serait désormais jour férié dans tout le territoire de l'empire romain. Après sa conversion, il resta un ardent défenseur du dimanche, et son édit païen fut confirmé pour servir les intérêts de sa foi nouvelle. Mais l'honneur dont ce jour était entouré n'empêchait pas les chrétiens de considérer le vrai sabbat comme étant le jour du Seigneur. Il fallait franchir un pas de plus: le faux sabbat devait être mis sur un pied d'égalité avec le vrai sabbat. Quelques années après la proclamation de l'édit de l'empereur, l'évêque de Rome conféra au dimanche le titre de Jour du Seigneur. Peu à peu, le public fut donc amené à considérer ce jour comme ayant un certain caractère sacré. Mais par ailleurs, on continuait à observer le sabbat originel. HR 338 2 Cependant, le grand Séducteur n'était pas arrivé à ses fins: il était décidé à rassembler le monde chrétien sous sa bannière et à exercer son pouvoir par l'intermédiaire de son vicaire, l'orgueilleux pontife qui prétendait être le représentant du Christ. C'est par le moyen de païens à demi convertis, de prélats ambitieux et de chrétiens mondanisés que Satan réalisa ses desseins. De grands conciles réunissaient de temps à autre les dignitaires de l'Eglise venus de toutes les parties du monde. Presque à chaque concile, le sabbat institué par Dieu était un peu plus déprécié, et le dimanche était un peu plus exalté. Ainsi, la fête païenne finit par bénéficier des honneurs d'une institution divine, tandis que le sabbat de la Bible fut qualifié de relique du judaïsme, et que l'anathème était prononcé sur ceux qui l'observaient. HR 339 1 Le grand apostat avait donc réussi à "s'élever au-dessus de tout ce qu'on appelle Dieu ou de ce qu'on adore". 2 Thessaloniciens 2:4 (Segond). Il n'avait pas hésité à modifier le seul précepte de la loi divine qui attire formellement l'attention de toute l'humanité sur le Dieu vivant et vrai. En désignant Dieu comme le Créateur des cieux et de la terre, le quatrième commandement distingue l'Eternel de tous les faux dieux. Or, c'est en tant que mémorial de la création que le septième jour fut sanctifié par l'homme comme jour du repos. Il était destiné à rappeler constamment aux humains que le Dieu vivant est la source de leur être, qu'il devrait être l'objet de leur vénération et de leur culte. Voilà pourquoi Satan s'efforce de détourner l'homme de sa fidélité envers Dieu, et l'incite à désobéir à sa loi. Voilà pourquoi il concentre ses efforts contre le commandement qui proclame Dieu comme Créateur. HR 339 2 Les protestants affirment que la résurrection du Christ survenue un dimanche a fait de ce jour le sabbat des chrétiens. Mais une telle affirmation ne repose sur aucune preuve biblique. Jamais Jésus ni ses apôtres n'ont attribué un tel honneur à ce jour. L'observation du dimanche comme jour de repos "chrétien" a pour origine "le mystère de l'iniquité" qui avait déjà commencé à se manifester au temps de l'apôtre Paul. Où et quand le Seigneur a-t-il adopté cet enfant de la papauté? Quelle raison valable peut-on avancer en faveur d'un changement que les Ecritures ne justifient pas? HR 339 3 Au sixième siècle, la papauté était solidement implantée. Le siège de son pouvoir avait été fixé dans la ville impériale et l'évêque de Rome était reconnu comme le chef de l'Eglise universelle. Le paganisme avait fait place à la papauté. Le dragon avait cédé à la bête "sa puissance, son trône et son grand pouvoir". Apocalypse 13:2. Alors commencèrent les mille deux cent soixante années d'oppression papale annoncées par les prophéties de Daniel et de l'Apocalypse. Daniel 7:25; Apocalypse 13:5-7. Les chrétiens furent placés dans l'alternative de choisir soit l'abandon de leurs principes et l'adoption des cérémonies et du culte papaux, soit la perspective de passer leur vie dans des cachots ou de mourir sur le chevalet, le bûcher ou sous la hache du bourreau. Alors s'accomplit cette prophétie de Jésus: "Vous serez livrés même par vos père et mère, vos frères, vos parents et vos amis; on mettra à mort plusieurs d'entre vous. Tout le monde vous haïra à cause de moi". Luc 21:16, 17. La persécution se déchaîna avec une fureur sans précédent, et le monde devint un vaste champ de bataille. Des siècles durant, l'Eglise de Jésus-Christ dut trouver refuge dans la retraite et l'obscurité, comme l'annonçait la prophétie: "La femme s'enfuit dans le désert, où Dieu lui avait préparé une place, pour qu'elle y soit nourrie pendant mille deux cent soixante jours". Apocalypse 12:6. Le moyen âge HR 340 1 L'avènement au pouvoir de l'Eglise romaine a marqué le commencement du moyen âge. A mesure que grandissait sa puissance, les ténèbres devenaient plus épaisses. Se substituant à Jésus-Christ, le véritable fondement, le pape devint l'objet de la foi. Au lieu de se confier dans le Fils de Dieu pour obtenir la rémission des péchés et le salut éternel, on comptait sur le pape, sur les prêtres et les prélats, auxquels le Seigneur avait soi-disant délégué son autorité. On enseignait aux croyants que le pape était leur médiateur et que nul ne pouvait s'approcher de Dieu que par lui. De plus, on affirmait qu'il tenait sur la terre la place de Dieu et qu'on lui devait une obéissance absolue. La moindre infraction à ses volontés attirait sur le corps et sur l'âme des coupables les plus terribles châtiments. HR 341 1 On détournait ainsi l'attention de Dieu pour la reporter sur des hommes faillibles et cruels -- que dis-je? sur le prince des ténèbres lui-même qui agissait par eux. Le péché prenait le déguisement de la sainteté. Quand les Ecritures sont éliminées et que l'homme en arrive à se considérer comme un souverain absolu, on ne peut que s'attendre à la tromperie, aux égarements et à la dégradation morale. Dès lors que les lois et les traditions humaines sont exaltées, il en résulte la corruption qui découle inévitablement du mépris de la loi divine. Le règne de la peur HR 341 2 L'Eglise du Christ vivait des jours périlleux. Les chrétiens fidèles à l'Evangile étaient peu nombreux. Certes, la vérité ne fut jamais totalement privée de témoins; mais parfois, l'erreur et la superstition parurent l'emporter au point que la vraie religion semblait avoir disparu de la terre. L'Evangile était perdu de vue, tandis qu'on multipliait les cérémonies religieuses et que le peuple était accablé d'exactions rigoureuses. HR 341 3 Les croyants étaient exhortés non seulement à considérer le pape comme leur médiateur, mais aussi à compter sur leurs propres mérites pour expier leurs péchés. C'est par de longs pèlerinages, des pénitences, le culte des reliques, la construction d'églises ou d'autels et le don de fortes sommes d'argent qu'il fallait soi-disant apaiser la colère de Dieu ou obtenir sa faveur -- comme si Dieu était semblable aux hommes, prêt à s'irriter pour des vétilles ou à se laisser attendrir par des cadeaux ou des pénitences! HR 342 1 Au fil des siècles, les erreurs doctrinales se multipliaient dans l'Eglise romaine. Avant même l'établissement de la papauté, les théories de certains philosophes païens avaient commencé à susciter de l'intérêt dans l'Eglise et à y exercer une influence. De nombreux prétendus convertis restaient attachés aux enseignements de la philosophie païenne; ils ne se contentaient pas d'étudier ses enseignements, mais ils encourageaient leur entourage à faire de même afin d'avoir plus de crédit auprès des païens. C'est ainsi que de graves erreurs s'infiltrèrent dans la foi chrétienne, dont la principale est la croyance en l'immortalité naturelle de l'âme et en l'état conscient des morts. C'est sur ce fondement que Rome a construit le culte des saints et l'adoration de la vierge Marie. Cette doctrine fut aussi à l'origine de l'apparition rapide, dans l'Eglise romaine, de la croyance aux peines éternelles des réprouvés. HR 342 2 Désormais, la voie était libre pour l'introduction d'une autre invention du paganisme, que l'Eglise romaine a appelée le purgatoire, et dont elle s'est servie pour terroriser les foules crédules et superstitieuses. Ceux qui croient en cette doctrine affirment que les âmes qui n'ont pas mérité la damnation éternelle doivent, avant d'être admises au ciel, être purifiées de leurs péchés dans un lieu de tourment. HR 342 3 Mais il fallait une autre doctrine, également forgée de toutes pièces, pour que Rome puisse tirer profit de la peur et des vices de ses adhérents: celle des indulgences. L'entière rémission des péchés passés, présents et futurs, et l'exemption des peines et amendes imposées par l'Eglise, étaient promises à ceux qui prenaient part aux guerres soutenues par le pape en vue d'étendre son pouvoir temporel, de châtier ses ennemis ou d'exterminer ceux qui osaient contester sa suprématie spirituelle. On enseignait aussi que, moyennant une certaine somme d'argent versée dans le trésor de l'Eglise, on obtenait soit le pardon de ses propres péchés, soit la délivrance des âmes de personnes de connaissance qui souffraient dans les flammes du purgatoire. De cette façon, Rome s'enrichissait et finançait les dépenses entraînées par sa magnificence, son luxe et les vices des soi-disant représentants de Celui qui n'avait pas un lieu où reposer sa tête. Matthieu 8:20. HR 343 1 L'ordonnance biblique de la sainte Cène instituée par notre Seigneur fut supplantée par le sacrifice idolâtre de la messe. Les prêtres soumis au pape prétendaient transformer le pain et le vin dans le vrai corps et le vrai sang du Christ. Ils avaient la prétention blasphématoire de pouvoir par là même "créer le Créateur". Et tous les chrétiens étaient tenus, sous peine de mort, de souscrire à cette abominable hérésie. Ceux qui refusaient d'y croire étaient condamnés au bûcher. HR 343 2 Le midi de la papauté coïncidait avec le minuit de l'humanité. Les saintes Ecritures étaient presque totalement inconnues, non seulement du peuple, mais aussi des prêtres. Comme autrefois les pharisiens, les membres du clergé haïssaient la lumière qui dévoilait leurs péchés. Après que la loi de Dieu, norme de la justice, eut été éliminée, ils pouvaient exercer le pouvoir de façon absolue et se livrer au vice sans retenue. La fraude, l'avarice et la dissolution régnaient. Pour obtenir des richesses ou pour accéder à un rang plus élevé, on ne reculait devant aucun crime. Les palais des papes et des prélats étaient le théâtre d'affreuses scènes de débauche. Certains pontifes commettaient des crimes si odieux que des souverains, les jugeant trop indignes du trône papal, tentèrent de les déposer. Pendant des siècles, l'Europe ne fit aucun progrès dans les sciences, les arts et la civilisation. Moralement et intellectuellement, la chrétienté était frappée de paralysie. ------------------------Chapitre 46 -- Les premiers réformateurs HR 345 1 Les ténèbres qui régnèrent sur la terre au cours de la longue période de la suprématie papale ne réussirent pas à éteindre complètement le flambeau de la vérité. Il y eut toujours de vrais croyants attachés à la foi en Jésus-Christ, seul Médiateur entre Dieu et les hommes, prenant les saintes Ecritures pour leur unique règle de vie et sanctifiant le vrai jour de repos. Jamais on ne saura ce que le monde doit à ces hommes. Dénoncés comme hérétiques, diffamés, leurs mobiles incriminés, leurs écrits dénigrés, mutilés et prohibés, ils demeurèrent inébranlables et conservèrent la pureté de la foi pour en transmettre, de siècle en siècle, l'héritage sacré à la postérité. HR 345 2 La guerre faite à la Bible devint tellement acharnée que les exemplaires du saint Livre étaient parfois rares. Mais Dieu ne permit pas que sa Parole disparût. Ce trésor ne devait pas rester enfoui. L'auteur de cette Parole pouvait la faire sortir de l'obscurité tout aussi facilement qu'il ouvrait les portes des cachots ou brisait les barreaux des prisons où languissaient ses enfants fidèles. Dans plusieurs pays d'Europe, des hommes, poussés par le Saint-Esprit, cherchaient la vérité comme on cherche des perles. Ils furent dirigés providentiellement vers l'Ecriture sainte et ils en scrutèrent les pages avec le plus grand soin, bien décidés à y trouver la lumière. Ils acceptaient la lumière à n'importe quel prix. Bien que ne discernant pas tout, ils arrivèrent à comprendre de nombreuses vérités oubliées depuis longtemps. Devenus des messagers du ciel, ces hommes s'efforcèrent de briser les chaînes de l'erreur et de la superstition. Ils invitaient les captifs à faire valoir leur droit à la liberté. HR 346 1 Le moment était venu de traduire la Bible en langue vulgaire pour la mettre à la portée de tous. La nuit allait bientôt disparaître. Lentement, les ténèbres se dissipaient, et, dans plusieurs pays, on voyait déjà les premières lueurs de l'aurore. L'étoile du matin de la Réforme HR 346 2 Au quatorzième siècle, naissait en Angleterre Jean Wiclef, "l'étoile de la Réforme". Son témoignage retentit non seulement en Grande-Bretagne, mais au sein de la chrétienté toute entière. Il fut l'ancêtre des puritains et son époque fut comme une oasis dans le désert. HR 346 3 Le Seigneur jugea bon de confier l'oeuvre de la réforme à cet homme dont l'intelligence donnerait du caractère et de la dignité à ses travaux. Ceci réduisait au silence la voix du mépris et empêchait les adversaires de la vérité de discréditer sa cause en ridiculisant l'ignorance du défenseur. Après avoir maîtrisé l'enseignement scholastique, Wiclef entreprit l'étude des Ecritures. Il trouva dans la Bible ce qu'il avait vainement cherché ailleurs. Il y découvrit le plan de la rédemption, et contempla en Jésus-Christ l'unique Avocat de l'homme auprès de Dieu. Convaincu que les traditions humaines implantées par Rome avaient supplanté la Parole de Dieu, il se donna tout entier au service du Seigneur, et prit la résolution de proclamer les vérités qu'il avait découvertes. HR 346 4 L'oeuvre la plus importante de sa vie fut la traduction de la Bible en langue anglaise. C'était la première fois que la traduction entière de l'Ecriture en anglais voyait le jour. L'art de l'imprimerie n'étant pas encore connu, ce n'est que par un procédé lent et laborieux qu'on obtenait des exemplaires de la Bible. C'est ainsi que le peuple de Grande-Bretagne eut entre les mains la Bible dans sa propre langue. La lumière de la Parole de Dieu commençait à répandre ses brillants rayons pour dissiper les ténèbres. La Providence divine préparait le chemin de la grande Réforme. HR 347 1 L'appel à la raison humaine arrachait bien des gens à leur soumission passive aux dogmes de Rome. Les classes favorisées qui seules pouvaient lire à cette époque acceptèrent la Bible avec enthousiasme. Wiclef enseignait exactement les croyances qui caractérisèrent plus tard le protestantisme: le salut par la foi en Jésus-Christ et l'infaillible et souveraine autorité des saintes Ecritures. Beaucoup de prêtres s'unirent à ses efforts pour répandre les Ecritures et prêcher l'Evangile. Ces prédicateurs obtenaient un tel succès en répandant les écrits de Wiclef que bientôt la moitié du peuple anglais avait accepté la nouvelle foi. Le royaume des ténèbres tremblait. HR 347 2 Les efforts des ennemis de cet homme de Dieu pour faire cesser son oeuvre et détruire sa vie furent tous vains et il mourut en paix, à l'âge de soixante et un an, alors qu'il officiait devant l'autel. La Réforme s'étend HR 347 3 C'est sous l'influence des écrits de Wiclef que Jean Hus fut amené à renoncer à plusieurs des erreurs du romanisme et à entreprendre l'oeuvre de la réforme en Bohême. Tout comme Wiclef, Hus était un chrétien noble, un homme de savoir, possédant une dévotion inébranlable pour la vérité. En faisant appel à la Bible et en dénonçant hardiment la vie immorale et scandaleuse du clergé, il suscita beaucoup d'intérêt; des milliers de personnes acceptèrent avec joie de suivre une vérité plus pure. Ceci attira les foudres du pape et des prélats, des prêtres et des moines, et Hus fut sommé de se présenter au Concile de Constance pour répondre à l'accusation d'hérésie. Hus avait obtenu un sauf-conduit de l'empereur allemand et, en arrivant à Constance, il reçut du pape l'assurance personnelle de sa protection. HR 348 1 Au cours d'un long procès, le réformateur soutint fermement la vérité. Mis en demeure de choisir entre la rétractation et la mort, il choisit cette dernière. Après avoir assisté à la destruction de ses ouvrages par le feu, il fut lui-même livré aux flammes. En présence de dignitaires réunis de l'Eglise et de l'Empire, il fit entendre une protestation solennelle contre les désordres de la hiérarchie papale. Son exécution, en violation flagrante de la promesse publique et solennelle au sujet de sa protection, démontra au monde entier la cruauté et la perfidie de Rome. Sans le savoir, les ennemis de la vérité avaient contribué au progrès de la cause qu'ils cherchaient en vain de détruire. HR 348 2 Malgré la persécution qui faisait rage, après la mort de Wiclef, on continua de protester d'une manière calme, pieuse et patiente contre la corruption de la foi religieuse. Tout comme les croyants de l'époque apostolique, beaucoup sacrifiaient joyeusement leurs biens pour la cause du Christ. HR 348 3 On déploya les plus grands efforts pour affermir et étendre le pouvoir papal, et tandis que les papes prétendaient toujours être les représentants de Jésus, leur vie corrompue écoeurait le peuple. Grâce à l'invention de l'imprimerie, les Ecritures furent largement distribuées et beaucoup se rendirent compte que les doctrines de la papauté n'étaient pas sanctionnées par la Parole de Dieu. HR 348 4 Quand un témoin était forcé de lâcher le flambeau de la vérité, un autre s'en saisissait et le brandissait de nouveau, avec un courage indomptable. La lutte qui avait commencé devait provoquer l'émancipation non seulement des individus et des églises, mais aussi des nations. Comblant l'abîme de centaines d'années, les hommes étendaient les mains pour saisir les mains des lollards à l'époque de Wiclef. C'est sous Luther que la Réforme commença en Allemagne. Calvin prêcha l'Evangile en France, et Zwingle en Suisse. Le monde se réveillait de son long sommeil et on entendait de pays en pays ces mots merveilleux: "Liberté religieuse". ------------------------Chapitre 47 -- Luther et la grande Réforme HR 350 1 Martin Luther occupe le premier rang de ceux qui furent appelés à conduire l'Eglise hors des ténèbres de la papauté vers la lumière d'une foi plus pure. Zélé, ardent, pieux, ne connaissant aucune crainte sinon celle de Dieu, et n'admettant d'autre base religieuse que les saintes Ecritures, Luther fut un homme providentiel pour son temps. Par lui, le Seigneur accomplit une grande oeuvre pour réformer l'Eglise et pour éclairer le monde. HR 350 2 Un jour, en examinant les livres de la bibliothèque de l'Université, Luther y trouva une Bible en latin. Certes, il avait entendu lire, aux services religieux, des passages des évangiles et des épîtres, mais il supposait que la Parole de Dieu se résumait à cela. Or, pour la première fois, il était en présence de la sainte Ecriture dans sa totalité, et, avec un étonnement mêlé de crainte, il en feuilletait les pages sacrées. Saisi par l'émotion et le coeur battant, il arrêtait de temps à autre sa lecture pour s'écrier: "Oh! si seulement Dieu permettait que je posséde un jour personnellement un tel livre!" Des anges du ciel étaient à ses côtés et des rayons de lumière émanant du trône de Dieu lui révélaient les trésors de la vérité. Il avait toujours craint d'offenser Dieu; mais ce jour-là, il éprouva plus que jamais le sentiment de sa culpabilité. Son désir de s'affranchir du péché et de trouver la paix avec Dieu fut si profond qu'il décida finalement d'entrer dans un couvent et de se consacrer à la vie monastique. HR 351 3 Tous les instants qu'il pouvait dérober à ses devoirs journaliers, à son sommeil et jusqu'à ses maigres repas, étaient réservés à l'étude. Il appréciait par-dessus tout celle de la Parole de Dieu. Il avait découvert, enchaînée au mur du couvent, une Bible qu'il alla souvent consulter. HR 351 1 Luther fut ordonné prêtre; puis il fut appelé à quitter le couvent pour occuper une chaire de professeur à l'université de Wittenberg. Là, il s'attacha à l'étude des Ecritures dans les langues originales. Puis il commença à donner des cours de Bible. C'est ainsi que le livre des psaumes, les évangiles et les épîtres furent ouverts à la compréhension de nombreux auditeurs émerveillés. Luther expliquait les Ecritures avec puissance et la grâce de Dieu reposait sur lui. Il captivait son auditoire par son éloquence; l'autorité et la clarté avec lesquelles il présentait la vérité convainquaient les esprits, et son enthousiasme touchait les coeurs. Un chef de file des réformes HR 351 2 Il entrait dans les plans de Dieu que le brillant professeur se rendît à Rome. Le pape venait d'accorder une indulgence à ceux qui graviraient à genoux "l'escalier de Pilate". Or, tandis que Luther accomplissait -- à Rome -- cet acte de dévotion, il entendit en lui-même une voix semblable à un tonnerre qui lui disait: "Le juste vivra par la foi". Romains 1:17 (Segond). Alors, honteux et bouleversé, il se releva brusquement et s'éloigna. Cette parole fit toujours une profonde impression sur lui. A partir de ce jour, il comprit mieux que jamais combien il est vain de rechercher le salut par des oeuvres humaines, et la nécessité de se confier sans cesse dans les mérites de Jésus-Christ. Désormais ses yeux étaient définitivement ouverts sur les erreurs sataniques de la papauté. En détournant son visage de la ville de Rome, il en avait aussi détourné son coeur, et, à compter de ce jour, l'abîme qui l'en séparait devait aller en s'élargissant jusqu'à la séparation complète. HR 352 1 A son retour de la ville éternelle, Luther obtint de l'université de Wittenberg le diplôme de docteur en théologie. Il pouvait donc se consacrer mieux que par le passé à l'étude des Ecritures qu'il aimait tant. Il avait fait le voeu solennel d'approfondir et de prêcher fidèlement non pas les décisions et la doctrine des papes, mais la Parole de Dieu. Il n'était plus simplement moine ou professeur, mais le porte-parole autorisé du Livre saint. Appelé à paître le troupeau de Dieu -- un troupeau qui avait faim et soif de vérité -- le nouveau docteur affirmait que le chrétien ne peut accepter d'autre doctrine que celle qui repose sur les Ecrits sacrés. Une telle affirmation sapait les fondements même de la suprématie papale et résumait le principe vital de la Réforme. HR 352 2 En tant que champion de la vérité, Luther entreprit courageusement son oeuvre. Depuis la chaire, il fit entendre de solennels avertissements. Mettant en lumière le caractère odieux du péché, il enseignait que l'homme ne peut, par ses oeuvres, atténuer sa culpabilité ou échapper au châtiment de Dieu. Seules la repentance et la foi en Jésus-Christ peuvent sauver le pécheur. La grâce du Christ, don gratuit de Dieu, ne pouvant s'obtenir à prix d'argent, Luther exhortait ses auditeurs non pas à acheter des indulgences, mais à se tourner avec foi vers le Sauveur crucifié. Evoquant sa douloureuse recherche du salut par des humiliations et des pénitences, il les assurait qu'il n'avait trouvé paix et joie qu'en détachant ses regards de lui-même pour les fixer sur Jésus-Christ. HR 352 3 Les enseignements de Luther attiraient dans toute l'Allemagne l'attention des hommes réfléchis. De ses sermons et de ses écrits émanaient des flots de lumière qui éclairaient des milliers de personnes. Au formalisme qui avait si longtemps paralysé l'Eglise succédait une foi vivante, et jour après jour le peuple perdait confiance dans les superstitions de l'Eglise romaine. Les préjugés tombaient. La Parole de Dieu, à laquelle Luther soumettait toute doctrine et toute prétention, agissait comme une épée à deux tranchants qui pénétrait les coeurs. Partout se manifestait un désir de progrès spirituel. Partout on constatait une faim et une soif de justice qu'on n'avait pas vues depuis des siècles. Les regards du peuple, si longtemps figés sur des rites et des médiateurs humains, se tournaient maintenant, dans un élan de repentir et de foi, vers le Christ crucifié. HR 353 1 Les écrits et la doctrine du réformateur se répandirent dans toute la chrétienté. Leur influence s'étendit jusqu'en Suisse et en Hollande. Des exemplaires de ses écrits pénétrèrent en France et en Espagne. En Angleterre, ses enseignements furent accueillis comme la parole de vie. Les vérités qu'il prêchait pénétrèrent aussi en Belgique et en Italie. Des milliers de personnes étaient tirées de leur léthargie mortelle et goûtaient la joie d'une vie d'espérance et de foi. Luther se sépare de l'Eglise romaine HR 353 2 Rome était résolue à supprimer Luther, mais Dieu était son défenseur. Ses enseignements étaient diffusés partout: dans les couvents, dans les chaumières, dans les châteaux des aristocrates, dans les universités et les palais des rois. Dans tous les pays, des membres de la noblesse lui prêtaient leur appui. HR 353 3 Dans un appel adressé à l'empereur et à la noblesse de la nation allemande en faveur de la réformation de la chrétienté, Luther écrivait à propos du pape: "C'est un spectacle effrayant et atroce qu'offre le chef suprême de la Chrétienté qui se vante d'être le Vicaire du Christ et le successeur de Saint Pierre, quand il mène une existence si pompeuse et si mondaine que sur ce point aucun Roi ni aucun Empereur ne peut l'atteindre ni l'égaler. (...) Il porte une triple couronne, alors que les plus grands rois ne portent qu'une seule couronne: si c'est là s'égaler au pauvre Christ et à Saint Pierre, c'est une nouvelle manière de les égaler! (...) Ils disent qu'il est le maître du monde, mais c'est un mensonge, car le Christ, dont il se vante d'être le délégué et le représentant, a dit à Pilate: 'Mon royaume n'est pas de ce monde'. Un délégué ne peut avoir des pouvoirs plus étendus que son maître." -- "A la noblesse chrétienne de la nation allemande", Oeuvres, Genève 2:94, 95. HR 354 1 Concernant les universités, il déclarait: "Je crains fort que les universités ne soient les portails de l'enfer, si l'on ne s'applique pas à y expliquer la sainte Ecriture et à la graver dans le coeur des jeunes. Je ne conseille à personne de placer son enfant là où l'on n'accorde pas à la Bible la première place. Toute institution où la Parole de Dieu n'est pas l'objet d'un intérêt constant est vouée à la décadence". HR 354 2 Cet appel, qui eut un large retentissement à travers l'Allemagne, exerça une profonde influence sur toute la population, et la nation entière en vint à se rallier aux principes de la Réforme. Brûlant du désir de se venger, les ennemis de Luther pressèrent le pape de prendre des mesures décisives contre lui. Il fut décrété que ses doctrines seraient immédiatement condamnées. Soixante jours furent accordés au réformateur et à ses adhérents pour se rétracter, sous peine d'être excommuniés. HR 354 3 Quand il reçut la bulle papale, Luther s'écria: "Je la méprise et la flétris comme impie et mensongère.... C'est le Christ lui-même qu'elle condamne. ... Je me réjouis d'avoir à subir de tels maux pour la meilleure des causes. Mon coeur éprouve déjà une plus grande liberté, car j'ai enfin la certitude que le pape est l'antichrist, et que son trône est celui de Satan lui-même". HR 355 1 Cependant, la bulle du pontife romain ne resta pas sans effet. La prison, la torture et l'épée étaient des moyens puissants pour imposer la soumission. Tout semblait indiquer que l'oeuvre du réformateur touchait à son terme. Les faibles et les superstitieux tremblèrent devant les foudres papales, et bien que Luther ait bénéficié de la sympathie générale, nombreux étaient ceux qui ne se sentaient pas prêts à risquer leur vie pour la cause de la Réforme. ------------------------Chapitre 48 -- Les progrès de la Réforme HR 356 1 En Allemagne, un nouvel empereur, Charles Quint, était monté sur le trône. Les émissaires du pape s'empressèrent de venir le féliciter et l'engagèrent à user de son pouvoir contre la Réforme. Par ailleurs, l'électeur de Saxe, à qui l'empereur devait en grande partie sa couronne, suppliait ce dernier de ne rien faire contre Luther sans le consulter. HR 356 2 Sur ces entrefaites, l'attention de tous les partis se dirigea vers l'assemblée des Etats germaniques (appelée la diète) qui se tint à Worms peu après l'accession au trône de Charles Quint. Des questions politiques et des intérêts importants devaient être examinés par cette assemblée nationale. Pourtant, ces sujets ne semblaient que des vétilles comparativement au cas du moine de Wittenberg. HR 356 3 Charles Quint avait préalablement chargé l'électeur de Saxe d'amener avec lui Luther pour qu'il comparaisse devant la diète, en assurant le réformateur de sa protection et une entière liberté de discussion avec des personnes compétentes sur les questions en litige. De son côté, Luther désirait vivement rencontrer l'empereur. HR 356 4 Les amis de Luther furent pris de peur: connaissant les préjugés et la haine de ses ennemis, ils craignaient que le sauf-conduit qui lui avait été accordé ne soit pas respecté, et ils le supplièrent de ne pas exposer sa vie. Il leur répondit: "Les papistes ne désirent pas ma comparution à Worms, mais ma condamnation et ma mort. Qu'importe! Priez non pour moi, mais pour la Parole de Dieu". Luther devant la diète de Worms HR 357 1 Le réformateur comparut finalement devant la diète présidée par l'empereur entouré des personnages les plus illustres de l'empire. Jamais homme n'avait dû affronter assemblée plus imposante que celle devant laquelle se trouvait Martin Luther pour confesser sa foi. HR 357 2 Le fait même de cette comparution était une victoire pour la vérité. Qu'un homme condamné par le pape soit jugé par un autre tribunal était un défi à l'autorité du souverain pontife. Le réformateur, que le pape avait frappé d'interdit et mis au ban de la société, était entendu par les plus hauts dignitaires de la nation, après avoir reçu l'assurance de n'être pas inquiété. Rome lui avait ordonné de se taire; mais voici qu'il allait s'adresser à des milliers de personnes venues de tous les pays de la chrétienté. Calme et maître de lui, mais faisant preuve de beaucoup de courage et de noblesse, il se présenta comme un témoin de Dieu devant les grands de ce monde. Aux questions qui lui furent posées, Luther répondit avec humilité et douceur, sans aucune violence ni excitation. Bien que son attitude fût réservée et respectueuse, il manifesta une confiance et une joie qui surprirent l'assemblée. HR 357 3 En revanche, les esprits fermés à la lumière et résolus à ne pas se laisser gagner par la vérité écumèrent de rage en constatant la puissance qui émanait des paroles de Luther. Lorsque celui-ci eut cessé de parler, le porte-parole de la diète lui dit avec colère: "Vous n'avez pas répondu à la question qui vous a été posée ... On vous demande une réponse claire et précise ... Oui ou non, voulez-vous vous rétracter?" HR 357 4 Le réformateur répondit: "Puisque votre sérénissime majesté et vos grandeurs exigent de moi une réponse simple, claire et précise, je la leur donnerai -- la voici: Je ne puis soumettre ma foi ni au pape ni aux conciles, parce qu'il est clair comme le jour qu'ils se sont souvent trompés et se sont même contredits. A moins que je ne sois convaincu par le témoignage des Ecritures ou par des raisons évidentes, à moins que l'on me persuade par les textes mêmes que j'ai cités et que ma conscience soit ainsi rendue captive de la Parole de Dieu, je ne puis et ne veux rien rétracter, car il est dangereux pour un chrétien de parler contre sa conscience. Me voici; je ne puis faire autrement. Dieu me soit en aide! Amen". HR 358 1 Ferme comme un roc, Luther restait debout, battu en vain par les flots déchaînés des pouvoirs de ce monde. Ses paroles à la fois simples et énergiques, son attitude intrépide, son regard calme et éloquent, ainsi que l'inébranlable détermination qui se reflétait dans chacun de ses mots et de ses gestes, firent une profonde impression sur l'assemblée. Il était manifeste que rien -- ni les promesses ni les menaces -- ne pouvait l'amener à obéir aux ordres de Rome. HR 358 2 Le Christ avait parlé par la bouche de son serviteur avec une puissance et une dignité qui avaient momentanément suscité l'étonnement et la crainte de ses amis et de ses ennemis. L'Esprit de Dieu, présent dans cette assemblée, avait agi sur le coeur des chefs de l'empire. Plusieurs princes reconnurent ouvertement que la cause de Luther était juste. Un grand nombre d'entre eux furent convaincus de la vérité; pour certains, ce ne fut qu'une impression passagère. En revanche, d'autres n'exprimèrent pas immédiatement leur conviction; mais, après avoir sondé les Ecritures, ils prirent courageusement position en faveur de la Réforme. HR 358 3 L'électeur Frédéric, qui avait attendu avec anxiété la comparution de Luther devant la diète, avait écouté son témoignage avec une profonde émotion. Il admirait le courage, la fermeté et la maîtrise du jeune docteur, et il était fier d'être son protecteur. En comparant les partis en présence, Frédéric avait constaté que la puissance de la vérité avait réduit à néant la sagesse des papes, des rois et des prélats. La papauté essuyait là une défaite dont les conséquences allaient se faire sentir parmi toutes les nations et au cours des siècles. HR 359 1 Si le réformateur avait fléchi sur un seul point, Satan et ses armées auraient remporté la victoire. Mais son inébranlable fermeté fut le gage de l'émancipation de l'Eglise et fit se lever l'aube d'une ère nouvelle. L'influence de ce seul homme qui osait, en matière de religion, penser et agir par lui-même, allait se faire sentir dans les Eglises et dans le monde, non seulement à son époque, mais jusqu'à la fin des temps. Son énergie et sa fidélité devaient fortifier tous ceux qui, jusqu'au dernier jour, seraient appelés à traverser des circonstances semblables. La puissance et la majesté de Dieu avaient été exaltées au-dessus des conseils de l'homme et de la puissance de Satan. HR 359 2 Je vis que Luther était ardent et zélé, intrépide et décidé dans ses efforts pour réprouver le péché et défendre la vérité. Peu lui importait la méchanceté des hommes ou les démons; Celui qui était à ses côtés était plus fort qu'eux tous. Son dynamisme, son courage et sa hardiesse le mettaient parfois en danger de tomber dans les extrêmes. Aussi le Seigneur suscita Mélanchton dont le tempérament était très différent, afin de seconder Luther dans l'oeuvre de la Réforme. Mélanchton était timide, craintif, prudent, et doué d'une grande patience. Cet homme était particulièrement aimé de Dieu. Il était profondément versé dans la connaissance des Ecritures et il était doté d'un très bon discernement et d'une sagesse remarquable. Son amour pour la cause de Dieu n'avait d'égal que celui de Luther. Le Seigneur unit le coeur de ces deux hommes qui devinrent deux amis inséparables. Lorsque Mélanchton risquait de se montrer craintif et hésitant, Luther lui était d'une aide précieuse, et quand ce dernier risquait d'agir avec précipitation, Mélanchton intervenait pour que son collaborateur fasse preuve de plus de mesure. HR 360 1 Le perspicacité et la prudence de Mélanchton évitèrent bien souvent que la cause ne soit mise en difficulté si Luther avait été seul à prendre des responsabilités. En revanche, l'oeuvre n'aurait guère fait de progrès si elle avait uniquement dépendu de Mélanchton. J'ai vu que Dieu avait manifesté sa sagesse en choisissant ces deux hommes pour mener à bien l'oeuvre de la Réforme. La lumière répandue en Angleterre et en Ecosse HR 360 2 Tandis que Luther ouvrait au peuple allemand la Bible qui jusqu'alors lui était restée fermée, Tyndale, poussé par l'Esprit de Dieu, faisait de même en Angleterre. Il étudiait assidûment les Ecritures, proclamait avec courage ses convictions touchant la vérité, et affirmait que toutes les doctrines doivent être appréciées à la lumière de la Parole de Dieu. Son zèle ne pouvait que susciter l'opposition des papistes. Un savant théologien catholique qui avait engagé un débat avec lui s'était exclamé: "Mieux vaut pour nous être sans la loi de Dieu que sans celles du pape!" A quoi Tyndale avait répondu: "Je n'ai que faire du pape et de toutes ses lois! Et si Dieu épargne ma vie, je ferai en sorte qu'un valet de ferme qui conduit la charrue connaisse mieux que vous les Ecritures". HR 360 3 Déterminé plus que jamais à mettre à la disposition du peuple le Nouveau Testament dans la langue du pays, Tyndale se mit aussitôt à l'oeuvre. Toute l'Angleterre lui paraissant hostile, il résolut de chercher refuge en Allemagne. Là, il commença à faire imprimer le Nouveau Testament en anglais. Trois mille exemplaires du Nouveau Testament furent bientôt disponibles, et une autre édition parut la même année. HR 361 1 Finalement, Tyndale scella son témoignage de son sang; mais les armes qu'il avait forgées permirent à d'autres combattants de la foi de lutter avec succès jusqu'à nos jours. HR 361 2 En Ecosse, l'Evangile trouva un porte-parole en la personne de John Knox. Ce courageux réformateur ne craignait pas d'affronter les hommes. Les feux du martyre qu'il voyait flamber autour de lui ne faisaient qu'aviver son zèle. Sans se préoccuper de la hache menaçante du tyran suspendue au-dessus de sa tête comme une épée de Damoclès, il frappait à sa droite et à sa gauche des coups redoublés contre l'idolâtrie. Ainsi, il resta fidèle à ses objectifs, priant et combattant pour le Seigneur, jusqu'à ce que l'Ecosse fût libre. HR 361 3 En Angleterre, Latimer soutenait du haut de la chaire que la Bible doit être lue dans la langue du peuple. L'Auteur des saintes Ecritures, disait-il, "c'est Dieu luim-ême", et l'Ecriture participe de son Auteur. "Il n'y a ni roi, ni empereur, ni magistrat, ni maître ... qui ne soit tenu de lui obéir. ... Ne prenons aucun chemin détourné, mais laissons-nous diriger par la Parole de Dieu. Ne suivons pas la voie de nos pères, et ne cherchons pas à savoir ce qu'ils ont fait, mais ce qu'ils auraient dû faire". HR 361 4 Deux amis fidèles de Tyndale, Barnes et Frith, entreprirent de défendre la vérité. Les deux Ridley et Cranmer leur emboîtèrent le pas. Ces porte-parole de la Réforme en Grande-Bretagne étaient des hommes de grand savoir, et la plupart d'entre eux avaient été hautement estimés dans l'Eglise romaine à cause de leur zèle et de leur piété. Leur opposition à la papauté venait de ce qu'ils avaient découvert les erreurs du Saint-Siège. Leur connaissance des mystères de Babylone ajoutait à la puissance de leur témoignage contre elle. HR 362 1 Le grand principe défendu par Tyndale, Frith, Latimer et les deux Ridley était l'autorité divine des Ecrits sacrés et le fait que la Bible se suffisait à elle-même. Ils déniaient aux papes, aux conciles, aux pères (de l'Eglise) et aux rois le droit de dominer les consciences en matière religieuse. Pour eux, la Bible était la norme à laquelle ils soumettaient toute doctrine et toute déclaration. C'est la foi en Dieu qui soutint ces hommes lorsqu'ils acceptèrent d'offrir leur vie sur le bûcher. ------------------------Chapitre 49 -- La Réforme reste en suspens HR 363 1 Luther n'a pas mis un point final à la Réforme comme beucoup le pensent, mais celle-ci doit se poursuivre jusqu'à la fin de l'histoire de cette terre. Luther avait une grande oeuvre à accomplir pour communiquer au monde la lumière que Dieu lui avait révélée; toutefois, il ne reçut pas toute la lumière qui devait être transmise à l'humanité. Depuis son époque jusqu'à nos jours, des lumières nouvelles n'ont cessé d'être dévoilées. HR 363 2 Luther et ses collaborateurs avaient accompli une noble tâche pour le Seigneur; mais, étant eux-mêmes issus de l'Eglise romaine dont ils avaient cru et défendu les doctrines, on ne pouvait pas s'attendre à ce qu'ils discernent d'emblée toutes ses erreurs. Leur oeuvre consistait à rompre les chaînes qui les liaient encore à Rome, et à diffuser la Bible dans le monde. Cependant, ils ne découvrirent pas certaines vérités importantes, et par ailleurs ils ne renoncèrent pas à certaines erreurs graves. La plupart des réformateurs continuaient à observer le dimanche et d'autres fêtes instituées par l'Eglise romaine. Certes, ils ne pensaient pas que le dimanche possédât le sceau de l'autorité divine, mais ils croyaient qu'il devait être sanctifié puisqu'il était généralement observé comme jour de culte dans la chrétienté. Toutefois, certains adeptes de la Réforme honoraient le sabbat prescrit dans le quatrième commandement. Parmi les réformateurs de l'Eglise, il faut rendre hommage aux hommes qui remirent en lumière une vérité généralement ignorée, même chez les protestants -- notamment ceux qui ont souligné la validité du quatrième commandement et l'obligation d'observer le sabbat biblique. Quand la Réforme dissipa les ténèbres dans lesquelles la chrétienté tout entière était plongée, l'attention fut attirée sur les observateurs du sabbat en de nombreux pays. HR 364 1 Ceux qui héritèrent des grandes bénédictions de la Réforme ne continuèrent pas d'avancer sur le chemin que Luther avait si bien tracé. De temps à autre, quelques hommes fidèles se levèrent pour proclamer une nouvelle vérité et pour dénoncer une erreur longtemps caressée; mais, comme les Juifs du temps de Jésus ou comme les papistes à l'époque de Luther, la plupart se contentaient de croire ce que leurs pères avaient cru et de vivre comme ils avaient vécu. Ainsi, la religion dégénéra de nouveau en formalisme: les erreurs et les superstitions, qui auraient dû être abandonnées si l'Eglise avait continué à avancer en suivant les lumières de la Parole de Dieu, furent conservées et entretenues. L'esprit suscité par la Réforme s'éteignit peu à peu, au point qu'un aussi grand besoin de réforme se fit sentir dans les Eglises protestantes que celle qui avait été nécessaire dans l'Eglise romaine au temps de Luther. Dans le protestantisme régnaient la même apathie spirituelle, le même attachement pour l'opinion des hommes, le même esprit du monde et la même disposition à substituer des théories humaines aux enseignements de la Parole de Dieu. L'orgueil et l'extravagance étaient encouragés au nom de la religion. En s'alliant avec le monde, les Églises se corrompirent. C'est ainsi que furent détruits les grands principes pour lesquels Luther et ses collaborateurs avaient déployé tant d'efforts et supporté tant de souffrances. HR 364 2 Quand Satan vit qu'il n'avait pas réussi à éliminer la vérité par la persécution, il utilisa de nouveau la tactique qui avait abouti à la grande apostasie et à l'établissement de l'Eglise romaine: le compromis. Il incita les chrétiens à s'allier -- cette fois non pas aux païens -- , mais à ceux qui, en adorant le dieu de ce monde, sont de véritables idolâtres. HR 365 1 La Bible étant désormais à la disposition de tous, Satan ne pouvait plus cacher aux humains la saint Livre. Mais il encouragea des milliers de gens à souscrire à de fausses interprétations et à des théories erronées, sans chercher dans les Ecritures pour connaître la vérité par eux-mêmes. Le grand adversaire avait déformé les doctrines de la Parole de Dieu; de plus, il permettait aux traditions de prendre racine afin de conduire à la ruine des millions de personnes. Au lieu de combattre pour la foi confiée une fois pour toutes aux saints, l'Eglise prônait et défendait ces traditions. Totalement inconscients de leur condition et du danger qu'ils couraient, l'Eglise et le monde s'approchaient à grands pas de l'heure la plus solennelle de l'histoire: celle de l'apparition du Fils de l'homme. ------------------------Chapitre 50 -- Le message du premier ange HR 366 1 La prophétie du message du premier ange, contenue dans le chapitre quatorze de l'Apocalypse, trouva sa réalisation dans le mouvement adventiste qui a vu le jour dans les années 1840-44. Tant en Europe qu'en Amérique, des hommes de foi et de prière dont l'attention avait été attirée par les prophéties, furent vivement intéressés et, en étudiant les textes inspirés, ils parvinrent à la conviction que la fin de toutes choses était proche. L'Esprit de Dieu engagea ses serviteurs à en avertir les humains. C'est ainsi que partout se répandit le message de l'Evangile éternel: "Craignez Dieu et rendez-lui gloire! Car le moment est arrivé où il va juger les hommes". Apocalypse 14:7. HR 366 2 Partout où ils pénétraient, les missionnaires annoncèrent l'heureuse nouvelle du prochain retour du Christ. Il y avait, dans différents pays, des groupes isolés de chrétiens qui, par la seule étude des Ecritures, étaient arrivés à la conclusion que l'avènement du Sauveur était proche. Dans certaines régions de l'Europe, où les lois étaient si sévères qu'elles interdisaient l'annonce du retour de Jésus, de jeunes enfants se sentirent poussés à proclamer ce retour, et de nombreuses personnes prêtèrent l'oreille à ce solennel avertissement. HR 366 3 William Miller et ses collaborateurs reçurent pour mission de prêcher le message en Amérique, et la lumière qui en résulta se répandit jusqu'en des pays lointains. Le Seigneur envoya son ange pour toucher le coeur de ce cultivateur qui en était arrivé à douter de la Bible, et pour l'encourager à étudier les prophéties. Des anges du ciel visitèrent à plusieurs reprises cet homme que le Seigneur avait choisi, afin de guider son esprit et lui faire comprendre les prophéties restées jusque-là obscures pour le peuple de Dieu. Il lui fut donné de découvrir le commencement de la chaîne de la vérité, puis un maillon après l'autre, jusqu'à ce qu'il puisse considérer, émerveillé, la Parole de Dieu dans son ensemble. Il constata qu'elle contenait un parfait enchaînement de vérités; et cette Parole, dont il avait nié l'inspiration, se présentait maintenant à lui dans sa glorieuse beauté. Il comprit qu'un texte de la Bible en explique un autre: lorsqu'il se trouvait devant un passge dont il ne comprenait pas le sens, il en trouvait un autre qui lui fournissait la lumière souhaitée. L'étude du Livre sacré était pour lui un sujet de joie, et lui inspirait le plus profond respect. HR 367 1 En continuant à sonder les prophéties, il vit que les habitants de la terre vivaient, sans le savoir, les dernières scènes de l'histoire de ce monde. Quant aux Eglises, il se rendit compte qu'elles étaient corrompues; elles avaient détourné leurs affections de Jésus et les avaient reportées sur le monde; elles recherchaient les honneurs d'ici-bas au lieu de rechercher les faveurs d'en haut; elles s'attachaient aux biens terrestres, au lieu de s'amasser un trésor dans le ciel. Voyant partout l'hypocrisie, les ténèbres et la mort, Miller s'en émut. Le Seigneur l'appela à quitter sa ferme comme il avait appelé Elisée à laisser ses boeufs et sa charrue pour suivre le prophète Elie. HR 367 2 Non sans appréhension, William Miller commença à exposer en public les mystères du royaume de Dieu, en montrant à ses auditeurs que les prophéties aboutissaient à la seconde venue du Christ. Le témoignage des Ecritures indiquant -- d'après lui -- que le retour du Seigneur se produirait en 1843, suscita un très grand intérêt. De nombreuses personnes furent convaincues que les arguments fondés sur les périodes prophétiques étaient plausibles et, sacrifiant l'orgueil de leurs opinions, ils acceptèrent la vérité avec joie. Un certain nombre de pasteurs renoncèrent à leurs idées et à leurs sentiments sectaires, à leur salaire et à la charge de leurs églises, et prêtèrent main forte à la proclamation de l'avènement du Sauveur. HR 368 1 Mais étant donné que peu de pasteurs acceptèrent ce message, celui-ci fut en grande partie confié à de simples laïcs. Aussi, des agriculteurs abandonnèrent-ils leurs champs, des mécaniciens leurs outils, des commerçants leur marchandise, sans parler des hommes exerçant une profession libérale qui renonçèrent à poursuivre leur activité. Malgré cela, le nombre d'ouvriers était faible, en comparaison de l'oeuvre à accomplir. La triste condition dans laquelle se trouvaient les Eglises et la corruption qui régnait dans le monde étaient un souci constant pour les vrais soldats du Christ; aussi enduraient-ils volontiers fatigue, privations et souffrances pour pouvoir amener hommes et femmes à la repentence et au salut. En dépit de l'opposition de Satan, l'oeuvre ne cessait de progresser, et des milliers de gens acceptaient la vérité du retour du Christ. Un grand réveil religieux HR 368 2 Partout on entendait l'appel adressé aux pécheurs, à ceux qui appartenaient à des Eglises comme aux non-croyants, pour qu'ils fuient la colère à venir. Comme Jean-Baptiste, le précurseur du Christ, ces prédicateurs s'attaquaient à la racine des arbres (Matthieu 3:10) et exhortaient les humains à produire des fruits dignes de la repentance. Leurs appels vibrants formaient un contraste frappant par rapport aux sermons rassurants et lénifiants que l'on entendait habituellement dans les églises; et partout où le message du retour du Christ était prêché, les auditeurs étaient touchés. HR 369 1 Le témoignage simple et direct des Ecritures, pénétrant l'âme par la puissance du Saint-Esprit, créait une conviction telle que peu de personnes pouvaient y résister. Ceux qui se prétendaient chrétiens étaient arrachés à leur fausse sécurité. Ils prenaient conscience de leurs échecs, de leur mondanité, de leur manque de foi, de leur orgueil et de leur égoïsme. Nombreux étaient ceux qui cherchaient le Seigneur dans l'humilité et le repentir. Leur amour des biens terrestres était maintenant dirigé vers le ciel. L'Esprit de Dieu reposait sur eux et, avec des coeurs attendris et soumis, ils joignaient leurs voix à celle de l'ange: "Craignez Dieu et rendez-lui gloire! Car le moment est arrivé où il va juger les hommes". Apocalypse 14:7. HR 369 2 Les pécheurs demandaient en pleurant: "Que dois-je faire pour être sauvé?" Ceux qui avaient usé de procédés malhonnêtes désiraient restituer ce qui ne leur appartenait pas. Tous ceux qui trouvaient la paix en Christ souhaitaient en faire bénéficier leurs semblables. Le coeur des parents se tournait vers leurs enfants, et le coeur des enfants se tournait vers leurs parents. Les barrières de l'orgueil et du dédain étaient renversées. On confessait sincèrement ses fautes, et les membres de la famille travaillaient avec ferveur au salut de leurs êtres les plus chers. HR 369 3 On entendait souvent monter des prières d'intercession fervente. Partout des âmes angoissées suppliaient le Seigneur. Beaucoup passaient la nuit à lutter en prière pour avoir l'assurance que leurs péchés étaient pardonnés ou pour la conversion de leurs amis ou de leurs voisins. Cette foi ardente produisait des résultats. Si le peuple de Dieu avait persévéré dans la prière, s'il avait assailli de ses requêtes le trône de la grâce, il jouirait d'une expérience spirituelle plus riche que celle dont il dispose actuellement. On prie trop peu, la véritable conviction du péché est trop faible, et le manque de foi vivante est tel que nombreux sont ceux qui sont privés de la grâce si généreusement accordée par notre miséricordieux Rédempteur. HR 370 1 Des personnes de toutes les classes de la société assistaient aux réunions adventistes. Riches et pauvres, gens de condition élevée ou modeste, étaient, pour des raisons diverses, désireux d'entendre personnellement le message du retour de Jésus. Le Seigneur tenait en échec l'esprit d'opposition pendant que ses serviteurs donnaient les raisons de leur foi, et l'Esprit de Dieu insufflait une puissance à la vérité. La présence des saints anges se faisait sentir dans ces réunions, et de nombreux adhérents s'ajoutaient chaque jour aux croyants. Tandis que les raisons permettant de croire au prochain retour de Jésus étaient exposées, les foules écoutaient dans un profond silence les solennels avertissements. Le ciel et la terre semblaient se rapprocher. La puissance de Dieu reposait sur tous, jeunes et vieux. Les gens rentraient chez eux, ayant sur les lèvres un cantique de louange dont l'écho retentissait dans le silence du soir. Aucun de ceux qui assistèrent à ces réunions ne pourra jamais les oublier. L'opposition HR 370 2 La proclamation d'une date précise pour le retour du Christ suscita dans toutes les classes de la société une forte opposition à laquelle prirent part aussi bien le pasteur du haut de la chaire que le plus vil des pécheurs. "Nul ne connaît ni le jour ni l'heure!" -- tel était le slogan utilisé par les prédicateurs hypocrites comme par les moqueurs les plus arrogants. Ils refusaient de prêter l'oreille aux explications claires et logiques données par ceux qui montraient l'aboutissement des périodes prophétiques et qui mettaient en lumière les signes de l'avènement que le Christ lui-même avait indiqués. HR 371 1 Parmi ceux qui professaient aimer le Sauveur, nombreux étaient ceux qui ne voyaient pas d'objection à ce que son retour soit annoncé; ils s'opposaient seulement à la fixation d'une date précise. Mais Dieu qui voit tout lisait les pensées de leurs coeurs. En réalité, ces gens ne voulaient pas entendre parler du jour où le Seigneur viendrait juger le monde selon sa justice. Ayant été des serviteurs infidèles, leurs oeuvres n'auraient pas résisté aux regards de Dieu, et ils craignaient de comparaître devant sa face. Comme les Juifs lors de la première venue de Jésus, ils n'étaient pas prêts à l'accueillir. Satan et ses suppôts exultaient de joie et accablaient de sarcasmes le Christ et ses anges en constatant que ses soi-disant disciples avaient si peu d'amour pour lui qu'ils ne désiraient même pas le rencontrer. HR 371 2 Des sentinelles infidèles à leur mission entravaient les progrès de l'oeuvre de Dieu. Dès que les gens commençaient à témoigner de l'intérêt pour le message et à s'enquérir de la voie du salut, ces conducteurs religieux s'interposaient entre eux et la vérité, et ils s'efforçaient d'apaiser leurs craintes en déformant le sens de la Parole de Dieu. En agissant ainsi, ces pasteurs indignes faisaient cause commune avec Satan et s'écriaient: "Tout va bien, tout va très bien, alors que tout va mal". Jérémie 6:14. A l'exemple des pharisiens du temps de Jésus, beaucoup refusaient d'entrer dans le royaume des cieux et empêchaient d'entrer ceux qui le voulaient. Le Seigneur les tiendra responsables de la perte de ces âmes. HR 371 3 Partout où le message de la vérité était proclamé, les membres d'église les plus humbles et les plus dévoués étaient les premiers à l'accepter. Ceux qui étudiaient la Bible par eux-mêmes se rendaient compte que les interprétations traditionnelles de la prophétie n'étaient pas conformes à l'Ecriture. Quand les fidèles n'étaient pas déroutés par les efforts du clergé visant à falsifier la vérité et qu'ils sondaient eux-mêmes le Livre sacré, il suffisait que la doctrine relative au retour du Christ soit comparée à la Bible pour que sa véracité divine soit établie. HR 372 1 De nombreux croyants souffrirent de la méchanceté de leurs frères incrédules. Certains, soucieux de préserver leur position dans leur Eglise, passèrent sous silence leurs convictions tandis que d'autres estimaient que leur fidélité à Dieu leur interdisait de cacher les vérités qui leur avaient été confiées. Bon nombre furent exclus de leurs Églises pour la seule raison qu'ils exprimaient leur foi au retour du Christ. Ceux qui furent ainsi éprouvés à cause de leurs convictions trouvèrent un grand encouragement dans ces paroles du prophète: "Vous avez des compatriotes qui vous détestent et vous excluent parce que vous lui êtes fidèles. Ils vous disent en se moquant: 'Que le Seigneur montre sa gloire, et nous vous verrons triompher!' Mais c'est eux qui seront humiliés". Ésaïe 66:5. HR 372 2 Les anges de Dieu observaient avec un profond intérêt les conséquences de l'avertissement qui était donné. Quand les Eglises dans leur ensemble rejetèrent le message, les anges, attristés, se détournèrent d'elles. Toutefois, il y avait, dans ces Eglises, de nombreux chrétiens qui n'avaient pas encore eu l'occasion de prendre position à l'égard de la vérité du retour du Christ. Nombreux étaient ceux qui, induits en erreur par leur mari, leur femme, leurs parents ou leurs enfants, croyaient que le seul fait de prêter l'oreille aux prétendues hérésies enseignées par les adventistes était un péché. Des anges furent chargés de veiller spécialement sur ces précieuses âmes, car une autre lumière émanant du trône de Dieu devait briller sur leur sentier. "Prépare-toi à rencontrer ton Dieu" HR 373 1 Ceux qui avaient accepté le message attendaient la venue du Sauveur avec une ardeur inexprimable. L'heure à laquelle ils croyaient pouvoir le rencontrer était proche. Ils s'y préparaient avec calme et solennité, jouissant d'une douce communion avec Dieu, gage du radieux avenir qui leur était réservé. Aucun de ceux qui goûtèrent cette espérance et cette assurance n'oubliera jamais l'intensité de cette attente. Quelques semaines avant l'échéance prévue, ils laissèrent de côté la plupart de leurs occupations temporelles. Ces croyants examinaient les pensées et les sentiments de leurs coeurs comme s'ils avaient été sur leur lit de mort et comme s'ils devaient dans quelques heures fermer définitivement leurs yeux sur la vie d'ici-bas. Nul d'entre eux ne songea à se confectionner des "robes d'ascension" (comme on les en a accusés), mais tous éprouvèrent le besoin d'être prêts à rencontrer le Sauveur. La pureté de l'âme et les coeurs affranchis du péché par le sang expiatoire de Jésus-Christ -- c'est en cela que consistaient leurs "robes blanches". HR 373 2 Le Seigneur avait voulu mettre son peuple à l'épreuve. Il n'avait pas permis qu'une erreur dans le calcul des périodes prophétiques soit mise au jour. Elle ne fut pas plus découverte par les adventistes que par les plus savants de leurs adversaires. Ces derniers avaient pu dire: "Votre calcul des périodes prophétiques est juste. Un grand événement est sur le point de se produire, mais ce n'est pas ce que Miller annonce; ce ne sera pas la seconde venue du Christ, mais la conversion du monde". HR 374 1 Le jour tant attendu passa, et Jésus-Christ ne vint pas délivrer son peuple. Ceux qui, animés d'une foi et d'un amour sincères, avaient attendu le Sauveur, furent amèrement déçus. Mais Dieu accomplissait ainsi son dessein: il mettait à l'épreuve les coeurs de ceux qui avaient prétendu attendre la venue de Jésus. Parmi ceux-ci, beaucoup n'avaient pas eu d'autre mobile que la crainte. Leur profession de foi n'avait changé ni leur coeur ni leur vie. Et quand ils constatèrent que l'événement attendu ne s'était pas produit, ils reconnurent ne pas être déçus, car en fait, ils n'avaient jamais cru que le Christ reviendrait, et ils furent les premiers à témoigner du mépris pour la tristesse des vrais croyants. HR 374 2 Jésus et toute l'armée céleste regardaient avec amour et sympathie ces fidèles éprouvés et désappointés. Si le voile séparant le monde visible du monde invisible avait pu être levé, on aurait pu voir des anges s'approcher de ces croyants inébranlables et les protéger des traits enflammés de Satan. ------------------------Chapitre 51 -- Le message du deuxième ange HR 375 1 Les églises qui repoussèrent le message du premier ange rejetèrent par là même la lumière du ciel. Car il s'agissait d'un message de miséricorde destiné à leur faire prendre conscience de leur mondanité et de leur déchéance et de les exhorter à se préparer à rencontrer le Seigneur. HR 375 2 Le message du premier ange avait été adressé à l'humanité afin que l'Église du Christ se sépare des influences corruptrices du monde. Mais pour la majorité des humains -- et même pour les soi-disant chrétiens -- , les liens qui les retenaient à la terre étaient plus forts que ce qui les attiraient vers le ciel. Ils choisirent de prêter l'oreille à la sagesse du monde et se détournèrent du message de la vérité qui sonde les coeurs. HR 375 3 Quand Dieu accorde sa lumière, ce n'est pas pour qu'elle soit méprisée et rejetée, mais pour qu'elle soit appréciée et qu'on lui obéisse. La lumière qu'il envoie devient ténèbres aux yeux de ceux qui la négligent. Quand l'Esprit de Dieu cesse de faire pénétrer la vérité dans le coeur des hommes, c'est en vain qu'ils l'écoutent, et toute prédication est vaine. HR 375 4 Lorsque les Églises méprisèrent l'appel de Dieu en rejetant le message du retour du Christ, le Seigneur les rejeta. Le premier ange est suivi d'un deuxième qui proclame: "Elle est tombée, elle est tombée la grande Babylone! Elle a fait boire son vin à toutes les nations, le vin de sa terrible immoralité!" Apocalypse 14:8. Les adventistes interprétèrent ce message comme annonçant la chute morale des Églises consécutive à leur rejet du premier message. Le (deuxième) message: "Elle est tombée Babylone!" fut proclamé au cours de l'été de 1844, et, comme conséquence, environ cinquante mille personnes quittèrent ces Églises. HR 376 1 Ceux qui prêchèrent le premier message n'avaient nullement pour objectif d'engendrer des divisions dans les Églises ou de créer des organisations séparées. "Dans toute l'oeuvre que j'ai entreprise, dit William Miller, je n'ai jamais eu ni le désir ni l'intention de créer un centre d'intérêt séparé des dénominations existantes, ou de favoriser l'une au détriment de l'autre. Mon désir était de faire du bien à toutes les Églises. Croyant que tous les chrétiens ne pouvaient que se réjouir dans la perspective du retour du Christ et que ceux qui ne partagent pas mon point de vue n'en aimeraient pas moins ceux qui adhèrent à cette doctrine, je ne voyais pas la nécessité d'organiser des réunions séparées. Mon seul but était la conversion des âmes à Dieu, d'avertir le monde de l'heure du jugement et d'exhorter mes semblables à préparer leurs coeurs afin de pouvoir rencontrer le Seigneur dans la paix. L'immense majorité de ceux qui se sont convertis à la suite de mes efforts se sont joints aux différentes Églises existantes. Lorsque certains me demandaient ce qu'ils devaient faire à ce sujet, je leur conseillais toujours de se rattacher à une Église où ils se sentiraient chez eux; en répondant à de telles demandes, je n'ai jamais exprimé de préférence pour une Église particulière". HR 376 2 Pendant un certain temps, de nombreuses Églises accueillirent favorablement l'oeuvre de Miller; mais lorsque celles-ci décidèrent de s'opposer à la doctrine du retour du Christ, elles voulurent que cesse tout débat sur cette question. Ceux qui avaient accepté la vérité relative au retour du Sauveur se trouvèrent donc dans une situation des plus embarrassantes. Ils aimaient leur Église et répugnaient à s'en séparer, mais lorsqu'ils y étaient ridiculisés et maltraités, lorsqu'on leur interdisait de parler de leur espérance ou d'assister à des réunions où l'on prêchait sur l'avènement du Seigneur, beaucoup finalement rejetaient le joug qui leur était imposé. HR 377 1 En constatant que les Églises rejetaient le témoignage de la Parole de Dieu, les adventistes ne pouvaient plus les considérer comme l'Église du Christ, "la colonne et le soutien de la vérité". 1 Timothée 3:15. Et quand le message "Elle est tombée Babylone!" commença à être proclamé, ils estimèrent avoir le droit de se séparer d'elles. HR 377 2 Après qu'elles eurent rejeté le premier message, un changement inquiétant se produisit dans les Églises. En effet, à mesure que la vérité est méprisée, l'erreur est acceptée et appréciée. L'amour pour Dieu et la confiance en sa Parole se refroidissent. Les Églises ayant contristé le Saint-Esprit, il s'est retiré d'elles dans une grande mesure. "Comme l'époux tardait" HR 377 3 Une fois que l'année 1843 fut entièrement écoulée sans que le retour de Jésus se soit produit, ceux qui avaient attendu son avènement avec confiance furent, pendant quelque temps, plongés dans le doute et le désarroi. Mais malgré leur déception, de nombreux croyants continuèrent à sonder les Écritures, réexaminant les fondements de leur foi et étudiant attentivement les prophéties pour obtenir davantage de lumière. Le témoignage biblique semblait confirmer leurs convictions de façon claire et concluante. Des signes évidents indiquaient que la venue du Seigneur était proche. Sans pouvoir expliquer la raison de leur désappointement, ils avaient la certitude que Dieu les avait dirigés dans l'expérience religieuse qu'il avait vécue. HR 378 1 Leur foi fut grandement fortifiée par la lecture des passages de la Bible qui parlent d'un certain retard. Dès 1842, l'Esprit de Dieu avait poussé Charles Fitch à préparer un tableau prophétique généralement considéré par les adventistes comme la réalisation de l'ordre donné au prophète Habacuc: "Ecris ce que je te révèle, gravele sur des tablettes de telle sorte qu'on puisse le lire clairement". Habakuk 2:2. Pourtant, à l'époque, personne ne s'aperçut qu'il était question d'un retard dans la même prophétie. C'est seulement après la déception (de 1843-44) que l'on comprit plus clairement ce passage: "Ecris la prophétie: grave-la sur des tables, afin qu'on la lise couramment. Car c'est une prophétie dont le temps est déjà fixé, elle marche vers son terme, et elle ne mentira pas; si elle tarde, attends-la, car elle s'accomplira, elle s'accomplira certainement". Habakuk 2:2, 3 (Segond). HR 378 2 Les fidèles dans l'attente se réjouirent de ce que Celui qui au-delà des siècles, voit la fin dès le commencement, avait prévu leur déception et leur avait donné des paroles d'encouragement et d'espoir. S'il n'avait pas existé de tels passages de la Bible pour leur montrer qu'ils étaient sur la bonne route, leur foi eût sombré en cette heure d'épreuve. HR 378 3 Dans la parabole des dix vierges (Matthieu 25), l'expérience des adventistes est illustrée par les coutumes d'un mariage oriental: "Alors le royaume des cieux sera semblable à dix vierges qui, ayant pris leurs lampes, allèrent à la rencontre de l'époux. ... Comme l'époux tardait, toutes s'assoupirent et s'endormirent". Matthieu 25:1, 5 (Segond). HR 378 4 Le grand mouvement qui s'est fait jour lors de la proclamation du premier message correspondait à la démarche des dix vierges qui vont à la rencontre de l'époux, tandis que le retard succédant à l'attente de l'avènement du Christ et suivi de la grande déception est représenté par le retard de l'époux de la parabole. Après que le temps prévu pour le retour du Seigneur fut passé, les vrais fidèles continuèrent à croire d'un commun accord que la fin de toutes choses était proche; mais bientôt, il devint évident qu'ils avaient perdu, dans une certaine mesure, leur zèle et leur ardeur, et qu'ils sombraient dans un état que la parabole des dix vierges décrit par le fait que "comme l'époux tardait, toutes s'assoupirent". Matthieu 25:5. HR 379 1 A cette époque, on vit surgir une vague de fanatisme. Plusieurs de ceux qui avaient manifesté un grand zèle pour le message rejetèrent la Parole de Dieu comme seul guide infaillible, et, se prétendant dirigés par l'Esprit, ils donnèrent libre cours à leurs sentiments, à leurs impressions et à leur imagination. D'autres faisaient preuve d'un zèle aveugle et sectaire, condamnant tous ceux qui n'approuvaient pas leurs vues. La grande majorité des adventistes ne partagèrent pas leurs conceptions et leurs pratiques outrancières, mais ces fanatiques contribuèrent à ternir la réputation de la vérité. HR 379 2 La proclamation du premier message en 1843 et celle du cri de minuit en 1844 avaient précisément pour objet de s'opposer au fanatisme et aux dissensions. Ceux qui prêtèrent main forte à ces mouvements étaient mutuellement en harmonie; leurs coeurs étaient remplis d'amour les uns pour les autres et pour le Seigneur qu'ils s'attendaient à voir bientôt. Leur grande foi et leur espérance bénie les élevaient au-dessus de toute influence humaine et leur servaient de bouclier contre les assauts de Satan. ------------------------Chapitre 52 -- Le cri de minuit HR 380 1 "Comme l'epoux tardait, toutes s'assoupirent et s'endormirent. Au milieu de la nuit, on cria: Voici l'époux, allez à sa rencontre! Alors toutes ces vierges se réveillèrent, et préparèrent leurs lampes". Matthieu 25:5-7 (Segond). HR 380 2 Durant l'été de 1844, les adventistes découvrirent l'erreur commise dans leur précédent calcul des périodes prophétiques, et ils adoptèrent l'interprétation convenable. Tous croyaient que les deux mille trois cents jours de Daniel 8:14 aboutissaient au retour du Christ et que cette période expirait au printemps de 1844. On s'aperçut alors que cette période se terminait en fait non pas au printemps mais à l'automne de la même année. Les adventistes s'attendirent donc à ce que le Seigneur revienne à cette époque-là. La proclamation de ce message concernant un temps défini représentait une autre étape de la réalisation de la parabole des dix vierges dont on avait vu clairement qu'elle s'appliquait à l'expérience des adventistes. HR 380 3 D'après la parabole, c'est à minuit que retentit le cri annonçant l'arrivée de l'époux. Par conséquent, dans sa réalisation, ce cri: "Voici l'époux, allez à sa rencontre!" devait se situer à mi-chemin entre l'été de 1844, où l'on pensait que devaient aboutir les deux mille trois cents jours, et l'automne de 1844 où l'on comprit ensuite que cette période devait s'achever. HR 380 4 Ce courant de pensée se répandit à travers le pays comme un raz de marée et se propagea de ville en ville et de village en village jusque dans les contrées les plus reculées, suscitant l'enthousiasme du peuple de Dieu dans l'attente. Sous l'influence de cette proclamation, le fanatisme disparut comme la gelée blanche sous les rayons du soleil. Les croyants adoptèrent une attitude convenable; l'espérance et le courage ranimèrent tous les coeurs. HR 381 1 L'oeuvre était exempte des outrances auxquelles on assiste généralement lorsqu'une excitation humaine se produit et que celle-ci n'est pas contrôlée par la Parole et l'Esprit de Dieu. Ce mouvement était comparable aux époques d'humiliation et de retour à l'Eternel qui, dans l'ancien Israël, accompagnaient les messages de réprimande adressés par ses serviteurs. Il revêtait les caractéristiques particulières à l'oeuvre de Dieu dans tous les temps: peu d'exaltation, prise de conscience et confession des péchés, renoncement au monde. Se préparer à rencontrer le Seigneur: telle était la préoccupation des coeurs. On persévérait dans la prière et on se consacrait entièrement à Dieu. HR 381 2 Bien que fondé sur des preuves bibliques évidentes, le cri de minuit ne reposait pas sur des arguments; il était diffusé grâce à une puissance irrésistible qui touchait les coeurs. Nul n'émettait des doutes ni ne posait des questions. Lors de l'entrée triomphale du Christ à Jérusalem, les gens venus de tout le pays pour célébrer la fête de Pâque s'étaient dirigés en foule vers le mont des Oliviers; quand ils se joignirent au cortège qui accompagnait Jésus, gagnés par l'enthousiasme général, ils s'étaient écriés avec toute l'assistance: "Que Dieu bénisse celui qui vient au nom du Seigneur!" Matthieu 21:9. Il en fut de même des incroyants qui se pressaient en foule dans les réunions adventistes, soit par curiosité, soit par dérision. Tous étaient subjugués par la puissance du message: "Voici l'époux!" HR 382 1 A ce moment-là, on vit se manifester la foi qui va de pair avec l'exaucement des prières, la foi qui compte sur la rémunération. Comme la pluie tombant sur une terre desséchée, l'Esprit de grâce se répandait sur ceux qui le recherchaient avec ferveur. Ceux qui s'attendaient à se trouver bientôt face à face avec leur Sauveur éprouvaient une joie profonde, inexprimable. La puissance du Saint-Esprit, abondamment déversée sur les croyants fidèles, remuait, attendrissait et brisait les coeurs. HR 382 2 Pleins de sérieux et de gravité, ceux qui avaient adhéré au message atteignirent le moment où ils espéraient rencontrer leur Seigneur. Chaque matin, leur premier désir était de s'assurer qu'ils étaient acceptés de Dieu. Ils étaient unis de coeur les uns aux autres et priaient beaucoup les uns pour les autres. Ils se réunissaient souvent dans des lieux retirés pour entrer en communion avec le Seigneur. Du milieu des champs ou des bosquets montait vers le ciel la voix de leurs intercessions. La certitude d'être approuvés de Dieu leur était plus précieuse que la nourriture corporelle, et si quelque nuage venait obscurcir leur âme, ils n'avaient de repos qu'il ne fût dissipé. L'assurance intime de la grâce qui pardonne les faisait aspirer à contempler Celui qu'ils aimaient. Désappointés, mais non abandonnés HR 382 3 Cependant, les fidèles allaient devoir essuyer une nouvelle déception: le jour tant espéré passa, et leur Sauveur ne revint pas. Ils avaient attendu sa venue avec une confiance inébranlable, et ils se trouvaient maintenant dans la situation de Marie, lorsqu'elle était venue au tombeau du Christ qu'elle avait trouvé vide et devant lequel elle s'était écriée en pleurant: "On a enlevé mon Seigneur, et je ne sais pas où on l'a mis". Jean 20:13. HR 383 1 Les incrédules, en proie à une peur cachée à l'idée que le message pouvait être vrai, gardèrent pendant quelque temps une certaine réserve. Après la date fatidique, cette réserve ne disparut pas aussitôt; ces non-croyants n'osaient pas chanter victoire devant les croyants désappointés. Mais ne voyant aucun signe de la colère divine, leurs craintes s'apaisèrent et ils donnèrent libre cours aux critiques et aux sarcasmes. Par ailleurs, une grande partie de ceux qui avaient prétendu croire à la proche venue du Seigneur ne tardèrent pas à renier leur foi. D'autres, qui avaient affiché une grande assurance, étaient tellement blessés dans leur amour-propre qu'ils auraient voulu disparaître sous terre. Comme Jonas, ils murmuraient contre Dieu et auraient préféré la mort à la vie. Ceux dont la foi était fondée sur les opinions des autres et non sur la Parole de Dieu étaient prêts à renoncer à leurs convictions. Les moqueurs attirèrent dans leurs rangs les faibles et les lâches, et tous d'un commun accord affirmèrent que désormais, il n'y avait plus de raisons de craindre ou d'attendre quoi que ce soit. Le jour attendu était passé; le Seigneur n'était pas venu, et le monde risquait de rester tel quel pendant des milliers d'années. HR 383 2 Les croyants sincères avaient tout abandonné pour le Christ, et ils avaient joui de sa présence comme jamais auparavant. Ayant, croyaient-ils, donné au monde le dernier message d'avertissement, et s'attendant à être bientôt accueillis auprès de leur divin Maître et des anges, ils vivaient, dans une grande mesure, en marge de la multitude des incrédules. Ils avaient fait monter vers Dieu cette prière ardente: "Viens, Seigneur Jésus, viens bientôt!" Mais il n'était pas venu. Se charger à nouveau du lourd fardeau des nécessités et des soucis de la vie, et affronter les moqueries et les sarcasmes d'un monde cruel, était une rude épreuve pour leur foi et leur patience. HR 384 1 Pourtant, cette épreuve n'était pas aussi douloureuse que celle que les disciples de Jésus durent traverser lors de sa première venue. Quand le Sauveur entra triomphalement dans Jérusalem, ses fidèles croyaient qu'il était sur le point de monter sur le trône de David et de délivrer Israël de ses oppresseurs. Pleins d'espoir et de joie, ils rivalisaient d'ardeur pour acclamer leur Roi. Beaucoup avaient étendu leurs vêtements ou placé des branches de palmier en guise de tapis sur son chemin. Débordants d'enthousiasme, ils criaient: "Gloire au Fils de David!" Matthieu 21:9. HR 384 2 Quand les pharisiens, troublés et irrités par ces explosions de joie, avaient demandé à Jésus de reprendre ses disciples, il leur avait répondu: "Je vous le déclare, s'ils se taisent, les pierres crieront!" Luc 19:40. Cette prédiction devait s'accomplir, et ce, bien que les disciples fussent appelés à connaître une amère déception. En effet, quelques jours après, ils allaient être témoins de la mort affreuse de leur Sauveur, et ils le déposeraient au tombeau. Ainsi, loin de se réaliser, leurs espoirs s'étaient effondrés avec sa mort. Avant d'avoir vu le Seigneur libéré du sépulcre, ils ne comprirent pas tout ce que les prophéties avaient annoncé, à savoir que, "d'après elles, le Messie devait souffrir et être ramené de la mort à la vie". Actes 17:3. De même, la prophétie devait être réalisée par les messages du premier et du deuxième ange qui furent proclamés à point nommé et qui accomplirent l'oeuvre assignée par Dieu. HR 384 3 Le monde -- qui avait assisté à ces événements -- s'attendait à ce que, si la date fixée passait sans que le Seigneur revînt, tout l'édifice de l'adventisme s'écroulerait. Mais s'il est vrai que nombreux furent ceux qui ne purent supporter l'épreuve de la déception et qui renièrent leur foi, d'autres demeurèrent fermes. Ils ne voyaient aucune erreur dans le calcul des périodes prophétiques, et leurs adversaires les plus compétents n'avaient pas réussi à réfuter leur point de vue. Certes, il y avait eu méprise quant à l'événement attendu, mais cela ne suffisait pas à ébranler leur foi en la Parole de Dieu. HR 385 1 Quoi qu'il en soit, le Seigneur n'abandonna pas son peuple; son Esprit continua de reposer sur ceux qui ne rejetèrent pas d'emblée la lumière qu'ils avaient reçue et qui ne s'opposèrent pas au mouvement adventiste. Projetant ses regards par-delà les siècles, l'apôtre Paul a écrit des paroles d'encouragement et d'avertissement destinées aux croyants éprouvés qui devaient vivre dans l'attente de l'accomplissement des promesses divines: "Ne perdez donc pas votre assurance: une grande récompense lui est réservée. Vous avez besoin de patience, afin d'accomplir ce que Dieu veut et d'obtenir ce qu'il promet. En effet, comme le déclare l'Écriture: 'Encore un peu de temps, très peu même, et celui qui doit venir viendra, il ne tardera pas. Cependant, celui qui est juste à mes yeux vivra par la foi, mais s'il retourne en arrière, je ne prendrai pas plaisir en lui'. Nous ne sommes pas de ceux qui retournent en arrière et se perdent. Nous avons la foi et nous sommes sur la voie du salut". Hébreux 10:35-39. HR 385 2 Leur seule sécurité consistait à aimer la lumière qu'ils avaient déjà reçue de Dieu, à s'attacher à ses promesses, à continuer à sonder les Écritures, à attendre avec patience et à veiller, pour être en mesure de recevoir davantage de lumière. ------------------------Chapitre 53 -- Le sanctuaire céleste HR 386 1 "Deux mille trois cents soirs et matins; puis le sanctuaire sera purifié". Daniel 8:14 (Segond). Ce passage biblique, fondement et clef de voûte de la foi adventiste, était bien connu de tous ceux qui croyaient au prochain retour du Seigneur. Cette prophétie a été répétée par des milliers de croyants comme le mot d'ordre de leur foi. Tous étaient convaincus que leurs espérances les plus lumineuses et les plus chères dépendaient des événements prédits dans ce verset. Or, il avait été montré que ces jours prophétiques aboutissaient à l'automne de 1844. En accord avec l'ensemble du monde chrétien, les adventistes croyaient alors que la terre, en totalité ou en partie, constituait le sanctuaire, et que la purification du sanctuaire signifiait l'embrasement du globe par le feu au dernier jour, c'est-à-dire au retour du Christ qui, selon cette interprétation, devait se produire en 1844. HR 386 2 Mais le jour prévu était passé, et l'apparition du Seigneur n'avait pas eu lieu. Pourtant, les croyants savaient que la Parole de Dieu ne peut pas faillir à sa promesse: l'erreur ne pouvait donc venir que d'une interprétation erronée de la prophétie. Mais en quoi consistait cette erreur? Nombreux furent ceux qui crurent trancher le problème en disant que les deux mille trois cents jours n'aboutissaient sûrement pas en 1844. Néanmoins, rien ne permettait de le dire, sinon que le Christ n'était pas revenu au moment où on l'attendait. Ceux qui adoptèrent cette position prétendaient que si les jours prophétiques étaient arrivés à expiration en 1844, Jésus serait revenu à cette date pour purifier par le feu le sanctuaire -- qui était à leurs yeux la terre. Selon eux, puisqu'il n'était pas revenu, l'aboutissement de la prophétie des deux mille trois cents jours ne coïncidait pas avec 1844. HR 387 1 Bien qu'un grand nombre de croyants aient abandonné leur ancien calcul des périodes prophétiques et renié le grand mouvement qui s'en était inspiré, rares furent ceux qui se montrèrent disposés à rejeter des vérités fondées sur des faits, sur les Écritures et sur le témoignage évident de l'Esprit de Dieu. Convaincus d'avoir adopté, dans leur étude de la prophétie biblique, des principes d'interprétation justes, ils estimaient qu'il était de leur devoir de rester fidèles aux vérités déjà révélées et de continuer à sonder les textes sacrés. Ils réexaminèrent donc les Écritures afin de découvrir leur erreur et adressèrent à Dieu d'ardentes prières. N'en ayant trouvé aucune dans leur interprétation des périodes prophétiques, il entreprirent une étude plus approfondie du sanctuaire. Le sanctuaire terrestre et le sanctuaire céleste HR 387 2 Au cours de leurs recherches, ils découvrirent que le sanctuaire terrestre -- construit par Moïse sur l'ordre de Dieu et selon le modèle qui lui avait été montré sur la montagne -- était "une figure pour le temps actuel, où l'on présente des offrandes et des sacrifices", que ses lieux saints représentaient des "images des choses qui sont dans les cieux" (Hébreux 9:9, 23, Segond), et que le Christ, notre souverain Sacrificateur, "ministre du sanctuaire et du véritable tabernacle, qui a été dressé par le Seigneur, et non par un homme", "n'est pas entré dans un sanctuaire fait de main d'homme, en imitation du véritable, mais (qu') il est entré dans le ciel même, afin de comparaître maintenant pour nous devant la face de Dieu". Hébreux 8:2; 9:24 (Segond). HR 388 1 Le sanctuaire céleste dans lequel Jésus officie maintenant en notre faveur est l'archétype dont le sanctuaire construit par Moïse était une reproduction. De même que le sanctuaire terrestre comportait deux pièces -- le lieu saint et le lieu très saint -- , il en est de même dans le sanctuaire céleste. L'arche contenant la loi de Dieu, l'autel des parfums et d'autres ustensiles qui se trouvaient dans le sanctuaire ici-bas, ont aussi leur équivalent dans le sanctuaire céleste. Au cours d'une vision, il fut donné à l'apôtre Jean de pénéter dans le ciel où il put voir le chandelier et l'autel des parfums; le temple de Dieu ayant été ouvert devant ses yeux, il eut aussi le privilège de contempler l'arche de son alliance. Apocalypse 4:5; 8:3; 11:19. HR 388 2 Ceux qui étaient à la recherche de la vérité prirent conscience de l'existence indéniable d'un sanctuaire céleste. Moïse, rappelons-le, avait construit le sanctuaire terrestre d'après une maquette qui lui avait été montrée. Paul déclare que cette maquette était une reproduction du véritable sanctuaire qui est dans le ciel (Hébreux 8:2, 5), et que Jean affirme avoir vu en vision. HR 388 3 Au terme des deux mille trois cents jours -- en 1844 -- , le sanctuaire terrestre avait disparu depuis bien des siècles; la déclaration: "Deux mille trois cents soirs et matin; puis le sanctuaire sera purifié" ne pouvait donc s'appliquer à rien d'autre qu'au sanctuaire céleste. Mais dans quel sens le sanctuaire céleste avait-il besoin d'être purifié? En approfondissant le saint Livre, les étudiants de la prophétie parvinrent à la conclusion qu'il ne pouvait s'agir de faire disparaître des impuretés physiques. En effet, la purification du sanctuaire étant accomplie avec du sang, celle-ci devait donc se rapporter au péché. L'apôtre déclare: "Presque tout, d'après la loi, est purifié avec du sang, et sans effusion de sang il n'y a pas de pardon. Il était donc nécessaire, puisque les images des choses qui sont dans les cieux devaient être purifiées de cette manière (par le sang des animaux), que les choses célestes elles-mêmes le fussent par des sacrifices plus excellents que ceux-là (c'est-à-dire par le sang précieux du Christ)". Hébreux 9:22, 23 (Segond). La purification du sanctuaire HR 389 1 De même qu'autrefois, les péchés du peuple étaient transférés, en image, dans le sanctuaire terrestre par le sang de l'offrande pour le péché, de même, nos péchés sont transférés en réalité par le sang du Christ dans le sanctuaire céleste. Et de même que le sanctuaire terrestre était symboliquement purifié par l'élimination des péchés qui l'avaient souillé, de même, il faut que le sanctuaire céleste soit réellement purifié grâce à l'élimination -- ou à l'effacement -- des péchés qui y sont consignés. Mais cela suppose que les registres du ciel soient examinés afin de déterminer quels sont ceux qui, par la repentance et la foi en Jésus, pourront bénéficier de son expiation. La purification du sanctuaire implique donc un jugement préliminaire. Ce jugement doit avoir lieu avant la venue du Christ pour le salut de son peuple puisque, à son retour, "il accordera à chacun selon ce qu'il aura fait". Apocalypse 22:12. HR 389 2 Voilà comment ceux qui marchaient dans la lumière croissante de la parole prophétique ont compris qu'au lieu de venir ici-bas en 1844 -- au terme des deux mille trois cents jours -- , le Christ est entré à ce moment-là dans le lieu très saint du sanctuaire céleste, en la présence même de Dieu, pour y achever l'oeuvre de propitiation qui doit préparer sa venue en gloire. ------------------------Chapitre 54 -- Le message du troisième ange HR 390 1 Lorsque le Christ entra dans le lieu très saint du sanctuaire céleste pour y achever son oeuvre expiatoire, il confia à ses serviteurs le dernier message de miséricorde qui devait être annoncé au monde. Ce message est celui du troisième ange d' Apocalypse 14. Aussitôt après sa proclamation, le prophète vit l'apparition en gloire du Fils de l'homme revenant pour moissonner la terre. HR 390 2 Ainsi que les Écritures l'avaient annoncé, le ministère du Christ dans le lieu très saint du sanctuaire commença au terme des (2300) jours prophétiques, en 1844. A cette époque s'appliquent les paroles de l'apôtre Jean: "Le temple de Dieu, dans le ciel, s'ouvrit alors, et l'on vit le coffre de l'alliance dans son temple". Apocalypse 11:19. Ce coffre de l'alliance de Dieu se trouve dans le second appartement du sanctuaire. Quand le Christ y pénétra, pour officier en faveur des pécheurs, le lieu très saint fut ouvert, et l'arche de Dieu s'offrit à la vue. La majesté et la puissance divines furent révélées à ceux qui, par la foi, contemplaient le Sauveur accomplissant son oeuvre d'intercession. Quand le temple fut inondé de sa gloire, la lumière émanant du saint des saints resplendit sur son peuple ici-bas. HR 390 3 Par la foi, les fidèles avaient vu leur souverain Sacrificateur quitter le lieu saint, entrer dans le lieu très saint, et présenter son sang devant l'arche de Dieu. C'est dans cette arche sacrée que se trouve la loi du Père, celle-là même qui fut promulguée par Dieu au milieu des tonnerres du Sinaï, et qu'il écrivit de son doigt sur les tables de pierre. Aucun commandement n'a été annulé; pas un seul trait de lettre, pas un seul iota n'a disparu. Le Seigneur avait donné à Moïse une copie de sa loi, mais il en conservait l'original dans le sanctuaire céleste. En examinant ces saints préceptes, ceux qui cherchaient la vérité pouvaient constater que le quatrième commandement figurait au coeur même du décalogue, tel qu'il avait été initialement énoncé: "N'oublie jamais de me consacrer le jour du sabbat. Tu as six jours pour travailler et faire tout ton ouvrage. Le septième jour, c'est le sabbat qui m'est réservé, à moi, le Seigneur ton Dieu; tu ne feras aucun travail ce jour-là, ni toi, ni tes enfants, ni tes serviteurs ou servantes, ni ton bétail, ni l'étranger qui réside chez toi. Car en six jours j'ai créé le ciel, la terre, la mer et tout ce qu'ils contiennent, puis je me suis reposé le septième jour. C'est pourquoi moi, le Seigneur, j'ai béni le jour du sabbat et je veux qu'il me soit consacré". Exode 20:8-11. HR 391 1 L'Esprit de Dieu impressionna les coeurs de ces étudiants de sa Parole. Ils acquirent la conviction qu'ils avaient involontairement transgressé le quatrième commandement en négligeant de sanctifier le jour du repos institué par le Créateur. Puis ils examinèrent les raisons pour lesquelles on observait le premier jour de la semaine au lieu de celui que Dieu avait mis à part, et ils ne trouvèrent dans la Bible aucun texte indiquant que le quatrième commandement aurait été aboli ou que le sabbat aurait été changé; la bénédiction attachée dès les origines au septième jour n'avait jamais été annulée. Ils avaient en toute bonne foi cherché à connaître et à faire la volonté de Dieu, et quand ils se rendirent compte qu'ils étaient des transgresseurs de sa loi, leurs coeurs furent remplis de tristesse. Et, sans plus attendre, ils manifestèrent leur fidélité envers Dieu en observant son saint sabbat. HR 392 1 Les efforts déployés pour les en dissuader ne manquèrent pas. Cependant, tout le monde pouvait comprendre que si le sanctuaire terrestre était une image ou un modèle du sanctuaire céleste, la loi déposée dans l'arche sur la terre était la reproduction exacte de celle qui se trouvait dans l'arche céleste, et qu'en conséquence, l'acceptation de la vérité concernant le sanctuaire céleste impliquait la reconnaissance de l'autorité de la loi divine et l'impératif du sabbat prescrit dans le quatrième commandement. HR 392 2 Ceux qui acceptèrent la lumière concernant la médiation du Christ et la perpétuité de la loi de Dieu découvrirent que ces vérités étaient mises en relief dans le troisième message. En effet, l'ange déclare: "C'est ici la persévérance des saints, qui gardent les commandements de Dieu et qui ont la foi de Jésus". Apocalypse 14:12 (Segond). Cette déclaration est précédée par un avertissement d'une redoutable gravité: "Celui qui adore la bête et son image, et en reçoit la marque sur le front ou sur la main, boira lui-même le vin de Dieu, le vin de sa fureur, qu'il a versé pur dans la coupe de sa colère!" Apocalypse 14:9, 10. Mais pour comprendre la signification de ce message, il fallait découvrir le sens des symboles employés. Que représentent la bête, l'image et la marque de la bête? Une fois de plus, ceux qui cherchaient la vérité devaient réexaminer les prophéties. La bête et son image HR 392 3 Cette première bête représente l'Église romaine, corps ecclésiastique revêtu d'une autorité civile et ayant le pouvoir de sévir contre tous les dissidents. L'image de la bête représente un autre corps religieux revêtu de pouvoirs analogues. La mise sur pied de cette image est l'oeuvre de la bête qui naît d'une manière pacifique et tranquille, symbole frappant des Etats Unis d'Amérique, et qui est également un reflet de la papauté. Quand les Églises de notre pays (les Etats Unis), ayant conclu un accord sur les points qu'elles partagent en commun, influenceront l'Etat pour imposer leurs décrets et pour soutenir leurs institutions, l'Amérique protestante aura formé une image à la hiérarchie romaine. Alors la véritable Église sera persécutée, comme l'a été autrefois le peuple de Dieu. HR 393 1 La bête dont les cornes sont semblables à celles d'un agneau "obligeait tous les hommes, petits et grands, riches et pauvres, esclaves et libres, à recevoir une marque sur la main droite et sur le front. Personne ne pouvait acheter ou vendre s'il n'avait pas cette marque, c'est-à-dire le nom de la bête ou le chiffre qui correspond à ce nom". Apocalypse 13:16, 17. C'est à propos de cette marque que le troisième ange lance un avertissement. Il s'agit de la marque de la première bête, autrement dit celle de la papauté; cette bête doit donc être identifiée d'après les caractéristiques particulières de cette puissance. Selon le prophète Daniel, l'Église romaine, symbolisée par la petite corne, devait espérer changer les temps et la loi (Daniel 7:25); pour sa part, l'apôtre Paul la désignait comme étant l'homme du péché (2 Thessaloniciens 2:3, 4, Segond) qui devait s'élever au-dessus de Dieu. Ce n'est qu'en osant modifier la loi divine que la papauté s'est élevée au-dessus du Législateur, et quiconque observe en connaissance de cause la loi de Dieu ainsi changée glorifie hautement le pouvoir qui a accompli ce changement. HR 393 2 Le quatrième commandement, que Rome s'est efforcé d'écarter, est le seul précepte du décalogue qui présente Dieu comme le Créateur des cieux et de la terre, et qui distingue ainsi le vrai Dieu de tous les faux dieux. Le sabbat fut institué pour commémorer l'oeuvre de la création, afin de diriger l'esprit des hommes vers le Dieu vivant et vrai. Dans les Écritures, son pouvoir créateur est mentionné comme une preuve que le Dieu d'Israël est supérieur aux divinités païennes. Si les humains avaient toujours observé le sabbat, leurs pensées et leurs affections auraient été fixées sur le Créateur, qui aurait été l'objet de leur respect et de leur adoration, et il n'y aurait jamais eu ni idolâtre, ni athée, ni infidéle. HR 394 1 Cette institution, qui désigne Dieu comme le Créateur, est un signe de son autorité légitime sur les êtres qu'il a faits. Le changement du sabbat est le signe ou la marque de l'autorité de l'Église romaine. Ceux qui, tout en connaissant les termes du quatrième commandement, choisissent d'observer le faux sabbat au lieu du vrai, rendent hommage par là même au seul pouvoir qui a effectué ce changement. Un message solennel HR 394 2 Le message du troisième ange contient le plus terrible avertissement jamais adressé à des mortels. La faute dont il est question doit être d'une exceptionnelle gravité puisqu'elle est passible de la colère de Dieu non tempérée de miséricorde. Aussi les humains ne doivent-ils pas être laissés dans l'ignorance sur ce sujet important; et la mise en garde contre cette faute doit être portée à la connaisssance du monde entier avant que les jugements de Dieu ne fondent sur lui, afin que tous sachent le pourquoi de ces jugements et qu'ils aient la possibilité d'y échapper. HR 394 3 Lors de ce grand conflit, deux catégories de personnes bien distinctes apparaîtront en contraste l'une avec l'autre: l'une "adore la bête et son image, et en reçoit une marque sur son front ou sur sa main" et attire sur elle les redoutables jugements annoncés par le troisième ange; l'autre offre un contraste saisissant par rapport au monde: ils "gardent les commandements de Dieu et la foi de Jésus". Apocalypse 14:9, 12 (Segond). HR 395 1 Telles furent les vérités importantes qui furent révélées à ceux qui acceptèrent le message du troisième ange. En se remémorant l'expérience qu'ils avaient vécue depuis la première proclamation du retour du Christ jusqu'à ce que passe le moment tant attendu de 1844, ils se rendirent compte que leur déception avait été expliquée et que l'espérance et la joie animaient de nouveau leurs coeurs. La lumière émanant du sanctuaire éclairait le passé, le présent et l'avenir, et ils savaient que Dieu les avait conduits grâce à son infaillible Providence. Maintenant, avec un nouveau courage et une foi plus solide, ils unissaient leurs voix pour annoncer le message du troisième ange. Depuis 1844, conformément à la prophétie contenue dans le message du troisième ange, l'attention du monde avait été attirée sur le véritable sabbat, et un nombre sans cesse croissant de chrétiens revenaient à l'observation du saint jour de Dieu. ------------------------Chapitre 55 -- Un fondement solide HR 396 1 J'ai vu un groupe de gens qui se tenaient fermement sur leur garde et ne prêtaient aucune attention à ceux qui cherchaient à ébranler la foi établie de l'ensemble. Le Seigneur les regardait d'un oeil approbateur. Il me fut montré trois marches qui conduisaient à une plateforme et représentaient les trois messages: du premier, du second et du troisième ange. L'ange qui m'accompagnait me dit: "Malheur à celui qui retranchera la plus minime partie de ces messages. Leur véritable signification est d'une importance vitale. La destinée des âmes dépend de la manière dont ils sont reçus". HR 396 2 Je fus de nouveau ramenée à considérer ces messages, et je vis à quel prix les enfants de Dieu avaient acquis leur expérience. Ils l'avaient obtenue à travers bien des souffrances et des luttes. Dieu les avait dirigés pas à pas, jusqu'à ce qu'ils soient placés sur une plateforme solide et inébranlable. Je vis quelques personnes s'approcher de cette plateforme pour en examiner la solidité. Certaines d'entre elles s'empressaient d'y prendre place avec joie, alors que d'autres la critiquaient, et auraient voulu y voir apporter quelques améliorations pour qu'elle s'approche davantage de la perfection et que le peuple soit beaucoup plus heureux. HR 396 3 D'aucuns en descendaient pour l'examiner et la déclaraient mal posée. Mais je vis que presque tous se tenaient fermement sur cette plateforme et suppliaient ceux qui en étaient descendus de cesser leurs plaintes; car Dieu en était le grand Architecte, et c'était lui qu'ils critiquaient et qu'ils combattaient. Ils leur racontaient comment le Seigneur les avait amenés sur cette ferme plateforme, et, élevant ensemble les yeux au ciel, ils louaient Dieu à haute voix. Quelques-uns de ceux qui s'étaient plaints et avaient quitté la plateforme furent touchés, et ils reprirent humblement leurs places. L'expérience des juifs se répète HR 397 1 Je fus ramenée à la proclamation de la première venue du Christ. Jean-Baptiste fut envoyé dans l'esprit et la puissance d'Elie pour préparer la voie du Sauveur. Ceux qui rejetèrent son témoignage ne purent bénéficier des enseignements de Jésus. Leur opposition au message qui proclamait sa venue les empêcha de reconnaître son caractère messianique. Satan poussa ceux qui rejetèrent le message du Baptiste à aller encore plus loin, à rejeter et à crucifier le Christ. Ils ne purent ainsi recevoir les bienfaits de la Pentecôte, ce qui leur aurait enseigné la voie du sanctuaire céleste. HR 397 2 Le voile du temple déchiré indiquait que les sacrifices et les ordonnances judaïques ne seraient plus agréés. Le sacrifice suprême avait été consommé et accepté, et le Saint-Esprit qui descendit au jour de la Pentecôte détourna les esprits des disciples du sanctuaire terrestre pour les reporter sur le sanctuaire céleste où, à son ascension, Jésus était entré avec son propre sang, afin de faire bénéficier les siens de sa propitiation. Mais les juifs en général furent plongés dans d'épaisses ténèbres. Ils ne purent comprendre le plan du salut, et ils continuèrent à placer leur confiance dans leurs sacrifices et leurs offrandes inutiles. Le sanctuaire céleste avait pris la place du terrestre; mais les juifs n'en avaient aucune connaissance; c'est pourquoi ils ne purent bénéficier de la médiation du Christ dans le lieu saint. HR 398 1 Aujourd'hui, il en est beaucoup qui considèrent avec une sainte horreur la conduite des juifs, qui rejetèrent et crucifièrent le Christ. En lisant le récit des mauvais traitements qu'ils lui infligèrent, ils se disent qu'ils ne l'auraient pas renié comme Pierre ou crucifié comme les juifs. Mais Dieu qui lit dans les coeurs a mis à l'épreuve cet amour pour Jésus qu'ils prétendent ressentir. HR 398 2 Tout le ciel suivait avec un profond intérêt la proclamation du premier message. Beaucoup de ceux qui disaient avoir tant d'amour pour Jésus et qui versaient des larmes en lisant le récit de sa crucifixion, se moquèrent de la bonne nouvelle de son retour. Au lieu de recevoir ce message avec joie, ils prétendirent que c'était une erreur. Ils haïrent ceux qui aimaient son apparition et les chassèrent des Églises. Ceux qui rejetèrent le premier message ne purent jouir des bénédictions du second, ni profiter du cri de minuit, qui devait les préparer à pénétrer, par la foi, avec Jésus, dans le lieu très saint du sanctuaire céleste. En rejetant les deux premiers messages, ils ont obscurci leur intelligence de telle manière qu'ils ne peuvent reconnaître aucune lumière dans le message du troisième ange, qui indique le chemin du lieu très saint. ------------------------Chapitre 56 -- Les tromperies de Satan HR 399 1 Les tromperies de Satan ont commencé dans le jardin d'Eden. Il dit à Eve: "Vous ne mourrez pas". Genèse 3:4. Telle fut la première leçon du diable sur l'immortalité de l'âme, et depuis lors, il a propagé cette erreur jusqu'à nos jours, et, il la maintiendra jusqu'à ce que la captivité des enfants de Dieu soit arrivée à son terme. Mon attention fut attirée sur Adam et Eve en Eden. Ils ont mangé de l'arbre défendu; alors l'épée flamboyante leur interdit l'accès à l'arbre de vie, et ils furent chassés du paradis, afin qu'ils ne puissent prendre de cet arbre et devenir des pécheurs immortels. Car la vertu de l'arbre de vie était de conserver l'immortalité. J'entendis un ange demander: "Qui d'entre la famille d'Adam a passé outre à cette épée flamboyante et mangé de l'arbre de vie?" Et j'entendis un autre ange lui répondre: "Aucun membre de la famille d'Adam n'a passé outre à cette épée flamboyante et n'a mangé de l'arbre de vie; il n'existe donc pas un seul pécheur qui soit immortel". L'âme qui pèche mourra à jamais -- d'une mort dont il n'y a aucun espoir de résurrection; alors la colère divine sera apaisée. HR 399 2 Je fus étonnée de constater à quel point Satan réussissait à faire croire aux humains que la parole de Dieu: "L'âme qui pèche, c'est celle qui mourra" (Ezéchiel 18:4, Segond) signifie que l'âme qui pèche ne mourra pas, mais qu'elle vivra une vie éternelle de souffrance. L'ange déclara: "Qu'il s'agisse de souffrance ou de joie, la vie est la vie. La mort est exempte de souffrance, exempte de joie et de haine". HR 400 1 Satan dit à ses anges de s'efforcer de répandre le premier mensonge exprimé à Eve en Eden: "Vous ne mourrez pas". A mesure que cette erreur fut acceptée par les humains, ceux-ci furent incités à croire que l'homme est immortel et que le pécheur est appelé à vivre une vie de souffrances sans fin. Ainsi, la voie était ouverte pour que Satan, agissant par ses représentants, répande l'idée que le Seigneur est un tyran vindicatif qui précipite en enfer tous ceux qui ne lui plaisent pas afin qu'ils subissent le feu de sa colère; et tandis qu'ils souffrent d'une indicible torture et se tordent de douleur dans les flammes éternelles, Dieu les regarde avec satisfaction. Le diable savait que si cette erreur était admise, nombreux seraient ceux qui haïraient le Seigneur au lieu de l'aimer et de l'adorer, et qu'ils en arriveraient à croire que les avertissements de la Parole de Dieu ne seront pas suivis d'effet, car il serait contraire à sa bienveillance et à son amour de plonger dans des tourments éternels les êtres qu'il a créés. HR 400 2 Satan a également conduit les humains à tomber dans un autre extrême en ne tenant pas compte de la justice de Dieu et des avertissements des Saintes Écritures; il veut qu'ils considèrent l'Eternel comme étant si plein de bonté que nul ne périra jamais, mais que tous, justes et pécheurs, seront finalement sauvés pour être admis dans son royaume. HR 400 3 Par suite des erreurs largement répandues de l'immortalité de l'âme et des souffrances éternelles, le diable exerce son influence sur une autre catégorie de personnes et les incite à considérer la Bible comme un livre qui n'est pas inspiré. Ces personnes croient que le saint Livre contient beaucoup de bonnes choses, mais par ailleurs elles ne peuvent pas lui faire confiance puisqu'on leur a dit que la Bible enseigne la doctrine des peines éternelles. HR 401 1 Satan entraîne d'autres humains encore plus loin, jusqu'à les faire nier l'existence du Très-Haut: s'il inflige pour l'éternité entière d'horribles tortures à une partie de la famille humaine, ils ne voient pas là un reflet fidèle du caractère du Dieu de la Bible. En conséquence, ils rejettent les Écritures et leur Auteur, et considèrent la mort comme un sommeil éternel. HR 401 2 Mentionnons encore une autre catégorie de personnes: celles qui sont craintives et facilement terrorisées. Satan les pousse à pécher; après quoi, il les impressionne en leur faisant croire que le salaire du péché n'est pas la mort, mais une vie d'horribles tourments qui seront imposés aux réprouvés pendant toute l'éternité. En insistant, auprès de ces esprits faibles, sur les terreurs de l'enfer éternel, il les tient sous sa coupe, au point de leur faire perdre la raison. Alors, Satan et ses anges exultent, tandis que les infidèles et les athées s'unissent pour blâmer la religion chrétienne. Ils affirment que de telles conséquences proviennent de la foi dans la Bible et dans son Auteur, alors qu'en fait, elles ont pour origine l'adhésion à une fausse doctrine. Les Écritures, notre sauvegarde HR 401 3 Je vis qu'en considérant les audacieux stratagèmes de Satan, l'armée céleste était remplie d'indignation. Je demandai pourquoi on tolérait que de telles tromperies influencent l'esprit des humains, alors que les anges de Dieu étaient puissants et que, s'ils en recevaient l'ordre, ils pourraient facilement venir à bout de la puissance de l'ennemi. Alors je vis que le Seigneur savait que Satan utiliserait toutes les ruses possibles pour perdre l'homme; c'est pourquoi Dieu avait voulu que sa Parole fût écrite, de manière que ses desseins concernant la race humaine soient si clairement exprimés que même les plus faibles ne puissent être induits en erreur. Après avoir donné sa Parole aux humains, le Seigneur a fait en sorte qu'elle ne fût pas anéantie par Satan, par ses anges ou ses représentants. Alors que d'autres livres risquaient d'être détruits, la Parole de Dieu était immortelle. De plus, vers la fin des temps, quand les tromperies de Satan s'accroîtraient, les exemplaires du saint Livre devaient se multiplier, si bien que tous ceux qui le souhaiteraient puissent en posséder un, afin qu'ils soient armés contre les séductions et les miracles mensongers du grand adversaire. HR 402 1 Je vis que Dieu avait particulièrement veillé sur la Bible. Cependant, lorsque le nombre d'exemplaires était encore peu élevé, des hommes instruits en ont parfois changé les mots, croyant que, de cette manière, ils en rendraient le texte plus explicite. Mais en fait, ils rendaient obscur ce qui était clair, car ils voulaient le faire concorder avec leurs idées reçues, qui étaient fondées sur la tradition. J'ai vu que dans son ensemble, la Parole de Dieu est un tout cohérent, dont les parties sont liées les unes aux autres et s'expliquent l'une par l'autre. Ceux qui cherchent sincèrement la vérité ne risquent pas de se tromper, car non seulement la Parole de Dieu énonce clairement et simplement le chemin de la vie, mais le Saint-Esprit est donné comme guide pour que le lecteur comprenne en quoi consiste ce chemin révélé dans le saint Livre. HR 402 2 Je vis que les anges de Dieu ne doivent en aucun cas dominer notre volonté. Dieu met devant l'homme la vie et la mort. C'est à l'homme qu'il appartient de choisir. Nombreux sont ceux qui désirent la vie, mais qui continuent à marcher dans le chemin large. Ils se révoltent délibérément contre l'autorité de Dieu, bien que, dans sa grande bonté et sa grande compassion, il ait donné son Fils en sacrifice pour eux. Ceux qui n'acceptent pas le salut acquis à un prix si élevé doivent subir un châtiment. Mais j'ai vu que le Seigneur ne les condamnerait pas à l'enfer pour y subir des souffrances sans fin, et qu'il ne les admettrait pas non plus dans le ciel. Si les infidèles étaient introduits dans la compagnie d'êtres saints et purs, ils y seraient profondément malheureux. C'est pourquoi Dieu les détruira totalement; il en sera d'eux comme s'ils n'avaient jamais existé. Alors sa justice sera satisfaite. L'homme a été formé de la poussière de la terre; les désobéissants et les infidèles seront consumés par le feu et retourneront donc dans la poussière. J'ai vu qu'à cet égard, la bienveillance et la compassion du Seigneur devraient conduire tous les humains à admirer son caractère et à adorer son saint nom. Quand les réprouvés auront totalement disparu de la terre, toute l'armée céleste dira: "Amen!" HR 403 1 Satan considère avec une grande satisfaction ceux qui, tout en se réclamant du nom du Christ, souscrivent sans réserve aux tromperies dont il est l'auteur. Son oeuvre consiste à en imaginer de nouvelles, et dans ce domaine, son pouvoir et sa ruse ne cessent de grandir. Il a conduit ses représentants -- les papes et les prêtres -- à se glorifier, à inciter le peuple à persécuter cruellement et à détruire ceux qui refusent d'accepter ses supercheries. Quelles souffrances et quelles angoisses les fidèles disciples de Jésus n'ont-ils pas dû endurer! Tout cela, les anges l'ont scrupuleusement consigné. Quant à Satan et à ses suppôts, ils ont, sur un air de triomphe, déclaré aux anges qui assistaient ces croyants éprouvés que ceux-ci seraient tous tués, de sorte qu'il ne resterait plus un seul vrai chrétien sur la terre. Je vis qu'alors l'Église de Dieu était pure. Il n'y avait pas à craindre que des hommes à l'âme corrompue y entrent, car les véritables chrétiens, qui confessaient ouvertement leur foi, risquaient le chevalet, le bûcher et d'autres tortures que Satan et ses démons pouvaient inventer ou inspirer à l'esprit des hommes. ------------------------Chapitre 57 -- Le spiritisme HR 405 1 La doctrine de l'immortalité naturelle de l'âme a préparé la voie au spiritisme moderne. En effet, si les morts sont admis en la présence de Dieu, et s'ils jouissent de connaissances infiniment supérieures à celles qu'ils possédaient auparavant, pourquoi ne reviendraient-ils pas sur la terre pour éclairer et instruire les vivants? Pourquoi ceux qui croient à l'état conscient des morts refuseraient-ils ce qui leur est présenté comme une lumière divine révélée par des esprits glorifiés? Ce moyen de communication, considéré comme sacré, donne à Satan la possibilité de travailler à la réalisation de ses desseins. Les anges déchus, soumis à ses ordres, se présentent comme les messagers du monde des esprits. Tout en prétendant les mettre en rapport avec les morts, le prince du mal exerce sur les vivants son pouvoir de fascination. HR 405 2 Il a le pouvoir de faire apparaître aux hommes l'image de leurs amis décédés. La contrefaçon est parfaite; les traits bien connus, les paroles, le son de la voix sont reproduits de façon merveilleusement fidèle. Ainsi, nombreux sont ceux qui sont réconfortés par l'assurance que leurs êtres chers jouissent de la félicité céleste, et, sans se douter du danger qu'ils courent, ils prêtent l'oreille "à des esprits trompeurs et aux enseignements des démons". 1 Timothée 4:1. HR 405 3 Quand Satan les a convaincus qu'ils entrent réellement en communication avec les morts, il fait apparaître à leurs yeux des personnes descendues dans la tombe sans y être préparées. Elles se disent heureuses dans le ciel, et prétendent même y occuper une position élevée. Ainsi se répand largement l'erreur selon laquelle il n'y a pas de différence entre le juste et le méchant. Les soi-disant visiteurs du monde des esprits donnent parfois des avertissements opportuns. Puis, lorsqu'ils ont gagné la confiance, ils enseignent des doctrines en contradiction flagrante avec les Écritures. Tout en paraissant s'intéresser au bien de leurs amis sur terre, ils insinuent les erreurs les plus dangereuses. Le fait qu'ils énoncent certaines vérités et qu'ils peuvent parfois annoncer l'avenir, inspire confiance en leurs déclarations. Ainsi, leurs enseignements erronés sont acceptés aussi facilement et crus aussi implicitement par les foules que s'il s'agissait des vérités les plus sacrées de la Bible. La loi de Dieu est écartée, l'Esprit de la grâce est méprisé, le sang de l'alliance est considéré comme profane. Les esprits nient la divinité de Jésus-Christ et se mettent au niveau du Créateur lui-même. C'est ainsi que, sous un nouveau masque, le grand rebelle mène contre Dieu la lutte qu'il a déclarée dans le ciel et qu'il a poursuivie sur la terre pendant près de six mille ans. HR 406 1 Plusieurs tentent d'expliquer les manifestations spirites en les attribuant toutes à la fraude ou à la prestidigitation de la part des médiums. Mais s'il est vrai qu'on a souvent présenté des tours de passe-passe comme des phénomènes authentiques, il n'en reste pas moins qu'il existe des manifestations réelles d'une puissance surnaturelle. Les bruits mystérieux par lesquels le spiritisme moderne s'est fait connaître n'étaient pas le fruit de supercheries humaines mais bien le fait de mauvais anges, qui imaginaient ainsi une des séductions les plus dangereuses et les plus néfastes. L'idée que le spiritisme n'est qu'une imposture contribuera à égarer une foule de gens. Lorsqu'ils se trouveront en présence de manifestations qu'ils seront obligés de reconnaître comme surnaturelles, ils seront séduits, et ils finiront par les interpréter comme les signes d'une grande puissance divine. HR 407 1 De telles personnes ne tiennent pas compte des enseignements de l'Écriture concernant les miracles opérés par Satan et ses agents. C'est par la puissance de Satan que les magiciens de Pharaon imitèrent les prodiges d'origine divine. L'apôtre Jean déclare, à propos de la puissance miraculeuse qui se manifestera dans les derniers jours: "Elle faisait descendre le feu du ciel sur la terre en présence de tous les hommes. Elle égarait les habitants de la terre par les miracles qu'elle était autorisée à accomplir...". Apocalypse 13:13, 14. Il n'est pas ici question d'impostures. Les habitants de la terre seront séduits non par de prétendus miracles, mais par de réels prodiges. La sorcellerie sous sa forme actuelle HR 407 2 Le seul mot de sorcellerie est aujourd'hui pris en mauvaise part. L'idée que des hommes puissent avoir des relations avec des esprits méchants est assimilée à un conte du moyen âge. Mais le spiritisme, qui compte ses adeptes par centaines de milliers -- que dis-je? par millions -- , qui s'est introduit dans les milieux scientifiques, qui a envahi les Églises et a été favorablement accueilli dans les assemblées législatives et jusque dans la cour des rois -- cette tromperie monumentale n'est en fait que la résurgence sous un nouveau déguisement de la sorcellerie jadis condamnée et prohibée. HR 407 3 De nos jours, Satan séduit les humains comme il a séduit Eve: en les poussant à rechercher des connaissances défendues. "Vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal". Genèse 3:5 (Segond). Mais la sagesse que le spiritisme communique est celle dont l'apôtre Jacques dit: "Une telle sagesse ne descend pas du ciel; elle appartient à ce monde et à la nature humaine, elle vient du diable". Jacques 3:15. HR 408 1 Le prince des ténèbres est un esprit supérieur, et il adapte avec habileté ses tentations aux gens de toute condition sociale et de toute culture. Il utilise le mal "sous toutes ses formes pour tromper" et pour dominer les enfants des hommes, mais il ne peut réaliser ses desseins que s'ils cèdent à ses tentations. Ceux qui se mettent sous sa coupe en donnant libre cours à leurs mauvais traits de caractère ne se rendent pas compte à quoi cela les conduira. Le tentateur travaille à leur perte; puis il les utilise pour entraîner d'autres personnes à la ruine. Résister à la séduction du spiritisme HR 408 2 Nul ne doit se laisser séduire par les affirmations mensongères du spiritisme. Dieu a donné au monde suffisamment de lumière pour échapper à ses pièges. Si les chrétiens ne disposaient pas d'autre indication sur la nature du spiritisme, le seul fait que les esprits ne font aucune différence entre la vertu et le péché, entre le plus noble, le plus fidèle des apôtres du Christ et le plus corrompu des serviteurs de Satan devrait leur suffire. En prétendant que les hommes les plus vils occupent des places d'honneur dans le ciel, le diable dit au monde: "Peu importe si vous vivez une vie de péché; peu importe que vous croyiez en Dieu et à sa Parole. Vivez comme bon vous semble. Vous irez au ciel". HR 408 3 De plus, personnifiés par ces esprits mensongers, les apôtres contredisent ce qu'ils ont écrit sous l'inspiration du Saint-Esprit quand ils étaient sur la terre. Ils nient la divine origine des saints Livres, renversent les fondements de l'espérance chrétienne et masquent la lumière qui indique le chemin du ciel. HR 409 1 Satan fait croire au monde que la Bible n'est qu'une fable, ou tout au moins un livre qui convenait à l'enfance de l'humanité, et que l'on doit considérer désormais comme dépassé. Pour remplacer la Parole de Dieu, il nous présente les phénomènes spirites. Par ce moyen qui est entièrement sous son contrôle, il peut faire croire aux humains ce qui lui plaît. Il rejette délibérément dans l'ombre le Livre par lequel lui-même et ses suppôts sont condamnés, et il fait du Sauveur un homme comme le commun des mortels. De même que les soldats romains qui assuraient la garde du tombeau de Jésus répandirent la version mensongère suggérée par les sacrificateurs pour nier sa résurrection, de même les adeptes du spiritisme cherchent à montrer que les circonstances de la vie du Christ n'ont rien de miraculeux. Et, après avoir mis Jésus de côté, ils attirent l'attention sur leurs propres miracles, en prétendant qu'ils sont de beaucoup supérieurs aux siens. HR 409 2 "Certains déclarent: 'Consultez les esprits des morts, qui chuchotent et murmurent en prédisant l'avenir. Il est normal, disent-ils, qu'un peuple consulte ceux qui sont ses dieux, qu'il s'adresse aux morts en faveur des vivants'. Si l'on vous dit cela, affirme le prophète Esaïe, vous répondrez: 'C'est aux instructions et aux messages du Seigneur qu'il faut revenir'. Celui qui n'adoptera pas ce mot d'ordre ne verra pas l'aurore". Ésaïe 8:19, 20. Si les humains avaient reçu la vérité clairement énoncée dans les Écritures selon laquelle les morts ne savent rien, ils discerneraient dans les enseignements et les manifestations du spiritisme l'oeuvre de Satan agissant avec puissance par des signes et des miracles trompeurs. Mais au lieu de renoncer à une liberté agréable au coeur charnel et à l'amour du péché, les multitudes ferment les yeux à la lumière, continuent leur chemin au mépris des avertissements, et tombent dans les pièges de l'ennemi. "Ils se perdront parce qu'ils n'auront pas reçu et aimé la vérité qui les aurait sauvés. Voilà pourquoi Dieu envoie une puissance d'erreur agir en eux afin qu'ils croient ce qui est faux". 2 Thessaloniciens 2:10, 11. HR 410 1 Ceux qui repoussent les enseignements du spiritisme ne font pas la guerre à des hommes seulement, mais au diable et à ses anges. Ils luttent "contre les puissances spirituelles mauvaises du monde céleste". Ephésiens 6:12. Satan ne cédera pas un pouce de terrain, à moins d'y être contraint par la puissance des saints anges. Le peuple de Dieu doit pouvoir lui résister comme l'a fait notre Sauveur en disant: "Il est écrit". De nos jours comme au temps du Christ, Satan cite les Écritures et il en déforme le sens pour égarer ses victimes. Mais les déclarations limpides de la Parole de Dieu constituent des armes puissantes pour affronter tous les conflits. HR 410 2 Ceux qui veulent rester fermes à l'heure de l'épreuve doivent connaître les enseignements de la Bible concernant la nature de l'homme et l'état des morts, car dans un proche avenir, nombreux sont ceux qui seront confrontés à des esprits malins qui personnifieront des parents ou des amis décédés, et qui proféreront des hérésies dangereuses. Ces êtres surnaturels feront appel à nos affections les plus chères et appuieront leurs déclarations par des miracles. Pour être en mesure de surmonter de telles séductions, il nous faut connaître la vérité biblique selon laquelle les morts ne savent rien et de telles apparitions sont l'oeuvre des esprits de démons. HR 410 3 Satan s'est préparé de longue date en vue de son assaut final pour séduire le monde. Il a jeté les bases de son action en faisant cette déclaration à Eve: "Vous ne mourrez point; mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez (de l'arbre interdit), vos yeux s'ouvriront, et que vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal". Genèse 3:4, 5. Peu à peu, le diable a préparé le terrain pour son chef-d'oeuvre de séduction: le spiritisme. Il n'a pas encore pleinement réalisé son plan, mais il le réalisera à la dernière heure. Alors, le monde sera submergé par cette redoutable séduction. Mais l'humanité se laisse bercer dans une sécurité fatale d'où elle ne sera tirée que par les coupes de la colère de Dieu. ------------------------Chapitre 58 -- Le grand cri HR 412 1 J'ai vu des anges voler rapidement çà et là dans le ciel, descendre sur la terre, puis remonter au ciel, préparant l'accomplissement de quelque événement important. Ensuite j'en vis un autre, puissant, envoyé sur la terre pour joindre sa voix au troisième ange, afin de donner force et puissance à son message. Cet ange était doué d'une grande puissance et environné de gloire. Lorsqu'il descendit sur la terre, celle-ci fut éclairée de sa gloire. La lumière qui l'accompagnait pénétrait partout. Il criait d'une voix forte: "Elle est tombée, elle est tombée, la grande Babylone! Elle est maintenant un lieu habité par des démons, un refuge pour toutes sortes d'esprits mauvais; toutes sortes d'oiseaux impurs et détestables y vivent". Apocalypse 18:2. HR 412 2 Le message proclamant la chute de Babylone, donné par le deuxième ange, est ainsi répété avec la mention additionnelle de la corruption qui a envahi les Églises à partir de 1844. L'oeuvre de cet ange vient seconder celle du troisième message au moment où sa proclamation devient un grand cri. Le peuple de Dieu est ainsi préparé pour triompher à l'heure de la tentation qu'il doit bientôt affronter. Je vis ces deux anges environnés d'une grande lumière, proclamant sans crainte le message du troisième ange. HR 412 3 D'autres anges furent envoyés pour seconder l'ange puissant descendu du ciel. J'entendis des voix qui semblaient résonner partout, disant: "Sortez du milieu d'elle, mon peuple, afin de ne pas participer à ses péchés et de ne pas avoir part aux fléaux qui vont la frapper. Car ses péchés se sont entassés jusqu'au ciel et Dieu n'a pas oublié ses mauvaises actions". Apocalypse 18:4, 5. Ce message semblait être une addition à celui du troisième ange, de même que le cri de minuit s'était joint au message du second ange, en 1844. La gloire de Dieu se posait sur les saints qui attendaient patiemment et proclamaient sans crainte le solennel et dernier avertissement, annonçant la chute de Babylone, et appelant les enfants de Dieu à sortir de son sein, afin de pouvoir échapper à son terrible sort. HR 413 1 La lumière qui avait éclairé ceux qui attendaient pénétra partout. Ceux qui, dans les diverses Églises, avaient reçu quelque lumière et qui n'avaient pas entendu ni rejeté les trois messages, obéirent à l'appel et quittèrent les Églises déchues. Un grand nombre était parvenu à l'âge de raison depuis que ces messages avaient été proclamés, la lumière luisait sur eux, ils avaient le privilège de choisir entre la vie et la mort. Quelques-uns firent un bon choix et se rangèrent avec ceux qui attendaient leur Seigneur et observaient tous ses commandements. Le troisième message devait faire son oeuvre. Tous les enfants de Dieu devaient être éprouvés sur ce point et appelés à sortir des diverses congrégations religieuses. HR 413 2 Les âmes sincères étaient animées d'une puissance qui les faisait agir, tandis que la manifestation de la puissance divine inspirait de la crainte à leurs parents et à leurs amis qui n'avaient pas la même foi, de sorte qu'ils n'osèrent ni ne purent entraver ceux qui sentaient l'Esprit de Dieu opérer dans leurs coeurs. Le dernier appel parvint même jusqu'aux esclaves, et ceux qui étaient pieux furent transportés de joie à la perspective de leur heureuse délivrance*. Leurs maîtres ne pouvaient les contraindre; la crainte et l'étonnement les rendaient muets. De puissants miracles furent opérés; des malades étaient guéris, et les disciples étaient accompagnés de signes et de prodiges. Dieu était à l'oeuvre, et tous les saints, sans en craindre les conséquences, suivaient la conviction de leurs propres consciences. Ils s'unissaient à ceux qui observaient tous les commandements de Dieu, et proclamaient au loin le troisième message. J'ai vu que celui-ci se terminerait avec une force et une puissance qui dépasseront de beaucoup le cri de minuit. HR 414 1 Les serviteurs de Dieu, revêtus de la puissance d'en haut, le visage resplendissant d'une sainte consécration, allèrent proclamer le message céleste. Les âmes, disséminées parmi les différents corps religieux, répondirent à leur appel en abandonnant les Églises condamnées, comme Lot sortir de Sodome avant la destruction de cette ville. Le peuple de Dieu, fortifié par la gloire excellente qui reposait sur lui en abondance, fut préparé pour endurer l'heure de la tentation. De tous côtés, j'entendis une multitude de voix qui disaient: "Voilà pourquoi les membres du peuple de Dieu, ceux qui obéissent à ses commandements et qui sont fidèles à Jésus, doivent faire preuve de patience". Apocalypse 14:12. ------------------------Chapitre 59 -- La fin du temps d'épreuve HR 415 1 Il me fut montré le temps où se terminerait le troisième message. La puissance de Dieu avait reposé sur ses enfants; ils s'étaient acquittés de leur tâche et se préparaient pour le temps d'épreuve qui allait venir. Ils avaient reçu la pluie de l'arrière-saison, le rafraîchissement de la part du Seigneur, et leur témoignage en avait été vivifié. Le dernier avertissement avait partout retenti; il avait excité et irrité les habitants de la terre qui n'avaient pas voulu recevoir le message. HR 415 2 Je vis des anges accourir çà et là dans le ciel. L'un d'entre eux, muni d'un encrier, revenait de la terre et rapportait à Jésus que son oeuvre était achevée, que les saints avaient été comptés et scellés. Puis je vis le Sauveur, qui avait exercé son ministère devant l'arche contenant les dix commandements, jeter à terre son encensoir. Il éleva les mains, et s'écria d'une voix forte: "C'en est fait!" Alors toutes les armées angéliques déposèrent leurs couronnes, tandis que Jésus faisait cette déclaration solennelle: "Que celui qui est mauvais continue à mal agir, et que celui qui est impur continue à être impur; que celui qui est bon continue à bien agir, et que celui qui est saint continue à être saint". Apocalypse 22:11. HR 415 3 Le sort de chacun avait été décidé, soit pour la vie, soit pour la mort. Pendant que Jésus avait exercé son ministère dans le sanctuaire, le jugement avait eu lieu pour les justes qui étaient morts, puis pour les justes vivants. Le Christ avait reçu son royaume, ayant fait propitiation pour son peuple et effacé ses péchés. Les sujets du royaume avaient été comptés; les noces de l'Agneau, consommées. La grandeur et la domination des royaumes qui sont sous tous les cieux avaient été données à Jésus et à ceux qui doivent hériter du salut. Jésus allait régner comme Roi des rois et Seigneur des seigneurs. HR 416 1 Lorsque Jésus sortit du lieu très saint, j'entendis retentir les clochettes qui étaient sur ses vêtements, et un sombre nuage enveloppa les habitants de la terre. Alors il n'y avait plus de médiateur entre l'homme coupable et un Dieu offensé. Aussi longtemps que Jésus s'était tenu entre Dieu et le pécheur, il y avait une certaine retenue parmi le peuple, mais lorsqu'il ne fut plus entre l'homme et le Père, toute retenue disparut, et les impénitents furent complètement sous la direction de Satan. HR 416 2 Il n'était pas possible que les fléaux fussent versés tandis que Jésus officiait dans le lieu très saint; mais lorsque son oeuvre fut achevée et que son intercession eut pris fin, rien ne put plus arrêter la colère de Dieu. Celle-ci atteignit le pécheur qui avait méprisé le salut et qui s'était moqué de la répréhension. Pendant la période terrible qui commença au moment où Jésus eut terminé son oeuvre médiatrice, les saints n'avaient plus d'intercesseur auprès de Dieu. Le sort de chacun était décidé. Jésus s'arrêta un moment dans la partie extérieure du sanctuaire céleste, et les péchés qui avaient été confessés pendant qu'il était dans le lieu très saint furent placés sur Satan, l'auteur du péché, afin qu'il en souffrît le châtiment*. Trop tard! HR 417 1 Alors je vis Jésus qui déposait ses vêtements sacerdotaux pour revêtir ses habits royaux. Il portait sur la tête plusieurs couronnes placées les unes dans les autres. Il quitta le ciel entouré de l'armée angélique. Les fléaux tombaient sur les habitants de la terre. D'autres accusaient et maudissaient Dieu; d'autres accouraient auprès des enfants de Dieu et les suppliaient de leur dire comment ils pourraient échapper à ces jugements. Mais les saints ne pouvaient rien faire pour eux. Les dernières larmes pour les pécheurs avaient été versées, la dernière prière avait été offerte, le dernier fardeau avait été porté, le dernier avertissement avait été donné. La douce voix de la miséricorde ne devait plus se faire entendre. Lorsque les saints et le ciel entier s'intéressaient au salut des pécheurs, ceux-ci n'en faisaient aucun cas. La vie et la mort leur avaient été présentées; beaucoup avaient désiré la vie, mais n'avaient rien fait pour l'obtenir. Ils ne se souciaient pas de choisir la vie; maintenant, il n'y avait plus de sang expiatoire pour purifier le coupable, plus de Sauveur compatissant pour intercéder pour eux, et pour dire: "Epargne, épargne le pécheur encore un peu de temps!" Tout le ciel s'unit au Christ pour leur faire entendre ces terribles paroles: "C'en est fait! C'est fini!" Le plan du salut avait été accompli, mais bien peu avaient voulu l'accepter. Lorsque la douce voix de la miséricorde se tut, les méchants furent saisis de crainte et d'horreur; ils entendirent d'une manière distincte ces paroles: "Trop tard! Trop tard!" HR 418 1 Ceux qui avaient méprisé la Parole de Dieu couraient çà et là, du nord au sud, de l'est à l'ouest, pour la chercher. L'ange me dit: "Ils ne la trouveront pas; il y a une famine dans le pays, non pas une famine de pain et d'eau, mais des paroles de Dieu. Que ne donneraient-ils pas maintenant pour entendre une parole d'approbation de la part du Seigneur! Mais c'est trop tard, ils doivent souffrir la faim et la soif. Ils n'ont cessé jour après jour de mépriser le salut, estimant davantage les richesses et les plaisirs de la terre que les trésors et les promesses du ciel. Ils ont rejeté Jésus et méprisé ses saints. Souillés ils sont, souillés ils resteront". HR 418 2 Un grand nombre de méchants étaient fous de rage lorsqu'ils souffraient des effets des fléaux. C'était une scène d'angoisse terrible. Les parents accusaient leurs enfants et ceux-ci dénonçaient leurs parents, les frères leurs soeurs et les soeurs leurs frères. Partout c'étaient des lamentations et des reproches. Les gens se tournaient vers les pasteurs, et leur faisaient d'amers reproches. "Vous ne nous avez pas avertis de tout cela, leur disaient-ils. Vous nous disiez que le monde entier devait se convertir. Pour calmer toutes les craintes, vous nous criiez: 'Paix, paix!' Vous ne nous avez pas parlé de cette heure. Vous avez affirmé que ceux qui en parlaient étaient des fanatiques, des méchants qui nous perdraient". Je vis que les pasteurs n'échappèrent pas à la colère de Dieu; ils durent souffrir dix fois plus que ceux qu'ils avaient trompés. ------------------------Chapitre 60 -- Le temps de détresse de Jacob HR 419 1 J'ai vu les saints quitter les villes et les villages, se réunir par groupes et vivre dans les lieux les plus retirés. Les anges leur apportaient la nourriture et l'eau, alors que les méchants souffraient de la faim et de la soif. Puis je vis les grands de ce monde qui se consultaient, et Satan et ses anges très affairés autour d'eux. Je vis un écrit qu'on répandait dans différentes parties de la terre, prescrivant que si les saints n'abandonnaient pas leurs idées particulières, ne renonçaient pas à l'observation du sabbat pour observer le premier jour de la semaine, il serait permis après un certain temps de les mettre à mort. Mais au moment de cette épreuve, les saints conservaient leur calme, se confiant en Dieu et s'appuyant sur la promesse qu'il leur serait préparé un moyen pour en triompher. HR 419 2 Dans quelques endroits, avant même que le temps fût venu de mettre ces menaces à exécution, les méchants se jetaient sur les saints pour les faire mourir. Mais des anges, sous la forme d'hommes de guerre, combattaient pour eux. Satan aurait voulu détruire les saints du Souverain; mais Jésus ordonna à ses anges de veiller sur eux. Dieu voulait être honoré en faisant alliance avec ceux qui avaient observé sa loi, à la vue des païens qui les entouraient. Et Jésus voulait aussi être honoré en enlevant au ciel, sans qu'ils eussent à passer par la mort, ses fidèles qui l'avaient attendu si longtemps. HR 419 3 Bientôt je vis les saints dans une grande angoisse; ils paraissaient être entourés par les méchants habitants de la terre. Tout semblait se liguer contre eux. Quelques-uns commencèrent à craindre que Dieu ne les abandonnât entre les mains des impies. Mais si leurs yeux avaient pu être ouverts, ils auraient vu autour d'eux des anges de Dieu. Puis je vis la foule des méchants irrités, et ensuite une multitude de mauvais anges poussant les méchants à faire mourir les saints. Mais avant de pouvoir s'approcher du peuple de Dieu, les méchants devaient d'abord traverser la phalange des anges saints et puissants, ce qui leur était impossible. Les anges de Dieu les obligeaient à reculer; ils repoussaient les mauvais anges qui se pressaient autour d'eux. Les saints crient pour être délivrés HR 420 1 C'était une heure d'angoisse, d'agonie terrible pour les saints. Ils criaient à Dieu jour et nuit pour être délivrés. A vues humaines, il n'y avait pour eux aucun moyen d'échapper. Déjà les méchants commençaient à triompher, et s'écriaient: "Pourquoi votre Dieu ne vous délivre-t-il pas de nos mains? Pourquoi ne montez-vous pas au ciel pour sauver votre vie?" Mais les saints ne tenaient aucun compte de ces paroles. Comme Jacob, ils luttaient avec Dieu. Il tardait aux anges de les délivrer; mais ils devaient attendre encore un peu de temps. Les enfants de Dieu devaient boire cette coupe et être baptisés de ce baptême. Les anges fidèles à leur mandat continuaient de veiller. Dieu ne permettrait pas que son nom fût profané parmi les impies. Le temps s'approchait où il manifesterait sa puissance et délivrerait glorieusement ses saints. Pour la gloire de son nom, il allait délivrer tous ceux qui l'avaient patiemment attendu, et dont les noms étaient inscrits dans le livre de vie. HR 420 2 Le fidèle Noé me fut rappelé. Lorsque tomba la pluie et que commença le déluge, lui et sa famille étaient entrés dans l'arche. Dieu avait fermé la porte sur eux. Le patriarche avait fidèlement averti ses contemporains, mais ils s'étaient moqués de lui. Lorsque les eaux tombèrent sur la terre, les engloutissant l'un après l'autre, ils voyaient l'arche dont ils s'étaient moqués, voguer calmement sur les eaux déchaînées, sauvant le fidèle Noé et sa famille. J'ai vu que les enfants de Dieu, qui avaient fidèlement averti le monde de la colère à venir, seraient délivrés de cette manière. Dieu ne permettra pas que les méchants fassent mourir ceux qui espèrent être transmués, et qui ne voudront pas s'incliner devant le décret de la bête ou recevoir sa marque. J'ai vu que s'il était permis aux méchants de faire mourir les saints, Satan et toute son armée diabolique, avec tous ceux qui se moquent de Dieu, seraient remplis de joie. Et quel triomphe ce serait pour sa majesté Satan que de remporter dans sa dernière lutte la victoire sur ceux qui ont attendu si longtemps l'apparition de Celui qu'ils adorent! Ceux qui se sont moqués à l'idée de voir les saints s'élever au ciel, verront le soin que Dieu prend de ses enfants et leur glorieuse délivrance. HR 421 1 Lorsque ceux-ci fuyaient les villes et les villages, ils étaient poursuivis par les méchants qui cherchaient à les faire mourir. Mais les épées dont ils allaient se servir se brisaient et n'avaient pas plus de pouvoir que des fétus de paille. Les anges de Dieu protégaient les saints, qui criaient jour et nuit pour obtenir la délivrance. Leurs cris parvinrent jusqu'aux oreilles du Seigneur. ------------------------Chapitre 61 -- La délivrance des saints HR 422 1 Ce fut l'heure de minuit que Dieu choisit pour délivrer son peuple. Lorsque les méchants les assiégaient de leurs moqueries, le soleil parut tout à coup dans toute sa splendeur et la lune s'arrêta. Les impies regardaient cette scène avec étonnement, tandis que les saints contemplaient avec une joie solennelle ces gages de leur délivrance. Des signes et des prodiges se succédaient rapidement. Tous les éléments semblaient être détournés de leurs cours naturel; les fleuves cessaient de couler; de sombres nuages s'élevaient et s'entrechoquaient. Mais il y avait un endroit glorieux d'où la voix du Seigneur se faisait entendre; c'était comme le bruit des grosses eaux; elle ébranlait le ciel et la terre. Il y eut un grand tremblement de terre; des tombes s'ouvrirent, et ceux qui étaient morts dans la foi pendant la proclamation du troisième message, qui avaient observé le sabbat, sortirent glorieux de leurs lits de poussière pour entendre l'alliance de paix que Dieu allait faire avec ceux qui avaient gardé sa loi. HR 422 2 Le ciel s'ouvrait, se fermait, était continuellement agité. Les montagnes s'inclinaient comme des roseaux agités par le vent, et jetaient de tous côtés des blocs de rochers. La mer bouillonnait et rejetait des pierres sur la terre. Lorsque Dieu annonça le jour et l'heure de la venue de Jésus, il prononçait une phrase, et s'arrêtait tandis que ses paroles parcouraient la terre. L'Israël de Dieu avait les yeux fixés en haut; il écoutait les paroles qui sortaient de la bouche de l'Eternel qui résonnaient comme le bruit du tonnerre. C'était une scène d'une solennité effrayante. Après chaque phrase, les saints s'écriaient: "Gloire! Alléluia!" Leurs visages éclairés de la gloire de Dieu rayonnaient comme celui de Moïse lorsqu'il descendit du Sinaï. Les méchants ne pouvaient pas les regarder à cause de l'éclat de leurs visages. Et lorsque la bénédiction éternelle fut prononcée sur ceux qui avaient honoré Dieu en observant son saint sabbat, on entendit un immense cri proclamant la victoire remportée sur la bête et son image. HR 423 1 Alors commença le jubilé, le temps durant lequel le pays devait se reposer. J'ai vu l'esclave pieux se lever victorieux et triomphant, faisant tomber les chaînes qui l'avaient lié, alors que son maître impie était dans la confusion, ne sachant que faire, car les méchants ne pouvaient comprendre les paroles prononcées par la voix de Dieu. Le retour de Jésus HR 423 2 Bientôt apparut la grande nuée blanche où était assis le Fils de l'homme. Lorsqu'elle apparut au loin, cette nuée semblait très petite. L'ange dit que c'était le signe du Fils de l'homme. A mesure qu'elle s'approchait de la terre, nous pûmes contempler la gloire excellente et la majesté de Jésus qui avançait vers la victoire. Un cortège de saints anges, la tête ornée de magnifiques et étincelantes couronnes, l'escortait. HR 423 3 Nul langage ne saurait décrire la gloire de cette scène. Cette nuée vivante, d'une majesté et d'une gloire incomparables, s'approcha encore plus près de nous, et nous pûmes distinguer nettement la personne adorable de Jésus. Il ne portait pas une couronne d'épines; mais son front était orné d'une couronne de gloire. Sur son vêtement et sur sa cuisse, on pouvait lire: Roi des rois et Seigneur des seigneurs. Son visage rayonnait comme le soleil en plein midi; ses yeux étaient comme des flammes de feu, ses pieds avaient l'apparence de l'airain le plus pur. Sa voix retentissait comme le son d'instruments de musique. La terre tremblait devant lui; le ciel se retira comme un livre qu'on roule, et les montagnes et les îles furent remuées de leurs places. "Les rois de la terre, les dirigeants, les chefs militaires, les riches, les puissants, et tous les autres hommes, esclaves ou libres, se cachèrent dans les cavernes et parmi les rochers des montagnes, et ils disaient aux montagnes et aux rochers: 'Tombez sur nous et cachez-nous loin du regard de celui qui est assis sur le trône et loin de la colère de l'Agneau'". Apocalypse 6:15-17. HR 424 1 Ceux qui, peu de temps auparavant, auraient voulu faire disparaître de la terre les fidèles croyants, voyaient alors la gloire de Dieu s'arrêter sur eux. Au milieu de leur terreur, ils entendaient les saints chanter: "Le voici, c'est notre Dieu, en qui nous avons confiance, et c'est lui qui nous sauve". Ésaïe 25:9 (Segond). La première résurrection HR 424 2 La terre fut fortement ébranlée à la voix du Fils de Dieu qui appelait les saints hors de leurs sépulcres. Ils répondirent à son appel, apparurent revêtus d'une glorieuse immortalité, et s'écrièrent: "'La mort est supprimée; la victoire est complète!' 'Mort, où est ta victoire? Mort, où est ton pouvoir de tuer?'" 1 Corinthiens 15:54, 55. Alors les saints vivants et les saints ressuscités élevèrent leurs voix et firent entendre un long cri de victoire. Ces corps qui avaient été déposés dans la tombe portant les marques de la maladie et de la mort en sortirent triomphants, pleins de santé et de force. Les saints vivants furent transformés en un instant, en un clin d'oeil, et enlevés avec ceux qui étaient ressuscités. Tous ensemble, ils allèrent au-devant du Seigneur dans les airs. Oh! quelle glorieuse réunion! Des amis que la mort avait longtemps séparés se retrouvaient pour ne plus jamais se quitter. HR 425 1 De chaque côté du chariot fait de nuées il y avait des ailes, et au-dessous, des roues vivantes. Lorsque le chariot montait, les roues s'écriaient: "Saint!" et lorsque les ailes s'agitaient, elles s'écriaient: "Saint!" Les saints anges, formant un cortège autour de la nuée, s'écriaient aussi: "Saint, saint, saint est le Seigneur Dieu tout-Puissant!" Apocalypse 4:8. Et les saints qui étaient dans la nuée s'écriaient: "Gloire! Alléluia!" Et le chariot montait vers la sainte cité. Avant d'y entrer, les saints furent disposés en un carré parfait. Jésus était au centre; il dépassait de la tête et des épaules les saints et les anges. Tous ceux qui formaient le carré pouvaient contempler sa taille majestueuse et son visage adorable. ------------------------Chapitre 62 -- La récompense des saints HR 426 1 Je vis ensuite un grand nombre d'anges qui apportaient des couronnes glorieuses -- une pour chaque saint, gravée à son nom. Lorsque Jésus demanda les couronnes, les anges les lui présentèrent, et, de sa main droite, il les plaça sur la tête des saints. De la même manière, des anges apportèrent des harpes que Jésus présenta également aux saints. Les anges qui commandaient donnèrent les premiers le ton, puis chaque voix fit entendre de joyeuses actions de grâce, et chacun toucha habilement les cordes des harpes, faisant retentir l'air de la musique la plus mélodieuse. HR 426 2 Alors je vis Jésus conduire la troupe des rachetés à la porte de la cité. Il saisit cette porte, la fit tourner sur ses gonds étincelants, et fit entrer les nations qui avaient gardé la vérité. A l'intérieur de la cité, tout était de nature à réjouir la vue. Partout on voyait des choses riches et glorieuses. Alors Jésus posa son regard sur les saints qu'il avait rachetés. Leurs visages étaient resplendissants de gloire; et lorsqu'il fixa sur eux ses yeux pleins d'amour, il dit de sa voix pure et musicale: "Je contemple le travail de mon âme et en suis rassasié. Vous pouvez jouir éternellement de cette gloire; vos peines sont finies. Il n'y aura plus de mort, plus de deuil, de cris et de souffrance". Je vis l'armée des rachetés se prosterner devant lui et jeter à ses pieds leurs couronnes étincelantes. Ensuite, relevés par ses mains bienfaisantes, ils jouèrent de leurs harpes d'or et remplirent tout le ciel de leur musique magnifique et de leurs chants en l'honneur de l'Agneau. HR 427 1 Je vis alors Jésus conduire son peuple vers l'arbre de vie. Il fit entendre de nouveau sa voix aimable, plus sublime qu'aucune musique n'a jamais frappé l'oreille humaine. "Les feuilles de cet arbre, dit-il, sont pour la guérison des nations. Mangez-en tous". L'arbre de vie était chargé des plus beaux fruits: les saints pouvaient en cueillir librement. Dans la cité, il y avait un trône splendide d'où procédait un fleuve d'eau vive, pure comme du cristal. Sur chaque rive du fleuve était l'arbre de vie portant des fruits bons à manger. HR 427 2 Nul langage ne saurait décrire le ciel. Lorsque je pense à tout cela, je suis émerveillée. Remplie d'admiration pour ces splendeurs incomparables et ces gloires indescriptibles, je ne puis que poser la plume et m'écrier: "Oh! quel amour! Quel merveilleux amour!" Les paroles les plus sublimes ne sauraient décrire la gloire du ciel, ou les profondeurs incommensurables de l'amour du Sauveur. ------------------------Chapitre 63 -- Le millénium HR 428 1 Mon attention fut de nouveau attirée vers la terre. Les méchants avaient été détruits et leurs corps gisaient à sa surface. La colère de Dieu s'était déchaînée contre les habitants de la terre durant les sept derniers fléaux. Ils s'étaient mordu la langue de douleur et avaient blasphémé contre Dieu. Les faux bergers avaient été particulièrement visés par la colère de Dieu. Leurs yeux s'étaient fondus dans leurs orbites et leur langue dans leur bouche pendant qu'ils étaient encore debout. Après que les saints eurent été délivrés, les méchants tournèrent leur rage les uns contre les autres. La terre paraissait inondée de sang et jonchée de cadavres. HR 428 2 Elle ressemblait à un affreux désert. Les villes et les villages, détruits par le tremblement de terre, formaient des monceaux de ruines. Les montagnes qui avaient été remuées de leur place avaient laissé d'immenses cavernes; des roches brisées, lancées par les eaux de la mer ou arrachées du sein de la terre, étaient disséminées à sa surface. Des arbres énormes avaient été déracinés et couchés sur le sol. C'est dans cette désolation que devront demeurer Satan et ses anges pendant mille ans. C'est là qu'il sera confiné, qu'il errera çà et là, et qu'il pourra se rendre compte des effets de sa révolte contre la loi de Dieu. Pendant mille ans, il pourra savourer les fruits de la malédiction qu'il a provoquée. HR 428 3 Limité à la terre, il ne pourra errer sur d'autres planètes pour tenter ceux qui n'ont pas connu le péché. Sa souffrance sera terrible. Depuis sa chute, il n'a cessé d'avoir une activité dévorante. Mais alors il sera privé de sa force; il pourra réfléchir à ce que fut sa conduite depuis sa chute, et considérer avec terreur l'avenir qui lui est réservé. Il devra souffrir pour tout le mal dont il s'est rendu coupable et pour tous les péchés qu'il a fait commettre. HR 429 1 J'entendis les anges et les rachetés pousser des cris de triomphe; on aurait cru assister à un concert donné par dix mille instruments de musique. Ils se réjouissaient de ce que Satan ne pourrait plus jamais les contrarier ni les tenter, et aussi parce que les autres mondes n'avaient plus rien à craindre de sa présence ni de ses tentations. HR 429 2 Alors je vis des trônes où étaient assis Jésus et les rachetés; car ceux-ci allaient régner comme rois et sacrificateurs. Le Christ, uni à son peuple, jugeait les méchants, qui étaient morts, examinant leurs actes à la lumière du livre de la loi: la Parole de Dieu, et décidant chaque cas selon les oeuvres qu'ils avaient accomplies étant dans leurs corps. Puis ils fixaient le temps que les méchants devaient souffrir, d'après leurs oeuvres. Tout cela était écrit en face de leurs noms dans le livre de mort. Satan et ses anges furent aussi jugés par Jésus et les rachetés. Le châtiment de Satan devait être beaucoup plus sévère que celui des hommes qu'il avait séduits. Aucune comparaison ne pouvait être faite entre ses souffrances et les leurs. Lorsque tous ceux qu'il a réussi à séduire auront été détruits, Satan devra leur survivre et souffrir beaucoup plus longtemps. HR 429 3 Quand le jugement des méchants fut achevé, à la fin des mille ans, Jésus quitta la sainte cité. Les rachetés et un cortège d'anges le suivirent. Il descendit sur une haute montagne qui, dès que son pied l'eut touchée, se sépara en deux et devint une immense plaine. Alors nous levâmes les yeux et nous vîmes la grande et merveilleuse cité aux douze fondements, aux douze portes, trois de chaque côté et un ange devant chacune d'elle. Nous nous écriâmes: "La cité! La grande cité! Elle descend du ciel d'auprès de Dieu". Elle descendit dans toute sa splendeur, dans toute sa gloire; elle se posa sur l'immense plaine que Jésus lui avait préparée. ------------------------Chapitre 64 -- La seconde résurrection HR 431 1 Jésus avec tout le cortège des anges et tous les rachetés quittèrent la sainte cité. Les anges escortaient leur chef, puis venait la suite des saints rachetés. Alors Jésus, déployant une majesté terrible, appela les morts hors de la tombe. Ils en sortirent avec les mêmes corps débiles, maladifs, qui étaient descendus dans la fosse. Quel spectacle! A la première résurrection, les rachetés se réveillèrent dans la fleur de l'immortalité. Mais à la seconde résurrection, les méchants portent les marques visibles de la malédiction. Les grands de ce monde, les rois, les faibles et les forts, les savants et les ignorants, tous se relèvent ensemble; tous voient le Fils de l'homme; et ces mêmes créatures qui le méprisèrent, se moquèrent de lui, mirent une couronne d'épines sur son front sacré et le frappèrent avec un roseau, le voient dans toute sa royale majesté. Ceux qui lui avaient craché au visage à l'heure de sa passion, se détournent maintenant de son regard perçant et de l'éclat de son visage. Ceux qui enfoncèrent des clous dans ses mains et dans ses pieds voient maintenant les stigmates de sa crucifixion. Il en est de même pour ceux qui percèrent son côté. Tous peuvent se rendre compte que c'est bien Celui qu'ils ont crucifié et dont ils se sont moqués lorsqu'il allait mourir. Ils poussent maintenant un long cri d'angoisse, et s'enfuient pour se cacher loin de la présence du Roi des rois et du Seigneur des seigneurs. HR 431 2 Tous cherchent la protection des rochers pour ne pas voir la gloire terrible de Celui qu'ils ont autrefois méprisé. Puis, anéantis par la souffrance, devant sa majesté et l'éclat de sa gloire, ils élèvent tous ensemble la voix. Ils s'écrient: "Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur!" HR 432 1 Alors Jésus et ses anges, accompagnés de tous les rachetés, retournent dans la cité. Les méchants, condamnés, remplissent les airs de leurs lamentations et de leurs gémissements. Je vis alors que Satan recommençait son oeuvre. Il passait et repassait parmi ses sujets, fortifiait les faibles, et leur disait combien lui et ses anges étaient puissants. Il leur montrait les millions d'êtres qui étaient ressuscités. Il se trouvait parmi eux des guerriers fameux, des rois habiles à conduire des batailles, qui avaient conquis des royaumes. Il y avait là de puissants géants, des hommes vaillants qui n'avaient jamais perdu une bataille. Là se trouvait l'orgueilleux et ambitieux Napoléon, dont l'approche faisait trembler les royaumes. Il y avait des hommes de haute stature et au port digne, qui étaient tombés dans la bataille, assoiffés de conquêtes. HR 432 2 En sortant de leurs sépulcres, ils reprennent le cours de leurs pensées interrompu par la mort. Ils nourrissent le même désir de vaincre qui les animait quand ils tombèrent. Satan tient conseil avec ses anges, puis avec ces rois, ces conquérants, ces hommes puissants. Puis il regarde cette immense armée, et leur dit que ceux qui se trouvent dans la cité ne sont qu'une petite troupe, qu'ils peuvent monter contre elle, la prendre, en chasser les habitants et posséder toutes ses richesses et sa gloire. HR 432 3 Satan réussit à les tromper, et tous commencent à faire des préparatifs pour la bataille. Il y a beaucoup d'hommes habiles dans cette grande multitude, et ils se mettent à construire toutes sortes d'instruments de guerre. Ensuite, Satan à leur tête, cette immense armée se met en marche. Immédiatement après lui, viennent les rois et les guerriers, puis la multitude rangée par compagnies. Chacune d'elle a son chef. Dans leur marche à travers la terre désolée, ils observent un ordre parfait en se dirigeant vers la sainte cité. Jésus ferme les portes de la cité environnée par cette immense armée de méchants. Ceux-ci se placent en ordre de bataille, s'attendant à livrer un rude combat. ------------------------Chapitre 65 -- Le couronnement du Christ HR 434 1 Alors le Christ reparaît à la vue de ses ennemis. Bien au-dessus de la ville, sur un fondement d'or étincelant, est dressé un trône très élevé. Le Fils de Dieu y est assis, entouré des sujets de son royaume. Aucune langue ne peut exprimer, aucune plume ne peut décrire la puissance et la majesté du Christ qui est enveloppé de la gloire du Père éternel. Sa présence resplendissante remplit la cité de Dieu, rayonne au-delà de ses portes et inonde la terre entière. HR 434 2 Tout près du trône se trouvent placés ceux qui avaient d'abord pris fait et cause pour Satan, mais qui, tels des brandons arrachés du feu, ont suivi leur Sauveur avec zèle et ferveur. Derrière eux se tiennent ceux qui se comportèrent en chrétiens au milieu de l'imposture et de l'infidélité, ceux qui honorèrent la loi de Dieu alors que le monde chrétien la déclarait sans valeur, et les millions de croyants de tous les temps qui furent martyrisés pour leur foi. Puis figure "une foule immense: personne ne pouvait compter tous ceux qui en faisaient partie. C'étaient des gens de toute nation, de toute tribu, de tout peuple et de toute langue. ... Ils se tenaient devant le trône et devant l'Agneau, habillés de robes blanches et avec des branches de palmier à la main". Apocalypse 7:9. Pour eux, le combat est terminé: ils ont remporté la victoire, ils ont achevé la course et en ont obtenu le prix. Les branches de palmier qu'ils tiennent dans leur main sont l'emblème de leur victoire et leurs robes blanches représentent la justice immaculée du Christ qui leur appartient désormais. HR 435 1 Les rachetés entonnent un chant de louanges qui se répercute à l'infini sous les voûtes du ciel: "Notre salut vient de notre Dieu, qui est assis sur le trône, ainsi que de l'Agneau!" Puis les anges et les séraphins unissent leurs voix à ce cantique d'adoration. Ayant mesuré le pouvoir et la perversité de Satan, ils comprennent mieux que jamais que seule la puissance du Christ pouvait les rendre vainqueurs. Parmi cette brillante multitude, nul ne s'attribue le salut, comme s'il avait vaincu par sa propre puissance et par sa propre vertu. Ils ne soufflent pas un mot de ce qu'ils ont fait ou de ce qu'ils ont souffert; le thème et la pensée dominante de chaque hymne est: "Notre salut vient de notre Dieu..., ainsi que de l'Agneau!" Apocalypse 7:10. HR 435 2 Puis a lieu le couronnement définitif du Fils de Dieu en présence des habitants du ciel et de la terre. Alors, investi de la majesté et du pouvoir suprêmes, le Roi des rois prononce la sentence sur ceux qui se sont révoltés contre son gouvernement, et il exécute ses jugements contre ceux qui ont transgressé sa loi et opprimé son peuple. "Puis, dit le prophète, je vis un grand trône blanc et celui qui y est assis. La terre et le ciel s'enfuirent devant lui, et on ne les revit plus. Ensuite, je vis les morts, grands et petits, debout devant le trône. Des livres furent ouverts. Un autre livre encore fut ouvert, le livre de vie. Les morts furent jugés selon ce qu'ils avaient fait, d'après ce qui était écrit dans les livres". Apocalypse 20:11, 12. HR 435 3 Dès que les livres sont ouverts et que les regards de Jésus se portent sur les réprouvés, ceux-ci prennent conscience de tous les péchés qu'ils ont commis. Ils voient exactement où leurs pieds se sont écartés du sentier de la pureté et de la sainteté, et dans quelle mesure l'orgueil et la révolte les ont amenés à transgresser la loi de Dieu. Tentations caressées, bénédictions détournées de leur but, manifestations de miséricorde repoussées par leurs coeurs obstinés et impénitents -- tout cela leur apparaît comme inscrit en lettres de feu. Un panorama du grand conflit HR 436 1 Au-dessus du trône on voit la croix, et comme dans une série de tableaux panoramiques, on voit défiler les scènes de la tentation et de la chute d'Adam, puis les phases successives du grand plan de la rédemption. L'humble naissance du Sauveur; son enfance et son adolescence toutes de candeur et d'obéissance; son baptême dans le Jourdain; son jeûne et sa tentation dans le désert; son ministère public durant lequel il révéla aux humains les plus précieuses bénédictions du ciel; ses journées remplies d'actes d'amour et de miséricorde; ses nuits de prière et de veille dans la solitude de la montagne; les complots, fruits de l'envie, de la haine et de la méchanceté qui le récompensaient de ses bienfaits; son angoissante et mystérieuse agonie dans le jardin de Gethsémané où il porta le poids écrasant des péchés du monde entier; sa trahison et son arrestation par une troupe assoiffée de sang; les tragiques événements de cette nuit d'horreur; sa docilité; la désertion de ses disciples; la violence de la soldatesque dans les rues de Jérusalem; les comparutions chez Anne, au palais de Caïphe, au tribunal de Pilate, et devant le lâche et cruel Hérode; les sarcasmes, les injures, la flagellation, la condamnation à mort: tout cela défile avec une réalité saisissante. HR 436 2 Puis, sous les yeux de la multitude remuante, passent les scènes finales. On voit le doux Martyr fouler le sentier qui mène au calvaire; le Roi du ciel est cloué sur la croix; tandis que le Fils de Dieu agonise, les prêtres arrogants se joignent à la populace pour l'insulter. Au moment où le Rédempteur expire, des ténèbres surnaturelles envahissent la scène; la terre tremble, les rochers se fendent et des tombeaux s'ouvrent. HR 437 1 Ce spectacle effarant est d'une poignante exactitude. Satan, ses anges et ses sujets -- qui reconnaissent leur oeuvre -- ne peuvent en détourner les regards. Chacun des acteurs de ce drame se reconnaît dans le rôle qu'il a joué. Hérode, qui massacra les enfants innocents de Bethléhem pour essayer de faire mourir le Roi d'Israël; l'infâme Hérodias, qui chargea sa conscience du sang de Jean-Baptiste; Pilate, faible et opportuniste; les soldats moqueurs; les sacrificateurs, les chefs religieux et la foule en démence qui criaient: "Que les conséquences de sa mort retombent sur nous et sur nos enfants!" -- tous prennent alors conscience de la gravité de leur faute. Ils tentent en vain de se dérober à la vue de Celui dont la majesté divine et l'éclat surpassent la lumière du soleil, tandis que les rachetés jettent leurs couronnes aux pieds du Sauveur en s'écriant: "Il est mort pour moi!" HR 437 2 Parmi la multitude des rachetés, figurent les apôtres du Christ: le courageux Paul, l'ardent Simon Pierre, Jean le disciple aimant et bien-aimé, leurs fidèles convertis et avec eux le long cortège des martyrs. Mais, à l'extérieur des murailles (de la nouvelle Jérusalem), en compagnie d'êtres vils et méchants, on voit ceux qui ont persécuté, emprisonné et mis à mort les chrétiens. Néron, ce monstre de vice et de cruauté, voit la joie et l'enthousiasme de ceux qu'il torturait autrefois, ce à quoi il prenait un plaisir sadique. Sa mère, présente elle aussi, peut constater que les défauts transmis à son fils et les passions encouragées et développées chez lui par son exemple, ont abouti à des crimes qui ont fait frémir le monde. HR 437 3 Là sont des prêtres et des prélats de l'Eglise romaine qui, tout en prétendant être des ambassadeurs du Christ, recouraient au supplice du chevalet, à la prison et au bûcher pour asservir les consciences des disciples du Sauveur. Là se trouvent les orgueilleux pontifes qui se sont élevés au-dessus de Dieu et ont prétendu avoir le droit de modifier la loi du Très-Haut. De soi-disant Pères de l'Eglise doivent maintenant rendre compte à Dieu de ce dont ils voudraient bien être dispensés. Ils constatent -- mais trop tard -- que le Tout-Puissant est jaloux de sa loi, et qu'il ne tiendra pas le coupable pour innocent. Ils voient que Jésus-Christ s'identifie avec son peuple persécuté, et ils mesurent la force de ses propres paroles: "Toutes les fois que vous avez fait ces choses à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous les avez faites". Matthieu 25:40 (Segond). A la barre du tribunal HR 438 1 Tous les réprouvés sont à la barre du tribunal divin sous l'inculpation de crime de haute trahison contre le gouvernement du ciel. Il n'y a là personne pour plaider en leur faveur. Ils sont sans excuse, et le châtiment de la mort éternelle est prononcé contre eux. HR 438 2 Il est désormais évident que le salaire du péché n'est ni une noble indépendance ni la vie éternelle, mais l'esclavage, la ruine et la mort. Les réprouvés se rendent compte de ce qu'ils ont perdu à cause de leur vie de révolte. Ils ont méprisé le poids éternel de gloire qui leur était offert; mais combien cette gloire leur paraît désirable aujourd'hui! "Tout cela, s'écrient les impénitents, j'aurais pu le posséder, mais j'ai préféré le repousser. Quelle aberration de ma part! J'ai échangé la paix, le bonheur et la gloire contre la douleur, la honte et le désespoir". Tous ces réprouvés reconnaissent que leur exclusion du ciel est juste. Par leur manière de vivre, ils ont déclaré: "Nous ne voulons pas que ce Jésus règne sur nous". HR 439 1 Comme fascinés, les perdus ont suivi des yeux le couronnement du Fils de Dieu. Ils voient dans ses mains les tables de la loi divine, qui contient les préceptes qu'ils ont méprisés et transgressés. Ils assistent aux transports de ravissement et aux élans d'adoration des rachetés. Ils entendent leur cantique dont les ondes mélodieuses, montant de la sainte cité, passent sur la mer humaine qui l'entoure. Alors, tous ensemble, ils s'écrient d'une même voix: "Seigneur Dieu tout-puissant, que tes oeuvres sont grandes et merveilleuses! Roi des nations, que tes plans sont justes et vrais!" Apocalypse 15:3. Et, tombant sur leurs faces, ils adorent le Prince de la vie. ------------------------Chapitre 66 -- La seconde mort HR 440 1 En voyant la gloire et la majesté du Christ, Satan semble paralysé. Ancien "chérubin protecteur", il se souvient d'où il est tombé. Quelle chute pour ce brillant séraphin, pour ce "fils de l'aurore"! HR 440 2 Satan se rend compte que sa révolte délibérée lui ferme le ciel. Ayant utilisé ses capacités pour lutter contre Dieu, la pureté, la paix et l'harmonie du ciel équivaudraient pour lui à une intolérable torture. Ses accusations contre la bonté et la justice divines sont réduites au silence. Les attaques qu'il a tenté de lancer contre le Très-Haut se retournent maintenant contre lui. Aussi s'incline-t-il profondément et reconnaît-il la justice de la sentence qui le frappe. HR 440 3 Toutes les questions concernant la vérité et l'erreur qui ont été soulevées au cours de la tragédie des siècles sont désormais tranchées. La justice de Dieu est pleinement manifestée. Le grand sacrifice consenti par le Père et le Fils en faveur de l'homme apparaît clairement aux yeux du monde entier. L'heure est venue où Jésus-Christ va occuper la position qui lui revient de droit, et où il va être placé "au-dessus de toute autorité, de tout pouvoir, de toute puissance et de tout autre nom qui puisse être cité". Ephésiens 1:21. HR 440 4 Bien que Satan ait été contraint de reconnaître la justice de Dieu et de s'incliner devant la souveraineté du Christ, son caractère n'a pas changé: l'esprit de rébellion gronde en lui comme un torrent impétueux. Enflammé de colère, il refuse d'abandonner la partie car le temps lui paraît venu de lancer un ultime assaut contre le Roi du ciel. Se précipitant au milieu de ses sujets, il s'efforce de leur inspirer sa fureur et de les pousser à s'engager aussitôt dans la bataille. Mais parmi les millions d'êtres qu'il a entraînés dans sa révolte, aucun ne veut maintenant reconnaître sa suprématie. Il est dépossédé de son pouvoir. Les méchants nourrissent contre Dieu la même haine que celle qui anime le grand adversaire, mais ils se rendent compte que leur cause est désespérée et qu'ils ne peuvent l'emporter sur lui. Leur rage se tourne alors contre Satan et contre ceux qui l'ont aidé à les tromper. Avec une fureur démoniaque, ils s'en prennent à eux, et il s'ensuit une scène de combat universel. Le feu du ciel HR 441 1 Alors s'accomplissent les paroles du prophète: "Le Seigneur est indigné contre l'ensemble des nations, il en veut à toute leur troupe. Il les a destinées à l'extermination". Ésaïe 34:2. "Qu'il fasse tomber sur les méchants une pluie de braises et de soufre! Un vent de tempête fondant sur eux, voilà le sort qui les attend". Psaumes 11:6. Dieu envoie du ciel des flammes de feu. La terre s'entrouvre; les explosifs qu'elle recèle jaillissent de ses entrailles. Les rochers eux-mêmes prennent feu. Le jour est venu, "semblable à une fournaise ardente". Malachie 4:1. "Les éléments embrasés se dissoudront, et la terre avec les oeuvres qu'elle renferme sera consumée". 2 Pierre 3:10 (Segond). Le feu de Topheth est préparé pour le roi, le chef de la rébellion; "on l'a préparé dans un espace rond, large et profond, où flambera le feu, avec du bois en quantité. Alors le souffle du Seigneur y mettra le feu, comme un torrent de soufre enflammé". Ésaïe 30:33. La surface de la terre ressemble à une masse de métal en fusion, à un immense lac de feu bouillonnant. Ce sera l'heure du jugement et de la ruine des hommes impies. "Pour le Seigneur, c'est en effet le jour de la revanche; pour le défenseur de Sion, c'est l'année du règlement des comptes". Ésaïe 34:8. HR 442 1 Les réprouvés reçoivent leur rétribution sur la terre. "Ce jour-là les arrogants et les malfaiteurs seront brûlés comme de la paille". Malachie 4:1. Les uns périssent en un instant, tandis que d'autres souffrent durant plusieurs jours. Chacun est rétribué selon ses oeuvres. Les péchés des justes ont été transférés sur Satan, l'instigateur du mal, qui doit purger leur peine*. Le diable doit donc souffrir non seulement pour sa propre rébellion, mais aussi pour tous les péchés qu'il a fait commettre aux membres du peuple de Dieu. Son châtiment sera beaucoup plus sévère que celui de ses victimes. Une fois que tous ceux qui seront perdus à cause de ses tromperies auront péri, il continuera à vivre et à souffrir. Mais finalement, tous les méchants seront détruits, racine et rameaux. Satan est la racine, ses disciples sont les rameaux. Les exigences de la justice divine sont satisfaites; les élus et toute l'armée des anges disent d'une même voix: "Amen". HR 442 2 Tandis que la terre est entourée du feu de la colère de Dieu, les justes sont en sécurité dans la sainte cité. La seconde mort n'a aucun pouvoir sur ceux qui ont eu part à la première résurrection. Apocalypse 20:6. Le Seigneur, qui est un feu consumant pour les réprouvés, est pour son peuple un soleil et un bouclier. Psaumes 84:12. ------------------------Chapitre 67 -- La nouvelle terre HR 443 1 "Puis je vis un nouveau ciel et une nouvelle terre. Le premier ciel et la première terre avaient disparu, et il n'y avait plus de mer". Apocalypse 21:1. Le feu qui a consumé les méchants a purifié la terre. Toute trace de malédiction a disparu. Aucun enfer éternel ne rappellera aux élus les terribles conséquences du péché. Il en restera toutefois un souvenir: notre Rédempteur gardera à jamais les cicatrices de sa crucifixion. Seuls sa tête, ses mains et ses pieds garderont les traces cruelles que le péché a produites. HR 443 2 "Et toi, colline de Jérusalem, qui veilles sur le peuple comme une tour de garde, tu vas bientôt retrouver ton autorité d'autrefois". Michée 4:8. Jésus-Christ a reconquis le royaume qui avait été perdu à cause du péché, et dont les élus bénéficieront avec lui. "Les fidèles posséderont le pays, ils y habiteront définitivement". Psaumes 37:29. La crainte de matérialiser à outrance l'héritage des rachetés a conduit plusieurs à spiritualiser les vérités qui concernent la nouvelle terre, notre futur séjour. Jésus a promis à ses disciples de leur préparer des demeures. Ceux qui acceptent les enseignements de la Parole de Dieu ne sauraient être totalement dans l'ignorance concernant ces demeures. Cependant, l'apôtre Paul écrit à ce sujet: "Ce sont des choses que l'oeil n'a point vues, que l'oreille n'a point entendues, et qui ne sont point montées au coeur de l'homme, des choses que Dieu a préparées pour ceux qui l'aiment". 1 Corinthiens 2:9 (Segond). Le langage humain est incapable de décrire la récompense des justes. Seuls pourront s'en rendre compte ceux qui en bénéficieront. Notre esprit limité ne peut comprendre la gloire du paradis de Dieu. HR 444 1 Dans les Ecritures, l'héritage des élus est appelé une "patrie". Hébreux 11:14-16. Le divin Berger y conduit son troupeau à la source des eaux vives. L'arbre de vie y donne son fruit chaque mois, et ses feuilles sont utilisées par les nations. Des ruisseaux intarissables d'une eau claire comme le cristal sont bordés d'arbres verdoyants qui jettent leur ombre sur les sentiers préparés pour les rachetés du Seigneur. D'immenses plaines ondulées en collines gracieuses alternent avec les cimes altières des montagnes de Dieu. C'est sur ces plaines paisibles et le long de ces cours d'eau vive que le peuple de Dieu, si longtemps pèlerin et errant sur la terre, trouvera enfin un foyer. La nouvelle Jérusalem HR 444 2 L'Ecriture nous parle aussi de la nouvelle Jérusalem, "resplendissante de la gloire de Dieu", qui "brillait d'un éclat semblable à celui d'une pierre précieuse, d'une pierre de jaspe transparente comme du cristal". Apocalypse 21:11. Le Seigneur déclare: "Je suis enthousiasmé pour cette Jérusalem, et débordant de joie en pensant à mon peuple". Ésaïe 65:19. "Maintenant la demeure de Dieu est parmi les hommes! Il demeurera avec eux et ils seront son peuple. Dieu lui-même sera avec eux et il sera leur Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux. Il n'y aura plus de mort, il n'y aura plus ni deuil, ni lamentations, ni douleur. Les choses anciennes auront disparu". Apocalypse 21:3, 4. HR 444 3 Dans la cité de Dieu, "il n'y aura pas de nuit". Apocalypse 21:25. Nul n'éprouvera le besoin ou le désir de se reposer. On ne se lassera pas d'accomplir la volonté de Dieu et de louer son nom. Nous éprouverons toujours la fraîcheur d'un éternel matin. "Ils (les élus) n'auront besoin ni de la lumière d'une lampe, ni de celle du soleil, parce que le Seigneur Dieu répandra sur eux sa lumière". Apocalypse 22:5. Les rayons du soleil seront éclipsés par une clarté qui n'éblouira pas le regard, et qui pourtant sera beaucoup plus intense que l'éclat de midi. La gloire de Dieu et de l'Agneau inondera la sainte cité d'une lumière constante. Les rachetés marcheront à la glorieuse clarté d'un jour perpétuel. HR 445 1 "Je ne vis pas de temple dans cette ville, car elle a pour temple le Seigneur tout-puissant, ainsi que l'Agneau". Apocalypse 21:22. Le peuple de Dieu jouira d'un privilège: celui de vivre en communion directe avec le Père et le Fils. "A présent, ce que nous voyons est semblable à une image obscure reflétée par un miroir". 1 Corinthiens 13:12. Aujourd'hui, l'image de Dieu se réfléchit à nos yeux comme dans un miroir, par l'intermédiaire de la nature et des interventions divines en faveur des humains; mais alors, nous verrons le Seigneur face à face, sans voile. Nous nous tiendrons en sa présence et nous contemplerons sa gloire. HR 445 2 Des intelligences immortelles étudieront avec émerveillement les splendeurs de la puissance créatrice et les mystères de l'amour rédempteur. Plus d'ennemi cruel et rusé pour entraîner l'homme à oublier Dieu. Toutes les facultés pourront se développer, tous les talents s'épanouir. L'acquisition de connaissances nouvelles ne fatiguera pas l'esprit et n'épuisera pas les énergies. Les plus grandes entreprises pourront être menées à bien; les plus hautes aspirations seront satisfaites; les plus sublimes ambitions, réalisées. Néanmoins, il y aura toujours de nouveaux sommets à gravir, de nouvelles merveilles à admirer, de nouvelles vérités à sonder, de nouveaux sujets à étudier, mobilisant toutes les facultés de l'esprit, de l'âme et du corps. HR 446 1 A mesure qu'ils se dérouleront, les siècles éternels mettront en évidence des révélations toujours plus glorieuses de Dieu et de son Fils. Le progrès dans l'amour, la révérence et le bonheur ira de pair avec celui des connaissances. Plus les humains apprendront à connaître Dieu, plus ils admireront son caractère. Et à mesure que Jésus dévoilera aux élus les beautés de la rédemption et le prodigieux aboutissement du grand conflit avec Satan, leurs coeurs tressailliront d'adoration; ils feront vibrer leurs harpes d'or, et le choeur de louanges exécuté par la multitude des rachetés s'enflera, puissant et sublime. HR 446 2 "J'entendis aussi toutes les créatures dans le ciel, sur la terre, sous la terre et dans la mer -- toutes les créatures de l'univers entier -- qui chantaient: 'A celui qui est assis sur le trône et à l'Agneau soient la louange, l'honneur, la gloire et la puissance pour toujours!'" Apocalypse 5:13. HR 446 3 Le péché et les pécheurs ne sont plus. Tout l'univers de Dieu est purifié, et la grande tragédie est définitivement terminée. ------------------------Jésus-Christ JC 7 1 Préface JC 9 1 Chapitre 1 -- Dieu avec nous JC 18 1 Chapitre 2 -- Le peuple élu JC 23 1 Chapitre 3 -- La plénitude des temps JC 30 0 Chapitre 4 -- Un Sauveur vous est donné JC 35 0 Chapitre 5 -- La consécration JC 43 0 Chapitre 6 -- Nous avons vu son étoile JC 51 0 Chapitre 7 -- L’enfance de Jésus JC 59 0 Chapitre 8 -- Visite de Pâque JC 68 1 Chapitre 9 -- Jours de lutte JC 77 0 Chapitre 10 -- Une voix dans le désert JC 90 0 Chapitre 11 -- Le baptême JC 95 0 Chapitre 12 -- La tentation JC 107 0 Chapitre 13 -- La victoire JC 114 0 Chapitre 14 -- Nous avons trouvé le Messie JC 127 0 Chapitre 15 -- Au repas de noces JC 138 0 Chapitre 16 -- Dans son temple JC 150 0 Chapitre 17 -- Nicodème JC 160 0 Chapitre 18 -- Il faut qu’il croisse JC 165 0 Chapitre 19 -- Près du puits de Jacob JC 178 0 Chapitre 20 -- Si vous ne voyez des miracles JC 183 0 Chapitre 21 -- Béthesda et le sanhédrin JC 199 0 Chapitre 22 -- Emprisonnement et mort de Jean JC 213 1 Chapitre 23 -- Le royaume de Dieu est proche JC 219 0 Chapitre 24 -- N’est-il pas le fils du charpentier? JC 228 0 Chapitre 25 -- L’appel des disciples JC 235 1 Chapitre 26 -- À Capernaüm JC 246 0 Chapitre 27 -- Tu peux me rendre pur JC 257 0 Chapitre 28 -- Lévi-Matthieu JC 268 1 Chapitre 29 -- Le Sabbat JC 278 0 Chapitre 30 -- Il en désigna douze JC 287 0 Chapitre 31 -- Le sermon sur la montagne JC 305 0 Chapitre 32 -- Le centenier JC 311 0 Chapitre 33 -- Qui sont mes frères? JC 319 0 Chapitre 34 -- L’invitation JC 324 0 Chapitre 35 -- Silence, apaise-toi! JC 334 0 Chapitre 36 -- L’attouchement de la foi JC 339 0 Chapitre 37 -- Les premiers évangélistes JC 351 0 Chapitre 38 -- Venez à l’écart ... et reposez-vous JC 357 0 Chapitre 39 -- Donnez-leur vous-mêmes à manger JC 366 0 Chapitre 40 -- Une nuit sur le lac JC 373 0 Chapitre 41 -- La crise de la Galilée JC 387 0 Chapitre 42 -- La tradition JC 392 0 Chapitre 43 -- Barrières renversées JC 398 0 Chapitre 44 -- Le véritable signe JC 405 0 Chapitre 45 -- Représentation anticipée de la croix JC 416 0 Chapitre 46 -- Il fut transfiguré JC 422 0 Chapitre 47 -- Ministère JC 428 0 Chapitre 48 -- Qui est le plus grand? JC 441 0 Chapitre 49 -- À la fête des tabernacles JC 449 0 Chapitre 50 -- Parmi les pièges JC 459 0 Chapitre 51 -- La lumière de la vie JC 474 0 Chapitre 52 -- Le divin Berger JC 482 0 Chapitre 53 -- Le départ définitif de la Galilée JC 494 0 Chapitre 54 -- Le bon Samaritain JC 502 0 Chapitre 55 -- Sans attirer l’attention JC 508 0 Chapitre 56 -- Jésus bénissant les enfants JC 514 0 Chapitre 57 -- Il te manque une chose JC 519 0 Chapitre 58 -- Lazare, sors! JC 533 0 Chapitre 59 -- Complot de prêtres JC 540 0 Chapitre 60 -- La loi du nouveau royaume JC 546 0 Chapitre 61 -- Zachée JC 551 0 Chapitre 62 -- Dans la maison de Simon JC 564 0 Chapitre 63 -- Ton roi vient JC 575 0 Chapitre 64 -- Un peuple condamné JC 583 0 Chapitre 65 -- Le temple purifié à nouveau JC 597 0 Chapitre 66 -- Controverses JC 607 0 Chapitre 67 -- Malheur à vous, pharisiens! JC 620 0 Chapitre 68 -- Dans le parvis extérieur JC 627 0 Chapitre 69 -- Sur le mont des Oliviers JC 639 0 Chapitre 70 -- L’un de ces plus petits JC 645 0 Chapitre 71 -- Serviteur des serviteurs JC 656 0 Chapitre 72 -- En mémoire de moi JC 666 0 Chapitre 73 -- Que votre cœur ne se trouble pas JC 687 0 Chapitre 74 -- Gethsémané JC 699 0 Chapitre 75 -- Devant Anne et devant Caïphe JC 716 0 Chapitre 76 -- Judas JC 725 0 Chapitre 77 -- Dans le prétoire de Pilate JC 745 0 Chapitre 78 -- Le Calvaire JC 762 1 Chapitre 79 -- Tout est accompli JC 771 1 Chapitre 80 -- Dans le tombeau de Joseph JC 783 0 Chapitre 81 -- Le Seigneur est ressuscité JC 791 0 Chapitre 82 -- Pourquoi pleures-tu? JC 797 0 Chapitre 83 -- Sur le chemin d’Emmaüs JC 803 0 Chapitre 84 -- La paix soit avec vous JC 810 0 Chapitre 85 -- Une fois de plus au bord du lac JC 818 0 Chapitre 86 -- Allez, enseignez toutes les nations JC 832 0 Chapitre 87 -- Vers mon Père et votre Père ------------------------Préface JC 7 1 A quelque race ou à quelque condition qu'appartienne un homme, celui-ci éprouve un irrésistible attrait vers des biens qu'il ne possède pas. Le Dieu de bonté a mis cette aspiration dans notre nature, pour qu'aucune chose, -- mauvaise, bonne, ou même excellente -- parmi celles qui nous sont accessibles, ne puisse nous procurer une entière satisfaction. Dieu veut que l'homme cherche les biens les meilleurs et qu'en eux il trouve le bonheur éternel. JC 7 2 Ce livre a pour but de montrer que seul Jésus-Christ répond à toutes nos aspirations. Il est vrai qu'il existe déjà bien des "Vie du Christ", ouvrages excellents, bien documentés, contenant de savantes dissertations sur la chronologie, les faits contemporains, les coutumes, le milieu historique, ainsi que sur les enseignements et les multiples aspects de la vie de Jésus de Nazareth. Avouons néanmoins que l'on n'a pas tout dit et qu'il nous reste beaucoup à apprendre. JC 7 3 Disons cependant que cet ouvrage n'a pas pour but d'offrir une harmonie des évangiles, ni même de placer dans un ordre rigoureusement chronologique les événements importants et les merveilleuses leçons qui se dégagent de la vie du Christ. Le but est de présenter l'amour de Dieu révélé en son Fils, la beauté divine de la vie du Christ, à laquelle tous peuvent participer, plutôt que de chercher à satisfaire la curiosité ou à répondre aux objections de la critique. Par la bonté de son caractère, Jésus attirait à lui ses disciples; par sa présence, par la vive sympathie qu'il manifestait à l'égard de leurs infirmités et de leurs besoins, il faisait passer leur caractère du plan terrestre au plan céleste, de l'égoïsme au sacrifice, de l'étroitesse de coeur -- fruit de l'ignorance et du préjugé -- à une ouverture qui les poussait à connaître et à aimer intensément les hommes de toutes nations et de toutes races. Dans le même esprit, cet ouvrage se propose d'établir un contact direct entre le lecteur et le divin Rédempteur, Jésus tout-puissant, capable de sauver complètement et de transformer à son image tous ceux qui, par lui, s'approchent de Dieu. Mais combien il est difficile de raconter la vie du Christ! C'est tenter de peindre l'arc-en-ciel sur la toile, ou de reproduire sur le papier une musique mélodieuse. JC 8 1 Dans les pages qui suivent, l'auteur -- une femme ayant une longue et profonde expérience des choses divines -- a mis en évidence les beautés inédites contenues dans la vie de Jésus. Elle tire simplement de l'écrin quelques pierres précieuses. Dans ce trésor infini elle puise, à l'intention du lecteur, des richesses insoupçonnées. Ainsi plus d'un passage familier, dont on croyait connaître toute la portée, projette un nouveau jet de lumière glorieuse. Jésus-Christ y est révélé comme l'aboutissement des désirs et des espoirs de tous les siècles. JC 8 2 En présentant ce livre au public, nous demandons à Dieu que son message devienne parole de vie pour beaucoup de lecteurs dont les aspirations et les désirs n'ont pas encore été exaucés. Les Editeurs ------------------------Chapitre 1 -- Dieu avec nous JC 9 1 "On Lui donnera le nom d'Emmanuel: ... Dieu avec nous".1 La lumière de "la connaissance de la gloire de Dieu" resplendit "sur la face de Christ". Dès les jours de l'éternité le Seigneur Jésus-Christ était un avec le Père; il était "l'image de Dieu", l'image de sa grandeur et de sa majesté, "le rayonnement de sa gloire.1 C'est pour manifester cette gloire qu'il est venu en ce monde. Sur une terre obscurcie par le péché il est venu révéler la lumière de l'amour de Dieu; il a été "Dieu avec nous". C'est pour cela que la prophétie avait annoncé: "On lui donnera le nom d'Emmanuel." JC 9 2 En venant demeurer parmi nous, Jésus allait révéler Dieu à la fois aux hommes et aux anges. Il était la Parole de Dieu, -- la pensée de Dieu devenant perceptible à l'oreille. Dans la prière qu'il a formulée en faveur de ses disciples il a dit: "Je leur ai fait connaître ton nom," -- "miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en grâce et en fidélité," -- "afin que l'amour dont tu m'as aimé soit en eux, et que moi, je sois en eux."2 Cette révélation n'était pas destinée seulement aux enfants de cette terre. Notre petit monde est le livre de texte de l'univers. Le merveilleux dessein de grâce de Dieu, le mystère de son amour rédempteur: voilà le thème sur lequel "les anges voudraient se pencher"3 et qui sera le sujet de leurs méditations à travers les âges sans fin. Les rachetés, et avec eux les êtres qui n'ont pas péché, trouveront dans la croix du Christ leur science et leur chant. On verra que la gloire qui resplendit sur la face du Christ c'est la gloire de l'amour qui se sacrifie. On verra, à la lumière du Calvaire, que la loi de l'amour qui renonce à soi-même est la loi de la vie pour la terre et pour le ciel; que l'amour qui "ne cherche pas son intérêt"4 a sa source dans le coeur de Dieu; et qu'en celui qui est doux et humble se manifeste le caractère de celui qui habite une lumière dont aucun homme ne peut s'approcher. JC 10 1 Au commencement, Dieu était manifesté dans toutes les oeuvres de la création. C'est le Christ qui a déployé les cieux et jeté les fondements de la terre. Sa main a placé les mondes dans l'espace et formé les fleurs des champs. C'est lui qui "soutient les montagnes par sa force". "A lui appartient la mer, -- car c'est lui qui l'a créée."5 C'est lui qui a rempli la terre de beauté et l'air de chant. Sur tout ce qui se trouve sur la terre, dans les airs, et dans le ciel, il a gravé le message de l'amour du Père. JC 10 2 Bien que le péché ait souillé l'oeuvre parfaite de Dieu, ce message subsiste. Maintenant encore toutes les choses créées annoncent la gloire des perfections divines. A part le coeur égoïste de l'homme, il n'est rien qui vive pour soi-même. Aucun oiseau ne fend les airs, aucune bête ne se meut sur le sol sans servir à entretenir quelque autre vie. La plus simple feuille d'arbre, le plus humble brin d'herbe exerce un ministère. Chaque arbre, chaque bourgeon, chaque feuille produit un élément vital sans lequel aucun homme, aucune bête pourrait vivre; en retour, chaque homme, chaque bête contribue à entretenir la vie de l'arbre, du bourgeon, de la feuille. Les fleurs émettent leur parfum et déploient leur beauté pour le bonheur de l'humanité. Le soleil répand sa clarté pour la joie de milliers de mondes. L'océan lui-même, source de tous nos cours d'eau et de toutes nos fontaines, ne reçoit l'eau de tous les fleuves que pour la restituer. Les vapeurs qui s'élèvent de son sein redescendent sur le sol en ondées fécondantes. JC 10 3 Les anges de gloire donnent avec joie leur amour et leur vigilance inlassable en faveur d'êtres déchus et souillés. Des êtres célestes réconfortent le coeur des hommes; ils apportent à ce monde enténébré la lumière des parvis célestes; par un ministère aimable et patient ils exercent une action sur l'esprit humain pour amener les âmes perdues à une communion avec le Christ plus étroite que celle qu'ils peuvent expérimenter eux-mêmes. JC 11 1 Mais laissons de côté ces manifestations moins importantes pour contempler Dieu en Jésus. En regardant à Jésus nous comprenons que c'est la gloire de notre Dieu de donner. "Je ne fais rien de moi-même", affirmait le Christ; "le Père qui est vivant m'a envoyé, et... je vis par le Père". "Je ne cherche pas ma gloire", mais la gloire de celui qui m'a envoyé.6 Ces paroles mettent en évidence le grand principe qui est la loi de la vie pour l'univers. Le Christ a tout reçu de Dieu, et il l'a pris pour le donner. Il en est ainsi du ministère qu'il exerce dans les parvis célestes en faveur de toutes les créatures: par l'intermédiaire du Fils bien-aimé la vie du Père se répand sur tous; elle retourne par l'intermédiaire du Fils sous forme de louanges et de joyeux service, telle une vague d'amour, vers la grande Source universelle. Ainsi à travers le Christ le circuit bienfaisant est complet, représentant le caractère du grand Donateur, la loi de la vie. JC 11 2 C'est dans le ciel même que cette loi a été violée. Le péché a eu son origine dans la recherche de soi-même. Lucifer, le chérubin protecteur, voulut être le premier dans le ciel. Il s'efforça de gagner à sa cause des êtres célestes, de les éloigner de leur Créateur et d'assurer leur hommage à sa personne. Pour cela il présenta Dieu sous un faux jour, l'accusant d'orgueil. Il prêta à un Créateur aimant ses propres mauvaises caractéristiques. Il réussit de cette manière à tromper d'abord les anges, puis les hommes. Il les amena à douter de la parole de Dieu, à ne plus se fier à sa bonté. Parce que Dieu est un Dieu de justice, environné d'une majesté redoutable, Satan a fait voir en lui un être sévère, sans pitié. Il entraîna ainsi les hommes dans sa révolte contre Dieu et dès lors une nuit de malheur descendit sur le monde. JC 11 3 Parce que Dieu a été méconnu, les ténèbres ont envahi la terre. Pour dissiper ces ombres lugubres, pour ramener le monde à Dieu, il fallait briser le pouvoir trompeur de Satan. L'emploi de la force ne pouvait produire ce résultat, car cet emploi s'oppose aux principes du gouvernement divin. Dieu n'accepte qu'un service d'amour; or l'amour ne se commande pas; il ne s'obtient pas par l'usage de la force ou de l'autorité. L'amour seul éveille l'amour. Connaître Dieu c'est l'aimer; son caractère se manifeste en opposition avec celui de Satan. Cette oeuvre ne pouvait être accomplie que par un seul Etre, unique dans tout l'univers. Celui-là seul qui connaissait la hauteur et la profondeur de l'amour de Dieu était capable de le révéler. Sur la sombre nuit enveloppant le monde devait se lever "le Soleil de justice qui porte la santé dans ses rayons".7 JC 12 1 Il ne faut pas voir dans le plan de la rédemption le produit d'une réflexion tardive, consécutive à la chute d'Adam. Il s'agit de "la révélation du mystère tenu secret dès l'origine des temps".8 Cette révélation dévoila les principes qui dès les âges éternels sont à la base du trône de Dieu. Dieu et le Christ ont prévu dès le commencement l'apostasie de Satan et la chute de l'homme, amenée par le pouvoir trompeur de cet apostat. Dieu n'est pas l'auteur du péché, mais il en a prévu l'existence et il s'est préparé à faire face à cette terrible éventualité. Si grand était son amour pour le monde qu'il s'est engagé à donner son Fils unique, "afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu'il ait la vie éternelle.9 JC 12 2 Lucifer avait dit: "J'élèverai mon trône au-dessus des étoiles de Dieu. ... Je serai semblable au Très-Haut."10 Mais le Christ, "dont la condition était celle de Dieu, ... n'a pas estimé comme une proie à arracher d'être égal avec Dieu, mais il s'est dépouillé lui-même, en prenant la condition d'esclave, en devenant semblable aux hommes.11 JC 12 3 Il y a eu là un sacrifice volontaire. Jésus eût pu demeurer au côté du Père. Il pouvait conserver la gloire du ciel et l'hommage des anges. Il a préféré remettre le sceptre entre les mains du Père et descendre du trône de l'univers pour apporter la lumière à ceux qui en étaient privés, la vie à ceux qui périssaient. JC 13 1 Voici près de deux mille ans qu'une voix mystérieuse émanant du trône de Dieu, a été entendue dans le ciel: "Tu n'as voulu ni sacrifice, ni offrande; mais tu m'as formé un corps. ... Voici, je viens -- dans le rouleau du livre il est écrit à mon sujet -- pour faire, ô Dieu, ta volonté."12 Ces paroles annonçaient l'accomplissement du dessein tenu caché de toute éternité. Le Christ était sur le point de visiter notre monde et de s'incarner. "Tu m'as formé un corps", dit-il. S'il s'était montré revêtu de la gloire qu'il partageait avec le Père avant que le monde fût, nous n'eussions pu supporter la lumière de sa présence. Pour que nous pussions le contempler sans être détruits, la manifestation de sa gloire a été voilée. Sa divinité a été revêtue du voile de l'humanité, -- la gloire invisible sous une forme humaine visible. JC 13 2 Ce grand dessein a été annoncé au moyen de figures et de symboles. Le buisson ardent dans lequel le Christ se montra à Moïse faisait connaître Dieu. Le symbole choisi pour représenter la divinité était un simple buisson n'ayant rien d'attrayant. L'Infini y était enserré. Le Dieu tout-compatissant enveloppa sa gloire dans cette humble représentation, pour que Moïse pût la regarder et vivre. De même, dans la colonne de nuée de jour et dans la colonne de feu de nuit, Dieu entrait en communication avec Israël, faisant connaître aux hommes sa volonté et répandant sur eux sa grâce. La gloire de Dieu était adoucie, sa majesté voilée, afin que les faibles yeux d'êtres finis pussent les contempler. C'est ainsi que le Christ allait venir, semblable aux hommes, pour transformer "notre corps avili".13 Il n'avait aucune beauté qui pût le recommander aux yeux des hommes: il était néanmoins Dieu incarné, lumière du ciel et de la terre. Sa gloire était voilée, sa grandeur et sa majesté étaient cachées pour lui permettre de s'approcher des hommes affligés et tentés. JC 13 3 Dieu commanda à Israël, par l'intermédiaire de Moïse: "Ils m'élèveront un sanctuaire, et j'habiterai au milieu d'eux."14 Et il habita dans le sanctuaire, au milieu de son peuple. Le symbole de sa présence les accompagna dans tous leurs voyages harassants dans le désert. Ainsi le Christ dressa son tabernacle au milieu du campement humain. Il planta sa tente à côté de celles des hommes, afin de demeurer parmi nous, et de nous familiariser avec son divin caractère et sa vie. "La Parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité; et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme celle du Fils unique venu du Père."15 JC 14 1 Dès lors que Jésus est venu habiter parmi nous, nous savons que Dieu connaît nos épreuves et compatit à nos souffrances. Tout fils, toute fille d'Adam est à même de comprendre que notre Créateur est l'ami des pécheurs. Car en toute doctrine de grâce, en toute promesse de joie, en tout acte d'amour, dans tout ce qui nous attire quand nous méditons sur la vie terrestre du Sauveur, nous voyons "Dieu avec nous". JC 14 2 Satan transforme la loi d'amour de Dieu en une loi d'égoïsme. Il nous fait croire qu'il est impossible d'obéir à ses préceptes. Il rend le Créateur responsable de la chute de nos premiers parents et de tous les malheurs qui ont suivi; Dieu devient ainsi l'auteur du péché, de la souffrance, de la mort. Jésus devait démasquer cette tromperie. Devenu semblable à nous, il allait donner l'exemple de l'obéissance. Pour cela il revêtit notre nature et fit nos propres expériences. "Aussi devait-il devenir, en tout, semblable à ses frères."16 S'il nous fallait subir quelque chose que Jésus n'ait pas eu à supporter, Satan pourrait en tirer argument pour nous montrer que la puissance de Dieu est insuffisante en ce qui nous concerne. C'est pourquoi Jésus "a été tenté comme nous à tous égards.17 Il a enduré toutes les épreuves qui peuvent nous survenir. Il n'a pas fait appel pour lui-même à une puissance qui nous serait refusée. En tant qu'homme il a fait face à la tentation et l'a vaincue par la force que Dieu lui a donnée. Il dit: "C'est mes délices, ô mon Dieu, de faire ce qui est ton bon plaisir, et ta loi est au dedans de mes entrailles".18 Alors qu'il allait de lieu en lieu en faisant du bien, guérissant tous ceux que Satan affligeait, il donnait à connaître aux hommes le caractère de la loi de Dieu et la nature de son service. Il atteste par sa vie que nous avons aussi la possibilité d'obéir à la loi de Dieu. JC 15 1 Par son humanité le Christ est venu en contact avec l'humanité; par sa divinité il saisit le trône de Dieu. En tant que Fils de l'homme il nous a donné un exemple d'obéissance; en tant que Fils de Dieu il nous confère le pouvoir d'obéir. C'est le Christ qui du milieu du buisson ardent du Mont Horeb disait: "Je suis celui qui dit: Je suis.. ... Tu parleras ainsi aux enfants d'Israël: Celui qui est, l'Eternel, m'envoie vers vous."19 Tel était le gage de la délivrance d'Israël. Ainsi, quand il vint en se rendant "semblable aux hommes", il s'est déclaré Celui qui est. L'enfant de Bethléhem, le doux et humble Sauveur, était Dieu "manifesté en chair.20 Et il nous dit: "Je suis le bon berger." "Je suis le pain vivant." "Je suis le chemin, la vérité et la vie." "Tout pouvoir m'a été donné dans le ciel et sur la terre.21 Je suis le garant de toutes les promesses. Je suis, ne craignez rien. "Dieu avec nous": ainsi notre délivrance du péché est rendue certaine, le pouvoir d'obéir à la loi du ciel nous est assuré. JC 15 2 En s'abaissant jusqu'à revêtir notre humanité, le Christ a manifesté un caractère opposé à celui de Satan. Mais il est descendu encore plus bas sur le sentier de l'humiliation. "Après s'être trouvé dans la situation d'un homme, il s'est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu'à la mort, la mort de la croix."22 Tel le souverain sacrificateur qui déposait son riche vêtement pontifical pour officier dans l'habit de lin du simple sacrificateur, le Christ a pris la forme de serviteur et a offert son sacrifice, à la fois sacrificateur et victime. "Il a été meurtri à cause de nos péchés, brisé à cause de nos iniquités. Le châtiment qui nous donne la paix est tombé sur lui.23 JC 15 3 Le Christ a été traité selon nos mérites afin que nous puissions être traités selon ses mérites. Il a été condamné pour nos péchés, auxquels il n'avait pas participé, afin que nous puissions être justifiés par sa justice, à laquelle nous n'avions pas participé. Il a souffert la mort qui était la nôtre, afin que nous puissions recevoir la vie qui est la sienne. "C'est par ses meurtrissures que nous avons la guérison."24 JC 16 1 Par sa vie et par sa mort, le Christ a fait plus que de simplement réparer les ruines causées par le péché. Satan voulait séparer à jamais l'homme de Dieu; or en Christ nous devenons unis à Dieu plus étroitement que si nous n'avions jamais péché. En assumant notre nature le Sauveur s'est rattaché à l'humanité par un lien qui ne sera jamais brisé, qui subsistera d'âge en âge. "Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique!"25 Ce n'est pas seulement pour porter nos péchés, pour mourir en sacrifice pour nous, qu'il a été donné; Dieu l'a donné pour toujours à l'humanité déchue. Pour assurer son conseil de paix immuable, Dieu a donné son Fils unique comme partie intégrante de la famille humaine, pour toujours participant de notre nature. Ainsi se trouve garanti l'accomplissement de la parole divine. "Un enfant nous est né, un fils nous a été donné; l'empire a été posé sur son épaule." En la personne de son Fils, Dieu a adopté la nature humaine et l'a transportée au plus haut des cieux. C'est le "Fils de l'homme" qui partage le trône de l'univers. C'est ce "Fils de l'homme" à qui on donne pour nom: "le Conseiller admirable, le Dieu fort, le Père d'éternité, le Prince de la paix."26 Le Je suis est l'arbitre placé entre Dieu et l'humanité, posant sa main sur l'un et sur l'autre. Bien que "saint, innocent, sans souillure, séparé des pécheurs", il n'a pas honte de nous appeler ses frères.27 En Christ la famille de la terre et celle des cieux sont reliées l'une à l'autre. Le Christ glorifié est notre frère. Le ciel est enchâssé dans l'humanité, l'humanité est enlacée au sein de l'Amour infini. Dieu dit, au sujet de son peuple: "Ils seront tous comme les pierres d'un diadème, brillant dans la terre sainte. De quelle beauté, de quel éclat on les verra resplendir."28 La hauteur à laquelle seront élevés les rachetés sera un témoignage éternel rendu à la miséricorde de Dieu. "Dans les siècles à venir" il montrera "la richesse surabondante de sa grâce par sa bonté envers nous en Christ-Jésus. ... Désormais les principautés et les pouvoirs dans les lieux célestes connaissent par l'Eglise la sagesse de Dieu dans sa grande diversité, selon le dessein éternel qu'il a réalisé par le Christ-Jésus notre Seigneur.29 JC 17 1 Le gouvernement de Dieu se trouve justifié grâce à l'oeuvre rédemptrice du Christ. Le Dieu tout-puissant est révélé en tant que Dieu d'amour. Les accusations de Satan sont réfutées, son vrai caractère démasqué. Toute nouvelle révolte devient impossible. Le péché ne pourra plus jamais entrer à nouveau dans l'univers. Tous seront préservés d'apostasie à travers l'éternité. Les habitants de la terre et du ciel sont désormais unis à leur Créateur par des liens indissolubles. JC 17 2 L'oeuvre de la rédemption sera complète. Où le péché avait abondé, la grâce de Dieu va surabonder. La terre elle-même, que Satan réclame comme étant son fief, sera non seulement rachetée mais exaltée. Notre monde si petit, tache noire dans la glorieuse création, sous la malédiction du péché, sera honoré par-dessus tous les autres mondes de l'univers de Dieu. Ici-bas, où le Fils de Dieu a dressé sa tente au sein de l'humanité, où le Roi de gloire a vécu, a souffert, a subi la mort, -- ici-bas, quand Dieu fera toutes choses nouvelles, le tabernacle de Dieu sera parmi les hommes. "Il habitera avec eux, ils seront son peuple, et Dieu lui-même sera avec eux."30 Marchant à la lumière du Seigneur, pendant l'éternité, les rachetés lui rendront grâce pour son don ineffable: JC 17 3 Emmanuel, "Dieu avec nous". ------------------------Chapitre 2 -- Le peuple élu JC 18 1 Le peuple juif avait attendu la venue du Sauveur pendant plus de mille ans. Il avait fait reposer sur cet événement ses plus brillantes espérances. Le nom de ce Sauveur avait été enchâssé dans ses chants et ses prophéties, dans les rites du temple et dans les prières du foyer. Néanmoins, il ne le reconnut pas quand il se présenta à lui. Le Bien-aimé du ciel fut pour lui "comme un rejeton... qui sort d'une terre desséchée. Il n'avait ni beauté, ni éclat pour attirer" les regards. Il est venu chez les siens, et les siens ne l'ont pas reçu.1 JC 18 2 Pourtant Dieu avait choisi Israël. Il l'avait chargé de conserver parmi les hommes la connaissance de sa loi, ainsi que les symboles et les prophéties annonçant le Sauveur. Il voulait faire de lui une source de salut pour le monde. Ce qu'avait été Abraham dans le pays où il séjourna, ce que Joseph avait été en Egypte, et Daniel à la cour de Babylone, le peuple hébreu devait l'être au milieu des nations. Il lui incombait de faire connaître Dieu aux hommes. JC 18 3 Le Seigneur avait adressé un appel à Abraham en ces termes: "Je te bénirai, ... et tu seras une cause de bénédiction... et toutes les familles de la terre seront bénies en toi."1 Le même enseignement fut renouvelé par les prophètes. Même après qu'Israël eut été dévasté par la guerre et la captivité, cette promesse lui était faite: "La partie survivante de Jacob sera, au milieu de nombreux peuples, comme une rosée qui vient de l'Eternel, comme les gouttes de pluie sur le gazon, lequel n'attend rien de l'homme et n'espère rien des enfants des hommes."2 Le Seigneur déclarait par Esaïe, au sujet du temple de Jérusalem: "Ma maison sera appelée la maison de prière de tous les peuples."3 JC 19 1 Cependant les Israélites fixèrent leurs espoirs sur des grandeurs mondaines. Dès leur entrée au pays de Canaan ils abandonnèrent les commandements de Dieu pour suivre les voies des païens. Dieu leur envoya des avertissements par ses prophètes: en pure perte. Les souffrances que leur infligèrent les païens qui les opprimaient furent vaines. Chaque tentative de réforme était bientôt suivie d'une apostasie plus complète. JC 19 2 Si Israël avait été fidèle à son Dieu, il eût pu accomplir le dessein divin dans l'honneur et la gloire. S'il avait marché dans la voie de l'obéissance, Dieu lui eût donné "la prééminence en gloire, en renom et en splendeur", "sur toutes les nations qu'il a créées". Moïse avait prédit: "Tous les peuples de la terre verront que le nom de l'Eternel est invoqué sur toi et ils te craindront." Les peuples qui entendraient parler de toutes ses lois diraient: "Cette grande nation est le seul peuple sage et intelligent."4 Leurs infidélités firent que le dessein de Dieu ne put se réaliser qu'à travers des adversités et des humiliations continuelles. JC 19 3 Ils furent assujettis à Babylone et dispersés à travers les pays païens. L'affliction en amena quelques-uns à renouveler leur alliance avec Dieu. Alors que, leurs harpes suspendues aux saules, ils pleuraient sur les ruines du saint temple, la lumière de la vérité brillait grâce à eux et la connaissance du vrai Dieu se répandait parmi les nations. Les rituels des sacrifices païens étaient une perversion de celui que Dieu avait établi; nombre d'observateurs sincères des rites païens apprirent des Hébreux la signification du service divin et saisirent par la foi la promesse du Rédempteur. JC 19 4 Beaucoup d'exilés subirent la persécution. Un assez grand nombre perdit la vie pour avoir refusé de transgresser le sabbat et de célébrer les fêtes païennes. Tandis que des idolâtres tentaient d'écraser la vérité, le Seigneur plaçait ses serviteurs en présence de rois et de gouverneurs, leur offrant la possibilité de recevoir, avec leur peuple, la lumière. A plusieurs reprises les plus grands monarques durent proclamer la suprématie du Dieu servi par leurs captifs hébreux. JC 20 1 La captivité babylonienne eut pour effet de guérir complètement les Israélites du culte des images. Au cours des siècles suivants ils furent opprimés par des ennemis païens, si bien que la conviction s'établit en eux que leur prospérité dépendait de l'obéissance à la loi de Dieu. Chez un trop grand nombre, toutefois, l'obéissance n'avait pas l'amour pour mobile. Leur motif était égoïste. Ils rendaient à Dieu un service extérieur en vue d'obtenir la grandeur nationale. Au lieu d'être la lumière du monde, ils s'excluaient du monde pour échapper à la tentation de l'idolâtrie. Moïse avait donné des instructions par lesquelles Dieu limitait leurs rapports avec les idolâtres; mais cet enseignement donna lieu à de fausses interprétations. Le but était de les empêcher de se conformer aux usages des païens. Mais on s'en servit pour dresser un mur de séparation entre Israël et les autres nations. Les Juifs considéraient Jérusalem comme leur paradis et ils veillaient jalousement à priver les Gentils des grâces du Seigneur. JC 20 2 De retour de Babylone, on voua une grande attention à l'instruction religieuse. Des synagogues furent construites dans toutes les parties de la contrée; la loi y était exposée par des prêtres et des scribes. Des écoles furent établies; outre les arts et les sciences on y enseignait les principes de la justice. Mais ces institutions se corrompirent. Pendant la captivité, bien des personnes avaient subi l'influence des idées et des coutumes païennes, et cela fut introduit dans le service religieux. On se conforma à bien des égards aux usages des idolâtres. JC 20 3 En s'éloignant de Dieu les Juifs perdirent presque complètement de vue l'enseignement que recélait le service rituel, service que le Christ lui-même avait institué. Dans toutes ses parties ce service était un symbole se rapportant au Christ; à l'origine, il était plein de vitalité et de beauté spirituelle. Mais les Juifs perdirent la vie spirituelle, tout en retenant leurs cérémonies comme des choses mortes. Ils plaçaient leur confiance dans les sacrifices et les ordonnances plutôt que de s'appuyer sur celui que ces choses annonçaient. Pour suppléer à ce qu'ils avaient perdu, les prêtres et les rabbins multiplièrent leurs propres exigences; plus ils devenaient rigides, moins ils faisaient place à l'amour de Dieu. Ils mesuraient le degré de leur sainteté par la multitude de leurs cérémonies alors que leurs coeurs étaient remplis d'orgueil et d'hypocrisie. JC 21 1 Avec leurs prescriptions détaillées et accablantes, l'observation de la loi devenait impossible. Ceux qui désiraient servir Dieu et qui s'efforçaient en même temps d'observer les préceptes rabbiniques peinaient sous un lourd fardeau. Leur conscience troublée ne leur laissait aucun repos. Par ce moyen Satan s'efforçait de décourager le peuple, de donner une fausse conception du caractère de Dieu et de jeter le mépris sur la foi d'Israël. Il espérait fournir la preuve de ce qu'il avait prétendu quand il s'était révolté dans le ciel: que les exigences divines sont injustes et inacceptables. Il affirmait qu'Israël lui-même n'observait pas la loi. JC 21 2 Les Juifs désiraient la venue du Messie, mais n'avaient pas une juste conception de sa mission. Ils cherchaient à être délivrés du joug des Romains plutôt que d'être délivrés de leurs péchés. Ils attendaient un Messie conquérant, qui briserait le pouvoir de l'oppresseur et conférerait à Israël une domination universelle. Ils étaient ainsi tout prêts à rejeter le Sauveur. JC 21 3 Au moment de la naissance du Christ, la nation piaffait d'impatience sous l'autorité de ses maîtres étrangers; elle était travaillée par des luttes intérieures. On avait permis aux Juifs de maintenir une certaine autonomie, mais rien ne leur faisait oublier qu'ils étaient soumis au joug romain, et il leur était difficile d'accepter les limitations apportées à leur puissance. Les Romains s'attribuaient le droit de désigner et de déposer leur souverain sacrificateur, et souvent cet office s'obtenait par la fraude, la corruption, voire par le meurtre. Le sacerdoce devenait de plus en plus corrompu. Néanmoins les prêtres conservaient un pouvoir étendu et s'en servaient pour des fins égoïstes et mercenaires. Le peuple était pressuré impitoyablement par eux et soumis à de lourdes taxes par les Romains. D'où un mécontentement général. Il se produisait de fréquentes émeutes. L'avidité et la violence, la méfiance et l'apathie spirituelle s'attaquaient au coeur même de la nation. JC 22 1 Par haine des Romains, par orgueil national et spirituel, les Juifs s'attachèrent fermement à leurs formes de culte. Les prêtres essayaient de s'assurer une réputation de sainteté en donnant une attention scrupuleuse aux cérémonies religieuses. Le peuple, maintenu dans l'ignorance et l'oppression, et ses chefs avides de pouvoir soupiraient après la venue de celui qui devait vaincre leurs ennemis et restaurer le royaume d'Israël. Ils avaient étudié les prophéties sans en discerner le sens spirituel. Ils négligèrent par conséquent les passages de l'Ecriture décrivant l'humiliation du Christ à sa première venue et appliquèrent mal à propos ceux qui se rapportaient à la gloire de sa seconde venue. Leur vue fut obscurcie par l'orgueil. Les prophéties furent interprétées en accord avec leurs désirs égoïstes. ------------------------Chapitre 3 -- La plénitude des temps JC 23 1 "Lorsque les temps furent accomplis, Dieu a envoyé son Fils... afin de racheter ceux qui étaient sous la loi, pour que nous recevions l'adoption."1 JC 23 2 La venue du Sauveur avait été annoncée en Eden. Quand Adam et Eve eurent entendu la promesse, ils s'attendirent à un prompt accomplissement. Leur premier-né fut reçu avec joie, dans l'espoir qu'il serait le Libérateur. Mais l'accomplissement fut différé. Ceux qui avaient été les premiers à recevoir la promesse moururent sans la voir réalisée. Depuis les jours d'Enoch la promesse fut répétée par l'entremise des patriarches et des prophètes, de manière à maintenir vive l'espérance de son apparition, mais il ne vint pas encore. La prophétie de Daniel fit connaître le moment de son avènement, mais le message ne fut pas bien compris de tous. Les siècles succédèrent aux siècles; enfin la voix des prophètes se tut. Alors que la main de l'oppresseur pesait sur Israël plusieurs étaient prêts à s'écrier: "Les jours passent et toute prophétie demeure sans effet."1 JC 23 3 Semblables aux étoiles parcourant, en vastes orbites, la voie qui leur a été tracée, les desseins de Dieu ne connaissent ni hâte ni retard. Par le symbole des épaisses ténèbres et de la fournaise fumante, Dieu avait prédit à Abraham la servitude d'Israël en Egypte et il avait fixé à quatre cents ans la durée de leur séjour. "Ensuite -- avait-il dit -- ils sortiront avec de grandes richesses."2 Toute la puissance de l'orgueilleux empire des Pharaons s'opposa vainement à l'accomplissement de cette parole. "Le même jour [celui que la promesse avait fixé par avance] toutes les armées de l'Eternel sortirent du pays d'Egypte."3 De même, l'heure de la venue du Christ avait été décidée dans le conseil céleste. Et quand la grande horloge des siècles marqua l'heure indiquée, Jésus naquit à Bethléhem. JC 24 1 "Lorsque les temps furent accomplis, Dieu a envoyé son Fils." La Providence avait dirigé les mouvements des nations, les vagues des impulsions et des influences humaines, si bien que le monde était mûr pour l'apparition du Libérateur. Les nations se trouvaient réunies sous un même gouvernement. Une langue unique était largement répandue et généralement adoptée comme langue littéraire. De tous les pays, les Juifs dispersés se rassemblaient à Jérusalem à l'occasion des fêtes annuelles. De retour chez eux, il leur serait facile de répandre, à travers le monde, la nouvelle de la venue du Messie. JC 24 2 A cette époque les religions païennes perdaient de leur ascendant sur le peuple. On était las de spectacles et de fables. On soupirait après une religion capable de satisfaire les besoins du coeur. Et, quoique la lumière de la vérité paraissait s'être éloignée de l'humanité, il y avait cependant des âmes assoiffées de certitude, oppressées par l'angoisse et la douleur, des âmes qui, ardemment, désiraient le Dieu vivant et l'assurance d'une vie au-delà du tombeau. JC 24 3 La foi s'était affaiblie chez les Juifs, qui s'étaient éloignés de Dieu, et l'espérance avait cessé presque complètement d'illuminer l'avenir. On ne comprenait plus les paroles des prophètes. Les masses voyaient, dans la mort, un redoutable mystère et n'apercevaient, au-delà, que doute et obscurité. Les plaintes des mères de Bethléhem n'avaient pas seules, à travers les siècles, frappé l'oreille du prophète; mais aussi le cri poignant de l'humanité tout entière: "Une clameur s'est fait entendre à Rama, des pleurs et beaucoup de lamentations. C'est Rachel qui pleure ses enfants; elle n'a pas voulu être consolée, parce qu'ils ne sont plus."4 JC 24 4 Les hommes, assis sans consolation au "pays de l'ombre de la mort", leurs regards chargés malgré tout d'espoir, attendaient la venue du Libérateur qui devait dissiper les ténèbres et révéler le secret de l'avenir. JC 25 1 Des maîtres inspirés, avides de vérité, quoique n'appartenant pas à la nation juive, avaient annoncé l'apparition d'un instructeur divin. Ils s'étaient levés, l'un après l'autre, comme des étoiles dans un ciel obscur et leurs paroles prophétiques avaient allumé l'espérance dans le coeur de milliers de païens. JC 25 2 Depuis des centaines d'années, les Ecritures avaient été traduites en grec, langue alors très répandue dans l'empire romain. Les Juifs, dispersés en tous lieux, et, jusqu'à un certain point, les païens partageaient cette attente du Messie. Parmi ceux que les Juifs considéraient comme des païens, il s'en trouvait qui comprenaient mieux que les docteurs d'Israël les prophéties de l'Ecriture relatives au Messie. Ils attendaient celui-ci pour être délivrés du péché. Des philosophes s'efforçaient de sonder le mystère de l'économie hébraïque. Mais l'étroitesse d'esprit des Juifs empêchait la lumière de se répandre. Tout préoccupés de maintenir une barrière entre eux et les autres nations, ils n'étaient pas désireux de communiquer le peu de connaissances qui leur restait touchant le service symbolique. Il fallait donc que vînt le véritable Interprète, celui qui, seul, pouvait expliquer les symboles se rapportant à lui. JC 25 3 Dieu avait parlé au monde par la nature, par des figures et des symboles, par les patriarches et les prophètes. L'humanité avait besoin d'être instruite dans un langage humain. Le Messager de l'alliance devait parler. Sa voix devait se faire entendre dans son propre temple. Il fallait que le Christ prononce des paroles claires et intelligibles. L'auteur de la vérité devait dégager la vérité de la balle d'invention humaine, qui l'avait rendue sans effet. Il fallait que les principes du gouvernement divin et du plan de la rédemption soient clairement définis. Les leçons contenues dans l'Ancien Testament devaient être parfaitement exposées aux hommes. JC 25 4 Il y avait encore parmi les Juifs des âmes fortes, descendant de cette sainte lignée qui avait conservé la connaissance de Dieu. Ils restaient attachés à la promesse faite aux pères et appuyaient leur foi sur ces paroles de Moïse: "Le Seigneur votre Dieu vous suscitera d'entre vos frères un prophète comme moi; vous l'écouterez en tout ce qu'il vous dira."5 Ils apprenaient comment le Seigneur devait oindre son Elu "pour porter la bonne nouvelle aux humbles", "pour guérir ceux qui ont le coeur brisé, pour annoncer aux captifs la liberté", et "pour proclamer, de la part de l'Eternel, une année de grâce.6 Ils apprenaient comment il devait établir "la justice sur la terre", et comment les nations devaient mettre "leur confiance en sa loi"; comment les nations devaient être "attirées par sa lumière et les rois par l'éclat"7 de ses rayons. JC 26 1 Ces paroles de Jacob mourant remplissaient leurs coeurs d'espérance: "Le sceptre ne sera point enlevé à Juda et le bâton du commandement n'échappera pas à son pouvoir, jusqu'à ce que vienne le Pacifique."8 La puissance d'Israël, en s'évanouissant, attestait l'imminence de la venue du Messie. La prophétie de Daniel dépeignait la gloire de son règne devant succéder à tous les royaumes terrestres; "et lui-même subsistera éternellement"9 ajoutait le prophète. Ils étaient peu nombreux, il est vrai, ceux qui comprenaient la nature de la mission du Christ; mais on attendait généralement un prince puissant venant établir son royaume en Israël et délivrer les nations. JC 26 2 Les temps étaient accomplis. La corruption de l'humanité, accrue d'âge en âge par la transgression des lois divines, rendait nécessaire la venue du Rédempteur. Satan s'était efforcé de creuser un gouffre infranchissable entre la terre et le ciel. Ses mensonges avaient enhardi les hommes dans le péché. Il se proposait de fatiguer la patience de Dieu, d'éteindre son amour pour l'homme et de l'amener à lui abandonner la juridiction de ce monde. JC 26 3 Satan cherchait à priver les hommes de la connaissance de Dieu, à détourner leur attention du temple de Dieu, en vue d'établir son propre royaume. Sa lutte pour la suprématie paraissait presque couronnée de succès. Il est vrai que dans chaque génération Dieu a eu des serviteurs. Il y avait, même parmi les païens, des hommes que le Christ employait pour élever le peuple au-dessus du péché et de la dégradation. Mais ces hommes furent méprisés et haïs. Beaucoup d'entre eux moururent de mort violente. Les noires ombres accumulées sur le monde par Satan s'épaississaient de plus en plus. JC 27 1 Pendant des siècles Satan s'était servi du paganisme pour détourner de Dieu les hommes; mais son plus grand triomphe avait été la perversion de la foi d'Israël. En contemplant et en adorant leurs propres conceptions, les païens avaient perdu la connaissance de Dieu et s'étaient corrompus. Il en était de même en Israël. L'idée d'après laquelle un homme peut se sauver par ses oeuvres se trouvait à la base de toutes les religions païennes; cette idée, dont Satan est l'auteur, s'était maintenant introduite dans la religion juive. Partout où elle s'établit, elle renverse les digues qui s'opposent à l'envahissement du péché. JC 27 2 Le message du salut est communiqué aux hommes par des instruments humains. Mais les Juifs avaient tenté de monopoliser à leur profit la vérité qui assure la vie éternelle. Ils avaient amassé et mis en réserve la manne vivante, qui s'était corrompue. La religion dont ils avaient voulu s'accaparer était devenue malfaisante. Ils dérobèrent à Dieu sa gloire et frustrèrent le monde en lui offrant une contrefaçon de l'Evangile. Ayant refusé de se livrer à Dieu pour sauver le monde, ils devinrent des instruments de Satan pour le détruire. JC 27 3 Le peuple dont Dieu voulait faire la colonne et l'appui de la vérité avait fini par représenter Satan. Se conformant au désir de celui-ci, par sa conduite il présentait le caractère de Dieu sous un faux jour, et donnait l'impression que Dieu est un tyran. Les prêtres eux-mêmes, qui officiaient dans le temple, avaient perdu de vue la signification du service qu'ils accomplissaient. Ils avaient cessé de voir, au-delà du symbole, l'objet signifié. En offrant les sacrifices ils jouaient la comédie. Les ordonnances établies par Dieu furent transformées en moyens d'aveugler les esprits et d'endurcir les coeurs. Dieu ne pouvait plus agir en faveur des hommes par leur intermédiaire. Tout cela devait être balayé. JC 27 4 La duperie du péché avait atteint son comble. Tous les moyens susceptibles de pervertir les âmes humaines étaient à l'oeuvre. Le Fils de Dieu, en contemplant le monde, ne voyait que souffrance et misère. Sa pitié fut émue, car il vit avec quelle cruauté Satan traitait ses victimes. Il considéra avec compassion ceux que l'on corrompait, assassinait et perdait. Le chef que les hommes s'étaient donné les enchaînait à son char comme des captifs. Egarés et trompés, ils s'avançaient en une triste procession vers une ruine éternelle -- vers une mort sans espoir de retour à la vie, vers une nuit que ne suivrait aucun matin. Des agents de Satan s'emparaient de corps humains. Ces corps, destinés à être des habitations de Dieu, étaient envahis par des démons. Les sens, les nerfs, les facultés, les organes des hommes étaient employés par des puissances surnaturelles pour satisfaire les passions les plus viles. Des visages humains portaient l'empreinte des démons. Ils reflétaient les sentiments des légions du mal qui les possédaient. Voilà ce qui s'offrait au regard du Rédempteur du monde. Quel spectacle pour un Etre infiniment pur! JC 28 1 Le péché était devenu une science, le vice était consacré comme partie intégrante de la religion. La révolte avait jeté des racines profondes dans les coeurs, l'hostilité de l'homme contre le ciel était devenue virulente. Il était prouvé aux yeux de l'univers que l'humanité ne pouvait se relever sans Dieu. Un nouvel élément de vie et de puissance devait être communiqué par celui qui a créé le monde. JC 28 2 Les habitants des mondes non déchus regardaient avec un intérêt intense pour voir si Jéhovah n'allait pas se lever pour anéantir les habitants de la terre. Si Dieu avait agi ainsi, Satan était prêt à réaliser son dessein tendant à s'assurer l'allégeance des êtres célestes. JC 28 3 Satan avait prétendu que les principes du gouvernement divin rendent tout pardon impossible. Si le monde avait été détruit, il y aurait vu une preuve de la véracité de ses affirmations. Il osait accuser Dieu, et voulait propager sa révolte dans les mondes supérieurs. Or voici qu'au lieu de détruire le monde, Dieu envoya son Fils pour le sauver. Bien que la corruption et le mépris de Dieu fussent répandus partout dans cette province révoltée, un moyen de salut fut trouvé. Au moment critique où Satan paraissait sur le point de triompher, le Fils de Dieu vint chargé du message de la grâce divine. A chaque siècle, à chaque heure, l'amour de Dieu s'était manifesté envers la race déchue. Malgré la perversité des hommes, les marques de la miséricorde n'avaient pas cessé d'être prodiguées. Et quand les temps furent accomplis, la Divinité se glorifia en inondant le monde d'un flot de grâce salutaire qui ne devait jamais s'arrêter ni se retirer tant que le plan du salut ne serait pas accompli. JC 29 1 Satan était ravi, pensant qu'il avait réussi à avilir l'image de Dieu en l'homme. Jésus vint alors pour rétablir en l'homme l'image de son Créateur. Lui seul peut reconstituer un caractère ruiné par le péché. Il vint chasser les démons qui exerçaient une domination sur les volontés. Il vint nous arracher à la poussière et remodeler les caractères déformés, pour les rendre semblables au divin Modèle et leur communiquer la beauté de sa propre gloire. ------------------------Chapitre 4 -- Un Sauveur vous est donné JC 30 0 Ce chapitre est basé sur Luc 2:1-20. JC 30 1 Le Roi de gloire s'abaissa profondément pour revêtir l'humanité et vivre au milieu d'êtres souvent grossiers et repoussants. Il dut voiler sa gloire pour que la majesté de sa forme extérieure n'attirât pas les regards. Il évita tout déploiement extérieur. Ni les richesses, ni les honneurs mondains, ni la grandeur humaine ne peuvent sauver une âme de la mort; Jésus voulut que rien dans sa nature terrestre n'attirât les hommes à ses côtés. Seule la beauté de la vérité céleste doit captiver ceux qui désirent le suivre. Longtemps à l'avance le caractère du Messie avait été décrit dans la prophétie, et il voulait être accepté des hommes sur le simple témoignage de la Parole de Dieu. JC 30 2 Les anges, extasiés devant le glorieux plan du salut, étaient impatients de voir comment le peuple de Dieu allait accueillir son Fils, caché sous le voile de l'humanité. Des anges vinrent visiter le pays du peuple élu. Les autres nations étaient absorbées par des fables et par l'adoration des faux dieux. Les anges vinrent donc dans le pays où la gloire de Dieu s'était manifestée, où la lumière de la prophétie avait brillé. Ils vinrent, invisibles, à Jérusalem, auprès des ministres de la maison de Dieu chargés d'expliquer les oracles sacrés. Déjà, le prêtre Zacharie, tandis qu'il officiait devant l'autel, avait appris que la venue du Christ était imminente. Déjà, le précurseur était né, sa mission attestée par le miracle et par la prophétie. La nouvelle de cette naissance et la signification étonnante de la mission du Baptiste s'étaient répandues aux alentours. Mais Jérusalem ne se préparait pas à accueillir son Rédempteur. JC 30 3 C'est avec étonnement que les messagers célestes constatèrent l'indifférence du peuple appelé par Dieu à communiquer au monde la lumière de la vérité sainte. La nation juive avait été conservée comme une preuve du fait que le Christ devait naître de la semence d'Abraham et de la lignée de David; et voici qu'elle ne se rendait pas compte de l'imminente venue du Sauveur. Le sacrifice quotidien annonçait, matin et soir, dans le temple, l'Agneau de Dieu; même ici cependant, aucun préparatif n'était fait pour le recevoir. Les prêtres et les docteurs ne comprenaient pas que le plus grand événement des âges était sur le point de se produire. Ils répétaient leurs vaines prières, et accomplissaient les rites du culte pour être vus des hommes; mais à cause de leur soif de richesses et d'honneurs mondains ils étaient peu préparés à recevoir la révélation du Messie. Même indifférence dans le pays d'Israël, où les coeurs égoïstes et profanes étaient étrangers à la joie dont tressaillait le ciel tout entier. Quelques-uns seulement soupiraient après l'Invisible. C'est à ceux-ci qu'une ambassade céleste fut envoyée. JC 31 1 Des anges accompagnent Joseph et Marie, de Nazareth, leur lieu de séjour, à la cité de David. Le décret par lequel la Rome impériale ordonnait le recensement de tous les peuples de ses vastes domaines avait atteint les collines de la Galilée et leurs habitants. Tout comme Cyrus avait été appelé autrefois à l'empire du monde pour rendre la liberté aux captifs du Seigneur, César Auguste accomplira le dessein de Dieu d'amener à Bethléhem la mère de Jésus. Celle-ci appartient à la lignée de David, et c'est dans la cité de David que doit naître le Fils de David. De Bethléhem, avait dit le prophète, surgira "celui qui doit être le chef suprême d'Israël, celui dont l'origine remonte aux temps anciens, aux jours éternels".1 Mais Joseph et Marie ne sont ni reconnus, ni honorés dans leur cité royale. Las et sans abri, ils parcourent la longue rue étroite, depuis la porte de la cité jusqu'à son extrémité orientale, cherchant en vain un lieu de repos pour la nuit. Il n'y a pas de place pour eux dans l'auberge encombrée. Sous un grossier hangar servant d'abri au bétail, ils trouvent enfin un refuge, et c'est là que naîtra le Rédempteur du monde. JC 31 2 Les hommes n'en savent rien, mais les cieux s'emplissent de joie. Un intérêt plus profond et plus tendre attire vers la terre les saints êtres qui peuplent le monde de la lumière. L'univers tout entier est illuminé de sa présence. Des foules d'anges se rassemblent sur les collines de Bethléhem. Ils attendent un signal pour annoncer au monde la bonne nouvelle. Si les conducteurs d'Israël avaient été fidèles à leur mandat, ils auraient eu le bonheur de participer à l'annonciation de la naissance de Jésus. Mais maintenant ils sont mis de côté. JC 32 1 Dieu dit: "Je répandrai des eaux sur le sol altéré et des ruisseaux sur la terre desséchée." "La lumière se lève, même au sein des ténèbres, pour les hommes droits."1 Des rayons de splendeur, émanant du trône de Dieu, resplendiront sur ceux qui sont à la recherche de la lumière et disposés à l'accepter avec bonheur. JC 32 2 Dans les champs où le jeune David avait conduit ses troupeaux, des bergers veillaient, la nuit. Ils rompaient le silence des heures en s'entretenant du Sauveur promis, et ils priaient pour que le Roi montât sur le trône de David. "Un ange du Seigneur leur apparut, et la gloire du Seigneur resplendit autour d'eux. Ils furent saisis d'une grande crainte. Mais l'ange leur dit: Soyez sans crainte; car je vous annonce la bonne nouvelle d'une grande joie pour tout le peuple: aujourd'hui, dans la ville de David, il vous est né un Sauveur, qui est le Christ, le Seigneur." JC 32 3 Ces paroles remplissent l'esprit des bergers de visions de gloire. Le Libérateur est venu en Israël! On a coutume d'associer à sa venue l'idée de puissance, de grandeur, de triomphe. Mais l'ange doit les préparer à reconnaître leur Sauveur dans la pauvreté et l'humiliation. "Et ceci sera pour vous un signe: vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une crèche." JC 32 4 Le céleste messager avait dissipé leurs craintes. Il leur avait dit comment ils trouveraient Jésus. Avec de tendres égards pour la faiblesse humaine, il leur avait donné le temps de s'accoutumer à l'éclat divin. Maintenant la joie et la gloire ne pouvaient pas rester cachées plus longtemps. Toute la plaine fut illuminée par le resplendissement des armées divines. La terre fit silence, et le ciel se pencha pour écouter le chant: JC 33 1 "Gloire à Dieu dans les lieux très hauts, Et paix sur la terre parmi les hommes qu'il agrée!" JC 33 2 Oh! si la famille humaine pouvait aujourd'hui reconnaître ce chant! La proclamation faite alors, la mélodie entonnée, retentira jusqu'à la fin des temps et jusqu'aux extrémités de la terre. Et quand le Soleil de justice se lèvera, ayant la guérison sous ses ailes, ce chant sera entonné à nouveau par la grande multitude, dont la voix pareille au bruit des grosses eaux dira: "Alléluia! Car le Seigneur Dieu, le Tout-Puissant, a établi son règne."2 JC 33 3 Les anges disparus, la lumière s'évanouit et les ombres nocturnes enveloppèrent à nouveau les collines de Bethléhem. Mais la mémoire des bergers garda le souvenir du tableau le plus brillant qu'aucun oeil humain ait jamais contemplé. "Lorsque les anges se furent éloignés d'eux vers le ciel, les bergers se dirent les uns aux autres: Allons donc jusqu'à Bethléhem, et voyons ce qui est arrivé, ce que le Seigneur nous a fait connaître. Ils y allèrent en hâte, et trouvèrent Marie, Joseph et le nouveau-né couché dans la crèche." Tout joyeux ils s'en allèrent publiant ce qu'ils avaient vu et entendu. "Tous ceux qui les entendirent furent dans l'étonnement de ce que leur disaient les bergers. Marie gardait toutes ces choses et les méditait dans son coeur. Et les bergers s'en retournèrent, en glorifiant et louant Dieu." JC 33 4 La distance qui sépare le ciel de la terre n'est pas plus grande aujourd'hui qu'au moment où les bergers entendirent le chant des anges. Tout autant qu'autrefois, quand des hommes d'humble origine et de modeste situation rencontraient des anges, à midi, et s'entretenaient avec des messagers célestes dans les vignes et les champs, l'humanité reste l'objet de la sollicitude céleste. Le ciel peut être très près de nous qui cheminons dans les difficiles sentiers de la vie. Des anges descendant des parvis célestes suivront les pas de ceux qui obéissent aux ordres de Dieu. JC 33 5 L'histoire de Bethléhem est un thème inépuisable. On y découvre la "profondeur de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu".3 Nous nous étonnons devant le sacrifice du Sauveur qui échangea le trône du ciel contre la crèche, la société des anges qui l'adoraient contre la compagnie des bêtes de l'étable. Sa présence confond notre orgueil humain et notre propre suffisance. Et cependant ceci n'était que le commencement de son étonnante condescendance. C'eût été pour le Fils de Dieu une humiliation presque infinie de revêtir la nature humaine, même alors qu'Adam résidait en Eden dans son innocence. Jésus accepta l'humanité alors qu'elle était affaiblie par quatre millénaires de péché. Comme tout enfant d'Adam, il a accepté les résultats de la grande loi de l'hérédité. Ces résultats on peut les connaître en consultant l'histoire de ses ancêtres terrestres. C'est avec une telle hérédité qu'il vint partager nos douleurs et nos tentations, et nous donner l'exemple d'une vie exempte de péché. JC 34 1 Satan avait éprouvé de la haine pour le Christ à cause de la position que celui-ci occupait dans les parvis de Dieu. Quand il se vit détrôné, sa haine s'accrut envers celui qui avait pris l'engagement de racheter les pécheurs. Néanmoins Dieu permit à son Fils de venir dans un monde dont Satan se prétendait le maître, et d'y venir sous la forme d'un faible petit enfant, sujet aux infirmités humaines. Il lui permit d'encourir les dangers de la vie en commun avec tous les autres hommes, de livrer bataille comme tout enfant de l'humanité, au risque d'un insuccès et d'une perdition éternelle. Le coeur d'un père humain s'attendrit sur son fils. Il considère le visage du petit enfant, et tremble à la pensée des dangers que la vie lui réserve. Il désire protéger cet être chéri contre la puissance de Satan, et le préserver des tentations et des luttes. Dieu consentit à donner son Fils unique en vue d'un conflit plus redoutable et d'un risque plus effrayant, et cela, afin que le sentier de la vie devînt plus sûr pour nos enfants. "Voici en quoi consiste l'amour!" Admirez, ô cieux! et sois étonnée, ô terre! ------------------------Chapitre 5 -- La consécration JC 35 0 Ce chapitre est basé sur Luc 2:21-38. JC 35 1 Environ quarante jours après sa naissance, le Christ fut apporté à Jérusalem par Joseph et Marie, qui devaient, en offrant un sacrifice, le présenter au Seigneur. Ceci était exigé par la loi juive, et le Christ, en tant que remplaçant de l'homme, devait se conformer à la loi dans ses moindres détails. Déjà, il avait été soumis au rite de la circoncision, comme gage de son obéissance à la loi. JC 35 2 Celle-ci exigeait que la mère offrît un agneau d'un an en holocauste, et un jeune pigeon ou une tourterelle en sacrifice pour le péché. Mais elle permettait aux parents trop pauvres pour apporter un agneau, de n'offrir qu'une paire de tourterelles ou deux pigeonneaux, l'un en holocauste, l'autre en sacrifice pour le péché. JC 35 3 Les animaux offerts au Seigneur devaient être sans défaut. Ils représentaient le Christ, et l'on voit par là que Jésus lui-même était exempt de difformité physique. Il était l'Agneau "sans défaut et sans tache".1 Au physique il était sans défaut; son corps était robuste et sain. Pendant toute sa vie il se conforma aux lois de la nature. Au point de vue physique comme au point de vue spirituel il fut un exemple de ce que Dieu voulait que toute l'humanité atteigne en obéissant aux lois divines. JC 35 4 La coutume de consacrer les premiers-nés remontait à une haute antiquité. Dieu avait promis de donner le premier-né du ciel pour sauver le pécheur. Chaque famille devait reconnaître ce don par la consécration du premier-né, voué au sacerdoce, en qualité de représentant du Christ parmi les hommes. JC 35 5 L'ordre de consacrer les premiers-nés fut renouvelé lors de la délivrance d'Israël, hors d'Egypte. Alors que les enfants d'Israël étaient encore asservis par les Egyptiens, le Seigneur envoya Moïse auprès de Pharaon, roi d'Egypte, pour lui dire: "Ainsi parle l'Eternel: Israël est mon fils, mon premier-né. Je t'avais dit: Laisse partir mon fils, afin qu'il soit à mon service; et tu as refusé de le laisser partir. Eh bien, je vais faire mourir ton fils premier-né!"1 JC 36 1 Moïse communiqua son message; mais l'orgueilleux roi répondit: "Qui est l'Eternel, pour que j'obéisse à sa voix, en laissant partir Israël? Je ne connais pas l'Eternel et je ne laisserai point partir Israël."2 Le Seigneur opéra des signes et des prodiges en faveur de son peuple, et frappa Pharaon de terribles châtiments. A la fin, l'ange destructeur fut chargé d'exterminer les premiers-nés parmi les hommes et parmi le bétail des Egyptiens. Les Israélites, pour être épargnés, devaient asperger, avec le sang d'un agneau immolé, les poteaux de leurs portes. Chaque maison recevait ainsi une marque, pour que l'ange, accomplissant sa mission de mort, pût passer par-dessus les demeures des Israélites. JC 36 2 Après que le Seigneur eut frappé l'Egypte, il dit à Moïse: "Tu me consacreras tout premier-né, ... parmi les enfants d'Israël, aussi bien celui des hommes que celui des animaux: il m'appartient." "Le jour où j'ai frappé tous les premiers-nés dans le pays d'Egypte, j'ai consacré à mon service tout premier-né en Israël, depuis les hommes jusqu'aux animaux; ils seront donc à moi. Je suis l'Eternel."3 Lorsque le service du tabernacle eut été établi, le Seigneur choisit la tribu de Lévi pour officier dans le sanctuaire, à la place des premiers-nés de tout Israël. Mais l'on continua à considérer les premiers-nés comme appartenant au Seigneur, et il fallait les racheter à prix d'argent. JC 36 3 La présentation des premiers-nés acquit ainsi une signification particulière. Tout en servant de mémorial pour rappeler comment Dieu avait merveilleusement délivré les enfants d'Israël, elle annonçait une plus grande délivrance, devant être accomplie par le Fils unique de Dieu. Ainsi que le sang répandu sur les poteaux des portes a sauvé les premiers-nés d'Israël, le sang du Christ peut sauver le monde. JC 37 1 La présentation du Christ revêtait donc une profonde signification. Cependant le prêtre ne vit pas ce qui était derrière le voile; il ne sut pas déchiffrer le mystère. La présentation des enfants était une chose ordinaire. Jour après jour, chaque fois qu'un enfant était présenté au Seigneur, le prêtre percevait le prix du rachat. Jour après jour, il accomplissait la série des cérémonies requises, sans beaucoup s'occuper des parents ou de l'enfant, excepté dans les cas où il s'agissait de parents riches ou jouissant d'une haute position. Joseph et Marie étaient pauvres; et quand ils se présentèrent avec l'enfant, les prêtres ne virent qu'un homme et une femme vêtus comme de simples Galiléens. Rien dans leur apparence n'attirait l'attention, et ils n'apportaient que l'offrande des pauvres gens. JC 37 2 Le prêtre accomplit les cérémonies officielles. Prenant l'enfant, il le tint devant l'autel. Puis, l'ayant rendu à sa mère, il inscrivit son nom -- Jésus -- sur le registre des premiers-nés. Il était loin de penser qu'il avait tenu dans ses bras, sous la forme de ce petit enfant, la Majesté du ciel, le Roi de gloire. Il ne pensait pas que cet enfant fût celui dont Moïse avait dit: "Le Seigneur votre Dieu vous suscitera d'entre vos frères un prophète comme moi; vous l'écouterez en tout ce qu'il vous dira."4 Il ne pensait pas que cet enfant fût celui dont Moïse avait désiré contempler la gloire. Le prêtre avait porté dans ses bras un plus grand que Moïse; et quand il inscrivit le nom de l'enfant, il enregistra le nom de celui qui était le fondement de toute l'économie juive. Ce nom allait être l'acte de condamnation à mort de cette économie; car le système des sacrifices et des offrandes était en train de vieillir; le symbole et l'ombre avaient presque rejoint la réalité. JC 37 3 La Schékinah avait abandonné le sanctuaire, mais sous l'enfant de Bethléhem se cachait la gloire devant laquelle les anges se prosternent. Ce petit être inconscient était la postérité promise qu'annonçait le premier autel dressé à l'entrée de l'Eden, le Schilôh, le Pacificateur. C'est lui qui s'était nommé à Moïse: JE SUIS. C'est lui qui avait conduit Israël dans la colonne de nuée et de feu. C'est lui que les voyants avaient dès longtemps annoncé: le Désiré de toutes les nations, la Racine et le Rejeton de David, l'Etoile brillante du matin. Le nom de ce faible enfant, consigné sur le registre d'Israël comme l'un de nos frères, c'était l'espérance de l'humanité déchue. Cet enfant, pour qui l'on paya le prix du rachat, c'est lui qui devait payer la rançon pour les péchés du monde entier. Il était le vrai "grand-prêtre établi sur la maison de Dieu", le chef d'un "sacerdoce non transmissible", l'intercesseur qui "s'est assis à la droite de la majesté divine au plus haut des cieux".5 JC 38 1 C'est spirituellement que l'on discerne les choses spirituelles. Dans le temple, le Fils de Dieu fut consacré à l'oeuvre qu'il devait accomplir. Le prêtre vit en lui un enfant comme tous les autres enfants. Mais bien qu'il ne discernât rien d'inaccoutumé, l'acte par lequel Dieu avait donné son Fils au monde fut reconnu. A cette occasion le Christ ne passa pas totalement inaperçu. "Il y avait à Jérusalem un homme du nom de Siméon. Cet homme était juste et pieux, il attendait la consolation d'Israël, et l'Esprit-Saint était sur lui. Il avait été divinement averti par le Saint-Esprit qu'il ne verrait pas la mort avant d'avoir vu le Christ du Seigneur." JC 38 2 En entrant dans le temple, Siméon aperçoit une famille présentant au prêtre un premier-né. Tout en elle trahit la pauvreté; pourtant Siméon prête l'oreille aux avertissements de l'Esprit, et il a le sentiment très net que l'enfant présenté au Seigneur est la consolation d'Israël, celui qu'il a désiré voir. Aux yeux du prêtre étonné, Siméon paraît ravi en extase. Il prend l'enfant rendu aux bras de Marie et le présente à Dieu, et son âme est envahie d'une joie inconnue auparavant. Il s'écrie, en élevant vers le ciel l'enfant Sauveur: JC 38 3 "Maintenant, Maître, tu laisses ton serviteur S'en aller en paix, selon ta parole. Car mes yeux ont vu ton salut, Que tu as préparé devant tous les peuples, Lumière pour éclairer les nations, Et gloire de ton peuple, Israël." JC 38 4 Cet homme était animé de l'esprit de prophétie, et tandis que Joseph et Marie méditaient ses paroles à côté de lui, il les bénit, et dit à Marie: "Voici, cet enfant est là pour la chute et le relèvement de beaucoup en Israël, et comme un signe qui provoquera la contradiction, et toi-même, une épée te transpercera l'âme, afin que les pensées de beaucoup de coeurs soient révélées." JC 39 1 La prophétesse Anne, elle aussi, vint confirmer le témoignage que Siméon avait rendu au Christ. Tandis que Siméon parlait, le visage d'Anne resplendissait d'une gloire divine, et elle exprima la gratitude de son coeur pour avoir pu contempler Christ le Seigneur. JC 39 2 Ces humbles adorateurs n'avaient pas étudié en vain les prophéties. Mais ceux qui occupaient en Israël la position de chefs et de prêtres, quoiqu'ils eussent aussi, devant eux, les précieuses déclarations, ne marchaient pas dans les voies du Seigneur, et leurs yeux ne pouvaient donc contempler la Lumière de la Vie. JC 39 3 Il en est de même actuellement. Des événements sur lesquels se concentre l'attention du ciel tout entier ne sont pas remarqués, et passent totalement inaperçus des conducteurs religieux et de ceux qui adorent dans la maison de Dieu. On rend hommage au Christ historique, on se détourne du Christ vivant. Pas plus aujourd'hui qu'il y a dix-huit cents ans, on ne reconnaît le Christ dans ses appels au sacrifice, dans les pauvres et les malheureux qui implorent du secours, ou dans une juste cause entraînant la pauvreté, les peines et l'opprobre. JC 39 4 Marie réfléchissait sur les paroles prophétiques de Siméon, si compréhensives et d'une si grande portée. Elle regardait l'enfant qui reposait sur son sein, se rappelant les paroles dites aux bergers de Bethléhem, et son coeur débordait d'une joie reconnaissante et d'une radieuse espérance. Les paroles de Siméon faisaient renaître en son esprit les déclarations prophétiques d'Esaïe: "Un rameau surgira du tronc d'Isaï, un rejeton naîtra de ses racines. L'Esprit de l'Eternel reposera sur lui, esprit de sagesse et d'intelligence, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de crainte de l'Eternel. ... La justice sera la ceinture de ses reins et la vérité sera la ceinture de ses flancs." "Le peuple, qui marchait dans les ténèbres, a vu briller une grande lumière; et la lumière a resplendi sur ceux qui habitaient le pays de l'ombre de la mort. ... Car un enfant nous est né, un fils nous a été donné; l'empire a été posé sur son épaule. On l'appellera le Conseiller admirable, le Dieu fort, le Père d'éternité, le Prince de la paix."6 JC 40 1 Cependant Marie ne comprenait pas quelle était la mission du Christ. Siméon avait déclaré qu'il serait la lumière des Gentils aussi bien que la gloire d'Israël. Les anges avaient également proclamé la naissance du Sauveur comme un sujet de joie pour tous les peuples. Dieu s'efforçait de corriger les conceptions étroites des Juifs concernant l'oeuvre du Messie. Il voulait qu'on vît en lui, non seulement le Libérateur d'Israël, mais aussi le Rédempteur du monde. Mais bien des années devaient s'écouler avant que la mère de Jésus elle-même fût capable de comprendre la mission de son fils. JC 40 2 Marie pensait au règne futur du Messie sur le trône de David, mais elle n'apercevait pas le baptême de souffrance qui devait en être le prix. Siméon montra, par les paroles qu'il adressa à Marie, que le Messie ne devait pas se frayer un passage facile à travers le monde: "Et toi-même, une épée te transpercera l'âme." La tendre pitié de Dieu fait ainsi pressentir à la mère de Jésus l'angoisse qu'elle commence à éprouver par amour pour lui. JC 40 3 Siméon avait dit: "Voici, cet enfant est là pour la chute et le relèvement de beaucoup en Israël et comme un signe qui provoquera la contradiction." Il faut tomber pour se relever. Nous devons tomber sur le Rocher et nous y briser, si nous voulons être élevés en Christ. Le moi doit être détrôné, l'orgueil doit être abaissé, si nous voulons participer à la gloire du royaume spirituel. Les Juifs repoussaient les honneurs qu'il fallait payer par l'humiliation. Ils ne voulurent pas recevoir leur Rédempteur. Jésus fut pour eux un signe de contradiction. JC 40 4 C'est ainsi "que les pensées du coeur de beaucoup seront révélées". A la lumière de la vie du Sauveur, tous les coeurs sont dévoilés, depuis celui du Créateur jusqu'à celui du prince des ténèbres. Satan a montré Dieu comme un être égoïste et tyrannique, exigeant tout, ne donnant rien, se servant de ses créatures uniquement pour sa propre gloire sans rien faire pour leur bien. Mais le don du Christ fait connaître le coeur du Père. Il atteste que les projets que Dieu a formés en notre faveur sont des "projets de paix et non de malheur".7 Il montre que si la haine que Dieu éprouve pour le péché est aussi forte que la mort, son amour pour le pécheur est plus grand que la mort. Après avoir entrepris l'oeuvre de notre rédemption, il n'épargnera rien de ce qui lui est cher pour achever cette oeuvre. Aucune vérité essentielle à notre salut n'est refusée, aucun miracle de grâce n'est négligé, aucun moyen divin ne reste sans emploi. Une grâce est ajoutée à une grâce, un don à un don. Tout le trésor du ciel s'ouvre pour ceux qu'il veut sauver. Ayant rassemblé les richesses de l'univers, et déployé les ressources de sa puissance infinie, il remet tout entre les mains du Christ, en lui disant: Tout ceci est pour l'homme. Use de ces dons pour lui apprendre qu'il n'y a pas de plus grand amour que le mien sur la terre ou dans les cieux. C'est en m'aimant qu'il trouvera son plus parfait bonheur. JC 41 1 A la croix du Calvaire, l'amour et l'égoïsme se dressent face à face. Là ils ont, l'un et l'autre, leur couronnement. Le Christ n'a vécu que pour soulager et bénir: en le mettant à mort, Satan démasque la malignité de sa haine envers Dieu, et son véritable but: détrôner Dieu et détruire celui en qui se manifeste l'amour divin. JC 41 2 C'est aussi par la vie et la mort du Christ que les pensées des hommes sont mises en lumière. La vie de Jésus, depuis la crèche jusqu'à la croix, nous invite à nous livrer et à participer à ses souffrances. C'est elle qui dévoile les pensées des hommes. Jésus apporta la vérité du ciel, et tous ceux qui étaient attentifs à la voix du Saint-Esprit furent attirés vers lui. Les adorateurs du moi ressortissaient au royaume de Satan. Par l'attitude prise à l'égard du Christ chacun fixe sa position et prononce ainsi sa propre sentence. JC 41 3 Au jour du jugement final, toute âme perdue comprendra pourquoi elle a rejeté la vérité. Même l'esprit obscurci par la transgression saisira le sens de la croix. Les pécheurs seront condamnés par la vue du Calvaire et de sa mystérieuse Victime. Tout prétexte mensonger sera balayé. Le caractère odieux de l'apostasie humaine se montrera. Les hommes verront quel aura été leur choix. Toutes les questions de vérité et d'erreur, agitées au cours de la controverse des siècles, seront alors éclaircies. Au jugement de l'univers, Dieu sera pleinement justifié en ce qui concerne l'existence et la permanence du mal. Il sera démontré que les décrets divins n'ont en aucune façon favorisé le péché. Rien n'était défectueux dans le gouvernement de Dieu, rien n'était de nature à causer du mécontentement. Quand seront révélées les pensées de tous les coeurs, fidèles et rebelles s'uniront pour déclarer: "Tes voies sont justes et véritables, roi des nations! Seigneur, qui ne craindrait et ne glorifierait ton nom? ... Parce que tes décrets de justice ont été manifestés."8 ------------------------Chapitre 6 -- Nous avons vu son étoile JC 43 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 2. JC 43 1 "Jésus était né à Bethléhem de Judée, au temps du roi Hérode. Des mages d'Orient arrivèrent à Jérusalem et dirent: Où est le roi des Juifs qui vient de naître? Car nous avons vu son étoile en Orient et nous sommes venus l'adorer." JC 43 2 Ces mages d'Orient étaient des philosophes. Ils appartenaient à une classe nombreuse et influente, comprenant des hommes de haute naissance, ainsi que la plupart des riches et des savants de leur nation. Certains, parmi eux, abusaient de la crédulité du peuple; d'autres, hommes droits, étudiant les vérités inscrites par la Providence dans la nature, étaient respectés à cause de leur intégrité et de, leur sagesse. Parmi ces derniers se trouvaient les mages qui vinrent voir Jésus. JC 43 3 La lumière divine a toujours resplendi au sein des ténèbres du paganisme. En scrutant le ciel étoilé pour y découvrir le mystère caché dans ses sentiers lumineux, ces mages contemplaient la gloire du Créateur. Désireux d'obtenir une connaissance plus complète, ils se tournèrent vers les Ecritures hébraïques. On conservait précieusement, dans leur pays, des écrits prophétiques annonçant la venue d'un instructeur divin. Balaam appartenait à la classe des magiciens, bien qu'il fût, à un moment donné, prophète de Dieu. Sous l'influence du Saint-Esprit, il avait prédit la prospérité d'Israël et l'apparition du Messie; la tradition conservait de siècle en siècle ses prophéties. Mais l'avènement du Sauveur se trouvait plus clairement révélé dans l'Ancien Testament. Les magiciens apprirent, avec bonheur, que la venue du Messie était proche, et que le monde entier allait être rempli de la connaissance de la gloire du Seigneur. JC 44 1 La nuit où la gloire de Dieu avait inondé les collines de Bethléhem, les mages avaient aperçu dans le ciel une lumière mystérieuse. Quand la lumière eut disparu, une brillante étoile apparut, s'attardant dans les cieux. Ce n'était ni une étoile fixe, ni une planète, et ce phénomène provoqua la plus vive curiosité. Cette étoile était formée par un groupe d'anges resplendissants se tenant à distance. Les mages n'en savaient rien, cependant ils eurent l'impression que l'étoile était là pour eux. Ils consultèrent des prêtres et des philosophes, ils fouillèrent d'anciens parchemins. Balaam, dans sa prophétie, avait dit: "Un astre sort de Jacob, un sceptre s'élève d'Israël."1 Cet astre étrange leur avait-il été envoyé comme un avant-coureur de celui qui était promis? Les mages avaient reçu avec empressement la lumière de la vérité envoyée par le ciel; maintenant cette lumière brillait à leurs yeux d'un éclat plus vif. Des songes les poussèrent à la recherche du Prince nouveau-né. JC 44 2 Ainsi qu'Abraham était parti à l'appel de Dieu "sans savoir où il allait",1 ainsi qu'Israël avait suivi par la foi la colonne de nuée qui devait l'amener à la terre promise, ainsi ces païens se mirent à la recherche du Sauveur annoncé. Les choses précieuses abondaient en Orient, et les mages ne partirent pas les mains vides. Se conformant à la coutume de faire, en hommage, des présents aux princes ou aux personnages de haut rang, ils se chargèrent des produits les plus riches du pays pour les offrir à celui en qui devaient être bénies toutes les familles de la terre. Marchant de nuit afin de pouvoir suivre l'étoile, les voyageurs trompaient la monotonie des heures en se remémorant les récits traditionnels et les oracles prophétiques se rapportant à celui qu'ils cherchaient. A chaque étape, aux heures de repos, ils faisaient une nouvelle étude des prophéties, et se convainquaient toujours davantage de la direction d'en haut. L'étoile leur servait de signe extérieur; ils avaient le témoignage intérieur du Saint-Esprit influençant leurs coeurs et leur communiquant l'espérance. Leur long voyage fut un voyage heureux. JC 44 3 Les voici au pays d'Israël, descendant le mont des Oliviers, ayant Jérusalem sous leurs yeux. L'étoile qui les a guidés s'arrête au-dessus du temple, puis disparaît. Ils s'avancent, impatients, certains que la joyeuse nouvelle de la naissance du Messie est le sujet de toutes les conversations. Leurs recherches n'aboutissent pas. Entrant alors dans la cité sainte, ils se rendent au temple. A leur grand étonnement, personne ne paraît connaître le Roi nouveau-né. Leurs questions ne suscitent aucune expression de joie et provoquent même la surprise et la crainte, parfois le mépris. JC 45 1 Les prêtres, occupés à répéter les traditions, vantent leur religion et leur piété, dénoncent les Grecs et les Romains comme des païens, des pécheurs de la pire espèce. Les mages ne sont pas idolâtres; aux yeux de Dieu, ils sont bien meilleurs que ses prétendus adorateurs; néanmoins les Juifs les regardent comme des païens. Leurs questions anxieuses ne font vibrer aucune corde de sympathie même chez les gardiens attitrés des saints Oracles. JC 45 2 La nouvelle de l'arrivée des mages se répandit rapidement dans tout Jérusalem. Cette visite inattendue causa une grande excitation parmi le peuple, et le bruit en parvint jusqu'au palais du roi Hérode. L'idée qu'un rival pourrait surgir éveilla les craintes de l'astucieux Edomite. Son accès au trône avait été jalonné par des meurtres sans nombre. De sang étranger, objet de la haine du peuple soumis par force, sa seule sauvegarde était la faveur de Rome. Mais le nouveau prince avait des droits plus légitimes. Il était né pour régner. JC 45 3 Hérode soupçonna les prêtres de comploter avec les étrangers en vue de fomenter des troubles populaires pour le renverser du trône. Décidé à déjouer leur plan par la ruse, le roi dissimula sa défiance. Il convoqua les chefs des prêtres et les scribes, et les questionna sur l'enseignement des livres sacrés touchant le lieu de naissance du Messie. JC 45 4 L'orgueil des docteurs juifs fut blessé par cette enquête instituée par l'usurpateur du trône, sur la demande de ces étrangers. L'indifférence avec laquelle ils consultèrent les parchemins sacrés excita la colère du tyran envieux. Hérode s'imagina qu'ils voulaient lui cacher leurs connaissances sur ce sujet. Il essaya donc de les intimider, et leur commanda de faire de soigneuses recherches, et de lui désigner le lieu de naissance du Roi attendu. "Ils lui dirent: A Bethléhem de Judée, car voici ce qui a été écrit par le prophète: Et toi, Bethléhem, terre de Juda, tu n'es certes pas la moindre des principales villes de Juda, car de toi sortira un chef, qui fera paître Israël, mon peuple." JC 46 1 Hérode voulut voir les mages en particulier. La colère et la crainte emplissaient son coeur; il sut pourtant garder une contenance calme, et reçut les étrangers avec courtoisie. Il s'enquit du moment où l'étoile était apparue, et sembla se réjouir à la pensée de la naissance du Christ. Il dit à ses visiteurs: "Allez et prenez des informations précises sur le petit enfant; quand vous l'aurez trouvé, faites-le moi savoir, afin que j'aille, moi aussi, l'adorer." Ayant dit cela il les congédia et ils prirent le chemin de Bethléhem. JC 46 2 Les prêtres et les anciens n'étaient pas aussi ignorants qu'ils voulaient le faire croire, au sujet de la naissance du Christ. On avait apporté à Jérusalem la nouvelle de la visite des anges aux bergers, mais les rabbins n'avaient pas voulu y prêter attention. Ils auraient pu trouver Jésus, et conduire les mages à son lieu de naissance. Ce furent les mages, au contraire, qui durent attirer leur attention sur la naissance du Messie. "Où est le roi des Juifs qui vient de naître?" dirent-ils. "Car nous avons vu son étoile en Orient et nous sommes venus l'adorer." JC 46 3 C'est l'orgueil et l'envie qui empêchèrent la lumière de se faire. Les prêtres et les rabbins pensaient qu'en accueillant les nouvelles apportées par les bergers et par les mages ils se placeraient dans une position difficile, et se disqualifieraient aux yeux des foules en tant qu'interprètes des vérités divines. Ces maîtres savants ne voulaient pas s'abaisser jusqu'à se laisser instruire par ceux qu'ils appelaient des païens. Il ne se pouvait pas, assuraient-ils, que Dieu eût passé à côté d'eux, pour communiquer avec des bergers ignorants et des incirconcis. Ils affichèrent donc du mépris pour les récits qui mettaient en effervescence le roi Hérode et la population de Jérusalem. Ils ne voulurent même pas se rendre à Bethléhem pour vérifier l'exactitude de ces récits. Ils traitèrent de fanatisme l'intérêt que Jésus avait suscité. Alors déjà les prêtres et les rabbins commençaient à rejeter le Christ. Dès ce moment, leur orgueil et leur obstination se transformaient en une véritable haine pour le Sauveur. Tandis que Dieu ouvrait la porte aux Gentils, les chefs du peuple juif se fermaient à eux-mêmes cette porte. JC 47 1 Les mages s'en allèrent seuls de Jérusalem. Les ombres de la nuit descendaient lorsqu'ils franchirent les portes de la ville. Après leur long voyage, déçus par l'indifférence des chefs du peuple juif, ils quittaient Jérusalem moins confiants qu'ils n'y étaient entrés; ils eurent pourtant la joie de revoir l'étoile qui les dirigeait vers Bethléhem. L'humble condition de Jésus ne leur avait pas été révélée comme aux bergers. Quand ils arrivèrent à Bethléhem, aucune garde royale ne protégeait le Roi nouveau-né. Aucun homme influent ne faisait même antichambre. Jésus reposait, emmailloté, dans une crèche, entre des campagnards sans instruction, ses parents. S'agissait-il vraiment de celui dont il était dit qu'il serait "chargé de relever les tribus de Jacob et de ramener les débris d'Israël"; qui devait être "la lumière des nations", et apporter le "salut... jusqu'aux extrémités de la terre"?2 JC 47 2 "Ils entrèrent dans la maison, virent le petit enfant avec Marie sa mère, se prosternèrent et l'adorèrent." Sous son humble déguisement, ils reconnurent en Jésus la présence de la Divinité. Ils lui donnèrent leur coeur comme à leur Sauveur, et lui présentèrent des dons: "de l'or, de l'encens et de la myrrhe." Quelle foi que la leur! On aurait pu dire d'eux ce qui fut dit plus tard du centenier romain: "En vérité, je vous le dis, je n'ai trouvé chez personne, en Israël, une si grande foi."3 JC 47 3 Les mages n'ayant pas deviné les projets d'Hérode concernant Jésus, se préparaient, après avoir rempli la mission qu'ils s'étaient proposée, à retourner à Jérusalem pour faire part au roi de leur succès. Mais un message divin, transmis en songe, leur interdit toute autre relation avec lui. Evitant donc Jérusalem, ils rentrèrent dans leur pays par un autre chemin. JC 48 1 Un songe aussi avertit Joseph. Il devait fuir en Egypte, avec Marie et l'enfant. L'ange lui dit: "Restes-y jusqu'à ce que je te dise (de revenir); car Hérode va rechercher le petit enfant pour le faire périr." Joseph obéit sans délai, et se mit en route, de nuit, pour plus de sécurité. JC 48 2 Dieu, par l'intermédiaire des mages, attira l'attention du peuple juif sur la naissance de son Fils. Les recherches qu'ils firent à Jérusalem, la curiosité qu'ils excitèrent chez le peuple, et jusqu'à l'envie d'Hérode, tout cela força la réflexion des prêtres et des rabbins, et dirigea les esprits vers les prophéties concernant le Messie, et vers le grand événement récent. JC 48 3 Satan, décidé à empêcher la lumière divine de briller dans le monde, fit appel à toute sa ruse afin d'anéantir le Sauveur. Mais celui qui ne sommeille ni ne dort, veillait sur son Enfant bien-aimé. Celui qui avait fait pleuvoir la manne du ciel sur Israël, et qui avait nourri Elie en temps de famine, offrit un refuge, en terre païenne, à Marie et à l'enfant Jésus. Les dons apportés par les mages venus d'un pays païen, furent le moyen dont se servit la Providence pour défrayer les exilés de leur voyage en Egypte et de leur séjour dans un pays étranger. JC 48 4 Les mages s'étaient trouvés parmi les premiers à souhaiter la bienvenue au Rédempteur. Les premiers ils déposèrent un don à ses pieds. Quel bonheur ils eurent ainsi à le servir! Dieu agrée l'offrande d'un coeur aimant, et il en tire le plus grand profit pour son service. Si nous avons donné nos coeurs à Jésus, nous lui apporterons aussi nos dons. A celui qui s'est donné pour nous, nous consacrerons généreusement nos biens terrestres les plus précieux, et nos meilleures facultés mentales et spirituelles. JC 48 5 Hérode attendait impatiemment à Jérusalem le retour des mages. Ses soupçons s'éveillèrent en voyant le temps passer sans qu'ils parussent. Ayant constaté le peu d'empressement des rabbins à lui indiquer le lieu de naissance du Messie, il en conclut que ceux-ci avaient deviné ses desseins, et que les mages l'avaient intentionnellement évité. Cette pensée le mit en fureur, Là où la ruse échouait, la force devait l'emporter. Il allait faire un exemple et montrer à ces orgueilleux Juifs comment seraient réprimées leurs tentatives de placer un nouveau monarque sur le trône. JC 49 1 Des soldats furent envoyés immédiatement à Bethléhem, avec l'ordre de mettre à mort tous les enfants âgés de deux ans et au-dessous. Les paisibles demeures de la cité de David furent témoins de scènes d'horreur, que le prophète avait entrevues six siècles auparavant: JC 49 2 "Une clameur s'est fait entendre à Rama, Des pleurs et beaucoup de lamentations. C'est Rachel qui pleure ses enfants; Elle n'a pas voulu être consolée, Parce qu'ils ne sont plus." JC 49 3 Les Juifs étaient responsables de ce malheur. S'ils avaient marché fidèlement et humblement devant lui, Dieu aurait désarmé la colère du roi, mais ils s'étaient séparés de Dieu par leurs péchés, ils avaient rejeté le Saint-Esprit, leur unique bouclier. Ce n'est pas avec le désir de se conformer à la volonté de Dieu qu'ils avaient étudié les Ecritures. Ils s'étaient mis à la recherche de prophéties pouvant être interprétées à leur propre avantage, pour montrer que Dieu dédaignait les autres nations. Ils prétendaient, orgueilleusement, que le Messie allait venir en qualité de roi, triomphant de ses ennemis, et foulant aux pieds, avec colère, les païens. En agissant ainsi ils avaient excité la haine de leurs dominateurs. Satan s'était proposé, en faussant leurs conceptions de la mission du Christ, d'assurer la destruction du Sauveur; mais ce fut sur leurs têtes que le mal retomba. JC 49 4 Cet acte de cruauté fut l'un des derniers qui assombrirent le règne d'Hérode. Peu après le meurtre des innocents, le roi lui-même dut se soumettre à la sentence inéluctable: il mourut d'une mort atroce. JC 49 5 Joseph, qui se trouvait encore en Egypte, fut invité par un ange de Dieu à rentrer au pays d'Israël. Comme il voyait en Jésus l'héritier du trône de David, il désirait fixer son domicile à Bethléhem; mais apprenant qu'Archélaüs régnait en Judée, à la place de son père, il craignit que les desseins de celui-ci contre le Christ ne fussent exécutés par son fils. De tous les fils d'Hérode, Archélaüs était celui qui moralement ressemblait le plus à son père. Son accession au trône avait été marquée par un tumulte à Jérusalem: des milliers de Juifs avaient été massacrés par les soldats romains. JC 50 1 De nouveau un lieu de refuge fut indiqué à Joseph. Il retourna à Nazareth, son ancien domicile, et c'est là que Jésus demeura pendant près de trente ans, "afin que s'accomplisse ce qui avait été déclaré par les prophètes: Il sera appelé Nazaréen". La Galilée obéissait à l'un des fils d'Hérode, mais la population y était beaucoup plus mélangée qu'en Judée, de sorte que les affaires des Juifs y excitaient moins d'intérêt et les droits de Jésus risquaient moins de provoquer la jalousie de ceux qui détenaient le pouvoir. JC 50 2 Voilà l'accueil que fit la terre à son Sauveur! Aucun lieu de repos où l'Enfant rédempteur fût en sûreté! Dieu ne pouvait confier aux hommes ce Fils bien-aimé, qui venait accomplir une oeuvre de salut en leur faveur. Des anges furent chargés d'assister Jésus et de le protéger jusqu'à la fin de sa mission, jusqu'à l'heure où il mourrait par la main même de ceux qu'il était venu sauver. ------------------------Chapitre 7 -- L'enfance de Jésus JC 51 0 Ce chapitre est basé sur Luc 2:39, 40, 52. JC 51 1 L'Enfance et la jeunesse de Jésus s'écoulèrent dans un petit village de montagne. Tout lieu sur la terre eût été honoré par sa présence. C'eût été un honneur pour les palais des rois de le recevoir comme hôte. Mais il passa à côté des riches demeures, des cours royales, et des centres intellectuels que la science avait rendus célèbres, pour fixer sa demeure dans le village obscur et méprisé de Nazareth. JC 51 2 Le court récit de ses premières années est tout plein de signification: "Le petit enfant grandissait et se fortifiait; il était rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui." Dans le rayonnement de la présence de son Père, "Jésus croissait en sagesse, en stature et en grâce, devant Dieu et devant les hommes". Son esprit était actif et pénétrant; il était plus réfléchi et plus sage que les enfants de son âge. Son caractère avait un équilibre magnifique. Ses facultés intellectuelles et ses forces corporelles se développèrent graduellement, en harmonie avec les lois de l'enfance. JC 51 3 L'enfant Jésus se montrait particulièrement aimable. Il était toujours prêt à se mettre au service des autres. Rien ne pouvait lasser sa patience, et sa véracité était incorruptible. Tout en étant ferme comme un rocher dans ses principes, il manifestait dans sa vie la grâce d'une courtoisie désintéressée. JC 51 4 La mère de Jésus veillait avec la plus grande sollicitude sur le développement de ses capacités, et elle admirait la perfection de son caractère. Elle se faisait un plaisir d'encourager cet esprit vif et intelligent. Le Saint-Esprit lui donnait de la sagesse pour qu'elle pût, en coopération avec les esprits célestes, travailler au développement de cet enfant, qui ne reconnaissait que Dieu comme son père. JC 52 1 Dès les temps les plus reculés, les Israélites fidèles avaient donné les plus grands soins à l'instruction de la jeunesse. Le Seigneur avait ordonné que dès la plus tendre enfance on fût instruit au sujet de sa bonté et de sa grandeur, telles qu'elles sont révélées plus particulièrement dans sa loi, et illustrées par l'histoire d'Israël. Le chant, la prière, et l'enseignement des Ecritures devaient s'adapter aux jeunes intelligences. Pères et mères devaient enseigner à leurs enfants que la loi de Dieu est l'expression de son caractère, et que c'est en recevant dans le coeur les principes de la loi qu'on reproduit en soi-même l'image de Dieu. L'enseignement se faisait surtout oralement; cependant, les enfants apprenaient aussi à lire les caractères hébraïques; et les rouleaux de parchemin contenant l'Ancien Testament faisaient l'objet de leurs études. JC 52 2 Aux jours du Christ, une communauté n'offrant pas à la jeunesse une instruction religieuse était considérée comme frappée de malédiction divine. Mais l'enseignement était devenu routinier. La tradition avait dans une large mesure supplanté les Ecritures. Une vraie instruction aurait pour effet d'amener les jeunes gens à chercher Dieu et à s'efforcer de "le trouver si possible, en tâtonnant".1 Mais les maîtres juifs s'occupaient surtout des cérémonies. On encombrait l'esprit de matériaux inutiles, jugés sans valeur dans l'école supérieure du ciel, et ce système d'éducation ne laissait point de place pour l'expérience que l'on obtient en acceptant personnellement la Parole de Dieu. Les élèves, retenus dans un engrenage de choses extérieures, ne trouvaient pas le temps nécessaire à la communion avec Dieu. Ils ne pouvaient entendre sa voix parlant à leurs coeurs. Tout en étant à la poursuite de la science, ils se détournaient de la source de la sagesse. Les éléments essentiels du service de Dieu se trouvaient négligés, les principes de la loi, obscurcis. Ce que l'on considérait comme une instruction supérieure était en réalité le plus grand obstacle à un développement normal. L'enseignement donné par les rabbins comprimait les facultés des jeunes gens, entravait et rétrécissait leur esprit. JC 53 1 Ce n'est pas dans les écoles de la synagogue que Jésus reçut son instruction. Sa mère fut son premier maître terrestre. De ses lèvres et des rouleaux des prophètes, il recueillit la connaissance des choses divines. Sur ses genoux il apprit les paroles mêmes qu'il avait données autrefois à Israël, par l'intermédiaire de Moïse. Plus tard, il ne fréquenta pas davantage les écoles des rabbins. L'instruction qu'il eût pu puiser à cette source ne lui était pas nécessaire, Dieu lui-même étant son instructeur. JC 53 2 De l'étonnement éprouvé par les Juifs au cours du ministère du Sauveur et exprimé en ces mots: "Comment connaît-il les Ecrits, lui qui n'a pas étudié?"1 il ne faut pas conclure que Jésus ne savait pas lire, mais seulement qu'il n'avait pas reçu une instruction rabbinique. Il acquit sa connaissance ainsi que nous pouvons le faire nous-mêmes; sa grande familiarité avec les Ecritures montre comment il s'est appliqué, dans ses premières années, à l'étude de la Parole de Dieu. La vaste bibliothèque des oeuvres divines était aussi à sa disposition. Lui qui avait fait toutes choses, il étudiait maintenant les leçons gravées de sa propre main sur la terre, la mer et le ciel. A l'écart des souillures du monde, il tirait de la nature des trésors de connaissances scientifiques. Dès son jeune âge il fut animé d'un désir unique: celui de vivre pour faire du bien. A cet effet, la nature lui offrait ses ressources; de nouvelles idées concernant les méthodes à suivre affluaient à son esprit tandis qu'il étudiait à cet effet la vie des plantes, des animaux et celle de l'homme. Il s'efforçait continuellement de tirer des choses observées des illustrations pouvant lui servir à rendre plus clairs les oracles vivants de Dieu. Les paraboles par lesquelles il aimait, pendant son ministère, à enseigner les leçons de la vérité, montrent à quel point son esprit fut ouvert aux influences de la nature, et combien de leçons spirituelles il sut tirer de son entourage quotidien. JC 53 3 La signification de la Parole et des oeuvres de Dieu se dévoilait à Jésus, pendant qu'il s'efforçait de découvrir la raison des choses. Des êtres célestes l'assistaient, et son esprit était tout rempli de saintes pensées. Dès le premier éveil de son intelligence, il ne cessa de croître en grâce spirituelle et en connaissance de la vérité. JC 54 1 Tout enfant peut s'instruire comme Jésus l'a fait. Si nous nous efforçons d'apprendre à connaître notre Père céleste, au moyen de sa Parole, des anges s'approcheront de nous, pour fortifier nos esprits, pour ennoblir et élever nos caractères. Nous deviendrons semblables au Sauveur. La contemplation de tout ce qui est beau et grand dans la nature dirige nos affections vers Dieu. Une crainte salutaire envahit l'esprit, et l'âme reçoit une vigueur nouvelle, par le contact avec les oeuvres de l'Infini. La communion avec Dieu, par la prière, développe les facultés mentales et morales, et les énergies spirituelles sont accrues par la méditation des choses spirituelles. JC 54 2 Jésus a vécu en harmonie avec Dieu. Enfant, il raisonnait et parlait comme un enfant; mais jamais aucune trace de péché ne troubla l'image de Dieu qui était en lui. Il n'était cependant pas à l'abri des tentations. Les habitants de Nazareth étaient réputés pour leur méchanceté. On voit, par la question de Nathanaël, combien peu ils étaient estimés: "Peut-il venir de Nazareth quelque chose de bon?"2 L'entourage de Jésus mettait à l'épreuve son caractère. Il dut faire des efforts constants pour préserver sa pureté et fut exposé à toutes les luttes dont nous faisons l'expérience, afin de devenir pour nous un exemple dans l'enfance, la jeunesse et la virilité. JC 54 3 Satan ne se lassait pas, dans ses efforts pour remporter la victoire sur l'Enfant de Nazareth. Jésus fut gardé par des anges célestes, dès ses premières années; néanmoins sa vie fut une lutte sans trêve contre les puissances des ténèbres. La présence, sur la terre, d'une vie exempte de la souillure du péché était un sujet d'inquiétude et d'exaspération pour le prince des ténèbres. Il tendit à Jésus tous les pièges possibles. Aucun enfant de l'humanité n'aura jamais à vivre une vie sainte parmi des conflits moraux aussi formidables que ceux contre lesquels dut lutter notre Sauveur. JC 54 4 Les parents de Jésus étaient pauvres et obligés de gagner leur vie par un travail quotidien. Il fut donc familiarisé avec la pauvreté, le renoncement, les privations. Cette expérience lui servit de sauvegarde. Sa vie était trop remplie pour laisser place à l'oisiveté qui prépare le chemin aux tentations. Aucune heure inoccupée ne lui faisait rechercher des relations corruptrices. Autant que cela était possible, il fermait la porte au tentateur. Aucun gain, aucun plaisir, aucune louange, aucun blâme ne pouvait le faire consentir à commettre un acte mauvais. Il se montrait intelligent pour discerner le mal, fort pour lui résister. JC 55 1 Le Christ est le seul être qui ait vécu sur la terre sans péché; cependant il a passé près de trente ans parmi les habitants de Nazareth. Ceci montre combien ont tort ceux qui pensent qu'une vie irréprochable n'est possible que dans certaines conditions de lieu, de fortune, ou de prospérité. Au contraire, la tentation, la pauvreté, l'adversité sont les moyens disciplinaires qui développent la pureté et la fermeté. JC 55 2 Jésus vécut dans une maison de campagnards, et il prit fidèlement et joyeusement sa part des fardeaux de la vie commune. Il avait été le chef des cieux, les anges avaient trouvé leur plaisir à lui obéir; maintenant il se montrait un serviteur empressé, un fils aimant, obéissant. Il apprit un métier, et travailla de ses mains avec Joseph, dans l'échoppe de charpentier. Vêtu comme un simple ouvrier, il parcourut les rues du village, allant à son humble travail et en revenant. Jamais il ne fit usage de ses pouvoirs divins pour alléger ses charges ou diminuer ses peines. JC 55 3 Le travail contribua à développer le corps et l'esprit de Jésus pendant son enfance et sa jeunesse. Il n'employait pas ses forces physiques d'une manière téméraire, mais savait les maintenir en santé, afin d'accomplir le meilleur travail dans tous les domaines. Parfait comme ouvrier et comme homme, il n'admettait pas d'imperfection, même dans le maniement des outils. Par son exemple il a montré que nous devons être soigneux, et qu'un travail accompli avec exactitude est digne d'estime. L'exercice qui rend les mains habiles, et qui apprend aux jeunes gens à partager le faix commun, accroît les forces physiques et développe toutes les facultés. Chacun devrait se procurer une occupation utile à soi-même et aux autres. Dieu a voulu que le travail fût une bénédiction, et seul l'ouvrier diligent découvre la vraie gloire et la joie de la vie. Dieu accorde sa bienveillante approbation aux enfants et aux jeunes gens qui participent, en aidant leurs parents, aux devoirs de la maison. De tels enfants, quand ils auront quitté le foyer domestique, seront utiles à la société. JC 56 1 Pendant toute sa vie terrestre, Jésus fut un travailleur assidu. Il s'attendait à beaucoup, et il entreprenait beaucoup. Au cours de son ministère, il dit: "Il nous faut travailler, tant qu'il fait jour, aux oeuvres de celui qui m'a envoyé; la nuit vient où personne ne peut travailler."3 Jésus ne fuyait pas les soucis et les responsabilités, comme le font beaucoup de ceux qui se disent ses disciples. Plusieurs sont faibles et incapables parce qu'ils cherchent à se dérober à cette discipline. Ils peuvent se faire aimer et apprécier par certains traits de leur caractère, mais ils manquent d'énergie et sont presque inutiles quand il s'agit d'affronter des difficultés ou de surmonter des obstacles. C'est par les mêmes moyens disciplinaires qui ont agi en Christ que doivent être développées en nous l'énergie et la solidité du caractère du Christ. Et la grâce qu'il reçut nous est aussi accessible. JC 56 2 Aussi longtemps qu'il vécut parmi les hommes, le Sauveur partagea le sort des pauvres. Il connut par expérience leurs soucis et leurs misères, ce qui le rendait à même de réconforter tous les humbles ouvriers. Ceux qui ont une juste conception des enseignements se dégageant de sa vie ne penseront jamais qu'il y ait lieu de faire une distinction entre les classes de la société; les riches n'ont aucun droit à être plus honorés que les pauvres. JC 56 3 Jésus mettait de la gaieté et du tact dans son travail. Il faut beaucoup de patience et de spiritualité pour introduire la religion de la Bible dans la vie domestique et dans l'exercice d'un métier, pour supporter l'effort qu'exigent les affaires et rester cependant uniquement préoccupé de la gloire de Dieu. C'est en cela que le Christ a pu nous aider. Il n'était jamais si absorbé par les soins de la terre qu'il n'eût point de temps pour penser aux choses célestes. Il lui arrivait souvent d'exprimer la joie de son coeur par le chant de psaumes et de célestes cantiques. Les habitants de Nazareth l'entendaient exprimer des louanges et des remerciements à Dieu. Il se tenait par le chant en communion avec le ciel; et lorsque ses camarades éprouvaient la fatigue du travail, de douces mélodies sortant de ses lèvres venaient les réconforter. Ses louanges semblaient bannir les mauvais anges, et parfumer comme un encens le lieu où il était. L'esprit de ses auditeurs s'envolait de ce terrestre exil vers la patrie céleste. JC 57 1 Jésus était la source de la miséricorde guérissante pour le monde; et au cours des années qu'il passa reclus à Nazareth, un courant de sympathie et de tendresse émanait de lui. Sa présence communiquait du bonheur à tous: aux vieillards, aux affligés, aux oppressés par le poids du péché, aux enfants livrés aux jeux innocents, même aux petits animaux et aux bêtes de somme. Celui dont la parole soutient les mondes pouvait s'abaisser pour ramasser un oiseau blessé. Rien ne lui paraissait indigne de son attention ou de ses services. JC 57 2 Ainsi, tandis que Jésus croissait en sagesse et en stature, il avançait aussi en grâce aux yeux de Dieu et des hommes. En étendant sa sympathie à tous, il gagnait celle de tous les coeurs. L'atmosphère d'espoir et de courage qui l'entourait faisait de lui une source de bénédiction pour chaque famille. Souvent, le jour du sabbat, dans la synagogue, on l'invitait à lire un fragment des prophètes, et les coeurs des auditeurs tressaillaient en voyant jaillir une nouvelle lumière des paroles connues du texte sacré. JC 57 3 Et cependant Jésus évitait tout éclat extérieur. Au cours des années qu'il passa à Nazareth, il ne déploya jamais son pouvoir miraculeux. Il ne recherchait pas une situation élevée et ne revendiquait aucun titre. Une leçon importante se dégage de son existence humble et calme, ainsi que du silence des Ecritures au sujet de ses premières années. Plus une vie d'enfant, exempte d'excitations artificielles, est tranquille et simple, en harmonie avec la nature, plus elle est favorable au développement de sa vigueur physique et mentale et de sa force spirituelle. JC 58 1 Jésus est notre modèle. Beaucoup de personnes s'arrêtent avec intérêt à considérer son ministère public, négligeant l'enseignement de ses premières années. C'est dans sa vie de famille qu'il est le modèle de tous les enfants, de tous les jeunes gens. Le Sauveur consentit à vivre pauvre, pour nous montrer combien nous pouvons vivre près de Dieu si modeste que soit notre sort. Il s'efforça de plaire à son Père, de l'honorer et de le glorifier dans les choses ordinaires de la vie. Il commença son oeuvre en consacrant le simple métier de ceux qui sont obligés de gagner leur pain quotidien, se sentant au service de Dieu tout autant lorsqu'il travaillait à son banc de charpentier que plus tard, lorsqu'il accomplissait des miracles en faveur des foules. Tout jeune homme qui suit l'exemple du Christ, exemple de fidélité et d'obéissance au sein de la famille, peut s'appliquer les paroles que le Père a prononcées par l'Esprit saint: "Voici mon serviteur, celui que je tiens par la main; mon élu, en qui mon âme prend plaisir."4 ------------------------Chapitre 8 -- Visite de Pâque JC 59 0 Ce chapitre est basé sur Luc 2:41-51. JC 59 1 Chez les Juifs, l'âge de douze ans servait de ligne de démarcation entre l'enfance et la jeunesse. L'Hébreu à cet âge était appelé fils de la loi, et aussi fils de Dieu. Certains avantages lui étaient accordés en ce qui concerne l'instruction religieuse: on l'admettait à participer aux fêtes sacrées et aux rites. Comme tous les Israélites pieux, Joseph et Marie allaient chaque année assister à la Pâque; quand Jésus eut atteint l'âge fixé, pour se conformer aux usages, il accompagna ses parents. JC 59 2 Trois fois par année, à l'occasion des fêtes de Pâque, de Pentecôte et des Tabernacles, tous les hommes d'Israël devaient se présenter devant le Seigneur à Jérusalem. De ces trois fêtes, celle de Pâque rassemblait le plus de monde. Les Juifs y accouraient en grand nombre, de tous les pays où ils étaient dispersés. Beaucoup d'adorateurs venaient de toutes les parties de la Palestine. Il fallait plusieurs jours pour se rendre de la Galilée à Jérusalem, et les pèlerins voyageaient en groupes nombreux pour être en société et pour se défendre, à l'occasion. Les femmes et les vieillards chevauchaient des boeufs ou des ânes par des chemins abrupts et rocailleux; les hommes forts et les jeunes gens allaient à pied. C'était la fin de mars ou le commencement d'avril: les fleurs et le chant des oiseaux égayaient la route. La vue de lieux mémorables dans l'histoire d'Israël, donnait aux parents l'occasion de raconter à leurs enfants les merveilles opérées par Dieu en faveur de son peuple, au cours des siècles écoulés. Le chant et la musique écourtaient la longueur du voyage, et quand, enfin, les tours de Jérusalem surgissaient à l'horizon, toutes les voix s'unissaient en cet hymne de triomphe: JC 60 1 "Nos pas s'arrêtent dans tes portes, ô Jérusalem!... Que la paix soit dans tes murs et la sécurité dans tes palais!"1 JC 60 2 Le rite pascal fut institué lors de la naissance de la nation hébraïque. Dieu avait annoncé à Pharaon le châtiment final dont les Egyptiens allaient être frappés. La dernière nuit de servitude en Egypte, alors qu'aucun signe de délivrance n'était visible, Dieu donna aux Israélites l'ordre de se préparer pour un départ immédiat et de rassembler les membres de leurs familles à l'intérieur des maisons. Après avoir aspergé, du sang d'un agneau immolé, les poteaux de leurs portes, ils devaient manger l'agneau rôti avec du pain sans levain et des herbes amères. "Voici donc comment vous le mangerez, dit-il: vous aurez les reins ceints, les sandales aux pieds et le bâton à la main; et vous le mangerez à la hâte. C'est la Pâque de l'Eternel."1 A minuit tous les premiers-nés parmi les Egyptiens furent tués. Alors le roi adressa ce message à Israël: "Levez-vous! Sortez du milieu de mon peuple. ... Allez servir l'Eternel, comme vous l'avez dit." Les Hébreux quittèrent l'Egypte comme une nation indépendante. Le Seigneur avait ordonné de célébrer la Pâque chaque année. Il avait dit: "Quand vos enfants vous diront: Que signifie pour vous cette cérémonie? vous répondrez: C'est le sacrifice de la Pâque, en l'honneur de l'Eternel, qui passa par-dessus les maisons des Israélites en Egypte lorsqu'il frappa les Egyptiens."2 Ainsi l'histoire de cette délivrance merveilleuse allait être répétée de génération en génération. JC 60 3 Une fête de sept jours, pendant lesquels on mangeait des pains sans levain, suivait la Pâque. Au second jour de la fête, on présentait au Seigneur une gerbe d'orge comme prémices de la moisson. Toutes les cérémonies de la fête étaient autant de symboles se rapportant à l'oeuvre du Christ. La délivrance d'Israël hors d'Egypte offrait une image de la rédemption, à laquelle la Pâque faisait penser. Le Sauveur était représenté par l'agneau immolé, par les pains sans levain, par la gerbe des prémices. JC 60 4 Chez la plupart des contemporains du Christ, l'observation de cette fête avait dégénéré en formalisme. Mais quelle signification ne revêtait-elle pas aux yeux du Fils de Dieu! JC 61 1 Pour la première fois l'enfant Jésus vit le temple. Il aperçut les prêtres vêtus de blanc accomplissant leur ministère solennel. Il vit la victime sanglante sur l'autel du sacrifice. Il se prosterna pour prier avec les autres adorateurs tandis que la nuée d'encens montait vers Dieu. Il assista aux rites si impressionnants du service pascal. Et de jour en jour il en comprit mieux la signification. Chaque acte lui paraissait lié à sa propre vie. De nouveaux désirs s'éveillaient en lui. Silencieux et méditatif, il paraissait sonder un grand problème. Le Sauveur commençait à percer le mystère de sa mission. JC 61 2 Ravi par la contemplation de ces scènes, il s'éloigna de ses parents et chercha la solitude. Et lorsque les services de la Pâque furent terminés, il s'attarda dans les cours du temple, si bien qu'il fut laissé en arrière quand les adorateurs partirent de Jérusalem. JC 61 3 A l'occasion de cette visite à Jérusalem, les parents de Jésus désiraient le mettre en rapport avec les grands docteurs d'Israël. Quoiqu'il obéît à la Parole de Dieu dans tous les détails, il ne se conformait pas aux rites et usages des rabbins. Joseph et Marie espéraient qu'il fût possible de l'amener à révérer les savants rabbins et à prêter une attention plus diligente à leurs exigences. Mais, pendant sa visite au temple, Jésus avait été instruit par Dieu, et il commença immédiatement à enseigner ce qu'il avait reçu. Un local attenant au temple servait d'école sacrée, suivant l'usage des écoles de prophètes. Les principaux rabbins s'y rencontraient avec leurs élèves. Jésus entra dans cette salle. Assis aux pieds de ces hommes graves et savants, il écoutait leurs enseignements. Comme quelqu'un qui cherche à s'instruire, il interrogeait ces docteurs au sujet des prophéties et des événements se produisant à ce moment-là et annonçant la venue du Messie. JC 61 4 Jésus se présenta comme quelqu'un qui eût soif de la connaissance de Dieu. Ses questions suggéraient des vérités profondes, longtemps oubliées, et cependant vitales pour le salut des âmes. Chacune de ses interrogations, tout en découvrant combien étroite et superficielle était la science de ces prétendus sages, mettait devant eux une leçon divine et retraçait un nouvel aspect de la vérité. Les rabbins disaient que le Messie allait élever au plus haut degré la nation juive; mais Jésus leur rappelait la prophétie d'Esaïe, et leur demandait la signification des passages annonçant les souffrances et la mort de l'Agneau de Dieu. A leur tour les docteurs le questionnèrent et s'étonnèrent de ses réponses. Il répéta les paroles de l'Ecriture avec une humilité enfantine, leur dévoilant un sens profond dont ces sages ne s'étaient pas doutés. Si les vérités sur lesquelles il appelait alors leur attention avaient été suivies, une réforme se serait accomplie dans la religion de ce temps-là, un profond intérêt pour les choses spirituelles eût été éveillé et plusieurs eussent été préparés à recevoir Jésus quand il commença son ministère. JC 62 1 Les rabbins savaient que Jésus n'avait pas fréquenté leurs écoles; ils constataient cependant qu'il connaissait beaucoup mieux qu'eux-mêmes les prophéties. Ce jeune Galiléen, si réfléchi, leur parut plein de promesses. Ils désirèrent l'avoir comme élève, pour en faire un docteur en Israël. Ils voulaient se charger de son éducation, pensant qu'un esprit si original avait besoin d'être façonné par eux. JC 62 2 Leurs coeurs furent remués par les paroles de Jésus comme ils ne l'avaient jamais été par des paroles sortant de lèvres humaines. Dieu s'efforçait d'éclairer ces conducteurs d'Israël, et il employait pour cela le seul moyen efficace. Ces hommes orgueilleux auraient eu honte d'avouer qu'ils pouvaient être instruits par qui que ce soit. Si Jésus avait paru vouloir les éclairer, ils n'auraient pas daigné l'écouter. Mais ils s'imaginaient donner eux-mêmes des leçons, ou tout au moins examiner sa connaissance des Ecritures. Leurs préjugés se trouvaient désarmés par la modestie et la grâce juvénile de Jésus. Sans qu'ils s'en rendissent compte, leurs esprits s'ouvraient à l'influence de la Parole de Dieu, et le Saint-Esprit parlait à leurs coeurs. JC 63 1 Ils ne pouvaient s'empêcher de constater que leurs conceptions de l'oeuvre du Messie n'étaient pas conformes aux prophéties; cependant ils ne voulaient pas se résoudre à renoncer à des théories flattant leur ambition. Ils ne voulaient pas admettre d'avoir mal interprété les Ecritures qu'ils se chargeaient d'enseigner. Et ils se disaient l'un à l'autre: D'où lui viennent ces connaissances, lui qui n'a jamais étudié? La lumière brillait dans les ténèbres; mais "les ténèbres ne l'ont pas accueillie".3 JC 63 2 Pendant ce temps-là Joseph et Marie se trouvaient dans l'anxiété. En quittant Jérusalem, au milieu d'une grande confusion, ils avaient perdu de vue Jésus. Les caravanes provenant de Galilée comprenaient beaucoup de monde. Le plaisir de voyager avec des amis et de nouvelles connaissances retint quelque temps leur attention. A la tombée de la nuit seulement ils remarquèrent l'absence de Jésus. Au moment où ils s'arrêtèrent pour se reposer, la présence de leur enfant, toujours si prévenant, leur fit défaut. Ils ne s'étaient d'abord pas inquiétés, pensant qu'il était ailleurs dans la caravane. Ils avaient eu confiance en lui, malgré sa jeunesse, s'attendant à ce qu'il leur offrît ses services comme d'habitude. Peu à peu, cependant, leurs craintes s'éveillèrent. Ils le cherchèrent partout parmi leurs compagnons de route, mais en vain. Un tremblement les saisit lorsqu'ils pensèrent à la manière dont Hérode avait tenté de le supprimer lorsqu'il était encore un tout petit enfant. De sombres pressentiments alourdirent leur coeur. Ils s'adressèrent d'amers reproches. JC 63 3 Ils revinrent à Jérusalem afin d'y poursuivre leurs recherches. Le lendemain, tandis qu'ils se mêlaient aux adorateurs, dans le temple, une voix bien connue attira leur attention. Il n'y avait pas à s'y tromper: aucune voix ne ressemblait à la sienne, si sérieuse et si ardente, et en même temps si mélodieuse. JC 63 4 Ils trouvèrent Jésus dans l'école des rabbins. Si heureux qu'ils fussent, ils ne purent oublier le chagrin et l'angoisse qu'ils venaient d'éprouver. Quand Jésus les eut rejoints, sa mère ne put s'empêcher de lui dire, sur un ton de reproche: "Enfant, pourquoi nous as-tu fait cela? Voici, ton père et moi, nous te cherchons avec angoisse." Il leur répondit: "Pourquoi me cherchiez-vous? Ne saviez-vous pas qu'il faut que je m'occupe des affaires de mon Père?" Et comme ils ne semblaient pas comprendre ses paroles, il fit un signe dans la direction d'en haut. Sur son visage illuminé la divinité éclatait à travers son humanité. Au moment où ils l'avaient trouvé dans le temple, ils avaient assisté à son entretien avec les rabbins et avaient été étonnés de ses questions et de ses réponses. Ses paroles produisirent sur eux une impression ineffaçable. JC 64 1 Sa question contenait une leçon à leur intention. "Ne saviez-vous pas, leur dit-il, qu'il faut que je m'occupe des affaires de mon Père?" Jésus poursuivait une oeuvre pour laquelle il était venu dans le monde; mais Joseph et Marie avaient négligé leur tâche. C'est un grand honneur que Dieu leur avait accordé en leur confiant son Fils. De saints anges avaient dirigé la conduite de Joseph pour préserver la vie de Jésus. Or ils l'avaient perdu de vue pendant un jour entier, alors qu'ils n'eussent pas dû l'oublier un seul instant. Quand leur anxiété eut pris fin, ils avaient fait retomber sur lui le blâme qu'ils avaient mérité. JC 64 2 Il était naturel que Joseph et Marie considérassent Jésus comme leur propre enfant: il était toujours avec eux, et ressemblait, sous bien des rapports, aux autres enfants; il leur était donc difficile de se rendre compte de sa qualité de Fils de Dieu. Ils se trouvaient exposés au danger de ne pas apprécier le bienfait accordé par la présence du Sauveur du monde. Le chagrin de la séparation et le tendre reproche qu'impliquaient les paroles de Jésus, avaient eu pour but de leur montrer combien était sacré le dépôt à eux confié. JC 64 3 Par la réponse qu'il fit à sa mère, Jésus montra pour la première fois qu'il comprenait quelle était sa relation avec Dieu. Avant sa naissance l'ange avait dit à Marie: "Il sera grand et sera appelé Fils du Très-Haut, et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père. Il régnera sur la maison de Jacob éternellement, et son règne n'aura pas de fin."4 Marie avait médité sur ces paroles; elle croyait que son enfant allait devenir le Messie d'Israël, mais elle ne comprenait pas sa mission. En ce moment elle ne comprit pas les paroles de Jésus; elle vit cependant qu'il avait répudié toute parenté physique avec Joseph et s'était déclaré Fils de Dieu. JC 65 1 Jésus n'ignorait pas la nature de sa relation avec ses parents terrestres. Retourné de Jérusalem à son foyer il les aida dans leurs pénibles tâches. Cachant dans son coeur le mystère de sa mission, il attendit patiemment le moment qui lui était fixé pour commencer son oeuvre. Au cours des dix-huit années qui suivirent le moment où il avait reconnu sa filialité divine, il reconnut le lien qui le rattachait au foyer de Nazareth, et il y accomplit ses devoirs de fils, de frère, d'ami, de citoyen. JC 65 2 Après que sa mission lui eut été révélée dans le temple, Jésus évita le contact avec les foules. Il désirait retourner paisiblement de Jérusalem avec ceux qui connaissaient le secret de sa vie. Par le service pascal Dieu s'efforçait de détourner son peuple des soucis terrestres et de lui rappeler les prodiges par lesquels il l'avait délivré de l'Egypte. Dans cette oeuvre il voulait leur faire voir une promesse de délivrance du péché. De même que le sang de l'agneau immolé protégea les demeures d'Israël, le sang du Christ devait sauver leurs âmes; mais ce salut par le Christ ne devenait effectif que si par la foi ils s'appropriaient sa vie. La seule vertu du service symbolique consistait à diriger les adorateurs vers le Christ comme leur Sauveur personnel. Dieu désirait les amener à étudier et méditer dans un esprit de prière ce qui touchait à la mission du Christ. Mais lorsque les foules quittaient Jérusalem, les émotions du voyage et les rapports sociaux absorbaient trop souvent leur attention et leur faisaient oublier le service auquel ils avaient assisté. Le Sauveur ne se sentait pas attiré vers cette société. JC 65 3 Seul avec Joseph et Marie, au retour de Jérusalem, Jésus se proposait de diriger leurs esprits vers les prophéties relatives aux souffrances du Sauveur. Au Calvaire il chercherait à adoucir la peine de sa mère. Il pensait déjà à elle en ce moment. Sachant que Marie devait assister à sa dernière agonie, Jésus désirait lui faire comprendre sa mission, afin de la fortifier et lui permettre de supporter le moment où une épée lui transpercerait l'âme. Tout comme Jésus avait été éloigné d'elle pendant trois jours d'affliction, elle devrait le perdre de nouveau pendant trois jours quand il serait offert pour les péchés du monde. Puis sa douleur ferait place à la joie quand il sortirait de la tombe. Mais elle aurait mieux supporté les angoisses de sa mort si elle avait pu comprendre les Ecritures qu'il s'efforçait maintenant de présenter à sa pensée. JC 66 1 Si Joseph et Marie étaient restés en étroite communion avec Dieu par la méditation et la prière, ils auraient reconnu le caractère sacré du dépôt qui leur avait été confié, et n'auraient pas perdu de vue Jésus. Un seul jour de négligence leur ravit le Sauveur; pour le retrouver il leur fallut trois jours de recherches anxieuses. Nous-mêmes faisons semblable expérience: par des conversations oiseuses, des médisances, ou par la négligence de la prière, nous pouvons perdre en un jour la présence du Sauveur, et bien des jours de recherches douloureuses peuvent s'écouler avant que nous l'ayons retrouvé et que nous soyons rentrés en possession de la paix momentanément disparue. JC 66 2 Dans nos rapports les uns envers les autres, nous devons veiller à ne pas oublier Jésus, à ne pas poursuivre notre route sans nous rendre compte qu'il n'est pas avec nous. Quand nous nous laissons absorber par les intérêts mondains au point de ne plus penser à celui en qui se concentrent nos espoirs concernant la vie éternelle, nous nous séparons de Jésus et des anges du ciel. JC 66 3 Ces êtres saints ne peuvent demeurer là où la présence du Sauveur n'est pas désirée, où son absence n'est pas remarquée. Ceci explique pourquoi il y a si souvent du découragement chez ceux qui professent être des disciples du Christ. JC 66 4 Il y en a beaucoup qui assistent aux services religieux et se trouvent rafraîchis, réconfortés par la Parole de Dieu; mais en négligeant la méditation, la vigilance et la prière, ils perdent la bénédiction obtenue et se retrouvent plus pauvres qu'auparavant. Il leur arrive souvent de s'imaginer que Dieu les a traités durement. Ils ne voient pas que la faute réside en eux-mêmes. En s'éloignant de Jésus ils se sont privés de la lumière de sa présence. JC 67 1 Il nous serait avantageux de passer, chaque jour, une heure dans la méditation et la contemplation de la vie du Christ. Il faudrait y penser d'une manière détaillée, s'efforçant, par l'imagination, d'en reproduire toutes les scènes, surtout les dernières. En méditant ainsi sur le grand sacrifice accompli pour nous, notre confiance en Christ se trouve affermie, notre amour est intensifié, et son Esprit nous pénètre plus complètement. C'est en apprenant à nous repentir et à nous humilier au pied de la croix, que nous serons finalement sauvés. JC 67 2 Nous pouvons être en bénédiction les uns pour les autres lorsque nous nous rencontrons. Si nous appartenons au Christ il sera l'objet de nos plus douces pensées. Nous aimerons à parler de lui; alors que nous nous entretiendrons de son amour nos coeurs seront attendris par de divines influences. En contemplant la beauté de son caractère nous serons "transformés en la même image, de gloire en gloire".5 ------------------------Chapitre 9 -- Jours de lutte JC 68 1 Des ses premières années l'enfant juif se voyait soumis aux exigences des rabbins. Des lois strictes réglaient tous les actes, jusqu'aux plus petits détails de la vie. Dans les synagogues les maîtres enseignaient à la jeunesse les innombrables règles auxquelles les Juifs orthodoxes étaient censés se conformer. Mais ces choses ne présentaient aucun intérêt pour Jésus. Dès son enfance il s'émancipa complètement des lois rabbiniques. Les Ecritures de l'Ancien Testament faisaient l'objet constant de son étude et les mots "Ainsi dit le Seigneur" étaient toujours sur ses lèvres. JC 68 2 Quand il commença à se rendre compte des conditions du peuple, il vit que les exigences de la société étaient constamment en conflit avec celles de Dieu. Les hommes abandonnaient la Parole de Dieu et vantaient des théories de leur propre invention. Ils observaient des rites traditionnels dépourvus de toute vertu. Leur culte consistait en vaines cérémonies; les vérités sacrées qu'elles avaient pour but d'enseigner restaient cachées aux yeux des adorateurs. Il vit qu'ils ne trouvaient aucune paix dans ces services dépourvus de foi. Ils ignoraient la liberté d'esprit qu'ils eussent pu obtenir en servant Dieu en vérité. Venu pour enseigner la signification du culte divin, Jésus ne pouvait sanctionner ce mélange d'exigences humaines et de préceptes divins. Sans attaquer les préceptes et les usages des savants maîtres, il se contentait de se justifier par la Parole de Dieu quand on lui reprochait ses habitudes simples. JC 68 3 D'une manière aimable et sans prétention Jésus s'efforçait de plaire à son entourage. Connaissant son amabilité et sa complaisance, les scribes et les anciens s'imaginaient pouvoir l'influencer aisément par leur enseignement. Ils l'exhortèrent à recevoir les maximes et les traditions transmises par les anciens rabbins, mais il exigea des preuves tirées des saintes Ecritures. Prêt à écouter toute parole procédant de la bouche de Dieu, il refusait d'obéir aux inventions humaines. Jésus paraissait connaître les Ecritures d'un bout à l'autre, et il les présentait d'après leur vraie signification. Les rabbins étaient confus de recevoir des enseignements de la part d'un enfant. Ils soutenaient qu'il leur appartenait d'expliquer les Ecritures et que son rôle devait se borner à accepter leur interprétation. Son opposition suscitait leur indignation. JC 69 1 Ils savaient bien que l'Ecriture n'autorisait en rien leurs traditions. Ils étaient obligés d'admettre que la compréhension spirituelle de Jésus dépassait la leur de beaucoup. Mais ils s'irritaient parce qu'il ne se soumettait pas à leurs injonctions. Ne réussissant pas à le convaincre, ils se plaignirent à Joseph et à Marie de ses refus et lui firent adresser des remontrances et des blâmes. JC 69 2 Dès sa plus tendre enfance Jésus avait commencé à agir de son propre chef pour la formation de son caractère; le respect et l'amour qu'il portait à ses parents ne pouvaient le détourner de l'obéissance à la Parole de Dieu. "Il est écrit": tel était le motif qui le faisait agir toutes les fois qu'il s'écartait des coutumes familiales. Mais l'influence des rabbins lui rendait la vie amère. Dès sa jeunesse il lui fallut apprendre les dures leçons du silence et de la patience. JC 69 3 Les fils de Joseph, considérés comme ses frères, prenaient le parti des rabbins. Ils insistaient pour que les traditions reçussent le même accueil que les exigences divines. Ils plaçaient les préceptes humains au-dessus de la Parole de Dieu et la pénétration avec laquelle Jésus savait clairement distinguer entre le vrai et le faux les indisposait. La rigueur avec laquelle il obéissait à la loi de Dieu leur paraissait de l'entêtement. La connaissance et la sagesse avec lesquelles il répondait aux rabbins les surprenaient. Ils savaient bien qu'il n'avait pas été à l'école des sages et ils étaient obligés de reconnaître qu'il leur en remontrait, que l'éducation qu'il avait reçue était supérieure à la leur. Ils ne savaient pas voir qu'il avait accès à l'arbre de vie, source de connaissance ignorée par eux. JC 70 1 Le Christ n'était pas exclusif et il avait gravement offensé les pharisiens par l'éloignement qu'il manifestait sous ce rapport à l'égard de leurs règles étroites. Il constata que le domaine religieux avait été entouré de barrières infranchissables, comme étant trop sacré pour entrer en contact avec la vie quotidienne. Il renversa ces barrières. Dans ses rapports avec d'autres hommes il ne leur demandait pas: Quel est votre crédo? A quelle église appartenez-vous? Il tendait une main secourable à tous ceux qui étaient dans le besoin. Loin de s'enfermer dans une cellule d'ermite pour montrer son caractère céleste, il travaillait avec ardeur au bien de l'humanité. Il s'appuyait sur ce principe: la religion de la Bible n'exige pas la mortification du corps. Il enseignait que la religion pure et sans tache n'est pas bornée à des temps fixés et à des occasions spéciales. En tout temps et partout il s'intéressait aux hommes avec amour, répandant autour de lui la lumière d'une piété enjouée. Tout ceci comportait un blâme pour les pharisiens. Cela tendait à démontrer que la religion n'est pas faite d'égoïsme et que l'ardeur avec laquelle ils cultivaient leurs propres intérêts n'avait rien de commun avec la vraie piété. Ceci suscitait de l'inimitié contre Jésus chez ceux qui voulaient à tout prix l'amener à se conformer à leurs règles de conduite. JC 70 2 Jésus s'efforçait de soulager toutes les souffrances dont il était le témoin. Il disposait de peu d'argent, mais il lui arrivait souvent de se priver de nourriture pour secourir ceux qui lui semblaient plus nécessiteux que lui. Ses frères voyaient que son influence neutralisait la leur. Il possédait un tact qu'aucun d'entre eux n'avait, et qu'ils ne se souciaient pas d'obtenir. Quand il leur arrivait d'adresser des paroles dures à de pauvres êtres dégradés, Jésus allait à la recherche de ceux-ci pour leur apporter des paroles d'encouragement. Aux nécessiteux il offrait un verre d'eau froide et gentiment plaçait dans leurs mains son propre repas. En même temps qu'il soulageait leurs souffrances, les vérités qu'il enseignait, associées à des actes de miséricorde, se trouvaient gravées d'une manière indélébile dans leur mémoire. JC 71 1 Tout ceci déplaisait à ses frères. Plus âgés que Jésus, ils s'attribuaient le droit de le commander. Ils l'accusaient de vouloir s'élever au-dessus d'eux; ils lui reprochaient de vouloir même se placer au-dessus de leurs maîtres, des prêtres et des chefs du peuple. Souvent ils le menaçaient et tentaient de l'intimider, mais il passait outre, se guidant d'après la Parole de Dieu. JC 71 2 Jésus aimait ses frères et leur témoignait une bonté inlassable; mais ils étaient envieux et manifestaient ouvertement leur incrédulité et leur mépris. Ils ne comprenaient rien à sa conduite. Ils voyaient en lui de grandes contradictions. Il était à la fois le divin Fils de Dieu et un enfant sans défense. Créateur des mondes, propriétaire de la terre, il côtoyait la pauvreté à chaque pas. Il possédait une dignité et une individualité exemptes de tout orgueil, de toute prétention; il n'aspirait pas aux grandeurs mondaines; il était satisfait dans les conditions les plus humbles. Ceci irritait ses frères, incapables de comprendre comment il pouvait garder sa sérénité au sein des épreuves et des privations. Ils ne savaient pas qu'il s'était "fait pauvre" "afin que par sa pauvreté" nous fussions "enrichis".6 Ils étaient aussi incapables de comprendre le mystère de sa mission que les amis de Job de comprendre l'humiliation et la souffrance de ce dernier. JC 71 3 Les frères de Jésus ne le comprenaient pas parce qu'il ne leur ressemblait pas. Leur idéal n'était pas le sien. En regardant aux hommes ils s'étaient détournés de Dieu et sa puissance ne se déployait pas dans leur vie. Les formes religieuses observées par eux étaient incapables de transformer le caractère. Ils payaient "la dîme de la menthe, de l'aneth et du cumin", mais ils négligeaient "ce qu'il y a de plus important dans la loi: le droit, la miséricorde et la fidélité".1 L'exemple de Jésus était pour eux une source continuelle d'irritation. Il ne détestait qu'une chose au monde: le péché. Il ne pouvait assister à une action coupable sans manifester sa douleur. Entre les formalistes, qui dissimulaient l'amour du péché sous un masque de sainteté, et un caractère où prédominait sans cesse le souci de la gloire de Dieu, le contraste était évident. Parce que sa conduite condamnait le mal, Jésus rencontrait de l'opposition au foyer et au dehors. On tournait en dérision sa générosité et son intégrité. Sa patience et sa bonté étaient flétries comme preuves de lâcheté. JC 72 1 Toutes les amertumes qui constituent la part de l'humanité, le Christ les a subies. Il s'en trouva pour le mépriser en raison de sa naissance, et même dans son enfance il lui fallut supporter des regards moqueurs et de méchants chuchotements. Il ne serait pas pour nous un modèle parfait s'il s'était laissé aller à un mot ou à un geste impatient, s'il avait cédé à ses frères par le moindre acte coupable. Il n'aurait pas accompli le plan de la rédemption. S'il avait trouvé la moindre excuse pour le péché, Satan eût triomphé, le monde se serait perdu. Ce fut pour cette raison que Satan s'efforça de lui rendre la vie aussi difficile que possible, dans l'espoir de l'induire au péché. JC 72 2 Cependant pour chaque tentation il eut une réponse: "Il est écrit." Rarement il réprimanda ses frères quand ils agissaient mal, mais il avait toujours pour eux une parole de Dieu. Il fut souvent accusé de lâcheté parce qu'il refusait de se joindre à ses frères dans un acte défendu; sa réponse était invariablement: Il est écrit: "La crainte du Seigneur, voilà la sagesse; se détourner du mal, voilà l'intelligence!"1 JC 72 3 Certains recherchaient sa compagnie, se sentant en paix en sa présence; d'autres l'évitaient, se sentant repris par sa vie immaculée. De jeunes camarades l'invitaient à les imiter. Il était vif et gai; ils éprouvaient du plaisir à le voir, et ils écoutaient volontiers ses suggestions; mais ses scrupules provoquaient leur impatience; ils le trouvaient étroit et guindé. Jésus répondait: Il est écrit: "Comment le jeune homme rendra-t-il pure sa conduite? C'est en restant fidèle à ta parole." "J'ai serré ta parole dans mon coeur, afin de ne pas pécher contre toi."2 JC 72 4 On lui demandait souvent: Pourquoi cherches-tu à te singulariser, à différer d'avec nous? Il est écrit, disait-il: "Heureux ceux dont la conduite est intègre et qui suivent la loi de l'Eternel! Heureux ceux qui obéissent à ses enseignements, qui le recherchent de tout leur coeur, qui ne commettent pas d'iniquité, mais qui marchent dans les voies de l'Eternel!"3 JC 73 1 Quand on lui demandait pourquoi il ne participait pas aux amusements de la jeunesse de Nazareth, il disait: Il est écrit: "Je trouve autant de joie à suivre tes enseignements qu'à posséder tous les trésors du monde. Je méditerai tes commandements. Et je fixerai mes regards sur tes sentiers. Je ferai mes délices de tes préceptes et je n'oublierai point tes paroles."4 JC 73 2 Jésus ne défendait pas âprement ses droits. Souvent sa tâche était rendue plus difficile qu'il n'était nécessaire à cause de sa complaisance et de son refus de se plaindre. Néanmoins il ne faiblissait pas, il ne cédait pas au découragement. Il vivait au-dessus de ces difficultés, comme à la clarté de la face de Dieu. Au lieu de se venger, quand on lui causait du tort, il supportait patiemment l'injure. JC 73 3 On ne cessait de lui demander: Pourquoi te laisses-tu ainsi maltraiter, même par tes frères? Il est écrit, déclarait-il: "Mon fils, n'oublie pas mon enseignement et que ton coeur garde mes commandements: ils t'assureront de longs jours, des années de vie et de bonheur. Que la bonté et la vérité ne t'abandonnent point; lie-les à ton cou, écris-les sur la table de ton coeur. Ainsi tu trouveras grâce et auras la vraie sagesse aux yeux de Dieu et des hommes."5 JC 73 4 A partir du moment où Jésus fut trouvé dans le temple par ses parents, sa conduite fut un mystère pour eux. Il évitait la controverse, mais son exemple constituait une leçon constante. Il paraissait mis à part. Son plus grand bonheur était de se trouver seul avec Dieu dans la nature. Toutes les fois qu'il en avait l'occasion, il s'éloignait du lieu de son travail; il se rendait dans les champs, méditait dans les vertes vallées, goûtait la communion avec Dieu sur les pentes des montagnes ou au milieu des arbres de la forêt. Souvent on aurait pu le voir en un lieu solitaire, de bon matin, méditant, scrutant les Ecritures, ou en prière. Après ces heures tranquilles il rentrait au foyer pour reprendre ses tâches et donner l'exemple de la patience dans le travail. JC 74 1 La vie du Christ était caractérisée par le respect et l'amour dont il entourait sa mère. Marie croyait en son coeur que le saint enfant auquel elle avait donné le jour était le Messie promis depuis longtemps; toutefois elle n'osait pas exprimer sa foi. Elle partagea les souffrances de ce fils aussi longtemps qu'il vécut sur la terre. Avec douleur elle fut témoin des épreuves qu'il eut à traverser pendant son enfance et sa jeunesse. Elle se mit parfois dans une position délicate en voulant défendre sa conduite qu'elle savait droite. Elle reconnaissait que les rapports de famille et les soins tendres et vigilants d'une mère ont une importance vitale pour la formation du caractère des enfants. Sachant cela, les fils et les filles de Joseph s'efforçaient, en éveillant son anxiété, d'amener Jésus à se conformer à leurs usages. JC 74 2 Souvent Marie adressait des remontrances à Jésus, le pressant de se conformer aux usages des rabbins. Mais rien ne pouvait le persuader de changer ses habitudes, de cesser de contempler les oeuvres de Dieu et de chercher à soulager les souffrances des hommes et des animaux. Marie fut profondément troublée quand les prêtres et les instructeurs firent appel à son aide pour placer Jésus sous leur contrôle; la paix revint dans son coeur quand il eut justifié sa conduite par des déclarations de l'Ecriture. JC 74 3 Parfois il arrivait à Marie d'hésiter entre Jésus et ses frères, ceux-ci ne croyant pas qu'il était l'Envoyé de Dieu. Il était évident, cependant, qu'il avait un caractère divin. Elle le voyait se sacrifier pour le bien d'autrui. Sa présence créait une atmosphère plus pure au foyer; sa vie agissait comme un levain au sein de la société. Inoffensif et sans souillure, il marchait au milieu des insouciants, des êtres grossiers et impolis; parmi les publicains injustes, les prodigues téméraires, les paysans grossiers, les Samaritains, les soldats païens et la multitude disparate. Ici et là il faisait entendre un mot de sympathie quand il voyait des hommes épuisés de fatigue, contraints de porter de lourds fardeaux. Il partageait ces fardeaux et répétait les leçons apprises au sein de la nature, concernant l'amour, la sollicitude, la bonté de Dieu. JC 75 1 Il enseignait à tous qu'ils devaient se considérer comme doués de talents précieux, dont un emploi judicieux pouvait leur assurer d'éternelles richesses. Il extirpait toute vanité de la vie, et par son exemple il montrait que tout moment est gros de conséquences éternelles; qu'il doit être chéri comme un trésor et employé dans de saintes entreprises. Aucun être humain n'était jugé méprisable; à chaque âme il cherchait à appliquer un remède salutaire. Dans quelque milieu qu'il se trouvât, il présentait une leçon appropriée au moment et aux circonstances. Il s'efforçait de communiquer de l'espoir aux personnes les plus rudes et dont on attendait le moins, les assurant qu'il leur était donné de devenir irréprochables et inoffensives, et d'acquérir un caractère attestant leur qualité d'enfants de Dieu. Il rencontrait souvent ceux qui avaient glissé sous le pouvoir de Satan et qui se voyaient incapables d'échapper à ses pièges. A de telles âmes, découragées, malades, tentées, déchues, Jésus adressait des paroles chargées de tendre pitié, paroles nécessaires et qui pouvaient être comprises. Il en rencontrait d'autres qui luttaient corps à corps avec l'ennemi des âmes. Il les encourageait à persévérer, étant donné que des anges se tenaient à leurs côtés pour leur faire remporter la victoire. Ceux qu'il avait aidés de cette manière étaient convaincus qu'ils pouvaient avoir une pleine confiance en lui et qu'il ne saurait trahir les secrets confiés à son oreille sympathique. JC 75 2 Jésus guérissait le corps aussi bien que l'âme. Il s'intéressait à toute douleur connue; à toute âme souffrante il apportait du réconfort. Ses paroles aimables étaient comme un baume adoucissant. On ne pouvait dire qu'il avait accompli un miracle; toutefois une vertu -- une influence guérissante procédant de l'amour -- émanait de lui en faveur du malade et de l'âme en détresse. Il opérait ainsi d'une manière discrète en faveur de la population, et cela dès son enfance. C'est pourquoi on l'écouta volontiers quand il eut commencé son ministère public. JC 76 1 Il faut dire, toutefois, qu'à travers son enfance, sa jeunesse, sa virilité, Jésus resta seul. Dans sa pureté et sa fidélité il foula seul au pressoir, sans l'aide de personne. Il portait un terrible fardeau de responsabilité pour le salut des hommes. Il savait que sans un changement radical de principes et de buts, la race humaine tout entière était perdue. Cela pesait sur son âme, et personne ne pouvait imaginer de quel poids ce fardeau l'accablait. Animé d'un désir ardent, il poursuivait le dessein de sa vie, qui était de devenir la lumière des hommes. ------------------------Chapitre 10 -- Une voix dans le désert JC 77 0 Ce chapitre est basé sur Luc 1:5-23; 57-80; 3:1-18; Matthieu 3:1-12; Marc 1:1-8. JC 77 1 Le précurseur du Christ s'éleva parmi les fidèles d'Israël qui avaient longuement attendu la venue du Messie. Le vieux prêtre Zacharie et sa femme Elisabeth étaient tous deux "justes devant Dieu". Dans leur vie tranquille et sainte, la lumière de la foi brillait comme une étoile parmi les ténèbres de cet âge corrompu. Ce couple pieux reçut la promesse d'un fils, qui devait marcher "devant le Seigneur, pour préparer ses voies". JC 77 2 Zacharie habitait dans "les montagnes de la Judée", mais il était monté à Jérusalem pour officier dans le temple pendant une semaine, un service exigé deux fois par an des prêtres de chaque classe. "Or, pendant son service sacerdotal devant Dieu, selon le tour de sa classe, il fut désigné par le sort, suivant la règle du sacerdoce, pour entrer dans le temple du Seigneur et pour y offrir le parfum." JC 77 3 Il se tenait devant l'autel d'or dans le lieu saint du sanctuaire. Un nuage d'encens montait vers Dieu avec les prières d'Israël. Soudain il eut le sentiment d'une présence divine. Un ange du Seigneur se tenait "debout à droite de l'autel des parfums". Cette position de l'ange indiquait des intentions favorables, mais Zacharie ne s'en rendit pas compte. Pendant bien des années Zacharie avait fait de la venue du Rédempteur l'objet de ses prières; le ciel envoyait maintenant un messager pour lui annoncer que ses prières allaient être exaucées; mais il ne pouvait croire à une si grande grâce de la part de Dieu. Il était tout craintif et se sentait condamné. JC 77 4 Ces paroles vinrent le rassurer: "Sois sans crainte, Zacharie; car ta prière a été exaucée. Ta femme Elisabeth t'enfantera un fils, et tu l'appelleras du nom de Jean. Il sera pour toi un sujet de joie et d'allégresse, et beaucoup se réjouiront de sa naissance. Car il sera grand devant le Seigneur: il ne boira ni vin, ni boisson enivrante, il sera rempli de l'Esprit-Saint... et ramènera beaucoup des fils d'Israël au Seigneur, leur Dieu. Il marchera devant lui avec l'esprit et la puissance d'Elie, pour ramener le coeur des pères vers les enfants, et les rebelles à la sagesse des justes, et pour préparer au Seigneur un peuple bien disposé. Zacharie dit à l'ange: A quoi reconnaîtrai-je cela? Car je suis vieux, et ma femme est d'un âge avancé." JC 78 1 Zacharie savait qu'un enfant avait été accordé à Abraham dans un âge avancé parce qu'il avait cru que celui qui avait fait la promesse était fidèle. Mais pour l'instant le vieux prêtre arrêta sa pensée sur la faiblesse de l'humanité. Il oublia que Dieu est capable d'accomplir ce qu'il a promis. Quel contraste entre cette incrédulité et la douce foi enfantine de Marie, la jeune fille de Nazareth, qui à l'annonce étonnante de l'ange avait répondu: "Voici la servante du Seigneur; qu'il me soit fait selon ta parole."1 JC 78 2 La naissance du fils de Zacharie, ainsi que celle du fils d'Abraham et celle du fils de Marie, renferment une grande vérité spirituelle, que nous sommes lents à apprendre et prompts à oublier. Par nous-mêmes nous sommes incapables de faire aucun bien; mais ce que nous ne pouvons faire, la puissance de Dieu l'accomplira en toute âme soumise et croyante. C'est par la foi que fut donné l'enfant de la promesse. C'est également par la foi que la vie spirituelle est engendrée, et que nous sommes rendus capables d'accomplir des oeuvres de justice. JC 78 3 En réponse à la question de Zacharie l'ange dit: "Moi, je suis Gabriel, celui qui se tient devant Dieu; j'ai été envoyé pour te parler et t'annoncer cette bonne nouvelle." Cinq cents ans auparavant, Gabriel avait fait connaître à Daniel la période prophétique devant s'étendre jusqu'à la venue du Christ. Sachant que cette période était près d'expirer, Zacharie s'était senti pressé de prier en vue de l'avènement du Messie. Maintenant le même messager qui avait apporté l'oracle à Daniel venait annoncer l'accomplissement. JC 79 1 Les paroles de l'ange: "Je suis Gabriel, celui qui se tient devant Dieu", montrent qu'il occupe une haute position d'honneur dans les parvis célestes. Un jour qu'il s'était présenté à Daniel porteur d'un message, il avait dit: "Il n'y a personne qui me soutienne contre les chefs ennemis, sinon Micaël [le Christ], votre propre chef."1 C'est à Gabriel que faisait allusion le Sauveur quand il disait, dans l'Apocalypse, "qu'il a fait connaître" sa révélation "par l'envoi de son ange à son serviteur Jean".2 Et cet ange déclara à Jean: "Je suis ton compagnon de service, et celui de tes frères les prophètes".3 Magnifique pensée: c'est l'ange qui suit immédiatement le Fils de Dieu, quant au rang, qui a été choisi pour découvrir aux hommes pécheurs les desseins de Dieu. JC 79 2 Pour avoir exprimé un doute concernant les paroles de l'ange, Zacharie allait demeurer muet jusqu'à l'accomplissement. "Voici, dit l'ange, tu seras muet, et tu ne pourras parler jusqu'au jour où cela se produira, parce que tu n'as pas cru à mes paroles, qui s'accompliront en leur temps." Le prêtre officiant dans ce service était tenu de prier pour demander le pardon des péchés publics et nationaux, et pour la venue du Messie; quand Zacharie essaya de le faire il ne put prononcer un seul mot. JC 79 3 Sorti pour bénir le peuple, "il se mit à leur faire des signes, et demeurait muet". L'attente s'était prolongée, et l'on commençait à craindre qu'il eût été frappé par un jugement divin. Mais lorsqu'il sortit du lieu saint, son visage rayonnait d'une gloire divine "et ils comprirent qu'il avait eu une vision dans le temple". Zacharie leur fit savoir ce qu'il avait vu et entendu. Puis, "lorsque ses jours de service furent achevés, il retourna chez lui". JC 79 4 Sitôt que fut né l'enfant promis, la langue du père fut déliée, "il parlait et bénissait Dieu. La crainte saisit tous les habitants d'alentour, et, dans toutes les montagnes de la Judée, on s'entretenait de tous ces événements. Tous ceux qui en entendaient parler les prirent à coeur et dirent: Que sera donc ce petit enfant?" Tout ceci avait pour but d'appeler l'attention sur la venue du Messie que Jean avait la mission de préparer. Le Saint-Esprit reposa sur Zacharie et lui inspira ces magnifiques paroles par lesquelles il retraça à l'avance la mission de son fils: JC 80 1 "Et toi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut; Car tu marcheras devant le Seigneur pour préparer ses voies, Pour donner à son peuple la connaissance du salut par le pardon de ses péchés, Grâce à l'ardente compassion de notre Dieu. C'est par elle que le soleil levant nous visitera d'en haut Pour éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort, Et pour diriger nos pas dans le chemin de la paix." JC 80 2 "Or, le petit enfant grandissait et se fortifiait en esprit. Il demeurait dans les déserts, jusqu'au jour où il se présenta devant Israël." L'ange avait dit, en annonçant la naissance de Jean: "Il sera grand devant le Seigneur: il ne boira ni vin, ni boisson enivrante, il sera rempli de l'Esprit-Saint." Le fils de Zacharie avait été appelé à une oeuvre importante, la plus importante que Dieu ait jamais confiée à des hommes. Pour accomplir cette oeuvre, la coopération du Seigneur lui sera nécessaire. Et l'Esprit de Dieu ne l'abandonnera pas si les instructions de l'ange sont suivies. JC 80 3 Jean, messager de Jéhovah, apporte aux hommes la lumière divine. Par lui les pensées prennent une nouvelle direction. Il montre la sainteté des exigences divines et le besoin d'une justice parfaite venant de Dieu. Un tel messager doit être saint. L'Esprit de Dieu doit habiter en lui comme en un temple. L'accomplissement de cette mission demande une constitution physique normale et une grande vigueur mentale et spirituelle. Il faut donc qu'il sache dominer ses appétits et ses passions, et soit tellement maître de lui-même que les circonstances environnantes le laissent aussi ferme que les rochers et les montagnes du désert. JC 80 4 Au temps de Jean-Baptiste on était généralement avide de richesses et l'on aimait le luxe et l'ostentation. Les plaisirs sensuels, les festoiements et la boisson produisaient les maladies physiques et la dégénérescence, obscurcissant les perceptions spirituelles, diminuant la sensibilité au péché. Jean devait se présenter comme un réformateur. Sa vie d'abstinent et son vêtement simple devaient condamner les excès du temps. D'où les directions communiquées aux parents de Jean -- une leçon de tempérance donnée par l'ange venu du trône des cieux. JC 81 1 Au cours de l'enfance et de la jeunesse le caractère est très impressionnable. C'est alors qu'il faut acquérir la maîtrise de soi-même. Au coin du feu et à la table familiale s'exercent des influences dont les résultats ont une durée éternelle. Bien plus que les dons naturels, les habitudes contractées dans les premières années décident si un homme sera victorieux ou vaincu dans la bataille de la vie. Le jeune âge est le temps des semailles. Il détermine la nature de la moisson pour la vie présente et pour la vie à venir. JC 81 2 En qualité de prophète, Jean devait "ramener le coeur des pères vers les enfants, et les rebelles à la sagesse des justes" afin de "préparer au Seigneur un peuple bien disposé". Tout en préparant la voie devant le premier avènement du Christ, il représentait ceux à qui incombe la tâche de préparer un peuple pour la seconde venue de notre Seigneur. Le monde s'abandonne à la recherche de soi-même. Les erreurs et les fables abondent. Satan multiplie ses pièges pour détruire les âmes. Tous ceux qui désirent achever leur sanctification dans la crainte de Dieu doivent apprendre des leçons de tempérance et de maîtrise de soi-même. Les appétits et les passions doivent être assujettis aux plus nobles facultés de l'esprit. L'auto-discipline est indispensable pour obtenir une force mentale et un discernement spirituel permettant de comprendre et de mettre en pratique les vérités sacrées de la Parole de Dieu. Telle est la raison pour laquelle la tempérance trouve sa place dans l'oeuvre de préparation en vue de la seconde venue du Christ. JC 81 3 Selon l'ordre naturel des choses, le fils de Zacharie aurait dû être préparé pour le sacerdoce. Mais l'instruction reçue dans les écoles rabbiniques l'eût disqualifié pour l'oeuvre qui l'attendait. Dieu ne l'envoya pas auprès des professeurs de théologie pour y apprendre à interpréter les Ecritures. Il l'appela au désert afin qu'il y connût la nature et le Dieu de la nature. JC 82 1 Il élut domicile dans une région solitaire, parmi des collines stériles, des ravins sauvages, des grottes rocheuses. Par sa propre décision, il préféra aux plaisirs et aux luxes de la vie la sévère discipline du désert. Les choses qui l'entouraient favorisaient des habitudes de simplicité et de renoncement. Sans être troublé par les rumeurs du monde, il pouvait étudier les leçons de la nature, de la révélation, de la Providence. Les paroles adressées à Zacharie par l'ange avaient souvent été répétées à Jean par ses parents pieux. Sa mission lui avait été présentée dès son jeune âge, et il avait accepté ce saint dépôt. La solitude du désert lui permettait de s'évader loin de cette société où régnaient la suspicion, l'incrédulité, l'impureté. Il se défiait de ses propres moyens pour résister à la tentation, et fuyait le contact du péché par crainte de perdre le sens de son caractère excessivement péchant. JC 82 2 Consacré à Dieu dès sa naissance, en qualité de Nazaréen, Jean restera fidèle à son voeu, toute sa vie. Comme les anciens prophètes, il porte un vêtement de poils de chameau retenu par une ceinture de cuir. Il se nourrit de sauterelles et du miel sauvage qu'il trouve au désert, et boit l'eau pure descendant des collines. JC 82 3 La vie de Jean ne se passait pas, cependant, dans l'oisiveté, dans un sombre ascétisme, dans un isolement égoïste. De temps en temps il sortait pour se mêler à la foule; il observait attentivement ce qui se passait dans le monde. De sa tranquille retraite il surveillait la marche des événements. Eclairé par l'Esprit divin, il étudiait le caractère des hommes, pour voir comment il pourrait atteindre les coeurs avec le message du ciel. Le fardeau de sa mission pesait sur lui. Dans la solitude, par la méditation et la prière, il équipait son âme en vue de l'oeuvre qui l'attendait. JC 82 4 Bien que séparé du monde, il subit les assauts du tentateur. Autant qu'il est en lui, cependant, il ferme toutes les issues par lesquelles Satan pourrait entrer. Sa claire perception des choses spirituelles, son caractère ferme et décidé, et l'aide du Saint-Esprit lui font reconnaître l'approche de Satan et lui permettent de résister à son pouvoir. JC 83 1 Jean a fait du désert son école et son sanctuaire. Comme Moïse sur les montagnes de Madian, il jouit de la présence de Dieu et voit les preuves de sa puissance. JC 83 2 Il ne lui était pas donné d'habiter, comme le grand conducteur d'Israël, dans la solennelle majesté des solitudes montagneuses; mais devant lui, au-delà du Jourdain, se dressaient les hauteurs de Moab, qui lui parlaient de celui qui a affermi les montagnes et les a revêtues de force. Le sombre et redoutable aspect de la nature désertique où il avait établi sa demeure offrait une peinture fidèle des conditions d'Israël. La vigne fertile du Seigneur était devenue une terre désolée. Mais au-dessus du désert les cieux apparaissaient lumineux et magnifiques. Les nuages qui s'assemblaient, chargés de tempêtes, étaient ornés de l'arc-en-ciel de la promesse. De même, au-dessus de la dégradation d'Israël resplendissait la gloire promise du règne messianique. Les nuages de la colère étaient accompagnés de l'arc-en-ciel de l'alliance de grâce. JC 83 3 Seul, dans le silence de la nuit, Jean lit la promesse par laquelle Dieu a annoncé à Abraham une postérité aussi nombreuse que les étoiles. Quand l'aurore se lève sur les montagnes de Moab, il pense à celui qui est comparé à "la splendeur du matin, au lever du soleil", à "un matin sans nuages".4 Sous l'éclat du soleil de midi il admire la splendeur de sa manifestation, quand "la gloire de l'Eternel sera manifestée et toutes les créatures, ensemble, en verront l'éclat".5 Saisi de crainte et cependant débordant de joie, il lit dans les rouleaux prophétiques, les révélations de la venue du Messie: la postérité promise écrasant la tête du serpent; le Pacificateur paraissant avant l'extinction de la lignée de David. Maintenant le temps était arrivé. Un gouverneur romain siégeait dans le palais sur le Mont Sion. Selon des déclarations certaines du Seigneur, le Christ était déjà né. JC 83 4 Jour et nuit Jean étudie, dans le livre d'Esaïe, les portraits inspirés de la gloire du Messie: le rejeton de la racine d'Isaï; le Roi de justice destiné à faire "droit aux humbles de la terre"; à être "un abri contre le vent et un refuge contre l'orage..., comme l'ombre d'un grand rocher dans un pays désolé". Grâce à lui Sion ne serait plus nommée "la délaissée", ni sa terre "la dévastée"; mais on l'appellerait: "celle en qui j'ai mis mon plaisir"; et sa terre: "l'épouse."6 Le coeur du solitaire exilé est inondé d'une glorieuse vision. JC 84 1 Il contemple le Roi dans sa beauté, et il en oublie le moi. La majesté de la sainteté lui fait sentir son incapacité et son indignité. Il est prêt à partir en qualité de messager du ciel, ne redoutant rien d'humain parce qu'il aperçoit le divin. Il peut rester debout, sans crainte, en présence des monarques de la terre, parce qu'il s'est prosterné devant le Roi des rois. JC 84 2 Jean ne comprenait pas parfaitement la nature du royaume messianique. Il s'attendait à ce qu'Israël fût délivré de ses ennemis nationaux; mais la venue d'un Roi de justice, et l'établissement d'Israël en tant que nation sainte, voilà quel était le grand objet de son espérance. Il pensait que de cette manière s'accomplirait la prophétie donnée lors de sa naissance: JC 84 3 "Ainsi... se souvient-il de sa sainte alliance. ... Ainsi nous accorde-t-il, après avoir été délivrés de la main de nos ennemis, de pouvoir sans crainte lui rendre un culte dans la sainteté et la justice, en sa présence, tout au long de nos jours." JC 84 4 Voyant son peuple trompé, satisfait de lui-même, endormi dans ses péchés, il désirait l'éveiller à une vie plus sainte. Le message dont il avait été chargé par Dieu se proposait de le tirer de sa léthargie et de lui communiquer un saint tremblement à la vue de sa grande méchanceté. Avant que la semence de la vérité pût se loger, le sol des coeurs devait être labouré. On ne chercherait la guérison auprès de Jésus qu'après avoir aperçu le danger provoqué par les blessures du péché. JC 84 5 Ce n'est pas pour flatter le pécheur que Dieu envoie ses messagers. Il ne délivre pas un message de paix susceptible de bercer les âmes non sanctifiées dans une fatale sécurité. Il fait peser de lourds fardeaux sur la conscience des malfaiteurs et transperce l'âme avec les flèches de la conviction. Par le ministère des anges les redoutables jugements de Dieu lui sont présentés afin de lui donner un sens aigu de son besoin et de lui arracher le cri: "Que dois-je faire pour être sauvé?" Alors la même main qui l'avait humilié jusque dans la poussière relève le pénitent. La voix qui s'était élevée avec vigueur contre le péché, qui avait jeté la confusion sur l'orgueil et l'ambition, demande avec une tendre sympathie: "Que veux-tu que je fasse pour toi?" JC 85 1 Quand le ministère de Jean commença, la nation se trouvait dans un état d'excitation et de mécontentement frisant la révolution. Archélaüs déposé, la Judée fut placée sous le contrôle direct de Rome. La tyrannie exercée par les gouverneurs romains, leurs exactions, leurs efforts renouvelés pour introduire des symboles et des usages païens, allumèrent la révolte qui fut étouffée dans le sang de milliers de héros israélites. Tout ceci rendait plus intense la haine nationale contre Rome et faisait désirer plus ardemment d'être délivré de son pouvoir. JC 85 2 Au milieu des querelles et des luttes, on entend une voix au désert, une voix éclatante et sévère, mais pleine d'espoir: "Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche!" Une puissance nouvelle, étrange, remue le peuple. Des prophètes ont annoncé la venue du Christ comme un événement éloigné; maintenant, on annonce qu'il est tout proche. L'aspect original de Jean fait penser aux anciens voyants. Par ses manières et ses vêtements il rappelle le prophète Elie. C'est d'ailleurs dans l'esprit et avec la puissance d'Elie qu'il stigmatise la corruption nationale et flagelle les péchés dominants. Ses paroles sont claires, directes, convaincantes. On le prend parfois pour un prophète ressuscité des morts. Toute la nation est en effervescence. Des foules accourent au désert. JC 85 3 Jean annonce la venue du Messie, invitant le peuple à la repentance. Il baptise dans les eaux du Jourdain; c'est là une image de la purification des péchés: autant dire que ceux qui prétendaient être le peuple choisi de Dieu étaient souillés par le péché, et que seule une purification du coeur et de la vie pouvait assurer une part au royaume du Messie. JC 86 1 Chefs et rabbins, soldats, publicains et paysans accouraient pour entendre le prophète. En un premier moment l'avertissement solennel de Dieu jeta l'alarme dans les esprits. Nombreux furent ceux qui se repentirent et furent baptisés. Des personnes de tout rang se soumettaient aux exigences du Baptiste dans l'espoir de participer au royaume annoncé. JC 86 2 Beaucoup de scribes et pharisiens venaient confesser leurs péchés et demander le baptême. Ils s'étaient fait passer pour meilleurs que les autres hommes et avaient entretenu une haute opinion de leur piété au sein du peuple; maintenant les secrets de leurs vies coupables étaient dévoilés. Mais le Saint-Esprit fit comprendre à Jean que plusieurs de ces hommes n'avaient pas une réelle conviction du péché. Ils étaient opportunistes. Ils pensaient que l'amitié du prophète leur assurerait la faveur du Prince qui allait venir. En recevant le baptême des mains de ce jeune instructeur populaire, ils comptaient accroître leur influence auprès du peuple. JC 86 3 Jean les reçut avec ces paroles mordantes: "Race de vipères, qui vous a appris à fuir la colère à venir? Produisez donc du fruit digne de la repentance. Et n'imaginez pas pouvoir dire en vous-mêmes: Nous avons Abraham pour père; car je vous déclare que de ces pierres Dieu peut susciter des enfants à Abraham." JC 86 4 Dieu s'était engagé à être toujours favorable à Israël; les Juifs ont mal interprété cette promesse: "Ainsi parle l'Eternel, qui a créé le soleil pour donner de la lumière pendant le jour, qui a imposé ses lois à la lune et aux étoiles afin qu'elles brillent pendant la nuit; qui soulève les flots de la mer et les fait mugir, lui qui s'appelle l'Eternel des armées: Si jamais ces lois-là venaient à être anéanties pour moi, dit l'Eternel, alors seulement la race d'Israël pourrait cesser pour toujours de former à mes yeux une nation. Ainsi parle l'Eternel: Jamais, là-haut, les cieux ne pourront être mesurés, jamais ici-bas les fondements de la terre ne pourront être sondés; jamais, non plus, je ne rejetterai la race entière des enfants d'Israël à cause de tout le mal qu'ils ont fait, dit l'Eternel."7 Les Juifs pensaient que leur descendance naturelle d'Abraham leur donnait le droit de revendiquer cette promesse. Ils oubliaient les conditions posées par Dieu même. La promesse avait été précédée de ces paroles: "Je mettrai ma loi au dedans d'eux et je l'écrirai dans leur coeur. Je serai leur Dieu et ils seront mon peuple. ... Car je pardonnerai leur iniquité et je ne me souviendrai plus de leur péché."8 JC 87 1 A un peuple qui a sa loi écrite dans les coeurs, la faveur de Dieu est assurée. Ce peuple est étroitement uni à lui. Mais les Juifs s'étaient séparés de Dieu. Leurs péchés avaient attiré sur eux ses jugements. C'est pour cela qu'ils subissaient la domination d'une nation païenne. Leurs esprits étaient obscurcis par la transgression. Parce que Dieu leur avait été très favorable dans le passé, ils pensaient pouvoir excuser leurs péchés. Ils se flattaient d'être meilleurs que les autres hommes et de mériter les bénédictions divines. JC 87 2 Ces choses ont été écrites "pour nous avertir, nous pour qui la fin des siècles est arrivée".9 Combien souvent nous nous méprenons sur les bénédictions divines, nous imaginant que ce sont nos mérites qui nous gagnent la faveur de Dieu. Aussi Dieu ne peut faire pour nous ce qu'il désire. Ses dons sont employés pour notre propre satisfaction et ne servent qu'à endurcir nos coeurs dans l'incrédulité et le péché. JC 87 3 Jean déclara aux instructeurs d'Israël que leur orgueil, leur égoïsme, leur cruauté attestaient qu'ils étaient une race de vipères, une vraie malédiction pour le peuple, et non pas les enfants d'Abraham, le juste et obéissant. Compte tenu des lumières reçues de Dieu, ils étaient même pires que les païens auxquels ils se croyaient si supérieurs. Ils avaient oublié le rocher d'où ils avaient été taillés, la carrière d'où ils avaient été tirés. Dieu n'avait pas besoin d'eux pour réaliser son dessein. Tout comme il avait appelé Abraham à sortir d'un milieu païen, il pouvait en appeler d'autres à son service. Des coeurs qui paraissaient aussi privés de vie que les pierres du désert pouvaient, grâce à l'action de l'Esprit, être vivifiés et rendus capables d'accomplir sa volonté et de bénéficier de sa promesse. JC 88 1 Le prophète ajoutait: "Déjà la cognée est mise à la racine des arbres: tout arbre donc qui ne produit pas de bon fruit est coupé et jeté au feu." Ce qui fait la valeur de l'arbre, ce n'est pas le nom qu'il porte, mais le fruit qu'il produit. Si le fruit est sans valeur, le nom ne saurait sauver l'arbre de la destruction. Jean dit aux Juifs que leur position devant Dieu dépendait de leur caractère et de leur vie. Une simple profession de foi est inutile. On n'est pas son peuple si la vie et le caractère ne sont pas en harmonie avec la loi de Dieu. JC 88 2 Ces paroles, qui sondaient les coeurs, amenaient la conviction chez les auditeurs. Ils s'adressaient à lui, lui demandant: "Que ferons-nous donc?" Sa réponse était: "Que celui qui a deux tuniques partage avec celui qui n'en a pas, et que celui qui a de quoi manger fasse de même." De plus, il mettait les publicains en garde contre l'injustice, les soldats contre la violence. JC 88 3 Il disait que tous les sujets du royaume du Christ sont appelés à donner des preuves de foi et de repentance. La bonté, l'honnêteté et la fidélité doivent se manifester dans leur vie. Ils doivent secourir les nécessiteux et apporter leurs offrandes à Dieu. Ils doivent protéger les gens sans défense, et donner un exemple de vertu et de compassion. C'est de cette manière que les disciples du Christ montreront la puissance transformatrice du Saint-Esprit. La justice, la miséricorde et l'amour de Dieu apparaîtront dans leur vie quotidienne. Sans cela ils ne seront que de la paille destinée à être jetée au feu. JC 88 4 "Moi, disait Jean, je vous baptise d'eau en vue de la repentance; mais celui qui vient après moi est plus puissant que moi, et je ne mérite pas de porter ses sandales. Lui vous baptisera d'Esprit Saint et de feu."10 Le prophète Esaïe avait annoncé que le Seigneur purifierait son peuple de ses iniquités, "en y faisant passer un souffle de justice, un vent de destruction". Cette parole du Seigneur s'adressait à Israël: "Je laisserai de nouveau tomber ma main sur toi; je refondrai tes scories comme avec de la potasse et je te rendrai pure de tout alliage".11 Où que se rencontre le péché, "notre Dieu est aussi un feu dévorant12 Chez tous ceux qui se soumettent à son action, l'Esprit de Dieu consume le péché. Mais si un homme se cramponne à son péché, il finit par s'identifier avec lui. Alors la gloire de Dieu qui détruit le péché doit aussi détruire le pécheur. Après la nuit où il avait lutté avec l'ange, Jacob s'écria: "J'ai vu Dieu face à face et ma vie a été sauvée."13 Jacob s'était rendu coupable d'un grand péché dans sa conduite à l'égard d'Esaü; mais il s'était repenti. Sa transgression avait été pardonnée, son péché lavé; c'est pourquoi il pouvait supporter la présence de Dieu. Mais chaque fois que des hommes se présentèrent devant Dieu tout en chérissant volontairement le mal, ils ont été détruits. Lors du second avènement du Christ les méchants seront consumés "par le souffle de sa bouche" et anéantis "par l'éclat de son avènement".14 JC 89 1 La lumière de la gloire de Dieu, source de vie pour les justes, détruira les méchants. A l'époque de Jean-Baptiste, le Christ était sur le point de paraître afin de révéler le caractère de Dieu. Sa seule présence suffirait à montrer aux hommes leurs péchés. Ceux-là seuls qui seraient disposés à se laisser nettoyer du péché pourraient entrer en communion avec lui. Seuls les coeurs purs pourront subsister en sa présence. JC 89 2 Tel fut le message que le Baptiste apporta à Israël de la part de Dieu. Plusieurs prêtèrent attention à ses instructions. Plusieurs, sacrifiant tout, obéirent. Des foules suivirent le nouveau maître de lieu en lieu, et quelques-uns mêmes espérèrent trouver en lui le Messie. Mais alors que Jean voyait ses auditeurs s'attacher à sa personne, il ne perdait pas une occasion de diriger leur foi vers celui qui allait venir. ------------------------Chapitre 11 -- Le baptême JC 90 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 3:13-17; Marc 1:9-11; Luc 3:21, 22. JC 90 1 La renommée du prophète du désert et de sa proclamation étonnante se répand dans toute la Galilée. Le message arrive jusqu'aux paysans, dans les villages les plus éloignés, jusqu'aux pêcheurs, au bord de la mer: ces coeurs simples et ardents y répondent avec sincérité. On en parle, à Nazareth, dans l'échoppe du charpentier qui a appartenu à Joseph, et il en est un qui reconnaît l'appel. Son temps est venu. Abandonnant sa tâche quotidienne, il dit adieu à sa mère, et, avec beaucoup de gens du pays, il prend le chemin du Jourdain. JC 90 2 Jésus et Jean-Baptiste sont cousins et étroitement unis par les circonstances de leur naissance; néanmoins ils ne se connaissent pas directement. Jésus a passé sa vie à Nazareth, en Galilée; Jean a passé la sienne dans le désert de Juda. Ils ont vécu isolés, dans des milieux fort différents, sans avoir de communication l'un avec l'autre. C'est la Providence qui l'a voulu ainsi. Il ne fallait pas offrir de prétexte à ceux qui les auraient accusés d'avoir comploté ensemble, pour se prêter un appui mutuel. JC 90 3 Jean est au courant des événements qui ont signalé la naissance de Jésus. Il a entendu parler de la visite de Jésus à Jérusalem à l'âge de douze ans, et de sa rencontre avec les rabbins. Il connaît sa vie, exempte de péché, et il suppose que Jésus est le Messie, sans, toutefois, en être absolument sûr. Le fait que Jésus est resté tant d'années dans l'obscurité, sans donner de preuves particulières de sa mission, fait douter qu'il soit celui qui a été promis. Le Baptiste attend néanmoins, avec foi, sachant qu'au temps voulu Dieu mettra tout au clair. Il lui a été révélé que le Messie viendra lui demander le baptême, et qu'alors un signe marquera son caractère divin. Cela lui donnera l'occasion de le présenter au peuple. JC 91 1 Quand Jésus vient pour être baptisé, Jean reconnaît en lui une pureté de caractère qu'il n'a encore rencontrée en aucun homme. La sainte atmosphère qui se dégage de sa présence inspire de la crainte. Parmi les foules, rassemblées autour de lui près du Jourdain, Jean a entendu de sombres récits de crime, et il a vu des âmes courbées sous le poids d'innombrables péchés; jamais encore il n'est entré en contact avec un être humain dégageant une influence aussi divine. Tout cela est en harmonie avec ce qui a été révélé à Jean, touchant le Messie. Cependant il hésite à faire droit à la requête de Jésus. Comment peut-il, lui, pécheur, baptiser cet être sans péché? Et pourquoi faut-il que celui qui n'a pas besoin de repentance se soumette à un rite équivalant à une confession de culpabilité? JC 91 2 Jésus ayant sollicité le baptême, Jean recule, s'écriant: "C'est moi qui ai besoin d'être baptisé par toi et c'est toi qui viens vers moi!" Jésus répond avec autant de fermeté que de douceur: "Laisse faire pour le moment, car il est convenable que nous accomplissions ainsi toute justice." Jean cède, conduit le Sauveur dans les eaux du Jourdain, et l'y ensevelit. Dès qu'il est sorti de l'eau, Jésus voit les cieux s'ouvrir, et "l'Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui". JC 91 3 Ce n'est pas pour confesser son propre péché que Jésus reçoit le baptême. Mais il s'est identifié avec les pécheurs, faisant les démarches que nous avons à faire, et accomplissant l'oeuvre que nous devons accomplir. Sa vie de souffrance et d'endurance, à partir de son baptême, doit aussi nous servir d'exemple. JC 91 4 Après être sorti de l'eau, Jésus s'agenouilla pour prier au bord du fleuve. Une ère nouvelle et importante s'ouvrait devant lui. Les conflits qui allaient le mettre aux prises avec les hommes se dressaient devant lui. Bien qu'il fût le Prince de la paix, sa venue devait dégaîner une épée. Le royaume qu'il venait établir était tout l'opposé de ce que les Juifs désiraient. Lui, le fondement du rituel et de l'économie israélite, il allait en être considéré comme l'ennemi et le destructeur. Lui, qui avait promulgué la loi sur le Sinaï, il serait condamné comme un transgresseur. Il était venu pour briser la puissance de Satan, on l'appellerait Béelzébul. Jusqu'alors personne au monde ne l'avait compris, et il continuerait de marcher seul, durant son ministère. Aussi longtemps qu'il vécut, sa mère et ses frères ne saisirent pas le sens de sa mission. Ses disciples ne le comprenaient pas davantage. Ayant vécu jusqu'ici dans l'éternelle lumière, intimement uni à Dieu, il allait vivre, sur la terre, dans la solitude. JC 92 1 Il faut qu'il porte le fardeau de notre péché et de notre condamnation, puisqu'il est devenu un avec nous. L'Etre sans péché doit éprouver la honte du péché. Le Pacifique doit vivre au milieu des querelles, la Vérité doit habiter au milieu des mensonges, la pureté doit coudoyer la bassesse. Péchés, discordes, désirs coupables: tous ces fruits de la transgression lui sont un supplice. JC 92 2 Seul il foulera le sentier; seul il portera le fardeau. La rédemption du monde reposera sur lui qui a dépouillé sa gloire, acceptant les infirmités de la nature humaine. Il voit tout cela et il en souffre, mais il reste ferme dans sa décision. Le salut de la famille humaine réside dans son bras; il étend la main pour saisir la main de l'amour tout-puissant. JC 92 3 Le regard du Sauveur paraît pénétrer dans le ciel tandis qu'il épanche son âme dans la prière. Il sait à quel point les coeurs des hommes ont été endurcis par le péché, et combien il leur sera difficile de discerner sa mission et d'accepter le don du salut. Il plaide auprès du Père pour obtenir la puissance qui vaincra leur incrédulité, qui brisera les chaînes que Satan a rivées autour d'eux, et qui pour eux amènera la défaite du destructeur. Il veut un témoignage de Dieu acceptant l'humanité, en la personne de son Fils. JC 92 4 Les anges n'ont jamais entendu une telle prière. Ils voudraient apporter à leur Chef bien-aimé un message rassurant et consolant. C'est le Père lui-même qui veut répondre à la supplication de son Fils. Les rayons de gloire jaillissent directement de son trône. Les cieux s'ouvrent et une forme de colombe toute resplendissante descend sur la tête du Sauveur: emblème bien approprié à celui qui est doux et humble. JC 93 1 Jean et quelques-uns seulement parmi ceux qui se trouvaient au Jourdain, aperçurent la vision céleste. Cependant l'assemblée sentit la solennité de la présence divine. Le peuple considérait le Christ en silence. Il paraissait baigné dans la lumière qui environne le trône de Dieu. Son visage, tourné vers le ciel, respirait une gloire qu'on n'avait jamais aperçue sur un visage humain. On entendit une voix venant du ciel, disant: "Celui-ci est mon Fils bien-aimé, objet de mon affection", paroles destinées à inspirer la foi aux témoins de cette scène, et à fortifier le Sauveur en vue de sa mission. Bien que les péchés d'un monde coupable reposassent sur le Christ, et malgré l'abaissement auquel il s'était soumis en revêtant notre nature déchue, la voix céleste le reconnaissait comme étant le Fils de l'Eternel. JC 93 2 Jean est profondément ému en voyant Jésus prosterné et suppliant, sollicitant avec larmes l'approbation du Père. Quand la gloire de Dieu l'environne et la voix céleste se fait entendre, Jean reconnaît le signe que Dieu lui a promis. Il vient de baptiser le Rédempteur du monde! Le Saint-Esprit le saisit, et, la main tendue vers Jésus, il s'écrie: "Voici l'Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde." Aucun des auditeurs, et pas même celui qui prononça ces mots: "l'Agneau de Dieu", n'en a compris toute la portée. Sur la montagne de Morija, Abraham avait entendu la question de son fils: "Mon père!... où est l'agneau pour l'holocauste?" Le père avait répondu: "Mon fils, Dieu se pourvoira lui-même de l'agneau pour l'holocauste."1 Dans le bélier providentiellement substitué à Isaac, Abraham reconnut un symbole de celui qui devait mourir pour les péchés des hommes. Reprenant cette image, sous l'inspiration du Saint-Esprit, Esaïe prophétisa touchant le Sauveur: "Comme l'agneau qu'on mène à la boucherie,... il n'a pas ouvert la bouche." "L'Eternel a fait retomber sur lui l'iniquité de nous tous".1 Mais cette leçon n'a pas été comprise en Israël. Beaucoup ont, concernant les sacrifices, la même conception que les païens: ils les considèrent comme des dons au moyen desquels la Divinité peut être rendue propice. Dieu veut leur montrer que c'est de son amour que procède le don par lequel il les réconcilie avec lui-même. La parole dite à Jésus au Jourdain: "Celui-ci est mon Fils bien-aimé, objet de mon affection", embrasse l'humanité tout entière. Dieu parle alors à Jésus en tant que notre représentant. Malgré tous nos péchés et nos faiblesses, nous ne sommes pas rejetés comme des êtres sans valeur. Sa grâce magnifique nous a été "accordée en son bien-aimé".2 La gloire qui enveloppe le Christ est un gage de l'amour que Dieu a pour nous. Elle atteste la puissance de la prière; elle montre comment la voix humaine peut atteindre l'oreille de Dieu, comment nos supplications sont accueillies dans les parvis célestes. A cause du péché la terre a été séparée du ciel, elle est devenue étrangère à sa communion; mais Jésus a rétabli la liaison avec la sphère de la gloire. Son amour a enveloppé l'homme et atteint les plus hauts cieux. La lumière qui, à travers les portiques, descend sur la tête du Sauveur, descendra aussi sur nous si, par la prière, nous demandons le secours nécessaire pour résister à la tentation. La voix qu'entend Jésus répétera à toute âme croyante: "Celui-ci est mon Fils bien-aimé, objet de mon affection." JC 94 1 "Bien-aimés, nous sommes maintenant enfants de Dieu, et ce que nous serons n'a pas encore été manifesté; mais nous savons que lorsqu'il sera manifesté, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu'il est."3 Notre Rédempteur a ouvert la voie par laquelle pourront trouver accès auprès du Père les plus grands pécheurs, les plus nécessiteux, les plus oppressés, les plus méprisés. Tous peuvent avoir une place dans les demeures que Jésus est allé nous préparer. "Voici ce que dit le Saint, le Véritable, celui qui a la clef de David, celui qui ouvre et personne ne fermera, celui qui ferme et personne n'ouvrira: ... J'ai mis devant toi une porte ouverte que nul ne peut fermer".4 ------------------------Chapitre 12 -- La tentation JC 95 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 4:1-11; Marc 1:12, 13; Luc 4:1-13. JC 95 1 "Jésus, rempli d'Esprit-Saint, revint du Jourdain et fut conduit par l'Esprit dans le désert." Marc emploie des mots encore plus significatifs: "Aussitôt, l'Esprit poussa Jésus dans le désert. Il passa dans le désert quarante jours, tenté par Satan. Il était avec les bêtes sauvages." "Il ne mangea rien durant ces jours-là." JC 95 2 Ce fut l'Esprit de Dieu qui conduisit Jésus au désert, pour y être tenté. Jésus n'allait pas à la recherche de la tentation. Il voulait être seul, méditer sur sa mission et son oeuvre, et se préparer, par le jeûne et la prière, à fouler le sentier ensanglanté. Mais Satan, sachant que le Sauveur était allé au désert, pensa que le moment était favorable pour s'approcher de lui. JC 95 3 De grands intérêts étaient en jeu, pour le monde, au moment où le Prince de la lumière livra bataille au chef du royaume des ténèbres. Après avoir induit l'homme en tentation, Satan revendiqua la propriété de la terre et se donna le titre de prince de ce monde. Ayant rendu conformes à sa nature le père et la mère de notre race, il pensa établir ici son empire, déclarant que les hommes l'avaient désigné comme leur souverain. Par l'influence qu'il exerçait sur eux, il tenait le monde sous sa domination. La venue du Christ ruinait ses prétentions. En qualité de fils de l'homme, le Christ resterait fidèle à Dieu et démontrerait que Satan n'exerçait nullement un pouvoir absolu sur la race humaine et que les droits qu'il prétendait avoir sur le monde étaient faux. Tous ceux qui désireraient échapper à sa puissance seraient mis en liberté. La domination perdue par le péché d'Adam serait rétablie. JC 95 4 Depuis la prédiction faite au serpent, en Eden: "Je mettrai de l'inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité",1 Satan savait que son pouvoir sur le monde n'était pas absolu. Il sentait tout ce qui, chez les hommes, s'opposait à son emprise. C'est avec le plus vif intérêt qu'il observa Adam et ses fils offrant des sacrifices. Il reconnut, dans ces rites, un symbole de communion entre la terre et le ciel. Il entreprit d'interrompre cette communion. Il présenta Dieu sous un faux jour, donnant une interprétation erronée aux rites annonçant le Sauveur. Les hommes furent amenés à redouter Dieu comme un être qui prend plaisir à détruire ses créatures. Les sacrifices, destinés à révéler son amour, devinrent uniquement un moyen d'apaiser sa colère. Satan excita les plus basses passions humaines afin d'affermir son règne sur les hommes. Quand la Parole écrite de Dieu eut été donnée, Satan se mit à étudier les prophéties relatives à l'avènement du Sauveur. Il s'efforça d'aveugler l'esprit des générations successives en ce qui concerne ces prophéties, afin que le Christ fût rejeté lorsqu'il viendrait. JC 96 1 Lors de la naissance de Jésus, Satan comprit que cet Envoyé de Dieu était chargé de lui disputer sa domination. Il trembla en entendant le message de l'ange affirmant l'autorité du Roi nouveau-né. Satan connaissait fort bien la position que Christ avait occupée dans le ciel en qualité de Bien-aimé du Père. L'incarnation du Fils de Dieu le remplissait d'étonnement et de crainte. Il ne pouvait admettre un tel amour pour la race déchue. Les hommes n'ont qu'une faible idée de la gloire et de la paix du ciel, ainsi que du bonheur que procure la communion avec Dieu; mais Lucifer, le chérubin protecteur, savait ce qu'il avait perdu et voulait se venger en entraînant à l'abîme les autres créatures. Pour arriver à ses fins, il amenait les hommes à sous-estimer les biens célestes et à s'attacher aux choses de la terre. JC 96 2 Quelle résistance allait trouver le Chef des êtres célestes en s'efforçant de gagner les âmes au Royaume! Dès sa première enfance, à Bethléhem, Jésus fut l'objet des attaques du malin. L'image de Dieu se montrait en Christ, et, dans ses conciliabules, Satan avait décidé de le vaincre. Jusque-là aucun être humain n'avait réussi à échapper à la puissance du séducteur. Les forces du mal se coalisèrent contre le Christ. JC 97 1 Satan assista au baptême du Sauveur. Il vit la gloire du Père enveloppant son Fils. Il entendit la voix de Jéhovah attestant la divinité de Jésus. Depuis le péché d'Adam, la race humaine, privée de communion directe avec Dieu, n'avait maintenu ses relations célestes que par l'intermédiaire du Christ. Maintenant, Jésus étant venu "dans une chair semblable à celle du péché",1 le Père lui-même faisait entendre sa voix. Il avait auparavant communiqué avec les hommes par le Christ; il communiquait maintenant avec eux en Christ. Satan, après avoir espéré que l'horreur du péché créerait une éternelle séparation entre le ciel et la terre, voyait rétablies à cette heure les relations entre Dieu et l'homme. JC 97 2 Il fallait vaincre ou périr. Les intérêts engagés étaient trop considérables pour que Satan les laissât aux soins de ses associés. Il assuma personnellement la direction de la bataille. Toutes les énergies des rebelles se rallièrent contre le Fils de Dieu. Le Christ devint la cible de tous les traits de l'enfer. JC 97 3 Bien des personnes n'aperçoivent pas les conséquences qui découlent pour elles du conflit entre Christ et Satan; et par conséquent elles s'y intéressent peu. Pourtant ce conflit se reproduit dans chaque coeur humain. Personne n'abandonne les rangs du mal pour entrer au service de Dieu sans devenir l'objet des attaques de Satan. Les séductions auxquelles le Christ eut à résister, sont celles contre lesquelles nous luttons avec tant de peine. Elles furent d'autant plus violentes que son caractère était supérieur au nôtre. Portant sur lui le poids effroyable des péchés du monde, le Christ fut soumis à l'épreuve de la convoitise, de l'amour du monde, et du désir de paraître qui fait tomber dans la présomption. Ces mêmes tentations avaient vaincu Adam et Eve, et elles ont raison de nous trop facilement. JC 97 4 Satan s'était servi du péché d'Adam pour soutenir que la loi divine est injuste et que l'on ne peut lui obéir. Revêtu de notre humanité, le Christ devait racheter la faute d'Adam. Mais lorsque Adam avait été l'objet des attaques du tentateur, il n'était pas encore soumis aux effets du péché. Dans la force de l'humanité normale, en possession d'une pleine vigueur mentale et physique, les gloires de l'Eden l'entourant, il communiait avec les êtres célestes. Ce n'est pas dans de telles conditions que Jésus entra au désert pour affronter Satan. Pendant quatre mille ans les forces physiques et mentales ainsi que la valeur morale de l'humanité étaient allées en décroissant; et le Christ revêtit les infirmités d'une humanité dégénérée. C'est seulement ainsi qu'il pouvait racheter l'homme de sa profonde corruption. JC 98 1 Certains prétendent que le Christ ne pouvait être vaincu par la tentation. Mais il n'aurait pu alors occuper la position d'Adam et remporter la victoire où Adam était tombé. Il ne serait plus capable de nous secourir si nous avions à soutenir des conflits plus redoutables que les siens. Non, notre Sauveur a revêtu notre humanité avec tous ses dangers; il a encouru la possibilité de céder à la tentation. Nous n'avons rien à supporter qu'il n'ait enduré lui-même. JC 98 2 La première grande tentation eut lieu sur le terrain de l'appétit aussi bien en ce qui concerne le Christ qu'en ce qui concerne le saint couple qui se trouvait en Eden. Notre rédemption a commencé à l'endroit même où avait commencé notre ruine. Tout comme Adam tomba en cédant à l'appétit, le Christ eut la victoire en y renonçant. "Il jeûna quarante jours et quarante nuits, puis il eut faim. Le tentateur s'approcha et lui dit: Si tu es Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains. Mais Jésus répondit: Il est écrit: L'homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu." JC 98 3 Depuis Adam jusqu'à Jésus-Christ, les appétits et les passions s'étaient accrus d'une manière démesurée. Les hommes avilis, maladifs, étaient incapables de remporter la victoire par eux-mêmes. Le Christ triompha pour eux en se soumettant à la plus rude épreuve. Par amour pour nous il exerça sur lui-même une maîtrise plus forte que la faim ou la mort. Sa première victoire a rendu possible notre propre victoire dans tous les conflits avec les puissances des ténèbres. JC 99 1 Quand Jésus entra au désert, il y fut enveloppé de la gloire de son Père. Absorbé dans sa communion avec Dieu, il fut élevé au-dessus de la faiblesse humaine. Mais la gloire le quitta, le laissant aux prises avec la tentation. Celle-ci l'assiégeait à chaque instant. Sa nature humaine éprouvait de la répugnance pour la lutte qui l'attendait. Quarante jours durant il jeûna et pria. Affaibli et amaigri par la faim, épuisé et rendu hagard par l'angoisse, "son visage était défait, méconnaissable; tant son aspect différait de celui des autres hommes".2 C'était là l'occasion que Satan attendait. Il pensa que le moment était venu où il pourrait remporter la victoire sur le Christ. JC 99 2 Comme en réponse aux prières du Sauveur, quelqu'un sous l'aspect d'un ange du ciel se présenta à lui, se disant chargé de lui annoncer de la part de Dieu que son jeûne était terminé. Ainsi que Dieu avait envoyé un ange pour empêcher Abraham de porter la main sur Isaac, ainsi, satisfait de l'obéissance du Christ, le Père envoyait un ange pour le délivrer. Tel était le message qui lui était communiqué. Le Sauveur était défaillant et affamé lorsque Satan survint tout à coup. Lui montrant les pierres qui jonchaient le sol du désert, et qui avaient l'apparence de pains, le tentateur lui dit: "Si tu es Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains." JC 99 3 Bien qu'il se présente sous les dehors d'un ange de lumière, ses premiers mots trahissent son caractère. "Si tu es Fils de Dieu." Ces paroles ont pour but d'insinuer le doute. Obéir à la suggestion de Satan, ce serait, de la part de Jésus, admettre ce doute. Le tentateur se propose de renverser le Christ par les moyens qui lui ont si bien réussi auprès de la race humaine. Avec quelle habileté Satan s'était approché d'Eve en Eden! "Quoi? Dieu a-t-il vraiment dit: Vous ne mangerez les fruits d'aucun arbre du jardin?"3 Il y avait du vrai dans les paroles du tentateur; mais sa façon de les prononcer dissimulait un certain mépris pour la parole de Dieu. C'était une manière indirecte de mettre en doute la véracité divine. Satan cherchait à insinuer, dans l'esprit d'Eve, la pensée que Dieu ne ferait pas ce qu'il avait dit; qu'en les privant, Adam et elle, d'un fruit si magnifique, Dieu se mettait en contradiction avec son amour et sa compassion pour l'homme. Le tentateur s'efforce maintenant d'inspirer au Christ ses propres sentiments. "Si tu es Fils de Dieu." Ces paroles traduisent l'amertume de son coeur. Le ton de sa voix exprime une complète incrédulité. Dieu infligerait-il à son Fils des traitements semblables? L'abandonnerait-il seul, dans le désert, sans nourriture, sans réconfort, parmi les bêtes sauvages? Il insinue que Dieu n'a jamais voulu laisser son Fils dans une pareille condition. "Si tu es Fils de Dieu", montre ta puissance en apaisant ta faim. Ordonne que ces pierres deviennent des pains. JC 100 1 Les paroles célestes: "Celui-ci est mon Fils bien-aimé, objet de mon affection",4 retentissaient encore aux oreilles de Satan. Mais il voulait détruire en Christ la foi à ce témoignage. La parole de Dieu donnait au Christ l'assurance que sa mission parmi les hommes était divine. Cette même parole définissait sa relation avec le ciel. Le but de Satan était d'amener Jésus à douter de cette parole. Satan savait que, s'il réussissait à ébranler la confiance du Christ en Dieu, le grand conflit se terminerait à son avantage. Il espérait que, sous l'effet du découragement et de la faim, le Christ perdrait la foi en son Père, et accomplirait un miracle pour lui-même. Si cela était arrivé, le plan du salut eût été anéanti. JC 100 2 Quand Satan et le Fils de Dieu étaient entrés en lutte pour la première fois, le Christ était le chef des armées célestes; alors Satan, qui avait dirigé la révolte dans le ciel, fut jeté dehors. Maintenant les rôles semblent être renversés, et Satan profite de ce qu'il, considère comme son avantage. L'un des anges les plus puissants, dit-il, a été banni du ciel. Toutes les apparences montrent que Jésus est cet ange tombé, rejeté de Dieu et abandonné des hommes. Un être divin soutiendrait son droit en accomplissant un miracle: "Si tu es Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains." Un acte créateur de ce genre, assure le tentateur, fournirait une preuve concluante de divinité et mettrait fin à la controverse. JC 100 3 Il en coûtait à Jésus d'écouter en silence le grand tentateur. Mais le Fils de Dieu n'avait pas à prouver sa divinité à Satan, ni à lui expliquer le motif de son humiliation. En accordant au rebelle l'objet de sa requête, il n'aurait avancé en rien le bien de l'homme ou la gloire de Dieu. Si le Christ avait cédé à la suggestion de l'ennemi, Satan eût continué de dire: Montre-moi un signe pour que je puisse croire que tu es le Fils de Dieu. Aucune démonstration n'eût été capable de briser la puissance de la rébellion dans son coeur. De plus, le Christ ne devait pas exercer sa puissance divine pour son propre avantage. Il était venu pour supporter l'épreuve comme nous, afin de nous laisser un exemple de foi et de soumission. Ni à ce moment-là, ni à aucun autre moment de sa vie terrestre, Jésus n'a accompli un miracle en sa faveur. Toutes ses oeuvres merveilleuses avaient pour but le bien d'autrui. Et quoique Jésus eût reconnu Satan dès l'abord, la provocation ne le fit pas entrer en controverse avec lui. Soutenu par le souvenir de la voix céleste, il se reposa dans l'amour de son Père, ne voulant pas parlementer avec le tentateur. JC 101 1 Jésus opposa à Satan les paroles de l'Ecriture. "Il est écrit", dit-il. Dans toutes ses tentations, la Parole de Dieu fut son arme unique. Satan demandait au Christ de lui donner un miracle comme signe de sa divinité. Mais quelque chose valait mieux que tous les miracles: une ferme confiance en ce qu'a dit le Seigneur, voilà le signe incontestable. Le tentateur ne pouvait obtenir aucun avantage aussi longtemps que le Christ restait sur cette position. JC 101 2 Au moment de sa plus grande faiblesse le Christ fut assailli par les tentations les plus terribles. Satan s'imaginait vaincre ainsi. Cette méthode lui avait réussi auparavant. Des hommes qui avaient combattu vaillamment et pendant longtemps pour le bien s'étaient trouvés vaincus quand leurs forces avaient subi une défaillance, quand leur volonté s'était affaiblie, quand leur foi avait cessé de se reposer sur Dieu. Moïse, las de quarante années de vie errante avec Israël, sentit sa foi chanceler. Il commit une faute au seuil de la terre promise. Tel fut aussi le cas d'Elie. Il resta ferme devant le roi Achab et fit face à toute la nation d'Israël conduite par les quatre cent cinquante prophètes de Baal. A la fin de la terrible journée passée sur le Carmel, le peuple promit d'obéir à Dieu et les faux prophètes furent exterminés. Ce même soir, cependant, Elie s'enfuit devant les menaces de Jézabel, afin de mettre sa vie en sûreté! C'est ainsi que Satan a toujours profité des faiblesses de l'humanité. Et il continue d'agir de la même manière. Dès qu'un homme est entouré de nuages, plongé dans la perplexité par les circonstances, ou affligé par la pauvreté ou le malheur, Satan est tout prêt à renouveler ses tentations. Il cherche les points faibles de notre caractère. Il s'efforce d'ébranler notre confiance en Dieu, qui tolère un tel état de choses. Nous sommes tentés de perdre confiance, de mettre en doute l'amour divin. Souvent le tentateur se présente à nous comme il se présenta au Christ, rangeant devant nous en ordre de bataille nos faiblesses et nos infirmités. Il espère nous décourager et nous faire lâcher prise. Alors il est sûr de sa proie. Mais si nous voulons lui résister comme l'a fait Jésus, nous échapperons à plus d'une défaite. Discuter avec l'ennemi, c'est lui donner l'avantage. JC 102 1 En disant au tentateur: "L'homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu", le Christ répéta les paroles qu'il avait adressées à Israël plus de quatorze siècles auparavant: "L'Eternel, ton Dieu, t'a fait marcher, pendant ces quarante ans, dans le désert. ... Il t'a humilié; il t'a fait souffrir de la faim et il t'a nourri de cette manne que tu ne connaissais pas et que n'avaient pas connue tes pères, afin de t'apprendre que l'homme ne vit pas de pain seulement, mais de tout ce qui sort de la bouche de l'Eternel."5 Au désert, alors que tout autre moyen de subsistance faisait défaut, Dieu envoya du ciel la manne à son peuple, en quantité suffisante, et d'une manière constante. Il montrait ainsi qu'il ne l'abandonnerait pas aussi longtemps qu'il se confierait en Dieu et marcherait dans ses voies. Le Sauveur eut maintenant l'occasion de mettre en pratique la leçon qu'il avait enseignée à Israël. L'armée des Hébreux avait été secourue par la parole de Dieu, et Jésus allait être secouru par la même parole. Il attendit le moment fixé par Dieu pour la délivrance. C'est par obéissance à Dieu qu'il se trouvait au désert, et il ne voulut pas se procurer des aliments en suivant les suggestions de Satan. En présence de l'univers témoin de cette scène, il montra que c'est un moindre mal de souffrir quoi qu'il advienne, plutôt que de s'écarter, si peu que ce soit, de la volonté de Dieu. JC 103 1 "L'homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu." Souvent le disciple du Christ est placé dans l'impossibilité de servir Dieu en même temps qu'il s'occupe avec succès de ses entreprises terrestres. Il pourra sembler parfois que l'obéissance à un commandement de Dieu, clairement révélé, aura pour effet de supprimer tout moyen d'existence. Satan voudra alors faire croire qu'il est préférable de sacrifier les convictions de la conscience. Mais il n'y a qu'une chose au monde à laquelle nous puissions nous fier: la Parole de Dieu. "Cherchez premièrement son royaume et sa justice; et tout cela vous sera donné par surcroît."6 Même dans cette vie-ci il ne nous est pas avantageux de nous départir de la volonté de notre Père céleste. Si nous avons appris à connaître la puissance de sa Parole, nous ne suivrons pas les suggestions de Satan pour nous procurer de la nourriture ou pour sauver notre vie. Nous nous demanderons seulement: Qu'est-ce que Dieu a commandé? Qu'a-t-il promis? Ayant répondu à ces questions, nous obéirons au commandement, nous aurons foi à la promesse. JC 103 2 Dans la dernière phase du grand conflit avec Satan ceux qui resteront fidèles à Dieu seront privés de tout soutien terrestre. Parce qu'ils auront refusé de violer sa loi pour obéir aux pouvoirs terrestres, on leur interdira d'acheter ou de vendre. On finira par décréter qu'ils soient mis à mort.7 Mais à ceux qui obéiront est faite cette promesse: "Celui-là habitera dans les lieux élevés; la forteresse bâtie sur le rocher sera sa retraite; son pain lui sera donné; ses provisions d'eau ne lui manqueront point".8 Les enfants de Dieu vivront par cette promesse. Alors que la terre sera dévastée par la famine, ils seront nourris. "Ils ne seront pas confus au temps du malheur; ils seront rassasiés au jour de la famine."9 Ce temps de détresse a été prévu par le prophète Habacuc, qui a exprimé la foi de l'Eglise en ces mots: "Alors le figuier ne fleurira pas et il n'y aura rien à récolter dans les vignes. Le fruit de l'olivier manquera et les champs ne donneront point de nourriture; plus de brebis dans la bergerie, plus de boeufs dans les étables! Néanmoins, je veux me réjouir en l'Eternel et tressaillir de joie dans le Dieu qui me délivrera".10 JC 104 1 De toutes les leçons qui se dégagent de la première grande tentation du Seigneur, aucune n'est plus importante que celle qui a trait à la domination des appétits et des passions. De tout temps, les tentations qui se sont adressées à la nature physique ont eu, sur l'humanité, l'effet le plus corrupteur et le plus dégradant. C'est par l'intempérance que Satan s'efforce de détruire les facultés mentales et morales inestimables dont Dieu a doté l'homme. Les hommes deviennent ainsi incapables d'apprécier les biens d'une valeur éternelle. Satan se sert de la sensualité pour effacer de l'âme humaine toute ressemblance divine. JC 104 2 Les excès qui ont existé lors de la première venue du Christ, et qui ont amené un état de maladie et de dégénérescence, se renouvelleront, intensifiés, avant sa seconde venue. Le Christ déclare que les conditions du monde seront alors celles qui ont précédé le déluge, et qui ont caractérisé Sodome et Gomorrhe. Toutes les pensées des hommes se porteront uniquement vers le mal. Nous vivons au seuil de ce temps redoutable, et nous devrions retenir la leçon renfermée dans le jeûne du Sauveur. L'angoisse inexprimable que le Christ a éprouvée nous permet d'estimer la mesure du mal qu'il y a à se livrer, sans frein, à une vie de plaisirs. Son exemple montre que notre seule espérance de vie éternelle réside dans la soumission des appétits et des passions à la volonté de Dieu. JC 104 3 Il nous est impossible, par nos propres forces, de résister aux désirs impérieux de notre nature déchue. C'est par là que Satan nous tente. Le Christ savait que l'ennemi s'approcherait de tout être humain, profitant de ses faiblesses héréditaires, et s'efforçant de prendre au piège de ses fausses insinuations tous ceux qui ne se confient pas en Dieu. En foulant le chemin que l'homme doit parcourir, le Seigneur a préparé la voie à notre victoire. Dieu n'ordonne pas que nous soyons en désavantage dans le conflit avec Satan. Il ne veut pas que nous soyons intimidés et découragés par les assauts du serpent. "Prenez courage, nous dit-il, ... j'ai vaincu le monde."11 JC 105 1 Qu'il considère le Sauveur au désert de la tentation, celui qui lutte contre la puissance de l'appétit. Qu'il le considère aussi agonisant sur la croix et s'écriant: "J'ai soif." Il a enduré tout ce à quoi nous pouvons être exposés. Sa victoire est notre victoire. JC 105 2 Jésus s'est reposé sur la sagesse et la force de son Père céleste. Il déclare: "Le Seigneur, l'Eternel, viendra à mon aide et je ne serai pas couvert de honte; ... car je sais que je n'aurai pas à rougir. ... Oui, le Seigneur, l'Eternel viendra à mon aide." Et rappelant son propre exemple, il ajoute: "Qui d'entre vous craint l'Eternel?... Que celui qui marche dans les ténèbres et qui est privé de lumière mette sa confiance dans le nom de l'Eternel et qu'il s'appuie sur son Dieu."14 JC 105 3 "Le prince du monde vient, dit Jésus. Il n'a rien en moi."13 Rien en lui ne faisait écho aux sophismes de Satan. Il ne donnait pas son consentement au péché. Il ne céda pas à la tentation, même en pensée. Nous pouvons faire de même. L'humanité du Christ était unie à la divinité; la présence du Saint-Esprit le rendait apte au combat. Or il est venu pour nous rendre participants de sa nature divine. Aussi longtemps que nous sommes unis à lui par la foi, le péché ne domine pas sur nous. Dieu fait en sorte que par la main de la foi nous saisissions fortement la divinité du Christ, afin d'atteindre à la perfection du caractère. JC 105 4 Comment cela peut se faire, le Christ nous l'a montré. Par quel moyen a-t-il remporté la victoire dans sa lutte avec Satan? -- Par la Parole de Dieu. Seule, cette Parole pouvait le rendre capable de résister à la tentation. "Il est écrit", dit-il. Nous aussi, "nous avons été mis en possession des plus précieuses et des plus grandes promesses, afin que, par leur moyen, vous deveniez participants de la nature divine, en fuyant la corruption qui règne dans le monde par la convoitise."14 Toutes les promesses que renferme la Parole de Dieu sont à nous. Nous sommes appelés à vivre "de toute parole qui sort de la bouche de Dieu". Quand vous êtes assaillis par la tentation, ne regardez pas aux circonstances ou à la faiblesse du moi, mais à la puissance de la Parole. Toute sa puissance est à vous. Le psalmiste nous dit: "J'ai serré ta Parole dans mon coeur, afin de ne pas pécher contre toi." "Pour obéir à la parole de ta bouche, je me suis éloigné des voies de l'homme violent".17 ------------------------Chapitre 13 -- La victoire JC 107 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 4:5-11; Marc 1:12, 13; Luc 4:1-13. JC 107 1 "Le diable le transporta dans la ville sainte, le plaça sur la terrasse du temple et lui dit: Si tu es Fils de Dieu, jette-toi en bas; car il est écrit: Il donnera pour toi des ordres à ses anges; et ils te porteront sur les mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre." JC 107 2 Satan croit se placer maintenant sur le terrain de Jésus. L'ennemi, plein de ruse, propose à son tour des paroles émanant de la bouche de Dieu. Il continue à se montrer comme un ange de lumière et donne des preuves de sa connaissance des Ecritures et de l'intelligence qu'il en a. Jésus s'est servi de la Parole de Dieu pour soutenir sa foi, le tentateur s'en sert pour couvrir ses séductions. Il feint d'avoir voulu mettre à l'épreuve la fidélité de Jésus et loue sa fermeté. Puisque le Sauveur a manifesté sa confiance en Dieu, Satan veut un nouveau témoignage de sa foi. JC 107 3 Il insinuera encore un doute comme préface à la tentation: "Si tu es Fils de Dieu." Le Christ est tenté de répondre à ce "si"; il se garde pourtant de donner la moindre prise au doute. Il ne veut pas mettre sa vie en péril pour fournir une preuve à Satan. JC 107 4 Le tentateur pensait ainsi pouvoir tirer avantage de l'humanité du Christ, et le faire tomber dans la présomption. Mais, si Satan peut solliciter au péché, il ne peut nous y contraindre. Il dit à Jésus: "Jette-toi en bas", sachant bien qu'il ne peut pas le jeter en bas lui-même; car Dieu interviendrait pour le délivrer. Satan ne peut pas non plus forcer Jésus à se jeter en bas. Le Christ ne serait vaincu qu'en donnant son assentiment à la tentation. Toute la puissance de la terre ou de l'enfer ne pourrait le forcer à se départir au moindre degré de la volonté de son Père. JC 108 1 Le tentateur ne peut jamais nous contraindre à faire le mal. Il ne peut dominer notre esprit que si nous cédons à son influence. Pour que Satan puisse exercer sa puissance sur nous, il faut que notre volonté y consente, et que notre foi cesse de s'attacher au Christ. Cependant tout désir coupable, entretenu par nous, lui fournit un point d'appui. Tout point, sur lequel nous ne réussissons pas à atteindre à l'idéal divin, lui ouvre une porte par laquelle il s'empressera d'entrer pour nous tenter et nous détruire. Et toutes nos chutes, toutes nos défaites lui fournissent l'occasion de jeter de l'opprobre sur le Christ. JC 108 2 En citant la promesse: "Il donnera pour toi des ordres à ses anges", Satan omit les mots: "de te garder dans toutes tes voies", ce qui veut dire dans toutes les voies que Dieu nous a tracées. Jésus refusa de sortir du sentier de l'obéissance. Tout en faisant preuve d'une parfaite confiance en son Père, il ne voulait pas se placer, de son propre chef, dans une position qui obligerait son Père à intervenir pour le sauver de la mort. Il ne voulait pas, en obligeant la Providence à venir à son aide, négliger de donner à l'homme un exemple de confiance et de soumission. JC 108 3 Jésus déclara à Satan: "D'autre part il est écrit: Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu." Moïse avait adressé ces paroles aux enfants d'Israël quand, altérés, au désert, ils avaient réclamé de l'eau, en s'écriant: "L'Eternel est-il au milieu de nous, ou n'y est-il pas?"1 Dieu avait opéré en leur faveur des choses merveilleuses; mais dans leur détresse ils doutèrent de lui, et voulurent une preuve qu'il était avec eux. Dans leur incrédulité ils voulurent le mettre à l'épreuve. Satan conseillait au Christ de faire la même chose. Dieu avait déjà attesté que Jésus était son Fils; exiger une nouvelle preuve de sa filialité divine, c'eût été mettre la parole de Dieu à l'épreuve, tenter Dieu. Ce serait la même chose si l'on demandait ce que Dieu n'a pas promis. Ce serait manifester de la méfiance. Nous ne devrions pas présenter à Dieu nos requêtes afin de le mettre à l'épreuve, pour voir s'il accomplira sa parole, mais parce que nous avons la certitude qu'il l'accomplira; non pas pour avoir la preuve qu'il nous aime, mais parce que nous l'avons déjà. "Sans la foi, il est impossible de lui plaire; celui qui s'approche de Dieu doit croire qu'il existe et qu'il se fait le rémunérateur de ceux qui le cherchent."2 JC 109 1 La foi ne peut être l'alliée de la présomption. Celui-là seul qui a la vraie foi est à l'abri de la présomption. Car celle-ci est la contrefaçon diabolique de la foi. La foi revendique les promesses divines, et produit des fruits d'obéissance. La présomption revendique elle aussi des promesses, mais elle s'en sert, comme Satan, pour justifier le péché. La foi aurait conduit nos premiers parents à se confier en l'amour de Dieu, à obéir à ses commandements. La présomption les amena à transgresser sa loi, pensant que son grand amour les préserverait des conséquences de leur péché. Ce n'est pas la foi qui implore la faveur du ciel sans remplir les conditions auxquelles est subordonné le don de la grâce. Une foi authentique a son fondement dans les promesses et les dispositions de l'Ecriture. JC 109 2 Souvent, lorsque Satan n'a pas réussi à provoquer notre défiance, il nous fait tomber dans la présomption. S'il obtient que nous nous placions, sans nécessité, sur le chemin de la tentation, il tient la victoire. Dieu gardera tous ceux qui marchent dans le sentier de l'obéissance; s'en éloigner, c'est s'aventurer sur le terrain de Satan. Ici, nous sommes sûrs de tomber. Le Sauveur nous a adressé cette exhortation: "Veillez et priez, afin de ne pas entrer en tentation."3 La méditation et la prière peuvent nous empêcher de nous précipiter, de nous-mêmes, sur la voie du danger, et nous éviter ainsi bien des défaites. JC 109 3 Il ne faut cependant pas perdre courage quand la tentation nous assaille. Souvent, lorsque nous nous trouvons dans une situation difficile, nous doutons que l'Esprit de Dieu nous ait conduits. Ce fut pourtant l'Esprit qui poussa Jésus au désert pour y être tenté par Satan. Quand Dieu nous met à l'épreuve, il a pour but notre bien. Jésus n'a pas présumé des promesses divines en s'exposant de son propre chef à la tentation, et il ne s'est pas non plus laissé glisser dans le découragement quand celle-ci survint. Imitons-le. "Dieu est fidèle et ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces; mais avec la tentation, il donnera aussi le moyen d'en sortir, pour que vous puissiez la supporter." Il dit: "Pour sacrifice, offre à Dieu tes louanges et accomplis tes voeux envers le Très-Haut! Puis, invoque-moi au jour de ta détresse: Je te délivrerai et tu me glorifieras."4 JC 110 1 Jésus a eu la victoire dans la seconde tentation: Satan révèle alors son véritable caractère. Il ne paraît cependant pas sous la forme d'un monstre hideux, ayant le pied fourchu et des ailes de chauve-souris. Quoique tombé, il est un ange puissant. Il se donne comme le chef de la rébellion et le dieu de ce monde. JC 110 2 Ayant placé Jésus sur une haute montagne, Satan fait passer devant lui, comme en un panorama, les royaumes de ce monde avec toute leur gloire. Le soleil brille sur des villes aux temples magnifiques, sur des palais de marbre, des champs fertiles et des vignes chargées de fruits. Les traces du mal sont cachées. Les yeux de Jésus, qui, tout à l'heure, ne voyaient qu'horreur et désolation, contemplent maintenant une scène incomparable de charme et de prospérité. Alors se fait entendre la voix du tentateur: "Je te donnerai tout ce pouvoir, et la gloire de ces royaumes; car elle m'a été remise, et je la donne à qui je veux. Si donc tu te prosternes devant moi, elle sera toute à toi." JC 110 3 Ce n'est que par la souffrance que le Christ peut accomplir sa mission. Une vie de douleurs, de peines et de luttes s'offre à lui, couronnée par une mort ignominieuse. Il faut qu'il porte les péchés du monde entier. Il doit accepter d'être séparé de l'amour de son Père. Et voici que le tentateur fait hommage à Jésus du pouvoir qu'il a usurpé. Le Christ peut échapper à un effroyable avenir en reconnaissant la suprématie de Satan. Mais agir ainsi c'est renoncer à la victoire, dans le grand conflit. En essayant de s'élever au-dessus du Fils de Dieu, Satan a péché, dans le ciel. S'il réussit maintenant, c'est le triomphe de la rébellion. JC 110 4 En disant au Christ que la royauté et la gloire du monde lui ont été données et qu'il est libre d'en disposer, Satan affirme une chose qui n'est vraie qu'en partie, et son but est de tromper. La domination que Satan exerce, il l'a arrachée à Adam; or Adam n'était que le fondé de pouvoir du Créateur. Il n'était pas un roi indépendant. La terre appartient à Dieu, et Dieu a remis toutes choses entre les mains de son Fils. Adam était appelé à régner sous les ordres du Christ. Quand Adam eut livré à Satan sa souveraineté, le Christ demeura le roi légitime. C'est pour cela que Dieu dit au roi Nébucadnetsar: "Le Très-Haut domine sur la royauté des hommes; ... il la donne à qui il veut."5 Satan ne peut exercer le pouvoir qu'il a usurpé qu'en tant que Dieu le lui permet. JC 111 1 En offrant au Christ la royauté et la gloire de ce monde, Satan se propose de l'amener à renoncer à ses droits souverains pour ne régner que sous ses ordres. C'est là une domination semblable à celle qu'espéraient les Juifs. Leur ambition était de régner sur le monde. Si le Christ avait consenti à leur donner un tel royaume, ils l'eussent accueilli avec transports. Mais la malédiction du péché, avec tous les malheurs qui en sont la conséquence, pèse sur ce monde. Aussi le Christ dit-il au tentateur: "Retire-toi, Satan! Car il est écrit: Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et à lui seul tu rendras un culte." JC 111 2 Les royaumes de ce monde furent offerts au Christ, par celui qui s'était révolté dans le ciel, en échange d'un hommage aux principes du mal. Mais Jésus ne se laissa pas séduire. Il était venu établir un royaume de justice et ne voulait pas renoncer à son dessein. Satan soumet les hommes à la même tentation, mais avec beaucoup plus de succès. Il leur offre les royaumes de ce monde à condition qu'ils reconnaissent sa souveraineté. Il exige d'eux qu'ils se livrent à l'égoïsme, qu'ils répudient l'intégrité et méconnaissent les droits de la conscience. Le Christ les exhorte à rechercher premièrement le royaume de Dieu et sa justice; mais Satan se tient à leurs côtés et murmure à leur oreille: "Quoi qu'il en soit de la vie éternelle, pour réussir en ce monde, il vous faut me servir. Votre bonheur est entre mes mains. Je puis vous donner richesses, plaisirs, honneurs et félicité. Ecoutez mes conseils. Ne vous laissez pas entraîner par des idées fantaisistes d'honnêteté et de renoncement. Je vous ouvrirai le chemin." C'est ainsi que des foules sont séduites. Elles consentent à vivre au service du moi, et Satan est satisfait. Tandis qu'il les attire par l'espérance d'une domination mondaine, il obtient l'empire sur leur âme. Mais il leur offre ce dont il n'est pas le maître, ce qui bientôt lui sera arraché. En revanche, il les prive de leur titre à l'héritage des fils de Dieu. JC 112 1 En parlant à Jésus, Satan avait mis en doute sa qualité de Fils de Dieu. La manière énergique dont il reçut son congé lui donna une preuve qu'il ne pouvait récuser. La divinité resplendit à travers l'humanité souffrante. Satan n'eut pas le pouvoir de résister à ce commandement. Convulsionné par la honte et la rage, il dut se retirer de la présence du Rédempteur. La victoire du Christ était aussi complète que l'avait été la défaite d'Adam. JC 112 2 Nous pouvons de même résister à la tentation, et obliger Satan à s'éloigner de nous. Jésus a remporté la victoire par la soumission et la foi en Dieu, et il nous fait dire par un apôtre: "Soumettez-vous donc à Dieu; résistez au diable, et il fuira loin de vous. Approchez-vous de Dieu, et il s'approchera de vous."6 Nous ne pouvons échapper par nous-mêmes au pouvoir du tentateur; il a vaincu l'humanité, et si nous essayons de nous défendre par nos propres forces, nous devenons la proie de ses artifices; mais "le nom de l'Eternel est une forteresse; le juste s'y réfugie et y trouve une haute retraite".7 Satan tremble et fuit devant l'âme la plus faible quand elle cherche un refuge sous ce nom tout puissant. JC 112 3 Après le départ de l'ennemi, Jésus, blême, tomba exténué sur le sol. Les anges du ciel avaient surveillé la lutte, vu comment leur chef bien-aimé endurait des souffrances indicibles, pour obtenir notre délivrance, supportant une épreuve plus grande que toutes celles auxquelles nous serons jamais exposés. Les anges accoururent et servirent le Fils de Dieu, qui paraissait sur le point d'expirer. Ils le fortifièrent par des aliments, le réconfortèrent par le message de l'amour de son Père, par l'assurance que le ciel tout entier participait à son triomphe. Jésus ayant repris ses sens, son grand coeur se remplit à nouveau de sympathie pour l'homme, et il s'apprête à poursuivre l'oeuvre commencée; il ne cessera pas qu'il n'ait vaincu l'ennemi et racheté l'humanité. JC 113 1 Le prix de notre rédemption ne sera estimé à sa juste valeur que lorsque les rachetés se tiendront avec le Rédempteur devant le trône de Dieu. Alors que nos sens ravis seront frappés par les gloires de notre éternelle demeure, nous nous souviendrons que Jésus a quitté tout cela pour nous, qu'il s'exila des parvis célestes; plus que cela, qu'il prit le risque d'un échec et d'une perte éternelle. Alors nous jetterons nos couronnes à ses pieds et entonnerons le cantique: "L'Agneau qui a été égorgé est digne de recevoir puissance, richesse, sagesse, force, honneur, gloire et louange."8 ------------------------Chapitre 14 -- Nous avons trouvé le Messie JC 114 0 Ce chapitre est basé sur Jean 1:19-51. JC 114 1 Jean-Baptiste prêchait et baptisait à Bethabara [lieu aussi appelé Béthanie] au-delà du Jourdain, non loin de l'endroit où Dieu avait arrêté les eaux du fleuve pour permettre le passage d'Israël. A quelque distance, la forteresse de Jéricho avait été renversée par les armées célestes. Le souvenir de ces événements donnait un intérêt saisissant au message du Baptiste. N'allait-il pas manifester à nouveau sa puissance pour délivrer Israël, celui qui avait opéré de si grandes choses dans le passé? Cette pensée agitait les coeurs de la multitude s'assemblant, jour après jour, au bord du Jourdain. JC 114 2 La prédication de Jean eut de tels effets sur la nation qu'elle attira l'attention des autorités religieuses. Le danger d'une insurrection faisait considérer avec suspicion, par les Romains, les rassemblements populaires; tout ce qui paraissait annoncer un soulèvement du peuple excitait l'inquiétude des maîtres de la nation juive. Jean n'avait pas sollicité du sanhédrin l'autorisation d'accomplir son oeuvre; il blâmait également les chefs et le peuple, les pharisiens et les sadducéens. Néanmoins le peuple le suivait avec ardeur. On s'intéressait de plus en plus à son oeuvre. Bien qu'il n'eût pas recours au sanhédrin, celui-ci le considérait comme étant sous sa juridiction, en qualité de docteur exerçant un ministère public. JC 114 3 Cet organisme, généralement présidé par le souverain sacrificateur, était composé de membres choisis au sein du sacerdoce et parmi les principaux anciens et docteurs de la nation. Hommes d'âge mûr, versés dans la religion et l'histoire du judaïsme, et possédant une culture générale, sans tare physique, ils devaient tous être mariés et avoir des enfants, ce qui faisait présumer d'eux plus d'humanité et de sagesse. Ils se réunissaient dans une salle contiguë au temple de Jérusalem. A l'époque de l'indépendance juive, le sanhédrin constituait la cour suprême de la nation, jouissant d'une autorité civile aussi bien qu'ecclésiastique. Subordonné actuellement aux gouverneurs romains, il continuait pourtant d'exercer une grande influence dans les affaires civiles et religieuses. JC 115 1 Le sanhédrin ne pouvait différer d'établir une enquête au sujet de l'oeuvre de Jean. Quelques-uns se rappelaient la révélation accordée à Zacharie dans le temple et la prophétie du père désignant son fils comme l'avant-coureur du Messie. On avait, dans une grande mesure, perdu ces choses de vue pendant les tumultes et les changements qui s'étaient produits au cours des trente dernières années. Mais elles furent rappelées à l'esprit par l'agitation que provoquait le ministère de Jean. JC 115 2 Depuis longtemps Israël n'avait pas eu de prophète; depuis longtemps on n'avait pas vu de réforme semblable à celle à laquelle on assistait. L'appel à confesser les péchés paraissait nouveau et faisait sensation. Bien des chefs s'abstenaient d'aller entendre les exhortations et les reproches de Jean, de crainte d'être amenés à dévoiler les secrets de leur vie. Jean annonçait le Messie d'une manière précise. On savait bien que les soixante-dix semaines de la prophétie de Daniel, aboutissant à l'avènement du Messie, étaient presque écoulées; et l'impatience d'entrer dans cette ère de gloire nationale, généralement attendue, se faisait sentir. L'enthousiasme populaire allait bientôt obliger le sanhédrin de sanctionner ou de rejeter l'oeuvre de Jean. L'influence de ce conseil sur le peuple allait diminuant. Il s'agissait de savoir comment il pourrait maintenir sa position. Pour arriver à une conclusion, on envoya au Jourdain une députation de prêtres et de lévites afin de conférer avec le nouveau docteur. JC 115 3 Une nombreuse assemblée écoutait les paroles de Jean lorsque les délégués s'approchèrent. Avec un air d'autorité destiné à impressionner le peuple, et à en imposer au prophète, les orgueilleux rabbins s'avancèrent. Saisie de respect, pour ne pas dire de crainte, la foule s'écarta pour leur livrer passage. Ces grands hommes, richement vêtus, fiers de leur rang et de leur pouvoir, se tenaient devant le prophète du désert. JC 116 1 Toi, qui es-tu? demandèrent-ils. Devinant leur pensée, Jean répondit: "Moi, je ne suis pas le Christ." -- Quoi donc?... Es-tu Elie? -- Je ne le suis pas. -- Es-tu le prophète? -- Non. -- Qui es-tu? afin que nous donnions une réponse à ceux qui nous ont envoyés; que dis-tu de toi-même?... -- Je suis la voix de celui ui crie dans le désert: Aplanissez le chemin du Seigneur, comme a dit le prophète Esaïe. JC 116 2 Jean faisait allusion à l magnifique prophétie d'Esaïe: "Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu. Parlez au coeur de Jérusalem et annoncez-lui que son temps d'épreuve a pris fin; que son iniquité est pardonnée. ... Une voix crie: Frayez dans le désert un chemin pour l'Eternel! Nivelez dans la plaine aride une route pour notre Dieu! Toute vallée sera comblée; toute montagne et toute colline seront abaissées; les hauteurs se changeront en plaines et les crêtes escarpées en vallons. Alors la gloire de l'Eternel sera manifestée et toutes les créatures, ensemble, en verront l'éclat."1 JC 116 3 Autrefois, quand un roi voyageait à travers des régions peu fréquentées, des hommes étaient envoyés au-devant du chariot royal pour niveler les aspérités du terrain et combler les fossés, afin que le roi pût poursuivre sa route en sûreté et sans obstacle. Cette coutume sert d'image au prophète pour illustrer l'oeuvre de l'Evangile. "Toute vallée sera comblée; toute montagne et toute colline seront abaissées." Quand l'Esprit de Dieu touche une âme de son merveilleux pouvoir vivifiant, l'orgueil humain en est abaissé. Les plaisirs du monde, la position et le pouvoir perdent toute valeur. "Les raisonnements et toute hauteur qui s'élève contre la connaissance de Dieu",2 sont renversés; "toute pensée" est amenée "captive à l'obéissance au Christ". L'humilité et l'amour qui se sacrifie, généralement si peu appréciés des hommes, se redressent alors et prennent toute leur valeur. Telle est l'oeuvre de l'Evangile, dont le message de Jean constituait une partie. JC 117 1 Les rabbins continuèrent leur interrogatoire: "Pourquoi donc baptises-tu, si tu n'es pas le Christ, ni Elie, ni le prophète?" Les mots "le prophète" faisaient allusion à Moïse. Les Juifs s'attendaient à ce que Moïse fût ressuscité d'entre les morts et enlevé au ciel. Ils ignoraient qu'il avait déjà été ressuscité. Quand le Baptiste commença son ministère, beaucoup pensèrent que c'était peut-être lui qui était le prophète Moïse ressuscité d'entre les morts; car il paraissait connaître à fond les prophéties et l'histoire d'Israël. JC 117 2 O pensait aussi qu'Elie apparaîtrait personnellement avant l'avènement du Messie. C'est en opposition avec cette attente que Jean nia d'être Elie; mais ses paroles avaient une signification plus profonde. Jésus devait dire plus tard, à propos de Jean: "Si vous voulez l'admettre, c'est lui qui est l'Elie qui devait venir."3 Jean est venu avec l'esprit et la puissance d'Elie, pour accomplir une oeuvre semblable à la sienne. Cette oeuvre aurait trouvé son accomplissement chez eux si les Juifs l'avaient reçu. Mais ils n'acceptèrent pas son message. Ils ne le reconnurent pas comme Elie. Aussi ne put-il accomplir pour eux la mission dont il était chargé. JC 117 3 Parmi ceux qui, rassemblés au Jourdain, avaient assisté au baptême de Jésus, il y en eut peu à qui le signe donné fut rendu sensible. Au cours des mois qui avaient précédé, beaucoup avaient refusé l'appel à la repentance que leur offrait le ministère du Baptiste. De cette manière ils endurcirent leurs coeurs et obscurcirent leur entendement. Aussi ne perçurent-ils pas le témoignage que le ciel rendit à Jésus au moment de son baptême. Leurs yeux ne s'étaient jamais tournés avec foi vers celui qui est invisible; aussi ne purent-ils contempler la gloire de Dieu; leurs oreilles qui n'avaient jamais écouté sa voix ne purent entendre les paroles du témoignage. Il en est de même aujourd'hui. Souvent la présence du Christ et le ministère des anges se manifestent dans des assemblées, mais nombreux sont ceux qui ne s'en aperçoivent pas. Ils ne voient rien d'extraordinaire. Mais la présence du Sauveur est révélée à quelques-uns. La paix et la joie animent leurs coeurs. Ils sont réconfortés, encouragés et bénis. JC 118 1 Les députés de Jérusalem avaient demandé à Jean: "Pourquoi donc baptises-tu?" Ils attendaient sa réponse. Soudain, tandis que son regard parcourait la foule, son oeil s'alluma, son visage resplendit, tout son être fut secoué par une vive émotion. La main tendue, il s'écria: "Moi, je baptise d'eau; au milieu de vous, il en est un que vous ne connaissez pas et qui vient après moi; je ne suis pas digne de délier la courroie de sa sandale."4 JC 118 2 Ce message clair et sans équivoque devait être rapporté au sanhédrin. Les paroles de Jean ne pouvaient s'appliquer qu'à celui qui avait été promis depuis longtemps. Le Messie était parmi eux! Prêtres et anciens regardèrent autour d'eux, étonnés, espérant découvrir celui dont Jean avait parlé. Mais on ne pouvait le distinguer dans la foule. JC 118 3 Quand, lors du baptême de Jésus, Jean l'eut désigné comme l'Agneau de Dieu, une nouvelle lumière se répandit sur l'oeuvre du Messie. Ces paroles d'Esaïe revinrent à l'esprit du prophète: "Comme l'agneau qu'on mène à la boucherie."5 Au cours des semaines qui suivirent, Jean s'appliqua de nouveau à l'étude des prophéties et à l'enseignement contenu dans le service des sacrifices. Il ne distinguait pas bien entre les deux phases de l'oeuvre du Christ -- souffrant pour aboutir au sacrifice, puis revenant comme un roi conquérant -- mais il comprit que sa venue avait une signification profonde qui échappait aux prêtres et au peuple. Voyant Jésus parmi la foule, revenu du désert, il espéra qu'il donnerait au peuple quelque signe attestant son vrai caractère. Il attendait avec impatience une déclaration du Sauveur touchant sa mission; mais il n'y eut ni déclaration ni signe. Jésus ne fit aucune réponse à l'annonce du Baptiste, se contentant de se mêler aux disciples de Jean, sans donner aucune preuve extérieure de son oeuvre particulière et sans rien faire qui pût attirer l'attention sur lui. JC 119 1 Le jour suivant Jean voit Jésus venir à lui. La lumière de la gloire de Dieu enveloppe le prophète, qui étend sa main, en disant: "Voici l'Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde. C'est celui dont j'ai dit: Après moi vient un homme qui m'a précédé, ... et moi, je ne le connaissais pas, mais, afin qu'il soit manifesté à Israël, je suis venu baptiser d'eau. ... J'ai vu l'Esprit descendre du ciel comme une colombe et demeurer sur lui; et moi, je ne le connaissais pas, mais celui qui m'a envoyé baptiser d'eau m'a dit: Celui sur qui tu verras l'Esprit descendre et demeurer, c'est lui qui baptise d'Esprit Saint. Et moi, j'ai vu et j'ai rendu témoignage que c'est lui le Fils de Dieu."6 JC 119 2 Etait-ce le Christ? Le peuple considérait avec crainte et saisissement celui qui venait d'être désigné comme étant le Fils de Dieu. Les paroles de Jean avaient produit une émotion profonde. Il avait parlé au nom de Dieu. On l'avait écouté, jour après jour, reprenant les péchés, et l'on s'était, de plus en plus, convaincu qu'il était un envoyé du ciel. Mais qui était celui-ci, que Jean-Baptiste déclarait plus grand que lui-même? Rien dans son apparence ne dénotait son rang. Il avait, vêtu comme les pauvres gens, toutes les apparences d'un homme ordinaire. JC 119 3 Quelques-uns, au milieu de la foule, avaient vu la gloire divine et entendu la voix de Dieu, à l'occasion du baptême du Christ. Mais, depuis lors, l'apparence du Sauveur avait beaucoup changé. On l'avait vu, à son baptême, transfiguré par la lumière du ciel; aujourd'hui, pâle, épuisé, amaigri, il n'était reconnu que par le prophète Jean. JC 119 4 En le considérant de plus près, le peuple vit un visage où la compassion divine s'unissait au sentiment de la force. Son regard, ses traits exprimaient l'humilité, ainsi qu'un amour indicible. Une atmosphère d'influence spirituelle paraissait l'entourer. Aimable, sans prétention dans ses manières, il donnait cependant l'impression d'une puissance cachée, et pourtant visible. Etait-ce vraiment celui qu'Israël avait si longtemps attendu? JC 119 5 Jésus est venu dans la pauvreté et l'humiliation afin d'être pour nous un exemple en même temps qu'un Rédempteur. Comment eût-il pu enseigner l'humilité s'il était venu entouré de pompes royales? Comment eût-il pu présenter des vérités aussi tranchantes que celles contenues dans le sermon sur la montagne? Où serait l'espoir des petits si Jésus était venu vivre en roi parmi les hommes? JC 120 1 Aux yeux des foules, toutefois, il paraissait impossible que celui que Jean leur avait désigné pût réaliser leurs hautes ambitions. C'est pourquoi beaucoup furent déçus et restèrent perplexes. JC 120 2 Prêtres et rabbins attendaient de Jésus la promesse d'un prompt rétablissement du royaume d'Israël: elle ne vint pas. Ils attendaient avec anxiété un tel roi, et ils l'eussent reçu. Ils n'étaient pas prêts à accueillir celui qui cherchait à établir dans leurs coeurs un royaume de justice et de paix. JC 120 3 Le lendemain, Jean, ayant à côté de lui deux de ses disciples, reconnut de nouveau Jésus dans la foule. Une fois de plus la lumière de l'Invisible éclaira le visage du prophète, qui s'écria: "Voici l'Agneau de Dieu!" Ces paroles, sans qu'ils les comprissent pleinement, firent tressaillir le coeur des disciples. Qu'était-ce que ce titre donné par Jean: l'Agneau de Dieu? A ce sujet Jean ne s'était pas expliqué. JC 120 4 Ils laissèrent Jean, et se mirent à la recherche de Jésus. L'un était André, le frère de Simon; l'autre était Jean l'évangéliste. Ils devinrent les premiers disciples du Christ. Poussés par une force irrésistible, ils suivirent Jésus, désireux de s'entretenir avec lui, et cependant craintifs et silencieux, comme perdus dans la méditation de cette pensée qui les débordait: Est-ce vraiment le Messie? JC 120 5 Jésus savait qu'il était suivi par les disciples. Ils étaient les prémices de son ministère, et quelle joie pour le coeur du divin Maître, de voir ces âmes répondre à l'appel de sa grâce! Se retournant, il leur dit: "Que cherchez-vous?" Il les laissait libres de s'éloigner ou d'exprimer leur désir. JC 120 6 Ils n'avaient qu'un but à ce moment-là. Une présence remplissait leurs pensées. Ils s'écrièrent: "Rabbi, où demeures-tu?" Une courte entrevue, le long du chemin, ne pouvait leur offrir ce qu'ils désiraient. Ils voulaient être seuls avec Jésus, se placer à ses pieds, et recueillir ses paroles. JC 121 1 "Il leur dit: Venez et vous verrez. Ils allèrent et virent où il demeurait; et ils restèrent auprès de lui ce jour-là." JC 121 2 Si Jean et André avaient eu l'esprit incrédule des prêtres et des anciens, ils ne se seraient pas placés, comme des élèves, aux pieds de Jésus. Prenant l'attitude de juges, ils auraient soumis ses paroles à une critique sévère. Beaucoup ferment ainsi la porte aux plus précieuses occasions. Ces premiers disciples avaient répondu à l'appel que le Saint-Esprit leur avait adressé par la prédication de Jean-Baptiste. Maintenant ils reconnaissaient la voix du Maître céleste. Les paroles de Jésus leur paraissaient pleines de fraîcheur, de vérité et de beauté. Une lumière divine éclairait pour eux les enseignements contenus dans l'Ancien Testament. Les divers aspects des thèmes de la vérité recevaient une nouvelle lumière. JC 121 3 La contrition, la foi et l'amour rendent l'homme apte à recevoir la sagesse du ciel. La foi qui est agissante par la charité est la clé de la connaissance; quiconque aime "connaît Dieu".7 JC 121 4 Le disciple Jean était un homme aux affections profondes, ardent et contemplatif à la fois. Il avait commencé à discerner la gloire du Christ, non pas la gloire extérieure et la puissance mondaine qu'on lui avait appris à espérer, mais "une gloire comme celle du Fils unique venu du Père", "pleine de grâce et de vérité".8 Il restait absorbé dans la contemplation de ce thème merveilleux. JC 121 5 André, désireux de communiquer la joie qui remplissait son coeur, courut à la recherche de son frère Simon, et cria: "Nous avons trouvé le Messie." Simon n'attendit pas une seconde invitation. Il avait, lui aussi, entendu la prédication de Jean-Baptiste, et il s'empressa auprès du Sauveur. Les yeux du Christ se posèrent sur lui, lisant son caractère et l'histoire de sa vie. Sa nature impulsive, son coeur aimant, son ambition, sa confiance en lui-même, sa chute et sa repentance, ses travaux et son martyre, le Sauveur lut tout cela, et il dit: "Tu es Simon, fils de Jean; tu seras appelé Céphas, ce qui se traduit: Pierre." JC 122 1 Le lendemain, Jésus "voulut se rendre en Galilée, et il trouva Philippe. Jésus lui dit: Suis-moi." Philippe obéit à cet ordre et entra aussitôt au service du Christ. JC 122 2 Philippe appela Nathanaël. Ce dernier avait été présent au milieu de la foule au moment où le Baptiste avait désigné Jésus comme l'Agneau de Dieu. En considérant Jésus, il éprouva quelque désappointement. Pouvait-il être le Messie, cet homme qui portait les marques du travail et de la pauvreté? Néanmoins Nathanaël ne pouvait se décider à rejeter Jésus; le message de Jean avait déjà conquis son coeur. JC 122 3 Lorsque Nathanaël reçut l'invitation de Philippe, il était seul dans un bosquet tranquille, méditant sur ce que Jean avait dit et sur les prophéties relatives au Messie. Il demandait à Dieu de lui faire savoir si celui que Jean avait annoncé était vraiment le Libérateur, et le Saint-Esprit lui communiqua l'assurance que Dieu avait visité son peuple en lui suscitant un Sauveur. Philippe savait que son ami était occupe à sonder les prophéties; il découvrit sa retraite alors qu'il priait sous son figuier. Souvent, ainsi cachés par le feuillage, ils avaient prié ensemble dans cet endroit écarté. JC 122 4 Nathanaël vit une réponse directe à sa prière dans le message: "Nous avons trouvé celui dont il est question dans la loi de Moïse et dans les prophètes." Mais la foi de Philippe était encore chancelante, comme on peut le voir par les paroles qu'il ajoute: "Jésus de Nazareth, le fils de Joseph." Ces paroles réveillèrent les préventions de Nathanaël. Il protesta: "Peut-il venir de Nazareth quelque chose de bon?" JC 122 5 Philippe n'entama pas de controverse. Il lui dit: "Viens et vois." Jésus vit venir à lui Nathanaël et dit de lui: "Voici vraiment un Israélite, dans lequel il n'y a pas de fraude." Surpris, Nathanaël s'écria: "D'où me connais-tu? Jésus lui répondit: Avant que Philippe t'ait appelé, quand tu étais sous le figuier, je t'avais vu." JC 122 6 Cela suffit. L'Esprit divin qui avait rendu témoignage à Nathanaël, pendant sa prière solitaire sous le figuier, lui parlait maintenant par Jésus. Alors qu'il doutait encore, dominé malgré tout par le préjugé, Nathanaël était venu au Christ, animé d'un désir sincère de connaître la vérité; maintenant son désir était exaucé. Sa foi dépassa bientôt celle de celui qui l'avait amené à Jésus. Il dit en effet: "Rabbi, c'est toi le Fils de Dieu, c'est toi le roi d'Israël." JC 123 1 Si Nathanaël avait pris les rabbins pour guides, il n'eût jamais trouvé Jésus. C'est parce qu'il voulut voir et juger par lui-même qu'il devint un disciple. Aujourd'hui beaucoup de personnes sont retenues loin du bien par quelque parti pris. Il en serait tout autrement si elles voulaient venir et voir. JC 123 2 On ne peut parvenir à la connaissance de la vérité aussi longtemps qu'on se fie à une autorité humaine. A l'exemple de Nathanaël, nous devons étudier la Parole de Dieu pour nous-mêmes, et prier en vue d'obtenir l'illumination du Saint-Esprit. Il nous apercevra dans le lieu secret de la prière, celui qui vit Nathanaël sous le figuier. Des anges sont envoyés du monde de la lumière auprès de ceux qui cherchent, humblement, les directions divines. JC 123 3 Les premières bases de la fondation de l'Eglise chrétienne furent jetées par l'appel de Jean, d'André, de Philippe et de Nathanaël. Jean donna deux de ses disciples au Christ. L'un de ceux-ci, André, amena son frère au Sauveur. Ensuite Philippe fut invité, et à son tour il se mit à la recherche de Nathanaël. Ceci devrait nous montrer combien il est nécessaire que nous fassions des efforts personnels pour attirer d'une manière directe nos parents, nos amis, nos voisins. Il en est qui, pendant toute leur vie, ont fait profession de connaître le Christ, et qui cependant n'ont jamais tenté un effort personnel pour amener qui que ce soit au Sauveur. Ils laissent ce travail entièrement à la charge du prédicateur. Mais ce dernier ne peut, quelles que soient ses capacités, accomplir seul la tâche que Dieu a confiée à tous les membres de l'église. JC 123 4 Ils sont nombreux ceux qui ont besoin des services de coeurs chrétiens et aimants. Beaucoup de ceux qui ont été précipités dans la ruine, auraient été sauvés, si leurs voisins, des hommes et des femmes ordinaires, avaient tenté quelque effort personnel en leur faveur. Bien des personnes attendent qu'on s'adresse à elles, personnellement. Dans notre propre famille, dans le voisinage, dans la ville où nous habitons, nous avons un travail à accomplir, en tant que missionnaires du Christ. Si nous sommes vraiment chrétiens, ce travail fera nos délices. Dès qu'un être est converti, un désir naît dans son coeur: celui de faire connaître l'ami précieux qu'il a trouvé en Jésus. Il ne peut renfermer en lui-même la vérité salutaire et sanctifiante. JC 124 1 Toutes les âmes qui sont consacrées à Dieu deviendront des moyens de transmettre la lumière. Dieu se sert d'elles pour communiquer à d'autres les richesses de sa grâce. Cette promesse les concerne: "Je les comblerai de bénédictions, elles et les régions voisines de ma colline sainte. Je ferai tomber la pluie à la saison favorable: ce sera une pluie de bénédictions."9 JC 124 2 Philippe dit à Nathanaël: "Viens et vois." Il ne lui demanda pas d'accepter le témoignage d'autrui, mais de contempler lui-même le Christ. Depuis que Jésus est monté au ciel, ses disciples le représentent parmi les hommes; et l'un des moyens les plus efficaces pour lui gagner des âmes consiste en une vie quotidienne qui illustre son caractère. Notre influence dépend moins de ce que nous disons que de ce que nous sommes. On peut combattre nos arguments et défier notre logique, on peut résister à nos appels, mais une vie d'amour désintéressé est un argument irréfutable. Une vie conséquente, caractérisée par la douceur du Christ, est une puissance en ce monde. JC 124 3 L'enseignement du Christ était l'expression d'une conviction bien enracinée, fondée sur l'expérience; ceux qui apprennent de lui deviennent des maîtres selon l'ordre divin. La Parole de Dieu, prononcée par quelqu'un qui est sanctifié par elle, possède une force vivifiante qui attire à elle les auditeurs et leur apporte la conviction qu'il y a là une vivante réalité. Quand quelqu'un aime la vérité qu'il a reçue, il le manifeste par le ton de sa voix et des attitudes persuasives. Il fait connaître ce qu'il a entendu et vu, ce que ses mains ont touché concernant la parole de vie, afin que d'autres communient avec lui grâce à la connaissance du Christ. Son témoignage, sortant de lèvres purifiées par le charbon ardent de l'autel, fait l'effet de la vérité sur un coeur réceptif et opère la sanctification du caractère. JC 125 1 Il recevra une bénédiction, celui qui cherche à communiquer la lumière à d'autres. "L'âme bienfaisante sera rassasiée et celui qui arrose sera lui-même arrosé."10 Dieu pourrait atteindre son but en sauvant les pécheurs sans notre concours; mais si nous voulons former un caractère semblable à celui du Christ, nous devons participer à son oeuvre. Si nous voulons participer à sa joie -- la joie que procure la vue des âmes rachetées par son sacrifice -- il nous faut prendre part à ses efforts salutaires. JC 125 2 Les paroles par lesquelles Nathanaël donna la première expression à sa foi, paroles si ardentes et sincères, furent une douce musique aux oreilles de Jésus, qui lui répondit: "Parce que je t'ai dit que je t'avais vu sous le figuier, tu crois; tu verras de plus grandes choses que celles-ci!" Le Sauveur considérait avec joie l'oeuvre qui lui était réservée: prêcher la bonne nouvelle aux débonnaires, panser les coeurs brisés, et publier la liberté à ceux que Satan retenait captifs. Il ajouta, songeant aux précieuses bénédictions qu'il apportait aux hommes: "En vérité, en vérité, je vous le dis, vous verrez le ciel ouvert, et les anges de Dieu monter et descendre sur le Fils de l'homme." JC 125 3 Jésus disait ainsi: Sur les rives du Jourdain les cieux se sont ouverts, et l'Esprit est descendu sur moi sous la forme d'une colombe, signe indiquant que je suis le Fils de Dieu. Votre foi sera vivifiée si vous croyez en moi. Vous verrez alors les cieux ouverts pour toujours. C'est moi qui vous les ai ouverts. Les anges de Dieu montent, portant au Père céleste les prières des âmes qui sont dans la détresse ou dans le besoin; ils descendent apportant aux enfants des hommes la bénédiction et l'espoir, le courage, le secours et la vie. JC 125 4 Les anges de Dieu vont continuellement de la terre au ciel et du ciel à la terre. Par leur ministère la puissance de Dieu accomplit les miracles du Christ, en faveur des affligés et des souffrants. Par leur ministère, tout bienfait nous vient, en Christ, de la part de Dieu. En assumant l'humanité, le Sauveur associe ses propres intérêts à ceux des fils et des filles déchus d'Adam, en même temps que par sa divinité il saisit le trône de Dieu. Ainsi le Christ est le moyen qui met en communication les hommes avec Dieu, et Dieu avec les hommes. ------------------------Chapitre 15 -- Au repas de noces JC 127 0 Ce chapitre est basé sur Jean 2:1-11. JC 127 1 Ce n'est pas en accomplissant quelque grand exploit, à Jérusalem, en présence du sanhédrin, que Jésus commença son ministère. Il manifesta sa puissance dans un petit village galiléen, pour accroître la joie d'une fête de noces. Par là il montrait sa sympathie pour les hommes, et son désir de les rendre heureux. Au désert, il avait bu à la coupe de douleur de la tentation. Il tendait aux hommes la coupe de bénédiction, sanctifiant par sa présence les relations de la vie humaine. JC 127 2 Après avoir quitté le Jourdain, Jésus était retourné en Galilée. Un mariage devait avoir lieu à Cana, petite ville voisine de Nazareth; Jésus, étant informé de cette réunion de famille, se rendit près des fiancés, parents de Joseph et de Marie, et fut invité ainsi que ses disciples, aux noces. JC 127 3 Il revit ainsi sa mère, dont il avait été séparé pendant quelque temps. La nouvelle de la manifestation qui s'était produite au Jourdain, à l'occasion du baptême de Jésus, avait été apportée à Nazareth, et avait ravivé en elle le souvenir des scènes qu'elle conservait dans son coeur, depuis tant d'années. Très profondément impressionnée aussi par la mission de Jean-Baptiste, qui avait remué tout Israël, elle se rappelait la prophétie prononcée à sa naissance. Les relations de Jésus avec le Baptiste ranimaient ses espérances. Mais elle n'avait pu se défendre contre de sombres pressentiments en apprenant le séjour mystérieux de son fils au désert. JC 127 4 Depuis le jour où elle avait reçu la visite de l'ange dans sa maison à Nazareth, Marie avait recueilli précieusement dans sa pensée tout ce qui lui prouvait que Jésus était le Messie. Sa vie pleine de douceur, absolument exempte d'égoïsme, lui donnait la certitude qu'il ne pouvait être que l'Envoyé de Dieu. Cependant elle connaissait, elle aussi, les doutes et les déceptions, et elle soupirait après le moment où il manifesterait sa gloire. La mort lui avait enlevé Joseph, qui partageait son secret au sujet de la naissance de Jésus. Il ne lui restait personne à qui confier ses espoirs et ses craintes. Les deux derniers mois avaient été pour elle des mois de souffrance. Privée de la présence de Jésus, dont la tendresse était son seul réconfort, elle méditait les paroles de Siméon: "Une épée te transpercera l'âme";1 elle se souvenait des trois jours passés dans l'angoisse lorsqu'elle avait cru son fils perdu à jamais, et, anxieuse, elle attendait son retour. JC 128 1 Elle le revoit à la fête des noces. Il est toujours le fils tendre et soumis. Pourtant ce n'est plus le même homme. Son visage, transformé, porte les traces de la lutte soutenue au désert; une expression de dignité et de puissance révèle sa mission céleste. Il est accompagné d'un groupe de jeunes hommes qui le suivent du regard, avec respect, en l'appelant: Maître. Ces compagnons de Jésus racontent à Marie ce qu'ils ont vu et entendu au moment du baptême et à d'autres occasions. Et ils concluent en disant: "Nous avons trouvé celui dont il est question dans la loi de Moïse et dans les prophètes."2 JC 128 2 Certains hôtes, dès leur arrivée, semblent préoccupés par quelque question d'un intérêt supérieur. Une sorte d'excitation contenue règne bientôt dans toute la société. De petits groupes s'entretiennent à voix basse, et des regards curieux se portent vers le fils de Marie. En entendant le témoignage que les disciples rendent à Jésus, Marie constate que ses espérances, longuement entretenues, ne sont pas vaines. Elle eût été au-dessus de l'humanité si un peu de fierté maternelle ne s'était mêlée à sa sainte joie. Voyant tant de regards dirigés sur Jésus, elle désirait vivement qu'il donnât une preuve du choix dont Dieu l'honorait. Elle espérait qu'une occasion lui serait donnée d'accomplir un miracle en leur présence. JC 128 3 Les fêtes de noces duraient ordinairement plusieurs jours. Il se trouva que la provision de vin fut épuisée avant la fin de la fête. Cette découverte occasionna de la perplexité et du regret car on n'avait pas l'habitude de se priver de vin les jours de fête, et c'était manquer d'hospitalité que de n'en point donner. En tant que parente des fiancés, Marie avait participé à l'organisation de la fête; elle confia son souci à Jésus: "Ils n'ont pas de vin." C'était lui suggérer de pourvoir aux besoins. Mais Jésus répondit: "Femme, que veux-tu de moi? Mon heure n'est pas encore venue." JC 129 1 Cette réponse, qui peut nous paraître un peu rude, n'exprimait ni froideur, ni manque de courtoisie. Le langage que le Sauveur tint à sa mère était parfaitement en accord avec les coutumes orientales. On se servait des mêmes expressions pour s'adresser à des personnes auxquelles on témoignait le plus grand respect. Tous les actes de la vie terrestre du Christ ont d'ailleurs été en harmonie avec le précepte qu'il avait donné lui-même: "Honore ton père et ta mère."3 Sur la croix, accomplissant un dernier acte de tendresse envers sa mère, Jésus s'adressa à elle dans les mêmes termes en la remettant aux soins de son disciple bien-aimé. A la fête de noces et plus tard, sur la croix, l'affection, que Jésus exprimait par le ton, le regard et le geste, servait à interpréter ses paroles. JC 129 2 Au temps de son enfance, lors de sa visite au temple, à l'heure où le mystère de sa carrière s'ouvrit devant lui, Jésus avait dit à ses parents: "Ne saviez-vous pas qu'il faut que je m'occupe des affaires de mon Père?"4 Ces paroles étaient le programme de sa vie entière et de son ministère. Tout était subordonné à son oeuvre, cette grande oeuvre de rédemption qu'il venait accomplir dans le monde. Il répétait aujourd'hui cette leçon. Marie était en danger de croire que sa maternité lui donnait un droit particulier sur Jésus, celui de le diriger, jusqu'à un certain point, dans sa mission. Jusqu'à l'âge de trente ans il était resté, pour elle, un fils aimant et obéissant. Son amour n'a pas changé, mais il doit maintenant s'occuper des affaires de son Père. Aucun lien terrestre ne peut distraire de sa mission le Fils du Très-Haut ou influencer la conduite du Sauveur du monde. Il lui faut toute sa liberté pour accomplir la volonté de Dieu. C'est un enseignement pour nous: les droits de Dieu priment même les liens de la parenté. Aucun attrait humain ne doit nous détourner du sentier dans lequel il nous invite à marcher. JC 130 1 L'unique espoir de rédemption pour la race déchue réside en Christ; Marie elle-même ne pouvait trouver le salut qu'en l'Agneau de Dieu. Elle n'avait aucun mérite à faire valoir. Sa parenté avec Jésus n'affectait pas plus sa relation spirituelle avec lui qu'avec tout autre être humain. C'est là ce que signifient les paroles du Sauveur. Il veut établir une distinction nette entre ce qui l'attache à elle en tant que Fils de l'homme, et sa qualité de Fils de Dieu. Le lien familial qui les unissait ne la plaçait pas sur un pied d'égalité avec lui. JC 130 2 Les paroles: "Mon heure n'est pas encore venue" montrent que tous les actes de la vie terrestre du Christ ont été accomplis conformément à un plan existant de toute éternité. Avant même qu'il vînt sur la terre, le plan était présent à son esprit, achevé dans tous ses détails. A mesure qu'il s'avançait au milieu des hommes, il était conduit, pas à pas, par la volonté de son Père. Au moment fixé, il n'hésitait pas à agir. Il attendait avec la même soumission que le temps fût venu. JC 130 3 En disant que son heure n'était pas encore venue, Jésus répondait à la pensée non exprimée par Marie, au sujet de l'attente qu'elle chérissait en commun avec son peuple. Elle espérait qu'il allait se manifester en qualité de Messie et monter sur le trône d'Israël. Mais le moment n'était pas arrivé. Jésus avait accepté de partager le lot de l'humanité non en tant que Roi, mais en tant qu'Homme de douleurs, connaissant la souffrance. JC 130 4 Bien que Marie n'eût pas une juste conception de la mission du Christ, elle avait en lui une foi implicite. Aussi Jésus répondit-il à cette foi. Ce fut pour honorer la confiance de Marie et pour affermir la foi des disciples, que le premier miracle fut accompli. Nombreuses et fortes allaient être les tentations que l'incrédulité présenterait aux disciples. A leurs yeux, les prophéties montraient que Jésus était le Messie, et cela avec une clarté invincible. Ils pensaient que les conducteurs religieux le recevraient avec une confiance encore plus grande que celle qu'eux-mêmes nourrissaient. Ils faisaient part au peuple de ses oeuvres merveilleuses et de la confiance avec laquelle ils considéraient sa mission, mais ils étaient stupéfaits et amèrement déçus en constatant l'incrédulité, les préjugés fortement enracinés, la haine manifestée contre Jésus par les prêtres et les rabbins. Les premiers miracles du Sauveur avaient pour but de fortifier les disciples en face de cette opposition. JC 131 1 Nullement déconcertée par les paroles de Jésus, Marie dit aux serviteurs chargés de servir le repas: "Tout ce qu'il vous dira, faites-le." Elle fit ainsi ce qui dépendait d'elle pour préparer la voie à l'oeuvre du Christ. JC 131 2 Il y avait, à l'entrée de la porte, six grands vases de pierre: Jésus ordonna aux serviteurs de les remplir d'eau, ce qui fut fait. Quand il fallut du vin, il leur dit: "Puisez maintenant, et portez-en à l'organisateur du repas." On avait versé de l'eau dans les vases, on en retira du vin. Ni le maître d'hôtel ni la plupart des hôtes ne s'étaient rendu compte que le vin avait manqué. Ayant goûté ce vin que lui apportaient les serviteurs, le maître d'hôtel le trouva meilleur que tout ce qu'il avait jamais bu, et très différent du vin qu'on avait servi au commencement de la fête. S'adressant à l'époux, il lui dit: "Tout homme sert d'abord le bon vin, puis le moins bon. ... Toi, tu as gardé le bon vin jusqu'à présent." JC 131 3 On offre d'abord le bon vin, puis le moins bon; c'est ainsi qu'agit le monde avec ses dons. Ce qu'il offre peut plaire aux yeux et fasciner les sens, mais pour finir il ne donne pas une entière satisfaction. Le vin devient amer, la gaieté s'assombrit. Ce qui avait débuté au milieu des chansons et de la bonne humeur s'achève dans la lassitude et le dégoût. Au contraire, les dons de Jésus gardent toujours leur fraîcheur et leur nouveauté. La fête qu'il offre à l'âme ne manque jamais de donner satisfaction et joie. Chaque nouveau don fait mieux apprécier à celui qui le reçoit les bienfaits du Seigneur. Il accorde grâce pour grâce. Les approvisionnements ne font jamais défaut. Si vous demeurez en lui, le fait de recevoir un riche don aujourd'hui vous prépare à en recevoir un plus riche encore demain. La loi qui est à la base des agissements de Dieu à l'égard de ses enfants se trouve exprimée dans les paroles adressées à Nathanaël par Jésus: "Tu crois; tu verras de plus grandes choses que celles-ci!"5 JC 132 1 Le don du Christ, à la fête de noces, avait une signification symbolique. L'eau représentait le baptême annonçant sa mort; le vin, l'effusion de son sang pour les péchés du monde. Ce furent des mains humaines qui apportèrent l'eau et qui remplirent les vases; mais il fallut la parole du Christ pour communiquer une vertu vivifiante. Il en est de même des rites commémorant la mort du Sauveur. Ils ne peuvent rassasier l'âme que grâce à la puissance du Christ agissant par la foi. JC 132 2 La parole du Christ pourvut abondamment aux besoins de la fête. De même, sa grâce est suffisante pour effacer les iniquités humaines, pour renouveler et nourrir l'âme. JC 132 3 A cette première fête, Jésus donna à ses disciples la coupe symbolisant son oeuvre de salut en leur faveur. Lors du dernier souper, il la leur donna, à nouveau, en instituant le rite sacré destiné à commémorer sa mort "jusqu'à ce qu'il vienne."6 La douleur que les disciples éprouvaient à cause du départ de leur Seigneur, fut atténuée par la promesse du revoir. Il leur dit, en effet: "Je ne boirai plus désormais de ce fruit de la vigne, jusqu'au jour où j'en boirai avec vous du nouveau dans le royaume de mon Père".7 JC 132 4 Le vin que le Christ procura, à l'occasion de la fête, ainsi que celui qu'il donna plus tard à ses disciples pour symboliser son propre sang, c'était le pur jus de raisin. C'est à ce vin que le prophète Esaïe faisait allusion en parlant de la grappe, dont on dit: "Ne la détruis pas; car ce qui reste de ce fruit est précieux."8 JC 132 5 C'est le Christ lui-même qui dans l'Ancien Testament avait donné cette mise en garde: "Moqueur est le vin, bruyante la boisson fermentée: qui s'en laisse troubler manque de sens."9 Ce n'est donc pas lui qui pouvait offrir une telle boisson. Satan s'efforce d'asservir les hommes à des vices qui obscurcissent la raison et engourdissent les perceptions spirituelles; le Christ, lui, nous apprend à assujettir la nature inférieure. Toute sa vie a été un exemple de renoncement à soi-même. Afin de briser le pouvoir de l'appétit, il a supporté pour nous les épreuves les plus dures que l'humanité puisse endurer. C'est le Christ qui avait ordonné que Jean-Baptiste ne bût ni vin ni boisson forte. C'est lui aussi qui avait commandé une abstinence semblable à la femme de Manoah. Une malédiction a été prononcée sur celui qui porterait une bouteille aux lèvres de son prochain. Le Christ ne s'est jamais contredit. Le vin non fermenté qu'il a offert aux hôtes participant à la fête de noces était une boisson saine et rafraîchissante, qui visait à mettre le goût en accord avec un appétit normal. JC 133 1 Les remarques sur la qualité du vin faites par les hôtes du festin firent naître des questions qui décidèrent les serviteurs à raconter le miracle. On fut d'abord trop surpris pour penser à celui qui avait accompli cette oeuvre merveilleuse. Quand enfin on le chercha on constata qu'il s'était retiré si tranquillement que ses disciples eux-mêmes ne s'en étaient pas rendu compte. JC 133 2 L'attention se tourna alors vers les disciples. Pour la première fois ils eurent l'occasion de témoigner de leur foi en Jésus. Ils racontèrent ce qu'ils avaient vu et entendu au Jourdain, et bien des coeurs s'éveillèrent à l'espoir que Dieu avait suscité un libérateur à son peuple. La nouvelle du miracle se répandit dans toute la contrée et parvint à Jérusalem. Alors les prêtres et les anciens sondèrent avec un nouvel intérêt les prophéties relatives à la venue du Christ. On désira vivement connaître la mission de ce nouveau maître qui se montrait si humblement au sein du peuple. JC 133 3 Le ministère du Christ offrait un contraste frappant avec celui des anciens juifs. Leur respect de la tradition et leur formalisme avaient supprimé toute liberté de pensée et d'action. Ils étaient obsédés par la crainte de contracter une souillure. Pour éviter ce qui était impur ils se tenaient à l'écart, non seulement des Gentils, mais aussi de la plupart des Juifs, ne cherchant ni à leur être utiles ni à gagner leur amitié. En s'occupant constamment de ces vétilles, ils avaient rapetissé leurs esprits et rétréci leur horizon mental. Par leur exemple ils encourageaient l'égotisme et l'intolérance dans toutes les classes de la société. JC 134 1 Pour commencer son oeuvre de réforme, Jésus établit un contact sympathique avec l'humanité. Tout en témoignant le plus grand respect pour la loi de Dieu, il condamnait la piété prétentieuse des pharisiens et s'efforçait de libérer le peuple des règles absurdes qui l'enserraient. Il cherchait à renverser les barrières séparant les diverses classes de la société et à rassembler les hommes en une seule famille d'enfants de Dieu. Sa participation à la fête de noces était un pas dans cette direction. JC 134 2 Dieu avait confiné Jean-Baptiste au désert pour le soustraire à l'influence des prêtres et des rabbins, et le préparer à sa mission particulière. Mais l'austérité et l'isolement de sa vie ne devaient pas constituer un exemple à suivre. Jean lui-même n'avait pas invité ses auditeurs à renoncer à leurs occupations. Il les exhortait à donner des preuves de repentance en étant fidèles à Dieu là où l'appel les avait trouvés. JC 134 3 Jésus condamnait l'égoïsme sous toutes ses formes, cependant il possédait une grande sociabilité. Il acceptait l'hospitalité de toutes les classes, entrant dans les demeures des riches et des pauvres, des savants et des ignorants, cherchant à détacher leurs pensées des choses vulgaires pour les fixer sur ce qui est spirituel et éternel. Il n'encourageait en aucune façon la dissipation, et sa conduite ne fut entachée d'aucune ombre de légèreté mondaine; il trouvait son plaisir dans des scènes de bonheur innocent, et il sanctifiait, par sa présence, les réunions sociales. Un mariage juif était un fait important, et les joies qu'il occasionnait ne déplaisaient point au Fils de l'homme. En assistant à cette fête, Jésus a honoré la divine institution du mariage. JC 134 4 Dans l'Ancien comme dans le Nouveau Testament, la relation conjugale sert à représenter l'union tendre et sacrée qui existe entre le Christ et son peuple. La joie d'un festin de noces évoquait à l'esprit de Jésus la joie de ce jour où il introduira son Epouse dans la maison du Père, où les rachetés s'assiéront avec le Rédempteur pour le souper des noces de l'Agneau. Il dit: "Comme la fiancée fait la joie de son époux, tu feras la joie de ton Dieu." "On ne te nommera plus la Délaissée; ... mais on t'appellera: Celle en qui j'ai mis mon plaisir ... car l'Eternel mettra son plaisir en toi." "Il éprouvera à ton sujet une grande joie; dans son amour pour toi, il gardera le silence; il sera plein d'allégresse à cause de toi!"10 Quand la vision des choses célestes lui fut accordée, l'apôtre Jean écrivit: "J'entendis comme la voix d'une foule nombreuse, comme la voix de grandes eaux, et comme la voix de forts tonnerres, disant: Alléluia! Car le Seigneur Dieu, le Tout-Puissant, a établi son règne. Réjouissons-nous, soyons dans l'allégresse et donnons-lui gloire, car les noces de l'Agneau sont venues, et son épouse s'est préparée." "Heureux ceux qui sont appelés au festin de noces de l'Agneau".11 JC 135 1 Jésus voyait en tout homme une âme appelée à son royaume. Il atteignait les coeurs en se mêlant à la foule comme un bienfaiteur. Il s'approchait d'eux alors qu'ils étaient occupés à leurs tâches quotidiennes et s'intéressait à leurs affaires. Il entrait dans les maisons pour y enseigner et plaçait les familles, dans leurs propres foyers, sous l'influence de sa divine présence. La sympathie personnelle qu'il savait manifester intensément lui gagnait les coeurs. S'il lui arrivait de se retirer sur une montagne pour prier dans la solitude, ce n'était là qu'une préparation pour les travaux de la vie active au milieu des hommes. Après ces occasions il sortait pour soulager les malades, instruire les ignorants, briser les chaînes dont Satan liait ses captifs. JC 135 2 C'est par des contacts et des rapports personnels que Jésus formait ses disciples. Il les enseignait, tantôt assis au milieu d'eux au flanc d'une montagne, tantôt au bord de la mer, ou en marchant avec eux sur la route, leur révélant les mystères du royaume de Dieu. Il ne sermonnait pas selon l'usage courant aujourd'hui. Partout où des coeurs s'ouvraient au message divin, il dévoilait les vérités qui touchent au chemin du salut. Au lieu de distribuer des ordres à ses disciples il leur disait: "Suivez-moi." Il se faisait accompagner d'eux dans ses voyages à travers les campagnes et les cités, leur montrant comment il enseignait les foules. Il liait leurs intérêts aux siens et se les associait dans son oeuvre. JC 136 1 Tous ceux qui prêchent la Parole, tous ceux qui ont reçu l'Evangile de la grâce, devraient suivre l'exemple du Christ: l'exemple qu'il leur a laissé en associant ses intérêts à ceux de l'humanité. Nous ne devons pas renoncer à la vie sociale. Nous ne devons pas nous isoler. Pour atteindre toutes les classes, il faut aller à leur rencontre. La plupart du temps les hommes ne viendront pas, d'eux-mêmes, à nous. Ce n'est pas seulement du haut de la chaire que la vérité divine peut toucher les coeurs. Un autre champ d'activité, quoique plus humble, est plein de promesses: c'est celui qu'offrent le logis du pauvre et le palais du riche, la table hospitalière et les réunions ayant pour but un divertissement légitime. JC 136 2 Si nous sommes disciples du Christ, l'amour des plaisirs ne nous fera pas nous mêler au monde pour participer à ses folies. De cela il ne résulterait que du mal. Nous ne devons jamais sanctionner le péché soit par nos paroles ou nos actions, soit par notre silence ou notre présence. Que Jésus nous accompagne partout; montrons à tous combien il nous est précieux. Ceux qui enferment leur religion derrière des murailles de pierre perdent de précieuses occasions de faire le bien. C'est par les relations sociales que le christianisme entre en contact avec le monde. Quiconque a reçu l'illumination divine doit éclairer le sentier de ceux qui ne connaissent pas la Lumière de la vie. JC 136 3 Nous devrions tous devenir des témoins de Jésus. Les influences sociales, sanctifiées par la grâce du Christ, doivent servir à gagner des âmes au Sauveur. Montrons au monde que nous ne sommes pas absorbés égoïstement par nos propres intérêts, que nous désirons que d'autres partagent nos bénédictions et nos privilèges. Qu'ils voient que notre religion ne nous rend pas durs et autoritaires. Tous ceux qui affirment avoir trouvé le Christ doivent servir comme lui de manière à être utiles aux hommes. JC 137 1 Ne donnons jamais l'impression que les chrétiens sont des gens sombres et malheureux. Les yeux fixés sur Jésus, nous verrons un Rédempteur plein de compassion, et nous serons éclairés par la lumière de sa face. Où son esprit règne la paix abonde. Et il y aura aussi de la joie, produit d'une sereine et sainte confiance en Dieu. JC 137 2 Le Christ est heureux quand ses disciples montrent que, quoique humains, ils sont participants de la nature divine. Ils ne sont pas des statues, mais des hommes et des femmes pleins de vie. Leurs coeurs rafraîchis par la rosée de la grâce divine, s'épanouissent sous les rayons du Soleil de justice. La lumière qui brille sur eux ils la réfléchissent sur d'autres par des oeuvres tout illuminées de l'amour du Christ. ------------------------Chapitre 16 -- Dans son temple JC 138 0 Ce chapitre est basé sur Jean 2:12-22. JC 138 1 "Après cela, il descendit à Capernaüm, avec sa mère, ses frères et ses disciples, et ils n'y demeurèrent que peu de jours. La Pâque des Juifs était proche, et Jésus monta à Jérusalem." JC 138 2 Pour effectuer ce voyage, Jésus se joignit à une nombreuse caravane s'acheminant vers la capitale. Il n'avait pas encore publiquement annoncé sa mission, aussi put-il se mêler à la foule sans être remarqué. Dans de telles occasions, la venue du Messie, sur laquelle le ministère de Jean avait attiré l'attention, faisait souvent le sujet des conversations. C'est avec le plus grand enthousiasme que l'on s'entretenait des espérances de grandeur nationale. Jésus savait que ces espérances allaient être déçues, parce qu'elles étaient fondées sur une fausse interprétation des Ecritures. Il se donnait beaucoup de peine pour expliquer les prophéties, s'efforçant d'amener les gens à une étude plus attentive de la Parole de Dieu. JC 138 3 Les prêtres avaient enseigné au peuple juif que c'était à Jérusalem que l'on devait lui apprendre à adorer Dieu. Pendant la semaine de Pâque un grand nombre de personnes y accouraient de toutes les parties de la Palestine et même des pays les plus éloignés. Une foule très mélangée assiégeait les parvis du temple. Pour la commodité de ceux qui ne pouvaient apporter avec eux les victimes qui devaient être offertes en sacrifice comme symboles du grand Sacrifice, des animaux étaient achetés et vendus dans la cour extérieure du temple. On se réunissait là pour se procurer des offrandes. La monnaie étrangère y était échangée contre celle du sanctuaire. JC 138 4 Tout Israélite était tenu de payer chaque année un demi-sicle "pour racheter sa personne".1 L'argent ainsi réuni servait à l'entretien du temple. A part cela, de fortes sommes d'argent, apportées comme offrandes volontaires, étaient déposées dans le trésor du temple. On exigeait que toute monnaie étrangère fût échangée contre ce que l'on appelait le sicle du sanctuaire, seul accepté pour le service sacré. Le change, donnant lieu à des fraudes et à des extorsions, avait fait naître un trafic honteux, source de revenu pour les prêtres. JC 139 1 Les marchands exigeaient des sommes exorbitantes pour les animaux vendus, et partageaient, ensuite, leur profit avec les prêtres et les anciens: ceux-ci s'enrichissaient ainsi aux dépens du peuple. On enseignait aux fidèles que s'ils n'offraient pas des sacrifices, la bénédiction de Dieu ne reposerait pas sur leurs enfants et sur leurs terres. On pouvait, de cette façon, exiger un prix élevé des victimes; car les gens accourus de très loin ne voulaient pas retourner chez eux sans avoir accompli les actes de culte pour lesquels ils étaient venus. JC 139 2 Beaucoup de sacrifices étaient offerts au temps de la Pâque, de sorte que les ventes du temple s'en trouvaient accrues. Le désordre faisait penser plutôt à un marché de bétail qu'à un saint temple de Dieu. On entendait les disputes des acquéreurs et des vendeurs, les mugissements du gros bétail, le bêlement des brebis, le roucoulement des colombes, le tintement des pièces de monnaie. La confusion était si grande qu'elle troublait les adorateurs, et les prières adressées au Très-Haut étaient submergées par le tumulte. Le temple était un sujet d'orgueil pour les Juifs, extrêmement fiers de leur piété, et toute parole prononcée contre lui leur paraissait un blasphème; ils se montraient particulièrement stricts dans l'accomplissement des rites; mais l'amour de l'argent faisait taire leurs scrupules. Ils ne voyaient pas à quel point ils s'éloignaient du but originel qui avait présidé à l'institution de ces services par Dieu même. JC 139 3 Quand le Seigneur descendit sur le Sinaï, ce lieu fut consacré par sa présence. Moïse reçut l'ordre d'établir des barrières autour de la montagne et de sanctifier celle-ci, et le Seigneur donna cet avertissement: "Gardez-vous de monter sur la montagne et même d'en toucher le bord. Celui qui touchera la montagne sera puni de mort. Oh ne mettra pas la main sur lui, mais il sera lapidé ou percé de flèches. Que ce soit un animal ou un homme, il cessera de vivre."2 Dieu enseignait ainsi que tout lieu qu'il honore de sa présence se trouve, par là même, sanctifié. Les abords du temple auraient dû être considérés comme sacrés, mais l'amour du gain fit oublier toutes ces choses. JC 140 1 En tant que représentants de Dieu auprès de la nation, les prêtres et les anciens devaient redresser les abus commis dans la cour du temple et donner au peuple l'exemple de l'intégrité et de la compassion. Plutôt que de rechercher leur propre profit, ils devaient étudier les conditions et les besoins des fidèles, et venir en aide à ceux qui n'avaient pas le moyen de se procurer les choses prescrites pour le sacrifice. Mais ils négligèrent leur devoir, parce que l'avarice endurcissait leurs coeurs. JC 140 2 Il venait à la fête des personnes souffrantes, nécessiteuses, en détresse. Il y avait là des aveugles, des estropiés, des sourds, quelques-uns portés sur des lits. Certains étaient trop pauvres pour se procurer la plus petite offrande à donner au Seigneur, trop pauvres même pour se procurer quelque nourriture. Les déclarations des prêtres troublaient ces âmes. Ils se glorifiaient de leur piété; ils se disaient les gardiens du peuple; mais ils étaient dépourvus d'amour, de compassion. En vain les pauvres, les malades et les mourants se plaignaient à eux. Le coeur de ces prêtres n'éprouvait aucune pitié pour la souffrance. JC 140 3 En entrant dans le temple, Jésus embrasse toute la scène d'un seul regard. Il voit les transactions malhonnêtes. Il voit la détresse des pauvres qui pensent ne pas pouvoir obtenir le pardon de leurs péchés sans effusion de sang. Il voit la cour extérieure du temple transformée en un lieu de trafic profane. L'enceinte sacrée n'est plus qu'un vaste bureau de change. JC 140 4 Le Christ voit ce qu'il faut réformer. De nombreuses cérémonies sont imposées au peuple sans les instructions nécessaires pour lui en faire connaître la signification. On offre des sacrifices sans comprendre que ceux-ci se rapportent au parfait Sacrifice. Et là se tient, sans être reconnu ni honoré, celui que tous ces services symbolisent. Il a donné des instructions concernant les sacrifices. Il en comprend la valeur symbolique, et voit comment ils ont été pervertis et mal interprétés. L'adoration spirituelle est en voie de disparaître. Aucun lien ne rattache à Dieu prêtres et anciens. L'oeuvre du Christ a pour but d'établir un culte tout différent. JC 141 1 Arrêté au seuil du temple, le Christ observe d'un regard pénétrant la scène qui se déroule devant lui. Son regard prophétique plonge dans l'avenir: les années, les siècles et les millénaires défilent devant lui. Il prévoit comment prêtres et gouverneurs se refuseront à faire droit aux nécessiteux, et empêcheront que l'Evangile ne soit prêché aux pauvres. Il voit comment on masquera l'amour de Dieu aux yeux des pécheurs, comment on trafiquera de sa grâce. Tandis qu'il contemple cette scène, son aspect exprime l'indignation, l'autorité, la puissance. Il attire l'attention de tous sur lui. Les yeux de ceux qui sont occupés à ce trafic profane s'attachent à lui. Ils ne peuvent se dérober à son regard. Conscients du fait que cet homme lit leurs pensées les plus secrètes et découvre leurs mobiles cachés, quelques-uns cherchent à dissimuler leur visage comme si leurs mauvaises actions pouvaient y être lues par les yeux scrutateurs. JC 141 2 Le tumulte cesse. Le bruit du trafic et du marchandage prend fin. Il y a un moment de silence angoissant. L'assemblée est dominée par un sentiment de crainte, comme si elle se voyait soudain traduite devant le tribunal de Dieu pour répondre de ses actions. La divinité du Christ perce l'enveloppe de son humanité. La Majesté du ciel se dresse, tel le Juge au dernier jour: non pas, il est vrai, revêtu de la gloire qui l'accompagnera en ce jour-là, mais doué déjà du pouvoir de lire dans les âmes. Son regard parcourt la multitude, s'arrêtant dominateur sur chaque individu. Une lumière divine éclaire son visage. Il parle, et sa voix puissante -- la même voix qui proclama au Sinaï la loi que les prêtres et les anciens transgressent maintenant -- retentit sous les portiques: "Otez cela d'ici, ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic." JC 142 1 Descendant les marches avec lenteur, et brandissant le fouet de cordes ramassé tout à l'heure, il ordonne aux marchands de quitter les abords du temple. Avec un zèle et une sévérité qu'on ne lui a pas connus auparavant, il renverse les tables des changeurs. Les pièces de monnaie roulent bruyamment sur les pavés de marbre. Nul ne songe à mettre en doute son autorité. Personne n'ose s'arrêter pour ramasser le gain mal acquis. Jésus ne frappe pas de son fouet, mais ce simple instrument paraît être entre ses mains une épée flamboyante. Les officiers du temple, les prêtres affairés, les courtiers et les marchands de bétail, avec leurs brebis et leurs boeufs, se précipitent au dehors, uniquement préoccupés d'échapper à la condamnation de sa présence. JC 142 2 La foule, sentant passer sur elle l'ombre de sa divinité, est prise de panique. Des centaines de lèvres soudain pâlies laissent échapper des cris d'épouvante. Un tremblement saisit les disciples, profondément impressionnés par les paroles et l'attitude de Jésus, si éloignées de ses habitudes. Ils se rappellent ce qui a été écrit de lui: "Le zèle de ta maison me dévore."3 Bientôt la foule tumultueuse avec sa marchandise se trouve bien loin du temple. Le trafic impur a quitté les parvis; un silence profond et solennel succède à la confusion. La présence du Seigneur, qui, autrefois, a sanctifié la montagne, a maintenant rendu sacré le temple élevé en son honneur. JC 142 3 Par la purification du temple, Jésus annonçait sa mission en tant que Messie, et commençait son oeuvre. Ce temple, dressé pour être la demeure de Dieu, devait être comme une parabole vivante aux yeux d'Israël et du monde. Dès l'éternité le dessein de Dieu a été que toute créature, depuis le séraphin resplendissant et saint jusqu'à l'homme, fût un temple honoré par la présence du Créateur. Par suite du péché l'humanité a cessé d'être le temple de Dieu. Assombri et souillé par le mal, le coeur de l'homme ne révèle plus la gloire de l'Etre divin. Mais le dessein du ciel se trouve accompli par l'incarnation du Fils de Dieu. Dieu habite au sein de l'humanité, et, par l'effet de sa grâce salutaire, le coeur de l'homme redevient son temple. Dans les pensées de Dieu, le temple de Jérusalem devait être un témoin continuel des hautes destinées réservées à toute âme. Les Juifs n'avaient pas compris la signification de cet édifice dont ils faisaient un, sujet d'orgueil. Ils ne s'étaient pas offerts pour être les saints temples de l'Esprit divin. Les parvis du temple de Jérusalem, déshonorés par le scandale d'un trafic impur, n'étaient que l'image trop fidèle du temple de leur coeur, sali par la présence de passions sensuelles et de pensées profanes. En chassant du temple les vendeurs et les acheteurs, Jésus proclame son intention de purifier le coeur de la souillure du péché, des désirs terrestres, des convoitises charnelles, des mauvaises habitudes qui corrompent l'âme. "Alors entrera soudain dans son temple le Seigneur que vous cherchez, l'ange de l'alliance que vous désirez. Le voici, il vient, déclare l'Eternel des armées. Qui pourra soutenir le jour de sa venue? Qui pourra subsister quand il paraîtra? Car il sera comme le feu du fondeur, comme la potasse des blanchisseurs. Il sera assis, fondant et purifiant l'argent; il purifiera les fils de Lévi et les affinera comme on affine l'or et l'argent."4 JC 143 1 "Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l'Esprit de Dieu habite en vous? Si quelqu'un détruit le temple de Dieu, Dieu le détruira; car le temple de Dieu est saint, et c'est ce que vous êtes."5 Personne ne peut de lui-même se libérer du mal qui a envahi son coeur. Le Christ seul est capable de purifier le temple de l'âme. Mais il ne force pas l'entrée. Il n'entre pas dans le coeur comme il est entré dans l'ancien temple; mais il dit: "Voici, je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui."6 Il ne viendra pas pour un jour seulement; car il dit: "J'habiterai et je marcherai au milieu d'eux;... et ils seront mon peuple." "Il mettra sous ses pieds nos iniquités. Oui, tu jetteras tous leurs péchés au fond de la mer".7 Sa présence purifiera et sanctifiera l'âme, et fera d'elle un saint temple au Seigneur, "une habitation de Dieu en Esprit".8 JC 144 2 Saisis de terreur, les prêtres et les anciens se sont enfuis hors de la cour du temple, loin du regard scrutateur qui lit dans leurs coeurs. Au cours de leur fuite, ils rencontrent des personnes se rendant au temple, et leur conseillent de s'en retourner, leur racontant ce qu'ils ont vu et entendu. Le Christ regarde avec une tendre pitié ces hommes que la peur met en fuite, et qui ignorent ce qui constitue le vrai culte. Dans cette scène il voit un symbole de la dispersion de tout le peuple juif: conséquence de sa méchanceté et de son impénitence. JC 144 1 Pourquoi les prêtres ont-ils pris la fuite hors du temple? Pourquoi n'ont-ils pas résisté? C'est un fils de charpentier, un pauvre Galiléen, sans distinction sociale et sans puissance, qui leur a intimé l'ordre de partir. Pourquoi, sans lui résister, ont-ils abandonné leurs gains mal acquis, pourquoi ont-ils fui devant un homme si humble et dépourvu de toute apparence? JC 144 2 Le Christ parlait avec une autorité royale: aucune puissance ne pouvait résister à son aspect et au ton de sa voix. Ils comprirent, comme ils ne l'avaient jamais compris auparavant, qu'ils n'étaient que des hypocrites et des voleurs. La divinité éclatant à travers son humanité, ils n'aperçurent pas seulement l'indignation qui paraissait sur son visage; ils saisirent aussi la portée de ses paroles. Ils se crurent devant le trône du Juge éternel prononçant sur eux un verdict pour le temps et pour l'éternité. Convaincus alors que le Christ était prophète, plusieurs même crurent à sa messianité. Le Saint-Esprit fit passer comme en un éclair, devant leurs esprits, les déclarations des prophètes touchant le Christ. Obéiront-ils à cette conviction? JC 144 3 Ils ne veulent pas se repentir. Ils voient comment a été éveillée la sympathie du Christ pour les pauvres, et comment eux se sont rendus coupables d'extorsion envers le peuple. Ils haïssent ce Christ qui devine leurs pensées. La réprimande infligée par lui en public a blessé leur orgueil, et l'influence grandissante qu'il exerce sur le peuple excite leur envie. Ils décident de lui lancer un défi, le mettant en demeure de déclarer par quelle puissance il vient d'agir. JC 144 4 Lentement et délibérément, le coeur rempli de haine, ils reviennent au temple. Comme tout a changé depuis leur départ! En s'enfuyant, ils ont laissé les pauvres derrière eux; ceux-ci considèrent maintenant Jésus, dont l'aspect exprime l'amour. Les larmes aux yeux, il dit à ces âmes tremblantes réunies autour de lui: Ne craignez point. Je vous délivrerai et vous me glorifierez. C'est pour cela que je suis venu dans le monde. JC 145 1 Le peuple se presse autour du Christ avec des appels émouvants, le suppliant de les bénir. Son oreille recueille tous les cris. Il se penche avec une pitié qui surpasse la tendresse d'une mère sur les petits qui souffrent. Il s'occupe de tous. Chacun est guéri de ses maladies. Les lèvres des muets s'ouvrent à la louange; les aveugles contemplent le visage de leur Guérisseur; les coeurs des souffrants sont réjouis. JC 145 2 C'est une véritable révélation pour les prêtres et les officiers du temple, témoins de cette grande oeuvre. Les gens décrivent les douleurs qu'ils ont endurées, leurs espérances déçues, les jours pénibles, les nuits sans sommeil. La dernière étincelle d'espoir semblait éteinte quand le Christ les a guéris. Mon fardeau était bien lourd, raconte l'un d'eux; mais j'ai trouvé du secours. Celui-ci est le Fils de Dieu, et je vais consacrer ma vie à son service. Des parents disent à leurs enfants: Il vous a sauvé la vie; célébrez ses louanges. Des voix d'enfants et d'adolescents, de pères et de mères, d'amis et de spectateurs, s'unissent en un concert d'actions de grâce et de louanges. Les coeurs sont pleins d'espoir et de joie. La paix descend dans les consciences. On rentre à la maison guéri d'âme et de corps, proclamant partout l'amour sans pareil de Jésus. JC 145 3 Au moment où le Christ allait être crucifié, ceux qui avaient été guéris ne se joignirent pas à la populace hurlant: "Crucifie-le, crucifie-le." Leur sympathie allait vers ce Jésus dont ils avaient éprouvé la vive commisération et le pouvoir admirable. Ils le connaissaient comme leur Sauveur, ayant reçu de lui la santé du corps et celle de l'âme. Ils écoutèrent la voix des apôtres, la Parole de Dieu pénétra dans leurs coeurs et leur donna de l'intelligence. Ils devinrent des instruments de la miséricorde divine, des moyens de salut. JC 145 4 La foule qui avait déserté la cour du temple finit par y revenir lentement. La panique avait diminué, mais les visages exprimaient l'indécision et la timidité. On réfléchissait avec admiration aux oeuvres de Jésus, et l'on était convaincu que les prophéties messianiques trouvaient en lui leur accomplissement. La profanation était principalement l'oeuvre des prêtres. Ils avaient transformé la cour en un marché. La population était innocente, comparativement. L'autorité divine de Jésus les impressionnait, mais l'influence des prêtres et des chefs restait déterminante. La mission du Christ leur paraissait une nouveauté et ils se demandaient jusqu'à quel point il avait le droit de s'opposer à ce que permettaient les autorités du temple. Ils regrettaient l'interruption du trafic et ils étouffaient en eux-mêmes la conviction produite par le Saint-Esprit. JC 146 1 Les prêtres et les chefs auraient dû être les premiers à reconnaître en Jésus l'oint du Seigneur; car ils détenaient les rouleaux sacrés où sa mission était décrite, et ils savaient que la purification du temple était autre chose qu'une manifestation d'un pouvoir humain. La haine qu'ils éprouvaient à l'endroit de Jésus ne pouvait les affranchir de la pensée qu'il était peut-être un prophète envoyé de Dieu pour rétablir la sainteté du temple. Aussi s'approchèrent-ils de lui avec une certaine déférence pour lui demander: "Quel miracle nous montres tu pour agir de la sorte?" JC 146 2 Ce miracle, Jésus l'avait accompli. En faisant jaillir la lumière dans leurs coeurs, en accomplissant sous leurs yeux les oeuvres que l'on attendait du Messie, il avait donné des preuves suffisantes de ce qu'il était. Alors qu'on lui demandait un signe, il répondit par une parabole destinée à dévoiler leur malice et à leur montrer qu'il n'ignorait pas jusqu'où ils iraient: "Détruisez ce temple, dit-il, et en trois jours je le relèverai." JC 146 3 Ces paroles avaient une double signification. Jésus faisait non seulement allusion à la destruction du temple juif et de ses services, mais aussi à sa propre mort -- la destruction du temple de son corps. Déjà les Juifs la tramaient. Revenus au temple, prêtres et chefs proposaient de mettre à mort Jésus et de se débarrasser de ce trouble-fête. Cependant, ils ne le comprirent pas, alors qu'il dévoilait leur dessein. Ils firent comme si Jésus n'avait parlé que du temple de Jérusalem, et ils s'écrièrent indignés: "Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce temple, et toi, en trois jours, tu le relèveras!" Il leur sembla que Jésus avait justifié leur incrédulité et plus que jamais ils étaient décidés à le rejeter. JC 147 1 Le Christ n'entendait pas que ses paroles fussent comprises par les Juifs incrédules, ni même par ses disciples, à ce moment-là. Il prévoyait que ses ennemis les interpréteraient de manière à s'en faire une arme contre lui. Lors de son procès on s'en servirait pour l'accuser, et au Calvaire on en ferait un sujet de raillerie. Mais s'il les avait expliquées à cette occasion il aurait fait connaître ses souffrances à ses disciples et leur aurait causé un chagrin qu'ils n'étaient pas en état de supporter pour le moment. Une explication aurait eu pour effet de découvrir aux Juifs l'aboutissement de leur préjugé et de leur incrédulité. Ils s'étaient déjà engagés dans une voie au terme de laquelle il serait conduit comme un agneau à la boucherie. JC 147 2 Le Christ prononça ces paroles en pensant à ceux qui croiraient en lui. Il savait qu'elles seraient répétées. Prononcées à l'occasion d'une Pâque, elles parviendraient aux oreilles de milliers de personnes, dans toutes les parties du monde. Leur signification deviendrait évidente à la suite de sa résurrection d'entre les morts. Elles apporteraient à plusieurs une preuve concluante de sa divinité. JC 147 3 Les ténèbres spirituelles qui enveloppaient les disciples de Jésus les empêchaient souvent de comprendre ses leçons. Beaucoup de ces leçons, toutefois, allaient être expliquées par les événements subséquents. Ses paroles étaient destinées à demeurer dans leurs coeurs quand il ne cheminerait plus au milieu d'eux. JC 147 4 Appliquées au temple de Jérusalem, les paroles du Sauveur: "Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai", avaient une portée que ses auditeurs ne devinaient pas. Le Christ était le fondement et la vie du temple, dont les services préfiguraient le sacrifice du Fils de Dieu. Le sacerdoce avait été établi pour représenter le caractère et l'oeuvre du Christ comme médiateur. Tout le plan des sacrifices annonçait la mort du Sauveur pour le rachat du monde. Ces offrandes perdraient toute valeur dès que serait consommé le grand événement qu'elles avaient pour but de symboliser. JC 148 1 Dès lors que l'économie des rites était un symbole du Christ, elle n'avait de valeur que par lui. Quand les Juifs eurent achevé de rejeter le Christ en le mettant à mort, ils rejetèrent tout ce qui donnait une signification au temple et à ses services. Tout cela avait perdu son caractère sacré. Sa disparition était imminente. Dès ce jour les sacrifices offerts et le service qui s'y rattachait perdaient toute signification. Ils n'exprimaient pas mieux que l'offrande de Caïn la foi au Sauveur. En mettant à mort le Christ, les Juifs détruisirent virtuellement le temple. Au moment où le Christ fut crucifié, le voile intérieur du temple fut déchiré du haut en bas pour attester que le grand sacrifice final avait été offert, et que tout le rituel des sacrifices était arrivé à sa fin. JC 148 2 "En trois jours je le relèverai." La mort du Sauveur paraissait assurer l'avantage des puissances des ténèbres, qui se réjouirent de leur victoire. Mais Jésus sortit en vainqueur du sépulcre prêté par Joseph. "Il a dépouillé les principautés et les pouvoirs, et les a publiquement livrés en spectacle, en triomphant d'eux par la croix."9 En vertu de sa mort et de sa résurrection, il est devenu le ministre "du véritable tabernacle, dressé par le Seigneur et non par un homme".10 Le tabernacle israélite a été construit par des hommes; le temple juif a été édifié par des hommes; mais le sanctuaire d'en-haut, dont le terrestre était une représentation, n'a pas été construit par un architecte humain. "Voici un homme dont le nom est Germe. ... C'est lui qui rebâtira le temple de l'Eternel et qui sera revêtu de la majesté royale. Il siégera comme roi sur son trône; il siégera aussi sur son trône comme sacrificateur".11 JC 148 3 Le service des sacrifices qui annonçaient le Christ a pris fin; mais les yeux des hommes ont été dirigés vers le vrai sacrifice offert pour les péchés du monde. Le sacerdoce terrestre a cessé; mais nous regardons à Jésus, "médiateur d'une nouvelle alliance", et au "sang de l'aspersion, qui parle mieux que celui d'Abel". "La voie du saint des saints n'était pas encore ouverte, tant que le premier tabernacle subsistait. ... Mais Christ est venu comme grand-prêtre des biens à venir; il a traversé le tabernacle plus grand et plus parfait qui n'est pas construit par la main de l'homme, ... avec son propre sang. C'est ainsi qu'il nous a obtenu une rédemption éternelle."12 JC 149 1 "C'est pour cela aussi qu'il peut sauver parfaitement ceux qui s'approchent de Dieu par lui, étant toujours vivant pour intercéder en leur faveur."13 Bien que le ministère ait été transféré du temple terrestre au céleste; bien que le sanctuaire et notre souverain sacrificateur soient invisibles, les disciples n'en devaient pas être appauvris. L'absence du Sauveur n'entraînerait aucune rupture de communion avec lui, aucune diminution de puissance. Tandis que Jésus officie là-haut dans le sanctuaire, il continue d'exercer un ministère en faveur de l'Eglise sur terre, par son Esprit. Bien que caché à notre vue, il tient la promesse faite au moment de son départ: "Voici, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde".14 Bien qu'il ait délégué ses pouvoirs à des ministres subordonnés, sa présence vivifiante est toujours ressentie dans l'Eglise. JC 149 2 "Puisque nous avons un grand-prêtre souverain, ... Jésus le Fils de Dieu, tenons fermement la confession de notre foi. Car nous n'avons pas un grand-prêtre incapable de compatir à nos faiblesses; mais il a été tenté comme nous à tous égards, sans commettre de péché. Approchons-nous donc avec assurance du trône de la grâce, afin d'obtenir miséricorde et de trouver grâce, en vue d'un secours opportun."15 ------------------------Chapitre 17 -- Nicodème JC 150 0 Ce chapitre est basé sur Jean 3:1-17. JC 150 1 Nicodème, membre honoré du Sénat israélite, possédant une vaste culture et des talents exceptionnels, occupait une place importante et jouissait de la confiance de la nation juive. Comme tant d'autres, il fut remué par l'enseignement de Jésus. Quoique riche, savant et honoré, il se sentait étrangement attiré vers l'humble Nazaréen. Les enseignements tombés des lèvres du Sauveur l'ayant vivement impressionné, il désirait mieux connaître ces vérités merveilleuses. JC 150 2 En faisant preuve d'autorité par la purification du temple, Jésus avait suscité une haine opiniâtre chez les prêtres et les chefs, qui redoutaient l'influence de cet inconnu. La hardiesse de cet obscur Galiléen était intolérable. Il fallait absolument mettre fin à son oeuvre. Tous cependant n'étaient pas d'accord à ce sujet. Quelques-uns craignaient de s'opposer à quelqu'un qui était si évidemment animé de l'Esprit de Dieu. On se rappelait que des prophètes avaient été mis à mort pour avoir censuré les péchés des conducteurs d'Israël. On savait que l'entêtement avec lequel on avait rejeté les réprimandes venant de Dieu avaient été la cause de l'asservissement à une nation païenne. On craignait qu'en complotant contre Jésus, les prêtres et les chefs suivissent l'exemple des ancêtres, et que de nouvelles calamités fussent attirées sur la nation. Ces sentiments étaient partagés par Nicodème. Au cours d'une séance du sanhédrin, alors que l'on examinait la conduite à tenir à l'égard de Jésus, Nicodème conseilla la prudence et la modération. Il insista sur le fait qu'il y aurait danger à rejeter les avertissements de Jésus s'il était réellement investi d'une autorité divine. Les prêtres n'osèrent pas négliger ce conseil, ce qui fit qu'aucune mesure ne fut alors prise contre le Sauveur. JC 151 1 Après avoir entendu Jésus, Nicodème avait étudié avec soin les prophéties relatives au Messie; plus il les scrutait, plus il était convaincu qu'il était celui que l'on attendait. Avec beaucoup d'autres en Israël, il avait été profondément troublé par la profanation du temple. Il était présent quand Jésus chassa les acheteurs et les vendeurs; il fut témoin de l'éclatante manifestation de la puissance divine; il vit le Sauveur accueillant les pauvres et guérissant les malades; il vit leurs regards joyeux et entendit leurs paroles de louange; à n'en pas douter, Jésus de Nazareth était l'Envoyé de Dieu. JC 151 2 Il désirait vivement s'entretenir avec Jésus, mais n'osait le faire franchement. Un Juif de son rang trouvait humiliant d'avouer ses sympathies pour un docteur si peu connu. Si le sanhédrin avait appris cette visite, il l'eût raillé et lui eût adressé des reproches. Il décida donc de chercher une entrevue secrète, prétextant que s'il s'était rendu ouvertement auprès de Jésus son exemple aurait été suivi. Ayant réussi à découvrir, sur le mont des Oliviers, l'endroit solitaire où le Sauveur se retirait, il attendit que la ville fût plongée dans l'obscurité, puis se mit à la recherche de Jésus. JC 151 3 En présence du Christ, Nicodème éprouve une étrange timidité, qu'il s'efforce de dissimuler sous un air compassé et digne. "Rabbi, dit-il, nous savons que tu es un docteur venu de la part de Dieu; car personne ne peut faire ces miracles que tu fais, si Dieu n'est avec lui." En parlant des rares dons du Christ comme instructeur, ainsi que de son merveilleux pouvoir d'accomplir des miracles, Nicodème espérait préparer le terrain pour son entrevue. Ses paroles avaient pour but de provoquer un échange de confidences; mais en réalité elles exprimaient de l'incrédulité. En Jésus, Nicodème ne reconnaissait pas le Messie, mais simplement un instructeur envoyé par Dieu. JC 151 4 Au lieu de répondre à la salutation, Jésus fixe son interlocuteur, comme s'il lisait dans son âme. Sa sagesse infinie lui dit qu'il s'agit de quelqu'un qui cherche la vérité. Il connaît l'objet de sa visite et il veut affermir la conviction qui s'est déjà établie dans son esprit. Entrant directement en matière, il lui dit d'un ton solennel en même temps qu'affable: "En vérité, en vérité, je te le dis, si un homme ne naît d'en haut, il ne peut voir le royaume de Dieu." JC 152 1 Nicodème était venu auprès du Seigneur dans l'espoir de discuter avec lui, mais Jésus exposa les principes fondamentaux de la vérité. Il dit à Nicodème qu'il avait davantage besoin de régénération spirituelle que de connaissances théoriques. Il lui fallait non pas tant qu'on satisfasse sa curiosité, mais plutôt obtenir un coeur nouveau. Seule une vie nouvelle, venant d'en haut, pouvait le rendre capable d'apprécier les réalités spirituelles. Aussi longtemps que ce changement n'était pas opéré, renouvelant toutes choses, il ne résulterait rien d'utile d'une discussion concernant l'autorité et la mission de Jésus. JC 152 2 Nicodème avait entendu la prédication de Jean-Baptiste au sujet de la repentance et du baptême, au cours de laquelle il avait montré à ses auditeurs celui qui devait les baptiser du Saint-Esprit. Nicodème avait constaté que la spiritualité faisait défaut parmi les Juifs. Ceux-ci étaient dominés à un haut degré par une fausse dévotion et des ambitions mondaines. Il attendait une amélioration de cet état de choses à la suite de l'avènement du Messie. Cependant le message du Baptiste, qui sondait les coeurs, ne l'avait pas convaincu de péché. Il était un pharisien rigide et se glorifiait de ses bonnes actions. Il avait mérité une estime générale grâce à sa bienveillance et à la libéralité avec laquelle il entretenait le service du temple, et il comptait sur la faveur divine. Il frémit à la pensée que le royaume était trop pur pour qu'il pût le voir dans l'état où il était. JC 152 3 L'image de la nouvelle naissance, dont Jésus s'est servi, n'était pas entièrement nouvelle pour Nicodème. On comparait souvent à des enfants nouveau-nés les prosélytes païens gagnés à la foi d'Israël. Il doit donc avoir compris qu'il ne faut pas attacher aux paroles du Christ un sens littéral. Mais il croit avoir droit au royaume de Dieu, en tant qu'Israélite, en vertu de sa naissance. Il ne sent pas le besoin d'un changement. D'où la surprise qu'il éprouve en entendant parler le Sauveur. L'application directe et personnelle des paroles de Jésus l'irrite. L'orgueil du pharisien lutte contre le désir sincère de connaître la vérité. Il s'étonne que le Christ n'ait pas l'air de tenir compte de sa position en Israël. JC 153 1 Dominé par la surprise, il dit ironiquement: "Comment un homme peut-il naître quand il est vieux?" Semblable à tant d'autres, au moment où une vérité tranchante pénètre dans sa conscience, il prouve que l'homme naturel ne reçoit pas les choses de l'Esprit de Dieu. Rien en lui ne répond aux choses spirituelles; car c'est spirituellement qu'on les discerne. JC 153 2 Le Sauveur n'oppose pas argument à argument. Levant la main avec dignité, il répète fermement la même vérité: "En vérité, en vérité, je te le dis, si un homme ne naît d'eau et d'Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu." Nicodème, convaincu qu'il se trouve en présence de celui que Jean-Baptiste a annoncé, comprend l'allusion du Christ au baptême d'eau, et au renouvellement du coeur par l'Esprit de Dieu. JC 153 3 Jésus continue: "Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l'Esprit est esprit." Le coeur est naturellement mauvais; or, "qui peut tirer la pureté de la souillure? -- Personne!"1 Aucun remède humain n'est efficace auprès de l'âme qui a péché. "Les préoccupations de la chair sont ennemies de Dieu, parce que la chair ne se soumet pas à la loi de Dieu, elle en est même incapable", "car c'est du coeur que viennent les mauvaises pensées, meurtres, adultères, débauches, vols, faux témoignages, calomnies".2 Pour que les eaux, jaillissant du coeur, soient pures, il faut que leur source soit purifiée. Celui qui s'efforce, en observant la loi, d'atteindre le ciel par ses propres oeuvres, entreprend une chose impossible. Il n'y a point de salut pour qui n'a qu'une religion légale, une simple forme de piété. La vie chrétienne n'est pas seulement une modification ou une amélioration de la vie ancienne: c'est une transformation de nature. Il doit y avoir une mort au moi et au péché, et une vie entièrement nouvelle. Seule l'action efficace du Saint-Esprit peut produire un tel changement. JC 153 4 Nicodème reste indécis. Jésus se sert alors de l'image du vent: "Le vent souffle où il veut, et tu en entends le bruit; mais tu ne sais d'où il vient ni où il va. Il en est ainsi de quiconque est né de l'Esprit." JC 154 1 Quand le vent souffle dans les branches des arbres on perçoit un bruissement de feuilles et de fleurs; il reste cependant invisible, et personne ne sait d'où il vient ni où il va. C'est ainsi que le Saint-Esprit agit dans le coeur. On ne peut pas mieux l'expliquer qu'on ne peut expliquer les mouvements du vent. Le fait qu'on ne peut indiquer le moment et le lieu précis ou rappeler toutes les circonstances d'une conversion, ne prouve pas que cette conversion n'a pas été réelle. Par des moyens aussi invisibles que le vent, le Christ agit constamment dans le coeur. Peu à peu, même inconsciemment, l'âme reçoit des impressions ayant pour effet de l'attirer vers le Christ. On peut recevoir ces impressions en méditant sur lui, en lisant les Ecritures, ou en écoutant la parole du prédicateur. Soudain, à la suite d'un appel plus direct de l'Esprit, l'âme s'abandonne joyeusement entre les mains de Jésus. De telles conversions sont considérées comme instantanées; en réalité elles sont le résultat d'une action lente, patiente et prolongée de l'Esprit de Dieu. JC 154 2 Quoique invisible, le vent produit des effets visibles et sensibles. De même, l'action de l'Esprit sur l'âme sera manifestée dans tous les actes de celui qui en a éprouvé le pouvoir salutaire. Quand l'Esprit de Dieu prend possession d'un coeur, la vie est transformée. On met de côté les pensées de péché, on renonce aux mauvaises actions; l'amour, l'humilité et la paix succèdent à la colère, à l'envie, aux querelles. La joie remplace la tristesse, et le visage reflète la lumière céleste. Personne n'aperçoit la main qui soulève le fardeau; personne ne voit la lumière qui descend des parvis célestes. La bénédiction est acquise quand une âme capitule devant Dieu. Alors une puissance invisible crée un être nouveau à l'image de Dieu. JC 154 3 Des esprits finis ne sauraient comprendre l'oeuvre de la rédemption. Il y a là un mystère qui dépasse l'entendement humain; toutefois celui qui a passé de la mort à la vie sait qu'il s'agit d'une divine réalité. Dès ici-bas il nous est donné de connaître la phase initiale de la rédemption, grâce à une expérience personnelle. Les résultats atteignent les âges éternels. JC 155 1 Pendant que Jésus parle, quelques rayons de vérité pénètrent l'esprit de Nicodème. Son coeur subit l'influence adoucissante et subjugante du Saint-Esprit. Mais il ne comprend pas encore parfaitement les paroles du Sauveur. Il pense moins à la nécessité de la nouvelle naissance qu'à la façon dont elle doit s'accomplir. "Comment cela peut-il se faire?" demande-t-il. JC 155 2 "Tu es le docteur d'Israël, et tu ne sais pas cela?" répondit Jésus. Assurément un homme chargé de l'instruction religieuse du peuple ne devrait pas ignorer des vérités aussi importantes. La leçon était celle-ci: au lieu de s'irriter à l'ouïe de ces claires paroles de vérité, Nicodème aurait dû avoir une petite opinion de lui-même, étant donnée son ignorance spirituelle. Néanmoins le Christ parlait avec une dignité si solennelle, son regard et son ton étaient si chargés d'amour que Nicodème ne se formalisa pas en voyant sa condition humiliante. JC 155 3 Mais lorsque Jésus expliqua que sa mission sur terre avait pour but d'établir un royaume spirituel et non pas temporel, son auditeur fut troublé. Voyant quoi, Jésus ajouta: "Si vous ne croyez pas quand je vous ai parlé des choses terrestres, comment croirez-vous quand je vous parlerai des choses célestes?" Si Nicodème est incapable de recevoir l'enseignement du Christ illustrant l'action de la grâce sur le coeur, comment pourrait-il concevoir la nature de son glorieux royaume céleste? S'il ne discerne pas la nature de l'oeuvre terrestre du Christ, il ne pourra comprendre son oeuvre céleste. JC 155 4 Les Juifs que Jésus avait chassés hors du temple se disaient enfants d'Abraham; néanmoins ils fuirent la présence du Sauveur, ne pouvant supporter la gloire de Dieu manifestée en lui. Ils montraient par là que la grâce divine ne les avait pas qualifiés pour participer aux services sacrés du temple. Ils négligeaient la sainteté du coeur, tout préoccupés qu'ils étaient de maintenir une apparence de sainteté. Fortement attachés à la lettre de la loi, ils en violaient l'esprit constamment. Ils avaient grand besoin de ce changement dont le Christ avait parlé à Nicodème -- une nouvelle naissance morale, une purification du péché, un renouveau de connaissance et de sainteté. JC 156 1 Rien ne pouvait excuser l'aveuglement d'Israël en ce qui concerne l'oeuvre de la régénération. Inspiré du Saint-Esprit, Esaïe avait écrit: "Nous étions tous pareils à des êtres impurs et toutes nos oeuvres de justice étaient comme un vêtement souillé." David avait adressé à Dieu cette prière: "O Dieu, crée en moi un coeur pur et renouvelle en moi un esprit bien disposé."3 Enfin cette promesse avait été donnée par l'intermédiaire d'Ezéchiel: "Je vous donnerai un coeur nouveau et je mettrai en vous un esprit nouveau. J'enlèverai le coeur de pierre qui est en vous et je vous donnerai un coeur de chair. Je mettrai en vous mon Esprit et je ferai en sorte que vous suiviez mes préceptes".4 JC 156 2 C'est avec un esprit voilé que Nicodème avait lu ces passages; à présent il commençait à en discerner le sens. Il voyait que l'obéissance, même la plus stricte à la lettre de la loi appliquée à la vie extérieure, ne suffisait pas à garantir l'entrée dans le royaume des cieux. Il avait mené une vie juste et honorable aux yeux des hommes; mais en la présence du Christ il sentait que son coeur était souillé et que sa vie était loin d'être sainte. JC 156 3 Nicodème est attiré vers le Christ. Après avoir entendu l'explication du Sauveur au sujet de la nouvelle naissance, il désire que ce changement s'opère en lui-même. Comment cela pourra-t-il se faire? Jésus lui livre le secret par ces paroles: "Comme Moïse éleva le serpent dans le désert, il faut, de même, que le Fils de l'homme soit élevé, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu'il ait la vie éternelle." JC 156 4 Ici Nicodème se sent sur un terrain familier. Le symbole du serpent élevé lui fait comprendre la mission du Sauveur. Alors que les enfants d'Israël mouraient de la morsure des serpents venimeux, Dieu dit à Moïse de faire un serpent d'airain et de l'exposer à la vue de l'assemblée. Ensuite on fit savoir, dans tout le camp, que quiconque regarderait le serpent vivrait. On savait bien que le serpent n'avait, en lui-même, aucun pouvoir de sauver. Ce n'était qu'un symbole du Christ. De même que l'image reproduisant la ressemblance des serpents destructeurs a été dressée pour leur guérison, ainsi quelqu'un qui est venu "dans une chair semblable à celle du péché",5 doit être le Rédempteur des hommes. Bien des Israélites attribuaient au service des sacrifices la vertu de les libérer du péché. Dieu voulait leur enseigner que dans ces sacrifices il n'y avait pas plus de vertu que dans le serpent d'airain. Celui-ci était destiné à diriger leurs pensées vers le Sauveur. Que ce fût pour la guérison de leurs blessures ou pour obtenir le pardon de leurs péchés, tout ce qu'ils pouvaient faire en leur propre faveur consistait à manifester la foi qu'ils déposaient sur le Don de Dieu. Ils devaient regarder et vivre. JC 157 1 Ceux qui avaient été mordus par les serpents auraient pu différer de regarder, discuter l'efficacité du symbole d'airain, demander une explication scientifique. Aucun éclaircissement ne fut donné. Il fallait accepter la parole de Dieu telle que Moïse la transmettait. Refuser de regarder, c'était se condamner à périr. JC 157 2 Ce n'est pas par des controverses et des discussions qu'une âme est éclairée. Il faut regarder et vivre. Nicodème comprit et garda la leçon. Dès lors il sonda les Ecritures d'une manière différente, non pas pour discuter une théorie, mais pour vivifier son âme. Il commença de voir le royaume de Dieu parce qu'il se soumit à la direction du Saint-Esprit. JC 157 3 Aujourd'hui des milliers de personnes ont besoin d'apprendre la vérité enseignée à Nicodème par le récit du serpent dressé dans le désert. Elles croient pouvoir se recommander à Dieu par leur obéissance à sa loi. Quand on les invite à regarder à Jésus, à croire qu'il les sauve uniquement par sa grâce, elles demandent: "Comment cela peut-il se faire?" JC 157 4 Tout comme Nicodème, il nous faut consentir à entrer dans la vie au même titre que le premier des pécheurs. Il est dit du Christ: "Le salut ne se trouve en aucun autre; car il n'y a sous le ciel aucun autre nom donné parmi les hommes, par lequel nous devions être sauvés."6 C'est par la foi que nous recevons la grâce de Dieu; mais la foi n'est pas notre Sauveur. Elle ne constitue pas un mérite. Elle n'est que la main qui saisit le Christ, s'approprie ses mérites qui apportent un remède au péché. Nous sommes même incapables de nous repentir sans le secours de l'Esprit de Dieu. L'Ecriture dit, au sujet du Christ: "Dieu l'a élevé par sa droite comme Prince et Sauveur, pour donner à Israël la repentance et le pardon des péchés."7 La repentance est un don du Christ, aussi bien que le pardon. JC 158 1 Comment donc serons-nous sauvés? -- "Comme Moïse éleva le serpent dans le désert", ainsi le Fils de l'homme a été élevé, afin que quiconque a été séduit et mordu par le serpent puisse le regarder et vivre. "Voici l'Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde."8 La lumière émanant de la croix révèle l'amour de Dieu. Cet amour nous attire à lui. Si nous n'opposons pas de résistance, nous serons amenés au pied de la croix dans un sentiment de repentance pour les péchés qui ont rendu nécessaire le crucifiement du Sauveur. Alors l'Esprit de Dieu produira une vie nouvelle dans l'âme croyante. Pensées et désirs seront amenés captifs à l'obéissance du Christ. Le coeur et l'esprit seront créés à nouveau, à l'image de celui qui opère en nous pour s'assujettir toutes choses. Alors la loi de Dieu sera écrite dans le coeur, et avec le Christ nous pourrons dire: "Mon Dieu, je prends plaisir à faire ta volonté".9 JC 158 2 Dans son entretien avec Nicodème, Jésus a exposé le plan du salut ainsi que la mission qu'il était venu accomplir dans le monde. Dans aucun de ses discours ultérieurs Jésus n'a développé d'une manière aussi complète l'oeuvre qui doit se réaliser dans les coeurs destinés à hériter du royaume des cieux. Tout au commencement de son ministère il livra cette vérité à un membre du sanhédrin, dont l'esprit était réceptif, et à qui était confié le soin d'enseigner le peuple. Mais les conducteurs d'Israël ne montrèrent aucun empressement à accepter la lumière. Ce que voyant, Nicodème cacha la vérité dans son coeur, et pendant trois ans on ne vit que fort peu de fruits. JC 158 3 Mais Jésus savait dans quel terrain il avait jeté la semence. Les paroles qu'il avait dites, de nuit, en présence d'un seul auditeur, sur la montagne solitaire, ne furent pas perdues. Nicodème ne reconnut pas tout d'abord le Christ publiquement, mais il observa sa vie et pesa ses enseignements. Plus d'une fois, dans les séances du sanhédrin, il déjoua les plans des prêtres qui voulaient le mettre à mort. Et quand enfin Jésus fut élevé sur la croix, Nicodème se rappela l'enseignement de la montagne des Oliviers: "Comme Moïse éleva le serpent dans le désert, il faut, de même, que le Fils de l'homme soit élevé, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu'il ait la vie éternelle." JC 159 1 Cette entrevue secrète illumina pour lui la croix du Calvaire, et il reconnut en Jésus le Rédempteur du monde. JC 159 2 Après l'ascension du Seigneur, quand les disciples seront dispersés par la persécution, Nicodème s'avancera hardiment. Avec ses richesses il entretiendra l'Eglise naissante, que les Juifs avaient pensé ne pas voir survivre à la mort du Christ. L'homme si prudent, si hésitant, se montrera, au jour du péril, ferme comme un rocher, encourageant la foi des disciples, et fournissant les moyens pour propager l'oeuvre de l'Evangile. Il sera tourné en dérision et persécuté par ceux qui le respectaient autrefois. Il deviendra pauvre en biens de ce monde; mais la foi qui a pris naissance en cette entrevue nocturne avec Jésus, ne défaillira jamais. JC 159 3 Nicodème fit à Jean le récit de cette entrevue, et la plume de celui-ci nous l'a conservé, pour l'instruction de millions de personnes. Les vérités qui s'en dégagent ont la même importance, aujourd'hui, qu'en cette nuit solennelle où, sur la montagne couverte d'ombre, le docteur juif vint s'instruire, concernant la voie de la vie, auprès de l'humble Maître de Galilée. ------------------------Chapitre 18 -- Il faut qu'il croisse JC 160 0 Ce chapitre est basé sur Jean 3:22-36. JC 160 1 Pendant quelque temps l'influence du Baptiste avait été plus forte que celle des chefs, des prêtres et des princes. S'il s'était donné pour le Messie, proclamant la révolte contre Rome, les prêtres et le peuple se seraient rassemblés sous son étendard. Satan avait présenté à Jean-Baptiste tout ce qui pouvait faire appel à l'ambition d'un conquérant de ce monde. Mais quoique le prophète eût le sentiment de sa force, il avait fermement repoussé la tentation. Il s'était efforcé de détourner sur un Autre l'attention qu'on lui accordait. JC 160 2 Il voyait maintenant la vague de popularité l'abandonner en faveur du Sauveur. Peu à peu les foules diminuaient autour de lui. Quand Jésus revint de Jérusalem dans la région proche du Jourdain, la population se pressa au devant de lui pour l'entendre. Le nombre de ses disciples augmentait continuellement. Plusieurs venaient demander le baptême; s'il est vrai que le Christ ne baptisait pas lui-même, il approuvait le baptême administré par ses disciples. De cette manière, il apposait son sceau sur la mission du précurseur. Mais les disciples de Jean se montraient jaloux de la popularité croissante de Jésus. Ils étaient prêts à trouver à redire à son oeuvre, et l'occasion de le faire allait bientôt se présenter. Ils discutaient avec les Juifs pour savoir si le baptême servait à purifier l'âme du péché; ils affirmaient que le baptême de Jésus différait essentiellement de celui de Jean. Ils ne tardèrent pas à se disputer avec les disciples du Christ au sujet de la formule baptismale et finirent par leur contester le droit de baptiser. JC 160 3 Les disciples de Jean lui énoncèrent leurs griefs en ces termes: "Rabbi, celui qui était avec toi au-delà du Jourdain et à qui tu as rendu témoignage, voici qu'il baptise et que tous vont à lui." Par ces paroles Satan voulait tenter Jean. Bien que la mission de Jean fût sur le point de se terminer, il avait encore la possibilité de faire obstacle à l'oeuvre du Christ. S'il s'était pris en pitié, s'il avait exprimé un chagrin ou un désappointement à la pensée de se voir supplanté, il eût jeté des semences de dissension, il eût encouragé des sentiments d'envie et de jalousie, il eût gêné sérieusement les progrès de l'Evangile. JC 161 1 Par nature Jean partageait les fautes et les faiblesses inhérentes à l'humanité, mais l'attouchement de l'amour divin l'avait transformé. Il demeurait dans une atmosphère exempte d'égoïsme et d'ambition, il se plaçait bien au-dessus des miasmes de la jalousie. Loin d'approuver le mécontentement de ses disciples, il montra clairement qu'il avait une juste compréhension de sa relation avec le Messie, et qu'il accueillait avec bonheur celui auquel il avait préparé la voie. JC 161 2 Il dit: "Un homme ne peut recevoir que ce qui lui a été donné du ciel. Vous-mêmes m'êtes témoins que j'ai dit: Moi, je ne suis pas le Christ, mais j'ai été envoyé devant lui. Celui qui a l'épouse, c'est l'époux; mais l'ami de l'époux qui se tient là et qui l'entend, éprouve une grande joie à cause de la voix de l'époux." Jean se comparait à l'ami qui servait d'intermédiaire entre les fiancés, ouvrant la voie au mariage. La mission de l'ami prenait fin quand l'époux avait reçu son épouse. Il ne lui restait plus qu'à se réjouir du bonheur qu'il avait procuré par cette union. De même, Jean avait été envoyé pour amener les âmes à Jésus et il assistait avec joie au succès de l'oeuvre du Sauveur. Il ajouta: "Aussi cette joie qui est la mienne est à son comble. Il faut qu'il croisse et que je diminue." JC 161 3 En dirigeant vers le Rédempteur le regard de sa foi, Jean s'était élevé au sommet de l'abnégation. Loin de vouloir attirer les hommes à lui-même, il cherchait à élever toujours plus haut leurs pensées jusqu'à les fixer sur l'Agneau de Dieu. Lui-même n'avait été qu'une simple voix, un cri dans le désert. Maintenant il acceptait de rentrer dans le silence et l'obscurité, pourvu que tous les yeux fussent dirigés vers la Lumière de la vie. JC 162 1 Les messagers de Dieu qui veulent rester fidèles à leur mandat ne recherchent pas les honneurs personnels. L'amour du moi sera absorbé par l'amour envers le Christ. Aucune rivalité ne viendra nuire à la cause de l'Evangile, si précieuse. Ils reconnaissent que leur tâche consiste à proclamer, comme l'a fait Jean-Baptiste: "Voici l'Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde."1 Ils élèvent le Christ et l'humanité se trouve élevée avec lui. "Ainsi parle le Très-Haut, qui siège sur un trône éternel et dont le nom est saint: J'habite dans une demeure haute et sainte, ainsi qu'avec l'homme humble et contrit, pour vivifier l'esprit des humbles et pour ranimer ceux qui ont le coeur contrit".2 JC 162 2 L'âme du prophète, vidée du moi, était remplie d'une lumière divine. Alors qu'il contemplait la gloire du Sauveur, ses paroles semblaient constituer la contrepartie de celles que Jésus avait prononcées au cours de son entrevue avec Nicodème. Jean a déclaré: "Celui qui vient d'en haut est au-dessus de tous; celui qui est de la terre est de la terre, et il parle comme étant de la terre. Celui qui vient du ciel est au-dessus de tous. ... Celui que Dieu a envoyé prononce les paroles de Dieu, parce que Dieu lui donne l'Esprit sans mesure." De son côté le Christ pouvait dire: "Je ne cherche pas ma volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé."3 C'est à lui que s'adressent ces paroles: "Tu as aimé la justice et tu as haï l'iniquité; c'est pourquoi, ô Dieu, ton Dieu t'a oint avec une huile d'allégresse, de préférence à tes compagnons".4 Le Père "lui donne l'Esprit sans mesure". JC 162 3 Il en est de même des disciples du Christ. Nous ne sommes aptes à recevoir la lumière céleste qu'en tant que nous sommes disposés à être vidés de nous-mêmes. Impossible de discerner le caractère de Dieu, ou d'accepter le Christ par la foi, à moins de consentir à ce que toute pensée soit amenée captive à l'obéissance du Christ. Le Saint-Esprit est donné sans mesure à tous ceux qui font cette expérience. En Christ "habite corporellement toute la plénitude de la divinité. Et vous avez tout pleinement en lui".5 JC 163 1 Il avait semblé aux disciples de Jean que tous les hommes allaient au Christ; plus clairvoyant, Jean dit: "Personne ne reçoit son témoignage", si petit était le nombre de ceux qui étaient prêts à l'accepter comme le Sauveur qui sauve du péché. Cependant, "celui qui a reçu son témoignage a certifié que Dieu est véridique. ... Celui qui croit au Fils a la vie éternelle." Il n'y a pas lieu de se disputer pour savoir si le baptême du Christ ou celui de Jean est efficace pour la purification du péché. C'est la grâce du Christ qui vivifie l'âme. En dehors du Christ le baptême, tout comme n'importe quel autre service, n'est que forme vide. "Celui qui désobéit au Fils ne verra pas la vie." JC 163 2 Le succès du Christ, que le Baptiste avait salué avec une si grande joie, fut aussi rapporté aux autorités de Jérusalem. Prêtres et rabbins avaient éprouvé un sentiment de jalousie en constatant que l'influence de Jean faisait déserter les synagogues et affluer le peuple au désert; or il y avait ici quelqu'un qui attirait les foules avec plus de puissance. Les chefs d'Israël n'étaient pas disposés à dire avec Jean: "Il faut qu'il croisse et que je diminue." Ils se montrèrent décidés à mettre un terme à cette oeuvre qui détournait d'eux la multitude. JC 163 3 Jésus savait qu'ils n'épargneraient aucun effort pour créer une division entre ses disciples et ceux de Jean. Il savait qu'une tempête se préparait qui emporterait l'un des plus grands prophètes jamais donnés au monde. Désireux d'éviter toute occasion de malentendu ou de dissension, il se retira tranquillement en Galilée. Nous aussi, quoique fidèles à la vérité, devrions tâcher d'éviter tout ce qui tend à la discorde et à la mésentente, qui n'auraient d'autre effet que la perte des âmes. Suivons l'exemple laissé par Jésus et par Jean-Baptiste toutes les fois qu'une division est à craindre. JC 163 4 Jean avait été appelé à diriger une oeuvre de réforme. Aussi ses disciples couraient le danger de fixer sur lui leur attention, pensant que le succès de l'oeuvre dépendait de ses efforts et perdant de vue le fait qu'il avait été un simple instrument entre les mains de Dieu. L'oeuvre de Jean ne suffisait pas à fonder l'Eglise chrétienne. Sa mission achevée, il restait une oeuvre que son témoignage ne pouvait accomplir. Ceci, ses disciples ne l'ont pas compris. Quand ils virent le Christ entreprenant cette oeuvre, ils devinrent jaloux et mécontents. JC 164 1 Les mêmes dangers existent encore. Dieu appelle un homme en vue d'une certaine oeuvre; quand il l'a portée jusqu'au point qu'il peut lui faire atteindre, le Seigneur en amène d'autres pour la continuer. Plusieurs, à l'instar des disciples de Jean, s'imaginent que le succès de l'oeuvre dépend du premier ouvrier. L'attention est dirigée vers l'homme plutôt que vers Dieu, la jalousie intervient, et l'oeuvre de Dieu est compromise. L'homme qui est l'objet d'honneurs immérités est exposé à la tentation d'exagérer sa valeur. Il cesse de sentir sa dépendance de Dieu. Les personnes auxquelles on enseigne à compter sur l'homme sont induites en erreur et s'éloignent de Dieu. JC 164 2 L'oeuvre de Dieu ne doit pas porter l'image et l'empreinte de l'homme. De temps en temps le Seigneur suscitera d'autres instruments, mieux qualifiés pour accomplir son dessein. Heureux ceux qui consentent à ce que leur moi soit humilié et qui répètent après Jean-Baptiste: "Il faut qu'il croisse et que je diminue." ------------------------Chapitre 19 -- Près du puits de Jacob JC 165 0 Ce chapitre est basé sur Jean 4:1-42. JC 165 1 Jésus traversait la Samarie pour se rendre en Galilée. Vers midi, il arriva dans la magnifique vallée de Sichem. Fatigué du voyage, il s'assit à l'entrée, près du puits de Jacob, pour se reposer, tandis que ses disciples iraient acheter des aliments. JC 165 2 Ennemis acharnés, les Juifs et les Samaritains évitaient, autant que possible, tout rapport entre eux. Il est vrai que faire du commerce avec les Samaritains en cas de nécessité passait pour légitime aux yeux des rabbins; mais toute autre relation avec eux était condamnée. Un Juif n'eût rien voulu emprunter à un Samaritain, ni recevoir de lui un présent, fût-ce un morceau de pain ou un verre d'eau. Les disciples, en leur achetant des aliments, agissaient selon la coutume de leur nation. Mais ils n'allaient pas plus loin. Demander une faveur à des Samaritains, ou chercher d'une manière quelconque à leur faire du bien, cette idée ne pouvait entrer dans l'esprit d'un Juif, même s'il était disciple du Christ. JC 165 3 Assis sur la margelle du puits, après un long voyage, effectué depuis le matin, Jésus était affamé et altéré. Le soleil de midi dardait ses rayons sur lui. La sensation de soif s'intensifiait en pensant que se trouvait si près de lui, et cependant inaccessible, l'eau rafraîchissante. Il n'avait ni corde, ni cruche, et le puits était profond. Il partageait le sort de l'humanité, et il dut attendre que quelqu'un vînt pour puiser de l'eau. JC 165 4 Une femme de Samarie s'approcha, et sans paraître le remarquer, elle remplit d'eau sa cruche. Au moment où elle allait partir, Jésus lui demanda à boire. Il s'agissait d'une faveur que personne ne pouvait refuser, en Orient, où l'eau était appelée "le don de Dieu". Offrir à boire au voyageur assoiffé était un devoir si sacré que les Arabes du désert l'accomplissaient coûte que coûte. La haine qui régnait entre les Juifs et les Samaritains avait empêché la femme d'offrir à Jésus de quoi se désaltérer; mais le Sauveur cherchait la clé de son coeur, et, avec le tact qu'engendre l'amour divin, il sollicita une faveur, au lieu de l'offrir. S'il avait fait un présent, il se fût peut-être heurté à un refus, mais la confiance engendre la confiance. Le Roi du ciel vint auprès de cette âme déshéritée, sollicitant d'elle un service. Celui qui a créé l'océan, et qui commande aux eaux de l'abîme, celui qui a fait jaillir les sources et les cours d'eau, se reposa de sa fatigue près du puits de Jacob, et attendit que l'obligeance d'une personne étrangère apaisât sa soif. JC 166 1 La femme reconnut que Jésus était Juif. Surprise, elle ne pensa pas à lui accorder l'objet de sa requête, mais chercha à en découvrir la raison. "Comment toi qui es Juif, dit-elle, me demandes-tu à boire, à moi qui suis une Samaritaine?" JC 166 2 Jésus répondit: "Si tu connaissais le don de Dieu, et qui est celui qui te dit: Donne-moi à boire! c'est toi qui l'en aurais prié, et il t'aurait donné de l'eau vive." Tu t'étonnes que je t'aie demandé une faveur aussi banale que celle de me donner une gorgée d'eau puisée dans ce puits. Si tu l'avais désiré, je t'aurais fait boire de l'eau de la vie éternelle. JC 166 3 La femme ne comprit pas les paroles du Christ, mais elle en sentit obscurément la portée solennelle. Sa frivolité habituelle fit place au sérieux. Pensant que Jésus faisait allusion au puits qui se trouvait là, elle dit: "Seigneur, tu n'as rien pour puiser, et le puits est profond; d'où aurais-tu donc cette eau vive? Es-tu plus grand que notre père Jacob, qui nous a donné ce puits et qui en a bu lui-même?" Elle voyait, devant elle, un voyageur altéré, exténué, couvert de poussière. Son esprit établissait une comparaison entre lui et le vénéré patriarche Jacob. Comme cela est assez naturel, elle caressait l'idée que nul puits n'égalait celui que ses ancêtres avaient creusé. Elle regardait en arrière vers ses aïeux, et en avant vers la venue du Messie, tandis que l'espoir des pères, le Messie lui-même, se tenait près d'elle sans qu'elle le sût. Combien d'âmes assoiffées vivent aujourd'hui tout près de la fontaine des eaux vives, et cherchent au loin les sources de la vie! JC 167 1 "Ne dis pas en ton coeur: Qui montera au ciel? c'est en faire descendre Christ; ou: Qui descendra dans l'abîme? c'est faire remonter Christ d'entre les morts. ... La parole est près de toi, dans ta bouche et dans ton coeur. ... Si tu confesses de ta bouche le Seigneur Jésus, et si tu crois dans ton coeur que Dieu l'a ressuscité d'entre les morts, tu seras sauvé."1 JC 167 2 Au lieu de répondre immédiatement à la question qui le concernait, Jésus dit d'un ton imposant: "Quiconque boit de cette eau aura encore soif; mais celui qui boira de l'eau que je lui donnerai, n'aura jamais soif, et l'eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d'eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle." JC 167 3 Il aura toujours soif, celui qui cherche à se désaltérer aux sources de ce monde. Les hommes ont tous des besoins insatisfaits. Ils soupirent après quelque chose qui puisse rassasier leur âme. Un seul peut répondre à ce besoin. C'est de Christ, "le Désiré de toutes les nations", que le monde a besoin. La grâce divine qu'il peut seul dispenser est pour l'âme une eau vive qui purifie, rafraîchit et fortifie. JC 167 4 Jésus ne voulait pas dire qu'une simple gorgée d'eau de la vie pourrait suffire. Celui qui a goûté à l'amour du Christ en voudra toujours davantage; seulement, il ne cherchera pas autre chose. Il ne sera pas attiré par les richesses, les honneurs et les plaisirs du monde. Son coeur criera toujours: Encore davantage de toi. Celui qui dévoile à l'âme ses besoins n'attend que l'occasion de pouvoir assouvir sa faim et sa soif. Toutes les ressources humaines s'épuiseront, les citernes se videront, les étangs se dessécheront; mais notre Rédempteur est une source intarissable. On peut boire, boire encore, sans jamais l'épuiser. Celui en qui le Christ demeure a, au-dedans de lui, une source de bénédiction, -- "une source d'eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle". A cette source il peut puiser force et grâce pour tous ses besoins. JC 167 5 Quand Jésus eut parlé de l'eau vive, la femme le considéra avec la plus vive curiosité. Il éveillait son intérêt, et faisait naître en elle le désir d'obtenir le don auquel il faisait allusion. Elle voyait bien qu'il ne pensait pas à l'eau du puits de Jacob; car elle en buvait continuellement, sans apaiser sa soif. "Seigneur, dit-elle, donne-moi cette eau, afin que je n'aie plus soif et que je ne vienne plus puiser ici." JC 168 1 Jésus change brusquement de conversation. Avant d'être à même de recevoir le don qu'il est impatient de lui communiquer, cette âme a besoin de reconnaître son péché et son Sauveur. Aussi lui dit-il: "Va, appelle ton mari, et reviens ici." Elle répond: "Je n'ai pas de mari." Elle espère, par là, mettre fin à des questions gênantes. Mais le Sauveur poursuit: "Tu as bien fait de dire: Je n'ai pas de mari. Car tu as eu cinq maris, et celui que tu as maintenant n'est pas ton mari. En cela tu as dit vrai." JC 168 2 La femme est saisie d'un tremblement. Une main mystérieuse tourne les pages de sa vie, mettant au jour ce qu'elle a cru pouvoir garder caché. Qui est celui-ci qui lit ainsi les secrets de sa vie? Elle songe à l'éternité, au jugement à venir, qui manifestera tout ce qui est scellé. A cette lumière, sa conscience s'éveille. JC 168 3 Elle ne peut pas nier; elle essaye pourtant d'éviter un sujet aussi scabreux. Elle dit donc avec beaucoup de respect: "Seigneur, je vois que tu es prophète." Puis, pour faire taire ses remords, elle entame une controverse religieuse. Si cet homme est un prophète, il pourra sûrement lui donner la solution des problèmes si longtemps discutés. JC 168 4 Patiemment Jésus consent à la suivre sur ce nouveau terrain. Mais il n'attend que l'occasion de revenir à la vérité essentielle. "Nos pères ont adoré sur cette montagne, dit-elle; et vous dites, vous, que l'endroit où il faut adorer est à Jérusalem." La montagne de Garizim se profile à l'horizon. De son temple en ruines, seul l'autel reste debout. Des querelles se sont élevées entre les Juifs et les Samaritains au sujet du vrai lieu de culte. Une partie des ancêtres des Samaritains avaient appartenu autrefois au peuple d'Israël; mais à la suite de leurs péchés, le Seigneur permit qu'ils fussent vaincus par une nation idolâtre. Mêlés aux païens pendant plusieurs générations, leur religion en fut graduellement contaminée. Ils prétendaient, il est vrai, que leurs idoles servaient à leur rappeler le Dieu vivant, le Maître de l'univers; néanmoins le peuple se laissait aller à honorer des images taillées. JC 169 1 A l'époque d'Esdras, quand le temple de Jérusalem fut rebâti, les Samaritains avaient désiré participer avec les Juifs à son érection. Ce privilège leur fut refusé, et il en résulta beaucoup d'animosité entre les deux peuples. Les Samaritains construisirent un temple rival sur la montagne de Garizim. Là, ils adorèrent selon le rituel mosaïque, sans toutefois renoncer entièrement à l'idolâtrie. Ils eurent à subir des désastres, leur temple fut détruit par des ennemis, et ils parurent être sous le coup d'une malédiction; cependant ils restèrent attachés à leurs traditions et aux formes de leur culte. Ils ne voulaient ni reconnaître le temple de Jérusalem comme étant la maison de Dieu, ni admettre la supériorité de la religion des Juifs. JC 169 2 Jésus répond à la femme: "Crois-moi, l'heure vient où ce ne sera ni sur cette montagne, ni à Jérusalem que vous adorerez le Père. Vous adorez ce que vous ne connaissez pas; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs." Jésus s'est montré libre de tout préjugé à l'égard des Samaritains. Il cherche maintenant à renverser le parti pris que cette femme entretient contre les Juifs. Tout en signalant le fait que la foi des Samaritains est corrompue par l'idolâtrie, il déclare que les grandes vérités de la rédemption ont été confiées aux Juifs, et que c'est du milieu d'eux que le Messie devait paraître. Les Ecrits sacrés leur offrent une révélation claire concernant le caractère de Dieu et les principes de son gouvernement. Jésus se classe parmi les Juifs, auxquels Dieu s'est fait connaître. JC 169 3 Il veut élever les pensées de celle qui l'écoute, au-dessus des questions de formes et de cérémonies, ou de controverse. "L'heure vient, dit-il -- et c'est maintenant -- où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité; car ce sont de tels adorateurs que le Père recherche. Dieu est esprit, et il faut que ceux qui l'adorent, l'adorent en esprit et en vérité." JC 170 1 Ici est mise en évidence la même vérité que Jésus avait révélée à Nicodème quand il lui dit: "Si un homme ne naît d'en haut, il ne peut voir le royaume de Dieu."2 Ce n'est pas en se rendant sur un mont sacré ou dans un saint temple que les hommes ont accès à la communion avec le ciel. La religion ne doit pas se limiter à des formes extérieures et à des cérémonies. Seule la religion procédant de Dieu peut conduire à lui. On ne peut le servir convenablement que si l'on est né de l'Esprit divin. C'est ainsi seulement que le coeur peut être purifié, l'esprit renouvelé, et que l'on devient apte à connaître et à aimer Dieu. Alors seulement on obéit volontairement à toutes ses exigences, ce qui est le vrai culte. Tel est le fruit de l'opération du Saint-Esprit. Toute prière sincère est inspirée par l'Esprit et devient dès lors acceptable à Dieu. Partout où une âme se met à la recherche de Dieu l'action de l'Esprit est manifeste et Dieu se fait connaître à l'âme. De tels adorateurs sont demandés par lui. Il les attend, prêt à les recevoir, à faire d'eux des fils et des filles. JC 170 2 La femme est impressionnée par les paroles de Jésus. Elle n'avait jamais entendu exprimer de tels sentiments par les prêtres de son peuple, ni par les Juifs. Quand son passé a été déployé devant elle, elle a été rendue consciente de sa grande indigence. Elle éprouve cette soif de l'âme que les eaux du puits de Sychar ne pourraient jamais étancher. Rien de ce qu'elle a connu jusque là n'a créé chez elle un désir aussi ardent. Jésus lui a montré qu'il est capable de lire les secrets de sa vie; néanmoins elle sent qu'elle a en lui un ami compatissant, plein d'amour. Bien que la pureté de sa présence suffise à condamner son péché, il n'a prononcé aucune parole de condamnation; au contraire, il lui a parlé de sa grâce, capable de renouveler son âme. Elle commence à deviner son caractère. Cette question traverse son esprit: Celui-ci ne serait-il pas le Messie si longtemps attendu? Elle lui dit: "Je sais que le Messie doit venir -- celui qu'on appelle Christ. Quand il sera venu, il nous annoncera tout." Jésus répondit: "Je le suis, moi qui te parle." JC 171 1 Ces paroles déclenchèrent la foi dans le coeur de cette femme. Elle accepta, des lèvres du divin Maître, cette déclaration étonnante. JC 171 2 Cette femme était prête à accueillir les plus hautes révélations; car elle s'intéressait aux Ecritures, et le Saint-Esprit avait préparé son coeur à recevoir plus de lumière. Elle avait médité sur la promesse de l'Ancien Testament: "L'Eternel, ton Dieu, te suscitera un prophète comme moi, sorti de tes rangs, parmi tes frères; vous l'écouterez."3 Elle avait un vif désir de mieux comprendre cette prophétie. Déjà la clarté commençait à se faire dans son esprit. Déjà l'eau vive, la vie spirituelle que le Christ communique à toute âme altérée, avait commencé de sourdre en elle. L'Esprit du Seigneur agissait sur elle. JC 171 3 Si le Christ avait parlé aux Juifs propres-justes au sujet de son caractère messianique, il n'aurait pu s'exprimer avec la même franchise qu'en parlant à cette femme. Avec eux il se montrait beaucoup plus réservé. Ce qu'il s'abstint de dire aux Juifs, et ce sur quoi il enjoignit aux disciples de garder le secret, il le révéla à la Samaritaine, prévoyant qu'elle se servirait de cette connaissance pour amener d'autres âmes à jouir de sa grâce. JC 171 4 Les disciples, à leur retour, furent étonnés de voir leur Maître parlant à une femme. Il n'avait pas songé à étancher sa soif, et il ne prit pas le temps de toucher aux aliments que les disciples avaient apportés. La femme étant partie, les disciples l'engagèrent à manger. Ils le voyaient silencieux, absorbé, et le visage resplendissant de lumière, comme ravi dans sa méditation. Ils craignaient de troubler sa communion avec le ciel. Cependant, le sachant affaibli et fatigué, ils jugèrent de leur devoir de le rappeler au sentiment de ses besoins physiques. Jésus fut touché par leur intérêt sympathique, mais il dit: "J'ai à manger une nourriture que vous ne connaissez pas." JC 171 5 Les disciples se demandaient qui pouvait lui avoir apporté des aliments. Il s'expliqua: "Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé et d'accomplir son oeuvre." Jésus se réjouissait d'avoir réussi, par ses paroles, à réveiller la conscience de cette femme. Il la voyait buvant de l'eau de la vie, et il en oubliait sa propre faim et sa propre soif. L'accomplissement de sa mission sur la terre fortifiait le Sauveur pour ses labeurs, et le plaçait au-dessus des besoins humains. Aider une âme affamée et assoiffée de la vérité lui était plus agréable que manger ou boire. C'était pour lui une consolation, un rafraîchissement. Car la bonté était la vie de son âme. JC 172 1 Notre Rédempteur désire être reconnu. Il a besoin de la sympathie et de l'amour de ceux qu'il a rachetés par son sang. Il éprouve un désir inexprimable de les voir venir à lui pour avoir la vie. Comme la mère attend le sourire par lequel son petit enfant montre qu'il la reconnaît, et qui annonce l'éveil de l'intelligence, ainsi le Christ attend l'expression d'amour reconnaissant indiquant que la vie spirituelle a pris naissance dans une âme. JC 172 2 La femme, remplie de joie en écoutant les paroles du Christ, peut à peine supporter cette merveilleuse révélation. Abandonnant sa cruche, elle retourne à la ville pour porter le message à d'autres. Jésus sait ce qu'elle va faire. L'abandon de sa cruche attestait l'effet de ses paroles. Dans son désir ardent d'obtenir l'eau de la vie, elle a oublié ce qu'elle est venue chercher au puits; elle a même oublié la soif du Sauveur, qu'elle s'était proposé d'étancher. Le coeur débordant de joie, elle se hâte de communiquer à d'autres la précieuse lumière qu'elle a reçue. JC 172 3 "Venez voir un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait", dit-elle aux gens de l'endroit. "Ne serait-ce pas le Christ?" Les coeurs sont touchés par ses paroles. Son visage a une nouvelle expression, tout son aspect est changé. Ils ont le désir de voir Jésus. Alors "ils sortirent de la ville et vinrent vers lui". JC 172 4 Toujours assis au bord du puits, Jésus contemplait les champs de blé s'étendant devant lui, les tiges vertes caressées par les rayons du soleil. Montrant ce tableau aux disciples, il se servit d'une image: "Ne dites-vous pas qu'il y a encore quatre mois jusqu'à la moisson? Voici, je vous le dis, levez les yeux et regardez les champs qui sont blancs pour la moisson." Ce disant, il considérait les groupes de personnes qui arrivaient auprès du puits. Quatre mois devaient encore s'écouler jusqu'à la moisson des blés, mais il y avait ici une moisson toute prête pour la faucille des moissonneurs. JC 173 1 "Déjà le moissonneur, dit-il, reçoit un salaire et amasse du fruit pour la vie éternelle, afin que le semeur et le moissonneur se réjouissent ensemble. Car en ceci, ce qu'on dit est vrai: L'un sème et un autre moissonne." Par ces paroles le Christ montre quel service sacré doivent à Dieu ceux qui ont reçu l'Evangile. Ils sont appelés à devenir ses instruments vivants. Il demande leur service personnel. Soit que nous semions, soit que nous moissonnions, nous travaillons pour Dieu. L'un répand la semence; l'autre rassemble les gerbes; le semeur, comme le moissonneur, reçoit son salaire. Ils se réjouissent ensemble du fruit de leur travail. JC 173 2 Jésus dit à ses disciples: "Je vous ai envoyés moissonner ce qui ne vous a coûté aucun travail; d'autres ont travaillé, et c'est dans leur travail que vous êtes entrés." Le Sauveur pensait en ce moment à la grande moisson qui allait avoir lieu à la Pentecôte. Les disciples ne devaient pas y voir le résultat de leurs propres efforts. Ils entraient dans le travail d'autres ouvriers. Depuis la chute d'Adam, le Christ a chargé des serviteurs choisis par lui de jeter dans les coeurs humains la semence de la parole à eux confiée. Une force invisible, toute-puissante, avait agi silencieusement pour produire une moisson. La rosée, la pluie et la lumière solaire de la grâce divine avaient été données pour rafraîchir et nourrir la semence de la vérité. Le Christ allait arroser de son propre sang cette semence. A ses disciples était accordé le privilège d'être les collaborateurs de Dieu, co-ouvriers du Christ et des saints hommes des temps anciens. Grâce à l'effusion du Saint-Esprit accordée à la Pentecôte, des milliers de personnes furent converties en un jour. C'était le résultat des semailles opérées par le Christ, la moisson fruit de son travail. JC 173 3 Les paroles dites à la femme près du puits étaient une bonne semence, qui n'avait pas tardé à lever. Les Samaritains entendirent Jésus, et ils crurent en lui. L'entourant, ils le pressèrent de questions, et reçurent avec joie les explications qu'il leur donnait sur quantité de choses qui, jusque là, leur avaient paru obscures. En l'écoutant, ils voyaient se dissiper leurs perplexités. Ils étaient pareils à un peuple plongé dans les ténèbres qui suivrait un rayon de lumière brillant soudain et annonçant le jour. Mais ce court entretien ne leur suffit pas. Ils voulaient en savoir davantage; leurs amis aussi devaient avoir l'occasion d'entendre ce Maître admirable. Ils l'invitèrent dans leur ville, et le supplièrent d'y rester. Il consentit à s'arrêter deux jours en Samarie, et un grand nombre de personnes crurent en lui. JC 174 1 La simplicité de Jésus inspirait du mépris aux pharisiens. Méconnaissant ses miracles, ils demandaient un signe prouvant qu'il était le Fils de Dieu. Mais les Samaritains ne demandèrent aucun signe, et Jésus n'accomplit point de miracle au milieu d'eux, si ce n'est d'avoir révélé les secrets de la vie de la femme près du puits. Néanmoins beaucoup le reçurent, et dans la joie qu'ils éprouvaient, ils disaient à la femme: "Ce n'est plus à cause de ta déclaration que nous croyons; car nous l'avons entendu nous-mêmes, et nous savons que c'est vraiment lui le Sauveur du monde." JC 174 2 Les Samaritains attendaient un Messie qui serait le Rédempteur du monde, et non des Juifs seulement. Par l'intermédiaire de Moïse, le Saint-Esprit l'avait annoncé comme un prophète envoyé de Dieu. Par Jacob il avait été dit que les peuples lui obéiraient; par Abraham, que toutes les familles de la terre seraient bénies en lui. Ces passages de l'Ecriture fondaient la foi au Messie des habitants de la Samarie. Du fait que les Juifs, par une fausse interprétation des prophètes subséquents, avaient attribué au premier avènement la gloire de la seconde venue du Christ, les Samaritains avaient été amenés à n'accepter comme écrits sacrés que ceux de Moïse. Quand le Sauveur eut donné un coup de balai à ces fausses interprétations, plusieurs acceptèrent les prophéties plus récentes ainsi que l'enseignement du Christ concernant le royaume de Dieu. JC 174 3 Jésus avait commencé de s'attaquer au mur de séparation qui se dressait entre Juifs et païens, et de prêcher le salut du monde. Quoique Juif, il frayait librement avec les Samaritains, sans tenir aucun compte des coutumes pharisiennes. En dépit des préjugés, il acceptait l'hospitalité d'un peuple méprisé. Il dormit sous leur toit, mangea à leur table, prenant des aliments préparés et servis par eux; il enseigna dans leurs rues et se montra plein de bonté et de courtoisie. JC 175 1 Dans le temple de Jérusalem un petit mur séparait le parvis extérieur des autres parties de l'édifice sacré. Ce mur portait des inscriptions en diverses langues avertissant que les Juifs seuls étaient autorisés à dépasser cette limite. Un Gentil qui eût présomptueusement franchi la clôture aurait profané le temple et payé de sa vie cet acte. Jésus, lui, qui était à l'origine du temple et de ses services, attirait à lui les Gentils par le lien de la sympathie humaine, tandis que la grâce divine leur apportait le salut rejeté par les Juifs. JC 175 2 Le séjour de Jésus en Samarie devait être une occasion de bénédiction pour ses disciples encore sous l'influence du fanatisme juif. Ils considéraient comme un devoir de loyalisme envers leur nation de cultiver la haine des Samaritains. La conduite de Jésus les étonnait. Ils ne pouvaient refuser de suivre son exemple; aussi leurs préjugés furent-ils refrénés pendant les deux jours qu'ils passèrent en Samarie, par égard pour lui; mais leurs coeurs n'étaient pas gagnés. Ils avaient de la peine à comprendre que le mépris et la haine devaient faire place à la pitié et à la sympathie. Ce n'est qu'après l'ascension que les leçons du Sauveur prirent une nouvelle signification pour eux. Après l'effusion du Saint-Esprit, ils se souvinrent des regards du Sauveur, de ses paroles, du respect mêlé de tendresse qu'il avait manifesté à l'égard de ces étrangers méprisés. Les mêmes sentiments accompagnèrent Pierre quand il alla prêcher en Samarie. Quand Jean fut appelé à se rendre à Ephèse et à Smyrne, il se souvint de l'expérience de Sichem et fut rempli de gratitude envers le divin Maître qui, prévoyant les difficultés auxquelles ils devraient faire face, les avait aidés de son exemple. JC 175 3 Le Sauveur poursuit toujours la même oeuvre qu'au moment où il offrait à la Samaritaine l'eau de la vie. Il peut arriver à ceux qui se disent ses disciples de mépriser et de fuir les parias de la société; mais aucune circonstance de naissance ou de nationalité, aucune condition de vie ne peut détourner son amour des enfants des hommes. Jésus dit à toute âme, quels que soient ses péchés: "Si tu me l'avais demandé, je t'aurais donné de l'eau vive." JC 176 1 L'appel évangélique ne doit pas être rétréci et présenté uniquement à un petit nombre de personnes choisies que l'on supposerait prêtes à nous faire l'honneur de l'accepter. Le message doit être donné à tous. Partout où des coeurs s'ouvrent à la vérité, le Christ est prêt à les instruire. Il leur fait connaître le Père et le culte agréable à celui qui lit dans les coeurs. A de telles personnes il ne parle pas en paraboles. Il leur dit, comme à la femme auprès du puits: "Je le suis, moi qui te parle." JC 176 2 Quand Jésus s'assit pour se reposer sur la margelle du puits de Jacob, il venait de Judée, où son ministère n'avait produit que peu de fruits. Il avait été rejeté par les prêtres et les rabbins; et ceux qui se disaient ses disciples n'avaient pas reconnu son caractère divin. Il se sentait las; néanmoins il ne négligea pas l'occasion qui s'offrait de parler à une femme pécheresse et étrangère. JC 176 3 Le Sauveur n'attendait pas qu'un vaste auditoire fût rassemblé. Souvent il commençait à enseigner quelques personnes réunies autour de lui; les passants s'arrêtaient alors, l'un après l'autre, pour écouter, si bien qu'une multitude ne tardait pas à entendre avec étonnement et révérence les paroles divines prononcées par le Maître envoyé du ciel. Celui qui travaille pour le Christ ne doit pas éprouver moins de ferveur en parlant à un petit nombre d'auditeurs. Il se peut qu'une seule personne se trouve présente pour écouter le message; mais qui peut dire jusqu'où s'étendra son influence? Même aux yeux des disciples, l'entretien du Sauveur avec une femme de Samarie paraissait chose insignifiante. Mais il argumenta avec elle avec plus de zèle et d'éloquence que s'il s'était trouvé en présence de rois, de magistrats, ou de grands prêtres. Les leçons qu'il donna à cette femme ont été répétées jusqu'aux extrêmes limites de la terre. JC 177 1 Dès qu'elle eut trouvé le Sauveur, la Samaritaine lui amena des âmes. Elle se montra animée d'un esprit missionnaire plus efficace que celui des disciples. Ceux-ci ne voyaient rien en Samarie qui leur semblât un champ d'action favorable. Leurs pensées étaient fixées sur une grande oeuvre à accomplir dans l'avenir. Ils n'apercevaient pas, tout près d'eux, les champs mûrs pour la moisson. Grâce à une femme pour laquelle ils n'éprouvaient que du mépris, toute la population d'une cité eut l'occasion d'entendre le Sauveur. Elle porta immédiatement la lumière aux gens de sa contrée. JC 177 2 Cette femme montre par son exemple comment agit une foi réelle ayant le Christ pour objet. Tout vrai disciple devient un missionnaire, dès son entrée dans le royaume de Dieu. Celui qui a bu des eaux de la vie devient lui-même une source de vie. Dès qu'il a reçu, il commence à donner. La grâce du Christ dans une âme est comme une source dans le désert, jaillissant pour rafraîchir tous les passants, donnant à ceux qui allaient périr le désir de boire des eaux de la vie. ------------------------Chapitre 20 -- Si vous ne voyez des miracles JC 178 0 Ce chapitre est basé sur Jean 4:43-54. JC 178 1 De retour de la Pâque, les Galiléens racontèrent les oeuvres merveilleuses de Jésus. La condamnation prononcée sur ses actes par les dignitaires de Jérusalem ouvrit la voie devant lui en Galilée. C'est qu'en effet les abus commis dans le temple étaient déplorés par plusieurs, ainsi que l'avarice et l'arrogance des prêtres. On espérait que cet homme qui avait mis les chefs en fuite serait le Libérateur attendu. Des nouvelles arrivèrent qui paraissaient confirmer ces brillants espoirs. On entendit dire que le prophète s'était annoncé comme étant le Messie. JC 178 2 Les habitants de Nazareth, toutefois, ne croyaient pas en lui. Raison pour laquelle Jésus ne visita pas Nazareth en se rendant à Cana. Comme le Sauveur l'a dit à ses disciples, aucun prophète n'est honoré dans son pays. Les hommes estiment un caractère selon ce qu'ils sont eux-mêmes capables d'apprécier. Les esprits étroits et charnels jugeaient le Christ selon son humble naissance, son apparence modeste, ses travaux quotidiens. Ils étaient incapables d'apprécier la pureté d'un esprit exempt de toute souillure. JC 178 3 La nouvelle du retour du Christ à Cana se répandit rapidement à travers la Galilée, faisant naître l'espoir chez ceux qui étaient souffrants et en détresse. A Capernaüm, un Juif de famille noble, officier du roi, avait un fils atteint d'une maladie apparemment incurable, condamné par les médecins. Le père, ayant entendu parler de Jésus, décida d'aller lui demander secours. L'enfant était si malade que l'on craignait qu'il ne pût vivre jusqu'à son retour; néanmoins l'officier pensa qu'il devait lui-même se présenter à Jésus, espérant que le grand Médecin se laisserait toucher par les prières d'un père. JC 179 1 En arrivant à Cana il trouva Jésus entouré de la foule. Anxieux, il se fraya un passage jusqu'en la présence du Sauveur. Sa foi eut une défaillance. Il douta que cet homme simplement vêtu, couvert de poussière, portant les traces de la fatigue du voyage, fût capable de lui donner ce qu'il venait chercher; toutefois il obtint la faveur d'un entretien, il exposa au Sauveur le but de sa mission, le supplia de l'accompagner chez lui. Mais Jésus connaissait déjà sa douleur. Il avait vu l'affliction de l'officier, avant même que celui-ci quittât sa demeure. Il savait aussi, cependant, que ce père, subordonnant sa foi en Jésus à certaines conditions, n'était disposé à le reconnaître, en qualité de Messie, que s'il lui accordait l'objet de sa requête. Tandis que l'officier attendait avec la plus vive anxiété, Jésus lui dit: "Si vous ne voyez des miracles et des prodiges, vous ne croirez donc point!" JC 179 2 Bien que Jésus eût démontré sa messianité, le solliciteur était décidé à faire dépendre sa foi en lui de l'exaucement de sa requête. Le Sauveur mit en contraste ce doute avec la foi simple des Samaritains qui n'avaient demandé ni miracle ni signe. Sa parole, la démonstration permanente qui se dégageait de sa divinité avaient suffi pour porter la conviction dans leurs coeurs. Le Christ voyait avec douleur que son propre peuple, à qui les oracles sacrés avaient été confiés, ne savait pas reconnaître la voix de Dieu s'adressant à lui par son Fils. JC 179 3 Cependant l'officier n'était pas entièrement dépourvu de foi, puisqu'il était venu demander ce qui lui semblait être le bienfait le plus précieux. Jésus pouvait lui offrir un don plus riche. Il désirait non seulement guérir l'enfant, mais faire participer aux bénédictions du salut l'officier et les membres de sa famille, et allumer ainsi une lumière à Capernaüm, son prochain champ d'activité. Avant de désirer la grâce du Christ, cependant, l'officier devait devenir conscient de son besoin. Ce courtisan ressemblait à beaucoup de ses concitoyens qui étaient attirés vers Jésus par des mobiles égoïstes. Ils s'attendaient à profiter de sa puissance et ne consentaient à croire que si leurs demandes d'ordre temporel leur étaient accordées; ils ignoraient leurs maladies spirituelles et ne comprenaient pas qu'ils avaient besoin de la grâce divine. JC 180 1 Les paroles du Sauveur projetèrent un faisceau de lumière dans le coeur de l'officier. Il comprit que sa recherche de Jésus avait un mobile égoïste, et, sentant sa foi vacillante, il se demanda avec inquiétude si son doute n'allait pas coûter la vie à son fils. Il se rendait compte que Jésus lisait ses pensées, et que tout lui était possible. Alors étreint par l'angoisse, il supplia: "Seigneur, descends avant que mon petit enfant ne meure." Comme Jacob, qui, luttant avec l'ange, s'était écrié: "Je ne te laisserai point aller que tu ne m'aies béni",1 il saisit le Christ par la foi. JC 180 2 Ainsi que Jacob, il eut la victoire. Le Sauveur ne peut se détourner d'une âme qui, faisant valoir son grand besoin, se cramponne à lui. "Va, dit-il; ton fils vit." L'officier se retira jouissant d'une paix et d'une joie inconnues auparavant. Non seulement il était convaincu que son fils serait guéri, mais il mettait toute sa confiance en Christ en tant que Rédempteur. JC 180 3 A cette heure même, ceux qui veillaient l'enfant, dans sa maison à Capernaüm, remarquèrent soudain un changement mystérieux. Les ombres de la mort s'effacèrent sur le visage du malade. Le regard éteint se ralluma, le corps faible et amaigri retrouva sa force. Sa chair brûlante était redevenue douce au toucher, la fièvre l'avait quitté, précisément au moment le plus chaud de la journée. Aucun symptôme de maladie ne subsistait chez l'enfant, qui s'endormit paisiblement. La famille, émerveillée, était plongée dans l'allégresse. JC 180 4 La distance qui séparait Cana de Capernaüm eût permis à l'officier de rejoindre sa maison le soir même du jour où il avait rencontré Jésus; mais il ne se hâta pas de rentrer; ce n'est que le lendemain matin qu'il arriva à Capernaüm. Quel retour! C'est avec un coeur chargé d'angoisse qu'il s'était mis à la recherche de Jésus. Il souffrait de la clarté du soleil, du chant des oiseaux. Combien maintenant ses impressions sont différentes! La nature revêt à ses yeux un aspect nouveau. Il voit toutes choses avec d'autres yeux. Au cours de son voyage, dans les heures tranquilles du matin, toute la nature semble se joindre à lui pour louer Dieu. Comme il se trouve encore à quelque distance de sa demeure, des serviteurs, dans l'intention de mettre fin à l'anxiété qu'ils supposent, viennent à sa rencontre. Il ne montre aucune surprise et demande avec une curiosité qui leur paraît étrange à quelle heure l'enfant s'est trouvé mieux. Ils répondent: "Hier, à la septième heure, la fièvre l'a quitté." Au moment même où la foi du père avait saisi la promesse: "Ton fils vit", l'amour divin avait touché l'enfant mourant. JC 181 1 Le père s'empresse auprès de son fils. Il le serre sur son coeur comme un ressuscité, et ne se lasse pas de remercier Dieu pour cette guérison merveilleuse. Cet officier désirait mieux connaître le Christ. Ayant eu, plus tard, l'occasion d'entendre ses enseignements, il se rangea parmi les disciples, avec tous les siens. L'épreuve avait eu pour effet la conversion de la famille entière. La nouvelle de ce miracle se répandit; à Capernaüm, où tant de prodiges furent accomplis, le chemin était préparé en vue du ministère personnel du Christ. JC 181 2 Celui qui fit descendre sa bénédiction sur l'officier de Capernaüm est aussi désireux qu'alors de nous l'accorder aujourd'hui; mais souvent, comme dans le cas de ce père affligé, notre désir de quelque bienfait terrestre est le mobile qui nous pousse à chercher Jésus, et nous faisons dépendre notre confiance en son amour de l'exaucement de notre prière. Le Sauveur désire nous conférer une bénédiction plus importante que celle que nous lui demandons, et il diffère sa réponse afin de nous révéler la méchanceté de notre coeur et notre grand besoin de sa grâce. Il désire que nous renoncions à l'égoïsme qui nous incite à le chercher. Notre devoir consiste à faire confiance à son amour et à confesser notre incapacité et notre dépendance à son égard. JC 181 3 L'officier avait voulu, avant de croire, voir l'exaucement de sa prière; mais il dut accepter la parole de Jésus pour que sa requête fût entendue et le bienfait octroyé. Nous avons besoin d'apprendre la même leçon. Nous ne devons pas attendre, pour croire, de voir ou de sentir que Dieu nous entend. Il faut nous confier en ses promesses. Le coeur de Dieu accueille toutes nos supplications quand nous nous approchons de lui, avec foi. Quand nous avons demandé un bienfait, nous devons croire que nous le recevons et remercier Dieu comme si déjà nous l'avions en notre possession. Vaquons ensuite à nos occupations, assurés que la bénédiction demandée sera réalisée au moment le plus opportun. Quand nous aurons appris à agir ainsi, nous saurons que nos prières sont exaucées. Dieu fera pour nous "infiniment au-delà de tout ce que nous demandons ou pensons", "selon la richesse de sa gloire", selon "la grandeur surabondante de sa puissance".2 ------------------------Chapitre 21 -- Béthesda et le sanhédrin JC 183 0 Ce chapitre est basé sur Jean 5. JC 183 1 "Or, à Jérusalem, près de la porte des Brebis, il y a une piscine qui s'appelle en hébreu: Béthesda, et qui a cinq portiques. Sous ces portiques était couchée une multitude de malades, d'aveugles, de boiteux, d'estropiés, de paralytiques, qui attendaient le mouvement de l'eau." JC 183 2 A certains moments les eaux de cette piscine étaient agitées, chose que l'on attribuait communément à une force surnaturelle; on pensait que le premier qui entrait dans l'eau troublée avait l'occasion d'être guéri de n'importe quelle maladie. Ce lieu était visité par des centaines de personnes souffrantes; les gens se pressaient en si grand nombre dès que l'eau était troublée qu'en se précipitant ils foulaient aux pieds hommes, femmes et enfants plus faibles. Beaucoup ne parvenaient jamais à s'approcher de la piscine, ou, s'ils arrivaient à l'atteindre, ils mouraient sur ses bords. On avait dressé des abris pour protéger les malades contre la chaleur du jour et la fraîcheur de la nuit. Il en était qui passaient la nuit sous les portiques, rampant jusqu'au bord de la piscine jour après jour, dans le vain espoir d'être guéris. JC 183 3 Jésus se trouvait de nouveau à Jérusalem. Il marchait tout seul, apparemment absorbé dans la méditation et la prière, et il arriva à la piscine. Il vit ces malheureux attendant avec anxiété ce qu'ils considéraient comme leur unique chance de guérison. Il désirait ardemment employer son pouvoir de guérison, mais c'était le sabbat. Des foules se rendaient au temple pour y adorer, et il savait qu'une opération de guérison exciterait les préjugés des Juifs et pourrait interrompre son activité. JC 184 1 Le Sauveur aperçut un cas particulièrement pitoyable. Il s'agissait d'un homme paralysé depuis trente-huit ans. Sa maladie, conséquence de ses péchés, était considérée comme un jugement divin. Seul et sans amis, avec le sentiment d'être privé de la grâce de Dieu, cet infirme avait vécu de longues années de misère. Ceux qui le prenaient en pitié le portaient sous les portiques quand on prévoyait que les eaux allaient être troublées, mais au moment favorable personne n'était là pour l'aider. Il avait vu le mouvement des eaux mais n'avait jamais pu aller plus loin que le bord de la piscine. D'autres, plus forts que lui, le devançaient dans l'eau. Impossible de lutter avec succès contre une foule égoïste et acharnée. Les efforts poursuivis avec obstination pour atteindre le but, et les nombreuses déceptions finiraient bientôt par épuiser les forces défaillantes du malade. JC 184 2 Celui-ci gisait sur sa natte, dressant la tête de temps en temps pour surveiller la piscine, et voici qu'un visage tendre et compatissant se pencha sur lui et une voix lui dit: "Veux-tu retrouver la santé?" Son attention fut éveillée et l'espoir reprit place dans son coeur. Il eut le pressentiment qu'un secours allait lui arriver. Mais son courage ne tarda pas à s'évanouir, car il se souvint que bien souvent il avait tenté d'atteindre la piscine; il lui semblait n'avoir que peu de chances de vivre assez longtemps pour voir l'eau agitée. Aussi répondit-il, d'un air plein de lassitude: "Seigneur, je n'ai personne pour me jeter dans la piscine quand l'eau est agitée, et pendant que j'y vais, un autre descend avant moi." JC 184 3 Au lieu d'exiger la foi en sa personne, Jésus dit simplement à l'infirme: "Lève-toi, ... prends ton lit et marche." Cet homme s'est emparé de cette parole par la foi. Chaque nerf, chaque muscle éprouve le frémissement de la vie, les membres perclus recouvrent la santé. Sans hésiter il décide d'obéir à l'ordre du Christ, et tous ses muscles se montrent dociles. Il saute sur ses pieds et se trouve prêt à agir. JC 184 4 Jésus ne lui avait pas promis une aide divine. Cet homme aurait pu commencer à douter, ce qui lui eût ôté sa seule chance de guérison. Mais il fit confiance à la parole du Christ et il fut fortifié alors qu'il agissait en conséquence. JC 185 1 Une même foi peut nous assurer la guérison spirituelle. Le péché nous a séparés de la vie divine. Nos âmes sont paralysées. Aussi vrai que cet impotent était incapable de marcher, nous sommes incapables, de nous-mêmes, de vivre une vie sainte. Ils sont nombreux ceux qui sentent leur impuissance et soupirent après une vie spirituelle qui rétablisse leur communion avec Dieu; ils font de vains efforts pour atteindre ce but. Le désespoir leur arrache ce cri: "Malheureux que je suis! Qui me délivrera de ce corps de mort?"1 Ces âmes qui luttent dans le découragement doivent regarder en-haut. Le Sauveur s'incline sur ces êtres dont il a payé le rachat par son sang et leur demande avec une tendresse et une pitié inexprimables: "Veux-tu retrouver la santé?" Il leur ordonne de se lever en possession de la santé et de la paix. N'attendez pas de sentir que vous êtes guéris. Croyez à sa parole et elle s'accomplira. Placez votre volonté du côté du Christ. Décidés à le servir, agissant d'après sa parole, vous recevrez la force nécessaire. Quelle que soit la mauvaise habitude, la passion maîtresse qui trop longtemps a dominé sur votre âme et sur votre corps, le Christ peut et veut vous délivrer. Il communiquera la vie à celui qui est mort par ses fautes.2 Il délivrera le captif enchaîné par sa faiblesse, son malheur et son péché. JC 185 2 Le paralytique guéri se baissa pour ramasser son lit, qui consistait simplement en une natte et une couverture, et s'étant redressé avec une sensation délicieuse il chercha du regard son libérateur, mais Jésus s'était perdu dans la foule. Aurait-il l'occasion de le rencontrer de nouveau, il craignait de ne pas le reconnaître. Poursuivant son chemin d'un pas ferme et joyeux, il rencontra plusieurs pharisiens auxquels il raconta sa guérison. Il constata avec surprise la froideur avec laquelle ils accueillaient son récit. JC 185 3 Fronçant les sourcils, ils l'interrompirent pour lui demander pourquoi il transportait son lit un jour de sabbat. Ils lui rappelèrent avec sévérité qu'il n'était pas permis de porter des fardeaux le jour du Seigneur. Dans sa joie, cet homme avait oublié que c'était le sabbat; néanmoins il ne pouvait se reprocher d'avoir obéi à l'ordre de celui qui avait déployé une telle puissance d'origine divine. Il répondit donc avec hardiesse: "Celui qui m'a rendu la santé m'a dit: Prends ton lit et marche." Quand on lui demanda qui avait fait cela, il fut incapable de répondre. Ces chefs savaient fort bien qu'un seul s'était montré capable d'accomplir un tel miracle; cependant ils désiraient une confirmation qui leur permît de condamner Jésus comme violateur du sabbat. A leurs yeux il avait transgressé la loi en guérissant le malade un jour de sabbat; plus que cela, il s'était rendu coupable de sacrilège en lui donnant l'ordre d'emporter son lit. JC 186 1 Les Juifs avaient perverti la loi et en avaient fait un joug insupportable. Par leurs exigences absurdes ils étaient passés en proverbe chez les nations. Une haie de restrictions déraisonnables entourait le sabbat. Cette institution avait cessé de faire leurs délices, comme une chose honorable, consacrée au Seigneur. Par la faute des scribes et des pharisiens, l'observation de ce jour était devenu un fardeau insupportable. Il n'était pas permis à un Juif d'allumer un feu, même pas une chandelle, le jour du sabbat. Il en résultait qu'ils devaient s'adresser à des païens et leur demander des services que leurs propres règles leur défendaient d'accomplir. Ils ne voyaient pas que si ces actes étaient entachés de péché ceux qui les exigeaient de leurs employés étaient aussi coupables que s'ils les avaient accomplis eux-mêmes. Ils s'attribuaient l'exclusivité du salut, en tant que Juifs, et se disaient que puisque la condition des autres était désespérée rien ne pouvait l'empirer. Mais Dieu n'a donné aucun commandement qui ne puisse être observé par tous. Sa loi ne sanctionne aucune restriction déraisonnable ou égoïste. JC 186 2 Jésus rencontra dans le temple l'homme qu'il avait guéri. Celui-ci y était venu apporter un sacrifice pour le péché et un sacrifice d'actions de grâces en raison de la grâce immense dont il avait été l'objet. Le voyant parmi les adorateurs, Jésus se fit connaître et lui adressa ces paroles d'avertissement: "Voici, tu as retrouvé la santé, ne pèche plus, de peur qu'il ne t'arrive quelque chose de pire." JC 187 1 En rencontrant son libérateur, la joie de ce miraculé fut à son comble. Sans se rendre compte de la haine dont Jésus était l'objet, il s'empressa de le désigner aux pharisiens qui l'avaient interrogé, comme l'auteur de sa guérison. "C'est pourquoi les Juifs poursuivaient Jésus, parce qu'il faisait cela pendant le sabbat." JC 187 2 Jésus fut amené devant le sanhédrin sous l'accusation d'avoir violé le sabbat. Si à ce moment-là les Juifs avaient été indépendants, cette accusation eût suffi pour justifier sa condamnation à mort. Assujettis aux Romains, ils ne pouvaient réaliser leur dessein. Les Juifs n'étaient pas autorisés à infliger la peine de mort et les accusations formulées contre le Christ ne pouvaient être prises en considération par un tribunal romain. On espérait toutefois atteindre d'autres buts. En dépit d'une vive opposition, l'influence du Christ s'étendait de plus en plus, même à Jérusalem. Des quantités de gens qui ne prêtaient aucune attention aux harangues des rabbins étaient attirés par son enseignement. Ses paroles, qui étaient à la portée de leurs intelligences, réchauffaient et réconfortaient leurs coeurs. Il leur présentait Dieu non comme un juge vengeur, mais comme un tendre père, et lui-même réfléchissait l'image de Dieu dans sa vie. Ses paroles faisaient l'effet d'un baume sur les esprits meurtris. Autant par ses paroles que par ses oeuvres de miséricorde il brisait le joug des vieilles traditions et des commandements humains qui pesait sur eux; il leur présentait l'amour de Dieu dans sa plénitude inépuisable. JC 187 3 On lit dans l'une des plus anciennes prophéties messianiques: "Le sceptre ne sera point enlevé à Juda et le bâton du commandement n'échappera pas à son pouvoir, jusqu'à ce que vienne le Pacifique, auquel les peuples obéiront."3 Le peuple s'apprêtait à obéir au Christ. Les foules accueillaient d'un coeur bien disposé les leçons de charité et de bienveillance qu'elles préféraient aux cérémonies rigides exigées par les prêtres. Sans l'opposition des prêtres et des rabbins, son enseignement eût produit une réforme jamais vue auparavant. Pour maintenir leur pouvoir les chefs décidèrent de réduire à néant l'influence de Jésus. Sa comparution devant le sanhédrin, suivie d'une condamnation de ses doctrines, eût contribué à atteindre ce but, étant donné le respect dont les conducteurs religieux étaient encore entourés. C'était se rendre coupable de blasphème et de trahison que de rejeter les exigences rabbiniques ou même de tenter d'alléger le fardeau qu'elles faisaient peser sur le peuple. Les rabbins espéraient donc créer une atmosphère de suspicion autour du Christ. Ils l'accusaient d'essayer de renverser les coutumes établies, de causer des divisions parmi le peuple et de préparer ainsi un asservissement complet aux Romains. JC 188 1 Mais les plans que ces rabbins mettaient tant d'ardeur à réaliser au moyen du sanhédrin avaient pris naissance dans un autre conseil. N'ayant pas réussi à vaincre le Christ au désert, Satan rassembla ses forces en vue de s'opposer à son ministère et de contrecarrer, si possible, son oeuvre. Ce qu'il ne pouvait accomplir par ses efforts personnels il voulut le réaliser par des moyens stratégiques. Sitôt après le conflit du désert, il réunit ses anges en conseil et ensemble ils mûrirent des plans pour accroître l'aveuglement du peuple juif et l'empêcher de reconnaître son Rédempteur. Il conçut le dessein de mettre à l'oeuvre des instruments humains dans le monde religieux, en leur inspirant la haine qui l'animait lui-même contre le champion de la vérité. Il se proposait de leur faire rejeter le Christ et de lui rendre la vie aussi difficile que possible, afin de le décourager et de le faire renoncer à poursuivre sa mission. C'est ainsi que les chefs d'Israël devinrent les instruments de Satan pour faire la guerre au Sauveur. JC 188 2 Jésus était venu pour "rendre sa loi grande et magnifique". Loin d'en amoindrir la dignité, il voulait l'accroître. L'Ecriture déclarait: "Il n'aura ni défaillance ni découragement jusqu'à ce qu'il ait établi la justice sur la terre."4 Il était venu pour libérer le sabbat des lourdes exigences qui en faisaient une malédiction plutôt qu'une bénédiction. JC 189 1 C'est pour cette raison qu'il avait choisi le sabbat pour opérer la guérison de Béthesda. Cette guérison eût pu se faire aussi bien un autre jour de la semaine et la guérison eût pu avoir lieu sans que l'ordre fût donné d'emporter le lit. Mais alors l'occasion cherchée par Jésus eût manqué. Un dessein plein de sagesse était à la base de tous les actes du Christ pendant sa vie terrestre. Chacun de ses actes revêtait une grande importance en rapport avec son enseignement. Parmi les malheureux assemblés près de la piscine il choisit le cas le plus désespéré pour exercer son pouvoir guérisseur; il ordonna à cet homme de porter son lit à travers la ville, publiant ainsi l'oeuvre magnifique accomplie en sa faveur. Ceci susciterait la question de savoir ce qui est loisible de faire le jour du sabbat et Jésus aurait l'occasion de dénoncer les restrictions arbitraires imposées par les Juifs au jour du Seigneur et de proclamer la nullité des traditions. JC 189 2 Jésus leur fit savoir que l'acte de travailler au soulagement des affligés était en harmonie avec la loi du sabbat, en harmonie aussi avec le ministère des anges de Dieu qui font constamment la navette entre ciel et terre pour soulager l'humanité souffrante. Jésus a dit: "Mon Père travaille jusqu'à présent. Moi aussi, je travaille." Tous les jours sont les jours de Dieu, au cours desquels il accomplit ses desseins à l'égard de la famille humaine. Si l'interprétation que les Juifs donnaient à la loi était juste, Jéhovah se trouverait en faute, lui qui vivifie et soutient tout ce qui vit depuis qu'il jeta les fondements de la terre; dans ce cas, celui qui a déclaré que son oeuvre était bonne et qui a institué le sabbat pour commémorer son achèvement eût dû cesser toute activité et arrêter la marche de l'univers. JC 189 3 Dieu devrait-il interdire au soleil d'exercer sa fonction bienfaisante le jour du sabbat et empêcher ses rayons salutaires de réchauffer la terre et d'entretenir la végétation? Est-ce que l'ensemble des astres doit rester immobile en ce saint jour? Devrait-il ordonner aux ruisseaux de cesser d'arroser les campagnes et empêcher les mouvements de l'océan? Le blé et le maïs doivent-ils cesser de croître, la grappe qui mûrit doit-elle retarder de se colorer? Les arbres et les fleurs doivent-ils renoncer à produire leurs boutons et leurs fleurs pendant le sabbat? JC 190 1 Dans ce cas, les fruits de la terre feraient défaut aux hommes, ainsi que les bienfaits qui font aimer la vie. Il faut que la nature poursuive son cours invariable. Si Dieu retirait sa main un seul instant, l'homme languirait et mourrait. L'homme a, lui aussi, une oeuvre à accomplir en ce jour. La vie a des besoins qui réclament notre attention; les malades doivent être soignés; les nécessiteux doivent être secourus. Celui-là ne sera pas exaucé qui néglige de soulager la souffrance le jour du sabbat. Le saint jour de repos de Dieu a été fait pour l'homme, les actes de miséricorde s'accordent parfaitement avec cette intention. Dieu ne veut pas qu'une seule heure de douleur afflige ses créatures qui pourraient être soulagées un jour de sabbat ou tout autre jour. JC 190 2 On attend davantage de Dieu le jour du sabbat que les autres jours. En effet, son peuple abandonne ses travaux habituels pour consacrer son temps à la méditation et au culte. On demande à Dieu des grâces plus abondantes que les autres jours. On sollicite plus particulièrement son attention. On réclame les bénédictions les plus précieuses. Et Dieu n'attend pas que le sabbat soit passé pour accorder ces faveurs. L'activité du ciel est incessante, et les hommes ne devraient jamais cesser de faire du bien. Le sabbat ne doit pas être un temps d'oisiveté. La loi défend tout travail séculier ayant pour but le gagne-pain; tout travail destiné à procurer plaisir ou profit est interdit par la loi ce jour-là. Tout comme Dieu a cessé de créer, s'est reposé le sabbat et l'a béni, l'homme doit renoncer à ses occupations habituelles et consacrer ces heures sacrées à un repos salutaire, au culte, à de bonnes actions. En guérissant un malade, le Christ était en accord parfait avec la loi. Il honorait le sabbat. JC 190 3 Jésus réclamait pour lui-même des droits égaux à ceux de Dieu dans l'accomplissement d'une oeuvre aussi sacrée, de la même nature que celle qui occupe le Père au ciel. Mais ceci ne fit qu'allumer davantage la colère des pharisiens. Car non seulement il avait violé la loi, selon eux, mais en appelant Dieu "son propre Père" il s'était fait l'égal de Dieu. JC 191 1 Tous les Juifs appelaient Dieu leur Père; leur rage ne se fût pas donné libre carrière si le Christ s'était placé dans le même rapport qu'eux avec Dieu. Ils l'accusèrent de blasphème parce qu'ils avaient compris dans quel sens unique il se disait Fils de Dieu. JC 191 2 Les adversaires du Christ étaient incapables de réfuter les vérités qu'il faisait pénétrer dans leurs consciences. Ils ne pouvaient que faire appel à leurs coutumes et à leurs traditions, choses bien faibles et insipides comparées aux arguments que Jésus tirait de la Parole de Dieu et du cours incessant de la nature. Si les rabbins avaient eu le moindre désir d'être éclairés, ils eussent été convaincus que Jésus disait la vérité. Mais ils rejetèrent les vérités qu'il leur apportait au sujet du sabbat et cherchèrent à provoquer l'animosité de la foule contre lui parce qu'il s'était déclaré l'égal de Dieu. La fureur des chefs était déchaînée. Si la crainte du peuple ne les avait retenus ils eussent tué Jésus sur place. Mais il y avait un fort sentiment populaire en sa faveur. Plusieurs reconnaissaient en Jésus l'ami qui avait guéri leurs maladies, les avait consolés dans leurs afflictions; aussi justifièrent-ils la guérison de l'infirme de Béthesda. Pour cette fois-ci les chefs durent mettre un frein à leur haine. JC 191 3 Jésus repoussa l'accusation de blasphème. Ce qui m'autorise à accomplir l'oeuvre dont vous me faites grief, dit-il, c'est que je suis le Fils de Dieu, un avec lui en nature, en volonté, en dessein. Dans toutes ses oeuvres de création et de providence, je coopère avec Dieu. "Le Fils ne peut rien faire par lui-même, mais seulement ce qu'il voit faire au Père." Les prêtres et les rabbins reprochaient au Fils de Dieu de faire justement ce qu'il était venu faire dans le monde. Leurs péchés les avaient séparés de Dieu et leur orgueil les poussait à agir indépendamment de lui. Pleins de propre suffisance, ils n'éprouvaient pas le besoin d'être dirigés par une sagesse supérieure. Le Fils de Dieu, au contraire, était entièrement soumis à la volonté de son Père, dépendant de sa puissance. Le Christ était si complètement dépouillé de lui-même qu'il ne faisait aucun plan dans son propre intérêt. Il acceptait les plans divins à mesure que son Père les lui révélait. Nous devrions, nous aussi, dépendre de Dieu à tel point que nos vies fussent le produit de sa volonté. JC 192 1 Alors que Moïse était sur le point de construire le sanctuaire destiné à servir de demeure pour Dieu, il reçut l'ordre de se conformer en tous points au modèle qui lui était montré sur la montagne. Moïse était animé d'un grand zèle pour accomplir l'oeuvre de Dieu; il avait à sa disposition les artistes les plus habiles, les mieux qualifiés pour exécuter ses ordres. Néanmoins pas une sonnette, une grenade, un gland, une frange, un voile, un ustensile quelconque du sanctuaire ne devaient être confectionnés sinon en conformité avec le modèle montré. Dieu le fit monter sur la montagne et lui fit connaître les choses célestes. Le Seigneur le couvrit de sa propre gloire, lui permettant de voir le modèle, et tout fut fait selon ce modèle. De même, Dieu révéla son glorieux caractère à Israël, dont il voulait faire sa demeure. Le modèle leur fut montré sur la montagne quand la loi fut donnée au Sinaï, quand le Seigneur passa devant Moïse en proclamant: "L'Eternel, oui, l'Eternel est le Dieu miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en grâce et en fidélité! Il conserve sa grâce jusqu'à mille générations; il pardonne l'iniquité, la révolte et le péché."5 JC 192 2 Israël avait préféré suivre sa propre voie; il n'avait pas construit selon le modèle. Le Christ, le vrai temple où Dieu habite, avait façonné tous les détails de sa vie terrestre en harmonie avec l'idéal divin. Il dit: "Mon Dieu, je prends plaisir à faire ta volonté et ta loi est au fond de mon coeur."6 De même, nos caractères doivent être construits "pour être une habitation de Dieu en Esprit".7 Nous devons tout faire "d'après le modèle", c'est-à-dire d'après celui qui "a souffert pour vous, et vous a laissé un exemple, afin que vous suiviez ses traces".8 JC 192 3 Les paroles du Christ nous enseignent à nous voir inséparablement liés à notre Père céleste. Quelle que soit notre position, nous dépendons de Dieu, qui tient dans ses mains toutes les destinées. Il nous a assigné une tâche pour l'accomplissement de laquelle il nous a conféré des facultés et des moyens. Aussi longtemps que notre volonté demeure soumise à Dieu et que nous restons confiants en sa force et en sa sagesse, nous serons dirigés dans des sentiers sûrs pour accomplir la part qui nous est dévolue de son vaste dessein. S'appuyer sur sa propre sagesse et sa force, c'est se séparer de Dieu. C'est réaliser le dessein de l'ennemi de Dieu et de l'homme au lieu de travailler à l'unisson avec le Christ. JC 193 1 Le Sauveur ajouta: "Tout ce que le Père fait, le Fils aussi le fait également. ... Comme le Père ressuscite les morts et donne la vie, de même aussi le Fils donne la vie à qui il veut." Tandis que les sadducéens prétendaient qu'il n'y aura pas de résurrection des corps, Jésus affirme que l'une des plus grandes oeuvres du Père consiste à rendre la vie aux morts, et qu'il est lui aussi assez puissant pour accomplir la même oeuvre. "L'heure vient, dit-il -- et c'est maintenant -- où les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l'auront entendue vivront." Les pharisiens croyaient à la résurrection des morts. Le Christ déclare que la puissance qui rend la vie aux morts est déjà au milieu d'eux et qu'ils en verront la manifestation. C'est cette même puissance de résurrection qui donne la vie à l'âme morte par ses "fautes" et ses "péchés". L'esprit de vie qui est en Christ Jésus c'est "la puissance de sa résurrection", qui délivre de "la loi du péché et de la mort".9 Le mal perd son empire; l'âme est préservée du péché par la foi. Quiconque ouvre son coeur à l'influence de l'Esprit du Christ a accès à la grande puissance qui fera sortir son corps du sépulcre. JC 193 2 L'humble Nazaréen affirme sa vraie noblesse. Il se dresse au-dessus de l'humanité, rejette loin de lui le masque de péché et de honte dont on voulait l'affubler, et se montre comme celui que les anges révèrent, le Fils de Dieu, un avec le Créateur de l'univers. Ses auditeurs sont sous le charme de sa parole. Personne n'a jamais parlé comme lui, personne ne s'est comporté avec une telle dignité royale. Ses déclarations parfaitement claires exposent pleinement sa mission et indiquent le devoir du monde. "Le Père ne juge personne, mais il a remis tout jugement au Fils, afin que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père. Celui qui n'honore pas le Fils n'honore pas le Père qui l'a envoyé." "En effet comme le Père a la vie en lui-même, ainsi il a donné au Fils d'avoir la vie en lui-même, et il lui a donné le pouvoir d'exercer le jugement, parce qu'il est Fils de l'homme." JC 194 1 Prêtres et chefs s'étaient érigés en juges pour condamner l'oeuvre du Christ, mais lui se donne comme leur juge et le juge de toute la terre. Le monde a été confié aux soins du Christ; de lui procèdent tous les bienfaits divins accordés à une race déchue. Il était le Rédempteur avant comme après son incarnation. Dès que le péché a fait son apparition dans le monde, il y a eu un Sauveur. Il a dispensé à tous lumière et vie, et chacun sera jugé d'après la lumière reçue. Celui qui a donné la lumière adresse aux âmes les plus tendres appels, s'efforçant de les faire passer du péché à la sainteté; il est à la fois leur Avocat et leur Juge. Depuis que le grand conflit a éclaté dans le ciel, Satan a mis le mensonge au service de sa cause; le Christ s'est employé à dévoiler les projets de l'ennemi et à briser son pouvoir. C'est lui qui a vaincu le séducteur et s'est efforcé d'âge en âge de lui arracher ses victimes; c'est lui aussi qui prononcera un jugement sur chaque âme. JC 194 2 Dieu "lui a donné le pouvoir d'exercer le jugement, parce qu'il est Fils de l'homme". Ayant goûté jusqu'à la lie les afflictions et les tentations humaines, il comprend les infirmités et les péchés des hommes; c'est pour nous qu'il a résisté victorieusement aux tentations de Satan; il pourra traiter avec justice et avec compassion les âmes qu'il a voulu sauver en répandant son propre sang: pour toutes ces raisons, le Fils de l'homme est désigné pour exécuter le jugement. JC 194 3 Cependant, le Christ est venu pour sauver, non pour juger. "Dieu, en effet, n'a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui."10 En présence du sanhédrin Jésus déclara: "Celui qui écoute ma parole et qui croit à celui qui m'a envoyé, a la vie éternelle et ne vient pas en jugement, mais il est passé de la mort à la vie." JC 195 1 Le Christ invita ses auditeurs à ne pas s'étonner alors qu'il ouvrait devant eux dans de plus vastes perspectives le mystère de l'avenir. Il dit: "L'heure vient où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront sa voix. Ceux qui auront fait le bien en sortiront pour la résurrection et la vie, ceux qui auront pratiqué le mal pour la résurrection et le jugement." JC 195 2 Cette assurance concernant la vie future, c'est ce qu'Israël attendait depuis longtemps, ce qu'on espérait recevoir à l'avènement du Messie. L'unique lumière capable de dissiper l'obscurité du sépulcre resplendissait sur eux. Mais l'entêtement est aveugle. Jésus avait violé les traditions rabbiniques et méconnu leur autorité; aussi ne voulurent-ils pas croire. JC 195 3 Le moment, le lieu, l'occasion, l'intensité des sentiments qui agitaient l'assemblée, tout cela contribuait à rendre plus émouvantes les paroles que Jésus adressait au sanhédrin. Les plus hautes autorités de la nation cherchaient à ôter la vie à celui qui se donnait comme l'auteur du rétablissement d'Israël. Le Seigneur du sabbat comparaissait devant un tribunal humain, accusé d'avoir transgressé la loi du sabbat. Quand il eut affirmé sa mission avec tant de courage, ses juges le considérèrent avec fureur et étonnement; mais on ne pouvait répondre à ses arguments. On ne pouvait le condamner. Il refusait aux prêtres et aux rabbins le droit de l'interroger ou d'interrompre son oeuvre. Leur autorité n'allait pas jusque là. Leurs prétentions n'avaient d'autre fondement que leur orgueil et leur arrogance. Il refusa de se reconnaître coupable et de se laisser instruire par eux. JC 195 4 Loin de chercher une excuse pour ce dont il était accusé, ou d'expliquer les motifs de sa conduite, Jésus se dressa contre les chefs: son rôle d'accusé céda la place à celui d'accusateur. Il leur reprocha leur dureté de coeur et leur ignorance des Ecritures. Il déclara qu'ils avaient rejeté la Parole de Dieu puisqu'ils avaient rejeté celui que Dieu avait envoyé. "Vous sondez les Ecritures, parce que vous pensez avoir en elles la vie éternelle: ce sont elles qui rendent témoignage de moi." JC 195 5 A chaque page, qu'il s'agisse d'histoire, de commandements, ou de prophéties, les Ecritures de l'Ancien Testament resplendissent de la gloire du Fils de Dieu. Tout ce qui était d'institution divine dans le judaïsme constituait une prophétie bien compacte de l'Evangile. "Tous les prophètes rendent de lui [du Christ] le témoignage que quiconque croit en lui reçoit par son nom le pardon des péchés."11 Depuis la promesse faite à Adam, à travers la lignée des patriarches et l'économie légale, une lumière céleste et glorieuse annonçait les pas du Rédempteur. Des voyants ont contemplé l'Etoile de Bethléhem, le Schiloh à venir, à mesure que les réalités futures défilaient devant eux en une mystérieuse procession. Chaque sacrifice annonçait la mort du Christ. Sa justice montait dans chaque nuage d'encens. Chaque trompette du jubilé proclamait son nom. Sa gloire résidait dans le saint des saints. JC 196 1 Les Juifs, en possession des Ecritures, s'imaginaient obtenir la vie éternelle par une simple connaissance extérieure de la Parole. Mais Jésus dit: "Sa parole ne demeure pas en vous." Ayant rejeté le Christ dans sa parole ils l'avaient rejeté en sa personne. "Vous ne voulez pas venir à moi pour avoir la vie!" dit-il. JC 196 2 Les conducteurs juifs avaient étudié l'enseignement des prophètes concernant le royaume du Messie, non avec un sincère désir de connaître la vérité, mais pour y trouver une confirmation de leurs espérances ambitieuses. Le Christ étant venu d'une manière contraire à leur attente, ils ne voulaient pas l'accueillir. Pour se justifier ils s'efforçaient de le faire passer pour un séducteur. Dès qu'ils s'étaient engagés dans cette voie Satan n'éprouva aucune difficulté à renforcer leur opposition au Christ. Les paroles mêmes qui eussent pu apporter la preuve de sa divinité étaient interprétées contre lui. Ils changèrent ainsi la vérité de Dieu en mensonge et plus le Sauveur s'adressait à eux directement par des oeuvres de miséricorde, plus ils étaient décidés à résister à la lumière. JC 196 3 Jésus dit: "Je ne reçois pas de gloire des hommes." Il ne désirait pas bénéficier de l'influence du sanhédrin, et il ne sollicitait pas son approbation. Celle-ci ne l'eût pas honoré. Il était revêtu de l'honneur et de l'autorité du ciel. S'il l'avait demandé, des anges lui auraient apporté leurs hommages; le Père aurait renouvelé son attestation en faveur de sa divinité. Par amour pour eux, par amour pour la nation dont ils étaient les chefs, il désirait que les chefs d'Israël reconnussent son caractère et reçussent les bienfaits qu'il leur apportait. JC 197 1 "Je suis venu au nom de mon Père, et vous ne me recevez pas; si un autre vient en son propre nom, vous le recevrez!" Jésus était venu investi de l'autorité de Dieu, portant son image, accomplissant sa parole, cherchant sa gloire; néanmoins il ne fut pas reçu par les chefs d'Israël; quand d'autres viendraient, se faisant passer pour le Christ quoique agissant de leur propre gré et cherchant leur propre gloire, ils seraient accueillis. Pourquoi cela? -- Parce que celui qui cherche sa propre gloire fait appel à la recherche de soi-même chez les autres. Les Juifs étaient prêts à répondre à un tel appel. Le faux docteur serait reçu parce qu'il flatterait leur orgueil en approuvant leurs opinions préférées et leurs traditions. L'enseignement du Christ ne concordait pas avec leurs idées. C'était un enseignement spirituel, qui exigeait le renoncement à soi-même; c'est pourquoi il ne serait pas reçu. Les Juifs ne connaissaient pas Dieu, et la voix qu'il faisait entendre par l'intermédiaire du Christ leur semblait la voix d'un étranger. JC 197 2 N'en est-il pas de même aujourd'hui? N'y en a-t-il pas beaucoup, même parmi les conducteurs religieux, qui endurcissent leurs coeurs contre l'action du Saint-Esprit et se mettent dans l'impossibilité de reconnaître la voix de Dieu? Ne rejettent-ils pas la Parole de Dieu pour suivre leurs propres traditions? JC 197 3 "Si vous croyiez Moïse, dit Jésus, vous me croiriez aussi, parce qu'il a écrit à mon sujet. Mais si vous ne croyez pas à ses écrits, comment croirez-vous à mes paroles?" C'est le Christ qui avait parlé à Israël par l'intermédiaire de Moïse. S'ils avaient écouté la voix divine qui s'adressait à eux par le moyen de leur grand conducteur, ils l'auraient reconnue également dans les enseignements du Christ. S'ils avaient cru Moïse, ils auraient aussi cru celui dont Moïse avait parlé. JC 198 1 Jésus savait que les prêtres et les rabbins étaient décidés à lui ôter la vie; il leur expliqua néanmoins clairement son unité avec le Père et son rapport avec le monde. Ils virent que leur opposition était inexcusable, mais leur haine meurtrière n'en fut pas éteinte. Témoins de la puissance convaincante qui accompagnait son ministère, ils furent saisis de crainte; cependant ils résistèrent à ses appels et s'enfermèrent dans les ténèbres. JC 198 2 Ils avaient misérablement échoué dans leurs efforts pour renverser l'autorité de Jésus ou lui aliéner le respect et l'attention du peuple, beaucoup ayant été convaincus par ses paroles. Les chefs eux-mêmes s'étaient sentis condamnés tandis qu'il faisait pénétrer dans leurs consciences le sentiment de leur culpabilité, et cela ne fit qu'augmenter leur amertume à son égard. Ils étaient décidés à lui ôter la vie. Ils envoyèrent des messagers dans tout le pays, chargés de mettre le peuple en garde contre Jésus, qu'ils déclaraient imposteur. Des espions devaient le surveiller et rapporter ce qu'il disait et ce qu'il faisait. Notre divin Sauveur se trouvait déjà à l'ombre de la croix. ------------------------Chapitre 22 -- Emprisonnement et mort de Jean JC 199 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 11:1-11; Marc 6:17-28; Luc 7:19-28. JC 199 1 Jean-Baptiste avait été le premier à annoncer la venue du royaume du Christ; il en fut aussi le premier martyr. Après avoir joui de l'air libre du désert et avoir vu des foules suspendues à ses lèvres, il était maintenant enfermé derrière les murs d'une cellule au fond d'un cachot. Il était prisonnier dans la forteresse d'Hérode Antipas. La plus grande partie du ministère de Jean s'était effectuée dans le territoire situé à l'est du Jourdain, qui appartenait à Antipas. Hérode lui-même avait écouté le prédicateur. L'appel à la repentance avait fait trembler ce roi corrompu. "Hérode craignait Jean, sachant qu'il était un homme juste et saint, ... et quand il l'avait entendu, il était très perplexe; pourtant il l'écoutait avec plaisir." Jean dénonça loyalement ses rapports avec Hérodiade, femme de son frère. Hérode avait d'abord tenté de se libérer des chaînes de luxure qui le retenaient captif; mais Hérodiade réussit à le resserrer plus fortement dans ses filets, et pour se venger du Baptiste elle obtint d'Hérode qu'il le jetât en prison. JC 199 2 L'obscurité et l'inaction pesaient lourdement sur le prisonnier habitué à une vie active. Les semaines succédant aux semaines, sans changement, le découragement et le doute s'insinuèrent en lui. Ses disciples ne l'abandonnèrent pas. Ayant accès à la prison, ils lui apportaient des nouvelles au sujet des oeuvres de Jésus et de l'affluence des auditeurs; mais ils se demandaient pourquoi ce nouveau maître ne délivrait pas Jean s'il était vraiment le Messie. Comment pouvait-il permettre que son fidèle héraut fût privé de la liberté et peut-être de la vie? JC 199 3 Ces questions produisirent leur effet. Elles suggérèrent à Jean des doutes qui sans cela ne se seraient jamais présentés à son esprit. C'était un sujet de joie pour Satan d'entendre les paroles de ces disciples et de constater à quel point elles meurtrissaient l'âme du messager du Seigneur. Souvent ceux qui se considèrent les meilleurs amis d'un homme et s'empressent de lui témoigner leur fidélité se trouvent être en définitive ses ennemis les plus dangereux. Souvent, au lieu d'affermir sa foi, leurs paroles ont pour effet de le déprimer et de lui ôter tout courage. JC 200 1 Tout comme les disciples du Sauveur, Jean-Baptiste ne comprenait pas la nature du royaume du Christ. Il s'attendait à voir Jésus accéder au trône de David; mais comme le temps s'écoulait sans que le Sauveur revendiquât son autorité royale, Jean finit par être perplexe et troublé. Il avait enseigné que la prophétie d'Esaïe devait s'accomplir pour préparer la voie devant le Seigneur; les montagnes et les collines devaient être abaissées, les hauteurs changées en plaines, les crêtes escarpées en vallons. Il avait pensé que les hauteurs de l'orgueil humain et de la puissance seraient jetées à terre. Il avait montré le Messie comme celui qui tenait son van dans sa main, qui nettoierait son aire et rassemblerait le blé dans ses greniers, puis brûlerait la balle au feu inextinguible. Semblable à Elie, dont il avait apporté à Israël l'esprit et la puissance, il pensait que le Seigneur allait se manifester au milieu du feu. JC 200 2 Dans l'exercice de sa mission, le Baptiste avait dénoncé courageusement l'iniquité devant les grands comme devant les petits. Il avait osé affronter le roi Hérode et lui reprocher son péché. Au risque de sa vie il avait accompli l'oeuvre qui lui était assignée. Dans sa prison il songeait maintenant au Lion de la tribu de Juda qui allait, croyait-il, abaisser l'orgueil de l'oppresseur et délivrer le misérable qui criait vers lui. Mais Jésus paraissait vouloir se contenter de grouper des disciples autour de lui tout en guérissant et enseignant le peuple. On le voyait s'asseoir à la table des péagers alors que le joug romain s'appesantissait chaque jour davantage sur Israël, alors qu'Hérode et sa vile maîtresse en faisaient à leur guise tandis que les cris des misérables montaient vers le ciel. JC 201 1 Tout ceci était un mystère insondable pour le prophète du désert. A certains moments les chuchotements des démons torturaient son esprit et une crainte horrible s'emparait de lui. Se pourrait-il que le Libérateur si longtemps attendu ne fût pas encore venu? Mais alors que signifiait le message qu'il s'était vu contraint de proclamer? Jean avait été amèrement désappointé par le résultat de sa mission. Il s'était imaginé que le message divin dont il était porteur aurait le même effet que la lecture de la loi aux jours de Josias et d'Esdras,1 qu'il s'ensuivrait une oeuvre profonde de repentance et de retour au Seigneur. Il avait sacrifié sa vie entière pour le succès de sa mission. Etait-ce en vain? JC 201 2 Jean était troublé en voyant que par attachement pour lui ses disciples nourrissaient des doutes au sujet de Jésus. Avait-il travaillé en vain pour eux? Etait-ce parce qu'il avait été infidèle dans l'accomplissement de sa mission que son oeuvre avait pris fin? Si le Libérateur promis était venu, si Jean avait été jugé fidèle à sa vocation, Jésus n'allait-il pas détrôner l'oppresseur et libérer le précurseur? JC 201 3 Néanmoins le Baptiste ne renonça pas à sa foi au Christ. Le souvenir de la voix céleste et de la colombe descendue sur Jésus, la pureté immaculée du Christ, la puissance du Saint-Esprit qui avait accompagné Jean alors qu'il se trouvait en présence du Sauveur, le témoignage des Ecritures prophétiques, tout cela attestait que Jésus de Nazareth était celui qui avait été promis. JC 201 4 Jean ne voulait pas discuter ses doutes et ses sujets d'anxiété avec ses compagnons. Il préféra s'enquérir auprès de Jésus. Il confia donc un message à deux de ses disciples, dans l'espoir qu'une entrevue avec le Sauveur confirmerait leur foi et donnerait une assurance à leurs frères. Il désirait ardemment un mot du Christ à son intention. JC 201 5 Les disciples se présentèrent à Jésus avec leur message: "Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre?" JC 201 6 Peu de temps s'était écoulé depuis que le Baptiste avait dit, en désignant Jésus: "Voici l'Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde! ... C'est lui qui vient après moi, lui qui m'a précédé."2 Or maintenant la question était posée: "Es-tu celui qui doit venir?" Combien la nature humaine est décevante! Si Jean, le fidèle précurseur, ne parvenait pas à discerner la mission du Christ, que pouvait-on attendre de la multitude égoïste? JC 202 1 Le Sauveur ne répondit pas immédiatement à la question des disciples. Etonnés par son silence, ils voyaient venir à lui les malades et les infirmes, désireux d'être guéris. Les aveugles se frayaient un chemin à travers la foule, en tâtonnant; des malades de toute espèce, les uns s'approchant par leurs propres moyens, d'autres portés par des amis, se pressaient avidement autour de Jésus. La voix du puissant Guérisseur pénétrait dans l'oreille des sourds. Un mot, un attouchement permettaient aux aveugles de voir la lumière du jour, de contempler les beautés de la nature, le visage des amis, celui du Libérateur. Jésus réprimait la maladie et chassait la fièvre. Sa voix parvenait aux oreilles des moribonds, leur rendant santé et vigueur. Des démoniaques paralysés obéissaient à sa parole; guéris de leur folie, ils l'adoraient. Tout en guérissant les malades il enseignait la foule. De pauvres paysans, de pauvres ouvriers, évités comme impurs par les rabbins, se tenaient tout près de lui et recevaient de lui les paroles de la vie éternelle. JC 202 2 La journée s'écoula ainsi, les disciples de Jean voyant et entendant tout cela. Enfin Jésus les appela et leur dit de retourner auprès de Jean pour lui raconter ce qu'ils avaient vu, ajoutant: "Heureux celui pour qui je ne serai pas une occasion de chute!"3 Il venait d'attester sa divinité en pourvoyant aux besoins d'une humanité souffrante. Il manifestait sa gloire en condescendant à s'abaisser à notre niveau. JC 203 3 Les disciples apportèrent leur message et cela suffit. Cette prophétie messianique revint à la mémoire de Jean: "L'Eternel m'a oint pour porter la bonne nouvelle aux humbles. Il m'a envoyé pour guérir ceux qui ont le coeur brisé, pour annoncer aux captifs la liberté et aux prisonniers l'ouverture de leurs prisons; pour proclamer, de la part de l'Eternel, une année de grâce."4 Les oeuvres du Christ attestaient sa messianité et indiquaient en même temps la manière dont son royaume serait établi. Jean comprit la même vérité qui avait été révélée à Elie au désert, quand "il s'éleva un vent fort et violent qui fendait les montagnes et brisait les rochers devant l'Eternel; mais l'Eternel n'était pas dans ce vent. Après le vent, il y eut un tremblement de terre; mais l'Eternel n'était pas dans ce tremblement de terre. Après le tremblement de terre, un feu; mais l'Eternel n'était pas dans ce feu".5 Après le feu, Dieu parla au prophète dans "le frémissement d'un subtil murmure". C'est ainsi que Jésus allait accomplir son oeuvre; non dans le fracas des armes ou le renversement des trônes et des royaumes, mais en s'adressant aux coeurs humains par une vie de miséricorde et de sacrifice. JC 203 1 Le principe de renoncement qui avait été à la base de la vie du Baptiste était aussi le principe du royaume messianique. Jean savait combien tout ceci était éloigné des principes et des espoirs des chefs israélites. Ce qui constituait pour lui une preuve convaincante de la divinité du Christ ne leur apportait aucune lumière. Ils attendaient un Messie différent de celui qui avait été promis. Jean comprit que la mission du Sauveur ne pouvait que susciter la haine et la condamnation. Lui, le précurseur, devait goûter à la coupe que le Christ allait devoir vider. JC 203 2 Les paroles du Sauveur: "Heureux celui pour qui je ne serai pas une occasion de chute!" comportaient un léger reproche à l'adresse de Jean. L'effet n'en fut pas perdu. Comprenant mieux, maintenant, la nature de la mission du Christ, il s'abandonna entre les mains de Dieu pour la vie ou pour la mort, uniquement soucieux de servir la cause qu'il aimait. JC 203 3 Après le départ des messagers, Jésus dit à la foule ce qu'il pensait de Jean. Le coeur du Sauveur éprouvait une vive sympathie pour le fidèle témoin enseveli dans le cachot d'Hérode. On ne devait pas s'imaginer que Dieu avait délaissé Jean, ou que la foi de celui-ci avait défailli au jour de l'épreuve. "Qu'êtes-vous allés contempler au désert?" demanda le Christ. "Un roseau agité par le vent?" JC 204 1 Les longs roseaux qui croissaient au bord du Jourdain, ployant sous l'effet de la brise, pouvaient bien servir à représenter les rabbins qui s'étaient érigés en juges de la mission du Baptiste. Ils étaient portés de côté et d'autre par les vents de l'opinion populaire. Ils ne voulaient pas s'humilier au point de recevoir le message pénétrant du Baptiste; seule la crainte du peuple les avait empêchés de s'opposer ouvertement à son oeuvre. Le messager de Dieu était exempt d'une telle lâcheté. Les foules rassemblées autour du Christ avaient vu l'oeuvre de Jean. Ils l'avaient entendu dénoncer le péché avec vigueur. Jean avait parlé ouvertement devant les pharisiens propre-justes, les prêtres du parti sadducéen, le roi Hérode et sa cour, princes et soldats, péagers et paysans. Il n'était pas un roseau tremblant, agité par les vents de la flatterie humaine ou du préjugé. En prison il faisait preuve de la même loyauté à l'égard de Dieu, du même zèle pour sa justice que lorsqu'il prêchait au désert le message divin. Il restait fidèle au principe, ferme comme le roc. JC 204 2 Jésus poursuivit: "Mais qu'êtes-vous allés voir? Un homme vêtu somptueusement? Mais ceux qui portent des habits somptueux se trouvent dans les palais des rois." Jean avait été appelé à condamner les péchés et les excès de son temps; la simplicité de son vêtement et sa vie de renoncement étaient en harmonie avec le caractère de sa mission. De riches parures et des habitudes luxueuses ne sont pas l'apanage des serviteurs de Dieu, mais de ceux qui vivent à la cour des rois, les dominateurs de ce monde, maîtres du pouvoir et des richesses. Jésus signalait le contraste existant entre le vêtement de Jean et celui des prêtres et des chefs. Ces fonctionnaires étaient richement vêtus et portaient des ornements de prix. Ils cherchaient à éblouir par l'étalage de leurs richesses et à commander le respect. Ils étaient plus préoccupés de gagner l'admiration des hommes que d'obtenir la pureté de coeur qui leur assurerait l'approbation divine. Ils montraient par là qu'ils se croyaient tenus d'obéir aux royaumes de ce monde plutôt qu'à Dieu. JC 205 1 "Qu'êtes-vous donc allés faire? Voir un prophète? Oui, vous dis-je, et plus qu'un prophète. C'est celui dont il est écrit: Voici j'envoie devant toi mon messager, pour frayer ton chemin devant toi. En vérité, je vous le dis, parmi ceux qui sont nés de femmes, il ne s'en est pas levé de plus grand que Jean-Baptiste." L'ange qui avait annoncé à Zacharie la naissance de Jean avait dit: "Il sera grand devant le Seigneur."6 Qu'est-ce qui fait la grandeur aux veux du ciel? -- Non pas ce qui fait la grandeur selon l'estimation du monde; ni la richesse, ni le rang, ni la noblesse, ni les dons intellectuels, considérés en eux-mêmes. Si l'on doit prendre en considération la grandeur intellectuelle, indépendamment de toute considération supérieure, alors Satan est digne de nos hommages, lui dont les capacités intellectuelles n'ont jamais été égalées par aucun homme. Quand un don est mis au service du moi, plus il est grand, plus grande sera la malédiction qu'il pourra devenir. Dieu n'estime que la valeur morale. Il apprécie surtout la charité et la pureté. Jean était grand aux yeux du Seigneur dès lors qu'en présence des envoyés du sanhédrin, du peuple et de ses propres disciples, il s'était abstenu de rechercher des honneurs pour sa personne et avait montré à tous Jésus en qualité de Messie promis. Sa joie désintéressée en rapport avec le ministère du Christ dénotait la plus haute noblesse accessible à l'homme. JC 205 2 Ceux qui avaient entendu le témoignage de Jésus lui ont à leur tour rendu témoignage en ces termes, après sa mort: "Jean n'a fait aucun miracle; mais tout ce que Jean a dit de cet homme était vrai."7 Il ne fut pas donné à Jean de faire descendre le feu du ciel, ou de ressusciter un mort, comme l'avait fait Elie, ni de brandir la verge du pouvoir de Moïse, au nom de Dieu. Il avait été chargé d'annoncer la venue du Sauveur et d'inviter à se préparer en vue de cet avènement. Il avait accompli si fidèlement sa mission que ceux qui se rappelaient ce qu'il leur avait enseigné au sujet de Jésus pouvaient dire: "Tout ce que Jean a dit de cet homme était vrai." Tout disciple du Maître est tenu de rendre un témoignage semblable. JC 206 1 En tant que précurseur du Messie, Jean est "plus qu'un prophète". Alors que les prophètes avaient vu de loin l'avènement du Christ, il fut donné à Jean de le contempler, d'entendre le témoignage céleste rendu à sa messianité, et de le présenter à Israël comme l'Envoyé de Dieu. Cependant Jésus a pu dire: "Le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que lui." JC 206 2 Le prophète Jean a été le trait d'union entre les deux dispensations. En tant que représentant de Dieu il s'est levé pour montrer le rapport existant entre la loi et les prophètes d'une part, la dispensation chrétienne de l'autre. Il était une petite lumière qui en précédait une plus grande. Le Saint-Esprit avait éclairé l'esprit de Jean pour lui permettre de répandre la lumière sur son peuple; mais aucune lumière n'a jamais brillé, ou ne brillera à l'avenir sur l'homme déchu, qui puisse être comparée à celle qui émane de l'enseignement et de l'exemple de Jésus. Les sacrifices n'avaient que faiblement symbolisé le Christ et sa mission. Jean lui-même n'avait pas compris parfaitement la vie future, immortelle, manifestée par le Sauveur. JC 206 3 A part les joies que sa mission lui avait procurées, la vie de Jean avait été toute de souffrance et de solitude. Sa voix n'avait guère été entendue hors du désert. Il ne lui avait pas été donné de voir le résultat de ses travaux. Il n'avait pas eu le privilège d'accompagner le Christ et d'assister aux manifestations de la puissance divine qui étaient le produit de la lumière plus grande. Il n'avait pu voir les aveugles recouvrant la vue, les malades guéris, les morts ramenés à la vie. Il n'avait pu contempler la lumière qui resplendissait dans chaque parole du Christ, faisant éclater la gloire des promesses prophétiques. Le plus petit parmi les disciples qui ont vu les oeuvres puissantes du Christ et ont entendu ses paroles a été plus favorisé, à certains égards, que Jean-Baptiste: il peut donc être dit plus grand que lui. JC 206 4 Les foules nombreuses qui avaient écouté la prédication de Jean répandirent sa renommée dans tout le pays. On se demandait avec anxiété comment finirait sa captivité. Sa vie sans tache et la vénération dont il était entouré faisaient espérer qu'aucune violence ne lui serait faite. JC 207 1 Hérode voyait en Jean un prophète et il se proposait de le libérer. Par crainte d'Hérodiade il différa son projet. JC 207 2 Hérodiade se rendait compte qu'elle n'arriverait pas à arracher à Hérode la condamnation à mort de Jean par des moyens ordinaires; elle eut recours à un stratagème. A l'occasion de l'anniversaire du roi une fête fut organisée en l'honneur des fonctionnaires de l'Etat et des nobles de la cour. On prévoyait bombance et ivresse. Hérode perdrait ses moyens et serait amené à céder à l'influence de cette femme. JC 207 3 Le grand jour arrivé, tandis que le roi et ses seigneurs festoyaient et buvaient, Hérodiade envoya sa fille dans la salle du banquet pour y amuser les hôtes par ses danses. Salomé était dans la fleur de sa jeunesse; sa beauté voluptueuse captiva les sens des joyeux convives. Il n'était pas dans les usages que les dames de la cour se fissent voir dans les festins; un compliment flatteur fut offert à Hérode quand cette fille des prêtres et des princes d'Israël dansa pour le divertissement des convives. JC 207 4 Le roi était pris de vin. La passion troubla et détrôna sa raison. Il ne vit plus que la salle du festin, avec ses noceurs, la table du banquet, le vin qui coulait et l'éclat des lumières, et la jeune fille dansant devant lui. Dans l'insouciance du moment il voulut s'exhiber devant les grands de son royaume. Il promit avec serment de donner à la fille d'Hérodiade tout ce qu'elle pourrait demander, fût-ce la moitié du royaume. JC 207 5 Salomé s'empressa d'aller consulter sa mère. La réponse était toute prête: la tête de Jean-Baptiste. Salomé, qui ignorait la soif de vengeance qui tourmentait le coeur de sa mère, hésitait à présenter cette requête; la volonté d'Hérodiade prévalut. La jeune fille revint avec cette horrible demande: "Je veux que tu me donnes tout de suite, sur un plat, la tête de Jean-Baptiste."8 JC 207 6 Hérode fut étonné et confus. La gaieté tumultueuse cessa, un silence angoissant descendit sur cette scène d'orgie. Le roi était saisi d'horreur à la pensée d'ôter la vie à Jean. Mais il avait engagé sa parole et ne voulait pas passer pour irrésolu ou étourdi. Le serment avait été pris en l'honneur des convives; si l'un d'eux avait proposé de ne pas tenir compte de la promesse faite, Hérode aurait volontiers épargné le prophète. L'occasion leur était donnée de prendre la défense du prisonnier. Ils avaient parcouru de longues distances pour l'entendre prêcher et ils connaissaient Jean comme un homme innocent, un vrai serviteur de Dieu. Quoique choqués par la demande de la jeune fille, ils étaient trop hébétés pour tenter une remontrance. Personne n'éleva la voix pour sauver la vie du messager envoyé par le ciel. Ces hommes qui occupaient des postes de confiance dans la nation et portaient de lourdes responsabilités s'étaient livrés au plaisir et à l'ivresse, si bien que leur sensibilité était engourdie. La musique et la danse les avaient étourdis et avaient endormi leurs consciences. Leur silence fut la sentence de mort prononcée sur le prophète de Dieu pour satisfaire l'esprit de vengeance d'une femme perdue. JC 208 1 Après avoir en vain espéré d'être dégagé de son serment, Hérode consentit à regret à l'exécution du prophète. La tête de Jean ne tarda pas à être apportée devant le roi et ses hôtes. Désormais, les lèvres qui avaient fidèlement conjuré Hérode de renoncer à sa vie de péché étaient réduites au silence. Plus jamais on n'entendrait cette voix invitant les hommes à se repentir. Les orgies d'une nuit avaient coûté la vie à l'un des plus grands prophètes. JC 208 2 Combien de fois une vie innocente n'a-t-elle pas été sacrifiée à cause de l'intempérance des gardiens de la justice! Celui qui trempe ses lèvres dans la coupe enivrante assume la responsabilité de tout acte d'injustice dont il pourra se rendre coupable sous son influence étourdissante; en engourdissant sa sensibilité il se met dans l'incapacité de juger avec calme et de discerner clairement ce qui est juste et ce qui ne l'est pas. Il donne à Satan l'occasion de se servir de lui pour opprimer et détruire l'innocent. "Moqueur est le vin, bruyante la boisson fermentée: qui s'en laisse troubler manque de sens." "Le jugement est repoussé en arrière, ... et celui qui se retire du mal devient une proie."9 Ceux qui disposent de la vie de leurs semblables deviennent criminels quand ils se laissent aller à la boisson. Ceux qui sont chargés d'appliquer les lois devraient les observer. Ils devraient avoir la maîtrise d'eux-mêmes. Ils devraient rester en pleine possession de leurs énergies physiques, mentales et morales, et employer leur intelligence avec un sens élevé de justice. JC 209 1 La tête de Jean-Baptiste ayant été apportée à Hérodiade, elle la reçut avec une satisfaction diabolique. Sa vengeance la comblait de joie, à la pensée que désormais la conscience d'Hérode ne serait plus troublée. Cependant son crime ne lui apporta aucun bonheur. Son nom fut voué à l'infamie et Hérode fut plus troublé par le remords qu'il ne l'avait été par les avertissements du prophète. Quant à l'influence de Jean, loin d'avoir été réduite au silence, elle s'étend d'une génération à l'autre jusqu'à la fin des temps. JC 209 2 Obsédé par le souvenir de son péché, Hérode cherchait constamment à se soustraire aux accusations de sa conscience coupable. La confiance qu'il avait accordée à Jean persistait. Il n'avait aucun repos, se souvenant toujours de la vie pleine de renoncement que Jean avait vécue, ainsi que de ses appels solennels, émouvants, de ses conseils judicieux, et de sa mort tragique. Occupé aux affaires de l'Etat, entouré d'honneurs, il affichait le sourire et se donnait une apparence digne alors qu'il dissimulait un coeur anxieux, redoutant toujours une malédiction. JC 209 3 Jean avait dit à Hérode que rien n'est caché à Dieu, et ses paroles avaient fait une profonde impression sur lui. Il savait donc que Dieu est présent partout, qu'il avait été témoin des orgies auxquelles on s'était livré dans la salle du banquet, qu'il avait entendu l'ordre donné au sujet de la décapitation de Jean, qu'il avait vu les transports de joie d'Hérodiade et les traitements injurieux qu'elle avait fait subir à la tête de son censeur. Bien des choses entendues des lèvres du prophète parlaient maintenant à sa conscience avec plus de force que lorsqu'il prêchait au désert. JC 210 1 Ayant entendu parler des oeuvres du Christ, Hérode fut profondément troublé. Il se demandait si Dieu n'avait pas ramené Jean d'entre les morts avec mission de condamner le péché avec plus de force que jamais. Il vivait dans une crainte continuelle, à la pensée que Jean pourrait venger sa mort en le condamnant, lui et sa maison. Hérode récoltait les conséquences d'une vie de péché, selon ce que Dieu a dit: "Un coeur tremblant, des yeux qui s'éteignent et une âme languissante. Ton existence sera comme en suspens devant toi; tu seras dans l'effroi nuit et jour et tu ne seras point assuré de ta vie. Le matin tu diras: Que ne suis-je au soir! et le soir tu diras: Que ne suis-je au matin! à cause de l'effroi dont ton coeur sera rempli et à cause du spectacle dont tes yeux seront les témoins."10 Le pécheur est accusé par ses propres pensées; il n'est pas de torture plus aiguë que l'aiguillon d'une conscience coupable, ne laissant de repos ni jour ni nuit. JC 210 2 Aux yeux d'un grand nombre de personnes un mystère plane sur le sort de Jean-Baptiste. On se demande pourquoi il a dû languir et mourir en prison. Si le mystère d'une providence obscure est impénétrable à l'oeil humain, il ne saurait ébranler notre confiance en Dieu, pourvu que nous nous souvenions d'une chose: Jean n'a fait que participer aux souffrances du Christ. Quiconque veut suivre le Christ doit accepter la couronne du sacrifice. On sera méconnu par des hommes égoïstes; on sera en butte aux terribles assauts de Satan. Son royaume se propose justement de détruire ce principe de sacrifice de soi-même; aussi luttera-t-il contre lui partout où il le rencontrera. JC 210 3 La fermeté de caractère avait distingué l'enfance, la jeunesse et l'âge mûr de Jean. Satan fut inquiet pour la sécurité de son royaume quand sa voix se fit entendre au désert disant: "Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez ses sentiers."11 Le caractère détestable du péché fut révélé de telle manière que les hommes en tremblèrent. Beaucoup de ceux qui avaient été sous la domination de Satan se virent libérés. Il avait vainement tenté, par des efforts persévérants, d'arracher le Baptiste à une vie d'entière soumission à Dieu. Il n'avait pas réussi à vaincre Jésus. Satan avait essuyé une défaite, lors de la tentation au désert, et il en éprouvait une rage très grande. Il tentait maintenant d'affliger Jésus en frappant Jean. Il voulait au moins faire souffrir celui qu'il n'avait pu induire au péché. JC 211 1 Jésus n'intervint pas pour délivrer son serviteur. Il savait Jean capable d'endurer l'épreuve. Le Sauveur eût bien volontiers visité Jean dans son cachot, qu'il aurait éclairé de sa présence. Mais il ne devait pas se livrer à ses ennemis et compromettre sa propre mission. Il eût volontiers délivré son fidèle serviteur. Dans l'intérêt de milliers de personnes qui allaient subir la prison et la mort à l'avenir, Jean devait boire à la coupe du martyre. Quand il arriverait à des disciples du Christ de languir dans une cellule solitaire, ou de périr par l'épée, le gibet ou le bûcher, apparemment abandonnés de Dieu et des hommes, quelle consolation ne puiseraient-ils pas dans la pensée que Jean-Baptiste avait connu une expérience semblable, lui à qui le Christ avait rendu un si beau témoignage. JC 211 2 Satan eut la permission de retrancher la vie terrestre du messager de Dieu; cependant la vie "cachée avec le Christ en Dieu"12 était hors de l'atteinte du destructeur. Celui-ci se réjouissait de la douleur qu'il occasionnait au Christ, mais Jean avait échappé à sa conquête. D'ailleurs la mort allait le soustraire pour toujours au pouvoir de la tentation. Dans cette guerre, Satan faisait connaître son vrai caractère. Tout l'univers était témoin de sa haine contre Dieu et contre l'homme. JC 211 3 Bien que Jean n'ait pas eu la faveur d'une délivrance miraculeuse, il ne fut pas abandonné. Il avait joui constamment de la présence des anges célestes qui lui rappelaient les prophéties relatives au Christ et les promesses de l'Ecriture. C'était là son appui et celui du peuple de Dieu à travers les âges. Jean-Baptiste reçut l'assurance donnée à ceux qui l'ont suivi: "Voici, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde."13 JC 211 4 Dieu ne conduit jamais ses enfants autrement qu'ils ne voudraient être conduits s'ils pouvaient voir la fin dès le commencement et discerner la gloire du dessein qu'ils servent en qualité de collaborateurs de Dieu. Ni Enoch, transféré au ciel, ni Elie, qui monta dans un chariot de feu, n'a été plus grand ou plus honoré que Jean-Baptiste, qui périt dans une prison. "Il vous a été fait la grâce non seulement de croire en Christ, mais encore de souffrir pour lui."14 De tous les dons que le ciel peut dispenser à des hommes, celui de communier avec le Christ dans ses souffrances est le dépôt le plus précieux, l'honneur suprême. ------------------------Chapitre 23 -- Le royaume de Dieu est proche JC 213 1 Jésus se rendit en Galilée, prêchant l'Evangile du royaume de Dieu et disant: "Le temps est accompli, et le royaume de Dieu est proche. Repentez-vous, et croyez à l'Evangile."1 JC 213 2 La venue du Messie avait d'abord été annoncée en Judée. La naissance du précurseur avait été prédite à Zacharie alors qu'il officiait dans le temple, devant l'autel. Des anges avaient proclamé la naissance de Jésus sur les collines de Bethléhem. A Jérusalem les mages étaient venus à sa recherche. Siméon et Anne avaient attesté sa divinité dans le temple. Jérusalem et toute la Judée avaient écouté la prédication de Jean-Baptiste; les envoyés du sanhédrin, avec la foule, avaient entendu le témoignage rendu à Jésus. C'est en Judée que Jésus avait recruté ses premiers disciples. C'est là qu'il exerça la première partie de son ministère. Sa divinité avait éclaté par la purification du temple, par ses miracles de guérison, par les leçons de vérité divine sortant de ses lèvres: tout cela confirmait ce qu'il avait déclaré en présence du sanhédrin après la guérison de Béthesda: sa filialité divine. JC 213 3 Si le Christ avait été reçu par les conducteurs d'Israël, il leur aurait conféré l'honneur de devenir ses messagers pour porter l'Evangile au monde. C'est à eux en premier lieu que l'occasion fut offerte d'être les hérauts du royaume de la grâce de Dieu. Israël, toutefois, ne connut pas l'heure de sa visitation. La jalousie et la méfiance des conducteurs juifs s'étaient muées en une haine ouverte et les coeurs s'étaient détournés de Jésus. JC 214 1 Ayant rejeté le message du Christ, le sanhédrin cherchait à le faire mourir; aussi Jésus s'éloigna-t-il de Jérusalem, des prêtres, du temple, des conducteurs religieux, de ceux qui avaient été instruits quant à la loi; il se tourna vers une autre classe d'auditeurs pour leur annoncer son message et recruter parmi eux ceux qui porteraient l'Evangile aux nations. JC 214 2 De même que celui qui était la lumière et la vie des hommes fut rejeté par les autorités ecclésiastiques aux jours du Christ, de même il a été rejeté au cours de toutes les générations suivantes. A maintes reprises le Christ a dû se retirer comme il l'avait fait de Judée. Quand les réformateurs ont annoncé la Parole de Dieu ils ne songeaient nullement à se séparer des églises établies; mais les conducteurs religieux ne voulaient rien savoir de la lumière, de sorte que ceux qui en étaient les porteurs durent s'adresser à une autre classe avide de vérité. De nos jours ils sont rares, parmi les humains, ceux qui font profession de suivre les réformateurs, ceux qui sont animés de leur esprit. Rares sont les personnes qui écoutent la voix de Dieu, prêtes à accepter la vérité d'où qu'elle vienne. Ceux qui marchent sur les traces des réformateurs se voient souvent forcés d'abandonner les églises qu'ils aiment afin de pouvoir librement enseigner les claires vérités de la Parole de Dieu. Et il arrive souvent que ceux qui cherchent la lumière se voient contraints par ce même enseignement à quitter l'église de leurs pères pour obéir à leurs nouvelles convictions. JC 214 3 Les populations de la Galilée, méprisées par les rabbins de Jérusalem qui les jugeaient grossières et ignorantes, offraient cependant au Sauveur un champ d'action plus favorable. Elles étaient plus zélées, plus sincères; d'une piété moins étroite, elles avaient l'esprit plus ouvert, plus accessible à la vérité. En se rendant en Galilée Jésus ne cherchait pas l'isolement et la solitude. Cette région était alors très peuplée et la population était plus mélangée d'éléments étrangers que celle de Judée. JC 214 4 Pendant que Jésus traversait la Galilée, enseignant et guérissant, des foules accouraient à lui des villes et des villages environnants. Il en venait même de Judée et des contrées voisines. Il se voyait parfois contraint de se dérober à la foule. L'enthousiasme était si grand qu'il fallait quelque précaution pour éviter de faire redouter une insurrection aux autorités romaines. Le monde n'avait jamais connu un temps comme celui-là. Le ciel s'était rapproché de la terre. Des âmes qui depuis longtemps attendaient la rédemption d'Israël, et qui avaient faim et soif de justice, se réjouissaient maintenant dans la grâce d'un Sauveur miséricordieux. JC 215 1 La prédication du Christ se résumait en ces mots: "Le temps est accompli, et le royaume de Dieu est proche. Repentez-vous, et croyez à l'Evangile." Le message évangélique donné par le Sauveur avait sa base dans les prophéties. Le "temps" qu'il disait accompli était la période révélée à Daniel par l'ange Gabriel: "Soixante-dix semaines ont été fixées comme terme à ton peuple et à ta ville sainte pour éteindre la rébellion, mettre fin aux péchés, effacer l'iniquité et établir une justice éternelle, de façon à réaliser la vision et la parole du prophète et faire l'onction du saint des saints."1 Un jour prophétique vaut une année.2 Les soixante-dix semaines, ou 490 jours, représentent donc 490 années. Le point de départ de la période est indiqué: "Sache donc et comprends: depuis la sortie d'une parole ordonnant de rebâtir Jérusalem jusqu'à un oint, un chef, il y a sept semaines, et soixante-deux semaines3 soixante-neuf semaines, ou 483 ans. Le décret ordonnant la reconstruction de Jérusalem, complété par Artaxerxès Longue-main,4 entra en vigueur en automne 457 av. J.-C. A partir de cette date, 483 années nous amènent à l'année 27 de notre ère, en automne. Selon la prophétie, cette période aboutissait au Messie, l'Oint. Lors de son baptême, en l'an 27, Jésus fut oint du Saint-Esprit et ne tarda pas à commencer son ministère. JC 215 2 Dès lors s'est produite la proclamation du message: "Le temps est accompli." JC 215 3 L'ange avait ajouté: Il "conclura une alliance ferme avec un grand nombre pendant une semaine", c'est-à-dire sept années littérales. Pendant ces sept années, à partir du commencement de son ministère, l'Evangile devait être prêché en particulier aux Juifs; par Jésus lui-même pendant trois années et demie, puis par les apôtres. JC 216 1 "Au milieu de la semaine, il fera cesser le sacrifice et l'oblation."5 Au printemps de l'année 31, le Christ offrit le vrai sacrifice au Calvaire. A ce moment-là le voile du temple se déchira en deux, ce qui montrait que le service des sacrifices avait perdu son caractère sacré et sa signification. Le temps était venu où devaient cesser le sacrifice et l'oblation. JC 216 2 La dernière semaine -- sept années -- arriva à son terme en l'année 34 de notre ère. La lapidation d'Etienne mit le sceau au rejet de l'Evangile par les Juifs; les disciples dispersés par la persécution "allaient de lieu en lieu, en annonçant la bonne nouvelle de la parole";6 bientôt Saul, le persécuteur, allait se convertir et devenir Paul, l'apôtre des Gentils. JC 216 3 Le temps de la venue du Christ, son onction par le Saint-Esprit, sa mort et la proclamation de l'Evangile aux Gentils étaient indiqués avec précision. Le peuple juif avait l'avantage de comprendre ces prophéties et d'en constater l'accomplissement dans la mission de Jésus. Le Christ recommanda à ses disciples d'étudier les prophéties. Il dit: "Que le lecteur comprenne."7 Après sa résurrection il expliqua aux disciples "dans toutes les Ecritures ce qui le concernait".8 Le Sauveur avait parlé par l'intermédiaire de tous les prophètes. "L'Esprit de Christ qui était en eux, ... d'avance, attestait les souffrances de Christ et la gloire qui s'ensuivrait".9 JC 216 4 C'est l'ange Gabriel, qui occupe le premier rang après le Fils de Dieu, qui avait apporté à Daniel le message divin. C'est lui encore, "son ange", que le Christ envoya à Jean, le bien-aimé, pour lui dévoiler l'avenir; et une bénédiction est promise à ceux qui lisent et écoutent les paroles de la prophétie pour garder ce qui s'y trouve écrit.10 JC 216 5 "Le Seigneur, l'Eternel, n'accomplit aucun de ses desseins qu'il ne l'ait d'abord révélé à ses serviteurs, les prophètes." "Les choses cachées appartiennent à l'Eternel, notre Dieu; mais les choses révélées sont pour nous et pour nos enfants à jamais."11 Ces choses Dieu nous les a données; et sa bénédiction accompagnera une étude respectueuse des écritures prophétiques, faite dans un esprit de prière. JC 217 1 De même que le message concernant la première venue du Christ annonçait le royaume de sa grâce, le message relatif à son retour annonce le royaume de sa gloire. Ce second message, tout comme le premier, est fondé sur les prophéties. Les paroles de l'ange, dites à Daniel, relatives aux derniers jours, devaient être comprises au temps de la fin. A ce moment-là, "beaucoup de gens l'étudieront [le livre de Daniel] et leur science en sera augmentée". "Les impies agiront avec méchanceté; aucun d'eux n'aura la sagesse de comprendre et les hommes intelligents seuls comprendront."12 Le Sauveur a indiqué lui-même les signes de sa venue et il a dit: "Quand vous verrez ces choses arriver, sachez que le royaume de Dieu est proche." "Prenez garde à vous-mêmes, de crainte que vos coeurs ne s'appesantissent par les fumées du vin et de l'ivresse et par les soucis de la vie, et que ce jour ne fonde sur vous à l'improviste comme un filet." "Veillez donc et priez en tout temps, afin que vous ayez la force d'échapper à tout ce qui doit arriver et de paraître debout devant le Fils de l'homme".13 JC 217 2 Le temps annoncé par ces prophéties est arrivé. Le temps de la fin est là, les visions des prophètes sont déscellées, leurs avertissements solennels montrent que la venue en gloire du Seigneur est toute proche. JC 217 3 Les Juifs ayant mal interprété et mal appliqué la Parole de Dieu, n'ont pas connu le temps de leur visitation. Les années du ministère du Christ et de ses apôtres -- ces années précieuses de grâce, les dernières offertes au peuple élu -- s'écoulèrent en complots pour mettre fin à la vie des messagers du Seigneur. L'offre du royaume spirituel les trouva absorbés par leurs ambitions terrestres et leur fut inutile. De même aujourd'hui le royaume de ce monde absorbe les pensées des hommes et les empêche de remarquer l'accomplissement rapide des prophéties et des signes de l'approche du royaume de Dieu. JC 217 4 "Mais vous, frères, vous n'êtes pas dans les ténèbres, pour que ce jour vous surprenne comme un voleur; vous êtes tous fils de la lumière et fils du jour. Nous ne sommes pas de la nuit ni des ténèbres." Bien que nous devions ignorer l'heure du retour de notre Seigneur, nous pouvons savoir quand il est proche. "Ne dormons donc pas comme les autres, mais veillons et soyons sobres."14 ------------------------Chapitre 24 -- N'est-il pas le fils du charpentier? JC 219 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 13:54, 55; Luc 4:16-30. JC 219 1 Les beaux jours du ministère du Christ en Galilée furent assombris par l'incrédulité des habitants de Nazareth. "N'est-il pas le fils du charpentier?" dirent-ils. JC 219 2 Au cours de son enfance, puis de sa jeunesse, Jésus avait adoré avec ses frères dans la synagogue de Nazareth. Il avait été absent depuis le début de son ministère, mais on n'avait pas été sans apprendre ce qui lui était arrivé. L'intérêt et l'attente arrivèrent au plus haut point quand il réapparut dans sa ville. Il retrouvait ici les visages familiers des personnes qu'il avait connues depuis son enfance. Sa mère, ses frères et ses soeurs étaient là; tous les yeux se tournèrent vers lui au moment où il entra dans la synagogue, le jour du sabbat, et prit place parmi les adorateurs. JC 219 3 Le service régulier donnait à l'ancien l'occasion de lire une portion des prophètes et d'exhorter l'auditoire à attendre encore celui qui devait venir, qui établirait un règne glorieux et bannirait toute oppression. Il encouragea ses auditeurs en rappelant les raisons de croire que la venue du Messie était proche. Il décrivit la gloire de son avènement, insistant sur la pensée qu'il allait se montrer à la tête d'une armée pour délivrer Israël. JC 219 4 Si un rabbin était présent à la synagogue, il lui incombait de prononcer le sermon et tout Israélite était apte à faire la lecture des prophètes. Ce sabbat-là on demanda à Jésus de prendre part au service. "Il se leva pour faire la lecture, et on lui remit le livre du prophète Esaïe." Il lut un passage que l'on appliquait au Messie: JC 220 1 "L'Esprit du Seigneur est sur moi, Parce qu'il m'a oint pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres; Il m'a envoyé pour proclamer aux captifs la délivrance, Et aux aveugles le recouvrement de la vue, Pour renvoyer libres les opprimés, Pour proclamer une année de grâce du Seigneur."1 JC 220 2 "Puis il roula le livre, le remit au serviteur et s'assit. Les yeux de tous, dans la synagogue, étaient fixés sur lui. ... Et tous lui rendaient témoignage, admiraient les paroles de grâce qui sortaient de sa bouche." JC 220 3 Jésus se tenait devant l'auditoire comme un commentateur vivant des prophéties qui le concernaient. Il expliqua les paroles qu'il venait de lire, montrant le Messie comme devant consoler les opprimés, libérer les captifs, guérir les malades, rendre la vue aux aveugles et communiquer au monde la lumière de la vérité. Ses manières imposantes et la portée étonnante de ses paroles donnèrent à ses auditeurs une impression de puissance inconnue jusque là. La vague de l'influence divine balayait tous les obstacles; comme Moïse, ils voyaient l'Invisible. Les coeurs émus par l'action du Saint-Esprit, ils répondaient par de fervents amen et louaient le Seigneur. JC 220 4 Mais quand Jésus déclara: "Aujourd'hui cette parole de l'Ecriture, que vous venez d'entendre, est accomplie", ils se virent contraints de réfléchir sur leur propre situation et sur les assertions de l'orateur. On les avait fait passer pour des esclaves, eux, des Israélites, enfants d'Abraham. On s'était adressé à eux comme à des prisonniers ayant besoin d'être délivrés de la puissance du mal; comme à des gens vivant dans les ténèbres et ayant besoin de la lumière de la vérité. Blessés dans leur orgueil, leurs craintes s'éveillèrent. Les paroles de Jésus donnaient à penser que l'oeuvre qu'il voulait accomplir parmi eux différait essentiellement de celle qu'ils souhaitaient. Leur conduite risquait d'être examinée de près. Bien que scrupuleux quant aux cérémonies extérieures, ils redoutaient une inspection effectuée par ces yeux perçants. JC 220 5 Qui est ce Jésus? demandèrent-ils. Celui qui s'attribuait les gloires du Messie n'était autre que le fils du charpentier Joseph, dont il avait partagé le métier. On l'avait vu parcourir les collines, on connaissait sa vie, ses travaux, ses frères et ses soeurs. On l'avait vu grandir de l'enfance à l'âge adulte, à travers sa jeunesse. Il est vrai que sa vie avait été sans tache; néanmoins on ne voulut pas admettre qu'il était celui qui avait été promis. JC 221 1 Quel contraste entre ce qu'il enseignait au sujet du nouveau royaume et ce qu'avait dit leur ancien! Il ne leur promettait pas de les délivrer du joug romain. Ayant entendu parler de ses miracles, ils avaient espéré qu'il interviendrait puissamment en leur faveur, mais rien ne laissait présager chez lui une telle intention. JC 221 2 Leurs coeurs s'étant ouverts au doute, ils s'endurcirent d'autant plus qu'ils avaient été momentanément attendris. Satan ne voulait pas que la vue fût rendue aux aveugles ce jour-là, et que la liberté fût offerte aux âmes retenues dans l'esclavage. Il déploya donc tous ses efforts pour les emprisonner dans l'incrédulité. La conviction qu'ils avaient eue d'abord, que c'était leur Rédempteur qui leur parlait, ne tarda pas à s'évanouir. JC 221 3 Jésus leur donna une preuve de sa divinité en dévoilant leurs pensées secrètes. Il leur dit: "Certainement vous me citerez ce proverbe: Médecin, guéris-toi toi-même; tout ce qui s'est produit à Capernaüm et que nous avons appris, fais-le ici dans ta patrie. Il dit encore: En vérité, je vous le dis, aucun prophète n'est bien reçu dans sa patrie. C'est la vérité que je vous dis: Il y avait beaucoup de veuves en Israël aux jours d'Elie, lorsque le ciel fut fermé trois ans et six mois et qu'il y eut une grande famine sur tout le pays; et cependant Elie ne fut envoyé vers aucune d'elles, si ce n'est vers une femme veuve, à Sarepta, dans le pays de Sidon. Il y avait aussi beaucoup de lépreux en Israël au temps du prophète Elisée; et cependant aucun d'eux ne fut purifié, si ce n'est Naaman le Syrien." JC 221 4 Ces récits tirés de la vie des prophètes constituaient la réponse de Jésus aux questions de ses auditeurs. Les serviteurs de Dieu à qui une oeuvre particulière était confiée ne reçurent pas la permission de travailler chez un peuple au coeur endurci et incrédule. Seuls les coeurs sensibles, ouverts à la foi, furent favorisés par des manifestations de puissance de la part des prophètes. Aux jours d'Elie, les Israélites s'étaient éloignés de Dieu. Attachés à leurs péchés, ils avaient rejeté les avertissements que l'Esprit leur adressait par les messagers du Seigneur. De cette manière ils obstruèrent les canaux par lesquels la bénédiction divine eût pu les atteindre. Le Seigneur passa outre, sans s'arrêter aux demeures d'Israël, et trouva un refuge pour son serviteur dans un pays païen, chez une femme n'appartenant pas au peuple élu. Cette femme eut cet avantage parce qu'elle avait suivi la lumière dont elle disposait et parce que son coeur restait ouvert aux lumières plus grandes que Dieu lui envoya par l'entremise de son prophète. JC 222 1 Pour la même raison, au temps d'Elisée, les lépreux israélites furent négligés au profit de Naaman, un noble païen, trouvé fidèle à ses convictions morales, et conscient de ses besoins. Etant en état de recevoir les bienfaits de la grâce divine, non seulement il fut nettoyé de sa lèpre, mais il eut le bonheur de connaître le vrai Dieu. JC 222 2 Notre position devant Dieu dépend moins des lumières reçues que de l'usage que nous en faisons. Ainsi les païens qui suivent ce qui est droit dans la mesure où ils peuvent le discerner, sont dans une condition plus favorable que les hommes possédant plus de lumière et faisant profession de servir Dieu mais qui méprisent la lumière et se conduisent de manière à démentir leur profession de foi. JC 222 3 Les paroles de Jésus, prononcées dans la synagogue, frappaient à sa racine la propre justice de ses auditeurs et faisaient pénétrer dans leurs coeurs cette vérité amère: Ils s'étaient éloignés de Dieu et avaient perdu le droit d'être son peuple. Ces vérités tranchantes révélaient leur vraie condition. Aussi en vinrent-ils à tourner en dérision la foi qu'il avait commencé par leur inspirer. Cet homme sorti de la pauvreté et de l'humilité ne pouvait être pour eux qu'un homme ordinaire. JC 222 4 L'incrédulité les rendit méchants. Dominés par Satan, ils se mirent à pousser des cris de rage contre le Sauveur. Ils s'étaient détournés de celui qui avait pour mission de guérir et de restaurer; dès lors ils manifestaient les défauts du destructeur. JC 223 1 Quand Jésus rappela les bienfaits accordés aux Gentils, l'orgueil national de ses auditeurs fut blessé; ses paroles furent étouffées dans un tumulte. Ces gens qui se targuaient d'observer la loi étaient prêts à commettre un meurtre, offensés qu'ils étaient dans leurs préjugés. La réunion fut interrompue; on mit les mains sur Jésus, on le jeta hors de la synagogue, puis hors de la ville. Chacun paraissait en vouloir à sa vie. On le poussa au bord d'un escarpement avec l'intention de l'y précipiter. On remplissait l'air de huées et d'imprécations. Des pierres étaient jetées contre lui, quand tout à coup il disparut du milieu d'eux. Les messagers célestes qui s'étaient tenus à ses côtés dans la synagogue l'arrachèrent à la foule furieuse de ses ennemis et le conduisirent en lieu sûr. JC 223 2 Des anges avaient protégé Lot et l'avaient conduit en sûreté loin de Sodome. De même Elisée avait été gardé dans une petite ville de la montagne. Alors que les collines environnantes étaient peuplées de chars et de chevaux envoyés par le roi de Syrie, Elisée avait contemplé les armées de Dieu campées sur les pentes voisines: les chevaux et chariots de feu entourant le serviteur du Seigneur. JC 223 3 C'est ainsi qu'en tous temps des anges se sont tenus aux côtés des fidèles disciples du Christ. De vastes armées maléfiques sont coalisées contre quiconque désire obtenir la victoire; mais le Christ veut que nous regardions aux choses invisibles, aux armées célestes qui campent autour de ceux qui aiment Dieu, pour les délivrer. De combien de dangers, visibles ou non, nous avons été préservés grâce à l'intervention des anges, nous ne le saurons que lorsque la lumière de l'éternité nous permettra de reconnaître les voies providentielles de Dieu. Nous verrons alors que toute la famille des cieux s'est vivement intéressée au sort de la famille terrestre et que des messagers partis du trône de Dieu ont accompagné nos pas jour après jour. JC 223 4 Quand Jésus lut le passage prophétique dans la synagogue, il passa sous silence la dernière déclaration concernant l'oeuvre du Messie. Après avoir lu les mots: "Pour proclamer une année de grâce du Seigneur", il omit la phrase: "Et, de la part de notre Dieu, un jour de vengeance."1 Ceci était tout aussi vrai que ce qui précédait, et le silence de Jésus n'entendait pas opposer un démenti à cette vérité. Mais cette dernière expression était justement celle sur laquelle ses auditeurs aimaient à méditer et dont ils souhaitaient l'accomplissement. Ils annonçaient les jugements divins sur les païens, sans voir que leur culpabilité était encore plus grande. Ils avaient un plus grand besoin de la miséricorde divine dont ils entendaient priver les païens. Ce jour-là, alors que Jésus se tenait au milieu d'eux dans la synagogue, l'occasion leur était offerte d'accepter l'appel céleste. Celui qui "prend plaisir à faire grâce"2 ne demandait qu'à les sauver de la ruine que leurs péchés allaient entraîner. JC 224 1 Il ne voulut pas les abandonner sans leur adresser un dernier appel à la repentance. Il revint au foyer de son enfance vers la fin de son ministère en Galilée. Depuis qu'on l'y avait rejeté, la renommée de sa prédication et de ses miracles s'était répandue dans tout le pays. On ne pouvait lui dénier un pouvoir surhumain. Les habitants de Nazareth savaient qu'il allait de lieu en lieu faisant du bien et guérissant ceux que Satan opprimait. Il y avait à proximité des villages entiers où l'on n'aurait pu trouver une seule maison où l'on pût entendre les gémissements d'un malade; Jésus avait passé par là et guéri tous les malades. La compassion manifestée dans chacun de ses actes attestait l'onction divine. JC 224 2 Une fois de plus les Nazaréens furent remués par l'Esprit divin en entendant les paroles de Jésus. Cette fois encore ils ne purent admettre que cet homme, qui avait grandi au milieu d'eux, leur fût supérieur. Ils se souvenaient avec amertume que, tout en s'attribuant les promesses messianiques, il leur avait refusé une place en Israël; il les avait jugés moins dignes de la faveur divine qu'un païen, homme ou femme. Aussi, tout en s'interrogeant: "D'où lui viennent cette sagesse et ces miracles?" ils ne voulaient pas l'accepter comme le Christ de Dieu. Leur incrédulité fut cause qu'il ne put accomplir que peu de miracles parmi eux. Les coeurs ouverts à ses bienfaits n'étaient pas nombreux; aussi s'éloigna-t-il avec regret, pour toujours. JC 225 1 L'incrédulité, une fois installée chez les habitants de Nazareth, les maintint sous son emprise. Il en fut de même du sanhédrin et de la nation. Le fait d'avoir repoussé pour la première fois la démonstration de la puissance du Saint-Esprit fut, autant pour les prêtres que pour le peuple, le commencement de la fin. Pour bien montrer qu'ils avaient eu raison de lui résister, ils continuèrent à ergoter sur les paroles du Christ. Leur opposition à l'Esprit aboutit à la croix du Calvaire, à la destruction de leur cité, à la dispersion de la nation à tous les vents. JC 225 2 Combien le Christ désirait ouvrir à Israël les trésors précieux de la vérité! En raison de leur aveuglement spirituel on ne pouvait songer à leur faire connaître les vérités concernant le royaume. Ils restaient attachés à leurs croyances et à leurs vaines cérémonies tandis que la vérité du ciel attendait d'être accueillie. Ils dépensaient leur argent pour de la balle et de la paille, et négligeaient le pain de vie qui était à leur portée. Pourquoi ne sondaient-ils pas sérieusement la Parole de Dieu pour voir s'ils n'étaient pas dans l'erreur? Tous les détails du ministère du Christ se trouvaient consignés clairement dans les Ecritures de l'Ancien Testament; lui-même ne cessait de citer les prophètes en déclarant: "Aujourd'hui cette parole de l'Ecriture que vous venez d'entendre, est accomplie." S'ils avaient scruté les Ecritures avec sincérité, et soumis leurs théories à l'épreuve de la Parole de Dieu, Jésus n'aurait pas eu l'occasion de pleurer sur leur impénitence. Il n'en serait pas venu à déclarer: "Voici, votre maison vous sera laissée déserte."3 Sa messianité se serait imposée à leur esprit et l'épouvantable calamité qui réduisit en ruine leur cité orgueilleuse eût été évitée. Leur fanatisme absurde avait rétréci l'esprit des Juifs. L'enseignement du Christ mettait en évidence leurs défauts de caractère et sollicitait leur repentir. En acceptant ses enseignements, ils se seraient condamnés à modifier leurs habitudes et à abandonner les espoirs qu'ils chérissaient. Pour mériter les honneurs du ciel il fallait renoncer aux honneurs humains. Obéir aux paroles de ce nouveau rabbin, c'était aller contre les opinions des grands penseurs et docteurs contemporains. JC 226 1 La vérité, qui était impopulaire aux jours du Christ, l'est encore aujourd'hui. Elle est devenue impopulaire depuis que Satan l'a fait prendre en dégoût par les hommes en leur offrant des fables qui flattent leur vanité. Ne sommes-nous pas confrontés aujourd'hui par des théories et des doctrines privées de tout fondement biblique? On s'y attache avec autant d'obstination que les Juifs n'en montrèrent pour leurs traditions. JC 226 2 Les conducteurs juifs étaient remplis d'orgueil spirituel. Ils cherchaient leur propre gloire même dans le service du sanctuaire. Ils recherchaient les premiers sièges dans les synagogues. Ils aimaient à être salués sur les places de marché et à entendre énumérer leurs titres. Avec le déclin de la piété ils affichaient un zèle croissant pour leurs traditions et leurs cérémonies. JC 226 3 Ils ne parvenaient pas à concilier la puissance convaincante des paroles du Christ avec son humble condition, tant leur intelligence était obscurcie par d'égoïstes préjugés. Ils ne comprenaient pas que la vraie grandeur se passe d'apparat. La pauvreté de cet homme semblait contredire ses prétentions à la messianité. S'il est ce qu'il affirme, pensaient-ils, pourquoi est-il si modeste? S'il renonçait à l'usage de la force, que deviendrait leur nation? Par quels moyens les nations seraient-elles assujetties à la cité juive, de manière à réaliser la puissance et la gloire attendues? Les prêtres n'avaient-ils pas enseigné qu'Israël était appelé à régner sur la terre entière? De si grands docteurs pouvaient-ils se tromper? JC 226 4 L'absence de gloire extérieure ne suffit pas à expliquer pourquoi les Juifs ont rejeté Jésus. Il incarnait la pureté et eux étaient impurs. Sa vie au milieu des hommes était marquée par une intégrité immaculée. Sa vie irréprochable éclairait leurs coeurs; sa sincérité faisait éclater leur manque de sincérité. Il montrait le vide de leur piété prétentieuse et leur découvrait le caractère odieux de l'iniquité. Une telle lumière ne pouvait plaire. JC 227 1 Si le Christ avait attiré l'attention sur les pharisiens, s'il avait vanté leur savoir et leur piété, ils l'auraient accueilli avec joie. Mais quand il présentait le royaume des cieux comme une dispensation miséricordieuse à portée universelle, cet aspect de la religion leur était intolérable. Leur conduite et leur enseignement n'avaient jamais été de nature à faire aimer le service de Dieu. Lorsqu'ils voyaient Jésus s'occuper de ceux qui étaient l'objet de leur haine et de leur mépris, ils se sentaient agités par les pires passions de leurs coeurs orgueilleux. Malgré l'ambition qu'ils nourrissaient de voir le Lion de Juda4 assurer à Israël la prééminence sur toutes les nations, ils auraient accepté plus volontiers d'être frustrés de leurs espoirs que de supporter les reproches du Christ dénonçant leurs péchés, sans compter que la présence même du Christ les condamnait par sa pureté. ------------------------Chapitre 25 -- L'appel des disciples JC 228 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 4:18-22; Marc 1:16-20; Luc 5:1-11. JC 228 1 Le jour se levait sur la mer de Galilée. Les disciples, fatigués par une nuit d'efforts inutiles, se trouvaient encore dans leurs barques. Jésus, venu au bord de l'eau, espérait, à cette heure matinale, trouver un peu de repos, loin de la foule qui l'assiégeait constamment. Mais le peuple ne tarda pas à se rassembler en si grand nombre autour de lui, qu'il se vit pressé de tous côtés. Les disciples s'étaient approchés du rivage. Pour échapper à la multitude, Jésus entra dans la barque de Pierre et demanda à celui-ci de s'éloigner un peu. Ainsi il pouvait être mieux vu et entendu de tous, et, de son bateau, il commença à enseigner ceux qui se tenaient sur la plage. JC 228 2 Quel spectacle s'offrait à la vue des anges: leur glorieux Commandant, assis dans une barque de pêcheurs, balancé sans arrêt par les vagues, occupé à proclamer la bonne nouvelle du salut à la foule qui se pressait sur la rive! Celui que le ciel honore enseignait, en plein air et aux gens les plus ordinaires, les grandes vérités concernant son royaume. A bien prendre, il n'aurait pu choisir un champ de travail mieux adapté. Le lac, les montagnes, les champs qui s'étendaient devant lui, le soleil inondant la terre de sa lumière, tout lui fournissait des objets aptes à illustrer ses leçons et à les graver dans les esprits. Aucune de ces leçons du Christ ne restait stérile. Chaque message issu de ses lèvres apportait à quelque âme la parole de la vie éternelle. JC 228 3 La foule grossissait de plus en plus. Des vieillards appuyés sur leurs bâtons, de robustes paysans descendus des collines, des pêcheurs habitués à peiner sur le lac, des marchands et des rabbins, des riches et des savants, des personnes de tout âge amenant avec elles des malades et des affligés, se pressaient pour entendre les paroles du Maître divin. JC 229 1 C'est à de telles scènes qu'avaient pensé les prophètes en écrivant: JC 229 2 "Terre de Zabulon et terre de Nephtali, Route de la mer, au-delà du Jourdain, Galilée des païens, Le peuple, assis dans les ténèbres, a vu une grande lumière, Et sur ceux qui étaient assis dans la région et l'ombre de la mort une lumière s'est levée." JC 229 3 En prononçant son sermon au bord de la mer, Jésus pensait non seulement à la foule rassemblée sur les rives de Génésareth, mais aussi à d'autres auditeurs. Plongeant son regard à travers les âges il voyait ses fidèles en prison ou devant des tribunaux, tentés, solitaires et affligés. Toutes les joies, tous les conflits, tous les sujets d'anxiété de l'avenir lui étaient présents. Tout en s'adressant à ceux qui se pressaient autour de lui, il parlait aussi à ces autres âmes, leur transmettant un message d'espérance dans l'épreuve, de consolation dans la douleur, de lumière céleste dans les ténèbres. Grâce au Saint-Esprit, la voix qui se faisait entendre d'une barque de pêcheurs sur le lac de Galilée serait entendue annonçant la paix aux coeurs humains jusqu'à la fin des temps. JC 229 4 Le discours terminé, Jésus se tourna vers Pierre, et l'invita à s'avancer en pleine mer et à y jeter son filet. Mais Pierre était découragé. De toute la nuit il n'avait rien pris. Pendant ces heures silencieuses, il avait songé au sort de Jean-Baptiste, languissant seul dans sa prison. Il avait pensé aux perspectives s'ouvrant devant Jésus et ses disciples, au peu de succès que rencontrait la mission en Judée, à la malice des prêtres et des rabbins. Il échouait même dans l'exercice de son métier; et, tandis qu'il regardait les filets vides, l'avenir lui parut sombre et décourageant. "Maître, dit-il, nous avons travaillé toute la nuit sans rien prendre; mais, sur ta parole, je jetterai les filets." JC 229 5 La nuit est le seul moment favorable pour pêcher au filet dans les eaux claires du lac. Jeter le filet, de jour, après avoir persisté toute la nuit, sans succès, lui paraît bien inutile; mais Jésus l'a ordonné, et l'amour des disciples pour le Maître les fait obéir. Simon et son frère lancent le filet. Quand ils le ramènent, il est prêt à se rompre sous le poids des poissons. Ils sont obligés de demander l'aide de Jacques et de Jean, et bientôt les deux barques se trouvent chargées à tel point qu'elles menacent de s'enfoncer. JC 230 1 Pierre ne pense plus ni aux barques, ni à leur cargaison. Ce miracle, plus qu'aucun autre dont il ait été le témoin, lui paraît une manifestation de la puissance divine. Il voit en Jésus celui qui commande à la nature entière. Il se sent impur en présence de la divinité. Amour du Maître, honte de son incrédulité, gratitude pour la condescendance du Christ, et, par-dessus tout, conscience de son état de souillure en présence de l'infinie pureté du Maître: tous ces sentiments l'accablent. Tandis que ses compagnons vident les filets, Pierre tombe aux pieds du Sauveur en s'écriant: "Seigneur, éloigne-toi de moi, parce que je suis un homme pécheur." JC 230 2 La même présence de la sainteté divine avait fait tomber le prophète Daniel comme mort aux pieds de l'ange de Dieu. Il dit: "Mon visage changea de couleur; il devint livide et je perdis toutes mes forces." Et quand Esaïe contempla la gloire du Seigneur, il s'écria: "Malheur à moi! Je suis perdu! Car je suis un homme dont les lèvres sont impures et je demeure au milieu d'un peuple dont les lèvres sont souillées; et mes yeux ont vu le Roi, l'Eternel des armées!"1 L'humanité, avec sa faiblesse et son péché, se trouvait en contraste avec la perfection de la Divinité; aussi se sentait-il imparfait et privé de sainteté. Cette expérience a été celle de tous ceux à qui il a été donné de contempler la grandeur et la majesté de Dieu. Tout en jetant ce cri: "Eloigne-toi de moi, parce que je suis un homme pécheur", Pierre reste attaché aux pieds de Jésus, sentant bien qu'il ne peut se séparer de lui. Le Seigneur répond: "Sois sans crainte; désormais ce sont des hommes que tu prendras." JC 230 3 C'est après qu'Esaïe eut contemplé la sainteté de Dieu et reconnu sa propre indignité, que lui fut confié le divin message. C'est aussi après que Pierre eut été amené à renoncer à lui-même et à sentir sa dépendance à l'égard de la puissance divine, qu'il fut appelé à travailler pour le Christ. JC 231 1 Aucun des disciples n'avait encore collaboré entièrement à l'oeuvre du Christ. Ils avaient assisté à plusieurs de ses miracles et avaient écouté ses enseignements; mais ils n'avaient pas encore renoncé complètement à leur occupation. Ils avaient été fortement désappointés par l'emprisonnement de Jean-Baptiste. Si la mission de Jean avait eu une telle fin, il leur restait peu d'espoir pour leur Maître, alors que tous les conducteurs religieux se dressaient contre lui. C'était une diversion pour eux de retourner à leurs filets pour quelque temps. Maintenant Jésus leur demandait de tourner le dos à leur passé et de joindre leurs intérêts aux siens. Pierre avait répondu à l'appel. Ayant atteint la rive Jésus ordonna aux trois autres disciples: "Suivez-moi, et je vous ferai pêcheurs d'hommes." Ils quittèrent tout sur-le-champ et le suivirent. JC 231 2 Avant de leur demander d'abandonner leurs filets et leurs barques de pêcheurs, Jésus leur avait donné l'assurance que Dieu pourvoirait à leurs besoins. Pour avoir mis sa barque au service de l'oeuvre évangélique, Pierre se voit richement récompensé. Il est "riche pour tous ceux qui l'invoquent", celui qui a dit: "Donnez, et l'on vous donnera: on versera dans votre sein une bonne mesure, serrée, secouée et qui déborde." C'est dans cette mesure qu'ont été récompensés les services du disciple. Tout sacrifice consenti à son service sera récompensé selon "la richesse surabondante de sa grâce".2 JC 231 3 Pendant cette triste nuit passée sur le lac, loin du Christ, les disciples avaient été assiégés par le doute, et s'étaient fatigués sans résultat. Mais sa présence ranima leur foi, et leur procura joie et succès. Il en est de même pour nous; sans Christ notre oeuvre est inféconde, et nous sommes enclins au découragement et au murmure. En revanche, quand il est près, quand nous travaillons sous sa direction, nous sommes réjouis par les preuves de sa puissance. L'oeuvre de Satan consiste à décourager l'âme; celle du Christ, à lui inspirer la foi et l'espérance. JC 232 1 La leçon profonde que ce miracle avait pour but d'enseigner aux disciples, nous est aussi destinée: Celui qui, par sa parole, a rassemblé les poissons de la mer, peut attirer les coeurs humains par les liens de son amour, et faire ainsi, de ses serviteurs, des pêcheurs d'hommes. JC 232 2 Ces pêcheurs de Galilée sont simples et ignorants; mais le Christ, la lumière du monde, les a préparés à l'oeuvre pour laquelle il les a choisis. Le Sauveur ne méprisait pas l'instruction; la culture intellectuelle est une bénédiction quand elle est mise au service de Dieu et qu'elle reste sous le contrôle de son amour; cependant, il laissa de côté les sages de son temps: ils avaient trop d'égoïsme et de confiance en eux-mêmes pour aimer l'humanité souffrante, et devenir les collaborateurs de l'homme de Nazareth. Leur étroitesse d'esprit les empêchait de se laisser enseigner par le Christ. Le Seigneur Jésus cherche la coopération d'instruments dociles servant à communiquer sa grâce. La première chose que doit faire celui qui veut devenir ouvrier avec Dieu, c'est d'apprendre à se défier de lui-même; ainsi seulement on peut devenir participant du caractère du Christ. Ce résultat ne s'obtient pas par la science des écoles, mais par la sagesse apprise, uniquement, auprès du divin Maître. JC 232 3 Jésus choisit des pêcheurs non imbus des traditions et des coutumes de leur temps: hommes naturellement bien doués, humbles et désireux d'apprendre, qu'il pouvait former en vue de son oeuvre. On rencontre, dans les humbles sentiers de la vie, des hommes occupés aux besognes les plus modestes, et possédant, sans le savoir, des facultés qui, développées, les mettraient sur un pied d'égalité avec les hommes les plus honorés. L'attouchement d'une main habile éveille ces facultés latentes. De tels hommes furent appelés à devenir les collaborateurs de Jésus et eurent l'avantage de lui être associés. Les grands de ce monde n'ont jamais eu un tel maître. Quand les disciples sortirent de l'école du Sauveur, ce n'étaient plus des hommes ignorants et incultes. Ils s'étaient rapprochés de lui par l'esprit et le caractère, et l'on se rendait compte, en les voyant, qu'ils avaient été avec Jésus. JC 233 1 L'oeuvre de l'éducation ne consiste pas principalement en la communication de connaissances: c'est aussi la transmission d'une énergie vivifiante par le contact d'un esprit avec un autre, d'une âme avec une autre. La vie seule engendre la vie. Quel privilège fut celui des disciples qui, pendant trois années, furent en contact quotidien avec cette vie divine d'où découlent tous les bienfaits dont le monde a été enrichi. Plus que tous ses compagnons, Jean, le disciple bien-aimé, subit l'influence de cette vie merveilleuse. Il dit: "La vie a été manifestée, nous l'avons vue, nous en rendons témoignage, et nous vous annonçons la vie éternelle, qui était auprès du Père et qui nous a été manifestée." "Et nous avons tous reçu de sa plénitude, et grâce pour grâce."3 JC 233 2 Les apôtres du Seigneur n'avaient, en eux-mêmes, aucun sujet de se glorifier. Il était visible que le succès de leurs travaux était dû à Dieu seul. La vie de ces hommes et l'oeuvre puissante que Dieu les mit à même d'accomplir, montrent ce que Dieu est prêt à faire en faveur de tous ceux qui sont dociles et obéissants. JC 233 3 C'est celui qui a le plus d'amour pour le Christ qui fera le plus de bien. Il n'y a pas de limites à l'utilité de celui qui, en mettant le moi de côté, fait place en son coeur à l'opération du Saint-Esprit et consacre toute sa vie à Dieu. Ceux qui se soumettront à la discipline nécessaire, sans se plaindre et sans succomber le long du chemin, Dieu les instruira heure par heure, jour après jour. Dieu ne demande pas mieux que de révéler sa grâce. Il fera couler en abondance, par les canaux humains, les eaux du salut sur son peuple, si celui-ci enlève les obstacles. Si des hommes modestes étaient encouragés à faire tout le bien possible, si leur zèle n'était pas réprimé, le Christ aurait des centaines d'ouvriers là où il ne s'en trouve qu'un. JC 233 4 Dieu prend les hommes tels qu'ils sont et les façonne pour son service s'ils se soumettent à lui. Quand une âme reçoit l'Esprit de Dieu, toutes ses facultés sont vivifiées. L'esprit qui se consacre à Dieu sans réserve, se développe harmonieusement, sous la direction du Saint-Esprit, et il devient capable de comprendre et de satisfaire les exigences de Dieu. Le caractère faible et vacillant devient fort et ferme. Par une adoration continuelle, le chrétien crée, entre lui et Jésus, une relation si étroite qu'il lui devient peu à peu semblable par l'esprit et le caractère. Ses rapports avec le Christ lui donneront des vues toujours plus claires et plus larges. Il acquerra un discernement plus pénétrant, un jugement mieux équilibré. Celui qui désire se mettre au service du Christ, est tellement vivifié par la puissance du Soleil de justice, qu'il porte, à la gloire de Dieu, des fruits abondants. JC 234 1 Des hommes versés dans les arts et les sciences ont appris de précieuses leçons de la part d'humbles chrétiens considérés comme ignorants. C'est que ces obscurs disciples s'étaient instruits à la meilleure des écoles. Ils s'étaient assis aux pieds de celui qui parlait comme personne n'avait parlé avant lui. ------------------------Chapitre 26 -- À Capernaüm JC 235 1 Dans les intervalles qui s'écoulaient entre ses divers voyages, Jésus demeurait à Capernaüm; on finit par désigner cette ville comme étant sa propre ville. Elle était située au bord de la mer de Galilée, à proximité de la magnifique plaine de Génésareth. JC 235 2 La profonde dépression du lac assure un climat méridional à la plaine qui l'entoure. Au temps du Christ on y voyait prospérer le palmier et l'olivier; il y avait des vergers, des vignes, des champs verdoyants, une abondance de fleurs variées, le tout arrosé par des ruisseaux descendant des hauteurs. Les rives du lac et les collines voisines étaient émaillées de villes et de villages. Le lac était couvert de barques de pêche. Partout une vie active. JC 235 3 Capernaüm convenait comme centre d'activité pour le Sauveur. Située sur la route qui va de Damas à Jérusalem et en Egypte, ainsi que vers la mer Méditerranée, c'était un lieu de passage très fréquenté. Des gens venant de différentes contrées passaient par la ville ou s'y arrêtaient au cours de leur voyage, pour s'y reposer. Jésus y rencontrait des personnes appartenant à toutes les nations et à tous les rangs, des riches et des grands aussi bien que des pauvres et des humbles, et de là ses enseignements étaient transportés dans d'autres pays et dans beaucoup de familles. On était poussé à étudier les prophéties, l'attention se dirigeait vers le Sauveur, et le monde apprenait à connaître sa mission. JC 235 4 Malgré l'action intentée contre Jésus par le sanhédrin, on attendait avec anxiété la suite de sa mission. Le ciel tout entier éprouvait le plus vif intérêt. Des anges ouvraient la voie devant son ministère, remuant les coeurs et les attirant au Sauveur. JC 236 1 A Capernaüm, le fils de l'officier, qui avait été guéri, était un témoignage rendu à la puissance du Christ. Le fonctionnaire et sa famille affirmaient joyeusement leur foi. Quand on apprit l'arrivée du Maître, la ville entière fut émue. Des foules accouraient en sa présence. La synagogue fut tellement remplie, le jour du sabbat, que beaucoup de personnes durent s'en retourner sans avoir trouvé une place. JC 236 2 Quand on entendait le Sauveur, "on était frappé de son enseignement; car il parlait avec autorité". "Il les enseignait comme quelqu'un qui a autorité, et non pas comme leurs scribes."1 L'enseignement des scribes et des anciens était froid, formaliste, comme une leçon répétée machinalement. Chez eux la Parole de Dieu était dépourvue de puissance vitale. Ils lui substituaient leurs propres idées, leurs traditions. Aucune inspiration divine ne venait remuer leurs coeurs ou ceux de leurs auditeurs pendant qu'ils expliquaient la loi au cours de leurs services habituels. JC 236 3 Jésus ne s'occupait nullement des sujets discutés par les Juifs. Son rôle se bornait à présenter la vérité. Ses paroles répandaient un flot de lumière sur les enseignements des patriarches et des prophètes, et les Ecritures prenaient l'allure d'une révélation toute nouvelle. Ses auditeurs n'avaient encore jamais aperçu, auparavant, la signification profonde de la Parole de Dieu. JC 236 4 Jésus se plaçait au niveau de ses auditeurs et montrait que leurs problèmes lui étaient familiers. Il faisait ressortir la beauté de la vérité en la présentant de la manière la plus directe et la plus simple. Son langage était pur, distingué, clair comme le cristal. Sa voix faisait l'effet d'une douce musique sur ceux qui étaient habitués à la voix monotone des rabbins. Malgré la simplicité de son enseignement, il parlait comme ayant autorité, ce qui établissait un contraste avec l'enseignement donné par d'autres docteurs. Les rabbins s'exprimaient avec des doutes et de l'hésitation, comme si les Ecritures étaient susceptibles d'interprétations opposées. Leurs auditeurs étaient dans une incertitude croissante. Mais Jésus enseignait les Ecritures en leur attribuant une autorité indiscutable. Quel que fût le sujet, il le présentait avec puissance, et ses arguments étaient irréfutables. JC 237 1 Il était plus fervent que véhément. Il parlait comme ayant une tâche bien définie à remplir. Il mettait en lumière les réalités du monde éternel. Dieu se trouvait révélé dans chaque thème. Jésus s'efforçait de rompre le charme qui retenait les hommes absorbés par les choses de la terre. Il montrait les choses de la vie dans leurs vrais rapports, les subordonnant aux intérêts éternels, sans toutefois en méconnaître l'importance. Il montrait comment le ciel et la terre sont reliés l'un à l'autre, comment la connaissance de la vérité divine prépare les hommes à mieux accomplir leurs devoirs quotidiens. Il parlait comme quelqu'un à qui le ciel était familier, conscient de ses rapports avec Dieu ainsi que de son unité avec chaque membre de la famille humaine. JC 237 2 Il variait ses messages de grâce de manière à s'adapter aux besoins de ses auditeurs. Il savait "fortifier par la parole" celui qui était "abattu";1 car la grâce était répandue sur ses lèvres pour lui permettre de dévoiler aux hommes les trésors de la vérité, et cela de la manière la plus attrayante. Il abordait avec tact les esprits influencés par des préjugés et gagnait leur admiration par des images bien choisies. Il atteignait le coeur en passant par l'imagination. Ses comparaisons étaient empruntées à la vie courante; quoique simples, elles revêtaient une signification profonde. Les oiseaux du ciel, les lis des champs, la semence, le berger et les brebis: tout cela servait à illustrer les vérités immortelles présentées par le Christ; chaque fois que, par la suite, ses auditeurs revoyaient ces choses de la nature, ses paroles leur revenaient à la mémoire. Ainsi les comparaisons employées par le Christ répétaient sans cesse leurs leçons. JC 237 3 Le Christ ne flattait jamais les hommes. Il ne disait rien qui pût exciter leur fantaisie ou leur imagination; il ne les félicitait pas de leurs inventions habiles; de profonds penseurs, dépourvus de préjugés, appréciaient son enseignement qui défiait leur sagesse. Ils s'étonnaient de voir des vérités spirituelles exprimées dans un aussi simple langage. Les plus instruits étaient sous le charme de sa parole et les moins cultivés en retiraient aussi du profit. Il avait un message pour les illettrés; les païens eux-mêmes sentaient que son message s'adressait à eux. JC 238 1 Ses tendres compassions se posaient délicatement sur des coeurs fatigués et troublés. Une atmosphère de paix l'entourait même au milieu d'une foule turbulente d'ennemis irrités. La beauté de son maintien, la gentillesse de son caractère, et surtout l'amour qui se dégageait de son regard et de sa voix, attiraient à lui quiconque n'était pas endurci par l'incrédulité. Sans la douceur et la sympathie qui brillaient dans chacun de ses regards, dans chacune de ses paroles, il n'eût pas rassemblé de si grandes foules autour de lui. Les affligés qui accouraient à lui sentaient qu'il prenait part à leurs intérêts comme un ami fidèle et tendre; aussi désiraient-ils mieux connaître les vérités qu'il enseignait. On sentait que le ciel s'était rapproché. On désirait jouir longtemps de sa présence et rester toujours sous l'influence de son amour réconfortant. JC 238 2 Jésus surveillait avec un intérêt intense l'expression changeante de ses auditeurs. Les visages exprimaient-ils intérêt et plaisir? Il en éprouvait de la satisfaction. Le Sauveur constatait avec joie que les flèches de la vérité atteignaient les âmes à travers les barrières de l'égoïsme, amenant la contrition d'abord, puis la gratitude. Quand, promenant ses regards sur son vaste auditoire, il y reconnaissait des personnes qu'il avait déjà vues, la joie éclairait son visage. Il découvrait en elles de possibles sujets pour son royaume. Quand la vérité, dite avec franchise, frappait une idole chérie, il apercevait un changement d'expression: un regard froid, distant, disait assez que la lumière n'était pas accueillie. Son coeur était transpercé de part en part à la vue d'hommes refusant d'accepter le message de paix. JC 238 3 Dans la synagogue, Jésus parlait du royaume qu'il était venu établir, et de la mission qu'il devait accomplir en délivrant les captifs de Satan. Il fut interrompu par un cri déchirant. Un aliéné s'élança de la foule, criant: "Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth? Tu es venu nous perdre. Je sais qui tu es: le Saint de Dieu."2 JC 239 1 Tous étaient dans la confusion et la crainte. Les auditeurs du Christ étaient distraits, et ses paroles n'étaient plus écoutées. C'était là le but que Satan s'était proposé en introduisant sa victime dans la synagogue. Mais Jésus reprit le démon: "Tais-toi et sors de cet homme. Le démon projeta celui-ci au milieu (de l'assemblée) et sortit de lui sans lui faire aucun mal." JC 239 2 Ce misérable avait eu l'esprit obscurci par Satan; la présence du Sauveur fit pénétrer en lui un rayon de lumière. Il désira échapper à la domination de Satan; mais le démon s'opposait à la puissance du Christ. Quand cet homme voulut implorer le secours de Jésus, le mauvais esprit plaça ses propres paroles dans sa bouche et lui arracha un cri de terreur. Le démoniaque se rendait cependant compte, jusqu'à un certain point, qu'il était en présence de celui qui pouvait le délivrer; pourtant une puissance étrangère le retint lorsqu'il essaya de se mettre à la portée de cette main puissante, et il dut s'exprimer par d'autres paroles que celles qu'il avait dans la pensée. Un conflit redoutable s'élevait entre la puissance de Satan et le désir de liberté que ressentait le démoniaque. JC 239 3 Celui qui avait vaincu Satan au désert de la tentation se retrouvait maintenant face à face avec l'ennemi. Le démon déploya toute sa puissance pour garder sa victime. Abandonner le terrain cette fois-ci, c'était laisser la victoire à Jésus. On put croire que le malheureux supplicié allait perdre la vie en luttant avec l'ennemi, cause de sa ruine. Mais le Sauveur parla avec autorité, et le captif fut rendu à la liberté. L'homme qui avait été possédé se tint joyeusement libre et maître de lui-même en présence de la foule émerveillée. Le démon lui-même avait rendu témoignage à la divine puissance du Sauveur. JC 239 4 L'homme libéré célébra les louanges de Dieu. Cet oeil, qui naguère jetait des éclairs de folie, rayonnait maintenant d'intelligence, versant des larmes de reconnaissance. La foule était muette d'étonnement. Quand ils se furent ressaisis, tous s'écrièrent: "Qu'est-ce que ceci? Une nouvelle doctrine (donnée) avec autorité! Il commande même aux esprits impurs, et ils lui obéissent."3 JC 240 1 C'est par sa propre conduite que cet homme s'était attiré cette affliction par laquelle il était devenu un spectacle effrayant pour ses amis et un fardeau pour lui-même. Fasciné par les plaisirs du péché, il avait pensé faire de la vie un carnaval ininterrompu. Loin de penser qu'il deviendrait un objet de terreur pour le monde et d'opprobre pour sa famille, il pensait pouvoir passer son temps dans des folies qu'il jugeait innocentes. Mais une fois engagé sur la pente, son pied glissa rapidement. Les nobles attributs de sa nature furent pervertis par l'intempérance et la frivolité, et Satan prit complètement possession de lui. JC 240 2 Les remords vinrent trop tard. Richesses et plaisirs, il aurait tout sacrifié pour recouvrer la santé, mais il était maintenant sans espoir la proie du malin. Il s'était placé sur le terrain de l'ennemi, et Satan s'était emparé de toutes ses facultés. Le tentateur l'avait séduit par ses charmes; quand le malheureux fut en son pouvoir, l'ennemi se montra cruel, et lui fit de terribles visites. Ainsi arrive-t-il à quiconque cède au mal; les plaisirs attrayants du début aboutissent aux ténèbres du désespoir ou à la folie de l'âme ruinée. JC 240 3 Le même mauvais esprit qui avait tenté le Christ au désert et pris possession de l'aliéné de Capernaüm gouvernait les Juifs incrédules. Mais il prenait auprès d'eux un air pieux, cherchant à les tromper au sujet des motifs qui les avaient amenés à rejeter le Sauveur. Leur condition était plus désespérée que celle du démoniaque, car ils n'éprouvaient aucun besoin d'être secourus par le Christ; ils étaient retenus fermement sous le pouvoir de Satan. JC 240 4 La période pendant laquelle le Christ exerça son ministère parmi les hommes, fut marquée par la plus grande activité des forces du royaume des ténèbres. Durant des siècles Satan et ses mauvais anges s'étaient efforcés de dominer les corps et les âmes des hommes, afin de les précipiter dans le péché et la souffrance; puis il avait rendu Dieu responsable de cette misère. Jésus voulait révéler aux hommes le caractère de Dieu. Il était venu pour briser la puissance de Satan et mettre en liberté ses captifs. Une vie nouvelle, un amour et une puissance célestes agissaient sur les coeurs des hommes, et le prince du mal se leva pour maintenir la suprématie de son royaume. Satan rallia toutes ses forces, et s'opposa à chaque pas à l'oeuvre du Christ. JC 241 1 Il en sera de même dans la dernière phase du grand conflit que la justice livrera au péché. Alors qu'une vie, une lumière et une puissance nouvelles descendent d'en haut sur les disciples du Christ, une puissance surgit des profondeurs pour galvaniser les instruments de Satan. Tout ce qui est terrestre subit alors une recrudescence. Instruit par des siècles de lutte, le prince du mal travaille sous un déguisement. Il se présente, sous les apparences d'un ange de lumière, aux foules qui s'attachent "à des esprits séducteurs et à des doctrines de démons".4 JC 241 2 Aux jours du Christ les conducteurs et les docteurs d'Israël n'étaient pas capables de résister à l'action de Satan. Ils négligeaient les seuls moyens qui leur eussent permis de tenir tête aux assauts des mauvais esprits. C'est par la Parole de Dieu que le Christ avait vaincu le malin. Les conducteurs d'Israël, qui professaient enseigner la Parole de Dieu, l'avaient étudiée à seule fin d'y trouver des arguments en faveur de leurs traditions, qui leur permettraient d'imposer leurs ordonnances d'origine purement humaine. Leur interprétation lui faisait dire le contraire de ce que Dieu avait voulu. Leurs spéculations mystiques rendaient obscur ce qu'il avait présenté clairement. On discutait sur des détails insignifiants, ce qui tendait à éliminer les vérités essentielles. Ainsi l'incrédulité était semée à tous les vents, la Parole de Dieu était dépouillée de sa puissance et les mauvais esprits avaient beau jeu. JC 241 3 L'histoire se répète. Beaucoup de dirigeants religieux de notre temps, la Bible ouverte devant eux, et avec des marques de respect pour ses enseignements, ne font que détruire la confiance en la Parole de Dieu. Ils s'acharnent à la disséquer et ils érigent leurs propres opinions au-dessus de ses déclarations les plus catégoriques. Dans de telles mains la Parole de Dieu perd son pouvoir régénérateur. Ceci explique pourquoi l'incrédulité triomphe et l'iniquité abonde. JC 242 1 Lorsque Satan réussit à saper la foi en la Bible, il dirige les hommes vers d'autres sources de lumière et de puissance. C'est ainsi qu'il s'introduit. Ils se placent sous l'influence des démons, ceux qui se détournent des clairs enseignements de l'Ecriture et de la conviction que le Saint-Esprit produit en eux. La critique et les spéculations qui se sont donné libre cours, touchant les Ecritures, ont ouvert la voie au spiritisme et à la théosophie -- ces formes modernes de l'ancien paganisme -- et leur ont permis de s'établir même au sein de sociétés faisant profession d'être les Eglises de notre Seigneur Jésus-Christ. JC 242 2 Parallèlement à la prédication de l'Evangile, une oeuvre se poursuit par l'intermédiaire d'esprits mensongers. On joue d'abord, par simple curiosité, avec ces esprits, mais on est vite leurré lorsqu'on aperçoit à l'oeuvre une puissance surhumaine, et l'on ne peut plus alors échapper au contrôle direct d'une volonté étrangère. JC 242 3 Les barrières qui protègent l'âme sont renversées. Plus de digue contre le péché. Personne ne prévoit, alors, à quel degré de corruption il atteindra s'il repousse la protection de la Parole de Dieu et s'il rejette son Esprit. Un péché secret ou une passion dominante peut le retenir aussi captif que l'a été le démoniaque de Capernaüm. Pourtant une telle condition n'est pas sans espoir. JC 242 4 Le moyen par lequel le Christ a vaincu le méchant nous est encore offert: c'est la puissance de la Parole. Dieu ne s'impose pas à nos esprits; mais si nous désirons le connaître et faire sa volonté, cette promesse est pour nous: "Vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libres." "Si quelqu'un veut faire sa volonté, il reconnaîtra si cet enseignement vient de Dieu."5 Par la foi en ces promesses, chacun sera délivré des pièges de l'erreur et de la domination du péché. JC 242 5 Tout homme est libre de choisir son maître. Personne n'est si bas tombé, personne n'est si avili, qu'il ne puisse trouver en Christ sa délivrance. Le démoniaque, ayant essayé de prier, n'avait fait que prononcer les paroles de Satan; cependant l'appel, non exprimé, de son coeur fut entendu. Aucun cri d'une âme en détresse, même si ce cri ne peut se traduire par des mots, ne reste sans réponse. Ceux qui consentiront à faire alliance avec le Dieu du ciel ne seront pas abandonnés au pouvoir de Satan ou à l'infirmité de la chair. Le Sauveur les invite à avoir recours à sa protection et à faire la paix avec lui."6 Les esprits des ténèbres lutteront pour retenir une âme sous leur domination, mais les anges de Dieu déploieront en sa faveur une puissance supérieure. Le Seigneur dit: "Le butin de l'homme fort lui sera-t-il arraché et les justes, retenus captifs, seront-ils délivrés? Ainsi parle l'Eternel: Oui, les captifs de l'homme fort lui seront enlevés et la proie de l'homme violent lui sera arrachée. Car je serai ton champion contre tes adversaires et c'est moi qui délivrerai tes enfants".7 JC 243 1 L'assemblée se trouvait encore dans la synagogue, sous le charme de ce qui s'était passé, lorsque Jésus se retira dans la maison de Pierre pour se reposer un moment. Une ombre encore avait passé ici. La belle-mère de Pierre était malade: elle avait une fièvre violente. Jésus chassa le mal, et la malade se leva et servit le Maître et ses disciples. JC 243 2 Le bruit des oeuvres du Christ se répandit dans toute la ville de Capernaüm. Les gens n'osaient pas venir à Jésus pour être guéris le jour du sabbat, par crainte des rabbins; mais un grand mouvement se produisit dès que le soleil eut disparu. Les habitants de la ville sortaient des maisons, des boutiques, des marchés, pour se rendre à l'humble demeure qui abritait Jésus. Les malades arrivaient, portés sur des lits ou s'appuyant sur des béquilles; ou encore, chancelants, aidés par des amis. JC 243 3 C'était un va-et-vient continuel; car personne ne savait si le Guérisseur se trouverait encore là le lendemain. Capernaüm n'avait jamais vu un jour pareil. Des cris de triomphe et de délivrance remplissaient l'air. Le Sauveur jouissait du bonheur qu'il avait répandu autour de lui. A la vue des souffrances de ceux qui venaient à lui, son coeur était ému de pitié, et il était heureux de pouvoir leur rendre la santé et le bonheur. JC 243 4 Jésus ne cessa son activité qu'après avoir soulagé la dernière souffrance. Très tard dans la nuit, la foule s'en alla et le silence descendit sur la maison de Simon. Alors, après cette journée longue et fatigante, Jésus chercha du repos. Mais tandis que la ville était encore plongée dans le sommeil, "vers le matin, pendant qu'il faisait encore très nuit, il se leva et sortit pour aller dans un lieu désert où il se mit à prier".8 JC 244 1 Ainsi se passaient les premiers jours du ministère terrestre de Jésus. Souvent il donnait congé à ses disciples afin de leur permettre de se reposer chez eux; lui, résistait doucement à leurs efforts pour le distraire de ses travaux. Tout le jour il besognait, enseignant les ignorants, guérissant les malades, rendant la vue aux aveugles, nourrissant la foule; le soir et le matin, de bonne heure, il allait à la montagne comme à un sanctuaire pour y communier avec son Père. Il lui arrivait, souvent, de passer la nuit entière dans la prière et la méditation, pour reprendre son activité parmi le peuple au lever du soleil. JC 244 2 De bonne heure, le matin, Pierre et ses compagnons vinrent dire à Jésus que déjà les habitants de Capernaüm étaient à sa recherche. Les disciples avaient éprouvé une amère déception en voyant comment le Christ avait été reçu jusque là. Les autorités de Jérusalem voulaient le faire mourir; ses propres concitoyens avaient tenté de lui ôter la vie; mais Capernaüm l'accueillait avec un joyeux enthousiasme, et les espérances des disciples en furent ranimées. Peut-être que, parmi ces Galiléens épris de liberté, se trouveraient des adhérents de la religion nouvelle. Pourtant ils eurent la surprise d'entendre ces paroles du Christ: "Il faut aussi que j'annonce aux autres villes la bonne nouvelle du royaume de Dieu; car c'est pour cela que j'ai été envoyé."9 JC 244 3 Au milieu de l'excitation qui régnait à Capernaüm, on risquait de perdre de vue l'objet de sa mission. Jésus ne se contentait pas d'attirer l'attention sur lui-même, en qualité de thaumaturge ou de guérisseur. Il s'efforçait d'attirer les hommes à leur Sauveur. Ces gens-là étaient enclins à croire qu'il venait en qualité de roi, afin d'établir une royauté terrestre; il voulait détourner leurs esprits des choses terrestres et les diriger vers les choses spirituelles. Un succès purement mondain eût compromis son oeuvre. JC 245 1 L'admiration d'une foule insouciante le contrariait. Dans toute sa vie il n'eut jamais la pensée de se faire valoir. Le Fils de l'homme était étranger aux hommages que le monde accorde à la position, à la richesse ou aux talents. Jésus n'employa aucun des moyens qui servent aux hommes à gagner des adhésions ou à arracher des hommages. Plusieurs siècles avant sa naissance il avait prophétisé à son sujet: "Il ne criera point; il n'élèvera point sa voix et ne la fera pas entendre dans les rues. Il ne brisera pas le roseau froissé et il n'étouffera pas le lumignon qui va s'éteindre. Il fera régner la justice en toute vérité. Il n'aura ni défaillance ni découragement jusqu'à ce qu'il ait établi la justice sur la terre."10 JC 245 2 Les pharisiens cherchaient à se distinguer en accomplissant scrupuleusement des cérémonies, et en pratiquant, avec ostentation, des actes de culte et de bienfaisance. Ils prouvaient leur zèle pour la religion en faisant d'elle un sujet de discussion. Les sectes rivales se disputaient avec ardeur, et il n'était pas rare d'entendre dans les rues les voix irritées de savants docteurs de la loi engagés dans des controverses. JC 245 3 La vie de Jésus était tout l'opposé de cela. Chez lui aucune dispute bruyante, aucune parade dans le culte; rien n'était fait pour gagner les applaudissements. Le Christ était caché en Dieu, et Dieu se manifestait dans le caractère de son Fils. Jésus voulait que cette révélation devînt l'objet des pensées du peuple et qu'elle reçût leurs hommages. JC 245 4 Le Soleil de justice n'éclata pas soudain dans sa splendeur sur le monde pour l'éblouir de sa gloire. Il est écrit concernant le Christ: "Son apparition est certaine comme celle de l'aurore."11 C'est insensiblement que le jour se lève sur la terre chassant les ombres de la nuit et réveillant le monde. Ainsi se leva le Soleil de justice, portant "la santé dans ses rayons".12 ------------------------Chapitre 27 -- Tu peux me rendre pur JC 246 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 8:2-4; 9:1-8, 32-34; Marc 1:40-45; 2:1-12; Luc 5:12-28. JC 246 1 De toutes les maladies connues en Orient, la lèpre était la plus redoutée. Sa nature incurable, son caractère contagieux et ses répugnants effets épouvantaient les plus courageux. Les Juifs la considéraient comme une punition et l'appelaient "le fléau", "le doigt de Dieu". Opérant ses ravages en profondeur, indéracinable, mortelle, on y voyait un symbole du péché. La loi cérémonielle déclarait impur le lépreux. Mort vivant, il était exclu des habitations humaines. Tout ce qu'il touchait devenait souillé. L'air lui-même était contaminé par sa respiration. Celui chez qui l'on soupçonnait la terrible maladie devait se présenter aux prêtres, chargés d'examiner son cas et de prendre une décision. Si la lèpre était déclarée, le malade était séparé de sa famille, retranché de l'assemblée d'Israël; il ne lui restait qu'à rejoindre ceux qui souffraient du même mal. Les exigences de la loi étaient inflexibles. Rois et gouverneurs ne pouvaient y échapper. Attaqué par ce terrible mal, un monarque devait abandonner le sceptre et fuir loin de la société. JC 246 2 Eloigné de ses parents et de ses amis, le lépreux devait supporter sa maladie comme une malédiction. Il devait publier son malheur, déchirer ses vêtements et donner l'alarme pour que l'on pût fuir la contamination. Le cri: Impur! impur! lancé sur un ton morne par un exilé solitaire était un signal que l'on redoutait et que l'on détestait. JC 246 3 Beaucoup de lépreux vivaient dans la région où le Christ exerçait son ministère; ces malheureux entendirent parler de l'oeuvre du Messie et une lueur d'espérance éclaira leur misère. Cependant depuis les jours du prophète Elie aucune guérison de lépreux ne s'était produite et l'on n'osait attendre de Jésus un miracle que lui-même n'avait jamais fait. Il se trouva pourtant un lépreux dont la foi s'éveillait; mais comment cet être, exclu de la société des hommes, pourrait-il atteindre Jésus, se présenter au Guérisseur? Le Christ voudrait-il le guérir, lui, infortuné, apparemment frappé d'un jugement divin? Ne lui jetterait-il pas plutôt l'anathème ainsi que le faisaient les pharisiens et même les médecins, et ne lui serait-il pas enjoint de fuir les lieux habités? Il pense à tout ce qu'il a entendu dire de Jésus. Personne encore n'a cherché vainement du secours auprès de lui. Le misérable décide d'aller trouver le Sauveur. Les villes lui sont interdites: peut-être pourra-t-il rencontrer le Messie sur quelque chemin de montagne ou bien lorsqu'il enseigne dans les campagnes. Il n'ignore pas les difficultés d'une telle entreprise, mais aucune autre possibilité ne s'ouvre devant lui. JC 247 1 Le lépreux fut guidé vers le Sauveur, qui, entouré de la foule, prêchait au bord du lac. Bien qu'il se tînt à quelque distance, il saisissait certaines paroles du Sauveur. Il le voyait poser ses mains sur des malades. Il voyait des boiteux, des aveugles, des paralytiques et des malheureux affligés de toutes sortes de maladies mortelles se lever soudain pleins de santé et louant Dieu de leur délivrance. La foi s'affermit dans son coeur. Il ose s'avancer. Il oublie les restrictions dont il est l'objet, la sécurité de la foule, la crainte que tous éprouvent à sa vue. Il ne pense plus qu'à la joyeuse espérance d'être guéri. JC 247 2 Le spectacle qu'il offre est repoussant. La maladie a fait d'effroyables progrès, et la décomposition de la chair est horrible à voir. On recule de terreur pour éviter son contact. C'est une bousculade. Quelques-uns s'efforcent de l'écarter de Jésus, mais en vain. Il ne voit ni n'entend personne. Il n'aperçoit pas leur expression de dégoût. Il ne voit que le Fils de Dieu. Il n'entend que la voix qui rend la vie aux mourants. Il s'avance vers Jésus et se jette à ses pieds en poussant ce cri: "Seigneur, si tu le veux, tu peux me rendre pur." Jésus posa sa main sur lui et lui dit: "Je le veux, sois purifié." JC 248 1 Un changement immédiat se produisit chez le lépreux. Sa chair redevint saine, ses nerfs recouvrèrent leur sensibilité, ses muscles leur fermeté. La peau rude et écailleuse, caractéristique de la lèpre, fit place à une peau souple d'enfant en santé. JC 248 2 Jésus ordonna à cet homme de ne pas publier l'oeuvre accomplie en sa faveur, mais d'aller se présenter au temple sans retard avec une offrande. Cette offrande ne serait acceptée qu'après l'examen du prêtre déclarant l'homme entièrement net. Si peu désireux que l'on fût d'accomplir un tel acte, on ne pourrait éviter cet examen ni se récuser. JC 248 3 L'Ecriture souligne l'insistance avec laquelle Jésus enjoignit le silence et ordonna une prompte démarche. "Jésus le renvoya aussitôt, avec de sévères recommandations, et lui dit: Garde-toi de rien dire à personne; mais va te montrer au prêtre, et fais pour ta purification l'offrande que Moïse a prescrite, afin que cela leur serve de témoignage." Si les prêtres avaient connu la guérison du lépreux, la haine qu'ils éprouvaient pour le Christ aurait pu leur dicter une sentence non conforme à la vérité. Jésus voulait donc que cet homme se présentât au temple avant que le bruit du miracle y fût parvenu. Le lépreux guéri obtiendrait alors une décision impartiale, et recevrait l'autorisation de rejoindre les siens. JC 248 4 Le Christ avait d'autres raisons pour enjoindre le silence à cet homme. Le Sauveur savait que ses ennemis cherchaient toujours à limiter son activité et à éloigner de lui le peuple. Il savait qu'au cas où la nouvelle de la guérison du lépreux se répandrait, d'autres malheureux affligés du terrible mal accourraient auprès de lui et l'on ferait courir le bruit que la population était contaminée par leur contact. La guérison de plusieurs de ces lépreux n'aurait été une bénédiction ni pour eux ni pour d'autres. En attirant à lui les lépreux il eût semblé donner raison à ceux qui l'accusaient de rompre les barrières établies par la loi rituelle. Et ceci aurait entravé la prédication de l'Evangile. Les événements donnèrent raison à Jésus. Des quantités de gens avaient assisté à la guérison du lépreux; on attendait avec impatience la décision des prêtres. Quand cet homme retourna auprès de ses amis, il y eut une grande effervescence. Malgré l'appel de Jésus à la prudence, l'homme ne chercha pas à cacher le fait de sa guérison. Il est vrai qu'il était difficile de le cacher, mais le lépreux le publia tout à l'entour. S'imaginant que seule la modestie de Jésus avait motivé la défense, il s'en alla proclamer la puissance du grand Guérisseur. Il ne comprenait pas que de telles manifestations n'avaient d'autre effet que de précipiter la décision des prêtres et des anciens de mettre à mort Jésus. L'homme qui avait été l'objet d'une guérison appréciait comme un immense bienfait le retour à la santé. Heureux d'avoir retrouvé sa vigueur, et d'avoir été rendu à sa famille et à la société, il ne pouvait s'empêcher de donner gloire au Médecin qui l'avait guéri. Par là il contribua à restreindre l'oeuvre du Sauveur. Cela attira de telles multitudes que Jésus dut interrompre ses travaux. JC 249 1 Chacun des actes du Christ avait une portée immense, qui dépassait ce que l'on pouvait penser. C'est ce qui arriva pour le lépreux. Alors que Jésus servait ceux qui venaient à lui, il désirait ardemment bénir ceux qui ne venaient pas. Tout en attirant les péagers, les païens, les Samaritains, il eût voulu gagner les prêtres et les docteurs emprisonnés dans les préjugés et les traditions. Il ne négligea aucun moyen pour les atteindre. En envoyant le lépreux aux prêtres, il leur offrait un témoignage visant à désarmer leurs préjugés. JC 249 2 Les pharisiens prétendaient que l'enseignement du Christ s'opposait à la loi que Dieu avait donnée par Moïse; il réfutait cette calomnie en ordonnant au lépreux purifié de présenter une offrande conformément à la loi. Ce témoignage eût été suffisant s'ils avaient consenti à se laisser convaincre. JC 249 3 Les chefs avaient envoyé des espions de Jérusalem afin de trouver un prétexte pour mettre à mort le Christ. Sa réponse leur prouvait son amour pour l'humanité, son respect de la loi, son pouvoir pour délivrer du péché et de la mort. Et voici le témoignage rendu à leur sujet: "Ils m'ont rendu le mal pour le bien et la haine pour l'amour."1 Dans son sermon sur la montagne il avait donné ce précepte: "Aimez vos ennemis." Il donnait maintenant l'exemple, ne rendant pas "mal pour mal, ni insulte pour insulte", bénissant au contraire.2 JC 250 1 Les mêmes prêtres qui avaient condamné le lépreux à l'exil, attestèrent sa guérison. Leur sentence prononcée en public et enregistrée, restait un témoignage en faveur du Christ. Quant à l'homme guéri, réintégré dans l'assemblée d'Israël, sur l'assurance donnée par les prêtres qu'il ne lui restait aucune trace de maladie, il devenait un témoin vivant de son bienfaiteur. Joyeusement, il présenta son offrande, glorifiant le nom de Jésus. Les prêtres furent convaincus de la puissance divine du Sauveur. L'occasion leur était offerte de connaître la vérité et de jouir de la lumière. S'ils refusaient la lumière, celle-ci s'éloignerait pour toujours. Elle fut rejetée par plusieurs; mais ce n'est pas en vain qu'elle avait lui: bien des coeurs furent touchés qui ne le montrèrent pas alors. Pendant la vie du Sauveur, sa mission ne parut pas trouver beaucoup d'échos chez les prêtres et les docteurs. Plus tard, après son ascension, "une grande foule de prêtres obéissait à la foi".3 JC 250 2 En purifiant le lépreux de sa terrible maladie, le Christ a donné une image de son oeuvre, cette oeuvre qui consiste à nettoyer les hommes de leurs péchés. Celui qui se présenta à Jésus était "couvert de lèpre". Un poison mortel avait envahi son corps. Les disciples avaient tenté d'empêcher leur Maître de le toucher, car quiconque effleurait un lépreux devenait impur. Non seulement Jésus ne fut atteint d'aucune souillure, mais son attouchement communiqua une puissance vivifiante: la lèpre fut guérie. Il en est de même de la lèpre du péché, profondément enracinée, mortelle, et qu'aucun moyen humain ne peut guérir. "Toute la tête est malade, tout le coeur est languissant. De la plante des pieds au sommet de la tête, il n'y a plus rien de sain: ce ne sont que blessures, meurtrissures, plaies vives."4 Jésus, venu habiter au sein de l'humanité, ne contracte aucune souillure. Sa présence communique au pécheur une vertu guérissante. A quiconque se jettera à ses pieds, disant avec foi: "Seigneur, si tu le veux, tu peux me rendre pur", il sera répondu: "Je le veux, sois purifié!" JC 251 1 Jésus n'accorda pas toujours immédiatement la guérison à ceux qui sollicitaient de lui cette faveur. Mais le lépreux obtint sa grâce dès qu'il l'eut demandée. Quand nous quêtons des bienfaits terrestres, la réponse à nos prières peut subir un délai, et il se peut que Dieu ne nous donne pas exactement ce que nous avons souhaité; il en va tout autrement quand nous prions pour être délivrés du péché. Car Jésus veut toujours nous nettoyer du péché, pour faire de nous ses enfants, et nous mettre à même de vivre d'une manière sainte. Le Christ "s'est donné lui-même pour nos péchés, afin de nous arracher au présent siècle mauvais, selon la volonté de notre Dieu et Père". "Voici l'assurance que nous avons auprès de lui: si nous demandons quelque chose selon sa volonté, il nous écoute. Et si nous savons qu'il nous écoute, quoi que ce soit que nous demandions, nous savons que nous possédons ce que nous lui avons demandé." "Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous pardonner nos péchés et nous purifier de toute injustice."5 JC 251 2 Le Christ enseigna la même vérité par la guérison du paralytique de Capernaüm. Ce miracle eut pour but de montrer qu'il avait le pouvoir de pardonner les péchés. La guérison du paralytique sert aussi à illustrer d'autres vérités importantes. Elle est une source d'espérance et d'encouragement. Elle comporte aussi un avertissement fourni par les objections des pharisiens. JC 251 3 Le paralytique avait, comme le lépreux, perdu tout espoir de guérison. Sa maladie était la conséquence d'une vie de péché, et ses maux étaient accrus par le remords. Longtemps auparavant il s'était adressé aux pharisiens et aux médecins, espérant obtenir un soulagement à ses souffrances physiques et morales. Ces hommes avaient déclaré, froidement, son cas incurable et l'avaient abandonné à la colère de Dieu. Les pharisiens considéraient l'épreuve comme une manifestation du déplaisir divin, et ils se tenaient à distance des malades et des nécessiteux. Cependant ceux-là mêmes qui s'attribuaient une telle sainteté étaient souvent plus coupables que les affligés qu'ils condamnaient. JC 252 1 Le paralytique, absolument impuissant, plongé dans le désespoir, n'entrevoyait aucune possibilité de secours. Voici qu'on lui parle des oeuvres merveilleuses de Jésus. On lui dit que d'autres, coupables et malades comme lui, ont été guéris; des lépreux eux-mêmes ont été purifiés. Les amis qui lui font ces rapports l'encouragent à croire que, lui aussi, pourrait obtenir la guérison, s'il pouvait être amené à Jésus. Mais le souvenir des causes de sa maladie fait s'évanouir son espoir. Il redoute que le saint Médecin ne veuille même pas tolérer sa présence. JC 252 2 Et cependant cet homme aspirait bien moins à la guérison du corps qu'au pardon de ses péchés. Si seulement il pouvait voir Jésus, obtenir la certitude de son pardon, avec la paix du ciel, il serait disposé à vivre ou à mourir selon le bon plaisir de Dieu! Oh! si seulement je pouvais être en sa présence! soupirait le moribond. Il n'y avait pas de temps à perdre: ses chairs consumées montraient déjà les signes de la corruption. Il supplia ses amis de le porter sur son lit à Jésus; ceux-ci y consentirent joyeusement. La foule était si compacte dans la maison et aux alentours, que le malade et ses amis ne pouvaient ni l'atteindre ni l'entendre. JC 252 3 Jésus enseignait dans la maison de Pierre. Les disciples étaient, selon leur coutume, assis près de lui. "Des pharisiens et des docteurs de la loi, ... venus de tous les villages de la Galilée, de la Judée et de Jérusalem", dans le but d'épier Jésus, cherchaient un motif d'accusation contre lui. A part ces personnages, la foule confuse comprenait des fervents, des chercheurs sincères, des curieux et des incrédules. Il y avait là des représentants de diverses nationalités et de toutes les classes de la société, "et la puissance du Seigneur se manifestait par des guérisons". L'Esprit de vie planait sur l'assemblée, sans que sa présence fût discernée par les pharisiens et les docteurs. Ils n'éprouvaient aucun besoin, aussi n'y avait-il pas de guérison pour eux. "Il a ... rassasié de biens les affamés", et "renvoyé à vide les riches".6 JC 252 4 Les porteurs du paralytique multiplièrent en vain leurs efforts pour se frayer un passage à travers la foule. Le malade regardait autour de lui avec une angoisse inexprimable. Comment renoncer à l'espoir alors que le secours si longtemps attendu était là, tout proche? Il suggéra à ses amis de le hisser sur le toit de la maison; à travers une ouverture ils le descendirent aux pieds de Jésus. Le discours fut interrompu. Le Sauveur considéra le triste visage tendu anxieusement vers lui, et vit les yeux suppliants fixés sur lui. Il comprit, car c'est lui-même qui avait attiré cet esprit inquiet et travaillé par le doute. Alors que le paralytique était encore chez lui, le Sauveur avait déjà parlé à sa conscience. Quand il s'était repenti de ses péchés, et avait cru que la puissance de Jésus pourrait le guérir, le Sauveur avait commencé de répandre dans son coeur avide ses grâces vivifiantes. Jésus avait vu poindre la première lueur de foi chez cet homme; il avait vu cette foi grandir et s'attacher à lui comme au seul espoir du pécheur; il avait vu cette foi s'affermir à chaque effort nouveau pour parvenir en sa présence. JC 253 1 Le Sauveur dit alors, et ses paroles frappèrent les oreilles du malade comme une sublime musique: "Prends courage, mon enfant, tes péchés te sont pardonnés." Et voici l'âme du malade débarrassée du fardeau de son désespoir; la paix du pardon entre en lui et resplendit sur son visage. Ses douleurs disparaissent, son être tout entier est transformé. Le paralytique est guéri! le pécheur est pardonné! JC 253 2 Avec une foi simple il accepte les paroles de Jésus comme une promesse de vie nouvelle. Il ne demande rien de plus, accablé par une béatitude trop grande pour être exprimée. Une céleste lumière éclaire ses traits et la crainte saisit ceux qui contemplent la scène. Les rabbins avaient attendu impatiemment pour voir quelle serait l'attitude du Christ. Ils se rappelaient comment ce malade leur avait demandé du secours et comment ils lui avaient refusé toute espérance et toute sympathie. Ils l'avaient même déclaré frappé de la malédiction de Dieu à cause de ses péchés. La vue du malade leur rappela ces choses, et remarquant l'intérêt manifesté par toutes les personnes présentes, ils furent effrayés en pensant qu'ils allaient perdre l'influence qu'ils exerçaient sur le peuple. JC 254 1 Sans échanger un mot, ces dignitaires lurent dans les visages des uns et des autres la même pensée: il fallait faire quelque chose pour réfréner cet enthousiasme. Jésus avait déclaré que les péchés du paralytique étaient pardonnés. Les pharisiens s'emparèrent de ces paroles comme d'un blasphème et pensèrent à le présenter comme un crime méritant la mort. Ils disaient dans leur coeur: "Il blasphème. Qui peut pardonner les péchés, si ce n'est Dieu seul?" JC 254 2 Le regard sévère de Jésus fit reculer tous ces hommes. Il leur dit: "Pourquoi avez-vous de mauvaises pensées dans vos coeurs? Qu'est-ce qui est plus facile, de dire: Tes péchés te sont pardonnés, ou de dire: Lève-toi et marche? Or, afin que vous sachiez que le Fils de l'homme a sur la terre le pouvoir de pardonner les péchés: Lève-toi, dit-il au paralytique, prends ton lit et retourne chez toi." Alors celui qu'on avait amené à Jésus sur un lit se leva avec l'agilité et la force de la jeunesse. Un sang vivifiant circulait dans ses veines; chaque organe de son corps avait soudain repris son activité. Un teint florissant succédait à une pâleur mortelle. "Et, à l'instant, il se leva en leur présence, prit le lit sur lequel il était couché et s'en alla dans sa maison en glorifiant Dieu. Tous étaient dans l'étonnement et glorifiaient Dieu; remplis de crainte, ils disaient: Nous avons vu aujourd'hui des choses étranges." JC 254 3 O merveilleux amour du Christ, qui s'abaisse jusqu'à guérir le coupable et l'affligé! Divinité qui s'attendrit sur les maux d'une humanité souffrante et les allège! O puissance étonnante déployée en faveur des enfants des hommes! Qui pourra encore douter du message du salut? Qui voudra méconnaître les grâces d'un Rédempteur compatissant? JC 254 4 Il ne fallait rien moins que le pouvoir créateur pour rendre à la santé ce corps en décomposition. La voix qui avait donné la vie à l'homme formé de la poussière de la terre, c'était encore la voix qui venait de rendre la vie au paralytique mourant. Le même pouvoir qui avait donné la vie au corps avait aussi renouvelé le coeur. Celui qui, à la création, avait parlé, et la chose fut, avait commandé, et elle parut,7 avait adressé des paroles de vie à l'âme morte dans ses fautes et ses péchés. La guérison du corps annonçait le pouvoir qui avait renouvelé le coeur. Le Christ ordonna au paralytique de se lever et de marcher, "afin que vous sachiez, dit-il, que le Fils de l'homme a sur la terre le pouvoir de pardonner les péchés". JC 255 1 Le paralytique trouva en Christ à la fois la guérison de l'âme et celle du corps. La guérison spirituelle fut suivie du relèvement physique. Cette leçon ne doit pas passer inaperçue. Il existe aujourd'hui des milliers de personnes affligées de maux physiques qui soupirent après ce message: "Tes péchés te sont pardonnes." Le fardeau du péché, avec l'inquiétude et l'insatisfaction qui l'accompagnent, sont la cause de leurs maladies. Ils n'auront de soulagement qu'en s'approchant du Médecin de l'âme. La paix que lui seul peut donner communique la vigueur à l'esprit, la santé au corps. JC 255 2 Jésus "est apparu, afin de détruire les oeuvres du diable". En lui "était la vie", et il dit: "Je suis venu, afin que les brebis aient la vie et qu'elles l'aient en abondance." Il est un "esprit vivifiant."8 Il possède aujourd'hui le même pouvoir de donner la vie qu'au jour où sur la terre il guérissait les malades et promettait le pardon aux pécheurs. "C'est lui qui pardonne toutes tes iniquités, qui guérit toutes tes infirmités".9 JC 255 3 Il semblait à ceux qui avaient assisté à la guérison du paralytique que le ciel s'était ouvert pour leur révéler les gloires d'un monde meilleur. Quand l'homme, qui venait d'être guéri, traversa la foule, louant Dieu à chaque pas, et portant allègrement son fardeau, le peuple, saisi de crainte, s'écarta pour lui livrer passage, chacun murmurant à son voisin: "Nous avons vu aujourd'hui des choses étranges." JC 255 4 Les pharisiens, muets d'étonnement, voyant leur échapper l'occasion d'insuffler leurs mauvais sentiments à la multitude, se jugeaient vaincus. Les rabbins étaient délaissés, car l'oeuvre merveilleuse opérée en faveur de cet homme qu'ils avaient abandonné à la colère de Dieu, avait fortement impressionné le peuple. Ces docteurs reconnurent que le Christ possédait un pouvoir dont ils avaient attribué à Dieu seul le monopole. Ils restaient décontenancés et confus, sentant, sans vouloir le confesser, la présence d'un Etre supérieur, dont la dignité et la douceur contrastaient avec leur attitude hautaine. Plus il était évident que Jésus avait sur la terre le pouvoir de pardonner les péchés, plus ils se retranchaient derrière leur incrédulité avec obstination. Ils sortirent de la maison de Pierre, où ils venaient d'assister à la guérison du paralytique, pour former de nouveaux complots, en vue de réduire au silence le Fils de Dieu. JC 256 1 Les maladies physiques les plus malignes et les plus invétérées ne résistaient pas à la puissance du Christ; mais la maladie de l'âme se montrait plus réfractaire chez ceux qui fermaient les yeux pour ne point voir la lumière. La lèpre et la paralysie étaient moins redoutables que le fanatisme et l'incrédulité. JC 256 2 Il y eut de vives réjouissances dans la maison du paralytique, quand celui-ci revint, guéri, au sein de sa famille, portant avec aisance le grabat sur lequel on l'avait lentement transporté quelques instants auparavant. On s'assembla autour de lui avec des larmes de reconnaissance; on n'en pouvait croire ses yeux. Il se tenait devant eux, plein de vigueur. Ses bras, qu'on avait vus inertes, obéissaient promptement à sa volonté. Sa chair flasque et couleur de plomb était redevenue fraîche et vermeille. Il marchait d'un pas ferme et libre. Tous ses traits respiraient la joie et l'espoir; les traces du péché et de la souffrance étaient remplacées par une expression de pureté et de paix. De joyeuses actions de grâces s'élevèrent de cette maison, et Dieu fut glorifié à cause de son Fils, qui avait rendu l'espoir au désespéré et la force à l'homme épuisé. Cet homme était prêt, ainsi que les siens, à donner sa vie pour Jésus. Aucun doute ne troublait leur foi ou ne compromettait leur fidélité à celui qui avait apporté la lumière à ce sombre foyer. ------------------------Chapitre 28 -- Lévi-Matthieu JC 257 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 9:9-17; Marc 2:14-22; Luc 5:27-39. JC 257 1 De tous les fonctionnaires romains établis en Palestine, aucun n'était plus détesté que les péagers. Le fait que les impôts étaient payés au profit d'un pouvoir étranger était un sujet continuel d'irritation pour les Juifs. Cela leur rappelait que leur indépendance avait pris fin. Les percepteurs d'impôts n'étaient pas seulement des instruments de l'oppression romaine; ils s'enrichissaient eux-mêmes par des extorsions, aux dépens de la population. Le Juif qui acceptait cette fonction des mains des Romains était considéré comme un traître qui déshonorait la patrie. On le méprisait comme un apostat, on lui assignait la dernière place dans la société. JC 257 2 Lévi-Matthieu appartenait à cette classe; or il fut le premier, après les quatre disciples de Génésareth, à être appelé au service du Christ. Alors que les pharisiens avaient jugé Matthieu d'après son emploi, Jésus vit en lui un homme au coeur ouvert à la réception de la vérité. Matthieu avait écouté l'enseignement du Sauveur. Convaincu de son état de péché par l'action de l'Esprit de Dieu, il désirait être secouru par le Christ; mais, habitué à l'esprit d'exclusivité des rabbins, il ne pensait pas un instant que le grand Maître pût s'occuper de lui. JC 257 3 Assis un jour à son banc, le péager vit Jésus s'approcher. Grand fut son étonnement de s'entendre dire: "Suis-moi." JC 257 4 "Matthieu se leva et le suivit." Il n'hésita pas à la pensée qu'il échangeait une situation lucrative contre la pauvreté et la peine. Il lui suffisait d'être avec Jésus, d'entendre ses paroles, de se vouer à son oeuvre. JC 257 5 Les disciples appelés précédemment avaient réagi de la même manière. Quand Jésus ordonna à Pierre et à ses compagnons de le suivre, ils quittèrent immédiatement leurs barques et leurs filets. Quelques-uns de ces disciples avaient des amis et des parents dépendant d'eux pour leur entretien; ils n'hésitèrent pas, néanmoins, à répondre à l'invitation du Sauveur, sans poser la question: Comment pourrai-je gagner ma vie et entretenir ma famille? Ils obéirent à l'appel. Plus tard, lorsque Jésus les interrogea ainsi: "Quand je vous ai envoyés sans bourse, ni sac, ni sandales, avez-vous manqué de quelque chose? Ils répondirent: De rien."1 JC 258 1 Un riche, Matthieu, et deux pauvres, André et Pierre, furent soumis à la même épreuve et donnèrent l'exemple du même dévouement. Au moment du succès, quand les filets étaient remplis de poissons et l'appel du passé était le plus fort, Jésus demanda aux disciples qui se trouvaient au bord de la mer de tout quitter pour se vouer à l'oeuvre de l'Evangile. Chaque âme est mise à l'épreuve de la même manière et doit montrer si elle préfère la communion du Christ aux biens temporels. JC 258 2 Les principes ont toujours leurs exigences. On ne peut réussir au service de Dieu si l'on ne met pas son coeur tout entier à l'ouvrage, si toutes choses ne sont pas considérées comme une perte en comparaison de l'excellence de la connaissance du Christ. Celui qui fait des réserves ne saurait devenir un disciple du Christ, encore moins l'un de ses collaborateurs. Le même esprit de sacrifice qui animait le Christ se retrouvera chez les hommes qui apprécient le grand salut. Ils seront prêts à le suivre où qu'il les conduise. JC 258 3 Quand Matthieu fut appelé à devenir l'un des disciples du Christ, cela provoqua une vive indignation. Choisir un péager en qualité d'assistant, c'était pour un maître de religion faire injure aux coutumes religieuses, sociales, nationales. Les pharisiens espéraient détourner de Jésus le courant de sympathie du peuple par un appel à ses préjugés. JC 258 4 En revanche, un intérêt général se manifesta parmi les péagers. Leurs coeurs se sentirent attirés vers le divin Maître. Tout à la joie de sa nouvelle qualité de disciple, Matthieu souhaitait mettre en rapport avec Jésus ceux qui avaient été ses compagnons de travail. Il organisa donc un festin chez lui et y invita sa parenté et ses amis. En plus des péagers il y avait là des personnes de mauvaise réputation, que leurs voisins plus scrupuleux tenaient à l'écart. JC 259 1 La fête avait lieu en l'honneur de Jésus, qui accepta volontiers l'invitation, tout en sachant que le parti pharisien en serait scandalisé et que cela le compromettrait aux yeux de plusieurs. De telles considérations n'étaient pas faites pour l'arrêter. Il ne comptait pour rien l'opinion que l'on pouvait avoir à son sujet. Ce qui touchait son coeur c'était une âme assoiffée de l'eau de la vie. JC 259 2 Jésus fut donc un hôte honoré à la table du péager; par sa sympathie et sa courtoisie il montra le respect qu'il avait pour la personne humaine; aussi désirait-on se montrer digne de sa confiance. Ses paroles tombaient sur des coeurs assoiffés comme une puissance bienfaisante et vivifiante. De nouveaux désirs étaient éveillés; des perspectives de vie nouvelle s'ouvraient devant ces parias, rejetés par la société. JC 259 3 Dans des occasions semblables, beaucoup de personnes furent impressionnées par l'enseignement du Sauveur, mais ne le reconnurent qu'après son ascension. Quand le Saint-Esprit fut répandu, il y avait, parmi les trois mille âmes converties en un jour, un bon nombre de ceux qui avaient entendu la vérité pour la première fois à la table des péagers, et quelques-uns devinrent des messagers de l'Evangile. L'exemple donné par Jésus à cette fête ne fut jamais oublié par Matthieu. Le péager méprisé devint l'un des évangélistes les plus dévoués, qui dans l'exercice de son ministère marcha fidèlement sur les traces de son Maître. JC 259 4 Apprenant que Jésus avait participé à la fête offerte par Matthieu, les rabbins saisirent l'occasion pour l'accuser. Pour mieux arriver à leurs fins, ils voulurent se servir des disciples. Ils espéraient les éloigner de leur Maître en éveillant leurs préjugés. Leur tactique consistait à accuser le Christ auprès de ses disciples, et à se plaindre de ceux-ci au Christ, afin de le blesser de la façon la plus douloureuse. Telle a été la méthode employée par Satan depuis le jour où son coeur s'est détaché du ciel; quiconque sème la discorde et l'inimitié est animé de son esprit. JC 260 1 "Pourquoi votre Maître mange-t-il avec les péagers et les pécheurs?" demandèrent les rabbins envieux. JC 260 2 Sans attendre la réponse de ses disciples, Jésus repoussa lui-même l'accusation en ces termes: "Ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin de médecin, mais les malades. Allez apprendre ce que signifie: Je veux la miséricorde et non le sacrifice; car je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs." Les pharisiens se flattaient de jouir d'une parfaite santé spirituelle et de n'avoir par conséquent nul besoin de médecin, tandis que les péagers et les Gentils étaient selon eux voués à la perdition en raison des maladies de leurs âmes. Son rôle de médecin ne lui commandait-il pas de venir en aide à ces gens-là? JC 260 3 Les pharisiens, qui avaient une si haute opinion d'eux-mêmes, se trouvaient en réalité dans une condition pire que celle des objets de leur mépris. Les péagers étaient moins fanatiques, moins remplis d'eux-mêmes, et plus ouverts à l'influence de la vérité. Jésus dit aux rabbins: "Allez apprendre ce que signifie: Je veux la miséricorde et non le sacrifice." Autant dire que tout en professant d'exposer la Parole de Dieu ils en ignoraient complètement l'esprit. JC 260 4 Réduits au silence pour le moment, les pharisiens étaient d'autant plus confirmés dans leur inimitié. Ils s'adressèrent ensuite aux disciples de Jean, cherchant à les dresser contre le Sauveur. Ces pharisiens ne s'étaient pas ralliés au Baptiste. Ils s'étaient moqués de ses abstinences, de ses habitudes simples, de son vêtement grossier, et l'avaient traité de fanatique. Parce qu'il avait dénoncé leur hypocrisie, ils lui avaient résisté et avaient excité le peuple contre lui. L'Esprit de Dieu avait agi sur les coeurs de ces moqueurs et les avait convaincus de péché; cependant ils avaient rejeté le conseil de Dieu et avaient prétendu que Jean était possédé d'un démon. JC 260 5 Maintenant que Jésus se mêlait aux gens du peuple, mangeant et buvant à leurs tables, on l'accusait de gloutonnerie et d'ivrognerie. Ceux qui reprochaient à Jésus ces vices en étaient eux-mêmes affligés. Ainsi que Satan calomnie Dieu et lui attribue ses propres défauts, les messagers du Seigneur furent calomniés par ces méchants. JC 261 1 Les pharisiens ne voulaient pas admettre que Jésus mangeait avec les péagers et les pécheurs pour apporter la lumière du ciel à ceux qui croupissaient dans les ténèbres. Ils se refusaient à comprendre que chaque parole tombant de la bouche du divin Maître était une semence vivante destinée à germer et à fructifier à la gloire de Dieu. Décidés plus que jamais à rejeter la lumière, alors qu'ils s'étaient opposés à la mission du Baptiste, ils recherchaient maintenant l'amitié de ses disciples dans l'espoir de s'en faire des instruments contre Jésus. Ils accusaient Jésus d'anéantir les anciennes traditions et faisaient ressortir le contraste existant entre l'austère piété du Baptiste et la participation de Jésus aux festins des péagers et des pécheurs. JC 261 2 A ce moment-là, avant d'apporter au Christ le message de Jean, les disciples de celui-ci étaient profondément affligés. Leur maître bien-aimé était en prison, et ils étaient plongés dans le deuil. Jésus ne faisait rien pour libérer Jean et paraissait jeter le discrédit sur son enseignement. Si Jean avait été envoyé par Dieu, comment Jésus et ses disciples pouvaient-ils se conduire d'une manière si différente? JC 261 3 Les disciples de Jean, qui ne comprenaient pas parfaitement l'oeuvre du Christ, se demandaient si les accusations des pharisiens n'avaient pas quelque fondement. Ils observaient beaucoup de règles établies par les rabbins et il leur arrivait d'espérer se sauver par leurs oeuvres. Les Juifs pratiquaient le jeûne en lui attribuant une valeur méritoire; les plus zélés consacraient au jeûne deux jours par semaine. Les pharisiens et les disciples de Jean étaient en train de jeûner quand ces derniers se présentèrent pour demander: "Pourquoi nous et les pharisiens jeûnons-nous, tandis que tes disciples ne jeûnent pas?" JC 261 4 Jésus leur répondit avec beaucoup de tendresse, sans chercher à corriger leurs fausses conceptions du jeûne, uniquement préoccupé de leur donner une idée juste de sa propre mission. A cet effet il se servit de la même image que Jean avait employée en rendant témoignage à Jésus. Jean avait dit: "Celui qui a l'épouse, c'est l'époux; mais l'ami de l'époux qui se tient là et qui l'entend, éprouve une grande joie à cause de la voix de l'époux; aussi cette joie qui est la mienne est à son comble."2 Les disciples de Jean ne pouvaient s'empêcher de se rappeler les paroles de leur maître alors que Jésus, reprenant la même image, demandait: "Les garçons d'honneur peuvent-ils mener le deuil tant que l'époux est avec eux?" JC 262 1 Le Prince du ciel était parmi les siens. Dieu avait fait au monde le don ineffable. Joie pour les pauvres, dont le Christ allait faire des héritiers de son royaume. Joie pour les riches, auxquels il allait enseigner comment acquérir les richesses éternelles. Joie pour les ignorants, qu'il allait rendre sages à salut. Joie pour les savants, auxquels il allait révéler des mystères insondables, insoupçonnés: des vérités cachées depuis la fondation du monde et manifestées enfin aux hommes par la mission du Sauveur. JC 262 2 Jean-Baptiste s'était réjoui en contemplant le Sauveur. Quelle ne devait pas être la joie, maintenant, de ses disciples qui avaient l'avantage de marcher et de converser avec la Majesté du ciel! Ce n'était pas le moment, pour eux, de mener deuil et de jeûner. Ils devaient ouvrir leurs coeurs à la lumière de sa gloire, afin de pouvoir à leur tour répandre la lumière sur ceux qui étaient assis dans les ténèbres et les ombres de la mort. JC 262 3 Derrière ce brillant tableau, évoqué par les paroles du Christ, se profilait une ombre épaisse que son oeil était seul capable de discerner. "Les jours viendront, dit-il, où l'époux leur sera enlevé et alors ils jeûneront." Les disciples auraient l'occasion de mener deuil et de jeûner quand ils verraient leur Seigneur trahi et crucifié. Il devait leur dire, dans le dernier discours qu'il leur adressa dans la chambre haute: "Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus; et puis encore un peu de temps, et vous me verrez. En vérité, en vérité, je vous le dis, vous pleurerez et vous vous lamenterez, et le monde se réjouira: vous serez dans la tristesse, mais votre tristesse sera changée en joie."3 JC 263 1 Leur tristesse serait changée en joie quand il sortirait de la tombe. Quoique absent à partir de son ascension, il resterait auprès d'eux par le Consolateur qu'il leur enverrait, de sorte qu'ils ne passeraient pas leur temps à se lamenter, ce que Satan désirerait, pour donner au monde l'impression qu'ils ont été trompés et déçus; ils devaient regarder avec foi le sanctuaire d'en-haut où Jésus exercerait son ministère; ils devaient ouvrir leurs coeurs à l'action du Saint-Esprit, son représentant, et se réjouir à la lumière de sa présence. Viendraient cependant des jours de tentation et d'épreuve où ils entreraient en conflit avec les princes de ce monde et les chefs du royaume des ténèbres; le Christ personnellement absent, eux ne reconnaissant pas la présence du Consolateur, il leur conviendrait alors de jeûner. JC 263 2 Les pharisiens cherchaient leur propre gloire dans l'observation rigoureuse de simples formes, tandis que leurs coeurs étaient remplis d'envie et de contestation. "Oui, dit l'Ecriture, pendant que vous jeûnez, vous ne cherchez que disputes et querelles et vous allez jusqu'à frapper du poing brutalement; vous ne jeûnez pas, comme vous devriez le faire en un tel jour, de manière que votre voix soit entendue là-haut. Est-ce là le jeûne auquel je prends plaisir, un jour où l'homme humilie son âme? Courber la tête comme un roseau, se coucher sur le sac et sur la cendre, est-ce là ce que tu appelles un jeûne, un jour agréable à l'Eternel?"4 JC 263 3 Le vrai jeûne ne consiste pas en un service formaliste. L'Ecriture décrit ainsi le jeûne voulu de Dieu: "Brise les chaînes injustes, dénoue les liens de tous les jougs. ... Si tu fais part de ta nourriture à l'affamé et si tu rassasies l'âme défaillante, ta lumière se lèvera, ... et la nuit se changera pour toi en clarté de midi."5 L'esprit et le caractère de l'oeuvre du Christ ressortent de ce passage. Toute sa vie a été un sacrifice de sa personne en vue du salut du monde. Soit qu'il jeûnât au désert de la tentation, soit qu'il mangeât avec les péagers au festin offert par Matthieu, il dépensait sa vie pour la rédemption des âmes perdues. Le véritable esprit de dévouement ne se manifeste pas dans des lamentations stériles, dans des macérations ou d'innombrables sacrifices, mais dans le renoncement à sa volonté propre en vue d'un service spontané pour Dieu et pour l'humanité. JC 264 1 Poursuivant sa réponse aux disciples de Jean, Jésus se servit d'une parabole: "Personne ne met une pièce de drap neuf à un vieil habit; car le morceau tire sur l'habit, et il en résulte une déchirure pire." Il ne fallait pas entremêler le message de Jean-Baptiste avec des traditions et des superstitions. Toute tentative d'allier les prétentions des pharisiens à la piété de Jean ne ferait que mieux signaler le gouffre qui les séparait. JC 264 2 Les principes de l'enseignement du Christ ne pouvaient non plus s'accorder avec les formes du pharisaïsme. Le Christ ne se proposait pas de combler la brèche ouverte par les enseignements de Jean. Au contraire, il ferait mieux ressortir la différence entre l'ancien et le nouveau. Jésus illustra encore sa pensée en ajoutant: "On ne met pas non plus du vin nouveau dans de vieilles outres; autrement les outres se rompent, le vin se répand, et les outres sont perdues." Les outres en peau destinées à contenir le vin nouveau devenaient à la longue sèches et friables et ne pouvaient plus servir à cet usage. Jésus indiquait par là la condition des conducteurs juifs. Prêtres, scribes et chefs se perdaient dans une routine de cérémonies et de traditions. Leurs coeurs s'étaient contractés comme ces outres à vin desséchées auxquelles il les avait comparés. Aussi longtemps qu'ils se contentaient d'une religion légaliste, ils ne pouvaient devenir dépositaires de la vérité vivante venant du ciel. Ils jugeaient suffisante leur propre justice et ne voyaient pas la nécessité d'introduire un nouvel élément dans leur religion. Ils ne concevaient pas le bon vouloir de Dieu comme indépendant d'eux-mêmes. Ils comptaient le mériter par leurs bonnes oeuvres. La foi agissante par la charité, qui purifie l'âme, ne pouvait s'allier à la religion des pharisiens, faite de cérémonies et de préceptes humains. Il était vain de vouloir unir les enseignements de Jésus à la religion établie. La vérité vitale de Dieu, tel un vin en fermentation, ferait voler en éclats les vieux récipients délabrés des traditions pharisaïques. JC 265 1 Les pharisiens s'estimaient trop sages pour être enseignés, trop justes pour avoir besoin de salut, trop honorés pour solliciter l'honneur que le Christ pouvait leur conférer. C'est pourquoi le Sauveur se détourna d'eux et se mit à la recherche de ceux qui seraient disposés à recevoir le message du ciel. Des pêcheurs ignorants, des péagers trouvés sur la place du marché, une femme samaritaine, des gens du commun qui l'écoutaient volontiers: voilà les outres neuves préparées à recevoir le vin nouveau. Les instruments aptes à servir la cause évangélique sont les âmes qui reçoivent avec joie la lumière que Dieu leur envoie. Ce sont elles qui sont chargées de communiquer la vérité au monde. Si les serviteurs du Christ consentent à devenir des outres neuves, par la grâce du Christ, il les remplira de vin nouveau. JC 265 2 Bien que comparé à un vin nouveau, l'enseignement du Christ n'était pas une doctrine nouvelle: c'était la révélation de ce qui avait été enseigné dès le commencement. Mais la vérité divine avait perdu sa signification primitive et sa beauté aux yeux des pharisiens. L'enseignement du Christ leur faisait l'effet d'une nouveauté et ils ne surent en reconnaître la valeur. JC 265 3 Jésus montra comment de faux enseignements ont le pouvoir d'empêcher d'apprécier et de désirer la vérité. "Personne, dit-il, après avoir bu du vin vieux, n'en veut du nouveau, car il dit: Le vieux est bon." Toutes les vérités qui avaient été transmises par les patriarches et les prophètes resplendissaient avec une beauté nouvelle dans les paroles du Christ. Mais les scribes et les pharisiens ne désiraient nullement ce précieux vin nouveau. Tant qu'ils n'étaient pas émancipés des vieilles traditions, des vieilles coutumes, des vieilles habitudes, les enseignements du Christ ne pouvaient trouver une place dans leurs esprits ou dans leurs coeurs. Ils s'attachaient à des formes mortes, tournant le dos à la vérité vivante et à la puissance de Dieu. JC 265 4 Ce fut la ruine des Juifs, et ce sera encore la ruine de beaucoup d'âmes de nos jours. Des milliers de personnes commettent la même erreur qui fut commise par les pharisiens que le Christ réprimanda à l'occasion du festin de Matthieu. Plutôt que d'abandonner une idée chérie, ou de rejeter quelque opinion devenue une idole, elles refusent d'accepter la vérité qui descend du Père des lumières. Confiantes en elles-mêmes, s'appuyant sur leur propre sagesse, elles ne se rendent pas compte de leur indigence spirituelle. Si elles ne trouvent pas un salut leur permettant d'accomplir une oeuvre importante, elles rejettent le salut qui leur est offert. JC 266 1 Une religion légaliste est impuissante pour conduire les âmes au Christ: c'est une religion destituée d'amour, d'où le Christ est absent. Le jeûne et la prière inspirés par un esprit de propre justice sont une abomination aux yeux de Dieu. L'assemblée de culte solennelle, le cycle des cérémonies religieuses, l'humiliation extérieure, le sacrifice que l'on s'impose, tout ceci proclame que l'on se considère juste, ayant droit au ciel, mais ce n'est qu'un leurre. Nos oeuvres ne peuvent acheter le salut. JC 266 2 Les pharisiens d'aujourd'hui, comme les contemporains du Christ, ne connaissent pas leur dénuement. C'est à eux que s'adresse ce message: "Parce que tu dis: je suis riche, je me suis enrichi et je n'ai besoin de rien, et parce que tu ne sais pas que tu es malheureux, misérable, pauvre, aveugle et nu, je te conseille d'acheter chez moi de l'or éprouvé par le feu, afin que tu deviennes riche, et des vêtements blancs, afin que tu sois vêtu et que la honte de ta nudité ne paraisse pas."6 La foi et l'amour sont l'or éprouvé par le feu. Il en est beaucoup qui ne distinguent plus l'or et qui ont perdu le riche trésor. La justice du Christ est pour eux une robe jamais portée, une fontaine à laquelle on n'a pas touché. On pourrait leur dire: "J'ai contre toi que tu as abandonné ton premier amour. Souviens-toi donc d'où tu es tombé, repens-toi et pratique tes premières oeuvres, sinon je viendrai à toi et j'écarterai ton chandelier de sa place, à moins que tu ne te repentes".7 JC 266 3 "Le sacrifice agréable à Dieu, c'est un esprit brisé. ... O Dieu, tu ne méprises pas le coeur contrit et brisé!"8 Un homme doit être entièrement vidé de lui-même s'il veut devenir un croyant en Jésus dans toute l'acception du terme. Quand on a renoncé au moi le Seigneur peut faire de nous une nouvelle créature. Les outres neuves peuvent contenir le vin nouveau. L'amour du Christ communiquera au croyant une vie nouvelle. Le caractère du Christ sera reproduit chez celui qui regarde vers l'auteur et le consommateur de notre foi. ------------------------Chapitre 29 -- Le Sabbat JC 268 1 Le Sabbat a été sanctifié à la création. Il a été mis à part pour l'homme "pendant que les étoiles du matin entonnaient des chants d'allégresse et que les fils de Dieu poussaient des acclamations". La paix étendait son aile sur le monde; car la terre était en harmonie avec le ciel. "Dieu contempla ce qu'il avait fait et il vit que cela était très bien";1 et il se reposa avec la joie de l'oeuvre accomplie. JC 268 2 S'étant reposé lui-même le jour du sabbat, "Dieu bénit le septième jour et le sanctifia", -- c'est-à-dire le mit à part pour un saint usage. Il le donna à Adam comme jour de repos. C'était un mémorial de l'oeuvre créatrice, un signe de la puissance et de l'amour divins. L'Ecriture dit: "Il a perpétué le souvenir de ses oeuvres merveilleuses." "Les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient fort bien depuis la création du monde, quand on les considère dans ses ouvrages."1 JC 268 3 Tout a été créé par le Fils de Dieu. "Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu. ... Tout a été fait par elle, et rien de ce qui a été fait n'a été fait sans elle."2 Le sabbat, en tant que mémorial de la création, est un gage de l'amour et de la puissance du Christ. JC 268 4 Le sabbat dirige les pensées vers la nature et nous introduit dans la communion du Créateur. Dans le chant des oiseaux, dans le murmure des arbres, et dans le bruit de la mer, nous continuons d'entendre la voix de celui qui s'entretenait avec Adam en Eden, vers le soir. La contemplation de sa puissance dans la nature a un effet consolant, car la Parole qui a créé toutes choses promet la vie à nos âmes. "Dieu qui a dit: La lumière brillera du sein des ténèbres! a brillé dans nos coeurs pour faire resplendir la connaissance de la gloire de Dieu sur la face de Christ."3 JC 269 1 C'est cette pensée qui a inspiré le chant: JC 269 2 "O Eternel, tu m'as rempli de joie Par la grandeur de tes oeuvres; Je célèbre avec allégresse les ouvrages de tes mains. Que tes oeuvres sont grandes, ô Eternel! Tes pensées sont merveilleusement profondes!"4 JC 269 3 Le Saint-Esprit déclare par le prophète Esaïe: "A qui donc pourriez-vous comparer Dieu et par quelle image pourriez-vous le représenter?... Ne comprendrez-vous pas? N'écouterez-vous donc pas? Ne vous l'a-t-on pas appris dès le commencement? Ne savez-vous pas qui a fondé la terre? C'est celui qui siège au-dessus du globe de cette terre, dont les habitants sont à ses yeux comme des sauterelles. C'est lui qui a étendu les cieux comme un voile et qui les a déployés comme une tente pour y habiter. ... A qui donc pourriez-vous me comparer? Qui peut m'égaler, dit le Saint? Levez les yeux en haut et regardez: Qui a créé ces choses? C'est celui qui fait marcher leurs armées en bon ordre et qui les appelle toutes par leur nom. Telle est la grandeur de son pouvoir et de sa force souveraine, que pas une ne refuse de lui obéir. Pourquoi donc dirais-tu, ô Jacob, et pourquoi, ô Israël, parlerais-tu ainsi: Mon infortune est cachée à l'Eternel et mon Dieu ne soutient plus mon droit. Ne le sais-tu pas? Ne l'as-tu pas entendu? L'Eternel est le Dieu d'éternité, qui a créé les extrémités de la terre. Il ne se lasse pas, il ne se fatigue point et sa sagesse est insondable. Il donne de la force à celui qui est fatigué; il accroît la vigueur de celui qui est défaillant." "Ne crains point, car je suis avec toi; ne t'effraie pas, car je suis ton Dieu! je t'affermis et je viens à ton aide; je te soutiens de ma droite vengeresse." "Tournez-vous vers moi et soyez sauvés, vous tous, qui habitez les extrémités de la terre! Car je suis Dieu et il n'y en a pas d'autre." Tel est le message qui se trouve inscrit dans la nature, et que le sabbat a pour but de rappeler. Quand le Seigneur commanda à Israël de sanctifier ses sabbats, il dit: "Afin qu'ils servent de signe entre moi et vous et que vous reconnaissiez que je suis l'Eternel, votre Dieu."5 JC 270 1 Le sabbat fut incorporé dans la loi promulguée du haut du Sinaï; mais ce n'est pas à ce moment-là qu'il fut révélé pour la première fois en tant que jour de repos. Le peuple d'Israël le connaissait et l'observait déjà avant d'arriver au Sinaï. Et quand quelqu'un le profanait, le Seigneur lui adressait ce reproche: "Jusques à quand refuserez-vous d'observer mes commandements et mes lois?"6 JC 270 2 Le sabbat n'était pas destiné à Israël uniquement, mais au monde entier. Il a été révélé à l'homme en Eden, et de même que les autres préceptes du décalogue, il constitue une obligation impérissable. C'est au sujet de la loi dont le quatrième commandement fait partie, que le Christ déclare: "Jusqu'à ce que le ciel et la terre passent, pas un seul iota, pas un seul trait de lettre de la loi ne passera." Aussi longtemps que dureront les cieux et la terre, le sabbat restera comme un signe du pouvoir du Créateur. Et quand l'Eden refleurira sur la terre, le saint jour du repos de Dieu sera honoré de tous. "De sabbat en sabbat", tous les habitants de la nouvelle terre glorifiée viendront "se prosterner devant moi, dit l'Eternel".7 JC 270 3 Aucune autre institution confiée aux Juifs ne servait autant que le sabbat à les distinguer des nations environnantes. L'observation de ce jour, dans la pensée de Dieu, devait les faire connaître comme étant ses adorateurs. Ce devait être un signe indiquant leur éloignement de l'idolâtrie, et leur communion avec le vrai Dieu. Mais le saint sabbat ne peut être observé que par des saints. Il faut donc devenir participant de la justice de Christ. En même temps qu'il donna à Israël ce commandement: "Souviens-toi du jour du repos pour le sanctifier", le Seigneur lui dit aussi: "Vous serez pour moi des hommes saints."8 Ce n'est qu'ainsi que le sabbat pouvait distinguer les Israélites en tant qu'adorateurs de Dieu. JC 270 4 A mesure que les Juifs s'éloignèrent de Dieu, et négligèrent de s'approprier par la foi la justice du Christ, le sabbat perdit sa signification à leurs yeux. Satan s'efforçait de s'élever lui-même et de détourner les hommes du Christ; il travaillait à pervertir le sabbat, parce que c'est le signe de la puissance du Christ. Les chefs de la nation juive obéissaient à Satan lorsqu'ils entouraient d'exigences pénibles le jour de repos divin. Aux jours du Christ, le sabbat avait été perverti à tel point que, bien loin de refléter le caractère d'amour du Père céleste, l'observation de ce jour manifestait plutôt le caractère d'hommes égoïstes et arbitraires. L'enseignement des rabbins tendait à représenter Dieu comme donnant des lois impossibles à observer. On en venait à considérer Dieu comme un tyran, et à penser que l'observation du sabbat, telle qu'il l'exigeait, rendait les hommes durs et cruels. Le Christ entreprit de redresser ces erreurs. Bien que poursuivi sans répit par les rabbins, il ne se donna même pas l'apparence de se conformer à leurs exigences, mais alla droit son chemin, observant le sabbat selon la loi de Dieu. JC 271 1 Un jour de sabbat, en revenant du lieu de culte, où il avait prolongé son activité, le Sauveur et ses disciples traversèrent un champ de blé mûr. Ceux-ci se mirent à ramasser quelques épis et à les froisser entre leurs mains pour en manger le grain. Cet acte, s'il avait été accompli un autre jour, eût passé inaperçu, car on était libre de manger ce qui se trouvait à sa portée dans un champ, un verger ou une vigne.9 Un jour de sabbat un acte aussi simple passait pour une profanation. Ramasser des grains et les froisser entre ses mains équivalait à une sorte de moisson et de battage. Il y avait donc, dans l'esprit des rabbins, double transgression. JC 271 2 Ceux qui épiaient Jésus s'empressèrent de formuler leur blâme: "Voici, tes disciples font ce qu'il n'est pas permis de faire pendant le sabbat." JC 271 3 Quand Jésus avait été accusé de transgresser le sabbat à Béthesda, il s'était défendu en affirmant sa filialité divine, et en déclarant qu'il agissait en harmonie avec son Père. Cette fois-ci ce sont les disciples qu'on accuse, et Jésus répond par des exemples tirés de l'Ancien Testament, où sont relatés des actes accomplis, le jour du sabbat, par des hommes qui se trouvaient au service de Dieu. JC 272 1 Les docteurs juifs se glorifiaient de leur connaissance des Ecritures, mais la réponse du Sauveur impliquait un reproche d'ignorance. "N'avez-vous pas lu, dit-il, ce que fit David, lorsqu'il eut faim, lui et ses gens; comment il entra dans la maison de Dieu et mangea les pains de proposition que ... les prêtres seuls avaient la permission de manger?" "Puis il leur dit: Le sabbat a été fait pour l'homme, et non l'homme pour le sabbat." "Ou n'avez-vous pas lu dans la loi que, les jours de sabbat, les prêtres violent le sabbat dans le temple sans se rendre coupables? Or je vous le dis, il y a ici plus grand que le temple." "De sorte que le Fils de l'homme est maître même du sabbat."10 JC 272 2 S'il était loisible à David d'apaiser sa faim en mangeant des pains mis à part pour un saint usage, il devait être permis aux disciples de pourvoir à leurs besoins en arrachant des épis pendant les saintes heures du sabbat. Les prêtres se livraient dans le temple, le jour du sabbat, à une activité plus grande que les autres jours. La même somme de travail eût été considérée comme un péché s'il se fût agi d'affaires personnelles; mais les prêtres, au service de Dieu, accomplissaient les rites qui annonçaient le pouvoir rédempteur du Christ, et leur effort s'accordait avec l'objet du sabbat. Maintenant le Christ lui-même avait paru. Les disciples, accomplissant l'oeuvre du Christ, se trouvaient au service de Dieu, et tout ce qui était nécessaire à l'accomplissement de cette oeuvre, ils pouvaient le faire légalement le jour du sabbat. JC 272 3 Le Christ voulait enseigner à ses disciples et à ses ennemis que le service de Dieu doit passer avant tout. Le but que Dieu se propose c'est la rédemption de l'homme; par conséquent ce qui doit être fait le jour du sabbat pour l'accomplissement de cette oeuvre, est en accord avec la loi du sabbat. Jésus acheva victorieusement son argumentation en se présentant comme le Seigneur du sabbat, -- celui qui est au-dessus de toute discussion et de toute loi. Ce Juge infini acquitte les disciples, au nom des statuts qu'on les accusait d'avoir violés. JC 272 4 Jésus ne laissa pas échapper l'occasion d'adresser une réprimande à ses ennemis. Il leur fit voir que, dans leur aveuglement, ils s'étaient trompés sur le véritable but du sabbat. Il leur dit: "Si vous aviez reconnu ce que signifie: Je veux la miséricorde et non le sacrifice, vous n'auriez pas condamné des innocents."11 Leurs nombreux rites effectués d'une manière mécanique ne pouvaient remplacer la sincérité et le tendre amour qui caractériseront toujours un véritable adorateur de Dieu. JC 273 1 Le Christ répéta, une fois de plus, que les sacrifices n'ont aucune valeur en eux-mêmes. Il faut voir en eux un moyen et non une fin. Ils avaient pour but de conduire les hommes au Sauveur, et de les mettre ainsi en harmonie avec Dieu. Ce que Dieu apprécie, c'est un service d'amour. En l'absence de cela, un simple cycle de cérémonies ne peut que l'offenser. Il en est de même du sabbat. Il avait été destiné à introduire l'homme dans la communion divine; le but du sabbat se trouva manqué dès que les esprits furent absorbés par des rites fastidieux. Une simple observation extérieure n'était qu'une ironie. JC 273 2 Un autre sabbat, en entrant dans la synagogue, Jésus vit un homme qui avait une main desséchée. Les pharisiens le surveillaient pour voir ce qu'il allait faire. Le Sauveur savait bien qu'une guérison opérée en un jour de sabbat serait considérée comme une transgression, mais il n'hésita pas à renverser la muraille des exigences traditionnelles dont on avait entouré le sabbat. Jésus invita le malheureux à s'avancer, puis demanda: "Est-il permis, le jour du sabbat, de faire du bien ou de faire du mal, de sauver une personne ou de la tuer?" C'était une maxime admise des Juifs que négliger une bonne action, quand l'occasion se présentait de la faire, équivalait à faire du mal; que négliger de sauver une vie, c'était commettre un meurtre. Jésus se plaçait donc sur le terrain des rabbins. "Mais ils gardaient le silence. Alors, promenant ses regards sur eux avec colère, et en même temps navré de l'endurcissement de leur coeur, il dit à l'homme: Etends ta main. Il l'étendit, et sa main fut guérie."12 JC 273 3 Interrogé en ces termes: "Est-il permis de faire une guérison le jour du sabbat?" Jésus répondit: "Lequel d'entre vous, s'il n'a qu'une brebis et qu'elle tombe dans une fosse le jour du sabbat, ne la saisira pour l'en retirer? Combien un homme ne vaut-il pas plus qu'une brebis? Il est donc permis de faire du bien les jours de sabbat."13 JC 274 1 Les espions, craignant de se mettre dans l'embarras, n'osèrent pas répondre au Christ en présence de la foule. Ils savaient bien qu'il avait dit la vérité. Ils auraient préféré laisser quelqu'un souffrir plutôt que d'enfreindre leurs traditions, tandis qu'ils auraient secouru un animal pour éviter une perte matérielle. On prenait donc plus de soins d'une bête que d'un homme, créé à l'image de Dieu. Voilà bien la mentalité de toutes les fausses religions, dont l'origine est le désir de s'élever au-dessus de Dieu; elles ont pour résultat de le dégrader en le faisant descendre au-dessous du niveau de la brute. Toute religion qui fait la guerre à la souveraineté de Dieu, prive l'homme de la gloire qu'il possédait à la création, et qui doit lui être rendue en Christ. Toute religion dénaturée apprend à ses adeptes à ne pas se soucier des besoins, des souffrances et des droits de l'homme. L'Evangile attribue la plus grande valeur à l'humanité qui a été rachetée au prix du sang du Christ, et il nous enseigne les plus tendres égards pour les besoins et les malheurs de l'homme. Le Seigneur dit: "Je rendrai les hommes plus rares que l'or fin; oui, je rendrai les hommes plus rares que l'or d'Ophir."14 JC 274 2 En retournant contre les pharisiens leur propre question concernant ce qu'il est permis de faire le jour du sabbat, Jésus plaça devant eux leurs mauvais desseins. Ils le poursuivaient de leur haine jusqu'à vouloir lui ôter la vie, tandis que lui sauvait la vie à une foule de gens et leur apportait le bonheur. Etait-il préférable de tuer le jour du sabbat, comme ils se proposaient de le faire, plutôt que de guérir les affligés, comme il l'avait fait? Etait-ce plus juste d'entretenir le meurtre, dans son coeur, le saint jour de Dieu, que de nourrir, pour tous les hommes, cet amour qui s'exprime par des actes de miséricorde? JC 274 3 Par la guérison de l'homme à la main sèche, Jésus condamna la coutume des Juifs, et maintint le quatrième commandement tel que Dieu l'avait donné. "Il est donc permis de faire du bien les jours de sabbat", déclara-t-il. En balayant les restrictions inutiles que les Juifs avaient inventées, le Christ a honoré le sabbat, tandis que ceux-là mêmes qui se plaignaient de lui déshonoraient ce saint jour. JC 275 1 D'aucuns prétendent que le Christ a aboli la loi, qu'il a violé le sabbat et qu'il a approuvé les disciples d'avoir fait de même. Par cet enseignement ils prennent la même attitude que les calomniateurs de Jésus. Ils se mettent ainsi en contradiction avec le Christ qui a fait cette déclaration: "J'ai gardé les commandements de mon Père et ... je demeure dans son amour?"15 Ni Jésus ni ses disciples n'ont violé la loi du sabbat. Le Christ était un vivant représentant de la loi. On ne trouve dans sa vie aucune transgression des saints préceptes. S'adressant à un peuple de témoins qui cherchaient une occasion de le condamner, il pouvait jeter ce défi: "Qui de vous me convaincra de péché".16 JC 275 2 Le Sauveur n'est pas venu pour mettre de côté ce qu'ont enseigné les patriarches et les prophètes; car c'est lui-même qui a enseigné par eux. Toutes les vérités de la Parole de Dieu procèdent de lui. Mais ces pierres précieuses, d'une valeur inestimable, ont été placées dans de faux écrins. La précieuse lumière qui s'en dégage a été mise au service de l'erreur. Dieu veut que ces vérités soient dégagées de l'erreur et replacées dans la charpente de la vérité. Seule une main divine peut accomplir une telle oeuvre. Ainsi mêlées, la vérité et l'erreur ont servi la cause de l'ennemi de Dieu et des hommes. Le Christ est venu pour rendre à la vérité la place qui lui revient, d'où elle puisse glorifier Dieu et sauver l'humanité. JC 275 3 "Le sabbat a été fait pour l'homme, et non l'homme pour le sabbat", a dit Jésus. Les institutions que Dieu a établies ont pour but le bien de l'homme. "Car tout cela arrive à cause de vous." "Tout est à vous, soit Paul, soit Apollos, soit Céphas, soit le monde, soit la vie, soit la mort, soit les choses présentes, soit les choses à venir. Tout est à vous; et vous êtes à Christ, et Christ est à Dieu."17 La loi des dix commandements, dont le sabbat fait partie, a été donnée par Dieu pour être en bénédiction au peuple. "L'Eternel nous a commandé de mettre en pratique toutes ces lois et de craindre l'Eternel, notre Dieu, afin que nous soyons toujours heureux et qu'il nous conserve la vie."18 Le message suivant fut adressé à Israël par l'intermédiaire du psalmiste: "Servez l'Eternel avec joie; venez devant lui avec des cris d'allégresse! Sachez que l'Eternel est Dieu: c'est lui qui nous a créés; nous sommes à lui. Nous sommes son peuple et le troupeau dont il est le berger. Entrez dans son temple avec des actions de grâce, dans ses parvis avec la louange".19 Au sujet de "tous ceux qui observeront le sabbat pour ne pas le profaner", le Seigneur fait cette promesse: "Je les amènerai sur ma montagne sainte et je les comblerai de joie dans ma maison de prière".20 JC 276 1 "Le Fils de l'homme est maître même du sabbat." Ces paroles sont pleines d'enseignements et de consolations. C'est parce que le sabbat a été fait pour l'homme qu'il est le jour du Seigneur. Il appartient au Christ. Car "tout a été fait par elle, -- la Parole ou le Christ, -- et rien de ce qui a été fait n'a été fait sans elle."21 S'il a fait toutes choses, il a aussi fait le sabbat. C'est lui qui l'a établi pour être un mémorial de l'oeuvre créatrice servant à le désigner comme le Créateur et comme celui qui sanctifie, proclamant que celui qui a créé toutes choses et qui les soutient est aussi le chef de l'Eglise, par le pouvoir de qui nous sommes réconciliés avec Dieu. En parlant d'Israël il dit: "Je leur donnai aussi mes sabbats comme un signe entre moi et eux, pour leur faire connaître que je suis l'Eternel qui les sanctifie".22 Le sabbat est donc un signe indiquant que le Christ est capable de nous rendre saints. Et il est donné à tous ceux que le Christ sanctifie. En tant que signe de son pouvoir sanctifiant, le sabbat est donné à tous ceux qui, grâce au Christ, sont incorporés à l'Israël de Dieu. JC 276 2 Le Seigneur dit: "Si tu cesses de fouler aux pieds le jour du sabbat, en t'occupant de tes affaires en ce jour qui m'est consacré; si tu appelles le sabbat ton jour de délices et si tu considères comme vénérable ce qui est consacré à l'Eternel... alors tu trouveras tes délices en l'Eternel."23 Le sabbat sera un sujet de délices pour tous ceux qui le reçoivent comme un signe du pouvoir créateur et rédempteur du Christ. Voyant le Christ dans cette institution, ils font de lui leurs délices. Le sabbat leur fait voir dans les oeuvres de la création une preuve de son infinie puissance rédemptrice. Tout en évoquant le souvenir d'un heureux paradis perdu, il fait penser au paradis retrouvé par le moyen du Sauveur. Ainsi tout ce qui est dans la nature répète son invitation: "Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos".24 ------------------------Chapitre 30 -- Il en désigna douze JC 278 0 Ce chapitre est basé sur Marc 3:13-19; Luc 6:12-16. JC 278 1 "Il monta ensuite sur la montagne; il appela ceux qu'il voulut et ils vinrent à lui. Il en établit douze pour les avoir avec lui et pour les envoyer prêcher." JC 278 2 C'est à peu de distance de la mer de Galilée, sur un versant ombragé, que les douze furent appelés à l'apostolat et que Jésus prononça le sermon sur la montagne. Il recherchait les champs et les collines, préférant enseigner en pleine nature plutôt que dans le temple ou dans les synagogues. Aucune synagogue n'eût été d'ailleurs assez vaste pour contenir les foules qui le suivaient; mais Jésus avait une autre raison pour préférer enseigner dans les champs et les bosquets: il aimait les spectacles qu'offre la nature. Une retraite tranquille était pour lui un temple sacré. JC 278 3 Les premiers habitants de la terre avaient établi leur sanctuaire sous les arbres du jardin d'Eden. C'est là que le Christ avait communié avec le père de l'humanité. Bannis du paradis, nos premiers parents continuèrent à adorer dans les champs et les bosquets: c'est là que le Christ leur apportait l'Evangile de la grâce. C'est aussi le Christ qui parla avec Abraham sous les chênes de Mamré; avec Isaac, alors qu'il sortait dans les champs pour prier, vers le soir; avec Jacob, sur la colline de Béthel; avec Moïse, dans les montagnes de Madian; avec le jeune David gardant ses troupeaux. C'est d'après les directions données par le Christ que pendant quinze siècles les Hébreux avaient quitté leurs foyers pour une semaine, chaque année, pour demeurer sous des tentes faites avec "des branches de palmiers, des rameaux d'arbres touffus et des saules de rivière."1 JC 278 4 Pour instruire ses disciples Jésus préférait fuir la confusion des villes et se retirer dans la solitude des champs et des coteaux, cadre mieux adapté pour leur inculquer des leçons d'abnégation. Pendant son ministère il aimait à rassembler ses auditeurs autour de lui sous le ciel bleu, sur quelque coteau herbeux ou sur les rives d'un lac. Entouré des oeuvres qu'il avait lui-même créées, il pouvait alors diriger les pensées de ses auditeurs vers les choses naturelles plutôt que vers les choses artificielles. La croissance et les produits de la nature manifestaient les principes de son royaume. Levant leurs yeux vers les collines de Dieu, contemplant les merveilles sorties de ses mains, ils étaient préparés à apprendre de précieuses leçons de vérité divine. Les choses de la nature allaient leur répéter l'enseignement du Christ. C'est ce qui arrive pour ceux qui sortent dans les champs ayant le Christ dans leur coeur. Ils se sentent environnés d'une sainte influence. Les choses de la nature rappellent les paraboles de notre Seigneur et renouvellent ses conseils. En communion avec Dieu dans la nature, l'esprit est élevé et le coeur trouve du repos. JC 279 1 Il était temps de jeter les premiers fondements de l'organisation de l'Eglise qui devait, après son départ, représenter le Christ sur la terre. Aucun riche sanctuaire n'était à la portée, mais le Sauveur conduisit ses disciples au lieu de retraite qu'il aimait et les saintes expériences de cette journée restèrent toujours associées, dans leur esprit, aux beautés de la montagne, de la vallée et de la mer. JC 279 2 Jésus avait appelé les disciples pour les envoyer comme ses témoins: ils devaient annoncer au monde ce qu'ils avaient vu et entendu de lui. Aucun être humain n'avait encore été appelé à un ministère aussi important, et que seul le ministère du Christ surpassait. Ils devaient être les collaborateurs de Dieu pour le salut du monde. De même que, dans l'Ancien Testament, les douze patriarches sont les représentants d'Israël, ainsi les douze apôtres seront les représentants de l'Eglise évangélique. JC 279 3 Le Sauveur connaissait le caractère des hommes qu'il avait choisis; il n'ignorait aucune de leurs faiblesses ou de leurs erreurs; il savait les dangers auxquels ils seraient exposés, les responsabilités qu'ils auraient à assumer; et son coeur s'attendrissait sur ces élus. Toute la nuit, il resta seul sur une montagne, près de la mer de Galilée, priant pour eux, qui dormaient en bas. A l'aube, il les appela, ayant une communication importante à leur faire. JC 280 1 Depuis quelque temps, ces disciples prenaient part à l'activité de Jésus. Jean et Jacques, André et Pierre, ainsi que Philippe, Nathanaël et Matthieu lui étaient plus étroitement associés que les autres, et avaient assisté à un plus grand nombre de ses miracles. Pierre, Jacques et Jean, presque constamment près de lui, voyant ses oeuvres et écoutant ses paroles, étaient particulièrement unis à lui. Jean, admis dans une intimité encore plus grande avec Jésus, fut désigné comme étant le disciple que Jésus aimait. Le Sauveur les aimait tous, mais Jean avait une âme plus réceptive. Plus jeune, il ouvrait, plus que les autres et avec une confiance enfantine, son coeur à Jésus. Aussi un lien plus sympathique s'établit-il entre lui et le Christ, et c'est par lui que furent communiqués les enseignements les plus profonds du Sauveur. JC 280 2 Philippe se trouvait à la tête de l'un des groupes composant le collège apostolique. C'est à lui en tout premier lieu qu'avait été adressé l'appel: Suis-moi. Il était de Bethsaïda, la ville d'André et de Pierre. Il avait écouté l'enseignement de Jean-Baptiste et avait entendu ce dernier désigner le Christ comme l'Agneau de Dieu. Philippe cherchait sincèrement la vérité, mais il était lent à croire. La manière dont il annonça le Christ à Nathanaël, montre qu'il n'était pas encore pleinement convaincu de sa divinité, quoiqu'il se fût déjà joint à lui. Bien que la voix du ciel l'eût proclamé Fils de Dieu, il n'était encore pour Philippe que "Jésus de Nazareth, fils de Joseph".2 Le manque de foi de Philippe se manifesta encore quand cinq mille hommes furent miraculeusement rassasiés. Jésus lui avait demandé, pour éprouver sa foi: "Où achèterons-nous des pains pour que ces gens aient à manger?" Philippe, incrédule, avait répondu: "Les pains qu'on aurait pour deux cents deniers ne suffiraient pas pour que chacun en reçoive un peu."3 Jésus s'attrista. Philippe manquait de foi, bien qu'il eût vu les oeuvres du Christ et ressenti sa puissance. Quand des Grecs vinrent s'enquérir auprès de lui au sujet de Jésus, Philippe, au lieu de saisir l'occasion pour les présenter à Jésus, alla en parler à André. Les paroles que Philippe prononça peu d'heures avant la crucifixion étaient plutôt de nature à décourager la confiance. Quand Thomas dit à Jésus: "Seigneur, nous ne savons où tu vas; comment en saurions-nous le chemin?" le Seigneur lui répondit: "Moi, je suis le chemin, la vérité et la vie. ... Si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père." Ce qui fit dire à Philippe, dévoilant son incrédulité: "Seigneur, montren-nous le Père, et cela nous suffit".4 Le disciple qui venait de passer trois années avec Jésus était encore bien lent à croire. JC 281 1 La confiance enfantine de Nathanaël forme un contraste heureux avec l'incrédulité de Philippe. C'était une nature ardente, dont la foi s'emparait des réalités célestes. Mais Philippe était un élève à l'école du Christ, et le divin Maître fit preuve à son égard d'une patience à toute épreuve. Quand, plus tard, le Saint-Esprit fut répandu sur les disciples, Philippe devint un maître accompli, sachant de quoi il parlait, enseignant avec une assurance qui portait la conviction chez ses auditeurs. JC 281 2 Pendant que Jésus préparait les disciples en vue de leur consécration, un homme qui n'avait pas été convoqué insista pour être reçu. C'était Judas Iscariot, qui se faisait passer pour disciple du Christ. Sollicitant une place dans le cercle intime des disciples du Christ, il déclara, ardemment et avec une sincérité apparente: "Maître, je te suivrai partout où tu iras." Jésus ne voulant ni le repousser ni l'accueillir, se contenta de prononcer ces paroles mélancoliques: "Les renards ont des tanières, et les oiseaux du ciel ont des nids; mais le Fils de l'homme n'a pas où reposer sa tête."5 Judas croyait à la messianité de Jésus; en se joignant aux apôtres il comptait s'assurer une haute position dans le nouveau royaume. Jésus, par cette allusion à sa pauvreté, voulut couper court à cet espoir. JC 281 3 Les disciples désiraient vivement voir Judas parmi eux. De belle apparence, doué d'une grande intelligence et de beaucoup d'habileté, il fut recommandé par eux à Jésus comme pouvant devenir très utile à son oeuvre. On fut surpris de voir Jésus le recevoir froidement. JC 282 1 Les disciples étaient d'ailleurs très déçus de constater le peu d'efforts que faisait Jésus pour s'assurer le concours des chefs d'Israël. A leur point de vue, il commettait une erreur en n'affermissant pas sa cause avec l'appui de ces hommes influents. Ils eussent douté de la sagesse de leur Maître s'il avait renvoyé Judas. L'histoire subséquente de celui-ci devait leur montrer combien il est périlleux de se laisser influencer par des considérations humaines quand il s'agit de décider si un homme est apte ou non à l'oeuvre de Dieu. C'eût été livrer l'oeuvre à ses pires ennemis que de la confier à ces hommes dont les disciples désiraient obtenir la coopération. JC 282 2 Au moment où Judas se joignit aux disciples, la beauté du caractère du Christ ne le laissait pas insensible. Il subissait l'influence de cette puissance divine attirant les âmes. Celui qui ne brisait pas le roseau froissé et qui n'éteignait pas le lumignon fumant ne voulait pas repousser cette âme tant qu'elle ressentait le moindre désir de lumière. Le Sauveur lisait dans le coeur de Judas. Il prévoyait dans quels abîmes d'iniquité il s'enfoncerait s'il n'était délivré par la grâce de Dieu. En s'attachant cet homme, Jésus le mettait en contact quotidien avec son amour. Judas pouvait devenir sujet du royaume de Dieu s'il consentait à ouvrir son coeur au Christ afin de permettre à la grâce divine d'en bannir le démon de l'égoïsme. JC 282 3 Dieu prend les hommes tels qu'ils sont, avec tout ce qu'il y a d'humain dans leur caractère, et il les façonne pour son service, pourvu qu'ils se soumettent à sa discipline et soient dociles à ses enseignements. Ils sont choisis malgré leurs imperfections pour être transformés à son image, en apprenant à connaître la vérité et à la mettre en pratique. JC 282 4 Judas eut les mêmes occasions de s'instruire que les autres disciples. Il entendit les mêmes leçons précieuses. Mais l'obéissance à la vérité, que le Christ exigeait, était en opposition avec les désirs et les desseins de Judas, et il ne voulut pas renoncer à ses propres idées pour recevoir la sagesse qui vient du ciel. JC 283 1 Combien le Sauveur se montra tendre à l'égard de celui qui devait le trahir! Dans son enseignement, Jésus insistait sur des principes de bienveillance qui s'attaquaient à la racine même de l'avarice. Il montrait à Judas le caractère odieux de la cupidité, et le disciple comprit plus d'une fois que son caractère venait d'être esquissé et son péché signalé; mais il ne voulait pas confesser et abandonner ses fautes. Trop confiant en lui-même, au lieu de résister à la tentation, il persévérait dans ses pratiques frauduleuses. Le Christ se tenait devant lui, comme un vivant exemple de ce qu'il était appelé à devenir lui-même s'il participait aux bienfaits de la médiation et du ministère divins; mais ses leçons frappèrent inutilement l'oreille de Judas. JC 283 2 Jésus ne reprit pas sévèrement Judas au sujet de son avarice. Tout en lui montrant qu'il lisait dans son coeur, comme en un livre ouvert, il supporta cet homme égaré avec une patience divine. Il lui recommanda si bien les mobiles d'action les plus nobles, que Judas n'aurait aucune excuse en rejetant la lumière du ciel. JC 283 3 Au lieu de marcher dans la lumière, Judas préféra garder ses défauts. Il caressa de mauvais désirs de vengeance, des pensées sombres et malveillantes: Satan finit par le dominer complètement. Judas devint un représentant de l'ennemi du Christ. Au moment où il fut associé à Jésus, Judas possédait d'excellentes qualités, grâce auxquelles il eût pu être une source de bénédiction pour l'Eglise. S'il s'était soumis volontiers au joug du Christ, il serait devenu l'un des principaux parmi les apôtres; mais chaque fois que ses défauts furent signalés, il endurcit son coeur, et, dans un esprit d'orgueil et de révolte, donna la préférence à ses ambitions égoïstes; par là, il se disqualifia pour l'oeuvre que Dieu lui avait confiée. JC 283 4 Tous les disciples avaient de graves défauts lorsqu'ils furent appelés au service de Jésus. Jean lui-même, qui fut le plus étroitement associé à celui qui est humble et débonnaire, n'était ni doux ni facile par nature. Lui et son frère étaient appelés les "fils du tonnerre". Tout manque d'égards pour le Maître, lorsqu'ils étaient avec lui, provoquait leur indignation et leur attitude combative. Tempérament colérique, vindicatif, porté à la médisance, orgueilleux, convoitant la première place dans le royaume de Dieu, voilà ce qu'était le disciple bien-aimé. Mais il put admirer, jour après jour, la tendresse et le long support de Jésus, qui contrastaient si étrangement avec la violence de son caractère; il écouta les leçons d'humilité et de patience qui lui furent données. Ouvrant son coeur à l'influence divine, il ne se contenta pas d'entendre les paroles du Sauveur, mais voulut les mettre en pratique. Son moi fut caché en Christ; il apprit à se placer sous son joug et à porter son fardeau. JC 284 1 Jésus adressait aux disciples des reproches et des avertissements; néanmoins Jean et ses frères ne le quittèrent pas; ils s'attachèrent à lui en dépit de ses reproches. Le Sauveur, de son côté, ne se retira pas loin d'eux à cause de leurs faiblesses et de leurs erreurs. Ils continuèrent jusqu'à la fin à partager ses épreuves et à profiter des leçons de sa vie. Par la contemplation du Christ leurs caractères furent transformés. JC 284 2 Les apôtres étaient très différents les uns des autres par leurs habitudes et par leurs dispositions. Il y avait le péager, Lévi-Matthieu; Simon, l'ardent zélote, n'admettant aucun compromis avec le pouvoir romain; Pierre, généreux et impulsif; Judas, à l'âme mesquine; Thomas, dont le coeur était bon, mais timide et craintif; Philippe, à l'esprit lent et enclin au doute; enfin les fils de Zébédée, ambitieux et francs, avec leurs frères. Tous ces hommes se trouvèrent rassemblés, chacun ayant ses défauts et ses tendances au mal, héréditaires ou acquises. Tous appelés à demeurer dans la famille de Dieu, en Christ et par Christ, devaient atteindre à l'unité de la foi, de la doctrine et de l'esprit. Ils connaîtraient les épreuves, les diversités d'opinions suscitant parfois des griefs, mais toute dissension serait évitée aussi longtemps que le Christ habiterait dans leurs coeurs. Son amour les ferait s'entr'aimer; les instructions du Maître établiraient l'harmonie entre eux, ramenant les disciples à l'unité, tant et si bien qu'ils finiraient par être d'un même esprit et à n'avoir qu'un même jugement. Le Christ étant le grand centre, ils se rapprocheraient mutuellement, dans la mesure même où ils se rapprocheraient du centre. JC 285 1 Ayant achevé d'instruire ses disciples, Jésus les réunit tout près de lui; à genoux au milieu d'eux, il étendit les mains sur leurs têtes et les consacra par une prière à leur ministère sacré. C'est ainsi que les disciples du Seigneur reçurent leur consécration au ministère évangélique. JC 285 2 Le Christ n'a pas choisi des anges qui ne sont pas tombés, pour le représenter auprès des hommes; mais des êtres humains, sujets aux mêmes passions que ceux qu'ils cherchent à sauver. La collaboration du divin et de l'humain étant nécessaire pour sauver le monde, le Christ a revêtu l'humanité. La divinité avait besoin de l'humanité, afin que l'humanité eût un moyen de communication avec Dieu. Ainsi en est-il des serviteurs et des messagers du Christ. L'homme a besoin d'un pouvoir extérieur et supérieur à lui pour rétablir en lui l'image de Dieu et lui donner la possibilité d'accomplir l'oeuvre de Dieu; mais ceci ne rend pas inutile l'élément humain. L'humanité se saisit de la puissance divine, et le Christ habite dans le coeur par la foi; la force de l'homme peut agir, alors, grâce à la coopération du divin. JC 285 3 Celui qui appela les pêcheurs de Galilée, appelle encore aujourd'hui des hommes à son service. Il est tout aussi désireux de manifester sa puissance par nous, qu'il ne l'était de le faire par ses premiers disciples. Quel que soit notre état d'imperfection et de péché, le Seigneur nous offre de devenir ses associés et ses imitateurs. Il nous invite à recevoir ses instructions divines, pour que, étant unis à lui, nous devenions capables d'accomplir ses oeuvres. JC 285 4 "Nous portons ce trésor dans des vases de terre, afin que cette grande puissance soit attribuée à Dieu, et non pas à nous."6 C'est pour cette raison que la prédication de l'Evangile a été confiée à des hommes pécheurs plutôt qu'à des anges. Il est manifeste que c'est la puissance de Dieu qui opère à travers la faiblesse humaine; ainsi nous sommes encouragés à croire que cette puissance, qui en a sauvé d'aussi faibles que nous, peut nous sauver nous-mêmes. Ceux qui sont sujets "à la faiblesse" devront aussi "avoir de la compréhension pour les ignorants et les égarés".7 Ayant été eux-mêmes en péril, ils connaissent les dangers et les difficultés du chemin; ils sont donc appelés à secourir ceux qui se trouvent dans un péril semblable. Il y a des âmes affligées par le doute, accablées sous le poids des infirmités dont la faible foi est incapable de saisir l'invisible; mais un ami, venant à elles d'une manière sensible, à la place du Christ, peut servir d'anneau pour fixer leur foi tremblante sur le Christ. JC 286 1 Nous devons présenter Jésus au monde en union avec les anges du ciel. Ceux-ci attendent, avec une ardeur presque impatiente, notre coopération; car c'est par l'homme que la communication s'établit avec l'homme. Et lorsque nous nous offrons au Christ, par une consécration sans réserve, les anges se réjouissent de pouvoir faire connaître l'amour de Dieu par nos paroles. ------------------------Chapitre 31 -- Le sermon sur la montagne JC 287 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 5:6; 7. JC 287 1 Jésus rassemblait rarement ses disciples en particulier pour leur donner ses enseignements. Il ne tenait pas à s'adresser exclusivement à ceux qui connaissaient déjà le chemin de la vie. Il voulait atteindre les foules, encore plongées dans l'ignorance et dans l'erreur. Il mettait les enseignements de la vérité à la portée des esprits les plus enténébrés. Il était lui-même la vérité, et se tenait les reins ceints et les mains toujours tendues pour bénir, cherchant à relever par des paroles d'avertissement, d'exhortation et d'encouragement tous ceux qui s'adressaient à lui. JC 287 2 Le sermon sur la montagne, bien que spécialement destiné aux disciples, fut prononcé en présence d'une multitude. Après avoir mis à part ses apôtres, Jésus s'approcha, avec eux, du bord de la mer, où de bon matin les gens s'étaient rassemblés. En dehors des foules accoutumées, des villes galiléennes, on voyait des gens venus de Judée, et même de Jérusalem; et aussi de la Pérée, de la Décapole; de l'Idumée, contrée qui se trouvait bien loin au sud de la Judée; de Tyr et de Sidon, les villes phéniciennes de la côte méditerranéenne. "Une grande multitude, apprenant tout ce qu'il faisait, vint à lui." "Ils étaient venus pour l'entendre et pour être guéris de leurs maladies. ... Et toute la foule cherchait à le toucher, parce qu'une force sortait de lui et les guérissait tous."1 JC 287 3 La plage était trop étroite pour que, même en se tenant debout, tous pussent se tenir à portée de sa voix; Jésus les conduisit donc en arrière, sur le côté de la montagne. Ayant atteint un plateau verdoyant où pouvait trouver place une vaste assemblée, il s'assit sur l'herbe; les disciples et la foule l'imitèrent. JC 287 4 Les disciples avaient leur place tout près de Jésus. Bien que la foule se pressât autour de lui, les disciples, auditeurs attentifs, comprenaient que leur devoir était de ne pas perdre un mot de ses instructions, afin de comprendre les vérités qu'ils devaient plus tard propager en tous pays et pour tous les siècles. JC 288 1 Groupés autour du Maître, avec le pressentiment de quelque chose d'extraordinaire, ils pensaient, après les événements de cette matinée, que le royaume était sur le point d'être établi. La foule aussi, le coeur rempli de la pensée des gloires futures, attendait, anxieuse, et la curiosité la plus ardente se peignait sur les visages. Il y avait là des scribes et des pharisiens qui soupiraient après le jour où ils pourraient enfin dominer sur les Romains détestés, et jouir des richesses et des splendeurs du grand empire mondial. De pauvres paysans et des pêcheurs comptaient sur la promesse de somptueux palais et d'une vie aisée pour les dédommager de leurs taudis et de leur faim. Ils se voyaient déjà revêtus des parures riches et coûteuses des conquérants qui remplaceraient la rude étoffe leur servant de vêtement le jour et de couverture la nuit. Tous les coeurs tressaillaient d'orgueil à la pensée qu'Israël, l'élu du Seigneur, allait être honoré devant les nations et que Jérusalem deviendrait la capitale d'un royaume universel. JC 288 2 Le Christ déçut ces espérances de grandeur terrestre. Par le sermon sur la montagne, il s'efforça de renverser ce qu'avait édifié une éducation fausse, et de donner à ses auditeurs une conception juste de son royaume et de son propre caractère. Il ne s'attaqua cependant pas directement aux erreurs du peuple; voyant la misère que le péché avait attirée sur le monde, il ne fit pas une vive peinture de cette misère. Il parla de choses infiniment meilleures que les choses connues. Au lieu de combattre les idées courantes concernant le royaume de Dieu, il indiqua les conditions d'entrée dans le royaume, laissant à chacun le soin de tirer ses conclusions quant à la nature de celui-ci. Les vérités qu'il enseigna, à cette occasion, ne sont pas d'une importance moindre pour nous que pour la foule qui le suivait. Nous avons besoin, tout autant qu'elle, de connaître les principes servant de base au royaume de Dieu. JC 289 1 Les premières paroles que le Christ adressa au peuple, sur la montagne, furent des paroles de bénédiction. Heureux, dit-il, ceux qui reconnaissent leur pauvreté spirituelle, ceux qui éprouvent un besoin de rédemption. L'Evangile doit être prêché aux pauvres, non pas aux orgueilleux, à ceux qui sont riches à leurs propres yeux et n'ont besoin de rien, mais aux coeurs humbles et contrits. Une source a été ouverte pour le péché; elle est seulement accessible aux pauvres en esprit. JC 289 2 Un coeur présomptueux fait des efforts pour mériter le salut; mais la justice du Christ est le seul titre qui nous assure l'entrée du ciel. Le Seigneur ne peut rien faire pour le salut d'un homme avant que, convaincu de sa propre faiblesse et dépouillé de sa propre justice, il ne se soit volontairement soumis à l'influence divine. Alors seulement il peut recevoir le don que Dieu se dispose à lui communiquer. Rien n'est refusé à l'âme qui sent ses besoins; elle a un libre accès auprès de celui qui possède toute plénitude. "Ainsi parle le Très-Haut, qui siège sur un trône éternel et dont le nom est saint: J'habite dans une demeure haute et sainte, ainsi qu'avec l'homme humble et contrit, pour vivifier l'esprit des humbles et pour ranimer ceux qui ont le coeur contrit."2 JC 289 3 "Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés!" Ces paroles du Christ n'impliquent pas que les pleurs aient, en eux-mêmes, le pouvoir d'effacer le péché. Elles ne sanctionnent nullement une prétention quelconque ou une humilité volontaire. Dans la pensée du Maître il n'est pas question de mélancolie ou de lamentations. Tout en nous affligeant au sujet de nos péchés, nous devons jouir du privilège d'être les enfants de Dieu. JC 289 4 Nous déplorons fréquemment nos mauvaises actions, mais à cause de leurs conséquences désagréables: ce n'est pas là la vraie repentance. Une douleur sincère à l'égard du péché est le résultat de l'opération du Saint-Esprit. L'Esprit fait connaître l'ingratitude du coeur qui fait peu de cas du Sauveur et qui l'a contristé, et il nous amène, repentants, au pied de la croix. Chaque péché inflige à Jésus une nouvelle blessure; quand nous regardons à celui que nous avons percé, nous pleurons sur les péchés qui l'ont affligé. De tels pleurs conduisent à renoncer au péché. JC 290 1 Les gens du monde verront dans cette douleur une faiblesse; c'est au contraire la force qui unit indissolublement l'âme repentante à l'Infini. Elle montre que les anges de Dieu rapportent à l'âme les grâces que lui avaient fait perdre l'endurcissement du coeur et la transgression. Les larmes de la repentance sont les gouttes de pluie qui précèdent le resplendissement du soleil de la sainteté. Cette douleur est l'avant-coureur d'une joie qui sera pour l'âme une source de vie. "Seulement, reconnais ta faute: tu as été infidèle à l'Eternel, ton Dieu"; "je ne prendrai point pour vous un visage sévère; car je suis miséricordieux, dit l'Eternel".3. "Aux affligés de Sion" il se propose de "donner un diadème remplaçant les cendres, une huile d'allégresse au lieu du deuil, un manteau de fête au lieu d'un esprit abattu".4 Il y a aussi des consolations pour ceux qui pleurent dans l'épreuve et dans la douleur. L'amertume de la souffrance et de l'humiliation est préférable aux plaisirs du péché. C'est par l'affliction que Dieu nous montre les taches de notre caractère, afin que nous puissions, par sa grâce, vaincre nos défauts. Des chapitres de notre vie, restés ignorés, s'ouvrent devant nous, et l'épreuve survient pour montrer si nous accepterons les réprimandes et les conseils de Dieu. Dans l'épreuve, nous ne devons pas nous irriter et nous plaindre, nous révolter, chercher à échapper des mains du Christ. Il faut plutôt s'humilier devant Dieu. Les voies du Seigneur paraissent sombres et tristes à notre nature humaine. Néanmoins les voies de Dieu sont miséricordieuses, et ont pour fin le salut. Elie ne savait pas ce qu'il faisait quand, au désert, il déclarait en avoir assez de la vie et demandait la mort. Le Seigneur est bon, et il ne l'a pas pris au mot. Elie avait encore une grande oeuvre à faire et il n'était pas destiné à périr dans le découragement et la solitude du désert, une fois son oeuvre achevée. Loin de descendre dans la poussière de la terre, il allait, sur un char de feu, être élevé dans la gloire vers le trône de Dieu. JC 291 1 Dieu dit à propos de l'affligé: "J'ai observé sa conduite et je le guérirai; je le guiderai et lui donnerai des consolations, à lui comme à tous les siens qui sont dans le deuil." "Je changerai leur deuil en allégresse; je les consolerai, je les réunirai et je ferai cesser leur douleur."5 JC 291 2 "Heureux ceux qui sont doux." Les difficultés que nous rencontrons peuvent être considérablement amoindries par cette douceur qui se cache en Christ. Si nous possédons l'humilité du Maître, nous nous mettrons au-dessus du mépris, des reproches et des ennuis auxquels nous sommes exposés tous les jours, et ces choses cesseront d'attrister notre esprit. La maîtrise de soi-même est le meilleur titre de noblesse d'un chrétien. Celui à qui les injures et les mauvais traitements font perdre le calme et la confiance, prive Dieu du droit de se révéler en lui dans sa perfection. C'est l'humilité du coeur, marque de leur relation avec les cours célestes, qui assure la victoire aux disciples du Christ. JC 291 3 "L'Eternel, qui est le Très-Haut, sait voir les humbles."6 Dieu considère avec tendresse ceux qui manifestent le caractère doux et humble du Christ. Même s'ils sont l'objet du mépris du monde, ils ont une grande valeur aux yeux de Dieu. Ce ne sont pas seulement les sages, les grands, les bienfaiteurs, ce ne sont pas seulement les ouvriers actifs et pleins de zèle qui recevront un passeport pour le ciel; mais aussi les pauvres en esprit, soupirant ardemment après la présence du Christ, les humbles de coeur, dont la suprême ambition est d'accomplir la volonté divine. A ceux-là l'entrée sera largement accordée. Ils seront parmi les heureux qui ont lavé et blanchi leurs robes dans le sang de l'Agneau. "C'est pourquoi ils sont devant le trône de Dieu et lui rendent un culte jour et nuit dans son temple. Celui qui est assis sur le trône dressera sa tente sur eux".7 JC 291 4 "Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice." Un coeur conscient de sa propre indignité aura faim et soif de justice, et ce désir ne sera pas déçu. Ceux qui font une place à Jésus dans leur coeur éprouveront son amour. Tous ceux qui désirent ardemment reproduire l'image du caractère de Dieu seront satisfaits. Le Saint-Esprit ne laisse jamais sans secours une âme qui regarde à Jésus. Il prend de ce qui est au Christ pour le lui offrir. Si les regards restent attachés au Christ, l'oeuvre de l'Esprit ne cessera pas avant que l'âme ne soit devenue conforme à son image. Le pur élément de l'amour dilatera l'âme et la rendra capable d'atteindre l'idéal le plus élevé et d'acquérir la connaissance des choses célestes, de sorte qu'il ne lui manquera rien de ce qui constitue la plénitude. "Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés!" JC 292 1 Celui qui est miséricordieux obtiendra miséricorde, et celui qui a le coeur pur verra Dieu. Toute pensée impure souille l'âme, affaiblit le sens moral et tend à effacer les impressions produites par le Saint-Esprit. Elle obscurcit la vision spirituelle et empêche les hommes de contempler Dieu. Le Seigneur pourra et voudra accorder le pardon au pécheur repentant; cependant, même après le pardon, l'âme reste déparée. Quiconque désire discerner clairement la vérité spirituelle doit donc éviter, avec soin, toute impureté en parole et en pensée. JC 292 2 Mais les paroles du Christ impliquent plus que l'absence d'impuretés sensuelles, ou que l'absence de souillures cérémonielles, ce qui était la préoccupation essentielle des Juifs. L'égoïsme nous met dans l'impossibilité de contempler Dieu. L'esprit qui se recherche lui-même imagine Dieu à sa propre image. Tant que nous n'avons pas renoncé à ces choses, nous ne pouvons comprendre celui qui est Amour. Seul, le coeur désintéressé, l'esprit humble et confiant, verra en Dieu un Etre "miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en grâce et en fidélité".8 JC 292 3 "Heureux ceux qui procurent la paix." C'est la vérité qui engendre la paix du Christ. Cette paix est en harmonie avec Dieu. Le monde est ennemi de la loi de Dieu; les pécheurs sont ennemis de leur Créateur; en conséquence ils sont ennemis les uns des autres. Mais le psalmiste déclare: "Grande est la paix de ceux qui aiment ta loi: rien ne peut les faire chanceler."9 Les hommes sont impuissants à produire la paix. Les projets humains ayant pour but l'amélioration et le progrès des individus ou de la société ne réussiront pas à établir la paix, parce qu'ils ne touchent pas le coeur. Seule, la grâce du Christ est capable de créer et de maintenir la vraie paix. Quand cette grâce s'établit dans un coeur, elle en expulse les mauvaises passions qui occasionnent les querelles et les disputes. "Là où croissaient les buissons s'élèvera le cyprès et à la place de l'épine croîtra le myrte"; "le désert et la terre désolée sont dans la joie".10 JC 293 1 Les foules étaient frappées d'étonnement en entendant ces choses, si différentes des préceptes et de l'exemple des pharisiens. On en était venu à penser que le bonheur consistait dans la possession des biens de ce monde, que la célébrité et les honneurs humains étaient dignes d'être recherchés. Etre appelé Rabbi, être loué pour sa sagesse et sa piété, faire parade de ses vertus en public, était, croyait-on, le bonheur suprême. Mais Jésus déclara en présence de cette foule immense que de telles personnes ne devaient pas s'attendre à rien d'autre qu'à ces gains et ces honneurs terrestres. Il parlait avec assurance, et ses paroles entraînaient la conviction. Le peuple se voyait réduit au silence, et envahi par un sentiment de crainte. Les gens s'interrogeaient anxieusement du regard. Qui serait sauvé si cet homme disait vrai? Plusieurs avaient la conviction que ce Maître remarquable était sous l'influence de l'Esprit de Dieu, et qu'il exprimait des sentiments divins. JC 293 2 Après avoir défini le vrai bonheur, et avoir indiqué les conditions à remplir pour l'obtenir, Jésus expliqua plus clairement, à ses disciples, leurs devoirs en tant que maîtres choisis de Dieu, pour conduire les hommes dans les sentiers de la justice et de la vie éternelle. Il prévoyait qu'ils seraient souvent exposés aux déceptions et au découragement, à l'opposition la plus acharnée, aux injures, et que leur témoignage serait rejeté. Il savait bien qu'en accomplissant leur mission, ces humbles hommes qui l'écoutaient si attentivement auraient à souffrir la calomnie, les supplices, l'emprisonnement et la mort. C'est pourquoi il continua: JC 293 3 "Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des cieux est à eux! Heureux serez-vous, lorsqu'on vous insultera, qu'on vous persécutera, qu'on répandra sur vous toute sorte de calomnies à cause de moi. Réjouissez-vous, soyez dans l'allégresse, parce que votre récompense sera grande dans les cieux. Car c'est ainsi qu'on a persécuté les prophètes qui vous ont précédés." JC 294 1 Le monde aime le péché, il hait la justice, et c'est pour cela qu'il se montra si hostile à l'égard de Jésus. Tous ceux qui repoussent son amour infini considéreront le christianisme comme un élément de trouble. La lumière du Christ dissipe les ténèbres qui enveloppent leurs péchés, et rend manifeste le besoin de réforme. Alors que ceux qui cèdent à l'influence du Saint-Esprit entrent en guerre avec eux-mêmes, ceux qui restent attachés au péché font la guerre à la vérité et à ses représentants. JC 294 2 Ainsi la lutte éclate, et les disciples du Christ sont accusés d'être des fauteurs de désordre. Mais c'est la communion avec Dieu qui fait d'eux les objets de l'inimitié du monde. Ils portent l'opprobre du Christ. Ils foulent le sentier qu'a foulé le plus noble des hommes. Loin de les affliger, la persécution devrait les réjouir. Les plus grandes épreuves sont les moyens que Dieu emploie pour les purifier et faire d'eux ses collaborateurs qualifiés. Chaque conflit a sa place dans la grande bataille qui se livre pour la justice et ajoute à la joie du triomphe final. Loin de redouter et d'éviter l'épreuve de la foi et de la patience, on l'acceptera donc joyeusement. Préoccupés de s'acquitter de leurs obligations envers le monde, et désireux d'obtenir l'approbation de Dieu, ses serviteurs accompliront tout leur devoir, sans se soucier de la crainte ou de l'amour des hommes. JC 294 3 "C'est vous qui êtes le sel de la terre", a dit Jésus. Ne vous retirez pas du monde afin d'échapper à la persécution. Demeurez parmi les hommes, pour que l'amour divin soit un sel qui préserve le monde de la corruption. Les coeurs qui répondent à l'influence du Saint-Esprit deviennent autant de canaux par lesquels Dieu fait couler ses bénédictions. Le monde serait abandonné à la désolation et à la destruction, fruits de la domination de Satan, si ceux qui servent Dieu étaient enlevés de la terre, et si son Esprit était retiré du milieu des hommes. Bien qu'ils ne s'en rendent pas compte, les méchants doivent même la bénédiction de l'existence actuelle à la présence, en ce monde, du peuple de Dieu qu'ils méprisent et oppriment. Mais ceux qui n'ont que le nom de chrétiens sont comme un sel qui aurait perdu sa saveur. Ils n'exercent pas une bonne influence dans le monde et sont plus dangereux que les incrédules, car ils donnent une fausse idée de Dieu. JC 295 1 "C'est vous qui êtes la lumière du monde." Les Juifs s'attribuaient le monopole du salut; le Christ leur montra que le salut est comme la lumière du soleil: il appartient à tout le monde. La religion de la Bible ne se laisse pas enfermer entre les couvertures d'un livre ou les murs d'un temple. On ne doit pas s'en servir occasionnellement, à son profit, et la délaisser ensuite. Elle doit sanctifier la vie quotidienne, se manifester dans toutes les affaires et dans toutes les relations sociales. JC 295 2 Le caractère n'est pas un manteau dont on peut se revêtir; c'est quelque chose qui rayonne de l'intérieur. Si nous voulons conduire d'autres âmes dans la voie de la justice, il faut que le principe de la justice soit enchâssé dans nos coeurs. On peut, par une simple profession de foi, proclamer la théorie de la religion, mais il faut une piété pratique pour placer la parole de vérité devant les yeux. Une vie conséquente, une conversation sainte, une intégrité inébranlable, un esprit actif, bienfaisant, un exemple de piété, voilà les moyens par lesquels la lumière est apportée au monde. JC 295 3 Jésus ne s'est pas arrêté sur les particularités de la loi, mais il n'a pas permis à ses auditeurs de penser qu'il était venu pour en mettre de côté les exigences. Il savait que des espions se tenaient prêts à saisir tout propos susceptible d'être mis au service de leur dessein. Il connaissait le préjugé existant dans l'esprit de beaucoup de ses auditeurs; aussi ne dit-il rien qui pût ébranler leur foi en la religion et les institutions transmises par Moïse. Le Christ avait lui-même donné à la fois la loi morale et la loi cérémonielle. Il se gardait bien de détruire la confiance avec laquelle on recevait les instructions données par lui-même. C'est le respect qu'il avait pour la loi et les prophètes qui l'avait amené à renverser la barrière des exigences traditionnelles qui enfermait les Juifs. Tout en rejetant les fausses interprétations qu'ils donnaient à la loi, il recommandait à ses disciples de ne pas abandonner les vérités vitales confiées aux Hébreux. JC 296 1 Les pharisiens se faisaient une gloire de leur obéissance à la loi; cependant, les paroles du Sauveur leur paraissaient une hérésie, car ils ne possédaient pas la connaissance des principes de cette loi qui s'acquiert uniquement par une pratique quotidienne. Lorsque le Maître déblayait les décombres sous lesquels ils avaient enseveli la vérité, ils s'imaginaient qu'il démolissait la vérité elle-même. Ils murmuraient entre eux, se disant l'un à l'autre que Jésus méprisait la loi. Lisant leurs pensées, il leur dit: JC 296 2 "Ne pensez pas que je sois venu abolir la loi ou les prophètes. Je ne suis pas venu abolir, mais accomplir." Par ces paroles, Jésus repousse les accusations des pharisiens. Sa mission dans le monde consistait à revendiquer les droits sacrés de cette loi qu'on l'accusait de violer. Si la loi de Dieu avait pu être modifiée ou abolie, le Christ n'aurait pas eu besoin de souffrir les conséquences de nos transgressions. Il est venu pour expliquer les relations qui existent entre la loi et l'homme, et pour en illustrer les préceptes par une vie d'obéissance. JC 296 3 C'est parce que Dieu aime l'humanité qu'il a donné ses saints préceptes. Pour nous éviter les résultats de la transgression, il nous révèle les principes de la justice. La loi est l'expression de la pensée divine; quand nous la recevons en Christ, elle devient notre propre pensée. Elle nous élève au-dessus des désirs et des tendances de notre nature, au-dessus des tentations qui nous font pécher. Dieu veut notre bonheur, et c'est pour nous donner de la joie qu'il nous a communiqué les préceptes de sa loi. Quand les anges chantaient à la naissance de Jésus: JC 296 4 "Gloire à Dieu dans les lieux très hauts, Et paix sur la terre parmi les hommes qu'il agrée!"11 JC 296 5 ils énonçaient les principes de la loi qu'il était venu rendre illustre et magnifique. JC 297 1 Par la loi promulguée au Sinaï, Dieu fit connaître aux hommes la sainteté de son caractère; il voulait, par contraste, leur faire toucher du doigt leur propre état de péché. La loi devait les convaincre de péché et faire naître en eux le besoin d'un Sauveur. Tel est l'effet obtenu quand les principes qu'elle renferme sont réalisés dans le coeur par le Saint-Esprit. Cette même oeuvre doit se poursuivre. Les principes de la loi ont été manifestés dans la vie du Christ; lorsque le Saint-Esprit de Dieu touche les coeurs, et que la lumière du Christ montre aux hommes qu'ils ont besoin du sang purificateur et de la justice justifiante, la loi est encore un moyen de nous conduire au Christ afin que nous soyons justifiés par la foi. "La loi de l'Eternel est parfaite: elle restaure l'âme."12 "Jusqu'à ce que le ciel et la terre passent, dit Jésus, pas un seul iota, pas un seul trait de lettre de la loi ne passera, jusqu'à ce que tout soit arrivé." Le soleil qui brille dans les cieux, la terre ferme sur laquelle nous vivons, sont des témoins de l'éternité de la loi de Dieu. Quand ils passeraient, les préceptes divins demeureraient. "Il est plus facile pour le ciel et la terre de passer, que pour un seul trait de lettre de la loi de tomber".13 L'ensemble des symboles qui annonçaient Jésus, en tant qu'Agneau de Dieu, devait prendre fin à sa mort; mais les préceptes du Décalogue sont aussi immuables que le trône de Dieu. JC 297 2 Dès lors que "la loi de l'Eternel est parfaite", s'en écarter tant soit peu est un mal. Le Christ condamne ceux qui désobéissent aux commandements de Dieu et enseignent à faire de même. La vie d'obéissance du Sauveur maintenait les droits de la loi; elle démontrait que la loi peut être observée au sein de l'humanité; elle montrait la beauté de caractère qui est le fruit de l'obéissance. Tous ceux qui suivent son exemple affirment par là que la loi est sainte, juste et bonne.14 En revanche, tous ceux qui violent les commandements donnent raison à Satan qui prétend que la loi est injuste, qu'on ne peut lui obéir. Ils favorisent ainsi les séductions du grand adversaire et déshonorent Dieu. Ils sont les fils du malin, qui fut le premier à se révolter contre la loi de Dieu. Les introduire dans le ciel serait y ramener des éléments de discorde et de rébellion et mettre en péril le bonheur de l'univers. Un homme qui méprise consciemment un principe de la loi ne saurait entrer dans le royaume des cieux. JC 298 1 Les rabbins estimaient que leur justice était un passeport pour le ciel; Jésus déclara que cela était insuffisant et non méritant. La justice des pharisiens était faite de cérémonies extérieures accompagnées d'une connaissance théorique de la vérité. Les rabbins avaient la prétention d'atteindre à la sainteté en s'efforçant d'observer la loi; par leurs oeuvres ils avaient consommé le divorce entre la justice et leur religion. Très scrupuleux au sujet des observances rituelles, ils vivaient dans l'immoralité et la dégradation. Leur prétendue justice n'avait aucune chance d'entrer dans le royaume des cieux. JC 298 2 La plus grande erreur de l'esprit humain, aux jours du Christ, fut d'imaginer qu'on pouvait obtenir la justice par une simple adhésion à la vérité. L'expérience humaine a montré qu'une connaissance théorique de la vérité est incapable de sauver une âme et de produire des fruits de justice. Un soin jaloux de ce qu'on appelle la vérité théologique est souvent accompagné d'un sentiment de haine pour la vérité authentique telle qu'elle se manifeste dans la vie. Les plus sombres chapitres de l'histoire sont ceux qui conservent le souvenir des crimes inspirés par le fanatisme religieux. Les pharisiens se disaient enfants d'Abraham et se glorifiaient de posséder les oracles divins; toutefois ces avantages ne les préservaient pas de l'égoïsme, de la malice, de l'avarice et de la plus vile hypocrisie. Ils se croyaient les gens les plus religieux de l'univers, et leur prétendue orthodoxie les a amenés à crucifier le Seigneur de gloire. JC 298 3 Le même danger persiste aujourd'hui. Beaucoup de gens se croient chrétiens, simplement parce qu'ils souscrivent à quelque formule théologique. Mais ils n'ont pas introduit la vérité dans la vie pratique et n'ont pas fait d'elle l'objet de leur foi et de leur amour; c'est pourquoi ils n'ont pas reçu la puissance et la grâce, fruits de la vérité sanctifiante. On peut faire profession de croire à la vérité; mais si l'on n'en devient pas plus sincère, plus aimable, plus patient, plus pénétré de pensées célestes, on est une malédiction pour soi-même et pour le monde. JC 299 1 La justice que le Christ enseignait consiste à conformer son coeur et sa vie à la volonté révélée de Dieu. Des hommes pécheurs ne peuvent devenir justes qu'en ayant foi en Dieu et en maintenant avec lui une relation vitale. Alors seulement la piété élève les pensées et ennoblit la vie; les formes extérieures de la religion s'accordent avec la pureté intérieure du chrétien; les cérémonies qui rentrent dans le service de Dieu cessent d'être des rites insignifiants comme ceux des pharisiens hypocrites. JC 299 2 Jésus prend séparément chacun des commandements, et il en dévoile la profondeur et la portée. Bien loin d'en amoindrir la force, il montre jusqu'où vont les principes qu'ils renferment, et met en évidence l'erreur fatale que commettent les Juifs en se contentant d'une obéissance extérieure. Il déclare qu'une mauvaise pensée ou un regard de convoitise constitue une transgression de la loi divine. Quiconque se rend complice de la moindre injustice viole la loi, et se dégrade moralement. Le meurtre prend naissance dans l'esprit. Celui qui admet dans son coeur un sentiment de haine s'engage sur la voie du meurtre et ses offrandes sont une abomination aux yeux de Dieu. JC 299 3 Les Juifs entretenaient un esprit de vengeance. Leur haine pour les Romains leur inspirait de dures attaques; ils se rendaient agréables au malin en manifestant ses défauts et se préparaient ainsi aux terribles exploits qu'il leur fit commettre plus tard. Il n'y avait rien dans la piété des pharisiens qui fût de nature à recommander leur religion auprès des païens. Jésus les exhorta à ne pas se faire d'illusion en s'imaginant qu'il leur fût permis d'entretenir de mauvaises pensées contre leurs oppresseurs et de caresser des espoirs de vengeance. JC 299 4 Il est vrai qu'il existe une indignation légitime même chez les disciples du Christ. On est saisi d'une juste colère, qui n'est pas un péché, mais le fruit d'une conscience sensible, quand on voit Dieu déshonoré ou son service discrédité, ou l'innocent opprimé. Mais ceux qui cultivent la colère ou le ressentiment chaque fois qu'ils se jugent offensés, ouvrent leurs coeurs à Satan. Il faut que l'amertume et l'animosité soient bannies de l'âme qui veut vivre en harmonie avec le ciel. JC 300 1 Le Sauveur va plus loin. Il dit: "Si donc tu présentes ton offrande à l'autel, et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande devant l'autel, et va d'abord te réconcilier avec ton frère, puis viens présenter ton offrande." Plusieurs participent, avec zèle, aux services religieux alors que des différends qui pourraient être réglés les séparent de leurs frères. Dieu demande qu'ils fassent tout ce qui dépend d'eux pour rétablir l'harmonie. Leurs services ne seront acceptés qu'à cette condition. Le devoir du chrétien, à cet égard, est clair. JC 300 2 Le Seigneur répand ses bénédictions sur tous. "Il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons et fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes." "Il est bon pour les ingrats et pour les méchants."15 Il nous invite à lui ressembler. "Bénissez ceux qui vous maudissent, dit Jésus, faites du bien à ceux qui vous haïssent." "Alors vous serez fils de votre Père qui est dans les cieux." Tels sont les principes de la loi, et c'est de cette source que jaillit la vie. JC 300 3 L'idéal que Dieu propose à ses enfants est élevé au-dessus de toute pensée humaine. "Vous serez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait." Cet ordre renferme aussi une promesse. Le plan de la rédemption prévoit notre affranchissement complet du pouvoir de Satan. Le Christ éloigne toujours du péché l'âme qui éprouve une véritable contrition. Il est venu pour anéantir les oeuvres du diable, et il a pourvu à ce que le Saint-Esprit fût communiqué à toute âme repentante, pour la préserver du péché. JC 300 4 Aucune tentation ne doit servir d'excuse à un acte coupable. Satan exulte quand il entend ceux qui font profession d'être disciples du Christ chercher à justifier leurs défauts de caractère. C'est ainsi qu'on se trouve conduit à pécher. Le péché n'a aucune excuse. Un tempérament sanctifié, une vie semblable à celle du Christ sont accessibles à tout enfant de Dieu qui se repent et qui croit. JC 301 1 L'idéal pour un caractère chrétien c'est de ressembler au Christ. De même que le Fils de l'homme a mené une vie parfaite, ses disciples doivent eux aussi mener une vie parfaite. Jésus avait été fait en toutes choses semblable à ses frères. Il était devenu chair, comme nous. Il a souffert la faim, la soif, la fatigue. Il a dû s'alimenter et refaire ses forces par le sommeil. Il a partagé le sort des hommes, tout en restant l'irréprochable Fils de Dieu. Il était Dieu dans la chair. Son caractère doit devenir le nôtre. Le Seigneur déclare, au sujet de ceux qui croient en lui: "J'habiterai et je marcherai au milieu d'eux; je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple."16 JC 301 2 Le Christ est l'échelle vue par Jacob, dont la base reposait sur la terre et le sommet atteignait la porte du ciel, au seuil de la gloire. Si un seul échelon avait manqué pour toucher le sol, nous étions perdus. Mais le Christ arrive jusqu'à nous. Il a pris notre nature et a vaincu pour qu'en prenant sa nature nous soyons vainqueurs. Venu "dans une chair semblable à celle du péché",17 il a vécu sans péché. Maintenant par sa divinité il saisit le trône céleste tandis que par son humanité il nous atteint. Il nous invite à rejoindre la gloire du caractère divin en croyant en lui. Il nous faut donc être parfaits, comme notre "Père qui est dans les cieux est parfait". JC 301 3 Après avoir montré en quoi consiste la justice et comment elle a sa source en Dieu, Jésus énuméra quelques devoirs pratiques. Qu'on fasse des aumônes, des prières ou des jeûnes, dit-il, sans se proposer jamais d'attirer l'attention sur soi-même ou d'obtenir des louanges. Qu'on donne, en toute sincérité, pour le soulagement des pauvres. C'est par la prière que l'âme cherche à communier avec Dieu, Que ceux qui jeûnent ne baissent pas la tête et n'aient pas de pensée égoïste. Le coeur du pharisien est un sol stérile où aucune semence de vie divine ne peut germer. Plus on s'abandonne sans réserve à Dieu, plus on lui est agréable. Par la communion avec Dieu les hommes deviennent ses collaborateurs, en tant qu'ils s'efforcent de refléter son caractère dans l'humanité. JC 301 4 Le service rendu avec sincérité de coeur aura une grande récompense. "Ton Père qui voit dans le secret te le rendra." C'est en vivant sous l'influence de la grâce du Christ que se forme notre caractère. L'âme retrouve peu à peu sa beauté originelle. Les qualités du Christ nous sont communiquées et l'image du divin retrouve sa splendeur. Les visages des hommes et des femmes qui marchent et qui travaillent avec Dieu rayonnent d'une paix céleste. Pour de telles âmes, le royaume de Dieu a déjà commencé; elles possèdent la joie du Christ, la joie d'être une source de bénédiction pour l'humanité. Le Maître leur a fait l'honneur de les accepter à son service, de les autoriser à travailler en son nom. JC 302 1 "Nul ne peut servir deux maîtres." On ne peut servir Dieu d'un coeur partagé. La religion de la Bible ne doit pas être une influence parmi beaucoup d'autres; ce doit être une influence suprême. Non pas le coup de pinceau ici ou là, mais l'imprégnation de toute la toile par la couleur indélébile. JC 302 2 "Si ... ton oeil est en bon état, tout ton corps sera illuminé; mais si ton oeil est mauvais, tout ton corps sera dans les ténèbres." La pureté et la fermeté des desseins sont les conditions à remplir pour recevoir la lumière divine. Quiconque désire connaître la vérité doit accepter tout ce qu'elle met en lumière. On ne doit pas transiger avec l'erreur. Se montrer hésitant et nonchalant dans la défense de la vérité, c'est donner la préférence aux ténèbres de l'erreur et aux tromperies de Satan. JC 302 3 La politique mondaine et les fermes principes de la justice ne sont pas deux choses qui se fondent comme les couleurs de l'arc-en-ciel. Le Dieu éternel a tracé, entre les deux choses, une ligne claire et nette. L'image du Christ se détache de celle de Satan comme le jour de la nuit. Et ceux-là seuls qui vivent de la vie du Christ sont ses collaborateurs. L'être tout entier peut être contaminé par un seul péché caressé, par une seule mauvaise habitude invétérée. L'homme devient ainsi un instrument de l'injustice. Celui qui se voue au service de Dieu doit se reposer de tout sur lui. Le Christ montra les oiseaux volant par le ciel, les fleurs des champs, et invita ses auditeurs à considérer ces objets de la création de Dieu. "Ne valez-vous pas beaucoup plus qu'eux?" demanda-t-il. L'attention divine accordée à chaque objet est proportionnée au rang qu'il occupe dans l'échelle des êtres. La Providence prend soin du petit passereau gris. Les fleurs des champs, l'herbe dont le sol est tapissé, partagent la sollicitude du Père céleste. Le grand Artiste divin s'est occupé des lis et leur a donné une beauté qui surpasse la gloire de Salomon. Combien plus prendra-t-il soin de l'homme fait à son image et reflétant sa gloire. Il désire que ses enfants forment un caractère à sa ressemblance. Comme les rayons du soleil donnent aux fleurs leurs teintes délicates et variées, Dieu communique à l'âme la beauté de son propre caractère. JC 303 1 Tous ceux qui ont fixé leur choix sur le royaume du Christ, -- royaume d'amour, de justice et de paix, -- et en ont fait leur préoccupation dominante, tous ceux-là sont rattachés au monde supérieur, et il ne leur manque aucune bénédiction nécessaire à la vie. Dans le livre de la Providence divine, le volume de la vie, chacun de nous a sa page. Cette page contient tous les détails de notre histoire; les cheveux mêmes de notre tête sont comptés. Les enfants de Dieu ne sont jamais absents de sa pensée. JC 303 2 "Ne vous inquiétez donc pas." Le Christ doit être suivi jour après jour. Dieu ne donne pas aujourd'hui le secours pour demain. Il ne donne pas à ses enfants, de peur de les jeter dans la confusion, toutes les directions dont ils auront besoin au cours du voyage de la vie. Il leur dit tout juste ce qu'ils peuvent se rappeler et accomplir. Les forces et la sagesse communiquées sont suffisantes pour les nécessités du moment. "Si quelqu'un d'entre vous manque de sagesse -- pour aujourd'hui -- qu'il la demande à Dieu qui donne à tous libéralement et sans récriminer, et elle lui sera donnée."18 JC 303 3 "Ne jugez pas, afin de ne pas être jugés." Ne vous croyez pas meilleurs que les autres, ne vous érigez pas en juges. Incapables comme vous l'êtes de discerner les mobiles, vous n'êtes pas qualifiés pour juger autrui. En faisant porter vos critiques sur quelqu'un, c'est votre propre sentence que vous prononcez; car vous montrez par là que vous êtes un affilié de Satan, l'accusateur des frères. Le Seigneur dit: "Examinez-vous vous-mêmes, pour voir si vous êtes dans la foi; éprouvez-vous vous-mêmes." Voilà notre oeuvre. "Si nous nous jugions nous-mêmes, nous ne serions pas jugés."19 JC 304 1 Un arbre bon produira de bons fruits. Si le fruit n'a ni saveur, ni valeur, l'arbre est mauvais. C'est aussi le fruit que produit une vie qui montre la condition d'un coeur et l'excellence d'un caractère. Les bonnes oeuvres ne peuvent servir en aucun cas à acquérir le salut, mais elles constituent une preuve de la foi agissant par la charité et purifiant l'âme. Et, bien que la récompense éternelle ne soit pas due à nos mérites, elle sera néanmoins proportionnée à l'oeuvre que nous aurons accomplie, par la grâce du Christ. JC 304 2 C'est ainsi que le Christ exposa les principes de son royaume et montra, en eux, la règle d'or de la vie. Il se servit d'une image pour donner plus de force à son enseignement. Il ne suffit pas, dit-il, d'écouter mes paroles. Il faut qu'elles deviennent, par l'obéissance, le fondement de votre caractère. Le moi n'est que sable mouvant. Si vous bâtissez sur des théories et des inventions humaines, votre édifice s'écroulera. Il sera renversé par les vents de la tentation et par les tempêtes de l'épreuve. Mais les principes que je vous ai donnés demeurent à toujours. Recevez-moi; bâtissez sur mes paroles. JC 304 3 "Ainsi quiconque entend de moi ces paroles et les met en pratique sera semblable à un homme sensé qui a bâti sa maison sur le roc. La pluie est tombée, les torrents sont venus, les vents ont soufflé et se sont jetés contre cette maison: elle n'est pas tombée, car elle était fondée sur le roc." ------------------------Chapitre 32 -- Le centenier JC 305 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 8:5-13; Luc 7:1-17. JC 305 1 Le Christ avait dit à l'officier royal dont il avait guéri le fils: "Si vous ne voyez des miracles et des prodiges, vous ne croirez donc point!"1 Il était affligé par l'incrédulité de ceux de sa nation qui réclamaient pour croire à sa messianité des signes extérieurs. La foi du centenier fut donc pour lui un sujet d'étonnement. Le centenier ne doutait pas de la puissance du Sauveur. Il ne lui demanda même pas de venir, en personne, accomplir le miracle. "Dis seulement un mot, s'écria-t-il, et mon serviteur sera guéri." JC 305 2 Le serviteur du centenier, frappé de paralysie, se mourait. Chez les Romains les serviteurs étaient des esclaves, achetés et vendus sur les marchés, et souvent maltraités; mais le centenier aimait tendrement son serviteur et avait un vif désir de le voir rétabli. Il croyait que Jésus pouvait le guérir. Il n'avait pas encore vu le Sauveur, mais ce qu'il avait entendu de lui avait fait naître la foi dans son coeur. Malgré le formalisme des Juifs, ce Romain était convaincu de la supériorité de la religion juive. Déjà il avait franchi les barrières des préjugés nationaux et des haines qui séparaient les conquérants du peuple soumis, donné des preuves de respect pour le service de Dieu, et témoigné de la bonté envers les Juifs parce qu'il voyait, en eux, des adorateurs du vrai Dieu. Dans l'enseignement du Christ, tel qu'on le lui transmit, il trouva ce qui répondait aux besoins de son âme. Tout ce qu'il y avait de spirituel en lui accueillait les paroles du Sauveur. Mais il se sentait indigne de paraître en la présence de Jésus et il envoya quelques anciens, d'entre les Juifs, pour demander la guérison de son serviteur. Il pensait que ces hommes, étant en relation avec le grand Maître, sauraient l'approcher et obtenir cette faveur. JC 306 1 En entrant à Capernaüm, Jésus rencontra la délégation des anciens qui lui apportaient le désir du centenier. Ils le priaient avec instance en disant: "Il est digne que tu lui accordes cela; car il aime notre nation, et c'est lui qui a bâti notre synagogue." JC 306 2 Jésus se mit immédiatement en route vers la demeure de l'officier; mais, pressé par la foule, il n'avançait que lentement. Apprenant que Jésus approchait, le centenier, dans un sentiment de profonde humilité, lui envoya ce message: "Seigneur, ne prends pas tant de peine; car je ne mérite pas que tu entres sous mon toit." Le Seigneur, néanmoins, poursuivit sa route, et le centenier eut, enfin, la hardiesse de se présenter lui-même, et de compléter ainsi son message: "C'est aussi pour cela que je ne me suis pas cru digne d'aller en personne vers toi. Mais dis un mot, et que mon serviteur soit guéri! Car, moi qui occupe une place de subalterne, j'ai des soldats sous mes ordres; et je dis à l'un: Va! et il va; à l'autre: Viens! et il vient; et à mon serviteur: Fais cela! et il le fait." De même que mes soldats reconnaissent en moi le représentant du pouvoir romain et s'inclinent devant mon autorité, de même tu représentes le pouvoir du Dieu infini, et toutes les choses créées obéissent à ta parole. Tu peux commander à la maladie de s'éloigner, et elle t'obéira. Tu peux faire appel à tes messagers célestes, qui répandront une vertu salutaire. Dis seulement une parole, et mon serviteur sera guéri. JC 306 3 "Lorsque Jésus entendit ces paroles, il admira le centenier, se tourna vers la foule qui le suivait et dit: Je vous le dis, même en Israël je n'ai pas trouvé une aussi grande foi." Puis, s'adressant au centenier, il dit: "Va, qu'il te soit fait selon ta foi. Et à l'heure même le serviteur fut guéri." JC 306 4 Les anciens des Juifs qui avaient recommandé au Christ le centenier, avaient montré combien ils étaient éloignés de l'esprit de l'Evangile. Ils ne comprenaient pas que notre grand besoin est notre seul titre à la miséricorde divine. Remplis de propre justice, ils faisaient l'éloge du centenier, disant qu'il aimait leur "nation". Le centenier, au contraire, disait de lui-même: "Je ne mérite pas." Son coeur, touché par la grâce du Christ, reconnaissait sa propre indignité, ce qui ne l'empêchait pas de demander du secours. Il ne se confiait pas en sa propre bonté; son grand besoin constituait son unique argument. Sa foi saisit le Christ tel qu'il est réellement. Il ne vit pas en lui simplement un faiseur de prodiges, mais l'ami et le Sauveur de l'humanité. JC 307 1 C'est par ce chemin-là que tout pécheur peut arriver au Christ. "Il nous a sauvés -- non parce que nous aurions fait des oeuvres de justice, mais en vertu de sa propre miséricorde."2 Si Satan vous dit que vous êtes pécheurs, et qu'il est inutile d'espérer obtenir la bénédiction de Dieu, répondez-lui que le Christ est venu dans le monde pour sauver les pécheurs. Nous n'avons rien pour nous accréditer aux yeux de Dieu; mais maintenant, comme toujours, nous pouvons faire valoir notre situation désespérée qui rend indispensable l'intervention de son pouvoir rédempteur. Renonçant à toute confiance en nous-mêmes, nous pouvons regarder à la croix du Calvaire et dire: JC 307 2 Dans ma main je n'apporte aucun prix, Je ne fais que me cramponner à ta croix. JC 307 3 Dès leur enfance, les Juifs avaient reçu des instructions concernant l'oeuvre du Messie. Les déclarations inspirées des patriarches et des prophètes, ainsi que l'enseignement symbolique des sacrifices, étaient à leur portée. Mais ils avaient méconnu la lumière; et maintenant ils n'apercevaient rien de désirable en Jésus. Le centenier, au contraire, quoique né au sein du paganisme, élevé dans l'idolâtrie de la Rome impériale, voué à la carrière militaire, apparemment privé de vie spirituelle, par son éducation et son entourage, plus encore repoussé par le fanatisme des Juifs et par le mépris universel dont le peuple d'Israël était l'objet, perçut la vérité qui avait laissé aveugles les enfants d'Abraham. Il n'attendit pas de voir si les Juifs recevraient eux-mêmes celui qui se donnait pour leur Messie. A mesure qu'avait brillé sur lui la lumière qui, "en venant dans le monde, éclaire tout homme",3 il avait distingué, bien qu'à distance, la gloire du Fils de Dieu. JC 307 4 Pour Jésus, ceci était un gage de l'oeuvre que l'Evangile devait accomplir parmi les païens. C'est avec joie qu'il contempla, à l'avance, le rassemblement des âmes de toutes nations dans son royaume. Et c'est aussi avec une profonde tristesse qu'il dépeignit aux Juifs les résultats de leur incrédulité: "Je vous le déclare, plusieurs viendront de l'Orient et de l'Occident et se mettront à table avec Abraham, Isaac et Jacob dans le royaume des cieux. Mais les fils du royaume seront jetés dans les ténèbres du dehors; il y aura là des pleurs et des grincements de dents." Hélas! ils sont nombreux aujourd'hui ceux qui se préparent une aussi fatale déception! Tandis qu'au sein des ténèbres païennes des âmes acceptent sa grâce, combien de gens en pays chrétiens méconnaissent la lumière qui brille pour eux! JC 308 1 A une distance de plus de trente kilomètres de Capernaüm, sur un plateau d'où l'on aperçoit la vaste et magnifique plaine d'Esdraélon, se trouvait le village de Naïn, et Jésus y dirigea ses pas. Il avait avec lui bon nombre de ses disciples ainsi que d'autres personnes, et tout le long du parcours le peuple affluait, désireux d'entendre ses paroles d'amour et de pitié; on apportait des malades pour qu'il les guérît, et l'on caressait toujours l'espoir que celui qui déployait un tel pouvoir se ferait proclamer Roi d'Israël. La multitude joyeuse et pleine d'espérance se pressait sur ses pas, dans le sentier rocailleux qui menait à la porte du village de montagne. JC 308 2 En approchant, on vit un convoi funèbre sortant de la porte. Il s'avançait avec lenteur vers le lieu d'ensevelissement. Dans un cercueil ouvert porté en tête du convoi se trouvait le corps du mort; autour, les pleureurs remplissaient l'air de leurs lamentations. Toute la population du village semblait s'être donné rendez-vous pour rendre hommage au mort et témoigner sa sympathie aux affligés. JC 308 3 Cette vue inspirait une profonde pitié. Le mort était le fils unique d'une veuve. La pauvre femme accompagnait à la tombe son seul appui, sa seule consolation. "Le Seigneur la vit, eut compassion d'elle", et comme, aveuglée par les larmes, elle s'avançait sans remarquer sa présence, il s'approcha d'elle et lui dit doucement: "Ne pleure pas!" Jésus était sur le point de changer la douleur de cette femme en joie, pourtant il ne pouvait s'empêcher d'exprimer d'abord sa tendre sympathie. JC 309 1 Puis, s'étant approché, il "toucha le cercueil". La mort elle-même ne pouvait, par son contact, lui communiquer une souillure. Les porteurs s'arrêtèrent, et les lamentations se turent. Les deux groupes se réunirent autour du cercueil, espérant contre toute espérance. Quelqu'un était là qui avait vaincu la maladie et les démons; la mort serait-elle aussi soumise à son pouvoir? JC 309 2 D'une voix claire et pleine d'autorité Jésus prononça ces paroles: "Jeune homme, je te le dis, lève-toi!" Cette voix frappe les oreilles du mort. Le jeune homme ouvre les yeux. Jésus le prend par la main et le relève. Son regard tombe sur celle qui pleure à côté de lui; la mère et le fils s'étreignent éperdument. La foule stupéfiée regarde en silence. "Tous furent saisis de crainte." Ils restent quelque temps silencieux et respectueux, comme en présence de Dieu. Puis, glorifiant Dieu, ils s'écrient: "Un grand prophète s'est levé parmi nous, et Dieu a visité son peuple." Le convoi funèbre revint à Naïn en une procession triomphale. "Cette parole se répandit à son sujet dans la Judée tout entière et dans tous les environs." JC 309 3 Il se tient près du cercueil avec chaque affligé, celui qui consola la mère éplorée aux portes de Naïn. Notre douleur éveille sa sympathie. Son coeur déborde d'une tendresse inaltérable. Sa parole, qui rappela le mort à la vie, n'a pas moins d'efficace aujourd'hui qu'au moment où elle fut adressée au jeune homme de Naïn. Il dit: "Tout pouvoir m'a été donné dans le ciel et sur la terre."4 Cette puissance n'est ni diminuée par le nombre des années écoulées, ni épuisée par l'activité incessante de sa grâce débordante. Il est toujours un Sauveur vivant pour tous ceux qui croient en lui. JC 309 4 En rendant le fils à sa mère, Jésus changea en joie la douleur de celle-ci. Cependant le jeune homme n'était rappelé qu'à cette vie terrestre, pour supporter encore ses douleurs, ses peines et ses périls et retomber, encore une fois, sous le pouvoir de la mort. Mais Jésus console ceux qui pleurent sur leurs morts par ce message d'espérance infinie: "Je suis ... le vivant. J'étais mort, et me voici vivant aux siècles des siècles. Je tiens les clés de la mort et du séjour des morts." "Ainsi donc, puisque les enfants participent au sang et à la chair, lui aussi, d'une manière semblable y a participé, afin d'écraser par sa mort celui qui détenait la puissance de la mort, c'est-à-dire le diable, et de délivrer tous ceux qui, par crainte de la mort, étaient toute leur vie retenus dans l'esclavage."5 JC 310 1 Satan ne peut retenir les morts dans sa main quand le Fils de Dieu leur commande de vivre. Il ne peut davantage garder dans la mort spirituelle l'âme qui reçoit, par la foi, la parole puissante du Christ. A tous ceux qui sont morts dans le péché Dieu dit: "Réveille-toi, toi qui dors, relève-toi d'entre les morts."6 Cette parole est la vie éternelle. La parole de Dieu, qui donna la vie au premier homme, nous donne la vie, à nous aussi; comme la parole du Christ: "Jeune homme, je te le dis, lève-toi!" rendit la vie au jeune homme de Naïn, ainsi la parole: "Relève-toi d'entre les morts", transmet la vie à l'âme qui la reçoit. Dieu "nous a délivrés du pouvoir des ténèbres et nous a transportés dans le royaume de son Fils bien-aimé".7 Tout nous est offert en sa Parole. Si nous la recevons, nous sommes délivrés. "Et si l'Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité le Christ-Jésus d'entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous." "Car le Seigneur lui-même, à un signal donné, à la voix d'un archange, au son de la trompette de Dieu, descendra du ciel, et les morts en Christ ressusciteront en premier lieu. Ensuite, nous les vivants, qui serons restés, nous serons enlevés ensemble avec eux dans les nuées, à la rencontre du Seigneur dans les airs, et ainsi nous serons toujours avec le Seigneur".8 Voilà la parole de consolation par laquelle il nous invite à nous consoler les uns les autres. ------------------------Chapitre 33 -- Qui sont mes frères? JC 311 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 12:22-50; Marc 3:20-35. JC 311 1 Les fils de Joseph étaient loin d'approuver l'oeuvre de Jésus. Les rapports qui leur parvenaient concernant sa vie et ses travaux leur procuraient de l'étonnement et de la consternation. Ils apprenaient qu'il passait des nuits entières en prière, que tout le long du jour il était assiégé par la foule qui ne lui laissait pas le temps de manger. Ses amis pensaient que ses travaux incessants risquaient de l'épuiser; ils n'arrivaient pas à comprendre son attitude à l'égard des pharisiens et l'on allait parfois jusqu'à craindre pour sa raison. JC 311 2 Ces choses parvinrent aux oreilles de ses frères, ainsi que l'accusation portée contre lui par les pharisiens, selon laquelle il chassait les démons par la puissance de Satan. Ils se sentaient compromis dans l'opinion publique par leur parenté avec Jésus. Ils savaient que ses paroles et ses oeuvres créaient une vive agitation; ses propos audacieux jetaient l'alarme dans leurs esprits; ils étaient indignés parce qu'il osait dénoncer les scribes et les pharisiens. Ils décidèrent de mettre un terme à son activité, soit par la douceur, soit par la force; et ils persuadèrent Marie de se joindre à eux: ils s'imaginaient que l'amour qu'il portait à sa mère le rendrait plus prudent à l'avenir. JC 311 3 Jésus venait d'accomplir un miracle analogue à celui qu'il avait accompli précédemment, en guérissant un démoniaque aveugle et muet; les pharisiens avaient renouvelé leur accusation: "C'est par le prince des démons qu'il chasse les démons."1 Le Christ leur dit clairement qu'en attribuant à Satan l'oeuvre du Saint-Esprit ils se privaient de l'accès à la source des bénédictions. Ceux qui avaient parlé contre Jésus lui-même, sans discerner son caractère divin, pouvaient obtenir leur pardon; en effet, l'action du Saint-Esprit pouvait les amener à reconnaître leur erreur et à se repentir. De quelle nature que soit le péché, si une âme se repent et croit, la faute est lavée dans le sang du Christ; mais celui qui rejette l'oeuvre du Saint-Esprit se place hors d'atteinte de la repentance et de la foi. C'est par l'Esprit que Dieu agit sur le coeur; rejeter l'Esprit, attribuer son action à Satan, c'est obstruer l'unique canal par lequel Dieu peut communiquer avec nous. Dieu ne peut plus rien faire pour quelqu'un qui a définitivement rejeté l'Esprit. JC 312 1 Les pharisiens que Jésus avertissait ainsi ne prenaient pas au sérieux l'accusation qu'ils portaient contre Jésus. Chacun de ces dignitaires s'était senti attiré vers le Sauveur. La voix de l'Esprit avait résonné dans leurs coeurs, affirmant qu'il était l'Oint d'Israël et qu'ils avaient le devoir de se déclarer ses disciples. Mais c'eût été trop humiliant de l'accueillir comme le Messie après l'avoir rejeté. Une fois engagés dans le sentier de l'incrédulité, ils étaient trop fiers pour confesser leur erreur. Afin d'éviter de reconnaître la vérité, ils contredisaient violemment l'enseignement du Sauveur. Les preuves apportées par les manifestations de sa puissance et de sa miséricorde ne faisaient que les exaspérer. Ne pouvant ni empêcher le Sauveur d'accomplir des miracles, ni le réduire au silence, ils faisaient tout ce qu'ils pouvaient pour le présenter sous un faux jour et fausser son enseignement. Néanmoins la conviction produite par l'Esprit de Dieu les poursuivait et ils devaient se barricader pour échapper à son influence. La puissance la plus efficace qui puisse agir sur un coeur d'homme contestait avec eux, et ils refusaient de céder. JC 312 2 Ce n'est pas Dieu qui aveugle les hommes et endurcit leurs coeurs. Il leur envoie sa lumière pour corriger leurs erreurs et les conduire dans de sûrs sentiers; c'est quand on rejette cette lumière que les yeux sont aveuglés et les coeurs endurcis. Parfois cela arrive d'une manière graduelle et presque imperceptible. Une âme est éclairée par la Parole de Dieu, par le moyen de ses serviteurs ou directement par l'action de son Esprit; quand un rayon de lumière est dédaigné, la perception spirituelle se trouve affaiblie, si bien qu'une nouvelle manifestation de la lumière est moins discernée. Alors les ténèbres s'épaississent jusqu'à ce que l'âme soit plongée dans une nuit totale. C'est ce qui est arrivé aux chefs juifs. Convaincus que le Christ était revêtu d'une puissance divine, et voulant résister à la vérité, ils attribuaient à Satan l'oeuvre du Saint-Esprit. Ainsi ils se trompaient eux-mêmes et se plaçaient sous la domination de Satan. JC 313 1 Cet avertissement du Christ au sujet du péché contre le Saint-Esprit fut accompagné d'une mise en garde contre les paroles vaines et inutiles. Les paroles traduisent les sentiments du coeur. "De l'abondance du coeur la bouche parle." Non seulement les paroles révèlent le caractère; elles réagissent sur le caractère. Les hommes subissent l'influence de leurs propres paroles. Il leur arrive souvent, momentanément influencés par Satan, d'exprimer des sentiments d'envie et de médisance, sans même y croire; mais ces expressions exercent une action sur leurs pensées. Trompés par leurs propres paroles, ils en viennent à croire ce qu'ils ont dit à l'instigation de Satan. Puis, après avoir exprimé une opinion ou une décision, ils sont trop fiers pour se rétracter et font tant et si bien pour prouver qu'ils ont raison qu'ils finissent par le croire. Il y a danger à exprimer un doute, à mettre en question ou à juger défavorablement la lumière divine. Des habitudes de médisance négligente et irrespectueuse réagissent sur le caractère et favorisent l'irrévérence et l'incrédulité. En cultivant ces habitudes, sans se rendre compte du danger, plus d'un homme a fini par critiquer et rejeter l'oeuvre du Saint-Esprit. Jésus a dit: "Au jour du jugement, les hommes rendront compte de toute parole vaine qu'ils auront proférée. Car par tes paroles tu seras justifié, et par tes paroles tu seras condamné." JC 313 2 Ensuite il adressa un avertissement à ceux qui, influencés par ses paroles, l'avaient écouté avec plaisir, mais avaient négligé de s'abandonner entièrement au Saint-Esprit pour lui permettre d'habiter en eux. Une âme peut être détruite non seulement par la résistance, mais aussi par la négligence. "Lorsque l'esprit impur est sorti de l'homme, dit Jésus, il traverse des lieux arides, cherche du repos et n'en trouve pas. Alors il dit: Je retournerai dans ma maison d'où je suis sorti; et quand il arrive, il la trouve inoccupée, balayée et ornée. Il s'en va et prend avec lui sept autres esprits plus mauvais que lui; ils entrent dans la maison, s'établissent là." JC 314 1 Il y en avait beaucoup, aux jours du Christ, tout comme aujourd'hui, qui à un moment donné paraissaient délivrés du pouvoir de Satan; la grâce de Dieu les avait affranchis de la domination des mauvais esprits; ils se réjouissaient dans l'amour de Dieu; mais, semblables aux auditeurs du terrain pierreux de la parabole, ils ne sont pas demeurés dans son amour. Ils ne se sont pas abandonnés à l'influence de Dieu, jour après jour, pour permettre au Christ d'habiter dans leurs coeurs; aussi, quand le mauvais esprit revint avec "sept autres esprits plus mauvais que lui", ils se sont trouvés sous l'entière domination du mal. JC 314 2 Quand une âme fait au Christ une reddition totale, une puissance nouvelle s'empare du nouveau coeur. Il se fait alors un changement que l'homme ne saurait accomplir par lui-même. Il s'agit d'une oeuvre surnaturelle qui introduit dans la nature humaine un élément surnaturel. L'âme qui s'abandonne au Christ devient sa forteresse, qu'il occupe dans un monde en révolte, et où il ne tolère aucune autorité rivale. Une âme ainsi gardée par des agents célestes est imprenable aux assauts de Satan. A moins que nous nous livrions au pouvoir du Christ, le malin dominera sur nous. Il faut nécessairement que nous soyons dominés par l'un ou l'autre des deux grands pouvoirs qui se disputent la suprématie dans le monde. Pour passer sous la domination du royaume des ténèbres, il n'est pas indispensable que nous ayons décidé de la subir. Il suffit de négliger de s'allier au royaume de la lumière. Si nous n'accordons pas notre coopération aux agents célestes, Satan prendra possession de nos coeurs et y fera son habitation. Notre seule défense contre le mal consiste à faire régner le Christ dans nos coeurs en ayant foi en sa justice. A moins d'être unis à Dieu d'une manière vitale, nous ne sommes pas capables de résister aux effets pernicieux de l'égoïsme, de l'indulgence pour soi-même, et de la tentation. On peut renoncer à quelques mauvaises habitudes et se séparer momentanément de Satan; on sera finalement vaincu si l'on néglige d'entretenir une communion vivante avec Dieu en se soumettant à lui à chaque instant. Sans une connaissance personnelle du Christ et une communion ininterrompue, nous sommes à la merci de l'ennemi et nous finirons par lui obéir. JC 315 1 "La dernière condition de cet homme devient pire que la première. Il en sera de même, dit Jésus, pour cette génération mauvaise." Personne n'est plus endurci que celui qui a fait peu de cas de l'appel de la miséricorde et méprisé l'Esprit de grâce. Sous sa forme la plus ordinaire, le péché contre le Saint-Esprit pousse les hommes à négliger avec persistance l'invitation céleste au repentir. Chaque pas qui nous éloigne du Christ nous éloigne du salut et nous prépare à commettre le péché contre le Saint-Esprit. JC 315 2 En rejetant le Christ le peuple juif a commis le péché impardonnable; nous risquons de commettre la même erreur si nous refusons l'invitation de la miséricorde. Nous injurions le Prince de la vie, nous le couvrons d'opprobre aux yeux de ceux de la synagogue de Satan et de tout l'univers, si nous refusons d'écouter les messagers qu'il nous envoie, préférant écouter les agents de Satan qui veulent détourner les âmes du Christ. Aucun espoir de pardon pour qui agit ainsi: on finit par n'éprouver aucun désir de réconciliation avec Dieu. JC 315 3 Jésus continuait à enseigner la foule quand ses disciples lui firent savoir que sa mère et ses frères étaient dehors, désireux de le voir. Sachant ce qui était dans leurs coeurs, "Jésus répondit à celui qui le lui disait: Qui est ma mère et qui sont mes frères? Puis il étendit la main sur ses disciples et dit: Voici ma mère et mes frères. En effet, quiconque fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là est mon frère et ma soeur et ma mère." JC 316 1 Tous ceux qui reçoivent le Christ par la foi sont unis à lui par un lien plus étroit que celui de la parenté physique. Ils deviennent un avec lui comme il était un avec le Père. En tant que croyante obéissant à sa parole, sa mère était plus étroitement unie à lui, et d'une manière plus salutaire, que par sa parenté naturelle. Ses frères ne profiteraient aucunement de leur relation de parenté avec lui aussi longtemps qu'ils ne l'accepteraient pas comme leur Sauveur personnel. JC 316 2 Quel soutien le Christ n'eût-il pas trouvé chez ses parents terrestres s'ils avaient reconnu son origine céleste et lui avaient accordé leur collaboration dans l'accomplissement de l'oeuvre de Dieu! Leur incrédulité jeta une ombre sur les premières années de Jésus. C'était une portion de la coupe de douleur qu'il devait vider pour nous. JC 316 3 L'inimitié allumée dans le coeur humain contre l'Evangile était cruellement ressentie par le Fils de Dieu, surtout quand elle se manifestait dans son foyer; car son coeur à lui était plein de bonté et d'amour et il appréciait les bons rapports au sein de la famille. Ses frères lui demandaient de faire quelques concessions à leurs idées, ce qui eût été incompatible avec sa mission divine. Ils jugeaient qu'il avait besoin de leurs conseils. Considérant les choses d'un point de vue purement humain, ils pensaient qu'il aurait dû n'enseigner que ce qui plaisait aux scribes et aux pharisiens, évitant ainsi de désagréables controverses. Ils estimaient qu'il était hors de sens en revendiquant une autorité divine et en s'établissant en qualité de censeur au-dessus des rabbins. Ils savaient que les pharisiens cherchaient des occasions de l'accuser et il leur semblait qu'il leur fournissait ces occasions. JC 316 4 Leur étroitesse les empêchait de comprendre la mission dont il était chargé et de sympathiser avec lui dans ses épreuves. Leurs paroles désobligeantes prouvaient qu'ils ne reconnaissaient pas son véritable caractère et ne voyaient pas l'élément divin qui se mêlait chez lui à l'élément humain. Ils le voyaient souvent profondément affligé; au lieu de le réconforter, l'esprit qu'ils manifestaient par leurs paroles ne faisait que le blesser. Sa nature sensible était soumise à la torture, ses mobiles étaient incompris, son oeuvre méconnue. JC 317 1 Souvent ses frères lui présentaient la philosophie des pharisiens, vieillie et désuète, et se faisaient forts d'instruire celui qui connaissait toute la vérité et comprenait tous les mystères. Ils ne se faisaient pas faute de condamner ce qui les dépassait. Leurs reproches le blessaient au vif et jetaient l'angoisse dans son âme. Ils disaient avoir foi en Dieu et vouloir prendre sa défense alors qu'à leur insu Dieu était auprès d'eux dans la chair. JC 317 2 Tout ceci lui faisait un sentier plein d'épines. L'incompréhension qu'il rencontrait chez les siens lui était si douloureuse qu'il trouvait du soulagement à se diriger où il n'avait pas à la ressentir. Un foyer qu'il aimait visiter c'était celui de Lazare, de Marie et de Marthe; dans cette ambiance de foi et d'amour il trouvait du repos pour son esprit. Personne sur la terre, néanmoins, ne pouvait comprendre sa mission divine ou deviner le fardeau qu'il portait pour l'humanité. Il ne trouvait de soulagement que dans la solitude et la communion de son Père céleste. JC 317 3 Etes-vous appelés à souffrir pour l'amour du Christ, à supporter l'incompréhension et la méfiance? Consolez-vous en pensant que Jésus a fait la même expérience. Il a pitié de vous. Il vous invite à vous réfugier en sa compagnie, à trouver du réconfort là où il l'a trouvé lui-même, dans la communion du Père. JC 317 4 Ils ne sont pas des orphelins, condamnés à supporter seuls leurs épreuves, ceux qui acceptent le Christ comme leur Sauveur personnel. Il les introduit dans la famille céleste; il les invite à considérer son Père comme leur Père. Ils sont ses petits, chers au coeur de Dieu, liés à lui par des liens tendres et permanents. Autant le divin surpasse l'humain, autant ses tendresses envers nous surpassent celles qu'ont éprouvées pour nous notre père et notre mère quand nous étions incapables de marcher. JC 317 5 Les relations du Christ avec son peuple ont été magnifiquement illustrées par les lois données à Israël. Quand la pauvreté avait contraint un Hébreu à renoncer à son patrimoine et à se vendre comme esclave, le devoir de le racheter, lui et son héritage, incombait au plus proche parent."2 Ainsi la tâche de nous racheter, nous et l'héritage que le péché nous a fait perdre, a été confiée à notre plus proche Parent. C'est pour nous racheter qu'il s'est apparenté avec nous. Notre Seigneur et Sauveur est plus près de nous qu'un père, une mère, un frère, un ami, un fiancé. "Ne crains point, dit-il, car je t'ai racheté. Je t'ai appelé par ton nom; tu es à moi." "Parce que tu es précieux à mes yeux, digne d'estime, parce que je t'aime, je donnerai des hommes à ta place et des nations pour te racheter".3 JC 318 1 Le Christ aime les êtres célestes qui entourent son trône; mais que penser de l'amour immense dont il nous aime? Nous ne pouvons le comprendre, mais nous pouvons en avoir la certitude par notre propre expérience. Et si nous tenons à la relation de parenté qui nous unit à lui, avec quelle tendresse ne devrions-nous pas considérer nos frères et soeurs dans le Seigneur! Ne devrions-nous pas être prompts à reconnaître cette parenté divine? Adoptés dans la famille de Dieu, ne devrions-nous pas honorer notre Père et les membres de sa famille? ------------------------Chapitre 34 -- L'invitation JC 319 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 11:28-30. JC 319 1 "Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos." Ces paroles de réconfort s'adressaient à la foule qui suivait Jésus. Il avait dit que la connaissance de Dieu ne pouvait être obtenue que par son moyen et que celle des choses célestes avait été confiée à ses disciples. Mais personne ne devait se croire exclu de ses soins et de son amour. Tous ceux qui sont travaillés et chargés peuvent venir à lui. JC 319 2 Les scribes et les pharisiens, malgré le soin qu'ils apportaient à se conformer à des formes religieuses, éprouvaient des besoins que leurs rites pénitentiels ne pouvaient satisfaire. Les péagers et les pécheurs avaient dans leurs coeurs un sentiment de défiance et de crainte, même alors qu'ils paraissaient se contenter de plaisirs sensuels et terrestres. Jésus considérait avec pitié les âmes en détresse, les coeurs oppressés, ceux dont les espoirs avaient été déçus, et qui s'efforçaient d'apaiser les aspirations de leurs âmes par des jouissances terrestres: il les invitait tous à trouver en lui le repos. JC 319 3 Avec bonté il disait à ceux qui peinaient: "Prenez mon joug sur vous et soyez mes disciples, car je suis doux et humble de coeur; et vous trouverez du repos pour vos âmes." JC 319 4 Ces paroles s'adressent à tout être humain. Qu'ils en aient conscience ou non, tous les hommes sont fatigués et chargés, accablés par des fardeaux que le Christ seul peut enlever. Notre fardeau le plus lourd, c'est le péché. Si aucun secours n'arrive, nous en serons écrasés. Mais celui qui n'a pas connu le péché a pris notre place. "L'Eternel a fait retomber sur lui l'iniquité de nous tous."1 Il a porté le fardeau de notre culpabilité. Il enlèvera ce poids de dessus nos épaules fatiguées. Il nous donnera du repos. Il se chargera également du fardeau de nos soucis et de nos douleurs. Il nous porte sur son coeur et nous invite à nous décharger sur lui de tous nos soucis. JC 320 1 Notre Frère aîné se tient près du trône éternel. Il abaisse un regard favorable sur toute âme qui cherche en lui son Sauveur. Il connaît par expérience les faiblesses de l'humanité; il sait aussi quels sont nos besoins et ce qui donne de la force à nos tentations; car il a été tenté en toutes choses comme nous, sans toutefois commettre de péché. Il veille sur toi, enfant craintif de Dieu. Es-tu tenté? Il te délivrera. Es-tu faible? Il te fortifiera. Es-tu ignorant? Il t'éclairera. Es-tu blessé? Il te guérira. "Il compte le nombre des étoiles", et il est en même temps celui "qui guérit ceux qui ont le coeur brisé et qui bande leurs plaies".2 Il vous invite: "Venez à moi." Quels que soient vos sujets d'anxiété et vos épreuves, présentez-lui votre cas. Il communiquera à votre esprit la force de résister. Si vous êtes dans l'embarras et les difficultés, il vous donnera une issue. Plus grand est le sentiment de votre faiblesse, de votre impuissance, plus grande sera la force qu'il vous communiquera. Plus vos fardeaux vous semblent lourds, plus vous serez heureux de pouvoir les placer sur celui qui se charge de tous les fardeaux. Le repos que le Christ nous offre est soumis à des conditions, mais ces conditions sont formulées avec précision. Elles sont telles que chacun peut les remplir. Il nous indique clairement le chemin conduisant au repos. JC 320 2 "Prenez mon joug sur vous", dit Jésus. Le joug est un instrument de service. Le bétail est soumis au joug afin de fournir un travail effectif. Cette image est employée par le Christ pour montrer que nous sommes appelés au service aussi longtemps que dure notre vie. Il nous faut nous charger de son joug et devenir ainsi ses collaborateurs. JC 320 3 C'est la loi de Dieu qui est le joug du service. La grande loi d'amour révélée en Eden, proclamée au Sinaï, inscrite dans les coeurs aux termes de la nouvelle alliance, c'est elle qui lie l'ouvrier humain à la volonté de Dieu. Si nous étions abandonnés à nos propres inclinations, libres d'aller où bon nous plaît, nous ne tarderions pas à rejoindre les rangs de Satan et à lui emprunter ses défauts. Raison pour laquelle Dieu nous enferme dans les limites de sa volonté juste, noble et ennoblissante. Il désire qu'avec patience et sagesse nous remplissions les devoirs du service. Ce joug du service, le Christ lui-même l'a porté en son humanité. Il a déclaré: "Mon Dieu, je prends plaisir à faire ta volonté."3 "Je suis descendu du ciel pour faire, non ma volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé4 L'amour de Dieu, le zèle consacré à sa gloire et l'amour envers l'humanité induisirent Jésus à venir sur cette terre pour y souffrir et mourir. Telle était la puissance qui régissait sa vie. Tels sont les principes qu'il nous invite à adopter. JC 321 1 Bien des coeurs gémissent sous le poids des soucis pour vouloir se conformer aux règles du monde. Ils ont décidé de le servir, accepté les embarras qui en résultent, et adopté ses coutumes. Résultat: un caractère déformé, une vie épuisante. Pour donner satisfaction à leurs ambitions et à leurs désirs mondains ils blessent leur conscience et se créent ainsi un fardeau supplémentaire, celui du remords. Des préoccupations constantes drainent les forces vitales. Notre Seigneur leur demande de se débarrasser de ce joug d'esclavage, de le remplacer par son propre joug. "Mon joug est aisé, dit-il, et mon fardeau léger." Il les exhorte à chercher en premier lieu le royaume et la justice de Dieu, avec l'assurance que toutes les choses nécessaires leur seront ajoutées. Celui qui se tourmente est aveugle, incapable de voir l'avenir, tandis que Jésus voit la fin dès le commencement. Pour chaque difficulté il a un soulagement tout prêt. Notre Père céleste dispose de mille moyens de nous venir en aide, dont nous n'avons aucune idée. Ceux qui par principe placent le service et l'honneur de Dieu au-dessus de tout, verront s'évanouir leurs perplexités et s'ouvrir devant eux un sentier uni. JC 321 2 "Soyez mes disciples, dit Jésus, car je suis doux et humble de coeur; et vous trouverez du repos pour vos âmes." Mettons-nous à l'école du Christ et apprenons de lui la douceur et l'humilité. La rédemption est l'éducation qui prépare l'âme en vue du ciel. Cette éducation comporte la connaissance du Christ, l'abandon des idées, des habitudes et des usages appris à l'école du prince des ténèbres. L'âme doit être délivrée de tout ce qui s'oppose à la fidélité due à Dieu. JC 322 1 Une paix parfaite régnait dans le coeur du Christ, en parfaite harmonie avec Dieu. Il n'était jamais enivré par les applaudissements ni découragé par les reproches ou les déceptions. Il gardait tout entier son courage au milieu des plus vives oppositions et des traitements les plus cruels. Beaucoup de ceux qui se disent ses disciples ont un coeur anxieux et troublé: c'est qu'ils n'osent pas se confier entièrement à Dieu. Ils ne se soumettent pas entièrement à lui; ils redoutent les conséquences d'un tel abandon. Sans cet abandon, impossible de trouver la paix. JC 322 2 L'inquiétude naît de l'amour du moi. Quand nous sommes nés d'en haut, nous avons le sentiment qui était en Jésus, qui l'a fait s'abaisser pour nous sauver. Alors nous ne recherchons pas les premières places. Notre seul désir est de rester assis aux pieds de Jésus et d'apprendre de lui. Nous comprenons alors que ce qui donne de la valeur à notre oeuvre ce n'est pas l'ostentation et le bruit que nous pouvons produire dans le monde par une activité dévorante. Notre oeuvre vaut en proportion de la mesure du Saint-Esprit qui nous est départie. La confiance en Dieu engendre de saintes qualités intellectuelles qui nous permettent de posséder nos âmes par la patience. JC 322 3 Le joug est placé sur les boeufs pour les aider à traîner le fardeau, à le rendre plus léger. Ainsi en est-il du joug du Christ. Quand notre volonté sera absorbée en celle de Dieu, quand nous mettrons au service des autres les dons qu'il nous a confiés, notre fardeau nous paraîtra léger. Marcher dans la voie des commandements divins c'est avancer en compagnie du Christ et jouir du repos dans son amour. A la prière de Moïse: "Fais-moi connaître tes desseins, afin que je te connaisse", le Seigneur répondit: "Je serai moi-même ton guide et j'assurerai ta sécurité."5 Ecoutons ce message prophétique: "Ainsi parle l'Eternel: Tenez-vous sur les routes et regardez; informez-vous des sentiers d'autrefois; voyez quel est le bon chemin: suivez-le et vous trouverez le repos de vos âmes."6 Dieu dit: "Oh! si tu étais attentif à mes commandements! Ton bonheur coulerait comme un fleuve et ta prospérité comme les flots de la mer".7 JC 323 1 Prendre au mot le Christ, lui confier la garde de son âme, ordonner sa vie à sa volonté, c'est trouver paix et quiétude. Rien au monde ne peut attrister celui que Jésus réjouit par sa présence. Soumission complète assure repos parfait. Le Seigneur dit: "A celui dont le coeur est ferme tu assures la paix, une paix parfaite, parce qu'il se confie en toi."8 Nos vies peuvent ressembler à un écheveau embrouillé; si nous confions nos personnes au Maître-ouvrier il en fera sortir la vie et le caractère exemplaires qui serviront à sa gloire. Or le caractère formé à l'image glorieuse du caractère du Christ sera accueilli dans le Paradis de Dieu. Une race renouvelée marchera avec lui, de blanc vêtue, car elle en est digne. JC 323 2 Dès que nous entrons dans le repos de Jésus, le ciel commence ici-bas. Il nous invite: Venez, apprenez de moi; nous répondons, nous allons à lui, et pour nous commence la vie éternelle. S'approcher constamment de Dieu par le Christ, c'est le ciel. Et plus nous demeurons dans ce bonheur céleste, plus nous voyons la gloire s'ouvrir devant nous; plus nous apprenons à connaître Dieu, plus intense est notre bonheur. Aussi longtemps que nous marchons avec Jésus, nous sommes comblés par son amour, rassasiés par sa présence. Nous pouvons obtenir ici même tout ce que notre nature est capable de recevoir. Mais qu'est-ce que ceci en comparaison de l'au-delà? Là "ils sont devant le trône de Dieu et lui rendent un culte jour et nuit dans son temple. Celui qui est assis sur le trône dressera sa tente sur eux; ils n'auront plus faim, ils n'auront plus soif, et le soleil ne les frappera plus, ni aucune chaleur. Car l'Agneau qui est au milieu du trône les fera paître et les conduira aux sources des eaux de la vie, et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux."9 ------------------------Chapitre 35 -- Silence, apaise-toi! JC 324 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 8:23-34; Marc 4:35-41; 5:1-20; Luc 8:22-39. JC 324 1 Un jour plein d'événements venait de s'écouler dans la vie de Jésus. Près de la mer de Galilée, il avait prononcé ses premières paraboles, s'efforçant d'expliquer au peuple par des images familières la nature de son royaume et la manière dont ce royaume devait s'établir. Il s'était comparé lui-même à un semeur; et il avait illustré le développement de son royaume par la croissance d'un grain de moutarde et par l'effet produit sur une mesure de farine par un peu de levain. Il avait dépeint la grande séparation finale des justes et des méchants dans les paraboles du trésor caché et de la perle de grand prix; par celle du maître de maison il montrait à ses disciples comment devaient travailler ses représentants. JC 324 2 De tout le jour il n'avait pas cessé d'enseigner et de guérir; le soir arriva; les foules se pressaient encore autour de lui. Jour après jour il avait exercé son ministère en leur faveur, s'arrêtant à peine pour se nourrir et prendre du repos. Les insinuations malicieuses et les calomnies dont les pharisiens le poursuivaient, rendaient son labeur plus fatigant; épuisé à la fin de cette journée, il décida de se retirer de l'autre côté du lac en un lieu solitaire. JC 324 3 On rencontrait çà et là quelques villes sur la rive orientale du lac de Génézareth; néanmoins la région semblait désolée en la comparant au côté occidental. La population, plus païenne que juive, entretenait peu de rapports avec la Galilée. Elle offrait donc à Jésus la retraite désirée; il invita les disciples à l'accompagner. Après avoir congédié la foule, ceux-ci mettent rapidement au large la barque emportant Jésus "comme il était". Mais ils ne partent pas seuls. D'autres barques de pêche se trouvent près du rivage; des gens, désireux de voir et d'entendre encore Jésus, se sont précipités pour le suivre. JC 325 1 Libéré enfin de la foule qui l'a pressé, vaincu par la fatigue et par la faim, il s'étend au fond du bateau et ne tarde pas à s'endormir. La soirée avait été calme, les eaux tranquilles; mais, soudain, les ténèbres couvrent les cieux, le vent se met à souffler avec impétuosité à travers les gorges de la côte orientale, et une effroyable tempête éclate sur le lac. JC 325 2 Le soleil s'étant couché, une nuit noire couvre la mer démontée. Des vagues furieuses, soulevées par la bourrasque, se jettent sur la barque des disciples, menaçant de l'engloutir. Ces pêcheurs courageux ont passé leur vie sur le lac, et guidé leurs barques à travers plus d'une tempête; mais à cette heure leur force et leur habileté ne servent à rien. Ils ne sont plus que les jouets impuissants de la tourmente, la barque s'emplit d'eau, et leur espoir s'évanouit. JC 325 3 Absorbés par les efforts qu'ils font pour se sauver, ils ont oublié que Jésus est à bord. Devant la vanité de leurs tentatives, n'ayant plus devant eux que la perspective de la mort, ils se souviennent enfin de celui qui leur a donné l'ordre de traverser la mer. Leur unique espoir réside en Jésus. Ils l'appellent: "Maître, Maître!" Mais la densité des ténèbres le dérobe à leurs regards; les voix se perdent dans le bruit de la tempête et ne reçoivent aucune réponse. Ils se sentent assiégés par le doute et par la peur. Jésus les aurait-il abandonnés? Ne peut-il maintenant aider ses disciples, celui qui a vaincu la maladie, les démons, la mort elle-même? Les oublie-t-il dans leur détresse? JC 325 4 Ils lancent un nouvel appel, auquel seul le cri de la tempête en furie répond. Déjà la barque s'enfonce. Encore un instant et, selon toute apparence, ils vont être engloutis. JC 325 5 Tout à coup un éclair perce l'obscurité, et ils aperçoivent Jésus paisiblement endormi, malgré le tumulte. Etonnés et désespérés ils s'écrient: "Maître, tu ne te soucies pas de ce que nous périssons?" Comment peut-il jouir d'un repos si paisible tandis qu'ils sont en danger, luttant contre la mort? JC 326 1 Leurs cris réveillent Jésus. A la lueur d'un éclair, ils voient la paix du ciel répandue sur son visage; dans son regard un amour infiniment tendre; leurs coeurs se tournent vers lui, et ils supplient: "Seigneur, sauve-nous, nous périssons." JC 326 2 Jamais un tel cri n'est resté sans réponse. Les disciples tentent un dernier effort avec leurs rames, et Jésus se dresse. Debout au milieu des disciples tandis que la tempête fait rage, que les vagues s'élèvent autour d'eux et que l'éclair illumine son visage, il étend la main, cette main si souvent occupée à des oeuvres de miséricorde, et il dit à la mer en furie: "Silence, apaise-toi." JC 326 3 Le vent s'apaise. Les vagues se calment. Les nuages se dissipent et les étoiles recommencent de briller. La barque glisse sur une mer tranquille. Alors, se tournant vers ses disciples, Jésus leur demande tristement: "Pourquoi avez-vous eu peur? Comment n'avez-vous pas de foi?" JC 326 4 Un grand silence tombe sur les disciples. Pierre lui-même n'essaie pas d'exprimer la crainte qui remplit son coeur. Les barques, qui s'étaient mises en route pour accompagner Jésus, avaient traversé les mêmes dangers; la terreur et le désespoir s'étaient emparés de ceux qui les occupaient, mais là aussi le commandement de Jésus avait ramené la tranquillité. La furie des vents ayant rapproché les barques, tous purent assister au miracle. Dans le calme qui suivit chacun oublia ses craintes. Les gens se disaient l'un à l'autre: "Quel est donc celui-ci? Car il commande même au vent et à l'eau, et ils lui obéissent." JC 326 5 Jésus jouissait d'une paix parfaite quand il fut réveillé, au milieu de la tempête. Sa parole et son regard ne manifestaient aucune trace de crainte, car son coeur ignorait la peur. Cependant il ne se confiait pas en sa puissance souveraine. Ce n'est pas en qualité de Maître de la terre, des mers et du ciel qu'il se reposait si tranquillement. Car cette puissance il s'en était dépouillé, et lui-même déclare: "Je ne peux rien faire par moi-même."1 Il se confiait en la puissance de son Père. Il se reposait sur la foi en l'amour de Dieu et en ses soins; ce fut la puissance de la parole de Dieu qui apaisa la tempête. JC 327 1 De même que Jésus se reposa, par la foi, sur les soins de son Père, de même nous devons nous reposer sur les soins de notre Sauveur. Si les disciples s'étaient confiés en lui, ils auraient conservé la paix. L'incrédulité fut la cause de leurs craintes au moment du danger. Leurs efforts pour se sauver leur firent oublier Jésus; c'est seulement alors que, désespérant d'eux-mêmes, ils se tournèrent vers lui, qu'il put leur venir en aide. JC 327 2 Combien de fois nous faisons l'expérience des disciples! Quand éclatent les tempêtes de la tentation, quand l'éclair brille et que les vagues s'amoncellent sur nous, nous combattons seuls contre l'orage, oubliant qu'il y a quelqu'un qui peut nous aider. Nous nous confions en nos propres forces jusqu'à ce que, ayant perdu tout espoir, nous soyons près de périr. Alors nous nous souvenons de Jésus, et notre cri ne sera pas vain. Même s'il reprend avec tristesse notre incrédulité et notre confiance en nous-mêmes, il ne manque jamais de nous donner l'aide dont nous avons besoin. Sur terre ou sur mer, nous ne devons rien redouter, si nous avons le Sauveur avec nous. Une foi vivante au Rédempteur calmera la mer de la vie et nous délivrera du danger par les moyens qu'il jugera les meilleurs. JC 327 3 Le miracle de l'apaisement de la tempête contient une autre leçon spirituelle. L'expérience de chacun confirme la vérité de ces paroles de l'Ecriture: "Les méchants sont comme la mer agitée, qui ne peut s'apaiser. ... Il n'y a point de paix pour les méchants, a dit mon Dieu."2 Le péché a détruit notre paix. Aucun repos, tant que notre moi n'a pas fait sa soumission. Aucun pouvoir humain ne peut contenir les fortes passions du coeur. En ceci nous sommes aussi impuissants que les disciples au milieu de la mer en furie. Mais celui qui a adressé une parole de paix aux vagues de Galilée a aussi une parole de paix pour chaque âme. Quelle que soit la violence de la tempête, ceux qui se tournent vers Jésus en lui criant: "Seigneur, sauve-nous", obtiendront la délivrance. Sa grâce, qui réconcilie l'âme avec Dieu, apaise les conflits des passions humaines; le coeur trouve son repos dans son amour. "Il fait succéder le calme à la tempête et les vagues s'apaisent. Ils se réjouissent de ce qu'elles sont calmées et Dieu les conduit au port qu'ils désiraient."3 "Etant donc justifiés par la foi, nous avons la paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ." "La justice enfantera la paix et le fruit de la justice sera le repos et la sécurité pour toujours".4 JC 328 1 De bon matin, alors que la lumière du soleil levant semblait vouloir donner, à la mer et à la terre, le baiser de paix, le Sauveur atteignit le rivage avec sa suite. A peine avaient-ils posé les pieds sur la plage qu'une scène plus terrible que la violente tempête s'offrit à leurs regards. Deux aliénés cachés parmi les tombes se jetèrent sur eux comme pour les mettre en pièces. Des morceaux de chaînes qu'ils avaient brisées en s'échappant de prison étaient encore attachés à leurs membres. Leurs chairs, tailladées par des pierres tranchantes, saignaient. A travers leurs longs cheveux emmêlés leurs yeux brillaient d'un éclat étrange; les démons dont ils étaient possédés leur ôtaient toute apparence humaine: ils ressemblaient plus à des fauves qu'à des hommes. JC 328 2 Terrorisés, les disciples et leurs compagnons s'enfuirent. S'apercevant bientôt que Jésus ne se trouvait pas avec eux, ils retournèrent en arrière pour le chercher. Le Maître était resté à l'endroit même où ils l'avaient laissé. Il ne fuyait pas devant les démons, celui qui avait apaisé la tempête et qui, auparavant déjà, avait affronté et vaincu Satan. Quand les deux hommes, grinçant des dents et la bouche écumante s'approchèrent de lui, Jésus étendit la main qui venait d'imposer silence aux flots, et ces hommes n'avancèrent pas. Ils se tenaient tremblants de rage, mais impuissants, en sa présence. JC 328 3 Avec autorité Jésus commanda aux esprits impurs de sortir d'eux. Ses paroles pénétrèrent dans les esprits obscurcis de ces infortunés. Ils percevaient confusément qu'une présence inattendue pouvait les délivrer de leurs tortionnaires. Ils tombèrent aux pieds du Sauveur pour l'adorer; mais dès qu'ils remuèrent les lèvres pour implorer sa miséricorde, les démons, parlant par eux, crièrent avec véhémence: "Que me veux-tu, Jésus, Fils du Dieu Très-Haut? Je t'en supplie, ne me tourmente pas." JC 329 1 Jésus demanda: "Quel est ton nom?" Il reçut cette réponse: "Légion est mon nom, car nous sommes plusieurs." Se servant de ces malheureux comme moyens de communication, les démons supplièrent Jésus de ne pas les renvoyer hors du pays. Un vaste troupeau de pourceaux paissait sur un coteau peu éloigné. Les démons demandèrent qu'on les laissât entrer dans les pourceaux, et Jésus le leur permit. Immédiatement la panique saisit ces animaux, qui se précipitèrent, avec furie, du haut de la falaise, dans le lac, et y périrent. JC 329 2 Pendant ce temps un changement merveilleux s'était produit chez les démoniaques. La lumière brillait à nouveau dans leur esprit. Leurs regards étaient redevenus intelligents, leurs visages, si longtemps déformés à l'image de Satan, retrouvaient leur douceur, les mains tachées de sang restaient en repos, et, d'une voix joyeuse, ces hommes louaient Dieu de leur délivrance. JC 329 3 Sur la falaise, les gardiens des pourceaux avaient tout vu, et ils s'empressèrent d'aller publier ces nouvelles. Ceux qui les employaient ainsi que toute la population, saisie de frayeur et d'étonnement, accoururent auprès de Jésus. Les deux démoniaques avaient été la terreur de la contrée. Personne n'osait passer près du lieu où ils séjournaient; car ils se précipitaient avec furie sur les voyageurs. Maintenant, vêtus et dans leur bon sens, ces hommes se tenaient assis aux pieds de Jésus, recueillant ses paroles et glorifiant le nom de celui qui les avait guéris. Mais les gens qui assistèrent à cette scène n'en éprouvèrent aucune joie. La perte des pourceaux avait, pour eux, une bien plus grande importance que l'affranchissement de ces captifs de Satan. JC 329 4 Ce fut, envers les possesseurs des pourceaux, un acte de miséricorde que Jésus accomplit en permettant cette perte. Absorbés qu'ils étaient par les choses terrestres, ils ne se souciaient pas des grands intérêts de la vie spirituelle. Jésus, afin qu'ils pussent accepter sa grâce, désirait rompre le charme de cette indifférence égoïste. Mais les regrets et l'indignation que leur causa cette perte matérielle, les aveuglèrent au point de les empêcher de reconnaître la miséricorde du Sauveur. JC 330 1 Une telle manifestation de puissance surnaturelle réveilla les superstitions du peuple et excita ses craintes. La présence de cet étranger, pensaient-ils, pouvait leur occasionner d'autres calamités. Redoutant une ruine financière, ils voulurent se débarrasser de sa présence. Ceux qui avaient traversé le lac avec Jésus racontèrent en vain ce qui s'était passé la nuit précédente: comment la tempête les avaient mis en péril et comment le vent et la mer avaient été apaisés. Leurs paroles restèrent sans effet. Le peuple, terrorisé, supplia Jésus de s'éloigner; il y consentit et s'embarqua immédiatement pour atteindre la rive opposée. JC 330 2 Les habitants de Gérasa avaient eu une preuve frappante de la puissance et de la miséricorde du Christ. Ils avaient vu les deux hommes rendus à la raison; mais, craignant pour leurs intérêts terrestres, ils traitèrent comme un intrus celui qui venait, devant eux, de vaincre le prince des ténèbres et ils repoussèrent le don du ciel. Nous n'avons pas l'occasion, comme les Gadaréniens, de nous détourner de la personne du Christ; ils sont nombreux, toutefois, ceux qui refusent de se soumettre à sa Parole, parce que l'obéissance entraînerait pour eux le sacrifice de quelque intérêt de ce monde. Pour éviter une perte pécuniaire, beaucoup préfèrent se priver de sa présence; ils rejettent sa grâce et chassent loin d'eux son Esprit. JC 330 3 Les démoniaques guéris éprouvaient des sentiments tout contraires. Ils désiraient rester avec leur libérateur, se sentant en sa présence à l'abri des entreprises des démons qui les avaient tourmentés et avilis. Quand Jésus rentra dans la barque, ils le suivirent de près et se prosternant à ses pieds, le supplièrent de les garder auprès de lui, afin qu'ils pussent toujours écouter ses paroles. Mais Jésus leur enjoignit de retourner chez eux et de raconter les grandes choses accomplies par le Seigneur. JC 331 4 Ils avaient une oeuvre à faire: se rendre dans une maison païenne et y faire connaître les bénédictions qu'ils avaient reçues de Jésus. Il leur était dur de s'éloigner de leur Sauveur. Ils s'exposaient à de grandes difficultés en vivant dans leur pays parmi des païens, et l'isolement prolongé dans lequel ils avaient vécu jusqu'ici, semblait les disqualifier pour le travail assigné. Néanmoins ils n'hésitèrent pas à obéir dès que Jésus leur indiqua leur devoir. Non contents de parler du Maître dans leurs familles et chez leurs voisins immédiats, ils parcoururent toute la Décapole, annonçant partout sa puissance salvatrice et racontant de quelle façon il les avait délivrés des démons. Ils devaient trouver plus de bonheur à accomplir cette oeuvre, que s'ils étaient restés avec lui simplement pour leur propre avantage. C'est en nous efforçant de propager la bonne nouvelle du salut que nous sommes attirés plus près du Sauveur. JC 331 1 Les deux démoniaques guéris furent les premiers missionnaires que le Christ envoya prêcher l'Evangile dans la région de la Décapole. Ces hommes avaient eu pendant peu d'instants l'avantage d'entendre les enseignements du Christ. Ils n'avaient jamais eu l'occasion d'écouter un de ses sermons. Ils n'étaient pas aussi bien préparés à instruire le peuple que les disciples, ceux-ci ayant vécu tous les jours avec le Christ. Mais ils portaient, en eux-mêmes, la preuve que Jésus était le Messie. Ils pouvaient dire ce qu'ils savaient, ce qu'ils avaient vu, entendu, éprouvé, de la puissance du Christ. Tout coeur qui a été touché par la grâce de Dieu peut en faire autant. JC 331 2 Jean, l'apôtre bien-aimé, a écrit: "Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché, concernant la parole de vie, ... ce que nous avons vu et entendu, nous vous l'annonçons, à vous aussi."5 En tant que témoins du Christ, nous devons dire ce que nous savons, ce que nous avons vu, entendu et ressenti. Si nous avons suivi Jésus pas à pas, nous aurons quelque chose d'approprié à dire concernant la manière dont il nous a conduits. Nous pouvons dire comment nous avons mis sa promesse à l'épreuve et l'avons trouvée fidèle. Nous pouvons témoigner de ce que nous avons appris touchant la grâce du Christ. Voilà le témoignage demandé par le Seigneur, le témoignage dont l'absence laisse le monde en perdition. JC 331 3 Bien que la population de Gérasa n'ait pas reçu Jésus, il ne l'a pas laissée croupir dans les ténèbres qu'elle avait préférées. Avant d'avoir entendu ses paroles, ils l'avaient prié de s'en aller. Ils ignoraient ce qu'ils rejetaient. Il leur envoya donc la lumière par ceux qu'on ne refuserait pas d'écouter. JC 332 1 Par la destruction des pourceaux, Satan se proposait de détourner le peuple du Sauveur et d'empêcher la prédication de l'Evangile dans cette région. Mais cet événement émut le pays tout entier et dirigea l'attention sur le Christ. Le Sauveur partit, mais les hommes qu'il avait guéris restèrent pour témoigner de sa puissance. Ceux dont s'était servi le prince des ténèbres devinrent des porteurs de lumière, des messagers du Fils de Dieu. On s'étonnait en entendant le récit de ces choses merveilleuses. Une porte était ouverte à l'Evangile dans toute la région. Quand Jésus revint en Décapole, on s'empressa autour de lui; pendant trois jours ce ne furent pas seulement les habitants d'une ville, mais des milliers de personnes accourues des environs, qui entendirent le message du salut. Notre Sauveur commande même au pouvoir des démons et il fait sortir le bien du mal. JC 332 2 Cette rencontre avec les démoniaques de Gérasa renfermait une leçon à l'intention des disciples. Elle permettait de voir à quel degré de déchéance Satan s'efforce de faire descendre l'humanité tout entière, et de reconnaître, en Christ, celui qui a reçu pour mission de délivrer les hommes. Ces misérables, hantant les tombeaux, possédés des démons, esclaves de passions effrénées et d'odieuses convoitises, offraient l'image de ce que deviendrait l'humanité abandonnée à l'empire de Satan. L'influence du démon s'emploie constamment à distraire les sens, à diriger l'esprit vers le mal, à inciter à la violence et au crime; elle affaiblit le corps, elle obscurcit l'intelligence, elle avilit l'âme. Chaque fois que les hommes rejettent l'appel du Sauveur, ils se placent sous l'influence de Satan. C'est ce que font des foules de gens dans tous les domaines de la vie, dans les affaires, au sein des familles, même de l'église. C'est pour cela que la violence et le crime sont répandus sur la terre et que les ténèbres morales couvrent, ainsi qu'un drap mortuaire, les demeures des hommes. Par des tentations subtiles, Satan entraîne les hommes toujours plus avant dans le mal, jusqu'à ce qu'il en résulte une corruption et une ruine totales. Contre sa puissance il n'existe qu'une sauvegarde: la présence de Jésus. Satan s'est manifesté comme l'ennemi et le destructeur des hommes; le Christ s'est révélé leur ami et leur libérateur. Son Esprit développe en l'homme tout ce qui ennoblit le caractère et confère de la dignité à la nature; pour la gloire de Dieu il le rétablit dans son corps, son âme et son esprit. "Car ce n'est pas un esprit de timidité que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d'amour et de sagesse."6 Il nous a appelés à posséder "la gloire", c'est-à-dire le caractère, "de notre Seigneur Jésus-Christ". Il nous a appelés "à être semblables à l'image de son Fils".7 JC 333 1 La puissance du Christ continue à transformer en messagers de justice ceux qui se sont laissé dégrader au point de devenir des instruments de Satan. Le Fils de Dieu les envoie ensuite raconter "tout ce que le Seigneur t'a fait, et comment il a eu pitié de toi". ------------------------Chapitre 36 -- L'attouchement de la foi JC 334 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 9:18-26; Marc 5:21-43; Luc 8:40-56. JC 334 1 En revenant de Gérasa à la côte occidentale, Jésus trouva une foule qui le reçut avec joie. Il resta quelque temps au bord de la mer, enseignant et guérissant, et se rendit ensuite chez Lévi-Matthieu pour assister au festin des péagers. C'est là que Jaïrus, le chef de la synagogue, vint le trouver. JC 334 2 L'ancien des Juifs se présenta à Jésus dans une grande détresse et, s'étant jeté à ses pieds, il lui dit: "Ma fillette est à toute extrémité; viens, impose-lui les mains, afin qu'elle soit sauvée et qu'elle vive." JC 334 3 Jésus se mit immédiatement en route vers la maison de ce chef. Bien que les disciples eussent assisté à un grand nombre de ses oeuvres miséricordieuses, ils furent surpris en voyant Jésus acquiescer à la demande de l'orgueilleux rabbin; néanmoins, se joignant à la foule impatiente et pleine d'espoir, ils suivirent le Maître. La maison du chef n'était pas très éloignée, mais Jésus, gêné par l'encombrement, avançait lentement avec ses compagnons. Le père impatient ne supportait aucun délai; mais Jésus, ému de pitié pour le peuple, s'arrêtait çà et là pour soulager quelque souffrance ou pour réconforter un coeur troublé. JC 334 4 Ils étaient encore en route, lorsqu'un messager, se frayant un passage à travers la foule, vint annoncer à Jaïrus que sa fille venait de mourir et qu'il était inutile d'importuner davantage le Maître. Jésus saisit au passage les paroles de l'envoyé et il dit: "Sois sans crainte, crois seulement, et elle sera sauvée." JC 334 5 Jaïrus suivit le Sauveur de plus près; ensemble ils se hâtèrent vers la maison. Les pleureuses de profession et les joueurs de flûte déjà présents remplissaient l'air de leurs clameurs. La présence des curieux et leur tumulte ne convenait pas à Jésus. Il voulut les réduire au silence en disant: "Pourquoi ce tumulte et ces pleurs? L'enfant n'est pas morte, mais elle dort." Ces paroles de l'étranger les remplirent d'indignation. Ils se moquèrent de lui, car ils avaient vu l'enfant expirer. Jésus, les ayant alors fait sortir tous, prit avec lui le père et la mère de la jeune fille et trois de ses disciples, Pierre, Jacques et Jean, et, ensemble, ils entrèrent dans la chambre mortuaire. JC 335 1 S'étant approché du lit, Jésus saisit l'enfant par la main, et prononça avec douceur ces mots, dans la langue qui lui était familière: "Jeune fille, lève-toi, je te le dis." JC 335 2 A l'instant, un tremblement parcourut tous les membres de la petite fille. Le coeur battit à nouveau. Elle ouvrit ses yeux tout grands comme si elle se fût réveillée d'un sommeil, et souriante regarda avec étonnement ceux qui l'entouraient. Elle se leva, et ses parents, pleurant de joie, la serrèrent dans leurs bras. JC 335 3 En se rendant à la maison du chef, Jésus avait croisé, dans la foule, une pauvre femme qui, depuis douze ans, souffrait d'une maladie assombrissant sa vie. Elle avait dépensé tout ce qu'elle possédait à payer des médecins et des remèdes; son mal était incurable. Ses espérances se ranimèrent quand elle entendit parler des guérisons accomplies par Jésus. Faible et souffrante, mais sûre d'obtenir la délivrance si seulement elle pouvait arriver jusqu'à lui, elle vint au bord de la mer, à l'endroit où il enseignait, cherchant, mais en vain, à se frayer un passage à travers la foule. Elle le suivit jusqu'à la maison de Lévi-Matthieu, sans pouvoir encore l'atteindre et elle commençait de désespérer, lorsqu'il passa près d'elle. JC 335 4 L'occasion précieuse est là. La malade se trouve en présence du grand Médecin! Cependant, au milieu de la confusion, elle ne peut lui parler; c'est à peine si elle l'entrevoit au passage. Craignant de perdre sa seule chance de guérison, elle s'avance, se disant à elle-même: "Si je puis seulement toucher ses vêtements, je serai guérie." Enfin, elle réussit à effleurer le bord de sa robe. A l'instant même elle se sent guérie. Dans cet attouchement elle venait de concentrer toute la foi de sa vie: instantanément, la douleur et la faiblesse ont fait place à la vigueur d'une santé parfaite. JC 336 1 Le coeur reconnaissant, elle veut s'éloigner; mais, soudain, Jésus s'arrête, et le peuple avec lui. Il se retourne et, jetant un regard autour de lui, il demande assez distinctement pour être bien entendu: "Qui m'a touché?" Cette question provoque l'étonnement de la foule, Jésus étant pressé de tous côtés. JC 336 2 Pierre, toujours prompt à prendre la parole, lui dit: "Maître, la foule t'entoure et te presse! ... et tu dis: Qui m'a touché?" Jésus répond: "Quelqu'un m'a touché; car j'ai senti qu'une force est sortie de moi." Le Sauveur sait distinguer l'attouchement de la foi du contact involontaire d'une foule insouciante. Une telle confiance ne doit pas passer inaperçue. Jésus veut donner à cette humble femme des paroles de réconfort qui seront pour elle une source de joie en même temps qu'une bénédiction pour ses disciples, jusqu'à la fin des temps. JC 336 3 Regardant dans la direction de la femme, Jésus insiste pour savoir qui l'a touché. Voyant qu'elle ne peut plus se dérober, elle s'avance toute tremblante et se jette à ses pieds. Elle raconte avec des larmes de reconnaissance tout ce qu'elle a souffert, et comment elle a été soulagée. Jésus lui dit avec douceur: "Courage, ma fille, ta foi t'a guérie." Il ne veut donner aucun appui à l'idée superstitieuse d'une vertu guérissante due au simple attouchement de ses vêtements. La cure n'a pas été opérée par un contact extérieur avec lui, mais bien par la foi qui saisit sa puissance divine. JC 336 4 La foule des curieux qui se pressait autour du Christ ne ressentait pas l'influence de son pouvoir vivifiant. Mais quand cette femme infirme avança sa main pour le toucher, croyant qu'elle serait guérie, elle ressentit la vertu guérissante. Il en va de même quant aux choses spirituelles. Cela ne sert de rien de parler de religion au hasard, de prier sans éprouver une faim spirituelle et une foi vivante; une foi en Christ qui n'existe que de nom, qui l'accepte uniquement comme le Sauveur du monde, est incapable d'apporter à l'âme la guérison. Croire à salut n'est pas simplement accorder à la vérité un assentiment intellectuel. Celui-là ne peut recevoir la bénédiction divine qui attend de tout savoir pour exercer sa foi. JC 337 1 Il ne suffit pas de croire ce qui concerne le Christ; nous devons croire en lui. La seule foi qui nous soit profitable est celle qui le prend comme Sauveur et qui s'approprie ses mérites. D'aucuns pensent que la foi n'est qu'une opinion, mais la foi salutaire est une opération par laquelle ceux qui reçoivent le Christ contractent une alliance avec Dieu. La vraie foi est une vie. Une foi vivante entraîne un accroissement de vigueur, une pleine confiance, communiquant à l'âme un pouvoir conquérant. JC 337 2 Après avoir guéri la femme, Jésus désira qu'elle reconnût le bienfait reçu. Il ne faut pas jouir en secret des dons offerts par l'Evangile. Le Seigneur nous demande de confesser ses bontés. "Vous en êtes donc témoins, dit l'Eternel: c'est moi qui suis Dieu!"1 JC 337 3 Le moyen choisi du ciel pour révéler le Christ au monde, c'est que nous confessions sa fidélité. Il nous faut, bien sûr, reconnaître sa grâce comme elle s'est manifestée chez les saints hommes d'autrefois; mais ce qui aura plus d'effet, c'est le témoignage de notre expérience personnelle. Nous sommes les témoins de Dieu quand l'action d'une puissance divine se manifeste en nous. Chaque individu a une vie distincte de toute autre, et une expérience essentiellement différente de celle des autres. Dieu désire que notre louange monte vers lui sous le signe de notre individualité. Ces actes de reconnaissance à la louange de la gloire de sa grâce, confirmés par une vie chrétienne, agissent avec une puissance irrésistible pour le salut des âmes. JC 337 4 Quand les dix lépreux vinrent à Jésus pour être guéris, ils durent aller se montrer au prêtre. C'est en obéissant à cet ordre qu'ils furent guéris. Un seul d'entre eux revint pour lui donner gloire; les autres continuèrent leur chemin, oubliant celui qui les avait purifiés. Combien de personnes agissent de même, aujourd'hui! Le Seigneur accorde sans cesse ses bienfaits à l'humanité. Il relève ceux qui, malades, languissent sur un lit, il délivre les hommes de dangers inconnus, il charge ses anges de les préserver de calamités, de les garder de "la peste qui se glisse à travers les ténèbres", et de "la mortalité qui sévit en plein midi";2 mais leurs coeurs restent insensibles. Bien qu'il ait donné toutes les richesses du ciel pour prix de leur rachat, son grand amour ne rencontre que l'ingratitude fermant les coeurs à la grâce de Dieu. Ils ne remarquent pas mieux que la lande déserte, le bien qui leur est fait et leur âme habite les lieux desséchés. JC 338 1 En conservant le souvenir de chacun des bienfaits de Dieu, notre foi se fortifie et devient capable de demander et d'obtenir davantage. Il y a plus d'encouragement pour nous dans la moindre bénédiction dont nous avons été l'objet de la part de Dieu, que dans tous les récits touchant la foi et l'expérience des autres. L'âme qui répond à la grâce de Dieu ressemblera à un jardin arrosé. Sa vigueur germera promptement; sa lumière se lèvera dans l'obscurité et la gloire du Seigneur resplendira sur elle. Souvenons-nous des tendres bontés du Seigneur et de la multitude de ses grâces. Comme le peuple d'Israël, dressons des pierres en témoignage, pour y inscrire l'histoire instructive de ce que Dieu a fait pour nous. Et, lorsque nous passons en revue ses dispensations à notre égard, au cours de notre pèlerinage, disons avec des coeurs débordants de gratitude: "Que rendrai-je à l'Eternel? Tous ses bienfaits sont sur moi! Je lèverai la coupe d'actions de grâces, et j'invoquerai le nom de l'Eternel. Je m'acquitterai de mes voeux envers l'Eternel en présence de tout son peuple."3 ------------------------Chapitre 37 -- Les premiers évangélistes JC 339 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 10; Marc 6:7-11; Luc 9:1-6. JC 339 1 Les apôtres étaient membres de la famille de Jésus, et ils l'avaient accompagné dans ses voyages à pied à travers la Galilée. Ils avaient partagé ses peines et ses privations. Ils avaient marché et conversé avec le Fils de Dieu, écoutant ses discours, apprenant de lui à travailler pour le bien de l'humanité. Pendant que Jésus s'occupait des vastes multitudes rassemblées autour de lui, ses disciples se tenaient à sa disposition, prêts à exécuter ses ordres et à le seconder dans son travail. Ils assignaient à chacun sa place, ils amenaient au Sauveur ceux qui étaient affligés de quelque maladie, et ils mettaient tout le monde à l'aise. Ils cherchaient les auditeurs qui manifestaient le plus d'intérêt afin de leur expliquer les Ecritures et de travailler, de diverses manières, à leur développement spirituel. Ils communiquaient les enseignements qu'ils avaient reçus de Jésus, enrichissant ainsi, tous les jours, leur expérience. Il y avait une expérience qu'ils n'avaient pas encore faite: celle de travailler seuls. Ils avaient encore besoin de s'instruire davantage, d'acquérir plus de patience et plus de douceur. Pendant qu'il était avec eux pour les conseiller et redresser leurs erreurs, le Sauveur les envoya comme ses représentants. JC 339 2 L'enseignement des prêtres et des pharisiens avait été souvent pour les disciples un sujet de perplexité, mais ils soumettaient leurs doutes à Jésus et le Maître leur présentait des vérités de l'Ecriture en opposition avec la tradition, affermissant ainsi leur confiance en la Parole de Dieu, et les affranchissant, dans une grande mesure, de la crainte des rabbins et de l'esclavage de la tradition. L'exemple de la vie du Sauveur joua, dans la formation des disciples, un rôle plus important que l'enseignement théorique. Une fois éloignés de lui, ils se souvinrent de son regard, du ton de sa voix et des moindres mots qu'il avait dits. Souvent, quand ils entraient en conflit avec les ennemis de l'Evangile, il leur arrivait de répéter ses paroles, et c'était une grande joie pour eux d'en constater les effets. JC 340 1 Ayant appelé les douze, Jésus les envoya deux à deux dans les villes et les villages. Personne ne partit seul; le frère fut associé au frère, l'ami à l'ami. Ils pourraient ainsi s'encourager mutuellement, prendre conseil l'un de l'autre et prier ensemble, la force de l'un venant au secours de la faiblesse de l'autre. Plus tard il envoya, de la même manière, les soixante-dix disciples. C'était le dessein du Sauveur que les messagers de l'Evangile fussent ainsi unis. Notre oeuvre d'évangélisation porterait beaucoup plus de fruits si nous suivions de plus près cet exemple. JC 340 2 Les disciples devaient répéter le message qui avait été celui de Jean-Baptiste et du Christ lui-même: "Le royaume des cieux est proche." Ils ne devaient pas se livrer à des discussions concernant la messianité de Jésus de Nazareth; mais accomplir, en son nom, les oeuvres de miséricorde qu'il avait faites. Il leur donna cet ordre: "Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons. Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement." JC 340 3 Au cours de son ministère, Jésus consacra plus de temps à guérir les malades qu'à prêcher. Ses miracles attestaient que, selon ses propres paroles, il n'était pas venu pour perdre, mais pour sauver. Sa justice marchait devant lui et la gloire du Seigneur était son arrière-garde. Partout où il allait, il était précédé par l'annonce de ses miséricordes. Après son passage les malades qui avaient été l'objet de sa compassion jouissaient de la santé et faisaient usage des facultés recouvrées. Les gens s'assemblaient autour d'eux pour les entendre raconter ce que le Seigneur avait fait. Sa voix était le premier son que beaucoup eussent jamais entendu, son nom le premier mot prononcé, son visage le premier contemplé. Comment auraient-ils pu ne pas aimer Jésus et ne pas célébrer ses louanges? Il passait par les villes et les villages, tel un courant vivifiant, répandant la vie et la joie. JC 341 1 Les disciples du Christ sont appelés à travailler comme il l'a fait. Nous devons nourrir ceux qui ont faim, vêtir ceux qui sont nus et consoler ceux qui souffrent, ceux qui sont affligés, nous occuper de ceux qui désespèrent, et leur rendre l'espérance. Alors s'accomplira, pour nous aussi, cette promesse: "Ta justice marchera devant toi et la gloire de l'Eternel sera ton arrière-garde."1 L'amour du Christ, manifesté dans un ministère désintéressé, aura plus d'effet, pour corriger les malfaiteurs, que l'épée du magistrat. Celle-ci est nécessaire pour inspirer de la crainte aux violateurs de la loi, mais un missionnaire aimant peut obtenir bien davantage. Il arrive souvent qu'un coeur endurci par les reproches s'attendrit sous l'effet de l'amour du Christ. Le missionnaire peut non seulement soulager ceux qui sont atteints de maladies physiques: il peut aussi conduire le pécheur auprès du grand Médecin capable de purifier son âme de la lèpre du péché. Dieu veut que, par l'intermédiaire de ses serviteurs, sa voix soit entendue des malades, des malheureux, des possédés. Il veut, par des instruments humains, apporter au monde une consolation inconnue de celui-ci. JC 341 2 Les disciples devaient effectuer leur première tournée missionnaire uniquement parmi "les brebis perdues de la maison d'Israël". Leur influence auprès des Juifs eût été nulle s'ils avaient, dès ce moment, prêché l'Evangile aux païens ou aux Samaritains. En allant à l'encontre des préjugés des pharisiens, ils se seraient engagés dans des controverses qui les eussent découragés, dès le début de leurs efforts. D'ailleurs les apôtres, eux-mêmes, comprenaient difficilement que l'Evangile serait apporté à toutes les nations. Aussi longtemps qu'ils ne pouvaient saisir cette vérité, ils étaient impropres à l'accomplissement d'une oeuvre parmi les païens. D'autre part, d'après le dessein de Dieu, les Juifs étant appelés à devenir ses messagers auprès d'eux, devaient donc être les premiers à entendre le message. JC 341 3 Dans tout le vaste champ où le Christ avait exercé son activité, se trouvaient des âmes conscientes de leurs besoins, ayant faim et soif de vérité. Le moment était venu d'apporter à ces coeurs avides l'annonce de son amour. Les disciples devaient être ses représentants auprès d'eux. Ainsi les croyants s'habitueraient à voir en eux des maîtres divinement institués, et ils ne se trouveraient pas sans instructeurs quand le Sauveur leur serait enlevé. JC 342 1 Les disciples devaient effectuer ce premier tour uniquement dans les endroits visités par Jésus et dans les milieux où il s'était fait des amis. Leurs préparatifs de voyage devaient être très sommaires. Rien ne devait distraire leur esprit d'une oeuvre aussi importante, ou provoquer une opposition qui pourrait les gêner au cours de leurs travaux. Ils ne devaient pas adopter les vêtements des docteurs de la religion, et rien dans leur apparence ne devait dissimuler leur humble origine. Ils ne devaient pas convoquer des assemblées dans les synagogues; leur travail devait se faire de maison en maison. Ils ne devaient pas perdre leur temps dans d'inutiles salutations ou dans des réceptions. En chaque endroit ils devaient accepter l'hospitalité de ceux qu'ils jugeraient dignes et qui, en les recevant avec cordialité, croiraient recevoir le Christ lui-même. En entrant dans une demeure, ils devaient prononcer cette belle salutation: "La paix soit sur cette maison!"2 Ce foyer serait rendu heureux par leurs prières, leurs chants de louanges, et l'étude de l'Ecriture faite en famille. JC 342 2 Ces disciples devaient aller, comme des hérauts de la vérité, préparer la voie pour la venue de leur Maître. Ils devaient porter le message de la vie éternelle; la destinée des hommes dépendrait de l'attitude qu'ils prendraient à l'égard de ce message. Pour montrer combien celui-ci était solennel, Jésus dit aux disciples: "Lorsqu'on ne vous recevra pas et qu'on n'écoutera pas vos paroles, sortez de cette maison ou de cette ville et secouez la poussière de vos pieds. En vérité, je vous le dis, au jour du jugement, pour le pays de Sodome et Gomorrhe il y aura moins de rigueur que pour cette ville-là." JC 342 3 Maintenant les yeux du Sauveur pénètrent dans l'avenir; il aperçoit les champs plus vastes dans lesquels, après sa mort, les disciples lui rendront témoignage. Son regard prophétique embrasse l'expérience de ses serviteurs à travers les siècles, jusqu'à son retour. Il annonce à ceux qui le suivent les luttes qui les attendent; il leur fait connaître la nature et le plan de la bataille et leur expose les dangers qu'ils rencontreront, les renoncements qui leur seront demandés. Il veut qu'ils sachent ce qu'il leur en coûtera de lui obéir, afin que l'ennemi ne les prenne pas par surprise. Ce n'est pas contre la chair et le sang qu'ils auront à lutter, "mais contre les principautés, contre les pouvoirs, contre les dominateurs des ténèbres d'ici-bas, contre les esprits du mal dans les lieux célestes".3 S'ils doivent entrer en lutte contre des forces surnaturelles, ils peuvent compter sur un secours surnaturel. L'armée de Dieu renferme toutes les intelligences célestes. Dans ses rangs il y a plus que des anges. Le Saint-Esprit, le représentant du Chef de l'armée de l'Eternel, descend pour assumer la direction de la bataille. Nous pouvons avoir beaucoup d'infirmités, de péchés et de fautes graves; mais la grâce de Dieu est accessible à tous ceux qui la recherchent dans un esprit de contrition. La Toute-Puissance est engagée en faveur de ceux qui se confient en Dieu. JC 343 1 "Voici, dit Jésus, je vous envoie comme des brebis au milieu des loups. Soyez donc prudents comme les serpents et simples comme les colombes." Le Christ n'a jamais sacrifié une seule vérité; mais il a toujours dit la vérité avec amour, se montrant prudent et plein d'un tact infiniment délicat dans ses rapports avec le peuple, n'usant jamais de rudesse, de paroles inutilement sévères, et ne faisant jamais, sans nécessité, de la peine à une âme sensible. Il ne blâmait pas la faiblesse humaine; s'il dénonçait, sans crainte, l'hypocrisie, l'incrédulité, l'iniquité, il avait des larmes dans la voix en prononçant ses réprimandes les plus sévères. Il pleurait sur Jérusalem, la ville qu'il aimait, parce qu'elle refusait de le recevoir, lui, le chemin, la vérité et la vie. Il considérait avec une tendre pitié ceux qui rejetaient leur Sauveur, et son coeur en fut souvent brisé, car toute âme était précieuse à ses yeux. Bien que gardant toujours une dignité divine, il s'inclinait, avec un tendre respect, devant chacun des membres de la famille de Dieu. En chaque homme il voyait une âme déchue qu'il avait pour mission de sauver. JC 344 1 Les serviteurs du Christ ne doivent pas obéir aux suggestions du coeur naturel, mais rester en communion étroite avec Dieu, afin que, s'ils sont offensés, le moi ne se dresse pas, faisant jaillir un torrent de paroles inopportunes, qui ne seront pas comme une rosée ou une douce ondée rafraîchissant les plantes flétries. C'est ce à quoi les pousse Satan; ces méthodes sont les siennes, c'est le dragon qui est en fureur; c'est l'esprit de Satan qui se révèle par la colère et les récriminations. Les serviteurs de Dieu, ses représentants, n'emploient que la monnaie du ciel, portant son effigie et son inscription. C'est par la puissance du Christ qu'ils doivent vaincre le mal. Leur force c'est la gloire du Christ. Les regards fixés sur la beauté morale du Maître, ils seront à même de présenter l'Evangile avec tact et avec douceur. Un esprit qui sait rester aimable, malgré les injures, servira plus favorablement la vérité que les arguments les plus puissants. JC 344 2 Ce ne sont pas des hommes seulement qu'on affronte, lorsqu'on s'engage dans des discussions avec les ennemis de la vérité, c'est aussi Satan et ses anges. Qu'on se rappelle alors les paroles du Sauveur: "Allez; voici, je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups."4 Reposons-nous sur l'amour de Dieu, et notre esprit restera calme, même au milieu des mauvais traitements. Le Seigneur nous revêtira de son armure divine. Son Esprit influencera l'esprit et le coeur de ses disciples, pour que leurs voix n'imitent en rien le hurlement des loups. JC 344 3 Jésus continua d'instruire ses disciples en ces termes: "Gardez-vous des hommes." Ils ne devaient pas se fier entièrement à des hommes ne connaissant pas Dieu et leur dévoiler leurs conseils, ce qui eût été donner l'avantage aux agents de Satan. Souvent les inventions humaines contrecarrent les plans de Dieu. Appelés à construire le temple du Seigneur, nous devons le faire conformément au modèle montré sur la montagne: le divin modèle. Dieu est déshonoré et l'Evangile est trahi quand ses serviteurs suivent les conseils d'hommes qui refusent de se laisser guider par le Saint-Esprit. La sagesse humaine est folie aux yeux de Dieu. C'est se tromper que de s'appuyer sur elle. JC 345 1 "Ils vous livreront aux tribunaux. ... Vous comparaîtrez à cause de moi devant des gouverneurs et devant des rois pour servir de témoignage, à eux et aux païens." La persécution contribuera à propager la lumière. Les serviteurs du Christ seront traduits devant les grands hommes de ce monde, qui, sans cela, n'auraient jamais l'occasion d'entendre l'Evangile. La vérité a été présentée à ceux-ci sous un jour faux, la foi des disciples du Christ ayant été l'objet d'accusations mensongères. Souvent ces puissants n'ont pas d'autre moyen de connaître le véritable caractère de cette foi que le témoignage de ceux qui sont soumis à un procès à cause d'elle. Pendant l'interrogatoire des accusés, les juges ont l'occasion de recueillir leur témoignage. La grâce de Dieu permettra à ses serviteurs de faire face à toute éventualité. "Ce que vous aurez à dire vous sera donné à l'heure même; car ce n'est pas vous qui parlerez, mais c'est l'Esprit de votre Père qui parlera en vous." Les serviteurs de Dieu, illuminés par son Esprit, présenteront la vérité avec une puissance divine et en montreront le prix. Ceux qui rejettent la vérité accuseront et opprimeront les disciples. Mais les enfants du Seigneur sont appelés à manifester la douceur du divin modèle même au milieu des privations et des souffrances, et cela jusqu'à la mort. C'est ainsi qu'éclatera le contraste entre les instruments de Satan et les représentants du Christ. Le Sauveur sera haut élevé en présence des gouverneurs et du peuple. JC 345 2 Les disciples ne furent dotés du courage et de la fermeté des martyrs qu'au temps où cette grâce leur devint nécessaire. Alors s'accomplit la promesse du Sauveur. Quand Pierre et Jean rendirent leur témoignage devant le sanhédrin, les Juifs "furent étonnés. ... Ils les reconnaissaient pour avoir été avec Jésus."5 Il a été écrit à propos d'Etienne: "Tous ceux qui siégeaient au sanhédrin fixaient les regards sur lui et virent son visage comme celui d'un ange." "Ils n'étaient pas capables de résister à la sagesse et à l'Esprit par lequel il parlait".6 Paul, parlant de son procès à la cour des Césars, dit: "Dans ma première défense, personne ne m'a assisté, mais tous m'ont abandonné. ... C'est le Seigneur qui m'a assisté et qui m'a fortifié, afin que la prédication soit portée par moi à sa plénitude et entendue de tous les païens. Et j'ai été délivré de la gueule du lion."7 JC 346 1 Les serviteurs du Christ ne devaient pas étudier, à l'avance, les discours qu'ils auraient à prononcer devant les magistrats. Leur préparation consistait à accumuler, jour après jour, comme un trésor dans leurs coeurs, les précieuses vérités de la Parole de Dieu, et à affermir leur foi par la prière. Au moment critique le Saint-Esprit rappellerait à leur souvenir les vérités nécessaires. JC 346 2 Un effort incessamment renouvelé, en vue de connaître Dieu et Jésus-Christ qu'il a envoyé, rendrait l'âme forte et intelligente. La connaissance acquise par une étude assidue des Ecritures, reviendrait à la mémoire au moment voulu. Mais quelqu'un qui aurait négligé de se familiariser avec les paroles du Christ, et qui n'aurait jamais, dans l'épreuve, fait l'expérience de la puissance de sa grâce, ne pourrait espérer que le Saint-Esprit lui remît en mémoire les paroles de Dieu. Les disciples devaient servir Dieu chaque jour d'un coeur non partagé, et, ensuite, s'attendre à lui. JC 346 3 La haine de l'Evangile allait prendre de telles proportions que les liens terrestres les plus tendres seraient méconnus. Les disciples du Christ seraient trahis et livrés à la mort par les membres de leur propre famille. "Vous serez haïs de tous à cause de mon nom, ajouta le Christ, mais celui qui persévérera jusqu'à la fin sera sauvé."8 Il les exhorta toutefois à ne pas s'exposer à la persécution, sans nécessité. Souvent lui-même passait d'un champ d'activité à un autre afin d'échapper à ceux qui en voulaient à sa vie. Quand il se vit rejeté à Nazareth, quand ses propres concitoyens cherchèrent à le tuer, il descendit à Capernaüm, où tous furent étonnés de l'entendre, "car il parlait avec autorité".9 De même, ses serviteurs ne devaient pas se laisser décourager par la persécution, mais se réfugier dans un endroit où ils pourraient continuer de travailler au salut des âmes. JC 346 4 Le serviteur n'est pas plus grand que son maître. Le Prince du ciel a été appelé Béelzébul, et ses disciples seront calomniés de la même manière. Les disciples du Christ, fuyant toute dissimulation, doivent confesser leurs principes, quel que soit le danger. Ils ne peuvent pas, pour annoncer la vérité, attendre le moment de le faire en toute sûreté. Placés comme des sentinelles, pour avertir les hommes du péril, ils doivent communiquer à tous, gratuitement et ouvertement, la vérité qu'ils ont reçue du Christ. Jésus a dit: "Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le en plein jour, et ce que vous entendez à l'oreille, prêchez-le sur les toits." JC 347 1 Jésus lui-même n'a jamais acquis la paix au prix d'un compromis. Bien que son coeur débordât d'amour pour toute la famille humaine, il n'eut pas de faiblesse pour leurs péchés, aimant trop les hommes pour garder le silence alors qu'il voyait courir à la ruine ces âmes rachetées au prix de son sang. Il s'efforçait d'obtenir que l'homme fût fidèle à lui-même, à ses intérêts supérieurs et éternels. Les serviteurs du Christ accompliront la même oeuvre et prendront garde, qu'en voulant prévenir la discorde, ils ne sacrifient la vérité. Ils doivent rechercher "ce qui contribue à la paix",10 cependant une paix réelle ne peut être obtenue en trahissant des principes et personne ne peut rester fidèle à un principe sans provoquer de l'opposition. Un christianisme vraiment spirituel suscitera l'antagonisme des enfants de la désobéissance. Mais Jésus dit aux disciples: "Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et qui ne peuvent tuer l'âme." Quiconque est fidèle à Dieu n'a pas à redouter le pouvoir des hommes ni la haine de Satan. En Christ la vie éternelle est assurée. Il n'y a qu'une chose à craindre: c'est d'abandonner la vérité et de tromper ainsi la confiance dont Dieu nous a honorés. JC 347 2 C'est l'oeuvre de Satan de remplir les coeurs de doute. Il s'efforce de faire voir en Dieu un juge implacable. Il entraîne d'abord les hommes au péché, puis les fait désespérer de leur misère au point qu'ils n'osent plus s'approcher du Père céleste et rien attendre de sa pitié. Le Seigneur comprend tout cela. Jésus donne aux disciples l'assurance que l'amour de Dieu leur sera acquis dans tous leurs besoins, dans toutes leurs faiblesses. Il n'y a pas un soupir, pas une douleur, pas un chagrin qui ne trouve un écho dans le coeur du Père. JC 348 1 La Bible nous montre Dieu en un lieu élevé et saint, non pas dans l'inaction, le silence et la solitude, mais entouré par des myriades de myriades de saintes intelligences, toutes prêtes à exécuter ses ordres. Par des moyens que nous ne pouvons apercevoir, il est en communication active avec toutes les parties de son domaine. Mais c'est au sein de ce monde infime et dans les âmes pour lesquelles il a donné son Fils unique, que se trouvent concentrés son intérêt et celui du ciel tout entier. Du haut de son trône Dieu se penche pour entendre le cri de l'opprimé. Il répond à toute prière sincère: "Me voici". Il relève ceux qui sont dans l'angoisse et foulés aux pieds. Chaque fois que nous nous trouvons dans la tentation ou dans l'épreuve, l'ange de sa présence se tient près de nous pour nous délivrer. JC 348 2 Pas un passereau ne tombe à terre sans la permission du Père. La haine que Satan nourrit à l'égard de Dieu lui fait haïr tout ce qui est l'objet des soins du Sauveur. Il s'efforce de gâter le chef-d'oeuvre divin, et trouve son plaisir à détruire même des créatures inférieures. C'est à la protection divine que les oiseaux doivent de pouvoir nous réjouir par leurs joyeux chants. Il n'oublie même pas les passereaux, dont pas un ne tombe à terre sans la permission du Père. "Soyez sans crainte, vous valez plus que beaucoup de moineaux." JC 348 3 Jésus poursuit: Si vous me confessez devant les hommes, moi aussi je vous confesserai devant Dieu et devant les saints anges. Vous êtes appelés à être mes témoins sur la terre; par votre moyen ma grâce doit se répandre pour la guérison du monde. De mon côté je serai votre représentant dans le ciel. Le Père ne verra pas les imperfections de votre caractère car vous serez revêtus de ma perfection. C'est par moi que les bénédictions célestes arriveront jusqu'à vous. Et quiconque me confesse en prenant part à mon sacrifice en faveur des âmes perdues, je le confesserai et le ferai participer à la gloire et à la joie des rachetés. JC 348 4 Personne ne peut confesser le Christ, à moins que le Christ n'habite en lui. On ne peut donner ce que l'on n'a pas reçu. On peut disserter avec éloquence sur des doctrines, on peut même répéter les paroles du Christ; mais on ne le confesse vraiment que si l'on possède un caractère doux et aimant comme le sien. Etre animé d'un esprit contraire au sien, c'est le renier, quelque religion que l'on professe. JC 349 1 On peut renier le Christ par des médisances, des discours insensés, des paroles mensongères ou peu aimables. On peut le renier en fuyant les responsabilités, en recherchant des plaisirs malsains. On peut le renier en se conformant au monde, en manquant de courtoisie, en s'attachant à ses propres opinions, en cherchant à se justifier, en entretenant le doute, en suscitant des querelles, en demeurant dans les ténèbres. Par toutes ces choses on montre qu'on n'a pas le Christ en soi. Or, "quiconque me reniera devant les hommes, dit-il, je le renierai, moi aussi, devant mon Père qui est dans les cieux". JC 349 2 Le Sauveur dit aux disciples de ne pas espérer voir cesser l'inimitié du monde contre l'Evangile. Il dit: "Je ne suis pas venu apporter la paix, mais l'épée." Ce n'est pas l'Evangile qui est la cause de la guerre, mais l'antagonisme qu'il rencontre. Y a-t-il rien de plus dur à supporter, dans la persécution, que le désaccord avec les membres de sa famille, avec ses meilleurs amis? Mais Jésus déclare: "Celui qui aime père ou mère plus que moi, n'est pas digne de moi, et celui qui aime fils ou fille plus que moi, n'est pas digne de moi; celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas, n'est pas digne de moi." JC 349 3 La mission des serviteurs du Christ constitue un grand honneur, un dépôt sacré. "Qui vous reçoit, dit-il, me reçoit, et qui me reçoit, reçoit celui qui m'a envoyé." Aucun acte de bonté accompli pour eux, en son nom, ne passera inaperçu ou ne restera sans récompense. Même les plus faibles et les plus humbles membres de la famille de Dieu sont l'objet de l'attention la plus sympathique: "Quiconque donnera à boire même un seul verre d'eau froide à l'un de ces petits en qualité de disciple -- il s'agit de ceux qui sont petits dans la foi et la connaissance du Christ -- en vérité, je vous le dis, il ne perdra point sa récompense." JC 350 1 C'est ainsi que le Sauveur mit fin à ses instructions. Les douze s'en allèrent au nom du Christ, comme il était allé lui-même, "pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres; ... et aux aveugles le recouvrement de la vue, pour renvoyer libres les opprimés, pour proclamer une année de grâce du Seigneur".11 ------------------------Chapitre 38 -- Venez à l'écart ... et reposez-vous JC 351 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 14:1, 2, 12, 13; Marc 6:30-32; Luc 9:7-10. JC 351 1 Après leur tournée missionnaire, "les apôtres se rassemblèrent auprès de Jésus et lui racontèrent tout ce qu'ils avaient fait et tout ce qu'ils avaient enseigné. Il leur dit: Venez à l'écart dans un lieu désert et reposez-vous un peu. Car beaucoup de personnes allaient et venaient, et ils n'avaient pas même le temps de manger." JC 351 2 Les disciples vinrent à Jésus et lui racontèrent tout. L'intimité dans laquelle ils se trouvaient avec Jésus les encourageait à lui exposer leurs expériences heureuses ou malheureuses, la joie éprouvée par eux en constatant les résultats de leurs efforts, ainsi que la douleur causée par leurs échecs, leurs fautes et leurs faiblesses. Ils avaient commis des erreurs dans cette première tentative d'évangélisation, et quand ils lui eurent franchement fait part de leurs expériences, le Christ comprit qu'ils avaient besoin d'un supplément de connaissances. Il s'aperçut aussi qu'ils étaient fatigués et avaient besoin de repos. JC 351 3 L'isolement nécessaire était impossible là où ils étaient; "car beaucoup de personnes allaient et venaient, et ils n'avaient pas même le temps de manger". Les gens se pressaient autour du Christ, désireux d'être guéris et d'entendre ses paroles. Bon nombre se sentaient attirés vers lui: ils voyaient en lui la source de toutes les bénédictions. Plusieurs de ceux qui se pressaient alors autour du Christ pour recevoir le bienfait de la santé l'acceptèrent comme leur Sauveur. D'autres, qui n'osaient le confesser, de crainte des pharisiens, furent convertis plus tard, lors de la descente du Saint-Esprit, et le reconnurent comme le Fils de Dieu en dépit de la fureur des prêtres et des chefs. JC 351 4 Mais pour le moment le Christ soupirait après la solitude; il voulait être seul avec ses disciples à qui il avait encore tant à dire. Ils avaient eu des luttes à soutenir en accomplissant leur mission et avaient rencontré diverses formes d'opposition. Ils avaient eu l'habitude, auparavant, de consulter le Christ pour toutes choses; mais ils s'étaient trouvés seuls pendant quelque temps et souvent bien embarrassés, ne sachant que faire pour agir correctement. Leur travail leur avait procuré des encouragements, car le Christ ne les avait pas envoyés sans les accompagner de son Esprit; la foi qu'ils avaient en lui leur avait permis d'accomplir bien des miracles; mais maintenant ils éprouvaient le besoin d'être nourris du pain de vie. Il leur fallait se retirer en un lieu écarté où ils pussent jouir de la communion de Jésus et recevoir des directives en vue de leur activité à venir. JC 352 1 Le Christ éprouve une tendresse et une compassion infinies pour tous ceux qui travaillent à son service. Il voulait montrer à ses disciples que Dieu n'exige pas le sacrifice, mais la miséricorde. Ayant mis toute leur âme dans leur travail en faveur d'autrui, et épuisé ainsi leurs forces physiques et intellectuelles, ils avaient le devoir de se reposer. JC 352 2 Le succès de leurs efforts exposait les disciples au danger de s'en attribuer le mérite, de cultiver l'orgueil spirituel et de devenir ainsi la proie des tentations de Satan. La première chose qu'ils avaient à apprendre, en vue de l'oeuvre immense qui s'étendait devant eux, c'était que leur force ne résidait pas en eux-mêmes, mais en Dieu. Tout comme Moïse, au désert de Sinaï, ou comme David parmi les collines de la Judée, ou Elie près du torrent de Kérith, les disciples avaient besoin de s'éloigner des lieux de leur activité pour communier avec le Christ, avec la nature et avec leurs propres coeurs. JC 352 3 Pendant que les disciples effectuaient leur tournée missionnaire, Jésus avait visité d'autres villes et d'autres villages, prêchant l'Evangile du royaume. C'est vers ce temps qu'il apprit la mort du Baptiste. Cet événement lui rappela vivement la fin vers laquelle il s'était acheminé. Son sentier s'assombrissait de plus en plus. Prêtres et rabbins complotaient sa mort, des espions le poursuivaient, et, de tous côtés, on travaillait à sa ruine. La prédication des apôtres à travers la Galilée éveilla l'attention d'Hérode sur Jésus et sur son oeuvre. "C'est Jean-Baptiste, dit-il; il est ressuscité des morts"; et il exprima le désir de voir Jésus. Hérode vivait dans une crainte continuelle, redoutant qu'on ne préparât, en secret, une révolution ayant pour but de le renverser du trône et de briser le joug que les Romains faisaient peser sur la nation juive. L'esprit de mécontentement et d'insurrection régnait parmi le peuple. Il était évident que les travaux publics du Christ ne pourraient pas continuer longtemps en Galilée. Sa passion approchait, et il sentait le besoin de se trouver un moment loin de la confusion des foules. JC 353 1 Avec un profond chagrin les disciples de Jean avaient enseveli son corps mutilé. Puis "ils allèrent l'annoncer à Jésus". Ces disciples avaient été mécontents de voir que le Christ semblait vouloir détourner le peuple de Jean. Ils avaient pris position avec les pharisiens lorsque ceux-ci l'avaient accusé parce qu'ils l'avaient trouvé assis avec des péagers au festin offert par Matthieu. Du fait qu'il n'avait pas mis en liberté le Baptiste, ils avaient douté de sa mission. Maintenant que leur maître était mort, ils éprouvaient le besoin de consolation dans leur grand deuil et aussi de direction au sujet de leur travail futur; ils vinrent donc à Jésus et voulurent partager sa destinée. Eux aussi avaient besoin d'un peu de tranquillité pour jouir de la communion avec le Sauveur. JC 353 2 On était au printemps. Près de Bethsaïda, à l'extrémité septentrionale du lac, se trouvait une région solitaire et verdoyante qui offrait une retraite agréable à Jésus et à ses disciples. Ils se mirent en route dans cette direction, et, sur une barque, traversèrent le lac. Ils allaient se trouver loin des routes fréquentées, hors du tourbillon des affaires et de l'agitation de la ville. Le spectacle de la nature constituait à lui seul un repos, un changement salutaire. Ils pourraient enfin écouter les paroles du Christ sans être troublés par les interruptions, les répliques et les accusations irritées des scribes et des pharisiens. Ils pourraient jouir pendant quelque temps de la compagnie de leur Seigneur. Ce n'est pas un repos égoïste que le Christ allait prendre avec ses disciples. Le temps qu'ils allaient passer à l'écart ne serait pas consacré à la recherche du plaisir. Ils s'entretiendraient au sujet de l'oeuvre de Dieu et rechercheraient les moyens d'assurer un plus grand rendement à leurs travaux. Ayant été avec le Christ, les disciples étaient à même de le comprendre; il n'avait donc pas besoin, en s'adressant à eux, de parler en paraboles. Il corrigeait leurs erreurs et leur enseignait comment entrer en rapport avec les âmes. Il leur dévoilait plus complètement les riches trésors de la vérité divine. Ils étaient galvanisés par une puissance divine; un nouvel espoir et un nouveau courage leur étaient insufflés. JC 354 1 Bien que Jésus pût faire des miracles, et qu'il eût communiqué à ses disciples le pouvoir d'en opérer, il conduisit pourtant ses serviteurs fatigués à l'écart, pour y trouver du repos au sein de la nature. Quand il leur disait que la moisson était grande et qu'il y avait peu d'ouvriers, son intention n'était pas de leur imposer des labeurs incessants. Voici ce qu'il leur dit: "Priez donc le Seigneur de la moisson d'envoyer des ouvriers dans sa moisson."1 Dieu a assigné à chacun sa tâche, suivant ses capacités,2 et il ne faut pas que quelques-uns soient écrasés par les responsabilités alors que d'autres n'ont point de fardeau et ne se soucient pas des âmes. JC 354 2 Le Christ adresse aujourd'hui, à ses ouvriers usés de fatigue, les mêmes paroles de compassion: "Venez à l'écart, ... et reposez-vous un peu." Il n'est pas sage de rester toujours sous la tension de l'effort et de l'excitation, même pour s'occuper des besoins spirituels des hommes, car alors on néglige la piété personnelle, et l'esprit et le corps se trouvent surmenés. Les disciples du Christ sont appelés au renoncement; des sacrifices leur seront demandés; mais il faut veiller à ce qu'un excès de zèle de leur part ne donne pas à Satan l'occasion de profiter de la faiblesse humaine et de nuire ainsi à l'oeuvre de Dieu. JC 354 3 Les rabbins estimaient une activité tumultueuse comme la plus haute expression de la piété. Celle-ci devait se montrer par des actes extérieurs. Ils s'éloignaient donc de Dieu et se drapaient dans leur propre suffisance. Les mêmes dangers existent aujourd'hui. Dans la mesure où l'activité s'accroît et où l'on réussit dans ce que l'on fait pour Dieu, on risque de mettre sa confiance dans des méthodes et des plans humains. On est enclin à prier moins, à avoir moins de foi. On risque, ainsi que les disciples, de ne plus sentir sa dépendance à l'égard de Dieu et de chercher un moyen de salut dans sa propre activité. Il nous faut toujours regarder à Jésus et comprendre que c'est sa puissance qui agit. Tout en travaillant avec zèle en vue de sauver ceux qui sont perdus, prenons le temps de prier, de méditer la Parole de Dieu. Seuls, les efforts accompagnés de beaucoup de prières et sanctifiés par les mérites du Christ, serviront, d'une manière durable, la bonne cause. JC 355 1 Personne n'a eu une vie aussi remplie et aussi chargée de responsabilité que celle de Jésus; cependant il consacrait beaucoup de temps à la prière. Il était constamment en communion avec Dieu, et c'est à maintes reprises que nous lisons des explications comme celles-ci: "Vers le matin, pendant qu'il faisait encore très nuit, il se leva et sortit pour aller dans un lieu désert où il se mit à prier." "Lui se retirait dans les déserts et priait." "Jésus se rendit à la montagne pour prier, et il passa toute la nuit à prier Dieu."3 JC 355 2 Bien que sa vie s'écoulât tout entière à faire du bien, le Sauveur voyait la nécessité de s'éloigner des routes fréquentées et des foules qui l'assiégeaient tous les jours. Il devait interrompre son activité incessante et son contact avec les nécessiteux pour chercher l'isolement et se retremper dans la communion avec son Père. Devenu un avec nous, participant à nos besoins et à nos faiblesses, il dépendait complètement de Dieu et cherchait, dans la prière secrète, la force divine qui le mettrait à même d'accomplir son devoir et de supporter l'épreuve. Se trouvant dans un monde de péché, Jésus supporta les luttes et les angoisses. Sa communion avec Dieu lui permettait de déposer le fardeau de douleurs qui l'eût écrasé. La prière lui offrait un réconfort et une joie. JC 355 3 Le cri de l'humanité, poussé par le Christ, émouvait l'infinie pitié du Père. En tant qu'homme, il adressait ses supplications au trône de Dieu; comme résultat, un courant céleste venait charger son humanité et établir une relation entre l'humanité et la divinité. Grâce à une communion continuelle, il recevait de Dieu une vie qu'il pouvait communiquer au monde. Nous sommes appelés à répéter la même expérience. JC 356 1 "Venez à l'écart", nous dit-il. Nous serions plus forts et plus utiles si nous écoutions ce conseil. Les disciples ayant tout raconté à Jésus, il les encouragea et les instruisit. Si nous prenions aujourd'hui le temps d'aller à lui pour lui exposer nos besoins, nous ne serions pas déçus; il se tiendrait à notre droite pour nous aider. Ce qu'il nous faut, c'est plus de simplicité, plus de confiance en notre Sauveur. Il est le Conseiller admirable, celui qui s'appelle "le Dieu fort, le Père d'éternité, le Prince de la paix", celui dont il est dit que "l'empire a été posé sur son épaule". Nous sommes exhortés à rechercher la sagesse auprès de lui, "qui donne à tous libéralement, et sans récriminer".4 JC 356 2 En tous ceux qui sont à l'école de Dieu doit se manifester une vie qui ne soit pas en harmonie avec le monde, avec ses coutumes et ses pratiques; chacun doit, dans sa propre expérience, arriver à savoir quelle est la volonté de Dieu. Chacun doit l'entendre parler à son propre coeur. Ayant fait taire toutes les autres voix, et restant en la présence de Dieu, le silence de notre âme nous permettra d'entendre plus distinctement la voix d'En-Haut. "Arrêtez, dit-il, et sachez que c'est moi qui suis Dieu."5 Là seulement est le vrai repos où l'on se prépare, réellement, à travailler pour Dieu. Au milieu de la foule en tumulte, et malgré la tension d'une activité intense, l'âme, ainsi rafraîchie, se trouve entourée d'une atmosphère de lumière et de paix. Un parfum se dégage, manifestant une puissance divine, capable de toucher les coeurs. ------------------------Chapitre 39 -- Donnez-leur vous-mêmes à manger JC 357 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 14:13-21; Marc 6:32-44; Luc 9:10-17; Jean 6:1-13. JC 357 1 Le Christ s'était retiré avec ses disciples en un lieu écarté, mais leur tranquillité n'allait pas tarder à être troublée. Dès que la foule s'aperçut de l'absence du Maître, on se demanda: Où est-il? Quelqu'un avait vu la direction suivie par le Christ et ses compagnons. Plusieurs se mirent à leur recherche, en suivant la côte; d'autres s'embarquèrent pour traverser le lac. La Pâque étant proche, des bandes de pèlerins, venus de loin ou de près, et se rendant à Jérusalem, s'assemblèrent pour voir Jésus. Ils se trouvèrent bientôt au nombre de cinq mille hommes, sans compter les femmes et les enfants. Avant même que le Christ eût débarqué, une multitude l'attendait. Il réussit toutefois à aborder sans être aperçu, et put ainsi passer un moment à l'écart avec ses disciples. JC 357 2 Du haut d'une colline, il considéra la foule en mouvement. Son coeur fut ému de compassion. Bien qu'on fût venu troubler son repos, il ne manifesta point d'impatience. Il vit un besoin plus pressant qui réclamait ses soins, en observant les gens dont le nombre augmentait sans cesse. Il "en eut compassion, parce qu'ils étaient comme des brebis qui n'ont pas de berger". Abandonnant sa retraite, il trouva un lieu convenable afin de pouvoir s'occuper d'eux. Prêtres et anciens ne leur avaient fait aucun bien; mais les eaux salutaires de la vie découlèrent du Christ dès qu'il se mit à enseigner à cette foule la voie du salut. JC 357 3 Le peuple écoutait les paroles de grâce qui sortaient si librement des lèvres du Fils de Dieu. Ces bonnes paroles, si simples et si claires, étaient pour leurs âmes comme un baume de Galaad. Sa main guérissante rendait la vie aux mourants, la santé aux malades, le bonheur aux affligés. Ce jour-là ce fut le ciel sur la terre, et les auditeurs de Jésus n'auraient su dire depuis combien de temps ils n'avaient pas mangé. JC 358 1 Pourtant le jour pâlissait, le soleil disparaissait à l'occident, et les gens s'attardaient. Jésus avait travaillé toute la journée sans prendre de nourriture et de repos. Il était pâle de fatigue et de faim, et les disciples le supplièrent de mettre un terme à ses efforts; cependant il ne pouvait se dérober à ceux qui l'assiégeaient. JC 358 2 Enfin les disciples insistèrent pour que la foule fût congédiée, dans son propre intérêt. Beaucoup étaient venus de loin et n'avaient rien mangé depuis le matin. Ils pourraient se procurer des aliments dans les villes et les villages environnants. Mais Jésus leur dit: "Donnez-leur vous-mêmes à manger", et, se tournant vers Philippe, il lui demanda: "Où achèterons-nous des pains pour que ces gens aient à manger?" Il parlait ainsi pour mettre à l'épreuve la foi du disciple. Philippe regarda cette mer humaine, et vit bien qu'il était impossible de trouver des provisions en assez grande abondance pour apaiser la faim d'une telle multitude. Il répondit que deux cents deniers de pains ne suffiraient pas pour en donner un peu à chacun. Jésus s'informa alors de ce dont on disposait comme aliments. "Il y a ici un jeune garçon, dit André, qui a cinq pains d'orge et deux poissons; mais qu'est-ce que cela pour tant de personnes?" Jésus ordonna qu'on les lui apportât. Puis il dit aux disciples de faire asseoir les gens sur l'herbe, par groupes de cinquante ou de cent, et de maintenir l'ordre, afin que tous pussent être témoins de ce qu'il allait faire. Quand ces ordres eurent été exécutés, Jésus prit la nourriture, "leva les yeux vers le ciel et prononça la bénédiction. Puis il les rompit et les donna aux disciples pour les distribuer à la foule. Tous mangèrent et furent rassasiés, et l'on emporta douze paniers pleins des morceaux qui restaient." JC 358 3 Celui qui, par son enseignement, montrait à tous les hommes la voie qui conduit à la paix et au bonheur, se préoccupait autant de leurs nécessités temporelles que de leurs besoins spirituels. Le peuple était fatigué et défaillant. Des mères portaient des bébés dans leurs bras et des petits enfants se suspendaient à leurs jupes. Plusieurs étaient restés debout pendant des heures. Les paroles du Christ éveillaient un tel intérêt qu'ils n'avaient même pas songé à s'asseoir un instant; d'ailleurs la foule était si compacte qu'on risquait d'être piétiné. Jésus voulant leur donner l'occasion de se reposer, les invita à s'asseoir sur l'herbe, abondante à cet endroit. JC 359 1 Le Christ n'a jamais opéré de miracles sans qu'il y eût une vraie nécessité; chacun de ses miracles était de nature à diriger le peuple vers l'arbre de la vie, dont les feuilles servent à la guérison des nations. Les aliments distribués par les disciples renfermaient tout un trésor de leçons. Le menu était très simple: les poissons et les pains d'orge constituaient l'alimentation ordinaire des familles de pêcheurs, vivant près de la mer de Galilée. Le Christ aurait pu offrir au peuple un repas succulent, mais des aliments, préparés uniquement en vue de flatter le goût, n'eussent enseigné rien de bon. Le Christ voulait montrer à l'homme qu'il s'était éloigné de l'alimentation naturelle que Dieu lui avait fournie. Jamais fête dispendieuse, destinée à flatter un appétit perverti, ne procura autant de joie que le repos et la nourriture frugale offerte par le Christ, au peuple, si loin de toute habitation humaine. JC 359 2 Si les hommes avaient des habitudes simples, s'ils vivaient en harmonie avec les lois de la nature, comme Adam et Eve au commencement, il y aurait de quoi satisfaire abondamment les nécessités de la famille humaine. Il y aurait moins de besoins imaginaires et plus d'occasions de se rendre utile au service de Dieu. Mais l'égoïsme et la volupté ayant introduit dans le monde le péché et la souffrance, les uns ont trop et les autres pas assez. JC 359 3 Jésus ne chercha pas à attirer le peuple à lui en flattant ses goûts pour le luxe. Ce repas fut offert à la vaste foule épuisée et affamée, au soir d'une longue journée agitée, et cela non seulement comme une démonstration de sa puissance, mais aussi comme une preuve de sa sollicitude pour ceux qui éprouvent les besoins communs de la vie. A ceux qui le suivent le Sauveur n'a pas promis les choses luxueuses du monde; leur ordinaire peut être simple, et même peu abondant; la pauvreté peut être leur partage; pourtant sa promesse leur garantit de quoi satisfaire leurs besoins, et, ce qui vaut mieux que tous les biens terrestres, la consolation durable de sa présence. JC 360 1 En nourrissant cinq mille hommes, Jésus a soulevé le voile qui nous cache le monde naturel, nous montrant la puissance qui agit constamment en notre faveur. Tous les jours Dieu opère un miracle en produisant les moissons de la terre. Par des moyens naturels il accomplit la même oeuvre qu'en multipliant les pains pour la foule. L'homme cultive le sol et jette la semence, mais c'est la vie divine qui fait germer la semence. Ce sont la pluie, l'air et les rayons du soleil, envoyés de Dieu, qui font que "la terre produit d'elle-même, d'abord l'herbe, puis l'épi, enfin le blé bien formé dans l'épi".1 C'est Dieu qui, chaque jour, nourrit des millions d'êtres humains grâce aux moissons des champs. Parce que les hommes, en prenant soin du grain et en préparant le pain, sont appelés à coopérer avec Dieu, ils perdent de vue le facteur divin. Ils ne donnent pas à Dieu la gloire due à son saint nom. Ce qui est l'effet de sa puissance est attribué à des causes naturelles ou à des moyens humains. L'homme est glorifié à la place de Dieu, dont les dons généreux sont dérivés vers des usages égoïstes, et ce qui devait être une bénédiction devient une malédiction. Dieu veut modifier tout cela. Il désire que nos sens émoussés s'éveillent pour que nous discernions son immense bonté et que nous le glorifiions à cause des manifestations de sa puissance. Il désire que nous le reconnaissions dans ses dons, pour que, conformément à son intention, ceux-ci deviennent vraiment, pour nous, un sujet de bénédiction. C'est là le but que le Christ se proposait en accomplissant des miracles. JC 360 2 Il resta beaucoup de nourriture après que la foule eut été rassasiée. Mais celui qui disposait de toutes les ressources de l'infinie puissance donna cet ordre: "Ramassez les morceaux qui restent, afin que rien ne se perde." Il ne s'agissait pas seulement de placer les pains dans des paniers. Il y avait là une double leçon. Rien ne doit être gaspillé. Il ne faut laisser perdre aucun avantage temporel, ni dédaigner ce qui peut être utile à un être humain. Que l'on ramasse tout ce qui soulagera les affamés de la terre. Le même soin devrait être apporté aux choses spirituelles. Quand les paniers furent remplis des morceaux qui restaient, les personnes présentes songèrent aux amis qu'elles avaient laissés chez elles. Elles voulurent leur garder une part du pain béni par le Christ. Le contenu des paniers fut distribué à la foule empressée, qui l'emporta dans toutes les régions d'alentour. Ceux qui avaient participé à la fête devaient apporter à d'autres le pain descendu du ciel pour répondre aux aspirations de l'âme. Ils devaient répéter ce qu'ils avaient appris des merveilles de Dieu. Rien ne devait se perdre. Pas une parole, concernant le salut éternel, ne devait tomber à terre sans effet. JC 361 1 Le miracle des pains nous enseigne notre dépendance à l'égard de Dieu. Le Christ, sans avoir à sa disposition les aliments nécessaires, nourrit dans le désert cinq mille hommes, sans compter les femmes et les enfants. Il n'avait pas invité la foule à le suivre; elle était accourue d'elle-même; mais il savait qu'elle se trouverait affamée et défaillante après avoir écouté longtemps ses instructions; car il souffrait de voir ces gens affamés. Ils se trouvaient loin de leurs foyers alors que la nuit approchait. Il en était parmi eux qui n'eussent pas eu les moyens de se procurer des aliments. Lui qui pour eux avait jeûné quarante jours au désert ne permettrait pas de les renvoyer chez eux à jeun. Dans la position où la Providence divine l'avait placé, Jésus attendait de son Père céleste les moyens de pourvoir à la nécessité. JC 361 2 Comptons sur Dieu quand nous nous trouvons dans une situation difficile. Il convient d'user de sagesse et de discernement dans toutes les circonstances de la vie, afin de ne pas nous exposer aux difficultés par des actions irréfléchies. Nous ne devons pas nous plonger dans les difficultés en négligeant les moyens que Dieu nous offre et en abusant des facultés qu'il nous a accordées. Les ouvriers du Christ doivent suivre ses instructions à la lettre. Il s'agit de l'oeuvre de Dieu; si nous voulons être utiles à d'autres, nous devons nous conformer à ses plans. Le moi ne doit jamais être placé au centre; il ne mérite pas les honneurs. Si nous formons des plans selon nos propres idées, Dieu permettra que nous commettions des erreurs. Mais si après avoir suivi ses directions nous nous trouvons en difficulté, il nous délivrera. Ne nous décourageons pas, mais à tout moment critique faisons appel à celui qui dispose de ressources infinies. Souvent notre foi sera mise à l'épreuve; comptons sur Dieu. Il gardera toute âme anxieuse qui s'efforce de suivre la voie du Seigneur. JC 362 1 Le Christ nous exhorte, par la voix de son prophète: "Partage ton pain avec l'affamé", "rassasie l'âme défaillante", "revêts ceux qui sont nus", "recueille dans ta maison les malheureux sans asile."2 Il nous a donné cet ordre: "Allez dans le monde entier et prêchez l'Evangile à toute la création".3 Néanmoins il arrive souvent qu'en voyant l'immensité des besoins et la pauvreté des moyens disponibles notre courage fléchit et notre foi nous abandonne. Comme André en présence des cinq pains d'orge et des deux petits poissons, nous nous écrions: "Qu'est-ce que cela pour tant de personnes?" Trop souvent nous hésitons, craignant de dépenser et surtout de nous dépenser pour d'autres. Mais Jésus nous commande: "Donnez-leur vous-mêmes à manger." Son ordre équivaut à une promesse; il est accompagné de la même puissance qui a rassasié la foule au bord de la mer. JC 362 2 L'acte par lequel le Christ a pourvu aux nécessités temporelles d'une foule affamée sert d'image à une profonde leçon spirituelle, destinée à tous ses ouvriers. Le Christ donna aux disciples ce qu'il avait reçu du Père; les disciples distribuèrent ce don à la foule, et les personnes présentes se passèrent les aliments les unes aux autres. Ainsi ceux qui sont unis à Christ recevront de lui le pain de vie, la nourriture céleste, et la distribueront à d'autres. JC 362 3 Comptant pleinement sur Dieu, Jésus prit la petite quantité de pain; et bien qu'elle fût insuffisante même aux besoins de ses disciples, il leur donna l'ordre, au lieu de les inviter à manger, de répartir cette nourriture entre les personnes présentes. Celle-ci fut multipliée entre ses mains, et les mains des disciples, tendues vers le Christ, le Pain de vie, ne restaient jamais vides. Cette faible provision fut suffisante pour tous. Et quand ils furent rassasiés, on ramassa les morceaux qui restaient, et le Christ put manger, avec ses disciples, de ce précieux aliment, dispensé par le ciel. JC 363 1 Les disciples servirent de moyens de communication entre le Christ et le peuple. Il y a là un puissant encouragement pour ceux qui sont, aujourd'hui, ses disciples. Le Christ est le grand centre, la source de toute force. C'est de lui que ses disciples doivent recevoir leurs ressources. Les plus intelligents, les plus spirituels ne peuvent dispenser que dans la mesure où ils reçoivent. Ils ne tirent rien d'eux-mêmes pour les besoins de l'âme. Il nous est impossible de rien donner si nous n'avons reçu du Christ; et nous ne sommes à même de recevoir qu'en tant que nous communiquons à d'autres. Aussi longtemps que nous transmettons, nous continuons de recevoir; et plus nous donnons, plus nous recevons. C'est ainsi que nous pouvons constamment croire, nous confier, recevoir, et dispenser. JC 363 2 L'oeuvre qui a pour but d'établir le royaume du Christ fera des progrès, bien qu'elle ne paraisse avancer que lentement, et même si des obstacles insurmontables semblent s'opposer à sa marche. Cette oeuvre étant celle de Dieu, lui-même fournira les moyens nécessaires; il enverra du secours: de vrais disciples, sincères, dont les mains remplies seront tendues vers la multitude mourant d'inanition. Dieu n'oublie pas ceux qui s'efforcent, avec amour, de donner la Parole de vie aux âmes qui périssent, s'ils tendent leurs mains vers lui pour obtenir la nourriture qui rassasiera ces âmes. JC 363 3 Nous sommes en danger, en travaillant pour Dieu, de trop compter sur ce que l'homme peut faire avec ses talents et son habileté. Ainsi nous perdons de vue le grand Chef des travaux. Trop souvent celui qui travaille pour le Christ n'a pas un sentiment assez vif de sa responsabilité personnelle. Il risque de se décharger de son fardeau sur des organisations, au lieu de compter sur celui qui est la source de toute puissance. Quand il s'agit de l'oeuvre de Dieu, c'est une grande erreur de se confier dans la sagesse humaine ou dans le nombre. Le succès de l'oeuvre accomplie pour le Christ dépend bien moins du nombre ou du talent que de la pureté des intentions et d'une foi vraiment simple, sincère et absolument confiante. Des responsabilités personnelles doivent être assumées, des devoirs personnels accomplis, des efforts personnels réalisés en faveur de ceux qui ne connaissent pas le Christ. Au lieu de vous décharger de votre responsabilité sur quelqu'un que vous estimez plus richement doué que vous-même, travaillez selon vos capacités. JC 364 1 Lorsque se présente à votre esprit la question: "Où achèterons-nous des pains pour que ces gens aient à manger?" ne répondez pas comme un incrédule. Quand les disciples eurent entendu les paroles du Sauveur: "Donnez-leur vous-mêmes à manger", toutes sortes de difficultés surgirent dans leur esprit. Ils se demandèrent s'ils iraient dans les villages environnants acheter des aliments. De même aujourd'hui, alors que le monde manque du pain de la vie, les enfants du Seigneur s'interrogent: Ferons-nous venir quelqu'un de très loin pour nourrir ces gens? Mais que dit le Christ? -- "Faites-les asseoir", et il les nourrit là. Soyez donc convaincus, quand des âmes en détresse vous entourent, que le Christ est là. Communiez avec lui. Apportez-lui vos pains d'orge. JC 364 2 Les moyens dont nous disposons peuvent paraître insuffisants pour les besoins de l'oeuvre; cependant des ressources abondantes s'offriront à nous si seulement nous voulons marcher en avant par la foi, croyant à la puissance de Dieu qui suffit à tout. Si l'oeuvre est de Dieu, il pourvoira lui-même aux moyens nécessaires à son accomplissement. Celui qui compte sur lui, sincèrement et avec simplicité, se trouvera récompensé. Le peu qui sera employé au service du Seigneur du ciel, d'une manière prudente et économique, s'accroîtra au moment même de la distribution. La petite provision de nourriture que le Christ tenait en sa main ne diminua point tant que la multitude affamée ne fut pas rassasiée. Si nous nous dirigeons vers la source de toute puissance, les mains de la foi ouvertes pour recevoir, nous serons soutenus dans notre oeuvre, même au milieu des circonstances les plus défavorables, et nous serons à même de donner à d'autres le Pain de vie. JC 365 1 Le Seigneur dit: "Donnez, et on vous donnera." "Celui qui sème peu moissonnera peu, et celui qui sème en abondance moissonnera en abondance. ... Et Dieu a le pouvoir de vous combler de toutes sortes de grâces, afin que, possédant toujours à tous égards de quoi satisfaire à tous vos besoins, vous ayez encore en abondance pour toute oeuvre bonne, selon qu'il est écrit: JC 365 2 Il a répandu ses bienfaits, il a donné aux indigents; Sa justice subsiste à jamais. JC 365 3 " Celui qui: JC 365 4 Fournit de la semence au semeur, Et du pain pour sa nourriture, vous fournira et vous multipliera la semence, et il augmentera les fruits de votre justice. Vous serez de la sorte enrichis à tous égards en vue de toute espèce de libéralité qui, par notre moyen, aura pour résultat des actions de grâce envers Dieu."4 ------------------------Chapitre 40 -- Une nuit sur le lac JC 366 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 14:22-33; Marc 6:45-52; Jean 6:14-21. JC 366 1 Assise sur le plateau herbeux, dans le crépuscule printanier, la foule se nourrissait des aliments que le Christ lui avait donnés. A travers les paroles entendues ce jour-là, on reconnut la voix de Dieu. Seule, la puissance divine pouvait accomplir les oeuvres de guérison dont ces gens avaient été les témoins, cependant le miracle des pains fit impression sur chacun. Tous purent en profiter. Aux jours de Moïse, Dieu avait nourri Israël au désert avec la manne; qui était celui-ci qui venait de les rassasier, sinon le Messie annoncé par Moïse? Aucun pouvoir humain n'aurait pu, avec cinq pains d'orge et deux petits poissons, produire des aliments en quantité suffisante pour nourrir des milliers de personnes affamées. Aussi se dirent-ils l'un à l'autre: "Vraiment c'est lui le prophète qui vient dans le monde." JC 366 2 Pendant la journée cette conviction n'avait cessé de s'affermir et l'acte qui la couronna leur apporta l'assurance que le Libérateur, si longtemps attendu, se tenait au milieu d'eux. Les espérances du peuple grandissaient de plus en plus. Cet homme allait faire de la Judée un paradis terrestre, un pays où coulent le lait et le miel. Il peut répondre à tous les désirs. Il est capable de briser le pouvoir des Romains détestés, de délivrer Juda et Jérusalem. Il peut guérir les soldats blessés dans les batailles, rassasier des armées entières, subjuguer les nations et assurer à Israël la domination longtemps recherchée. JC 366 3 Dans leur enthousiasme les gens sont prêts à le couronner Roi, immédiatement. Ils voient bien pourtant qu'il ne fait aucun effort pour attirer l'attention sur lui-même ou pour obtenir des honneurs. Il diffère essentiellement, en cela, des prêtres et des anciens, et l'on craint qu'il ne veuille jamais revendiquer ses droits au trône de David. Après s'être consultés, ils décident de se saisir de lui, par la force, et de le proclamer roi d'Israël. Les disciples sont d'accord avec la multitude pour affirmer que leur Maître est l'héritier légitime du trône de David. C'est, disent-ils, la modestie du Christ, qui l'empêche d'accepter un tel honneur. Que le peuple élève, sur le pavois, son libérateur. Les prêtres et les anciens orgueilleux se verront forcés d'honorer celui qui viendra revêtu de l'autorité de Dieu. JC 367 1 Avec beaucoup d'ardeur ils préparent l'exécution de leur dessein; mais Jésus voit ce qui se trame, et il comprend ce qu'eux ne comprennent pas: quel serait le résultat d'un tel mouvement. En ce moment même, prêtres et anciens cherchent à lui ôter la vie. Ils l'accusent de leur aliéner le peuple. Une tentative faite pour le placer sur le trône serait suivie de violence et de tumulte et aurait pour effet d'empêcher l'oeuvre du royaume spirituel. Il faut tout de suite mettre un frein à cette agitation. Ayant appelé ses disciples, Jésus leur commanda de s'embarquer pour retourner immédiatement à Capernaüm, et de lui laisser le soin de congédier la foule. JC 367 2 Jamais encore un ordre du Christ n'avait paru si difficile à exécuter. Les disciples attendaient depuis longtemps ce mouvement populaire, et ils ne pouvaient se faire à l'idée que tout cet enthousiasme allait être réduit à néant alors que la présence des foules assemblées en vue de la Pâque et désirant ardemment voir le nouveau prophète offrait une occasion unique pour établir le Maître bien-aimé sur le trône d'Israël. Dans l'ardeur de cette nouvelle ambition il leur était pénible de s'en aller, laissant Jésus seul sur cette plage déserte. Ils commencèrent à récriminer, mais Jésus parla avec un accent d'autorité inaccoutumé. Voyant que toute opposition était inutile, ils se dirigèrent, silencieux, vers le lac. JC 367 3 Alors, Jésus ordonne à la foule de se disperser; son attitude est si décidée que personne n'ose lui résister. Les paroles de louanges et de glorification expirent sur les lèvres; tous sont arrêtés au moment même où ils s'avançaient pour se saisir de lui, et la joie qui éclairait leurs visages s'évanouit. Il y a dans la foule des hommes à la volonté forte; cependant l'aspect royal de Jésus, ses ordres, donnés avec tranquillité, calment le tumulte et déjouent leur dessein. Ils reconnaissent en lui une puissance supérieure à toute autorité terrestre, et ils se soumettent sans discussion. JC 368 1 Resté seul, Jésus "monta sur la montagne, pour prier à l'écart". Des heures durant il intercède auprès de Dieu. Ce n'est pas pour lui qu'il prie; c'est pour les hommes. Il demande à Dieu de pouvoir leur révéler le caractère divin de sa mission, afin que Satan ne puisse aveugler leur entendement et pervertir leur jugement. Le Sauveur sait que les jours de son ministère personnel sur la terre touchent à leur fin et que ceux qui le recevront comme Rédempteur seront peu nombreux. L'âme angoissée, il prie pour ses disciples qui vont être soumis à une épreuve douloureuse. Les espérances longuement entretenues par eux et fondées sur des erreurs populaires, seront déçues de la manière la plus pénible et la plus humiliante. Bien loin de le voir élevé sur le trône de David, ils assisteront à son crucifiement. Voilà le couronnement qui lui est réservé. Ne pouvant comprendre, ils seront exposés à des tentations très fortes dont ils discerneront difficilement la nature. Leur foi va défaillir, à moins que le Saint-Esprit n'éclaire leur esprit et ne leur donne une compréhension plus large des choses. Jésus souffre de voir que leurs conceptions de son royaume sont simplement limitées à un agrandissement et à des honneurs mondains. Un lourd fardeau oppresse son coeur, et c'est avec beaucoup d'amertume et de larmes qu'il élève ses supplications vers Dieu. JC 368 2 Les disciples ne s'étaient pas immédiatement éloignés du rivage ainsi que Jésus le leur avait commandé. Ils attendirent pendant quelque temps, espérant qu'il les rejoindrait. Quand ils virent les ténèbres se faire plus épaisses, "ils montèrent dans une barque et se dirigèrent sur Capernaüm de l'autre côté de la mer". Plus mécontents qu'ils ne l'avaient jamais été depuis le jour où ils avaient reconnu Jésus comme leur Seigneur, ils murmuraient parce qu'il ne leur avait pas été permis de le proclamer roi. Ils s'en voulaient d'avoir obtempéré si vite à son commandement et pensaient qu'avec un peu plus d'insistance ils auraient pu réaliser leur projet. JC 369 1 L'incrédulité s'emparait de leurs esprits et de leurs coeurs car l'ambition les avait aveuglés. Ils connaissaient la haine dont Jésus était l'objet de la part des pharisiens, et ils eussent voulu le voir honoré comme il le méritait. Etre associés à un Maître capable d'accomplir des oeuvres puissantes et se trouver en même temps méprisés comme des séducteurs, c'était plus qu'ils ne pouvaient supporter. Allaient-ils être toujours considérés comme des partisans d'un faux prophète? Le Christ n'affirmerait-il jamais son autorité royale? Pourquoi ne leur facilitait-il pas la voie, en se manifestant sous son vrai jour, lui qui possédait une telle puissance? Pourquoi n'avait-il pas arraché Jean-Baptiste à une mort violente? A force de raisonner ainsi, ils se trouvèrent dans de grandes ténèbres spirituelles. Ils en venaient à se demander si le Christ n'était pas un imposteur comme le prétendaient les pharisiens. JC 369 2 Ce jour-là les disciples avaient été témoins des oeuvres extraordinaires du Christ. Le ciel avait paru descendre sur la terre. Le souvenir de cette magnifique journée aurait dû les combler de foi et d'espérance; s'ils s'étaient entretenus ensemble de ces choses, ils n'auraient pas donné prise à la tentation, mais, absorbés par leur désappointement, ils ne prêtèrent pas l'oreille aux paroles du Christ: "Ramassez les morceaux qui restent, afin que rien ne se perde." Oubliant déjà les heures richement bénies qui venaient de s'écouler, ils se sentaient comme au milieu des eaux agitées. Le Seigneur permit qu'ils fussent mis à l'épreuve par un autre sujet de préoccupation. Souvent Dieu agit ainsi envers les hommes qui se créent des fardeaux et des difficultés. Ce n'était pas le moment d'inventer des complications, car un danger réel les guettait. Formant un contraste avec le temps magnifique qui avait duré tout le jour, une violente tempête s'était insensiblement approchée et allait les surprendre. Quand l'orage éclata, ils en furent effrayés; oubliant leur mécontentement, leur incrédulité, leur impatience, tous s'acharnaient au travail afin d'empêcher la barque de s'enfoncer. De Bethsaïda à l'endroit où ils espéraient retrouver Jésus, la distance était courte, par mer; le voyage ne durait que quelques heures en temps ordinaire; cette fois, refoulés constamment, ils peinèrent sur leurs rames jusqu'à la quatrième veille de la nuit. Finalement, épuisés, ils se crurent perdus. La mer démontée dans les ténèbres leur avait montré leur propre impuissance et ils soupiraient après la présence du Maître. JC 370 1 Jésus ne les avait pas oubliés. Celui qui, du rivage, veillait sur eux, vit ces hommes épouvantés luttant contre la tempête. Il ne les perdit pas de vue un seul instant. Avec la plus vive sollicitude il suivait des yeux la barque secouée par la tempête avec son précieux fardeau; car ces hommes étaient destinés à être la lumière du monde. Telle une mère veillant avec tendresse sur son enfant, ainsi le Maître, plein de pitié, veillait sur ses disciples. Aussitôt que leurs coeurs eurent retrouvé la soumission, que leur ambition profane eut été domptée, et qu'en toute humilité ils eurent imploré de l'aide, ils furent secourus. JC 370 2 Au moment où ils se croient perdus, un rayon de lumière laisse apercevoir une figure mystérieuse s'approchant sur les eaux. Ils ne savent pas que c'est Jésus et prennent pour un ennemi celui qui vient à leur secours. La terreur les envahit. Les mains qui avec une poigne de fer ont saisi les rames lâchent prise. La barque est le jouet des vagues; tous les regards sont rivés à cet homme qui marche sur les flots écumants de la mer houleuse. JC 370 3 Croyant à un fantôme, présage de leur ruine, ils jettent des cris de terreur. Jésus s'avance comme pour les dépasser; alors ils le reconnaissent enfin et crient à lui. La voix de leur Maître bien-aimé calme leurs craintes: "Rassurez-vous, c'est moi, soyez sans crainte!" JC 370 4 Ils peuvent à peine croire à ce fait prodigieux. Pierre transporté de joie et avec quelque incrédulité, pourtant, supplie: "Seigneur si c'est toi, ordonne-moi d'aller vers toi sur les eaux. Et il dit: Viens." JC 370 5 Pierre s'avance avec assurance, les yeux sur Jésus; cependant dès qu'un sentiment de vanité lui fait tourner les regards vers les compagnons qu'il a laissés dans la barque, il cesse d'apercevoir le Sauveur. Le vent est impétueux. De hautes vagues se dressent entre lui et son Maître: il a peur. Un instant le Christ reste caché à sa vue, et sa foi l'abandonne. Il commence à s'enfoncer. Mais tandis que les flots semblent le menacer de mort, Pierre lève les yeux au-dessus des eaux courroucées, et, les fixant sur Jésus, il s'écrie: "Seigneur, sauve-moi!" Aussitôt Jésus saisit la main tendue vers lui, en disant: "Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté?" JC 371 1 Marchant côte à côte, la main de Pierre dans celle du Maître, ils entrent ensemble dans la barque. Pierre est maintenant dompté et silencieux, n'ayant aucun motif de s'élever au-dessus de ses compagnons. Son incrédulité et son orgueil ont failli lui coûter la vie. Ayant détourné ses regards de Jésus, il a perdu pied et s'est vu sur le point d'être submergé par les vagues. JC 371 2 Souvent lorsque surgissent les difficultés, nous ressemblons à Pierre. Au lieu de tenir nos yeux fixés sur le Sauveur, nous regardons les vagues; nos pieds glissent et les eaux tumultueuses nous submergent. Ce n'est pas pour le laisser périr que Jésus avait invité Pierre à le suivre; ce n'est pas non plus pour nous renier qu'il fait de nous ses disciples. JC 371 3 "Ne crains point, dit-il, car je t'ai racheté. Je t'ai appelé par ton nom; tu es à moi. Quand tu traverseras les eaux, je serai avec toi; quand tu franchiras les fleuves, ils ne t'engloutiront point. Quand tu passeras au milieu du feu, tu ne seras pas brûlé et la flamme ne te consumera pas. Car moi, l'Eternel, je suis ton Dieu, le Saint d'Israël, ton Sauveur."1 JC 371 4 Jésus connaissait le caractère de ses disciples. Il savait à quelles tentations leur foi allait être exposée. Ce qui se passa sur la mer avait pour but de montrer à Pierre sa propre faiblesse, et de lui faire comprendre qu'il n'y avait de salut, pour lui, que dans une dépendance constante à l'égard de la puissance divine. Il ne pouvait s'avancer en sûreté parmi les tempêtes de la tentation que si, défiant de soi-même, il s'appuyait sur le Sauveur. C'est à l'endroit précis où Pierre se croyait fort qu'il était faible; aussi longtemps qu'il n'avait pas conscience de sa faiblesse il ne pouvait comprendre à quel point il dépendait du Christ. S'il avait saisi la leçon que Jésus s'efforçait de lui donner, au moyen de cette expérience, sur le lac, il ne serait pas tombé, plus tard, à l'heure de la grande épreuve. JC 372 1 Jour après jour, Dieu instruit ses enfants. Il les prépare, au moyen des circonstances quotidiennes, à jouer, sur une scène plus vaste, le rôle que sa providence leur a assigné. C'est le résultat de ces épreuves répétées qui décide de la victoire ou de la défaite dans les grandes crises de la vie. JC 372 2 Ceux qui n'ont pas le sentiment de leur dépendance constante à l'égard de Dieu, seront vaincus par la tentation. Il peut nous sembler que nos pas sont assurés et que rien ne pourra nous ébranler. Nous pouvons dire avec confiance: Je sais en qui j'ai cru; rien ne pourra ébranler ma foi en Dieu et en sa Parole. Pourtant Satan se propose de profiter de nos défauts de caractère, héréditaires ou acquis, et de nous aveugler en ce qui concerne nos besoins et nos imperfections. On ne peut marcher en sécurité que si l'on a le sentiment de sa faiblesse et si l'on regarde sans cesse à Jésus. JC 372 3 Dès que Jésus eut pris place dans la barque, le vent cessa, "et aussitôt la barque toucha terre là où ils allaient". Une aube lumineuse succéda à cette nuit d'horreur. Les disciples, et d'autres personnes qui les accompagnaient, se jetèrent, reconnaissants, aux pieds de Jésus, en s'écriant: "Tu es véritablement le Fils de Dieu." ------------------------Chapitre 41 -- La crise de la Galilée JC 373 0 Ce chapitre est basé sur Jean 6:22-71. JC 373 1 Lorsque le Christ empêcha le peuple de le déclarer roi, il savait que sa vie était arrivée à un tournant. Des foules qui désiraient le placer sur un trône ce jour-là se détourneraient de lui le lendemain. Déçues dans leurs ambitions égoïstes, leur amour ferait place à la haine, la louange à la malédiction. Quoiqu'il sût tout ceci, il ne fit rien pour éviter la crise. Même au début il n'avait pas laissé espérer à ses disciples des avantages temporels. A quelqu'un qui avait exprimé le désir de devenir son disciple il avait dit: "Les renards ont des tanières, et les oiseaux du ciel ont des nids; mais le Fils de l'homme n'a pas où reposer sa tête."1 Si elles avaient pu avoir en même temps le monde et le Christ, des multitudes lui eussent offert leur serment d'allégeance: un tel service était inacceptable. Parmi ceux qui le suivaient alors, plusieurs avaient été attirés par l'espoir d'un royaume terrestre. Il fallait les détromper. L'enseignement spirituel profond que recelait le miracle des pains n'avait pas été compris. Il convenait de l'expliquer. Cette nouvelle révélation allait constituer une nouvelle mise à l'épreuve. JC 373 2 Le miracle des pains fut divulgué auprès et au loin, de sorte que de bon matin, le lendemain, on se rassembla à Bethsaïda pour voir Jésus. On accourait en grand nombre par terre et par mer. Ceux qui l'avaient quitté la veille au soir revenaient dans l'espoir de le retrouver là; car il n'y avait pas eu de barque lui permettant de traverser le lac. Frustrés dans leur attente, plusieurs revinrent à Capernaüm, toujours à sa recherche. JC 373 3 Entre temps il était arrivé à Génézareth, après une absence d'un jour seulement. Dès que l'on apprit qu'il avait abordé, les gens "parcoururent toute la région et se mirent à apporter des malades sur des grabats, partout où l'on apprenait qu'il était."2 JC 374 1 Après quelque temps il entra dans la synagogue et c'est là que le trouvèrent les gens venus de Bethsaïda. Ils apprirent par les disciples comment il avait traversé le lac. La violence de la tempête, les longues heures où ils avaient ramé vainement contre les vents, l'apparition soudaine du Christ marchant sur les eaux, la peur éprouvée, les paroles rassurantes, l'aventure de Pierre et ce qui s'en était suivi, la tempête apaisée et l'arrivée rapide de la barque à terre: tout ceci fut raconté fidèlement à la foule émerveillée. Ce qui n'empêcha pas quelques-uns de demander: "Rabbi, quand es-tu venu ici?" On espérait entendre de sa propre bouche le récit du miracle. JC 374 2 Jésus ne voulut pas satisfaire leur curiosité. Il leur dit tristement: "Vous me cherchez, non parce que vous avez vu des miracles, mais parce que vous avez mangé des pains et que vous avez été rassasiés." Leur recherche n'était pas désintéressée. Ayant été nourris avec des pains, ils espéraient obtenir des avantages matériels s'ils s'attachaient à lui. Le Sauveur les exhorta: "Travaillez, non en vue de la nourriture qui périt, mais en vue de la nourriture qui subsiste pour la vie éternelle." Ne recherchez pas uniquement des avantages matériels. Ne vous préoccupez pas avant tout de pourvoir aux nécessités de la vie présente; recherchez plutôt la nourriture spirituelle, cette sagesse qui a une durée éternelle. Le Fils de Dieu seul peut vous la donner; "car c'est lui que le Père -- Dieu -- a marqué de son sceau". JC 374 3 L'intérêt des auditeurs se trouva momentanément éveillé. Ils demandèrent: "Que ferons-nous pour travailler aux oeuvres de Dieu?" Ils s'étaient soumis à des efforts variés et harassants pour se rendre recommandables à Dieu; ils étaient prêts à se voir recommander de nouvelles observances leur assurant de plus grands mérites. Leur question revenait à ceci: Que faire pour mériter le ciel? A quel prix pouvons-nous obtenir la vie future? JC 374 4 "Jésus leur répondit: Ce qui est l'oeuvre de Dieu: c'est que vous croyiez en celui qu'il a envoyé." Jésus est le prix du ciel. Le chemin du ciel passe à travers "l'Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde".3 JC 375 1 Ces gens préférèrent ne pas accepter l'énoncé de cette vérité divine. Jésus avait accompli exactement l'oeuvre que la prophétie avait attribuée d'avance au Messie; mais ils n'avaient pas vu ce que leurs espoirs égoïstes attendaient du Messie. Il est vrai que le Christ avait nourri la foule pour une fois avec des pains d'orge; mais aux jours de Moïse Israël avait été nourri de manne quarante années durant, et l'on attendait du Messie de plus grands bienfaits. Ces mécontents se demandaient: Si Jésus était capable d'accomplir des oeuvres aussi étonnantes que celles dont ils avaient été les témoins, pourquoi ne procurait-il pas santé, force, richesse au peuple tout entier, et en plus la liberté politique, la puissance et les honneurs? Ils n'arrivaient pas à comprendre pourquoi, tout en se disant l'Envoyé de Dieu, il refusait d'être le roi d'Israël. Pour eux, il s'agissait d'un mystère impénétrable. Son refus était mal interprété. Certains en conclurent qu'il n'osait pas revendiquer ses titres parce qu'il avait des doutes sur le caractère divin de sa mission. Leurs coeurs s'étant ouverts à l'incrédulité, la semence jetée par Satan portait son fruit de malentendus et de défection. JC 375 2 Non sans quelque ironie un rabbin demanda: "Quel miracle fais-tu donc, afin que nous le voyions et que nous te croyions? Quelle est ton oeuvre? Nos pères ont mangé la manne dans le désert, selon ce qui est écrit: Il leur donna à manger le pain venu du ciel." JC 375 3 Oubliant que Moïse n'avait été qu'un simple instrument, et méconnaissant le véritable Auteur du miracle, les Juifs attribuaient à Moïse l'honneur d'avoir donné la manne. Leurs pères avaient murmuré contre Moïse et mis en question ou même nié sa mission divine. Animés du même esprit, les enfants rejetaient maintenant le Messager que Dieu leur envoyait. "Jésus leur dit: En vérité, en vérité, je vous le dis, ce n'est pas Moïse qui vous a donné le pain venu du ciel." Il se tenait au milieu d'eux, celui qui avait donné la manne. Le Christ lui-même avait marché devant les Hébreux au désert et les avait nourris du pain venu du ciel. Cet aliment symbolisait le vrai pain céleste. L'Esprit vivifiant, épanché de la plénitude infinie de Dieu: voilà la vraie manne. Jésus déclare: "Le pain de Dieu, c'est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde." JC 376 1 Comme s'il s'était encore agi de nourriture temporelle, quelques-uns des auditeurs s'écrièrent: "Seigneur, donne-nous toujours ce pain-là." Alors Jésus leur dit carrément: "Moi, je suis le pain de vie." JC 376 2 L'image dont Jésus s'est servi était bien connue des Juifs. Sous l'inspiration du Saint-Esprit Moïse avait dit: "L'homme ne vit pas de pain seulement, mais de tout ce qui sort de la bouche de l'Eternel." Et Jérémie avait écrit: "Dès que j'ai entendu tes paroles, je les ai dévorées; tes paroles font la joie et les délices de mon coeur."4 Les rabbins eux-mêmes avaient coutume de dire que l'étude de la loi et la pratique des bonnes oeuvres étaient signifiées, au sens spirituel, par la manducation du pain. La leçon spirituelle profonde qui se dégageait du miracle des pains devenait claire à la lumière de l'enseignement des prophètes. C'est cette leçon-là que le Christ s'efforçait d'enseigner à ses auditeurs dans la synagogue. S'ils avaient eu l'intelligence des Ecritures ils eussent compris sa déclaration: "Je suis le pain de vie." Le jour précédent, une grande foule épuisée de fatigue avait été nourrie par le pain qu'il avait distribué. De même qu'ils avaient été fortifiés et restaurés physiquement par ce pain, ils pouvaient recevoir du Christ la puissance spirituelle qui assure la vie éternelle. "Celui qui vient à moi, dit-il, n'aura jamais faim, et celui qui croit en moi n'aura jamais soif." Il ajouta cependant: "Vous m'avez vu, et vous ne croyez pas." JC 376 3 Ils avaient vu le Christ grâce au témoignage du Saint-Esprit, par la révélation divine communiquée à leurs âmes. Les preuves vivantes de sa puissance s'étaient présentées à eux jour après jour, et voilà qu'ils réclamaient un nouveau signe. S'il leur avait été accordé, ils seraient restés aussi incrédules qu'auparavant. Si ce qu'ils avaient vu et entendu n'avait pas le pouvoir de les convaincre, toute autre démonstration d'actes miraculeux fût restée sans effet. L'incrédulité arrivera toujours à excuser ses doutes et à éliminer les preuves les plus positives. JC 377 1 Le Christ adressa un appel suprême à ces coeurs obstinés. "Je ne jetterai point dehors celui qui vient à moi." Tous ceux qui le recevraient, dit-il, auraient la vie éternelle. Aucun ne serait perdu. Plus besoin de disputes entre pharisiens et sadducéens au sujet de la vie future. Les hommes ne doivent plus désespérer au sujet de leurs morts. "Voici, en effet, la volonté de mon Père: que quiconque contemple le Fils et croit en lui, ait la vie éternelle; et je le ressusciterai au dernier jour." JC 377 2 Scandalisés, les chefs disaient: "Celui-ci n'est-il pas Jésus, le fils de Joseph, lui dont nous connaissons le père et la mère? Comment donc dit-il: Je suis descendu du ciel?" Ils s'efforçaient d'éveiller des préjugés en rappelant dédaigneusement les humbles origines de Jésus. Ils mentionnaient avec mépris sa vie d'ouvrier galiléen, ainsi que la pauvreté et l'humble condition de sa famille. Les prétentions d'un charpentier privé d'instruction, disaient-ils, ne méritaient pas l'attention. En raison de sa naissance mystérieuse on insinuait qu'il était de parenté douteuse et l'on jetait le discrédit sur sa légitimité. JC 377 3 Jésus ne voulut pas expliquer le mystère de sa naissance. Il ne fit aucune réponse aux questions concernant sa descente du ciel, pas plus qu'il n'avait répondu aux questions posées touchant sa traversée du lac. Il n'attira pas l'attention sur les miracles qui avaient marqué sa vie. C'est volontairement qu'il avait consenti à se dépouiller et à prendre la forme de serviteur. Cependant ses paroles et ses oeuvres manifestaient son caractère. Tout coeur accessible à la lumière divine n'hésiterait pas à reconnaître en lui "le Fils unique venu du Père", plein "de grâce et de vérité".5 JC 377 4 Les questions posées par les pharisiens ne mettaient pas complètement à nu leur préjugé, qui avait sa racine dans la perversité de leurs coeurs. Chaque parole et chaque acte de Jésus n'avait pour effet que de les dresser contre lui: il n'y avait rien de commun entre lui et l'esprit cultivé par eux. JC 377 5 "Nul ne peut venir à moi, si le Père qui m'a envoyé ne l'attire; et je le ressusciterai au dernier jour. Il est écrit dans les prophètes: Ils seront tous instruits par Dieu. Quiconque a entendu le Père et reçu son enseignement vient à moi." Personne ne pourra jamais venir au Christ s'il ne se laisse attirer par l'amour du Père. Dieu cherche à attirer tous les coeurs; seuls ceux qui résistent à cet attrait refusent de venir au Christ. JC 378 1 En disant: "Ils seront tous instruits par Dieu", Jésus faisait une allusion à la prophétie d'Esaïe: "Tous tes enfants seront instruits par l'Eternel et le bonheur de tes fils sera parfait."6 Les Juifs se faisaient à eux-mêmes l'application de ce passage. Ils affirmaient que Dieu était leur Maître. Jésus montra l'inanité de ces prétentions; en effet, dit-il, "quiconque a entendu le Père et reçu son enseignement vient à moi". Ce n'est que par le Christ qu'ils pouvaient arriver à connaître le Père. L'humanité ne pouvait supporter la vision de sa gloire. Ceux qui avaient été instruits par Dieu avaient écouté la voix de son Fils et ils ne pouvaient faire autrement que de reconnaître en Jésus de Nazareth celui qui a fait connaître le Père par le moyen de la nature et de la révélation. JC 378 2 "En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi a la vie éternelle." Par l'intermédiaire de Jean, le bien-aimé, qui entendit prononcer ces paroles, le Saint-Esprit a déclaré aux églises: "Voici ce témoignage: Dieu nous a donné la vie éternelle, et cette vie est en son Fils. Celui qui a le Fils a la vie."7 Et Jésus dit: "Je le ressusciterai au dernier jour." Le Christ est devenu une même chair avec nous pour que nous devenions un même esprit avec lui. C'est en vertu de cette union que nous sortirons du sépulcre, -- non seulement pour attester la puissance du Christ, mais parce que, par la foi, sa vie sera devenue notre vie. Ceux qui reconnaissent le Christ pour ce qu'il est en réalité, et qui le reçoivent dans leur coeur, ont la vie éternelle. Le Christ habite en nous par l'Esprit. L'Esprit de Dieu, reçu dans le coeur par la foi, est le commencement de la vie éternelle. JC 378 3 On avait rappelé au Christ la manne que les pères avaient mangée au désert, comme pour lui dire que la dispensation de cet aliment était un miracle supérieur à ceux que le Christ avait accomplis; mais il montre combien ce don est mesquin comparé aux bénédictions qu'il est venu nous communiquer. La manne ne pouvait entretenir que l'existence terrestre; elle ne pouvait ni prévenir la mort ni assurer l'immortalité; tandis que le pain du ciel peut nourrir l'âme en vue de la vie éternelle. Le Sauveur dit: "Je suis le pain de vie. Vos pères ont mangé la manne dans le désert, et ils sont morts. C'est ici le pain qui descend du ciel, afin que celui qui en mange ne meure pas. Moi, je suis le pain vivant descendu du ciel. Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement." A cette image le Christ va en ajouter une autre. Sa mort était indispensable pour qu'il pût communiquer la vie aux hommes; dans les paroles qui suivent il désigne sa mort comme le moyen du salut. "Le pain que je donnerai, c'est ma chair pour la vie du monde." JC 379 1 Les Juifs étaient sur le point de célébrer la Pâque à Jérusalem, pour commémorer la nuit où Israël avait été délivré, alors que l'ange exterminateur avait frappé les foyers égyptiens. Dieu voulait que par l'agneau pascal les Juifs contemplassent l'Agneau de Dieu et reçussent celui qui s'est donné pour la vie du monde. Mais les Juifs en étaient venus à considérer le symbole comme ayant son but en soi-même et ils avaient perdu de vue sa signification. Ils ne discernaient pas le corps du Seigneur. Les paroles du Christ avaient pour objet la même vérité que le service pascal annonçait. Mais cela ne servit à rien. JC 379 2 Irrités, les rabbins demandèrent: "Comment celui-ci peut-il nous donner sa chair à manger?" Ils faisaient semblant d'attacher à ses paroles le même sens littéral que Nicodème quand il demandait: "Comment un homme peut-il naître quand il est vieux?"8 Ils avaient bien deviné l'intention de Jésus, mais ils n'étaient pas disposés à l'avouer. En détournant le sens de ses paroles ils espéraient créer un préjugé défavorable chez les auditeurs. JC 379 3 Le Christ ne consentit pas à adoucir ses déclarations. Au contraire, il réaffirma la même vérité dans un langage encore plus fort: "En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme et si vous ne buvez son sang, vous n'avez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle, et je le ressusciterai au dernier jour. Car ma chair est vraiment une nourriture et mon sang est vraiment un breuvage. Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi en lui." JC 380 1 Manger la chair et boire le sang du Christ, c'est le recevoir en qualité de Sauveur personnel, croire qu'il pardonne nos péchés et qu'en lui nous sommes consommés. En contemplant son amour, en méditant constamment sur ce sujet, en nous désaltérant à cette source, nous devenons participants de sa nature. Ce que la nourriture est au corps, le Christ doit l'être à l'âme. La nourriture n'est utile qu'à celui qui la reçoit et l'assimile. Nous devons nous rassasier de lui, le recevoir dans notre coeur, pour que sa vie devienne notre vie. Il nous faut nous assimiler son amour, sa grâce. JC 380 2 Toutefois, ces images si frappantes sont inadéquates pour exprimer la valeur du rapport existant entre le croyant et le Christ. Jésus a dit: "Comme le Père qui est vivant m'a envoyé, et que je vis par le Père, ainsi celui qui me mange vivra par moi." Tout comme le Fils de Dieu vivait par sa foi dans le Père, nous devons à notre tour vivre par la foi en Christ. Jésus était si complètement soumis à la volonté de Dieu que le Père seul apparaissait dans sa vie. Quoique tenté en toutes choses comme nous le sommes, il s'est maintenu sans tache en face du monde, sans se laisser contaminer par le mal qui l'environnait. Or nous devons vaincre comme le Christ a vaincu. JC 380 3 Voulez-vous suivre le Christ? Alors tout ce qui est écrit touchant la vie spirituelle vous concerne et peut être réalisé par votre union avec Jésus. Votre zèle est-il languissant? Votre premier amour s'est-il refroidi? Acceptez à nouveau l'amour du Christ qui vous est offert. Mangez sa chair, buvez son sang: vous deviendrez un avec le Père et avec le Fils. JC 380 4 Les Juifs incrédules né voulurent voir que le sens le plus matériel des paroles du Sauveur. Boire du sang était une chose prohibée par la loi rituelle; on voulut donc voir un sacrilège dans le discours du Christ et on en fit un sujet de discussion. Il y en eut beaucoup, même parmi les disciples, pour dire: "Cette parole est dure, qui peut l'écouter?" JC 381 1 Le Sauveur répondit: "Cela vous scandalise? Et s'il vous arrivait de voir le Fils de l'homme monter où il était auparavant? C'est l'Esprit qui vivifie. La chair ne sert de rien. Les paroles que je vous ai dites sont Esprit et elles sont vie." JC 381 2 La vie du Christ, qui donne la vie au monde, se trouve dans sa parole. C'est par sa parole que Jésus guérissait les malades et chassait les démons; par elle il calmait les flots et ramenait les morts à la vie; le peuple attestait que sa parole était accompagnée de puissance. Il faisait entendre la parole de Dieu, la même qui s'était trouvée dans la bouche de tous les prophètes et des instructeurs de l'Ancien Testament. La Bible entière est une manifestation du Christ, et le Sauveur désirait asseoir sur la parole la foi de ses disciples. Après qu'ils seraient privés de sa présence visible, la parole devait rester leur source de force. Comme leur Maître, il leur faudrait vivre "de toute parole qui sort de la bouche de Dieu".9 JC 381 3 Tout comme notre vie physique est entretenue par les aliments, notre vie spirituelle dépend de la Parole de Dieu. Chaque âme doit recevoir pour son propre compte la vie qui réside dans la Parole de Dieu. De même que pour être nourri chacun doit manger pour son propre compte, de même aussi nous devons recevoir personnellement la parole. Il ne faut pas se contenter de la recevoir par l'intermédiaire d'une autre personne. Il nous faut étudier la Bible avec soin, en demandant à Dieu l'aide du Saint-Esprit, pour que nous puissions comprendre sa parole. Nous devrions choisir un verset et concentrer notre attention sur son contenu afin de découvrir la pensée que Dieu y a cachée à notre intention. Nous devrions réfléchir là-dessus jusqu'à ce que la pensée soit assimilée et que nous sachions "ce que dit le Seigneur". JC 381 4 C'est à moi personnellement que Jésus adresse ses promesses et ses avertissements. Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique afin que, croyant en lui, je ne périsse pas mais que j'obtienne la vie éternelle. Les expériences décrites dans la Parole de Dieu doivent devenir mes expériences à moi. Prières et promesses, préceptes et avertissements: tout est pour moi. "Je suis crucifié avec Christ, et ce n'est plus moi qui vis, c'est Christ qui vit en moi; ma vie présente dans la chair, je la vis dans la foi au Fils de Dieu, qui m'a aimé et qui s'est livré lui-même pour moi."10 Quand la foi reçoit ainsi et s'approprie les principes de la vérité, ils deviennent partie intégrante de notre être et le mobile déterminant de la vie. La Parole de Dieu, reçue par une âme, façonne les pensées et concourt à la formation du caractère. JC 382 1 Nous serons affermis en regardant constamment à Jésus avec les yeux de la foi. Dieu veut accorder ses révélations les plus précieuses à son peuple affamé et assoiffé de vérité. Le Christ sera reconnu comme un Sauveur personnel. Celui qui se nourrira de sa parole verra qu'elle est esprit et vie. La parole fait disparaître la nature charnelle et communique une vie nouvelle en Christ-Jésus. Le Saint-Esprit vient réconforter notre âme. Par l'action transformatrice de sa grâce, l'image de Dieu est reproduite chez le disciple, qui devient une nouvelle créature. L'amour succède à la haine, le coeur est formé à la ressemblance divine. C'est là vraiment vivre "de toute parole qui sort de la bouche de Dieu". C'est manger le Pain descendu du ciel. JC 382 2 Le Christ a proclamé une vérité sacrée, éternelle, concernant ses relations avec ses disciples. Il connaissait le caractère de ceux qui se donnaient comme ses disciples, et il mettait leur foi à l'épreuve. Il déclara qu'ils devaient croire et agir en accord avec son enseignement. Tous ceux qui le reçoivent deviennent participants de sa nature et sont rendus conformes à son caractère. Ceci entraîne l'abandon des plus chères ambitions. Ceci suppose un abandon total à Jésus. Nous sommes appelés à devenir pleins d'abnégation, doux et humbles de coeur. Il faut marcher dans l'étroit sentier foulé par l'Homme du Calvaire, si l'on veut partager le don de la vie et la gloire céleste. JC 382 3 L'épreuve était trop grande. On vit se refroidir l'enthousiasme de ceux qui avaient voulu s'emparer de sa personne par la force et le couronner roi. Ils déclarèrent que le discours de la synagogue leur avait ouvert les yeux. Ils étaient enfin détrompés. Ses paroles leur donnaient l'impression qu'il avait avoué n'être pas le Messie; ils comprenaient qu'il n'y avait aucune récompense terrestre à attendre pour ceux qui s'attachaient à lui. Ils avaient admiré la puissance qui éclatait dans ses miracles; ils désiraient être délivrés de la maladie et de la souffrance, mais refusaient de partager sa vie de sacrifice. Le mystérieux royaume spirituel dont il avait parlé les laissait indifférents. Les personnes égoïstes et peu sincères qui l'avaient suivi jusque là ne le désiraient plus. Puisqu'il ne voulait pas déployer sa puissance et son influence pour les délivrer du joug romain, ils n'avaient plus rien à voir avec lui. JC 383 1 Jésus leur dit sans ambages: "Il en est parmi vous quelques-uns qui ne croient pas." Et il ajouta: "C'est pourquoi je vous ai dit que nul ne peut venir à moi, si cela ne lui est donné par le Père." Il voulait leur faire comprendre que s'ils ne se sentaient pas attirés vers lui c'est que leurs coeurs n'étaient pas ouverts à l'action du Saint-Esprit. "L'homme naturel ne reçoit pas les choses de l'Esprit de Dieu, car elles sont une folie pour lui, et il ne peut les connaître, parce que c'est spirituellement qu'on en juge."11 Seule la foi permet de contempler la gloire de Jésus. Cette gloire demeure cachée jusqu'au moment où le Saint-Esprit vient allumer la foi dans une âme. JC 383 2 En reprochant publiquement leur incrédulité à ces disciples, Jésus les éloigna encore davantage. Très mécontents, voulant à la fois blesser le Sauveur et faire plaisir aux pharisiens pleins de malice, ils lui tournèrent le dos et le quittèrent avec dédain. Ils venaient de faire leur choix: la forme sans l'esprit, la coquille sans l'amande. Ayant cessé d'accompagner Jésus, ils ne revinrent jamais sur leur décision. JC 383 3 "Il a son van à la main, il nettoiera son aire, il amassera son blé dans le grenier."12 On était arrivé à l'un de ces moments. La parole de vérité était en train de séparer la paille du bon grain. Plusieurs s'éloignèrent de Jésus, trop vaniteux et propre-justes pour accepter un reproche, trop mondains pour consentir à une vie de sacrifice. Ils sont nombreux ceux qui agissent de même aujourd'hui. Des âmes sont mises à l'épreuve maintenant comme l'ont été ces disciples dans la synagogue de Capernaüm. Quand ils sont mis en contact avec la vérité, ils s'aperçoivent que leurs vies ne s'accordent pas avec la volonté divine. Ils voient bien qu'il leur faudrait subir un changement complet; ils reculent devant l'effort demandé, qui suppose l'esprit de sacrifice. Ils s'irritent quand leurs péchés sont dévoilés. Ils s'en vont offensés, à l'instar des disciples qui quittèrent Jésus en murmurant: "Cette parole est dure, qui peut l'écouter?" JC 384 1 Les louanges et les flatteries sont agréables à entendre; la vérité est déplaisante; on ne veut pas lui prêter l'oreille. Quand les foules accourent et sont nourries, quand des cris de triomphe se font entendre, on crie son admiration; dès que l'Esprit de Dieu fouille les coeurs et met à nu le péché, exigeant qu'on y renonce, on tourne le dos à la vérité et l'on cesse d'accompagner Jésus. JC 384 2 Quand ces disciples mécontents eurent quitté le Christ, un esprit différent s'empara d'eux. Ils ne voyaient plus rien d'attrayant chez celui qui avait provoqué leur intérêt. Ils se rapprochèrent de ses ennemis, dont ils partageaient l'esprit. Ils donnèrent une fausse interprétation à ses paroles, travestirent ses déclarations et calomnièrent ses motifs. Pour se justifier ils ramassèrent avec soin tout ce qui était susceptible de leur fournir un argument contre lui; ces rapports mensongers faillirent lui coûter la vie, si grande fut l'indignation du public. JC 384 3 On fit courir le bruit que Jésus de Nazareth avait avoué n'être pas le Messie. Il arriva ainsi que le courant du sentiment populaire se tourna contre lui en Galilée, comme cela avait eu lieu en Judée une année auparavant. Ce fut un malheur pour Israël. Il rejeta son Sauveur parce qu'il voulait un conquérant qui lui assurerait un pouvoir temporel. A la nourriture qui donne la vie éternelle on préféra celle qui périt. JC 384 4 C'est avec peine que Jésus vit s'éloigner de lui, qui est la Vie et la Lumière des hommes, les disciples dont il a été question. Le fait que ses compassions n'étaient pas appréciées, que son amour restait sans réponse, que sa miséricorde était dédaignée, son salut rejeté, tout cela remplissait son âme d'une douleur inexprimable. Ces choses contribuaient à faire de lui l'homme de douleur, connaissant la souffrance. JC 385 1 Sans chercher à retenir ceux qui l'abandonnaient, Jésus dit aux douze: "Et vous, ne voulez-vous pas aussi vous en aller?" JC 385 2 "Simon Pierre lui répondit: Seigneur, à qui irions-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle. Et nous avons cru, et nous avons connu que c'est toi le Saint de Dieu." JC 385 3 "A qui irions-nous?" Les maîtres d'Israël étaient esclaves du formalisme. Les pharisiens et les sadducéens se disputaient sans cesse. Abandonner Jésus signifiait tomber parmi ces gens férus de rites et de cérémonies, gens ambitieux ne cherchant que leur propre gloire. Les disciples avaient trouvé plus de paix et de joie depuis qu'ils avaient accepté le Christ que pendant tout le temps qu'ils avaient vécu sans lui. Comment rejoindre ceux qui avaient méprisé et persécuté l'Ami des pécheurs? On attendait depuis longtemps le Messie; impossible, maintenant qu'il était venu, de l'abandonner en faveur de ceux qui en voulaient à sa vie et qui les avaient persécutés parce qu'ils l'avaient suivi. JC 385 4 "A qui irions-nous?" Il n'est pas question de renoncer aux enseignements du Christ, à ses leçons d'amour et de miséricorde, pour se plonger dans les ténèbres de l'incrédulité et de la méchanceté mondaine. Alors que le Sauveur se voyait abandonné de beaucoup de ceux qui avaient été témoins de ses oeuvres merveilleuses, Pierre exprima la foi des disciples: "Tu es le Christ." Ils ne pouvaient songer sans déchirement à se séparer de cette ancre de l'âme. Se priver du Sauveur c'était aller à la dérive sur une mer sombre et agitée. JC 385 5 Bien des paroles et des actes de Jésus semblent mystérieux à des esprits finis, mais chacune de ces paroles, chacun de ces actes poursuit un but bien défini dans l'oeuvre de la rédemption; tout est calculé en vue du résultat escompté. Si nous étions capables de comprendre ses desseins, tout nous paraîtrait logique, parfait et en accord avec sa mission. JC 386 1 Bien que nous ne puissions pas encore comprendre les oeuvres et les voies de Dieu, nous pouvons déjà apercevoir son grand amour qui inspire sa conduite à l'égard des hommes. Celui qui vit dans l'intimité de Jésus arrive à comprendre dans une grande mesure le mystère de la piété. Il reconnaît la grâce qui distribue des réprimandes, qui éprouve le caractère, qui dévoile les secrets des coeurs. JC 386 2 En présentant la vérité qui allait mettre à l'épreuve ses disciples et en éloigner un grand nombre, Jésus n'ignorait pas le résultat; mais il poursuivait un dessein miséricordieux. Il prévoyait les terribles épreuves auxquelles seraient soumis ses disciples bien-aimés à l'heure de la tentation. Son agonie en Gethsémané, la trahison et le crucifiement constitueraient pour eux un véritable tourment. Sans cette mise à l'épreuve, beaucoup l'auraient suivi pour des motifs égoïstes. Quand leur Seigneur fut condamné par le tribunal, quand les foules qui avaient voulu le proclamer roi l'accablèrent de mépris, quand une tourbe ivre de fureur criait: "Crucifie-le!" -- quand leurs ambitions mondaines furent frustrées, ces êtres épris d'eux-mêmes l'eussent renié, ajoutant à l'amertume des vrais disciples déjà déçus dans leurs espoirs les plus chers. A cette heure sombre l'exemple de ceux qui l'eussent abandonné aurait pu en entraîner d'autres. Mais Jésus provoqua la crise à un moment où sa présence personnelle pouvait encore affermir la foi de ses vrais disciples. JC 386 3 Débordant de compassion, en pleine connaissance du sort qui lui était réservé, le Rédempteur s'efforça avec bonté d'aplanir la voie des disciples, de les préparer en vue de la cruelle épreuve qui les attendait. ------------------------Chapitre 42 -- La tradition JC 387 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 15:1-20; Marc 7:1-23. JC 387 1 S'attendant à voir Jésus, à l'occasion de la Pâque, les scribes et les pharisiens lui avaient préparé un piège. Mais Jésus, connaissant leurs desseins, ne se présenta pas. "Alors, des pharisiens et des scribes vinrent de Jérusalem auprès de Jésus." Voyant qu'il n'allait pas à eux, ils allèrent à lui. On avait pu croire pendant quelque temps que la population de la Galilée accueillerait Jésus en qualité de Messie, et que le pouvoir de la hiérarchie serait brisé dans cette contrée. La mission des douze, en montrant l'étendue de l'oeuvre du Christ et en mettant les disciples en conflit plus direct avec les rabbins, avait réveillé l'envie des chefs à Jérusalem. Les espions, envoyés à Capernaüm au début du ministère de Jésus, avaient essayé d'établir par des preuves l'accusation de violation du sabbat; ce fut en vain. Néanmoins les rabbins, décidés à réaliser leur dessein, envoyèrent une nouvelle députation afin de connaître les intentions du Christ et de découvrir quelque chef d'accusation contre lui. Ainsi que la première fois, on lui reprocha de méconnaître les préceptes traditionnels encombrant la loi de Dieu. On s'était proposé, en rétablissant ces préceptes, de sauvegarder l'observation de la loi, et, peu à peu, on en était venu à les considérer comme plus sacrés que la loi elle-même. On allait jusqu'à leur accorder la préférence lorsqu'ils se trouvaient en conflit avec les commandements donnés au Sinaï. JC 387 2 On insistait plus particulièrement sur la valeur des purifications rituelles. Négliger les cérémonies servant de préliminaires aux repas était considéré comme un grand péché, punissable dans ce monde et dans l'autre; et l'on estimait faire une oeuvre méritoire en tuant le coupable. JC 388 1 Il y avait des règles innombrables concernant la purification. Une vie entière suffisait à peine pour les apprendre toutes. Ceux qui voulaient se soumettre aux exigences des rabbins passaient leur existence à lutter contre les souillures cérémonielles, par d'incessantes ablutions et purifications. Les grands principes de la loi divine étaient oubliés, tandis que l'attention était absorbée par des distinctions insignifiantes et des observances que Dieu n'avait pas établies. JC 388 2 Le Christ et ses disciples ne pratiquaient pas les ablutions cérémonielles; les délateurs leur en firent un chef d'accusation. Ils n'osèrent pourtant pas s'attaquer directement au Christ, mais ils vinrent blâmer les disciples auprès de lui et ils lui demandèrent, en présence de la foule: "Pourquoi tes disciples transgressent-ils la tradition des anciens? Car ils ne se lavent pas les mains quand ils prennent leur pain." JC 388 3 Chaque fois que le message de la vérité produit une profonde impression sur les âmes, Satan emploie ses instruments à créer une dispute sur quelque question d'importance secondaire. Il s'efforce ainsi de détourner l'attention de ce qui est capital. Dès qu'une bonne oeuvre est commencée, il y a des ergoteurs prêts à engager une dispute sur des questions de forme ou de détail technique, afin de détourner les esprits des réalités vivantes. Lorsqu'on voit Dieu sur le point d'agir d'une manière particulière en faveur des siens, on ne doit pas se laisser entraîner dans des controverses ne pouvant avoir d'autre effet que la ruine des âmes. Les questions qui nous touchent de plus près sont celles-ci: Est-ce que je crois d'une foi salutaire au Fils de Dieu? Ma vie est-elle en harmonie avec la loi divine? "Celui qui croit au Fils a la vie éternelle; celui qui désobéit au Fils ne verra pas la vie." "A ceci nous reconnaissons que nous l'avons connu: si nous gardons ses commandements."1 JC 388 4 Jésus ne fit aucun effort pour se défendre ou pour défendre ses disciples. Il ne fit même aucune allusion aux accusations dirigées contre lui, mais il voulut montrer de quel esprit étaient animés ces partisans farouches des rites humains. Il leur montra, par un exemple, ce qu'ils faisaient continuellement, ce qu'ils venaient de faire avant de l'aborder. "Et vous, pourquoi transgressez-vous le commandement de Dieu au profit de votre tradition? Car Dieu a dit: Honore ton père et ta mère et celui qui maudira son père ou sa mère sera puni de mort. Mais vous, vous dites: Celui qui dira à son père ou sa mère: Ce dont j'aurais pu t'assister est une offrande à Dieu, n'est point tenu d'honorer son père ou sa mère." JC 389 1 Ils mettaient de côté le cinquième commandement, comme une chose sans importance, tandis qu'ils se montraient fort stricts dans l'observation des traditions des anciens. Ils enseignaient que vouer ses biens au temple était un devoir plus sacré que d'entretenir ses parents, et que donner à son père ou à sa mère se trouvant dans le besoin une part de ce qui avait été ainsi consacré, était commettre un sacrilège. Un fils ingrat n'avait qu'à prononcer le mot corban, vouant ainsi à Dieu tout ce qu'il possédait, pour avoir le droit d'en jouir aussi longtemps qu'il vivait; à sa mort seulement ce qui restait était affecté au service du temple. On pouvait ainsi, pendant sa vie et jusqu'à sa mort, négliger d'honorer ses parents et les priver du nécessaire, sous l'apparence d'une prétendue dévotion. JC 389 2 Jésus n'a jamais, ni par sa parole, ni par son exemple, amoindri les obligations de l'homme en ce qui concerne les dons et les offrandes faits à Dieu. C'est le Christ lui-même qui a donné les directions de la loi en ce qui concerne les dîmes et les offrandes. Pendant son existence terrestre il fit l'éloge de la pauvre femme qui avait placé tout son avoir dans le trésor du temple. Mais le zèle apparent que les prêtres et les rabbins affichaient pour Dieu dissimulait leur secret désir d'enrichissement. Ces gens-là trompaient le peuple. Ils lui imposaient de lourds fardeaux que Dieu n'exigeait pas. Même les disciples du Christ n'étaient pas entièrement libres du joug imposé par des préjugés héréditaires et par l'autorité des rabbins. En mettant à nu le véritable esprit des rabbins, Jésus cherchait à délivrer de l'esclavage de la tradition tous ceux qu'animait un véritable désir de servir Dieu. JC 389 3 S'adressant à ces astucieux espions, il leur dit: "Hypocrites, Esaïe a bien prophétisé sur vous, quand il a dit: Ce peuple m'honore des lèvres, mais son coeur est éloigné de moi. C'est en vain qu'ils me rendent un culte, ils enseignent des doctrines qui ne sont que préceptes humains." Ces paroles du Christ étaient un acte d'accusation dirigé contre tout le système du pharisaïsme. En plaçant leurs exigences au-dessus des divins préceptes, disait Jésus, les rabbins s'élevaient au-dessus de Dieu. JC 390 1 Une véritable fureur s'empara des envoyés de Jérusalem. Ils ne pouvaient plus accuser le Christ de violer la loi du Sinaï, puisqu'il venait de prendre sa défense contre leurs traditions. Les grands préceptes de la loi qu'il avait présentés, faisaient un contraste frappant avec les règles mesquines inventées par les hommes. JC 390 2 Jésus montra tout d'abord à la foule et ensuite, d'une manière plus complète, aux disciples, que la souillure ne vient pas du dehors, mais du dedans. La pureté et l'impureté appartiennent à l'âme. Ce qui souille un homme, c'est l'action mauvaise, la pensée mauvaise, la transgression de la loi de Dieu, et non pas le fait de négliger des cérémonies extérieures inventées par les hommes. JC 390 3 Les disciples observèrent l'emportement avec lequel les espions accueillaient l'exposé de leurs faux enseignements. Ils aperçurent les regards courroucés et entendirent les paroles de dépit et de vengeance murmurées à voix basse. Oubliant que le Christ leur avait donné si souvent la preuve qu'il savait lire dans le coeur comme dans un livre ouvert, ils l'avertirent de l'effet produit par ses paroles. Dans l'espoir qu'il réussirait à calmer les fonctionnaires irrités, ils dirent à Jésus: "Sais-tu que les pharisiens ont été scandalisés de t'entendre parler ainsi?" JC 390 4 "Il répondit: Toute plante qui n'a pas été plantée par mon Père céleste sera déracinée." Elles étaient de la terre et non du ciel, les coutumes et les traditions si prisées des rabbins. Quelle que fût leur influence sur le peuple, elles ne pouvaient résister à l'épreuve de Dieu. Toute invention humaine substituée aux commandements de Dieu apparaîtra sans valeur au jour où Dieu "prononcera son jugement sur toutes les actions, même les plus cachées, sur ce qui est bien comme sur ce qui est mal".2 JC 391 1 On n'a pas cessé de substituer des préceptes humains aux commandements de Dieu. Il existe, même parmi les chrétiens, des institutions et des usages qui n'ont d'autre fondement que les traditions des pères. De telles institutions, qui reposent uniquement sur une autorité humaine, ont supplanté celles que Dieu avait établies. Les hommes s'attachent à leurs traditions, respectent leurs coutumes et haïssent quiconque s'efforce de leur montrer leur erreur. Aujourd'hui où notre attention est ramenée vers les commandements de Dieu et la foi de Jésus, nous voyons se produire la même inimitié qui se manifesta au temps du Christ. Il est écrit au sujet du résidu du peuple de Dieu: "Le dragon fut irrité contre la femme, et il s'en alla faire la guerre au reste de sa descendance, à ceux qui gardent les commandements de Dieu et qui retiennent le témoignage de Jésus."3 JC 391 2 "Toute plante qui n'a pas été plantée par mon Père céleste sera déracinée." Dieu nous exhorte à accepter la parole du Père éternel, Seigneur des cieux et de la terre, plutôt que l'autorité des prétendus Pères de l'Eglise. Là, seulement, se trouve la vérité sans aucun mélange d'erreur. David disait: "J'ai surpassé en sagesse tous ceux qui m'avaient instruit; car tes enseignements sont l'objet de mes méditations. Je suis plus intelligent que les vieillards eux-mêmes; car j'ai gardé tes commandements."4 Qu'ils prennent garde à l'avertissement contenu dans les paroles du Christ tous ceux qui acceptent une autorité humaine, les coutumes de l'Eglise, ou les traditions des Pères: "C'est en vain qu'ils me rendent un culte, ils enseignent des doctrines qui ne sont que des préceptes humains." ------------------------Chapitre 43 -- Barrières renversées JC 392 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 15:21-28; Marc 7:24-36. JC 392 1 Apres sa rencontre avec les pharisiens, Jésus s'éloigna de Capernaüm, et, ayant traversé la Galilée, il se réfugia dans la région montagneuse qui borde la Phénicie. De là il pouvait apercevoir vers l'occident, s'étendant sur la plaine, les anciennes villes de Tyr et de Sidon, avec leurs temples païens, leurs palais magnifiques, leurs marchés et leurs ports encombrés de vaisseaux. Plus loin, la bleue Méditerranée, que devaient franchir les messagers de l'Evangile, portant la bonne nouvelle aux centres du grand empire mondial. Mais ce temps-là n'était pas encore arrivé. Il restait à Jésus une oeuvre à faire: préparer ses disciples en vue de leur mission. Il espérait pour cela trouver dans cette contrée la solitude dont il n'avait pu jouir à Bethsaïda. Cependant ce n'était pas là l'unique but de son voyage. JC 392 2 "Une femme cananéenne, qui venait de ces contrées, lui cria: Aie pitié de moi, Seigneur Fils de David! Ma fille est cruellement tourmentée par le démon." Les habitants du district descendaient d'une ancienne race cananéenne, et, en raison de leur idolâtrie, ils étaient l'objet du mépris et de la haine des Juifs. La femme qui venait maintenant à Jésus appartenait à cette race. Elle avait entendu parler du prophète puissant qui, disait-on, guérissait toutes sortes de maladies, et l'espoir se réveilla dans son coeur. Poussée par l'amour maternel, elle se décida à parler de sa fille à Jésus avec le dessein bien arrêté de lui apporter sa douleur. Il fallait qu'il guérît son enfant. Elle avait imploré les divinités païennes sans en obtenir aucun soulagement et elle était parfois tentée de penser: Que pourrait bien faire pour moi ce docteur juif? Mais on lui avait dit qu'il guérissait toutes sortes de maladies, et qu'il ne regardait pas si ceux qui venaient à lui étaient riches ou pauvres. Elle ne voulut pas renoncer à son seul espoir. JC 393 1 Le Christ connaissait la condition de cette femme. Sachant qu'elle désirait le voir, il se plaça sur son chemin. En venant au secours de sa misère, il pourrait donner une illustration vivante de la leçon qu'il se proposait d'enseigner. C'est pour cela qu'il avait amené ses disciples dans cette contrée. Il voulait leur faire toucher du doigt l'ignorance qui régnait dans les villes et les villages voisins du pays d'Israël. Le peuple, auquel toutes facilités avaient été données pour comprendre la vérité, ignorait les besoins de son entourage. Rien n'était fait pour venir en aide aux âmes qu'enveloppaient les ténèbres. Le mur de séparation érigé par l'orgueil juif empêchait les disciples eux-mêmes d'éprouver de la sympathie pour le monde païen. Mais ces barrières devaient être renversées. JC 393 2 Le Christ ne répondit pas immédiatement à la requête de cette femme. Elle représentait une race méprisée, et Jésus lui fit l'accueil que les Juifs lui auraient réservé. Par là, il se proposait de montrer aux disciples avec quelle froideur et quel manque de coeur les Juifs se conduiraient dans un cas semblable, et, en accordant ensuite l'objet de la requête, il donnerait l'exemple de la compassion que les disciples devaient manifester en face de telles détresses. JC 393 3 Bien que Jésus n'eût pas répondu, la femme ne perdit pas sa foi. Comme il poursuivait son chemin, sans paraître l'entendre, elle le suivit, renouvelant ses supplications. Importunés, les disciples demandèrent à Jésus de la renvoyer. Voyant que le Maître la traitait avec indifférence, ils pensaient qu'il partageait le préjugé des Juifs contre les Cananéens. Mais c'est un Sauveur plein de pitié que cette femme implorait, et la requête des disciples provoqua cette réponse de Jésus: "Je n'ai été envoyé qu'aux brebis perdues de la maison d'Israël." Quoique cette réponse semblât s'accorder avec la prévention des Juifs, elle contenait un reproche indirect, à l'adresse des disciples: c'est ce qu'ils comprirent, plus tard, en se rappelant combien souvent il leur avait dit qu'il était venu dans le monde pour sauver tous ceux qui l'accepteraient. JC 394 1 La femme redoubla d'insistance, se prosternant aux pieds du Christ, et criant: "Seigneur, viens à mon secours." Par sa nouvelle réponse, Jésus parut vouloir repousser encore ses prières: "Il n'est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens." C'était insinuer qu'il n'était pas juste de gaspiller les bénédictions dont le peuple de Dieu avait été favorisé en les distribuant à des étrangers et à des ennemis d'Israël. Toute autre personne eût été complètement découragée. Mais la femme discerna, sous le refus apparent de Jésus, une pitié qu'il ne réussissait pas à cacher. "Oui Seigneur, dit-elle, pourtant les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres." Quand les enfants mangent à la table de leur père, les chiens eux-mêmes ne sont pas oubliés. Ils ont droit aux miettes qui tombent d'une table abondamment pourvue. S'il y avait tant de bénédictions pour Israël, n'y en aurait-il donc pas une aussi pour elle? Puisqu'on la regardait comme un chien, n'avait-elle pas droit aux miettes comme lui? JC 394 2 Jésus venait de quitter son champ d'activité parce que les scribes et les pharisiens cherchaient à lui ôter la vie. Ils faisaient entendre des murmures et des plaintes. Ils manifestaient de l'incrédulité et de la rancoeur, et refusaient le salut si généreusement offert. Et voici que, maintenant, le Christ rencontre un être appartenant à une race infortunée et méprisée, n'ayant pas été favorisé par la lumière de la Parole de Dieu, et qui cependant cède tout de suite à l'influence divine du Christ et croit d'une manière implicite que Jésus est capable de lui accorder la faveur demandée. Elle mendie les miettes qui tombent de la table du Maître. Pourvu qu'on lui accorde les avantages d'un chien, elle consent à être considérée comme tel. Aucun préjugé, aucun orgueil national ou religieux n'influe sur sa conduite; elle reconnaît immédiatement, en Jésus, le Rédempteur, celui qui peut faire tout ce qu'elle lui demande. JC 394 3 Le Sauveur est satisfait. Il a mis cette foi à l'épreuve. Il a montré, par sa façon d'agir avec cette femme que l'on juge indigne de partager les grâces accordées à Israël, qu'elle a cessé d'être une étrangère pour devenir l'enfant de la maison de Dieu. Et, comme les autres enfants, elle a droit aux dons du Père. Le Christ exauce sa requête, achevant ainsi la leçon destinée aux disciples. Se tournant vers elle avec un regard chargé de pitié et de tendresse, il lui dit: "O femme, ta foi est grande; qu'il te soit fait comme tu le veux." A cette heure même sa fille fut guérie. Le démon ne la tourmenta plus. La femme s'en alla, reconnaissant son Sauveur, heureuse d'avoir obtenu l'exaucement de sa prière. JC 395 1 Jésus ne fit aucun autre miracle au cours de ce voyage. C'était en vue de l'accomplissement de cette guérison qu'il s'était rendu au voisinage de Tyr et de Sidon. Il voulait à la fois secourir cette femme affligée et laisser un exemple de son oeuvre miséricordieuse en faveur d'une population méprisée pour l'instruction de ses disciples quand il ne serait plus auprès d'eux. Il voulait les arracher à leur exclusivisme juif et les inciter à travailler au sein d'autres peuples que le leur. JC 395 2 Il tardait à Jésus de pouvoir dévoiler les profonds mystères de la vérité, cachés pendant les âges passés, selon lesquels les Gentils étaient appelés à être les co-héritiers des Juifs, participant "à la même promesse en Christ-Jésus par l'Evangile".1 Les disciples mirent beaucoup de temps à apprendre cette vérité, malgré les nombreuses leçons données par le divin Maître. En récompensant la foi du centenier, en prêchant l'Evangile aux habitants de Sychar, il avait déjà assez montré qu'il ne partageait pas l'intolérance des Juifs. Mais les Samaritains avaient une certaine connaissance de Dieu; et le centenier avait fait preuve de bonté envers Israël. Cette fois-ci Jésus mit ses disciples en contact avec une femme païenne qu'ils considéraient indigne de ses faveurs comme tous les autres païens. Il voulait montrer comment une telle personne devait être traitée. Il avait semblé aux disciples qu'il dispensait trop généreusement les dons de sa grâce. Il voulait montrer que son amour ne se bornait pas aux limites d'une race ou d'une nation. JC 395 3 En disant: "Je n'ai été envoyé qu'aux brebis perdues de la maison d'Israël", Jésus avait dit la vérité, et en travaillant pour cette femme cananéenne il ne faisait que remplir sa mission. Cette femme était l'une des brebis qu'Israël aurait dû délivrer. Le Christ accomplissait l'oeuvre, négligée, qui avait été assignée à Israël. JC 396 1 Grâce à cet acte, les disciples comprirent mieux l'oeuvre qu'ils avaient à accomplir parmi les païens et virent le vaste champ ouvert à leur activité, en dehors de la Judée. Parmi ceux qu'on leur avait appris à mépriser, il y avait des âmes endurant des afflictions inconnues au peuple privilégié, soupirant après le secours du puissant Guérisseur, et ayant faim de cette vérité que les Juifs avaient reçue en si grande abondance. JC 396 2 Plus tard, quand les Juifs se détournèrent plus obstinément des disciples, parce qu'ils annonçaient Jésus en qualité de Sauveur du monde, après que le mur de séparation dressé entre Juifs et Gentils eut été abattu par la mort du Christ, cette leçon, ainsi que d'autres semblables, destinées à montrer que l'oeuvre évangélique ne souffrait aucune limite de coutume ou de nationalité, exerça une puissante influence sur la marche suivie par les représentants du Christ. JC 396 3 La visite du Sauveur en Phénicie et le miracle accompli dans cette région avait encore un but plus vaste. Cette oeuvre fut accomplie non seulement pour soulager cette femme affligée, non seulement au bénéfice des disciples et de ceux qu'ils devaient évangéliser, mais aussi "afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu'en croyant, vous ayez la vie en son nom".2 Les mêmes facteurs qui tenaient les hommes éloignés du Christ il y a dix-huit siècles sont encore à l'oeuvre aujourd'hui. L'esprit qui éleva une barrière entre Juifs et Gentils agit encore. L'orgueil et le préjugé ont dressé de hautes murailles entre diverses classes d'hommes. Le Christ et sa mission ont été présentés sous un faux jour et de nombreuses personnes ont le sentiment d'être virtuellement retranchées du ministère évangélique. Elles ne doivent pas penser, néanmoins, que l'accès au Christ leur est interdit. Aucune des barrières érigées par l'homme ou par Satan n'est impénétrable à la foi. JC 397 1 La femme de Phénicie se jeta, avec foi, contre les barrières dressées entre les Juifs et les païens. Malgré les causes de découragement, malgré les apparences qui auraient pu l'engager à douter, elle se confia en l'amour du Sauveur. C'est ainsi que le Christ désire que nous lui fassions confiance. Toute âme peut avoir part aux bénédictions du salut. Rien, si ce n'est sa propre volonté, ne peut empêcher un homme de devenir participant, en Christ, de la promesse de l'Evangile. JC 397 2 Dieu déteste les castes. A ses yeux, toutes les âmes humaines ont la même valeur. "Il a fait que toutes les nations humaines, issues d'un seul homme, habitent sur toute la face de la terre; il a déterminé les temps fixés pour eux et les bornes de leur demeure, afin qu'ils cherchent Dieu pour le trouver si possible, en tâtonnant. Or il n'est pas loin de chacun de nous." Tous sont invités à venir à lui pour avoir la vie, sans distinction d'âge, de rang, de nationalité ou de religion. "Quiconque croit en lui ne sera pas confus. Il n'y a pas de différence, en effet, entre le Juif et le Grec: ils ont tous le même Seigneur, qui est riche pour tous ceux qui l'invoquent. Car quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé." "Il n'y a plus ni Juif ni Grec, il n'y a plus ni esclave ni homme libre, il n'y a plus ni homme ni femme." "Riche et pauvre se rencontrent; c'est l'Eternel qui les a créés l'un et l'autre."3 ------------------------Chapitre 44 -- Le véritable signe JC 398 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 15:29-39; 16:1-12; Marc 7:31-37; 8:1-21. JC 398 1 "Jésus quitta la contrée de Tyr et revint par Sidon vers la mer de Galilée, en traversant la contrée de la Décapole." C'est dans la région de la Décapole que les habitants, alarmés par la destruction des pourceaux, avaient contraint Jésus de s'éloigner d'eux. Mais ils avaient prêté l'oreille aux messagers qu'il avait laissés derrière lui, et maintenant, ils désiraient le voir. Quand il revint dans la contrée, une foule s'assembla autour de lui, et on lui amena un sourd, qui parlait difficilement. Jésus ne se contenta pas, selon son habitude, de guérir cet homme par la parole seulement. L'ayant pris à l'écart, il plaça ses doigts dans ses oreilles et toucha sa langue; levant les yeux vers le ciel il soupira en pensant aux oreilles qui refusaient de s'ouvrir à la vérité et aux langues qui ne voulaient pas reconnaître le Rédempteur. Aux mots: "Ouvre-toi!" cet homme recouvra l'usage de la parole, et sans tenir compte de la défense d'en parler à qui que ce fût, il publia partout l'histoire de sa guérison. JC 398 2 Jésus étant allé sur une montagne, une grande foule s'approcha de lui et plaça à ses pieds des malades et des infirmes. Il les guérit tous; et ces gens, quoique païens, glorifiaient le Dieu d'Israël. Trois jours durant ils se pressèrent autour du Sauveur; la nuit ils dormaient en plein air et le jour ils s'empressaient pour entendre les paroles du Christ et pour voir ses oeuvres. Après ces trois jours la nourriture manqua. Jésus ne voulait pas les renvoyer ayant faim; il invita donc les disciples à leur donner à manger. Une fois de plus ceux-ci manifestèrent leur incrédulité. Ils avaient vu comment, à Bethsaïda, grâce à la bénédiction du Christ, leur petite provision avait servi à nourrir la multitude; cependant ils n'apportèrent pas tout ce qu'ils avaient, confiants en sa puissance pour multiplier cela et nourrir la foule affamée. Il ne faut pas oublier non plus qu'à Bethsaïda Jésus avait nourri des Juifs; maintenant il s'agissait de païens. Le préjugé juif était encore vivace dans le coeur des disciples. Ils répondirent à Jésus: "Comment pourrait-on les rassasier de pains ici dans un lieu désert?" Toutefois, obtempérant à l'ordre donné, ils lui apportèrent ce qu'ils avaient: sept pains et deux poissons. La foule fut rassasiée, et il resta sept paniers de restes. Quatre mille hommes, sans compter femmes et enfants, furent ainsi restaurés, puis Jésus les congédia avec des coeurs joyeux et reconnaissants. JC 399 1 Etant ensuite entré dans une barque avec ses disciples, il traversa le lac pour aller à Magdala, à l'extrémité méridionale de la plaine de Génézareth. Aux frontières de Tyr et de Sidon il avait été réconforté par la confiance que lui avait témoignée la femme syro-phénicienne. Les païens de la Décapole l'avaient reçu avec joie. De retour en Galilée, où sa puissance s'était manifestée d'une façon si remarquable, où il avait accompli la plupart de ses oeuvres de miséricorde, où il avait donné le plus grand nombre de ses enseignements, il rencontrait une incrédulité méprisante. JC 399 2 Les envoyés des pharisiens avaient été rejoints par des représentants des sadducéens riches et dominateurs; ces sadducéens sceptiques étaient le parti des prêtres; ils constituaient l'aristocratie de la nation. Les deux sectes entretenaient une inimitié mortelle. Les sadducéens recherchaient la faveur de la puissance dominante afin de maintenir leur propre position et leur autorité. Les pharisiens, impatients de secouer le joug conquérant, fomentaient la haine populaire contre les Romains. Pharisiens et sadducéens s'unirent pourtant contre le Christ. Le semblable cherche son semblable; et le mal, où qu'il se trouve, se ligue avec le mal pour détruire le bien. JC 399 3 Les pharisiens et les sadducéens vinrent donc au Christ, sollicitant un signe du ciel. Aux jours de Josué, alors qu'Israël combattait contre les Cananéens à Beth-Horon, le soleil s'était arrêté à la voix du chef jusqu'à ce que la victoire eût été remportée; beaucoup d'autres prodiges semblables avaient eu lieu dans leur histoire. On demandait à Jésus un signe de ce genre. Ce n'était pourtant pas de tels signes que les Juifs avaient besoin. Des manifestations purement extérieures ne pouvaient leur être d'aucune utilité. Ce qu'il leur fallait, ce n'était pas une illumination intellectuelle, mais une rénovation spirituelle. JC 400 1 "Vous savez discerner l'aspect du ciel", leur dit Jésus -- par l'examen du ciel ils prédisaient le temps -- "et vous ne pouvez discerner les signes des temps!" Les paroles du Christ, accompagnées de la puissance du Saint-Esprit qui convainquait de péché, étaient elles-mêmes le signe que Dieu avait donné pour leur salut. D'ailleurs des signes célestes avaient attesté la mission du Christ: le chant des anges entendu par les bergers, l'étoile guidant les mages, la colombe et la voix céleste signalant son baptême. JC 400 2 "Jésus soupira profondément en son esprit et dit: Pourquoi cette génération demande-t-elle un signe?" "Il ne lui sera donné d'autre signe que celui de Jonas." Comme Jonas avait passé trois jours dans le ventre du poisson, ainsi le Christ devait rester pendant la même durée de temps "dans le sein de la terre". Et comme la prédication de Jonas avait été un signe pour les Ninivites, ainsi la prédication du Christ était un signe pour ses contemporains. Mais quel contraste dans la façon d'accueillir la Parole! La population de la grande cité païenne avait tremblé à l'ouïe des avertissements divins. Le roi et les nobles s'étaient humiliés; petits et grands avaient imploré le Dieu du ciel et obtenu sa grâce. "Les hommes de Ninive se dresseront lors du jugement avec cette génération, dit le Christ, et la condamneront, parce qu'ils se sont repentis à la prédication de Jonas; et voici, il y a ici plus que Jonas."1 Tout miracle accompli par le Christ était un signe de sa divinité. Les Juifs comprenaient l'oeuvre annoncée comme devant être celle du Messie; mais les pharisiens considéraient les oeuvres miséricordieuses du Christ comme des délits. Les chefs de la nation juive voyaient la souffrance humaine avec une parfaite indifférence; dans bien des cas leur égoïsme et leur oppression étaient la cause des souffrances que le Christ soulageait. Ses miracles étaient, par conséquent, un blâme à leur adresse. JC 401 1 Les Juifs furent amenés à rejeter l'oeuvre du Sauveur par les preuves les plus évidentes de sa nature divine. Le fait que ses miracles avaient pour but le bien de l'humanité en fait ressortir la vraie signification. La preuve la plus évidente de son origine divine, c'est que le caractère de Dieu était révélé dans sa vie. Il accomplissait les oeuvres et il prononçait les paroles de Dieu. Une telle vie est le plus grand des miracles. JC 401 2 Beaucoup, comme les Juifs, disent aussi aujourd'hui, quand on leur présente le message de la vérité: Montrez-nous un signe. Faites-nous un miracle. Le Christ n'accorda aucun miracle aux pharisiens. Il n'en avait pas non plus accordé à Satan, au désert de la tentation. Ce n'est pas pour nous faire valoir nous-mêmes ou pour satisfaire les exigences de l'incrédulité ou de l'orgueil qu'il nous communique sa puissance. Néanmoins l'Evangile n'est pas privé du signe de son origine divine. N'est-ce pas un miracle que nous puissions briser l'esclavage de Satan? L'inimitié contre Satan ne naît pas naturellement dans le coeur humain; c'est la grâce de Dieu qui la produit. Un miracle s'accomplit chaque fois que quelqu'un, d'abord dominé par une volonté opiniâtre et capricieuse, se soumet ensuite de bon coeur à l'attirance divine; chaque fois qu'un homme, dupe de l'erreur, arrive à comprendre la vérité morale. Lorsqu'une âme se convertit, qu'elle apprend à aimer Dieu et à garder ses commandements, cette promesse divine se réalise: "Je vous donnerai un coeur nouveau et je mettrai en vous un esprit nouveau."2 Le changement du coeur humain, la transformation du caractère, est un miracle par lequel se révèle un Sauveur toujours vivant, déployant son activité pour délivrer les âmes. Une vie conséquente, en Christ, est un grand miracle. Voici le signe qui devrait, aujourd'hui et toujours, accompagner la prédication de la Parole divine: la présence du Saint-Esprit, donnant de l'efficacité à la Parole pour la régénération de ceux qui l'écoutent. C'est ainsi que Dieu atteste au monde la divine mission de son Fils. JC 402 1 Ceux qui demandaient un signe à Jésus s'étaient tellement enfoncés dans l'incrédulité qu'ils étaient incapables de discerner la ressemblance divine dans son caractère. Ils ne voyaient pas que sa mission répondait aux prédictions de l'Ecriture. S'adressant aux pharisiens dans la parabole de l'homme riche et de Lazare, Jésus leur dit: "S'ils n'écoutent pas Moïse et les prophètes, ils ne se laisseront pas persuader, même si quelqu'un ressuscitait d'entre les morts."3 Un signe donné au ciel ou sur la terre ne leur serait d'aucun profit. JC 402 2 "Jésus soupira profondément en son esprit", et s'éloignant des ergoteurs il remonta sur la barque avec ses disciples. Ils retraversèrent le lac dans un douloureux silence. Au lieu de retourner au lieu qu'ils avaient quitté ils se dirigèrent vers Bethsaïda, près du lieu où cinq mille hommes avaient été nourris. Arrivé à l'autre bord Jésus dit: "Gardez-vous attentivement du levain des pharisiens et des sadducéens." Depuis les jours de Moïse, les Juifs avaient pris l'habitude de débarrasser leurs maisons de tout levain au moment de la Pâque, et ils avaient appris à voir dans ce levain un symbole du péché. Néanmoins Jésus ne fut pas compris par ses disciples. Au départ de Magdala ils avaient négligé de se procurer du pain en quantité suffisante. Ils s'imaginèrent donc que Jésus faisait allusion à cela et leur recommandait de ne pas acheter leur pain chez les pharisiens ou les sadducéens. Leur manque de foi et de discernement spirituel les avait souvent empêchés de comprendre le sens des paroles de Jésus. Il leur reprocha de penser que celui qui avait nourri des milliers de personnes avec quelques poissons et quelques pains d'orge pouvait avoir eu en vue uniquement un aliment temporel dans son avertissement solennel. Les raisonnements subtils des pharisiens et des sadducéens risquaient d'être un ferment d'incrédulité pour les disciples et de leur faire juger avec légèreté les oeuvres du Christ: là était le danger. Les disciples inclinaient à penser que leur Maître eût bien fait d'accorder un signe du ciel à la demande des pharisiens. Ils le croyaient parfaitement capable de le faire et de réduire ainsi au silence ses ennemis. Ils ne voyaient pas l'hypocrisie de ces ergoteurs. JC 403 1 Quelques mois plus tard, "les gens s'étant rassemblés par milliers, au point de s'écraser les uns les autres", Jésus renouvela le même enseignement. Il "se mit à dire en premier lieu à ses disciples: Gardez-vous du levain des pharisiens, qui est l'hypocrisie".4 JC 403 2 Le levain placé dans la pâte opère imperceptiblement et toute la masse en est transformée. Si l'hypocrisie est tolérée dans un coeur, elle imprègne le caractère et la vie. Un exemple frappant: Jésus avait déjà reproché aux pharisiens leur hypocrisie à propos du corban qui permettait de négliger un devoir filial sous prétexte de générosité à l'égard du temple. Les scribes et les pharisiens suggéraient des principes trompeurs. Ils dissimulaient les vraies tendances de leurs doctrines et profitaient de toutes les occasions pour les inculquer habilement à leurs auditeurs. Ces faux principes agissaient comme un levain sur ceux qui les acceptaient, imprégnant et transformant le caractère; c'est cet enseignement fallacieux qui faisait que le peuple avait tant de peine à recevoir les paroles du Christ. JC 403 3 Les mêmes influences agissent aujourd'hui par l'action de ceux qui expliquent la loi de Dieu de manière à la mettre d'accord avec leur conduite. Ces gens n'attaquent pas la loi ouvertement, mais sapent ses principes par leurs spéculations. Leurs explications tendent à lui ôter toute force. JC 403 4 C'est la recherche de soi-même qui était à la base de l'hypocrisie des pharisiens. Ils n'avaient qu'une seule préoccupation: leur propre gloire, ce qui les amenait à pervertir et à appliquer mal à propos les Ecritures et qui les aveuglait en ce qui concerne le but que le Christ se proposait dans l'exercice de sa mission. Ce mal subtil risquait de contaminer même les disciples du Christ. Ceux qui s'étaient rangés parmi les disciples de Jésus sans renoncer à tout se laissaient fortement influencer par les raisonnements des pharisiens. Ils oscillaient fréquemment entre la foi et l'incrédulité; ils n'apercevaient pas les trésors de sagesse cachés en Christ. Les disciples eux-mêmes, qui avaient pourtant tout quitté pour l'amour de Jésus, au moins extérieurement, n'avaient pas cessé de garder dans leurs coeurs des aspirations à de grandes choses pour leur propre avantage. C'est cet esprit qui explique leurs disputes pour savoir lequel d'entre eux était le plus grand. Ceci s'interposait entre eux et le Christ, leur faisait considérer avec peu de sympathie sa mission pleine d'abnégation et les rendait si lents à comprendre le mystère de la rédemption. Si l'on permet au levain d'achever son action, il produit la corruption et la pourriture; de même, l'esprit d'égoïsme, cultivé, souille l'âme et amène sa ruine. JC 404 1 Ce péché subtil et trompeur est très répandu aujourd'hui parmi les disciples de notre Seigneur. Souvent le service que nous offrons au Christ est gâté par le secret désir de glorifier le moi. Combien on aspire aux éloges, à l'approbation des hommes! C'est l'amour de soi, le désir de suivre une voie plus facile que celle que Dieu a indiquée, qui fait substituer des théories humaines et des traditions aux préceptes divins. Il importe donc de rappeler aux disciples eux-mêmes les paroles du Christ: "Faites attention, prenez garde au levain des pharisiens." JC 404 2 La religion du Christ est pure sincérité. Le zèle pour la gloire de Dieu: tel est le motif semé par le Saint-Esprit; seule l'action efficace de l'Esprit peut produire ce résultat. Seule la puissance de Dieu peut bannir la recherche de soi-même et l'hypocrisie. Un tel changement constitue le signe de son action. Quand la foi que nous recevons détruit l'égoïsme et la vanité, quand elle nous fait préférer la gloire de Dieu à la nôtre, nous pouvons savoir qu'elle est de bonne qualité. "Père, glorifie ton nom!"5 Telle était la note dominante de la vie du Christ; si nous le suivons, ce sera aussi la note dominante de notre vie. Il nous est commandé de "marcher aussi comme lui [Jésus] a marché". "A ceci nous reconnaissons que nous l'avons connu: si nous gardons ses commandements".6 ------------------------Chapitre 45 -- Représentation anticipée de la croix JC 405 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 16:13-28; Marc 8:27-38; Luc 9:18-27. JC 405 1 L'oeuvre du Christ sur la terre touchait à sa fin. Jésus voyait devant lui, comme en une esquisse aux contours précis, les scènes vers lesquelles il s'acheminait. Avant même d'avoir revêtu l'humanité, il avait embrassé du regard tout le chemin qu'il devait parcourir pour sauver ce qui était perdu. Les angoisses qui déchireraient son coeur, les injures dont il serait abreuvé, les privations qu'il devrait endurer, tout cela s'offrait à sa vue avant même qu'il eût quitté la couronne et le vêtement royal pour descendre les marches du trône et voiler sa divinité sous l'humanité. La voie de la crèche au Calvaire était tout entière devant ses yeux. Il n'ignorait rien et disait cependant: "Me voici, je viens, avec le rouleau du livre qui est écrit pour moi. Mon Dieu, je prends plaisir à faire ta volonté. Et ta loi est au fond de mon coeur."1 JC 405 2 Il ne cessa jamais d'avoir présent à l'esprit le résultat de sa mission. Sa vie terrestre, si remplie de peines et de renoncements, était égayée par la pensée que tout son travail ne serait pas vain. En donnant sa vie pour la vie des hommes, il ramènerait ceux-ci à la fidélité envers Dieu. Il devra pour cela recevoir le baptême du sang; son âme innocente portera le fardeau des péchés du monde; l'ombre d'une douleur indescriptible s'étendra sur lui; néanmoins, à cause de la joie qui lui est réservée, il souffrira la croix et méprisera l'ignominie. JC 405 3 Les scènes qui se déroulaient devant lui restaient encore cachées à ceux qu'il avait élus comme compagnons de son ministère; mais le temps approchait où ils devaient contempler son agonie. Celui qu'ils avaient aimé et en qui ils s'étaient confiés, ils allaient le voir livré aux mains de ses ennemis et suspendu à la croix du Calvaire. Bientôt ils devraient affronter le monde sans jouir du réconfort de sa présence visible. Il savait comment une haine violente et l'incrédulité les poursuivraient, et il désirait les préparer en vue de leurs épreuves. JC 406 1 Jésus se trouvait maintenant avec ses disciples dans une ville du territoire de Césarée de Philippe. Ils se trouvaient en dehors des limites de la Galilée, dans une contrée où dominait l'idolâtrie. Là les disciples échappaient à l'influence dominante du judaïsme, et se trouvaient en contact intime avec le culte païen. Ils avaient sous les yeux les formes de la superstition qui existaient dans toutes les parties du monde. Jésus voulait qu'en voyant ces choses ils sentissent leur responsabilité à l'égard des païens. Pendant son séjour dans cette région, il s'abstint autant que possible d'enseigner le peuple, afin de se consacrer plus entièrement à ses disciples. JC 406 2 Il était sur le point de leur parler des souffrances qui l'attendaient. Mais il commença par s'éloigner d'eux, afin d'obtenir par ses prières que leurs coeurs fussent disposés à recevoir ses paroles. Les ayant rejoints, il voulut, d'abord, leur donner l'occasion de confesser leur foi en lui et par là les affermir en vue de l'épreuve. Il leur demanda: "Les gens, que disent-ils? Qui est le Fils de l'homme?" JC 406 3 Avec tristesse les disciples durent constater qu'Israël n'avait pas reconnu son Messie. Quelques-uns, il est vrai, à la vue de ses miracles, l'avaient proclamé Fils de David. Les foules rassasiées par lui à Bethsaïda avaient même voulu le couronner roi d'Israël. Certains, disposés à l'accueillir comme prophète, ne croyaient pas à sa messianité. JC 406 4 Jésus posa alors une seconde question, se rapportant aux disciples eux-mêmes: "Mais vous, leur dit-il, qui dites-vous que je suis?" Pierre répondit: "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant." Dès le début Pierre avait cru à la messianité de Jésus. Beaucoup d'autres, quoique convaincus par la prédication de Jean-Baptiste, après avoir accepté le Christ, avaient commencé à douter de la mission de Jean quand ils l'avaient vu emprisonné et mis à mort; maintenant ils doutaient que Jésus fût ce Messie attendu depuis si longtemps. Beaucoup de disciples qui avaient attendu avec impatience le moment où Jésus s'installerait sur le trône de David, le délaissèrent quand ils se rendirent compte que telle n'était pas son intention. Mais Pierre et ses compagnons lui restèrent fidèles. L'attitude vacillante de ceux qui l'acclamaient hier et le condamnaient aujourd'hui, n'anéantit pas la foi du vrai disciple du Sauveur. Pierre déclara donc: "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant." Il n'attendit pas que son Seigneur fût revêtu d'honneurs royaux; il l'accepta dans son humiliation. JC 407 1 Pierre avait exprimé la foi des douze. Toutefois les disciples étaient encore loin de comprendre la mission du Christ. Sans les détourner de lui, l'opposition et les insinuations perfides des prêtres et des anciens les rendaient perplexes. Ils ne voyaient pas clair devant eux. L'influence, la puissance de la tradition, tout cela constituait un écran qui leur dérobait la vue de la vérité. De temps en temps de précieux rayons de lumière, émanant de Jésus, les illuminaient; malgré cela, ils étaient souvent comme des hommes marchant à tâtons parmi des ombres. Ce jour-là, au moment où ils allaient être placés en face de la suprême épreuve de leur foi, le Saint-Esprit reposait sur eux avec puissance. Un instant leurs regards furent détournés des "choses visibles", pour contempler les "invisibles".2 Ils reconnurent, sous son déguisement humain, la gloire du Fils de Dieu. JC 407 2 Jésus répondit à Pierre: "Tu es heureux, Simon fils de Jonas, car ce n'est pas la chair ni le sang qui t'ont révélé cela, mais c'est mon Père qui est dans les cieux." JC 407 3 La vérité confessée par Pierre constitue le fondement de la foi du croyant. C'est d'elle que le Christ lui-même a dit qu'elle est la vie éternelle. Mais la possession de cette connaissance ne doit pas être une raison de se glorifier. Ce n'est pas par une sagesse ou une bonté personnelle que Pierre parvenait à cette vérité. L'humanité n'atteindra jamais, par elle-même, à la connaissance des choses divines. "Elles ont la hauteur des cieux: que pourrais-tu donc faire? Elles sont plus profondes que le séjour des morts: comment les connaîtrais-tu?"3 Seul l'Esprit d'adoption nous fait distinguer les choses profondes de Dieu, "ce que l'oeil n'a pas vu, ce que l'oreille n'a pas entendu, et ce qui n'est pas monté au coeur de l'homme". "Dieu nous l'a révélé par l'Esprit. Car l'Esprit sonde tout, même les profondeurs de Dieu."4 "Le secret de l'Eternel est pour ceux qui le craignent"; le fait que Pierre discerna la gloire du Christ prouve qu'il avait été "instruit par Dieu".5 Oui, assurément, "tu es heureux, Simon, fils de Jonas; car ce n'est pas la chair ni le sang qui t'ont révélé cela". JC 408 1 Jésus continua: "Et moi je te dis que tu es Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon Eglise et les portes du séjour des morts ne prévaudront pas contre elle." Le mot Pierre signifie un caillou, une pierre roulante. Pierre n'était donc pas le rocher sur lequel l'Eglise a été fondée. Les portes du séjour des morts ont prévalu contre lui lorsqu'il renia son Seigneur avec serment et avec imprécations. L'Eglise a été fondée sur quelqu'un contre qui les portes des enfers ne peuvent prévaloir. JC 408 2 Des siècles avant la venue du Sauveur, Moïse avait désigné le rocher du salut d'Israël. Le Psalmiste avait chanté son "rocher protecteur". Esaïe avait écrit: "Ainsi parle le Seigneur, l'Eternel: Voyez! j'ai mis pour fondement en Sion une pierre, une pierre angulaire, choisie et précieuse, solidement posée."6 Pierre lui-même, sous l'influence de l'inspiration, applique à Jésus cette prophétie. Il dit: "... Si vous avez goûté que le Seigneur est bon, approchez-vous de lui, pierre vivante, rejetée par les hommes, mais choisie et précieuse devant Dieu, et vous-mêmes, comme des pierres vivantes, édifiez-vous pour former une maison spirituelle".7 JC 408 3 "Personne ne peut poser un autre fondement que celui qui a été posé, savoir Jésus-Christ."8 "Sur cette pierre, dit Jésus, je bâtirai mon Eglise." En présence de Dieu et des esprits célestes, en présence aussi de l'armée invisible de l'enfer, le Christ a fondé son Eglise sur le Rocher vivant. Ce Rocher c'est lui-même, -- son corps rompu et meurtri pour nous. Bâtie sur ce fondement, l'Eglise défie les puissances de l'enfer. JC 408 4 L'Eglise paraissait encore bien faible au moment où ces paroles du Christ furent prononcées. Il n'y avait qu'une poignée de croyants contre lesquels toutes les puissances du mal, humaines et démoniaques, allaient être dirigées; cependant les disciples ne devaient pas avoir peur. Fondés sur leur Rocher protecteur, ils ne pouvaient être renversés. JC 409 1 Pendant six mille ans la foi a bâti sur le Christ. Pendant la même durée les flots et les tempêtes de la colère de Satan sont venus frapper le Rocher de notre salut; néanmoins il reste inébranlable. JC 409 2 Pierre avait exprimé la vérité servant de fondement à la foi de l'Eglise; c'est pourquoi Jésus l'honora en tant que représentant de tout le corps des croyants. Il lui dit: "Je te donnerai les clefs du royaume des cieux; ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux." JC 409 3 "Les clefs du royaume des cieux" sont les paroles du Christ. Toutes les paroles de l'Ecriture sainte sont de lui et se trouvent renfermées dans cette expression. Ces paroles ont le pouvoir d'ouvrir et de fermer le ciel. Elles énoncent les conditions auxquelles les hommes sont reçus ou rejetés. Ainsi l'oeuvre des prédicateurs de la Parole de Dieu est une odeur de vie pour la vie ou de mort pour la mort. Leur mission entraîne des conséquences éternelles. JC 409 4 Ce n'est pas à Pierre seul qu'a été confiée l'oeuvre de l'Evangile. Plus tard le Sauveur a répété les paroles qu'il avait dites à Pierre, mais en les appliquant directement à l'Eglise. Les mêmes choses furent énoncées aux douze en tant que représentants de l'ensemble des croyants. Si Jésus avait conféré à l'un des disciples une autorité particulière sur les autres, on ne les aurait pas vus si souvent se disputer pour savoir lequel était le plus grand. Ils se seraient soumis à la volonté du Maître et ils auraient respecté l'élu de son choix. JC 409 5 Bien loin de placer l'un des disciples à la tête des autres, le Christ leur dit: "Mais vous, ne vous faites pas appeler Rabbi, ... et ne vous faites pas appeler conducteurs, car un seul est votre conducteur, le Christ."9 JC 410 1 "Christ est le chef de tout homme." Dieu, qui "a tout mis sous ses pieds [du Sauveur]", l'a donné "pour chef suprême à l'Eglise, qui est son corps, la plénitude de celui qui remplit tout en tous."10 L'Eglise est fondée sur le Christ; elle doit donc lui obéir comme à son chef et non pas dépendre de l'homme ni être dominée par l'homme. Plusieurs prétendent que la position élevée qu'ils occupent dans l'Eglise leur donne le pouvoir d'ordonner aux hommes ce qu'ils doivent croire et faire. Dieu ne sanctionne pas de telles prétentions. Le Sauveur déclare: "Vous êtes tous frères." Tous sont exposés aux tentations et sujets à l'erreur. Nous ne devons nous confier à la direction d'aucun être fini. Le Rocher de la foi, c'est la présence vivante du Christ dans l'Eglise. Sur lui le plus faible peut s'appuyer, tandis que ceux qui se croient les plus forts se trouveront être les plus faibles si leur capacité ne vient pas du Christ. "Maudit est l'homme qui se confie en l'homme, qui fait de la créature son appui." "De lui, notre Rocher, l'oeuvre est parfaite." "Heureux tous ceux qui cherchent leur refuge en lui".11 Après avoir reçu la confession de Pierre, Jésus défendit aux disciples de dire à qui que ce fût qu'il était le Christ. Cette défense s'explique par l'opposition irréductible des scribes et des pharisiens. Il faut ajouter que le peuple, et les disciples eux-mêmes, avaient du Messie une conception tellement fausse que Jésus, en prenant publiquement ce titre, n'aurait pas donné une idée juste de son caractère et de son oeuvre. Mais il se révélait à eux, jour après jour, comme le Sauveur, et il désirait aussi leur donner une conception juste de sa messianité. JC 410 2 Les disciples s'attendaient toujours à ce que le Christ régnât en qualité de prince temporel. Ils pensaient que bien qu'il eût si longtemps caché son dessein, il ne resterait pas toujours dans la pauvreté et l'obscurité; le temps approchait où il établirait son royaume. Que la haine des prêtres et des rabbins fût invincible, que le Christ dût être rejeté par sa propre nation, condamné comme séducteur et crucifié comme un malfaiteur, une telle pensée n'entrait pas dans l'esprit des disciples. Cependant l'heure de la puissance des ténèbres approchait, et il fallait que Jésus montrât aux disciples la lutte qui était devant eux. Le pressentiment de l'épreuve le rendait triste. JC 411 1 Jusqu'ici il s'était abstenu de leur parler de ses souffrances et de sa mort. Il est vrai qu'il avait dit, au cours de son entretien avec Nicodème: "Comme Moïse éleva le serpent dans le désert, il faut, de même, que le Fils de l'homme soit élevé, afin que quiconque croit en lui ait la vie éternelle."12 Mais les disciples n'avaient pas entendu ces paroles, et même s'ils les avaient entendues, ils ne les auraient pas comprises. Maintenant ils ont vécu avec Jésus, écoutant ses paroles, contemplant ses oeuvres, et ils peuvent s'associer au témoignage de Pierre: "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant" et cela malgré l'humilité de son entourage et l'opposition des prêtres et du peuple. Le moment est venu de soulever le voile qui cache l'avenir. "Jésus-Christ commença dès lors à montrer à ses disciples qu'il lui fallait aller à Jérusalem, y souffrir beaucoup de la part des anciens, des grands-prêtres et des scribes, y être mis à mort et ressusciter le troisième jour." JC 411 2 Les disciples écoutaient, muets de douleur et d'étonnement. Le Christ venait d'accepter la déclaration de Pierre concernant sa filiation divine; les allusions qu'il faisait actuellement à ses souffrances et à sa mort leur paraissaient incompréhensibles. Pierre ne put garder le silence. Il n'aimait pas voir la croix dans l'oeuvre du Christ. Il saisit le Maître, comme pour l'arracher au sort dont il était menacé, et s'écria: "A Dieu ne plaise, Seigneur, cela ne t'arrivera pas." JC 411 3 Pierre aimait son Seigneur; cependant Jésus ne le félicita pas d'avoir ainsi exprimé son désir de lui épargner des souffrances. Les paroles de Pierre n'étaient pas de nature à encourager et à consoler Jésus en vue de la grande épreuve qui l'attendait. En désaccord avec le dessein de la grâce divine concernant un monde perdu, et avec l'exemple d'abnégation donné par Jésus, elles risquaient de créer une impression diamétralement opposée à celle que le Christ désirait produire sur l'esprit de ses disciples; aussi le Sauveur fut-il amené à prononcer l'une des réprimandes les plus sévères qui soient jamais sorties de sa bouche: "Arrière de moi, Satan; tu es pour moi un scandale, car tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes." JC 412 1 Satan s'efforçait de décourager Jésus et de le détourner de sa mission; Pierre, dans son amour aveugle, se faisait l'écho de la voix du tentateur. C'est le prince du mal qui lui avait inspiré cette pensée. Cet appel irréfléchi était dû à son instigation. Au désert, Satan avait offert au Christ la domination du monde s'il voulait seulement renoncer à fouler le sentier de l'humiliation et du sacrifice. Il renouvelait aujourd'hui la même tentative auprès du disciple du Christ. Il s'efforçait de fixer les yeux de Pierre sur la gloire terrestre afin qu'il n'aperçût pas la croix vers laquelle Jésus voulait diriger ses regards. Par l'intermédiaire de Pierre, Satan assiégeait à nouveau Jésus de ses tentations. Mais le Sauveur, préoccupé au sujet de son disciple, ne prêtait aucune attention à cette tentative. Satan se plaçait entre Pierre et le Maître, pour empêcher le coeur du disciple d'être touché par la vision de l'humiliation que le Christ subissait pour lui. Le Christ s'adressa donc moins à Pierre qu'à celui qui s'efforçait de séparer le disciple de son Rédempteur: "Arrière de moi, Satan." Cesse de te placer entre moi et mon serviteur égaré. Laisse-moi face à face avec Pierre, pour que je puisse lui révéler le mystère de mon amour. JC 412 2 C'est lentement que Pierre parvint à apprendre la vérité amère. Le sentier du Christ, sur la terre, passait par l'agonie et l'humiliation, et le disciple alors répugnait à communier avec son Seigneur dans la souffrance. C'est la fournaise ardente qui lui ferait apprécier cette communion. Longtemps après, quand son corps fut courbé sous le poids des années et des labeurs, il écrivit: "Bien-aimés, ne vous étonnez pas de la fournaise qui sévit parmi vous pour vous éprouver, comme s'il vous arrivait quelque chose d'étrange. Au contraire, réjouissez-vous dans la mesure où vous participez aux souffrances du Christ, afin de vous réjouir aussi avec allégresse, lors de la révélation de sa gloire."13 JC 412 3 Jésus expliqua à ses disciples que sa propre vie d'abnégation était un exemple destiné à leur montrer le chemin à suivre. Appelant à lui, avec les siens, les personnes qui se tenaient à quelque distance, il leur dit: "Si quelqu'un veut marcher sur mes traces, qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge de sa croix et qu'il me suive." La croix, un supplice en usage chez les Romains, était l'instrument d'une mort aussi cruelle qu'infamante; les plus grands criminels, obligés de porter la croix jusqu'au lieu d'exécution, se débattaient souvent avec une violence désespérée quand on voulait la placer sur leurs épaules, mais on finissait par les maîtriser et leur imposer l'appareil de torture. Jésus invita ses disciples à prendre, volontairement, la croix et à la porter à sa suite. Ses paroles, bien que peu comprises, apprenaient aux disciples qu'ils allaient être soumis aux humiliations les plus profondes, -- soumis à la mort elle-même pour l'amour du Christ. Les paroles du Sauveur exprimaient l'abandon le plus total. Tout cela Jésus l'avait accepté pour eux. Il n'avait pas désiré demeurer au ciel tant que nous étions perdus. Il avait échangé les parvis célestes contre une vie d'opprobre et d'injures couronnée par une mort ignominieuse. Il était devenu pauvre, celui qui possédait les trésors incommensurables du ciel, afin que par sa pauvreté nous fussions enrichis. Nous devons le suivre sur le sentier qu'il a foulé. JC 413 1 Aimer les âmes pour lesquelles le Christ est mort, c'est crucifier le moi. L'enfant de Dieu doit se regarder comme un simple anneau de la chaîne tendue d'en haut pour sauver le monde, se sentir un avec le Christ dans son plan de miséricorde, se mettre avec lui à la recherche de ce qui est perdu. Il faut que le chrétien se rappelle toujours qu'il s'est consacré à Dieu et que son caractère doit révéler le Christ au monde. Le sacrifice de soi-même, la sympathie, l'amour qui se sont manifestés dans la vie du Christ, doivent réapparaître dans la vie de l'ouvrier de Dieu. JC 413 2 "Quiconque en effet voudra sauver sa vie la perdra, mais quiconque perdra sa vie à cause de moi la trouvera." L'égoïsme c'est la mort. Aucun organe du corps ne peut vivre en se servant uniquement soi-même. Le coeur qui cesserait d'envoyer le sang vivifiant à la main et à la tête, perdrait bientôt sa force. Comme le sang qui nous donne la vie, ainsi l'amour du Christ se répand dans toutes les parties de son corps mystique. Nous sommes membres les uns des autres, et l'âme qui refuse de communiquer se condamne à périr. "Que servira-t-il à un homme de gagner le monde entier, si sa vie lui est ôtée? Ou que donnera un homme en échange de sa vie?" demanda Jésus. JC 414 1 Au-delà de la pauvreté et de l'humiliation du temps présent, Jésus montra aux disciples son retour glorieux, quand il viendra, non pas revêtu de la splendeur d'un trône terrestre, mais accompagné de la gloire de Dieu et des armées célestes. "Alors, dit-il, il rendra à chacun selon ses actions." Ensuite, pour les encourager, il leur fit cette promesse: "En vérité, je vous le dis, quelques-uns de ceux qui se tiennent ici ne goûteront point la mort avant d'avoir vu le Fils de l'homme venir dans son règne." Mais les disciples ne comprirent pas. La gloire leur paraissait bien éloignée. Leurs yeux restaient fixés sur une vision plus proche, celle d'une vie terrestre dans la pauvreté, l'humiliation et les souffrances. Devront-ils renoncer à leurs brillantes espérances d'un royaume messianique? Ne verront-ils pas leur Seigneur monter sur le trône de David? Est-il possible que le Christ doive vivre d'une vie humble et vagabonde, être méprisé, rejeté, mis à mort? La douleur oppressait leurs coeurs, car ils aimaient le Maître. Leur esprit, tenaillé par le doute, ne pouvait comprendre que le Fils de Dieu pût être sujet à une si cruelle humiliation. Ils se demandaient pourquoi il allait volontairement à Jérusalem pour s'y exposer au traitement qu'il leur avait dit devoir subir. Comment pouvait-il se résigner à un tel sort et les laisser dans les ténèbres plus épaisses que celles où ils se trouvaient avant de le connaître? JC 414 2 Dans la région de Césarée de Philippe le Christ était hors d'atteinte d'Hérode et de Caïphe: tel était le raisonnement des disciples. Il n'avait rien à craindre de la haine des Juifs ou du pouvoir romain. Pourquoi ne pas travailler là, loin des pharisiens? Pourquoi se serait-il livré à la mort? S'il devait mourir, comment son royaume pourrait-il être si fermement établi que les portes de l'enfer ne pussent prévaloir contre lui? C'était là pour les disciples un vrai mystère. JC 415 1 Ils étaient en route sur les bords de la mer de Galilée, se dirigeant vers la ville où toutes leurs espérances allaient être anéanties. Ils n'osaient pas adresser au Christ des remontrances; ils s'entretenaient tristement à voix basse, au sujet de l'avenir. Malgré tout, ils se cramponnaient à l'espoir qu'une circonstance imprévue écarterait le malheur qui semblait menacer leur Seigneur. Pendant six longs jours lugubres, ils restèrent dans cet état de douleur et de doute, d'espérance et de crainte. ------------------------Chapitre 46 -- Il fut transfiguré JC 416 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 17:1-8; Marc 9:2-8; Luc 9:28-36. JC 416 1 Le soir approchait lorsque Jésus appela à lui trois de ses disciples, Pierre, Jacques et Jean, et les conduisit à travers champs, par un sentier escarpé, sur le versant solitaire d'une montagne. Le Sauveur et ses disciples avaient passé la journée en enseignant au cours du voyage, et l'ascension ajoutait maintenant à leur état de fatigue. Le Christ venait de soulager bien des personnes accablées par des fardeaux moraux et physiques et de communiquer le tressaillement de la vie à leurs corps affaiblis. Mais revêtu de notre humanité, il partageait la fatigue des disciples. JC 416 2 La lumière du soleil couchant s'attardait encore sur le sommet de la montagne, éclairant de ses rayons mourants le sentier qu'ils suivaient. Mais, peu à peu, la lumière quitta la colline comme elle avait quitté la vallée, le soleil disparut à l'horizon et les voyageurs solitaires se trouvèrent enveloppés dans les ténèbres de la nuit. Le sombre décor s'harmonisait avec la tristesse de leurs sentiments. JC 416 3 Les disciples n'osent pas demander au Christ où il va et quel est son dessein. Souvent il a passé des nuits entières en prière sur les montagnes. Celui qui a façonné les montagnes et les vallées se trouve à l'aise au sein de la nature et il jouit de son calme. Les disciples suivent les pas du Christ, se demandant toutefois pourquoi le Maître leur impose cette montée pénible alors qu'ils sont fatigués et que, lui aussi, a besoin de repos. JC 416 4 Enfin le Christ leur dit de ne pas aller plus loin. S'étant écarté quelque peu, l'Homme de douleur répand ses supplications avec de grands cris et des larmes. Il demande la force de supporter l'épreuve en faveur de l'humanité. Il sent le besoin de saisir à nouveau la Toute-Puissance, seul moyen lui permettant de regarder l'avenir. Il exprime aussi ses désirs en faveur de ses disciples, demandant que leur foi ne défaille point à l'heure de la puissance des ténèbres. La rosée tombe en abondance sur son corps courbé, mais il n'y prend pas garde. Les ombres de la nuit se font plus denses autour de lui, il n'en voit pas l'épaisseur. Les heures s'écoulent lentement. Les disciples ont joint d'abord avec une dévotion sincère leurs prières aux siennes; mais ils sont bientôt gagnés par la lassitude et, malgré leurs efforts, ils succombent au sommeil. Jésus leur a parlé de ses souffrances; il les a amenés avec lui pour les associer à ses prières; en ce moment même il prie pour eux. Le Sauveur a vu la tristesse de ses disciples, et il désire soulager leur douleur en leur donnant l'assurance que leur foi n'a pas été vaine. Les douze eux-mêmes ne sont pas tous en état de recevoir la révélation qu'il désire leur communiquer. Trois seulement, qui devront être témoins de ses angoisses en Gethsémané, ont été choisis pour l'accompagner sur la montagne. L'objet actuel de la requête du Christ c'est qu'il leur soit accordé une manifestation de la gloire qu'il avait auprès du Père, avant que le monde fût, que son royaume soit révélé à des yeux humains et que ses disciples soient affermis par cette vue. Il demande qu'ils puissent assister à une manifestation de sa divinité qui les soutiendra à l'heure de son agonie suprême en leur apportant la certitude qu'il est le Fils de Dieu et que sa mort ignominieuse fait partie du plan de la rédemption. JC 417 1 Sa prière est entendue. Tandis qu'il est agenouillé seul sur le sol rocailleux, les cieux tout à coup s'entrouvrent sur les portes d'or de la cité de Dieu; une sainte splendeur enveloppe la montagne, illuminant le Sauveur. De l'intérieur, la divinité éclate à travers l'humanité et rejoint la gloire qui vient d'en haut. Le Christ prosterné se dresse soudain dans une majesté divine. L'agonie de son âme a cessé. Son visage resplendit maintenant comme le soleil et ses vêtements ont la blancheur de la lumière. JC 417 2 Les disciples sont réveillés et contemplent la gloire inondant la montagne. Saisis de crainte et d'étonnement, ils admirent la forme lumineuse de leur Maître. Quand leurs yeux se sont habitués à cette lumière surnaturelle, ils s'aperçoivent que Jésus n'est pas seul. Deux êtres célestes se trouvent là, s'entretenant d'une manière intime avec lui. C'est Moïse, qui autrefois parla avec Dieu au Sinaï; et c'est Elie, qui eut le privilège, presque unique, de ne pas passer par la mort. JC 418 1 Quinze siècles auparavant, sur le mont Pisga, Moïse avait contemplé le pays de la promesse. A cause du péché commis à Mériba, il ne lui fut pas donné d'y entrer. Il ne devait pas avoir la joie de conduire l'armée d'Israël dans l'héritage de ses pères. Son ardente supplication: "Permets-moi, je te prie, de passer et de voir ce bon pays qui est au-delà du Jourdain, cette belle montagne et le Liban",1 se heurta à un refus. Ainsi fut déçue l'espérance qui, pendant quarante ans, avait illuminé les ténèbres du pèlerinage au désert. Un sépulcre dans le désert fut l'aboutissement de ces années de peines et de sollicitudes. Mais "celui qui, par la puissance qui agit en nous, peut faire infiniment au-delà de tout ce que nous demandons ou pensons"2 avait répondu, dans une certaine mesure, à la prière de son serviteur. Quoique Moïse ait souffert la mort, il ne resta pas dans le tombeau. Le Christ lui-même le rappela à la vie. Satan, le tentateur, avait réclamé le corps de Moïse en se prévalant de son péché; mais Christ, le Sauveur, le fit sortir du sépulcre.3 JC 418 2 Moïse paraissait maintenant sur la montagne de la transfiguration comme un témoin de la victoire remportée par le Christ sur le péché et sur la mort. Il se tenait là comme le représentant de ceux qui sortiront du sépulcre, lors de la résurrection des justes. Elie, qui avait été transporté au ciel sans voir la mort, y préfigurait ceux qui seront trouvés vivants sur la terre lors de la seconde venue du Christ, et qui seront "changés, en un instant, en un clin d'oeil, à la dernière trompette", quand "ce corps corruptible" revêtira "l'incorruptibilité", et quand "ce corps mortel" revêtira "l'immortalité".4 Jésus était revêtu de la lumière céleste, tel qu'il apparaîtra "une seconde fois", non plus pour ôter le péché, mais pour donner le salut à "ceux qui l'attendent". Car "il viendra dans la gloire de son Père avec les saints anges".5 Ainsi s'accomplissait la promesse du Sauveur aux disciples. Le futur royaume de gloire fut montré en miniature sur la montagne: Christ le Roi, Moïse le représentant des saints ressuscités, Elie celui des saints transformés. JC 419 1 Les disciples ne comprennent pas encore le tableau; ils sont pourtant heureux de voir que leur Maître, si patient, si doux et si humble, qui a erré çà et là comme un pauvre étranger, est honoré par les élus du ciel. Ils pensent qu'Elie est venu pour annoncer le règne du Messie, et que le royaume du Christ va être établi sur la terre. Ils sont prêts à bannir, pour toujours, le souvenir de leur crainte et de leur déception. Ils désirent rester là où la gloire de Dieu se manifesta. Pierre s'écrie: "Seigneur, il est bon que nous soyons ici; si tu le veux, je dresserai ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Elie." Les disciples s'imaginent que Moïse et Elie ont été envoyés pour protéger leur Maître et pour établir son autorité royale. JC 419 2 Cependant la croix doit précéder la couronne. Ce n'est pas le couronnement du Christ, c'est sa mort prochaine, à Jérusalem, qui est le sujet de leur entretien avec Jésus. Dans la faiblesse de l'humanité, portant le fardeau de la douleur et du péché, Jésus avait marché seul parmi les hommes. Voyant approcher les ténèbres de l'épreuve, il éprouvait une grande solitude dans un monde qui ne le connaissait pas. Même ses disciples bien-aimés, absorbés par leurs doutes, leurs douleurs et leurs ambitions, n'avaient pas compris le mystère de sa mission. Après avoir vécu dans l'amour et dans la communion du ciel, il se trouvait isolé au sein du monde qu'il avait créé. Maintenant le ciel avait envoyé à Jésus ses messagers; non pas des anges, mais des hommes ayant enduré la souffrance et l'affliction, capables, par conséquent, de sympathiser avec le Sauveur dans l'épreuve de sa vie terrestre. Moïse et Elie avaient été les collaborateurs du Christ. Ils avaient partagé son désir de travailler au salut des hommes. Moïse avait intercédé ainsi en faveur d'Israël: "Pardonne cependant leur péché; sinon, efface-moi du livre que tu as écrit."6 Elie avait connu lui aussi la solitude morale, alors que pendant trois ans et demi de famine, objet de la haine de sa nation, il avait partagé son malheur. Il s'était tenu seul, pour Dieu, sur le mont Carmel. Seul, angoissé, désespéré, il s'était enfui au désert. Ces hommes, choisis de préférence aux anges qui entourent le trône, s'entretenaient avec Jésus au sujet de ses souffrances, et le réconfortaient en lui donnant l'assurance que les sympathies du ciel lui étaient acquises. L'espérance du monde, le salut de tout être humain: tel était l'objet de leur entretien. JC 420 1 Pour s'être laissé gagner par le sommeil, les disciples n'entendirent qu'une faible partie des paroles échangées entre le Christ et les messagers célestes. Pour avoir négligé de veiller et de prier, ils ne purent recueillir ce que Dieu s'était proposé de leur accorder: la connaissance des souffrances du Christ et des gloires qui devaient les suivre. Ils perdirent la bénédiction dont ils auraient pu jouir en participant à son renoncement. Combien ces disciples étaient lents à croire, combien peu ils appréciaient le trésor dont le ciel voulait les enrichir! JC 420 2 Néanmoins, ils reçurent une grande lumière. Ils apprirent que le ciel tout entier avait pris connaissance du péché commis par la nation juive en rejetant le Christ. Ils purent pénétrer plus profondément dans l'oeuvre du Rédempteur. Leurs yeux distinguèrent et leurs oreilles perçurent des choses qui dépassent la compréhension humaine. Ils virent sa majesté de leurs propres yeux,7 et ils furent assurés que Jésus était vraiment le Messie reconnu par l'univers céleste et à qui patriarches et prophètes avaient rendu témoignage. JC 420 3 Alors qu'ils considéraient encore la scène se déroulant sur la montagne, "une nuée lumineuse les couvrit. Et voici, de la nuée sortit une voix qui disait: Celui-ci est mon Fils bien-aimé, objet de mon affection. Ecoutez-le." Ayant contemplé la nuée de gloire, plus lumineuse que celle qui précédait les tribus d'Israël au désert; ayant ouï la voix de Dieu d'une majesté si redoutable qu'elle faisait trembler la montagne, les disciples tombèrent le visage contre terre. Ils restèrent ainsi prosternés, le visage couvert, jusqu'à ce que Jésus s'approchât, les touchât, dissipant leurs craintes de sa voix bien connue: "Levez-vous, soyez sans crainte." Ils osèrent alors lever les yeux, et virent que la gloire céleste s'était évanouie. Moïse et Elie avaient disparu. Ils se trouvaient sur la montagne, seuls avec Jésus. ------------------------Chapitre 47 -- Ministère JC 422 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 17:9-21; Marc 9:9-29; Luc 9:37-45. JC 422 1 Jésus et ses compagnons avaient passé toute la nuit sur la montagne; au lever du soleil, ils redescendirent vers la plaine. Absorbés par leurs pensées, les disciples restaient craintifs et silencieux. Pierre lui-même ne trouvait rien à dire. Ils seraient demeurés volontiers en ce lieu sanctifié par le contact de la lumière céleste, et où le Fils de Dieu avait manifesté sa gloire; mais une oeuvre restait à accomplir auprès du peuple qui, déjà, recherchait Jésus de tous côtés. JC 422 2 Une foule s'était rassemblée au pied de la montagne, conduite par les disciples qui, restés en arrière, connaissaient la retraite de Jésus. Au moment d'arriver, le Sauveur recommanda à ses trois disciples de garder le silence sur ce qu'ils avaient vu. "Ne parlez à personne de cette vision, leur dit-il, jusqu'à ce que le Fils de l'homme soit ressuscité des morts." Les disciples devaient méditer, en leur coeur, la révélation qui leur avait été donnée, mais non la publier. En l'exposant aux foules, ils n'auraient suscité que le ridicule ou une vaine curiosité. Les neuf autres disciples eux-mêmes ne comprendraient cette scène qu'après la résurrection du Christ d'entre les morts. D'ailleurs les trois privilégiés étaient aussi bien lents à saisir, car, malgré tout ce que le Christ leur avait appris au sujet de ce qui l'attendait, ils s'interrogeaient les uns les autres sur ce que signifiait: ressusciter d'entre les morts. Pourtant ils ne demandèrent pas d'explication à Jésus. Les paroles qu'il leur avait dites concernant l'avenir les avaient remplis de tristesse; ils ne cherchèrent aucune révélation ultérieure touchant ce qu'ils considéraient comme impossible. JC 422 3 Dès qu'ils aperçurent Jésus, les gens qui se trouvaient dans la plaine coururent au-devant de lui, l'accueillant avec respect et avec joie. Son oeil pénétrant vit tout de suite leur grande perplexité. Les disciples paraissaient troublés; un fait venait de se produire provoquant chez eux un amer désappointement et une profonde humiliation. JC 423 1 Pendant qu'ils demeuraient au pied de la montagne, un homme leur avait amené son fils pour qu'il fût délivré d'un esprit muet qui le tourmentait. Jésus, lorsqu'il envoya les douze prêcher en Galilée, leur avait conféré le pouvoir de chasser les esprits impurs; les disciples, partis avec une foi ferme, se firent obéir des mauvais esprits. Cette fois-ci, bien qu'ils eussent commandé à l'esprit tourmenteur, au nom du Christ, de lâcher sa victime, le démon se moqua d'eux, en leur donnant une nouvelle manifestation de sa puissance. Incapables d'expliquer leur défaite, ils se crurent déshonorés, et le Christ avec eux. Des scribes, présents dans la foule, profitèrent de l'occasion pour les humilier; les ayant entourés, ils les pressaient de questions, cherchant à les convaincre d'imposture, eux et leur Maître. Voilà un mauvais esprit, disaient triomphalement les rabbins, que ni les disciples ni le Christ ne pouvaient assujettir. Les gens étaient enclins à prendre parti pour les scribes, et la foule éprouva bientôt des sentiments de mépris et de dérision. JC 423 2 Mais soudain les accusations cessèrent. On vit approcher Jésus avec ses trois disciples, et la foule, toujours mobile dans ses impressions, s'empressa au-devant d'eux. La nuit, passée en communion avec la gloire céleste, avait laissé des traces sur le Sauveur et sur ses compagnons. De leurs visages émanait une lumière qui inspirait de la crainte aux assistants. Les scribes se retirèrent tremblants, tandis que la foule souhaitait la bienvenue à Jésus. JC 423 3 Comme s'il avait été témoin de tout ce qui venait de se passer, le Sauveur s'avança sur le terrain du combat et, les yeux fixés sur les scribes, demanda: "Sur quoi discutez-vous avec eux?" JC 423 4 Elles étaient maintenant silencieuses les voix qui, tout à l'heure, s'élevaient hardiment sur un ton de défi. Tout le monde gardait le silence. Le père affligé se fraya alors un chemin à travers la foule et, tombant aux pieds de Jésus, il raconta ses difficultés et son désappointement. JC 424 1 "Maître, dit-il, j'ai amené auprès de toi mon fils, en qui se trouve un esprit muet. En quelque lieu qu'il le saisisse, il le jette par terre. ... J'ai prié tes disciples de chasser l'esprit, et ils n'en ont pas été capables." JC 424 2 Jésus jeta un regard sur la foule intimidée, sur les scribes ergoteurs, sur les disciples angoissés. Il vit l'incrédulité dans tous les coeurs, et s'écria, d'une voix pleine de tristesse: "Race incrédule, jusques à quand serai-je avec vous? Jusques à quand vous supporterai-je?" Puis il ajouta, se tournant vers le père en détresse: "Amenez-le moi." JC 424 3 Le jeune homme lui fut amené et, quand les yeux du Sauveur se posèrent sur lui, le mauvais esprit le jeta à terre, dans d'affreuses convulsions. Il se roulait en écumant et déchirait l'air de cris qui n'avaient rien d'humain. JC 424 4 Une fois de plus le Prince de la vie et le prince de la puissance des ténèbres s'étaient rencontrés sur le champ de bataille, -- le Christ pour accomplir sa mission consistant à "proclamer aux captifs la délivrance,... pour renvoyer libres les opprimés",1 Satan pour retenir la victime en son pouvoir. Des anges de lumière ainsi qu'une armée de mauvais anges, s'approchaient, invisibles, pour assister à la lutte. Jésus permit que le mauvais esprit manifestât un instant sa puissance, afin que les personnes présentes pussent comprendre la délivrance qui allait se produire. JC 424 5 La foule, retenant son souffle, regardait. Le coeur du père était partagé entre l'espérance et la crainte. Jésus demanda: "Combien y a-t-il de temps que cela lui arrive?" Le père raconta les longues années de souffrances, puis, comme n'y pouvant tenir plus longtemps, il supplia: "Si tu peux quelque chose, viens à notre secours, aie compassion de nous." "Si tu peux..." Encore, à ce moment, le père doutait de la puissance du Christ. JC 424 6 Jésus répondit: "Tout est possible à celui qui croit." Pour ce qui est du Christ, la puissance ne lui fait pas défaut; la guérison dépend de la foi du père. Dans un flot de larmes, avec le sentiment de sa faiblesse, le père implore la miséricorde du Christ par ce cri: "Je crois! viens au secours de mon incrédulité!" JC 425 1 Jésus, se tournant vers l'être souffrant, lui dit: "Esprit muet et sourd, je te le commande, sors de cet enfant et n'y rentre plus." Il y a un cri, une lutte violente. En s'échappant, le démon paraît vouloir arracher la vie à sa victime. Puis l'enfant reste immobile, anéanti. On murmure parmi la foule: "Il est mort." Mais Jésus, l'ayant pris par la main, le relève et le présente, en parfaite santé de corps et d'esprit, à son père. Le père et le fils célèbrent les louanges de leur Libérateur. La foule est frappée "de la grandeur de Dieu", tandis que les scribes, défaits et penauds, s'en vont avec un visage renfrogné. JC 425 2 "Si tu peux quelque chose, viens à notre secours, aie compassion de nous." Combien d'âmes, écrasées par le fardeau du péché, ont répété cette prière! A tous le Sauveur répond plein de pitié: "Tout est possible à celui qui croit." C'est la foi qui nous met en rapport avec le ciel et nous apporte la force nécessaire pour résister aux puissances des ténèbres. Par Christ, Dieu nous offre le moyen de vaincre tout péché et de résister aux plus fortes tentations. Mais beaucoup sentent qu'il leur manque la foi, et ils se tiennent à distance du Christ. Qu'elles s'abandonnent à la grâce d'un Sauveur miséricordieux, ces âmes vaincues par le sentiment de leur indignité! Qu'elles regardent, non pas à elles-mêmes, mais au Christ! Celui qui, alors qu'il cheminait parmi les hommes, guérissait les malades et chassait les démons, est encore aujourd'hui le même puissant Rédempteur. La foi procède de la Parole de Dieu. Saisissez donc cette promesse de lui: "Je ne jetterai point dehors celui qui vient à moi."2 Jetez-vous à ses pieds en criant: "Je crois! viens au secours de mon incrédulité!" Vous ne périrez jamais aussi longtemps que vous faites cela: jamais. JC 425 3 Dans un court espace de temps les disciples favorisés avaient vu le comble de la gloire et de l'humiliation: l'humanité transfigurée à l'image de Dieu, puis avilie à la ressemblance de Satan. Ce Jésus qui, sur la montagne, s'entretint avec des messagers célestes, et que la voix, sortant de la gloire resplendissante, proclama Fils de Dieu, ils l'ont vu descendre au-devant du spectacle le plus angoissant et le plus révoltant: un enfant au visage décomposé, grinçant des dents, en proie à une folie furieuse, brisé par des spasmes d'agonie qu'aucune puissance humaine ne pouvait soulager. Ce puissant Rédempteur, qui, il y a quelques heures seulement, apparaissait glorifié aux yeux de ses disciples émerveillés, s'abaisse pour relever une victime de Satan qui se roule à terre, et la rend saine de corps et d'esprit à son père et à son foyer. JC 426 1 Cette parabole en action était destinée à illustrer la rédemption: l'être divin procédant de la gloire du Père qui s'abaisse pour sauver ce qui est perdu. Elle devait servir aussi à faire comprendre la mission des disciples. Les serviteurs du Christ ne sont pas appelés à passer uniquement leur vie dans l'extase spirituelle avec Jésus, sur le sommet de la montagne. Une oeuvre est à faire, en bas. Des âmes esclaves de Satan attendent la parole de foi et de prière qui les rendra à la liberté. JC 426 2 Les neuf disciples réfléchissaient encore, avec amertume, sur leur propre défaite; lorsque Jésus se retrouva seul avec eux, ils lui demandèrent: "Pourquoi n'avons-nous pu chasser ce démon?" Jésus répondit: "C'est à cause de votre peu de foi. En vérité je vous le dis, si vous avez de la foi comme un grain de moutarde, vous pourrez dire à cette montagne: Transporte-toi d'ici là, et elle se transportera; rien ne vous sera impossible. Mais cette espèce-là ne sort que par la prière et par le jeûne." L'incrédulité, qui les empêchait de comprendre mieux le Christ, et la négligence apportée dans l'accomplissement de l'oeuvre sacrée qui leur avait été confiée: voilà les causes de leur échec dans la lutte contre les puissances des ténèbres. JC 426 3 Les paroles par lesquelles le Christ leur avait annoncé sa mort les avaient plongés dans la tristesse et le doute. Ensuite le choix des trois disciples qui devaient accompagner Jésus sur la montagne avait provoqué l'envie des neuf autres. Au lieu d'affermir leur foi par la prière et la méditation des paroles du Christ, ils s'étaient arrêtés à leurs sujets de découragement et à leurs griefs personnels. C'est dans cet état de ténèbres qu'ils avaient engagé la lutte avec Satan. JC 427 1 Ils devaient se mettre à l'oeuvre dans un autre état d'esprit s'ils voulaient réussir. Leur foi avait besoin d'être affermie par de ferventes prières, accompagnées de jeûnes, et par l'humiliation du coeur. Il fallait qu'ils fussent vidés d'eux-mêmes et remplis de l'Esprit et de la puissance de Dieu. Ce n'est qu'en suppliant Dieu avec ferveur, avec persévérance, avec foi, -- une foi aboutissant à une entière dépendance à l'égard de Dieu, à une consécration absolue à son service, -- que les hommes peuvent obtenir le secours du Saint-Esprit pour lutter contre les principautés et les puissances, les dominateurs des ténèbres d'ici-bas, contre les esprits du mal dans les lieux célestes. JC 427 2 "Si vous avez de la foi comme un grain de moutarde, dit Jésus, vous pourrez dire à cette montagne: Transporte-toi d'ici là, et elle se transportera." Bien que très petit, le grain de moutarde contient le même principe de vie mystérieux qui produit les plus grands arbres. Quand la semence de la moutarde est enfouie sous le sol, le tout petit germe s'empare de tous les éléments que Dieu a préparés pour lui servir de nourriture et il ne tarde pas à prendre un développement considérable. Si vous avez cette foi-là, vous vous cramponnerez à la Parole de Dieu et vous utiliserez tous les moyens que Dieu a mis à votre disposition. Votre foi, affermie, vous assurera le secours de la puissance céleste. Les obstacles que Satan accumule sur votre sentier, et qui paraissent aussi insurmontables que les montagnes éternelles, disparaîtront à la requête de votre foi. "Rien ne vous sera impossible." ------------------------Chapitre 48 -- Qui est le plus grand? JC 428 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 17:22-27; 18:1-20; Marc 9:30-50; Luc 9:46-48. JC 428 1 De retour à Capernaüm, Jésus ne réintégra pas les lieux où il avait enseigné le public, mais avec ses disciples il chercha un refuge dans la maison qui allait être son domicile temporaire. Pendant le temps qui lui restait à passer en Galilée il voulait se consacrer à l'instruction de ses disciples plutôt que de travailler au milieu des foules. JC 428 2 En route vers la Galilée, le Christ s'était efforcé à nouveau de préparer l'esprit des disciples en vue des événements qui allaient se dérouler. Il leur fit savoir qu'il montait à Jérusalem pour y être mis à mort et ressusciter. Il ajouta une sombre prédiction: il allait être trahi et livré à ses ennemis. Une fois de plus, les disciples ne le comprirent pas. Bien qu'assombris par une profonde douleur, un esprit de rivalité se faisait encore jour dans leurs coeurs. Ils se disputaient pour savoir lequel d'entre eux aurait la première place dans le royaume. Soucieux de cacher à Jésus leur querelle, au lieu de se tenir tout près de lui comme de coutume, ils musaient en arrière, si bien qu'il les devança à l'entrée de Capernaüm. Jésus, qui lisait leurs pensées, désirait leur prodiguer ses conseils et ses instructions. Mais il préféra attendre un moment paisible où leurs coeurs fussent ouverts pour recevoir ses paroles. JC 428 3 Ils avaient pénétré depuis peu dans la ville quand le percepteur des impôts du temple s'approcha de Pierre avec cette question: "Votre maître ne paye-t-il pas les deux drachmes?" Ce tribut n'était pas une taxe civile, mais une contribution religieuse que chaque Juif devait payer une fois par an pour l'entretien du temple. Refuser de payer ce tribut, c'était s'exposer à être considéré comme déloyal à l'égard du temple, -- ce que les rabbins jugeaient très sévèrement. L'attitude que le Sauveur avait prise à l'égard des lois rabbiniques et les violents reproches adressés aux défenseurs de la tradition fournissaient un prétexte à ceux qui l'accusaient de vouloir renverser le service du temple. Ses ennemis apercevaient enfin l'occasion de le discréditer. Ils trouvèrent un allié empressé dans le percepteur d'impôts. JC 429 1 La question du percepteur donnait à entendre que le Christ manquait de loyauté à l'égard du temple; Pierre ne resta pas indifférent: plein de zèle pour l'honneur de son Maître, il se hâta de répondre, sans consultation préalable avec Jésus, que le tribut serait payé. JC 429 2 Pierre, cependant, ne comprenait pas parfaitement l'intention de l'interrogateur. Certaines catégories de personnes étaient exemptées du paiement de ce tribut. Lorsque, au temps de Moïse, les Lévites avaient été mis à part pour le service du sanctuaire, ils n'avaient pas reçu un héritage comme les autres tribus. "Lévi n'a reçu ni part ni héritage avec ses frères; c'est l'Eternel qui est son héritage."1 Au temps du Christ les prêtres et les Lévites, toujours considérés comme affectés au service du temple, n'étaient pas tenus de payer cette contribution annuelle. Les prophètes étaient aussi exempts de ce paiement. Exiger ce tribut de Jésus, c'était ne tenir aucun compte de ses droits de prophète et de docteur et le traiter comme une personne ordinaire. S'il refusait de payer le tribut il passait pour déloyal à l'égard du temple; en revanche, s'il le payait, il paraissait donner raison à ceux qui lui déniaient le titre de prophète. JC 429 3 Peu de temps auparavant, Pierre avait reconnu Jésus comme le Fils de Dieu; maintenant il manquait l'occasion de mettre en lumière le caractère de son Maître. Sa réponse au percepteur -- Jésus paierait l'impôt -- paraissait confirmer l'idée que prêtres et chefs s'efforçaient de propager au sujet de Jésus. JC 429 4 Sans faire la moindre allusion à ce qui venait de se passer, Jésus demanda à Pierre, après qu'il le vit entré dans la maison: "Qu'en penses-tu, Simon? Les rois de la terre, de qui perçoivent-ils des tributs ou un impôt: de leurs fils ou des étrangers?" Pierre répondit: "Des étrangers." Jésus dit alors: "Les fils en sont donc exempts." Les habitants d'un pays sont taxés pour l'entretien de leur roi, mais les enfants du monarque sont exempts. Israël, qui faisait profession d'être le peuple de Dieu, était tenu de pourvoir à son service; Jésus, le Fils de Dieu, n'était pas soumis à cette obligation. Si les prêtres et les Lévites étaient exemptés en raison de leur rapport avec le temple, combien plus lui, pour qui le temple était la maison de son Père. JC 430 1 Si Jésus avait payé le tribut sans une protestation, il eût virtuellement reconnu le bien-fondé de cette réclamation et infligé un démenti à sa divinité. Mais tout en jugeant pouvoir consentir à la demande, il lui déniait toute légitimité. En pourvoyant au paiement du tribut il donna une preuve de son divin caractère. Il montrait qu'il était un avec le Père et par conséquent dispensé de l'impôt auquel étaient soumis tous les sujets du royaume. JC 430 2 "Va à la mer, dit-il à Pierre, jette l'hameçon et tire le premier poisson qui viendra; ouvre-lui la bouche et tu trouveras un statère. Prends-le et donne-le leur pour moi et pour toi." JC 430 3 Bien que sa divinité eût revêtu l'humanité, ce miracle manifesta sa gloire. De toute évidence, il était celui qui avait déclaré par, l'intermédiaire de David: "C'est à moi qu'appartiennent tous les animaux des forêts, ainsi que les bêtes des montagnes, par milliers. Je connais tous les oiseaux des montagnes et tout ce qui se meut dans les champs m'appartient. Si j'avais faim, je ne t'en dirais rien; car à moi est le monde et tout ce qu'il renferme."2 JC 430 4 Tout en déclarant sans ambiguïté qu'il ne se sentait nullement obligé de payer le tribut, Jésus ne voulut pas discuter avec les Juifs à ce sujet; il savait qu'ils auraient interprété à faux ses paroles et s'en seraient servi pour l'accuser. Pour éviter un scandale, il consentit à faire ce que l'on n'était pas en droit d'exiger de lui. Cette leçon allait être précieuse pour les disciples. Bientôt leurs rapports avec le service du temple allaient subir un changement; en attendant, le Christ leur conseillait de ne pas se mettre sans nécessité en opposition avec l'ordre établi. Autant que possible ils devaient éviter de fournir l'occasion de présenter leur foi sous un faux jour. Sans sacrifier un seul principe de la vérité, les chrétiens doivent éviter la controverse autant que possible. JC 431 1 Pendant que Pierre s'était rendu au bord de la mer, seul dans la maison avec les autres disciples, le Christ les interrogea: "De quoi discutiez-vous en chemin?" La présence de Jésus et sa question leur fit voir les choses sous un jour tout nouveau. Honteux, se sentant condamnés, ils gardèrent le silence. Jésus leur avait dit qu'il allait mourir pour eux; leur ambition égoïste faisait un contraste douloureux avec son amour désintéressé. JC 431 2 En leur annonçant sa mise à mort et sa résurrection, Jésus s'efforçait d'amener la conversation des disciples sur la grande épreuve qui les attendait. S'ils s'étaient montrés capables de recevoir ce qu'il avait à leur dire, ils se seraient évité bien des amères angoisses qui allaient les amener à la limite du désespoir. Il leur eût adressé des paroles susceptibles de les consoler à l'heure de la privation et du désappointement. Malgré ce qu'il leur avait dit touchant le sort qui lui était destiné, dès qu'il leur eut fait savoir qu'il était sur le point de monter à Jérusalem, ils se reprirent à espérer que le royaume serait bientôt établi. C'est ce qui les avait poussés à se disputer pour savoir qui occuperait les premières places. Pierre étant revenu de la mer, les disciples lui firent part de la question du Sauveur et l'un d'eux s'aventura finalement à demander à Jésus: "Qui donc est le plus grand dans le royaume des cieux?" JC 431 3 Le Sauveur appela les disciples auprès de lui et leur dit: "Si quelqu'un veut être le premier, qu'il soit le dernier de tous et le serviteur de tous." Ces mots furent prononcés sur un ton solennel et impressionnant, mais les disciples n'étaient pas à même de comprendre. Ils ne pouvaient voir ce que le Christ discernait. Leur ignorance et leur inintelligence quant à la nature du royaume du Christ étaient la cause apparente de leur dispute. Mais en réalité il y avait une cause plus profonde. Par un exposé sur la nature du royaume, Jésus aurait pu éteindre momentanément leur querelle; mais la cause profonde aurait subsisté. Même s'ils eussent été parfaitement instruits, une question de préséance eût suffi pour ranimer leur dispute. Il s'en serait suivi un désastre pour l'Eglise après le départ du Christ. La lutte pour la première place provenait du même esprit qui avait provoqué le grand conflit au commencement dans le monde supérieur et rendu nécessaires la venue du Christ sur la terre et sa mort. Une vision s'offrit alors au regard de Jésus. Il vit Lucifer, le "fils de l'aurore", nanti d'une gloire qui surpassait celle de tous les anges entourant le trône, uni au Fils de Dieu par le lien le plus intime. Lucifer avait dit: "Je serai semblable au Très-Haut."3 Ce désir de gloire avait provoqué un conflit dans les parvis célestes et avait causé le bannissement d'une foule d'anges appartenant à l'armée divine. Si Lucifer avait réellement désiré être semblable au Très-Haut, il n'aurait jamais quitté la place qui lui était réservée dans le ciel; car l'esprit du Très-Haut se manifeste par un ministère désintéressé. Lucifer convoitait la puissance de Dieu, mais non son caractère. Il recherchait la première place pour lui-même; quiconque est animé de son esprit agira de même. Il en résultera la haine, la discorde, la guerre. Le règne appartient au plus fort. Le royaume de Satan est celui de la force; chaque individu regarde son voisin comme un obstacle à son avancement, ou un tremplin pour s'élever plus haut. JC 432 1 Tandis que Lucifer considérait comme un bien à ravir d'être égal à Dieu, le Christ, souverainement élevé, "s'est dépouillé lui-même, en prenant la condition d'esclave, en devenant semblable aux hommes; après s'être trouvé dans la situation d'un homme, il s'est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu'à la mort, la mort de la croix".4 Maintenant la croix se dressait devant lui; or ses propres disciples étaient tellement imbus d'égoïsme -- le principe qui est à la base du royaume de Satan -- qu'ils ne pouvaient sympathiser avec leur Seigneur ni même le comprendre quand il leur parlait des humiliations qu'il allait subir pour eux. JC 432 2 Avec beaucoup de tendresse, mais non sans solennité, Jésus s'efforça d'enrayer le mal. Il montra quel est le principe qui gouverne le royaume des cieux, en quoi consiste la vraie grandeur, selon l'étalon en usage dans les cours célestes. Ceux qu'animaient l'orgueil et le désir de se distinguer étaient préoccupés de leurs propres intérêts, des récompenses escomptées, plutôt que de manifester leur reconnaissance envers Dieu pour ses bienfaits. Aucune place pour eux dans le royaume des cieux puisqu'ils combattaient dans les rangs de Satan. JC 433 1 L'humilité précède la gloire. Pour occuper une place élevée aux yeux des hommes, le ciel choisit l'ouvrier qui, comme Jean-Baptiste, prend une place humble devant Dieu. Le disciple qui ressemble davantage à un enfant est l'ouvrier le mieux qualifié pour l'oeuvre de Dieu. Les intelligences célestes sont prêtes à coopérer avec celui qui cherche à sauver les âmes et non à s'élever au-dessus des autres. Quiconque ressent profondément le besoin de l'aide divine priera en vue de l'obtenir; le Saint-Esprit lui donnera sur Jésus des lueurs qui fortifieront et ennobliront son âme. En pleine communion avec le Christ, il s'en ira travailler pour ceux qui périssent dans leurs péchés. Oint en vue de sa mission, il réussira là où d'autres, plus intelligents, mieux doués, ont échoué. JC 433 2 Quand des hommes s'enflent d'orgueil, s'imaginant être indispensables au succès du grand plan divin, le Seigneur les fait mettre de côté. Il montre ainsi qu'il ne compte pas sur eux. Loin d'être arrêtée par leur départ, l'oeuvre avance avec plus de puissance. JC 433 3 Il ne suffisait pas aux disciples d'être instruits concernant la nature du royaume. Il leur fallait un changement du coeur qui les mît en accord avec ses principes. Appelant à lui un petit enfant, Jésus le plaça au milieu d'eux et le pressant tendrement dans ses bras il dit: "Si vous ne changez et si vous ne devenez comme les petits enfants, vous n'entrerez point dans le royaume des cieux." La simplicité, l'oubli de soi-même, l'amour confiant d'un petit enfant: telles sont les qualités que le ciel apprécie. Elles constituent la vraie grandeur. JC 433 4 Jésus montra encore à ses disciples que son royaume ne se distingue pas par les grandeurs humaines et le faste. Aux pieds de Jésus on ne tarde pas à oublier toutes ces choses. Riches et pauvres, savants et ignorants communient ensemble sans aucune préoccupation de caste ou de primauté. Tous se réunissent en tant qu'âmes rachetées par le sang, également conscientes de leur dépendance de celui qui les a rachetés pour Dieu. JC 434 1 Elle a du prix, aux yeux de Dieu, l'âme sincère, animée d'un esprit de contrition. Sans tenir compte du rang social, de la richesse, du degré d'intelligence, il appose son sceau sur les hommes devenus un avec Christ. Le Seigneur de gloire agrée ceux qui sont doux et humbles de coeur. "Tu me donnes pour bouclier ton puissant secours, dit David,... et ta bonté", -- devenue un élément du caractère humain, -- "me rend fort".5 JC 434 2 "Quiconque reçoit en mon nom un de ces petits enfants, dit Jésus, me reçoit moi-même; et quiconque me reçoit, ne me reçoit pas moi-même, mais celui qui m'a envoyé." "Ainsi parle l'Eternel: Le ciel est mon trône et la terre est mon marchepied. ... Voici celui sur lequel j'abaisse mes regards; c'est celui qui est humble, qui a l'esprit contrit et qui tremble à ma parole."6 JC 434 3 Les paroles du Sauveur amenèrent les disciples à se défier d'eux-mêmes. Bien que personne n'eût été visé directement dans la réponse, Jean se demanda s'il avait bien agi dans un cas particulier. Avec une humilité toute enfantine il interrogea Jésus. "Maître, dit-il, nous avons vu un homme qui chasse les démons en ton nom et qui ne nous suit pas; et nous l'en avons empêché, parce qu'il ne nous suit pas." JC 434 4 En réprimandant cet homme, Jacques et Jean avaient pensé sauvegarder l'honneur de leur Seigneur; ils commençaient à se rendre compte qu'en réalité ils avaient été préoccupés surtout de défendre leur propre honneur. Ils reconnurent leur erreur et acceptèrent le reproche que leur adressa Jésus: "Ne l'en empêchez pas, car il n'est personne qui fasse un miracle en mon nom et puisse aussitôt après parler mal de moi." Il ne convenait pas de repousser quelqu'un qui témoignait de la sympathie pour le Christ. Il y en avait beaucoup qui avaient été fortement impressionnés par le caractère et l'oeuvre du Christ, et dont les coeurs s'ouvraient à la foi en lui. Incapables de juger des mobiles secrets, les disciples devaient se garder de décourager de telles âmes. Quand Jésus les aurait quittés, laissant son oeuvre entre leurs mains, ils ne devaient pas s'abandonner à un esprit étroit et exclusif, mais manifester plutôt la même large sympathie qu'ils avaient vu agir en leur Maître. JC 435 1 Le fait que quelqu'un ne se conforme pas en tout à nos idées ou à nos opinions ne nous autorise pas à lui interdire de travailler pour Dieu. Le Christ est notre grand Maître; notre rôle ne consiste pas à juger ou à commander, mais à nous asseoir humblement aux pieds de Jésus, nous laissant instruire par lui. Toute âme que Dieu a amenée à lui soumettre sa volonté peut devenir un instrument susceptible de révéler l'amour du Christ qui pardonne. Combien ne devons-nous pas veiller à ne point décourager un porteur de la lumière divine, interceptant ainsi les rayons qui devraient briller dans le monde. JC 435 2 Faire preuve de dureté ou de froideur à l'égard d'une âme attirée au Christ, -- précisément ce qu'avait fait Jean en empêchant quelqu'un d'opérer des miracles au nom du Christ, -- cela pouvait avoir pour résultat de pousser cette âme dans le sentier de l'ennemi et de causer sa perte. Ceci doit être évité à tout prix, car, dit Jésus, pour celui qui provoque cette perte, "il vaudrait mieux ... qu'on lui mette au cou une meule comme en tournent les ânes, et qu'on le jette dans la mer". Et il ajouta: "Si ta main est pour toi une occasion de chute, coupe-la; mieux vaut pour toi entrer manchot dans la vie, que d'avoir les deux mains et d'aller dans la géhenne, dans le feu qui ne s'éteint pas. Si ton pied est pour toi une occasion de chute, coupe-le; mieux vaut pour toi entrer boiteux dans la vie, que d'avoir les deux pieds et d'être jeté dans la géhenne." JC 435 3 Pourquoi un langage aussi énergique? Parce que "le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu".7 Les disciples auraient-ils moins d'égards pour les âmes de leurs semblables que la Majesté du ciel? Chaque âme a coûté un prix infini; détourner une âme du Christ, faire en sorte que pour elle l'amour du Sauveur, son humiliation et son agonie aient été vains, c'est un horrible péché. JC 435 4 "Malheur au monde à cause des occasions de chute! car il est nécessaire qu'il se produise des occasions de chute." Que le monde, inspiré par Satan, s'oppose aux disciples du Christ et s'acharne à détruire leur foi, c'est à quoi il faut s'attendre; mais malheur à celui qui agit de même tout en se couvrant du nom du Christ. Notre Seigneur est couvert d'opprobre par ceux qui présentent son caractère sous un faux jour, entraînant des foules dans les sentiers de l'erreur. JC 436 1 Toute habitude, tout procédé susceptible d'induire quelqu'un au péché devrait être abandonné, coûte que coûte, afin d'éviter de déshonorer le Christ. La bénédiction céleste ne saurait être accordée à un homme violant les principes éternels du droit. Cultiver un seul péché suffit pour dégrader le caractère et égarer d'autres personnes. Si l'on n'hésite pas à sacrifier un pied ou une main, voire un oeil, pour épargner la mort à un corps, avec combien plus de soin devrions-nous rejeter loin de nous un péché occasionnant la mort de l'âme. JC 436 2 Dans le service rituel on ajoutait du sel à chaque sacrifice. Ceci avait pour but d'enseigner, de même que l'encens qui était offert, que seule la justice du Christ peut rendre le service agréable à Dieu. Jésus faisait allusion à cet usage quand il disait: "Tout homme sera salé de feu." "Ayez du sel en vous-mêmes, et soyez en paix les uns avec les autres." Voulons-nous nous offrir "comme un sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu"?",8 Il nous faut recevoir le sel salutaire, la justice de notre Sauveur. On devient alors "le sel de la terre"9 réprimant le mal parmi les hommes de la même manière que le sel préserve de la corruption. Mais si le sel a perdu sa saveur, s'il n'y a qu'une simple profession de piété sans l'amour du Christ, cela n'est utile à rien. Aucune influence salutaire n'est exercée sur le monde. Si vous voulez édifier mon royaume avec succès, dit Jésus, vous devez recevoir mon Esprit. Si vous désirez être une odeur de vie pour la vie, devenez participants de ma grâce. Il n'y aura plus alors aucune rivalité, aucune recherché du propre intérêt, aucun désir d'obtenir la première place. Vous serez animés de l'amour qui ne cherche pas son profit personnel mais celui d'autrui. JC 436 3 Que le pécheur repentant fixe ses regards sur "l'Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde";10 en le contemplant il sera transformé. La crainte fera place à la joie, les doutes à l'espérance. La gratitude sera éveillée. Le coeur de pierre sera brisé. L'âme sera inondée d'amour; le Christ sera en elle une source d'eau jaillissant pour la vie éternelle. Quand nous voyons Jésus, l'Homme de douleurs, connaissant la souffrance, travaillant à sauver les âmes perdues, méprisé, tourné en dérision, chassé de ville en ville jusqu'à la fin de sa mission; quand nous le voyons en Gethsémané, suant des grumeaux de sang, puis agonisant sur la croix, -- quand nous voyons tout ceci, le moi perd ses exigences. Si nous regardons à Jésus nous aurons honte de notre froideur, de notre léthargie, de notre égoïsme. Nous consentirons à être n'importe quoi ou même rien du tout, pourvu que nous puissions servir notre Maître de tout notre coeur. Nous serons heureux de porter la croix en suivant Jésus, et d'endurer l'épreuve, l'opprobre, la persécution par amour pour lui. JC 437 1 "Nous qui sommes forts, nous devons supporter les faiblesses de ceux qui ne le sont pas, et ne pas chercher ce qui nous plaît."11 Une âme qui croit en Christ, même si sa foi est faible, si sa marche est chancelante comme celle du petit enfant, ne doit pas être sous-estimée. Tout ce qui nous donne un avantage sur d'autres, -- qu'il s'agisse d'instruction, de distinction, de noblesse de caractère, de formation chrétienne, d'expérience religieuse, -- nous rend débiteurs à l'égard de ceux qui sont moins favorisés; nous devons nous mettre à leur service dans toute la mesure du possible. Sommes-nous forts? Soutenons les mains des faibles. Des anges glorieux, qui sans cesse contemplent la face du Père céleste, accomplissent avec joie leur ministère en faveur des plus petits. Les âmes tremblantes, ayant de déplorables défauts de caractère, leur sont spécialement confiées. Des anges sont toujours présents là où le besoin est le plus pressant, où la bataille fait rage, où les circonstances sont le plus décourageantes. Les vrais disciples du Christ doivent apporter leur coopération à ce ministère. JC 437 2 Si l'un de ces petits se laisse vaincre par le mal et commet une faute contre vous, il vous appartient de le relever. N'attendez pas qu'il fasse les premiers pas vers la réconciliation. "Qu'en pensez-vous? Si un homme a cent brebis et que l'une d'elles s'égare, ne laisse-t-il pas les quatre-vingt-dix-neuf sur les montagnes, pour aller chercher celle qui s'est égarée? Et, s'il parvient à la retrouver, en vérité je vous le dis, il s'en réjouit plus que pour les quatre-vingt-dix-neuf qui ne se sont pas égarées. De même ce n'est pas la volonté de votre Père qui est dans les cieux qu'il se perde un seul de ces petits." JC 438 1 Avec un esprit de douceur, et tout en prenant "garde à toi-même, de peur que toi aussi, tu ne sois tenté",12 va vers celui qui s'est égaré, et "reprends-le seul à seul". Ne le couvre pas de honte en racontant sa faute à d'autres; ne jette pas le déshonneur sur le Christ en publiant le péché ou l'erreur de quelqu'un qui porte son nom. Il faudra souvent dire la vérité en toute franchise à l'âme égarée pour lui faire voir son erreur et l'amener à se réformer. Mais ce n'est pas à vous de juger ou de condamner. Ne cherchez pas à vous justifier vous-mêmes. N'ayez qu'un souci: sa guérison. Pour soigner les blessures d'une âme il faut beaucoup de délicatesse, de sensibilité. Il n'y a que l'amour émanant de celui qui a souffert au Calvaire qui puisse se montrer efficace ici. Que le frère traite son frère avec une tendre pitié, sachant qu'en cas de réussite il aura sauvé "une âme de la mort" et couvert "une multitude de péchés".13 JC 438 2 Il se peut que cette tentative échoue. Dans ce cas, dit Jésus, "prends avec toi une ou deux personnes". Peut-être que ces influences réunies auront plus de succès que la première. Neutres dans l'affaire, elles peuvent se montrer impartiales, ce qui donnera plus de poids à leurs conseils. JC 438 3 Si la personne en faute refuse d'écouter, alors, mais alors seulement, que l'affaire soit portée devant toute l'assemblée. Que les membres de l'église, en tant que représentants du Christ, unissent leurs prières et leurs sollicitations faites avec amour en vue de la guérison spirituelle de l'offenseur. Le Saint-Esprit fera entendre sa voix par l'entremise de ses serviteurs, invitant avec instance la personne égarée à revenir à Dieu. L'apôtre inspiré l'a dit: "Comme si Dieu exhortait par nous; nous vous en supplions au nom de Christ: Soyez réconciliés avec Dieu!"14 Celui qui rejette cette offre rompt le lien qui l'unit au Christ et s'exclut de la communion avec l'église. Dès lors, dit Jésus, "qu'il soit pour toi comme un païen et un péager". Qu'on ne le considère pas, cependant, comme hors d'atteinte de la miséricorde divine. Que ses frères d'hier, loin de le mépriser ou de le délaisser, le traitent avec bonté et avec compassion, comme une brebis égarée que le Christ cherche encore à ramener au bercail. JC 439 1 Les directives données par le Christ concernant la conduite à tenir à l'égard des égarés ne font que répéter avec plus de clarté l'enseignement donné à Israël par l'intermédiaire de Moïse: "Tu ne haïras point ton frère dans ton coeur. Tu reprendras ton prochain, afin de ne pas te charger d'un péché à cause de lui."15 Si je néglige de relever ceux qui sont dans l'erreur et le péché, comme le Christ m'en fait le devoir, je deviens participant de leur péché. Nous sommes tout aussi responsables des maux que nous pouvions éviter que si nous en étions les auteurs. JC 439 2 C'est au coupable lui-même que nous devons parler de son tort. Pas de commérage, pas de médisance à ce sujet; même après que le cas a été déféré à l'assemblée, ne nous sentons pas libres d'en parler à d'autres. Faire connaître les fautes des chrétiens, c'est présenter une pierre d'achoppement au monde incroyant; en arrêtant notre pensée sur ces choses nous ne pouvons que nous faire du tort à nous-mêmes; car nous sommes changés à l'image de ce que nous contemplons. Tout en nous efforçant de corriger les erreurs d'un frère, nous serons amenés par l'Esprit du Christ à le protéger autant que possible des critiques de ses frères et davantage encore des blâmes que pourrait lui infliger un monde incrédule. Nous sommes aussi sujets à l'erreur et avons besoin de la pitié et du pardon du Christ; soyons pour d'autres ce que nous souhaitons qu'ils soient pour nous. JC 439 3 "Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel." Vous agissez en qualité d'ambassadeurs du ciel, votre oeuvre a des conséquences éternelles. JC 440 1 Nous ne sommes pas laissés seuls à porter cette responsabilité. Le Christ demeure partout où sa parole est obéie avec sincérité. Il n'assiste pas seulement aux grandes assemblées; si petit que soit le nombre des disciples réunis en son nom, il est présent au milieu d'eux. Il déclare "que si deux d'entre vous s'accordent sur la terre pour demander quoi que ce soit, cela leur sera donné par mon Père qui est dans les cieux". JC 440 2 Jésus dit: "Mon Père qui est dans les cieux", rappelant à ses disciples que si d'une part il reste attaché à eux par son humanité, participant à leurs épreuves, sympathisant avec eux dans leurs souffrances, il est en même temps uni au trône de l'Infini par sa divinité. Merveilleuse assurance! Les intelligences célestes agissent unies aux hommes pour sauver les âmes perdues. Et toutes les puissances du ciel combinent leurs efforts avec l'ingéniosité humaine pour attirer les âmes au Christ. ------------------------Chapitre 49 -- À la fête des tabernacles JC 441 0 Ce chapitre est basé sur Jean 7:1-15, 37-39. JC 441 1 Trois fois par an, les Juifs devaient se rassembler à Jérusalem pour des buts religieux. Caché dans la colonne de nuée, le Chef invisible d'Israël avait donné des directions au sujet de ces assemblées. Ces directions ne purent être suivies pendant la captivité; mais dès que les Juifs furent rétablis dans leur pays, ils observèrent à nouveau ces fêtes de commémoration. Par ces anniversaires, Dieu voulait se rappeler au souvenir de son peuple. A part quelques exceptions, les prêtres et les conducteurs de la nation avaient perdu de vue cette intention. Celui-là même qui avait ordonné ces assemblées nationales et qui en comprenait le sens, constatait, hélas! à quel point elles avaient été perverties. JC 441 2 La fête des tabernacles était la dernière assemblée annuelle. Dieu voulait qu'à cette occasion-là le peuple réfléchît sur sa bonté et sa miséricorde. Tout le pays soumis à lui avait été l'objet de sa bénédiction. Sa sollicitude vigilante ne s'était démentie ni jour ni nuit. Le soleil et la pluie avaient fait rendre à la terre son fruit. On avait récolté les moissons dans les vallées et les plaines de la Palestine, ramassé les olives et recueilli l'huile précieuse, cueilli le fruit du palmier et foulé au pressoir les grappes de raisin. JC 441 3 Sept jours durant la fête se poursuivait; pour la célébrer, les habitants de la Palestine, ainsi que des Israélites accourus de tous les pays, quittaient leurs demeures et, de loin et de près, tenant à la main des marques de réjouissances, venaient à Jérusalem. Jeunes et vieux, riches et pauvres, tous apportaient des dons, en tribut de gratitude à celui qui avait couronné l'année de ses biens et dont les pas avaient versé l'abondance. On allait chercher dans les bois tout ce qui était agréable à l'oeil et pouvait servir à exprimer la joie universelle: la ville prenait l'apparence d'une forêt magnifique. JC 442 1 Cette fête n'était pas seulement l'expression de la reconnaissance pour les fructueuses récoltes; c'était aussi le mémorial des soins providentiels dont Dieu avait entouré Israël au désert. Pour rappeler leur séjour sous la tente, pendant la fête, les Israélites demeuraient dans des cabanes ou des tabernacles de branchages verdoyants. On les dressait par les rues, dans les parvis du temple et sur les terrasses des maisons. Aux environs de Jérusalem, les collines et les vallées étaient couvertes de ces habitations de feuillages et fourmillaient de monde. JC 442 2 Les adorateurs célébraient la fête par des chants sacrés et des actions de grâce. Le jour des expiations, où, après avoir confessé ses péchés, le peuple était réconcilié avec le ciel, précédait la fête. Ainsi les réjouissances de la fête étaient rendues possibles. "Célébrez l'Eternel; car il est bon et sa miséricorde dure éternellement!"1 Ces paroles étaient répétées en chants de triomphe et toutes sortes d'instruments de musique mêlaient leurs sons aux hosannas de la foule. Le temple était le centre de la joie universelle. Des sacrifices solennels y étaient accomplis. Rangé sur les deux côtés de l'escalier de marbre de l'édifice sacré, le choeur des Lévites dirigeait le chant. La multitude des adorateurs, agitant des branches de palmier et de myrthe, reprenait le refrain et chantait en choeur; la mélodie était reprise par d'autres voix, dans l'éloignement, jusqu'à ce que les collines environnantes ne fussent plus qu'un concert de louanges. JC 442 3 La nuit venue, on inondait le temple et les parvis de lumière artificielle. La musique, les branches de palmier agitées, les joyeux hosannas, l'affluence du peuple baigné par la lumière émanant des lampes suspendues, les rangées de prêtres, la majesté des cérémonies: tout cela faisait une impression profonde sur les assistants. Mais, de toutes les cérémonies de la fête, la plus impressionnante, et celle qui donnait lieu aux plus grandes réjouissances, c'était celle qui commémorait un événement du séjour au désert. JC 442 4 A l'aube de ce jour, les prêtres faisaient jaillir de leurs trompettes d'argent un son retentissant et prolongé auquel répondaient d'autres trompettes dont l'écho se répercutait de loin en loin, en même temps que les acclamations des hôtes des cabanes. Le prêtre puisait alors avec une cruche dans l'eau courante du Cédron, et, l'élevant au son des trompettes, gravissait les larges marches du temple, d'un pas mesuré, chantant: "Nos pas s'arrêtent dans tes portes, ô Jérusalem!"2 JC 443 1 Il apportait la cruche à l'autel placé au centre du parvis des prêtres. Il y avait là deux bassins d'argent, et un prêtre à côté de chacun d'eux. On versait une cruche d'eau dans l'un, une cruche de vin dans l'autre; le contenu s'écoulait par un tuyau, communiquant avec le Cédron, vers la mer Morte. L'acte par lequel on versait cette eau consacrée rappelait comment une source avait jailli du rocher à la voix divine pour étancher la soif des enfants d'Israël. Ensuite éclataient, en des accents d'une joie débordante, les paroles: "L'Eternel est ma force et l'objet de mes louanges. ... Vous puiserez des eaux avec joie aux sources du salut."3 JC 443 2 Lorsque les fils de Joseph faisaient leurs préparatifs pour aller à la fête des tabernacles, ils s'aperçurent que le Christ ne manifestait pas l'intention d'y assister. Ils le surveillaient anxieusement. Depuis la guérison de Béthesda, il n'avait pas participé aux rassemblements nationaux. Il avait restreint ses travaux à la Galilée afin d'éviter des conflits inutiles avec les chefs qui se trouvaient à Jérusalem. Le fait qu'il paraissait négliger de grandes assemblées religieuses, ainsi que l'inimitié manifestée à son égard par les prêtres et les rabbins, rendaient perplexes son entourage, et même ses disciples et ses parents. Il avait, dans ses enseignements, insisté sur l'importance de l'obéissance à la loi de Dieu, et voici que lui-même paraissait indifférent aux services divinement établis. En se mêlant aux publicains et aux gens de mauvaise réputation, en négligeant les cérémonies rabbiniques, et en s'affranchissant des exigences traditionnelles concernant le sabbat, il se mettait en opposition avec les autorités religieuses et son attitude prêtait à bien des commentaires. C'était une erreur de sa part, pensaient ses frères, de s'aliéner les grands hommes et les savants de sa nation. Il leur semblait que ces hommes-là devaient avoir raison et que Jésus avait tort. Toutefois, ils avaient été les témoins de sa vie irréprochable et bien qu'ils ne se fussent pas rangés parmi ses disciples, ils étaient restés profondément impressionnés par ses oeuvres. La popularité dont il jouissait en Galilée flattait leur ambition; ils continuaient d'espérer que, par une manifestation de sa puissance, il obligerait les pharisiens à le reconnaître pour ce qu'il était. Ils caressaient orgueilleusement l'idée qu'il était vraiment le Messie, le Prince d'Israël. JC 444 1 Anxieux d'obtenir le résultat désiré, ils insistèrent auprès du Christ pour qu'il se rendît à Jérusalem. "Pars d'ici, dirent-ils, et va en Judée, afin que tes disciples contemplent aussi les oeuvres que tu fais. Personne n'agit en secret, lorsqu'il désire se faire remarquer; si tu fais ces choses, manifeste-toi au monde." Par ces paroles ils exprimaient leurs doutes et leur incrédulité. Ils l'accusaient de lâcheté et de faiblesse. S'il savait qu'il était le Messie, pourquoi cette réserve étrange et cette inaction? S'il possédait réellement une telle puissance, pourquoi ne se rendait-il pas hardiment à Jérusalem pour y affirmer ses droits? Pourquoi ne pas accomplir à Jérusalem les oeuvres magnifiques qui avaient marqué son séjour en Galilée? Ils lui disaient: Ne te cache pas dans une contrée éloignée, réservant tes puissantes opérations pour des paysans ignorants et pour de simples pêcheurs. Présente-toi dans la capitale, et avec l'appui des prêtres et des chefs rassemble les forces de la nation pour établir le nouveau royaume. JC 444 2 Ces frères de Jésus obéissaient aux mêmes mobiles égoïstes que l'on découvre si souvent dans les coeurs ambitieux et vaniteux. Cet esprit-là dominait dans le monde. Ils étaient irrités parce qu'au lieu d'établir un trône temporel il se donnait comme le pain de vie. Ils avaient été fort déçus de le voir abandonné par un aussi grand nombre de disciples. Eux-mêmes se détournaient de lui pour ne pas avoir à le reconnaître, en dépit du témoignage de ses oeuvres, comme l'Envoyé de Dieu. JC 444 3 "Jésus leur dit: Le moment n'est pas encore venu pour moi, mais pour vous, le moment est toujours opportun. Le monde ne peut vous haïr; il a de la haine pour moi, parce que je rends de lui le témoignage que ses oeuvres sont mauvaises. Montez, vous, à la fête. Moi, je ne monte pas à cette fête, parce que le moment pour moi n'est pas encore accompli. Après leur avoir dit cela, il resta en Galilée." Ses frères lui avaient parlé sur un ton autoritaire, lui prescrivant la conduite à tenir. A son tour il les reprit, les classant non pas parmi les disciples animés d'un esprit de renoncement, mais avec le monde. "Le monde ne peut vous haïr, dit-il, il a de la haine pour moi, parce que je rends de lui le témoignage que ses oeuvres sont mauvaises." Le monde ne hait pas ceux qui sont animés du même esprit que lui; au contraire, il les aime. JC 445 1 Ce monde n'était pas un lieu où le Christ fût venu vivre à l'aise et s'enrichir. Il n'attendait pas une occasion pour s'emparer du pouvoir et de la gloire. Il n'ambitionnait pas une telle récompense. C'était le lieu où son Père l'avait envoyé. Il avait été donné pour la vie du monde, pour mettre à exécution le vaste plan de la rédemption. Il accomplissait son oeuvre en faveur d'une race déchue. Il ne devait pas se montrer présomptueux, s'exposer, sans nécessité, au danger et précipiter ainsi la crise finale. Dans son oeuvre, chaque événement avait son heure déterminée. Il devait attendre patiemment. Il savait qu'il serait l'objet de la haine du monde et que son oeuvre aboutirait à sa mort; mais ce n'était pas la volonté de son Père qu'il s'exposât prématurément. JC 445 2 De Jérusalem le bruit des miracles du Christ s'était répandu dans tous les lieux où les Juifs se trouvaient dispersés; et bien que pendant plusieurs mois il se fût abstenu d'assister aux fêtes, l'intérêt qu'il avait éveillé n'avait pas cessé. Plusieurs étaient accourus de toutes les parties du monde, à l'occasion de la fête des tabernacles, dans l'espoir de le rencontrer. Au commencement de la fête, plusieurs s'enquéraient à son sujet. Les pharisiens et les anciens l'attendaient, espérant trouver une occasion de le condamner. Ils demandaient avec anxiété: "Où est-il?" Personne ne le savait. Il occupait toutes les pensées. On n'osait le reconnaître comme le Messie, parce qu'on craignait les prêtres et les anciens, mais partout on s'entretenait de lui avec ardeur quoique en secret. Plusieurs assuraient qu'il était envoyé de Dieu, d'autres voyaient en lui un séducteur. JC 446 1 Sur ces entrefaites Jésus était arrivé sans bruit à Jérusalem. Il s'y était rendu seul par une voie peu fréquentée afin d'éviter les nombreux voyageurs qui s'y acheminaient de tous côtés. S'il s'était joint à quelqu'une des caravanes se rendant à la fête, il n'aurait pu entrer dans la ville sans attirer l'attention, et une démonstration populaire, en sa faveur, eût dressé contre lui les autorités. Afin d'éviter cela il décida de faire seul le voyage. JC 446 2 Au milieu de la fête, en pleine effervescence, il entra dans le parvis du temple, en présence de la foule. Son absence avait fait dire qu'il n'osait pas se montrer aux prêtres et aux anciens; aussi sa présence fut-elle un sujet de surprise. Toutes les voix se turent. On restait frappé de sa dignité et du courage de son maintien au milieu d'ennemis puissants qui cherchaient à lui enlever la vie. JC 446 3 S'exposant aux yeux de la multitude, Jésus parla comme personne n'avait jamais parlé. Ses paroles attestaient une connaissance des lois et des institutions d'Israël, du système des sacrifices et des enseignements des prophètes, qui surpassait de beaucoup celle des prêtres et des rabbins. Il renversait les barrières du formalisme et de la tradition. La vie future paraissait n'avoir aucun secret pour lui. Il discourait sur les choses terrestres et les choses célestes, les choses humaines et divines, avec une grande autorité, comme voyant l'invisible. Ses paroles étaient si claires et convaincantes qu'une fois de plus, comme à Capernaüm, on admira son enseignement, "car il parlait avec autorité".4 Par divers arguments il mit en garde ses auditeurs, leur annonçant la calamité qui viendrait frapper tous ceux qui rejetaient les bénédictions qu'il était venu leur apporter. Il leur avait fourni toutes les preuves possibles pour montrer qu'il venait de Dieu, il avait multiplié les efforts pour les amener à la repentance. Il voulait épargner à ses compatriotes le crime de le rejeter et de le mettre à mort. JC 446 4 Tous étaient étonnés de sa science de la loi et des prophètes; et ils se disaient l'un à l'autre: "Comment connaît-il les Ecrits, lui qui n'a pas étudié?" Personne n'était autorisé à donner un enseignement religieux à moins d'avoir étudié dans les écoles des rabbins; Jésus et Jean-Baptiste avaient, l'un et l'autre, passé pour ignorants car ils n'avaient pas reçu cette instruction. Il est vrai qu'ils n'avaient pas étudié auprès des hommes; mais le Dieu du ciel était leur instructeur, et c'est de lui qu'ils avaient reçu la plus haute sagesse. JC 447 1 Tandis que Jésus parlait dans le parvis du temple, le peuple était sous le charme de sa parole. Ceux-là mêmes qui s'étaient montrés les plus violents contre lui se sentaient désarmés. Pour l'instant, toute animosité était oubliée. JC 447 2 Il continua d'enseigner, jour après jour, jusqu'à ce que vînt "le dernier jour, le grand jour de la fête". Au matin de ce jour le peuple était las. Soudain la voix de Jésus retentit à travers les parvis du temple: JC 447 3 "Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive. Celui qui croit en moi, des fleuves d'eau vive couleront de son sein, comme dit l'Ecriture." La condition du peuple donnait à cet appel beaucoup de force. On avait assisté à de pompeuses cérémonies, les yeux éblouis de lumière et de couleurs, les oreilles caressées par une musique abondante; pourtant rien dans ce cycle de cérémonies n'avait été de nature à répondre aux besoins de l'esprit, à satisfaire une âme ayant soif de choses impérissables. Jésus invitait tous les assistants à se désaltérer à la source de la vie afin que des fleuves d'eau vive jaillissent de leur sein, pour la vie éternelle. JC 447 4 Le prêtre venait d'accomplir le rite rappelant comment avait été frappé le rocher au désert. Ce rocher était une image de celui qui, par sa mort, ferait jaillir de vives sources de salut pour tous ceux qui ont soif. Les paroles du Christ étaient une eau vive. Là, en présence de la multitude, il s'offrait à être frappé, pour que l'eau de la vie coulât dans le monde. En frappant le Christ, Satan pensait détruire le Prince de la vie; mais une eau vive jaillit du Rocher frappé. Tandis que Jésus parlait ainsi au peuple, une crainte étrange faisait frémir les coeurs, et plusieurs étaient prêts à s'écrier comme la Samaritaine: "Donne-moi cette eau, afin que je n'aie plus soif." JC 448 1 Jésus connaissait les besoins de l'âme. Les pompes, les richesses et les honneurs ne peuvent satisfaire les aspirations du coeur. "Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi." Les riches, les pauvres, les grands, les petits, tous reçoivent le même accueil. Il promet de soulager l'esprit oppressé, de consoler l'affligé et de rendre l'espoir au découragé. Plusieurs, parmi les auditeurs de Jésus, pleuraient leurs espérances déçues, plusieurs entretenaient des peines secrètes, plusieurs s'efforçaient de satisfaire par les choses du monde et la louange des hommes leurs aspirations inquiètes; mais ils s'apercevaient, après avoir obtenu l'objet de leurs désirs, que tous leurs efforts ne les conduisaient qu'à une citerne crevassée, à laquelle ils ne pouvaient étancher leur soif. Au milieu des réjouissances, ils restaient mécontents et tristes. Soudain ce cri: "Si quelqu'un a soif", les tira de leurs rêveries mélancoliques, et les paroles qu'ils entendirent ensuite rallumèrent en eux l'espoir. Le Saint-Esprit maintint devant eux le symbole jusqu'à ce qu'ils y discernassent le don inestimable du salut. JC 448 2 L'appel que le Christ adressa alors à l'âme assoiffée continue de retentir, avec plus de force encore qu'au jour où il se fit entendre dans le temple, en ce dernier jour de la fête. La source est accessible à tous. L'eau rafraîchissante de la vie éternelle est offerte à ceux qui sont las et épuisés. Jésus continue de s'écrier: "Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive." "Que celui qui a soif, vienne. Que celui qui veut, prenne de l'eau de la vie gratuitement!" "Celui qui boira de l'eau que je lui donnerai, n'aura jamais soif, et l'eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d'eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle."5 ------------------------Chapitre 50 -- Parmi les pièges JC 449 0 Ce chapitre est basé sur Jean 7:16-36, 40-53; 8:1-11. JC 449 1 Pendant le temps que Jésus passa à Jérusalem, au cours de la fête, il ne cessa d'être épié. Jour après jour on s'efforçait, par de nouveaux moyens, de le réduire au silence. Prêtres et anciens cherchaient à le prendre au piège. On se proposait de l'arrêter par la violence. Mais ce n'était pas tout. On voulait humilier ce Maître galiléen devant le peuple. JC 449 2 Dès son arrivée, les principaux s'étaient présentés à lui, lui demandant par quelle autorité il enseignait. Ils voulaient distraire l'attention de sa personne en soulevant la question de son droit à l'enseignement et en faisant valoir leur importance et leur autorité. JC 449 3 "Mon enseignement n'est pas de moi, dit Jésus, mais de celui qui m'a envoyé. Si quelqu'un veut faire sa volonté, il reconnaîtra si cet enseignement vient de Dieu, ou si mes paroles viennent de moi-même." Au lieu de se placer sur le terrain de ces ergoteurs, Jésus leur répondit en leur exposant une vérité vitale pour le salut de l'âme. C'est le coeur, bien plus que l'intelligence, qui est appelé à percevoir et apprécier la vérité, leur dit-il. La vérité doit être reçue dans l'âme; elle réclame les hommages de la volonté. Si la vérité pouvait être soumise au jugement de la seule raison, l'orgueil ne s'opposerait pas à sa réception. Mais elle doit être reçue par l'action de la grâce sur le coeur; pour la recevoir il faut renoncer à tout péché mis en évidence par l'Esprit de Dieu. Si favorisé que soit un homme sous le rapport de ses facultés, cela ne lui servira de rien à moins que son coeur ne s'ouvre à la vérité et qu'il ne renonce volontairement à toute habitude contraire à ses principes. A ceux qui se livrent ainsi à Dieu, avec un désir sincère de connaître et de faire sa volonté, la vérité se manifeste comme la puissance de Dieu à salut. Ceux-ci seront capables de distinguer entre celui qui parle pour Dieu et celui qui ne parle que pour soi-même. Les pharisiens n'avaient pas aligné leur volonté sur celle de Dieu. Au lieu de rechercher la connaissance de la vérité, ils cherchaient plutôt à s'en évader; le Christ montra que c'était là la raison pour laquelle ils ne comprenaient rien à son enseignement. JC 450 1 Il leur indiqua une pierre de touche par laquelle on peut distinguer un maître véritable d'un séducteur: "Celui dont les paroles viennent de lui-même cherche sa propre gloire; mais celui qui cherche la gloire de celui qui l'a envoyé est vrai, et il n'y a pas d'injustice en lui." Celui qui cherche sa propre gloire ne parle que de son chef. La recherche de la propre gloire trahit son origine. Mais le Christ cherchait la gloire de Dieu. Il prononçait les paroles de Dieu. Ceci établissait son autorité en tant que Maître de vérité. JC 450 2 Jésus donna aux rabbins une preuve de sa divinité en leur montrant qu'il savait lire dans les coeurs. Depuis la guérison de Béthesda ils n'avaient cessé de comploter sa mort. En agissant ainsi, ils violaient cette loi dont ils se proclamaient les gardiens. "Moïse ne vous a-t-il pas donné la loi? dit-il. Et nul de vous ne pratique la loi. Pourquoi cherchez-vous à me faire mourir?" JC 450 3 Ces paroles montrèrent aux rabbins comme dans un éclair le précipice dans lequel ils allaient se jeter. Un instant remplis de terreur, ils comprirent qu'ils étaient entrés en lutte avec la puissance infinie. Cependant ils ne voulaient pas se laisser avertir. Il fallait, pour que leur influence sur le peuple fût maintenue, que leurs desseins meurtriers restassent cachés. Pour éluder la question de Jésus, ils s'écrièrent: "Tu as en toi un démon. Qui cherche à te faire mourir?" Ils insinuaient que les oeuvres merveilleuses de Jésus étaient faites à l'instigation d'un mauvais esprit. JC 450 4 Le Christ dédaigna cette insinuation. Il expliqua que la guérison qu'il avait accomplie à Béthesda était en accord avec la loi du sabbat, et qu'elle se trouvait justifiée par l'interprétation que les Juifs eux-mêmes donnaient à la loi. Il leur dit: "Moïse vous a donné la circoncision ... et vous circoncisez un homme pendant le sabbat." Quand ce jour tombait sur un sabbat, le rite devait être accompli. La loi exigeait que tout enfant mâle fût circoncis le huitième jour. N'était-ce donc pas encore bien plus conforme à l'esprit de la loi de guérir "un homme tout entier pendant le sabbat?" Il ajouta cet avertissement: "Ne jugez pas selon l'apparence, mais jugez selon un juste jugement." JC 451 1 Les anciens furent réduits au silence; plusieurs, parmi la foule, disaient: "N'est-ce pas celui qu'on cherche à faire mourir? Et voici, il parle ouvertement et on ne lui dit rien! Est-ce que les chefs auraient vraiment reconnu que c'est lui le Christ?" JC 451 2 Parmi les auditeurs du Christ domiciliés à Jérusalem, plusieurs n'ignoraient pas les complots que les chefs ourdissaient contre lui et ils se sentaient irrésistiblement attirés vers lui. Ils étaient de plus en plus convaincus qu'il était le Fils de Dieu. Mais Satan se tenait prêt à leur suggérer des doutes, ce qui était d'autant plus facile qu'ils entretenaient des idées fausses concernant le Messie et sa venue. On pensait généralement que le Christ devait naître à Bethléhem, mais qu'il disparaîtrait après quelque temps et qu'à sa réapparition personne ne saurait d'où il viendrait. Nombreux étaient ceux qui pensaient que le Messie n'aurait aucun rapport de parenté avec l'humanité. Etant donné que Jésus de Nazareth ne répondait pas à l'attente populaire, beaucoup se rallièrent à cette idée: "Cependant, celui-ci, nous savons d'où il est; mais le Christ, quand il viendra, personne ne saura d'où il est." JC 451 3 Tandis qu'ils oscillaient ainsi entre le doute et la foi, Jésus, devinant leur pensée, leur dit: "Vous me connaissez et vous savez d'où je suis! Pourtant je ne suis pas venu de moi-même: mais celui qui m'a envoyé est vrai, et vous ne le connaissez pas." Ils prétendaient connaître les véritables origines du Christ alors qu'ils n'en savaient rien. S'ils avaient vécu en accord avec la volonté de Dieu, ils auraient connu son Fils qui se manifestait à eux à ce moment-là. JC 452 1 Les auditeurs ne pouvaient éviter de comprendre les paroles du Christ, qui répétaient si clairement les revendications qu'il avait présentées au sanhédrin quelques mois auparavant, quand il s'était annoncé comme le Fils de Dieu. Les chefs, qui alors avaient tenté de le mettre à mort, s'efforcèrent à nouveau de s'emparer de sa personne; ils en furent empêchés par un pouvoir invisible qui contint leur rage et leur dit: Jusque-là et pas plus loin. JC 452 2 Plusieurs crurent en lui, et ils disaient: "Le Christ, quand il viendra, fera-t-il plus de miracles que n'en a fait celui-ci?" Les chefs des pharisiens, qui surveillaient anxieusement la marche des événements, aperçurent des marques de sympathie pour Jésus, parmi la foule. Ils coururent alors auprès des principaux sacrificateurs et firent des projets pour l'arrêter. Ils décidèrent, toutefois, de se saisir de lui quand ils le trouveraient seul, car ils n'osaient pas s'en emparer en présence du peuple. Jésus, une fois de plus, démasqua leur dessein. "Je suis encore avec vous pour un peu de temps, dit-il; puis je m'en vais vers celui qui m'a envoyé. Vous me chercherez et vous ne me trouverez pas, et là où je serai, vous ne pouvez venir." Bientôt il se trouverait à l'abri de leur dérision et de leur haine. Il allait monter vers le Père, pour être, à nouveau, l'objet de l'adoration des anges; ses meurtriers ne pourraient jamais le rejoindre là-haut. JC 452 3 Les rabbins ricanaient: "Où va-t-il se rendre, pour que nous ne le trouvions pas? Va-t-il se rendre parmi ceux qui sont dispersés chez les Grecs et enseigner les Grecs?" Ces ergoteurs étaient loin de songer qu'en se moquant ainsi du Christ ils annonçaient sa mission! Tout le jour, il avait étendu les mains vers un peuple rebelle et contredisant; maintenant il allait être trouvé par ceux qui ne le cherchaient pas, il allait se manifester à ceux qui ne l'interrogeaient pas.1 JC 452 4 Plusieurs de ceux qui étaient convaincus que Jésus était le Fils de Dieu furent induits en erreur par les faux raisonnements des prêtres et des rabbins. Ces maîtres avaient obtenu un certain effet en répétant les prophéties messianiques annonçant: Il "règnera sur la montagne de Sion, à Jérusalem; et devant ses anciens resplendira sa gloire". "Il dominera d'une mer à l'autre, depuis l'Euphrate jusqu'aux extrémités de la terre."2 Avec des accents de mépris ils établissaient une comparaison entre la gloire ici dépeinte et l'humble apparence de Jésus. Les paroles prophétiques étaient perverties de la sorte et mises au service de l'erreur. Si l'on avait étudié la Parole avec sincérité, pour soi-même, on n'aurait pas été induit en erreur. Le chapitre 61 d'Esaïe attestait que le Christ accomplirait l'oeuvre qui lui était assignée. Le chapitre 53 faisait prévoir qu'il serait rejeté et qu'il souffrirait pour le monde, et le chapitre 59 décrivait le caractère des prêtres et des rabbins. JC 453 1 Dieu ne contraint pas les hommes à renoncer à leur incrédulité. La lumière et les ténèbres, la vérité et l'erreur sont devant eux. A eux de choisir. L'esprit humain est doué de facultés qui lui permettent de discerner entre le bien et le mal. Dieu désire que les hommes ne se décident pas sur une impulsion momentanée, mais sur le poids des preuves obtenues par une comparaison attentive des Ecritures avec les Ecritures. Si les Juifs, mettant de côté leurs préjugés, avaient comparé la prophétie écrite avec les faits qui caractérisaient la vie de Jésus, ils auraient vu une magnifique harmonie entre les prophéties et leur accomplissement dans la vie et le ministère de l'humble Galiléen. JC 453 2 De nos jours plusieurs sont induits en erreur de la même manière que les Juifs d'autrefois. Des conducteurs religieux lisent la Bible à la lumière de leurs conceptions et de leurs traditions. Au lieu de sonder les Ecritures pour leur propre compte, les gens renoncent à juger par eux-mêmes pour savoir où est la vérité et ils confient leurs âmes à leurs conducteurs. La prédication et l'enseignement de la Parole est l'un des moyens choisis par Dieu pour la diffusion de la lumière, mais l'enseignement de tout homme doit être éprouvé par l'Ecriture. Quiconque étudiera la Bible dans un esprit de prière, désireux de connaître la vérité et disposé à lui obéir, sera illuminé d'en haut. Il comprendra les Ecritures. "Si quelqu'un veut faire sa volonté, il reconnaîtra si cet enseignement vient de Dieu".3 JC 454 1 Le dernier jour de la fête, les agents envoyés par les prêtres et les anciens pour arrêter Jésus retournèrent sans avoir mis la main sur lui. On leur demanda avec colère: "Pourquoi ne l'avez-vous pas amené?" Ils répondirent d'un ton solennel: "Jamais homme n'a parlé comme parle cet homme." JC 454 2 Si durs que fussent leurs coeurs, ils avaient été touchés par ses paroles. S'étant approchés de lui pendant qu'il parlait dans le parvis du temple, avec l'espoir de saisir quelques mots qui pussent être retournés contre lui, ils oublièrent bientôt, en l'écoutant, le but dans lequel ils étaient venus. Le Christ se manifestait à leur âme en extase. Ce que les prêtres et les anciens refusaient de voir, eux le voyaient: l'humanité inondée de la gloire de la divinité. Ils s'en retournèrent si remplis de cette pensée et si impressionnés par ses paroles, qu'à la question: "Pourquoi ne l'avez-vous pas amené?" ils ne purent que répondre: "Jamais homme n'a parlé comme parle cet homme." JC 454 3 Lorsque les prêtres et les anciens s'étaient trouvés, pour la première fois, en présence du Christ, ils avaient éprouvé la même conviction. Leurs coeurs avaient été profondément remués, et ils n'avaient pu s'empêcher de penser: "Jamais homme n'a parlé comme parle cet homme." Mais ils avaient étouffé la conviction produite, en eux, par le Saint-Esprit. Maintenant, furieux de voir que même les représentants de la loi se laissaient influencer par ce Galiléen détesté, ils s'écrièrent: "Est-ce que, vous aussi, vous avez été induits en erreur? Y a-t-il quelqu'un des chefs ou des pharisiens qui ait cru en lui? Mais cette foule qui ne connaît pas la loi, ce sont des maudits!" JC 454 4 Quand le message de vérité est présenté, il en est peu pour demander: Est-ce vrai? On demande plutôt: Qui est-ce qui défend cette cause? On l'estime en général d'après le nombre de ceux qui l'acceptent, et l'on continue à poser cette question: "Y a-t-il quelqu'un parmi les savants et les chefs religieux qui ait cru?" La vraie piété n'est pas plus populaire aujourd'hui qu'aux jours du Christ. On recherche avec autant d'ardeur les biens terrestres et l'on néglige les richesses éternelles; le fait que la vérité n'est pas reçue avec empressement par le grand nombre, ou par les grands de ce monde, ou même par les conducteurs religieux, ne constitue pas un argument contre elle. JC 455 1 Les prêtres et les anciens firent alors de nouveaux plans en vue d'arrêter Jésus. Le laisser en liberté plus longtemps, affirmait-on, c'était lui permettre de détourner le peuple de ses conducteurs légitimes; il n'y avait donc qu'une chose à faire: le réduire au silence, sans délai. Soudain, en pleine discussion, une voix fit opposition. Nicodème demanda: "Notre loi juge-t-elle un homme avant qu'on l'ait entendu et qu'on sache ce qu'il a fait?" L'assemblée garda le silence. Les paroles de Nicodème pénétrèrent dans les consciences. On ne pouvait condamner un homme sans l'avoir entendu. Cependant ce n'était pas la seule raison pour laquelle les anciens orgueilleux gardaient le silence, tout en considérant celui qui avait eu la hardiesse de parler en faveur de la justice. Ils étaient émus et affligés de voir qu'un des leurs avait été assez impressionné par le caractère de Jésus pour prendre sa défense. Revenus de leur étonnement, ils lancèrent à Nicodème ce sarcasme: "Serais-tu, toi aussi, de la Galilée? Cherche bien, et tu verras que de la Galilée, il ne sort pas de prophète." Néanmoins cette protestation avait eu pour effet d'interrompre les poursuites. Les anciens durent renoncer au projet de condamner Jésus sans l'avoir entendu. Vaincus pour le moment, "chacun s'en alla dans sa maison. Jésus se rendit au mont des Oliviers." JC 455 2 Loin de l'agitation et de la confusion de la ville, loin des foules impatientes et des rabbins perfides, Jésus chercha la tranquillité dans un bosquet d'oliviers, où il pût se trouver seul avec Dieu. Mais de bon matin, il retourna au temple et, le peuple s'étant assemblé autour de lui, il s'assit et se mit à enseigner. JC 455 3 Il fut bientôt interrompu. Un groupe de pharisiens et de scribes s'approcha de lui, traînant une femme terrorisée qu'ils accusaient, d'un ton dur et violent, d'avoir transgressé le septième commandement. L'ayant poussée en présence de Jésus, ils lui dirent, avec d'hypocrites marques de respect: "Moïse, dans la loi, nous a prescrit de lapider de telles femmes: toi donc, que dis-tu?" JC 456 1 Le respect qu'ils affichaient cachait une ténébreuse machination ourdie en vue de sa ruine. On saisissait cette occasion pour obtenir sa condamnation, persuadé qu'on aurait des preuves pour l'accuser quelle que fût sa réponse. S'il acquittait cette femme, on l'accuserait de mépriser la loi de Moïse. S'il déclarait qu'elle méritait la mort, on l'accuserait auprès des Romains d'assumer une autorité dont ils avaient le monopole. JC 456 2 Jésus considéra un instant ce tableau: la victime tremblante et honteuse, les dignitaires aux visages sévères et impitoyables. Un tel spectacle répugnait à sa pureté immaculée. Il savait bien dans quelle intention ce cas lui était proposé. Il lisait dans les coeurs, et il connaissait le caractère de la vie entière de chacune des personnes présentes. Ces prétendus gardiens de la justice avaient, eux-mêmes, induit en tentation la victime afin de tendre un piège à Jésus. Il se baissa, comme s'il n'avait pas entendu leur question, et, les yeux fixés sur le sol, commença d'écrire dans la poussière. JC 456 3 Rendus impatients par ce délai et cette apparente indifférence, les accusateurs s'approchèrent davantage, insistant auprès de lui pour obtenir une réponse. Mais, dès que leurs yeux, suivant ceux de Jésus, se fixèrent sur le sol, ils furent décontenancés. Les fautes secrètes de leur propre vie étaient là, inscrites devant eux. Le peuple aperçut le changement soudain de leur expression, et il s'avança pour découvrir la cause de leur étonnement et de leur honte. JC 456 4 Malgré tout le respect que ces rabbins professaient pour la loi, ils en avaient méconnu les dispositions en produisant leurs accusations contre cette femme. Il appartenait au mari d'engager une action contre elle, et les deux coupables devaient être également punis. Les accusateurs n'étaient donc pas dans leur droit. Cependant, Jésus consentit à se placer sur leur terrain. La loi voulait qu'en cas de lapidation, les témoins fussent les premiers à jeter la pierre. S'étant levé, et ayant fixé ses regards sur les anciens intrigants, Jésus dit: "Que celui de vous qui est sans péché lui jette le premier la pierre." Puis s'étant à nouveau baissé, il continua d'écrire sur le sol. JC 457 1 Il avait évité ainsi de rejeter la loi de Moïse et d'empiéter sur l'autorité de Rome. Les accusateurs étaient vaincus. Dépouillés du vêtement de leur prétendue sainteté, ils se tenaient, coupables et condamnés, en présence de l'infinie pureté. La crainte de voir l'iniquité cachée de leur vie exposée à la foule les rendait tout tremblants; ils s'esquivèrent, l'un après l'autre, la tête et les yeux baissés, laissant leur victime en présence du Sauveur plein de compassion. JC 457 2 Jésus, s'étant relevé, regarda la femme et lui dit: "Femme, où sont-ils, tes accusateurs? Personne ne t'a condamnée? Elle répondit: Personne, Seigneur. Et Jésus lui dit: Moi non plus je ne te condamne pas; va, et désormais ne pèche plus." JC 457 3 Cette femme s'était tenue toute tremblante devant Jésus. Les paroles: "Que celui de vous qui est sans péché lui jette le premier la pierre", avaient résonné à ses oreilles comme une sentence de mort. N'osant pas lever les yeux sur le visage du Sauveur, elle attendait en silence un verdict de condamnation. C'est avec étonnement qu'elle vit ses accusateurs s'en aller muets et confondus; puis ces paroles d'espérance frappèrent ses oreilles: "Moi non plus je ne te condamne pas; va, et désormais ne pèche plus." Le coeur ému, elle se jeta aux pieds de Jésus, exprimant dans des sanglots son amour reconnaissant, et confessant son péché avec des larmes amères. JC 457 4 Ce fut, pour elle, le commencement d'une vie nouvelle, d'une vie pure et paisible, consacrée au service de Dieu. JC 457 5 En relevant cette âme tombée, Jésus accomplit un plus grand miracle qu'en guérissant la plus grave maladie physique; il la délivrait d'une maladie spirituelle qui conduit à la mort éternelle. Cette femme repentante devint l'un de ses plus fermes disciples. En retour du pardon miséricordieux qu'elle avait reçu de lui, elle lui témoigna un amour fait de sacrifice et de dévouement. JC 457 6 En pardonnant à cette femme et en l'encourageant à mener une vie meilleure, le caractère de Jésus resplendit dans la beauté d'une parfaite justice. Sans pallier le péché, sans amoindrir le sentiment de la culpabilité, il s'efforce, non pas de condamner, mais de sauver. Le monde n'avait pour cette femme que du mépris; mais Jésus prononce des paroles de consolation et d'espérance. L'Etre sans péché prend en pitié la faiblesse du pécheur, et lui tend une main secourable. Là où les pharisiens hypocrites condamnent, Jésus dit: "Va, et désormais ne pèche plus." JC 458 1 Un disciple du Christ ne saurait détourner ses yeux de ceux qui s'égarent et les laisser poursuivre leur course vers l'abîme. Ceux qui sont prompts à accuser et à traduire en justice sont souvent plus coupables que leurs victimes. Les hommes haïssent le pécheur et aiment le péché. Le Christ déteste le péché tout en aimant le pécheur. Le même esprit doit animer ses disciples. L'amour chrétien est lent à censurer, prompt à discerner les signes de la repentance, prêt à pardonner, à encourager, à remettre et à raffermir sur le chemin de la sainteté la personne qui s'égare. ------------------------Chapitre 51 -- La lumière de la vie JC 459 0 Ce chapitre est basé sur Jean 8:12-59; 9. JC 459 1 "Jésus leur parla de nouveau et dit: Moi, je suis la lumière du monde; celui qui me suit ne marchera point dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie." JC 459 2 Jésus prononça ces paroles dans la cour du temple où se déroulaient les services de la fête des tabernacles. Au centre de cette cour se dressaient deux grands montants auxquels étaient suspendus des pieds de lampe de grande dimension. A la suite du sacrifice du soir toutes les lampes étaient allumées et projetaient leur lumière sur la ville de Jérusalem. Cette cérémonie avait pour but de commémorer la colonne de feu qui guidait Israël au désert, et on la considérait aussi comme préfigurant la venue du Messie. Lorsque, le soir venu, les lampes étaient allumées, la cour devenait le théâtre d'une grande allégresse. Des hommes aux cheveux gris, les prêtres du temple et les chefs de la nation se livraient à des danses joyeuses au son d'instruments de musique accompagnant les chants des Lévites. JC 459 3 Par cette illumination de Jérusalem le peuple exprimait l'espoir que le Messie viendrait répandre sa lumière sur Israël. Aux yeux de Jésus cette scène revêtait une plus grande signification. De même que les brillantes lampes du temple éclairaient tout l'entourage, ainsi le Christ, source de lumière spirituelle, dissipe les ténèbres du monde. Cependant le symbole était imparfait. Le grand luminaire que sa main a placé dans les cieux représente mieux la gloire de sa mission. JC 459 4 Le matin était venu; le soleil se levait sur le mont des Oliviers, éclairant de sa lumière éblouissante les palais de marbre et faisant étinceler l'or des murailles du temple, quand Jésus s'écria, appelant l'attention sur cette scène: "Je suis la lumière du monde." JC 460 1 Longtemps après, un témoin de cette scène qui avait entendu ces paroles devait s'en faire l'écho dans ce passage sublime: "En elle [la Parole] était la vie, et la vie était la lumière des hommes. La lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont pas accueillie." "C'était la véritable lumière qui, en venant dans le monde, éclaire tout homme."1 Jésus était monté au ciel depuis quelques années quand Pierre, écrivant sous l'inspiration de l'Esprit divin, rappela le symbole dont le Christ s'était servi: "Nous tenons pour d'autant plus certaine la parole prophétique à laquelle vous faites bien de prêter attention comme à une lampe qui brille dans un lieu obscur, jusqu'à ce que le jour commence à poindre, et que l'étoile du matin se lève dans vos coeurs".2 JC 460 2 De tout temps la lumière a été un symbole de la présence de Dieu se manifestant au sein de son peuple. Au commencement, la parole créatrice avait fait jaillir la lumière du sein des ténèbres. La lumière était abritée dans la colonne de nuée qui accompagnait les armées d'Israël, de jour, et qui devenait une colonne de feu la nuit. Une lumière éclatante et redoutable entourait le Seigneur au Sinaï. Cette même lumière resplendissait au-dessus du propitiatoire dans le tabernacle et elle inonda le temple de Salomon lors de sa dédicace. Elle brilla sur les collines de Bethléhem quand les anges apportèrent le message de la rédemption aux bergers qui veillaient sur leurs troupeaux. JC 460 3 Dieu est la lumière; et par les mots: "Je suis la lumière du monde", le Christ affirmait qu'il était un avec Dieu, tout en soulignant sa relation avec toute la famille humaine. C'est lui qui avait fait briller la lumière "du sein des ténèbres".3 C'est lui qui communique la lumière au soleil, à la lune, aux étoiles. La lumière spirituelle qui resplendissait sur Israël à travers les symboles, les figures et les prophéties, c'était lui. Cette lumière n'était pas destinée uniquement au peuple juif. De même que les rayons du soleil pénètrent jusqu'aux extrêmes limites de la terre, la lumière du Soleil de justice éclaire tout homme. JC 460 4 "C'était la véritable lumière qui, en venant dans le monde, éclaire tout homme." Le monde a eu ses grands maîtres, géants intellectuels, remarquables chercheurs, dont les déclarations ont stimulé la pensée et ouvert à l'esprit de vastes champs de connaissances; ces hommes ont été honorés comme guides et bienfaiteurs de leur race. Mais il est quelqu'un qui les surpasse tous. "A tous ceux qui l'ont reçue, elle [la Parole] a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu." "Personne n'a jamais vu Dieu; le Dieu Fils unique, qui est dans le sein du Père, lui, l'a fait connaître."4 Si haut dans l'histoire que remonte la suite des grands hommes du monde, la Lumière les avait précédés. De même que la lune et les planètes du système solaire réfléchissent la lumière du soleil, les grands penseurs du monde, quand leur enseignement est vrai, ne font que réfléchir les rayons du Soleil de justice. Toute gemme de la pensée, tout éclair de l'intelligence procède de la Lumière du monde. On parle beaucoup aujourd'hui d'instruction supérieure; or il n'est de véritable instruction supérieure que celle ayant sa source en celui "en qui sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance". "En elle [la Parole] était la vie, et la vie était la lumière des hommes".5 "Celui qui me suit, dit Jésus, ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie." JC 461 1 En disant: "Je suis la lumière du monde", Jésus affirmait sa messianité. Le vieillard Siméon, dans ce même temple où Jésus enseignait maintenant, l'avait présenté en ces termes: "Lumière pour éclairer les nations, et gloire de ton peuple, Israël."6 Il lui appliquait ainsi une prophétie bien connue de tout Israël. En effet, le Saint-Esprit avait déclaré par la bouche du prophète Esaïe: "C'est trop peu que tu sois mon serviteur, chargé de relever les tribus de Jacob et de ramener les débris d'Israël; je veux faire de toi la lumière des nations, afin que mon salut parvienne jusqu'aux extrémités de la terre".7 Cette prophétie était généralement appliquée au Messie; quand donc Jésus disait: "Je suis la lumière du monde", on ne pouvait s'empêcher de voir qu'il se donnait ainsi comme celui qui avait été promis. JC 461 2 Pour les pharisiens et les chefs, c'était là une prétention arrogante. Ils ne pouvaient supporter l'idée qu'un homme semblable à eux eût de telles prétentions. Feignant d'ignorer ses paroles ils lui demandèrent: "Qui es-tu?" Ils espéraient le forcer à se déclarer le Christ. Son apparence et son oeuvre étaient si éloignées de l'attente du peuple que, -- c'est du moins ce que pensaient ses astucieux ennemis, -- s'il s'était annoncé directement comme le Messie il eût été rejeté comme un imposteur. JC 462 1 A la question: "Qui es-tu?" Jésus répondit cependant: "Ce que je vous dis dès le commencement." Le contenu de ses paroles était confirmé par son caractère. Il était une incarnation des vérités qu'il enseignait. Il ajouta: "Je ne fais rien de moi-même, mais je parle selon ce que le Père m'a enseigné. Celui qui m'a envoyé est avec moi; il ne m'a pas laissé seul, parce que je fais toujours ce qui lui est agréable." Plutôt que d'essayer d'appuyer ses prétentions à la messianité, il affirma qu'il était un avec Dieu. Si leurs esprits avaient été ouverts à l'amour de Dieu, ils eussent reçu Jésus. JC 462 2 Comme beaucoup de ses auditeurs se sentaient attirés vers lui par la foi, il leur dit: "Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples; vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libres." JC 462 3 Les pharisiens se crurent offensés par ces paroles. Oubliant que depuis longtemps ils étaient assujettis à un joug étranger, ils s'écrièrent en colère: "Nous sommes la descendance d'Abraham et nous n'avons jamais été les esclaves de personne; comment dis-tu: Vous deviendrez libres?" Jésus considéra ces hommes, esclaves de leur malice, qui ne songeaient qu'à la vengeance, et leur répondit avec tristesse: "En vérité, en vérité, je vous le dis, quiconque commet le péché est esclave du péché." Ils étaient retenus dans le pire des esclavages, gouvernés qu'ils étaient par l'esprit du mal. JC 462 4 Toute âme qui refuse de se donner à Dieu se place sous la domination d'une autre puissance. Elle ne s'appartient plus. Elle peut parler de liberté; en réalité elle se trouve dans l'esclavage le plus abject. Elle n'aperçoit pas la beauté de la vérité, dominée qu'elle est par Satan. Alors qu'elle se flatte de n'obéir qu'aux décisions de son propre jugement, elle est soumise à la volonté du prince des ténèbres. Le Christ est venu pour briser les entraves de l'esclavage du péché qui enserrent l'âme. "Si donc le Fils vous rend libres, vous serez réellement libres." "La loi de l'Esprit de vie en Christ-Jésus t'a libéré de la loi du péché et de la mort."8 JC 463 1 Aucune contrainte dans l'oeuvre de la rédemption. Aucune force extérieure n'intervient. Placé sous l'influence de l'Esprit de Dieu, l'homme est libre de choisir qui il veut servir. Lors du changement qui se produit au moment où une âme se livre au Christ, cette âme a le sentiment d'une entière liberté. C'est l'âme elle-même qui bannit le péché. Il est vrai que nous ne possédons pas en nous-mêmes le pouvoir de nous soustraire à la domination de Satan; mais quand nous désirons être affranchis du péché et que notre détresse nous arrache un cri en vue d'obtenir une puissance venant du dehors et d'en-haut, les facultés de l'âme sont pénétrées par l'énergie du Saint-Esprit qui permet d'obéir aux décisions de la volonté en accord avec la volonté divine. JC 463 2 L'affranchissement de l'homme n'est possible qu'à une condition: devenir un avec le Christ. "La vérité vous rendra libres", or le Christ est la vérité. Le péché ne peut triompher qu'en affaiblissant l'esprit et en supprimant la liberté de l'âme. Se soumettre à Dieu c'est se retrouver soi-même, -- avec la vraie gloire et la dignité humaine. La loi divine à laquelle nous sommes assujettis c'est "la loi de la liberté".9 JC 463 3 Les pharisiens avaient déclaré qu'ils étaient enfants d'Abraham. Jésus leur dit qu'une telle prétention n'était valable que s'ils accomplissaient les oeuvres d'Abraham. Les véritables enfants d'Abraham sont ceux qui vivent comme lui dans l'obéissance à Dieu. Ils ne chercheraient pas à mettre à mort celui qui leur apportait la vérité telle qu'il l'avait reçue de Dieu. En complotant contre le Christ les rabbins n'accomplissaient pas les oeuvres d'Abraham. Descendre simplement d'Abraham selon la chair n'a aucune valeur. On n'est son enfant qu'en maintenant un rapport spirituel avec lui, ce qui serait manifesté par la possession du même esprit qui l'animait, et par l'accomplissement des mêmes oeuvres. JC 464 1 Le même principe s'applique à la question si souvent débattue dans le monde chrétien, -- celle de la succession apostolique. De même que la descendance d'Abraham était établie, non par le nom ou la naissance, mais par la similitude des caractères, ainsi la succession apostolique dépend non d'une transmission de l'autorité ecclésiastique, mais d'une relation spirituelle. Une vie inspirée de l'esprit des apôtres, le fait de croire et d'enseigner les vérités qu'ils ont prêchées, voilà les véritables preuves de la succession apostolique. Voilà ce qui donne le droit de se considérer comme les successeurs des premiers propagateurs de l'Evangile. JC 464 2 Jésus niait que les Juifs fussent les enfants d'Abraham. Il dit: "Vous faites les oeuvres de votre père." Ils lui répondirent sur un ton moqueur: "Nous ne sommes pas des enfants illégitimes; nous avons un seul Père, Dieu." Par cette allusion aux circonstances de sa naissance, ils attaquaient le Christ en présence de ceux qui commençaient à croire en lui. Sans prêter la moindre attention à cette vile insinuation, Jésus dit: "Si Dieu était votre Père, vous m'aimeriez, car c'est de Dieu que je suis sorti et que je viens." JC 464 3 Leurs oeuvres attestaient leur lien de parenté avec celui qui a été menteur et meurtrier dès le commencement. "Vous avez pour père le diable, dit Jésus, et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Il a été meurtrier dès le commencement, et il ne s'est pas tenu dans la vérité, parce que la vérité n'est pas en lui. ... Et moi, parce que je dis la vérité, vous ne me croyez pas!" Parce que Jésus disait la vérité, avec une pleine assurance, les chefs juifs ne voulurent pas le recevoir. La vérité blessait ces propre-justes. La vérité dévoilait la fausseté de leurs erreurs; elle condamnait leur enseignement et leur conduite; aussi ne lui faisaient-ils pas bon accueil. Plutôt que d'avouer humblement qu'ils étaient dans l'erreur, ils préféraient fermer les yeux à la vérité. Ils n'aimaient pas celle-ci, et ne la désiraient pas, quoiqu'elle fût la vérité. JC 465 1 "Qui de vous me convaincra de péché? Si je dis la vérité, pourquoi ne me croyez-vous pas?" Jour après jour, trois années durant, ses ennemis avaient suivi le Christ, cherchant à découvrir quelque tache dans son caractère. Satan et ses armées avaient tout tenté pour le vaincre: ils n'avaient rien trouvé en lui qui leur offrît le moindre avantage. Les démons eux-mêmes s'étaient vus contraints de confesser qu'il était "le Saint de Dieu".10 Jésus vivait en harmonie avec la loi à la vue du ciel, des mondes qui n'ont pas connu le péché, et des hommes pécheurs. En présence des anges, des hommes, des démons, il avait lancé un défi qui dans toute autre bouche eût été un blasphème: "Je fais toujours ce qui lui est agréable." JC 465 2 Puisque les Juifs ne voulaient pas le recevoir, bien qu'ils n'eussent trouvé aucun péché en Christ, il était prouvé qu'ils n'avaient rien de commun avec Dieu. Ils ne reconnaissaient pas sa voix dans le message de son Fils. Alors qu'ils s'imaginaient prononcer un jugement sur le Christ, en réalité ils se condamnaient eux-mêmes. "Celui qui est de Dieu écoute les paroles de Dieu, dit Jésus. Vous n'écoutez pas, parce que vous n'êtes pas de Dieu." JC 465 3 Cette leçon garde sa valeur pour tous les temps. Il en est plus d'un qui se plaît à ergoter, à critiquer, à chercher un défaut dans la Parole de Dieu, et qui s'imagine prouver par là l'indépendance de son jugement et sa perspicacité. Il croit pouvoir s'ériger en juge de la Bible alors qu'en réalité il se juge lui-même. Il montre son incapacité d'apprécier les vérités d'origine céleste dont la portée est éternelle. L'effroi ne le saisit pas en présence de la justice de Dieu qui se dresse devant lui comme une haute montagne. Occupé à rechercher des vétilles et des brins de paille, il trahit une nature étroite et charnelle, un coeur qui est de moins en moins capable d'apprécier Dieu. Un coeur qui a répondu à l'attouchement divin recherchera ce qui peut accroître sa connaissance de Dieu, ce qui est susceptible de polir et d'ennoblir le caractère. Tout comme une fleur se tourne vers le soleil dont les brillants rayons font ressortir la beauté de ses nuances, l'âme se tournera vers le Soleil de justice pour que la lumière céleste embellisse son caractère en lui communiquant les grâces du caractère du Christ. JC 466 1 Jésus poursuivit son discours, faisant ressortir un contraste entre la position des Juifs et celle d'Abraham: "Abraham, votre père, a tressailli d'allégresse (à la pensée) de voir mon jour: il l'a vu et il s'est réjoui." JC 466 2 Abraham avait vivement désiré voir le Sauveur promis. Il avait demandé avec instance de pouvoir contempler le Messie avant de mourir. Et il a vu le Christ. Favorisé par une lumière surnaturelle, il reconnut le divin caractère du Christ. Il vit son jour et se réjouit. Il lui fut donné de percevoir le sacrifice divin pour le péché. Sa propre expérience lui offrit une image de ce sacrifice. Il reçut l'ordre: "Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Isaac,... offre-le en holocauste."11 Il plaça le fils de la promesse sur l'autel du sacrifice, ce fils en qui se concentraient toutes ses espérances. Alors qu'il brandissait le couteau, prêt à se conformer à l'ordre divin, une voix venant du ciel se fit entendre à lui: "Ne porte pas la main sur l'enfant et ne lui fais aucun mal. Je sais maintenant que tu crains Dieu, puisque tu ne m'as pas refusé ton fils, ton unique".12 Cette terrible épreuve fut imposée à Abraham pour lui permettre de voir le jour du Christ, de comprendre le grand amour dont Dieu a aimé le monde, si grand que pour le sauver de sa dégradation il n'a pas hésité à livrer son Fils unique à une mort ignominieuse. JC 466 3 Abraham apprit de Dieu la plus grande leçon qui puisse être donnée à un mortel. Il avait demandé à voir le Christ avant de mourir: sa prière fut exaucée. Il vit le Christ; il vit tout ce qu'un mortel peut voir et survivre. En s'abandonnant entièrement il fut rendu capable de comprendre la vision du Christ qui lui était accordée. Il lui fut montré qu'en donnant son Fils unique pour sauver les pécheurs d'une ruine éternelle Dieu avait consenti au plus grand sacrifice, et au plus étonnant, qui ait jamais été demandé à un homme. JC 466 4 L'expérience d'Abraham fournissait une réponse à la question: "Avec quoi me présenterai-je devant l'Eternel et me prosternerai-je devant le Dieu Très-Haut? Irai-je au-devant de lui avec des holocaustes, avec des veaux d'un an? L'Eternel voudra-t-il agréer des milliers de béliers, des myriades de torrents d'huile? Donnerai-je mon premier-né pour mon forfait, le fruit de mes entrailles pour le péché de mon âme?"13 Les paroles d'Abraham: "Mon fils, Dieu se pourvoira lui-même de l'agneau pour l'holocauste"14 et la victime que Dieu accepta à la place d'Isaac, enseignaient que personne ne peut expier ses propres péchés. Le système païen des sacrifices est absolument inacceptable aux yeux de Dieu. Aucun père ne devait offrir son fils ou sa fille en sacrifice pour le péché. Seul le Fils de Dieu est qualifié pour porter la culpabilité du monde. JC 467 1 Grâce à sa propre souffrance Abraham put contempler la mission de sacrifice du Sauveur. Mais Israël ne voulait pas comprendre ce qui est désagréable à un coeur orgueilleux. Les auditeurs de Jésus ne virent pas la profonde signification des paroles du Christ concernant Abraham. Pour les pharisiens ces paroles ne firent qu'offrir une nouvelle raison d'ergoter. Ils répliquèrent en ricanant: "Tu n'as pas encore cinquante ans et tu as vu Abraham!" JC 467 2 Jésus répondit avec une grande solennité: "En vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu'Abraham fût, moi, je suis." JC 467 3 Un grand silence s'établit dans l'assemblée. Le rabbi galiléen s'était approprié le nom de Dieu, révélé à Moïse pour exprimer l'idée de la présence éternelle. Il se donnait comme l'Etre existant par lui-même, celui qui avait été promis à Israël, "celui dont l'origine remonte aux temps anciens, aux jours éternels".15 JC 467 4 Les prêtres et les rabbins renouvelèrent contre Jésus l'accusation de blasphème. Précédemment, sa prétention à être un avec Dieu les avait amenés à tenter de lui ôter la vie; quelques mois plus tard ils allaient dire: "Ce n'est pas pour une oeuvre bonne que nous te lapidons, mais pour un blasphème, et parce que toi, qui es un homme, tu te fais Dieu."16 Parce qu'il était le Fils de Dieu et se donnait pour tel, ils voulaient le détruire. En ce moment de nombreux assistants, prenant position pour les prêtres et les rabbins, ramassèrent des pierres pour les jeter contre lui. "Mais Jésus se cacha et sortit du temple." JC 468 1 "La lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont pas accueillie."17 JC 468 2 "Jésus vit, en passant, un homme aveugle de naissance. Ses disciples lui demandèrent: Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents, pour qu'il soit né aveugle? Jésus répondit: Ce n'est pas que lui ou ses parents aient péché; mais c'est afin que les oeuvres de Dieu soient manifestées en lui. ... Après avoir dit cela, il cracha par terre et fit de la boue avec sa salive. Puis il appliqua cette boue sur les yeux de l'aveugle et lui dit: Va te laver au réservoir de Siloé -- ce qui se traduit par Envoyé. Il y alla, se lava et, quand il revint, il voyait." JC 468 3 Les Juifs pensaient généralement que le péché est puni dès la vie présente. Toute souffrance était considérée comme la punition de quelque méfait, soit de l'affligé, soit de ses parents. Il est vrai que toute souffrance est la conséquence de la transgression de la loi divine, mais cette vérité a été pervertie. Satan, l'auteur du péché et de ses résultats, a fait croire aux hommes que la maladie et la mort procèdent de Dieu et constituent une punition infligée arbitrairement en raison du péché. D'où il s'ensuivait que quelqu'un qui était frappé par quelque grande affliction ou calamité était regardé comme un grand pécheur, ce qui ajoutait à son malheur. JC 468 4 Ceci préparait les Juifs à rejeter Jésus. Pour avoir porté nos maladies et s'être chargé de nos douleurs, les Juifs le croyaient "puni, frappé par Dieu et humilié", et ils se couvraient le visage à sa vue.18 JC 468 5 Dieu avait donné une leçon destinée à prévenir cela. L'histoire de Job avait montré que la souffrance est infligée par Satan et que Dieu réalise par elle ses desseins miséricordieux. Cette leçon n'a pas servi à Israël. L'erreur que Dieu avait reprochée aux amis de Job a été répétée par les Juifs qui ont rejeté le Christ. JC 468 6 L'opinion entretenue par les Juifs au sujet du rapport existant entre le péché et la souffrance était partagée par les disciples du Christ. Jésus corrigea cette erreur, sans toutefois leur indiquer la cause du malheur de cet homme, et il leur en montra le résultat: Ce serait une occasion pour manifester les oeuvres de Dieu. "Pendant que je suis dans le monde, dit-il, je suis la lumière du monde." Puis ayant oint les yeux de l'aveugle, il l'envoya se laver dans la piscine de Siloé; cet homme recouvra la vue. Ainsi Jésus répondit à la question des disciples d'une manière pratique, comme il le faisait quand on l'interrogeait par curiosité. Les disciples n'avaient pas à discuter pour savoir qui avait ou n'avait pas péché; ils devaient simplement entrevoir la puissance et la miséricorde de Dieu grâce auxquelles l'aveugle retrouvait l'usage de ses yeux. Il est bien évident que l'argile ne recélait aucune vertu guérissante, pas plus d'ailleurs que la piscine où l'aveugle alla se laver: la vertu résidait en Christ. JC 469 1 Cette guérison étonnait forcément les pharisiens; mais elle les remplit de haine, car le miracle avait été accompli un jour de sabbat. JC 469 2 Les voisins du jeune homme et ceux qui l'avaient connu aveugle se demandaient: "N'est-ce pas là celui qui se tenait assis et qui mendiait?" Ils en doutaient quelque peu, car, ses yeux ayant été ouverts, son visage était changé et égayé, si bien qu'il paraissait un tout autre homme. La question passait de l'un à l'autre; les uns disaient: C'est lui. D'autres disaient: Il lui ressemble. L'affaire se trouva réglée quand celui qui avait été l'objet d'un si grand bienfait déclara: "C'est bien moi." Puis il leur parla de Jésus et raconta comment il avait été guéri. Ils lui dirent: "Où est cet homme? Il répondit: Je ne sais pas." JC 469 3 On le conduisit alors devant le conseil des pharisiens. On lui demanda une fois de plus comment la vue lui avait été rendue. "Il leur dit: Il a appliqué de la boue sur mes yeux, je me suis lavé et je vois. Sur quoi, quelques-uns des pharisiens disaient: Cet homme ne vient pas de Dieu, car il n'observe pas le sabbat." Les pharisiens comptaient démontrer que Jésus ne pouvait être le Messie puisqu'il était un pécheur. Ils ne savaient pas que l'aveugle avait été guéri par celui qui a institué le sabbat et qui en connaissait toutes les obligations. Tandis qu'ils affichaient un zèle extraordinaire pour le sabbat ils projetaient un meurtre ce même jour. Plusieurs, cependant, furent émus en apprenant ce miracle et comprirent que celui qui avait ouvert les yeux de l'aveugle n'était pas un homme ordinaire. Tandis que l'on accusait Jésus d'être un pécheur parce qu'il n'observait pas le sabbat, eux disaient: "Comment un homme pécheur peut-il faire de tels miracles?" JC 470 1 Les rabbins s'adressèrent à l'aveugle: "Toi, que dis-tu de lui, puisqu'il t'a ouvert les yeux? Il répondit: C'est un prophète." Les pharisiens nièrent alors que cet homme fût né aveugle et qu'il eût été guéri. On fit venir ses parents et on les interrogea: "Est-ce là votre fils, dont vous dites qu'il est né aveugle?" JC 470 2 L'homme était là, affirmant qu'il avait été aveugle et que la vue lui avait été rendue; les pharisiens préféraient nier l'évidence plutôt que d'avouer leur erreur. Si puissant est le préjugé, si fallacieuse est la justice pharisaïque! JC 470 3 Il ne restait qu'un espoir aux pharisiens: intimider les parents de l'homme. Avec une feinte naïveté ils demandèrent: "Comment donc voit-il maintenant?" Ces gens craignirent de se compromettre, car on avait fait courir le bruit que quiconque reconnaîtrait Jésus comme le Christ serait exclu de la synagogue pendant trente jours, temps pendant lequel aucun enfant ne pouvait être circoncis, aucun mort pleuré dans la maison du coupable. On considérait cette sentence comme une grande calamité, et si elle n'amenait pas le repentir du coupable des peines plus sévères étaient prévues. Ils répondirent, bien que l'oeuvre magnifique accomplie en faveur de leur fils les eût impressionnés: "Nous savons que c'est notre fils et qu'il est né aveugle; mais comment il voit maintenant, nous ne le savons pas, ou qui lui a ouvert les yeux, nous ne le savons pas non plus. Interrogez-le lui-même, il est assez âgé pour parler de ce qui le concerne." N'osant confesser le Christ, ils se déchargèrent de toute responsabilité sur leur fils. JC 470 4 Le dilemme dans lequel se débattaient les pharisiens, leurs interrogations et leur préjugé, leur refus d'admettre ce qui avait eu lieu, tout ceci ouvrait les yeux de la foule, surtout du commun peuple. Jésus avait fréquemment accompli ses miracles en public, et son oeuvre avait toujours eu pour but de soulager la souffrance. Une question se pressait donc dans l'esprit de plusieurs: Est-ce que Dieu accomplirait de telles oeuvres par le ministère d'un imposteur, ce que Jésus était aux yeux des pharisiens? La dispute s'envenimait à ce sujet. JC 471 1 Les pharisiens s'apercevaient qu'ils ne réussissaient qu'à donner de la publicité à l'oeuvre de Jésus. Le miracle ne pouvait être nié. L'aveugle était rempli de joie et de reconnaissance; il admirait les beautés de la nature et regardait avec ravissement les choses de la terre et du ciel. Il ne se lassait pas de raconter son expérience. On s'efforça de le réduire au silence: "Donne gloire à Dieu; nous savons que cet homme est pécheur." En d'autres termes: Cesse de dire que cet homme t'a rendu la vue; c'est Dieu qui l'a fait. Il répondit: "S'il est pécheur, je ne le sais pas; je sais une chose: j'étais aveugle, maintenant je vois." JC 471 2 Ils l'interrogèrent encore: "Que t'a-t-il fait? Comment t'a-t-il ouvert les yeux?" Ils espéraient jeter la confusion dans son esprit, à force de paroles, pour qu'il crût avoir été trompé. Satan et les mauvais anges se tenaient aux côtés des pharisiens, ajoutant leurs efforts subtils aux raisonnements humains pour contrecarrer l'influence du Christ. Ils étouffaient la conviction qui s'emparait de beaucoup d'esprits. Des anges de Dieu étaient aussi présents pour affermir l'homme qui venait d'être guéri. JC 471 3 Les pharisiens pensaient n'avoir affaire qu'à un homme sans instruction, né aveugle; ils ne voyaient pas celui contre lequel ils luttaient. Une lumière divine resplendissait dans l'âme de l'aveugle. Tandis que ces hypocrites tentaient de lui ravir sa foi, Dieu l'aidait à montrer, par ses réponses vigoureuses, faites à propos, qu'il échappait à leurs pièges. "Il leur répondit: Je vous l'ai déjà dit, et vous n'avez pas écouté; pourquoi voulez-vous l'entendre encore? Voulez-vous aussi devenir ses disciples? Ils l'insultèrent et dirent: C'est toi qui es son disciple; nous, nous sommes disciples de Moïse. Nous savons que Dieu a parlé à Moïse; mais celui-ci, nous ne savons d'où il est." JC 472 1 Le Seigneur Jésus n'ignorait pas l'épreuve endurée par cet homme; il lui communiqua sa grâce et lui donna de pouvoir s'exprimer de manière à être un témoin du Christ. Ses réponses aux pharisiens constituaient un blâme sévère à l'adresse de ceux qui l'interrogeaient. Ils se donnaient comme les interprètes des Ecritures, les guides religieux de la nation; voici quelqu'un qui opérait des miracles et ils avouaient ne pas connaître la source de son pouvoir ni la nature de ses prétentions. "Voilà ce qui est étonnant, dit cet homme, c'est que vous ne sachiez pas d'où il est; et il m'a ouvert les yeux! Nous savons que Dieu n'exauce pas les pécheurs; mais si quelqu'un vénère Dieu et fait sa volonté, celui-là il l'exauce. Jamais encore on n'a entendu dire que quelqu'un ait ouvert les yeux d'un aveugle-né. Si cet homme n'était pas là de la part de Dieu, il ne pourrait rien faire." JC 472 2 Cet homme s'était placé sur le terrain de ses inquisiteurs. Son raisonnement était inattaquable. Etonnés, les pharisiens se turent, sous le charme de ses paroles si appropriées. Il y eut un court silence. Puis les prêtres et les rabbins courroucés serrèrent sur eux leurs vêtements, comme pour éviter d'être contaminés par son contact; ils secouèrent la poussière de leurs pieds et lui lancèrent cette apostrophe: "Tu es né tout entier dans le péché, et c'est toi qui nous enseignes!" Et ils l'excommunièrent. JC 472 3 Jésus, sachant ce qui s'était passé, le rencontra tôt après et lui demanda: "Crois-tu au Fils de Dieu?" L'aveugle voyait pour la première fois le visage de son guérisseur. Devant le conseil il avait vu l'embarras de ses parents et les visages courroucés des rabbins; maintenant il voyait le visage aimable et paisible de Jésus. Il avait déjà, en prenant des risques, reconnu en lui un délégué de la puissance divine; une révélation supérieure lui est accordée. A la question: "Crois-tu au Fils de Dieu?" il répond: "Qui est-il, Seigneur, afin que je croie en lui?" Jésus lui dit: "Tu l'as vu, et celui qui te parle, c'est lui." L'homme tomba aux pieds du Sauveur et l'adora. Non seulement sa vue physique lui avait été rendue, mais les yeux de son entendement avaient été ouverts. Le Christ s'était révélé à son âme et il l'avait reçu comme l'Envoyé de Dieu. JC 473 1 Un groupe de pharisiens s'étant approché, à leur vue Jésus songea au contraste qui résultait toujours de ses paroles et de ses oeuvres. Il dit: "Je suis venu dans ce monde pour un jugement, afin que ceux qui ne voient pas, voient, et que ceux qui voient deviennent aveugles." Le Christ était venu pour ouvrir les yeux des aveugles, pour éclairer ceux qui gisent dans les ténèbres. Il s'était donné comme la lumière du monde; le miracle qu'il venait d'accomplir confirmait sa mission. Les gens qui ont contemplé le Sauveur lors de sa venue ont été favorisés par une manifestation de la divine présence plus complète que tout ce dont le monde avait bénéficié auparavant. La connaissance de Dieu fut révélée d'une manière plus parfaite. Mais cette révélation elle-même faisait peser un jugement sur les hommes. Le caractère de chacun était soumis à l'épreuve, la destinée de chacun était décidée. JC 473 2 La manifestation de la puissance divine qui avait donné à l'aveugle la vue physique et la vue spirituelle avait laissé les pharisiens dans de plus épaisses ténèbres. Se sentant visés par les paroles du Christ quelques-uns de ses auditeurs demandèrent: "Nous aussi, sommes-nous aveugles?" Jésus répondit: "Si vous étiez aveugles, vous n'auriez pas de péché." Si Dieu vous avait empêchés de voir la vérité, votre ignorance serait excusable. "Mais maintenant vous dites: Nous voyons." Vous pensez être capables de voir, et voilà que vous rejetez les moyens qui seuls pourraient vous assurer la vue. A tous ceux qui ont été conscients de leurs besoins le Christ a offert une aide infinie. Mais les pharisiens ne voulaient avouer aucun besoin. Refusant de venir à Christ, ils restaient aveugles, mais aussi responsables de leur état de cécité. "Votre péché subsiste", leur dit Jésus. ------------------------Chapitre 52 -- Le divin Berger JC 474 0 Ce chapitre est basé sur Jean 10:1-30. JC 474 1 "Je suis le bon berger. Le bon berger donne sa vie pour ses brebis." "Je suis le bon berger. Je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît, et comme je connais le Père; et je donne ma vie pour mes brebis." JC 474 2 C'est en se servant des images qui leur étaient familières que Jésus atteignit l'esprit de ses auditeurs. Il avait comparé l'influence de l'Esprit à une eau rafraîchissante. Il s'était présenté lui-même comme étant la lumière, la source de la vie et du bonheur pour la nature et pour l'homme. Maintenant, dans un magnifique tableau pastoral, il montre ses relations avec ceux qui croient en lui, associant, pour toujours, cette scène coutumière à sa personne. Dès lors, les disciples ne regarderont plus des bergers paissant leurs troupeaux sans se souvenir de l'enseignement du Sauveur. Tout fidèle berger leur fera penser au Christ et chaque fois qu'ils verront un troupeau impuissant et dépendant, ils ne pourront s'empêcher de le comparer à eux-mêmes. JC 475 3 Déjà le prophète Esaïe, dans ces paroles consolantes, avait appliqué cette figure à la mission du Messie: "Monte sur une haute montagne pour annoncer la bonne nouvelle à Sion! Elève la voix avec force pour annoncer la bonne nouvelle à Jérusalem. Elève la voix; ne crains point! Dis aux villes de Juda: Voici votre Dieu! ... Comme un berger, il paîtra son troupeau. Il recueillera les agneaux entre ses bras et les portera dans son sein."1 De son côté, David avait chanté: "L'Eternel est mon berger; je n'aurai point de disette." D'autre part le Saint-Esprit avait déclaré par l'intermédiaire d'Ezéchiel: "J'établirai sur elles un seul berger qui les paîtra." "Je chercherai celle qui est perdue; je ramènerai l'égarée; je panserai la blessée et je fortifierai la malade." "Alors je contracterai avec mes brebis une alliance de paix." "Ils ne seront plus la proie des nations; ... ils seront en sécurité, sans que personne les épouvante."2 JC 475 1 Le Christ fit l'application de ces prophéties à sa propre personne, et mit en évidence le contraste existant entre son caractère et celui des conducteurs d'Israël. Les pharisiens venaient d'exclure du troupeau quelqu'un qui avait osé rendre témoignage à la puissance du Christ. Ils avaient retranché une âme que le vrai berger s'était efforcé d'attirer à lui. Par là ils s'étaient montrés ignorants en ce qui concerne l'oeuvre à eux confiée, et indignes de leur mandat en tant que bergers du troupeau. Jésus, établissant le contraste qui existait entre eux et le bon berger, se désigna lui-même comme le vrai gardien du troupeau du Seigneur. Déjà il leur avait parlé de lui-même sous une image différente, leur disant: "Celui qui n'entre pas par la porte dans l'enclos des brebis, mais qui y monte par un autre côté, celui-là est un voleur et un brigand. Mais celui qui entre par la porte est le berger des brebis." Les pharisiens ne comprirent pas que ces paroles étaient dirigées contre eux. Comme ils raisonnaient en eux-mêmes pour savoir ce qu'elles signifiaient, Jésus leur dit clairement: "Je suis la porte; si quelqu'un entre par moi, il sera sauvé; il entrera et sortira et trouvera de la pâture. Le voleur ne vient que pour voler, tuer et détruire; moi, je suis venu, afin que les brebis aient la vie et qu'elles l'aient en abondance." JC 475 2 Le Christ est la porte qui donne accès à la bergerie divine. Par cette porte sont entrés tous ses enfants, depuis les temps les plus reculés. En Jésus, tel qu'il est préfiguré dans les symboles, révélé par les prophètes, dévoilé dans les enseignements donnés aux disciples et dans les miracles accomplis en faveur des hommes, ils ont contemplé "l'Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde",3 et en passant par lui ils furent introduits dans la bergerie de sa grâce. Beaucoup d'autres ont proposé différents objets à la foi du monde; des cérémonies et des systèmes ont été imaginés pour permettre aux hommes d'obtenir la justification et la paix avec Dieu et d'entrer ainsi dans sa bergerie. Mais il n'y a qu'une porte: le Christ; et tous ceux qui ont mis quelque autre chose à sa place ou qui ont essayé d'entrer dans la bergerie par quelque autre voie, sont des voleurs et des brigands. JC 476 1 Les pharisiens n'étaient pas entrés par la porte. Ayant pénétré dans la bergerie autrement que par le Christ ils n'accomplissaient pas l'oeuvre d'un véritable berger. Prêtres et anciens, scribes et pharisiens détruisaient les pâturages vivants et souillaient les sources de l'eau vive. Ces paroles de l'inspiration avaient bien décrit ces faux bergers: "Vous n'avez pas fortifié les brebis débiles; vous n'avez pas guéri les malades, vous n'avez pas bandé les blessées; vous n'avez pas ramené les égarées, ... mais vous les avez dominées avec violence et dureté."4 JC 476 2 De tout temps, des philosophes et des docteurs se sont efforcés de présenter au monde des théories capables de satisfaire les aspirations de l'âme. Chaque nation païenne a eu ses grands instructeurs et ses systèmes religieux, offrant quelque autre moyen de rédemption que le Christ, détournant les yeux de la face du Père, et inspirant de la crainte pour celui qui ne fait que bénir. Ces religions tendent à priver Dieu de ce qui lui appartient par droit de création et de rédemption. Ces faux instructeurs dépouillent également l'homme. Des millions d'êtres humains sont courbés sous de fausses religions, dans l'esclavage d'une crainte servile, ou d'une indifférence stupide, peinant comme des bêtes de somme, privés ici-bas d'espérance, de joie et d'aspirations, et n'entretenant qu'une vague inquiétude au sujet de l'au-delà. Seul, l'Evangile de la grâce divine peut relever l'âme. Mieux que toute autre chose, la contemplation de l'amour de Dieu, tel qu'il se manifeste en son Fils, réveille le coeur et développe les facultés de l'âme. Le Christ est venu rétablir en l'homme l'image de Dieu; quiconque détourne les hommes du Christ, les détourne de la source du vrai développement; il leur ravit l'espérance, le but et la gloire de la vie. C'est un voleur et un brigand. JC 476 3 "Celui qui entre par la porte est le berger des brebis." Le Christ est à la fois la porte et le berger. C'est en passant à travers lui-même qu'il entre. Grâce à son sacrifice il devient le berger des brebis. "Le portier lui ouvre, et les brebis entendent sa voix: il appelle par leur nom les brebis qui lui appartiennent et les mène dehors. Lorsqu'il a fait sortir toutes celles qui lui appartiennent, il marche devant elles; et les brebis le suivent, parce qu'elles connaissent sa voix." JC 477 1 La brebis est, de tous les animaux, le plus timide, le plus faible; en Orient la sollicitude du berger pour son troupeau est incessante et inlassable. Autrefois, comme aujourd'hui, il y avait peu de sécurité en dehors des villes entourées de murailles. Des maraudeurs, appartenant aux tribus errantes du voisinage, des bêtes de proie sorties des antres des rochers se tenaient aux aguets pour piller les troupeaux. Le berger savait qu'il veillait, au péril de sa vie, sur ce qui lui était confié. Jacob disait, en parlant des durs travaux accomplis lorsqu'il gardait les troupeaux de Laban dans les pâturages de Charan: "La chaleur me consumait pendant le jour et le froid pendant la nuit; et le sommeil fuyait de mes yeux."5 C'est aussi en gardant les brebis de son père, que le jeune David, s'étant trouvé tout seul, une fois, en face d'un lion, une autre fois, en face d'un ours, avait arraché de leurs crocs l'agneau dérobé. JC 477 2 Alors que le berger conduit son troupeau sur les collines rocailleuses, à travers forêts et ravins sauvages, vers des recoins herbeux, au bord d'une rivière; alors qu'il veille sur lui, dans la montagne, pendant les nuits solitaires, le protégeant contre les voleurs, et prenant un tendre soin des malades et des débiles, sa vie s'identifie avec celle de ses brebis. Un lien, à la fois fort et tendre, le rattache aux objets de sa sollicitude. Quelque grand que soit le troupeau, le berger connaît chacune des brebis. Chacune d'elle a son nom particulier et elle répond quand le berger l'appelle. JC 477 3 Tout comme le berger terrestre connaît ses brebis, ainsi le divin Berger connaît son troupeau dispersé à travers le monde. "Vous êtes mon troupeau, le troupeau que je fais paître; vous êtes des hommes et moi je suis votre Dieu, dit le Seigneur, l'Eternel." Jésus dit: "Je t'ai appelé par ton nom; tu es à moi." "J'ai gravé ton nom sur les paumes de mes mains."6 JC 478 1 Jésus nous connaît individuellement, et il est sensible à nos infirmités. Il connaît la maison où nous vivons et le nom de chaque habitant. Il a donné parfois à ses serviteurs l'ordre de se rendre dans telle rue de telle ville, et à telle maison, pour trouver l'une de ses brebis. JC 478 2 Chaque âme est l'objet, de la part de Jésus, d'une connaissance aussi complète que si elle était la seule pour laquelle le Sauveur soit mort. Son coeur est touché par les misères de chacun. Il entend tous les appels de détresse. Il est venu afin d'attirer tous les hommes à lui. Il leur dit: "Suivez-moi", et son Esprit agit sur les coeurs afin de les amener à lui. Beaucoup refusent de se laisser attirer. Jésus les connaît. Il connaît aussi ceux qui répondent joyeusement à son appel et sont disposés à se confier à ses soins pastoraux. Il dit: "Mes brebis entendent ma voix;... je les connais, et elles me suivent." Il prend soin de chacune d'elles comme s'il n'en avait point d'autre sur la surface de la terre. JC 478 3 "Il appelle par leur nom les brebis qui lui appartiennent et les mène dehors. ... Et les brebis le suivent, parce qu'elles connaissent sa voix." Le berger oriental ne chasse pas ses brebis en avant. Il ne compte ni sur la force ni sur la crainte; mais il va au-devant d'elles et les appelle. Elles connaissent sa voix et répondent à son appel. Notre Sauveur et Berger agit de la même façon à l'égard de ses brebis. L'Ecriture dit: "Tu as conduit ton peuple comme un troupeau, par la main de Moïse et d'Aaron." Jésus déclare, par l'intermédiaire des prophètes: "Je t'ai aimée d'un amour éternel; c'est pourquoi j'ai conservé pour toi ma miséricorde." Il ne contraint personne à le suivre. "Je les attirais à moi, dit-il, par les liens de la bonté, par les chaînes de l'amour."7 JC 478 4 Ce n'est pas la peur du châtiment, ou l'espoir d'une récompense éternelle, qui pousse les disciples du Christ à le suivre. Ils contemplent l'amour immaculé du Sauveur, tel qu'il s'est manifesté tout le long de son pèlerinage terrestre, depuis la crèche de Bethléhem jusqu'à la croix du Calvaire, et cette vision attire, attendrit et subjugue les âmes. L'amour naît dans les coeurs. Ils entendent sa voix et le suivent. JC 479 1 Le berger précède ses brebis, s'exposant le premier aux périls de la route; Jésus agit de même à l'égard de son peuple. "Lorsqu'il a fait sortir toutes celles qui lui appartiennent, il marche devant elles." Le chemin qui conduit au ciel a été consacré par l'empreinte des pieds du Sauveur. Il se peut que le sentier paraisse escarpé et raboteux, mais Jésus l'a parcouru; de ses pieds il a pressé les épines acérées, afin de nous faciliter le passage. Il a porté tous les fardeaux que nous sommes appelés à porter. JC 479 2 Bien qu'il soit monté en la présence de Dieu, et qu'il partage le trône de l'univers, Jésus n'a rien perdu de sa compassion. Son tendre coeur reste accessible aujourd'hui encore à tous les malheurs de l'humanité. Sa main percée reste étendue pour bénir plus abondamment les siens qui se trouvent dans le monde. "Elles ne périront jamais, et personne ne les arrachera de ma main." L'âme qui s'est donnée au Christ est plus précieuse à ses yeux que le monde entier. Pour sauver une seule âme dans son royaume, le Sauveur eût consenti à passer par l'agonie du Calvaire. Jamais il n'abandonnera une âme pour laquelle il est mort. A moins que ceux qui le suivent ne préfèrent le quitter, il les retiendra fortement. JC 479 3 Dans toutes nos épreuves nous avons un Assistant qui ne nous fait jamais défaut. Il ne nous laisse pas seuls à lutter contre la tentation, à combattre le mal, pour être enfin écrasés par les soucis et les douleurs. Bien qu'il reste caché aux yeux des mortels, sa voix pénètre en nous par l'oreille de la foi: "Sois sans crainte. ... Je suis ... le Vivant. J'étais mort, et me voici vivant aux siècles des siècles."8 J'ai connu vos luttes, j'ai affronté vos tentations. Je connais vos larmes, car j'ai pleuré, moi aussi. Je connais les douleurs intimes qu'on ne confie à aucune oreille humaine. Ne pensez pas que vous êtes délaissés et privés de consolations. Même si votre douleur ne fait vibrer les cordes d'aucun coeur sur la terre, regardez à moi et vous vivrez. "Quand les montagnes s'effondreraient, quand les collines s'ébranleraient, ma bonté pour toi ne faiblira point, et mon alliance de paix ne sera pas ébranlée, dit l'Eternel, qui a compassion de toi."9 JC 480 1 Quel que soit l'attachement d'un berger pour ses brebis, il éprouve un plus grand amour pour ses fils et ses filles. Jésus n'est pas seulement notre berger; il est aussi notre "Père d'éternité". Il dit: "Je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît et comme je connais le Père." Quelle magnifique déclaration! La communion qui existe entre lui -- le Fils unique, qui est dans le sein du Père, lui que Dieu appelle son "Compagnon",10 -- et le Dieu éternel, sert à illustrer la communion qui existe entre le Christ et ses enfants sur la terre! JC 480 2 Jésus nous aime parce que nous sommes le cadeau de son Père et le prix de son oeuvre. Il nous aime comme ses enfants. Lecteur, il vous aime. Le ciel lui-même ne peut donner rien de plus grand, rien de meilleur. Ayez donc confiance. JC 480 3 Jésus s'est préoccupé des âmes qui, dans toutes les parties de la terre, étaient égarées par de faux bergers. Il désirait ardemment rassembler dans son pâturage les brebis dispersées parmi les loups; aussi dit-il: "J'ai encore d'autres brebis qui ne sont pas de cet enclos; celles-là, il faut aussi que je les mène; elles entendront ma voix, et il y aura un seul troupeau, un seul berger." JC 480 4 "Le Père m'aime, parce que je donne ma vie, afin de la reprendre." Ce qui veut dire: Mon Père vous a tant aimé qu'il m'aime davantage parce que je donne ma vie pour votre rançon. En devenant votre remplaçant et votre garant, en faisant le sacrifice de ma vie, en acquittant vos dettes, vos transgressions, je deviens plus cher à mon Père. JC 480 5 "Je donne ma vie, afin de la reprendre. Personne ne me l'ôte, mais je la donne de moi-même; j'ai le pouvoir de la donner et j'ai le pouvoir de la reprendre." Bien qu'il fût mortel en tant que membre de la famille humaine, il était aussi, en sa qualité de Dieu, la source de la vie pour le monde. Il aurait pu se dérober aux approches de la mort, et refuser de devenir sa proie; mais il offrit volontairement sa vie afin de mettre en évidence la vie et l'immortalité. Il porta le péché du monde, il subit sa malédiction, et accepta le sacrifice afin que les hommes ne périssent pas pour l'éternité. "Cependant, ce sont nos maladies qu'il portait; c'est de nos douleurs qu'il s'était chargé. ... Il a été meurtri à cause de nos péchés, brisé à cause de nos iniquités. Le châtiment qui nous donne la paix est tombé sur lui et c'est par ses meurtrissures que nous avons la guérison. Nous étions tous comme des brebis errantes; chacun de nous suivait sa propre voie; et l'Eternel a fait retomber sur lui l'iniquité de nous tous."11 ------------------------Chapitre 53 -- Le départ définitif de la Galilée JC 482 0 Ce chapitre est basé sur Luc 9:51-56; 10:1-24. JC 482 1 Vers la fin de son ministère, le Christ introduisit un changement dans sa méthode de travail. Jusqu'ici il s'était efforcé d'éviter l'agitation et la publicité, se dérobant aux hommages du peuple, et passant rapidement d'un endroit à un autre quand l'enthousiasme populaire qu'il suscitait devenait irrésistible. A plusieurs reprises il avait défendu qu'on le proclamât le Christ. JC 482 2 Lors de la fête des tabernacles il avait effectué avec rapidité et en secret son voyage à Jérusalem. A ses frères qui insistaient pour qu'il se présentât publiquement en qualité de Messie, il avait répondu: "Le moment n'est pas encore venu pour moi."1 Il s'était rendu à Jérusalem sans être observé, et il était entré dans la ville sans être annoncé et sans recevoir les honneurs de la foule. Il n'en fut pas ainsi lors de son dernier voyage. Il avait quitté momentanément Jérusalem en raison de la malice des prêtres et des rabbins. Maintenant il se met en devoir d'y revenir en faisant un détour, sans se cacher, et il fait annoncer son arrivée. Allant au-devant de son grand sacrifice, il lui convenait de provoquer l'attention du peuple. JC 482 3 "Comme Moïse éleva le serpent dans le désert, il faut, de même, que le Fils de l'homme soit élevé."2 Tous les regards d'Israël avaient été dirigés sur le serpent élevé comme symbole de leur guérison: de la même manière tous les yeux doivent se fixer sur le Christ, la victime qui, par son sacrifice, procurera le salut au monde perdu. JC 482 4 C'était une fausse conception de l'oeuvre du Messie, ainsi qu'un manque de foi au caractère divin de Jésus, qui avaient poussé ses frères à insister auprès de lui pour qu'ils se présentât au public, à l'occasion de la fête des tabernacles. Pour des motifs semblables, les disciples, se rappelant ses paroles au sujet de ce qui allait lui arriver et connaissant la haine mortelle dont étaient animés les conducteurs religieux, auraient bien voulu pouvoir dissuader leur Maître de se rendre à Jérusalem. JC 483 1 Pour le Christ c'est une tâche difficile que de s'avancer en dépit des craintes, du désappointement et de l'incrédulité de ses disciples bien-aimés. Il lui est dur de les conduire vers l'angoisse et le désespoir qui les attendent à Jérusalem. Et Satan est là pour assiéger le Fils de l'homme de ses tentations. Pourquoi va-t-il maintenant à Jérusalem, au-devant d'une mort certaine? Tout autour de lui des âmes ont faim du pain de vie; des âmes souffrantes attendent une parole de guérison. A peine a-t-il commencé l'oeuvre de l'Evangile de sa grâce. Il est encore dans la pleine vigueur de l'âge. Pourquoi ne s'avancerait-il pas dans les vastes champs du monde, apportant les paroles de sa grâce, et sa puissance de guérison? Pourquoi ne s'accorderait-il pas la joie de donner la lumière et le bonheur à des millions d'êtres croupissant dans les ténèbres et la souffrance? Pourquoi laisserait-il le soin de recueillir la moisson à des disciples de foi si débile, de compréhension si étroite et dont l'action est si lente? Pourquoi affronterait-il la mort alors que son oeuvre se trouve encore dans l'enfance? L'ennemi qui s'est attaqué au Christ, dans le désert, renouvelle aujourd'hui ses tentations les plus fortes et les plus subtiles. Si Jésus cède, un instant seulement, si, pour se sauver lui-même, il modifie son attitude, les instruments de Satan triomphent et le monde est perdu. JC 483 2 Mais Jésus a pris "la ferme résolution de se rendre à Jérusalem". La seule loi de sa vie c'est la volonté de son Père. Déjà, lors de sa visite au temple, alors qu'il n'était qu'un enfant, il avait dit à Marie: "Ne saviez-vous pas qu'il faut que je m'occupe des affaires de mon Père?" A Cana, lorsque Marie lui a demandé de manifester sa puissance miraculeuse, il a répondu: "Mon heure n'est pas encore venue."3 Les mêmes paroles lui ont servi de réponse quand ses frères l'ont supplié de se rendre à la fête. Dans le grand plan divin une heure a été fixée où il doit s'offrir pour les péchés des hommes: cette heure est sur le point de sonner. Il ne va pas défaillir. Il tourne ses pas vers Jérusalem où, depuis longtemps, ses ennemis trament contre sa vie; il va maintenant la leur abandonner et il se dirige hardiment vers la persécution, le reniement, la condamnation et la mort. JC 484 1 "Il envoya devant lui des messagers." Ceux-ci "se mirent en route et entrèrent dans un village de Samaritains" pour lui préparer un logement. Mais on refusa de le recevoir parce qu'il était en route vers Jérusalem. A cause de ce voyage, les Samaritains avaient l'impression que le Christ accordait la préférence aux Juifs, objet de leur haine la plus intense. Ils l'auraient accueilli joyeusement s'il était venu rétablir le temple et le culte sur le mont Garizim; comme il se rendait à Jérusalem, ils ne voulurent pas lui accorder l'hospitalité. Ils étaient loin de penser qu'ils rejetaient le meilleur don du ciel. Jésus invitait les hommes à le recevoir; il leur demandait même des faveurs, et cela en vue de s'approcher d'eux pour leur dispenser ses plus riches bénédictions. En échange de la moindre faveur reçue, il accordait la grâce la plus précieuse. Mais le préjugé et l'étroitesse des Samaritains leur firent perdre tout cela. JC 484 2 Jacques et Jean, les messagers du Christ, furent très blessés par cette injure faite à leur Seigneur. Le voir si maltraité par les Samaritains alors qu'il voulait bien les honorer de sa présence, les remplit d'indignation. Récemment, sur la montagne de la transfiguration, ils avaient vu leur Maître glorifié par Dieu et honoré par Moïse et par Elie. Le manque d'égards dont les Samaritains s'étaient rendus coupables méritait, pensaient-ils, un châtiment signalé. JC 484 3 Ils rapportèrent au Christ les paroles de ces gens, et lui dirent qu'on avait refusé de le loger même pour une nuit. Ils pensaient qu'un tort grave lui avait été fait et ils dirent, en regardant au loin dans la direction du mont Carmel, où Elie avait égorgé les faux prophètes: "Seigneur, veux-tu que nous disions au feu de descendre du ciel et de les consumer?" Ils constatèrent avec surprise que leurs paroles peinaient Jésus, et leur étonnement fut encore plus grand en entendant ce reproche: "Vous ne savez de quel esprit vous êtes animés. Car le Fils de l'homme est venu non pour perdre les âmes, mais pour les sauver."4 JC 485 1 Le Christ s'en alla dans un autre village. Il n'appartenait pas à sa mission de contraindre les hommes à le recevoir. C'est Satan, et ce sont les hommes animés de son esprit, qui s'efforcent de violenter les consciences. Sous prétexte de zèle pour la justice, des hommes associés à de mauvais anges font souffrir leurs semblables pour les convertir à leurs idées religieuses; le Christ, lui, ne cesse de faire preuve de miséricorde, s'efforçant constamment de gagner les âmes par la manifestation de son amour. Il ne peut tolérer aucun rival dans une âme, il ne peut se contenter d'un service partiel; mais il n'accepte qu'un service volontaire, le libre abandon d'un coeur pressé par l'amour. Notre empressement à nuire à ceux qui n'aiment pas notre oeuvre ou qui agissent contrairement à nos idées montre que nous sommes remplis de l'esprit de Satan. JC 485 2 Tout être humain appartient à Dieu, corps, âme et esprit. Le Christ est mort pour racheter tous les hommes. Rien ne contriste Dieu davantage que de voir des hommes qui, poussés par le fanatisme religieux, font souffrir ceux dont le Sauveur a payé la rançon par son sang. JC 485 3 "Jésus se mit en route pour se rendre aux confins de la Judée et de l'autre côté du Jourdain. Les foules s'assemblèrent de nouveau près de lui, et selon sa coutume, une fois de plus il les enseignait."5 JC 485 4 C'est en Pérée, une province qui se trouvait de l'autre côté du Jourdain par rapport à la Judée, que Jésus passa une grande partie des derniers mois de son ministère. Là les foules se pressaient autour de lui, comme cela avait eu lieu, en Galilée, au début de son ministère, et beaucoup de ses premiers enseignements y furent répétés. JC 485 5 Comme il avait envoyé les douze apôtres, "le Seigneur en désigna encore soixante-dix autres et les envoya devant lui, deux à deux, dans toute ville et tout endroit où lui-même devait aller". Pendant quelque temps ces disciples s'étaient formés auprès de lui, en vue de leur oeuvre. Alors que les douze accomplissaient une mission de leur côté, d'autres disciples accompagnaient Jésus dans sa tournée en Galilée. Ils s'étaient ainsi trouvés intimement associés à lui, et placés sous sa direction personnelle. Maintenant ces nombreux disciples devaient, à leur tour, aller en mission de leur côté. Les soixante-dix reçurent les mêmes instructions qu'avaient reçues les douze, à l'exception toutefois de la défense d'entrer dans les villes des païens ou des Samaritains. Les Samaritains venaient de repousser le Christ, mais cela n'avait pas altéré son amour pour eux. Quand les soixante-dix s'en allèrent, en son nom, ils commencèrent par visiter les villes de la Samarie. JC 486 1 La visite du Sauveur en Samarie, et, plus tard, l'éloge du bon Samaritain ainsi que la joie reconnaissante du lépreux Samaritain qui, seul parmi les dix, était revenu pour exprimer au Christ sa gratitude: tout cela revêtait une profonde signification aux yeux des disciples. Cette leçon se grava profondément dans leurs coeurs. Dans l'ordre qu'il leur donna immédiatement avant son ascension, Jésus mentionna la Samarie avec Jérusalem et la Judée comme étant les lieux où ils devaient d'abord prêcher l'Evangile. Son enseignement les avait préparés à se conformer à cet ordre. Et quand ils se rendirent en Samarie, au nom de leur Maître, ils trouvèrent une population prête à les recevoir. Les paroles d'éloges du Christ et ses oeuvres de miséricorde en faveur d'hommes appartenant à leur nation, étaient parvenues aux oreilles des Samaritains. Ils virent qu'il n'avait que des pensées d'amour à leur égard, malgré la manière rude dont ils l'avaient traité, et leurs coeurs furent gagnés. Après son ascension, ils accueillirent favorablement les messagers du Sauveur, et les disciples purent recueillir une précieuse moisson parmi ceux qui avaient été autrefois leurs plus grands ennemis. "Il ne brisera pas le roseau froissé et il n'étouffera pas le lumignon qui va s'éteindre. Il fera régner la justice en toute vérité." "Et les nations espéreront en son nom."6 JC 486 2 En envoyant les soixante-dix, Jésus leur recommanda, comme il l'avait recommandé aux douze, de ne pas s'imposer là où on ne les recevrait pas volontiers. "Dans quelque ville que vous entriez, et où l'on ne vous recevra pas, allez sur ses places et dites: Nous secouons contre vous la poussière même de votre ville, qui s'est attachée à nos pieds; sachez pourtant que le royaume de Dieu est proche." Ceci avait pour but, non pas de manifester du ressentiment pour une blessure d'amour-propre, mais de montrer combien c'est chose grave de refuser le message du Seigneur ou ses messagers. Rejeter les serviteurs du Seigneur c'est rejeter le Christ lui-même. JC 487 1 Jésus ajouta: "Je vous dis qu'en ce jour, pour Sodome il y aura moins de rigueur que pour cette ville-là." Puis sa pensée alla vers les villes galiléennes où il avait exercé une si grande partie de son ministère. Il s'écria avec les accents d'une douleur sincère: "Malheur à toi, Chorazin! malheur à toi Bethsaïda! car, si les miracles faits au milieu de vous l'avaient été à Tyr et à Sidon, il y a longtemps qu'elles se seraient repenties, avec le sac et la cendre. C'est pourquoi, lors du jugement, pour Tyr et pour Sidon il y aura moins de rigueur que pour vous. Et toi, Capernaüm, seras-tu élevée jusqu'au ciel? Tu seras abaissée jusqu'au séjour des morts." JC 487 2 Les plus riches bénédictions du ciel avaient été généreusement offertes à ces villes des bords de la mer de Galilée. Jour après jour, le Prince de la vie était allé et venu parmi les habitants. La gloire de Dieu, que des prophètes et des rois avaient souhaité voir, avait brillé sur des foules qui se pressaient sur les pas du Sauveur. Cependant le don du ciel fut refusé. JC 487 3 Faisant montre d'une prudence extrême, les rabbins avaient mis en garde contre les nouvelles doctrines enseignées par le nouveau docteur, qui, disaient-ils, étaient contraires à l'enseignement des pères. Au lieu de chercher à comprendre la Parole de Dieu pour soi-même, on donnait crédit à ce qu'enseignaient les prêtres et les pharisiens. On accordait aux prêtres et aux chefs l'honneur dû à Dieu, et l'on rejetait la vérité pour se conformer à leurs traditions. Plusieurs avaient reçu une impression favorable; bien que presque persuadés ils n'agirent pas selon leurs convictions et ne prirent pas position pour le Christ. Satan offrit ses tentations et ce qui était lumineux finit par sembler ténébreux. Ainsi plusieurs repoussèrent la vérité qui eût pu sauver leur âme. JC 488 1 Le Témoin fidèle dit: "Voici, je me tiens à la porte et je frappe."7 Chaque réprimande, chaque exhortation, chaque avertissement contenu dans la Parole de Dieu ou donné par ses messagers équivaut à un coup frappé à la porte du coeur. C'est la voix de Jésus sollicitant l'entrée. On est de moins en moins disposé à ouvrir à mesure que l'on résiste à ces appels. L'influence du Saint-Esprit, méconnue aujourd'hui, sera moins forte demain. Le coeur, devenu moins sensible, tombe dans une inconscience dangereuse qui fait sous-estimer la brièveté de la vie et l'approche de l'éternité. Si nous sommes condamnés au jour du jugement, ce ne sera pas pour avoir été dans l'erreur, mais pour avoir négligé les occasions d'apprendre à connaître la vérité que le ciel nous a offertes. JC 488 2 Comme les apôtres, les soixante-dix avaient été doués de facultés surnaturelles destinées à servir de sceau à leur mission. Une fois leur oeuvre achevée, ils revinrent avec joie, en disant: "Seigneur, les démons mêmes nous sont soumis en ton nom." Jésus répondit: "Je voyais Satan tomber du ciel comme un éclair." JC 488 3 Les scènes du passé et de l'avenir défilèrent devant l'esprit de Jésus. Il vit Lucifer expulsé, pour la première fois, des lieux célestes. Il regarda en avant, vers sa propre agonie qui allait dévoiler, aux yeux de tous les mondes, le caractère du séducteur. Il entendit le cri: "Tout est accompli"8 annonçant que la rédemption d'une race perdue était définitivement rendue certaine et que le ciel était pour toujours à l'abri des accusations, des tromperies et des entreprises de Satan. JC 488 4 Par-delà la croix du Calvaire, par-delà l'agonie et l'opprobre, Jésus regarda en avant vers le grand jour final où le prince de la puissance de l'air sera détruit sur la terre qu'il a souillée de sa rébellion. Il vit l'oeuvre du mal arriver à son terme et la paix de Dieu remplir les cieux et la terre. JC 489 1 Dès ce moment les disciples du Christ devaient considérer Satan comme un ennemi vaincu. Sur la croix, Jésus allait remporter pour eux la victoire; son désir était qu'ils considérassent cette victoire comme la leur. "Voici, dit-il, je vous ai donné le pouvoir de marcher sur les serpents et les scorpions et sur toute la puissance de l'ennemi; et rien ne pourra vous nuire." JC 489 2 La toute-puissance du Saint-Esprit est le refuge de toute âme repentante. Le Christ ne permettra pas qu'une seule âme, implorant sa protection dans un esprit de repentance et de foi, tombe au pouvoir de l'ennemi. Le Sauveur se tient à ses côtés lorsqu'elle est tentée et éprouvée. Avec lui il ne peut y avoir ni échec, ni perte, ni impossibilité, ni défaite; nous pouvons tout par celui qui nous fortifie. Quand surviennent des tentations et des épreuves, n'essayez pas de tout arranger vous-mêmes, mais regardez à Jésus, votre assistant. JC 489 3 Il y a des chrétiens qui se préoccupent et qui parlent beaucoup trop de la puissance de Satan. Ils pensent à leur adversaire, prient à son sujet, parlent de lui, si bien que celui-ci finit par grandir démesurément dans leur imagination. Il est vrai que Satan est un être puissant; mais, grâce à Dieu, nous avons un Sauveur qui a chassé le malin du ciel. Satan se plaît à nous voir exagérer sa puissance. Pourquoi ne parlerions-nous pas plutôt de Jésus? Pourquoi n'exalterions-nous pas plutôt sa puissance et son amour? JC 489 4 L'arc-en-ciel de la promesse qui entoure le trône divin est un témoignage impérissable du fait que "Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu'il ait la vie éternelle".9 Il atteste aux yeux de l'univers que Dieu n'abandonnera pas son peuple en lutte avec le mal. Il nous assure force et protection aussi longtemps que ce trône lui-même demeure. JC 489 5 Jésus ajouta: "Cependant, ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous sont soumis; mais réjouissez-vous de ce que vos noms sont inscrits dans les cieux." Ne vous réjouissez pas de la puissance que vous possédez, de crainte de perdre le sentiment de votre dépendance à l'égard de Dieu. Mettez-vous en garde contre un esprit de propre suffisance, qui vous ferait travailler avec vos propres forces plutôt que dans l'esprit et la puissance de votre Maître. Le moi est toujours prêt à s'attribuer le mérite du succès. Quand le moi est flatté et élevé, on néglige de montrer à d'autres que Dieu est tout en tous. L'apôtre Paul disait: "Quand je suis faible, c'est alors que je suis fort."10 Le sentiment de notre faiblesse nous apprend à compter sur une puissance qui ne réside pas en nous-mêmes. Rien n'a, sur nos coeurs, une emprise plus grande qu'un sentiment constant de notre responsabilité à l'égard de Dieu. Rien n'exerce une influence plus profonde sur les mobiles de notre conduite que l'assurance du pardon offert par l'amour du Christ. Il nous faut entrer en contact avec Dieu, pour que nous soyons pénétrés de son Saint-Esprit, qui nous rendra capables de prendre contact avec nos semblables. Réjouissez-vous donc de ce que, par le Christ, vous êtes entrés en relations avec Dieu, et vous êtes devenus membres de la famille céleste. Aussi longtemps que vous regarderez en haut, vous aurez constamment le sentiment de la faiblesse de l'humanité. Moins vous chérirez le moi, mieux vous comprendrez l'excellence de votre Sauveur. Plus vous vous approcherez de la source de la lumière et de la puissance, plus vous serez illuminés, et plus vous serez à même d'accomplir de grandes choses pour Dieu. Réjouissez-vous de ce que vous êtes un avec Dieu, un avec le Christ, et avec la famille céleste tout entière. JC 490 1 Tandis que les soixante-dix disciples écoutaient les paroles du Christ, le Saint-Esprit présentait avec force, à leur esprit, les réalités vivantes, et gravait la vérité sur les tables de leurs coeurs. Quoique entourés de la foule, ils se sentaient seuls avec Dieu. JC 490 2 Voyant qu'ils avaient saisi l'esprit de son enseignement, "Jésus tressaillit de joie par le Saint-Esprit et dit: Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d'avoir caché ces choses aux sages et aux intelligents, et de les avoir révélées aux enfants. Oui, Père, parce que tel a été ton dessein bienveillant. Tout m'a été remis par mon Père, et personne ne connaît qui est le Fils, si ce n'est le Père, ni qui est le Père, si ce n'est le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler." JC 491 1 Les hommes que le monde honore, prétendus grands et sages, malgré toute la sagesse dont ils se vantent, n'ont pas compris le caractère du Christ. Ils l'ont jugé sur son apparence extérieure, d'après l'état d'abaissement qui résultait de son incarnation. C'est à de simples pêcheurs et péagers que fut donné de voir l'Invisible. Il est vrai que les disciples n'ont pas compris tout ce que Jésus voulait leur révéler; cependant peu à peu leurs esprits furent éclairés, à mesure qu'ils se soumirent plus complètement à la puissance du Saint-Esprit. Ils comprirent que le Dieu puissant, revêtu de notre humanité, se tenait au milieu d'eux. C'était pour Jésus un sujet de joie de constater que cette connaissance, refusée aux sages et aux prudents de ce monde, était révélée à ces hommes humbles. Souvent, alors qu'il leur exposait les Ecritures de l'Ancien Testament et en faisait l'application à sa personne et à son oeuvre d'expiation, son Esprit les avait éveillés et transportés dans une atmosphère céleste. Ils comprenaient les vérités spirituelles dont les prophètes avaient parlé mieux que les auteurs eux-mêmes. Désormais ils liraient les Ecritures de l'Ancien Testament non comme des doctrines émanant des scribes et des pharisiens, non comme de simples déclarations de sages morts depuis longtemps, mais comme une nouvelle révélation divine. Ils le contemplaient comme celui "que le monde ne peut pas recevoir, parce qu'il ne le voit pas et ne le connaît pas; mais vous, vous le connaissez, parce qu'il demeure auprès de vous et qu'il sera en vous".11 JC 491 2 Le seul moyen de s'approprier plus parfaitement la vérité, c'est de conserver un coeur tendre et soumis à l'Esprit du Christ. Il faut vider l'âme de la vanité et de l'orgueil, pour que le Christ soit intronisé. La science humaine est trop bornée pour comprendre l'expiation. Le plan de la rédemption a une portée trop vaste pour être expliqué par la philosophie. Il restera toujours un mystère inaccessible aux raisonnements les plus profonds. La science du salut ne peut être expliquée, mais on peut la connaître par expérience. Celui-là seul qui voit son propre état de péché peut apprécier le Sauveur à sa juste valeur. JC 491 3 Les leçons les plus instructives furent données par le Christ, tandis qu'il se rendait lentement de la Galilée vers Jérusalem. Les habitants de la Pérée, comme ceux de la Galilée, étant moins dominés par le fanatisme juif que les habitants de la Judée, les enseignements de Jésus trouvaient un écho dans les coeurs. On écoutait ses paroles avec empressement. JC 492 1 Plusieurs des paraboles du Christ furent dites pendant ces derniers mois de son ministère. Comme les prêtres et les rabbins le poursuivaient avec une haine croissante, il voilait ses avertissements sous des symboles. On ne pouvait se tromper sur ses enseignements, et néanmoins on ne pouvait rien trouver dans ses paroles qui fournît un motif d'accusation contre lui. Dans la parabole du pharisien et du péager, la prière orgueilleuse: "O Dieu, je te rends grâces de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes", offrait un contraste frappant avec la supplication du pécheur repentant: "Sois apaisé envers moi, pécheur."12 C'est ainsi que le Christ stigmatisait l'hypocrisie des Juifs. Sous les images du figuier stérile et du grand souper, il annonçait le jugement qui allait frapper la nation impénitente. Ceux qui avaient rejeté avec mépris l'invitation à la fête évangélique entendaient ces paroles d'avertissement: "Car, je vous le dis, aucun de ces hommes qui avaient été invités ne goûtera de mon repas13 JC 492 2 Des instructions de la plus haute valeur avaient été données aux disciples. La parabole de la veuve importune et celle de l'ami demandant à emprunter du pain, au milieu de la nuit, venaient renforcer ces paroles: "Demandez, et l'on vous donnera; cherchez, et vous trouverez; frappez, et l'on vous ouvrira."14 Souvent leur foi chancelante serait affermie par le souvenir de ces paroles du Christ: "Et Dieu ne ferait-il point justice à ses élus, qui crient à lui jour et nuit, et tarderait-il à leur égard? Je vous le dis, il leur fera promptement justice".15 JC 492 3 Le Christ répéta la magnifique parabole de la brebis égarée et il développa son enseignement en parlant de la pièce d'argent perdue et de l'enfant prodigue. Les disciples n'étaient pas encore à même, à ce moment-là, d'apprécier pleinement ses leçons; mais quand, après l'effusion du Saint-Esprit, ils assistèrent à l'entrée des Gentils dans l'Eglise, et virent la colère des Juifs envieux, ils purent mieux comprendre l'enseignement de l'enfant prodigue et s'associer à la joie du Christ exprimée par ces paroles: "Mais il fallait bien se réjouir et s'égayer, parce que ton frère que voilà était mort, et qu'il est revenu à la vie; parce qu'il était perdu, et qu'il est retrouvé."16 Et quand, au nom de leur Maître, ils affrontèrent l'opprobre, la pauvreté et la persécution, souvent ils affermirent leurs coeurs en se répétant les recommandations qu'il leur avait données au cours de ce dernier voyage: "Sois sans crainte, petit troupeau; car votre Père a trouvé bon de vous donner le royaume. Vendez ce que vous possédez, et donnez-le en aumônes. Faites-vous des bourses qui ne s'usent pas, un trésor inépuisable dans les cieux, où il n'y a pas de voleur qui approche, ni de mite qui détruise. Car là où est votre trésor, là aussi sera votre coeur".17 ------------------------Chapitre 54 -- Le bon Samaritain JC 494 0 Ce chapitre est basé sur Luc 10:25-37. JC 494 1 Par l'histoire du bon Samaritain, le Christ nous fait comprendre que la vraie religion ne consiste pas en des systèmes, des credo ou des rites, mais en l'accomplissement d'oeuvres de miséricorde, en la bienfaisance, la vraie bonté. JC 494 2 Alors que le Christ enseignait le peuple, un "docteur de la loi se leva et lui dit, pour le mettre à l'épreuve: Maître, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle?" Toute l'assemblée, haletante, attendait la réponse de Jésus. Les prêtres et les rabbins avaient poussé ce docteur de la loi à formuler cette question dans l'intention d'embarrasser le Christ. Mais le Sauveur, se refusant à toute controverse, voulut que la solution fût donnée par celui-là même qui posait le problème. "Qu'est-il écrit dans la loi? dit-il. Qu'y lis-tu?" Comme les Juifs l'accusaient toujours de faire peu de cas de la loi donnée au Sinaï, Jésus plaça la question du salut sur le terrain de l'obéissance aux commandements de Dieu. JC 494 3 Le docteur de la loi dit: "Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ta pensée, et ton prochain comme toi-même." Jésus lui dit: "Tu as bien répondu ...; fais cela, et tu vivras." JC 494 4 Le légiste n'approuvait ni la position ni l'oeuvre des pharisiens. Il avait étudié les Ecritures avec le désir d'en connaître la vraie signification. Cette question revêtait à ses yeux un intérêt vital; aussi demanda-t-il sincèrement: "Que dois-je faire?" Dans sa réponse concernant les exigences de la loi, il négligea la masse énorme des préceptes cérémoniels, auxquels il n'attachait aucune valeur, et il rappela les deux grands principes dont dépendent la loi et les prophètes. Cette réponse, louée par le Christ, assurait à celui-ci un avantage aux yeux des rabbins qui ne pouvaient le condamner pour avoir sanctionné ce que venait d'avancer un docteur de la loi. JC 495 1 "Fais cela, et tu vivras", dit Jésus. Il présenta la loi comme un tout divin et montra l'impossibilité d'en observer un précepte alors qu'on en transgresse un autre; car tous ont le même fondement. C'est l'obéissance à la loi entière qui décide de la destinée de l'homme. Aimer Dieu d'un amour suprême et l'homme d'un amour impartial: voilà les principes qui doivent diriger la vie. JC 495 2 Le docteur de la loi découvrit qu'il était un transgresseur. Les paroles pénétrantes du Christ produisirent, en lui, la conviction du péché. Il n'avait pas obtenu cette justice de la loi dont il se targuait. Il n'avait pas manifesté de l'amour envers ses semblables. Il aurait dû se repentir; il essaya au contraire de se justifier. Plutôt que de reconnaître la vérité, et espérant ainsi échapper à sa conviction et se réhabiliter aux yeux du peuple, il s'efforça de montrer combien il est difficile d'observer le commandement. Les paroles du Sauveur avaient prouvé que la question soulevée était inutile, puisque le docteur de la loi avait pu y répondre lui-même. Néanmoins celui-ci ajouta: "Et qui est mon prochain?" JC 495 3 Ce sujet soulevait des disputes sans fin parmi les Juifs. Aucun doute, dans leur esprit, à propos des païens et des Samaritains: ces gens-là étaient des étrangers et des ennemis. Mais que de distinctions il y avait lieu de faire au sein de leur propre nation et parmi les diverses classes de la société! Qui devait être considéré comme le prochain par le prêtre, le rabbin, l'ancien? Ils passaient leur vie dans l'accomplissement d'un cycle de cérémonies destinées à les purifier. Ils prétendaient que le contact avec la foule ignorante et insouciante occasionnait une souillure difficile à enlever. L'impur devait-il être considéré comme le prochain? JC 495 4 Cette fois encore Jésus se refusa à toute polémique. Il ne voulut même pas stigmatiser le fanatisme de ceux qui se préparaient à le condamner. Par une histoire toute simple il fit à ses auditeurs un tableau si touchant de l'amour dont le ciel fait déborder un coeur, que le docteur de la loi lui-même dut confesser la vérité. JC 496 1 Pour dissiper les ténèbres, il suffit de faire jaillir la lumière. Le moyen le plus efficace de combattre l'erreur, c'est de présenter la vérité. La révélation de l'amour de Dieu manifeste l'état de péché d'un coeur égoïste. JC 496 2 "Un homme, dit Jésus, descendait de Jérusalem à Jéricho. Il tomba au milieu de brigands, qui le dépouillèrent, le rouèrent de coups et s'en allèrent en le laissant à demi-mort. Par hasard, un prêtre descendait par le même chemin; il vit cet homme et passa outre. Un Lévite arriva de même à cet endroit; il le vit et passa outre." Il ne s'agissait pas là d'un tableau imaginaire; le fait s'était réellement passé. Le prêtre et le Lévite, qui avaient passé outre, se trouvaient parmi les auditeurs du Christ. JC 496 3 Le voyageur se rendant de Jérusalem à Jéricho devait traverser une partie du désert de Judée. La route descendait dans un ravin sauvage bordé de rochers et infesté de brigands; il s'y produisait souvent des scènes de violence. C'est là que l'homme avait été attaqué, dépouillé, meurtri, laissé à demi-mort au bord du chemin. Un prêtre vint à passer, qui se contenta de jeter un regard dans la direction du blessé. Ensuite parut le Lévite. Curieux de savoir ce qui était arrivé, il s'arrêta pour considérer le malheureux et vit bien ce qu'il y avait à faire; mais ce n'était pas un devoir agréable. Il aurait voulu n'être pas passé par ce chemin-là et il finit par se persuader que ce cas ne le regardait pas. JC 496 4 Ce prêtre et ce Lévite, revêtus d'un ministère sacré, faisaient profession d'exposer les Ecritures. Ils appartenaient à la classe spécialement choisie en vue de représenter Dieu auprès du peuple. Ils devaient "avoir de la compréhension pour les ignorants et les égarés",1 afin de faire comprendre aux hommes le grand amour de Dieu à l'égard de l'humanité. L'oeuvre à laquelle ils étaient appelés était celle-là même que Jésus avait décrite comme étant la sienne dans ces mots: "L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a oint pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres; il m'a envoyé pour proclamer aux captifs la délivrance, et aux aveugles le recouvrement de la vue, pour renvoyer libres les opprimés."2 JC 497 1 Les anges du ciel considèrent ceux de la famille de Dieu qui se trouvent en détresse sur la terre, et ils sont prêts à accorder leur collaboration aux hommes en vue de soulager les opprimés et les souffrants. La Providence divine avait amené le prêtre et le Lévite sur la route où souffrait le blessé, afin qu'ils pussent secourir celui qui avait besoin de pitié. Le ciel entier attendait que les coeurs de ces hommes fussent touchés de pitié par la vue du malheureux. Le Sauveur lui-même avait donné des instructions aux Hébreux dans le désert; du haut de la colonne de nuée et de feu il avait enseigné une leçon bien différente de celle que les prêtres et les docteurs donnaient maintenant au peuple. La loi étendait sa sollicitude même aux animaux inférieurs, incapables d'exprimer par des paroles leurs besoins et leurs souffrances. Voici les directions qui avaient été données aux enfants d'Israël par Moïse: "Si le boeuf de ton ennemi ou son âne s'est égaré, et si tu le rencontres, tu auras soin de le lui ramener. Si tu vois l'âne de celui qui te hait succombant sous son fardeau, garde-toi de l'abandonner. Aide ton ennemi à le décharger."3 Dans le cas mentionné par Jésus, -- l'homme blessé par les brigands, -- il s'agissait d'un frère dans la souffrance. Leurs coeurs eussent dû être bien plus émus de pitié qu'envers une bête de somme! Moïse avait été chargé de leur donner ce message: "L'Eternel, votre Dieu, est le Dieu des dieux et le Seigneur des seigneurs, le Dieu grand, puissant et redoutable, ... qui fait droit à l'orphelin et à la veuve, qui aime l'étranger." Il avait commandé: "Vous aimerez donc l'étranger." "Tu l'aimeras comme toi-même".4 JC 497 2 Job avait dit: "L'étranger ne passait pas la nuit dehors; j'ouvrais ma porte au voyageur." Quand deux anges vinrent à Sodome sous une apparence humaine, Lot s'inclina et dit: "Entrez, mes seigneurs, je vous prie, dans la maison de votre serviteur, pour y passer la nuit."5 Toutes ces leçons étaient connues du prêtre et du Lévite, mais ils ne les mettaient pas en pratique. A l'école du fanatisme national, ils étaient devenus égoïstes, étroits et exclusifs. Ne pouvant savoir si le blessé appartenait ou non à leur nation, ils se dirent qu'il s'agissait peut-être d'un Samaritain, et ils se détournèrent de lui. JC 498 1 Dans leur attitude, telle que le Christ l'avait décrite, le docteur de la loi ne voyait rien de contraire à ce qui lui avait été enseigné concernant les exigences de la loi. Mais une autre scène lui fut bientôt présentée: JC 498 2 Un Samaritain qui était en voyage arriva auprès du malheureux, et l'ayant aperçu, il en eut compassion. Il ne chercha pas à savoir si l'étranger était juif ou païen. Le Samaritain savait fort bien qu'un Juif, les rôles étant intervertis, lui aurait craché au visage et se serait éloigné avec mépris. Cette pensée ne le fit pourtant pas hésiter. Il ne se laissa pas effrayer davantage par l'idée qu'en s'attardant en un tel endroit, il s'exposait à un danger. Un être humain souffrait, et cela suffisait. Il se dépouilla de son propre vêtement pour le recouvrir et, se servant de l'huile et du vin dont il avait fait provision pour le voyage, il soigna et réconforta le blessé. Il le plaça ensuite sur sa monture et le conduisit, doucement, pour que ses souffrances ne fussent pas augmentées par les secousses, jusqu'à une hôtellerie où, pendant toute la nuit il lui prodigua les plus tendres soins. Au matin, le malade se trouvant mieux, le Samaritain put continuer sa route. Mais, avant de partir, il le recommanda aux soins de l'hôtelier, paya les dépenses, et laissa de l'argent en dépôt; non content de cela, il voulut pourvoir aux besoins ultérieurs, et il dit à l'hôtelier: "Prends soin de lui, et ce que tu dépenseras en plus, je te le paierai moi-même à mon retour." JC 498 3 Ayant achevé son récit, Jésus fixa sur le docteur de la loi un regard qui paraissait lire dans son âme, et dit: "Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de celui qui était tombé au milieu des brigands?" JC 498 4 Le docteur de la loi ne voulait pas, même après ce qu'il avait entendu, prononcer le nom de Samaritain. Il répondit donc: "C'est celui qui a exercé la miséricorde envers lui." Jésus lui dit: "Va, et toi, fais de même." JC 499 1 De cette manière, la question: "Qui est mon prochain?" reçut une réponse définitive. Le Christ montra que par le prochain il ne faut pas entendre uniquement celui qui appartient à la même église ou à la même foi. Il ne doit exister aucune distinction de race, de couleur ou de classe. Toute personne qui a besoin de nous est notre prochain. Notre prochain, c'est toute âme meurtrie par l'adversaire. Quiconque est la propriété de Dieu est notre prochain. JC 499 2 Dans l'histoire du bon Samaritain, Jésus s'est peint lui-même, ainsi que sa mission. Satan avait trompé, meurtri, dépouillé, ruiné l'homme, et il le laissait périr; mais le Sauveur a eu pitié de notre misère. Il a quitté sa gloire pour venir à notre secours. Il nous a trouvés mourants et il a entrepris de nous sauver. Il a pansé nos blessures. Il nous a couverts du vêtement de sa justice. Il nous a ouvert un sûr refuge, et il a pourvu à tous nos besoins. Il est mort pour nous racheter. Et c'est en donnant son propre exemple qu'il a pu dire à ses disciples: "Ce que je vous commande, c'est de vous aimer les uns les autres." "Comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres."6 JC 499 3 Le docteur de la loi avait demandé à Jésus: "Que dois-je faire?" Et Jésus, qui résumait la justice dans l'amour de Dieu et de l'homme, avait répondu: "Fais cela, et tu vivras." En obéissant aux suggestions d'un coeur aimant, le Samaritain s'était montré observateur de la loi. Aussi le Christ dit-il au docteur de la loi: "Va, et toi, fais de même." Faire, et non pas dire seulement, c'est ce qu'on attend des enfants de Dieu. "Celui qui déclare demeurer en lui, doit marcher aussi comme lui [Jésus] a marché."7 JC 499 4 Actuellement cette leçon est tout aussi nécessaire qu'à l'heure où elle sortit des lèvres de Jésus. L'égoïsme et un froid formalisme ont presque entièrement éteint le feu de l'amour et chassé les grâces qui donnent du parfum au caractère. Beaucoup de ceux qui font profession de porter son nom ont oublié que le devoir des chrétiens c'est de représenter le Christ. Si l'esprit de sacrifice ne se manifeste pas d'une manière pratique, en faveur d'autrui, dans le cercle de la famille, dans le voisinage, dans l'église, et où que nous nous trouvions, nous ne sommes pas de vrais chrétiens, quelle que soit notre profession de foi. JC 500 1 Le Christ a associé ses intérêts à ceux de l'humanité, et il nous demande de nous identifier avec lui pour le salut de l'humanité. "Vous avez reçu gratuitement, dit-il, donnez gratuitement."8 Le péché est le plus grand de tous les maux; notre devoir est d'avoir pitié du pécheur et de lui venir en aide. Plusieurs, parmi les égarés, reconnaissent leur honte et leur folie. Ils soupirent après des paroles d'encouragement. Ils déplorent leurs fautes et leurs erreurs jusqu'à ce qu'ils sombrent dans le désespoir. Nous ne devons pas négliger de telles âmes. Si nous sommes chrétiens, nous ne passerons pas outre en nous tenant le plus loin possible de ceux qui ont le plus grand besoin de notre aide. Quand nous verrons des êtres humains en détresse, qu'il s'agisse d'un malheur ou des conséquences d'une faute, nous ne dirons pas: Ceci ne me regarde pas. JC 500 2 "Vous qui êtes spirituels, redressez-le avec un esprit de douceur."9 Au moyen de la foi et de la prière, repoussez la puissance de l'ennemi. Dites des paroles de foi et de courage qui seront un baume guérissant pour l'âme meurtrie et blessée. Trop nombreux sont ceux qui ont sombré dans le découragement au cours des luttes de la vie, à qui une force victorieuse aurait été communiquée si un mot d'encouragement leur avait été donné. Nous ne devrions jamais passer à côté d'une âme souffrante sans lui faire part des consolations dont Dieu console nos coeurs. JC 500 3 Tout ceci n'est que la mise en pratique du principe de la loi, -- ce principe qui a été illustré par le récit du bon Samaritain et que la vie de Jésus a mis en évidence. Son caractère révèle la vraie signification de la loi et montre ce que c'est que d'aimer son prochain comme soi-même. Quand les enfants de Dieu font preuve de miséricorde, de bonté, d'amour à l'égard des hommes, ils rendent témoignage au caractère des statuts célestes. Ils attestent que "la loi de l'Eternel est parfaite: elle restaure l'âme".10 Quiconque ne manifeste pas cet amour viole la loi qu'il fait profession de révérer. Notre attitude à l'égard de nos frères est en fonction de notre attitude à l'égard de Dieu. L'amour de Dieu dans un coeur est la source unique de l'amour du prochain. "Si quelqu'un dit: J'aime Dieu, et qu'il haïsse son frère, c'est un menteur, car celui qui n'aime pas son frère qu'il voit, ne peut aimer Dieu qu'il ne voit pas." Bien-aimés, "si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, et son amour est parfait en nous".11 ------------------------Chapitre 55 -- Sans attirer l'attention JC 502 0 Ce chapitre est basé sur Luc 17:20-22. JC 502 1 Quelques pharisiens s'étaient présentés à Jésus "pour savoir quand viendrait le royaume de Dieu". Plus de trois années s'étaient écoulées depuis le moment où Jean-Baptiste avait proclamé ce message avec une voix de trompette dans tout le pays: "Le royaume des cieux est proche."1 Or ces pharisiens ne voyaient encore rien qui indiquât l'établissement du royaume. Plusieurs de ceux qui avaient rejeté Jean et s'étaient continuellement opposés à Jésus insinuaient que la mission du Christ avait échoué. JC 502 2 Voici quelle fut la réponse de Jésus: "Le royaume de Dieu ne vient pas de telle sorte qu'on puisse l'observer. On ne dira pas: Voyez, il est ici, ou: Il est là. Car voyez, le royaume de Dieu est au-dedans de vous." Le royaume de Dieu commence dans le coeur. Ne regardez pas de côté ou d'autre pour voir des manifestations de puissance terrestre accompagnant sa venue. JC 502 3 Puis, se tournant vers les disciples, il leur dit: "Des jours viendront où vous désirerez voir l'un des jours du Fils de l'homme, et vous ne le verrez pas." Vu que je ne viens pas au milieu de pompes mondaines, vous courez le danger de ne pas discerner la gloire de ma mission. Vous ne vous rendez pas compte de la grandeur du privilège dont vous jouissez actuellement, d'avoir au milieu de vous, bien que sous le voile de l'humanité, celui qui est la vie et la lumière des hommes. Les jours viendront où vous vous souviendrez avec regret des occasions qui vous sont offertes maintenant de marcher et de converser avec le Fils de Dieu. JC 502 4 L'égoïsme et l'esprit terre à terre empêchaient même les disciples de Jésus de comprendre la gloire spirituelle qu'il s'efforçait de leur révéler. Quand le Christ fut monté vers son Père, quand le Saint-Esprit fut répandu sur les croyants, alors seulement les disciples purent apprécier à leur juste valeur le caractère et la mission du Sauveur. Quand ils eurent reçu le baptême de l'Esprit, ils commencèrent à comprendre qu'ils avaient été en présence du Seigneur de gloire. A mesure que les déclarations du Christ leur revenaient en mémoire, leurs esprits s'ouvraient à l'intelligence des prophéties et à la signification des miracles qu'il avait opérés. Les merveilles de sa vie défilaient devant eux et ils paraissaient s'éveiller d'un songe. Voici ce qu'ils comprenaient désormais: "La Parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité; et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme celle du Fils unique venu du Père."2 Le Christ était vraiment venu de Dieu dans un monde pécheur pour sauver de leur déchéance les fils et les filles d'Adam. Les disciples ne se donnaient plus autant d'importance qu'auparavant. Ils ne se lassaient pas de repasser dans leurs coeurs ses paroles et ses oeuvres. Des leçons qu'ils avaient comprises imparfaitement leur faisaient maintenant l'effet de nouvelles révélations. Les Ecritures prenaient pour eux une signification nouvelle. JC 503 1 A mesure que les disciples scrutaient les prophéties qui rendaient témoignage au Christ, ils étaient introduits dans l'intimité de la Divinité et entraient à l'école de celui qui était monté au ciel pour y achever l'oeuvre commencée sur la terre. Ils reconnaissaient qu'en lui habitait une connaissance à laquelle aucun être humain ne peut avoir accès sans le secours divin. Ils éprouvaient le besoin d'être aidés par celui qu'avaient annoncé des rois, des prophètes et des justes. Avec stupéfaction ils lisaient et relisaient les descriptions prophétiques de son caractère et de son oeuvre. Combien terne avait été leur compréhension des écritures prophétiques; combien ils avaient été lents à saisir les grandes vérités relatives au Christ. Alors qu'ils l'avaient vu dans son humiliation, marchant comme un homme parmi les hommes, ils n'avaient pas compris le mystère de son incarnation et la dualité de sa nature. Leurs yeux étaient restés fermés, de sorte qu'ils n'avaient pas su voir la divinité dans l'humanité. Une fois éclairés par le Saint-Esprit, ils désiraient ardemment le revoir et se replacer à ses pieds. Ils auraient voulu pouvoir s'approcher de lui pour le prier de leur expliquer les passages de l'Ecriture dont la signification leur échappait. Avec quelle attention n'eussent-ils pas écouté ses paroles! Qu'avait voulu dire le Christ par ces mots: "J'ai encore beaucoup à vous dire, mais vous en seriez maintenant accablés."3 Ils étaient impatients de tout savoir. Ils s'affligeaient à la pensée d'avoir eu si peu de foi, d'avoir entretenu des idées si éloignées de la réalité. JC 504 1 Un héraut avait été envoyé par Dieu pour annoncer la venue du Christ, pour appeler sur sa mission l'attention de la nation juive et du monde, pour inviter les hommes à se préparer à le recevoir. Le personnage étonnant annoncé par Jean avait vécu au milieu d'eux pendant plus de trente années et ils ne l'avaient pas reconnu réellement comme l'Envoyé de Dieu. Les disciples étaient pris de remords à la pensée d'avoir permis à l'incrédulité ambiante d'influencer leurs opinions et d'obscurcir leur entendement. La Lumière avait brillé dans ce sombre monde et ils n'avaient pas su voir d'où venaient ses rayons. Ils se demandaient pourquoi ils avaient mérité les reproches du Christ. Ils se répétaient les conversations qu'ils avaient eues avec lui et se disaient: Pourquoi avons-nous permis à des considérations humaines et à l'opposition des prêtres et des rabbins de jeter la confusion dans nos esprits, si bien que nous n'avons pas su comprendre qu'un plus grand que Moïse était parmi nous, qu'un plus sage que Salomon était notre instructeur? Combien dure était notre ouïe! Combien faible notre compréhension! JC 504 2 Thomas n'avait pas voulu croire avant d'avoir mis son doigt sur la blessure infligée par les soldats romains. Pierre l'avait renié au moment même où il le voyait humilié et rejeté. Ces pénibles souvenirs se pressaient avec force dans leurs esprits. Ils avaient été avec lui sans le connaître et l'apprécier. Tout ceci remuait leurs coeurs et leur faisait déplorer leur incrédulité. JC 504 3 Alors que les prêtres et les chefs se liguaient contre eux, les traduisaient devant les tribunaux et les jetaient en prison, les disciples du Christ étaient "joyeux d'avoir été jugés dignes de subir des outrages pour le Nom (de Jésus)".4 Ils étaient heureux de pouvoir, en face des hommes et des anges, démontrer qu'ils reconnaissaient la gloire du Christ et qu'ils étaient prêts à le suivre au risque de tout perdre. JC 505 1 Aujourd'hui comme aux jours apostoliques, l'humanité ne peut discerner la gloire du Christ sans être éclairée par l'Esprit divin. Des chrétiens aimant le monde et disposés à toutes les compromissions ne sauraient apprécier la vérité et l'oeuvre de Dieu. Les vrais disciples du Maître ne sont pas à chercher parmi les aises, les honneurs mondains ou la conformité au monde. On les découvre bien avant, sur le sentier de la peine, de l'humiliation, de l'opprobre, au front de bataille "contre les principautés, contre les pouvoirs, contre les dominateurs des ténèbres d'ici-bas, contre les esprits du mal dans les lieux célestes".5 Et aujourd'hui, tout comme aux jours du Christ, ils sont méconnus, blâmés et opprimés par les prêtres et les pharisiens contemporains. JC 505 2 Le royaume de Dieu ne vient pas de manière à attirer l'attention. L'Evangile de la grâce de Dieu, tout plein d'un esprit d'abnégation, ne pourra jamais s'accorder avec l'esprit du monde. Il y a là deux principes antagonistes. "L'homme naturel ne reçoit pas les choses de l'Esprit de Dieu, car elles sont une folie pour lui, et il ne peut les connaître, parce que c'est spirituellement qu'on en juge."6 JC 505 3 Ils sont nombreux, dans le monde religieux d'aujourd'hui, ceux qui croient devoir s'affairer pour établir le royaume du Christ sous une forme terrestre et temporelle. Leur ambition est de faire du Christ le Seigneur des royaumes de ce monde, exerçant son autorité dans les tribunaux et dans les camps militaires, dans les parlements, les palais et sur les places du marché. Ils s'attendent à le voir gouverner par des lois sanctionnées par l'autorité humaine. Le Christ étant absent, ils se substituent à lui en vue de mettre à exécution les lois de son royaume. L'établissement d'un tel royaume est justement ce que désiraient les Juifs au temps du Christ. Ils auraient été prêts à recevoir Jésus s'il eût consenti à établir une domination temporelle, à imposer ce qu'ils estimaient être les lois de Dieu, et à faire d'eux les interprètes de sa volonté, les agents de son autorité. Mais il déclarait: "Mon royaume n'est pas de ce monde."7 Il refusait un trône terrestre. JC 506 1 Jésus vivait sous un gouvernement corrompu et tyrannique; on voyait partout des abus criants, des extorsions, de l'intolérance, d'horribles cruautés. Cependant le Sauveur ne tenta aucune réforme politique. Il n'attaqua pas les abus nationaux, il ne condamna pas les ennemis de sa nation. Il ne s'ingéra pas dans les affaires de l'autorité et de l'administration du pouvoir en exercice. Celui qui est notre modèle se tint à l'écart des gouvernements terrestres. Non qu'il fût indifférent aux maux des hommes, mais parce que le remède ne résidait pas uniquement dans des mesures humaines et externes. Pour réussir, il convient d'atteindre les individus et de régénérer les coeurs. JC 506 2 Le royaume du Christ ne sera pas établi par des décisions de tribunaux ou de conseils ou d'assemblées législatives, ni par l'influence de grands hommes du monde; il le sera par l'action du Saint-Esprit communiquant la nature du Christ à l'humanité. "A tous ceux qui l'ont reçue [la Parole], elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux qui croient en son nom et qui sont nés, non du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l'homme, mais de Dieu."8 C'est là l'unique puissance capable de relever l'humanité. Et le moyen humain employé à cet effet c'est l'enseignement et la mise en pratique de la Parole de Dieu. JC 506 3 L'apôtre Paul déclare, au sujet de son ministère à Corinthe, cette ville populeuse et riche, mais pleine de méchanceté, souillée de tous les vices du paganisme: "J'ai jugé bon de ne rien savoir parmi vous, sinon Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié."9 Ecrivant plus tard à quelques-uns de ceux qui avaient été souillés par les péchés les plus ignobles, il pouvait leur dire: "Mais vous avez été lavés, mais vous avez été sanctifiés, mais vous avez été justifiés au nom du Seigneur Jésus-Christ et par l'Esprit de notre Dieu." "Je rends à mon Dieu de continuelles actions de grâces à votre sujet, pour la grâce de Dieu qui vous a été accordée en Christ-Jésus."10 JC 507 1 Aujourd'hui tout comme aux jours du Christ, ceux qui travaillent en vue du royaume de Dieu ne sont pas les hommes réclamant d'être reconnus et soutenus par les gouvernements et les lois humaines, mais plutôt ceux qui annoncent en son nom au monde les vérités spirituelles qui renouvellent l'expérience de Paul chez ceux qui les reçoivent: "Je suis crucifié avec Christ, et ce n'est plus moi qui vis, c'est Christ qui vit en moi!"11 Alors ils travailleront au bien des hommes comme le faisait Paul, qui disait: "Nous faisons donc fonction d'ambassadeurs pour Christ, comme si Dieu exhortait par nous; nous vous en supplions au nom de Christ: Soyez réconciliés avec Dieu".12 ------------------------Chapitre 56 -- Jésus bénissant les enfants JC 508 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 19:13-15; Marc 10:13-16; Luc 18:15-17. JC 508 1 Jésus a toujours aimé les enfants. Il acceptait leur affection franche et naturelle. Les louanges de reconnaissance qui sortaient de leurs lèvres pures, comme une douce musique à ses oreilles, réconfortaient son esprit oppressé par le contact des hommes rusés et hypocrites. Où qu'il allât, par son aspect bienveillant et son accueil si doux, le Sauveur gagnait l'amour et la confiance des enfants. JC 508 2 Les Juifs avaient l'habitude d'apporter leurs enfants à quelque rabbin pour qu'il les bénît par l'imposition des mains; mais les disciples trouvaient que l'oeuvre du Sauveur avait trop d'importance pour qu'on l'interrompît ainsi. Quand les mères vinrent à lui, avec leurs enfants, les disciples, jugeant que ces petits étaient trop jeunes pour retirer quelque bien d'une entrevue avec Jésus, leur jetèrent un regard de mécontentement. Ils supposaient que leur présence serait pour le Maître une occasion de déplaisir, sans penser que c'était leur propre attitude qui peinait Jésus. Le Sauveur comprenait la sollicitude et les soucis des mères s'efforçant d'élever leurs enfants suivant la Parole de Dieu. Et c'est lui-même qui, ayant entendu leurs prières, les avait attirées en sa présence. JC 508 3 Une mère ayant quitté sa maison avec son enfant pour se mettre à la recherche de Jésus, parla en route de son projet à une voisine et celle-ci voulut que Jésus bénît aussi ses enfants. Plusieurs mères vinrent ensemble, amenant leurs petits, dont quelques-uns avaient dépassé l'âge de la première enfance. Quand ces mères eurent fait connaître leur désir, Jésus accueillit avec sympathie leur timide requête, accompagnée de larmes. Mais il voulut voir quelle serait l'attitude des disciples. Et quand, pensant lui faire un plaisir, ils se mirent en devoir de renvoyer ces femmes, il leur montra leur erreur, en disant: "Laissez venir à moi les petits enfants, et ne les en empêchez pas; car le royaume de Dieu est pour leurs pareils." Il prit les enfants dans ses bras, plaça ses mains sur eux, et leur donna la bénédiction qu'ils étaient venus chercher. JC 509 1 Les mères retournèrent chez elles consolées et fortifiées par les paroles du Christ, prêtes à reprendre leur fardeau avec un nouveau courage et à se dépenser, joyeusement, pour le bien de leurs enfants. Les mères d'aujourd'hui doivent recevoir ses paroles avec la même foi. Le Christ est tout aussi bien de nos jours un Sauveur personnel qu'au temps où il vivait comme un homme parmi les hommes. Il est le soutien des mères, aujourd'hui, comme à cet instant où il prenait dans ses bras les petits enfants de la Judée. Les enfants de nos foyers ont été payés de son sang aussi bien que les enfants d'autrefois. JC 509 2 Jésus connaît le fardeau qui pèse sur le coeur de chaque mère. Sa propre mère eut à lutter contre la pauvreté et les privations: il peut donc sympathiser avec toute mère dans son labeur. Il entreprit un long voyage pour mettre fin à l'anxiété d'une femme cananéenne: il est prêt à en faire autant pour les mères d'aujourd'hui. Il rendit à la veuve de Naïn son fils unique, et, sur la croix, pendant son agonie, il se souvint de sa mère: aujourd'hui, il est touché par la douleur d'une mère. Auprès de lui sont la consolation et le secours pour toute peine et pour toute nécessité. JC 509 3 Que les mères apportent à Jésus leurs perplexités. Elles recevront de lui une grâce suffisante pour s'occuper de leurs enfants. La porte est ouverte à toute mère qui voudrait déposer son fardeau aux pieds de Jésus. Celui qui a dit: "Laissez venir à moi les petits enfants, et ne les en empêchez pas", continue d'inviter les mères à lui amener leurs petits enfants pour qu'il les bénisse. Grâce à la foi d'une mère en prière, même le tout petit enfant qui se trouve dans ses bras peut demeurer à l'ombre du Tout-Puissant. Jean-Baptiste fut rempli du Saint-Esprit dès sa naissance. Si nous vivons en communion avec Dieu, nous pouvons nous attendre, nous aussi, à ce que l'Esprit divin façonne nos petits enfants, dès leurs premiers instants. JC 510 1 Quand on lui présenta les enfants, Jésus vit en eux des hommes et des femmes appelés à devenir les héritiers de sa grâce et les sujets de son royaume; quelques-uns parmi eux allaient subir le martyre par amour pour lui. Il savait que ces enfants l'écouteraient et l'accepteraient en qualité de Rédempteur avec beaucoup plus d'empressement que les personnes plus âgées, dont beaucoup, sages aux yeux du monde, avaient le coeur endurci. Il plaça son enseignement à leur niveau, ne dédaignant pas, lui, la Majesté du ciel, de répondre à leurs questions, et de donner à ses importantes leçons assez de simplicité pour les mettre à la portée de ces intelligences enfantines. Il jeta dans leurs esprits des semences de vérités qui, plus tard, devaient lever et porter du fruit pour la vie éternelle. JC 510 2 Aujourd'hui encore, ce sont les enfants qui sont le plus accessibles aux enseignements de l'Evangile; leurs coeurs sont ouverts aux influences divines, et retiennent fortement les leçons apprises. De petits enfants peuvent être chrétiens en ayant une expérience proportionnée à leur âge. Il faut leur enseigner les choses spirituelles, afin que leur caractère se façonne à la ressemblance de celui du Christ. JC 510 3 Il faut que les pères et les mères considèrent leurs enfants comme de jeunes membres de la famille du Seigneur, confiés à leurs soins: leur devoir est de donner à ces petits une éducation qui les prépare pour le ciel; de leur transmettre des leçons apprises du Christ, et cela dans la mesure où de jeunes esprits peuvent les recevoir; il faut leur découvrir, peu à peu, la beauté des principes divins. Ainsi le foyer chrétien devient une école où les parents sont des maîtres travaillant sous la direction du grand Instructeur. JC 510 4 Quand nous travaillons à la conversion de nos enfants, ne nous attendons pas à ce que le sentiment du péché se manifeste par des émotions violentes. Il n'est même pas nécessaire de savoir exactement à quel moment ils se sont convertis. Nous devons leur apprendre à apporter leurs péchés à Jésus, à lui demander pardon, et à croire qu'il leur pardonne et qu'il les accueille comme il accueillait les enfants alors qu'il était dans la chair. JC 511 1 Lorsqu'une mère enseigne à ses enfants à lui obéir par amour, elle leur enseigne les premières leçons de la vie chrétienne. L'amour maternel permet à l'enfant de comprendre l'amour du Christ; les petits enfants qui se confient en leur mère et lui obéissent, apprennent par là à se confier au Sauveur et à lui obéir. JC 511 2 Jésus a été le modèle des enfants aussi bien que des parents. Il parlait avec autorité et sa parole était accompagnée de puissance. Cependant, même dans ses rapports avec des hommes grossiers et violents, il n'employa jamais un mot qui ne fût aimable ou courtois. Quand la grâce du Christ habite dans un coeur, elle communique une dignité céleste et donne le sentiment des convenances. Elle adoucit tout ce qui est rude. Elle dompte tout ce qui est grossier et désobligeant. Sous son influence, les parents s'habituent à traiter leurs enfants comme des êtres intelligents, ainsi qu'ils voudraient être traités eux-mêmes. JC 511 3 Parents, dans l'éducation de vos enfants, inspirez-vous des leçons que Dieu a données dans la nature. Si vous vouliez cultiver un oeillet, une rose, ou un lis, comment vous y prendriez-vous? Demandez au jardinier par quels procédés il obtient des fleurs magnifiques et charmantes, harmonieusement développées. Il vous dira que ce n'est pas par des chocs rudes ou des efforts violents, ce qui n'aurait d'autre effet que de briser les tiges délicates. C'est par des soins méticuleux, fréquemment répétés. Il arrose le sol, il protège les jeunes pousses contre les vents desséchants et contre l'ardeur du soleil, et Dieu accorde une floraison splendide. En vous occupant de vos enfants, imitez le jardinier. Par des attouchements délicats, par d'aimables services, efforcez-vous de façonner leur caractère à l'image de celui du Christ. JC 511 4 Encouragez les manifestations d'amour envers Dieu et envers autrui. La raison pour laquelle il y a dans le monde tant d'hommes et de femmes au coeur dur, c'est que la vraie affection a été traitée comme une faiblesse, et qu'on l'a réprimée. Les bonnes dispositions de ces personnes ont été étouffées dans l'enfance; à moins que leur froid égoïsme ne fonde sous l'action de la lumière de l'amour divin, leur bonheur est compromis à jamais. Il nous faut encourager les tendances généreuses et aimantes de nos enfants si nous voulons les voir animés du doux Esprit de Jésus et de la sympathie que les anges témoignent à notre égard. JC 512 1 Apprenez aux enfants à voir le Christ dans la nature. Conduisez-les au grand air, dans le jardin, sous les arbres majestueux; faites-leur reconnaître les manifestations de son amour dans toutes les merveilles de la création. Apprenez-leur que Dieu a établi des lois régissant tout ce qui vit, qu'il a aussi établi des lois à notre intention, et que ces lois sont destinées à assurer notre bonheur. Ne les lassez pas par de longues prières et d'ennuyantes exhortations, mais, par des leçons de choses tirées de la nature, apprenez-leur à obéir à la loi de Dieu. JC 512 2 Si vous gagnez leur confiance en tant que disciples du Christ, il vous sera facile de leur enseigner le grand amour dont il nous a aimés. Quand vous vous efforcerez d'exposer clairement les vérités du salut, et que vous dirigerez les enfants vers le Christ comme vers leur Sauveur personnel, vous aurez des anges à vos côtés. Le Seigneur accordera aux parents cette grâce: réussir à intéresser leurs petits enfants à la belle histoire de l'enfant de Bethléhem, qui est le seul espoir du monde. JC 512 3 En reprochant aux apôtres d'empêcher les enfants de venir à lui, Jésus s'adressait à ses disciples de tous les temps: membres officiants de l'église, prédicateurs, assistants, et simples chrétiens. Jésus attire les enfants, et il nous dit: "Laissez-les venir"; c'est comme s'il nous disait: Ils viendront si vous ne les en empêchez pas. JC 512 4 Ne donnez pas une fausse conception de Jésus en n'ayant pas vous-mêmes un caractère chrétien. Ne retenez pas les petits enfants loin de lui par votre froideur et votre dureté. Ne leur donnez jamais l'impression que le ciel sera triste si vous y êtes. Ne parlez pas de la religion comme d'une chose que les enfants ne sauraient comprendre et n'agissez pas comme si vous pensiez qu'ils n'accepteront pas le Christ pendant leur enfance. Ne commettez pas l'erreur de leur donner l'impression que la religion du Christ est quelque chose de lugubre, et que, pour venir au Sauveur, ils doivent renoncer à tout ce qui fait le bonheur de la vie. JC 513 1 Accordez votre coopération au Saint-Esprit quand vous le voyez agir sur les coeurs des enfants. Enseignez-leur que le Sauveur les appelle, que rien ne saurait lui procurer une joie plus grande que le don d'eux-mêmes à lui, dans la fleur et la fraîcheur de la jeunesse. JC 513 2 C'est avec une infinie tendresse que le Sauveur considère les âmes qu'il s'est acquises par son propre sang. Elles sont le prix de son amour. Il a pour elles une affection inexprimable. Sa sympathie ne s'étend pas exclusivement aux enfants les mieux élevés, mais aussi à ceux qui ont hérité d'un caractère pénible. Bien des parents ne savent pas à quel point ils sont responsables des défauts de leurs enfants. Oubliant qu'ils les ont faits ce qu'ils sont, ils ne savent pas traiter ces égarés avec douceur et sagesse. Jésus, lui, considère ces enfants avec pitié, car il connaît la cause de leur infortune. JC 513 3 L'ouvrier chrétien peut devenir un instrument du Christ pour attirer ces enfants au Sauveur. Il peut se les attacher en agissant avec sagesse et avec tact; il peut leur inspirer du courage et de l'espoir, et il aura le bonheur de voir leur caractère tellement transformé par la grâce du Christ, qu'on pourra dire à leur sujet: "Le royaume des cieux est pour leurs pareils." ------------------------Chapitre 57 -- Il te manque une chose JC 514 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 19:16-22; Marc 10:17-22; Luc 18:18-23. JC 514 1 "Comme Jésus se mettait en chemin, un homme accourut et, en se jetant à genoux devant lui, il lui demandait: Bon Maître, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle?" JC 514 2 Le jeune homme qui posait cette question appartenait à la classe des chefs de la nation. Il possédait de grandes richesses et occupait une haute position. Il avait vu avec quel amour le Christ accueillait les enfants, avec quelle tendresse il les prenait dans ses bras, et son coeur se sentit attiré vers le Sauveur. Il éprouva le désir de devenir l'un de ses disciples. Le Christ étant en chemin, il courut à lui et, tout ému, se prosterna à ses pieds. C'est avec sincérité et ferveur qu'il adressa cette question qui avait tant d'importance pour son âme, comme d'ailleurs pour tout être humain: "Bon Maître, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle?" JC 514 3 "Pourquoi m'appelles-tu bon? dit le Christ. Personne n'est bon, si ce n'est Dieu seul." Jésus voulait mettre à l'épreuve la droiture de ce chef et lui faire dire pour quel motif il l'appelait bon. Comprenait-il qu'il s'adressait au Fils de Dieu? Quel était le vrai sentiment de son coeur? JC 514 4 Ce chef avait une haute opinion de sa propre justice. Il ne pensait pas qu'il pût lui manquer quoi que ce fût et cependant il n'était pas satisfait. Il éprouvait le besoin de quelque chose qu'il ne possédait pas. Jésus ne voudrait-il pas le bénir comme il venait de bénir de petits enfants, et répondre aux aspirations de son âme? JC 514 5 Jésus lui dit que, pour obtenir la vie éternelle, il fallait obéir aux commandements de Dieu; et il cita plusieurs des commandements dans lesquels se trouve formulé le devoir de l'homme à l'égard de ses semblables. Le chef répondit avec assurance: "J'ai observé tout cela dès ma jeunesse." "Que me manque-t-il encore?" JC 515 1 Le Christ regarda le jeune homme en face comme s'il lisait dans sa vie et fouillait son âme. Il l'aima et il désira pouvoir lui communiquer la paix, la grâce et la joie qui transformeraient son caractère. "Il te manque une chose, lui dit-il; va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel. Puis, viens, suis-moi, en prenant la croix."1 JC 515 2 Le Christ se sentait attiré vers ce jeune homme. Il savait, en effet, qu'il était sincère en affirmant: "J'ai observe tout cela dès ma jeunesse." Le Rédempteur aurait voulu créer en lui le discernement nécessaire pour comprendre l'obligation d'une obéissance du coeur et d'une bonté chrétienne. Il désirait lui voir un coeur humble et contrit, conscient de l'amour suprême réclamé par Dieu et disposé à cacher ses déficits spirituels sous la perfection du Christ. JC 515 3 Ce jeune chef eût pu devenir, s'il avait voulu être le collaborateur du Christ, une puissance au service du bien. Jésus comprit que ce jeune homme aurait pu le représenter dignement: il avait, en effet, des qualités qui eussent fait de lui une force divine au milieu des hommes s'il s'était uni au Sauveur. Le Christ l'aima, parce qu'il discernait son caractère. Le chef commençait à éprouver en son coeur de l'amour pour le Christ; car l'amour engendre l'amour. Jésus désirait s'en faire un collaborateur. Il voulait faire de lui, selon sa propre image, un miroir reflétant la ressemblance de Dieu. Il désirait développer les qualités de son caractère, et les sanctifier en vue du service du Maître. Si le chef s'était donné au Christ à ce moment-là, il se serait développé dans l'atmosphère de sa présence. Combien son avenir eût été différent, s'il avait pris cette décision! JC 515 4 "Il te manque une chose", dit Jésus. "Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux. Puis viens et suis-moi." Le Christ lisait dans le coeur de ce chef. Il ne lui manquait qu'une chose, mais cette chose était un principe vital. Il avait besoin de posséder l'amour de Dieu dans son âme. A moins d'être comblée, cette lacune lui serait fatale; tout son être en serait contaminé. Car l'égoïsme, étant cultivé, irait grandissant. Pour recevoir l'amour de Dieu, il devait renoncer à l'amour sans limites qu'il avait pour lui-même. JC 516 1 Le Christ mit cet homme à l'épreuve. Il l'invita à choisir entre le trésor céleste et la grandeur mondaine. Le trésor céleste lui était assuré s'il consentait à suivre le Christ. Mais il fallait renoncer au moi; il fallait soumettre sa volonté à celle du Christ. C'est la sainteté même de Dieu qui fut offerte au jeune chef. Il avait l'avantage de devenir fils de Dieu, cohéritier avec Christ du trésor céleste. Mais il devait se charger de la croix et suivre le Sauveur dans le sentier du renoncement. JC 516 2 Les paroles adressées au chef par le Christ équivalaient à cette invitation: "Choisissez aujourd'hui qui vous voulez servir."2 Le choix lui était laissé. Jésus désirait ardemment sa conversion. Il avait mis le doigt sur la plaie de son caractère, et il attendait, avec anxiété, le résultat du conflit qui se livrait dans l'âme du jeune homme, espérant qu'il céderait à l'invitation de l'Esprit de Dieu. S'il se décidait à suivre le Christ, il devait lui obéir en toutes choses et renoncer à ses projets ambitieux. JC 516 3 Les conditions que le Christ offrit au chef étaient les seules qui pouvaient lui permettre de former un caractère vraiment chrétien. Ses paroles étaient sages, sous leur apparence sévère et excessive. Il n'y avait d'espoir de salut pour le chef que s'il les acceptait et s'y conformait. La position élevée qu'il occupait et les richesses dont il jouissait exerçaient une influence mauvaise, quoique subtile, sur son caractère. S'il s'attachait à ces choses, elles finiraient par prendre la place de Dieu dans ses affections. Refuser quoi que ce soit à Dieu, c'était amoindrir sa force morale, car l'attachement aux choses du monde, incertaines et indignes de nous, finit par absorber toute notre attention. JC 516 4 Le chef comprit à l'instant ce qu'impliquaient les paroles du Christ, et il en fut attristé. S'il avait saisi la valeur du don qui lui était offert, il n'aurait pas hésité à s'enrôler parmi les disciples du Christ. Il faisait partie du conseil des Juifs; ce qui était un grand honneur, et Satan le tentait par de flatteuses perspectives d'avenir. Il voulait obtenir le trésor céleste, mais il voulait en même temps les avantages temporels assurés par ses richesses. Il regrettait que de telles conditions fussent posées; car s'il désirait la vie éternelle, il n'était pas disposé au sacrifice. Le prix de la vie éternelle lui paraissait trop élevé, il s'en alla tout triste; "car il avait de grands biens". JC 517 1 Il se trompait en affirmant qu'il avait observé la loi de Dieu: les richesses étaient son idole. Or il ne pouvait observer les commandements de Dieu aussi longtemps que ses premières affections étaient pour le monde. Il aimait les dons de Dieu plus qu'il n'aimait le Donateur. Le Christ lui avait offert sa communion. "Suis-moi", lui avait-il dit. Mais le Sauveur ne lui était pas aussi cher que sa réputation parmi les hommes ou que ses richesses. Abandonner un trésor terrestre, visible, pour obtenir un trésor céleste, invisible, lui paraissait un trop grand risque. Il refusa donc l'offre de la vie éternelle, et se retira; dès lors, le monde resta toujours l'objet de son culte. JC 517 2 Des milliers de personnes passent par la même épreuve, hésitant entre le Christ et le monde; beaucoup choisissent le monde. Comme le jeune chef, elles se détournent du Sauveur, se disant à elles-mêmes: cet homme-là ne sera pas mon Maître. JC 517 3 La manière d'agir du Christ à l'égard de ce jeune homme doit être pour nous une leçon. Dieu nous a donné la règle de conduite que chacun de ses serviteurs doit suivre. Il s'agit de l'obéissance à sa loi, non pas une obéissance purement légale, mais une obéissance qui pénètre dans la vie et qui se manifeste dans le caractère. Dieu a placé son propre idéal devant tous ceux qui veulent devenir des sujets de son royaume. Ceux-là seuls seront reconnus comme fils et filles de Dieu, qui consentiront à devenir ouvriers avec le Christ, qui diront: Seigneur, tout ce que j'ai et tout ce que je suis est à toi. Chacun devrait réfléchir à ce que comporte désirer le ciel et s'en détourner néanmoins, à cause des conditions exigées. Songez à ce que signifie un refus opposé au Christ! Le chef dit: Non, je ne puis tout donner. Disons-nous de même? Le Sauveur s'offre à partager avec nous l'oeuvre que Dieu nous a assignée. Il s'offre à employer les moyens que Dieu nous a donnés pour faire avancer son oeuvre dans le monde. Il ne peut nous sauver d'une autre manière. JC 518 1 Des richesses avaient été données au chef pour lui fournir l'occasion d'être un administrateur fidèle; il devait dispenser ses biens en faveur des nécessiteux. De même, Dieu, aujourd'hui, confie à des hommes des ressources, des talents et des occasions, pour qu'ils deviennent ses instruments en faveur des pauvres et de ceux qui souffrent. Ceux qui emploient les dons qui leur ont été confiés en harmonie avec les desseins de Dieu deviennent des collaborateurs du Sauveur. Ils gagnent des âmes au Christ, parce qu'ils représentent son caractère. JC 518 2 Il peut sembler à ceux qui, comme le jeune chef, occupent de hautes positions et possèdent de grands biens, que c'est un trop grand sacrifice de renoncer à tout, pour suivre le Christ. Mais c'est là la règle de conduite de tous ceux qui veulent devenir ses disciples. Rien ne saurait remplacer l'obéissance. Le renoncement est la substance même des enseignements du Christ. Souvent il est présenté et ordonné en termes qui paraissent autoritaires, parce que l'unique manière de sauver les humains consiste à les séparer des choses dont la conservation démoraliserait tout l'être. JC 518 3 En rendant au Seigneur ce qu'ils ont reçu de lui, les disciples du Christ accumulent des trésors qui leur seront donnés au jour où ils entendront ces paroles: "C'est bien, bon et fidèle serviteur,... entre dans la joie de ton maître", qui "en échange de la joie qui lui était proposée ... a supporté la croix, méprisé la honte, et s'est assis à la droite du trône de Dieu."3 La joie de voir des âmes rachetées, sauvées pour l'éternité, sera la récompense de tous ceux qui marchent dans l'empreinte des pas de celui qui a dit: "Suis-moi." ------------------------Chapitre 58 -- Lazare, sors! JC 519 0 Ce chapitre est basé sur Luc 10:38-42; Jean 11:1-44. JC 519 1 Lazare, de Béthanie, était parmi les plus fermes disciples du Christ. Sa foi en Christ avait été forte dès sa première rencontre avec lui; il l'aimait profondément, et il en était beaucoup aimé en retour. C'est en faveur de Lazare que le Christ accomplit le plus grand de ses miracles. Le Sauveur faisait du bien à tous ceux qui cherchaient du secours auprès de lui; il aime la famille humaine tout entière; néanmoins il est attaché à quelques-uns par des liens plus particulièrement tendres. Un puissant lien d'affection l'unissait à la famille de Béthanie, et c'est pour l'un des membres de cette famille que fut accomplie son oeuvre la plus admirable. JC 519 2 Le Sauveur ne possédait pas de demeure; il recevait l'hospitalité de ses amis et de ses disciples; souvent, se sentant fatigué, éprouvant le besoin d'une compagnie humaine, il avait été heureux de se réfugier dans la maison paisible de Lazare, loin des soupçons et de l'envie des pharisiens irrités. Il y trouvait un accueil cordial, une amitié pure et simple; il pouvait y parler en toute simplicité, avec une liberté parfaite, sachant que ses paroles seraient comprises et gardées comme un trésor. JC 519 3 Notre Sauveur appréciait un foyer paisible et des auditeurs attentifs. Il avait besoin de tendresse, de courtoisie, d'affection. Ceux qui recevaient les instructions célestes qu'il était toujours prêt à donner étaient richement bénis. Les foules suivaient le Christ à travers champs pendant qu'il leur dévoilait les beautés du monde naturel. Il s'efforçait d'ouvrir les yeux de leur entendement et de leur faire voir la main de Dieu soutenant le monde. Pour leur faire apprécier la bonté et la sollicitude de Dieu, il attirait l'attention de ses auditeurs sur la rosée qui descend doucement sur le sol, sur les ondées de pluie et sur la clarté du soleil, dont profitent également les bons et les mauvais. Il désirait montrer aux hommes les égards que Dieu a pour les instruments humains qu'il a créés. Mais les foules étaient lentes à comprendre et la maison de Béthanie offrait au Christ un lieu où se reposer des conflits harassants de la vie publique. Là il pouvait ouvrir le volume de la Providence devant un auditoire sympathique. Dans ses conversations privées il pouvait dévoiler à ses auditeurs ce qu'il ne pouvait dire en présence de foules mixtes. A ses amis il n'avait pas besoin de parler en paraboles. JC 520 1 Pendant que le Christ donnait ses admirables enseignements, Marie, respectueuse et attentive, restait assise à ses pieds. Un jour Marthe, occupée à préparer le repas, s'approcha toute soucieuse du Christ et se plaignit: "Seigneur, tu ne te mets pas en peine de ce que ma soeur me laisse seule pour servir? Dis-lui donc de m'aider." C'était la première fois que le Christ se trouvait à Béthanie. Lui et ses disciples venaient d'effectuer à pied un voyage pénible depuis Jéricho. Anxieuse d'assurer leur confort, Marthe oublia la politesse due à son hôte. Jésus lui répondit avec patience et douceur: "Marthe, Marthe, tu t'inquiètes et tu t'agites pour beaucoup de choses. Or une seule chose est nécessaire. Marie a choisi la bonne part, qui ne lui sera pas ôtée." Marie enrichissait son esprit des précieuses paroles qui tombaient des lèvres du Sauveur, paroles qui pour elle avaient plus de valeur que les joyaux les plus précieux. JC 520 2 La "seule chose" dont Marthe avait besoin, c'était un esprit calme, recueilli, un plus vif désir de connaître la vie future, éternelle, et les grâces nécessaires au progrès spirituel. Elle avait besoin de se préoccuper moins des choses qui passent que de celles qui durent. Jésus voudrait apprendre à ses enfants à saisir chaque occasion d'obtenir la connaissance qui les rendra sages à salut. La cause du Christ demande des ouvriers diligents et énergiques. Un vaste champ d'activité s'ouvre devant les Marthe zélées pour l'oeuvre religieuse. Mais il faut d'abord qu'elles s'asseyent, avec Marie, aux pieds de Jésus. Il faut que la diligence, la promptitude et l'énergie soient sanctifiées par la grâce du Christ, pour que la vie devienne une puissance invincible au service du bien. JC 521 1 La douleur entra dans cette maison paisible où Jésus s'était reposé. Lazare se trouva subitement malade, et ses soeurs firent dire au Sauveur: "Seigneur, voici, celui que tu aimes est malade." Elles comprenaient la gravité de la maladie dont leur frère était atteint, mais elles savaient que le Christ guérissait toutes les maladies. Certaines qu'il aurait pitié de leur détresse, elles n'insistèrent pas pour qu'il vînt immédiatement et se bornèrent à lui adresser ce message confiant: "Celui que tu aimes est malade." Elles pensaient qu'il répondrait aussitôt à leur appel et serait auprès d'elles dès qu'il pourrait atteindre Béthanie. JC 521 2 Elles attendirent avec angoisse un mot de Jésus. Aussi longtemps qu'une étincelle de vie subsista chez leur frère, elles prièrent et espérèrent l'arrivée de Jésus. Le messager revint sans lui, mais porteur de ce message: "Cette maladie n'a pas pour fin la mort", et elles se cramponnèrent à l'espoir que Lazare vivrait. Elles s'efforcèrent, avec tendresse, d'adresser des paroles d'espérance et d'encouragement au malade presque inconscient. Cependant Lazare mourut, et Marthe et Marie éprouvèrent une douloureuse amertume; elles sentirent l'effet de la grâce consolante du Christ, et ne prononcèrent aucun blâme à l'adresse du Sauveur. JC 521 3 Il avait semblé aux disciples que le Christ recevait froidement le message qui lui était adressé. Il ne manifesta pas la douleur qu'on aurait pu attendre de lui. Dirigeant ses regards vers eux, il leur dit: "Cette maladie n'a pas pour fin la mort, mais la gloire de Dieu, afin que le Fils de Dieu soit glorifié par elle." Il resta encore deux jours à l'endroit où il était. Ce délai paraissait inexplicable aux disciples, car ils pensaient au réconfort que sa présence aurait apporté à la famille affligée. Sachant combien il aimait la famille de Béthanie, ils étaient surpris qu'il ne répondît pas au triste message: "Celui que tu aimes est malade." JC 521 4 Pendant ces deux jours le Christ ne parut pas penser à la triste nouvelle qu'il avait reçue; car il ne fit aucune allusion à Lazare. Les disciples songeaient à Jean-Baptiste, le précurseur de Jésus. Ils s'étaient demandé pourquoi Jésus, qui accomplissait des miracles extraordinaires, avait laissé Jean languir en prison et subir une mort violente. Pourquoi n'avait-il pas fait alors usage de sa grande puissance pour sauver la vie de Jean? Les pharisiens discutaient sur cette question, s'en faisant un argument irrésistible contre les prétentions du Christ à la filiation divine. Le Sauveur avait annoncé à ses disciples des épreuves, des privations et des persécutions. Allait-il les abandonner dans l'épreuve? Quelques-uns se demandaient s'ils ne s'étaient pas trompés au sujet de sa mission. Tous étaient profondément troublés. JC 522 1 Après deux jours d'attente, Jésus dit aux disciples: "Retournons en Judée." Les disciples ne comprenaient pas pourquoi Jésus voulait retourner en Judée, après avoir attendu deux jours. Ils étaient en grand souci pour le Christ et pour eux-mêmes et ne voyaient que dangers dans la ligne de conduite que Jésus allait suivre. "Rabbi, dirent-ils, les Juifs tout récemment cherchaient à te lapider, et tu retournes là-bas! Jésus répondit: N'y a-t-il pas douze heures dans le jour?" Je suis les directions de mon Père; ma vie est en sécurité aussi longtemps que je fais sa volonté. Les douze heures de mon jour ne sont pas encore écoulées. J'approche de la fin de ma journée, mais je n'ai rien à craindre aussi longtemps que le jour dure. JC 522 2 "Si quelqu'un marche pendant le jour, il ne trébuche pas, ajouta-t-il, parce qu'il voit la lumière de ce monde." Il ne peut ni trébucher ni tomber, celui qui accomplit la volonté de Dieu et qui marche dans le sentier que Dieu lui a tracé. Il est guidé par la lumière de l'Esprit de Dieu qui lui donne une claire perception de son devoir et le maintient dans le droit chemin jusqu'à l'achèvement de sa tâche. "Mais si quelqu'un marche pendant la nuit, il trébuche, parce que la lumière n'est pas en lui." Il trébuchera, celui qui marche dans le sentier choisi par lui-même, sans y être appelé par Dieu. Pour lui, le jour se change en nuit et il n'est en sûreté nulle part. JC 522 3 "Après ces paroles, il leur dit: Lazare, notre ami, s'est endormi, mais je pars pour le réveiller." Comme elles sont touchantes ces paroles si pleines de sympathie: "Lazare, notre ami, s'est endormi." Absorbés par la pensée du péril que leur Maître allait affronter en se rendant à Jérusalem, les disciples avaient presque oublié la famille de Béthanie plongée dans le deuil. Mais il n'en était pas de même du Christ. Les disciples se sentirent repris. Déçus en voyant que le Christ ne répondait pas avec plus d'empressement au message de ses amis, ils s'étaient laissés aller à penser qu'il n'avait pas pour Lazare et ses soeurs le tendre amour qu'on lui avait supposé. Mais ces mots: "Lazare, notre ami, s'est endormi", firent naître en eux de meilleurs sentiments. Ils furent convaincus que le Christ n'avait pas oublié ses amis affligés. JC 523 1 "Les disciples lui dirent: Seigneur, s'il s'est endormi, il sera sauvé. Jésus avait parlé de sa mort, mais eux pensèrent qu'il parlait de l'assoupissement du sommeil." Le Christ présente la mort de ses bien-aimés sous l'image d'un sommeil. Leur vie est cachée avec le Christ en Dieu, et ceux d'entre eux qui meurent dormiront en lui jusqu'au son de la dernière trompette. JC 523 2 "Alors, Jésus leur dit ouvertement: Lazare est mort. Et, pour vous, je me réjouis de n'avoir pas été là, afin que vous croyiez. Mais allons vers lui." Thomas prévoyait qu'une mort certaine attendait son Maître s'il allait en Judée; mais il s'arma de courage et dit aux autres disciples: "Allons, nous aussi, afin de mourir avec lui." Il savait combien les Juifs haïssaient le Christ; leur dessein de le mettre à mort n'avait pas réussi parce que le temps qui lui était assigné n'était pas entièrement écoulé. Pendant ce temps Jésus pouvait compter sur la protection d'anges célestes; aucun mal ne lui serait fait, même en Judée, où les rabbins cherchaient à s'emparer de lui et à le faire mourir. JC 523 3 Les disciples s'étonnèrent en entendant ces paroles du Christ: "Lazare est mort. Et, pour vous, je me réjouis de n'avoir pas été là." Jésus avait-il évité, de propos délibéré, de se rendre auprès de ses amis dans la souffrance? Il semblait que Marie et Marthe eussent été délaissées avec Lazare mourant. Mais il n'en était rien. Le Christ voyait toute cette scène, et après la mort de Lazare il soutint de sa grâce les soeurs en deuil. Jésus vit la douleur de leurs coeurs déchirés, alors que leur frère luttait contre son ennemi puissant, la mort. Il sentait toute leur douleur au moment où il dit aux disciples: "Lazare est mort." Mais le Christ ne devait pas songer seulement à ses amis de Béthanie; il avait aussi à faire l'éducation de ses disciples qui allaient être ses représentants dans le monde, afin que la bénédiction du Père pût embrasser tous les hommes. C'est pour leur bien qu'il laissa mourir Lazare. S'il l'avait rendu à la santé alors qu'il était malade, il n'aurait pu accomplir le miracle qui a fourni la démonstration la plus évidente de son caractère divin. JC 524 1 Si le Christ s'était trouvé dans la chambre du malade, Lazare ne serait pas mort car Satan n'aurait eu aucun pouvoir sur lui. La mort n'eût pu vaincre Lazare en présence du Dispensateur de la vie. Le Christ resta à distance pour permettre à l'ennemi d'exercer sa puissance afin de pouvoir ensuite le chasser comme un ennemi vaincu. Les soeurs affligées virent leur frère déposé dans le sépulcre. Le Christ savait que leur foi au Rédempteur serait soumise à une rude épreuve au moment où elles verraient leur frère mort. Mais il savait aussi que, grâce à la lutte qu'elles devraient soutenir, leur foi resplendirait d'un éclat plus vif. Il sentait en lui-même le contre-coup de toute leur douleur. Bien qu'il tardât, il ne les en aimait pas moins; il savait qu'une victoire devait être remportée dans leur intérêt, dans celui de Lazare, dans le sien propre, et dans celui de ses disciples. JC 524 2 "Pour vous", "afin que vous croyiez". Pour tous ceux qui s'efforcent de saisir la main de Dieu, afin d'être dirigés par lui, le moment du découragement le plus grand est celui-là même où le secours divin est le plus près. Plus tard, ils regarderont en arrière, avec reconnaissance, vers la partie la plus sombre du chemin parcouru. "Le Seigneur sait délivrer de l'épreuve les hommes pieux."1 Il les fera sortir de toute tentation et de toute épreuve avec une foi plus ferme et une expérience plus riche. JC 524 3 En retardant son arrivée auprès de Lazare, le Christ avait aussi une intention miséricordieuse à l'égard de ceux qui ne l'avaient pas reçu. Il tardait afin de pouvoir, en ressuscitant Lazare d'entre les morts, démontrer à son peuple rebelle et incrédule qu'il était vraiment "la résurrection et la vie". Il ne pouvait se résigner à abandonner tout espoir en faveur de ce peuple, ces pauvres brebis errantes de la maison d'Israël. Leur impénitence lui brisait le coeur. Il voulut, dans sa miséricorde, leur prouver, une fois de plus, qu'il était le Régénérateur, celui qui seul peut mettre en lumière la vie et l'immortalité. Il allait fournir une preuve dont les prêtres ne pourraient donner aucune fausse interprétation. Voilà pourquoi il ajournait sa venue à Béthanie. Ce miracle suprême, la résurrection de Lazare, devait apposer le sceau de Dieu sur son oeuvre et sur ses prétentions à la divinité. JC 525 1 En route vers Béthanie, Jésus, selon sa coutume, s'occupa des malades et des nécessiteux. Avant d'arriver, il envoya un messager prévenir les deux soeurs. Il n'entra pas tout de suite dans la maison et resta au bord du chemin, en un endroit tranquille. Les grandes manifestations dont les Juifs accompagnaient la mort de leurs amis et de leurs parents n'étaient pas en harmonie avec l'esprit du Christ. Il entendait les lamentations des pleureuses à gage, et il ne se souciait pas de rencontrer les soeurs au milieu de cette confusion. Parmi ceux qui étaient venus prendre part au deuil, il y avait des parents, dont certains occupaient de hautes positions à Jérusalem. Quelques-uns de ceux-ci se trouvaient au nombre des ennemis les plus implacables de Jésus. Etant informé de leur dessein, le Christ ne se fit pas connaître immédiatement. JC 525 2 Le message fut apporté à Marthe d'une manière si discrète que les autres personnes se trouvant dans la chambre ne purent l'entendre. Marie elle-même, absorbée dans son chagrin, ne remarqua rien. Marthe se leva promptement, pour aller à la rencontre de son Seigneur; Marie, croyant qu'elle était allée auprès du tombeau de Lazare, resta assise, muette de douleur. JC 525 3 Marthe, le coeur agité par des émotions contraires, se hâta au-devant de Jésus. Sur son visage elle lut la même tendresse, le même amour qu'il leur avait toujours témoigné. Sa confiance en lui n'était pas ébranlée, mais elle songeait à son bien-aimé frère, que Jésus aussi avait aimé. Désolée de ce que le Christ n'était pas venu plus tôt, espérant toutefois que, même en ce moment-ci, il ferait quelque chose pour les consoler, elle dit: "Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort." Les deux soeurs avaient souvent répété ces paroles, au milieu du bruit confus des pleureuses. JC 526 1 C'est avec une pitié humaine et divine à la fois que Jésus considéra le visage affligé et dévoré de peine. Marthe ne voulait pas songer au passé; tous ses sentiments trouvaient leur expression dans ces paroles pathétiques: "Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort." Elle ajouta cependant, en regardant ce visage aimant: "Mais maintenant même, je sais que tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te le donnera." JC 526 2 Jésus donna un encouragement à sa foi, en lui disant: "Ton frère ressuscitera." Par cette réponse il ne se proposait pas de lui faire espérer un changement immédiat. Il voulait diriger les pensées de Marthe au-delà d'un relèvement actuel de son frère et les fixer sur la résurrection des justes. Il voulait qu'elle pût voir dans la résurrection de Lazare un gage de la résurrection de tous les justes, et qu'elle eût l'assurance que cela se ferait par la puissance du Sauveur. JC 526 3 Marthe répondit: "Je sais qu'il ressuscitera à la résurrection, au dernier jour." JC 526 4 S'efforçant toujours de donner une bonne direction à sa foi, Jésus déclara: "Je suis la résurrection et la vie." En Christ réside la vie, une vie originelle, non empruntée, et qu'il ne tient de personne. "Celui qui a le Fils a la vie."2 La divinité du Christ donne au croyant l'assurance de la vie éternelle. "Celui qui croit en moi vivra, dit Jésus, quand même il serait mort; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela?" Ici le Christ plonge son regard en avant vers l'époque de son retour. Alors les justes qui seront morts ressusciteront incorruptibles et les justes qui seront vivants seront transportés au ciel sans passer par la mort. Le miracle que le Christ allait accomplir en ressuscitant Lazare d'entre les morts, devait représenter la résurrection de tous les justes. Par sa parole et par ses oeuvres, Jésus s'affirma comme l'Auteur de la résurrection. Celui qui devait bientôt mourir sur la croix, se tenait là ayant les clés de la mort, vainqueur du sépulcre, affirmant son droit et sa puissance pour donner la vie éternelle. JC 527 1 Aux paroles du Sauveur: "Crois-tu cela?" Marthe répondit: "Oui, Seigneur, je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu, celui qui vient dans le monde." Elle ne comprenait pas encore toute la signification des paroles dites par le Christ, mais elle confessait sa foi en sa divinité, et l'assurance qu'il était capable d'accomplir tout ce qu'il voulait. JC 527 2 "Après avoir dit cela, elle s'en alla. Puis elle appela Marie, sa soeur, et lui dit secrètement: Le Maître est ici, et il t'appelle." Elle dit cela aussi doucement que possible car les prêtres et les anciens étaient décidés à arrêter Jésus à la première occasion. Les cris des pleureuses empêchèrent qu'on entendît ses paroles. JC 527 3 Dès que Marie eut entendu ce message, elle se leva en toute hâte, et quitta la chambre avec une expression étrange sur son visage. Ceux qui étaient venus pour la consoler la suivirent, pensant qu'elle allait au tombeau pour y pleurer. Etant arrivée à l'endroit où Jésus l'attendait, elle s'agenouilla à ses pieds et lui dit, en tremblant: "Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort." Les cris des pleureuses lui étaient pénibles; elle aurait tant voulu échanger, dans le calme, quelques paroles avec Jésus! Mais les mauvais sentiments que quelques-uns des assistants entretenaient à l'égard du Christ l'empêchaient d'exprimer librement sa douleur. JC 527 4 "Quand Jésus vit qu'elle pleurait, et que les Juifs venus avec elle pleuraient aussi, il frémit en son esprit et fut troublé." Il lisait dans les coeurs de tous ceux qui se trouvaient là réunis. Il vit que plusieurs affichaient une douleur sans sincérité. Il savait que certains des assistants, qui, en ce moment, faisaient parade de larmes hypocrites, comploteraient bientôt la mort, non seulement du puissant thaumaturge, mais de celui-là même qui allait être ressuscité. Le Christ aurait pu les dépouiller du vêtement de leur mensonge. Pourtant, il contint sa juste indignation et s'abstint de dire la vérité, à cause des êtres aimés, agenouillés à ses pieds, dans la douleur, et qui se confiaient réellement en lui. JC 528 1 "Où l'avez-vous déposé?" demanda-t-il. "Seigneur, lui répondirent-ils, viens et vois." Ensemble ils se rendirent au sépulcre. Ce fut une scène lugubre. Lazare avait été très aimé, et ses soeurs, le coeur brisé, pleuraient sur lui, et ses amis mêlaient leurs larmes aux leurs. Devant cette détresse, en voyant tous ces êtres pleurer sur le mort, alors que le Sauveur du monde se tenait là, -- "Jésus pleura". Bien qu'il fût le Fils de Dieu, il avait revêtu la nature humaine, il était ému par la douleur humaine. La souffrance éveille toujours de la sympathie dans son coeur tendre et plein de pitié. Il pleure avec ceux qui pleurent, il est dans la joie avec ceux qui sont dans la joie. JC 528 2 Ce n'est pas seulement sa sympathie humaine pour Marie et Marthe qui fit pleurer Jésus. Ses larmes révélaient une douleur supérieure aux douleurs humaines autant que les cieux sont supérieurs à la terre. Le Christ ne pleurait pas sur Lazare, car il était sur le point de le rappeler à la vie. Il pleurait parce que plusieurs de ceux qui s'affligeaient, en ce moment-là, au sujet de Lazare, allaient bientôt former des projets pour mettre à mort celui qui est la résurrection et la vie. Les Juifs incrédules, totalement incapables de comprendre la signification de ses larmes et d'expliquer sa douleur, autrement que par les circonstances présentes, murmuraient: "Voyez quelle amitié il avait pour lui." D'autres, cherchant à semer le doute dans le coeur des assistants, disaient sur un ton moqueur: "Lui qui a ouvert les yeux de l'aveugle, ne pouvait-il pas faire aussi que cet homme ne meure pas?" Si le Christ avait le pouvoir de sauver Lazare, pourquoi l'avait-il laissé mourir? JC 528 3 Le regard prophétique du Christ perçut l'inimitié des pharisiens et des sadducéens. Il savait qu'ils préméditaient sa mort et que quelques-uns de ceux qui l'entouraient se fermeraient bientôt, à eux-mêmes, la porte de l'espérance qui donne accès à la cité de Dieu. Son humiliation et son crucifiement, tout proches, auraient pour résultat la destruction de Jérusalem, et personne, alors, ne ferait entendre des lamentations sur les morts. Il voyait clairement comme dans un tableau le châtiment qui allait frapper Jérusalem. Il savait que plusieurs parmi ceux qui pleuraient maintenant sur Lazare trouveraient la mort dans le siège de la ville et périraient sans espoir. JC 529 1 Ce n'est pas seulement la scène qui se déroulait à ses yeux qui occasionnait les pleurs du Christ. Les douleurs des siècles pesaient sur lui. Il voyait les terribles effets des transgressions de la loi de Dieu, la lutte incessante, commencée avec la mort d'Abel et continuée à travers toute l'histoire du monde, entre le bien et le mal. Il voyait, à travers les âges à venir, les douleurs et les souffrances, les larmes et la mort qui devaient être le partage des hommes. Son coeur était transpercé par la douleur de la famille humaine de tous les siècles et de tous les pays. Les malheurs d'une race coupable pesaient lourdement sur son âme et le désir de soulager toutes leurs détresses faisait jaillir des larmes de ses yeux. JC 529 2 Alors "Jésus, frémissant de nouveau en lui-même, se rendit au tombeau. C'était une cavité, et une pierre était placée dessus. Jésus dit: Otez la pierre." Marthe s'y opposa, pensant qu'il voulait simplement voir le visage du mort, et elle fit remarquer que le corps ayant été enseveli depuis quatre jours, la corruption avait déjà commencé son oeuvre. Cette déclaration, faite avant la résurrection de Lazare, ôtait aux ennemis du Christ tout prétexte d'affirmer qu'on avait eu recours à une fraude. Précédemment, les manifestations les plus étonnantes de la puissance de Dieu avaient donné aux pharisiens l'occasion de faire circuler de faux bruits. Au moment de ressusciter la fille de Jaïrus, le Christ avait dit: "L'enfant n'est pas morte, mais elle dort."3 Comme elle n'avait pas été malade longtemps, et qu'elle avait été rendue à la vie sitôt après sa mort, les pharisiens avaient affirmé que la jeune fille n'était pas morte et que le Christ lui-même avait reconnu qu'elle était simplement endormie. Ils s'étaient efforcés de faire croire que le Christ n'avait pas le pouvoir de guérir, et que ses miracles n'étaient que des actes de tromperie. Mais aujourd'hui on ne pouvait pas nier la mort réelle de Lazare. JC 530 1 Toutes les fois que le Seigneur se prépare à accomplir une oeuvre, Satan pousse quelqu'un à s'y opposer. "Otez la pierre", dit le Christ. Autant que cela dépend de vous, préparez mon oeuvre. Mais ici, s'affirme la nature volontaire et ambitieuse de Marthe. Elle ne voulait pas que l'on vît le corps en décomposition. Le coeur humain est lent à saisir les paroles du Christ et la foi de Marthe n'avait pas encore compris la véritable signification de sa promesse. JC 530 2 Jésus reprit Marthe avec des paroles empreintes de la plus grande douceur. "Ne t'ai-je pas dit que si tu crois, tu verras la gloire de Dieu?" Pourquoi douter de ma puissance? Pourquoi t'opposer à mes ordres? Tu as ma parole. Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu. Les impossibilités naturelles ne sauraient empêcher l'oeuvre du Tout-Puissant. Le scepticisme et l'incrédulité ne sont pas de l'humilité. Une foi implicite aux paroles du Christ: voilà la vraie humilité, la vraie soumission. JC 530 3 "Otez la pierre." Le Christ aurait pu adresser son ordre directement à la pierre, qui lui aurait obéi. Il pouvait confier le soin d'ôter celle-ci aux anges se tenant à ses côtés. A son ordre, des mains invisibles auraient roulé la pierre. Mais cela devait être fait par des mains humaines. Le Christ voulait, par là, montrer que l'humanité doit collaborer avec la divinité. La puissance divine n'est pas appelée à faire ce qui est au pouvoir de l'homme. Dieu ne se passe pas de l'aide de l'homme. Il fortifie l'homme, il coopère avec lui dans la mesure où celui-ci fait usage des facultés et des capacités qui lui ont été confiées. JC 530 4 L'ordre est exécuté. La pierre du sépulcre taillé dans le roc est roulée. Tout est fait ouvertement et avec délibération. On peut constater qu'aucune fraude n'est commise. Le corps de Lazare est là, dans le froid et le silence de la mort. Les pleureuses cessent leurs cris. Les assistants, surpris et dans l'attente, se tiennent autour du sépulcre. JC 530 5 Le Christ est calme devant la tombe. La solennité de l'heure étreint les âmes. Jésus se rapproche du sépulcre. Levant les yeux au ciel, il s'écrie: "Père, je te rends grâces de ce que tu m'as exaucé." Peu de temps auparavant, les ennemis du Christ l'avaient accusé de blasphème et avaient pris des pierres pour le lapider parce qu'il se disait le Fils de Dieu. Ils attribuaient ses miracles à la puissance de Satan. Mais voici que le Christ revendique Dieu comme son Père et déclare, avec une parfaite assurance, qu'il est le Fils de Dieu. JC 531 1 Dans tout ce qu'il faisait, le Christ était le collaborateur de son Père. Il s'était toujours efforcé de montrer qu'il n'agissait pas d'une manière indépendante; c'est par la foi et la prière qu'il accomplissait ses miracles. Le Christ désirait que sa relation avec son Père fût connue de tous. "Père, dit-il, je te rends grâce de ce que tu m'as exaucé. Pour moi, je savais que tu m'exauces toujours, mais j'ai parlé à cause de la foule de ceux qui se tiennent ici, afin qu'ils croient que c'est toi qui m'as envoyé." Une démonstration des plus convaincantes allait être donnée aux disciples et au peuple concernant la relation qui existait entre le Christ et Dieu, et prouver que la prétention du Christ n'était pas une imposture. JC 531 2 "Après avoir dit cela, il cria d'une voix forte: Lazare, sors!" Sa voix, claire et pénétrante, transperce les oreilles du mort. Tandis qu'il parle, sa divinité resplendit à travers son humanité. Sur son visage, illuminé par la gloire de Dieu, le peuple voit paraître la conscience de son pouvoir. Tous les regards sont rivés sur l'entrée de la grotte. Toutes les oreilles sont tendues pour saisir le moindre son. On attend avec un intérêt intense et inquiet que la divinité du Christ triomphe de l'épreuve et que soit établi son droit à la filiation divine, -- ou que tout espoir s'évanouisse à jamais. JC 531 3 Quelque chose soudain remue dans la tombe silencieuse, et voici qu'apparaît, à l'entrée du sépulcre, celui qui était mort. Ses mouvements sont gênés par les linges mortuaires dans lesquels il a été enveloppé, et le Christ ordonne aux spectateurs étonnés: "Déliez-le, et laissez-le aller." On voit, une fois de plus, la nécessité de la collaboration humaine. L'humanité doit travailler au service de l'humanité. Lazare, débarrassé de ses liens, se tient devant les assistants, non pas amaigri par la maladie, et les membres faibles et vacillants, mais comme un homme dans la pleine vigueur de l'âge. Ses yeux brillent d'intelligence et d'amour pour le Sauveur. Il se jette aux pieds de Jésus pour l'adorer. JC 532 1 Les personnes présentes sont d'abord muettes d'émerveillement, puis se déroule une scène indescriptible de réjouissances et d'actions de grâces. Les soeurs reçoivent comme un don de Dieu leur frère rendu à la vie; avec des larmes de joie et des paroles coupées par l'émotion, elles expriment leur gratitude envers le Sauveur. Tandis que le frère, les soeurs et les amis sont heureux de se revoir, Jésus se retire. Quand on cherche celui qui donne la vie, on ne peut le trouver. ------------------------Chapitre 59 -- Complot de prêtres JC 533 0 Ce chapitre est basé sur Jean 11:47-54. JC 533 1 Béthanie était tout près de Jérusalem et la nouvelle de la résurrection de Lazare parvint bientôt dans cette ville. Des espions, qui avaient assisté au miracle, renseignèrent rapidement les principaux des Juifs. Le sanhédrin fut immédiatement convoqué pour décider ce qu'il y avait à faire. Le Christ venait d'affirmer, d'une façon évidente, sa puissance sur la mort et sur le sépulcre. Ce miracle extraordinaire constituait la preuve suprême par laquelle Dieu montrait aux hommes qu'il avait envoyé son Fils dans le monde pour le sauver. Cette démonstration de puissance divine était suffisante pour convaincre toute personne soumise à la raison et douée d'une conscience éclairée. Plusieurs de ceux qui avaient assisté à la résurrection de Lazare crurent à Jésus. La haine des prêtres ne fit qu'augmenter. Ils avaient rejeté toutes les preuves, moins concluantes que celle-là, de sa divinité, et ce nouveau miracle n'eut d'autre effet que de les rendre furieux. Le mort avait été ressuscité à la pleine lumière du jour et devant une foule de témoins. Aucune explication ne pouvait détruire cette preuve. C'est ce qui rendait plus profonde l'inimitié des prêtres. Plus que jamais ils étaient décidés à mettre fin à l'oeuvre du Christ. JC 533 2 Les sadducéens, bien qu'ils ne se fussent pas montrés favorables au Christ, n'avaient pas fait preuve d'autant de malignité à son égard que les pharisiens. Leur haine avait été moindre; pourtant, cette fois, ils furent sérieusement alarmés. Ils ne croyaient pas à la résurrection des morts. S'appuyant sur une science faussement ainsi nommée, ils prétendaient qu'il n'était pas possible qu'un corps mort revînt à la vie. Quelques paroles du Christ avaient suffi pour renverser leur théorie. Leur ignorance des Ecritures leur avait été montrée, en même temps que la puissance de Dieu. Ils ne savaient comment effacer l'impression que ce miracle avait produite sur le peuple. Comment détourner les hommes de celui qui avait réussi à arracher les morts à leurs tombeaux? De faux bruits furent répandus, mais le miracle ne pouvait être nié, et on ne savait comment en neutraliser les effets. Jusque-là les sadducéens n'avaient pas secondé le projet de mettre le Christ à mort. Cependant, après la résurrection de Lazare, ils crurent que cette mort seule pourrait mettre fin à ses accusations hardies. JC 534 1 Les pharisiens, qui croyaient à la résurrection, ne pouvaient s'empêcher de voir, dans ce miracle, une preuve de la présence du Messie au milieu d'eux. Mais ils s'étaient toujours opposés à l'oeuvre du Christ qui avait été, dès le début, l'objet de leur haine parce qu'il avait dévoilé leurs prétentions hypocrites. Il avait déchiré le vêtement des rites rigides sous lequel ils cachaient leur difformité morale. La religion pure qu'il enseignait était la condamnation de leur creuse profession de piété. Les réprimandes directes dont ils avaient été les objets de sa part leur avaient inspiré une vraie soif de vengeance. Ils s'étaient efforcés de lui faire dire ou faire quelque chose qui pût leur offrir l'occasion de le condamner. Plusieurs fois ils avaient tenté de le lapider, mais il s'était retiré sans bruit, échappant à leur vue. JC 534 2 Tous les miracles accomplis par Jésus en un jour de sabbat avaient eu pour but le soulagement des affligés; néanmoins les pharisiens avaient cherché à le condamner comme un violateur du sabbat. Ils avaient essayé de dresser contre lui les Hérodiens, et, en le faisant passer pour un prétendant au trône, ils s'étaient consultés avec eux pour le supprimer. Pour exciter les Romains contre lui, ils l'avaient accusé de vouloir renverser leur autorité. Par tous les moyens ils s'étaient efforcés de détruire son influence sur le peuple. Jusque-là leurs efforts avaient été frustrés. Les foules qui assistaient à ses oeuvres de miséricorde et qui entendaient ses enseignements purs et saints voyaient bien que ce n'étaient pas là les actes et les paroles d'un violateur du sabbat ou d'un blasphémateur. Même les agents envoyés par les pharisiens n'avaient pu mettre la main sur lui, tellement ses paroles les avaient impressionnés. En désespoir de cause, les Juifs avaient décrété que tout homme qui ferait profession de croire en Jésus serait expulsé de la synagogue. JC 535 1 Les prêtres, les chefs et les anciens, réunis en consultation, étaient donc bien décidés à réduire au silence celui qui étonnait tous les hommes par des oeuvres aussi merveilleuses. Pharisiens et sadducéens, désunis auparavant, étaient plus unis que jamais par leur opposition au Christ. Nicodème et Joseph ayant, dans des séances précédentes, empêché la condamnation de Jésus, ne furent pas convoqués à ce conseil. L'influence des membres qui croyaient en Jésus ne put prévaloir contre celle des pharisiens pleins de méchanceté. JC 535 2 Cependant les membres du conseil n'étaient pas tous du même avis. A ce moment-là le sanhédrin ne constituait pas une assemblée légale. Son existence était à peine tolérée. Quelques-uns de ses membres se demandaient si c'était une mesure sage que de mettre à mort le Christ. Ils craignaient un soulèvement du peuple qui donnerait aux Romains l'occasion de diminuer les prérogatives du sacerdoce et de lui retirer ce qui lui restait de pouvoir. Les sadducéens, quoique partageant la haine commune contre le Christ, étaient enclins à la prudence, car ils craignaient que les Romains ne leur enlevassent leur position privilégiée. JC 535 3 Dans ce conseil, réuni en vue de décider la mort du Christ, le Témoin qui avait entendu les paroles orgueilleuses de Nébucadnetsar, qui avait assisté au festin idolâtre de Belsatsar, qui avait été présent lorsque à Nazareth le Christ s'était présenté comme l'Oint du Seigneur, ce même Témoin était là, s'efforçant de faire comprendre aux chefs ce qu'ils étaient en train de faire. Des événements de la vie du Christ se présentaient à eux avec une force effrayante. Ils se rappelaient comment l'enfant Jésus, âgé de douze ans, s'était tenu devant de savants docteurs de la loi, leur posant des questions qui les surprenaient. JC 535 4 Le miracle qui venait d'être accompli attestait le fait que Jésus n'était autre que le Fils de Dieu. La vraie signification des Ecritures de l'Ancien Testament, en ce qui concerne le Christ, resplendissait devant tous les yeux. "Que faisons-nous?" demandèrent les principaux, anxieux et troublés. Une division se produisit dans le conseil. Sous l'influence du Saint-Esprit, les prêtres et les principaux ne pouvaient chasser de leur pensée la conviction qu'ils combattaient contre Dieu. JC 536 1 Au moment où le conseil était au comble de l'incertitude, Caïphe, le souverain sacrificateur, se leva. C'était un homme orgueilleux et cruel, autoritaire et intolérant. Il y avait parmi ses parents des sadducéens cachant leur orgueil, leur audace, leur indifférence, leur ambition et leur cruauté sous le manteau d'une justice apparente. Caïphe avait étudié les prophéties et bien qu'il n'en comprît pas le vrai sens, il s'exprima avec beaucoup d'autorité et d'assurance: "Vous n'y entendez rien; vous ne vous rendez pas compte qu'il est préférable pour vous qu'un seul homme meure pour le peuple et que la nation entière ne périsse pas." Le grand prêtre voulait que Jésus fût mis à mort, même s'il était innocent. Il devenait gênant, parce qu'il attirait à lui le peuple et amoindrissait l'autorité des principaux. Il valait mieux qu'un seul pérît plutôt que l'autorité des principaux fût affaiblie. Si le peuple venait à perdre confiance en ses chefs, la puissance nationale serait anéantie. Caïphe insinuait qu'à la suite de ce miracle les disciples de Jésus pourraient bien fomenter une révolte. Les Romains viendraient alors, disait-il, fermeraient notre temple, aboliraient nos lois, et détruiraient notre nation. Qu'est-ce que la vie de ce Galiléen comparée à celle de la nation tout entière? S'il fait obstacle au bien-être d'Israël, n'est-ce pas rendre un service à Dieu que de l'écarter? Mieux vaut qu'un seul homme périsse plutôt que toute la nation soit détruite. JC 536 2 En déclarant qu'un homme devait mourir pour la nation, Caïphe montrait quelque connaissance des prophéties, bien que cette connaissance fût très faible. Mais Jean, dans son récit, s'empare de cette prophétie, et en montre la signification large et profonde. Il dit: "Et non seulement pour la nation, mais aussi afin de réunir en un seul (corps) les enfants de Dieu dispersés." Avec quel aveuglement l'orgueilleux Caïphe reconnaissait la mission du Sauveur! JC 537 1 Sur les lèvres de Caïphe, cette vérité, si précieuse, devenait un mensonge. La ligne de conduite qu'il recommandait partait d'un principe emprunté au paganisme. Le sentiment obscur que quelqu'un devait mourir pour la race humaine avait amené les païens à offrir des sacrifices humains. Caïphe proposait -- au moyen du sacrifice de Jésus -- de sauver la nation coupable, non pas de ses transgressions, mais dans ses transgressions, pour qu'elle pût continuer à pécher. Il espérait, par ce raisonnement, réduire au silence ceux qui osaient ne rien trouver en Jésus qui fût digne de mort. JC 537 2 Une conviction profonde s'était emparée des ennemis du Christ dans ce conseil. Le Saint-Esprit avait fait impression sur leurs coeurs. Mais Satan s'efforça de regagner sur eux son empire. Il leur rappela leurs griefs à l'endroit du Christ, et comment il avait fait peu de cas de leur justice. Jésus présentait une justice bien plus parfaite, que devaient posséder tous ceux qui aspiraient à devenir enfants de Dieu. Ne tenant aucun compte de leurs formes et de leurs cérémonies, il avait encouragé les pécheurs à s'adresser directement à Dieu, le Père des miséricordes, et à lui faire connaître leurs besoins. Ainsi, d'après eux, il avait méprisé le sacerdoce. Il avait refusé de reconnaître la théologie des écoles rabbiniques. En exposant au grand jour l'inconduite des prêtres, il avait irréparablement compromis leur influence. Il avait neutralisé l'effet de leurs maximes et de leurs traditions en déclarant qu'ils anéantissaient la loi de Dieu par leurs règlements rituels si rigides. Satan rappela toutes ces choses à leur esprit et leur suggéra qu'ils devaient mettre Jésus à mort s'ils voulaient maintenir leur autorité. Ils suivirent ce conseil. La crainte de perdre leur pouvoir leur paraissait un motif suffisant pour prendre une décision. A part quelques-uns, qui n'osèrent pas exprimer leur opinion, le sanhédrin reçut les paroles de Caïphe comme les paroles de Dieu. Le conseil se trouva soulagé; la discorde cessa. On décida de mettre le Christ à mort à la première occasion favorable. En rejetant la preuve de la divinité de Jésus, ces prêtres et ces chefs s'étaient enfermés dans des ténèbres impénétrables. Ils s'étaient placés entièrement sous la domination de Satan qui allait les précipiter dans une ruine éternelle. Mais celui-ci avait si bien réussi à les tromper qu'ils se félicitaient eux-mêmes, se considérant comme des patriotes désireux de sauver leur nation. JC 538 1 Les sanhédristes redoutaient, toutefois, de prendre contre Jésus des mesures précipitées, de crainte d'irriter le peuple et d'attirer sur eux-mêmes la peine qu'ils méditaient pour Jésus. Cette considération amena un délai dans l'exécution de la sentence prononcée par le conseil. Les complots des prêtres n'échappèrent pas au Sauveur. Il savait qu'ils voulaient se débarrasser de lui et que leur dessein ne tarderait pas à se réaliser. Mais ce n'était pas à lui de hâter la crise; il se retira donc de la contrée, emmenant les disciples avec lui. Ainsi Jésus confirmait, par son propre exemple, la recommandation qu'il avait faite aux disciples: "Quand on vous persécutera dans cette ville-ci, fuyez dans une autre."1 Il y avait un vaste champ où ils pouvaient travailler au salut des âmes; et à moins que leur fidélité ne l'exigeât, les serviteurs du Seigneur ne devaient pas mettre leur vie en péril. JC 538 2 Le ministère public de Jésus en faveur du monde avait duré trois années. Il avait donné l'exemple du renoncement et d'une bienveillance désintéressée. Sa vie de pureté, de souffrance et de consécration était connue de tous. Cependant cette courte période était tout ce que le monde pouvait supporter de la présence de son Rédempteur. JC 538 3 En butte aux persécutions et aux injures, chassé de Bethléhem par un roi envieux, rejeté par les siens à Nazareth, condamné à mort sans cause à Jérusalem, Jésus, avec ses quelques fidèles disciples, trouva un asile momentané dans une ville étrangère. Il était maintenant banni loin de ceux qu'il s'était efforcé de sauver, celui qui, toujours, s'était laissé toucher par le malheur humain, qui avait guéri les malades, rendu la vue aux aveugles, l'ouïe aux sourds, la parole aux muets, et qui avait rassasié les affamés et consolé les affligés. Il était incapable d'atteindre les coeurs aveuglés par le préjugé et la haine, et qui rejetaient avec obstination la lumière, celui qui avait marché sur les vagues agitées, qui, par une parole, avait calmé leur furie, qui avait expulsé les démons, en les obligeant à le reconnaître comme le Fils de Dieu, qui avait interrompu le sommeil des morts, et qui avait maintenu des milliers de personnes sous le charme de ses paroles de sagesse. ------------------------Chapitre 60 -- La loi du nouveau royaume JC 540 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 20:20-28; Marc 10:32-45; Luc 18:31-34. JC 540 1 Comme la Pâque approchait, Jésus se dirigea de nouveau vers Jérusalem. Dans son coeur régnait la paix qu'engendre la certitude de l'accord parfait avec la volonté du Père, et, d'un pas rapide, il s'avançait vers le lieu du sacrifice. Mais un sentiment de mystère, de doute et de crainte, dominait les disciples. Le Sauveur "allait devant eux. Les disciples étaient angoissés, et ceux qui suivaient étaient dans la crainte." JC 540 2 Une fois de plus le Christ appela auprès de lui les douze, et d'une manière plus claire que jamais, il leur annonça la trahison et les souffrances qu'il allait endurer. "Voici, dit-il, nous montons à Jérusalem, et tout ce qui a été écrit par les prophètes au sujet du Fils de l'homme s'accomplira. Car il sera livré aux païens; on se moquera de lui, on le maltraitera, on crachera sur lui et, après l'avoir flagellé, on le fera mourir; et le troisième jour il ressuscitera. Mais ils ne comprirent rien à cela; cette déclaration leur restait cachée; ils ne saisissaient pas ces paroles." JC 540 3 N'avaient-ils pas fait entendre partout cette proclamation: "Le royaume des cieux est proche"? Le Christ n'avait-il pas promis que plusieurs seraient assis dans le royaume de Dieu avec Abraham, Isaac et Jacob? N'avait-il pas promis le centuple dans cette vie-ci et une part dans le royaume futur à ceux qui renonçaient à tout par amour pour lui? N'avait-il pas promis aux douze des positions très honorables dans son royaume, -- d'être assis sur des trônes pour juger les douze tribus d'Israël? D'ailleurs, il venait de leur dire que tout ce que les prophètes avaient écrit à son sujet aurait son plein accomplissement. Or les prophètes n'avaient-ils pas prédit les gloires à venir du règne du Messie? Vues sous ce jour ses paroles à propos de trahison, de persécution et de mort paraissaient vagues et douteuses. Ils pensaient que quoi qu'il pût arriver le royaume ne tarderait pas à être établi. JC 541 1 Jean, le fils de Zébédée, avait été l'un des deux premiers disciples à suivre Jésus. Avec son frère Jacques il faisait partie du premier groupe qui avait tout quitté pour le servir. Ils avaient volontiers dit adieu à leur foyer et à leurs amis pour l'accompagner; ils avaient marché et conversé avec lui; ils avaient été avec lui en privé et en public. Il avait apaisé leurs craintes, les avait délivrés du danger, les avait consolés de leurs peines, les avait enseignés avec patience et tendresse, tant et si bien que leurs coeurs semblaient ne plus faire qu'un avec le sien; l'amour ardent qu'ils lui vouaient leur faisait désirer d'être aussi près de lui que possible dans son royaume. Jean ne manquait pas une occasion de se placer à côté du Sauveur, et Jacques souhaitait obtenir un honneur semblable. JC 541 2 Leur mère avait suivi le Christ et pourvu généreusement à ses besoins matériels. Son amour maternel et son ambition lui faisaient convoiter pour ses fils les premières places dans le nouveau royaume. Elle les encouragea donc à lui adresser une requête. JC 541 3 La mère et les fils vinrent ensemble à Jésus, lui demandant de leur accorder ce que leurs coeurs désiraient. JC 541 4 "Que voulez-vous que je fasse pour vous?" demanda-t-il. "Ordonne, répondit la mère, que mes deux fils que voici soient assis dans ton royaume, l'un à ta droite et l'autre à ta gauche." JC 541 5 Jésus les traite avec douceur, s'abstenant de leur reprocher leur égoïsme qui leur faisait désirer d'obtenir un traitement préférentiel. Il lit dans leur coeur, il sait l'attachement profond qu'ils ont pour lui. Leur amour n'est pas une simple affection humaine; c'est le trop-plein de son amour rédempteur qui a débordé sur eux, mais qui a été souillé en passant par le canal humain. Au lieu de réprimander il veut approfondir et purifier. Il leur dit: "Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire, ou être baptisés du baptême dont je vais être baptisé?" Ils se rappellent alors les paroles mystérieuses par lesquelles il avait annoncé son épreuve et ses souffrances, ce qui ne les empêche pas de répondre avec assurance: "Nous le pouvons." Ils considéraient comme un honneur enviable de prouver leur loyalisme en partageant le sort de leur Seigneur. JC 542 1 "Il est vrai que vous boirez la coupe que je vais boire, et que vous serez baptisés du baptême dont je vais être baptisé", dit-il, voyant se dresser devant lui, au lieu d'un trône, une croix entre deux malfaiteurs. Quant à Jean et Jacques, ils allaient partager les souffrances de leur Maître; l'un d'eux serait le premier à périr par l'épée; l'autre allait endurer plus longtemps la peine, l'opprobre, la persécution. JC 542 2 "Mais pour ce qui est d'être assis à ma droite ou à ma gauche, cela n'est pas à moi de l'accorder, sinon à ceux pour qui cela est préparé", ajouta-t-il. Aucun favoritisme n'intervient pour assigner une position dans le royaume de Dieu. On ne peut ni la mériter ni l'obtenir par une faveur arbitraire. C'est le résultat du caractère. La couronne et le trône sont les signes extérieurs d'un état réalisé: la victoire sur soi-même grâce au Seigneur Jésus-Christ. JC 542 3 Longtemps après, alors que le disciple avait appris à sympathiser avec le Christ par la communion à ses souffrances, le Seigneur fit connaître à Jean la loi qui préside à la distribution des places dans son royaume. "Le vainqueur, dit le Christ, je le ferai asseoir avec moi sur mon trône, comme moi j'ai vaincu et me suis assis avec mon Père sur son trône." "Du vainqueur, je ferai une colonne dans le temple de mon Dieu et il n'en sortira plus. J'écrirai sur lui le nom de mon Dieu, ... ainsi que mon nom nouveau."1 "Pour moi, écrivait l'apôtre Paul, me voici déjà offert en libation, et le moment de mon départ approche. J'ai combattu le bon combat, j'ai achevé la course, j'ai gardé la foi. Désormais la couronne de justice m'est réservée; le Seigneur, le juste juge, me la donnera en ce jour-là".2 JC 542 4 Qui est-ce qui se tiendra le plus près du Christ, sinon celui qui aura été le plus profondément imprégné de l'esprit de sacrifice et d'amour. Cet amour "ne se vante pas, il ne s'enfle pas d'orgueil, ... il ne cherche pas son intérêt, il ne s'irrite pas, il ne médite pas le mal."3 Cet amour est celui qui pousse le disciple, comme il a poussé notre Seigneur, à tout donner, à vivre, à travailler et à se sacrifier jusqu'à la mort pour sauver l'humanité. C'est là l'esprit qui s'est manifesté chez Paul. Il pouvait dire: "Pour moi, vivre c'est Christ"; en effet, sa vie faisait connaître le Christ aux hommes; "et mourir est un gain"; -- un gain pour le Christ, puisque la mort elle-même ferait éclater la puissance de sa grâce et lui gagnerait des âmes. "Christ sera exalté dans mon corps, dit-il, ... soit par ma vie, soit par ma mort".4 JC 543 1 Les autres dix disciples furent mécontents en apprenant la démarche de Jacques et de Jean. Chacun d'eux souhaitait pour lui-même la première place dans le royaume; et de penser que les deux disciples semblaient avoir obtenu un avantage les mettait en colère. JC 543 2 La dispute pour savoir lequel serait le plus grand était sur le point de se rallumer quand Jésus les appela et dit aux disciples indignés: "Vous savez que ceux qu'on regarde comme les chefs des nations les tyrannisent, et que les grands abusent de leur pouvoir sur elles. Il n'en est pas de même parmi vous." JC 543 3 Dans les royaumes de ce monde une position signifie augmentation de prestige. On dirait que le peuple n'existe qu'au profit des classes dirigeantes. Influence, richesse, instruction: autant de moyens pour les chefs de gouverner les masses. Aux classes supérieures de penser, de décider, de jouir, de régner; aux inférieures d'obéir, de servir. La religion elle-même, comme toute autre chose, était une question d'autorité. On attendait du peuple qu'il crût et agît conformément aux directives données par les supérieurs. Les droits de l'homme quant à penser et agir comme tel, pour son propre compte, étaient complètement méconnus. JC 543 4 Le Christ voulait établir son royaume sur des principes différents. Il appelait les hommes, non à exercer l'autorité, mais à servir, le plus fort devant porter les infirmités du plus faible. Puissance, position, talent, instruction conféraient à leurs possesseurs de plus grandes obligations de servir leurs semblables. "Toutes choses sont pour vous":5 ces paroles sont adressées au plus humble parmi les disciples du Christ. JC 544 1 "Le Fils de l'homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour beaucoup." Le Christ prenait sur lui les soucis et les fardeaux de ses disciples. Il partageait leur pauvreté, pratiquait le renoncement dans leur intérêt, allait devant eux pour aplanir leurs difficultés, et bientôt il allait consommer son oeuvre sur la terre en déposant sa vie. Le principe qui a été à la base de la conduite du Christ doit aussi inspirer les membres de l'Eglise qui est son corps. Le plan et le fondement du salut consistent en l'amour. Sont les plus grands dans le royaume du Christ ceux qui suivent l'exemple par lui donné, agissant en qualité de bergers de son troupeau. JC 544 2 La vraie dignité et l'honneur de la vie chrétienne ressortent de ces paroles de Paul: "Bien que je sois libre à l'égard de tous, je me suis rendu le serviteur de tous", "cherchant non mon avantage, mais celui du plus grand nombre, afin qu'ils soient sauvés."6 JC 544 3 Dans les questions de conscience l'âme doit être sans entraves. Personne ne doit dominer sur l'esprit de quelqu'un, se faire juge à sa place, ou lui prescrire son devoir. Dieu accorde à chaque âme la liberté de pensée et la possibilité de se conformer à ses convictions personnelles. "Chacun de nous rendra compte (à Dieu) pour lui-même." Personne n'a le droit de confondre sa propre individualité dans celle d'un autre. Partout où un principe est en jeu, "que chacun ait dans sa propre pensée une pleine conviction".7 Le royaume des cieux ne souffre aucune contrainte, aucune domination intolérante. Les anges du ciel ne viennent pas sur la terre pour gouverner et exiger des hommages, mais en qualité de messagers de miséricorde pour coopérer au relèvement de l'humanité. JC 544 4 Les principes qui servaient de base aux enseignements du Sauveur, et même ses paroles revêtues d'une beauté divine, sont demeurés dans la mémoire du disciple bien-aimé. Jusqu'à la fin de ses jours son témoignage s'est résumé en ces termes: "Voici le message que vous avez entendu dès le commencement: Aimons-nous les uns les autres." "A ceci, nous avons connu l'amour: c'est qu'il a donné sa vie pour nous. Nous aussi, nous devons donner notre vie pour les frères."8 JC 545 1 Ce même esprit animait l'église primitive. A la suite de l'effusion du Saint-Esprit, "la multitude de ceux qui avaient cru n'était qu'un coeur et qu'une âme. Nul ne disait que ses biens lui appartenaient en propre". "Il n'y avait parmi eux aucun indigent." "Avec une grande puissance les apôtres rendaient témoignage de la résurrection du Seigneur Jésus. Et une grande grâce reposait sur eux tous."9 ------------------------Chapitre 61 -- Zachée JC 546 0 Ce chapitre est basé sur Luc 19:1-10. JC 546 1 En route vers Jérusalem, "Jésus entra dans Jéricho et traversa la ville". Celle-ci s'étendait au milieu d'une végétation tropicale luxuriante, à quelques kilomètres du Jourdain, à l'extrémité occidentale d'une vallée qui s'ouvrait sur la plaine. Avec ses palmiers, ses magnifiques jardins et ses sources, elle brillait comme une émeraude et le contraste était d'autant plus vif que des collines de calcaire et des ravins déserts la séparaient de Jérusalem. JC 546 2 Beaucoup de caravanes passaient par Jéricho pour se rendre à la fête. Leur arrivée était toujours une occasion de réjouissances, mais aujourd'hui un plus grand intérêt préoccupait le peuple. On savait que le rabbi galiléen, qui avait récemment ramené Lazare à la vie, se trouvait dans la foule; et, bien qu'on commençât à chuchoter au sujet des complots des prêtres, les multitudes étaient impatientes de lui rendre hommage. JC 546 3 Jéricho était l'une des villes qui avaient été anciennement mises à part pour le sacerdoce; à l'époque du Christ, un grand nombre de prêtres y résidaient. Mais la ville avait aussi une population très différente. C'était un grand centre de commerce, et on y voyait des officiers et des soldats romains, des étrangers d'origines diverses, et beaucoup de péagers qui y étaient établis pour la perception des impôts. JC 546 4 Le "chef des péagers", Zachée, un Juif, était détesté de ses compatriotes; son rang et ses richesses, prix d'une profession qu'ils abhorraient, leur paraissaient l'équivalent de l'injustice et de la concussion. Cependant le riche officier des douanes n'était pas un mondain endurci; sous des apparences de futilité et d'orgueil, battait un coeur accessible aux influences divines. Zachée avait entendu parler de Jésus. La renommée de celui qui témoignait de la bonté aux classes proscrites s'était répandue auprès et au loin. Ce chef des péagers soupirait après une vie meilleure. A quelques kilomètres seulement de Jéricho, Jean-Baptiste avait prêché au bord du Jourdain, et Zachée avait perçu un écho de l'appel à la repentance. La recommandation faite aux péagers: "N'exigez rien au-delà de ce qui vous a été ordonné",1 bien qu'apparemment il ne s'y fût pas conformé, avait laissé une impression dans son esprit. Il connaissait les Ecritures, et savait bien que ses agissements étaient mauvais. Maintenant, en écoutant les paroles attribuées au grand Maître, il se sentit coupable aux yeux de Dieu. Néanmoins, ce qu'il avait entendu de Jésus rallumait l'espérance dans son coeur. Le repentir, un changement de vie étaient possibles, même pour lui; le nouveau Maître n'avait-il pas un péager parmi ses plus fidèles disciples? Se conformant tout de suite à la conviction qui s'était emparée de lui, Zachée commença de rembourser ceux à qui il avait fait tort. JC 547 1 Il s'efforçait ainsi de corriger son passé, quand la nouvelle se répandit de l'entrée de Jésus dans la ville de Jéricho. Zachée voulut voir le Christ. Il commençait de sentir l'amertume des fruits du péché et de comprendre combien il est difficile à quelqu'un de quitter sa mauvaise voie. Il lui était dur d'être incompris et de voir ses efforts pour corriger ses fautes récompensés par le soupçon et la méfiance. Le chef des péagers désirait contempler le visage de celui dont les paroles avaient ranimé l'espérance dans son coeur. JC 547 2 Comme les rues regorgeaient de monde, Zachée, qui était de petite taille, ne pouvait rien apercevoir par-dessus les têtes. Personne ne voulait lui faire place; alors, le riche percepteur d'impôts courut un peu en avant de la foule, monta sur un grand sycomore et s'assit parmi les branches, d'où il pourrait voir défiler le cortège. La foule s'approche et passe, et Zachée cherche, d'un regard avide, celui qu'il désire voir. JC 547 3 Au milieu des clameurs des prêtres et des rabbins et des acclamations de la foule, ce désir du chef des péagers, quoique non exprimé, touche le coeur de Jésus. Soudain un groupe s'arrête sous le sycomore, ceux qui précèdent et ceux qui suivent font halte, et un regard qui paraît lire dans l'âme se dirige en haut. L'homme juché sur l'arbre n'en croit pas ses oreilles quand il entend ces paroles: "Zachée, hâte-toi de descendre; car il faut que je demeure aujourd'hui dans ta maison." JC 548 1 La foule s'écarte, et Zachée, marchant comme dans un rêve, indique le chemin de sa maison. Mais les rabbins regardent d'un air maussade et murmurent avec mécontentement et mépris: "Il est allé loger chez un homme pécheur." JC 548 2 Zachée, vaincu, restait muet d'étonnement en constatant l'amour et la condescendance du Christ qui, malgré son indignité, s'abaissait vers lui. L'amour et la fidélité pour son nouveau Maître finirent par desceller ses lèvres. Il voulut confesser publiquement sa foi et sa repentance. JC 548 3 En présence de la foule, "Zachée, debout devant le Seigneur, lui dit: Voici, Seigneur, je donne aux pauvres la moitié de mes biens, et si j'ai extorqué quelque chose à quelqu'un, je lui rends le quadruple. Jésus lui dit: Aujourd'hui le salut est venu pour cette maison, parce que celui-ci est aussi un fils d'Abraham." JC 548 4 Quand le jeune homme riche s'était détourné de Jésus, les disciples s'étaient étonnés en entendant dire au Maître: "Qu'il est difficile à ceux qui ont de la fortune d'entrer dans le royaume de Dieu!" Ils s'étaient dit les uns aux autres: "Alors, qui peut être sauvé?" Ils assistaient maintenant à la démonstration de la vérité exprimée par Jésus: "Ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu."2 Il leur était donné de voir que par la grâce de Dieu un homme riche peut entrer dans le royaume. JC 548 5 Avant même d'avoir aperçu le visage du Christ, Zachée avait commencé de donner des preuves de vraie repentance. Avant même d'être accusé, il avait confessé son péché. Cédant à la conviction du Saint-Esprit, il avait commencé de se conformer aux enseignements donnés à l'ancien Israël et à nous-mêmes. Le Seigneur avait dit longtemps auparavant: "Si ton frère, qui est près de toi, devient pauvre et que sa main s'affaiblisse, tu le soutiendras, quand même il serait un étranger ou un hôte, afin qu'il vive auprès de toi. Tu ne tireras de lui ni intérêt ni profit, mais tu craindras ton Dieu et ton frère vivra auprès de toi. Tu ne lui prêteras point ton argent à intérêt et tu ne lui donneras point de tes vivres pour en tirer un profit. ... Qu'aucun de vous ne fasse tort à son prochain; mais crains ton Dieu."3 Ces paroles avaient été prononcées par le Christ lui-même alors qu'il était enveloppé dans la colonne de nuée, et la première manifestation de la reconnaissance de Zachée, pour l'amour du Christ, consista à témoigner de la compassion envers les pauvres et les affligés. JC 549 1 Les péagers avaient formé une ligue en vue d'opprimer le peuple et de s'entraider dans leurs pratiques frauduleuses. En se rendant coupables de concussion, ils ne faisaient que se conformer à un usage presque universel. D'ailleurs les prêtres et les rabbins, tout en les méprisant, s'enrichissaient, eux aussi, par des moyens malhonnêtes sous le couvert de leur vocation sacrée. Mais dès que Zachée céda à l'influence du Saint-Esprit, il renonça à tout ce qui était contraire à l'intégrité. JC 549 2 Aucun repentir n'est sincère s'il n'entraîne pas une oeuvre de réformation. La justice du Christ n'est pas un manteau destiné à couvrir des péchés qu'on ne veut ni confesser ni abandonner; c'est un principe de vie qui transforme le caractère et qui dirige la conduite. La sainteté consiste à se vouer entièrement à Dieu; c'est une soumission complète du coeur et de la vie aux principes du ciel. JC 549 3 Dans les affaires, le chrétien doit montrer au monde comment notre Seigneur dirigerait des entreprises commerciales. Dans chaque opération il doit prouver que Dieu est son Maître. "Sainteté à l'Eternel", ces paroles doivent être écrites sur le journal et le grand-livre, sur les contrats, les factures et les lettres de change. Ceux qui, tout en faisant profession de suivre le Christ, agissent d'une manière injuste, déposent un faux témoignage contre le caractère d'un Dieu saint, juste et miséricordieux. Toute personne ayant accueilli le Christ dans son coeur, prouvera sa conversion, comme Zachée, en renonçant à toutes les pratiques frauduleuses dont elle avait l'habitude. Comme le chef des péagers, elle montrera sa sincérité en faisant des restitutions. Le Seigneur dit: Si le "méchant ... rend le gage qu'on lui a confié, s'il restitue ce qu'il a ravi, s'il suit les préceptes qui donnent la vie, sans commettre d'iniquité, ... on ne se souviendra d'aucun des péchés qu'il aura commis. ... Certainement il vivra."4 JC 550 1 Si nous avons fait du tort à quelqu'un par des opérations commerciales frauduleuses, si nous avons surpris sa bonne foi en affaires, si nous l'avons frustré de son dû, même dans les limites consenties par la loi, nous devrions confesser notre tort et faire restitution dans la mesure du possible. Il est juste que nous rendions, non seulement le bien que nous avons pris, mais aussi les intérêts qui se seraient accumulés pendant tout le temps qu'il a été en notre possession s'il avait été placé d'une manière judicieuse. JC 550 2 Le Sauveur dit à Zachée: "Aujourd'hui le salut est venu pour cette maison." Zachée ne fut pas seul à jouir de ce bonheur: toute sa famille le partagea avec lui. Le Christ alla chez lui pour lui enseigner la vérité et pour exposer aux siens les choses du royaume. Le mépris des rabbins et des sacrificateurs les avaient tenus loin des synagogues; maintenant cette famille, plus privilégiée que toutes les autres familles de Jéricho, put accueillir le divin Maître et entendre directement ses paroles de vie. JC 550 3 C'est quand elle reçoit le Christ en tant que Sauveur personnel, qu'une âme parvient au salut. Zachée avait reçu Jésus, non seulement comme un hôte de passage, mais comme quelqu'un devant habiter dans le temple de son âme. Les scribes et les pharisiens le considéraient comme un pécheur et murmuraient de ce que le Christ acceptait l'hospitalité auprès de lui, mais le Seigneur le reconnut comme un fils d'Abraham. En effet, "ceux qui ont la foi sont fils d'Abraham".5 ------------------------Chapitre 62 -- Dans la maison de Simon JC 551 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 26:6-13; Marc 14:3-11; Luc 7:36-50; Jean 11:55-57; 12:1-11. JC 551 1 Simon de Béthanie était, dans le nombre des disciples de Jésus, l'un des rares pharisiens unis ouvertement à ceux qui suivaient le Christ. Il lui reconnaissait le titre de Maître, et, quoique enclin à lui accorder celui de Messie, il ne l'acceptait cependant pas comme Sauveur; son caractère n'avait pas été transformé; ses mobiles n'avaient pas changé. JC 551 2 Simon, ayant été guéri de la lèpre par Jésus, s'était senti attiré vers lui. Désirant lui manifester sa reconnaissance, il prépara à cet effet une fête pour le Sauveur et ses disciples lorsque le Christ fit sa dernière visite à Béthanie. Beaucoup de Juifs se trouvèrent réunis à l'occasion de ce banquet. Une grande effervescence régnait, à ce moment-là, à Jérusalem. L'attention était dirigée, plus que jamais, vers le Christ et vers sa mission. Quelques-uns de ceux qui assistaient à la fête surveillaient, parfois d'un regard malveillant, tous ses mouvements. JC 551 3 Le Sauveur arriva à Béthanie, six jours seulement avant la Pâque, et, selon sa coutume, il s'arrêta chez Lazare, pour s'y reposer. Les nombreux pèlerins qui pénétraient dans la ville y répandirent la nouvelle qu'il était en route vers Jérusalem, et qu'il passerait le sabbat à Béthanie. Un immense enthousiasme régnait parmi la foule. Un grand nombre de personnes affluèrent à Béthanie, les unes attirées par la sympathie qu'elles éprouvaient pour Jésus, d'autres simplement curieuses de voir celui qu'il avait ressuscité d'entre les morts. JC 551 4 Plusieurs s'attendaient à entendre Lazare raconter des choses merveilleuses qu'il aurait vues après sa mort. Mais ils furent déçus: Lazare n'avait rien à dire sur ce sujet. La parole inspirée déclare, en effet: "Les morts ne savent rien. ... Leur amour, leur haine, leurs ambitions, tout s'est évanoui."1 Cependant, Lazare avait un magnifique témoignage à rendre au sujet de l'oeuvre du Christ. C'est dans ce but qu'il avait été ressuscité. Il déclarait avec assurance et avec force que Jésus était le Fils de Dieu. JC 552 1 Les paroles rapportées à Jérusalem par ceux qui avaient visité Béthanie augmentèrent l'agitation des foules. On était impatient de voir et d'entendre Jésus. Tous se demandaient si Lazare allait l'accompagner à Jérusalem et si le prophète serait couronné roi à l'occasion de la Pâque. Les prêtres et les chefs se rendaient compte que leur influence sur le peuple diminuait de plus en plus et leur fureur contre Jésus en fut accrue. C'est à peine s'ils pouvaient attendre une occasion pour l'ôter, à jamais, de leur chemin. Comme le temps s'écoulait, ils commencèrent à craindre qu'il ne vînt pas à Jérusalem. Il avait si souvent déjoué leurs desseins meurtriers, qu'ils craignaient qu'il n'eût découvert leur complot contre lui, et ne restât à distance. Ils dissimulaient mal leur anxiété, et se demandaient les uns aux autres: "Qu'en pensez-vous? Ne viendra-t-il point à la fête?" JC 552 2 Les prêtres et les pharisiens tinrent conseil. La résurrection de Lazare avait acquis tant de sympathies au Christ qu'il leur parut dangereux de le saisir ouvertement. Les autorités décidèrent donc de s'emparer de lui en secret, et de faire son procès aussi discrètement que possible. Ils pensaient que la vague instable de l'opinion publique se retournerait en leur faveur lorsque sa condamnation serait connue. JC 552 3 C'est ainsi qu'ils se proposaient de faire périr Jésus. Pourtant prêtres et rabbins savaient qu'ils n'auraient point de tranquillité aussi longtemps que Lazare vivrait. L'existence d'un homme rendu à la vie par une parole de Jésus, après avoir passé quatre jours dans la tombe, suffirait, tôt ou tard, à provoquer une réaction. Le peuple ferait payer cher à ses chefs le meurtre d'un être capable d'accomplir un tel miracle. Le sanhédrin décida donc que Lazare devait mourir, lui aussi. Voilà jusqu'où peuvent conduire l'envie et le préjugé! La haine et l'incrédulité des chefs juifs étaient telles qu'ils étaient prêts à tuer un homme que la puissance infinie venait d'arracher au sépulcre. JC 553 1 Tandis que ces complots se tramaient à Jérusalem, Jésus et ses amis étaient invités au banquet de Simon. Le Sauveur se tenait à table, ayant à l'un de ses côtés Simon, qu'il avait guéri d'une maladie repoussante; à l'autre, Lazare, qu'il avait relevé d'entre les morts. Marthe servait tandis que Marie écoutait avec ferveur chaque parole sortant des lèvres du Maître. Dans sa miséricorde, Jésus lui avait pardonné ses péchés et avait rappelé du tombeau son frère bien-aimé: le coeur de Marie était donc rempli de gratitude. Elle avait entendu Jésus parler de sa mort prochaine; son profond amour et sa grande tristesse lui inspirèrent le désir de lui rendre des honneurs anticipés. En s'imposant un grand sacrifice, elle réussit à se procurer un vase d'albâtre, plein "d'un parfum de nard pur de grand prix", afin d'oindre le corps du Christ. Mais maintenant que plusieurs assuraient qu'il allait être couronné roi, sa douleur se changeait en joie et elle était impatiente d'apporter les premiers hommages à son Seigneur. Ayant brisé son vase de parfum, elle en répandit le contenu sur la tête et sur les pieds de Jésus et ensuite, s'étant agenouillée, elle arrosa ceux-ci de ses larmes et les essuya avec ses longs cheveux flottants. JC 553 2 Elle avait espéré passer inaperçue, mais le parfum, en se répandant dans la salle, attira l'attention de tous les assistants. Judas jugea sévèrement cet acte et, sans attendre que le Christ eût manifesté son opinion, il se mit à murmurer et se plaignit à ceux qui se trouvaient près de lui, se risquant même à blâmer son Maître d'avoir permis un tel gaspillage. Par d'habiles insinuations, il tenta de communiquer son mécontentement. JC 553 3 Judas, trésorier des disciples, avait secrètement soutiré, pour son propre usage, de l'argent à la bourse commune, diminuant ainsi leurs ressources déjà si modestes. Il était toujours pressé de mettre dans la bourse tout ce qu'il pouvait obtenir. On puisait souvent dans la caisse pour soulager les pauvres; et, chaque fois qu'on achetait quelque chose qui ne lui paraissait pas indispensable, Judas disait: A quoi bon cette perte? Pourquoi n'en a-t-on pas mis le prix dans la bourse destinée aux pauvres? L'action de Marie offrait un tel contraste avec l'égoïsme de Judas que ce dernier en fut honteux; selon son habitude, il essaya de légitimer son blâme. S'adressant aux disciples, il demanda: "Pourquoi n'a-t-on pas vendu ce parfum trois cents deniers, pour les donner aux pauvres? -- Il disait cela, non qu'il se mît en peine des pauvres, mais parce qu'il était voleur et que, tenant la bourse, il prenait ce qu'on y mettait." Judas n'avait pas de tendresse pour les pauvres. Si on lui avait remis le prix de la vente du parfum de Marie, les pauvres n'en auraient reçu aucune part. JC 554 1 Judas avait une haute opinion de ses aptitudes d'homme pratique. Au point de vue financier, il se croyait très supérieur à ses collègues, à qui il avait inspiré la même idée. Ayant gagné leur confiance, il exerçait sur eux une grande influence. Il les trompait par sa feinte sympathie pour les pauvres, et ses insinuations habiles leur firent juger avec méfiance l'acte de dévotion accompli par Marie. Un murmure courut tout autour de la table: "A quoi bon cette perte? On aurait pu vendre ce parfum très cher et en donner le prix aux pauvres." JC 554 2 Marie fut émue par ces paroles désobligeantes. Elle craignit que sa soeur ne lui reprochât sa prodigalité. Peut-être que le Maître, lui aussi, la jugeait imprévoyante. Elle allait se retirer, sans se défendre ni présenter d'excuse, lorsque la voix de son Seigneur se fit entendre: "Laissez-la. Pourquoi lui faites-vous de la peine?" Il avait vu son embarras et sa détresse, il savait qu'elle avait désiré, par son acte, exprimer sa gratitude pour le pardon de ses péchés, et il voulut ramener le calme dans son esprit. Elevant la voix au-dessus des murmures de médisance, il dit: "Elle a accompli une bonne action à mon égard; car vous avez toujours les pauvres avec vous, et vous pouvez leur faire du bien quand vous le voulez, mais moi, vous ne m'avez pas toujours. Elle a fait ce qu'elle a pu; elle a d'avance embaumé mon corps pour la sépulture." JC 554 3 Le don odoriférant que Marie s'était proposé de prodiguer sur la dépouille du Sauveur, elle le répandit sur lui pendant qu'il vivait encore. Lors de l'ensevelissement, la douceur de ce parfum eût simplement rempli sa tombe, tandis que son coeur fut réjoui par ce témoignage de foi et d'amour. Joseph d'Arimathée et Nicodème n'offrirent pas leurs dons d'amour à Jésus pendant sa vie. Ils apportèrent à son corps froid et inconscient leurs coûteuses essences. Les femmes qui apportèrent des aromates au tombeau firent une démarche inutile, car Jésus était ressuscité. Mais, en répandant son amour sur le Sauveur alors qu'il pouvait l'apprécier, Marie l'oignait en vue de sa sépulture et lorsque, plus tard, il s'enfoncera dans les ténèbres de la suprême épreuve, il emportera avec lui le souvenir de cet acte comme un gage de l'amour dont il sera l'objet de la part de ses rachetés, pendant l'éternité. JC 555 1 Beaucoup n'apportent qu'aux morts leurs dons précieux. D'abondantes paroles d'amour sont prononcées près du cadavre. On prodigue, à celui qui n'entend plus, les paroles de tendresse et d'estime. Quel parfum précieux eussent été ces paroles si elles avaient été dites alors que l'esprit fatigué en avait tant besoin; quand l'oreille pouvait encore entendre et le coeur sentir. JC 555 2 Marie ne comprenait pas toute la signification de son acte d'amour. Elle n'était pas capable de répondre à ses accusateurs et n'aurait su expliquer pourquoi elle avait choisi cette occasion-là pour oindre Jésus. Le Saint-Esprit avait tout disposé pour elle, et elle obéissait simplement à ses suggestions. L'inspiration ne s'abaisse pas à donner des raisons; elle se justifie d'elle-même. C'est une présence invisible qui parle à l'esprit et à l'âme et qui pousse le coeur à agir. JC 555 3 En expliquant à Marie la portée de son acte, le Christ lui donna plus qu'il n'avait reçu d'elle. "En répandant ce parfum sur mon corps, dit-il, elle l'a fait pour ma sépulture." De même que ce vase d'albâtre brisé avait inondé la maison de son parfum, de même le Christ allait mourir, son corps serait rompu; mais il sortirait du tombeau et remplirait la terre du parfum de sa vie. "Le Christ nous a aimés et s'est livré lui-même à Dieu pour nous en offrande et en sacrifice comme un parfum de bonne odeur."2 JC 555 4 "En vérité je vous le dis, déclara le Christ, partout où l'Evangile sera prêché dans le monde entier, on racontera aussi en mémoire de cette femme ce qu'elle a fait." Plongeant son regard dans l'avenir, le Sauveur parlait de l'Evangile avec une certitude absolue. Cet Evangile devait être prêché dans le monde entier. Et partout où il se propagerait, le don de Marie répandrait son parfum et cet acte spontané serait une source de bénédiction pour beaucoup de coeurs. Des royaumes s'élèveraient et s'écrouleraient; des noms de monarques et de conquérants tomberaient dans l'oubli; mais les pages de l'histoire sainte rendraient immortel le geste de cette femme. Jusqu'à la fin des siècles ce vase d'albâtre brisé dirait le grand amour dont Dieu a aimé une race coupable. JC 556 1 L'acte de Marie faisait un contraste violent avec celui que Judas était sur le point d'accomplir. Quelle dure leçon le Christ aurait pu donner à cet homme qui déposait des germes de médisance et de malice dans l'esprit des disciples! Avec quel à-propos l'accusateur aurait pu être accusé à son tour! Celui qui discerne les mobiles de tous les coeurs et qui comprend chacune de nos actions aurait pu découvrir de sombres chapitres de l'expérience de Judas devant ceux qui assistaient à la fête. Il eût été facile de dévoiler la vanité des prétentions du traître; car loin d'aimer les pauvres, il dérobait l'argent destiné à les soulager. Il eût été facile de soulever l'indignation contre lui en montrant comment il opprimait la veuve, l'orphelin et le mercenaire. Mais si le Christ avait démasqué Judas, on l'aurait rendu responsable de la trahison. Et si Judas avait été accusé de vol, il aurait trouvé des sympathies même parmi les disciples. Le Sauveur ne lui adressa aucun reproche, évitant ainsi d'offrir un prétexte à sa perfidie. JC 556 2 Mais Judas comprit, par le regard de Jésus, que le Sauveur discernait son hypocrisie et voyait combien son caractère était vil et méprisable. De plus, faire l'éloge de l'acte de Marie, c'était blâmer Judas. Jusqu'alors, le Sauveur ne l'avait jamais repris directement. Cette réprimande rongeait le coeur du mauvais disciple qui résolut de se venger. En sortant du souper il se rendit directement au palais du souverain sacrificateur, où il trouva le conseil réuni, et il s'offrit à livrer Jésus entre leurs mains. JC 557 1 Les prêtres furent au comble de la joie. Le privilège leur avait été offert de recevoir le Christ comme leur Sauveur sans rien payer. Mais ils avaient refusé le précieux don qui leur était offert avec un amour plein de tendresse. Après avoir refusé le salut qui vaut beaucoup plus que de grandes quantités d'or, ils achetaient maintenant leur Seigneur pour trente pièces d'argent. JC 557 2 Judas avait cultivé l'avarice au point que tous les bons traits de son caractère en avaient été neutralisés. Il enviait ce qui était offert à Jésus. L'envie dévorait son coeur en voyant le Sauveur recevoir un don digne d'un monarque terrestre. Il vendit son Maître pour une somme inférieure à celle qu'avait coûté le vase de parfum. JC 557 3 Les autres disciples ne ressemblaient pas à Judas. Ils aimaient le Sauveur, mais ils n'appréciaient pas suffisamment son noble caractère. S'ils avaient compris ce qu'il avait fait pour eux, rien de ce qui lui était donné n'eût été considéré comme une perte. Les mages d'Orient, qui savaient si peu de choses au sujet de Jésus, avaient mieux compris quels honneurs lui étaient dûs. Ils avaient apporté au Sauveur leurs dons précieux, et s'étaient prosternés devant lui alors qu'il n'était encore qu'un tout petit enfant, couché dans une crèche. JC 557 4 Le Christ apprécie les hommages qui viennent du coeur. Chaque fois qu'un service lui a été rendu, cet acte a été récompensé avec une générosité céleste. Il ne refusait pas la plus simple fleur cueillie par une main d'enfant et offerte avec bonté. Il acceptait les offrandes des enfants et récompensait les donateurs en inscrivant leurs noms dans le livre de la vie. L'onction de Jésus par Marie est mentionnée dans l'Ecriture pour distinguer celle-ci des autres Marie. Des actes d'amour et de respect pour Jésus accompagnent la foi au Fils de Dieu. Le Saint-Esprit veut que la femme, pour prouver sa fidélité au Christ, ait "lavé les pieds des saints, secouru les malheureux, et recherché toute oeuvre bonne".3 JC 557 5 Le Christ ressentait de la joie à voir Marie si empressée à faire la volonté de son Seigneur. Il acceptait la richesse d'une affection pure que ses disciples étaient incapables de comprendre. Plus que les onctions du monde les plus précieuses, le désir de Marie avait une valeur aux yeux du Christ, parce qu'il montrait combien cette femme vénérait le Rédempteur de l'humanité. Elle était pressée par l'amour du Christ. La beauté immaculée du caractère de Jésus remplissait son âme d'admiration. Le parfum qu'elle offrit était une image de son coeur. C'était la démonstration extérieure d'un amour que des courants célestes faisaient déborder. JC 558 1 Les disciples avaient besoin de cet acte de Marie pour comprendre que l'expression de leur amour serait agréable au Christ. Il avait été tout pour eux, et ils ne comprenaient pas qu'ils seraient bientôt privés de sa présence, qu'ils ne pourraient bientôt plus lui donner des marques de gratitude, en échange de son grand amour. Les disciples n'ont jamais compris comme ils l'auraient dû la nostalgie que le Christ éprouvait en vivant, d'une vie purement humaine, loin des parvis célestes. Il était souvent peiné de ne pas obtenir de ses disciples ce qu'il était en droit d'attendre d'eux. S'ils avaient subi l'influence des anges célestes qui l'accompagnaient, eux non plus n'auraient trouvé aucune offrande suffisante pour traduire l'affection spirituelle de leurs coeurs. JC 558 2 Ce n'est que plus tard qu'ils comprirent vraiment combien de choses ils auraient pu faire pour manifester à Jésus, alors qu'il était près d'eux, l'amour et la reconnaissance de leurs coeurs. Quand Jésus ne fut plus avec eux, et qu'ils se trouvèrent comme des brebis sans berger, ils commencèrent à comprendre quelles attentions ils auraient pu lui témoigner pour réjouir son coeur. Ils cessèrent de blâmer Marie, pour se blâmer eux-mêmes et regretter les reproches faits par eux; déplorant d'avoir représenté les pauvres comme étant plus dignes que le Christ du don de Marie. Leurs remords furent profonds au moment où ils emportèrent, de la croix, le corps meurtri de leur Maître. JC 558 3 Un semblable besoin se fait sentir dans le monde aujourd'hui. Bien peu parmi nous comprennent tout ce que le Christ est pour eux. Autrement, ils montreraient le même amour que Marie, et l'onction serait généreusement accordée. Ils ne considéreraient pas le parfum coûteux comme une perte. La plus belle offrande faite au Christ ne serait pas jugée trop coûteuse; aucun renoncement, aucun sacrifice, consenti pour lui, ne paraîtrait trop grand. JC 559 1 Les paroles indignées: "A quoi bon cette perte?" rappelèrent au Christ d'une manière frappante le plus grand sacrifice qui ait jamais été fait: le don de sa personne comme victime de propitiation pour le monde perdu. Le Seigneur a été si généreux envers la famille humaine, qu'il est impossible de supposer qu'il eût pu faire davantage. Dieu a donné le ciel tout entier en donnant Jésus. D'un point de vue humain, un tel sacrifice pouvait sembler avoir été fait en pure perte, et le plan du salut tout entier être un gaspillage de grâces et de ressources. Nous bénéficions constamment du renoncement et du sacrifice consenti avec joie par la divinité. Ce n'est pas sans surprise que l'armée céleste voit la famille humaine refuser d'être relevée et enrichie par l'amour illimité qui s'est manifesté en Christ. Les anges auraient bien des raisons de s'écrier: A quoi bon cette perte? JC 559 2 Mais l'expiation offerte pour un monde perdu devait être abondante et complète. L'offrande du Christ devait abonder suffisamment pour atteindre toute âme créée par Dieu. Il n'était pas question de la restreindre au nombre de ceux qui accepteraient le don précieux. Tous les hommes ne sont pas sauvés; mais si le plan de la rédemption ne produit pas tout ce qui était généreusement prévu, ce n'est pas pour cela un gaspillage. JC 559 3 Simon, qui avait invité Jésus, subit l'influence des critiques de Judas, au sujet du don de Marie, et, blessé dans son orgueil de pharisien, il fut surpris par l'attitude du Maître. Il savait que beaucoup, parmi les invités, éprouvaient de la méfiance et du mécontentement à l'égard du Christ. Il se dit en lui-même: "Si cet homme était le prophète, il saurait qui est la femme qui le touche et ce qu'elle est: une pécheresse." JC 559 4 En guérissant Simon de sa lèpre, le Christ avait rendu la vie à une sorte de cadavre; pourtant, en ce moment, Simon doutait que le Sauveur fût un prophète. Le Christ permettait à cette femme de s'approcher de lui, au lieu de la repousser avec indignation comme coupable de péchés trop grands pour être pardonnés; il ne laissait pas voir qu'il avait connaissance de sa chute, et Simon était tenté de penser qu'il n'était pas un prophète. Jésus, se disait-il, ne sait rien de cette femme qui prend tant de libertés; autrement, il ne se laisserait pas toucher par elle. JC 560 1 Mais c'est parce que Simon ne connaissait ni Dieu ni le Christ qu'il raisonnait ainsi. Il ne comprenait pas que le Fils de Dieu doit agir d'une manière divine, avec compassion, tendresse et miséricorde. Simon, lui, ne faisait aucun cas de l'hommage par lequel Marie montrait sa repentance. Son coeur endurci était exaspéré de la voir baiser et oindre les pieds du Christ. Il pensait que si le Christ avait été un prophète, il aurait reconnu les pécheurs et les aurait repoussés. JC 560 2 Bien que cette pensée n'eût pas été exprimée, le Sauveur y répondit: "Simon, j'ai quelque chose à te dire. ... Un créancier avait deux débiteurs: l'un devait cinq cents deniers, et l'autre cinquante. Comme ils n'avaient pas de quoi payer, il leur fit grâce de leur dette à tous deux. Lequel l'aimera le plus? Simon répondit: Celui, je suppose, auquel il a fait grâce de la plus grosse somme. Jésus lui dit: Tu as bien jugé." JC 560 3 Comme Nathan parlant à David, le Christ dissimula, sous le voile d'une parabole, le coup qu'il désirait porter. Il laissa à son hôte le soin de prononcer sa propre sentence. C'est Simon qui avait fait pécher la femme, aujourd'hui objet de son mépris. Il lui avait fait beaucoup de tort. Le but de la parabole des deux débiteurs était de représenter Simon et Marie. Jésus ne voulait pas dire que ces deux personnes devaient éprouver de la reconnaissance dans des proportions différentes, car toutes deux avaient une dette de gratitude qu'elles ne pourraient jamais acquitter. Mais Simon se croyait plus juste que Marie, et Jésus voulait lui faire voir combien il était coupable; lui montrer que son péché dépassait celui de Marie comme la dette de cinq cents deniers dépassait celle de cinquante. JC 560 4 Simon commençait à se considérer sous un nouveau jour. Il vit que Marie était estimée par celui qu'il jugeait plus grand qu'un prophète et il comprit que le regard prophétique et si pénétrant du Christ discernait l'amour et le dévouement remplissant le coeur de Marie. Il se sentit confus et se rendit compte enfin qu'il était en présence d'un Etre supérieur à lui. JC 561 1 "Je suis entré dans ta maison, poursuivit le Christ, et tu ne m'as pas donné d'eau pour mes pieds", mais Marie, avec des larmes de repentir que l'amour lui a fait verser, a lavé mes pieds, et les a essuyés avec ses cheveux. "Tu ne m'as pas donné de baiser; mais elle", -- cette femme que tu méprises, -- "depuis que je suis entré, elle n'a pas cessé de me baiser les pieds." Le Christ rappelait à Simon les occasions qu'il avait eues de montrer son amour pour son Maître et sa reconnaissance pour ce que le Maître avait fait en sa faveur. Le Sauveur dit clairement à ses disciples, mais avec un tact délicat, que ses enfants lui font de la peine quand ils négligent de lui témoigner de la gratitude par des paroles et des actes d'amour. JC 561 2 Celui qui sonde les coeurs discernait le mobile qui faisait agir Marie; il voyait aussi quel esprit inspirait les paroles de Simon. "Vois-tu cette femme?" demanda-t-il. C'est une pécheresse. "Je te le dis, ses nombreux péchés sont pardonnés, puisqu'elle a beaucoup aimé. Mais celui à qui l'on pardonne peu aime peu." JC 561 3 Par sa froideur et sa négligence à l'égard du Sauveur, Simon avait montré combien peu il appréciait la grâce dont il avait été l'objet. Il avait cru que c'était un honneur suffisant que d'inviter Jésus dans sa maison. Mais maintenant il se vit tel qu'il était. Alors qu'il croyait lire dans le coeur de son hôte, son hôte avait lu dans le sien. Il trouva juste le jugement que le Christ avait prononcé sur lui. Sa religion avait consisté en un vêtement pharisaïque. Il avait méprisé la compassion de Jésus. Il n'avait pas reconnu en lui le représentant de Dieu. Marie était une pécheresse pardonnée, lui était un pécheur non pardonné. La règle inflexible de justice qu'il avait voulu appliquer à Marie servait à le condamner. JC 561 4 Jésus s'était montré bon en ne réprimandant pas ouvertement Simon en présence des invités: Simon en fut touché. Il n'avait pas été traité comme il eût voulu voir traiter Marie. Il vit que Jésus n'avait pas l'intention de dévoiler ses fautes à d'autres, mais qu'il s'efforçait simplement de le convaincre en lui présentant son véritable état, et de soumettre son coeur en lui témoignant une bonté miséricordieuse. Un blâme sévère infligé à Simon n'aurait fait que l'endurcir et rendre son repentir plus difficile, tandis qu'un avertissement, donné avec douceur, eut pour effet de le convaincre de son erreur. Il vit l'immensité de sa dette envers le Maître. Sa fierté fut humiliée, il se repentit, et l'orgueilleux pharisien devint un disciple humble, prêt au sacrifice. JC 562 1 Marie avait été considérée comme une grande pécheresse, mais le Christ connaissait les circonstances qui avaient influencé sa vie. Il eût pu éteindre dans son âme les dernières étincelles d'espoir, mais il s'en garda bien. C'est lui qui l'avait sauvée du désespoir et de la ruine. Par sept fois il avait chassé les démons qui dominaient son coeur et son esprit. Elle avait entendu les prières qu'il avait adressées au Père, avec de grands cris, en sa faveur. Elle savait combien le péché paraissait odieux à sa pureté immaculée, et, par la force divine, elle avait remporté la victoire. JC 562 2 Alors que son cas paraissait désespéré, à vues humaines, le Christ, discernant les meilleurs traits de sa nature, aperçut, en Marie, des possibilités de relèvement. Le plan de la rédemption a ouvert devant l'humanité la perspective de grandes réalisations auxquelles Marie serait appelée. Sa grâce a rendu la pécheresse capable de participer à la nature divine. Après être tombée, après être devenue la demeure des démons, elle fut initiée à la communion et au service du Sauveur. C'est Marie qui s'asseyait à ses pieds pour recevoir ses instructions. C'est elle qui répandit sur sa tête l'huile précieuse et arrosa ses pieds de larmes. Elle fut la première à courir au tombeau après la résurrection. C'est Marie qui, la première aussi, annonça le Sauveur ressuscité. JC 562 3 Jésus connaît les circonstances de chacun. Vous direz: Je suis un pécheur, un très grand pécheur. C'est possible; mais plus votre état est désespéré, plus vous avez besoin de Jésus. Personne n'est repoussé s'il vient à lui pleurant et contrit. Il ne raconte à personne ce qu'il pourrait révéler à votre sujet; il inspire du courage à toute âme tremblante. Il pardonne généreusement à tous ceux qui cherchent auprès de lui le pardon et le relèvement. JC 563 1 Le Christ pourrait ordonner aux anges du ciel de verser sur notre monde les coupes de sa colère afin de détruire ceux qui sont remplis de haine à l'égard de Dieu. Il pourrait faire disparaître cette tache de l'univers. Il ne le fait pas. Il se tient aujourd'hui près de l'autel des parfums, présentant à Dieu les prières de ceux qui implorent son secours. JC 563 2 Jésus élève au-dessus des accusations et des coups de langues les âmes qui cherchent en lui leur refuge. Aucun homme, aucun mauvais ange ne peut mettre en accusation ces âmes. Le Christ les associe à sa nature divine et humaine. Elles se tiennent auprès de celui qui porte les péchés, dans la lumière qui émane du trône de Dieu. "Qui accusera les élus de Dieu? Dieu est celui qui justifie! Qui les condamnera? Le Christ-Jésus est celui qui est mort; bien plus, il est ressuscité, il est à la droite de Dieu, et il intercède pour nous!"4 ------------------------Chapitre 63 -- Ton roi vient JC 564 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 21:1-11; Marc 11:1-10; Luc 19:29-44; Jean 12:12-19. JC 564 1 "Tressaille de joie, fille de Sion! Pousse des cris d'allégresse, fille de Jérusalem! Voici que ton roi vient à toi; il est juste et victorieux, humble et monté sur un âne, sur le poulain d'une ânesse."1 JC 564 2 C'est ainsi que le prophète Zacharie avait annoncé la venue du Roi d'Israël, cinq siècles avant la naissance du Christ. Cette prophétie va maintenant s'accomplir. Après avoir si longtemps refusé les honneurs de la royauté, Jésus vient à Jérusalem comme l'héritier promis du trône de David. JC 564 3 C'est le premier jour de la semaine que le Christ fit son entrée solennelle. Des foules accourues à Béthanie l'accompagnaient maintenant, impatientes d'assister à son triomphe. Beaucoup de personnes, qui se rendaient à la ville pour célébrer la Pâque, se joignirent à la foule qui entourait Jésus. La nature entière paraissait en fête. Les arbres étaient revêtus de verdure, et leurs fleurs répandaient dans l'atmosphère un parfum subtil. Une vie et une fête nouvelles animaient le peuple. On se reprenait à espérer un nouveau royaume. JC 564 4 En vue de son entrée à Jérusalem, Jésus avait chargé deux de ses disciples de lui amener une ânesse avec son ânon. A sa naissance, le Sauveur avait accepté l'hospitalité auprès de personnes étrangères. La crèche dans laquelle il avait été déposé avait dû être empruntée. Et maintenant, bien que le bétail de mille collines lui appartienne, il se voit obligé de recourir à l'amabilité d'un étranger pour obtenir la monture sur laquelle il entrera à Jérusalem en qualité de roi. Toutefois sa divinité se manifeste jusque dans les moindres instructions qu'il donne aux disciples chargés de cette mission. Comme il l'avait prédit, il leur suffit de dire: "Le Seigneur en a besoin", pour obtenir ce qu'ils désiraient. Jésus se servit de l'ânon que personne n'avait jamais monté. Avec un joyeux enthousiasme, les disciples étendirent leurs vêtements sur la bête, et y installèrent leur Maître. Jésus ayant toujours voyagé à pied, les disciples, en apprenant qu'il désirait cette fois-ci se servir d'une monture, furent d'abord étonnés; mais une espérance joyeuse vint réconforter leurs coeurs: celle de le voir entrer dans la capitale, se proclamer roi, et affirmer son pouvoir royal. Tout en obéissant aux ordres du Maître, ils firent part aux amis de Jésus de leurs brillantes espérances; l'effervescence se propagea auprès et au loin, portant à son paroxysme l'attente du peuple. JC 565 1 Par cette entrée royale, le Christ se conformait à une ancienne coutume hébraïque. La monture était semblable à celle des rois d'Israël; c'était celle que la prophétie avait désignée comme devant servir au Messie venant dans son royaume. Dès que Jésus se fut assis sur l'ânon, un immense cri de triomphe déchira les airs. La multitude l'acclamait comme Messie et comme Roi. Jésus accepta, cette fois-ci, les hommages qu'il n'avait jamais tolérés auparavant et les disciples en conclurent que leurs joyeuses espérances allaient se réaliser, et qu'ils allaient le voir monter sur le trône. La foule était convaincue que l'heure de l'émancipation nationale allait sonner. Leur imagination voyait déjà les armées romaines chassées de Jérusalem, et Israël redevenu une nation indépendante. Tous étaient transportés de joie; c'était à celui qui lui apporterait les hommages les plus dignes. Il n'était pas en leur pouvoir de faire étalage de pompe et de splendeur, mais ils lui apportaient le culte de coeurs joyeux. Dans l'impossibilité de lui offrir des dons magnifiques, ils étendaient comme un tapis leurs vêtements sous ses pas, et répandaient aussi, sur le chemin, des branches d'oliviers et des feuilles de palmiers. Ils ne pouvaient faire flotter des étendards royaux devant le cortège triomphal, mais ils coupaient des branches de palmiers, emblème naturel de victoire, et les agitaient avec de puissantes acclamations et des hosannas retentissants. JC 565 2 A mesure qu'ils avançaient, la foule augmentait: ceux qui avaient appris l'arrivée de Jésus se joignaient en hâte au cortège. Des spectateurs se mêlaient constamment à la foule et demandaient: Qui est celui-ci? Que signifie toute cette agitation? Ils avaient tous entendu parler de Jésus, et s'attendaient à le voir à Jérusalem; mais ils savaient qu'il avait toujours dissuadé ceux qui voulaient le placer sur le trône, et ils étaient très étonnés d'apprendre que c'était lui. Ils se demandaient ce qui avait pu amener ce revirement chez celui qui avait déclaré que son royaume n'était pas de ce monde. JC 566 1 Leurs questions se perdent au milieu des acclamations. La foule ne se lasse pas de réitérer ses cris de triomphe; ceux qui sont éloignés font retentir les mêmes cris, les collines et les vallées environnantes en renvoient l'écho. Et voici que d'autres foules, venant de Jérusalem, se joignent au cortège. Des milliers de personnes, qui se trouvent dans la ville pour célébrer la Pâque, accourent pour souhaiter au Messie la bienvenue. Elles l'acclament en agitant des branches de palmiers et en chantant des hymnes sacrés. Dans le temple les prêtres annoncent au son de la trompette le service du soir, mais il en est peu qui y répondent, et les chefs, alarmés, se disent les uns aux autres: "Le monde s'en est allé près de lui." JC 566 2 Au cours de sa vie terrestre, Jésus n'avait encore jamais autorisé une démonstration pareille. Il en prévoyait nettement le résultat. Cela devait le conduire à la croix. Mais son dessein était de se présenter ainsi, d'une manière officielle, en qualité de Rédempteur. Il voulait attirer l'attention sur le sacrifice dont il couronnerait sa mission auprès d'un monde déchu. Tandis que les gens se rassemblaient à Jérusalem pour célébrer la Pâque, lui, l'Agneau symbolisé par la Pâque, s'offrait en oblation par un acte volontaire. Au cours des siècles, l'Eglise éprouverait le besoin de faire de sa mort expiatoire un sujet de méditation profonde et d'étude. Tout ce qui se rattache à ce fait serait vérifié avec soin. Il fallait donc que tous les regards fussent maintenant dirigés sur lui; les événements qui précéderaient son grand sacrifice devaient être de nature à attirer l'attention sur le sacrifice lui-même. Après une pareille démonstration accompagnant son entrée à Jérusalem, tous les yeux suivraient sa marche rapide vers le dénouement final. JC 567 1 Les événements associés à cette entrée triomphale deviendraient le sujet de toutes les conversations, et obligeraient tous les esprits à s'occuper de Jésus. Après la crucifixion, plusieurs se rappelleraient ces événements, en rapport avec son procès et avec sa mort. On serait ainsi amené à étudier les prophéties, et l'on acquerrait la conviction que Jésus est le Messie; le nombre des convertis à la foi nouvelle se multiplierait en tous pays. JC 567 2 Dans cette scène triomphale, unique dans sa vie terrestre, le Sauveur aurait pu se montrer escorté d'anges célestes et se faire annoncer par la trompette de Dieu; mais une telle manifestation eût été contraire au but de sa mission, contraire aussi à la loi qui avait gouverné sa vie. Il resta fidèle à l'humble sort qu'il s'était fait. Il devait porter le fardeau de l'humanité jusqu'au moment où sa vie serait offerte pour la vie du monde. JC 567 3 Ce jour, qui semblait aux disciples le plus beau de leur vie, eût été obscurci de sombres nuages s'ils avaient pu prévoir que ces réjouissances n'étaient que le prélude des souffrances et de la mort de leur Maître. Bien qu'il leur eût souvent parlé de son sacrifice inévitable, dans le joyeux triomphe du moment présent, ils oubliaient ses tristes paroles, et préféraient s'attendre à le voir jouir d'un règne prospère, sur le trône de David. JC 567 4 Le cortège s'accroissait continuellement, et presque tous étaient saisis par l'inspiration du moment et contribuaient à faire retentir les hosannas, de colline en colline, et de vallée en vallée. Sans cesse éclataient ces cris: "Hosanna au Fils de David! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur! Hosanna dans les lieux très hauts!" JC 567 5 On n'avait jamais vu un cortège aussi glorieux. Il ne ressemblait pas à celui des plus célèbres conquérants de la terre. Aucune suite de captifs gémissants ne figurait comme trophée de victoire. Mais le Sauveur était entouré des glorieux trophées de son travail d'amour en faveur de l'homme pécheur. Ils étaient là, les captifs qu'il avait arrachés au pouvoir de Satan, et ils louaient Dieu de leur délivrance. Les aveugles auxquels il avait rendu la vue montraient le chemin. Les muets dont il avait délié la langue faisaient entendre les hosannas les plus retentissants. Les estropiés qu'il avait guéris sautaient de joie et se montraient plus empressés que les autres à rompre des branches de palmiers et à les agiter devant le Sauveur. Des veuves et des orphelins célébraient le nom de Jésus à cause des oeuvres de miséricorde qu'il avait accomplies en leur faveur. Les lépreux qu'il avait purifiés étalaient sur son chemin leurs vêtements, -- vêtements qui n'étaient plus souillés par la maladie, -- et l'acclamaient comme le Roi de gloire. Ceux que sa voix avait réveillés du sommeil de la mort étaient présents dans la foule. Lazare, dont le corps avait senti la corruption dans le sépulcre, et qui, maintenant, était en possession d'une pleine vigueur, conduisait l'animal sur lequel le Sauveur était assis. JC 568 1 Bon nombre de pharisiens présents, dévorés d'envie et de malice, cherchaient à donner une autre direction au courant populaire en faisant usage de toute leur autorité pour calmer le peuple; mais leurs appels et leurs menaces ne faisaient qu'accroître l'enthousiasme. En désespoir de cause et craignant que la multitude, ayant la force du nombre, ne voulût couronner Jésus roi, ils se frayèrent un passage à travers la foule, jusqu'à l'endroit où se trouvait le Sauveur, et l'accostèrent avec des paroles de reproches et de menaces: "Maître, reprends tes disciples." Ils prétendaient que d'aussi bruyantes démonstrations étaient illégales et ne seraient pas permises par les autorités. Mais Jésus les réduisit au silence par cette réplique: "Je vous le dis, s'ils se taisent, les pierres crieront!" Cette scène de triomphe prédite par le prophète était conforme au dessein de Dieu et l'homme était impuissant à faire échouer le plan divin. Dieu aurait prêté une voix aux pierres inanimées pour qu'elles saluassent son Fils de leurs louanges si les hommes s'y étaient refusés. Les pharisiens durent se retirer, et des centaines de voix répétèrent les paroles de Zacharie: "Tressaille de joie, fille de Sion! Pousse des cris d'allégresse, fille de Jérusalem! Voici que ton roi vient à toi; il est juste et victorieux, humble et monté sur un âne, sur le poulain d'une ânesse." JC 569 1 Quand le cortège eut atteint le sommet de la colline, Jésus s'arrêta, avec la foule, avant de descendre dans la ville. Jérusalem s'étendait devant eux dans sa gloire, baignée par la lumière du soleil couchant. Le temple attirait tous les regards; sa grandeur majestueuse dominait tout le reste et il paraissait montrer le ciel comme pour diriger le peuple vers le seul Dieu vivant et vrai. Pendant longtemps ce temple avait été l'orgueil et la gloire de la nation d'Israël. Les Romains eux-mêmes se glorifiaient de sa magnificence. Un roi établi par les Romains avait joint ses efforts à ceux des Juifs pour le reconstruire et l'embellir, et l'empereur de Rome l'avait enrichi de ses dons. Par sa solidité, sa richesse et sa splendeur, il était l'une des merveilles du monde. JC 569 2 Alors que le soleil couchant jetait des reflets d'or sur les cieux, sa gloire resplendissante éclairait les marbres blancs des murs du temple et étincelait sur ses piliers dorés. A le voir du haut de la colline où se tenait Jésus avec ses disciples, il avait l'aspect d'une construction massive de neige, surmontée de faîtes dorés. A l'entrée du temple se trouvait un cep de vigne en or et en argent, avec des feuilles vertes et de grandes grappes exécutées par d'habiles artistes. Ce symbole représentait Israël comme un cep prospère. L'or, l'argent, le feuillage vert étaient combinés avec un art exquis; gracieusement enroulé autour des piliers blancs et luisants, s'accrochant aux ornements dorés par ses vrilles brillantes, il reflétait la splendeur du soleil couchant, resplendissant d'une gloire qui semblait empruntée au ciel. JC 569 3 Jésus contemple la scène qui est devant lui, et la foule immense, charmée par cette brusque vision de beauté, cesse ses acclamations. Tous les regards cherchent sur le visage du Sauveur l'expression de l'admiration commune et ne voient sur son front qu'un nuage de tristesse. On est surpris et déçu par les larmes qui emplissent ses yeux; son corps tressaille comme un arbre secoué par la tempête, et des lamentations douloureuses, paraissant sortir des profondeurs d'un coeur brisé, jaillissent de ses lèvres tremblantes. Quelle vue pour les anges! Leur Chef aimé dans une agonie de larmes! Quelle vue pour la foule joyeuse qui, poussant des cris de joie et agitant des branches de palmiers, l'escortait vers la cité glorieuse où l'on espérait qu'il allait régner. Quand Jésus avait pleuré auprès du sépulcre de Lazare, ses larmes avaient été provoquées par sa sympathie pour la misère humaine, tandis que la tristesse soudaine de ce moment-ci faisait l'effet d'une note douloureuse au milieu d'un grand choeur triomphal. Alors que tout le monde, au comble de la joie, lui adressait ses hommages, le Roi d'Israël versait des larmes; non pas des larmes silencieuses de joie, mais des larmes accompagnées de gémissements qu'il ne pouvait contenir. Une tristesse soudaine s'empara de la foule. Les acclamations cessèrent. Beaucoup pleuraient, partageant une douleur qu'ils ne pouvaient comprendre. JC 570 1 Ce n'est pas la pensée des souffrances qui l'attendaient qui arrachait des larmes à Jésus. A peu de distance, devant lui, se trouvait Gethsémané, où bientôt l'horreur de profondes ténèbres allait l'envelopper. On apercevait aussi la porte des brebis, par laquelle, pendant de longs siècles, on avait fait passer les animaux devant servir aux sacrifices. Cette porte allait s'ouvrir pour lui, le grand Antitype, dont le sacrifice pour les péchés du monde avait été annoncé par toutes ces offrandes. Tout près se trouvait le Calvaire, où il allait bientôt agoniser. Néanmoins, ce n'était pas la pensée de la mort douloureuse qui faisait pleurer et gémir le Rédempteur. Sa douleur n'était pas une douleur égoïste. Le pressentiment de son agonie n'intimidait pas cette âme noble, pleine d'abnégation. Ce qui transperçait le coeur de Jésus, c'était la vue de Jérusalem, -- cette Jérusalem qui avait rejeté le Fils de Dieu et dédaigné son amour, qui avait refusé de se laisser convaincre par ses oeuvres puissantes, et qui se préparait à lui ôter la vie. Il vit ce qu'elle était pour s'être rendue coupable du rejet de son Rédempteur, et ce qu'elle aurait pu être si elle avait accepté celui qui, seul, pouvait guérir sa blessure. Il était venu pour la sauver; comment pouvait-il l'abandonner à son sort? JC 570 2 Israël avait été un peuple privilégié; Dieu avait établi sa demeure dans le temple de Jérusalem, sur cette montagne de Sion, qui "s'élève avec grâce", et qui est la "joie de toute la terre".2 Il était là ce temple qui, pendant plus de mille ans, avait été l'objet de la vigilance paternelle et du tendre amour du Christ. Les prophètes y avaient fait entendre les avertissements les plus solennels. On y avait agité des encensoirs contenant des charbons ardents, faisant monter l'encens vers Dieu avec les prières des adorateurs. Le sang des animaux y avait coulé en représentation du sang du Christ. Jéhovah avait manifesté sa gloire au-dessus du propitiatoire. Les prêtres y avaient exercé leur ministère, et des rites symboliques pompeux y avaient été accomplis, de siècle en siècle. Mais tout cela touchait à sa fin. JC 571 1 Jésus étendit la main, -- cette main qui, si souvent, avait béni les malades et les affligés, -- et, l'agitant vers la ville condamnée, il s'écria, la voix coupée de sanglots: "Si tu connaissais, toi aussi, en ce jour, le chemin de la paix!" Le Sauveur se tut, s'abstenant de dire quelle eût pu être la condition de Jérusalem si elle avait accepté le secours que Dieu voulait lui accorder, -- le don de son Fils bien-aimé. Si Jérusalem avait su ce qu'elle pouvait savoir, si elle avait reçu la lumière envoyée du ciel, elle se serait avancée fièrement, au comble de la prospérité, comme la reine des royaumes, en pleine possession de la puissance que Dieu lui avait donnée. Plus de soldats armés stationnant à ses portes, ni d'enseignes romaines sur ses murailles! La destinée glorieuse dont Jérusalem eût pu jouir si elle avait accepté son Rédempteur se présentait aux yeux du Fils de Dieu. Il voyait que, grâce à lui, elle aurait pu être guérie de ses cruelles maladies, délivrée de l'esclavage et devenir la puissante métropole de la terre. La colombe de la paix se serait envolée de ses murs pour se rendre auprès de toutes les nations. Jérusalem eût été le diadème de gloire du monde entier. JC 571 2 Mais voici que s'efface le brillant tableau. Le Sauveur se rend compte de ce qu'elle est maintenant sous le joug romain, objet de la colère de Dieu, menacée de ses jugements. Il reprend donc le fil interrompu de ses lamentations: "Mais maintenant il est caché à tes yeux. Il viendra sur toi des jours où tes ennemis t'environneront de tranchées, t'encercleront et te presseront de toutes parts; ils t'écraseront, toi et tes enfants au milieu de toi, et ne laisseront pas en toi pierre sur pierre, parce que tu n'as pas connu le temps où tu as été visitée." JC 572 1 Le Christ était venu pour sauver Jérusalem et ses enfants; mais l'orgueil pharisaïque, l'hypocrisie, l'envie et la malice firent obstacle à son dessein. Jésus savait quel terrible châtiment frapperait la ville condamnée. Il voyait Jérusalem investie, les habitants assiégés mourant d'inanition ou massacrés, des mères se nourrissant des cadavres de leurs propres enfants, parents et enfants s'arrachant la dernière bouchée de nourriture, les affections naturelles détruites par les tortures de la faim. Il voyait que cette obstination des Juifs, qui leur avait fait rejeter le salut, les empêcherait aussi de se soumettre aux armées envahissantes. Il apercevait le Calvaire, sur lequel il allait être élevé, recouvert de croix aussi nombreuses que les arbres d'une forêt. Il voyait ses malheureux habitants soumis à la torture et crucifiés, ses magnifiques palais détruits, le temple en ruines, pas une pierre de ses murailles massives restant debout, et la ville labourée comme un champ. Le Sauveur pouvait bien pleurer devant une scène aussi effroyable. JC 573 2 Jérusalem avait été l'enfant dont il avait pris soin, et, comme un tendre père s'afflige sur un fils égaré, ainsi Jésus pleurait sur la cité bien-aimée. Comment puis-je t'abandonner à ton sort? Comment puis-je assister à ta destruction? Dois-je te permettre de remplir la coupe de tes iniquités? Une âme seule vaut plus que tous les mondes, et il y avait ici toute une nation courant à sa perte. Quand le soleil couchant aurait disparu du ciel, le jour de grâce de Jérusalem serait arrivé à son terme. Alors que le cortège était arrêté au sommet du mont des Oliviers, Jérusalem avait une dernière occasion de se repentir. L'ange de la miséricorde se préparait à replier ses ailes et à descendre du trône d'or pour faire place à la justice et au jugement imminent. Mais le Christ, au grand coeur d'amour, continuait de plaider en faveur de Jérusalem, bien qu'elle eût dédaigné ses grâces, méprisé ses avertissements et qu'elle fût sur le point de tremper les mains dans son sang. Si seulement Jérusalem voulait se repentir: ce n'était pas trop tard. Tandis que les derniers rayons du soleil couchant s'attardaient sur le temple, sur la tour, sur le faîte, est-ce que quelque bon ange n'allait pas la ramener à l'amour du Sauveur, l'arrachant à la ruine? Ville splendide et profane, qui avait lapidé les prophètes et rejeté le Fils de Dieu, qui par son impénitence rivait sur elle les chaînes de l'esclavage, -- le jour de sa grâce était presque écoulé! JC 573 1 L'Esprit de Dieu essaie encore de s'adresser à Jérusalem. Avant la fin du jour, un nouveau témoignage est rendu au Christ, répondant à l'appel d'un passé prophétique. Si Jérusalem veut entendre l'appel, et recevoir le Sauveur qui entre par ses portes, elle peut encore être sauvée. JC 573 2 Les chefs qui se trouvent à Jérusalem apprennent que Jésus s'approche, escorté d'une grande foule. Mais ils ne songent pas à souhaiter la bienvenue au Fils de Dieu. Craintifs, ils s'en vont au-devant de lui, dans l'espoir de disperser la foule. Au moment où le cortège descend du mont des Oliviers, les chefs lui barrent le passage. Ils demandent quelle est la cause de ces réjouissances tumultueuses. A leur question: "Qui est celui-ci?" les disciples répondent, remplis de l'Esprit qui a inspiré les prophètes, répétant avec un accent éloquent les prophéties se rapportant au Christ: JC 573 3 Adam vous dira: C'est la postérité de la femme qui écrasera la tête du serpent. JC 573 4 Interrogez Abraham; il vous dira: C'est Melchisédec, roi de Salem, roi de paix.3 JC 573 5 Jacob vous dira: C'est le Pacificateur de la tribu de Juda. JC 573 6 Esaïe vous dira: C'est Emmanuel, "le Conseiller admirable, le Dieu fort, le Père d'éternité, le Prince de la paix".4 JC 573 7 Jérémie vous dira: C'est le rameau de David, "l'Eternel notre justice".5 JC 573 8 Daniel vous dira: C'est le Messie. JC 573 9 Osée vous dira: C'est "le Dieu des armées; son nom est l'Eternel".6 JC 573 10 Jean-Baptiste vous dira: C'est "l'Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde".7 JC 574 1 Le grand Jéhovah, du haut de son trône, l'a proclamé: "Celui-ci est mon Fils bien-aimé."8 JC 574 2 Nous, ses disciples, nous déclarons: C'est Jésus, le Messie, le Prince de la vie, le Rédempteur du monde. JC 574 3 Le prince de la puissance des ténèbres le reconnaît, en disant: "Je sais qui tu es: le Saint de Dieu."9 ------------------------Chapitre 64 -- Un peuple condamné JC 575 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 21:17-19; Marc 11:11-14, 20, 21. JC 575 1 L'entrée triomphale du Christ à Jérusalem représentait faiblement sa venue sur les nuées des cieux avec puissance et gloire, au milieu des anges triomphants et des saints pleins d'allégresse. C'est à ce moment que se rapportent les paroles du Christ aux prêtres et aux pharisiens: "Vous ne me verrez plus désormais, jusqu'à ce que vous disiez: Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur!"1 Ce jour de triomphe final avait été montré à Zacharie dans une vision prophétique, ainsi que la condamnation de ceux qui ont rejeté le Christ à son premier avènement: "Ils tourneront leurs regards vers moi, celui qu'ils ont percé. Ils prendront le deuil en mémoire de moi, comme on prend le deuil d'un fils unique, et ils pleureront amèrement sur moi, comme on pleure sur un enfant premier-né".2 Cette scène se présenta au Christ au moment où il contemplait la ville et pleurait sur elle. Dans la ruine temporelle de Jérusalem il aperçut la destruction finale de ce peuple qui s'était chargé du sang du Fils de Dieu. JC 575 2 Les disciples constataient la haine dont le Christ était l'objet de la part des Juifs, sans voir encore à quoi cela conduirait. Ils ne comprenaient pas encore la véritable condition d'Israël et ne savaient pas quel châtiment allait fondre sur Jérusalem. Le Christ leur fit saisir cela par une leçon de choses très significative. C'est en vain qu'avait retenti le dernier appel à Jérusalem. Les prêtres et les principaux avaient entendu la foule faire écho à la voix prophétique du passé en réponse à la question: "Qui est celui-ci?" Mais ils ne reconnurent pas la voix de l'inspiration. Irrités et stupéfaits, ils s'efforcèrent d'imposer silence à la foule. Des officiers romains étant présents, Jésus leur fut dénoncé comme l'auteur d'une rébellion. On assura qu'il allait s'emparer du temple et s'établir comme roi à Jérusalem. JC 576 1 D'une voix calme, Jésus fit le silence au sein de la foule tumultueuse, et il déclara une fois de plus que son intention n'était pas d'établir un gouvernement temporel; il allait monter vers son Père, et ses accusateurs ne le verraient plus jusqu'au moment où il reviendrait dans la gloire. Alors ils le reconnaîtraient, mais trop tard. Jésus prononça ces paroles tristement et avec une énergie toute particulière. Les officiers romains, subjugués, se turent. Bien qu'ils fussent étrangers à l'influence divine, leurs coeurs étaient émus plus qu'ils ne l'avaient jamais été. Sur le visage calme et solennel de Jésus ils lisaient l'amour, la bienveillance et une dignité paisible. Ils éprouvaient une sympathie dont ils ignoraient la cause, et se montraient plus disposés à rendre hommage à Jésus qu'à l'arrêter. Se retournant vers les prêtres et les scribes, ils les rendirent responsables du désordre. Ces chefs, furieux et décontenancés, firent entendre leurs plaintes au peuple et se disputèrent violemment entre eux. JC 576 2 Sur ces entrefaites, Jésus arriva au temple sans être remarqué. Là tout était tranquille, car la foule était accourue sur le mont des Oliviers. Jésus resta un instant près du temple, le considérant avec tristesse. Puis il se retira à Béthanie avec ses disciples. Quand on le chercha pour le placer sur le trône, on ne le trouva plus. JC 576 3 Jésus pria toute la nuit; au matin il revint au temple. En chemin il passa près d'un verger. Ayant faim et apercevant de loin un figuier qui avait des feuilles, il alla voir s'il y trouverait du fruit. Il s'en approcha, mais "il n'y trouva que des feuilles, car ce n'était pas la saison des figues". JC 576 4 Ce n'était pas encore la saison des figues mûres, excepté dans quelques localités; et, sur les hauts plateaux entourant Jérusalem, on pouvait dire que ce n'était pas encore "la saison des figues". Mais dans le verger où Jésus entra, il y avait un figuier qui paraissait plus avancé que les autres et déjà recouvert de feuilles. On sait que, chez le figuier, le fruit précède la feuille. Cet arbre promettait donc du fruit déjà formé. Pourtant l'apparence trompait. Ayant cherché dans ses branches, depuis les rameaux les plus bas jusqu'au sommet de l'arbre, Jésus ne trouva que des feuilles. Il n'y avait qu'un feuillage prétentieux, rien de plus. JC 577 1 Le Christ prononça une malédiction: "Que jamais personne ne mange de ton fruit", dit-il. Le lendemain, comme le Sauveur passait de nouveau à cet endroit, pour se rendre à la ville, avec ses disciples, les branches aux feuilles flétries attirèrent leur attention. "Rabbi, regarde, dit Pierre, le figuier que tu as maudit a séché." JC 577 2 Les disciples avaient été étonnés en voyant le Christ maudire le figuier. Cela ne leur paraissait pas conforme à sa manière habituelle. Ils l'avaient souvent entendu dire qu'il n'était pas venu pour condamner le monde mais pour le sauver, et se souvenaient de ses paroles: "Le Fils de l'homme est venu, non pour perdre les âmes des hommes, mais pour les sauver."3 Ses oeuvres merveilleuses avaient servi à relever, et non pas à détruire. Les disciples ne l'avaient connu que comme régénérateur et guérisseur. Ils se demandaient quel était le but de cet acte isolé. JC 577 3 Dieu "prend plaisir à faire grâce". "Aussi vrai que je suis vivant, dit le Seigneur, l'Eternel, je prends plaisir non pas à la mort du méchant, mais à sa conversion et à son salut."4 L'oeuvre de destruction et de condamnation est pour lui une "oeuvre étrange".5 Mais c'est avec miséricorde et avec amour qu'il soulève le voile qui cache l'avenir, et qu'il révèle aux hommes les conséquences d'une vie de péché. JC 577 4 La malédiction du figuier était une parabole en action. Cet arbre stérile, dont le feuillage prétentieux paraissait jeter un défi au Christ, était un symbole de la nation juive. Le Sauveur voulait faire connaître aux disciples la cause du jugement d'Israël et l'impossibilité d'échapper à celui-ci. C'est pour cela qu'il prêta des qualités morales à cet arbre et s'en servit pour exposer une vérité divine. Les Juifs, faisant profession d'être fidèles à Dieu, se tenaient à l'écart de toutes les autres nations. Ils avaient été l'objet de faveurs spéciales de sa part, et ils s'attribuaient une justice supérieure à celle des autres peuples. Bien que contaminés par l'amour du monde et par la soif du gain, ils se vantaient de leurs connaissances et, pleins d'hypocrisie, ils ignoraient les vraies exigences de Dieu. Comme l'arbre stérile, ils exhibaient leurs branches orgueilleuses, à l'aspect luxuriant et magnifique, qui ne portaient que des feuilles. La religion juive, avec son temple splendide, ses autels sacrés, ses prêtres mitrés et ses cérémonies impressionnantes, avait vraiment une belle apparence sous laquelle l'humilité, l'amour, la bienveillance faisaient défaut. JC 578 1 Tous les figuiers du verger n'avaient point de fruit, cependant les arbres qui n'avaient pas de feuilles ne suscitaient ni désir ni déception. Ces arbres-là représentaient bien les païens. La piété leur manquait aussi bien qu'aux Juifs; mais ils ne faisaient pas profession de servir Dieu. Ils ne se vantaient pas de leur bonté. Ils ignoraient les oeuvres et les voies de Dieu. Pour eux, la saison des figues n'était pas encore arrivée. Ils attendaient encore le jour qui leur apporterait la lumière et l'espérance. Tandis que les Juifs, qui avaient reçu de Dieu de plus grandes bénédictions, devaient rendre compte du mauvais usage qu'ils avaient fait de ces dons. Les privilèges dont ils se glorifiaient ne servaient qu'à aggraver leur culpabilité. JC 578 2 Jésus, ayant eu faim, s'était approché du figuier pour y chercher de la nourriture. Désireux de trouver des fruits de justice, il s'était également approché d'Israël et avait prodigué ses dons aux Juifs afin qu'ils portassent du fruit pour le bonheur du monde. En retour des avantages qu'il leur avait accordés, il sollicitait leur amour et leur collaboration à l'oeuvre de sa grâce. Il désirait voir en eux l'esprit de renoncement et de compassion, du zèle pour Dieu, et un ardent besoin de travailler au salut de leurs semblables. En observant la loi divine, ils eussent accompli la même oeuvre désintéressée que le Christ. Malheureusement l'orgueil étouffait en leur coeur l'amour pour Dieu et pour les hommes. En refusant de se mettre au service des autres, en ne communiquant pas au monde les trésors de vérité que Dieu leur avait confiés, ils allèrent au-devant de leur ruine. Et, maintenant, ils pouvaient voir sur le figuier stérile l'image de leurs propres péchés et de leur châtiment. Flétri, les racines desséchées, foudroyé par la malédiction du Sauveur, le figuier annonçait ce que deviendrait le peuple juif quand la grâce de Dieu lui serait retirée. Pour avoir refusé de transmettre la bénédiction, ils cesseraient eux-mêmes d'en bénéficier. C'est "ce qui t'a perdu, ô Israël".6 JC 579 1 Cet avertissement est pour tous les temps. En maudissant le figuier créé par sa propre puissance, le Christ a donné un avertissement à toutes les églises et à tous les chrétiens. Personne ne peut mettre en pratique la loi de Dieu sans se placer au service d'autrui. Beaucoup ne se conforment pas à la vie miséricordieuse et désintéressée du Christ. Tout en se croyant d'excellents chrétiens, ils ne savent pas en quoi consiste le service de Dieu. Ils recherchent leur propre plaisir et n'agissent qu'en vue du moi. Le temps n'a de valeur, à leurs yeux, que s'ils l'emploient à amasser dans leur intérêt. C'est là leur préoccupation constante. Ils ne sont pas au service d'autrui, mais d'eux-mêmes. Dieu les a créés pour un service désintéressé, pour qu'ils viennent en aide à leurs semblables par tous les moyens possibles, mais leur égoïsme est si démesuré qu'il absorbe toute leur activité; ils ne se tiennent pas en contact avec l'humanité. Ceux qui vivent ainsi pour eux-mêmes ressemblent au figuier qui avait beaucoup de prétention et point de fruit. Ils respectent les formes du culte et n'ont ni repentance, ni foi. Ils prétendent honorer la loi de Dieu, l'obéissance leur fait défaut. Ils disent, mais ne font pas. Par la sentence prononcée contre le figuier, le Christ a montré combien de vaines prétentions sont odieuses à ses yeux. Le pécheur avéré, d'après lui, est moins coupable que celui qui, tout en faisant profession de servir Dieu, ne porte aucun fruit à sa gloire. JC 579 2 La parabole d'un autre figuier stérile, donnée avant la visite du Christ à Jérusalem, se rattache étroitement à la leçon enseignée par la malédiction prononcée sur le figuier qui n'avait pas de fruit parmi ses feuilles. Le vigneron plaida en faveur de l'arbre stérile: "Maître, laisse-le encore cette année; d'ici-là je creuserai tout autour et j'y mettrai du fumier. Peut-être à l'avenir produira-t-il du fruit; sinon, tu le couperas."7 L'arbre qui ne donnait pas de fruit allait être l'objet de soins plus attentifs. Aucun avantage ne lui serait refusé. Si malgré tout il restait sans fruit, rien ne le sauverait de la destruction. La parabole n'annonçait pas quel serait le résultat de l'effort du vigneron. Tout dépendait de ceux à qui le Christ adressait la parole. Ils étaient représentés par le figuier stérile: à eux de décider de leur destinée. Le ciel leur accorda tous les avantages dont il pouvait disposer, mais cette abondance de bénédictions ne leur profita pas. L'acte par lequel le Christ maudit le figuier sans fruit faisait prévoir le résultat. Ils s'étaient rendus responsables de leur propre destruction. JC 580 1 Pendant plus de mille ans, la nation juive, abusant de la grâce de Dieu, rejetant les avertissements divins et mettant à mort les prophètes, avait appelé sur elle les jugements de Dieu. Les contemporains du Christ assumèrent la responsabilité de ces péchés en suivant la même ligne de conduite. La faute de cette génération-là riva sur elle les chaînes forgées par la nation au cours des siècles. JC 580 2 Pour chaque homme il est un jour favorable où la lumière illumine sa route, un temps de grâce où il peut se réconcilier avec Dieu. Mais cette grâce a une limite; la miséricorde continuera à intercéder pendant des années, tout en étant méconnue et repoussée, cependant un moment vient où elle fait entendre son dernier appel. Le coeur s'endurcit à tel point qu'il cesse de répondre à l'Esprit de Dieu. Alors la voix douce et insinuante cesse de supplier le pécheur, les reproches et les avertissements ne sont plus entendus. JC 580 3 Ce jour-là était arrivé pour Jérusalem. Jésus pleura amèrement sur la cité condamnée qu'il ne pouvait plus délivrer. Il avait épuisé ses moyens. En rejetant les avertissements de l'Esprit de Dieu, Israël avait refusé les seuls moyens de salut. Il ne restait pas d'autre pouvoir qui pût le délivrer. JC 580 4 La nation juive représente ceux qui, dans tous les âges, dédaignent les appels de l'Amour infini. C'est en pensant aux péchés de tous les temps que le Christ versait des larmes sur Jérusalem. Ceux qui méprisent les réprimandes et les appels du Saint-Esprit de Dieu peuvent lire leur propre condamnation dans les jugements prononcés sur Israël. JC 581 1 Il y en a beaucoup, en notre génération qui, témoins des manifestations de la puissance de Dieu, suivent les traces des Juifs incrédules. Le Saint-Esprit a parlé à leurs coeurs; néanmoins ils résistent dans leur incrédulité, ne voulant pas confesser leurs erreurs; ils repoussent le message et le messager. Les moyens mêmes que Dieu emploie pour les relever deviennent pour eux une pierre d'achoppement. JC 581 2 Les prophètes de Dieu qui mettaient en lumière les péchés cachés, étaient l'objet de la haine de l'Israël apostat. Le roi Achab considérait Elie comme son ennemi parce que le prophète lui reprochait fidèlement les iniquités qu'il commettait en secret. De même, actuellement, le serviteur du Christ qui censure le péché s'attire le dédain et les railleries. La vérité biblique, la religion du Christ, doit lutter contre un fort courant d'impuretés morales. Le préjugé est même plus puissant dans les coeurs, aujourd'hui, qu'au temps du Christ. Jésus n'a pas répondu à l'attente des hommes; sa vie condamnait leurs péchés: c'est pourquoi ils l'ont rejeté. De nos jours, la vérité de la Parole de Dieu ne s'accorde pas davantage avec les agissements et avec les inclinations naturelles des hommes: des milliers refusent sa lumière. Poussés par Satan, des hommes jettent le doute sur la Parole de Dieu et préfèrent exercer leur propre jugement d'une manière indépendante. C'est au péril de leur âme qu'ils préfèrent les ténèbres à la lumière. Ceux qui ergotaient au sujet des paroles du Christ, trouvèrent toujours de nouvelles raisons de chicaner et ils finirent par se détourner de la Vérité et de la Vie. Il en est de même aujourd'hui. Dieu n'a pas l'intention de supprimer toutes les objections qu'un coeur charnel peut opposer à sa vérité. Les mystères de la Parole de Dieu resteront toujours cachés aux yeux de ceux qui refusent les précieux rayons de lumière qui dissiperaient les ténèbres. Ils marchent en aveugles, sans apercevoir la ruine qui les attend. JC 582 1 Du haut de la colline des Oliviers, le regard du Christ embrassait le monde à travers tous les âges. Ses paroles s'appliquent à toute âme qui ne tient pas compte des appels de la grâce divine. C'est à vous qu'il s'adresse aujourd'hui, à vous qui dédaignez son amour. Vous devriez, vous aussi, connaître les choses qui pourraient vous donner la paix. Le Christ répand des larmes amères pour vous qui ne pleurez pas sur vous-mêmes. Déjà se manifeste, en vous, ce fatal endurcissement du coeur qui amena la ruine des pharisiens. Chaque manifestation de la grâce de Dieu, chaque rayon de lumière divine, ont nécessairement pour effet, ou bien d'attendrir et de subjuguer l'âme, ou alors de la confirmer dans une impénitence sans remède. JC 582 2 Le Christ prévoyait que Jérusalem resterait obstinée et impénitente; cependant toutes les conséquences du rejet de la grâce la guettaient à la porte. Il en sera ainsi de toute âme qui suit la même voie. Le Seigneur déclare: "Ce qui t'a perdu, ô Israël, c'est que tu t'es révolté contre moi." "Terre, écoute! Je vais faire venir sur ce peuple le malheur, fruit de sa conduite, parce qu'il n'a pas été attentif à mes paroles et qu'il a rejeté ma loi."8 ------------------------Chapitre 65 -- Le temple purifié à nouveau JC 583 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 21:12-16, 23-46; Marc 11:15-19, 27-33; 12:1-12; Luc 19:45-48; 20:1-19. JC 583 1 Au commencement de son ministère, le Christ avait chassé du temple ceux qui le souillaient par un trafic sacrilège; son attitude sévère, divine, avait jeté l'effroi dans le coeur des marchands rusés. Jésus, au terme de sa mission, revint au temple et le trouva profané, comme auparavant. Les conditions avaient même empiré. Le parvis extérieur du temple ressemblait à un parc à bétail. Aux cris des animaux et au tintement sonore des pièces de monnaie, se mêlait le bruit des altercations irritées, non seulement entre trafiquants, mais parfois même parmi les hommes chargés d'un ministère sacré. Les dignitaires du temple s'occupaient eux-mêmes d'acheter, de vendre et de changer la monnaie. Aux yeux de Dieu, ils ne valaient pas mieux que des voleurs, tant était grande, chez eux, la soif du gain. JC 583 2 Les prêtres et les chefs étaient loin de comprendre la solennité de l'oeuvre qu'ils avaient à accomplir. A chaque Pâque et à chaque fête des tabernacles, on mettait à mort des milliers d'animaux, et le sang en était recueilli par les prêtres et répandu sur l'autel. Les Juifs, familiarisés avec l'offrande du sang, avaient presque perdu de vue le fait que toute cette effusion de sang animal était rendue nécessaire par le péché. Ils n'y voyaient pas une figure anticipée du sang du Fils de Dieu, qui devait être versé pour la vie du monde; et ils ne concevaient pas le but de ces sacrifices, qui était d'amener les hommes à un Rédempteur crucifié. JC 583 3 Jésus jeta un regard sur les victimes innocentes destinées au sacrifice, et il vit que les Juifs avaient transformé ces grandes assemblées en scènes de tuerie et de cruauté. Au lieu de témoigner d'un repentir sincère pour leurs péchés, ils avaient multiplié les sacrifices d'animaux, comme si Dieu pouvait être honoré par un culte d'où le coeur était absent. Prêtres et chefs avaient endurci leurs coeurs à force d'égoïsme et d'avarice. Les symboles annonçant l'Agneau de Dieu étaient même devenus entre leurs mains des moyens de s'enrichir; le caractère sacré du service sacrificiel s'était effacé, dans une grande mesure, aux yeux du peuple. Ceci souleva l'indignation de Jésus; il savait que son sang, qui allait bientôt être répandu pour les péchés du monde, ne serait pas plus estimé par les prêtres et les anciens que ne l'était le sang des bêtes qu'ils voyaient couler constamment. JC 584 1 Le Christ s'était élevé contre ces abus quand il faisait dire au prophète Samuel: "L'Eternel prend-il autant de plaisir aux holocaustes et aux sacrifices qu'à l'obéissance due à sa voix? Or l'obéissance vaut mieux que le sacrifice; la soumission vaut mieux que la graisse des béliers." Esaïe, d'autre part, apercevant l'apostasie des Juifs dans une vision prophétique, leur avait dit: "Ecoutez la parole de l'Eternel, chefs de Sodome! Prêtez l'oreille à la loi de notre Dieu, peuple de Gomorrhe! Que m'importe la multitude de vos sacrifices? dit l'Eternel. Je suis rassasié des holocaustes de béliers et de la graisse des veaux gras. Je ne prends point plaisir au sang des taureaux, des agneaux et des boucs. Quand vous venez vous présenter devant ma face, qui vous a demandé de fouler mes parvis? ... Lavez-vous, purifiez-vous! Ecartez de mes yeux vos méchantes actions. Cessez de mal faire. Apprenez à bien faire, recherchez la justice; soutenez l'opprimé, faites droit à l'orphelin, défendez la veuve."1 JC 584 2 Celui qui avait donné autrefois ces prophéties, renouvelait l'avertissement, pour la dernière fois. En conformité avec la prophétie, le peuple avait proclamé Jésus Roi d'Israël. Le Christ avait reçu leurs hommages, et accepté le titre de roi. Il devait maintenant agir comme tel. Il savait bien qu'il tenterait en vain de réformer un sacerdoce corrompu; néanmoins, il devait accomplir son oeuvre; il devait prouver sa mission divine à un peuple incrédule. JC 584 3 Une fois de plus, le regard perçant de Jésus se promena à travers le parvis profané du temple. Tous les yeux étaient fixés sur lui. Prêtres et chefs, pharisiens et païens, considéraient, avec étonnement et avec crainte, celui qui se tenait devant eux, dans toute la majesté d'un roi céleste. La divinité transparaissait à travers son humanité, conférant au Christ une dignité et une gloire qu'il n'avait encore jamais manifestées. Ceux qui se trouvaient près de lui s'éloignèrent autant que le leur permit la foule. Le Sauveur resta seul avec quelques-uns de ses disciples. Il se fit un grand silence, un silence oppressant. Avec une puissance qui secouait la foule, comme une tempête violente, le Christ dit: "Il est écrit: Ma maison sera appelée une maison de prière. Mais vous, vous en faites une caverne de voleurs." Sa voix résonnait comme le son d'une trompette à travers le temple. L'indignation qui se reflétait sur son visage lui donnait l'aspect d'un feu consumant. Il commanda avec autorité: "Otez cela d'ici."2 JC 585 1 Trois années auparavant, les chefs du temple s'étaient trouvés mortifiés d'avoir fui sur l'ordre de Jésus. Depuis, ils avaient pensé avec surprise à leur crainte, et à la façon dont ils s'étaient soumis sans résistance, à un seul homme, et à un homme de condition humble. Une telle abdication ne pouvait se renouveler. Cependant leur effroi fut plus grand encore, à cette heure, et ils s'empressèrent d'exécuter l'ordre qui leur était donné. Personne n'osa contester l'autorité du Christ. Prêtres et commerçants s'enfuirent hors de sa présence, chassant leur bétail devant eux. En s'éloignant du temple ils rencontrèrent une foule de gens qui, avec leurs malades, étaient à la recherche du grand Guérisseur. En entendant ce qui s'était passé, quelques-uns de ceux-ci rebroussèrent chemin, craignant de paraître devant le Maître puissant dont un seul regard avait suffi à chasser les prêtres et les chefs. Beaucoup d'autres, impatients d'arriver auprès de celui qui était leur seul espoir, se frayèrent un passage à travers la cohue des fuyards. Plusieurs, restés en arrière quand la multitude était sortie du temple, se joignirent aux nouveaux arrivés; le parvis se trouva rempli de malades et de mourants qui reçurent les soins de Jésus. JC 586 1 Pourtant, après un moment, les prêtres et les chefs s'enhardirent et revinrent au temple. La panique une fois passée, ils étaient anxieux de savoir ce que Jésus allait faire. Ils s'attendaient à le voir s'emparer du trône de David. Etant rentrés sans bruit, ils entendirent des voix d'hommes, de femmes et d'enfants, louant Dieu, et furent émerveillés à la vue du tableau qui s'offrait à leurs regards. Des malades guéris, des aveugles ayant recouvré la vue, des sourds, l'ouïe, et des estropiés sautant de joie. Les enfants se livraient à la gaieté la plus démonstrative. Jésus les avait guéris de leurs maladies, il les avait serrés dans ses bras, il avait reçu leurs baisers de reconnaissance affectueuse; quelques-uns même s'étaient endormis sur sa poitrine pendant qu'il enseignait le peuple. Maintenant leurs petites voix joyeuses célébraient ses louanges. Ils répétaient les hosannas de la veille, en agitant triomphalement des branches de palmiers devant le Sauveur. Le temple retentissait de leurs acclamations ininterrompues: "Béni soit celui qui vient au nom de l'Eternel!" "Voici que ton roi vient à toi; il est juste et victorieux!" "Hosanna au Fils de David!"3 JC 586 2 Le son de ces voix joyeuses et libres était un scandale pour les chefs du temple qui voulurent faire cesser ces démonstrations en affirmant au peuple que la maison de Dieu était profanée par les pieds des enfants et les cris de réjouissance. Voyant que leurs paroles ne faisaient aucune impression sur la foule, les chefs s'adressèrent au Christ: "Entends-tu ce qu'ils disent? Oui, leur répondit Jésus. N'avez-vous jamais lu ces paroles: Tu as tiré des louanges de la bouche des enfants et de ceux qui sont à la mamelle?" La prophétie avait annoncé que le Christ devait être proclamé roi: elle devait s'accomplir. Les prêtres et les chefs d'Israël ayant refusé de lui servir de hérauts, Dieu suscita des enfants pour être ses témoins. Si ces voix d'enfants étaient restées silencieuses, les colonnes même du temple eussent fait entendre les louanges du Sauveur. JC 586 3 Les pharisiens se trouvaient complètement désemparés. Quelqu'un qui ne se laissait pas intimider avait la haute main. Jésus avait pris position en qualité de gardien du temple. Il n'avait jamais auparavant assumé une telle autorité royale. Jamais encore ses paroles et ses oeuvres n'avaient revêtu une si grande puissance. Sans doute il avait accompli des oeuvres merveilleuses dans tout Jérusalem, mais jamais encore avec autant de solennité et d'une manière aussi impressionnante. Les prêtres et les chefs n'osaient pas montrer ouvertement leur hostilité en présence de la foule qui venait d'assister à ses oeuvres merveilleuses. Bien que fous de rage et confondus par la réponse du Christ, ils ne purent rien faire de plus ce jour-là. JC 587 1 Le lendemain matin le sanhédrin tint conseil à nouveau au sujet de Jésus. Trois années auparavant, on avait réclamé de lui un signe de sa messianité. Depuis lors, dans tout le pays, il avait guéri des malades, rassasié miraculeusement des milliers de personnes, marché sur les flots, et apaisé la mer agitée. A plusieurs reprises il avait lu dans les coeurs, comme dans un livre ouvert; il avait chassé des démons, ressuscité des morts. Les chefs avaient eu des preuves de sa messianité. Aussi décidèrent-ils, non pas de lui demander un nouveau signe, mais de lui arracher quelque aveu ou quelque affirmation qui pût servir à le condamner. JC 587 2 Etant venus au temple où il enseignait, ils l'interrogèrent ainsi: "En vertu de quelle autorité fais-tu cela, et qui t'a donné cette autorité?" Ils s'attendaient à ce qu'il déclarât que son autorité venait de Dieu. Dans ce cas, ils se proposaient de contester son affirmation, mais Jésus leur répondit par une autre question, paraissant sans rapport avec le sujet, et il leur dit qu'il ne leur donnerait d'explication que s'il recevait d'abord une réponse à sa question. "Le baptême de Jean, demanda-t-il, d'où venait-il, du ciel ou des hommes?" Les prêtres se virent pris dans un dilemme d'où aucun sophisme ne pourrait les faire sortir. S'ils reconnaissaient que le baptême de Jean était du ciel, ils faisaient éclater leur inconséquence. Car alors le Christ leur dirait: Pourquoi n'avez-vous donc pas cru en lui? Jean, en effet, avait rendu ce témoignage au Christ: "Voici l'Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde." Si les prêtres acceptaient le témoignage de Jean, comment pouvaient-ils nier la messianité de Jésus? Et s'ils avouaient que le ministère de Jean était une chose toute humaine, ils soulèveraient une tempête d'indignation; car le peuple croyait que Jean était un prophète. JC 588 1 La foule attendait la décision avec la plus vive curiosité. On savait que les prêtres avaient fait profession d'accepter le ministère de Jean, et l'on supposait qu'ils admettraient, sans hésitation, qu'il était envoyé de Dieu. Mais les prêtres, s'étant consultés en secret, décidèrent de ne pas se compromettre. Prétextant, avec hypocrisie, leur ignorance, ils dirent: "Nous ne savons." "Moi non plus, dit le Christ, je ne vous dis pas en vertu de quelle autorité je fais cela." JC 588 2 Scribes, prêtres et chefs étaient réduits au silence. Déjoués et déçus, ils tenaient les yeux baissés, n'osant pas poser de nouvelles questions. Leur lâcheté et leur indécision leur avaient, en grande mesure, aliéné le respect du peuple, qui assistait maintenant, amusé, à la défaite de ces hommes orgueilleux qui se croyaient justes. JC 588 3 Tous ces faits et dires du Christ avaient leur importance, et devaient exercer une influence croissante, après la crucifixion et l'ascension. Plusieurs de ceux qui avaient attendu, avec anxiété, le résultat de l'interrogation de Jésus, deviendraient plus tard ses disciples, attirés à lui, principalement, par les paroles entendues en ce jour remarquable. Ce qui s'était passé dans les parvis du temple ne s'effacerait jamais des mémoires. On remarquait, au cours de leur entretien, un contraste frappant entre Jésus et le souverain sacrificateur. L'orgueilleux dignitaire du temple, vêtu de vêtements riches et coûteux, portait sur la tête une tiare resplendissante. Son apparence majestueuse, rehaussée par ses cheveux argentés et sa longue barbe flottante, inspirait la crainte. Devant cet auguste personnage se tenait la Majesté du ciel, sans ornement et sans faste. Ses vêtements portaient la trace du voyage; son visage pâle exprimait une tristesse résignée, une dignité et une bienveillance qui faisaient un contraste étrange avec l'air orgueilleux et courroucé du grand prêtre. Plusieurs parmi les témoins des paroles et des actes de Jésus, dans le temple, gardèrent dans le coeur la conviction qu'il était un prophète de Dieu. En constatant la faveur du courant populaire vis-à-vis de Jésus, la haine des prêtres s'accrut. La sagesse avec laquelle il échappait à leurs pièges, donnant une preuve nouvelle de sa divinité, alimentait leur colère. JC 589 1 En discutant avec les rabbins, l'intention du Christ n'était pas d'humilier ses adversaires; il ne jouissait pas de leur embarras, mais il voulait donner une importante leçon et confondre ses ennemis en les prenant au filet qu'ils avaient tendu sous ses pas. L'ignorance dont ils faisaient l'aveu concernant le caractère du baptême de Jean, lui offrait l'occasion de parler, et il en profita pour leur montrer leur vraie position et pour ajouter un nouvel avertissement à ceux qu'il leur avait déjà donnés. JC 589 2 "Qu'en pensez-vous? dit-il. Un homme avait deux fils; il s'adressa au premier et dit: Mon enfant, va travailler aujourd'hui à ma vigne. Il répondit: J'y vais Seigneur; mais il n'y alla pas. Il s'adressa alors au deuxième et lui donna le même ordre; celui-ci répondit: Je ne veux pas; puis il se repentit, et il y alla. Lequel des deux fils a fait la volonté du père?" JC 589 3 Cette question inattendue prit ses auditeurs au dépourvu. Ils avaient écouté attentivement et ils s'empressèrent de répondre: "Le dernier." Fixant sur eux des regards sévères, Jésus leur dit avec solennité: "En vérité, je vous le dis, les péagers et les prostituées vous devanceront dans le royaume de Dieu. Car Jean est venu à vous dans la voie de la justice, et vous n'avez pas cru en lui. Mais les péagers et les prostituées ont cru en lui; et vous, qui avez vu cela, vous ne vous êtes pas ensuite repentis pour croire en lui." JC 589 4 Les prêtres et les chefs ne pouvaient éviter de répondre correctement au Christ; il put ainsi connaître leur opinion favorable au second fils, qui représentait les péagers méprisés et haïs des pharisiens. Les péagers avaient mené une vie immorale; ils avaient transgressé la loi de Dieu et résisté violemment à ses exigences. Ils avaient été ingrats et impies; invités à aller travailler dans la vigne du Seigneur ils avaient refusé dédaigneusement. Mais quand Jean se présenta, prêchant la repentance, ils avaient reçu son message et son baptême. JC 589 5 Le second fils représentait les conducteurs de la nation juive. Quelques pharisiens s'étaient repentis et avaient reçu le baptême de Jean, mais les chefs ne voulurent pas le reconnaître comme venant de Dieu. Ses avertissements et ses menaces ne les amenèrent pas à se réformer. "En ne se faisant pas baptiser par lui", ils rejetèrent "le dessein de Dieu à leur égard". Ils traitèrent son message avec mépris. Comme le premier fils qui avait dit, en réponse à l'appel, "j'y vais, Seigneur", mais n'alla pas, les prêtres et les chefs faisaient profession d'obéissance et désobéissaient néanmoins. Ils affichaient une grande piété, déclaraient vouloir obéir à la loi divine, mais ils n'obéissaient pas vraiment. Les péagers, quoique dénoncés et maudits comme infidèles par les pharisiens, montraient par leur foi et leurs oeuvres qu'ils devançaient dans le royaume des cieux ces propre-justes favorisés par de grandes lumières mais dont les oeuvres n'étaient pas à la hauteur de leur profession de piété. JC 590 1 Peu désireux d'entendre ces vérités pénétrantes, les prêtres et les chefs restèrent silencieux; ils espéraient que Jésus dirait quelque chose dont ils pussent se servir contre lui; ils durent encore entendre autre chose. JC 590 2 "Ecoutez une autre parabole: Il y avait un maître de maison qui planta une vigne. Il l'entoura d'une haie, y creusa un pressoir et y bâtit une tour. Puis il la loua à des vignerons et partit en voyage. A l'approche des vendanges, il envoya ses serviteurs vers les vignerons pour recevoir les fruits de sa vigne. Les vignerons prirent ses serviteurs, frappèrent l'un, tuèrent l'autre et lapidèrent le troisième. Il envoya encore d'autres serviteurs en plus grand nombre que les premiers, et les vignerons les traitèrent de la même manière. Enfin il envoya vers eux son fils en disant: Ils respecteront mon fils. Mais quand les vignerons virent le fils, ils se dirent entre eux: C'est lui l'héritier; venez, tuons-le et nous aurons son héritage. Et ils le prirent, le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent. Maintenant, lorsque le maître de la vigne viendra, que fera-t-il à ces vignerons?" JC 590 3 Jésus s'adressait à toutes les personnes présentes. La réponse fut donnée par les prêtres et les chefs: "Il fera périr misérablement ces misérables, et il louera la vigne à d'autres vignerons qui lui en donneront les fruits en leur saison." Ceux qui parlaient ainsi n'avaient pas tout d'abord deviné l'application de la parabole, mais ils ne tardèrent pas à comprendre qu'ils venaient de prononcer leur propre condamnation. Dans cette parabole le maître de maison représente Dieu, la vigne la nation juive, la haie la loi divine qui les protégeait. La tour symbolisait le temple. Le maître de la vigne avait tout fait pour assurer la prospérité de cette vigne. "Qu'y avait-il à faire à ma vigne que je n'aie fait pour elle?"4 disait-il. Ainsi étaient rappelés les soins infatigables prodigués à Israël. De même que les vignerons devaient donner au propriétaire la proportion convenue des fruits de la vigne, le peuple de Dieu aurait dû l'honorer par une vie qui correspondît à leurs privilèges sacrés. Mais de même que les vignerons avaient tué les serviteurs envoyés pour recevoir le fruit, les Juifs avaient mis à mort les prophètes que Dieu leur avait envoyés pour les inviter à la repentance. Un messager après l'autre avait été mis à mort. Jusqu'ici l'application de la parabole ne pouvait être contestée; la suite allait être aussi évidente. Dans ce fils bien-aimé envoyé à la fin par le maître de la vigne à ses serviteurs désobéissants, qu'ils saisirent et tuèrent, les prêtres et les chefs n'eurent pas de peine à distinguer Jésus et le sort qui l'attendait. Car déjà ils formaient le projet de mettre à mort celui que le Père leur avait envoyé, chargé de leur adresser un suprême appel. La punition infligée aux vignerons ingrats annonçait la condamnation des meurtriers du Christ. JC 591 1 Le Sauveur les considéra avec pitié et continua: "N'avez-vous jamais lu dans les Ecritures: JC 591 2 'La pierre qu'ont rejetée ceux qui bâtissaient Est devenue la pierre angulaire. C'est du Seigneur que cela est venu, Et c'est admirable à nos yeux'? JC 591 3 C'est pourquoi je vous le dis, le royaume de Dieu vous sera enlevé et sera donné à une nation qui en produira les fruits. [Quiconque tombera sur cette pierre s'y brisera, et celui sur qui elle tombera, elle l'écrasera.]" JC 592 1 Les Juifs avaient souvent répété cette prophétie dans leurs synagogues et en avaient fait l'application au Messie à venir. Le Christ était la pierre angulaire de l'économie juive et du plan du salut tout entier. Les constructeurs juifs, prêtres et chefs d'Israël, rejetaient maintenant cette pierre du fondement. Le Sauveur appelait leur attention sur les prophéties qui signalaient le danger qu'ils couraient. Par tous les moyens en son pouvoir il s'efforçait de leur faire comprendre la portée des actes qu'ils étaient sur le point d'accomplir. JC 592 2 Ses paroles cachaient encore un autre dessein. En demandant: "Lorsque le maître de la vigne viendra, que fera-t-il à ces vignerons?" Jésus voulait arracher aux pharisiens la réponse qu'ils donnèrent en effet, et qui les condamnait. Ses avertissements n'ayant pas été suivis de repentance, il voulait leur montrer qu'ils avaient scellé leur propre condamnation et préparé leur ruine. Il se proposait de leur montrer que Dieu était juste en leur retirant leurs privilèges nationaux, comme il avait déjà commencé à le faire, ce qui allait aboutir à la destruction du temple et de leur cité, et à la dispersion de la nation. JC 592 3 L'avertissement fut compris des auditeurs. Cependant, malgré la sentence qu'ils venaient de prononcer sur eux-mêmes, les prêtres et les chefs étaient prêts à se conformer au tableau présenté par Jésus: "C'est lui l'héritier; venez, tuons-le." "Mais tout en cherchant à le saisir, ils craignirent les foules, parce qu'elles le tenaient pour un prophète." L'opinion publique était favorable au Christ. JC 592 4 En citant la prédiction relative à la pierre rejetée, le Christ faisait allusion à un incident de l'histoire d'Israël. Bien que cela s'appliquât spécialement à la première venue du Christ et constituât un puissant appel pour les Juifs, il y a là aussi une leçon pour nous. Lors de la construction du temple de Salomon, les immenses pierres qui devaient entrer dans les murs et les fondations étaient entièrement préparées dans la carrière; il n'y avait plus lieu de les travailler quand elles arrivaient sur l'emplacement; les ouvriers n'avaient qu'à les mettre à leur place. On avait amené une pierre de grandeur inhabituelle qui devait trouver place dans le fondement, mais les ouvriers ne trouvèrent pas sa place et la mirent de côté. Elle les gênait au passage et resta longtemps sans emploi. Cependant, quand on arriva à l'angle, les constructeurs cherchèrent en vain une pierre suffisamment grande et solide, de dimensions convenables, susceptible d'occuper cette place et de supporter le poids de l'édifice. Un choix peu judicieux eût mis en péril l'équilibre de tout l'édifice. Il fallait une pierre capable de supporter la chaleur du soleil, le gel et la tempête. Les diverses pierres qu'on avait essayées s'étaient effritées sous le poids auquel elles avaient été soumises. D'autres ne supportaient pas les changements atmosphériques soudains. Pour finir, l'attention se porta sur la pierre qui avait été rejetée. Exposée à l'air, au soleil, à la tempête, elle avait résisté sans la moindre fêlure. Les constructeurs examinèrent cette pierre, qui avait supporté toutes les épreuves sauf une. On décida de l'accepter comme pierre angulaire si elle résistait à une forte pression. L'épreuve réussit, la pierre fut acceptée, amenée à la place prévue, et l'on vit qu'elle répondait exactement au besoin. JC 593 1 Dans une vision prophétique, Esaïe avait vu que cette pierre était un symbole du Christ. Voici ses paroles: JC 593 2 "Sanctifiez l'Eternel des armées; c'est lui seul que vous devez craindre et redouter. Il sera un sanctuaire, mais aussi une pierre d'achoppement, un rocher de scandale pour les deux maisons d'Israël, un piège et un filet pour les habitants de Jérusalem. Beaucoup d'entre eux trébucheront; ils tomberont et se briseront; ils seront enlacés et pris au filet." Transporté au temps du premier avènement, dans sa vision prophétique, le prophète voit que le Christ doit être soumis aux épreuves figurées par le traitement réservé à la pierre angulaire du temple de Salomon. "C'est pourquoi ainsi parle le Seigneur, l'Eternel: Voyez! J'ai mis pour fondement en Sion une pierre, une pierre angulaire, choisie et précieuse, solidement posée; celui qui s'appuiera sur elle ne sera pas réduit à s'enfuir."5 JC 593 3 Avec une sagesse infinie Dieu a choisi la pierre de fondement et l'a placée lui-même. Il l'a déclaré: c'est un fondement sûr. Le monde entier peut déposer sur elle ses fardeaux et ses chagrins: elle peut les supporter. Le Christ est une pierre éprouvée. Il ne déçoit jamais ceux qui se confient en lui. Il a supporté toutes les épreuves. La faute d'Adam a pesé sur lui, ainsi que celle de ses descendants; il en est sorti plus que vainqueur sur les puissances du mal. Il a porté les fardeaux jetés sur lui par chaque pécheur repentant. En Christ le coeur coupable trouve le soulagement. Il offre un fondement sûr. Tous ceux qui dépendent de lui reposent dans une sécurité parfaite. JC 594 1 La prophétie d'Esaïe présente le Christ à la fois comme un fondement sûr et comme une pierre d'achoppement. Inspiré par le Saint-Esprit, l'apôtre Pierre montre pour qui le Christ est une pierre angulaire et pour qui un rocher de scandale: JC 594 2 "Si vous avez goûté que le Seigneur est bon, approchez-vous de lui, pierre vivante, rejetée par les hommes, mais choisie et précieuse devant Dieu, et vous-mêmes, comme des pierres vivantes, édifiez-vous pour former une maison spirituelle, un saint sacerdoce, en vue d'offrir des victimes spirituelles, agréables à Dieu par Jésus-Christ; car il y a dans l'Ecriture: Voici, je pose en Sion une pierre angulaire, choisie, précieuse, et celui qui croit en elle ne sera point confondu. L'honneur est donc pour vous qui croyez. Mais, pour les incrédules, la pierre qu'ont rejetée ceux qui bâtissaient est devenue la pierre angulaire et une pierre d'achoppement et un rocher de scandale. Ils s'y achoppent pour avoir désobéi à la parole."6 JC 594 3 Pour ceux qui croient, le Christ est un sûr fondement. Car ils sont tombés sur le Rocher et s'y sont brisés. Ceci veut dire soumission au Christ et foi en lui. Tomber sur le Rocher et s'y briser signifie renoncer à la propre-justice, aller au Christ avec une humilité enfantine, en se repentant de ses transgressions, en croyant à l'amour qui pardonne. C'est aussi par la foi et l'obéissance que nous sommes édifiés sur le fondement du Christ. JC 594 4 Juifs et Gentils peuvent également bâtir sur cette pierre vivante. Elle est assez large et assez forte pour soutenir le poids et le fardeau du monde entier. Unis au Christ, la pierre vivante, tous ceux qui sont édifiés sur ce fondement deviennent autant de pierres vivantes. Bien des personnes veulent se façonner, se polir, s'embellir par leurs propres efforts; elles ne peuvent devenir des pierres vivantes faute d'être unies au Christ. Personne ne peut être sauvé en dehors de cette union. Impossible de résister à la violence des tentations si l'on ne possède en soi la vie du Christ. Il n'y a de sécurité éternelle que pour celui qui construit sur le fondement solide. Aujourd'hui, quantité de gens construisent sur des fondements non éprouvés. Quand la pluie tombe, et que la tempête fait rage, produisant une inondation, la maison s'écroule, n'étant pas fondée sur le Rocher éternel, la pierre angulaire, le Christ-Jésus. JC 595 1 Pour ceux qui "s'y achoppent pour avoir désobéi à la parole", le Christ est un rocher de scandale. Mais "la pierre qu'ont rejetée ceux qui bâtissaient est devenue la pierre angulaire". Tout comme la pierre rejetée, au cours de sa mission terrestre le Christ a été négligé et maltraité. "Il était méprisé, abandonné des hommes. Homme de douleurs, connaissant la souffrance, il inspirait le mépris ... et nous n'avons fait aucun cas de lui."7 Mais le moment de sa glorification approchait. Par sa résurrection d'entre les morts il allait être "déclaré Fils de Dieu avec puissance".8 Il sera manifesté en qualité de Seigneur du ciel et de la terre à sa seconde venue. Ceux qui étaient sur le point de le crucifier le reconnaîtront alors dans sa véritable grandeur. A la vue de l'univers, la pierre rejetée deviendra la pierre angulaire. JC 595 2 "Et celui sur qui elle tombera, elle l'écrasera." Le peuple qui rejetait le Christ assisterait bientôt à la destruction de sa capitale et de sa nation. Sa gloire s'évanouirait, dispersée à tous les vents comme de la poussière. Or qu'est-ce qui a amené la destruction des Juifs? C'est le rocher sur lequel ils eussent pu bâtir en toute sécurité. Mais la bonté de Dieu a été méprisée, la justice bravée, la miséricorde dédaignée. Les hommes se sont mis en opposition avec Dieu; tout ce qui aurait pu contribuer à leur salut a été changé en un moyen de destruction. Tout ce qui tendait à la vie, dans la pensée de Dieu, est devenu instrument de mort. Le sang versé au Calvaire a entraîné leur ruine présente et future. Il en sera de même au grand jour final, quand le jugement frappera ceux qui auront rejeté la grâce divine. Le Christ, rocher de scandale, leur semblera alors une montagne vengeresse. La gloire de son visage, qui apportera la vie aux justes, sera un feu consumant pour les méchants. Le pécheur sera détruit pour avoir rejeté l'amour et méprisé la grâce. JC 596 1 Par des images variées et des avertissements répétés Jésus montra ce qui arriverait aux Juifs qui rejetaient le Fils de Dieu. Ses paroles s'adressent à tous ceux qui, dans tous les siècles, refusent de le recevoir comme leur Rédempteur. Tous ces avertissements les concernent. Le temple profané, le fils désobéissant, les méchants vignerons, les constructeurs dédaigneux: tous ont leur contrepartie dans l'expérience de chaque pécheur qui, s'il ne se repent, subira la condamnation annoncée. ------------------------Chapitre 66 -- Controverses JC 597 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 22:15-46; Marc 12:13-40; Luc 20:20-47. JC 597 1 Les prêtres et les chefs avaient écouté en silence les vives réprimandes que le Christ leur adressait. Impossible de réfuter ses accusations. Mais ils n'en étaient que plus décidés à le prendre au piège; à cet effet ils lui "envoyèrent des espions qui se donnaient l'allure d'être justes, pour le prendre à l'une de ses paroles et le livrer au pouvoir et à l'autorité du gouverneur". Au lieu d'envoyer les pharisiens d'âge mûr que Jésus avait souvent rencontrés, ils dépêchèrent de jeunes hommes ardents et zélés, pensant que le Christ ne les connaîtrait pas. Ces hommes étaient accompagnés de quelques hérodiens chargés d'enregistrer ses paroles afin de pouvoir témoigner contre lui lors de son procès. Les pharisiens et les hérodiens, qui avaient entretenu une violente inimitié les uns contre les autres, étaient maintenant unis dans leur haine contre le Christ. JC 597 2 Les pharisiens ne supportaient qu'impatiemment le tribut exigé par les Romains. Ils y voyaient une entorse à la loi de Dieu. Mais une occasion s'offrait maintenant à eux de tendre un piège à Jésus. Les espions vinrent auprès de lui et avec une apparente sincérité, comme s'ils eussent désiré être instruits concernant leur devoir, ils dirent: "Maître, nous savons que tu parles et enseignes avec droiture, et que tu ne fais pas de considération de personne, mais que tu enseignes la voie de Dieu selon la vérité. Nous est-il permis, ou non, de payer le tribut à César?" JC 597 3 "Nous savons que tu parles et enseignes avec droiture." Dites avec sincérité, ces paroles eussent constitué une magnifique admission. Bien qu'elles eussent pour but de tromper, elles étaient néanmoins un témoignage vrai. Les pharisiens savaient que le Christ parlait et enseignait avec droiture, aussi seront-ils jugés d'après leur propre témoignage. JC 598 1 Ceux qui interrogeaient Jésus s'imaginaient avoir suffisamment dissimulé leur intention; mais Jésus lisait dans leurs coeurs comme dans un livre ouvert et sondait leur hypocrisie. "Pourquoi me mettez-vous à l'épreuve?" dit-il, leur offrant un signe qu'ils n'avaient pas demandé, en montrant qu'il avait découvert leur dessein caché. Ils furent d'autant plus confus qu'il leur dit: "Montrez-moi la monnaie de l'impôt. Et ils lui présentèrent un denier. Il leur demanda: De qui sont cette effigie et cette inscription? De César, lui répondirent-ils." Alors, leur montrant l'inscription, il leur dit: "Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu." JC 598 2 Les espions avaient attendu de Jésus une réponse directe, affirmative ou négative. S'il avait répondu: Il n'est pas permis de payer le tribut à César, on l'aurait accusé auprès des autorités romaines et fait arrêter comme incitant à la rébellion. Si en revanche il avait déclaré qu'il est permis de payer le tribut, on se proposait de l'accuser auprès du peuple comme s'opposant à la loi de Dieu. Mais ils se trouvèrent déjoués et déconfits. Leurs plans étaient dérangés. La solution sommaire que leur question avait reçue ne leur laissait rien à dire. JC 598 3 La réponse du Christ, loin d'être une échappatoire, était une réponse candide. Tenant dans sa main la monnaie romaine, avec le nom et l'effigie de César, il déclara que puisqu'ils vivaient sous la protection du pouvoir romain ils avaient le devoir de lui rendre ce qui lui était dû aussi longtemps que cela n'entrait pas en conflit avec un devoir supérieur. Cependant, tout en vivant en sujets paisibles sous les lois du pays, ils devaient en tout temps rester d'abord fidèles à Dieu. JC 598 4 Les paroles du Sauveur: "Rendez ... à Dieu ce qui est à Dieu", étaient un blâme à l'adresse de ces Juifs intrigants. S'ils avaient fidèlement rempli leurs obligations envers Dieu, ils ne seraient pas devenus une nation courbée sous un joug étranger. Aucune enseigne romaine ne se serait levée sur Jérusalem, aucun gouverneur romain n'aurait commandé dans ses murs. La nation juive devait alors faire face au coût de son apostasie. JC 599 1 "Etonnés de cette réponse" de Jésus, les pharisiens "le quittèrent et s'en allèrent". Il leur avait reproché leur hypocrisie et leur présomption; en même temps, il avait établi un grand principe qui définit clairement les limites entre les devoirs de l'homme à l'égard du gouvernement civil et ses devoirs envers Dieu. Une question qui troublait bien des esprits avait été résolue. Dès lors on s'en tint à ce principe si juste. Malgré le mécontentement de plusieurs, on voyait que le principe qui se trouvait à la base de la question avait été clairement établi et l'on s'étonnait de la clairvoyance du Christ. JC 599 2 A peine les pharisiens avaient-ils été réduits au silence que les sadducéens s'avancèrent avec des questions captieuses. Les pharisiens adhéraient strictement à la tradition, se conformaient ponctuellement aux cérémonies, pratiquaient avec diligence leurs jeûnes et leurs ablutions, prononçaient de longues prières et faisaient l'aumône avec ostentation. Mais le Christ leur reprochait d'annuler la loi de Dieu en lui substituant des commandements d'homme. Ils formaient une classe fanatique et hypocrite. Il y avait néanmoins parmi eux des personnes sincèrement pieuses qui acceptèrent les enseignements du Christ et devinrent ses disciples. Les sadducéens rejetaient les traditions des pharisiens. Ils disaient croire à la plus grande partie des Ecritures, et en faire la règle de leurs actions; en réalité, ils étaient sceptiques et matérialistes. JC 599 3 Les sadducéens niaient l'existence des anges, la résurrection des morts, la vie future avec ses récompenses et ses châtiments. Sur tous ces points ils différaient des pharisiens. Le principal sujet de controverse entre eux était la question de la résurrection. Les pharisiens croyaient fermement à la résurrection, mais leurs vues sur l'état futur étaient confuses. La mort leur paraissait un mystère impénétrable. Leur incapacité à répondre aux arguments des sadducéens provoquait de constantes colères. Les discussions entre les deux partis donnaient lieu à des disputes furieuses qui creusaient un fossé toujours plus large entre eux. JC 600 1 Les sadducéens étaient bien moins nombreux que leurs adversaires et ils n'avaient pas la même influence sur le commun peuple; cependant beaucoup étaient riches et jouissaient du prestige que procure la richesse. La plupart des prêtres militaient dans leurs rangs et c'est parmi eux que l'on choisissait habituellement le souverain pontife. Il était entendu, toutefois, qu'ils devaient mettre la sourdine à leurs opinions sceptiques. Compte tenu du nombre et de la popularité des pharisiens, les sadducéens devaient leur faire des concessions doctrinales pendant qu'ils étaient en fonction, mais le simple fait qu'ils pouvaient être élus à de telles fonctions conférait un certain prestige à leurs erreurs. JC 600 2 Les sadducéens rejetaient l'enseignement de Jésus; ils ne voulaient pas reconnaître l'esprit dont il était animé; son enseignement touchant Dieu et la vie future contredisait leurs théories. Ils voyaient en Dieu le seul être supérieur à l'homme; mais ils prétendaient que le gouvernement d'une providence et la prescience divine priveraient l'homme de son libre arbitre et le réduiraient en esclavage. Ils pensaient que Dieu, après avoir créé l'homme, l'avait laissé à lui-même, en pleine indépendance. Ils soutenaient que l'homme est libre d'ordonner sa vie et de diriger les événements, sa destinée étant entre ses mains. Ils refusaient à l'Esprit de Dieu la possibilité d'agir par des instruments humains ou des moyens naturels. Ils affirmaient néanmoins que, grâce à un usage convenable de ses facultés naturelles, l'homme pouvait s'élever et s'éclairer; que par une discipline rigoureuse il lui était donné de se purifier. JC 600 3 La formation de leur caractère était influencée par les idées qu'ils se faisaient de Dieu. Etant donné qu'à leurs yeux il ne s'intéressait nullement à l'homme, ils n'avaient que peu d'égards pour autrui et ils vivaient désunis. Leur refus de reconnaître l'influence du Saint-Esprit sur la conduite des hommes les privait de son pouvoir. Comme les autres Juifs, ils se vantaient de leur droit de naissance en tant qu'enfants d'Abraham et de la fidélité avec laquelle ils se conformaient aux exigences de la loi; le véritable esprit de la loi et de la foi, ainsi que la bienveillance d'Abraham, leur faisaient entièrement défaut. Leurs sympathies naturelles s'exerçaient dans un cercle étroit; ils pensaient que tout homme peut s'assurer le bien-être et les bienfaits de la vie; les besoins et les souffrances d'autrui les laissaient indifférents. Ils vivaient pour eux-mêmes. JC 601 1 Par ses paroles et par ses oeuvres, le Christ attestait la présence d'une puissance divine produisant des effets surnaturels, d'une vie dans l'au-delà, d'un Dieu, père des hommes, toujours vigilant et préoccupé de leurs intérêts vitaux. Il révélait la bienveillance et la compassion divines qui se manifestaient puissamment dans ses actes pour condamner l'exclusivisme égoïste des sadducéens. Il affirmait que le Saint-Esprit agit sur les coeurs en vue du bien temporel et de la félicité éternelle des hommes. Il montrait combien on se trompe en comptant sur les forces humaines pour obtenir une transformation du caractère que seul l'Esprit de Dieu peut opérer. JC 601 2 Les sadducéens étaient bien décidés de discréditer cet enseignement. En discutant avec Jésus ils espéraient lui faire perdre sa réputation, même si l'on ne pouvait obtenir sa condamnation. La résurrection fut le sujet choisi pour l'interroger. S'il leur donnait raison il offenserait encore davantage les pharisiens. S'il les contredisait, ils avaient l'intention de ridiculiser son enseignement. JC 601 3 Le raisonnement des sadducéens se résumait ainsi: si le corps futur, immortel, doit être composé des mêmes particules de matière que le corps mortel, le corps ressuscité doit donc comporter chair et sang et doit continuer dans le monde à venir la vie interrompue sur la terre. Dans ce cas, disaient-ils, les relations terrestres doivent être reprises, des mariages consommés entre maris et femmes, tout devant continuer comme avant la mort, les infirmités et les passions de cette vie devant être perpétuées dans celle à venir. JC 601 4 En réponse à leurs questions Jésus souleva le voile qui cache la vie future. "A la résurrection, dit-il, les hommes ne prendront pas de femmes, ni les femmes de maris, mais ils seront comme les anges dans le ciel." Il montra combien la croyance des sadducéens était erronée. Leurs prémisses étaient fausses. Il ajouta: "Vous êtes dans l'erreur, parce que vous ne comprenez ni les Ecritures, ni la puissance de Dieu." Il ne les accusa pas d'hypocrisie, comme il l'avait fait pour les pharisiens, mais d'erreur doctrinale. JC 602 1 Les sadducéens se flattaient d'être les plus fidèles interprètes des Ecritures. Jésus leur montra qu'ils n'en connaissaient pas la vraie signification. Cette connaissance ne s'acquiert que par l'illumination du Saint-Esprit. Il déclara que leur ignorance des Ecritures et de la puissance de Dieu était la cause de leur confusion doctrinale et de l'obscurcissement de leur esprit. Ils tentaient de ramener les mystères de Dieu dans les limites étroites de leur raisonnement borné. Le Christ les invita à ouvrir leurs esprits aux vérités sacrées capables d'élargir et d'affermir leur compréhension. Des milliers d'individus deviennent incrédules parce que leurs esprits bornés sont incapables de comprendre les mystères de Dieu. Ils ne peuvent expliquer l'étonnante puissance divine qui se manifeste dans sa providence; ils repoussent en conséquence les preuves qui attestent cette puissance, préférant les attribuer à des forces naturelles qu'ils comprennent encore moins. La seule clé ouvrant les mystères dont nous sommes entourés consiste à reconnaître partout la présence et l'action divines. Il faut que les hommes reconnaissent Dieu en tant que Créateur de l'univers, qui commande et qui exécute toutes choses. Ils doivent avoir une vue plus large de son caractère et du mystère de ses agissements. JC 602 2 Le Christ déclara à ses auditeurs que s'il n'y avait pas de résurrection des morts les Ecritures auxquelles ils prétendaient croire ne seraient d'aucune utilité. Il dit: "Pour ce qui est de la résurrection des morts, n'avez-vous pas lu ce que Dieu vous a dit: Moi je suis le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac, et le Dieu de Jacob? Dieu n'est pas le Dieu des morts, mais des vivants." Pour Dieu les choses qui ne sont pas sont comme si elles étaient. Il voit la fin dès le commencement et il contemple le résultat de son oeuvre comme s'il était déjà obtenu. Précieux aux yeux de Dieu, ceux qui sont morts depuis Adam et tous les saints qui mourront encore entendront la voix du Fils de Dieu et sortiront du sépulcre pour une vie immortelle. Dieu sera leur Dieu et ils seront son peuple. Il existera une union très intime entre Dieu et les saints ressuscités. Cet état de choses, prévu dans son dessein, il le contemple à l'avance comme déjà réalisé. Pour lui les morts sont vivants. JC 603 1 Les sadducéens furent réduits au silence par les paroles du Christ. Ils ne savaient que répondre. Et pas un mot n'avait été dit dont on pût se servir pour le faire condamner. Ses ennemis n'avaient rien gagné si ce n'est le mépris du peuple. JC 603 2 Les pharisiens, cependant, ne désespéraient pas de lui arracher quelque parole dont ils pussent se faire une arme contre lui. Ils persuadèrent un savant scribe d'interroger Jésus pour savoir lequel des dix commandements était le plus important. JC 603 3 Les pharisiens estimaient que les quatre premiers commandements, ceux qui prescrivent le devoir de l'homme envers son Créateur, avaient une valeur beaucoup plus considérable que les six autres, qui définissent le devoir de l'homme envers son prochain. Il en résultait une piété étriquée. Jésus avait montré au peuple ses déficiences; il avait montré la nécessité des bonnes oeuvres, l'arbre se reconnaissant à son fruit. On l'avait donc accusé de placer les six derniers commandements au-dessus des quatre premiers. JC 603 4 Le légiste s'approcha de Jésus avec cette question directe: "Quel est le premier de tous les commandements?" La réponse de Jésus fut tout aussi directe et péremptoire: "Voici le premier: Ecoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est l'unique Seigneur; et tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force." Le second est semblable au premier, dit le Christ, car il en découle: "Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n'y a pas d'autre commandement plus grand que ceux-là." "De ces deux commandements dépendent toute la loi et les prophètes." JC 603 5 Les quatre premiers commandements se résument dans le grand précepte: "Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur." Les six derniers sont inclus dans cet autre: "Tu aimeras ton prochain comme toi-même." Ces deux commandements expriment également le principe de l'amour. On ne saurait observer le premier en violant le second, ni observer le second en violant le premier. Si l'on donne à Dieu la place qui lui revient dans le coeur, on donnera aussi au prochain la place qui lui appartient. Nous l'aimerons comme nous-mêmes. Aimer Dieu par-dessus tout permet d'aimer le prochain d'une manière impartiale. JC 604 1 Puisque tous les commandements se résument dans l'amour pour Dieu et pour l'homme, il s'ensuit que l'on ne peut transgresser un seul de ces préceptes sans en violer le principe. Ainsi le Christ montra à ses auditeurs que la loi de Dieu n'est pas faite de préceptes séparés, d'importance variable, dont l'un ou l'autre pourrait être ignoré impunément. Notre Seigneur présente les quatre premiers et les six derniers commandements comme formant un tout divin, et il nous enseigne que notre amour pour Dieu se manifeste par l'obéissance à tous ses commandements. JC 604 2 Le scribe qui avait interrogé Jésus était versé dans la loi et il fut étonné en l'entendant. Il ne s'attendait pas à trouver en lui une connaissance des Ecritures aussi profonde et aussi parfaite. Il voyait s'ouvrir devant lui une vision plus large des principes qui sont à la base des préceptes sacrés. En présence des prêtres et des chefs assemblés il reconnut loyalement que le Christ avait bien interprété la loi. Voici quelle fut sa déclaration: JC 604 3 "Bien, maître, tu as dit avec vérité que Dieu est unique et qu'il n'y en a pas d'autre que lui, et que l'aimer de tout son coeur, de toute son intelligence et de toute sa force, ainsi qu'aimer son prochain comme soi-même, c'est plus que tous les holocaustes et tous les sacrifices." JC 604 4 La sagesse de la réponse du Christ avait convaincu le scribe. Il savait que la religion juive consistait en cérémonies extérieures plutôt qu'en piété intérieure. Il était conscient de l'inutilité des simples offrandes cérémonielles et de l'effusion du sang en vue de l'expiation du péché en l'absence de la foi. Aimer Dieu et lui obéir, avoir pour l'homme une considération désintéressée lui paraissait valoir plus que tous ces rites. En se montrant si disposé à reconnaître la justesse du raisonnement du Christ, et en donnant une si prompte réponse devant le peuple, cet homme manifestait un esprit entièrement différent de celui des prêtres et des chefs. Le coeur de Jésus prit en pitié ce scribe honnête qui avait osé exprimer sa conviction en dépit de la désapprobation des prêtres et des menaces des chefs. "Jésus, voyant qu'il avait répondu avec intelligence, lui dit: Tu n'es pas loin du royaume de Dieu." JC 605 1 Ce scribe n'était pas loin du royaume de Dieu puisqu'il avouait que des actes de justice étaient plus agréables à Dieu que des holocaustes et des sacrifices. Il avait encore besoin de reconnaître le caractère divin du Christ et de recevoir par la foi en lui la force nécessaire pour accomplir des oeuvres de justice. Le service rituel n'avait de valeur que si une foi vivante le rattachait à la personne du Christ. La loi morale elle-même manque son but si elle est comprise indépendamment du Sauveur. Le Christ avait montré à maintes reprises que la loi de son Père allait plus loin que la lettre des commandements. La loi recèle le même principe qui est révélé dans l'Evangile. La loi enseigne à l'homme son devoir et lui montre ses fautes. C'est au Christ qu'il faut regarder pour obtenir le pardon et la force d'accomplir ce qu'elle réclame. JC 605 2 Les pharisiens s'étaient rapprochés de Jésus alors qu'il répondait à la question du scribe. Il se tourna maintenant vers eux et leur posa à son tour une question: "Que pensez-vous du Christ? De qui est-il fils?" Cette question allait les obliger à exprimer leur conviction au sujet du Messie, -- le regardaient-ils comme un simple homme ou comme le Fils de Dieu? Ils répondirent en choeur: "De David." C'était en effet le titre par lequel la prophétie avait désigné le Messie. Alors que Jésus manifestait sa divinité par de puissantes opérations, guérissant des malades et ressuscitant des morts, on s'était interrogé: "N'est-ce pas le fils de David?" La femme syro-phénicienne, l'aveugle Bartimée, beaucoup d'autres avaient imploré son secours: "Aie pitié de moi, Seigneur, fils de David!"1 Alors qu'il chevauchait en direction de Jérusalem on l'avait salué joyeusement: "Hosanna au fils de David! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur".2 Le même cri avait été jeté par de petits enfants dans le temple. Mais beaucoup de ceux qui appelaient Jésus le fils de David ne reconnaissaient pas sa divinité. On ne comprenait pas que le fils de David était en même temps le Fils de Dieu. JC 606 1 Faisant suite à la déclaration suivant laquelle le Christ était fils de David, Jésus dit: "Comment donc David, (animé) par l'Esprit, l'appelle-t-il Seigneur, lorsqu'il dit: JC 606 2 'Le Seigneur a dit à mon Seigneur: Assieds-toi à ma droite, Jusqu'à ce que je place tes ennemis sous tes pieds'? JC 606 3 Si donc David l'appelle Seigneur, comment est-il son fils? Nul ne put lui répondre un mot. Et, depuis ce jour, personne n'osa plus le questionner." ------------------------Chapitre 67 -- Malheur à vous, pharisiens! JC 607 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 23; Marc 12:41-44; Luc 20:45-47; 21:1-4. JC 607 1 C'etait la dernière fois que le Christ enseignait dans le temple. Il avait concentré sur lui l'attention des vastes foules assemblées à Jérusalem. On s'était pressé dans les parvis, assistant aux discussions qui s'y déroulaient et saisissant chaque parole qui tombait de ses lèvres. On n'avait jamais vu une scène pareille. Le jeune Galiléen était là, ne portant aucune marque extérieure de sa royauté. Autour de lui se tenaient des prêtres richement vêtus, des chefs dont les robes et les insignes montraient la haute position, des scribes tenant à la main des rouleaux dont ils faisaient un fréquent usage. Calme au milieu d'eux, se sentant revêtu d'une autorité céleste, Jésus regardait avec une dignité royale ses adversaires bien que ceux-ci eussent rejeté et méprisé ses enseignements, et qu'ils cherchassent à lui ôter la vie. Un grand nombre d'entre eux l'avaient attaqué, mais toutes les manoeuvres par lesquelles ils avaient essayé de le surprendre avaient échoué. Répondant à tous leurs défis, opposant la pure et brillante lumière de la vérité aux ténèbres et aux erreurs des prêtres et des pharisiens, montrant à ces conducteurs leur vraie condition et le châtiment qui les frapperait infailliblement s'ils persévéraient dans leurs mauvaises actions, il les avait fidèlement mis en garde. Cependant il lui restait une oeuvre à faire. JC 607 2 L'intérêt que le peuple portait au Christ et à son oeuvre n'avait pas cessé d'augmenter. On était en même temps conquis et troublé par ses enseignements. On respectait les prêtres et les rabbins à cause de leur intelligence et de leur piété apparente; on se soumettait, sans réserve, à leur autorité, dans toutes les questions religieuses, mais on voyait maintenant que ces hommes s'efforçaient de discréditer Jésus, le Maître dont la vertu et la connaissance sortaient plus lumineuses de chaque nouvel assaut. On lisait la déroute et la confusion sur les visages humiliés des prêtres et des anciens. On s'étonnait du refus des chefs de croire à Jésus, malgré la clarté et la simplicité de ses enseignements. On ne savait plus que faire et on surveillait, avec anxiété, les mouvements de ceux que l'on considérait habituellement comme des modèles. JC 608 1 Par des paraboles, le Christ s'était efforcé d'avertir les chefs, et en même temps d'instruire ceux d'entre ses auditeurs qui étaient dociles. Mais il fallait parler encore plus clairement. Jésus devait briser les chaînes qui maintenaient le peuple dans l'esclavage, à cause de son attachement à la tradition et de sa confiance aveugle en un sacerdoce corrompu. Il lui fallait dévoiler le caractère des prêtres, des chefs et des pharisiens. JC 608 2 "Les scribes et les pharisiens, dit-il, sont assis dans la chaire de Moïse. Faites donc et observez tout ce qu'ils vous diront; mais n'agissez pas selon leurs oeuvres. Car ils disent et ne font pas." Les scribes et les pharisiens se prétendaient revêtus, comme Moïse, d'une autorité divine. Ils prenaient la place de ce législateur en qualité de docteurs de la loi et de juges du peuple et réclamaient une déférence et une obéissance absolues. Jésus invita ses auditeurs à faire ce que les rabbins enseignaient conformément à la loi, mais sans suivre pourtant leur exemple, car eux-mêmes ne pratiquaient pas les choses qu'ils prêchaient. JC 608 3 Ils enseignaient aussi bien des choses contraires aux Ecritures. Jésus dit: "Ils lient des fardeaux pesants et les mettent sur les épaules des hommes, mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt." Les pharisiens avaient établi une foule de règles fondées sur la tradition et qui apportaient des limites déraisonnables à la liberté individuelle; ils donnaient, de certaines parties de la loi, des explications tendant à imposer des observances qu'en secret ils ne pratiquaient pas eux-mêmes, et dont ils se jugeaient exempts, selon leurs convenances. JC 608 4 Ils étaient constamment préoccupés de faire montre de leur piété. Rien ne leur paraissait trop sacré pour atteindre ce but. Dieu avait dit à Moïse, à propos de ses commandements: "Tu les attacheras sur ta main, pour te servir de signe, et tu les porteras en fronteau entre tes yeux."1 Ces paroles revêtent une signification profonde. Méditée et mise en pratique, la Parole de Dieu ennoblit l'homme tout entier. Les mains occupées à des actes de justice et de miséricorde deviennent un cachet qui manifeste les principes de la loi divine. Elles seront préservées de toute vénalité, de tout ce qui est corrompu et mensonger. Elles s'emploieront à des oeuvres d'amour et de compassion. Les yeux, dirigés vers un noble but, seront vigilants et fidèles. L'expression du visage et le langage des yeux attesteront le caractère irréprochable de quiconque aime et honore la Parole de Dieu. Les Juifs contemporains du Christ ne discernaient rien de tout ceci. Le commandement donné à Moïse était interprété dans le sens que les préceptes de l'Ecriture devaient être portés sur la personne. On les écrivait sur des bandes de parchemin et on les liait d'une manière ostensible autour de la tête et des poignets, ce qui ne contribuait pas à leur assurer une emprise sur l'esprit et le coeur. Ces parchemins étaient portés uniquement à titre d'insignes, pour attirer l'attention. Ceux qui les portaient se donnaient ainsi un air de dévotion qui commandait le respect. Jésus attaqua cette vaine prétention: JC 609 1 "Ils font toutes leurs actions pour être vus des hommes. Ainsi, ils portent de larges phylactères, et ils ont de longues franges à leurs vêtements; ils aiment la première place dans les repas, et les premiers sièges dans les synagogues; ils aiment à être salués sur les places publiques et à être appelés par les hommes: Rabbi. Mais vous, ne vous faites pas appeler Rabbi, car un seul est votre Maître, et vous êtes tous frères. Et n'appelez personne sur la terre votre père, car un seul est votre Père, celui qui est dans les cieux. Ne vous faites pas appeler conducteurs, car un seul est votre conducteur, le Christ." Ces paroles du Sauveur exposaient assez clairement l'ambition égoïste toujours à la recherche des positions et des honneurs, affichant une fausse humilité, alors que le coeur était plein d'avarice et d'envie. Quand on était invité à un festin les hôtes étaient placés d'après leur rang, et ceux qui étaient désignés pour occuper la place la plus honorable étaient l'objet d'attentions et de faveurs particulières. Les pharisiens s'ingéniaient pour s'assurer ces honneurs et ils en furent réprimandés par Jésus. JC 610 1 Il blâma aussi la vanité qui poussait à convoiter le titre de rabbi, ou maître. Un tel titre, déclarait-il, n'appartient pas aux hommes; il est réservé au Christ. Prêtres, scribes, chefs, docteurs de la loi, tous étaient frères, fils d'un même Père. Jésus insistait pour qu'on ne donnât à personne un titre qui conférât un droit sur les consciences ou sur la foi d'autrui. JC 610 2 Si le Christ était sur la terre aujourd'hui, entouré de personnages portant le titre de Révérend et de Révérendissime, ne répéterait-il pas son dire: "Ne vous faites pas appeler conducteurs, car un seul est votre conducteur, le Christ"? L'Ecriture déclare, au sujet de Dieu: "Son nom est saint et redoutable."2 A quel homme un tel titre saurait-il convenir? On trouve chez lui si peu de la sagesse et de la justice que ce titre comporte. Nombreux sont ceux qui, en assumant ce titre, trahissent le nom et le caractère de Dieu. Hélas! bien souvent les ambitions mondaines, le despotisme et de vils péchés se sont cachés sous les broderies d'hommes remplissant de hautes fonctions sacrées. Le Sauveur continua: JC 610 3 "Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. Qui s'élèvera sera abaissé, et qui s'abaissera sera élevé." A maintes reprises le Christ avait enseigné que la véritable grandeur se mesure d'après la valeur morale. Aux yeux du ciel la grandeur du caractère consiste en une vie dédiée à la bienfaisance, à l'accomplissement d'oeuvres d'amour et de miséricorde. Le Christ, le Roi de gloire, a été le serviteur de l'humanité déchue. JC 610 4 Jésus dit: "Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites! qui fermez aux hommes le royaume des cieux; vous n'y entrez pas vous-mêmes, et vous ne laissez pas entrer ceux qui le voudraient." Par une fausse interprétation des Ecritures, les prêtres et les scribes aveuglaient l'esprit de ceux qui sans cela auraient eu la connaissance du royaume du Christ et cette vie intérieure, divine, qui est essentielle à une vraie sainteté. JC 611 1 "Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites! parce que vous dévorez les maisons des veuves et faites pour l'apparence de longues prières; à cause de cela, vous subirez une condamnation particulièrement sévère." Les pharisiens mettaient au service de leurs propres intérêts la grande influence qu'ils exerçaient sur le peuple. Ils captaient la confiance de veuves pieuses, et leur faisaient croire qu'elles avaient le devoir de consacrer leurs biens à des entreprises religieuses. Une fois que cet argent était en leur pouvoir, ces vils intrigants s'en servaient pour leur propre usage. Pour couvrir leurs actes malhonnêtes, ils offraient de longues prières en public, et faisaient grande ostentation de leur piété. Le Christ déclara que cette hypocrisie attirerait sur eux une plus grande condamnation. Le même reproche pourrait être adressé aujourd'hui à beaucoup de ceux qui font étalage de leur piété. Leurs vies sont souillées par l'égoïsme et l'avarice, mais ils dissimulent tout cela sous un vêtement de pureté apparente et réussissent ainsi à tromper momentanément leurs semblables. Mais Dieu ne se laisse pas tromper. Il connaît les pensées du coeur et il jugera chaque homme selon ses oeuvres. JC 611 2 Tout en condamnant leurs abus sans désemparer, le Christ veillait à ne point amoindrir les obligations de ses auditeurs. Il condamnait l'égoïsme qui extorquait des dons aux veuves pour en faire un mauvais usage, mais en même temps il faisait l'éloge de la veuve qui apporta son offrande dans le trésor de Dieu. Même si l'homme abuse du don, le donateur n'est pas privé de la bénédiction divine. JC 611 3 Jésus se tenait dans les parvis à l'endroit où étaient les troncs destinés à recevoir les offrandes, et il surveillait ceux qui apportaient leurs offrandes. Bien des riches présentaient avec beaucoup d'ostentation de fortes sommes et Jésus les regardait tristement sans commenter d'aucune façon leurs actes de libéralité. Tout à coup son visage s'illumina en voyant approcher une pauvre veuve, hésitant comme si elle craignait d'être observée. Tandis que les riches et les orgueilleux s'avançaient hardiment, elle se tenait en arrière avec humilité. Cependant elle désirait faire quelque chose, si peu que ce fût, pour la cause qu'elle chérissait. Elle regarda le don qu'elle tenait à la main, fort peu de chose en comparaison des somptueux présents des autres, mais c'était tout ce qu'elle possédait. A la première occasion, elle jeta, à la hâte, ses deux pites et se retourna pour s'en aller; en faisant ce mouvement, elle rencontra le regard de Jésus, intensément fixé sur elle. JC 612 1 Le Sauveur appela à lui ses disciples, et leur fit remarquer la pauvreté de cette veuve. Celle-ci entendit la parole d'éloge: "Je vous le dis en vérité, cette pauvre veuve a mis plus que tous les autres." Ses yeux se remplirent de larmes de joie quand elle vit son acte compris et apprécié. D'autres lui auraient conseillé de garder pour elle sa maigre obole; dans les mains des prêtres bien nourris, cette faible somme serait perdue parmi de riches offrandes. Mais Jésus discernait le mobile qui l'avait fait agir. Elle croyait le service du temple établi par Dieu lui-même et elle voulait faire tout ce qui dépendait d'elle pour y participer. Elle fit ce qu'elle put; son acte est resté comme un monument élevé à sa mémoire, à travers les siècles, et il sera sa joie, dans l'éternité. Elle donna son coeur avec son offrande; celle-ci ne fut pas évaluée en proportion de sa valeur monétaire, mais en raison de l'amour de la donatrice pour. Dieu et de son intérêt pour son oeuvre. JC 612 2 Jésus dit, en parlant de cette pauvre veuve, qu'elle avait donné plus que tous ceux qui avaient mis dans le tronc. Beaucoup de ces riches avaient donné de leur superflu, dans l'intention d'être vus et estimés des hommes. Leurs dons, quelque considérables qu'ils fussent, ne les privaient d'aucun confort, même d'aucun luxe; ils n'étaient pas le prix d'un sacrifice et n'avaient, par conséquent, aucune valeur comparable à celle de la pite de la veuve. JC 612 3 Ce sont nos motifs qui donnent à nos actes leur véritable valeur, les marquant au coin de l'ignominie, ou leur conférant la plus haute dignité morale. Les grandes choses que tous les yeux voient et que toutes les langues célèbrent ne sont pas les plus précieuses aux regards de Dieu. De petits devoirs joyeusement accomplis, de modestes dons faits sans vanité, bien qu'insignifiants aux yeux des hommes, ont souvent la plus haute valeur aux yeux de Dieu. Dieu préfère un coeur plein de foi et d'amour au don le plus précieux. Si peu qu'elle eût donné, la pauvre veuve avait donné ce qui lui était nécessaire pour vivre. Elle s'était privée de nourriture pour donner avec foi ses deux pites, assurée que son Père céleste ne la délaisserait pas dans son grand besoin. C'est cet esprit désintéressé et cette foi enfantine qui lui valurent l'éloge du Sauveur. JC 613 1 Il y a bien des pauvres qui désirent manifester à Dieu leur gratitude pour sa grâce et pour sa vérité et contribuer à l'entretien de son service avec leurs frères plus favorisés. On ne devrait pas décourager de telles personnes. Qu'on leur permette de placer leurs pites dans la banque du ciel. Ces sommes, si elles proviennent d'un coeur rempli de l'amour divin, deviennent, même si elles sont modiques, des dons consacrés, des offrandes du plus grand prix, qui attirent le sourire et la bénédiction de Dieu. JC 613 2 Les paroles de Jésus concernant la veuve s'appliquaient non seulement au mobile, mais aussi au résultat de l'offrande. Les "deux petites pièces faisant un quart de sou", ont amené beaucoup plus d'argent dans le trésor de Dieu que les contributions de ces riches Juifs. L'influence de ce petit don peut être comparée à un cours d'eau, faible à son point de départ et qui va en s'élargissant et en s'approfondissant à mesure qu'il s'écoule à travers les âges. Il a contribué, de mille manières, à soulager les pauvres et à propager l'Evangile; l'exemple de ce sacrifice a agi et réagi sur des milliers de coeurs, dans tous les pays et dans tous les siècles. Il a influencé des riches et des pauvres, dont les offrandes sont venues gonfler la valeur de ce don. Grâce à la bénédiction divine, la pite de la veuve a produit les plus grands résultats. Il en est de même de tout don offert et de tout acte accompli avec le désir sincère de contribuer à la gloire de Dieu. Cela rentre dans les desseins de la Toute Puissance. Il en résulte un bien qu'aucun homme ne saurait apprécier. JC 613 3 Le Sauveur continua à dénoncer les scribes et les pharisiens: "Malheur à vous, conducteurs aveugles! qui dites: Si quelqu'un jure par le temple, cela ne compte pas; mais, si quelqu'un jure par l'or du temple, il est engagé. Insensés et aveugles! lequel est le plus grand, l'or, ou le temple qui sanctifie l'or? Si quelqu'un, dites-vous encore, jure par l'autel, cela ne compte pas; mais, si quelqu'un jure par l'offrande qui est sur l'autel, il est engagé. Aveugles! lequel est le plus grand, l'offrande, ou l'autel qui sanctifie l'offrande?" Les prêtres interprétaient les exigences de Dieu d'après leurs règles fausses et étroites. Ils croyaient pouvoir établir d'habiles distinctions entre des péchés de diverse gravité, passant légèrement sur certains et jugeant impardonnables d'autres qui en réalité étaient moins coupables. Une personne ayant fait un voeu pouvait se dispenser de l'accomplir moyennant de l'argent. Des crimes pouvaient être compensés par de fortes sommes. Dans d'autres cas, les prêtres et les chefs prononçaient des jugements sévères pour des fautes insignifiantes. JC 614 1 "Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites! parce que vous payez la dîme de la menthe, de l'aneth et du cumin, et que vous laissez de côté ce qu'il y a de plus important dans la loi: le droit, la miséricorde et la fidélité; c'est là ce qu'il fallait pratiquer, sans laisser de côté le reste." Le but de ces paroles du Christ n'est pas de condamner un devoir sacré, mais d'en combattre l'abus. Le principe de la dîme a été établi par Dieu, et était observé depuis les temps les plus reculés. Abraham, le père des croyants, paya la dîme de tout ce qu'il possédait. Les chefs de la nation juive avaient raison de reconnaître le devoir de payer la dîme; mais ils auraient dû laisser au peuple le soin de se conformer à leurs convictions dans l'accomplissement de ce devoir. Au lieu de cela, des règles arbitraires furent établies, prévoyant tous les cas possibles. Les exigences étaient devenues telles qu'on ne pouvait plus y suffire. Personne ne pouvait savoir s'il avait fait face à toutes ses obligations. Le principe juste et raisonnable donné par Dieu devint par les exigences des prêtres et des rabbins un fardeau insupportable. JC 614 2 Tout ce que Dieu commande a de l'importance. Le Christ a reconnu le devoir de payer la dîme; cependant il a montré que cela ne devait pas dispenser de l'accomplissement d'autres devoirs. Les pharisiens se montraient scrupuleux dans le paiement de la dîme des herbes de leurs jardins, telles que la menthe, l'aneth et le cumin; ils se faisaient ainsi, à bon compte, une réputation de fidélité et de sainteté et, en même temps, leurs restrictions inutiles opprimaient le peuple et lui enlevaient tout respect pour le principe sacré fondé par Dieu lui-même. Les esprits, occupés par des distinctions insignifiantes, se trouvaient distraits des vérités essentielles. On négligeait les choses les plus importantes de la loi: la justice, la miséricorde et la fidélité. "C'est là ce qu'il fallait pratiquer, sans laisser de côté le reste." JC 615 1 D'autres lois avaient été dénaturées, de la même façon, par les rabbins. Moïse avait interdit de manger de tout animal impur. La chair de porc, comme celle de quelques autres animaux, avait été prohibée, parce que l'usage de ces viandes tend à remplir le sang d'impuretés et a pour effet d'abréger la vie. Les pharisiens avaient dépassé les bornes du bon sens. Toute l'eau employée devait être filtrée avec soin, de peur qu'elle ne contînt le plus petit insecte pouvant être classé parmi les animaux impurs. Ces exigences puériles contrastaient tellement avec la grandeur de leurs péchés, que Jésus dit aux pharisiens: "Conducteurs aveugles! qui retenez au filtre le moucheron et avalez le chameau." JC 615 2 "Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites! parce que vous ressemblez à des sépulcres blanchis, qui au dehors ont belle apparence, mais qui, au dedans, sont pleins d'ossements de morts et de toute espèce d'impuretés." Tout comme les tombeaux blanchis à la chaux et magnifiquement ornés cachaient des restes en putréfaction, de même une sainteté extérieure dissimulait l'iniquité chez les prêtres et les principaux. Jésus poursuivit: JC 615 3 "Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites! parce que vous bâtissez les sépulcres des prophètes et ornez les tombeaux des justes, et que vous dites: Si nous avions été là au temps de nos pères, nous ne nous serions pas associés à eux pour répandre le sang des prophètes. Vous témoignez ainsi contre vous-mêmes que vous êtes les fils de ceux qui ont tué les prophètes." Pour montrer leur vénération à l'égard des anciens prophètes, les Juifs mettaient le plus grand zèle à embellir leurs tombeaux; mais ils ne tiraient aucun profit de leurs enseignements et n'écoutaient pas leurs réprimandes. JC 616 1 A l'époque du Christ les lieux de repos des morts étaient l'objet d'un culte superstitieux, et l'on dépensait de fortes sommes d'argent pour les orner. Aux yeux de Dieu ceci était une idolâtrie. En accordant aux morts des honneurs exagérés, les hommes montraient qu'ils n'aimaient pas Dieu par-dessus tout et leur prochain comme eux-mêmes. La même idolâtrie se donne libre cours aujourd'hui. Beaucoup négligent les veuves et les orphelins, les malades et les pauvres, alors qu'ils construisent des monuments dispendieux pour les morts. On emploie, à cet effet, beaucoup de temps, d'argent et d'efforts, et l'on néglige, envers les vivants, des devoirs que le Christ a clairement ordonnés. JC 616 2 Les pharisiens bâtissaient des tombeaux aux prophètes, ornaient leurs sépulcres et se disaient les uns aux autres: Si nous avions vécu du temps de nos pères, nous ne nous serions pas joints à eux pour répandre le sang des serviteurs de Dieu. Et pendant qu'ils parlaient ainsi, ils projetaient d'enlever la vie à son Fils. Ceci devrait nous servir de leçon, et nous ouvrir les yeux sur l'habileté avec laquelle Satan a réussi à tromper ceux qui se détournent de la lumière de la vérité. Ils sont nombreux ceux qui suivent les traces des pharisiens, révèrent ceux qui sont morts pour la foi et s'étonnent, en constatant l'aveuglement des Juifs qui ont rejeté le Christ. S'ils avaient vécu à ce temps-là, assurent-ils, ils auraient reçu avec joie ses enseignements, et n'auraient pas participé au meurtre du Sauveur. Mais ces mêmes personnes étouffent leurs convictions et refusent d'obéir lorsque l'obéissance à Dieu entraîne des renoncements et l'humiliation. En agissant ainsi elles font preuve de l'esprit qui animait ces pharisiens contre lesquels le Christ s'élevait avec tant d'énergie. JC 617 1 Les Juifs étaient loin de comprendre l'immense responsabilité qu'ils assumaient en repoussant le Christ. Depuis le moment où le premier sang innocent a été répandu, où le juste Abel est tombé sous les coups de Caïn, la même histoire n'a cessé de se répéter, avec une culpabilité croissante. Chaque génération a eu ses prophètes dont la voix s'est élevée contre les péchés des rois, des magistrats et du peuple, communiquant les messages de Dieu et se conformant à sa volonté au péril de leur vie. De siècle en siècle, un châtiment effroyable est allé en s'accumulant sur ceux qui refusent la lumière et la vérité. Les ennemis du Christ attiraient maintenant ce châtiment sur leur propre tête. Le péché des prêtres et des principaux surpassait celui de toutes les générations précédentes. En rejetant le Sauveur, ils se rendaient responsables du sang de tous les justes égorgés depuis Abel jusqu'au Christ. Ils allaient faire déborder la coupe de leurs iniquités et celles-ci retomberaient sur leurs têtes sous la forme d'une justice rétributive. C'est de cela que Jésus les avertit par ces paroles: JC 617 2 "... Afin que retombe sur vous tout le sang innocent répandu sur la terre, depuis le sang d'Abel le juste jusqu'au sang de Zacharie, fils de Barachie, que vous avez tué entre le temple et l'autel. En vérité, je vous le dis, tout cela retombera sur cette génération." Les scribes et les pharisiens qui écoutaient Jésus savaient que ces paroles étaient vraies. Ils se rappelaient comment le prophète Zacharie avait été mis à mort. Des paroles divines d'avertissement étaient encore sur ses lèvres quand une fureur satanique s'empara du roi apostat: sur son ordre le prophète fut mis à mort. Son sang avait laissé une empreinte ineffaçable sur les pierres mêmes du parvis du temple en témoignage constant de l'apostasie d'Israël. Aussi longtemps que durerait le temple, les taches du sang de ce juste crieraient à Dieu pour obtenir vengeance. Un frisson d'horreur parcourut la multitude quand Jésus mentionna ces péchés effroyables. JC 617 3 Plongeant ses regards dans l'avenir, le Christ annonça que les Juifs continueraient, comme par le passé, à faire preuve d'impénitence et d'intolérance vis-à-vis des serviteurs de Dieu: JC 618 1 "C'est pourquoi, je vous envoie des prophètes, des sages et des scribes. Vous tuerez et crucifierez les uns, vous flagellerez les autres dans vos synagogues, et vous les persécuterez de ville en ville." Des prophètes et des sages, remplis de foi et de Saint-Esprit, -- Etienne, Jacques, ainsi que beaucoup d'autres, -- allaient être condamnés et mis à mort. Une main levée vers le ciel, le Christ s'adressait, comme un juge, à ceux qui étaient devant lui. Sa voix, généralement tendre et suppliante, faisait maintenant entendre des reproches et des condamnations. Ses auditeurs frissonnaient. L'impression produite par ses paroles et par son regard ne devait jamais s'effacer. JC 618 2 Le Christ s'indignait de l'hypocrisie et des péchés scandaleux par lesquels ces hommes détruisaient leurs âmes, séduisaient le peuple et déshonoraient Dieu. Sous les arguments spécieux et trompeurs des prêtres et des chefs, il discernait l'influence des instruments de Satan. Bien qu'il stigmatisât le péché avec la plus grande énergie, et qu'il éprouvât une sainte colère contre le prince des ténèbres, il ne manifesta aucune impatience et ne prononça aucune parole de vengeance. De même, le chrétien qui vit en harmonie avec Dieu et possède les douces qualités de l'amour et de la compassion pourra éprouver une juste indignation à l'égard du péché, mais la passion ne le fera pas maltraiter ceux qui le maltraitent. Même s'il doit affronter ceux qu'une puissance inférieure pousse à maintenir l'erreur, il trouvera, en Christ, la force nécessaire pour rester calme et maître de lui-même. JC 618 3 Une pitié divine paraissait sur le visage du Fils de Dieu tandis qu'il jetait un dernier regard sur le temple et sur ses auditeurs. La voix brisée par l'émotion, il s'écria avec des larmes amères: "Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes et qui lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants, comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous ne l'avez pas voulu!" C'est ici la lutte qui précède la séparation. Le coeur de Dieu lui-même semble se répandre dans cette lamentation du Christ. C'est l'adieu mystérieux de l'amour divin si plein de longanimité. JC 619 1 Pharisiens et sadducéens étaient également muets. Jésus rappela ses disciples et se prépara à quitter le temple, non pas comme un vaincu chassé par des adversaires, mais victorieux de la lutte et ayant achevé son oeuvre. JC 619 2 Bien des coeurs devaient garder, comme un trésor, les joyaux de vérité qui tombaient en ce jour mémorable des lèvres du Sauveur. Ils suscitaient parmi eux de nouvelles pensées, de nouvelles aspirations: une expérience nouvelle commençait. Après la crucifixion et la résurrection du Christ, ces personnes s'avancèrent et remplirent leur mission divine avec une sagesse et un zèle proportionnés à la grandeur de l'oeuvre. Les vérités du Christ renfermaient un message qui touchait les coeurs et dissipait les anciennes superstitions qui avaient amoindri des milliers de vies. En présence de leur témoignage, les théories et les philosophies humaines n'étaient plus que des fables vaines. Les paroles du Sauveur produisirent un immense effet sur la foule émerveillée et saisie de crainte qui l'écoutait dans le temple de Jérusalem. JC 619 3 Mais Israël en tant que nation avait répudié son Dieu. Les branches naturelles de l'olivier étaient retranchées. Jetant un dernier regard à l'intérieur du temple, Jésus prononça ces paroles pathétiques: "Voici, votre maison vous sera laissée déserte; car, je vous le dis, vous ne me verrez plus désormais, jusqu'à ce que vous disiez: Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur." Jusqu'à ce moment-ci il avait appelé le temple la maison de son Père; mais à partir du moment où le Fils de Dieu aurait franchi ses murailles, la présence de Dieu se retirerait pour toujours de ce temple bâti à sa gloire. Désormais ses cérémonies perdaient toute signification, ses services devenaient une dérision. ------------------------Chapitre 68 -- Dans le parvis extérieur JC 620 0 Ce chapitre est basé sur Jean 12:20-43. JC 620 1 "Il y avait quelques Grecs parmi les gens qui étaient montés pour adorer pendant la fête. Ils abordèrent Philippe, de Bethsaïda en Galilée, et lui demandèrent: Seigneur, nous voudrions voir Jésus. Philippe alla le dire à André, puis André et Philippe allèrent le dire à Jésus." JC 620 2 A ce moment-là, l'oeuvre du Christ paraissait en pleine déroute. Sorti vainqueur de ses discussions avec les prêtres et les pharisiens, il ne serait pourtant jamais reçu par eux comme le Messie. La rupture finale s'était produite. Aux yeux des disciples, la situation semblait désespérée. Mais l'oeuvre du Christ approchait de sa consommation. Le grand événement qui intéressait non seulement la nation juive, mais le monde entier, était sur le point de se produire. A l'ouïe de cette requête pressante: "Nous voudrions voir Jésus", qui était comme l'écho du cri d'un monde en détresse, le visage du Sauveur s'illumina, et il dit: "L'heure est venue où le Fils de l'homme doit être glorifié." La demande de ces Grecs se présentait à lui comme le gage des fruits de son grand sacrifice. JC 620 3 Ces hommes étaient accourus de l'occident pour voir le Sauveur, à la fin de sa vie, comme au commencement les mages étaient venus d'orient. A l'époque de la naissance du Christ, les Juifs, trop absorbés par leurs ambitions, n'avaient pas eu connaissance de sa venue. Mais les mages venus d'un pays païen auprès de la crèche avaient apporté leurs dons et adoré le Sauveur. Maintenant ces Grecs, représentant les nations, les tribus et les peuples du monde, venaient également voir Jésus. C'est ainsi que des gens de tous les pays et de tous les siècles seraient attirés par la croix du Sauveur. Ainsi "plusieurs viendront de l'orient et de l'occident et se mettront à table avec Abraham, Isaac et Jacob dans le royaume des cieux".1 JC 621 1 Ces Grecs avaient entendu parler de l'entrée triomphale du Christ à Jérusalem. On avait fait courir le bruit qu'il avait chassé les prêtres et les chefs du temple, afin de prendre possession du trône de David et de régner sur Israël. Les Grecs désiraient connaître la vérité concernant sa mission. "Nous voudrions voir Jésus", dirent-ils. Leur désir fut exaucé. Jésus, quand on lui transmit leur requête, se trouvait dans la partie du temple où les Juifs seuls pouvaient pénétrer; mais il alla au-devant des Grecs dans le parvis extérieur et leur accorda un entretien. JC 621 2 L'heure était arrivée où le Christ devait être glorifié. En ce moment où l'ombre de la croix s'étendait déjà sur lui, la démarche de ces Grecs vint lui prouver que son sacrifice imminent susciterait à Dieu beaucoup de fils et de filles. Il savait que ces Grecs allaient le voir bientôt plus méprisé que Barabbas, voleur et meurtrier, qu'on relâcherait de préférence au Fils de Dieu; qu'ils allaient voir le peuple faire, sous l'inspiration des prêtres et des chefs, un choix et répondre à la question: "Que ferai-je donc de Jésus appelé Christ?" -- "Qu'il soit crucifié."2 Mais le Christ savait aussi que, grâce à cette propitiation offerte pour les péchés des hommes, son royaume serait consommé et s'étendrait au monde entier. Il accomplirait l'oeuvre d'un réparateur et son Esprit triompherait. Pendant un instant, il considéra l'avenir, et il entendit des voix, proclamant dans toutes les parties de la terre: "Voici l'Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde".3 Il aperçut, en ces étrangers, les prémices de l'abondante moisson qui aurait lieu après que le mur de séparation, dressé entre les Juifs et les païens, serait abattu, et que toutes nations, langues et peuples entendraient le message du salut. C'est l'attente de cette réalisation de ses espérances qu'il exprima dans ces paroles: "L'heure est venue où le Fils de l'homme doit être glorifié." Pourtant le Christ n'oubliait, à aucun moment, de quelle manière cette glorification devait se produire. Le rassemblement des païens suivrait sa mort prochaine. Par la mort seule du Fils de l'homme le monde pouvait être sauvé; il serait déposé en terre, comme un grain de blé; il mourrait et serait enseveli, mais il revivrait. JC 622 1 Le Christ se servit des choses de la nature pour illustrer l'avenir et le faire comprendre aux disciples. Le véritable résultat de sa mission serait rendu possible par sa mort. "En vérité, en vérité, je vous le dis, expliqua-t-il, si le grain de blé ne tombe en terre et ne meurt, il reste seul; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit." Après que le grain de blé est tombé dans la terre et y a trouvé la mort, il germe et porte du fruit. C'est ainsi que la mort du Christ devait produire des fruits pour le royaume de Dieu. En accord avec la loi du monde végétal, la vie devait être le résultat de sa mort. JC 622 2 Ceux qui cultivent le sol ont toujours cette image devant eux. Année après année, l'homme assure sa provision de blé en en jetant au vent la meilleure partie, apparemment. Il faut que le grain reste caché quelque temps sous la glèbe, confié à la surveillance du Seigneur. Ensuite paraît l'herbe, puis l'épi, puis le grain tout formé dans l'épi. Mais tout ceci n'est possible que si le grain est enseveli, hors de la vue, et, selon toute apparence, perdu. JC 622 3 Le grain, semé en terre, produit du fruit et celui-ci est semé à son tour. Ainsi la moisson se trouve multipliée. De même la mort que le Christ a subie, sur la croix du Calvaire, est destinée à porter du fruit pour la vie éternelle. La vue de ce sacrifice fera la joie de ceux qui, grâce à lui, vivront pendant l'éternité. JC 622 4 Le grain de blé qui conserve sa propre vie ne peut produire aucun fruit. Il reste seul. Le Christ aurait pu, s'il l'avait voulu, échapper à la mort, mais il serait resté seul. Il n'aurait pu amener à Dieu des fils et des filles. Ce n'est qu'en renonçant à sa vie qu'il pouvait communiquer la vie à l'humanité. Ce n'est qu'en tombant en terre, pour mourir, qu'il pouvait devenir la semence qui produirait une vaste moisson, -- la multitude des rachetés de Dieu de toutes nations, tribus, langues et peuples. JC 622 5 Le Christ a mis cette vérité en relation avec un enseignement destiné à chacun, touchant le renoncement: "Celui qui aime sa vie la perd, et celui qui a de la haine pour sa vie dans ce monde la conservera pour la vie éternelle." Tous ceux qui désirent porter du fruit, en tant que collaborateurs du Christ, doivent d'abord tomber en terre et mourir. La vie doit être jetée dans le sillon des nécessités humaines; l'amour du moi, l'intérêt personnel doivent périr. La loi du sacrifice est en même temps la loi de la conservation. Le cultivateur conserve son grain en le dispersant. Ainsi en est-il dans la vie humaine. Donner, c'est vivre. Cette vie-là sera préservée qui est généreusement dépensée au service de Dieu et de l'homme. Ils jouiront de la vie éternelle ceux qui sacrifient leur vie, en ce monde, pour l'amour du Christ. JC 623 1 Une vie dépensée pour soi-même est comme le grain que l'on mange et qui disparaît sans s'accroître. Un homme accumulera tout ce qu'il peut dans son propre intérêt; il vivra, pensera et fera des projets pour lui-même; mais sa vie s'écoule, et il ne lui restera rien. La loi de l'égoïsme, c'est la loi de la destruction de soi-même. JC 623 2 "Si quelqu'un me sert, dit Jésus, qu'il me suive, et là où je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu'un me sert, le Père l'honorera." Tous ceux qui portent la croix du sacrifice, avec Jésus, seront rendus participants de sa gloire. La joie du Christ, au milieu de ses humiliations et de ses souffrances, était dans la pensée que ses disciples seraient glorifiés avec lui. Ils sont le fruit de son sacrifice. La reproduction, en eux, de son caractère et de son esprit: voilà sa récompense, voilà sa joie pendant l'éternité. Ils partageront cette joie avec lui, en constatant chez d'autres le fruit de leurs efforts et de leurs sacrifices. Ils sont les collaborateurs du Christ, et le Père les honorera comme il honore son Fils. JC 623 3 Le message des Grecs, en faisant pressentir le rassemblement des païens, présentait à l'esprit de Jésus sa mission tout entière. Toute l'oeuvre de la rédemption passa devant lui, depuis le moment où le plan fut établi dans le ciel, jusqu'à sa mort, maintenant imminente. Une nuée mystérieuse semblait envelopper le Fils de Dieu, assombrissant tous ceux qui se trouvaient près de lui. Il était comme ravi dans ses pensées. Enfin il rompit le silence par ces paroles mélancoliques: "Maintenant mon âme est troublée. Et que dirai-je?... Père, sauve-moi de cette heure?" Le Christ buvait déjà par anticipation à la coupe amère. Son humanité reculait devant l'heure de l'abandon, où Dieu lui-même, selon toute apparence, allait le délaisser; où, aux yeux de tous, il paraîtrait puni, frappé par Dieu et humilié. Il reculait à la pensée d'être livré en spectacle comme le pire des criminels et de souffrir une mort infamante. Le pressentiment du conflit qu'il allait engager avec les puissances des ténèbres, le poids effroyable de la transgression humaine, la colère du Père provoquée par le péché: tout cela faisait défaillir l'esprit de Jésus et donnait une pâleur mortelle à son visage. JC 624 1 Un sentiment de soumission à la volonté du Père finit par l'emporter. "Mais c'est pour cela, dit-il, que je suis venu jusqu'à cette heure. Père, glorifie ton nom!" Seule, la mort du Christ pouvait renverser le royaume de Satan. Par ce moyen seul l'homme pouvait être racheté, et Dieu glorifié. Jésus consentit donc à l'agonie. Il accepta le sacrifice. La Majesté du ciel voulut bien porter nos péchés. "Père, glorifie ton nom!" dit-il. Une voix sortant de la nuée qui planait sur sa tête fit entendre cette réponse aux paroles du Christ: "Je l'ai glorifié et je le glorifierai de nouveau." Dieu avait été glorifié par la vie entière du Christ, depuis la crèche jusqu'au moment où ces paroles furent prononcées; dans l'épreuve qui allait survenir, ses souffrances, divines et humaines à la fois, glorifieraient certainement le nom du Père. JC 624 2 Au moment où la voix se fit entendre, une lumière jaillit de la nuée et enveloppa le Christ, comme si les bras de la puissance infinie voulaient l'entourer d'une muraille de feu. Les assistants contemplaient cette scène avec épouvante. Personne n'osait parler. Tous, muets et la respiration suspendue, avaient les yeux fixés sur Jésus. Quand le témoignage du Père eut été rendu, la nuée s'éleva et se dispersa dans les cieux. Pour le moment la communion visible du Père et du Fils avait cessé. JC 624 3 "La foule, qui se tenait là et qui avait entendu, disait que c'était le tonnerre. D'autres disaient: Un ange lui a parlé." Quant aux Grecs venus à la recherche de Jésus, ils avaient vu la nuée, entendu la voix, compris sa signification, et reconnu le Christ qui s'était révélé à eux comme l'Envoyé de Dieu. JC 625 1 La voix divine s'était fait entendre à l'occasion du baptême de Jésus, au commencement de son ministère; puis de nouveau, lors de la transfiguration, sur la montagne. Elle se faisait entendre maintenant pour la troisième fois à la fin de son ministère, en présence d'un plus grand nombre de personnes, et dans des circonstances tout à fait particulières. Jésus venait d'exprimer les vérités les plus solennelles concernant la condition des Juifs. Il leur avait adressé un dernier appel et avait prononcé leur condamnation. Maintenant Dieu appose, une fois de plus, son sceau sur la mission de son Fils. Il reconnaît celui qu'Israël a rejeté. "Ce n'est pas à cause de moi que cette voix s'est fait entendre, dit-il, c'est à cause de vous." C'était la preuve décisive de sa messianité, le signe donné par le Père pour qu'on reconnût que Jésus avait dit la vérité et qu'il était le Fils de Dieu. JC 625 2 "C'est maintenant le jugement de ce monde, poursuivit le Christ; maintenant le prince de ce monde sera jeté dehors. Et moi, quand j'aurai été élevé de la terre, j'attirerai tous les hommes à moi. Il disait cela pour indiquer de quelle mort il devait mourir." C'est le moment critique pour le monde. Si Jésus devient une victime de propitiation pour le péché des hommes, le monde sera éclairé. Satan perdra son emprise sur les âmes. L'image de Dieu, effacée par le péché, sera rétablie dans l'humanité, et une famille de croyants sanctifiés entrera finalement dans l'héritage des demeures célestes. Ceci sera le résultat de la mort du Christ. Le Sauveur est comme perdu dans la contemplation de la scène de triomphe qu'il a évoquée. Il aperçoit la croix, la croix sanglante et ignominieuse, resplendissante de gloire malgré toute son horreur. JC 625 3 Mais l'oeuvre de la rédemption humaine n'est pas le seul résultat de la croix. L'amour de Dieu est manifesté à l'univers. Le prince de ce monde est jeté dehors. Les accusations que Satan a lancées contre Dieu sont réfutées. L'opprobre qui a été jeté sur le ciel est enlevé pour toujours. Les anges, aussi bien que les hommes, sont attirés vers le Rédempteur. "Et moi, quand j'aurai été élevé de la terre, dit-il, j'attirerai tous les hommes à moi." JC 626 1 L'une des nombreuses personnes qui entouraient le Christ, au moment où il prononça ces paroles, dit alors: "Nous avons appris par la loi que le Christ demeure éternellement; comment donc dis-tu: Il faut que le Fils de l'homme soit élevé? Qui est ce Fils de l'homme?" Alors Jésus leur répondit: "La lumière est encore pour un peu de temps parmi vous. Marchez pendant que vous avez la lumière, afin que les ténèbres ne vous surprennent pas: celui qui marche dans les ténèbres ne sait pas où il va. Pendant que vous avez la lumière, croyez en la lumière, afin que vous deveniez des enfants de lumière." JC 626 2 "Malgré tant de miracles qu'il avait faits devant eux, ils ne croyaient pas en lui." A une certaine occasion ils avaient demandé au Sauveur: "Quel miracle fais-tu donc,... afin que nous le voyions et que nous te croyions?"4 Des signes innombrables avaient été donnés; mais les Juifs avaient fermé leurs yeux et endurci leurs coeurs. Même après que le Père avait parlé, et qu'ils ne pouvaient plus demander d'autres signes, ils s'obstinaient à ne pas croire. JC 626 3 "Cependant, même parmi les chefs, plusieurs crurent en lui; mais à cause des pharisiens, ils ne le confessaient pas, pour ne pas être exclus de la synagogue." Ils préféraient la gloire humaine à l'approbation divine. Pour échapper à l'opprobre et à la honte, ils renièrent le Christ et rejetèrent l'offre de la vie éternelle. Nombreux sont ceux qui, à travers les siècles, ont fait de même. Le Sauveur leur adresse à tous ces paroles d'avertissement: "Celui qui aime sa vie la perdra." "Celui qui me rejette et qui ne reçoit pas mes paroles, a son juge: la parole que j'ai prononcée, c'est elle qui le jugera au dernier jour."5 JC 626 4 Malheur à ceux qui n'ont pas connu le temps où ils ont été visités! Lentement et avec regret, le Christ quitta pour toujours les abords du temple. ------------------------Chapitre 69 -- Sur le mont des Oliviers JC 627 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 24; Marc 13; Luc 21:5-38. JC 627 1 Les prêtres et les chefs avaient été remplis de frayeur par ces paroles du Christ: "Voici, votre maison vous sera laissée déserte."1 Tout en affectant une parfaite indifférence, ils se sentaient menacés par un danger invisible et ne pouvaient s'empêcher de réfléchir à la portée de ces paroles. Ce temple magnifique, qui faisait la gloire de la nation, allait-il vraiment être réduit à un amas de ruines? Les disciples attendaient anxieusement que Jésus leur donnât des explications ultérieures et ils partageaient ces sombres pressentiments. Comme ils sortaient du temple, ils attirèrent l'attention du Christ sur la solidité et la beauté de cet édifice. Les pierres de marbre étaient d'une blancheur immaculée, et quelques-unes avaient des dimensions énormes. Une partie de la muraille avait résisté au siège de l'armée de Nébucadnetsar. Le travail de construction était si parfait que tout l'édifice avait l'apparence d'une pierre unique tirée de la carrière. Les disciples ne pouvaient comprendre comment des murs aussi puissants pourraient être renversés. JC 627 2 Quelles n'ont pas dû être les pensées intimes du Christ, rejeté au moment où l'on attirait son attention sur la magnificence du temple! Malgré le spectacle admirable qui s'offrait à lui il dit avec tristesse: Je vois tout cela. Cet édifice est une merveille. Ces murailles vous semblent indestructibles; mais écoutez bien ceci: Le jour viendra où "il ne restera pas ici pierre sur pierre qui ne soit renversée". JC 627 3 Ces paroles du Christ avaient été entendues par un grand nombre de personnes; quand il fut seul, sur le mont des Oliviers, Pierre, Jean, Jacques et André vinrent auprès de lui et lui demandèrent: "Dis-nous, quand cela arrivera-t-il, et quel sera le signe de ton avènement et de la fin du monde?" Dans sa réponse, Jésus ne considéra pas séparément la destruction de Jérusalem et le grand jour de sa venue. Il fondit en un même tableau la description de ces deux événements, laissant aux disciples le soin d'approfondir le sujet. Ceux-ci n'eussent pas été capables de supporter la vue de l'avenir, si Jésus le leur avait dévoilé tel qu'il l'apercevait lui-même. Alors qu'il faisait allusion à la destruction de Jérusalem, ses paroles prophétiques dépassaient cet événement pour atteindre la conflagration finale qui se produira au jour où le Seigneur, sortant de sa retraite, punira l'iniquité du monde, et où la terre laissera voir le sang dont elle a été arrosée et ne dérobera plus aux regards les morts qu'elle contient. Tout ce discours n'était pas destiné aux disciples seuls, mais à ceux qui vivraient dans la dernière période de l'histoire du monde. JC 628 1 S'adressant aux disciples, le Christ leur dit: "Prenez garde que personne ne vous séduise. Car plusieurs viendront sous mon nom, et diront: C'est moi qui suis le Christ. Et ils séduiront beaucoup de gens." Plusieurs faux christs devaient paraître, avec la prétention de faire des miracles, assurant que le temps de la délivrance était arrivé pour la nation juive. Ils allaient séduire beaucoup de gens. Ces paroles du Christ ont été accomplies. Plusieurs faux christs apparurent dans l'intervalle qui s'écoula entre sa mort et le siège de Jérusalem. Cet avertissement s'adresse aussi à la génération actuelle. Les mêmes séductions qui ont précédé la destruction de Jérusalem ont entraîné les hommes à travers les âges et les entraîneront encore. JC 628 2 "Vous allez entendre parler de guerres et de bruits de guerres: gardez-vous de vous alarmer, car cela doit arriver. Mais ce ne sera pas encore la fin." Avant la destruction de Jérusalem, les hommes luttaient pour obtenir la suprématie. Des empereurs étaient assassinés; on massacrait les héritiers du trône; il y avait des guerres et des bruits de guerres. Il faut que ces choses arrivent, dit le Christ. Mais ce ne sera pas encore la fin (de la nation juive comme telle). "Une nation s'élèvera contre une nation et un royaume contre un royaume, et il y aura par place des famines et des tremblements de terre. Tout cela ne sera que le commencement des douleurs..." Le Christ disait: Quand les rabbins verront ces signes, ils diront que ce sont les jugements de Dieu sur les nations coupables de retenir dans l'esclavage son peuple élu. Ils diront que ces signes annoncent la venue du Messie. Ne vous laissez pas séduire; ces choses sont, au contraire, le commencement de ses jugements. Les gens n'ont regardé qu'à eux-mêmes. Ils n'ont pas voulu se repentir pour que je les guérisse. Ce qu'ils prennent pour des signes de délivrance prochaine, ce sont les signes précurseurs de leur destruction. JC 629 1 "Alors on vous livrera aux tourments, et l'on vous fera mourir; et vous serez haïs de toutes les nations, à cause de mon nom. Et ce sera pour beaucoup une occasion de chute, ils se trahiront, se haïront les uns les autres." Les chrétiens ont eu à endurer toutes ces souffrances. Des parents ont trahi leurs enfants, des enfants leurs parents. Des amis ont livré leurs amis au sanhédrin. Etienne, Jacques, et beaucoup d'autres chrétiens ont été victimes de la persécution. JC 629 2 Au moyen de ses serviteurs, Dieu a donné au peuple juif une dernière occasion de se repentir. Il s'est manifesté, par l'intermédiaire de ses témoins, au moment de leur arrestation, de leur procès et de leur emprisonnement. Cependant les juges les ont condamnés à mort. En faisant mourir ces hommes, dont le monde n'était pas digne, les Juifs ont crucifié, à nouveau, le Fils de Dieu. Ceci se renouvellera. Les autorités édicteront des lois contraires à la liberté religieuse, s'arrogeant un droit qui n'appartient qu'à Dieu, s'imaginant pouvoir contraindre les consciences, dont Dieu seul est le Maître. On voit déjà maintenant le commencement de ces choses; cette oeuvre se poursuivra jusqu'à ce qu'elle ait atteint la limite qui ne peut être dépassée. Dieu interviendra en faveur de son peuple fidèle, obéissant à ses commandements. JC 629 3 Chaque fois que sévit la persécution, ceux qui en sont les témoins prennent position soit pour le Christ soit contre lui. Faire preuve de sympathie à l'égard de ceux qui sont condamnés injustement, c'est montrer de l'attachement pour le Christ. D'autres sont scandalisés parce que les principes de la vérité viennent contrarier leurs habitudes. Plusieurs chancellent et tombent, renonçant à la foi qu'ils défendaient autrefois. Il en est qui, devenus apostats à l'heure de l'épreuve, pour se mettre en sûreté, porteront de faux témoignages et trahiront leurs frères. Le Christ nous a mis en garde, afin que nous ne soyons pas surpris par l'absence de pitié et de sentiments naturels chez ceux qui rejettent la lumière. JC 630 1 Le Christ donna à ses disciples un signe destiné à annoncer la ruine de Jérusalem, et leur dit comment ils pourraient y échapper: "Lorsque vous verrez Jérusalem investie par des armées, sachez alors que sa dévastation est proche. Alors, que ceux qui seront en Judée fuient dans les montagnes, que ceux qui seront au milieu de Jérusalem s'en retirent, et que ceux qui seront dans les campagnes n'entrent pas dans la ville. Car ce seront des jours de vengeance, pour l'accomplissement de tout ce qui est écrit." Cet avertissement fut donné quarante ans avant la destruction de Jérusalem. Le moment venu, les chrétiens y prirent garde et pas un d'entre eux ne périt dans la chute de la ville. JC 630 2 "Priez pour que votre fuite n'arrive pas en hiver, ni un jour de sabbat", dit le Christ. Celui qui a établi le sabbat ne l'a pas aboli en le clouant à la croix. Sa mort n'a pas eu pour effet de l'abroger. Il devait conserver son caractère sacré, quarante ans après la crucifixion. Pendant quarante ans les disciples devaient prier pour que leur fuite n'eût pas lieu en un jour de sabbat. JC 630 3 De la destruction de Jérusalem, le Christ passa rapidement à un événement plus important qui constitue le dernier anneau de la chaîne de l'histoire humaine: la venue du Fils de Dieu avec majesté et avec gloire. Entre ces deux événements, le regard du Christ apercevait de longs siècles de ténèbres, marqués pour son Eglise par le sang, les larmes et l'agonie. Les disciples n'étaient pas préparés à supporter cette vue, aussi Jésus se borna-t-il à une courte mention. "Car alors, la détresse sera si grande qu'il n'y en a pas eu de pareille depuis le commencement du monde jusqu'à présent, et qu'il n'y en aura jamais plus. Et, si ces jours n'étaient abrégés, personne ne serait sauvé; mais, à cause des élus, ces jours seront abrégés." Des persécutions, comme le monde n'en avait encore point vues, devaient atteindre les disciples du Christ pendant plus d'un millier d'années. Des millions et des millions de fidèles témoins allaient être mis à mort. Et si Dieu n'avait pas étendu la main pour protéger son peuple, tous auraient péri. "Mais, à cause des élus, ces jours seront abrégés." Maintenant le Seigneur parle de sa seconde venue, dans un langage qui ne prête à aucune équivoque, et il les met en garde contre les dangers qui précéderont son avènement. "Si quelqu'un vous dit alors: Le Christ est ici, ou: Il est là, ne le croyez pas. Car il s'élèvera de faux christs et de faux prophètes; ils opéreront de grands signes et des prodiges, au point de séduire si possible même les élus. Je vous l'ai prédit. Si donc on vous dit: Voici, il est dans le désert, n'y allez pas; voici, il est dans les chambres, ne le croyez pas. En effet, comme l'éclair part de l'orient et luit jusqu'à l'occident, ainsi sera l'avènement du Fils de l'homme." Le Christ avait indiqué ce signe comme devant annoncer la destruction de Jérusalem: "Plusieurs faux prophètes s'élèveront et séduiront beaucoup de gens." De faux prophètes s'élevèrent en effet, séduisant beaucoup de gens, les entraînant au désert. Des magiciens et des sorciers, qui s'attribuaient un pouvoir miraculeux, attiraient des foules dans les montagnes. Mais cette prophétie concerne aussi les derniers jours. Le même signe doit annoncer le second avènement. En ce moment-même, de faux christs et de faux prophètes opèrent des signes et des prodiges en vue de séduire les disciples. N'entendons-nous pas dire: "Le voici dans le désert"? Des milliers de personnes ne se sont-elles pas rendues au désert avec l'espoir d'y trouver le Christ? Et dans les innombrables réunions où les gens prétendent entrer en communion avec des esprits désincarnés, n'entendons-nous pas dire: "Voici, il est dans les chambres"? C'est là ce que prétend le spiritisme. Mais le Christ dit: "Ne le croyez pas. En effet, comme l'éclair part de l'orient et luit jusqu'à l'occident, ainsi sera l'avènement du Fils de l'homme." JC 632 1 Non content de donner des signes de sa venue, le Sauveur fixe le moment précis où le premier de ces signes doit paraître: "Aussitôt après la détresse de ces jours-là, le soleil s'obscurcira, la lune ne donnera plus sa lumière, les étoiles tomberont du ciel, et les puissances des cieux seront ébranlées. Alors le signe du Fils de l'homme paraîtra dans le ciel, toutes les tribus de la terre se lamenteront, et elles verront le Fils de l'homme venir sur les nuées du ciel avec beaucoup de puissance et de gloire. Il enverra ses anges avec la trompette retentissante, et ils rassembleront ses élus des quatre vents, depuis une extrémité des cieux jusqu'à l'autre." JC 632 2 Le Christ déclare qu'au terme de la grande persécution papale, le soleil doit s'obscurcir et la lune ne plus donner sa lumière. Ensuite les étoiles doivent tomber du ciel. Puis il ajoute: "Recevez l'enseignement de la parabole du figuier. Dès que ses branches deviennent tendres, et que les feuilles poussent, vous savez que l'été est proche. De même, vous aussi, quand vous verrez tout cela, sachez que le Fils de l'homme est proche, à la porte." JC 632 3 Le Christ a donné des signes de sa venue. Il affirme que nous pouvons savoir quand il est proche, à la porte. Il dit, en parlant de ceux qui verront ces signes: "Cette génération ne passera point, que tout cela n'arrive." Ces signes ont paru. Nous savons de science certaine que la venue du Seigneur est proche. "Le ciel et la terre passeront, dit-il, mais mes paroles ne passeront point." JC 632 4 Le Christ vient sur les nuées avec une grande gloire, accompagné d'une multitude d'anges resplendissants. Il vient pour ressusciter les morts et pour glorifier les saints qui seront trouvés vivants. Il vient pour honorer ceux qui l'ont aimé, et pour prendre avec lui ceux qui ont gardé ses commandements. Il ne les a pas oubliés, non plus que sa promesse. La chaîne brisée de la famille est ressoudée. Nous pouvons, en considérant nos morts, penser au matin où retentira la trompette de Dieu, où "les morts ressusciteront incorruptibles, et nous, nous serons changés".2 Encore un peu de temps, et nous verrons le Roi dans sa beauté. Encore un peu de temps, et il essuiera toute larme de nos yeux. Encore un peu de temps, et il nous fera "paraître devant sa gloire, irréprochables dans l'allégresse".3 C'est pourquoi il ajoute, après avoir indiqué les signes de sa venue: "Quand cela commencera d'arriver, redressez-vous et levez la tête, parce que votre délivrance approche." JC 633 1 Cependant le Christ n'a pas fait connaître aux disciples le jour et l'heure de sa venue. Il leur dit clairement qu'il ne lui était pas donné de les révéler. S'il avait pu le faire, il n'aurait pas eu besoin de les exhorter à une attente constante. Il en est qui prétendent connaître le jour et l'heure précis de l'apparition de notre Seigneur. Ils dressent le plan de l'avenir avec beaucoup de zèle. Mais Jésus les a mis en garde contre cette erreur. Le temps précis de la seconde venue du Fils de l'homme est un mystère divin. JC 633 2 Le Christ indique ensuite les conditions qui doivent prévaloir dans le monde, au moment de sa venue: "Comme aux jours de Noé, ainsi en sera-t-il à l'avènement du Fils de l'homme. Car dans les jours qui précédèrent le déluge, les hommes mangeaient et buvaient, se mariaient et mariaient leurs enfants, jusqu'au jour où Noé entra dans l'arche; et ils ne se doutèrent de rien, jusqu'à ce que le déluge vienne et les emporte tous: il en sera de même à l'avènement du Fils de l'homme." On voit que le Christ ne promet pas un millénium temporel, mille ans pendant lesquels on pourra se préparer en vue de l'éternité. Il nous dit qu'il en sera du temps où reviendra le Fils de l'homme comme des jours de Noé. JC 633 3 Qu'en était-il aux jours de Noé? -- "L'Eternel vit que la méchanceté de l'homme était grande sur la terre, et que toutes les pensées de son coeur étaient chaque jour dirigées vers le mal."4 Les antédiluviens s'étaient détournés de Jéhovah, refusant de se conformer à sa sainte volonté. Ils avaient voulu suivre les idées perverties de leur propre imagination profane. Cette méchanceté amena leur destruction; aujourd'hui le monde suit la même voie. Rien n'annonce un millénium de gloire. Les transgresseurs de la loi de Dieu remplissent la terre de leurs mauvaises actions. Courses de chevaux, paris, jeux de hasard, dissipation, volupté, passions indomptables auront bientôt rempli le monde de violence. JC 634 1 Le Christ avait dit, en annonçant la destruction de Jérusalem: "En raison des progrès de l'iniquité, l'amour du plus grand nombre se refroidira. Mais celui qui persévérera jusqu'à la fin sera sauvé. Cet Evangile du royaume sera prêché dans le monde entier, pour servir de témoignage à toutes les nations. Alors viendra la fin." Cette prophétie aura un second accomplissement. L'iniquité abondante de ce jour-là a son pendant en notre génération. Il en est de même de la prédiction relative à la proclamation de l'Evangile. Dès avant la chute de Jérusalem, Paul, poussé par le Saint-Esprit, pouvait déjà écrire que l'Evangile avait "été prêché à toute créature sous le ciel".5 De même aujourd'hui, avant la venue du Fils de l'homme, l'Evangile éternel doit être annoncé "à toute nation, tribu, langue et peuple".6 Dieu "a fixé un jour où il va juger le monde selon la justice".7 Le Christ nous fait savoir quand ce jour viendra. Il ne dit pas que tout le monde se convertira, mais que "cet Evangile du royaume sera prêché dans le monde entier, pour servir de témoignage à toutes les nations. Alors viendra la fin." En annonçant l'Evangile au monde, il nous est donné de hâter le retour de notre Seigneur. Nous ne devons pas seulement attendre le jour de Dieu, mais nous devons le hâter.8 Si l'Eglise du Christ avait fidèlement accompli la tâche assignée par le Seigneur, le monde entier serait déjà averti, et le Seigneur Jésus revenu, avec puissance et grande gloire. JC 634 2 Après avoir indiqué les signes de sa venue, le Christ dit: "Quand vous verrez ces choses arriver, sachez que le Fils de l'homme est proche, à la porte." "Veillez donc en tout temps et priez." Dieu a toujours averti les hommes quand des jugements allaient survenir. Ceux qui ont reçu le message donné pour leur temps, et qui ont agi d'après leurs convictions, obéissant à ses commandements, ont pu échapper aux jugements qui ont fondu sur les rebelles et sur les incrédules. L'ordre fut donné à Noé: "Entre dans l'arche, toi et toute ta famille, car j'ai vu que tu es juste devant moi au milieu de cette génération." Noé obéit et fut sauvé. Ce message parvint à Lot: "Levez-vous, sortez d'ici; car l'Eternel va détruire la ville."9 Lot se plaça sous la garde des messagers célestes et fut sauvé. C'est ainsi également que la destruction de Jérusalem fut annoncée aux disciples du Christ. Ceux qui veillèrent pour reconnaître le signe de la ruine imminente purent s'enfuir de la ville et échapper à la catastrophe. Aujourd'hui la seconde venue du Christ et la destruction dont le monde est menacé nous sont annoncées de la même manière. Ceux qui y prennent garde seront sauvés. JC 635 1 Etant donné que nous ne pouvons connaître le moment précis de sa venue, l'ordre nous est donné de veiller. "Heureux ces serviteurs que le Maître, à son arrivée, trouvera veillants!" Ceux qui attendent avec vigilance la venue du Seigneur ne restent pas oisifs. L'attente de la venue du Christ leur inspire la crainte du Seigneur, la crainte des jugements qui frapperont la transgression, et leur fait comprendre quel grand péché il y a à rejeter les offres de la grâce. Ceux qui attendent le Seigneur avec vigilance purifient leurs âmes en obéissant à la vérité et joignent à cette attente une activité intense. Ils savent que le Seigneur est à la porte: aussi désirent-ils vivement collaborer avec les intelligences divines en vue du salut des âmes. Tels sont les économes fidèles et prudents qui donnent aux domestiques du Seigneur "leur ration de blé au moment convenable".10 Ils annoncent la vérité qui s'applique particulièrement à notre temps. Tout comme Enoch, Noé, Abraham, Moïse, qui ont donné la vérité pour leur temps respectif, les serviteurs du Christ donnent actuellement l'avertissement particulier dont leur génération a besoin. JC 635 2 Mais le Christ nous présente une autre classe de personnes: "Si c'est un mauvais serviteur qui se dise en lui-même: Mon maître tarde à venir; s'il se met à battre ses compagnons de service, s'il mange et boit avec les ivrognes, le maître de ce serviteur viendra le jour où il ne s'y attend pas et à l'heure qu'il ne connaît pas." JC 635 3 Le méchant serviteur dit en son coeur: "Mon maître tarde à venir." Il ne dit pas que le Christ ne viendra pas. Il ne se moque pas de l'idée de son retour; il déclare, par ses actions comme par les pensées de son coeur, que le Seigneur tarde à venir. Il enlève à d'autres la conviction que le Seigneur vient bientôt. Son influence tend à rendre les hommes présomptueux et négligents, à les confirmer dans leur mondanité et leur torpeur. Des passions terrestres, des pensées corrompues s'emparent de l'esprit. Le mauvais serviteur mange et boit avec les ivrognes, et recherche les plaisirs du monde. Il frappe ses compagnons de travail, il accuse et condamne ceux qui sont fidèles à leur Maître. Ceux qui se ressemblent s'unissent pour transgresser la loi divine. Il y a là une association redoutable; le mauvais serviteur sera pris au piège du monde. "Le maître de ce serviteur viendra le jour où il ne s'y attend pas et à l'heure qu'il ne connaît pas; il le mettra en pièces et lui fera partager le sort des hypocrites." JC 636 1 "Si tu ne veilles pas, je viendrai comme un voleur et tu ne sauras point à quelle heure je viendrai te surprendre."11 Les faux docteurs seront surpris par l'avènement du Christ. Ils disent: "Paix et sûreté." Comme les prêtres et les docteurs le faisaient avant la chute de Jérusalem, ils promettent à l'Eglise des jours de prospérité et de gloire terrestres. C'est ainsi qu'ils interprètent les signes des temps. Mais que dit l'inspiration? -- "Soudainement la ruine fondra sur eux".12 Le jour de Dieu viendra comme un filet sur tous ceux qui habitent la surface de la terre, sur tous ceux qui considèrent ce monde comme leur demeure permanente. Il viendra sur eux comme un voleur qui rôde dans la nuit. JC 636 2 Le monde, plein de débauches et de plaisirs impies, est endormi dans une sécurité charnelle. Les hommes renvoient bien loin la venue du Seigneur. Ils se rient de ses avertissements. On affirme avec insolence que "tout demeure comme depuis le commencement de la création". "Demain comme aujourd'hui, nous ferons bonne chère!"13 Nous nous livrerons de plus en plus aux plaisirs. Mais le Christ dit: "Voici, je viens comme un voleur".14 Au moment même où le monde demande avec mépris: "Où est la promesse de son avènement?" les signes s'accomplissent. Quand le moqueur, qui rejette la vérité, est devenu présomptueux; quand chacun cherche à gagner de l'argent sans scrupule; quand on étudie tout, excepté sa Bible: alors le Christ vient comme un voleur. JC 637 1 Une grande agitation règne dans le monde. Les signes des temps sont visibles. Les événements qui vont se produire projettent déjà leur ombre sur nous. L'Esprit de Dieu se retire de la terre et des calamités succèdent aux calamités, sur terre et sur mer. Il y a des tempêtes, des tremblements de terre, des incendies, des inondations, des meurtres de tous genres. Qui peut deviner l'avenir? Où est-on en sécurité? Rien n'est sûr de ce qui est humain ou terrestre. Les hommes prennent rapidement position sous le drapeau de leur choix. Ils attendent avec impatience le signal de leurs chefs. D'un côté sont ceux qui attendent l'apparition du Seigneur, dans la vigilance et l'activité; de l'autre, ceux qui se rangent sous les ordres du premier grand apostat. Il y en a peu qui croient, de tout leur coeur, qu'il y a un enfer à éviter et un ciel à gagner. JC 637 2 La crise s'approche graduellement. Le soleil poursuit sa course habituelle et les cieux proclament toujours la gloire de Dieu. Les hommes mangent et boivent, plantent et bâtissent, se marient et donnent en mariage, comme par le passé. Les commerçants continuent d'acheter et de vendre. Les hommes rivalisent entre eux pour obtenir les meilleures places. Les amateurs de plaisirs assiègent les théâtres, les champs de courses, les salles de jeux. Tandis que règne la plus grande agitation, l'heure de la grâce arrive à son terme, et l'avenir de chacun est sur le point d'être fixé pour l'éternité. Satan voit que son temps est court. Il a mobilisé tous ses serviteurs pour séduire les hommes, les tromper, les absorber et les ensorceler jusqu'au moment où le jour de la grâce sera écoulé et où les portes de la miséricorde seront fermées pour toujours. JC 637 3 A travers les siècles, l'avertissement solennel, donné par notre Seigneur sur le mont des Oliviers, arrive jusqu'à nous: "Prenez garde à vous-mêmes, de crainte que vos coeurs ne s'appesantissent par les fumées du vin et de l'ivresse et par les soucis de la vie, et que ce jour ne fonde sur vous à l'improviste comme un filet. ... Veillez donc et priez en tout temps, afin que vous ayez la force d'échapper à tout ce qui doit arriver, et de paraître debout devant le Fils de l'homme." ------------------------Chapitre 70 -- L'un de ces plus petits JC 639 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 25:31-46. JC 639 1 "Lorsque le Fils de l'homme viendra dans sa gloire avec tous les anges, il s'assiéra sur le trône de sa gloire. Toutes les nations seront assemblées devant lui. Il séparera les uns d'avec les autres." C'est ainsi que le Christ décrivit à ses disciples la scène du grand jour du jugement, alors qu'il se tenait sur le mont des Oliviers. Il montra que sa décision dépendrait d'un seul facteur. Quand les nations seront rassemblées devant lui, il n'y aura que deux classes, dont la destinée respective sera déterminée par ce qui aura été fait ou négligé par rapport à lui dans la personne des pauvres et des affligés. JC 639 2 En ce jour-là, au lieu de présenter aux hommes la grande oeuvre accomplie en leur faveur par le don de sa vie pour leur rédemption, il présentera l'oeuvre qu'ils auront accomplie pour lui avec fidélité. A ceux qui seront placés à sa droite il dira: "Venez, vous qui êtes bénis de mon Père; recevez en héritage le royaume qui est préparé pour vous dès la fondation du monde. Car j'ai eu faim, et vous m'avez donné à manger; j'ai eu soif, et vous m'avez donné à boire; j'étais étranger, et vous m'avez recueilli; j'étais nu, et vous m'avez vêtu; j'étais malade, et vous m'avez visité; j'étais en prison, et vous êtes venus vers moi." Mais ceux à qui le Christ adresse ces éloges ne savent pas qu'ils lui ont rendu des services. A leurs questions inquiètes il répond: "Dans la mesure où vous avez fait cela à l'un des plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait." JC 639 3 Jésus avait dit à ses disciples qu'ils seraient haïs de tout le monde, persécutés et affligés. Plusieurs seraient chassés hors de leurs maisons et réduits à l'indigence. Beaucoup d'entre eux seraient jetés dans la détresse par la maladie et par les privations. Plusieurs seraient incarcérés. A tous ceux qui par amour pour lui abandonnaient amis ou foyer il avait promis le centuple en cette vie-ci. Maintenant il promet une bénédiction particulière à tous ceux qui exerceraient un ministère d'amour en faveur de leurs frères. En chacun de ceux qui souffrent pour mon nom, dit Jésus, vous devez me reconnaître moi-même. Ce que vous feriez pour moi, faites-le pour eux. Vous prouverez ainsi que vous êtes vraiment mes disciples. JC 640 1 Tous ceux qui par la nouvelle naissance sont entrés dans la famille céleste sont tout spécialement les frères de notre Seigneur. L'amour du Christ lie les uns aux autres les membres de sa famille; partout où cet amour se manifeste, cette relation divine est établie. "Quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu."1 JC 640 2 Il se peut que ceux qui sont loués par le Christ au jour du jugement ne soient pas très versés dans les sciences théologiques, mais ils ont cultivé les principes divins. Grâce à l'influence de l'Esprit divin ils ont exercé une action bienfaisante sur leur entourage. Il s'en trouve même parmi les païens qui ont cultivé un esprit de bonté; avant même d'avoir entendu les paroles de vie, ils ont eu des amabilités pour les missionnaires et les ont même servis au péril de leur vie. Il est des païens qui dans leur ignorance adorent Dieu, bien que la lumière ne leur ait jamais été apportée par des agents humains; ils ne périront pas. S'ils ignorent la loi écrite, ils ont entendu la voix divine leur parlant au moyen de la nature, et ils ont fait ce qu'exige la loi. Leurs oeuvres démontrent que leurs coeurs ont été touchés par le Saint-Esprit: aussi sont-ils reconnus comme des enfants de Dieu. JC 640 3 Quelles ne seront pas la surprise et la joie de ces humbles parmi les nations et même parmi les païens, quand ils entendront ces paroles sortir de la bouche du Sauveur: "Dans la mesure où vous avez fait cela à l'un des plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait." Et quelle ne sera pas la joie qui remplira le coeur de l'Amour infini quand ses disciples surpris et joyeux accueilleront ses paroles d'approbation. JC 641 1 Mais que l'on ne croie pas que le Christ réserve son amour à une seule classe. Il s'identifie avec chaque enfant de l'humanité. Il est devenu membre de la famille terrestre pour que nous pussions devenir membres de la famille céleste. En tant que Fils de l'homme il est le frère de tout fils et de toute fille d'Adam. Ses disciples ne doivent pas se sentir détachés du monde qui périt autour d'eux. Ils font partie du grand tissu de l'humanité; le ciel les considère comme les frères des pécheurs aussi bien que des saints. L'amour du Christ embrasse les êtres déchus, errants, pécheurs; tout acte de bonté tendant à relever une âme tombée, tout acte de miséricorde, est accepté comme fait en sa faveur. JC 641 2 Les anges du ciel sont envoyés pour exercer un ministère en faveur de ceux qui doivent hériter du salut. Nous ne savons pas encore qui sont ceux-là; on ne voit pas encore qui sera le vainqueur, appelé à partager l'héritage des saints dans la lumière; mais les anges du ciel parcourent la terre en tous sens, cherchant à réconforter les affligés, à protéger ceux qui sont en péril, à gagner les coeurs au Christ. Personne n'est négligé ou oublié. Dieu, qui ne fait pas acception de personnes, prend également soin de toutes les âmes qu'il a créées. JC 641 3 Quand vous ouvrez votre porte aux membres du Christ qui sont dans le besoin ou la souffrance, c'est comme si vous souhaitiez la bienvenue à des anges invisibles. Vous vous préparez à jouir de la compagnie d'êtres célestes. Ils créent autour de vous une atmosphère sacrée de joie et de paix. Ils viennent avec des paroles de louange sur leurs lèvres, et des accords mélodieux se font entendre dans le ciel. Tout acte de miséricorde accompli ici-bas se traduit là-haut par de la musique. Assis sur son trône, le Père place les ouvriers désintéressés parmi ses plus précieux trésors. JC 641 4 Ceux qui seront placés à la gauche du Christ pour l'avoir négligé dans la personne du pauvre et de l'affligé ne sont pas conscients de leur faute. Aveuglés par Satan, ils n'ont pas compris ce qu'ils devaient à leurs frères. Absorbés par leurs intérêts personnels, ils ne se sont pas souciés des besoins d'autrui. JC 642 1 Dieu a confié des richesses aux riches pour qu'ils puissent soulager et réconforter ses enfants affligés; trop souvent ils sont indifférents aux besoins d'autrui. Ils se croient supérieurs à leurs frères pauvres. Ils ne savent pas se mettre à leur place. Ils ne comprennent pas les tentations et les luttes du pauvre et aucune pitié ne trouve place dans leur coeur. Dans des demeures coûteuses et des temples splendides les riches s'enferment loin du pauvre; les moyens accordés par Dieu en vue de la bienfaisance sont gaspillés pour satisfaire l'orgueil et l'égoïsme. Jour après jour les pauvres sont privés de l'instruction qu'ils devraient recevoir concernant les compassions infinies de Dieu; car Dieu a pourvu abondamment aux nécessités de la vie. Les pauvres souffrent de ce qui rétrécit leur vie; ils risquent de devenir envieux, jaloux, pleins de méfiance. Ceux qui n'ont jamais éprouvé le poids du besoin traitent souvent le pauvre avec mépris et lui font sentir cruellement son infériorité sociale. JC 642 2 Mais le Christ voit tout cela et il dit: C'est moi qui étais affamé et assoiffé. C'est moi qui étais en prison, ou étranger, ou malade. Tandis que vous avez festoyé autour d'une table richement servie, je mourais de faim dans un bouge ou dans la rue déserte. Tandis que vous étiez à votre aise dans une maison de luxe, je n'avais pas un endroit où reposer ma tête. J'étais dénué de tout tandis que vous entassiez de riches vêtements dans votre garde-robe. Je languissais en prison tandis que vous étiez à la poursuite de vos plaisirs. JC 642 3 Quand vous distribuiez avec parcimonie votre pain au pauvre mourant de faim, quand vous donniez de misérables loques pour couvrir ceux qui étaient exposés à un vent glacial, avez-vous songé que vous offriez cela au Roi de gloire? Pendant tous les jours de votre vie j'étais près de vous en la personne de ces affligés, mais vous ne m'avez pas cherché. Vous avez refusé de communier avec moi; je ne vous connais pas. JC 642 4 Il en est qui estimeraient un grand privilège de pouvoir visiter les lieux où le Christ a vécu, de fouler les chemins où il a marché, de contempler le lac au bord duquel il aimait à enseigner, les collines et les vallées sur lesquelles ses regards se sont posés. Mais point n'est besoin d'aller à Nazareth, à Capernaüm, ou à Béthanie, pour marcher sur les traces de Jésus. Nous trouverons l'empreinte de ses pas près du lit d'un malade, dans les cabanes du pauvre, dans les rues fréquentées de nos grandes villes, partout où un coeur humain a besoin de consolation. En imitant ce que faisait Jésus sur la terre nous marcherons sur ses traces. JC 643 1 Il y a du travail pour chacun. "Vous aurez toujours les pauvres avec vous",2 dit Jésus; personne ne doit penser qu'il n'y a pas de place pour lui à son service. Des millions d'êtres humains sont prêts à périr, enchaînés dans l'ignorance et le péché, n'ayant jamais entendu parler de l'amour du Christ. Si nous étions à la place de ces gens-là, que désirerions-nous que l'on fît pour nous? Cela nous avons le devoir impérieux de le faire, dans toute la mesure de nos possibilités. La règle établie par le Christ, qui nous maintiendra debout ou nous fera tomber au jour du jugement, c'est: "Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, vous aussi faites-le de même pour eux".3 JC 643 2 Le Sauveur a donné sa vie précieuse afin d'établir une Eglise capable de s'occuper des âmes affligées et tentées. Un groupe de croyants pauvres, sans instruction et ignorés, peut avec l'aide du Christ accomplir une oeuvre au foyer, dans le voisinage, dans l'église, et même au loin, dont les résultats seront visibles jusque dans l'éternité. JC 643 3 C'est parce que cette oeuvre est négligée que tant de jeunes disciples ne dépassent jamais l'abc de l'expérience chrétienne. Cette lumière qui a brillé dans leur coeur quand Jésus leur a dit: "Tes péchés te sont pardonnés", ils eussent pu l'entretenir en aidant les nécessiteux. Les énergies turbulentes qui souvent mettent en danger la jeunesse pourraient recevoir une direction utile et bienfaisante. Le moi serait oublié alors qu'on travaillerait avec ardeur au bien d'autrui. JC 643 4 Le Souverain Berger servira ceux qui se placent au service d'autrui. Ils boiront de l'eau de la vie et seront désaltérés. Ils ne rechercheront pas des divertissements excitants ou des changements dans leur vie. Tout leur intérêt se portera sur les moyens de sauver ceux qui vont périr. Les rapports sociaux deviendront profitables. L'amour du Rédempteur rapprochera et unira tous les coeurs. JC 644 1 Quand nous aurons compris que nous sommes les collaborateurs de Dieu nous ne rappellerons pas ses promesses d'une manière indifférente. Elles brûleront dans nos coeurs et brilleront sur nos lèvres. Quand Moïse fut appelé à servir un peuple ignorant, indiscipliné et rebelle, Dieu lui fit cette promesse: "Je serai moi-même ton guide et j'assurerai ta sécurité." Et encore: "Je serai avec toi."4 Cette promesse s'applique à quiconque travaille pour le Christ en faveur des affligés et des souffrants. JC 644 2 L'amour pour le prochain est la manifestation terrestre de l'amour pour Dieu. C'est pour nous communiquer cet amour, et faire de nous des membres de la même famille, que le Roi de gloire s'est identifié avec nous. Quand nous nous conformons à sa dernière recommandation: "Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés",5 quand nous aimons le monde comme il l'a aimé, alors sa mission est remplie en ce qui nous concerne. Nous sommes qualifiés pour le ciel, ayant déjà le ciel dans nos coeurs. JC 644 3 "Délivre ceux qu'on entraîne à la mort et sauve ceux qui vont en chancelant au supplice. Si tu dis: Nous n'en avons rien su, celui qui pèse les coeurs ne le discernera-t-il point? Celui qui veille sur ton âme ne le saura-t-il point? Et ne rendra-t-il pas à chacun selon son oeuvre?"6 Au grand jour du jugement ceux qui n'auront pas travaillé pour le Christ, qui se seront esquivés, uniquement préoccupés d'eux-mêmes, ne pensant qu'à eux, seront placés par le Juge de toute la terre avec ceux qui auront fait le mal. Ils recevront la même condamnation. JC 644 4 Une charge est confiée à chacun. A chacun le Souverain Berger demandera: "Où est le troupeau qui t'avait été donné?" Et: "Que diras-tu de ce qu'il te châtie?"7 ------------------------Chapitre 71 -- Serviteur des serviteurs JC 645 0 Ce chapitre est basé sur Luc 22:7-18, 24; Jean 13:1-17. JC 645 1 Le Christ était assis à table avec ses disciples dans la chambre haute d'une maison de Jérusalem. Ils s'étaient réunis pour célébrer la Pâque. Le Sauveur désirait être seul avec les douze pour cette fête. Il savait que son heure était venue; véritable Agneau pascal, il allait être offert en sacrifice le jour de la Pâque. Il était sur le point de vider la coupe de la colère; il allait bientôt recevoir le baptême final de la souffrance. Mais il lui restait quelques heures paisibles, qu'il voulait employer pour le bien de ses chers disciples. JC 645 2 La vie entière du Christ avait été un service désintéressé. "Non pour être servi, mais pour servir"1 voilà la leçon qui s'était dégagée de chacun de ses actes. Cependant les disciples n'avaient pas encore appris cette leçon. C'est pourquoi Jésus répéta cet enseignement à l'occasion du dernier souper de Pâque, en l'illustrant de manière à laisser une impression indélébile dans les esprits et dans les coeurs. JC 645 3 Les entrevues que Jésus avait avec ses disciples, appréciées d'eux tous, étaient habituellement caractérisées par une joie calme. Les soupers de Pâque avaient revêtu un intérêt tout particulier; mais cette fois-ci Jésus était troublé. Il se sentait oppressé, et son visage était assombri. Quand il se trouva dans la chambre haute avec ses disciples, ceux-ci s'aperçurent qu'un fardeau pesait lourdement sur son esprit, et sans en connaître la cause, ils sympathisaient avec sa douleur. JC 645 4 Au moment où ils s'assemblaient autour de la table, il leur dit avec les accents d'une tristesse émue: "J'ai désiré vivement manger cette Pâque avec vous, avant de souffrir; car, je vous le dis, je ne la mangerai plus, jusqu'à ce qu'elle soit accomplie dans le royaume de Dieu. Il prit une coupe, rendit grâces et dit: Prenez cette coupe, et distribuez-la entre vous; car, je vous le dis, je ne boirai plus désormais du fruit de la vigne, jusqu'à ce que le royaume de Dieu soit venu." JC 646 1 Le Christ savait que le temps était venu où il devait s'en aller du monde vers son Père. Ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu'à la fin. L'ombre de la croix s'étendait déjà sur lui, et son coeur ressentait déjà les tortures de la douleur. Il prévoyait qu'il serait abandonné à l'heure où on le trahirait. Il savait qu'il devait endurer la mort la plus humiliante que l'on pût infliger à des criminels. Il voyait l'ingratitude et la cruauté de ceux qu'il était venu sauver. Il savait combien grand était le sacrifice qui lui était demandé, et que, pour un très grand nombre, ce sacrifice serait offert en vain. Il voyait tout ce qui l'attendait, et il eût été bien naturel qu'il se sentît accablé par le poids de ses souffrances. Mais il considérait les douze, qui lui avaient été étroitement associés, qui auraient à se débattre dans le monde lorsque sa passion serait achevée. Il n'oubliait jamais ses disciples quand il songeait à ses propres souffrances. Il ne pensait pas à lui-même. Sa sollicitude pour eux absorbait complètement son esprit. JC 646 2 Jésus avait beaucoup de choses à dire à ses disciples, en ce dernier soir qu'il passait avec eux. S'ils avaient été préparés à recevoir ce qu'il désirait leur donner, ils auraient pu s'éviter une angoisse mortelle, le désappointement et l'incrédulité. Mais Jésus comprenait qu'ils n'étaient pas prêts à supporter ce qu'il avait à leur dire. Les paroles d'avertissement et de consolation s'arrêtaient sur ses lèvres quand il regardait leurs visages. Quelques moments s'écoulèrent dans le silence. Jésus paraissait attendre. Les disciples se sentaient mal à l'aise. La sympathie et la tendresse que la douleur du Christ avait éveillées en eux paraissaient dissipées. Les paroles mélancoliques par lesquelles il avait fait allusion à ses propres souffrances, n'avaient produit qu'une faible impression. Ils jetaient les uns aux autres des regards envieux et irrités. JC 646 3 "Il s'éleva aussi parmi eux une contestation: lequel d'entre eux devait être estimé le plus grand?" Le Christ était profondément affligé par cette dispute qui s'élevait en sa présence. Les disciples se cramponnaient à l'idée qui leur était chère: ils pensaient que le Christ allait affirmer sa puissance en prenant possession du trône de David. Et chacun d'eux souhaitait obtenir la première place dans le royaume. Ils s'étaient comparés les uns aux autres, et, loin de considérer leurs frères comme plus excellents qu'eux-mêmes, ils se jugeaient les meilleurs. En sollicitant l'honneur d'être assis l'un à la droite et l'autre à la gauche du trône de Christ, Jacques et Jean avaient provoqué l'indignation des autres disciples. Un sentiment de haine risquait de se glisser dans le coeur des dix, quand ils pensaient que les deux frères avaient osé réclamer les premières places. Ils avaient le sentiment qu'on les méconnaissait, et qu'on n'appréciait pas suffisamment leur fidélité et leurs talents. C'est Judas qui se montrait le plus sévère à l'égard de Jacques et de Jean. JC 647 1 Le coeur rempli de ressentiment, les disciples étaient entrés dans la salle du souper. Judas s'empara de la place qui se trouvait à la gauche du Christ, Jean se trouvait à droite. Judas était bien décidé à obtenir la première place, immédiatement après celle du Christ. Et Judas était un traître! JC 647 2 Un autre sujet de dispute avait surgi. Lors d'une fête, un serviteur était habituellement chargé de laver les pieds des hôtes, et des préparatifs avaient été faits en vue de ce service. La cruche, le bassin, le linge étaient là, prêts pour le lavement des pieds; aucun serviteur n'étant présent, c'eût été aux disciples de se charger de ce soin. Mais aucun d'eux n'était assez humble pour assumer le rôle d'un serviteur. Tous se montrèrent parfaitement indifférents, comme s'ils n'avaient rien à faire. Par un silence obstiné ils refusaient de s'humilier. JC 647 3 Comment le Christ pourrait-il empêcher Satan d'obtenir sur eux une complète victoire? Comment pourrait-il leur faire comprendre que le simple titre de disciple ne suffisait pas pour faire d'eux de vrais disciples et pour leur assurer une place dans son royaume? Comment pourrait-il leur montrer que la vraie grandeur consiste en un service d'amour, en une véritable humilité? Comment réussirait-il à faire naître l'amour dans leurs coeurs et à les rendre capables de comprendre ce qu'il désirait si ardemment leur dire? Les disciples ne manifestaient aucun désir de se rendre un service mutuel. Jésus attendit un instant pour voir ce qu'ils feraient. Ensuite il se leva de table, lui, le Maître divin. Après s'être dépouillé du vêtement de dessus qui eût gêné ses mouvements, il se ceignit d'un linge. Les disciples, dont la curiosité était éveillée, regardaient en silence. "Ensuite il versa de l'eau dans un bassin et se mit à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge qu'il avait comme ceinture." Alors leurs yeux s'ouvrirent. Leurs coeurs se remplirent de honte et d'humiliation. Ils comprirent le reproche silencieux, et se virent eux-mêmes sous un jour tout nouveau. JC 648 1 C'est ainsi que le Christ témoigna son amour envers ses disciples. Leur égoïsme l'affligeait profondément, mais il ne voulut pas entrer en discussion à ce sujet avec eux et préféra leur donner un exemple qu'ils ne devaient jamais oublier. Son amour pour eux ne se laissait pas facilement troubler ou anéantir. Il savait que le Père lui avait remis toutes choses, et que lui-même procédait de Dieu et s'en allait à Dieu. Pleinement conscient de sa divinité, il avait cependant mis de côté sa couronne et son vêtement royal, pour prendre la forme d'un serviteur. Ce fut l'un des derniers actes de sa vie sur la terre. JC 648 2 Avant la Pâque, Judas avait rencontré pour la seconde fois les prêtres et les scribes, et le contrat, aux termes duquel il devait livrer Jésus entre leurs mains, avait été définitivement arrêté. Cela ne l'empêcha pas de se mêler ensuite aux disciples comme s'il avait été parfaitement innocent et comme s'il s'intéressait aux préparatifs de la fête. Les disciples ignoraient totalement le dessein de Judas. Jésus seul devinait son secret, mais il ne le dévoila pas. Jésus désirait ardemment sauver son âme. Il éprouvait à son égard les mêmes sentiments qui l'avaient fait verser des larmes sur la ville condamnée. Comment puis-je t'abandonner à ton sort? disait-il en son coeur. Judas ressentait la puissance contraignante de cet amour. Au moment où les mains, du Sauveur lavaient ses pieds souillés et les essuyaient avec le linge, un frémissement parcourut le coeur de Judas, qui éprouva le besoin de confesser sa faute, en ce moment-même. Mais il ne voulait pas s'humilier. Il endurcit son coeur pour ne point se repentir; ses anciens penchants, un instant refoulés, reprirent le dessus. Judas se scandalisa de ce que le Christ lavait les pieds des disciples. Si Jésus pouvait ainsi s'humilier, pensait-il, c'est qu'il n'était pas le Roi d'Israël. Tout espoir d'honneurs terrestres, dans un royaume temporel, s'évanouissait. Judas voyait qu'il n'avait rien à gagner en suivant le Christ. Il lui semblait que Jésus se dégradait, et il se trouvait confirmé dans son dessein de le désavouer et de reconnaître qu'il s'était trompé. Un démon s'était emparé de lui, lui inspirant la résolution d'exécuter l'engagement qu'il avait pris de livrer son Maître. JC 649 1 Judas, ayant essayé d'occuper la première place en se mettant à table, se trouva donc être servi le premier par le Christ qui avait pris l'attitude d'un serviteur. Jean, envers qui Judas avait manifesté tant d'amertume, fut laissé le dernier; mais il ne s'en offensa pas. Les disciples furent profondément émus en voyant le Christ agir ainsi. Quand vint le tour de Pierre, celui-ci s'écria avec étonnement: "Toi, Seigneur, tu me laverais les pieds!" La condescendance du Christ lui brisait le coeur. Il était tout honteux de penser qu'aucun d'eux n'avait voulu rendre ce service. Jésus lui répondit: "Ce que je fais, tu ne le sais pas maintenant, mais tu le comprendras dans la suite." Pierre ne pouvait se résoudre à voir le Maître, qu'il considérait comme le Fils de Dieu, jouer ce rôle inférieur. Son âme se révoltait contre une pareille humiliation. Il ne comprenait pas que c'était pour cela que le Christ était venu dans le monde. Il s'écria avec énergie: "Non, jamais tu ne me laveras les pieds." JC 649 2 Alors le Christ dit à Pierre avec solennité: "Si je ne te lave, tu n'as point de part avec moi." Le service que Pierre refusait était l'image d'une purification plus importante. Le Christ était venu pour laver les coeurs de la souillure du péché. En ne permettant pas à Jésus de lui laver les pieds, Pierre refusait la purification plus importante symbolisée par cet acte. Il rejetait virtuellement son Maître. Ce n'est pas humilier le Sauveur que de lui laisser opérer notre purification. La vraie humilité consiste à accepter avec reconnaissance tout ce qui est offert et à s'employer avec zèle au service du Christ. JC 650 1 En entendant les paroles: "Si je ne te lave, tu n'as point de part avec moi", Pierre renonça à son orgueil et à sa propre volonté. Il ne pouvait supporter la pensée d'être séparé du Christ, ce qui eût été sa mort. "Non seulement les pieds, dit-il, mais encore les mains et la tête. Jésus lui dit: Celui qui s'est baigné n'a pas besoin de se laver [les pieds exceptés], mais il est entièrement pur." JC 650 2 Ces paroles impliquent plus que la pureté du corps. Le Christ continue à parler de la purification plus importante qui est symbolisée par l'ablution des pieds. Celui qui sortait du bain était propre, mais les pieds chaussés de sandales ne tardaient pas à se recouvrir de poussière, ce qui nécessitait une ablution. Pierre et ses frères avaient été lavés à la grande source ouverte pour nettoyer du péché et de l'impureté. Le Christ les reconnaissait comme les siens. Mais la tentation les avait entraînés au mal, de sorte qu'ils avaient, à nouveau, besoin de sa grâce purifiante. En se ceignant d'un linge pour laver la poussière de leurs pieds, Jésus voulait ôter de leurs coeurs tout sentiment de haine, d'envie et d'orgueil. Ceci importait beaucoup plus que le simple lavement des pieds poussiéreux. Etant donné leurs sentiments, pas un d'entre eux n'était préparé à communier avec le Christ. Ils ne seraient prêts à participer au souper pascal ou au service de commémoration que le Christ allait instituer que lorsque Jésus aurait fait naître en eux des sentiments d'humilité et d'amour. Leurs coeurs devaient être nettoyés. L'orgueil et la recherche du moi engendrent les dissensions et la haine, mais Jésus enleva toutes ces choses en leur lavant les pieds. Leurs sentiments se trouvèrent changés. Jésus pouvait dire, en les regardant: "Vous êtes purs." L'union des coeurs était rétablie, ainsi que l'amour mutuel. Ils étaient redevenus humbles et dociles. Chacun était disposé, à l'exception de Judas, à céder la première place à un autre. Ils pouvaient maintenant accueillir les paroles du Christ, avec un coeur soumis et reconnaissant. JC 651 1 Nous aussi, comme Pierre et ses frères, nous avons été lavés dans le sang du Christ; cependant la pureté de notre coeur est souvent contaminée par le contact du mal. Il faut que nous venions au Christ pour obtenir sa grâce purifiante. Alors que Pierre ne pouvait se faire à l'idée que ses pieds souillés fussent touchés par les mains de son Seigneur et Maître, souvent nous permettons à nos coeurs, remplis de péchés et de souillures, d'entrer en contact avec le coeur du Christ. Combien alors il se trouve affligé par notre caractère, notre vanité et notre orgueil! Néanmoins il faut que nous lui apportions nos infirmités et nos souillures, car lui seul peut nous laver parfaitement. C'est seulement lorsque nous sommes purifiés par son pouvoir que nous sommes préparés à jouir de sa communion. JC 651 2 Jésus dit aux disciples: "Vous êtes purs, mais non pas tous." Il avait bien lavé les pieds de Judas, mais le coeur ne s'était pas donné à lui, et n'avait pas été purifié. Judas ne s'était pas rendu au Christ. JC 651 3 Quand le Maître eut lavé les pieds des disciples, il reprit son vêtement, s'assit et leur dit: "Comprenez-vous ce que je vous ai fait? Vous m'appelez: le Maître et le Seigneur, et vous dites bien, car je le suis. Si donc je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres; car je vous ai donné un exemple, afin que, vous aussi, vous fassiez comme moi je vous ai fait. En vérité, en vérité, je vous le dis, le serviteur n'est pas plus grand que son seigneur, ni l'apôtre plus grand que celui qui l'a envoyé." JC 651 4 Le Christ voulait faire comprendre aux disciples qu'en leur lavant les pieds, il n'avait aucunement dérogé à sa dignité. "Vous m'appelez: le Maître et le Seigneur, et vous dites bien, car je le suis." Il communiquait d'autant plus de grâce et de signification à ce service qu'il leur était infiniment supérieur. Bien que personne ne fût aussi grand que lui, le Christ s'abaissa pour accomplir le plus humble devoir. Il a lui-même donné un exemple d'humilité, afin que son peuple ne se laisse pas fourvoyer par l'égoïsme qui règne dans le coeur naturel et qui se développe par le service du moi. Il ne voulait pas laisser à un homme le soin de donner cet enseignement. Il y attachait une si grande importance, que lui-même, l'égal de Dieu, voulut jouer le rôle de serviteur auprès de ses disciples. Alors qu'eux se disputaient la première place, lui, devant qui tout genou fléchira, et que les anges glorieux s'estiment heureux de pouvoir servir, il s'inclina pour laver les pieds de ceux qui l'appelaient leur Seigneur. Il lava même les pieds du traître. JC 652 1 Par sa vie et ses enseignements, le Christ a donné un exemple parfait du ministère désintéressé qui a sa source en Dieu. Dieu ne vit pas pour lui-même. En créant le monde, en soutenant toutes choses, il exerce un ministère constant en faveur de ses créatures. "Il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons et fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes."2 Dieu a mis devant son Fils cet idéal du service. Jésus a été placé à la tête de l'humanité pour être son modèle et lui apprendre ce que c'est que de servir. JC 652 2 Sa vie entière fut gouvernée par la loi du service. Il fut au service de tout le monde. C'est ainsi qu'il mit en pratique la loi de Dieu et montra, par son exemple, comment nous devons lui obéir. A maintes reprises, Jésus s'était efforcé d'établir ce principe parmi les disciples. Quand Jacques et Jean avaient sollicité la prééminence, il leur avait dit: "Quiconque veut être grand parmi vous, qu'il soit votre serviteur."3 Dans son royaume, il n'y a point de place pour le privilège et la suprématie. On n'y reconnaît qu'une grandeur: celle de l'humilité. La seule distinction consiste à se dévouer au service d'autrui. JC 652 3 Après avoir lavé les pieds des disciples, il leur dit: "Je vous ai donné un exemple, afin que, vous aussi, vous fassiez comme moi je vous ai fait." Par ces paroles le Christ ne s'est pas contenté de recommander l'hospitalité. Il ne s'agissait pas seulement de laver les pieds des autres pour en enlever la poussière du voyage. Le Christ instituait là un service religieux. L'acte de notre Seigneur a fait de cette cérémonie humiliante une ordonnance sacrée que les disciples devaient observer pour se remémorer ses leçons d'humilité et de service. JC 653 1 Cette ordonnance a été établie par le Christ comme le seul moyen de nous préparer en vue du sacrement. Un coeur ne peut entrer en communion avec le Christ aussi longtemps qu'il entretient des pensées d'orgueil, de discorde et de rivalité. Nous ne sommes pas préparés à recevoir la communion de son corps et de son sang. C'est la raison pour laquelle Jésus nous demande de faire précéder la cène du mémorial de son humiliation. JC 653 2 En pratiquant cette ordonnance, les enfants de Dieu devraient se rappeler les paroles du Seigneur de vie et de gloire: "Comprenez-vous ce que je vous ai fait? Vous m'appelez le Maître et le Seigneur, et vous dites bien, car je le suis. Si donc je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres; car je vous ai donné un exemple, afin que, vous aussi, vous fassiez comme moi je vous ai fait. En vérité, en vérité, je vous le dis, le serviteur n'est pas plus grand que son seigneur, ni l'apôtre plus grand que celui qui l'a envoyé. Si vous savez cela, vous êtes heureux, pourvu que vous le fassiez." L'homme a une tendance à se considérer comme plus excellent que son frère, à travailler pour soi, à rechercher la première place; ceci engendre fréquemment de mauvais soupçons et de l'amertume. L'ordonnance qui précède la cène du Seigneur a pour but de dissiper ces malentendus, d'arracher l'homme à son égoïsme, de lui inspirer l'humilité du coeur qui le disposera à servir son frère. JC 653 3 Celui qui veille du haut des cieux est présent dans ces occasions pour nous aider à sonder nos coeurs, à éprouver la conviction du péché et à obtenir l'heureuse assurance du pardon. Le Christ est là, avec la plénitude de sa grâce, pour donner un cours différent à nos pensées qui suivent habituellement une direction égoïste. Le Saint-Esprit éveille la sensibilité de ceux qui agissent à l'exemple de leur Maître. Quand nous nous rappelons l'humiliation du Sauveur, une pensée en évoque une autre, et il se forme une chaîne de souvenirs de la grande bonté de Dieu et de l'affection dévouée de nos amis terrestres. Les bénédictions oubliées, les grâces dont on a abusé, les bienfaits méconnus se présentent à l'esprit. Des racines d'amertume, qui ont banni de nos coeurs la plante précieuse de l'amour, sont mises en évidence. Les défauts de caractère, les devoirs négligés, l'ingratitude envers Dieu, la froideur à l'égard de nos frères, tout cela est rappelé à notre souvenir. Le péché paraît alors tel que Dieu le voit. Nous cessons de nous complaire en nous-mêmes, pour exercer une censure sévère envers nous et nous humilier. Nous avons la force de briser toutes les barrières qui se sont élevées contre les frères. Les mauvaises pensées et les médisances sont rejetées. Les péchés sont confessés et pardonnés. La grâce conquérante du Christ entre dans l'âme, et l'amour du Christ resserre les coeurs dans une heureuse unité. JC 654 1 Ce service préparatoire, par les leçons qu'il enseigne, a pour effet d'engendrer le désir d'une vie spirituelle plus haute, désir exaucé par le Témoin céleste. L'âme sera relevée et participera à la communion avec le sentiment que ses péchés sont pardonnés. Le temple de l'âme sera inondé par le resplendissement de la justice du Christ. Nous contemplerons "l'Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde".4 JC 654 2 Ceux qui entrent vraiment dans l'esprit de ce service n'y verront pas une simple cérémonie. Il s'en dégagera constamment cet enseignement: "Par l'amour, soyez serviteurs les uns des autres."5 En lavant les pieds des disciples, le Christ a prouvé qu'il était prêt à offrir même les services les plus humbles, afin de les rendre participants avec lui de l'éternelle richesse du trésor céleste. En se conformant au même rite, les disciples prennent l'engagement de servir leurs frères de la même manière. Chaque fois que cette ordonnance est célébrée convenablement, les enfants de Dieu contractent une relation sacrée les uns avec les autres, pour s'entraider et se faire du bien mutuellement. Ils promettent solennellement de consacrer leur vie à un ministère désintéressé, non seulement les uns pour les autres, mais aussi dans le vaste champ d'activité qui a été celui du Maître. Le monde est rempli de personnes ayant besoin de notre ministère. De tous côtés, il y a des pauvres, des nécessiteux, des ignorants. Ceux qui ont communié avec le Christ, dans la chambre haute, en sortiront pour servir comme il a servi. JC 655 1 Jésus, qui était servi de tous, vint pour se mettre au service de tous. Et parce qu'il a exercé son ministère en faveur de tous, il sera de nouveau servi et honoré de tous. Ceux qui voudraient participer à ses attributs divins, et partager avec lui la joie de voir des âmes rachetées, doivent, à son exemple, exercer un ministère désintéressé. JC 655 2 Tout ceci était impliqué dans les paroles de Jésus: "Je vous ai donné un exemple, afin que, vous aussi, vous fassiez comme moi je vous ai fait." C'est dans cette intention qu'il a établi ce service. Et lui-même nous dit: "Si vous savez cela", -- si vous comprenez le but de ces leçons, -- "vous êtes heureux, pourvu que vous le fassiez." ------------------------Chapitre 72 -- En mémoire de moi JC 656 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 26:20-29; Marc 14:17-25; Luc 22:14-23; Jean 13:18-30. JC 656 1 "Le Seigneur Jésus, dans la nuit où il fut livré, prit du pain et, après avoir rendu grâces, le rompit et dit: Ceci est mon corps, qui est pour vous; faites ceci en mémoire de moi. De même, après avoir soupé, il prit la coupe et dit: Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang; faites ceci en mémoire de moi, toutes les fois que vous en boirez. Car toutes les fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'il vienne."1 JC 656 2 Jésus se tenait au point de transition qui séparait deux économies ayant leur grande fête respective. L'Agneau sans tache allait s'offrir lui-même en oblation pour le péché; il fallait donc mettre fin à l'ensemble des symboles et des cérémonies qui avaient annoncé sa mort pendant quatre mille ans. Pendant qu'il mangeait la Pâque avec ses disciples, Jésus institua le service qui devait remplacer cette fête et commémorer son grand sacrifice. La fête nationale des Juifs devait passer pour toujours. Le service établi par le Christ devait être observé par ses disciples dans tous les pays et dans tous les siècles. JC 656 3 La Pâque avait été établie pour commémorer la délivrance d'Israël de l'esclavage de l'Egypte. D'après les instructions du Seigneur, chaque année le récit de cette délivrance devait être répété en réponse à la question des enfants sur le sens de cette ordonnance. Ainsi le souvenir de cet affranchissement merveilleux serait conservé dans tous les esprits. L'ordonnance de la cène du Seigneur fut donnée pour commémorer la grande délivrance opérée par la mort du Christ; elle serait célébrée jusqu'à ce qu'il revienne avec puissance et avec gloire. C'est par ce moyen que nos esprits doivent conserver le souvenir de son oeuvre importante. JC 657 1 En Egypte, à la veille de leur libération, les enfants d'Israël mangèrent la Pâque debout, les reins ceints, le bâton à la main, prêts à partir. La manière dont ils célébraient cette ordonnance s'accordait avec leur condition; en effet, ils allaient être chassés hors d'Egypte; ils allaient entreprendre un voyage long et périlleux à travers le désert. Au temps du Christ la situation était différente. On n'était pas sur le point d'être chassé dans un pays étranger; on habitait dans son pays. On jouissait du repos accordé et c'est couché que l'on participait au souper pascal. Des coussins étaient placés autour de la table; étendus sur ces coussins les hôtes s'appuyaient sur le bras gauche et se servaient de la main droite pour manger. Ainsi placé un hôte pouvait poser sa tête sur le sein de celui qui se trouvait à sa gauche. Les pieds, qui dépassaient les coussins, pouvaient être lavés par quelqu'un qui passait autour du cercle. JC 657 2 Le Christ se tient à la table sur laquelle a été servi le souper pascal. Les pains sans levain en usage à cette occasion sont devant lui. Le vin non fermenté de la Pâque est sur la table. Le Christ se sert de ces emblèmes pour représenter son sacrifice immaculé. Rien de ce qui a subi la fermentation, symbole de péché et de mort, ne peut représenter "l'Agneau sans défaut et sans tache".2 JC 657 3 "Pendant qu'ils mangeaient, Jésus prit du pain, et, après avoir prononcé la bénédiction, il le rompit, le donna aux disciples, en disant: Prenez, mangez, ceci est mon corps. Il prit ensuite une coupe; et, après avoir rendu grâces, il la leur donna, en disant: Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de l'alliance, qui est répandu pour beaucoup, pour le pardon des péchés. Je vous le dis, je ne boirai plus désormais de ce fruit de la vigne, jusqu'au jour où j'en boirai avec vous du nouveau dans le royaume de mon Père." JC 657 4 Judas, le traître, était présent au sacrement. Il reçut de Jésus les emblèmes de son corps rompu et de son sang versé. Il entendit les paroles: "Faites ceci en mémoire de moi." Et tandis qu'il était assis en la présence de l'Agneau de Dieu, le traître méditait sur ses sombres desseins, caressant des pensées de vengeance obstinée. JC 658 1 Pendant le lavement des pieds, le Christ avait montré, d'une manière convaincante, qu'il connaissait le caractère de Judas. "Vous n'êtes pas tous purs",3 avait-il dit. Ces paroles avaient fait comprendre au faux disciple que le Christ avait découvert son dessein secret. Maintenant le Christ s'expliqua plus ouvertement. Comme ils étaient assis à table, il dit, en regardant les disciples: "Ce n'est pas de vous tous que je le dis; je connais ceux que j'ai choisis. Mais il faut que l'Ecriture s'accomplisse: Celui qui mange avec moi le pain, a levé son talon contre moi." JC 658 2 Les disciples ne soupçonnaient pas encore Judas, mais ils constataient le trouble de leur Maître. Un nuage de tristesse les enveloppa, présage de quelque sombre calamité, dont ils ne comprenaient pas la nature. Pendant qu'ils mangeaient en silence, Jésus dit: "En vérité, en vérité, je vous le dis, l'un de vous me livrera." Ces paroles les remplirent d'étonnement et de consternation. Ils ne pouvaient admettre que l'un d'eux pût agir avec perfidie à l'égard de leur divin Maître. Pour quelle raison l'aurait-il trahi? Et auprès de qui? Chez lequel d'entre eux un tel dessein aurait-il pu prendre naissance? Certainement pas chez l'un des douze, qui, mieux que tous les autres, avaient eu l'occasion d'entendre ses enseignements, avaient été l'objet de son amour extraordinaire, et à qui il avait fait l'honneur de les admettre dans sa communion intime! JC 658 3 Quand ils eurent compris la portée des paroles du Christ, ils furent saisis de crainte et de défiance en songeant à la véracité constante de ses déclarations. Ils sondèrent leurs coeurs pour voir si quelque pensée d'animosité à l'égard de leur Maître s'y trouvait cachée. Ils demandaient l'un après l'autre, avec une émotion douloureuse: "Seigneur, est-ce moi?" Judas seul gardait le silence. Jean, fort angoissé, finit par demander: "Seigneur, qui est-ce?" Alors Jésus répondit: "C'est celui pour qui je tremperai le morceau et à qui je le donnerai." "Le Fils de l'homme s'en va, selon ce qui est écrit de lui. Mais malheur à cet homme-là par qui le Fils de l'homme est livré! Mieux vaudrait pour cet homme ne pas être né." Les disciples s'étaient interrogés des yeux en demandant: "Seigneur, est-ce moi?" Le silence de Judas attira l'attention de tous. Au milieu de la confusion provoquée par les questions et les expressions d'étonnement, Judas n'avait pas entendu les paroles prononcées par Jésus en réponse à la question de Jean. Mais maintenant, pour échapper aux regards inquisiteurs des autres disciples, il demanda, lui aussi: "Maître, est-ce moi?" Jésus affirma avec solennité: "Tu l'as dit." JC 659 1 Surpris et confus de ce que son dessein avait été dévoilé, Judas se leva en hâte, pour quitter la pièce. "Jésus lui dit: Ce que tu fais, fais-le vite. ... Judas prit le morceau et sortit aussitôt. Il faisait nuit." La nuit était dans le coeur du traître au moment où il s'éloignait du Christ pour s'enfoncer dans les ténèbres du dehors. JC 659 2 Jusqu'à ce moment-là, Judas n'avait pas fait de démarche qui lui rendît la repentance impossible. Mais lorsqu'il sortit hors de la présence de son Maître et de ses collègues, la décision finale était prise. Il avait franchi la limite. JC 659 3 Jésus avait fait preuve d'une longanimité étonnante envers cette âme tentée. Rien n'avait été négligé de ce qui eût pu sauver Judas. Même après qu'il s'était engagé, par deux fois, à trahir son Maître, Jésus lui donna, avec l'occasion de se repentir, une preuve décisive de sa divinité, en dévoilant l'intention secrète que le traître dissimulait en son coeur. Ce fut, pour le faux disciple, le dernier appel à la repentance. Le coeur du Christ, divin et humain à la fois, n'avait épargné aucun appel. Les vagues de la miséricorde, refoulées par un orgueil obstiné, revenaient à l'assaut avec plus de force pour le vaincre par l'amour. Mais Judas était d'autant plus décidé qu'il avait été surpris et alarmé par la découverte de son crime. Il sortit du souper sacramentel pour achever son oeuvre de trahison. JC 659 4 En prononçant ce malheur sur Judas, le Christ avait aussi un dessein d'amour envers ses disciples. Il voulait leur donner la preuve finale de sa messianité. Il leur déclara: "Dès à présent, je vous le dis, avant que la chose arrive, afin que, lorsqu'elle arrivera, vous croyiez que moi, JE SUIS." Si Jésus avait gardé le silence et paru ignorer qu'on allait le livrer entre les mains d'une populace avide de sang, les disciples auraient pu en conclure que leur Maître n'avait aucune prescience divine. Une année auparavant, Jésus avait dit aux disciples qu'il en avait choisi douze, mais que l'un d'entre eux était un démon. Les paroles que Jésus adressait maintenant à Judas, tout en montrant que la perfidie de ce dernier était parfaitement connue du Maître, auraient pour effet d'affermir la foi des vrais disciples du Christ, pendant son humiliation. Et, à l'heure où Judas terminerait sa vie d'une façon si effroyable, ils se rappelleraient la sentence de malheur prononcée par Jésus sur le traître. JC 660 1 Le Sauveur avait encore une autre intention. Il ne s'était pas abstenu d'exercer son ministère en faveur de celui dont il connaissait la trahison. Les disciples n'avaient pas compris ce que Jésus avait dit, à l'occasion du lavement des pieds: "Vous n'êtes pas tous purs", ni les paroles qu'il avait prononcées, étant à table: "Celui qui mange avec moi le pain, a levé son talon contre moi."4 Mais, plus tard, quand le sens de ces paroles devint clair pour eux, ils purent réfléchir à la patience et à la miséricorde de Dieu envers les plus dévoyés. JC 660 2 Jésus lava les pieds de Judas, bien qu'il le connût dès le commencement, et le traître eut l'avantage de participer, avec le Christ, au sacrement. Un Sauveur plein de longanimité usa des moyens les plus persuasifs pour amener le pécheur à le recevoir, à se repentir, à se laisser nettoyer de la souillure du péché. Quel exemple pour nous! Nous ne devons pas répudier celui que nous croyons dans l'erreur et dans le péché. Il ne faut pas qu'entre lui et nous, une barrière dressée par l'indifférence le pousse à devenir la proie de la tentation ou le conduise sur le terrain de Satan. Ce n'est pas là la méthode du Christ. C'est justement parce que les disciples étaient égarés ou coupables qu'il leur lava les pieds, et les douze, à l'exception d'un seul, furent ainsi amenés à la repentance. JC 661 3 L'exemple du Christ nous interdit de nous montrer trop exclusifs en ce qui concerne la cène du Seigneur. Il est vrai qu'un péché public justifie l'exclusion; c'est ce que le Saint-Esprit enseigne clairement."5 En dehors de ce cas, aucun jugement ne doit être prononcé. Dieu n'a pas laissé aux hommes le soin de décider qui doit se présenter dans de telles occasions. Qui d'entre nous peut lire dans les coeurs? Qui sait distinguer entre l'ivraie et le froment? "Que chacun donc s'éprouve soi-même, et qu'ainsi il mange du pain et boive de la coupe." En effet, "quiconque mangera le pain ou boira la coupe du Seigneur indignement, sera coupable envers le corps et le sang du Seigneur". "Celui qui mange et boit sans discerner le corps du Seigneur, mange et boit un jugement contre lui-même".6 JC 661 1 Des messagers, bien qu'invisibles aux yeux humains, se mêlent aux croyants rassemblés pour célébrer les ordonnances sacrées. Un Judas peut se trouver au sein de l'assemblée; dans ce cas, il y aura alors des envoyés du prince des ténèbres, car ceux-ci se tiennent auprès des âmes qui refusent de se laisser conduire par le Saint-Esprit. Les anges du ciel, ces visiteurs invisibles, sont aussi toujours présents dans de telles occasions. Certaines personnes, sans être de vrais serviteurs de la vérité et de la sainteté, désirent parfois prendre part au service; il ne faut pas les en empêcher. Des témoins sont là qui étaient présents lorsque Jésus lava les pieds des disciples, Judas compris. Des yeux, qui n'étaient pas des yeux d'hommes, ont vu aussi. JC 661 2 Le Christ est là pour apposer son sceau, par le Saint-Esprit, sur l'ordonnance qu'il a établie. Il est là pour convaincre et attendrir le coeur. Il n'est pas un regard, pas une pensée de contrition qui échappe à son observation. JC 661 3 Il attend qu'il y ait un coeur repentant et brisé. Tout est prêt pour recevoir ce coeur. Celui qui a lavé les pieds de Judas désire ardemment laver tous les coeurs de la souillure du péché. JC 661 4 Personne ne devrait se priver de la communion parce qu'il y a, près de lui, un être qui n'en est pas jugé digne. Chaque disciple est appelé à y participer publiquement, pour témoigner ainsi du fait qu'il accepte le Christ comme son Sauveur personnel. Dans de telles réunions, que le Christ a lui-même convoquées, il rencontre les siens pour les galvaniser par sa présence. Même si ce sont des coeurs et des mains indignes qui administrent le sacrement, le Christ est pourtant là, officiant lui-même en faveur de ses enfants. Tous ceux qui s'approchent en plaçant en lui leur confiance se trouveront richement bénis. Et tous ceux qui négligent des avantages divins en subiront une perte. C'est à ces derniers que s'appliquent ces paroles: "Vous n'êtes pas tous purs." JC 662 1 En participant au pain et au vin avec ses disciples, le Christ a pris l'engagement d'être leur Rédempteur. Il leur a confié la nouvelle alliance, grâce à laquelle tous ceux qui le reçoivent deviennent enfants de Dieu et cohéritiers du Christ. Cette alliance les a mis en possession de toutes les grâces que le ciel peut accorder, pour la vie présente et pour la vie à venir. Ce pacte devait être ratifié par le sang du Christ. L'administration du sacrement rappellera constamment aux disciples le sacrifice infini, consenti pour chacun d'eux, comme membre de l'humanité déchue. JC 662 2 Le service de communion ne doit pas faire naître la tristesse; ce n'est pas dans cette intention qu'il a été établi. Il ne faut pas, quand les disciples du Seigneur se réunissent autour de sa table, qu'ils passent leur temps à se lamenter au sujet de leurs déficits spirituels; ni qu'ils s'arrêtent à considérer leur expérience religieuse passée, encourageante ou non. Ils ne doivent pas davantage se souvenir de leurs différends. Tout cela a été effacé par le service préparatoire. On s'est examiné soi-même, on a confessé ses péchés, tous se sont réconciliés. Maintenant on va au-devant du Christ. On ne se tient pas à l'ombre de la croix, mais sous la lumière salvatrice de celle-ci. Chacun doit ouvrir son âme aux rayons lumineux du Soleil de justice. Le coeur purifié par le précieux sang du Christ, dans la pleine conscience de sa présence invisible, on écoutera ses paroles: "Je vous laisse la paix, je vous donne la paix qui est la mienne. Moi, je ne vous donne pas comme le monde donne."7 Le Seigneur nous dit: Quand le sentiment du péché vous étreint, rappelez-vous que je suis mort pour vous. Quand vous êtes opprimés, persécutés et affligés, à cause de moi et de l'Evangile, souvenez-vous que je vous ai aimés d'un amour si grand que j'ai donné ma vie pour vous. Quand vos devoirs vous paraissent austères, et vos fardeaux trop lourds, rappelez-vous que pour vous j'ai souffert la croix et méprisé l'ignominie. Quand votre coeur recule devant l'épreuve, rappelez-vous que votre Rédempteur est vivant pour intercéder en votre faveur. JC 663 1 Le service de communion fait penser au retour du Christ. Il était destiné à ranimer cette espérance dans l'esprit des disciples. Toutes les fois qu'ils se réunissaient, en vue de commémorer la mort de Jésus, ceci leur revenait à l'esprit: "Il prit ensuite une coupe; et, après avoir rendu grâces, il la leur donna, en disant: Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de l'alliance, qui est répandu pour beaucoup, pour le pardon des péchés. Je vous le dis, je ne boirai plus désormais de ce fruit de la vigne, jusqu'au jour où j'en boirai avec vous du nouveau dans le royaume de mon Père." L'espérance du retour du Seigneur était un réconfort dans les afflictions. Cette pensée leur était précieuse au-delà de tout ce que l'on peut imaginer: "Toutes les fois que vous mangez ce pain, et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'il vienne."8 JC 663 2 Voilà des choses que nous ne devons jamais oublier. L'amour de Jésus, qui nous presse, doit toujours être présent à notre esprit. Le Christ a institué ce service afin de parler à nos sens de l'amour que Dieu a manifesté à notre égard. Il ne peut y avoir d'union, entre nos âmes et Dieu, que par le Christ. C'est l'amour de Jésus qui doit cimenter et rendre éternels l'union et l'amour qui existent entre les frères. Il ne fallait rien moins que la mort du Christ pour donner de l'efficacité à son amour pour nous. Grâce à cette mort nous pouvons attendre avec joie son retour. Son sacrifice est le centre de notre espérance et l'objet de notre foi. JC 663 3 On considère trop comme une simple forme les ordonnances qui rappellent l'humiliation et les souffrances du Seigneur. Elles ont été instituées à dessein. Nos sens doivent être éveillés pour que nous puissions saisir les mystères de la piété. Il nous est donné de comprendre, beaucoup mieux que nous ne le faisons, les souffrances expiatoires du Christ. "Comme Moïse éleva le serpent dans le désert", le Fils de l'homme a été élevé de la même manière, "afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu'il ait la vie éternelle".9 Il faut que nous regardions à la croix du Calvaire, sur laquelle le Sauveur expire. Nos intérêts éternels exigent que nous manifestions notre foi en Christ. JC 664 1 Le Seigneur a dit: "Si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme et si vous ne buvez son sang, vous n'avez pas la vie en vous. ... Car ma chair est vraiment une nourriture et mon sang est vraiment un breuvage."10 Ceci est vrai de la vie physique. C'est à la mort du Christ que nous devons même la vie terrestre. Le pain que nous mangeons nous a été acquis au prix de son corps rompu. L'eau que nous buvons a été payée de son sang répandu. Personne, qu'il soit saint ou pécheur, ne mange sa nourriture quotidienne sans être nourri du corps et du sang du Christ. Chaque miche de pain porte l'empreinte de la croix du Calvaire. Cette croix se reflète dans chaque source d'eau. Le Christ a enseigné toutes ces choses en établissant les emblèmes de son grand sacrifice. La lumière qui émane de ce service de communion, célébré dans la chambre haute, communique un caractère sacré aux provisions de notre vie quotidienne. La table de famille devient la table du Seigneur, et chaque repas est élevé à la hauteur d'un sacrement. JC 664 2 Les paroles du Christ s'appliquent encore mieux à la vie spirituelle. Il déclare: "Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle." C'est en recevant la vie répandue pour nous sur la croix du Calvaire, que nous sommes rendus capables de vivre dans la sainteté. Et c'est en acceptant la Parole du Christ, en faisant ce qu'il a commandé, que nous recevons cette vie. Nous devenons ainsi un avec lui. "Celui qui mange ma chair et boit mon sang, dit-il, demeure en moi, et moi en lui. Comme le Père qui est vivant m'a envoyé et que je vis par le Père, ainsi celui qui me mange vivra par moi."11 Ce passage s'applique particulièrement à la sainte communion. Quand nous contemplons, par la foi, le grand sacrifice du Seigneur, notre âme s'assimile la vie spirituelle du Christ. Dans de telles conditions, chaque service de communion nous communique une force spirituelle. Il s'établit ainsi une relation vivante entre le croyant et le Christ, et, par lui, entre le croyant et le Père. Ce service forme un lien entre les êtres humains dépendants de leur Dieu. JC 665 1 Quand nous prenons le pain et le vin, symboles du corps rompu du Christ et de son sang répandu, nous ne pouvons nous empêcher d'évoquer par la pensée le souvenir de la communion célébrée dans la chambre haute. Il nous semble que nous visitons le jardin qui a été consacré par l'agonie de celui qui porta les péchés du monde. Nous assistons à la lutte par laquelle a été obtenue notre réconciliation avec Dieu. Le Christ est comme crucifié à nouveau au milieu de nous. JC 665 2 En regardant au Rédempteur crucifié, nous comprenons mieux la grandeur et la signification du sacrifice consenti par la Majesté du ciel. Le plan du salut est glorifié devant nous, et le souvenir du Calvaire éveille dans nos coeurs de vivantes et saintes émotions. Des louanges à Dieu et à l'Agneau jailliront de nos coeurs et de nos lèvres; l'orgueil et le culte du moi ne peuvent prospérer dans une âme qui garde le souvenir des scènes du Calvaire. JC 665 3 Celui qui contemple l'amour immaculé du Sauveur aura des pensées nobles, un coeur purifié, un caractère transformé. Il ira dans le monde pour y être une lumière, pour refléter, dans une certaine mesure, ce mystérieux amour. Plus nous contemplerons la croix du Calvaire, plus nous nous approprierons le langage de l'apôtre: "Quant à moi, certes non! Je ne me glorifierai de rien d'autre que de la croix de notre Seigneur Jésus-Christ, par qui le monde est crucifié pour moi, comme je le suis pour le monde!"12 ------------------------Chapitre 73 -- Que votre coeur ne se trouble pas JC 666 0 Ce chapitre est basé sur Jean 13:31-38; 14; 15; 16; 17. JC 666 1 Jetant sur ses disciples un regard qui exprimait tout son amour divin et sa tendre sympathie, le Christ dit: "Maintenant, le Fils de l'homme a été glorifié, et Dieu a été glorifié en lui." Judas ayant quitté la chambre haute, le Christ se trouvait seul avec les onze. Avant de s'entretenir avec eux de son prochain départ il voulut d'abord leur parler du but de sa mission, constamment présent à ses yeux. Dans toutes ses humiliations et ses souffrances, il lui était consolant de penser que le nom du Père en serait glorifié. C'est vers ce but qu'il commença par diriger la pensée des disciples. JC 666 2 Ensuite il leur dit avec affection: "Petits enfants, je suis encore pour peu de temps avec vous. Vous me chercherez; et comme j'ai dit aux Juifs: Là où je vais, vous ne pourrez venir, à vous aussi je le dis maintenant." JC 666 3 En entendant ces paroles, les disciples ne pouvaient pas se réjouir. Ils furent saisis de frayeur et se serrèrent autour du Sauveur, leur Maître et Seigneur, leur Ami fidèle, plus cher que leur propre vie. C'est à lui qu'ils s'étaient adressés dans toutes leurs difficultés; c'est auprès de lui qu'ils avaient cherché la consolation de leurs douleurs et de leurs désappointements. Il allait maintenant les laisser seuls et dans le besoin. De sombres pressentiments remplissaient leurs coeurs. JC 666 4 Mais le Sauveur leur adressa des paroles pleines d'espérance. Il savait qu'ils allaient subir les attaques de l'ennemi et que les ruses de Satan ont plus de succès auprès de ceux qui sont déprimés par les difficultés. C'est pourquoi il s'efforça de détourner leurs regards des "choses visibles" et de les attirer vers les "invisibles".1 De la terre de l'exil il dirigera leurs pensées vers la demeure céleste. JC 667 1 "Que votre coeur ne se trouble pas, dit-il. Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. Il y a beaucoup de demeures dans la maison de mon Père. Sinon, je vous l'aurais dit; car je vais vous préparer une place. Et, lorsque je serai allé vous préparer une place, je reviendrai et je vous prendrai avec moi, afin que là où je suis, vous y soyez aussi. L'endroit où je vais, vous en savez le chemin." C'est par amour pour vous que je suis venu dans le monde, pour me révéler à vous et vous amener à la foi. C'est pour vous que je travaille. Absent, je continuerai de travailler pour vous avec zèle. Je vais au Père pour coopérer avec lui en votre faveur. Le départ du Christ avait un tout autre but que celui que les disciples redoutaient. Il ne s'agissait pas d'une séparation définitive. Jésus allait leur préparer une place, afin de pouvoir revenir et les prendre avec lui. Et tandis qu'il leur préparerait des demeures, eux devraient se préparer des caractères conformes au modèle divin. JC 667 2 Néanmoins les disciples restaient perplexes. Thomas, toujours assailli par le doute, dit: "Seigneur, nous ne savons où tu vas; comment en saurions-nous le chemin? Jésus lui dit: Moi, je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne vient au Père que par moi. Si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père. Et dès maintenant, vous le connaissez et vous l'avez vu." JC 667 3 Il n'y a pas plusieurs chemins conduisant au ciel. Chacun n'a pas le droit de choisir son chemin. Le Christ dit: "Je suis le chemin ... Nul ne vient au Père que par moi." Depuis le jour où le premier sermon évangélique a été prêché, -- quand, en Eden, il fut annoncé que la postérité de la femme écraserait la tête du serpent, -- le Christ a été présenté comme étant le chemin, la vérité et la vie. Il était le chemin alors qu'Adam vivait encore, et qu'Abel offrit à Dieu le sang de l'agneau immolé symbolisant le sang du Rédempteur. Le Christ était le chemin par lequel les patriarches et les prophètes ont pu être sauvés. Il reste le seul chemin qui nous donne accès auprès de Dieu. JC 668 1 "Si vous me connaissiez, dit le Christ, vous connaîtriez aussi mon Père. Et dès maintenant, vous le connaissez et vous l'avez vu." Les disciples ne comprenaient pas encore. "Seigneur, montre-nous le Père, s'écria Philippe, et cela nous suffit." JC 668 2 Etonné de les voir si lents à comprendre, le Christ ajouta, avec une expression de surprise douloureuse: "Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne m'as pas connu, Philippe!" Est-ce possible que vous ne reconnaissiez pas le Père dans les oeuvres qu'il accomplit par mon intermédiaire? Ne croyez-vous pas que je suis venu pour rendre témoignage au Père? "Comment dis-tu: Montre-nous le Père?... Celui qui m'a vu, a vu le Père." En devenant homme, le Christ n'avait pas cessé d'être Dieu. Quoiqu'il se fût humilié jusqu'à revêtir l'humanité, il avait gardé sa divinité. Le Christ seul pouvait représenter le Père auprès des hommes, et les disciples avaient été témoins de cette représentation pendant plus de trois années. JC 668 3 "Croyez-moi, je suis dans le Père, et le Père est en moi. Sinon, croyez à cause des oeuvres mêmes." Leur foi pouvait s'appuyer, sans crainte, sur la démonstration contenue dans les oeuvres du Christ, ces oeuvres qu'aucun homme, de lui-même, n'avait jamais faites et ne pourra jamais faire. Les oeuvres du Christ attestaient sa divinité. Le Père s'était révélé par lui. JC 668 4 Si les disciples croyaient à cette relation vitale existant entre le Père et le Fils, leur foi ne les abandonnerait point quand ils verraient le Christ souffrir et mourir pour sauver un monde perdu. Le Maître voulait les amener de la foi inférieure à l'expérience possible lorsqu'ils comprendraient ce qu'il était réellement: Dieu dans une chair humaine. Il voulait élever leur foi jusqu'à Dieu et la fixer en lui comme une ancre sûre. Avec quelle ardeur et quelle persévérance notre Sauveur miséricordieux s'efforçait de préparer ses disciples en vue de l'orage de tentations qui allait fondre sur eux! Il voulait les cacher avec lui en Dieu. JC 668 5 Tandis que le Christ prononçait ces paroles, la gloire de Dieu resplendissait sur son visage, et tous ceux qui, ravis, l'écoutaient, ressentaient une crainte sacrée. Leurs coeurs étaient plus que jamais attirés à lui, d'une manière irrésistible; et, tandis qu'un plus grand amour les entraînait vers le Christ, ils se sentaient aussi rapprochés davantage les uns des autres. Il leur semblait que le ciel était tout près d'eux, et les paroles qu'ils entendaient leur paraissaient être un message venant du Père céleste. JC 669 1 "En vérité, en vérité, je vous le dis, ajouta le Christ, celui qui croit en moi fera, lui aussi, les oeuvres que moi je fais." Le Sauveur désirait vivement que ses disciples comprissent pour quel but sa divinité s'était unie à l'humanité. Il était venu dans le monde pour y déployer la gloire de Dieu, afin que l'homme fût relevé par son pouvoir régénérateur. Dieu se manifestait en lui pour que lui se manifestât en eux. Jésus n'a montré aucune qualité et n'a exercé aucun pouvoir que l'homme ne soit capable d'obtenir par la foi en lui. Tous ses disciples peuvent atteindre à son humanité parfaite s'ils veulent se soumettre à Dieu comme il l'a fait. JC 669 2 "Et il en fera de plus grandes, parce que je m'en vais vers le Père." Le Christ ne voulait pas dire, par là, que les oeuvres des disciples auraient plus de valeur que les siennes, mais simplement qu'elles auraient une plus grande extension. Il ne parlait pas seulement des miracles, mais de tout ce qui s'effectuerait par l'opération du Saint-Esprit. JC 669 3 Cette promesse se réalisa, pour les disciples, après l'ascension du Seigneur. La crucifixion, la résurrection et l'ascension du Christ devinrent pour eux de vivantes réalités. Ils constatèrent l'accomplissement littéral des prophéties. Ils sondèrent les Ecritures et en acceptèrent le contenu avec une foi et une assurance qu'ils n'avaient pas eues auparavant. Ils savaient maintenant que leur divin Maître était tout ce qu'il avait déclaré être. Quand ils racontaient leurs expériences, proclamant l'amour de Dieu, les coeurs étaient attendris et subjugués et des multitudes croyaient en Jésus. JC 669 4 La promesse que le Sauveur a faite aux disciples s'applique à son Eglise, jusqu'à la fin des temps. Dieu ne veut pas que le plan magnifique qu'il a conçu pour le salut des hommes ne produise que des résultats insignifiants. Tous ceux qui se mettront à l'oeuvre, se fiant non pas à ce qu'ils peuvent faire par eux-mêmes, mais à ce que Dieu peut faire pour eux et par eux, verront certainement l'accomplissement de sa promesse: "Il en fera de plus grandes [des oeuvres], parce que je m'en vais vers le Père." JC 670 1 Les disciples ne connaissaient pas encore les ressources et la puissance illimitées du Sauveur. Il leur dit: "Jusqu'à présent, vous n'avez rien demandé en mon nom."2 Il leur expliqua que le secret de leur succès résidait en ceci: demander force et grâce, en son nom. Il se tiendrait auprès du Père pour prier en leur faveur. Il s'approprie la prière de celui qui supplie humblement, comme étant son propre désir en faveur de cette âme. Toute prière sincère est entendue dans le ciel. Même si elle n'est pas dite avec éloquence, pourvu que le coeur y soit, elle montera jusqu'au sanctuaire où Jésus officie, et avec une parfaite assurance il la présentera au Père, magnifique et toute parfumée de l'encens de sa propre perfection. JC 670 2 Le sentier de la sincérité et de l'intégrité n'est pas exempt d'obstacles; mais dans chaque difficulté nous devons reconnaître une invitation à la prière. Aucun être vivant ne possède une puissance qu'il n'ait reçue de Dieu; la source d'où procède cette puissance est accessible à l'être humain le plus faible. "Tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai, dit Jésus, afin que le Père soit glorifié dans le Fils. Si vous demandez quelque chose en mon nom, je le ferai." JC 670 3 Le Christ a recommandé à ses disciples de prier en son nom. C'est en son nom que les disciples du Christ doivent se présenter devant Dieu. C'est le sacrifice qui a été fait pour eux qui leur donne de la valeur aux yeux du Seigneur. Ils lui sont devenus précieux parce que la justice du Christ leur a été imputée. C'est pour l'amour du Christ que le Seigneur pardonne à ceux qui le craignent. Il ne voit pas en eux la bassesse du pécheur, mais leur ressemblance avec son Fils, en qui ils ont cru. JC 670 4 Le Seigneur est désappointé quand les siens montrent peu de respect pour eux-mêmes. Il désire que ses élus s'estiment en proportion de la valeur de leur rachat. Si Dieu ne s'était pas soucié d'eux, il n'aurait pas envoyé son Fils pour accomplir une mission aussi douloureuse assurant leur salut. Il sait que faire d'eux, et il aime à recevoir d'eux les requêtes les plus importantes pour que son nom soit glorifié. Ils peuvent s'attendre à de grandes choses s'ils ont confiance en ses promesses. JC 671 1 Cependant cela implique beaucoup que de prier au nom du Christ. Cela nous engage à accepter son caractère, à manifester son Esprit, à exécuter ses oeuvres. La promesse du Sauveur est conditionnelle. "Si vous m'aimez, dit-il, vous garderez mes commandements." Il sauve les hommes, non pas dans le péché, mais du péché; et ceux qui l'aiment montreront leur amour par l'obéissance. JC 671 2 Toute vraie obéissance procède du coeur. Le Christ mettait tout son coeur dans ce qu'il faisait. Si nous le voulons, il s'identifiera tellement avec nos pensées et nos aspirations, il rendra nos coeurs et nos esprits tellement conformes à sa volonté, qu'en lui obéissant nous ne ferons que suivre nos propres impulsions. La volonté, épurée et sanctifiée, trouvera son plus grand bonheur à le servir. Quand nous connaîtrons Dieu comme il est possible de le connaître, notre vie deviendra une obéissance continuelle. Si nous apprécions le caractère du Christ, si nous sommes en communion avec Dieu, le péché nous devient odieux. JC 671 3 De même que le Christ, dans son humanité, a observé la loi, nous pouvons également le faire si nous nous saisissons de sa force. Mais nous ne devons pas nous décharger de notre responsabilité sur d'autres, attendant que ceux-là nous disent comment nous devons agir. Il ne faut pas que nous demandions conseil aux hommes; c'est le Seigneur qui nous enseignera notre devoir. Si nous venons à lui avec foi, il nous révélera ses mystères, à nous personnellement. Nos coeurs brûleront souvent au-dedans de nous quand il s'approchera pour communier avec nous, comme il le faisait avec Enoch. Ceux qui sont décidés à ne rien faire, en quelque domaine que ce soit, qui puisse déplaire à Dieu, sauront quelle ligne de conduite ils doivent suivre en toute occasion. Ils recevront non seulement de la sagesse, mais de la force. Comme le Christ l'a promis, il leur communiquera l'énergie nécessaire pour obéir et pour servir. Tout ce qui a été donné au Christ, -- toutes les choses indispensables aux hommes déchus, -- lui a été donné en tant que chef et représentant de l'humanité. "Quoi que ce soit que nous demandions, nous le recevons de lui, parce que nous gardons ses commandements et que nous faisons ce qui lui est agréable."3 JC 672 1 Avant de s'offrir comme victime pour le sacrifice, le Christ chercha le don le plus essentiel et le plus riche qu'il pût dispenser à ses disciples, un don qui leur rendrait accessibles les ressources illimitées de sa grâce. "Je prierai le Père, dit-il, et il vous donnera un autre Consolateur qui soit éternellement avec vous: l'Esprit de vérité, que le monde ne peut pas recevoir, parce qu'il ne le voit pas et ne le connaît pas; mais vous, vous le connaissez, parce qu'il demeure auprès de vous et qu'il sera en vous. Je ne vous laisserai pas orphelins, je viendrai vers vous." JC 672 2 L'Esprit avait déjà été dans le monde, auparavant; dès les premiers commencements de l'oeuvre de la rédemption il avait agi sur les coeurs. Pourtant aussi longtemps que le Christ vécut sur la terre, les disciples ne sentirent pas la nécessité d'un autre soutien. C'est seulement après qu'ils furent privés de sa présence qu'ils éprouvèrent le besoin de l'Esprit, et alors celui-ci leur fut donné. JC 672 3 Le Saint-Esprit est le représentant du Christ, mais dépouillé de la personnalité humaine et indépendant de celle-ci. Embarrassé d'un corps humain, le Christ ne pouvait pas se trouver partout en personne. Il leur était donc avantageux qu'il s'en allât au Père et leur envoyât l'Esprit pour lui succéder sur la terre. Dès lors personne n'aurait un avantage découlant de sa présence dans un endroit plutôt que dans un autre, ou de son contact personnel avec le Christ. Grâce à l'Esprit, le Sauveur serait accessible à tous; de sorte qu'il serait plus près de ses disciples que s'il n'était pas monté au ciel. JC 672 4 "Celui qui m'aime sera aimé de mon Père, moi aussi je l'aimerai et je me manifesterai à lui." Jésus voyait l'avenir de ses disciples. Il en suivait un à l'échafaud, un autre vers la croix, un exilé parmi les rochers solitaires de la mer, d'autres encore persécutés et mis à mort. Il les encouragea en leur assurant qu'il serait avec eux dans toutes leurs épreuves. Cette promesse n'a rien perdu de son efficacité. Le Seigneur connaît tout ce qui concerne ses fidèles serviteurs qui, à cause de lui, sont prisonniers ou bannis en des îles désertes. Il les réconforte par sa présence. Lorsque, à cause de la vérité, un croyant se tient à la barre d'un tribunal inique, le Christ se trouve à ses côtés. L'opprobre qui atteint le disciple retombe sur Jésus qui est condamné à nouveau, dans la personne de son disciple. Si l'un des siens est incarcéré, le Sauveur, par son amour, lui donne des ravissements de joie. Quelqu'un endure-t-il la mort à cause de lui, le Christ dit: "Je suis ... le Vivant! J'étais mort, et me voici vivant aux siècles des siècles. Je tiens les clés de la mort et du séjour des morts."4 La vie qui est offerte en sacrifice pour moi sera conservée pour la gloire éternelle. JC 673 1 En tous temps et en tous lieux, dans toutes nos douleurs et dans toutes nos afflictions, quand les perspectives paraissent sombres et l'avenir angoissant, quand nous nous sentons dénués de tout et délaissés, le Consolateur nous est envoyé en réponse à la prière faite avec foi. Les circonstances peuvent nous éloigner de tous nos amis terrestres; mais aucun événement, aucune distance, ne peuvent nous séparer du Consolateur céleste. Où que nous soyons, où que nous allions, il est toujours à notre droite pour nous soutenir et nous encourager. JC 673 2 Les disciples ayant quelque peine à saisir le sens spirituel de ses paroles, le Christ dut s'expliquer. Par son Esprit, ajouta-t-il, il se manifesterait à eux. "Le Consolateur, le Saint-Esprit que le Père enverra en mon nom, c'est lui qui vous enseignera toutes choses." Vous ne direz plus: Je ne comprends pas. Vous ne verrez plus confusément, comme à travers un verre obscur. Vous pourrez "comprendre avec tous les saints quelle est la largeur, la longueur, la profondeur et la hauteur" de l'amour du Christ, "qui surpasse toute connaissance".5 JC 673 3 Les disciples devaient rendre témoignage à la vie et à l'oeuvre du Christ. Par leur intermédiaire il allait s'adresser à tous les peuples de la terre. Mais l'humiliation et la mort du Christ allaient leur procurer une grande épreuve et une déception. Pour qu'après une telle expérience leur parole fût correcte Jésus leur promit: "Le Consolateur, le Saint-Esprit ... vous rappellera tout ce que moi je vous ai dit." JC 674 1 "J'ai encore beaucoup à vous dire, poursuivit-il, mais vous en seriez maintenant accablés. Quand il viendra, lui, l'Esprit de vérité, il vous conduira dans toute la vérité; car ses paroles ne viendront pas de lui-même, mais il parlera de tout ce qu'il aura entendu et vous annoncera les choses à venir." Jésus avait ouvert, devant ses disciples, un vaste champ de vérité. Cependant il leur était difficile de ne pas confondre ses enseignements avec les traditions et les maximes des scribes et des pharisiens. On leur avait appris à considérer les enseignements des rabbins comme la voix de Dieu même: leurs esprits et leurs coeurs gardaient la première empreinte reçue. Les idées terrestres et les choses temporelles occupaient une grande partie de leurs pensées. Ils ne comprenaient pas la nature spirituelle du royaume du Christ, malgré les fréquentes explications qu'il leur avait données. Leurs esprits étaient devenus confus. Ils ne voyaient pas la valeur des Ecritures présentées par le Christ. Il semblait que bon nombre des leçons qu'il leur avait données étaient perdues pour eux. Jésus vit qu'ils ne saisissaient pas la vraie signification de ses paroles. Avec compassion il leur promit que le Saint-Esprit leur rappellerait ses enseignements. Il avait aussi omis de leur dire des choses qu'ils n'étaient pas en état de recevoir. Ces choses leur seraient également enseignées par l'Esprit. Cet Esprit devait vivifier leur entendement et leur faire apprécier les choses célestes. "Quand il viendra, lui, l'Esprit de vérité, dit Jésus, il vous conduira dans toute la vérité." JC 674 2 Le Consolateur est appelé l'Esprit de vérité. Son oeuvre consiste à établir et à maintenir la vérité. Il commence par habiter dans le coeur en tant qu'Esprit de vérité, et c'est ainsi qu'il devient un consolateur. La consolation et la paix procèdent de la vérité; il ne peut y avoir de vraie paix de vraie consolation dans l'erreur. C'est par de fausses théories et de vaines traditions que Satan acquiert son influence sur les esprits; en dirigeant les hommes vers de faux idéaux, il déforme les caractères. Le Saint-Esprit, dans les Ecritures, parle à l'intelligence et grave la vérité dans le coeur; il dévoile ainsi l'erreur et l'expulse de l'âme. C'est par l'Esprit de vérité, agissant par le moyen de la Parole de Dieu, que le Christ se soumet son peuple élu. JC 675 1 En décrivant aux disciples le ministère du Saint-Esprit, Jésus cherchait à leur communiquer la joie et l'espérance qui remplissaient son coeur. Il se réjouissait en pensant au puissant secours qu'il avait préparé pour son Eglise. Le Saint-Esprit était le plus excellent de tous les dons qu'il pût solliciter de son Père, pour le bien de son peuple. Il devait être donné comme un moyen de régénération sans lequel le sacrifice du Christ resterait inefficace. Le pouvoir du mal était allé grandissant, pendant des siècles, et les hommes se soumettaient à cette captivité diabolique avec une docilité étonnante. La résistance au péché et la victoire ne seraient rendues possibles qu'au moyen de la troisième Personne de la Divinité, qui viendrait, non pas avec un pouvoir amoindri mais avec la plénitude de la puissance divine. C'est l'Esprit qui nous permet de bénéficier de l'oeuvre accomplie par le Rédempteur du monde. C'est l'Esprit qui rend le coeur pur; c'est par l'Esprit que le croyant devient participant de la nature divine. Le Christ a donné la plénitude de la puissance divine de son Esprit pour que nous puissions vaincre nos défauts, héréditaires ou acquis, et pour que l'Eglise reçoive l'empreinte de son caractère. JC 675 2 Jésus dit, en parlant de l'Esprit: "Lui me glorifiera." De même que le Sauveur est venu pour glorifier le Père par la démonstration de son amour, ainsi l'Esprit devait glorifier le Christ en faisant connaître sa grâce au monde. L'image de Dieu doit se reproduire au sein de l'humanité. L'honneur de Dieu et du Christ exige que son peuple atteigne la perfection divine. JC 675 3 "Quand il sera venu, -- l'Esprit de vérité, -- il convaincra le monde de péché, de justice et de jugement." La prédication de la Parole ne servirait à rien sans la présence continuelle et l'assistance du Saint-Esprit. Il est seul capable d'enseigner, avec efficacité, la vérité divine. La vérité ne réveille la conscience et ne transforme la vie que si l'Esprit la fait pénétrer dans le coeur. On peut être à même de présenter la lettre de la Parole de Dieu, on peut être familiarisé avec tous les commandements et les promesses qu'elle renferme, mais si le Saint-Esprit n'établit pas la vérité dans le coeur, on ne sera pas brisé sur le Rocher. Aucun degré d'instruction, aucun avantage, si grand qu'il soit, ne peut permettre à quelqu'un de transmettre la lumière, sans la coopération de l'Esprit de Dieu. On ne répandra la semence de l'Evangile, avec succès, que si elle est vivifiée par la rosée du ciel. Avant qu'aucun des livres du Nouveau Testament n'eût été rédigé, avant qu'aucun sermon évangélique n'eût été prononcé à la suite de l'ascension du Christ, le Saint-Esprit est descendu sur les apôtres en prière. Alors leurs ennemis furent obligés de leur rendre ce témoignage: "Vous avez rempli Jérusalem de votre enseignement."6 JC 676 1 Le Christ a promis à son Eglise de lui accorder le don du Saint-Esprit: cette promesse est pour nous tout aussi bien que pour les premiers disciples. Mais, comme toutes les autres promesses, celle-ci est conditionnelle. Il y en a un grand nombre qui font profession de croire à la promesse du Seigneur; ils parlent du Christ et du Saint-Esprit, mais n'en retirent aucun bien. Ils ne consentent pas à être vidés et dominés par les instruments divins. On ne peut pas se servir du Saint-Esprit. Le Saint-Esprit doit se servir de nous. C'est par l'Esprit que Dieu opère chez les siens "le vouloir et le faire pour l'accomplissement de son dessein d'amour".7 Beaucoup ne consentent pas à se soumettre à cette action parce qu'ils veulent garder leur liberté. C'est pour cela qu'ils ne reçoivent pas le don céleste. L'Esprit n'est donné qu'à ceux qui s'attendent humblement à Dieu et qui recherchent sa direction et sa grâce. La puissance de Dieu attend d'être réclamée et reçue. Cette bénédiction promise, quand elle est demandée avec foi, apporte à sa suite toutes les autres bénédictions. Elle est accordée en proportion des richesses de la grâce du Christ, toujours prêt à approvisionner l'âme dans la mesure où celle-ci est capable de recueillir ses dons. JC 676 2 Dans ce discours adressé aux disciples, Jésus ne fit aucune allusion mélancolique à ses souffrances et à sa mort. Le dernier héritage qu'il leur légua fut la paix. Il dit: "Je vous laisse la paix, je vous donne la paix qui est la mienne. Moi, je ne vous donne pas comme le monde donne. Que votre coeur ne se trouble pas et ne s'effraie pas." JC 677 1 Avant de quitter la chambre haute, le Sauveur chanta un cantique de louanges avec ses disciples. Sa voix fit entendre non pas une complainte mélancolique, mais les notes joyeuses de cet hymne pascal: JC 677 2 "Nations, louez toutes l'Eternel! Peuples, célébrez-le tous! Car sa bonté envers nous est grande, Et la fidélité de l'Eternel demeure à perpétuité. Louez l'Eternel!"8 JC 677 3 Après ce chant, ils quittèrent la chambre haute et, se frayant un chemin à travers la foule qui encombrait les rues, ils sortirent par la porte donnant sur le mont des Oliviers. Ils avançaient lentement, chacun absorbé dans ses propres pensées. Comme ils approchaient de la colline, Jésus dit, avec les accents de la plus profonde tristesse: "Je serai pour vous tous, cette nuit, une occasion de chute; car il est écrit: Je frapperai le berger, et les brebis du troupeau seront dispersées!"9 Les disciples écoutaient, tristement étonnés. Ils se rappelaient le scandale causé par la déclaration du Christ lorsque, dans la synagogue de Capernaüm, il se présenta comme le Pain de vie. Mais les douze ne s'étaient pas montrés infidèles. Au nom de ses frères, Pierre avait assuré le Christ de leur loyauté à tous. Alors le Sauveur leur avait dit: "N'est-ce pas moi qui vous ai choisis, vous les douze? Et l'un de vous est un démon".10 Dans la chambre haute Jésus avait dit que l'un des douze le trahirait et que Pierre le renierait. Mais cette fois ils étaient tous visés par ses paroles. JC 677 4 Pierre protesta alors avec véhémence: "Quand tu serais pour tous une occasion de chute, tu ne le seras jamais pour moi." Il avait déjà déclaré, dans la chambre haute: "Je donnerai ma vie pour toi!" Jésus le prévint que, cette nuit-même, il renierait son Sauveur. Maintenant le Christ renouvelle son avertissement: "En vérité je te le dis, aujourd'hui cette nuit même, avant que le coq chante deux fois, toi tu me renieras trois fois. Mais Pierre n'en affirmait que plus fort: Quand il me faudrait mourir avec toi, je ne te renierai point. Et tous disaient de même."11 Ils étaient si confiants en eux-mêmes qu'ils osaient contredire l'affirmation renouvelée de celui qui savait toutes choses. Ils n'étaient pas prêts en vue de l'épreuve et ne comprendraient leur faiblesse qu'en face de la tentation. JC 678 1 Pierre était parfaitement sincère lorsqu'il se déclarait prêt à suivre le Seigneur en prison et à la mort, mais il ne se connaissait pas lui-même. Les circonstances allaient faire éclore les germes du mal cachés dans son coeur; à moins qu'il ne prît conscience du danger qui le menaçait, sa ruine éternelle en résulterait. Le Sauveur apercevait en lui un amour du moi et une assurance qui contrebalanceraient même son amour pour le Christ. Beaucoup d'infirmités, de péchés non mortifiés, d'insouciance, de tendances non sanctifiées, de dispositions à s'exposer sans nécessité à la tentation, s'étaient manifestés dans son expérience. Par son avertissement solennel, le Christ l'invitait à sonder son coeur. Pierre avait besoin de se défier de lui-même et de posséder une foi plus profonde en Christ. S'il avait accueilli cet avertissement avec humilité, il aurait supplié le Berger du troupeau de garder sa brebis. Alors qu'il avait risqué d'être submergé dans le lac de Galilée, il avait crié: "Seigneur, sauve-moi"12 et le Christ lui avait tendu la main. De même il eût été gardé cette fois encore s'il avait crié à Jésus: Sauve-moi de moi-même. Mais Pierre avait l'impression que le Maître manquait de confiance en lui, et cela lui paraissait une injustice. Scandalisé par ce doute, il s'obstina dans sa fausse sécurité. JC 678 2 Jésus considère ses disciples avec compassion. Il ne peut leur éviter l'épreuve, mais il ne les laisse pas sans consolation. Il leur donne l'assurance qu'il brisera les chaînes de la mort, et que son amour pour eux ne faillira pas. "Après ma résurrection, dit-il, je vous précéderai en Galilée."13 L'assurance du pardon leur est donnée avant même que le reniement se produise. Après sa mort et sa résurrection, ils savaient qu'ils avaient été pardonnés et qu'ils pouvaient toujours compter sur la tendresse du Christ. JC 679 1 Jésus se trouvait avec ses disciples sur la route qui mène à Gethsémané, un endroit retiré, au pied du mont des Oliviers, où il se rendait fréquemment pour méditer et prier. Le Sauveur venait d'expliquer à ses disciples quelle était sa mission dans le monde, et quelles relations spirituelles ils devaient entretenir avec lui. Puis il cherche à illustrer son enseignement. La lune projette sa clarté sur un cep en fleur. Jésus attire l'attention des disciples sur ce tableau et s'en sert comme d'un symbole. JC 679 2 "Je suis le vrai cep", dit-il. Au lieu de choisir le palmier gracieux, le cèdre majestueux ou le chêne puissant pour se représenter lui-même, Jésus se sert du cep, aux vrilles enroulées. Le palmier, le cèdre et le chêne se dressent seuls et sans appui, tandis que le cep s'enroule autour de la treille, et grimpe ainsi vers le ciel. De même le Christ, dans son humanité, se sentait dépendant de la puissance divine. "Je ne peux rien faire par moi-même",14 avait-il déclaré. JC 679 3 "Je suis le vrai cep." Chez les Juifs, la vigne avait toujours été considérée comme la plus noble des plantes et le symbole de tout ce qui est puissant, excellent et fructueux. Israël avait été comparé à une vigne plantée par Dieu dans la terre promise. Pour les Juifs, le fondement de l'espérance du salut c'était d'appartenir à Israël. Mais Jésus dit: Je suis le vrai cep. Ne pensez pas qu'il suffise d'appartenir à Israël pour participer à la vie de Dieu et pour hériter de ses promesses. La vie spirituelle ne s'obtient que par moi. JC 679 4 "Je suis le vrai cep, et mon Père est le vigneron." Notre Père céleste avait planté cet excellent Cep sur les collines de la Palestine, et lui-même était le vigneron. Beaucoup, attirés par la beauté de ce Cep, avaient reconnu son origine céleste. Mais aux yeux des conducteurs d'Israël il n'avait paru qu'un faible arbrisseau sortant d'une terre desséchée. Ils saisirent la plante, l'écrasèrent et la foulèrent de leurs pieds profanes avec l'intention de la détruire pour toujours. Mais le céleste Vigneron ne perdit jamais de vue sa plante. Après que les hommes pensèrent l'avoir tuée, il la prit et la replanta de l'autre côté de la muraille. Ainsi le tronc était invisible et inaccessible aux rudes assauts des hommes. Mais les sarments retombant par-dessus la muraille avaient pour mission de représenter le Cep. Par leur moyen, des greffes pouvaient être ajoutées au Cep. Ces sarments ont porté du fruit. Il y a eu une récolte que les passants ont pillée. JC 680 1 "Je suis le cep; vous, les sarments", dit le Christ aux disciples. Il allait leur être enlevé, mais le lien spirituel qui les unissait à lui devait rester intact. Comme le sarment est uni au cep, dit-il, vous devez être unis à moi. La greffe est insérée, et fibre par fibre, veine par veine, elle s'incorpore au cep. La vie du cep devient la vie du sarment. L'âme morte par ses fautes et par ses péchés obtient la vie par sa relation avec le Christ. L'union se forme par la foi en lui en tant que Sauveur personnel. Le pécheur unit sa faiblesse à la force du Christ, sa nullité à la plénitude du Christ, sa fragilité à la puissance endurante du Christ. Dès lors il possède l'esprit du Christ. L'humanité du Christ est entrée en contact avec notre humanité, et notre humanité avec sa divinité. C'est ainsi, que par le moyen du Saint-Esprit, l'homme devient participant de la nature divine. Il est accepté en son Bien-Aimé. JC 680 2 Une fois que cette union avec le Christ s'est formée, il faut la maintenir. Le Christ dit: "Demeurez en moi, comme moi en vous. De même que le sarment ne peut de lui-même porter du fruit, s'il ne demeure sur le cep, de même vous non plus, si vous ne demeurez en moi." Il ne s'agit pas d'un contact occasionnel, d'une relation intermittente. Le sarment fait partie du cep; entre la racine et les sarments il y a une communion ininterrompue de vie, de force et de fécondité. Détaché du cep, le sarment ne saurait vivre. Vous ne sauriez davantage vivre en étant séparés de moi. La vie que vous avez reçue de moi ne peut se conserver que par une communion continuelle. Sans moi vous ne pouvez vaincre un seul péché, ni résister à une seule tentation. JC 680 3 "Demeurez en moi, comme moi en vous." Demeurer en Christ c'est recevoir constamment son Esprit, c'est vivre dans une parfaite soumission à son service. La voie de communication entre l'homme et Dieu doit être continuellement libre; ainsi que le sarment tire constamment la sève du cep vivant, nous devons rester attachés à Jésus, et recevoir de lui, par la foi, la force et la perfection de son caractère. La racine envoie la nourriture par le moyen des sarments jusqu'aux dernières ramilles. De même le Christ communique à chaque croyant un courant d'énergie spirituelle. Aussi longtemps qu'une âme reste unie au Christ, elle ne risque pas de se dessécher ou de se corrompre. JC 681 1 La vie du cep se manifeste dans les sarments par des fruits odorants. "Celui qui demeure en moi, dit Jésus, comme moi en lui, porte beaucoup de fruits; car, sans moi, vous ne pouvez rien faire." Si, par la foi, nous vivons de la vie du Fils de Dieu, tous les fruits de l'Esprit paraîtront dans notre vie. JC 681 2 "Mon Père est le vigneron. Tout sarment qui est en moi et qui ne porte pas de fruit, il le retranche." Même alors que le scion est uni extérieurement au cep, il se peut qu'il n'y ait entre eux aucune relation vitale; donc pas de croissance ni de fécondité. Il peut aussi y avoir un rapport apparent avec le Christ, sans l'union réelle de la foi. Une profession de piété introduit les hommes dans l'Eglise, mais seul leur caractère et leur conduite prouvent leur intimité avec le Christ. S'ils ne portent pas de fruits, ce sont de faux sarments. Leur séparation d'avec le Christ les expose à une ruine aussi complète que celle qui attend le sarment desséché. "Si quelqu'un ne demeure pas en moi, dit le Christ, il est jeté dehors, comme le sarment, et il sèche; puis l'on ramasse les sarments, on les jette au feu et ils brûlent." JC 681 3 "Tout sarment qui porte du fruit, il l'émonde afin qu'il porte encore plus de fruits." Parmi les douze qui avaient suivi Jésus, il en était un qui allait être retranché comme un sarment stérile; les autres passeraient sous le sécateur d'une épreuve amère. Avec une tendresse solennelle, Jésus fit connaître le dessein du vigneron. L'émondage occasionne une douleur, mais c'est le Père qui manie le sécateur. Il ne travaille pas d'une main brutale ou d'un coeur indifférent. Il y a des sarments qui se traînent sur le sol et qu'il faut détacher des supports terrestres auxquels leurs vrilles se sont fixées, afin de les diriger vers le ciel pour qu'ils trouvent leur appui en Dieu. L'excès de feuillage, qui accapare la vie dont le fruit aurait besoin, doit être élagué pour laisser pénétrer les rayons vivifiants du soleil de la justice. Le vigneron retranche les pousses nuisibles pour obtenir un fruit plus riche et plus abondant. JC 682 1 "Mon Père est glorifié en ceci, dit Jésus: que vous portiez beaucoup de fruit." Dieu désire manifester, par votre intermédiaire, la sainteté, la bienveillance et la compassion qui le caractérisent. Cependant le Sauveur ne demande pas à ses disciples de faire des efforts pour porter du fruit. Il leur dit simplement de demeurer en lui. "Si vous demeurez en moi, dit-il, et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous voudrez, et cela vous sera accordé." C'est par sa Parole que le Christ habite chez ses disciples. C'est la même union vitale dont il parlait en disant qu'il faut manger sa chair et boire son sang. Les paroles du Christ sont esprit et vie. En les recevant on reçoit la vie du Cep. On vit "de toute parole qui sort de la bouche de Dieu."15 La vie du Christ produit en vous les mêmes fruits qu'elle a produits en lui. En vivant en Christ, en adhérant au Christ, en vous appuyant sur le Christ, en tirant du Christ votre nourriture, vous portez des fruits semblables à ceux qu'il a portés. JC 682 2 Au cours de son dernier entretien avec les disciples, Jésus a exprimé l'ardent désir de les voir s'aimer les uns les autres comme il les avait aimés. Il insista particulièrement sur ce sujet. Ce que je vous commande, dit-il à plusieurs reprises, c'est de vous aimer les uns les autres. La première recommandation qu'il leur avait faite dans la chambre haute avait été celle-ci: "Je vous donne un commandement nouveau: Aimez-vous les uns les autres; comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres." Ce commandement était nouveau pour les disciples; car jusque-là ils ne s'étaient pas aimés les uns les autres comme le Christ les avait aimés. Jésus jugeait qu'ils avaient besoin d'être dirigés par de nouvelles idées et de nouveaux mobiles; qu'ils devaient se conformer à de nouveaux principes: que sa vie et sa mort, à la lumière de son sacrifice, allaient leur donner une nouvelle conception de l'amour. L'oeuvre de la grâce tout entière est un service continuel d'amour, de renoncement, de sacrifice de soi-même. A chaque heure de son séjour sur la terre, des courants irrésistibles d'amour divin découlaient du Christ. Tous ceux que pénètre son Esprit aimeront comme il a aimé. Le même principe qui a inspiré le Christ inspirera aussi leurs relations les uns avec les autres. JC 683 1 C'est à cet amour que l'on reconnaît les vrais disciples. "A ceci, dit Jésus, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l'amour les uns pour les autres." Quand des hommes sont liés les uns aux autres, non par la force ou l'intérêt, mais par l'amour, ils montrent qu'ils sont sous une influence supérieure à toutes les influences humaines. Là où cette unité existe, on a la preuve que l'image de Dieu est rétablie dans l'humanité, et qu'un nouveau principe de vie a été communiqué. Il est ainsi démontré que la nature divine est capable de résister aux forces surnaturelles du mal, et que la grâce de Dieu peut vaincre l'égoïsme inhérent au coeur humain. JC 683 2 Un tel amour, manifesté au sein de l'Eglise, provoquera sûrement la colère de Satan. Le Christ n'a pas tracé devant ses disciples un sentier facile. "Si le monde a de la haine pour vous, dit-il, sachez qu'il m'a haï avant vous. Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui est à lui; mais parce que vous n'êtes pas du monde, et que je vous ai choisis du milieu du monde, à cause de cela, le monde a de la haine pour vous. Souvenez-vous de la parole que je vous ai dite: Le serviteur n'est pas plus grand que son maître. S'ils m'ont persécuté, ils vous persécuteront aussi; s'ils ont gardé ma parole, ils garderont aussi la vôtre. Mais tout cela, ils vous le feront à cause de mon nom, parce qu'ils ne connaissent pas celui qui m'a envoyé." L'Evangile se propage au prix d'une lutte agressive au milieu de l'opposition, de périls, de pertes, et de souffrances. Mais ceux qui accomplissent cette oeuvre ne font que marcher sur les traces de leur Maître. JC 683 3 En tant que Rédempteur du monde, le Christ n'a eu apparemment que des insuccès. Messager de la grâce auprès de notre monde, il semble qu'il ne lui a été donné d'accomplir qu'une faible partie de l'oeuvre qu'il désirait faire en vue de relever et de sauver. Des influences diaboliques étaient continuellement à l'oeuvre s'opposant à lui. Mais il ne se laissait pas décourager. Il déclare par le prophète Esaïe: "J'ai travaillé en vain, j'ai consumé ma force inutilement et sans fruit. Mais mon droit est auprès de l'Eternel et mon salaire auprès de mon Dieu. Et maintenant, l'Eternel parle, lui qui m'a formé dès ma naissance pour être son serviteur, pour ramener à lui Jacob et pour rassembler Israël autour de lui; car je suis honoré aux yeux de l'Eternel et mon Dieu est ma force." C'est au Christ que cette promesse est faite: "Ainsi parle l'Eternel, le Rédempteur, le Saint d'Israël, à celui qui est méprisé des hommes, détesté du peuple. ... Ainsi parle l'Eternel: ... Je veillerai sur toi; je ferai de toi le Médiateur de mon alliance avec le peuple, pour relever le pays et partager les héritages dévastés; pour dire aux prisonniers: Sortez! -- et à ceux qui sont dans les ténèbres: Montrez-vous! ... Ils n'auront plus faim, ils n'auront plus soif; ni le hâle brûlant, ni l'ardeur du soleil ne les frapperont plus: car celui qui les a pris en pitié les conduira et les mènera près des sources d'eaux."16 JC 684 1 Jésus s'appuyait sur cette parole, et n'accordait aucun avantage à Satan. Au moment où il allait descendre jusqu'au fond de l'humiliation, où la tristesse la plus accablante enveloppait son âme, le Christ dit aux disciples: "Le prince du monde vient. Il n'a rien en moi." "Le prince de ce monde est jugé." Il va être "jeté dehors".17 L'oeil prophétique du Christ apercevait les événements qui devaient marquer la grande lutte finale. Il savait que le ciel entier triompherait quand il pourrait s'écrier: "Tout est accompli." Il entendait déjà les sons éloignés de la musique et des cris de victoire retentissant dans les parvis célestes. Il savait que le glas allait sonner sur l'empire de Satan, et que le nom du Christ serait proclamé, de monde en monde, à travers l'immensité de l'univers. JC 684 2 Le Christ se réjouissait à la pensée qu'il pourrait faire pour ses disciples plus qu'ils n'étaient capables de demander ou même de penser. Il s'exprimait avec assurance, car il savait qu'un décret tout puissant avait été promulgué, dès avant la création du monde. Il savait que la vérité, accompagnée de la toute puissance du Saint-Esprit, remporterait la victoire sur le mal et que la bannière ensanglantée flotterait triomphalement sur ses disciples. Il savait que la vie de ses disciples confiants serait semblable à la sienne: une série ininterrompue de victoires, non considérées comme telles, ici-bas, mais dans l'au-delà. JC 685 1 "Je vous ai parlé ainsi, dit-il, pour que vous ayez la paix en moi. Vous aurez de l'affliction dans le monde; mais prenez courage, moi, j'ai vaincu le monde." Le Christ n'a eu ni défaillance ni découragement: ses disciples doivent manifester une foi aussi persévérante. Ils doivent vivre comme il a vécu et travailler comme il a travaillé, en comptant sur lui comme sur leur Chef suprême. Il leur faut du courage, de l'énergie et de la persévérance pour s'avancer coûte que coûte, par sa grâce, même si des obstacles infranchissables paraissent leur barrer la route; pour surmonter les difficultés, au lieu de les déplorer; pour espérer contre toute espérance. Le Christ les a attachés au trône de Dieu par les chaînes d'or de son amour immaculé. Il veut qu'ils possèdent la plus puissante influence qui soit dans l'univers, celle qui émane de la source de la Toute-Puissance. Pour résister au mal, ils disposent d'un pouvoir que ni la terre, ni la mort, ni l'enfer ne peuvent dominer, et qui les rendra capables de vaincre comme le Christ a vaincu. JC 685 2 Jésus veut que l'ordre du ciel, le plan du gouvernement céleste, la divine harmonie soient représentés dans son Eglise, sur la terre. Ainsi il sera glorifié par son peuple; ainsi le Soleil de justice brillera, dans le monde, de l'éclat le plus vif. Le Christ a pourvu son Eglise de moyens abondants, en vue d'obtenir un riche revenu de gloire du domaine qu'il s'est acquis. Il a accordé aux siens des talents et des bienfaits pour qu'ils soient à même de représenter dignement celui qui possède toutes les capacités. L'Eglise, dotée de la justice du Christ, se trouve être son dépositaire: en elle doivent paraître, dans leur plénitude, et se déployer, largement, les richesses de sa grâce et de son amour. Dans la pureté et dans la perfection de son peuple, le Christ voit la récompense de son humiliation, et le complément de sa gloire. Il reste, lui, le grand centre d'où émane toute gloire. JC 686 1 Le Sauveur acheva ses instructions par des paroles pleines de fermeté et d'espérance. Ensuite, levant les yeux au ciel, il répandit son âme dans une prière prononcée en faveur de ses disciples: "Père, l'heure est venue. Glorifie ton Fils, afin que le Fils te glorifie, selon que tu lui as donné pouvoir sur toute chair, afin qu'il donne la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés. Or, la vie éternelle, c'est qu'ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ." JC 686 2 Le Christ avait achevé l'oeuvre qui lui avait été assignée. Il avait glorifié Dieu sur la terre. Il avait fait connaître le nom de son Père. Il avait recruté ceux qui étaient appelés à continuer son oeuvre parmi les hommes. Et il dit: "Je suis glorifié en eux. Je ne suis plus dans le monde; eux sont dans le monde, et moi je vais à toi. Père saint, garde-les en ton nom que tu m'as donné, afin qu'ils soient un comme nous." "Ce n'est pas pour eux seulement que je prie, mais encore pour ceux qui croiront en moi par leur parole, afin que tous soient un. ... Moi en eux, et toi en moi, afin qu'ils soient parfaitement un, et que le monde reconnaisse que tu m'as envoyé et que tu les as aimés, comme tu m'as aimé." JC 686 3 Par ces paroles qui portent l'empreinte d'une autorité divine, le Christ remet ses élus entre les bras de son Père. Il intercède en faveur de son peuple, en qualité de Souverain Sacrificateur consacré. Berger fidèle, il rassemble son troupeau à l'ombre du Tout-Puissant, dans un sûr refuge. Il lui reste à livrer encore une bataille contre Satan, et il s'élance au-devant de l'ennemi. ------------------------Chapitre 74 -- Gethsémané JC 687 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 26:36-56; Marc 14:32-50; Luc 22:39-53; Jean 18:1-12. JC 687 1 Suivi de ses disciples, le Sauveur s'achemine lentement vers le jardin de Gethsémané. La lune est dans son plein; elle resplendit dans un ciel sans nuage. Les tentes des pèlerins sont plongées dans le silence. JC 687 2 Jésus avait eu, avec ses disciples, une conversation animée; cependant, à mesure qu'ils s'approchaient de Gethsémané, son attitude devenait étrangement silencieuse. Souvent il était venu méditer et prier là. En cette nuit où devait avoir lieu sa dernière agonie, il éprouvait une douleur qu'il n'avait jamais ressentie. Durant toute sa vie terrestre, il avait marché dans la lumière de la présence divine. Alors qu'il se trouvait en conflit avec des hommes qu'inspirait l'esprit de Satan, il pouvait dire: "Celui qui m'a envoyé est avec moi; il ne m'a pas laissé seul, parce que je fais toujours ce qui lui est agréable."1 Mais cette fois il paraissait privé de la présence réconfortante de la lumière divine. Il était maintenant compté parmi les transgresseurs. Il lui fallait porter le poids de la culpabilité de l'humanité déchue. L'iniquité de nous tous devait reposer sur celui qui n'avait pas connu le péché. Le péché lui paraît si redoutable, le fardeau de la faute est si lourd, qu'il a lieu de craindre de se trouver, pour toujours, privé de l'amour de son Père. Sachant quelle aversion Dieu éprouve pour le péché, il s'écrie: "Mon âme est triste jusqu'à la mort." JC 687 3 En approchant du jardin, les disciples avaient remarqué le changement soudain qui s'était produit chez le Maître. Ils ne l'avaient encore jamais vu aussi abattu et silencieux et n'osaient lui demander la cause de sa tristesse. A mesure qu'il avançait, cette angoisse augmentait. Il chancelait comme s'il allait tomber. Les disciples cherchèrent au jardin l'endroit où il avait coutume de se retirer, pensant que le Maître pourrait s'y reposer. Chaque pas lui coûtait un effort. Comme accablé par un fardeau écrasant, il faisait entendre des gémissements. Par deux fois ses compagnons durent le soutenir, sans quoi il se serait écroulé sur le sol. JC 688 1 A l'entrée du jardin, Jésus laissa tous ses disciples, à l'exception de trois, leur recommandant de prier pour eux et pour lui. Accompagné de Pierre, Jacques et Jean, il pénétra dans le lieu le plus retiré. Ces trois disciples, compagnons les plus intimes du Christ, avaient contemplé sa gloire sur la montagne de la transfiguration et vu Moïse et Elie s'entretenant avec lui; ils avaient entendu la voix du ciel. Le Christ désirait jouir de leur présence immédiate pendant sa grande lutte. Ils avaient souvent passé la nuit avec lui dans cette retraite. Après avoir veillé et prié un moment, ils s'endormaient paisiblement à quelque distance du Maître, et celui-ci les réveillait au matin pour retourner au travail. Mais cette fois il désirait qu'ils passassent avec lui la nuit en prière, sans cependant vouloir leur imposer la vue de son agonie. JC 688 2 "Restez ici, dit-il, et veillez avec moi." JC 688 3 Il s'éloigna à quelque distance, -- pas si loin qu'ils ne pussent le voir et l'entendre, -- et tomba à genoux. Il sentait que le péché le séparait de son Père. L'abîme était si large, si noir, si profond, que son esprit frissonnait. Il ne devait pas faire usage de sa puissance divine pour échapper à cette agonie. En tant qu'homme il devait supporter les conséquences du péché de l'homme; il devait subir la colère dont Dieu frappe la transgression. JC 688 4 L'attitude du Christ était bien différente de celle qu'il avait eue auparavant. Ses souffrances trouvent leur meilleure description dans ces paroles du prophète: "Epée, lève-toi contre mon berger, contre l'homme dont j'ai fait mon compagnon, dit l'Eternel des armées!"2 En tant que substitut et garant de l'homme pécheur, le Christ subissait la justice divine. Il voyait ce que signifie cette justice. Jusqu'ici il avait intercédé pour d'autres; maintenant il eût voulu trouver un intercesseur pour lui-même. JC 689 1 Sentant que son union avec le Père était brisée, le Christ craignait de ne pouvoir, dans sa nature humaine, sortir victorieux du conflit avec la puissance des ténèbres. Au désert de la tentation, la destinée de la race humaine avait été en jeu et le Christ avait vaincu. Maintenant le tentateur s'approchait pour la lutte finale, lutte formidable à laquelle Satan s'était préparé pendant les trois années du ministère du Christ. Tout était en jeu pour lui. S'il échouait maintenant, tout espoir de domination était perdu pour lui; les royaumes du monde appartiendraient enfin au Christ; Satan serait renversé et jeté dehors. Mais s'il pouvait remporter la victoire sur Jésus, la terre deviendrait son royaume et la race humaine serait pour toujours en son pouvoir. JC 689 2 En pensant aux conséquences possibles de la lutte, le Christ redoutait une séparation d'avec Dieu. Satan lui disait que cette séparation serait éternelle s'il devenait le garant d'un monde pécheur. Il serait assimilé aux sujets du royaume de Satan et ne retrouverait plus jamais la communion divine. JC 689 3 Et qu'avait-il à gagner par son sacrifice? La faute et l'ingratitude des hommes ne paraissaient-elles pas sans remède? Satan dépeignait au Rédempteur la situation sous son jour le plus sombre: le peuple qui se croit au-dessus de tous les autres, à cause de ses avantages temporels et spirituels, l'a rejeté. Il cherche à le détruire, lui qui est le fondement, le centre et le sceau des promesses faites au peuple particulier. L'un de ses propres disciples, qui a écouté ses instructions, et qui a joué l'un des premiers rôles dans l'Eglise, va le trahir; un autre, des plus zélés, va le renier. Tous l'abandonneront. Le Christ reculait d'effroi à cette pensée. Que ceux qu'il s'était efforcé de sauver et qu'il avait tant aimés pussent devenir les complices de Satan, son âme en était transpercée. La lutte était effroyable. La mesure en était donnée par la culpabilité de sa nation, de ses accusateurs et du traître, par la culpabilité d'un monde plongé dans l'iniquité. Les péchés des hommes pesaient lourdement sur le Christ, qui se sentait écrasé par le sentiment de la colère dont Dieu frappe le péché. JC 690 1 Il voit le prix qu'il doit payer pour l'âme humaine. Dans son agonie il contemple le sol nu, comme pour ne pas s'éloigner davantage de Dieu. La froide rosée nocturne tombe sur son corps prosterné sans qu'il y prête attention. De ses lèvres pâles jaillit ce cri plein d'amertume: "Mon Père, s'il est possible, que cette coupe s'éloigne de moi!" Cependant il ajoute immédiatement: "Toutefois, non pas comme je veux, mais comme tu veux." JC 690 2 Le coeur humain a besoin de sympathie quand il souffre. Le Christ éprouvait ce besoin dans les profondeurs de son être. Dans l'agonie suprême de son âme il s'approcha des disciples avec un désir intense de recevoir quelque parole de consolation de ceux qu'il avait si souvent réconfortés et protégés au sein de la douleur et de la détresse. Celui qui, toujours, avait eu, pour eux, des paroles de sympathie, endurait maintenant une agonie surhumaine, et il désirait les voir prier pour lui et pour eux-mêmes. Combien la malignité du péché lui paraissait grande! Il était fortement tenté de laisser la race humaine porter les conséquences de son propre péché et de garder, lui, son innocence devant Dieu. Si seulement il se sentait compris et apprécié par les disciples, il en serait fortifié. JC 690 3 S'étant levé péniblement, il vint, en chancelant, à l'endroit où il avait laissé ses compagnons. Mais il "les trouva endormis". S'il les avait vus en prière, cherchant leur refuge en Dieu pour échapper aux influences de Satan, il eût éprouvé un soulagement; la fermeté de leur foi l'eût réconforté. Mais ils n'avaient pas tenu compte de l'avertissement réitéré: "Veillez et priez." Tout d'abord, fort troublés en voyant leur Maître, d'habitude si calme et si digne, en proie à une douleur incompréhensible, ils avaient prié tandis que leurs oreilles étaient frappées par les cris de l'homme de douleur. Ils n'avaient pas l'intention d'abandonner leur Maître, mais ils semblaient paralysés par une sorte de torpeur qu'ils auraient pu secouer s'ils avaient continué de plaider auprès de Dieu. Ils ne comprirent pas la nécessité de veiller et de prier avec ferveur afin de pouvoir résister à la tentation. Immédiatement avant de se diriger vers le jardin, Jésus avait dit aux disciples: "Vous trouverez tous une occasion de chute." Ils avaient assuré avec la dernière énergie, qu'ils étaient prêts à l'accompagner en prison et à la mort. Ce pauvre Pierre, toujours plein de lui-même, avait ajouté: "Quand tous trouveraient une occasion de chute, moi pas."3 Mais les disciples se fiaient à eux-mêmes; malgré les conseils du Christ, ils ne regardaient pas vers leur puissant soutien. C'est ainsi qu'ils se trouvèrent endormis au moment où le Sauveur avait le plus grand besoin de leur tendresse et de leurs prières. Pierre lui-même dormait! JC 691 1 Jean, le disciple bien-aimé, qui s'était appuyé sur le sein de Jésus, dormait, lui aussi! L'amour que Jean avait pour son Maître aurait dû, pourtant, le tenir éveillé! A cette heure de douleur suprême il aurait dû joindre ses ferventes prières à celles de son cher Sauveur. Le Rédempteur avait passé des nuits entières en prière pour que la foi de ses disciples n'eût pas à défaillir. Si Jésus avait maintenant posé cette question à Jacques et à Jean: "Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire?" ils n'auraient pas osé répondre: "Nous le pouvons."4 JC 691 2 Les disciples se réveillèrent en entendant la voix de Jésus, mais c'est à peine s'ils purent le reconnaître, tant l'angoisse altérait son visage. S'adressant à Pierre, Jésus dit: "Simon, tu dors! Tu n'as pas été capable de veiller seulement une heure! Veillez et priez, afin de ne pas entrer en tentation; l'esprit est bien disposé, mais la chair est faible." La faiblesse des disciples éveillait la compassion de Jésus. Il craignait qu'ils ne fussent pas capables de supporter l'épreuve de la trahison, et sa mort. Sans leur faire de reproche, il leur dit: "Veillez et priez, afin de ne pas entrer en tentation." Même dans cette grande agonie, il cherchait une excuse à leur faiblesse. "L'esprit est bien disposé, dit-il, mais la chair est faible." Le Fils de Dieu fut ressaisi par l'agonie et, défaillant, épuisé, il retourna, en chancelant, au point qu'il venait de quitter. Sa souffrance était encore plus intense. Son angoisse était telle que "sa sueur devint comme des grumeaux de sang, qui tombaient à terre". Les cyprès et les palmiers étaient les témoins silencieux de son angoisse. Leur feuillage laissait tomber une épaisse rosée sur son corps exténué comme si la nature pleurait sur son Auteur, se débattant seul contre la puissance des ténèbres. JC 692 1 Peu de temps auparavant, Jésus avait semblé un cèdre puissant, résistant à l'orage de l'opposition déchaînée contre lui. Des volontés opiniâtres, des coeurs pleins d'une malice subtile, avaient cherché en vain à le confondre et à l'accabler. Il s'était tenu debout, revêtu d'une majesté divine, comme Fils de Dieu. Maintenant il était semblable à un roseau battu et ployé par une violente tempête. Il s'était approché de la consommation de son oeuvre en conquérant, remportant à chaque pas une nouvelle victoire sur la puissance des ténèbres. Comme s'il eût été déjà glorifié, il avait proclamé son unité avec Dieu. Sa voix, maintenant, dans le silence du soir, n'avait pas des accents de triomphe; elle était pleine d'une angoisse toute humaine. Ces paroles du Sauveur parvenaient aux oreilles des disciples assoupis: "Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe! Toutefois, non pas ma volonté, mais que la tienne soit faite." JC 692 2 Les disciples auraient voulu aller vers lui; mais il leur avait dit de demeurer là, veillant et priant. Quand Jésus revint à eux, il les trouva de nouveau endormis. Il ressentait un même besoin de compagnie; il désirait entendre de la part des disciples quelques paroles qui pussent le soulager et dissiper les ténèbres qui l'accablaient. Mais "leurs yeux étaient appesantis. Ils ne savaient que lui répondre." Réveillés par sa présence, ils virent son visage recouvert d'une sueur sanglante, et ils en furent tout effrayés. Ils ne pouvaient comprendre son angoisse. Il était un "sujet d'étonnement, tant son visage était défait, méconnaissable; tant son aspect différait de celui des autres hommes".5 JC 692 3 Jésus retourna vers sa retraite, et vaincu par l'horreur de ténèbres profondes, tomba à genoux. A cette heure de l'épreuve, l'humanité du Fils de Dieu était tremblante. En ce moment, il ne priait plus pour que la foi des disciples ne défaillît point, mais pour sa propre âme tentée et agonisante. Le moment redoutable était arrivé où devait se décider la destinée du monde. Le sort de l'humanité oscillait dans la balance. Le Christ pouvait encore refuser de boire la coupe préparée pour l'homme coupable. Il n'était pas trop tard. Jésus pouvait essuyer la sueur sanglante de son visage et laisser périr l'homme dans son iniquité. Il pouvait dire: Que le transgresseur subisse la peine de son péché; moi, je retournerai vers mon Père. Le Fils de Dieu allait-il consentir à boire la coupe amère de l'humiliation et de l'agonie? L'innocent allait-il subir les conséquences de la malédiction du péché pour sauver le coupable? Les lèvres pâles et tremblantes de Jésus murmurèrent ces paroles: "Mon Père, s'il n'est pas possible que cette coupe s'éloigne sans que je la boive, que ta volonté soit faite!" JC 693 1 Trois fois il répéta cette prière. Par trois fois l'humanité de Jésus a hésité devant le dernier sacrifice, le sacrifice suprême. Maintenant l'histoire de la race humaine se présente à l'esprit du Rédempteur du monde. Il voit qu'abandonnés à eux-mêmes les transgresseurs de la loi sont destinés à périr. Il voit l'homme dans un état désespéré. Il aperçoit la puissance du péché. Le malheur et les lamentations d'un monde condamné se dressent devant lui. Sa décision est prise. Il sauvera l'homme à n'importe quel prix. Il accepte le baptême du sang, pourvu que des millions d'êtres humains obtiennent la vie éternelle. Il a quitté les parvis célestes, où tout est pureté, bonheur, gloire, pour sauver l'unique brebis perdue, le seul monde qui soit tombé dans le péché. Il ne renoncera pas à sa mission. Il deviendra une victime de propitiation pour une race vouée au péché. Sa prière ne respire plus que la soumission: "S'il n'est pas possible que cette coupe s'éloigne sans que je la boive, que ta volonté soit faite!" JC 693 2 Ayant pris sa décision, il tomba inanimé sur le sol d'où il avait essayé de se relever. Où étaient maintenant ses disciples, qui eussent dû soutenir de leurs mains le Maître défaillant et baigner son visage à l'aspect si différent de celui des autres hommes? Le Sauveur était seul à fouler au pressoir, et personne parmi les siens n'était avec lui. JC 694 1 Mais Dieu partageait les souffrances de son Fils. Les anges contemplaient l'agonie du Sauveur, entouré de légions diaboliques et en proie à un effroi mystérieux qui le faisait frissonner. Le silence régnait dans le ciel. Aucune harpe ne vibrait. Si les mortels avaient pu voir l'étonnement et la douleur silencieuse de l'armée angélique alors que le Père retirait de son Fils bien-aimé ses rayons de lumière, d'amour et de gloire, ils comprendraient mieux combien le péché lui est odieux. JC 694 2 Les mondes qui n'ont pas connu le péché et les anges du ciel ont assisté avec un intérêt passionné à la fin du conflit. Satan et ses confédérés, les légions de rebelles, ont également assisté avec le plus grand intérêt à cette crise de l'oeuvre de la rédemption. Les puissances du bien et du mal attendaient anxieusement la réponse de Dieu à la prière du Christ, trois fois répétée. Des anges avaient désiré apporter un soulagement à cet Etre divin qui souffrait, mais cela ne pouvait se faire. Aucune issue ne s'ouvrait devant le Fils de Dieu. Pourtant au plus fort de cette crise effroyable où tout était en jeu, alors que la coupe mystérieuse tremblait dans la main de l'homme de douleur, les cieux s'ouvrirent enfin, une lumière resplendit à travers les ténèbres de cette heure unique, et l'ange puissant qui occupe, en la présence de Dieu, la position d'où Satan a été exclu, vint se placer à côté du Christ. Cet ange ne venait pas pour enlever la coupe des mains du Christ, mais pour le fortifier, afin qu'il pût la boire, en lui donnant l'assurance de l'amour de son Père. Il venait pour donner des forces à l'Etre divin et humain qui était en prière. Il lui montra le ciel ouvert et lui parla des âmes qui seraient sauvées par ses souffrances. Il lui rappela que son Père est plus puissant que Satan, que sa mort aurait pour effet la défaite totale de celui-ci et que le royaume de ce monde serait donné aux saints du Très-Haut. Il lui dit qu'il pourrait contempler le fruit de ses labeurs et qu'il serait rassasié de joie en voyant des multitudes d'êtres humains sauvés pour l'éternité. JC 694 3 L'agonie du Christ n'avait pas cessé, mais il ne se sentait plus découragé. La tempête n'était pas apaisée, mais il était assez fort pour y résister. Il sortait de l'épreuve, calme et serein. Une paix céleste reposait sur son visage taché de sang. Il avait enduré ce qu'aucun être humain ne pourra jamais endurer; car il avait goûté les souffrances de la mort à la place de tous les hommes. JC 695 1 Les disciples endormis avaient été subitement réveillés par la lumière qui enveloppait le Sauveur. Ils virent l'ange penché sur leur Maître prosterné, appuyer la tête du Sauveur sur sa poitrine et lui montrer le ciel. Ils entendirent sa voix, semblable à la plus douce musique, prononçant des paroles de consolation et d'espérance. Les disciples se rappelèrent ce qui s'était passé sur la montagne de la transfiguration, la gloire qui avait inondé Jésus dans le temple, et la voix de Dieu qui s'était fait entendre, du sein de la nue. Cette même gloire se manifestait à nouveau, dissipant toutes les craintes qu'ils entretenaient au sujet de leur Maître. Il se trouvait sous la protection divine; un ange puissant avait été envoyé pour le garder. Les disciples fatigués retombèrent sous la torpeur qui les accablait. Une fois encore, Jésus les trouva endormis. JC 695 2 Les regardant avec tristesse, il leur dit: "Dormez maintenant, et reposez-vous! Voici, l'heure est proche où le Fils de l'homme va être livré aux mains des pécheurs." JC 695 3 En prononçant ces paroles, il entendit déjà le bruit des pas de la populace qui le cherchait, et il dit: "Levez-vous, allons; celui qui me livre s'approche." Jésus ne montrait plus aucune trace d'agonie lorsqu'il s'avança au-devant du traître. Ayant distancé ses disciples, il demanda: "Qui cherchez-vous? Ils lui répondirent: Jésus de Nazareth. Il leur dit: C'est moi." A cet instant l'ange qui était venu à son secours se plaça entre lui et la foule. Une lumière divine éclairait le visage du Sauveur et une forme de colombe le recouvrait. La foule sanguinaire ne pouvait supporter la présence de cette gloire. Tous reculèrent. Prêtres, anciens, soldats, Judas lui-même, tombèrent à terre, comme morts. JC 695 4 L'ange se retira et la lumière s'évanouit. Jésus avait l'occasion de s'enfuir, mais il resta calme et maître de lui-même. Il se tenait, glorifié, au milieu de cette bande endurcie, étendue sans force à ses pieds. Les disciples regardaient, muets de saisissement et d'épouvante. JC 696 1 Soudain la scène changea d'aspect. La foule se releva. Les soldats romains, les prêtres, avec Judas, se rassemblèrent autour du Christ. Ils paraissaient honteux de leur faiblesse, et craignaient que Jésus ne voulût s'échapper. Le Rédempteur renouvela sa question: "Qui cherchez-vous?" Tout prouvait que celui qui se tenait devant eux était le Fils de Dieu, mais ils ne voulaient pas se laisser convaincre. Ils répondirent encore une fois: "Jésus de Nazareth." Alors Jésus reprit: "Je vous ai dit que c'est moi. Si donc c'est moi que vous cherchez, laissez partir ceux-ci", et ce disant il montrait les disciples. Sachant combien leur foi était faible, il s'efforçait de leur épargner la tentation et l'épreuve. Il était prêt à se sacrifier pour eux. JC 696 2 Judas n'oublia pas son rôle de traître. C'est lui qui, suivi de près par le souverain sacrificateur, avait introduit la foule dans le jardin. Il avait donné ce signe à ceux qui poursuivaient Jésus: "Celui à qui je donnerai un baiser, c'est lui: saisissez-le."6 Maintenant il feignait de ne rien avoir de commun avec eux. S'approchant de Jésus, il lui prend familièrement la main, comme un ami. Il le baise plusieurs fois en lui disant: "Salut, Rabbi!" et il simule pleurer de sympathie pour lui, dans le danger. JC 696 3 Jésus lui dit: "Ami, ce que tu es venu faire, fais-le." Et sa voix vibrait de douleur, tandis qu'il ajoutait: "Judas, c'est par un baiser que tu livres le Fils de l'homme!" Un tel appel aurait dû réveiller la conscience du traître, toucher son coeur obstiné; mais tout sentiment d'honneur, de loyauté, et de tendresse humaine l'avait abandonné. Il se montrait hardi, avec un air de défi, ne manifestant aucune disposition à revenir en arrière. Il s'était donné à Satan, et n'avait plus de force pour lui résister. Jésus ne refusa pas le baiser du traître. JC 696 4 La foule s'enhardit quand elle vit que Judas osait toucher la personne de celui qui venait de se montrer glorifié à leurs yeux. On se saisit alors de Jésus, et on se mit en devoir de lier ces mains qui avaient été sans cesse occupées à faire du bien. JC 697 1 Les disciples s'étaient imaginé que le Maître ne se laisserait pas prendre. Ils pensaient que la puissance qui avait jeté à terre ces gens pouvait les y maintenir jusqu'à ce que Jésus et ses compagnons se fussent mis en sûreté. Ils éprouvèrent du désappointement et de l'indignation quand on apporta des cordes pour lier les mains de celui qu'ils aimaient. Saisi de colère, Pierre tira brusquement son épée et voulut défendre son Maître, mais il ne réussit qu'à couper une oreille au serviteur du souverain sacrificateur. A cette vue Jésus dégagea ses mains, bien qu'elles fussent fermement tenues par les soldats romains, et il leur dit: "Tenez-vous en là!" Il toucha l'oreille blessée, et la guérit à l'instant même. Ensuite il dit à Pierre: "Remets ton épée à sa place; car tous ceux qui prendront l'épée périront par l'épée. Penses-tu que je ne puisse pas invoquer mon Père, qui me donnerait à l'instant plus de douze légions d'anges?" -- une légion pour chacun des disciples. Pourquoi, pensaient les disciples, ne se sauve-t-il pas lui-même et nous avec lui? Pour répondre à cette pensée cachée, Jésus ajouta: "Comment donc s'accompliraient les Ecritures d'après lesquelles il doit en être ainsi?" "La coupe que le Père m'a donnée, ne la boirai-je pas?" JC 697 2 La dignité officielle dont étaient revêtus les conducteurs juifs ne les avait pas empêchés de se joindre à ceux qui poursuivaient Jésus. Son arrestation était une affaire trop importante pour être confiée à des subordonnés; ces prêtres et ces anciens rusés accompagnaient la police du temple et la racaille qui suivait Judas, à Gethsémané. Quelle société pour ces dignitaires: -- une tourbe avide de sensations et pourvue de tout l'attirail nécessaire à la capture d'une bête sauvage! JC 697 3 Se tournant vers les prêtres et les anciens, le Christ fixa sur eux son regard pénétrant. Ils ne devaient jamais oublier, aussi longtemps qu'ils vivraient, les paroles qu'il prononça à cette occasion. Ses paroles étaient les flèches acérées du Tout-Puissant. Il leur dit avec dignité: "Vous êtes venus comme après un brigand, avec des épées et des bâtons, pour vous emparer de moi. J'étais tous les jours parmi vous, j'enseignais dans le temple, et vous ne vous êtes pas saisis de moi." La nuit convient mieux à votre oeuvre. "Mais c'est ici votre heure et le pouvoir des ténèbres." JC 698 1 La terreur s'empara des disciples quand ils virent que Jésus se laissait prendre et lier. Ils étaient scandalisés de ce qu'il tolérait que cette humiliation fût infligée à lui-même et à eux. Ils ne pouvaient comprendre sa conduite, sa passivité devant la foule qui le maltraitait. Dominés par l'indignation et la peur, ils suivirent le conseil de Pierre, qui leur proposa de songer à leur propre salut. "Alors tous l'abandonnèrent et prirent la fuite." Le Christ avait annoncé cette désertion. "Voici, l'heure vient, avait-il dit, et même elle est venue, où vous serez dispersés chacun de son côté, et où vous me laisserez seul; mais je ne suis pas seul, car le Père est avec moi."7 ------------------------Chapitre 75 -- Devant Anne et devant Caïphe JC 699 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 26:57-75; 27:1; Marc 14:53-72; 15:1; Luc 22:54-71; Jean 18:13-27. JC 699 1 On poussa Jésus de l'autre côté du torrent du Cédron, par-delà les jardins et les bosquets d'oliviers, à travers les rues silencieuses de la ville endormie. Il était plus de minuit, et les cris de la foule qui le suivait en le huant rompaient brusquement le silence nocturne. Le Sauveur, étroitement lié et gardé, s'avançait avec peine. Ceux qui l'avaient arrêté le conduisirent, en toute hâte, au palais d'Anne, qui avait précédé Caïphe dans l'office du souverain sacrificateur. JC 699 2 Anne était à la tête du sacerdoce, et, par déférence pour son âge, on lui accordait les honneurs dus au grand prêtre. On recherchait ses conseils et on les suivait comme la voix de Dieu. C'est à lui qu'on voulut, en tout premier lieu, montrer Jésus, captif du pouvoir sacerdotal. On voulait qu'il assistât à l'interrogatoire du prisonnier, car on craignait que Caïphe, moins expérimenté, ne réussît pas à atteindre le but qu'on se proposait; l'habileté, la ruse et la finesse d'Anne étaient nécessaires pour obtenir à tout prix la condamnation du Christ. JC 699 3 Jésus devait paraître devant le sanhédrin; mais il fut d'abord soumis à un examen préliminaire, en présence d'Anne. La domination romaine ne laissait pas au sanhédrin la faculté d'exécuter les condamnations à mort. On ne pouvait qu'examiner le prisonnier et prononcer sur lui une sentence soumise ensuite à la ratification des autorités romaines. Il fallait donc mettre au compte du Christ des actes qui fussent considérés comme des délits par les Romains, et, en même temps, trouver une accusation qui justifiât sa condamnation aux yeux des Juifs. Un bon nombre de prêtres et d'anciens avaient été convaincus par l'enseignement du Christ, et seule la crainte de l'excommunication les empêchait de le confesser. Les prêtres se rappelaient fort bien la question de Nicodème: "Notre loi juge-t-elle un homme avant qu'on l'ait entendu et qu'on sache ce qu'il a fait?"1 Cette question avait suffi, à ce moment-là, pour mettre la division dans le conseil et pour déjouer le plan échafaudé. Joseph d'Arimathée et Nicodème ne devaient pas être convoqués cette fois-ci, mais il pouvait s'en trouver d'autres qui oseraient parler en faveur de la justice. Le procès devait être dirigé de manière à rallier tous les membres du sanhédrin contre le Christ. Les prêtres désiraient surtout maintenir deux chefs d'accusation. Si l'on pouvait démontrer que Jésus était un blasphémateur, il serait condamné par les Juifs. Si l'on pouvait le convaincre de sédition, on obtiendrait sa condamnation par les Romains. Anne s'efforça d'abord d'établir la seconde accusation. Il interrogea Jésus au sujet de ses disciples et de sa doctrine, dans l'espoir que le prisonnier serait amené à dire quelque chose qui lui offrît une prise. Il espérait le faire avouer qu'il s'efforçait de fonder une société secrète dont le but était d'établir un nouveau royaume. Ainsi les prêtres pourraient le livrer aux Romains, comme coupable d'avoir troublé la paix et fomenté l'insurrection. JC 700 1 Le Christ lisait ce dessein dans l'âme du prêtre comme dans un livre ouvert. Découvrant la pensée la plus intime de celui qui l'interrogeait, il nia qu'un pacte occulte le liât à ses disciples ou qu'il les réunît secrètement, dans les ténèbres, pour dissimuler ses intentions; celles-ci et ses doctrines n'avaient rien de mystérieux. "J'ai parlé ouvertement au monde, dit-il; j'ai toujours enseigné dans la synagogue et dans le temple, où tous les Juifs s'assemblent, et je n'ai parlé de rien en secret." JC 700 2 Le Sauveur fit ressortir le contraste existant entre sa manière de travailler et les méthodes employées par ses accusateurs. Des mois durant ils l'avaient poursuivi, cherchant à le prendre au piège et à l'amener devant un tribunal secret où ils obtiendraient par un parjure ce qu'ils n'obtenaient pas par des moyens honnêtes. Maintenant ils réalisaient leur dessein. Le faire saisir de nuit par une troupe, l'accabler de moqueries et de mauvais traitements avant qu'il eût été condamné ni même accusé, voilà leur comportement, qui différait du sien. Leur manière d'agir constituait une violation de la loi. Leurs propres règlements demandaient que tout homme fût traité en innocent aussi longtemps que sa culpabilité n'avait pas été établie. Ces règlements condamnaient donc les prêtres. JC 701 1 S'adressant à son examinateur, Jésus dit: "Pourquoi m'interroges-tu?" Les prêtres et les anciens n'avaient-ils pas envoyé des espions pour surveiller ses mouvements et rapporter chacune de ses paroles? Ces hommes n'avaient-ils pas été présents toutes les fois que le peuple s'était assemblé, et n'avaient-ils pas renseigné les prêtres sur tout ce qu'il disait et faisait? "Demande à ceux qui m'ont entendu de quoi je leur ai parlé; voici, ils savent, eux, ce que moi j'ai dit." JC 701 2 Anne fut réduit au silence par cette réponse si catégorique. Il craignait que le Christ ne révélât, au sujet de sa conduite, quelque chose qu'il préférait garder caché: c'est pourquoi il ne lui dit rien de plus, à cette occasion. Rempli de colère, en voyant qu'Anne avait eu la bouche fermée, l'un de ses agents frappa Jésus au visage, en lui disant: "Est-ce ainsi que tu réponds au grand-prêtre?" JC 701 3 Le Christ répondit: "Si j'ai mal parlé, prouve ce qu'il y a de mal; et si j'ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu?" Il ne laissa échapper aucune parole de vengeance. Sa réponse, empreinte du plus grand calme, venait d'un coeur sans péché, qui ne se laissait pas emporter par la colère. JC 701 4 Le Christ était très sensible aux mauvais traitements et aux injures. Aucun outrage ne lui était épargné par des êtres qu'il avait créés et en faveur desquels il avait consenti un sacrifice infini. Il souffrait en proportion de sa sainteté et de sa haine à l'égard du péché. C'était pour lui un grand sacrifice que d'être questionné par des hommes qui le traitaient en ennemi, et il lui répugnait de se sentir entouré d'êtres humains dominés par Satan. Il savait que par la puissance divine il aurait pu renverser dans la poussière ceux qui le tourmentaient. Et cette connaissance ne faisait que rendre son épreuve plus dure. JC 702 1 Les Juifs attendaient un Messie qui se manifesterait avec un éclat extérieur, et qui, par un acte de volonté souveraine, modifierait le cours des pensées humaines et contraindrait les hommes à reconnaître sa suprématie. De cette manière, pensaient-ils, il s'élèverait au-dessus de tous et réaliserait leurs espoirs ambitieux. Le Christ était donc fortement tenté, sous le fouet du mépris, de manifester son caractère divin. Un mot, un regard de lui, pouvait contraindre ses persécuteurs à reconnaître le Seigneur des rois et des gouverneurs, des prêtres et du temple. Il lui était difficile de rester dans la position qu'il avait choisie en s'identifiant avec l'humanité. JC 702 2 Les anges du ciel observaient tout ce qui se faisait contre leur bien-aimé Chef. Ils désiraient ardemment le délivrer. Les anges, aux ordres de Dieu, sont tout-puissants; en une certaine occasion, commandés par le Christ, ils avaient fait mourir cent quatre-vingt-cinq mille hommes de l'armée assyrienne. Il eût été facile à ces anges, témoins des scènes honteuses qui accompagnaient le procès du Christ, de manifester leur indignation en consumant les ennemis de Dieu, mais aucun ordre de ce genre ne leur fut donné. Celui qui pouvait exterminer ses ennemis préférait supporter leur cruauté. L'amour qu'il avait pour son Père et le souvenir de l'engagement pris, dès avant la fondation du monde, de porter les péchés de l'humanité, lui faisaient accepter, sans se plaindre, les grossièretés de ceux qu'il était venu sauver. Il considérait comme une partie de sa mission d'endurer, dans son humanité, toutes les injures et tous les mauvais traitements. L'espérance de l'humanité reposait sur la soumission du Christ à tout ce que des mains et des coeurs d'hommes lui feraient subir. JC 702 3 Bien que le Christ n'eût fourni aucun prétexte à ses accusateurs, il était lié et faisait figure de condamné. Il fallait, cependant, sauver au moins les apparences de la justice, respecter les formes d'un procès conduit d'après les règles. Les autorités, décidées à faire vite, savaient de quelle estime Jésus jouissait auprès du peuple, et elles craignaient qu'une tentative fût faite pour le délivrer, si la nouvelle de son arrestation était ébruitée. De plus, la célébration de la Pâque amènerait un délai d'une semaine si le procès et l'exécution ne pouvaient avoir lieu immédiatement. Ainsi leur projet serait frustré. Pour obtenir la condamnation de Jésus, on comptait surtout sur les clameurs de la populace à laquelle se mêlait la racaille de Jérusalem. Un retard d'une semaine amènerait peut-être un apaisement de l'effervescence et rendrait possible une réaction. La meilleure partie du peuple pourrait alors prendre parti pour le Christ, et plusieurs lui apporteraient un témoignage favorable, en faisant connaître ses oeuvres extraordinaires. Ceci aurait attiré sur le sanhédrin l'indignation du peuple. On blâmerait alors les poursuites dont Jésus avait été l'objet, et le Christ, remis en liberté, recevrait de nouveaux hommages de la foule. Les prêtres et les principaux décidèrent donc de livrer Jésus aux Romains avant que leur dessein ne fût rendu public. JC 703 1 Mais il fallait tout d'abord trouver un chef d'accusation. Jusqu'ici on n'avait abouti à rien. Anne donna l'ordre de conduire Jésus auprès de Caïphe. Celui-ci appartenait au parti des sadducéens, dont quelques-uns étaient les ennemis les plus acharnés de Jésus. Caïphe, quoique manquant de force de caractère, était aussi dur, aussi impitoyable et aussi dépourvu de scrupules que ne l'était Anne. Il n'allait épargner aucun moyen pour supprimer Jésus. C'était de très bonne heure, et il faisait encore sombre; éclairée par la lumière des torches et des lanternes, la bande armée conduisit son prisonnier au palais du souverain sacrificateur. Là, pendant que les membres du sanhédrin s'assemblaient, Anne et Caïphe recommencèrent à interroger Jésus, mais sans succès. JC 703 2 Quand le conseil se fut rassemblé dans la salle du tribunal, Caïphe prit place sur le fauteuil présidentiel. A ses côtés se tenaient les juges et ceux qui s'intéressaient plus particulièrement au procès. Des soldats romains montaient la garde sur l'estrade au-dessous du siège au pied duquel se tenait Jésus; tous les regards étaient fixés sur lui. L'agitation était extrême. Jésus, seul, calme et serein, paraissait entouré d'une atmosphère de sainte influence. JC 704 1 Caïphe avait considéré Jésus comme un rival. L'empressement du peuple à écouter le Sauveur et, au moins en apparence, à accepter ses enseignements, avait excité l'envie du souverain sacrificateur. Cependant, en regardant son prisonnier, Caïphe ne pouvait, maintenant, s'empêcher d'admirer son attitude noble et digne, ni se dérober à la conviction que l'homme qui se tenait devant lui était de race divine. Mais, rejetant bientôt cette pensée, il demanda, sur un ton moqueur et hautain, que Jésus accomplît devant ses juges l'un de ses miracles puissants. Le Sauveur parut ne pas l'entendre. Les assistants ne pouvaient s'empêcher d'établir une comparaison entre l'excitation et la malice d'Anne et de Caïphe, et l'attitude douce et majestueuse de Jésus. La foule endurcie se demandait si cet homme, à l'aspect d'un Dieu, devrait être condamné comme un criminel. JC 704 2 Caïphe, s'étant rendu compte que les choses prenaient une tournure favorable à Jésus, précipita le dénouement. Les ennemis de Jésus étaient très perplexes. Ils étaient bien décidés à le faire condamner, mais comment y arriver, c'est ce qu'ils ne savaient pas. Une partie des membres du conseil était composée de pharisiens, l'autre de sadducéens. Une grande animosité régnait entre eux; il y avait des sujets de controverse que l'on n'osait aborder de crainte de susciter une querelle. Il eût suffi à Jésus de quelques mots pour éveiller les préjugés qu'ils nourrissaient les uns envers les autres et pour détourner leur colère de sa personne. Caïphe le savait et il tenait à éviter toute dispute. Il ne manquait pas de témoins pour dire que le Christ avait dénoncé les prêtres et les scribes, les accusant d'hypocrisie et de meurtre, mais il ne convenait pas d'exploiter ce témoignage. En effet, les sadducéens avaient usé du même langage à l'endroit des pharisiens à l'occasion de leurs violents débats. D'ailleurs un tel témoignage ne serait d'aucun poids auprès des Romains, qui n'éprouveraient que dégoût pour les prétentions des pharisiens. Il était évident que Jésus avait méconnu les traditions des Juifs et parlé d'une manière irrespectueuse de plusieurs de leurs ordonnances; mais, sans compter que les pharisiens et les sadducéens étaient en conflit au sujet de la tradition, ceci ne serait d'aucun poids à l'égard des Romains. Les ennemis du Christ n'osaient pas l'accuser d'avoir violé le sabbat, de crainte qu'une enquête ne révélât le caractère de son oeuvre. Si ses miracles de guérison étaient mis en lumière, les prêtres obtiendraient l'effet opposé à celui cherché. JC 705 1 On avait acheté de faux témoins pour accuser Jésus d'avoir provoqué des rébellions et de s'être efforcé d'établir un gouvernement indépendant; mais pressés de questions, ils durent se rétracter, leurs témoignages étant vagues et contradictoires. JC 705 2 Dans les commencements de son ministère, le Christ avait dit: "Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai." Dans ce langage prophétique figuré, il avait annoncé sa mort et sa résurrection. "Il parlait du temple de son corps."2 Les Juifs, donnant à ces paroles un sens littéral, les avaient appliquées au temple de Jérusalem. C'était la seule chose, parmi toutes les déclarations du Christ, dont les prêtres pussent se servir contre lui. Ils espéraient obtenir un avantage en falsifiant cette déclaration. Les Romains s'étaient intéressés à la reconstruction et à l'embellissement du temple. Toute parole de mépris à son sujet provoquerait donc leur orgueilleuse indignation. Sur ce terrain, les Romains et les Juifs, les pharisiens et les sadducéens pouvaient se rencontrer, car tous professaient la plus grande vénération pour le temple. On finit par trouver deux témoins qui ne se contredisaient pas autant que leurs prédécesseurs. L'un d'eux, que l'on avait corrompu à prix d'argent, porta cette accusation: "Cet homme a dit: Je puis détruire le temple de Dieu et le rebâtir en trois jours." C'était altérer les paroles du Christ. Si celles-ci avaient été rapportées fidèlement, elles n'auraient pas obtenu du sanhédrin une sentence de condamnation. Si Jésus n'était qu'un homme, comme le prétendaient les Juifs, une déclaration semblable eût trahi une folle présomption sans qu'on pût la transformer en un blasphème. Même sous la forme que lui donnaient les faux témoins, cette parole ne contenait rien que les Romains pussent considérer comme un crime digne de mort. JC 705 3 Jésus, sans prononcer une seule parole pour sa défense, écoutait patiemment ces fausses dépositions. A la fin, ses accusateurs, embarrassés, confondus, devinrent furieux. Le procès n'avançait pas: leur complot paraissait sur le point d'échouer. A Caïphe, désespéré, il ne restait plus qu'une ressource: obliger le Christ à se condamner lui-même. Le grand prêtre se leva de son siège, le visage décomposé par la passion; sa voix et son maintien montraient assez qu'il aurait volontiers abattu le prisonnier qui se tenait devant lui. "Ne réponds-tu rien? s'écria-t-il. Qu'est-ce que ces gens déposent contre toi?" JC 706 1 Jésus garda le silence. "Il est maltraité et il s'humilie: il n'ouvre point la bouche. Comme l'agneau qu'on mène à la boucherie, comme la brebis muette devant ceux qui la tondent, il n'a pas ouvert la bouche."3 JC 706 2 Alors Caïphe, levant vers le ciel la main droite, s'adressa à Jésus avec la plus grande solennité: "Je t'adjure, par le Dieu vivant, de nous dire si tu es le Christ, le Fils de Dieu." JC 706 3 Devant un tel appel, le Christ ne pouvait plus se taire. S'il y a un temps pour se taire, il y a aussi un temps pour parler. Il n'avait pas parlé tant qu'il n'avait pas été pris à partie directement. Il savait qu'une réponse donnée maintenant rendrait sa mort certaine. Mais l'appel venant de la plus haute autorité reconnue par la nation, et fait au nom du Très-Haut, le Christ ne voulut pas manquer au respect dû à la loi. D'autre part sa relation avec le Père était en question. Il devait donc attester clairement son caractère et sa mission. Jésus avait dit aux disciples: "Quiconque me confessera devant les hommes, je le confesserai, moi aussi, devant mon Père qui est dans les cieux."4 Il voulut, à cette heure, confirmer cet enseignement par son propre exemple. Toutes les oreilles étaient tendues, et tous les yeux étaient fixés sur son visage tandis qu'il répondait: "Tu l'as dit." Une lumière céleste parut éclairer sa figure lorsqu'il ajouta: "De plus, je vous le déclare, vous verrez désormais le Fils de l'homme assis à la droite de la Puissance de Dieu et venant sur les nuées du ciel." JC 706 4 Un instant la divinité du Christ éclata à travers le déguisement de son humanité. Le souverain sacrificateur trembla devant le regard pénétrant du Sauveur. Ce regard semblait lire ses pensées secrètes et mettait son coeur en feu. Il ne put jamais oublier, par la suite, ce regard inquisiteur du Fils de Dieu persécuté. JC 707 1 "Vous verrez désormais le Fils de l'homme assis à la droite de la Puissance de Dieu et venant sur les nuées du ciel", déclara Jésus. Dans ce tableau tracé par ces paroles du Christ les rôles seront intervertis. Alors, le Seigneur de la vie et de la gloire sera assis à la droite de Dieu. Il sera le Juge de toute la terre; ses décisions seront sans appel. Toutes les choses secrètes seront alors amenées à la lumière de la face de Dieu, et chacun sera jugé selon ses oeuvres. Ces paroles du Christ firent frémir le souverain sacrificateur. La pensée qu'il pût y avoir une résurrection des morts, quand tous comparaîtraient à la barre de Dieu pour recevoir leur rétribution, remplissait Caïphe de terreur. Il n'aimait pas à penser qu'un moment viendrait où il aurait à rendre compte de ses oeuvres. Les scènes du jugement final s'offrirent à son esprit comme dans un panorama. Il eut un instant le spectacle effroyable des sépulcres rendant leurs morts avec les secrets qu'il imaginait enterrés pour toujours. Il se crut devant le Juge éternel, dont le regard, qui voit toutes choses, lisait dans son âme, faisant jaillir à la lumière des mystères qu'il supposait ensevelis éternellement avec les morts. JC 707 2 Mais bientôt cette scène s'effaça de son esprit. Le sadducéen, qui avait nié la doctrine de la résurrection, du jugement et de la vie future, était blessé au vif; une fureur satanique l'emportait. Cet homme, qui se tenait devant lui, dans l'attitude d'un prisonnier, allait-il s'attaquer à ses théories les plus chères? Feignant une indignation sacrée, il déchira sa robe et demanda que le prisonnier fût, sans autre forme de procès, condamné comme blasphémateur. "Qu'avons-nous encore besoin de témoins? dit-il. Vous venez d'entendre le blasphème. Qu'en pensez-vous?" Tous furent d'accord pour le condamner. JC 707 3 La conviction qui s'était emparée de lui, mêlée à la passion, détermina la conduite de Caïphe. Furieux de ne pouvoir s'empêcher de croire aux paroles du Christ, au lieu de déchirer son coeur sous l'impression produite par la vérité et de confesser la messianité de Jésus, il déchira sa robe sacerdotale, décidé à résister. Ce geste revêtait une signification profonde. Par cet acte, qui visait à influencer les juges et assurer la condamnation du Christ, le souverain sacrificateur s'est condamné lui-même. Au regard de la loi de Dieu il s'était disqualifié en vue du sacerdoce. Il avait prononcé une sentence de mort sur lui-même. JC 708 1 Le souverain sacrificateur ne devait pas déchirer ses vêtements. La loi lévitique le lui défendait sous peine de mort. Aucune circonstance, aucune occasion, n'autorisait un prêtre à déchirer sa robe. Les Juifs avaient la coutume de déchirer leurs vêtements à la mort de leur amis, mais il était interdit au prêtre de se conformer à cet usage. Le Christ avait donné à Moïse un commandement positif à cet égard.5 JC 708 2 Tout ce que le prêtre portait devait être entier et sans tache. Ses beaux vêtements officiels représentaient le caractère de Jésus-Christ, le grand Antitype. Dieu ne pouvait rien accepter qui ne fût parfait, soit dans le vêtement et l'attitude, soit en paroles et en esprit. Il est saint, et le service terrestre devait donner une idée de sa gloire et de sa perfection. La sainteté du service céleste ne pouvait être représentée convenablement par quoi que ce soit qui ne fût parfait. L'homme borné peut déchirer son propre coeur pour montrer un esprit humble et contrit. Dieu apprécie cela. Mais aucune déchirure ne devait être faite aux vêtements sacerdotaux, car cela eût faussé la représentation des choses célestes. Le souverain sacrificateur qui eût osé paraître, dans l'exercice de ses fonctions sacrées, et vaquer au service du sanctuaire avec une robe déchirée, eût été considéré comme ayant rompu avec Dieu. En déchirant son vêtement il perdait son caractère représentatif et cessait d'être accepté par Dieu en qualité de prêtre officiant. La conduite de Caïphe était donc le fruit d'une passion humaine et révélait l'imperfection de son caractère. JC 708 3 En déchirant ses vêtements, Caïphe anéantissait la loi de Dieu, au profit d'une tradition humaine. Une loi établie par les hommes permettait, en effet, au prêtre qui avait entendu un blasphème, de déchirer impunément son vêtement pour montrer son horreur. Ainsi les lois humaines avaient supplanté la loi divine. JC 709 1 La curiosité du peuple s'attachait aux moindres actes du souverain sacrificateur; et Caïphe visait à l'effet en faisant étalage de piété. Mais, par cet acte, dirigé contre le Christ, il injuriait celui dont Dieu a dit: "Mon nom est en lui."6 C'est lui qui se rendait coupable de blasphème. Et au moment même où il était l'objet de la condamnation divine, il condamnait le Christ comme blasphémateur. JC 709 2 En déchirant son vêtement, Caïphe annonçait, sans le vouloir, quelle serait désormais la position de la nation juive à l'égard de Dieu. Le peuple, jusque-là l'élu de Dieu, rompait avec lui, et Jéhovah allait bientôt cesser de le reconnaître. Quand le Christ s'écria sur la croix: "Tout est accompli",7 et que le voile du temple se déchira en deux, celui qui veille du haut des cieux annonça que le peuple juif avait rejeté l'Antitype vers lequel convergeaient tous les symboles, toutes les figures de leur culte. Israël avait consommé sa rupture avec Dieu. Caïphe pouvait bien déchirer sa robe officielle, qui attestait sa prétention à représenter le grand Souverain Sacrificateur; en effet, ce vêtement n'avait plus aucune signification ni pour lui ni pour le peuple. Le souverain sacrificateur pouvait bien exprimer l'horreur qu'il éprouvait pour lui-même et pour la nation en déchirant son vêtement. JC 709 3 Le sanhédrin avait déclaré que Jésus était digne de mort; cependant la loi juive ne permettait pas de juger un prisonnier, de nuit. Une condamnation légale ne pouvait avoir lieu qu'à la lumière du jour et dans une séance plénière du conseil. Malgré cela le Sauveur fut traité comme un criminel, condamné et livré aux mauvais traitements des êtres les plus vils. Les soldats et la foule s'étaient rassemblés dans la cour du palais du souverain sacrificateur. A travers cette foule, Jésus fut conduit dans la loge du corps de garde, tandis que de tous côtés on se moquait de son titre de Fils de Dieu. On tournait en dérision les paroles dont il s'était servi, "assis à la droite de la Puissance de Dieu et venant sur les nuées du ciel". Tandis qu'il attendait, là, le jugement légal, il n'était l'objet d'aucune protection. La tourbe ignorante, qui avait vu avec quelle sévérité il avait été traité dans le conseil, en profita pour déchaîner tous les éléments diaboliques de sa nature. La noblesse du Christ et son aspect divin ne faisaient qu'exciter la fureur de ces misérables. Sa douceur, son innocence, sa patience majestueuse leur inspiraient une haine démoniaque. La miséricorde et la justice étaient foulées aux pieds. Aucun criminel n'a jamais été traité avec autant d'inhumanité que le Fils de Dieu. JC 710 1 Mais une douleur plus vive déchirait le coeur de Jésus; ce ne fut pas une main ennemie qui lui porta le coup le plus sensible. Tandis qu'il subissait les apparences d'un interrogatoire devant Caïphe, le Christ avait été renié par l'un de ses disciples. JC 710 2 Après avoir abandonné leur Maître dans le jardin, deux des disciples s'étaient enhardis à suivre, à quelque distance, la cohue qui entraînait Jésus. C'étaient Pierre et Jean. Jean était bien connu des prêtres en tant que disciple de Jésus, et on l'introduisit dans la salle. On espérait qu'après avoir été témoin de l'humiliation de son chef, il ne pourrait plus croire à sa divinité. Grâce à une démarche de Jean, Pierre put entrer, lui aussi. JC 710 3 Un feu avait été allumé dans la cour, car c'était l'heure la plus froide de la nuit, celle qui précède immédiatement le lever du soleil. Un groupe se tenait autour du feu, et Pierre eut la présomption d'y prendre place. Il ne désirait pas qu'on le reconnût; en se mêlant à la foule d'un air indifférent, il espérait être pris pour l'un de ceux qui avaient amené Jésus dans la salle. JC 710 4 Mais tandis que la lumière de la flamme éclairait le visage de Pierre, la portière l'examinait avec la plus vive curiosité; elle l'avait vu entrer avec Jean, et ayant remarqué son regard abattu elle supposa que c'était un disciple de Jésus. Comme elle était au service de Caïphe, elle désirait éclaircir ses soupçons et demanda à Pierre: "Toi aussi, n'es-tu pas des disciples de cet homme?" Pierre éprouva de la crainte et de la confusion. A l'instant tous les yeux se fixèrent sur lui. Bien qu'il assurât ne pas comprendre, la femme insista, disant aux personnes présentes que cet homme-là avait été vu avec Jésus. Pierre dut répondre, et il dit avec colère: "Femme, je ne le connais pas." C'était le premier reniement, et immédiatement le coq chanta. O Pierre! tu as déjà honte de ton Maître? Et tu renies ton Seigneur! JC 711 1 En entrant dans la salle du tribunal, Jean n'avait pas essayé de dissimuler sa qualité de disciple de Jésus. Il ne rechercha pas la compagnie des gens grossiers qui injuriaient son Maître. On ne l'interrogea pas, parce qu'il ne s'était pas donné une fausse attitude et n'avait pas prêté aux soupçons. Il se retira dans un coin où il pût rester inaperçu, mais aussi près que possible de Jésus. De là il pouvait voir et entendre tout ce qui se faisait, pendant le procès du Seigneur. JC 711 2 Pierre n'avait pas voulu se faire connaître. Par son air détaché il s'était placé sur le terrain de l'ennemi, et il fut une proie facile pour la tentation. Appelé à combattre pour le Maître, il eût été un soldat courageux; cependant il se montra lâche lorsqu'un doigt méprisant se dirigea vers lui. Bien des personnes, qui n'hésitent pas à lutter pour leur Maître, renient pourtant leur foi dès qu'elles sont l'objet du ridicule. En entrant dans la société de ceux que l'on devrait éviter, on se place sur le chemin de la tentation. On invite, en quelque sorte, le tentateur, et on arrive à dire et à faire des choses dont on ne se serait jamais rendu coupable dans d'autres circonstances. Le disciple du Christ qui, de nos jours, dissimule sa foi, par crainte des souffrances ou de l'opprobre, renie son Maître tout aussi sûrement que ne l'a fait Pierre dans la cour du grand prêtre. JC 711 3 Bien que Pierre semblât ne pas s'intéresser au procès de son Maître, il avait le coeur torturé par les injures odieuses et les mauvais traitements dont Jésus était l'objet. De plus, il était surpris et irrité de voir que Jésus se laissait humilier, et ses disciples avec lui. C'est pour cacher ses vrais sentiments qu'il essaya de se dissimuler dans la foule des persécuteurs de Jésus. Mais son allure n'était pas naturelle. Il mentait par ses actes, et, tout en s'efforçant de parler comme un indifférent, il ne pouvait s'empêcher de manifester son indignation à la vue des insultes dont son Maître était abreuvé. JC 712 1 L'attention fut attirée sur lui une seconde fois, et, de nouveau, il fut accusé d'être un disciple de Jésus. Il déclara alors avec serment: "Je ne connais pas l'homme dont vous parlez." Une autre occasion lui fut encore accordée. Une heure plus tard, l'un des serviteurs du grand prêtre, parent de celui à qui Pierre avait coupé l'oreille, lui dit: "Ne t'ai-je pas vu avec lui dans le jardin?" "Peu après, ceux qui étaient là s'approchèrent et dirent à Pierre: Certainement toi aussi, tu es de ces gens-là, car ton langage te trahit." Ceci fit bondir Pierre. Comme les disciples de Jésus étaient connus pour la correction de leur langage, Pierre qui voulait tromper ceux qui l'interrogeaient et persévérer dans son rôle, se mit à renier son Maître en proférant des malédictions accompagnées de jurements. De nouveau, le coq chanta. Pierre, l'ayant entendu cette fois, se souvint des paroles de Jésus: "Avant que le coq chante deux fois, toi tu me renieras trois fois."8 JC 712 2 Ces jurements avilissants étaient encore sur les lèvres de Pierre, et les cris perçants du coq retentissaient encore à ses oreilles, lorsque le Sauveur se détourna de ses juges pour regarder fixement le pauvre disciple. Au même instant les yeux de Pierre furent attirés vers le Maître. Sur le tendre visage de celui-ci on ne lisait aucune colère, mais seulement la pitié et la douleur. JC 712 3 Le coeur du renégat fut percé comme par une flèche à la vue de ce visage pâle et souffrant, de ces lèvres tremblantes, de ce regard exprimant la compassion et le pardon. Sa conscience se réveilla. Les souvenirs affluèrent à son esprit. Il se rappela comment, quelques heures auparavant, il avait promis à son Maître de l'accompagner en prison et à la mort; comment il avait été offensé en entendant le Sauveur lui dire, dans la chambre haute, qu'il renierait trois fois son Maître cette nuit même. Pierre venait d'affirmer qu'il ne connaissait pas Jésus, mais il voyait, maintenant, avec douleur, combien le Seigneur, lui, le connaissait, et avec quelle assurance il lisait dans son coeur, ce coeur dont lui-même ne devinait pas toute la fourberie. JC 712 4 Pierre se souvint de la tendre miséricorde du Sauveur, de sa bonté, de sa longanimité, de sa patience envers les disciples égarés et de l'avertissement donné: "Simon, Simon, Satan vous a réclamés, pour vous passer au crible comme le blé. Mais j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas."9 Il réfléchissait avec horreur à son ingratitude, à sa fausseté, à son parjure. Une fois de plus il dirigea ses regards vers le Maître et aperçut une main sacrilège qui se levait pour le frapper au visage. Incapable de supporter plus longtemps la vue de cette scène, le coeur brisé, il se précipita hors de la cour. JC 713 1 S'enfonçant dans la solitude et les ténèbres, sans savoir où il allait, il finit par se retrouver à Gethsémané. Ce qu'il avait vu quelques heures auparavant se présenta avec force à son esprit: Jésus pleurant et luttant seul, en prière, tandis que dormaient ceux qui auraient dû s'unir à lui à cette heure d'épreuve; le visage souffrant du Seigneur, taché d'une sueur de sang et décomposé par l'angoisse. Il se rappela la recommandation solennelle: "Veillez et priez, afin de ne pas entrer en tentation."10 La scène du tribunal repassa devant lui. Quel supplice pour son coeur saignant de penser qu'il avait contribué à accroître l'humiliation et la douleur du Sauveur! A l'endroit même où Jésus avait répandu son âme agonisante devant son Père, Pierre tomba la face contre terre et souhaita mourir. JC 713 2 Jésus lui avait recommandé de veiller et de prier; au lieu de cela, Pierre s'était endormi, frayant ainsi la voie à son grand péché. Tous les disciples éprouvèrent une grande perte en dormant à cette heure critique. Le Christ savait par quelle dure épreuve ils devaient passer. Il savait que Satan s'efforcerait de paralyser leurs sens, pour qu'ils ne fussent pas prêts en vue de l'épreuve. C'est pour cela qu'il leur donna cet avertissement. S'ils avaient passé dans le jardin ces heures à veiller et à prier, Pierre n'eût pas été abandonné à ses faibles forces; il n'eût pas renié son Maître. Si les disciples avaient veillé avec le Christ pendant son agonie, ils eussent été préparés aux souffrances de la croix. Ils auraient compris, dans une certaine mesure, la nature de l'angoisse qui terrassa leur Maître; ils se seraient rappelé les paroles par lesquelles il avait prédit ses souffrances, sa mort et sa résurrection. Quelques rayons d'espérance eussent percé les ténèbres de cette heure d'épreuve et soutenu leur foi. JC 714 1 Dès qu'il fit jour, le sanhédrin se rassembla à nouveau et Jésus fut ramené dans la salle du conseil. Il s'était déclaré le Fils de Dieu, et l'on s'était emparé de ses paroles pour en faire un chef d'accusation contre lui. Mais cela ne suffisait pas à le faire condamner, car plusieurs, n'ayant pas assisté à la séance nocturne, n'avaient, par conséquent, pas entendu ses paroles. On savait aussi que le tribunal romain n'y verrait rien qui fût digne de mort. Mais si l'on pouvait recueillir une seconde fois de ses lèvres les paroles qu'il avait prononcées, le but serait atteint. On ferait passer ses prétentions à la messianité pour une tentative de sédition politique. JC 714 2 "Ils dirent: Si tu es le Christ, dis-le nous." Mais Jésus garda le silence. On continua de l'accabler de questions. Il finit par leur répondre, avec les accents de la plus profonde tristesse: "Si je vous le dis, vous ne le croirez point; et si je vous interroge, vous ne répondrez point." Et afin de les laisser sans excuse, le Sauveur ajouta cet avertissement solennel: "Désormais le Fils de l'homme sera assis à la droite de la puissance de Dieu."11 JC 714 3 "Tu es donc le Fils de Dieu?" s'écrièrent-ils tous d'une seule voix. Il leur répondit: "Vous le dites, je le suis." Alors ils s'écrièrent: "Qu'avons-nous encore besoin de témoignage? Nous l'avons entendu nous-mêmes de sa bouche." JC 714 4 Ainsi, condamné pour la troisième fois par les autorités juives, Jésus devait mourir. Il ne fallait plus qu'une chose, pensait-on: obtenir des Romains la ratification de cette sentence et le livrer entre leurs mains. JC 714 5 Suivit une troisième scène de mauvais traitements et de moqueries pires encore que ceux dont l'avait abreuvé une tourbe ignorante. Ceci eut lieu en présence même des prêtres et des principaux, et avec leur approbation. Tout sentiment de pitié et d'humanité avait abandonné leurs coeurs. Si leurs arguments n'avaient pas de poids, et s'ils n'avaient pas réussi à lui imposer le silence, ils disposaient d'autres armes, celles dont on s'est servi à toute époque pour réduire les hérétiques: la souffrance, la violence et la mort. JC 715 1 Quand les juges eurent prononcé la condamnation de Jésus, une fureur diabolique s'empara de la foule. C'était comme un rugissement de bêtes féroces. La populace se précipita vers Jésus en criant: Il est coupable, qu'on le mette à mort! Sans l'intervention des soldats romains, Jésus n'aurait pas vécu assez longtemps pour être cloué à la croix du Calvaire. Il eût été mis en pièces en présence de ses juges, si les autorités romaines n'avaient opposé la force armée à la violence de la populace. JC 715 2 Des païens étaient irrités par les traitements brutaux infligés à un homme contre lequel rien n'avait été prouvé. Les officiers romains déclaraient qu'en condamnant Jésus les Juifs avaient porté atteinte au pouvoir romain et que d'ailleurs condamner à mort un homme sur son propre témoignage seulement était une chose incompatible avec la loi juive. Cette intervention ralentit momentanément la procédure, mais les chefs juifs étaient totalement insensibles à la pitié comme à la honte. JC 715 3 Oubliant la dignité de leur office, les prêtres et les principaux lancèrent contre le Fils de Dieu les épithètes les plus abjectes. On se moquait de sa parenté. On disait qu'en se proclamant le Messie il s'était rendu coupable de présomption et qu'il méritait la mort la plus ignominieuse. Les hommes les plus corrompus infligeaient au Sauveur des traitements infâmes. On jeta sur sa tête un vieux vêtement et ses persécuteurs le frappèrent au visage en disant: "Christ, devine, dis-nous qui t'a frappé." Quand on lui ôta son vêtement, un misérable lui cracha au visage. Les anges de Dieu enregistraient fidèlement chaque regard, chaque parole et chaque acte injurieux dont leur Chef bien-aimé était l'objet. Le jour viendra où ces vils moqueurs qui ont craché sur le visage calme et pâle du Christ le verront dans sa gloire, plus resplendissant que le soleil. ------------------------Chapitre 76 -- Judas JC 716 0 Ce chapitre est basé sur Jean 13:27. JC 716 1 Judas aurait pu être honoré de Dieu; au lieu de cela, il finit misérablement sa vie. S'il était mort avant le dernier voyage à Jérusalem, il aurait laissé le souvenir d'un homme digne d'avoir sa place parmi les douze, et sa disparition eût fait un grand vide. L'infamie qui est restée attachée à son nom, à travers les siècles, est due aux vices qu'il a manifestés vers la fin de sa vie. Mais c'est à dessein que son caractère a été dévoilé. Il devait servir d'avertissement à tous ceux qui, comme lui, trahiraient leur mission sacrée. JC 716 2 Peu de temps avant la Pâque, Judas avait renouvelé son contrat avec les prêtres, à l'effet de leur livrer Jésus. On décida d'arrêter le Sauveur dans l'un des endroits où il se retirait pour méditer et prier. Après le banquet célébré chez Simon, Judas avait eu l'occasion de réfléchir sur l'acte qu'il s'était engagé à accomplir, mais il resta ferme dans son dessein. Pour trente pièces d'argent, -- le prix d'un esclave, -- il livra le Seigneur de gloire à l'ignominie et à la mort. JC 716 3 Par nature, Judas était fort attaché à l'argent. Il n'avait pas toujours été assez corrompu pour accomplir une action aussi noire, mais à force de cultiver l'esprit d'avarice, celui-ci avait fini par dominer complètement sa vie. L'amour de Mammon dépassait chez lui l'amour du Christ. En devenant l'esclave d'un vice, il s'était livré à Satan, qui devait l'entraîner jusque dans les bas-fonds du péché. JC 716 4 Judas s'était joint aux disciples alors que le Christ avait les foules pour lui. L'enseignement du Sauveur remplissait les coeurs d'émotion tandis qu'on l'écoutait, ravi, dans les synagogues, au bord de la mer, ou sur la montagne. Des villes et des villages Judas avait vu accourir les malades, les infirmes, les aveugles; il avait vu déposer aux pieds de Jésus des mourants; il avait été témoin des oeuvres puissantes du Sauveur, alors qu'il guérissait ces malades, chassait les démons et ressuscitait les morts. Il avait ressenti en lui-même la puissance du Christ. L'enseignement divin lui avait paru supérieur à tout ce qu'il avait jamais entendu. Il avait aimé le grand Maître, et désiré l'accompagner. Il avait souhaité un changement de caractère et de vie, et espéré que ce changement résulterait de sa relation avec Jésus. Le Sauveur ne repoussa pas Judas et lui accorda une place parmi les douze. Il lui confia l'oeuvre d'un évangéliste, lui communiquant le pouvoir de guérir les malades et de chasser les démons. Mais Judas ne s'abandonna jamais totalement à l'influence du Christ. Il ne renonça pas à son ambition mondaine et à son amour de l'argent. Bien qu'il eût accepté d'exercer un ministère auprès du Maître, il ne voulut jamais se laisser façonner par l'action divine. Entretenant une disposition à la critique et à la médisance, il pensait pouvoir garder sa liberté de jugement et d'opinions. JC 717 1 Judas jouissait d'une haute estime auprès des disciples sur qui il exerçait une profonde influence. Lui-même avait assez bonne opinion de ses qualités, et considérait ses frères comme lui étant très inférieurs, sous le rapport du jugement et de l'habileté. Il lui semblait qu'ils ne savaient pas saisir les occasions et tirer parti des circonstances favorables. L'Eglise, pensait-il, ne pourrait jamais prospérer avec des chefs dont la vue était aussi bornée. L'impétueux Pierre agirait sans réflexion. Jean, qui thésaurisait les vérités sortant des lèvres du Christ, était considéré par Judas comme un pauvre financier. Matthieu, qui avait pris l'habitude de l'ordre, était très scrupuleux sous le rapport de l'honnêteté, et si absorbé dans la méditation des paroles du Christ, que Judas n'aurait jamais voulu lui confier des affaires où il fallait un esprit vif et pénétrant. Judas faisait donc la revue de tous les disciples et s'imaginait que l'Eglise se trouverait souvent perplexe et embarrassée sans son habileté d'administrateur. Il se considérait comme un homme capable, sans égal. Il ne cessait pas de penser que sa présence était un honneur pour la cause. JC 718 1 Judas était complètement aveugle en ce qui concernait ses faiblesses de caractère; pour cette raison le Christ lui donna l'occasion de les apercevoir et de s'en corriger. En tant que trésorier des disciples, il se trouvait appelé à pourvoir aux nécessités du groupe et à distribuer des secours aux pauvres. Quand Jésus lui avait dit, dans la chambre pascale: "Ce que tu fais, fais-le vite", les disciples avaient pensé que le Maître lui donnait l'ordre d'acheter ce qui était nécessaire pour la fête ou de donner quelque chose aux pauvres. En travaillant au service d'autrui, Judas aurait pu se former un esprit désintéressé. Mais, tout en écoutant tous les jours les leçons du Christ et en voyant sa vie exempte d'égoïsme, Judas caressait sa propre cupidité. Les petites sommes d'argent qui passaient entre ses mains étaient pour lui une tentation continuelle. Souvent, lorsqu'il avait rendu au Christ un petit service, ou consacré du temps à quelque activité religieuse, il se dédommageait en puisant dans les maigres fonds communs. S'il parvenait à s'excuser à ses propres yeux, au regard de Dieu il était un voleur. JC 718 2 Scandalisé, en entendant le Christ répéter si souvent que son royaume n'était pas de ce monde, Judas avait tracé un plan d'après lequel le Christ devait travailler. D'après lui, Jean-Baptiste aurait dû être délivré de sa prison. Mais voici que Jean avait été décapité. Au lieu d'affirmer son droit royal et de venger la mort de Jean, Jésus s'était retiré à la campagne avec ses disciples. Judas préconisait une attitude plus agressive et pensait que l'oeuvre eût mieux réussi si Jésus n'avait pas empêché les disciples de suivre leurs projets. Il observait l'inimitié croissante des conducteurs juifs et s'étonnait de voir leurs défis rester sans réponse quand ils demandaient au Christ un signe venant du ciel. Son coeur était accessible à l'incrédulité, et l'ennemi lui suggérait des pensées de doute et de révolte. Pourquoi Jésus insistait-il tellement sur des pensées décourageantes? Pourquoi prédisait-il des épreuves et des persécutions pour lui et ses disciples? C'est la perspective d'obtenir une haute situation dans le nouveau royaume qui avait amené Judas à épouser la cause du Christ. Ses espérances allaient-elles être déçues? Judas n'était pas convaincu que Jésus ne fût pas le Fils de Dieu, mais il doutait, et il cherchait quelque autre explication à ses oeuvres miraculeuses. JC 719 1 En dépit de l'enseignement du Sauveur, Judas avançait continuellement l'idée que le Christ allait régner à Jérusalem. Lorsque cinq mille hommes furent rassasiés, il essaya de réaliser son dessein; ayant participé à la distribution de la nourriture faite à la multitude affamée, il avait eu l'occasion de voir le bien qu'il lui était donné de faire à d'autres. Il avait goûté la satisfaction que l'on éprouve toujours au service de Dieu et s'était employé à amener au Christ les malades et les affligés qui se trouvaient dans la foule. Il avait vu quel soulagement, quelle joie, quel bonheur apporte au coeur humain la puissance vivifiante du Guérisseur et il aurait été capable de comprendre les méthodes du Christ; mais il était aveuglé par ses désirs égoïstes. Il voulait d'abord tirer parti de l'enthousiasme qu'avait provoqué le miracle de la multiplication des pains. C'est lui qui avait mis sur pied le projet de s'emparer du Christ, par la force, pour le couronner Roi. Sa déception avait été d'autant plus grande que ses espérances étaient plus vastes. JC 719 2 Le discours prononcé par le Christ, dans la synagogue, au sujet du Pain de vie, fut décisif dans l'histoire de Judas. Il entendit les paroles: "Si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme et si vous ne buvez son sang, vous n'avez pas la vie en vous."1 Il vit que le Christ offrait plutôt des biens spirituels que des biens matériels. Se croyant intelligent, il lui semblait deviner que Jésus n'obtiendrait point d'honneurs et ne pourrait pas accorder de hautes positions à ses disciples et il décida qu'il ne s'unirait pas au Christ d'une façon si intime qu'il ne pût se dégager. Il allait surveiller les événements. JC 719 3 Dès lors, il exprima des doutes qui jetèrent la confusion dans l'esprit des disciples; il égarait ceux-ci en provoquant des discussions, en répétant les arguments que les scribes et les pharisiens opposaient aux prétentions du Christ. Toutes les difficultés et les contrariétés petites ou grandes, ainsi que les obstacles qui paraissaient retarder les progrès de l'Evangile, étaient pour Judas autant de raisons de douter. Il citait des passages de l'Ecriture qui n'avaient point de rapport avec les vérités que le Christ enseignait. Ces passages, isolés de leur contexte, troublaient les disciples et augmentaient le découragement dont ils étaient sans cesse menacés. Judas laissait croire qu'il obéissait à sa conscience. Et pendant que ses compagnons cherchaient des preuves qui vinssent confirmer les paroles du grand Maître, Judas les conduisait insensiblement sur d'autres sentiers. C'est ainsi qu'avec une apparence de piété et de sagesse il présentait les choses sous un autre jour que celui sous lequel Jésus les avait présentées et donnait à ses paroles une signification qu'elles n'avaient pas. Les suggestions de Judas avaient pour effet de pousser constamment les disciples dans la voie des ambitions temporelles et de les détourner ainsi des choses importantes dont ils auraient dû s'occuper. C'est lui qui, en général, provoquait des discussions pour savoir lequel d'entre eux était le plus grand. JC 720 1 Lorsque Jésus dit au jeune homme à quelle condition il le prendrait pour disciple, Judas en éprouva du déplaisir. Il crut qu'une erreur avait été commise. Des hommes comme ce chef, recrutés parmi les croyants, auraient puissamment soutenu la cause du Christ. Judas se croyait capable de donner des conseils et suggérait bien des plans qu'il prétendait avantageux pour la petite Eglise. Ses principes et ses méthodes ne seraient pas tout à fait ceux du Christ, mais il se jugeait à ce sujet plus sage que son Maître. JC 720 2 Il y avait toujours quelque chose que Judas ne pouvait accepter dans tout ce que le Christ disait aux disciples. Sous l'influence du traître, un levain de mécontentement agissait rapidement. Les disciples ne se rendaient pas compte du danger, mais Jésus s'apercevait que Satan faisait endosser à Judas sa livrée et faisait de lui un instrument pour influencer les autres disciples. C'est ce que le Christ avait donné à entendre une année auparavant. "N'est-ce pas moi qui vous ai choisis, vous les douze? avait-il dit. Et l'un de vous est un démon."2 JC 721 1 Cependant Judas ne s'opposait pas d'une manière ostensible aux enseignements du Sauveur. C'est au banquet offert par Simon qu'il osa, pour la première fois, exprimant ses sentiments d'avarice, murmurer ouvertement, lorsque Marie oignit les pieds du Sauveur. Le reproche de Jésus le remplit de fiel. L'amour-propre blessé et le désir de vengeance rompirent leurs digues et la cupidité qu'il avait si longtemps caressée prit complètement possession de lui. La même chose arrivera à tous ceux qui s'obstinent à jouer avec le péché. Les principes mauvais, non combattus et vaincus, offrent une prise aux tentations, et l'âme devient captive de la volonté de Satan. JC 721 2 Judas n'était cependant pas encore complètement endurci. Même alors qu'à deux reprises il avait pris l'engagement de trahir le Sauveur, il lui restait encore la possibilité de se repentir. Pendant le souper de Pâque, Jésus avait montré sa divinité en dévoilant le dessein du traître. Il avait eu la bonté d'inclure Judas dans le ministère exercé en faveur des disciples. Mais le dernier appel de l'amour resta sans réponse. Alors le destin de Judas fut fixé irrévocablement, et les pieds que Jésus venait de laver s'en allèrent accomplir l'oeuvre du traître. JC 721 3 Judas raisonnait ainsi: Si Jésus doit être crucifié, il faut que la chose arrive. L'acte par lequel le Sauveur serait trahi ne changerait rien au résultat. Et si Jésus ne doit pas mourir, il se verra forcé de se délivrer lui-même. De toute manière, Judas tirerait profit de sa perfidie. Il pensait donc faire une bonne affaire en livrant son Maître. JC 722 4 Judas ne pensait pas que le Christ se laisserait arrêter. Il se proposait, en le trahissant, de lui donner une leçon et voulait obliger le Sauveur à le traiter dorénavant avec respect. Judas ne savait pas qu'il livrait le Christ à la mort. Combien de fois, par les illustrations frappantes qui accompagnaient ses paraboles, le Sauveur avait réussi à mettre hors de la voie les scribes et les pharisiens et les avait forcés à se condamner eux-mêmes. Souvent, quand la vérité les avait blessés au coeur, pleins de rage, ils avaient saisi des pierres pour le lapider; mais toujours il leur avait échappé. Il s'était évadé de tant de pièges, que Judas était certain qu'il ne se laisserait jamais prendre; il décida de risquer l'aventure. Si Jésus était vraiment le Messie, les gens auxquels il avait fait tant de bien se rallieraient sous son drapeau et le proclameraient Roi. Ceci contraindrait bien des esprits indécis à prendre parti. Judas aurait l'honneur d'avoir placé le Roi sur le trône de David; et cet acte lui assurerait la première place, immédiatement après le Christ, dans le nouveau royaume. JC 722 1 Le faux disciple joua son rôle: il trahit Jésus. Lorsque, dans le jardin, il avait dit à l'entraîneur de la foule: "Celui à qui je donnerai un baiser, c'est lui: saisissez-le",3 il croyait fermement que le Christ s'échapperait de leurs mains. Et si on lui avait adressé des reproches, il se serait défendu en disant: Ne vous ai-je pas dit de bien le tenir? JC 722 2 On le prit au mot, et Jésus fut lié fortement. Judas eut la surprise de constater que le Sauveur se laissait emmener. Il le suivit, anxieux, depuis le jardin jusqu'au lieu où se tint le procès devant les chefs de la nation juive. Il s'attendait à tout moment à ce qu'il se manifestât, à la grande surprise de ses ennemis, comme le Fils de Dieu, et à ce qu'il anéantît les desseins ourdis contre lui. Mais, à mesure que les heures s'écoulaient, Jésus subissant tous les mauvais traitements qu'on lui infligeait, le traître commença à redouter d'avoir livré son Maître à la mort. JC 722 3 Vers la fin du procès, Judas ne pouvait supporter plus longtemps les tortures de sa conscience. Soudain une voix rauque retentit dans la salle, et jeta dans tous les coeurs un frémissement de terreur: Il est innocent; Caïphe, épargne-le! JC 722 4 On vit Judas -- c'était un homme de haute stature -- se frayer un passage à travers la foule étonnée. Il était pâle et hagard, et de grosses gouttes de sueur ruisselaient de son front. Se précipitant devant le siège du juge, il jeta à terre, en présence du grand prêtre, les trente pièces d'argent, reçues pour livrer son Maître. Puis, saisissant vivement la robe de Caïphe, il le supplia de relâcher Jésus, assurant qu'il n'avait rien fait qui fût digne de mort. Caïphe, bien que confus et hésitant, se dégagea avec colère. La perfidie des prêtres était manifeste. On voyait clairement qu'ils avaient corrompu le disciple pour qu'il trahît son Maître. JC 723 1 "J'ai péché, s'écria Judas, en livrant le sang innocent." Mais le grand prêtre, qui s'était ressaisi, lui répondit d'un ton méprisant: "Que nous importe? Cela te regarde."4 Les prêtres avaient bien voulu se servir de Judas comme d'un instrument, mais ils méprisaient sa bassesse. Quand il se présenta pour confesser sa faute, ils le repoussèrent. JC 723 2 Alors Judas se jeta aux pieds de Jésus, le reconnaissant comme Fils de Dieu, et le suppliant de se délivrer. Le Sauveur ne fit aucun reproche au traître. Il savait cependant que Judas n'éprouvait pas une vraie repentance; un sentiment intolérable de réprobation et la perspective du jugement avaient arraché cette confession à son âme coupable; mais son coeur n'était pas brisé de douleur à la pensée d'avoir trahi le Fils immaculé de Dieu et renié le Saint d'Israël. Néanmoins Jésus ne prononça aucune parole de condamnation. Il jeta sur Judas un regard de pitié, et dit: "C'est pour cette heure que je suis venu dans le monde." JC 723 3 Un murmure de surprise parcourut l'assemblée. La patience du Christ à l'égard du traître était un sujet d'étonnement pour tous. On eut, une fois de plus, la conviction que cet homme n'était pas un simple mortel. Mais on ne pouvait comprendre pourquoi, s'il était vraiment le Fils de Dieu, il ne se dégageait pas de ses liens et ne triomphait pas de ses accusateurs. JC 723 4 Voyant que ses supplications restaient vaines, Judas se précipita hors de la salle en s'écriant: C'est trop tard! c'est trop tard! Il ne se sentait pas capable de vivre pour voir Jésus crucifié, et, dans son désespoir, il alla se pendre. JC 723 5 Un peu plus tard, ce même jour, sur la route qui du palais de Pilate conduisait au Calvaire, les cris tumultueux et les moqueries de la foule méchante qui accompagnait Jésus au lieu de l'exécution furent interrompus. En passant près d'un endroit retiré on vit au pied d'un arbre desséché le corps de Judas. C'était un spectacle horrible. Sous le poids de son corps la corde avec laquelle il s'était pendu à l'arbre s'était rompue. Sous l'effet de la chute le corps s'était déchiqueté et des chiens étaient occupés à le dévorer. Ses restes furent immédiatement ensevelis pour les soustraire à la vue; mais il y eut dès lors moins de moqueries dans la foule, et chez plus d'une personne la pâleur du visage révélait les pensées intérieures. Déjà la rétribution semblait atteindre ceux qui s'étaient rendus coupables du sang de Jésus. ------------------------Chapitre 77 -- Dans le prétoire de Pilate JC 725 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 27:2, 11-31; Marc 15:1-20; Luc 23:1-25; Jean 18:28-40; 19:1-16. JC 725 1 Le Christ, lié comme un prisonnier et entouré de soldats chargés de le garder, se tient dans la salle du tribunal de Pilate, le gouverneur romain. La salle ne tarde pas à se remplir de spectateurs. Dehors, tout près de l'entrée, se trouvent les juges du sanhédrin, les prêtres, les chefs, les anciens et la populace. JC 725 2 Après avoir condamné Jésus, le conseil du sanhédrin s'était adressé à Pilate pour qu'il confirmât et exécutât la sentence; ces fonctionnaires juifs se gardaient bien d'entrer dans le prétoire romain: aux termes de la loi cérémonielle, cela eût constitué une souillure ayant pour effet de les empêcher de prendre part à la fête de Pâque. Ils ne voyaient pas, dans leur aveuglement, qu'une haine sanguinaire avait déjà souillé leurs coeurs et qu'en rejetant le Christ, le véritable Agneau pascal, cette grande fête perdait pour eux toute signification. JC 725 3 Quand le Sauveur fut introduit auprès de Pilate, celui-ci le regarda d'un oeil sévère. Le gouverneur romain avait dû sortir en hâte de sa chambre à coucher, et il était décidé à traiter son prisonnier avec rigueur, s'acquittant de sa tâche le plus rapidement possible. Il dévisagea avec dureté cet homme pour qui l'on avait interrompu son repos à une heure aussi matinale et que les autorités juives désiraient voir examiné et puni en toute hâte. JC 725 4 Pilate considéra ceux qui avaient amené Jésus; puis son regard pénétrant se fixa à nouveau sur Jésus. Il avait eu affaire à toutes sortes de criminels; jamais pourtant on ne lui avait amené un homme ayant une telle expression de bonté et de noblesse. Sur son visage, aucun signe de culpabilité, aucune marque de frayeur, d'audace ou de défi. Pilate avait devant lui un homme à l'attitude calme et digne, qui loin de porter l'empreinte du crime, reflétait au contraire quelque chose de céleste. JC 726 1 L'apparence du Christ produisit sur Pilate une impression favorable qui réveilla ce qu'il y avait de meilleur en lui. Il avait entendu parler de Jésus et de ses oeuvres. Sa femme l'avait entretenu des actes étonnants accomplis par le prophète galiléen qui guérissait des malades et ressuscitait des morts. Ces choses revinrent, comme un songe, à l'esprit de Pilate. Il se rappela les rumeurs qui lui étaient parvenues de différentes sources. Il exigeait que les Juifs fournissent des preuves contre le prisonnier. JC 726 2 Qui est cet homme, et pourquoi me l'avez-vous amené? dit-il. Quelle accusation pouvez-vous faire valoir contre lui? Les Juifs, décontenancés, ne souhaitaient pas un interrogatoire public, sachant bien qu'ils ne pourraient prouver leurs accusations contre le Christ. Ils répondirent donc qu'il s'agissait d'un imposteur du nom de Jésus de Nazareth. JC 726 3 Pilate insista: "Quelle accusation portez-vous contre cet homme?" Au lieu de répondre directement, les prêtres manifestèrent leur mécontentement par ces paroles: "Si ce n'était pas un malfaiteur, nous ne te l'aurions pas livré." Lorsque des membres du sanhédrin, les premiers hommes de la nation, t'amènent un homme qu'ils jugent digne de mort, est-il besoin de demander de quoi cet homme est accusé? Ils supposaient que Pilate, par égard pour leur charge, prendrait en considération leur requête sans trop prolonger les préliminaires. Ils étaient impatients d'obtenir confirmation de leur sentence, car ils savaient fort bien que ceux qui avaient été témoins des oeuvres merveilleuses du Christ pourraient faire un récit tout différent de celui que les prêtres avaient forgé. JC 726 4 Etant donné le caractère faible et indécis de Pilate, les prêtres pensaient réaliser leur dessein sans difficulté. Il lui était déjà arrivé auparavant de signer des condamnations à mort non motivées. Il faisait peu de cas de la vie d'un prisonnier; que ce dernier fût innocent ou coupable, cela lui était indifférent. Les prêtres espéraient que Pilate infligerait à Jésus, sans l'avoir entendu, la peine de mort, et ils sollicitaient cela comme une faveur, à l'occasion de leur grande fête nationale. JC 727 1 Mais il y avait en ce prisonnier quelque chose qui retenait Pilate et l'empêchait d'agir ainsi. Il devinait le dessein des prêtres et se rappelait que, peu de temps auparavant, Jésus avait ramené à la vie Lazare, enseveli depuis quatre jours; il voulait donc, avant de signer la sentence de mort, savoir de quelles accusations Jésus était chargé et connaître les preuves justifiant celles-ci. JC 727 2 Si votre jugement suffit, dit-il, pourquoi m'amenez-vous le prisonnier? "Prenez-le vous-mêmes et jugez-le selon votre loi." Les prêtres durent alors avouer qu'ils l'avaient déjà condamné, mais qu'il leur fallait l'approbation de Pilate pour rendre valide leur condamnation. Quel a été votre verdict? demanda Pilate. La mort, répondirent-ils, mais il ne nous est pas permis de faire mourir personne. Ils demandaient à Pilate de reconnaître sur leur parole la culpabilité du Christ et de donner force de loi à leur arrêt; ils prendraient la responsabilité des conséquences. JC 727 3 Pilate n'était pas un juge consciencieux et juste; mais, si grande que fût sa faiblesse de caractère, il ne voulait condamner Jésus que si une accusation valable était produite contre lui. JC 727 4 Les prêtres se trouvaient dans une impasse, comprenant qu'ils devaient cacher leur hypocrisie sous le voile le plus épais. Il ne fallait pas laisser voir que le Christ avait été arrêté pour des motifs religieux, autrement leurs poursuites n'auraient aucune valeur aux yeux de Pilate. Il fallait donner à entendre que Jésus agissait contre la loi commune, et qu'il pouvait être puni pour un délit politique. Des tumultes et des insurrections contre le gouvernement romain éclataient à tout moment parmi les Juifs. Les Romains avaient coutume d'exercer une répression implacable pour étouffer dans l'oeuf toute tentative de révolte. JC 727 5 Quelques jours auparavant, les pharisiens avaient essayé de prendre Jésus au piège, en lui posant cette question: "Nous est-il permis, ou non, de payer le tribut à César?" Mais Jésus avait démasqué leur hypocrisie. Les Romains qui se trouvaient présents avaient assisté à la défaite totale de ces intrigants, grâce à sa réponse: "Rendez donc à César ce qui est à César."1 JC 728 1 Les prêtres prêtèrent au Christ la réponse qu'ils avaient espéré obtenir de lui et pour sortir d'embarras ils firent appel à de faux témoins. Alors "ils se mirent à l'accuser, en disant: Nous avons trouvé celui-ci qui incitait notre nation à la révolte, empêchait de payer le tribut à César et se disait lui-même Christ, roi." Trois accusations, toutes moins fondées les unes que les autres. Les prêtres le savaient bien, mais ils étaient décidés à atteindre leur but, fût-ce au prix d'un parjure. JC 728 2 Pilate pénétra leur intention. Il ne croyait pas que le prisonnier eût conspiré contre le gouvernement. Son apparence pleine de douceur et d'humilité suffisait à démentir ces accusations. Convaincu qu'une trame avait été ourdie en vue de supprimer un innocent qui gênait les dignitaires juifs, Pilate, se tournant vers Jésus, lui demanda: "Es-tu le roi des Juifs?" Le Sauveur répondit: "Tu le dis." Et ce disant son visage s'illumina comme s'il reflétait un rayon de soleil. JC 728 3 Ayant entendu la réponse, Caïphe et ses associés prirent Pilate à témoin que Jésus avait avoué le crime dont on l'accusait. Avec des cris tumultueux, prêtres, scribes et pharisiens demandèrent qu'il fût condamné à mort. La populace leur faisait écho et le vacarme était assourdissant. Pilate ne savait que faire. Voyant que Jésus ne répondait pas à ses accusateurs, il lui dit: "Ne réponds-tu rien? Vois tout ce dont ils t'accusent. Et Jésus ne fit plus aucune réponse." JC 728 4 Le Christ se tenait derrière Pilate, à la vue de tous ceux qui se trouvaient dans la cour, et il entendait les insultes. Cependant il ne répondit pas aux accusations mensongères dirigées contre lui. Toute son attitude disait assez qu'il avait le sentiment de son innocence. Les vagues furieuses qui déferlaient sur lui le laissaient impassible. On aurait dit qu'une houle impétueuse, s'élevant toujours plus haut, comme les vagues de l'océan soulevées par la tempête, se brisait autour de lui, sans le toucher. Il restait silencieux, mais son silence était éloquent. Une lumière, venant de l'intérieur, illuminait toute sa personne. JC 729 1 L'attitude de Jésus étonnait Pilate. Il se demandait: Cet homme se désintéresse-t-il des poursuites dirigées contre lui parce qu'il ne se soucie pas de sauver sa vie? Voyant Jésus supporter les injures et les moqueries sans se défendre, il sentait bien que l'accusé ne pouvait être aussi injuste que les prêtres en fureur. Pour savoir la vérité et se soustraire en même temps au tumulte de la foule, Pilate prit Jésus à part, et l'interrogea de nouveau: "Es-tu le roi des Juifs?" JC 729 2 Jésus ne répondit pas directement. Il savait que le Saint-Esprit s'efforçait de gagner Pilate, aussi lui donna-t-il l'occasion d'exprimer sa conviction. "Est-ce de toi-même que tu dis cela, demanda-t-il, ou d'autres te l'ont-ils dit de moi?" En d'autres termes, la question de Pilate s'inspirait-elle des accusations formulées par les prêtres, ou du désir d'obtenir du Christ de la lumière? Pilate comprit, mais un sentiment d'orgueil s'éleva en son coeur; il n'avoua pas la conviction qui s'était emparée de lui. "Moi, suis-je donc Juif? dit-il. Ta nation et les grands-prêtres t'ont livré à moi; qu'as-tu fait?" JC 729 3 Pilate avait laissé passer une occasion unique. Néanmoins Jésus ne voulut pas le laisser sans lui donner plus de lumière. Sans répondre directement à la question de Pilate, il définit clairement sa mission, faisant comprendre au gouverneur qu'il n'était pas à la recherche d'un trône terrestre. JC 729 4 Jésus dit: "Mon royaume n'est pas de ce monde. Si mon royaume était de ce monde, mes serviteurs auraient combattu pour moi, afin que je ne sois pas livré aux Juifs; mais maintenant, mon royaume n'est pas d'ici-bas. Pilate lui dit: Tu es donc roi? Jésus répondit: Tu le dis: je suis roi. Voici pourquoi ... je suis venu dans le monde: pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix." JC 729 5 Le Christ déclara que sa Parole est la clé du mystère pour ceux qui sont préparés à la recevoir. Cette Parole se recommandait elle-même, et le secret des progrès du royaume de vérité résidait dans la puissance de cette Parole. Jésus désirait faire comprendre à Pilate que son âme ruinée ne pouvait être restaurée qu'à une condition: recevoir et s'approprier la vérité. JC 730 1 Pilate désirait connaître la vérité. Il y avait de la confusion dans son esprit. Il écoutait attentivement les paroles du Sauveur et un vif désir naissait en son coeur de savoir ce qu'était vraiment la vérité et comment il pourrait l'obtenir. "Qu'est-ce que la vérité?" demanda-t-il. Mais il n'attendit pas la réponse. Rappelé aux préoccupations du moment par le tumulte du dehors, car les prêtres réclamaient une décision immédiate, il sortit au-devant des Juifs et leur dit avec solennité: "Moi, je ne trouve aucun motif contre lui." JC 730 2 De telles paroles, prononcées par un juge païen, étaient un violent reproche à l'adresse des chefs d'Israël qui accusaient le Sauveur avec perfidie. Quand les prêtres et les anciens eurent entendu Pilate, leur déception et leur colère ne connurent plus de bornes. Ils s'étaient donné tant de peine et avaient si longtemps attendu cette occasion! JC 730 3 En voyant que Jésus avait quelque chance d'être relâché, ils furent prêts à le mettre en pièces. Bruyamment ils menacèrent Pilate des censures du gouvernement romain, lui reprochant de refuser de condamner Jésus qui, disaient-ils, s'était élevé contre César. On entendit des voix irritées déclarer que l'influence séditieuse de Jésus était connue dans tout le pays. Les prêtres disaient: "Il soulève le peuple, en enseignant dans toute la Judée, depuis la Galilée où il a commencé, jusqu'ici." JC 730 4 Pilate n'avait aucunement l'intention de condamner Jésus. Il savait que les Juifs étaient poussés par la haine et par leurs préjugés; il connaissait son devoir: la justice voulait que le Christ fût immédiatement relâché. Mais Pilate redoutait le mauvais vouloir du peuple. S'il refusait de leur livrer Jésus, une révolte éclaterait, et cette perspective l'effrayait. Apprenant que le Christ venait de Galilée, il pensa l'envoyer à Hérode, le gouverneur de cette province, qui se trouvait alors à Jérusalem. Pilate espérait ainsi se décharger sur Hérode de la responsabilité du procès. Il y voyait, en même temps, une bonne occasion de mettre fin à une vieille querelle qui existait entre lui et Hérode. En effet, ses prévisions se réalisèrent: les deux magistrats devinrent amis, à l'occasion du procès du Sauveur. JC 731 1 Pilate remit Jésus entre les mains des soldats, et une foule moqueuse et insultante l'accompagna au tribunal d'Hérode. "Lorsqu'Hérode vit Jésus, il en eut une grande joie." Il ne s'était encore jamais trouvé en présence du Sauveur, mais "depuis quelque temps il désirait le voir à cause de ce qu'il avait entendu dire de lui, et il espérait lui voir faire quelque miracle". Cet Hérode s'était souillé les mains en répandant le sang de Jean-Baptiste. Quand pour la première fois il avait entendu parler de Jésus, il avait été frappé de terreur et avait dit: "Ce Jean que j'ai fait décapiter, c'est lui qui est ressuscité"; "c'est pour cela qu'il a le pouvoir de faire des miracles".2 Cependant Hérode désirait voir Jésus. Il voyait là une occasion de sauver la vie de ce prophète; le roi espérait ainsi bannir pour toujours de sa mémoire le souvenir de cette tête ensanglantée qu'on lui avait apportée sur un plateau. Il désirait aussi satisfaire sa curiosité; il pensait que si on faisait entrevoir au Christ la possibilité d'une délivrance il serait disposé à faire tout ce qu'on lui demanderait. JC 731 2 Un groupe nombreux de prêtres et d'anciens avaient accompagné Jésus chez Hérode. Quand le Sauveur fut introduit, ces dignitaires, très excités, formulèrent leurs accusations contre lui. Mais Hérode ne leur prêta guère d'attention. Il ordonna le silence, voulant interroger Jésus. Il fit délier le Christ et blâma ses ennemis de l'avoir si cruellement traité. Considérant avec pitié le visage serein du Rédempteur du monde, il n'y vit que sagesse et pureté. Tout comme Pilate, il était convaincu que le Christ avait été accusé par malice et par envie. JC 731 3 Hérode posa diverses questions au Christ, mais celui-ci garda un silence absolu. Le roi ordonna que l'on amenât des infirmes et des impotents, et Jésus fut mis en demeure d'établir ses assertions en opérant un miracle. On prétend que tu peux guérir les malades, dit Hérode. Je désire voir si l'on n'a pas surfait ta réputation. Comme Jésus ne répondait pas, Hérode insista: Si tu es capable d'opérer des miracles pour d'autres, agis maintenant en ta faveur et il t'en résultera du bien. Puis, sur un ton de commandement, il dit: Prouve-nous, par un signe, que tu as réellement la puissance que l'on t'attribue. Mais le Christ était semblable à quelqu'un qui ne voit et n'entend rien. Le Fils de Dieu avait revêtu la nature humaine. Il devait se comporter comme un autre homme, dans de pareilles circonstances. Il ne lui appartenait pas d'accomplir un miracle, pour éviter la douleur et l'humiliation que doit endurer tout homme placé dans une situation semblable. JC 732 1 Hérode promit à Jésus de le relâcher s'il voulait accomplir quelque miracle en sa présence. Les accusateurs du Christ avaient vu, de leurs yeux, les oeuvres extraordinaires qu'il accomplissait. Ils l'avaient entendu ordonner au sépulcre de rendre le mort qu'il renfermait. Ils avaient vu le mort obéir à sa voix. Ils craignaient maintenant que Jésus n'accomplît un miracle, redoutant, par-dessus tout, une démonstration de sa puissance. Une telle manifestation eût porté le coup de grâce à leurs plans, et leur aurait peut-être coûté la vie à eux. Pleins d'anxiété, les prêtres et les principaux renouvelèrent leurs accusations. Enflant la voix, ils disaient: C'est un traître, un blasphémateur. C'est par la puissance de Béelzébul, le prince des démons, qu'il accomplit ses miracles. Toute la salle était dans la confusion, les uns criant d'une manière, les autres de l'autre. JC 732 2 La conscience d'Hérode était maintenant beaucoup moins sensible que lorsqu'il avait reculé d'effroi en entendant Hérodiade lui réclamer la tête de Jean-Baptiste. Pendant quelque temps il avait senti les aiguillons du remords; mais sa vie licencieuse avait, de plus en plus, affaibli son sens moral. Son coeur s'était endurci à tel point qu'il osait se vanter d'avoir puni Jean-Baptiste de sa hardiesse. Maintenant il menaçait Jésus, déclarant à plusieurs reprises qu'il était en son pouvoir de le relâcher ou de le condamner. Mais Jésus ne semblait pas entendre. JC 732 3 Ce silence, qui paraissait montrer de l'indifférence pour son autorité, irrita profondément Hérode. Ce roi vain et gonflé d'orgueil eût été moins offensé par un violent reproche. Il redoubla de menaces, mais Jésus persista dans son silence. JC 732 4 Le Christ n'était pas venu dans le monde pour satisfaire une vaine curiosité, mais pour guérir les coeurs brisés. S'il avait pu, par une parole, guérir une âme des atteintes du péché, il ne serait pas resté silencieux. Il n'avait rien à dire à ceux qui étaient prêts à fouler la vérité sous des pieds profanes. JC 733 1 Le Christ pouvait transpercer, par ses paroles, le roi endurci, le frapper de terreur en lui exposant toute l'iniquité de sa vie ainsi que l'horrible sort qui l'attendait. Jésus lui infligea, par son silence, la réprimande la plus sévère. Hérode avait rejeté la vérité que lui avait apportée le plus grand des prophètes: aucun autre message ne lui serait donné. La Majesté du ciel n'avait pas un mot à lui dire. Cette oreille qui avait toujours été ouverte pour accueillir les cris des malheureux restait insensible aux commandements d'Hérode. Ces yeux qui n'avaient jamais cessé d'exprimer la pitié, l'amour et le pardon au pécheur repentant, ne daignaient pas gratifier Hérode d'un regard. Les lèvres qui avaient formulé les vérités les plus frappantes, et plaidé, avec la plus grande tendresse, auprès des êtres les plus coupables et les plus dégradés, restaient fermées devant un roi orgueilleux qui n'éprouvait aucun besoin d'un Sauveur. JC 733 2 La passion assombrissait le visage d'Hérode. S'adressant à la foule, il déclara, avec colère, que Jésus était un imposteur. Puis il dit au Christ: Si tu renonces à prouver tes prétentions, je te livrerai aux soldats et au peuple. Peut-être réussiront-ils à te faire parler. Si tu n'es qu'un imposteur, tu mérites la mort; si tu es le Fils de Dieu, sauve-toi en opérant un miracle. JC 733 3 Il avait à peine dit cela que l'on se précipita sur le Christ. Les spectateurs, semblables à des bêtes féroces, se jetèrent sur Jésus, se l'arrachant des mains. Hérode, pour humilier le Fils de Dieu, se joignit à la populace. Si les soldats romains n'avaient repoussé ces furieux, le Sauveur eût été mis en pièces. JC 733 4 "Hérode, avec son escorte militaire, le traita avec mépris; et, après s'être moqué de lui et l'avoir revêtu d'un habit magnifique, il le renvoya à Pilate." Les soldats romains ajoutaient leurs mauvais traitements à tous ceux déjà subis. Mais la divine patience de Jésus ne faillit point. JC 733 5 Les persécuteurs du Christ avaient jugé Jésus à leur mesure; ils se l'étaient représenté aussi vil qu'eux-mêmes. Derrière toutes les apparences du moment, une autre scène se présenta, une scène glorieuse qu'ils apercevront tous un jour. Il s'en trouva quelques-uns qui tremblèrent en la présence du Christ. Tandis que la foule grossière s'inclinait devant lui par dérision, quelques-uns de ceux qui s'étaient avancés, avec la même intention, s'en retournèrent, muets de frayeur. Hérode se sentait convaincu. Les derniers rayons de la lumière de la grâce brillaient sur son coeur insensible. Il sentait qu'il n'avait pas devant lui un homme ordinaire; car la divinité éclatait à travers l'humanité. Au moment même où le Christ était entouré de moqueurs, d'adultères et de meurtriers, Hérode avait l'impression de contempler un Dieu sur son trône. JC 734 1 Si endurci qu'il fût, Hérode n'osa pas ratifier la condamnation du Christ et préféra se décharger de cette terrible responsabilité, en renvoyant Jésus au tribunal romain. JC 734 2 Pilate éprouva beaucoup de déception et de déplaisir lorsque les Juifs revinrent avec leur prisonnier; il leur demanda d'un ton impatient ce qu'ils voulaient de lui, leur rappelant qu'il avait déjà interrogé Jésus et n'avait trouvé en lui aucun mal; il leur dit qu'ils s'étaient bornés à formuler des plaintes à son sujet, sans réussir à établir une seule preuve à sa charge. Hérode, le tétrarque de la Galilée, qui était de leur nation, n'avait, lui non plus, rien trouvé dans l'accusé qui méritât la mort. "Je le relâcherai donc, après l'avoir fait châtier", ajouta Pilate. C'est ici que Pilate fit preuve de faiblesse. Tout en déclarant que Jésus était innocent, il consentit à le faire battre de verges pour accorder une satisfaction à ses accusateurs. Il préférait un compromis et sacrifiait la justice et les principes pour apaiser la foule. En agissant ainsi, il se mettait dans une position désavantageuse. Profitant de son indécision, la foule réclamait, plus bruyamment encore, la vie du prisonnier. Si Pilate s'était montré ferme dès le début, refusant de condamner un homme dont il avait constaté l'innocence, il eût brisé la chaîne fatale qui devait le retenir toute sa vie sous le poids de la faute et du remords. S'il s'était conformé à ses convictions, les Juifs n'auraient pas osé lui imposer leur volonté. Le Christ n'eût pas évité la mort, mais Pilate n'aurait pas porté la responsabilité du crime. Pilate avait, peu à peu, violé sa conscience. Il avait trouvé des prétextes pour ne pas juger selon la justice et l'équité, et il était maintenant impuissant aux mains des prêtres et des principaux. Son indécision lui fut fatale. JC 735 1 Pourtant, en ce moment même, Pilate ne fut pas abandonné à son aveuglement. Un message divin le mit en garde contre l'acte qu'il était sur le point d'accomplir. En réponse à la prière du Christ, la femme de Pilate avait reçu la visite d'un ange du ciel: le Sauveur lui était apparu en songe et elle avait conversé avec lui. Bien qu'elle ne fût pas juive, la femme de Pilate n'avait eu aucun doute au sujet du caractère et de la mission de Jésus. Elle savait qu'il était le Prince de Dieu. Elle l'avait vu dans la salle du tribunal pendant qu'on l'interrogeait, alors que les mains divines étaient étroitement liées comme celles d'un criminel. Elle avait été témoin de la besogne impie accomplie par Hérode et ses soldats et avait entendu les accusations furieuses des prêtres et des anciens, remplis d'envie et de malice. Elle avait entendu les paroles: "Nous avons une loi, et d'après cette loi, il doit mourir." Elle avait vu Pilate livrer Jésus à la flagellation après avoir déclaré: "Je ne trouve aucun motif contre lui." Elle l'avait vu condamner le Christ et le remettre à ses meurtriers. Elle avait vu la croix dressée sur le Calvaire, dans l'obscurité répandue soudain sur la terre, tandis que retentissait le cri mystérieux: "Tout est accompli." Ensuite une autre scène s'était présentée à ses yeux: le Christ assis sur le grand trône blanc, alors que la terre chancelait dans l'espace et que les meurtriers du Sauveur s'enfuyaient loin de sa présence glorieuse. Elle se réveilla en poussant un cri d'horreur, et écrivit aussitôt à Pilate un message d'avertissement. JC 735 2 Alors que Pilate hésitait sur ce qu'il devait faire, un messager traversa la foule et lui remit la lettre de sa femme, ainsi conçue: "Ne te mêle pas de l'affaire de ce juste; car aujourd'hui j'ai beaucoup souffert en songe à cause de lui." JC 735 3 Pilate pâlit. Il ne savait que décider au milieu de ses émotions contradictoires. Mais pendant qu'il différait ainsi, les prêtres et les principaux en profitaient pour enflammer davantage les esprits. Pilate, se voyant forcé d'agir, songea à une coutume dont il pensa faire un expédient pour relâcher le Christ. Il était d'usage, à cette fête, de relâcher un prisonnier, au choix du peuple. C'était une coutume d'invention païenne; et bien qu'il n'y eût pas une ombre de justice en cela, les Juifs y tenaient beaucoup. Un prisonnier du nom de Barabbas se trouvait alors sous le coup d'une condamnation à mort, entre les mains des autorités romaines. Cet homme s'était donné pour le Messie. Il se faisait fort d'établir un ordre de choses nouveau en faisant triompher la justice dans le monde. Trompé par Satan, il prétendait que tout ce qu'il pouvait se procurer par le vol et le brigandage lui appartenait. Il avait fait de grandes choses par le pouvoir de Satan et s'était ainsi donné une suite nombreuse avec laquelle il avait provoqué une sédition contre le gouvernement romain. Sous le couvert de l'enthousiasme religieux c'était un scélérat endurci qui s'acharnait à commettre des actes de rébellion et de cruauté. Pilate espérait éveiller dans le peuple un sentiment de justice en lui laissant le choix entre cet homme et le Sauveur innocent; il comptait susciter à Jésus des sympathies, en opposition avec les prêtres et les chefs. Il s'adressa donc à la foule et lui dit avec véhémence: "Lequel voulez-vous que je vous relâche: Barabbas, ou Jésus appelé Christ?" JC 736 1 Comme un rugissement de fauves, éclata la réponse: Relâche-nous Barabbas. Toujours plus fort retentissait le cri: Barabbas! Barabbas! Pensant qu'on n'avait pas compris sa question, Pilate demanda: "Voulez-vous que je vous relâche le roi des Juifs?" Mais ils crièrent plus violemment: "Fais mourir celui-ci, et relâche-nous Barabbas!" "Que ferai-je donc de Jésus, qu'on appelle Christ?" demanda Pilate. De nouveau la foule houleuse poussa des rugissements démoniaques. De vrais démons en forme humaine se trouvaient dans la foule; quelle autre réponse eût-on pu attendre de celle-ci: "Qu'il soit crucifié!" JC 736 2 Pilate n'avait pas prévu que les choses en arriveraient là. Il lui répugnait de livrer un innocent à la mort la plus ignominieuse et la plus cruelle. Lorsque le tumulte se fut apaisé, il dit au peuple: "Mais quel mal a-t-il fait?" Il était trop tard pour argumenter encore; ce qu'on voulait, ce n'était pas des preuves de l'innocence de Christ, c'était sa condamnation. JC 737 1 Pilate fit un nouvel effort pour le sauver. Il "leur dit pour la troisième fois: Quel mal a-t-il fait? Je n'ai rien trouvé en lui qui mérite la mort. Je le relâcherai donc, après l'avoir fait châtier." Ces paroles ne firent que décupler la frénésie du peuple. "Crucifie-le! Crucifie-le!" crièrent-ils. L'orage soulevé par l'indécision de Pilate grondait toujours plus fort. JC 737 2 On se saisit de Jésus, exténué de fatigue et tout couvert de meurtrissures, et on le frappa de verges, en présence de la multitude. "Les soldats amenèrent Jésus dans l'intérieur de la cour, c'est-à-dire dans le prétoire et appelèrent toute la cohorte. Ils le revêtirent de pourpre et posèrent sur sa tête une couronne d'épines tressée. Puis ils se mirent à le saluer: Salut, roi des Juifs! Et ils ... crachaient sur lui et fléchissaient les genoux pour se prosterner devant lui." De temps en temps quelque énergumène lui arrachait le roseau qu'on avait placé entre ses mains et en frappait la couronne qui entourait son front, enfonçant les épines dans ses tempes et en faisant jaillir du sang qui inondait son visage. JC 737 3 Cieux, tressaillez! Terre, sois étonnée! Voici les oppresseurs et l'opprimé. Une foule furieuse entoure le Sauveur du monde. Les moqueries et les sarcasmes se mêlent aux jurons les plus grossiers. La foule insensible déblatère sur sa naissance humble et sa vie modeste. On tourne en ridicule son titre de Fils de Dieu; la plaisanterie vulgaire et le rire insultant passent de bouche en bouche. JC 737 4 Satan est à la tête de la foule qui maltraite cruellement le Sauveur. Son but était de pousser Jésus à la vengeance, si possible, ou de l'obliger à se sauver par un miracle, détruisant ainsi le plan du salut. Une seule tache sur sa vie humaine, une défaillance de son humanité devant l'épreuve redoutable, et l'Agneau de Dieu n'était plus qu'une offrande imparfaite: la rédemption de l'homme échouait. Mais celui qui aurait pu appeler l'armée céleste à son aide, -- celui qui aurait pu chasser la foule terrorisée par le déploiement de sa majesté divine, -- se soumit, dans le calme le plus parfait, aux injures et aux outrages les plus grossiers. JC 738 1 Les ennemis du Christ lui avaient demandé d'accomplir un miracle, prouvant sa divinité. Ils avaient devant eux une démonstration bien plus concluante que celle qu'ils avaient cherchée. La cruauté faisait descendre ces tortionnaires au-dessous du niveau de l'humanité et les rendait semblables à Satan, tandis que la douceur et la patience de Jésus l'élevaient bien au-dessus de l'humanité et prouvaient sa parenté avec Dieu. Son abaissement était le gage de son exaltation. Les gouttes de sang qui, de ses tempes blessées, coulaient sur son visage, annonçaient qu'il serait "oint avec une huile d'allégresse"3 en qualité de Souverain Sacrificateur. JC 738 2 La fureur de Satan était grande de voir que tous les mauvais traitements infligés au Sauveur ne lui arrachaient pas le moindre murmure. Bien qu'ayant revêtu la nature humaine, Jésus était soutenu par une force divine, et ne s'écartait, en aucune façon, de la volonté de son Père. JC 738 3 En livrant Jésus à la flagellation et aux moqueries, Pilate espérait provoquer la pitié de la foule; il supposait que ce châtiment lui paraîtrait suffisant. Même la malice des prêtres, se disait-il, serait satisfaite. Les Juifs avaient le sentiment bien net de la faiblesse de celui qui punissait ainsi un homme qu'il venait de déclarer innocent. Il était clair que Pilate s'efforçait de sauver la vie du prisonnier, mais ils étaient bien décidés à s'opposer à ce que Jésus fût relâché. Ils se disaient: Pour nous plaire Pilate l'a fait battre de verges; si nous tenons bon, nous finirons par obtenir gain de cause. JC 738 4 Pilate fit amener Barabbas dans la cour. Puis il présenta les deux prisonniers côte à côte, et désignant le Sauveur il dit d'une voix suppliante et solennelle: "Voici l'homme!" "Je vous l'amène dehors, afin que vous sachiez que je ne trouve aucun motif contre lui." JC 738 5 Le Fils de Dieu était là, portant la couronne d'épines et le vêtement royal dont par dérision on l'avait couvert. Nu jusqu'à la ceinture, son dos montrait les marques des coups de verges: longues et profondes plaies d'où le sang coulait en abondance. L'épuisement et la douleur se lisaient sur sa face ensanglantée, mais l'expression de celle-ci n'avait jamais été aussi belle. Le Sauveur n'offrait pas à ses ennemis la vue d'un visage troublé. Chacun de ses traits traduisait la bonté, la résignation et la plus tendre pitié à l'égard de ses bourreaux. Aucune ombre de lâcheté dans ses manières, mais la force et la noblesse de la longanimité. Le prisonnier qui se tenait à ses côtés présentait un vif contraste avec lui. Toute l'apparence de Barabbas trahissait aux yeux de tous le scélérat endurci qu'il était. Quelques-uns des spectateurs ne pouvaient retenir leurs larmes. Leurs coeurs se remplissaient de sympathie pour Jésus. Il n'était pas jusqu'aux prêtres et aux chefs qui ne fussent convaincus que le Christ était vraiment ce qu'il déclarait être. JC 739 1 Tous les soldats romains qui entouraient le Christ n'étaient pas également endurcis; quelques-uns cherchaient vainement sur son visage la preuve qu'il était coupable ou dangereux. De temps en temps ils jetaient un regard de mépris à Barabbas qu'il ne fallait pas beaucoup de perspicacité pour juger; puis leurs yeux se posaient de nouveau sur celui dont on faisait le procès. On contemplait, avec des sentiments de pitié profonde, le divin Martyr. La soumission silencieuse du Christ laissa dans les esprits un souvenir ineffaçable; chacun devait, un jour, ou bien le reconnaître comme le Christ, ou bien sceller sa propre destinée en le rejetant. JC 739 2 La patience du Sauveur, lequel ne faisait entendre aucune plainte, remplissait Pilate d'étonnement. Il était sûr que la vue de cet homme, en contraste avec Barabbas, susciterait la compassion des Juifs. Il ne connaissait pas la haine fanatique des prêtres pour celui qui, étant la lumière du monde, avait dévoilé leurs ténèbres et leurs erreurs. Tous vociféraient éperdûment, avec les prêtres et les principaux qui avaient excité leur fureur: "Crucifie-le! Crucifie-le!" Impatienté par cette cruauté rebelle à tous les raisonnements, Pilate cria, désespéré: "Prenez-le vous-mêmes et crucifiez-le; car moi, je ne trouve pas de motif contre lui." JC 740 1 Bien qu'habitué à des scènes de cruauté, le gouverneur romain était touché de sympathie pour ce prisonnier accablé de souffrances, qui, condamné et flagellé, le front saignant et le dos lacéré, gardait l'attitude d'un roi sur le trône. Mais les prêtres firent cette déclaration: "Nous avons une loi, et selon la loi, il doit mourir, parce qu'il s'est fait Fils de Dieu." JC 740 2 Pilate eut un frémissement. Il n'avait pas une juste conception du Christ et de sa mission; pourtant il croyait vaguement en un Dieu et en des êtres supérieurs à l'humanité. Une pensée qui avait déjà traversé son esprit prit maintenant, à ses yeux, une forme plus définie. Il se demandait s'il n'avait pas devant lui un être divin, revêtu, par ironie, d'une robe de pourpre et couronné d'épines. JC 740 3 Etant rentré dans la salle du tribunal, il dit à Jésus: "D'où es-tu? Mais Jésus ne lui donna pas de réponse." Le Sauveur avait parlé ouvertement à Pilate, lui expliquant sa mission en tant que témoin de la vérité. Pilate ne s'était pas soucié de la lumière; il avait abusé de ses hautes fonctions de juge en sacrifiant ses principes et son autorité aux exigences de la foule. Jésus n'avait pas d'autre lumière à lui donner. Blessé par son silence, Pilate lui dit avec hauteur: JC 740 4 "A moi, tu ne parles pas? Ne sais-tu pas que j'ai le pouvoir de te relâcher, et que j'ai le pouvoir de te crucifier? Jésus répondit: Tu n'aurais sur moi aucun pouvoir, s'il ne t'avait été donné d'en-haut. C'est pourquoi celui qui me livre à toi est coupable d'un plus grand péché." JC 740 5 Le Sauveur miséricordieux, au milieu des souffrances les plus intenses, s'efforçait d'excuser autant que possible le gouverneur romain qui allait le livrer à la mort. Quel exemple donné aux siècles à venir! Et quelle lumière il jette sur le caractère du Juge de toute la terre! JC 740 6 "Celui qui me livre à toi est coupable d'un plus grand péché", dit Jésus. Ces paroles du Christ faisaient allusion à Caïphe, le souverain sacrificateur et le représentant de la nation juive. Les Juifs savaient de quels principes s'inspiraient les autorités romaines. Ils connaissaient les prophéties qui rendaient témoignage au Christ, à ses enseignements et à ses miracles. Les juges juifs avaient eu des preuves non équivoques de la divinité de celui qu'ils condamnaient à mort. Ils devaient donc être jugés selon leurs lumières. JC 741 1 Les plus grands coupables et les plus responsables étaient les chefs de la nation qui trahissaient lâchement le dépôt sacré, à eux confié. Pilate, Hérode et les soldats romains, en maltraitant le Christ, voulaient se rendre agréables aux prêtres et aux chefs; ils savaient peu de chose concernant Jésus et ne jouissaient pas de la lumière reçue, en si grande abondance, par la nation juive. Si les soldats avaient possédé cette lumière, ils n'auraient pas agi avec tant de cruauté. JC 741 2 Pilate proposa, encore une fois, de relâcher le Sauveur. "Mais les Juifs crièrent: Si tu le relâches, tu n'es pas ami de César." Ces hypocrites feignaient d'être soucieux de l'autorité de l'empereur. Les Juifs étaient les adversaires les plus acharnés de la domination romaine. Quand il n'y avait pour eux aucun danger, ils faisaient valoir leurs exigences nationales et religieuses de la manière la plus tyrannique; mais ils exaltaient le pouvoir de César alors qu'il s'agissait de réaliser un dessein sanguinaire. Pour obtenir la mort du Christ ils étaient prêts à se déclarer des sujets loyaux d'un gouvernement étranger, haï. JC 741 3 "Quiconque se fait roi, se déclare contre César" poursuivaient-ils. C'était toucher Pilate à un point sensible. Déjà suspect auprès du gouvernement romain, il savait qu'un tel rapport occasionnerait sa ruine. Il savait que si les Juifs se voyaient frustrés dans leur dessein, leur rage se tournerait contre lui. Ils ne négligeraient rien pour satisfaire leur vengeance. L'exemple qu'il avait devant lui montrait avec quel acharnement ils cherchaient à ôter la vie à celui qu'ils haïssaient sans cause. JC 741 4 Pilate reprit sa place au tribunal et, une fois de plus, présenta Jésus au peuple, en disant: "Voici votre roi!" Des cris furieux s'élevèrent: "A mort! A mort! Crucifie-le!" Pilate demanda d'une voix retentissante: "Crucifierai-je votre roi?" Mais des lèvres profanes et blasphématoires prononcèrent ces paroles: "Nous n'avons de roi que César." JC 742 1 En se plaçant, de leur propre choix, sous un gouvernement païen, les Juifs se retiraient de la théocratie. Ayant rejeté Dieu pour qu'il ne régnât pas sur eux, ils n'avaient pas de libérateur. Ils n'avaient d'autre roi que César. Voilà jusqu'où les prêtres et les docteurs avaient conduit le peuple. Ils étaient responsables de cela et de toutes les conséquences qui allaient en résulter. Les conducteurs religieux étaient les auteurs d'une ruine nationale. JC 742 2 "Pilate, voyant qu'il n'arrivait à rien, mais que le tumulte augmentait, prit de l'eau, se lava les mains en présence de la foule et dit: Je suis innocent du sang de ce juste, cela vous regarde." Avec un sentiment de crainte et de propre condamnation, Pilate regardait le Sauveur. Lui seul restait paisible au milieu de cette vaste mer de visages convulsionnés. Une douce lumière paraissait envelopper sa tête. Pilate pensait: C'est un Dieu. Se tournant vers la foule il dit: Je suis innocent de son sang. Prenez-le, et crucifiez-le. Mais remarquez, vous, les prêtres et les principaux, que je le déclare juste. Puisse celui qu'il revendique comme son Père vous rendre responsables, plutôt que moi, de l'oeuvre de ce jour. Puis il dit à Jésus: Pardonne-moi; je ne puis te sauver. Lorsqu'il eut soumis Jésus à une seconde flagellation, il le livra pour être crucifié. JC 742 3 Pilate désirait délivrer Jésus. Mais il voyait bien qu'il ne pouvait pas le faire en conservant sa position et ses honneurs. Il préféra sacrifier une vie innocente plutôt que de perdre sa puissance mondaine. Combien il y en a qui, pour éviter une perte ou une souffrance, sacrifient les principes de la même manière. La conscience et le devoir montrent un chemin, l'intérêt personnel en montre un autre. On est entraîné par le courant dans une mauvaise direction, et quiconque accepte des compromis avec le mal est précipité dans les épaisses ténèbres du crime. JC 742 4 Pilate céda aux exigences de la foule. Plutôt que de risquer sa situation il livra Jésus pour qu'il fût crucifié. Cependant, en dépit de ses précautions, il fut dépouillé de ses honneurs, privé de ses hautes fonctions; bourrelé de remords et blessé dans son orgueil, il mit fin à sa vie peu de temps après la crucifixion. Tous ceux qui transigent avec le péché ne récolteront que douleur et ruine. "Il y a telle voie qui semble droite à l'homme, et dont l'issue aboutit à la mort."4 JC 743 1 Quand Pilate se fut déclaré innocent du sang du Christ, Caïphe s'écria sur un ton de défi: "Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants!" Les prêtres et les chefs d'abord, puis la foule entière firent écho à ce cri terrible et ce fut comme un rugissement inhumain. "Tout le peuple répondit: Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants!" JC 743 2 Le peuple d'Israël avait fait son choix. Désignant Jésus il avait dit: "Non, pas lui, mais Barabbas." Barabbas, le brigand et le meurtrier, représentait Satan. Le Christ représentait Dieu. Le Christ avait été rejeté, Barabbas avait été choisi. Ils allaient avoir Barabbas. En faisant un tel choix ils acceptaient celui qui a été menteur et homicide dès le commencement. Satan était désormais leur chef. C'est lui qui allait dicter ses volontés à la nation. Ils accompliraient ses oeuvres. Ils auraient à supporter son gouvernement. Ce peuple qui préférait Barabbas au Christ devait éprouver la cruauté de Barabbas aussi longtemps que le temps durerait. JC 743 3 En regardant l'Agneau de Dieu, battu et humilié, les Juifs avaient dit: "Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants!" Ce terrible cri monta jusqu'au trône de Dieu. Cette sentence, prononcée sur eux-mêmes, fut inscrite dans le ciel. Cette prière a été entendue. Le sang du Fils de Dieu est resté, comme une malédiction perpétuelle, sur leurs enfants et sur les enfants de leurs enfants. JC 743 4 Ceci s'est accompli, d'une manière effroyable, lors de la destruction de Jérusalem, et d'une façon non moins affreuse dans les conditions de vie imposées à la nation juive pendant dix-huit siècles: -- un sarment retranché du cep, un sarment mort et stérile, bon seulement à être ramassé et jeté au feu. D'un pays à l'autre à travers le monde, et de siècle en siècle, mort, mort par ses fautes et par ses péchés! JC 743 5 Cette prière sera exaucée d'une manière encore plus effroyable au grand jour du jugement. Les hommes verront le Christ revenir sur la terre, non plus comme un prisonnier entouré de canailles, mais comme le Roi du ciel. Le Christ viendra avec sa propre gloire, avec la gloire de son Père, et avec la gloire de ses saints anges. Des myriades d'anges, fils de Dieu magnifiques et triomphants, revêtus d'un charme et d'un éclat incomparables, formeront son escorte. Il s'assiéra sur le trône de sa magnificence et les nations seront rassemblées devant lui. Alors tout oeil le verra, même ceux qui l'ont percé. Au lieu d'une couronne d'épines, il portera une couronne de gloire. Le vieux vêtement de pourpre sera remplacé par des vêtements "d'une telle blancheur qu'il n'est pas de foulon sur terre qui puisse blanchir ainsi?".5 Il aura "sur son manteau et sur sa cuisse un nom écrit: Roi des rois et Seigneur des seigneurs".6 Ils seront là ceux qui l'ont tourné en dérision, ceux qui l'ont frappé. Les prêtres et les chefs reverront la scène qui s'est déroulée dans le tribunal. Chaque circonstance se présentera à eux comme gravée en lettres de feu. Alors ceux qui ont dit: "Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants", recevront l'exaucement de leur prière. Tout l'univers saura et comprendra. Les hommes verront contre qui ils ont fait la guerre, eux, êtres pauvres, faibles et bornés. Dans leur détresse et leur épouvante ils diront aux montagnes et aux rochers: "Tombez sur nous, et cachez-nous loin de la face de celui qui est assis sur le trône, et de la colère de l'Agneau, car le grand jour de leur colère est venu, et qui pourrait subsister".7 ------------------------Chapitre 78 -- Le Calvaire JC 745 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 27:31-53; Marc 15:20-38; Luc 23:26-46; Jean 19:16-30. JC 745 1 "Lorsqu'ils furent arrivés au lieu appelé le Crâne, ils le crucifièrent là." JC 745 2 "Pour sanctifier le peuple par son propre sang", le Christ "a souffert hors de la porte". Pour avoir transgressé la loi de Dieu, Adam et Eve furent chassés d'Eden. Le Christ, notre substitut, devait souffrir hors des limites de Jérusalem. Il mourut hors de la porte, à l'endroit où étaient exécutés les traîtres et les assassins. On comprend dès lors la profonde signification de ces paroles: "Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi, étant devenu malédiction pour nous."1 JC 745 3 Une foule nombreuse accompagna Jésus du tribunal au Calvaire. La nouvelle de sa condamnation s'était répandue dans tout Jérusalem; des gens, appartenant à toutes les classes de la société, affluèrent au lieu de l'exécution. Les prêtres et les chefs avaient promis de ne pas inquiéter les disciples du Christ si celui-ci leur était livré; les disciples et les croyants qui se trouvaient dans la ville et dans les environs purent donc se mêler à la foule qui accompagnait le Sauveur. JC 745 4 Lorsque Jésus fut sorti du tribunal de Pilate, on plaça sur ses épaules, meurtries et saignantes, la croix qui avait été préparée pour Barabbas. Deux compagnons de Barabbas devaient subir la peine de mort en même temps que Jésus, et eux aussi durent se charger de leur croix. Le Sauveur était trop faible et souffrant pour porter ce lourd fardeau. Depuis le moment où il avait participé, avec les disciples, au souper de Pâque, il n'avait ni bu ni mangé. Pendant son agonie au jardin de Gethsémané, Jésus avait lutté contre les instruments de Satan, puis subi les angoisses de la trahison et vu les disciples l'abandonner et s'enfuir. On l'avait conduit à Anne, puis à Caïphe, ensuite à Pilate. Pilate l'avait envoyé à Hérode, Hérode l'avait renvoyé à Pilate. Les injures avaient succédé aux injures, les moqueries aux moqueries; par deux fois le Christ avait subi le supplice de la flagellation. Tout ce qui s'était passé au cours de cette nuit-là était de nature à soumettre à la plus rude épreuve l'âme d'un homme. Lui, pourtant, n'avait pas défailli. Il n'avait pas prononcé un seul mot qui ne fût à la gloire de Dieu. Pendant tout ce procès qui n'avait été qu'une farce ridicule, il s'était conduit avec fermeté et dignité. Mais lorsque la croix fut posée sur lui, après la seconde flagellation, la nature humaine ne pouvait pas en supporter davantage; Jésus tomba sans connaissance, sous le faix. JC 746 1 La foule qui suivait le Sauveur le vit chanceler, sans éprouver la moindre compassion. Elle se moqua du fait qu'il ne pouvait porter cette lourde croix. Cependant, on lui imposa de nouveau le fardeau et, de nouveau, il tomba évanoui, sur le sol. Ses persécuteurs virent qu'il ne pouvait le porter plus loin, et ils se demandèrent qui consentirait à prendre cette charge humiliante. Les Juifs ne pouvaient le faire, de crainte de contracter une souillure qui les empêcherait d'observer la Pâque. Personne, même parmi la populace, ne voulait s'abaisser à porter la croix. JC 746 2 Mais voici qu'un étranger, Simon de Cyrène, qui venait des champs, se trouve sur le passage de la foule. Il entend les paroles injurieuses et ordurières; il entend répéter avec mépris: Faites place au roi des Juifs. Il s'arrête étonné, et comme il laisse voir quelque compassion, on le saisit et on place la croix sur ses épaules. JC 746 3 Simon avait entendu parler de Jésus. Ses fils étaient croyants, mais lui-même n'était pas au nombre des disciples. Ce fut pour Simon une bénédiction de porter la croix au Calvaire, et il en garda une reconnaissance éternelle à la Providence. Il fut amené, par là, à se placer volontairement et joyeusement sous la croix du Christ. JC 746 4 Un certain nombre de femmes se trouvent dans la foule qui accompagne l'innocent jusqu'au lieu du supplice. Leur attention est fixée sur Jésus. Quelques-unes l'ont déjà vu auparavant et lui ont amené des malades et des affligés. Il y en a même qui ont été guéries. On raconte ce qui vient de se passer. Elles s'étonnent en voyant tant de haine s'acharner contre celui pour qui elles éprouvent une pitié si profonde. La fureur de la foule et les paroles irritées des prêtres et des principaux n'empêchent pas ces femmes d'exprimer leur sympathie. Elles poussent des lamentations lugubres en voyant Jésus défaillant sous la croix. JC 747 1 Ce fut la seule chose qui attira l'attention du Christ. Malgré toutes ses souffrances, malgré le poids des péchés du monde, ce témoignage de sympathie ne le laissa pas indifférent. Il considéra ces femmes avec une tendre miséricorde. Elles ne croyaient pas en lui; il savait qu'elles ne pleuraient pas sur lui comme sur un envoyé de Dieu, mais qu'elles étaient mues par un sentiment de pitié toute humaine. Il ne dédaigna pas leur sympathie, cependant il éprouva pour elles une sympathie plus profonde. "Filles de Jérusalem, dit-il, ne pleurez pas sur moi; mais pleurez sur vous et sur vos enfants." Les regards du Christ se détachaient de la scène présente pour se fixer sur la destruction de Jérusalem, où plusieurs d'entre celles qui pleuraient maintenant sur lui allaient périr avec leurs enfants. JC 747 2 De la chute de Jérusalem, les pensées de Jésus s'élevèrent vers un jugement plus vaste. Dans la destruction de la ville impénitente il voyait un symbole de la destruction finale du monde. Il dit: "Alors on se mettra à dire aux montagnes: Tombez sur nous! et aux collines: Couvrez-nous! Car, si l'on fait cela au bois vert, qu'arrivera-t-il au bois sec?" Le bois vert représentait Jésus lui-même, le Rédempteur innocent. Dieu permit que la colère dont il frappe la transgression vînt tomber sur son Fils bien-aimé. Jésus devait être crucifié pour les péchés des hommes. Quel châtiment, alors, était réservé au pécheur qui persévérerait dans le péché? Tous les rebelles et les incrédules seraient exposés à des souffrances et à des misères qu'aucun langage ne peut exprimer. JC 747 3 Parmi ceux qui suivent le Sauveur au Calvaire, il s'en trouve qui, avec de joyeux hosannas, en agitant des branches de palmiers, ont formé le glorieux cortège lors de son entrée triomphale à Jérusalem. Bon nombre de ceux qui, par entraînement, ont ce jour-là célébré ses louanges, font à cette heure entendre le cri: "Crucifie-le! Crucifie-le!" Les espérances des disciples avaient atteint le plus haut degré d'intensité, au moment où le Christ avait fait son entrée dans Jérusalem. Ils s'étaient serrés autour du Maître, fiers de lui appartenir. Maintenant, dans son humiliation, remplis de douleur et accablés de déception, ils marchent à distance. Avec quelle exactitude s'accomplissent les paroles de Jésus: "Je serai pour vous tous, cette nuit, une occasion de chute; car il est écrit: Je frapperai le berger, et les brebis du troupeau seront dispersées."2 JC 748 1 Parvenus au lieu de l'exécution, les prisonniers sont attachés aux instruments du-supplice. Les deux larrons se débattent entre les mains de ceux qui veulent les placer sur la croix; mais Jésus ne fait aucune résistance. Sa mère, s'appuyant sur Jean, le disciple bien-aimé, est venue au Calvaire sur les traces de son fils. Elle l'a vu s'affaisser sous le poids de la croix; elle voudrait soutenir, de sa main, la tête meurtrie, baigner le front qui, si souvent, s'est appuyé sur son sein. Mais cette consolation lui est refusée. Comme les disciples, elle avait gardé l'espoir que Jésus manifesterait sa puissance, en échappant à ses ennemis. Son coeur chavire en se rappelant les paroles par lesquelles il a annoncé les événements qui se produisent. Elle le regarde dans une attente douloureuse, tandis que les larrons sont fixés à la croix. Va-t-il se laisser crucifier, celui qui a rendu la vie aux morts? Le Fils de Dieu va-t-il subir une mort cruelle? Doit-elle renoncer à croire que Jésus est le Messie? Doit-elle être témoin de son opprobre et de sa douleur, sans même pouvoir le servir dans sa détresse? Elle voit ses mains étendues sur la croix; on apporte un marteau et des clous; quand les pointes s'enfoncent dans les chairs tendres, les disciples, le coeur brisé, emmènent loin de cette scène lamentable le corps défaillant de la mère de Jésus. JC 748 2 Le Sauveur ne fait entendre aucun murmure. Son visage reste calme et serein, mais de grosses gouttes de sueur emperlent son front. Pas une main secourable pour essuyer la sueur mortelle de son visage, pas une parole de sympathie et d'attachement inébranlable ne vient réconforter son coeur humain. Pendant que les soldats accomplissent leur besogne barbare, Jésus prie pour ses ennemis: "Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font." Son esprit se détache de ses propres souffrances pour songer au péché de ses persécuteurs et à la rétribution terrible qui les attend. Aucune malédiction n'est prononcée sur les soldats qui le traitent avec tant de dureté. Aucun sentiment de vengeance n'est exprimé à l'adresse des prêtres et des chefs qui se réjouissent de leur oeuvre. Le Christ a pitié de leur ignorance et de leur culpabilité. Il se contente d'implorer leur pardon, comme dans un souffle -- "car ils ne savent pas ce qu'ils font". JC 749 1 Ils eussent été saisis de remords et d'horreur s'ils avaient su qu'ils mettaient à la torture un Etre venu sauver une race coupable de la ruine éternelle. Leur ignorance n'enlève pas leur culpabilité; car ils auraient pu connaître et accepter Jésus, en tant que Sauveur. Quelques-uns d'entre eux, plus tard, connaîtront leur péché, se repentiront et se convertiront. D'autres, par leur impénitence, empêcheront l'exaucement de la prière que le Christ a prononcée en leur faveur. D'une manière ou de l'autre, le dessein de Dieu s'accomplira. Jésus est en voie d'acquérir le droit de devenir l'avocat des hommes auprès du Père. JC 749 2 En priant pour ses ennemis, le Christ englobe le monde entier, avec tous les pécheurs qui ont vécu ou qui vivront, depuis le commencement jusqu'à la fin des temps. Tous sont coupables du crucifiement du Fils de Dieu. A tous, le pardon est gratuitement offert. "Quiconque" le veut peut obtenir la paix avec Dieu, et l'héritage de la vie éternelle. JC 749 3 Dès que Jésus est cloué à la croix, des hommes robustes se saisissent de celle-ci, la dressent, la plantent brutalement à l'endroit qui a été préparé et le Fils de Dieu en éprouve une excessive souffrance. Ensuite Pilate rédige une inscription en hébreu, en grec et en latin, et la fait placer sur la croix, au-dessus de la tête de Jésus. On y lit: "Jésus de Nazareth, le Roi des Juifs." Cette inscription mécontente les Juifs. Ils ont crié, dans la cour du tribunal de Pilate: "Crucifie-le!" "Nous n'avons de roi que César", affirmant ainsi que celui qui reconnaît un autre roi est un rebelle. Pilate s'est donc inspiré du sentiment exprimé par eux. Aucun délit n'est mentionné, si ce n'est que Jésus est le roi des Juifs. Cette inscription est une reconnaissance virtuelle de la fidélité que les Juifs doivent au pouvoir romain. Elle donne à entendre qu'ils jugent digne de la peine de mort quiconque prend le titre de roi d'Israël. Les prêtres se sont dupés eux-mêmes. Alors qu'ils tramaient la mort du Christ, Caïphe avait déclaré qu'il était convenable qu'un homme mourût pour sauver la nation. Maintenant leur hypocrisie est dévoilée. Pour supprimer le Christ ils se montrent prêts à sacrifier même leur existence nationale. JC 750 1 Comprenant ce qu'ils ont fait, les prêtres demandent à Pilate de modifier l'inscription: "N'écris pas: Le roi des Juifs; mais: Il a dit: Je suis le roi des Juifs." Pilate, honteux de la faiblesse qu'il a montrée, n'a que du mépris pour la fourberie de ces prêtres et de ces chefs. Il répond froidement: "Ce que j'ai écrit, je l'ai écrit." JC 750 2 Une puissance supérieure à Pilate et aux Juifs a voulu que cette inscription fût placée au-dessus de la tête de Jésus. Par ce moyen, la Providence divine fera réfléchir les hommes et les poussera à sonder les Ecritures. Le Calvaire s'élevant à proximité de la ville, une telle proclamation de la messianité de Jésus de Nazareth, vérité vivante, transcrite par une main que Dieu a dirigée, va être remarquée par des milliers de personnes venues à Jérusalem de toutes les contrées. JC 750 3 Les souffrances que le Christ endure sur la croix sont l'accomplissement de la prophétie. Plusieurs siècles avant la crucifixion, le Sauveur avait prédit le traitement qui lui était réservé. Il avait dit: "Des chiens m'ont environné; une bande de malfaiteurs m'a entouré; ils ont percé mes mains et mes pieds. Je pourrais compter tous mes os! ... Mes ennemis me regardent et m'observent: ils partagent entre eux mes vêtements et ils tirent au sort ma robe." La prédiction relative au partage de ses vêtements s'accomplit sans l'intervention des amis ou des ennemis du Crucifié. Ses vêtements sont distribués aux soldats qui l'ont cloué à la croix. Le Christ entend se disputer les hommes qui font le partage. Comme sa robe est sans couture, tout entière d'un seul tissu, ils se disent les uns aux autres: "Ne la déchirons pas, mais que le sort désigne celui à qui elle sera." JC 751 1 Le Sauveur avait dit dans une autre prophétie: "Les outrages m'ont brisé le coeur et je suis anéanti. J'attendais un ami qui eût pitié de moi, mais en vain; des consolateurs, mais je n'en ai pas trouvé! Mes adversaires mettaient du fiel dans ma nourriture, et pour apaiser ma soif, ils m'abreuvent de vinaigre."3 On permettait de donner à ceux qui devaient endurer le supplice de la croix un breuvage narcotique, destiné à endormir les sens. On en offre à Jésus, mais dès qu'il y a goûté, il refuse cette boisson. Il ne veut rien prendre qui puisse obscurcir son intelligence. Sa foi en Dieu doit rester ferme; c'est sa seule force. En affaiblissant ses sens il donnerait un avantage à Satan. JC 751 2 Les ennemis de Jésus exhalent leur fureur sur celui qui est suspendu à la croix. Prêtres, principaux et scribes se joignent à la foule pour insulter le Sauveur mourant. A l'occasion du baptême et de la transfiguration, Dieu avait proclamé que le Christ était son Fils. Une fois encore, peu de temps avant la trahison, le Père avait rendu témoignage à sa divinité. Mais à présent la voix céleste reste silencieuse. Aucun témoignage ne se fait entendre en faveur du Christ. Il est abandonné aux mauvais traitements et aux moqueries des méchants. JC 751 3 "Si tu es le Fils de Dieu, disaient-ils, descends de la croix." "Qu'il se sauve lui-même, s'il est le Christ élu de Dieu!" Au désert de la tentation, Satan avait dit à Jésus: "Si tu es le Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains." "Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas"4 -- du haut du faîte du temple. Satan et ses anges se tiennent, sous forme humaine, près de la croix; l'armée des rebelles offre sa collaboration aux prêtres et aux principaux. Les docteurs ont poussé la foule ignorante à prononcer un jugement contre celui que plusieurs n'ont jamais vu auparavant. Mus par une frénésie satanique, prêtres, principaux, pharisiens, se sont coalisés avec la racaille endurcie. Les chefs religieux s'unissent à Satan et à ses anges, et obéissent à leurs ordres. JC 752 1 Au milieu de ses souffrances et de son agonie, Jésus entend chacune des paroles des prêtres: "Il a sauvé les autres, il ne peut se sauver lui-même; il est roi d'Israël! Qu'il descende de la croix, et nous croirons en lui." Le Christ pourrait descendre de la croix, mais c'est précisément parce qu'il a refusé de se sauver lui-même que le pécheur peut obtenir pardon et grâce auprès de Dieu. JC 752 2 En se moquant du Sauveur, les hommes qui se donnent comme les interprètes de la prophétie répètent les paroles mêmes que l'inspiration leur a attribuées. Cependant leur aveuglement ne leur permet pas de voir qu'ils accomplissent la prophétie. Ceux qui disent sur un ton de raillerie: "Il s'est confié en Dieu, que Dieu le délivre maintenant s'il l'aime. Car il a dit: Je suis le Fils de Dieu", sont loin de penser que leur témoignage se répercutera à travers les siècles. Ces paroles, bien que prononcées avec ironie, pousseront les hommes à sonder les Ecritures comme ils ne l'ont jamais fait. Ceux qui sont sages entendront, chercheront, réfléchiront et prieront. Quelques-uns ne se donneront aucun repos jusqu'à ce que, ayant comparé un passage à un autre, ils découvrent la signification de la mission du Christ. Jésus n'a jamais eu une aussi grande célébrité qu'au moment où il se trouve cloué sur la croix. La lumière de la vérité resplendit dans le coeur de plusieurs de ceux qui assistent à la crucifixion et qui entendent les paroles du Christ. JC 752 3 Un rayon de consolation vient ranimer Jésus agonisant: c'est la prière du larron repentant. Les deux hommes qui ont été crucifiés avec Jésus ont commencé par le railler. A mesure que ses souffrances augmentent, l'un d'entre eux devient toujours plus agressif et plus méprisant. Il n'en est pas de même de son compagnon. Cet homme n'est pas un criminel endurci; entraîné par de mauvaises compagnies, il est moins coupable que bon nombre de ceux qui se tiennent sous la croix, outrageant le Sauveur. Il a vu et écouté Jésus, et a été gagné par ses enseignements; il s'est pourtant détourné de lui, sous l'influence des prêtres et des chefs. Pour étouffer ses convictions, il s'est plongé de plus en plus profondément dans le péché, jusqu'à ce qu'il soit arrêté, jugé comme un criminel, et condamné à mourir sur la croix. Il s'est trouvé près de Jésus dans la salle du tribunal et sur la route du Calvaire. Il était là lorsque Pilate déclara: "Je ne trouve aucun motif contre lui." Il a remarqué l'attitude divine du Sauveur et sa longue patience à l'égard de ses tortionnaires. Du haut de la croix, il voit ceux qui font profession de piété hocher la tête, claquer la langue avec mépris, tourner en dérision le Seigneur Jésus. Il entend son compagnon adresser au Christ cette parole de reproche: "N'es-tu pas le Christ? Sauve-toi toi-même, et sauve-nous!" Parmi les passants, plusieurs prennent la défense de Jésus, répétant ses paroles et racontant ses oeuvres. Le brigand a la conviction qu'il se trouve en présence du Christ. Se tournant vers son compagnon coupable, il lui dit: "Ne crains-tu pas Dieu, toi qui subis la même condamnation?" Les malfaiteurs mourants n'ont plus rien à craindre des hommes. Mais l'un d'eux est persuadé qu'il y a un Dieu à craindre et un avenir redoutable. Sa vie toute souillée de péché arrive à son terme. "Pour nous, gémit-il, c'est justice, car nous recevons ce qu'ont mérité nos actes; mais celui-ci n'a rien fait de mal." JC 753 1 Plus de doutes, plus de reproches. Condamné à cause de son crime, le brigand était tombé dans le désespoir; maintenant de nouvelles pensées naissent dans son coeur attendri. Il se rappelle tout ce qu'il connaît de Jésus, comment il a guéri les malades et pardonné les péchés. Il a entendu les paroles de ceux qui croient en Jésus et qui le suivent en pleurant. Il a aperçu et déchiffré l'inscription placée sur la tête du Sauveur. Les passants la lisent, les uns d'une voix tremblante et douloureuse, d'autres avec des railleries. Le Saint-Esprit éclaire son esprit, et, peu à peu, la chaîne des preuves se complète à ses yeux. En ce Jésus, meurtri, attaché à la croix, objet des moqueries, il reconnaît l'Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde. D'une voix qui exprime à la fois l'espoir et l'angoisse, ce moribond réduit à l'impuissance se recommande au Sauveur mourant: "Jésus, souviens-toi de moi, quand tu viendras dans ton règne." La réponse ne se fait pas attendre, réponse pleine d'amour, de compassion et de puissance: En vérité, je te le dis aujourd'hui, tu seras avec moi dans le paradis. JC 754 1 Pendant les longues heures d'agonie, les oreilles de Jésus ont été frappées par les injures, les quolibets, les imprécations. Son coeur anxieux attendait quelque expression de foi venant des disciples, mais il n'a entendu que ces tristes paroles: "Nous espérions que ce serait lui qui délivrerait Israël." Quelle joie, pour le Sauveur, d'entendre le malfaiteur mourant manifester sa foi et son amour! Alors que les chefs de la nation juive le renient et que les disciples eux-mêmes doutent de sa divinité, ce pauvre larron, sur le seuil de l'éternité, reconnaît Jésus comme son Seigneur. Plusieurs ont été disposés à le reconnaître comme leur Seigneur alors qu'il opérait des miracles ou quand il fut sorti victorieux du tombeau; seul, le coupable sauvé à la onzième heure, le reconnaît pendant qu'il agonise sur la croix. JC 754 2 Les paroles de cet homme repentant attirèrent l'attention des curieux. Ceux qui se sont querellés au pied de la croix au sujet du partage des vêtements du Christ, et qui ont jeté le sort sur sa robe, s'arrêtent, silencieux, pour écouter. Retenant leur souffle, ils regardent le Christ, attendant la réponse qui va sortir des lèvres du mourant. JC 754 3 Le sombre nuage qui paraît envelopper la croix est déchiré par un brillant rayon de lumière quand Jésus adresse au larron ses paroles de promesse. Le malfaiteur repentant, se sentant accepté de Dieu, éprouve une paix parfaite. Le Christ est glorifié au sein de son humiliation. Il est vainqueur, celui qui aux yeux de tous a paru vaincu. Il est reconnu comme portant le péché du monde. Les hommes peuvent maltraiter son corps, enfoncer la couronne d'épines dans ses tempes saintes, le dépouiller de ses vêtements et se les disputer; ils ne peuvent pas lui enlever le pouvoir de pardonner les péchés. En mourant Jésus rend témoignage à sa propre divinité et à la gloire de son Père. Son oreille ne s'est pas appesantie pour ne point entendre, et son bras ne s'est point raccourci pour ne plus pouvoir sauver. Il exerce le droit royal de sauver parfaitement tous ceux qui s'approchent de Dieu par lui. JC 755 1 En vérité, je te le dis aujourd'hui: tu seras avec moi dans le paradis. Le Christ n'a pas promis au larron qu'il serait avec lui dans le paradis, ce jour-là, car lui-même n'y est pas allé. Il a dormi dans la tombe, et il dira au matin de la résurrection: "Je ne suis pas encore monté vers mon Père."5 Mais la promesse est donnée au jour de la crucifixion, jour de défaite apparente et de ténèbres. "Aujourd'hui", au moment où il meurt, sur la croix, comme un malfaiteur, le Christ donne cette assurance au pauvre pécheur: "Tu seras avec moi dans le paradis." JC 755 2 Les malfaiteurs crucifiés avec Jésus avaient été placés "un de chaque côté, et Jésus au milieu". Ceci avait été fait à l'instigation des prêtres et des principaux. On voulait, en plaçant le Christ entre les deux bandits, montrer qu'il était le plus grand criminel des trois. Ainsi se trouva vérifié ce passage de l'Ecriture: "Il a été mis au nombre des malfaiteurs."6 Mais les prêtres ne comprirent pas toute la signification de leur acte. De même que Jésus, crucifié avec deux malfaiteurs, fut placé "au milieu", ainsi sa croix a été dressée au milieu d'un monde gisant dans le péché. Les paroles adressées au malfaiteur repentant ont fait jaillir une lumière qui resplendira jusqu'aux extrémités de la terre. JC 755 3 Les anges considéraient avec étonnement l'amour infini de Jésus, qui, endurant les souffrances les plus intenses dans son esprit et dans son corps, ne pensait qu'aux autres, et exhortait à la foi l'âme repentante. Dans son humiliation il avait adressé des paroles prophétiques aux filles de Jérusalem; il avait exercé ses fonctions sacerdotales en intercédant auprès du Père en faveur de ses meurtriers; Sauveur miséricordieux, il avait pardonné les péchés du malfaiteur repentant. JC 755 4 Tandis que ses regards se promenaient sur la foule qui l'entourait, une silhouette attira son attention. Au pied de la croix se tenait sa mère, soutenue par Jean. Elle n'avait pu se résigner à rester éloignée de son fils; sachant que la fin était proche, Jean l'avait ramenée auprès de la croix. A sa dernière heure, le Christ se souvint de sa mère. Regardant son visage ravagé de douleur, puis celui du disciple, il dit à sa mère: "Femme, voici ton fils." Puis il dit à Jean: "Voici ta mère." Jean comprit les paroles du Christ et accepta le dépôt qui lui était confié. Il emmena tout de suite Marie chez lui, et dès ce moment il en prit un tendre soin. O quel Sauveur plein de compassion et d'amour! Au milieu de ses souffrances physiques et de l'angoisse de son esprit, il avait une pensée de sollicitude pour sa mère. Il n'avait pas d'argent à lui laisser; mais il était lui-même dans le coeur de Jean comme un joyau enchâssé dans un écrin; et il fit à son disciple un legs précieux, sa mère, assurant à Marie ce dont elle avait le plus grand besoin: la tendresse d'un être qui l'aimait parce qu'elle aimait Jésus. En l'accueillant comme un dépôt sacré, Jean obtenait une riche bénédiction. Marie devait lui rappeler, sans cesse, son Maître bien-aimé. JC 756 1 L'exemple parfait de l'amour filial du Christ brille d'un éclat toujours aussi vif à travers les siècles. Pendant environ trente années Jésus s'était efforcé de porter sa part des fardeaux du foyer, en travaillant chaque jour de ses mains. Et maintenant, jusque dans sa dernière agonie, il pense aux besoins de sa mère, restée seule dans la douleur. Tout disciple du Seigneur manifestera le même esprit. Ceux qui suivent le Christ doivent sentir qu'une partie de leur religion consiste à respecter leurs parents et à subvenir à leurs besoins. Quiconque garde en son coeur l'amour du Christ ne refusera jamais à son père et à sa mère la sollicitude et la tendresse auxquelles ils ont droit. JC 756 2 Le Seigneur de gloire allait mourir pour la rançon de l'humanité. Au moment où il abandonnait sa vie précieuse, le Christ n'était pas soutenu par une joie triomphante. L'obscurité l'enveloppe et l'oppresse. Ce n'était pas la peur de la mort qui l'accablait. Ce n'était pas la douleur ou l'ignominie de la croix qui lui causaient cette agonie inexprimable. Le Christ était le Prince des martyrs. Ce qui le faisait souffrir par-dessus tout, c'était de sentir la malignité du péché, dont l'homme a cessé d'apercevoir l'énormité en se familiarisant avec lui. Le Christ constatait la puissante emprise du mal sur le coeur humain, et prévoyait qu'un petit nombre d'hommes seraient disposés à s'y soustraire. Il savait que, sans l'aide de Dieu, l'humanité périrait, et il voyait des multitudes perdues malgré le secours abondant qui leur est offert. JC 757 1 Le Christ s'est substitué à nous, il a porté l'iniquité de tous. Il a été mis au nombre des transgresseurs, afin de pouvoir nous racheter de la condamnation de la loi. La culpabilité de tous les descendants d'Adam pesait sur son coeur; l'effroyable manifestation de la colère que Dieu éprouve contre le péché remplissait de consternation l'âme de Jésus. Pendant toute sa vie, le Christ n'avait pas cessé de publier à un monde perdu la bonne nouvelle de la grâce du Père et de l'amour qui pardonne. Son thème constant c'était le salut du plus grand pécheur. Maintenant, sous le poids de la culpabilité qui l'accable, il ne lui est pas donné d'apercevoir le visage miséricordieux du Père. Personne ne comprendra jamais la douleur mortelle qu'éprouva le Sauveur en cette heure d'angoisse suprême où la présence divine lui était retirée. Son agonie morale était si grande qu'il en oubliait ses tortures physiques. JC 757 2 Satan assiégeait Jésus de ses tentations redoutables. Le Sauveur ne voyait pas au-delà de la tombe. L'espérance ne lui montrait plus la victoire sur le sépulcre; il ne possédait plus l'assurance que son sacrifice était agréé de son Père. Sachant que le péché est odieux à la divinité, il redoutait que la séparation ne fût éternelle. Le Christ ressentit l'angoisse que tout pécheur devra éprouver quand la grâce cessera d'intercéder en faveur d'une race coupable. Le sentiment du péché, qui faisait reposer la colère du Père sur lui en tant que substitut de l'homme, voilà ce qui rendit sa coupe si amère, ce qui brisa le coeur du Fils de Dieu. JC 757 3 Les anges qui assistaient à l'agonie désespérée du Sauveur se voilaient la face devant cet effrayant spectacle. La nature elle-même exprimait sa sympathie à son Auteur injurié et mourant. Le soleil refusait d'éclairer une scène aussi atroce. En plein midi, alors qu'il brillait auparavant de tout son éclat, il parut disparaître soudain. Une obscurité complète, semblable à un suaire, enveloppait la croix. "Jusqu'à la neuvième heure, il y eut des ténèbres sur toute la terre." Aucune éclipse, aucune cause naturelle n'expliquait ces ténèbres, aussi épaisses que celles de minuit quand ne brillent ni la lune ni les étoiles. C'était un témoignage miraculeux que Dieu donnait pour confirmer la foi des générations à venir. JC 758 1 Ces épaisses ténèbres cachaient la présence de Dieu. Il fait des ténèbres son pavillon, et il dérobe sa gloire aux yeux des humains. Dieu et ses saints anges se tenaient près de la croix. Le Père restait, invisible, près de son Fils; sa gloire, en éclatant à travers la nuit, eût anéanti tous les spectateurs humains. A cette heure redoutable le Christ ne devait pas être réconforté par la présence de son Père. Il devait être seul à fouler au pressoir, et personne, parmi les siens, ne devait se trouver avec lui. JC 758 2 La dernière agonie humaine du Fils de Dieu fut voilée par cette brume opaque. Tous ceux qui avaient contemplé le Christ au milieu de ses souffrances avaient été convaincus de sa divinité. Son visage devait laisser un souvenir ineffaçable dans l'âme de tous ceux qui ne l'avaient aperçu qu'une fois. Le visage de Caïn portait la trace du crime; le visage du Christ exprimait l'innocence, la sérénité, la bienveillance, -- l'image de Dieu. Pourtant ses accusateurs ne voulaient pas voir la signature du ciel. Pendant de longues heures d'agonie le Christ avait été l'objet de la curiosité d'une foule railleuse. Maintenant Dieu le couvrait, miséricordieusement, de son manteau. JC 758 3 Un silence sépulcral semblait descendre sur le Calvaire. Une terreur indescriptible remplissait la foule rassemblée autour de la croix. Les malédictions et les moqueries moururent sur leurs lèvres. Hommes, femmes et enfants tombèrent sur le sol. De temps en temps des éclairs fulgurants sillonnaient la nue, laissant apercevoir la croix et le Rédempteur crucifié. Prêtres, chefs, scribes, bourreaux, et la foule entière: tous croyaient que l'heure de la rétribution avait sonné pour eux. Après un moment quelqu'un murmura que Jésus allait peut-être descendre de la croix. Plusieurs cherchèrent, en tâtonnant, le chemin de la ville, et se frappaient la poitrine, en gémissant. JC 758 4 Vers la neuvième heure les ténèbres s'élevèrent au-dessus des assistants, sans cesser d'envelopper le Sauveur: symbole de l'agonie et de l'horreur qui pesaient sur son coeur. Aucun oeil ne pouvait percer l'obscurité qui enveloppait la croix, et moins encore celle qui entourait l'âme souffrante du Christ. De furieux éclairs flambaient autour de lui. Alors "Jésus cria d'une voix forte: Eli, Eli, lama sabachthani?... Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné?" Voyant la fureur des éléments déchaînés contre le Sauveur, quelques voix s'écrièrent: La vengeance du ciel l'atteint. La foudre de la colère divine est lancée contre lui parce qu'il a prétendu être le Fils de Dieu. Plusieurs de ceux qui avaient cru en lui perdirent tout espoir en entendant son cri désespéré. Si Dieu avait abandonné Jésus, en qui ses disciples pouvaient-ils se confier? Quand les ténèbres qui oppressaient l'esprit du Christ se furent retirées, il fut ressaisi par le sentiment de ses souffrances physiques, et il dit: "J'ai soif." Un soldat romain, ému de pitié à la vue de ses lèvres desséchées, prit une éponge qu'il plaça au bout d'une tige d'hysope, et, l'ayant trempée dans du vinaigre, il la tendit à Jésus. Mais les prêtres se moquaient de son agonie. Ils avaient éprouvé une véritable terreur lorsque les ténèbres avaient recouvert la terre; maintenant que leur frayeur était dissipée, ils se reprenaient à craindre que Jésus ne leur échappât. Ils se méprirent sur le sens de ses paroles: "Eli, Eli, lama sabachthani?" Ils dirent avec dédain: "Il appelle Elie." Et négligeant cette dernière occasion de soulager ses souffrances, ils ajoutaient: "Laisse, voyons si Elie viendra le sauver." JC 759 1 Le Fils immaculé de Dieu était là, suspendu à la croix, les chairs lacérées de coups; ses mains qui s'étaient si souvent étendues pour bénir étaient clouées au bois; ses pieds, toujours infatigables au service de l'amour, étaient cloués, eux aussi; sa tête royale était meurtrie par une couronne d'épines; ses lèvres tremblantes laissaient échapper un cri de douleur. Tout ce qu'il a souffert, -- les gouttes de sang qui ont coulé de sa tête, de ses mains, de ses pieds, l'agonie qui a secoué son corps, l'angoisse inexprimable qui a rempli son âme quand le Père lui a dérobé son visage, -- tout parle à chaque enfant de l'humanité: C'est pour toi que le Fils de Dieu consent à porter ce fardeau de culpabilité; pour toi il a dépouillé la mort et ouvert les portes du paradis. Celui qui a calmé les flots irrités et marché sur les vagues écumantes, qui faisait trembler les démons et fuir la maladie, qui ouvrait les yeux des aveugles et rendait la vie aux morts, -- s'offre sur la croix, en sacrifice par amour pour toi. Il a porté le péché, il a subi la colère de la justice divine; pour toi, il a été traité comme le péché même. JC 760 1 Les assistants attendaient en silence la fin de cette scène redoutable. Le soleil brillait, mais la croix restait enveloppée de ténèbres. Les prêtres et les chefs regardèrent dans la direction de Jérusalem; voici qu'une nuée épaisse s'étendait sur la ville et sur les plaines de la Judée. Le Soleil de justice, la Lumière du monde, retirait ses rayons à la ville de Jérusalem, autrefois privilégiée. Les terribles éclairs de la colère de Dieu étaient dirigés contre la cité vouée à la ruine. JC 760 2 Tout à coup l'obscurité qui enveloppait la croix se dissipa, et Jésus s'écria, d'une voix claire et retentissante: "Tout est accompli." "Père, je remets mon esprit entre tes mains." Une lumière enveloppa la croix, et le visage du Sauveur resplendit comme le soleil. Sa tête retomba sur sa poitrine, et il expira. JC 760 3 Le Christ avait vidé, jusqu'à la lie, la coupe de la souffrance humaine. Pendant ces heures effroyables, il s'était reposé, par la foi, sur celui à qui il avait toujours accordé une joyeuse obéissance, et dont il connaissait la justice, la miséricorde et le grand amour. Au moment où il se confia à Dieu dans une entière soumission, il cessa de se sentir privé de la faveur de son Père. Le Christ remporta la victoire par la foi. JC 760 4 Jamais auparavant la terre n'avait contemplé un tel spectacle. La foule paralysée, retenant son souffle, contemplait le Sauveur. Les ténèbres réapparurent, un sourd grondement de tonnerre se fit entendre, la terre trembla. Les gens furent précipités les uns sur les autres. Il y eut une scène inouïe de confusion et d'affolement. Des rochers se détachèrent des montagnes environnantes et roulèrent avec fracas dans la plaine. Des sépulcres furent ouverts, et les cadavres qu'ils renfermaient, jetés au dehors. La création paraissait sur le point d'être pulvérisée. Les prêtres, les chefs, les soldats et les bourreaux, ainsi que tout le peuple, muets de terreur, restaient abattus sur le sol. JC 761 1 Quand ce cri puissant: "Tout est accompli", jaillit des lèvres du Christ, des prêtres officiaient dans le temple. C'était l'heure du sacrifice du soir. On allait immoler l'agneau représentant le Christ. Toutes les personnes présentes avaient les yeux fixés sur le prêtre, paré de ses vêtements magnifiques, si pleins de signification, et tenant le couteau à la main, comme Abraham se disposant à immoler son fils. Mais voilà que la terre oscille, car le Seigneur s'approche. Le voile intérieur du temple, comme sous l'effet d'une main invisible, se déchire avec bruit, du haut en bas, et les regards de la foule pénètrent dans le lieu autrefois rempli de la présence de Dieu. C'est là que Dieu avait manifesté sa gloire au-dessus du propitiatoire. Personne, excepté le grand prêtre, ne soulevait le voile qui séparait ce lieu du reste du temple. Lui seul y entrait une fois par an afin de faire propitiation pour les péchés du peuple. Mais voici que le voile est déchiré en deux. Le lieu très saint du sanctuaire terrestre a perdu son caractère sacré. JC 761 2 L'effroi et le désordre règnent partout. Le couteau s'échappe de la main inerte du prêtre qui est sur le point d'immoler la victime; et l'agneau s'enfuit. Le symbole a trouvé sa réalité dans la mort du Fils de Dieu. Le grand sacrifice est consommé. La voie qui donne accès au lieu très saint est ouverte. Un chemin nouveau et vivant est préparé pour tous. L'humanité coupable et souffrante n'a plus besoin d'attendre la venue du grand prêtre. Dès ce moment, le Sauveur devait officier dans les cieux des cieux, en tant que prêtre et avocat. On eût dit qu'une voix vivante disait aux adorateurs: Tous les sacrifices et toutes les offrandes pour le péché ont pris fin. Le Fils de Dieu est venu conformément à sa parole: "Voici je viens ... pour faire, ô Dieu, ta volonté." "Il est entré une fois pour toutes dans le sanctuaire ... avec son propre sang. C'est ainsi qu'il nous a obtenu une rédemption éternelle."7 ------------------------Chapitre 79 -- Tout est accompli JC 762 1 Le Christ ne renonça à la vie que lorsqu'il eut accompli son oeuvre et cette exclamation accompagna son dernier souffle: "Tout est accompli."1 La bataille était gagnée. Sa droite et le bras de sa sainteté avaient remporté la victoire. Il avait planté l'étendard sur les hauteurs éternelles. Quelle joie parmi les anges! Le ciel tout entier s'associait au triomphe du Sauveur. Satan, vaincu, se rendait compte que la partie était perdue pour lui. JC 762 2 Les paroles: "Tout est accompli", revêtaient la plus haute signification aux yeux des anges et des habitants des autres mondes. Cette grande oeuvre de rédemption avait été accomplie non seulement pour nous, mais aussi pour eux. Ils partagent avec nous les fruits de la victoire du Christ. JC 762 3 Ce n'est qu'après la mort de Jésus que le caractère de Satan fut clairement révélé aux anges et aux habitants des autres mondes. Le chef des rebelles s'était déguisé avec tant d'habileté que même des êtres saints n'avaient pu comprendre ses mobiles. Ils n'avaient pas aperçu clairement la nature de sa révolte. JC 762 4 Il était extrêmement puissant et glorieux l'être qui s'était révolté contre Dieu. Le Seigneur dit, en parlant de Lucifer: "Tu étais le couronnement de l'édifice, plein de sagesse, parfait en beauté."1 Après qu'il eut péché, son pouvoir de séduction était d'autant plus grand, et il était d'autant plus difficile de dévoiler son caractère, qu'il avait occupé une position plus élevée auprès du Père. JC 762 5 Dieu aurait pu détruire Satan et ceux qui sympathisaient avec lui aussi aisément que nous pouvons jeter un caillou: il ne l'a pas fait car la révolte ne devait pas être écrasée par la force. Il n'y a que le gouvernement de Satan qui ait recours à la contrainte. Les principes du Seigneur sont tout différents, son autorité a pour fondement la bonté, la miséricorde et l'amour; le seul moyen qu'il emploie, c'est de faire connaître ses principes. Le gouvernement de Dieu est un gouvernement moral; ce sont la vérité et l'amour qui lui assurent la victoire. JC 763 1 Le dessein de Dieu était d'établir toutes choses sur une base éternelle de sécurité; il fut donc décidé, dans les conseils du ciel, qu'un délai serait accordé à Satan pour lui permettre d'expérimenter les principes qui étaient à la base de son système de gouvernement puisqu'il prétendait que ceux-ci étaient supérieurs aux principes divins. L'occasion lui fut donc offerte de les mettre en oeuvre, à la vue de l'univers céleste. JC 763 2 Satan entraîna les hommes dans le péché, et le plan de la rédemption commença de produire ses effets. Pendant quatre mille ans, le Christ s'efforça de relever l'homme, tandis que Satan le précipitait dans la ruine et la dégradation. L'univers céleste voyait tout cela. JC 763 3 Lorsque Jésus vint dans le monde, la puissance de Satan se dressa contre lui. Dès le moment où il parut, tout petit enfant à Bethléhem, l'usurpateur s'efforça de le faire périr. Par tous les moyens possibles il voulut empêcher Jésus de réaliser une enfance et une jeunesse parfaites, un saint ministère et un sacrifice sans tache. Il échoua, ne pouvant réussir à entraîner Jésus dans le péché, ni à le décourager, ni à le détourner de l'oeuvre qu'il était venu accomplir sur la terre. Depuis le désert jusqu'au Calvaire, la colère de Satan se déchaîna sans pitié contre lui; mais le Fils de Dieu serra d'autant plus fort la main de son Père et s'avança résolument sur son sentier ensanglanté. Tous les efforts de Satan en vue de l'opprimer et de le vaincre n'eurent d'autre effet que celui de faire paraître, dans une lumière plus pure, son caractère immaculé. JC 763 4 Le ciel tout entier, ainsi que les habitants des mondes qui n'ont pas connu le péché, avaient été témoins du conflit. Le dénouement avait été suivi avec un intérêt poignant. On avait vu le Sauveur entrer au jardin de Gethsémané, l'âme courbée sous l'horreur d'épaisses ténèbres. On avait entendu son cri douloureux: "Mon Père, s'il est possible, que cette coupe s'éloigne de moi!"2 On l'avait vu privé de la présence de son Père, en éprouvant une douleur qui surpassa celle de sa dernière agonie et fit jaillir de ses pores une sueur de sang. Par trois fois les lèvres du Christ laissèrent échapper une prière, appelant la délivrance. Le ciel ne pouvant pas supporter ce spectacle plus longtemps, un messager d'espérance avait été envoyé au Fils de Dieu. JC 764 1 Le ciel avait contemplé la Victime alors qu'elle était livrée aux mains d'une foule meurtrière et entraînée violemment d'un tribunal à l'autre, sous les moqueries des spectateurs. On avait entendu les quolibets de ses persécuteurs au sujet de son humble naissance et l'un des disciples préférés le renier avec des imprécations et des serments. On avait vu la frénésie de Satan et son influence sur les coeurs humains. Quelle scène effroyable! Le Sauveur arrêté à minuit en Gethsémané, traîné du palais au tribunal, traduit deux fois devant les prêtres, deux fois devant le sanhédrin, deux fois devant Pilate, une fois devant Hérode, raillé, flagellé, condamné, conduit au lieu d'exécution, traînant sa lourde croix au milieu des lamentations des filles de Jérusalem et des railleries de la racaille. JC 764 2 C'est avec douleur et avec étonnement que le ciel avait contemplé le Christ suspendu à la croix, le sang découlant de ses tempes meurtries, le front couvert d'une sueur mêlée de sang. Des mains et des pieds, dont les blessures s'élargissaient sous le poids du corps, le sang goutte à goutte tombait sur le rocher, creusé pour y enfoncer la croix. La respiration pénible devenait plus rapide et plus profonde à mesure que l'âme du Sauveur haletait, chargée des péchés du monde. Tout le ciel avait été rempli de stupeur en entendant la prière du Christ au milieu de ses terribles souffrances: "Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font."3 Et il y avait là des hommes, formés à l'image de Dieu, unis pour anéantir la vie de son Fils unique. Quel spectacle pour l'univers céleste! JC 764 3 Les principautés et les puissances des ténèbres étaient réunies autour de la croix, projetant sur les coeurs des hommes une ombre d'infernale incrédulité. Ces êtres, créés par le Seigneur pour se tenir devant son trône, avaient été autrefois magnifiques et glorieux, leur beauté et leur sainteté proportionnées au degré d'élévation de leur position. Enrichis de la sagesse de Dieu et revêtus de la panoplie du ciel, ils avaient été les ministres de Jéhovah. Mais qui pouvait maintenant reconnaître, dans ces anges déchus, les splendides séraphins qui, autrefois, exerçaient un ministère dans les parvis célestes? JC 765 1 Des anges, au service de Satan, s'étaient alliés à des hommes pleins de méchanceté pour tromper le peuple et exciter toutes les haines contre le Christ, en l'accusant d'être le plus grand des pécheurs. Ils étaient tout remplis de l'esprit du grand rebelle, ceux qui se moquaient du Sauveur attaché à la croix. C'est Satan qui leur suggérait des discours abjects et repoussants. C'est lui qui inspirait leurs railleries. Il n'y avait rien gagné, cependant. Si un seul péché s'était trouvé en Christ, s'il avait cédé à Satan sur un seul point, afin d'échapper à ses horribles tortures, l'ennemi de Dieu et des hommes eût triomphé. Le Christ inclina la tête et expira, mais jusqu'à la fin il garda sa foi et resta soumis à Dieu. "J'entendis dans le ciel une voix forte qui disait: Maintenant est arrivé le salut, ainsi que la puissance et le règne de notre Dieu, et l'autorité de son Christ. Car il a été précipité, l'accusateur de nos frères, celui qui les accusait devant notre Dieu jour et nuit."4 JC 765 2 Satan se vit démasqué. Son système de gouvernement était dévoilé aux yeux des anges qui n'ont pas péché et devant tout l'univers céleste. Il s'était fait connaître comme un meurtrier. En versant le sang du Fils de Dieu, il avait perdu les dernières sympathies des êtres célestes. Désormais son activité allait être restreinte. Quelle que fût son attitude, il ne pourrait plus accompagner les anges dans les parvis célestes, et accuser auprès d'eux les frères du Christ comme étant couverts de vêtements souillés par le péché. Le dernier lien unissant Satan au monde céleste était rompu. JC 765 3 Toutefois Satan ne fut pas détruit à ce moment-là. Même alors, les anges ne comprenaient pas encore tout ce qui était engagé dans le grand conflit. Il fallait que les principes en jeu fussent manifestés plus complètement. Pour le bien de l'homme, l'existence de Satan devait être prolongée afin que le contraste existant entre le Prince de la lumière et le prince des ténèbres devînt évident. Chacun servirait alors celui qu'il aurait choisi. JC 766 1 Lorsque le grand conflit éclata, Satan avait déclaré que la loi de Dieu ne peut être observée, que la justice est incompatible avec la miséricorde, et, qu'au cas où la loi serait transgressée, il n'y aurait pas de pardon pour le pécheur. Chaque péché doit recevoir son châtiment, affirmait Satan; un Dieu qui ferait grâce au pécheur ne serait pas un Dieu de vérité et de justice. Satan exulta quand les hommes eurent violé la loi de Dieu et foulé aux pieds son commandement. Il était donc démontré, assurait-il, que la loi ne peut être observée; il n'y avait pas de pardon pour l'homme. Ayant été chassé du ciel après sa révolte, il prétendait que la race humaine devait être privée à toujours de la faveur de Dieu. Dieu ne pouvait être juste, assurait-il, et se montrer en même temps compatissant envers le pécheur. JC 766 2 Mais, bien que pécheur, l'homme était dans une situation différente de celle de Satan. Dans le ciel, Lucifer avait péché à la pleine lumière de la gloire de Dieu. L'amour divin lui avait été révélé mieux qu'à toute autre créature. Satan avait préféré suivre sa volonté égoïste et indépendante. Après ce choix irrévocable, Dieu ne pouvait rien faire de plus pour le sauver. En revanche, l'homme a été trompé, l'esprit obscurci par les sophismes de Satan. Il ne connaissait pas la hauteur et la profondeur de l'amour de Dieu. Une possibilité subsistait: lui faire connaître cet amour. On était en droit d'espérer qu'en contemplant le caractère divin l'homme serait attiré vers lui. JC 766 3 Par Jésus, la grâce de Dieu a été révélée aux hommes; mais la grâce n'exclut pas la justice. La loi a pour but de faire connaître les attributs du caractère divin; pas un iota ou un trait de lettre de cette loi ne pouvait être modifié pour excuser la chute de l'homme. Au lieu de changer sa loi, Dieu s'est offert lui-même en sacrifice, dans la personne du Christ, pour la rédemption de l'homme. "Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec lui-même."5 JC 767 1 La loi exige la justice, -- une vie juste, un caractère parfait: or l'homme ne peut se conformer aux exigences de la sainte loi de Dieu. Mais le Christ, venu sur la terre en tant qu'homme, a vécu dans la sainteté et a formé un caractère parfait. Il offre ces choses gratuitement à tous ceux qui veulent les recevoir. Sa vie se substitue à celle des hommes. De cette manière ceux-ci obtiennent la rémission des péchés commis auparavant, au temps de la patience de Dieu. Plus encore: le Christ communique aux hommes les attributs même de Dieu. Il façonne le caractère humain à la ressemblance du divin: un magnifique chef-d'oeuvre de force et de beauté spirituelle. Ainsi la justice qu'exige la loi se trouve réalisée chez celui qui croit en Christ. Dieu "a voulu montrer sa justice dans le temps présent, de manière à être reconnu juste, tout en justifiant celui qui a la foi en Jésus".6 JC 767 2 L'amour de Dieu se traduit par sa justice aussi bien que par sa miséricorde. La justice est la base de son trône et le fruit de son amour. Satan s'était proposé de consommer le divorce entre la miséricorde d'un côté, la vérité et la justice de l'autre. Il s'efforçait de montrer que la justice de la loi divine est l'ennemie de la paix. Le Christ montre que ces choses sont indissolublement unies dans le plan de Dieu, et que l'une ne peut exister sans l'autre. "La bonté et la vérité se sont rencontrées; la justice et la paix se sont embrassées."7 JC 767 3 Le Christ a prouvé, par sa vie et par sa mort, que la justice de Dieu n'exclut pas sa miséricorde, mais que le péché peut être pardonné et que la loi parfaite peut être observée parfaitement. Ainsi les accusations de Satan sont réfutées. Dieu a donné à l'homme des preuves non équivoques de son amour. JC 767 4 Une autre erreur allait maintenant se répandre. Satan affirmait que la miséricorde avait supprimé la justice, et que la mort du Christ avait eu pour effet l'abolition de la loi du Père. Mais si la loi avait pu être modifiée ou abrogée, la mort du Christ n'eût pas été nécessaire. Abolir la loi, c'eût été perpétuer la transgression et placer le monde sous la domination de Satan. Jésus a été élevé sur la croix parce que la loi est immuable et parce que l'homme ne peut être sauvé qu'en obéissant à ses préceptes. Satan s'efforce de montrer que la loi a été détruite par les moyens mêmes que le Christ a employés pour l'établir. C'est sur ce terrain que sera livrée la dernière bataille entre Christ et Satan. JC 768 1 La loi que Dieu a proclamée de sa bouche est défectueuse, elle a dû être modifiée dans quelqu'une de ses parties: voilà ce que Satan affirme aujourd'hui. C'est là la dernière grande erreur qu'il s'efforce de propager dans le monde. Pas n'est besoin qu'il s'attaque à la loi tout entière; s'il peut amener les hommes à négliger l'un des préceptes, son but est atteint. "Car quiconque observe toute la loi, mais pèche contre un seul commandement, devient justiciable de tous."8 En consentant à enfreindre un commandement, les hommes se placent sous la domination de Satan. JC 768 2 En substituant une loi humaine à la loi divine, Satan s'efforce d'assumer la direction du monde. Cette oeuvre est décrite dans la prophétie. Il est dit au sujet du grand pouvoir rebelle qui représente Satan dans le monde: "Il proférera des paroles contre le Très-Haut; il opprimera les saints du Très-Haut et formera le dessein de changer les temps et la Loi, et les saints seront livrés en son pouvoir."9 JC 768 3 Les hommes ne manqueront pas de promulguer des lois pour contrecarrer les lois de Dieu. Ils voudront contraindre les consciences et dans leur zèle pour faire exécuter ces lois ils opprimeront leurs semblables. JC 768 4 La lutte engagée contre la loi de Dieu a commencé dans le ciel et elle se poursuivra jusqu'à la fin des temps. Tout homme doit être mis à l'épreuve. Obéir ou désobéir: telle est l'alternative devant laquelle se trouve le monde entier. Tous devront choisir entre la loi divine et les lois humaines. C'est ce qui établira une ligne de démarcation. Il n'y aura que deux classes de personnes. Chaque caractère devra s'affirmer dans un sens ou dans l'autre; et tous les hommes devront montrer s'ils se sont rangés parmi les fidèles ou parmi les rebelles. JC 769 1 Alors la fin viendra. Dieu vengera sa loi et délivrera son peuple. Satan sera retranché avec tous ceux qui auront participé à sa révolte. Péché et pécheurs périront également, racine et rameaux",10 -- Satan, la racine; ses affiliés, les rameaux. Alors s'accomplira cette parole adressée au prince du mal: "Puisque tu as voulu te persuader que tu étais un dieu ... je te précipiterai donc de la montagne de Dieu, je te ferai périr, ô chérubin protecteur, au milieu des pierres aux feux éclatants!... Te voilà devenu un objet d'épouvante et c'en est fait de toi pour toujours!" "Encore un peu de temps et le méchant ne sera plus; tu regarderas la place où il était et il aura disparu." Les nations coupables "disparaîtront comme si elles n'avaient jamais existé".11 JC 769 2 Ceci ne sera pas un acte arbitraire de la part de Dieu. Ceux qui rejettent sa grâce ne feront que moissonner ce qu'ils auront semé. Dieu est la source de la vie; si quelqu'un se met, de propos délibéré, au service du péché, il se sépare de Dieu et se prive ainsi de la vie. Il devient "étranger à la vie de Dieu". Le Christ dit: "Tous ceux qui me haïssent aiment la mort."12 Dieu accorde aux hommes l'existence, pendant un certain temps, afin de leur donner l'occasion de former leur caractère et d'affirmer leurs principes. Une fois que ce but est atteint, les hommes récoltent les conséquences de leur choix. Satan, ainsi que tous ses disciples, se trouvent, après une vie de révolte, si peu en harmonie avec Dieu, que la présence divine seule est, pour eux, un feu consumant. Ils seront détruits par la gloire de celui qui est amour. JC 769 3 Les anges ne comprenaient pas cela au moment où éclata le grand conflit. Si Satan et son armée avaient dû subir alors toutes les conséquences de leur péché, ils auraient péri; les êtres célestes n'eussent pas vu en cela le résultat inévitable du péché. Un doute concernant la bonté de Dieu serait resté comme une mauvaise semence dans leur esprit, et y aurait produit des fruits mortels de péché et de malheur. JC 770 1 Il n'en sera plus ainsi quand le grand conflit sera terminé. Le plan de la rédemption étant alors pleinement réalisé, le caractère de Dieu sera manifeste aux yeux de toutes les intelligences créées. On verra que les préceptes de sa loi sont parfaits et immuables. Le péché aura révélé sa nature, Satan son caractère. L'extermination du péché aura pour effet de justifier l'amour de Dieu et de le réhabiliter devant un univers composé d'êtres qui, ayant sa loi dans leurs coeurs, trouveront leurs délices à faire sa volonté. JC 770 2 Les anges avaient donc de bonnes raisons de se réjouir en contemplant le Sauveur sur sa croix; car bien qu'ils ne fussent pas encore à même de tout saisir, ils savaient que la destruction du péché et de Satan était assurée pour toujours, que la rédemption de l'homme était un fait accompli, et que l'univers était pour l'éternité à l'abri de toute surprise. Quant au Christ, il comprenait parfaitement les résultats du sacrifice accompli sur le Calvaire. Il embrassait toutes ces choses de son regard quand, sur la croix, il s'écria: "Tout est accompli!" ------------------------Chapitre 80 -- Dans le tombeau de Joseph JC 771 1 Jésus était enfin entré dans son repos. Ce jour interminable d'opprobre et de supplice avait pris fin. Au moment où les derniers rayons du soleil couchant annoncèrent le sabbat, le Fils de Dieu reposait paisiblement dans le tombeau de Joseph. Son oeuvre achevée, les mains jointes, en une attitude de paix, il se reposa pendant les heures sacrées du sabbat. JC 771 2 Au commencement, après avoir achevé l'oeuvre de la création, le Père et le Fils s'étaient reposés le jour du sabbat. Quand eurent été achevés "les cieux et la terre, avec toute leur armée",1 le Créateur se réjouit avec tous les êtres célestes dans la contemplation de ce glorieux spectacle, "pendant que les étoiles du matin entonnaient des chants d'allégresse et que les fils de Dieu poussaient des acclamations".1 Maintenant Jésus se reposait, ayant accompli l'oeuvre de la rédemption; et bien qu'il y eût de la tristesse parmi ceux qu'il avait aimés sur la terre, le ciel était dans la joie. De brillantes perspectives d'avenir apparaissaient aux yeux des êtres célestes. Une création restaurée, une race rachetée, incapable de tomber après avoir vaincu le péché, -- voilà ce que Dieu et les anges voyaient comme résultat de l'oeuvre achevée par le Christ. Ce tableau reste à jamais associé au jour où Jésus s'est reposé ... Car son "oeuvre est parfaite"; et "tout ce que Dieu fait subsiste à toujours".2 Quand aura lieu le "rétablissement de tout ce dont Dieu a parlé par la bouche de ses saints prophètes d'autrefois",3 le sabbat de la création, le jour où Jésus s'est reposé dans le tombeau de Joseph, sera encore un jour de repos et de réjouissances. Le ciel et la terre uniront leurs louanges quand, "de sabbat en sabbat".4 les nations rachetées se prosterneront dans une adoration joyeuse devant Dieu et devant l'Agneau. JC 772 1 Les derniers événements du jour de la crucifixion apportèrent de nouvelles preuves de l'accomplissement des prophéties, et rendirent un nouveau témoignage à la divinité du Christ. Lorsque les ténèbres se furent dissipées autour de la croix, et que le Sauveur mourant eut prononcé son dernier cri, on entendit immédiatement une autre voix qui disait: "Cet homme était vraiment le Fils de Dieu." JC 772 2 Ces paroles furent prononcées d'une voix forte. Tout le monde se détourna pour voir d'où elle venait. Qui avait parlé? C'était le centenier romain. La patience divine du Sauveur, sa mort soudaine, précédée d'un cri de victoire, avaient fait impression sur ce païen. Dans ce corps meurtri et brisé suspendu à la croix, le centenier reconnut la forme du Fils de Dieu. Il ne put s'empêcher de confesser sa foi. On voyait ainsi, une fois de plus, qu'il serait donné au Rédempteur de contempler le fruit de ses labeurs. Le jour même de sa mort, trois hommes, très différents les uns des autres, avaient confessé leur foi, -- celui qui commandait la garde romaine, celui qui avait porté la croix du Sauveur et celui qui était mort, sur la croix, à côté de lui. JC 772 3 Comme le soir approchait, un calme céleste entourait le Calvaire. La foule s'était dispersée, et plusieurs étaient retournés à Jérusalem avec des sentiments bien différents de ceux qu'ils avaient éprouvés le matin. Beaucoup, accourus pour voir la crucifixion et poussés plutôt par la curiosité que par la haine du Christ, avaient cru, néanmoins, aux accusations des prêtres et considéraient le Christ comme un malfaiteur. Ils s'étaient joints à la populace moqueuse sous l'influence d'une excitation anormale, mais quand ils virent la terre enveloppée de ténèbres, leurs consciences les accusèrent et ils se reconnurent coupables d'un grand péché. On n'entendait plus ni railleries, ni rires moqueurs au milieu de cette obscurité effrayante; quand celle-ci se fut dissipée, ils rentrèrent chez eux dans un silence solennel, et convaincus de la fausseté des accusations des prêtres. Jésus n'était plus, à leurs yeux, un charlatan; au jour de la Pentecôte, quelques semaines plus tard, lorsque Pierre prononça son discours, ils se trouvèrent parmi les milliers de personnes qui se convertirent au Christ. JC 773 1 Les sentiments des chefs de la nation n'avaient pas changé, malgré les événements dont ils avaient été les témoins. Ils vouaient à Jésus la même haine qu'auparavant. Les ténèbres qui avaient recouvert la terre, au moment de la crucifixion, n'étaient pas plus épaisses que celles qui continuaient d'envelopper l'esprit des prêtres et des chefs. L'étoile avait reconnu le Christ à sa naissance, et conduit les mages auprès de la crèche. Les armées célestes l'avaient reconnu et avaient chanté ses louanges au-dessus des plaines de Bethléhem. La mer avait reconnu sa voix, et obéi à son commandement. La maladie et la mort avaient reconnu son autorité et restitué leurs proies. Le soleil l'avait reconnu, et avait caché sa lumière pour ne pas voir son angoisse mortelle. Les rochers l'avaient reconnu, et s'étaient brisés, en entendant son cri. La nature inanimée avait reconnu le Christ et rendu témoignage à sa divinité. Mais les prêtres et les chefs d'Israël ne reconnaissaient pas le Fils de Dieu. Néanmoins ils éprouvaient un certain malaise. Ils avaient réussi à mettre à mort le Christ; mais ils n'éprouvaient pas le sentiment de victoire auquel ils s'étaient attendus. A l'heure même de leur triomphe apparent, ils étaient troublés par des doutes au sujet de ce qui allait suivre. Ils avaient entendu le cri: "Tout est accompli." "Père, je remets mon esprit entre tes mains."5 Ils restaient inquiets après avoir vu les rochers se fendre et la terre trembler. Pendant que le Christ vivait, ils avaient envié son influence sur le peuple et ils l'enviaient même après sa mort. Ils redoutaient le Christ plus qu'ils ne l'avaient redouté pendant sa vie. Ils craignaient que l'attention du peuple ne s'attachât aux événements qui avaient accompagné la crucifixion et appréhendaient les conséquences de l'oeuvre de ce jour. Ils n'auraient voulu, pour rien au monde, que le corps du Christ restât sur la croix, pendant le sabbat, ce qui eût été une profanation. Saisissant ce prétexte, les principaux des Juifs demandèrent à Pilate de hâter la mort des victimes et de faire enlever leurs corps, avant le coucher du soleil. JC 774 1 Pilate étant de leur avis, son consentement fut donné; on brisa les jambes aux deux larrons afin de hâter leur mort; mais l'on constata que Jésus était déjà mort. Ces rudes soldats, attendris par ce qu'ils avaient entendu et vu du Christ, s'abstinrent de lui rompre les membres. Ainsi la loi de la Pâque se trouva observée dans l'offrande de l'Agneau de Dieu: "Ils n'en laisseront rien pour le lendemain matin et ils n'en briseront pas les os; ils la célébreront conformément à toutes les prescriptions relatives à la Pâque."6 JC 774 2 Les prêtres et les chefs furent surpris en voyant que le Christ avait expiré. La mort des crucifiés était généralement très lente et il était difficile de déterminer le moment du décès. C'était une chose inouïe qu'une mort si prompte, seulement six heures après la crucifixion. Les prêtres voulurent s'assurer de la réalité de cette mort: à leur instigation un soldat perça de sa lance le côté du Sauveur. Deux flots abondants et distincts, l'un de sang, l'autre d'eau, coulèrent de la blessure. Ce phénomène fut remarqué par tous les assistants, et Jean l'a noté d'une manière précise. Il dit: "Un des soldats lui perça le côté avec une lance, et aussitôt, il sortit de l'eau et du sang. Celui qui l'a vu en a rendu témoignage, et son témoignage est vrai; et lui, il sait qu'il dit vrai, afin que vous croyiez, vous aussi. Cela est arrivé, pour que l'Ecriture soit accomplie: Aucun de ses os ne sera brisé. Et ailleurs, l'Ecriture dit encore: Ils regarderont à celui qu'ils ont percé."7 JC 774 3 Après la résurrection, les prêtres et les chefs firent circuler le bruit que le Christ n'était pas mort sur la croix, qu'il s'était simplement évanoui, et qu'ensuite il avait repris connaissance. D'autres affirmaient qu'on n'avait pas enseveli un vrai corps de chair et d'os, mais un simulacre. Par leur acte, les soldats romains ont mis à nu la fausseté de ces rapports. Ils ne lui ont pas rompu les jambes, parce qu'il était déjà mort. Pour donner une satisfaction aux prêtres, ils lui ont percé le côté. S'il avait été encore vivant, cette blessure eût causé une mort instantanée. JC 774 4 Mais la mort de Jésus n'a été causée ni par le coup de lance, ni par les souffrances endurées sur la croix. Le grand cri8 jeté au moment de la mort, le flot de sang et d'eau qui s'écoula de son côté disent assez qu'il est mort d'une rupture du coeur. Son coeur se rompit sous l'effet de l'angoisse morale. Il a été tué par le péché du monde. JC 775 1 A la mort du Christ, les espérances des disciples s'évanouirent. Ils regardaient ses paupières closes, et sa tête inclinée, ses cheveux collés par le sang, ses mains et ses pieds percés, et ils éprouvaient une inexprimable angoisse. Jusqu'au dernier moment, ils n'avaient pas cru qu'il mourrait; c'est à peine s'ils pouvaient croire qu'il fût réellement mort. Vaincus par la douleur, ils ne pouvaient se rappeler les paroles par lesquelles il avait prédit cette scène. Rien de ce qu'il leur avait dit ne venait maintenant les réconforter. Ils ne voyaient qu'une chose: la croix avec sa victime sanglante. L'avenir leur paraissait désespérément sombre. Leur foi en Jésus avait disparu; cependant ils n'avaient jamais autant aimé leur Maître. Jamais ils n'avaient aussi bien compris sa valeur et senti combien sa présence leur était nécessaire. JC 775 2 Même après sa mort, les disciples éprouvaient le plus grand respect pour le corps du Christ et ils désiraient lui donner une sépulture honorable, mais ne savaient comment faire. Jésus avait été condamné comme rebelle au gouvernement romain; les condamnés de cette catégorie étaient ensevelis dans un lieu qui leur était spécialement destiné. Jean s'attardait auprès de la croix avec les femmes venues de la Galilée. Ils ne voulaient pas que le corps du Seigneur restât aux mains de soldats insensibles et fût jeté, sans honneurs, dans une fosse commune. Mais ils ne pouvaient l'empêcher. Ils n'avaient aucune faveur à obtenir des autorités juives et ne jouissaient d'aucune influence auprès de Pilate. JC 775 3 Dans cette conjoncture, Joseph d'Arimathée et Nicodème vinrent au secours des disciples. Tous deux riches et influents, membres du sanhédrin, en relation avec Pilate, ils étaient bien décidés à donner au corps de Jésus une sépulture honorable. JC 775 4 Joseph alla hardiment auprès du gouverneur romain et sollicita l'autorisation de prendre le corps de Jésus. Pilate apprit alors, pour la première fois, que Jésus était réellement mort. Des rapports contradictoires concernant les événements qui avaient accompagné la crucifixion étaient parvenus jusqu'à lui, mais on lui avait caché, à dessein, la mort du Christ. Les prêtres et les chefs avaient averti Pilate que les disciples du Christ pourraient bien se rendre coupables d'un subterfuge à l'égard du corps du Christ. Ayant entendu la requête de Joseph, Pilate fit appeler le centenier qui avait été envoyé à la croix, et obtint de lui la certitude que Jésus était bien mort. Il entendit aussi de sa bouche un récit des scènes du Calvaire qui confirmait le témoignage de Joseph. JC 776 1 Joseph obtint l'objet de sa requête. Tandis que Jean était inquiet au sujet de l'ensevelissement de son Maître, Joseph, nanti de l'ordre de Pilate, venait chercher le corps du Christ et Nicodème apportait un mélange coûteux de myrrhe et d'aloès, du poids d'environ cent livres, afin de l'embaumer. Les personnes les plus influentes de Jérusalem n'auraient pu recevoir de plus grands honneurs à leurs funérailles. Les disciples furent surpris en voyant que ces hommes riches et puissants s'intéressaient, autant qu'eux-mêmes, à l'ensevelissement de leur Maître. JC 776 2 Ni Joseph ni Nicodème n'avaient ouvertement accepté le Sauveur pendant qu'il vivait. Ils savaient qu'une telle démarche les ferait exclure du sanhédrin, et ils espéraient pouvoir le protéger grâce à l'influence qu'ils exerçaient dans les conseils. Ils avaient cru réussir pendant un certain temps; mais les prêtres rusés, connaissant la sympathie de ces hommes pour le Christ, avaient déjoué leur plan. C'est en leur absence que Jésus avait été condamné et livré à la crucifixion. Maintenant qu'il était mort, ils n'avaient plus de raison pour cacher leur attachement; alors que les disciples craignaient de se faire connaître ouvertement, Joseph et Nicodème vinrent hardiment à leur aide. L'intervention de ces hommes riches et honorés était bien nécessaire à ce moment-là. Ils pouvaient faire pour le Maître, après sa mort, ce que les pauvres disciples étaient dans l'impossibilité de faire; leur fortune et leur influence les mettaient à l'abri, dans une grande mesure, de la malice des prêtres et des chefs. JC 777 1 De leurs propres mains ils prirent délicatement et avec respect le corps de Jésus et le descendirent de la croix. Leurs larmes coulaient abondamment tandis qu'ils regardaient ce corps meurtri et déchiré. Joseph s'était fait creuser un tombeau tout neuf, dans le roc, non loin du Calvaire. Ce tombeau fut mis à la disposition de Jésus. Le corps du Rédempteur, soigneusement enveloppé dans un drap de lin, avec les aromates apportés par Nicodème, fut transporté jusqu'à la tombe. Là, les trois disciples remirent en place les membres déchirés, et joignirent les mains de Jésus sur sa poitrine inerte. Les femmes galiléennes vinrent s'assurer que l'on avait fait tout ce qui était possible pour la dépouille mortelle de leur Maître bien-aimé. Ensuite elles virent rouler la lourde pierre à l'entrée de la tombe, et le Sauveur fut laissé à son repos. Restées les dernières auprès de la croix, les femmes restèrent aussi les dernières près du tombeau du Christ. Les ombres du soir descendaient déjà, que Marie-Madeleine et les autres Marie s'attardaient encore, versant des larmes amères sur le sort de celui qu'elles aimaient. Puis elles "s'en retournèrent pour préparer des aromates", mais "pendant le sabbat, elles observèrent le repos, selon le commandement".9 JC 777 2 Ce sabbat-là ne devait jamais être oublié, ni par les disciples attristés, ni par les prêtres, les chefs, les scribes et le peuple. Au coucher du soleil, le soir de la préparation, les trompettes résonnèrent, annonçant le commencement du sabbat. La Pâque fut observée comme elle l'avait été depuis des siècles, alors que celui qu'elle annonçait avait été mis à mort par des méchants et qu'il gisait dans le tombeau de Joseph. Le jour du sabbat, les adorateurs remplissaient les parvis du temple. Le grand prêtre qui s'était trouvé à Golgotha était là, revêtu de ses magnifiques vêtements sacerdotaux. Les prêtres, la tête enveloppée d'un turban blanc, vaquaient activement à leurs occupations. Cependant quelques-unes des personnes présentes se trouvaient mal à l'aise tandis que le sang des taureaux et des boucs était offert pour le péché. Elles ne se rendaient pas compte du fait que la réalité remplaçait les symboles, et qu'un sacrifice infini venait d'être consommé en faveur des péchés du monde. Elles ne savaient pas que le service rituel avait perdu toute valeur. Néanmoins on n'avait jamais assisté au service avec des sentiments aussi partagés. Le son des trompettes et des autres instruments musicaux ainsi que la voix des chanteurs s'élevaient aussi haut que d'habitude. Pourtant un sentiment étrange planait sur toutes choses. Chacun s'informait au sujet d'un événement extraordinaire qui venait de se produire. Jusqu'alors le lieu très saint était resté caché à tout regard profane; maintenant le lourd tapis de lin pur magnifiquement ouvragé d'or, d'écarlate et de pourpre, qui servait de voile, était déchiré de haut en bas. Le lieu où Jéhovah s'était rencontré avec le souverain sacrificateur pour révéler sa gloire, le lieu sacré qui servait à Dieu de salle d'audience, était accessible à tous les regards, comme un lieu que le Seigneur ne reconnaissait plus. Les prêtres, avec de sombres pressentiments, exerçaient leurs fonctions devant l'autel. Le dévoilement du mystère sacré que renfermait le lieu très saint leur faisait redouter les pires calamités. Bien des personnes avaient l'esprit plein de pensées suscitées par les scènes du Calvaire. Dans l'intervalle qui devait s'écouler entre la crucifixion et la résurrection, bien des yeux restèrent sans sommeil, sans cesse occupés à sonder les prophéties. On s'efforçait de saisir la signification de la fête que l'on célébrait à ce moment-là, ou de trouver les preuves que Jésus n'était pas ce qu'il avait prétendu être, ou bien encore de découvrir des preuves de sa messianité. Malgré que ces recherches fussent entreprises avec des préoccupations différentes, la même conviction s'établissait chez tous: la prophétie avait trouvé son accomplissement dans les événements qui venaient de se produire, et le Crucifié était bien le Rédempteur du monde. Plusieurs de ceux qui participaient à ce service ne devaient plus jamais célébrer le rite pascal. Bon nombre de prêtres reconnaissaient le véritable caractère de Jésus. Ce ne fut pas en vain qu'ils sondèrent les prophéties: après sa résurrection ils reconnurent en lui le Fils de Dieu. JC 778 1 Quand Nicodème vit Jésus élevé sur la croix, il se rappela les paroles qui lui avaient été dites, de nuit, sur le mont des Oliviers: "Comme Moïse éleva le serpent dans le désert, il faut, de même, que le Fils de l'homme soit élevé, afin que quiconque croit en lui ait la vie éternelle."10 Pendant le sabbat que le Christ passa dans le sépulcre, Nicodème eut le temps de réfléchir. Une vive lumière éclaira son esprit, et les paroles que Jésus lui avait dites cessèrent d'être un mystère. Il comprit qu'il avait beaucoup perdu en ne se rattachant pas au Sauveur pendant qu'il vivait encore. Il se rappela les événements du Calvaire. La prière que le Christ avait fait entendre en faveur de ses meurtriers, la réponse qu'il avait donnée à la supplication du malfaiteur mourant, parlaient au coeur du savant sénateur. Il revoyait le Sauveur, dans son agonie; il entendait, à nouveau, le dernier cri: "Tout est accompli", qui avait retenti pareil à celui d'un conquérant. Il revoyait la terre vacillante, les cieux obscurcis, le voile déchiré, les rochers brisés, et sa foi triompha pour toujours. Les mêmes événements qui avaient anéanti les espérances des disciples eurent pour effet de convaincre Joseph et Nicodème de la divinité de Jésus. Leurs craintes firent place au courage d'une foi ferme et inébranlable. JC 779 1 Jésus n'avait jamais autant attiré l'attention des foules que depuis qu'il était dans sa tombe. Les gens continuaient d'amener des malades et des personnes souffrantes dans les parvis du temple, et demandaient: Qui peut nous dire où se trouve Jésus de Nazareth? On venait de très loin pour trouver celui qui avait guéri des malades et ressuscité des morts. De tous côtés on entendait dire: Nous voulons voir le Christ, le Guérisseur. A cette occasion, ceux qui présentaient les symptômes de la lèpre étaient examinés par les prêtres. Plusieurs avaient la douleur d'entendre déclarer lépreux, soit leurs maris, soit leurs femmes, soit leurs enfants. Ces malheureux devaient quitter leur foyer, cesser d'être l'objet des soins de leurs amis, et tenir tout le monde à distance en criant: Impur, impur! Les mains bienveillantes de Jésus de Nazareth, qui n'avaient jamais refusé l'attouchement guérisseur aux lépreux les plus repoussants, étaient jointes sur sa poitrine. Les lèvres qui, en réponse à la supplication du lépreux, avaient prononcé ces paroles consolantes: "Je le veux, sois purifié",11 étaient maintenant silencieuses. Plusieurs faisaient appel, mais en vain, à la pitié des principaux sacrificateurs et des chefs pour obtenir quelque soulagement. On eût dit qu'ils étaient décidés à obtenir que le Christ fût de nouveau vivant au milieu d'eux. Ils le réclamaient avec persistance et ne voulaient pas se laisser congédier; on les chassa des parvis du temple, et des soldats furent placés aux portes pour refuser l'entrée aux foules qui affluaient avec des malades et des mourants. L'espoir des affligés, accourus pour chercher la guérison auprès du Sauveur, sombrait dans une amère déception. Les rues retentissaient de lamentations. Des malades mouraient faute de l'attouchement de Jésus. En vain l'on consultait des médecins; personne ne possédait l'habileté de celui qui reposait dans le tombeau. JC 780 1 En entendant les gémissements de tant d'êtres souffrants, des milliers de personnes comprenaient qu'une grande lumière venait de quitter le monde. Sans le Christ, la terre n'était plus qu'obscurité et ténèbres. Beaucoup de ceux qui avaient crié: "Crucifie-le! Crucifie-le!" voyaient maintenant de quelle calamité ils étaient frappés, et si Jésus eût été encore vivant, ils eussent crié tout aussi volontiers: Relâche-nous Jésus! JC 780 2 Quand le peuple eut appris que Jésus avait été mis à mort par les prêtres, on s'enquit au sujet de cette mort, et, bien que le secret fût gardé le mieux possible, le nom du Christ passait sur des milliers de bouches, et partout l'on parlait de son procès, qui n'avait été qu'une parodie, et de l'inhumanité dont avaient fait preuve ses juges. Des hommes intelligents s'adressaient aux prêtres et aux chefs pour avoir l'explication des prophéties de l'Ancien Testament concernant le Messie: ces docteurs essayaient d'inventer une réponse mensongère; ils paraissaient atteints de folie et étaient incapables d'expliquer les prophéties se rapportant aux souffrances et à la mort du Christ, de sorte que beaucoup de chercheurs furent convaincus que les Ecritures étaient accomplies. JC 780 3 Les prêtres s'étaient promis une douce vengeance, mais déjà celle-ci leur était amère. Ils se voyaient l'objet des censures sévères du peuple, qu'ils avaient influencé contre Jésus et qui était maintenant rempli d'horreur à la pensée de la honteuse action commise. Ces prêtres s'étaient vainement efforcés de croire que Jésus était un séducteur. Quelques-uns avaient été témoins de la résurrection de Lazare et ils frémissaient à la pensée que le Christ pourrait ressusciter, lui aussi, d'entre les morts et réapparaître devant eux. Ils l'avaient entendu dire qu'il avait le pouvoir de donner sa vie et de la reprendre. Ils se rappelaient ces paroles: "Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai."12 Judas leur avait rapporté les paroles que Jésus avait dites au cours de son dernier voyage à Jérusalem: "Voici, nous montons à Jérusalem, et le Fils de l'homme sera livré aux grands-prêtres et aux scribes. Ils le condamneront à mort et le livreront aux païens, pour qu'ils se moquent de lui, le flagellent et le crucifient; et le troisième jour il ressuscitera".13 Ils avaient ridiculisé ces affirmations, mais maintenant ils constataient que déjà la plupart des prédictions du Christ s'étaient accomplies. Qui pouvait garantir qu'il ne ressusciterait pas, au troisième jour, comme il l'avait proclamé? Ils cherchaient sans y parvenir à se débarrasser de ces pensées. Comme leur père, le diable, ils croyaient et tremblaient. JC 781 1 Maintenant que l'effervescence était calmée, l'image du Christ s'imposait à leur esprit. Ils le revoyaient devant ses ennemis, serein, ne faisant entendre aucune plainte, endurant, sans un murmure, les injures et les mauvais traitements qu'on lui infligeait; ils se souvenaient des moindres particularités du procès et de la crucifixion, et en eux s'établissait la conviction que celui qu'ils avaient crucifié était le Fils de Dieu. Ils sentaient qu'il pouvait à tout instant se dresser devant eux, d'accusé devenir leur accusateur, de condamné leur juge, et exiger la mort de ses meurtriers. JC 781 2 Au cours de ce sabbat, ils n'eurent guère de repos. Ceux-là même qui n'avaient pas voulu franchir le seuil d'un païen par crainte de se souiller, tinrent un conseil à propos du corps du Christ. La mort et le sépulcre devaient garder celui qu'ils avaient crucifié. "Les grands-prêtres et les pharisiens allèrent ensemble trouver Pilate et dirent: Seigneur, nous nous souvenons que cet imposteur a dit quand il vivait encore: Après trois jours, je ressusciterai. Ordonne donc que le sépulcre soit gardé jusqu'au troisième jour, afin que ses disciples ne viennent pas dérober Jésus et dire au peuple: Il est ressuscité des morts. Cette dernière imposture serait pire que la première. Pilate leur dit: Tenez, voici une garde. Allez, assurez-vous de lui comme vous l'entendrez."14 JC 782 1 Les prêtres donnèrent des instructions pour la surveillance du sépulcre. Une grande pierre avait été placée devant l'ouverture. Ils mirent, en travers de cette pierre, une corde dont les bouts furent fixés au rocher, et ils y apposèrent le sceau romain. Il était impossible de déplacer la pierre sans rompre le sceau. On posta une centaine de soldats aux alentours du tombeau pour empêcher tout subterfuge. Les prêtres firent tout ce qui était en leur pouvoir pour garder le corps du Christ à l'endroit où il avait été placé. Il était enfermé dans sa tombe comme s'il devait y rester à toujours. JC 782 2 Ainsi raisonnaient et agissaient les hommes, dans leur faiblesse. Ces meurtriers ne se rendaient pas compte de l'inutilité de leurs précautions. Mais Dieu devait être glorifié par leur moyen. Les efforts tentés en vue d'empêcher la résurrection du Christ fournissent les arguments les plus convaincants à l'appui de sa réalité. Plus nombreux étaient les soldats autour de la tombe, plus puissant serait le témoignage en faveur de la résurrection. Le Saint-Esprit avait déclaré par l'intermédiaire du psalmiste, des centaines d'années avant la mort du Christ: "Pourquoi les nations s'agitent-elles? Pourquoi les peuples forment-ils de vains projets? Les rois de la terre se sont soulevés et les princes conspirent ensemble contre l'Eternel et contre son Oint. ... Celui qui habite dans les cieux en rira."15 La garde romaine et les armes romaines étaient impuissantes à retenir, dans la tombe, le Seigneur de la vie. L'heure de la délivrance approchait. ------------------------Chapitre 81 -- Le Seigneur est ressuscité JC 783 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 28:2-4, 11-15. JC 783 1 La nuit du premier jour de la semaine s'était écoulée lentement. On était à l'heure la plus sombre, celle qui précède l'aube. Le Christ restait prisonnier dans sa tombe étroite; le sceau romain était intact sur la grande pierre; les sentinelles romaines veillaient. Il y avait là des spectateurs invisibles. Des armées de mauvais anges entouraient ce lieu. Si la chose eût été possible, le prince des ténèbres, aidé de sa troupe d'apostats, aurait retenu pour toujours le Fils de Dieu dans sa tombe scellée. Mais une phalange d'anges forts et vaillants entouraient le sépulcre et se préparaient à souhaiter la bienvenue au Prince de la vie. JC 783 2 "Et voici qu'il se fit un grand tremblement de terre; car un ange du Seigneur descendit du ciel." Cet ange avait quitté les parvis célestes revêtu de la panoplie de Dieu. Les rayons resplendissants de la gloire divine le précédaient, éclairant son chemin. "Son aspect était comme l'éclair et son vêtement blanc comme la neige. La crainte bouleversa les gardes qui devinrent comme morts." JC 783 3 Où est maintenant la puissance de votre garde, prêtres et chefs? -- Ces soldats courageux qui n'ont jamais reculé devant un pouvoir humain, sont maintenant comme des captifs, pris sans épées et sans lances. Ils regardent un visage qui n'est pas celui d'un guerrier mortel, mais celui de l'être le plus puissant que renferme l'armée du Seigneur. Ce messager occupe la position que Satan a perdue par sa chute. C'est lui qui a annoncé la naissance du Christ sur les collines de Bethléhem. La terre frémit à son approche, les démons prennent la fuite, et le ciel paraît s'abaisser tandis que l'ange roule la pierre, comme un simple caillou, et qu'ils l'entendent crier: Fils de Dieu, sors; ton Père t'appelle. Ils voient Jésus se dresser hors du sépulcre ouvert, et proclamer: "Je suis la résurrection et la vie." Tandis qu'il s'avance revêtu de majesté et de gloire, l'armée angélique s'incline profondément pour adorer le Rédempteur, et l'accueille par ses chants de louanges. JC 784 1 Un tremblement de terre avait marqué le moment où le Christ avait abandonné sa vie; un autre tremblement de terre signala son triomphe. Celui qui avait vaincu la mort et le sépulcre sortit du tombeau avec l'allure d'un conquérant, au milieu des convulsions du globe, du jaillissement des éclairs et du grondement du tonnerre. Quand il reviendra sur la terre, il ébranlera "non seulement la terre, mais aussi le ciel."1 "La terre chancelle comme un homme ivre; elle vacille comme une cabane." "Les cieux seront roulés comme un livre." "Les éléments embrasés se dissoudront, et la terre, avec les oeuvres qu'elle renferme, sera consumée." "Mais l'Eternel est un refuge pour son peuple, une forteresse pour les enfants d'Israël".2 JC 784 2 A la mort de Jésus, les soldats avaient vu la terre enveloppée de ténèbres en plein midi; à la résurrection, ils virent la nuit illuminée par la splendeur des anges, et ils entendirent les habitants du ciel chanter d'une voix joyeuse et triomphante: Tu as vaincu Satan et les puissances des ténèbres; tu as englouti la mort dans la victoire! JC 784 3 Le Christ sortit glorifié de la tombe, à la vue de la garde romaine. Les soldats, les regards rivés sur celui qu'ils avaient récemment raillé et tourné en dérision, reconnurent, dans cet Etre glorifié, le prisonnier pour qui, au tribunal, ils avaient tressé une couronne d'épines; celui qui n'avait offert aucune résistance à Pilate et à Hérode, et dont le corps avait été lacéré par les verges; celui qui avait été cloué à la croix, et devant qui les prêtres et les chefs satisfaits avaient hoché la tête, en disant: "Il a sauvé les autres, il ne peut se sauver lui-même."3 C'était bien celui qui avait été déposé dans le tombeau neuf de Joseph. Un décret du ciel avait rendu la liberté au captif. Des montagnes accumulées sur son sépulcre n'eussent pu l'empêcher d'en sortir. JC 785 1 A la vue des anges et du Sauveur glorifié, les soldats romains étaient tombés comme morts. Ils se relevèrent quand le cortège céleste eut disparu à leurs yeux, et gagnèrent l'entrée du jardin aussi rapidement que leurs membres tremblants le leur permirent. Chancelants comme des hommes ivres, ils rentrèrent précipitamment dans la ville, racontant la nouvelle étonnante à ceux qu'ils rencontraient sur leur chemin. Ils se rendaient chez Pilate, mais les autorités juives ayant eu vent de la chose, les appelèrent en leur présence. Ces soldats avaient une étrange apparence. Tremblants et pâles de frayeur, ils affirmèrent la résurrection du Christ; ils racontèrent tout ce qu'ils avaient vu; le temps leur avait manqué pour penser ou pour dire autre chose que la vérité. Ils dirent, en s'exprimant avec peine: C'est le Fils de Dieu qui a été crucifié; nous avons entendu un ange déclarer qu'il était la Majesté du ciel et le Roi de gloire. JC 785 2 Les prêtres avaient un visage cadavérique. Caïphe essaya de parler, mais de ses lèvres ne sortit aucun son. Les soldats allaient quitter la salle du conseil quand une voix les rappela. Caïphe avait enfin recouvré la parole. Attendez, attendez, dit-il. Ne dites à personne ce que vous avez vu. JC 785 3 Les soldats furent chargés d'un rapport mensonger. Les prêtres leur donnèrent cet ordre: "Vous direz: Ses disciples sont venus de nuit le dérober, pendant que nous dormions." Les prêtres se dupaient eux-mêmes. Comment les soldats pouvaient-ils dire que les disciples avaient dérobé le corps pendant qu'ils dormaient? S'ils avaient dormi, qu'en savaient-ils? Et s'il avait été démontré que les disciples s'étaient rendus coupables d'avoir dérobé le corps du Christ, les prêtres n'eussent-ils pas été les premiers à les condamner? D'ailleurs, si les sentinelles avaient dormi près du sépulcre, les prêtres ne se seraient-ils pas empressés de les accuser auprès de Pilate? JC 785 4 Les soldats étaient terrifiés à la pensée de s'accuser eux-mêmes d'avoir dormi à leur poste. C'était là un délit passible de la peine de mort. Allaient-ils rendre un faux témoignage, tromper le peuple, et exposer leur vie? N'avaient-ils pas exercé une vigilance inlassable? Comment pouvaient-ils commettre un parjure pour quelques pièces d'argent? JC 786 1 Afin d'obtenir d'eux le silence, les prêtres donnèrent aux soldats une garantie de sécurité: Pilate, assuraient-ils, ne tenait pas plus qu'eux-mêmes à ce que ce rapport fût répandu. Les soldats romains vendirent aux Juifs leur intégrité pour quelques pièces d'argent. Ils avaient comparu devant les prêtres avec un fardeau: celui d'un message véridique des plus étonnants; ils s'en allèrent avec un autre fardeau: de l'argent, et, sur la langue, un mensonge inventé par les prêtres. JC 786 2 Sur ces entrefaites, Pilate avait entendu parler de la résurrection du Christ. Bien qu'il eût la responsabilité d'avoir livré Jésus à la mort, Pilate était resté assez indifférent. Tout en ayant condamné le Sauveur à contre-coeur, et même avec un sentiment de pitié, il n'avait éprouvé jusqu'à ce moment aucun vrai repentir. Après cette nouvelle, terrorisé, il s'enferma dans sa maison, décidé à ne voir personne. Néanmoins les prêtres réussirent à s'introduire auprès de lui et lui contèrent l'histoire qu'ils avaient imaginée, lui demandant de fermer les yeux sur la négligence des sentinelles. Avant d'y consentir, Pilate voulut interroger les soldats en particulier; ceux-ci, craignant pour leur vie, n'osèrent rien cacher, et le gouverneur obtint d'eux le récit de tout ce qui s'était passé. Il ne poussa pas les choses plus loin, mais dès ce moment il ne connut plus de repos. JC 786 3 Satan avait triomphé lorsque Jésus fut déposé dans le sépulcre. Il avait osé espérer que le Sauveur ne reviendrait pas à la vie. Il revendiquait le corps du Seigneur comme sa propriété; s'efforçant de retenir le Christ dans sa prison, il plaça sa garde autour du tombeau. Quand ses anges prirent la fuite à l'approche du messager céleste, il devint fou de colère. En voyant le Christ sortir triomphant, il comprit que son royaume à lui était destiné à prendre fin et que lui-même devrait périr. JC 786 4 En mettant le Christ à mort, les prêtres s'étaient faits les instruments de Satan. Ils étaient maintenant entièrement en son pouvoir, pris dans un filet d'où ils ne pouvaient sortir; il ne leur restait qu'une chose à faire: poursuivre la lutte engagée contre le Christ. En apprenant la nouvelle de sa résurrection, ils redoutèrent la colère du peuple et se virent en danger. Une seule chance de salut leur restait: soutenir, en niant la résurrection, que le Christ avait été un imposteur. Ils corrompirent donc les soldats et, ayant obtenu le silence de Pilate, ils répandirent auprès et au loin leur faux rapport. Mais il y avait des témoins qu'ils ne pouvaient réduire au silence: plusieurs avaient entendu le témoignage rendu par les soldats à la résurrection du Christ. D'autre part, quelques-uns des morts qui étaient ressuscités avec le Christ apparurent à plusieurs, déclarant qu'il était ressuscité. On vint dire aux prêtres que certaines personnes avaient vu ces ressuscités et entendu leurs témoignages. Les prêtres et les chefs vivaient dans une crainte continuelle de se trouver, face à face, avec le Christ, soit dans les rues, soit chez eux. Ils ne se sentaient en sûreté nulle part. Les verrous et les barres offraient un faible abri contre le Fils de Dieu. Jour et nuit se représentait à leur esprit la scène du tribunal avec les paroles qu'ils avaient proférées: "Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants."4 Cette scène ne devait jamais s'effacer de leur mémoire. Ils ne devaient jamais plus goûter un sommeil paisible. JC 787 1 Quand l'ange avait fait entendre sa voix puissante près du tombeau du Christ, en disant: Ton Père t'appelle! le Sauveur était sorti du sépulcre grâce à la vie qu'il possédait en lui-même. Ainsi se trouvaient vérifiées ses paroles: "Je donne ma vie, afin de la reprendre. ... J'ai le pouvoir de la donner et j'ai le pouvoir de la reprendre." La prédiction qu'il avait faite aux prêtres et aux chefs était accomplie: "Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai."5 JC 787 2 Le Christ avait proclamé triomphalement, sur le sépulcre ouvert: "Je suis la résurrection et la vie." Un Dieu seul pouvait parler ainsi. Toutes les créatures ne vivent que grâce à la volonté et à la puissance de Dieu. Elles vivent dans un état de dépendance à l'égard de la vie divine. Depuis le séraphin le plus élevé jusqu'à l'être animé le plus humble, tous sont alimentés par la source de la vie. Celui-là seul qui est un avec Dieu pouvait dire: J'ai le pouvoir de donner ma vie, et j'ai le pouvoir de la reprendre. Le Christ possédait, dans sa divinité, la puissance qui lui permettrait de briser les liens de la mort. JC 788 1 Le Christ s'est relevé d'entre les morts, comme les prémices de ceux qui dorment. Il était l'antitype de la gerbe que l'on agitait dans le temple, et sa résurrection eut lieu le jour même où cette gerbe était présentée devant le Seigneur. Cette cérémonie symbolique avait été célébrée pendant plus de mille ans. On ramassait les premiers épis mûrs dans les champs, et quand le peuple accourait à Jérusalem pour la Pâque, la gerbe des prémices était agitée devant le Seigneur comme une offrande de reconnaissance. C'était seulement après cette cérémonie que les blés pouvaient être fauchés et liés. La gerbe consacrée à Dieu représentait la moisson. De la même manière, le Christ, en tant que prémices, représentait la grande moisson spirituelle qui doit être introduite dans le royaume de Dieu. Sa résurrection est le type et le gage de celle de tous les justes. "Si nous croyons que Jésus est mort et qu'il est ressuscité, croyons que Dieu ramènera aussi par Jésus, et avec lui, ceux qui se sont endormis."6 JC 788 2 En se relevant d'entre les morts, le Christ entraîna avec lui une multitude de captifs. Des sépulcres s'étaient ouverts sous l'effet du tremblement de terre qui accompagna sa mort; quand Jésus sortit du tombeau, des collaborateurs de Dieu qui avaient rendu témoignage à la vérité, au prix de leur vie, sortirent avec lui. Ils devaient maintenant être les témoins de celui qui les avait ressuscités des morts. JC 788 3 Pendant son ministère, Jésus avait ressuscité des morts. Il avait rendu à la vie le fils de la veuve de Naïn, la fille d'un chef et Lazare. Mais ces ressuscités n'avaient pas été revêtus de l'immortalité. Ils restaient, après leur retour à la vie, sujets à la mort, tandis que ceux qui sortirent du sépulcre lors de la résurrection du Christ, ressuscitèrent pour la vie éternelle. Ils l'accompagnèrent au ciel ainsi que des trophées de sa victoire sur la mort. Ceux-ci, dit le Christ en les présentant, ne sont plus captifs de Satan: je les ai rachetés. Je les ai fait sortir du sépulcre comme les prémices de ma puissance, afin qu'ils soient là où je suis et qu'ils n'aient plus à subir ni la mort ni la douleur. JC 789 1 Ces ressuscités entrèrent dans la ville et se montrèrent à plusieurs, en disant: Le Christ s'est relevé d'entre les morts, et nous sommes ressuscités avec lui. Rendus à la vie, ces saints attestaient la vérité de ces paroles: "Fais donc revivre tes morts; que les cadavres des miens se relèvent!" Par leur résurrection cette prophétie commençait de s'accomplir: "Réveillez-vous, entonnez des cantiques de joie, habitants de la poussière! Car ta rosée, ô Dieu, est comme la rosée de l'aurore et la terre fera renaître les trépassés."7 JC 789 2 Pour tout croyant, le Christ est la résurrection et la vie. Par le Sauveur nous retrouvons la vie que le péché nous a fait perdre; car il possède en lui-même une vie qui lui permet de ressusciter qui il veut. Il a le droit de communiquer l'immortalité. Il reprend possession de la vie qu'il a donnée étant homme, et il la communique à l'humanité. "Je suis venu, dit-il, afin que les brebis aient la vie et qu'elles l'aient en abondance." "Celui qui boira de l'eau que je lui donnerai, n'aura jamais soif, et l'eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d'eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle." "Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle, et je le ressusciterai au dernier jour."8 JC 789 3 La mort est peu de chose pour le croyant. Le Christ, en parlant d'elle, a dit: "Si quelqu'un garde ma parole, il ne verra jamais la mort." La mort du chrétien n'est qu'un sommeil, un repos dans le silence et l'obscurité. Si vous croyez, votre vie est cachée avec le Christ en Dieu, et "quand le Christ, votre vie, paraîtra, alors vous paraîtrez aussi avec lui dans la gloire".9 JC 789 4 Le cri qui a retenti sur la croix: "Tout est accompli" a été entendu même parmi les morts. Il a traversé les parois des sépulcres et ordonné à ceux qui dormaient de se relever. Il en sera de même quand la voix du Christ se fera entendre du ciel. Cette voix pénétrera jusque dans les sépulcres, elle en brisera les barres, et ceux qui sont morts en Christ se lèveront. Quelques sépulcres seulement furent ouverts lors de la résurrection du Sauveur; mais, lors de son retour, tous les morts qui lui sont précieux entendront sa voix et seront revêtus d'une vie glorieuse, immortelle. La même puissance qui a ressuscité le Christ d'entre les morts fera revivre son Eglise et la glorifiera avec lui, au-dessus de toute principauté, de toute puissance, et de tout nom qu'on peut nommer non seulement en ce siècle-ci, mais aussi dans le siècle à venir. ------------------------Chapitre 82 -- Pourquoi pleures-tu? JC 791 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 28:1, 5-8; Marc 16:1-8; Luc 24:1-12; Jean 20:1-18. JC 791 1 Les femmes qui s'étaient tenues près de la croix du Christ attendirent impatiemment que les heures du sabbat fussent écoulées. Le premier jour de la semaine, de très bonne heure, elles se rendirent au tombeau, apportant des aromates précieux pour oindre le corps du Sauveur. Elles étaient loin de s'imaginer qu'il fût ressuscité d'entre les morts. Le soleil de leur espérance s'était couché, et la nuit s'était faite dans leurs coeurs. Tout en marchant, elles s'entretenaient des oeuvres de miséricorde du Christ et de ses paroles de consolation. Mais elles oubliaient qu'il leur avait dit: "Je vous verrai de nouveau."1 JC 791 2 Ignorant ce qui se passait à ce moment même, elles s'approchèrent du jardin en se disant: "Qui nous roulera la pierre de l'entrée du tombeau?" Elles savaient bien qu'elles n'auraient pas la force d'enlever la pierre, néanmoins elles poursuivirent leur chemin. Mais voici que, soudain, les cieux furent illuminés d'une gloire qui ne provenait pas du soleil levant. La terre trembla. Elles virent que la grande pierre avait été roulée. Le sépulcre était vide. JC 791 3 Ces femmes ne venaient pas toutes de la même direction. Marie-Madeleine, arrivée la première, ayant constaté que la pierre avait été enlevée, s'empressa d'aller le raconter aux disciples. Pendant ce temps les autres femmes survenaient. Une lumière brillait autour du tombeau, mais le corps de Jésus n'y était pas. Comme elles s'attardaient en cet endroit, elles s'aperçurent, tout à coup, qu'elles n'étaient pas seules. Un jeune homme vêtu de vêtements resplendissants se tenait assis au bord du tombeau. C'était l'ange qui avait roulé la pierre. Il avait pris une apparence humaine pour ne point effrayer ces amies de Jésus. Toutefois une lumière céleste resplendissait encore autour de lui, et les femmes prirent peur. Comme elles s'enfuyaient, l'ange les arrêta. "Pour vous, dit-il, soyez sans crainte; car je sais que vous cherchez Jésus, le crucifié. Il n'est pas ici; en effet il est ressuscité comme il l'avait dit. Venez, voyez l'endroit où il était couché, et allez promptement dire à ses disciples qu'il est ressuscité des morts." Elles regardèrent de nouveau dans la tombe, et elles entendirent une fois de plus la nouvelle merveilleuse. Un autre ange sous forme humaine était là, qui leur dit: "Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant? Il n'est pas ici, mais il est ressuscité. Souvenez-vous de quelle manière il vous a parlé, lorsqu'il était encore en Galilée et qu'il disait: Il faut que le Fils de l'homme soit livré entre les mains des pécheurs, qu'il soit crucifié et qu'il ressuscite le troisième jour." JC 792 1 Il est ressuscité, il est ressuscité! Les femmes ne se lassaient pas de répéter ces paroles. Il n'était plus besoin d'aromates. Le Sauveur n'était plus mort, il était vivant. Elles se rappelèrent alors comment, en leur annonçant sa mort, il leur avait dit qu'il ressusciterait. Quel jour pour le monde! Les femmes s'éloignèrent en hâte du sépulcre, "remplies de crainte et d'une grande joie, et coururent porter la nouvelle à ses disciples". JC 792 2 Marie n'avait pas entendu la bonne nouvelle. Elle se rendit donc auprès de Pierre et de Jean et leur dit avec tristesse: "On a enlevé du tombeau le Seigneur, et nous ne savons pas où on l'a mis." Les disciples accoururent au sépulcre et trouvèrent les choses comme Marie les avait dites. Ils virent le linceul et le linge, mais leur Maître n'était plus là. On pouvait voir, cependant, qu'il était ressuscité. Les linges mortuaires n'avaient pas été jetés de côté négligemment, mais pliés avec soin et mis chacun à sa place. Jean "vit et il crut". Il ne comprenait pas encore les passages de l'Ecriture déclarant que le Christ devait ressusciter d'entre les morts; mais il se souvint des paroles par lesquelles le Sauveur avait annoncé sa résurrection. JC 792 3 C'est le Christ lui-même qui avait placé avec un si grand soin ces suaires. Lorsque l'ange puissant s'était approché de la tombe, il avait été rejoint par un autre ange qui monta la garde avec sa milice autour du corps du Seigneur. Tandis que l'ange descendu du ciel roulait la pierre, l'autre entrait dans la tombe et déliait le corps de Jésus. Mais ce fut le Sauveur lui-même qui plia ses linges mortuaires et les mit à leur place. Rien n'est insignifiant aux yeux de celui qui dirige les étoiles et les atomes. L'ordre et la perfection caractérisent toutes ses oeuvres. JC 793 1 Marie avait suivi Jean et Pierre au tombeau; elle y resta quand ils retournèrent à Jérusalem. La douleur remplissait son coeur tandis qu'elle regardait dans la tombe vide. S'étant approchée, elle aperçut deux anges, l'un à la tête, l'autre au pied de la fosse où Jésus avait été étendu. "Femme, pourquoi pleures-tu?" demandèrent-ils. Elle leur répondit: "Parce qu'on a enlevé mon Seigneur, et je ne sais où on l'a mis." JC 793 2 Alors elle se détourna pour chercher quelqu'un qui pût la renseigner sur ce qu'on avait fait du corps de Jésus. Elle entendit une autre voix qui lui disait: "Femme, pourquoi pleures-tu? Qui cherches-tu?" A travers ses larmes elle aperçut la forme d'un homme, et, pensant que c'était le jardinier, elle demanda: "Seigneur, si c'est toi qui l'as emporté, dis-moi où tu l'as mis, et je le prendrai." Si le tombeau du riche était considéré comme un lieu d'ensevelissement trop honorable pour Jésus, elle-même se chargerait de lui en trouver un autre. Il y avait un tombeau dans lequel la voix du Christ avait fait le vide: c'était celui où Lazare avait reposé. Ne pourrait-elle pas y ensevelir son Maître? Dans sa douleur elle eût éprouvé une grande consolation si elle avait pu prendre soin du précieux corps du Crucifié. JC 793 3 Mais Jésus lui dit de sa voix familière: "Marie!" Elle comprit alors que celui qui lui parlait n'était pas un étranger, et s'étant retournée elle vit devant elle le Christ vivant. Dans sa joie, elle oublia qu'il avait été crucifié. Elle s'élança pour embrasser ses pieds, et s'écria: "Rabbouni." Mais le Christ leva la main et lui dit: Ne me retiens pas; "car je ne suis pas encore monté vers mon Père. Mais va vers mes frères et dis-leur que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu." Et Marie alla porter ce joyeux message aux disciples. JC 793 4 Jésus refusa les hommages des siens avant d'être certain que son sacrifice avait été accepté par le Père. Il s'éleva jusqu'aux parvis célestes, et reçut de Dieu lui-même l'assurance que la propitiation offerte pour les péchés des hommes était suffisante et que tous pourraient, par son sang, obtenir la vie éternelle. Le Père confirma l'alliance qu'il avait faite avec le Christ, s'engageant à accueillir les hommes repentants et obéissants et à les aimer comme il aime son propre Fils. Le Christ devait achever son oeuvre et rendre "les hommes plus rares que l'or fin".2 Tout pouvoir dans le ciel et sur la terre fut donné au Prince de la vie, et il revint dans un monde de péché, auprès de ses disciples, pour leur communiquer sa puissance et sa gloire. JC 794 1 Pendant que le Sauveur se tenait en la présence de Dieu, recevant de lui des dons en faveur de son Eglise, les disciples réfléchissaient au sujet de la tombe vide, ils s'affligeaient et pleuraient. Ce jour, qui était pour tout le ciel un jour de réjouissances, était, pour les disciples, un jour d'incertitude et de confusion. L'incrédulité avec laquelle ils accueillirent le témoignage des femmes montre assez à quel niveau leur foi était descendue. La nouvelle de la résurrection du Christ était si différente de ce qu'ils avaient attendu qu'ils ne pouvaient y croire. C'était trop beau pour être vrai, se disaient-ils. Les oreilles rebattues des doctrines et des théories prétendues scientifiques des sadducéens, ils n'avaient qu'une vague idée de la résurrection. Ils savaient à peine ce que pouvait être la résurrection d'entre les morts et étaient incapables de saisir ce sujet si important. JC 794 2 Les anges avaient dit aux femmes: "Allez dire à ses disciples et à Pierre qu'il vous précède en Galilée: c'est là que vous le verrez, comme il vous l'a dit." Ces anges, gardiens du Christ pendant toute sa vie terrestre, avaient assisté à son procès et à sa crucifixion et entendu ce que Jésus avait dit aux disciples. C'est ce qui ressort du message qu'ils envoyèrent à ceux-ci, et qui aurait dû suffire pour les convaincre. De telles paroles ne pouvaient provenir que des messagers du Ressuscité. JC 794 3 "Allez dire à ses disciples et à Pierre", dirent les anges. Depuis la mort du Christ, Pierre, poursuivi par le regard plein d'amour et de détresse que le Sauveur avait jeté sur lui, était accablé de remords. Il ne pouvait oublier la manière honteuse dont il avait renié son Maître; il souffrait plus qu'aucun autre disciple. Maintenant il est mentionné par son nom, on l'assure ainsi que son repentir est accepté et son péché pardonné. JC 795 1 "Allez dire à ses disciples et à Pierre qu'il vous précède en Galilée: c'est là que vous le verrez." Tous les disciples avaient abandonné Jésus; la convocation s'adresse à tous. Le Maître ne les a pas rejetés! Lorsque Marie-Madeleine leur raconta qu'elle avait vu le Seigneur, elle leur répéta l'invitation à se rendre en Galilée. Le même message leur fut envoyé une troisième fois. Après qu'il fut monté vers le Père, Jésus apparut aux autres femmes, disant: "Je vous salue. Elles s'approchèrent, lui embrassèrent les pieds et l'adorèrent. Alors Jésus leur dit: Soyez sans crainte; allez dire à mes frères de se rendre en Galilée; c'est là qu'ils me verront." JC 795 2 La première chose que fit le Christ après sa résurrection fut de convaincre ses disciples que son amour et sa sollicitude pour eux n'avaient pas diminué. Pour leur donner la preuve qu'il était leur Sauveur vivant, qu'il avait brisé les chaînes du tombeau, que la mort, cet ennemi, ne pouvait le retenir plus longtemps, et pour leur révéler qu'il gardait pour eux les mêmes sentiments qu'à l'époque où il était leur Maître bien-aimé, il leur apparut à diverses reprises. Il voulait resserrer autour d'eux les liens de son amour. Allez dire à mes frères, dit-il, de se rendre en Galilée; c'est là qu'ils me verront! JC 795 3 Ce rendez-vous si précis rappela aux disciples les termes dans lesquels le Christ avait annoncé sa résurrection. Néanmoins, ils ne pouvaient pas encore se réjouir et ne réussissaient pas à rejeter leurs doutes et leurs perplexités. Ils ne pouvaient croire les femmes qui leur affirmaient qu'elles avaient vu le Seigneur. Ils pensaient qu'elles avaient eu une hallucination. JC 795 4 Les difficultés s'ajoutaient aux difficultés. Leur Maître était mort le sixième jour de la semaine, et au premier jour de la semaine suivante les disciples se trouvaient privés de son corps, et accusés de l'avoir dérobé pour tromper le peuple. Ils désespéraient de réussir jamais à corriger les fausses impressions qui gagnaient du terrain autour d'eux. Ils redoutaient la haine des prêtres et la colère du peuple et soupiraient après la présence du Christ qui les avait secourus dans toutes leurs inquiétudes. JC 796 1 Il leur arrivait souvent de redire: "Nous espérions que ce serait lui qui délivrerait Israël." Un sentiment de mélancolie s'emparait d'eux quand ils se rappelaient ces paroles: "Si l'on fait cela au bois vert, qu'arrivera-t-il au bois sec?"3 Ils se réunirent dans la chambre haute, fermèrent et verrouillèrent les portes, pressentant pour eux-mêmes un sort pareil à celui de leur Maître bien-aimé. JC 796 2 Et dire que pendant tout ce temps ils auraient pu se réjouir dans la connaissance d'un Sauveur ressuscité! Dans le jardin, Marie avait pleuré alors que Jésus se tenait tout près d'elle. Ses yeux aveuglés par les larmes ne le reconnaissaient pas. Les coeurs des disciples étaient si remplis de douleur qu'ils ne croyaient pas au message des anges, ni même aux paroles du Christ. JC 796 3 Il y en a beaucoup qui agissent encore comme les disciples. Combien font écho au cri désespéré de Marie: "On a enlevé ... le Seigneur, et nous ne savons pas où on l'a mis." A combien ne pourrait-on pas répéter les paroles du Sauveur: "Pourquoi pleures-tu? Qui cherches-tu?" Il se tient tout près d'eux, mais leurs yeux aveuglés par les larmes ne le reconnaissent pas. Il leur parle, mais eux ne comprennent pas. JC 796 4 Oh! si l'on pouvait lever la tête, si les yeux pouvaient s'ouvrir pour le contempler, si les oreilles pouvaient écouter sa voix! "Allez promptement dire à ses disciples qu'il est ressuscité des morts." Dites-leur de ne plus regarder vers la tombe de Joseph, fermée par une grande pierre et scellée du sceau romain. Le Christ n'est plus là, le sépulcre est vide. Ne pleurez pas comme ceux qui n'ont pas d'espérance ni de secours. Jésus vit, et parce qu'il vit, nous vivrons, nous aussi. Que nos coeurs reconnaissants, que nos lèvres purifiées par le charbon ardent, fassent retentir ce chant joyeux: Le Christ est ressuscité! Il est vivant, et il intercède pour nous. Saisissez cette espérance, et cramponnez-vous-y comme à une ancre sûre et ferme. Croyez, et vous verrez la gloire de Dieu. ------------------------Chapitre 83 -- Sur le chemin d'Emmaüs JC 797 0 Ce chapitre est basé sur Luc 24:13-33. JC 797 1 A Une heure avancée de l'après-midi du jour de la résurrection, deux disciples se trouvaient sur la route qui mène à Emmaüs, petite ville située à douze kilomètres environ de Jérusalem. Ces disciples n'avaient pas pris une part importante à l'oeuvre du Christ; néanmoins c'étaient des croyants zélés. Venus dans la ville pour célébrer la Pâque, ils étaient fort préoccupés par les événements qui venaient d'avoir lieu. Ayant entendu la nouvelle, qui s'était répandue le matin, concernant la disparition du corps du Christ, ainsi que le rapport des femmes qui avaient vu les anges et qui s'étaient trouvées en présence de Jésus, ils rentraient chez eux pour méditer et prier. Ils s'en allaient tristement, devisant sur les scènes du procès et de la crucifixion. Jamais ils n'avaient éprouvé un aussi profond découragement. Ils marchaient sans espoir et sans foi, à l'ombre de la croix. JC 797 2 Ils n'avaient pas fait un long bout de chemin qu'un étranger les rejoignait, mais, absorbés dans leur tristesse et leur désappointement, ils négligèrent de l'observer de près et continuèrent leur conversation, exprimant les pensées de leurs coeurs, s'entretenant des leçons que le Christ leur avait données et qu'ils ne réussissaient pas à comprendre. Tandis qu'ils parlaient des événements récents, Jésus désirait ardemment les réconforter. Il avait vu leur douleur; il comprenait les idées contradictoires et angoissantes qui les amenaient à se demander: Se peut-il que cet homme, qui s'est laissé humilier à un tel point, soit le Christ? Ne pouvant contenir leur douleur, ils pleuraient. Jésus savait que leurs coeurs étaient remplis d'amour pour lui, il attendait avec impatience le moment d'essuyer leurs larmes et de les remplir de joie et de bonheur. Mais il crut devoir leur donner d'abord des leçons qu'ils n'oublieraient jamais. JC 798 1 "Il leur dit: Quels sont ces propos que vous échangez en marchant? Et ils s'arrêtèrent, l'air attristé. L'un d'eux, nommé Cléopas, lui répondit: Es-tu le seul qui séjourne à Jérusalem et ne sache pas ce qui s'y est produit ces jours-ci?" Ils lui racontèrent comment ils avaient été désappointés au sujet de leur Maître, un prophète puissant en oeuvres et en paroles, aux yeux de Dieu et de tout le peuple; mais, ajoutèrent-ils, "nos grands-prêtres et nos chefs l'ont livré pour être condamné à mort, et l'ont crucifié". Ils poursuivirent, le coeur débordant d'une déception amère, et les lèvres tremblantes: "Nous espérions que ce serait lui qui délivrerait Israël; mais avec tout cela, voici le troisième jour que ces événements se sont produits." JC 798 2 N'est-il pas étrange que ces disciples aient oublié les paroles par lesquelles le Christ leur avait annoncé les événements qui devaient survenir? Ils ne comprenaient pas que la dernière partie de ces révélations devait s'accomplir tout aussi bien que la première, et que, par conséquent, Jésus ressusciterait le troisième jour. C'est justement cela qu'ils auraient dû se rappeler. Les prêtres et les chefs ne l'avaient pas oublié. "Le lendemain, c'est-à-dire le jour après la préparation, les grands-prêtres et les pharisiens allèrent ensemble trouver Pilate et dirent: Seigneur, nous nous souvenons que cet imposteur a dit quand il vivait encore: Après trois jours, je ressusciterai."1 Mais les disciples ne se souvenaient pas de ces paroles. JC 798 3 "Alors Jésus leur dit: Hommes sans intelligence, et dont le coeur est lent à croire tout ce qu'ont dit les prophètes! Le Christ ne devait-il pas endurer ces souffrances et entrer dans sa gloire?" Les disciples se demandaient avec étonnement qui pouvait être cet étranger, qui pénétrait jusque dans leurs âmes, et leur parlait avec tant de ferveur, de tendresse, de sympathie et d'optimisme. Pour la première fois, depuis la trahison, l'espérance renaissait dans leurs coeurs. A la dérobée, ils considéraient attentivement leur compagnon; ses paroles étaient précisément celles que le Christ aurait prononcées à sa place. Ils étaient remplis d'étonnement et leurs coeurs tressaillaient d'allégresse. JC 799 1 En commençant par Moïse, qui est l'alpha de l'histoire biblique, le Christ exposa tout ce qui, dans les Ecritures, se rapportait à lui. S'il s'était fait aussitôt connaître à eux, leurs coeurs eussent été satisfaits, et dans la plénitude de leur joie, ils n'eussent pas souhaité autre chose. Mais il était nécessaire qu'ils comprissent le témoignage que les symboles et les prophéties de l'Ancien Testament ont apporté au Christ. C'est sur ce témoignage que leur foi devait être établie. Le Christ n'accomplit aucun miracle pour les convaincre; il commença par leur expliquer les Ecritures. Sa mort leur avait semblé anéantir toutes leurs espérances. Il leur montrait maintenant, en se fondant sur les prophètes, que cette mort devait justement constituer la base de leur foi. JC 799 2 En instruisant ses disciples, Jésus montra l'importance du témoignage que l'Ancien Testament a rendu à sa mission. Aujourd'hui beaucoup de chrétiens de profession mettent de côté l'Ancien Testament, comme ayant perdu toute valeur. Tel n'est pas l'enseignement du Christ. Bien au contraire; il a montré combien il l'estimait quand il a dit: "S'ils n'écoutent pas Moïse et les prophètes, ils ne se laisseront pas persuader, même si quelqu'un ressuscitait d'entre les morts."2 JC 799 3 C'est la voix du Christ qui parle par les patriarches et les prophètes, depuis les jours d'Adam jusqu'à la fin des temps. Le Sauveur est révélé aussi clairement dans l'Ancien Testament que dans le Nouveau. La lumière qui jaillit du passé prophétique fait éclater la clarté et la beauté de la vie du Sauveur et des enseignements du Nouveau Testament. Les miracles du Christ peuvent servir à prouver sa divinité; mais le fait qu'il est le Rédempteur du monde ressort avec plus d'évidence encore quand on compare les prophéties de l'Ancien Testament avec l'histoire du Nouveau. JC 799 4 Argumentant au moyen des prophéties, le Christ fit comprendre aux disciples ce qu'il devait être dans son humanité. Ils s'étaient trompés en attendant un Messie qui, selon l'opinion générale, monterait sur le trône et s'emparerait du pouvoir royal. Cette idée les avait empêchés d'admettre qu'il devait quitter les plus hauts sommets pour occuper la position la plus basse et boire la coupe de souffrances qui lui était destinée. Le Christ désirait que ses disciples eussent sur toutes choses des idées justes. Il leur montra que la lutte effroyable qu'il avait soutenue et qu'ils n'étaient pas à même de concevoir, était le résultat de l'alliance qu'il avait contractée avant la fondation du monde. Le Christ devait mourir comme doit mourir tout transgresseur de la loi qui persévère dans le péché. Tout cela était inévitable et devait aboutir, non pas à une défaite, mais à une victoire glorieuse, éternelle. Jésus leur dit qu'il ne fallait épargner aucun effort pour sauver le monde du péché. Ses disciples doivent, en déployant une énergie intense et persévérante, vivre comme il a vécu, travailler comme il a travaillé. JC 800 1 Tels étaient les discours que le Christ adressait à ses disciples, ouvrant leurs esprits à l'intelligence des Ecritures. Bien qu'ils fussent las, la conversation ne languissait pas. Des paroles de vie et d'assurance tombaient des lèvres du Sauveur. Mais leurs yeux étaient encore retenus. Pendant qu'il leur annonçait la destruction de Jérusalem, ils regardaient, en pleurant, vers la ville condamnée. Ils étaient encore loin de deviner qui était leur compagnon de route. Ils ne s'imaginaient pas que celui qui était le sujet de leur conversation marchait près d'eux; car le Christ parlait de lui-même comme s'il s'était agi d'une autre personne. Ils croyaient qu'il était un de ceux qui avaient assisté à la grande fête et reprenait le chemin du retour. Comme eux, il marchait avec précaution sur le chemin raboteux, s'arrêtant de temps à autre pour prendre quelque repos. Ils s'avançaient ainsi sur cette route de montagne, tandis que marchait à côté d'eux celui qui bientôt allait s'asseoir à la droite de Dieu, et qui pouvait dire: "Tout pouvoir m'a été donné dans le ciel et sur la terre."3 JC 800 2 Le soleil était descendu à l'horizon; avant que les voyageurs eussent atteint leur destination, ceux qui travaillaient dans les champs avaient quitté leur ouvrage. Au moment où les disciples arrivèrent chez eux, l'étranger parut vouloir continuer sa route. Mais les disciples se sentaient attirés vers lui et désiraient l'entendre encore. "Reste avec nous", dirent-ils. Et comme il ne paraissait pas disposé à accepter leur invitation, ils insistèrent: "Le soir approche, le jour est déjà sur son déclin." Le Christ finit par céder. "Il entra, pour rester avec eux." JC 801 1 Si les disciples n'avaient pas renouvelé leur offre, ils n'auraient pas su que leur compagnon de voyage était le Seigneur ressuscité. Le Christ n'impose jamais sa présence à personne. Il s'intéresse à ceux qui ont besoin de lui. Il se fait un plaisir d'entrer dans la maison la plus humble, et de réjouir le coeur le plus simple. Mais il passe outre lorsque les hommes se montrent indifférents envers l'hôte céleste et qu'ils négligent de l'inviter à rester avec eux. C'est ainsi que plusieurs éprouvent une grande perte. Ils ne connaissent pas mieux que les disciples le Christ qui les accompagnait sur le chemin d'Emmaüs. JC 801 2 Le simple repas du soir fut vite préparé. On le plaça devant l'hôte qui s'était assis à l'extrémité de la table. Jésus étend ses mains pour bénir les aliments. Les disciples reculent d'étonnement. Ils reconnaissent le geste habituel de leur Maître. Ils le regardent à nouveau, et ils découvrent dans ses mains la marque des clous. Tous deux s'écrient à la fois: C'est le Seigneur Jésus! Il est ressuscité d'entre les morts! JC 801 3 Ils se lèvent pour se jeter à ses pieds et l'adorer, mais il a disparu de leurs yeux. Ils regardent le siège qui a été occupé par celui dont le corps gisait naguère dans le sépulcre, et ils se disent l'un à l'autre: "Notre coeur ne brûlait-il pas au dedans de nous, lorsqu'il nous parlait en chemin et nous expliquait les Ecritures?" JC 801 4 Ils sont trop pressés de communiquer cette grande nouvelle pour pouvoir rester assis à causer. Ils ont oublié la fatigue et la faim. Sans toucher à leur repas, impatients d'apporter la nouvelle aux disciples, ils se remettent joyeusement en route et retournent à la ville par le chemin qu'ils viennent de parcourir. La route n'est pas toujours sûre, mais ils gravissent les endroits escarpés en glissant sur les pierres polies. Ils ne voient pas et ne savent pas qu'ils sont protégés par celui qui a fait le voyage avec eux. Le bâton du pèlerin à la main, ils s'avancent et voudraient aller plus vite qu'il n'est prudent de le faire. Ils perdent leur chemin et le retrouvent. Tantôt courant, tantôt trébuchant, ils avancent, ayant toujours à côté d'eux leur invisible compagnon. JC 802 1 La nuit est sombre, mais le Soleil de justice resplendit sur eux. Leurs coeurs bondissent de joie. Ils se croient dans un monde nouveau. Le Christ est un Sauveur vivant. Ils ont cessé de pleurer sur sa mort. Le Christ est ressuscité -- ils le répètent sans se lasser. Voilà le message qu'ils apportent aux affligés. Ils vont leur raconter l'histoire étrange du chemin d'Emmaüs. Il faut qu'ils disent qui les a rejoints en chemin. Ils emportent avec eux le message le plus important qui ait jamais été donné au monde, une bonne nouvelle qui servira de fondement aux espérances de la famille humaine pour le temps et pour l'éternité. ------------------------Chapitre 84 -- La paix soit avec vous JC 803 0 Ce chapitre est basé sur Luc 24:33-48; Jean 20:19-29. JC 803 1 Arrives à Jérusalem, les deux disciples entrent par la porte orientale qui, pendant les fêtes, reste ouverte la nuit. Les maisons sont plongées dans l'obscurité et le silence, mais les voyageurs se dirigent à travers les rues étroites, à la lumière de la lune naissante. Ils se rendent à la chambre haute, où Jésus a passé la soirée qui a précédé sa mort. Ils savent que malgré l'heure avancée ils y rencontreront leurs frères; ceux-ci ne se livreront pas au sommeil avant d'avoir acquis une certitude au sujet de la disparition du corps du Seigneur. Ils constatent que la porte de la chambre est barrée avec soin. Ils frappent, mais n'obtiennent pas de réponse; tout est silencieux. Alors ils disent leurs noms. On ouvre avec prudence; ils entrent, et un Autre entre avec eux, invisible. Puis la porte est vite refermée car on redoute les espions. JC 803 2 Les nouveaux arrivés trouvent tout le monde dans l'agitation et la surprise. On entend, dans la salle, des exclamations de reconnaissance et de louanges. Des voix s'écrient: "Le Seigneur est réellement ressuscité, et il est apparu à Simon." Ensuite les deux voyageurs, encore tout essoufflés de la course qu'ils viennent d'effectuer, racontent comment Jésus leur est apparu. Ils ont à peine terminé, et quelques-uns font remarquer qu'ils ne peuvent y croire tant c'est beau, quand une autre personne se dresse devant eux. Tous les yeux se fixent sur l'étranger. Personne n'a frappé à la porte; aucun bruit de pas n'a été perçu. Les disciples tressaillent d'étonnement. Puis ils reconnaissent la voix de leur Maître, claire et distincte: "La paix soit avec vous." JC 803 3 Mais eux, "saisis de frayeur et de crainte, ... croyaient voir un esprit. ... Il leur dit: Pourquoi êtes-vous troublés, et pourquoi ces raisonnements s'élèvent-ils dans vos coeurs? Voyez mes mains et mes pieds, c'est bien moi; touchez-moi et voyez: un esprit n'a ni chair ni os, comme vous voyez que j'en ai. Et en disant cela, il leur montra ses mains et ses pieds." JC 804 1 Ils crurent en voyant, à ses mains et à ses pieds, l'empreinte cruelle des clous; en entendant sa voix à nulle autre pareille. "Comme, dans leur joie, ils ne croyaient pas encore, et qu'ils étaient dans l'étonnement, il leur dit: Avez-vous ici quelque chose à manger? Ils lui présentèrent un morceau de poisson grillé [et un rayon de miel]. Il le prit et le mangea devant eux."1 "Les disciples se réjouirent en voyant le Seigneur." La foi et la joie succédèrent à l'incrédulité, et, avec des sentiments qu'aucune parole humaine ne saurait traduire, ils reconnurent leur Sauveur ressuscité. JC 804 2 A la naissance de Jésus, l'ange avait dit: Paix sur la terre, bienveillance envers les hommes. Maintenant que le Sauveur apparaît, pour la première fois, aux disciples, après sa résurrection, il leur adresse ces paroles joyeuses: "La paix soit avec vous." Jésus est toujours disposé à parler de paix aux hommes qui ploient sous le fardeau du doute et de la crainte. Il attend seulement que nous ouvrions la porte de nos coeurs et que nous lui disions: Demeure avec nous. Il dit: "Voici, je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui, je souperai avec lui et lui avec moi."2 La résurrection de Jésus est un symbole de la résurrection finale de tous ceux qui dorment en lui. L'aspect du Sauveur ressuscité, ses manières, son langage: tout cela était familier à ses disciples. De la même manière que Jésus est ressuscité d'entre les morts, ainsi se relèveront ceux qui dorment en lui. Nous reconnaîtrons nos amis, comme les disciples ont reconnu Jésus. Si, dans leur vie mortelle, ils ont été difformes, infirmes, ou défigurés, ils ressusciteront avec un corps parfaitement sain et harmonieux, mais leur identité sera parfaitement conservée dans ce corps glorifié. Alors nous connaîtrons comme nous sommes connus.3 Sur le visage où se reflètera la lumière qui resplendit sur la face de Jésus, nous retrouverons les traits de ceux que nous aimons. JC 805 1 En revoyant les disciples, Jésus leur rappela les paroles qu'il leur avait dites avant sa mort: que tout ce qui était écrit à son égard, dans la loi de Moïse, dans les prophètes et dans les psaumes, devait s'accomplir. "Alors il leur ouvrit l'intelligence pour comprendre les Ecritures. Et il leur dit: Ainsi il est écrit que le Christ souffrirait, qu'il ressusciterait d'entre les morts le troisième jour, et que la repentance en vue du pardon des péchés serait prêchée en son nom à toutes les nations, à commencer par Jérusalem. Vous en êtes témoins." JC 805 2 Les disciples commencèrent de comprendre la nature et l'étendue de leur oeuvre. Ils devaient proclamer au monde les vérités admirables que le Christ leur avait confiées. Les événements de sa vie, sa mort et sa résurrection, les prophéties qui annonçaient ces choses, le caractère sacré de la loi de Dieu, les mystères du plan du salut, le pouvoir que Jésus possède de remettre les péchés, -- ils devaient attester toutes ces choses et les faire connaître au monde. Ils devaient annoncer cette bonne nouvelle: la paix et le salut s'obtiennent par la repentance et par le pouvoir du Sauveur. JC 805 3 "Après ces paroles, il souffla sur eux et leur dit: Recevez l'Esprit-Saint. Ceux à qui vous pardonnerez les péchés, ils leur seront pardonnés; et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus." Le Saint-Esprit ne s'était pas encore manifesté dans sa plénitude, car le Christ n'était pas encore glorifié. L'effusion abondante de l'Esprit n'eut lieu qu'après l'ascension du Christ. Tant que les disciples ne l'avaient pas reçue, ils n'étaient pas à même de prêcher l'Evangile. Mais, dès ce moment, le Christ souffla sur eux son Esprit pour leur permettre de remplir les fonctions officielles dans l'Eglise. Comme il leur confiait un mandat sacré, il tenait à bien graver dans leur esprit la pensée que cette oeuvre ne pouvait être accomplie sans le secours du Saint-Esprit. JC 805 4 Le Saint-Esprit est le souffle de la vie spirituelle dans une âme. La communication de l'Esprit, c'est la communication de la vie du Christ. Celui qui le reçoit est mis en possession des attributs du Christ. Ceux-là seuls qui sont enseignés de Dieu, ceux en qui l'Esprit opère, et qui manifestent dans leur propre vie la vie du Christ, sont dignes de représenter l'Eglise et d'exercer un ministère en sa faveur. JC 806 1 "Ceux à qui vous pardonnerez les péchés, dit le Christ, ils leur seront pardonnés; et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus." Personne ne doit se croire autorisé, par ces paroles, à juger ses frères. Ceci a fait l'objet d'une défense renfermée dans le sermon sur la montagne. Ce droit n'appartient qu'à Dieu. Mais l'Eglise, en tant qu'organisation, a une responsabilité à l'égard de chaque membre. Son devoir est d'avertir, d'instruire, et, si possible, de relever ceux qui sont tombés dans quelque faute. "Reprends, censure, exhorte, avec toute patience et en instruisant.",4 dit le Seigneur. Il faut s'occuper avec soin de ceux qui se conduisent mal, avertir toute âme qui se trouve en danger, ne permettre à personne de s'abuser soi-même, appeler chaque péché par son nom, répéter ce que Dieu a dit concernant le mensonge, la violation du sabbat, le vol, l'idolâtrie, et tout autre mal. "Ceux qui commettent de telles fautes n'hériteront pas du royaume de Dieu".5 S'ils persistent dans leur péché, le jugement que vous aurez prononcé, conformément à la Parole de Dieu, sera ratifié dans le ciel. En donnant la préférence au péché, ils renient le Christ. L'Eglise doit montrer qu'elle n'approuve pas leurs agissements; si elle ne le fait pas, elle déshonore elle-même le Seigneur. Elle doit dire, au sujet du péché, ce que Dieu en a dit. Elle doit agir à son égard en se conformant aux directions divines, et alors ses décisions sont ratifiées dans le ciel. Mépriser l'autorité de l'Eglise, c'est mépriser l'autorité du Christ lui-même. JC 806 2 Ce tableau a aussi son beau côté. "Ceux à qui vous pardonnerez leurs péchés, ils leur seront pardonnés." Que cette pensée soit maintenue au premier plan. Quand on fait des démarches auprès d'un égaré, qu'on lui apprenne à diriger ses yeux vers le Christ. Que les bergers veillent, avec une tendre sollicitude, sur le troupeau du Seigneur. Qu'ils parlent au pécheur de la grâce et du pardon du Sauveur et l'encouragent à se repentir, et à croire en celui qui peut pardonner. Qu'ils déclarent, en s'appuyant sur l'autorité de la Parole de Dieu: "Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous pardonner nos péchés et nous purifier de toute injustice."6 A tous ceux qui se repentent cette assurance est donnée: "Il aura encore pitié de nous; il mettra sous ses pieds nos iniquités. Oui, tu jetteras tous leurs péchés au fond de la mer".7 JC 807 1 Que l'Eglise accueille, avec des sentiments de reconnaissance envers Dieu, le pécheur repentant. Qu'on le fasse sortir des ténèbres de l'incrédulité pour l'introduire dans la lumière de la foi et de la justice. Qu'on place sa main tremblante dans la main secourable de Jésus. Une telle rémission des péchés sera ratifiée dans le ciel. JC 807 2 C'est seulement dans ce sens que l'Eglise a le pouvoir d'absoudre le pécheur. La rémission des péchés ne s'obtient que par les mérites du Christ. Il n'est donné à aucun individu, à aucune société, d'affranchir une âme de sa culpabilité. Le Christ a chargé ses disciples de prêcher la rémission des péchés, en son nom, à toutes les nations, mais eux-mêmes ne pouvaient enlever une seule tache de péché; "car il n'y a sous le ciel aucun autre nom donné parmi les hommes, par lequel nous devions être sauvés".8 JC 807 3 Lorsque Jésus se retrouva, pour la première fois, avec les disciples, dans la chambre haute, Thomas n'était pas présent. Il entendit les récits de ses compagnons, et eut des preuves abondantes que Jésus était ressuscité; mais son coeur restait sombre et incrédule. D'entendre les disciples parler des manifestations merveilleuses du Sauveur ressuscité, son désespoir ne faisait qu'augmenter. Si Jésus était réellement ressuscité d'entre les morts, il n'y avait plus lieu d'espérer un royaume terrestre et charnel. La vanité de Thomas était blessée de ce que le Maître se fût révélé à tous les disciples, sauf à lui. Décidé à ne point croire, il passa toute une semaine à ressasser son malheur, qui lui paraissait plus grand en face de l'espérance et de la foi de ses frères. JC 807 4 Pendant ce temps il répétait souvent: "Si je ne vois dans ses mains la marque des clous, si je ne mets mon doigt à la place des clous, et si je ne mets ma main dans son côté, je ne croirai point." Il ne voulait pas se fier aux yeux de ses frères ni faire dépendre sa foi de leur témoignage. Bien qu'aimant ardemment le Seigneur, il avait laissé l'envie et l'incrédulité prendre possession de son esprit et de son coeur. JC 808 1 Un certain nombre de disciples avaient établi leur domicile provisoire dans la chambre haute, et ils s'y retrouvaient, chaque soir, à l'exception de Thomas. Un soir, cependant, Thomas se décida à rejoindre les autres disciples. Malgré sa défiance, il espérait vaguement que la bonne nouvelle était vraie. Pendant le repas ils s'entretenaient des preuves que le Christ leur avait données, dans les prophéties. "Jésus vint, les portes étant fermées, et debout au milieu d'eux, il leur dit: La paix soit avec vous!" JC 808 2 Puis le Maître s'adressa directement à Thomas: "Avance ici ton doigt, regarde mes mains, avance aussi ta main et mets-la dans mon côté; et ne sois pas incrédule, mais crois!" Ces paroles montraient que Jésus n'ignorait pas les pensées et les remarques de Thomas. Le sceptique savait que ses compagnons, n'ayant pas vu Jésus pendant la semaine, n'avaient pu entretenir le Maître au sujet de son incrédulité. Alors il reconnut le Seigneur dans celui qui se tenait devant lui. Il ne voulait pas d'autre preuve. Le coeur débordant de joie, il se jeta aux pieds de Jésus en s'écriant: "Mon Seigneur et mon Dieu!" JC 808 3 Jésus, tout en acceptant cet hommage, lui adressa un tendre reproche: "Parce que tu m'as vu, tu as cru. Heureux ceux qui n'ont pas vu et qui ont cru!" La foi de Thomas eût été plus agréable au Christ s'il s'était montré disposé à accepter le témoignage de ses frères. Si tous voulaient imiter l'exemple de Thomas, personne ne pourrait être sauvé par la foi puisque celle-ci ne peut être fondée que sur le témoignage d'autrui. JC 808 4 Plusieurs de ceux qui s'abandonnent au doute s'excusent en disant qu'ils croiraient s'ils avaient les preuves qu'ont eues Thomas et ses compagnons. Ils ne voient pas qu'ils ont non seulement les mêmes preuves, mais beaucoup d'autres. Bon nombre de ceux qui, comme Thomas, attendent que tout motif de douter ait disparu, ne verront jamais l'exaucement de leurs désirs. Peu à peu ils se verront confirmés dans l'incrédulité. Ils ne savent pas ce qu'ils font ceux qui s'habituent à ne considérer que le côté sombre des choses, à murmurer et à se plaindre. Ils sèment le doute, et c'est le doute qu'ils récolteront. Au moment où la foi et la confiance seront indispensables, plusieurs se trouveront incapables de croire et d'espérer. JC 809 1 Par sa façon d'agir avec Thomas, Jésus a donné une leçon à tous ses disciples. Son exemple nous montre comment nous devons nous conduire à l'égard de ceux dont la foi est faible et qui avancent sans cesse leurs doutes. Jésus n'a pas accablé Thomas de reproches, et il n'a pas engagé de controverse avec lui. Il s'est simplement révélé à celui qui doutait. Thomas était déraisonnable en fixant les conditions de sa foi; mais Jésus, par un amour généreux et plein d'égards, renversa toutes les barrières. Il arrive rarement que l'incrédulité soit vaincue par la controverse. Au contraire: elle se met sur la défensive et trouve de nouveaux appuis et de nouveaux prétextes. Mais que Jésus se révèle comme le Sauveur crucifié, plein d'amour et de miséricorde, et bien des lèvres laisseront échapper involontairement le cri de Thomas: "Mon Seigneur et mon Dieu!" ------------------------Chapitre 85 -- Une fois de plus au bord du lac JC 810 0 Ce chapitre est basé sur Jean 21:1-22. JC 810 1 Jésus avait donné rendez-vous à ses disciples en Galilée; dès que la semaine de Pâque fut écoulée, ils se mirent en route dans cette direction. Leur absence de Jérusalem, pendant la fête, eût été considérée comme une preuve d'indifférence et d'hérésie; c'est pourquoi ils restèrent jusqu'à la fin; mais ensuite ils prirent joyeusement le chemin de leur pays pour rencontrer le Sauveur, conformément à ses recommandations. JC 810 2 Sept disciples se trouvaient réunis, vêtus simplement, comme des pêcheurs; pauvres en biens de ce monde, mais riches dans la connaissance et dans l'expérience de la vérité, ce qui, aux yeux du ciel, les classait au premier rang parmi les maîtres. Ils n'avaient pas étudié à l'école des prophètes; ils avaient été instruits pendant trois années par le plus grand Educateur que le monde ait jamais connu. Grâce aux instructions qu'ils avaient reçues de lui, ils étaient devenus nobles, intelligents, cultivés, capables d'amener les hommes à la connaissance de la vérité. JC 810 3 Une bonne partie du ministère du Christ s'était écoulée au bord de la mer de Galilée. Les disciples, s'étant arrêtés en un lieu où ils espéraient ne pas être dérangés, se virent entourés de ce qui leur rappelait Jésus et ses oeuvres puissantes. Lorsque, sur le lac, leurs coeurs avaient été remplis de frayeur, à cause de la violente tempête qui les mettait en péril, Jésus était accouru à leur secours en marchant sur les vagues et l'ouragan avait été apaisé par sa parole. Ils apercevaient la plage où plus de dix mille personnes avaient été rassasiées avec quelques pains et quelques poissons. Non loin se trouvait Capernaüm, où leur Maître avait accompli tant de miracles. Où que les disciples regardassent, les paroles et les actes du Sauveur leur revenaient à l'esprit. JC 811 1 La soirée était agréable, et Pierre, qui n'avait pas perdu le goût des bateaux et de la pêche, proposa à ses compagnons d'aller jeter leurs filets sur le lac. Tous se rallièrent à cette idée, car ils avaient besoin de nourriture et de vêtements, et ils pourraient s'en procurer si la pêche était fructueuse. Ils mirent donc leur barque à la mer, mais ne purent rien prendre de toute la nuit, malgré leurs efforts. Pendant ces longues heures fatigantes ils parlaient du Seigneur absent, et se rappelaient les événements merveilleux dont ils avaient été témoins au cours de son ministère au bord du lac. Ils se posaient toutes sortes de questions au sujet de l'avenir, et s'attristaient des perspectives qui s'ouvraient devant eux. JC 811 2 Pendant tout ce temps, sur la grève, un veilleur solitaire les suivait des yeux, sans être aperçu. Enfin le matin s'annonça. Quand la barque se trouva à quelque distance du rivage, les disciples virent, debout sur la plage, un étranger qui les accueillit avec cette question: "Enfants, n'avez-vous rien à manger?" Comme ils répondaient: "Non", "il leur dit: Jetez le filet du côté droit de la barque, et vous trouverez. Ils le jetèrent donc; et ils n'étaient plus capables de le retirer, à cause de la grande quantité de poissons." JC 811 3 Jean reconnut l'étranger, et dit à Pierre: "C'est le Seigneur!" Pierre, transporté de joie, et toujours aussi impétueux, se jeta à l'eau et se trouva bientôt à côté de son Maître. Les autres disciples se rapprochèrent avec leur barque, traînant après eux le filet rempli de poissons. "Lorsqu'ils furent descendus à terre, ils virent là un brasier, du poisson posé dessus, et du pain." JC 811 4 Leur surprise était trop grande pour qu'ils pussent s'enquérir d'où venaient le feu et les aliments. "Jésus leur dit: Apportez des poissons que vous venez de prendre." Pierre se précipita vers le filet qu'il avait abandonné, pour aider ses frères à le tirer sur la plage. Quand tout fut prêt. Jésus invita les disciples à manger. Il rompit les aliments et les leur distribua, et il fut reconnu par tous les sept. Ils se rappelèrent comment cinq mille personnes avaient été miraculeusement rassasiées sur le flanc de la montagne; mais une crainte mystérieuse les dominait, et ils contemplaient en silence le Sauveur ressuscité. JC 812 1 Ils se rappelaient, comme si c'eût été la veille, la manière dont Jésus les avait appelés à le suivre alors qu'ils se trouvaient au bord du lac. Ils se rappelaient comment, sur son ordre, ils avaient pris le large et jeté leur filet qui s'était rempli de poissons au point de se rompre. Ensuite Jésus les avait invités à quitter leurs barques de pêche, en leur promettant de faire d'eux des pêcheurs d'hommes. C'était pour leur rappeler ces scènes et pour mieux les graver dans leur esprit qu'il avait accompli ce nouveau miracle. Par cet acte, il renouvelait le mandat des disciples. Il montrait que la mort de leur Maître n'avait en rien amoindri leur devoir d'accomplir l'oeuvre qu'il leur avait assignée. Il est vrai qu'ils allaient être privés de sa présence personnelle et des moyens d'entretien qu'ils avaient eus auparavant, mais le Sauveur ressuscité aurait toujours soin d'eux. Aussi longtemps qu'ils accompliraient son oeuvre, il pourvoirait à leurs besoins. C'est à bon escient que Jésus leur avait donné l'ordre de jeter le filet à droite de la barque: c'était, en effet, le côté où il se trouvait, le côté de la foi. Tant qu'ils travailleraient en communion avec lui, -- sa divine puissance s'ajoutant aux efforts humains, -- le succès ne leur ferait pas défaut. JC 812 2 Le Christ voulait leur donner encore une autre leçon, destinée particulièrement à Pierre. En reniant honteusement son Maître, Pierre s'était mis en contradiction avec son ancienne profession de fidélité. Il avait déshonoré le Christ et perdu la confiance de ses frères. Ceux-ci pensaient qu'il ne lui serait pas permis de reprendre la position qu'il avait occupée au milieu d'eux, et lui-même sentait qu'il avait trahi son mandat. Avant d'être rappelé à l'oeuvre apostolique, il devait donner des preuves de repentance. Sans cela son péché, bien qu'il l'eût pleuré, aurait neutralisé son influence en tant que ministre du Christ. Le Sauveur lui donna donc l'occasion de regagner la confiance de ses frères, et de laver, dans la mesure où cela était possible, la honte qu'il avait jetée sur l'Evangile. JC 813 1 Ceci renferme une leçon à l'adresse de tous les disciples du Christ. L'Evangile ne fait aucun compromis avec le mal. Il ne peut excuser le péché. Les péchés secrets doivent être confessés à Dieu en secret, mais les péchés publics exigent une confession publique. En péchant, un disciple couvre le Christ d'opprobre. Satan en triomphe, et les âmes vacillantes y trouvent une pierre d'achoppement. En donnant des preuves de repentir, le disciple efface l'ignominie, autant que cela dépend de lui. JC 813 2 Pendant que le Christ mangeait avec les disciples, au bord de la mer, le Sauveur dit à Pierre: "Simon, fils de Jonas, as-tu pour moi plus d'amour que ceux-ci?" -- désignant ses frères. Pierre avait dit un jour: "Quand tu serais pour tous une occasion de chute, tu ne le seras jamais pour moi."1 Mais maintenant il se connaissait mieux. "Oui, Seigneur, dit-il, tu sais que je t'aime." Il ne déclare pas avec véhémence que son amour est plus grand que celui de ses frères. Il n'exprime pas un jugement personnel sur la profondeur de son attachement. Il laisse le soin de juger de sa sincérité à celui qui découvre, dans les coeurs, les mobiles les plus secrets. "Tu sais que je t'aime." Et Jésus de lui dire: "Fais paître mes agneaux!" Le Maître mit de nouveau Pierre à l'épreuve, en répétant les paroles: "Simon, fils de Jonas, as-tu de l'amour pour moi?" Il ne demanda pas, cette fois, si Pierre l'aimait plus que ses frères. La seconde réponse fut, comme la première, exempte de toute forfanterie: "Oui, Seigneur, tu sais que je t'aime." Jésus lui dit: "Fais paître mes brebis." Pour la troisième fois le Sauveur renouvela sa question: "Simon, fils de Jonas, m'aimes-tu?" Pierre en fut affligé, pensant que Jésus doutait de son amour. Mais il savait que le Seigneur avait des raisons de se défier de lui, et il lui dit, d'un coeur attristé: "Seigneur, tu sais toutes choses, tu sais que je t'aime." Jésus lui dit encore: "Fais paître mes brebis." JC 813 3 Par trois fois, Pierre avait renié ouvertement le Seigneur, et par trois fois Jésus lui arracha le témoignage de son amour et de sa fidélité, enfonçant cette question, telle une flèche barbelée, dans son coeur meurtri. En présence des disciples assemblés, Jésus montra combien le repentir de Pierre était profond, et à quel point ce disciple autrefois fanfaron était devenu humble. JC 814 1 Par nature, Pierre était ardent et impulsif, et Satan en avait profité pour le vaincre. Jésus lui avait dit, peu de temps avant sa chute: "Satan vous a réclamés, pour vous passer au crible comme le blé. Mais j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas; et toi, quand tu seras revenu, affermis tes frères."2 Ce moment était arrivé, et Pierre avait subi une transformation visible. Les questions si pressantes par lesquelles le Seigneur l'avait mis à l'épreuve n'avaient pas provoqué, une seule fois, une réponse impétueuse ou vaniteuse. A la suite de son humiliation et de son repentir, Pierre était mieux préparé que jamais à exercer les fonctions de berger du troupeau. JC 814 2 Le premier soin que le Christ confia à Pierre, en le rétablissant dans son ministère, fut de paître les agneaux. Pierre n'avait que peu d'expérience et cette oeuvre exige beaucoup de prudence et de tendresse, de patience et de persévérance. C'était l'inviter à s'occuper des jeunes dans la foi, à instruire les ignorants, à leur expliquer les Ecritures, à leur apprendre à se rendre utiles au service du Christ. Jusqu'à ce moment-là Pierre n'avait pas été qualifié pour ce ministère spécial, dont il ne comprenait même pas l'importance, mais Jésus l'y appela; ses souffrances et le repentir qu'il venait d'expérimenter l'y avaient préparé. JC 814 3 Avant sa chute, Pierre avait l'habitude de parler sous l'impression des circonstances, sans réfléchir. Il était toujours prêt à reprendre les autres, à exprimer son opinion, avant même de voir clair en lui-même ou de savoir ce qu'il voulait dire. Une fois converti, Pierre fut tout autre. Il gardait son ancienne ferveur, mais la grâce du Christ dirigeait son zèle. Au lieu d'être impétueux, confiant en soi-même, vaniteux, il était maintenant calme, maître de lui-même, et docile. Il était devenu capable de paître les agneaux comme les brebis du troupeau du Christ. JC 814 4 En agissant ainsi avec Pierre, le Sauveur montrait à tous avec quelle patience, quelle sympathie, il convient de s'occuper des pécheurs. Bien que Pierre l'eût renié, Jésus lui garda un amour inaltérable. C'est de cet amour même que les sous-bergers doivent aimer les brebis et les agneaux confiés à leurs soins. Pierre se rappellera toujours sa faiblesse et sa chute et fera preuve, à leur égard, de la même tendresse que Jésus lui a témoignée. JC 815 1 La question que le Christ adressa à Pierre a une profonde signification. Il n'y a qu'une condition à remplir pour être disciple et pour entrer au service de Jésus. "M'aimes-tu?" demande-t-il. C'est la chose essentielle. Quand bien même Pierre eût possédé toutes les qualités, il n'aurait pu, sans l'amour du Christ, être un berger fidèle pour le troupeau du Seigneur. La connaissance, la bienveillance, l'éloquence, la reconnaissance et le zèle sont de précieux auxiliaires dans cette bonne oeuvre; mais, si le coeur n'est pas rempli de l'amour de Jésus, l'oeuvre du ministre chrétien est vouée à un échec certain. JC 815 2 Jésus se promenait seul avec Pierre, ayant quelque chose à lui communiquer: "Là où je vais, tu ne peux pas maintenant me suivre, mais tu me suivras plus tard." Pierre avait répondu: "Seigneur, pourquoi ne puis-je pas te suivre maintenant? Je donnerai ma vie pour toi."3 En parlant ainsi, il était loin de s'imaginer à quelles hauteurs et à quelles profondeurs le Christ le conduirait. Pierre n'avait pas su résister à l'épreuve, mais une nouvelle occasion lui avait été accordée de montrer son amour pour le Christ. Voulant affermir sa foi en vue de l'épreuve finale, le Sauveur lui dévoila l'avenir. Après une vie bien remplie, lorsque ses forces diminueront avec l'âge, le disciple sera appelé à suivre réellement le Seigneur. Jésus dit: "Quand tu étais plus jeune, tu mettais toi-même ta ceinture et tu allais où tu voulais; mais quand tu seras vieux, tu étendras tes mains, et un autre te mettra ta ceinture et te mènera où tu ne voudras pas. Il dit cela pour indiquer par quelle mort Pierre glorifierait Dieu." JC 815 3 Jésus montrait ainsi de quelle manière Pierre mourrait; il alla jusqu'à lui indiquer le fait que ses bras seraient étendus sur la croix. Puis il dit encore une fois à son disciple: "Suis-moi." Cette révélation n'enleva pas à Pierre son courage. Il était disposé à subir n'importe quelle mort pour le Seigneur. JC 816 1 Comme beaucoup d'autres, Pierre n'avait jusqu'ici connu le Christ que selon la chair; mais il n'en serait plus ainsi dans l'avenir. Il l'avait aimé en tant qu'homme, en tant que Maître envoyé du ciel; maintenant il l'aimait en tant que Dieu. Il avait appris par expérience que le Christ était tout en tous. Il était maintenant préparé à prendre part à la mission de sacrifice du Seigneur. Quand, à la fin de sa vie, on le conduisit à la croix, il demanda à être crucifié la tête en bas. Souffrir de la même manière que son Maître lui paraissait un trop grand honneur. JC 816 2 Les paroles: "Suis-moi", renfermaient pour Pierre de riches instructions. Cet enseignement ne s'appliquait pas seulement à sa mort, mais à chaque détail de sa vie. Jusqu'à ce moment-là, l'esprit indépendant de Pierre avait essayé d'élaborer des plans pour l'oeuvre de Dieu, au lieu de se conformer simplement aux plans divins. Mais il n'avait rien gagné en courant devant le Seigneur. Jésus lui dit: "Suis-moi." Ne cours pas en avant, car tu devrais affronter seul les armées de Satan. Laisse-moi aller devant toi: ainsi tu ne seras pas vaincu par l'ennemi. JC 816 3 Tandis que Pierre marchait auprès de Jésus, il s'aperçut que Jean les suivait. Il eut le désir de savoir ce que l'avenir réservait à cet autre disciple, et il dit à Jésus: "Et celui-ci, Seigneur, que lui arrivera-t-il? Jésus lui dit: Si je veux qu'il demeure jusqu'à ce que je vienne, que t'importe? Toi, suis-moi." Pierre aurait dû penser que le Seigneur lui révélait ce qui lui était le plus utile. C'est le devoir de chacun de suivre le Christ, sans s'inquiéter de la tâche assignée à d'autres. En disant, à propos de Jean: "Si je veux qu'il demeure jusqu'à ce que je vienne", le Seigneur ne s'engageait nullement à le maintenir en vie jusqu'à son retour. Il ne faisait qu'affirmer sa puissance suprême, et remarquer que même s'il lui avait plu d'agir ainsi, cela ne regardait Pierre en aucune façon. L'avenir de Jean et de Pierre était entre les mains du Seigneur. L'un et l'autre n'avaient qu'à le suivre, avec obéissance. JC 816 4 Combien de personnes ressemblent à Pierre aujourd'hui! Elles s'occupent tellement des affaires et des devoirs d'autrui, qu'elles en négligent leur propre devoir. Notre tâche consiste à regarder au Christ et à le suivre. Nous apercevons des fautes et des défauts de caractère chez nos voisins car l'humanité est pleine d'infirmités. Mais nous trouverons la perfection en Christ; c'est en le contemplant que nous serons transformés. JC 817 1 Jean parvint à un âge très avancé. Il assista à la destruction de Jérusalem, et vit la ruine de son temple majestueux, -- symbole de la ruine finale du monde. Jusqu'à ses derniers jours Jean suivit de près le Seigneur. Il ne cessa pas d'adresser aux églises cette recommandation pressante: "Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres. ... Celui qui demeure dans l'amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui."4 JC 817 2 Pierre fut réintégré dans l'apostolat, mais les honneurs et l'autorité qui lui ont été conférés par le Christ ne lui ont pas donné la suprématie sur ses frères. C'est ce qui ressort de la réponse du Christ à la question de Pierre: "Et celui-ci, que lui arrivera-t-il?" Jésus répond: "Que t'importe? Toi, suis-moi." Pierre n'a pas été placé à la tête de l'Eglise. La faveur que le Christ lui a témoignée en lui pardonnant sa défection, et en le chargeant de paître son troupeau, ainsi que la fidélité avec laquelle Pierre a suivi le Christ, lui ont gagné la confiance de ses frères. Grande était son influence dans l'Eglise. Mais Pierre n'oublia jamais l'enseignement que le Christ lui avait donné, près de la mer de Galilée. Ecrivant aux églises sous la direction du Saint-Esprit, il leur dit: JC 817 3 "J'exhorte donc les anciens qui sont parmi vous, moi, ancien comme eux, témoin des souffrances du Christ et participant à la gloire qui doit être révélée: Faites paître le troupeau de Dieu qui est parmi vous, non par contrainte, mais de bon gré selon Dieu; ni pour un gain sordide, mais avec cordialité; non en tyrannisant ceux qui vous sont échus en partage, mais en devenant les modèles du troupeau; et, lorsque le souverain pasteur paraîtra, vous remporterez la couronne incorruptible de la gloire."5 ------------------------Chapitre 86 -- Allez, enseignez toutes les nations JC 818 0 Ce chapitre est basé sur Matthieu 28:16-20. JC 818 1 N'ayant plus qu'un degré à gravir pour s'asseoir sur son trône céleste, le Christ donna ses ordres aux disciples. "Tout pouvoir m'a été donné dans le ciel et sur la terre." "Allez, faites de toutes les nations des disciples." "Allez dans le monde entier et prêchez l'Evangile à toute la création."1 Ces paroles furent répétées plusieurs fois pour que les disciples en saisissent la signification. La lumière du ciel devait briller avec force aux yeux de tous les habitants de la terre, grands et petits, riches et pauvres. En collaboration avec leur Rédempteur, les disciples devaient travailler au salut du monde. JC 818 2 L'ordre avait déjà été donné aux douze quand le Christ s'était montré à eux dans la chambre haute; mais il fut renouvelé devant un plus grand nombre d'auditeurs. Sur une montagne de la Galilée eut lieu une grande assemblée à laquelle assistèrent tous les croyants qui avaient pu se rendre au rendez-vous fixé par Jésus avant sa mort. L'ange qui s'était montré près du tombeau avait rappelé aux disciples la promesse que Jésus avait faite de les rejoindre en Galilée, et celle-ci fut répétée aux croyants qui se trouvaient rassemblés à Jérusalem, pendant la semaine de Pâque, et grâce à eux elle fut portée à beaucoup d'isolés qui s'affligeaient au sujet de la mort du Seigneur. Tous attendaient cette rencontre avec la plus grande impatience. Ils arrivaient de toutes les directions, par des chemins détournés, pour éviter les soupçons des Juifs envieux. Le coeur en suspens, ils s'entretenaient des nouvelles qu'ils avaient reçues concernant le Christ. JC 818 3 Au moment fixé, cinq cents croyants environ, anxieux d'apprendre tout ce qui avait rapport au Christ, après sa résurrection, se trouvaient rassemblés, par petits groupes, sur le flanc de la montagne. Les disciples passaient des uns aux autres, racontant ce qu'ils avaient vu et entendu de Jésus et leur expliquant les Ecritures comme lui les leur avait expliquées. Thomas faisait le récit de son incrédulité et disait comment ses doutes avaient été dissipés. Tout à coup Jésus se montra au milieu d'eux. Personne n'aurait su dire d'où et comment il était venu. Plusieurs des assistants ne l'avaient jamais vu auparavant; mais ses mains et ses pieds portaient les marques de la crucifixion; son aspect était divin: quand ils le virent, ils l'adorèrent. JC 819 1 Pourtant quelques-uns doutaient. Il en sera toujours ainsi. Il en est qui ont de la peine à exercer leur foi; ils se placent toujours du côté du doute. L'incrédulité leur fait perdre un grand avantage. JC 819 2 C'est la seule fois que Jésus se montra à une telle quantité de croyants, après sa résurrection. Il vint et leur dit: "Tout pouvoir m'a été donné dans le ciel et sur la terre." Les disciples l'avaient adoré avant qu'il eût ouvert la bouche; mais ses paroles, tombant de lèvres que la mort avait fermées, produisaient en eux un tressaillement singulier. Il était maintenant le Sauveur ressuscité. Plusieurs l'avaient vu se servir de sa puissance pour guérir des malades et chasser des démons. Ils le croyaient en possession d'un pouvoir capable d'établir un royaume à Jérusalem, de vaincre toutes les résistances et de dominer même sur les éléments. Il avait apaisé les eaux agitées; il avait marché sur les vagues écumantes; il avait rappelé des morts à la vie. Il affirmait maintenant que "tout pouvoir" lui était donné. Ses paroles élevaient les esprits de ses auditeurs jusqu'aux choses célestes et éternelles et leur donnaient la plus haute idée de sa dignité et de sa gloire. JC 819 3 Sur la montagne, le Christ annonça que son sacrifice en faveur des hommes était complet et définitif. Les conditions de la propitiation avaient été réalisées; l'oeuvre pour laquelle il était venu dans le monde était accomplie. Il se dirigeait vers le trône de Dieu et il allait recevoir les honneurs des anges, des principautés et des puissances. Entré dans son oeuvre de médiation et revêtu d'une autorité illimitée, il donnait cet ordre aux disciples: "Allez, faites de toutes les nations des disciples; baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et enseignez-leur à garder tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde." JC 820 1 Le dépôt sacré de la vérité avait été confié au peuple juif; mais, sous l'influence du pharisaïsme, celui-ci était devenu le plus exclusif et le plus fanatique de tous les peuples. Le vêtement, les coutumes, les cérémonies et les traditions empêchaient les prêtres et les chefs d'être la lumière du monde. La nation juive ne voyait rien en dehors d'elle. Le Christ chargea ses disciples de prêcher une foi et un culte qui n'auraient rien de l'esprit de caste ou de clocher, et qui s'adapteraient à tous les peuples, à toutes les nations, à toutes les classes de la société. JC 820 2 Avant de quitter ses disciples, le Christ leur exposa clairement la nature de son royaume. Il leur rappela ce qu'il leur avait déjà dit à ce sujet: qu'il était venu établir, non pas un royaume temporel, mais un royaume spirituel. Il ne se proposait pas de régner sur le trône de David en roi terrestre. Une fois de plus il ouvrit, devant eux, les Ecritures, leur montrant que tout ce qu'il avait enduré avait été préordonné dans le ciel, dans les conseils tenus entre le Père et lui-même. Toutes ces choses avaient été prédites par des hommes inspirés. Il leur dit: Vous voyez que j'ai été rejeté en tant que Messie, comme je vous l'avais prédit. Tout s'est accompli de ce que je vous avais annoncé concernant mon humiliation et ma mort. Et je suis ressuscité le troisième jour. Sondez plus attentivement les Ecritures, et vous verrez que les déclarations de la prophétie à mon sujet se sont réalisées. JC 820 3 Le Christ ordonna à ses disciples de commencer, à Jérusalem même, l'oeuvre qu'il leur avait confiée. Jérusalem avait été témoin de sa condescendance étonnante envers la famille humaine. C'est là qu'il avait souffert, qu'il avait été rejeté et condamné. La Judée était son pays natal. Sous les dehors de l'humanité, le Sauveur avait marché parmi les hommes, et bien peu s'étaient rendu compte combien le ciel s'était approché de la terre tandis que Jésus était parmi eux. C'était donc à Jérusalem que devait commencer l'activité des disciples. JC 821 1 En pensant à tout ce que le Christ avait souffert en cet endroit, et à ses vains efforts, les disciples auraient pu réclamer un champ d'action plus prometteur; mais ils acceptèrent de cultiver le terrain là où le Maître avait répandu la semence de la vérité; cette semence lèverait et donnerait une moisson abondante. L'envie et la haine des Juifs susciteraient la persécution contre les disciples; mais le Maître avait passé par là et eux ne devaient pas l'éviter. La grâce devait être offerte, en tout premier lieu, aux meurtriers du Sauveur. JC 821 2 A Jérusalem, bien des personnes croyaient à Jésus, en secret, et beaucoup d'autres furent trompées par les prêtres et les chefs. L'Evangile devait leur être présenté. Un appel à la repentance leur serait adressé. Il fallait établir clairement cette vérité admirable que la rémission des péchés ne peut être obtenue que par le Christ. C'est alors que Jérusalem était encore sous le coup des événements survenus pendant les dernières semaines, que la prédication de l'Evangile serait le plus efficace. JC 821 3 Mais l'oeuvre ne devait pas s'arrêter là; elle s'étendrait jusqu'aux dernières extrémités de la terre. Le Christ dit aux disciples: Vous avez été témoins de ma vie de renoncement en faveur du monde. Vous avez vu mes travaux au milieu d'Israël. Bien qu'ils n'aient pas voulu venir à moi pour avoir la vie, bien que les prêtres et les chefs m'aient fait ce qu'ils ont voulu et m'aient repoussé, selon ce que l'Ecriture avait annoncé, il leur sera encore donné une occasion d'accepter le Fils de Dieu. Vous avez vu comment je reçois tous ceux qui viennent à moi en confessant leurs péchés. Je ne jetterai point dehors celui qui vient à moi. Tous ceux qui le voudront, pourront être réconciliés avec Dieu et obtenir la vie éternelle. A vous, mes disciples, je confie ce message de miséricorde. Il doit être communiqué à Israël tout d'abord, puis à toutes nations, langues et peuples. Il doit être donné aux Juifs et aux païens. Tous ceux qui croiront devront être réunis en une seule Eglise. JC 821 4 Le don du Saint-Esprit devait communiquer aux disciples une puissance extraordinaire. Leur témoignage serait confirmé par des signes et des prodiges. Des miracles allaient être accomplis, non seulement par les apôtres, mais aussi par ceux qui recevraient leur message. Jésus dit: "En mon nom, ils chasseront les démons; ils parleront de nouvelles langues; ils saisiront des serpents; s'ils boivent quelque breuvage mortel, il ne leur fera point de mal; ils imposeront les mains aux malades et ceux-ci seront guéris."2 JC 822 1 A cette époque on se servait fréquemment du poison. Des hommes sans scrupules n'hésitaient pas à se débarrasser, par ce moyen, de ceux qui gênaient leurs ambitions. Jésus savait que la vie de ses disciples se trouverait en péril. On croirait rendre un service à Dieu en mettant à mort ses témoins. C'est pour cela que le Sauveur leur promit sa protection contre le danger. JC 822 2 Les disciples devaient exercer la même puissance que Jésus et, comme lui, guérir "toute maladie et toute infirmité parmi le peuple". En guérissant en son nom ceux qui étaient atteints de maladies corporelles, ils montreraient qu'il a le pouvoir de guérir les âmes.3 Un nouveau don leur fut également promis. Ils allaient recevoir la faculté de prêcher à toutes les nations dans leurs langues respectives. Bien que les apôtres et leurs collaborateurs fussent des hommes sans instruction, grâce à l'effusion de l'Esprit, qui eut lieu le jour de la Pentecôte, ils apprirent, soit qu'ils s'exprimassent dans leur propre langue ou dans un idiome étranger, à parler un langage pur, simple et correct. JC 822 3 Tel fut l'ordre que Jésus donna aux disciples. Il fit tout ce qui était nécessaire pour assurer la continuation de son oeuvre et il en garantit le succès. Aussi longtemps qu'ils obéiraient à sa Parole et travailleraient en communion avec lui, ils n'essuieraient point d'échec. Allez auprès de toutes les nations, leur dit-il. Allez jusqu'aux extrémités du monde habité et sachez que ma présence vous accompagnera partout. Travaillez avec foi, avec confiance, car je ne vous abandonnerai jamais. JC 822 4 L'ordre donné par le Sauveur s'adresse à tous les croyants, jusqu'à la fin des temps. C'est une erreur fatale de s'imaginer qu'il appartient aux seuls ministres consacrés de travailler au salut des âmes. Tous ceux qui ont reçu l'inspiration céleste sont associés à l'Evangile. Tous ceux qui reçoivent la vie du Christ sont mis à part pour travailler au salut de leurs semblables. C'est en vue de cette oeuvre que l'Eglise a été établie, et tous ceux qui entrent dans l'Eglise s'engagent solennellement, par là, à devenir des collaborateurs du Christ. JC 823 1 "L'Esprit et l'épouse disent: Viens! Que celui qui entend, dise: Viens!"4 Quiconque entend l'appel doit le répéter. Quelle que soit la vocation terrestre d'un homme, sa première préoccupation devrait être de gagner des âmes au Christ. Même s'il n'est pas capable de parler à des foules, il peut travailler auprès des individus, leur communiquer les instructions du Seigneur. Le ministère ne consiste pas exclusivement dans la prédication. Ils exercent aussi un ministère, ceux qui soulagent les malades et les souffrants, qui viennent en aide aux nécessiteux, qui adressent des paroles de consolation aux découragés et aux faibles dans la foi. Auprès et au loin, il y a des âmes écrasées par le sentiment du péché. Ce ne sont pas les difficultés, les peines ou la pauvreté qui dégradent l'humanité. C'est le péché, c'est le mal. Voilà ce qui produit du malaise et du mécontentement. Le Christ désire que ses serviteurs portent secours aux âmes atteintes par la maladie du péché. JC 823 2 Les disciples devaient entreprendre leur oeuvre à l'endroit même où ils se trouvaient. Le champ le plus dur et le moins propice ne devait pas être abandonné. De même aussi, chaque ouvrier du Christ doit commencer là où il est. Il peut y avoir, dans nos propres familles, des âmes qui ont besoin de sympathie et qui soupirent après le Pain de vie; des enfants à élever pour le Christ. Il y a des païens à nos portes. Accomplissons fidèlement la tâche la plus proche. Ensuite étendons nos efforts à mesure que la main de Dieu nous conduit. Il peut sembler parfois que ceux-ci soient limités par les circonstances; mais, s'ils sont accomplis avec foi et avec soin, où que l'on se trouve, l'effet en sera ressenti dans les parties du monde les plus éloignées. Quand le Christ était sur la terre, son action paraissait confinée dans un champ restreint; néanmoins des multitudes de tous pays entendirent son message. Souvent Dieu emploie les moyens les plus simples pour obtenir les résultats les plus importants. Il entre dans ses plans que chaque partie de son oeuvre dépende des autres parties: c'est comme une roue dans une roue, tout le mécanisme fonctionnant d'une manière harmonieuse. L'ouvrier le plus humble, poussé par le Saint-Esprit, touchera des cordes invisibles dont les vibrations se répercuteront jusqu'aux extrémités de la terre et dans l'éternité. JC 824 1 Il ne faut pas perdre de vue le commandement: "Allez dans le monde entier." Nous sommes invités à lever les yeux vers les pays lointains. Le Christ renverse les murs de séparation, les préjugés nationaux qui divisent les peuples, et nous enseigne à aimer la famille humaine tout entière. Il élève les hommes au-dessus du cercle étroit tracé par leur égoïsme; il supprime les frontières et les distinctions de classes. Il ne fait aucune différence entre voisins et étrangers, entre amis et ennemis. Il nous apprend à reconnaître un frère en tout être nécessiteux et à considérer le monde comme notre champ d'activité. JC 824 2 Quand le Sauveur eut dit: "Allez, faites de toutes les nations des disciples", il ajouta: "Voici les signes qui accompagneront ceux qui auront cru: En mon nom, ils chasseront les démons; ils parleront de nouvelles langues; ils saisiront des serpents; s'ils boivent quelque breuvage mortel, il ne leur fera point de mal; ils imposeront les mains aux malades et ceux-ci seront guéris." La promesse a une portée aussi vaste que l'ordre. Non pas que tous les dons soient accordés à chaque croyant, mais tout cela est l'oeuvre d'un seul et même Esprit, qui "opère toutes ces choses, les distribuant à chacun en particulier comme il veut".5 Les dons sont promis à chaque croyant, dans la mesure où l'oeuvre du Seigneur en a besoin. Cette assurance a gardé toute sa force; elle mérite autant de confiance aujourd'hui qu'au temps des apôtres. "Voici les signes qui accompagneront ceux qui auront cru." Ceci est l'apanage de tous les enfants de Dieu, et la foi devrait s'emparer de tout ce qui lui est accessible. JC 824 3 "Ils imposeront les mains aux malades, et ceux-ci seront guéris." Ce monde est un vaste hôpital; mais le Christ est venu pour guérir les malades et procurer la délivrance aux captifs de Satan. Il était toute santé et toute force. Il communiquait sa vie aux malades, aux affligés, aux possédés et ne renvoyait aucun de ceux qui accouraient à lui pour obtenir la guérison. Le Sauveur n'ignorait pas que ceux qui imploraient son secours étaient souvent responsables de leurs maux; néanmoins il ne refusait jamais de leur rendre la santé. Quand une vertu sortait du Christ et se communiquait à ces pauvres âmes, elles étaient convaincues de péché, et plusieurs étaient délivrées de leurs maladies spirituelles aussi bien que de leurs maladies physiques. L'Evangile possède toujours la même puissance; pourquoi donc ne serions-nous pas témoins aujourd'hui des mêmes résultats? JC 825 1 Le Christ ressent le contrecoup des malheurs de tous ceux qui souffrent. Lorsque de mauvais esprits tourmentent un corps humain, il éprouve les effets de la malédiction; si la fièvre dessèche le courant de la vie, il ressent une intense souffrance. Il est tout aussi désireux de guérir les malades aujourd'hui qu'il ne l'était quand il vivait sur la terre. Les serviteurs du Christ sont ses représentants et ses instruments de travail; par leur intermédiaire il désire exercer son pouvoir guérisseur. JC 825 2 Par sa façon de guérir, le Sauveur voulait instruire ses disciples. Il oignit un jour les yeux d'un aveugle avec de la boue, et lui dit: "Va te laver au réservoir de Siloé. ... Il y alla, se lava et, quand il revint, il voyait."6 Cette cure était l'effet de la puissance du grand Guérisseur; il y a cependant lieu de remarquer que le Christ s'est servi des moyens de la nature. Bien qu'il n'ait pas encouragé l'usage des médicaments, il a sanctionné l'emploi des remèdes simples et naturels. JC 825 3 Bon nombre des affligés qui obtenaient la guérison entendaient le Christ leur dire: "Ne pèche plus, de peur qu'il ne t'arrive quelque chose de pire."7 Jésus montrait par là que la maladie est la conséquence de la transgression des lois divines, aussi bien naturelles que spirituelles. On ne verrait pas tant de misères dans le monde si les hommes vivaient en harmonie avec le plan du Créateur. JC 826 1 Le Christ avait été le guide et l'instructeur de l'ancien Israël, à qui il avait enseigné que la santé est le fruit de l'obéissance aux lois de Dieu. Le grand Médecin qui guérissait les malades en Palestine avait parlé à son peuple du haut de la colonne de nuée, pour lui dire ce qu'il devait faire et ce que Dieu ferait pour lui. "Si tu écoutes la voix de l'Eternel, ton Dieu, dit-il; si tu fais ce qui est droit à ses yeux, si tu prêtes l'oreille à ses commandements et si tu observes toutes ses lois, je ne t'infligerai aucun des maux dont j'ai accablé l'Egypte; car je suis l'Eternel qui te guérit."8 Le Christ donna à Israël des instructions détaillées sur la manière de vivre, et il lui fit cette promesse: "L'Eternel éloignera de toi toute maladie".9 Aussi longtemps que les Israélites se conformèrent aux conditions prescrites, cette promesse s'accomplit pour eux. "Nul dans ses tribus ne fut arrêté par la maladie10 JC 826 2 Ces enseignements sont aussi pour nous. Quiconque veut conserver sa santé doit remplir les conditions. Nous devrions tous connaître ces conditions. Le Seigneur ne veut pas que nous ignorions ses lois, soit naturelles, soit spirituelles. Nous devons collaborer avec Dieu en vue de rendre la santé au corps aussi bien qu'à l'âme. JC 826 3 Notre devoir est d'enseigner comment on peut préserver et recouvrer la santé. Nous devrions appliquer les remèdes que la nature nous offre et diriger l'esprit des malades vers celui qui seul peut les guérir. Notre oeuvre consiste à apporter au Christ, sur les bras de la foi, tous ceux qui souffrent en leur apprenant à se confier au grand Guérisseur, à s'appuyer sur sa promesse, et à prier en vue d'obtenir la manifestation de son pouvoir. La guérison est l'essence même de l'Evangile; le Sauveur veut que nous exhortions les malades, les désespérés et les affligés à se saisir de sa puissance. JC 826 4 La puissance de l'amour inspirait toutes les guérisons du Christ, et ce n'est que dans la mesure où nous partageons cet amour, par la foi, que nous pouvons servir d'instruments à son oeuvre. Si nous négligeons la communion vivante avec le Christ, nous ne serons pas à même de transmettre au monde le courant de l'énergie vivifiante. Dans certains endroits le Sauveur lui-même n'a pu faire beaucoup de miracles, à cause de l'incrédulité des habitants. De même aujourd'hui, cette incrédulité sépare de son divin assistant l'Eglise qui saisit trop faiblement les réalités éternelles. Dieu est déçu en voyant notre manque de foi, et sa gloire en est amoindrie. JC 827 1 C'est dans l'accomplissement de l'oeuvre du Christ que l'Eglise peut compter sur sa présence. "Allez, dit-il, faites de toutes les nations des disciples. ... Et voici, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde." L'une des premières conditions à remplir pour recevoir la puissance de Jésus c'est de prendre sur soi son joug. La vie même de l'Eglise dépend de la fidélité avec laquelle elle se conforme à l'oeuvre du Seigneur. Négliger celle-ci, c'est se préparer inévitablement un état de faiblesse spirituelle et de décadence. Où il n'y a pas une activité intense au service d'autrui, l'amour décline et la foi s'affaiblit. JC 827 2 Il entre dans les intentions du Christ que ses ministres enseignent à l'Eglise à faire un travail évangélique. Les membres doivent apprendre à chercher et sauver ce qui est perdu. Mais est-ce bien là l'oeuvre qu'ils accomplissent? Hélas! combien peu s'efforcent de ranimer une étincelle de vie dans une église prête à mourir! Combien peu d'églises sont soignées comme des agneaux malades par ceux qui devraient s'occuper de rechercher les brebis perdues! Et pendant ce temps des millions d'âmes périssent sans Christ. JC 827 3 L'amour de Dieu s'est ému jusque dans ses profondeurs insondables pour le bien des hommes, et les anges s'étonnent de trouver si peu de gratitude chez ceux qui ont été les objets d'un si grand amour, de voir combien peu l'amour de Dieu est apprécié par les hommes. Le ciel s'indigne de voir les âmes humaines négligées. Voulons-nous savoir ce qu'en pense le Christ? Quels seraient les sentiments d'un père ou d'une mère dont on aurait laissé périr l'enfant, dans le froid et la neige, alors qu'on eût pu le sauver? Quelle douleur, quelle indignation! Ne flétriraient-ils pas ces meurtriers? Les souffrances d'un homme sont celles d'un enfant de Dieu, et ceux qui ne tendent pas une main secourable à leurs semblables en péril, s'attirent la juste colère de l'Agneau. Au jour du grand jugement, le Christ dira à ceux qui prétendent lui appartenir mais qui se seront montrés indifférents à l'égard de leurs frères nécessiteux: "Je ne sais pas d'où vous êtes; éloignez-vous de moi, vous tous, qui commettez l'injustice."11 JC 828 1 En donnant ses ordres aux disciples, le Christ ne s'est pas contenté de décrire leur tâche, mais il leur a aussi donné le message qu'ils devaient annoncer. Enseignez au monde, dit-il, "à garder tout ce que je vous ai prescrit". Les disciples devaient enseigner ce que le Christ avait enseigné: non seulement ce qu'il a dit personnellement, mais aussi tout ce qu'il a enseigné par les prophètes et les docteurs de l'Ancien Testament. Tout enseignement humain est exclu. Il n'y a de place ni pour la tradition, ni pour les théories et les conclusions humaines, ni pour une législation ecclésiastique. "La loi et les prophètes", avec le récit destiné à conserver le souvenir de ses paroles et de ses actes: voilà le trésor confié aux disciples pour qu'ils le transmettent au monde. Le nom du Christ est leur mot de passe, leur signe de distinction, leur trait d'union, la légitimation de leur conduite et la source de leur succès. Rien de ce qui ne porte pas sa signature ne doit être reconnu dans son royaume. JC 828 2 L'Evangile doit être présenté, non pas comme une théorie morte, mais comme une force vivante, capable de transformer la vie. Dieu désire que les objets de sa grâce soient des témoins de sa puissance. Il accepte généreusement ceux qui l'ont offensé le plus gravement par leur conduite; quand ces coupables se repentent, il leur communique son Esprit, il leur confie les plus lourdes responsabilités, et les envoie dans le camp des rebelles pour y proclamer sa miséricorde infinie. Il veut que ses serviteurs attestent ce fait: que les hommes peuvent, par sa grâce, atteindre à un caractère qui ressemble à celui du Christ et jouir de l'assurance de son grand amour. Il veut que nous mettions en lumière ce fait: qu'il n'aura point de repos aussi longtemps que les membres de la famille humaine n'auront pas été réintégrés dans leur saint privilège de fils et de filles de Dieu. JC 829 1 Le Christ possède la tendresse d'un berger, l'affection d'un père, et la grâce immaculée d'un Sauveur compatissant. Il ne se contente pas d'annoncer ses bénédictions; il les offre de la manière la plus persuasive, afin de faire naître le désir de les posséder. Ses serviteurs doivent s'efforcer de présenter, de la même manière, les richesses glorieuses de son don ineffable. L'amour magnifique du Christ aura pour effet d'attendrir et de subjuguer les coeurs, alors que la simple répétition des doctrines resterait inefficace. "Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu." "Monte sur une haute montagne pour annoncer la bonne nouvelle à Sion! Elève la voix avec force pour annoncer la bonne nouvelle à Jérusalem. Elève la voix; ne crains point! Dis aux villes de Juda: Voici votre Dieu!... Comme un berger, il paîtra son troupeau. Il recueillera les agneaux entre ses bras et les portera dans son sein."12 Parlez de celui qui se "distingue entre dix mille", et dont la "personne est pleine de charme".13 Des mots ne suffisent pas pour cela. Nous devons le refléter dans notre caractère et le manifester dans notre vie. Le Christ pose pour que son portrait soit reproduit en chacun de ses disciples. Dieu les a prédestinés "à être semblables à l'image de son Fils".14 Ils doivent manifester au monde l'amour persévérant du Christ, sa sainteté, sa douceur, sa miséricorde et sa vérité. JC 829 2 Les premiers disciples s'en allèrent prêcher la Parole. Ils firent connaître le Christ par leur vie. "Le Seigneur travaillait avec eux et confirmait la parole par les signes qui l'accompagnaient."15 Ses disciples commencèrent à se préparer en vue de leur oeuvre. Pendant les jours qui précédèrent la Pentecôte, ils se rassemblèrent et mirent fin à tous leurs différends. Ils étaient d'un même accord. Sur la promesse du Christ, ils croyaient que la bénédiction serait donnée, et ils priaient avec foi. Ce n'est pas pour eux seuls qu'ils demandaient cette bénédiction car ils avaient le souci du salut des âmes. Afin que l'Evangile fût porté jusqu'aux extrémités de la terre, ils réclamaient la puissance que le Christ leur avait promise. C'est alors que le Saint-Esprit fut répandu sur eux et que des milliers de personnes se convertirent en un jour. JC 830 1 Il peut en être de même aujourd'hui. Qu'on prêche la Parole de Dieu plutôt que des spéculations humaines. Que les chrétiens mettent de côté ce qui les divise, et qu'ils se consacrent à Dieu en vue du salut de ceux qui sont perdus. Qu'ils demandent avec foi la bénédiction de Dieu et elle leur sera donnée. L'effusion de l'Esprit à l'époque apostolique a constitué la pluie de la première saison,16 et les résultats en ont été glorieux. Mais la pluie de la dernière saison sera plus abondante. JC 830 2 Tous ceux qui se consacrent à Dieu, âme, corps et esprit, recevront constamment une nouvelle mesure de forces physiques et mentales. Les ressources inépuisables du ciel sont à leur disposition. Le Christ leur communique le souffle de son Esprit, sa propre vie. Le Saint-Esprit déploie ses énergies les plus puissantes dans leur coeur et dans leur esprit. La grâce de Dieu agrandit et multiplie leurs facultés, et toutes les perfections de la nature divine sont mises à contribution dans l'oeuvre dont le but est de sauver les âmes. Grâce à la coopération du Christ, ils sont rendus parfaits, capables, en dépit de la faiblesse humaine, d'accomplir les oeuvres du Tout-Puissant. JC 830 3 Le Sauveur désire manifester sa grâce envers tous et mettre, sur le monde entier, l'empreinte de son caractère. Les hommes sont la propriété qu'il s'est acquise; il désire les rendre libres, purs et saints. Bien que Satan s'efforce d'empêcher la réalisation de ce dessein, des triomphes sont possibles, grâce au sang qui a été répandu pour le monde, à la gloire de Dieu et de l'Agneau. Le Christ n'aura de repos que lorsque la victoire aura été gagnée d'une manière définitive; alors "il contemplera le fruit de ses labeurs et il en sera rassasié de joie".17 Toutes les nations de la terre entendront l'Evangile de sa grâce. Tout le monde n'acceptera pas cette grâce; mais une "postérité le servira; on parlera du Seigneur aux générations futures".18 "Le règne, la domination et la souveraineté des royaumes qui sont sous tous les cieux, seront accordés au peuple des saints du Très-Haut", et "la terre sera remplie de la connaissance de l'Eternel, comme le fond de la mer est rempli par les eaux qui le couvrent." "On craindra le nom de l'Eternel depuis l'Occident et sa gloire depuis le soleil levant."19 JC 831 1 "Qu'ils sont beaux, sur les montagnes, les pas de celui qui apporte de bonnes nouvelles, de celui qui proclame la paix, qui annonce le bonheur, qui publie le salut, qui dit à Sion: Ton Dieu règne! ... Eclatez ensemble en cris de joie, ruines de Jérusalem! ... L'Eternel a manifesté sa puissance et sa sainteté aux yeux de toutes les nations; et toutes les extrémités de la terre verront le salut de notre Dieu!"20 ------------------------Chapitre 87 -- Vers mon Père et votre Père JC 832 0 Ce chapitre est basé sur Luc 24:50-53; Actes 1:9-12. JC 832 1 Le moment était venu où le Christ devait monter sur le trône de son Père. Tel un conquérant divin il allait retourner, accompagné des trophées de sa victoire, dans les parvis célestes. Il avait, avant sa mort, déclaré à son Père: "J'ai achevé l'oeuvre que tu m'as donnée à faire."1 Après sa résurrection, il resta quelque temps sur la terre, afin de familiariser ses disciples avec son corps ressuscité et glorieux. Maintenant il était prêt à prendre congé d'eux. Il avait démontré qu'il était un Sauveur vivant. Ses disciples ne devaient plus l'associer à la pensée du tombeau. Ils pouvaient le voir glorifié aux yeux de l'univers céleste. JC 832 2 Jésus choisit, pour son ascension, un endroit qu'il avait sanctifié, à plusieurs reprises, par sa présence alors qu'il vivait au milieu des hommes. Ni la montagne de Sion, où était située la cité de David, ni le mont Morija, où se trouvait le temple, ne reçurent cet honneur, car là le Christ avait été raillé et rejeté. Là les ondes de la grâce et de l'amour, qui affluaient avec toujours plus de force, avaient été refoulées par des coeurs aussi durs que le roc. C'est de là que Jésus, fatigué et le coeur lourd, s'était rendu au mont des Oliviers pour y trouver quelque repos. La sainte Schékinah, avant de s'éloigner du premier temple, s'était arrêtée sur la montagne orientale, comme si elle hésitait à abandonner la cité élue; de même le Christ s'arrêta sur le mont des Oliviers, regardant avec un coeur plein de désirs dans la direction de Jérusalem. Les bosquets et les vallons de cette montagne avaient été consacrés par ses prières et ses larmes. Les pentes rapides de celle-ci avaient renvoyé l'écho des acclamations triomphales de la foule qui le proclamait Roi. Sur ses flancs, Jésus avait trouvé un foyer auprès de Lazare de Béthanie. A son pied, au jardin de Gethsémané, il avait prié et lutté seul. C'est de là qu'il devait monter au ciel. C'est sur le sommet de cette montagne des Oliviers que ses pieds se poseront quand il reviendra. Il y apparaîtra alors non plus comme l'homme de douleur, mais comme un Roi glorieux et triomphant; les alléluias des Hébreux et les hosannas des Gentils formeront un concert de louanges, et les voix de l'armée innombrable des rachetés feront retentir cette acclamation: Couronnez-le Seigneur de tous. JC 833 1 Jésus se dirigea avec les onze vers la montagne. Tandis qu'ils passaient sous la porte de Jérusalem, bien des yeux étonnés regardaient curieusement ce petit groupe conduit par celui que les chefs de la nation avaient condamné et crucifié quelques semaines auparavant. Les disciples ignoraient que ce serait leur dernière entrevue avec le Maître. Jésus ne cessa pas de s'entretenir avec eux, leur rappelant ses premières instructions. Il s'arrêta un instant aux abords de Gethsémané, pour leur procurer l'occasion de se rappeler les leçons qu'il leur avait données pendant la nuit de son agonie. Il considéra à nouveau le cep dont il s'était servi pour illustrer l'union de son Eglise avec lui-même et avec son Père; il répéta les vérités qu'il leur avait déjà dévoilées. Tout, autour de lui, leur rappelait son amour et leur ingratitude. Même les disciples qui lui étaient si chers l'avaient, à l'heure de son humiliation, couvert d'opprobre, et abandonné. JC 833 2 Le Christ avait passé trente-trois années dans le monde, il avait supporté son mépris, ses injures, ses railleries; il avait été rejeté et crucifié. Maintenant, sur le point de monter sur son trône de gloire -- en pensant à l'ingratitude de ceux qu'il est venu sauver -- ne leur retirera-t-il pas sa sympathie et son amour? Ne va-t-il pas concentrer ses affections sur le royaume où on l'apprécie et où des anges sont prêts à exécuter ses ordres? -- Non; à ces êtres aimés qu'il laisse sur la terre, il fait cette promesse: "Je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde."2 JC 833 3 Arrivé sur le mont des Oliviers, Jésus conduisit ses disciples au-delà du sommet, dans les environs de Béthanie. Là il s'arrêta, et ses compagnons se rapprochèrent de lui. Des rayons de lumière semblaient émaner de sa personne tandis qu'il les regardait avec bonté. Il ne leur reprocha pas leurs fautes et leurs échecs; les dernières paroles qu'ils entendirent des lèvres du Seigneur furent empreintes de la plus profonde tendresse. Les mains étendues, comme pour les bénir, et leur donner l'assurance de sa sollicitude protectrice, il s'éloigna d'eux lentement, attiré vers le ciel par une force supérieure à toute attraction terrestre. Comme il allait disparaître, les disciples attristés tendaient leurs regards pour apercevoir, une dernière fois, le Seigneur. Une nuée glorieuse le déroba à leur vue, et tandis qu'un chariot d'anges, enveloppé dans la nue, l'accueillait, ils entendirent, une dernière fois, ses paroles: "Voici, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde!" Au même instant leur parvint la musique douce et joyeuse du choeur angélique. JC 834 1 Tandis que leurs regards restaient attachés au ciel, les disciples entendirent des voix mélodieuses. Ils se détournèrent et virent deux anges, à forme humaine, qui leur dirent: "Vous, Galiléens, pourquoi vous arrêtez-vous à regarder au ciel? Ce Jésus, qui a été enlevé au ciel du milieu de vous, reviendra de la même manière dont vous l'avez vu aller au ciel." JC 834 2 Ces anges faisaient partie du groupe qui, dans une nuée resplendissante, avait escorté Jésus à sa demeure céleste. Ils occupaient le rang le plus élevé parmi cette troupe angélique; ils s'étaient trouvés au tombeau du Christ, au moment de sa résurrection, après l'avoir accompagné durant toute sa vie. Tout le ciel avait attendu, impatiemment, la fin du séjour de Jésus dans un monde troublé par la malédiction du péché. Le moment était maintenant arrivé où l'univers céleste devait accueillir son Roi. On peut bien penser que les deux anges désiraient se joindre à la troupe qui souhaitait la bienvenue à Jésus. Néanmoins, pleins d'amour pour ceux que le Sauveur avait laissés, ils restèrent pour les consoler. "Ne sont-ils pas tous des esprits au service de Dieu, envoyés pour exercer un ministère en faveur de ceux qui doivent hériter du salut?"3 JC 834 3 C'est sous une forme humaine que le Christ est monté au ciel. Les disciples l'ont vu tandis qu'une nuée l'accueillait. Le même Jésus qui avait marché, parlé et prié avec eux; qui avait rompu le pain avec eux; qui s'était trouvé, avec eux, dans leur barque sur le lac; et qui ce jour même avait fait, avec eux, l'ascension pénible du mont des Oliviers, -- ce même Jésus était allé partager le trône de son Père. Les anges assurent que ce même Etre qu'ils ont vu montant au ciel, en reviendra comme il y est monté. Il viendra "avec les nuées. Tout homme le verra." "Le Seigneur lui-même, à un signal donné, à la voix d'un archange, au son de la trompette de Dieu, descendra du ciel, et les morts en Christ ressusciteront en premier lieu." "Lorsque le Fils de l'homme viendra dans sa gloire avec tous les anges, il s'assiéra sur le trône de sa gloire."4 Ainsi se trouvera accomplie la promesse que le Seigneur a faite aux disciples: "Lorsque je serai allé vous préparer une place, je reviendrai et je vous prendrai avec moi, afin que là où je suis, vous y soyez aussi".5 Les disciples peuvent donc se réjouir dans l'espérance du retour du Seigneur. JC 835 1 Lorsqu'ils revinrent à Jérusalem, on les considéra avec étonnement. On s'attendait, après le procès et la crucifixion du Christ, à les trouver abattus et honteux, à voir sur leurs visages une expression de douleur et de défaite. Au lieu de cela, on n'apercevait sur eux que la joie et le triomphe. Leurs visages resplendissaient d'un bonheur qui n'était pas de la terre. Loin de se lamenter sur leurs espérances déçues, ils ne faisaient que louer et remercier Dieu, racontant avec joie les faits merveilleux de la résurrection du Christ et de son ascension au ciel, et beaucoup de personnes acceptaient leur témoignage. JC 835 2 Les disciples avaient cessé de redouter l'avenir. Ils savaient que Jésus était au ciel et qu'il leur conservait son amour. Sûrs qu'ils avaient en lui près du trône de Dieu un Ami au nom de qui ils présentaient au Père d'ardentes requêtes, ils s'agenouillaient pour prier avec un respect solennel, et se répétaient la promesse: "Ce que vous demanderez au Père, il vous le donnera en mon nom. Jusqu'à présent, vous n'avez rien demandé en mon nom. Demandez et vous recevrez, afin que votre joie soit parfaite!"6 Ils étendaient la main de la foi toujours plus loin et toujours plus haut, en se servant de cet argument irrésistible: "Le Christ-Jésus est celui qui est mort; bien plus, il est ressuscité, il est à la droite de Dieu, et il intercède pour nous".7 La Pentecôte leur apporta une plénitude de joie par la présence du Consolateur, comme le Christ l'avait promis. JC 836 1 Le ciel tout entier se préparait à souhaiter la bienvenue au Sauveur à son entrée dans les parvis célestes. Jésus montait le premier, suivi d'une foule de captifs, délivrés au moment de sa résurrection. L'armée angélique, avec des cris, des acclamations de louanges et des chants, faisait la haie au joyeux cortège. JC 836 2 Comme celui-ci approche de la cité de Dieu, l'escorte jette ce cri: JC 836 3 Portes, élevez vos voûtes! Ouvrez-vous toutes grandes, portes éternelles, Et le Roi de gloire entrera. JC 836 4 Les sentinelles qui montent la garde interrogent joyeusement: JC 836 5 Qui est-il, ce Roi de gloire? JC 836 6 Ce n'est pas qu'elles l'ignorent, mais c'est pour avoir l'occasion d'entendre cette réponse élogieuse: JC 836 7 C'est l'Eternel, le fort, le puissant, L'Eternel, puissant dans les batailles. Portes, élevez vos voûtes! Elevez-les, portes éternelles! Et le Roi de gloire entrera. JC 836 8 Les anges demandent encore une fois: JC 836 9 Qui est-il, ce Roi de gloire? JC 836 10 car ils ne se lassent pas d'entendre exalter son nom. L'escorte répond: JC 836 11 C'est l'Eternel des armées; C'est lui, le Roi de gloire!8 JC 836 12 Alors la porte de la cité de Dieu s'ouvre toute grande, et la troupe angélique s'y engouffre dans une explosion d'harmonies triomphantes. JC 836 13 Là, se trouve le trône, entouré de l'arc-en-ciel de la promesse. Là, sont les chérubins et les séraphins, les chefs des armées angéliques, les fils de Dieu, les représentants des mondes qui n'ont pas péché. Le conseil céleste devant lequel Lucifer avait accusé Dieu et son Fils, les représentants de ces royaumes exempts de péché auxquels Satan avait espéré étendre sa domination, -- tous acclament le Rédempteur. Ils sont impatients de célébrer son triomphe et de glorifier leur Roi. JC 837 1 Mais Jésus d'un signe de la main les arrête. Pas encore; il ne peut recevoir, en ce moment, la couronne de gloire et le manteau royal. Il se présente d'abord à son Père. Il montre sa tête meurtrie, son côté percé, ses pieds blessés, ses mains qui portent l'empreinte des clous. Il présente également les marques de son triomphe, la gerbe des prémices, ceux qui sont ressuscités avec lui et qui représentent la grande multitude qui sortira du sépulcre, à son avènement. Il s'approche de ce Père qui entonne un chant d'allégresse chaque fois qu'un pécheur vient à la repentance. Dès avant la fondation du monde, le Père et le Fils s'étaient engagés, par une alliance solennelle, à racheter l'homme au cas où il deviendrait la victime de Satan. Il avait été arrêté irrévocablement que le Christ se ferait le garant de la famille humaine. Le Christ avait tenu son engagement. C'est à son Père que Jésus s'était adressé lorsque, sur la croix, il s'était écrié: "Tout est accompli." Le pacte avait porté ses fruits. Maintenant il déclare: Mon Père, tout est accompli. J'ai exécuté ta volonté, ô mon Dieu! J'ai achevé l'oeuvre de la rédemption. Si ta justice a obtenu satisfaction, "je veux que là où je suis, ceux que tu m'as donnés soient aussi avec moi".9 JC 837 2 Alors la voix de Dieu proclame que satisfaction a été donnée à la justice. Satan est vaincu. Ceux qui souffrent et qui luttent sur la terre pour le Christ sont acceptés en son Bien-aimé."10 Ils sont déclarés justes en présence des anges du ciel et des représentants des mondes qui n'ont pas péché. Son Eglise sera un jour où il est. "La bonté et la vérité se sont rencontrées; la justice et la paix se sont embrassées".11 Le Père entoure son Fils de ses bras, et l'ordre est donné: "Que tous les anges de Dieu l'adorent".12 JC 837 3 Avec une joie indicible, dominations, principautés et puissances reconnaissent la suprématie du Prince de la vie. L'armée angélique se prosterne devant lui, tandis qu'un chant joyeux remplit les parvis célestes: "L'Agneau qui a été égorgé est digne de recevoir puissance, richesse, sagesse, force, honneur, gloire et louange."13 JC 838 1 L'amour a vaincu. Ce qui était perdu est retrouvé. Les harpes angéliques accompagnent des chants de triomphe: le ciel débordant de joie et de reconnaissance retentit de radieux accents: "A celui qui est assis sur le trône et à l'Agneau, la louange, l'honneur, la gloire et la domination aux siècles des siècles."14 JC 838 2 Le spectacle de cette joie céleste nous renvoie, à nous qui sommes sur la terre, l'écho de ces admirables paroles du Christ: "Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu."15 La famille du ciel et celle de la terre n'en font qu'une. C'est pour nous que le Seigneur est monté au ciel, et c'est pour nous qu'il vit. "C'est pour cela aussi qu'il peut sauver parfaitement ceux qui s'approchent de Dieu par lui, étant toujours vivant pour intercéder en leur faveur".16 ------------------------Le Meilleur Chemin LMC 3 1 Avant-propos LMC 7 1 Chapitre 1 -- L'amour de Dieu pour l'humanité LMC 15 1 Chapitre 2 -- Il nous faut un Sauveur LMC 21 1 Chapitre 3 -- La repentance LMC 35 1 Chapitre 4 -- La confession LMC 41 1 Chapitre 5 -- L'abandon de soi-même LMC 47 1 Chapitre 6 -- Foi, paix, assurance LMC 55 1 Chapitre 7 -- La pierre de touche LMC 65 1 Chapitre 8 -- La croissance en Jésus-Christ LMC 75 1 Chapitre 9 -- L'oeuvre de la vie LMC 83 1 Chapitre 10 -- Connaître Dieu LMC 91 1 Chapitre 11 -- Prière et louange LMC 103 1 Chapitre 12 -- Que faire des doutes? LMC 113 1 Chapitre 13 -- La joie dans le Seigneur ------------------------Avant-propos LMC 3 1 Depuis sa première parution en anglais, en 1892, sous le titre Steps to Christ, ce petit livre simple et vivant a été constamment réédité. Traduit en plus de cent langues, il est aujourd'hui diffusé à près de vingt millions d'exemplaires. De tous les ouvrages d'Ellen White, Le meilleur chemin (nouvelle édition de Vers Jésus) est incontestablement le plus populaire, le plus lu et celui dont le rayonnement spirituel a été le plus grand. LMC 3 2 Dans un monde en crise où retentissent les explosions de la haine, où la guerre et la misère frappent leurs coups aveugles, où l'injustice se dresse avec arrogance, son message demeure d'une remarquable actualité. LMC 3 3 Jésus dit à l'homme inquiet qui ne sait où il va: "Je suis le chemin, la vérité et la vie." LMC 3 4 Jésus détient les réponses à nos questions vitales. LMC 3 5 Jésus fut l'Amour. Il l'est toujours. LMC 3 6 Jésus fut le Porteur de paix. Il l'est toujours. LMC 3 7 Jésus fut l'Homme de justice. Il l'est toujours. LMC 3 8 Il s'adresse à l'homme d'aujourd'hui par-delà le bruit et la fureur. Il lui parle en ami. Il trouve les mots parfaits qui réconfortent et donnent un sens à la vie. LMC 3 9 Nous souhaitons, amis lecteurs, qu'à travers ces pages, vous entendiez Jésus, et que le désir vous vienne de le mieux connaître et de l'aimer. Les Editeurs ------------------------Chapitre 1 -- L'amour de Dieu pour l'humanité LMC 7 1 La nature et la révélation témoignent de concert en faveur de l'amour de Dieu. Notre Père céleste est l'Auteur de la vie, de la sagesse et de la joie. Contemplez les merveilles de la nature. Constatez leur parfaite adaptation aux besoins et au bien-être, non seulement de l'homme, mais aussi de tout être vivant. Le soleil et la pluie qui égaient et rafraîchissent la terre; les montagnes, les mers, les plaines: tout nous parle de l'amour du Créateur. C'est Dieu qui subvient aux besoins de toutes les créatures. Ces belles paroles du psalmiste rendent hommage à sa touchante sollicitude: LMC 7 2 Les yeux de tous espèrent en toi Et tu leur donnes la nourriture en son temps. Tu ouvres ta main, Et tu rassasies à souhait tout ce qui a vie. Psaumes 145:15, 16. LMC 7 3 Dieu créa l'homme saint et parfaitement heureux. Notre terre, au sortir des mains du Créateur, ne portait pas la moindre trace de corruption, ni la plus légère ombre de malédiction. C'est la transgression de la loi de Dieu -- loi d'amour -- qui a été la cause de la mort et de tous nos maux. Néanmoins, l'amour divin se manifeste au sein même de la souffrance. Il est écrit qu'à cause de l'homme le sol fut maudit. Genèse 3:17. Mais les épines et les chardons, les difficultés et les épreuves qui assombrissent notre pèlerinage terrestre, nous ont été départis pour notre bien; Dieu les fait entrer dans le plan d'éducation qu'il a conçu pour nous relever de l'état de dégradation et de ruine dans lequel le péché nous a plongés. D'ailleurs, tout n'est pas tristesse et souffrance en ce monde. La nature elle-même nous offre des messages d'espérance et de consolation. On voit des fleurs s'épanouir sur les chardons et des roses éclore sur les épines. LMC 8 1 "Dieu est amour." Cette parole se lit sur chaque bouton de fleur et sur chaque brin d'herbe. Les oiseaux qui égaient les airs de leurs chants joyeux, les fleurs aux nuances délicates et variées qui embaument l'atmosphère de leur doux parfum, les arbres élancés et les forêts au riche feuillage, tout nous parle de la tendre et paternelle sollicitude de notre Dieu et de son désir de faire le bonheur de ses enfants. LMC 8 2 Les Ecritures révèlent son caractère. Dieu nous y fait lui-même connaître sa compassion et son amour infinis. Quand Moïse lui adressa cette requête: "Fais-moi voir ta gloire!", l'Eternel lui répondit: "Je ferai passer devant toi toute ma bonté" (Exode 33:18, 19), et, passant devant Moïse, il s'écria: "L'Eternel, l'Eternel, Dieu miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en bonté et en fidélité, qui conserve son amour jusqu'à mille générations, qui pardonne l'iniquité, la rébellion et le péché." Exode 34:6, 7. Il est "lent à la colère et riche en bonté" (Jonas 4:2), "car il prend plaisir à la miséricorde". Michée 7:18. C'est là sa gloire. LMC 8 3 Dans le ciel et sur la terre, Dieu nous a donné des gages innombrables de sa bonté. Par l'intermédiaire de la nature et par des preuves d'un amour plus tendre et plus profond que le coeur humain n'en peut concevoir, il s'est efforcé de se révéler à nous. Néanmoins, tout cela n'est qu'un reflet bien pâle de son caractère. L'ennemi du bien a aveuglé l'esprit des hommes à tel point qu'ils s'approchent de Dieu avec crainte et le considèrent comme un être sévère et implacable. Satan fait passer notre Père céleste pour un être d'une justice inflexible, un juge sévère, un créancier dur et inexorable. Il dépeint le Créateur comme observant les hommes d'un oeil scrutateur en vue de découvrir leurs erreurs et leurs fautes, et afin de les frapper de ses jugements. C'est pour dissiper ce voile de ténèbres par la révélation de l'amour infini de Dieu que Jésus-Christ est venu vivre parmi les hommes. LMC 9 1 "Personne n'a jamais vu Dieu; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, est celui qui l'a fait connaître." Jean 1:18. "Personne non plus ne connaît le Père, si ce n'est le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler." Matthieu 11:27. Un de ses disciples lui ayant dit: "Montre-nous le Père", Jésus lui répondit: "Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne m'as pas connu, Philippe! Celui qui m'a vu a vu le Père; comment dis-tu: Montre-nous le Père?" Jean 14:8, 9. LMC 9 2 Voici en quels termes le Seigneur décrit sa mission terrestre: "L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a oint pour annoncer une bonne nouvelle aux pauvres; il m'a envoyé pour guérir ceux qui ont le coeur brisé, pour proclamer aux captifs la délivrance, et aux aveugles le recouvrement de la vue, pour renvoyer libres les opprimés." Luc 4:18, 19. Telle était son oeuvre. Il allait de lieu en lieu faisant du bien et guérissant tous ceux qui étaient sous l'empire du diable. On pouvait trouver des villages entiers où ne se faisait plus entendre aucun gémissement arraché par la maladie; il avait passé par là, et guéri tous les malades. Son oeuvre témoignait de sa divinité. L'amour, la miséricorde et la compassion se révélaient dans chacun de ses actes; son coeur était rempli de tendre sympathie pour les enfants des hommes. Il avait revêtu leur nature afin de subvenir à leurs besoins. Les plus pauvres et les plus humbles ne craignaient pas de l'approcher. Les petits enfants eux-mêmes se sentaient attirés vers lui. Ils aimaient à monter sur ses genoux, et à fixer leurs regards sur son visage réfléchi et bienveillant. LMC 10 1 Jésus ne retranchait rien à la vérité, mais il la disait toujours avec charité. Ses rapports avec le peuple étaient empreints d'un tact parfait, d'une exquise délicatesse. Aucune brusquerie; pas un mot sévère sans nécessité; jamais il ne faisait inutilement de la peine à une âme sensible. Il ne censurait pas la faiblesse humaine. Quand il disait la vérité, c'était toujours avec amour. Il dénonçait l'hypocrisie, l'incrédulité, l'iniquité, mais c'était avec des larmes dans la voix. Il pleura sur Jérusalem, la ville qu'il aimait, la ville qui avait refusé de le recevoir, lui, le Chemin, la Vérité et la Vie. Elle avait rejeté son Sauveur, mais il lui conservait néanmoins sa tendresse et sa pitié. Sa vie était faite de renoncement et de sollicitude pour autrui. Chaque âme était précieuse à ses yeux. Sans se départir jamais d'une dignité divine, il s'inclinait avec un saint respect devant tout membre de la famille de Dieu. En tout homme, il voyait une âme déchue à sauver. LMC 10 2 Tel est le caractère de Jésus révélé par sa vie. Tel est aussi le caractère de Dieu. C'est du coeur du Père que les flots de la compassion divine manifestée en Jésus-Christ se déversent sur les enfants des hommes. Jésus, Sauveur tendre et compatissant, était Dieu "manifesté en chair". 1 Timothée 3:16. LMC 10 3 C'est pour nous racheter que Jésus a vécu, a souffert, est mort. Il est devenu "homme de douleur", afin de nous faire participer à la joie éternelle. Dieu a permis à son Fils bien-aimé, plein de grâce et de vérité, de quitter un séjour de gloire ineffable pour venir dans un monde souillé par le péché et assombri par la malédiction et la mort. Il a consenti à le voir quitter le sein du Père et l'adoration des anges pour venir souffrir l'opprobre, les injures, l'humiliation, la haine et la mort. "Le châtiment qui nous donne la paix est tombé sur lui, et c'est par ses meurtrissures que nous sommes guéris." Ésaïe 53:5. Contemplezle au désert, en Gethsémané, sur la croix, le Fils immaculé de Dieu, chargé du fardeau de nos péchés! Celui qui avait été un avec Dieu éprouva dans son âme l'horrible séparation que le péché creuse entre l'homme et Dieu, séparation qui lui arracha ce cri d'angoisse: "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné?" Matthieu 27:46. C'est le fardeau du péché et le sentiment de son énormité qui brisèrent le coeur du Fils de Dieu. LMC 11 1 Mais ce sacrifice n'a pas été consommé afin de faire naître dans le coeur du Père des sentiments d'amour pour l'humanité déchue, et pour le disposer à la sauver. Loin de là! "Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique." Ce n'est pas à cause de la propitiation faite par son Fils que le Père nous aime, c'est parce qu'il nous aime qu'il a pourvu à cette propitiation. Jésus-Christ est l'intermédiaire par lequel le Père a pu répandre son amour infini sur un monde perdu. Dieu a réconcilié, en Christ, le monde avec lui-même. 2 Corinthiens 5:19. Il a souffert avec son Fils. Dans les détresses de Gethsémané, comme dans la mort du Calvaire, c'est le coeur de l'Amour infini qui a payé le prix de notre rédemption. LMC 11 2 Jésus dit: "Le Père m'aime, parce que je donne ma vie, afin de la reprendre." Jean 10:17. En d'autres termes: "L'amour que mon Père vous porte est si grand qu'il m'affectionne davantage pour avoir consenti au sacrifice de ma vie afin de vous racheter. Je lui suis devenu plus cher par le fait que je me suis constitué votre garant, en déposant ma vie et en prenant sur moi vos transgressions; car, par mon sacrifice, Dieu, tout en demeurant juste, peut justifier celui qui croit en moi." LMC 12 1 Seul le Fils de Dieu avait le pouvoir de nous racheter; seul celui qui était dans le sein du Père pouvait le faire connaître; seul un Etre connaissant la hauteur et la profondeur de l'amour de Dieu pouvait les révéler. Il n'a fallu rien de moins que le sacrifice infini consommé par Jésus-Christ en faveur de l'homme perdu pour exprimer l'amour du Père envers l'humanité déchue. LMC 12 2 "Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique." Il a donné son Fils non seulement afin qu'il vive parmi les hommes, porte leurs péchés, et meure à leur place mais encore pour qu'il se solidarise avec les besoins et les intérêts de l'humanité. Celui qui était un avec le Père s'est uni à nous par des liens indissolubles. Jésus "n'a pas honte de nous appeler frères". Hébreux 2:11. Il est notre Propitiation, notre Avocat, notre Frère. Il paraît revêtu de notre humanité devant le trône du Père, et il sera pendant toute l'éternité un avec la race humaine qu'il a rachetée: il est et demeurera le Fils de l'homme. Et tout cela afin de relever l'homme de la dégradation et du péché, afin de le mettre à même de réfléchir l'amour de Dieu et de participer à la joie de la sainteté. LMC 12 3 Le prix payé pour notre rédemption, le sacrifice infini de notre Père céleste en livrant son Fils à la mort pour nous, devrait nous donner une haute idée de ce que nous pouvons devenir en Jésus-Christ. Quand il est donné à Jean, l'apôtre inspiré, de contempler la hauteur, la profondeur et la largeur de l'amour du Père envers l'humanité perdue, il est si rempli de sentiments d'adoration et de respect que, dans l'impuissance où il se trouve d'exprimer l'intensité et la tendresse de cet amour, il s'écrie: "Voyez quel amour le Père nous a témoigné, pour que nous soyons appelés enfants de Dieu!" 1 Jean 3:1. Quelle valeur cet amour donne à l'homme! Par la transgression, les fils d'Adam sont devenus sujets de Satan; par la foi au sacrifice expiatoire du Christ, ils peuvent devenir fils de Dieu. En revêtant la nature humaine, Jésus-Christ élève l'humanité; il place l'homme déchu dans une condition où il peut devenir réellement digne du nom d'"enfant de Dieu". LMC 13 1 Enfants du Roi céleste! Précieuse promesse! Thème inépuisable de méditations! Amour insondable de Dieu pour un monde qui ne l'aimait pas! Un tel amour est sans exemple. Il surpasse celui d'une mère pour son enfant égaré. Sa contemplation subjugue l'âme et rend les pensées captives de la volonté divine. Plus nous étudions le caractère de Dieu à la lumière de la croix, plus nous y découvrons de clémence et de tendresse, mieux nous voyons la miséricorde unie à l'équité et à la justice, et plus nous discernons les preuves d'un amour et d'une compassion infinis. ------------------------Chapitre 2 -- Il nous faut un Sauveur LMC 15 1 A l'origine, l'homme était doué de facultés nobles et d'un esprit bien équilibré, physiquement parfait et moralement en harmonie avec Dieu. Ses pensées étaient pures, ses aspirations saintes. Mais ses facultés ont été perverties par la désobéissance, et l'égoïsme a pris dans son coeur la place de l'amour. Sa nature morale a été tellement altérée par la transgression qu'il lui est devenu impossible, par sa propre force, de résister à la puissance du mal. Il est devenu captif de Satan, et serait à jamais resté en son pouvoir, si le Seigneur ne s'était interposé d'une manière spéciale. Le but du tentateur était de fausser le dessein en vue duquel Dieu créa l'homme et de couvrir la terre de ruines et de désolation. Cela fait, il se proposait de montrer que ces ruines étaient la conséquence de la création de l'homme. LMC 15 2 Dans son état d'innocence, l'homme vivait dans une heureuse communion avec celui "dans lequel sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science". Colossiens 2:3. Mais après son péché, ne trouvant plus son plaisir dans la sainteté, il voulut se cacher loin de la présence de Dieu. Telle est encore la condition du coeur irrégénéré. Il ne bat pas à l'unisson avec le coeur de Dieu, et il ne trouve par conséquent aucune jouissance dans sa communion. Le pécheur ne connaîtrait pas le bonheur en la présence de Dieu; la société des êtres saints lui serait intolérable. S'il lui était permis de franchir le seuil du ciel, il y serait malheureux. L'esprit de complet désintéressement qui règne en ce lieu où tous les êtres sont en harmonie avec l'amour infini ne ferait vibrer dans son coeur aucune corde sensible. Ses pensées, ses intérêts, ses mobiles seraient en opposition avec ceux de tous ses habitants. Il serait une note discordante dans la mélodie du ciel. Le ciel serait pour lui un lieu de torture. Sa seule pensée serait de s'éloigner de la face de celui qui en est la lumière et la joie. Ce n'est pas un décret arbitraire de la part de Dieu qui interdit l'accès du ciel aux méchants; ils en sont exclus par leur incapacité de jouir de la compagnie de ses habitants. La gloire de Dieu serait pour eux un feu dévorant. Ils accueilleraient avec joie la destruction pour échapper à la présence de celui qui est mort pour les racheter. LMC 16 1 Il nous est impossible, par nous-mêmes, de nous arracher à l'abîme de péché dans lequel nous sommes plongés. Nos coeurs sont mauvais, et nous sommes incapables de les changer. "Comment d'un être souillé sortira-t-il un homme pur? Il n'en peut sortir aucun." Job 14:4. "L'affection de la chair est inimitié contre Dieu, parce qu'elle ne se soumet pas à la loi de Dieu, et qu'elle ne le peut même pas." Romains 8:7. L'éducation, la culture intellectuelle, l'exercice de la volonté, les efforts humains ont tous leur sphère légitime; mais ici ils sont impuissants. Ils peuvent produire une certaine correction extérieure de la conduite, mais ils ne sauraient changer le coeur, ni purifier les sources de la vie. Pour ramener l'homme de l'état de péché à celui de sainteté, il faut une puissance qui agisse du dedans, une vie nouvelle qui vienne d'en haut. Cette puissance, c'est Jésus. Sa grâce seule peut vivifier les facultés inertes de l'âme humaine, et les attirer vers Dieu et la sainteté. Le Sauveur dit: "Si un homme ne naît de nouveau" -- s'il ne reçoit un coeur nouveau et des aspirations nouvelles qui l'entraînent vers une nouvelle vie -- "il ne peut voir le royaume de Dieu". Jean 3:3. La notion d'après laquelle il suffirait à l'homme de travailler à développer le bien qui est naturellement en lui est une erreur fatale. "L'homme animal ne reçoit pas les choses de l'Esprit de Dieu, car elles sont une folie pour lui, et il ne peut les connaître, parce que c'est spirituellement qu'on en juge." 1 Corinthiens 2:14. "Ne t'étonne pas de ce que je t'aie dit: Il faut que vous naissiez de nouveau." Jean 3:7. Il est écrit, touchant Jésus-Christ (la Parole): "Elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes." Jean 1:4. Il est le seul nom "qui ait été donné parmi les hommes, par lequel nous devions être sauvés". Actes 4:12. LMC 17 1 Il ne suffit pas d'entrevoir la bonté de Dieu, sa bienveillance, sa tendresse paternelle. Il ne suffit pas de discerner la sagesse et la justice de sa loi, de constater qu'elle est fondée sur le principe éternel de l'amour. L'apôtre Paul avait connaissance de tout cela quand il disait: "Je reconnais que la loi est bonne"; "la loi est sainte, et le commandement est saint, juste et bon". Mais il ajoutait dans l'amertume de son désespoir: "Je suis charnel, vendu au péché." Romains 7:16, 12, 14. Il soupirait après une sainteté et une justice qu'il'se sentait incapable de réaliser, et il s'écriait: "Misérable que je suis! Qui me délivrera du corps de cette mort?" Romains 7:24. Tel est le cri qu'ont poussé en tout temps et en tout lieu les âmes écrasées par le sentiment du péché. Pour tous, il n'y a qu'une réponse: "Voici l'Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde." Jean 1:29. LMC 17 2 Nombreuses sont les images par lesquelles l'Esprit de Dieu s'est efforcé d'illustrer cette vérité afin de la rendre claire aux âmes qui désirent être soulagées du fardeau de la culpabilité. Jacob, après avoir trompé Esaü, s'éloigna de la maison paternelle, accablé par le sentiment de sa faute. Exilé et solitaire, banni loin de tout ce qui avait donné du prix à sa vie, ce qui l'accablait, c'était le sentiment que son péché l'avait privé de la communion avec Dieu et qu'il était abandonné du ciel. Entouré de collines silencieuses, la voûte étoilée au-dessus de sa tête, il se couche désolé sur le sol nu pour y passer la nuit. Pendant son sommeil, il voit une lumière étrange envahir la plaine; du sol sur lequel il repose, s'élève une immense échelle éthérée qui semble conduire à la porte même du ciel, et sur cette échelle montent et descendent des anges de Dieu. Il écoute, et, du milieu de la gloire céleste, la voix divine lui fait entendre un message de consolation et d'espérance. Jacob trouva un Sauveur répondant aux soupirs de son âme. Plein de joie, il vit le chemin par lequel il pouvait, lui, pécheur, retrouver la communion avec Dieu. L'échelle mystique de sa vision représente Jésus, le seul intermédiaire entre Dieu et l'homme. LMC 18 1 Dans sa conversation avec Nathanaël, le Christ se servit de la même image: "Vous verrez, dit-il, désormais le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre sur le Fils de l'homme." Jean 1:51. Par son apostasie, l'homme s'était séparé de Dieu; la terre avait divorcé d'avec le ciel: à travers l'espace qui les séparait, les communications étaient devenues impossibles. Mais, grâce à Jésus-Christ, la terre a été de nouveau reliée au ciel. Par ses mérites, le Sauveur a jeté un pont sur l'abîme creusé par le péché, de sorte que les anges peuvent communiquer avec l'homme. Par Jésus, l'homme déchu, faible et impuissant, a pu de nouveau avoir accès à la source de la puissance infinie. LMC 18 2 Mais c'est en vain que l'humanité rêve de progrès, en vain qu'elle travaille à son relèvement, si elle néglige cette source unique d'espérance et de salut qui lui est offerte. "Toute grâce excellente et tout don parfait" procèdent de Dieu. Jacques 1:17. Il n'y a pas, hors de lui, de véritable excellence de caractère. Et le seul chemin qui mène à Dieu, c'est Jésus-Christ. "Je suis le chemin, la vérité et la vie, dit-il. Nul ne vient au Père que par moi." Jean 14:6. LMC 19 1 Le coeur de Dieu déborde pour les enfants des hommes d'un amour plus fort que la mort. En sacrifiant son Fils, il a abandonné tout le ciel en notre faveur. La vie, la mort et la médiation du Sauveur, le ministère des anges, les appels de l'Esprit, le Père agissant au-dessus de tous et par le moyen de tous, l'intérêt incessant des êtres célestes: tout est mis en oeuvre en vue de notre rédemption. LMC 19 2 Oh! arrêtons nos regards sur le prodigieux sacrifice consommé pour nous! Essayons de nous rendre compte de la somme d'énergie et de labeurs que dépense le ciel en vue de ramener les égarés à la maison du Père. Des mobiles plus forts et des agents plus puissants n'auraient jamais pu être mis en oeuvre. La récompense inouïe réservée à ceux qui font le bien, les jouissances du ciel, la compagnie des anges, la communion et l'amour de Dieu et de son Fils, le perfectionnement et le développement de toutes nos facultés à travers les siècles éternels: ne sont-ce pas là des encouragements suffisants pour servir notre Créateur et Rédempteur avec des coeurs dévoués et aimants? LMC 19 3 D'autre part, les jugements de Dieu prononcés contre le péché, la rétribution inévitable, la dégradation de notre caractère et la destruction finale sont décrits dans la Parole de Dieu pour nous mettre en garde contre les pièges de Satan. LMC 19 4 Ne nous inclinerons-nous pas humblement devant la miséricorde de Dieu? Qu'aurait-il pu faire de plus pour nous? Entrons en rapport avec celui qui nous a aimés d'un amour incommensurable. Profitons de l'occasion qui nous est offerte, afin d'être transformés à l'image du Sauveur et de rentrer dans la société des anges, ainsi que dans la faveur et la communion du Père et du Fils. ------------------------Chapitre 3 -- La repentance LMC 21 1 Comment un homme paraîtra-t-il juste devant Dieu? Comment un pécheur sera-t-il pur? Ce n'est que par Jésus-Christ qu'il est possible de se mettre en règle avec Dieu, de parvenir à la sainteté. Mais comment aller à Jésus? Ils sont nombreux ceux qui, avec la multitude convaincue de péché au jour de la Pentecôte, s'écrient: "Que ferons-nous?" Les premiers mots de Pierre, en réponse à cette question, furent: "Repentez-vous." Un peu plus tard, il leur dit: "Repentez-vous donc et convertissez-vous, pour que vos péchés soient effacés." Actes 2:38; 3:19. LMC 21 2 La repentance comprend la douleur d'avoir commis le péché et le délaissement de celui-ci. Impossible d'abandonner le péché avant d'en avoir vu la gravité; point de vrai changement de vie jusqu'à ce que l'on se soit détourné du péché de tout son coeur. LMC 21 3 Ils sont nombreux ceux qui ne comprennent pas la véritable nature de la repentance. Beaucoup de personnes gémissent sur leurs péchés et se réforment même extérieurement parce qu'elles craignent les conséquences de leurs mauvaises actions. Ce n'est pas là la repentance dans le sens biblique du terme. C'est redouter la souffrance plutôt que le péché lui-même. Telle fut la douleur d'Esaü quand il vit qu'il avait perdu à tout jamais son droit d'aînesse. Balaam, terrifié par l'apparition sur son chemin d'un ange armé d'une épée nue, confessa son péché dans la crainte de perdre la vie; mais il n'y avait pas en lui de repentance véritable, pas de changement de disposition, pas d'horreur du mal. Judas Iscariot, après avoir trahi son Seigneur, s'écria: "J'ai péché, en livrant le sang innocent." Matthieu 27:4. LMC 22 1 Cette confession lui était arrachée par le sentiment terrible de sa condamnation et par la perspective redoutable du jugement de Dieu. Les conséquences de son crime le remplissaient de terreur; mais il n'éprouvait aucun remords déchirant et sincère d'avoir trahi le Fils de Dieu, et renié le Saint d'Israël. Pharaon, au moment où les jugements de Dieu s'appesantissaient sur lui, reconnaissait son péché; mais ce n'était que pour échapper au châtiment, car, dès que les plaies s'éloignaient, il recommençait à braver le ciel. Tous ceux-là déploraient les conséquences de leurs péchés, mais ils ne s'affligeaient pas sur ces péchés eux-mêmes. LMC 22 2 En revanche, quand le coeur de l'homme cède à l'influence de l'Esprit de Dieu, la conscience se réveille, et le pécheur commence à entrevoir la profondeur et le caractère sacré de la loi de Dieu, loi qui est à la base de son gouvernement dans le ciel et sur la terre. La lumière qui, "en venant dans le monde, éclaire tout homme" (Jean 1:9), illumine les replis les plus secrets de son âme, et met en évidence les choses cachées dans les ténèbres. La conviction du péché s'empare alors de son esprit et de son coeur. Saisi du sentiment de la justice de Jéhovah, le pécheur est terrifié à la pensée de paraître coupable et impur devant celui qui sonde les coeurs. Il voit l'amour de Dieu, la beauté de la sainteté, la joie de la pureté; il désire être purifié et entrer en communion avec le ciel. LMC 22 3 La prière de David après sa chute peut illustrer le véritable repentir; elle n'était nullement dictée par le désir d'échapper aux jugements qui allaient le frapper. Son chagrin fut sincère et profond; il ne chercha pas à pallier sa culpabilité. Il voyait l'énormité de sa transgression, la souillure de son âme; il haïssait son péché. Ce n'est pas le pardon seulement qu'il demandait, mais la pureté du coeur. Il soupirait après la joie de la sainteté, et la communion avec Dieu. Voici comment il s'exprime: LMC 23 1 Heureux celui à qui la transgression est remise, A qui le péché est pardonné! Heureux l'homme à qui l'Eternel n'impute pas l'iniquité, Et dans l'esprit duquel il n'y a pas de fraude!... O Dieu! aie pitié de moi dans ta bonté; Selon ta grande miséricorde, efface mes transgressions; ... Car je reconnais mes transgressions, Et mon péché est constamment devant moi. ... Purifie-moi avec l'hysope, et je serai pur; Lave-moi, et je serai plus blanc que la neige. ... O Dieu! crée en moi un coeur pur, Renouvelle en moi un esprit bien disposé. Ne me rejette pas loin de ta face, Ne me retire pas ton esprit saint. Rends-moi la joie de ton salut, Et qu'un esprit de bonne volonté me soutienne! ... O Dieu, Dieu de mon salut! délivre-moi du sang versé, Et ma langue célébrera ta miséricorde. Psaumes 32:1, 2; 51:3-16. LMC 23 2 Il n'est pas au pouvoir de l'homme de parvenir à une telle repentance; on ne la reçoit que du Seigneur. LMC 23 3 Or, c'est précisément ici que plusieurs sont dans l'erreur, ce qui les prive de l'aide que Dieu désire leur accorder. Ils pensent ne pas pouvoir venir à Jésus avant de s'être repentis, et croient que la repentance prépare au pardon des péchés. Il est vrai que la repentance précède le pardon; car seul un coeur humilié et contrit éprouve le besoin d'un Sauveur. Mais le pécheur doit-il attendre de s'être repenti avant de venir à Jésus? La nécessité de la repentance doit- elle être élevée comme un obstacle entre le pécheur et son Sauveur? LMC 24 1 L'Ecriture n'enseigne nulle part que le pécheur doive se repentir avant de répondre à cette invitation du Sauveur: "Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos." Matthieu 11:28. C'est une puissance émanant de Jésus qui nous donne la véritable repentance. L'apôtre Pierre a éclairci cette question quand il a fait aux Israélites cette déclaration: "Dieu l'a élevé par sa droite comme Prince et Sauveur, pour donner à Israël la repentance et le pardon des péchés." Actes 5:31. Il est tout aussi impossible de se repentir sans avoir la conscience réveillée par l'Esprit de Dieu que d'obtenir le pardon sans Jésus-Christ. LMC 24 2 Jésus-Christ est la source de tout bon sentiment. C'est lui seul qui peut mettre dans nos coeurs l'horreur du péché. Chaque aspiration vers la vérité et la pureté, chaque conviction de notre péché est une preuve de l'influence du Saint-Esprit sur notre coeur. LMC 24 3 Jésus a dit: "Quand j'aurai été élevé de la terre, j'attirerai tous les hommes à moi." Jean 12:32. Il faut qu'il soit révélé aux pécheurs comme le Sauveur mort pour les péchés du monde. Car c'est la contemplation du Fils de Dieu sur la croix du Calvaire qui commence à nous révéler le mystère de la rédemption; la bonté de Dieu qui y éclate nous amène à la repentance. En mourant pour les pécheurs, le Fils de Dieu a manifesté un amour incompréhensible; or, la contemplation de son amour touche le coeur, frappe l'esprit et brise toute résistance. LMC 24 4 Il arrive, il est vrai, à l'homme d'être confus de ses péchés et de délaisser certaines mauvaises habitudes avant d'être conscient de la puissance d'attraction de Jésus-Christ. Mais chaque tentative de réforme, basée sur un désir sincère de bien faire, est le résultat de cette puissance d'attraction. Une influence dont il ne se rend pas compte agit sur son âme, ranime sa conscience et amende sa conduite extérieure. Et à mesure que le Sauveur attire ses regards sur la croix et lui fait contempler celui que ses péchés ont percé, les commandements de Dieu parlent à sa conscience. Il se rend compte de la perversité de sa vie; il comprend que le péché a jeté de profondes racines dans son coeur. Il commence à entrevoir la justice de Jésus-Christ, et il s'écrie: "Quelle n'est pas la gravité du péché, puisqu'il a fallu un tel prix pour la rédemption de ses victimes! Tout cet amour, toutes ces souffrances, toute cette humiliation étaient-ils nécessaires pour que nous ne périssions pas, mais que nous ayons la vie éternelle?" LMC 25 1 Le pécheur peut résister à cet amour, refuser de se laisser attirer par le Sauveur. Mais la révélation du plan du salut l'amènera repentant au pied de la croix, et il comprendra que ses péchés ont causé les souffrances du Fils de Dieu. LMC 25 2 L'Esprit de Dieu qui agit dans la nature est aussi celui qui parle au coeur de l'homme et y fait naître un besoin inexprimable de quelque chose qu'il ne possède pas. Les choses du monde ne peuvent le satisfaire. L'Esprit de Dieu plaide avec lui pour le pousser à chercher ce qui seul peut procurer la paix et le repos: la grâce de Jésus-Christ, la joie de la sainteté. Par des intermédiaires visibles et invisibles, notre Sauveur s'efforce sans cesse de détourner nos pensées des vains plaisirs du péché pour les attirer sur les grâces infinies que nous pouvons obtenir en lui. C'est à toutes les âmes qui ont cherché en vain à se désaltérer aux citernes crevassées du monde que ce message divin est adressé: "Que celui qui a soif vienne; que celui qui veut prenne de l'eau de la vie, gratuitement." Apocalypse 22:17. LMC 26 1 Vous qui soupirez en votre coeur après une vie supérieure à celle que le monde peut vous offrir, reconnaissez dans ce désir la voix de Dieu parlant à votre âme. Demandez-lui de vous donner la repentance, de vous révéler Jésus dans son amour infini, sa pureté parfaite. Les principes de la loi divine -- amour de Dieu et amour du prochain -- sont parfaitement illustrés par la vie du Sauveur. Un amour et un désintéressement parfaits: c'était là sa vie. C'est quand nous contemplons Jésus-Christ, quand les rayons de lumière émanant de lui descendent sur nous que nous nous rendons compte de notre état de déchéance et de perdition. LMC 26 2 Nous pouvons, comme Nicodème, nous bercer de l'illusion que notre vie a été correcte, que notre moralité n'a rien laissé à désirer, et en conclure que nous n'avons pas lieu de nous humilier devant Dieu comme de vulgaires pécheurs. Mais quand la lumière de Jésus-Christ brillera dans notre âme, nous verrons combien nous sommes impurs; nous discernerons l'égoïsme de nos mobiles et l'inimitié contre Dieu, qui ont souillé tous les actes de notre vie. Nous nous rendrons compte que notre justice est véritablement comme le linge le plus souillé, et que seul le sang de Jésus peut nous purifier de la souillure du péché et transformer nos coeurs à sa ressemblance. LMC 26 3 Un rayon de la gloire de Dieu, une lueur de la pureté de Jésus-Christ pénétrant notre âme, en fait douloureusement et nettement ressortir chaque tache. Il met en évidence la difformité et les défauts du caractère humain, les désirs non sanctifiés, l'incrédulité du coeur, l'impureté des lèvres. Les actions déloyales du pécheur, actions qui outragent la loi divine, éclatent à ses yeux. Son esprit est humilié et affligé sous l'influence scrutatrice de l'Esprit de Dieu; il se prend en dégoût en présence du caractère pur et immaculé de Jésus. LMC 27 1 Quand le prophète Daniel contempla la gloire du messager céleste, il fut comme anéanti par le sentiment de sa faiblesse et de son imperfection. Voici en quels termes il décrit l'effet que produisit sur lui cette contemplation: "Je restai seul, et je vis cette grande vision; les forces me manquèrent, mon visage changea de couleur et fut décomposé, et je perdis toute vigueur." Daniel 10:8. L'âme ainsi touchée aura une profonde aversion pour son amour du moi et recherchera, par la justice du Christ, une pureté de coeur conforme à la loi de Dieu et au caractère de Jésus. LMC 27 2 L'apôtre Paul -- parlant de sa conduite -- se disait "irréprochable à l'égard de la justice de la loi" (Philippiens 3:6); mais quand il discerna la spiritualité de la loi, il se vit pécheur. A se juger par la lettre de la loi, en l'appliquant seulement aux actes extérieurs, comme peuvent le faire les hommes, il se trouvait sans péché. Mais quand il plongea ses regards dans les profondeurs des saints préceptes et se vit tel que Dieu le voyait, il dut baisser la tête et confesser sa culpabilité. "Etant autrefois sans loi, dit-il, je vivais; mais quand le commandement vint, le péché reprit vie, et moi je mourus." Romains 7:9. Le péché lui apparut alors dans toute son horreur, et la bonne opinion qu'il avait de lui-même disparut. LMC 27 3 Tous les péchés ne sont pas également odieux devant le Seigneur. Il y a pour lui, comme pour les hommes, différents degrés de culpabilité. Mais quelque insignifiant que puisse paraître tel ou tel péché à nos propres yeux, il n'est jamais petit aux yeux de Dieu. Le jugement de l'homme est partial, imparfait, tandis que le Seigneur estime toutes choses à leur juste valeur. L'ivrogne est regardé avec mépris; on lui déclare que son péché l'exclura du royaume des cieux. Mais on est souvent moins sévère envers l'orgueilleux, l'égoïste et l'envieux. Et pourtant ce sont là des péchés particulièrement odieux au Seigneur. Ils sont contraires à la bonté de son caractère, à l'amour parfaitement désintéressé qui est l'atmosphère dans laquelle se meuvent les mondes qui ont conservé leur intégrité. Celui qui tombe dans quelque faute grossière peut avoir le sentiment de son humiliation, de sa pauvreté et de son besoin d'un Sauveur. Mais l'orgueilleux n'éprouve aucun besoin; il ferme son coeur au Christ et se prive des bienfaits infinis qu'il est venu apporter. LMC 28 1 Le pauvre péager qui faisait cette prière: "O Dieu, sois apaisé envers moi, qui suis un pécheur" (Luc 18:13), se considérait comme bien mauvais, et ceux qui le connaissaient n'avaient guère meilleure opinion de lui. Mais il avait le sentiment de sa misère, et, sous le poids de sa culpabilité et de son opprobre, il se présenta devant Dieu pour implorer sa miséricorde. Son coeur était ouvert à l'action de l'Esprit qui pouvait l'affranchir du péché. Par contre, la prière orgueilleuse du pharisien montre que son coeur était inaccessible à l'influence du Saint-Esprit. Vivant loin de Dieu, il n'avait pas le sentiment de sa propre souillure, ni de la perfection de la sainteté divine, et, ne désirant rien, il ne reçut rien. LMC 28 2 Si vous voyez votre état de péché, n'attendez pas d'être meilleur. Ils sont nombreux ceux qui pensent n'être pas assez bons pour aller à Jésus. Pensez-vous devenir meilleur par vos propres efforts? "Un Ethiopien peut-il changer sa peau, et un léopard ses taches? De même, pourriez-vous faire le bien, vous qui êtes accoutumés à faire le mal?" Jérémie 13:23. C'est en Dieu seul qu'est notre recours. N'attendons pas que la conviction devienne plus forte, ou que l'occasion soit plus favorable, ou bien encore que nous soyons moins mauvais. Nous ne pouvons rien faire de nous-mêmes: il faut aller à Jésus tels que nous sommes. LMC 29 1 Mais que nul ne s'illusionne en pensant que Dieu, dans son grand amour, sauvera même ceux qui méprisent sa grâce. Seule la croix met en lumière le caractère excessivement odieux du péché. Que ceux qui prétendent que Dieu est trop bon pour rejeter les pécheurs portent leurs regards sur le Calvaire. C'est parce que l'homme ne pouvait être sauvé d'aucune autre manière; c'est parce que sans ce grand sacrifice il était impossible à la famille humaine de se soustraire à la souillure du péché; c'est parce qu'elle ne pouvait pas rentrer dans la communion des êtres saints et en possession de la vie spirituelle -- c'est pour toutes ces raisons que le Seigneur a pris sur lui la culpabilité du transgresseur, et qu'il a souffert à la place du pécheur. L'amour, les souffrances et la mort du Fils de Dieu témoignent de l'énormité du péché; ils déclarent qu'il n'est pas possible de se soustraire à sa puissance, et qu'il n'y a d'espoir d'une vie meilleure que par l'abandon de l'âme à Jésus-Christ. LMC 29 2 Les impénitents s'excusent parfois en disant de certains chrétiens: "Je suis aussi bon qu'eux. Ils ne sont pas plus désintéressés, pas plus sobres, pas plus circonspects dans leur conduite que moi. Ils aiment les plaisirs et les jouissances autant que moi." C'est là se retrancher derrière les fautes d'autrui. Mais les défauts et les péchés des autres ne justifient personne, car un modèle parfait nous a été donné: l'immaculé Fils de Dieu. Ceux qui se plaignent de la mauvaise conduite des soi-disant chrétiens devraient, par une vie plus noble, donner eux-mêmes un meilleur exemple. Si la conception qu'ils se font d'un chrétien est si élevée, leur péché n'est-il pas d'autant plus grand? Ils connaissent le bien et ils refusent de le faire. LMC 30 1 Prenez garde de ne pas temporiser. Ne renvoyez pas le moment de délaisser vos péchés et de rechercher en Jésus la pureté du coeur. C'est précisément ici que des milliers de personnes ont commis une erreur fatale. Je n'insisterai pas sur la brièveté et l'incertitude de la vie. Mais il y a un terrible danger -- danger trop peu compris -- à tarder de répondre aux appels pressants du Saint-Esprit. En réalité, ce délai est une décision de vivre dans le péché. Ce n'est qu'au péril de son âme qu'on peut tolérer un péché, si petit qu'il puisse paraître. Ce que nous ne vaincrons pas nous vaincra et causera notre ruine. LMC 30 2 Adam et Eve se persuadèrent qu'en mangeant du fruit défendu -- acte insignifiant -- ils ne sauraient attirer sur eux les conséquences désastreuses annoncées par Dieu. Mais cette légère infraction était la transgression de la loi sainte et immuable de Dieu, infraction qui sépara l'homme de son Créateur, et introduisit dans le monde la mort et tout son effroyable cortège de souffrances. Dès lors, siècle après siècle, notre terre fait monter une clameur douloureuse, et la création tout entière soupire et souffre les douleurs de l'enfantement. Le ciel même a ressenti les effets de cette rébellion contre Dieu. Le Calvaire est un monument du sacrifice inouï exigé pour expier la transgression de la loi divine. Ne considérons pas le péché à la légère. LMC 31 1 Chaque manquement, chaque négligence, chaque refus de la grâce de Jésus-Christ a une influence sur vous-même; le coeur s'endurcit, la volonté se pervertit, l'intelligence s'émousse; vous devenez non seulement moins enclin mais moins apte à répondre aux appels miséricordieux du Saint-Esprit. LMC 31 2 Plusieurs font taire la voix de leur conscience alarmée en se persuadant qu'ils délaisseront le mal quand ils le voudront. Ils s'imaginent qu'ils peuvent se jouer des appels de la miséricorde divine, et rester néanmoins susceptibles d'en être touchés. Ils pensent qu'après avoir méprisé l'Esprit de grâce et s'être placés sous la coupe de Satan, ils pourront, dans un moment de terrible extrémité, changer complètement de conduite. Mais cela ne se fait pas aussi facilement. L'expérience, l'éducation d'une vie entière ont tellement pétri leur caractère qu'ils sont peu nombreux ceux qui, à l'article de la mort, désirent recevoir l'empreinte de Jésus. LMC 31 3 Un seul travers, un seul mauvais désir conservé obstinément, neutralise, à la longue, toute la puissance de l'Evangile. Chaque jouissance coupable fortifie l'aversion de l'âme pour Dieu. Celui qui témoigne pour la vérité divine une incrédulité tenace ou une stupide indifférence, ne fait que moissonner ce qu'il a lui-même semé. Il n'y a pas dans toute la Bible un avertissement plus effrayant contre le danger de jouer avec le mal que celui contenu dans ces paroles du Sage: "Le méchant ... est saisi par les liens de son péché." Proverbes 5:22. LMC 31 4 Jésus-Christ est tout prêt à nous affranchir du péché, mais il ne force pas notre volonté. Si, en persistant dans la transgression, nous nous tournons complètement vers le mal, si nous ne désirons pas être affranchis, si nous ne voulons pas accepter sa grâce, que peut-il faire pour nous? Nous nous sommes condamnés nous-mêmes en rejetant obstinément son amour. Il nous exhorte en ces termes: "Voici maintenant le temps favorable, voici maintenant le jour du salut." 2 Corinthiens 6:2. "Aujourd'hui, si vous entendez sa voix, n'endurcissez pas vos coeurs." Hébreux 3:7, 8. LMC 32 1 "L'homme regarde à ce qui frappe les yeux, mais l'Eternel regarde au coeur" (1 Samuel 16:7), à ce coeur humain avec ses émotions contradictoires de joie et de tristesse, à ce coeur inconstant et vacillant, qui recèle tant d'impureté et de fraude. Il en connaît les desseins, les intentions et même les mobiles. Allez à lui tel que vous êtes, l'âme toute maculée. Avec le psalmiste, ouvrez-en toutes grandes les avenues à l'oeil auquel rien n'échappe, en vous écriant: "Sonde-moi, ô Dieu, et connais mon coeur! Eprouve-moi, et connais mes pensées! Regarde si je suis sur une mauvaise voie et conduis-moi sur la voie de l'éternité." Psaumes 139:23, 24. LMC 32 2 Plusieurs acceptent une religion intellectuelle, une forme de piété, alors que le coeur n'est pas purifié. Que votre prière constante soit: "Crée en moi un coeur pur, renouvelle en moi un esprit bien disposé." Psaumes 51:12. Agissez honnêtement avec votre âme. Soyez aussi sincère, aussi persévérant que si votre vie présente était en jeu. C'est une question à décider entre Dieu et votre âme -- à décider pour l'éternité. Une espérance qui repose uniquement sur des suppositions vous sera fatale. LMC 32 3 Etudiez la Parole de Dieu avec prière. Cette Parole vous présente, dans la loi divine et dans la vie de Jésus, les grands principes de la sanctification sans laquelle "personne ne verra le Seigneur". Hébreux 12:14. Elle convainc de péché, et elle révèle clairement le chemin du salut. Prenez-y garde. C'est la voix de Dieu parlant à votre âme. LMC 33 1 Quand vous verrez l'énormité du péché, quand vous vous verrez tels que vous êtes, ne vous laissez pas aller au désespoir. C'est pour sauver des pécheurs que Jésus-Christ est venu en ce monde. Nous n'avons pas à apaiser Dieu envers nous, puisque -- ô amour insondable! -- c'est "Dieu qui réconcilie en Jésus-Christ le monde avec lui-même". 2 Corinthiens 5:19. Il attire, par son tendre amour, les coeurs de ses enfants égarés. Il n'est pas de parents terrestres qui sachent manifester envers les fautes et les erreurs de leurs enfants la patience que Dieu exerce envers ceux qu'il désire sauver. Nul ne pourrait plaider avec plus de tendresse auprès du transgresseur. Jamais lèvres humaines n'ont adressé aux égarés des supplications plus aimantes. Toutes ses promesses, tous ses avertissements ne sont que les manifestations d'un amour indicible. LMC 33 2 Quand Satan vient vous dire que vous êtes un grand pécheur, élevez vos regards sur votre Rédempteur et parlez de ses mérites. Reconnaissez votre péché, mais dites à l'ennemi que Jésus-Christ "est venu dans le monde pour sauver les pécheurs" (1 Timothée 1:15), et que vous pouvez être sauvé par son amour infini. Jésus raconta à Simon l'histoire de deux débiteurs. L'un devait à son maître une petite somme, et l'autre une somme très importante; mais il remit à l'un et à l'autre leur dette. Puis Jésus demanda à Simon quel était celui des deux débiteurs qui aimerait le plus son maître. Simon répondit: "Celui, je pense, auquel il a le plus remis." Luc 7:43. Nous avons été de grands pécheurs; mais Jésus-Christ est mort pour nous assurer le pardon. Les mérites de son sacrifice sont suffisants pour nous réconcilier avec le Père. Ceux auxquels il a le plus pardonné l'aimeront le plus, et se tiendront le plus près de son trône pour le louer de son grand amour et de son sacrifice infini. Ce n'est que par une connaissance plus approfondie de l'amour de Dieu que l'on se rend mieux compte de la malignité du péché. Quand nous comprenons le sacrifice infini de Jésus-Christ en notre faveur, notre coeur se fond de tendresse et de douleur. ------------------------Chapitre 4 -- La confession LMC 35 1 "Celui qui cache ses transgressions ne prospère point, mais celui qui les avoue et les délaisse obtient miséricorde." Proverbes 28:13. LMC 35 2 Les conditions auxquelles Dieu accorde sa miséricorde sont simples, justes et raisonnables. Le Seigneur ne demande pas de nous des choses pénibles en retour du pardon de nos péchés. Il n'est pas nécessaire d'entreprendre de longs et durs pèlerinages, ou de se soumettre à des mortifications pour gagner la sympathie du Dieu des cieux, ou expier nos transgressions: celui qui avoue et délaisse ses péchés obtient miséricorde. LMC 35 3 "Confessez donc vos péchés les uns aux autres, et priez les uns pour les autres, afin que vous soyez guéris", dit l'apôtre. Jacques 5:16. Confessez vos fautes à Dieu qui seul peut les pardonner, et confessez-vous mutuellement vos torts. Si vous avez offensé votre ami ou votre prochain, votre devoir est de le reconnaître et le leur est de vous pardonner. Vous devez ensuite rechercher le pardon divin, parce que le frère que vous avez blessé est la propriété de Dieu; en l'offensant, vous avez péché contre son Créateur et Rédempteur. Le cas est alors porté devant l'unique Médiateur, notre grand Souverain Sacrificateur, qui "a été tenté comme nous en toutes choses, sans commettre de péché" (Hébreux 4:15), qui est "touché du sentiment de nos infirmités", et parfaitement à même de nous purifier de toute iniquité. LMC 35 4 Ceux qui ne se sont pas humiliés devant Dieu, en reconnaissant leur péché, n'ont pas encore rempli la première condition de la réconciliation. Si nous n'avons pas éprouvé cette tristesse dont on ne se repent jamais, si nous n'avons pas confessé nos péchés d'un coeur contrit et rempli d'horreur à la pensée de nos iniquités, nous n'en avons jamais véritablement cherché le pardon. Et si nous ne l'avons jamais fait, nous ne pouvons pas avoir trouvé la paix de Dieu. L'unique raison pour laquelle nous n'avons pas le pardon de nos péchés passés, c'est que nous ne voulons pas nous humilier et nous conformer aux conditions de la Parole de vérité. Des directives expresses nous sont données à ce sujet. La confession des péchés, qu'elle soit publique ou particulière, doit être franche et cordiale. Il ne faut pas qu'elle soit faite d'un air détaché et à la légère, ni imposée à des personnes qui n'ont pas encore appris à haïr le péché. La confession qui jaillit spontanément du tréfonds de l'âme rencontre la compassion infinie de Dieu. Le psalmiste s'exprime en ces termes: "L'Eternel est près de ceux qui ont le coeur brisé, et il sauve ceux qui ont l'esprit dans l'abattement." Psaumes 34:19. LMC 36 1 Une confession véritable est toujours précise et avoue des péchés déterminés. Certains péchés sont d'une nature délicate et ne peuvent être confessés qu'à Dieu seul; d'autres doivent être confessés à ceux qui en ont été les victimes; d'autres enfin sont des fautes publiques et exigent une confession publique. Mais toute confession doit être explicite, directe, et nommer les péchés mêmes dont on s'est rendu coupable. LMC 36 2 Aux jours de Samuel, les enfants d'Israël, qui s'étaient éloignés de Dieu, avaient perdu la foi en sa sagesse pour gouverner la nation, et en sa puissance pour défendre sa cause. Se détournant du grand Monarque de l'univers, ils avaient exprimé le désir d'être gouvernés comme les peuples qui les entouraient. Leur ingratitude oppressait leur âme et les séparait de Dieu. Avant de trouver la paix, ils durent faire cette confession claire et précise: "Nous avons ajouté à tous nos péchés le tort de demander pour nous un roi." 1 Samuel 12:19. Il leur fallut confesser le péché dont ils s'étaient rendus coupables. LMC 37 1 Une confession ne sera jamais acceptée par Dieu si elle n'est pas accompagnée d'un repentir sincère et d'une réforme. Il faut qu'un changement radical de la vie l'accompagne et que tout ce qui n'est pas agréable à Dieu soit mis de côté. Ce sera la conséquence de la douleur réelle du péché. LMC 37 2 La tâche qui nous incombe nous est clairement révélée: "Lavez-vous, purifiez-vous, ôtez de devant mes yeux la méchanceté de vos actions; cessez de faire le mal. Apprenez à faire le bien, recherchez la justice, protégez l'opprimé; faites droit à l'orphelin, défendez la veuve." Ésaïe 1:16, 17. "Si le méchant rend le gage, s'il restitue ce qu'il a ravi, s'il suit les préceptes qui donnent la vie, sans commettre l'iniquité, il vivra, il ne mourra pas." Ezéchiel 33:15. Parlant de l'oeuvre de la repentance, l'apôtre Paul s'exprime ainsi: "Cette même tristesse selon Dieu, quel empressement n'a-t-elle pas produit en vous! Quelle justification, quelle indignation, quelle crainte, quel désir ardent, quel zèle, quelle punition! Vous avez montré à tous égards que vous étiez purs dans cette affaire." 2 Corinthiens 7:11. LMC 37 3 Quand le péché affaiblit le sens moral, le pécheur ne discerne plus ses défauts et ne se rend pas compte de l'énormité du mal qu'il a commis. A moins qu'il ne se soumette à l'action du Saint-Esprit, il demeure dans un aveuglement relatif au sujet de ses péchés. Ses confessions ne sont pas sincères. Chaque fois qu'il confesse une faute, il se hâte d'ajouter une excuse et d'alléguer certaines circonstances spéciales sans lesquelles il ne se serait jamais rendu coupable des actions qu'on lui reproche. LMC 38 1 Après avoir mangé du fruit défendu, Adam et Eve furent saisis de honte et d'effroi. Leur première pensée fut de chercher à se disculper de leur faute et à échapper à la redoutable sentence de mort. Quand Dieu s'enquit de leur péché, Adam voulut en faire retomber la faute en partie sur Dieu et en partie sur sa compagne: "La femme que tu as mise auprès de moi m'a donné de l'arbre, et j'en ai mangé." La femme, à son tour, rejeta toute la faute sur le serpent, disant: "Le serpent m'a séduite, et j'en ai mangé." Genèse 3:12, 13. Pourquoi as-tu créé le serpent? Pourquoi l'astu laissé entrer en Eden? Ces questions, impliquées dans son excuse, ne tendaient qu'à faire retomber sur Dieu la responsabilité de leur chute. La tendance à excuser ses torts a pris naissance chez le père du mensonge et se manifeste chez tous les fils et toutes les filles d'Adam. Les confessions de ce genre ne sont pas inspirées par l'Esprit de Dieu et ne peuvent être agréées. La véritable repentance amène le pécheur à porter lui-même sa transgression et à la reconnaître sans fraude et sans hypocrisie. De même que le publicain, n'osant pas même lever les yeux au ciel, il dira: "O Dieu, sois apaisé envers moi, qui suis un pécheur." Ceux qui reconnaissent leur culpabilité seront justifiés, car Jésus présentera les mérites de son sang en faveur des âmes repentantes. LMC 38 2 Les exemples de confessions véritables que fournit la Bible ne contiennent pas une seule parole tendant à excuser ou à pallier la faute et à justifier le transgresseur. L'apôtre Paul ne cherchait nullement à se défendre. Il dépeint son péché sous les plus vives couleurs; il ne fait rien pour en atténuer la culpabilité. "J'ai jeté en prison plusieurs des saints, ayant reçu ce pouvoir des principaux sacrificateurs, et, quand on les mettait à mort, je joignais mon suffrage à celui des autres. Je les ai souvent châtiés dans toutes les synagogues, et je les forçais à blasphémer. Dans mes excès de fureur contre eux, je les persécutais même jusque dans les villes étrangères." Actess 26:10, 11. Il n'hésite pas à dire: "Jésus-Christ est venu dans le monde pour sauver les pécheurs, dont je suis le premier." 1 Timothée 1:15. LMC 39 1 Le coeur humilié et contrit, subjugué par un repentir véritable, comprendra jusqu'à un certain point l'amour de Dieu et le prix du Calvaire. Comme un fils fait sa confession à un père aimant, le pécheur véritablement repentant apportera tous ses péchés devant Dieu. Car il est écrit: "Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous les pardonner, et pour nous purifier de toute iniquité." 1 Jean 1:9. ------------------------Chapitre 5 -- L'abandon de soi-même LMC 41 1 Dieu a fait cette promesse: "Vous me chercherez, et vous me trouverez, si vous me cherchez de tout votre coeur." Jérémie 29:13. LMC 41 2 Dieu, dont nous sommes par nature des ennemis, veut restaurer en nous son image, mais à condition que nous lui donnions notre coeur sans partage. Voici comment le Saint-Esprit décrit notre condition: "Vous êtes morts par vos offenses et par vos péchés"; "la tête entière est malade, et tout le coeur est souffrant"; "rien n'est en bon état". Nous sommes retenus par les pièges de Satan et soumis à "sa volonté". Ephésiens 2:1; Ésaïe 1:5, 6; 2 Timothée 2:26. Dieu désire nous guérir et nous rendre la liberté. Mais comme cela nécessite une transformation complète de notre nature, il faut que nous nous abandonnions entièrement à lui. LMC 41 3 La guerre contre le moi est la plus grande qui ait jamais été livrée. L'abandon de soi-même, la soumission entière à la volonté de Dieu ne s'obtient pas sans combat; mais cette soumission est nécessaire à notre transformation et à notre sanctification. LMC 41 4 Le gouvernement de Dieu n'est pas fondé, comme Satan voudrait le faire accroire, sur une soumission aveugle de notre part et une domination arbitraire. Dieu fait appel à notre intelligence et à notre conscience: "Venez et plaidons!" Ésaïe 1:18. Telle est l'invitation que le Créateur adresse à tous les êtres. Il ne violente pas la volonté de ses créatures. Il ne peut accepter un hommage qui n'est pas volontaire et qui ne lui est pas donné intelligemment et de bon coeur. Une soumission forcée empêcherait tout vrai développement intellectuel et moral; elle abaisserait l'homme à l'état d'automate. Tel n'est pas le dessein du Créateur. Il désire que l'homme, couronnement de sa puissance créatrice, atteigne le plus haut degré de développement. Il place devant nous la félicité à laquelle il veut que nous parvenions par sa grâce. Désireux d'accomplir sa volonté en nous, il nous invite à nous donner à lui. A nous de décider si nous voulons être affranchis de l'esclavage du péché et participer à la glorieuse liberté des enfants de Dieu. LMC 42 1 En nous donnant à Dieu, nous devons nécessairement abandonner tout ce qui pourrait nous tenir éloignés de lui. C'est pourquoi le Sauveur dit: "Quiconque d'entre vous ne renonce pas à tout ce qu'il possède ne peut être mon disciple." Luc 14:33. Mammon est l'idole de plusieurs. L'amour de l'argent, le désir des richesses sont les chaînes dorées qui les lient à Satan. D'autres adorent la gloire et les honneurs mondains. D'autres encore se font une idole d'une vie d'aise, libre de toute responsabilité. Mais il faut que ces chaînes soient rompues. Nous ne pouvons être en partie au Seigneur et en partie au monde. Nous ne devenons les enfants de Dieu que dès le moment où nous le sommes sans réserve. LMC 42 2 Il est des personnes professant servir Dieu qui comptent exclusivement sur leurs forces pour obéir à sa loi, pour se corriger de leurs défauts et s'assurer le salut. Leur coeur n'est pas touché par le sentiment profond de l'amour du Sauveur, mais elles s'efforcent d'accomplir les devoirs de la vie chrétienne comme une condition à remplir pour gagner le ciel. Une telle religion ne vaut absolument rien. Quand Jésus-Christ demeure dans un coeur, celui-ci est tellement rempli de son amour et de la joie de sa communion qu'il se cramponne à lui. Dans la contemplation du Sauveur, le moi est oublié. Son amour devient le grand mobile de toutes les actions. Ceux qui ont compris l'amour de Dieu ne se demandent pas quel service minimum ils peuvent lui rendre sans être rejetés. Ils ne visent pas au plus bas degré de la vie chrétienne, mais ils s'efforcent de se conformer parfaitement à la volonté de leur Rédempteur. Ils abandonnent tout, et ils manifestent dans la recherche des choses éternelles un intérêt et une ardeur proportionnés à la valeur de l'objet de leurs recherches. Un christianisme dépourvu de cet amour profond n'est qu'un verbiage creux, un vain formalisme, une corvée. LMC 43 1 Avez-vous le sentiment que c'est un sacrifice trop grand de tout céder au Seigneur? Vous demandez-vous: "Qu'est-ce que Jésus a fait pour moi?" Le Fils de Dieu a tout donné pour notre rédemption: sa vie, son amour, ses souffrances. Serait-il possible que nous, les indignes objets d'un si grand amour, nous lui marchandions nos coeurs? A chaque instant de notre vie, nous avons participé aux bienfaits de sa grâce, et c'est pour cette raison que nous ne pouvons pas nous rendre compte de la profondeur de l'ignorance et de la misère d'où nous avons été tirés. Pouvons-nous porter nos regards sur celui qui a été percé par nos péchés et dédaigner ce grand amour, ce grand sacrifice? Peuton, en contemplant la grande humiliation du Seigneur de gloire, se plaindre des luttes et des renoncements exigés pour entrer dans la vie éternelle? LMC 43 2 Maint coeur orgueilleux se pose la question: "Pourquoi me repentir, pourquoi m'humilier avant d'avoir l'assurance que je puis être accepté de Dieu?" Je vous en prie, portez vos regards sur Jésus-Christ. Il était sans péché. Il y a plus: il était le Roi du ciel; et par amour pour l'humanité, il s'est fait péché à notre place. "Il a été mis au nombre des malfaiteurs. Il a porté les péchés de beaucoup d'hommes, et il a intercédé pour les coupables." Ésaïe 53:12. LMC 44 1 En revanche, que sacrifions-nous quand nous nous donnons entièrement? -- Un coeur souillé par le péché, à purifier par son sang, à sauver par son amour infini!... Et l'on trouve difficile de tout abandonner! Je suis honteuse de l'entendre dire, confuse de l'écrire. LMC 44 2 Dieu ne nous demande pas le sacrifice d'une seule chose qui pourrait nous être bonne et utile. Dans tout ce qu'il fait, il n'a en vue que les intérêts de ses enfants. Il tient en réserve pour eux des biens infiniment supérieurs à ceux qu'ils poursuivent. Ah! si tous ceux qui n'ont pas encore décidé de suivre Jésus s'en rendaient compte! Celui qui agit contrairement à la loi de Dieu fait à son âme le plus grand dommage. Il n'y a aucune joie véritable sur le sentier défendu par celui qui fait tout en vue de notre bien. Le chemin de la transgression conduit au malheur et à la ruine. LMC 44 3 Supposer que Dieu se complaise dans les souffrances de ses enfants est une grave erreur. Le ciel tout entier s'intéresse au bonheur de l'homme. Notre Père céleste ne prive de la joie aucune de ses créatures. Les préceptes divins nous invitent à fuir tout ce qui pourrait nous attirer des souffrances et des déceptions, tout ce qui nous interdirait l'accès à la joie et au ciel. Le Rédempteur du monde accepte les hommes tels qu'ils sont, avec tous leurs besoins, toutes leurs imperfections et toutes leurs faiblesses. Il veut non seulement les purifier du péché et leur accorder la rédemption par son sang, mais encore répondre aux soupirs de tous ceux qui consentent à se charger de son joug et à porter son fardeau. Il cherche à communiquer la paix et la sérénité à tous ceux qui viennent à lui pour recevoir le pain de vie. Il attend de nous l'accomplissement de devoirs qui nous conduiront à une félicité supérieure, à laquelle le rebelle ne pourra jamais atteindre. La vie réelle et joyeuse de l'âme, c'est de posséder Jésus-Christ, l'espérance de la gloire. LMC 45 1 Beaucoup de personnes se demandent comment faire pour s'abandonner à Dieu. Vous désirez vous donner à lui, mais vous êtes faible moralement, esclave du doute et sous l'empire des habitudes de votre vie de péché. Vos promesses et vos résolutions sont comme des toiles d'araignées. Vous ne pouvez dominer vos pensées, vos impulsions, vos affections. Le souvenir de vos promesses non tenues et des engagements auxquels vous avez failli affaiblit votre confiance en votre propre sincérité, et crée en vous le sentiment que Dieu ne peut vous accepter. Mais vous n'avez pas lieu de désespérer. Ce dont vous avez besoin, c'est de connaître la véritable puissance de la volonté. Le moteur de la personnalité humaine, c'est la faculté de décider, de choisir. Tout dépend de la volonté. Dieu nous a accordé le pouvoir de choisir: à nous de l'exercer. Vous ne pouvez changer votre coeur; vous ne pouvez, de vous-même, donner à Dieu vos affections; mais vous pouvez décider de le servir. Vous pouvez lui donner votre volonté, et alors il produira en vous le vouloir et le faire selon son bon plaisir. Ainsi tout votre être sera placé sous l'action puissante de l'Esprit du Christ; vos affections seront concentrées sur lui, vos pensées seront en harmonie avec les siennes. LMC 45 2 Désirer la bonté et la sainteté, c'est bien; mais si vous vous en tenez là, cela ne vous servira de rien. Plusieurs seront perdus qui auront espéré devenir chrétiens et désiré l'être. Ce sont ceux qui ne parviennent pas à soumettre entièrement leur volonté à Dieu et qui ne prennent pas la décision d'être chrétiens. LMC 46 1 Par l'emploi judicieux de la volonté, un changement complet peut s'opérer dans votre vie. En soumettant votre volonté à Jésus-Christ, vous vous unissez à une force qui est supérieure à toutes les principautés et à toutes les puissances. La force d'en haut vous sera communiquée pour vous rendre inébranlable, et ainsi, en vous remettant constamment entre les mains de Dieu, vous serez mis à même de vivre la vie nouvelle, à savoir la vie de la foi. ------------------------Chapitre 6 -- Foi, paix, assurance LMC 47 1 Quand votre conscience a été réveillée par le Saint-Esprit, vous avez commencé à voir le caractère odieux du péché, sa culpabilité et les malheurs qu'il engendre, et vous ne le considérez plus qu'avec horreur. Vous sentez que le péché vous a séparé de Dieu, que vous êtes esclave de la puissance du mal. Plus vous vous débattez pour lui échapper, plus le sentiment de votre impuissance est vif. Vos mobiles sont impurs, votre coeur est souillé. Vous voyez que votre vie a été remplie d'égoïsme et de péché. Vous soupirez après le pardon et la liberté. Que pouvez-vous faire pour être en règle avec Dieu, pour lui ressembler? LMC 47 2 Ce qu'il vous faut, c'est la paix, c'est le pardon du ciel, c'est l'amour divin dans votre âme. Cette paix, l'argent ne saurait la procurer, l'intelligence ne saurait y conduire, la sagesse ne peut y atteindre; jamais vous ne pourrez l'obtenir par vos efforts. Mais Dieu vous l'offre à titre de don, "sans argent, sans rien payer". Ésaïe 55:1. Elle vous appartient si vous voulez seulement étendre la main pour vous en saisir. L'Eternel dit: "Si vos péchés sont comme le cramoisi, ils deviendront blancs comme la neige; s'ils sont rouges comme la pourpre, ils deviendront comme la laine." Ésaïe 1:18. "Je vous donnerai un coeur nouveau, et je mettrai en vous un esprit nouveau." Ezéchiel 36:26. LMC 47 3 Vous avez confessé vos péchés, et vous les avez délaissés de tout votre coeur. Vous avez pris la détermination de vous abandonner à Dieu. Maintenant, allez à lui et demandez-lui de laver vos péchés et de vous donner un coeur nouveau, et puis, croyez qu'il le fait parce qu'il l'a promis. C'est ce que Jésus nous a enseigné lorsqu'il était ici-bas. Le don que Dieu nous a promis, il faut simplement croire que nous le recevons, et il est à nous. Jésus guérissait les maladies de ceux qui avaient foi en sa puissance. Il les secourait dans les choses visibles afin de leur donner confiance en lui dans les choses invisibles, les amenant ainsi à croire qu'il a autorité pour pardonner les péchés. C'est là ce qu'il a déclaré en guérissant le paralytique: "Afin que vous sachiez que le Fils de l'homme a sur la terre le pouvoir de pardonner les péchés: lève-toi, dit-il au paralytique, prends ton lit, et va dans ta maison." Matthieu 9:6. C'est aussi ce que dit l'apôtre Jean, en parlant des miracles de Jésus-Christ: "Ces choses ont été écrites afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu'en croyant vous ayez la vie en son nom." Jean 20:31. LMC 48 1 Le simple récit de la manière dont Jésus guérit le paralytique du réservoir de Béthesda peut nous aider à comprendre comment il faut croire en lui pour obtenir le pardon des péchés. Considérons cette histoire. Ce pauvre malade était impotent; il n'avait pas fait usage de ses jambes depuis trente-huit ans. Cependant, Jésus lui dit: "Lève-toi, prends ton lit, et marche." Jean 5:1-9. Le malade aurait pu dire: "Seigneur, si tu veux me guérir, j'obéirai à ta parole." Mais non, il crut à la parole de Jésus; il crut qu'il était guéri et aussitôt il agit en conséquence; il voulut marcher et il marcha. Il obéit à l'ordre de Jésus et Dieu lui donna la force de marcher. Il fut guéri. LMC 48 2 Vous êtes pécheur. Vous ne pouvez faire propitiation pour vos péchés passés, vous ne pouvez changer votre coeur et le sanctifier. Mais Dieu promet de faire tout cela pour vous par Jésus-Christ. Vous croyez à cette promesse. Vous confessez vos péchés et vous vous donnez à Dieu. Vous voulez le servir. Tout aussi certainement que vous faites cela, Dieu accomplira sa parole à votre égard. Si vous croyez à la promesse -- que vos péchés sont pardonnés et que vous êtes purifié -- , Dieu transforme votre foi en réalité. Vous êtes guéri, tout aussi certainement que le paralytique auquel Jésus a donné la force de marcher dès qu'il crut à sa guérison. La chose est, dès que vous croyez. LMC 49 1 N'attendez pas de sentir que vous êtes guéri, mais dites: "Je le crois; la chose existe, non parce que je la sens, mais parce que Dieu l'a dit." LMC 49 2 Jésus nous dit: "Tout ce que vous demandez en priant, croyez que vous l'avez reçu, et vous le verrez s'accomplir." Marc 11:24. Mais une condition est liée à cette promesse: notre requête doit être conforme à la volonté de Dieu. Or, c'est la volonté de Dieu de nous purifier de tout péché, de faire de nous ses enfants, de nous permettre de vivre saintement. Nous pouvons donc demander ces grâces, croire que nous les recevons et remercier Dieu de nous les avoir accordées. Il ne tient qu'à nous d'aller à Jésus pour être purifié et pour subsister devant sa loi sans confusion ni remords. "Il n'y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ." Romains 8:1. LMC 49 3 Dès cet instant vous ne vous appartenez plus: vous avez été racheté à grand prix. "Ce n'est pas par des choses périssables, par de l'argent ou de l'or, que vous avez été rachetés ... mais par le sang précieux de Christ, comme d'un agneau sans défaut et sans tache." 1 Pierre 1:18, 19. Par ce simple acte de foi en Dieu, le Saint-Esprit vous a engendré à une vie nouvelle. Vous êtes maintenant un membre de la famille divine, et Dieu vous aime comme il aime son Fils. LMC 50 1 Maintenant que vous vous êtes donné à Jésus, ne retournez pas en arrière, ne vous arrachez pas à son étreinte. Dites, jour après jour: "Je suis au Christ, je me suis donné à lui"; et demandez-lui son Saint-Esprit et sa grâce pour vous garder. C'est en vous donnant à Dieu et en croyant en lui que vous devenez son enfant; c'est de la même façon que vous devez vivre en lui. L'apôtre dit: "Comme vous avez reçu le Seigneur Jésus-Christ, marchez en lui." Colossiens 2:6. LMC 50 2 Certaines personnes pensent qu'elles devraient être mises à l'épreuve et montrer au Seigneur qu'elles sont transformées avant de pouvoir se réclamer de sa grâce. Mais elles peuvent s'en réclamer en ce moment même. Il leur faut cette grâce, il leur faut l'Esprit du Christ pour les soutenir dans leur infirmité; sinon elles ne pourront résister au mal. Jésus aime nous voir venir à lui tels que nous sommes, pécheurs, impuissants, dépendants. Nous pouvons aller à lui et nous jeter à ses pieds avec nos faiblesses, nos égarements, nos péchés. Il met sa gloire à nous combler de son amour, à panser nos blessures et à nous purifier de toute impureté. LMC 50 3 C'est ici que des milliers de pécheurs font erreur: ils ne croient pas que Jésus leur pardonne personnellement, individuellement. Ils ne prennent pas Dieu au mot. Tous ceux qui se soumettent au Seigneur peuvent savoir positivement que le pardon de tous leurs péchés leur est gratuitement accordé. Mettez de côté la pensée erronée que les promesses de Dieu ne vous concernent pas. Elles concernent chaque pécheur repentant. Par le ministère des anges, la force et la grâce sont communiquées à tout croyant de la part de Jésus-Christ. Nul n'est pécheur au point de ne pouvoir trouver force, pureté et justice en celui qui est mort pour nous. Jésus ne désire rien tant que de nous enlever nos vêtements tachés et souillés par le péché, et de nous revêtir des robes blanches de la justice. Il nous supplie de vivre, de ne pas mourir. LMC 51 1 Dieu n'agit pas envers nous comme les hommes mortels agissent les uns envers les autres. Ses pensées sont des pensées de miséricorde, d'amour et de tendre compassion: "Que le méchant abandonne sa voie, et l'homme d'iniquité ses pensées; qu'il retourne à l'Eternel qui aura pitié de lui, à notre Dieu qui ne se lasse pas de pardonner." "J'efface tes transgressions comme un nuage, et tes péchés comme une nuée." Ésaïe 55:7; 44:22. LMC 51 2 "Je ne désire pas la mort de celui qui meurt, dit le Seigneur, l'Eternel. Convertissez-vous donc et vivez!" Ezéchiel 18:32. Satan est toujours sur le qui-vive pour nous masquer ces précieuses promesses de Dieu. Il désire nous ravir toute lueur d'espérance et tout rayon de lumière. Mais il ne faut pas se prêter à son jeu. N'écoutez pas le tentateur. Dites: "Jésus est mort pour m'assurer la vie. Il m'aime et ne désire pas que je périsse. J'ai au ciel un Père compatissant qui me recevra, bien que j'aie abusé de son amour et fait un mauvais usage de ses bienfaits. Je me lèverai et j'irai lui dire: "J'ai péché contre le ciel et contre toi, je ne suis plus digne d'être appelé ton fils; traite-moi comme l'un de tes mercenaires."" La parabole vous dit comment le fils prodigue sera reçu: "Comme il était encore loin, son père le vit et fut ému de compassion, il courut se jeter à son cou et le baisa." Luc 15:18-20. LMC 51 3 Mais cette parole elle-même, si touchante soit-elle, n'est pas l'expression adéquate de l'infinie compassion du Père céleste. Dieu fait cette déclaration par son prophète: "Je t'aime d'un amour éternel." Jérémie 31:3. Alors même que le fils est éloigné de la maison paternelle, gaspillant ses biens dans un pays étranger, le coeur du Père soupire après lui; et chaque désir qui s'éveille dans l'âme du malheureux et le pousse vers Dieu n'est que le tendre plaidoyer de l'Esprit-Saint qui le sollicite, le supplie, l'attire vers son Père. LMC 52 1 Les riches promesses de la Bible sous les yeux, pouvez-vous encore douter? Pouvez-vous croire que le Seigneur empêche durement le pauvre pécheur de venir se jeter repentant à ses pieds, quand il aspire à revenir à lui et désire délaisser ses péchés? Arrière de vous de telles pensées! Rien ne peut faire plus de mal à votre âme que d'y nourrir de si injustes soupçons au sujet de votre Père céleste. Il hait le péché, mais il aime le pécheur au point qu'il s'est sacrifié lui-même pour lui dans la personne de Jésus-Christ. Il l'a fait afin que tous ceux qui le veulent puissent être sauvés et entrer en possession de la félicité éternelle dans le royaume de gloire. Quel langage plus fort et plus tendre aurait-il pu employer pour exprimer son amour envers nous? Voici ses paroles: "Une femme oublie-t-elle l'enfant qu'elle allaite? N'a-t-elle pas pitié du fruit de ses entrailles? Quand elle l'oublierait, moi je ne t'oublierai point." Ésaïe 49:15. LMC 52 2 Elevez vos regards, vous qui doutez et qui tremblez; car Jésus vit et intercède pour vous. Remerciez Dieu pour le don de son cher Fils et demandez-lui qu'il ne soit pas mort pour vous en vain. L'Esprit vous invite aujourd'hui. Venez à Jésus de tout votre coeur, et vous pourrez vous réclamer de sa grâce. LMC 52 3 En lisant les promesses divines, souvenez-vous qu'elles sont l'expression d'un amour et d'une compassion inexprimables. Le grand coeur de l'Amour infini se penche irrésistiblement vers le pécheur. "En lui nous avons la rédemption par son sang, la rémission des péchés." Ephésiens 1:7. Oui, croyez seulement que Dieu est votre secours. Il désire restaurer dans l'homme son image morale. Quand vous vous approcherez de lui par la confession et la repentance, il s'approchera de vous avec la miséricorde et le pardon. ------------------------Chapitre 7 -- La pierre de touche LMC 55 1 "Si quelqu'un est en Christ, il est une nouvelle créature. Les choses anciennes sont passées; voici, toutes choses sont devenues nouvelles." 2 Corinthiens 5:17. LMC 55 2 Une personne peut n'être pas à même de dire le lieu et le temps de sa conversion, ni d'indiquer l'enchaînement exact des circonstances qui l'y ont amenée; mais cela ne prouve pas qu'elle soit inconvertie. Le Seigneur dit à Nicodème: "Le vent souffle où il veut, et tu en entends le bruit; mais tu ne sais d'où il vient, ni où il va. Il en est ainsi de tout homme qui est né de l'Esprit." Jean 3:8. Le vent est invisible mais ses effets sont visibles et sensibles; tel est aussi l'Esprit de Dieu dans son action sur l'âme humaine. Une puissance régénératrice que nul homme ne peut voir engendre l'âme à une vie nouvelle; elle crée un être nouveau à l'image de Dieu. LMC 55 3 Tandis que l'action de l'Esprit est silencieuse et imperceptible, ses effets sont manifestes. Si le coeur est renouvelé par l'Esprit de Dieu, la vie en rendra témoignage. S'il est vrai que nous ne pouvons rien faire pour changer nos coeurs, ou pour nous rendre tels que Dieu nous veut; si nous ne devons avoir aucune confiance en nous-même ou en nos bonnes oeuvres, notre vie révélera néanmoins que l'Esprit de Dieu demeure en nous. Un changement se remarquera dans notre caractère, nos habitudes et nos préoccupations. Le contraste entre ce qu'on a été et ce qu'on est sera marquant. Le caractère se révèle, non par les bonnes ou les mauvaises oeuvres occasionnelles, mais par la tendance générale des paroles et des actions. LMC 56 1 Il est vrai qu'on peut avoir une conduite extérieurement correcte sans la puissance transformatrice de Jésus-Christ. L'amour du prestige et le désir de posséder l'estime de ses semblables peuvent produire une vie réglée. Par respect de soi-même, on peut éviter les apparences du mal. Un égoïste peut faire des actions généreuses. Comment alors déterminer de quel côté nous nous trouvons? LMC 56 2 Qui possède notre coeur? Avec qui sont nos pensées? De qui aimons-nous à nous entretenir? Qui possède nos plus chaudes affections et le meilleur de notre énergie? Si nous sommes à Jésus, nos pensées sont en lui, ainsi que nos plus douces émotions. Tout ce que nous sommes ou possédons lui est consacré; nous désirons vivement reproduire son image, nous imprégner de son esprit, faire sa volonté et lui être agréable en toutes choses. LMC 56 3 Ceux qui deviennent des créatures nouvelles en Jésus-Christ produiront les fruits de l'Esprit: "l'amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bénignité, la fidélité, la douceur, la tempérance". Galates 5:22, 23. Ils ne se conformeront plus aux anciennes convoitises, mais, par la foi au Fils de Dieu, ils suivront ses pas, réfléchiront son caractère et se purifieront comme lui-même est pur. Désormais ils aiment les choses qu'ils haïssaient et les choses qu'ils aimaient, ils les haïssent. L'orgueilleux devient doux et humble de coeur. Celui qui était vain et autoritaire devient sérieux et modeste. L'ivrogne devient sobre, le licencieux devient pur. Les vaines coutumes et les modes du monde sont délaissées. Le chrétien recherchera non pas l'ornement extérieur mais "la parure intérieure et cachée dans le coeur, la pureté incorruptible d'un esprit doux et paisible". 1 Pierre 3:4. LMC 57 1 Sans réforme, il n'y a pas trace de véritable conversion. Le pécheur qui répare ses torts, qui rend ce qu'il avait dérobé, qui confesse ses péchés, et qui aime Dieu et ses semblables peut être assuré qu'il est passé de la mort à la vie. LMC 57 2 Dès que nous venons à Jésus en qualité de créature égarée et pécheresse, et que nous participons à son pardon, l'amour germe dans notre coeur. Tout fardeau devient léger, car le joug que Jésus nous impose est aisé. Le devoir devient un délice, le sacrifice un plaisir. Le sentier qui semblait enveloppé d'épaisses ténèbres est illuminé par les rayons éclatants du Soleil de justice. LMC 57 3 La beauté du caractère de Jésus se retrouvera chez ses disciples. Il prenait plaisir à faire la volonté divine. Aimer Dieu et vivre pour sa gloire étaient les deux puissances de sa vie. Toutes ses actions étaient ennoblies et embellies par l'amour. L'amour vient de Dieu. Le coeur irrégénéré ne saurait le produire. Il ne se trouve que dans le coeur où Jésus règne. "Nous aimons, parce qu'il nous a aimés le premier." 1 Jean 4:19. L'amour est à la base de tous les actes du coeur régénéré par la grâce divine. Il modifie le caractère, dirige les impulsions, domine les passions, subjugue l'inimitié et ennoblit les affections. Cet amour cultivé dans le coeur adoucit la vie et répand une influence ennoblissante tout autour de soi. LMC 57 4 Il est deux erreurs dont les enfants de Dieu -- tout particulièrement ceux qui viennent d'accepter sa grâce -- doivent spécialement se garder. La première, nous en avons déjà parlé, consiste à se confier en ses propres oeuvres et à se reposer sur quelque bonne action pour rentrer dans la faveur de Dieu. Celui qui cherche à observer la loi et à devenir saint par ses efforts entreprend une impossibilité. Tout ce que peut faire l'homme hors de Jésus-Christ est entaché d'égoïsme et de péché. Seule la grâce de Jésus, par la foi, peut nous rendre saints. LMC 58 1 L'erreur opposée est non moins dangereuse: elle consiste à croire que la foi en Jésus dispense l'homme d'observer la loi de Dieu; que la foi étant seule capable de nous rendre participants de Jésus-Christ, nos oeuvres n'ont rien à voir avec notre rédemption. LMC 58 2 Veuillez observer ici que l'obéissance n'est pas seulement une soumission extérieure, mais un service d'amour. La loi de Dieu est un reflet de sa nature; c'est l'expression du grand principe de l'amour, et par conséquent la base de son gouvernement dans le ciel et sur la terre. Si nos coeurs sont transformés à la ressemblance de Dieu, si l'amour divin est implanté dans notre âme, ne mettrons-nous pas en pratique la loi de Dieu dans notre vie? Quand le principe de l'amour est enraciné dans notre coeur, quand l'homme est transformé à l'image de celui qui l'a créé, cette promesse de la nouvelle alliance est accomplie: "Je mettrai mes lois dans leurs coeurs, et je les écrirai dans leur esprit." Hébreux 10:16. Et si la loi est écrite dans le coeur, ne façonnera-t-elle pas la vie? Une obéissance, une soumission qui a l'amour pour mobile, voilà la véritable preuve de notre conversion. Aussi est-il écrit: "L'amour de Dieu consiste à garder ses commandements." "Celui qui dit: Je l'ai connu, et qui ne garde pas ses commandements, est un menteur, et la vérité n'est point en lui." 1 Jean 5:3; 2:4. Loin de dispenser l'homme de l'obéissance, la foi, et la foi seule, le rend participant de la grâce de Jésus-Christ, qui le met à même d'être obéissant. LMC 58 3 Nous ne gagnons pas le salut par notre obéissance, puisque le salut est un don gratuit de Dieu, qui s'obtient par la foi. Par contre, l'obéissance est le fruit de la foi. "Vous le savez, Jésus a paru pour ôter les péchés, et il n'y a point en lui de péché. Quiconque demeure en lui ne pèche point; quiconque pèche ne l'a pas vu et ne l'a pas connu." 1 Jean 3:5, 6. Là est la pierre de touche. Si nous demeurons en Jésus, si l'amour de Dieu demeure en nous, nos sentiments, nos pensées, nos actes seront conformes à la volonté de Dieu telle qu'elle est exprimée dans les préceptes de sa sainte loi. "Petits enfants, que personne ne vous séduise. Celui qui pratique la justice est juste." 1 Jean 3:7. La justice est définie par la sainte loi de Dieu énoncée dans les dix préceptes donnés sur le mont Sinaï. LMC 59 1 La prétendue foi en Jésus-Christ qui délie les hommes de l'obligation d'obéir à Dieu n'est pas de la foi mais de la présomption. "C'est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi." Mais la foi, "si elle n'a pas les oeuvres, est morte en elle-même". Ephésiens 2:8; Jacques 2:17. Avant son incarnation, Jésus disait de lui-même: "Je veux faire ta volonté, mon Dieu! et ta loi est au fond de mon coeur." Psaumes 40:9. Et au moment de remonter au ciel, il faisait cette déclaration: "J'ai gardé les commandements de mon Père, et je demeure dans son amour." Jean 15:10. "Si nous gardons ses commandements, par là nous savons que nous l'avons connu", dit l'Ecriture. "Celui qui dit qu'il demeure en lui doit marcher aussi comme il a marché lui-même." 1 Jean 2:3, 6. "Christ aussi a souffert pour vous, vous laissant un exemple, afin que vous suiviez ses traces." 1 Pierre 2:21. LMC 59 2 Les conditions de la vie éternelle sont aujourd'hui ce qu'elles ont toujours été, ce qu'elles étaient au paradis avant la chute de nos premiers parents: une obéissance parfaite à la loi de Dieu, une justice parfaite. Si la vie éternelle était accordée à d'autres conditions, le bonheur de l'univers tout entier serait compromis; le péché et tout son cortège de maux et de souffrances seraient immortalisés. LMC 60 1 Avant la chute, il était possible à Adam d'acquérir un caractère juste par l'obéissance à la loi de Dieu. Mais il échoua, et, à cause de son péché, notre nature est déchue et nous sommes incapables de nous rendre justes par nous-mêmes. Etant mauvais, nous ne pouvons pas obéir parfaitement à une loi sainte. Nous ne possédons pas de justice personnelle qui nous permette de répondre aux exigences de la loi de Dieu. Mais Jésus-Christ nous a préparé une issue. Il a vécu sur la terre au milieu des mêmes épreuves et des mêmes tentations que nous. Il a vécu sans péché. Il est mort pour nous et, maintenant, il nous propose de prendre sur lui nos péchés et de nous donner sa justice. Si vous vous donnez à lui et si vous l'acceptez comme votre Sauveur, quelque coupable que votre vie ait pu être, vous êtes, à cause de lui, considéré comme étant juste. Le caractère de Jésus-Christ est substitué à votre caractère, et vous avez accès auprès de Dieu comme si vous n'aviez jamais péché. LMC 60 2 Il y a plus: Jésus change votre coeur; il y habite par la foi. Ces rapports avec Jésus par la foi et cette reddition constante de votre volonté à la sienne, il faut les maintenir. Tant que vous le ferez, il produira en vous "le vouloir et le faire, selon son bon plaisir". Vous pourrez donc dire: "Si je vis, ce n'est plus moi qui vis, c'est Christ qui vit en moi; si je vis maintenant dans la chair, je vis dans la foi au Fils de Dieu, qui m'a aimé et qui s'est livré lui-même pour moi." Galates 2:20. C'est ainsi que Jésus pouvait dire à ses disciples: "Ce n'est pas vous qui parlerez, c'est l'Esprit de votre Père qui parlera en vous." Matthieu 10:20. Alors l'Esprit de Jésus-Christ, agissant en vous, vous permettra de manifester les mêmes dispositions que lui, et vous accomplirez les mêmes oeuvres: des oeuvres de justice et d'obéissance. LMC 61 1 Nous n'avons donc en nous absolument rien dont nous puissions tirer vanité. Nous n'avons aucun sujet de nous glorifier. C'est sur la justice de Jésus qui nous est imputée, et sur celle que son Esprit produit en nous et par nous, que reposent toutes nos espérances. LMC 61 2 Quand on parle de la foi, il y a une distinction qu'il ne faut pas perdre de vue. Il est un genre de croyance essentiellement distinct de la foi. L'existence de Dieu, sa puissance et la véracité de sa Parole sont des faits que Satan lui-même et ses anges dans leur for intérieur ne peuvent nier. La Bible nous dit: "Les démons croient aussi, et ils tremblent." Jacques 2:19. Mais ce n'est pas là de la foi. La foi -- celle qui est agissante par la charité et qui purifie l'âme -- n'est pas une simple adhésion à la Parole de Dieu; c'est la reddition complète entre les mains du Sauveur de notre coeur et de toutes ses affections. C'est par le moyen de cette foi-là que l'âme est transformée à l'image de Dieu. Et ainsi le coeur qui, dans sa condition irrégénérée, ne se soumet pas à la loi de Dieu -- il ne le peut même pas -- trouve désormais son plaisir dans la pratique de ses saints préceptes et s'écrie avec le psalmiste: "Combien j'aime ta loi! Elle est tout le jour l'objet de ma méditation." Psaumes 119:97. Et la justice de la loi est accomplie en nous "qui marchons non selon la chair, mais selon l'esprit". Romains 8:4. LMC 61 3 Il est des personnes qui ont appris à connaître l'amour et le pardon de Jésus-Christ, et qui désirent sincèrement être des enfants de Dieu; toutefois, elles voient les imperfections de leur caractère et les insuffisances de leur vie, et elles en viennent à douter de la réalité de leur régénération par le Saint-Esprit. Je leur dirai: Ne vous laissez pas abattre. Nous devrons souvent nous prosterner aux pieds de Jésus pour y venir pleurer sur nos manquements et nos erreurs, mais ce n'est pas une raison pour nous laisser aller au découragement. Même si nous sommes vaincus par l'ennemi, nous ne sommes pas repoussés, délaissés ni rejetés par Dieu. Non; Jésus-Christ est à la droite de Dieu, et il intercède en notre faveur. Le disciple bien-aimé disait: "Je vous écris ces choses afin que vous ne péchiez point; et si quelqu'un a péché, nous avons un avocat auprès du Père, Jésus-Christ le juste." 1 Jean 2:1. N'oubliez pas ces paroles du Sauveur: "Le Père lui-même vous aime." Jean 16:27. Il désire vous ramener à lui et voir reproduites en vous sa pureté et sa sainteté. Si seulement vous consentez à vous remettre entre ses mains, celui qui a commencé en vous la bonne oeuvre la perfectionnera jusqu'au jour de Jésus-Christ. Priez avec plus d'ardeur; que votre confiance soit plus implicite. A mesure que nous nous défions de nos propres forces, apprenons à nous confier en celles de notre Rédempteur, et nous glorifierons celui qui est notre vie et notre joie. LMC 62 1 Plus vous vous approcherez de Jésus, plus vous vous rendrez compte de vos lacunes; car votre vision spirituelle sera plus claire, et vos imperfections offriront un contraste de plus en plus frappant avec la perfection de sa nature. C'est la preuve que les charmes de Satan ont perdu leur puissance, et que l'influence vivifiante de l'Esprit de Dieu vous tire de votre léthargie. LMC 62 2 Un amour profond pour Jésus ne peut pas prendre naissance dans un coeur qui n'a pas un vif sentiment de son péché. Si nous ne voyons pas notre difformité morale, nous avons la preuve indubitable que nous n'avons pas encore discerné la beauté et l'excellence de Jésus-Christ, dont le caractère fait l'admiration de l'âme transformée par la grâce. LMC 63 1 Moins nous trouverons de choses estimables en nous, plus nous comprendrons la pureté infinie et l'amour de notre Sauveur. La vue de notre nature pécheresse et de notre impuissance nous jette dans les bras de celui qui peut nous pardonner, et Jésus révèle sa force à l'âme qui le recherche dans le sentiment de sa faiblesse. Plus la conviction de notre misère nous pousse près de lui et de la Parole de Dieu, plus haute est la vision que nous avons de son caractère, et plus parfaitement nous réfléchissons son image. ------------------------Chapitre 8 -- La croissance en Jésus-Christ LMC 65 1 La Bible compare à une naissance la transformation du coeur par laquelle nous devenons enfants de Dieu. Ceux qui viennent de se convertir sont "comme des nouveau-nés" qui doivent croître jusqu'à la stature d'hommes et de femmes en Jésus-Christ. 1 Pierre 2:2; Ephésiens 4:15. Cette transformation est aussi comparée à la germination de la bonne semence jetée en terre par le cultivateur. De même que le bon grain, ils doivent croître et porter des fruits. Le prophète Esaïe dit qu'ils seront appelés "des térébinthes de la justice, une plantation de l'Eternel, pour servir à sa gloire". Ésaïe 61:3. Ces illustrations tirées de la nature ont pour but de nous aider à mieux saisir les vérités mystérieuses de la vie spirituelle. LMC 65 2 Toute la sagesse et tout le génie de l'homme sont impuissants à créer la vie. C'est seulement par la vie que le Créateur leur donne que les plantes et les animaux subsistent. De même aussi, c'est uniquement par l'Esprit de Dieu que la vie nouvelle est engendrée dans le coeur des hommes. A moins d'être "né d'en haut" (Jean 3:3), nul ne peut participer à la vie que Jésus-Christ est venu donner. LMC 65 3 Il en est de la croissance comme de la vie. C'est Dieu qui change le bouton et la fleur en fruit. C'est par sa puissance que la semence se développe et qu'elle produit "d'abord l'herbe, puis l'épi, puis le grain tout formé dans l'épi". Marc 4:28. Le prophète Osée s'exprime ainsi au sujet d'Israël: "Il fleurira comme le lis ... ils fleuriront comme la vigne." Osée 14:5, 7. Jésus, de son côté, nous exhorte à considérer "comment croissent les lis". Luc 12:27. Ce n'est ni à leurs soucis, ni à leurs préoccupations, ni à leurs efforts que les plantes et les fleurs doivent leur croissance, mais à la puissance vivifiante de Dieu. Par ses efforts ou son chagrin, l'enfant ne peut rien ajouter à sa taille. Votre zèle et vos labeurs sont tout aussi inutiles en ce qui concerne la croissance spirituelle. La plante et l'enfant croissent en s'incorporant les éléments nécessaires à leur subsistance: l'air, le soleil, la nourriture. Jésus-Christ est à ceux qui se confient en lui ce que ces dons de la nature sont à la vie végétale et à la vie animale. Il est "leur lumière à toujours"; "il est un soleil et un bouclier" (Ésaïe 60:19; Psaumes 84:12); il sera pour Israël comme "la rosée"; "il sera comme une pluie qui tombe sur un terrain fauché". Osée 14:5; Psaumes 72:6. Il est l'eau vive, le "pain de Dieu ... qui descend du ciel et qui donne la vie au monde". Jean 6:33. LMC 66 1 Par le don ineffable de son Fils, Dieu a entouré le monde entier d'une atmosphère de grâce tout aussi réelle que l'air qui circule autour de notre globe. Tous ceux qui consentent à respirer cette atmosphère vivifiante vivront et croîtront jusqu'à la stature d'hommes et de femmes en Jésus-Christ. LMC 66 2 De même que la fleur se tourne vers le soleil dont les rayons assurent la symétrie et la perfection, de même nous devons nous tourner vers le Soleil de justice dont la lumière céleste brillera sur nous et transformera nos caractères à la ressemblance de celui de Jésus-Christ. LMC 66 3 C'est l'enseignement que donne Jésus quand il dit: "Demeurez en moi, et je demeurerai en vous. Comme le sarment ne peut de lui-même porter du fruit, s'il ne demeure attaché au cep, ainsi vous ne le pouvez non plus, si vous ne demeurez en moi. ... Sans moi vous ne pouvez rien faire." Jean 15:4, 5. Pour vivre saintement, vous dépendez tout aussi complètement de Jésus-Christ que le sarment dépend du cep pour croître et fructifier. Hors de lui, vous êtes sans vie; vous n'avez aucune force pour résister à la tentation ou pour croître en grâce et en sainteté. En demeurant en lui, en tirant de lui votre vie, vous prospérerez, et vous n'aurez à redouter ni sécheresse, ni stérilité. Vous serez comme un arbre planté près d'un cours d'eau. LMC 67 1 Bien des gens s'imaginent devoir accomplir eux-mêmes une partie de cette oeuvre. Ils ont eu confiance en Jésus-Christ pour le pardon de leurs péchés; mais ensuite, ils veulent faire le bien par leurs propres efforts. Toute tentative de cette espèce est condamnée à un échec. Jésus dit: "Sans moi vous ne pouvez rien faire." Notre développement, notre joie, notre utilité, tout dépend de notre union avec le Sauveur. C'est en étant en communion avec lui chaque jour et à chaque heure, c'est en demeurant en lui que nous pourrons croître en grâce. Non seulement il suscite notre foi, mais il la mène à la perfection. Jésus est le premier et le dernier, toujours, en tout et partout. Il doit être avec nous, non seulement au commencement et à la fin de notre pèlerinage mais à chaque pas du chemin. David dit: "J'ai constamment l'Eternel sous mes yeux; quand il est à ma droite, je ne chancelle pas." Psaumes 16:8. LMC 67 2 "Comment puis-je demeurer en Jésus-Christ?" demanderez-vous. De la même manière que vous l'avez reçu. "Comme vous avez reçu le Seigneur Jésus-Christ, marchez en lui." "Mon juste vivra par la foi." Colossiens 2:6; Hébreux 10:38. Vous vous êtes donné à Dieu pour le servir et lui obéir, et vous avez pris Jésus pour votre Sauveur. Vous ne pouviez vous-même faire propitiation pour vos péchés, ni changer votre coeur; mais vous étant donné à Dieu, vous avez cru qu'il faisait tout cela pour vous, par amour pour Jésus. C'est par la foi que vous êtes devenu la propriété du Christ; c'est encore par la foi que vous devez croître en lui. Vous devez tout donner: votre coeur, votre volonté, votre service; et vous devez tout prendre: Jésus-Christ, la plénitude de toute bénédiction, votre force, votre justice, votre soutien éternel. LMC 68 1 Consacrez-vous à Dieu dès le matin; que ce soit là votre premier soin. Votre prière doit être: "Prends-moi, ô Dieu, comme ta propriété exclusive. Je dépose tous mes plans à tes pieds. Emploie-moi aujourd'hui à ton service. Demeure en moi, et que tout ce que je ferai soit fait en toi." C'est là une affaire quotidienne. Soumettez-lui tous vos plans, quitte à les délaisser ou à les exécuter selon qu'il vous l'indiquera. En vous consacrant à Dieu chaque jour, votre vie sera de plus en plus façonnée sur celle de Jésus. LMC 68 2 La vie en Christ se caractérise par une confiance tranquille et durable. Exempte peut-être d'extase, elle est néanmoins remplie de paix et de sérénité. Votre espérance ne repose pas sur vous-même, mais sur Jésus-Christ. Votre faiblesse est unie à sa force, votre ignorance à sa sagesse, votre fragilité à sa puissance. Ne regardez donc pas à vous-même; ne contemplez pas votre personne, mais le Sauveur. Que vos pensées s'arrêtent sur son amour, sur la beauté et la perfection de son caractère. Jésus dans sa pureté et sa sainteté, Jésus dans son amour incomparable: tel est le thème qui doit faire l'objet de votre méditation. C'est en aimant le Christ, en l'imitant, en vous reposant entièrement sur lui que vous serez transformé à sa ressemblance. LMC 68 3 Le Sauveur nous dit: "Demeurez en moi." Ces paroles expriment l'idée de repos, de stabilité, de confiance. Jésus nous adresse aussi cette invitation: "Venez à moi ... et je vous donnerai du repos." Matthieu 11:28. Le psalmiste exprime la même pensée: "Garde le silence devant l'Eternel et espère en lui." Et Esaïe nous donne cette assurance: "C'est dans la tranquillité et le repos que sera votre salut." Psaumes 37:7; Ésaïe 30:15. Ce repos n'est pas l'inaction. Dans les paroles du Sauveur, la promesse du repos est jointe à l'invitation au travail: "Prenez mon joug sur vous ... et vous trouverez du repos." Matthieu 11:28, 29. Celui qui se repose le plus complètement sur le Seigneur travaillera aussi avec le plus de zèle et d'ardeur à son service. LMC 69 1 Quand votre esprit s'arrête sur le "moi", il se détourne de Jésus, la source de toute force et de toute vie. De là l'effort constant de Satan pour détourner vos regards du Sauveur et vous priver ainsi de sa communion. Il s'efforcera de vous distraire de l'objet de votre contemplation par les plaisirs du monde, par les soucis, les soins et les tristesses de la vie, par les fautes d'autrui, ou même par vos propres fautes et imperfections. Ne vous laissez donc pas prendre à ses pièges. Plusieurs personnes, réellement consciencieuses et désireuses de vivre pour Dieu, sont trop souvent amenées par l'ennemi à s'arrêter sur leurs fautes et leurs faiblesses; en les séparant ainsi du Christ, Satan espère remporter la victoire. Ne faisons pas du "moi" le centre de nos pensées et ne nous laissons pas envahir par des craintes au sujet de notre salut. Tout cela nous détourne de la source de notre force. Remettez à Dieu la garde de votre âme et placez en lui votre confiance. Parlez de Jésus; faites-en le thème de vos méditations; que le moi se perde en lui. Bannissez les doutes; abandonnez vos craintes. Dites avec l'apôtre Paul: "Si je vis, ce n'est plus moi qui vis, c'est Christ qui vit en moi; si je vis maintenant dans la chair, je vis dans la foi au Fils de Dieu, qui m'a aimé et qui s'est livré lui-même pour moi." Galates 2:20. Reposez-vous en Dieu; il est à même de garder le dépôt que vous lui avez confié. Si vous voulez vous remettre entre ses mains, il vous rendra plus que vainqueur par celui qui vous a aimé. LMC 70 1 Quand Jésus-Christ revêtit la nature humaine, il se lia à l'humanité par des liens qu'aucune puissance, sauf la volonté de l'homme lui-même, ne peut rompre. Nous induire à briser ces liens, nous porter à nous séparer volontairement de Jésus, sera le but constant des séductions de Satan. C'est sur ce point que nous avons besoin de veiller, de combattre, de prier, afin que rien ne nous amène à choisir un autre maître, ce que nous sommes toujours libres de faire. Si nous avons les yeux constamment fixés sur Jésus, il nous gardera. En regardant à lui, nous sommes en sûreté. Rien ne peut nous arracher de sa main. En le contemplant sans cesse, "nous sommes transformés en la même image, de gloire en gloire, par l'Esprit du Seigneur". 2 Corinthiens 3:18. LMC 70 2 C'est ainsi que les premiers disciples parvinrent à la ressemblance du Sauveur. Quand ils entendirent ses paroles, ils sentirent qu'ils avaient besoin de lui. Ils le cherchèrent, le trouvèrent et le suivirent. Ils vécurent avec lui à la maison, à table, dans les champs, comme des élèves avec leur maître, recevant chaque jour les vérités qui tombaient de ses lèvres. Comme des serviteurs, ils attendaient ses ordres. Les disciples étaient des hommes "de la même nature que nous". Jacques 5:17. Comme nous, ils devaient lutter contre le péché et avaient besoin de la grâce divine pour suivre le sentier de la sainteté. LMC 70 3 Jean lui-même, le disciple bien-aimé en qui l'image du Sauveur se trouve le plus parfaitement reproduite, ne possédait pas naturellement de dispositions particulières. Non seulement il était impérieux et ambitieux, mais encore impétueux et irritable sous l'offense. Toutefois, à mesure que le caractère divin se révéla à lui, il eut conscience de ses imperfections et en fut humilié. La force et la patience, la puissance et la tendresse, la majesté et la douceur qu'il contemplait dans la vie quotidienne du Fils de Dieu remplissaient son coeur d'admiration et d'amour. Jour après jour, son âme était attirée vers lui et le "moi" absorbé par l'amour de son Maître. Son caractère susceptible et ambitieux céda à la puissance de Jésus. Son coeur fut changé par l'influence régénératrice du Saint-Esprit. L'amour du Sauveur transforma son caractère. C'est là le résultat certain de l'union avec Jésus. Il renouvelle tout l'être de celui dans le coeur duquel il habite. Son esprit et son amour touchent le coeur, subjuguent l'âme et élèvent les pensées et les désirs vers le Dieu du ciel. LMC 71 1 Après l'ascension du Christ, ses disciples conservèrent le sentiment de sa présence. C'était une présence personnelle, pleine d'amour et de lumière. Le doux Maître qui avait marché, conversé et prié avec eux, qui avait adressé à leurs coeurs des paroles de consolation et d'espérance, avait été enlevé du milieu d'eux pour s'en aller au ciel. Pendant que son message de paix était encore sur ses lèvres et que les accents de sa voix frappaient encore leurs oreilles: "Voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde" (Matthieu 28:20), il avait été accueilli par une nuée d'anges et était monté au ciel revêtu de notre humanité. Les disciples savaient que devant le trône de Dieu il était toujours leur Ami et leur Sauveur. Ils savaient que sa sympathie n'avait pas varié et qu'il s'identifiait toujours avec l'humanité souffrante. En montrant ses mains et ses pieds percés devant son Père, Jésus rappelait à quel prix il les avait rachetés. Les disciples savaient qu'il était monté au ciel leur préparer des places et qu'il reviendrait les prendre avec lui. LMC 72 1 Ils se réunirent après l'ascension, impatients de présenter au Père leurs requêtes au nom de Jésus. Respectueusement prosternés dans l'attitude de la prière, ils répétèrent ces paroles: "Ce que vous demanderez au Père, il vous le donnera en mon nom. Demandez, et vous recevrez, afin que votre joie soit parfaite." Jean 16:23, 24. Avec une pleine assurance, ils s'écrièrent: "Christ est mort; bien plus, il est ressuscité, il est à la droite de Dieu, et il intercède pour nous!" Romains 8:34. A la Pentecôte, ils reçurent le Consolateur au sujet duquel Jésus avait dit: Il "sera en vous", ajoutant: "Il vous est avantageux que je m'en aille, car si je ne m'en vais pas, le Consolateur ne viendra pas vers vous; mais, si je m'en vais, je vous l'enverrai." Jean 14:17; 16:7. A partir de ce moment, Jésus allait demeurer à toujours par son Esprit dans le coeur de ses disciples. Aussi leur union avec lui était-elle plus intime qu'aux jours où il était personnellement au milieu d'eux. La lumière, l'amour et la puissance de Jésus les transfiguraient, et ceux qui les voyaient étaient dans l'étonnement, et les reconnaissaient "pour avoir été avec Jésus". Actes 4:13. LMC 72 2 Tout ce que le Christ a été pour ses premiers disciples, il désire l'être aujourd'hui pour ses enfants. Il affirme dans sa dernière prière, faite au milieu du petit groupe des Onze: "Ce n'est pas pour eux seulement que je prie, mais encore pour ceux qui croiront en moi par leur parole." Jean 17:20. LMC 73 1 Jésus a prié pour nous, et il a demandé que nous soyons un avec lui comme il est lui-même un avec le Père. Union sublime! Le Sauveur a parlé de lui-même en ces termes: "Le Fils ne peut rien faire de lui-même"; "le Père, qui demeure en moi, accomplit ses oeuvres". Jean 5:19; 14:10. Si donc Jésus-Christ demeure dans nos coeurs, il produira en nous "le vouloir et le faire, selon son bon plaisir". Philippiens 2:13. Nous agirons comme il a agi; nous manifesterons le même esprit, et ainsi, l'aimant et demeurant en lui, nous croîtrons "à tous égards en celui qui est le chef, Christ". Ephésiens 4:15. ------------------------Chapitre 9 -- L'oeuvre de la vie LMC 75 1 Dieu est la source de la vie, comme il est la lumière et la joie de l'univers. De même que les rayons de lumière émanent du soleil et que le ruisseau jaillit de la source d'eau vive, ainsi des bienfaits découlent de lui et se répandent sur toutes ses créatures. Et partout où la vie de Dieu anime le coeur des hommes, elle se traduit en actes d'amour et de bienfaisance. LMC 75 2 Notre Sauveur trouvait sa joie à travailler au relèvement et à la rédemption des hommes déchus. Pour atteindre ce but, faisant peu de cas de sa vie, il a souffert la croix et méprisé l'ignominie. Les anges, de même, s'occupent constamment du bien-être d'autrui. C'est là leur joie. Ce que des coeurs égoïstes considèrent comme une besogne humiliante: le relèvement des misérables, de ceux qui leur sont inférieurs par le caractère ou par le rang, telle est l'occupation des anges innocents. L'esprit de renoncement et d'amour qui caractérisait Jésus-Christ remplit le ciel; il est l'essence même de la félicité qui y règne. C'est aussi l'esprit que posséderont tous les disciples de Jésus, c'est là leur oeuvre. LMC 75 3 Quand l'amour du Sauveur est implanté dans un coeur, de même qu'un parfum suave, il ne peut rester caché. Sa sainte influence s'exerce sur tous ceux avec lesquels il entre en contact. L'Esprit du Christ dans un coeur est comme une source jaillissante dans un désert; il rafraîchit tous ceux qui s'en approchent, et crée chez ceux qui sont près de périr un désir ardent de se désaltérer à la source des eaux vives. LMC 75 4 L'amour pour Jésus se manifestera par le désir de travailler comme lui au soulagement et au relèvement de l'humanité. Il nous poussera à l'amour, à la tendresse et à la sympathie envers toutes les créatures de notre Père céleste. LMC 76 1 La vie terrestre du Sauveur n'a pas été une vie d'aises et d'égoïsme. Il a travaillé avec une persévérance et une ardeur infatigables au salut de l'humanité déchue. De la crèche au Calvaire, il a suivi le sentier du renoncement, sans chercher jamais à éviter les travaux ardus, les voyages pénibles, les soucis qui accablent et les corvées qui épuisent. "Le Fils de l'homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie comme la rançon de plusieurs." Matthieu 20:28. C'était là le grand but de sa vie. Tout le reste était pour lui secondaire. Sa nourriture était de faire la volonté de Dieu et d'accomplir son oeuvre. Le "moi" et ses intérêts particuliers ne trouvaient aucune place dans ses labeurs. LMC 76 2 Ceux qui participent à la grâce et au don céleste seront prêts eux aussi à tous les sacrifices en faveur des âmes pour lesquelles le Christ est mort. Ils feront tout ce qui est en leur pouvoir pour laisser le monde meilleur qu'ils ne l'ont trouvé. Cet esprit est la conséquence inévitable d'une conversion réelle. Dès qu'on a appris à connaître Jésus on éprouve le besoin impérieux de parler à d'autres de l'Ami précieux qu'on a trouvé. La vérité qui sauve et sanctifie ne peut rester enfermée dans le coeur. Si nous sommes revêtus de la justice de Jésus-Christ et remplis de la joie de son Esprit, il nous est impossible de garder le silence. Si nous avons goûté que le Seigneur est bon, nous aurons quelque chose à raconter. Comme Philippe, dès que nous aurons trouvé le Christ, nous en inviterons d'autres à venir à lui. Nous nous efforcerons de leur présenter les attraits du Sauveur et les réalités invisibles du monde à venir. Le désir de suivre le sentier que Jésus a foulé sera intense, et ardent le besoin d'amener ceux qui nous entourent à contempler "l'Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde". Jean 1:29. LMC 77 1 Tout effort en faveur de nos semblables retombera sur nous en rosée de bénédictions. C'est la raison pour laquelle Dieu nous a confié un rôle dans le plan du salut. Il a accordé à l'homme le privilège de participer de la nature divine et de communiquer à son tour cette prérogative à ses semblables. C'est là le plus grand honneur, la joie la plus parfaite qu'il soit possible à Dieu de nous accorder. Ceux qui contribuent à cette mission d'amour se rapprochent le plus de leur Créateur. LMC 77 2 Dieu aurait pu confier à ses anges le message de l'Evangile et toute l'oeuvre du ministère d'amour. Il aurait pu se servir d'autres moyens pour accomplir son dessein. Mais, dans son amour infini, il a bien voulu faire de nous ses collaborateurs et ceux de Jésus-Christ et des anges, afin que nous puissions avoir part aux bénédictions, à la joie et aux progrès spirituels qui découlent de ce ministère désintéressé. LMC 77 3 C'est en communiant à ses souffrances qu'il nous est donné de comprendre Jésus. Tout acte de renoncement en vue de faire du bien à autrui fortifie en nous l'esprit de bienfaisance et nous rapproche davantage du Rédempteur du monde, qui, pour nous, "s'est fait pauvre, de riche qu'il était, afin que par sa pauvreté nous fussions enrichis". 2 Corinthiens 8:9. Et c'est seulement dans la mesure où nous répondons au but que Dieu s'est proposé en nous créant que la vie devient pour nous un bienfait. LMC 77 4 Si vous voulez vous mettre à l'oeuvre comme Jésus l'attend de ses disciples; si vous voulez attirer des âmes à lui, vous éprouverez le besoin d'une expérience plus profonde et d'une plus grande connaissance des choses de Dieu. Vous aurez faim et soif de la justice; vous crierez à Dieu; votre foi sera fortifiée et votre âme pourra boire à longs traits à la source du salut. L'opposition et les épreuves que vous aurez à surmonter vous pousseront à la lecture de la Bible et à la prière. Vous croîtrez dans la grâce et la connaissance de Jésus-Christ, et vous acquerrez une riche expérience. LMC 78 1 Le désintéressement en faveur du prochain donnera au caractère de la profondeur, de la stabilité, de la douceur et communiquera à l'âme la paix et le bonheur. Les aspirations seront élevées; il ne restera plus de place pour l'oisiveté et l'égoïsme. Ceux qui pratiquent ainsi les vertus chrétiennes croîtront et deviendront forts pour Dieu. Ils auront une claire vision spirituelle, une foi ferme et grandissante, et une puissance nouvelle dans la prière. Par son attouchement divin, l'Esprit de Dieu fera jaillir de leur âme de saintes mélodies. Ceux qui se consacrent ainsi avec désintéressement au bien de leurs semblables travaillent de la manière la plus efficace à leur propre salut. LMC 78 2 Le seul moyen de croître en grâce, c'est de faire avec dévouement l'oeuvre dont le Seigneur nous a chargés: travailler, dans la mesure de nos forces, au bien de ceux qui ont besoin de nous. La force s'acquiert par l'exercice; l'activité est la condition même de la vie. Ceux qui prétendent maintenir leur vie chrétienne en se bornant à accepter passivement les grâces d'en haut sans rien faire pour le Christ, essaient simplement de manger sans travailler. Or, dans le monde spirituel comme dans le monde matériel, ce système aboutit fatalement à la dégénérescence et à la mort. Celui qui refuserait de faire usage de ses jambes, perdrait bientôt la faculté de s'en servir. De même, le chrétien qui se refuse à employer les facultés que Dieu lui a données, non seulement ne grandit pas en Christ, mais perd les forces qu'il possédait. LMC 79 1 L'Eglise est l'intermédiaire choisi de Dieu pour le salut des hommes. Sa mission est de porter l'Evangile au monde. L'obligation d'y participer repose sur tous les chrétiens. Chacun, dans la mesure de ses talents et des occasions qui se présentent à lui, doit remplir la tâche qui lui a été assignée par le Sauveur. L'amour du Christ qui nous a été révélé nous rend débiteurs de tous ceux qui ne le connaissent pas. Dieu nous a communiqué sa lumière, mais ce n'est pas pour nous seulement: c'est pour que nous en fassions part à d'autres. LMC 79 2 Si les disciples de Jésus-Christ étaient à la hauteur de leur tâche, il y aurait dans les pays païens des milliers de prédicateurs de l'Evangile là où il n'y en a qu'un aujourd'hui. Et tous ceux qui ne pourraient pas se consacrer personnellement à cette oeuvre la soutiendraient de leurs dons, de leur sympathie et de leurs prières. On travaillerait aussi au salut des âmes avec beaucoup plus d'ardeur en pays chrétiens. LMC 79 3 Il n'est pas nécessaire, si nous voulons travailler pour Jésus-Christ, de nous rendre dans les pays de mission, ni même peut-être de quitter le cercle étroit du foyer, si notre devoir nous y retient. Ce travail, nous pouvons l'accomplir dans notre famille, dans notre église, parmi ceux avec lesquels nous entrons en contact ou en relations commerciales. LMC 79 4 La plus grande partie de sa vie terrestre, notre Sauveur la passa en patient labeur à Nazareth, dans un atelier de charpentier. Tandis qu'il vivait avec des paysans et des artisans dont il ne recevait ni attentions, ni honneurs, le Prince de la vie était entouré d'anges. Il s'acquittait tout aussi fidèlement de sa mission en exerçant son humble métier qu'en guérissant les malades ou qu'en marchant sur les flots agités de la mer de Galilée. De même, dans les devoirs les plus humbles et la condition la plus modeste, nous pouvons suivre Jésus et travailler avec lui. LMC 80 1 L'apôtre dit: "Que chacun, frères, demeure devant Dieu dans l'état où il était lorsqu'il a été appelé." 1 Corinthiens 7:24. Le négociant dirigera ses affaires de manière à glorifier son Maître par sa fidélité. S'il est véritablement chrétien, les hommes reconnaîtront que l'Esprit de son Maître inspire toutes ses transactions. L'artisan peut être un diligent et fidèle représentant de celui qui s'acquitta des devoirs les plus humbles dans les montagnes de la Galilée. Chacun de ceux qui se réclament du nom de Jésus-Christ devrait agir de telle sorte que le monde, en le voyant, puisse être amené à glorifier son Créateur et Rédempteur. LMC 80 2 Plusieurs s'excusent de ne pas faire valoir leurs dons au service du Christ en alléguant que d'autres possèdent des avantages supérieurs et des dons plus brillants. L'opinion semble généralement prévaloir que seuls ceux qui possèdent des talents spéciaux doivent consacrer leurs facultés au service de Dieu. Un grand nombre paraissent convaincus que quelques favorisés seulement ont reçu des talents, à l'exclusion de tous les autres, et que ceux-ci, naturellement, ne sont appelés à participer ni aux travaux ni aux récompenses. Mais ce n'est pas là ce que nous apprend la parabole des talents. Quand le Maître de la maison appela ses serviteurs, il assigna à chacun sa tâche. LMC 80 3 Avec un esprit aimant, nous pouvons vaquer aux devoirs les plus humbles "comme pour le Seigneur". Colossiens 3:23. Si l'amour de Dieu est dans le coeur, il se manifestera dans la vie. Le doux parfum du Christ nous enveloppera et notre influence produira des effets heureux sur notre entourage. LMC 81 1 N'attendez pas de grandes occasions ni des dons remarquables avant de commencer à travailler pour Dieu. Ne vous préoccupez pas non plus de ce que le monde pensera de vous. Si votre vie de chaque jour témoigne de la pureté et de la sincérité de votre foi, et si vos semblables ont la conviction que vous désirez leur faire du bien, vos efforts ne seront pas entièrement vains. LMC 81 2 Le plus humble et le plus pauvre des disciples de Jésus peut être en bénédiction à d'autres. Il peut ignorer le bien qu'il fait, mais, par son influence inconsciente, il produira des vagues de bénédictions qui augmenteront en étendue et en profondeur, et dont il ne connaîtra les résultats qu'au jour de la récompense finale. Il peut ne pas avoir l'impression de faire de grandes choses et il n'a pas à se préoccuper du succès. Qu'il continue à s'acquitter fidèlement de la tâche que la providence de Dieu lui a assignée, et sa vie ne sera pas inutile. Son âme réfléchira de plus en plus fidèlement l'image de Jésus-Christ. Il sera ouvrier avec Dieu dans cette vie, et se préparera ainsi pour l'oeuvre plus grande et la joie sans mélange de la vie à venir. ------------------------Chapitre 10 -- Connaître Dieu LMC 83 1 Nombreux sont les moyens dont Dieu se sert pour se révéler à nous et nous faire entrer dans sa communion. La nature parle sans cesse à nos sens. Les coeurs sensibles sont touchés par l'amour et la gloire de Dieu qui se révèlent dans les oeuvres de ses mains. L'oreille attentive entend et comprend la voix de Dieu dans la nature. Les prairies verdoyantes, les arbres majestueux, les boutons et les fleurs, le nuage fugitif, la pluie, le murmure du ruisseau, la splendeur du ciel, tout parle à nos coeurs et nous invite à faire connaissance avec celui qui a créé toutes choses. LMC 83 2 Notre Sauveur a relié ses précieux enseignements aux choses de la nature. Les arbres, les oiseaux, les fleurs de la vallée, les montagnes, le lac, la voûte azurée, aussi bien que les incidents de la vie quotidienne ont été utilisés par le Seigneur pour nous enseigner la vérité et nous rappeler constamment ses enseignements, même au milieu des tracas de la vie. LMC 83 3 Dieu veut que ses enfants apprécient ses oeuvres, et prennent plaisir aux beautés simples et discrètes dont il s'est plu à orner notre demeure terrestre. Il aime ce qui est beau; mais il affectionne par-dessus tout la beauté du caractère et il désire que nous cultivions la pureté et la simplicité, les vertus modestes reflétées par les fleurs. LMC 83 4 Pour peu que nous ouvrions les yeux, les oeuvres de Dieu nous donneront des leçons précieuses d'obéissance et de confiance. Depuis les étoiles, qui suivent de siècle en siècle dans l'espace infini leur sentier invisible, jusqu'à l'atome imperceptible, la nature obéit à la volonté du Créateur. Et Dieu prend soin de tout ce qu'il a créé. Celui qui soutient les mondes innombrables dont il lui a plu de parsemer l'immensité, s'occupe en même temps du petit passereau qui fait entendre son humble chant. Quand les hommes se rendent à leur travail quotidien; quand ils prient; quand ils se couchent le soir, et quand ils se lèvent le matin; quand le riche donne des festins dans son palais, ou quand le pauvre rassemble sa famille autour de son frugal repas, toujours et partout notre Père céleste veille avec tendresse sur ses créatures. Il ne coule pas de larmes qui échappent à son regard; il n'est pas de sourire qu'il ne remarque. LMC 84 1 Si nous voulions croire en lui, que d'angoisses inutiles pourraient nous être épargnées! Notre vie ne serait pas une suite de désappointements. Toutes choses, grandes ou petites, seraient remises entre les mains de celui qu'aucune multiplicité d'occupations ne tracasse et que n'accable aucun fardeau. Nous jouirions d'un repos d'âme que beaucoup ne connaissent plus depuis longtemps. LMC 84 2 Quand vous vous sentirez transporté d'admiration par les beautés de la terre, pensez au monde à venir qui ne connaîtra pas la souillure du péché ni les affres de la mort, et d'où aura disparu toute trace de malédiction. Représentez-vous la demeure des élus et souvenez-vous qu'elle sera infiniment supérieure à tout ce que votre imagination peut concevoir de plus beau. Les splendeurs de la nature ne sont qu'un faible reflet de sa gloire. Il est écrit: "Ce sont des choses que l'oeil n'a point vues, que l'oreille n'a point entendues, et qui ne sont point montées au coeur de l'homme, des choses que Dieu a préparées pour ceux qui l'aiment. Dieu nous les a révélées par l'Esprit." 1 Corinthiens 2:9. LMC 84 3 Le poète et le naturaliste peuvent nous parler de la création; mais c'est le chrétien qui peut le mieux en apprécier les richesses, parce qu'il y reconnaît l'oeuvre de son Père, et que, dans une fleur, dans une plante, dans un arbre, il voit des preuves de son amour. Nul ne peut apprécier à leur juste valeur les montagnes et les vallées, les fleuves et les mers, s'il ne les considère comme l'expression de l'amour de Dieu envers les hommes. LMC 85 1 Dieu nous parle aussi par les événements de la vie, où se révèle sa main providentielle, ainsi que par l'influence de son Esprit sur nos coeurs. Si ceux-ci sont ouverts pour les discerner, nous retirerons de précieux enseignements des circonstances et des changements qui se produisent chaque jour autour de nous. En pensant à l'oeuvre de la Providence, le psalmiste dit: "La bonté de l'Eternel remplit la terre." "Que celui qui est sage prenne garde à ces choses, et qu'il soit attentif aux bontés de l'Eternel." Psaumes 33:5; 107:43. LMC 85 2 Dieu nous parle dans sa Parole. Nous avons là une révélation claire et précise de son caractère, de ses voies envers l'homme et de la grande oeuvre de la Rédemption. Elle renferme l'histoire des patriarches, des prophètes et d'autres saints hommes d'autrefois. C'étaient des hommes "de la même nature que nous". Jacques 5:17. Ils ont lutté, succombé à la tentation tout comme nous; mais ils reprirent courage, et, par la grâce de Dieu, ils vainquirent. Quand nous considérons les précieuses expériences qu'ils ont faites, la lumière, l'amour et les bénédictions qui leur échurent en partage, et l'oeuvre qu'ils ont accomplie par la grâce qui leur fut donnée, l'Esprit qui les inspira allume dans nos coeurs la flamme d'une sainte émulation. Il nous inspire le désir de posséder un caractère semblable au leur et de marcher, comme eux, avec Dieu. LMC 86 1 A propos des Ecritures de l'Ancien Testament -- et à plus forte raison de celles du Nouveau -- Jésus dit: "Ce sont elles qui rendent témoignage de moi." Jean 5:39. Oui, la Bible tout entière nous parle de Jésus-Christ, le Rédempteur, celui en qui sont concentrées toutes nos espérances de vie éternelle. Depuis le récit de la création -- car "rien de ce qui a été fait n'a été fait sans lui" (Jean 1:3) -- à la promesse finale: "Je viens bientôt" (Apocalypse 22:12), il nous est parlé de ses oeuvres, et nous entendons sa voix. Si vous voulez apprendre à connaître le Sauveur, étudiez les saintes Ecritures. LMC 86 2 Remplissez votre coeur des paroles de Dieu. Elles sont l'eau vive qui étanchera votre soif ardente. Elles sont le pain vivant, descendu du ciel. Voici la déclaration du Sauveur: "Si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme, et si vous ne buvez son sang, vous n'avez point la vie en vous-mêmes." Et il s'explique en disant: "Les paroles que je vous ai dites sont esprit et vie." Jean 6:53, 63. Nos corps sont formés de ce que nous mangeons et buvons. Il en est de l'économie spirituelle comme de l'économie physique: c'est ce que nous méditons qui donne de la vigueur et de la force à notre nature spirituelle. LMC 86 3 Le thème de la rédemption est celui dans lequel les anges désirent plonger leurs regards; il sera la science et le chant des rachetés pendant l'éternité. Ne mérite-t-il pas d'être étudié attentivement dès maintenant? La miséricorde et l'amour infinis de Jésus-Christ, le sacrifice accompli en notre faveur, voilà quel doit être le sujet de nos réflexions les plus sérieuses et les plus solennelles. Il faut s'arrêter longuement sur le caractère de notre Rédempteur et Intercesseur, et méditer sur la mission de celui qui est venu sauver son peuple de ses péchés. Par la contemplation des choses célestes nous fortifierons notre foi et notre amour. Nos prières seront plus agréables à Dieu, parce qu'elles seront de plus en plus inspirées par la foi et l'amour. Elles seront intelligentes et ferventes. Nous acquerrons une confiance plus ferme en Jésus, et nous ferons une expérience journalière et vivante de sa puissance pour sauver parfaitement ceux qui viennent à Dieu par lui. LMC 87 1 En méditant sur les perfections du Sauveur, nous sentirons naître en nous le désir d'être entièrement renouvelé et transformé à sa pure image. L'âme désirera ardemment ressembler à celui qu'elle adore. Plus nos pensées s'arrêteront sur Jésus-Christ, plus nous voudrons parler de lui, et mieux nous le représenterons aux yeux du monde. LMC 87 2 La Bible n'a pas été écrite pour les savants seulement; elle a, au contraire, été écrite pour le peuple. Les grandes vérités fondamentales du salut y apparaissent aussi claires que le jour. Ce ne sont pas ceux qui la lisent qui risquent de tomber dans l'erreur ou de s'égarer mais ceux qui veulent suivre leur propre jugement au lieu de la volonté de Dieu clairement révélée. LMC 87 3 En ce qui concerne les enseignements des saintes Ecritures, ne nous fions pas à l'opinion d'un homme. Etudions la Parole de Dieu pour nous-même. Si nous laissons à d'autres le soin de réfléchir à notre place, nous ne parviendrons pas au degré de développement dont nous sommes capable. Par défaut d'exercice, les nobles facultés de l'esprit s'atrophient au point qu'elles en arrivent à ne plus saisir la signification profonde de la Parole de Dieu. Par contre, elles prennent plus d'ampleur lorsqu'elles s'appliquent à saisir l'enchaînement des vérités bibliques. LMC 87 4 Rien n'est plus propre à fortifier l'intelligence que l'étude des Ecritures. Aucun livre n'égale la Bible pour élever les pensées et pour donner de la vigueur aux facultés de l'âme. Si les hommes l'étudiaient comme elle doit l'être, ils posséderaient une largeur d'esprit, une noblesse de caractère et une constance de desseins qui se rencontrent rarement à notre époque. LMC 88 1 En revanche, on ne tire que peu de bien d'une lecture hâtive. On peut lire la Bible tout entière sans en apercevoir les beautés et sans en comprendre la signification profonde, qui reste cachée au lecteur superficiel. Un passage étudié et médité jusqu'à ce qu'on en ait bien saisi la signification et les rapports avec le plan du salut vaut mieux que la lecture de plusieurs chapitres, faite sans but arrêté et sans qu'on en ait tiré aucun enseignement positif. Ayez toujours votre Bible avec vous. Lisez-la chaque fois que vous en avez l'occasion; gravez-en les passages dans votre mémoire. Tout en marchant dans la rue, vous pouvez en lire un verset, le méditer et le fixer ainsi dans votre esprit. LMC 88 2 La sagesse ne s'acquiert que par une attention soutenue et par l'étude faite avec prière. Il est des portions des Ecritures qui sont trop claires pour n'être pas comprises; mais il en est d'autres dont la signification n'est pas facile à saisir. Il faut comparer les passages entre eux et les sonder avec soin, réflexion et prière. Une telle étude sera richement récompensée. De même que le mineur, en creusant la terre, découvre des filons du précieux métal, ainsi celui qui sonde avec persévérance la Parole de Dieu comme un trésor caché, y trouve des vérités de la plus grande valeur qui échappent aux regards du chercheur négligent. Les paroles de l'Inspiration, serrées dans le coeur, sont comme des cours d'eau jaillissant de la source de la vie. LMC 89 1 Il ne faut jamais s'adonner à l'étude de la Bible sans prier. Avant d'ouvrir ses pages, il faut demander l'illumination du Saint-Esprit, et elle nous sera accordée. Quand Nathanaël vint à Jésus, le Sauveur déclara: "Voici vraiment un Israélite, dans lequel il n'y a point de fraude." Nathanaël lui demanda: "D'où me connais-tu?" "Avant que Philippe t'appelât, lui répondit Jésus, quand tu étais sous le figuier, je t'ai vu." Jean 1:47, 48. Jésus nous verra aussi en prière dans le secret de notre chambre, lui demandant de nous révéler sa vérité. Les anges seront avec ceux qui recherchent humblement la lumière divine. LMC 89 2 Le Saint-Esprit exalte et glorifie le Sauveur. Sa mission consiste à nous présenter Jésus-Christ, la pureté de sa justice et le grand salut que nous avons par lui. "Il prendra de ce qui est à moi, et vous l'annoncera" (Jean 16:14), dit Jésus. L'Esprit de vérité est seul à même d'enseigner la vérité divine. Quelle n'est pas la valeur attachée à la famille humaine par un Dieu qui livre pour elle son Fils à la mort, et qui donne à l'homme son Saint-Esprit comme Instructeur et comme Guide permanent! ------------------------Chapitre 11 -- Prière et louange LMC 91 1 Dieu nous parle par la nature et par la révélation, par sa providence et par l'influence de son Esprit. Mais cela n'est pas suffisant; nous avons besoin de lui ouvrir notre coeur. La vie et l'énergie spirituelles dépendent d'entretiens réels et directs avec notre Père céleste. Notre esprit peut se reporter sur Dieu; nous pouvons méditer sur ses oeuvres, sur sa miséricorde, sur ses bénédictions. Mais ce n'est pas là, dans le sens le plus complet du mot, être en communion avec lui. Pour être en communion avec Dieu, il faut avoir quelque chose à lui dire concernant notre vie réelle. LMC 91 2 Prier, c'est ouvrir à Dieu son coeur comme on le ferait à son plus intime ami. Non pas que la prière soit nécessaire pour instruire Dieu de ce qui nous concerne, mais elle nous met à même de le recevoir. La prière ne fait pas descendre Dieu jusqu'à nous: elle nous élève jusqu'à lui. LMC 91 3 Durant sa vie terrestre, Jésus enseigna à ses disciples de quelle manière ils devaient prier. Il leur apprit qu'ils devaient exposer à Dieu leurs besoins journaliers et se décharger sur lui de tous leurs soucis. L'assurance qu'il leur donna de l'exaucement de leurs prières, il nous la donne aussi. LMC 91 4 Pendant son séjour parmi les hommes, Jésus lui-même était souvent en prière. Notre Sauveur a connu nos besoins et nos faiblesses. Il nous apparaît comme un suppliant, demandant constamment à son Père une provision nouvelle de forces pour faire face aux devoirs et aux épreuves. Il est notre modèle en toutes choses, un frère dans nos infirmités, car "il a été tenté comme nous en toutes choses" (Hébreux 4:15), mais il était l'Etre sans péché, et sa nature se révoltait contre le mal. Il a passé par toutes les luttes et toutes les angoisses de l'âme auxquelles sont exposés les humains dans un monde de péché. Son humanité lui faisait de la prière une nécessité et un privilège. Il trouvait joie et consolation à communier avec son Père. Si le Sauveur des hommes, le Fils de Dieu, éprouvait le besoin de la prière, à combien plus forte raison ne devrions-nous pas, faibles, pécheurs et mortels que nous sommes, sentir la nécessité de prier sans cesse et avec ferveur! LMC 92 1 Notre Père céleste désire répandre sur nous la plénitude de sa grâce. Il ne tient qu'à nous de boire à longs traits à la source de l'amour infini. N'est-il pas étrange que nous priions si peu? Dieu est tout disposé à exaucer les prières du plus humble de ses enfants, et pourtant ce n'est qu'à contrecoeur, semble-t-il, que nous lui faisons connaître nos besoins. Qu'est-ce que les anges du ciel peuvent penser des humains -- êtres chétifs et misérables, sujets à la tentation -- , quand ils les voient prier si rarement et avec si peu de foi, alors que le Dieu d'amour veille sur eux avec la plus tendre sollicitude, prêt à leur donner plus qu'ils ne peuvent demander ou même penser? Les anges aiment à se prosterner devant Dieu et à être en sa présence. Ils considèrent la communion avec lui comme leur plus grande joie; tandis que les habitants de la terre, qui ont un si pressant besoin de l'assistance que Dieu peut leur accorder, semblent se plaire à marcher sans la lumière de son Esprit et privés des douceurs de sa présence. LMC 92 2 Les ténèbres du mal enveloppent ceux qui négligent la prière. Les tentations insidieuses de l'ennemi les font tomber dans le péché; et tout cela parce qu'ils ne profitent pas du privilège de la prière. Comment les fils et les filles de Dieu peuvent-ils avoir de la répugnance à prier, alors que la prière est, dans la main de la foi, la clé qui ouvre les trésors du ciel où sont renfermées les ressources infinies de la toute-puissance? Sans la prière continuelle et sans une vigilance qui ne se dément jamais, nous sommes en danger de tomber dans l'indifférence et de nous éloigner du droit sentier. L'adversaire sait bien que par des prières ardentes faites avec foi nous obtiendrons la force de résister à ses tentations. Aussi cherche-t-il sans cesse à obstruer devant nous le sentier du trône de la grâce. LMC 93 1 L'exaucement de nos prières dépend de certaines conditions. Une des premières, c'est que nous sentions le besoin du secours de Dieu. Sa promesse est: "Je répandrai des eaux sur le sol altéré, et des ruisseaux sur la terre desséchée." Ésaïe 44:3. Ceux qui ont faim et soif de la justice et qui soupirent après Dieu, peuvent avoir l'assurance d'être rassasiés. Il faut que le coeur soit ouvert à l'influence de l'Esprit, si l'on veut recevoir la bénédiction de Dieu. LMC 93 2 Notre grand besoin est lui-même l'argument qui plaide le plus éloquemment en notre faveur. Mais encore faut-il adresser nos requêtes à Dieu. "Demandez et vous recevrez", dit-il. "Lui, qui n'a pas épargné son propre Fils, mais qui l'a livré pour nous tous, comment ne nous donnera-t-il pas aussi toutes choses avec lui?" Matthieu 7:7; Jean 16:24; Romains 8:32. LMC 93 3 Si nous conservons de l'iniquité dans nos coeurs, si nous retenons quelque péché connu, le Seigneur ne nous exaucera pas, tandis que la prière du pécheur repentant, au coeur brisé, sera toujours acceptée. Dès que nous aurons délaissé tous nos péchés et réparé nos torts dans la mesure du possible, nous pourrons nous attendre à l'exaucement de nos prières. Nos propres mérites ne pourront jamais nous attirer les faveurs de Dieu; ce sont les mérites de Jésus qui nous sauveront, c'est son sang qui nous purifiera. Toutefois, nous avons quelque chose à faire: nous conformer aux conditions de sa grâce. LMC 94 1 La foi est un autre élément de la prière exaucée. "Il faut que celui qui s'approche de Dieu croie que Dieu existe et qu'il est le rémunérateur de ceux qui le cherchent." Jésus dit à ses disciples: "Tout ce que vous demanderez en priant, croyez que vous l'avez reçu, et vous le verrez s'accomplir." Hébreux 11:6; Marc 11:24. Le prenez-vous au mot? L'assurance est large et sans restriction, et celui qui a fait la promesse est fidèle. LMC 94 2 Lorsque nous ne recevons pas immédiatement les choses demandées, croyons néanmoins que le Seigneur nous a entendus et qu'il nous exaucera. Nous sommes tellement sujets à l'erreur, notre vue est tellement bornée, qu'il nous arrive parfois de demander des choses qui ne nous seraient pas bonnes. Dans son amour, notre Père céleste exauce nos prières en nous accordant ce qui est pour notre bien, ce que nous demanderions nous-mêmes si nous pouvions juger justement des choses spirituelles. Si nos prières ne paraissent pas être entendues, cramponnons-nous à la promesse, car le temps de l'exaucement viendra certainement, et nous recevrons alors la bénédiction dont nous avons le plus pressant besoin. Mais prétendre que les prières seront toujours exaucées de la manière dont nous l'entendons, c'est de la présomption. Dieu est trop sage pour se tromper, et trop bon pour nous refuser ce qui est le meilleur pour nous. Ne craignez donc pas de mettre en lui votre confiance, même quand vous ne voyez pas l'exaucement immédiat de vos prières. Reposez-vous sur cette promesse, qui est ferme: "Demandez, et vous recevrez." LMC 95 1 Si, avant de croire, nous prenons conseil de nos doutes et de nos craintes, ou si nous voulons résoudre tous les points qui pourraient nous paraître obscurs, nos difficultés ne feront qu'augmenter. Mais si nous venons à Dieu dans le sentiment de notre impuissance et de notre dépendance; si, avec une foi humble et confiante, nous exposons nos besoins à celui dont la sagesse est infinie, à celui qui voit tout, il entendra nos cris et il fera briller sa lumière dans nos coeurs. Par la prière sincère, nous sommes mis en rapport avec la Sagesse infinie. Nous pouvons ne pas avoir, au moment où nous prions, de preuve spéciale que le Seigneur se penche sur nous avec compassion et amour; mais c'est néanmoins le cas. Nous pouvons ne pas sentir son attouchement, mais sa main est sur nous, et cette main nous assure de son amour et de ses tendres compassions. LMC 95 2 Quand on s'approche du Seigneur pour lui demander grâce et assistance, il faut le faire dans des sentiments d'amour et le coeur disposé au pardon. Comment pouvons-nous dire: "Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés" (Matthieu 6:12) si nous conservons des ressentiments dans notre coeur? Si nous voulons que nos prières soient exaucées, nous devons pardonner aux autres de la même manière et aussi pleinement que nous nous attendons à être pardonnés. LMC 95 3 La persévérance dans la prière est une autre condition de l'exaucement. Il faut prier sans cesse pour croître dans la foi. "Persévérez dans la prière", est-il écrit. "Persévérez dans la prière, veillez-y avec actions de grâces." Romains 12:12; Colossiens 4:2. Pierre exhorte les croyants en ces termes: "Soyez donc sages et sobres, pour vaquer à la prière." 1 Pierre 4:7. Paul leur dit: "En toute chose faites connaître vos besoins à Dieu par des prières et des supplications, avec des actions de grâces." Philippiens 4:6. "Pour vous, bien-aimés, dit Jude, vous édifiant vous-mêmes sur votre très sainte foi, et priant par le Saint-Esprit, maintenez-vous dans l'amour de Dieu." Jude 1:20, 21. La prière constante est une union ininterrompue de l'âme avec le Seigneur, de sorte que la vie de Dieu nous est communiquée, et que de notre vie rejaillissent vers lui la pureté et la sainteté. LMC 96 1 La constance dans la prière est une nécessité; que rien ne s'interpose entre vous et ce devoir. Faites tout ce qui dépend de vous pour maintenir une communion intime entre Jésus et votre âme. Cherchez toutes les occasions de vous rendre là où l'on se réunit pour prier. Ceux qui aspirent véritablement à être en communion avec Dieu seront présents aux réunions de prière et y participeront, vivement désireux d'en retirer tous les avantages possibles. Ils saisiront toutes les occasions pour recevoir du ciel des rayons de lumière. LMC 96 2 Il faut aussi prier dans le cercle de la famille; et surtout ne pas négliger la prière secrète. Celle-ci est la vie de l'âme et sans elle toute croissance spirituelle est impossible. Prier en famille et en public ne saurait suffire. Quand vous êtes seul, ouvrez votre âme au regard scrutateur de Dieu. Votre prière ne doit être entendue que de lui seul. Aucune oreille curieuse ne doit être témoin de vos épanchements. Dans la prière secrète, l'âme est affranchie des influences extérieures, sourde aux bruits de la terre. Calme mais fervente, elle s'élève jusqu'à Dieu, qui est sa forteresse et sa force. Une influence douce et durable émanera de celui qui exauce les prières faites en secret, et dont l'oreille est ouverte aux requêtes de nos coeurs. Par une foi calme et simple, l'âme s'entretient avec le Seigneur et se fortifie pour la lutte contre Satan. LMC 97 1 Priez dans votre chambre; mais élevez aussi vos coeurs vers le ciel tout en vaquant à vos occupations de chaque jour. C'est ainsi qu'Enoch marchait avec Dieu. La prière silencieuse, montant comme un précieux encens jusqu'au trône de la grâce, rend l'âme invincible. LMC 97 2 Il n'est pas de lieu ni de circonstance où une prière ne soit de saison. Rien ne peut nous empêcher d'élever nos coeurs à Dieu dans une ardente requête. On peut faire monter vers lui une prière et demander la direction d'en haut au milieu d'une rue encombrée ou au cours d'un entretien commercial. Ainsi fit Néhémie lorsqu'il présenta sa requête au roi Artaxerxès. Que la porte de notre coeur soit toujours ouverte et que constamment monte vers Jésus, notre hôte céleste, l'invitation de venir y habiter. LMC 97 3 Au sein d'une ambiance viciée et corrompue, nous pouvons respirer la pure atmosphère du ciel. Par une invocation sincère, fermons notre coeur à toute pensée impure, à toute rêverie coupable. Ceux dont le coeur est disposé à recevoir le secours et la bénédiction de Dieu vivront dans une atmosphère plus sainte que celle de la terre et seront en communion constante avec le ciel. LMC 97 4 Il nous faut une vision plus claire de Jésus, une intelligence plus parfaite de la valeur des réalités éternelles. Il faut que la beauté de la sainteté remplisse le coeur des enfants de Dieu; pour cela demandons à l'Auteur de toute sagesse de nous dévoiler les choses divines. LMC 98 1 Elevons nos âmes vers les hauteurs où l'on respire l'atmosphère du ciel. Vivons si près de Dieu qu'à chaque épreuve inattendue nos pensées se tournent vers lui aussi naturellement que la fleur vers le soleil. LMC 98 2 Placez constamment devant Dieu vos besoins, vos joies, vos tristesses, vos soucis et vos craintes. Vous ne le fatiguerez pas; vous ne pourrez jamais le lasser. Celui qui compte les cheveux de votre tête n'est pas indifférent aux besoins de ses enfants. "Le Seigneur est plein de miséricorde et de compassion." Jacques 5:11. Son coeur est touché par nos douleurs, et par le récit même que nous lui en faisons. Apportez-lui tous vos sujets de préoccupation. Rien n'est trop lourd pour celui qui soutient les mondes et dirige l'univers. Rien de ce qui touche à notre paix ne lui est indifférent. Il n'est pas dans notre vie chrétienne de chapitre trop sombre pour qu'il en prenne connaissance, ni de problème si troublant qu'il n'en trouve la solution. Nulle calamité ne fond sur le moindre de ses enfants, nulle angoisse ne torture son âme, nulle joie ne le ranime, nulle prière sincère ne monte de ses lèvres, sans que notre Père céleste y soit attentif et y prenne un intérêt immédiat. "Il guérit ceux qui ont le coeur brisé, et il panse leurs blessures." Psaumes 147:3. Les rapports entre chaque âme et Dieu sont aussi intimes que s'il n'y avait que cette seule âme pour laquelle il ait donné son Fils bien-aimé. LMC 98 3 Jésus dit: "En ce jour, vous demanderez en mon nom, et je ne vous dis pas que je prierai le Père pour vous; car le Père lui-même vous aime." "Je vous ai choisis, ... afin que ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donne." Jean 16:26, 27; 15:16. Mais prier au nom de Jésus, c'est plus et mieux que de mentionner son nom au commencement et à la fin de son oraison. C'est prier dans les sentiments et l'esprit de Jésus, tout en croyant à ses promesses, en se reposant sur sa grâce et en faisant ses oeuvres. LMC 99 1 Dieu ne demande à personne de devenir ermite ou moine et de se retirer du monde pour s'adonner exclusivement à l'adoration. Notre vie doit être semblable à celle de Jésus-Christ: partagée entre la communion avec son Père et la foule. Celui qui se contente de prier se lassera bientôt de le faire, ou ses prières finiront par n'être plus que de vaines redites. Celui qui se retire de la vie sociale, loin des devoirs et des luttes chrétiennes; celui qui cesse de travailler activement pour le Maître qui a tant fait pour nous, perd l'objet même de la prière, et il ne lui reste plus rien qui le pousse à la pratique de la piété. Ses prières deviennent personnelles et égoïstes. Il ne peut plus demander à Dieu la force nécessaire pour travailler au bien de l'humanité et à l'édification du royaume de Jésus-Christ. LMC 99 2 Nous perdons beaucoup en négligeant le privilège de nous unir à d'autres chrétiens en vue de nous encourager mutuellement au service du Seigneur. Les vérités de la Parole inspirée perdent leur éclat et leur importance. Nos coeurs ne sont plus éclairés et vivifiés par leur influence sanctifiante, et nous déclinons spirituellement. Dans nos rapports entre chrétiens, nous perdons beaucoup par le manque de sympathie les uns envers les autres. Celui qui se renferme en lui-même n'occupe pas la place que le Seigneur lui avait assignée. Le fait de cultiver notre faculté de vivre en société nous porte à sympathiser avec autrui et contribue à notre développement en vue du service de Dieu. LMC 99 3 Si les chrétiens voulaient se réunir pour se parler mutuellement de l'amour de Dieu et des précieuses vérités de la rédemption, ils trouveraient force et rafraîchissement. Chaque jour il nous est possible d'avoir une connaissance plus profonde de notre Père céleste; nous pouvons faire journellement de nouvelles expériences de sa grâce. Celles-ci feront naître en nous le besoin irrésistible de parler de son amour, et ces récits mêmes réchaufferont et stimuleront nos coeurs. Si nous pensions davantage à Jésus et si nous parlions plus souvent de lui et moins de nous-même, nous jouirions beaucoup plus de sa présence. LMC 100 1 Si nous pensions à Dieu, chaque fois qu'il nous donne des preuves de sa tendre sollicitude, il serait constamment dans nos pensées et nous prendrions tout notre plaisir à le louer. Nous parlons des choses temporelles parce qu'elles nous intéressent. Nous parlons de nos amis parce que nous les aimons et que nos joies et nos douleurs sont intimement liées aux leurs. Et pourtant, nous avons infiniment plus de raisons d'aimer Dieu que nos amis terrestres. Lui donner la première place dans nos pensées, parler de sa bonté et de sa puissance devraient être pour nous les choses les plus naturelles du monde. Les riches dons qu'il nous a accordés ne doivent pas avoir pour but de nous absorber tellement que nous n'ayons plus une seule pensée pour lui. Ils sont destinés à nous rappeler sans cesse notre Bienfaiteur céleste et à nous attacher à lui par les liens de l'amour et de la reconnaissance. Nous sommes trop terre à terre. Elevons nos yeux vers la porte ouverte du sanctuaire céleste, où la lumière de la gloire divine brille sur la face de Jésus-Christ et souvenons-nous qu'il "peut sauver parfaitement ceux qui s'approchent de Dieu par lui". Hébreux 7:25. LMC 100 2 Il faut louer l'Eternel davantage "pour sa bonté, et pour ses merveilles en faveur des fils de l'homme". Psaumes 107:8. Nos prières ne devraient pas avoir uniquement pour but de demander et de recevoir. Ne pensons pas toujours à nos besoins, et jamais aux bienfaits que nous recevons. Nous ne prions pas trop, mais nous sommes trop chiches de remerciements. Nous sommes les objets de la miséricorde de Dieu, et, pourtant, avec quelle parcimonie lui exprimons-nous notre reconnaissance en retour de tout ce qu'il a fait pour nous! LMC 101 1 Autrefois, le Seigneur donna à Israël ces directives quand il s'assemblait pour l'adorer: "C'est là que vous mangerez devant l'Eternel, votre Dieu, et que, vous et vos familles, vous ferez servir à votre joie tous les biens par lesquels l'Eternel, votre Dieu, vous aura bénis." Deutéronome 12:7. Ce qui est fait pour la gloire de Dieu devrait l'être avec joie, avec chants de louanges et actions de grâces, et non avec tristesse et morosité. LMC 101 2 Notre Dieu est un Père tendre et compatissant. Ne considérons jamais son service comme un labeur déprimant et angoissant. Adorer le Seigneur et travailler à son oeuvre devraient être pour nous un plaisir. Dieu ne veut pas que ceux auxquels il a procuré un si grand salut le considèrent comme un Maître dur et sévère. Il est leur meilleur ami, et il veut se trouver au milieu d'eux -- quand ils l'adorent -- pour les bénir, les consoler, et remplir leur coeur de joie et d'amour. Le Seigneur désire que ses enfants trouvent du réconfort à son service et rencontrent dans son oeuvre plus de sujets de joie que de sujets de tristesse. Il désire que ceux qui viennent pour l'adorer s'en retournent, emportant avec eux la précieuse assurance de sa sollicitude et de son amour, ainsi que la mesure nécessaire de grâce pour se livrer avec joie à leurs occupations journalières et agir fidèlement et honnêtement en toutes choses. LMC 102 1 Réunissons-nous autour de la croix. Que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié, soit l'objet de notre contemplation, le thème de nos entretiens et de nos plus douces émotions. Gardons le souvenir de toutes les grâces que nous recevons de la part du Seigneur. Et dès que nous nous serons rendu compte de son grand amour, consentons à tout remettre entre les mains qui pour nous ont été clouées à la croix. LMC 102 2 Sur les ailes de la louange, l'âme peut s'envoler vers le ciel. Dieu est adoré dans les cours célestes par des chants et des instruments de musique, et c'est par nos actions de grâces et de reconnaissance que notre culte se rapprochera le plus de celui des armées célestes. "Celui qui offre pour sacrifice des actions de grâces me glorifie." Psaumes 50:23. Venons donc en présence du Seigneur avec respect, mais aussi avec joie pour lui apporter des "actions de grâces et le chant des cantiques". Ésaïe 51:3. ------------------------Chapitre 12 -- Que faire des doutes? LMC 103 1 Bien des chrétiens, et particulièrement des jeunes dans la foi, sont parfois troublés par les suggestions du scepticisme. Il y a dans la Bible bien des choses qu'ils ne peuvent expliquer ni même comprendre, et Satan s'en sert pour ébranler leur foi dans les saintes Ecritures comme révélation de Dieu. "Comment pouvons-nous connaître la bonne voie? se demandent-ils. Si la Bible est véritablement la Parole de Dieu, comment nous affranchir des doutes dont nous sommes obsédés?" LMC 103 2 Dieu ne nous demande jamais de croire sans donner à notre foi des preuves suffisantes. Son existence, son caractère, la véracité de sa Parole, tout cela est établi par des témoignages qui en appellent à notre raison; et ces témoignages sont abondants. Toutefois, Dieu n'a jamais enlevé la possibilité du doute. Notre foi doit reposer sur des preuves et non sur une démonstration. Ceux qui désirent douter en auront l'occasion, tandis que ceux qui veulent réellement connaître la vérité, trouveront des preuves abondantes qui affermiront leur foi. LMC 103 3 Il est impossible à un esprit borné de comprendre parfaitement les oeuvres ou le caractère de l'Infini. Cet Etre saint demeurera toujours enveloppé de mystère même pour les esprits les plus transcendants et les intelligences les plus cultivées. "Prétends-tu sonder les pensées de Dieu, parvenir à la connaissance parfaite du Tout-Puissant? Elle est aussi haute que les cieux: que feras-tu? Plus profonde que le séjour des morts: que sauras-tu?" Job 11:7, 8. LMC 103 4 L'apôtre Paul pousse cette exclamation: "O profondeur de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu! Que ses jugements sont insondables, et ses voies incompréhensibles!" Romains 11:33. Mais quoique "les nuages et l'obscurité l'environnent, la justice et l'équité sont la base de son trône". Psaumes 97:2. Nous pouvons pénétrer assez loin dans la connaissance des voies de Dieu à notre égard et des mobiles qui le guident pour savoir qu'il met une puissance infinie au service d'un amour incommensurable. Nous pouvons comprendre parmi ses desseins tout ce qui nous est utile. Quant au reste, nous devons nous en remettre à une main toute-puissante, à un coeur qui n'est qu'amour. LMC 104 1 Comme le caractère de son Auteur, la Parole de Dieu nous présente des mystères qui ne pourront jamais être sondés à fond par des êtres bornés. L'entrée du péché dans le monde, l'incarnation de Jésus-Christ, la régénération, la résurrection, et plusieurs autres faits présentés dans la Bible, sont des mystères trop profonds pour être expliqués ou même saisis pleinement par l'esprit humain. Mais Dieu nous a donné dans les Ecritures des preuves suffisantes de leur divinité, et nous n'avons nullement lieu de douter de celles-ci parce que nous ne pouvons pas comprendre les mystères de sa providence. Dans le monde matériel, nous sommes constamment entourés de mystères impénétrables. Les plus humbles manifestations de la vie sont un problème que les plus sages philosophes sont incapables d'expliquer. De tous côtés se présentent des merveilles qui surpassent notre intelligence. Faut-il donc être surpris s'il se trouve dans le monde spirituel des mystères insondables? Toute la difficulté se trouve dans la faiblesse et l'étroitesse de l'esprit humain. LMC 104 2 L'apôtre Pierre dit qu'il y a dans les Ecritures "des points difficiles à comprendre, dont les personnes ignorantes et mal affermies tordent le sens ... pour leur propre ruine". 2 Pierre 3:16. Les sceptiques ont tiré de ces points difficiles des arguments contre la Bible; mais ce sont là au contraire des preuves solides de sa divine inspiration. Si elle ne nous disait de Dieu que des choses aisées à comprendre; si l'esprit borné de l'homme pouvait facilement embrasser sa grandeur et sa majesté, la Bible ne porterait pas le sceau indubitable de l'autorité divine. La grandeur même et le mystère des thèmes qui y sont traités devraient nous porter à croire qu'elle est la Parole de Dieu. LMC 105 1 La Bible révèle la vérité avec une telle simplicité et une adaptation si parfaite aux besoins et aux aspirations du coeur humain qu'elle a fait le charme et l'étonnement des esprits les plus cultivés. D'autre part, elle met les humbles et les illettrés à même de comprendre le chemin du salut. Et pourtant, ces vérités si simplement exprimées traitent de sujets si élevés, si profonds, et tellement inaccessibles aux facultés humaines, que nous ne pouvons les accepter que parce que c'est Dieu qui a parlé. Ainsi, le plan du salut nous est révélé de telle manière que chacun peut comprendre ce qu'est la repentance envers Dieu et la foi en notre Seigneur Jésus-Christ, et s'engager dans cette voie pour être sauvé. Et cependant, ces vérités si faciles à saisir contiennent des mystères qui nous voilent la gloire de Dieu -- mystères qui confondent celui qui cherche sincèrement la vérité, mais lui inspirent la foi et le respect. Plus il sonde la Bible, plus ferme est sa conviction qu'elle est la Parole de Dieu. La raison s'incline devant la majesté de la révélation divine. LMC 105 2 Se rendre compte que la compréhension parfaite des grandes vérités de la Bible nous échappe, c'est simplement reconnaître qu'un esprit borné est incapable de concevoir l'infini; que l'homme, avec ses connaissances limitées, ne peut saisir les desseins de l'Omniscient. LMC 106 1 Parce qu'ils n'en peuvent sonder tous les mystères, les sceptiques et les incrédules rejettent la Parole de Dieu. Ceux qui professent croire à la Bible ne sont même pas à l'abri de tout danger à cet égard. L'apôtre Paul dit: "Prenez garde, frères, que quelqu'un de vous n'ait un coeur mauvais et incrédule, au point de se détourner du Dieu vivant." Hébreux 3:12. C'est une chose tout à fait légitime que d'étudier attentivement les enseignements de la Bible et de sonder les "profondeurs de Dieu". 1 Corinthiens 2:10. Si "les choses cachées sont à l'Eternel, notre Dieu, les choses révélées sont à nous". Deutéronome 29:29. Mais l'effort de Satan vise à pervertir les facultés d'investigation dont nous sommes doués. A l'étude des vérités de la Bible se mêle un certain orgueil qui pousse à l'impatience ou au dépit quand on ne peut pas en expliquer tous les passages d'une manière satisfaisante. Il est trop humiliant de reconnaître qu'on ne comprend pas les paroles inspirées. On ne consent pas à attendre que Dieu juge à propos de nous révéler sa vérité. On a le sentiment qu'on peut comprendre les Ecritures par sa propre sagesse; et, n'y arrivant pas, on est amené à nier virtuellement leur autorité. Il est vrai que bon nombre de théories et de doctrines qui sont généralement considérées comme étant tirées de la Bible n'y trouvent aucun fondement et sont en réalité en opposition avec la teneur générale de ses pages inspirées. Ce fait, qui a été une occasion de doute et de perplexité pour bien des esprits, loin d'être attribuable à la Parole de Dieu, est l'oeuvre des hommes qui l'ont pervertie. LMC 107 1 S'il était possible à des créatures humaines de parvenir à une parfaite intelligence de Dieu et de ses oeuvres, arrivées à ce point, elles n'auraient plus de vérités à découvrir, plus rien à apprendre, plus de progrès à réaliser dans le développement de l'esprit et du coeur. Dieu ne serait plus l'Etre suprême et l'homme, arrivé aux limites extrêmes de la connaissance et du progrès, cesserait d'avancer. Remercions Dieu de ce qu'il n'en soit pas ainsi. Dieu est infini; en lui sont "cachés tous les trésors de la sagesse et de la science" (Colossiens 2:3), et pendant toute l'éternité les hommes ne cesseront de chercher et d'apprendre, sans jamais épuiser les trésors de sa sagesse, de sa bonté et de sa puissance. LMC 107 2 Il entre dans les desseins de Dieu que, même en cette vie, sa vérité continue à se dévoiler aux yeux de son Eglise. Et l'on ne peut obtenir l'intelligence de la Parole de Dieu que par l'illumination de l'Esprit qui l'a donnée. "Personne ne connaît les choses de Dieu, si ce n'est l'Esprit de Dieu." "Car l'Esprit sonde tout, même les profondeurs de Dieu." 1 Corinthiens 2:11, 10. Le Sauveur a fait cette promesse à ses disciples: "Quand le consolateur sera venu, l'Esprit de vérité, il vous conduira dans toute la vérité ... il prendra de ce qui est à moi, et vous l'annoncera." Jean 16:13, 14. LMC 107 3 Dieu désire que l'homme fasse usage de ses facultés. Plus que toute autre étude, celle de la Bible les fortifiera et les ennoblira. Toutefois, il faut prendre garde de ne pas déifier la raison, qui est sujette aux faiblesses et aux infirmités. Si nous ne voulons pas que les vérités les plus évidentes de la Bible nous soient incompréhensibles, nous devons posséder la simplicité et la foi d'un petit enfant, être prêts à nous laisser instruire et implorer l'assistance du Saint-Esprit. Le sentiment de la puissance et de la sagesse de Dieu, aussi bien que celui de notre incapacité à concevoir sa grandeur, devrait nous porter à l'humilité et nous aider à ouvrir sa Parole avec les mêmes dispositions d'adoration et de crainte que si nous entrions en sa présence. Dès qu'elle s'approche de la Bible, la raison humaine reconnaît une autorité supérieure à la sienne: le coeur et l'intelligence doivent s'incliner devant le grand JE SUIS. LMC 108 1 Bien des vérités apparemment difficiles ou obscures deviennent claires et simples pour ceux qui cherchent à les comprendre avec humilité. Mais sans le secours du Saint-Esprit nous sommes toujours enclins à tordre les Ecritures et à en donner de fausses interprétations. Beaucoup lisent la Bible sans profit, voire pour leur perte. Quand on ouvre la Parole de Dieu sans respect et sans prière, quand les pensées et les affections ne reposent pas sur Dieu ou ne sont pas en harmonie avec sa volonté, l'entendement est bientôt obscurci par le doute et l'étude même de la Bible contribue à fortifier le scepticisme. L'ennemi prend possession de nos pensées et nous suggère de fausses interprétations. Dès qu'un homme, quelque savant qu'il puisse être, perd le désir d'être en harmonie avec la Bible, soit par ses paroles, soit par ses actes, il est condamné à comprendre les Ecritures d'une manière erronée, et il faut se défier de ses explications. Le discernement spirituel est refusé à ceux qui étudient la Bible pour y découvrir des erreurs. Leur vision faussée verra des causes de doute et d'incrédulité là où tout est simple et clair. LMC 108 2 Qu'on la déguise comme on voudra, dans la plupart des cas la cause réelle du doute et du scepticisme, c'est l'amour du péché. Les enseignements et les avertissements de la Parole de Dieu ne sont pas agréables au coeur orgueilleux et pervers, et ceux qui ont de la répugnance à se conformer à ses exigences sont vite prêts à mettre en doute son autorité. Pour parvenir à la connaissance de la vérité, il faut avoir un désir sincère de la connaître et un coeur disposé à s'y conformer. Ceux qui entreprennent l'étude de la Bible dans ces sentiments trouveront des preuves évidentes et nombreuses de son inspiration divine, et saisiront ses vérités qui les rendront sages à salut. LMC 109 1 Jésus a dit: "Si quelqu'un veut faire la volonté de Dieu, il saura si ma doctrine est de Dieu ou si je parle de mon chef." Jean 7:17. Au lieu de douter de ce que vous ne comprenez pas ou de discuter, suivez la lumière qui brille déjà sur votre sentier et vous recevrez davantage. Par la grâce de Jésus-Christ, acquittez-vous de tous les devoirs qui vous ont été clairement révélés, et vous serez mis à même de comprendre et d'accomplir ceux qui sont actuellement pour vous un sujet de perplexité. LMC 109 2 Il y a une catégorie de preuves accessibles au plus ignorant comme au plus savant: ce sont celles de l'expérience. Dieu nous invite à éprouver pour nous-même la vérité de sa Parole et la certitude de ses promesses. Il nous dit: "Sentez, et voyez combien l'Eternel est bon!" Psaumes 34:9. Au lieu de s'en tenir au témoignage d'autrui, il faut l'éprouver soi-même. Dieu dit: "Demandez, et vous recevrez." Jean 16:24. Ces promesses s'accompliront. Elles n'ont jamais failli et elles ne failliront jamais. Quand nous nous approcherons de Jésus et que nous nous réjouirons de la plénitude de son amour, nos doutes et les ténèbres qui nous environnent se dissiperont à la lumière de sa présence. LMC 110 1 L'apôtre Paul dit que Dieu "nous a délivrés de la puissance des ténèbres et nous a transportés dans le royaume du Fils de son amour". Colossiens 1:13. Quiconque est passé de la mort à la vie "a certifié que Dieu est vrai". Jean 3:33. Il peut dire: J'avais besoin de secours et je l'ai trouvé en Jésus. Il a été pourvu à tous mes besoins. La faim de mon âme a été apaisée; et maintenant la Bible est pour moi la révélation de Jésus-Christ. Me demandez-vous pourquoi je crois en Jésus? Parce qu'il est pour moi un divin Sauveur. Et pourquoi je crois à la Bible? Parce que j'y ai trouvé la voix de Dieu parlant à mon âme. Nous pouvons avoir en nous-même le témoignage que la Bible est la vérité, que Jésus est le Fils de Dieu. Nous savons que nous ne suivons pas des fables habilement conçues. LMC 110 2 L'apôtre Pierre exhorte ses frères à "croître dans la grâce et dans la connaissance de notre Seigneur Jésus-Christ". 2 Pierre 3:18. A mesure que les enfants de Dieu croissent en grâce, ils obtiennent une intelligence de plus en plus claire de sa Parole. Ils discernent dans ses pages sacrées des lumières et des vérités toujours nouvelles. C'est l'expérience qu'a pu faire l'Eglise de Jésus-Christ de tous les temps, et c'est celle qu'elle fera jusqu'à la fin. "Le sentier des justes est comme la lumière resplendissante, dont l'éclat va croissant jusqu'au milieu du jour." Proverbes 4:18. LMC 110 3 Par la foi, nous pouvons plonger nos regards dans l'avenir et compter sur le moment béni où -- selon les promesses de Dieu -- nous connaîtrons un développement constant de notre intelligence. Les facultés humaines seront alors unies à la sagesse divine et toutes les puissances de notre être mises en contact direct avec la source de la lumière. Nous pouvons nous réjouir à la pensée que tout ce qui, dans les voies de Dieu, nous a angoissé ici-bas sera alors éclairci. Les choses difficiles à comprendre seront expliquées, et là où notre intelligence bornée ne découvre aujourd'hui que confusion, nous constaterons l'harmonie la plus parfaite. "Aujourd'hui nous voyons au moyen d'un miroir, d'une manière obscure, mais alors nous verrons face à face; aujourd'hui je connais en partie, mais alors je connaîtrai comme j'ai été connu." 1 Corinthiens 13:12. ------------------------Chapitre 13 -- La joie dans le Seigneur LMC 113 1 Les enfants de Dieu sont appelés à être les représentants du Christ, à manifester au monde la bonté et la miséricorde de leur Sauveur. Comme Jésus nous a révélé le caractère du Père, ainsi nous devons le révéler lui-même à ceux qui ne connaissent pas son tendre amour et ses compassions. "Comme tu m'as envoyé dans le monde, dit Jésus, je les ai aussi envoyés dans le monde." "Moi en eux, et toi en moi ... afin que le monde connaisse que tu m'as envoyé." Jean 17:18, 23. L'apôtre Paul écrivait aux chrétiens de Corinthe: "Vous êtes manifestement une lettre de Christ,... connue et lue de tous les hommes." 2 Corinthiens 3:3, 2. En chacun de ses enfants, Jésus envoie une lettre au monde. Si vous êtes son disciple, vous êtes la lettre qu'il envoie à la famille où vous logez, au village, à la rue que vous habitez. Par vous, Jésus désire parler au coeur de ceux qui ne le connaissent pas. Peut-être ne lisent-ils pas la Bible, n'entendent-ils pas la voix qui leur parle dans ses pages et ne voient-ils pas l'amour de Dieu dans ses oeuvres. Mais si vous êtes un véritable représentant de Jésus, il est possible que, par vous, ils soient amenés à comprendre quelque peu sa bonté, à l'aimer et à le servir. LMC 113 2 Les chrétiens sont comme des phares placés sur le chemin du ciel. Ils doivent réfléchir sur le monde la lumière qu'ils reçoivent de Jésus-Christ. Leur vie et leur caractère devraient être tels que d'autres puissent obtenir par eux une juste conception du Sauveur et de son service. LMC 113 3 Si nous le représentons fidèlement, nous ferons paraître son service attrayant, comme il l'est en réalité. Les chrétiens qui se découragent, qui murmurent et qui se plaignent, donnent au monde une fausse conception de Dieu et de la vie chrétienne. Ils font croire que le Seigneur n'aime pas voir ses enfants heureux et ils portent un faux témoignage contre notre Père céleste. LMC 114 1 Satan jubile quand il peut entraîner les chrétiens à l'incrédulité et au découragement. Il est heureux quand il voit que nous manquons de confiance en Dieu, et que nous doutons de son désir et de sa capacité de nous sauver. Il aime à nous faire croire que les dispensations divines nous porteront préjudice. C'est l'oeuvre de Satan de nous représenter le Seigneur comme dénué de miséricorde et de compassion. Il dénature les faits et remplit les imaginations de notions erronées au sujet de Dieu. Et nous, nous nous arrêtons trop souvent aux caricatures de Satan au lieu de chercher à connaître le vrai caractère de notre Père que nous déshonorons par notre manque de confiance et nos murmures. Satan s'efforce toujours de représenter la piété sous un jour sombre. Il désire faire paraître la religion pénible et fastidieuse. Aussi, quand le chrétien présente le christianisme sous ce faux jour, son incrédulité confirme le mensonge de Satan. LMC 114 2 Bon nombre de personnes foulent le sentier de la vie le regard tourné vers leurs erreurs, leurs fautes et leurs désappointements, le coeur abreuvé de tristesse et de découragement. Il y a bien des années, une personne pieuse qui se trouvait dans une grande angoisse m'écrivit pour me demander quelques paroles d'encouragement. La nuit qui suivit la réception de sa lettre, je rêvai que je parcourais les sentiers d'un jardin en compagnie de celui qui paraissait en être le propriétaire. Chemin faisant, je cueillais des fleurs et jouissais beaucoup de leur parfum, quand la personne en question, qui était à mes côtés, appela mon attention sur de vilains églantiers qui l'empêchaient d'avancer. Et elle se désolait. Au lieu de suivre le sentier avec le guide, elle s'égarait parmi les églantiers et les ronces. "Quel malheur, s'écriait-elle, que ce magnifique jardin soit abîmé par des épines!" Le guide lui dit: "Ne vous occupez donc pas des épines, qui ne feront que vous blesser. Cueillez les roses, les lis et les oeillets." LMC 115 1 Votre vie chrétienne ne vous a-t-elle pas laissé des souvenirs lumineux? Au cours de certaines périodes précieuses, votre coeur n'a-t-il pas tressailli de joie sous l'influence du Saint-Esprit? Quand vous jetez un regard en arrière sur les chapitres de votre vie, n'y trouvez-vous pas des pages agréables? Les promesses de Dieu, telles des fleurs embaumées, ne croissent-elles pas tout le long de votre sentier? Permettez à leur beauté et à leur douceur de combler votre coeur de joie. LMC 115 2 Les églantiers et les ronces ne peuvent que vous blesser et vous attrister; et si vous ne cueillez que des déboires pour les présenter à d'autres, ne repoussez-vous pas la bonté de Dieu et n'empêchez-vous pas ceux qui vous entourent de marcher dans le sentier de la vie? LMC 115 3 Il n'est pas sage de rassembler tous les souvenirs pénibles de sa vie -- ses chutes et ses déceptions -- pour en parler à d'autres et s'en lamenter jusqu'à ce que le découragement vous envahisse. Une âme découragée est entourée de ténèbres; elle repousse la lumière divine et projette une ombre sur le sentier d'autrui. LMC 115 4 Remercions Dieu des tableaux riants qu'il étale sous nos yeux. Recueillons, afin de pouvoir les contempler toujours, les précieuses assurances de son amour: le Fils de Dieu, quittant le trône de son Père et voilant sa divinité sous notre humanité afin d'arracher l'homme à la puissance de Satan; son triomphe en notre faveur, triomphe qui nous ouvre le ciel et nous révèle le lieu où la divinité manifeste sa gloire; l'humanité déchue retirée de l'abîme dans lequel le péché l'avait plongée, et réintégrée dans la communion du Dieu infini; le croyant sortant, par la foi au Rédempteur, victorieux de l'épreuve, revêtu de la justice de Jésus-Christ et élevé jusqu'à son trône: voilà les tableaux sur lesquels le Seigneur veut que nous arrêtions nos regards. LMC 116 1 Quand on semble douter de l'amour de Dieu et manquer de confiance en ses promesses, on le déshonore et on contriste le Saint-Esprit. Qu'éprouverait une mère dont les enfants se plaindraient constamment, alors qu'elle ne désire que leur bien, et que le but constant de sa vie est de veiller sur leurs intérêts et d'assurer leur bonheur? S'ils doutaient de son amour, cela suffirait pour lui briser le coeur. Que penseraient des parents que leurs enfants traiteraient de cette manière? Que peut penser de nous notre Père céleste quand nous ne croyons pas à l'amour qui l'a porté à donner son Fils unique afin que nous ayons la vie? L'apôtre écrit: "Lui qui n'a pas épargné son propre Fils, mais qui l'a livré pour nous tous, comment ne nous donnera-t-il pas aussi toutes choses avec lui?" Romains 8:32. Et pourtant, qu'ils sont nombreux ceux qui, par leurs actions, si ce n'est par leurs paroles, disent: "Ce n'est pas pour moi que le Seigneur parle ainsi. Il aime peut-être telle ou telle personne, mais pas moi!" LMC 116 2 Tout cela fait du tort à votre âme; car chaque parole de doute que vous proférez donne prise à Satan, fortifie en vous la tendance au scepticisme, attriste et éloigne de vous les anges auxquels Dieu a confié votre garde. Quand Satan vous tente, ne laissez pas échapper une seule parole d'incrédulité ou de découragement. Si vous ouvrez la porte de votre coeur à ses suggestions, votre esprit sera bientôt rempli de méfiance et de pensées rebelles. Et si vous exprimez vos sentiments, chaque doute que vous énoncerez non seulement réagira sur vous, mais jettera une semence qui germera dans la vie d'autrui et portera des fruits dont il vous sera sans doute impossible d'arrêter la croissance. Vous sortirez peut-être victorieux de la tentation et des pièges de Satan, mais d'autres, ébranlés par votre influence, pourront ne jamais être à même d'échapper au scepticisme semé par vous. Combien il est important que nous ne prononcions que des paroles pouvant communiquer la force spirituelle et la vie! LMC 117 1 Les anges surveillent la manière dont vous représentez votre Maître céleste aux yeux du monde. Que celui qui vit pour intercéder en votre faveur devant le Père soit le sujet de votre conversation. Quand vous serrez la main d'un ami, que ce soit avec la louange de Dieu au coeur et sur les lèvres, et les pensées de cet ami se porteront vers Jésus. LMC 117 2 Chacun a des épreuves à traverser, de lourds chagrins à porter, des tentations difficiles à surmonter. Ne parlez pas de vos difficultés aux mortels, vos semblables, mais déposez-les aux pieds de Jésus. Prenez pour règle de ne jamais proférer une seule parole de doute ou de découragement. En faisant part de votre espérance et de votre confiance, vous pouvez embellir la vie de vos semblables et soutenir leurs efforts. LMC 117 3 Mainte âme courageuse, accablée par la tentation, est sur le point de succomber dans la lutte contre le "moi" et contre la puissance des ténèbres. Ne la découragez pas dans ses rudes combats. Réconfortez-la par des paroles d'espérance. C'est ainsi que la lumière de Jésus-Christ peut briller par vous. "Nul de nous ne vit pour lui-même." Romains 14:7. Par notre influence inconsciente, quelqu'un peut être soit encouragé et fortifié, soit découragé et éloigné du Sauveur et de sa vérité. LMC 118 1 Bien des gens ont des notions erronées au sujet de la vie et du caractère de Jésus. Ils croient qu'il était étranger à toute cordialité rayonnante, dur, austère et sans joie. Bien souvent, ces fausses conceptions déteignent sur l'expérience religieuse tout entière. LMC 118 2 On entend parfois dire: Jésus a pleuré, mais on ignore s'il a jamais souri. Notre Sauveur était, en effet, un homme de douleur et habitué à la souffrance, car il ouvrait son coeur à tous les maux de l'humanité. Mais bien que sa vie fût faite de renoncement, de peines et de soucis, son esprit n'était pas abattu. Son visage ne portait pas l'empreinte du chagrin, mais de la plus parfaite sérénité. Son coeur était une source de vie, et, partout où il allait, il apportait avec lui le calme, la paix, et la joie. LMC 118 3 Notre Sauveur était profondément sérieux et fortement déterminé, mais il n'était jamais taciturne ou morose. La vie de ceux qui l'imitent aura un but bien arrêté; ils auront un sentiment profond de leur responsabilité personnelle. La légèreté sera réprimée; toute hilarité bruyante, toute plaisanterie déplacée sera bannie. La religion de Jésus nous donne une paix qui coule comme un fleuve. Elle n'éteint pas la joie, ne restreint pas la bonne humeur, n'assombrit pas le visage radieux et souriant. LMC 118 4 Si nous donnons la première place dans nos souvenirs aux injustices et aux actions peu aimables dont nous avons été victimes de la part de nos semblables, il nous sera impossible de les aimer comme Jésus-Christ nous a aimés. Mais si nos pensées s'arrêtent sur l'amour merveilleux et sur la compassion de Jésus à notre égard, notre attitude envers les autres sera différente. Nous devons nous aimer et nous respecter mutuellement, malgré les fautes et les imperfections qu'il est impossible de ne pas voir. C'est en cultivant l'humilité et la défiance du "moi" que sera extirpé tout égoïsme étroit et que nous deviendrons magnanimes et généreux. LMC 119 1 Le psalmiste dit: "Confie-toi en l'Eternel, et pratique le bien; aie le pays pour demeure et la fidélité pour pâture." Psaumes 37:3. "Confie-toi en l'Eternel..." Chaque jour nous apporte ses épreuves, ses soucis et ses perplexités. Et combien nous sommes enclins, quand nous rencontrons nos amis, à les entretenir de nos difficultés et de nos épreuves! Nous nous créons tant de soucis, nous exprimons tant de sujets de crainte, nous portons un tel poids d'anxiétés, que ceux qui nous entendent pourraient supposer que nous n'avons pas un Sauveur aimant et compatissant, prêt à entendre nos requêtes et à nous secourir au moment du besoin. LMC 119 2 Il est des personnes qui vivent de crainte et d'appréhension. Chaque jour elles sont entourées des preuves de l'amour de Dieu; chaque jour elles jouissent des largesses de sa providence, mais elles ne voient pas les bénédictions présentes. Leurs pensées se portent continuellement sur les contrariétés qu'elles craignent pour l'avenir, ou sur des difficultés que leur imagination grossit à un tel point que les nombreux sujets de gratitude sont éclipsés. Les obstacles qu'elles rencontrent, au lieu de les pousser vers Dieu, l'unique Rocher de leur secours, les séparent de lui, parce qu'ils éveillent l'incertitude et la disposition au murmure. LMC 120 1 Faisons-nous bien d'être ainsi incrédules? Pourquoi serions-nous ingrats et méfiants? Jésus est notre ami; le ciel tout entier s'intéresse à notre bien. Il ne faut pas permettre aux préoccupations et aux tracas de la vie de chaque jour de nous irriter et d'assombrir nos fronts. Si nous le faisons, nous aurons toujours des raisons de nous tourmenter. Il ne faut pas se livrer à de stériles soucis qui épuisent sans profit. LMC 120 2 Vos affaires peuvent vous causer de l'anxiété; vos perspectives devenir de plus en plus sombres, et vous pouvez être menacé de subir de grands dommages. Ne vous laissez pas aller au découragement. Confiez tous vos soucis à Dieu et demeurez calme et joyeux. Demandez-lui la sagesse nécessaire pour diriger judicieusement vos affaires, afin d'éviter des pertes désastreuses. De votre côté, faites tout ce qui dépend de vous pour mener à bien vos entreprises. Jésus nous a promis son assistance, mais non pas sans notre coopération. Quand vous avez fait tout votre possible en vous reposant sur celui qui est votre secours, acceptez avec joie ce qui peut survenir. LMC 120 3 Il n'entre pas dans les desseins de Dieu que ses enfants soient tracassés par les soucis. Par contre, notre Dieu ne nous trompe pas. Il ne nous dit pas: "Ne craignez point; il n'y a pas de dangers sur votre route." Il sait que nous aurons des épreuves et des dangers à affronter, et il est franc avec nous. Il ne se propose pas de retirer ses enfants hors d'un monde de péché et de corruption; mais il leur montre un refuge assuré. Le Sauveur a prié ainsi en faveur de ses disciples: "Je ne te prie pas de les ôter du monde, mais de les préserver du mal." "Vous aurez des tribulations dans le monde, dit-il; mais prenez courage, j'ai vaincu le monde." Jean 17:15; 16:33. LMC 121 1 Dans son sermon sur la montagne, le Seigneur donne à ses disciples de précieux enseignements sur la nécessité de se confier en Dieu. Ces enseignements étaient destinés à encourager les chrétiens de tous les temps, et ils nous sont paryenus pour notre instruction et notre consolation. Le Sauveur attire l'attention de ses disciples sur les oiseaux du ciel qui font retentir les airs de leurs chants de louange, sans se mettre en souci de leurs besoins. "Ils ne sèment ni ne moissonnent", et pourtant "votre Père céleste les nourrit". Le Sauveur demande: "Ne valez-vous pas beaucoup plus qu'eux?" Matthieu 6:26. Le grand Econome de l'homme et des animaux ouvre sa main et subvient aux besoins de toutes ses créatures. Les oiseaux n'échappent pas à son attention. Il ne leur jette pas la nourriture dans le bec, mais il leur donne du grain à recueillir. A eux le soin de réunir les matériaux de leur nid et de nourrir leurs petits. Ils se mettent au travail en chantant parce que le "Père céleste les nourrit". Adorateurs spirituels et intelligents, n'avons-nous pas plus de valeur que les oiseaux du ciel? Si nous avons confiance en lui, l'Auteur de notre être, le Préservateur de notre vie, celui qui a mis en nous son image divine, ne subviendra-t-il pas à nos besoins? LMC 121 2 Jésus attire aussi l'attention de ses disciples sur les fleurs des champs qui croissent à profusion et sur la beauté simple dont le Père céleste les a revêtues en signe de son amour envers l'homme. Il disait: "Considérez comment croissent les lis des champs." La perfection de ces fleurs naturelles surpasse de beaucoup la splendeur de Salomon. Les plus somptueux vêtements qu'ait confectionnés l'art humain n'ont jamais pu supporter la comparaison avec la grâce naturelle et la beauté radieuse des fleurs que Dieu a créées. Jésus pose ensuite la question: "Si Dieu revêt ainsi l'herbe des champs, qui existe aujourd'hui et qui demain sera jetée au four, ne vous vêtira-t-il pas à plus forte raison, gens de peu de foi?" Matthieu 6:30. Si Dieu, le divin Artiste, donne aux simples fleurs, dont l'éclat est éphémère, leurs nuances délicates et variées, quels soins plus grands ne prendra-t-il pas des êtres qu'il a créés à son image! Cet enseignement de Jésus est une censure à l'adresse de ceux qui se laissent entraîner au doute par les soucis et les perplexités de la vie. LMC 122 1 Le bon plaisir du Seigneur est que tous ses fils et toutes ses filles soient heureux, paisibles, obéissants. Jésus dit: "Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Je ne vous donne pas comme le monde donne. Que votre coeur ne se trouble point." "Je vous ai dit ces choses, afin que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite." Jean 14:27; 15:11. LMC 122 2 Le bonheur qu'on recherche par égoïsme, en dehors du sentier du devoir, est chancelant, intermittent et transitoire; il passe, ne nous laissant que solitude et regret. Mais le service de Dieu procure paix et joie. Le chrétien n'est pas abandonné dans des sentiers incertains, il n'est pas livré à de vains regrets et aux désappointements. Si nous ne jouissons pas des plaisirs de cette vie, nous pouvons être heureux malgré tout en regardant à celle qui est à venir. LMC 123 3 Mais même ici-bas le chrétien peut avoir la joie d'une douce communion avec le Christ, la consolation perpétuelle de sa présence. Chaque pas que nous faisons peut nous rapprocher de lui, nous donner une expérience plus profonde de son amour et nous amener plus près de l'heureux séjour de la paix. N'abandonnons donc pas notre assurance, mais qu'elle devienne plus inébranlable que jamais. "Jusqu'ici l'Eternel nous a secourus" (1 Samuel 7:12), et il nous secourra jusqu'à la fin. Portons nos regards sur les monuments de la bonté divine qui nous rappelleront tout ce que le Seigneur a fait pour nous consoler et nous sauver de la main du destructeur. Gardons le souvenir précis de toutes les compassions de Dieu à notre égard: des larmes qu'il a essuyées, des douleurs qu'il a adoucies, des angoisses qu'il a fait disparaître, des sujets de crainte qui, sur son ordre, se sont évanouis, des besoins auxquels il a pourvu et des bénédictions qu'il a répandues sur nos têtes. Nous nous préparerons ainsi à surmonter les épreuves que nous aurons encore à affronter pendant le reste de notre pèlerinage. LMC 123 1 Nous pouvons nous attendre à de nouvelles angoisses dans le conflit qui se prépare; en considérant le passé et l'avenir, répétons: "Jusqu'ici l'Eternel nous a secourus." 1 Samuel 7:12. "Que ta vigueur dure autant que tes jours!" Deutéronome 33:25. Les épreuves n'excéderont pas les forces qui nous seront données pour les supporter. Mettons-nous donc à l'oeuvre là où le Seigneur nous a placés et prenons courage: quoi que l'avenir nous réserve, les forces seront proportionnées aux épreuves. LMC 123 2 Bientôt les portes des cieux seront grandes ouvertes devant les enfants de Dieu, que le Roi de gloire accueillera par ces paroles qui charmeront leurs oreilles telle la musique la plus suave: "Venez, vous qui êtes bénis de mon Père; prenez possession du royaume qui vous a été préparé dès la fondation du monde." Matthieu 25:34. LMC 123 3 Alors les rachetés seront accueillis dans les demeures que Jésus est allé leur préparer. Ils n'auront pas pour compagnons des êtres pervers, menteurs, idolâtres, impurs, incrédules; mais ils s'uniront à ceux qui ont vaincu Satan et qui, par la grâce de Dieu, ont formé des caractères parfaits. Toute tendance au péché, toute imperfection qui les afflige ici-bas, aura été supprimée par le sang de Jésus-Christ, et ils auront pour partage la magnificence de sa gloire, surpassant de beaucoup celle du soleil. En même temps, la beauté morale et la perfection de leur Sauveur brilleront par eux d'un éclat qui éclipsera cette splendeur extérieure. Ils seront sans tache devant le grand trône blanc; ils participeront à la dignité et aux privilèges des anges. LMC 124 1 En vue du glorieux héritage qui nous est offert, "que donnerait un homme en échange de son âme?" Matthieu 16:26. Il peut être pauvre, et pourtant posséder en lui-même des richesses et une dignité supérieures à tout ce que le monde peut donner. L'âme rachetée et purifiée du péché, l'âme qui consacre au service de Dieu toutes les nobles facultés qui lui ont été départies a une valeur inexprimable. Aussi, chaque fois que sur la terre une âme est sauvée, cette nouvelle fait naître dans le ciel, en la présence de Dieu et des anges, une joie sainte et glorieuse qui éclate en chants de triomphe. ------------------------Le Ministère de la Guérison MG 7 1 Préface MG 17 1 Chapitre 1 -- Notre exemple MG 25 1 Chapitre 2 -- Les jours de ministère MG 40 1 Chapitre 3 -- Avec la nature et avec Dieu MG 45 1 Chapitre 4 -- L'attouchement de la foi MG 57 1 Chapitre 5 -- La guérison de l'âme MG 73 1 Chapitre 6 -- Sauvés pour servir MG 87 1 Chapitre 7 -- Les éléments divins et les éléments humains MG 100 1 Chapitre 8 -- Le rôle éducateur du médecin MG 115 1 Chapitre 9 -- Enseigner et guérir MG 135 1 Chapitre 10 -- Du secours dans la tentation MG 144 1 Chapitre 11 -- Sauvons les intempérants MG 155 1 Chapitre 12 -- Chômage et paupérisme MG 171 1 Chapitre 13 -- Notre devoir envers les indigents MG 179 1 Chapitre 14 -- Le ministère parmi les riches MG 189 1 Chapitre 15 -- La chambre du malade MG 193 1 Chapitre 16 -- La prière pour les malades MG 201 1 Chapitre 17 -- L'emploi des remèdes MG 207 1 Chapitre 18 -- Guérison mentale MG 222 1 Chapitre 19 -- Au contact de la nature MG 229 1 Chapitre 20 -- Hygiène générale MG 234 1 Chapitre 21 -- L'hygiène chez les Israélites MG 242 1 Chapitre 22 -- Le vêtement MG 250 1 Chapitre 23 -- L'alimentation et la santé MG 263 1 Chapitre 24 -- La viande comme aliment MG 268 1 Chapitre 25 -- Les extrêmes dans l'alimentation MG 273 1 Chapitre 26 -- Stimulants et narcotiques MG 282 1 Chapitre 27 -- Le commerce des boissons alcooliques MG 295 1 Chapitre 28 -- Le ministère de la famille MG 301 1 Chapitre 29 -- Aux fondateurs de foyers MG 307 1 Chapitre 30 -- Choix et ameublement d'un foyer MG 313 1 Chapitre 31 -- La mère de famille MG 319 1 Chapitre 32 -- L'enfant MG 327 1 Chapitre 33 -- L'influence du foyer MG 333 1 Chapitre 34 -- La véritable éducation: un apprentissage missionnaire MG 347 1 Chapitre 35 -- La connaissance de Dieu MG 363 1 Chapitre 36 -- Les limites de la raison et de la science MG 376 1 Chapitre 37 -- Le vrai et le faux dans l'éducation MG 388 1 Chapitre 38 -- L'importance de la véritable connaissance MG 395 1 Chapitre 39 -- La connaissance communiquée par la Parole de Dieu MG 405 1 Chapitre 40 -- Viatique de la vie journalière MG 417 1 Chapitre 41 -- Vertus charitables MG 430 1 Chapitre 42 -- Vertus viriles MG 436 1 Chapitre 43 -- Une expérience plus profonde ------------------------Préface MG 7 1 Le monde est malade, et partout où demeurent les enfants des hommes, la souffrance abonde et on en recherche le soulagement. MG 7 2 Il n'entre pas dans les vues du Créateur que l'humanité soit accablée d'un fardeau de souffrance, que ses activités soient restreintes par la maladie, que sa force s'évanouisse et que sa vie soit raccourcie par les douleurs. Mais trop souvent, les lois établies par Dieu pour gouverner la vie sont transgressées d'une façon flagrante; le péché pénètre dans le coeur, et l'homme oublie qu'il dépend de Dieu, la source de la vie et de la santé. Alors s'ensuivent les conséquences de la transgression -- douleurs, maladie, mort. MG 7 3 Comprendre les lois physiques qui régissent le corps et harmoniser avec ces lois les pratiques de la vie constituent un devoir d'une importance primordiale. Il faut comprendre les différents éléments contribuant au véritable bonheur: un foyer attrayant, l'obéissance aux lois de la vie, des relations agréables avec son semblable. MG 7 4 Lorsque la maladie frappe, il est essentiel que nous ayons recours aux différents agents qui, en coopération avec les efforts de la nature, fortifieront le corps et restaureront la santé. Il y a, également, une question encore plus importante et plus vitale, celle de nos relations avec le Créateur qui à l'origine donna la vie à l'homme, pourvut en tout à son bonheur, et s'intéresse aujourd'hui à son bien-être. MG 7 5 Dans cet ouvrage, l'auteur, une femme d'expérience dans les questions pratiques de la vie et douée d'une perception et d'une connaissance rares, a mis à la portée de chaque père et de chaque mère, de chaque homme et de chaque femme, laïque ou professionnel, une riche somme de renseignements sur la vie et ses lois, la santé et les conditions qu'elle requiert, la maladie et ses remèdes, les maux de l'âme et le baume de Galaad. MG 8 1 Cet ouvrage est écrit en une langue claire, simple et harmonieuse, instructive pour celui qui étudie, remplie d'espoir pour le découragé, réconfortante pour le malade, et reposante pour celui qui est las. Depuis plusieurs dizaines d'années, il transmet son message salutaire à des centaines de milliers de personnes. Il a été imprimé et réimprimé dans de nombreux pays, en une douzaine des principales langues du monde. MG 8 2 Que cet ouvrage, présentant une voie meilleure, une vie plus simple, plus douce, plus remplie de joie et de bonheur, plus généreuse dans sa démonstration du principe qu'il y a "plus de bonheur à donner qu'à recevoir", puisse pleinement accomplir sa mission: c'est l'espoir sincère des éditeurs et des Fideicommissaires des Publications d'Ellen G. White "... pour porter de bonnes nouvelles aux malheureux; ... pour guérir ceux qui ont le coeur brisé, pour proclamer aux captifs la liberté, et aux prisonniers la délivrance; pour publier une année de grâce de l'Eternel...; pour consoler tous les affligés." Le missionnaire médical fidèle ------------------------Chapitre 1 -- Notre exemple MG 17 1 Notre Seigneur Jésus-Christ est venu en ce monde comme le serviteur inlassable des besoins de l'homme. "Il a pris nos infirmités, et il s'est chargé de nos maladies" afin de pouvoir répondre à chaque besoin de l'humanité. Matthieu 8:17. Il est venu ôter le fardeau de la maladie, de la misère et du péché. Restaurer totalement l'homme, telle était sa mission. Il vint pour lui rendre la bonté, la paix et la perfection du caractère. MG 17 2 Les conditions et les besoins de ceux qui venaient à lui étaient variés. Mais personne ne repartait sans avoir reçu son aide. De lui coulait un flot de puissance guérissante. Les hommes étaient guéris dans leur corps, leur esprit et leur âme. MG 17 3 L'oeuvre du Sauveur n'était pas limitée à un lieu ni à une époque déterminés. Sa compassion était illimitée. Il donna une telle ampleur à son oeuvre de guérison et d'enseignement qu'il n'existait en Palestine aucun bâtiment assez vaste pour contenir les multitudes qui se pressaient autour de lui. Ses hôpitaux, c'étaient les flancs des collines verdoyantes de la Galilée, les voies de communication, le bord des mers, les synagogues, et tout autre lieu où les malades pouvaient lui être amenés. MG 17 4 Dans toutes les villes, cités ou villages par lesquels il passait, il étendait les mains sur les affligés et les guérissait. Quand il rencontrait des âmes prêtes à recevoir son message, il les réconfortait en leur donnant l'assurance de l'amour de leur Père céleste. Tout le jour, il se penchait sur ceux qui venaient à lui. Le soir, il accordait son attention à ceux qui, pendant la journée, avaient travaillé pour gagner la pitance de leurs familles. MG 18 1 Jésus portait le poids écrasant de la responsabilité du salut des hommes. A moins d'un changement radical dans ses principes et ses buts, l'espèce humaine était perdue. Jésus le savait. C'était le fardeau pesant sur son coeur. Personne ne peut mesurer le poids que Jésus ressentait. Enfant, jeune homme et adulte, il marcha seul. Mais en sa présence, on se croyait au ciel. Jour après jour, il faisait face aux épreuves et aux tentations. Jour après jour, il était en contact avec le mal et était témoin de son pouvoir sur ceux qu'il cherchait à bénir et à sauver. Mais il ne céda pas, il ne se découragea pas. MG 18 2 En toutes choses, il soumit ses désirs aux exigences de sa mission. Il glorifia sa vie en la subordonnant totalement à la volonté de son Père. Quand, encore jeune, il fut trouvé par sa mère à l'école des rabbins, celle-ci lui dit: "Mon enfant, pourquoi as-tu agi de la sorte avec nous?" Il lui répondit, et cette réponse est la note fondamentale de l'oeuvre de sa vie: "Pourquoi me cherchiez-vous? Ne saviez-vous pas qu'il faut que je m'occupe des affaires de mon Père?" Luc 2:48, 49. MG 18 3 Sa vie fut un renoncement constant. Il n'avait aucun foyer en ce monde en dehors de ceux que lui offrait la gentillesse de ses amis. Il vint vivre pour nous la vie du plus pauvre, pour marcher et travailler parmi les souffrants et les nécessiteux. Il allait et venait au milieu du peuple pour lequel il avait tant fait, sans être ni reconnu ni honoré. MG 18 4 Il était toujours patient et serein. Les affligés l'acclamaient comme un messager de vie et de paix. Il voyait les besoins des hommes et des femmes, des enfants et des jeunes, et à tous il adressait l'invitation: "Venez à moi." MG 19 1 Pendant son ministère, Jésus passa plus de temps à soigner les malades qu'à prêcher. Ses miracles prouvaient la véracité de ce qu'il disait: "Le Fils de l'homme est venu, non pour perdre les âmes des hommes, mais pour les sauver." La bonne nouvelle de sa miséricorde le précédait partout où il allait. Là où il était passé, ceux qui avaient été l'objet de sa compassion se réjouissaient de leur santé retrouvée et essayaient leurs forces neuves. MG 19 2 Les foules se rassemblaient autour d'eux pour entendre de leurs lèvres mêmes le récit des oeuvres du Seigneur. Sa voix fut le premier son jamais entendu par beaucoup; son nom le premier mot jamais prononcé par eux; son visage le premier qu'ils aient jamais vu. Comment pourraient-ils ne pas aimer Jésus ou chanter ses louanges? Quand il traversait villes et villages, il était comme un courant vivifiant, d'où émanait l'enthousiasme et la joie. MG 19 3 Le peuple de Zabulon et de Nephtali, De la contrée voisine de la mer, du pays au delà du Jourdain. Et de la Galilée des Gentils, Ce peuple, assis dans les ténèbres, A vu une grande lumière; Et sur ceux qui étaient assis dans la région et l'ombre de la mort La lumière s'est levée. Matthieu 4:15, 16. MG 19 4 Chaque guérison était, pour le Sauveur, une occasion d'implanter des principes divins dans l'âme et l'esprit. Tel était le but de son oeuvre. Il offrait des bénédictions terrestres, afin d'incliner le coeur des hommes à recevoir l'Evangile de sa grâce. MG 19 5 Le Christ aurait pu occuper le plus haut rang parmi les maîtres de la nation juive, mais il préféra porter l'Evangile aux pauvres. Il allait de lieu en lieu; ainsi, les habitants des régions les plus reculées pouvaient entendre les paroles de vérité. Vers la mer, dans les montagnes, dans les rues des cités, dans les synagogues, on entendait sa voix expliquant les Ecritures. Souvent aussi, il enseignait dans les parvis du temple, afin que les Gentils puissent entendre ses paroles. MG 20 1 L'attention des gens était attirée, tant les enseignements du Christ étaient différents des explications données sur les Ecritures par les scribes et les pharisiens. Les rabbins s'appuyaient sur la tradition, sur des théories et des spéculations humaines. Souvent, ce que les hommes avaient enseigné et écrit au sujet des Ecritures prenait la place des Ecritures elles-mêmes. La Parole de Dieu était le sujet de l'enseignement du Christ. Il répondait à ses interlocuteurs par un clair "il est écrit", "que disent les Ecritures?" ou "que lis-tu?" A chaque occasion, quand l'intérêt était suscité par un ami ou un ennemi, il présentait la Parole. Il proclamait le message de l'Evangile avec clarté et puissance. Ses paroles jetaient un flot de lumière sur les enseignements des patriarches et des prophètes. Les Ecritures parvenaient aux hommes comme une nouvelle révélation. Jamais auparavant ses auditeurs n'avaient perçu une telle profondeur de sens dans la Parole de Dieu. MG 20 2 Il n'y eut jamais un évangéliste comme le Christ. Il était la majesté des cieux, mais il s'humilia lui-même jusqu'à prendre notre nature, afin de pouvoir rencontrer les hommes sur leur terrain. Le Christ, le messager de l'alliance, apportait la bonne nouvelle du salut à toute personne, riche ou pauvre, libre ou esclave. Sa réputation de grand Médecin se répandit dans toute la Palestine. Les malades se plaçaient sur son chemin pour pouvoir l'appeler à leur aide. Beaucoup d'anxieux venaient aussi pour entendre sa parole et être touchés par ses mains. Ainsi, de ville en ville, de cité en cité, prêchant l'Evangile et guérissant les malades, allait le Roi de gloire, revêtu du pauvre costume de l'humanité. MG 20 3 Il assistait aux grandes fêtes de la nation juive. Aux multitudes absorbées par des cérémonies extérieures, il parlait des choses célestes, mettant l'éternité dans leurs calculs. A tous il accordait les trésors de ses réserves de sagesse. Il leur parlait avec un langage si simple qu'ils ne pouvaient manquer de le comprendre. Il aidait tous les affligés, les malheureux, par des méthodes bien à lui. Avec tendresse, une grâce courtoise, il oeuvrait en faveur des âmes malades du péché, répandant santé et force. MG 21 1 Le Prince des maîtres cherchait à atteindre le peuple au moyen des choses qui lui étaient le plus familières. Il présentait la vérité de telle façon qu'elle était à jamais entrelacée, pour ses auditeurs, avec leurs souvenirs et leurs sympathies les plus sacrées. Il leur faisait sentir combien parfaitement il s'était identifié à leurs intérêts et à leur bonheur par le biais de son enseignement. Ses auditeurs étaient charmés par ses leçons si directes, ses illustrations si appropriées, ses paroles si sympathiques, si gentilles. La simplicité et la ferveur avec lesquelles il s'adressait aux nécessiteux sanctifiaient chacune de ses paroles. MG 21 2 Quelle vie active était la sienne! Jour après jour, on pouvait le voir entrer dans l'humble demeure du besoin et de la tristesse, parlant d'espoir aux découragés et de paix aux affligés. Aimable, le coeur tendre, rempli de pitié, il allait, relevant ceux que la vie avait courbés, et réconfortant les malheureux. Partout où il se rendait, il répandait la bénédiction. MG 21 3 Tout en oeuvrant pour les pauvres, Jésus cherchait aussi des moyens d'atteindre les riches. Il recherchait le contact avec les pharisiens cultivés et riches, la noblesse juive et les chefs romains. Il acceptait leurs invitations, assistait à leurs fêtes. Il se familiarisait avec leurs intérêts et leurs occupations afin de gagner l'accès de leurs coeurs et de leur révéler les richesses impérissables. MG 21 4 Le Christ vint en ce monde pour montrer qu'en recevant la puissance d'en haut, l'homme peut mener une vie sans tache. Avec une patience infatigable et une sympathie serviable, il allait au-devant des besoins des hommes. Par l'aimable attouchement de sa grâce, il bannissait de l'âme le doute et l'inquiétude, transformant l'inimitié en amour, l'incrédulité en confiance. MG 22 1 Il pouvait dire à qui il voulait: "Suis-moi", et celui à qui il s'adressait se levait et le suivait. L'attrait des enchantements du monde était rompu. Au son de sa voix, l'esprit de l'ambition et de l'avidité s'enfuyait des coeurs, les hommes se levaient, affranchis, pour suivre le Sauveur. Un amour fraternel MG 22 2 Le Christ n'admettait aucune distinction de nationalité, de rang ou de croyance. Les scribes et les pharisiens désiraient tirer un avantage local et national des dons célestes et en exclure le reste de la famille de Dieu. Mais le Christ est venu pour abattre tout mur de séparation. Il vint montrer que ses dons de miséricorde et d'amour sont aussi illimités que l'air, la lumière ou les averses de pluie qui rafraîchissent la terre. MG 22 3 La vie du Christ a établi une religion sans caste, une religion dans laquelle Juifs et Gentils, libres et esclaves, unis par les liens de la fraternité, sont égaux devant Dieu. Rien d'artificieux ne teintait ses actes. Il ne faisait aucune différence entre voisins et étrangers, amis et ennemis. Ce qui touchait le coeur de Jésus, c'était l'âme assoiffée de l'eau de la vie. MG 22 4 Il ne délaissait aucun être humain comme sans valeur, mais il s'efforçait d'appliquer à toute âme le remède guérisseur. En quelque compagnie qu'il fût, il présentait une leçon appropriée au moment et aux circonstances. Toute insulte ou négligence d'un homme envers un autre homme le rendait plus conscient du besoin de l'humanité pour une sympathie divine et humaine. Il cherchait à insuffler l'espoir aux plus rudes et à ceux qui promettaient le moins, plaçant devant eux la certitude qu'ils pouvaient devenir irréprochables et débarrassés de toute méchanceté, possesseurs d'un caractère qui les ferait reconnaître comme enfants de Dieu. MG 23 1 Il rencontrait souvent ceux qui avaient glissé sous le contrôle de Satan, et n'avaient aucun pouvoir pour briser ses liens. A ceux-là, découragés, malades, tentés, déchus, Jésus adressait des paroles d'une tendre pitié, celles-là même dont ils avaient besoin et qu'ils pouvaient comprendre. Il en rencontrait d'autres, combattant corps à corps contre l'adversaire de leur âme. Il les encourageait à persévérer, les assurant qu'ils vaincraient, car les anges de Dieu étaient à leurs côtés et leur donneraient la victoire. MG 23 2 Il s'asseyait en hôte honoré à la table des publicains. Par sa sympathie et son amabilité en société, il montrait qu'il reconnaissait la dignité humaine. Les hommes aspiraient à mériter sa confiance. Ses paroles descendaient sur leurs coeurs assoiffés avec une puissance vivifiante et bénissante. De nouveaux désirs s'éveillaient. Pour ces parias de la société s'ouvrait la possibilité d'une vie nouvelle. MG 23 3 Bien qu'il fût juif, Jésus se mêlait librement aux Samaritains, tenant pour nulles les coutumes pharisaïques de sa nation. Malgré les préjugés de cette dernière, il acceptait l'hospitalité de ces gens méprisés. Il dormait sous leurs toits, mangeait à leurs tables, partageait les repas préparés et servis par eux, enseignant dans leurs rues, les traitant avec la plus grande gentillesse et la plus exquise courtoisie. Tout en attirant leur coeur par les liens de la sympathie humaine, sa grâce divine leur apportait le salut que les Juifs rejetaient. Un ministère personnel MG 23 4 Le Christ ne négligeait aucune occasion de proclamer l'Evangile du salut. Ecoutez les paroles merveilleuses adressées à cette femme de Samarie. Il était assis près du puits de Jacob quand elle vint chercher de l'eau. A sa grande surprise, il lui demanda une faveur: "Donne-moi à boire", dit-il. Il voulait se rafraîchir, et il souhaitait aussi ouvrir une voie par laquelle il pourrait lui communiquer l'eau de la vie. "Comment toi, qui es Juif, dit la femme, me demandes-tu à boire, à moi qui suis une femme samaritaine? -- Les Juifs, en effet, n'ont pas de relations avec les Samaritains. -- Jésus lui répondit: Si tu connaissais le don de Dieu et qui est celui qui te dit: Donne-moi à boire! tu lui aurais toi-même demandé à boire, et il t'aurait donné de l'eau vive. ... Quiconque boit de cette eau aura encore soif; mais celui qui boira de l'eau que je lui donnerai n'aura jamais soif, et l'eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d'eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle." Jean 4:7-14. MG 24 1 Quel grand intérêt le Christ manifesta envers cette femme solitaire! Combien sincères et éloquentes furent ses paroles! Quand la femme les entendit, elle laissa son pot à eau, alla au village et dit à ses amis: "Venez voir un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait; ne serait-ce point le Christ?" Nous lisons que "plusieurs Samaritains de cette ville crurent en Jésus". Versets 29, 39. Qui peut évaluer l'influence que ces paroles exercèrent pour le salut des âmes au cours des années qui se sont écoulées depuis ce jour? MG 24 2 Partout où des coeurs sont ouverts pour recevoir la vérité, le Christ est prêt à les instruire. Il leur révèle le Père et le service que peut accepter celui qui lit dans les coeurs. A ces personnes, Jésus ne parlait pas en paraboles. A elles, comme à la femme au bord du puits, il dit: "Je le suis, moi qui te parle." ------------------------Chapitre 2 -- Les jours de ministère MG 25 1 Dans un foyer de pêcheurs de Capernaüm, la belle-mère de Pierre, étendue sur son lit de malade, avait "une violente fièvre", et "on parla d'elle à Jésus". Le Seigneur "toucha sa main, et la fièvre la quitta". Elle se leva, et servit Jésus et ses disciples. Luc 4:38; Marc 1:30; Matthieu 8:15. MG 25 2 La nouvelle se répandit rapidement. Le miracle eut lieu un sabbat, et par peur des rabbins, le peuple n'osa pas venir pour être guéri avant le coucher du soleil. Alors, des maisons, des magasins, des marchés, les habitants de la cité se pressèrent vers l'humble demeure qui abritait Jésus. On amenait les malades couchés sur leurs grabats, appuyés sur leurs béquilles; ou, soutenus par des amis, ils titubaient faiblement en présence du Sauveur. MG 25 3 Heure après heure, ils venaient et repartaient. Car nul ne savait si demain le grand Médecin serait encore parmi eux. Jamais encore Capernaüm n'avait été témoin d'une journée comme celle-ci. L'air était rempli de voix triomphantes et de cris de délivrance. MG 25 4 Jésus ne cessa son oeuvre que lorsque le dernier malheureux eut été soulagé. La nuit était bien avancée quand la multitude s'éloigna et que le silence tomba sur la maison de Simon. Une fois terminée la longue journée mouvementée, Jésus chercha du repos. Tandis que la ville était endormie, "pendant qu'il faisait encore très sombre", le Sauveur "se leva, et sortit pour aller dans un lieu désert, où il pria". Marc 1:35. MG 26 1 Tôt le matin, Pierre et ses compagnons vinrent dire à Jésus que la foule de Capernaüm était à sa recherche. Ils furent surpris par la réponse du Christ. "Il faut aussi que j'annonce aux autres villes la bonne nouvelle du royaume de Dieu; car c'est pour cela que j'ai été envoyé." Luc 4:43. MG 26 2 Dans l'émoi envahissant Capernaüm résidait le danger que l'objet de sa mission soit perdu de vue. Jésus ne pouvait se contenter d'attirer l'attention sur lui-même en tant que thaumaturge ou guérisseur de maux physiques. Il cherchait à attirer les hommes à lui comme à leur Sauveur. Les gens étaient prêts à croire qu'il était venu en roi pour établir un royaume terrestre, mais Jésus désirait tourner leurs esprits du terrestre au spirituel. Un simple succès mondain gênerait son oeuvre. MG 26 3 L'admiration d'une foule frivole s'accordait mal à son tempérament. A sa vie ne se mêlait aucun égoïsme. L'hommage que le monde offre à la position, à la richesse ou au talent était étranger au Fils de l'homme. Jésus n'employa aucun moyen utilisé par les hommes pour obtenir l'allégeance ou l'hommage. Des siècles avant sa naissance, il avait été prophétisé à son sujet: "Il ne criera point, il n'élèvera point la voix, et ne la fera point entendre dans les rues. Il ne brisera point le roseau cassé, et il n'éteindra point la mèche qui brûle encore; il annoncera la justice selon la vérité." Ésaïe 42:2, 3. MG 26 4 Les pharisiens recherchaient les honneurs par leur ritualisme scrupuleux, l'ostentation de leur culte et leurs aumônes. Ils prouvaient leur zèle pour la religion en en faisant un thème de discussion. Les disputes entre des sectes opposées étaient longues et violentes. Dans les rues, il n'était pas rare d'entendre monter les voix irritées de sages docteurs de la loi engagés dans de vives controverses. MG 26 5 La vie de Jésus était en contraste marqué avec tout cela. Dans sa vie, pas de disputes bruyantes, pas de culte ostentatoire, aucun geste pour obtenir les applaudissements. Le Christ était caché en Dieu, et Dieu était révélé dans le caractère de son Fils. C'est vers cette révélation que Jésus désirait diriger l'esprit du peuple. MG 27 1 Le Soleil de justice n'éclata pas dans toute sa splendeur sur le monde pour aveugler les sens par son éclat. Au sujet du Christ, il est écrit: "Sa venue est aussi certaine que celle de l'aurore." Osée 6:3. La lumière de l'aube vient doucement, paisiblement sur la terre, dissipant les ténèbres et éveillant le monde à la vie. Ainsi se leva le Soleil de justice, ayant "la guérison ... sous ses ailes". Malachie 4:2. MG 27 2 Voici mon serviteur, que je soutiendrai, Mon élu, en qui mon âme prend plaisir. Ésaïe 42:1. MG 27 3 Tu as été un refuge pour le faible, Un refuge pour le malheureux dans la détresse, Un abri contre la tempête, Un ombrage contre la chaleur. Ésaïe 25:4. MG 27 4 Ainsi parle Dieu, l'Eternel, Qui a créé les cieux et qui les a déployés, Qui a étendu la terre et ses productions, Qui a donné la respiration à ceux qui la peuplent, Et le souffle à ceux qui y marchent. Moi, l'Eternel, je t'ai appelé pour le salut, Et je te prendrai par la main, Je te garderai, et je t'établirai pour traiter alliance avec le peuple, Pour être la lumière des nations, Pour ouvrir les yeux des aveugles, Pour faire sortir de prison le captif, Et de leur cachot ceux qui habitent dans les ténèbres. Ésaïe 42:5-7. MG 27 5 Je ferai marcher les aveugles sur un chemin qu'ils ne connaissent pas, Je les conduirai par des sentiers qu'ils ignorent; Je changerai devant eux les ténèbres en lumière, Et les endroits tortueux en plaine: Voilà ce que je ferai, et je ne les abandonnerai point. Verset 16. MG 28 1 Chantez à l'Eternel un cantique nouveau, Chantez ses louanges aux extrémités de la terre, Vous qui voguez sur la mer et vous qui la peuplez, Iles et habitants des îles! Que le désert et ses villes élèvent la voix! Que les villages occupés par Kédar élèvent la voix! Que les habitants des rochers tressaillent d'allégresse! Que du sommet des montagnes retentissent des cris de joie! Qu'on rende gloire à l'Eternel, Et que dans les îles on publie ses louanges! Versets 10-12. MG 28 2 Cieux, réjouissez-vous! car l'Eternel a agi; Profondeurs de la terre, retentissez d'allégresse! Montagnes, éclatez en cris de joie! Vous aussi, forêts, avec tous vos arbres! Car l'Eternel a racheté Jacob, Il a manifesté sa gloire en Israël. Ésaïe 44:23. MG 28 3 Depuis le donjon d'Hérode, désappointé et perplexe concernant l'oeuvre du Sauveur, Jean-Baptiste observait et attendait. Il envoya deux de ses disciples à Jésus avec ce message: MG 28 4 "Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre?" Matthieu 11:3. MG 28 5 Le Sauveur ne répondit pas immédiatement à la question des disciples. Tandis que ceux-ci attendaient, étonnés par le silence du Maître, les affligés venaient au Christ. La voix du grand Médecin pénétrait dans les oreilles des sourds. Un mot, un attouchement de sa main, ouvrait les yeux aveugles à la lumière du jour, aux paysages de la nature, aux visages de leurs amis et à celui de leur libérateur. Sa voix frappait les oreilles des mourants, et ils se levaient, remplis de santé et de force. Des démoniaques paralysés obéissaient à sa parole, leur folie les quittait, et ils l'adoraient. Les pauvres, paysans et ouvriers, méprisés par les rabbins qui les considéraient comme impurs, se groupaient autour de Jésus. Il leur disait les paroles de la vie éternelle. MG 29 1 Ainsi passa la journée. Les disciples de Jean virent et entendirent tout cela. Finalement, Jésus les appela à lui. Il les renvoya vers Jean pour lui dire ce qu'ils avaient vu et entendu, ajoutant: "Heureux celui pour qui je ne serai pas une occasion de chute!" Matthieu 11:6. Les disciples transmirent le message, et cela fut suffisant. MG 29 2 Jean se souvint de la prophétie concernant le Messie: "L'Eternel m'a oint pour porter de bonnes nouvelles aux malheureux; il m'a envoyé pour guérir ceux qui ont le coeur brisé, pour proclamer aux captifs la liberté, et aux prisonniers la délivrance; pour publier une année de grâce de l'Eternel..., pour consoler tous les affligés." Ésaïe 61:1, 2. Jésus de Nazareth était celui qui avait été promis. Les preuves de sa divinité étaient visibles dans son ministère en faveur d'une humanité souffrante. Sa gloire se manifestait dans sa condescendance pour notre humble condition. MG 29 3 Les oeuvres du Christ révèlent non seulement que Jésus est bien le Messie, mais aussi comment son royaume doit être établi. La vérité révélée à Elie dans le désert fut aussi révélée à Jean quand "il y eut un vent fort et violent qui déchirait les montagnes et brisait les rochers: l'Eternel n'était pas dans le vent. Et après le vent, ce fut un tremblement de terre: l'Eternel n'était pas dans le tremblement de terre. Et après le tremblement de terre, un feu: l'Eternel n'était pas dans le feu. Et après le feu, un murmure doux et léger." 1 Rois 19:11, 12. Jésus ne devait donc pas accomplir son oeuvre en renversant trônes et royaumes, ni par de pompeuses manifestations extérieures, mais en parlant aux coeurs des hommes par une vie de miséricorde et de renoncement. MG 29 4 Le royaume de Dieu ne vient pas par des manifestations extérieures. Il vient par la douce inspiration de sa Parole, par le travail intérieur de son Esprit, par la communion de l'âme avec le Christ qui est sa vie. La plus grande manifestation de sa puissance peut se constater quand la nature humaine est amenée à la perfection du caractère du Christ. MG 30 1 Les disciples du Christ doivent être la lumière du monde. Mais Dieu ne leur demande pas de faire un effort pour briller. Il n'approuve aucune tentative imbue de propre justice pour déployer une piété supérieure. Il désire que leur âme soit imprégnée des principes des cieux. Ensuite, quand ils sont en contact avec le monde, ils révèlent la lumière qui est en eux. Leur fidélité inébranlable dans chaque acte de leur vie sera un moyen d'illumination. MG 30 2 Richesse et position en vue, vêtements onéreux, édifices ou ameublement somptueux ne sont pas essentiels à l'avancement de l'oeuvre de Dieu; pas plus que les réussites applaudies par les hommes et n'encourageant que la vanité. Les manifestations mondaines, quelque imposantes qu'elles soient, n'ont aucune valeur aux yeux de Dieu. Plus que le visible et le temporel, il apprécie l'invisible et l'éternel. Les premiers n'ont de valeur que dans la mesure où ils représentent les seconds. Les oeuvres d'art les mieux choisies n'ont aucune beauté comparable à celle du caractère, lequel est le fruit de l'oeuvre du Saint-Esprit dans l'âme. MG 30 3 Quand Dieu donna son Fils à notre monde, il dota les êtres humains de richesses impérissables. Des richesses auprès desquelles les trésors des hommes, accumulés depuis le début du monde, ne sont que néant. Le Christ est venu sur la terre et s'est tenu au milieu des enfants des hommes chargé de tout l'amour accumulé dans l'éternité. Voilà le trésor, que nous pouvons recevoir par notre communion avec lui, pour le révéler, le donner. MG 30 4 Le dévouement consacré de l'ouvrier -- en révélant la puissance de la grâce du Christ pour transformer une vie -- sera la mesure de l'efficacité de l'effort humain dans l'oeuvre de Dieu. Nous devons être différents du monde parce que Dieu a placé son sceau sur nous, parce qu'il révèle en nous son propre caractère fondé sur l'amour. Notre rédempteur nous couvre de sa justice. MG 31 1 Quand il choisit hommes et femmes pour son service. Dieu ne se demande pas s'ils possèdent les richesses humaines, l'instruction ou l'éloquence. Il se demande: "Ontils une humilité telle que je puisse leur enseigner mes voies? Pourrai-je mettre mes paroles sur leurs lèvres? Me représenteront-ils?" MG 31 2 Dieu se sert de n'importe qui dans la mesure où il peut mettre son Esprit dans le temple de leur âme. L'oeuvre qu'il accepte est celle qui reflète son image. Les lettres de créance que ses disciples doivent présenter au monde, ce sont les caractéristiques indélébiles des immortels principes divins. Il prendra les agneaux dans ses bras MG 31 3 Tandis que Jésus oeuvrait dans les rues des villes, des mamans portant leurs petits, malades ou mourants, s'efforçaient de traverser la foule pour parvenir à attirer son attention. MG 31 4 Regardez ces mères, pâles, fatiguées, presque désespérées, mais pourtant décidées et persévérantes. Portant leur fardeau de souffrance, elles cherchent le Sauveur. Alors qu'elles sont repoussées par la foule houleuse, le Christ se fraye un chemin vers elles, pas à pas, jusqu'à ce qu'il soit à leurs côtés. L'espoir jaillit dans leur coeur. Quand elles obtiennent son attention et voient dans ses yeux tant de pitié et d'amour, des larmes de joie coulent de leurs yeux. MG 31 5 Distinguant l'une d'entre elles, le Sauveur l'invite à se confier en disant: "Que puis-je faire pour toi?" Elle exprime son grand besoin dans un sanglot: "Maître, que tu guérisses mon enfant." Le Christ prend le petit des bras de sa mère et la maladie s'enfuit sur-le-champ. La pâleur de la mort n'est plus. Le flot vivifiant coule dans les veines. Les muscles reçoivent de la force. Le Christ prononce des paroles de paix et de réconfort pour la mère. Puis un autre cas, tout aussi urgent, lui est présenté. Une fois de plus, le Christ met à contribution son pouvoir vivifiant. Tous rendent honneur et louanges à celui qui accomplit des faits si merveilleux. MG 32 1 Nous insistons beaucoup sur la grandeur de la vie du Christ. Nous parlons des oeuvres merveilleuses qu'il accomplit, des miracles qu'il fit, mais l'attention qu'il portait aux choses considérées comme insignifiantes est une preuve plus importante encore de sa grandeur. MG 32 2 Les Juifs avaient coutume d'amener les enfants auprès d'un rabbin pour qu'il les bénisse en leur imposant les mains. Mais les disciples pensaient que l'oeuvre du Sauveur était trop importante pour être interrompue de cette façon. Quand les mères vinrent à Jésus, désireuses de le voir bénir leurs tout-petits, les disciples considérèrent cela d'un mauvais oeil. Selon eux, ces enfants étaient trop jeunes pour qu'une rencontre avec Jésus leur soit bénéfique. Jésus n'apprécierait pas la présence de ces enfants, conclurent-ils. Mais le Sauveur comprit le souci de ces mères d'élever leurs enfants selon la volonté de Dieu. Il avait entendu leurs prières. Il les avait lui-même attirées en sa présence. MG 32 3 Une mère avec son enfant avait quitté son domicile pour rencontrer Jésus. En route, elle parla de sa quête à sa voisine. Celle-ci manifesta son désir de voir ses enfants bénis par Jésus. Ainsi, plusieurs mères vinrent ensemble, amenant leurs petits. Certains de ces enfants avaient dépassé l'âge de l'enfance et de l'adolescence. Quand elles firent connaître leur désir, Jésus reçut avec sympathie la demande faite timidement et avec émotion. Mais il attendit pour voir comment les disciples allaient les traiter. Quand il vit que ses amis, croyant lui rendre service, reprenaient ces mères et les renvoyaient, il leur montra leur erreur en disant: "Laissez venir à moi les petits enfants, et ne les en empêchez pas; car le royaume de Dieu est pour ceux qui leur ressemblent." Marc 10:14. Il prit les enfants dans ses bras, posa ses mains sur eux et leur donna la bénédiction pour laquelle ils étaient venus. MG 33 1 Les mères furent consolées. Elles rentrèrent chez elles réconfortées et bénies par les paroles du Christ. Elles furent encouragées à reprendre leurs fardeaux avec une nouvelle sérénité et à travailler avec espoir pour leurs enfants. MG 33 2 Si les scènes subséquentes de la vie de ce petit groupe pouvaient être révélées, nous verrions les mères rappelant à l'esprit de leurs enfants la scène de ce jour, leur répétant les paroles affectueuses du Sauveur. Nous verrions aussi combien de fois au cours des années le souvenir de ces paroles aida les enfants à rester dans le chemin marqué pour les rachetés du Seigneur. MG 33 3 Le Christ est aujourd'hui encore le même Sauveur rempli de compassion qui marchait autrefois parmi les hommes. Il vient tout aussi sûrement à l'aide des mères maintenant que lorsqu'il prenait les enfants de Judée dans ses bras. Les enfants de nos foyers ont été rachetés par son sang aussi bien que ceux d'antan. MG 33 4 Jésus connaît le fardeau de chaque coeur maternel. Celui dont la mère lutta contre les privations et la pauvreté sympathise avec chaque mère dans ses travaux. Il fit un long voyage pour soulager le coeur anxieux d'une femme cananéenne. Il agira de même pour les mères d'aujourd'hui. Celui qui rendit à la veuve de Naïn son fils unique, et qui dans son agonie sur la croix se souvint de sa propre mère, est touché aujourd'hui par les soucis d'une maman. Il la consolera et l'aidera, dans toutes ses peines et chacun de ses besoins. MG 34 1 Que les mères présentent leurs soucis à Jésus. Elles trouveront la grâce suffisante pour les aider à prendre soin de leurs enfants. Les portes sont ouvertes pour toute mère désireuse de déposer ses fardeaux aux pieds du Sauveur. Il a dit: "Laissez venir à moi les petits enfants, et ne les en empêchez pas" (Marc 10:14), et il invite encore les mères à lui présenter leurs petits pour qu'il les bénisse. MG 34 2 Dans les enfants qu'on lui présenta, Jésus voyait les hommes et les femmes pouvant être héritiers de sa grâce et sujets de son royaume. Certains d'entre eux subiraient le martyre en son nom. Il savait que ces enfants l'écouteraient et l'accepteraient comme leur Sauveur bien plus facilement que les gens plus âgés dont beaucoup étaient les sages de ce monde, mais avaient le coeur endurci. MG 34 3 Dans sa prédication, Jésus se mit au niveau de ces jeunes. La Majesté des cieux répondait à leurs questions et simplifiait ses importants enseignements pour être à la portée de leur compréhension enfantine. Il planta dans leur esprit la semence de la vérité qui lèverait et porterait des fruits pour la vie éternelle. MG 34 4 Quand Jésus dit à ses amis de ne pas empêcher les enfants de venir à lui, il parlait à ses disciples de tous les temps -- aux dirigeants d'églises, prédicateurs, assistants, et à tous les chrétiens. Jésus attire les enfants. Il nous prie: "Laissez-les venir à moi." C'est comme s'il disait: "Ils viendront si vous ne les en empêchez point." MG 34 5 Ne laissez pas votre caractère, si peu à l'image du Christ, donner une fausse image de lui. Que votre froideur et votre dureté n'éloignent pas les enfants de Jésus. Ne leur donnez pas l'impression que le ciel ne sera pas un endroit agréable si vous vous y trouvez. MG 34 6 Ne parlez pas de la religion comme d'un sujet incompréhensible pour les enfants. N'agissez pas comme si l'on n'attendait pas qu'ils acceptent le Christ dans leur enfance. Ne leur donnez pas la fausse impression que la religion du Christ est une religion triste et qu'en venant au Sauveur ils doivent abandonner tout ce qui rend la vie joyeuse. MG 35 1 Le Saint-Esprit agit sur le coeur des enfants. Coopérez avec lui. Dites aux enfants que le Sauveur les appelle, et que rien ne peut lui procurer une plus grande joie que de les voir se donner à lui à l'aurore et dans la fraîcheur de leur vie. Responsabilité des parents MG 35 2 Le Sauveur éprouve une tendresse infinie pour les âmes qu'il a rachetées par son sang. Elles sont les fruits de son amour. Il veille sur elles avec une attention indicible. Son coeur s'ouvre non seulement pour les plus attirants et les mieux élevés des enfants, mais aussi pour ceux qui par hérédité ou par négligence ont des traits de caractère discutables. Bien des parents ne comprennent pas à quel point ils sont responsables de ces défauts chez leurs enfants. Ils n'ont pas la tendresse et la sagesse voulues pour traiter les égarés, qu'ils ont fait ce qu'ils sont. Mais Jésus regarde ces enfants avec pitié. Il voit la cause et les effets. MG 35 3 L'ouvrier chrétien peut être l'agent du Christ pour ramener ces pauvres égarés et fautifs à leur Sauveur. Par la sagesse et le tact, il peut les lier à son coeur, leur donner courage et espoir, et par la grâce du Christ, il peut voir changer leur caractère jusqu'à ce que l'on puisse dire d'eux: "Le royaume de Dieu est pour ceux qui leur ressemblent." Cinq petits pains d'orge nourrissent une multitude MG 35 4 Tout le jour, la foule avait suivi Jésus et ses disciples pas à pas tandis qu'il enseignait le long de la mer. Ils avaient écouté ses paroles de grâce, si simples et si claires qu'elles étaient pour leur âme comme le baume de Galaad. Sa main divine avait procuré la guérison et la santé aux malades, et la vie aux mourants. La journée avait été pour eux comme le ciel sur la terre. Ils ne se rendaient pas compte du temps écoulé depuis qu'ils avaient mangé. MG 36 1 Le soleil se couchait à l'ouest, et cependant les gens s'attardaient encore. Les disciples vinrent finalement au Christ, insistant que pour son propre bien la multitude soit renvoyée. Plusieurs venaient de loin et n'avaient pas mangé depuis le matin. Ils pourraient trouver de la nourriture dans les villages voisins. Mais Jésus dit: "Donnez-leur vous-mêmes à manger." Matthieu 14:16. Puis, se tournant vers Philippe, il demanda: "Où achèterons-nous des pains, pour que ces gens aient à manger?" Jean 6:5. MG 36 2 Regardant cette mer de têtes, Philippe se dit qu'il était impossible de fournir de la nourriture pour une telle foule. Il répondit que même 200 deniers* ne suffiraient pas pour donner un peu de nourriture à chacun. MG 36 3 Jésus demanda quels aliments étaient disponibles parmi la foule. "Il y a ici un jeune garçon, dit André, qui a cinq pains d'orge et deux poissons; mais qu'est-ce que cela pour tant de gens?" Verset 9. Jésus demanda qu'on les lui apportât. Il dit aux disciples de faire asseoir les gens sur l'herbe. Quand ce fut fait, il prit les aliments, "et, levant les yeux vers le ciel, il rendit grâces. Puis, il rompit les pains et les donna aux disciples, qui les distribuèrent à la foule. Tous mangèrent et furent rassasiés, et l'on emporta douze paniers pleins des morceaux qui restaient." Matthieu 14:19, 20. MG 36 4 Le Christ nourrit la multitude par un miracle de la puissance divine. Et pourtant combien humble était la nourriture fournie. Seulement des poissons et des pains d'orge, l'alimentation de base des pêcheurs de Galilée. MG 36 5 Le Christ aurait pu convier ses auditeurs à un riche repas, mais des aliments préparés uniquement pour satisfaire l'appétit ne leur auraient rien appris pour leur bien. Par ce miracle, le Christ voulait enseigner une leçon de simplicité. Si les hommes aujourd'hui cultivaient des habitudes de simplicité, vivant en harmonie avec les lois de la nature, comme le faisaient au commencement Adam et Eve, il y aurait largement de quoi suffire aux besoins de la famille humaine. Mais l'égoïsme et l'assouvissement des appétits ont entraîné la misère et le péché, d'un côté par l'excès, de l'autre par le manque. MG 37 1 Jésus ne voulait pas attirer les gens à lui en flattant leur goût du luxe. Ce repas simple fut pour cette grande foule fatiguée et affamée après une longue journée impressionnante, à la fois une assurance de la puissance de Jésus, et de ses tendres soins dans les nécessités communes de la vie. Le Sauveur n'a pas promis aux siens le luxe du monde. Leur lot peut être dans la pauvreté. Mais il a donné sa parole que leurs besoins seraient satisfaits. Il a promis ce qui est meilleur que les biens terrestres, le réconfort de sa présence. MG 37 2 Quand tous eurent mangé, il resta de la nourriture en abondance. Jésus pria ses disciples de ramasser "les morceaux qui restent, afin que rien ne se perde". Jean 6:12. Ces paroles signifient davantage que simplement mettre les restes dans des paniers. Il y a là deux leçons. Rien ne doit se perdre. Nous ne devons laisser glisser entre nos doigts aucun avantage temporel et nous ne devons rien négliger de ce qui servirait au bien d'un être humain. Rassemblez tout ce qui peut soulager les besoins des affamés sur la terre. Le pain du ciel pouvant satisfaire les besoins de l'âme doit être réuni avec le même soin. Nous devons vivre de chaque parole de Dieu. Rien de ce que Dieu a dit ne doit être perdu. Nous ne devons pas négliger une seule des paroles qui concernent notre salut éternel. Pas un mot ne doit tomber à terre, sans but. MG 38 1 Le miracle des pains enseigne la dépendance envers Dieu -- quand le Christ nourrit les cinq mille hommes, les aliments n'étaient pas à la portée de sa main. Il n'avait apparemment aucun moyen à sa disposition. Et il était là, dans le désert, avec cinq mille hommes, sans compter les femmes et les enfants. Il n'avait pas non plus invité la multitude à le suivre. Avides d'être en sa présence, tous étaient venus sans être invités, ni appelés. Cependant, Jésus savait qu'après avoir écouté tout le jour ses instructions, ils étaient affamés et épuisés. Ils étaient loin de chez eux et la nuit tombait. Beaucoup d'entre eux n'avaient même pas d'argent pour acheter de la nourriture. Celui qui, pour eux, avait jeûné pendant quarante jours dans le désert, ne souffrirait pas qu'ils retournent chez eux à jeun. MG 38 2 La Providence divine avait placé Jésus où il se trouvait. Il dépendait de son Père pour recevoir les moyens de soulager les besoins. Lorsque nous sommes dans une situation difficile, nous devons nous fier à Dieu. En toute situation critique, nous devons chercher le secours auprès de celui qui dispose des ressources infinies. MG 38 3 Dans ce miracle, le Christ reçut du Père, transmit aux disciples qui donnèrent au peuple, et la foule se passa le pain de main en main. Ainsi, tous ceux qui sont unis au Christ recevront de lui le pain de vie, et le partageront avec d'autres. Les disciples du Christ sont les moyens de communication prévus entre le Christ et le peuple. MG 38 4 Quand les disciples entendirent l'ordre du Sauveur: "Donnez-leur vous-mêmes à manger", toutes sortes d'objections jaillirent à leur esprit. Ils demandèrent: "Irons-nous acheter des pains?" Mais qu'avait dit Jésus? "Donnez-leur vous-mêmes à manger." Les disciples apportèrent à Jésus tout ce qu'ils avaient. Il ne les invita pas à manger. Il leur demanda de servir le peuple. La nourriture se multipliait entre ses mains, et celles des disciples se tendant vers lui étaient sans cesse remplies. Les maigres provisions furent suffisantes pour tous. Quand la multitude eut été nourrie, les disciples mangèrent avec Jésus du précieux pain fourni par le ciel. MG 39 1 Combien de fois nos coeurs se serrent quand nous voyons les besoins des pauvres, des ignorants, des affligés. Nous nous demandons de quelle valeur sont nos faibles forces et nos maigres ressources pour suppléer à ces terribles besoins. Ne devrions-nous pas attendre quelqu'un de plus compétent pour diriger l'oeuvre, compter sur l'intervention d'une organisation quelconque? Mais le Christ a dit: "Donnez-leur vous-mêmes à manger." Servez-vous des moyens, du temps, des capacités dont vous disposez. Apportez à Jésus vos pains d'orge. MG 39 2 Si vos ressources sont insignifiantes pour nourrir des milliers de personnes, elles peuvent suffire pour une seule. Entre les mains du Christ, elles peuvent en nourrir bien davantage. Comme les disciples, donnez ce que vous avez. Le Christ multipliera le don. Il récompensera la simplicité et la bonne foi. Ce qui ne semblait qu'un maigre apport s'avèrera être un riche banquet. MG 39 3 "Celui qui sème peu moissonnera peu, et celui qui sème abondamment moissonnera abondamment. ... Dieu peut vous combler de toutes sortes de grâces, afin que, possédant toujours en toutes choses de quoi satisfaire à tous vos besoins, vous ayez encore en abondance pour toute bonne oeuvre, selon qu'il est écrit: MG 39 4 Il a fait des largesses, il a donné aux indigents; Sa justice subsiste à jamais. MG 39 5 "Celui qui fournit de la semence au semeur, et du pain pour sa nourriture, vous fournira et vous multipliera la semence, et il augmentera les fruits de votre justice. Vous serez de la sorte enrichis à tous égards pour toute espèce de libéralités." 2 Corinthiens 9:6-11. ------------------------Chapitre 3 -- Avec la nature et avec Dieu MG 40 1 La vie du Seigneur sur la terre fut une vie de communion avec la nature et avec Dieu. Par cette communion, il nous révéla le secret d'une vie remplie de puissance. MG 40 2 Jésus était un travailleur constant et consciencieux. Il n'y eut jamais parmi les hommes un être ayant autant de responsabilités. Personne n'a jamais porté un fardeau aussi lourd, fait de toutes les tristesses et de tous les péchés du monde. Jamais personne n'a peiné pour le bien des hommes avec autant de zèle et d'esprit de sacrifice. Cependant, il était en parfaite santé. L'agneau du sacrifice, "sans défaut et sans tache" (1 Pierre 1:19), le représentait tant physiquement que spirituellement. Il démontrait dans son corps comme dans son âme ce que Dieu avait projeté que soit toute l'humanité par l'obéissance à ses lois. MG 40 3 En contemplant Jésus, la foule voyait sur son visage la compassion divine alliée à la conscience de sa puissance. Il semblait être enveloppé d'une atmosphère de vie spirituelle. Bien que ses manières soient aimables et modestes, il impressionnait les hommes par une force qui, quoique latente, ne pouvait être complètement dissimulée. MG 40 4 Des hommes hypocrites et sournois qui en voulaient à sa vie le poursuivirent continuellement pendant son ministère. Des espions s'attachaient à ses pas, surveillant chacune de ses paroles pour pouvoir le prendre en faute. Les esprits les plus alertes et les plus cultivés de la nation cherchaient à triompher de lui par la controverse. Mais jamais ils ne purent avoir l'avantage. Ils devaient se retirer du combat, honteux et confondus par l'humble Maître de Galilée. Jamais auparavant on n'avait entendu un enseignement d'une fraîcheur et d'une force identiques à celles du Christ. Même ses ennemis avouèrent: "Jamais homme n'a parlé comme cet homme." Jean 7:46. MG 41 1 L'enfance de Jésus, passée dans la pauvreté, n'avait pas été corrompue par les habitudes artificielles d'une époque aux moeurs relâchées. Travaillant à l'établi du charpentier, portant les fardeaux de la vie familiale, apprenant les leçons de l'obéissance et du labeur, il trouvait son délassement dans les scènes de la nature, rassemblant des connaissances tandis qu'il cherchait à en comprendre les mystères. Il étudiait la Parole de Dieu. Ses heures de plus grand bonheur, il les trouvait quand il pouvait se détourner de son lieu de travail et partir dans les champs, méditant dans les vallées paisibles et maintenant la communion avec Dieu au flanc des montagnes ou parmi les arbres des forêts. Les premières heures du matin le trouvaient souvent dans un lieu écarté, méditant, sondant les Ecritures ou priant. Il saluait la lumière du matin par ses chants. Par ses hymnes d'action de grâces, il égayait ses heures de labeur et apportait la joie des cieux à ceux qui étaient épuisés et découragés par leurs durs labeurs. MG 41 2 Durant son ministère, Jésus vécut surtout à l'air libre. Il allait à pied de lieu en lieu. La plupart de ses enseignements furent donnés au grand air. Dans la formation de ses disciples, il délaissa souvent la confusion des villes pour la tranquillité des champs, comme étant davantage en harmonie avec les leçons de simplicité, de foi, d'abnégation qu'il désirait leur enseigner. C'est sous les arbres protecteurs, à flanc de colline, non loin de la mer de Galilée, que les douze furent appelés à l'apostolat et que fut prononcé le Sermon sur la montagne. MG 42 1 Le Christ aimait rassembler le peuple autour de lui sous le ciel bleu, au flanc d'un coteau herbeux, ou sur la plage, au bord du lac. Là, entouré des oeuvres de sa propre création, il pouvait tourner les pensées de ses auditeurs de l'artificiel au naturel. Les principes de son royaume étaient révélés dans la croissance et le développement de la nature. Les hommes pouvaient apprendre les précieuses leçons de la vérité divine en levant les yeux vers les collines, et y voir les oeuvres merveilleuses de la main de Dieu. Plus tard, les leçons du divin Maître leur seraient répétées par les choses de la nature. L'esprit serait élevé, et le coeur trouverait le repos. MG 42 2 Jésus libéra souvent, pour un temps, les disciples qui l'aidaient dans son oeuvre, afin qu'ils revoient leurs familles et se reposent. Mais leurs efforts pour le soustraire à son labeur furent vains. Tout le jour, il oeuvrait en faveur des foules qui venaient à lui, et au crépuscule, ou tôt le matin, il se rendait dans le sanctuaire des montagnes pour communier avec son Père. MG 42 3 Souvent, son activité incessante et le conflit contre l'inimitié des rabbins et leurs faux enseignements le laissaient si totalement épuisé que sa mère et ses frères, et même ses disciples, craignaient pour sa vie. Mais quand il revenait des heures de prière qui mettaient fin à la journée de dur labeur, ils notaient la paix sur son visage, la fraîcheur, la vie et la puissance qui semblaient rayonner de tout son être. Il passait des heures seul avec son Père et en revenait, un matin après l'autre, pour porter aux hommes la lumière du ciel. MG 42 4 Lorsqu'ils revinrent après leur premier voyage missionnaire, les disciples de Jésus furent invités ainsi par leur Maître: "Venez ... et reposez-vous un peu." Ils venaient de rentrer, remplis de la joie de leurs succès comme héraults de l'Evangile, quand leur parvint la nouvelle de la mort de Jean-Baptiste, exécuté par Hérode. La tristesse et la déception étaient amères. Jésus savait qu'en laissant le Baptiste mourir en prison, il avait sévèrement mis à l'épreuve la foi de ses disciples. Il regardait leurs visages empreints de tristesse et de larmes avec une tendre pitié. Il y avait des larmes dans ses yeux et sa voix lorsqu'il dit: "Venez à l'écart dans un lieu désert, et reposez-vous un peu." Marc 6:31. MG 43 1 Près de Bethsaïda, à l'extrémité nord de la mer de Galilée, s'étendait une région isolée, belle de la fraîche verdure du printemps, où Jésus et les disciples pouvaient trouver une retraite bienvenue. Ils traversèrent le lac sur leur bateau, se dirigeant vers ce lieu. Là, loin du bruit de la multitude, ils pouvaient se reposer. Là, les disciples pouvaient écouter les paroles du Christ sans être dérangés par les réparties et les accusations des pharisiens. Là, ils pouvaient espérer jouir d'une courte période d'intimité avec leur Seigneur. MG 43 2 Jésus n'eut que quelques moments à passer seul avec ses bien-aimés, mais combien ils leur furent précieux. Ils parlèrent ensemble de l'oeuvre de l'Evangile et de la possibilité de rendre plus efficaces leurs efforts pour atteindre le peuple. Tandis que Jésus ouvrait pour eux les trésors de la vérité, ses disciples furent revivifiés par la puissance divine et remplis d'espoir et de courage. MG 43 3 Mais bientôt la multitude le chercha à nouveau. Supposant qu'il s'était retiré dans son lieu habituel, le peuple le suivit. Son espoir d'obtenir une heure de repos fut déçu. Mais au fond de son coeur pur et rempli de compassion, le bon Berger des brebis ne ressentait que de l'amour et de la pitié pour ces âmes agitées et assoiffées. Tout le jour, il s'occupa de leurs besoins, et le soir, il les dispersa pour qu'ils retournent chez eux et se reposent. MG 43 4 Dans une vie entièrement consacrée au bien des autres, le Sauveur trouva nécessaire de se détourner d'une activité incessante et du contact avec les besoins des hommes, pour trouver la solitude et une communion ininterrompue avec son Père. Quand la foule qui l'avait suivi s'éloigna, il partit dans la montagne et là, seul avec Dieu, il répandit son âme en prière pour ces personnes souffrantes, pécheresses et nécessiteuses. MG 44 1 Quand Jésus dit à ses disciples que la moisson était grande et qu'il y avait peu d'ouvriers, il ne les accabla pas de la nécessité d'un labeur incessant, mais leur ordonna de prier "le maître de la moisson d'envoyer des ouvriers dans sa moisson". Matthieu 9:38. Aujourd'hui également, le Seigneur adresse à ses ouvriers fatigués les paroles prononcées à l'intention de ses premiers disciples: "Venez à l'écart..., et reposez-vous un peu." MG 44 2 Tous ceux qui sont à l'école de Dieu ont besoin d'heures paisibles de communion avec leur propre coeur, avec la nature et avec Dieu. En eux doit être révélée une vie qui n'est pas en harmonie avec le monde, ses coutumes et ses pratiques. Ils ont besoin d'une expérience personnelle pour acquérir la connaissance de la volonté de Dieu. Nous devons individuellement l'entendre parler au coeur. Quand toute autre voix a été étouffée, et que dans la tranquillité nous demeurons devant lui, le silence rend plus distincte la voix de Dieu. Il nous commande: "Arrêtez, et sachez que je suis Dieu." Psaumes 46:11. Voilà la préparation efficace à toute action pour Dieu. Au milieu des foules pressées et du courant des activités intenses de la vie, celui qui est ainsi rafraîchi sera enveloppé d'une atmosphère de lumière et de paix. Il recevra un nouveau don de forces physiques et mentales. Sa vie exhalera un parfum et révélera une puissance divine qui atteindra les coeurs des hommes. ------------------------Chapitre 4 -- L'attouchement de la foi MG 45 1 "Si je puis seulement toucher son vêtement, je serai guérie." Matthieu 9:21. Ce fut une pauvre femme qui prononça ces paroles. Depuis douze ans, elle souffrait d'une maladie qui avait fait de sa vie un fardeau. Médecins et médicaments avaient absorbé tous ses biens. Mais on l'avait déclarée incurable. Quand elle entendit parler du grand Médecin, elle reprit espoir. Elle se disait: Si je peux seulement m'approcher suffisamment de lui pour pouvoir lui parler, je serai guérie. MG 45 2 Le Christ était en route vers la maison de Jaïrus, le rabbin juif qui lui avait demandé de venir guérir sa fille. L'appel venu d'un coeur brisé: "Ma petite fille est à l'extrémité; viens, impose-lui les mains, afin qu'elle soit sauvée et qu'elle vive" (Marc 5:23), avait touché le coeur tendre et plein de sympathie du Christ. Il se mit en route sur-le-champ avec le chef pour sa maison. MG 45 3 Ils avançaient lentement, car la foule se pressait de tous côtés contre le Christ. En se frayant un chemin à travers la multitude, le Sauveur s'approcha de l'endroit où se tenait la pauvre femme affligée. A maintes reprises, elle avait essayé de s'approcher de lui. En vain. Mais l'occasion se présentait maintenant à elle. Elle ne voyait aucun moyen de lui parler. Elle n'essayerait pas de freiner sa lente progression. MG 45 4 Elle avait entendu dire que l'on pouvait être guéri seulement en touchant ses vêtements. Craignant de manquer sa seule chance de guérison, elle se lança en avant, en se disant: "Si je puis seulement toucher son vêtement, je serai guérie." MG 46 1 Elle se poussa encore en avant et réussit, quand Jésus passa, à effleurer le bord de son vêtement. Sur-le-champ, elle sut qu'elle était guérie. Elle avait mis toute la foi de sa vie en cet unique attouchement. Instantanément, ses souffrances et sa faiblesse disparurent. Elle ressentit à l'instant même un frémissement, comme si un courant électrique passait dans chaque fibre de son être. Puis elle ressentit une sensation de santé parfaite. "Elle sentit dans son corps qu'elle était guérie de son mal." Verset 29. MG 46 2 La femme voulait exprimer sa gratitude et ses remerciements au grand Médecin. Il avait fait plus pour elle en un seul attouchement que les médecins en douze longues années. Mais elle n'osa pas. Le coeur rempli de reconnaissance, elle essaya de s'éloigner de la foule. Mais Jésus s'arrêta brusquement et, regardant autour de lui, il demanda: "Qui m'a touché?" MG 46 3 Etonné, Pierre répondit: "Maître, la foule t'entoure et te presse, et tu dis: Qui m'a touché?" Luc 8:45. MG 46 4 "Quelqu'un m'a touché, dit Jésus, car j'ai connu qu'une force était sortie de moi." Verset 46. Il faisait la distinction entre l'attouchement de la foi et celui, accidentel, d'une foule insouciante. Quelqu'un l'avait touché dans un but précis et avait obtenu une réponse. MG 46 5 Le Christ ne posa pas la question pour s'informer. Il avait une leçon à donner au peuple, à ses disciples et à la femme. Il voulait inspirer l'espoir aux affligés. Il souhaitait montrer que la foi avait permis l'action de la puissance guérissante. La confiance de la femme ne devait pas passer sans commentaire. Dieu devait être glorifié par sa confession reconnaissante. Le Christ approuvait son acte de foi et il désirait qu'elle le sache. Il ne voulait pas qu'elle parte avec une demi-bénédiction. Elle ne devait pas ignorer que le Christ connaissait sa souffrance, qu'il l'aimait avec compassion, et approuvait sa foi dans sa capacité de sauver complètement tous ceux qui viennent à lui. MG 47 1 Se tournant vers la femme, le Christ insista pour savoir qui l'avait touché. Voyant qu'il était vain de se cacher, elle s'avança en tremblant et se jeta à ses pieds. Avec des larmes de reconnaissance, elle lui dit devant tout le monde pourquoi elle avait touché son vêtement, et comment elle avait été immédiatement guérie. Elle craignait que de l'avoir touché ait été un geste présomptueux. Mais aucun reproche ne tomba des lèvres du Christ. Il ne prononça que des paroles d'approbation. Elles venaient d'un coeur aimant, rempli de sympathie pour la misère humaine. "Ma fille, dit-il gentiment, ta foi t'a sauvée; va en paix." Verset 48. Combien ces paroles étaient douces et encourageantes! Maintenant, aucune crainte d'avoir offensé Jésus ne ternissait sa joie. MG 47 2 La foule curieuse qui se pressait autour de Jésus ne reçut aucune force vitale. Mais la femme souffrante qui le toucha avec foi obtint la guérison. De même, dans la vie spirituelle, le contact occasionnel diffère de l'attouchement de la foi. Croire en Christ simplement comme Sauveur du monde n'apportera jamais la guérison de l'âme. La foi qui conduit au salut n'est pas un simple acquiescement à la vérité de l'Evangile. La vraie foi est celle qui reçoit le Christ comme Sauveur personnel. Dieu a donné son Fils unique pour que moi, en croyant en lui, je ne périsse point mais que j'aie la vie éternelle. Voir Jean 3:16. Quand, selon sa Parole, je viens au Christ, je dois croire que je reçois sa grâce salvatrice. La vie que je mène maintenant, je dois la vivre "dans la foi au Fils de Dieu, qui m'a aimé et qui s'est livré lui-même pour moi". Galates 2:20. MG 47 3 Beaucoup tiennent la foi pour une opinion. La foi salvatrice est une transaction par laquelle ceux qui acceptent le Christ se lient eux-mêmes par une alliance avec Dieu. Une foi vivante signifie une vigueur croissante, un espoir confiant, par lesquels, au moyen de la grâce du Christ, l'âme devient une puissance conquérante. MG 48 1 La foi est un conquérant plus puissant que la mort. Si nous pouvons inciter un malade à fixer avec foi son regard sur le grand Médecin, nous verrons des résultats merveilleux. La vie sera impartie au corps comme à l'âme. MG 48 2 Quand vous travaillez en faveur des victimes d'habitudes néfastes, au lieu de leur montrer le désespoir et la ruine vers lesquels ils se dirigent, tournez leurs yeux vers Jésus. Attachez leurs regards aux gloires célestes. Cela aura un meilleur effet pour le salut du corps et de l'âme que de rappeler sans cesse aux faibles et aux sans espoir, en apparence, toutes les terreurs de la tombe. "Il nous a sauvés..., selon sa miséricorde" MG 48 3 Le serviteur d'un centenier était couché, souffrant de paralysie. Chez les Romains, les serviteurs étaient des esclaves vendus et achetés sur la place du marché. Ils étaient souvent maltraités avec cruauté. Cependant, le centenier était très attaché à son serviteur. Il désirait ardemment sa guérison. Il croyait que Jésus pouvait le guérir. Il n'avait jamais vu le Sauveur, mais les rapports reçus avaient fait naître la foi en lui. En dépit du formalisme des Juifs, ce Romain était convaincu de la supériorité de leur religion sur la sienne. Il avait déjà renversé la barrière des préjugés nationaux et de la haine qui séparait les conquérants du peuple conquis. Il avait manifesté du respect pour le service de Dieu et avait fait preuve de bonté envers les Juifs, ses adorateurs. Dans les enseignements du Christ, tels qu'on les lui avait rapportés, il trouva de quoi satisfaire les besoins de l'âme. Tout ce qui était spirituel en lui répondait aux paroles du Sauveur. Mais il se jugeait indigne d'aborder lui-même Jésus. Il demanda aux chefs juifs de présenter la requête pour la guérison de son serviteur. MG 49 1 Les anciens présentèrent le cas à Jésus, insistant sur le fait qu'il méritait que le Maître lui prêtât une oreille favorable, "car, dirent-ils, il aime notre nation, et c'est lui qui a bâti notre synagogue". Luc 7:4, 5. MG 49 2 Cependant, tandis qu'il se dirigeait vers la maison du centenier, Jésus reçut un message de l'officier lui-même: "Seigneur, ne prends pas tant de peine; car je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit." Verset 6. MG 49 3 Le Sauveur poursuivit son chemin. Le centenier vint en personne achever son message, disant: "Je ne me suis pas cru digne d'aller en personne vers toi." "Mais dis seulement un mot, et mon serviteur sera guéri. Car, moi qui suis soumis à des supérieurs, j'ai des soldats sous mes ordres; et je dis à l'un: Va! et il va; à l'autre: Viens! et il vient; et à mon serviteur: Fais cela! et il le fait." Verset 7; Matthieu 8:8, 9. MG 49 4 "Je représente la puissance de Rome, et mes soldats reconnaissent mon autorité comme suprême. Ainsi toi, représentes-tu le pouvoir du Dieu infini, et toutes créatures obéissent à ta Parole. Tu peux ordonner à la maladie de s'éloigner. Dis un mot, et mon serviteur sera guéri." MG 49 5 "Va, qu'il te soit fait selon ta foi", dit Jésus. "Et à l'heure même le serviteur fut guéri." Verset 13. MG 49 6 Les chefs juifs avaient recommandé le centenier au Christ à cause des faveurs manifestées envers "notre nation". Il est digne, disaient-ils, parce qu'il "a construit notre synagogue". Mais le centenier disait de lui-même: "Je ne suis pas digne." Il ne craignait pas de demander de l'aide à Jésus. Il ne comptait pas sur sa propre bonté, mais sur la miséricorde du Sauveur. Son seul argument était son grand besoin. MG 50 1 Tout être humain peut venir au Christ de la même façon. "Il nous a sauvés, non à cause des oeuvres de justice que nous aurions faites, mais selon sa miséricorde." Tite 3:5. Croyez-vous que vous ne pouvez espérer recevoir la bénédiction de Dieu parce que vous êtes pécheur? Souvenez-vous que le Christ vint sur la terre pour sauver les pécheurs. Nous n'avons rien pour nous recommander à Dieu. L'argument sur lequel nous pouvons compter maintenant et toujours, c'est notre condition d'impuissance totale, qui fait de sa puissance rédemptrice une nécessité. Renonçant totalement à compter sur nous-mêmes, nous devons regarder à la croix du Calvaire et dire: Dans mes mains je n'ai rien apporté, MG 50 2 Mais à ta croix je veux m'attacher. MG 50 3 "Si tu peux! ... Tout est possible à celui qui croit." Marc 9:23. La foi nous relie aux cieux et nous communique la force pour tenir tête aux puissances des ténèbres. En Christ, Dieu a pourvu aux moyens nécessaires pour subjuguer chaque défaut et résister à toute tentation, quelque forte qu'elle soit. Mais beaucoup pensent qu'ils manquent de foi et de ce fait, ils demeurent loin du Christ. Que ces âmes, dans leur indignité sans ressource, s'abandonnent à la miséricorde de leur Sauveur compatissant. Ne regardez pas à vous-mêmes, mais au Christ. Celui qui guérissait les malades et chassait les démons quand il était parmi les hommes, est toujours le même puissant Rédempteur. Saisissez ses promesses comme des feuilles de l'arbre de vie: "Je ne mettrai pas dehors celui qui vient à moi." Jean 6:37. En venant à lui, croyez qu'il vous accepte parce qu'il l'a promis. Vous ne périrez pas si vous agissez ainsi. MG 50 4 "Dieu prouve son amour envers nous, en ce que, lorsque nous étions encore des pécheurs, Christ est mort pour nous." Romains 5:8. MG 51 1 "Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous? Lui, qui n'a point épargné son propre Fils, mais qui l'a livré pour nous tous, comment ne nous donnera-t-il pas aussi toutes choses avec lui?" Romains 8:31, 32. MG 51 2 "Car j'ai l'assurance que ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni les choses présentes ni les choses à venir, ni les puissances, ni la hauteur ni la profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ notre Seigneur." Versets 38, 39. "Tu peux me rendre pur" MG 51 3 Le plus redoutable des fléaux connus en Orient était la lèpre. Son caractère incurable et contagieux, et ses effets horribles sur ses victimes remplissaient les plus braves de terreur. Les Juifs la considéraient comme un châtiment du péché, et à cause de cela, on l'appelait "le coup", ou "le doigt de Dieu". Vivace, indestructible, mortelle, la lèpre était considérée comme un symbole du péché. MG 51 4 La loi rituelle déclarait impur le lépreux. Tout ce qu'il touchait était impur. L'air était pollué par son souffle. Il était chassé des lieux habités comme s'il était déjà mort. Une personne soupçonnée d'avoir contracté la maladie devait se présenter aux prêtres, qui l'examinaient et décidaient de son cas. S'il était déclaré lépreux, il était séparé de sa famille, coupé de la congrégation d'Israël, et condamné à s'associer avec ceux qui souffraient de la même maladie. Ni rois, ni chefs n'étaient exempts. Un monarque atteint de la terrible maladie devait renoncer au sceptre et fuir la société. MG 51 5 Le lépreux devait porter la malédiction de sa maladie loin de ses amis et de sa famille. Il était obligé d'annoncer son propre malheur, de déchirer ses vêtements et de sonner l'alarme, avertissant tout le monde de fuir sa présence contagieuse. Le cri "Impur! Impur!" lancé d'une voix morne par l'exilé solitaire était un signal entendu avec crainte et horreur. MG 52 1 Nombre de ces malades vivaient dans la région où le Christ exerçait son ministère. Quand les nouvelles concernant son oeuvre les atteignirent, la foi commença à naître dans le coeur de l'un d'entre eux. S'il pouvait aller jusqu'à Jésus, il pourrait être guéri. Mais comment trouver Jésus? Condamné à un isolement perpétuel, comme il l'est, comment se présenter au Médecin? Jésus le guérirait-il? Ne prononcerait-il pas contre contre lui une malédiction, l'avertissant de fuir loin des lieux fréquentés par les hommes, comme le faisaient les pharisiens et mêmes les médecins? MG 52 2 Il pense à tout ce qu'il a entendu dire de Jésus. Nul être lui ayant demandé assistance n'a été renvoyé. L'infortuné décide d'aller trouver le Sauveur. Les villes lui sont interdites, mais il peut peut-être croiser son chemin sur quelque sentier, le long des routes de montagne, ou le trouver tandis qu'il enseigne hors des villes. Les difficultés sont grandes, mais c'est son seul espoir. MG 52 3 Se tenant à l'écart, le lépreux capte quelques-unes des paroles de Jésus. Il le voit imposer les mains aux malades. Il voit les muets, les aveugles, les paralysés, ceux qui mouraient de maladies diverses, se lever en pleine santé, louant Dieu pour leur délivrance. Sa foi se fortifie. Il s'approche de plus en plus de la foule des auditeurs. Il oublie tout, les restrictions imposées, la sécurité de ses semblables, la crainte avec laquelle on le regarde. Il pense uniquement à l'espoir infini de la guérison. MG 52 4 Il offre un spectacle repoussant. La maladie a fait des ravages effrayants. Son corps décomposé est horrible à regarder. A sa vue, les gens reculent. Dans leur terreur, ils marchent les uns sur les autres pour échapper à son contact. Quelques-uns essaient, mais en vain, de l'empêcher de s'approcher de Jésus. Il ne les voit ni ne les entend. Il ne voit pas leur expression d'horreur. Il ne voit que le Fils de Dieu, il n'entend que la voix qui parle de vie aux mourants. MG 53 1 S'approchant de Jésus, il se jette à ses pieds en criant: "Si tu le veux, tu peux me rendre pur." MG 53 2 Jésus répond: "Je le veux, sois pur" en étendant sa main et en le touchant. Matthieu 8:2, 3. MG 53 3 Immédiatement, un changement se manifeste chez le lépreux. Son sang redevient pur, ses nerfs sensibles, ses muscles fermes. Les plaques calleuses, anormalement blanches, bien particulières à la lèpre, disparaissent. Sa chair redevient comme celle d'un petit enfant. MG 53 4 Si les prêtres apprenaient les faits concernant la guérison du lépreux, leur haine pour le Christ pouvait les conduire à rendre un jugement malhonnête. Jésus voulut qu'une décision impartiale soit prononcée. C'est pourquoi il recommanda à l'homme de ne parler à personne de sa guérison, mais de se présenter lui-même sans délai au temple avec une offrande, avant qu'aucune rumeur du miracle ne se soit répandue. Avant d'accepter une telle offrande, les prêtres étaient tenus d'examiner le donateur et de certifier de sa guérison complète. MG 53 5 L'examen eut lieu. Les prêtres qui avaient condamné le lépreux au bannissement témoignèrent de sa guérison. L'homme régénéré put rentrer à son foyer et dans la société. Il ressentit le précieux bienfait de la santé. Il se réjouit dans la vigueur de sa virilité et rendit grâces pour avoir retrouvé sa famille. En dépit de l'avertissement de Jésus, il ne put cacher plus longtemps les circonstances de sa guérison. Joyeusement, il alla partout proclamer la puissance de celui qui l'avait guéri. MG 53 6 Quand cet homme vint à Jésus, il était couvert de lèpre. Le poison mortel avait pénétré tout son corps. Les disciples cherchèrent à empêcher leur Maître de le toucher. Car quiconque touchait un lépreux devenait lui-même impur. Mais en posant ses mains sur le lépreux, le Christ ne fut atteint d'aucune souillure. La lèpre fut purifiée. Ainsi en est-il de la lèpre du péché. Elle est vivace, mortelle. Le pouvoir humain est incapable de la purifier. "La tête entière est malade, et tout le coeur est souffrant. De la plante du pied jusqu'à la tête, rien n'est en bon état: Ce ne sont que blessures, contusions et plaies vives." Ésaïe 1:5, 6. Mais Jésus, venu habiter parmi les hommes, ne fut pas contaminé. Sa présence était une vertu guérissante pour le pécheur. Quiconque tombera à ses pieds en disant avec foi: "Seigneur, si tu le veux, tu peux me rendre pur" entendra la réponse: "Je le veux, sois pur." MG 54 1 Dans certaines guérisons, Jésus n'accorda pas immédiatement la bénédiction demandée. Mais pour la lèpre, l'appel aussitôt formulé recevait une réponse. Quand nous prions pour des bénédictions terrestres, la réponse à notre prière peut être retardée. Ou alors, Dieu peut nous donner autre chose que ce que nous avons demandé. Mais ce n'est pas le cas quand nous demandons à être délivrés du péché. Sa volonté est de nous en purifier, de faire de nous ses enfants, et de nous rendre capables de mener une vie sainte. Le Christ "s'est donné lui-même pour nos péchés, afin de nous arracher du présent siècle mauvais, selon la volonté de notre Dieu et Père". Galates 1:4. "Nous avons auprès de lui cette assurance, que si nous demandons quelque chose selon sa volonté, il nous écoute. Et si nous savons qu'il nous écoute, quelque chose que nous demandions, nous savons que nous possédons la chose que nous lui avons demandée." 1 Jean 5:14, 15. MG 54 2 Jésus se penchait sur ceux qui étaient accablés, en détresse, ceux dont les espoirs s'étaient évanouis, et qui cherchaient à étancher la soif de leurs âmes par les joies terrestres, et il les invitait tous à trouver le repos en lui. "Vous trouverez du repos" MG 55 1 Tendrement, il disait à ceux qui étaient las: "Prenez mon joug sur vous et recevez mes instructions, car je suis doux et humble de coeur; et vous trouverez du repos pour vos âmes." Matthieu 11:29. MG 55 2 Par ces paroles, le Christ s'adressait à tout être humain. Qu'ils le sachent ou non, tous sont fatigués et chargés. Tous sont écrasés par des fardeaux que le Christ seul peut ôter. Le plus lourd de ces fardeaux dont nous sommes chargés, c'est celui du péché. Si nous devions le porter, il nous écra"-L'Eternel a fait retomber sur lui l'iniquité de nous tous." serait. Mais celui qui est sans péché a pris notre place. Ésaïe 53:6. MG 55 3 Il a porté le fardeau de notre culpabilité. Il soulèvera le fardeau de nos épaules fatiguées. Il nous donnera le repos. Il portera aussi le poids de nos peines et de nos inquiétudes. Il nous invite à déposer sur lui tous nos soucis, car il nous porte sur son coeur. MG 55 4 Notre Frère aîné se tient près du trône éternel. Il se penche sur chaque âme qui se tourne vers lui comme vers son Sauveur. Il connaît par expérience les faiblesses de l'humanité, ses désirs, et en quoi consiste la puissance des tentations. Car il fut "tenté comme nous en toutes choses, sans commettre de péché". Hébreux 4:15. Enfant de Dieu tremblant, il veille sur vous. Etes-vous tenté? Il vous délivrera. Etes-vous faible? Il vous fortifiera. Etes-vous ignorant? Il vous illuminera. Etes-vous blessé? Il vous guérira. Le Seigneur "compte le nombre des étoiles", et cependant "il guérit ceux qui ont le coeur brisé". Psaumes 147:4, 3. MG 55 5 Quelles que soient votre anxiété et vos épreuves, présentez votre cas devant le Seigneur. Votre esprit sera fortifié par l'endurance. La voie sera ouverte devant vous pour que vous soyez délivré de vos embarras et de vos difficultés. Plus vous vous reconnaîtrez faible et abandonné, plus vous deviendrez fort de sa force. Plus lourds sont les fardeaux, plus grand sera le repos si vous les remettez à celui qui s'offre à les porter pour vous. MG 56 1 Les circonstances peuvent séparer les amis. Les flots inquiets de l'océan peuvent s'agiter entre eux et nous. Mais aucune circonstance, aucune distance, ne peut nous séparer de notre Saveur. Où que nous soyons, il est à notre droite pour nous soutenir, nous porter, nous encourager. L'amour du Christ pour ses rachetés est plus grand que celui d'une mère pour son enfant. Notre privilège est de demeurer dans son amour et de dire: "Je me confierai en lui, car il a donné sa vie pour moi." MG 56 2 L'amour humain peut varier, mais celui du Christ ne connaît aucun changement. Quand nous faisons monter vers lui notre appel à l'aide, il tend la main pour nous sauver. MG 56 3 Quand les montagnes s'éloigneraient, Quand les collines chancelleraient, Mon amour ne s'éloignera point de toi, Et mon alliance de paix ne chancellera point, Dit l'Eternel, qui a compassion de toi. Ésaïe 54:10. ------------------------Chapitre 5 -- La guérison de l'âme MG 57 1 Beaucoup de ceux qui vinrent au Christ pour trouver de l'aide étaient responsables de leurs maux. Cependant, il ne refusa pas de les soigner. Quand la puissance du Christ pénétrait dans ces âmes, elles étaient convaincues de péché. Plusieurs furent guéries de leurs maladies spirituelles autant que de leurs maux physiques. MG 57 2 Parmi elles se trouvait le paralytique de Capernaüm. Comme le lépreux, ce paralytique avait perdu tout espoir de guérison. Sa maladie était le résultat d'une vie de péché, et le remords venait aggraver ses souffrances. En vain avait-il fait appel aux pharisiens et aux médecins pour obtenir un soulagement. Ils l'avaient déclaré incurable. Ils le dénonçaient comme pécheur et affirmaient qu'il mourrait de la colère de Dieu. MG 57 3 L'infirme avait sombré dans le désespoir. C'est alors qu'il entendit parler de l'oeuvre de Jésus. D'autres, aussi pécheurs et aussi désespérés que lui, avaient été guéris. Cela l'encouragea à croire que, lui aussi, il pourrait être guéri s'il était transporté jusqu'au Sauveur. Son espoir s'évanouit quand il se souvint de la cause de sa maladie, mais il ne pouvait rejeter la possibilité de guérison. MG 57 4 Il désirait surtout être délivré du fardeau du péché. Il désirait profondément voir Jésus, obtenir l'assurance du pardon, et faire la paix avec les cieux. Alors, il serait prêt à vivre ou à mourir, selon la volonté de Dieu. MG 57 5 Il n'y avait plus de temps à perdre. Déjà, sa chair dévastée portait les stigmates de la mort. Il implora ses amis de le transporter dans son lit jusqu'à Jésus, ce qu'ils acceptèrent de faire avec plaisir. Mais la foule était si dense, autant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la maison où se tenait Jésus, que le malade et ses amis étaient dans l'impossibilité de le rejoindre, ou même d'approcher à portée de sa voix. Jésus enseignait dans la maison de Pierre. Conformément à leur habitude, les disciples se tenaient tout près de lui. "Des pharisiens et des docteurs de la loi étaient là assis, venus de tous les villages de la Galilée, de la Judée et de Jérusalem." Luc 5:17. Plusieurs d'entre eux étaient venus en espions, cherchant une accusation contre Jésus. Derrière ceux-là s'entassait la foule hétérogène, les passionnés, les respectueux, les curieux et les incrédules. Toutes les classes de la société et diverses nationalités étaient représentées. "La puissance du Seigneur se manifestait par des guérisons." Verset 17. L'Esprit de vie se mouvait au-dessus de la foule, mais les pharisiens et les docteurs ne discernaient pas sa présence. Ils ne ressentaient aucun besoin d'aide, et la guérison n'était pas pour eux. "Il a rassasié de biens les affamés, et il a renvoyé les riches à vide." Luc 1:53. MG 58 1 Les porteurs du paralytique essayèrent à plusieurs reprises de repousser la foule pour passer, mais en vain. Le malade regardait autour de lui, étreint par une angoisse inexprimable. Comment pourrait-il abandonner tout espoir, quand l'aide tant désirée était si proche? Il suggéra à ses amis de le porter sur le toit de la maison. Ils le firent, percèrent le toit et le descendirent auprès de Jésus. MG 58 2 Le discours fut interrompu. Le Sauveur regarda l'expression abattue du visage et vit les yeux implorants fixés sur lui. Il connaissait bien le désir ardent de cette âme accablée. C'est le Christ qui avait fait naître la conviction dans sa conscience, alors que l'homme était encore chez lui. Quand il s'était repenti de ses péchés et avait cru en la puissance de Jésus pour le relever, la miséricorde du Sauveur avait béni son coeur. Jésus avait vu les premières lueurs de la foi grandir jusqu'à la conviction que le Seigneur était le seul recours du pécheur. Il l'avait vue se fortifier avec chaque effort fait pour venir en sa présence. Le Christ avait attiré à lui le malade. Maintenant, avec des mots doux comme une musique pour les oreilles de l'auditeur, le Sauveur ajoute: "Prends courage, mon enfant, tes péchés sont pardonnés." Matthieu 9:2. MG 59 1 Le fardeau de la culpabilité tombe de l'âme de l'homme malade. Il ne peut douter. Les paroles du Christ révèlent sa capacité de lire dans le coeur. Qui peut nier son pouvoir de pardonner les péchés? L'espoir remplace le désespoir, et la joie, la tristesse opprimante. La souffrance physique de l'homme a disparu. Tout son être est transformé. Ne demandant rien d'autre, il repose dans un silence paisible, trop heureux pour parler. MG 59 2 Beaucoup retenaient leur souffle en contemplant avec intérêt chaque geste de cet étrange événement et ils se rendirent compte que les paroles du Christ étaient une invitation qu'il leur adressait. N'étaient-ils pas malades dans leur âme à cause du péché? N'étaient-ils pas désireux d'être libérés de ce fardeau? MG 59 3 Mais les pharisiens, craignant de perdre leur influence sur la multitude, disaient dans leur coeur: "Il blasphème. Qui peut pardonner les péchés, si ce n'est Dieu seul?" Marc 2:7. MG 59 4 Fixant sur eux un regard sous lequel ils reculèrent et rentrèrent la tête, Jésus dit: "Pourquoi avez-vous de mauvaises pensées dans vos coeurs? Car, lequel est le plus aisé, de dire: Tes péchés sont pardonnés, ou de dire: Lève-toi, et marche? Or, afin que vous sachiez que le Fils de l'homme a sur la terre le pouvoir de pardonner les péchés: Lève-toi, dit-il au paralytique, prends ton lit, et va dans ta maison." Matthieu 9:4-6. MG 60 1 Alors, celui que l'on avait amené à Jésus sur une litière se dressa sur ses pieds avec l'élasticité et la force de la jeunesse. "A l'instant, il se leva, prit son lit, et sortit en présence de tout le monde, de sorte qu'ils étaient tous dans l'étonnement et glorifiaient Dieu, disant: Nous n'avons jamais rien vu de pareil." Marc 2:12. MG 60 2 Il ne fallait rien de moins que la puissance créatrice pour rendre la santé à ce corps délabré. La même voix qui donna la vie à l'homme créé avec la poussière de la terre, avait aussi redonné cette vie au paralytique mourant. Et le même pouvoir qui avait donné la vie au corps, avait aussi renouvelé le coeur. Celui qui, à la création, parla et la chose arriva, qui ordonna et elle exista (voir Psaumes 33:9), avait rappelé à la vie cette âme morte dans ses transgressions et ses péchés. La guérison du corps était la preuve de la puissance qui avait renouvelé le coeur. Le Christ ordonna au paralytique de se lever et de marcher, "afin que vous sachiez, dit-il, que le Fils de l'homme a sur la terre le pouvoir de pardonner les péchés". MG 60 3 Le paralytique trouva en Christ la guérison de l'âme et du corps. Avant que la maladie physique puisse être guérie, le Christ devait apporter le repos de l'esprit, et purifier l'âme du péché. Cette leçon ne doit pas être négligée. Il y a aujourd'hui des milliers de gens souffrant de maladies physiques qui, comme le paralytique, soupirent après ces paroles: "Tes péchés te sont pardonnés." Le fardeau du péché, avec son inquiétude et ses désirs insatisfaits, est à l'origine de leur maladie. Ils ne peuvent trouver aucun repos tant qu'ils ne viennent pas au Médecin de l'âme. La paix que lui seul peut donner restaurera la vigueur de l'esprit et la santé du corps. MG 60 4 L'effet produit sur l'assistance par la guérison du paralytique fut comme si le ciel s'était ouvert et avait révélé les gloires d'un monde meilleur. Tandis que l'homme guéri traversait la foule, bénissant Dieu à chaque pas et portant son fardeau comme s'il n'était qu'une plume, les gens reculèrent pour lui faire place. Le visage frappé de stupeur, ils se groupaient autour de lui, murmurant entre eux: "Nous avons vu aujourd'hui des choses étranges." Luc 5:26. MG 61 1 Quand le paralytique rentra chez lui portant aisément la couche sur laquelle on l'avait lentement transporté hors de leur présence peu de temps auparavant, il y eut de grandes réjouissances parmi les membres de la famille. Ils se réunirent, pleurant de joie, ayant de la peine à en croire leurs yeux. Il se tenait devant eux dans la pleine vigueur de la maturité. Ses bras, auparavant sans vie, répondaient rapidement à sa volonté. La chair flétrie et couleur de plomb était maintenant saine et colorée. Sa démarche était libre et ferme. La joie et l'espoir s'inscrivaient sur chaque détail de son visage. Une expression de paix et de pureté avait remplacé les marques du péché et de la souffrance. Des louanges de reconnaissance montaient de ce foyer. Dieu était glorifié grâce à son Fils qui avait rendu l'espoir au désespéré et la force au malheureux. Cet homme et sa famille étaient prêts à donner leur vie pour Jésus. Aucun doute n'assombrissait leur foi, aucune incrédulité n'affaiblissait leur allégeance envers celui qui avait apporté la lumière dans leur foyer enténébré. MG 61 2 Mon âme, bénis l'Eternel! Que tout ce qui est en moi bénisse son saint nom! Mon âme, bénis l'Eternel, Et n'oublie aucun de ses bienfaits! C'est lui qui pardonne toutes tes iniquités, Qui guérit toutes tes maladies; C'est lui qui délivre ta vie de la fosse, ... Qui te fait rajeunir comme l'aigle. L'Eternel fait justice, Il fait droit à tous les opprimés. ... Il ne nous traite pas selon nos péchés, Il ne nous punit pas selon nos iniquités. ... Comme un père a compassion de ses enfants, L'Eternel a compassion de ceux qui le craignent. Car il sait de quoi nous sommes formés, Il se souvient que nous sommes poussière. Psaumes 103:1-14. "Veux-tu être guéri?" MG 62 1 "Or, à Jérusalem, près de la porte des brebis, il y a une tiques. Sous ces portiques étaient couchés en grand nombre piscine qui s'appelle en hébreu Béthesda, et qui a cinq por-des malades, des aveugles, des boiteux, des paralytiques, qui attendaient le mouvement de l'eau." Jean 5:2, 3. MG 62 2 De temps à autre, l'eau de la piscine était agitée: on croyait communément que ce phénomène était provoqué par une puissance surnaturelle, et que quiconque entrait dans l'eau le premier, après qu'elle eut été agitée, était guéri, quelle que soit la maladie dont il souffrait. Des centaines de malades venaient en ce lieu. Mais la foule était telle quand l'eau était agitée, qu'en se jetant en avant, on écrasait des hommes, des femmes et des enfants, les plus faibles d'entre eux. Beaucoup ne pouvaient même pas s'approcher du bord de la piscine. Plusieurs de ceux qui avaient réussi à l'atteindre mouraient là, sur le bord. Des abris avaient été construits pour que les malades puissent se protéger de la chaleur du jour et de la fraîcheur de la nuit. Certains passaient la nuit sous ces portiques, s'accrochant jour après jour aux rebords du bassin dans le vain espoir d'un soulagement. MG 62 3 Jésus était à Jérusalem. Marchant seul, apparemment en méditation et en prière, il vint à la piscine. Il vit ces infortunés malades, veillant pour ce qu'ils pensaient être leur seule chance de guérison. Il désirait ardemment se servir de sa puissance guérissante et rétablir tous ces pauvres gens. Mais c'était le jour du sabbat, et des multitudes se rendaient au temple pour adorer. Il savait qu'un tel acte de guérison exciterait tellement les préjugés des Juifs, que son oeuvre en serait écourtée. MG 63 1 Mais le Sauveur vit un cas d'infortune suprême. Il s'agissait d'un homme qui depuis trente-huit ans était un infirme sans ressources. Sa maladie était, dans une grande mesure, le résultat de ses mauvaises habitudes. On le considérait comme frappé par le jugement de Dieu. Seul, sans amis, ayant le sentiment d'avoir été rejeté par la miséricorde divine, le pauvre homme avait connu de longues années de misère. Quand le moment approchait où l'eau devait être agitée, ceux qui avaient pitié de son isolement le portaient sous le portique. Mais au moment favorable, il n'avait personne pour l'aider. Il avait vu les rides qui se dessinaient sur l'eau, mais il n'avait jamais pu aller plus loin que le bord de la piscine. D'autres, plus forts, plongeaient avant lui. Le pauvre malade abandonné ne pouvait pas lutter avec succès contre la foule égoïste et agitée. Ses efforts persévérants pour atteindre son seul but, et sa désillusion continuelle, détruisaient rapidement le reste de ses forces. MG 63 2 Le pauvre malade gisait sur sa natte, soulevant de temps en temps la tête pour jeter un coup d'oeil vers la piscine, quand un visage tendre et rempli de compassion se pencha sur lui en disant: "Veux-tu être guéri?" L'espoir envahit son coeur. Il sentit que d'une façon ou d'une autre il allait avoir de l'aide. Mais la lueur d'espoir s'effaça rapidement. Il se souvint combien de fois il avait essayé d'atteindre la piscine. Il lui restait peu d'espoir de vivre jusqu'à ce que l'eau en soit à nouveau agitée. Il se détourna tristement, disant: "Seigneur, je n'ai personne pour me jeter dans la piscine quand l'eau est agitée, et, pendant que j'y vais, un autre descend avant moi." MG 63 3 "Lève-toi, lui dit Jésus, prends ton lit, et marche." Versets 6-8. L'homme regarde à Jésus avec un nouvel espoir. L'expression de son visage, le ton de sa voix, ne ressemblent à aucun autre. Sa présence semble respirer l'amour et la puissance. La foi de l'infirme s'agrippe aux paroles de Jésus. Sans discuter, il décide d'obéir, et quand il le fait, tout son corps répond. MG 64 1 Chaque muscle et chaque nerf vibre d'une vie nouvelle. Ses membres retrouvent une saine activité. Sautant sur ses pieds, il s'en va d'une démarche libre et assurée, louant Dieu, et jouissant de forces renouvelées. MG 64 2 Jésus n'avait donné aucune assurance d'aide divine au paralytique. L'homme aurait pu dire: "Seigneur, si tu veux me guérir, j'obéirai à ta parole." Il aurait pu se mettre à douter et perdre ainsi son unique chance de guérison. Pas du tout. Il crut à la parole du Christ. Il crut qu'il était pleinement guéri. Immédiatement, il fit l'effort pour agir et Dieu lui donna le pouvoir de le faire. Il voulut marcher, et il marcha. Agissant sur l'ordre du Christ, il fut guéri. MG 64 3 Le péché nous a séparés de la vie de Dieu. Nos âmes sont paralysées. De nous-mêmes, nous ne pouvons pas plus mener une vie sainte que l'impotent n'était capable de marcher. Beaucoup se rendent compte de leur situation désespérée. Ils soupirent après cette vie spirituelle qui les mettrait en harmonie avec Dieu. Ils font des efforts pour l'obtenir. Mais en vain. Désespérés, ils s'écrient: "Misérable que je suis! Qui me délivrera du corps de cette mort?" Romains 7:24. Que ces âmes qui se débattent, accablées, regardent en haut. Le Sauveur se penche sur ceux qu'il a rachetés par son sang, leur demandant avec une pitié et une tendresse inexprimables: "Veux-tu être guéri?" Il vous ordonne de vous lever en paix et en pleine santé. N'attendez pas de vous sentir guéri. Croyez à la Parole du Sauveur. Mettez votre volonté du côté du Christ. Décidez de le servir, et en agissant selon sa Parole, vous recevrez la force. Quelle que soit la mauvaise habitude, la passion dominante qui par une longue indulgence ont maîtrisé l'âme et le corps, le Christ est capable de nous en délivrer, et il le désire ardemment. Il donnera la vie à l'âme morte par ses offenses. Voir Ephésiens 2:1. Il libérera le captif retenu par la faiblesse, l'infortune et les chaînes du péché. MG 65 1 Le sentiment du péché a empoisonné les sources de la vie. Mais le Christ dit: "Je prendrai tes péchés, je te donnerai la paix. Je t'ai acheté par mon sang. Tu es à moi. Ma grâce fortifiera ta volonté affaiblie. J'ôterai de toi le remords du péché." Quand les tentations vous assaillent, quand le souci et la perplexité vous environnent, quand, déprimé et découragé, vous êtes sur le point de céder au désespoir, regardez à Jésus, et les ténèbres qui vous enveloppent seront dissipées par la lumière brillante de sa présence. Quand le péché veut dominer votre âme, alourdissant la conscience, regardez au Sauveur. Sa grâce est suffisante pour subjuguer le péché. Que votre coeur reconnaissant, tremblant d'incertitude, se tourne vers le Christ. Appuyez-vous sur l'espérance placée devant vous. Le Christ attend pour vous adopter dans sa famille. Sa force soutiendra votre faiblesse. Il vous conduira pas à pas. Mettez votre main dans la sienne, et laissez-le vous guider. MG 65 2 N'ayez jamais le sentiment que le Christ est loin. Il est toujours proche. Sa présence aimante vous entoure. Cherchez-le, sachant qu'il désire que vous le trouviez. Il ne veut pas seulement que vous touchiez son vêtement, mais que vous marchiez avec lui dans une communion constante. "Va, et ne pèche plus" MG 65 3 La fête des tabernacles venait de se terminer. Les complots des prêtres et des rabbins de Jérusalem contre Jésus avaient échoué. Comme le soir venait, "chacun s'en retourna dans sa maison. Jésus se rendit à la montagne des Oliviers." Jean 7:53; 8:1. MG 66 1 Jésus se détourna de l'excitation et de la confusion de la ville, de la foule ardente et des rabbins perfides, pour retrouver la tranquillité de l'oliveraie, où il pouvait être seul avec Dieu. Tôt le matin, il retourna au temple. Il s'assit et se mit à enseigner les gens assemblés autour de lui. MG 66 2 Il fut bientôt interrompu. Un groupe de pharisiens et de scribes s'approchaient de lui, traînant avec eux une femme terrorisée. De leurs voix dures et véhémentes, ils l'accusaient d'avoir violé le septième commandement. La poussant en la présence de Jésus, ils dirent avec une démonstration hypocrite de respect: "Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d'adultère. Moïse, dans la loi, nous a ordonné de lapider de telles femmes: toi donc, que dis-tu?" Versets 4, 5. MG 66 3 Leur prétendu respect voilait un complot bien pensé pour perdre Jésus. S'il acquittait la femme, on pouvait l'accuser de mépriser la loi de Moïse. S'il la déclarait coupable, passible de la peine de mort, on pourrait l'accuser devant les Romains d'assumer une autorité qui n'appartenait qu'à eux. MG 66 4 Jésus regarda la scène. La victime tremblante de honte, les dignitaires aux visages durs, démunis de toute pitié humaine. Son esprit d'une pureté sans tâche se serra devant ce spectacle. Il ne donna aucun signe d'avoir entendu la question. Il se baissa et, fixant le sol, il se mit à écrire dans la poussière. MG 66 5 Impatientés par son silence et son apparente indifférence, les accusateurs se rapprochèrent, présentant le problème avec insistance à l'attention de Jésus. Mais quand leurs regards, suivant celui de Jésus, tombèrent sur le sol à ses pieds, ils se turent. Là, sous leurs yeux, étaient inscrits tous les secrets coupables de leurs propres vies. MG 67 1 Se relevant, et fixant les anciens conspirateurs, Jésus dit: "Que celui de vous qui est sans péché jette le premier la pierre contre elle." Verset 7. Se baissant, il continua à écrire. MG 67 2 Il n'avait pas mis de côté la loi de Moïse, ni porté atteinte à l'autorité de Rome. Les accusateurs étaient défaits. Ils se tenaient là, coupables et condamnés, le vêtement de leur prétendue sainteté arraché en présence de la pureté infinie. Effrayés à l'idée que les iniquités cachées de leur vie puissent être étalées au grand jour devant la multitude, ils s'en allèrent furtivement, la tête basse et les regards rivés au sol, abandonnant leur victime au Sauveur compatissant. MG 67 3 Jésus se leva, regarda la femme et dit: "Où sont ceux qui t'accusaient? Personne ne t'a-t-il condamnée? Elle répondit: Non, Seigneur. Et Jésus lui dit: Je ne te condamne pas non plus; va, et ne pèche plus." Versets 10, 11. MG 67 4 La femme était demeurée debout devant Jésus, tremblante de peur. Les paroles: "Que celui de vous qui est sans péché jette le premier la pierre", avaient résonné pour elle comme une sentence de mort. Elle n'osait pas lever les yeux vers le visage de Jésus, et attendait silencieusement sa condamnation. Elle vit avec étonnement ses accusateurs s'éloigner confondus et sans voix. Puis ces paroles d'espoir frappèrent ses oreilles: "Je ne te condamne pas non plus; va, et ne pèche plus." Son coeur fondit en elle et, se jetant aux pieds de Jésus, elle dit en sanglotant son amour reconnaissant; avec des larmes amères, elle confessa ses péchés. MG 67 5 Ce fut pour elle le début d'une vie nouvelle, une vie de pureté et de paix consacrée à Dieu. En relevant cette âme déchue, Jésus accomplit un miracle plus grand qu'en guérissant la plus douloureuse des maladies physiques. Il guérit une maladie spirituelle qui conduit à la mort éternelle. Cette femme repentante devint l'un de ses disciples les plus fermes. Avec un amour rempli d'abnégation et avec dévotion, elle manifesta sa gratitude pour sa clémence miséricordieuse. Pour cette femme égarée, le monde n'avait que la moquerie et le mépris, mais celui qui était sans péché prit sa faiblesse en pitié et tendit vers elle une main secourable. Tandis que les pharisiens hypocrites la dénonçaient, Jésus lui dit: "Va, et ne pèche plus." MG 68 1 Jésus connaît les circonstances particulières à chaque âme. Plus grande est la culpabilité du pécheur, plus il a besoin du Sauveur. Son coeur rempli d'amour divin et de sympathie est attiré surtout par le pécheur le plus désespérément englué dans les filets de l'ennemi. De son sang, il a signé le décret d'émancipation de l'espèce humaine. MG 68 2 Jésus ne veut pas que ceux qui ont été rachetés à un tel prix deviennent le jouet des tentations de l'ennemi. Il ne veut pas que nous soyons vaincus et que nous périssions. Lui qui musela les lions dans la fosse, et marcha avec ses fidèles témoins au milieu des flammes vives, est tout aussi prêt à travailler en notre faveur pour subjuguer tout mauvais trait de notre nature. Aujourd'hui, il se tient à l'autel de la miséricorde, présentant devant Dieu les prières de ceux qui veulent son aide. Il ne repousse aucune âme gémissante et contrite. Il accordera sans restriction son pardon à tous ceux qui viendront à lui pour le recevoir et être restaurés. Il ne dit à personne tout ce qu'il pourrait révéler, mais il encourage toute âme tremblante à prendre courage. Quiconque le veut peut s'appuyer sur la puissance de Dieu et faire la paix avec lui. Il il fera la paix avec eux. MG 68 3 Jésus élève les âmes qui cherchent en lui leur refuge au-dessus de toute accusation et de toute calomnie. Aucun homme ni aucun ange déchu ne peut attaquer de telles âmes. Le Christ les unit à sa propre nature divine et humaine. Elles se tiennent à la lumière qui vient du trône de Dieu, aux côtés de celui qui porte les péchés. MG 69 1 Le sang de Jésus-Christ "purifie de tout péché". 1 Jean 1:7. "Qui accusera les élus de Dieu? C'est Dieu qui justifie! Qui les condamnera? Christ est mort; bien plus, il est ressuscité, il est à la droite de Dieu, et il intercède pour nous!" Romains 8:33, 34. MG 69 2 Le Christ a démontré qu'il avait une autorité absolue sur les vents et les vagues, et sur les hommes possédés du démon. Celui qui calma la tempête et la mer en furie parle de paix aux esprits tourmentés et terrassés par Satan. MG 69 3 Dans la synagogue de Capernaüm, Jésus parlait de sa mission. Il devait libérer les esclaves du péché. Il fut interrompu par un hurlement de terreur. Un fou s'élança du milieu de la foule, s'écriant: "Qu'y a-t-il entre nous et toi, Jésus de Nazareth? Tu es venu pour nous perdre. Je sais qui tu es: le Saint de Dieu." Marc 1:24. MG 69 4 Jésus menaça le démon en disant: "Tais-toi, et sors de cet homme. Et le démon le jeta au milieu de l'assemblée, et sortit de lui, sans lui faire aucun mal." Luc 4:35. MG 69 5 La raison de l'affliction de cet homme se trouvait aussi dans sa propre vie. Il avait été fasciné par les plaisirs du péché. Il avait pensé faire de la vie un grand carnaval. L'intempérance et la frivolité pervertirent les nobles attributs de sa nature, et Satan domina entièrement sa vie. Les regrets vinrent trop tard. Quand il eut accepté de sacrifier la richesse et les plaisirs pour retrouver sa virilité perdue, il n'était plus qu'un jouet sans force entre les mains du méchant. MG 69 6 En présence du Sauveur, il fut poussé à souhaiter la libération, mais le démon résistait à la puissance du Christ. Quand l'homme voulut essayer d'appeler Jésus à l'aide, le mauvais esprit mit des paroles dans sa bouche, et il hurla de peur. Le démoniaque comprenait partiellement qu'il se trouvait en la présence de celui qui pouvait le libérer. Mais quand il essaya de saisir cette main puissante, la volonté d'un autre le retint. Il s'exprima par les paroles d'un autre. MG 70 1 Le combat entre la puissance de Satan et son désir personnel de liberté fut terrible. Cet homme torturé semblait devoir perdre la vie dans cette lutte contre l'ennemi qui avait ruiné sa vie. Mais le Sauveur parla avec autorité et libéra le captif. L'homme qui avait été possédé par le démon se tenait maintenant devant la foule étonnée en pleine jouissance de la liberté et de l'empire sur soi-même. MG 70 2 D'une voix joyeuse, il loua Dieu pour sa délivrance. Les yeux qui quelques instants auparavant brillaient du feu de la folie, rayonnaient maintenant d'intelligence et versaient des larmes de reconnaissance. Les gens étaient muets d'étonnement. Quand ils retrouvèrent leur voix, ils se demandèrent les uns aux autres: "Qu'est-ce que ceci? Une nouvelle doctrine! Il commande avec autorité même aux esprits impurs, et ils lui obéissent!" Marc 1:27. MG 70 3 Des multitudes aujourd'hui sont tout autant sous la domination des mauvais esprits que l'était le démoniaque de Capernaüm. Tous ceux qui, volontairement, s'éloignent des commandements de Dieu, s'inclinent eux-mêmes devant les directives de Satan. Beaucoup jouent avec le mal, pensant qu'ils pourront rompre avec lui selon leur bon plaisir. Mais ils se leurrent sans cesse, jusqu'à ce qu'ils se retrouvent sous le contrôle d'une volonté plus forte que la leur. Ils ne peuvent échapper à ce pouvoir mystérieux. Un péché secret, ou une passion dominante, peut faire d'eux des captifs aussi désespérés que le démoniaque de Capernaüm. MG 70 4 Cependant, leur sort n'est pas sans espoir. Dieu ne s'empare pas de notre esprit sans notre consentement. Mais chaque homme est libre de choisir la puissance qui dominera sur lui. Personne n'est tombé si bas, personne n'est tellement avili, qu'il ne puisse trouver la délivrance en Christ. Le démoniaque pouvait proférer les paroles de Satan, au lieu d'une prière. Mais l'appel inexprimé du coeur fut entendu. Le cri d'une âme dans le besoin, même s'il n'est pas exprimé en paroles, ne sera jamais négligé. Ceux qui consentent à faire alliance avec Dieu ne sont pas abandonnés à la puissance de Satan ou à la faiblesse de leur propre nature. MG 71 1 "Le butin du puissant lui sera-t-il enlevé? Et la capture faite sur le juste échappera-t-elle? -- Oui, dit l'Eternel, la capture du puissant lui sera enlevée, et le butin du tyran lui échappera; je combattrai tes ennemis, et je sauverai tes fils." Ésaïe 49:24, 25. MG 71 2 Merveilleuse sera la transformation accomplie en celui qui, par la foi, ouvre au Sauveur les portes de son coeur. "Je vous ai donné le pouvoir" MG 71 3 Tout comme les douze apôtres, les soixante-dix disciples que Jésus envoya plus tard reçurent des pouvoirs surnaturels comme sceau de leur mission. Quand leur oeuvre fut achevée, ils revinrent joyeux, disant: "Seigneur, les démons mêmes nous sont soumis en ton nom. Jésus leur dit: Je voyais Satan tomber du ciel comme un éclair." Luc 10:17, 18. MG 71 4 De ce fait, les disciples du Christ doivent considérer Satan comme un ennemi vaincu. Jésus, sur la croix, a remporté la victoire pour eux. Cette victoire, il veut qu'ils l'acceptent comme la leur. "Voici, dit-il, je vous ai donné le pouvoir de marcher sur les serpents et les scorpions, et sur toute la puissance de l'ennemi; et rien ne pourra vous nuire." Verset 19. MG 71 5 La toute-puissance du Saint-Esprit est la protection de toute âme contrite. Le Christ ne permettra pas que quiconque, ayant par la foi et la pénitence réclamé sa protection, tombe sous le pouvoir de l'ennemi. Satan est un adversaire puissant. C'est vrai. Mais, grâces en soient rendues à Dieu, nous avons un Sauveur tout-puissant qui a chassé du ciel le méchant. Satan se réjouit quand nous magnifions son pouvoir. Pourquoi ne pas parler de Jésus? Pourquoi ne pas magnifier le pouvoir et l'amour du Sauveur? MG 72 1 L'arc-en-ciel entourant le trône céleste est un témoignage éternel que "Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle". Jean 3:16. Il certifie devant tout l'univers que Dieu n'abandonnera jamais ses enfants dans la lutte contre le mal. Il est pour vous une assurance de force et de protection aussi longtemps que le trône lui-même demeurera. ------------------------Chapitre 6 -- Sauvés pour servir MG 73 1 C'est le matin sur la mer de Galilée. Jésus et ses disciples ont touché terre après une nuit de tempête sur le lac. La lumière du soleil levant met sur la mer et la terre comme une bénédiction de paix. Mais quand ils sautent sur la plage, un spectacle pire que les eaux en furie les attend. De quelque lieu caché au milieu des sépulcres, deux hommes jaillissent, courant vers eux comme s'ils voulaient les réduire en pièces. Des morceaux de chaînes brisées quand ils ont fui leurs cellules pendent encore à leurs bras. Leur chair est meurtie et couverte de sang. Toute ressemblance humaine semble avoir disparu de leurs yeux voilés par leurs longs cheveux embrouillés. Ils ressemblent davantage à des bêtes sauvages qu'à des hommes. MG 73 2 Les disciples et leurs compagnons s'enfuient, terrorisés. Mais ils remarquent bien vite que Jésus n'est pas avec eux. Ils se retournent pour voir où il se trouve. Il se tient à l'endroit même où ils l'ont laissé. Celui qui a calmé la tempête, qui a déjà affronté Satan et l'a vaincu, ne fuit pas devant ces démons. Quand les hommes, grinçant des dents et écumant, s'approchent de lui, Jésus lève la main qui a invité les vagues à se calmer, et les hommes ne peuvent avancer davantage. Ils se tiennent devant lui, fous de rage mais impuissants. MG 73 3 Avec autorité, le Seigneur ordonne aux esprits de sortir de ces hommes. Ces pauvres êtres comprennent que quelqu'un, capable de les délivrer de leurs démons tourmenteurs, se tient près d'eux. Ils tombent aux pieds du Sauveur pour implorer sa miséricorde. Mais quand ils ouvrent la bouche, les démons parlent par eux, criant: "Qu'y a-t-il entre nous et toi, Fils de Dieu? Es-tu venu ici pour nous tourmenter?" Matthieu 8:29. MG 74 1 Les esprits sont obligés de relâcher leurs victimes. Un changement merveilleux s'opère chez les démoniaques. La lumière brille dans leur esprit. Leurs yeux étincellent d'intelligence. Leur visage si longtemps déformé à l'image de Satan redevient subitement doux. Les mains ensanglantées s'apaisent, et les hommes chantent les louanges de Dieu. MG 74 2 Cependant, les démons chassés de leur domicile humain se sont introduits dans des porcs et les ont entraînés dans la destruction. Les porchers courent pour répandre ces nouvelles, et toute la population se masse à la rencontre de Jésus. Les deux démoniaques ont été la terreur de la région. Maintenant, ces hommes sont vêtus, dans leur bon sens, assis aux pieds de Jésus, écoutant ses paroles, et glorifiant le nom de celui qui les a guéris. Mais les témoins de cette scène merveilleuse ne se réjouissent plus. La perte des porcs leur paraît plus importante que la délivrance de ces captifs de Satan. Terrifiés, ils se groupent autour de Jésus, le suppliant de s'éloigner. Il accepte, et, remontant immédiatement en bateau, il se dirige vers l'autre rive. MG 74 3 Les sentiments des démoniaques guéris sont totalement différents. Ils désirent la compagnie de leur Libérateur. En sa présence, ils se sentent à l'abri des démons qui les ont tourmentés pendant toute leur vie, et qui ont ruiné leur existence d'adultes. Ils se tiennent tout près de Jésus qui va monter dans la barque. Ils se prosternent à ses pieds et le supplient de les garder avec lui, là où ils pourront entendre ses paroles. Mais Jésus les invite à retourner chez eux et à raconter les grandes choses que le Seigneur a accomplies pour eux. MG 75 1 Voilà leur tâche: se rendre dans les foyers païens et parler des bénédictions reçues de Jésus. Il leur est pénible de se séparer du Sauveur. De grandes difficultés les attendent dans leurs contacts avec leurs concitoyens païens. Leur long isolement de la société semble les avoir disqualifiés pour ce travail. Mais dès que le Christ leur montre leur devoir, ils sont prêts à obéir. MG 75 2 Ils ne parlèrent pas seulement de Jésus à leurs familles et à leurs voisins, mais ils parcoururent toute la Décapole, témoignant partout de sa puissance salvatrice, et racontant comment il les avait délivrés des démons. MG 75 3 Bien que les gens de Gadara ne l'aient pas reçu, Jésus ne les abandonna pas aux ténèbres qu'ils avaient choisies. Quand ils lui demandèrent de partir, ils n'avaient pas entendu sa Parole. Ils ignoraient ce qu'ils rejetaient. Aussi leur envoya-t-il la lumière par le moyen de ceux qu'ils ne refuseraient pas d'écouter. MG 75 4 En provoquant la destruction des porcs, Satan cherchait à détourner les gens du Sauveur et à empêcher la prédication de l'Evangile dans cette région. Mais cette circonstance même souleva le pays comme rien d'autre n'aurait pu le faire, attirant l'attention sur le Christ. Bien que le Sauveur lui-même fût parti, les hommes qu'il avait guéris demeurèrent sur place comme témoins de sa puissance. Ceux qui avaient été des médiums au service du Prince des ténèbres devinrent des porte-lumière, des messagers du Fils de Dieu. Quand Jésus retourna en Décapole, la foule se pressa autour de lui, et pendant trois jours des milliers de personnes, venant de toute la contrée environnante, entendirent le message du salut. MG 75 5 Les deux démoniaques guéris furent les premiers missionnaires que le Christ envoya pour enseigner l'Evangile en Décapole. Ces hommes n'avaient entendu sa Parole que pendant très peu de temps. Pas un seul sermon tombant de ses lèvres n'avait frappé leurs oreilles. Ils ne pouvaient instruire le peuple comme auraient pu le faire les disciples qui côtoyaient Jésus tous les jours. Mais ils pouvaient parler de ce qu'ils savaient, de ce qu'ils avaient vu, entendu et ressenti eux-mêmes de la puissance du Sauveur. Voilà ce que tout coeur touché par la grâce de Dieu peut faire. Voilà le témoignage que le Seigneur demande et dont l'absence provoque la perte du monde. MG 76 1 L'Evangile doit être présenté non comme une théorie inerte, mais comme une force vivifiante capable de changer la vie. Dieu veut que ses serviteurs témoignent du fait que par sa grâce les hommes peuvent posséder un caractère comme celui du Christ, et se réjouir dans l'assurance de son grand amour. Il veut que nous rendions témoignage du fait qu'il ne sera satisfait que lorsque tous ceux qui auront accepté son salut seront transformés et réintégrés dans leurs saints privilèges d'enfants de Dieu. MG 76 2 Il reçoit librement, quand ils se repentent, ceux-là même dont la conduite l'a le plus offensé; il leur donne son Esprit divin, et il les envoie dans le camp des déloyaux pour proclamer sa miséricorde. Des âmes dégradées jusqu'à devenir des instruments de Satan peuvent encore être transformées, par la puissance du Christ, en messagers de justice. Et elles sont envoyées pour dire combien le Seigneur a eu compassion d'elles, et quelles sont les grandes choses qu'il a faites pour elles. "Tu es sans cesse l'objet de mes louanges" MG 76 3 Après que la femme de Capernaüm eut été guérie par l'attouchement de la foi, Jésus voulut qu'elle reconnaisse la bénédiction dont elle avait été l'objet. On ne doit pas jouir en secret des dons que l'Evangile procure, ni les acquérir en cachette. MG 77 1 Vous êtes mes témoins dit l'Eternel, C'est moi qui suis Dieu. Ésaïe 43:12. MG 77 2 Notre confession de sa fidélité est le moyen choisi par le ciel pour révéler le Christ au monde. Nous devons reconnaître sa grâce telle qu'elle nous fut transmise par les hommes de Dieu du passé. Mais le témoignage de notre propre expérience sera bien plus efficace. Nous sommes témoins de Dieu quand nous révélons en nous-mêmes l'action d'une puissance divine. Chaque individu a une vie distincte de celle des autres, une expérience qui diffère de la leur pour l'essentiel. Dieu désire que nos louanges montent vers lui, marquées au coin de notre propre personnalité. Ces gages précieux à la louange de la gloire de sa grâce, quand ils sont accompagnés d'une vie à l'image de celle du Christ, ont un pouvoir irrésistible en faveur du salut des âmes. MG 77 3 Il nous est bénéfique de conserver vivant à la mémoire chaque don de Dieu. C'est ainsi que la foi est encouragée à demander et à recevoir toujours davantage. Il y a plus d'encouragement pour nous dans la plus petite bénédiction reçue personnellement de Dieu, que dans tous les récits que nous pouvons lire sur la foi et l'expérience des autres. L'âme qui répond à la grâce de Dieu sera comme un jardin bien arrosé, sa santé jaillira rapidement, sa lumière luira dans l'obscurité, et la gloire du Seigneur l'accompagnera. MG 77 4 Comment rendrai-je à l'Eternel Tous ses bienfaits envers moi? J'élèverai la coupe des délivrances Et j'invoquerai le nom de l'Eternel; J'accomplirai mes voeux envers l'Eternel, En présence de tout son peuple. MG 77 5 Je chanterai l'Eternel tant que je vivrai, Je célébrerai mon Dieu tant que j'existerai. Que mes paroles lui soient agréables! Je veux me réjouir en l'Eternel. MG 78 1 Qui dira les hauts faits de l'Eternel? Qui publiera toute sa louange? MG 78 2 Louez l'Eternel, invoquez son nom! Faites connaître parmi les peuples ses hauts faits! Chantez, chantez en son honneur! Parlez de toutes ses merveilles! Glorifiez-vous de son saint nom! Que le coeur de ceux qui cherchent l'Eternel se réjouisse! MG 78 3 Ta bonté vaut mieux que la vie: Mes lèvres célèbrent tes louanges. ... Mon âme sera rassasiée comme de mets gras et succulents, Et, avec des cris de joie sur les lèvres, ma bouche te célébrera. Lorsque je pense à toi sur ma couche, Je médite sur toi pendant les veilles de la nuit. Car tu es mon secours, Et je suis dans l'allégresse à l'ombre de tes ailes. MG 78 4 Je me confie en Dieu, je ne crains rien: Que peuvent me faire des hommes? O Dieu! je dois accomplir les voeux que je t'ai faits; Je t'offrirai des actions de grâces. Car tu as délivré mon âme de la mort, Tu as garanti mes pieds de la chute, Afin que je marche devant Dieu, à la lumière des vivants. MG 78 5 En te célébrant, j'aurai la joie sur les lèvres, La joie dans mon âme que tu as délivrée; Ma langue chaque jour publiera ta justice. MG 78 6 En toi je me confie dès ma jeunesse. ... Tu es sans cesse l'objet de mes louanges. MG 78 7 Je rappellerai ton nom dans tous les âges: Aussi les peuples te loueront éternellement et à jamais. Psaumes 116:12-14; 104:33, 34; 106:2; 105:1-3; 63:4-8; 56:12-14; 71:23, 24, 5, 6; 45:17. "Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement" MG 79 1 L'invitation évangélique ne doit pas être limitée et présentée uniquement à quelques individus choisis qui, selon nous, nous honorerons s'ils l'acceptent. Le message doit être donné à tous. Quand Dieu bénit ses enfants, ce n'est pas seulement pour eux-mêmes, mais dans l'intérêt du monde. Quand il nous accorde ses dons, c'est pour que nous les multipliions en les communiquant. MG 79 2 La femme samaritaine qui parla avec Jésus au puits de Jacob n'avait pas plus tôt trouvé le Sauveur qu'elle lui amena d'autres personnes. Elle se révéla être une missionnaire plus efficace que les disciples eux-mêmes. Ils ne voyaient en Samarie aucun indice annonçant un champ prometteur. Leurs pensées étaient dirigées sur une grande oeuvre à accomplir dans l'avenir. Ils ne voyaient pas, autour d'eux, la moisson prête à être recueillie. Mais par la femme qu'ils méprisaient, un village tout entier fut conduit à écouter Jésus. Elle porta sur-le-champ la lumière à ses concitoyens. MG 79 3 Cette femme représente l'oeuvre d'une foi pratique en Christ. Tout vrai disciple est né dans le royaume de Dieu comme missionnaire. A peine est-il venu à la connaissance du Sauveur qu'il désire en amener d'autres à le connaître. La vérité salvatrice et sanctifiante ne peut être enfermée dans son coeur. Quiconque boit de l'eau de la vie devient une fontaine de vie. Celui qui reçoit devient donateur. La grâce du Christ dans l'âme est comme une source dans le désert, jaillissant pour rafraîchir chacun, et rendant ceux qui sont sur le point de périr désireux de boire l'eau de la vie. Nous recevons en accomplissant ce travail une plus grande bénédiction que si nous travaillions uniquement pour nous-mêmes. C'est en oeuvrant à répandre la bonne nouvelle du salut que nous sommes conduits près du Sauveur. MG 80 1 Dieu dit des âmes qui reçoivent sa grâce: MG 80 2 "Je ferai d'elles et des environs de ma colline un sujet de bénédiction; j'enverrai la pluie en son temps, et ce sera une pluie de bénédiction." Ezéchiel 34:26. MG 80 3 "Le dernier jour, le grand jour de la fête, Jésus, se tenant debout, s'écria: Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive. Celui qui croit en moi, des fleuves d'eau vive couleront de son sein." Jean 7:37, 38. MG 80 4 Ceux qui reçoivent doivent communiquer à d'autres. De partout viennent des appels à l'aide. Dieu invite les hommes à travailler joyeusement en faveur d'autres hommes. Des couronnes immortelles sont à gagner. Le royaume des cieux est à acquérir. Un monde périssant dans l'ignorance doit être illuminé. MG 80 5 "Ne dites-vous pas qu'il y a encore quatre mois jusqu'à la moisson? Voici, je vous le dis, levez les yeux, et regardez les champs qui déjà blanchissent pour la moisson. Celui qui moissonne reçoit un salaire, et amasse des fruits pour la vie éternelle." Jean 4:35, 36. MG 80 6 Pendant trois ans, les disciples eurent devant eux le merveilleux exemple de Jésus. Jour après jour, ils marchèrent et parlèrent avec lui, entendant ses paroles d'encouragement à ceux qui étaient fatigués et chargés. Ils virent les manifestations de sa puissance en faveur des malades et des affligés. Quand vint pour lui le moment de les quitter, il leur donna la grâce et la puissance de poursuivre son oeuvre en son nom. Ils devaient répandre largement la lumière de son Evangile d'amour et de guérison. Et le Sauveur leur promit qu'il serait toujours avec eux. Par le Saint-Esprit, il serait même plus proche d'eux que lorsqu'il marchait en personne parmi eux. MG 80 7 L'oeuvre que firent les disciples, c'est celle que nous devons également accomplir. Chaque chrétien doit aussi être un missionnaire. Il nous faut travailler avec sympathie et compassion en faveur de ceux qui ont besoin d'aide, cherchant avec une ferveur désintéressée à soulager les malheurs d'une humanité souffrante. MG 81 1 Tous peuvent trouver quelque chose à faire. Personne ne doit penser qu'il n'y a point de place où il pourrait travailler pour le Christ. Le Sauveur s'identifia avec chaque enfant des hommes. Pour que nous puissions devenir membres de la famille céleste, il devint membre de la famille terrestre. Il est le Fils de l'homme, et de ce fait, le frère de chaque fils et fille d'Adam. Ses disciples ne doivent pas se sentir détachés du monde en perdition qui les entoure. Ils sont une partie du grand corps de l'humanité, et le ciel les considère comme frères des pécheurs aussi bien que comme frères des saints. MG 81 2 Des millions et des millions d'êtres humains, dans l'ignorance, la maladie et le péché, n'ont jamais entendu parler de l'amour du Christ pour eux. Si nous étions à leur place, que voudrions-nous qu'ils fassent pour nous? Tout cela, pour autant que ce soit en notre pouvoir, nous devons le faire pour eux. La règle de vie du Christ, selon laquelle chacun de nous sera jugé un jour, est celle-ci: "Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le de même pour eux." Matthieu 7:12. MG 81 3 Tout ce qui nous a donné un avantage sur les autres, que ce soit l'éducation et la délicatesse, la noblesse de caractère, une formation chrétienne, une expérience religieuse, est une dette envers les moins favorisés. Autant que possible, nous devons travailler pour eux. Si nous sommes forts, nous devons maintenir élevées les mains des faibles. MG 81 4 Les anges voient toujours la force du Père dans les cieux, se réjouissent d'agir envers ses petits. Les anges sont toujours présents là où ils sont le plus nécessaires, près de ceux qui ont les plus dures batailles à livrer contre eux-mêmes, et dont l'entourage est des plus décourageants. Ils veillent tout particulièrement sur les âmes faibles et tremblantes qui ont des traits de caractère répréhensibles. Le service que des coeurs égoïstes considèreraient comme humiliant -- oeuvrer pour ceux qui ont fait naufrage et qui en tout ont des caractères inférieurs -- est la tâche des êtres purs et sans péché habitant les parvis célestes. MG 82 1 Jésus n'a pas considéré le ciel comme un lieu désirable tant que nous étions perdus. Il quitta les parvis célestes pour une vie de reproches et d'insultes, et une mort honteuse. Celui qui était riche des trésors sans prix des cieux, devint pauvre, afin que par sa pauvreté nous soyons enrichis. Nous devons le suivre sur le sentier qu'il foula. MG 82 2 Celui qui devient enfant de Dieu doit se considérer comme un maillon de la chaîne tendue pour sauver le monde, un avec le Christ dans son plan de miséricorde, l'accompagnant pour chercher et sauver ceux qui sont perdus. MG 82 3 Beaucoup pensent que ce serait un grand privilège de visiter les lieux de la vie du Christ sur la terre, de marcher où il marcha, de contempler le lac près duquel il aimait enseigner, les collines et les vallées sur lesquelles ses yeux s'arrêtèrent si souvent. Mais nous n'avons pas besoin d'aller à Nazareth, à Capernaüm, à Béthanie, pour marcher sur les pas de Jésus. Nous trouverons l'empreinte de ses pas près des lits de malades, dans les taudis des pauvres, dans les rues surpeuplées des grandes cités, partout où se trouvent des coeurs humains ayant besoin de consolation. MG 82 4 Nous devons nourrir les affamés, vêtir les dépourvus, réconforter les affligés et ceux qui souffrent. Nous devons travailler pour les désespérés et inspirer l'espoir aux découragés. MG 82 5 L'amour du Christ, manifesté dans un ministère désintéressé, sera plus efficace pour réformer les méchants que ne le seront l'épée et les cours de justice. Celles-ci sont nécessaires pour inspirer la terreur aux malfaiteurs, mais un missionnaire rempli d'amour peut faire davantage. Le coeur qui se durcit sous les reproches s'ouvrira souvent devant l'amour du Christ. MG 83 1 Le missionnaire peut non seulement soulager les maladies physiques, mais aussi conduire le pécheur au grand Médecin, qui a le pouvoir de purifier l'âme de la lèpre du péché. Par ses serviteurs, Dieu a prévu de faire entendre sa voix aux malades, aux infortunés, et à ceux qui sont possédés par de mauvais esprits. Par l'intermédiaire de ses agents humains, il veut être un consolateur tel que le monde n'en connaît pas. MG 83 2 Le Sauveur a donné sa vie précieuse afin d'établir une église capable de travailler en faveur des affligés et de ceux qui souffrent et sont tentés. Un groupe de croyants peuvent être pauvres, sans éducation et inconnus. Cependant, en Christ, dans les foyers, dans la communauté, et même dans les régions lointaines, ils peuvent accomplir une oeuvre dont les résultats atteindront l'éternité. MG 83 3 Les paroles suivantes sont adressées à ceux qui suivent le Christ aujourd'hui autant qu'aux premiers disciples: MG 83 4 "Tout pouvoir m'a été donné dans le ciel et sur la terre. Allez, faites de toutes les nations des disciples." "Allez par tout le monde, et prêchez la bonne nouvelle à toute la création." Matthieu 28:18, 19; Marc 16:15. MG 83 5 Et la promesse de sa présence est aussi pour nous: "Voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde." Matthieu 28:20. MG 83 6 Les multitudes de curieux ne se réunissent pas aujourd'hui dans les lieux déserts pour voir et entendre le Christ. Sa voix n'est pas entendue dans les rues encombrées. Aucun cri ne résonne au bord du chemin: "C'est Jésus de Nazareth qui passe." Luc 18:37. Cependant, ces paroles sont vraies aujourd'hui. Le Christ parcourt nos rues sans être remarqué. Il vient dans nos foyers avec des messages de miséricorde. Il attend de pouvoir coopérer avec tous ceux qui veulent oeuvrer en son nom. Il est au milieu de nous pour guérir et bénir, si nous le recevons. MG 84 1 "Ainsi parle l'Eternel: Au temps de la grâce je t'exaucerai, et au jour du salut je te secourrai; je te garderai, et je t'établirai pour traiter alliance avec le peuple, pour relever le pays, et pour distribuer les héritages désolés; pour dire aux captifs: Sortez! Et à ceux qui sont dans les ténèbres: Paraissez!" Ésaïe 49:8, 9. MG 84 2 Qu'ils sont beaux sur les montagnes, Les pieds de celui qui apporte de bonnes nouvelles, Qui publie la paix! De celui qui apporte de bonnes nouvelles, Qui publie le salut! De celui qui dit à Sion: Ton Dieu règne! MG 84 3 Eclatez ensemble en cris de joie... Car l'Eternel console son peuple... L'Eternel découvre le bras de sa sainteté, Aux yeux de toutes les nations; Et toutes les extrémités de la terre verront Le salut de notre Dieu. Ésaïe 52:7, 9, 10. ------------------------Chapitre 7 -- Les éléments divins et les éléments humains MG 87 1 Le médecin croyant doit travailler en collaboration avec le Christ. Le Sauveur prenait soin à la fois du corps et de l'âme; son Evangile était un message de vie spirituelle et de restauration physique. Pour lui, la délivrance du péché et la guérison de la maladie étaient étroitement unies. C'est ce même ministère d'amour qui est confié aujourd'hui au médecin craignant Dieu. Il doit imiter le Christ en s'occupant des besoins spirituels en même temps que des besoins corporels de ses semblables. Il faut qu'il soit pour les malades un messager de miséricorde qui leur apporte à la fois le remède du corps et celui de l'âme. MG 87 2 C'est le Christ qui est le chef véritable de la profession médicale. En tant que Médecin suprême, il se tient aux côtés de tout praticien croyant occupé à soulager la souffrance humaine. Tout en se servant des remèdes que la nature lui offre pour guérir les maux physiques, le médecin parlera à son malade de celui qui peut redonner la santé à l'âme et au corps. Les résultats qu'il s'efforcera d'obtenir, c'est au Sauveur qu'il les devra. Il n'est que l'auxiliaire, le collaborateur de la nature dans l'oeuvre de la guérison; c'est le Christ qui est le véritable guérisseur. Le médecin s'efforce de conserver la vie; le Sauveur, lui, la dispense. La source de la guérison MG 87 3 Les miracles du Christ nous font connaître la puissance qui opère constamment en faveur des hommes pour les soutenir et les guérir. Par des moyens naturels, jour après jour, heure après heure, instant après instant, Dieu nous maintient en vie, nous fait croître, nous guérit. Lorsque nous sommes atteints par la maladie, une oeuvre de guérison s'inaugure aussitôt; les forces de la nature se mettent au travail pour rétablir la santé. Mais ce qui agit réellement, c'est la puissance de Dieu. Tout procède de lui. Lorsqu'un être humain recouvre la santé, c'est à lui qu'il le doit. MG 88 1 La maladie, la douleur et la mort sont les oeuvres d'une puissance adverse, de Satan qui est le destructeur. Dieu, lui, est le restaurateur. MG 88 2 Les paroles adressées autrefois à Israël sont encore vraies aujourd'hui pour tous ceux qui retrouvent la santé du corps ou de l'âme: "Je suis l'Eternel, qui te guérit." Exode 15:26. MG 88 3 Ce que le Seigneur désire pour tout être humain est exprimé par l'apôtre Jean, en ces termes: "Bien-aimé, je souhaite que tu prospères à tous égards et sois en bonne santé, comme prospère l'état de ton âme." 3 Jean 1:2. MG 88 4 C'est Dieu, dit le Psalmiste, qui "pardonne toutes tes iniquités, qui guérit toutes tes maladies; c'est lui qui délivre ta vie de la fosse, qui te couronne de bonté et de miséricorde". Psaumes 103:3, 4. MG 88 5 Lorsque le Christ guérissait les malades, il leur donnait souvent cet avertissement: "Ne pèche plus, de peur qu'il ne t'arrive quelque chose de pire." Jean 5:14. Il montrait par là que ces gens s'étaient attiré eux-mêmes la maladie en transgressant les lois divines, et que désormais ils ne pourraient conserver la santé qu'en y obéissant. MG 88 6 Le médecin croyant devrait apprendre à ses malades à collaborer avec Dieu dans son oeuvre de restauration. Il est bien placé pour se rendre compte que la maladie est la conséquence du péché. Il sait que les lois de la nature, comme le Décalogue, sont divines et que seule l'obéissance à ces lois peut rendre la santé ou la conserver. Il voit de nombreuses personnes souffrir par suite d'habitudes pernicieuses, qui pourraient recouvrer la santé par des efforts personnels bien dirigés. Il faut que ces malades sachent que tout ce qui contribue à détruire les énergies physiques, mentales et spirituelles est un péché, et que l'on ne peut obtenir la santé qu'en obéissant aux lois établies par Dieu pour le bien des hommes. MG 89 1 Lorsqu'un médecin se rend compte qu'un malade souffre par sa manière de manger et de boire, ou par suite d'autres mauvaises habitudes, s'il ne le met pas en garde contre ses erreurs, il lui fait un grand tort. Les ivrognes, les aliénés, les débauchés sont pour lui une invitation à proclamer bien haut que la souffrance résulte du péché. Ceux qui comprennent les principes de la vie devraient s'employer avec zèle à lutter contre toutes les causes de maladies. En contact continuel avec la douleur, s'efforçant de la soulager, comment le médecin pourrait-il se taire? Serait-il charitable et compatissant s'il négligeait de proclamer la tempérance comme le grand remède contre la maladie? MG 89 2 Il faut expliquer aux hommes que le chemin des commandements de Dieu est aussi celui de la vie. C'est le Seigneur qui a établi les lois de la nature, et celles-ci ne sont pas des exigences arbitraires, car toute défense d'ordre physique ou moral implique une promesse. Si nous y obéissons, nous aurons part à cette dernière. Dieu ne nous oblige jamais à bien faire, mais il cherche à nous délivrer du mal pour nous porter au bien. MG 89 3 Attirons l'attention sur les lois données aux Israélites. Dieu y avait incorporé des instruction précises concernant leur manière de vivre. Il leur avait fait connaître ce qui assurerait leur bien-être à fois physique et spirituel, et s'ils s'y conformaient, voici la promesse qui leur était faite: "L'Eternel éloignera de toi toute maladie." Deutéronome 7:15. "Prenez à coeur toutes les paroles que je vous conjure aujourd'hui de recommander à vos enfants." "Car c'est la vie pour ceux qui les trouvent, c'est la santé pour tout leur corps." Deutéronome 32:46; Proverbes 4:22. MG 90 1 Le Seigneur désire que nous parvenions à la perfection qu'il nous a rendus capables d'atteindre par le Christ. Il nous demande de choisir ce qui est bien, de nous mettre en relation avec les agents célestes, d'adopter les principes qui restaureront en nous l'image divine. Dans les Ecritures, ainsi que dans le grand livre de la nature, il nous révèle les principes de la vie. C'est à nous de connaître ces principes. En nous y conformant, nous collaborerons avec Dieu pour recouvrer la santé de notre corps et de notre âme. MG 90 2 Nous ne pouvons recevoir dans leur plénitude les bienfaits qui découlent de l'obéissance que si nous acceptons la grâce du Christ. C'est cette dernière qui permet à l'homme d'obéir à la loi divine. C'est elle qui lui donne la force d'abandonner ses mauvaises habitudes et qui est seule capable de le remettre sur le bon chemin. MG 90 3 Lorsque nous acceptons l'Evangile dans sa pureté et dans toute sa puissance, nous avons alors le remède à nos maladies issues du péché. Pour nous, le Soleil de justice se lève avec "la guérison sous ses ailes". Malachie 4:2. Tout ce que peut nous offrir le monde ne saurait guérir notre coeur meurtri, communiquer la paix à notre âme, dissiper nos soucis ou vaincre la maladie. La célébrité, le génie, le talent, tout cela est incapable de réjouir un coeur qui souffre ou de rétablir une santé chancelante. Le seul espoir qui reste à l'homme, c'est de vivre la vie qui est en Dieu. MG 90 4 L'amour que le Christ répand dans l'être tout entier est une puissance vivifiante. C'est lui qui guérit notre coeur, notre cerveau, nos nerfs. Par lui, les plus nobles énergies de notre être sont mises en activité. Il libère l'âme de sa culpabilité et de sa tristesse, de ses anxiétés et de ses soucis. Il nous apporte le calme et la sérénité, et répand dans notre âme une joie, une joie dans le Saint-Esprit, qui est une source de vie et de santé, et que rien au monde ne saurait détruire. MG 91 1 Les paroles du Sauveur: "Venez à moi ... et je vous donnerai du repos" (Matthieu 11:28), sont un remède à tous les maux, qu'ils soient physiques, mentaux ou spirituels. Quoique les hommes se soient attiré la souffrance par leurs erreurs, Jésus les considère avec pitié. Il veut les secourir. Il est disposé à faire de grandes choses pour ceux qui se confient en lui. MG 91 2 Bien que pendant des siècles le mal ait exercé son empire sur les hommes; bien que Satan, par l'erreur et la tromperie, ait répandu les ténèbres sur la Parole de Dieu pour faire douter de la bonté divine, la miséricorde et l'amour de notre Père céleste n'ont cessé d'être abondamment déversés sur la terre. Si les hommes, en reconnaissance de tous les dons de Dieu, voulaient tourner leurs regards vers le ciel, ils obtiendraient une guérison totale. MG 91 3 Le médecin qui désire collaborer avec le Christ s'efforcera d'acquérir de l'expérience dans toutes les branches de son art. Il travaillera avec ardeur à se qualifier pour les responsabilités qui découlent de sa profession, et cherchera à atteindre un niveau plus élevé de connaissances, d'habileté et de discernement. Tout médecin qui n'est pas à la hauteur de sa tâche devrait comprendre qu'il fait du tort, non seulement à ses malades, mais encore à ses confrères. Celui qui se contente de connaissances théoriques et pratiques médiocres ne jette pas seulement le discrédit sur sa profession, il déshonore le grand Médecin, Jésus-Christ. MG 91 4 Le jeune praticien qui se découvre impropre à l'oeuvre à laquelle il s'est préparé devrait s'engager dans une autre voie. Par contre, celui qui a toutes les aptitudes requises pour soigner les malades, mais dont les connaissances médicales sont insuffisantes, ferait bien de se contenter de travailler fidèlement comme infirmier. Par un travail consciencieux et persévérant sous la direction d'un praticien expérimenté, et en profitant de toutes les occasions de s'instruire, il finira par acquérir la compétence qui lui manquait. Que les jeunes médecins, travaillant "avec Dieu", le Médecin suprême, ne reçoivent pas "la grâce de Dieu en vain", ne donnant "aucun scandale en quoi que ce soit, afin que le ministère [auprès des malades] ne soit pas un objet de blâme". Mais qu'ils se rendent "à tous égards recommandables, comme serviteurs de Dieu". 2 Corinthiens 6:1-4. MG 92 1 Dieu veut que nous regardions toujours plus haut. Le vrai médecin ne cessera de devenir plus habile. Encourageons ceux qui sont croyants et qui possèdent des talents et une grande expérience professionnelle à se consacrer au service de Dieu dans des institutions où ils pourront former des missionnaires médicaux. MG 92 2 Le médecin devrait posséder dans son coeur la lumière de la Parole de Dieu, et croître constamment en grâce. Il ne faut pas cependant que la religion soit pour lui une influence de plus ajoutée aux autres, mais celle qui doit les dominer toutes. Qu'il se laisse guider par les mobiles élevés et saints que seul peut lui inspirer celui qui a donné sa vie pour que nous puissions triompher du mal. MG 92 3 S'il s'efforce avec zèle et persévérance de devenir habile dans sa profession, s'il prend le temps de sonder son propre coeur et se consacre au service du Christ, il comprendra le caractère sacré de sa vocation. Il pourra se former et se discipliner de manière à édifier tous ceux qui l'approcheront. Il verra ce que procure la communion avec le Dieu de toute sagesse et de toute puissance. MG 93 4 Aucun travail n'exige une communion plus intime avec Dieu que celui du médecin. Si ce dernier veut s'acquitter fidèlement de sa tâche, il devra vivre en chrétien chaque jour et à chaque heure. La vie du malade est entre ses mains. Un diagnostic fait à la légère, une ordonnance inexacte dans un cas grave, un geste maladroit au cours d'une opération, et voilà une vie sacrifiée, une âme précipitée dans l'éternité. Comme tout cela est solennel! Comme il importe qu'il soit constamment guidé par le grand Médecin! MG 93 1 Le Sauveur est disposé à donner à tous ceux qui les lui demandent la sagesse et la lucidité dont ils ont besoin. Et à qui ces qualités sont-elles plus nécessaires qu'au médecin, à celui dont les décisions ont une telle importance? Que le praticien qui cherche à prolonger une vie regarde au Christ avec foi. C'est lui qui lui communique le tact, l'intelligence dans tous les cas difficiles. MG 93 2 Extraordinaires sont les occasions données à ceux qui s'occupent des malades. Dans tout ce qui est tenté pour leur rendre la santé, faites-leur comprendre que le médecin cherche à les aider à collaborer avec Dieu pour combattre la maladie. Induisez-les à ressentir qu'à chaque pas qu'ils font en harmonie avec les lois de Dieu, ils peuvent s'attendre à l'aide de la puissance divine. MG 93 3 Les malades se confient plus volontiers à un médecin qui craint Dieu. Ils croient ce qu'il leur dit, et sa présence et ses soins leur donnent une impression de douce sécurité. Connaissant le Sauveur, il peut demander à Dieu d'être présent dans la chambre du malade. Avant de procéder à une opération, il implore le secours du grand Médecin. A celui qui souffre il donnera l'assurance que Dieu peut l'aider à traverser la crise, et que, dans la détresse, il est un refuge pour tous ceux qui se confient en lui. Le médecin qui ne peut faire cela va au-devant d'échecs répétés, tandis que s'il possède la foi en un Sauveur compatissant qui connaît toutes nos détresses, s'il lui présente l'âme du malade, l'issue sera moins souvent fatale. MG 93 4 Seul celui qui lit dans les coeurs sait avec quelle appréhension, quelle terreur, beaucoup de malades consentent à subir une opération. Ils redoutent le danger qui les menace; et bien qu'ayant confiance en l'habileté du chirurgien, ils savent qu'il n'est pas infaillible. S'ils voyaient celui-ci se mettre à genoux pour réclamer le secours de Dieu, ils retrouveraient le calme et la confiance. La reconnaissance ouvrirait leur coeur à la puissance guérissante d'en haut, leurs énergies seraient vivifiées, et les forces vitales triompheraient. MG 94 1 Pour le médecin lui-même, la présence du Sauveur est une force. Ses responsabilités lui font parfois envisager l'avenir avec crainte. L'incertitude et l'appréhension rendent sa main malhabile. Mais le sentiment que le conseiller divin est à ses côtés, pour le guider et le soutenir, lui donne calme et courage, et communique à sa main dextérité, assurance et force. MG 94 2 Lorsque la crise est passée et que le succès est certain, le médecin devrait passer quelques instants en prière avec le malade. Qu'il fasse monter vers le Seigneur sa reconnaissance de ce qu'une vie a été épargnée; et si le malade lui exprime sa gratitude, qu'il l'invite à adresser ses louanges et ses actions de grâces au Dieu du ciel. Que le patient sache que s'il a conservé la vie, il le doit à la protection du grand Médecin. MG 94 3 En agissant ainsi, le médecin dirigera le malade vers celui qui est l'arbitre de sa vie, et qui peut sauver parfaitement tous ceux qui vont à lui. MG 94 4 L'oeuvre médicale missionnaire devrait être caractérisée par un profond amour des âmes. Au médecin, comme au prédicateur de l'Evangile, a été confiée la mission la plus importante qui soit. Qu'il s'en rende compte ou non, il a charge d'âmes. MG 94 5 Occupé à lutter contre la maladie et la mort, le médecin perd trop souvent de vue les réalités de la vie future. Dans son effort pour écarter les périls qui menacent le corps, il oublie ceux auxquels l'âme est exposée. Ce malade que l'on entoure de soins en est peut-être à son dernier combat avec la mort.... Bientôt il sera trop tard pour secourir son âme, et cette âme, le médecin la retrouvera au jour du jugement. MG 95 1 Nous nous privons souvent des bénédictions les plus précieuses en négligeant de prononcer une bonne parole en temps opportun. Si nous ne profitons pas des occasions, nous ne les retrouverons plus jamais. Ne vous permettez aucune discussion, religieuse ou autre, au chevet du malade; mais, pieusement, avec douceur, dirigez son âme vers celui qui peut sauver tous ceux qui viennent à lui avec foi. Avec zèle, avec tendresse, efforcez-vous d'aider l'âme qui oscille entre la vie et la mort. MG 95 2 Le médecin qui a lui-même fait l'expérience que le Christ est son Sauveur, parce qu'il a lui-même été conduit au Refuge, sait comment agir avec les âmes tremblantes et coupables qui viennent le consulter. Il sait comment répondre à la question: "Que faut-il faire pour être sauvé?" Il peut parler de l'amour du Rédempteur, présenter à Dieu par la prière les besoins d'une âme, et engager celle-ci à accepter la miséricorde d'un Sauveur compatissant. Il sait aussi ce que peuvent entraîner la repentance et la foi. Et tandis qu'il s'efforce de réconforter son malade, le Seigneur travaille avec lui. C'est ainsi que la pensée du patient sera dirigée vers le Christ qui remplira son coeur de paix. La santé spirituelle qui en résulte est un moyen dont Dieu se servira pour rétablir la santé du corps. MG 95 3 Au cours de son travail, le médecin aura souvent l'occasion de faire du bien aux amis de ses malades, qui sont incapables de soulager celui ou celle qu'ils aiment. Fréquemment, ils lui confieront leurs secrètes appréhensions. Ce sera alors l'occasion de leur faire connaître celui qui sollicite les âmes fatiguées et chargées de venir à lui pour trouver du repos. Que l'on fasse monter une prière en leur faveur vers oelui qui guérit tous les maux et apaise toutes les souffrances. Promesses divines MG 96 1 Le médecin a donc des occasions précieuses de faire connaître les promesses de la Parole de Dieu. Il doit sortir du trésor des choses nouvelles et des choses anciennes, prononçant ici et là les paroles de réconfort et d'instruction attendues. Que l'esprit du médecin soit une source de pensées rafraîchissantes. Qu'il étudie la Parole de Dieu diligemment, afin de se familiariser avec ses promesses. Qu'il apprenne à répéter les paroles de consolation prononcées par le Christ au cours de son ministère terrestre, lorsqu'il enseignait ses leçons et guérissait les malades. Qu'il attire l'attention de ses patients sur les guérisons opérées par le Christ, sur sa tendresse, sur son amour. Qu'il ne néglige jamais de diriger les pensées de ses malades vers le Christ, le Médecin suprême. MG 96 2 La même puissance exercée par le Christ lorsqu'il vivait parmi les hommes se manifeste dans sa Parole. C'est par elle qu'il guérissait les malades, chassait les démons, calmait la mer et ressuscitait les morts; le peuple témoignait que sa Parole était puissante. Il prêchait la Parole de Dieu, la même qu'il avait communiquée à tous les prophètes et maîtres de l'Ancien Testament. La Bible tout entière est une manifestation du Sauveur. MG 96 3 On doit considérer les Ecritures non seulement comme un document, mais aussi et surtout comme une parole que Dieu nous adresse personnellement. Lorsque ceux qui étaient dans la peine venaient solliciter son aide, le Sauveur voyait en eux tous ceux qui, dans les siècles à venir, iraient à lui avec les mêmes besoins et la même foi. Lorsqu'il disait au paralytique: "Mon enfant, tes péchés sont pardonnés" (Matthieu 9:2); et à la femme de Capernaüm: "Ma fille, ta foi t'a sauvée; va en paix" (Luc 8:48), il parlait également pour les âmes affligées qui, plus tard, solliciteraient son secours. MG 97 1 Il en est ainsi de toutes les promesses de la Parole de Dieu. Jésus nous les adresse comme si nous entendions réellement sa voix. C'est par elles qu'il nous communique sa grâce et sa puissance. Elles sont les feuilles de cet arbre dont parle l'Apocalypse et qui servent à "la guérison des nations". Apocalypse 22:2. Elles deviennent la force du caractère, l'inspiration de la vie. Il n'est rien au monde qui possède une plus grande puissance de guérison, rien qui puisse inspirer davantage le courage et la foi, insuffler une énergie vivifiante à l'être tout entier. MG 97 2 A celui qui est au bord de la tombe, à l'âme fatiguée par la souffrance et le péché, redisons ces paroles du Sauveur, car c'est lui qui les a inspirées: MG 97 3 Ne crains rien, car je te rachète, Je t'appelle par ton nom: tu es à moi! Si tu traverses les eaux, je serai avec toi; Et les fleuves, ils ne te submergeront point; Si tu marches dans le feu, tu ne te brûleras pas, Et la flamme ne t'embrasera pas. Car je suis l'Eternel, ton Dieu. ... C'est moi, moi qui efface tes transgressions pour l'amour de moi, Et je ne me souviendrai plus de tes péchés. ... Ne crains rien, car je suis avec toi. Ésaïe 43:1-4, 25, 5. MG 97 4 Comme un père a compassion de ses enfants, L'Eternel a compassion de ceux qui le craignent. Car il sait de quoi nous sommes formés, Il se souvient que nous sommes poussière. Psaumes 103:13, 14. MG 97 5 Reconnais seulement ton iniquité, Reconnais que tu as été infidèle à l'Eternel, ton Dieu. Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour Nous les pardonner, et pour nous purifier de toute iniquité. Jérémie 3:13; 1 Jean 1:9. MG 98 1 J'efface tes transgressions comme un nuage, Et tes péchés comme une nuée; Reviens à moi, Car je t'ai racheté. Ésaïe 44:22. MG 98 2 Si vos péchés sont comme le cramoisi, Ils deviendront blancs comme la neige; S'ils sont rouges comme la pourpre, Ils deviendront comme la laine. Ésaïe 1:18. MG 98 3 Je t'aime d'un amour éternel; C'est pourquoi je te conserve ma bonté. Je t'avais un moment dérobé ma face. Mais avec un amour éternel j'aurai compassion de toi, Dit ton rédempteur, l'Eternel. Jérémie 31:3; Ésaïe 54:8. MG 98 4 Que votre coeur ne se trouble point. ... Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Je ne vous donne pas comme le monde donne. Que votre coeur ne se trouble point, Et ne s'alarme point. Jean 14:1, 27. MG 98 5 Chacun sera comme un abri contre le vent, Et un refuge contre la tempête, Comme des courants d'eau dans un lieu desséché, Comme l'ombre d'un grand rocher dans une terre altérée. Ésaïe 32:2. MG 98 6 Les malheureux et les indigents cherchent de l'eau, et il n'y en a point; Leur langue est desséchée par la soif. Moi, l'Eternel, je les exaucerai; Moi, le Dieu d'Israël, je ne les abandonnerai pas. Ésaïe 41:17. MG 98 7 Je répandrai des eaux sur le sol altéré, Et des ruisseaux sur la terre desséchée; Je répandrai mon esprit sur ta race, Et ma bénédiction sur tes rejetons. Ésaïe 44:3. MG 99 1 Tournez-vous vers moi, et vous serez sauvés, Vous tous qui êtes aux extrémités de la terre! Ésaïe 45:22. MG 99 2 Il a pris nos infirmités, Et il s'est chargé de nos maladies. Il était blessé pour nos péchés, Brisé pour nos iniquités; Le châtiment qui nous donne la paix est tombé sur lui, Et c'est par ses meurtrissures que nous sommes guéris. Matthieu 8:17; Ésaïe 53:5. ------------------------Chapitre 8 -- Le rôle éducateur du médecin MG 100 1 Le bon médecin est un éducateur. Il se rend compte de ses responsabilités, non seulement envers le malade qu'il soigne, mais aussi envers la société dans laquelle il vit. Il est le gardien de la santé morale comme de la santé physique. Il s'efforce, non seulement d'enseigner les méthodes thérapeutiques, mais encore d'inculquer de bonnes habitudes et de faire connaître les lois de la vie. Il faut enseigner les principes de la santé MG 100 2 La connaissance des principes de la santé n'a jamais été plus nécessaire qu'aujourd'hui. Malgré le confort croissant et les commodités dont on entoure la vie moderne, malgré les progrès remarquables de l'hygiène et de la thérapeutique, le déclin de la vigueur physique et de la force d'endurance est alarmant. Ce fait est digne de fixer l'attention de tous ceux qui ont à coeur le bien-être de leurs semblables. MG 100 3 Notre civilisation artificielle encourage des habitudes pernicieuses. Les coutumes et la mode sont en guerre contre la nature. La manière de vivre qu'elles imposent et les excès qu'elles excusent diminuent peu à peu nos forces physiques et mentales. D'où la maladie, la souffrance, l'intempérance et le crime. MG 100 4 Il est vrai que beaucoup de gens transgressent par ignorance les lois de la santé, et il faut les instruire. Mais le plus grand nombre pèchent à bon escient, et devraient comprendre combien il est important de les observer. Le médecin a de multiples occasions de parler des principes de la santé, et de montrer la nécessité de s'y conformer. Par ses bons conseils, il peut faire beaucoup pour corriger des erreurs qui font un mal incalculable à l'humanité. MG 101 1 L'emploi de médicaments toxiques est une pratique qui engendre une multitude de maladies. Beaucoup de gens ne cherchent pas à connaître la cause réelle de leurs malaises. Leur unique préoccupation est d'être soulagés de leurs douleurs et des inévitables incommodités qui en résultent. Pour y parvenir, ils recourent à des médicaments dont ils ne connaissent que très mal les propriétés réelles, ou s'adressent au médecin pour avoir un remède qui neutralise l'effet de leurs erreurs; mais ils n'ont pas le moins du monde l'idée de changer leurs mauvaises habitudes qui causent tout le mal. S'ils n'obtiennent pas d'amélioration immédiate, ils essaient un autre médicament, puis un autre encore, et le mal s'aggrave de jour en jour. MG 101 2 Il faut apprendre aux gens que les médicaments ne guérissent pas. S'ils apportent parfois un soulagement momentané, et si la guérison paraît résulter de leur emploi, c'est parce que la nature possède des forces suffisantes pour éliminer le poison et combattre les causes de la maladie. On peut dire que c'est malgré les médicaments que la santé est rétablie. Mais dans la plupart des cas, ceux-ci ne font que changer la forme ou le siège de la maladie. Souvent le poison, en apparence inoffensif pendant quelque temps, reste à l'état latent dans l'organisme et y cause plus tard des troubles fâcheux. MG 101 3 Beaucoup de maladies chroniques sont dues à l'usage de médicaments toxiques. C'est ainsi qu'un bon nombre de vies humaines ont été fauchées qui auraient pu être préservées grâce à des traitements naturels. Les poisons contenus dans beaucoup de prétendus remèdes créent des besoins qui ruinent le corps et l'âme. Bien des panacées populaires et des spécialités pharmaceutiques, et même certains médicaments prescrits par les médecins, sont en partie responsables de ces terribles fléaux de l'humanité que sont l'alcoolisme, l'opiomanie ou la morphinomanie. MG 102 1 Le seul espoir d'améliorer cet état de choses est de faire connaître les lois de la santé. Les médecins devraient enseigner que la guérison se trouve non dans les médicaments, mais dans la nature. La maladie est l'effort de l'organisme pour rétablir un équilibre rompu par la violation des principes qui régissent notre être physique. Il faut donc premièrement en rechercher la cause, écarter les mauvaises habitudes et supprimer les conditions insalubres. Puis, on aidera la nature à éliminer les impuretés et à rétablir l'état normal de l'organisme. Remèdes naturels MG 102 2 L'air pur, le soleil, l'abstinence, l'eau, le repos, l'exercice, une alimentation judicieuse, la confiance en Dieu, voilà les vrais remèdes. Chacun devrait connaître les traitements naturels et la manière de les appliquer. Il est essentiel d'être au courant des principes qui régissent le soin des malades, et d'acquérir une expérience pratique à cet égard. MG 102 3 L'usage des remèdes naturels exige, il est vrai, des précautions et des efforts qui rebutent bien des gens, car la nature guérit et reconstitue graduellement; elle paraît lente à ceux qui manquent de patience. D'autre part, l'abandon des plaisirs malsains demande un sacrifice. Mais si l'on persévère, on découvre bien vite qu'en cessant de la contrecarrer, la nature accomplit son oeuvre avec sagesse; et en obéissant à ses lois, on est récompensé par un retour à la santé du corps et de l'esprit. MG 103 1 On accorde généralement trop peu d'attention à la conservation de la santé, et l'on oublie que mieux vaut prévenir que guérir. MG 103 2 C'est le devoir de chacun envers soi-même et l'humanité de s'enquérir des lois de la vie et de s'y conformer consciencieusement. Il faut se familiariser avec le corps humain, le plus merveilleux de tous les organismes, comprendre ses différentes fonctions et leurs relations en vue de l'action admirable de l'ensemble. On devrait étudier l'influence de l'esprit sur le corps et du corps sur l'esprit, ainsi que les lois qui régissent l'un et l'autre. Entraînement aux luttes de la vie MG 103 3 On ne rappellera jamais suffisamment que la santé n'est pas le fait du hasard; elle résulte de l'obéissance à des règles précises. Les athlètes le savent bien, eux qui se préparent avec le plus grand soin à un entraînement et à une discipline sévères. Tout est chez eux soigneusement réglé, car ils savent fort bien que la négligence, les excès ou le manque de soins qui affaibliraient ou paralyseraient l'un ou l'autre des organes de leur corps occasionneraient leur défaite. MG 103 4 Combien sont plus importantes les précautions à prendre pour réussir dans la vie! Ce n'est pas à un simulacre de bataille que nous sommes appelés: nous soutenons une lutte dont les résultats sont éternels. Nous avons à faire face à des ennemis invisibles, aux mauvais anges qui s'efforcent de dominer chaque être humain. Tout ce qui nuit à la santé affaiblit non seulement la vigueur physique, mais aussi les énergies mentales et morales. La satisfaction des mauvais penchants rend plus difficiles le discernement du bien et du mal et la résistance aux influences néfastes. Elle multiplie les risques d'échecs et de défaites. MG 103 5 "Ne savez-vous pas, dit Paul, que ceux qui courent dans le stade courent tous, mais qu'un seul remporte le prix?" 1 Corinthiens 9:24. Dans la lutte où nous sommes engagés, la victoire est acquise à tous ceux qui se soumettent implicitement aux principes divins. Mais trop souvent l'application de ces principes aux détails de la vie est considérée comme secondaire ou indigne d'attention. Cependant, si l'on envisage l'enjeu de la lutte, rien ne paraîtra négligeable. Tous nos actes ont leur importance, soit pour la victoire, soit pour la défaite. "Courez, ajoute Paul, de manière à ... remporter" le prix. Verset 24. MG 104 1 Ce fut la gourmandise qui fit perdre le jardin d'Eden à nos premiers parents. Pour le reconquérir, la tempérance en toutes choses a plus d'importance qu'on ne le pense généralement. MG 104 2 Faisant allusion aux privations de ceux qui participaient aux jeux grecs d'antan, l'apôtre Paul écrit: "Tous ceux qui combattent s'imposent toute espèce d'abstinences, et ils le font pour obtenir une couronne corruptible; mais nous, faisons-le pour une couronne incorruptible. Moi donc, je cours, non pas comme à l'aventure; je frappe, non pas comme battant l'air. Mais je traite durement mon corps et je le tiens assujetti, de peur d'être moi-même rejeté, après avoir prêché aux autres." Versets 25-27. MG 104 3 Pour réussir, une réforme doit avoir comme point de départ la perception nette d'une vérité fondamentale. S'il faut se méfier d'une philosophie étroite ou d'une froide orthodoxie, le libéralisme large et blasé présente un danger beaucoup plus grand. Le fondement de toute réforme durable, c'est la loi divine. Chacun doit comprendre la nécessité d'obéir à celle-ci. Que ses principes, aussi éternels et absolus que Dieu lui-même, soient connus de tous. MG 104 4 L'un des plus déplorables effets du péché originel fut de faire perdre à l'homme la maîtrise de soi-même. On ne peut progresser réellement que si cette maîtrise est reconquise. MG 105 1 Le corps est le seul intermédiaire pour élever l'âme et former le caractère. De là les tentations de l'adversaire des âmes pour affaiblir et dégrader nos forces physiques. Son succès dans ce domaine lui assure la possession de notre être tout entier. Si une puissance supérieure ne maîtrise nos penchants, il causera sûrement notre perte. MG 105 2 Le corps doit être contrôlé par les plus nobles énergies de notre être. Soumise à Dieu, notre volonté maîtrisera nos passions. La raison, sanctifiée par la grâce divine, dirigera notre vie. MG 105 3 Il faut que nous ayons conscience des exigences de Dieu; il faut qu'hommes et femmes comprennent leur devoir d'être purs, de se dominer, de s'affranchir de tout appétit dépravé et de toute mauvaise habitude. Toutes nos énergies, morales et physiques, sont un don du ciel et doivent être mises à son service. MG 105 4 Dans le rituel mosaïque, symbole de l'Evangile, aucune offrande tarée n'était reçue à l'autel de Dieu. Le sacrifice qui représentait le Christ devait être sans tache. C'est à cela que l'Ecriture fait allusion lorsqu'elle dit que les croyants doivent offrir leurs "corps comme un sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu". Romains 12:1; Ephésiens 5:27. MG 105 5 Aucune réforme véritable ne peut être accomplie sans la puissance divine. Les barrières humaines destinées à neutraliser les tendances naturelles ou acquises ne sont que des digues de sable contre un torrent. Tant que la vie de Jésus ne nous galvanisera pas, nous ne pourrons résister aux tentations, qu'elles viennent de l'intérieur ou de l'extérieur. MG 105 6 Le Christ est venu ici-bas et a vécu selon la loi divine pour que l'homme puisse acquérir une maîtrise parfaite sur ses inclinations naturelles. Médecin de l'âme et du corps, il donne la victoire sur la concupiscence. Par lui, nous pouvons former un caractère parfait. MG 105 7 Soumis à Dieu, notre esprit est contrôlé par la loi royale qui libère tous les captifs. En nous unissant au Christ, nous devenons libres. Faire sa volonté, c'est travailler au bien de l'humanité. MG 106 1 Lorsque nous obéissons à la loi divine, nous sommes affranchis de l'esclavage du péché et délivrés des passions mauvaises. Nous pouvons arriver à nous dominer, à dompter nos inclinations et à vaincre "les princes de ce monde de ténèbres" et "les esprits méchants dans les lieux célestes". Ephésiens 6:12. MG 106 2 C'est au sein de la famille que ces instructions sont le plus nécessaires et feront le plus de bien. Les parents doivent poser les vrais fondements du caractère et des bonnes habitudes. Qu'ils commencent par faire comprendre aux enfants que les principes de la loi divine comportent la santé physique aussi bien que la santé morale. Montrons-leur que l'obéissance à la Parole de Dieu est leur seule sauvegarde contre les maux qui mènent le monde à sa perte. Mettons en évidence la responsabilité des parents, non seulement envers eux-mêmes, mais aussi envers leurs enfants. Ils donnent à ceux-ci l'exemple de l'obéissance ou de la transgression. Le sort de leur famille est déterminé par cet exemple et leurs enseignements. Les enfants seront ce que les ont faits les parents. MG 106 3 Si les parents pouvaient considérer par eux-mêmes les conséquences de leurs actes, et voir comment leur vie et leur influence accroissent la puissance du péché ou celle de la justice, un changement radical s'opérerait certainement. Beaucoup renonceraient à des coutumes traditionnelles et se soumettraient aux principes divins. Puissance de l'exemple MG 106 4 Appelé par sa profession à pénétrer dans les familles, à se rendre au chevet des malades, le médecin peut calmer leurs alarmes, les ramener du bord de la tombe, parler d'espoir aux mourants. Il gagne ainsi leur confiance et leur affection, et occupe une place à laquelle bien peu sauraient prétendre. Le pasteur lui-même ne dispose pas d'occasions aussi propices, ni d'une influence aussi étendue. MG 107 1 L'exemple du médecin, comme son enseignement, est une force positive pour le bien. La réforme qu'il s'agit d'accomplir a besoin d'hommes et de femmes dont la conduite offre l'exemple de l'empire sur soi-même. Ce qui donne du poids aux principes que nous voulons inculquer, c'est la manière dont nous les mettons nous-mêmes en pratique. Le monde a besoin d'une démonstration vivante de ce que peut faire la grâce divine pour redonner à l'homme sa dignité perdue et l'empire sur soi-même. Rien n'est plus nécessaire à l'humanité que la puissance salutaire de l'Evangile, révélée dans la vie de ceux qui s'efforcent d'imiter le Christ. MG 107 2 Le médecin est continuellement en relation avec des gens qui ont besoin d'être fortifiés et encouragés par un bon exemple. Beaucoup sont faibles de caractère, manquent d'empire sur eux-mêmes et sont facilement la proie de la tentation. Il ne peut leur venir en aide que si sa conduite révèle une fermeté de principes qui lui permette de triompher des habitudes nuisibles et des passions basses. On doit voir à l'oeuvre dans sa vie la puissance divine. Sinon, quelque persuasives que soient ses paroles, son influence s'exercera en faveur du mal. MG 107 3 Bien des gens qui réclament les conseils et les soins du médecin sont des naufragés de la vie à cause de leurs mauvaises habitudes. Blessés, meurtris, coupables, impuissants, ils comprennent leurs errements, et ne savent comment s'en affranchir. Il ne devrait y avoir, dans l'entourage de ces personnes, rien qui puisse leur rappeler le milieu délétère auquel elles doivent leur état. Il leur faut une atmosphère pure, des pensées nobles et élevées. Quelle terrible responsabilité encourent ceux qui, au lieu de leur donner le bon exemple, sont eux-mêmes les esclaves d'habitudes pernicieuses! Le médecin et l'oeuvre de la tempérance MG 108 1 Il en est beaucoup parmi ceux qui ont recours au médecin qui ruinent leur corps et leur âme par l'usage du tabac et des boissons enivrantes. Celui qui comprend ses responsabilités dénoncera à ses malades la cause de leurs souffrances. Mais s'il fait lui-même usage de ces poisons, quelle valeur pourront avoir ses paroles? Conscient de sa propre faiblesse, il hésitera à signaler le danger qui menace la vie de ses malades, et il n'aura à cet égard aucune influence sur la jeunesse. MG 108 2 Adonné à des habitudes d'intempérance, comment un médecin pourrait-il montrer l'exemple de la pureté, de l'empire sur soi-même, et travailler au relèvement de ceux qui sont tombés? Alors que son haleine dégage l'odeur des liqueurs enivrantes et du tabac, que son sytème nerveux est ébranlé, son cerveau obscurci par l'usage des narcotiques, comment serait-il capable d'accomplir son oeuvre auprès des malades, leur inspirer confiance, et agir rapidement et avec précision? MG 108 3 Si un médecin n'obéit pas aux lois qui gouvernent son être, s'il préfère les plaisirs égoïstes à la vigueur du corps et de l'esprit, ne se déclare-t-il pas ainsi indigne de se voir confier des vies humaines? MG 108 4 Quelque consciencieux et expérimenté qu'il soit, un médecin rencontre bien des insuccès et des découragements apparents. Souvent il n'atteint pas le but qu'il s'était proposé. De ses patients qui recouvrent la santé, il ne résulte aucun bien, ni pour eux ni pour la société. Beaucoup ne se rétablissent que pour retomber dans les erreurs qui les avaient rendus malades et pour se livrer avec la même ardeur au tourbillon des plaisirs insensés. Ce que le médecin a fait pour eux semble un effort perdu. MG 109 1 Le Christ a fait la même expérience. Cependant, il ne cessait de se dépenser en faveur de ceux qui passaient par la souffrance. Des dix lépreux qu'il purifia un jour, un seul fut reconnaissant; et c'était un étranger, un Samaritain. Mais pour l'amour de celui-là, Jésus avait guéri les neuf autres. Que le médecin qui est en proie au découragement pense au Sauveur, le grand Médecin, dont il est écrit: "Il ne se découragera point et ne se relâchera point. ... A cause du travail de son âme, il rassasiera ses regards." Ésaïe 42:4; 53:11. MG 109 2 S'il n'y avait eu qu'une seule âme pour accepter l'Evangile de la grâce, le Christ aurait quand même consenti, pour la sauver, à vivre une vie de labeur et d'humilité, et à mourir sur la croix. Si donc, par nos efforts, un seul être humain peut être rendu digne de briller dans les parvis célestes, n'est-ce pas déjà un résultat réjouissant? MG 109 3 La tâche du médecin est ardue et fatigante. Pour s'en acquitter avec succès, il lui faut une constitution et une santé robustes. Un homme faible et maladif ne peut supporter le travail pénible qui incombe au médecin. Celui qui n'a pas une parfaite maîtrise de soi-même n'est pas qualifié pour s'occuper de toutes sortes de maladies. MG 109 4 Souvent troublé dans son sommeil, obligé parfois de négliger ses repas, privé dans une large mesure des distractions sociales et des privilèges religieux, le médecin paraît astreint à un genre de vie lugubre et monotone. Les déboires qu'il rencontre, la pusillanimité des uns, la dépravation des autres attristent son coeur et ébranlent sa confiance dans l'humanité. MG 109 5 D'autre part, la lutte contre la maladie et la mort épuise à l'extrême ses énergies. Ce rude effort l'éprouve intensément, et c'est alors qu'il est le plus accessible à la tentation. Il a besoin, plus que quiconque, de force morale, de pureté d'esprit et de foi réelle. Pour l'amour des autres comme dans son propre intérêt, il ne peut se permettre de méconnaître les lois physiques. L'insouciance dans ce domaine l'amènerait bien vite à l'insouciance au point de vue moral. MG 110 1 Ce qui seul peut soutenir le médecin dans toutes les circonstances, c'est de se conformer aux principes divins et d'être fortifié et ennobli par une fermeté d'intention que l'on ne peut trouver qu'en Dieu. Il doit manifester l'excellence du caractère divin. Jour après jour, heure après heure, instant après instant, il faut qu'il vive comme s'il était en présence d'un monde invisible. Tel Moïse, il agira "comme voyant celui qui est invisible". MG 110 2 La justice plonge ses racines dans la sainteté. Nul ne peut mener une vie pure devant ses semblables, si celle-ci n'est "cachée avec le Christ en Dieu". Plus l'activité du médecin est intense, plus intime doit être sa communion avec le ciel. MG 110 3 Plus ses devoirs sont urgents et grandes ses responsabilités, plus aussi il a besoin de la puissance divine. Il faut qu'il consacre moins de temps aux choses temporelles pour en accorder davantage aux réalités éternelles. Qu'il résiste à un monde qui voudrait l'accaparer et le séparer de la source de sa force. Plus que tous les autres hommes, qu'il se place, par la prière et l'étude des Ecritures, sous l'égide de Dieu. Qu'il ne cesse de se conformer aux principes de vérité, de justice et de grâce qui sont pour l'âme la révélation des attributs de la divinité. MG 110 4 Dans la mesure où la Parole de Dieu est mise en pratique, elle place son empreinte sur chacun de nos actes et sur chaque trait de notre caractère; elle purifie chaque pensée et régit chaque désir. Ceux qui la suivent sont les hommes forts: ils s'élèvent au-dessus de ce qui est vil pour vivre dans une atmosphère exempte de toute impureté. MG 110 5 Pour celui qui est en communion avec Dieu, la fermeté qui préserva jadis Joseph et Daniel de la corruption des cours païennes produira une vie irréprochable. Son caractère sera sans tache. La lumière du Christ l'illuminera, et l'étoile du matin se lèvera sur lui dans toute sa splendeur. MG 111 1 Une telle vie est une barrière contre le mal, une sécurité pour ceux qui passent par la tentation, une lumière pour ceux qui s'égarent dans le dédale des difficultés et des découragements: elle est une force au service de la société. ------------------------Chapitre 9 -- Enseigner et guérir MG 115 1 Lorsque Jésus envoya ses disciples faire leur première tournée missionnaire, il leur dit: "Allez, prêchez, et dites: Le royaume des cieux est proche. Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons. Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement." Matthieu 10:7, 8. MG 115 2 Plus tard, lorsqu'il envoya les soixante-dix disciples, il ajouta: "Dans quelque ville que vous entriez ... guérissez les malades qui s'y trouveront, et dites-leur: Le royaume de Dieu s'est approché de vous." Luc 10:8, 9. La puissance du Seigneur les accompagnait. "Les soixante-dix revinrent avec joie, disant: Seigneur, les démons mêmes nous sont soumis en ton nom." Verset 17. MG 115 3 Cette oeuvre se poursuivit après l'ascension. On revit les mêmes scènes. "La multitude accourait aussi des villes voisines à Jérusalem, amenant des malades et des gens tourmentés par des esprits impurs; et tous étaient guéris." Actes 5:16. MG 115 4 Les disciples partirent, et "le Seigneur travaillait avec eux". Marc 16:20. "Philippe, étant descendu dans une ville de la Samarie, y prêcha le Christ. Les foules tout entières étaient attentives à ce que disait Philippe. ... Car des esprits impurs sortirent de plusieurs démoniaques ... et beaucoup de paralytiques et de boiteux furent guéris. Et il y eut une grande joie dans cette ville." Actes 8:5-8. Les disciples à l'oeuvre MG 116 1 Luc, l'auteur de l'évangile qui porte son nom, était un missionnaire médical. Il est appelé "le médecin bien-aimé". Colossiens 4:14. L'apôtre Paul, ayant entendu parler de ses talents de médecin, voulut faire sa connaissance, et il comprit que Dieu avait confié à cet homme une oeuvre spéciale. Il en fit pendant un certain temps son compagnon dans ses voyages missionnaires. Puis, il le laissa à Philippes, en Macédoine, où Luc exerça la médecine pendant plusieurs années tout en prêchant l'Evangile. Il soignait les malades, et demandait au Seigneur de les guérir. C'est ainsi qu'il commençait à prêcher la Parole. Ses succès comme médecin lui donnaient de nombreuses occasions d'annoncer le Christ parmi les païens. La volonté de Dieu est que nous imitions les premiers disciples dans leurs méthodes de travail. La guérison physique va de pair avec la proclamation de l'Evangile. Elles ne doivent jamais être séparées. MG 116 2 Les apôtres furent chargés par le Maître de répandre la bonne nouvelle du salut. La tâche leur avait été confiée de proclamer au monde entier la bonne nouvelle que le Christ apporte aux hommes. Ils s'en acquittèrent si fidèlement, qu'en une seule génération l'Evangile fut annoncé à toutes les nations. MG 116 3 Il faut que tous ceux qui se réclament du nom du Seigneur proclament, eux aussi, l'Evangile, car il est le seul remède contre le péché. Faire connaître au monde entier le message de grâce, voilà le premier devoir de tous ceux qui en connaissent la puissance de guérison. MG 116 4 Lorsque le Christ envoya les disciples avec le message évangélique, la foi en Dieu et en sa Parole avait presque complètement disparu. Chez les Juifs, qui prétendaient connaître Jéhovah, les saintes Ecritures étaient remplacées par la tradition et les spéculations. L'ambition, le désir de paraître, l'amour du gain absorbaient les pensées; et à mesure que disparaissait la crainte de Dieu, la compassion envers les hommes faisait place à l'égoïsme qui régnait en maître. Satan triomphait en semant la misère et la dégradation. MG 117 1 Les forces du mal finirent par dominer l'homme. Elles firent de son corps, destiné à être le temple de Dieu, le repaire des démons. Ses sens, ses nerfs, tous ses organes furent influencés par une puissance surnaturelle, et les passions les plus viles s'emparèrent de lui, au point que son visage semblait reproduire l'expression des légions sataniques qui le possédaient. MG 117 2 Quelle est aujourd'hui la condition du monde? La Bible est battue en brèche par la "haute critique" et les hypothèses scientifiques, autant qu'elle l'était au temps du Christ par la tradition et le rabbinisme. L'avidité, l'ambition et l'amour du plaisir ont une emprise sur les coeurs aussi forte que jadis. Dans le monde soi-disant chrétien, au sein même des églises, ils sont rares ceux qui sont régis par des principes religieux. Dans les affaires, la société, la famille, et même la religion, comme ils sont peu nombreux les hommes dont la conduite de chaque jour est en harmonie avec les enseignements du Christ! N'est-il pas vrai que "la vérité trébuche sur la place publique, et la droiture ne peut approcher. ... Et celui qui s'éloigne du mal est dépouillé"? Ésaïe 59:14, 15. MG 117 3 Une épidémie de crimes sévit actuellement devant laquelle tous ceux qui ont la crainte de Dieu sont frappés d'horreur. La corruption prévaut au-delà de tout ce que l'on pourrait décrire. Chaque jour apporte la nouvelle de conflits politiques, de fraudes, de violences, de désordres, d'indifférence aux souffrances humaines, de meurtres atroces commis avec une abominable férocité. Chaque jour est témoin de la progression du crime, de la folie et du suicide. Qui oserait nier que les suppôts de Satan travaillent parmi les hommes avec une ardeur croissante à égarer et à corrompre les esprits, à souiller et à détruire les corps? MG 118 1 Et tandis que ces maux déferlent sur le monde, l'Evangile est trop souvent présenté d'une manière qui influence fort peu la conscience ou la vie des hommes. Cependant, il y a partout des coeurs épris d'idéal qui soupirent après la délivrance du péché et du mal sous toutes ses formes, après la vie réelle et la paix. Un grand nombre de ceux qui, autrefois, avaient connu la puissance de la Parole de Dieu et s'en sont écartés au contact des incroyants éprouvent aujourd'hui le besoin de la présence divine. MG 118 2 Il y a dix-neuf siècles, le monde désirait ardemment la révélation du Christ. Il en est encore ainsi aujourd'hui. Il nous faut une réforme totale. Seule la grâce du Sauveur peut accomplir cette oeuvre de restauration qui s'impose au triple point de vue physique, mental et spirituel. MG 118 3 La méthode du Christ pour sauver les âmes est la seule qui réussisse. Il se mêlait aux hommes pour leur faire du bien, leur témoignant sa sympathie, les soulageant et gagnant leur confiance. Puis il leur disait: "Suivez-moi." MG 118 4 C'est ainsi que, par des efforts personnels, il faut entrer en rapport intime avec les gens. On obtiendrait de meilleurs résultats si l'on passait moins de temps à prêcher et davantage à visiter les familles. Il faut secourir les pauvres, soigner les malades, réconforter ceux qui sont dans la peine, instruire les ignorants et conseiller ceux qui manquent d'expérience. Pleurons avec ceux qui pleurent et réjouissonsnous avec ceux qui se réjouissent. Avec la puissance que donnent la conviction, la prière et l'amour de Dieu, cette oeuvre ne saurait rester stérile. MG 118 5 Ne perdez jamais de vue que le but du travail missionnaire médical est de conduire les malades du péché au divin crucifié qui ôte le péché du monde. En le contemplant, ils seront transformés à son image. Qu'ils regardent à Jésus et qu'ils vivent. Présentez le grand Médecin à ceux que la maladie de l'âme ou du corps décourage. Entretenez-les de celui qui peut compatir à leurs faiblesses. Il est mort pour que nous ayons la vie éternelle. Parlez-leur de son amour et de sa puissance salvatrice. MG 119 1 C'est là le devoir solennel et le précieux privilège du missionnaire médical. Le ministère personnel prépare souvent le chemin pour cette oeuvre. Dieu touche fréquemment les coeurs lorsque nous nous efforçons de soulager les souffrances physiques. MG 119 2 Le missionnaire médical ouvre la porte à l'Evangile. C'est autant par son art que par la prédication que celui-ci doit être prêché. MG 119 3 Partout se trouvent des gens auxquels la Parole de Dieu n'a jamais été présentée et qui n'assistent à aucun service religieux. Pour que l'Evangile leur parvienne, il faut aller les trouver chez eux. Or, le soulagement de leurs souffrances offre souvent un moyen pour les aborder. Les infirmières missionnaires, qui donnent des soins dans les familles ou font des visites aux pauvres, y rencontrent bien des occasions de prier, de lire des passages de l'Ecriture et de parler du Sauveur. Elles peuvent intercéder en faveur de ceux qui manquent de volonté pour maîtriser leurs passions mauvaises, apporter un rayon de soleil dans la vie de ceux qui sont découragés, et leur témoigner par des actes de bonté une affection qui les aidera à croire à l'amour du Christ. MG 119 4 Il en est beaucoup qui ne croient plus en Dieu et qui ont perdu confiance en l'homme. Cependant, ils savent reconnaître et apprécier la vraie sympathie qui leur est témoignée et le secours qu'on leur apporte. Ils ont le coeur touché lorsqu'ils voient une personne soigner les malades, secourir les pauvres, habiller ceux qui sont démunis de vêtements, consoler les affligés, diriger avec douceur les regards de chacun vers celui dont elle est la messagère d'amour, et cela d'une manière tout à fait désintéressée. Leur gratitude s'éveille, leur foi s'allume; ils comprennent que Dieu prend soin d'eux et sont prêts à écouter sa Parole. MG 120 1 Que ce soit dans les missions lointaines, ou dans son propre pays, chaque missionnaire, homme ou femme, trouvera plus facilement le chemin des coeurs, et se rendra beaucoup plus utile, s'il est capable de soigner les malades. Les femmes qui partent comme missionnaires dans les pays païens auront ainsi l'occasion de parler de l'Evangile aux femmes indigènes alors qu'elles ne le pourraient d'aucune autre manière. Tous les missionnaires devraient donc savoir donner des traitements simples pour calmer la douleur et pour guérir. L'enseignement des principes de la santé MG 120 2 Il faut que tous ceux qui annoncent l'Evangile soient capables d'enseigner les principes de l'hygiène. Si la maladie sévit partout, on pourrait l'éviter dans la plupart des cas en se conformant aux lois de la santé. Faites comprendre aux gens l'heureuse influence de ces lois sur leur vie présente et sur leur vie future; qu'ils sachent qu'ils devront rendre compte un jour de la manière dont ils auront traité leur corps, destiné à être la demeure de Dieu. Cette vérité de l'Ecriture doit les inspirer: MG 120 3 "Nous sommes le temple du Dieu vivant, comme Dieu l'a dit: J'habiterai et je marcherai au milieu d'eux; je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple." 2 Corinthiens 6:16. MG 120 4 Des milliers de gens seraient heureux de connaître les moyens de soigner les malades sans médicaments toxiques. L'ignorance touchant la réforme sanitaire fait un mal incalculable. Les erreurs au point de vue diététique et l'emploi d'aliments nuisibles sont en grande partie la cause des misères et des crimes qui affligent le monde. MG 121 1 En enseignant les principes de la santé, ne perdez pas de vue l'essentiel de la réforme, à savoir, assurer le développement le plus élevé du corps, de l'âme et de l'esprit. Faites comprendre que les lois de la nature étant celles de Dieu, elles sont établies pour notre bien; que notre soumission à ces lois nous procure le bonheur ici-bas et nous prépare pour la vie à venir. MG 121 2 Encouragez les gens à considérer les manifestations de l'amour et de la sagesse de Dieu dans la nature. Qu'ils étudient le corps humain, cet organisme merveilleux, ainsi que les lois qui le régissent. En voyant l'amour du Créateur, et en percevant la sagesse et la valeur de ses lois, ils comprendront leurs devoirs d'une manière toute différente. Au lieu de considérer que l'obéissance aux principes de la santé est un sacrifice, un renoncement pénible, ils l'accepteront comme un bienfait inestimable. MG 121 3 Tous les serviteurs de Dieu devraient être persuadés que la propagation des lois de la santé fait partie intégrante de leur mission. Le monde a un urgent besoin de leur activité dans ce sens, et partout des portes leur sont ouvertes. MG 121 4 Aujourd'hui on constate partout la tendance à substituer les oeuvres collectives à l'effort individuel. L'homme aime à centraliser, à édifier de grandes églises et de fortes institutions. Beaucoup de gens abandonnent à celles-ci les oeuvres de bienfaisance, au lieu d'entrer eux-mêmes en contact avec le monde. Ainsi, leurs coeurs s'endurcissent; ils ne s'intéressent qu'à leur propre personne, deviennent indifférents, et leur amour pour Dieu et pour les âmes s'évanouit. MG 121 5 Jésus a confié à ses disciples une tâche que nul ne peut faire à leur place. Procurer aux malades et aux pauvres ce dont ils ont besoin, proclamer l'Evangile à ceux qui se perdent, voilà des obligations qui ne sauraient être abandonnées à des comités ou à des oeuvres de bienfaisance. L'Evangile éveille le sentiment des responsabilités personnelles, il exige des efforts individuels et le sacrifice de soi-même. MG 122 1 "Va dans les chemins et le long des haies, ordonne Jésus, et ceux que tu trouveras, contrains-les d'entrer, afin que ma maison soit remplie." Le Seigneur met ses serviteurs en relation directe avec ceux qu'il veut secourir. Il nous fait cette recommandation: "Fais entrer dans ta maison les malheureux sans asile; si tu vois un homme nu, couvre-le." "Ils imposeront les mains aux malades, et les malades seront guéris." Luc 14:23; Ésaïe 58:7; Marc 16:18. Ce n'est que par un ministère personnel que les bienfaits de l'Evangile peuvent être communiqués. MG 122 2 Dieu ne s'est pas servi, pour instruire Israël, d'une classe privilégiée à l'exclusion de toute autre. Daniel était un prince de Juda, Esaïe appartenait aussi à la famille royale, David était berger, Amos, pâtre, Zacharie, un captif de Babylone et Elisée, laboureur. Pour le représenter, Dieu a donc choisi des prophètes, des princes, des nobles, des gens du peuple, et il leur a révélé les vérités qu'ils devaient transmettre au monde. MG 122 3 Le Seigneur demande à tous ceux qui participent à sa grâce de se mettre à l'oeuvre pour sauver leurs semblables. Où qu'il nous ait placés, nous devons répondre à son appel par ces paroles du prophète: "Me voici, envoie-moi." Ésaïe 6:8. Tous ont une tâche à accomplir, qu'ils soient prédicateurs de l'Evangile, infirmières, missionnaires, médecins, commerçants, cultivateurs, qu'ils exercent une profession libérale ou travaillent de leurs mains. Nous devons tous annoncer la bonne nouvelle du salut. Notre vie tout entière doit être consacrée à ce travail. MG 122 4 Ceux qui s'en acquittent fidèlement feront non seulement du bien à leurs semblables, mais en profiteront eux-mêmes. Le sentiment du devoir accompli aura une heureuse influence sur leur âme. Le découragé oubliera son abattement, le faible deviendra fort, l'ignorant intelligent. Tous trouveront une aide infaillible en celui qui les a appelés. MG 123 1 L'Eglise du Christ est organisée pour le service. Son mot d'ordre est: Servir. Ses membres sont des soldats sous les ordres du capitaine de leur salut. Les pasteurs, les médecins, les professeurs ont une tâche plus importante que beaucoup ne le supposent. Non seulement ils doivent se rendre utiles, mais il faut qu'ils apprennent aux autres à les imiter à cet égard. Non seulement ils ont à faire connaître les principes divins, mais leur devoir est d'enseigner à leurs semblables à les répandre. Il faut vivre la vérité, et la communiquer à d'autres, sinon elle perd sa puissance vivifiante et sa vertu guérissante. Les bienfaits qui l'accompagnent ne peuvent être obtenus qu'à la condition d'être partagés. MG 123 2 Bannissons la monotonie dans notre manière de servir Dieu. Que tous les membres d'église s'engagent dans une branche de travail pour le Maître. Les uns accompliront beaucoup; d'autres, moins. Mais chacun fera son possible pour combattre la détresse et les maladies qui ravagent le monde. Un grand nombre seraient disposés à travailler si on leur montrait comment ils doivent s'y prendre. Il faut les instruire et les encourager. MG 123 3 Chaque église doit être une école de travailleurs chrétiens. Ses membres apprendront à donner des études bibliques dans les familles, à diriger et à enseigner les classes de l'école du sabbat, à secourir les pauvres, à soigner les malades et à oeuvrer en faveur des inconvertis. Il devrait y avoir des cours d'hygiène, des cours de cuisine, et d'autres encore, où l'on enseignerait les différentes branches du service chrétien. Mais l'enseignement seul n'est pas suffisant. Il faut aussi faire un travail actif sous la direction de maîtres compétents. Ceux-ci donneront l'exemple en s'occupant des nécessiteux; d'autres s'efforceront de les imiter. Un seul exemple a plus de valeur que beaucoup de préceptes. MG 124 1 Que chacun s'exerce à cultiver ses forces physiques et mentales et à les mettre au service de Dieu. La même grâce qui descendit sur Paul et Apollos et fit ressortir leur valeur spirituelle sera accordée aujourd'hui aux missionnaires chrétiens désintéressés. Dieu veut que ses enfants possèdent l'intelligence et la connaissance, afin de révéler sa gloire dans le monde avec clarté et puissance. MG 124 2 Ceux qui se consacrent au service de Dieu peuvent, s'ils y sont préparés, travailler pour lui de différentes manières. Ils réussiront mieux que les gens qui n'ont aucune préparation. La discipline intellectuelle à laquelle ils se sont astreints leur donne un grand avantage. Mais les personnes qui n'ont ni grands talents, ni préparation sérieuse peuvent aussi faire quelque chose. Dieu accepte à son service tous ceux qui répondent à son appel. Ce ne sont pas toujours les mieux doués qui obtiennent les résultats les meilleurs et les plus durables. Il faut des hommes et des femmes qui aient entendu un message du ciel. Les ouvriers évangélistes qui ont le plus de succès sont ceux qui répondent à cette invitation: "Prenez mon joug sur vous et recevez mes instructions." Matthieu 11:29. MG 124 3 Le monde a besoin de missionnaires qui aient une véritable vocation, d'hommes émus de compassion envers les pécheurs qui n'ont jamais connu l'amour du Christ. Envoyés de Dieu, inspirés par lui, ils se mettront au travail avec la collaboration des anges. MG 124 4 Si ceux qui disposent de grands talents intellectuels les utilisent d'une manière égoïste, Dieu les mettra de côté, après un certain temps, et il emploiera des hommes apparemment moins bien doués, mais moins confiants en eux-mêmes. Il les affermira et les aidera à accomplir ce qu'ils savent ne pouvoir faire par eux-mêmes. Le Seigneur acceptera leur service et comblera leurs lacunes. MG 124 5 Le Seigneur a souvent choisi comme collaborateurs des hommes qui n'avaient qu'une instruction scolaire limitée. Ceux-ci ont cependant travaillé activement et intelligemment. Le Seigneur a récompensé leur fidélité à son service et étanché leur soif de connaissances. Il a vu leurs larmes et entendu leurs prières. De même que ses bénédictions descendaient sur les captifs de Babylone, il remplit aujourd'hui ses serviteurs de sagesse et de connaissance. MG 125 1 Des hommes dépourvus d'instruction et appartenant aux classes humbles de la société ont parfois, par la grâce du Christ, gagné de nombreuses âmes au Sauveur. Le secret de leur succès était la confiance en Dieu. Ils recevaient chaque jour les instructions de celui qui est "admirable en ses desseins et merveilleux dans les moyens qu'il emploie". MG 125 2 Il faut encourager ces hommes. Le Seigneur les met en relation avec ses serviteurs plus doués, pour combler leurs lacunes. Leur promptitude à discerner ce qui doit être entrepris, leur empressement à secourir ceux qui sont dans le besoin, leurs paroles aimables et leurs actes bienveillants ouvrent des portes qui sans cela seraient restées fermées. Lorsqu'ils s'approchent de ceux qui souffrent, l'influence de leurs paroles amène beaucoup d'âmes au Sauveur. Leur travail est la preuve de ce que des milliers d'autres pourraient faire s'ils le voulaient. Une vie plus utile MG 125 3 Rien n'éveille mieux le zèle missionnaire, rien n'élargit et ne fortifie davantage le caractère que la sollicitude envers le prochain. Beaucoup de soi-disant chrétiens ne songent qu'à eux-mêmes en demandant leur admission dans une église. Ils pensent aux relations agréables qu'ils vont se créer, et aux soins du pasteur. Ils deviennent membres d'une église nombreuse et prospère, et ne se soucient guère de leur prochain. Ils se privent ainsi des bénédictions les plus précieuses. Ils auraient tout à gagner en renonçant à leurs relations attrayantes, et en se rendant là où leurs énergies pourraient être mises au service du Christ, et où l'on pourrait leur confier des responsabilités. MG 126 1 Les arbres qui croissent trop près les uns des autres ne se développent pas normalement. L'arboriculteur les transplante dans un terrain où ils auront plus d'espace. Il faudrait agir ainsi avec beaucoup de membres de nos grandes églises. Il faut qu'ils soient placés là où leurs énergies seront activement employées pour la cause du Christ. Ne se consacrant pas au service du prochain, ces membres s'étiolent au point de vue spirituel. Transplantés dans un champ missionnaire, ils deviendraient forts et vigoureux. MG 126 2 Mais n'attendons pas l'appel des missions lointaines pour commencer à faire le bien. Où que ce soit, les portes du service de Dieu sont grandes ouvertes. Il y a du travail tout près de nous. Il y a partout des veuves et des orphelins, des malades et des mourants, des gens au coeur brisé, découragés, des ignorants, des isolés dont il faut s'occuper. MG 126 3 Notre devoir le plus pressant est de nous dépenser en faveur des gens qui vivent dans notre entourage. Réfléchissez sur la manière dont vous pourrez le mieux éclairer ceux qui ne se sentent pas attirés vers les choses religieuses. Lorsque vous rendez visite à vos voisins et à vos amis, intéressez-vous à leurs besoins spirituels comme à leur bien-être matériel. Parlez-leur du Sauveur qui pardonne; invitez-les chez vous, et lisez-leur la Bible et les ouvrages qui l'expliquent. Dites-leur de se joindre à vous pour chanter et pour prier. Jésus lui-même sera avec vous, ainsi qu'il l'a promis, et les coeurs seront touchés par sa grâce. MG 126 4 Que les membres d'église s'exercent à cette oeuvre. Elle est aussi importante que celle qui consiste à secourir ceux qui sont dans les ténèbres du paganisme. Tandis que quelques-uns se rendent au loin, les chrétiens qui restent chez eux doivent comprendre leur responsabilité envers les âmes qui les entourent et travailler avec autant de zèle à leur salut. MG 127 1 S'ils le voulaient, bien des gens qui déplorent l'étroitesse de leur existence pourraient enrichir et embellir leur vie. S'ils aimaient Jésus de tout leur coeur, de toute leur âme et de toute leur pensée, et leur prochain comme eux-mêmes, ils auraient devant eux un vaste champ où ils pourraient exercer leurs talents et leur influence. Les petites occasions MG 127 2 Ne négligez pas les petites occasions de faire le bien, sous prétexte de rechercher un travail plus important. Vos menus efforts peuvent réussir, tandis que vous pourriez échouer dans de grandes entreprises et vous décourager. C'est en faisant de votre mieux ce que vous trouvez à faire que vous développerez vos facultés en vue d'une oeuvre plus importante. En prêtant peu d'attention aux petites occasions, beaucoup de chrétiens deviennent stériles et languissants. MG 127 3 Ne comptez pas trop sur l'aide des hommes. Regardez plutôt au Sauveur qui, de la part de Dieu, porte nos peines, se charge de nos tristesses, et subvient à tous nos besoins. Comptez sur les promesses divines, et commencez là où vous trouvez quelque chose à faire. Puis, marchez de l'avant avec une foi inébranlable. C'est la foi en la présence du Christ qui communique la force et la constance. Travaillez avec dévouement, avec courage et persévérance. MG 127 4 Dans les contrées où les conditions sont si difficiles et si décourageantes que beaucoup refusent de s'y rendre, des changements remarquables ont été opérés par les efforts de ceux qui étaient décidés à se sacrifier pour la cause de l'Evangile. Ils ont travaillé sans se lasser, en ne s'appuyant sur aucune force humaine, mais sur le Seigneur, et ils ont été soutenus par sa grâce. Le bien ainsi accompli ne sera jamais connu en ce monde, mais les résultats bénis en seront visibles dans l'au-delà. Missionnaires non rétribués MG 128 1 Dans de nombreux endroits, des missionnaires indépendants peuvent travailler avec succès. L'apôtre Paul n'était pas rétribué lorsqu'il proclamait l'Evangile à travers le monde. Tout en prêchant le Christ dans les grandes villes d'Europe et d'Asie, il fabriquait des tentes pour subvenir à ses besoins et à ceux de ses compagnons. Ses paroles aux anciens de l'église d'Ephèse, en prenant congé d'eux, contiennent de précieuses instructions pour tous ceux qui prêchent l'Evangile. "Vous savez de quelle manière, dit-il, depuis le premier jour où je suis entré en Asie, je me suis sans cesse conduit avec vous, servant le Seigneur en toute humilité, avec larmes, et au milieu des épreuves que me suscitaient les embûches des Juifs. Vous savez que je n'ai rien caché de ce qui vous était utile, et que je n'ai pas craint de vous prêcher et de vous enseigner publiquement et dans les maisons. ... Je n'ai désiré ni l'argent, ni l'or, ni les vêtements de personne. Vous savez vous-mêmes que ces mains ont pourvu à mes besoins et à ceux des personnes qui étaient avec moi. Je vous ai montré de toutes manières que c'est en travaillant ainsi qu'il faut soutenir les faibles, et se rappeler les paroles du Seigneur, qui a dit lui-même: Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir." Actes 20:18-35. MG 128 2 Il en est beaucoup qui, aujourd'hui, accompliraient une oeuvre semblable s'ils étaient animés du même esprit de sacrifice. Deux ou plusieurs personnes travaillant ensemble pourraient évangéliser, faire des visites, enseigner, prier, chanter, expliquer les Ecritures et soigner les malades. Les uns subviendraient à leurs besoins en colportant; d'autres, comme l'apôtre, exerceraient un métier ou accompliraient n'importe quel autre travail. En persévérant, malgré le sentiment de leur faiblesse, en se soumettant humblement au Seigneur, ils feraient une oeuvre excellente. Le Christ les précéderait, et ils trouveraient chez les riches et chez les pauvres un bienveillant accueil. MG 129 1 Ceux qui se sont préparés pour être missionnaires médicaux devraient se rendre sans délai dans un endroit où rien n'a encore été fait, et se mettre à l'oeuvre tout en apprenant la langue du pays. Ils seraient bientôt à même d'annoncer convenablement les vérités de la Parole de Dieu. MG 129 2 Le monde entier a besoin des messagers de la grâce. Dieu appelle des familles chrétiennes à se rendre dans les régions où règnent l'obscurité et l'erreur, à pénétrer dans les champs étrangers, afin de se rendre compte des besoins de leurs semblables et de travailler là pour la cause du Maître. Si ces familles consentaient à se fixer là où les gens sont plongés dans les ténèbres spirituelles pour y faire resplendir la lumière de l'Evangile, quelle oeuvre splendide pourrait être accomplie! MG 129 3 Mais cette tâche exige le sacrifice de soi-même. Si l'on attend que les obstacles aient disparu, le travail ne se fera jamais et des multitudes mourront sans espérance et sans Dieu. Quelques-uns s'aventurent dans ces régions pour y acquérir des avantages commerciaux ou des connaissances scientifiques, surmontant pour cela les plus grandes difficultés et affrontant les pires souffrances. Mais il en est peu qui soient disposés, pour l'amour de leurs semblables, à se rendre avec leur famille dans les pays où l'Evangile doit être prêché. MG 129 4 Aller trouver les gens, où qu'ils soient et quelle que soit leur condition, et les secourir par tous les moyens possibles, voilà le véritable ministère. C'est ainsi que vous pourrez gagner les coeurs et leur ouvrir la porte du salut. MG 129 5 Souvenez-vous, dans toutes vos occupations, que vous êtes les collaborateurs du Christ dans le grand plan de la rédemption. L'amour du Sauveur, cet amour qui guérit et vivifie, doit se manifester dans tout votre être. En cherchant à attirer les âmes dans le cercle de cet amour, que votre langage élevé, votre vie désintéressée et votre joie soient un témoignage rendu à l'efficacité de sa grâce. Représentez le Seigneur d'une manière si pure et si parfaite que chacun le contemple dans sa beauté. MG 130 1 Ce n'est pas en relevant les défauts des autres que nous parviendrons à les réformer. Une telle méthode ferait souvent plus de mal que de bien. Dans sa conversation avec la femme samaritaine, au lieu de dénigrer le puits de Jacob, le Christ lui présenta quelque chose de meilleur. Il lui dit: "Si tu connaissais le don de Dieu et qui est celui qui te dit: Donne-moi à boire! tu lui aurais toi-même demandé à boire, et il t'aurait donné de l'eau vive." Jean 4:10. Il amena ainsi la conversation sur le trésor dont il voulait lui faire part, offrant à cette femme quelque chose de meilleur que ce qu'elle possédait: l'eau vive, la joie et l'espérance de l'Evangile. MG 130 2 Jésus nous a indiqué la méthode à suivre. Il faut offrir aux hommes ce qu'ils ne possèdent pas encore: la paix du Christ qui surpasse toute intelligence. Parlons-leur de la sainteté de la loi de Dieu, cette loi qui est l'expression de son caractère, et qui révèle l'idéal qu'il voudrait voir atteindre par chacun d'eux. Montrons-leur combien la gloire impérissable du ciel est supérieure aux plaisirs inconstants du monde; entretenons-les de la liberté et du repos que nous offre le Christ. "Celui qui boira de l'eau que je lui donnerai n'aura jamais soif", dit Jésus. Verset 14. Exaltez le Sauveur; répétez avec Jean-Baptiste: "Voici l'agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde." Jean 1:29. Lui seul peut satisfaire les désirs du coeur et procurer la paix de l'âme. MG 130 3 De tous les êtres humains, les réformateurs doivent être les plus disposés à s'oublier, les plus affables, les plus courtois. Il faut que la véritable bonté se manifeste dans leur vie par des actes désintéressés. Le serviteur de Dieu qui manque d'amabilité, qui s'impatiente devant l'ignorance ou la méchanceté des autres, qui parle et agit sans avoir réfléchi, peut rebuter ceux qui l'entourent au point de s'aliéner totalement leurs coeurs. MG 131 1 Nos paroles destinées à détourner les hommes de leurs erreurs doivent être empreintes de beaucoup de douceur, à la manière de la rosée matinale qui, après une période de sécheresse, tombe sur les plantes flétries et les ranime. Le dessein de Dieu est d'atteindre d'abord les coeurs. Parlons de la vérité avec amour, comptant sur Dieu qui seul peut réformer les vies. Le Saint-Esprit fera pénétrer jusqu'au fond de l'âme les mots ainsi prononcés. MG 131 2 Par nature, nous sommes égocentriques et présomptueux. Mais en nous approchant du Christ, nous participons à sa nature et nous vivons sa vie. Son exemple admirable, la tendresse incomparable avec laquelle il partageait les sentiments des autres, pleurant avec ceux qui pleuraient, se réjouissant avec ceux qui étaient dans la joie, doit avoir une profonde influence sur tous ceux qui le suivent sincèrement. Par des paroles et des actions aimables, ils s'efforceront, à leur tour, d'aplanir le chemin de ceux qui sont las et découragés. MG 131 3 Le prophète Esaïe écrivait: "Le Seigneur, l'Eternel, m'a donné une langue exercée, pour que je sache soutenir par la parole celui qui est abattu." Ésaïe 50:4. MG 131 4 Il y a tout autour de nous des gens affligés. Cherchons à les consoler par des paroles dites à propos. Tels des canaux, répandons les eaux rafraîchissantes de la compassion. MG 131 5 N'oublions pas qu'il y a dans la vie de tout être humain des secrets que nul n'a le droit de pénétrer. La vie des hommes contient des pages profondément tristes, jalousement cachées aux regards indiscrets. On y trouve les dures et longues batailles contre l'adversité, les querelles de famille qui, jour après jour, minent le courage, la confiance et la foi. Ceux pour lesquels la vie n'est qu'un pénible combat peuvent être fortifiés ou encouragés par de délicates prévenances qui ne coûtent souvent qu'un effort affectueux; une poignée de main, par exemple, donnée par un ami sûr, vaut parfois plus que l'or ou l'argent. Des paroles bienveillantes peuvent être aussi précieuses que le sourire des anges. MG 132 1 Puis il y a la foule de ceux qui luttent contre la pauvreté, qui doivent travailler beaucoup pour gagner peu, qui n'arrivent pas à faire face aux besoins les plus élémentaires de la vie. Le dur labeur, les privations, le désespoir appesantissent leur fardeau; la douleur et la maladie rendent celui-ci presque insupportable. Accablés de soucis, ils ne savent où se tourner pour trouver du réconfort. Sympathisez avec eux dans leurs difficultés, leurs épreuves, leurs déceptions. C'est ainsi que vous ouvrirez la porte de leurs coeurs. Parlez-leur des promesses divines, priez avec eux et pour eux. Ranimez en eux l'espérance. MG 132 2 Des paroles réconfortantes adressées à l'âme malade, et dont le courage faiblit, sont considérées par le Sauveur comme si elles lui étaient destinées, et les anges du ciel se réjouissent lorsque les coeurs sont affermis. MG 132 3 Le Christ n'a cessé, au cours des siècles, de réveiller dans les âmes le sentiment de la fraternité divine. Soyez ses collaborateurs. Tandis que règnent dans le monde la méfiance et l'indifférence, ses disciples doivent manifester l'esprit qui règne au ciel. MG 132 4 Parlez comme aurait parlé le Sauveur, agissez comme il aurait agi. Révélez constamment la douceur de son caractère. Manifestez dans votre vie la richesse de l'amour qui est à la base de tous ses enseignements et de tous ses actes. Les plus humbles de ses serviteurs peuvent, en coopérant avec lui, toucher des cordes dont les vibrations résonneront jusqu'aux extrémités de la terre et dont les échos se feront entendre jusque dans l'éternité. MG 133 1 Les intelligences célestes sont prêtes à collaborer avec les instruments humains pour révéler au monde à quoi les hommes peuvent arriver, et ce que l'on peut faire avec l'aide d'en haut pour le salut de ceux qui périssent. Il n'y a pas de limite à l'utilité de celui qui, s'oubliant lui-même, ouvre son coeur à l'action du Saint-Esprit, et se consacre entièrement au Seigneur. Tous ceux qui offrent ainsi au service de Dieu leur corps, leur âme et leur esprit, ne cesseront de recevoir de nouvelles forces physiques, mentales et spirituelles. Les ressources inépuisables du ciel sont à leur disposition. Le Sauveur leur communique le souffle de son Esprit, la vie de sa vie. Le Saint-Esprit déploie ses plus hautes énergies pour agir dans les coeurs. Par la grâce qui nous est accordée, nous pouvons remporter des victoires qui paraissaient impossibles à cause de nos opinions erronées, de nos préjugés, de nos défauts de caractère et de la petitesse de notre foi. MG 133 2 A tous ceux qui se consacrent sans réserve à son service, le Seigneur donne le pouvoir d'obtenir des résultats illimités. Il accomplira de grandes choses par eux et pour eux; il travaillera sur l'esprit des hommes de manière que dans ce monde déjà l'on puisse voir s'accomplir les promesses concernant notre état futur dont parle le prophète Esaïe. MG 133 3 Le désert et le pays aride se réjouiront; La solitude s'égaiera, et fleurira comme un narcisse; Elle se couvrira de fleurs, et tressaillira de joie, Avec chants d'allégresse et cris de triomphe; La gloire du Liban lui sera donnée, La magnificence du Carmel et de Saron. Ils verront la gloire de l'Eternel, La magnificence de notre Dieu. Fortifiez les mains languissantes, Et affermissez les genoux qui chancellent; Dites à ceux qui ont le coeur troublé: Prenez courage, ne craignez point; Voici votre Dieu. Alors s'ouvriront les yeux des aveugles, S'ouvriront les oreilles des sourds; Alors le boiteux sautera comme un cerf, Et la langue du muet éclatera de joie. Car des eaux jailliront dans le désert, Et des ruisseaux dans la solitude; Le mirage se changera en étang Et la terre desséchée en sources d'eau. ... Il y aura là un chemin frayé, une route, Qu'on appellera la voie sainte; Nul impur n'y passera; elle sera pour eux seuls; Ceux qui la suivront, même les insensés, ne pourront s'égarer. Sur cette route, point de lion; Nulle bête féroce ne la prendra, Nulle ne s'y rencontrera; Les délivrés y marcheront. Les rachetés de l'Eternel retourneront, Ils iront à Sion avec chants de triomphe, Et une joie éternelle couronnera leur tête; L'allégresse et la joie s'approcheront, La douleur et les gémissements s'enfuiront. Ésaïe 35:1-10. ------------------------Chapitre 10 -- Du secours dans la tentation MG 135 1 Ce n'est pas parce que nous l'avons aimé le premier que le Christ nous accorde son amour. Il est mort pour nous, alors que nous étions encore des pécheurs. Au lieu de nous traiter comme nous le méritions et de nous condamner, il supporte inlassablement notre faiblesse et notre ignorance, notre ingratitude et notre obstination. Malgré nos erreurs, la dureté de notre coeur, notre négligence envers sa Parole, sa main secourable nous est toujours tendue. MG 135 2 La grâce est un attribut divin, manifestée en faveur d'êtres qui ne la méritent pas. Elle nous est parvenue sans que nous la recherchions. Dieu se plaît à la répandre sur nous, non parce que nous en sommes dignes, mais précisément parce que nous en sommes indignes. Notre seul droit est notre urgent besoin. MG 135 3 Par Jésus-Christ, le Dieu du ciel ne cesse de tendre la main à ceux qui sont tombés. Il veut les recevoir tous. Il les accueille avec bonté. Sa gloire est de pardonner aux plus grands pécheurs. Il ravit au puissant sa proie, il délivre le captif, il arrache au feu le brandon qui fume encore. La chaîne d'or de sa grâce plonge au fond du gouffre de la misère humaine et en retire l'âme avilie par le péché. MG 135 4 Tout être humain est l'objet de l'amour de celui qui donna sa vie pour le ramener à Dieu. Tel un berger qui prend soin de son troupeau, il entoure de sa sollicitude les âmes coupables, exposées à la mort par les séductions sataniques. MG 136 1 L'exemple du Sauveur montre comment il faut agir envers ceux qui ont succombé à la tentation. Efforçons-nous de leur témoigner le même intérêt, la même tendresse, la même patience. "Comme je vous ai aimés, a-t-il dit, vous aussi, aimez-vous les uns les autres." Jean 13:34. Si le Christ habite en nous, nous manifesterons son amour désintéressé envers tous ceux que nous approcherons. En voyant des hommes et des femmes qui ont besoin de sympathie, nous ne demanderons pas: "En sont-ils dignes?" mais: "Que puis-je faire pour eux?" MG 136 2 Riches et pauvres, grands et humbles, libres et esclaves sont l'héritage de Dieu. Celui qui donna sa vie pour racheter les êtres humains les évalue à un prix inestimable. C'est par le mystère et la gloire de la croix du Calvaire que nous pouvons comprendre son amour. Nous nous rendons compte alors que, quelque avilis qu'ils soient, ils ont trop coûté pour être traités avec froideur ou avec mépris. Nous comprenons la nécessité de travailler pour nos semblables, afin qu'ils puissent être élevés vers le trône de Dieu. MG 136 3 La drachme perdue dont nous parle la parabole évangélique, bien que tombée dans la poussière et les balayures de la maison, n'en était pas moins une pièce d'argent, et sa propriétaire s'en souvint. Ainsi, toute âme, quelque dégradée qu'elle soit, est précieuse aux yeux du Seigneur. La pièce de monnaie portait l'effigie du monarque et le nom du gouvernement qui l'avait émise; l'homme portait, lui aussi, lorsqu'il fut créé, l'image de Dieu. Bien que celle-ci ait été oblitérée par le péché, on en voit encore les traces. Dieu désire recouvrer chaque âme et faire réapparaître en elle son image de justice et de sainteté. MG 136 4 Comme nous communions peu avec le Christ dans sa compassion pour les âmes dépravées, coupables, souffrantes, mortes dans leurs offenses et dans leurs péchés, alors que ce devrait être le lien le plus solide entre lui et nous! La méchanceté de l'homme envers ses semblables est son plus grand forfait. Il en est beaucoup qui prétendent représenter la justice de Dieu et qui sont loin de manifester sa tendresse et son grand amour. Il arrive souvent que ceux envers lesquels ils se montrent si sévères sont assaillis par la tentation. Satan lutte avec ces âmes, et des paroles dures et méchantes les découragent au point d'en faire la proie facile du tentateur. MG 137 1 C'est une oeuvre très délicate que la cure d'âmes. Seul celui qui peut lire dans les coeurs sait comment amener les hommes à la repentance. Lui seul nous donnera la sagesse de conduire au pied de la croix ceux qui sont perdus. Si, dans votre orgueil, il vous arrive de dire: "Je suis plus saint que toi", quelle que soit la logique de votre raisonnement ou la véracité de vos paroles, vous ne toucherez jamais le coeur de votre interlocuteur. Il n'y a que l'amour du Christ, manifesté dans les paroles et dans les actes, qui puisse opérer ce miracle. Les préceptes ou les arguments n'aboutiraient à rien. MG 137 2 Montrons plus de sympathie chrétienne, non seulement envers les hommes qui nous semblent irréprochables, mais encore envers ceux qui souffrent, luttent, tombent souvent dans le péché et se repentent, qui succombent à la tentation et se découragent. Emus de compassion devant la faiblesse de nos semblables, à l'instar de notre grand Prêtre, Jésus-Christ, approchons-nous d'eux. MG 137 3 Le Sauveur s'adressait aux publicains, aux pécheurs, aux proscrits, à ceux qu'on méprisait, et il les suppliait de venir à lui. Les seuls qui n'avaient pas son approbation étaient les propres justes qui, se tenant orgueilleusement à l'écart, considéraient les autres avec mépris. MG 137 4 Le Christ leur envoyait ce message: "Va dans les chemins et le long des haies, et ceux que tu trouveras, contrainsles d'entrer, afin que ma maison soit remplie." Pour obéir à cet ordre, allons vers les païens qui nous côtoient comme vers ceux qui sont au loin. Il faut faire entendre aux "publicains et aux péagers" cette invitation du Sauveur. Celleci, grâce à la bonté et à la persévérance des messagers chrétiens, sera une puissance pour relever ceux qui ont le plus profondément sombré dans l'abîme du péché. MG 138 1 Les principes du Christ exigent que nous travaillions avec une ferme détermination, un intérêt toujours nouveau, une insistance croissante en faveur des âmes que Satan cherche à perdre. Rien ne doit refroidir l'ardeur de notre zèle pour le salut de ceux qui vont à la ruine. MG 138 2 La Parole de Dieu insiste d'une manière toute particulière sur la nécessité de venir au Christ pour être sauvé. Nous devons donc saisir toutes les occasions de présenter, en public et en particulier, les arguments susceptibles de convaincre les hommes. Supplions-les de regarder à Jésus et d'accepter sa vie de renoncement et de sacrifice. Montrons-leur que nous nous attendons qu'ils réjouissent le coeur du Christ en utilisant chacun des dons qu'il leur a confiés pour l'honneur de son nom. Sauvés en espérance MG 138 3 "C'est en espérance que nous sommes sauvés." Romains 8:24. Il faut faire comprendre à tous ceux qui sont tombés qu'il n'est pas trop tard pour se repentir. Le Christ honorait l'homme de sa confiance et le mettait ainsi dans l'obligation d'être fidèle à sa parole. Il avait de la considération même pour les plus bas tombés. La haine, la dépravation, l'impureté étaient pour lui un sujet continuel de souffrance; mais il ne laissait jamais échapper une parole qui aurait pu montrer que sa sensibilité était choquée ou ses goûts offensés. Quelles que fussent la ténacité des préjugés, les mauvaises habitudes ou les passions dominantes des êtres qui l'entouraient, il les recevait avec pitié et avec tendresse. Animés de son esprit, nous considérerons tous les hommes comme nos frères, ayant les mêmes tentations et les mêmes épreuves que nous, tombant et essayant de se relever, luttant contre le découragement et les difficultés, avides d'aide et de sympathie. Alors nous nous approcherons d'eux en prenant garde de ne jamais les décourager ni les repousser, mais en nous efforçant d'éveiller l'espoir dans leurs coeurs. Ainsi, pourront-ils dire avec confiance: "Ne te réjouis pas à mon sujet, mon ennemi! Car si je suis tombé, je me relèverai; si je suis assis dans les ténèbres, l'Eternel sera ma lumière. Il défendra ma cause et me fera droit; il me conduira à la lumière, et je contemplerai sa justice." Voir Michée 7:8, 9. MG 139 1 Du lieu de sa demeure [Dieu] observe Tous les habitants de la terre, Lui qui forme leur coeur à tous. Psaumes 33:14, 15. MG 139 2 Lorsque nous nous occupons de ceux qui passent par la tentation, le Seigneur nous dit: "Prends garde à toi-même, de peur que tu ne sois aussi tenté." Galates 6:1. Si nous avons le sentiment de notre faiblesse, nous compatirons à celle des autres. MG 139 3 "Car qui est-ce qui te distingue? Qu'as-tu que tu n'aies reçu?" "Un seul est votre Maître, et vous êtes tous frères." "Mais toi, pourquoi juges-tu ton frère? ou toi, pourquoi méprises-tu ton frère?" "Ne nous jugeons donc plus les uns les autres; mais pensez plutôt à ne rien faire qui soit pour votre frère une pierre d'achoppement ou une occasion de chute." 1 Corinthiens 4:7; Matthieu 23:8; Romains 14:10, 13. MG 139 4 Il est toujours humiliant d'être repris. Que nul n'ajoute encore à la répréhension l'amertume d'une censure inutile. Le blâme n'a jamais corrigé personne. Il a au contraire endurci bien des coeurs, en les empêchant de reconnaître la faute commise. Des dispositions affectueuses, une attitude aimable et bienveillante peuvent sauver le pécheur et couvrir une multitude de péchés. MG 140 1 L'apôtre Paul jugeait nécessaire de censurer le mal, mais que de soins ne prenait-il pas pour montrer qu'il aimait les pécheurs! Avec quelle sollicitude il donnait les raisons de ses réprimandes! Il faisait comprendre à quel point il souffrait d'être contraint d'attrister. Il montrait de la confiance et de la sympathie à ceux qui luttaient pour obtenir la victoire. MG 140 2 "C'est dans une grande affliction, le coeur angoissé, et avec beaucoup de larmes, dit-il, que je vous ai écrit, non pas afin que vous fussiez attristés, mais afin que vous connussiez l'amour extrême que j'ai pour vous." 2 Corinthiens 2:4. "Quoique je vous aie attristés par ma lettre, je ne m'en repens pas. Et, si je m'en suis repenti ... je me réjouis à cette heure, non pas de ce que vous avez été attristés, mais de ce que votre tristesse vous a portés à la repentance. ... Et voici, cette même tristesse selon Dieu, quel empressement n'a-t-elle pas produit en vous! Quelle justification, quelle indignation, quelle crainte, quel désir ardent, quel zèle, quelle punition! Vous avez montré à tous égards que vous étiez purs dans cette affaire. ... C'est pourquoi nous avons été consolés." 2 Corinthiens 7:8-13. MG 140 3 "Je me réjouis de pouvoir en toutes choses me confier en vous." "Je rends grâces à mon Dieu de tout le souvenir que je garde de vous, ne cessant, dans toutes mes prières pour vous tous, de manifester ma joie au sujet de la part que vous prenez à l'Evangile, depuis le premier jour jusqu'à maintenant. Je suis persuadé que celui qui a commencé en vous cette bonne oeuvre la rendra parfaite pour le jour de Jésus-Christ. Il est juste que je pense ainsi de vous tous, parce que je vous porte dans mon coeur." "C'est pourquoi, mes bien-aimés et très chers frères, vous qui êtes ma joie et ma couronne, demeurez ainsi fermes dans le Seigneur, mes bien-aimés." "Car maintenant nous vivons, puisque vous demeurez fermes dans le Seigneur." Verset 16; Philippiens 1:3-7; 4:1; 1 Thessaloniciens 3:8. MG 141 1 S'adressant à ses frères en la foi, Paul les appelait les "saints en Jésus-Christ"; mais ceux-ci n'étaient pas parfaits. Il s'agissait d'hommes et de femmes qui luttaient contre les tentations, et qui étaient exposés à tomber. L'apôtre les guidait vers "le Dieu de paix, qui a ramené d'entre les morts le grand pasteur des brebis". Il voulait, "par le sang d'une alliance éternelle", les rendre "capables de toute bonne oeuvre pour l'accomplissement de sa volonté". Hébreux 13:20, 21. MG 141 2 Lorsqu'un pécheur est conscient de son erreur, prenez garde de ne pas détruire en lui le sentiment de sa dignité. Ne le découragez pas par votre indifférence ou votre méfiance. Ne dites pas: "Avant de lui faire confiance, je veux attendre de voir comment il se conduira." Cette manière d'agir a été souvent une cause de chute pour ceux qui en ont été les victimes. MG 141 3 Cherchons à comprendre les faibles. Nous connaissons bien peu les épreuves de ceux qui ont été retenus dans les chaînes du péché et qui manquent de volonté et de force morale. Celui qui est rongé par les remords est particulièrement digne de pitié; il chancelle et son esprit est obscurci. Il ne sait quelle attitude prendre. Comme de pauvres brebis égarées, dont personne ne comprend la détresse, ces âmes ne peuvent trouver Dieu, et cependant elles désirent ardemment le pardon et la paix. MG 141 4 Ne prononcez jamais une parole qui avive la souffrance de celui qui est fatigué d'une vie de péché et ne sait où trouver le repos. Présentez-le plutôt au Sauveur compatissant. Puis aidez-le à se relever, parlez-lui de courage et d'espérance. Montrez-lui comment saisir la main du Sauveur. MG 142 1 Nous nous décourageons trop facilement lorsqu'une personne ne répond pas immédiatement à ce que nous attendons d'elle. Continuons de travailler en sa faveur aussi longtemps qu'il y a une lueur d'espoir. Les âmes ont trop de valeur, elles ont coûté à notre Rédempteur un sacrifice trop grand pour être inconsidérément abandonnées au pouvoir du tentateur. MG 142 2 Mettons-nous à la place de ceux qui sont tentés. Songeons à la puissance de l'hérédité, à l'influence des mauvaises compagnies, aux circonstances défavorables, aux mauvaises habitudes. Comment ne pas tomber dans des conditions pareilles? Pourquoi nous étonner de ce que beaucoup répondent si lentement à nos efforts pour les relever? MG 142 3 Il arrive souvent que ceux qui semblent les plus grossiers, les plus mal disposés, deviennent, une fois gagnés à l'Evangile, ses adhérents et ses défenseurs les plus zélés. Tout n'est pas corrompu chez eux. Sous des apparences peu engageantes, on peut découvrir de bonnes intentions. Abandonnés à eux-mêmes, un grand nombre ne se remettraient jamais, mais ils peuvent être relevés par des efforts patients et persévérants. Ils ont besoin de paroles affectueuses, de considération bienveillante, d'une aide tangible. Il leur faut des conseils qui ne risquent pas de leur faire perdre le peu de courage qui leur reste. Que cette pensée soit considérée par les ouvriers qui entrent en contact avec eux. MG 142 4 Il est des êtres avilis depuis si longtemps qu'ils ne seront jamais ce qu'ils auraient pu devenir si les circonstances leur avaient été plus favorables. Mais les rayons ardents du Soleil de justice peuvent illuminer leur âme. Ils ont le privilège de posséder la vie qui peut se mesurer à la vie de Dieu. Semez en eux des pensées qui élèvent et ennoblissent. Que votre exemple leur démontre avec évidence la différence entre le vice et la vertu, les ténèbres et la lumière. Qu'ils sachent ainsi ce que cela signifie que d'être un chrétien. Dieu peut relever les plus grands pécheurs et en faire ses enfants, destinés à posséder un jour avec le Christ l'héritage impérissable. MG 143 1 Par un miracle de la grâce divine, la vie d'un grand nombre peut être transformée. Méprisés, abandonnés, découragés, ils deviendraient indifférents, stupides. Mais sous l'influence du Saint-Esprit, cette hébétude qui paraît rendre leur relèvement si problématique disparaîtra. L'esprit lourd et obnubilé s'éveillera. L'esclave du péché sera délivré. Le vice disparaîtra et l'ignorance sera vaincue. Grâce à une foi agissant par l'amour, leur coeur sera purifié et leur esprit illuminé. ------------------------Chapitre 11 -- Sauvons les intempérants MG 144 1 Toute vraie réforme est du ressort de l'Evangile et tend à élever l'âme vers une vie plus noble. La tempérance exige tout particulièrement le concours des croyants. Ces derniers devraient attirer sur elle l'attention du public et créer un mouvement en sa faveur. Qu'ils proclament partout les principes de la véritable tempérance et engagent les gens à s'abstenir de toute boisson enivrante. Il faut s'efforcer sérieusement de libérer ceux qui sont esclaves de mauvaises habitudes. MG 144 2 Il n'est pas un endroit où il n'y ait quelque chose à faire pour les victimes de l'intempérance. Dans les églises, les institutions religieuses, et même au sein des familles soi-disant chrétiennes, ils sont nombreux les jeunes qui s'engagent dans le chemin qui conduit à leur perte. Intempérants, ils se rendent malades. Pour se procurer l'argent nécessaire à la satisfaction de leur passion, ils n'hésitent pas à commettre des actes malhonnêtes. Ils ruinent ainsi leur santé et faussent leur caractère. Eloignés de Dieu, méprisés par la société, ces malheureux se rendent compte qu'il n'y a plus d'espoir pour eux, ni dans cette vie ni dans la vie à venir. Ils ont brisé le coeur de leurs parents. Les hommes estiment que leur cas est désespéré. Mais ce n'est pas ainsi que Dieu les considère. Il connaît les circonstances qui les ont amenés là, et il a pitié d'eux. Ce sont de pauvres créatures qui ont besoin qu'on leur vienne en aide. Ne leur donnons pas l'occasion de dire: "Personne ne s'occupe de moi." MG 145 1 Parmi les victimes de l'intempérance, il en est de toutes classes et de toutes professions. Des hommes éminents par leurs talents ou leur savoir ont cédé à leurs appétits de telle manière qu'il leur a été impossible de résister à la tentation. D'aucuns qui étaient riches sont maintenant sans foyer et sans amis. Plongés dans la misère, la souffrance, la maladie et le déshonneur, ils ont perdu tout empire sur eux-mêmes. Si une main secourable ne leur est tendue, ils descendront toujours plus bas. Pour eux, la satisfaction de leurs passions n'est pas seulement un péché, c'est une maladie. MG 145 2 En nous occupant des intempérants, nous devons souvent, à l'instar du Christ, considérer d'abord leur état physique. Il leur faut une nourriture saine, exempte de tout stimulant, des vêtements propres et un milieu où ils seront dans les meilleures conditions physiques possibles. Ils devront être entourés d'une atmosphère réconfortante, et jouir de l'influence salutaire du christianisme. Il faudrait que toutes les villes aient un asile où les esclaves de la boisson puissent recevoir l'aide nécessaire pour briser leurs chaînes. Beaucoup de buveurs, ne voyant dans l'acool que le seul remède à leurs peines, penseraient autrement, si, au lieu de jouer le rôle du prêtre et du Lévite de la parabole évangélique, les soidisant chrétiens voulaient suivre l'exemple du bon Samaritain. MG 145 3 Dans nos rapports avec les victimes de l'intempérance, souvenons-nous que nous n'avons pas affaire à des hommes sains d'esprit, mais à des êtres temporairement sous la domination d'un démon. Soyons donc patients et indulgents avec eux. Ne pensons pas à leur apparence repoussante, mais à la vie précieuse que le Christ est venu racheter par son sang. Lorsque le buveur comprend l'état de dégradation où il est tombé, donnez-lui des preuves de votre amour à son égard. Ne lui faites aucun reproche et ne lui témoignez aucune aversion. Le malheureux se maudit assez lui-même. Aidez-le à reprendre courage. Efforcez-vous de faire renaître l'espoir dans son coeur. Cherchez à mettre en évidence les bons côtés de son caractère. Montrez-lui qu'il peut retrouver le respect de ses semblables. Amenez-le à comprendre la valeur des talents que Dieu lui a confiés, et qu'il a négligé de faire valoir. MG 146 1 Bien que la volonté du buveur soit pervertie et amoindrie, tout espoir n'est pas perdu. Le Christ éveillera dans son coeur les nobles sentiments et les plus saints désirs. Lisez l'Ecriture à ceux qui sont la proie de la tentation et qui luttent; insistez sur les promesses divines. Celles-ci seront pour eux comme les feuilles de l'arbre de vie. Continuez patiemment vos efforts, jusqu'à ce qu'ils saisissent avec reconnaissance l'espoir de la rédemption par le Christ. MG 146 2 Persévérez auprès d'eux, sinon vous ne réussirez jamais. Ils continueront à être les jouets de la tentation, et ils retomberont bien souvent. Mais poursuivez vos efforts, sans vous décourager. MG 146 3 Ces malheureux ont le désir de vivre chrétiennement, mais leur volonté est si faible. Il faut que des personnes charitables veillent sur leurs âmes comme si elles devaient en rendre compte. Ayant perdu leur noblesse, ils doivent la reconquérir. Beaucoup ont à lutter contre de fortes tendances héréditaires. En venant au monde, ils ont eu des besoins contraires à la nature, des impulsions sensuelles. Pour arriver à en triompher, il leur faut une vigilance de tous les instants. Au dedans comme au dehors, le bien et le mal se disputent la suprématie. Ceux qui n'ont pas passé par là ne peuvent comprendre la force presque irrésistible des appétits, ni la violence du conflit entre les habitudes mauvaises et la détermination d'être tempérant en toutes choses. C'est un combat à recommencer constamment. MG 146 4 Beaucoup de ceux qui se sentent attirés vers le Christ n'ont pas le courage moral de poursuivre la lutte contre leurs appétits et leurs passions. Mais l'ouvrier ne doit pas se laisser décourager. Ce ne sont pas seulement ceux qui ont été retirés des plus profonds abîmes qui retombent. MG 147 1 Souvenez-vous que vous ne travaillez pas seuls. Les anges s'unissent au service des véritables enfants de Dieu. Et le Christ est le restaurateur. Le grand Médecin lui-même se tient aux côtés de ses fidèles ouvriers, disant à l'âme repentante: "Mon enfant, tes péchés sont pardonnés." Marc 2:5. MG 147 2 Bien des réprouvés saisiront l'espérance que leur offre l'Evangile, et entreront au royaume des cieux, tandis que d'autres, dont les lumières et les privilèges ont été grands, mais qui n'en ont pas profité, seront laissés dans les ténèbres. MG 147 3 Les victimes des mauvaises habitudes doivent faire des efforts persévérants pour s'en affranchir. On peut tenter l'impossible pour les relever, leur parler de la grâce de Dieu offerte gratuitement pour les sauver, le Christ peut intercéder en leur faveur, les anges peuvent intervenir, tout sera inutile si eux-mêmes n'entreprennent la lutte libératrice. MG 147 4 Les dernières recommandations de David à son fils Salomon, jeune encore et sur le point d'hériter de la couronne d'Israël, furent: "Fortifie-toi, et sois un homme!" 1 Rois 2:2. Ces paroles s'adressent encore aujourd'hui à tous ceux qui recherchent une couronne impérissable. MG 147 5 Ceux qui cèdent à leurs appétits doivent être amenés à se rendre compte qu'une grande rénovation morale est indispensable s'ils veulent être des hommes. Dieu leur demande de se réveiller et de recouvrer, par la force du Christ, la dignité humaine perdue par leur faiblesse coupable. MG 147 6 Entraînés par la force de la tentation et la passion, beaucoup s'écrient, désespérés: "Il m'est impossible de résister." Dites à ces pauvres gens qu'ils peuvent, qu'ils doivent résister. Peut-être ont-ils été maintes fois vaincus, mais il ne faut pas nécessairement qu'ils le soient toujours. Moralement faibles, asservis aux habitudes d'une vie de péché, leurs promesses, leurs résolutions sont comme des murs de sable. Le souvenir des promesses oubliées, des engagements rompus affaiblit leur confiance en leur sincérité et leur fait croire que Dieu ne peut ni les accepter ni leur venir en aide. Mais il ne faut pas qu'ils désespèrent. MG 148 1 Ceux qui se confient dans le Christ ne sont asservis à aucune habitude, ni à aucune tendance mauvaise, héréditaire ou acquise. Au lieu d'être soumis à leurs bas instincts, ils dominent leurs passions. Dans cette lutte contre le mal, Dieu ne nous a pas laissés seuls. Quelles que soient nos tendances, innées ou acquises, nous pouvons les vaincre par la force qu'il veut nous communiquer. La puissance de la volonté MG 148 2 Ceux qui sont les jouets de la tentation ont besoin de comprendre la force réelle de la volonté. Celle-ci est la puissance qui gouverne la nature humaine, qui décide, qui choisit. Tout dépend de la volonté. Le désir d'être bon, pur, est légitime en lui-même; mais si nous nous arrêtons là, il est sans valeur. Beaucoup vont à leur perte tout en espérant et en désirant triompher de leurs tendances au mal. Ils ne soumettent pas leur volonté à celle de Dieu et ne choisissent pas de le servir. MG 148 3 Dieu nous a donné la faculté de choisir. Il n'est pas en notre pouvoir de changer nos coeurs, ni de dominer nos pensées, nos impulsions et nos affections. Nous ne pouvons nous purifier et nous rendre dignes de servir Dieu, mais il nous est possible de prendre la résolution de le servir et de lui soumettre notre volonté. Alors il produira en nous "le vouloir et le faire, selon son bon plaisir", et toute notre nature sera soumise au Christ. Philippiens 2:13. MG 148 4 Une transformation totale peut être opérée dans notre vie par l'exercice de la volonté. En soumettant cette dernière au Sauveur, nous participons à la puissance divine. Nous recevons d'en haut la force de tenir ferme. Une vie noble et pure, qui triomphe des désirs et des passions, est rendue possible à quiconque veut unir sa volonté, faible et chancelante, à la volonté divine, toute-puissante et inébranlable. MG 149 1 Ceux qui luttent contre les tendances tyranniques de la chair doivent comprendre les principes de la vie saine. Montrons-leur qu'en violant les lois de la santé, on crée un terrain propice à la maladie, aux appétits qui ne sont pas naturels, et on jette ainsi les bases de l'alcoolisme. Ce n'est qu'en obéissant à ces lois que l'on peut résister victorieusement à la soif de stimulants artificiels. S'il faut compter sur Dieu pour briser les liens de l'esclavage, il est nécessaire de collaborer avec lui en obéissant à ses lois morales et physiques. MG 149 2 Ceux qui sont décidés à se réformer doivent trouver un emploi, car lorsqu'on peut travailler il ne faut pas s'attendre à être nourri, vêtu et logé gratuitement. Il est donc indispensable, dans leur propre intérêt, aussi bien que dans celui des autres, qu'ils cherchent à produire l'équivalent de ce qu'ils reçoivent. Encouragez-les donc à subvenir à leurs besoins. C'est ainsi qu'ils développeront en eux le sentiment de leur dignité et le goût d'une noble indépendance. Occuper le corps et l'esprit à un travail utile, c'est essentiel pour se préserver de la tentation. Déceptions et dangers MG 149 3 Ceux qui s'occupent de cette oeuvre de relèvement rencontreront de nombreuses déceptions. Beaucoup de buveurs qui promettent de se réformer ne s'amendent que superficiellement. Ils obéissent à l'impulsion du moment et, pendant un certain temps, semblent avoir changé complètement; mais cette transformation n'a pas atteint leur coeur. Ils conservent le même égoïsme, le même goût des plaisirs insensés, la même indulgence pour leurs passions. Ignorant en quoi consiste la formation du caractère, ils ne peuvent être considérés comme des hommes de principes. Ils ont altéré leurs forces mentales et spirituelles en s'abandonnant à leurs passions; de là leur faiblesse, leur irrésolution, leur inconstance. Leurs tendances les poussent à la sensualité, et ils sont souvent un danger pour les autres. Considérés comme guéris, et désormais dignes de confiance, il leur est procuré des emplois où leur influence corrompt les innocents. MG 150 1 Ceux mêmes qui désirent sincèrement se réformer courent le danger de retomber. Il faut les traiter avec beaucoup d'égards et de sagesse. La tendance à flatter et à exalter les buveurs qui sont sortis de l'abîme du péché est souvent pour eux la cause d'une nouvelle chute. La coutume d'inviter ces hommes et ces femmes à relater en public leur vie de péché est très dangereuse à la fois pour ceux qui parlent et pour ceux qui les écoutent. S'attarder à des scènes de péché souille l'âme et l'esprit, et la notoriété procurée ainsi à ces buveurs relevés leur est néfaste, car beaucoup sont amenés à croire que leur vie de désordre leur vaut une certaine célébrité. Ils cultivent un esprit de confiance en eux-mêmes qui leur est fatal au point de vue spirituel. Ce n'est qu'en se méfiant d'eux-mêmes et en se rendant compte de leur besoin de la grâce divine qu'ils peuvent rester debout. MG 150 2 Tous ceux qui se convertissent réellement doivent s'efforcer d'en sauver d'autres. Que nul ne détourne de cette mission celui qui cesse d'appartenir à Satan pour servir Dieu. Lorsque vous constatez que l'Esprit d'en haut opère dans un homme, encouragez-le à se consacrer au service du Seigneur. "Appliquez-vous à convaincre les hésitants." Jude 1:22 (V. Crampon). La sagesse céleste nous mettra en contact avec des âmes sincèrement repentantes qui perdent tout espoir, faute d'être encouragées. Dieu mettra au coeur de ses serviteurs d'accueillir dans leurs rangs ces êtres timides et repentants. Quels qu'aient été leurs égarements, si bas qu'ils soient tombés, lorsque la contrition les amène au Christ, il les reçoit. Encouragez-les alors à travailler pour lui. S'ils désirent faire quelque chose en faveur de ceux qui sont encore dans l'abîme du péché d'où eux-mêmes ont été retirés, facilitez leur tâche. Mettez-les en rapport avec des chrétiens d'expérience pour qu'ils se fortifient au point de vue spirituel. Que leur coeur et leurs mains soient occupés au service du Maître. MG 151 1 Certains pécheurs tombés très bas deviennent parfois, lorsque la lumière a pénétré dans leur coeur, des messagers particulièrement efficaces auprès de ceux qui suivent encore le mauvais chemin. Soutenus par la foi, quelques-uns assument de lourdes responsabilités dans l'oeuvre du salut des âmes. Ils savent quelle est la faiblesse, la dépravation, la force du péché et des mauvaises habitudes de ceux qui ne connaissent pas encore le salut. Incapables de triompher sans le Christ, ils s'écrient à chaque instant: "Mon espoir est dans le Sauveur." MG 151 2 Ils peuvent faire une oeuvre des plus utiles. Celui qui était tombé, et qui avait presque perdu tout espoir, mais qui a été sauvé en écoutant un message d'amour, comprendra la science du salut des âmes. Son coeur est rempli d'amour pour son Sauveur, et il sait comment aller à la recherche de ceux qui sont perdus. Il peut amener les pécheurs à l'Agneau de Dieu. N'a-t-il pas lui-même été ramené à la bergerie? Aussi s'est-il donné sans réserve au Seigneur. La main que, dans sa faiblesse, il tendait pour être secouru a été saisie par le Sauveur. C'est par de tels hommes que beaucoup d'enfants prodigues seront ramenés au Père céleste. MG 151 3 Pour quiconque s'efforce de passer d'une vie de péché à une vie pure, la puissance transformatrice se trouve en Jésus-Christ, le seul nom "qui ait été donné parmi les hommes, par lequel nous devions être sauvés". Actes 4:12. Si quelqu'un a soif d'espérance, et désire être délivré du mal, a-t-il dit lui-même, "qu'il vienne à moi, et qu'il boive". Jean 7:37. Sa grâce et sa puissance sont les seuls remèdes contre le vice. MG 152 1 Les bonnes résolutions qui s'appuient sur nos propres forces n'ont aucune valeur; elles ne sauraient triompher d'une mauvaise habitude. Nous n'arriverons jamais à être tempérants en toutes choses si notre coeur n'est renouvelé par la grâce divine. Impossible par nous-mêmes de nous préserver du péché un seul instant. Nous ne pouvons compter que sur Dieu. MG 152 2 Une véritable réforme débute par la purification de l'âme. Nous ne pourrons travailler en faveur de ceux qui sont tombés que dans la mesure où la grâce du Christ interviendra pour réformer les caractères et où les âmes seront amenées en contact intime avec Dieu. MG 152 3 Par son obéissance parfaite à la loi divine, le Christ a donné un exemple à tous les hommes. Soutenus par sa puissance, guidés par ses enseignements, vivons comme il a vécu lui-même. MG 152 4 Pour faire oeuvre utile en faveur de ceux qui sont tombés, nous devons d'abord mettre en évidence les exigences de la loi divine et la nécessité de s'y conformer. Faisons ressortir la différence frappante qui existe entre celui qui sert Dieu et celui qui s'en écarte. Dieu est amour, mais il ne saurait excuser la désobéissance volontaire à ses commandements. Nul n'échappera aux conséquences de celle-ci. Dieu ne peut honorer que ceux qui l'honorent. Notre conduite en ce monde décidera de notre destinée éternelle; nous récolterons ce que nous aurons semé. L'effet suivra inévitablement la cause. MG 152 5 Dieu ne peut agréer qu'une obéissance totale, et ses exigences n'ont rien d'imprécis. Il n'a rien ordonné qui ne soit indispensable pour que nous puissions être en harmonie avec lui. Montrons aux pécheurs le caractère idéal selon Dieu, et amenons-le au Sauveur dont la grâce seule nous permet de le réaliser. MG 153 1 Le Sauveur s'est chargé de nos infirmités, et il a vécu sans péché, afin de donner à l'homme, malgré sa faiblesse, la certitude de vaincre. Il est venu ici-bas pour nous rendre "participants de sa nature divine", et sa vie est la preuve que l'humanité unie à la divinité ne pèche plus. MG 153 2 Le Christ a vaincu pour montrer à l'homme comment il peut vaincre. Il a affronté toutes les tentations de Satan avec la Parole de Dieu, et c'est en s'appuyant sur les promesses divines qu'il a pu obéir aux commandements. Le tentateur n'a obtenu de lui aucun avantage. Chaque fois qu'il était tenté, il répondait: "Il est écrit..." C'est donc par la Parole de Dieu qu'on peut triompher du mal. De grandes et précieuses promesses nous ont été données, "afin que par elles [nous devenions participants] de la nature divine, en fuyant la corruption qui existe dans le monde par la convoitise". 2 Pierre 1:4. MG 153 3 Que celui qui est tenté ne s'arrête donc pas aux circonstances, à ses faiblesses, ou à la puissance de la tentation, mais à celle de la Parole de Dieu. Toute la force de cette Parole est à notre disposition. "Je serre ta parole dans mon coeur, dit le Psalmiste, afin de ne pas pécher contre toi." "Je me tiens en garde contre la voie des violents." Psaumes 119:11; 17:4. MG 153 4 Parlez de courage aux pécheurs. Présentez-les à Dieu dans vos prières. Parmi ceux que la tentation terrasse, un bon nombre en sont humiliés, et ont l'impression de s'approcher vainement du Seigneur. Mais cette pensée leur est suggérée par l'ennemi. Lorsqu'ils ont péché et n'osent plus prier, dites-leur que c'est bien alors qu'il faut le faire. Ils peuvent se sentir profondément humiliés, et honteux d'eux-mêmes; mais s'ils confessent leurs péchés, celui qui est fidèle et juste les leur pardonnera et les purifiera de toute iniquité. MG 154 1 Rien n'est apparemment plus faible, et cependant plus invincible, que l'âme qui comprend son néant et se repose entièrement sur les mérites du Christ. Par la prière, l'étude de sa Parole, par la foi en sa présence, le plus faible des hommes peut s'approcher du Sauveur et saisir sa main qui ne l'abandonnera jamais. MG 154 2 Tous ceux qui sont en communion avec le Christ peuvent s'approprier les paroles suivantes: MG 154 3 Pour moi, je regarderai vers l'Eternel, Je mettrai mon espérance dans le Dieu de mon salut; Mon Dieu m'exaucera. Ne te réjouis pas à mon sujet, mon ennemie! Car si je suis tombée, je me relèverai; Si je suis assise dans les ténèbres, L'Eternel sera ma lumière. ... MG 154 4 Il aura encore compassion de nous, Il mettra sous ses pieds nos iniquités; Tu jetteras au fond de la mer tous leurs péchés. Michée 7:7, 8, 19. MG 154 5 Dieu a promis: MG 154 6 Je rendrai les hommes plus rares que l'or fin, MG 154 6 Je les rendrai plus rares que l'or d'Ophir. Ésaïe 13:12. MG 154 7 Tandis que vous reposez au milieu des étables, Les ailes de la colombe sont couvertes d'argent, Et son plumage est d'un jaune d'or. Psaumes 68:14. MG 154 8 Ce sont ceux auxquels le Christ aura le plus pardonné qui l'aimeront davantage. Au dernier jour, ils se tiendront le plus près de son trône. MG 154 9 Ils "verront sa face, et son nom sera sur leurs fronts". Apocalypse 22:4. ------------------------Chapitre 12 -- Chômage et paupérisme MG 155 1 Il est des hommes et des femmes au coeur généreux que le paupérisme angoisse et qui cherchent avec sollicitude les moyens d'y remédier. Mais comment faire pour aider les chômeurs et les sans-asile à se procurer les commodités les plus élémentaires de l'existence? Telle est la question qui se pose. MG 155 2 Ils sont peu nombreux, même parmi les hommes d'Etat et les éducateurs, ceux qui comprennent les causes qui sont à la base des conditions actuelles de la société. Les gouvernements sont incapables de résoudre les problèmes du paupérisme, de la criminalité croissante ou de l'insécurité des transactions commerciales. MG 155 3 Si les hommes étaient attentifs aux enseignements de la Parole de Dieu, ils trouveraient une solution à tous ces problèmes. L'Ancien Testament renferme de précieux enseignements concernant le travail et l'assistance aux pauvres. Le plan divin pour Israël MG 155 4 Le dessein de Dieu à l'égard d'Israël était que chaque famille possédât une maison et ait assez de terre cultivable pour assurer sa subsistance. Ce système fournissait à chacun les moyens de mener une vie active, utile et indépendante. Aucune organisation humaine ne peut améliorer ce dessein; la pauvreté et la misère de notre société sont dues en grande partie à son abandon. MG 155 5 Lorsque Israël s'établit en Canaan, le pays fut partagé; seuls les Lévites, ministres du sanctuaire, ne reçurent point de part. Les tribus furent constituées par familles, et un héritage accordé à chacune d'elles selon le nombre de ses membres. Chacun pouvait vendre son bien, mais à titre temporaire seulement; nul ne pouvait aliéner définitivement son patrimoine. Lorsque le vendeur était en mesure de racheter son champ, il pouvait le faire à n'importe quel moment. En outre, les dettes étaient remises tous les sept ans, et la cinquantième année, ou année du jubilé, toute propriété immobilière revenait à son premier propriétaire. MG 156 1 "Les terres ne se vendront point à perpétuité, lisonsnous dans le Lévitique; car le pays est à moi, car vous êtes chez moi comme étrangers et comme habitants. Dans tout le pays dont vous aurez la possession, vous établirez le droit de rachat pour les terres. Si ton frère devient pauvre et vend une portion de sa propriété, celui qui a le droit de rachat, son plus proche parent, viendra et rachètera ce qu'a vendu son frère. Si un homme ... se procure lui-même de quoi faire son rachat,... il retournera dans sa propriété, et l'acquéreur en sortira. ... S'il ne trouve pas de quoi lui faire cette restitution, ce qu'il a vendu restera entre les mains de l'acquéreur jusqu'à l'année du jubilé." Lévitique 25:23-28. MG 156 2 "Vous sanctifierez la cinquantième année, vous publierez la liberté dans le pays pour tous ses habitants: ce sera pour vous le jubilé; chacun de vous retournera dans sa propriété, et chacun de vous retournera dans sa famille." Verset 10. MG 156 3 Ainsi le patrimoine de chaque famille était protégé, et cette sage mesure constituait une garantie contre les extrêmes de la richesse et de la pauvreté. Enseignement industriel MG 156 4 En Israël, le travail manuel était considéré comme un devoir. Chaque père de famille devait apprendre un métier à ses fils. Les hommes les plus éminents savaient travailler de leurs mains. Quant aux femmes, il fallait qu'elles connussent tous les devoirs de la maîtresse de maison, et l'habileté dans le travail domestique était en honneur chez celles qui faisaient partie de la meilleure société. On enseignait différents métiers dans les écoles des prophètes, et beaucoup d'étudiants pourvoyaient à leurs besoins par le travail manuel. L'assistance aux pauvres MG 157 1 Néanmoins cette organisation ne supprimait pas complètement la pauvreté. Cela n'entrait d'ailleurs pas dans le dessein de Dieu, car celle-ci est un moyen dont il se sert pour former les caractères. "Il y aura toujours des indigents dans le pays, lisons-nous dans l'Ecriture; c'est pourquoi je te donne ce commandement: Tu ouvriras ta main à ton frère, au pauvre et à l'indigent dans ton pays." Deutéronome 15:11. MG 157 2 "S'il y a chez toi quelque indigent d'entre tes frères, dans l'une de tes portes, au pays que l'Eternel, ton Dieu, te donne, tu n'endurciras point ton coeur et tu ne fermeras point ta main devant ton frère indigent. Mais tu lui ouvriras ta main, et tu lui prêteras de quoi pourvoir à ses besoins." Versets 7, 8. MG 157 3 "Si ton frère devient pauvre, et que sa main fléchisse près de toi, tu le soutiendras; tu feras de même pour celui qui est étranger et qui demeure dans le pays, afin qu'il vive avec toi." Lévitique 25:35. MG 157 4 "Quand vous ferez la moisson dans votre pays, tu laisseras un coin de ton champ sans le moissonner." "Quand tu moissonneras ton champ, et que tu auras oublié une gerbe dans le champ, tu ne retourneras point la prendre. ... Quand tu secoueras tes oliviers, tu ne cueilleras point ensuite les fruits restés aux branches. ... Quand tu vendangeras ta vigne, tu ne cueilleras point ensuite les grappes qui y seront restées: elles seront pour l'étranger, pour l'orphelin et pour la veuve." Lévitique 19:9; Deutéronome 24:19-21. MG 158 1 Nul ne devait craindre de tomber dans le besoin par sa libéralité. L'obéissance aux commandements de Dieu apportait toujours la prospérité. "L'Eternel, ton Dieu, est-il encore écrit, te bénira dans tous tes travaux et dans toutes tes entreprises." "Tu prêteras à beaucoup de nations, et tu n'emprunteras point; tu domineras sur beaucoup de nations, et elles ne domineront point sur toi." Deutéronome 15:10, 6. Principes commerciaux MG 158 2 La Parole de Dieu ne permet pas qu'une classe de la société s'enrichisse par l'oppression ou la souffrance d'une autre. Elle nous apprend à nous mettre à la place d'autrui dans toutes nos entreprises, et à ne pas considérer seulement nos propres intérêts, mais aussi ceux des autres. Celui qui profite du malheur de ses semblables, ou qui exploite leurs faiblesses, ou leurs inconséquences, transgresse à la fois les principes et les préceptes de l'Ecriture sainte. MG 158 3 "Tu ne porteras point atteinte au droit de l'étranger et de l'orphelin, et tu ne prendras point en gage le vêtement de la veuve." "Si tu fais à ton prochain un prêt quelconque, tu n'entreras point dans sa maison pour te saisir de son gage; tu resteras dehors, et celui à qui tu fais le prêt t'apportera le gage dehors. Si cet homme est pauvre, tu ne te coucheras point, en retenant son gage." "Si tu prends en gage le vêtement de ton prochain, tu le lui rendras avant le coucher du soleil; car c'est sa seule couverture ... dans quoi couche-rait-il?" "Si vous vendez à votre prochain, ou si vous achetez de votre prochain, qu'aucun de vous ne trompe son frère." Deutéronome 24:17, 10-12; Exode 22:26, 27; Lévitique 25:14. MG 158 4 "Vous ne commettrez point d'iniquité ni dans les jugements, ni dans les mesures de dimension, ni dans les poids, ni dans les mesures de capacité." "Tu n'auras point dans ton sac deux sortes de poids, un gros et un petit. Tu n'auras point dans ta maison deux sortes d'épha: un grand et un petit." "Vous aurez des balances justes, des poids justes, des épha justes et des hin justes." Lévitique 19:35; Deutéronome 25:13, 14; Lévitique 19:36. MG 159 1 "Donne à celui qui te demande, et ne te détourne pas de celui qui veut emprunter de toi." "Le méchant emprunte, et il ne rend pas; le juste est compatissant, et il donne." Matthieu 5:42; Psaumes 37:21. MG 159 2 "Donne conseil, fais justice, couvre-nous en plein midi de ton ombre comme de la nuit, cache ceux que l'on poursuit, ne trahis pas le fugitif! Laisse séjourner chez toi les exilés. ... Sois pour eux un refuge contre le dévastateur!" Ésaïe 16:3, 4. MG 159 3 La règle de vie que Dieu avait donnée à Israël devait servir à toute l'humanité. Si l'on appliquait ces principes aujourd'hui, le monde serait bien différent. MG 159 4 Dans les vastes limites de la nature, il y a assez de place pour que tous ceux qui souffrent de la misère puissent trouver un abri, et elle a suffisamment de ressources pour les nourrir. Des trésors sont cachés dans les profondeurs de la terre, et les hommes qui font preuve de courage, de volonté et de persévérance peuvent les recueillir. MG 159 5 La culture du sol, que Dieu avait autrefois assignée à l'homme en Eden, permet à des multitudes d'assurer leur subsistance. MG 159 6 Confie-toi en l'Eternel, et pratique le bien; Aie le pays pour demeure et la fidélité pour pâture. Psaumes 37:3. MG 159 7 Des milliers et des dizaines de milliers de gens entassés dans les villes ne gagnent souvent qu'un salaire dérisoire. Et dans bien des cas, ce salaire ne leur sert même pas à se procurer du pain mais passe dans la caisse du cabaretier en échange de boissons qui ruinent leur corps et leur âme. Ces gens pourraient avantageusement travailler à la campagne. MG 160 1 Beaucoup considèrent le travail comme une corvée, et essayent de gagner leur vie au moyen d'expédients plutôt que par un labeur honnête. Cette manière d'agir ouvre toute grande la porte à la misère, au vice et au crime. Les bas-fonds des grandes villes MG 160 2 Dans les grandes villes, de nombreux êtres humains reçoivent moins de soins et de considération que les animaux domestiques. Que de familles sont entassées dans de misérables taudis, où les rayons du soleil ne pénètrent jamais! C'est pourtant là que des enfants naissent, grandissent et meurent. Ils ne voient rien des beautés de la nature que Dieu a créées pour nous charmer et élever notre âme. Déguenillés, affamés, ils vivent au milieu du vice et de la dépravation dont ils subissent le contact avilissant, et dont leur caractère porte l'empreinte. Ils entendent profaner le nom de Dieu. Un langage grossier, des imprécations et des injures remplissent leurs oreilles; le relent des liqueurs et la fumée du tabac, les exhalaisons malsaines, la dégradation morale pervertissent leurs sens. Des légions d'adolescents sont ainsi lancés dans la voie du crime et deviennent les ennemis de la société qui les a abandonnés à la misère et à la dégradation. MG 160 3 Cependant, tous les pauvres des bas-fonds des grandes villes ne sont pas dans des conditions morales aussi tristes. On y trouve des hommes et des femmes craignant Dieu qui ont été plongés dans la misère par la maladie ou les procédés malhonnêtes de leurs exploiteurs. Beaucoup de gens intègres et bien intentionnés deviennent pauvres parce qu'ils n'ont pas de métier. Leur ignorance les rend incapables d'affronter les difficultés de l'existence. Attirés par la grande ville, et n'y trouvant pas d'emploi, ils subissent l'influence avilissante du vice qu'ils coudoient journellement. Mêlés à la lie de la population, et souvent confondus avec elle, ils ne réussissent à éviter la déchéance que par une lutte surhumaine et grâce à la puissance d'en haut. Beaucoup maintiennent leur intégrité, préférant la souffrance au péché. Ces gens ont particulièrement besoin de secours, de sympathie et d'encouragement. MG 161 1 Si les pauvres entassés dans les villes allaient habiter la campagne, ils pourraient non seulement y gagner leur vie mais y trouver la santé et le bonheur qu'ils ne connaissent pas aujourd'hui. Un travail ardu, une nourriture frugale, une économie rigoureuse, parfois des difficultés et des privations seraient leur lot, mais quelle bénédiction pour eux de quitter la ville, sa misère, ses tentations, ses incitations au mal, ses crimes, pour vivre dans la quiétude, la paix et la pureté! MG 161 2 Pour beaucoup d'habitants des villes qui n'ont pas un pouce d'herbe verte où poser le pied, qui, année après année, n'ont pour tout horizon que des rues étroites, des cours sales, des murs et des pavés, et pour ciel des nuages de poussière et de fumée, la vie à la campagne, au milieu des prés verdoyants, des bois et des collines, sous un ciel resplendissant de clarté, dans une atmosphère pure et vivifiante, serait un avant-goût du ciel. MG 161 3 Affranchis dans une large mesure du contact et de la dépendance des hommes, éloignés des coutumes et des pratiques perverses du monde, de ses amusements malsains, ils subiraient l'influence bienfaisante de la nature. La présence de Dieu leur deviendrait plus sensible, et beaucoup apprendraient à compter sur lui. Ils entendraient sa voix leur parler de paix et d'amour, et leur être tout entier, corps, âme et esprit, répondrait à l'appel de celui qui guérit et vivifie. MG 161 4 Pour pouvoir gagner leur vie, beaucoup ont besoin qu'on les assiste, qu'on les encourage et qu'on les instruise. Il y a un grand nombre de familles pauvres en faveur desquelles aucun travail missionnaire ne pourrait être plus profitable que celui qui consisterait à les aider à s'établir à la campagne et à leur apprendre à cultiver la terre de manière à en tirer leur subsistance. MG 162 1 Il est des pays où cette nécessité ne se fait pas sentir dans les villes seulement. A la campagne même, où il est pourtant plus facile de mieux vivre, les pauvres abondent et leurs besoins sont grands. Des villages entiers ont besoin d'éducation en matière professionnelle et dans les principes élémentaires de l'hygiène. Les familles sont logées dans des chaumières à peine meublées, et manquent de vêtements, d'outils et de livres. Elles sont privées de tout confort, et tout progrès intellectuel leur est impossible. Des esprits obtus, des corps faibles et difformes trahissent une funeste hérédité et des habitudes pernicieuses. Il faut que la formation de ces gens commence par les premiers éléments. Ils ont mené une vie indolente et vicieuse, et ils doivent contracter des habitudes de travail et de pureté. Mais comment pourront-ils comprendre la nécessité de se perfectionner? Comment concevront-ils un idéal plus élevé? Comment les aider à se relever? Que faire là où prévaut la pauvreté? L'oeuvre est certainement difficile. Elle ne s'accomplira jamais, à moins que ceux qui l'entreprendront ne soient assistés par une puissance supérieure. La volonté de Dieu est que riches et pauvres soient étroitement unis par les liens de la sympathie et de l'entraide. Ceux qui possèdent des moyens et des talents doivent les employer à soulager leurs semblables. MG 162 2 Les cultivateurs chrétiens peuvent accomplir un véritable travail missionnaire en aidant les pauvres à se loger à la campagne, et en leur apprenant à travailler la terre, à la rendre productive, à se servir d'instruments agricoles, à cultiver les légumes, les céréales et à soigner les arbres fruitiers. MG 163 1 Bien des cultivateurs, dans certains pays, n'obtiennent pas une récolte satisfaisante à cause de leur négligence. Ils ne soignent pas convenablement leurs vergers, ne sèment pas au moment voulu, et ne travaillent la terre que superficiellement; puis, ils accusent faussement de leur insuccès la stérilité d'un sol qui, convenablement travaillé, les aurait richement récompensés. Il faut absolument qu'ils renoncent à la routine et s'efforcent de pratiquer les meilleures méthodes de culture. MG 163 2 Apprenez à ceux qui le désirent comment ils pourront rendre le sol productif. Si l'on méprise vos conseils, donnez une leçon silencieuse. Cultivez avec soin votre propre terre, et que votre récolte soit l'argument le plus puissant en faveur de votre méthode. Démontrez ce qui peut être fait lorsque la terre est bien travaillée. MG 163 3 On devrait fonder des industries variées où les pauvres trouveraient un emploi. Les charpentiers, les forgerons et tous ceux qui exercent un métier utile l'apprendraient à ceux qui l'ignorent et sont sans travail. MG 163 4 De grandes possibilités de servir s'offrent aux femmes comme aux hommes dans le ministère en faveur des déshérités. Les cuisinières, les ménagères, les couturières, les infirmières peuvent apprendre aux femmes pauvres à cuisiner, à bien tenir leur maison, à confectionner et à raccommoder leurs vêtements, à soigner les malades. Aux garçons et aux filles, il faut donner un métier utile. Familles missionnaires MG 163 5 Des familles missionnaires devraient s'installer dans les régions incultes. Que des agriculteurs, des financiers, des entrepreneurs et des artisans aillent se fixer dans les lieux en friche pour y améliorer le sol, y fonder des industries, y construire d'humbles maisons pour eux-mêmes et venir en aide à leurs voisins. MG 164 1 Dieu a mis un attrait dans les endroits les plus sauvages de la nature; il a placé des choses magnifiques parmi les plus laides. C'est l'oeuvre que nous sommes appelés à accomplir. Les lieux déserts de la terre peuvent devenir des jardins de l'Eternel. MG 164 2 En ce jour-là, les sourds entendront les paroles du livre; Et, délivrés de l'obscurité et des ténèbres, Les yeux des aveugles verront. Les malheureux se réjouiront de plus en plus en l'Eternel, Et les pauvres feront du Saint d'Israël le sujet de leur allégresse. Ésaïe 29:18, 19. MG 164 3 Nous pouvons souvent venir en aide aux pauvres en leur enseignant quelque chose de pratique. Généralement, ceux qui n'ont pas appris à travailler manquent d'initiative, de persévérance, d'économie et de renoncement. Ils ne savent pas se tirer d'embarras. Par manque de soin et de jugement, ils gaspillent souvent ce qui suffirait à leur assurer le confort. "Le champ que défriche le pauvre donne une nourriture abondante, mais tel périt par défaut de justice." Proverbes 13:23. MG 164 4 Il y a telle manière de donner aux pauvres qui leur fait du tort: c'est celle qui leur apprend à compter sur les autres. C'est ainsi que l'on encourage l'égoïsme et l'incurie, que l'on conduit à la paresse, à la prodigalité et à l'intempérance. Nul n'a le droit de dépendre d'autrui s'il peut gagner sa subsistance. Ceux qui croient que le seul fait d'exister leur donne le droit d'exiger que la société subvienne à leur entretien excusent par là même le mensonge, la fraude et le vol. Le monde n'est pas tenu de nourrir celui qui ne fait rien du tout en étant capable de gagner sa vie. MG 164 5 La véritable charité consiste à aider les indigents à pourvoir eux-mêmes à leurs moyens d'existence. Si quelqu'un frappe à notre porte et nous demande du pain, nous devons satisfaire sa faim; sa pauvreté est peut-être la conséquence du malheur. Mais la vraie bienfaisance consiste en autre chose encore qu'à donner. Elle exige que nous nous intéressions sincèrement à la prospérité de nos semblables; que nous cherchions à comprendre les besoins de ceux qui sont dans la détresse et à leur apporter le secours qui leur est le plus nécessaire. Donner son temps, ses forces, sa pensée, c'est bien plus que de donner simplement de l'argent. Mais c'est là la véritable charité. MG 165 1 Ceux auxquels on enseigne à gagner ce qu'ils reçoivent apprennent plus aisément à en tirer le meilleur parti et deviennent capables, non seulement de pourvoir à leurs besoins, mais de venir en aide à d'autres. Faites comprendre l'importance des devoirs de la vie à ceux qui laissent passer les occasions de faire le bien. Montrez-leur que la religion de la Bible ne fait pas de l'homme un oisif. Le Christ a toujours encouragé le travail: "Pourquoi vous tenez-vous ici tout le jour sans rien faire?" demandait-il. Et, s'adressant aux indolents: "Il faut que je fasse, tandis qu'il est jour, les oeuvres de celui qui m'a envoyé: la nuit vient, où personne ne peut travailler." Matthieu 20:6; Jean 9:4. MG 165 2 Tous ont le privilège d'offrir au monde, par leur conduite et leurs habitudes d'ordre, par une vie de famille exemplaire, une démonstration de ce que l'Evangile peut faire pour ceux qui lui obéissent. Le Christ est venu icibas pour nous montrer à quoi nous pouvons arriver. Il s'attend que ceux qui le suivent soient des modèles dans toutes les circonstances de la vie. Il désire que l'attouchement divin se remarque dans les choses extérieures. MG 165 3 Nos familles devraient être des exemples vivants. Que le travail, la propreté, le bon goût, la culture y prennent la place de l'indolence, de la malpropreté, du désordre et de la grossièreté. Par notre conduite, nous pouvons apprendre aux autres à discerner ce qui est encore déplaisant en eux ou autour d'eux, et, avec beaucoup de courtoisie chrétienne, les encourager à se perfectionner. En leur témoignant de l'intérêt, nous aurons ainsi l'occasion de leur montrer comment dépenser leur énergie pour les choses les plus utiles. Espoir et courage MG 166 1 Nous ne pouvons rien faire sans courage et sans persévérance. Parlez donc de courage et d'espoir aux pauvres et à ceux qui perdent confiance. Si cela est nécessaire, donnez-leur des preuves tangibles de votre intérêt dans les moments difficiles. Il leur est pénible de s'entendre faire des remontrances ou proposer des exemples. N'oubliez pas que la bonté fait plus que la censure. Faites-leur comprendre que vous désirez leur bien et que vous êtes prêts à leur venir en aide. S'ils se trompent en quelque chose, ne vous hâtez pas de les juger. MG 166 2 Les leçons de simplicité, de renoncement et d'économie indispensables aux pauvres, leur semblent souvent désagréables et difficiles à comprendre. L'exemple et l'esprit du monde encouragent constamment l'orgueil, la vanité, les plaisirs égoïstes, la prodigalité et la paresse. Ces maux entraînent des milliers de gens au dénuement et en empêchent des milliers d'autres de sortir de la misère et de la déchéance. Il faut encourager les pauvres à résister à ces influences. MG 166 3 Jésus est venu ici-bas dans l'humilité. Il était de naissance obscure, lui, la Majesté du ciel, le Roi de gloire, le Chef des armées angéliques. Il s'humilia jusqu'à revêtir notre nature, à choisir la pauvreté, et n'eut aucun avantage sur les pauvres. Les labeurs, les souffrances et les privations furent son lot de chaque jour. "Les renards ont des tanières, disait-il, et les oiseaux du ciel ont des nids; mais le Fils de l'homme n'a pas où reposer sa tête." Luc 9:58. MG 167 1 Jésus n'a pas recherché les applaudissements ou l'admiration des hommes. Il n'a commandé aucune armée et n'a régné sur aucun royaume de ce monde. Il n'a pas flatté les riches et les puissants pour en obtenir des faveurs et n'a jamais revendiqué une position parmi les chefs de sa nation. Il se plaisait au milieu des humbles. Il réduisit à néant les distinctions artificielles de la société et ignora l'aristocratie de la naissance, de la richesse, du talent et de l'érudition. MG 167 2 Le Sauveur était le Prince du ciel, et cependant il ne choisit pas ses disciples parmi les docteurs de la loi, les chefs du peuple, les scribes et les pharisiens. S'il laissa ceux-ci de côté, c'est parce qu'ils se glorifiaient de leurs connaissances et de leur position, et qu'ils étaient imbus de leurs superstitions et de leurs traditions. Celui qui pouvait lire dans les coeurs choisit d'humbles pêcheurs disposés à se laisser instruire. Il se mettait à table avec les pécheurs et les publicains, et se mêlait au commun peuple, non pour s'abaisser à leur niveau, mais pour communiquer à tous, par l'enseignement et par l'exemple, les principes du bien, et pour arracher les âmes à la mondanité et à la dégradation. MG 167 3 Jésus s'efforça de corriger les notions que l'on avait autour de lui sur la valeur de l'homme. Il s'identifia avec les nécessiteux, afin que la pauvreté ne fût plus l'objet de la réprobation générale. Il l'a soustraite pour toujours au mépris du monde en bénissant les pauvres et en les faisant héritiers de son royaume. Parlant du chemin qu'il a suivi, il nous dit: "Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge chaque jour de sa croix, et qu'il me suive." Verset 23. MG 167 4 Il faut aller trouver les gens où ils sont et leur apprendre, non pas à se croire quelqu'un, mais à être quelqu'un par le caractère. Il faut leur montrer comment le Christ a travaillé et a vécu dans l'abnégation, les aider à suivre son exemple et les mettre en garde contre les complaisances aux usages du monde. La vie est trop précieuse, elle comporte trop de responsabilités solennelles et sacrées pour être gaspillée égoïstement. Les meilleures choses de la vie MG 168 1 Les hommes comprennent difficilement le but de la vie. Attirés par ce qui brille, ils ambitionnent les premières places et sacrifient l'essentiel. Les biens les meilleurs icibas -- la simplicité, l'honnêteté, la véracité, l'intégrité, la pureté -- ne peuvent s'acheter ni se vendre. Ils sont gratuits pour l'ignorant comme pour le savant, le simple ouvrier ou l'homme d'Etat comblé d'honneurs. Dieu a en réserve des plaisirs auxquels riches et pauvres peuvent accéder: la joie que procurent la pureté de la pensée et l'action désintéressée, la satisfaction que l'on éprouve à témoigner de la sympathie et à faire du bien autour de soi. Une lumière divine se dégage des chrétiens qui suivent cette voie, et illumine le sentier de ceux qui, autour d'eux, marchent dans les ténèbres. MG 168 2 Tout en aidant matériellement les pauvres, souvenez-vous toujours de leurs besoins spirituels. Que votre vie témoigne de la puissance protectrice du Sauveur, et que votre caractère reflète le modèle élevé que tous doivent s'efforcer de reproduire. Faites connaître l'Evangile par les menus détails de la vie journalière. Dans la formation de votre caractère, sachez retirer une leçon de tout ce qui vous entoure. MG 168 3 Si humble et si faible que l'on soit, on peut collaborer avec Dieu, recevoir le réconfort de sa présence et le soutien de sa grâce. Il ne faut pas se laisser miner par les tracas et les inquiétudes de cette vie. Travaillons au jour le jour, accomplissant avec fidélité la tâche que la Providence nous assigne, et Dieu prendra soin de nous. MG 169 1 "Ne vous inquiétez de rien, dit Paul; mais en toute chose faites connaître vos besoins à Dieu par des prières et des supplications, avec des actions de grâces. Et la paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, gardera vos coeurs et vos pensées en Jésus-Christ." Philippiens 4:6, 7. MG 169 2 La protection du Seigneur s'étend à toutes ses créatures; il les aime et ne fait entre elles aucune différence, si ce n'est par une pitié plus tendre pour celles qui ont à supporter les plus lourds fardeaux de la vie. Les enfants de Dieu doivent faire face à bien des épreuves et à bien des difficultés, mais il faut qu'ils acceptent leur sort avec courage, se souvenant que tout ce que le monde leur refuse, Dieu le leur donnera au centuple. MG 169 3 C'est dans les moments difficiles que Dieu révèle sa puissance et sa sagesse, et répond à l'humble prière. Ayez confiance en lui, car il entend et il exauce. Il est disposé à vous aider dans toutes les circonstances. Celui qui a créé l'homme, qui lui a donné ses merveilleuses facultés physiques, mentales et spirituelles, ne refusera pas ce qui est nécessaire au soutien de la vie qu'il a communiquée. Le Dieu qui nous a donné sa Parole -- les feuilles de l'arbre de vie -- nous révélera la manière dont ses enfants doivent s'y prendre pour se procurer la nourriture dont ils ont besoin. MG 169 4 Comment l'humble cultivateur peut-il obtenir la sagesse? "Si tu la cherches, répond l'Ecriture sainte, comme l'argent, si tu la poursuis comme un trésor." "Son Dieu lui a enseigné la marche à suivre, il lui a donné ses instructions." "Cela aussi vient de l'Eternel des armées; admirable est son conseil, et grande est sa sagesse." Proverbes 2:4; Ésaïe 28:26, 29. MG 169 5 Celui qui apprit à nos premiers parents à cultiver le jardin d'Eden, donnera encore aujourd'hui de la sagesse à celui qui conduit la charrue et répand la semence. Il dirigera ceux qui lui obéissent et se confient en lui. Qu'ils avancent donc courageusement, confiants en Dieu qui répond à leurs besoins selon les richesses de sa bonté. MG 170 1 Le Sauveur qui a nourri autrefois la multitude avec cinq pains et deux poissons peut nous donner le fruit de notre labeur. C'est lui qui a dit aux pêcheurs de la Galilée: "Jetez vos filets", et qui les a remplis de poissons. Il désire que ses enfants voient là une image de ce qu'il peut faire pour eux aujourd'hui. Le Dieu qui donna la manne du ciel aux Israélites dans le désert, vit et règne encore. Il conduira son peuple et le rendra intelligent pour accomplir l'oeuvre à laquelle il l'appelle. Il donnera de la sagesse à ceux qui s'efforcent de s'acquitter de leur devoir consciencieusement et avec intelligence. Celui qui possède le monde est riche en ressources et bénira tous ceux qui cherchent à faire du bien à leurs semblables. MG 170 2 Il nous faut regarder en haut avec foi. Les échecs apparents ou les résultats tardifs ne doivent pas nous décourager. Travaillons avec persévérance, avec espoir et gratitude, convaincus que la terre renferme en son sein, pour l'ouvrier fidèle, des trésors plus précieux que l'or ou que l'argent. Les montagnes et les coteaux peuvent se modifier, la terre vieillir comme un vêtement; mais la bonté de Dieu, qui dresse une table pour ses enfants dans le désert, ne cessera jamais. ------------------------Chapitre 13 -- Notre devoir envers les indigents MG 171 1 Quand on a tout fait pour que les pauvres puissent subvenir eux-mêmes à leurs besoins, il reste encore à s'occuper des veuves et des orphelins, des vieillards, des infirmes et des malades. Ne les négligeons jamais; ils sont confiés par Dieu lui-même à la compassion, à l'amour et aux soins dévoués de tous ceux qu'il a faits ses économes. Les frères en la foi MG 171 2 "Ainsi donc, pendant que nous en avons l'occasion, pratiquons le bien envers tous, et surtout envers les frères dans la foi." Galates 6:10. MG 171 3 Le Christ a chargé son Eglise de prendre un soin tout particulier de ses membres nécessiteux. Il permet qu'il y ait des pauvres dans chaque communauté -- n'a-t-il pas dit qu'il y en aurait toujours? -- mais il tient les chrétiens responsables de la sollicitude dont il y a lieu de les entourer. MG 171 4 De même que les membres d'une famille digne de ce nom s'entraident les uns les autres, se soignant quand ils sont malades, soutenant les faibles, instruisant les ignorants, entourant de leurs conseils les inexpérimentés, ainsi les "frères en la foi" doivent prendre soin de ceux des leurs qui sont dans le besoin. Il ne faut pas qu'ils s'en désintéressent. Les veuves et les orphelins MG 172 1 Les veuves et les orphelins sont l'objet de la sollicitude toute particulière du Seigneur: MG 172 2 Le père des orphelins, le défenseur des veuves, C'est Dieu dans sa demeure sainte. MG 172 3 Ton créateur est ton époux: L'Eternel des armées est son nom; Et ton rédempteur est le Saint d'Israël: Il se nomme Dieu de toute la terre. MG 172 4 Laisse tes orphelins, je les ferai vivre, MG 172 4 Et que tes veuves se confient en moi! Psaumes 68:6; Ésaïe 54:5; Jérémie 49:11. MG 172 5 Plus d'un père appelé à quitter ses bien-aimés est mort confiant dans les promesses divines. Le Seigneur pourvoit, en effet, aux besoins de la veuve et de l'orphelin, non en leur envoyant, comme autrefois, la manne du ciel ni des corbeaux pour les nourrir, mais en agissant sur les coeurs de manière à en chasser l'égoïsme et à en faire jaillir les sources de l'amour chrétien. Il confie à ses enfants, en dépôt précieux, ceux qui sont dans le deuil et l'affliction et qui ont un droit indubitable à notre sympathie. MG 172 6 Dans les maisons pourvues de tout le confort désirable, dans les greniers chargés de récoltes abondantes, dans les magasins remplis d'étoffes et de vêtements, dans les coffres où sont entassés l'or et l'argent se trouvent les moyens de subsistance que Dieu tient en réserve pour les nécessiteux. Il nous demande d'être les auxiliaires de sa munificence. MG 172 7 Beaucoup de mères, restées veuves, luttent héroïquement sous le poids de leur double fardeau, travaillant souvent audelà de leurs forces pour subvenir aux besoins de leurs chers enfants et les garder près d'elles. Elles ont bien peu de temps à consacrer à l'éducation et à l'instruction de ces derniers, et rares sont les occasions qui leur permettraient d'avoir quelques distractions. Elles ont besoin d'encouragements, de sympathie et d'aide matérielle. MG 173 1 Dieu nous appelle à remplacer dans la mesure du possible, auprès de ces enfants, le père qui n'est plus. Au lieu de nous tenir à l'écart et de nous plaindre de leurs espiègleries et du dérangement qu'ils peuvent nous causer, venons à leur secours autant que faire se peut. Cherchons à soulager la mère rongée de soucis. Allégeons son fardeau. MG 173 2 Il faut penser aussi aux nombreux orphelins qui sont privés de la tutelle de leurs parents et de l'influence d'une famille pieuse. Que les chrétiens ouvrent leurs coeurs et leurs maisons à ces infortunés. Cette oeuvre que Dieu leur a personnellement confiée ne devrait pas être abandonnée à quelque institution de bienfaisance ou aux hasards de la charité publique. Si ces enfants n'ont personne parmi leur parenté qui puisse prendre soin d'eux, il incombe aux membres de l'église de leur procurer un asile. Le dessein de notre Créateur est que nous vivions en famille, car c'est dans l'atmosphère aimante d'un intérieur chrétien que l'enfant peut le mieux se développer. MG 173 3 Beaucoup de gens sans enfants pourraient faire une bonne oeuvre en prenant soin de ceux des autres. Au lieu de passer leur temps à soigner et à dorloter des animaux, qu'ils s'occupent plutôt de petits enfants dont ils peuvent façonner le caractère à la ressemblance divine. Qu'ils reportent leur amour sur les déshérités de la famille humaine, et s'efforcent de les élever "en les instruisant et en les avertissant selon le Seigneur". Beaucoup se feraient ainsi un grand bien à eux-mêmes. Les vieillards MG 173 4 Les vieillards ont eux aussi besoin des influences bienfaisantes de la famille. Qu'ils trouvent au foyer de leurs frères et de leurs soeurs en Christ la consolation d'avoir perdu le leur. Si vous leur permettez de s'intéresser aux activités de la famille et de participer aux occupations du ménage, ils auront le sentiment de n'être pas inutiles et de pouvoir encore faire quelque chose. Dites-leur que vous appréciez leur aide; cela réjouira leur coeur et donnera un but nouveau à leur existence. MG 174 1 Les personnes dont les cheveux blancs et la démarche incertaine indiquent la fin prochaine devraient autant que possible trouver asile chez leurs amis, dans un endroit qui leur soit familier et où elles pourront adorer Dieu avec ceux qu'elles connaissent et qu'elles aiment. Que des mains affectueuses prennent donc soin d'elles. MG 174 2 Les membres d'une famille devraient s'occuper de leurs parents âgés. Qu'ils considèrent cela comme un privilège. Lorsque c'est impossible, cette tâche incombe à l'église, et il faut qu'elle l'accepte comme un honneur et un devoir. Tous ceux qui possèdent l'esprit du Christ auront un regard de tendresse pour les faibles et les vieillards. MG 174 3 La présence, sous notre toit, de l'un de ces déshérités est une occasion précieuse de collaborer avec le Christ dans son oeuvre de miséricorde, et de développer des traits de caractère semblables aux siens. Une bénédiction repose sur l'association des vieux et des jeunes. Ceux-ci peuvent apporter un rayon de soleil dans le coeur des vieillards qui, au moment où la vie va bientôt leur échapper, ont besoin du contact de leur enthousiasme et de leur optimisme. En retour, les jeunes profiteront des leçons de sagesse et d'expérience que leur donneront leurs aînés. Ils ont surtout besoin d'apprendre à accomplir un service désintéressé. La présence d'un être ayant besoin de sympathie et d'indulgence serait pour bien des foyers une bénédiction inestimable. Elle adoucirait et raffinerait la vie de famille et ferait naître chez les jeunes comme chez les plus âgés les grâces chrétiennes qui les illumineraient d'une beauté divine et les enrichiraient des trésors impérissables du ciel. Une épreuve du caractère MG 175 1 "Vous avez toujours les pauvres avec vous, a dit Jésus, et vous pouvez leur faire du bien quand vous voulez." Marc 14:7. L'apôtre Jacques ajoute: "La religion pure et sans tache, devant Dieu notre Père, consiste à visiter les orphelins et les veuves dans leurs afflictions, et à se préserver des souillures du monde." Jacques 1:27. MG 175 2 Le Christ éprouve tous ceux qui se disent ses disciples en plaçant parmi eux des indigents et des faibles pour qu'ils prennent soin d'eux. Par notre amour et notre dévouement pour ses créatures dans le besoin, nous prouvons la sincérité de notre amour pour lui. Négliger ces devoirs, c'est se déclarer faux disciple, étranger au Christ et à son amour. MG 175 3 Si l'on faisait tout ce qui est possible pour procurer un foyer aux orphelins en les plaçant dans des familles, il en resterait encore beaucoup dont il y aurait lieu de s'occuper. Bon nombre d'entre eux ont hérité de tares qui en font de petits êtres pervers et peu attrayants. Mais le Christ les a rachetés par son sang, et à ses yeux ils sont aussi précieux que nos propres enfants. A moins qu'une main secourable ne leur soit tendue, ils croîtront dans l'ignorance et seront entraînés au vice et au crime. Beaucoup pourraient être arrachés à leur triste sort grâce à l'oeuvre qui serait accomplie en leur faveur par des orphelinats. MG 175 4 Mais pour que de telles institutions soient efficaces, il faudrait qu'elles soient calquées sur le modèle d'un véritable foyer chrétien. A de vastes établissements groupant un grand nombre d'enfants, il faudrait préférer plusieurs petites institutions. Au lieu de les placer en ville ou dans le voisinage d'un grand centre, on devrait les établir à la campagne, à proximité de terres cultivables, où les enfants seraient en contact avec la nature et pourraient également bénéficier d'un enseignement professionnel. Ceux qui auraient la responsabilité de telles institutions seraient des hommes et des femmes cultivés, magnanimes, désintéressés, travaillant par amour pour le Christ. Entourés de soins, beaucoup d'enfants négligés et sans foyer pourraient devenir des membres utiles de la société, être en honneur au Christ et soulager à leur tour la misère de leurs semblables. MG 176 1 Beaucoup méprisent l'économie en la confondant avec l'avarice et l'étroitesse. Mais l'économie est compatible avec la plus large libéralité. En fait, sans économie il ne peut y avoir de véritable libéralité. Nous devons épargner afin de pouvoir donner. MG 176 2 Nul ne peut pratiquer la véritable bienfaisance sans abnégation. Ce n'est qu'en vivant avec simplicité, dans le renoncement et l'économie, qu'il est possible d'accomplir l'oeuvre dont nous sommes chargés comme représentants du Christ. Bannissons de nos coeurs l'orgueil et les aspirations mondaines. Que le désintéressement du Christ nous inspire dans tout ce que nous faisons, et qu'on lise sur les murs de nos demeures: "Fais entrer dans ta maison les malheureux sans asile"; et sur nos armoires à linge, comme écrit par le doigt même de Dieu: "Revêts ceux qui sont nus"; de même que sur nos tables, chargées d'une nourriture abondante: "Partage ton pain avec celui qui a faim." Ésaïe 58:7. MG 176 3 Les occasions de nous rendre utiles sont nombreuses. Nous déplorons souvent l'insuffisance de nos ressources alors que nous pourrions les multiplier mille fois si nous étions des chrétiens zélés. Notre égoïsme, notre complaisance envers nous-mêmes font obstacle à notre utilité. MG 176 4 Que d'argent dépensé pour des choses dont on se fait des idoles, et qui absorbent, avec nos pensées, du temps et des forces qui pourraient être mieux employés! Que d'argent gaspillé en achats de maisons et de meubles coûteux, en plaisirs égoïstes, en aliments recherchés et malsains, en satisfactions dangereuses! Que de prodigalités sous forme de cadeaux qui ne font de bien à personne! De soi-disant chrétiens dépensent bien plus pour ce qui est inutile, souvent même nuisible, que pour arracher les âmes au tentateur. MG 177 1 Il en est qui dépensent tellement pour se vêtir qu'il ne leur reste plus rien pour subvenir aux besoins des nécessiteux. Il leur faut des atours et des vêtements coûteux, et ils ne se soucient nullement des besoins de ceux qui ne peuvent qu'à grand-peine se procurer les habits les plus modestes. MG 177 2 Mes soeurs, si vous vous conformiez, dans la manière de vous vêtir, aux règles établies par la Bible, vous auriez en abondance de quoi venir en aide à vos soeurs moins favorisées. Vous pourriez leur donner, non seulement de votre argent, mais aussi de votre temps, ce qui souvent leur serait plus utile. Vous auriez l'occasion de leur faire beaucoup de bien par vos conseils, votre tact, votre savoir-faire, et de leur montrer comment s'habiller simplement mais avec goût. Il en est qui n'osent se rendre à la maison de Dieu parce que leur vêtement, usé et rapiécé, formerait un contraste trop frappant avec celui des autres. D'autres sont sensibles et éprouvent de ce fait un sentiment d'humiliation et d'injustice. C'est ce qui explique que beaucoup en viennent à douter de la religion et endurcissent leur coeur à l'Evangile. MG 177 3 Le Christ a dit, après avoir nourri la foule: "Ramassez les morceaux qui restent, afin que rien ne se perde." Alors que chaque jour la famine, l'épée et la maladie font des milliers de victimes, le devoir de ceux qui aiment leurs semblables est de veiller à ce que rien dont un être humain puisse avoir besoin ne se perde ni ne se dépense inutilement. MG 177 4 Le gaspillage de notre temps et de nos pensées est un péché. Chaque instant consacré à des fins égoïstes est perdu. Si nous connaissions la valeur du temps, et si nous en faisions un emploi judicieux, nous arriverions à nous acquitter de tout ce qui nous incombe tant pour nous que pour nos semblables. Que chaque chrétien demande donc à Dieu de le guider dans l'emploi de son temps, de son argent et de ses forces. "Si quelqu'un d'entre vous manque de sagesse, qu'il la demande à Dieu, qui donne à tous simplement et sans reproche, et elle lui sera donnée." Jacques 1:5. "Donnez, et il vous sera donné" MG 178 1 Nous lisons dans l'Ecriture sainte: "Faites du bien, et prêtez sans rien espérer. Et votre récompense sera grande, et vous serez fils du Très-Haut, car il est bon pour les ingrats et pour les méchants." Luc 6:35. MG 178 2 "Celui qui donne au pauvre n'éprouve pas la disette, mais celui qui ferme les yeux est chargé de malédictions." Proverbes 28:27. MG 178 3 "Donnez, et il vous sera donné: on versera dans votre sein une bonne mesure, serrée, secouée, et qui déborde." Luc 6:38. ------------------------Chapitre 14 -- Le ministère parmi les riches MG 179 1 Corneille, le centenier romain, était riche et de famille noble. Il occupait un poste de confiance et d'honneur. Païen par sa naissance et son éducation, il avait connu le vrai Dieu, grâce à ses rapports avec les Juifs. Il l'adorait sincèrement, et le prouvait par l'intérêt qu'il portait aux pauvres. "Il faisait beaucoup d'aumônes au peuple, et priait Dieu continuellement." Actes 10:2. MG 179 2 Mais Corneille ne connaissait pas l'Evangile tel qu'il est révélé dans la vie et la mort du Christ, aussi Dieu lui envoya-t-il un message personnel, tandis qu'il dirigeait l'apôtre Pierre pour lui rendre visite et l'instruire. Corneille ne s'étant pas rattaché à la communauté juive, les rabbins le considéraient comme un païen, un impur. Mais le Seigneur connaissait la sincérité de cet officier romain, et il lui fit connaître son Evangile en envoyant des messagers de son trône pour s'unir à son serviteur sur la terre. MG 179 3 Aujourd'hui encore, Dieu est à la recherche des âmes, parmi les riches comme parmi les pauvres. Il y a beaucoup de Corneilles qu'il désire voir s'unir à l'Eglise. Leurs sympathies vont au peuple de Dieu, mais ils sont retenus par les liens qui les unissent au monde. Il leur faut beaucoup de courage moral pour se ranger parmi les humbles. On devrait faire l'impossible pour éclairer ces personnes en danger par leurs responsabilités et le milieu où elles vivent. MG 179 4 On parle beaucoup de nos devoirs envers les pauvres. Ne devrait-on pas accorder aussi aux riches quelque attention? D'aucuns pensent que ceux-ci n'offrent pas grand intérêt au point de vue spirituel, et ils ne font que peu de chose pour éclairer ces gens qui, éblouis et aveuglés par la gloire du monde, ont perdu de vue l'éternité. C'est ainsi que des milliers de riches sont morts sans être avertis. Mais malgré leur indifférence apparente, beaucoup ont l'âme tourmentée. "Celui qui aime l'argent n'est pas rassasié par l'argent, et celui qui aime les richesses n'en profite pas." Quand on a dit à l'argent: "Tu es mon espoir" on a "renié le Dieu d'en haut". "Ils ont confiance en leurs biens, et se glorifient de leur grande richesse. Ils ne peuvent se racheter l'un l'autre, ni donner à Dieu le prix du rachat." Ecclésiaste 5:9; Job 31:24, 28; Psaumes 49:7, 8. MG 180 1 Les richesses et les honneurs ne peuvent satisfaire l'âme. Ils sont nombreux parmi les riches ceux qui soupirent après une certitude, une espérance divine, qui mettra fin à la monotonie de leur vie sans but déterminé. Bon nombre de ceux qui occupent des situations en vue ont le sentiment qu'il leur manque quelque chose. Rares sont ceux qui fréquentent l'église, car ils n'en retirent que peu de bien. Ce que l'on y entend ne touche pas leurs coeurs. Ne ferons-nous rien pour eux? MG 180 2 Parmi les victimes de la misère et du péché se trouvent des gens qui autrefois étaient riches. Des hommes haut placés sont tombés dans la déchéance par l'usage des boissons enivrantes et la satisfaction des passions basses. S'ils réclament notre pitié et notre secours, ne devrions-nous pas aussi nous intéresser à ceux qui ne sont pas encore descendus aussi bas mais qui posent déjà les pieds sur le chemin qui y conduit? MG 180 3 Des milliers d'hommes occupant de hautes situations cultivent des habitudes qui les conduisent à la ruine de l'âme et du corps. Des prédicateurs de l'Evangile, des hommes d'Etat, des écrivains, des hommes de talent et doués d'une grande capacité de travail mettent leur vie en péril parce qu'ils ne voient pas la nécessité de se maîtriser en toutes choses. Il faut attirer leur attention sur les principes de la tempérance, non d'une manière étroite et arbitraire, mais à la lumière du dessein de Dieu à l'égard de l'humanité. Si on leur présentait ainsi les principes de la vraie tempérance, beaucoup d'hommes dans les hautes sphères de la société reconnaîtraient leur valeur et les accepteraient avec empressement. MG 181 1 Montrons-leur que les jouissances malsaines qu'ils s'accordent diminuent leurs énergies physiques, mentales et morales. Faisons-leur comprendre leurs responsabilités en tant qu'économes des dons de Dieu. Qu'ils puissent voir tout le bien qu'ils pourraient faire avec l'argent dépensé à leur détriment. Parlons-leur d'abstinence, en leur demandant de consacrer au soulagement des malades et des pauvres ou à l'éducation des enfants et de la jeunesse les sommes qu'ils dépenseraient en liqueurs, en tabac ou à des choses tout aussi nuisibles. Peu refuseraient d'écouter ces appels. MG 181 2 Il existe un autre danger auquel les riches sont particulièrement exposés, et c'est un autre champ de travail pour le missionnaire médical. Beaucoup de ceux qui réussissent dans le monde, sans s'abaisser jamais aux habitudes vicieuses, se perdent cependant par l'amour des richesses. On porte facilement une coupe vide. Remplie jusqu'au bord, elle ne peut être déplacée qu'avec précaution. L'affliction et l'adversité entraînent le découragement et le désespoir, mais la prospérité fait courir un plus grand risque. MG 181 3 Ceux qui souffrent sont comme le buisson ardent que vit Moïse au désert et qui ne se consumait pas, car l'ange de l'Eternel se tenait au milieu. De même, dans les privations et l'affliction, la présence de celui qui est invisible nous soutient et nous réconforte. On sollicite souvent nos prières pour ceux qui passent par la maladie ou l'adversité, mais elles seraient bien plus nécessaires aux hommes prospères et influents. MG 182 1 C'est dans la vallée de l'humiliation que l'homme comprend ses lacunes et ses besoins, qu'il laisse Dieu guider ses pas et éprouve une sécurité relative. Mais ceux qui sont comme sur un piédestal et se figurent que leur position leur confère une grande sagesse, courent le plus grand danger. S'ils n'apprennent à dépendre de Dieu, ils tomberont sûrement. MG 182 2 Dieu ne condamne pas un homme parce qu'il est riche, s'il a gagné sa fortune honnêtement. Ce n'est pas l'argent, mais l'amour de l'argent qui est la racine de tous les maux. C'est Dieu qui donne aux hommes les facilités pour en gagner; et à ceux qui se conduisent en économes fidèles, la richesse est une bénédiction, ainsi que pour le monde. Mais beaucoup de riches, absorbés par leurs trésors, deviennent insensibles aux appels divins et aux besoins de leurs semblables. Ils considèrent leurs biens comme une gloire personnelle. Ils ajoutent maison à maison, domaine à domaine, remplissent leurs demeures d'objets luxueux, alors qu'autour d'eux règnent la misère et le crime, la maladie et la mort. Ceux qui passent leur temps à s'occuper d'eux-mêmes cultivent non les attributs divins, mais ceux de Satan. MG 182 3 Ces hommes ont besoin de l'Evangile. Qu'ils détournent les regards des choses matérielles pour contempler les richesses éternelles, et connaissent la joie qu'on éprouve à donner et les bénédictions que reçoit celui qui collabore avec Dieu. MG 182 4 Le Seigneur nous dit: "Recommande aux riches du présent siècle de ne pas être orgueilleux, et de ne pas mettre leur espérance dans des richesses incertaines, mais de la mettre en Dieu, qui nous donne avec abondance toutes choses pour que nous en jouissions. Recommande-leur de faire du bien, d'être riches en bonnes oeuvres, d'avoir de la libéralité, de la générosité, et de s'amasser ainsi pour l'avenir un trésor placé sur un fondement solide, afin de saisir la vie véritable." 1 Timothée 6:17-19. MG 183 1 Ne comptons pas sur le hasard pour amener au Christ ces adorateurs du monde. Ceux-ci étant difficiles à aborder, des efforts personnels doivent être tentés en leur faveur par des hommes et des femmes à l'esprit missionnaire et ne se décourageant pas facilement. MG 183 2 Certains chrétiens sont particulièrement doués pour ce travail. Qu'ils recherchent la sagesse d'en haut afin de pouvoir atteindre ces personnes. Qu'ils entretiennent avec elles, non seulement des relations occasionnelles, mais cherchent, par un effort personnel et une foi vivante, à leur révéler les besoins de leur âme, et les conduisent à la connaissance de la vérité telle qu'elle est en Jésus. MG 183 3 Il en est beaucoup qui pensent que pour atteindre les classes élevées il faut se mettre à leur niveau et adopter une manière de vivre et une méthode de travail qui correspondent à leurs goûts délicats. Ils croient indispensable d'habiter des appartements luxueux, d'avoir des vêtements élégants, de se conformer aux coutumes mondaines, de posséder un vernis du monde select, une culture classique et les grâces de l'éloquence. C'est une erreur. Ce n'est pas ainsi que Dieu atteint les classes élevées. Ce qui les touchera vraiment, c'est le désintéressement avec lequel on leur présentera l'Evangile. MG 183 4 L'expérience de l'apôtre Paul avec les philosophes d'Athènes renferme une leçon pour nous. En présentant l'Evangile à l'Aréopage, il répondit à la logique par la logique, à la science par la science, à la philosophie par la philosophie. Les plus sages de ses auditeurs furent dans l'étonnement et réduits au silence. Ses arguments étaient irréfutables. Mais très peu acceptèrent l'Evangile. Dorénavant, l'apôtre adopta une manière de travailler différente. Evitant les arguments compliqués et les discussions théoriques, il annonça simplement Jésus-Christ, le Sauveur des pécheurs. Ecrivant aux Corinthiens au sujet de son travail parmi eux, il dit: MG 184 1 "Pour moi, frères, lorsque je suis allé chez vous, ce n'est pas avec une supériorité de langage ou de sagesse que je suis allé vous annoncer le témoignage de Dieu. Car je n'ai pas eu la pensée de savoir parmi vous autre chose que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié. ... Ma parole et ma prédication ne reposaient pas sur les discours persuasifs de la sagesse, mais sur une démonstration d'Esprit et de puissance, afin que votre foi fût fondée, non sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu." 1 Corinthiens 2:1-5. MG 184 2 Et dans son épître aux Romains, il dit: "Je n'ai point honte de l'Evangile: c'est une puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit, du Juif premièrement, puis du Grec." Romains 1:16. MG 184 3 Que ceux qui évangélisent les classes élevées se comportent avec dignité, et se souviennent que les anges les accompagnent. Qu'ils aient l'esprit et le coeur remplis de l'Ecriture sainte, et que les paroles du Christ, bien plus précieuses que l'or ou l'argent, soient particulièrement présentes à leur mémoire. MG 184 4 "Il est plus facile, a dit le Christ, à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le royaume des cieux." En travaillant en faveur des riches, il faut s'attendre à bien des déceptions, à maintes révélations écoeurantes. Mais avec Dieu tout est possible. Il peut et veut agir par l'intermédiaire des hommes sur ceux dont le seul but dans la vie est de gagner de l'argent. MG 184 5 La vraie conversion accomplit des miracles que l'on ne discerne pas immédiatement. Les plus grands hommes de la terre ne sont pas plus grands que la puissance divine. Dieu peut convertir des hommes haut placés, intelligents et influents. Grâce à la puissance du Saint-Esprit, un grand nombre d'entre eux seront amenés à accepter les principes divins. MG 185 1 Lorsqu'ils auront compris que le Seigneur désire les voir s'occuper à soulager les souffrances de l'humanité, beaucoup seront disposés à donner une partie de leur argent en faveur des pauvres. Affranchi de l'égoïsme, leur coeur se soumettra au Christ. Ils consacreront volontiers leur influence et leur fortune à l'oeuvre bienfaisante de l'humble missionnaire dont Dieu s'est servi pour les amener à l'Evangile. Par un judicieux emploi de leurs biens terrestres, ils s'amasseront dans les cieux un trésor dont le voleur n'approchera pas, et que les vers ne détruiront jamais. MG 185 2 Une fois convertis au Christ, beaucoup d'entre eux seront des instruments entre les mains de Dieu pour travailler en faveur des gens de leur condition. Ils comprendront que l'Evangile leur a été confié afin qu'ils l'annoncent à ceux dont l'espérance est purement terrestre. Leur temps et leur argent seront désormais consacrés au Seigneur, et ils emploieront leurs talents et leur influence à gagner des âmes pour le Christ. MG 185 3 Seule l'éternité révélera l'oeuvre accomplie par ce ministère spécial, et le nombre d'âmes qui auront été amenées à celui qui désire sauver tous ceux qui viennent à lui. Le Christ est un Sauveur ressuscité, et la guérison est sous ses ailes. ------------------------Chapitre 15 -- La chambre du malade MG 189 1 Il faut que ceux qui soignent les malades comprennent bien la valeur des lois de la santé. L'obéissance à ces lois n'est jamais plus impérieuse que dans la chambre du malade. Nulle part la fidélité dans les petites choses n'a une aussi grande importance. Lorsqu'il s'agit d'un cas grave, la moindre négligence, la plus légère inattention, toute manifestation de crainte, de nervosité, d'impatience ou même d'indifférence peut faire pencher le plateau de la balance qui oscille encore entre la vie et la mort, et provoquer un dénouement fatal, alors que la guérison eût été possible. MG 189 2 Le succès de l'infirmière dépend en grande partie de sa vigueur physique. Plus elle est robuste, et mieux elle peut supporter la fatigue, mieux elle réussira dans l'accomplissement de ses devoirs. Il faut que ceux qui prennent soin des malades s'alimentent convenablement, respirent un air pur et fassent de l'exercice. Des précautions semblables prises par les membres de la famille leur permettront d'endurer des fatigues supplémentaires et contribueront à les préserver de la maladie. MG 189 3 Lorsqu'il s'agit d'un cas grave qui exige jour et nuit la présence d'une infirmière, le travail devrait être partagé entre deux personnes compétentes, de manière que chacune puisse se reposer et faire de l'exercice au grand air. Ceci est particulièrement important dans les cas où il est difficile d'aérer suffisamment la chambre du malade. Souvent, l'importance de l'air étant ignorée, on limite la ventilation, et la vie du malade, comme celle de ceux qui le soignent, est compromise. MG 190 1 En prenant les précautions d'usage, on peut éviter de contracter des maladies contagieuses. L'observation des règles élémentaires d'hygiène, la propreté et une ventilation rigoureuse suffiront pour éloigner de la chambre du malade les éléments morbides. Dans ces conditions, le patient a bien plus de chances de recouvrer la santé, et dans la plupart des cas, les infirmières et les membres de la famille seront à l'abri de la contagion. Soleil, aération, température MG 190 2 Pour donner au malade le plus de chances de guérir, il faut le placer dans une grande chambre, gaie, claire, bien aérée. Qu'on choisisse en tout cas la meilleure pièce de la maison, et si le logis ne se prête pas à une aération suffisante, on fera l'impossible pour qu'un courant d'air pur traverse jour et nuit la chambre du malade. MG 190 3 Autant que faire se peut, une température égale sera maintenue. Pour cela, on consultera souvent le thermomètre, car ceux qui soignent les malades, étant fréquemment privés de sommeil ou réveillés la nuit pour s'occuper de leur patient sont frileux et ne sauraient juger de la température réelle de la chambre. Le régime MG 190 4 Une partie importante de la tâche de l'infirmière consiste à prendre soin de l'alimentation de son patient. Il ne faut pas laisser celui-ci souffrir ou s'affaiblir par manque de nourriture, ni charger à l'excès ses organes digestifs. Donnez-lui des aliments savoureux et bien adaptés, en qualité et en quantité, à ses besoins. Pendant la convalescence, alors que l'appétit revient et que les organes digestifs n'ont pas recouvré toutes leurs forces, on risque de commettre de graves erreurs. Les devoirs de l'entourage MG 191 1 Les infirmières et tous ceux qui ont accès à la chambre du malade doivent être gais, calmes et conserver leur sangfroid. Evitez l'empressement maladroit et la confusion. Que les portes soient ouvertes ou fermées sans bruit, et que toute la maison soit tranquille. En cas de fièvre, des soins spéciaux sont nécessaires au début et à la fin des accès; une surveillance constante est souvent de rigueur à ces momentslà. L'ignorance, la négligence et les imprudences ont causé la mort de beaucoup de malades qui auraient pu être guéris s'ils avaient reçu les soins judicieux d'une infirmière intelligente. Visites aux malades MG 191 2 C'est un usage abusif et une idée fausse de l'étiquette qui amènent tant de visiteurs aux malades. Aussi longtemps qu'ils sont très faibles, ceux-ci ne doivent recevoir aucune visite. L'excitation qui accompagne la réception des visiteurs les épuise au moment où ils auraient particulièrement besoin de repos et de tranquillité. MG 191 3 Sans doute est-il agréable à un convalescent ou à celui qui souffre d'une maladie chronique de savoir qu'on pense à lui avec affection; mais un message de sympathie ou un petit cadeau ferait souvent beaucoup plus de bien qu'une visite, sans présenter les mêmes dangers. Responsabilité des infirmières MG 191 4 Dans les sanatoriums et les hôpitaux, où les infirmières sont constamment en relation avec un grand nombre de patients, c'est grâce à un effort de volonté qu'elles pourront conserver leur bonne humeur et manifester dans leurs actes et leurs paroles qu'elles ont à coeur les intérêts de leurs malades. L'accomplissement de leur tâche est d'une importance capitale. Qu'elles n'oublient pas que leur travail est une manière de servir le Christ. MG 192 1 Il faut parler aux malades avec sagesse. Ceux qui les soignent ont besoin de consulter chaque jour les Ecritures, afin de savoir prononcer des paroles qui encouragent et fassent du bien. Des anges sont présents dans les chambres des patients, et des infirmières doit se dégager une influence suave et pure. Il faut que les médecins et leurs assistants aient en haute estime les principes du Christ, et manifestent ses vertus dans leur vie de chaque jour. Alors, par leurs paroles et par leurs actes, ils attireront les malades au Sauveur. MG 192 2 Tout en administrant ses traitements, l'infirmière chrétienne parlera au malade, avec affabilité, de celui qui guérit l'âme aussi bien que le corps. Quelques mots prononcés çà et là auront leur influence. Les infirmières d'un certain âge sont particulièrement qualifiées pour parler du Sauveur chaque fois qu'elles en ont l'occasion. Qu'elles associent la guérison de l'âme à celle du corps, et ne manquent pas de dire avec bonté et tendresse à celui qui désire être guéri qu'il doit cesser de transgresser la loi divine. Dieu ne peut bénir celui qui persiste à s'attirer la maladie et la souffrance en violant volontairement les lois du ciel. Par contre, il guérira tous ceux qui délaissent le mal pour faire le bien. MG 192 3 Les hommes qui ne craignent pas le Seigneur agissent toujours contrairement aux intérêts bien compris de leur âme et de leur corps. Mais ceux qui consentent à se soumettre à Dieu en ce monde de péché, renoncent à toute mauvaise habitude. La gratitude et la charité remplissent leur coeur. Le sentiment qu'ils ont de l'amour du Christ fait plus pour leur guérison que les meilleurs soins. Ces deux phases de l'oeuvre d'une infirmière sont essentielles: elles doivent marcher de pair. ------------------------Chapitre 16 -- La prière pour les malades MG 193 1 L'Ecriture dit "qu'il faut toujours prier, et ne point se relâcher". Luc 18:1. Si jamais on éprouve le besoin de prier, c'est bien lorsque les forces nous abandonnent et que la vie semble nous échapper. Ceux qui ont une bonne santé oublient souvent les bienfaits dont ils sont comblés jour après jour, année après année, et ne se montrent pas reconnaissants envers le Seigneur. Mais lorsque vient la maladie, ils s'en souviennent, et ils ne tardent pas à réclamer l'assistance de Dieu qui ne se détourne jamais de l'âme implorant sincèrement son secours. N'est-il pas notre refuge dans la maladie comme dans la santé? MG 193 2 Comme un père a compassion de ses enfants, L'Eternel a compassion de ceux qui le craignent. Car il sait de quoi nous sommes formés, Il se souvient que nous sommes poussière. Psaumes 103:13, 14. MG 193 3 Les insensés, par leur conduite coupable Et par leurs iniquités, s'étaient rendus malheureux. Leur âme avait en horreur toute nourriture, Et ils touchaient aux portes de la mort. Dans leur détresse, ils crièrent à l'Eternel, Et il les délivra de leurs angoisses; Il envoya sa parole et les guérit, Il les fit échapper de la fosse. Psaumes 107:17-20. MG 193 4 Dieu est aujourd'hui tout aussi disposé à rendre la santé aux malades que lorsque le Saint-Esprit inspirait ces paroles au Psalmiste. Le Christ est encore le médecin compatissant comme au cours de son ministère terrestre. En lui se trouve un baume pour toutes les maladies, une puissance de guérison pour toutes les infirmités. Ses disciples actuels doivent prier pour la guérison des malades comme l'ont fait ceux d'autrefois, et leur requête sera exaucée, car "la prière de la foi sauvera le malade". La puissance du Saint-Esprit est à notre disposition, et la calme assurance de la foi peut se prévaloir des promesses divines. Le Seigneur n'a-t-il pas dit: "Ils imposeront les mains aux malades, et les malades seront guéris"? Marc 16:18. Ces paroles sont aussi dignes de confiance qu'aux jours des apôtres. C'est un privilège que notre foi devrait s'approprier. Les serviteurs du Christ sont des instruments par lesquels il désire manifester sa puissance de guérison. Nous devons présenter à Dieu, par la foi, les malades et tous ceux qui souffrent, et leur apprendre à se confier au grand Médecin. MG 194 1 C'est la volonté du Sauveur que nous encouragions les malades, les affligés et les découragés à s'appuyer sur sa force. Par la foi et la prière, la chambre du malade deviendra un Béthel. Par leurs paroles et leurs actes, les médecins et les infirmières devraient pouvoir dire avec assurance: "L'Eternel est présent en ce lieu", non pour détruire, mais pour sauver. Le Christ désire manifester sa présence dans la chambre du malade, remplissant les coeurs des médecins et des infirmières de la douceur de son amour. Si la vie de ceux qui assistent les souffrants est telle que le Christ peut les accompagner au chevet du patient, celui-ci sera convaincu de la présence du Sauveur compatissant, et cette conviction contribuera beaucoup à la guérison de l'âme et du corps. MG 194 2 Dieu entend nos prières. Jésus disait: "Si vous demandez quelque chose en mon nom, je le ferai." Et encore: "Si quelqu'un me sert, le Père l'honorera." Jean 14:14; 12:26. Si nous suivons sa Parole, toutes ses promesses s'accompliront. Nous sommes indignes de sa grâce, mais si nous nous donnons à lui, il nous accepte avec joie. Il opère par et pour ceux qui le suivent. MG 195 1 Nous ne pouvons nous attendre à bénéficier des promesses de la Parole de Dieu que si nous nous conformons à ses enseignements. Le Psalmiste dit: "Si j'avais conçu l'iniquité dans mon coeur, le Seigneur ne m'aurait pas exaucé." Psaumes 66:18. Inutile de compter sur les promesses de Dieu si nous lui obéissons comme à regret. MG 195 2 L'Ecriture contient des instructions relatives à la prière en faveur des malades; mais cette dernière est un acte solennel qui ne devrait être accompli qu'après mûres réflexions. Dans de nombreux cas, où l'on a prié pour les malades, ce qu'on a appelé foi n'était que de la présomption. MG 195 3 Il en est beaucoup qui se rendent malades par leur intempérance. Ils ne se sont pas conformés aux lois naturelles et aux principes de la pureté. D'aucuns ont violé les lois de la santé dans le boire et le manger, ou dans la manière de se vêtir et de travailler. Bien souvent, la faiblesse du corps ou de l'esprit est due à quelque vice. Si ces gens recouvraient la santé, beaucoup continueraient à transgresser avec insouciance les lois divines, naturelles et spirituelles, et en concluraient qu'ils peuvent persévérer dans leurs erreurs et satisfaire sans restriction leurs désirs pervers. En faisant un miracle pour rendre à la santé de tels malades, Dieu encouragerait le péché. MG 195 4 Il serait vain de faire connaître Dieu comme médecin suprême, si l'on n'enseignait en même temps à se débarrasser de toute mauvaise habitude. Avant qu'il intervienne en leur faveur, en réponse à leurs prières, le Seigneur veut que les malades cessent de mal faire, apprennent à faire le bien, corrigent leurs erreurs et vivent en harmonie avec les lois naturelles et spirituelles. Confession des péchés MG 196 1 Il faut faire comprendre aux malades désireux que l'on prie pour leur guérison que la violation des lois divines, qu'elles soient physiques ou spirituelles, est un péché, et que pour recevoir la bénédiction d'en haut ce péché doit être confessé et délaissé. MG 196 2 L'Ecriture nous dit: "Confessez ... vos péchés les uns aux autres,... afin que vous soyez guéris." Jacques 5:16. Dites à celui qui demande que l'on prie pour lui: Nous ne saurions lire dans votre coeur; vous êtes seul, avec Dieu, à connaître les secrets de votre vie. Si vous vous repentez de vos péchés, vous devez les confesser au Christ, seul médiateur entre Dieu et l'homme. "Si quelqu'un a péché, dit l'apôtre Jean, nous avons un avocat auprès du Père, Jésus-Christ le juste." 1 Jean 2:1. Tout péché constitue une offense à Dieu, et doit être confessé par l'intermédiaire du Sauveur. Que le péché commis publiquement soit confessé publiquement, et que le tort causé au prochain soit réparé après entente entre les deux parties. Si celui qui demande la guérison s'est rendu coupable de médisance, s'il a semé la discorde dans sa famille, dans son voisinage ou dans l'église, s'il a attisé les rancunes et les haines; si, d'une manière ou d'une autre, il a induit son prochain au péché, il faut qu'il s'en confesse devant Dieu et devant ceux qui ont été offensés. "Si nous confessons nos péchés, [Dieu] est fidèle et juste pour nous les pardonner, et pour nous purifier de toute iniquité." 1 Jean 1:9. MG 196 3 Les torts une fois réparés, on peut présenter au Seigneur, avec une foi sereine, les besoins du malade. Dieu connaît chacun par son nom; il prend soin de chaque individu comme s'il était le seul pour lequel il ait donné son Fils. Ce grand amour, cette bonté fidèle devrait encourager les malades à mettre en lui leur confiance. L'anxiété entraîne la faiblesse et la maladie. Il faut donc bannir les sentiments déprimants pour que les chances de guérison soient plus grandes. "L'oeil de l'Eternel est sur ceux qui le craignent, sur ceux qui espèrent en sa bonté." Psaumes 33:18. MG 197 1 Souvenons-nous que dans nos prières en faveur des malades, "nous ne savons pas ce qu'il nous convient de demander". Romains 8:26. Nous ignorons si la bénédiction que nous sollicitons est ce qu'il y a de meilleur. C'est pourquoi nous devrions toujours nous adresser à Dieu en ces termes: "Seigneur, tu connais tous les secrets de notre âme. Tu connais les personnes pour lesquelles nous te prions. Jésus, leur avocat, a donné sa vie pour elles. Il les aime plus que nous ne pouvons les aimer. Si donc c'est pour ta gloire et pour leur bien, nous te prions au nom de Jésus que leur santé soit rétablie. Si ce n'est pas ta volonté, nous te supplions que ta grâce les réconforte et que ta présence les soutienne dans leurs souffrances." MG 197 2 Dieu voit la fin dès le commencement. Il connaît le coeur des hommes, tous leurs secrets. Il sait si les malades pour lesquels on prie pourraient ou non endurer les épreuves s'ils devaient continuer à vivre. Il sait si leur vie serait un bien ou un mal pour eux et pour leurs semblables. C'est pourquoi nous devons dire, même dans nos prières les plus instantes: "Que ma volonté ne se fasse pas, mais la tienne." Luc 22:42. C'est ainsi que le Sauveur priait dans le jardin de Gethsémané. "Mon Père, disait-il, s'il est possible, que cette coupe s'éloigne de moi!" Matthieu 26:39. Si le Fils de Dieu a prononcé ces paroles, à combien plus forte raison devraient-elles se trouver sur les lèvres d'hommes faibles et mortels. MG 197 3 Ce que nous avons de mieux à faire, c'est de présenter nos requêtes à notre Père céleste et de mettre toute notre confiance en lui. Nous savons que Dieu nous entend lorsque nos prières sont conformes à sa volonté; mais il n'est pas bon d'insister, d'oublier que nous devons nous soumettre. Il ne faut pas que nos prières revêtent la forme d'un ordre, mais celle d'une supplication. MG 198 1 Dans certains cas, Dieu opère la guérison d'une manière visible et immédiate. Mais tous les malades ne sont pas guéris. Beaucoup s'endorment dans les bras du Sauveur. Jean, le Voyant de Patmos, a écrit: "Heureux dès à présent les morts qui meurent dans le Seigneur! Oui, dit l'Esprit, afin qu'ils se reposent de leurs travaux, car leurs oeuvres les suivent." Apocalypse 14:13. Si les malades ne sont pas tous ramenés à la santé, il ne faut cependant pas penser qu'ils manquent de foi. MG 198 2 Nous désirons tous que le Seigneur réponde immédiatement et directement à nos prières, et nous sommes tentés de nous décourager lorsque ce n'est pas le cas. Mais Dieu est trop sage et trop bon pour nous exaucer de la manière et au moment que nous avons choisis. Il veut faire pour nous bien plus et bien mieux que de réaliser tous nos désirs. Nous pouvons avoir confiance en sa sagesse et en son amour. Ne lui demandons pas de nous exaucer selon notre volonté, mais selon la sienne. Nos désirs et nos projets devraient tendre à accomplir sa volonté. L'épreuve de notre foi est pour notre bien. Celle-ci repose-t-elle uniquement sur la Parole de Dieu ou est-elle incertaine, chancelante et dépend-elle des circonstances? La foi s'affermit par l'exercice, et nous devons savoir attendre avec patience, en nous souvenant que les Ecritures contiennent de précieuses promesses pour tous ceux qui se confient en Dieu. MG 198 3 Beaucoup ne comprennent pas ces principes. Ils sollicitent la grâce du Seigneur et pensent qu'ils doivent recevoir une réponse immédiate à leurs prières, sinon leur foi vacille. Ceux qui sont affaiblis par la maladie ont donc besoin de sages conseils afin d'agir avec discernement. Ils ne devraient pas oublier leur devoir envers les amis qui leur survivront peut-être, ni négliger l'emploi des remèdes naturels pour la restauration de la santé. MG 199 1 On risque souvent ici de commettre une erreur. Convaincus que la guérison suivra leurs prières, d'aucuns craignent de faire quoi que ce soit qui paraisse trahir un manque de foi. Ils feraient mieux de mettre leurs affaires en ordre, comme s'ils s'attendaient à quitter ce monde. Il ne faut pas non plus qu'ils craignent d'encourager et de consoler leurs bien-aimés, comme s'ils étaient à leurs derniers moments. MG 199 2 Ceux qui désirent être guéris par la prière ne devraient pas néanmoins négliger d'employer les remèdes à leur portée. Ce n'est pas manquer de foi que d'user des moyens dont le Seigneur nous a pourvus pour alléger la souffrance et seconder la nature, que de collaborer avec Dieu et de se placer dans les conditions les plus favorables à la guérison. Les lois de la vie nous ont été révélées pour notre bien. Usons donc de tous les moyens mis à notre disposition; profitons de tous les avantages possibles, et travaillons en harmonie avec les lois naturelles. Ayant prié pour la guérison des malades, nous pouvons redoubler de zèle à cet égard, tout en remerciant le Seigneur pour le privilège qu'il nous donne de collaborer avec lui, et lui demandant de bénir les remèdes qu'il met à notre disposition. MG 199 3 La Parole de Dieu n'est pas contre les remèdes naturels. Lorsque Ezéchias, roi d'Israël, fut malade et qu'un prophète vint lui annoncer sa mort, le roi cria à l'Eternel. Sa prière fut exaucée; quinze années devaient être ajoutées à sa vie. Un seul mot de Dieu aurait suffi pour guérir Ezéchias; mais voici les indications qui lui furent données: "Qu'on apporte une masse de figues, et qu'on les étende sur l'ulcère; et Ezéchias vivra." Ésaïe 38:21. MG 199 4 Lors d'une certaine occasion, Jésus oignit les yeux d'un aveugle avec de la boue, et lui dit: "Va, et lave-toi au réservoir de Siloé." Jean 9:7. La guérison aurait pu se faire par le seul pouvoir du grand Médecin, et cependant le Sauveur fit usage de moyens nature's. S'il n'employait jamais de drogues et de médicaments, il sanctionnait l'usage des remèdes simples que nous offre la nature. MG 200 1 Après avoir prié pour la guérison d'un malade, ne perdons pas, quoi qu'il en résulte, notre foi en Dieu. Si nous ne sommes pas exaucés comme nous l'aimerions, résignonsnous, en nous souvenant que c'est la volonté du Père. Mais si notre prière est exaucée, n'oublions pas que celui qui a été l'objet d'une telle grâce doit de nouveau la vie à son Créateur. Lorsque Jésus purifia dix lépreux, un seul retourna vers lui pour lui exprimer sa reconnaissance. Qu'aucun de nous ne ressemble aux neuf ingrats dont le coeur n'avait pas été touché par la miséricorde divine. "Toute grâce excellente et tout don parfait descendent d'en haut, du Père des lumières, chez lequel il n'y a ni changement ni ombre de variation." Jacques 1:17. ------------------------Chapitre 17 -- L'emploi des remèdes MG 201 1 La maladie a toujours une cause. La négligence des lois de la santé lui ouvre la voie. Beaucoup souffrent par suite des fautes de leurs parents. Bien qu'ils ne soient pas responsables de ce qu'ont fait ces derniers, leur devoir est néanmoins de s'assurer qu'ils ne violent pas eux-mêmes les lois de la santé. Qu'ils évitent les mauvaises habitudes de leurs parents, et par une façon de vivre rationnelle, se placent dans les meilleures conditions possible. MG 201 2 Le plus grand nombre cependant souffrent par leur propre faute. Ils négligent les principes de la santé dans leur manière de manger, de boire, de se vêtir et de travailler, et ces erreurs ont des conséquences inéluctables. Lorsque la maladie les surprend, au lieu d'en reconnaître la véritable cause, ils murmurent contre Dieu. Mais Dieu n'est pas responsable des souffrances résultant du mépris des lois naturelles. MG 201 3 Le Seigneur nous a donné une certaine force vitale et des organes capables d'assurer les diverses fonctions de la vie, dans une parfaite harmonie. Si nous y prenons garde nous maintiendrons en bon état le mécanisme délicat de notre organisme, et la santé en résultera; mais si nous gaspillons cette force vitale, notre système nerveux fera des emprunts à ses réserves, et lorsqu'un organe sera malade tous seront affectés. La nature supporte beaucoup d'abus sans révolte apparente; mais un jour vient où elle réagit et, par un effort énergique, cherche à se débarrasser des effets des mauvais traitements qu'elle a subis. C'est ce qu'on appelle la maladie, laquelle se manifeste par de la fièvre ou des douleurs. Les remèdes rationnels MG 202 1 Lorsqu'on abuse de la santé au point de provoquer la maladie, celui qui est atteint peut souvent faire pour lui-même ce que nul autre ne peut accomplir à sa place. Il faut d'abord s'assurer de la nature exacte de la maladie, et agir intelligemment pour en faire disparaître la cause. Si le fonctionnement harmonieux du corps a été compromis par le surmenage, les excès de table ou d'autres irrégularités, n'essayez pas de tourner la difficulté en prenant des médicaments toxiques. MG 202 2 Les excès dans le manger sont souvent une cause de maladie. Ce dont la nature a le plus besoin dans ce cas, c'est d'être délivrée de la charge excessive qui lui a été imposée. Dans beaucoup de maladies, le meilleur remède est de supprimer un ou deux repas afin que les organes digestifs surmenés puissent se reposer. Une cure de fruits pendant quelques jours produit souvent d'excellents résultats chez les intellectuels. Très souvent, la guérison est obtenue par une courte période de jeûne complet suivie d'un régime simple et modéré, le tout secondé par les efforts de la nature. Un régime frugal pendant un mois ou deux persuaderait bien des gens que le chemin du renoncement est aussi celui de la guérison. La cure de repos MG 202 3 Certains se rendent malades par surmenåge. Pour ceuxlà, le repos complet, exempt de tous soucis, accompagné d'un régime alimentaire très simple, est chose essentielle. Ceux dont le cerveau est fatigué et qui ont les nerfs ébranlés par un travail sédentaire continuel seront soulagés en faisant un séjour à la campagne, loin des complications et des soucis de la vie. Se promener dans les champs et les bois, cueillir des fleurs, écouter le chant des oiseaux, est pour eux le meilleur remède. MG 203 1 Pour les malades et pour les bien-portants, l'eau pure est l'un des plus précieux bienfaits du ciel. Son emploi judicieux procure la santé. Elle est le breuvage offert par Dieu aux hommes et aux animaux. Buvez-en beaucoup. Elle répond aux besoins de l'organisme et aide la nature à résister à la maladie. L'application externe de l'eau est l'un des moyens les plus faciles et les plus satisfaisants pour régulariser la circulation sanguine. Un bain froid ou neutre est un excellent tonique. Les bains chauds ouvrent les pores et facilitent l'élimination des impuretés. Pris chauds ou tièdes, ils calment les nerfs et régularisent la circulation du sang. MG 203 2 Mais beaucoup de gens n'ont jamais connu par expérience les bienfaits de l'usage de l'eau, et ils la craignent. Les traitements hydrothérapiques ne sont pas assez appréciés; il est vrai que, pour bien les appliquer, il faut faire un effort que beaucoup se refusent à fournir. Mais nul ne devrait rester dans l'ignorance ou dans l'indifférence à ce sujet. Les modes d'emploi de l'eau pour soulager ou pour combattre la maladie sont nombreux. Que chacun soit initié aux plus simples. Que les mères, en particulier, sachent comment prendre soin des membres de leur famille, dans la santé comme dans la maladie. MG 203 3 L'activité est une loi de notre être. Chaque organe du corps a sa fonction déterminée dont dépend sa force et son développement. L'action normale de tous les organes donne de la vigueur, alors que l'inaction mène à la débilité et à la mort. Essayez d'immobiliser un bras quelques semaines, puis rendez-lui la liberté et vous verrez qu'il est plus faible que celui dont vous vous êtes servi modérément pendant le même temps. L'inaction produit un effet semblable sur tout le système musculaire, c'est pourquoi elle est une cause fréquente de maladie. L'exercice stimule et régularise la circulation du sang, tandis que l'inaction ralentit et entrave les transformations qui doivent s'y produire et qui sont nécessaires à la vie et à la santé. La peau devient paresseuse; les impuretés ne sont pas éliminées aussi complètement que lorsque la circulation est activée par un exercice vigoureux, l'épiderme maintenu sain et les poumons remplis d'air. Cet état de choses double le travail des organes excréteurs, et la maladie en résulte. MG 204 1 Il ne faut pas conseiller aux invalides de rester inactifs. Le repos absolu peut éloigner une maladie sérieuse dans certains cas de surmenage intense, mais dans les cas d'invalidité chronique, il est rarement nécessaire de suspendre toute activité. MG 204 2 Les surmenés intellectuels devraient chasser de leur esprit toute pensée fatigante, mais sans en arriver à s'interdire toute activité mentale. Beaucoup ont tendance à considérer leur condition comme plus mauvaise qu'elle ne l'est en réalité. Cet état d'esprit est défavorable à la guérison et ne doit pas être encouragé. MG 204 3 Les pasteurs, les professeurs, les étudiants ou autres intellectuels sont souvent malades en raison d'un surmenage cérébral non tempéré par l'exercice physique. Ils auraient besoin d'une vie plus active. Des habitudes strictement tempérantes, jointes à des exercices appropriés, assureraient à tous les travailleurs intellectuels la vigueur mentale et physique et leur donneraient une grande puissance d'endurance. MG 204 4 Ceux que les travaux physiques ont épuisés ne devraient pas être encouragés à abandonner toute activité manuelle. Mais, pour être bienfaisante, il faut que leur besogne soit systématique et agréable. L'exercice en plein air est le meilleur; il doit être fait de manière à fortifier les organes affaiblis; il importe de s'y adonner avec plaisir. Que le travail manuel ne dégénère jamais en une corvée désagréable. MG 205 1 Lorsque les malades n'ont rien pour occuper leur temps et leur attention, ils concentrent leurs pensées sur eux-mêmes, et deviennent pessimistes et irritables. Ils se complaisent à broyer du noir, croient que leur état est pire qu'il n'est en réalité, et qu'ils sont incapables de faire quoi que ce soit. MG 205 2 Dans tous les cas, un exercice physique bien dirigé serait un remède efficace; il est même parfois indispensable à la guérison. La volonté et le travail manuel vont de pair, et ce dont ces invalides ont surtout besoin, c'est de force de volonté. Lorsque celle-ci est affaiblie, l'imagination s'exalte et la résistance à la maladie est impossible. MG 205 3 L'oisiveté est le plus grand de tous les maux qui puissent affliger la plupart des invalides. Un emploi facile et utile, qui ne fatigue ni l'esprit ni le corps, a une heureuse influence sur l'un et l'autre. Il fortifie les muscles, améliore la circulation du sang et donne au malade la satisfaction de savoir qu'il n'est pas tout à fait inutile dans ce monde affairé. Au début, il ne pourra peut-être pas faire grand-chose, mais il verra augmenter rapidement ses forces, et on pourra lui confier un travail plus pénible. MG 205 4 L'exercice est favorable aux dyspeptiques, car il communique une saine émulation aux organes digestifs. Tout travail cérébral intense et tout exercice physique violent après les repas entravent la digestion; mais une courte promenade, la tête droite et les épaules rejetées en arrière, est très profitable. MG 205 5 Malgré tout ce qui a été dit ou écrit concernant l'importance de l'exercice physique, beaucoup le négligent encore. L'embonpoint chez plusieurs provient de l'encrassement de leur organisme par des déchets non éliminés. D'autres s'affaiblissent et maigrissent parce que leurs forces vitales sont épuisées par les efforts nécessaires à l'assimilation d'un excès de nourriture. Le foie est surmené dans son rôle de purificateur du sang, et la maladie s'ensuit. MG 206 1 Les sédentaires devraient faire chaque jour, hiver comme été, de l'exercice en plein air, lorsque le temps le permet. La marche est préférable à la bicyclette ou à la voiture, parce qu'elle met en mouvement un plus grand nombre de muscles; elle oblige les poumons à respirer profondément, car on ne peut marcher rapidement sans les remplir d'air. Un tel exercice serait souvent meilleur qu'un remède. MG 206 2 Les médecins ordonnent parfois un voyage sur l'océan, une saison aux eaux, un changement de climat, alors que, dans bien des cas, une nourriture frugale et un exercice agréable et sain rendraient la santé au malade, tout en lui épargnant du temps et de l'argent. ------------------------Chapitre 18 -- Guérison mentale MG 207 1 Les rapports entre l'esprit et le corps sont très intimes. Lorsque l'un est affecté, l'autre s'en ressent. L'état d'esprit influe sur la santé beaucoup plus qu'on ne le croit généralement. Bien des maladies sont dues à la dépression mentale. Le chagrin, l'anxiété, le mécontentement, le remords, la méfiance tendent à briser les forces vives et à provoquer l'affaiblissement et la mort. MG 207 2 L'imagination provoque parfois la maladie, et très souvent l'aggrave. Beaucoup restent invalides toute leur vie, qui seraient en bonne santé s'ils voulaient croire qu'ils le sont. D'autres pensent que chaque petit courant d'air provoquera une maladie, et le mal vient, en effet, parce qu'il était attendu. D'autres encore meurent de maladies dont les causes sont entièrement imaginaires. MG 207 3 Le courage, l'espérance, la foi, la sympathie, l'affection favorisent la santé et prolongent la vie. Un esprit content et heureux contribue à la santé du corps et à la force de l'âme. "Un coeur joyeux est un bon remède." Proverbes 17:22. MG 207 4 Dans les soins donnés aux malades, l'effet des influences mentales ne doit donc pas être négligé, car elles sont un des moyens les plus efficaces pour combattre le mal. Domination de l'esprit par l'esprit MG 207 5 Il y a pourtant une forme de prétendue guérison mentale, ou psychothérapie, qui constitue l'un des plus puissants auxiliaires du mal. Par cette pseudo-science, un esprit en domine un autre, de telle façon que l'individualité du plus faible est absorbée par celle du plus fort, et que la volonté de l'un est soumise à celle de l'autre. On prétend modifier ainsi le cours des pensées. Une vertu guérissante serait communiquée aux malades, qui pourraient résister à la maladie et arriver à la vaincre. MG 208 1 Cette méthode de traitement a été employée par des personnes qui ignoraient sa nature réelle et croyaient à son efficacité. Mais cette fausse science s'appuie sur des principes erronés. Elle est étrangère à la nature et à l'esprit du Christ, et ne conduit pas à celui qui est le salut et la vie. Un individu qui attire à lui l'esprit de ses semblables les éloigne de la véritable source de leur puissance. MG 208 2 La volonté de Dieu n'est pas qu'un être humain soumette sa volonté à celle d'un autre, et devienne un instrument passif entre ses mains. Nul ne doit laisser son individualité se fondre dans celle de l'un de ses semblables, et croire qu'un être humain est une source de guérison; il ne faut compter que sur Dieu. Conscient de sa dignité d'homme, chacun devrait être dirigé par le Créateur lui-même et jamais par une intelligence humaine quelconque. MG 208 3 Dieu veut que l'homme soit en relations directes avec lui; mais il n'en respecte pas moins le principe de la responsabilité individuelle. Il cherche à développer en nous le sentiment de notre dépendance à son égard, et à nous convaincre que nous avons besoin dans la vie d'un guide sûr. Il désire associer l'humanité à la divinité, afin que nous soyons transformés à sa ressemblance. Mais Satan s'efforce de contrecarrer ce plan et d'encourager chez l'homme la confiance en l'homme. Lorsque les esprits se détournent de Dieu, c'est alors que le tentateur réussit à les amener sous sa loi et à les dominer. MG 208 4 La théorie de la domination de l'esprit par l'esprit vient de Satan qui cherche à substituer la philosophie humaine à la philosophie divine. De toutes les erreurs acceptées par ceux qui se disent chrétiens, il n'en est pas de plus trompeuse et de plus dangereuse, et qui réussisse mieux à séparer l'homme de Dieu. Quelque innocente qu'elle puisse paraître, elle tend à la perte et non à la guérison des malades. Elle permet à Satan de prendre possession à la fois de l'esprit qui se soumet à un autre et de celui qui le soumet. MG 209 1 Une force redoutable est ainsi donnée aux hommes qui ont de coupables intentions. Quelle belle occasion s'offre alors à ceux qui exploitent la faiblesse ou la sottise humaine! Beaucoup ont trouvé, par la domination qu'ils ont exercée sur des esprits faibles et maladifs, le moyen de satisfaire leurs passions impures et leur cupidité. MG 209 2 Nous avons mieux à faire que de chercher à dominer l'humanité par l'humanité. Le médecin devrait détourner les regards de ses malades de ce qui est humain pour contempler ce qui est divin. Au lieu de leur dire de compter sur leurs semblables pour soigner leur âme et leur corps, dirigeons leurs pensées vers celui qui peut sauver parfaitement tous ceux qui viennent à lui. Dieu qui a fait l'esprit de l'homme sait ce dont celui-ci a besoin. Lui seul peut guérir. Ceux dont l'esprit et le corps sont malades devraient aller au Christ qui est le restaurateur par excellence. "Car je vis, dit-il, et vous vivrez aussi." Jean 14:19. C'est la vie qu'il faut présenter aux malades. Qu'on leur dise que s'ils ont la foi en Jésus, s'ils collaborent avec lui, s'ils se conforment aux lois de la santé et recherchent la sanctification, il leur communiquera sa vie. En leur faisant connaître le Sauveur sous cet aspect, on leur procurera une force d'une grande valeur, car elle vient d'en haut. Telle est la véritable science de la guérison du corps et de l'esprit. La sympathie MG 209 3 Il faut une grande sagesse pour soigner les malades de l'esprit. Un coeur ulcéré, un esprit découragé a besoin d'être traité avec douceur. Souvent, des difficultés de famille rongent l'âme comme un cancer et affaiblissent la vitalité. Parfois, le remords mine la constitution et détraque l'esprit. C'est en leur témoignant beaucoup de sympathie que l'on arrive à faire du bien à ces malades. Le médecin doit d'abord gagner leur confiance, puis les conduire au grand Médecin. S'ils peuvent avoir foi en lui, et se persuader qu'il s'occupe de leur cas, leur esprit sera soulagé, et souvent la guérison en résultera. MG 210 1 La sympathie et le tact feront généralement plus de bien que les traitements les plus savants, administrés d'une manière froide et indifférente. Si un médecin s'approche d'une manière distraite et détachée du lit d'un malade, l'examine sans grand intérêt, et lui donne l'impression par son attitude ou ses paroles qu'il n'est pas digne d'attention, il lui fait beaucoup de mal. Le doute et le découragement produits par son indifférence neutralisent souvent l'effet salutaire des remèdes qu'il prescrit. MG 210 2 S'il se mettait à la place de celui qui, l'esprit abattu et la volonté affaiblie par la souffrance, soupire après quelques paroles de sympathie et de réconfort, il comprendrait mieux son état d'âme. Quand l'amour et la sympathie du Christ se joignent à la science médicale, la seule présence du médecin est une bénédiction. MG 210 3 La franchise inspire confiance aux malades et favorise leur guérison. Certains médecins croient agir avec sagesse en leur cachant la nature et la cause de leur maladie. Craignant de les agiter ou de les décourager en disant la vérité, ils entretiennent chez eux de faux espoirs de guérison, et les laissent même descendre dans la tombe sans les en avertir. Tout cela manque de sagesse. Il peut ne pas être prudent ou opportun de tout dire aux malades, de peur de les alarmer, de retarder ou même d'empêcher leur guérison. Toute la vérité ne saurait non plus être dite à ceux dont la maladie est surtout imaginaire: les malades de ce genre sont déraisonnables et ne savent pas se maîtriser. Ils sont sujets à des lubies ou à des idées fixes sur les autres et sur eux-mêmes; ce sont là, pour eux, des choses réelles. C'est pourquoi ceux qui les soignent doivent leur témoigner une bienveillance constante et une patience inlassable. Si la vérité les concernant leur était dévoilée, certains en seraient offusqués, et d'autres découragés. Jésus a dit à ses disciples: "J'ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez pas les porter maintenant." Jean 16:12. Toutefois, si la vérité ne peut être dite entièrement dans tous les cas, il n'est jamais nécessaire ni excusable de mentir. Celui qui ment se place sur un terrain où Dieu ne peut plus l'assister; et en perdant la confiance des malades, il se prive de la coopération humaine la plus efficace en faveur de leur guérison. MG 211 1 On n'apprécie pas comme il conviendrait la puissance de la volonté. Une volonté toujours en éveil et bien dirigée communique de l'énergie à l'être tout entier et contribue merveilleusement au maintien de la santé. Elle est aussi une force pour lutter contre la maladie. Exercée dans la bonne direction, elle règle l'imagination et devient un puissant moyen de résistance aux maladies du corps et de l'esprit. En faisant acte de volonté en ce qui concerne les principes de la vie, les malades peuvent collaborer avec le médecin en vue de leur guérison. Des milliers pourraient ainsi recouvrer la santé. Le Seigneur ne veut pas que les hommes soient malades; il aime les voir bien-portants et heureux; ce qui leur manque, c'est la volonté d'être en bonne santé. Les invalides résisteraient souvent à la maladie en refusant de céder à leurs souffrances et de rester inactifs. En dominant leurs malaises et leurs douleurs, en s'adonnant à un travail utile, adapté à leurs forces, ils pourraient, grâce au soleil et au grand air, retrouver la vigueur et la santé. Principes bibliques de guérison MG 212 1 Pour ceux qui veulent conserver ou recouvrer la santé, cette parole de l'Ecriture contient un précieux enseignement: "Ne vous enivrez point de vin: c'est de la débauche. Soyez, au contraire, remplis de l'Esprit." Ephésiens 5:18. Ce n'est pas par l'excitation ou l'oubli produit par les stimulants artificiels ou malsains, ni par la satisfaction des appétits et des passions inférieures, que l'on trouve la véritable guérison du corps et de l'âme. Beaucoup de malades sont sans Dieu et sans espérance. Ils souffrent de désirs inassouvis, de passions désordonnées, et des reproches de leur propre conscience. Ils voient la vie présente leur échapper, et ils sont sans espérance pour la vie à venir. Que ceux qui soignent ces malades n'espèrent pas leur faire du bien en leur permettant des plaisirs frivoles et étourdissants. Ce sont ces choses qui ont fait le malheur de leur vie. L'âme altérée souffrira aussi longtemps qu'elle cherchera à s'abreuver à cette source. Ceux qui ont recours à la fontaine des plaisirs égoïstes sont induits en erreur. Ils prennent l'hilarité pour de la force, et lorsque l'excitation cesse et que l'entrain les abandonne, ils retombent dans la mélancolie et le découragement. MG 212 2 La paix, le repos de l'esprit n'a qu'une source, celle que Jésus indiquait dans cette promesse: "Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Je ne vous donne pas comme le monde donne" (Jean 14:27); et dans ce conseil: "Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos." Matthieu 11:28. Cette paix ne peut donc être obtenue que par le Christ. N'essayons pas de la chercher ailleurs. MG 212 3 Le Sauveur est la source de la vie. Ce dont beaucoup de gens ont besoin, c'est de le connaître plus intimement. Patiemment, avec douceur mais avec conviction, il faut leur apprendre comment ils peuvent soumettre tout leur être aux influences guérissantes du ciel. Lorsque le soleil de l'amour de Dieu dissipe les ténèbres de l'âme, la lassitude et le mécontentement disparaissent; une joie réconfortante apporte la vigueur à l'esprit et l'énergie de la santé au corps. MG 213 1 Nous vivons dans un monde de souffrance. Des difficultés, des épreuves, des tristesses nous attendent tout le long du chemin qui conduit à la patrie céleste; mais pour beaucoup le poids des fardeaux de la vie est doublé par leurs continuelles appréhensions. S'ils rencontrent l'adversité ou le découragement, ils croient que tout est perdu, qu'ils sont les plus à plaindre des hommes et que la misère les attend. Ils se rendent malheureux par leurs soucis et jettent une ombre sur tout ce qui les entoure. La vie elle-même leur devient un fardeau. Mais il peut en être autrement. Il faut que ces malades fassent un gros effort pour changer le cours de leurs pensées, mais ce n'est pas impossible. Leur bonheur dans cette vie et dans la vie à venir dépend de la sérénité de leur esprit. Qu'ils cessent donc de considérer des ombres imaginaires, et pensent aux bienfaits que Dieu a répandus sur leur chemin déjà ici-bas et au bonheur éternel qu'il leur réserve dans un monde meilleur. MG 213 2 Dieu a un remède pour tous les maux. Lorsque Israël, altéré, errant dans le désert, arriva aux eaux amères de Mara, Moïse cria à l'Eternel; mais il ne lui envoya pas un remède inconnu. Il attira simplement son attention sur les ressources immédiates: le bois d'un certain arbuste qui croissait près de là devait être jeté dans l'eau pour la purifier et la rendre douce. Quand ce fut fait, le peuple put se désaltérer. Si, dans chacune de nos épreuves, nous regardions au Christ, il viendrait à notre secours. Nos yeux s'ouvriraient et nous discernerions les promesses de guérison contenues dans sa Parole. Le Saint-Esprit nous montrerait comment nous approprier tous les bienfaits qui peuvent servir de baume à nos blessures. Pour chaque coupe d'amertume présentée à nos lèvres, nous trouverions un rameau capable de l'adoucir. MG 214 1 L'avenir, avec ses problèmes ardus et ses horizons incertains, ne doit pas accabler nos coeurs, ni faire chanceler nos genoux et retomber nos bras. "Qu'on ... me prenne pour refuge, qu'on ... fasse la paix avec moi" (Ésaïe 27:5), dit le Seigneur. Ceux qui se soumettent au Tout-Puissant et s'engagent à le servir ne seront jamais placés dans une situation à laquelle il n'ait pas pourvu. En toutes circonstances, si nous obéissons à sa Parole, nous aurons un guide indéfectible. Quelle que soit notre perplexité, notre tristesse, notre deuil, ou notre solitude, nous aurons un sûr conseiller, un ami compatissant. MG 214 2 Si par ignorance il nous arrive de faire un faux pas, le Sauveur ne nous abandonnera pas. N'ayons donc jamais l'impression d'être seuls. Les anges sont à nos côtés, le Consolateur que le Christ a promis d'envoyer en son nom demeure avec nous. Sur le sentier qui conduit à la cité divine, il n'est pas de difficulté dont on ne puisse triompher par la confiance en lui, ni de danger auquel on ne puisse échapper; pas de tristesse, ni de faiblesse qui n'ait un remède. MG 214 3 Nul ne doit se laisser aller au découragement et au désespoir. Satan, toujours implacable, peut venir à vous avec cette insinuation: "Ton cas est désespéré; tu ne peux être sauvé." Mais en Christ tout est possible. Le Seigneur ne nous demande pas de vaincre par nos propres forces; il nous invite à nous tenir tout près de lui. Quelles que soient les difficultés qui nous assaillent, écrasantes pour l'âme et le corps, il est prêt à nous en libérer. MG 214 4 Celui qui s'est fait homme peut sympathiser avec nos souffrances. Non seulement il connaît chacun de nous, nos besoins particuliers, nos épreuves; mais aussi tout ce qui est de nature à nous faire de la peine ou à nous obséder. Sa main se tend avec une tendre pitié vers tout être qui souffre. Plus la douleur est grande, plus sa tendresse est vive. Nos infirmités l'émeuvent, et il désire que nous nous déchargions de toutes nos peines en les déposant à ses pieds. MG 215 1 Il n'est pas sage de regarder à nous-mêmes et d'analyser nos sentiments. Si nous le faisons, l'ennemi nous présentera des difficultés et des tentations qui affaibliront notre foi et détruiront notre courage. Scruter ses émotions et s'abandonner à ses impressions, c'est s'exposer au doute, aller audevant des difficultés. Détournons les regards de nous-mêmes et portons-les sur Jésus. MG 215 2 Lorsque les tentations nous assaillent, lorsque les soucis, l'incertitude, les ténèbres nous environnent, pensons au lieu où, pour la dernière fois, nous avons vu la lumière. Comptons sur l'amour du Christ et plaçons-nous sous sa protection. Lorsque le péché cherche à nous dominer, lorsque la culpabilité nous oppresse et charge notre conscience, lorsque le doute assombrit notre esprit, souvenons-nous que la grâce du Christ suffit pour nous assurer la victoire et bannir les ténèbres. En communiant avec le Sauveur, nous entrons dans le royaume de la paix. Promesses de guérison MG 215 3 L'Eternel délivre l'âme de ses serviteurs, Et tous ceux qui l'ont pour refuge échappent au châtiment. Psaumes 34:22. MG 215 4 Celui qui craint l'Eternel possède un appui ferme, Et ses enfants ont un refuge auprès de lui. Proverbes 14:26. MG 215 5 Sion disait: l'Eternel m'abandonne, Le Seigneur m'oublie! -- Une femme oublie-t-elle l'enfant qu'elle allaite? N'a-t-elle pas pitié du fruit de ses entrailles? Quand elle l'oublierait, Moi je ne t'oublierai point. Voici, je t'ai gravée sur mes mains. Ésaïe 49:14-16. MG 216 1 Ne crains rien, car je suis avec toi; Ne promène pas des regards inquiets, car je suis ton Dieu, Je te fortifie, je viens à ton secours, Je te soutiens de ma droite triomphante. Ésaïe 41:10. MG 216 2 Ecoutez-moi. ... Vous ... que j'ai portés dès votre naissance! Jusqu'à votre vieillesse je serai le même, Jusqu'à votre vieillesse je vous soutiendrai; Je l'ai fait, et je veux encore vous porter, Vous soutenir et vous sauver. Ésaïe 46:3, 4. MG 216 3 Rien ne dispose mieux à la santé du corps et de l'âme qu'un esprit de reconnaissance et de louange. Notre devoir formel est de résister à la mélancolie, aux pensées sombres et au mécontentement: il est aussi impérieux que celui de prier. Pourrions-nous ressembler à un convoi funèbre, nous lamentant et nous plaignant tout le long du chemin alors que nous sommes en route pour la maison du Père? MG 216 4 Les soi-disant chrétiens qui geignent sans cesse et qui donnent l'impression de croire que la joie et le bonheur sont des péchés, ne connaissent pas la vraie religion. Ceux qui trouvent un plaisir maladif dans tout ce qui est mélancolique, qui préfèrent considérer les feuilles mortes plutôt que de cueillir les fleurs épanouies, qui ne trouvent aucune beauté aux cimes majestueuses ou aux vallées verdoyantes, qui restent sourds aux voix joyeuses de la nature, si douces et si musicales à l'oreille attentive, ceux-là ne sont pas réellement chrétiens. Ils se complaisent dans les ténèbres et la désolation, alors qu'ils pourraient jouir du Soleil de justice, qui porte la guérison dans ses rayons. MG 216 5 Il se peut que la souffrance vienne souvent assombrir votre esprit. Ne vous forcez pas à réfléchir. Dites-vous que Jésus vous aime et qu'il comprend votre faiblesse. Reposez-vous simplement dans ses bras. MG 216 6 Une loi naturelle veut que les sentiments et les pensées se renforcent en les exprimant. Mais si les mots suivent les pensées, il est vrai aussi qu'ils les font naître. Si nous extériorisions mieux notre foi, si nous nous réjouissions davantage des bénédictions dont nous sommes les objets -- la miséricorde et l'amour de Dieu -- cette foi serait plus grande et notre joie plus intense. Aucune langue ne saurait exprimer, aucun esprit concevoir les bienfaits qui découlent de l'appréciation de la bonté et de l'amour de Dieu. Même ici-bas, notre joie peut ressembler à une source intarissable parce qu'elle est alimentée par les eaux vives qui s'échappent du trône de Dieu. MG 217 1 Enseignons donc à nos coeurs et à nos lèvres à louer le Seigneur pour son amour incomparable. Enseignons à nos âmes à avoir l'espérance et à vivre à la lumière de la croix du Calvaire. N'oublions jamais que nous sommes les enfants du Roi des cieux, des fils et des filles de l'Eternel des armées. C'est notre privilège de rester calmes en Dieu. MG 217 2 "Que la paix de Christ ... règne dans vos coeurs. Et soyez reconnaissants." Colossiens 3:15. Oubliant nos difficultés et nos soucis, louons le Seigneur de la grâce qu'il nous accorde de vivre pour la gloire de son nom. Que ses bienfaits de chaque jour éveillent dans nos coeurs des sentiments de louange pour la tendre sollicitude dont il nous entoure. A votre réveil, remerciez-le de vous avoir gardés pendant la nuit et pour la paix qui règne dans votre coeur. Le matin, à midi et le soir, que votre gratitude, tel un encens, s'élève vers le ciel. MG 217 3 Si l'on s'informe de votre santé, ne répondez pas de manière à vous attirer la sympathie. Ne parlez pas de votre manque de foi, de vos soucis, de vos peines. Le tentateur se réjouit lorsqu'il entend de telles plaintes, car c'est le glorifier que de s'entretenir de sujets attristants. Nous ne devons pas nous appesantir sur la grande puissance qu'a Satan de nous vaincre. En le faisant, nous nous livrons nous-mêmes entre ses mains. Parlons plutôt du pouvoir merveilleux que déploie notre Dieu pour nous unir à lui. Entretrenons-nous de l'incomparable puissance du Christ et de sa gloire. Le ciel tout entier s'intéresse à notre salut. Les anges de Dieu, par milliers de milliers et myriades de myriades, sont au service de ceux qui doivent hériter la vie éternelle. Ils nous préservent du mal et repoussent les puissances des ténèbres qui s'acharnent à nous perdre. N'avons-nous pas lieu d'être reconnaissants à chaque instant, alors même que des difficultés apparentes se dressent sur notre sentier? Chants de louange MG 218 1 Nos louanges et notre gratitude devraient s'exprimer par des cantiques. Lorsque nous sommes tentés, au lieu de donner libre cours à nos sentiments, chantons les louanges de Dieu. MG 218 2 Le chant est une arme dont on peut toujours se servir contre le découragement. En ouvrant ainsi nos coeurs à la lumière qu'apporte la présence du Sauveur, nous pouvons jouir de la santé et de la bénédiction divine. MG 218 3 Louez l'Eternel, car il est bon, Car sa miséricorde dure à toujours! Qu'ainsi disent les rachetés de l'Eternel, Ceux qu'il a délivrés de la main de l'ennemi. MG 218 4 Chantez, chantez en son honneur! Parlez de toutes ses merveilles! Glorifiez-vous de son saint nom! Que le coeur de ceux qui cherchent l'Eternel se réjouisse! MG 218 5 Il a satisfait l'âme altérée, Il a comblé de biens l'âme affamée. Ceux qui avaient pour demeure les ténèbres et l'ombre de la mort Vivaient captifs dans la misère et dans les chaînes. ... Dans leur détresse, ils crièrent à l'Eternel, Et il les délivra de leurs angoisses; Il les fit sortir des ténèbres et de l'ombre de la mort, Et il rompit leurs liens. Qu'ils louent l'Eternel pour sa bonté, Et pour ses merveilles en faveur des fils de l'homme! MG 219 1 Pourquoi t'abats-tu, mon âme, et gémis-tu au-dedans de moi? Espère en Dieu, car je le louerai encore; Il est mon salut et mon Dieu. Psaumes 107:1, 2; 105:2, 3; 107:9-15; 42:11. MG 219 2 "Rendez grâces en toutes choses, car c'est à votre égard la volonté de Dieu en Jésus-Christ." 1 Thessaloniciens 5:18. Ce commandement nous donne l'assurance que même les choses qui paraissent être contre nous sont pour notre bien. Dieu ne nous demanderait pas d'être reconnaissants pour ce qui pourrait nous nuire. MG 219 3 L'Eternel est ma lumière et mon salut: De qui aurais-je crainte? L'Eternel est le soutien de ma vie: De qui aurais-je peur? MG 219 4 Il me protégera dans son tabernacle au jour du malheur. ... J'offrirai des sacrifices dans sa tente, au son de la trompette; Je chanterai, je célébrerai l'Eternel. MG 219 5 J'avais mis en l'Eternel mon espérance; Et il s'est incliné vers moi, il a écouté mes cris. Il m'a retiré de la fosse de destruction, Du fond de la boue; Et il a dressé mes pieds sur le roc, Il a affermi mes pas. Il a mis dans ma bouche un cantique nouveau, Une louange à notre Dieu. MG 219 6 L'Eternel est ma force et mon bouclier; En lui mon coeur se confie, et je suis secouru; J'ai de l'allégresse dans le coeur, Et je le loue par mes chants. Psaumes 27:1, 5, 6; 40:2-4; 28:7. MG 219 7 L'un des plus sûrs moyens d'entraver la guérison d'un malade, c'est qu'il concentre ses pensées sur lui-même. Beaucoup d'invalides croient que chacun leur doit secours et sympathie, alors que ce dont ils ont besoin c'est de détourner leur attention d'eux-mêmes et de penser aux autres. MG 220 1 On sollicite souvent nos prières en faveur des affligés et des découragés, et c'est une bonne chose; nous devons demander à Dieu d'éclairer l'esprit enténébré, de consoler le coeur affligé. Mais le Seigneur ne répond à nos prières que si ceux en faveur desquels nous l'implorons se trouvent dans les dispositions voulues pour qu'il puisse les bénir. C'est pourquoi, tout en priant pour les affligés, nous devrions les encourager à s'occuper de ceux qui sont plus malheureux qu'eux-mêmes. Les ténèbres se dissiperont de leur propre coeur tandis qu'ils s'efforceront de venir en aide aux autres. En essayant de faire connaître à d'autres la source de notre réconfort, nous nous faisons du bien à nous-mêmes. MG 220 2 Le cinquante-huitième chapitre d'Esaïe est une véritable ordonnance pour les maladies du corps et de l'âme. Si nous désirons jouir de la santé et du bonheur, nous devons mettre en pratique les règles qui s'y trouvent. Le Seigneur nous parle en ces termes du service qu'il accepte et des bénédictions qui en découlent: MG 220 3 Partage ton pain avec celui qui a faim, Et fais entrer dans ta maison les malheureux sans asile; Si tu vois un homme nu, couvre-le, Et ne te détourne pas de ton semblable. Alors ta lumière poindra comme l'aurore, Et ta guérison germera promptement; Ta justice marchera devant toi, Et la gloire de l'Eternel t'accompagnera; Alors tu appelleras, et l'Eternel répondra; Tu crieras, et il dira: Me voici! Si tu éloignes du milieu de toi le joug, Les gestes menaçants et les discours injurieux, Si tu donnes ta propre subsistance à celui qui a faim, Si tu rassasies l'âme indigente, Ta lumière se lèvera sur l'obscurité, Et tes ténèbres seront comme le midi. L'Eternel sera toujours ton guide, Il rassasiera ton âme dans les lieux arides, Et il redonnera de la vigueur à tes membres; Tu seras comme un jardin arrosé, Comme une source dont les eaux ne tarissent pas. Ésaïe 58:7-11. MG 221 1 Les bonnes actions sont un double bienfait, car elles profitent à la fois à celui qui les fait et à celui qui en est l'objet. Le sentiment du devoir accompli est l'un des meilleurs remèdes pour les corps et les esprits malades. La satisfaction, la joie d'avoir fait son devoir et apporté un peu de bonheur aux autres, communique une vigueur nouvelle à l'être tout entier. MG 221 2 Que l'invalide, au lieu de chercher constamment à s'attirer la sympathie, essaye d'en manifester. Qu'il parle de sa faiblesse au Sauveur compatissant; qu'il ouvre son coeur à son amour et en fasse part à ses semblables. Chacun a de dures épreuves à supporter, de grandes tentations à vaincre. Mais, vous qui souffrez, vous pouvez alléger les fardeaux de votre prochain. Exprimez votre gratitude pour les bontés que vous recevez; montrez que vous appréciez les attentions dont vous êtes l'objet. Que votre coeur soit constamment rempli des précieuses promesses de Dieu, afin que vous puissiez puiser dans ce trésor des paroles de réconfort. Vous serez ainsi entouré d'une atmosphère encourageante, ennoblissante. Efforcez-vous d'être en bénédiction à ceux qui vous entourent, de venir en aide aux membres de votre famille et aux personnes qui ont besoin de vous. MG 221 3 Si ceux qui souffrent s'oubliaient eux-mêmes pour les autres; s'ils observaient le commandement du Seigneur et s'occupaient de plus malheureux qu'eux, ils se rendraient compte de la véracité de la promesse du prophète: "Alors ta lumière poindra comme l'aurore, et ta guérison germera promptement." ------------------------Chapitre 19 -- Au contact de la nature MG 222 1 Le Créateur choisit pour nos premiers parents le milieu le mieux adapté à leur santé et à leur bonheur. Il ne les mit pas dans un palais, ni ne les entoura du luxe et des ornements artificiels que tant de gens recherchent aujourd'hui, mais il les plaça au sein de la nature et en relation directe avec les habitants du ciel. MG 222 2 Dans le jardin que Dieu avait préparé pour être la demeure de ses enfants, des arbustes gracieux et des fleurs délicates charmaient partout les yeux. On y voyait des arbres de toutes les essences, dont beaucoup étaient chargés de fruits parfumés et délicieux. Dans leurs branches, les oiseaux chantaient la gloire de Dieu. Sous leur ombrage épais, tout ce qui peuplait la terre s'ébattait sans crainte. MG 222 3 Adam et Eve, dans leur pureté immaculée, se réjouissaient de ce qu'ils voyaient et entendaient. Dieu les avait placés dans le jardin d'Eden "pour le cultiver et pour le garder". Genèse 2:15. Chaque jour de travail leur apportait joie et santé, et ce couple heureux saluait avec bonheur les visites de son Créateur lorsque, à la tombée de la nuit, il venait marcher et s'entretenir avec lui. Chaque jour, Dieu lui enseignait ses leçons. MG 222 4 Le dessein de Dieu à l'égard de nos premiers parents contient pour nous des leçons précieuses. Bien que le péché ait étendu son ombre sur la terre, Dieu désire que ses enfants se réjouissent des oeuvres de ses mains. Plus on se conformera à son dessein, plus merveilleuse sera son oeuvre de restauration en faveur de l'humanité souffrante. Les malades ont besoin d'être placés au contact de la nature. Une vie au grand air, à la campagne, opérerait des miracles chez un grand nombre dont on désespère. MG 223 1 Le bruit, l'agitation et la confusion des villes, l'existence artificielle qu'on y mène, épuisent les malades. L'air chargé de fumées, de poussières, de gaz empoisonnés et de germes morbides, met leur vie en péril. Enfermés pour la plupart entre quatre murs, ils finissent par se sentir prisonniers dans leur chambre. Lorsqu'ils regardent par la fenêtre, ils voient des maisons, des pavés, une foule pressée, mais difficilement un coin de ciel bleu, un rayon de soleil, un brin d'herbe, une fleur, un peu de verdure. Confinés dans leur solitude, ils méditent sur leurs souffrances et deviennent la proie de leurs tristes pensées. MG 223 2 Pour ceux qui sont faibles moralement, les villes abondent en dangers. Les malades ayant à vaincre des appétits contre nature y sont continuellement exposés à la tentation. On devrait les placer dans un nouveau milieu qui changerait le cours de leurs pensées et où ils subiraient des influences différentes de celles qui ont ruiné leur existence. Il faudrait les soustraire pendant un certain temps à tout ce qui pourrait les éloigner de Dieu et les placer dans un endroit où l'atmosphère est plus pure. MG 223 3 On obtiendrait de bien meilleurs résultats dans les maisons où l'on soigne les malades si elles étaient situées loin des villes. Autant que possible, que ceux qui cherchent à recouvrer la santé se rendent à la campagne où ils pourront bénéficier de l'air pur. La nature est le médecin de Dieu. L'exercice en plein air, au soleil, parmi les arbres et les fleurs, les vergers et les vignobles, donne la santé et la vie. MG 223 4 Les médecins et les infirmières devraient encourager leurs patients à vivre beaucoup au grand air. La vie à la campagne est souvent le seul remède nécessaire à bien des malades. C'est ainsi que l'on guérit merveilleusement les maladies qui résultent des excès de la vie moderne, destructrice des énergies du corps, de l'esprit et de l'âme. MG 224 1 Combien le calme et la liberté de la campagne seraient appréciés des malades fatigués de la vie des villes, de l'éblouissante clarté de leurs lumières et de l'étourdissant vacarme de leurs rues! Avec quelle joie ils contempleraient les scènes de la nature! Comme ils seraient heureux de s'asseoir en plein air, de jouir du soleil et de respirer le parfum des arbres et des fleurs! Il y a des propriétés vivifiantes dans les émanations des pins, des sapins et d'autres arbres. MG 224 2 En cas de maladies chroniques, rien ne rétablit mieux la santé et ne procure davantage le bonheur que de vivre au sein d'une nature agréable. Là, les grands malades peuvent s'asseoir ou rester allongés au soleil ou à l'ombre des arbres. Ils n'ont qu'à lever les yeux pour admirer leur feuillage magnifique. Un doux sentiment de repos et de bienêtre les enveloppe lorsqu'ils écoutent les murmures de la brise. Les idées noires se dissipent, les forces reviennent peu à peu, l'esprit s'apaise et le pouls fiévreux devient plus calme et régulier. Alors, ils s'aventurent à faire quelques pas et à cueillir des fleurs, ces magnifiques et précieuses messagères de l'amour de Dieu pour l'humanité souffrante. MG 224 3 Autant que possible, les malades devraient rester dehors. Procurez quelque occupation agréable à ceux qui peuvent travailler. Faites-leur comprendre combien cet exercice en plein air est sain. Apprenez-leur à respirer profondément, à remplir leurs poumons d'air pur et à exercer leurs muscles abdominaux en parlant et en respirant. Cette habitude sera pour eux d'un très grand secours. MG 224 4 L'exercice en plein air doit être prescrit comme une nécessité vitale. Pour cela rien ne vaut la culture du sol. Donnez aux malades des fleurs à cultiver, ou faites-les travailler dans le verger ou dans le jardin potager. En les amenant ainsi à quitter leur chambre et à passer une partie de leur temps en plein air, à soigner des fleurs ou à faire quelque autre travail facile et agréable, leur attention sera détournée d'eux-mêmes et de leurs souffrances. MG 225 1 Plus le malade vivra au grand air, moins il aura besoin de soins. Plus ce qui l'environne sera agréable, plus il sera rempli d'espoir. Enfermé dans une chambre, si élégamment meublée soit-elle, il devient fatalement sombre et de mauvaise humeur. Entourez-le des beautés de la nature, là où il puisse voir éclore les fleurs et entendre chanter les oiseaux, et son coeur se mettra à l'unisson de ces harmonies. Son corps et son âme seront soulagés, sa pensée sera éveillée, son imagination stimulée et son esprit préparé à apprécier les merveilles de la Parole de Dieu. MG 225 2 On trouve toujours dans la nature de quoi détourner l'attention des malades d'eux-mêmes pour la diriger vers Dieu. Lorsqu'ils sont ainsi entourés des oeuvres divines, leur âme s'élève des choses visibles aux choses invisibles. Les beautés de la nature les amènent à penser à la patrie céleste, où il n'y aura plus de discorde, plus de violence, plus rien qui cause la maladie et la mort. MG 225 3 Médecins et infirmières, tirez de la nature des leçons qui fassent connaître Dieu. Parlez aux malades de celui qui a créé les arbres, le brin d'herbe et les fleurs. Encouragez-les à voir dans chaque bouton et chaque corolle une expression de son amour pour ses enfants. Celui qui prend soin des oiseaux et des fleurs prendra aussi soin des êtres formés à son image. MG 225 4 Dehors, au milieu des oeuvres de Dieu, en respirant l'air frais et tonique, on a de multiples occasions de parler aux malades de la vie chrétienne et de leur lire les écrits sacrés. C'est là que la lumière du Soleil de justice peut le mieux briller dans les coeurs assombris par le péché. MG 225 5 C'est ainsi que des hommes et des femmes ayant besoin de guérison physique et spirituelle pourront être mis en contact avec ceux dont les paroles et les actes les attireront au Christ. Placés sous l'influence du grand Missionnaire médical qui peut guérir à la fois l'âme et le corps, ils comprendront mieux l'amour du Sauveur et accepteront le pardon librement accordé à tous ceux qui lui confessent leurs péchés. MG 226 1 Sous de telles influences, beaucoup de malades trouveront le chemin de la vie. Les anges du ciel collaborent avec les hommes pour apporter à ceux qui souffrent courage, espérance, joie et paix. Ainsi, les malades sont doublement favorisés, et beaucoup recouvrent la santé. Tel, à la démarche chancelante, retrouve son élasticité, son oeil redevient brillant. Tel, découragé, se reprend à espérer. Celui qui est abattu renaît à la gaîté; la voix plaintive devient joyeuse. MG 226 2 En recouvrant la santé physique, hommes et femmes seront mieux à même d'exercer cette foi au Christ qui assure la santé de l'âme. Il y a une paix, une joie et un repos inexprimables dans le sentiment du pardon obtenu. L'étoile de l'espérance illumine le ciel du chrétien. Les paroles suivantes décrivent son nouvel état: "Dieu est pour nous un refuge et un appui, un secours qui ne manque jamais dans la détresse." Psaumes 46:2. "Quand je marche dans la vallée de l'ombre de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi; ta houlette et ton bâton me rassurent." Psaumes 23:4. "Il donne de la force à celui qui est fatigué, et il augmente la vigueur de celui qui tombe en défaillance." Ésaïe 40:29. ------------------------Chapitre 20 -- Hygiène générale MG 229 1 La pensée que notre corps doit être le temple de Dieu, une habitation où sa gloire se révèle, devrait nous pousser à prendre soin de nos forces physiques et à les développer. Le Créateur a fait de notre corps un chef-d'oeuvre. Il faut en étudier la structure, en comprendre les besoins, et le préserver de toute atteinte du mal. La circulation du sang MG 229 2 Pour jouir d'une bonne santé, il faut avoir le sang pur. Lorsqu'il contient les éléments nutritifs voulus et qu'il est purifié et vivifié par l'oxygène, il porte partout la vigueur et la vie. Il répare et nourrit l'organisme. Plus parfaite est la circulation, mieux s'accomplit ce travail. MG 229 3 A chaque pulsation du coeur, le sang doit pouvoir se rendre facilement et rapidement dans toutes les parties du corps. La taille serrée, les vêtements étroits, la protection insuffisante des extrémités, en un mot tout ce qui entrave sa circulation le retient dans les organes vitaux et les congestionne. Il en résulte souvent des maux de tête, de la toux, des palpitations de coeur et des indigestions. La respiration MG 229 4 Pour avoir un sang pur, il faut respirer convenablement. Des inspirations profondes au grand air apportent aux poumons l'oxygène qui purifie le liquide nourricier. Celui-ci prend dès lors une teinte rouge vif, et va porter la vie dans toutes les parties du corps. Une bonne respiration calme les nerfs, stimule l'appétit, facilite la digestion et assure un sommeil paisible et réparateur. MG 230 1 On devrait laisser aux poumons la plus grande liberté possible. Lorsqu'ils fonctionnent normalement, leur capacité s'accroît; elle diminue s'ils sont gênés ou comprimés. De là les mauvais effets de la pratique si courante, surtout dans les travaux sédentaires, de se tenir penché sur son ouvrage. Dans cette position il est impossible de respirer profondément. La respiration superficielle devient bientôt une habitude, et les poumons perdent leur élasticité. La compression de la taille produit le même effet. La partie inférieure des poumons manque de place; les muscles abdominaux qui doivent faciliter la respiration ne peuvent jouer librement, et les poumons sont gênés dans leur expansion. MG 230 2 La quantité d'oxygène reçue de cette manière est insuffisante, les déchets toxiques qu'il faut éliminer par les expirations sont retenus, le sang circule lentement et devient impur. Et ce ne sont pas les poumons seuls qui souffrent de cet état de choses, mais encore l'estomac, le foie et le cerveau. La peau devient jaune, la digestion se ralentit, le coeur s'affaiblit, le cerveau s'obscurcit: les pensées deviennent confuses, et l'esprit est envahi par des idées noires. L'organisme tout entier est déprimé et devient particulièrement sujet à la maladie. MG 230 3 Les poumons rejetant constamment des impuretés doivent être pourvus d'air pur en abondance. Vicié, il n'apporte pas une quantité suffisante d'oxygène, et le sang passe dans le cerveau et les autres organes sans être vivifié; d'où la nécessité d'une ventilation parfaite. C'est affaiblir l'organisme tout entier que de vivre dans des chambres fermées, mal aérées, où l'atmosphère est viciée. On y devient particulièrement sensible au froid; le moindre courant d'air détermine une maladie. Bien des femmes sont pâles et faibles parce qu'elles restent enfermées. Elles respirent le même air jusqu'à ce qu'il soit saturé des substances toxiques éliminées par les pores et les poumons, et ainsi les impuretés retournent dans le sang. Ventilation et soleil MG 231 1 Dans la construction des édifices publics ou privés, on devrait tout disposer de manière que le soleil et l'air y entrent librement. Les églises et les salles d'école sont souvent défectueuses à cet égard. Le manque de ventilation explique l'assoupissement qui détruit l'effet des meilleurs sermons et rend la tâche des maîtres pénible et ingrate. MG 231 2 Autant que possible, les maisons d'habitation devraient être construites sur les hauteurs, dans des endroits secs, ce qui éviterait les maladies causées par l'humidité et les miasmes. Cette question est trop souvent considérée à la légère. Une mauvaise santé, de graves maladies et beaucoup de décès sont le résultat de l'humidité et de l'air vicié qui règnent dans les lieux en contrebas et mal drainés. MG 231 3 Chaque pièce de la maison devrait avoir une abondance d'air et de soleil, mais tout particulièrement la chambre à coucher. Il ne faut pas dormir dans une pièce où l'air et le soleil n'ont pas libre accès chaque jour. Dans la plupart des pays, on pourvoira à des moyens de chauffage suffisants pour tempérer ou assainir la chambre par les temps froids ou humides. MG 231 4 La chambre à coucher des visites doit être aussi bien soignée que celles que l'on occupe tous les jours. Comme les autres, il faut qu'elle ait de l'air et du soleil, et soit munie de moyens de chauffage pour chasser l'humidité qui s'accumule toujours dans une pièce que l'on n'occupe pas habituellement. Quiconque dort dans une chambre sans soleil, ou dans un lit qui n'a pas été parfaitement séché et aéré, expose sa santé et peut-être sa vie. MG 232 1 Dans beaucoup de maisons une place est spécialement réservée aux plantes et aux fleurs; la serre ou la fenêtre qui leur est destinée est chaude et ensoleillée, car on sait bien que sans air, sans soleil et sans chaleur, les plantes ne pourraient ni vivre ni fleurir. Si ces conditions sont nécessaires aux plantes, combien plus à notre santé, à celle de notre famille et de nos hôtes! MG 232 2 Si nous voulons que la santé et le bonheur règnent dans nos maisons, plaçons celles-ci au-dessus des brouillards qui règnent dans les lieux en contrebas, et donnons libre entrée aux éléments vivifiants du ciel. Supprimons les lourds rideaux, ouvrons les fenêtres et les volets. Ne laissons aucune vigne grimpante, si belle soit-elle, faire de l'ombre aux fenêtres, et ne tolérons aucun arbre si près de la maison qu'il la prive de soleil. Celui-ci peut faner les draperies et les tapis, ternir les cadres des tableaux, mais il mettra le rose de la santé sur les joues des enfants. Ceux qui ont des personnes âgées à soigner doivent se souvenir qu'elles ont particulièrement besoin de chambres chaudes et confortables. La vigeur décline à mesure que les années s'écoulent, laissant moins de vitalité pour résister aux influences malsaines; c'est pourquoi il faut aux vieillards beaucoup de soleil et d'air pur. MG 232 3 Une propreté méticuleuse est essentielle à la santé du corps et de l'esprit. La peau élimine constamment les impuretés de l'organisme, les millions de pores sont facilement obstrués s'ils ne sont pas tenus en état de propreté parfaite par de fréquents lavages; les impuretés qui devraient être éliminées par ce moyen vont surcharger d'autres organes excréteurs. MG 232 4 Beaucoup de personnes se trouveraient bien de prendre chaque jour, matin ou soir, un bain froid ou tiède. Pris convenablement, ce bain aguerrit contre le froid en accélérant la circulation du sang qu'il amène à la surface de la peau, et fortifie l'esprit et le corps. Les muscles deviennent plus souples; l'intelligence, plus lucide. Le bain exerce aussi une action sédative sur les nerfs; il active la digestion; il aide aux fonctions des reins, de l'estomac et du foie, donnant à chacun de ces organes la santé et l'énergie. MG 233 1 Il importe que le linge soit propre. Il s'imprègne des impuretés rejetées par les pores; s'il n'est fréquemment changé et lavé, il rend ces impuretés à la peau, et elles passent à nouveau dans le sang. MG 233 2 Tout genre de malpropreté expose à la maladie. Les germes morbides abondent dans les coins obscurs et négligés, dans les rebuts putrescibles, l'humidité et la moisissure. Aucun débris végétal, aucun tas de feuilles mortes ne devrait être abandonné près de la maison. Il ne doit y avoir ni saletés ni matières en décomposition à l'intérieur de la maison. Dans les villes considérées comme parfaitement salubres, beaucoup d'épidémies sont dues à des matières en putréfaction laissées aux abords des habitations par des personnes négligentes. MG 233 3 Une propreté méticuleuse, une abondance de soleil et le respect des principes sanitaires dans tous les détails de la vie familiale sont essentiels à la santé et au bonheur des habitants de la maison. ------------------------Chapitre 21 -- L'hygiène chez les Israélites MG 234 1 Dans les enseignements que Dieu donna à Israël, la préservation de la santé occupait une large place. Sorti de l'esclavage avec des habitudes de malpropreté, et ignorant l'hygiène, ce peuple fut soumis à une discipline très rigoureuse avant d'entrer en Canaan. Les principes de la santé lui furent enseignés, et les lois sanitaires, prescrites. Mesures préventives MG 234 2 La distinction entre les choses pures et impures n'était pas observée dans le rituel religieux seulement, mais aussi dans les multiples devoirs de la vie quotidienne. Tous ceux qui entraient en contact avec des maladies contagieuses ou infectieuses étaient isolés du camp et ne pouvaient y retourner qu'après un lavage à fond de leur personne et de leurs vêtements. Pour celui qui était affligé d'une maladie contagieuse, les instructions suivantes étaient données: MG 234 3 "Tout lit sur lequel il couchera, et tout objet sur lequel il s'assiéra, sera impur. Celui qui touchera son lit lavera ses vêtements, se lavera dans l'eau, et sera impur jusqu'au soir. Celui qui s'assiéra sur l'objet sur lequel il s'est assis lavera ses vêtements, se lavera dans l'eau, et sera impur jusqu'au soir. Celui qui touchera sa chair lavera ses vêtements, se lavera dans l'eau, et sera impur jusqu'au soir. ... Celui qui touchera une chose quelconque qui a été sous lui sera impur jusqu'au soir; et celui qui la portera lavera ses vêtements, se lavera dans l'eau, et sera impur jusqu'au soir. Celui qui sera touché par lui, et qui ne se sera pas lavé les mains dans l'eau, lavera ses vêtements, se lavera dans l'eau, et sera impur jusqu'au soir. Tout vase de terre qui sera touché par lui sera brisé, et tout vase de bois sera lavé dans l'eau." Lévitique 15:4-12. MG 235 1 La loi concernant la lèpre indique la minutie avec laquelle ces règles devaient être appliquées: MG 235 2 "Aussi longtemps qu'il aura la plaie [la lèpre], il sera impur: il est impur. Il habitera seul; sa demeure sera hors du camp. Lorsqu'il y aura sur un vêtement une plaie de lèpre, sur un vêtement de laine ou sur un vêtement de lin, à la chaîne ou à la trame de lin ou de laine, sur une peau ou sur quelque ouvrage de peau ... le sacrificateur examinera la plaie. ... Si la plaie s'est étendue sur le vêtement, à la chaîne ou à la trame, sur la peau ou sur l'ouvrage quelconque fait de peau, c'est une plaie de lèpre invétérée: l'objet est impur. Il brûlera le vêtement, la chaîne ou la trame de laine ou de lin, l'objet quelconque de peau sur lequel se trouve la plaie, car c'est une lèpre invétérée: il sera brûlé au feu." Lévitique 13:46-52. MG 235 3 De même, toute maison qui présentait des signes la rendant impropre à être habitée devait être détruite. Le sacrificateur, était-il dit, fera abattre "la maison, les pierres, le bois, et tout le mortier de la maison; et l'on portera ces choses hors de la ville, dans un lieu impur. Celui qui sera entré dans la maison pendant tout le temps qu'elle était fermée sera impur jusqu'au soir. Celui qui aura couché dans la maison lavera ses vêtements. Celui qui aura mangé dans la maison lavera aussi ses vêtements". Lévitique 14:45-47. Soins de propreté MG 235 4 La propreté personnelle était enseignée de la manière la plus impressionnante. Avant de se grouper au pied du Sinaï pour entendre la promulgation de la loi, par la voix de Dieu, les Israélites reçurent l'ordre de laver leurs personnes et leurs vêtements; toute infraction exposait le contrevenant à la peine de mort. Aucune impureté ne devait être tolérée en présence de Dieu. MG 236 1 Bien que durant leur séjour dans le désert les Israélites fussent presque continuellement en plein air, là où la malpropreté aurait eu cependant des conséquences moins graves que dans les maisons, l'hygiène la plus stricte était exigée à l'intérieur et à l'extérieur des tentes. Aucune ordure ne devait rester dans le camp ou aux environs. Le Seigneur avait dit: MG 236 2 "L'Eternel, ton Dieu, marche au milieu de ton camp pour te protéger et pour livrer tes ennemis devant toi; ton camp devra donc être saint, afin que l'Eternel ne voie chez toi rien d'impur, et qu'il ne se détourne point de toi." Deutéronome 23:14. Le régime alimentaire MG 236 3 La distinction entre le pur et l'impur existait également pour les aliments: MG 236 4 "Je suis l'Eternel, votre Dieu, qui vous ai séparés des peuples. Vous observerez la distinction entre les animaux purs et impurs, entre les oiseaux purs et impurs, afin de ne pas rendre vos personnes abominables par des animaux, par des oiseaux, par tous les reptiles de la terre, que je vous ai appris à distinguer comme impurs." Lévitique 20:24, 25. MG 236 5 Beaucoup de comestibles employés librement par les païens étaient interdits aux Juifs. Ce n'étaient pas là des distinctions arbitraires: les choses défendues étaient malsaines, et le fait qu'elles étaient déclarées impures indiquait que l'usage d'aliments nuisibles souille l'homme. Ce qui corrompt le corps tend à corrompre l'âme et à la rendre impropre à la communion avec Dieu et au service qui lui est dû. MG 236 6 En terre promise, la discipline du désert fut appliquée de manière à favoriser la formation de bonnes habitudes. Les hommes ne s'entassaient pas dans les villes; chaque famille possédait des terres qu'elle cultivait, s'assurant ainsi les bienfaits d'une vie saine et naturelle. MG 237 1 Dieu déclare au sujet des coutumes cruelles et licencieuses des Cananéens qu'Israël chassait devant lui: MG 237 2 "Vous ne suivrez point les usages des nations que je vais chasser devant vous; car elles ont fait toutes ces choses, et je les ai en abomination." Lévitique 20:23. "Tu n'introduiras point une chose abominable dans ta maison, afin que tu ne sois pas, comme cette chose, devoué par interdit." Deutéronome 7:26. MG 237 3 Dans tout ce qui concernait la vie quotidienne, les Israélites se trouvaient en face de la leçon enseignée par le Saint-Esprit: MG 237 4 "Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l'Esprit de Dieu habite en vous? Si quelqu'un détruit le temple de Dieu, Dieu le détruira; car le temple de Dieu est saint, et c'est ce que vous êtes." 1 Corinthiens 3:16, 17. Les réjouissances MG 237 5 "Un coeur joyeux est un bon remède." Proverbes 17:22. La gratitude, la joie, la bienveillance, la confiance en l'amour et en l'intérêt de Dieu, voilà ce qui préserve la santé. Ces vertus devaient être, pour les Israélites, le principe fondamental de leur existence. MG 237 6 Le voyage que l'on accomplissait trois fois par an à Jérusalem pour assister aux fêtes annuelles, la semaine passée en plein air sous des tentes pendant la fête des Tabernacles étaient des occasions de se récréer et de se réjouir hors de chez soi. Ces fêtes, rendues plus agréables et plus touchantes par l'hospitalité que l'on offrait aux étrangers, aux Lévites et aux pauvres, mettaient tout le peuple en joie. MG 237 7 "Tu te réjouiras, avec le Lévite et avec l'étranger qui sera au milieu de toi, pour tous les biens que l'Eternel, ton Dieu, t'a donnés, à toi et à ta maison." Deutéronome 26:11. MG 238 1 Aussi, plus tard, lorsque la loi divine fut lue publiquement à Jérusalem aux captifs revenus de Babylone, et que le peuple pleurait à cause de ses transgressions, ces paroles bienveillantes furent prononcées: MG 238 2 "Ne vous affligez pas. ... Allez, mangez des viandes grasses, buvez des boissons douces et envoyez-en à ceux qui n'ont rien de préparé, car ce jour est consacré à notre Seigneur. Ne soyez pas affligés; car la joie que donne l'Eternel, voilà votre force!" Néhémie 8:9, 10 (V. synodale). On publia, "dans toutes les villes et à Jérusalem, l'avis suivant: Allez à la montagne et rapportez-en des rameaux d'olivier cultivé et d'olivier sauvage, des rameaux de myrte, des rameaux de palmier et des rameaux d'arbres touffus, pour faire des tentes, ainsi que cela est prescrit. Alors le peuple étant sorti, rapporta des rameaux. Ils se firent des tentes sur les toits de leurs maisons, dans leurs cours, dans les parvis de la maison de Dieu, sur la place de la porte des Eaux, et sur la place de la porte d'Ephraïm. L'assemblée tout entière, tous ceux qui étaient revenus de la captivité, ayant fait des tentes, habitèrent dans ces tentes. ... Il y eut donc alors de très grandes réjouissances". Versets 15-17 (V. synodale). MG 238 3 Dieu donna aux Israélites des instructions au sujet de tout ce qui était essentiel à la santé physique et morale. Les commandements suivants s'appliquent aussi bien aux principes de la santé qu'à ceux de la loi morale: MG 238 4 "Ces commandements, que je te donne aujourd'hui, seront dans ton coeur. Tu les inculqueras à tes enfants, et tu en parleras quand tu seras dans ta maison, quand tu iras en voyage, quand tu te coucheras et quand tu te lèveras. Tu les lieras comme un signe sur tes mains, et ils seront comme des fronteaux entre tes yeux. Tu les écriras sur les poteaux de ta maison et sur tes portes." Deutéronome 6:6-9. MG 239 1 "Lorsque ton fils te demandera un jour: Que signifient ces préceptes, ces lois et ces ordonnances, que l'Eternel, notre Dieu, vous a prescrits? tu diras à ton fils: ... L'Eternel nous a commandé de mettre en pratique toutes ces lois et de craindre l'Eternel, notre Dieu, afin que nous fussions toujours heureux, et qu'il nous conservât la vie, comme il le fait aujourd'hui." Versets 20, 21, 24. MG 239 2 Si les Israëlites avaient obéi à ces instructions, s'ils avaient su tirer profit de leurs avantages et vécu selon le plan de Dieu, ils auraient été préservés des maladies qui affligeaient les autres nations et, pour le monde, un vivant exemple de santé et de prospérité. Plus que tous les autres peuples, ils auraient possédé la force physique, la vigueur intellectuelle, et constitué la nation la plus puissante de la terre. Dieu avait dit à Israël: MG 239 3 "Tu seras béni plus que tous les peuples." Deutéronome 7:14. MG 239 4 "Et aujourd'hui, l'Eternel t'a fait promettre que tu seras un peuple qui lui appartiendra, comme il te l'a dit, et que tu observeras tous ses commandements, afin qu'il te donne sur toutes les nations qu'il a créées la supériorité en gloire, en renom et en magnificence, et afin que tu sois un peuple saint pour l'Eternel, ton Dieu, comme il te l'a dit." Deutéronome 26:18, 19. MG 239 5 "Voici toutes les bénédictions qui se répandront sur toi et qui seront ton partage, lorsque tu obéiras à la voix de l'Eternel, ton Dieu: Tu seras béni dans la ville, et tu seras béni dans les champs. Le fruit de tes entrailles, le fruit de ton sol, le fruit de tes troupeaux, les portées de ton gros et de ton menu bétail, toutes ces choses seront bénies. Ta corbeille et ta huche seront bénies. Tu seras béni à ton arrivée, et tu seras béni à ton départ." Deutéronome 28:2-6. MG 239 6 "L'Eternel ordonnera à la bénédiction d'être avec toi dans tes greniers et dans toutes tes entreprises. Il te bénira dans le pays que l'Eternel, ton Dieu, te donne. Tu seras pour l'Eternel un peuple saint, comme il te l'a juré, lorsque tu observeras les commandements de l'Eternel, ton Dieu, et que tu marcheras dans ses voies. Tous les peuples verront que tu es appelé du nom de l'Eternel, et ils te craindront. L'Eternel te comblera de biens, en multipliant le fruit de tes entrailles, le fruit de tes troupeaux et le fruit de ton sol, dans le pays que l'Eternel a juré à tes pères de te donner. L'Eternel t'ouvrira son bon trésor, le ciel, pour envoyer à ton pays la pluie en son temps et pour bénir tout le travail de tes mains. ... L'Eternel fera de toi la tête et non la queue, tu seras toujours en haut et tu ne seras jamais en bas, lorsque tu obéiras aux commandements de l'Eternel, ton Dieu, que je te prescris aujourd'hui lorsque tu les observeras et les mettras en pratique." Versets 8-13. MG 240 1 Les directives suivantes furent données à Aaron, le grand prêtre, et à ses fils: MG 240 2 Vous bénirez ainsi les enfants d'Israël, vous leur direz: Que l'Eternel te bénisse, et qu'il te garde! Que l'Eternel fasse luire sa face sur toi, Et qu'il t'accorde sa grâce! Que l'Eternel tourne sa face vers toi, Et qu'il te donne la paix! C'est ainsi qu'ils mettront mon nom sur les enfants d'Israël, Et je les bénirai. MG 240 3 Que ta vigueur dure autant que tes jours! Nul n'est semblable au Dieu d'Israël, Il est porté sur les cieux pour venir à ton aide. ... Le Dieu d'éternité est un refuge, Et sous ses bras éternels est une retraite. ... Israël est en sécurité dans sa demeure, La source de Jacob est à part Dans un pays de blé et de moût, Et son ciel distille la rosée. Que tu es heureux, Israël! Qui est comme toi, Un peuple sauvé par l'Eternel, Le bouclier de ton secours Et l'épée de ta gloire? Nombres 6:23-27; Deutéronome 33:25-29. MG 241 1 Les Israélites ne se conformèrent pas au plan divin et se privèrent ainsi de grandes bénédictions. Toutefois, Joseph et Daniel, Moïse et Elisée, et beaucoup d'autres nous offrent de nobles exemples d'obéissance au Seigneur. Une telle fidélité peut produire aujourd'hui les mêmes résultats. Il est écrit: MG 241 2 "Vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis, afin que vous annonciez les vertus de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière." 1 Pierre 2:9. MG 241 3 Béni soit l'homme qui se confie dans l'Eternel, Et dont l'Eternel est l'espérance. MG 241 4 Les justes croissent comme le palmier, Ils s'élèvent comme le cèdre du Liban. Plantés dans la maison de l'Eternel, Ils prospèrent dans les parvis de notre Dieu; Ils portent encore des fruits dans la vieillesse, Ils sont pleins de sève et verdoyants. MG 241 5 Que ton coeur garde mes préceptes; Car ils prolongeront les jours et les années de ta vie, Et ils augmenteront ta paix. ... Alors tu marcheras avec assurance dans ton chemin, Et ton pied ne heurtera pas. Si tu te couches, tu seras sans crainte; Et quand tu seras couché, ton sommeil sera doux. Ne redoute ni une terreur soudaine, Ni une attaque de la part des méchants; Car l'Eternel sera ton assurance, Et il préservera ton pied de toute embûche. Jérémie 17:7; Psaumes 92:13-15; Proverbes 3:1, 2, 23-26. ------------------------Chapitre 22 -- Le vêtement MG 242 1 L'Ecriture enseigne la modestie dans le vêtement. "Je veux aussi que les femmes, vêtues d'une manière décente, avec pudeur et modestie, ne se parent ..." 1 Timothée 2:9. Ces paroles de l'apôtre Paul interdisent l'ostentation dans la toilette, la profusion des ornements, les couleurs criardes. Tout ce qui a pour but d'attirer l'attention sur soi ou d'exciter l'admiration est exclu du vêtement requis par la Parole de Dieu. MG 242 2 Notre mise doit être simple: ni "or", ni "perles", ni "habits somptueux". Verset 9. MG 242 3 L'argent est un dépôt que Dieu nous a confié: il n'est donc pas destiné à satisfaire l'orgueil ou l'ambition. Entre les mains des enfants de Dieu, il doit être la nourriture des affamés, le vêtement de ceux qui sont nus, la défense des opprimés, la santé des malades, la prédication de l'Evangile aux pauvres. Employé sagement, il réjouira bien des coeurs. Ne le dépensez pas pour satisfaire la vanité. Considérez la vie du Christ. Etudiez son caractère et efforcez-vous de partager ses sentiments d'abnégation. MG 242 4 Dans le monde soi-disant chrétien, l'argent dépensé en bijoux et en vêtements coûteux suffirait pour nourrir tous ceux qui ont faim et pour vêtir tous ceux qui sont nus. La mode et l'ostentation frustrent les pauvres et les malades de l'argent qui pourrait leur être utile. Elles privent le monde de l'Evangile du Christ. Les missions sont languissantes; des multitudes se perdent parce qu'elles ne connaissent pas les enseignements du Sauveur. Autour de nous et au loin, des âmes ignorent le salut. Alors que les bontés de l'Eternel couvrent la terre, et qu'il a en réserve des richesses inépuisables; alors qu'il nous a si libéralement fait connaître sa vérité salvatrice, quelle excuse pouvons-nous alléguer pour justifier notre attitude à l'égard des veuves, des orphelins, des malades, de ceux qui se perdent et dont les cris s'élèvent jusqu'au ciel? Au jour du jugement, lorsqu'ils seront en présence de celui qui a donné sa vie pour ces malheureux, comment ceux qui auront dépensé en plaisirs défendus leur temps et leur argent se disculperont-ils? Le Christ ne leur dira-t-il pas: "J'ai eu faim, et vous ne m'avez pas donné à manger; j'ai eu soif, et vous ne m'avez pas donné à boire; j'étais étranger, et vous ne m'avez pas recueilli; j'étais nu, et vous ne m'avez pas vêtu; j'étais malade et en prison, et vous ne m'avez pas visité"? Matthieu 25:42, 43. MG 243 1 Toutefois, que notre vêtement, bien que modeste et simple, soit de bonne qualité, de couleur convenable et adapté à nos occupations. Qu'il soit chaud et confortable, choisi pour durer plutôt que pour paraître. La femme sage décrite dans les Proverbes "ne craint pas la neige pour sa maison, car toute sa famille est vêtue de cramoisi". Proverbes 31:21. MG 243 2 Nos vêtements doivent être propres. La malpropreté est malsaine, elle affecte le corps et l'âme. "Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu? ... Si quelqu'un détruit le temple de Dieu, Dieu le détruira; car le temple de Dieu est saint." 1 Corinthiens 3:16, 17. MG 243 3 Il faut nous vêtir d'une manière saine. Dieu désire que la "santé de notre corps" soit "aussi bonne que celle de notre âme". Nous devons collaborer avec Dieu pour nous assurer cette santé physique et morale, à laquelle contribue une manière hygiénique de se vêtir. MG 243 4 Le vêtement doit révéler la grâce, la beauté et l'à-propos d'une simplicité naturelle. Le Christ nous a mis en garde contre l'orgueil de la vie, mais non contre ce qui en fait la grâce, la beauté naturelle. Parlant des fleurs des champs, des lis s'ouvrant dans leur pureté, il a dit: "Je vous dis que Salomon même, dans toute sa gloire, n'a pas été vêtu comme l'un d'eux." Matthieu 6:29. Ainsi, par le spectacle de la nature, il définit la seule beauté que le ciel apprécie: la grâce modeste, la simplicité, la pureté, l'à-propos d'une mise qui lui est agréable. MG 244 1 Quant aux ornements, le Sauveur veut que nous les portions dans notre coeur. Aucune parure extérieure ne peut être comparée en valeur et en grâce à cet "esprit doux et paisible, qui est d'un grand prix devant Dieu". 1 Pierre 3:4. MG 244 2 Pour ceux qui se conduisent selon les principes du Christ, combien cette promesse est précieuse: MG 244 3 "Pourquoi vous inquiéter au sujet du vêtement?... Si Dieu revêt ainsi l'herbe des champs, qui existe aujourd'hui et qui demain sera jetée au four, ne vous vêtira-t-il pas à plus forte raison, gens de peu de foi? Ne vous inquiétez donc point, et ne dites pas...: de quoi serons-nous vêtus? Car ... votre Père céleste sait que vous en avez besoin. Cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu; et toutes ces choses vous seront données par-dessus." Matthieu 6:28-33. MG 244 4 "A celui qui est ferme dans ses sentiments, tu assures la paix, la paix, parce qu'il se confie en toi." Ésaïe 26:3. MG 244 5 Quel contraste entre cet état d'âme et les lassitudes, l'agitation, les maladies qu'engendre le despotisme de la mode! Pour se conformer aux exigences de celle-ci, on se met souvent en contradiction flagrante avec les principes de l'Ecriture. Pensez aux différents genres de vêtements du temps jadis, ou même des dernières décades. Combien d'entre eux, la mode passée, sont considérés comme immodestes, et combien d'autres sont reconnus malséants pour une femme honnête, une femme qui se respecte et qui craint Dieu! MG 245 1 Les changements apportés à nos vêtements pour suivre la mode ne sont pas toujours sanctionnés par la Parole de Dieu. Les modes qui se succèdent et les ornements coûteux absorbent le temps et l'argent des riches et gaspillent les énergies de l'esprit et de l'âme. Aux classes moyennes et pauvres, ils imposent une lourde charge. Beaucoup de ceux qui gagnent leur vie avec peine et qui pourraient confectionner eux-mêmes leurs vêtements, si la mode les voulait plus simples, sont obligés de s'adresser au tailleur s'ils désirent porter "ce qui se fait". Plus d'une jeune fille pauvre s'est privée de sous-vêtements chauds pour avoir une robe à la mode et en a payé le prix de sa vie. Plus d'une autre, convoitant le faste et l'élégance des riches, s'est engagée dans des sentiers malhonnêtes et honteux. Bien des maisons ont été privées de confort et beaucoup d'hommes ont été conduits à faire des détournements ou acculés à la faillite, pour avoir voulu satisfaire aux exigences extravagantes de leur femme ou de leurs enfants. MG 245 2 Que de mères, obligées de confectionner pour elles-mêmes ou pour leurs enfants des costumes à la mode, doivent s'imposer un labeur de tous les instants! Les nerfs irrités et les doigts tremblants, elles veillent tard pour ajouter à ces vêtements des ornements qui ne contribuent en rien à l'hygiène, au confort, ou à la beauté réelle. Elles sacrifient à la mode leur santé et la sérénité dont elles auraient tant besoin pour conduire sagement leurs enfants. L'éducation de l'esprit et du coeur est négligée; l'âme s'amoindrit. MG 245 3 La mère ainsi occupée n'a pas de temps à consacrer à de bonnes lectures, au développement physique de ses enfants, aux soins à donner à leur santé. Elle n'a pas le temps non plus de veiller à leurs besoins intellectuels et spirituels, de sympathiser avec eux dans leurs petites déceptions et leurs épreuves, ni de s'intéresser à ce qui les préoccupe. MG 246 1 Presque aussitôt après leur naissance, les enfants sont soumis à l'influence de la mode. Ils entendent parler de vêtements bien plus que de leur Sauveur. Ils voient leur mère consulter les journaux de mode avec plus d'empressement que la Bible. Le vêtement est considéré comme bien plus important que la formation du caractère. Parents et enfants se privent ainsi de ce qu'il y a de meilleur, de plus doux et de plus vrai dans la vie. L'amour de la mode les empêche de se préparer pour la vie à venir. MG 246 2 C'est l'ennemi de tout bien qui est l'instigateur de cette inconstance. Il se plaît à déshonorer Dieu en semant la douleur et la ruine; et l'un des moyens par lequel il réussit le mieux, c'est la mode qui affaiblit le corps, paralyse l'esprit et rapetisse l'âme. MG 246 3 Les femmes sont sujettes à de graves maladies, et leurs souffrances sont souvent augmentées par leur manière de se vêtir. Au lieu de prendre soin de leur santé pour faire face aux situations critiques où elles ne manqueront pas de se trouver un jour, non seulement elles gaspillent leurs forces par le mauvais emploi qu'elles en font, mais elles vont jusqu'à sacrifier non seulement leur santé mais aussi leur existence et lèguent à leurs enfants une mauvaise constitution, des habitudes perverties et une fausse conception de la vie. MG 246 4 L'un des articles les plus dispendieux et les plus mauvais de la mode est la jupe qui balaie le sol. Malpropre, mal commode, peu confortable et malsaine -- tout cela, et plus, est vrai de la jupe traînante. Elle est coûteuse, à la fois à cause de tout le tissu nécessaire pour sa confection et de l'usure par sa longueur. Quiconque a vu une femme ainsi vêtue, les mains encombrées de paquets, essayer de monter ou de descendre des escaliers, pénétrer dans un autobus, se frayer un chemin parmi la foule, marcher sous la pluie ou sur un chemin boueux, n'a pas besoin d'autre preuve pour être convaincu de son incommodité. MG 247 1 Une erreur grave que les femmes commettent souvent, c'est de faire supporter aux hanches tout le poids de leurs jupes. La pression ainsi exercée sur les organes tend à les faire descendre, affaiblissant l'estomac et produisant un sentiment de lassitude. Les épaules se voûtent, la poitrine se creuse et les poumons, comprimés, ne peuvent plus fonctionner normalement. MG 247 2 Ces dernières années, on a tellement parlé des dangers résultant de la compression de la taille que bien peu peuvent les ignorer; et cependant, le pouvoir de la mode est si grand que le mal continue, au grand dommage des femmes et des jeunes filles. Il est essentiel pour la santé que la poitrine ait de la place pour une expansion complète afin que les poumons puissent inspirer à fond. Lorsque les poumons sont comprimés, la quantité d'oxygène inhalé diminue. Le sang n'est pas suffisamment vivifié, et les déchets toxiques qui devraient être éliminés par les poumons sont retenus dans l'organisme. De plus, la circulation est entravée, et les organes internes sont tellement comprimés qu'ils se déplacent et ne peuvent fonctionner normalement. MG 247 3 Un corset serré n'embellit pas la silhouette. L'un des principaux éléments de la beauté physique est la symétrie, les proportions harmonieuses. Et le modèle parfait du développement physique ne se trouve pas dans les figurines des modistes françaises, mais dans la forme humaine développée selon les lois de Dieu dans la nature. Dieu est l'auteur de toute beauté, et ce n'est qu'en nous conformant à son idéal que nous approcherons de la norme de la véritable beauté. MG 247 4 Un autre mal que la mode favorise, c'est de trop couvrir certaines parties du corps, tandis que d'autres le sont insuffisamment. Les pieds et les jambes, éloignés des organes vitaux, devraient être particulièrement préservés du froid. Or, il est impossible de jouir d'une bonne santé lorsque les extrémités sont toujours froides, car le sang qui en repart va congestionner d'autres parties du corps. Une bonne santé exige une circulation parfaite, mais celle-ci ne peut être obtenue si le tronc est trois ou quatre fois plus vêtu que les membres. MG 248 1 Beaucoup de femmes sont nerveuses et s'usent prématurément parce qu'elles se privent du grand air qui purifierait leur sang, et de la liberté de mouvements qui le chasserait dans les veines, apportant ainsi santé, vie et énergie. Il en est qui ont contracté des troubles incurables ou sont mortes de tuberculose pulmonaire ou d'autres maladies, alors qu'elles auraient pu jouir de la santé jusqu'à la fin de leur vie, si elles s'étaient vêtues suivant les principes sanitaires et avaient vécu au grand air. MG 248 2 Un vêtement normal exige une étude attentive de chaque partie du corps. Le climat, les circonstances, l'état de santé, l'âge et l'occupation doivent tous être considérés. Il faut que chaque article de vêtement ait la taille voulue pour ne pas entraver la circulation du sang et laisser à la respiration une liberté complète et naturelle. Qu'il soit aussi assez ample pour suivre les mouvements des bras. MG 248 3 Les femmes dont la santé est chancelante acquerront une plus grande résistance en portant un vêtement convenable et en faisant de l'exercice en plein air, modérément d'abord, puis de manière progressive, dans la mesure où elles peuvent le supporter. Elles arriveront ainsi à recouvrer la santé, et à jouer leur rôle dans la société. Indépendantes de la mode MG 248 4 Au lieu de se tuer pour satisfaire aux exigences de la mode, que la femme ait le courage de s'habiller simplement et hygiéniquement. Plutôt que d'être l'esclave de son ménage, que la femme et mère prenne le temps de lire, de se tenir au courant de ce qui se passe, d'être une compagne pour son mari, de suivre le développement de l'intelligence de ses enfants et n'oublie pas de faire de son Sauveur un compagnon de chaque jour, un ami intime. Qu'elle se rende dans les champs avec ses petits, et apprenne à toujours mieux connaître Dieu par la beauté de ses oeuvres. MG 249 1 Qu'elle soit toujours joyeuse et vaillante. Les travaux quotidiens terminés, que la soirée soit consacrée à une agréable réunion de famille plutôt qu'à d'interminables travaux de couture ou de broderie. Ainsi, beaucoup d'hommes en viendront à préférer la société de leur famille à celle du cercle ou du café; plus d'un garçon sera préservé des mauvaises influences de la rue et plus d'une jeune fille, gardée des fréquentations frivoles et corruptrices. L'influence du foyer sera pour les parents et les enfants ce que Dieu désire qu'elle soit: une bénédiction pour toute la vie. ------------------------Chapitre 23 -- L'alimentation et la santé MG 250 1 Notre corps est constitué d'éléments renfermés dans la nourriture que nous absorbons. Nos tissus sont soumis à une usure constante; le moindre fonctionnement d'un organe produit une détérioration, et la réparation s'en effectue grâce à l'alimentation. Chaque organe requiert donc sa part de nutrition; le cerveau, les os, les muscles, les nerfs exigent chacun la leur. N'est-il pas merveilleux, ce procédé par lequel nos aliments sont transformés en sang, et ce sang employé à restaurer les tissus usés par le travail? Jour et nuit, inlassablement, il apporte la vie et la force à chaque nerf, à chaque muscle, à chaque tissu. Le choix des aliments MG 250 2 Les meilleurs aliments sont ceux qui fournissent les éléments nécessaires au corps. L'appétit ne saurait à lui seul guider ce choix, car il peut être perverti par de mauvaises habitudes. Il lui arrive souvent de réclamer des aliments qui nuisent à la santé et affaiblissent l'organisme au lieu de le fortifier. On ne peut davantage se fier aux coutumes de la société, car la maladie et la souffrance qui prévalent partout sont dues en grande partie aux erreurs populaires sur la manière de se nourrir. MG 250 3 Pour savoir quels sont les meilleurs aliments, il faut étudier le régime donné primitivement par Dieu à l'humanité. Celui qui a créé l'homme et connaît ses besoins avait indiqué à Adam comment il devait se nourrir. "Voici, avait-il dit, je vous donne toute herbe portant de la semence et qui est à la surface de toute la terre, et tout arbre ayant en lui du fruit d'arbre et portant de la semence: ce sera votre nourriture." Genèse 1:29. Chassé d'Eden pour gagner son pain en cultivant un sol maudit, l'homme reçut alors la permission de manger également "l'herbe des champs". Genèse 3:18. MG 251 1 Les céréales, les fruits, les oléagineux et les légumes sont donc les aliments choisis pour nous par notre Créateur. A l'état naturel ou apprêtés d'une manière très simple, ils constituent le régime le plus sain et le plus nourrissant. Ils donnent une force, une endurance et une vigueur physiques et intellectuelles qu'une nourriture plus compliquée et plus stimulante ne saurait jamais fournir. MG 251 2 Mais tous les aliments sains ne sont pas également bons dans n'importe quelle circonstance. Il faut les choisir, les adapter aux saisons, au climat dans lequel nous vivons et à nos occupations. Des aliments excellents à certaines saisons, ou sous certains climats, peuvent ne plus convenir dans d'autres conditions. De même, tel aliment qui sera pris avantageusement par ceux qui se livrent à un travail physique pénible ne convient pas aux personnes dont les occupations sont sédentaires ou intellectuelles. Dieu nous a donné une ample variété d'aliments sains, et chacun, guidé par l'expérience et le bon sens, doit choisir ceux qui s'adaptent le mieux à ses besoins. MG 251 3 La nature fournit en abondance des fruits, des oléagineux et des céréales, et d'année en année les produits de tous les pays sont mieux répartis, grâce aux facilités croissantes de transport. Il en résulte que beaucoup d'aliments considérés autrefois comme coûteux et luxueux sont aujourd'hui à la portée de tous. Tel est en particulier le cas des fruits secs et en conserve. MG 251 4 Les fruits oléagineux et leurs dérivés sont de plus en plus employés pour remplacer les aliments carnés; si on leur adjoint des céréales, des fruits et quelques racines, on obtient un régime sain et nourrissant. On doit veiller cependant à ne pas en consommer une trop grande quantité, et ceux qui les supportent mal en useront avec prudence. Il faut se souvenir aussi que certains d'entre eux sont meilleurs que d'autres; les amandes sont préférables aux arachides, mais celles-ci en quantité limitée et employées avec des céréales sont nourrissantes et digestibles. MG 252 1 Convenablement préparées, les olives, comme les noix, remplacent avantageusement le beurre et la viande. Elles contiennent une huile bien préférable à la graisse animale. L'huile d'olive est laxative: son emploi est favorable aux tuberculeux et peut guérir les estomacs irrités ou ulcérés. MG 252 2 Les personnes accoutumées à une nourriture riche et très stimulante ont le goût perverti, et ne peuvent au premier abord s'accommoder d'aliments simples. Il faut du temps pour que leur goût redevienne normal et que leur estomac se remette des abus dont il a souffert. Mais en persévérant dans l'emploi d'aliments sains, on finit par les apprécier et on y trouve plus de plaisir qu'aux friandises malsaines. L'estomac, exempt de toute inflammation et de tout surmenage, peut alors s'acquitter facilement de sa tâche. MG 252 3 Les besoins du corps exigent une quantité suffisante d'aliments sains et nourrissants. MG 252 4 Il est possible, avec un peu de prévoyance et de méthode, de se procurer en tous pays ce qui est le plus favorable à la santé. Le blé, le riz, le maïs et l'avoine, ainsi que les haricots, les pois et les lentilles s'expédient partout. En y ajoutant les fruits du pays ou de l'étranger, et les légumes qui croissent dans la localité, on a tout ce qu'il faut pour se passer de viande. MG 252 5 Partout où les fruits abondent, on doit en faire une provision pour l'hiver, en les mettant en bocaux ou en les faisant sécher. Les petits fruits, tels que les groseilles, les fraises, les framboises et les mûres, peuvent être cultivés avantageusement en bien des endroits où ils sont peu employés et où leur culture est négligée. MG 253 1 Pour la conservation des fruits, on utilisera les bocaux de préférence aux boîtes de fer-blanc; mais il est indispensable que ces fruits soient de bonne qualité. Employez peu de sucre et cuisez-les juste le temps nécessaire pour assurer leur conservation. Ainsi préparés, ils remplacent très bien les fruits frais. MG 253 2 Partout où l'on peut se procurer à des prix modérés des fruits secs, tels que raisins, pruneaux, pommes, poires, pêches et abricots, on trouvera avantageux de les utiliser en abondance dans l'alimentation quotidienne, et, pour assurer la santé et la vigueur, ils conviendront parfaitement aux travailleurs. MG 253 3 Une grande variété d'aliments au même repas incite à manger trop et expose à l'indigestion. MG 253 4 Il n'est pas bon de manger des fruits et des légumes au même repas. Pour ceux qui ont une digestion laborieuse, l'emploi de ces deux catégories d'aliments à la fois peut provoquer un embarras gastrique et rendre difficile tout effort cérébral. Il vaut mieux prendre les fruits à un repas et les légumes à un autre. MG 253 5 Variez vos menus. Que l'on ne voie pas sur votre table, repas après repas, et jour après jour, les mêmes plats, préparés de la même manière. L'organisme est mieux nourri si l'alimentation est variée. Préparation des aliments MG 253 6 S'il ne faut pas manger simplement par gourmandise, on ne doit pas non plus manifester de l'indifférence quant à la qualité des aliments et la manière de les préparer. Si ceux-ci ne sont pas pris avec plaisir, ils sont moins bien assimilés. Qu'ils soient donc choisis avec soin et apprêtés intelligemment. MG 254 1 La fine farine n'est pas la meilleure. Pour le pain, elle n'est ni saine ni économique. Le pain de fleur de farine manque des éléments nutritifs qui se trouvent dans le pain de farine complète; il est une cause fréquente de constipation et autres malaises. MG 254 2 Le bicarbonate de soude -- ou poudre-levure -- utilisé dans la fabrication du pain est nuisible; il irrite l'estomac et empoisonne souvent tout l'organisme. De nombreuses ménagères pensent qu'elles ne peuvent réussir un bon pain sans bicarbonate de soude, mais c'est une erreur. Si elles se donnaient la peine d'apprendre de meilleures méthodes, leur pain serait plus sain et plus savoureux pour un palais exercé. MG 254 3 Pour le pain levé, il ne faut pas remplacer l'eau par le lait. Celui-ci occasionne une dépense superflue et rend le pain moins sain. Le pain au lait s'aigrit plus facilement que le pain à l'eau et fermente plus rapidement dans l'estomac. MG 254 4 Il faut que le pain soit léger et l'on ne doit pas y tolérer le moindre soupçon d'aigreur. Que les miches soient petites et bien cuites, de manière que tous les germes du levain soient détruits. Consommé chaud ou frais, le pain levé se digère difficilement; il ne devrait jamais paraître sur la table. Il n'en est pas de même du pain sans levain. Les petits pains de farine de froment, sans levain, et cuits dans un four bien chaud, sont à la fois sains et savoureux. MG 254 5 Les céréales dont on fait les différentes sortes de bouillies devraient être cuites pendant plusieurs heures. Les aliments épais sont plus sains que les aliments liquides, parce qu'ils exigent plus de mastication. Les biscottes, ou pain cuit deux fois, sont très digestibles et très savoureuses. On peut aussi couper du pain ordinaire en tranches et les faire sécher au four jusqu'à ce qu'elles soient parfaitement sèches et dorées. Placé dans un endroit sec, ce pain peut être ainsi conservé bien plus longtemps que le pain ordinaire. Il suffit de le faire chauffer avant de le manger pour qu'il soit aussi frais que s'il venait d'être cuit. MG 255 1 On emploie généralement trop de sucre dans l'alimentation. Les gâteaux, les pâtisseries, les gelées, les confitures sont des causes fréquentes d'indigestion. Les crèmes composées d'oeufs, de lait et de sucre sont particulièrement nuisibles. Il faut éviter l'usage du lait et du sucre pris ensemble. MG 255 2 Si on emploie du lait, il doit être parfaitement stérilisé. Grâce à cette précaution, il offre moins de danger. Le beurre n'est pas aussi nuisible en tartines que dans les aliments, mais il vaudrait mieux en principe s'en passer tout à fait. Le fromage est encore plus sujet à caution. Il est tout à fait impropre à l'alimentation.* MG 255 3 Une nourriture insuffisante et des aliments mal cuits appauvrissent le sang et affaiblissent tout l'organisme. Ils créent un état maladif avec son cortège d'irritabilité et de nervosité. Les victimes d'une mauvaise cuisine sont légion. Sur bien des tombes on pourrait graver, en guise d'épitaphe: "Victime d'une mauvaise cuisine", ou "Décédé en raison des mauvais traitements infligés à son estomac". MG 255 4 Celles qui font la cuisine ont le devoir sacré d'apprendre à préparer les aliments d'une manière saine. Bien des âmes se perdent à cause d'une cuisine mal faite. Il faut réfléchir et avoir beaucoup de soin pour faire du bon pain. Mais il y a dans une miche de bon pain davantage de religion que beaucoup ne l'imaginent. En réalité, les bonnes cuisinières sont rares. Les jeunes filles considèrent la cuisine et les coins du ménage comme des corvées, et, pour cette raison, nombreuses sont celles qui se marient et deviennent maîtresses de maison sans avoir la moindre idée des devoirs qui leur incombent comme épouses et comme mères. MG 256 1 Cuisiner n'est pas une science inférieure; c'est au contraire l'une des plus importantes de la vie pratique. Toutes les femmes devraient l'approfondir, et il faudrait en adapter l'enseignement pour le bien des classes pauvres. Ce n'est pas facile de préparer des aliments appétissants et en même temps simples et nourrissants, mais on peut y arriver. Ils paraîtront d'autant plus savoureux et sains qu'ils auront été préparés avec plus de simplicité. MG 256 2 Que les ménagères qui ne savent pas faire une cuisine saine se décident à apprendre un art indispensable au bienêtre de leur famille. En maints endroits, des cours de cuisine leur permettraient de s'instruire dans cette branche. Celles qui n'auraient pas l'avantage de les suivre devraient se placer sous la direction d'une bonne cuisinière, jusqu'à ce qu'elles soient maîtresses de cet art. MG 256 3 Il est d'une importance capitale de prendre les repas à des heures régulières. Le repas terminé, on ne doit plus rien prendre jusqu'au suivant. Beaucoup mangent lorsque leur organisme n'a pas besoin de nourriture, à des intervalles irréguliers, ou entre les repas, parce qu'ils n'ont pas la force de volonté suffisante pour résister à cette inclination. Certaines personnes, lorsqu'elles voyagent, grignotent constamment quelque nourriture, ce qui est très préjudiciable à leur santé. Si, au contraire, elles prenaient régulièrement des aliments simples et nourrissants, elles ne se sentiraient pas si lasses et seraient moins souvent malades. MG 257 1 Une autre habitude néfaste consiste à manger au moment de se coucher, après les repas habituels. On ressent alors une certaine faiblesse, et on prend encore quelque nourriture. En s'écoutant ainsi, on contracte une habitude devenant si invétérée qu'il semble impossible de s'endormir sans avoir mangé. Le résultat de ces repas tardifs est que la digestion a lieu pendant le sommeil et que celui-ci est souvent troublé par des cauchemars; au matin, on s'éveille fatigué et sans appétit pour le petit déjeuner. Il faut que le travail de l'estomac soit terminé quand on se couche, car cet organe doit se reposer comme tout le reste du corps. Les soupers pris tard dans la nuit sont particulièrement nuisibles aux personnes sédentaires. Les troubles qu'ils engendrent sont souvent à l'origine d'une maladie mortelle. MG 257 2 Dans bien des cas, la faiblesse qui provoque le désir de manger avant de se coucher provient de ce que les organes digestifs ont été surmenés pendant la journée. Après avoir digéré un repas, ils ont besoin de repos. Cinq ou six heures au moins devraient s'écouler entre les repas. D'ailleurs, bien des personnes, après en avoir fait l'essai, trouvent que deux repas par jour valent mieux que trois. Habitudes à éviter MG 257 3 Les aliments ne devraient jamais être pris très chauds ou très froids. Pris froids, ils fatiguent l'estomac, qui doit les réchauffer avant que la digestion puisse avoir lieu. Les boissons froides sont également mauvaises pour la même raison, tandis que l'usage habituel de boissons chaudes est débilitant. En fait, plus on prend de liquide au repas plus la digestion est difficile, car le liquide doit être absorbé avant que celle-ci puisse commencer. N'employez pas trop de sel, évitez les conserves au vinaigre et les aliments épicés. Mangez du fruit en abondance, et l'irritation de l'estomac qui cause la soif pendant le repas disparaîtra presque entièrement. MG 258 1 Il faut manger lentement et bien mastiquer, afin que la salive pénètre les aliments et que les sucs digestifs puissent entrer en action. MG 258 2 C'est une grave erreur de manger après un exercice violent, lorsqu'on est épuisé ou en transpiration. Dès que l'on mange, les énergies nerveuses sont fortement mises à réquisition, de sorte que si l'esprit ou le corps est surmené immédiatement avant ou après le repas, la digestion est entravée. Lorsqu'on est excité, inquiet ou pressé, il vaut mieux ne pas manger avant d'avoir retrouvé le calme et le repos. MG 258 3 L'estomac est étroitement relié au cerveau. Lorsqu'il est malade, il appelle à son aide la force nerveuse de celuici. Si ses appels sont trop nombreux, le cerveau se congestionne. C'est pourquoi les travailleurs intellectuels qui manquent d'exercices physiques devraient veiller à n'user qu'avec sobriété même des aliments les meilleurs. Pendant les repas, oubliez les soucis et les anxiétés; ne soyez pas pressés, mangez tranquillement, avec joie et gratitude envers Dieu pour tous ses bienfaits. MG 258 4 Il en est beaucoup qui renoncent à la viande et à d'autres aliments malsains et s'imaginent que, leur nourriture étant simple et saine, ils peuvent satisfaire leur appétit sans restriction. C'est une erreur. Les organes digestifs ne doivent pas être surchargés d'aliments, si bons soient-ils; ils ne peuvent que partiellement les assimiler. MG 258 5 La coutume veut que les plats soient servis les uns après les autres. Ne sachant ce qui va suivre, il arrive qu'on mange à satiété d'un aliment qui n'est peut-être pas celui qui convient le mieux, et lorsque le dessert tentateur est apporté, on se permet souvent de dépasser les limites. Si tous les plats étaient mis sur la table au commencement du repas, chacun pourrait faire le choix qui lui convient. MG 259 1 Le résultat de la suralimentation se fait parfois sentir immédiatement. Mais dans certains cas, il y a absence de sensation douloureuse. Toutefois, les organes digestifs sont affaiblis, et les forces physiques, minées lentement. MG 259 2 Les excès alimentaires encombrent l'organisme et donnent naissance à un état maladif et fébrile. Ils attirent vers l'estomac une quantité anormale de sang, déterminant le refroidissement des extrémités et le surmenage des organes digestifs. Lorsque ceux-ci ont accompli leur tâche, il subsiste un sentiment de faiblesse et de langueur que l'on confond souvent avec la faim; mais cette sensation est due à l'état d'épuisement des organes en question. Un autre phénomène concomitant est parfois l'engourdissement du cerveau, et la répulsion pour tout effort mental ou physique. MG 259 3 Ces symptômes désagréables proviennent d'une dépense considérable de forces vitales nécessitée par une digestion laborieuse. L'estomac, fatigué à l'extrême, crie: "Donnezmoi du repos!" Mais ses appels sont souvent mal interprétés; on croit qu'il s'agit d'une demande de nourriture, et au lieu de le laisser en repos, on accroît encore sa tâche. Il en résulte que les organes digestifs sont épuisés alors qu'ils devraient pouvoir accomplir convenablement leur tâche. MG 259 4 On ne devrait pas préparer pour le sabbat une plus grande quantité ou une plus grande variété d'aliments que les autres jours. Au contraire, que ceux-ci soient plus simples, et que l'on mange moins, afin d'avoir l'esprit mieux disposé pour s'occuper de questions spirituelles. Un estomac surchargé implique un cerveau engourdi. On peut alors entendre les paroles les plus précieuses sans en profiter, parce que l'esprit est alourdi par une digestion difficile. En mangeant trop le sabbat, beaucoup se privent à leur insu des bienfaits qu'il apporte. MG 260 1 On évitera de faire la cuisine ce jour-là, mais il ne faut pas nécessairement manger froid. En hiver, les aliments préparés la veille doivent être réchauffés. Que les repas, bien que simples, soient appétissants et bien présentés. Dans les foyers où il y a des enfants, on mettra sur la table du sabbat un plat qui soit un régal et que la famille n'ait pas l'habitude de manger chaque jour. MG 260 2 Si l'on a contracté de mauvaises habitudes alimentaires, il ne faut pas tarder à les réformer. Lorsque les abus ont provoqué une dyspepsie, conservons les forces qui nous restent en évitant tout surmenage de l'estomac. Quand il a été maltraité trop longtemps, celui-ci ne peut plus se rétablir tout à fait; mais une alimentation convenable le préservera d'une plus grande faiblesse et réussira à l'améliorer. Il n'est pas facile de prescrire des règles s'adaptant à chaque cas, mais en se conformant aux principes d'une alimentation saine, de grands changements peuvent être opérés, et la cuisinière n'aura plus besoin de chercher constamment à exciter l'appétit. MG 260 3 La récompense de la sobriété dans l'alimentation, c'est la vigueur mentale et morale, ainsi que la maîtrise des passions mauvaises. La suralimentation est particulièrement nuisible aux tempéraments apathiques auxquels une nourriture frugale, associée à beaucoup d'exercices physiques, convient mieux. Des hommes et des femmes très bien doués n'accomplissent pas la moitié de ce qu'ils pourraient faire parce qu'ils ne savent pas dominer leur appétit. MG 260 4 Beaucoup d'écrivains et d'orateurs commettent l'erreur suivante: après un repas copieux, ils se mettent au travail, lisent, étudient ou écrivent sans se permettre un seul instant d'exercice physique. Il en résulte que les idées et les mots ne leur viennent que difficilement; ils n'arrivent pas à écrire ni à parler avec la force et l'intensité indispensables. Leurs efforts sont ternes et stériles. MG 261 1 Ceux qui ont d'importantes responsabilités, et surtout ceux qui veillent aux intérêts spirituels, devraient être des hommes à la perception aiguë et aux sentiments pénétrants. Plus que d'autres, ils doivent être tempérants dans le manger. Les aliments riches et succulents ne devraient pas se trouver sur leur table. MG 261 2 Des hommes qui occupent des postes de confiance ont à prendre chaque jour des décisions importantes. Appelés à agir rapidement, ils ne peuvent le faire que s'ils pratiquent une stricte tempérance. L'esprit se fortifie par l'exercice rationnel des énergies physiques et mentales. Si l'effort n'est pas trop épuisant, toute lassitude ressentie apporte une nouvelle vigueur. Mais souvent ceux qui sont appelés à prendre des décisions urgentes sont influencés défavorablement par une alimentation défectueuse. Un estomac malade rend l'esprit confus, indécis, souvent irritable, dur et injuste. Beaucoup d'oeuvres qui auraient été pour le monde une bénédiction ont dû être abandonnées, et plus d'une mesure injuste, oppressive et cruelle a été prise à cause d'un état morbide qui était la conséquence de mauvaises habitudes alimentaires. MG 261 3 Voici un conseil pour tous ceux qui se livrent à un travail sédentaire et surtout mental; que ceux qui possèdent suffisamment de courage moral et d'empire sur eux-mêmes en fassent l'essai: A chaque repas, ne prenez que deux ou trois sortes d'aliments simples, et ne mangez pas plus qu'il ne faut pour apaiser votre faim. Ajoutez à cela, chaque jour, de l'exercice, et voyez si vous ne vous en trouvez pas bien. MG 261 4 Les ouvriers, occupés à un travail physique épuisant, ne sont pas obligés d'être aussi attentifs à la quantité et à la qualité de leurs aliments que les personnes aux habitudes sédentaires, mais ils n'en jouiraient pas moins d'une meilleure santé s'ils prenaient l'habitude de se dominer dans le manger et le boire. MG 261 5 Certains demandent parfois qu'on leur prescrive exactement le régime qu'ils doivent suivre. Ce sont surtout ceux qui se suralimentent, puis le regrettent, en sorte qu'ils pensent constamment au manger et au boire. Mais nul ne peut, sur un sujet semblable, faire la loi aux autres. Chacun doit utiliser son bon sens et se conformer aux principes de l'hygiène, tout en s'efforçant de se contrôler soi-même. MG 262 1 Notre corps appartient au Christ qui l'a racheté. Nous ne sommes pas libres d'en disposer. Tous ceux qui connaissent les lois de la santé doivent comprendre que l'obéissance à ces lois est un devoir impérieux. C'est nous qui subissons la peine de notre désobéissance, et c'est nous qui devrons rendre compte à Dieu de nos habitudes et de nos manières d'agir. La question que nous avons à nous poser n'est pas: "Quelle est la coutume du monde?" mais bien: "Comment, en tant qu'individu, traiterai-je mon corps, la demeure que le Seigneur m'a donnée?" ------------------------Chapitre 24 -- La viande comme aliment MG 263 1 Au commencement, le régime prescrit à l'homme ne comportait aucun aliment d'origine animale. Ce n'est qu'après le déluge, alors que toute végétation était détruite, que l'homme reçut la permission d'en faire usage. MG 263 2 En assignant à l'homme sa nourriture en Eden, le Seigneur lui indiquait quelle sorte d'aliments lui convenait le mieux. Plus tard, il donna dans le désert une leçon semblable au peuple d'Israël. Lorsqu'il le fit sortir du pays d'Egypte, son dessein était d'en faire un peuple particulier. Pour que celui-ci fût en exemple et en bénédiction au monde, il lui fournit l'aliment le mieux adapté au but à atteindre: non pas la viande, mais la manne, le "pain du ciel". C'est à cause du mécontentement et des murmures des Israélites qui se souvenaient des "potées de viande" d'Egypte, que la nourriture animale leur fut accordée. Mais pour très peu de temps seulement, car son usage amena la maladie et la mort à des milliers d'entre eux. Cependant, l'alimentation non carnée ne fut jamais acceptée de bon coeur. Elle continua à provoquer des plaintes, ouvertes ou cachées, et ne fut pas maintenue de façon permanente. MG 263 3 Une fois en Canaan, les Israélites reçurent la permission de manger de la viande, mais avec des restrictions pour en diminuer les conséquences fâcheuses. Le porc fut interdit ainsi que d'autres mammifères, oiseaux et poissons, déclarés impurs. La graisse et le sang furent aussi strictement défendus. MG 264 1 Les bêtes dont il était permis de consommer la chair devaient être saines. Aucun animal déchiré, aucun animal ayant péri de mort naturelle ou qui n'avait pas été vidé entièrement de son sang ne pouvait servir de nourriture. MG 264 2 En s'écartant des directions divines touchant leur manière de se nourrir, les Israélites s'exposèrent à de sérieux préjudices. Ayant désiré une alimentation carnée, ils durent en subir les conséquences. Ils ne parvinrent pas au caractère idéal que Dieu leur avait proposé, et n'accomplirent pas ses desseins. Le Seigneur "accorda ce qu'ils demandaient; puis il envoya le dépérissement dans leur corps". Psaumes 106:15. Ils firent passer les choses terrestres avant les choses spirituelles, et n'arrivèrent pas à la prééminence sacrée que Dieu voulait leur accorder. Raisons d'écarter la viande MG 264 3 Ceux qui consomment de la viande absorbent en réalité -- mais de seconde main -- les éléments contenus dans les céréales et les légumes, puisque l'animal s'en nourrit. La vie des céréales et des légumes passe dans l'animal, et nous la recevons en mangeant la chair de l'animal. Ne serait-il pas préférable de prendre directement cette vie dans les aliments que Dieu nous a destinés? MG 264 4 La viande n'a jamais été le meilleur aliment, mais elle est doublement sujette à caution depuis que la maladie chez les animaux est devenue si fréquente. Ceux qui suivent un régime carné ne se rendent pas compte de ce qu'ils mangent. S'ils pouvaient voir l'animal vivant et connaître la qualité de sa chair, ils s'en détourneraient souvent avec dégoût. C'est en consommant de la viande, remplie de germes de la tuberculose et du cancer, que ces maladies, et d'autres également dangereuses, se contractent. MG 264 5 Les tissus du porc fourmillent de parasites. Dieu dit de cet animal: "Vous le regarderez comme impur. Vous ne mangerez pas leur chair et vous ne toucherez pas leurs corps morts." Deutéronome 14:8. Ce commandement fut donné parce que la viande de porc est impropre à l'alimentation. Les porcs ont été créés pour nous débarrasser des immondices. Leur viande n'a jamais été destinée à servir de nourriture à l'homme. Il est impossible que la chair d'un animal qui vit dans la saleté et se nourrit de détritus soit saine. MG 265 1 Il arrive fréquemment que le propriétaire d'animaux malades, craignant de les perdre s'il les garde plus longtemps, les conduise au marché où ils sont vendus pour la boucherie. C'est parfois le moyen employé pour engraisser ces animaux qui les rend malades. Privés à la fois de lumière et d'air pur, respirant l'atmosphère empestée des étables, nourris peut-être d'aliments en décomposition, ils ne tardent pas à être contaminés dans tout leur organisme. MG 265 2 Souvent, les animaux sont amenés de loin au marché et souffrent le martyre avant d'y arriver. Pris dans de verts pâturages, ils sont entassés dans des wagons et privés d'eau et de nourriture pendant de longues heures. Enfiévrées, épuisées, ces pauvres bêtes sont conduites à la mort, et les hommes se régalent de leur cadavre. MG 265 3 En maints endroits, les poissons vivant dans une eau polluée par les égouts des grandes villes deviennent, pour ceux qui les consomment, une cause de maladie. Même s'ils se rendent plus loin et sont pêchés en eau pure, ils risquent de rendre malades et de causer la mort de gens qui ne suspectent pas le danger. MG 265 4 Les effets de l'usage de la viande peuvent ne pas apparaître immédiatement, mais ce n'est pas une preuve de la non-toxicité de l'alimentation carnée. Bien peu de personnes en arrivent à croire que la viande qu'ils ont consommée a vicié leur sang et causé leurs souffrances. Beaucoup meurent de maladies dues entièrement à un régime carné sans que personne songe à incriminer ce dernier. MG 266 1 Les méfaits de la viande ne sont pas moindres au point de vue moral que physique. Tout ce qui nuit au corps nuit également à l'esprit et à l'âme. Pensez à la cruauté envers les animaux qu'implique l'usage de la viande, à ses effets sur ceux qui l'infligent et sur ceux qui en sont témoins. Qu'advient-il de la tendresse que nous devrions avoir pour ces créatures de Dieu? MG 266 2 L'intelligence dont font preuve beaucoup de bêtes se rapproche tellement de celle des êtres humains qu'elle est pour nous un mystère. Les animaux voient, entendent, aiment. Ils connaissent la peur, la souffrance et font un usage plus judicieux de leurs organes que beaucoup d'êtres humains. Ils sympathisent aux douleurs de leurs compagnons et témoignent à ceux qui prennent soin d'eux une affection bien supérieure à celle dont font preuve certains hommes. Leur attachement à leur maître ne peut être brisé qu'au prix de grandes souffrances. MG 266 3 Quel est l'homme de coeur qui, après avoir pris soin de quelque animal domestique et lu dans son regard la confiance et l'affection, voudrait ensuite le livrer au couteau du boucher? Comment trouver du plaisir à manger sa chair? MG 266 4 C'est une erreur de croire que la force musculaire dépend de la viande. Les besoins de l'organisme seront mieux satisfaits, on jouira d'une meilleure santé sans en faire usage. Les céréales, les fruits, les oléagineux et les légumes contiennent tous les éléments nutritifs nécessaires à la formation d'un sang généreux. Ces éléments ne sont pas aussi bien ou aussi complètement fournis par une alimentation carnée. Si la viande donnait la force et la santé, la chair des animaux aurait été incluse dans le régime originel de l'homme. MG 266 5 Lorsqu'on abandonne l'usage de la viande, on éprouve souvent un sentiment de faiblesse, un manque de vigueur. Beaucoup voient là une indication de l'absolue nécessité d'une alimentation carnée; mais c'est bien plutôt la preuve que la viande est un stimulant, qu'elle enfièvre le sang et excite les nerfs. Il est aussi difficile à certains de l'abandonner qu'il ne l'est au buveur de délaisser la boisson; mais en persévérant, ils verront que ce changement est pour leur bien. MG 267 1 Lorsqu'on renonce à la viande, il faut la remplacer par une variété de céréales, d'oléagineux, de légumes et de fruits nourrissants et appétissants. Cela est particulièrement nécessaire pour les personnes faibles ou surmenées. Dans certaines contrées pauvres, la viande est l'aliment le meilleur marché Un changement d'habitudes y sera donc plus difficile, mais non impossible. Il faut toutefois avoir égard à la situation des gens et à la force d'une habitude qui a duré toute une vie, et se garder d'insister sur une idée, si juste soit-elle. Nul ne doit être sollicité de changer de régime brusquement. Il faut pouvoir remplacer la viande par des aliments sains et d'un prix modique. C'est de la cuisinière que dépend, en grande partie, la solution du problème. Avec application et adresse, elle peut préparer des mets nutritifs et appétissants, remplaçant en grande partie la viande. MG 267 2 Dans tous les cas, l'éducation de la conscience, l'affermissement de la volonté, l'emploi d'aliments sains et savoureux opéreront le changement sans peine et feront disparaître le besoin de se nourrir de chair. MG 267 3 Le temps n'est-il pas venu où chacun devrait se passer de viande? Comment ceux qui aspirent à la pureté et à la sainteté, afin de vivre un jour en la compagnie des anges, peuvent-ils continuer à se nourrir d'un aliment qui exerce sur l'esprit et sur le corps un effet aussi pernicieux? Comment peuvent-ils ôter la vie à des créatures de Dieu pour se délecter de leur chair? Qu'ils reviennent plutôt aux aliments sains et délicieux donnés à nos premiers parents, qu'ils pratiquent la compassion envers les animaux que le Seigneur a créés et placés sous la domination de l'homme, et qu'ils enseignent à leurs enfants à faire de même. ------------------------Chapitre 25 -- Les extrêmes dans l'alimentation MG 268 1 Tous ceux qui font profession d'adhérer à la réforme alimentaire ne sont pas pour cela de vrais réformateurs. Pour beaucoup, cette réforme consiste simplement à écarter certains aliments malsains. Ils n'ont pas une juste conception des principes de la santé, et leurs tables, encore chargées de friandises indigestes, sont loin d'être un modèle de tempérance chrétienne et de modération. MG 268 2 D'autres, voulant montrer l'exemple, versent dans l'extrême opposé. Ne pouvant se procurer les meilleurs aliments, au lieu de les remplacer le mieux possible, ils adoptent un régime déficitaire qui ne leur apporte pas les éléments nécessaires à la formation d'un sang généreux. Leur santé en pâtit, leur activité est compromise, et leur exemple témoigne plutôt contre la réforme qu'en sa faveur. MG 268 3 D'autres encore pensent que la santé exigeant une nourriture simple, il n'est pas nécessaire de choisir et de préparer des aliments avec soin. Se restreignant à une alimentation très sommaire et ne présentant pas une variété d'éléments nutritifs suffisante pour répondre aux besoins du corps, ils en subissent les conséquences. MG 268 4 Les gens qui n'ont qu'une idée imparfaite des principes de la réforme sanitaire sont souvent les plus tenaces, non seulement à maintenir leur point de vue, mais à chercher à l'imposer à leur famille et à leurs amis. Cette réforme tronquée a des effets désastreux sur leur santé; leurs efforts pour la faire adopter donnent à beaucoup une fausse idée de la réforme alimentaire et les amènent à la rejeter complètement. MG 269 1 Ceux qui ont vraiment compris les lois de la santé et qui se laissent diriger par les bons principes évitent les extrêmes, indulgence et restriction. Ils choisissent leurs aliments non seulement pour satisfaire leur appétit mais pour fortifier leur corps. Ils cherchent à maintenir toutes leurs énergies dans le meilleur état possible pour les mettre au service de Dieu et de leurs semblables. Leur appétit est contrôlé par la raison et la conscience, et il en résulte la santé du corps et de l'esprit. Et s'ils ne font pas une grande propagande, leur exemple n'en rend pas moins témoignage en faveur de leurs principes. Ils exercent autour d'eux une heureuse influence. MG 269 2 Il y a beaucoup de bon sens dans la réforme alimentaire. Etudions ce sujet à fond. Et d'abord, nul ne doit se permettre de critiquer ceux dont la manière de faire n'est pas en tous points en harmonie avec la sienne. On ne peut établir une règle invariable pour chacun, et personne n'a le droit de se croire le critère auquel les autres doivent se conformer. Tous ne peuvent manger les mêmes mets; des aliments sains et appétissants pour certains sont désagréables et même nuisibles pour d'autres. D'aucuns ne peuvent supporter le lait, alors qu'il réussit très bien à d'autres. Il en est qui ne digèrent pas les pois et les haricots, tandis que d'autres s'en trouvent très bien. Pour les uns, les préparations de céréales à l'état naturel sont excellentes; d'autres ne peuvent en faire usage. MG 269 3 Ceux qui vivent dans les pays pauvres, où les fruits sont rares, ne devraient pas exclure de leur régime les oeufs et le lait. En revanche, les personnes fortes et de tempérament sanguin supprimeront les aliments stimulants. Les oeufs, en particulier, seront évités dans les familles où les enfants ont des tendances à la sensualité. Mais les personnes dont le sang est appauvri ne devraient pas écarter entièrement le lait et les oeufs, surtout s'il ne leur est pas possible de se procurer d'autres aliments également riches en éléments nutritifs. Il faut prendre soin cependant d'obtenir du lait de vaches bien portantes et des oeufs de poules bien nourries et bien soignées. Ceux-ci devraient êtres cuits de la manière qui les rend le plus digestibles. MG 270 1 La réforme alimentaire doit être progressive. A mesure que les maladies des animaux augmentent, l'usage des oeufs et du lait devient de plus en plus sujet à caution. Il faut s'efforcer de les remplacer par d'autres aliments sains et bon marché. Chacun devrait, autant que possible, savoir faire la cuisine sans lait et sans oeufs, mais en veillant toutefois à ce que les aliments soient sains et de bon goût. MG 270 2 La méthode de prendre deux repas par jour est généralement favorable à la santé. Cependant, certaines personnes ont besoin d'un troisième repas. Celui-ci devrait être très léger. Les biscuits secs, les biscottes, les fruits ou le café de céréales torréfiées sont les meilleurs aliments pour le repas du soir. MG 270 3 D'aucuns vivent sans cesse dans l'appréhension que leurs aliments, quelque simples et sains qu'ils soient, ne leur fassent mal. Je leur dirai: N'ayez pas cette crainte; détournez vos pensées de ce sujet. Mangez selon les directives de votre meilleur jugement. Après avoir demandé à Dieu de bénir votre nourriture, croyez qu'il a entendu votre prière, et soyez en paix. MG 270 4 Les principes de la santé exigent que nous bannissions de notre table tout ce qui est de nature à irriter l'estomac et à nuire à la santé; mais souvenons-nous qu'une alimentation insuffisante appauvrit le sang. Des cas de maladies très difficiles à guérir peuvent en résulter. L'organisme n'étant pas suffisamment nourri, une débilité générale et la dyspepsie s'ensuivent. Ceux qui s'alimentent insuffisamment n'y sont pas toujours contraints par pauvreté; ils le font souvent par ignorance, par négligence, ou pour obéir à leurs idées erronées de réforme. MG 271 1 Dieu n'est pas honoré lorsque nous négligeons notre corps ou que nous lui imposons des excès, nous rendant ainsi incapables de le servir. Prendre soin du corps en lui fournissant des aliments savoureux et nourrissants est un des premiers devoirs de la maîtresse de maison. Mieux vaut dépenser moins pour les vêtements et l'ameublement que d'économiser sur la nourriture. MG 271 2 Quelques maîtresses de maison rationnent leur famille aux repas afin de pouvoir offrir à leurs visiteurs un menu dispendieux. Comme c'est peu sage! Apprenons à recevoir avec plus de simplicité, et à pourvoir avant tout aux besoins des nôtres. Une économie irréfléchie et des coutumes artificielles empêchent souvent d'exercer l'hospitalité lorsqu'elle serait nécessaire et bénie. Il faut que nos tables soient suffisamment garnies pour que le visiteur inattendu n'impose pas à la maîtresse de maison un travail supplémentaire. MG 271 3 Tout le monde devrait apprendre ce qu'il faut manger et comment le préparer. Les hommes aussi bien que les femmes ont besoin de savoir préparer les aliments d'une manière simple et saine. Leur travail les appelle souvent en des lieux où ils ne peuvent obtenir une nourriture saine; leur connaissance de l'art culinaire leur permettrait alors de se tirer d'affaire. MG 271 4 Accordez une grande attention à votre alimentation. Allez de la cause à l'effet; maintenez l'appétit sous le sceptre de la raison. Ne malmenez pas votre estomac en mangeant trop, mais ne vous privez pas des aliments sains et nécessaires à la santé. MG 271 5 Les idées étroites de quelques soi-disant réformateurs ont fait un grand tort à la cause de l'hygiène. Que les hygiénistes se souviennent que la réforme alimentaire sera jugée surtout par ce qui paraît sur leurs tables. Au lieu de discréditer leurs principes par leur comportement à cet égard, ils devraient les mettre en pratique de manière à se recommander eux-mêmes aux esprits sincères. Nombreuses sont les personnes qui s'opposeront toujours à une réforme quelconque, même raisonnable, si elles doivent, pour s'y conformer, se priver de ce qu'elles aiment. Elles satisfont leurs goûts au lieu de consulter la raison ou les lois de la santé, et traitent de fanatiques tous ceux qui abandonnent les sentiers battus de la coutume et se font les avocats d'une réforme, aussi justifiée soit-elle. Pour que ces personnes n'aient aucune raison de critiquer, on ne devrait pas chercher à se montrer entièrement différent d'elles, mais plutôt à s'en rapprocher le plus possible sans toutefois sacrifier ses principes. MG 272 1 Si les défenseurs de la réforme sanitaire tombent dans les extrêmes, ne nous étonnons pas si beaucoup de ceux qui les considèrent comme des représentants des principes diététiques rejettent entièrement la réforme. Ces extrêmes font souvent plus de mal en peu de temps que n'en peut réparer toute une vie exemplaire. MG 272 2 La réforme sanitaire est basée sur des principes larges et à longue portée; ne la rapetissons pas par des vues et des pratiques étroites. Que nul ne s'en laisse détourner par l'opposition, le ridicule ou le désir d'influencer ou de faire plaisir à quiconque. Ceux qui sont guidés par des principes suivront le droit sentier d'une manière ferme et décidée, tout en manifestant un esprit généreux, chrétien et modéré. ------------------------Chapitre 26 -- Stimulants et narcotiques MG 273 1 On classe sous le nom de stimulants et de narcotiques une grande variété de produits qui, employés comme aliments ou boissons, irritent l'estomac, empoisonnent le sang et excitent les nerfs. Leur usage comporte un réel danger. On recherche l'excitation des stimulants parce que l'on s'en trouve bien tout d'abord. Mais une réaction se produit toujours. Ils conduisent naturellement aux excès, et constituent un agent actif de dégénérescence physique. Les condiments MG 273 2 En notre siècle de vitesse, moins les aliments seront excitants, mieux cela vaudra. Les condiments sont nuisibles. La moutarde, les épices, le poivre, le vinaigre, les conserves au vinaigre et les produits similaires irritent l'estomac et échauffent le sang. On présente souvent l'inflammation de l'estomac d'un buveur pour montrer l'effet des boissons alcoolisées. L'action des condiments a le même résultat. Leur usage fait que bientôt les aliments ordinaires ne satisfont plus l'appétit, et que l'organisme exige quelque chose qui soit encore plus excitant. Le thé et le café MG 273 3 Le thé est un stimulant et produit même un certain degré d'ivresse. Le café et d'autres breuvages de même nature sont identiques. On éprouve d'abord une certaine euphorie. Les nerfs de l'estomac sont excités, et cette excitation se transmet au cerveau qui, à son tour, la communique au coeur. Ce dernier bat plus rapidement, et tout l'organisme en reçoit une impulsion réelle, bien que passagère. On oublie la fatigue, les forces semblent revenir; l'esprit se ranime, et l'imagination devient plus vive. MG 274 1 Devant de semblables résultats, il en est beaucoup qui croient que le thé ou le café leur font le plus grand bien. Mais c'est une erreur. Ces boissons ne sont pas nourrissantes, car leur effet se produit avant le temps nécessaire à la digestion et à l'assimilation. Ce qui semble être de la force n'est qu'une excitation nerveuse. Lorsque l'effet du stimulant cesse, cette prétendue force disparaît, et l'on ressent de la lassitude et de la langueur. MG 274 2 L'usage continuel de ces breuvages épuise les forces vitales et produit de nombreux malaises: maux de tête, insomnies, palpitations, indigestions, tremblements, etc. Les nerfs fatigués ont besoin de repos plutôt que d'excitation et de surmenage. Il faut à la nature un certain temps pour récupérer ses énergies épuisées. Aiguillonné par l'usage des excitants, l'organisme accomplit davantage pendant un certain temps. Mais, une fois affaibli, il lui est très difficile d'arriver au résultat désiré. Le besoin de stimulants devient de plus en plus irrésistible, et la volonté ne tarde pas à capituler devant la passion. Il faut des doses toujours plus fortes pour produire l'effet voulu, jusqu'au jour où, exténué et incapable d'effort, l'organisme cesse d'agir. Le tabac MG 274 3 Le tabac est un poison lent, insidieux, mais très nuisible. Sous quelque forme qu'on l'emploie, il ébranle la constitution. Il est d'autant plus dangereux que ses effets sont lents et tout d'abord à peine perceptibles. Il excite, puis paralyse les nerfs, affaiblit le cerveau et obscurcit la pensée. Il affecte souvent les nerfs d'une manière plus radicale que les boissons enivrantes. Il est plus subtil, et ses effets sont difficiles à combattre. Il provoque le besoin des boissons fortes, et, dans de nombreux cas, conduit à l'alcoolisme. MG 275 1 L'usage du tabac est une habitude mauvaise et coûteuse, malpropre pour celui qui s'y adonne et incommode pour ceux qui l'entourent. Il a partout ses fidèles, et il est rare de se trouver dans une foule sans qu'un fumeur ne vous envoie au visage son haleine empoisonnée. Il est gênant et malsain de rester dans un wagon de chemin de fer ou dans une pièce dont l'atmosphère est chargée de fumée de tabac à laquelle vient parfois s'ajouter le relent des liqueurs. Si des hommes persistent à employer ces poisons, de quels droits se permettent-ils de vicier l'air que d'autres doivent respirer? MG 275 2 Chez les enfants et les jeunes gens l'usage du tabac cause un mal incalculable. Ils en sont tout particulièrement affectés. Les parents leur lèguent la débilité mentale, la faiblesse physique, le désordre des nerfs, et des besoins contraires à la nature. Ces mauvaises pratiques, continuées par les enfants, en augmentent et en perpétuent les déplorables conséquences. C'est à cela qu'il faut attribuer en grande partie la dégénérescence physique, mentale et morale qui devient aujourd'hui si alarmante. MG 275 3 De petits garçons commencent très tôt à fumer. L'habitude prise, alors que l'esprit et le corps sont particulièrement sensibles à l'effet du tabac, nuit à la croissance, sape la vitalité, alourdit l'esprit et abaisse le niveau moral. MG 275 4 Que faire pour mettre en garde les enfants et les jeunes gens contre les méfaits d'une coutume dont leurs parents, leurs maîtres et le clergé même leur donnent l'exemple? De tout jeunes garçons ont déjà la cigarette à la bouche, et si on leur fait quelques remarques, ils répondent: "Mon père fume bien!" ou, désignant le pasteur ou le directeur de l'école du dimanche: "Ces gens fument: quel mal y a-t-il à les imiter?" Beaucoup parmi ceux qui s'occupent de tempérance sont adonnés à l'usage du tabac. Comment peuvent-ils enrayer les progrès de l'intempérance? MG 276 1 Je fais appel à ceux qui prétendent se conformer à la Parole de Dieu. En tant que chrétiens, pouvez-vous vous permettre une habitude qui paralyse votre intelligence et vous empêche d'estimer à leur juste valeur les réalités éternelles? Pouvez-vous consentir à priver journellement Dieu de vos services, et votre prochain de l'exemple que vous devez lui donner? MG 276 2 Avez-vous pensé à vos responsabilités en tant qu'économes de Dieu, aux moyens qu'il a placés entre vos mains? Quelle proportion de l'argent que le Seigneur vous confie consacrez-vous habituellement à votre tabac? Combien avez-vous ainsi dépensé depuis que vous avez commencé à fumer? Comparée à cette somme, quelle est celle que vous avez donnée aux pauvres ou consacrée à la propagation de l'Evangile? MG 276 3 Nul être humain n'a besoin de tabac. Mais des multitudes périssent qu'on aurait pu sauver par l'emploi judicieux de l'argent qui y a été consacré. N'avez-vous pas fait un mauvais usage des biens que Dieu vous avait accordés? Ne le dérobez-vous pas, ainsi que votre semblable? Ne savez-vous pas que "vous ne vous appartenez point à vous-mêmes", que "vous avez été rachetés à un grand prix", et que vous devez glorifier "Dieu dans votre corps et dans votre esprit, qui appartiennent à Dieu"? 1 Corinthiens 6:19, 20. MG 276 4 Le vin est moqueur, les boissons fortes sont tumultueuses; Quiconque en fait excès n'est pas sage. MG 276 5 Pour qui les ah? pour qui les hélas? Pour qui les disputes? pour qui les plaintes? Pour qui les blessures sans raison? pour qui les yeux rouges? Pour ceux qui s'attardent auprès du vin, Pour ceux qui vont déguster du vin mêlé. Ne regarde pas le vin qui paraît d'un beau rouge, Oui fait des perles dans la coupe. Et qui coule aisément. Il finit par mordre comme un serpent, Et par piquer comme un basilic. Proverbes 20:1; 23:29-32. MG 277 1 Jamais main humaine n'a brossé un aussi vivant tableau de l'avilissement et de l'esclavage des victimes de l'alcool. Asservies, dégradées, même lorsqu'elles comprennent leur misère, elles n'ont pas la force de briser leurs chaînes. "J'en veux encore", disent-elles. Verset 35. MG 277 2 Il n'est pas besoin d'arguments pour montrer les effets pernicieux de l'alcool sur les buveurs. On voit partout ces infortunés aux yeux rouges, à l'air hébété, ces âmes pour lesquelles le Christ est mort, qui font verser des larmes aux anges, et sont de tristes épaves. Ce sont des taches dans notre civilisation orgueilleuse. Elles sont la honte, la malédiction et le péril de tous les pays. MG 277 3 Qui peut dépeindre la misère, l'angoisse, le désespoir qui se cachent dans le foyer de l'ivrogne? Pensez à la femme, souvent intelligente, parfois cultivée, unie à un homme que la boisson transforme en démon. Songez aux enfants, privés de confort et d'éducation, vivant dans la terreur de celui qui devrait être leur soutien et leur joie, et lancés dans le monde avec les stigmates de la honte ou la tare héréditaire du buveur. MG 277 4 Pensez aux accidents effrayants qui se produisent chaque jour, dus à la boisson. C'est un employé de chemin de fer qui néglige un signal ou comprend mal un ordre: une collision se produit, fauchant de nombreuses vies humaines. Ou c'est un navire qui fait naufrage et se perd corps et biens. En recherchant les causes de l'accident, on découvre presque toujours qu'un homme placé à un poste important était sous l'influence de l'alcool. Peut-on se permettre de boire ainsi lorsque l'on porte la responsabilité de nombreuses vies humaines? Ce n'est qu'en ceux qui s'abstiennent de toute boisson enivrante qu'il est possible de se confier. Les autres intoxicants MG 278 1 Ceux qui ont un penchant pour les stimulants ne devraient jamais avoir sous les yeux ou à leur portée ni vin, ni bière, ni cidre. Ce serait les induire en tentation. Il en est beaucoup qui considèrent le cidre doux comme inoffensif, et ne se font aucun scrupule de s'en procurer. Mais il ne reste doux que très peu de temps et ne tarde pas à fermenter. Le goût piquant qu'il acquiert alors plaît à certains palais; celui qui en boit admet difficilement qu'il soit fermenté. MG 278 2 On met sa santé en danger en employant du cidre doux selon la méthode ordinaire. Si les gens pouvaient voir au microscope ce que contient celui dont ils font usage, bien peu voudraient en goûter. Les fabricants emploient souvent des pommes véreuses ou pourries. Ceux qui ne consentiraient à aucun prix à se servir de ces fruits d'une autre manière, en boivent le jus et le trouvent délicieux. Mais le microscope révèle que, même au sortir du pressoir, donc avant que la fermentation ait commencé, ce breuvage si agréable est impropre à la consommation. MG 278 3 Le vin, la bière et le cidre intoxiquent aussi réellement que les boissons fortes. Leur usage fait naître le goût pour des alcools plus forts, et c'est ainsi que se contracte l'habitude de boire des liqueurs. L'usage modéré des boissons fermentées est l'école où se forment les ivrognes. L'influence de ces breuvages est si insidieuse que leurs victimes s'engagent dans le chemin de l'alcoolisme avant même d'en avoir soupçonné le danger. MG 278 4 Bien que n'étant jamais considérés comme vraiment ivres, certains buveurs sont toujours sous l'influence des boissons fermentées. Ils sont fiévreux, instables, mal équilibrés, se croient sûrs d'eux-mêmes. Ils persévèrent dans leur manière de faire, jusqu'à ce qu'ils ne connaissent plus de retenue et sacrifient les principes les plus respectables. Les meilleures résolutions sont alors sans force, et les considérations les plus nobles sont incapables de soumettre la passion au contrôle de la raison. MG 279 1 Nulle part la Bible ne sanctionne l'usage du vin fermenté. L'eau que Jésus changea en vin aux noces de Cana était le pur jus de raisin. C'était ce "jus de la grappe" dont l'Ecriture dit: "Ne la détruis pas, car il y a là une bénédiction!" Ésaïe 65:8. MG 279 2 C'est l'esprit du Christ qui donna cet avertissement aux Israélites: "Le vin est moqueur, les boissons fortes sont tumultueuses; quiconque en fait excès n'est pas sage." Proverbes 20:1. Jésus n'en fournit jamais. Satan entraîne les hommes vers des plaisirs qui obscurcissent la raison et le sens moral, mais le Christ nous enseigne à nous maîtriser. Il ne place jamais devant les hommes ce qui pourrait être un objet de tentation. Sa vie tout entière fut un exemple d'abnégation. Lors de son jeûne de quarante jours, il se soumit à la plus terrible épreuve que puisse endurer l'homme, et cela pour briser la puissance de l'appétit. C'est l'esprit du Sauveur qui fit prescrire à Jean-Baptiste de ne boire ni vin, ni boisson enivrante. Le même esprit fit une recommandation semblable à la femme de Manoach. Jésus n'a jamais contredit ses enseignements. Le vin non fermenté qu'il fit aux noces de Cana était une boisson saine et rafraîchissante. C'est de ce vin que lui et ses disciples se servirent lors de la première Cène. C'est ce même vin qui devrait toujours être placé sur la sainte table, pour symboliser le sang du Sauveur. Ce sacrement ayant pour but de vivifier l'âme, les symboles employés doivent être au-dessus de tout reproche. MG 279 3 A la lumière des Ecritures, de la nature et de la raison, comment des chrétiens peuvent-ils cultiver du houblon pour en faire de la bière, comment peuvent-ils se livrer à la fabrication du vin ou du cidre? S'ils aimaient leur prochain comme eux-mêmes, oseraient-ils placer sur son chemin des produits qui deviendront pour lui une embûche? MG 280 1 C'est souvent au foyer que commence l'intempérance. L'usage des aliments lourds et malsains affaiblit les organes de la digestion et fait naître le besoin d'aliments qui stimulent. C'est ainsi que l'on prend goût aux condiments et aux excitants, et que le désir s'en fait sentir toujours plus fréquemment et plus impérieusement. L'organisme se charge de substances toxiques, et plus il s'affaiblit, plus il exige de stimulants. Un pas dans la mauvaise direction en prépare un autre. Bien des gens qui ne voudraient pas mettre sur leur table du vin ou des liqueurs, y placent des aliments créant une soif si intense qu'il devient presque impossible de lutter contre la tentation. De mauvaises habitudes dans le manger et dans le boire détruisent la santé et préparent le chemin à l'ivrognerie. MG 280 2 Les campagnes en faveur de la tempérance deviendraient bien vite superflues si l'on en inculquait les principes à la jeunesse. Que les parents commencent à combattre l'intempérance dans leur propre foyer et l'on verra immédiatement les résultats. MG 280 3 Mères, l'une de vos tâches consiste à aider vos enfants à contracter de bonnes habitudes et des goûts simples. Eduquez leur appétit, enseignez-leur à avoir en horreur les stimulants. Mettez-les à même d'acquérir la force de résister au mal. Apprenez-leur qu'ils ne doivent pas céder aux influences de leurs camarades, ni à celles du dehors, si fortes soient-elles, mais eux-mêmes influencer les autres pour le bien. MG 280 4 On fait énormément pour combattre l'intempérance. Mais beaucoup de ces efforts portent à faux. Les promoteurs de la réforme devraient comprendre le mal qui résulte de l'usage des aliments malsains, des condiments, du thé et du café. Nous ne pouvons qu'encourager tous les champions de la tempérance, mais nous les supplions d'étudier davantage les causes du mal qu'ils combattent, et de s'assurer qu'ils sont conséquents avec eux-mêmes. MG 281 1 Il faut comprendre que l'harmonie des forces mentales et morales dépend en grande partie du bon fonctionnement de l'organisme. Tous les narcotiques et les stimulants qui affaiblissent et dégradent notre être, tendent à abaisser le niveau de l'intelligence et de la moralité. L'intempérance est à la base même de la dépravation morale du monde. En se livrant à ses goûts pervertis, l'homme perd la force de résister à la tentation. MG 281 2 Ceux qui travaillent en faveur de la tempérance doivent instruire le public selon ces principes. Il faut enseigner que la santé, le caractère, et même la vie sont mis en danger par l'emploi des stimulants qui excitent les énergies épuisées à une action antinaturelle et spasmodique. MG 281 3 La seule attitude qui convienne en ce qui concerne le café, le tabac et les boissons alcoolisées est celle qui est résumée par ces paroles: "Ne prends pas, ne touche pas, ne goûte pas." Le thé, le café et les breuvages similaires tendent à produire les mêmes résultats que les liqueurs; et dans bien des cas, il est aussi difficile de s'en passer qu'à l'ivrogne d'abandonner la bouteille. Ceux qui renoncent aux excitants ressentent pendant quelque temps un certain malaise; mais s'ils persévèrent, ils en perdront le goût et cesseront bientôt d'en sentir le besoin. Il faut du temps à la nature pour se remettre des abus dont elle a souffert. Mais donnez-lui l'occasion de le faire, et elle s'acquittera à nouveau de sa tâche noblement et avec toute la perfection désirable. ------------------------Chapitre 27 -- Le commerce des boissons alcooliques MG 282 1 "Malheur, dit le prophète Jérémie, à celui qui bâtit sa maison par l'injustice, et ses chambres par l'iniquité. ... Qui dit: Je me bâtirai une maison vaste, et des chambres spacieuses; et qui s'y fait percer des fenêtres, la lambrisse de cèdre, et la peint en couleur rouge! Est-ce que tu règnes, parce que tu as de la passion pour le cèdre?... Mais tu n'as des yeux et un coeur que pour te livrer à la cupidité, pour répandre le sang innocent, et pour exercer l'oppression et la violence." Jérémie 22:13-17. Le commerce des boissons MG 282 2 Ces paroles décrivent bien l'oeuvre des fabricants et des débitants de boissons enivrantes. Leur commerce n'est qu'un vol déguisé. Au lieu de donner quelque chose en échange de l'argent qu'ils reçoivent, chaque franc qu'ils ajoutent à leur bénéfice est en malédiction à celui qui le leur donne. MG 282 3 Dieu a répandu abondamment ses dons. Si ceux-ci étaient employés avec sagesse, on verrait peu de misère et de détresse. Mais la méchanceté des hommes transforme ces bienfaits en malédictions. C'est la cupidité et des goûts pervertis qui font transformer en poisons les céréales et les fruits, causant ainsi la misère et la ruine. MG 282 4 Chaque année, il se consomme dans le monde de nombreux hectolitres de boissons alcoolisées. Des millions de francs sont ainsi dépensés pour se procurer le malheur, la pauvreté, la maladie, la dégradation, la débauche, le crime et la mort. Par amour du gain, le marchand de spiritueux distribue à ses victimes de quoi corrompre et détruire l'esprit et le corps, et condamne la famille du buveur à la pauvreté et à la ruine. MG 283 1 Mais les exactions du marchand de boissons ne cessent pas à la disparition de sa victime. Il dépouille la veuve, et réduit ses enfants à la mendicité. Il n'hésite pas à priver les familles pauvres des objets les plus nécessaires pour solder la note que son client n'a pu régler avant sa mort. Des enfants qui crient, une mère qui pleure ne font que l'exaspérer. Peu lui importe que ceux-ci meurent de faim, ou soient voués à la misère, pourvu qu'il s'enrichisse, même aux dépens de ceux qu'il perd. MG 283 2 Les maisons de débauche, les repaires du vice, les cours d'assises, les prisons, les hospices, les asiles d'aliénés, les hôpitaux se remplissent en grande partie à cause du commerce du marchand de boissons. A l'instar de la Babylone mystique de l'Apocalypse, il trafique en "corps et en âmes d'hommes". Derrière lui, invisible, se trouve Satan, le grand destructeur des âmes, qui emploie, pour perdre l'homme, tous les artifices de la terre et de l'enfer. Que ce soit à la ville ou à la campagne, dans les trains ou sur les paquebots, dans les lieux où se traitent les affaires, les salles de spectacles, d'hôpitaux et jusque dans les églises et à la table sainte, partout il tend ses pièges. Rien n'est négligé pour créer et entretenir le besoin de boissons enivrantes. A presque chaque coin de rue, des cafés aux lumières étincelantes et à l'aspect engageant invitent les ouvriers, les riches oisifs et la jeunesse inexpérimentée à entrer. MG 283 3 Dans les salons et aux rendez-vous du grand monde, on sert aux femmes des liqueurs en vogue, aux noms séducteurs, qui sont de vrais poisons. Pour les malades et ceux qui sont épuisés, il y a les "amers", les "bitters" qui font une réclame folle et sont composés en grande partie d'alcool. MG 284 1 Afin de créer chez les enfants le goût pour les liqueurs, on fabrique et on met en vente des gâteaux et des bonbons où entre l'alcool. En leur distribuant ceux-ci à certaines occasions, le marchand de liqueurs s'assure pour plus tard une clientèle fidèle. MG 284 2 C'est ainsi que cette oeuvre néfaste se poursuit jour après jour, mois après mois, année après année. Les pères, les maris, les frères: soutiens, espoir et orgueil de la nation, se rendent gaillardement au café et en sortent ruinés et perdus. MG 284 3 Et ce qui est encore plus terrible, c'est que la plaie s'attaque au coeur même de la famille. De plus en plus, les femmes s'adonnent à la boisson. Dans de nombreux foyers, des enfants en bas âge sont chaque jour exposés au danger par la négligence, les mauvais traitements ou la dureté d'une mère en état d'ébriété. Garçons et filles grandissent à l'ombre de ce fléau. Quelles sont leurs perspectives, sinon de tomber plus bas encore que leurs parents? MG 284 4 Les nations qui se disent chrétiennes exportent ce poison dans les pays païens. On apprend aux indigènes à boire de l'alcool. Il est parmi eux des hommes intelligents qui protestent contre ce breuvage mortel et cherchent vainement à protéger leur pays de ses ravages. Les nations civilisées contraignent les indigènes à acheter du tabac, de l'alcool, de l'opium. Les passions de ceux-ci, stimulées par la boisson, les conduisent bientôt à une dégradation inconnue auparavant. C'est ainsi que la tâche du missionnaire chrétien dans ces pays est paralysée. MG 284 5 De cette manière, par leur contact avec les peuples qui devraient leur apprendre à connaître le vrai Dieu, les païens sont initiés à des vices qui détruisent des tribus et des races entières. Et dans les régions enténébrées de la terre, les hommes civilisés sont haïs à cause de la malédiction qu'ils y ont apportée. Responsabilité de l'Eglise MG 285 1 L'industrie et le commerce des boissons enivrantes sont une puissance dans le monde. Ils ont pour eux les forces combinées de l'argent, de l'habitude et des appétits. Leur influence se fait sentir jusque dans l'Eglise. Des hommes directement ou indirectement enrichis par le trafic de l'alcool en sont membres et y jouissent de l'estime de tous. Beaucoup d'entre eux donnent libéralement aux oeuvres de charité. Leurs contributions facilitent les entreprises de l'Eglise et soutiennent ses pasteurs. Ils s'attirent la considération qu'inspire la richesse. Les Eglises qui acceptent de tels membres encouragent virtuellement le commerce de l'alcool. Trop souvent, le pasteur n'ose pas s'élever contre ce mal. Il ne dit pas à ses paroissiens ce que le Seigneur a déclaré au sujet de l'oeuvre du marchand de boissons alcoolisées, car il craint de les offenser, de diminuer sa popularité et de perdre son poste. MG 285 2 Mais plus haut que le tribunal de l'Eglise il y a le tribunal de Dieu. Celui qui a dit au premier meurtrier: "La voix du sang de ton frère crie de la terre jusqu'à moi" (Genèse 4:10), n'accepte pas sur son autel les offrandes du marchand d'alcool. Sa colère s'enflamme contre ceux qui voudraient couvrir leurs fautes du manteau de la libéralité. Leur argent est taché de sang, une malédiction repose sur lui. MG 285 3 Qu'ai-je affaire de la multitude de vos sacrifices? dit l'Eternel. ... Quand vous venez vous présenter devant moi, Qui vous demande de souiller mes parvis? Cessez d'apporter de vaines offrandes. ... Quand vous étendez vos mains, je détourne de vous mes yeux; Quand vous multipliez les prières, je n'écoute pas: Vos mains sont pleines de sang. Ésaïe 1:11-15. MG 286 1 L'ivrogne est capable de meilleures choses. Dieu lui a confié des talents pour qu'il l'honore et soit en bénédiction au monde. Mais ses semblables, avant tendu un piège à son âme, se sont enrichis de sa dégradation. Ils vivent dans le luxe, tandis que ceux qu'ils dépouillent sont dans le dénuement et la misère. Toutefois, le Seigneur demandera des comptes à ceux qui ont précipité leur chute. Celui qui règne dans les cieux ne perd pas de vue les causes ni les conséquences de l'ivrognerie. Lui qui prend soin des passereaux et revêt l'herbe des champs ne se détournera pas des créatures qu'il a formées à son image et rachetées par son sang. Il entend leurs cris. Il enregistre tout ce qui tend à entretenir le crime et la misère. MG 286 2 Le monde et l'Eglise peuvent approuver celui qui s'est enrichi en avilissant l'âme humaine. Ils peuvent accorder leur sourire à l'homme qui a amené ses semblables à la honte et à la dégradation. Dieu prend note de tout cela, et il jugera avec justice. On peut considérer le marchand de liqueurs comme un excellent homme d'affaires, mais le Seigneur déclare à son sujet: "Malheur à lui." Responsable de la misère, de la souffrance et du désespoir causés dans le monde par le commerce des boissons alcoolisées, il devra rendre compte du malheur des mères et des enfants privés d'aliments, de vêtements et d'abri, et qui ont dû renoncer à tout espoir et à toute joie en ce monde. Il devra répondre des âmes qu'il a envoyées dans l'éternité sans qu'elles y fussent préparées. Et à ceux qui encouragent cet homme dans son oeuvre néfaste, Dieu dit: "Vos mains sont pleines de sang." Les lois sur les licences MG 287 1 Certains prétendent que les licences auxquelles le commerce des liqueurs est soumis tendent à diminuer les ravages de l'alcoolisme. Mais elles placent au contraire ce commerce sous la protection de la loi. L'Etat sanctionne ainsi son existence et encourage le mal qu'il prétend supprimer. Grâce à ces licences, des brasseries et des distilleries s'installent partout, et le marchand de boissons a le droit d'exercer son commerce à notre porte. MG 287 2 Il est défendu, il est vrai, de servir à boire à un homme en état d'ébriété ou connu comme ivrogne. Mais cela n'empêche pas de recruter des ivrognes parmi la jeunesse. L'avenir de la corporation exige qu'on éveille en elle le goût des boissons alcoolisées. On emploie donc tous les moyens possibles pour amener les jeunes à contracter l'habitude de boire qu'il faudra ensuite satisfaire à tout prix. Il serait moins dangereux, bien souvent, de donner à boire à un ivrogne invétéré, dont la ruine est déjà consommée, que de risquer de perdre la fleur de notre jeunesse. MG 287 3 L'autorisation officielle de vendre des boissons alcoolisées est une tentation constante pour ceux qui voudraient s'amender. On a fondé des institutions pour aider les victimes de l'intempérance à se relever. C'est une noble entreprise. Mais aussi longtemps que la loi sanctionnera la vente de l'alcool, ces institutions rendront peu de services aux buveurs. Ne pouvant y rester toujours, le moment vient où ils doivent reprendre leur place dans la société. On leur a appris à dominer leur penchant pour les boissons alcoolisées, mais ce désir n'a pas disparu complètement. Lorsque ces personnes sont assaillies par la tentation, qui se présente de tous côtés, elles succombent des plus facilement. MG 287 4 Celui qui possède un animal dangereux et qui le laisse en liberté est responsable devant la loi de tous les méfaits qu'il peut commettre. Chez les Israélites, les lois données par l'Eternel prescrivaient que si une bête reconnue vicieuse causait la mort d'un homme, le propriétaire était mis à mort; c'était le prix de sa négligence et de sa malveillance. Si l'on suivait le même principe, l'Etat qui donne des licences aux marchands de boissons alcoolisées devrait être tenu responsable des résultats de ce trafic. Si le fait de laisser en liberté un animal dangereux était un crime passible de mort, que faut-il dire de celui -- bien plus grand -- qui consiste à sanctionner un métier comme celui de marchand d'alcool? MG 288 1 Sans doute les droits sur l'alcool sont une source de revenus pour le trésor public. Mais que valent ces revenus, si on les compare aux frais énormes occasionnés par les criminels, les aliénés et les indigents, victimes du trafic des boissons enivrantes? Un homme, sous l'influence de l'alcool, commet un crime; il comparaît devant ses juges, ceux-là mêmes qui sont chargés d'appliquer les lois parmi lesquelles se trouve celle qui autorise la vente des boissons alcoolisées. Ils ont devant eux la conséquence d'une telle loi. MG 288 2 En autorisant la vente d'une boisson qui rend un homme dangereux, l'Etat se voit obligé d'envoyer cet homme en prison ou à l'échafaud, alors que souvent sa femme et ses enfants sont dans le dénuement et deviennent une charge pour la société. MG 288 3 A ne considérer la question que sous son aspect financier, n'est-ce pas une folie que de tolérer un tel commerce? Quel revenu pourra jamais compenser la perte de la raison et de l'âme humaine, la déformation et la disparition de l'image divine en l'homme, ainsi que le malheur des enfants qui seront réduits à la pauvreté et à l'avilissement? Et il ne faut pas oublier non plus que ces enfants transmettront à leur tour à leur postérité les tendances dégradantes d'un père ivrogne. La prohibition MG 289 1 L'homme qui s'adonne à la boisson est dans une situation désespérée. Le cerveau malade, la volonté chancelante, il n'a pas la force de résister à sa passion. Impossible de le raisonner, de l'amener à se corriger. Il prendra peut-être la résolution de ne plus boire; mais dès qu'il aura franchi le seuil du cabaret et que ses lèvres auront effleuré le poison maudit, ses promesses et ses serments se volatiliseront, le dernier vestige de volonté l'abandonnera. Une simple gorgée de ce breuvage mortel lui en fera oublier toutes les conséquences. Le coeur brisé de sa compagne, ses enfants déguenillés et affamés, tout cela est oublié. En autorisant le commerce des spiritueux, l'Etat sanctionne la déchéance de l'homme; il refuse de mettre un terme à un trafic qui remplit le monde de maux et de misère. MG 289 2 Cela doit-il continuer? Pour que les buveurs triomphent de leur passion, devront-ils toujours lutter, les portes largement ouvertes à la tentation? La malédiction de l'intempérance, telle une flétrissure, reposera-t-elle toujours sur le monde civilisé? Permettrons-nous qu'elle continue à détruire chaque année des milliers de foyers heureux? Lorsqu'un navire échoue en vue de la côte, on ne se borne pas à le regarder; on risque sa vie pour sauver les naufragés. Combien ne devraient-ils pas être plus grands, les efforts tentés pour arracher le buveur à son triste sort! MG 289 3 Mais ce n'est pas seulement le buveur et sa famille qui sont en péril par le commerce des spiritueux, et l'accroissement des charges fiscales n'est pas le principal danger dont nous soyons menacés. En ce monde, nous sommes tous solidaires les uns des autres. Le malheur qui atteint une partie de l'humanité met l'autre en péril. MG 289 4 Il en est beaucoup qui, par cupidité ou égoïsme, ayant refusé de prendre part à la lutte contre l'alcool, se sont aperçus, trop tard, hélas! qu'ils en étaient eux-mêmes les victimes. Leurs enfants ont sombré dans l'ivrognerie, l'anarchie prévaut, la propriété est en danger, la vie n'est plus en sécurité, les accidents sur terre et sur mer se multiplient, les maladies qui couvent dans des taudis infects s'introduisent jusque dans les demeures opulentes des riches. Les moeurs crapuleuses, quittant les antres du vice, cherchent leurs victimes parmi les enfants des familles les plus raffinées, les plus cultivées. MG 290 1 Nul n'est à l'abri des périls de l'alcoolisme. Par conséquent, nul ne devrait, pour assurer sa propre sécurité, s'abstenir de prendre part à la lutte engagée en vue de détruire ce fléau. MG 290 2 Les assemblées législatives et les tribunaux devraient surtout être exempts de toute suspicion d'intempérance. Membres du gouvernement, députés, sénateurs, juges, tous ceux qui font les lois ou veillent à leur exécution, qui ont entre les mains la vie, l'honneur et les biens de leurs semblables, devraient pratiquer une stricte tempérance. Ce n'est qu'ainsi qu'ils pourront faire la différence entre le bien et le mal, et qu'ils posséderont la fermeté et la sagesse nécessaires pour rendre la justice et exercer la miséricorde. Mais qu'en est-il en réalité? Combien de ces hommes ont l'esprit obscurci, le sentiment du bien et du mal faussé par la boisson! Que de mesures oppressives ont été édictées, que d'innocents condamnés à mort par l'injustice de législateurs, de juges, de témoins, de jurés, d'avocats adonnés à la boisson! Nombreux sont "ceux qui ont de la bravoure pour boire du vin" et pour "mêler des liqueurs fortes", "qui appellent le mal bien, et le bien mal", "qui justifient le coupable pour un présent, et enlèvent aux innocents leurs droits". C'est à de tels hommes que Dieu dit: MG 290 3 Comme une langue de feu dévore le chaume, Et comme la flamme consume l'herbe sèche, Ainsi leur racine sera comme de la pourriture, Et leur fleur se dissipera comme de la pousière; Car ils ont dédaigné la loi de l'Eternel des armées, Et ils ont méprisé la parole du Saint d'Israël. Ésaïe 5:24. MG 291 1 L'honneur de Dieu, la stabilité de la nation, le bien-être de la société, de la famille et de l'individu exigent que les plus grands efforts soient tentés pour faire comprendre à tous les méfaits de l'intempérance. Les ravages de ce fléau se feront bientôt sentir avec une intensité dont nous n'avons aucune idée. Qui veut s'efforcer d'enrayer cette oeuvre de destruction? C'est à peine si la lutte a commencé. Organisons une armée pour arrêter la vente de boissons empoisonnées qui rendent les hommes fous. Que le danger soit dénoncé, et que l'opinion publique, éclairée, en exige la prohibition. Donnez à l'ivrogne l'occasion d'échapper à son esclavage. Que la voix de la nation demande à ses législateurs de mettre un terme à cet infâme trafic. MG 291 2 Délivre ceux qu'on traîne à la mort, Ceux qu'on va égorger, sauve-les! Si tu dis: Ah! nous ne savions pas!... Celui qui pèse les coeurs ne le voit-il pas? Celui qui veille sur ton âme ne le connaît-il pas? Que diras-tu de ce qu'il te châtie? Proverbes 24:11, 12; Jérémie 13:21. ------------------------Chapitre 28 -- Le ministère de la famille MG 295 1 La restauration et le relèvement de l'humanité commencent par la famille, c'est-à-dire par l'oeuvre des parents. La société est composée de familles, et sera ce que la font les chefs de ces dernières. C'est du coeur que procèdent "les sources de la vie" (Proverbes 4:23), et le coeur de la société, de l'Eglise ou de la nation, c'est la famille. Le bienêtre de la société, les progrès de l'Eglise, la prospérité de l'Etat dépendent des influences familiales. MG 295 2 L'importance et les avantages de la vie de famille sont démontrés par la vie de Jésus. Celui qui quitta le ciel pour être notre exemple et nous donner ses enseignements passa trente ans chez ses parents, à Nazareth. La Bible est très brève sur cette période; aucun miracle remarquable n'attira l'attention de la multitude; aucune foule avide ne suivit ses pas pour entendre ses paroles. Mais il n'en accomplit pas moins sa mission divine, participant, comme l'un de nous, à la vie de famille, soumis à sa discipline, s'acquittant de ses devoirs, portant ses fardeaux et ses responsabilités. Sous le toit protecteur d'un humble foyer, soumis aux exigences de la vie comme le commun des mortels, il "croissait en sagesse, en stature, et en grâce, devant Dieu et devant les hommes". Luc 2:52. MG 295 3 Au cours de ces trente années, la vie du Sauveur fut un témoignage constant de sympathie et de dévouement. Son altruisme et sa persévérance, son courage et sa fidélité, sa fermeté devant la tentation, sa paix inaltérable et sa joie tranquille étaient des sujets inépuisables d'inspiration. Il apportait au foyer une atmosphère faite de douceur et de pureté, et sa vie tout entière agissait comme un levain au sein de la société qui l'entourait. Nul ne lui attribuait des miracles, et cependant, une vertu -- la puissance guérissante et vivifiante de l'amour -- se dégageait de lui en faveur de tous ceux qui étaient tentés, malades ou découragés. D'une manière discrète, dès ses plus tendres années, il vécut pour autrui. C'est pourquoi beaucoup l'écoutèrent avec joie lorsqu'il commença son ministère public. MG 296 1 Les premières années de sa vie offrent plus qu'un exemple à la jeunesse: elles sont une leçon, et devraient être un encouragement pour tous les parents. Le cercle de la famille et son voisinage immédiat constituent le premier terrain où doivent s'exercer les efforts de ceux qui désirent travailler au relèvement de leurs semblables. Aucune sphère d'activité n'est plus importante que celle qui est confiée aux fondateurs et aux gardiens du foyer. Parmi les responsabilités qui incombent aux hommes, il n'en est point qui entraînent des conséquences plus étendues et plus décisives que celles qui reposent sur les pères et sur les mères. MG 296 2 La jeunesse d'aujourd'hui détermine ce que sera la société de demain; l'avenir de nos enfants et de nos jeunes gens dépend de la famille où ils grandissent. La maladie, la misère et le crime dont souffre l'humanité proviennent en grande partie du manque d'éducation familiale. Si la vie de famille était pure et saine, si les enfants étaient préparés aux responsabilités et aux dangers de la vie, quel changement se produirait dans le monde! MG 296 3 On fait de grands efforts, on dépense sans compter du temps, de l'argent et des forces pour fonder des institutions où l'on cherche à réformer les victimes du vice; mais ces entreprises ne suffisent pas à tous les besoins, et les résultats obtenus sont minimes. MG 296 4 Des multitudes soupirent après une vie meilleure, mais elles manquent de courage et de volonté pour rompre avec leurs mauvaises habitudes. Elles reculent devant l'effort, la lutte et le sacrifice, et courent à la ruine. C'est ainsi que des hommes aux nobles aspirations, à l'intelligence remarquable, dotés par la nature et l'éducation pour remplir des postes de confiance et de responsabilité, se dégradent et se perdent pour cette vie et pour la vie à venir. MG 297 1 Pour ceux qui se réforment, que d'âpres luttes pour reconquérir leur dignité d'hommes! Beaucoup récoltent pendant toute leur vie le fruit de leurs semailles: une constitution ébranlée, une volonté chancelante, une intelligence altérée, une âme affaiblie. Comme tout aurait été différent si l'on avait combattu le mal dès son origine! MG 297 2 Cette oeuvre échoit en grande partie aux parents. S'ils apprenaient à former le caractère de leurs enfants, à leur inculquer de bonnes habitudes, le résultat serait bien meilleur que celui obtenu par les tentatives actuelles pour lutter contre l'intempérance et les autres fléaux qui minent la société. Il est au pouvoir des parents de mettre au service du bien cette force terrible qu'est l'habitude lorsqu'elle est au service du mal. Les enfants sont comme des ruisseaux qui prennent naissance sous les yeux des parents. C'est à ces derniers qu'incombe le soin d'en diriger sagement le cours pendant qu'il en est temps. MG 297 3 C'est aux parents de poser, pour leurs enfants, les fondements d'une vie saine et heureuse. Il leur est possible de les voir quitter la maison en possession d'un caractère capable de résister à la tentation et armés de courage et de force pour s'attaquer aux problèmes de la vie. Ils peuvent susciter et affermir en eux le désir de consacrer leur existence à honorer Dieu et à faire du bien à leurs semblables. C'est à eux de guider leurs pas dans le sentier de la droiture qui, à travers les jours sombres ou ensoleillés, les conduira aux sommets radieux de la patrie céleste. MG 298 1 La mission confiée au foyer chrétien s'étend bien au-delà du cercle familial. Un tel foyer doit être une véritable leçon de choses pour tous ceux qui l'entourent, illustrant l'excellence des vrais principes. Supérieure en puissance aux plus beaux sermons sera l'influence exercée par son moyen sur les coeurs. Les jeunes gens et les jeunes filles qui en sortent répandent autour d'eux les enseignements qu'ils y ont reçus. Des principes élevés sont ainsi introduits dans d'autres familles et une influence ennoblissante opère au sein de la société. MG 298 2 Faisons profiter beaucoup de gens de l'influence heureuse de nos foyers, et que nos relations sociales ne soient pas dictées par la coutume mondaine, mais par l'esprit du Christ et les enseignements de sa Parole. Les Israélites invitaient à toutes leurs fêtes le pauvre, le Lévite et l'étranger. Le Lévite, à la fois assistant du sacrificateur, dirigeant religieux et missionnaire, était l'hôte du peuple à chaque réjouissance sociale ou religieuse; s'il tombait malade ou se trouvait dans le dénuement, on prenait soin de lui avec sollicitude. Ce sont de telles personnes que nous devrions accueillir dans nos demeures. Cela remplirait de joie et de courage l'infirmière missionnaire, l'instituteur ou l'institutrice, la mère de famille chargée de soucis et accablée de travail, l'être affaibli et le vieillard souvent sans famille qui luttent contre la pauvreté et le découragement. MG 298 3 "Lorsque tu donnes à dîner ou à souper, dit le Christ, n'invite pas tes amis, ni tes frères, ni tes parents, ni des voisins riches, de peur qu'ils ne t'invitent à leur tour et qu'on ne te rende la pareille. Mais, lorsque tu donnes un festin, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles. Et tu seras heureux de ce qu'ils ne peuvent pas te rendre la pareille; car elle te sera rendue à la résurrection des justes." Luc 14:12-14. MG 298 4 Il est des hôtes faciles à recevoir sans dérangement, sans repas compliqués et coûteux. Il faut plutôt éviter l'ostentation. Un accueil chaleureux, un siège à votre table, le plaisir de participer à la bénédiction du culte de famille seraient pour beaucoup d'entre eux comme un rayon céleste. MG 299 1 Nos sympathies doivent dépasser les limites du "moi" et le cercle de notre demeure. Des occasions précieuses s'offrent à ceux qui désirent que leur foyer ait autour d'eux une influence heureuse. Il y a là une puissance merveilleuse que nous pouvons utiliser, si nous le voulons, pour venir en aide à notre prochain. MG 299 2 Notre foyer devrait être un lieu de refuge pour la jeunesse exposée aux tentations. Beaucoup de jeunes sont à la croisée des chemins. Toute influence, toute impression détermine le choix qui fixe leur destinée présente et future. Le mal les sollicite, il revêt pour eux les formes les plus séduisantes et les plus accueillantes. Tout autour de nous des jeunes gens sont sans famille, ou ils en ont une dont ils ne reçoivent aucun secours spirituel. Succombant à la tentation, il courent à leur perte à l'ombre même de nos demeures. MG 299 3 Ces jeunes ont besoin qu'on leur tende la main avec sympathie. Des propos aimables exprimés avec simplicité, de petites attentions qui ne coûtent rien dissiperont les nuages de la tentation qui les assaille. Une sympathie sincère, inspirée par le ciel, a le pouvoir d'ouvrir les coeurs, surtout ceux qui ont besoin de bonnes paroles dictées par l'Esprit et l'amour du Christ. Si nous voulions manifester de l'intérêt à notre jeunesse, l'inviter dans nos demeures et l'entourer d'influences aimables et bienfaisantes, beaucoup de jeunes gens et de jeunes filles s'engageraient joyeusement sur le sentier qui mène en haut. Les privilèges de la vie MG 299 4 Nous ne passons en ce monde qu'une fois et nous n'y séjournons que très peu de temps. Faisons donc rendre à notre vie son maximum. L'oeuvre à laquelle nous sommes appelés ne nécessite ni richesse, ni distinction sociale, ni talents spéciaux, mais un esprit de bonté et de sacrifice, et un but bien défini. Une chandelle, aussi petite soit-elle, est capable d'en allumer un grand nombre d'autres. Notre sphère d'influence peut paraître insignifiante, nos talents, minimes, les occasions qui se présentent à nous, rares, nos connaissances, limitées; cependant, il nous est possible d'accomplir de grandes choses si nous mettons fidèlement à profit les occasions que fait naître la vie familiale. Si nous ouvrons nos coeurs et nos foyers aux principes divins, nous deviendrons à notre tour les dispensateurs d'une force vivifiante. De nos maisons émaneront alors des rayons salutaires, portant la vie, la beauté et la fertilité là où règnent la stérilité et la désolation. ------------------------Chapitre 29 -- Aux fondateurs de foyers MG 301 1 Celui qui donna Eve pour compagne à Adam accomplit son premier miracle à un repas de noces, et c'est au cours de cette fête familiale qu'il commença son ministère public. Jésus sanctionna ainsi l'institution du mariage, qu'il avait lui-même fondée. Son dessein était qu'hommes et femmes s'unissent par ces liens sacrés pour former des familles dont les membres, couronnés d'honneur, fussent reconnus comme appartenant à la famille céleste. MG 301 2 Le Christ a honoré le mariage en le prenant comme symbole de son union avec les rachetés. Il est l'Epoux; l'épouse, c'est l'Eglise qu'il s'est choisie, et à laquelle il dit: "Tu es toute belle, mon amie, et il n'y a point en toi de défaut." Cantique des cantiques 4:7. MG 301 3 "Christ a aimé l'Eglise, et s'est livré lui-même pour elle, dit l'apôtre Paul, afin de la sanctifier par la parole, après l'avoir purifiée par le baptême d'eau, afin de faire paraître devant lui cette Eglise glorieuse, sans tache, ni ride, ni rien de semblable, mais sainte et irrépréhensible. C'est ainsi que les maris doivent aimer leurs femmes comme leurs propres corps." Ephésiens 5:25-27. MG 301 4 Les liens de famille sont les plus étroits, les plus tendres et les plus sacrés qui soient. Ils ont été établis pour être en bénédiction à l'humanité. En effet, le mariage est un bienfait chaque fois qu'il est contracté avec sagesse, dans la crainte de Dieu et avec le sentiment des responsabilités qu'il entraîne. MG 302 1 Avant de s'engager dans les liens du mariage, les fiancés devraient réfléchir avec soin au genre de foyer qu'ils vont fonder et à l'influence qui s'en dégagera. Lorsqu'ils deviendront père et mère, un dépôt sacré leur sera confié. Le bonheur de leurs enfants en ce monde et dans l'autre dépend d'eux en grande partie. Ils déterminent, dans une large mesure, la nature physique et morale de leurs chers petits. C'est au caractère de la famille qu'est dû l'équilibre moral de la société. L'influence qu'exerce chaque foyer contribue à faire pencher la balance du côté du bien ou du côté du mal. MG 302 2 Le choix d'un compagnon ou d'une compagne pour la vie doit être tel qu'il assure le bien-être physique, mental et spirituel des parents et des enfants, afin de leur permettre d'honorer ensemble leur Créateur et d'être en bénédiction à leurs semblables. MG 302 3 Avant d'assumer les responsabilités du mariage, jeunes gens et jeunes filles devraient connaître suffisamment les devoirs pratiques de la vie pour arriver à y faire face. Il ne faut pas encourager les unions précoces. Qu'on ne forme pas des relations aussi importantes et ayant des répercussions aussi étendues que celles du mariage sans préparation suffisante, et avant que les forces physiques et mentales soient bien développées. MG 302 4 Les fiancés peuvent être sans fortune, mais il faut qu'ils jouissent de la santé, le plus précieux de tous les biens. Une grande différence d'âge entre les époux devrait être une exception. L'oubli de cette règle peut altérer la santé du plus jeune des conjoints, et les enfants issus d'un tel mariage sont souvent dépourvus de forces mentales et physiques. Ceux-ci ne peuvent recevoir d'une mère ou d'un père âgé les soins qu'exige leur jeune vie, et la mort peut les priver de sa présence à l'âge où ils auraient le plus besoin de conseils et d'affection. MG 302 5 C'est en Dieu seul qu'un mariage peut être contracté dans les meilleures conditions possibles. Que l'amour humain soit inspiré par l'amour divin jusque dans ses manifestations les plus intimes. Une affection profonde, véritable et désintéressée ne s'épanouit que dans le coeur où règne le Christ. MG 303 1 L'amour est un don précieux que nous recevons de Jésus. L'affection pure et sainte n'est pas un sentiment; c'est un principe. Ceux qui sont guidés par un véritable amour ne sont ni aveugles, ni déraisonnables. Influencés par le Saint-Esprit, ils aiment Dieu par-dessus tout et leur prochain comme eux-mêmes. MG 303 2 Que ceux qui envisagent le mariage pèsent chaque sentiment et surveillent chaque manifestation du caractère de celui ou de celle à qui ils pensent unir leur destinée. Que chaque pas vers cette union soit caractérisé par la modestie, la simplicité, la sincérité et le désir ardent de plaire à Dieu et de l'honorer. Le mariage influe sur la vie présente et sur la vie future. Un chrétien sincère ne formera pas de projets que Dieu ne puisse approuver. MG 303 3 Si vous avez le bonheur de posséder des parents pieux, sollicitez leurs conseils. Exposez-leur vos intentions et profitez de leur expérience; vous vous éviterez ainsi bien des chagrins. Par-dessus tout, faites du Christ votre conseiller, et étudiez sa Parole avec prière. MG 303 4 Une jeune fille ne doit accepter pour époux qu'un jeune homme au caractère pur et viril, diligent, entreprenant et honnête, aimant et craignant Dieu. Le jeune homme choisira pour épouse une personne qui sache porter sa part des fardeaux de la vie, dont l'influence l'ennoblisse et l'élève, et qui le rende heureux par son amour. MG 303 5 "Une femme intelligente est un don de l'Eternel." "Le coeur de son mari a confiance en elle. ... Elle lui fait du bien, et non du mal. ... Elle ouvre la bouche avec sagesse, et des instructions aimables sont sur sa langue. Elle veille sur ce qui se passe dans sa maison, et elle ne mange pas le pain de paresse. Ses fils se lèvent, et la disent heureuse; son mari se lève, et lui donne des louanges. Plusieurs filles ont une conduite vertueuse; mais toi, tu les surpasses toutes." Celui qui "trouve une femme trouve le bonheur". Proverbes 19:14; 31:11, 12, 26-29; 18:22. MG 304 1 De quelque soin et de quelque sagesse qu'ait été entouré un mariage, peu de couples connaissent une harmonie parfaite dès les premiers jours de leur vie à deux. L'union réelle ne se produit que dans les années qui suivent. MG 304 2 Lorsque les nouveaux mariés se trouvent en face des difficultés, la poésie dont l'imagination avait enveloppé le mariage disparaît. Ils apprennent à se connaître tels qu'ils sont réellement, ce qui leur avait été impossible jusqu'alors. Cette période est la plus critique de leur existence. Le bonheur et le succès de toute leur vie future dépendent de l'attitude qu'ils auront à ce moment-là. S'ils découvrent l'un chez l'autre des défauts, ces coeurs que l'amour a unis apercevront aussi des qualités excellentes jusqu'alors insoupçonnées. Il faut chercher à discerner celles-ci plutôt que ceux-là. C'est souvent l'attitude de l'un des conjoints qui détermine celle de l'autre. Beaucoup considèrent l'expression de leur affection comme une faiblesse et observent une réserve qui repousse. Cette manière d'agir empêche la sympathie de se manifester. Lorsqu'on réprime les sentiments de sociabilité et de dévouement, ils s'atrophient, et le coeur devient aride et froid. Gardons-nous de cette erreur. L'amour qui ne s'exprime pas s'étiole. Ne laissez pas souffrir un coeur uni au vôtre en négligeant de lui témoigner de la bonté et de la sympathie. MG 304 3 Quand surviennent les difficultés, les soucis et les découragements, n'entretenez pas la pensée que votre union est une erreur. Soyez déterminés à être l'un pour l'autre tout ce que vous pouvez être. Continuez à vous prodiguer les attentions des premiers jours. De toute manière, encouragez-vous mutuellement dans le combat de la vie. Appliquez-vous à augmenter le bonheur l'un de l'autre. Cultivez l'amour et l'indulgence. Le mariage sera alors le commencement du bonheur, au lieu d'en être la fin. La chaleur de l'amitié véritable, l'amour qui unit deux coeurs est un avantgoût des joies célestes. MG 305 1 Chaque famille forme un cercle sacré où nul n'a le droit de pénétrer. Que le mari ou la femme ne permette donc à personne de partager des confidences qui n'appartiennent qu'à eux seuls. MG 305 2 Il faut donner de l'amour au lieu d'en exiger. Cultivez ce qu'il y a de plus noble en vous, et soyez empressés à reconnaître les qualités l'un de l'autre. Le sentiment d'être apprécié est une satisfaction et un stimulant merveilleux. La sympathie et le respect facilitent la marche vers la perfection, et l'amour lui-même augmente lorsqu'il vise un idéal toujours plus noble. MG 305 3 Ni le mari, ni la femme, ne doit perdre son individualité, ou la laisser absorber par celle de l'autre. Il faut que chacun ait une communion personnelle avec Dieu, et lui demande: "Qu'est-ce qui est bien? Qu'est-ce qui est mal? Comment puis-je le mieux remplir mon existence?" Que votre affection monte vers celui qui a donné sa vie pour vous.. Que le Christ soit le premier, le dernier et le mieux servi en toutes choses. A mesure que votre amour pour lui gagnera en profondeur, celui que vous manifestez l'un pour l'autre se purifiera et s'affermira. MG 305 4 Les époux doivent être animés des mêmes sentiments que le Christ nourrit à notre égard. "Marchez dans la charité, à l'exemple de Christ, qui nous a aimés. ... Or, de même que l'Eglise est soumise à Christ, les femmes aussi doivent l'être à leurs maris en toutes choses. Maris, aimez vos femmes, comme Christ a aimé l'Eglise, et s'est livré lui-même pour elle." Ephésiens 5:2, 24, 25. MG 306 1 Ni le mari, ni la femme, ne doit chercher à exercer sur son conjoint une autorité arbitraire. N'essayez pas de vous obliger mutuellement à céder à vos désirs. Vous ne sauriez conserver ainsi un amour réciproque. Soyez bons, patients, indulgents, aimables et courtois. Avec l'aide de Dieu vous pourrez vous rendre heureux l'un l'autre, selon la promesse que vous vous êtes faite le jour de votre mariage. Le bonheur dans l'abnégation MG 306 2 Souvenez-vous cependant que vous ne trouverez pas le bonheur en concentrant votre affection l'un sur l'autre. Saisissez toutes les occasions de contribuer au bonheur de ceux qui vous entourent. N'oubliez pas que la joie véritable ne se trouve que dans un service désintéressé. MG 306 3 Les paroles et les actes de tous ceux qui suivent le Christ sont empreints d'indulgence et d'abnégation. En vous efforçant de vivre comme il a vécu, en faisant taire votre égoïsme, et en cherchant à venir en aide à vos semblables, vous remporterez victoire sur victoire. Ainsi, vous exercerez une heureuse influence dans le monde. MG 306 4 Hommes et femmes peuvent atteindre l'idéal que Dieu leur propose, s'ils acceptent l'aide du Christ. Ce qui est impossible à la sagesse humaine, sa grâce l'accomplira pour ceux qui s'abandonnent à lui sans réserve. Sa providence unira les coeurs par des liens célestes; l'amour ne sera plus alors un simple échange de paroles douces et flatteuses. Les métiers du ciel entrelacent la chaîne et la trame avec bien plus de finesse et de solidité que ceux de la terre, et fournissent un tissu qui supporte les frottements, les tiraillements et les épreuves. Les coeurs sont unis par les fils d'or d'un amour éternel. ------------------------Chapitre 30 -- Choix et ameublement d'un foyer MG 307 1 L'Evangile simplifie merveilleusement les problèmes de la vie. Ses enseignements, s'ils étaient suivis, nous éviteraient bien des difficultés et nous préserveraient de plus d'une erreur. Ils nous apprendraient à estimer les choses à leur juste valeur, et à nous enthousiasmer pour celles qui sont dignes et durables. Il faut que ceux qui ont la responsabilité de choisir une habitation les connaissent et ne se laissent pas détourner du but véritable de la vie. Qu'ils se souviennent, au contraire, que notre demeure terrestre est un symbole de notre demeure céleste pour laquelle elle nous prépare. La vie est une école où parents et enfants doivent se former en vue de l'école par excellence de l'au-delà. Ayez à l'esprit cette pensée en choisissant votre habitation. Ne cédez pas à l'attrait des richesses, à la mode ou aux coutumes mondaines. Recherchez ce qui favorise la simplicité, la pureté, la santé, l'élévation morale. MG 307 2 Dans le monde entier, les villes deviennent des foyers du vice. De tous côtés, on y voit et on y entend le mal. Partout on y trouve des incitations à la sensualité et à la dissipation. La marée de la corruption et du crime monte sans cesse. Chaque jour apporte le récit de nouvelles violences, de vols, de meurtres, de suicides et de crimes innommables. MG 307 3 La vie y est anormale et artificielle. L'âpreté au gain, le tourbillon des plaisirs et des jouissances, la soif du luxe et de l'extravagance détournent la pensée du but que nous devons poursuivre, et ouvrent la porte à des maux sans nombre exerçant sur la jeunesse un attrait presque irrésistible. MG 308 1 L'une des tentations les plus subtiles et les plus dangereuses qui assaillent les enfants et la jeunesse des villes, c'est l'amour des plaisirs. Les jours de vacances, les sports et les jeux dont le nombre va sans cesse croissant, les détournent des humbles devoirs de l'existence. L'argent qui aurait dû être épargné pour un meilleur usage est ainsi gaspillé en amusements. MG 308 2 Les monopoles et les syndicats de patrons et d'ouvriers, les grèves et les lock-out qui en résultent, rendent les conditions de la vie urbaine de plus en plus difficile. De sérieuses difficultés sont devant nous, et bien des familles seront obligées de quitter les villes. MG 308 3 Les conditions physiques y sont souvent un danger pour la santé. Le contact toujours possible avec des malades, un air vicié, une eau impure, des aliments malsains, des logements sombres, insalubres et exigus sont quelques-uns des maux nombreux qu'on y rencontre. MG 308 4 Il n'est pas conforme aux desseins de Dieu que les hommes s'entassent dans les villes. Dieu plaça nos premiers parents au milieu de scènes champêtres dont il voudrait nous faire jouir encore aujourd'hui. Plus nous nous rapprocherons du plan originel de Dieu, mieux nous obtiendrons la santé du corps et de l'esprit. MG 308 5 Des maisons coûteuses, des meubles luxueux, l'élégance et le confort ne constituent pas les conditions essentielles d'une vie heureuse et utile. Jésus vint ici-bas pour accomplir l'oeuvre la plus importante qui y ait jamais été faite parmi les hommes. Ambassadeur de Dieu, il nous apprit à obtenir de la vie les meilleurs résultats. Et quelles conditions d'existence le Père céleste choisit-il pour son Fils? Une maison isolée sur les collines de la Galilée, une famille vivant grâce à un travail honnête et respectable, une vie simple en butte aux difficultés et aux privations journalières, l'abnégation, l'économie et le service patient et joyeux, l'heure d'étude aux côtés de sa mère devant le rouleau déployé des Ecritures, le calme de l'aurore et la beauté du crépuscule dans la vallée verdoyante, les saines occupations au sein de la nature, la communion de l'âme avec Dieu, telles furent les conditions d'existence du Sauveur durant les premières années de sa vie. MG 309 1 Il en fut ainsi pour la plupart des hommes de Dieu. Lisez l'histoire d'Abraham, de Jacob, de Joseph, de Moïse, de David et d'Elisée. Examinez la vie de ceux qui ont vécu plus tard et occupé avec la plus grande compétence des postes de confiance. Leur influence a été des plus fécondes pour le relèvement de l'humanité. MG 309 2 La plupart d'entre eux, élevés à la campagne, ne connurent le luxe que de loin. Ils ne dissipèrent pas leur jeunesse dans des amusements; beaucoup durent lutter contre la pauvreté et les difficultés. Ils apprirent de bonne heure à travailler, et leur vie active, en plein air, donna vigueur et souplesse à toutes leurs facultés. Obligés de ne compter que sur leurs propres ressources, ils durent surmonter tous les obstacles, s'armer de courage et de persévérance. Ils acquirent ainsi de l'assurance et la maîtrise de soi. Préservés des mauvaises compagnies, ils trouvaient leurs plaisirs dans de simples divertissements et de saines amitiés. Tempérants, ayant des goûts simples, guidés par des principes, ils étaient purs, forts et véridiques. Lorsqu'ils avaient fait choix d'une carrière, d'un métier, ils y apportaient une force physique et mentale, une vivacité d'esprit, une rapidité d'exécution, une fermeté dans la lutte contre le mal qui faisaient d'eux une force pour le bien de la nation. MG 309 3 Un corps sain et vigoureux, un esprit bien équilibré, un caractère noble constituent la plus belle des fortunes que vous puissiez léguer à vos enfants. Ceux qui ont découvert le secret du succès dans la vie ne seront pas pris au dépourvu dans le choix d'une demeure. MG 310 1 Au lieu de vous fixer en un lieu où seules sont visibles les oeuvres des hommes, où les spectacles qui s'offrent à vous et les bruits qui vous parviennent vous suggèrent des pensées mauvaises, où le tumulte et la confusion n'apportent que fatigue et tourments, allez habiter là où vous pourrez contempler les oeuvres de Dieu et trouver le repos d'esprit au sein des beautés et du calme de la nature. Que vos yeux reposent sur des champs verdoyants, des bosquets et des collines. Contemplez l'azur du ciel que n'obscurcissent pas la poussière et la fumée des villes: respirez l'air vivifiant. Eloignés des divertissements et des plaisirs malsains de ces dernières, vous pourrez devenir les compagnons de vos enfants. Vous leur apprendrez ainsi à connaître Dieu par ses oeuvres et vous les formerez pour une vie intègre et utile. Simplicité du mobilier MG 310 2 Nos habitudes artificielles nous privent de beaucoup de joies et de bénédictions; elles nous empêchent de vivre le plus utilement possible. Un ameublement recherché et coûteux n'est pas seulement un gaspillage d'argent, mais il exige des soins multiples et cause des soucis constants. MG 310 3 Dans bien des foyers, même parmi les gens dont les ressources sont limitées et où le travail du ménage incombe surtout à la mère, certaines pièces sont meublées avec une recherche dépassant les moyens de ceux qui les occupent et les rendant peu propres à leur bien-être. On y voit des tapis coûteux, des meubles richement sculptés, des tapisseries splendides et des tentures de prix. Des bibelots et des ornements divers couvrent les tables et les cheminées, et accaparent tous les espaces libres. Les murs disparaissent sous des tableaux qui finissent par fatiguer les regards. Quel travail pour maintenir tout cela en ordre et en parfait état de propreté! Voilà ce qui fait de la vie de la mère un labeur incessant. MG 311 1 Bien souvent l'épouse et mère n'a pas le temps de lire, de se tenir au courant de ce qui se passe, d'être une compagne pour son mari, de suivre le développement de l'intelligence de ses enfants, de faire de son Sauveur un ami intime et précieux. Peu à peu, elle devient une simple esclave de son ménage, et sa force et son temps sont absorbés par les choses qui passent. Trop tard, elle découvre qu'elle est presque une étrangère dans sa maison. Les occasions précieuses d'orienter ses enfants vers une vie toujours plus élevée sont à jamais perdues. MG 311 2 Vous qui fondez un foyer, prenez la résolution de vivre plus sagement. Que votre premier soin soit d'avoir une demeure agréable. Assurez-vous les commodités qui allégeront votre travail et vous procureront santé et confort. Réservez une place aux hôtes que le Christ vous demande d'accueillir et dont il dit: "Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous avez fait ces choses à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous les avez faites." Matthieu 25:40. MG 311 3 Meublez votre maison d'objets simples et durables, qui puissent être tenus propres facilement et remplacés à peu de frais. En exerçant votre goût, vous pourrez faire d'un humble foyer une demeure agréable et attrayante, si l'amour et le contentement s'y trouvent. Les alentours du foyer MG 311 4 Dieu aime ce qui est beau. Il a revêtu de beauté la terre et les cieux, et son oeil paternel prend plaisir à voir ses enfants se réjouir des choses qu'il a créées. Il désire que nous entourions nos maisons des charmes de la nature. MG 312 1 Presque tous ceux qui habitent à la campagne, quelque pauvres qu'ils soient, pourraient avoir autour de leur maison une pelouse, l'ombre de quelques arbres, le parfum de quelques fleurs. Cela leur procurerait bien plus de bonheur qu'un luxe artificiel, et introduirait dans leur vie de famille une influence adoucissante et ennoblissante, entretenant en eux l'amour de la nature, attirant les membres de la famille plus près les uns des autres et plus près de Dieu. ------------------------Chapitre 31 -- La mère de famille MG 313 1 Les enfants deviennent, dans une grande mesure, ce que sont les parents. L'état physique de ceux-ci, leurs dispositions, leurs goûts, leurs tendances intellectuelles et morales se retrouvent chez leurs enfants à un degré plus ou moins élevé. Plus leur idéal est noble, plus leurs facultés intellectuelles et spirituelles sont développées, plus sont solides leurs forces physiques, mieux leurs enfants sont armés pour la vie. En cultivant ce qu'il y a de meilleur en eux, ils exercent une influence qui forme la société et édifie les générations futures. MG 313 2 Il est nécessaire que les pères et les mères comprennent leur responsabilité. De nombreux pièges attendent les jeunes, et ils sont légion ceux qu'attire une vie faite de plaisirs égoïstes et sensuels. Ils ne peuvent discerner les dangers cachés, ni l'issue effroyable du sentier qui semble les conduire au bonheur. La satisfaction de leurs appétits et de leurs passions épuise leurs énergies, et c'est ainsi que des millions d'entre eux se perdent pour cette vie et pour l'éternité. Les parents doivent savoir que leurs enfants rencontreront ces tentations, et il faut qu'ils les préparent à les surmonter dès avant leur naissance. MG 313 3 Cette responsabilité repose d'une manière toute particulière sur la mère. C'est elle dont le sang nourrit l'enfant et forme son corps; elle lui transmet aussi les dispositions mentales et spirituelles qui influenceront le développement de son esprit et de son caractère. Ce fut Jokébed, cette femme hébraïque animée d'une foi inébranlable et qui ne craignait pas "l'ordre du roi" (Hébreux 11:23), qui donna naissance à Moïse, le libérateur d'Israël. Ce fut Anne, cette femme de prière, divinement inspirée, qui mit au monde Samuel, l'enfant instruit du ciel, le juge incorruptible, le fondateur des écoles des prophètes en Israël. Ce fut Elisabeth, apparentée par les liens du sang et de l'esprit à Marie de Nazareth, qui fut la mère du précurseur du Messie. Tempérance et maîtrise de soi MG 314 1 Le soin que la mère doit apporter à sa manière de vivre est indiqué dans les Ecritures. Lorsque l'Eternel voulut susciter Samson pour délivrer Israël, un ange apparut à la mère et lui communiqua les instructions relatives à sa façon de vivre et à celle d'élever son enfant. "Maintenant, lui dit-il, ne bois ni vin ni liqueur forte, et ne mange rien d'impur." Juges 13:7. MG 314 2 Beaucoup de parents tiennent pour négligeables les influences prénatales, mais non pas le Seigneur. Le message apporté deux fois, de la manière la plus solennelle, par un ange de Dieu, mérite que nous lui prêtions la plus grande attention. En s'adressant à cette mère hébraïque, Dieu parle aux mères de tous les siècles. "Elle observera, dit l'ange, tout ce que je lui ai prescrit." Le bien-être de l'enfant dépend donc énormément des habitudes de sa mère dont les goûts et les passions doivent être soumis à des principes. Selon le plan de Dieu elle évitera, pendant la grossesse, certaines influences, et elle luttera contre certaines tendances. Si elle s'écoute, si elle est égoïste, impatiente et exigeante, ces traits de caractère se retrouveront chez le petit être. C'est ainsi que bien des enfants ont reçu à leur naissance des tendances au mal presque insurmontables. MG 314 3 Mais si la mère s'attache fermement à de bons principes, si elle pratique la tempérance et cultive l'abnégation, si elle est aimable et bonne, elle peut transmettre à son enfant ces précieux traits de caractère. Le commandement prohibant à la mère l'usage du vin est très explicite. Chaque goutte de boisson alcoolisée dont elle fait usage met en danger la santé physique, mentale et morale de son enfant, et constitue un péché contre son Créateur. MG 315 1 Certains prétendent que la future mère doit satisfaire tous ses désirs et user librement de n'importe quel aliment, quelque malsain qu'il soit. De tels conseils sont déraisonnables et pernicieux. Les besoins physiques de la mère ne doivent en aucun cas être négligés: deux vies dépendent d'elle. Ses désirs devraient donc être considérés avec tendresse et largement satisfaits. Mais à ce moment-là, plus qu'à n'importe quel autre, elle doit éviter, dans son alimentation et en toutes choses, ce qui affaiblirait ses forces physiques ou mentales. Le commandement de Dieu la place sous l'obligation solennelle de se dominer. Surmenage MG 315 2 Il faut que les forces de la mère soient ménagées avec le plus grand soin. Au lieu de la laisser s'épuiser par un travail pénible, on devrait lui éviter le plus possible les soucis et la soulager de ses fardeaux. Son mari ignore souvent les lois naturelles que le bien-être de sa famille exigerait qu'il connût. Absorbé par la lutte pour la vie ou l'appât du gain, il laisse reposer sur sa femme, à une période particulièrement critique, des charges qui dépassent ses forces et sont causes de faiblesse et de maladie. MG 315 3 Beaucoup de maris pourraient tirer une leçon utile de la sollicitude manifestée par le patriarche Jacob, ce berger consciencieux, qui, incité à entreprendre un voyage rapide et difficile, déclara: MG 315 4 "Les enfants sont délicats, ... j'ai des brebis et des vaches qui allaitent; si l'on forçait leur marche un seul jour, tout le troupeau périrait. ... Je suivrai lentement, au pas du troupeau qui me précédera, et au pas des enfants." Genèse 33:13, 14. MG 316 1 Dans le sentier pénible de la vie, que le père de famille, lui aussi, "avance lentement", à la mesure des forces et de l'endurance de sa compagne de voyage. Quelque entraîné qu'il soit à la poursuite des richesses ou du pouvoir, qu'il apprenne à "ralentir la marche" pour réconforter et seconder celle qui doit se tenir à ses côtés. La joie MG 316 2 Il faut que la mère de famille cultive la joie et le contentement. Tout effort dans cette direction sera abondamment récompensé par la santé florissante et l'heureux caractère de ses enfants. Son esprit joyeux sera une source de bonheur pour sa famille et améliorera grandement sa santé. MG 316 3 Que le mari entoure sa femme de sa sympathie et d'une affection inaltérable. S'il veut la voir joyeuse et forte, un rayon de soleil dans sa maison, il faut qu'il l'aide dans sa tâche. La bonté et la prévenance qu'il lui témoignera seront pour elle un précieux encouragement, et le bonheur qu'il lui procurera communiquera paix et joie à son propre coeur. MG 316 4 Un mari morose, égoïste et autoritaire, non seulement n'est pas heureux lui-même, mais il crée pour toute la famille une atmosphère lourde et maussade. Il moissonnera ce qu'il aura semé lorsqu'il verra sa femme languissante et découragée, et ses enfants affligés de dispositions semblables aux siennes. MG 316 5 Si la maman est privée des soins et du confort qu'elle mérite, si le surmenage, l'anxiété et la tristesse épuisent ses forces, ses enfants seront privés de la vitalité, de la souplesse mentale et des dispositions joyeuses qu'ils devraient hériter. Il vaut donc la peine de lui procurer une existence heureuse, de la mettre à l'abri du besoin. Qu'on lui évite le travail pénible et les soucis déprimants, afin que ses enfants aient une bonne constitution et fassent leur chemin dans la vie, grâce à leur énergie personnelle. MG 317 1 Grand est l'honneur qui est fait aux pères et aux mères et solennelle la responsabilité qui repose sur eux du fait qu'ils doivent tenir lieu de Dieu auprès de leurs enfants. Leur caractère, leur vie quotidienne, leur méthode d'éducation sont pour leurs enfants des commentaires de la Parole inspirée. Par leur influence, ils montreront soit leur confiance, soit leur méfiance dans les promesses du Seigneur. Privilèges des parents dans l'éducation des enfants MG 317 2 Heureux les parents dont la vie reflète le caractère divin de telle sorte que les promesses et les commandements de Dieu éveillent dans le coeur de leurs enfants gratitude et respect! Heureux ceux dont la tendresse, la justice et la patience révèlent à leurs enfants l'amour, la justice et la patience de Dieu et qui, en leur apprenant à les aimer, à compter sur eux et à leur obéir, leur inspirent les mêmes sentiments envers leur Père céleste! Une telle éducation est plus précieuse que toutes les richesses du monde, car elle durera autant que l'éternité. MG 317 3 C'est un dépôt sacré que Dieu confie à la mère dans chacun de ses enfants: "Prends ce fils, cette fille, lui dit-il, élève-le pour moi, forme-lui un caractère à la ressemblance divine, afin qu'il puisse briller à toujours dans les tabernacles célestes." MG 317 4 La mère de famille a souvent l'impression que sa tâche est inutile. Son travail est, en effet, rarement apprécié. Ceux qui l'entourent comprennent mal ses soucis et ses fardeaux. Ses journées sont remplies de petits devoirs exigeant tous un effort patient, la maîtrise de soi, du tact, de la sagesse, de l'abnégation. Mais rien d'extraordinaire ne paraît résulter de ce qu'elle fait. Elle veille seulement à ce que tout se passe normalement dans sa maison. Souvent, fatiguée et perplexe, elle s'efforce de parler à ses enfants avec bonté, de les distraire, de les rendre heureux, de guider leurs petits pieds dans le bon chemin. Cependant, elle a l'impression de ne rien faire. Elle se trompe. Les anges veillent sur la mère surmenée et notent les fardeaux qu'elle porte, jour après jour. Il se peut que son nom soit ignoré du monde, mais il est écrit dans le livre de vie de l'Agneau. Les devoirs de la mère MG 318 1 Il est au ciel un Dieu dont la lumière et la gloire reposent sur toute mère fidèle qui cherche à détourner du mal ses enfants. Aucune oeuvre n'est plus importante que la sienne. Elle n'a pas, comme l'artiste, à représenter la beauté sur une toile, ni comme le sculpteur, à la ciseler dans le marbre. Elle n'a pas, comme l'écrivain, à exprimer une noble pensée en termes choisis, ni, comme le musicien, à enfermer un beau sentiment dans une mélodie. Il lui appartient, avec l'aide d'en haut, de forger une âme à l'image de la divinité. MG 318 2 Une mère qui comprend sa tâche la considère comme infiniment précieuse. Elle s'efforce de présenter à ses enfants l'idéal le plus élevé, à la fois dans son propre caractère et dans ses méthodes d'éducation. Avec patience et avec courage, elle cherche à développer ses facultés, afin de pouvoir accomplir l'oeuvre qui lui est confiée. Sa grande préoccupation est de connaître la volonté de Dieu en toutes circonstances, aussi étudie-t-elle sa Parole avec diligence. Elle a les regards fixés sur le Christ pour que sa vie, dans la multitude de ses occupations, soit un reflet fidèle de la vie véritable qui est en lui. ------------------------Chapitre 32 -- L'enfant MG 319 1 Dans les instructions communiquées par l'ange aux parents de Samson étaient incluses à la fois l'influence prénatale et l'éducation que l'enfant devait recevoir. Il ne suffisait pas que leur fils, qui devait délivrer un jour Israël, reçût à sa naissance de bonnes dispositions. Il devait encore, dès sa plus tendre enfance, être l'objet de soins attentifs et grandir dans les principes d'une stricte tempérance. MG 319 2 Des instructions semblables furent données au sujet de Jean-Baptiste. Avant la naissance de l'enfant, son père reçut ce message de la part de Dieu: MG 319 3 "Il sera pour toi un sujet de joie et d'allégresse, et plusieurs se réjouiront de sa naissance. Car il sera grand devant le Seigneur. Il ne boira ni vin, ni liqueur enivrante, et il sera rempli de l'Esprit-Saint dès le sein de sa mère." Luc 1:14, 15. MG 319 4 En parlant des hommes de Dieu d'autrefois, le Sauveur affirme qu'il n'y en avait point eu de plus grand que Jean-Baptiste. L'oeuvre qui fut confiée à ce dernier n'exigeait pas seulement de l'énergie et de l'endurance, mais les plus hautes qualités de l'esprit et du coeur. Pour se préparer à sa tâche, les habitudes qu'il devait contracter étaient si importantes que l'ange le plus puissant du ciel fut envoyé à ses parents pour leur donner des instructions à ce sujet. MG 319 5 Les conseils de Dieu aux Israélites nous apprennent que tout ce qui concerne le développement physique de l'enfant doit être pris en considération. Dans ce domaine, rien n'est insignifiant. Toute influence qui affecte le corps a une répercussion sur l'esprit et sur le caractère. MG 320 1 On ne saurait donner trop d'importance à l'éducation précoce des enfants. Les impressions, les habitudes de la première enfance ont plus à faire avec la formation du caractère et l'orientation de la vie que toutes les instructions données plus tard. MG 320 2 Il faut que les parents comprennent les principes sur lesquels repose l'éducation des enfants et soient capables de les doter d'une bonne santé, physique, mentale et morale. Qu'ils étudient les lois de la nature et les organes du corps humain: leurs fonctions propres et leur dépendance mutuelle. Qu'ils soient au courant des relations qui existent entre les forces mentales et les forces physiques, ainsi que des conditions requises pour le jeu normal de chacune d'elles. C'est un péché que de vouloir fonder une famille sans cette préparation. MG 320 3 On ne recherche pas assez les causes de la mortalité, de la maladie et de la dégénérescence que l'on voit aujourd'hui, même dans les pays les plus civilisés et les plus favorisés. La race humaine est en décadence. Plus d'un tiers des enfants meurent en bas âge*; et ceux qui atteignent l'âge adulte souffrent pour la plupart d'une maladie quelconque. Bien peu parviennent aux limites de la vie humaine. MG 320 4 La plupart des maux qui nous apportent la misère et la mort pourraient être évités, et l'initiative à cet égard appartient en grande partie aux parents. Ce n'est pas un destin mystérieux qui enlève les petits enfants; Dieu ne désire pas leur mort. Ils sont donnés aux parents pour que ces derniers leur apprennent à se rendre utiles ici-bas et les préparent pour le ciel. Si les pères et les mères faisaient tout ce qu'ils peuvent pour transmettre à leurs enfants une hérédité irréprochable, puis s'efforçaient, par des soins appropriés, de remédier aux conditions défavorables qui ont pu accompagner leur naissance, on verrait un grand changement se produire dans le monde. Soins aux nouveau-nés MG 321 1 Plus la vie d'un enfant est simple et paisible, plus elle est favorable à son développement physique et mental. En tout temps, la mère devrait s'efforcer d'être calme et maîtresse d'elle-même. Ses manières douces auront sur ses enfants, souvent très sensibles aux excitations nerveuses, une influence apaisante d'un bienfait inexprimable. MG 321 2 Le bébé a besoin de chaleur, mais c'est une grave erreur de le garder dans une pièce surchauffée, pratiquement privée d'air pur. L'habitude de lui couvrir le visage lorsqu'il dort est préjudiciable, car elle l'empêche de respirer librement. Il doit être préservé de tout ce qui affaiblit ou intoxique son organisme. On veillera à ce que tout ce qui l'entoure soit d'une propreté rigoureuse. S'il est nécessaire de le protéger des changements brusques de température, on s'assurera également que, jour et nuit, éveillé ou endormi, il respire un air pur et vivifiant. MG 321 3 Au lieu de penser à la mode ou au désir de provoquer l'admiration, recherchons, dans la confection de la layette du nouveau-né, le confort, la commodité et l'hygiène. La mère ne devrait pas perdre son temps à des broderies ou à d'autres fantaisies destinées à embellir les petits vêtements, se chargeant d'un travail inutile aux dépens de sa propre santé et de celle de son enfant. Elle ne devrait pas davantage se fatiguer les yeux et les nerfs par des travaux de lingerie fine à un moment où elle a besoin du maximum de repos et d'exercices agréables. Ce serait se créer, aux dépens de sa santé et de celle de l'enfant, une besogne inutile. Qu'elle comprenne que son devoir est de conserver ses forces pour faire face aux exigences futures. MG 322 1 Si le vêtement de l'enfant est à la fois chaud et confortable, une des causes principales d'irritation et d'énervement sera évitée. Le bébé se portera mieux, et les soins de la mère exigeront moins de temps et de fatigue. MG 322 2 Les bandes dont on entoure la taille des bébés entravent l'action du coeur et des poumons, et doivent être évitées. Qu'on ne gêne aucune partie du corps par un vêtement qui comprime les organes ou restreigne leur liberté. Il faut que le vêtement de l'enfant, quel que soit l'âge de ce dernier, soit assez ample pour permettre le libre jeu des poumons, et arrangé de manière que le poids en soit supporté par les épaules. MG 322 3 Dans certains pays, on a l'habitude de laisser nues les épaules et les jambes des jeunes enfants. On ne saurait s'élever trop sévèrement contre une telle pratique. Les jambes, étant éloignées du centre de la circulation, ont besoin au contraire d'être mieux protégées que les autres parties du corps. Sinon, les artères, qui conduisent le sang aux extrémités en quantité suffisante pour assurer la chaleur et la nutrition, se contractent, de même que les veines. Les parties sensibles du corps se refroidissent, et la circulation est entravée. MG 322 4 Chez les enfants qui grandissent, il faut que toutes les forces de la nature jouissent des conditions les plus favorables pour travailler au développement normal du corps. Si les jambes sont insuffisamment protégées, les enfants, et particulièrement les fillettes, risquent de prendre froid lorsqu'ils jouent dehors en hiver. On les empêche donc de sortir, alors que s'ils étaient chaudement vêtus, ils pourraient prendre leurs ébats en plein air, hiver comme été, ce dont ils tireraient un sérieux avantage. MG 323 1 Les mères qui désirent voir leurs garçons et leurs fillettes jouir d'une bonne santé doivent les vêtir de façon intelligente suivant le temps, et leur permettre de vivre au grand air le plus longtemps possible. Peut-être faudra-t-il faire un effort pour se libérer de l'esclavage de la coutume, pour habiller et élever les enfants d'une manière saine, mais le résultat obtenu en vaudra largement la peine. La nourriture de l'enfant MG 323 2 Le meilleur aliment pour le bébé est celui que la nature lui fournit. Il ne doit pas en être privé sans nécessité. Il faut être sans coeur pour se libérer, afin de conserver ses aises et sa liberté, du devoir si doux de nourrir son enfant. MG 323 3 La mère qui tolère qu'une autre femme allaite son bébé doit se souvenir que la nourrice transmet plus ou moins à celui-ci son tempérament et son caractère. MG 323 4 On ne saurait exagérer l'importance de donner aux enfants de bonnes habitudes diététiques. Tout jeunes, ils doivent apprendre à manger pour vivre et non à vivre pour manger. C'est dans les bras de la mère que commence leur éducation. Il ne faut donner à manger à l'enfant qu'à des intervalles réguliers, et moins fréquemment à mesure qu'il grandit. On ne permettra ni sucreries, ni aliments destinés aux adultes, car ils sont difficiles à digérer. Les soins et la régularité apportés à l'alimentation de l'enfant lui communiquent non seulement la santé, le calme et la douceur du caractère, mais lui inculquent des habitudes qui lui seront plus tard d'un grand bienfait. MG 323 5 A mesure que grandissent les enfants, de sérieuses précautions seront prises pour former leurs goûts et leurs appétits. C'est une erreur de leur permettre de manger ce qu'ils veulent et quand ils veulent, sans aucun égard pour leur santé. L'argent et les efforts si souvent prodigués pour des gourmandises malsaines font croire aux enfants que ce qui importe dans la vie, ce qui procure le plus de bonheur, c'est la satisfaction des appétits. Cette manière d'agir conduit à la gloutonnerie puis à la maladie, et c'est alors l'emploi de médicaments toxiques. MG 324 1 Que les parents éduquent l'appétit de leurs enfants et ne leur permettent pas d'user d'aliments malsains. En revanche, ils ne devraient pas les obliger à manger ce qui leur déplaît, ou à absorber plus de nourriture qu'il ne leur en faut. Les enfants ont des préférences, et lorsque celles-ci sont raisonnables, il faut les respecter. MG 324 2 On doit manger à intervalles réguliers et ne rien prendre entre les repas: ni pâtisserie, ni fruits, ni oléagineux, ni nourriture d'aucune sorte. L'irrégularité est préjudiciable au bon fonctionnement des organes digestifs, et altère la santé et la bonne humeur. En outre, les enfants se mettent à table sans appétit pour les aliments sains, et manifestent des préférences pour ce qui leur fait du mal. MG 324 3 Les mères qui cèdent aux caprices de leurs enfants jettent une mauvaise semence qui lèvera tôt ou tard et portera des fruits, car l'habitude de satisfaire leurs goûts grandira avec eux aux dépens de leur santé et de leur vigueur physique et mentale. Ces mères moissonneront avec amertume la graine qu'elles ont semée. Elles verront leurs enfants rester incapables de jouer un rôle utile dans la famille et dans la société. Les énergies mentales de ces derniers comme leurs facultés physiques subissent les effets d'une nourriture malsaine. Leur conscience s'endort et leur sensibilité aux bonnes influences s'émousse. MG 324 4 En apprenant aux enfants à dominer leur appétit et à manger selon les lois de la santé, faisons-leur comprendre qu'ils ne se privent que de ce qui leur est préjudiciable, qu'ils ne renoncent qu'à des aliments nuisibles pour en choisir de meilleurs. Rendons notre table attrayante, plaçons-y les bonnes choses que Dieu met si libéralement à notre disposition. Que le moment du repas soit une occasion de détente et de bonne humeur. Et, tout en bénéficiant des bontés de l'Eternel, faisons monter vers lui nos louanges et nos actions de grâces. Soins aux enfants malades MG 325 1 Les maladies des enfants proviennent souvent d'erreurs ou d'imprudences. L'irrégularité dans les repas, l'insuffisance de vêtements par temps froid, le manque d'exercice pour activer la circulation du sang, le défaut d'air pur peuvent souvent être incriminés. Que les parents s'efforcent de découvrir les causes de la maladie et y remédient dès que possible. MG 325 2 Tous peuvent apprendre la manière de prévenir et même de traiter les maladies. La mère devrait tout particulièrement être au courant des soins à donner aux membres de sa famille dans les cas bénins, et savoir comment soigner son enfant malade. Son amour et son intuition lui permettront de faire ce que l'on ne saurait attendre d'une étrangère. L'étude de la physiologie MG 325 3 Intéressons de bonne heure nos enfants à l'étude des principes élémentaires de la physiologie. Enseignons-leur la manière de conserver leur santé physique, mentale, et spirituelle et d'user des talents qu'ils ont reçus pour que leur vie puisse honorer Dieu et être en bénédiction à leurs semblables. La connaissance des lois qui régissent la vie et la santé est d'une valeur inestimable et plus importante que celle de bien des matières enseignées dans les écoles. MG 325 4 Vivez davantage pour vos enfants et moins pour la société. Etudiez les questions sanitaires, et mettez vos connaissances en pratique. Apprenez à vos enfants à raisonner de cause à effet. Qu'ils sachent que la santé et le bonheur découlent de leur obéissance aux lois de la nature. Et si les progrès réalisés à cet égard sont moins rapides que vous ne l'espériez, ne vous découragez pas, continuez votre oeuvre avec patience et persévérance. MG 326 1 Dès le berceau, enseignez à vos enfants à pratiquer l'abnégation et la maîtrise personnelle. Apprenez-leur à jouir des beautés de la nature, et à développer systématiquement leur corps et leur esprit par des travaux utiles. Faites en sorte qu'ils aient une bonne constitution, d'excellents principes moraux, des dispositions à la gaîté et un heureux caractère. Inculquez dans leur esprit l'idée que Dieu ne veut pas que nous vivions uniquement pour les satisfactions de la vie présente, mais pour notre bien à venir. Dites-leur que céder à la tentation, c'est être faible et lâche; qu'y résister, c'est être noble et viril. Ces leçons seront comme une semence jetée dans un bon terrain, et porteront des fruits qui réjouiront vos coeurs. MG 326 2 Par-dessus tout, que les parents entourent leurs enfants d'une atmosphère de joie, de courtoisie et d'affection. Un foyer où règne l'amour et où il s'exprime dans les regards, les paroles et les actes, est un lieu où les anges aiment à manifester leur présence. MG 326 3 Parents, laissez le soleil de l'amour, de la joie et du bonheur entrer dans vos coeurs, et que sa douce influence se répande dans votre demeure. Manifestez un esprit de bonté et d'indulgence, et encouragez vos enfants à vous imiter. Cultivez toutes les grâces qui peuvent illuminer la vie de famille. L'atmosphère ainsi créée sera pour vos enfants ce que sont l'air et le soleil pour les végétaux, et entretiendra chez eux la santé et la vigueur de l'esprit et du corps. ------------------------Chapitre 33 -- L'influence du foyer MG 327 1 Le foyer devrait être pour l'enfant le lieu le plus attrayant du monde, et la présence de la mère, son bien le plus précieux. L'enfant a une nature sensible et aimante; un rien fait son bonheur, un rien l'attriste. Par une discipline aimable, des paroles et des actes empreints de tendre affection, la mère peut facilement gagner son coeur. MG 327 2 Les jeunes enfants aiment la compagnie et ont rarement du plaisir à rester seuls. Ils sont avides de sympathie et de tendresse, et pensent que ce qui leur plaît, plaît aussi à maman. Il est donc naturel pour eux d'aller à elle avec leurs petites joies et leurs petits chagrins. Aussi devrait-elle veiller à ne pas blesser leur coeur sensible en traitant avec indifférence les choses qui, insignifiantes à ses yeux, ont pour eux une grande importance. Sa sympathie et son approbation sont précieuses. Un regard approbateur, une parole encourageante, un éloge réchauffera leur coeur comme un rayon de soleil, et suffira pour les rendre heureux toute la journée. MG 327 3 Au lieu de les éloigner d'elle, pour ne pas être dérangée par le bruit de leurs jeux ou leurs petites exigences, la mère devrait leur proposer des amusements ou leur procurer de petits travaux qui occuperaient leurs mains agiles et leur esprit toujours en éveil. MG 327 4 En se plaçant à leur niveau, en prenant part à leurs distractions, en dirigeant leur activité, elle gagnera leur confiance et trouvera des occasions favorables pour corriger leurs mauvaises habitudes, réprimer leur égoïsme ou leurs emportements. Un conseil ou une réprimande en temps opportun a une grande valeur. Avec de la patience et de l'affection, elle peut diriger leur esprit dans la bonne voie et cultiver en eux des traits de caractère attrayants. MG 328 1 Il faut, toutefois, que la mère prenne garde que ses enfants ne puissent rien faire par eux-mêmes et soient toujours occupés de leur propre personne, s'imaginant qu'ils sont le centre du monde et que tout doit tourner autour d'eux. Certains parents consacrent trop de temps et d'attention à divertir leurs enfants au lieu de leur apprendre à s'amuser eux-mêmes, et à exercer leur propre ingéniosité et leur adresse. Ils sauraient ainsi se contenter de plaisirs simples et à leur portée. Entraînez-les à supporter courageusement leurs légers désappointements et leurs petites peines. Au lieu de faire état de leurs moindres égratignures, détournezen leur attention et apprenez-leur à ne pas donner trop d'importance aux circonstances adverses. Amenez-les à penser aux autres et à prévenir leurs désirs. MG 328 2 En aucun cas ne faites preuve de négligence à leur égard. Accablée de soucis, la mère se dit parfois qu'elle ne peut prendre le temps d'instruire ses enfants et de leur témoigner de l'amour et de la sympathie. Mais elle doit se souvenir que s'ils ne trouvent pas dans la famille de quoi satisfaire leurs besoins d'affection et de compagnie, ils chercheront ailleurs, peut-être au détriment de leur esprit et de leur caractère. MG 328 3 Par manque de temps ou de réflexion, bien des mères refusent à leurs enfants quelque plaisir innocent, tandis que leurs doigts et leurs yeux fatigués poursuivent avec assiduité un travail de broderie qui ne servira le plus souvent qu'à faire naître la vanité dans ces jeunes coeurs. En approchant de l'âge adulte, ils montreront, par leur orgueil et leur futilité morale, les fruits de ces leçons. Ces mères déploreront alors les fautes de leurs enfants, sans se rendre compte qu'elles récoltent ce qu'elles ont semé. MG 329 1 Il en est d'autres qui ne sont pas logiques dans leur manière d'élever leurs enfants. Tantôt elles leur permettent des choses mauvaises, tantôt elles leur refusent un plaisir inoffensif qui comblerait de joie leur innocence. En cela elles n'imitent pas le Christ, qui aimait les enfants, les comprenait et sympathisait avec eux dans leurs plaisirs et dans leurs peines. La responsabilité du père MG 329 2 Le père est le chef de la famille, et il est normal que la mère s'attende à trouver en lui l'affection, la sympathie et l'aide nécessaire pour élever les enfants. Ces derniers sont à lui aussi bien qu'à elle, et il est également intéressé à leur bien-être. Quant à eux, ils cherchent en leur père un soutien et un guide. Que celui-ci ait donc une conception juste de la vie, et des influences et compagnies qui doivent entourer sa famille; par-dessus tout, qu'il agisse dans l'amour et la crainte de Dieu et selon les enseignements de sa Parole, afin de guider les pas de ses chers enfants dans le droit chemin. MG 329 3 Le père est aussi le législateur de la famille. Et, comme Abraham, il faut qu'il fasse de la loi de Dieu la règle de sa maison. Le Seigneur dit d'Abraham: "Je l'ai choisi, afin qu'il ordonne à ses fils et à sa maison." Genèse 18:19. Il ne doit y avoir chez lui ni négligence coupable dans la répression du mal, ni favoritisme veule et imprudent, ni compromis entre le devoir et les exigences d'une affection mal placée. Abraham donnait non seulement de bonnes instructions, mais il maintenait l'autorité de règles justes et équitables. C'est pour notre bien que Dieu nous a donné des lois. Les enfants ne devraient pas être abandonnés à eux-mêmes sur des sentiers conduisant à la perdition. Avec bonté, mais avec fermeté, par des efforts persévérants et par la prière, que les parents répriment leurs mauvais désirs et combattent leurs inclinations fâcheuses. MG 330 1 Que le père insiste auprès de ses enfants sur la valeur des vertus austères: l'énergie, l'intégrité, l'honnêteté, la patience, le courage, l'activité et l'initiative. Et ce qu'il exige d'eux, qu'il le pratique lui-même, en sorte que sa conduite soit une vivante illustration de ces vertus. MG 330 2 Toutefois, pères, ne découragez pas vos enfants. Joignez l'autorité à l'affection, et à la fermeté la bienveillance et la sympathie. Consacrez-leur quelques-unes de vos heures de loisir; apprenez à les connaître toujours mieux; participez à leurs travaux et à leurs jeux. Gagnez leur confiance, leur amitié, particulièrement celle de vos fils. C'est ainsi que vous exercerez sur eux une heureuse influence. MG 330 3 Le père doit tout faire pour que le bonheur règne dans son foyer. Que ses soucis et ses difficultés, quelle qu'en soit la nature, ne viennent pas en troubler l'atmosphère. Lorsqu'il a fini son travail, qu'il rentre chez lui avec le sourire sur les lèvres et des paroles aimables. La prière au foyer MG 330 4 Dans un sens, le père est le prêtre du foyer; c'est lui qui offre sur l'autel de la famille les sacrifices du matin et du soir. Mais la mère et les enfants doivent aussi participer à la prière et aux chants de louange. Le matin, avant de se rendre au travail, qu'il rassemble ses enfants autour de lui et les confie à la garde du Père céleste. La journée terminée, que la famille s'unisse afin d'offrir une prière de reconnaissance et un chant de louange pour la protection dont elle a été l'objet. MG 330 5 Pères et mères, quelque pressantes que soient vos affaires, ne manquez pas de réunir votre famille autour de l'autel divin; implorez sur elle la protection des saints anges. Souvenez-vous que vos enfants sont sans cesse exposés à la tentation. Jeunes et vieux sont chaque jour assiégés par des ennemis sans nombre. La patience, la joie et l'amour ne s'obtiennent que par la prière. Ce n'est qu'en recevant constamment l'aide d'en haut que l'on peut remporter la victoire sur soi-même. MG 331 1 Le foyer doit être le lieu où règnent la joie, la courtoisie et l'affection, car là où ces grâces abondent se trouvent aussi le bonheur et la paix. Des difficultés peuvent surgir: elles sont le lot de l'humanité; mais ne perdez jamais courage. Que la gratitude et la bonté illuminent votre coeur, même aux jours les plus sombres. C'est dans de telles familles que les anges de Dieu aiment à se rendre. Que le mari et la femme cherchent à faire le bonheur l'un de l'autre; qu'ils se témoignent ces attentions délicates, ces petites prévenances aimables qui égayent et embellissent la vie. Une confiance parfaite devrait exister entre eux. Qu'ils envisagent ensemble leurs responsabilités et travaillent pour le plus grand bien de leurs enfants, ne se critiquant jamais en leur présence et ne mettant jamais en doute la valeur de leur jugement respectif. Que la femme s'efforce de ne pas compliquer la tâche de son mari à l'égard des enfants et que le mari collabore avec sa femme en la conseillant avec sagesse et affection. MG 331 2 Il ne faut laisser s'élever aucune barrière de froideur et de réserve entre parents et enfants. Parents, efforcez-vous de connaître toujours mieux vos enfants, vous mettant à leur portée, cherchant à comprendre leurs goûts et leurs dispositions, tout en essayant de pénétrer leurs sentiments et leurs pensées. MG 331 3 Montrez-leur que vous les aimez et que vous êtes disposés à faire l'impossible pour les rendre heureux. Vos recommandations auront alors à leurs yeux une bien plus grande valeur. Dirigez-les avec tendresse et compassion, vous souvenant que "leurs anges dans les cieux voient continuellement la face [du] Père". Matthieu 18:10. Si vous voulez que ces messagers célestes accomplissent pour vos enfants l'oeuvre dont Dieu les a chargés, coopérez avec eux de toutes vos forces et par tous les moyens. MG 332 1 Elevés dans l'atmosphère saine et affectueuse d'un foyer digne de ce nom, les enfants n'éprouveront aucun désir de chercher ailleurs leurs plaisirs et leur camarades. Le mal ne les attirera pas. L'esprit qui prévaut au foyer façonnera leur caractère; ils y formeront des habitudes et y acquerront des principes qui, lorsqu'ils auront quitté la maison et pris leur place dans le monde, constitueront pour eux un rempart contre la tentation. MG 332 2 Les enfants, comme les parents, ont des devoirs à remplir. Il faut leur enseigner qu'ils font partie intégrante du foyer. Ils y sont nourris, vêtus, soignés et aimés. En reconnaissance de ces nombreux bienfaits, ils doivent participer au bien-être de la famille et s'efforcer de la rendre heureuse. MG 332 3 Les enfants sont parfois tentés de s'impatienter sous les restrictions; mais plus tard, ils béniront leurs parents pour les soins affectueux et la vigilance éclairée dont ils ont été entourés et qui les ont guidés pendant leurs années d'inexpérience. ------------------------Chapitre 34 -- La véritable éducation: un apprentissage missionnaire MG 333 1 La véritable éducation est un apprentissage missionnaire. Tous les fils et toutes les filles de Dieu sont appelés à se mettre à son service et au service du prochain. Notre éducation consiste à nous y préparer. La préparation au service MG 333 2 Il faut que cette pensée soit toujours présente à l'esprit des parents et des éducateurs chrétiens. Nous ignorons dans quel domaine nos enfants pourront se rendre utiles. Peutêtre passeront-ils leur vie dans le cercle de la famille, ou embrasseront-ils une carrière, ou encore iront-ils annoncer l'Evangile dans les pays païens. Mais tous sont également appelés à être des missionnaires pour Dieu et des ministres de sa grâce. MG 333 3 Le Seigneur aime les enfants et les jeunes gens, avec leurs talents neufs, leur énergie, leur courage, leur sensibilité toujours en éveil. Il désire qu'ils soient intimement unis avec ses messagers divins par une éducation qui leur permette de le servir d'une manière désintéressée. MG 333 4 Jésus dit de tous ses enfants jusqu'à la fin des temps, comme de ses premiers disciples: "Comme tu m'as envoyé dans le monde, je les ai aussi envoyés dans le monde" (Jean 17:18), pour être tes représentants, révéler ton Esprit, manifester ton caractère et accomplir ton oeuvre. MG 333 5 Nos enfants se tiennent, pour ainsi dire, à la croisée des chemins. De tous côtés, les plaisirs faciles les sollicitent et tendent à les éloigner du sentier des rachetés du Seigneur. Le choix qu'ils font détermine si leur vie sera en bénédiction ou en malédiction. Débordants d'énergie, impatients d'essayer leurs forces, ils doivent trouver une issue à leur vie exubérante. Ils sont actifs pour le bien ou pour le mal. MG 334 1 La Parole de Dieu ne réprime pas l'activité; elle la guide. Le Seigneur ne demande pas à la jeunesse d'être moins ambitieuse. Les traits de caractère qui mènent au succès et aux honneurs -- le désir irrésistible d'un bien plus grand, une volonté indomptable, une application passionnée, une persévérance infatigable -- ne doivent pas être découragés. Par la grâce de Dieu, ils peuvent être dirigés vers un but aussi élevé au-dessus des intérêts de ce monde que les cieux le sont au-dessus de la terre. MG 334 2 C'est à nous, parents et chrétiens, qu'il incombe de mettre nos enfants sur la bonne voie. Avec sagesse, avec tendresse, nous devons les guider dans les sentiers du ministère chrétien. Nous avons contracté avec Dieu l'obligation sacrée de former nos enfants pour son service. Notre premier devoir est donc de les entourer d'influences qui les amèneront à choisir une vie de service et à recevoir les instructions nécessaires. MG 334 3 "Dieu a tant aimé ... qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle." Jean 3:16. Le "Christ ... nous a aimés, et ... s'est livré lui-même ... pour nous". Ephésiens 5:2. Si nous aimons, nous donnerons. "Non pour être servi, mais pour servir" (Matthieu 20:28), telle est la grande leçon que nous devons apprendre et enseigner. MG 334 4 Que la jeunesse se pénètre de la pensée qu'elle ne s'appartient pas; elle est au Christ qui l'a rachetée par son sang et appelée par son amour. Soutenue par sa puissance, elle lui doit son temps, ses forces, ses talents. MG 335 1 Après les anges, la famille humaine, formée à l'image divine, est la plus noble des oeuvres du Créateur. Le Seigneur désire qu'elle devienne conforme à son dessein, et qu'elle utilise judicieusement les forces qu'elle a reçues de lui. MG 335 2 La vie est mystérieuse et sacrée. C'est la manifestation de Dieu lui-même, la source de toute vie. Les occasions qu'elle offre sont très précieuses et devraient être mises à profit avec zèle, car elles ne se représenteront plus jamais. MG 335 3 Dieu place devant nous l'éternité, et nous permet d'entrevoir les réalités impérissables. Il nous révèle des vérités ennoblissantes, afin que nous avancions dans un chemin sûr, à la poursuite d'un objet digne de tous nos efforts. MG 335 4 Dans la petite semence qu'il a lui-même formée, le Seigneur voit la fleur magique, l'arbuste ou l'arbre immense, comme il voit les possibilités de tout être humain. Nous avons un but à atteindre ici-bas. Dieu nous a révélé le plan selon lequel il veut que nous vivions, et il nous demande d'arriver au plus haut développement du corps et de l'esprit. MG 335 5 Sa volonté est que nous croissions sans cesse en sainteté, que notre bonheur et notre utilité aillent toujours en augmentant. Nous avons tous des talents que nous devons considérer comme des dépôts sacrés et apprécier comme venant d'en haut pour en faire un bon usage. Dieu s'attend que jeunes gens et jeunes filles tirent parti de toutes les ressources de leur être et fassent rendre le maximum à chacune de leurs facultés. Son désir est de les voir jouir de tout ce qui est utile et précieux en ce monde, en vivant avec sagesse, en pratiquant le bien et en s'amassant de la sorte un trésor impérissable pour la vie à venir. MG 335 6 L'ambition de la jeunesse devrait être de tendre à tout ce qui est élevé, noble et désintéressé. Qu'elle prenne le Christ pour modèle et cultive la sainte ambition que révéla sa vie, celle de laisser le monde meilleur pour y avoir vécu. C'est l'oeuvre à laquelle il l'a appelée. Un solide fondement MG 336 1 La plus élevée de toutes les sciences est celle du salut des âmes. C'est la plus importante à l'étude de laquelle l'homme puisse se livrer. Pour accomplir cette oeuvre il faut poser des fondements solides, avoir des connaissances étendues et une éducation qui exige de la part des parents et des éducateurs des pensées et des efforts qu'une simple étude des sciences ne donne pas. Il faut plus que la culture de l'intelligence. L'éducation est incomplète si elle n'embrasse pas le développement du corps, de l'esprit et du coeur. Le caractère doit être soumis à une discipline qui lui permette d'atteindre sa plus complète formation. Que les facultés intellectuelles et physiques soient cultivées et exercées judicieusement. Notre devoir consiste à développer tous les talents qui nous permettront d'être des ouvriers utiles dans la vigne du Seigneur. MG 336 2 La véritable éducation concerne l'être tout entier. Elle nous permet de tirer le meilleur parti possible de notre cerveau et de nos muscles, comme de notre coeur. Que les facultés de l'esprit gouvernent le corps et que les appétits et les passions vulgaires soient placés sous le contrôle de la conscience. Le Christ est le chef de l'humanité, il désire nous conduire dans les sentiers de la pureté. Par sa grâce merveilleuse, nous devenons parfaits en lui. MG 336 3 C'est au foyer que Jésus reçut son éducation. De sa mère et des écrits des prophètes, il acquit la connaissance des choses célestes. Il vécut dans une famille d'artisans et prit joyeusement part aux travaux domestiques. Lui qui avait gouverné les cieux fut un serviteur dévoué, un fils aimant et obéissant. Il apprit un métier et travailla dans l'atelier de charpentier de Joseph. Vêtu comme un ouvrier, il circulait dans les rues de son village, allant à son travail et en revenant. MG 337 1 Les gens de son époque jugeaient des choses par leur apparence. La religion, ayant perdu de sa puissance, avait augmenté en pompe. Les éducateurs cherchaient à s'attirer le respect par l'ostentation et le faste. La vie de Jésus offrait un contraste absolu avec cet état d'esprit; elle démontrait la vanité des choses que les hommes regardaient comme essentielles. Le Sauveur ne fréquenta pas les écoles de son temps, où l'on magnifiait ce qui est petit et rapetissait ce qui est grand. Son éducation se forma aux sources désignées par le ciel: un travail utile, l'étude des saintes Ecritures et de la nature, et les expériences de la vie, tous livres divins, débordant d'enseignements pour les coeurs réceptifs, les esprits bien disposés et les mains industrieuses. MG 337 2 "L'enfant croissait et se fortifiait. Il était rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui." Luc 2:40. MG 337 3 Ainsi préparé, Jésus commença son minitsère, exerçant sur tous ceux qui l'entouraient une influence ennoblissante et une puissance transformatrice dont le monde n'avait jamais été témoin. MG 337 4 Le foyer est la première école de l'enfant; c'est là que doivent être posées les bases d'une vie de service. Les principes n'en seront pas enseignés en théorie seulement, mais ils constitueront l'ambiance et le moule même de la vie. MG 337 5 Très tôt, il faut apprendre à l'enfant à se rendre utile. Dès que ses forces physiques et mentales sont suffisamment développées, il doit pouvoir s'acquitter de certains travaux domestiques. Il sera encouragé à soulager son père ou sa mère dans sa tâche quotidienne, à pratiquer l'abnégation et la maîtrise de soi, à faire passer le bonheur des autres avant le sien, à saisir les occasions de faire plaisir à ses frères et à ses soeurs, à ses camarades, et à témoigner de la bonté aux vieillards, aux malades et aux pauvres. Dans la mesure où il sera cultivé à la maison, le véritable esprit de service se développera dans la vie des enfants qui trouveront de la joie à venir en aide à leurs semblables et à consentir des sacrifices pour que d'autres soient heureux. La tâche de l'école MG 338 1 L'éducation commencée à la maison doit être poursuivie et complétée à l'école. Elle embrasse le développement de l'être tout entier: physique, mental et spirituel, ainsi que l'enseignement du service et du sacrifice. MG 338 2 Le don de soi en faveur d'autrui, dans les choses courantes de la vie par amour pour le Christ, est par-dessus tout ce qui formera le caractère et orientera la vie vers un but désintéressé. Eveiller cet esprit, l'encourager, le diriger, telle est la tâche des parents et des maîtres. Aucune oeuvre plus importante ne pourrait leur être confiée. L'esprit de service est l'esprit du ciel, et les anges participent à tous les efforts faits en vue de l'obtenir. MG 338 3 Une telle éducation doit être fondée sur la Parole de Dieu qui, seule, en renferme les principes dans toute leur plénitude. Il faut que la Bible soit à la base de l'étude et de l'enseignement, car la connaissance par excellence est celle de Dieu et du Christ qu'il a envoyé. MG 338 4 Tout enfant de Dieu, tout jeune homme ou toute jeune fille se doit de posséder une certaine connaissance de lui-même. Son corps est l'habitation physique qu'il a reçue de Dieu, et il ne devrait pas ignorer les lois qui lui permettent de le garder en bonne santé. Tous devraient avoir une bonne compréhension des branches essentielles de l'éducation. L'apprentissage d'un métier est en outre indispensable aux jeunes gens comme aux jeunes filles afin d'acquérir le sens pratique de l'existence et de pouvoir remplir les devoirs de la vie journalière. A tout cela vient s'ajouter une connaissance théorique et pratique des diverses activités du travail missionnaire. Apprendre en enseignant MG 339 1 Que jeunes gens et jeunes filles poursuivent leurs études aussi rapidement et aussi loin que possible. Que leur programme soit aussi étendu que le permettent leurs capacités intellectuelles. Tout en étudiant, qu'ils fassent part de leurs connaissances. Ainsi, leur esprit se développera et se disciplinera. C'est l'usage que l'on fait des connaissances acquises qui détermine la valeur de l'éducation reçue. Consacrer beaucoup de temps à l'étude, sans communiquer ce que l'on a appris, est plus souvent un obstacle qu'une aide au développement réel. Il faut apprendre à la maison et à l'école la manière de s'y prendre. Quelle que soit sa profession, l'homme doit être toute sa vie un étudiant et un maître. C'est ainsi qu'il pourra progresser continuellement, comptant sur Dieu dont la sagesse est infinie, qui peut révéler les secrets et résoudre les problèmes les plus ardus, lorsqu'on s'adresse à lui avec foi. MG 339 2 La Parole de Dieu met en évidence l'importance de l'influence des relations sociales pour les adultes, mais cette influence agit bien plus puissamment sur l'esprit et le caractère des enfants et de la jeunesse. Des camarades qu'ils fréquentent, des principes qu'ils adoptent, des habitudes qu'ils forment dépendent leur utilité ici-bas et leur sort éternel. MG 339 3 C'est un fait déplorable, et qui devrait émouvoir le coeur des parents, que dans la plupart des écoles où l'on envoie les enfants pour y acquérir une culture intellectuelle, les influences qui prévalent déforment le caractère, détournent l'esprit des buts réels de la vie et sapent la moralité. En fréquentant des camarades incrédules, dissipés et corrompus, bien des jeunes gens perdent leur simplicité et leur pureté, leur foi en Dieu et l'esprit d'abnégation que des parents chrétiens leur avaient patiemment et pieusement inculqués. MG 340 1 Certains, parmi ceux qui fréquentent les écoles pour se préparer à un ministère d'abnégation, se laissent absorber par des études profanes, et finissent par rechercher des distinctions scolaires ou une position et des honneurs dans le monde. Ils perdent ainsi de vue le but qu'ils s'étaient fixé, et ils consacrent leur vie à des fins égoïstes et frivoles. Souvent, ils acquièrent des habitudes qui ruinent leur vie présente et future. MG 340 2 En général, les hommes et les femmes qui ont des idées larges, des buts altruistes, de nobles aspirations doivent ces caractéristiques aux influences auxquelles ils ont été soumis pendant leur jeune âge. Dieu avait recommandé aux Israélites de veiller avec un soin tout particulier à l'éducation de leurs enfants. Toutes les ordonnances relatives à la vie civile, religieuse et sociale avaient pour but de préserver ces derniers des mauvaises influences et de les instruire dans les principes et les préceptes de la loi divine. Les exemples donnés à la nation dès le début de son existence étaient de nature à impressionner profondément les coeurs. Avant que le dernier et terrible jugement fondît sur les Egyptiens par la mort de leurs premiers-nés, Dieu donna l'ordre aux Israélites de réunir leurs enfants dans leurs propres maisons. Il fallait marquer de sang les linteaux des portes, et tous devaient se placer sous la protection de ce signe. De même aujourd'hui, les parents qui aiment et craignent Dieu ont le devoir de garder leurs enfants sous le "signe de l'alliance divine", la protection sacrée du sang rédempteur. MG 340 3 Le Christ a dit de ses disciples: "Je leur ai donné ta parole; et ... ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde." Jean 17:14. MG 340 4 "Ne vous conformez pas au siècle présent, nous recommande le Seigneur, mais soyez transformés par le renouvellement de l'intelligence." Romains 12:2. MG 341 1 "Ne vous mettez pas avec les infidèles sous un joug étranger. Car quel rapport y a-t-il entre la justice et l'iniquité? ou qu'y a-t-il de commun entre la lumière et les ténèbres?... Quel rapport y a-t-il entre le temple de Dieu et les idoles? Car nous sommes le temple du Dieu vivant, comme Dieu l'a dit: J'habiterai et je marcherai au milieu d'eux; je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple. C'est pourquoi, MG 341 2 Sortez du milieu d'eux, Et séparez-vous, dit le Seigneur; Ne touchez pas à ce qui est impur, Et je vous accueillerai. Je serai pour vous un père, Et vous serez pour moi des fils et des filles, Dit le Seigneur tout-puissant." 2 Corinthiens 6:14-18. MG 341 3 "Assemblez les enfants." Joël 2:16. "Je fais connaître les ordonnances de Dieu et ses lois." Exode 18:16. MG 341 4 "C'est ainsi qu'ils mettront mon nom sur les enfants d'Israël, et je les bénirai." Nombres 6:27. MG 341 5 "Tous les peuples verront que tu es appelé du nom de l'Eternel, et ils te craindront." Deutéronome 28:10. MG 341 6 Le reste de Jacob sera au milieu des peuples nombreux Comme une rosée qui vient de l'Eternel, Comme des gouttes d'eau sur l'herbe: Elles ne comptent pas sur l'homme, Elles ne dépendent pas des enfants des hommes. Michée 5:6. MG 341 7 Toutes ces instructions données autrefois au peuple d'Israël concernant l'éducation des enfants, toutes les promesses faites à ceux qui obéiraient au Seigneur sont aussi pour nous. MG 341 8 C'est à nous que Dieu dit également: "Je te bénirai,... et tu seras une source de bénédiction." Genèse 12:2. MG 341 9 Le Christ dit de ses premiers disciples et de tous ceux qui croiraient en lui par leur parole: "Je leur ai donné la gloire que tu m'as donnée, afin qu'ils soient un comme nous sommes un, -- moi en eux, et toi en moi, -- afin qu'ils soient parfaitement un, et que le monde connaisse que tu m'as envoyé et que tu les as aimés comme tu m'as aimé." Jean 17:22, 23. MG 342 1 Merveilleuses paroles, presque au-dessus de la portée de la foi! Le Créateur de l'univers aime, comme son propre Fils, tous ceux qui se consacrent à son service. Aujourd'hui même, à cette heure-ci, il nous comble de ses faveurs. Il nous dispense sa lumière et tous les trésors d'en haut par Jésus-Christ. Non seulement il nous fait des promesses merveilleuses au sujet de la vie future, mais il nous accorde des dons précieux en cette vie. En tant que sujets de sa grâce, il veut nous voir jouir de tout ce qui ennoblit et élève nos caractères. Il désire communiquer à la jeunesse la puissance céleste, afin qu'elle se range sous la bannière ensanglantée du Sauveur, travaille comme il a travaillé lui-même, conduise les âmes dans de sûrs sentiers et en amène beaucoup au Rocher des siècles. MG 342 2 Tous ceux qui cherchent à travailler en harmonie avec le dessein de Dieu pour l'éducation jouiront de sa grâce, de sa présence continuelle et de sa puissance protectrice. MG 342 3 "Fortifie-toi et prends courage, dit-il à chacun de nous, ne t'effraie point et ne t'épouvante point, car l'Eternel, ton Dieu, est avec toi." "Je ne te délaisserai point, je ne t'abandonnerai point." Josué 1:9, 5. MG 342 4 Comme la pluie et la neige descendent des cieux, Et n'y retournent pas Sans avoir arrosé, fécondé la terre, et fait germer les plantes, Sans avoir donné de la semence au semeur Et du pain à celui qui mange, Ainsi en est-il de ma parole, qui sort de ma bouche: Elle ne retourne point à moi sans effet, Sans avoir exécuté ma volonté Et accompli mes desseins. Oui, vous sortirez avec joie, Et vous serez conduits en paix; Les montagnes et les collines éclateront d'allégresse devant vous, Et tous les arbres de la campagne battront des mains. Au lieu de l'épine s'élèvera le cyprès, Au lieu de la ronce croîtra le myrte; Ce sera pour l'Eternel une gloire, Un monument perpétuel, impérissable. Ésaïe 55:10-13. MG 343 1 Partout règne le désordre, et une transformation radicale s'impose. L'éducation donnée à la jeunesse est le seul remède efficace au désarroi de la société. MG 343 2 Ils rebâtiront sur d'anciennes ruines, Ils relèveront d'antiques décombres, Ils renouvelleront des villes ravagées, Dévastées depuis longtemps. ... On vous appellera sacrificateurs de l'Eternel... Vous mangerez les richesses des nations, Et vous vous glorifierez de leur gloire. ... Car moi, l'Eternel, j'aime la justice. MG 343 3 Je leur donnerai fidèlement leur récompense, Et je traiterai avec eux une alliance éternelle. Leur race sera connue parmi les nations, Et leur postérité parmi les peuples; Tous ceux qui les verront reconnaîtront Qu'ils sont une race bénie de l'Eternel. ... Car, comme la terre fait éclore son germe, Et comme un jardin fait pousser ses semences, Ainsi le Seigneur, l'Eternel, fera germer le salut et la louange, En présence de toutes les nations. Ésaïe 61:4-11. ------------------------Chapitre 35 -- La connaissance de Dieu MG 347 1 Comme notre Sauveur, nous sommes ici-bas pour servir Dieu, refléter son caractère et le faire connaître au monde par une vie de service. Mais si nous voulons collaborer avec lui afin de lui devenir semblables et de révéler son caractère, il faut que nous le connaissions tel qu'il est. Nous devons le connaître comme il s'est révélé. MG 347 2 La connaissance de Dieu est à la base de toute véritable éducation. Elle est indispensable à tous ceux qui travaillent au relèvement de leurs semblables. C'est par elle que nous sommes préservés de la tentation, et que notre caractère devient conforme à celui du Très-Haut. MG 347 3 La transformation du caractère, la pureté de la vie, l'efficacité du service, la fidélité aux principes rationnels, tout cela dépend d'une juste conception de Dieu. Cette connaissance constitue la préparation essentielle à cette vie et à la vie à venir. MG 347 4 "Le commencement de la sagesse, c'est la crainte de l'Eternel." Proverbes 9:10. MG 347 5 La connaissance de Dieu nous donne "tout ce qui contribue à la vie et à la piété". 2 Pierre 1:3. MG 347 6 "La vie éternelle, dit Jésus, c'est qu'ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ." Jean 17:3. MG 347 7 Ainsi parle l'Eternel: Que le sage ne se glorifie pas de sa sagesse, Que le fort ne se glorifie pas de sa force, Que le riche ne se glorifie pas de sa richesse. Mais que celui qui veut se glorifier se glorifie D'avoir de l'intelligence et de me connaître, De savoir que je suis l'Eternel, Qui exerce la bonté, le droit et la justice sur la terre; Car c'est à cela que je prends plaisir, dit l'Eternel. Jérémie 9:23, 24. MG 348 1 Etudions les révélations que Dieu a données de lui-même. MG 348 2 Attache-toi donc à Dieu, et tu auras la paix; Tu jouiras ainsi du bonheur. Reçois de sa bouche instruction, Et mets dans ton coeur ses paroles. ... Le Tout-Puissant sera ton or. ... Tu feras du Tout-Puissant tes délices, Tu élèveras vers Dieu ta face; Tu le prieras et il t'exaucera, Et tu accompliras tes voeux. A tes résolutions répondra le succès; Sur tes sentiers brillera la lumière. Vienne l'humiliation, tu prieras pour ton relèvement: Dieu secourt celui dont le regard est abattu. Job 22:21-29. MG 348 3 "Les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient comme à l'oeil, depuis la création du monde, quand on les considère dans ses ouvrages." Romains 1:20. MG 348 4 Les beautés de la nature que nous contemplons aujourd'hui ne donnent qu'une faible idée de la gloire du jardin d'Eden. Le péché a défiguré la terre; on en constate les stigmates partout. Il reste encore cependant bien des merveilles, et on peut se rendre compte qu'un Etre infini a créé notre globe et y a semé la vie et le bonheur. Tout, malgré le péché, révèle l'oeuvre du grand Artiste. Où que nous nous tournions, nous pouvons entendre sa voix et discerner les preuves de sa bonté. MG 349 1 Tout chante les louanges de Dieu: depuis le grondement du tonnerre et le mugissement des flots déchaînés des vastes océans, jusqu'aux mélodies joyeuses des oiseaux qui peuplent la forêt. Sur la terre, dans la mer, dans le ciel, dans la variété des tons et des couleurs, les contrastes splendides ou les nuances harmonieuses, nous contemplons sa gloire. Les collines éternelles nous parlent de sa puissance, les arbres qui agitent au soleil leur vert feuillage et les fleurs qui étalent leur beauté délicate nous le révèlent. Le tapis de verdure qui recouvre le sol témoigne des soins de Dieu pour les plus humbles de ses créatures. Les profondeurs de la terre et de la mer recèlent ses trésors. Celui qui a mis des perles dans les océans et des pierres précieuses parmi les rochers aime ce qui est beau. Le soleil qui s'élève dans les cieux représente celui qui est la vie et la lumière de tout ce qu'il a fait. Toute la beauté qui orne la terre et illumine le ciel nous parle de Dieu. MG 349 2 Sa majesté couvre les cieux. Habakuk 3:3. MG 349 3 La terre est remplie de tes biens. Psaumes 104:24. MG 349 4 Le jour en instruit un autre jour, La nuit en donne connaissance à une autre nuit. Ce n'est pas un langage, ce ne sont pas des paroles Dont le son ne soit point entendu: ... Leurs accents vont aux extrémités du monde. Psaumes 19:3-5. MG 349 5 Tout proclame ses soins paternels et son désir de rendre ses enfants heureux. MG 349 6 La puissance extraordinaire qui opère au sein de la nature et fait subsister toutes choses n'est pas simplement, comme le pensent quelques savants, un principe omniprésent ou une énergie agissante. Dieu est esprit, mais il est aussi un être personnel. C'est ainsi qu'il se révèle: MG 350 1 L'Eternel est Dieu en vérité, Il est un Dieu vivant et un roi éternel. ... Les dieux qui n'ont point fait les cieux et la terre Disparaîtront de la terre et de dessous les cieux. ... Celui qui est la part de Jacob n'est pas comme elles [les idoles]; Car c'est lui qui a tout formé. ... Il a créé la terre par sa puissance, Il a fondé le monde par sa sagesse, Il a étendu les cieux par son intelligence. Jérémie 10:10, 11, 16, 12. La nature n'est pas Dieu MG 350 2 Dieu agit dans la nature, mais il n'est pas la nature. Celle-ci est l'expression de la puissance et du caractère de Dieu; il ne faut pas la confondre avec le Dieu personnel. L'artiste produit des oeuvres magnifiques qui font les délices des yeux et nous révèlent sa pensée; mais l'oeuvre n'est pas l'artiste. Ce n'est pas l'oeuvre qu'on loue, mais l'artiste. De même, bien que la nature exprime la pensé divine, ce n'est pas la nature mais le Dieu de la nature qu'il faut exalter. MG 350 3 Venez, prosternons-nous et humilions-nous, Fléchissons le genou devant l'Eternel, notre créateur! Psaumes 95:6. MG 350 4 Il tient dans sa main les profondeurs de la terre, Et les sommets des montagnes sont à lui. La mer est à lui, c'est lui qui l'a faite; La terre aussi, ses mains l'ont formée. Psaumes 95:4, 5. MG 350 5 Il a créé les Pléiades et l'Orion, Il change les ténèbres en aurore, Il obscurcit le jour pour en faire la nuit. Amos 5:8. MG 350 6 Voici celui qui a formé les montagnes et créé le vent, Et qui fait connaître à l'homme ses pensées. Amos 4:13. MG 350 7 Il a bâti sa demeure dans les cieux, Et fondé sa voûte sur la terre; Il appelle les eaux de la mer, Et les répand à la surface de la terre: L'Eternel est son nom. Amos 9:6. La création de la terre MG 351 1 On ne peut expliquer la création par la science. Quelle science, en effet, pourrait sonder le mystère de la vie? MG 351 2 "C'est par la foi que nous reconnaissons que le monde a été formé par la parole de Dieu, en sorte que ce qu'on voit n'a pas été fait de choses visibles." Hébreux 11:3. MG 351 3 Je forme la lumière, et je crée les ténèbres. ... Moi, l'Eternel, je fais toutes ces choses. ... C'est moi qui ai fait la terre, Et qui sur elle ai créé l'homme; C'est moi, ce sont mes mains qui ont déployé les cieux, Et c'est moi qui ai disposé toute leur armée. Ésaïe 45:7-12. MG 351 4 Je les appelle, et aussitôt ils se présentent. Ésaïe 48:13. MG 351 5 Pour créer la terre, Dieu n'emprunta pas une matière préexistante. "Il dit, et la chose arrive; il ordonne, et elle existe." Psaumes 33:9. Tout, que ce soit dans le domaine matériel ou spirituel, parut à la voix de l'Eternel et fut créé d'après ses desseins. Les cieux et toute leur armée, la terre et tout ce qu'elle renferme vinrent à l'existence par le souffle de sa bouche. MG 351 6 L'action d'un Dieu personnel se manifesta à la création de l'homme. Lorsque le Seigneur eut fait celui-ci à son image, la forme de son corps était parfaite, mais il y manquait la vie. C'est alors qu'un Dieu personnel, existant par lui-même, souffla dans ses narines un souffle de vie, et l'homme devint un être vivant et intelligent. Tous les organes du corps humain furent mis en mouvement. Le coeur, les artères, les veines, la langue, les mains, les pieds, les sens, les facultés de l'esprit, -- tout s'anima et fut soumis à des lois. L'homme devint une âme vivante. C'est un Dieu personnel qui, par le Christ, -- la Parole -- créa l'homme et le revêtit d'intelligence et de force. MG 352 1 Notre substance n'était pas cachée à ses yeux lorsque nous étions formés dans le secret. Il voyait cette substance, bien qu'imparfaite; et dans son livre tous nos membres étaient décrits, alors qu'aucun d'eux n'existait. MG 352 2 Le dessein de Dieu était que l'homme fût supérieur à tous les êtres créés, le couronnement de la création, exprimant sa pensée et révélant sa gloire. Mais l'homme ne doit pas s'exalter au rang de Dieu. MG 352 3 Poussez vers l'Eternel des cris de joie, Vous tous, habitants de la terre! Servez l'Eternel avec joie, Venez avec allégresse en sa présence! Sachez que l'Eternel est Dieu! C'est lui qui nous a faits, et nous lui appartenons; Nous sommes son peuple, et le troupeau de son pâturage. Entrez dans ses portes avec des louanges, Dans ses parvis avec des cantiques! Célébrez-le, bénissez son nom! Psaumes 100:1-4. MG 352 4 Exaltez l'Eternel, notre Dieu, Et prosternez-vous sur sa montagne sainte! Car il est saint, l'Eternel, notre Dieu! Psaumes 99:9. MG 352 5 Dieu maintient et emploie constamment à son service ce qu'il a créé. Il opère par les lois de la nature dont il fait ses instruments. Mais celles-ci n'agissent pas par elles-mêmes. La nature témoigne de la présence intelligente et active d'un Etre qui fait mouvoir toutes choses selon sa volonté. MG 352 6 A toujours, ô Eternel! Ta parole subsiste dans les cieux. ... Tu as fondé la terre, et elle demeure ferme. C'est d'après tes lois que tout subsiste aujourd'hui, Car toutes choses te sont assujetties. Psaumes 119:89-91. MG 352 7 Tout ce que l'Eternel veut, il le fait, Dans les cieux et sur la terre, Dans les mers et dans tous les abîmes. Psaumes 135:6. MG 353 1 Il a commandé, et ils ont été créés. Il les a affermis pour toujours et à perpétuité; Il a donné des lois, et il ne les violera point. Psaumes 148:5, 6. MG 353 2 Ce n'est pas en vertu d'une puissance inhérente et aveugle que la terre, année après année, nous prodigue ses richesses et poursuit sa révolution autour du soleil. C'est la main de l'Etre infini qui la dirige constamment. La puissance divine, qui ne cesse de s'exercer, maintient la terre en place dans son mouvement de rotation. Dieu fait lever le soleil; il ouvre les écluses des cieux et nous accorde la pluie. MG 353 3 Il donne la neige comme de la laine, Il répand la gelée blanche comme de la cendre. Psaumes 147:16. MG 353 4 A sa voix, les eaux mugissent dans les cieux; Il fait monter les nuages des extrémités de la terre, Il produit les éclairs et la pluie, Il tire le vent de ses trésors. Jérémie 10:13. MG 353 5 C'est la puissance divine qui produit la végétation, fait apparaître les feuilles, s'épanouir les fleurs et se développer les fruits. MG 353 6 Le fonctionnement du corps humain dépasse notre compréhension. Il y a là un mystère qui déconcerte les plus intelligents. Ce n'est pas un organisme qui, une fois en action, poursuit seul son travail, fait battre le pouls et fonctionner l'appareil respiratoire. C'est en Dieu que "nous avons la vie, le mouvement et l'être". Le coeur, le pouls, chacun des nerfs de l'organisme, chaque muscle est maintenu en activité par la puissance d'un Dieu toujours présent. MG 353 7 La Bible nous parle de Dieu comme habitant un lieu saint, dans l'au-delà, qui est sans cesse actif, et ne connaît ni le silence ni la solitude, mais est environné de myriades d'êtres saints, prêts à faire sa volonté. C'est par ces messagers qu'il est en communication active avec toutes les parties de son empire. Par son Esprit et par ses anges, il est partout présent pour secourir les enfants des hommes. MG 354 1 Il est assis sur son trône, dominant les agitations de notre planète. Rien n'échappe à son oeil divin; et du sein de son éternité majestueuse et sereine, il répand ici-bas ses bienfaits. MG 354 2 La voie de l'homme n'est pas en son pouvoir; Ce n'est pas à l'homme, quand il marche, A diriger ses pas. Jérémie 10:23. MG 354 3 Confie-toi en l'Eternel de tout ton coeur... Reconnais-le dans toutes tes voies, Et il aplanira tes sentiers. Proverbes 3:5, 6. MG 354 4 L'oeil de l'Eternel est sur ceux qui le craignent, Sur ceux qui espèrent en sa bonté, Afin d'arracher leur âme à la mort Et de les faire vivre au milieu de la famine. Psaumes 33:18, 19. MG 354 5 Combien est précieuse ta bonté, ô Dieu! A l'ombre de tes ailes les fils de l'homme cherchent un refuge. Psaumes 36:8. MG 354 6 Heureux celui qui a pour secours le Dieu de Jacob, Qui met son espoir en l'Eternel, son Dieu! Psaumes 146:5. MG 354 7 La terre, ô Eternel! est pleine de ta bonté. Psaumes 119:64. MG 354 8 Il aime la justice et la droiture. Psaumes 33:5. MG 354 9 Espoir de toutes les extrémités lointaines de la terre et de la mer! Il affermit les montagnes par sa force, Il est ceint de puissance; Il apaise le mugissement des mers, le mugissement de leurs flots, Et le tumulte des peuples. Psaumes 65:6-8. MG 354 10 Tu remplis d'allégresse l'orient et l'occident. Tu visites la terre et tu lui donnes l'abondance. Psaumes 65:9, 10. MG 355 1 L'Eternel soutient tous ceux qui tombent, Et il redresse tous ceux qui sont courbés. Les yeux de tous espèrent en toi, Et tu leur donnes la nourriture en son temps. Tu ouvres ta main, Et tu rassasies à souhait tout ce qui a vie. Psaumes 145:14-16. La personnalité de Dieu révélée en Christ MG 355 2 Dieu, par son Fils, s'est révélé comme un être personnel. Reflet de la gloire du Père, "l'empreinte de sa personne" (Hébreux 1:3), Jésus revêtit une forme humaine pour venir sur la terre. C'est donc un Sauveur personnel qui descendit ici-bas et remonta au ciel où il intercède pour nous devant le trône de Dieu. Quelqu'un qui ressemble "à un fils d'homme" exerce auprès du Père un ministère en notre faveur. Apocalypse 1:13. MG 355 3 Le Christ, la lumière du monde, voila l'éblouissante splendeur de sa divinité et vécut parmi les hommes, afin que ceux-ci puissent, sans être consumés, connaître leur Créateur. Depuis que le péché a séparé l'homme de son Créateur, nul n'a jamais vu de Dieu que sa manifestation en Jésus-Christ. MG 355 4 "Moi et le Père nous sommes un", disait-il. "Personne ne connaît le Fils, si ce n'est le Père; personne non plus ne connaît le Père, si ce n'est le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler." Jean 10:30; Matthieu 11:27. MG 355 5 Le Christ est venu ici-bas pour enseigner aux hommes ce que Dieu désire qu'ils sachent. Au ciel, sur la terre, dans les eaux profondes de l'océan, nous voyons les oeuvres de ses mains. Tout ce qui a été créé témoigne de sa puissance, de sa sagesse et de son amour. Mais ce n'est ni par les étoiles, ni par les océans, ni par les cataractes que nous pouvons connaître la personnalité de Dieu telle qu'elle nous est révélée en Jésus-Christ. MG 356 1 Dieu a jugé bon de nous donner une révélation plus nette que celle que nous offre la nature, afin de nous décrire sa personnalité et son caractère. Il a envoyé son Fils ici-bas pour révéler, autant que les hommes étaient capables de les discerner, la nature et les attributs du Dieu invisible. Dieu révélé aux disciples MG 356 2 Relisons les paroles prononcées au cénacle par le Christ, à la veille de la crucifixion. L'heure de l'épreuve approchait, et il cherchait à réconforter ses disciples, qui allaient être bientôt terriblement tentés et éprouvés, eux aussi. MG 356 3 "Que votre coeur ne se trouble point, leur dit-il. Croyez en Dieu, et croyez en moi. Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père. Si cela n'était pas, je vous l'aurais dit. Je vais vous préparer une place. ... MG 356 4 "Thomas lui dit: Seigneur, nous ne savons où tu vas; comment pouvons-nous en savoir le chemin? Jésus lui dit: Je suis le chemin, la vérité, et la vie. Nul ne vient au Père que par moi. Si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père. Et dès maintenant vous le connaissez, et vous l'avez vu. MG 356 5 "Philippe lui dit: Seigneur, montre-nous le Père, et cela nous suffit. Jésus lui dit: Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne m'as pas connu, Philippe! Celui qui m'a vu a vu le Père; comment dis-tu: Montre-nous le Père? Ne crois-tu pas que je suis dans le Père, et que le Père est en moi? Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même; et le Père qui demeure en moi, c'est lui qui fait les oeuvres." Jean 14:1-10. MG 356 6 Mais les disciples ne comprirent pas le sens de ces paroles. D'ailleurs une bonne partie des enseignements du Sauveur leur était encore obscure. Désirant leur donner une connaissance plus claire et plus distincte, il leur dit: "Je vous ai dit ces choses en paraboles. L'heure vient où je ne vous parlerai plus en paraboles, mais où je vous parlerai ouvertement du Père." Jean 16:25. MG 357 1 A la Pentecôte, lorsque les disciples reçurent le Saint-Esprit, ils comprirent mieux les vérités dont le Christ leur avait parlé en paraboles. Beaucoup de ses enseignements, qui leur semblaient jusque-là des mystères, furent éclaircis. Mais même alors, ils ne reçurent de la connaissance de Dieu que ce qu'ils pouvaient supporter. L'accomplissement complet de la promesse de Jésus, de leur révéler le Père ouvertement, était encore pour le futur. Il en est de même aujourd'hui. Nous connaissons partiellement, imparfaitement. Mais lorsque le Christ, une fois le conflit terminé, accueillera devant son Père ses fidèles ouvriers qui lui auront rendu témoignage dans un monde de péché, ceux-ci comprendront clairement ce qui aujourd'hui leur paraît mystérieux. MG 357 2 Jésus est monté au ciel avec son humanité glorifiée. A ceux qui le reçoivent, il donne le "pouvoir de devenir enfants de Dieu", et ils seront avec lui pendant l'éternité. Ils "verront sa face, et son nom sera sur leurs fronts". Apocalypse 22:4. Et quel sera le grand bonheur du ciel, si ce n'est de voir le Seigneur? Quelle joie plus intense pourrait avoir le pécheur sauvé par la grâce du Christ, sinon de contempler la face de Dieu et de l'avoir pour Père? MG 357 3 L'Ecriture définit clairement les relations qui existent entre Dieu et son Fils, et fait ressortir leur personnalité respective. MG 357 4 "Après avoir autrefois, à plusieurs reprises et de plusieurs manières, parlé à nos pères par les prophètes, Dieu, dans ces derniers temps, nous a parlé par le Fils ... qui, étant le reflet de sa gloire et l'empreinte de sa personne, et soutenant toutes choses par sa parole puissante, a fait la purification des péchés et s'est assis à la droite de la majesté divine dans les lieux très hauts, devenu d'autant supérieur aux anges qu'il a hérité d'un nom plus excellent que le leur. Car auquel des anges Dieu a-t-il jamais dit: Tu es mon Fils, je t'ai engendré aujourd'hui? Et encore: Je serai pour lui un père, et il sera pour moi un fils?" Hébreux 1:1-5. MG 358 1 Dans la prière sacerdotale, qui se lit au dix-septième chapitre de l'Evangile selon Jean, il est parlé de la personnalité du Père et du Fils, ainsi que de leur unité. MG 358 2 "Ce n'est pas pour eux seulement que je prie, dit Jésus, mais encore pour ceux qui croiront en moi par leur parole, afin que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et comme je suis en toi, afin qu'eux aussi soient un en nous, pour que le monde croie que tu m'as envoyé." Jean 17:20, 21. MG 358 3 L'unité qui existe entre le Christ et ses disciples ne détruit pas leur personnalité. Ils sont un en intention, en esprit, en caractère, mais non en personne. C'est ainsi que Dieu et le Christ sont un. Le caractère de Dieu révélé en Christ MG 358 4 En revêtant notre nature, le Fils de Dieu s'est uni à elle, et en même temps, il a révélé le Père aux pécheurs. Seul celui qui était l'image même du Dieu invisible, qui avait été en sa présence dès le commencement, pouvait révéler à l'humanité le caractère de la divinité. Jésus fut en toutes choses semblables à ses frères. Il revêtit notre chair, eut faim et soif, connut la fatigue. Il devait, comme nous, récupérer ses forces par la nourriture et par le sommeil. Il participa au sort de l'humanité, lui, l'innocent Fils de Dieu. Etranger et voyageur sur la terre, dans le monde mais pas du monde, tenté et éprouvé comme les hommes d'aujourd'hui, il vécut sans péché. Tendre, compatissant, sympathique, toujours plein de prévenance, constamment au service de son Père et des hommes, il manifesta le caractère de Dieu. MG 359 1 L'Esprit du Seigneur, l'Eternel, est sur moi, disait-il, Car l'Eternel m'a oint pour porter de bonnes nouvelles aux malheureux; Il m'a envoyé pour guérir ceux qui ont le coeur brisé, Pour proclamer aux captifs la liberté. Ésaïe 61:1. MG 359 2 Et aux aveugles le recouvrement de la vue. Luc 4:19. MG 359 4 Pour publier une année de grâce de l'Eternel,... Pour consoler tous les affligés. Ésaïe 61:2. MG 359 5 "Aimez vos ennemis, disait-il encore, ... et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent, afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux." Matthieu 5:44, 45. "Il est bon pour les ingrats et pour les méchants." Luc 6:35. "Il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes." Matthieu 5:45. "Soyez donc miséricordieux, comme votre Père est miséricordieux." Luc 6:36. MG 359 6 Grâce aux entrailles de la miséricorde de notre Dieu, En vertu de laquelle le soleil levant nous a visités d'en haut, Pour éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort, Pour diriger nos pas dans le chemin de la paix. Luc 1:78, 79. La gloire de la croix MG 359 7 C'est la croix du Calvaire qui nous donne la plus sublime révélation de l'amour divin. Aucun langage ne peut en exprimer la signification profonde; la plume ne saurait le décrire, ni l'esprit humain le concevoir. En contemplant la croix du Calvaire, on ne peut que dire: "Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle." Jean 3:16. MG 360 1 Le Christ, crucifié à cause de nos péchés, ressuscité des morts, monté au ciel: telle est la science du salut qu'il faut apprendre et enseigner. Ce que fut le Christ MG 360 2 "Ayez en vous les sentiments qui étaient en Jésus-Christ, lequel, existant en forme de Dieu, n'a point regardé comme une proie à arracher d'être égal avec Dieu, mais s'est dépouillé lui-même, en prenant une forme de serviteur, en devenant semblable aux hommes; et ayant paru comme un simple homme, il s'est humilié lui-même, se rendant obéissant jusqu'à la mort, même jusqu'à la mort de la croix." Philippiens 2:5-8. MG 360 3 "Christ est mort; bien plus, il est ressuscité, il est à la droite de Dieu." "C'est aussi pour cela qu'il peut sauver parfaitement ceux qui s'approchent de Dieu par lui, étant toujours vivant pour intercéder en leur faveur." Romains 8:34; Hébreux 7:25. MG 360 4 "Nous n'avons pas un souverain sacrificateur qui ne puisse compatir à nos faiblesses; au contraire, il a été tenté comme nous en toutes choses, sans commettre de péché." Hébreux 4:15. MG 360 5 C'est par le don du Christ que nous jouissons jour après jour des bontés intarissables de Dieu. La fleur au coloris délicat et au parfum enivrant a sa source dans ce don. C'est lui qui a créé le soleil et la lune. Il n'est pas d'étoile dont il ne soit l'auteur. Chaque goutte de pluie, chaque rayon de lumière accordé à un monde ingrat témoigne de l'amour de Dieu en Christ. Nous recevons tout grâce à ce don ineffable du Fils unique de Dieu. Il fut crucifié afin de répandre ses bienfaits sur la terre entière. MG 360 6 "Voyez quel amour le Père nous a témoigné, pour que nous soyons appelés enfants de Dieu!" 1 Jean 3:1. MG 361 1 Jamais on n'a appris ni entendu dire, Et jamais l'oeil n'a vu qu'un autre dieu que toi Fît de telles choses pour ceux qui se confient en lui. Ésaïe 64:3. La connaissance qui transforme MG 361 2 La connaissance de Dieu révélée en Christ est indispensable au salut. C'est elle qui transforme le caractère, recrée l'âme à l'image de Dieu, et communique à l'être tout entier une puissance surnaturelle. MG 361 3 "Nous tous qui, le visage découvert, contemplons comme dans un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image, de gloire en gloire." 2 Corinthiens 3:18. MG 361 4 Le Sauveur a dit de sa propre vie: "J'ai gardé les commandements de mon Père." "Il ne m'a pas laissé seul, parce que je fais toujours ce qui lui est agréable." Jean 15:10; Jean 8:29. Ce que Jésus a été lorsqu'il était ici-bas, nous devons l'être aussi. Par sa force, il faut que nous vivions la vie noble et pure qu'il a vécue. MG 361 5 "A cause de cela, dit Paul, je fléchis les genoux devant le Père, duquel tire son nom toute famille dans les cieux et sur la terre, afin qu'il vous donne, selon la richesse de sa gloire, d'être puissamment fortifiés par son Esprit dans l'homme intérieur, en sorte que Christ habite dans vos coeurs par la foi; afin qu'étant enracinés et fondés dans l'amour, vous puissiez comprendre avec tous les saints quelle est la largeur, la longueur, la profondeur et la hauteur, et connaître l'amour de Christ, qui surpasse toute connaissance, en sorte que vous soyez remplis jusqu'à toute la plénitude de Dieu." Ephésiens 3:14-19. MG 361 6 "Nous ne cessons de prier Dieu pour vous, et de demander que vous soyez remplis de la connaissance de sa volonté, en toute sagesse et intelligence spirituelle, pour marcher d'une manière digne du Seigneur et lui être entièrement agréables, portant des fruits en toutes sortes de bonnes oeuvres et croissant par la connaissance de Dieu, fortifiés à tous égards par sa puissance glorieuse, en sorte que vous soyez toujours et avec joie persévérants et patients." Colossiens 1:9-11. MG 362 1 Telle est la connaissance que le Seigneur veut nous donner, et sans laquelle tout est vanité et néant. ------------------------Chapitre 36 -- Les limites de la raison et de la science MG 363 1 L'un des plus grands dangers qui menacent ceux qui s'adonnent aux recherches scientifiques, c'est la tendance à exalter la raison au-dessus de sa valeur réelle et en dehors de la sphère qui lui est propre. Il en est beaucoup qui émettent des jugements sur le Créateur et sur ses oeuvres en se basant sur leurs connaissances imparfaites au point de vue scientifique. Ils essayent de déterminer la nature, les attributs et les prérogatives de Dieu, et spéculent sur l'Etre infini. Ceux qui se livrent à cette étude foulent un terrain défendu. Leurs recherches ne peuvent aboutir à aucun résultat valable, et ne se poursuivent qu'au péril de leur âme. MG 363 2 C'est en voulant satisfaire le désir de savoir ce que Dieu leur avait caché que nos premiers parents tombèrent dans le péché. En voulant acquérir cette connaissance, ils perdirent tout ce qui était digne d'être possédé. Si Adam et Eve n'avaient jamais touché au fruit défendu, Dieu leur aurait communiqué une connaissance sur laquelle ne reposait pas la malédiction du péché, et qui leur aurait procuré une joie éternelle. Tout ce qu'ils gagnèrent, en écoutant le tentateur, fut de connaître le mal et ses conséquences. C'est à cause de leur désobéissance que Dieu devint étranger à l'humanité, et que la terre fut séparée du ciel. MG 363 3 C'est une leçon pour nous. Le terrain sur lequel Satan conduisit nos premiers parents est le même où il veut nous attirer aujourd'hui. Le Père du mensonge inonde le monde de fables séduisantes. Par tous les moyens dont il dispose, il pousse les hommes à spéculer sur Dieu, afin de les empêcher d'obtenir de lui une connaissance vraiment salutaire. Le panthéisme MG 364 1 Le panthéisme s'infiltre aujourd'hui dans les établissements d'enseignement supérieur, et dans les églises le spiritisme mine la foi en Dieu et en sa Parole. La théorie selon laquelle Dieu est à l'état d'essence immanente dans tout ce qui existe est acceptée par un grand nombre de ceux qui prétendent croire aux saintes Ecritures; mais cette théorie est une séduction des plus dangereuses. Elle caricature Dieu, et constitue une insulte à sa grandeur et à sa majesté. Non seulement elle trompe l'homme, mais elle l'avilit. Les ténèbres en sont l'élément, et la sensualité sa sphère. L'accepter, c'est se séparer de Dieu; c'est courir à la ruine éternelle. MG 364 2 La condition dans laquelle le péché nous a placés n'est pas naturelle. Pour nous en sortir, il faut donc une puissance surnaturelle, ou elle n'a aucune valeur. Or, il n'en est qu'une qui soit capable de faire cesser l'emprise du péché sur le coeur humain, c'est celle de Dieu manifestée en Jésus-Christ. Seul le sang du crucifié efface nos fautes. Seule sa grâce nous permet de vaincre les penchants de notre nature déchue. En revanche, les théories spirites au sujet de Dieu annulent les effets de cette grâce. Si le Créateur est une essence répandue dans toute la nature, il habite en chaque homme, et pour arriver à la sainteté, celui-ci n'a qu'à laisser se développer la puissance qui est en lui. MG 364 3 Ces théories, suivies jusque dans leurs conclusions logiques, annulent entièrement l'idée chrétienne, suppriment la nécessité de l'expiation et font de l'homme son propre sauveur. Ceux qui les acceptent courent le grand danger de considérer finalement la Bible comme une fiction. Ils peuvent préférer la vertu au vice; mais ayant enlevé à Dieu sa place souveraine, ils comptent sur les forces humaines qui, sans Dieu, n'ont aucune valeur. Notre volonté ne peut résister au mal et le surmonter. Ce qui préserverait l'âme est renversé; l'homme n'a plus de bouclier contre le péché. Une fois l'autorité de la Parole de Dieu et de son Esprit rejetée, on ne sait dans quel abîme on peut glisser. MG 365 1 Toute parole de Dieu est éprouvée. Il est un bouclier pour ceux qui cherchent en lui un refuge. N'ajoute rien à ses paroles, De peur qu'il ne te reprenne et que tu ne sois trouvé menteur. Proverbes 30:5, 6. MG 365 2 Le méchant est pris dans ses propres iniquités, Il est saisi par les liens de son péché. Proverbes 5:22. Scruter les mystères divins MG 365 3 "Les choses cachées sont à l'Eternel, notre Dieu; les choses révélées sont à nous et à nos enfants, à perpétuité." Deutéronome 29:29. Nous pouvons comprendre la révélation que Dieu a donnée de lui-même dans sa Parole, et elle doit faire l'objet de notre méditation; mais au-delà il nous est impossible de pénétrer. La plus haute intelligence peut aller jusqu'à l'épuisement dans ses conjectures sur la nature de Dieu; tous ses efforts seront stériles. Il nous est impossible de résoudre ce problème. Nul ne peut comprendre Dieu et ne doit se permettre de spéculer sur sa nature. C'est ici que le silence est éloquent. Celui qui est omniscient défie toute discussion. MG 365 4 Les anges eux-mêmes ne furent pas autorisés à assister aux conseils du Père et du Fils pour élaborer le plan de la rédemption. Il n'est donc pas permis aux êtres humains de s'immiscer dans les secrets du Très-Haut. A l'égard de Dieu, notre ignorance égale celle des petits enfants; mais comme eux nous pouvons l'aimer et lui obéir. Au lieu de raisonner sur sa nature, ses attributs et ses prérogatives, prenons garde aux paroles qu'il a prononcées: MG 366 1 Prétends-tu sonder les pensées de Dieu, Parvenir à la connaissance parfaite du Tout-Puissant? Elle est aussi haute que les cieux: que feras-tu? Plus profonde que le séjour des morts: que sauras-tu? La mesure en est plus longue que la terre, Elle est plus large que la mer. Job 11:7-9. MG 366 2 Mais la sagesse, où se trouve-t-elle? Où est la demeure de l'intelligence? L'homme n'en connaît point le prix; Elle ne se trouve pas dans la terre des vivants. L'abîme dit: Elle n'est point en moi; Et la mer dit: Elle n'est point avec moi. Elle ne se donne pas contre de l'or pur, Elle ne s'achète pas au poids de l'argent; Elle ne se pèse pas contre l'or d'Ophir, Ni contre le précieux onyx, ni contre le saphir; Elle ne peut se comparer à l'or ni au verre, Elle ne peut s'échanger pour un vase d'or fin. Le corail et le cristal ne sont rien auprès d'elle: La sagesse vaut plus que les perles. La topaze d'Ethiopie n'est point son égale, Et l'or pur n'entre pas en balance avec elle. D'où vient donc la sagesse? Où est la demeure de l'intelligence? Elle est cachée aux yeux de tout vivant, Elle est cachée aux oiseaux du ciel. Le gouffre et la mort disent: Nous en avons entendu parler. C'est Dieu qui en sait le chemin, C'est lui qui en connaît la demeure; Car il voit jusqu'aux extrémités de la terre, Il aperçoit tout sous les cieux. Quand il régla le poids du vent, Et qu'il fixa la mesure des eaux, Quand il donna des lois à la pluie, Et qu'il traça la route de l'éclair et du tonnerre, Alors il vit la sagesse et la manifesta, Il en posa les fondements et la mit à l'épreuve. Puis il dit à l'homme: Voici, la crainte du Seigneur, c'est la sagesse; S'éloigner du mal, c'est l'intelligence. Job 28:12-28. MG 367 1 Ce n'est donc pas plus en cherchant à percer le mystère de la nature de Dieu qu'en nous efforçant de sonder les profondeurs de la terre, que nous trouvons la sagesse. On la découvre plutôt en acceptant humblement les révélations que le Seigneur a consenti à nous donner, et en nous conformant à sa volonté. MG 367 2 Les hommes les plus intelligents ne peuvent comprendre les mystères de Jéhovah tels qu'ils sont révélés dans la nature. L'inspiration divine pose de nombreuses questions auxquelles les plus grands savants sont incapables de répondre. Aussi bien, n'ont-elles pas été posées pour que nous y répondions, mais pour attirer notre attention sur la profondeur des mystères divins, et nous apprendre que notre sagesse est limitée; que chaque jour nous rencontrons des objets qui dépassent l'entendement des êtres finis. MG 367 3 Les sceptiques refusent de croire en Dieu parce qu'il leur est impossible de comprendre la puissance infinie par laquelle il se révèle. Mais Dieu peut être aussi bien connu par ce qu'il cache de lui-même que par ce qu'il révèle à notre compréhension limitée. Dieu a placé dans la révélation et dans la nature des mystères pour exercer notre foi. Cela doit être ainsi. Nous pouvons toujours chercher, étudier, apprendre, sans jamais atteindre l'infini. MG 367 4 Qui a mesuré les eaux dans le creux de sa main, Pris les dimensions des cieux avec la paume, Et ramassé la poussière de la terre dans un tiers de mesure? Qui a pesé les montagnes au crochet, Et les collines à la balance? Qui a sondé l'esprit de l'Eternel, Et qui l'a éclairé de ses conseils? Avec qui a-t-il délibéré, pour en recevoir de l'instruction? Qui lui a appris le sentier de la justice? Qui lui a enseigné la sagesse, Et fait connaître le chemin de l'intelligence? Voici, les nations sont comme une goutte d'un seau, Elles sont comme de la poussière sur une balance; Voici, les îles sont comme une fine poussière qui s'envole. Le Liban ne suffit pas pour le feu, Et ses animaux ne suffisent pas pour l'holocauste. Toutes les nations sont devant lui comme un rien, Elles ne sont pour lui que néant et vanité. A qui voulez-vous comparer Dieu? Et quelle image ferez-vous son égale? C'est un ouvrier qui fond l'idole, Et c'est un orfèvre qui la couvre d'or, Et y soude des chaînettes d'argent. Celui que la pauvreté oblige à donner peu Choisit un bois qui résiste à la vermoulure; Il se procure un ouvrier capable, Pour faire une idole qui ne branle pas. Ne le savez-vous pas? ne l'avez-vous pas appris? Ne vous l'a-t-on pas fait connaître dès le commencement? N'avez-vous jamais réfléchi à la fondation de la terre? C'est lui qui est assis au-dessus du cercle de la terre, Et ceux qui l'habitent sont comme des sauterelles; Il étend les cieux comme une étoffe légère, Il les déploie comme une tente, pour faire sa demeure. ... A qui me comparez-vous, pour que je lui ressemble? Dit le Saint. Levez vos yeux en haut, et regardez! Qui a créé ces choses? Qui fait marcher en ordre leur armée? Il les appelle toutes par leur nom; Par son grand pouvoir et par sa force puissante, Il n'en est pas une qui fasse défaut. Pourquoi dis-tu, Jacob, Pourquoi dis-tu, Israël: Ma destinée est cachée devant l'Eternel, Mon droit passe inaperçu devant mon Dieu? Ne le sais-tu pas? ne l'as-tu pas appris? C'est le Dieu d'éternité, l'Eternel, Qui a créé les extrémités de la terre; Il ne se fatigue point, il ne se lasse point; On ne peut sonder son intelligence. Ésaïe 40:12-28. MG 369 1 Cherchons à connaître la grandeur de Dieu par les révélations que le Saint-Esprit en a données aux prophètes. Esaïe écrit encore: MG 369 2 "L'année de la mort du roi Ozias, je vis le Seigneur assis sur un trône très élevé, et les pans de sa robe remplissaient le temple. Des séraphins se tenaient au-dessus de lui; ils avaient chacun six ailes, deux dont ils se couvraient la face, deux dont ils se couvraient les pieds, et deux dont ils se servaient pour voler. Ils criaient l'un à l'autre, et disaient: Saint, saint, saint est l'Eternel des armées! toute la terre est pleine de sa gloire! Les portes furent ébranlées dans leurs fondements par la voix qui retentissait, et la maison se remplit de fumée. MG 369 3 "Alors je dis: Malheur à moi! je suis perdu, car je suis un homme dont les lèvres sont impures, j'habite au milieu d'un peuple dont les lèvres sont impures, et mes yeux ont vu le Roi, l'Eternel des armées. Mais l'un des séraphins vola vers moi, tenant à la main une pierre ardente qu'il avait prise sur l'autel avec des pincettes. Il en toucha ma bouche, et dit: Ceci a touché tes lèvres; ton iniquité est enlevée, et ton péché est expié." Ésaïe 6:1-7. MG 369 4 Nul n'est semblable à toi, ô Eternel! dit le prophète Jérémie, Tu es grand, et ton nom est grand par ta puissance. Qui ne te craindrait, roi des nations? MG 369 5 Eternel, dit le Psalmiste, tu me sondes et tu me connais, Tu sais quand je m'assieds et quand je me lève, Tu pénètres de loin ma pensée; Tu sais quand je marche et quand je me couche. Et tu pénètres toutes mes voies. Car la parole n'est pas sur ma langue, Que déjà, ô Eternel! tu la connais entièrement. Tu m'entoures par derrière et par devant, Et tu mets ta main sur moi. Une science aussi merveilleuse est au-dessus de ma portée, Elle est trop élevée pour que je puisse la saisir. Jérémie 10:6, 7; Psaumes 139:1-6. MG 370 1 "Notre Seigneur est grand, puissant par sa force, son intelligence n'a point de limite." Psaumes 147:5. MG 370 2 "Les voies de l'homme sont devant les yeux de l'Eternel, qui observe tous ses sentiers." Proverbes 5:21. MG 370 3 "Il révèle ce qui est profond et caché, il connaît ce qui est dans les ténèbres, et la lumière demeure avec lui." Daniel 2:22. MG 370 4 "... dit le Seigneur, qui fait ces choses, et à qui elles sont connues de toute éternité." "Qui a connu la pensée du Seigneur, ou qui a été son conseiller? Qui lui a donné le premier, pour qu'il ait à recevoir en retour? C'est de lui, par lui, et pour lui que sont toutes choses. A lui la gloire dans tous les siècles!" Actes 15:18; Romains 11:34-36. MG 370 5 "Au roi des siècles, immortel, invisible", "qui seul possède l'immortalité, qui habite une lumière inaccessible, que nul homme n'a vu ni ne peut voir, à qui appartiennent l'honneur et la puissance éternelle." 1 Timothée 1:17; 6:16. MG 370 6 Sa majesté ne vous épouvantera-t-elle pas? Sa terreur ne tombera-t-elle pas sur vous? Job 13:11. MG 370 7 Dieu n'est-il pas en haut dans les cieux? Regarde le sommet des étoiles, comme il est élevé! Job 22:12. MG 370 8 Ses armées ne sont-elles pas innombrables? Sur qui sa lumière ne se lève-t-elle pas? Job 25:3. MG 370 9 Il fait de grandes choses que nous ne comprenons pas. Il dit à la neige: Tombe sur la terre! Il le dit à la pluie, même aux plus fortes pluies, Il met un sceau sur la main de tous les hommes, Afin que tous se reconnaissent comme ses créatures. L'animal sauvage se retire dans une caverne, Et se couche dans sa tanière. L'ouragan vient du midi, Et le froid, des vents du nord. Par son souffle Dieu produit la glace, Il réduit l'espace où se répandaient les eaux. Il charge de vapeurs les nuages, Il les disperse étincelants; Leurs évolutions varient selon ses desseins, Pour l'accomplissement de tout ce qu'il leur ordonne, Sur la face de la terre habitée; C'est comme une verge dont il frappe sa terre, Ou comme un signe de son amour, qu'il les fait apparaître. ... Sois attentif à ces choses! Considère encore les merveilles de Dieu! Sais-tu comment Dieu les dirige, Et fait briller son nuage étincelant? Comprends-tu le balancement des nuées, Les merveilles de celui dont la science est parfaite? ... Peux-tu comme lui étendre les cieux, Aussi solides qu'un miroir de fonte? Fais-nous connaître ce que nous devons lui dire; Nous sommes trop ignorants pour nous adresser à lui. ... On ne peut fixer le soleil Qui resplendit dans les cieux, Lorsqu'un vent passe et en ramène la pureté; Le septentrion le rend éclatant comme l'or. Oh! que la majesté de Dieu est redoutable! Nous ne saurions parvenir jusqu'au Tout-Puissant, Grand par la force, Par la justice, par le droit souverain. ... C'est pourquoi les hommes doivent le craindre. Job 37:5-24. MG 371 1 Qui est semblable à l'Eternel, notre Dieu? Il a sa demeure en haut; Il abaisse les regards Sur les cieux et sur la terre. Psaumes 113:5, 6. MG 371 2 L'Eternel marche dans la tempête, dans le tourbillon; Les nuées sont la poussière de ses pieds. Nahum 1:3. MG 372 1 L'Eternel est grand et très digne de louange, Et sa grandeur est insondable. Que chaque génération célèbre tes oeuvres, Et public tes hauts faits! Je dirai la splendeur glorieuse de ta majesté; Je chanterai tes merveilles. On parlera de ta puissance redoutable, Et je raconterai ta grandeur. Qu'on proclame le souvenir de ton immense bonté, Et qu'on célèbre ta justice!... Toutes tes oeuvres te loueront, ô Eternel! Et tes fidèles te béniront. Ils diront la gloire de ton règne, Et ils proclameront ta puissance, Pour faire connaître aux fils de l'homme ta puissance Et la splendeur glorieuse de ton règne. Ton règne est un règne de tous les siècles, Et ta domination subsiste dans tous les âges. ... Que ma bouche publie la louange de l'Eternel, Et que toute chair bénisse son saint nom, A toujours et à perpétuité. Psaumes 145:3-21. MG 372 2 Plus nous connaîtrons Dieu, plus nous nous rendrons compte de ce que nous sommes à ses yeux, plus nous tremblerons devant lui. N'oublions pas ce qui arriva à ceux qui, autrefois, considéraient à la légère ce qui était sacré aux yeux de Dieu. Quand les Israélites poussèrent l'irrévérence jusqu'à ouvrir l'arche qu'on avait ramenée du pays des Philistins, ils reçurent une punition exemplaire. MG 372 3 Plus tard, lorsqu'elle fut transportée à Jérusalem, Uzza, craignant de la voir tomber du char où on l'avait placée, avança la main pour la retenir. Ce geste présomptueux à l'égard du symbole de la présence divine lui coûta instantanément la vie. MG 372 4 Lorsque Moïse, ignorant que la présence de Dieu se manifestait dans le buisson ardent, se détourna de son chemin pour contempler ce spectacle merveilleux, il reçut cet ordre: MG 372 5 "N'approche pas d'ici, ôte tes souliers de tes pieds, car le lieu sur lequel tu te tiens est une terre sainte. ... Moïse se cacha le visage, car il craignait de regarder Dieu." Exode 3:5, 6. MG 373 1 Jacob, quittant Beer-Schéba, se rendit à Charan. "Il arriva dans un lieu où il passa la nuit; car le soleil était couché. Il y prit une pierre, dont il fit son chevet, et il se coucha dans ce lieu-là. Il eut un songe. Et voici, une échelle était appuyée sur la terre, et son sommet touchait au ciel. Et voici, les anges de Dieu montaient et descendaient par cette échelle. Et voici, l'Eternel se tenait au-dessus d'elle; et il dit: Je suis l'Eternel, le Dieu d'Abraham, ton père, et le Dieu d'Isaac. La terre sur laquelle tu es couché, je la donnerai à toi et à ta postérité. ... Je suis avec toi, je te garderai partout où tu iras, et je te ramènerai dans ce pays; car je ne t'abandonnerai point, que je n'aie exécuté ce que je te dis. MG 373 2 "Jacob s'éveilla de son sommeil, et il dit: Certainement, l'Eternel est en ce lieu, et moi, je ne le savais pas! Il eut peur, et dit: Que ce lieu est redoutable! C'est ici la maison de Dieu, c'est ici la porte des cieux!" Genèse 28:10-17. MG 373 3 Dans le tabernacle dressé au désert, ainsi que dans le temple de Jérusalem, symboles de la demeure de Dieu, une pièce était consacrée à sa sainte présence, et seul le grand prêtre pouvait soulever le voile orné de chérubins brodés qui en fermait l'entrée. Tout autre qui l'écarterait pour pénétrer dans cet endroit mystérieux et sacré, qu'on appelait le lieu très saint, serait frappé de mort; car au-dessus du propitiatoire planait la gloire du Saint des saints, gloire que nul homme ne pouvait regarder sans mourir. Lorsque, le jour fixé, le grand prêtre entrait dans le lieu très saint, c'est en tremblant qu'il osait affronter la présence de Dieu; il était précédé de nuages d'encens qui voilaient à ses yeux la gloire du Très-Haut. Dans les parvis du temple, tout bruit s'éteignait; aucun prêtre n'officiait plus aux autels, et la foule des adorateurs, silencieuse et prosternée, implorait la miséricorde divine. MG 374 1 "Ces choses ... sont arrivées pour servir d'exemples, et elles ont été écrites pour notre instruction, à nous qui sommes parvenus à la fin des siècles." 1 Corinthiens 10:11. MG 374 2 L'Eternel est dans son saint temple. Que toute la terre fasse silence devant lui! Habakuk 2:20. MG 374 3 L'Eternel règne: les peuples tremblent; Il est assis sur les chérubins: la terre chancelle. L'Eternel est grand dans Sion, Il est élevé au-dessus de tous les peuples. Qu'on célèbre ton nom grand et redoutable! Il est saint! Psaumes 99:1-3. MG 374 4 L'Eternel a son trône dans les cieux; Ses yeux regardent, Ses paupières sondent les fils de l'homme. Psaumes 11:4. MG 374 5 Il regarde du lieu élevé de sa sainteté; Du haut des cieux l'Eternel regarde sur la terre. Psaumes 102:20. MG 374 6 Du lieu de sa demeure il observe Tous les habitants de la terre, Lui qui forme leur coeur à tous, Qui est attentif à toutes leurs actions. Psaumes 33:14, 15. MG 374 7 Que toute la terre craigne l'Eternel! Que tous les habitants du monde tremblent devant lui! Psaumes 33:8. MG 374 8 L'homme ne saurait trouver Dieu par ses propres recherches. Qu'aucune main présomptueuse n'essaie donc de soulever le voile qui nous cache sa gloire. "Que ses jugements sont insondables, et ses voies incompréhensibles!" Romains 11:33. Il nous donne une preuve de sa miséricorde en dissimulant sa puissance. Aucun mortel ne peut pénétrer le secret dans lequel habite et opère le Tout-Puissant. Nous ne pouvons comprendre de lui que ce qu'il consent à nous révéler pour notre bien. Notre raison doit reconnaître une autorité qui lui est supérieure. Il faut que notre coeur et notre intelligence s'inclinent devant le grand JE SUIS. ------------------------Chapitre 37 -- Le vrai et le faux dans l'éducation MG 376 1 De tout temps le Malin s'est ingénié à dissimuler la Parole de Dieu derrière les opinions des hommes. Il espère ainsi intercepter la voix qui dit: "Voici le chemin, marchez-y!" Ésaïe 30:21. Par d'insidieuses méthodes d'enseignement, il s'efforce de jeter un voile sur la lumière du ciel. MG 376 2 Les spéculations philosophiques et les recherches scientifiques d'où Dieu est absent font des sceptiques par milliers. Les conclusions auxquelles les savants sont arrivés au cours de leurs investigations sont enseignées aujourd'hui avec soin et expliquées en détail dans les écoles. L'impression qui en reste, c'est que si ces savants ont raison, la Bible se trompe. Le scepticisme attire les esprits. La jeunesse y voit une indépendance qui captive et séduit l'imagination. Satan triomphe. Il cultive soigneusement les semences du doute dans le coeur des jeunes, les fait croître et fructifier, et en récolte bientôt une moisson abondante d'incrédulité. MG 376 3 Le coeur humain est enclin au mal; c'est pourquoi il est si dangereux de semer le scepticisme dans les jeunes esprits. Tout ce qui affaiblit la foi en Dieu dérobe à l'âme une partie de sa force de résistance contre la tentation, et détruit la seule sauvegarde réelle contre le péché. Il nous faut des écoles où l'on enseigne à la jeunesse que la vraie grandeur consiste à honorer Dieu et à révéler son caractère dans la vie quotidienne. Nous avons besoin de nous laisser instruire par le Seigneur au moyen de sa Parole et de ses oeuvres, afin d'atteindre le but qu'il nous propose. Les auteurs incrédules MG 377 1 Beaucoup pensent que pour avoir une bonne culture intellectuelle, il est essentiel d'étudier les écrits des auteurs profanes, parce qu'ils contiennent de nombreuses pensées intéressantes. Mais quelle est la véritable origine de ces pensées, si ce n'est Dieu lui-même, la source de toute lumière? Pourquoi donc s'obliger de passer au crible des erreurs sans nombre pour découvrir quelques vérités, alors que toute la vérité est à notre disposition? MG 377 2 On se demande comment des hommes qui luttent contre Dieu peuvent être aussi remarquables par leur science et leur sagesse. Mais Satan lui-même fut instruit dans les parvis célestes; il connaît le bien comme le mal. Il confond ce qui est beau et pur avec ce qui est vil et trompeur. Toutefois, faut-il, parce que le diable s'est paré d'atours d'une céleste beauté, le recevoir comme un ange de lumière? Le tentateur a ses suppôts, formés selon ses méthodes, inspirés par son esprit, adaptés à son oeuvre. Coopérerons-nous avec eux? Accepterons-nous leurs écrits comme essentiels à l'acquisition des connaissances? MG 377 3 Si le temps et les efforts employés à s'assimiler les pensées lumineuses des auteurs incrédules étaient consacrés à étudier les vérités précieuses de la Parole de Dieu, des milliers de personnes qui sont aujourd'hui dans les ténèbres se réjouiraient à la sereine lumière de la vie. Erudition historique et théologique MG 377 4 Beaucoup pensent que pour se préparer à l'évangélisation, il est essentiel d'acquérir une connaissance étendue des écrits historiques et théologiques. Ils supposent que ceux-ci les aideront à proclamer l'Evangile. Mais leurs études laborieuses des opinions humaines tendent à affaiblir leur ministère, plutôt qu'à le renforcer. Quand je vois des bibliothèques garnies d'ouvrages volumineux sur l'histoire et la théologie, je pense: "Pourquoi dépenser tant d'argent pour un pain qui ne nourrit pas?" Le sixième chapitre de l'évangile selon l'apôtre Jean nous en dit bien plus long que tout ce que l'on peut trouver dans ces ouvrages. Le Christ déclare: "Je suis le pain de vie. Celui qui vient à moi n'aura jamais faim, et celui qui croit en moi n'aura jamais soif." "Je suis le pain vivant qui est descendu du ciel. Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement." "Celui qui croit en moi a la vie éternelle." "Les paroles que je vous ai dites sont esprit et vie." Jean 6:35, 51, 47, 63. MG 378 1 Il ne faudrait cependant pas condamner certaines études historiques. On enseignait l'histoire sacrée dans les écoles des prophètes, on y montrait l'intervention divine dans les annales des nations. C'est à ce point de vue qu'il nous faut aussi étudier l'histoire aujourd'hui. Nous devons y voir l'accomplissement de la prophétie, l'oeuvre de la Providence dans les grands mouvements de réforme et les événements qui aboutiront au dernier conflit. MG 378 2 Une telle étude élargit nos vues sur la vie, nous aide à voir comment nous sommes liés à la grande famille humaine, et jusqu'à quel point la cruauté ou la dégradation de l'un de ses membres affecte tous les autres. MG 378 3 Mais on étudie communément l'histoire au point de vue des hauts faits accomplis par les hommes, des victoires remportées, des succès obtenus et de la gloire conquise. L'intervention divine y est perdue de vue. Bien peu étudient l'accomplissement des desseins de Dieu dans la grandeur et la décadence des nations. MG 378 4 Jusqu'à un certain point, la théologie aussi, telle qu'elle est enseignée, n'est qu'une revue des spéculations humaines et ne réussit qu'à "obscurcir les desseins" de Dieu "par des discours sans discernement". Trop souvent, ce qui inspire l'accumulation de nombreux ouvrages n'est pas tant le désir de se meubler l'esprit que l'ambition de connaître les philosophes et les théologiens, et de présenter le christianisme en termes recherchés. MG 379 1 Tous les livres réunis ne sauraient suffire aux besoins d'une vie sainte. "Apprenez de moi", disait le grand Maître, "chargez-vous de mon joug". Imitez sa douceur et son humilité. Ce n'est pas votre orgueil intellectuel qui vous permettra d'entrer en communion avec les âmes qui se perdent faute du pain de vie. En étudiant ces ouvrages, vous leur laissez prendre la place des leçons pratiques que vous devriez recevoir du Christ. Il vous est impossible de nourrir les âmes du fruit de vos études. Ces recherches, si fatigantes pour l'esprit, ne peuvent être d'un grand secours à celui qui veut travailler avec succès au bien des âmes. MG 379 2 Le Sauveur est venu ici-bas "pour annoncer une bonne nouvelle aux pauvres". Luc 4:18. Il employait les termes les plus simples et les comparaisons les plus claires. "Une grande foule l'écoutait avec plaisir." Marc 12:37. Ceux qui, aujourd'hui, veulent travailler pour lui doivent connaître plus à fond ses enseignements. MG 379 3 Les paroles du Dieu vivant constituent la science la plus élevée. Ceux qui travaillent au salut de leurs semblables ont besoin de se nourrir du pain de vie, s'ils veulent posséder la force spirituelle pour s'acquitter de leur mission dans toutes les classes de la société. Les classiques MG 379 4 Dans les écoles secondaires et les universités, des milliers de jeunes gens consacrent une grande partie de leurs meilleures années à l'étude du latin et du grec. Or, la lecture des auteurs païens est généralement considérée comme essentielle à l'étude de ces langues. Cette discipline pétrit donc leur esprit des sentiments païens de cette littérature. MG 380 1 Les tragédies grecques sont remplies d'incestes et de sacrifices humains offerts à des dieux vindicatifs et sensuels. Il serait bien préférable de se priver d'une instruction puisée à de telles sources. "Quelqu'un marchera-t-il sur des charbons ardents, sans que ses pieds soient brûlés?" Proverbes 6:28. "Comment d'un être souillé sortira-t-il un homme pur? Il n'en peut sortir aucun." Job 14:4. Pouvons-nous nous attendre que la jeunesse acquière un caractère chrétien, alors que son éducation repose sur les enseignements d'hommes qui nient les principes de la loi divine? MG 380 2 En rejetant toute contrainte, en se plongeant d'un coeur léger dans les plaisirs, la dissipation et le vice, les étudiants ne font que suivre ce que leurs études leur suggèrent. Il est cependant des vocations pour lesquelles une connaissance du latin et du grec est nécessaire. Certains doivent étudier ces langues. Toutefois, on peut en acquérir une connaissance suffisante sans se plonger dans une littérature corrompue et corruptrice. MG 380 3 Généralement, le grec et le latin ne sont pas nécessaires à beaucoup. L'étude des langues mortes doit passer après celle qui se rapporte à l'usage rationnel de toutes les énergies du corps et de l'esprit. C'est une folie que de vouloir entraîner la jeunesse à consacrer son temps à l'étude d'une langue morte ou d'une science quelconque au détriment des connaissances destinées à la préparer aux devoirs pratiques de la vie. MG 380 4 Qu'est-ce que les étudiants emportent de leurs années d'études? Que deviennent-ils? Que font-ils? Ont-ils acquis des connaissances qui leur permettront d'être utiles à leurs semblables? Ont-ils appris à être de bons pères et de bonnes mères de famille? Sauront-ils conseiller, diriger, instruire leurs enfants? La seule éducation digne de ce nom est celle qui contribue à amener les jeunes gens et les jeunes filles à ressembler au Christ, à les rendre capables d'affronter les responsabilités de la vie et de diriger leur famille. Or, ce n'est pas l'étude des classiques païens qui leur donnera une telle éducation. Littérature sensationnelle MG 381 1 Aujourd'hui, un grand nombre d'ouvrages se composent de récits sensationnels qui pervertissent la jeunesse et la mènent sur le sentier de la perdition. Des enfants en bas âge sont déjà vieux quant à la connaissance du crime. Les lectures qu'ils font les excitent au mal. Ils répètent en imagination les exploits qui leur sont décrits, et peu à peu ils ambitionnent de se lancer, eux aussi, dans la voie du crime, comme s'ils voulaient voir jusqu'à quel point ils pourront le faire impunément. MG 381 2 Pour l'esprit actif des enfants et de la jeunesse, les scènes imaginaires des romans deviennent des réalités. On prédit des révolutions et toutes sortes de péripéties au cours desquelles la loi est foulée aux pieds. Nombreux sont ceux qui, nourrissant leur esprit de ces élucubrations, sont amenés à commettre des forfaits pires, si possible, que ceux dont ils ont lu le récit. C'est ainsi que la société est démoralisée et qu'on y sème le désordre. Nul ne doit s'étonner s'il en résulte une moisson de crimes. MG 381 3 Les romans, les récits frivoles ou tragiques sont donc un fléau pour le lecteur. L'auteur peut prétendre en faire ressortir une morale, et même y introduire des sentiments religieux. Tout cela ne sert bien souvent qu'à en voiler la folie et le néant. MG 381 4 Le monde est inondé de livres farcis d'erreurs insidieuses. La jeunesse qui les lit accepte comme vrai ce que la Bible signale comme faux, et elle croit à des erreurs qui perdent les âmes. MG 381 5 Des ouvrages d'imagination ont été écrits pour exposer la vérité ou dévoiler le mal. Il en est quelques-uns qui ont fait du bien, mais ils ont fait aussi beaucoup de mal. Ils contiennent des déclarations et des descriptions qui excitent l'imagination, et font naître des pensées qui exposent tout particulièrement la jeunesse. Les scènes décrites sont revécues à maintes reprises dans l'esprit du lecteur. De telles lectures rendent l'esprit incapable d'être utile et l'empêchent de se livrer aux exercices spirituels. Elles détruisent l'intérêt pour la Bible. Les choses du ciel en viennent à occuper peu de place dans les pensées. Les scènes d'impureté éveillent les passions et entraînent au péché. MG 382 1 Les fictions qui ne contiennent aucune suggestion impure, destinées à faire ressortir d'excellents principes, sont elles-mêmes nuisibles, en ce qu'elles encouragent la lecture hâtive et superficielle, faite simplement pour connaître le récit. Elles tendent à détruire ainsi la vigueur et la concentration de la pensée, et empêchent l'âme de contempler les grands thèmes du devoir et de la destinée. MG 382 2 En favorisant le goût de la distraction, la littérature fictive inspire de l'antipathie pour les devoirs pratiques de la vie. L'excitation qu'elle provoque est une cause fréquente de maladies mentales et physiques. De nombreux foyers malheureux, des invalides chroniques et des internés dans les asiles d'aliénés doivent leur état à la lecture des romans. MG 382 3 On conseille parfois de procurer à la jeunesse des ouvrages d'imagination d'un ordre plus élevé, pour la détourner de la lecture de fictions de bas étage. C'est comme si l'on essayait de guérir un buveur en lui donnant, au lieu d'eau-de-vie et de liqueurs fortes, de simples boissons enivrantes telles que le vin, la bière ou le cidre. On ne ferait ainsi qu'entretenir le besoin de stimulants plus forts. L'abstinence totale est le seul moyen, pour l'alcoolique comme pour le tempérant, de se préserver. Appliquons la même règle aux fictions. Supprimons-les complètement. Mythes et contes de fées MG 383 1 On donne aujourd'hui dans l'éducation des enfants une place considérable aux fables et aux contes de fées. On emploie des livres de ce genre dans les écoles, et on en trouve dans de nombreux foyers. Comment des parents chrétiens peuvent-ils permettre que leurs enfants utilisent ces livres qui sont remplis de faits imaginaires? Lorsqu'ils s'enquièrent du sens de ces récits, si contraires à l'enseignement de leurs parents, on leur répond qu'ils ne sont pas vrais. Mais ce n'est pas ainsi que l'on peut effacer la mauvaise impression produite sur leurs esprits. Les idées présentées dans ces livres les déroutent, faussent leur appréciation de la vie et provoquent l'amour de l'irréel. MG 383 2 La grande diffusion de tels livres est une des ruses du diable, qui cherche à détourner l'attention des jeunes, et même des vieux, de l'oeuvre qui consiste à former des caractères. Il espère ainsi empoisonner enfants et jeunes gens par ses séductions dont il remplit le monde. C'est pourquoi il cherche à détourner les esprits de la Parole de Dieu et à les empêcher de connaître les vérités qui pourraient les préserver. MG 383 3 Il ne faut jamais placer entre les mains des enfants et des jeunes gens des ouvrages qui dénaturent la vérité. Ne permettons pas qu'au cours de leurs études ils reçoivent des idées qui sont des semences de péché. Quant aux adultes, à l'esprit mûri, s'ils mettaient eux aussi ces livres de côté, ils ne pourraient qu'en bénéficier, et leur exemple serait d'un grand secours à la jeunesse pour la préserver de la tentation. MG 383 4 Le réel et le divin abondent. Ceux qui ont soif de connaissances n'ont pas besoin d'avoir recours à des sources corrompues. Le Seigneur dit: MG 384 1 Prête l'oreille, et écoute les paroles des sages; Applique ton coeur à ma science. ... Qu'elles soient toutes présentes sur tes lèvres, Afin que ta confiance repose sur l'Eternel. Proverbes 22:17-19. MG 384 2 N'ai-je pas déjà pour toi mis par écrit Des conseils et des réflexions, Pour t'enseigner des choses sûres, des paroles vraies, Afin que tu répondes par des paroles vraies à celui qui t'envoie? Proverbes 22:20, 21. MG 384 3 Il a établi un témoignage en Jacob, Il a mis une loi en Israël, Et il a ordonné à nos pères de l'enseigner à leurs enfants. Psaumes 78:5. MG 384 4 Nous ne le cacherons point à leurs enfants; Nous dirons à la génération future les louanges de l'Eternel, Et sa puissance, et les prodiges qu'il a opérés. Psaumes 78:4. MG 384 5 Pour qu'elle fût connue de la génération future, Des enfants qui naîtraient, Et que, devenus grands, ils en parlassent à leurs enfants, Afin qu'ils missent en Dieu leur confiance. Psaumes 78:6, 7. MG 384 6 C'est la bénédiction de l'Eternel qui enrichit, Et il ne la fait suivre d'aucun chagrin. Proverbes 10:22. L'enseignement du Christ MG 384 7 C'est ainsi que le Christ présente dans l'Evangile les principes de la vérité. Nous pouvons nous désaltérer aux eaux pures qui coulent du trône de Dieu. Le Sauveur aurait pu communiquer aux hommes des connaissances surpassant toutes les découvertes précédentes. Il aurait pu dévoiler de nombreux mystères, et concentrer sur ces révélations merveilleuses la pensée des générations jusqu'à la consommation des siècles. Mais il ne s'éloigna pas un seul instant de l'enseignement de la science du salut. Son temps, ses facultés, sa vie n'avaient qu'un but: travailler au salut des âmes. Il était venu chercher et sauver ce qui était perdu. Aussi refusa-t-il de se laisser détourner de sa tâche. Rien ne put l'en distraire. MG 385 1 Le Christ n'enseignait que des vérités qui pouvaient être utiles. Il limitait ses instructions aux besoins personnels et à la vie pratique de ceux qui l'écoutaient. Il ne répondait pas aux questions indiscrètes des curieux, mais il faisait retentir ses appels les plus solennels, les plus pressants, les plus importants. A ceux qui venaient à lui pour cueillir du fruit de l'arbe de la connaissance, il offrait celui de l'arbre de vie. Toutes les avenues étaient fermées, sauf celle qui mène à Dieu. De toutes les sources auxquelles ses auditeurs espéraient boire, une seule leur était accessible: celle de la vie éternelle. MG 385 2 Le Sauveur n'encourageait personne à fréquenter les écoles rabbiniques de son temps. L'esprit y était corrompu par ces mots sans cesse répétés: "On dit" ou "Il a été dit". Pourquoi accepter comme profondément sages les paroles inconstantes des hommes, alors que l'on a à sa disposition la sagesse absolue? MG 385 3 Ce que j'ai vu des réalités éternelles, et ce que je connais de la faiblesse humaine a fait une impression profonde sur mon esprit et influencé mon oeuvre. Je ne vois rien qui permette à l'homme de se glorifier, rien qui puisse donner confiance dans les opinions des soi-disant grands hommes. Comment serait-il possible à des esprits dépourvus de lumière divine d'avoir des idées correctes sur les desseins de Dieu, alors qu'ils méconnaissent son existence ou limitent sa puissance à la mesure de leurs conceptions bornées? MG 385 4 Acceptons donc d'être instruits par celui qui a créé les cieux et la terre, qui a semé les étoiles dans le firmament et qui dirige dans leur course le soleil et la lune. MG 385 5 Il est bon que la jeunesse ait le sentiment qu'elle doit développer au plus haut degré ses facultés intellectuelles. Ne restreignons donc pas l'instruction, à laquelle le Seigneur n'a pas fixé de limites. Mais sachons que nos connaissances n'ont aucune valeur si elles ne sont pas utilisées pour la gloire de Dieu et le bien de l'humanité. MG 386 1 Il ne faut pas encombrer l'esprit de matières exigeant une application intense, mais qui n'ont aucune utilité dans la vie pratique. C'est une perte de temps et d'argent pour l'étudiant. De plus, cela diminue son désir de se rendre utile et de faire face à ses responsabilités. Une éducation pratique a beaucoup plus de valeur que toutes les théories du monde. Savoir ne suffit pas; il faut encore pouvoir se servir de sa science pour faire du bien. MG 386 2 Le temps et l'argent qu'un grand nombre dépensent pour acquérir des connaissances relativement inutiles devraient être consacrés à s'instruire pour faire face aux responsabilités de la vie. C'est là l'instruction qui a la plus grande valeur. MG 386 3 Ce qu'il nous faut, ce sont des connaissances qui affermissent l'esprit et l'âme et qui fassent de nous des hommes et des femmes meilleurs. L'éducation du coeur est bien plus importante que la simple étude livresque. Il est bon, essentiel même, de connaître le monde que nous habitons; mais perdre de vue l'éternité, c'est aller au-devant d'un échec irréparable. MG 386 4 Un étudiant peut consacrer toutes ses énergies à acquérir des connaissances; s'il ignore Dieu et n'obéit pas aux lois qui gouvernent son être, il se détruira. Les mauvaises habitudes lui enlèveront la faculté de se juger et de se dominer. Il sera incapable de raisonner sur les questions qui le touchent de près. Il deviendra insouciant et déraisonnable dans la manière dont il traite son corps et son esprit. En négligeant de cultiver les bons principes, il se ruine pour ce monde et le monde à venir. MG 386 5 Si les jeunes gens se rendaient compte de leur faiblesse, ils rechercheraient la force qui vient de Dieu. Instruits par le Créateur, ils acquerraient la sagesse, et leur vie serait en bénédiction au monde. Mais s'ils occupent leur esprit à de simples spéculations, se séparant ainsi du Seigneur, ils perdront tout ce qui enrichit la vie. ------------------------Chapitre 38 -- L'importance de la véritable connaissance MG 388 1 Il faut que nous comprenions mieux l'importance du grand conflit dans lequel nous sommes engagés. Saisissons avec plus de netteté la valeur des vérités de la Parole de Dieu et le danger de consentir à nous en laisser détourner par le tentateur. MG 388 2 Le sacrifice infini de notre rédemption est la preuve que le péché est un mal terrible. C'est à cause de celui-ci que l'organisme humain est détraqué, l'esprit perverti, l'imagination corrompue. Il dégrade les facultés de l'âme. Les tentations de l'extérieur trouvent le chemin de nos coeurs, et nos pas se tournent imperceptiblement vers le mal. MG 388 3 Autant le sacrifice accompli en notre faveur a été complet, autant aussi doit l'être notre affranchissement des souillures du péché. La loi divine n'excuse aucune méchanceté, elle condamne toute injustice. La morale évangélique a pour seul idéal la perfection du caractère divin. La vie du Christ a été une vie d'obéissance totale à tous les préceptes de la loi. Il pouvait dire: "J'ai gardé les commandements de mon Père." Jean 15:10. Il nous a donné un exemple d'obéissance et d'abnégation. Seul il peut renouveler le coeur. "C'est Dieu qui produit en vous le vouloir et le faire, selon son bon plaisir." Mais il nous dit: "Travaillez à votre salut." Philippiens 2:13, 12. La tâche qui doit occuper nos pensées MG 389 1 On ne peut réformer sa conduite par quelques efforts faibles et intermittents. Former un caractère n'est pas l'oeuvre d'un jour, ni d'une année, mais de toute une vie. Se vaincre soi-même, conquérir la sainteté et le ciel exigent une lutte qui ne se termine qu'avec notre existence. Sans efforts continuels, sans activité constante, il n'y a pas de progrès ni de couronne triomphale. MG 389 2 La preuve que l'homme est déchu d'une condition plus élevée, c'est la peine qu'il éprouve à la reconquérir. Il ne peut y parvenir qu'en luttant ardemment, heure après heure. En un seul instant, un acte inconsidéré peut le placer sous la puissance du mal; mais il en faut beaucoup pour briser ses chaînes et arriver à la sainteté. On peut en prendre la résolution, y travailler; mais pour réussir, cela nécessite du temps, de la persévérance et des sacrifices. MG 389 3 Nous ne pouvons nous permettre d'agir selon nos propres impulsions, ni cesser de veiller un seul instant. Assiégés de tentations sans nombre, nous devons résister fermement ou être vaincus. Si la mort nous surprenait avant d'avoir achevé notre tâche, nous perdrions la vie éternelle. MG 389 4 L'apôtre Paul était en conflit permanent avec lui-même. Il disait: "Chaque jour je suis exposé à la mort." 1 Corinthiens 15:31. Sa volonté, ses tendances s'opposaient constamment à son devoir et à la volonté divine. Mais au lieu de suivre ses inclinations, et malgré les protestations de sa chair, il se conformait aux commandements de Dieu. MG 389 5 A la fin de sa carrière, regardant à ses luttes et à ses triomphes, il pouvait dire: "J'ai combattu le bon combat, j'ai achevé la course, j'ai gardé la foi. Désormais la couronne de justice m'est réservée; le Seigneur, le juste juge, me la donnera dans ce jour-là." 2 Timothée 4:7, 8. MG 389 6 La vie chrétienne est une marche et une bataille sans trêve ni repos. C'est par des efforts continuels et persévérants, par une activité incessante, que nous triomphons des tentations de Satan. L'intégrité chrétienne doit être recherchée avec une indomptable énergie, et maintenue avec une fermeté à toute épreuve. MG 390 1 Personne n'atteindra les hauteurs sans efforts persévérants pour lui-même. Tous doivent s'engager dans ce combat; nul ne peut lutter à notre place. Nous sommes individuellement responsables des résultats du combat. "Quand même Noé, Daniel et Job s'y trouveraient, aussi vrai que je suis vivant, dit le Seigneur, l'Eternel, ils ne sauveraient ni fils ni filles" par leur justice. Ezéchiel 14:14, 16. La science qu'il faut maîtriser MG 390 2 Il y a une science du christianisme; c'est celle-là qu'il faut maîtriser. Elle dépasse les sciences humaines en profondeur, en largeur et en hauteur de toute la distance qui sépare la terre du ciel. L'esprit doit être discipliné, éduqué, formé; car le service exigé par Dieu est contraire à nos inclinations naturelles. Les tendances au mal, héréditaires ou acquises, doivent être surmontées. Souvent, pour se mettre à l'école du Christ, il faut renoncer à l'éducation reçue pendant toute une vie. Affermissons nos coeurs en Dieu, habituons-nous à maîtriser nos pensées, afin de pouvoir résister à la tentation. Sachons regarder en haut, car les principes de la Parole de Dieu sont aussi élevés que les cieux, aussi vastes que l'éternité, et ils doivent avoir une influence sur notre vie quotidienne. Il faut que chaque acte, chaque parole et chaque pensée soient inspirés par eux. Tous doivent être harmonisés et soumis au Christ. MG 390 3 Les grâces de l'Esprit ne se développent pas en un instant. Il faut pour cela des années, ce qui nous permet de prendre courage, de posséder la douceur et la foi, ainsi qu'une confiance implicite en la puissance salutaire de Dieu. C'est par une vie de saints efforts et de ferme attachement au bien que les chrétiens scelleront leur destinée. Il ne faut pas perdre de temps MG 391 1 Nous n'avons pas un instant à perdre. Nul ne sait quand le temps de grâce prendra fin pour nous. Les plus privilégiés n'ont, en somme, qu'un temps très court à passer ici-bas, avant d'être fauchés par la mort. Nous ne savons pas quand nous devrons nous séparer du monde et de tous ses intérêts. L'éternité est devant nous. Le voile qui nous en sépare est prêt à être écarté. Quelques courtes années encore, et pour les vivants retentiront ces paroles: MG 391 2 "Que celui qui est injuste soit encore injuste,... que le juste pratique encore la justice, et que celui qui est saint se sanctifie encore." Apocalypse 22:11. MG 391 3 Sommes-nous prêts? Croyons-nous en Dieu, le maître du ciel, le suprême législateur, et au Christ qu'il a envoyé dans le monde pour le représenter? Notre vie terminée, pourrons-nous dire comme Jésus, notre modèle: MG 391 4 "Je t'ai glorifié sur la terre, j'ai achevé l'oeuvre que tu m'as donnée à faire. ... J'ai fait connaître ton nom." Jean 17:4-6. MG 391 5 Les anges de Dieu s'efforcent de nous arracher aux choses de la terre et à nous-mêmes. Ne les laissez pas travailler en vain. Les esprits indécis doivent se ressaisir. "Ceignez les reins de votre entendement, soyez sobres, et ayez une entière espérance dans la grâce qui vous sera apportée, lorsque Jésus-Christ apparaîtra. Comme des enfants obéissants, ne vous conformez pas aux convoitises que vous aviez autrefois, quand vous étiez dans l'ignorance. Mais, puisque celui qui vous a appelés est saint, vous aussi soyez saints dans toute votre conduite, selon qu'il est écrit: Vous serez saints, car je suis saint." 1 Pierre 1:13-16. MG 391 6 Que Dieu occupe toutes nos pensées. Nous devons consacrer nos efforts les plus énergiques à dominer les tendances au mal du coeur naturel. Proportionnons nos efforts, notre abnégation et notre persévérance à la valeur infinie de l'objet que nous poursuivons. Ce n'est qu'en remportant la victoire comme le Christ que nous pourrons gagner la couronne de vie. Nécessité de l'abnégation MG 392 1 Le plus grand danger auquel l'homme puisse être exposé, c'est de méconnaître son véritable état spirituel: la suffisance et la séparation d'avec Dieu, l'unique source de sa force. A moins que le Saint-Esprit ne les corrige, nos tendances naturelles contiennent des germes mortels. Si nous ne sommes unis intimement à Dieu, nous ne pourrons résister aux conséquences impies de la concupiscence, de l'amour de soi et de la tentation à pécher. MG 392 2 Pour que le Christ vienne à notre secours, il faut comprendre nos besoins, nous connaître tels que nous sommes. Ce n'est qu'en avouant notre faiblesse, et en cessant de compter sur nos propres forces, que nous pourrons nous appuyer sur la puissance divine. Il ne faut pas seulement renoncer à nous-mêmes au début de notre vie chrétienne, mais à chaque pas vers le ciel. Nos bonnes actions dépendent d'une puissance qui nous est étrangère. C'est pourquoi nous devons constamment confesser à Dieu nos péchés en nous humiliant devant lui. Nous sommes environnés de dangers, et nous ne serons en sécurité que lorsque nous comprendrons notre faiblesse, et que nous accepterons, par la foi, le secours de notre puissant libérateur. Christ, la source de la véritable connaissance MG 392 3 Détournons-nous des mille objets qui sollicitent notre attention. Il est des questions qui absorbent notre temps et demandent des recherches, mais qui n'aboutissent à rien. Laissons de côté ces détails, comparativement insignifiants, et portons nos regards et nos efforts sur des sujets d'un ordre plus élevé. MG 393 1 Accepter de nouvelles théories ne donne pas à notre âme une vie nouvelle. Même la connaissance de faits et de théories importants en eux-mêmes est de peu de valeur si nous ne la mettons pas en pratique. Nous devons ressentir la responsabilité de donner à notre âme les aliments qui nourrissent et stimulent la vie spirituelle. MG 393 2 Si tu rends ton oreille attentive à la sagesse, Et si tu inclines ton coeurs à l'intelligence... Si tu la cherches comme l'argent, Si tu la poursuis comme un trésor, Alors tu comprendras la crainte de l'Eternel, Et tu trouveras la connaissance de Dieu. ... Alors tu comprendras la justice, l'équité, La droiture, toutes les routes qui mènent au bien. Car la sagesse viendra dans ton coeur, Et la connaissance fera les délices de ton âme; La réflexion veillera sur toi, L'intelligence te gardera. Proverbes 2:2-11. MG 393 3 [La sagesse] est un arbre de vie pour ceux qui la saisissent, Et ceux qui la possèdent sont heureux. Proverbes 3:18. MG 393 4 La question qui se pose à nous est celle-ci: "Qu'est-ce que la vérité? La vérité qui doit être recherchée, aimée, honorée, suivie?" Les partisans acharnés de la science ont échoué et se sont découragés dans leurs efforts pour découvrir Dieu. Ce qu'ils doivent se demander aujourd'hui, c'est: "Quelle est la vérité qui nous permettra d'obtenir le salut de nos âmes?" MG 393 5 Que pensez-vous du Christ? L'avez-vous accepté comme Sauveur personnel? Voilà des questions bien importantes. A tous ceux qui le reçoivent, il donne le pouvoir de devenir enfants de Dieu. Voir Jean 1:12. MG 393 6 Jésus révéla Dieu à ses disciples d'une manière qui accomplit dans leurs coeurs une oeuvre toute particulière. Cette oeuvre, il veut aussi la faire en nous. Il en est beaucoup qui, en passant leur temps à s'occuper de théories, perdent de vue la puissance vivante de l'exemple du Sauveur. Ils oublient de voir en lui l'ouvrier humble et désintéressé. Il faut le contempler jour après jour, et imiter sa vie de renoncement et de sacrifice. MG 394 1 Nous avons besoin de l'expérience de Paul lorsqu'il écrit: "J'ai été crucifié avec Christ; et si je vis, ce n'est plus moi qui vis, c'est Christ qui vit en moi; si je vis maintenant dans la chair, je vis dans la foi au Fils de Dieu, qui m'a aimé et qui s'est livré lui-même pour moi." Galates 2:20. MG 394 2 La connaissance de Dieu et de Jésus-Christ, révélée dans le caractère, confère une élévation qui dépasse tout ce que peuvent offrir le ciel et la terre. C'est la plus haute éducation qui soit, la clef qui nous ouvre les portes de la sainte cité. Le dessein de Dieu est que tous ceux qui revêtent le Christ possèdent cette connaissance. ------------------------Chapitre 39 -- La connaissance communiquée par la Parole de Dieu MG 395 1 Toute la Bible nous révèle la gloire de Dieu en Jésus-Christ. Pour ceux qui l'acceptent, qui y croient et lui obéissent, elle est un puissant élément dans la transformation du caractère. Elle stimule, active, vivifie les forces physiques, mentales et spirituelles; en un mot, elle nous dirige dans la bonne voie. MG 395 2 Si les jeunes, et les adultes eux-mêmes, sont si facilement induits en tentation et y succombent, c'est qu'ils négligent l'étude de la Parole de Dieu. C'est ce qui explique la faiblesse de leur volonté. Ils ne font aucun effort pour puiser dans ce trésor divin les pensées pures et saintes qui les détourneraient de ce qui est impur et erroné. Il en est bien peu, qui, à l'instar de Marie, choisissent la bonne part en venant s'asseoir aux pieds de Jésus pour recevoir les instructions du divin Maître. Bien peu serrent ses paroles dans leur coeur et les mettent en pratique dans leur vie quotidienne. MG 395 3 Les vérités de la Bible élèvent l'âme. Si la Parole de Dieu était appréciée à sa juste valeur, jeunes et vieux manifesteraient une rectitude et une fidélité dans les principes qui les aideraient à triompher de la tentation. MG 395 4 Répandons, oralement et par écrit, les vérités précieuses de l'Ecriture. Que notre esprit, nos aptitudes, notre pénétration s'appliquent à saisir la pensée divine. Laissons de côté les spéculations de la philosophie humaine; efforçons-nous de comprendre celle de l'auteur de toute vérité. On ne peut lui comparer la valeur d'aucune autre littérature. MG 396 1 Un esprit mondain n'éprouve aucun plaisir à méditer la Parole de Dieu; mais pour celui qui a passé par la nouvelle naissance, une beauté divine et une lumière céleste émanent de toutes ses pages sacrées. Ce qui, pour le monde, est un désert aride, devient pour l'homme spirituel une terre où coulent des sources vivifiantes. MG 396 2 Il faut faire connaître Dieu à nos enfants, tel qu'il est révélé dans l'Ecriture. Dès que s'éveille leur intelligence, familiarisons-les avec le nom et la vie de Jésus. Que leurs premières leçons leur apprennent que Dieu est leur Père, et qu'il faut lui obéir avec amour. Lisez-leur souvent, avec révérence et avec tendresse, les passages de l'Ecriture les mieux adaptés à leur compréhension et susceptibles d'éveiller leur intérêt. Par dessus tout, faites-leur connaître l'amour de Dieu révélé en Jésus-Christ et la grande leçon qui s'en dégage: MG 396 3 "Si Dieu nous a ainsi aimés, nous devons aussi nous aimer les uns les autres." 1 Jean 4:11. MG 396 4 Que les jeunes nourrissent leur esprit et leur âme de la Parole de Dieu. Que la croix du Calvaire soit la science de toute éducation, le centre de tout enseignement et de toute étude. Qu'elle ait une action pratique sur notre vie quotidienne. C'est ainsi que le Sauveur sera pour les jeunes un compagnon et un ami de tous les instants, et que leur pensée sera amenée captive à l'obéissance de ses enseignements. Ils pourront répéter avec l'apôtre Paul: MG 396 5 "Pour ce qui me concerne, loin de moi la pensée de me glorifier d'autre chose que de la croix de notre Seigneur Jésus-Christ, par qui le monde est crucifié pour moi, comme je le suis pour le monde!" Galates 6:14. MG 396 6 Ainsi, par la foi, les jeunes auront de Dieu une connaissance expérimentale. Après avoir éprouvé les réalités de sa Parole et la véracité de ses promesses, ils sauront que le Seigneur est bon. MG 397 1 Jean, le disciple que Jésus aimait, avait acquis cette connaissance par l'expérience. Il peut témoigner: MG 397 2 "Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché, concernant la parole de vie, -- et la vie a été manifestée, et nous l'avons vue et nous lui rendons témoignage, et nous vous annonçons la vie éternelle, qui était auprès du Père et qui nous a été manifestée, -- ce que nous avons vu et entendu, nous vous l'annonçons, à vous aussi, afin que vous aussi vous soyez en communion avec nous. Or, notre communion est avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ." 1 Jean 1:1-3. MG 397 3 Chacun peut, par sa propre expérience, certifier "que Dieu est vrai". Jean 3:33. Il peut témoigner de ce qu'il a vu, entendu et senti de la puissance du Christ. Il peut dire: MG 397 4 "Le secours dont j'avais besoin, je l'ai trouvé en Jésus. Toutes mes lacunes ont été comblées, et les aspirations de mon âme, satisfaites. L'Ecriture est pour moi la révélation du Sauveur. Je crois en lui et à la Bible; j'ai trouvé en elle le Dieu qui parle à mon âme." MG 397 5 Celui qui connaît le Seigneur et sa Parole par une expérience personnelle peut se livrer à l'étude des sciences naturelles. Il est écrit du Christ: "En [lui] était la vie, et la vie était la lumière des hommes." Jean 1:4. Avant le péché, en Eden, Adam et Eve étaient entourés d'une lumière éclatante et admirable: la lumière divine. Celle-ci illuminait tout ce qu'ils approchaient. Rien ne pouvait obscurcir leur perception du caractère ou des oeuvres de Dieu. Mais lorsqu'ils cédèrent à la tentation, cette lumière s'évanouit. En perdant ce vêtement de sainteté, ils furent privés de la clarté qui illuminait la nature, et ils ne purent plus la déchiffrer correctement, ni discerner le caractère de Dieu dans ses oeuvres. De même aujourd'hui il n'est pas possible à l'homme, par ses propres ressources, d'en découvrir les leçons. S'il n'est guidé par la sagesse céleste, il exalte la nature et ses lois au-dessus du Dieu de la nature. C'est la raison pour laquelle les idées humaines sur la science contredisent si souvent les enseignements de la Parole de Dieu. Mais pour ceux qui reçoivent la lumière de la vie du Christ, la nature s'illumine à nouveau. C'est à la lumière de la croix que nous pouvons interpréter les enseignements de la nature avec certitude. MG 398 1 Celui qui connaît Dieu et sa Parole possède une foi absolue en la divinité de celle-ci. Il a l'assurance qu'elle est la vérité, et il sait qu'elle ne saurait se contredire. Il ne la juge pas d'après les idées scientifiques des hommes; il soumet ces idées à l'épreuve infaillible de la pierre de touche. Il sait que dans la science véritable il ne peut rien y avoir de contraire aux enseignements de la Parole puisque toutes deux ont le même auteur, qu'une conception correcte des deux établit qu'elles sont en harmonie, et que toute théorie prétendue scientifique qui contredit le témoignage de l'Ecriture fait partie du domaine des hypothèses de l'esprit humain. MG 398 2 La recherche scientifique ouvre à celui qui étudie ainsi un vaste champ de méditation et d'exploration. En contemplant la nature, il acquiert une perception nouvelle de la vérité. La nature et la Parole de Dieu s'éclairent mutuellement. Elles nous font connaître toujours mieux le Créateur et les lois par lesquelles il opère. MG 398 3 L'expérience du Psalmiste peut être celle de tous ceux qui reçoivent les enseignements de Dieu par la nature et la révélation: MG 399 1 Tu me réjouis par tes oeuvres, ô Eternel! Et je chante avec allégresse l'ouvrage de tes mains. Psaumes 92:5. MG 399 2 Eternel! ta bonté atteint jusqu'aux cieux, Ta fidélité jusqu'aux nues. Ta justice est comme les montagnes de Dieu, Tes jugements sont comme le grand abîme. ... Combien est précieuse ta bonté, ô Dieu! Psaumes 36:6-8. MG 399 3 A l'ombre de tes ailes les fils de l'homme cherchent un refuge. Ils se rassasient de l'abondance de ta maison, Et tu les abreuves au torrent de tes délices. Car auprès de toi est la source de la vie; Par ta lumière nous voyons la lumière. Psaumes 36:8-10. MG 399 4 Heureux ceux qui sont intègres dans leur voie, Qui marchent selon la loi de l'Eternel! Heureux ceux qui gardent ses préceptes, Qui le cherchent de tout leur coeur. ... Comment le jeune homme rendra-t-il pur son sentier? En se dirigeant d'après ta parole. ... Je choisis la voie de la vérité, Je place tes lois sous mes yeux. Psaumes 119:1, 2, 9, 30. MG 399 5 Je serre ta parole dans mon coeur, Afin de ne pas pécher contre toi. Psaumes 119:11. MG 399 6 Je marcherai au large, Car je recherche tes ordonnances. Psaumes 119:45. MG 399 7 Ouvre mes yeux, pour que je contemple Les merveilles de ta loi!... Tes préceptes font mes délices, Ce sont mes conseillers. ... Mieux vaut pour moi les lois de ta bouche Que mille objets d'or et d'argent. ... Combien j'aime ta loi! Elle est tout le jour l'objet de ma méditation. ... Tes préceptes sont admirables: Aussi mon âme les observe. Psaumes 119:18, 24, 72, 97, 129. MG 400 1 Tes statuts sont le sujet de mes cantiques, Dans la maison où je suis étranger. ... Ta parole est entièrement éprouvée, Et ton serviteur l'aime. ... Le fondement de ta parole est la vérité, Et toutes les lois de ta justice sont éternelles. ... Que mon âme vive et qu'elle te loue! Et que tes jugements me soutiennent! Psaumes 119:54, 140, 160, 175. MG 400 2 Il y a beaucoup de paix pour ceux qui aiment ta loi, Et il ne leur arrive aucun malheur. J'espère en ton salut, ô Eternel! Et je pratique tes commandements. Mon âme observe tes préceptes, Et je les aime beaucoup. Psaumes 119:165-167. MG 400 3 La révélation de tes paroles éclaire, Elle donne de l'intelligence aux simples. Psaumes 119:130. MG 400 4 Tes commandements me rendent plus sage que mes ennemis, Car je les ai toujours avec moi. Je suis plus instruit que tous mes maîtres, Car tes préceptes sont l'objet de ma méditation. J'ai plus d'intelligence que les vieillards, Car j'observe tes ordonnances. ... Par tes ordonnances je deviens intelligent, Aussi je hais toute voie de mensonge. ... Tes préceptes sont pour toujours mon héritage, Car ils sont la joie de mon coeur. Psaumes 119:98-100, 104, 111. Une révélation plus nette de Dieu MG 400 5 Il dépend de nous d'obtenir une révélation toujours plus complète du caractère de Dieu. Lorsque Moïse demanda à l'Eternel: "Fais-moi voir ta gloire", il fut exaucé. Le Seigneur lui dit: "Je ferai passer devant toi toute ma bonté, et je proclamerai devant toi le nom de l'Eternel." Exode 33:18, 19. MG 401 1 C'est le péché qui obscurcit notre esprit et trouble nos perceptions. Quand il est banni de nos coeurs, la lumière de la connaissance de la gloire de Dieu sur le visage de Jésus-Christ, illuminant sa Parole et reflétée par la nature, révèle le Père céleste, celui qui est "miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en bonté et en fidélité". Exode 34:6. MG 401 2 C'est cette lumière qui nous éclaire, jusqu'à ce que notre esprit, notre coeur et notre âme soient changés à l'image de Dieu. MG 401 3 Pour ceux qui comptent sur les promesses de l'Ecriture sainte, il y a des possibilités merveilleuses. Devant eux s'étendent de vastes champs de vérités, d'intarissables sources de puissance. Des réalités glorieuses leur seront dévoilées, ainsi que des privilèges et des devoirs dont ils n'ont aucune idée. Tous ceux qui obéissent humblement, accomplissant les desseins de Dieu, connaîtront de mieux en mieux ses oracles. MG 401 4 Que les étudiants prennent la Bible pour guide et se conforment à ses principes, et ils pourront espérer acquérir les plus grandes connaissances. Toutes les philosophies humaines ont conduit à la confusion et à la honte lorsqu'elles n'ont pas reconnu Dieu comme étant tout en tous. Mais la foi précieuse inspirée de Dieu communique la force et la noblesse. En méditant sur la bonté du Seigneur, sur sa miséricorde et sur son amour infinis, la perception de la vérité nous deviendra de plus en plus claire, et plus ardent aussi le désir de posséder un coeur pur et un esprit lucide. L'âme qui respire l'atmosphère des saintes pensées est transformée par cette communion avec Dieu qui résulte de l'étude de sa Parole. La vérité est si large, si profonde, elle a tant de portée, qu'en s'efforçant de la saisir le moi est oublié. Le coeur en est attendri et devient humble, bon, aimant. MG 401 5 Une sainte obéissance fortifie les facultés. Grâce à l'étude de la Parole de vie, on peut acquérir un esprit large, élevé, noble. Si, comme le prophète Daniel, nous nous conformons fidèlement à ses enseignements, nous avancerons dans toutes les branches de la connaissance. Notre esprit étant pur, il se fortifiera. Toutes nos facultés seront vivifiées. Nous pourrons nous former et nous discipliner de manière à être, dans notre sphère d'influence, des exemples de ce que l'homme peut devenir et faire lorsqu'il est en communion avec le Dieu de toute sagesse et de toute puissance. L'éducation de la vie éternelle MG 402 1 Notre vie ici-bas est une préparation à la vie éternelle. L'éducation commencée ne s'achèvera pas sur cette terre; elle se poursuivra toute l'éternité, toujours progressant, jamais terminée. La sagesse et l'amour de Dieu dans le plan de la rédemption se dévoileront de plus en plus. Le Sauveur conduira ses enfants aux sources d'eaux vives et leur révélera des trésors de connaissances. Jour après jour, les oeuvres merveilleuses de Dieu, les preuves de sa puissance créatrice et de celle qu'il déploie pour soutenir l'univers se présenteront à leur esprit avec une beauté renouvelée. A la lumière qui émane du trône divin, tous les mystères disparaîtront. L'âme sera surprise de la simplicité de tout ce qu'elle n'avait jamais pu comprendre auparavant. MG 402 2 Aujourd'hui, nous voyons confusément, comme dans un miroir, "mais alors nous verrons face à face; aujourd'hui nous connaissons en partie, alors nous connaîtrons comme nous avons été connus". ------------------------Chapitre 40 -- Viatique de la vie journalière MG 405 1 La vie tranquille et harmonieuse d'un vrai chrétien est bien plus éloquente que les plus beaux discours. Les actes ont une beaucoup plus grande influence que les paroles. MG 405 2 Un jour les Pharisiens envoyèrent des hommes pour arrêter Jésus; mais ceux-ci revinrent en disant: "Jamais homme n'a parlé comme cet homme." Le secret de cette éloquence résidait dans le fait que jamais homme n'avait vécu comme lui. S'il s'était comporté différemment, il n'aurait pu parler comme il le faisait. Il possédait une puissance de conviction qui lui venait d'un coeur pur et saint, plein d'amour et de sympathie, de bienveillance et de vérité. MG 405 3 C'est notre caractère et notre expérience qui déterminent notre influence sur les autres. Pour convaincre de la puissance de la grâce du Christ, il faut l'avoir éprouvée dans son propre coeur. L'Evangile qui sauve les âmes est celui qui sauve la nôtre. C'est grâce à une foi réelle en Jésus comme notre Sauveur personnel que nous pouvons exercer une influence dans un monde sceptique. Si nous voulons attirer les pécheurs hors du torrent impétueux, nos pieds doivent être affermis, posés sur le rocher qui est Jésus-Christ. MG 405 4 L'insigne du chrétien n'est pas extérieur; il ne consiste pas en une croix ou une couronne. C'est l'union de l'homme avec Dieu. La puissance de la grâce divine manifestée dans la transformation du caractère convaincra le monde que le Seigneur a envoyé son Fils pour le racheter. Aucune influence n'a plus de force sur l'âme humaine que celle d'une vie désintéressée. L'argument le plus puissant en faveur de l'Evangile, c'est un chrétien aimant et aimable. La discipline de l'épreuve MG 406 1 Pour vivre une telle vie, pour exercer une telle influence, il faut à chaque pas des efforts, de l'abnégation, de la discipline. C'est parce que beaucoup de chrétiens ne le comprennent pas qu'ils se découragent si facilement. Un grand nombre de ceux qui se consacrent sincèrement au service de Dieu sont surpris et désappointés de se trouver comme jamais auparavant environnés d'obstacles, assaillis d'épreuves et de difficultés. Ils prient Dieu pour que leur caractère ressemble à celui du Christ et qu'ils soient ainsi capables d'accomplir son oeuvre. Cependant, ils se voient placés dans des circonstances qui semblent provoquer le mauvais côté de leur nature; des fautes leur sont révélées dont ils n'avaient jamais soupçonné l'existence. Ils se demandent, comme les enfants d'Israël: "Si l'Eternel nous conduit, pourquoi toutes ces choses nous arrivent-elles?" MG 406 2 Mais c'est précisément parce que Dieu les conduit que tout cela leur arrive. Les épreuves, les obstacles sont des moyens choisis par le Seigneur pour nous discipliner et nous aider à réussir. Celui qui lit dans le coeur des hommes les connaît mieux qu'eux-mêmes. Il sait que quelques-uns ont des talents qui, bien employés, pourraient contribuer à l'avancement de son règne. Dans sa providence, il place ces personnes dans certaines situations qui leur permettent de découvrir des défauts ignorés, ce qui leur donne l'occasion de se corriger et de se préparer à son service. C'est pour les purifier qu'il les fait souvent passer par l'épreuve. Si nous sommes appelés à rencontrer des difficultés, c'est que le Seigneur voit en nous quelques qualités précieuses qu'il veut mettre en valeur. Si rien dans notre personne ne pouvait glorifier son nom, il ne perdrait pas son temps à MG 407 3 nous purifier. Ce ne sont pas les pierres sans valeur, mais le minerai précieux qu'il jette dans la fournaise. Le forgeron met le fer et l'acier au feu pour éprouver leur résistance. De même le Seigneur permet que ses enfants passent par l'affliction afin de leur fournir l'occasion de montrer leur trempe et prouver qu'ils peuvent être formés pour son service. MG 407 1 Le potier prend l'argile, la façonne, la pétrit, la travaille à sa guise. Puis, après quelque temps, lorsqu'elle est parfaitement malléable, il en fait un vase qu'il polit au tour, sèche au soleil et met au four. Et ce vase devient l'ustensile que nous employons. C'est ainsi que le grand Ouvrier veut nous modeler. Il faut que nous soyons entre ses mains ce qu'est l'argile entre celles du potier. Nous n'avons pas à nous façonner nous-mêmes, mais à nous montrer assez malléables pour l'être par le Seigneur. MG 407 2 "Bien-aimés, écrit l'apôtre Pierre, ne soyez pas surpris, comme d'une chose étrange qui vous arrive, de la fournaise qui est au milieu de vous pour vous éprouver. Réjouissez-vous, au contraire, de la part que vous avez aux souffrances de Christ, afin que vous soyez aussi dans la joie et dans l'allégresse lorsque sa gloire apparaîtra." 1 Pierre 4:12, 13. MG 407 3 En plein jour, et à l'ouïe de la musique d'autres voix, il est impossible d'apprendre à chanter à un oiseau en cage. Son oreille perçoit tant d'autres mélodies, qu'il n'arrive à retenir qu'un fragment de ceci, une trille de cela, sans jamais pouvoir répéter un morceau tout entier. Mais si le maître couvre la cage et la met dans un endroit obscur où l'oiseau n'entend que la mélodie qu'il doit apprendre, il essaie de la vocaliser. Il s'arrête, recommence, jusqu'à ce qu'il puisse la chanter sans hésitation. On peut alors le mettre au grand jour, et être assuré qu'il n'oubliera jamais la mélodie apprise. C'est ainsi que Dieu agit avec ses enfants. Il nous enseigne, dans les ténèbres de l'affliction, un chant que nous n'oublierons plus jamais. MG 408 1 Beaucoup se plaignent de leurs occupations. Leur milieu est peut-être peu sympathique; alors qu'ils se croient capables de porter certaines responsabilités, ils passent leur temps à un travail qu'ils estiment fastidieux, souvent inapprécié et stérile, et leur avenir leur paraît incertain. MG 408 2 Mais il ne faut pas oublier que notre besogne, même si nous ne l'avons pas choisie, doit être accomplie comme si c'était Dieu lui-même qui nous l'avait confiée. Qu'elle nous plaise ou nous déplaise, il faut nous en acquitter puisque c'est celle qui se présente à nous. "Tout ce que ta main trouve à faire avec ta force, dit le Sage, fais-le; car il n'y a ni oeuvre, ni pensée, ni science, ni sagesse, dans le séjour des morts, où tu vas." Ecclésiaste 9:10. MG 408 3 Si le Seigneur nous envoie, comme Jonas, à Ninive, il ne veut pas que nous nous rendions à Joppé ou à Capernaüm. Il a des raisons pour nous envoyer là où nos pas ont été dirigés. Peut-être y a-t-il où nous sommes quelque âme à secourir. Celui qui conduisit l'évangéliste Philippe vers le ministre éthiopien, l'apôtre Pierre vers le centenier romain, Corneille, et la jeune fille israélite vers le capitaine syrien, Naaman, envoie aujourd'hui des hommes, des femmes, des jeunes gens pour le représenter auprès de ceux qui ont besoin des secours et des directives célestes. Les plans divins sont les meilleurs MG 408 4 Nos plans ne concordent pas toujours avec ceux du Seigneur. Dieu peut juger qu'il vaut mieux pour nous et pour sa cause nous empêcher d'accomplir nos plus chers désirs, comme il le fit pour David. Mais soyons assurés qu'il bénit et emploie à son service ceux qui se consacrent sincèrement, avec tous leurs biens, à sa gloire. S'il juge qu'il est préférable de ne pas satisfaire leurs voeux, il leur donne en échange des preuves de son amour en leur confiant une autre mission. MG 409 1 Dans son amour et son intérêt à notre égard, celui qui nous connaît mieux que nous-mêmes ne nous permet pas de chercher à satisfaire égoïstement notre ambition. Il ne tolère pas que nous évitions ces devoirs humbles mais sacrés qui nous attendent autour de nous, car ceux-ci nous préparent souvent pour une oeuvre plus importante. Nos plans sont souvent déjoués afin que s'accomplissent ceux du Seigneur. MG 409 2 Nous ne sommes jamais appelés à faire pour Dieu un véritable sacrifice. S'il nous demande d'abandonner certains avantages, c'est pour nous faciliter la marche vers le ciel. Soyons donc assurés que si nous devons nous séparer de ce qui nous paraît raisonnable, c'est pour notre bien. MG 409 3 Nous comprendrons dans l'au-delà des mystères qui nous avaient embarrassés ici-bas. Nous saurons alors que nos prières restées apparemment sans réponse, ainsi que nos espoirs déçus, font partie de nos plus grandes bénédictions. MG 409 4 Estimons donc chaque devoir qui se présente à nous, si humble soit-il, comme étant sacré, parce qu'il fait partie du service de Dieu. Que notre prière quotidienne soit celle-ci: "Seigneur, aide-moi à m'acquitter de ma tâche, à l'accomplir toujours mieux. Donne-moi de l'énergie et de l'enthousiasme; aide-moi à toujours manifester ton amour." Une leçon tirée de la vie de Moïse MG 409 5 Considérez la vie de Moïse. Il reçut en Egypte, comme petit-fils adoptif du roi et héritier présomptif de la couronne, une éducation très soignée. Rien ne fut négligé pour faire de lui l'un des sages d'Egypte, à la manière dont les Egyptiens concevaient la sagesse. Son instruction civile et militaire fut la meilleure de son temps. Aussi se crut-il parfaitement qualifié pour délivrer de l'esclavage le peuple d'Israël. Mais Dieu en jugea autrement. Il lui imposa quarante ans d'exil comme berger dans le désert. MG 410 1 L'éducation que reçut Moïse en Egypte lui fut utile à maints égards. Mais c'est sa carrière de berger qui le prépara le mieux à l'oeuvre qui l'attendait. Moïse était d'un caractère impétueux. A la cour du Pharaon, brillant militaire, favori du roi, très populaire, il avait connu la louange et les flatteries, et il espérait délivrer Israël par ses propres forces. Mais il reçut des leçons bien différentes de la part de Dieu. En faisant paître ses troupeaux sur les collines sauvages ou dans les verts pâturages des vallées, il connut la foi, la douceur, la patience, l'humilité, l'abnégation. Il apprit à soigner les faibles et les malades, à chercher les égarés, à supporter les turbulents, à veiller sur les agneaux, à s'occuper des blessés et des bêtes plus vieilles. MG 410 2 Au cours des années qu'il passa dans le désert, Moïse vécut plus près du bon Berger. Uni intimement au Saint d'Israël, il ne projeta plus d'accomplir une grande oeuvre; il chercha fidèlement, sous le regard de Dieu, à s'acquitter de la tâche dont il était chargé. La nature tout entière lui parlait de celui qui, bien qu'invisible, est un être personnel. En méditant sur le caractère de Dieu, il avait toujours plus le sentiment de sa présence, et c'est en lui qu'il trouva un refuge. MG 410 3 Cette école terminée, Dieu appela Moïse à échanger sa houlette contre le sceptre de l'autorité, à quitter son troupeau pour conduire le peuple d'Israël. Mais il manquait de confiance en lui, s'exprimant difficilement; il était timide et écrasé par le sentiment de son inaptitude à parler au nom du Seigneur. Cependant, il se soumit et plaça en Dieu toute sa confiance. La grandeur de sa mission mit à contribution les plus hautes facultés de son esprit. Son obéissance spontanée fut récompensée: il devint éloquent, courageux, et apte à la tâche la plus importante qui ait jamais été confiée à un homme. Il est écrit dans la Bible à son sujet: "Il n'a plus paru en Israël de prophète semblable à Moïse, que l'Eternel connaissait face à face." Deutéronome 34:10. MG 411 1 Que tous ceux qui ont l'impression que leur travail n'est pas apprécié, et qui aspirent à une situation plus élevée, considèrent que "ce n'est ni de l'orient, ni de l'occident, ni du désert, que vient l'élévation. Mais Dieu est celui qui juge: il abaisse l'un, et il élève l'autre." Psaumes 75:7, 8. Tout homme a sa place dans le dessein éternel du Très-Haut. Mais on ne peut l'occuper qu'à la condition de faire preuve de fidélité en collaborant avec Dieu. MG 411 2 Ne vous apitoyez pas sur votre propre sort. Ne pensez pas que vous n'êtes pas estimés à votre juste valeur, que votre travail n'est pas apprécié ou qu'il est trop difficile. Si vous songez à tout ce qu'a enduré le Christ, vous ne serez plus disposés à murmurer. Ne sommes-nous pas tous bien mieux traités qu'il ne le fut lui-même? "Et toi, rechercherais-tu de grandes choses? Ne les recherche pas!" Jérémie 45:5. Le Seigneur n'a pas de place dans son oeuvre pour ceux qui préfèrent la couronne à la croix. Il lui faut des hommes qui pensent davantage à leurs devoirs qu'à la récompense, des hommes qui soient plus soucieux d'obéir aux principes éternels que d'obtenir de l'avancement. MG 411 3 Ceux qui sont humbles et accomplissent leur tâche sous le regard de Dieu, ont peut-être moins d'apparence que ces hommes qui, toujours agités, sont convaincus de leur importance; mais leur travail a plus de valeur. Souvent, ceux qui sont persuadés de leur supériorité s'interposent entre les hommes et Dieu, et leur oeuvre aboutit à un échec. "Voici le commencement de la sagesse: acquiers la sagesse, et avec tout ce que tu possèdes acquiers l'intelligence. Exalte-la, et elle t'élèvera; elle fera ta gloire, si tu l'embrasses." Proverbes 4:7, 8. MG 411 4 Pour avoir manqué de volonté, beaucoup ne sont arrivés ni à se dominer ni à se réformer et ont persévéré dans leurs mauvaises habitudes. Mais il ne doit pas en être ainsi. Ils peuvent développer leurs facultés pour rendre le meilleur service, et leur collaboration sera toujours demandée. Ils seront appréciés à leur juste valeur. MG 412 1 Si quelques-uns possèdent des talents qui leur permettraient d'occuper des situations plus élevées, le Seigneur le leur montrera, ainsi qu'à ceux qui les ont vus à l'oeuvre et peuvent les recommander en connaissance de cause. Les hommes qui accomplissent fidèlement chaque jour la tâche qui leur incombe seront appelés par le Seigneur à monter plus haut, au temps convenable. MG 412 2 C'est alors que les bergers gardaient les troupeaux sur les collines de Bethléhem que les anges leur apparurent. Aujourd'hui encore, ceux-ci se tiennent aux côtés de l'homme qui accomplit humblement sa tâche; ils écoutent ses paroles, observent la manière dont il s'acquitte de sa besogne et voient si de plus grandes responsabilités peuvent lui être confiées. MG 412 3 Dieu ne juge pas les hommes d'après leur richesse, leur instruction ou la place qu'ils occupent, mais d'après la pureté des mobiles qui les font agir et la beauté de leur caractère. Il voit s'ils sont animés de son Esprit, et jusqu'à quel point leur vie révèle la sienne. Etre comme un petit enfant en humilité, en simplicité dans la foi, en pureté dans l'amour, c'est être grand dans le royaume des cieux. MG 412 4 "Vous savez, dit le Christ, que les chefs des nations les tyrannisent, et que les grands les asservissent. Il n'en sera pas de même au milieu de vous. Mais quiconque veut être grand parmi vous, qu'il soit votre serviteur." Matthieu 20:25, 26. MG 412 5 La communion avec le Christ dans ses souffrances est le don le plus grand que Dieu ait fait aux hommes. Enoch, qui fut enlevé au ciel sans passer par la mort, ainsi qu'Elie qui y monta dans un chariot de feu ne furent pas plus grands ni plus honorés que Jean-Baptiste qui mourut, isolé, dans une forteresse. "Il vous a été fait la grâce, par rapport à Christ, non seulement de croire en lui, mais encore de souffrir pour lui." Philippiens 1:29. Plans pour l'avenir MG 413 1 Il en est peu qui soient capables de faire des plans bien définis pour l'avenir. La vie est pleine d'incertitude. Comment discerner l'aboutissement probable des événements? Voilà qui est souvent une cause d'anxiété et de tourments. N'oublions pas que les enfants de Dieu sont ici-bas des pèlerins et des voyageurs. Nous manquons de sagesse pour nous diriger. Comment pourrions-nous décider de notre avenir? Il nous faut marcher par la foi, comme Abraham qui, "lors de sa vocation, obéit et partit pour un lieu qu'il devait recevoir en héritage. ... Il partit sans savoir où il allait." Hébreux 11:8. MG 413 2 Pendant sa vie terrestre, le Christ ne fit aucun projet pour lui-même. Il se soumettait à ceux de son Père qui lui étaient révélés jour après jour. C'est ainsi que nous devons dépendre de Dieu. Notre existence sera alors ce que sa volonté voudra qu'elle soit. Il dirigera nos pas lorsque nous mettrons notre confiance en lui. MG 413 3 Trop de gens qui se préparent à un brillant avenir échouent lamentablement. Laissez le Seigneur agir à votre place. Comptez sur votre Père céleste, comme un petit enfant. C'est lui qui garde "les pas de ses bien-aimés". 1 Samuel 2:9. Il conduit ses enfants comme ils se conduiraient eux-mêmes s'ils pouvaient voir la fin dès le commencement et discerner la gloire du dessein qu'ils accomplissent comme collaborateurs de Dieu. Notre salaire MG 413 4 Lorsque Jésus invita ses disciples à le suivre, il ne leur fit entrevoir aucune perspective flatteuse. Il ne leur promit ni gain, ni honneurs mondains. De leur côté, ils n'exigèrent aucun salaire pour leurs services. Le Sauveur dit à Matthieu, employé au bureau du péage: "Suis-moi. Et, laissant tout, il se leva, et le suivit." Luc 5:27, 28. Avant de répondre à l'appel qui lui était adressé, Matthieu n'exigea pas un traitement égal à celui qu'il recevait. Il suivit Jésus sans hésiter, sans questionner. Tout ce qu'il désirait, c'était d'être avec lui afin d'écouter ses enseignements et de travailler sous sa direction. MG 414 1 Il en fut de même des autres disciples. Pour le suivre, Pierre et ses compagnons laissèrent sur-le-champ leurs bateaux et leurs filets. Certains parmi eux avaient charge d'âmes. Avant de suivre le Sauveur, ils ne demandèrent pas: "Comment pourrai-je subvenir aux besoins de ma famille?" Plus tard, lorsque Jésus leur posa cette question: "Quand je vous ai envoyés sans bourse, sans sac, et sans souliers, avez-vous manqué de quelque chose?" ils purent répondre: "De rien." Luc 22:35. MG 414 2 Aujourd'hui, comme autrefois Matthieu, Jean et Pierre, le Sauveur nous appelle à son service. Si nos coeurs sont touchés par son amour, la question d'argent ne sera pas pour nous la plus importante. Nous serons heureux de pouvoir collaborer avec lui, et nous attendrons tout de sa sollicitude. Si le Seigneur est notre force, nous verrons clairement notre devoir et nos aspirations seront désintéressées. Nous consacrerons notre vie à un noble but et nous nous élèverons bien au-dessus des mobiles égoïstes. Le Seigneur pourvoira MG 414 3 Beaucoup de ceux qui prétendent suivre le Christ, au lieu de se confier en Dieu, sont pleins d'anxiété. Ils ne se sont pas donnés complètement à lui et ils reculent devant les conséquences qu'une telle renonciation pourrait impliquer. Mais à moins de s'en remettre à Dieu, ils ne pourront pas trouver la paix. MG 415 1 Un grand nombre de gens sont accablés de soucis parce qu'ils cherchent à imiter les manières d'agir du monde. S'étant mis à son service, ils en acceptent les perplexités et les coutumes. Leur caractère en est altéré et leur vie leur devient un fardeau. Leurs forces s'épuisent par de continuelles préoccupations. Il faut qu'ils s'affranchisent de cet esclavage. Le Sauveur les invite à se charger de son joug. "Mon joug est doux, dit-il, et mon fardeau léger." Matthieu 11:30. La peur est aveugle et ne peut discerner l'avenir. Mais Jésus voit la fin dès le commencement. Il a préparé une issue à chaque difficulté. "Il ne refuse aucun bien à ceux qui marchent dans l'intégrité." Psaumes 84:12. MG 415 2 Notre Père céleste a mille façons de nous venir en aide que nous ne connaissons pas. Ceux qui acceptent de le servir avant toute autre chose verront leurs perplexités s'évanouir et s'étendre à leurs pieds un sentier bien tracé. MG 415 3 S'acquitter fidèlement de ses devoirs aujourd'hui, c'est se préparer aux épreuves de demain. Ne soyez pas inquiets au sujet des difficultés qui vous attendent, ce serait augmenter vos soucis présents. "A chaque jour suffit sa peine." Matthieu 6:34. MG 415 4 Soyons confiants et courageux. Le découragement au service de Dieu est un péché. Il est déraisonnable de s'y laisser aller. Le Seigneur connaît tous nos besoins. Il unit à la toute-puissance du Roi des rois la bonté fidèle et la tendresse du bon Berger. Sa puissance, absolue, nous donne l'assurance qu'il accomplira les promesses faites à tous ceux qui se confient en lui. Il peut aider ses serviteurs à surmonter les difficultés afin qu'ils soient réconfortés et respectent les moyens qu'il emploie. Son amour à notre égard dépasse tout autre amour de la distance qui sépare le ciel de la terre. Il veille sur ses enfants avec un amour incommensurable et éternel. MG 415 5 Aux jours les plus sombres, alors que tout semble se liguer contre vous, ayez foi en Dieu. Il accomplit sa volonté en dirigeant toutes choses pour votre bien. Il renouvelle jour après jour la force de ceux qui l'aiment et le servent. MG 416 1 Il peut et veut vous accorder le secours dont vous avez besoin. Il vous donnera la sagesse dans les circonstances variées par lesquelles vous serez appelés à passer. MG 416 2 L'apôtre Paul, qui fut cruellement éprouvé, a écrit: "Il m'a dit: Ma grâce te suffit, car ma puissance s'accomplit dans la faiblesse. Je me glorifierai donc bien plus volontiers de mes faiblesses, afin que la puissance de Christ repose sur moi. C'est pourquoi je me plais dans les faiblesses, dans les outrages, dans les calamités, dans les persécutions, dans les détresses, pour Christ; car, quand je suis faible, c'est alors que je suis fort." 2 Corinthiens 12:9, 10. ------------------------Chapitre 41 -- Vertus charitables MG 417 1 Dans nos rapports avec nos semblables, manifestons de la sympathie, de l'indulgence et de la maîtrise personnelle. Nous différons les uns des autres; nous avons tous des dispositions, des habitudes, une éducation qui nous sont particulières. Chacun a ses propres opinions. Notre compréhension de la vérité, nos idées sur les problèmes de la vie pratique ne sont pas en tout point les mêmes. Il n'est pas deux personnes dont les expériences soient identiques. Les épreuves de l'une ne sont pas celles de l'autre. Les devoirs qui semblent légers aux uns sont lourds pour d'autres. MG 417 2 La nature humaine est si frêle, si ignorante, si sujette à l'erreur, que chacun devrait prendre garde à la manière dont il considère son prochain. Nous ne nous rendons pas toujours compte de l'influence que nous exerçons sur nos semblables. Ce que nous faisons ou disons peut nous paraître peu important, alors que si nos yeux s'ouvraient, nous nous apercevrions qu'il en résulte en bien ou en mal des conséquences incalculables. Considérations pour ceux qui portent des fardeaux MG 417 3 Il en est beaucoup qui ont porté si peu de fardeaux, connu si peu d'angoisses réelles, si peu de perplexités et de détresse à l'égard de leur prochain, qu'ils sont incapables de comprendre ce que c'est que de porter des fardeaux. Il ne sont pas plus capables d'apprécier l'importance de ces fardeaux que l'enfant de comprendre les soucis de ses parents. Les inquiétudes de ceux-ci lui semblent inutiles. Mais lorsque les années lui auront apporté plus d'expérience, lorsqu'il aura lui-même connu les difficultés, alors il comprendra la responsabilité de ses parents, et ce qui lui était incompréhensible aura pour lui un sens. Les épreuves lui auront ouvert les yeux. MG 418 1 L'oeuvre de maints vétérans reste souvent incomprise et inappréciée jusqu'à leur mort. Lorsque d'autres sont appelés à leur succéder et à affronter les mêmes difficultés, ils voient alors combien leur foi et leur courage ont été mis à l'épreuve. Bien souvent, ils perdent de vue les fautes qu'ils étaient si prompts à censurer. L'expérience leur enseigne la sympathie. C'est Dieu qui permet que certains hommes occupent des postes de confiance. Lorsque ceux-ci se trompent, il les reprend ou leur retire leur charge. Veillons donc à ne jamais nous arroger le droit de juger notre prochain, car Dieu seul est juge. MG 418 2 La manière dont se conduisit David envers Saül contient une leçon pour nous. Sur l'ordre de Dieu, ce dernier avait été oint comme roi d'Israël; mais à cause de sa désobéissance, le Seigneur avait déclaré que le royaume lui serait enlevé. Et cependant, quelles ne furent pas, à son égard, la tendresse, l'indulgence et la courtoisie de David, choisi pour lui succéder! En poursuivant ce dernier pour attenter à ses jours, Saül fut entraîné au désert, et, sans escorte, il entra dans une grotte où David lui-même et ses hommes de guerre s'étaient réfugiés. "Les gens de David, lisons-nous dans l'Ecriture, lui dirent: Voici le jour où l'Eternel te dit: Je livre ton ennemi entre tes mains; traite-le comme bon te semblera. David se leva, et coupa doucement le pan du manteau de Saül. Après cela le coeur lui battit, parce qu'il avait coupé le pan du manteau de Saül. Et il dit à ses gens: Que l'Eternel me garde de commettre contre mon seigneur, l'oint de l'Eternel, une action telle que de porter ma main sur lui! car il est l'oint de l'Eternel." "Ne jugez point, afin que vous ne soyez point jugés. Car on vous jugera du jugement dont vous jugez, et l'on vous mesurera avec la mesure dont vous mesurez." Souvenez-vous que vous devrez vous-mêmes comparaître devant Dieu pour y être jugés. "O homme, dit l'apôtre Paul, qui que tu sois, toi qui juges, tu es donc inexcusable; ... toi qui juges, tu fais les mêmes choses." 1 Samuel 24:4-6; Matthieu 7:1, 2; Romains 2:1. Soyons indulgents MG 419 1 Ne nous laissons pas aigrir par des torts réels ou imaginaires. Notre plus grand ennemi, c'est nous-même. Aucune forme du vice n'a d'effets plus funestes sur le caractère qu'une passion qui n'est pas contrôlée par le Saint-Esprit. Aucune victoire ne nous sera aussi précieuse que celle que nous aurons remportée sur nous-même. MG 419 2 Ne soyons pas trop sensibles. Nous n'avons pas à veiller sur notre susceptibilité ou notre réputation, mais au salut des âmes. C'est ainsi que nous oublierons les petites divergences que nous avons avec nos semblables. Quoi que l'on pense de notre personne, quoi que l'on nous fasse, rien ne doit nous priver de notre unité avec le Christ, de la communion avec le Saint-Esprit. "Quelle gloire y a-t-il à supporter de mauvais traitements pour avoir commis des fautes? Mais si vous supportez la souffrance lorsque vous faites ce qui est bien, c'est une grâce devant Dieu." 1 Pierre 2:20. MG 419 3 Ne vous vengez pas. Evitez autant que faire se peut toute cause de malentendu. Fuyez l'apparence du mal. Sans sacrifier vos principes, soyez en paix avec tous. "Si donc tu présentes ton offrande à l'autel, et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande devant l'autel, et va d'abord te réconcilier avec ton frère; puis, viens présenter ton offrande." Matthieu 5:23, 24. MG 420 1 Si des paroles blessantes vous sont adressées, ne répondez jamais dans le même esprit. Souvenez-vous qu' "une réponse douce calme la fureur, mais une parole dure excite la colère". Proverbes 15:1. MG 420 2 Le silence a un pouvoir merveilleux. Répondre à un homme en colère ne fait souvent que l'exaspérer, alors que l'irritation cesse devant un silence indulgent. MG 420 3 Si vous devez essuyer des propos irritants ou accusateurs, pensez à la Parole de Dieu. Relisez ses promesses. Si l'on vous maltraite ou vous accuse faussement, au lieu de répondre avec colère, méditez ces belles paroles: MG 420 4 "Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais surmonte le mal par le bien." Romains 12:21. MG 420 5 "Recommande ton sort à l'Eternel, mets en lui ta confiance, et il agira. Il fera paraître ta justice comme la lumière, et ton droit comme le soleil à son midi." Psaumes 37:5, 6. MG 420 6 "Il n'y a rien de caché qui ne doive être découvert, ni de secret qui ne doive être connu." Luc 12:2. MG 420 7 "Nous avons passé par le feu et par l'eau. Mais tu nous en as tirés pour nous donner l'abondance." Psaumes 66:12. MG 420 8 Nous cherchons souvent auprès de nos semblables de la sympathie et des encouragements qui ne se trouvent qu'en Jésus. Dans sa miséricorde et sa fidélité, Dieu permet souvent que ceux en qui nous plaçons notre confiance nous fassent défaut, afin que nous comprenions combien il est insensé de compter sur l'homme. Ayons en Dieu une foi implicite, humble, exempte de tout égoïsme. Il connaît les peines secrètes qui nous tenaillent le coeur et que nous ne pouvons exprimer. Lorsque tout paraît sombre et inexplicable, souvenons-nous des paroles du Christ: "Ce que je fais, tu ne le comprends pas maintenant, mais tu le comprendras bientôt." Jean 13:7. MG 421 1 Etudiez l'histoire de Joseph et celle de Daniel. Le Seigneur n'empêcha pas les machinations des hommes qui avaient décidé leur perte; mais il les fit tourner au bien de ses serviteurs qui avaient conservé leur foi et leur loyauté dans l'épreuve. MG 421 2 Aussi longtemps que nous serons ici-bas, nous rencontrerons des influences adverses. Des provocations éprouveront notre tempérament. C'est en y faisant face dans un bon esprit que nous développerons en nous les grâces chrétiennes. Si le Christ habite dans nos coeurs, nous serons bons, patients, indulgents et joyeux, malgré l'irritation et les tracas. Nous vaincrons le "moi" jour après jour, et nous manifesterons un noble héroïsme. Telle est notre tâche. Mais il nous est impossible de l'accomplir sans le secours de Jésus, sans une ferme détermination, sans un plan bien arrêté, sans vigilance, sans prières incessantes. Chacun a ses propres luttes, ses propres ennemis. Dieu lui-même ne peut rendre nos caractères nobles et nos vies utiles, si nous ne collaborons pas avec lui. Renoncer à la lutte, ce serait perdre la force et la joie de vaincre. MG 421 3 Ne pensons pas continuellement à nos épreuves, à nos difficultés, à nos peines et à nos tristesses. Tout cela est inscrit dans les livres, et le ciel ne les oubliera pas. En ressassant nos désagréments, nous oublions bien des sujets de joie: la bonté de Dieu dont nous sommes entourés à chaque instant, et l'amour dont les anges s'émerveillent, qui lui fit donner son Fils pour mourir à notre place. MG 421 4 Si, en tant que collaborateurs du Christ, vous croyez que les soucis et les épreuves vous accablent plus que les autres, n'oubliez pas qu'il y a pour vous une paix inconnue de ceux qui évitent ces fardeaux. On trouve au service du Seigneur joie et consolation. Montrons au monde qu'il ne saurait y avoir d'insuccès pour ceux qui vivent selon Dieu. MG 421 5 Si vous êtes tristes, gardez pour vous vos impressions. Ne jetez pas une ombre sur la vie de vos semblables. Une religion morose n'attire pas les âmes; elle les éloigne au contraire jusque dans les filets que Satan dispose pour y faire tomber ceux qui s'égarent. Au lieu de penser à vos découragements, songez à la force qui est en Christ. Fixez votre attention sur ce qui est invisible. Dirigez vos pensées sur l'amour immense que Dieu a manifesté à votre égard. La foi endure l'épreuve, résiste à la tentation, supporte les désappointements. Jésus est notre avocat. Tout ce qui peut nous assurer sa médiation est à notre disposition. MG 422 1 Le Sauveur a en haute estime tous ceux qui se donnent entièrement à lui. De même qu'il fut avec Jean, l'apôtre bien-aimé, dans son exil à Patmos, il est aussi aujourd'hui avec tous ceux qui, à cause de leur amour pour lui, passent par des épreuves. Dieu ne permettra pas que l'un de ses enfants fidèles soit abandonné dans sa lutte contre les forces sataniques. Il prend soin, comme d'un joyau précieux, de tous ceux dont "la vie est cachée avec le Christ en lui". C'est à de tels serviteurs qu'il est dit: "Je te garderai comme un sceau; car je t'ai choisi, dit l'Eternel des armées." Aggée 2:23. MG 422 2 Parlons donc davantage des promesses divines; pensons au désir qu'a Jésus de nous bénir. Il ne nous oublie pas un seul instant. Lorsque, malgré les circonstances adverses, nous nous reposons avec confiance sur son amour, et maintenons notre communion avec lui, le sentiment de sa présence nous inspire une joie calme et profonde. Parlant de lui-même, il a dit: "Je ne fais rien de moi-même, mais ... je parle selon ce que le Père m'a enseigné. Celui qui m'a envoyé est avec moi; il ne m'a pas laissé seul, parce que je fais toujours ce qui lui est agréable." Jean 8:28, 29. MG 422 3 Le Père était toujours présent aux côtés du Christ, et son amour infini ne permettait pas qu'il lui arrivât quoi que ce soit qui ne fût pas pour le bien de l'humanité. C'est cette assurance qui le réconfortait. En l'imitant, nous ferons la même expérience. Celui qui possède l'Esprit du Christ demeure en lui. Tout ce qui lui échoit vient du Sauveur, qui l'entoure de sa présence; rien ne saurait l'atteindre sans sa permission. Toutes nos souffrances, toutes nos tristesses, toutes nos tentations, toutes nos épreuves, toutes nos peines, toutes nos persécutions, toutes nos privations, en un mot toutes choses concourent à notre bien. Toutes les expériences et les circonstances de notre vie sont les ouvriers de Dieu pour notre bien. MG 423 1 Si nous comprenons la patience dont Dieu fait preuve à notre égard, nous ne jugerons ni n'accuserons personne. Lorsque le Christ vivait ici-bas, quelle n'aurait pas été la surprise de ceux qui l'entouraient si, après l'avoir connu, ils l'avaient entendu prononcer une parole d'accusation, de critique ou d'impatience! N'oublions pas que ceux qui l'aiment doivent lui ressembler. MG 423 2 "Par amour fraternel, soyez pleins d'affection les uns pour les autres; par honneur, usez de prévenances réciproques." Romains 12:10. MG 423 3 De son côté, Pierre écrit: "Ne rendez point mal pour mal, ou injure pour injure; bénissez, au contraire, car c'est à cela que vous avez été appelés, afin d'hériter la bénédiction." 1 Pierre 3:9. MG 423 4 Le Seigneur Jésus exige que nous reconnaissions les droits de chaque homme, les droits sociaux aussi bien que les droits religieux. Tous doivent être traités avec tact et courtoisie comme des fils et des filles de Dieu. MG 423 5 Le christianisme fait d'un homme un "gentleman". Le Christ était courtois, même devant ses persécuteurs. Ses vrais disciples doivent manifester le même esprit. Voyez l'apôtre Paul, traduit devant Agrippa: tout son discours est un exemple de parfaite courtoisie aussi bien que d'éloquence persuasive. L'Evangile n'enseigne pas la politesse formaliste du monde, mais la courtoisie qui a sa source dans un coeur débordant de bonté. MG 424 1 L'observation de l'étiquette la plus rigoureuse ne fera pas disparaître l'irritation, la dureté de coeur et la grossièreté du langage. Le véritable raffinement ne se révèle pas aussi longtemps que nous considérons notre personne comme le centre autour duquel tout gravite. L'amour doit demeurer dans le coeur. Un vrai chrétien puise ses motifs d'action dans un amour profond pour son Maître. Cet amour donne à celui qui le possède de la grâce et de l'aisance dans le maintien; il illumine sa contenance et adoucit sa voix; il raffine et élève son être tout entier. MG 424 2 La vie n'est pas faite de grands sacrifices et d'actions éclatantes, mais de petites choses. Le plus souvent ce sont ces dernières, quelque insignifiantes qu'elles paraissent, qui déterminent le bonheur ou le malheur de notre existence. C'est parce que nous ne subissons pas avec succès les épreuves auxquelles nous soumettent parfois de petites choses, que nous acquérons de mauvaises habitudes, ou que notre caractère est déformé; et lorsque les grandes épreuves surviennent, elles nous prennent au dépourvu. Ce n'est qu'en nous conformant aux principes divins dans toutes les circonstances de la vie, petites ou grandes, que nous pourrons acquérir la force de rester fidèles dans les situations les plus critiques. MG 424 3 Nous ne sommes jamais seuls. Que nous le voulions ou non, nous sommes toujours accompagnés. N'oubliez pas que là où vous êtes, quoi que vous fassiez, Dieu est présent. Tout ce que vous pensez, dites ou faites, rien ne lui échappe. Toutes vos paroles, toutes vos actions ont pour témoin un Dieu saint, ennemi du péché. Pensez-y toujours avant de parler ou d'agir. En tant que chrétien, vous êtes membre de la famille royale, enfant du Roi du ciel. Ne faites rien, ne dites rien qui outrage "le beau nom que vous portez". Jacques 2:7. MG 425 1 Etudiez soigneusement le caractère divin et humain; demandez-vous toujours: "Que ferait Jésus à ma place?" Que ce soit la règle de votre vie. Ne fréquentez pas sans nécessité ceux qui, par leur séduction, affaibliraient votre désir de faire le bien ou qui troubleraient votre conscience. Ne faites rien parmi les étrangers, dans la rue, en autobus ou chez vous qui ait la moindre apparence de mal. Accomplissez chaque jour quelque action pouvant améliorer et embellir votre vie que le Christ a rachetée par son sang. MG 425 2 Agissez toujours par principe et non par impulsion. Tempérez de douceur et de bonté l'impétuosité de votre nature. Evitez toute légèreté et toute plaisanterie. Qu'aucun trait d'esprit déplacé ne s'échappe de vos lèvres. Ne laissez pas divaguer vos pensées. Maîtrisez-les au contraire, et soumettez-les au Christ. Occupez-les à la méditation des choses saintes. C'est ainsi qu'elles seront pures et justes, par la grâce du Christ. MG 425 3 Songeons à la puissance ennoblissante des pensées pures. C'est là que réside la seule sécurité de l'âme. Un homme "est tel que sont les pensées dans son âme". Proverbes 23:7. On parvient à se maîtriser par l'exercice. Ce qui paraît tout d'abord difficile devient facile par la répétition constante. C'est ainsi que les bonnes pensées et les bonnes actions deviennent habituelles. Si nous le voulons, nous pouvons nous détourner de tout ce qui est bas et inférieur, et nous élever jusqu'à un haut idéal; nous serons alors respectés des hommes et aimés de Dieu. MG 425 4 Cultivez l'habitude de parler en bien des autres. Etendez-vous sur les qualités de ceux qui vous entourent, voyez le moins possible leurs erreurs et leurs faiblesses. Lorsque vous êtes tentés de vous plaindre de ce que quelqu'un a fait ou dit, louez plutôt le bon côté de son caractère. Cultivez la reconnaissance envers Dieu, et louez-le de ce que dans son grand amour il ait consenti que son Fils mourût à notre place. Penser à ses doléances ne rapporte rien. Dieu nous invite à méditer sur sa miséricorde et son merveilleux amour, afin que nous puissions le louer. MG 426 1 Ceux qui sont très occupés n'ont aucun loisir à consacrer aux fautes d'autrui. Les erreurs du prochain sont des caroubes qui ne nourrissent pas ceux qui s'en repaissent. La médisance est une double malédiction, qui pèse lourdement sur celui qui parle et sur celui qui écoute. En semant la dissension et la zizanie, on récolte en son âme des fruits mortels. Le fait même de prévoir le mal chez les autres développe celui-ci chez ceux qui le prévoient. En s'arrêtant aux fautes d'autrui, on en subit l'influence, tandis que si l'on contemple Jésus, si l'on parle de son amour et de la perfection de son caractère, on est transformé à son image. En ayant devant les yeux l'idéal qu'il a placé devant nous, nous pénétrons dans une atmosphère sainte et pure qui est la présence même de Dieu. Si nous y demeurons, nous réfléchirons une lumière qui rayonnera sur tous ceux avec lesquels nous serons en contact. MG 426 2 Au lieu de passer notre temps à critiquer et à condamner autrui, disons plutôt: "Je dois travailler à mon salut. Si je collabore avec celui qui veut sauver mon âme, il me faut veiller avec soin sur moi-même, éviter tout ce qui est mal, vaincre chacun de mes défauts, devenir une nouvelle créature en Christ. Alors, au lieu de chercher à affaiblir ceux qui luttent contre le mal, je peux les affermir par des paroles encourageantes." Nous sommes trop indifférents à l'égard de nos semblables; nous oublions trop souvent que nos collaborateurs ont besoin de force et de courage. Assurez-les de votre intérêt et de votre sympathie. Soutenez-les par vos prières, et qu'ils sachent que vous le faites. MG 426 3 Tous ceux qui prétendent être ouvriers du Seigneur ne sont pas pour cela de vrais disciples. Parmi les hommes qui portent son nom, et qui font même partie de ses serviteurs, il en est qui ne le représentent pas par leur caractère. Ils ne se laissent pas diriger par ses principes. Ils sont souvent une cause de perplexité et de découragement pour leurs collaborateurs plus jeunes dans l'expérience chrétienne; mais nul ne doit être induit en erreur. Le Christ nous demande de suivre le parfait exemple qu'il nous a donné. MG 427 1 On trouvera jusqu'à la fin des temps de l'ivraie parmi le bon grain. Lorsque les serviteurs, dans leur zèle pour l'honneur du maître, demandèrent la permission d'arracher l'ivraie: "Non, dit-il, de peur qu'en arrachant l'ivraie, vous ne déraciniez en même temps le blé. Laissez croître ensemble l'un et l'autre jusqu'à la moisson." Matthieu 13:29, 30. MG 427 2 Dieu, dans sa miséricorde et sa patience, supporte les pervers et même les hypocrites. Parmi les disciples choisis par Jésus, il y avait Judas, le traître. Faut-il être surpris ou découragé si, aujourd'hui, des fourbes se glissent parmi les serviteurs de Dieu? Si celui qui lit dans les coeurs pouvait supporter le disciple qui allait le trahir, quelle ne devrait pas être notre patience envers ceux qui sont en défaut? MG 427 3 D'ailleurs, les hommes qui paraissent les plus coupables ne sont pas tous comme Judas. Pierre, impétueux, inconsidéré et plein de confiance en lui-même, semble bien plus souvent à son désavantage que Judas. Il fut censuré plus fréquemment par le Sauveur. Mais quelle vie d'activité et de sacrifice que la sienne! Quel témoignage de la puissance de la grâce de Dieu! Autant que possible, nous devons être pour les autres ce que Jésus était pour ses disciples. MG 427 4 Avant tout, considérez que vous êtes missionnaires. Quel temps et quel travail il faut souvent consacrer pour gagner une âme au Sauveur! Mais lorsque cette âme abandonne le péché pour marcher dans la justice, il y a de la joie parmi les anges. Pensez-vous que les esprits qui veillent sur elle soient satisfaits de voir avec quelle indifférence elle est traitée par ceux qui se disent chrétiens? Si Jésus agissait comme nous le faisons souvent les uns envers les autres, lequel d'entre nous serait sauvé? MG 428 1 Souvenez-vous que vous ne pouvez pas lire dans les coeurs, et que vous ne connaissez pas les mobiles qui ont dicté les actes que vous désapprouvez. Beaucoup n'ont pas reçu une éducation convenable; leur caractère est faussé; ils sont durs et rugueux, leur coeur paraît tortueux. Mais la grâce du Christ peut les transformer. Ne les négligez pas. Efforcez-vous de ne pas les mener au découragement ni au désespoir en disant: "Vous m'avez déçu; je ne perdrai plus mon temps à m'occuper de vous." Quelques paroles prononcées sous l'effet de la provocation -- paroles qui semblent méritées -- peuvent détruire l'influence que vous auriez pu exercer sur eux. MG 428 2 Une conduite irréprochable, une indulgence inlassable, un esprit qui reste calme sous la provocation constituent l'argument le plus concluant et l'appel le plus solennel. Si vous avez joui des occasions et des avantages dont d'autres étaient privés, ne l'oubliez pas. Soyez toujours un instructeur sage, attentif et aimable. MG 428 3 Lorsque vous voulez obtenir sur de la cire l'empreinte nette d'un cachet, vous n'apposez pas ce dernier d'une manière brutale. Vous le placez au contraire avec soin sur la cire molle, et vous appuyez graduellement, fermement, jusqu'à ce que la cire soit durcie. C'est ainsi qu'il faut agir avec les âmes. La continuité de l'influence chrétienne est le secret de sa puissance, et elle dépend de la fermeté avec laquelle vous manifestez le caractère du Christ. Parlez de vos expériences religieuses à ceux qui s'égarent. Racontez-leur comment vous avez été encouragés et remplis d'espoir par la patience et la bonté de vos collaborateurs lorsque vous vous êtes rendus coupables d'erreurs graves. MG 428 4 Jusqu'au jour du jugement, vous ignorerez l'influence d'une conduite sage et affectueuse sur des hommes inconséquents, déraisonnables, indignes. Lorsque l'on rencontre l'ingratitude ou la trahison, on est tenté de blâmer ou de s'indigner. C'est ce qu'attend le coupable; il s'y prépare. Mais l'indulgence l'étonne, éveille souvent ses meilleures impulsions et fait naître en lui le désir de vivre plus noblement. MG 429 1 "Frères, si un homme vient à être surpris en quelque faute, vous qui êtres spirituels, redressez-le avec un esprit de douceur. Prends garde à toi-même, de peur que tu ne sois aussi tenté. Portez les fardeaux les uns des autres, et vous accomplirez la loi de Christ." Galates 6:1, 2. MG 429 2 Tous ceux qui se disent enfants de Dieu doivent se souvenir qu'ils sont des missionnaires, et que, comme tels, ils seront amenés à rencontrer bien des caractères différents. Il y a les rudes et les raffinés, les humbles et les orgueilleux, les religieux et les incrédules, les instruits et les ignorants, les riches et les pauvres. On ne saurait les traiter tous de la même manière, mais tous ont besoin d'amabilité et de sympathie. Par un contact mutuel, les esprits se polissent et se raffinent. Dépendant les uns des autres, nous sommes étroitement unis par les liens de la fraternité humaine. MG 429 3 C'est par les relations sociales que le chrétien entre en rapport avec ses semblables. Qu'il fasse briller la lumière divine qu'il a reçue sur le chemin ténébreux de ceux qui se perdent. Qu'il ne considère pas l'amour du Sauveur comme un trésor précieux et sacré qui n'appartient qu'à lui; qu'il soit au contraire comme une source d'eau qui jaillit jusque dans la vie éternelle et désaltère tous ceux qui vont y étancher leur soif. Son influence sociale, sanctifiée par l'Esprit du Christ, l'aidera à gagner des âmes au Sauveur. ------------------------Chapitre 42 -- Vertus viriles MG 430 1 La vie chrétienne est bien plus que beaucoup ne se l'imaginent. Elle ne comprend pas seulement la bonté, la patience et la douceur, qui sont des grâces essentielles, mais encore le courage, la force, l'énergie et la persévérance. Le sentier que nous trace le Christ est étroit et exige de l'abnégation. Pour le suivre, pour affronter les difficultés et les découragements, il faut des hommes, et non des êtres débiles. Force de caractère MG 430 2 On a besoin d'hommes qui ne s'attendent pas à voir leur chemin aplani et tout obstacle enlevé; d'hommes qui inspirent un nouveau zèle aux découragés, dont le coeur soit brûlant d'amour chrétien et les mains fortes pour l'oeuvre du Maître. MG 430 3 Quelques-uns de ceux qui s'engagent dans le service missionnaire sont faibles, apathiques et facilement découragés. Manquant d'énergie, ils n'ont pas ces traits distinctifs qui poussent au travail, cette énergie qui déchaîne l'enthousiasme. Ceux qui veulent réussir doivent être courageux et optimistes, et cultiver non seulement les vertus passives, mais les vertus actives. Tout en répondant avec douceur, pour apaiser la colère, il faut qu'ils possèdent le courage d'un héros pour résister au mal. Avec la charité qui supporte tout, ils ont besoin d'une force de caractère qui rende leur influence positive. MG 430 4 Certains n'ont aucune fermeté de caractère. Leurs plans et leurs desseins manquent d'une forme définie et de stabilité. Cette faiblesse, cette indécision, ce manque d'efficacité doivent être vaincus. Le vrai caractère chrétien ne s'adapte ni ne se soumet aux circonstances adverses. Une force morale irréductible, une intégrité qui ne cède ni à la flatterie, ni à la corruption, ni à la menace, voilà ce qu'il nous faut. MG 431 1 La volonté de Dieu est que nous profitions de toutes les occasions qui se présentent pour nous préparer en vue de son service. Il s'attend que nous y apportions toutes nos énergies, et que nous ayons conscience de son caractère sacré et de ses terribles responsabilités. MG 431 2 Il en est beaucoup qui pourraient accomplir une oeuvre excellente et qui échouent lamentablement parce qu'ils manquent de courage. Des milliers traversent la vie comme s'ils n'avaient aucun but, aucun idéal à atteindre. Une des raisons de leur échec, c'est qu'ils manquent de confiance en eux-mêmes, oubliant le prix infini payé par le Christ pour les racheter. MG 431 3 Ne vous contentez pas d'un idéal peu élevé. Nous ne sommes pas ce que nous pourrions être et ce que Dieu veut que nous soyons. Il nous a donné l'intelligence, non pour qu'elle reste inactive ou se pervertisse, mais pour la développer jusqu'à l'extrême limite, l'affiner, la sanctifier, l'ennoblir et l'employer à l'avancement de son règne. MG 431 4 Nul ne doit consentir à être une simple machine au service de l'esprit d'un autre. Le Seigneur nous a donné la faculté de penser et d'agir. Si nous faisons un bon usage de cette faculté, selon la sagesse d'en haut, nous serons capables de porter des fardeaux. Gardez la personnalité que vous avez reçue de Dieu. Ne soyez pas l'ombre de quelqu'un d'autre. Alors le Seigneur opérera en vous et par vous. MG 431 5 Ne croyez jamais que vous en savez assez, et que vous pouvez relâcher vos efforts. Un esprit cultivé donne la mesure de l'homme. Apprenez toute votre vie; approfondissez chaque jour vos connaissances et mettez-les en pratique. MG 432 1 Souvenez-vous qu'en toute occasion vous montrez ce que vous êtes, et que vous développez votre caractère. Quoi que vous fassiez, soyez ponctuel, diligent; surmontez l'inclination à chercher une tâche facile. MG 432 2 C'est l'esprit qui nous anime et les principes qui nous dirigent dans notre travail qui façonnent notre vie. Ceux qui ne veulent faire qu'une quantité de besogne déterminée et qui exigent un certain traitement; qui s'attendent à trouver un emploi exactement adapté à leurs aptitudes sans se préoccuper d'acquérir de nouvelles connaissances et de se perfectionner, ceux-là ne sont pas qualifiés pour travailler dans la cause de Dieu. Les hommes qui cherchent à ménager leurs forces physiques, mentales et morales ne sont pas ceux sur lesquels le Seigneur peut faire reposer ses bénédictions. Leur exemple est contagieux. L'intérêt est leur seul mobile. S'ils ont besoin d'être constamment surveillés, et s'ils ne travaillent que lorsque leur tâche leur est nettement spécifiée, comment pourrait-il être dit d'eux que ce sont de "bons et fidèles serviteurs"? On a besoin d'hommes qui manifestent de l'énergie, de l'intégrité, de la diligence, et qui sont disposés à faire tout ce qui se présente. MG 432 3 Beaucoup se rendent inutiles en refusant des responsabilités par crainte d'échecs possibles. Ils se privent ainsi des leçons de l'expérience que ni la lecture, ni l'étude, ni aucun autre avantage ne sauraient leur donner. MG 432 4 Il faut dominer les circonstances, et non être dominé par elles. Mettons-les à profit, servons-nous-en comme d'instruments de travail, asservissons-les, mais ne nous laissons jamais asservir par elles. MG 432 5 Les hommes forts sont ceux qui ont souffert l'opposition et la contradiction. En stimulant leurs énergies, les obstacles sont pour eux autant de bienfaits, et ils apprennent à compter sur eux-mêmes. Les difficultés les amènent à se confier en Dieu et exigent une fermeté qui donne de la force. MG 433 1 Le Christ ne refusait jamais ses services. Il ne comptait pas ses heures de travail. Son temps, son coeur, son âme, ses forces étaient consacrés au bien de l'humanité. Le jour était de tiné au dur labeur; la nuit se passait en prière pour obtenir la grâce qui lui permettrait de faire une oeuvre plus grande encore. Il suppliait son Père avec larmes de soutenir sa nature humaine, afin de pouvoir triompher de l'ennemi et bien remplir sa mission pour relever l'humanité. Il disait à ses disciples: "Je vous ai donné un exemple, afin que vous fassiez comme je vous ai fait." Jean 13:15. MG 433 2 "L'amour de Christ nous presse", dit Paul. 2 Corinthiens 5:14. Tel était le principe directeur, l'élément énergétique de sa conduite. Si son ardeur risquait de fléchir en face du devoir, un regard sur la croix lui faisait "ceindre" à nouveau "les reins de son entendement", et le poussait à l'abnégation. Dans son oeuvre pour ses frères, il comptait sur la manifestation de l'amour infini revélé dans le sacrifice du Christ, avec sa puissance qui domine et contraint. MG 433 3 Comme elle est ardente et touchante, cette déclaration de l'apôtre: "Vous connaissez la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, qui pour vous s'est fait pauvre, de riche qu'il était, afin que par sa pauvreté vous fussiez enrichis"! 2 Corinthiens 8:9. On connaît la hauteur dont le Sauveur descendit et la profondeur de l'humiliation à laquelle il consentit. Il s'engagea dans le chemin du sacrifice et ne s'en détourna pas jusqu'à ce qu'il eût donné sa vie. Pour lui, il n'y eut point de repos entre le trône du ciel et la croix du Calvaire. Son amour pour l'homme lui permit d'accepter toutes les indignités et de supporter toutes les ignominies. MG 433 4 Paul nous dit encore: "Que chacun de vous, au lieu de considérer ses propres intérêts, considère aussi ceux des autres." Philippiens 2:4. Il nous recommande également de posséder "les sentiments qui étaient en Jésus-Christ, lequel, existant en forme de Dieu, n'a point regardé comme une proie à arracher d'être égal avec Dieu, mais s'est dépouillé lui-même, en prenant une forme de serviteur, en devenant semblable aux hommes; et ayant paru comme un simple homme, il s'est humilié lui-même, se rendant obéissant jusqu'à la mort". Philippiens 2:5-8. MG 434 1 Paul désirait sincèrement que l'humiliation du Christ fût bien comprise de ceux auxquels il s'adressait. Il était sûr que si les hommes pouvaient être amenés à comprendre la valeur du grand sacrifice de la Majesté céleste, l'égoïsme serait banni des coeurs. Il s'évertue à nous faire bien saisir la merveilleuse condescendance de Jésus envers les pécheurs. Il commence par attirer l'attention sur la place que le Sauveur occupait au ciel dans le sein du Père; puis il le montre renonçant à sa gloire, se soumettant volontairement aux conditions humiliantes de la vie humaine, "prenant une forme de serviteur", et devenant obéissant jusqu'à la mort la plus ignominieuse, la plus révoltante, la plus atroce, celle de la croix. Pouvons-nous penser à cette manifestation merveilleuse de l'amour divin sans exprimer notre gratitude, notre amour, et sans ressentir au fond du coeur que nous ne nous appartenons plus? Serait-ce possible de servir un tel Maître pour des raisons égoïstes? MG 434 2 Vous savez, dit l'apôtre Pierre, "que ce n'est pas par des choses périssables, par de l'argent ou de l'or, que vous avez été rachetés de la vaine manière de vivre que vous aviez héritée de vos pères". 1 Pierre 1:18. Si cela avait suffi pour acheter le salut de l'homme, comme c'eût été facile pour celui qui a dit: "L'argent est à moi, et l'or est à moi." Aggée 2:8. Mais le pécheur ne pouvait être racheté que par le sang précieux du Fils de Dieu. Ceux qui, ne sachant pas apprécier ce merveilleux sacrifice, ne veulent pas servir le Christ, périront dans leur égoïsme. Un seul but: servir MG 435 1 Le Sauveur a tout subordonné à l'oeuvre de la rédemption qu'il était venu accomplir. Il faut que ses disciples manifestent le même dévouement, la même abnégation, le même sacrifice, la même soumission aux exigences de la Parole de Dieu. MG 435 2 Tous ceux qui acceptent le Christ comme leur Sauveur personnel voudront le servir. En contemplant ce que le ciel a fait pour eux, leur coeur sera rempli d'amour et d'adoration reconnaissante. Ils s'empresseront de manifester leur gratitude en consacrant leurs talents au service de Dieu. Ils désireront montrer leur amour pour le Christ et pour ceux qu'il a rachetés. Toute leur vie sera faite de labeurs pour lui, de privations et de sacrifices. MG 435 3 Le véritable serviteur de Dieu fera tout ce qui dépend de lui pour glorifier son Maître. Il agira droitement afin de répondre aux exigences de Dieu. Il cherchera à développer toutes ses facultés, à s'acquitter de tous ses devoirs comme s'il était en la présence du Très-Haut. Son seul désir sera que le Christ reçoive un hommage et un service parfaits. MG 435 4 Vous connaissez ce tableau représentant un boeuf entre une charrue et un autel, avec l'inscription: "Prêt pour l'un comme pour l'autre." Prêt à tracer le sillon ou à être offert sur l'autel du sacrifice, tel est le véritable enfant de Dieu. Il faut qu'il soit prêt à se rendre là où le devoir l'appelle, à s'oublier soi-même et à se sacrifier pour la cause du Rédempteur. ------------------------Chapitre 43 -- Une expérience plus profonde MG 436 1 Il nous faut constamment une révélation nouvelle du Christ, et une expérience quotidienne qui s'harmonise avec ses enseignements. Il est possible d'arriver à plus de sainteté. La volonté de Dieu est que nous progressions sans cesse dans la connaissance et dans la vertu. Sa loi est l'écho de sa propre voix, disant à tous: "Montez plus haut, soyez toujours plus saints." Nous devons chaque jour nous rapprocher de la perfection du caractère chrétien. MG 436 2 Ceux qui sont au service du Maître ont besoin d'une expérience religieuse bien plus profonde que beaucoup ne se l'imaginent. Nombreux sont ceux qui, déjà membres de la grande famille de Dieu, savent à peine ce que c'est que de contempler le Seigneur et d'être "transformés de gloire en gloire". Beaucoup ont une conception confuse de l'excellence du Christ, et leurs coeurs tressaillent de joie. Ils désirent avoir un sentiment plus parfait de l'amour du Sauveur. Ils apprécient les aspirations qui les poussent vers Dieu. Le Saint-Esprit travaille sur ceux qui se soumettent à son influence, modèle et façonne ceux qui veulent être ainsi formés. MG 436 3 Apprenez à cultiver les pensées spirituelles, les saintes communions. Vous ne discernez encore que les premiers rayons de la gloire éblouissante du Seigneur. En cherchant à le connaître, vous apprendrez que "le sentier des justes est comme la lumière resplendissante, dont l'éclat va croissant jusqu'au milieu du jour". Proverbes 4:18. MG 436 4 Le Christ a déclaré: "Je vous ai dit ces choses, afin que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite." Jean 15:11. MG 437 1 Il avait toujours devant les yeux le but de sa mission. Sa vie terrestre, si pleine de labeur et de sacrifice, était illuminée par la pensée que tout cela ne serait pas vain. En donnant sa vie, il restituait à l'humanité l'image divine. Il nous faisait sortir de la poussière, transformait notre caractère et l'embellissait de sa propre gloire. MG 437 2 Aussi, contemplant le fruit de ses labeurs, le Sauveur était "rassasié de joie". Regardant à travers l'éternité, il voyait le bonheur de ceux qui, par son humiliation, recevraient le pardon et la vie éternelle. Il était blessé pour leurs transgressions, meurtri pour leurs iniquités; le châtiment qui allait leur donner la paix tombait sur lui et ils étaient guéris par ses meurtrissures. D'avance, il entendait les rachetés chanter le cantique de Moïse et de l'agneau. Malgré le baptême de sang qu'il devait d'abord subir, les péchés du monde qui accableraient son âme innocente, malgré le supplice indescriptible qu'il allait affronter, il choisit les souffrances de la croix, il méprisa l'ignominie, à cause de la joie qu'il en attendait. MG 437 3 Ceux qui suivent le Sauveur doivent partager cette joie, car elle n'est pas seulement réservée pour le jour de la délivrance finale, quelque glorieux qu'il puisse être. Déjà ici-bas nous pouvons y participer par la foi. A l'instar de Moïse, tenons ferme, comme voyant celui qui est invisible. MG 437 4 Aujourd'hui, l'Eglise est militante. Aujourd'hui, il faut affronter un monde de ténèbres presque totalement adonné à l'idolâtrie. La volonté de Dieu doit être faite sur la terre comme au ciel. Mais le jour vient où la lutte sera achevée, où la victoire aura été remportée. Alors les rachetés ne connaîtront plus d'autre loi que celle du ciel. Tous seront rassemblés en une famille heureuse et unie, ayant revêtu la robe de justice du Christ. La nature entière, éclatante de beauté, offrira à Dieu un tribut de louange et d'adoration. La terre sera baignée de la lumière céleste; la lune brillera comme le soleil, et celui-ci sera sept fois plus puissant qu'aujourd'hui. Les années s'écouleront dans la joie. Les étoiles du matin chanteront ensemble et les fils de Dieu éclateront en cris de joie tandis que Dieu et le Christ proclameront que le péché et la mort ont disparu pour toujours. MG 438 1 Ces visions de la gloire future, données par le Seigneur, devraient encourager ses enfants. MG 438 2 Imaginez que vous êtes à l'aube de l'éternité, et que vous entendez les paroles de bienvenue adressées à ceux qui, en cette vie, ont collaboré avec le Christ et considéré comme un privilège et un honneur de souffrir pour lui. En compagnie des anges, ils jettent aux pieds du Rédempteur leur couronne, et s'écrient: "L'agneau qui a été immolé est digne de recevoir la puissance, la richesse, la sagesse, la force, l'honneur, la gloire, et la louange." Apocalypse 5:12, 13. MG 438 3 Là, les rachetés seront heureux de rencontrer ceux qui les ont amenés au Sauveur. Ils s'uniront à eux pour louer celui qui mourut afin que les hommes puissent jouir d'une vie égale en durée à celle de Dieu. Les luttes sont terminées, les tribulations ont pris fin. Les chants de victoire remplissent le ciel, tandis que les rachetés, debout près du trône de Dieu, entonnent ce refrain joyeux: "L'agneau qui a été immolé est digne..." Il nous a rachetés pour Dieu! MG 438 4 "Je regardai, dit l'apôtre Jean, et voici, il y avait une grande foule, que personne ne pouvait compter, de toute nation, de toute tribu, de tout peuple, et de toute langue. Ils se tenaient devant le trône et devant l'agneau, revêtus de robes blanches, et des palmes dans leurs mains. Et ils criaient d'une voix forte, en disant: Le salut est à notre Dieu qui est assis sur le trône, et à l'agneau." Apocalypse 7:9, 10. MG 438 5 "Ce sont ceux qui viennent de la grande tribulation; ils ont lavé leurs robes, et ils les ont blanchies dans le sang de l'agneau. C'est pour cela qu'ils sont devant le trône de Dieu, et le servent jour et nuit dans son temple. Celui qui est assis sur le trône dressera sa tente sur eux; ils n'auront plus faim, ils n'auront plus soif, et le soleil ne les frappera point, ni aucune chaleur. Car l'agneau qui est au milieu du trône les paîtra et les conduira aux sources des eaux de la vie, et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux." "Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n'y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses ont disparu." Versets 14-17; 21:4. MG 439 1 Contemplons sans cesse ce tableau des réalités invisibles. Nous apprécierons ainsi à leur juste valeur ce qui est temporaire et ce qui ne passe jamais. C'est ce qui nous donnera davantage d'influence sur les autres pour qu'ils acceptent la vie éternelle. Avec Dieu sur la montagne MG 439 2 "Monte vers moi sur la montagne", nous dit Dieu. Avant que Moïse ne puisse devenir l'instrument de Dieu pour délivrer Israël, il dut passer quarante ans avec Jéhovah dans les solitudes de la montagne. Avant de venir parler de la part de Dieu à Pharaon, il s'entretint au buisson ardent avec un ange du ciel. Avant de recevoir la loi de Dieu, comme représentant de son peuple, il fut appelé sur la montagne à contempler la gloire divine. Caché au creux d'un rocher, avant de sévir contre les idolâtres, il entendit l'Eternel s'écrier: "Je proclamerai devant toi le nom de l'Eternel..., Dieu miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en bonté et en fidélité", qui "ne tient point le coupable pour innocent". Exode 33:19; 34:6, 7. Avant de déposer, avec sa vie, sa responsabilité envers Israël, il dut gravir le sommet du Pisga et, là, Dieu fit passer devant ses yeux la gloire du pays de la promesse. MG 440 1 Les disciples de Jésus, avant d'être envoyés en mission, se recueillirent aussi avec lui sur la montagne. Avant la puissance et la gloire de la Pentecôte, se placent la nuit où ils furent en communion avec le Sauveur, la scène de la montagne de Galilée, celle de l'ascension sur le mont des Oliviers, la promesse des anges et les jours de prière et de communion dans la chambre haute. MG 440 2 Lorsque Jésus se préparait à quelque oeuvre importante ou à quelque grande épreuve, il recherchait la solitude des montagnes et passait la nuit en prière à son Père. C'est une nuit de ce genre qui précéda l'ordination des apôtres et le sermon sur la montagne, la transfiguration, l'agonie du prétoire et de la croix, et la gloire de la résurrection. Le privilège de la prière MG 440 3 Nous aussi, nous devons consacrer certaines heures à fa prière et à la méditation afin d'éprouver un rafraîchissement spirituel. Nous n'apprécions pas suffisamment la puissance et l'efficacité de la prière. La prière et la foi peuvent faire ce qu'aucune puissance humaine ne saurait accomplir. Nous sommes rarement placés deux fois dans les mêmes circonstances. Sans cesse, nous avons devant nous des situations et des épreuves nouvelles où l'expérience du passé ne peut être un guide suffisant. Nous avons besoin de la lumière constante qui procède de Dieu. Le Christ envoie toujours des messagers à ceux qui écoutent sa voix. Alors qu'il était en agonie à Gethsémané, les disciples endormis ne l'entendirent pas lorsqu'il vint à eux. Ils avaient un vague sentiment de la présence des anges, mais ils ne se rendaient pas compte de la grandeur et de la gloire de cette scène. Etant assoupis, ils ne purent recevoir les forces qui auraient affermi leur âme pour affronter les épreuves terribles qui les attendaient. Il en est de même de nos jours. Les hommes qui ont le plus besoin d'instructions divines ne les reçoivent pas toujours, parce qu'ils ne sont pas en communion avec le ciel. MG 441 1 La prière est nécessaire, si nous voulons triompher des tentations auxquelles nous sommes exposés chaque jour. Où que nous soyons, le danger nous menace. Ceux qui s'efforcent de libérer leurs semblables du vice et de la ruine sont particulièrement exposés à la tentation. En contact constant avec le mal, ils ont besoin de s'appuyer sur Dieu, de peur de se laisser corrompre. Ils sont peu nombreux et décisifs les échelons qui font descendre l'homme du pinacle de la sainteté à la dégradation et à la déchéance morale. Un seul instant suffit pour prendre des décisions qui engagent tout l'avenir. Une victoire négligée laisse l'âme découverte, une mauvaise habitude non réprimée finit par devenir une chaîne d'acier qui lie l'homme tout entier. MG 441 2 La raison pour laquelle un si grand nombre de chrétiens succombent à la tentation, c'est qu'ils n'ont pas les regards constamment fixés sur Jésus. Lorsque nous rompons notre communion avec Dieu, nous sommes sans défense. Ce ne sont ni nos bonnes intentions ni nos bonnes résolutions qui nous permettent de résister au mal. Il faut être des hommes de prière. Nos requêtes ne doivent pas être faibles et occasionnelles, mais ardentes, persévérantes et constantes. Il n'est pas toujours nécessaire de se mettre à genoux pour prier, mais prenons l'habitude de parler au Sauveur lorsque nous sommes seuls, lorsque nous marchons et lorsque nous travaillons. Que de notre coeur monte sans cesse une prière silencieuse, afin de recevoir la lumière, la sagesse et la force dont nous avons besoin. Que chaque respiration soit une prière. MG 441 3 En tant que serviteurs de Dieu, nous devons chercher les hommes là où ils se trouvent, entourés de ténèbres, adonnés au vice, tachés par la corruption. Mais nous n'en serons pas le moins du monde affectés, si nous fixons les regards sur celui qui est notre soleil et notre bouclier. En travaillant pour les âmes qui se perdent, si nous mettons en Dieu notre espérance, nous ne serons pas confus. Le Christ habitant en nous, voilà notre sécurité. Sa présence nous remplira d'horreur pour tout ce qui est mal. Nous pourrons nous identifier avec lui au point que nos pensées et nos intentions seront en parfaite harmonie avec les siennes. MG 442 1 C'est par la foi et la prière que Jacob, homme faible et pécheur comme nous, devint un prince avec Dieu. Vous pouvez, vous aussi, devenir des hommes et des femmes d'un idéal saint et élevé et d'une vie noble, que rien ne pourra détourner de la vérité, du droit sentier et de la justice. Si vous êtes accablés de soucis, de fardeaux et de travail, plus votre position sera critique, plus lourdes seront vos responsabilités, plus Jésus sera indispensable. MG 442 2 Négliger le culte public est une erreur grave. Il ne faut pas considérer à la légère les privilèges du service divin. Que ceux qui soignent les malades et sont souvent empêchés d'y assister veillent à ne pas s'en abstenir sans raisons valables. MG 442 3 Dans le soin des malades, plus que dans n'importe quelle autre occupation séculière, la réussite dépend de la consécration et de l'abnégation avec lesquelles on s'acquitte de ce travail. Ceux qui occupent des postes de confiance doivent se placer là où ils pourront être le mieux influencés par l'Esprit de Dieu. Ayez le désir d'autant plus grand d'être secondés par l'Esprit-Saint et de connaître le Seigneur, que votre position comporte davantage de responsabilités. MG 442 4 Rien n'est plus nécessaire dans notre travail que les résultats pratiques de la communion avec Dieu. Montrons par notre vie de tous les jours que nous avons la paix et le repos dans le Sauveur. Cette paix se manifestera dans notre attitude; elle nous communiquera une puissance persuasive. La communion avec Dieu ennoblit le caractère et la vie. C'est ainsi que les hommes reconnaîtront, comme on le fit des premiers disciples de Jésus, que nous avons été avec lui. Nous aurons alors une puissance que rien d'autre ne saurait nous communiquer. Profitons-en; vivons une double vie: une vie de pensée et d'action, de prière silencieuse et de travail. La force que l'on reçoit par la communion avec Dieu, unie à l'effort diligent pour éduquer l'esprit afin qu'il devienne plus réfléchi et plus attentif, aide à former de bonnes habitudes, prépare aux devoirs de chaque jour et nous procure la paix dans les circonstances les plus difficiles. Le divin conseiller MG 443 1 Dans l'inquiétude ou la contrariété, il en est beaucoup qui s'adressent à un ami pour lui faire part de leurs difficultés et lui demander conseil. Dans l'épreuve, le doute nous envahit, et le chemin paraît plus sombre. Mais souvenons-nous qu'un conseiller puissant se tient à nos côtés, nous invitant à mettre notre confiance en lui. Jésus, celui qui nous décharge de nos fardeaux, nous dit: "Venez à moi, et je vous donnerai du repos." Pourquoi n'irions-nous pas à lui au lieu d'avoir recours à des hommes faillibles qui dépendent comme nous de Dieu? MG 443 2 Vous pouvez vous rendre compte de vos lacunes et de l'insuffisance de vos capacités, en face de la grandeur de la tâche qui vous incombe; mais dites-vous que si vous aviez l'intelligence la plus grande qu'un homme ait jamais reçue, elle ne suffirait pas pour votre travail. Notre Seigneur et Sauveur a dit: "Sans moi vous ne pouvez rien faire." Jean 15:5. Le résultat de tout ce que nous faisons est entre les mains de Dieu. C'est donc en lui qu'il faut mettre sa confiance. Quoi qu'il arrive, soyez fermes, et comptez sur lui. MG 443 3 Dans tous vos rapports avec votre prochain, qu'il s'agisse d'affaires, de parties de plaisir ou d'autres choses, n'oubliez pas d'adresser au Seigneur des prières humbles et ferventes. C'est ainsi que vous honorerez Dieu et qu'il vous honorera. Si vous êtes découragés, priez; si vous êtes abattus, n'en faites part à personne; ne projetez pas d'ombre sur le sentier des autres; dites tout à Jésus. Demandez-lui son aide: l'humilité, la sagesse, le courage, une foi plus solide, afin de vous réjouir dans son amour. Consécration et confiance MG 444 1 Humbles et contrits, nous sommes dans les conditions voulues pour que le Seigneur se manifeste à notre âme. Il aime que nous parlions des bénédictions qu'il a répandues sur nous. Il est disposé à nous en donner de plus grandes encore. Il veut faire plus que ne supposent ceux qui mettent en son amour toute leur confiance. Il connaît tous les besoins de ses enfants. Il leur accordera la force nécessaire pour travailler au bien de l'humanité et à l'ennoblissement de leur âme. MG 444 2 Ayons moins confiance en nous, et davantage en ce que le Seigneur peut faire par notre moyen. L'oeuvre que nous accomplissons n'est pas la nôtre, mais celle de Dieu. Soumettons-lui notre volonté et nos plans. Ne faisons pas de réserve, pas de compromis avec nous-mêmes. Sachons être libres en Christ. MG 444 3 Ecouter passsivement un sermon dans la maison de Dieu, la lecture de l'Ecriture, ou une explication verset par verset, ne nous fera aucun bien, si les vérités bibliques ne font pas partie de notre existence. Soumettons notre intelligence, notre volonté, nos affections à la Parole de Dieu, et ses préceptes deviendront le principe de notre vie. MG 444 4 Après avoir demandé au Seigneur de vous venir en aide, ayez confiance en lui, et croyez qu'il vous exaucera. Toute sagesse et toute puissance sont à notre disposition. Il suffit de les demander. MG 444 5 Marchez à la lumière de Dieu. Méditez jour et nuit sur son caractère. Vous contemplerez ainsi sa beauté et vous vous réjouirez de sa bonté. Votre coeur sera réchauffé par le sentiment de son amour à votre égard. Vous vous sentirez comme soulevés par les bras éternels. Grâce à la puissance et à la lumière que Dieu vous communiquera, vous pourrez comprendre et accomplir beaucoup plus que vous ne l'aviez imaginé. "Demeurez en moi" MG 445 1 Jésus a dit: "Demeurez en moi, et je demeurerai en vous. Comme le sarment ne peut de lui-même porter du fruit, s'il ne demeure attaché au cep, ainsi vous ne le pouvez non plus si vous ne demeurez en moi. ... Celui qui demeure en moi et en qui je demeure porte beaucoup de fruit, car sans moi vous ne pouvez rien faire. ... Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez ce que vous voudrez, et cela vous sera accordé. Si vous portez beaucoup de fruit, c'est ainsi que mon Père sera glorifié, et que vous serez mes disciples. MG 445 2 "Comme le Père m'a aimé, je vous ai aussi aimés. Demeurez dans mon amour. ... MG 445 3 "Ce n'est pas vous qui m'avez choisi; mais moi, je vous ai choisis, et je vous ai établis, afin que vous alliez, et que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure, afin que ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donne." Jean 15:4-10, 16. MG 445 4 "Voici, je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui, je souperai avec lui, et lui avec moi." Apocalypse 3:20. MG 445 5 "A celui qui vaincra, je donnerai de la manne cachée, et je lui donnerai un caillou blanc; et sur ce caillou est écrit un nom nouveau, que personne ne connaît, si ce n'est celui qui le reçoit." Apocalypse 2:17. MG 445 6 "A celui qui vaincra ... je lui donnerai l'étoile du matin." "J'écrirai sur lui le nom de mon Dieu, et le nom de la ville de mon Dieu..., et mon nom nouveau." Versets 26-28; 3:12. "Je fais une chose" MG 446 1 Celui qui met sa confiance en Dieu peut dire avec Paul: "Je puis tout par [Christ] qui me fortifie." Philippiens 4:13. Quelles que soient les fautes ou les échecs du passé, avec l'aide de Dieu, nous pouvons les surmonter. Nous pouvons dire avec l'apôtre: MG 446 2 "Je fais une chose: oubliant ce qui est en arrière et me portant vers ce qui est en avant, je cours vers le but, pour remporter le prix de la vocation céleste de Dieu en Jésus-Christ." Philippiens 3:13, 14. ------------------------Premiers Ecrits PE 5 1 Avant-Propos PE VII 1 Prologue historique PE 11 1 Expérience chrétienne et visions PE 13 3 Chapitre 1 -- Ma première vision PE 32 1 Chapitre 2 -- Visions subsequentes PE 36 1 Chapitre 3 -- Le scellement PE 39 1 Chapitre 4 -- L'amour de Dieu pour son peuple PE 41 1 Chapitre 5 -- Les puissances des cieux seront ebranlées PE 42 1 Chapitre 6 -- La porte ouverte et la porte fermée PE 46 1 Chapitre 7 -- L'épreuve de notre foi PE 48 1 Chapitre 8 -- Au petit troupeau PE 52 1 Chapitre 9 -- Les derniers fleaux et le jugement PE 54 1 Chapitre 10 -- La fin des 2300 jours PE 56 1 Chapitre 11 -- En prévision du temps de trouble PE 59 1 Chapitre 12 -- Les "esprits frappeurs" PE 61 1 Chapitre 13 -- Les messagers PE 64 1 Chapitre 14 -- La marque de la bête PE 68 1 Chapitre 15 -- Les aveugles qui conduisent des aveugles PE 69 1 Chapitre 16 -- Préparation pour la fin PE 72 1 Chapitre 17 -- Prière et foi PE 74 1 Chapitre 18 -- Le temps du rassemblement PE 76 1 Chapitre 19 -- Un avertissement PE 78 3 Chapitre 20 -- Les songes de Madame White PE 82 2 Chapitre 21 -- Un songe de William Miller PE 85 1 Chapitre 22 -- Une explication PE 97 1 Chapitre 23 -- L'ordre évangélique PE 104 2 Chapitre 24 -- Difficultes dans l'Église PE 107 2 Chapitre 25 -- L'espérance de l'église PE 111 1 Chapitre 26 -- Préparation pour la venue du Christ PE 114 2 Chapitre 27 -- Fidélité aux reunions d'edification mutuelle PE 118 2 Chapitre 28 -- À ceux qui manquent d'expérience PE 121 2 Chapitre 29 -- Le renoncement PE 122 2 Chapitre 30 -- L'irrévérence PE 123 1 Chapitre 31 -- Les faux bergers PE 125 2 Chapitre 32 -- Le don de Dieu à l'homme PE 130 1 Chapitre 33 -- Un coup d'oeil rétrospectif PE 133 1 Chapitre 34 -- Introduction PE 145 1 Chapitre 35 -- La chute de Satan PE 147 1 Chapitre 36 -- La chute de l'homme PE 149 1 Chapitre 37 -- Le plan du salut PE 153 1 Chapitre 38 -- La première venue du Christ PE 158 1 Chapitre 39 -- Le ministère du Christ PE 162 1 Chapitre 40 -- La transfiguration PE 165 1 Chapitre 41 -- Le Christ trahi PE 169 1 Chapitre 42 -- Le procès de Jésus PE 175 1 Chapitre 43 -- La crucifixion du Christ PE 181 1 Chapitre 44 -- La résurrection du Christ PE 190 1 Chapitre 45 -- L'ascension du Christ PE 192 1 Chapitre 46 -- Les disciples du Christ PE 197 1 Chapitre 47 -- La mort d'Étienne PE 200 1 Chapitre 48 -- La conversion de Saul PE 202 1 Chapitre 49 -- Les juifs decident de tuer Paul PE 206 1 Chapitre 50 -- Paul visite Jerusalem PE 210 1 Chapitre 51 -- La grande apostasie PE 213 2 Chapitre 52 -- Le mystère de l'iniquité PE 218 1 Chapitre 53 -- La mort n'est pas un tourment éternel PE 222 1 Chapitre 54 -- La réforme PE 226 1 Chapitre 55 -- L'union de l'Église et du monde PE 229 2 Chapitre 56 -- William Miller PE 232 2 Chapitre 57 -- Le Message du Premier Ange PE 237 3 Chapitre 58 -- Le Message du Second Ange PE 240 1 Chapitre 59 -- Le mouvement adventiste illustre PE 245 2 Chapitre 60 -- Une autre illustration PE 250 1 Chapitre 61 -- Le Sanctuaire PE 254 2 Chapitre 62 -- Le Message du Troisième Ange PE 258 3 Chapitre 63 -- Un fondement solide PE 262 1 Chapitre 64 -- Le spiritisme PE 266 1 Chapitre 65 -- L'avarice PE 269 1 Chapitre 66 -- Le criblage PE 273 1 Chapitre 67 -- Les péchés de Babylone PE 277 1 Chapitre 68 -- Le grand cri PE 279 2 Chapitre 69 -- La fin du troisième message PE 282 2 Chapitre 70 -- Le temps de détresse PE 285 1 Chapitre 71 -- La délivrance des saints PE 288 1 Chapitre 72 -- La récompense des saints PE 289 2 Chapitre 73 -- La terre désolée PE 292 1 Chapitre 74 -- La seconde résurrection PE 294 1 Chapitre 75 -- La seconde mort PE 296 1 Appendice ------------------------Avant-Propos PE 5 1 Au cours des quinze premières années de son ministère, Ellen G. White écrivit sept livres et brochures. Les deux premiers et le dernier de ces ouvrages composèrent Early Writings (Premiers écrits). Les quatre autres, de courts Témoignages, furent publiés pendant les années 1855, 1856 et 1857. Ces dernières brochures comptaient 96 pages. On les trouve aujourd'hui dans le volume I des Testimonies for the Church et dans le premier volume des Témoignages pour l'Eglise 1:32-68.. PE 5 2 Les trois ouvrages dont est composé Early Writings furent d'abord 1) une brochure de 64 pages, intitulée A Sketch of the Christian Experience and Views of Ellen G. White (Esquisse de l'expérience chrétienne et visions de Ellen G. White), publiée au mois d'août 1851; 2) une brochure de 48 pages, intitulée Supplement to the Christian Experience and Views of Ellen G. White, publiée au mois de janvier 1854; et 3) les premiers éléments de la grande controverse (Tragédie des Siècles), un volume de 219 pages, intitulé Spiritual Gifts (Dons spirituels), volume I, qui sortit de presse au mois de septembre 1858.. PE 5 3 Dans Expérience et Visions se trouve une esquisse autobiographique de Mme White, retraçant brièvement son expérience religieuse dans le Mouvement adventiste de 1840 à 1844. Puis suit un certain nombre de ses premières visions, dont plusieurs avaient déjà été imprimées sur des feuilles volantes ou dans des périodiques.. PE 5 4 Le Supplément explique certaines expressions des premières pages qui avaient été mal comprises ou mal interprétées, et donne des conseils additionnels à l'Eglise. Cette publication précéda d'un an la première brochure portant le titre Testimony for the Church (Témoignage pour l'Eglise).. PE 5 5 Spiritual Gifts (Dons spirituels), volume I, contenant les premiers écrits publiés au sujet de la vision du long conflit qui oppose le Christ et ses anges et Satan et ses anges, est très apprécié pour la fraîcheur de ses descriptions et sa nature compacte, puisqu'il ne traite que les points les plus saillants du dit conflit.. PE 6 1 De bonnes éditions de ces premiers écrits de Mme White sortirent de presse, mais avec le temps elles furent épuisées.. PE 6 2 En 1882, Expérience et Visions et le Supplément furent réunis et édités en un petit volume sous le titre The Christian Experience and Views of Ellen White. Des notes furent ajoutées au bas des pages donnant des dates et des explications. Deux songes intéressants, l'un de Mme White, qu'elle eut dans sa jeunesse, et un autre de William Miller, qu'il eut à la fin de sa vie, y furent ajoutés. Ces songes étaient mentionnés dans la première brochure, mais on n'en donnait pas le texte.. PE 6 3 En 1882, Spiritual Gifts (Dons spirituels), volume I, était aussi réédité et un peu plus tard, au cours de la même année, était joint à Expérience et Visions (livre qui comprenait le Supplément). Ce fut l'ouvrage intitulé Early Writings. Dans les éditions qui suivirent on observa la même pagination.. PE 6 4 Les messages d'information et d'encouragement que ces Premiers Ecrits de Mme White apportèrent à l'Eglise paraissent maintenant en français. L'impression est calquée sur l'édition américaine, de sorte que l'on peut avoir recours pour la consulter à l'Index des écrits de Mme E. G. White.. PE 6 5 Un Prologue historique a été ajouté pour fournir au lecteur la connaissance des temps et des circonstances des différentes parties du livre, ainsi que plusieurs notes en Appendice pour expliquer certaines expressions et des situations qui seraient moins bien comprises qu'au moment où l'ouvrage a été écrit.. PE 6 6 Que la traduction du message de Early Writings, offerte aux lecteurs de langue française dans les pages des Premiers Ecrits, puisse être une riche source d'instruction et d'encouragement aux hommes et aux femmes qui se préparent à rencontrer leur Seigneur, tel est le voeu sincère des Editeurs et du Comité de publication des Ecrits de Mme E. G. White, Washington D. C., 4 janvier 1962. ------------------------Prologue historique PE VII 1 Early Writings, représentant les premiers écrits d'Ellen G. White, intéresse d'une manière toute particulière les Adventistes du Septième Jour. Tandis que ses messages toucheront et réchaufferont son coeur, le lecteur appréciera d'autant plus les vérités qui y sont présentées s'il se souvient des circonstances dans lesquelles se déroulèrent les événements à l'époque où furent écrits ces trois livres. Il y trouvera çà et là des expressions qui, pour être bien comprises, doivent être placées dans le cadre des activités des adventistes observant le sabbat de 1840 à 1850. Par exemple, quand il est parlé des "adventistes qui ne le sont que de nom", le lecteur pourrait penser qu'il s'agit de la tiédeur des Adventistes du Septième Jour, alors qu'en réalité il est question de ceux qui faisaient partie du grand mouvement de réveil de 1831-1844, qui n'acceptèrent pas la vérité du sabbat et faisaient par conséquent partie du groupe que nous nommerions aujourd'hui "Adventistes du premier jour".. PE VII 2 Vers la fin de cet ouvrage, trois chapitres portent ces titres: "Le message du premier ange", "le message du second ange", et "le message du troisième ange". En les lisant, on pourrait s'attendre à trouver une explication du caractère de ces messages (d'Apocalypse 14); mais il y est plutôt question des expériences de ceux qui participèrent à la proclamation des deux premiers messages et commencèrent à annoncer le troisième. Ellen G. White passa elle-même par ces expériences, et montre par conséquent sa familiarité avec le début, le développement du réveil adventiste et le Mouvement des Adventistes du Septième Jour qui commença après 1844.. PE VII 3 Aujourd'hui, nous sommes à plus d'un siècle de ces temps héroïques, et les Adventistes du Septième Jour devraient. mieux connaître ces expériences. Le lecteur de ce précieux petit volume Premiers Ecrits aurait avantage à les avoir clairement à l'esprit. Il serait ainsi mieux à même de faire une application correcte des enseignements et du message qui y sont contenus.. PE VIII 1 Soulignons donc quelques-uns des points principaux de l'expérience des adventistes qui observaient le sabbat pendant la décennie qui précéda la première publication des matières constituant notre livre.. PE VIII 2 Dans les premiers alinéas de cet ouvrage, Mme White fait une brève allusion à sa conversion et à sa première expérience chrétienne. Elle dit aussi qu'elle suivit des réunions sur la doctrine biblique du retour personnel du Christ, que l'on croyait proche, à la porte. Le grand réveil adventiste est présenté succinctement comme un mouvement mondial dans son étendue. Il fut le résultat d'une étude consciencieuse des prophéties de l'Ecriture, et accepté par un grand nombre de croyants à travers le monde.. PE VIII 3 Mais ce fut aux Etats-Unis que le message prit le plus d'extension. A mesure que les prophéties bibliques concernant le retour de Jésus étaient acceptées par des hommes et des femmes capables, le groupe de croyants adventistes grossissait. Il faut noter cependant qu'aucun corps religieux séparé ne fut organisé. L'espérance adventiste suscita un profond réveil dont bénéficièrent toutes les Eglises protestantes, et amena de nombreux sceptiques et incrédules à confesser publiquement leur foi en Dieu et dans la Bible.. PE VIII 4 A mesure que le mouvement approchait de son point culminant, pendant les années 1840 et suivantes, plusieurs centaines de pasteurs s'unissaient dans la proclamation du message. A leur tête était William Miller. Celui-ci habitait à l'extrémité de la partie nord-est de l'Etat de New York. C'était un homme influent dans son Eglise et qui travaillait comme fermier pour gagner sa vie. Malgré ses connaissances religieuses, il était tombé dans le scepticisme depuis sa. jeunesse. Il avait perdu la foi dans la Parole de Dieu et adopté des idées déistes. Mais un dimanche matin, alors qu'il lisait un sermon à l'Eglise baptiste, le Saint-Esprit toucha son coeur, et il accepta Jésus-Christ comme son Sauveur. Miller se mit alors à l'étude de la Bible, bien déterminé à y trouver une réponse satisfaisante à toutes les questions qui se posaient à son esprit, et à apprendre pour lui-même les vérités contenues dans ses pages.. PE IX 1 Pendant deux ans, il passa une grande partie de son temps à cette étude, examinant verset après verset. Il décida de ne passer à un autre verset que lorsqu'il serait parvenu à une explication satisfaisante de celui qu'il étudiait. Il ne se servait pour cela que de sa Bible et d'une concordance. C'est ainsi qu'il arriva à l'étude des prophéties concernant le retour littéral et personnel du Christ. Il s'attaqua aussi aux grandes prophéties, particulièrement aux 2300 jours de (Daniel 8-9), qu'il rapprocha de la prophétie (d'Apocalypse 14), où se trouve le message de l'ange proclamant l'heure du jugement. Apocalypse 14:6, 7. A la page 229 de Premiers Ecrits, Mme White déclare que Dieu envoya son ange pour toucher le coeur de Miller, afin de l'amener à étudier les prophéties.. PE IX 2 Dans son enfance, Mme White assista à deux séries de conférences données par William Miller dans la ville de Portland, Maine. Elles firent sur son coeur une impression profonde et durable. Mais laissons-la parler elle-même des prophéties, telles que William Miller les présentait alors à son auditoire. Pour cela lisons ce qu'elle dit dans son livre La Tragédie des Siècles:. PE IX 3 "La prophétie qui lui parut révéler le plus nettement le temps de la venue du Seigneur était celle du prophète Daniel (Daniel 8:14): 'Deux mille trois cents soirs et matins; puis le sanctuaire sera purifié.' Prenant, suivant sa règle, les Ecritures comme leur propre interprète, Miller apprit que, dans la prophétie symbolique, un jour représente. une année, et qu'ainsi la période des deux mille trois cents jours prophétiques s'étendait bien au-delà de la fin de la dispensation judaïque, et ne pouvait s'appliquer au sanctuaire de cette dispensation. Adoptant l'idée généralement reçue, à savoir que notre terre était le sanctuaire de la dispensation chrétienne, Miller en conclut que la purification du sanctuaire prédite par Daniel n'était autre que l'embrasement de notre globe à l'apparition du Seigneur. Ensuite, il réfléchit que s'il lui était possible de déterminer le point de départ de la période des deux mille trois cents jours, rien ne serait plus aisé que de trouver la date du retour du Seigneur. Ainsi serait révélée l'heure du grand dénouement, celle où la société actuelle, 'avec son orgueil et sa puissance, sa pompe et sa vanité, sa méchanceté et son oppression, prendra fin', l'heure où la terre sera enfin affranchie 'de la malédiction sous le poids de laquelle elle gémit; où la mort sera détruite; où les serviteurs de Dieu recevront leur récompense, aussi bien que les prophètes et les saints et ceux qui craignent le nom de Dieu, et où seront détruits ceux qui détruisent la terre'.. PE X 1 "Poursuivant l'étude de cette prophétie, avec un redoublement de ferveur, y consacrant non seulement ses journées, mais encore des nuits entières, il constata d'abord que le point de départ des deux mille trois cents soirs et matins ne se trouvait pas dans le huitième chapitre de Daniel. Bien que l'ange Gabriel eût reçu ordre d'expliquer la vision à Daniel, il ne s'était que partiellement acquitté de sa mission; devant le tableau des terribles persécutions qui attendaient l'Eglise, le prophète avait senti ses forces le trahir et n'avait pu en supporter davantage; l'ange l'avait donc quitté pour un temps. 'Je fus plusieurs jours languissant et malade, raconte Daniel. J'étais étonné de la vision, et personne n'en eut connaissance.'. PE X 2 "Cependant, l'ordre de Dieu à son messager subsistant: 'Explique-lui la vision', l'ange, pour s'en acquitter, était. retourné auprès de Daniel et l'avait abordé ainsi: 'Je suis venu maintenant pour ouvrir ton intelligence... Sois attentif à la parole, et comprends la vision!' Et tout en reprenant son exposé, Gabriel avait spécialement insisté sur le point de la vision resté inexpliqué, soit la chronologie de la période des 2300 jours en ces termes:. PE XI 1 "'Soixante-dix semaines ont été déterminées sur ton peuple et sur ta ville sainte... Sache donc, et comprends: Depuis la sortie d'une parole ordonnant de rebâtir Jérusalem jusqu'à un Oint, un Chef, il y a sept semaines, et soixante-deux semaines; elle sera rétablie, places et enceintes, dans la détresse des temps. Et après soixante-deux semaines, un Oint sera retranché, et personne pour lui... Il [ce chef] fera une alliance ferme avec un grand nombre pendant une semaine; et, au milieu de la semaine, il fera cesser le sacrifice et l'oblation.'. PE XI 2 "L'ange avait été dépêché auprès de Daniel dans le but exprès de lui faire comprendre la portion de la vision restée inintelligible au prophète: celle relative à la période prophétique (Daniel 8:14): 'Deux mille trois cents soirs et matins; puis le sanctuaire sera purifié.' Aussi, après avoir dit à Daniel: 'Sois attentif à la parole, et comprends la vision', les premiers mots de l'ange furent: 'Soixante-dix semaines ont été déterminées sur ton peuple et sur ta ville sainte.' Le verbe traduit ici par 'déterminées' signifie littéralement 'retranchées'. Or, soixante et dix semaines représentent 490 années. L'ange déclare donc que cette période a été 'retranchée' et mise à part pour le peuple juif.. PE XI 3 "Mais 'retranchée' de quoi? La période des 2300 soirs et matins étant seule mentionnée dans la vision, les soixante-dix semaines ne peuvent être 'retranchées' que de celle-là. Il s'ensuit que cette période de soixante-dix semaines fait partie des 2300 jours, et que les deux périodes ont le même point de départ. Or, l'ange annonce que les soixante-dix semaines commenceront avec 'la parole ordonnant de. rétablir et de rebâtir Jérusalem'. Un seul point restait obscur. S'il était possible de déterminer la date de ce décret, se disait Miller, nous aurions donc trouvé le point de départ des 2300 soirs et matins.. PE XII 1 "Or, ce décret et cette date se lisent au septième chapitre d'Esdras. Versets 12-26. Le décret fut promulgué par Artaxerxès, roi de Perse, en 457 avant notre ère. On lit également dans le même livre (6:14) que la maison de l'Eternel se construisit 'd'après l'ordre du Dieu d'Israel, et d'après l'ordre de Cyrus, de Darius et d'Artaxerxès'. En rédigeant, en confirmant et en complétant le décret, ces trois rois l'amenèrent à la perfection requise par la prophétie pour lui permettre de marquer le commencement des 2300 ans. En prenant l'année 457 comme date de la promulgation du décret en question, on constata que tout ce qui devait marquer les soixante-dix semaines s'était réalisé. Le texte disait:. PE XII 2 "'Depuis la sortie d'une parole ordonnant de rebâtir Jérusalem jusqu'à un Oint, un Chef, il y a sept semaines et soixante-deux semaines', soit soixante-neuf semaines, ou quatre cent quatre-vingt-trois ans. C'est en l'automne de l'année 457 que le décret d'Artaxerxès entra en vigueur. En ajoutant à cette date quatre cent quatre-vingt-trois ans, on arrive à l'automne de l'année 27 de notre ère, où la prophétie fut accomplie. C'est en effet en l'automne de cette année 27 que Jésus reçut le baptême des mains de Jean-Baptiste, et fut oint du Saint-Esprit. L'apôtre Pierre y fait allusion en disant: 'Dieu a oint du Saint-Esprit et de force Jésus de Nazareth.' Et Jésus de même: 'L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a oint pour annoncer une bonne nouvelle aux pauvres.' Après son baptême, Jésus se rendit en Galilée, 'prêchant l'Evangile de Dieu' et disant: 'Le temps est accompli.'. PE XII 3 "Le texte de Daniel continue: 'Il fera une alliance ferme avec un grand nombre pendant une semaine.' La 'semaine' ici mentionnée est la dernière des soixante-dix; elle constitue les sept dernières années de la période accordée aux Juifs.. Pendant ce temps, soit de l'an 27 à l'an 34 de notre ère, Jésus, personnellement, puis par ses disciples, adressa tout spécialement aux Juifs l'invitation de prendre part au festin évangélique. Lorsqu'il envoya ses disciples porter l'Evangile, il leur donna cette recommandation: 'N'allez pas vers les païens, et n'entrez pas dans les villes des Samaritains; allez plutôt vers les brebis de la maison d'Israël.". PE XIII 1 "'Et au milieu de la semaine, dit encore la prophétie, il fera cesser le sacrifice et l'oblation.' En l'an 31, trois années et demie après son baptême, Jésus fut crucifié. La tragédie du Calvaire mettait fin au système des sacrifices qui, durant quatre mille ans, avaient attiré l'attention sur l'Agneau de Dieu. Le type avait trouvé son prototype. A partir de ce moment, tous les sacrifices et toutes les oblations du système mosaïque devaient cesser.. PE XIII 2 "Les soixante-dix semaines, ou 490 ans, assignés aux Juifs ayant expiré en l'an 34 de notre ère, on constata qu'à ce moment précis, par la décision du sanhédrin, par le martyre d'Etienne et la persécution des chrétiens, la nation juive avait officiellement rejeté l'Evangile. Dès lors, le message du salut avait cessé d'être confiné aux limites de la nation israélite, et il fut porté aux nations. Chassés par la persécution, les disciples 'allaient de lieu en lieu, annonçant la bonne nouvelle de la Parole'. Philippe étant descendu à Samarie, 'y prêcha le Christ". Par direction divine, Pierre présente l'Evangile au centenier de Césarée, le pieux Corneille; et l'ardent Paul, gagné à la foi chrétienne, est appelé à porter la Bonne Nouvelle "au loin vers les nations'.. PE XIII 3 "Jusqu'ici, tous les détails de la prophétie s'étaient remarquablement accomplis, fixant d'une façon incontestable le commencement des soixante-dix semaines sur l'année 457 avant J.-C., et son expiration sur l'année 34 de notre ère. Désormais, rien de plus aisé que de trouver la date de l'expiration des 2300 jours. Les 70 semaines, les 490 jours, étant retranchés des 2300, il restait 1810 jours à courir. Or, en les. faisant partir de l'année 34, ces 1810 années aboutissaient en 1844. Il s'ensuivait que les 2300 jours d'années de Daniel 8:14 se terminaient en 1844. Et c'était à l'expiration de cette grande période prophétique que, selon le témoignage de l'ange, 'le sanctuaire devait être purifié'. Ainsi, l'année de la purification du sanctuaire -- que l'on confondait presque universellement avec le retour du Seigneur -- était définitivement établie.. PE XIV 1 "Miller et ses collaborateurs crurent d'abord que les 2300 jours se termineraient au printemps de l'année 1844, alors que la prophétie indiquait l'automne de la même année. L'erreur commise sur ce point jeta dans le désappointement et la perplexité ceux qui avaient compté sur le retour du Seigneur à la première date. Mais cela laissait intact l'argument établissant que les 2300 soirs et matins se terminaient en 1844, et que le grand événement représenté par la purification du sanctuaire devait avoir lieu en cette année-là.. PE XIV 2 "En entreprenant, comme il l'avait fait, l'étude des Ecritures pour établir qu'elles étaient une révélation divine, Miller n'avait pas eu la moindre idée que ses études aboutiraient à de pareilles conclusions. Il eut même de la peine à croire au résultat de ses recherches. Mais le témoignage des Ecritures était trop clair et trop évident pour être traité à la légère.. PE XIV 3 "Il y avait deux ans qu'il se consacrait à l'étude de la Bible, quand il arriva, en 1818, à la conclusion solennelle que, dans vingt-cinq ans, le Christ reviendrait pour la rédemption de son peuple." -- La tragédie des siècles, 362-368.. PE XIV 4 C'était dans une attente fébrile que les croyants adventistes voyaient s'approcher le moment du retour de leur Seigneur. Ils croyaient que la fin de l'année 1844 verrait le jour dont avait parlé la prophétie de Daniel. Mais ils devaient être amèrement désappointés. De même que les disciples du Christ ne comprirent pas le véritable caractère des. événements qui devaient accomplir la prophétie concernant la première venue du Sauveur, de même les adventistes en 1844 furent désappointés au sujet du développement de la prophétie concernant la seconde venue du Christ. Ellen White en parle dans Early Writings en ces termes:. PE XV 1 "Jésus ne revint pas ici-bas pour purifier le sanctuaire en purifiant la terre par le feu, comme l'attendait le joyeux groupe de croyants. J'ai vu que l'explication que donnaient ces croyants était correcte en ce qui concernait les périodes prophétiques. Le temps fixé se terminait en 1844, et Jésus est entré dans le lieu très saint pour purifier le sanctuaire à la fin des jours. Leur erreur provenait du fait qu'ils n'avaient pas compris ce qu'était le sanctuaire ni la nature de sa purification." -- Premier écrits, 243.. PE XV 2 Presque immédiatement après le désappointement du 22 octobre, de nombreux croyants et pasteurs qui avaient embrassé le message adventiste se retirèrent. Quelques-uns d'entre eux s étaient joints au mouvement guidés en grande partie par la crainte. Une fois le moment passé, ils abandonnèrent leur espérance et disparurent. D'autres tombèrent dans le fanatisme. Environ la moitié du groupe adventiste conserva sa confiance que le Christ apparaîtrait bientôt sur les nuées des cieux. Ces croyants voyaient dans le fait qu'ils étaient tournés en ridicule par le monde, la preuve que le jour de grâce était terminé. Ils croyaient fermement que le retour du Seigneur était très proche. Mais les jours et les semaines s'écoulant sans que le Seigneur apparaisse, différentes opinions se firent jour, et ce groupe se divisa. Une partie, grande numériquement, crut que la prophétie ne s'était pas accomplie en 1844, et qu'il y avait eu une erreur dans l'explication des périodes prophétiques. Ils se mirent à fixer à nouveau des dates pour la venue du Christ. D'autres, en petit nombre, les précurseurs des Adventistes du Septième Jour, qui étaient certains que l'Esprit de Dieu avait été à l'oeuvre dans le grand Mouvement adventiste affirmaient que nier que ce. Mouvement fût l'oeuvre de Dieu serait nier l'action de l'Esprit de la grâce. Cela, ils ne pouvaient pas le faire.. PE XVI 1 L'expérience de ces croyants et l'oeuvre qu'il leur restait à accomplir ils les trouvaient dans les derniers versets d'Apocalypse 10. L'attente des adventistes devait être révisée. Dieu les avait conduits et les conduisait encore. Ils avaient parmi eux une jeune fille, Ellen Harmon, qui, en décembre 1844, à peine deux mois après le désappointement, reçut de Dieu une révélation prophétique. Le Seigneur lui montra dans une vision le peuple adventiste en route pour la sainte cité. Si cette vision n'expliquait pas le désappointement, ce qui ne pouvait se faire que par l'étude de la Bible, elle donnait l'assurance que Dieu conduisait les adventistes et continuerait à les conduire comme il l'avait fait lors de leur voyage vers la cité céleste.. PE XVI 2 Au bout du sentier symbolique, révélé à la jeune Ellen, il y avait une lumière étincelante, identifiée par l'ange comme étant le cri de minuit. Cette expression s'appliquait au point culminant de la prédication du retour du Christ à l'approche de l'automne de 1844. Dans cette vision, Ellen vit le Christ conduisant son peuple vers la cité de Dieu. La conversation de ces croyants indiquait que le voyage durait plus longtemps qu'ils ne l'avaient prévu. Quelques-uns perdirent Jésus de vue et tombèrent en chemin, mais ceux dont les regards étaient fixés sur le Sauveur et sur la sainte cité arrivèrent sains et saufs à destination. C'est de cela qu'il est parlé dans "Ma première vision", aux pages 13-20.. PE XVI 3 Un très petit nombre de croyants pouvaient être identifiés avec ceux qui marchaient de l'avant dans la lumière. En 1846, ils n'étaient guère qu'une cinquantaine. Les autres, qui avaient perdu confiance dans l'accomplissement de la prophétie en 1844, étaient peut-être 30 000. Ils eurent une conférence en 1845, à Albany (New York), du 29 avril au 1er mai, où ils révisèrent leur position. Ils prirent là la résolution de se séparer de ceux qui prétendaient avoir "une. illumination spéciale", de ceux qui enseignaient des "fables judaïques", ou établissaient de "nouvelles preuves". -- Advent Herald, 14 mai 1845; voir Messenger to the Remnant, 31.. PE XVII 1 C'est ainsi qu'ils fermèrent la porte à la lumière sur le sabbat et l'Esprit de prophétie. Ils étaient persuadés que la prophétie ne s'était pas accomplie en 1844, et ils remettaient la fin des 2300 jours à une époque ultérieure. Ils fixèrent plusieurs dates, qui toutes se révélèrent fausses. Ils ne se maintenaient ensemble que par l'espérance adventiste. Mais ils ne tardèrent pas à se diviser en de multiples petits groupes aux idées très diverses, et dont la plupart disparurent bientôt. Celui qui leur survécut pendant quelques décennies devint l'Eglise chrétienne adventiste. Souvent, dans nos premiers écrits, il est appelé "les Adventistes du premier jour", ou "les Adventistes de nom".. PE XVII 2 Mais celui qui nous intéresse tout particulièrement, c'est le petit groupe qui ne cessa d'affirmer que la prophétie s'était accomplie le 22 octobre 1844. Les croyants qui le composaient reçurent la lumière sur le sabbat et le sanctuaire comme venant du ciel pour éclairer leur sentier. Ils n'habitaient pas tous au même endroit, mais ils étaient dispersés çà et là ou formaient de petits groupes à travers la partie nord-est des Etats-Unis.. PE XVII 3 Hiram Edson, un des croyants qui appartenaient à ce groupe, vivait dans l'Etat de New York, à Port Gibson. C'est lui qui dirigeait les adventistes de cet endroit. Ils s'étaient réunis chez lui le 22 octobre 1844 pour attendre la venue du Seigneur. Calmement et patiemment ils attendirent le grand événement. Mais lorsque l'heure de minuit sonna, le jour fixé était passé, et Jésus n'était pas venu comme ils l'avaient pensé. Ce fut pour eux un amer désappointement. Tôt le matin, Hiram Edson et quelques frères allèrent dans la grange pour prier, et alors qu'ils priaient, ils furent persuadés que la lumière viendrait.. PE XVIII 1 Un peu plus tard, alors qu'Edson et un de ses amis traversaient un champ de maïs pour aller rendre visite à d'autres adventistes, il lui sembla qu'une main avait touché son épaule. Il leva les yeux -- comme s'il avait une vision -- et il vit les cieux ouverts, et le Christ dans le sanctuaire céleste entrant dans le lieu très saint, pour commencer son ministère en faveur de son peuple. Jésus ne sortait donc pas du lieu très saint pour venir purifier la terre par le feu, comme les adventistes l'avaient pensé. Une étude sérieuse de la Bible par Hiram Edson, le docteur F. B. Hahn, et O. R. L. Crozier, un instituteur, révéla bientôt que le sanctuaire qui devait être purifié à la fin des 2300 ans n'était pas la terre mais le tabernacle qui est dans le ciel où le Christ officie en notre faveur dans le lieu très saint. Cette oeuvre médiatrice du Sauveur répondait à "l'heure du jugement" dont parle le message du premier ange. Apocalypse 14:6, 7. L'instituteur, O. R. L. Crozier, coucha par écrit l'étude de ces frères et on l'imprima sur une feuille volante; puis dans le journal adventiste le Day-Star, publié à Cincinnati (Ohio). Un numéro spécial, daté du 7 février 1846, fut entièrement consacré à l'étude de la Bible sur la question du sanctuaire.. PE XVIII 2 Alors que cette étude se poursuivait, et que le groupe et son oeuvre n'étaient pas connus d'Ellen White, à Portland, dans l'Etat du Maine, une vision était donnée à cette dernière où il lui fut montré que le Christ avait quitté le lieu saint pour entrer dans le lieu très saint du sanctuaire céleste à la fin des 2300 jours. Cette vision est relatée dans les Premier écrits, 54, 55.. PE XVIII 3 Dans une autre vision qu'elle eut peu de temps après celle-ci, et dont elle parle dans une déclaration qu'elle fit au mois d'avril 1847, voici ce qui lui fut révélé: "Le Seigneur m'a montré dans une vision, il y a plus d'une année, que frère Crozier avait la vraie lumière sur la purification du sanctuaire, etc., et que c'était la volonté de Dieu que frère Crozier expose ses vues à ce sujet dans le numéro spécial du. Day-Star, du 7 février 1846. Je me sens pleinement autorisée par le Seigneur à recommander ce numéro spécial à chaque croyant." -- A Word to the Little Flock, 12. Ainsi les visions de la messagère du Seigneur confirmaient la découverte de ceux qui avaient étudié la Bible.. PE XIX 1 Dans les années qui suivirent, Ellen White écrivit beaucoup sur la vérité du sanctuaire et sa signification. On trouve de nombreuses pages sur ce sujet dans les Premiers Ecrits. A noter surtout le chapitre sur le sanctuaire (page 250). La compréhension du ministère du Christ dans le sanctuaire céleste fut la clé qui dévoila le mystère du grand désappointement. Il fut parfaitement clair que la prophétie annonçant l'heure du jugement avait trouvé son accomplissement dans les événements qui eurent lieu en 1844, mais qu'une oeuvre devait être faite dans le lieu très saint du sanctuaire céleste avant que Jésus revienne ici-bas.. PE XIX 2 Les messages du premier et du second ange avaient retenti à la proclamation du message adventiste, et maintenant le message du troisième ange commençait à être annoncé. C'est alors que l'on comprit la vérité au sujet du sabbat ou septième jour de la semaine.. PE XIX 3 En relatant l'histoire du début de l'observation du sabbat chez les premiers adventistes, nous pensons à une petite église de Washington, au coeur de l'Etat de New Hampshire. Les membres de cette église étaient des croyants sincères. Une baptiste du septième jour, Rachel Oaks, s'y rendit pour distribuer des traités sur le quatrième commandement. Cette vérité avait été très bien comprise par quelques-uns; et déjà en 1844 William Farnsworth se leva à un culte du dimanche matin pour exprimer son intention de garder le sabbat du quatrième commandement. Une douzaine d'autres croyants se joignirent à lui, très décidés à observer tous les commandements de Dieu. Ce furent les premiers Adventistes du Septième Jour.. PE XIX 4 Le pasteur de cette petite église, Frederick Wheeler,. accepta bientôt le sabbat, et fut le premier pasteur adventiste à se décider. Un autre prédicateur, T. M. Preble, qui habitait le même Etat, accepta aussi cette vérité et publia un article dans le journal adventiste The Hope of Israel, de février 1845, pour établir l'obligation d'observer le quatrième commandement. Joseph Bates, un pasteur adventiste influent, résidant à Fairhaven (Massachusetts), lut cet article et fut convaincu. Peu de temps après, Bates se rendit à Washington (New Hampshire), pour étudier avec les adventistes cette vérité nouvellement découverte. De retour chez lui, plus convaincu que jamais, il décida de publier une brochure pour expliquer l'obligation d'observer ce commandement. Sa brochure de 64 pages sortit de presse au mois d'août 1846. Un exemplaire tomba entre les mains de James et Ellen White vers l'époque de leur mariage, à la fin du mois d'août 1846. Convaincus par les preuves scripturaires présentées dans ce traité, James et Ellen White acceptèrent la vérité du sabbat et commencèrent à l'observer. Voici ce que dit Ellen White à ce sujet: "En 1846, en automne, nous commençâmes à garder le sabbat de la Bible, à l'enseigner et à le défendre." -- Testimonies for the Church 1:75.. PE XX 1 James et Ellen White furent gagnés uniquement par les preuves tirées de l'Ecriture sur lesquelles leur esprit avait été dirigé par le traité de Bates. Le premier sabbat d'avril 1847, sept mois après avoir commencé à observer le sabbat et à l'enseigner, Mme White eut une vision à Topsham (Maine), où l'importance du jour du repos lui fut montrée. Elle vit les tables de la loi dans l'arche du sanctuaire céleste, et une auréole entourait le quatrième commandement. Voir Premier écrits, 32-35, où cette vision est relatée. La vision confirmait la position prise après avoir étudié la Parole de Dieu; elle élargissait aussi la conception des croyants concernant l'observation du sabbat. Mme White fut transportée dans une vision prophétique à la fin des temps. Elle vit que le sabbat serait la grande vérité que les hommes devront. accepter ou rejeter à ce moment-là. Il s'agira pour eux de servir Dieu ou une puissance apostate. Parlant de son expérience personnelle en 1874, elle écrit:. PE XXI 1 "J'ai cru à la vérité du sabbat avant qu'il m'en ait été parlé en vision. Ce ne fut qu'après des mois que j'eus commencé à observer le septième jour qu'il me fut montré son importance et la place qu'il doit occuper dans le message du troisième ange." -- Lettre 2, 1874.. PE XXI 2 Grâce à la providence divine, les pasteurs qui furent les premiers à prêcher ces vérités se rencontrèrent en 1848 pour cinq conférences. En jeûnant et en priant, ils étudièrent ensemble la Parole de Dieu. Le pasteur Bates, l'apôtre du sabbat, parla de l'obligation d'observer ce saint jour. Hiram Edson et ses collaborateurs, qui assistèrent à quelques-unes de ces conférences, parlèrent du sanctuaire. James White, qui passait beaucoup de temps à l'étude des prophéties, attira l'attention sur les événements qui devaient se produire avant le retour de Jésus. A ces réunions, les doctrines fondamentales des Adventistes du Septième Jour furent mises en évidence.. PE XXI 3 Ellen White écrivit à ce sujet:. PE XXI 4 "Il en est beaucoup parmi nous qui ne se rendent pas compte de la solidité de la base sur laquelle repose notre foi. Mon mari, frère Bates, le Père Pierce, frère Hiram Edson et d'autres frères sincères, nobles et vrais, furent de ceux qui, après le passage de la date en 1844, sondèrent la Parole pour y trouver la vérité. Je me rencontrais avec eux, et nous étudiions et priions ensemble avec ferveur. Souvent nous ne nous quittions que tard dans la nuit. Maintes et maintes fois ces frères se réunissaient pour étudier la Bible, afin de mieux la comprendre et se préparer ainsi à la prêcher avec puissance. Arrivés au moment où ils étaient obligés d'avouer qu'ils ne pouvaient rien faire de plus, l'Esprit du Seigneur. venait sur moi, j'étais ravie en vision, et une explication satisfaisante des passages que nous avions étudiés m'était donnée, ainsi que la manière de les présenter avec efficacité. C'est ainsi que nous arrivâmes à comprendre les Ecritures au sujet du Christ, de sa mission et de sa sacrificature. La vérité se rapportant à l'époque où nous entrerons dans la cité de Dieu me fut aussi expliquée, et j'en fis part à mes frères.. PE XXII 1 "Pendant tout ce temps-là, je ne pouvais comprendre le raisonnement des frères. Mon esprit était fermé, et je ne pouvais saisir la signification des passages que nous étudiions. C'était l'une des grandes tristesses de ma vie. Je restai dans cette condition jusqu'à ce que tous les points principaux de notre foi aient été rendus clairs à mon esprit, en harmonie avec la Parole de Dieu. Les frères savaient qu'en dehors de mes visions j'étais incapable de comprendre ces sujets, et ils acceptaient comme venant directement du ciel les lumières qui m'étaient révélées." -- Selected Messages 1:206, 207.. PE XXII 2 C'est ainsi que furent posées les doctrines fondamentales de l'Eglise adventiste, par une étude sérieuse de la Parole de Dieu. Lorsque nos frères avaient épuisé toutes leurs ressources, Ellen White recevait la lumière qui leur permettait d'expliquer les difficultés et leur ouvrait la voie pour aborder d'autres études. Les visions confirmaient aussi la véracité de leurs conclusions. Le don prophétique corrigeait donc les erreurs et confirmait la vérité.. PE XXII 3 Ce fut peu de temps après la cinquième des conférences qui eurent lieu en 1848 qu'une autre réunion se tint dans la maison de Otis Nichols, à Dorchester, près de Boston (Massachusetts). Les frères étudièrent et prièrent ensemble au sujet des responsabilités qui leur incombaient en tant que messagers des lumières que le Seigneur avait fait luire sur leur sentier. A ce moment-là, Ellen White fut ravie en vision. Dans la révélation qui lui fut donnée, il lui fut montré que les frères devaient publier les vérités qui leur avaient été confiées. Voici ce qu'elle dit dans Life Sketches of Ellen G. White, 125:. PE XXIII 1 "La vision terminée, je dis à mon mari: 'J'ai un message pour toi. Tu dois commencer à imprimer un petit journal et le répandre parmi le peuple. Qu'il soit petit d'abord; à mesure que les gens le liront, ils enverront de l'argent pour l'imprimer, et il aura du succès dès le début. Il m'a été montré que de ce petit commencement des flots de lumière inonderaient le monde.'". PE XXIII 2 C'était un appel à l'action. Mais que pouvait faire James White? Il était dénué des biens de ce monde. Toutefois la vision était positive, et il avait le sentiment qu'il devait marcher par la foi. Il se mit donc à l'oeuvre avec les petits moyens dont il disposait. Il prépara des articles sur le sabbat et d'autres sujets pour être imprimés dans un petit journal. Tout cela prit du temps, mais il arriva à faire le nécessaire, et le tout fut porté à un imprimeur de Middletown, dans le Connecticut, qui voulut bien se charger de ce travail. Puis frère White alla chercher ces imprimés pour les porter chez la famille Belden, où lui et Ellen avaient trouvé un refuge temporaire. Le journal mesurait 15 centimètres sur 22, et avait 16 pages. Il portait comme titre The Present Truth (La vérité présente), et comme date juillet 1849. Le petit paquet fut déposé sur le parquet. Alors les frères et soeurs présents se mirent à genoux autour de ces journaux, et les larmes aux yeux, ils demandèrent au Seigneur de les bénir pour qu'ils accomplissent leur oeuvre. Puis James White reprit le paquet et le porta à la poste, distante d'une douzaine de kilomètres. Et c'est ainsi que débuta l'oeuvre des publications adventistes.. PE XXIII 3 Quatre numéros de The Present Truth furent ainsi envoyés, et une réunion de prière eut lieu chaque fois à leur sujet avant de les porter à la poste. Bientôt des lettres commencèrent à arriver disant que par suite de leur lecture des croyants avaient commencé à observer le sabbat. Quelques-unes de ces lettres contenaient de l'argent, et James White, au mois de septembre, put payer à l'imprimeur de Middletown la somme de 64 dollars 50 pour les quatre numéros.. PE XXIV 1 Frère et soeur White, se déplaçant constamment, firent des arrangements pour publier un certain nombre de numéros de ce journal. Le onzième et dernier numéro fut publié à Paris (Maine), au mois de novembre 1850. Ce même mois une conférence était tenue dans cette ville, et les frères décidèrent de développer l'oeuvre des publications. Le journal devait continuer à paraître, on lui donnerait un plus grand format, et il serait intitulé The Second Advent Review and Sabbath Herald (la Revue adventiste et le Messager du sabbat). Ce fut, dès ce moment-là, l'organe officiel de la Dénomination.. PE XXIV 2 Mme White avait écrit plusieurs articles pour The Present Truth, dont la plupart se trouvent dans la première partie des Premier écrits, 36-54.. PE XXIV 3 Le premier numéro de Review and Herald parut au mois de novembre 1850, à Paris (Maine), ainsi que plusieurs autres numéros; puis ensuite à Saratoga (New York). C'est pendant qu'il habitait là que frère White fit le nécessaire, au mois d'août 1851, pour l'impression du premier livre de Mme White. Ce livre n'avait que 64 pages, autant dire qu'il s'agissait d'une brochure; il portait comme titre A Sketch of the Christian Experience and Views of Ellen G. White, et forme la première partie de l'ouvrage Premier écrits, 11-83.. PE XXIV 4 Au printemps de 1852, frère et soeur White déménagèrent à Rochester (New York). Ils louèrent là un local où ils créèrent leur propre imprimerie. Les collectes faites dans ce but s'élevèrent à la somme de six cents dollars. Quelle joie pour nos premiers croyants de pouvoir imprimer sur une presse adventiste leurs livres et leurs journaux! Pendant un peu plus de trois ans, frère et soeur White habitèrent à Rochester (New York). A part la Review and Herald et le Youth's Instructor (l'Instructeur de la jeunesse) lancé par le pasteur White en 1852, on publiait aussi des brochures de temps en temps. C'est alors que les White habitaient à. Rochester qu'une seconde brochure d'Ellen White fut publiée. C'était en 1854; elle était intitulée Supplement to the Christian Experience and Views of Ellen G. White. Elle se trouve aujourd'hui dans Premier écrits, 85-127.. PE XXV 1 Au mois d'octobre 1855, frère et soeur White et leurs collaborateurs allèrent se fixer à Battle-Creek (Michigan). On installa la presse et tout le matériel d'imprimerie dans un bâtiment érigé par plusieurs observateurs du sabbat, les mêmes qui avaient fourni les fonds pour créer notre propre maison d'édition. L'église adventiste de Battle-Creek se développant, cette petite ville devint le siège du Mouvement Adventiste du Septième Jour.. PE XXV 2 Mais ce ne fut pas sans peine que le pasteur White arriva à développer notre oeuvre des publications. A ce moment-là les adventistes n'avaient pas d'organisation. En fait, les premiers croyants ne voulaient pas en entendre parler. Beaucoup d'entre eux avaient été membres des Eglises protestantes qui avaient rejeté le message du premier ange, et ils avaient quitté ces Eglises lors de la proclamation du message du second ange. Ils ne tenaient pas du tout à organiser une nouvelle Eglise. Ils craignaient de devenir formalistes et de perdre la faveur divine. Par conséquent, pendant une quinzaine d'années, les adventistes n'étaient unis les uns aux autres que par des liens fraternels. Joseph Bates, James White et quelques autres frères en étaient les dirigeants.. PE XXV 3 Lorsqu'on examine les origines des Premiers Ecrits, il ne faut pas oublier que les premiers adventistes voulaient surtout réunir ceux qui avaient participé au grand réveil, c'est-à-dire ceux qui avaient accepté le premier et le second message. Ils désiraient leur faire part du message du troisième ange. Pendant environ sept ans après 1844, les adventistes qui observaient le sabbat passèrent une grande partie de leur temps à gagner ceux qui n'avaient pas encore pris position sur cette vérité, ce qui paraissait tout naturel.. PE XXV 4 Dans les efforts particuliers qui furent faits pour. proclamer le message adventiste pendant l'automne de 1844, on s'était appuyé sur la parabole des dix vierges, rapportée dans Matthieu 25. Il est question là d'un retard, puis on entend crier: "Voici l'époux; allez à sa rencontre!" On appela cela le "cri de minuit". Dans sa première vision, Mme White aperçut comme une lumière éclatante derrière les adventistes, au commencement du sentier. C'était le cri de minuit. Dans la parabole, il est dit que ceux qui étaient prêts entrèrent avec l'époux dans la salle des noces, et ensuite la porte fut fermée. Voir Matthieu 25:10. Les adventistes en conclurent que le 22 octobre 1844 la porte de la grâce fut fermée pour ceux qui n'avaient pas accepté le message proclamé avec tant de force. Ellen White parle de cela dans La Tragédie des Siècles:. PE XXVI 1 "Une fois la grande date passée, dit-elle, croyant être arrivés au moment critique où l'oeuvre de Jésus comme intercesseur devant le Père avait pris fin, ils continuèrent de croire que la venue du Seigneur était proche. Il leur semblait voir dans les Ecritures que le temps de grâce devait se terminer quelque temps avant le retour du Seigneur sur les nuées du ciel. Cela leur paraissait prouvé par les passages qui décrivent le temps où l'on cherchera, où l'on frappera, où l'on pleurera, mais en vain, devant la porte de la miséricorde. Et ils étaient à se demander si ce temps n'était pas venu. Ayant averti le monde de l'approche du jugement, ils crurent avoir achevé leur oeuvre, et se désintéressèrent du salut des pécheurs. Les moqueries blasphématoires des impies étaient pour eux une preuve de plus que l'Esprit de Dieu avait abandonné les contempteurs de sa miséricorde. Tout cela les confirmait dans la conviction que le temps de grâce avait pris fin; ou, pour nous servir de leur expression, que la 'porte de la miséricorde était fermée'." -- La tragédie des siècles, 472, 473.. PE XXVI 2 Puis Mme White continue à montrer comment la lumière se fit jour sur cette question:. PE XXVII 1 "L'étude de la question du sanctuaire leur apporta des lumières nouvelles. Elle leur apprit qu'ils avaient eu raison de penser qu'un fait important devait se produire à la fin des 2300 jours, donc en 1844. Mais s'il était vrai que s'était fermée la porte de la miséricorde par laquelle l'humanité avait eu accès auprès de Dieu pendant dix-huit siècles, une autre porte s'était ouverte, et le salut était offert aux hommes par l'intercession du Sauveur dans le lieu très saint. Une partie de sa tâche n'avait pris fin que pour faire place à l'autre. Il restait une 'porte ouverte' dans le sanctuaire céleste où Jésus intercédait en faveur des pécheurs.. PE XXVII 2 "On comprit alors ces paroles de Jésus à son Eglise: 'Voici ce que dit le Saint, le Véritable, Celui qui a la clef de David, Celui qui ouvre, et personne ne fermera, Celui qui ferme et personne n'ouvrira: Je connais tes oeuvres... J'ai mis devant toi une porte ouverte que personne ne peut fermer.'. PE XXVII 3 "Ce sont ceux qui, par la foi, suivent le Sauveur dans son oeuvre d'expiation et de médiation en leur faveur qui en seront les bénéficiaires." -- La tragédie des siècles, 473.. PE XXVII 4 Mme White parle alors de la manière dont les deux groupes se conduisirent:. PE XXVII 5 "L'échéance de 1844 fut suivie d'une période de crise. Quelques-uns perdirent confiance dans leur ancienne computation des périodes prophétiques et attribuèrent à des influences humaines ou sataniques la puissance qui avait accompagné le Mouvement adventiste. Ceux qui persistèrent dans leur foi trouvèrent un immense soulagement en recevant la lumière touchant le sanctuaire céleste. Conservant l'assurance que le Seigneur les avait dirigés, ils attendirent les directions divines et découvrirent que leur Souverain Sacrificateur était entré dans une nouvelle phase de son ministère; en l'y suivant par la foi, ils comprirent également la mission finale de l'Eglise. Eclairés sur le premier et le second message, ils furent ainsi préparés à recevoir et à communiquer au monde. le message du troisième ange renfermé au quatorzième chapitre de l'Apocalypse." -- La tragédie des siècles, 475.. PE XXVIII 1 On trouvera dans les Premier écrits, 42-45, certaines références à la "porte ouverte" et à la "porte fermée". On ne peut bien comprendre cette question qu'en se reportant à l'expérience des premiers croyants.. PE XXVIII 2 Peu de temps après le désappointement, on comprit que tandis que d'aucuns, en rejetant définitivement la lumière, s'étaient fermé la porte du salut, il y en avait beaucoup d'autres qui n'avaient pas entendu proclamer le message, et par conséquent ne l'avaient pas rejeté; ils pouvaient donc être les bénéficiaires de l'oeuvre expiatoire du Christ. A partir de l'année 1850, ces points furent clairement établis. C'est alors aussi que la proclamation des messages des trois anges commença à faire son chemin. Les préjugés disparaissaient. Ellen White, parlant de ce qui se produisit après le désappointement, écrivit:. PE XXVIII 3 "C'était alors presque impossible d'avoir accès auprès des croyants. Le désappointement de 1844 avait jeté le trouble dans les esprits d'un grand nombre, et ils ne voulaient plus rien entendre." -- The Review and Herald, 20 novembre 1883; Messenger to the Remnant, 51.. PE XXVIII 4 Mais en 1851, le pasteur White pouvait écrire: "La porte est maintenant ouverte presque partout pour présenter la vérité, et beaucoup de gens sont prêts à lire les imprimés qui auparavant ne les intéressaient pas." -- The Review and Herald, 19 août 1851; Messenger to the Remnant, 51.. PE XXVIII 5 Toutefois, avec ces nouvelles occasions de proclamer le message et ce grand nombre de personnes disposées à l'accepter, des éléments discordants commencèrent à se manifester. Si on ne les avait pas combattus avec énergie, l'oeuvre en aurait grandement souffert. Mais là encore la providence divine guida les croyants, car le 24 décembre 1850, Ellen White eut une vision. Voici ce qu'elle en dit:. PE XXVIII 6 "Je vis combien Dieu est grand et saint. L'ange me dit:. 'Marchez fidèlement devant lui, car son trône est très élevé, et les pans de sa robe remplissent le temple.' J'ai vu que tout dans le ciel est dans un ordre parfait. L'ange ajouta: 'Regarde! Le Christ est la tête, et tout se déplace avec ordre, chaque chose a une signification. Tu vois combien tout est parfait, tout est beau et en ordre dans le ciel; il faut suivre cet ordre.'" -- Manuscrit 11, 1850.. PE XXIX 1 Mais il fallut du temps pour arriver à faire comprendre aux croyants le besoin et la valeur de l'ordre évangélique. Leurs expériences dans les Eglises protestantes dont ils s'étaient séparés les avaient amenés à être très prudents. Sauf dans les cas où l'ordre était indispensable, la crainte du formalisme les empêchait d'adhérer à l'organisation d'une Eglise. Une décennie dut se passer après la vision de 1850 pour que l'idée d'une telle organisation pût être retenue. Un facteur de première importance pour en arriver là fut un article intitulé "L'ordre évangélique", publié dans A Supplement to the Christian Experience and Views of Ellen G. White. On le trouve aujourd'hui dans les Premier écrits, 97-104.. PE XXIX 2 En 1860, en rapport avec l'organisation de l'oeuvre des publications, un nom fut choisi. D'aucuns pensèrent que "Eglise de Dieu" conviendrait, mais la suggestion qui eut le plus de succès fut celle qui voulait un nom déterminant ce que sont nos doctrines, et "Adventistes du Septième Jour" fut adopté. L'année suivante une Fédération était organisée, puis plus tard plusieurs autres. Enfin, au mois de mai 1863, ce fut le tour de la Conférence Générale des Adventistes du Septième Jour d'être organisée, cinq ans après la publication de l'article dont nous avons parlé.. PE XXIX 3 On a parlé du transfert de l'imprimerie de Rochester (New York), à Battle-Creek (Michigan), au mois d'octobre 1855. Frère et soeur White se fixèrent dans cette dernière ville. Puis, quand l'oeuvre y fut bien établie, ils purent continuer à voyager dans le champ. Ce fut lors d'une visite dans. l'Etat de l'Ohio, aux mois de février et de mars 1858, que Mme White eut sa grande vision sur La Tragédie des Siècles. Au mois de septembre de la même année, Spiritual Gifts, vol. I (la grande controverse entre le Christ et ses anges et Satan et ses anges) fut publié. Ce petit livre constitue la troisième et dernière partie des Premiers Ecrits. On trouvera dans l'introduction des détails supplémentaires concernant cette vision. (Voir pages 129-132.). PE XXX 1 Les petits ouvrages des quinze premières années de l'oeuvre littéraire de Mme White devaient être suivis de nombreux grands livres sur des sujets d'importance vitale pour ceux qui gardent les commandements de Dieu et qui ont la foi de Jésus. Le Comité de publication des Ecrits de Mme E. G. White, Washington, D. C., 4 janvier 1962. ------------------------Expérience chrétienne et visions PE 11 1 À la requête d'amis très chers, j'ai consenti à donner une brève esquisse de mon expérience et de mes visions, dans l'espoir d'encourager et d'affermir les enfants de Dieu. PE 11 2 Je me suis convertie à l'âge de onze ans;1 l'année suivante j'étais baptisée et je me joignais à l'Eglise méthodiste. A treize ans, j'assistai à la seconde série de conférences de William Miller à Portland (Maine). Je me rendis compte alors que j'étais loin d'être prête à rencontrer mon Sauveur. Aussi lorsque les pécheurs furent invités à s'avancer pour la prière, je fus l'une des premières à me joindre à eux, car j'étais convaincue qu'une grande oeuvre devait se faire en moi avant de pouvoir être digne d'aller au ciel. Mon âme avait soif du salut, mais j'ignorais comment l'obtenir. PE 11 3 En 1842, je suivis régulièrement les réunions de Portland sur le retour du Christ, et je fus pleinement convaincue que ce retour allait se produire. J'avais faim et soif d'un salut complet, et je voulais vivre selon la volonté de Dieu. Je luttais nuit et jour pour ce trésor inestimable, impossible à acquérir avec toutes les richesses de la terre. Alors que je m'inclinais devant Dieu pour obtenir cette bénédiction, le devoir de me rendre dans une réunion de prière et d'y prendre une part active s'imposa à moi. Jusque-là je n'avais jamais prié en public, et je redoutais cela dans la crainte de m'embrouiller. Mais chaque fois que je me présentais devant le Seigneur pour la prière secrète, ce devoir m'obsédait au point que je cessai de prier. Je tombai dans la mélancolie, et finalement dans un profond désespoir. PE 11 4 Je restai dans cet état d'esprit pendant trois semaines, sans qu'un seul rayon lumineux ne vînt dissiper les ténèbres qui s'amoncelaient autour de moi. J'eus alors deux songes qui me donnèrent une faible lueur d'espoir.1 Je m'en ouvris à ma chère mère, qui m'assura que je n'étais pas perdue, et me conseilla d'aller voir frère Stockman. Celui-ci donnait à ce moment-là une série de réunions pour les adventistes de Portland. Il m'inspirait une grande confiance, car c'était un dévoué serviteur de Dieu. Ses paroles me firent beaucoup de bien et me rendirent l'espoir. Je revins à la maison et je priai le Seigneur, lui promettant de faire et d'endurer tout ce qu'il exigerait de moi, pourvu que le sourire de Jésus réjouisse mon coeur. Le même devoir me fut rappelé. PE 12 1 Le soir de ce même jour, il y avait une réunion de prière, à laquelle j'assistai, et lorsque les personnes présentes s'agenouillèrent, je le fis aussi, mais toute tremblante. Après que quelques-uns eurent prié, j'élevai la voix pour la prière avant de m'en être rendu compte. Les promesses de Dieu me paraissaient être autant de perles précieuses qu'il suffisait de demander pour les recevoir. Pendant ma prière, je fus déchargée du lourd fardeau que j'avais porté si longtemps, et la bénédiction divine descendit sur moi comme une rosée rafraîchissante. Je louai le Seigneur pour ce que je ressentais, mais il me fallait davantage. Je désirais recevoir toute la plénitude de Dieu. L'amour ineffable de Jésus inondait mon âme. Vague après vague de la grâce d'en haut déferlait sur moi, et mon corps se raidit. Tout me paraissait éclipsé par Jésus et sa gloire, et je perdis conscience de ce qui se passait autour de moi. PE 12 2 Je restai dans cet état pendant longtemps, et lorsque je revins à moi, tout me parut changé. Tout me semblait glorieux et nouveau, comme si chaque chose louait Dieu. J'étais alors disposée à confesser Jésus partout. Pendant six mois pas un nuage ne vint obscurcir mon esprit. Mon âme s'abreuvait journellement aux sources du salut. Je pensai que ceux qui aimaient Jésus aimeraient aussi sa venue. J'assistai par conséquent à une réunion méthodiste et je racontai aux membres présents ce que Jésus avait fait pour moi, et combien j'étais heureuse à la pensée que le Seigneur reviendrait bientôt. Mais le directeur du groupe m'interrompit en me disant: "Par le méthodisme." Il m'était impossible de donner gloire au méthodisme, alors que c'étaient le Christ et l'espérance de son retour qui m'avaient libérée. PE 13 1 La plupart des membres de la famille de mon père croyaient fermement au second avènement, et pour avoir rendu témoignage à cette glorieuse doctrine, sept d'entre nous furent rayés des registres de l'Eglise méthodiste. C'est alors que les paroles du prophète nous furent des plus précieuses: "Vos frères, qui vous haïssent et qui vous repoussent à cause de mon nom, ont dit: Que l'Eternel se glorifie, et nous verrons votre joie!... et eux, ils seront honteux." Ésaïe 66:5 (V. Lausanne). PE 13 2 Dès lors, jusqu'au mois de décembre 1844, mes joies, mes épreuves et mes désappointements furent ceux de mes chers amis adventistes qui étaient autour de moi. Je rendis alors visite à une de nos soeurs adventistes, et le matin nous fîmes le culte de famille. Il n'y avait là aucune excitation; nous étions cinq, toutes des femmes. Pendant que je priais, la puissance de Dieu reposa sur moi comme jamais auparavant. Je fus ravie en une vision de la gloire de Dieu. Il me semblait que je m'élevais de plus en plus au-dessus de la terre. Je vis alors le peuple adventiste qui se dirigeait vers la sainte cité, ainsi que je vais le narrer. ------------------------Chapitre 1 -- Ma première vision PE 13 3 Le Seigneur m'ayant montré le peuple adventiste en route pour la sainte cité et la riche récompense réservée à ceux qui attendent leur Seigneur, je crois que c'est mon devoir de donner une courte esquisse de ce que Dieu m'a révélé. Les saints auront de nombreuses épreuves à traverser; mais nos légères afflictions du moment présent produiront pour nous, au-delà de toute mesure, un poids éternel de gloire, parce que nous regardons, non point aux choses visibles, mais à celles qui sont invisibles; car les choses visibles sont passagères, et les invisibles sont éternelles. J'ai essayé de vous faire un bon rapport et de vous ramener quelques grappes de la Canaan céleste, pour lesquelles plusieurs ont voulu me lapider, comme autrefois la congrégation israélite voulut tuer Caleb et Josué lorsqu'ils revinrent du pays de Canaan. Nombres 14:10. Mais je vous déclare, mes frères et mes soeurs dans le Seigneur, que c'est un bon pays et que nous sommes capables de le conquérir. PE 14 1 Alors que je priais au culte de famille, le Saint-Esprit reposa sur moi, et il me semblait m'élever de plus en plus au-dessus de ce monde de ténèbres. Je me détournai pour voir mes frères adventistes restés en ce bas monde, mais je ne pus les découvrir. Une voix me dit alors: "Regarde encore, mais un peu plus haut." Je levai les yeux, et je vis un sentier abrupt et étroit, bien au-dessus de ce monde. C'est là que les adventistes s'avançaient vers la sainte cité. Derrière eux, au début du sentier, il y avait une brillante lumière, que l'ange me dit être le cri de minuit. Cette lumière éclairait le sentier dans toute sa longueur pour que leurs pieds ne s'achoppent pas. Jésus marchait à leur tête pour les guider; et tant qu'ils fixaient les regards sur lui, ils étaient en sécurité. PE 14 2 Mais bientôt quelques-uns se lassèrent et dirent que la cité était encore fort éloignée et qu'ils avaient pensé y arriver plus tôt. Alors Jésus les encouragea en élevant son bras droit glorieux d'où émanait une lumière qui se répandit sur les adventistes. Ceux-ci s'écrièrent: "Alléluia!" Mais certains d'entre eux repoussèrent effrontément cette lumière, en disant que ce n'était pas Dieu qui les avait conduits. La lumière qui était derrière eux finit par s'éteindre, et ils se trouvèrent alors dans de profondes ténèbres. Ils trébuchèrent et perdirent de vue et le but et Jésus, puis tombèrent du sentier et sombrèrent dans le monde méchant qui était au-dessous. PE 15 1 Nous entendîmes bientôt la voix de Dieu, semblable au bruit des grandes eaux, annonçant le jour et l'heure du retour de Jésus. (Voir Appendice.) Les justes vivants, au nombre de 144 000, reconnurent et comprirent la voix, alors que les méchants la prirent pour le tonnerre et un tremblement de terre. Lorsque Dieu annonça le temps, il répandit sur nous le Saint-Esprit. Nos visages en furent illuminés et reflétèrent la gloire divine, comme celui de Moïse alors qu'il descendait du Mont Sinaï. PE 15 2 Les 144 000 étaient tous scellés et parfaitement unis. Sur leur front se lisaient ces mots: "Dieu, nouvelle Jérusalem", et on y voyait une étoile glorieuse contenant le nouveau nom de Jésus. Notre état heureux et saint enflammait la colère des méchants, et ils se précipitèrent sur nous avec violence pour nous appréhender et nous jeter en prison. Nous levâmes la main au nom du Seigneur et ils tombèrent impuissants sur le sol. Alors la synagogue de Satan sut que le Seigneur nous avait aimés, nous qui pouvions nous laver mutuellement les pieds et saluer les frères par un saint baiser. Ils se jetèrent à nos pieds et adorèrent. (Voir Appendice.) PE 15 3 Bientôt nos regards se dirigèrent vers l'Orient, car une petite nuée noire y avait fait son apparition. Elle avait à peu près la grandeur de la moitié de la main, et nous savions tous que c'était le signe du Fils de l'homme. Dans un silence solennel, nous contemplâmes tous la nuée qui descendait. Plus elle s'approchait, plus elle devenait lumineuse et glorieuse, jusqu'à ce qu'elle parut comme une grande nuée blanche. Le bas avait l'apparence du feu; l'arc-en-ciel la surmontait et elle était entourée de milliers d'anges qui exécutaient un chant des plus mélodieux. Le Fils de l'homme était assis sur la nuée. Ses cheveux blancs et bouclés flottaient sur ses épaules, et sa tête était ornée de plusieurs couronnes. Ses pieds avaient l'apparence du feu; dans sa main droite était une faucille tranchante, et dans sa main gauche une trompette d'argent. Ses yeux, semblables à des flammes de feu, transperçaient ses enfants de part en part. PE 16 1 Alors tous les visages pâlirent, et ceux des méchants, que Dieu avait rejetés, devinrent noirs. Nous nous écriâmes tous: "Qui pourra subsister? Ma robe est-elle sans tache?" Les anges suspendirent leur chant, et il y eut un instant de pénible silence, rompu par ces paroles de Jésus: "Ceux qui ont purifié leurs mains et leurs coeurs pourront subsister; ma grâce vous suffit." A ces paroles, nos visages s'illuminèrent et nos coeurs furent remplis d'allégresse. Les anges reprirent leur mélodie sur un ton plus élevé tandis que la nuée se rapprochait davantage de la terre. PE 16 2 Alors la trompette d'argent de Jésus se fit entendre, pendant qu'il descendait sur la nuée, enveloppé de flammes de feu. Ses regards se portèrent sur les sépulcres des saints endormis; puis, levant vers le ciel les mains et les yeux, il s'écria: "Réveillez-vous! Réveillez-vous! Réveillez-vous! vous qui dormez dans la poussière, et levez-vous!" Il y eut alors un grand tremblement de terre. Les tombeaux s'ouvrirent, et les morts en Christ en sortirent, revêtus d'immortalité. Les 144 000 s'écrièrent: "Alléluia!" en reconnaissant leurs amis dont ils avaient été séparés par la mort. Au même instant, nous fûmes tous changés et enlevés avec eux pour aller à la rencontre du Seigneur dans les airs. PE 16 3 Nous entrâmes tous ensemble dans la nuée, et notre ascension pour atteindre la mer de verre dura sept jours. Arrivés là, Jésus, de sa propre main, ceignit nos fronts d'une couronne. Il nous remit des harpes d'or et des palmes de victoire. Les 144 000 formaient un carré parfait sur la mer de verre. Les uns avaient des couronnes plus brillantes que d'autres. Quelques couronnes semblaient chargées d'étoiles, tandis que d'autres n'en avaient que quelques-unes. Tous étaient ravis de leurs couronnes. Ils étaient revêtus de superbes manteaux blancs, tombant des épaules aux pieds. Entourés d'anges, nous nous rendîmes à la porte de la ville à travers la mer de verre. Levant son bras puissant et glorieux, Jésus fit tourner sur ses gonds étincelants la porte de perle, en nous disant: "Vous avez lavé vos robes dans mon sang, vous avez gardé fidèlement ma vérité, entrez!" Nous entrâmes tous avec le sentiment que nous avions droit à ce lieu. PE 17 1 Là, nous vîmes l'arbre de vie et le trône de Dieu. Du trône sortait un fleuve d'eau vive, et sur chaque rive se trouvait l'arbre de vie. D'un côté du fleuve on voyait un tronc; de l'autre, un autre tronc, tous les deux d'or pur et transparent. Je crus d'abord qu'il s'agissait de deux arbres; mais en regardant de plus près, je m'aperçus qu'ils étaient unis dans le haut et n'en formaient qu'un seul. C'était donc l'arbre de vie qui était sur les deux bords du fleuve d'eau vive. Ses branches s'inclinaient sur l'endroit où nous nous trouvions; son fruit était superbe; il avait l'apparence de l'or mêlé à de l'argent. PE 17 2 Nous allâmes tous sous cet arbre, et nous nous assîmes pour contempler la magnificence du lieu. Les frères Fitch et Stockman, qui avaient prêché l'Evangile du royaume et que Dieu avait recueillis dans la tombe pour les sauver, vinrent à nous et nous demandèrent ce qui nous était arrivé pendant leur sommeil. (Voir Appendice.) Nous essayâmes de nous souvenir de nos plus grandes épreuves, mais elles nous parurent si insignifiantes comparées au poids éternel de gloire dont nous étions entourés, que nous ne pûmes rien en dire. Nous nous écriâmes: "Alléluia! Le ciel est bon marché!" Touchant nos harpes d'or, nous en fîmes résonner les voûtes célestes. PE 17 3 Jésus à notre tête, nous quittâmes tous la cité céleste pour la terre. Nous nous posâmes sur une grande et haute montagne, mais elle ne put supporter le poids de Jésus; elle se partagea en deux et il se forma une immense plaine. Portant nos regards en haut, nous vîmes la grande ville aux douze fondements et aux douze portes: trois de chaque côté, et un ange à chacune d'elles. Nous nous écriâmes: "C'est la ville, la grande ville! Elle descend du ciel, d'auprès de Dieu, sur la terre." Et elle se posa à l'endroit où nous étions. Nous nous mîmes à considérer les magnificences qui se trouvaient hors de la ville. J'y vis de superbes maisons, ayant l'apparence de l'argent, supportées par quatre colonnes enchâssées de perles du plus bel effet. C'est là qu'étaient les demeures des saints. Dans chacune d'elles il y avait un rayon d'or. Je vis un grand nombre de saints entrer dans ces maisons, enlever leurs couronnes étincelantes et les déposer sur le rayon. Puis ils s'en allaient dans les champs pour se livrer à quelque occupation. Mais leur travail n'avait aucun rapport avec celui auquel nous nous livrons aujourd'hui. Une lumière éclatante illuminait leur tête, et ils faisaient monter continuellement vers Dieu leurs louanges. PE 18 1 Je vis encore un autre champ rempli de toutes espèces de fleurs. J'en cueillis quelques-unes, et je m'écriai: "Elles ne se faneront jamais!" Je vis ensuite un champ de hautes herbes du plus bel aspect. Elles étaient d'un vert vif, avec des reflets d'argent et d'or, ondulant fièrement à la gloire du Roi Jésus. Puis nous entrâmes dans un champ où se trouvaient toutes espèces d'animaux: le lion, l'agneau, le léopard et le loup. Ils vivaient ensemble en très bonne intelligence. Nous passâmes au milieu d'eux, et ils nous suivirent paisiblement. Nous entrâmes encore dans une forêt, non comme les bois sombres qui existent aujourd'hui, non, non; mais lumineuse et glorieuse. Les branches des arbres se balançaient et nous nous écriâmes: "Nous habiterons en sécurité au désert, et nous dormirons dans les forêts." Nous traversâmes les bois, car c'était le chemin que nous devions suivre pour nous rendre à la montagne de Sion. PE 18 2 Chemin faisant, nous rencontrâmes des gens qui s'extasiaient sur les merveilles du lieu. Je remarquai que leurs vêtements étaient bordés de rouge; leurs couronnes étaient étincelantes; leurs robes, d'une blancheur immaculée. Lorsque nous les saluâmes, je demandai à Jésus qui ils étaient. Il me répondit que c'étaient des martyrs qui avaient donné leur vie pour lui. Avec eux se trouvait une multitude innombrable de petits enfants dont les vêtements étaient aussi bordés de rouge. La montagne de Sion était là devant nous, avec son temple superbe. Autour il y avait sept autres montagnes couvertes de roses et de lis. Je vis les petits enfants en faire l'ascension, ou s'ils le préféraient, employer leurs ailes pour voler au sommet des montagnes et y cueillir des fleurs qui ne se fanent jamais. Autour du temple croissaient des arbres de toutes essences pour orner le lieu: le buis, le pin, le sapin, l'olivier, le grenadier et le figuier chargé de fruits mûrs. Tout cela rendait ce lieu admirable. Alors que nous allions entrer dans le temple, Jésus éleva sa douce voix pour dire: "Seuls les 144 000 peuvent pénétrer ici." Nous nous écriâmes tous: "Alléluia!" PE 19 1 Le temple reposait sur sept colonnes d'or pur et transparent, dans lesquelles étaient enchâssées des perles magnifiques. Je ne saurais décrire toutes les splendeurs que j'y ai vues. Oh, que ne puis-je parler le langage de Canaan! Je pourrais alors donner quelque idée de la gloire d'un monde meilleur. J'y ai vu des tables de pierre où étaient gravés en lettres d'or les noms des 144 000. PE 19 2 Après avoir contemplé la magnificence du temple, nous en sortîmes, et Jésus nous quitta pour se rendre dans la ville. Bientôt, nous entendîmes de nouveau sa voix admirable nous dire: "Venez, vous tous qui faites partie de mon peuple; vous sortez de la grande tribulation; vous avez fait ma volonté, souffert pour moi; venez au souper. Je me ceindrai moi-même et je vous servirai." Nous nous écriâmes: "Alléluia! Gloire!" et nous entrâmes dans la ville. Là, j'aperçus une table d'argent massif. Elle avait plusieurs kilomètres de long, ce qui ne nous empêchait pas de la voir d'un bout à l'autre. J'y vis le fruit de l'arbre de vie, de la manne, des amandes, des figues, des grenades, du raisin et beaucoup d'autres sortes de fruits. Je demandai à Jésus si je pouvais en manger. Il me répondit: "Pas encore. Ceux qui mangent de ces fruits ne sauraient retourner sur la terre. Mais dans peu de temps, si tu es fidèle, tu pourras manger du fruit de l'arbre de vie et boire à la source des eaux vives." Et il ajouta: "Il faut que tu redescendes sur la terre pour dire à d'autres ce que je t'ai révélé." Alors un ange me déposa doucement dans ce monde de ténèbres. PE 20 1 Il me semble parfois que je n'y puis rester plus longtemps. Tout est si triste ici-bas. Je me sens si seule, car j'ai vu un monde meilleur. Oh, que n'ai-je les ailes de la colombe! Je volerais au loin pour trouver le repos! PE 20 2 Après ma vision, tout me semblait changé. Un voile de tristesse recouvrait toutes choses. Oh, que ce monde était sombre! Je versai d'abondantes larmes; je ressentais de la nostalgie. J'avais vu un pays meilleur et celui d'ici-bas ne pouvait plus me satisfaire. PE 20 3 Je racontai ma vision au petit groupe de croyants de Portland, qui fut pleinement convaincu qu'elle venait de Dieu. Ce fut un moment très important. La solennité de l'éternité avait reposé sur nous. Environ une semaine plus tard, le Seigneur me donna une autre vision. Il me montra les épreuves que je devrais subir. Il me fallait relater aux autres ce qui m'était révélé; je rencontrerais beaucoup d'opposition et je serais souvent dans l'angoisse. Mais l'ange me dit: "La grâce de Dieu te suffit; il te soutiendra." PE 20 4 Je fus alors extrêmement troublée. Ma santé laissait beaucoup à désirer, et je n'avais que dix-sept ans. Je savais que plusieurs étaient tombés en cédant à l'orgueil, et je ne devais en aucun cas m'y laisser aller, car Dieu m'abandonnerait, et je serais sûrement perdue. J'implorai le Seigneur et le suppliai de placer ce fardeau sur quelqu'un d'autre, car il me paraissait au-dessus de mes forces. Je restai pendant longtemps prosternée la face contre terre, et tout ce que je pus savoir se résumait en ceci: "Fais connaître aux autres ce que je t'ai révélé." PE 21 1 Dans la vision qui suivit, je demandai instamment au Seigneur que si je devais aller raconter ce qui m'avait été montré, je sois préservée de l'orgueil. Alors il m'assura que ma prière serait exaucée. Si le mal que je redoutais venait à me menacer, il poserait la main sur moi, et je serais atteinte de maladie. L'ange me dit: "Si tu annonces fidèlement les messages qui te sont confiés, si tu persévères jusqu'à la fin, tu mangeras du fruit de l'arbre de vie et tu te désaltéreras à la source des eaux vives." PE 21 2 Mais bientôt on raconta que mes visions n'étaient que du "mesmérisme", et beaucoup d'Adventistes étaient prêts à le croire et à le répéter. Un médecin, célèbre par sa pratique du mesmérisme, affirma que mes visions étaient tout simplement du mesmérisme, que j'étais un très bon sujet et qu'il pouvait m'hypnotiser et me donner une vision. Je lui déclarai que le Seigneur m'avait montré en vision que le mesmérisme venait du diable, du "puits de l'abîme" et qu'il y retournerait bientôt, avec tous ceux qui persévéraient à le pratiquer. (Voir Appendice.) Je lui donnai la permission de m'hypnotiser, s'il le pouvait. Il essaya pendant plus d'une demi-heure, en employant différents moyens, et finalement y renonça. Grâce à ma foi en Dieu je pus lui résister, et tout ce qu'il fit ne m'affecta pas le moins du monde. PE 21 3 Si j'avais une vision dans une réunion, plusieurs disaient que c'était de l'excitation, et que quelqu'un m'hypnotisait. Alors j'allais dans les bois où seul Dieu pouvait me voir et m'entendre. Je l'implorais dans la solitude, et là il me donnait parfois une vision. J'en étais tout heureuse, et je disais à qui voulait l'entendre que Dieu s'était révélé à moi dans un lieu où aucun mortel n'aurait pu m'influencer. Mais d'aucuns affirmaient que je m'hypnotisais moi-même. Oh, pensais-je, est-ce possible que ceux qui se réclament des promesses de Dieu et du salut soient accusés de se mettre sous l'influence impure et condamnable du mesmérisme? Quand nous demandons à notre bon Père qui est dans les cieux de nous donner du pain, ne recevrions-nous qu'une pierre ou un scorpion? Ces accusations me blessaient profondément et me jetaient dans l'angoisse. J'étais bien près du désespoir, car plusieurs voulaient me faire croire qu'il n'y avait pas de Saint-Esprit, et que tout ce qu'avaient éprouvé les hommes de Dieu n'était que du mesmérisme, ou des séductions de Satan. PE 22 1 A cette époque, le fanatisme sévissait dans l'Etat du Maine. Certains s'abstenaient de tout travail, et rejetaient tous ceux qui n'acceptaient pas leurs vues sur ce point et sur d'autres qu'ils considéraient comme des devoirs religieux. Dieu me révéla ces erreurs en vision, et m'envoya vers ceux qui s'égaraient pour les en avertir. Mais plusieurs d'entre eux rejetèrent le message qui leur était adressé, et m'accusèrent de me conformer au monde. D'un autre côté, les Adventistes qui ne l'étaient que de nom me traitaient de fanatique. On m'accusait même, faussement et méchamment, d'être l'instigatrice du fanatisme que je m'efforçais de combattre. (Voir Appendice.) Différentes dates furent fixées pour le retour du Christ; mais Dieu me montra que toutes ces dates étaient fausses, car le temps de détresse doit se produire avant que le Christ revienne, et toutes les dates fixées ne feraient qu'affaiblir la foi du peuple de Dieu. On m'accusa alors d'être comme le méchant serviteur, qui dit en son coeur: "Mon maître tarde à venir." PE 22 2 Tout cela pesait lourdement sur mon coeur, et dans ma confusion j'étais parfois tentée de douter de ma propre expérience. Un matin, au culte de famille, la puissance de Dieu reposa sur moi; mais je m'y opposai, obsédée par la pensée que c'était du mesmérisme. Immédiatement je devins muette, et pendant quelques instants je perdis conscience de ce qui se passait autour de moi. Alors je me rendis compte que je péchais en doutant de la puissance de Dieu, et que c'était pour cela que j'étais devenue muette; ma langue ne devait être déliée que dans vingt-quatre heures. Une carte apparut devant moi, sur laquelle étaient indiqués en lettres d'or les chapitres et les versets de cinquante textes de l'Ecriture.1 Ma vision terminée, je fis signe qu'on m'apportât une ardoise, et j'écrivis que j'étais devenue muette. J'écrivis aussi ce que j'avais vu et je demandai une grande Bible. J'y cherchai rapidement tous les textes que j'avais lus sur la carte. Je fus incapable de parler pendant toute la journée. De bonne heure le lendemain matin, mon âme était remplie de joie; ma langue était déliée et je louai Dieu à haute voix. Je n'osai donc plus douter, ou résister, ne serait-ce qu'un instant, à la puissance de Dieu, quoi que l'on puisse penser de moi. PE 23 1 En 1846, tandis que j'étais à Fairhaven, ma soeur (qui à ce moment-là m'accompagnait habituellement), soeur A., frère G. en moi-même partîmes en bateau à voile pour visiter une famille à West's Island. La nuit tombait quand nous nous embarquâmes. Nous n'étions pas plutôt partis qu'un orage éclata soudainement. Il tonnait, les éclairs sillonnaient le ciel, et la pluie tombait à torrents. Si Dieu ne venait pas à notre secours, il était évident que nous étions perdus. PE 23 2 Je m'agenouillai dans le bateau, et je suppliai le Seigneur de nous délivrer. Et alors que nous étions secoués par les vagues en furie et que l'eau passait sur le pont, je fus ravie en vision. Je vis que tout l'océan sécherait plutôt que de nous faire périr, car mon oeuvre venait à peine de commencer. Ma vision terminée, toutes mes craintes étaient dissipées; nous nous mîmes à chanter et à louer le Seigneur. Notre petit bateau n'était plus qu'un Béthel flottant. Le rédacteur de l'Advent Herald avait écrit que mes visions étaient connues comme étant des "manifestations du mesmérisme". Je demandai alors comment de telles manifestations auraient pu se produire à cette occasion. Frère G. était plus qu'occupé à diriger le bateau. Il avait jeté l'ancre, mais elle ne s'était pas fixée. Notre embarcation était secouée par les vagues et chassée par le vent; il faisait si obscur qu'on n'aurait pas pu voir d'un bout à l'autre du bateau. Mais bientôt l'ancre s'accrocha, et frère G. appela au secours. Il n'y avait que deux maisons sur l'île, et nous étions tout près de l'une d'elles, mais ce n'était pas celle où nous voulions aller. Toute la famille où nous nous rendions dormait, sauf une petite fille qui, providentiellement, avait entendu notre appel. Son père accourut bientôt à notre secours, et nous fit monter dans une petite barque pour atteindre la rive. Nous passâmes la plus grande partie de la nuit à louer Dieu et à le remercier pour sa merveilleuse bonté à notre égard. Textes dont il est fait mention à la page précédente PE 24 1 Et voici, tu seras muet, et tu ne pourras parler jusqu'au jour où ces choses arriveront, parce que tu n'as pas cru à mes paroles, qui s'accompliront en leur temps. Luc 1:20. PE 24 2 Tout ce que le Père a est à moi; c'est pourquoi j'ai dit qu'il prend de ce qui est à moi, et qu'il vous l'annoncera. Jean 16:15. PE 24 3 Et ils furent tous remplis du Saint-Esprit, et se mirent à parler en d'autres langues, selon que l'Esprit leur donnait de s'exprimer. Actes 2:4. PE 24 4 Et maintenant, Seigneur, vois leurs menaces, et donne à tes serviteurs d'annoncer ta parole avec une pleine assurance, en étendant ta main, pour qu'il se fasse des guérisons, des miracles et des prodiges, par le nom de ton saint serviteur Jésus. Quand ils eurent prié, le lieu où ils étaient assemblés trembla; ils furent tous remplis du Saint-Esprit, et ils annonçaient la parole de Dieu avec assurance. Actes 4:29-31. PE 24 5 Ne donnez pas les choses saintes aux chiens, et ne jetez pas vos perles devant les pourceaux, de peur qu'ils ne les foulent aux pieds, ne se retournent et ne vous déchirent. Demandez, et l'on vous donnera; cherchez, et vous Trouverez; frappez, et l'on vous ouvrira. Car quiconque demande reçoit, celui qui cherche trouve, et l'on ouvre à celui qui frappe. Lequel de vous donnera une pierre à son fils, s'il lui demande du pain? Ou, s'il demande un poisson, lui donnera-t-il un serpent? Si donc, méchants comme vous l'êtes, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, à combien plus forte raison votre Père qui est dans les cieux donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui les lui demandent. Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le de même pour eux, car c'est la loi et les prophètes. Gardez-vous des faux prophètes. Ils viennent à vous en vêtements de brebis, mais au dedans ce sont des loups ravisseurs. Matthieu 7:6-12, 15. PE 25 1 Car il s'élèvera de faux Christs et de faux prophètes; ils feront de grands prodiges et des miracles, au point de séduire, s'il était possible, même les élus. Matthieu 24:24. PE 25 2 Ainsi donc, comme vous avez reçu le Seigneur Jésus-Christ, marchez en lui, étant enracinés et fondés en lui, et affermis par la foi, d'après les instructions qui vous ont été données, et abondez en actions de grâces. Prenez garde que personne ne fasse de vous sa proie par la philosophie et par une vaine tromperie, s'appuyant sur la tradition des hommes, sur les rudiments du monde, et non sur Christ. Colossiens 2:6-8. PE 25 3 N'abandonnez donc pas votre assurance, à laquelle est attachée une grande rémunération. Car vous avez besoin de persévérance, afin qu'après avoir accompli la volonté de Dieu, vous obteniez ce qui vous est promis. Encore un peu, un peu de temps: celui qui doit venir viendra, et il ne tardera pas. Et mon juste vivra par la foi; mais, s'il se retire, mon âme ne prend pas plaisir en lui. Nous, nous ne sommes pas de ceux qui se retirent pour se perdre, mais de ceux qui ont la foi pour sauver leur âme. Hébreux 10:35-39. PE 25 4 Car celui qui entre dans le repos de Dieu se repose de ses oeuvres, comme Dieu s'est reposé des siennes. Efforçons-nous donc d'entrer dans ce repos, afin que personne ne tombe en donnant le même exemple de désobéissance. Car la parole de Dieu est vivante et efficace, plus tranchante qu'une épée quelconque à deux tranchants, pénétrante jusqu'à partager âme et esprit, jointures et moelles; elle juge les sentiments et les pensées du coeur. Hébreux 4:10-12. PE 26 1 Je suis persuadé que celui qui a commencé en vous cette bonne oeuvre la rendra parfaite pour le jour de Jésus-Christ. Seulement, conduisez-vous d'une manière digne de l'Evangile de Christ, afin que, soit que je vienne vous voir, soit que je reste absent, j'entende dire de vous que vous demeurez fermes dans un même esprit, combattant d'une même âme pour la foi de l'Evangile, sans vous laisser aucunement effrayer par les adversaires, ce qui est pour eux une preuve de perdition, mais pour vous de salut; et cela de la part de Dieu, car il vous a été fait la grâce, par rapport à Christ, non seulement de croire en lui, mais encore de souffrir pour lui. Philippiens 1:6, 27-29. PE 26 2 Car c'est Dieu qui produit en vous le vouloir et le faire, selon son bon plaisir. Faites toutes choses sans murmures ni hésitations, afin que vous soyez irréprochables et purs, des enfants de Dieu irrépréhensibles au milieu d'une génération perverse et corrompue, parmi laquelle vous brillez comme des flambeaux dans le monde. Philippiens 2:13-15. PE 26 3 Au reste, fortifiez-vous dans le Seigneur, et par sa force toute puissante. Revêtez-vous de toutes les armes de Dieu, afin de pouvoir tenir ferme contre les ruses du diable. Car nous n'avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre les dominations, contre les autorités, contre les princes de ce monde de ténèbres, contre les esprits méchants dans les lieux célestes. C'est pourquoi, prenez toutes les armes de Dieu, afin de pouvoir résister dans le mauvais jour, et tenir ferme après avoir tout surmonté. Tenez donc ferme: ayez à vos reins la vérité pour ceinture; revêtez la cuirasse de la justice; mettez pour chaussure à vos pieds le zèle que donne l'Evangile de paix; prenez par-dessus tout cela le bouclier de la foi, avec lequel vous pourrez éteindre tous les traits enflammés du malin; prenez aussi le casque du salut, et l'épée de l'Esprit, qui est la parole de Dieu. Faites en tout temps par l'Esprit toutes sortes de prières et de supplications. Veillez à cela avec une entière persévérance, et priez pour tous les saints. Ephésiens 6:10-18. PE 26 4 Soyez bons les uns envers les autres, compatissants, vous pardonnant réciproquement, comme Dieu vous a pardonné en Christ. Ephésiens 4:32. PE 27 1 Ayant purifié vos âmes en obéissant à la vérité pour avoir un amour fraternel sincère, aimez-vous ardemment les uns les autres, de tout votre coeur. 1 Pierre 1:22. PE 27 2 Je vous donne un commandement nouveau: Aimez-vous les uns les autres; comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres. A ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l'amour les uns pour les autres. Jean 13:34, 35. PE 27 3 Examinez-vous vous-mêmes, pour savoir si vous êtes dans la foi; éprouvez-vous vous-mêmes. Ne reconnaissez-vous pas que Jésus-Christ est en vous? à moins peut-être que vous ne soyez réprouvés. 2 Corinthiens 13:5. PE 27 4 Selon la grâce de Dieu qui m'a été donnée, j'ai posé le fondement comme un sage architecte, et un autre bâtit dessus. Mais que chacun prenne garde à la manière dont il bâtit dessus. Car personne ne peut poser un autre fondement que celui qui a été posé, savoir Jésus-Christ. Or, si quelqu'un bâtit sur ce fondement avec de l'or, de l'argent, des pierres précieuses, du bois, du foin, du chaume, l'oeuvre de chacun sera manifestée; car le jour la fera connaître, parce qu'elle se révèlera dans le feu, et le feu éprouvera ce qu'est l'oeuvre de chacun. 1 Corinthiens 3:10-13. PE 27 5 Prenez donc garde à vous-mêmes, et à tout le troupeau sur lequel le Saint-Esprit vous a établis évêques, pour paître l'Eglise du Seigneur, qu'il s'est acquise par son propre sang. Je sais qu'il s'introduira parmi vous, après mon départ, des loups cruels qui n'épargneront pas le troupeau, et qu'il s'élèvera du milieu de vous des hommes qui enseigneront des choses pernicieuses, pour entraîner les disciples après eux. Actes 20:28-30. PE 27 6 Je m'étonne que vous vous détourniez si promptement de celui qui vous a appelés par la grâce de Christ, pour passer à un autre Evangile. Non pas qu'il y ait un autre Evangile, mais il y a des gens qui vous troublent, et qui veulent renverser l'Evangile de Christ. Mais, quand nous-mêmes, quand un ange du ciel annoncerait un autre Evangile que celui que nous vous avons prêché, qu'il soit anathème! Nous l'avons dit précédemment, et je le répète à cette heure: si quelqu'un vous annonce un autre Evangile que celui que vous avez reçu, qu'il soit anathème! Galates 1:6-9. PE 28 1 C'est pourquoi tout ce que vous aurez dit dans les ténèbres sera entendu dans la lumière, et ce que vous aurez dit à l'oreille dans les chambres sera prêché sur les toits. Je vous dis, à vous qui êtes mes amis: Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et qui, après cela, ne peuvent rien faire de plus. Je vous montrerai qui vous devez craindre. Craignez celui qui, après avoir tué, a le pouvoir de jeter dans la géhenne; oui, je vous le dis, c'est lui que vous devez craindre. Ne vend-on pas cinq passereaux pour deux sous? Cependant, pas un d'eux n'est oublié devant Dieu. Et même les cheveux de votre tête sont tous comptés. Ne craignez donc point: vous valez plus que beaucoup de passereaux. Luc 12:3-7. PE 28 2 Il donnera des ordres à ses anges à ton sujet, afin qu'ils te gardent; et: Ils te porteront sur les mains, de peur que ton pied ne heurte contre une pierre. Luc 4:10, 11. PE 28 3 Car Dieu, qui a dit: La lumière brillera du sein des ténèbres! a fait briller la lumière dans nos coeurs pour faire resplendir la connaissance de la gloire de Dieu sur la face de Christ. Nous portons ce trésor dans des vases de terre, afin que cette grande puissance soit attribuée à Dieu, et non pas à nous. Nous sommes pressés de toute manière, mais non réduits à l'extrémité; dans la détresse, mais non dans le désespoir; persécutés, mais non abandonnés; abattus, mais non perdus. 2 Corinthiens 4:6-9. PE 28 4 Car nos légères afflictions du moment présent produisent pour nous, au-delà de toute mesure, un poids éternel de gloire, parce que nous regardons, non point aux choses visibles, mais à celles qui sont invisibles; car les choses visibles sont passagères, et les invisibles sont éternelles. Versets 17, 18. PE 28 5 A vous qui, par la puissance de Dieu, êtes gardés par la foi pour le salut prêt à être révélé dans les derniers temps! C'est là ce qui fait votre joie, quoique maintenant, puisqu'il le faut, vous soyez attristés pour un peu de temps par diverses épreuves, afin que l'épreuve de votre foi, plus précieuse que l'or périssable (qui cependant est éprouvé par le feu), ait pour résultat la louange, la gloire et l'honneur, lorsque Jésus-Christ apparaîtra. 1 Pierre 1:5-7. PE 29 1 Car maintenant nous vivons, puisque vous demeurez fermes dans le Seigneur. 1 Thessaloniciens 3:8. PE 29 2 Voici les miracles qui accompagneront ceux qui auront cru: en mon nom, ils chasseront les démons; ils parleront de nouvelles langues; ils saisiront des serpents; s'ils boivent quelque breuvage mortel, il ne leur fera point de mal; ils imposeront les mains aux malades, et les malades seront guéris. Marc 16:17, 18. PE 29 3 Ses parents répondirent: Nous savons que c'est notre fils, et qu'il est né aveugle; mais comment il voit maintenant, ou qui lui a ouvert les yeux, c'est ce que nous ne savons. Interrogez-le lui-même, il a de l'âge, il parlera de ce qui le concerne. Ses parents dirent cela parce qu'ils craignaient les Juifs; car les Juifs étaient déjà convenus que, si quelqu'un reconnaissait Jésus pour le Christ, il serait exclu de la synagogue. C'est pourquoi ses parents dirent: Il a de l'âge, interrogez-le lui-même. Les pharisiens appelèrent une seconde fois l'homme qui avait été aveugle, et ils lui dirent: Donne gloire à Dieu; nous savons que cet homme est un pécheur. Il répondit: S'il est un pécheur, je ne sais; je sais une chose, c'est que j'étais aveugle et que maintenant je vois. Ils lui dirent: Que t'a-t-il fait? Comment t'a-t-il ouvert les yeux? Il leur répondit: Je vous l'ai déjà dit, et vous n'avez pas écouté; pourquoi voulez-vous l'entendre encore? Voulez-vous aussi devenir ses disciples? Jean 9:20-27. PE 29 4 Et tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils. Si vous demandez quelque chose en mon nom, je le ferai. Si vous m'aimez, gardez mes commandements. Jean 14:13-15. PE 29 5 Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez ce que vous voudrez, et cela vous sera accordé. Si vous portez beaucoup de fruits, c'est ainsi que mon Père sera glorifié, et que vous serez mes disciples. Jean 15:7, 8. PE 29 6 Il se trouva dans leur synagogue un homme qui avait un esprit impur, et qui s'écria: Qu'y a-t-il entre nous et toi, Jésus de Nazareth? Tu es venu pour nous perdre. Je sais qui tu es: le Saint de Dieu. Jésus le menaça, disant: Tais-toi, et sors de cet homme. Marc 1:23-25. PE 30 1 Car j'ai l'assurance que ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni les choses présentes ni les choses à venir, ni les puissances, ni la hauteur ni la profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ notre Seigneur. Romains 8:38, 39. PE 30 2 Ecris à l'ange de l'Eglise de Philadelphie: Voici ce que dit le Saint, le Véritable, celui qui a la clef de David, celui qui ouvre, et personne ne fermera, celui qui ferme, et personne n'ouvrira: Je connais tes oeuvres. Voici, parce que tu as peu de puissance, et que tu as gardé ma parole, et que tu n'as pas renié mon nom, j'ai mis devant toi une porte ouverte, que personne ne peut fermer. Voici, je te donne de ceux de la synagogue de Satan, qui se disent Juifs et ne le sont pas, mais qui mentent; voici, je les ferai venir, se prosterner à tes pieds, et connaître que je t'ai aimé. Parce que tu as gardé la parole de la persévérance en moi, je te garderai aussi à l'heure de la tentation qui va venir sur le monde entier, pour éprouver les habitants de la terre. Je viens bientôt. Retiens ce que tu as, afin que personne ne prenne ta couronne. Celui qui vaincra, je ferai de lui une colonne dans le temple de mon Dieu, et il n'en sortira plus; j'écrirai sur lui le nom de mon Dieu, et le nom de la ville de mon Dieu, de la nouvelle Jérusalem qui descend du ciel d'auprès de mon Dieu, et mon nom nouveau. Que celui qui a des oreilles entende ce que l'Esprit dit aux Eglises. Apocalypse 3:7-13. PE 30 3 Ce sont ceux qui ne se sont pas souillés avec des femmes, car ils sont vierges; ils suivent l'agneau partout où il va. Ils ont été rachetés d'entre les hommes, comme des prémices pour Dieu et pour l'agneau; et dans leur bouche il ne s'est point trouvé de mensonge, car ils sont irrépréhensibles. Apocalypse 14:4, 5. PE 30 4 Mais notre cité à nous est dans les cieux, d'où nous attendons aussi comme Sauveur le Seigneur Jésus-Christ. Philippiens 3:20. PE 30 5 Soyez donc patients, frères, jusqu'à l'avènement du Seigneur. Voici, le laboureur attend le précieux fruit de la terre, prenant patience à son égard, jusqu'à ce qu'il ait reçu les pluies de la première et de l'arrière-saison. Vous aussi, soyez patients, affermissez vos coeurs, car l'avènement du Seigneur est proche. Jacques 5:7, 8. PE 31 1 Qui transformera le corps de notre humiliation, en le rendant semblable au corps de sa gloire, par le pouvoir qu'il a de s'assujettir toutes choses. Philippiens 3:21. PE 31 2 Je regardai, et voici, il y avait une nuée blanche, et sur la nuée était assis quelqu'un qui ressemblait à un fils d'homme, ayant sur sa tête une couronne d'or, et dans sa main une faucille tranchante. Et un autre ange sortit du temple, criant d'une voix forte à celui qui était assis sur la nuée: Lance ta faucille, et moissonne; car l'heure de moissonner est venue, car la moisson de la terre est mûre. Et celui qui était assis sur la nuée jeta sa faucille sur la terre. Et la terre fut moissonnée. Et un autre ange sortit du temple qui est dans le ciel, ayant, lui aussi, une faucille tranchante. Apocalypse 14:14-17. PE 31 3 Il y a donc un repos de sabbat réservé au peuple de Dieu. Hébreux 4:9. PE 31 4 Et je vis descendre du ciel, d'auprès de Dieu, la ville sainte, la nouvelle Jérusalem, préparée comme une épouse qui s'est parée pour son époux. Apocalypse 21:2. PE 31 5 Je regardai, et voici, l'agneau se tenait sur la montagne de Sion, et avec lui cent quarante-quatre mille personnes, qui avaient son nom et le nom de son Père écrits sur leurs fronts. Apocalypse 14:1. PE 31 6 Et il me montra un fleuve d'eau de la vie, limpide comme du cristal, qui sortait du trône de Dieu et de l'agneau. Au milieu de la place de la ville et sur les deux bords du fleuve, il y avait un arbre de vie, produisant douze fois des fruits, rendant son fruit chaque mois, et dont les feuilles servaient à la guérison des nations. Il n'y aura plus d'anathème. Le trône de Dieu et de l'agneau sera dans la ville; ses serviteurs le serviront et verront sa face, et son nom sera sur leurs fronts. Il n'y aura plus de nuit; et ils n'auront besoin ni de lampe ni de lumière, parce que le Seigneur Dieu les éclairera. Et ils régneront aux siècles des siècles. Apocalypse 22:1-5. ------------------------Chapitre 2 -- Visions subsequentes PE 32 1 Le Seigneur me donna la vision suivante en 1847, alors que les frères étaient rassemblés le sabbat, à Topsham (Maine). PE 32 2 Nous ressentions un vif besoin de prier, et alors que nous étions en prière le Saint-Esprit descendit sur nous. Nous en étions très heureux. Bientôt je perdis de vue les choses terrestres, et je fus ravie en vision. Je vis un ange qui volait rapidement vers moi. Il me transporta de la terre à la sainte cité. Là, je vis un temple dans lequel j'entrai. Je passai par une porte et je me trouvai devant le premier voile. Ce voile fut soulevé, et j'entrai dans le lieu saint. J'y vis l'autel de l'encens, le chandelier à sept branches et la table des pains de proposition. Après avoir vu la gloire du lieu saint, le second voile ayant été soulevé par Jésus, je pénétrai dans le lieu très saint. PE 32 3 Dans le lieu très saint je vis une arche; le haut et les côtés étaient composés de l'or le plus pur. A chaque extrémité de l'arche il y avait un chérubin, les ailes déployées. Leurs faces étaient tournées l'une vers l'autre, et leurs yeux étaient baissés. Entre les anges on voyait un encensoir d'or. Au-dessus de l'arche, où se trouvaient les anges, il y avait une lumière éclatante, qui apparaissait comme un trône où Dieu habitait. Jésus se tenait près de l'arche, et lorsque les prières des saints montaient vers lui, l'encens fumait dans l'encensoir, et il offrait ces prières avec la fumée de l'encens à son Père. Dans l'arche il y avait un vase de manne, la verge d'Aaron qui avait fleuri, et les tables de pierre, qui ressemblaient à un livre. Jésus les sépara, et je vis les dix commandements écrits du doigt même de Dieu. Il y avait quatre commandements sur une table et six sur l'autre. Ceux de la première table étaient plus lumineux que les six autres. Mais le quatrième, celui du sabbat, brillait davantage encore que tous les autres; car le sabbat a été mis à part pour être gardé en l'honneur du nom du Dieu saint. Le saint sabbat paraissait glorieux -- un halo lumineux l'entourait. Je vis que le commandement du sabbat n'avait pas été cloué à la croix. Si cela avait été le cas, les neuf autres l'auraient aussi été; et nous serions libres de les violer tous, de même que le quatrième. Je vis que Dieu n'avait pas changé le sabbat, car Dieu ne change jamais. Mais le pape, lui, a changé le septième jour au premier jour de la semaine; car il voulait changer les temps et la loi. PE 33 1 Et je vis que si Dieu avait changé le sabbat du septième jour au premier jour de la semaine, il aurait changé le commandement qu'il avait écrit sur les tables de pierre, qui sont maintenant dans l'arche du lieu très saint du temple qui est dans les cieux. Il l'aurait ainsi modifié: "Le premier jour est le jour du repos de l'Eternel, ton Dieu." Mais je vis qu'il n'avait pas changé depuis le jour où il fut écrit par le doigt même de Dieu sur les tables de pierre données à Moïse sur le mont Sinaï: "Le septième jour est le jour du repos de l'Eternel, ton Dieu." Je vis que le saint sabbat est, et restera, le mur de séparation entre le véritable Israël de Dieu et les incroyants; et que le sabbat est la grande vérité qui unira les coeurs des enfants de Dieu. PE 33 2 Je vis que Dieu avait des enfants qui ne connaissaient pas encore le sabbat et, par conséquent, ne l'observaient pas. Ils n'avaient pas rejeté la lumière à cet égard. Et au commencement du temps de détresse, nous étions remplis du Saint-Esprit alors que nous partions ensemble proclamer la vérité du sabbat.1 Les Eglises et les soi-disant Adventistes étaient furieux de ne pouvoir réfuter cette vérité. (Voir Appendice.) A ce moment-là, les élus de Dieu virent clairement que nous étions dans la vérité; ils se joignirent à nous et souffrirent la persécution. Je vis l'épée, la famine, la peste et une grande confusion dans le pays. Les méchants nous accusèrent d'avoir attiré sur eux ces calamités, ils se levèrent et se concertèrent pour débarrasser la terre d'êtres tels que nous, dans l'espoir d'enrayer le mal. PE 34 1 Pendant le temps de détresse, nous nous enfuîmes tous des villes et des villages, mais nous fûmes poursuivis par les méchants, qui entraient dans les maisons des saints munis d'une épée. Ils levaient celle-ci sur nous pour nous tuer, mais elle se brisait comme un fétu de paille. Alors nous criâmes tous jour et nuit pour obtenir la délivrance, et nos cris parvinrent jusqu'à Dieu. Le soleil apparut, et la lune s'arrêta. Les cours d'eau cessèrent de couler; de lourds nuages noirs s'amoncelèrent dans le ciel et se heurtèrent les uns les autres. Mais on voyait un endroit lumineux, glorieux, d'où l'on entendait la voix de Dieu semblable aux grandes eaux, qui secouait le ciel et la terre. Le ciel s'ouvrait et se refermait, ébranlé. Les montagnes étaient agitées comme les roseaux par le vent, ce qui projetait des rochers un peu partout. La mer semblait en ébullition et rejetait des pierres sur le rivage. Alors Dieu annonça le jour et l'heure de la venue de Jésus, et rappela à son peuple l'alliance éternelle. Il prononçait une phrase, puis faisait une pause, tandis que les mots résonnaient sur la terre. L'Israël de Dieu avait les yeux fixés en haut, écoutant les paroles qui provenaient de la bouche de Jéhovah, parcourant la terre comme des éclats de tonnerre. C'était une scène solennelle. A la fin de chaque phrase les saints s'écriaient: "Gloire! Alléluia!" Leurs traits étaient éclairés par la gloire de Dieu, et ils en étaient illuminés comme le visage de Moïse lorsqu'il descendit de la montagne du Sinaï. Les méchants ne pouvaient arrêter les regards sur eux à cause de cette gloire. Et lorsqu'une bénédiction éternelle fut prononcée sur ceux qui avaient honoré Dieu en observant son saint sabbat, il y eut un puissant cri de victoire sur la bête et son image. PE 34 2 Alors commença le jubilé, quand le pays devait se reposer. Je vis les esclaves pieux se lever en poussant des cris de victoire et de triomphe, et secouer leurs chaînes, tandis que leurs maîtres méchants étaient dans la confusion, ne sachant que faire; car les impies ne pouvaient comprendre les paroles prononcées par la voix de Dieu. Bientôt apparut la grande nuée blanche. Elle paraissait plus belle que jamais. Sur la nuée était assis le Fils de l'homme. Tout d'abord nous ne vîmes pas Jésus sur la nuée, mais à mesure qu'elle s'approchait nous pouvions contempler sa personne adorable. Cette nuée, lorsqu'elle apparut, était le signe du Fils de l'homme dans le ciel. La voix du Fils de Dieu appela les saints endormis pour les revêtir d'immortalité. Les saints vivants furent changés en un instant, et tous montèrent ensemble sur le chariot formé par la nuée, qui resplendissait de gloire pendant qu'il s'élevait. Ce chariot avait des ailes de chaque côté et sous les roues. A mesure qu'il montait, les roues criaient: "Saint!" Les anges qui l'accompagnaient criaient: "Saint, saint, saint est le Seigneur Dieu tout-puissant!" Les saints qui étaient sur la nuée criaient: "Gloire! Alléluia!" Et le chariot montait vers la sainte cité. Jésus ouvrit les portes de la cité d'or, et nous fit entrer. Là, nous reçûmes l'accueil le plus chaleureux, car nous avions gardé les "commandements de Dieu"; nous avions "droit à l'arbre de vie". ------------------------Chapitre 3 -- Le scellement PE 36 1 Le 5 janvier 1849, au commencement du saint sabbat, alors que nous étions en prière, avec la famille Belden, à Rocky Hill (Connecticut), le Saint-Esprit descendit sur nous. Je fus transportée en vision dans le lieu très saint du sanctuaire céleste, et là je vis Jésus qui intercédait encore pour Israël. Au bas de sa robe il y avait une clochette et une grenade. Je vis qu'il ne quitterait pas ce lieu avant qu'il ait été décidé de chaque cas, soit pour le salut, soit pour la destruction. La colère de Dieu ne devait pas se déchaîner jusqu'à ce que le Sauveur eût achevé son oeuvre dans le lieu très saint, déposé ses vêtements sacerdotaux et revêtu ses vêtements de vengeance. Alors Jésus cessera son oeuvre de médiateur entre le Père et l'homme; Dieu ne gardera plus le silence, mais il déchaînera sa colère contre les nations qui ont rejeté sa vérité. Je vis que l'irritation des nations, la colère de Dieu et le temps de juger les morts étaient des choses distinctes, l'une suivant l'autre; que Michael ne s'était pas encore levé, et que le temps de détresse, tel qu'il n'y en a jamais eu, n'avait pas encore commencé. Aujourd'hui les nations sont irritées, mais lorsque notre grand prêtre aura achevé son oeuvre dans le sanctuaire, il se lèvera, revêtira ses vêtements de vengeance, et alors les sept derniers fléaux seront versés sur la terre. PE 36 2 Je vis que les quatre anges retenaient les quatre vents jusqu'à ce que l'oeuvre de Jésus dans le sanctuaire soit terminée; alors tombèrent les sept fléaux. Ceux-ci rendirent les méchants furieux contre les justes. Ils croyaient que nous avions attiré sur eux les jugements de Dieu. S'ils pouvaient, pensaient-ils, débarrasser la terre de gens tels que nous, ces fléaux cesseraient. Un décret fut promulgué ordonnant l'extermination des saints, ce qui amena ceux-ci à crier jour et nuit pour obtenir la délivrance. C'était le temps de détresse de Jacob. Tous les saints, dans l'angoisse, implorèrent le Seigneur, et il les délivra par sa voix puissante. Les 144 000 triomphèrent; leurs visages étaient illuminés de la gloire de Dieu. Je vis ensuite un groupe de personnes qui poussaient des cris de désespoir. Sur leurs vêtements étaient écrits ces mots en gros caractères: "Tu as été pesé dans la balance, et trouvé trop léger." Je demandai ce qu'était ce groupe. L'ange me répondit: "Ce sont ceux qui ont gardé le sabbat pendant un certain temps et l'ont abandonné." Je les entendis crier: "Nous avons cru à ta venue et nous l'avons même enseignée avec zèle." Et tout en criant, ils regardaient leurs vêtements et lisaient ce qui y était écrit, ce qui faisait redoubler leurs sanglots. Je vis qu'ils avaient bu aux eaux profondes, et contaminé le résidu avec leurs pieds -- foulé aux pieds le sabbat. C'est pourquoi ils avaient été pesés dans la balance et trouvés trop légers. PE 37 1 Ensuite l'ange qui m'accompagnait me conduisit de nouveau vers la cité où je vis quatre anges qui volaient vers la porte. Ils venaient de présenter une carte d'or à l'ange qui se tenait là, quand je vis un autre ange volant rapidement dans la direction de la gloire la plus excellente, et criant à haute voix aux autres anges en agitant de haut en bas quelque chose qu'il tenait dans la main. Je demandai à mon ange de m'expliquer ce que je voyais. Il me répondit que je n'en pouvais savoir davantage pour l'instant, mais qu'il me montrerait bientôt ce que ces choses signifiaient. PE 37 2 Le sabbat après-midi un de nos frères qui était malade demanda que l'on prie pour lui, afin d'obtenir la guérison. Nous nous unîmes donc tous pour implorer le grand Médecin dont les soins sont toujours efficaces. Et tandis que la puissance guérissante se faisait sentir et que le malade était guéri, l'Esprit de Dieu reposa sur moi, et je fus ravie en vision. PE 37 3 Je vis quatre anges qui se préparaient à réaliser l'oeuvre qu'ils étaient chargés d'accomplir sur la terre. Jésus était revêtu de ses habits sacerdotaux. Il regarda avec compassion les élus (le reste fidèle), éleva les mains, et s'écria d'une voix émue: "Mon sang, Père, mon sang, mon sang, mon sang!" Je vis alors une lumière resplendissante venant de Dieu assis sur le grand trône blanc, et elle environna Jésus. Puis je vis un ange, auquel Jésus avait confié une mission, voler rapidement vers les autres anges qui avaient une oeuvre à faire sur la terre, et, agitant de haut en bas quelque chose qu'il tenait dans la main, il cria d'une voix forte: "Retenez, retenez, retenez, retenez les quatre vents jusqu'à ce que les serviteurs de Dieu soient scellés au front." PE 38 1 Je demandai à l'ange qui m'accompagnait ce que signifiait ce que j'avais entendu, et ce qu'allaient faire les quatre anges. Il me répondit que c'était Dieu qui retenait les puissances, et qu'il avait donné à ses anges le pouvoir sur les choses de la terre; que les autres anges avaient reçu de Dieu le pouvoir de retenir les quatre vents, mais qu'ils étaient sur le point de les lâcher. Et alors que leurs mains étaient prêtes à le faire, et que les quatre vents allaient souffler sur la terre, l'oeil miséricordieux de Jésus se posa sur le reste qui n'était pas encore scellé, et il leva ses mains vers le Père pour plaider en leur faveur, en disant qu'il avait répandu son sang pour eux. Puis un autre ange reçut la mission de voler rapidement vers les quatre anges. Il leur demanda de retenir les vents jusqu'à ce que les serviteurs de Dieu soient scellés au front du sceau du Dieu vivant. ------------------------Chapitre 4 -- L'amour de Dieu pour son peuple PE 39 1 J'ai vu le tendre amour que Dieu a pour son peuple, et je puis dire qu'il est incommensurable. J'ai vu des anges aux ailes déployées au-dessus des saints. Chaque saint avait un ange qui l'accompagnait. Si les saints pleuraient par suite de découragement, ou étaient en danger, les anges qui les accompagnaient constamment volaient rapidement pour en transmettre la nouvelle, et les anges qui étaient dans la cité cessaient leurs chants. Alors Jésus chargeait un autre ange de descendre pour les encourager, veiller sur eux et s'efforcer de les retenir dans l'étroit sentier. Mais si les saints se désintéressaient de ce que faisaient les anges pour leur venir en aide, s'ils refusaient leur réconfort et persévéraient dans leurs égarements, les anges en éprouvaient de la peine et pleuraient. Ils portaient la nouvelle en haut, et tous les anges de la cité versaient des larmes; puis à haute voix disaient: "Amen". Mais si les saints fixaient les regards sur le prix qui était devant eux et glorifiaient Dieu en le louant, alors les anges en portaient la bonne nouvelle dans la cité, et les anges qui étaient dans la cité touchaient leurs harpes d'or, en s'écriant: "Alléluia!" Les voûtes des cieux résonnaient de leurs chants joyeux. PE 39 2 Il règne dans la sainte cité une harmonie et un ordre parfaits. Tous les anges ayant pour mission de visiter la terre possèdent une carte d'or, qu'ils présentent en entrant et en sortant aux portes de la cité. Le ciel est un endroit délicieux. Je languis d'y être, afin de contempler mon Sauveur adorable qui donna sa vie pour moi, et d'être transformée à son image glorieuse. Oh, que ne puis-je décrire la gloire du monde futur! J'ai soif de l'eau vive du fleuve dont les courants réjouissent la cité de Dieu. PE 39 3 Le Seigneur m'a donné une vision des autres mondes. Des ailes me furent données, et un ange me conduisit dans un lieu brillant et glorieux. L'herbe était d'un vert vif, et les oiseaux gazouillaient un doux chant. Les habitants étaient de toutes les tailles: nobles, majestueux, beaux. Ils portaient l'empreinte de Jésus, et leurs visages exprimaient par une sainte joie la liberté et le bonheur qui régnaient dans ce lieu. Je demandai à l'un d'entre eux pourquoi ils étaient tellement plus beaux que ceux qui étaient sur la terre. Il me répondit: "Nous avons suivi strictement les commandements de Dieu, nous n'avons pas connu la désobéissance comme les habitants de la terre." Puis je vis deux arbres; l'un ressemblait à l'arbre de vie qui était dans la cité. Le fruit des deux semblait beau, mais les habitants ne pouvaient manger des deux, l'un leur étant interdit. Alors l'ange qui m'accompagnait me dit: "Personne ici n'a jamais goûté au fruit défendu. Si les habitants le faisaient, ils tomberaient." PE 40 1 Ensuite je fus conduite dans un monde qui avait sept lunes. Là, je vis le bon vieil Enoch, qui avait été transporté au ciel. Il tenait à la main droite une palme glorieuse; sur chaque feuille était écrit: "Victoire". Il avait autour de la tête une magnifique guirlande de feuilles blanches, et au milieu de chacune d'elles était écrit: "Pureté"; autour de la guirlande se trouvaient des pierres de couleurs variées, plus brillantes que les étoiles, projetant leur lumière sur les lettres et les embellissant. Derrière sa tête il y avait un noeud attaché à la guirlande, où il était écrit: "Sainteté"; et au-dessus de la guirlande, une belle couronne plus brillante que le soleil. Je lui demandai si c'était là qu'il avait été amené en quittant la terre. Il me répondit: "Non, la cité est ma demeure, je suis venu visiter ce lieu." Il évoluait là comme s'il avait été chez lui. Je demandai à l'ange qui m'accompagnait de me laisser là, tant je redoutais de revenir dans ce monde de ténèbres. L'ange me répondit: "Tu dois retourner sur la terre, mais si tu es fidèle, toi et les 144 000, vous aurez le privilège de visiter tous les mondes et de contempler les oeuvres de Dieu." ------------------------Chapitre 5 -- Les puissances des cieux seront ebranlées PE 41 1 Le 16 décembre 1848, le Seigneur me donna une vision de l'ébranlement des puissances des cieux. Je vis que lorsque le Seigneur dit "cieux", en donnant les signes rapportés par Matthieu, Marc et Luc, il veut dire cieux, et lorsqu'il dit "terre" il veut dire terre. Les puissances des cieux sont le soleil, la lune et les étoiles; elles règnent dans les cieux. Les puissances terrestres sont celles qui règnent sur la terre. Les premières seront ébranlées à la voix de Dieu: alors le soleil, la lune et les étoiles changeront de place. Ces astres ne seront pas anéantis, mais ils seront secoués par la voix de Dieu. PE 41 2 De gros nuages s'amoncelèrent, s'entrechoquant les uns les autres. L'atmosphère se partagea et recula. Alors nous pûmes regarder par une ouverture du côté de l'Orion, d'où l'on entendait la voix de Dieu. C'est par cette ouverture que descendra la sainte cité. Je vis que les puissances terrestres sont maintenant ébranlées, et que les événements vont se succéder rapidement. La guerre, les rumeurs de guerre, l'épée, la famine et la peste secoueront d'abord les puissances de la terre, puis la voix de Dieu secouera le soleil, la lune et les étoiles, ainsi que cette terre. Je vis que l'ébranlement des puissances en Europe n'est pas, comme l'enseignent certains, l'ébranlement des puissances des cieux, mais l'ébranlement des nations courroucées. ------------------------Chapitre 6 -- La porte ouverte et la porte fermée PE 42 1 Le sabbat 24 mars 1849, nous eûmes avec les frères de Topsham (Maine) une très bonne réunion. Le Saint-Esprit descendit sur nous, et je fus transportée dans la cité du Dieu vivant. Là, il me fut montré que les commandements de Dieu et le témoignage de Jésus-Christ relatif à la porte fermée ne pouvaient être séparés, et que l'époque où le peuple de Dieu accorderait aux commandements toute leur importance et serait persécuté à cause de la vérité du sabbat n'était autre que celle où la porte fut ouverte dans le lieu très saint du sanctuaire céleste, où se trouve l'arche qui contient les dix commandements. Cette porte ne fut ouverte que lorsque Jésus eut achevé sa médiation dans le lieu saint en 1844. C'est alors que le Sauveur se leva, ferma la porte du lieu saint, ouvrit la porte du lieu très saint, et pénétra au-delà du second voile, où il se tient maintenant à côté de l'arche. C'est là que peut l'atteindre la foi d'Israël. PE 42 2 Je vis que Jésus avait fermé la porte du lieu saint, et que personne ne pouvait la rouvrir; qu'il avait ouvert la porte du lieu très saint, et que personne ne pouvait la fermer.1 Apocalypse 3:7, 8. Depuis que le Sauveur a ouvert la porte du lieu très saint, où se trouve l'arche, les commandements de Dieu ont resplendi sur ses enfants, qui sont éprouvés à cause de la question du sabbat. PE 42 3 J'ai vu que cette épreuve du sabbat ne pouvait s'appliquer aussi longtemps que durait la médiation de Jésus dans le lieu saint ni avant qu'il ait pénétré au-delà du second voile. C'est ce qui explique que les chrétiens qui se sont endormis avant que la porte fût ouverte dans le lieu très saint, alors que le cri de minuit se terminait, au septième mois, en 1844, et qui n'avaient pas observé le sabbat, reposent maintenant dans l'espérance; car ils n'avaient pas la lumière sur la vérité du sabbat que nous avons depuis que cette porte a été ouverte. J'ai vu que Satan tentait quelques enfants de Dieu sur ce point. Parce que tant de chrétiens se sont endormis dans le triomphe de la foi, sans avoir gardé le vrai sabbat, ils doutaient que nous soyons maintenant dans l'obligation de l'observer. PE 43 1 Les ennemis de la vérité présente ont essayé de rouvrir la porte du lieu saint, que Jésus avait fermée, et de fermer la porte du lieu très saint, que Jésus avait ouverte en 1844, où se trouve l'arche contenant les deux tables de pierre sur lesquelles sont gravés par le doigt de Dieu les dix commandements. Actuellement, pendant le scellement, Satan déploie tous ses artifices pour détourner le peuple de Dieu de la vérité présente et le faire hésiter. J'ai vu que Dieu avait jeté un manteau sur son peuple, afin de le protéger pendant le temps de trouble; et que toute âme qui a accepté la vérité et dont le coeur est pur, sera couverte par le manteau du Tout-Puissant. PE 43 2 Satan n'ignorait pas tout cela, et il mettait tout en oeuvre pour détourner le plus possible de gens de la vérité. J'ai vu que les mystérieux frappements de New York et d'ailleurs étaient dus à la puissance de Satan, et qu'ils deviendraient de plus en plus communs. Ils revêtiraient le manteau de la religion pour tranquilliser tous ceux qui se laisseraient séduire par leurs manifestations et pour gagner si possible le peuple de Dieu, en l'amenant à douter des enseignements et de la puissance du Saint-Esprit.1 PE 43 3 J'ai vu que Satan travaillait par ses suppôts de bien des manières, qu'il était à l'oeuvre par des pasteurs qui ont repoussé la vérité et se sont laissés séduire au point de croire au mensonge et de se perdre. Alors qu'ils prêchaient ou priaient, quelques-uns d'entre eux tombaient prostrés sur le sol, inanimés, non par la puissance du Saint-Esprit, mais par celle de Satan qui agissait par ses suppôts et par eux sur les gens. Alors qu'ils prêchaient, priaient ou parlaient, quelques soi-disant adventistes, qui avaient repoussé la vérité présente, se servaient du "mesmérisme" pour gagner des adhérents. Les gens se réjouissaient de cette influence, car ils croyaient que c'était celle du Saint-Esprit. Quelques-uns parmi ceux qui faisaient cela étaient plongés dans les ténèbres et s'étaient laissés séduire par le diable au point de croire qu'ils étaient animés de la puissance d'en haut. Ils avaient rabaissé Dieu à leur niveau, et ils réduisaient sa puissance à néant. (Voir Appendice.) PE 44 1 Certains suppôts de Satan s'attaquaient aux corps de quelques saints, -- ceux qu'ils ne pouvaient séduire ni détourner de la vérité par une influence maléfique. Oh, que j'aimerais que tous puissent voir cela comme je l'ai vu, afin de mieux connaître les ruses de Satan et de se tenir sur leurs gardes! J'ai vu que Satan était ainsi à l'oeuvre pour distraire, séduire et décourager le peuple de Dieu au moment même du scellement. J'ai vu que certains croyants n'étaient pas fermes dans la vérité présente. Leurs genoux étaient chancelants et leurs pieds glissaient parce qu'ils ne reposaient pas solidement sur le terrain de la vérité; le manteau du Tout-Puissant ne pouvait pas les couvrir aussi longtemps qu'ils chancelaient ainsi. PE 44 2 Satan faisait l'impossible pour les retenir là où ils étaient, jusqu'à ce que le temps du scellement soit passé et le manteau de Dieu jeté sur son peuple. Rien ne pourra plus alors les préserver de l'ardente colère divine, mise en évidence par les sept derniers fléaux. Dieu a commencé de jeter son manteau sur son peuple, qui pourra ainsi trouver un abri au jour du carnage. Le Seigneur agira puissamment en faveur des siens; mais il sera aussi permis à Satan de poursuivre son oeuvre maléfique. PE 44 3 J'ai vu que les signes mystérieux et extraordinaires, ainsi que les fausses réformes se multipliaient un peu partout. Les réformes cui m'ont été montrées ne consistaient pas à combattre l'erreur au profit de la vérité. L'ange qui m'accompagnait me dit de regarder si les hommes se souciaient encore du salut des âmes. Je regardai, mais je ne vis rien; car le temps de leur salut était passé.1 ------------------------Chapitre 7 -- L'épreuve de notre foi PE 46 1 En ce temps d'épreuve, nous avons besoin de nous encourager et de nous réconforter les uns les autres. Les tentations de Satan sont plus grandes que jamais, car il sait que son temps est court et que bientôt chaque cas sera décidé, ou pour la vie ou pour la mort. Ce n'est donc pas le moment de sombrer dans le découragement et dans l'épreuve. Nous devons triompher de toutes nos afflictions, et nous confier entièrement au puissant Dieu de Jacob. Le Seigneur m'a montré que sa grâce est suffisante dans toutes nos épreuves; et bien que celles-ci soient plus grandes que jamais, si nous manifestons une confiance absolue en Dieu, nous pourrons par sa grâce en sortir victorieux. PE 46 2 Si nous triomphons des épreuves et si nous remportons la victoire sur les tentations de Satan, alors nous endurerons "l'épreuve de notre foi, plus précieuse que l'or", et nous serons plus forts et mieux préparés pour affronter celles qui viendront encore. Mais si nous succombons aux tentations de Satan, nous nous affaiblirons, nous n'obtiendrons aucun bénéfice de l'épreuve et nous ne serons pas préparés pour triompher de celles qui suivront. Nous deviendrons de plus en plus faibles, jusqu'à ce que nous soyons captifs de la volonté de Satan. Il nous faut revêtir toutes les armes de Dieu, et être prêts à tout moment pour affronter les puissances des ténèbres. Lorsque les tentations et les épreuves s'abattent sur nous, allons à Dieu et implorons son secours. Il ne nous laissera pas retourner à vide, mais il nous accordera la grâce et la force de vaincre l'ennemi. Oh, que tous puissent voir ces choses sous leur véritable lumière, et souffrir comme de bons soldats de Jésus-Christ! Alors Israël pourra marcher de l'avant, fort en Dieu et dans la puissance de sa force. PE 47 1 Dieu m'a montré qu'il donnait à son peuple une coupe amère à boire, afin de le purifier. C'est un breuvage désagréable, mais qui le sera bien davantage si nous murmurons. Nous devrons alors en absorber un autre, si le premier n'a pas produit l'effet voulu sur le coeur. Et si le second ne réussit pas, il faudra en absorber un autre, jusqu'à ce qu'il produise l'effet désiré, sinon, nous resterons impurs. J'ai vu que cette coupe amère peut être adoucie par la patience, la persévérance et la prière, et qu'elle produira son effet sur le coeur de ceux qui la reçoivent ainsi. Alors Dieu sera honoré et glorifié. Ce n'est pas peu de chose que d'être chrétien, d'appartenir à Dieu et d'être approuvé par lui. Le Seigneur m'a montré quelques-uns de ceux qui prétendent croire à la vérité présente, mais dont la vie ne correspond pas à leur profession de foi. Le niveau de leur piété est beaucoup trop bas, et ils sont loin d'atteindre la sainteté biblique. Quelques-uns se livrent à des conversations vaines et déplacées; d'autres cèdent à l'orgueil. Nous ne pouvons rechercher ce qui nous plaît, vivre et agir comme le monde, chérir sa compagnie et ses plaisirs, puis régner avec le Christ en gloire. PE 47 2 Nous devons ici-bas participer aux souffrances du Sauveur, si nous voulons avoir part à sa gloire dans l'au-delà. Si nous recherchons notre propre intérêt, ainsi que la meilleure manière de nous complaire à nous-mêmes, au lieu de chercher à plaire à Dieu et à faire avancer sa cause précieuse qui souffre, nous déshonorons le Seigneur et son oeuvre que nous prétendons aimer. Il nous reste très peu de temps pour travailler à l'avancement du règne de Dieu. Rien ne doit être trop précieux pour le sacrifier au salut du troupeau dispersé et déchiré de Jésus. Ceux qui font une alliance avec Dieu par le sacrifice aujourd'hui seront bientôt réunis dans leur patrie céleste pour y partager une riche récompense et posséder le nouveau royaume au siècle des siècles. PE 47 3 Oh, puissions-nous vivre entièrement pour le Seigneur, et montrer par une vie ordonnée et une conduite pieuse que nous avons été avec Jésus, que nous sommes ses disciples doux et humbles! Il nous faut travailler tandis qu'il fait jour, car lorsque la nuit de trouble et d'angoisse sera là, ce sera trop tard. Jésus est dans son saint temple; il accepte nos sacrifices, nos prières, la confession de nos péchés; il veut pardonner toutes les transgressions d'Israël, afin de les effacer avant de quitter le sanctuaire. Alors les saints continueront à être saints, car tous leurs péchés auront été effacés et ils auront reçu le sceau du Dieu vivant. Mais les injustes continueront d'être injustes, car il n'y aura plus de sacrificateur dans le sanctuaire pour offrir leurs sacrifices, leurs confessions et leurs prières devant le trône du Père. C'est pourquoi ce qui doit être fait pour épargner aux âmes le déchaînement de la colère divine doit l'être avant que Jésus ait quitté le lieu très saint du sanctuaire céleste. ------------------------Chapitre 8 -- Au petit troupeau PE 48 1 Chers frères: Le 26 janvier 1850, le Seigneur m'a donné une vision que je vais vous relater. J'ai vu que certains enfants de Dieu sont inconséquents et endormis, ou seulement à demi-éveillés. Ils ne comprennent pas l'importance des temps où nous vivons, que l'homme chargé du "balai"1 est arrivé et que quelques-uns risquent d'être balayés. Je suppliai Jésus de les épargner quelque temps encore et de leur faire comprendre le terrible danger qu'ils courent, afin qu'ils puissent se préparer avant qu'il ne soit pour toujours trop tard. L'ange me dit: "La destruction vient comme un violent ouragan." Je demandai à l'ange d'avoir pitié de ceux qui aiment ce monde, qui sont attachés à leurs biens, ne voulant pas s'en séparer en les sacrifiant pour envoyer des messagers chargés de nourrir les brebis affamées qui périssent faute de nourriture spirituelle. PE 49 1 Lorsque j'ai vu de pauvres âmes qui se mouraient parce qu'elles ne connaissaient pas la vérité présente, et que quelques-uns de ceux qui prétendaient y croire les laissaient périr en retenant les moyens nécessaires pour leur communiquer la Parole de Dieu, j'en fus très peinée, et je demandai à l'ange de m'épargner ce spectacle. J'ai vu que lorsque la cause de Dieu exigeait que l'on sacrifie ses biens pour la faire progresser, comme Jésus le demanda au jeune homme riche (Matthieu 19:16-22), certains s'en allaient tout tristes. Ils ne se doutaient pas que, bientôt, leurs richesses leur seraient enlevées, et que ce serait trop tard pour en faire le sacrifice, afin de s'assurer un trésor dans le ciel. PE 49 2 Je vis ensuite le glorieux Rédempteur, beau, adorable. Il quitta le royaume de gloire pour venir ici-bas, afin de donner sa vie précieuse, lui juste pour des injustes. Il supporta les moqueries, subit la flagellation, fut couronné d'épines et sua des grumeaux de sang au jardin des Oliviers, alors qu'il était chargé des péchés du monde. L'ange me demanda: "Pourquoi?" Oh! je voyais et je savais que c'était pour nous. Pour nos péchés il avait souffert tout cela, afin de nous racheter pour Dieu par son sang précieux. PE 49 3 Puis je vis encore ceux qui n'étaient pas disposés à sacrifier les biens de ce monde pour sauver les pécheurs, en leur faisant connaître la vérité alors que Jésus se tient encore devant le Père et offre son sang, ses souffrances et sa mort pour les sauver, tandis que des messagers du Seigneur attendent, prêts à leur communiquer la vérité pour qu'ils puissent recevoir le sceau du Dieu vivant. C'était dur pour quelques-uns de ceux qui prétendent croire à la vérité présente de donner aux messagers ne fût-ce qu'un peu de l'argent que Dieu leur a confié comme à des économes. PE 50 1 Les souffrances de Jésus, son amour insondable qui l'a poussé à donner sa vie pour l'homme perdu, me furent à nouveau présentés, ainsi que la vie de ceux qui se disent ses disciples et qui possèdent des biens de ce monde, mais qui considèrent que c'est trop difficile de les donner pour sauver des âmes. L'ange demanda: "De tels gens peuvent-ils aller au ciel?" Un autre répondit: "Non, jamais, jamais. Ceux qui se désintéressent de la cause de Dieu sur la terre ne pourront jamais chanter là-haut le cantique des rachetés." Je vis que Dieu achèverait bientôt son oeuvre ici-bas, et que ses messagers devaient se hâter de réunir ses brebis dispersées. Un ange demanda: "Tous sont-ils des messagers?" Un autre répondit: "Non, non; les messagers de Dieu ont un message." PE 50 2 Je vis que la cause de Dieu avait été paralysée et déshonorée par des hommes auxquels Dieu n'avait pas confié de message. Ceux-là devront rendre compte un jour de chaque dollar dépensé pour des voyages inutiles. Cet argent aurait pu être utilisé pour faire avancer la cause de Dieu. Faute de l'aliment spirituel que les messagers de Dieu auraient pu leur donner, des âmes étaient mortes d'inanition. Je vis que ceux qui avaient la force de travailler et de soutenir la cause étaient responsables de leurs forces, comme d'autres de leurs biens. PE 50 3 Le temps du "crible" a commencé et continuera. Tous ceux qui hésitent à se décider pour la vérité et à faire des sacrifices pour la cause de Dieu seront éliminés par ce crible. L'ange dit: "Croyez-vous que le sacrifice est obligatoire? Non, non. Il doit être volontaire. L'acquisition du champ exige tout ce qu'on a." Je suppliai Dieu d'épargner ses enfants, dont quelques-uns faiblissaient et mouraient. Alors je vis que les jugements du Tout-Puissant s'abattraient promptement sur la terre, et je demandai à l'ange d'en faire part au peuple en son propre langage. Il me répondit: "Tous les éclairs et les tonnerres du Sinaï n'arriveraient pas à émouvoir ceux qui ne sont pas touchés par les vérités de la Parole de Dieu. Le message d'un ange ne les réveillerait pas non plus." PE 51 1 Je contemplai à nouveau la beauté de Jésus. Sa robe était d'une blancheur immaculée. Aucune langue ne saurait décrire sa gloire et sa beauté. Tous ceux qui gardent les commandements de Dieu entreront par les portes de la cité céleste, et auront droit à l'arbre de vie. Ils seront pour toujours avec Jésus dont le visage resplendit comme le soleil en plein midi. PE 51 2 Je vis Adam et Eve au jardin d'Eden. Ils mangèrent du fruit défendu et furent chassés du paradis, puis une épée flamboyante fut piacée autour de l'arbre de vie, de peur que nos premiers parents ne mangent du fruit et ne deviennent des pécheurs immortels; car le but de l'arbre de vie était de perpétuer l'immortalité. J'entendis un ange demander: "Quel membre de la famille d'Adam a pu passer outre cette épée flamboyante et avoir accès à l'arbre de vie?" Un autre ange répondit: "Aucun membre de la famille d'Adam n'est passé outre l'épée flamboyante ni a goûté au fruit de l'arbre de vie; c'est pourquoi il n'est pas de pécheurs immortels. L'âme qui pèche subira une mort éternelle -- une mort qui durera à jamais, sans aucun espoir de résurrection. Alors la colère de Dieu sera apaisée. PE 51 3 "Les saints se reposeront dans la sainte cité, ils seront rois et sacrificateurs et régneront mille ans. Puis Jésus descendra avec les saints sur le mont des Oliviers, qui se partagera en deux et deviendra une grande plaine où se trouvera le paradis de Dieu. Le reste de la terre ne sera pas purifié avant la fin des mille ans, quand les méchants ressusciteront et s'assembleront autour de la cité. Les pieds des méchants ne fouleront jamais la terre restaurée. Du feu descendra du ciel et les dévorera -- il ne leur laissera ni racine ni rameaux. Satan est la racine et ses enfants sont les rameaux. Le même feu qui anéantira les méchants purifiera la terre." ------------------------Chapitre 9 -- Les derniers fleaux et le jugement PE 52 1 Lors de la conférence générale des croyants à la vérité présente, tenue à Sutton, en septembre 1850, il me fut montré que les sept derniers fléaux seront versés sur la terre après que Jésus aura quitté le sanctuaire céleste. L'ange dit: "C'est la colère de Dieu et de l'Agneau qui cause la destruction ou la mort des méchants. A la voix de Dieu, les saints seront puissants et terribles comme une armée sous ses bannières; mais ils n'exécuteront pas le jugement écrit. L'exécution du jugement aura lieu à la fin des mille ans." PE 52 2 Après que les saints eurent revêtus l'immortalité et furent enlevés ensemble avec Jésus, après qu'ils eurent reçu leurs harpes, leurs robes et leurs couronnes, et qu'ils furent entrés dans la ville, Jésus et les saints s'assirent pour le jugement. Les livres furent ouverts: le livre de vie et le livre de mort. Le livre de vie contient les bonnes oeuvres des saints et le livre de mort le mal commis par les méchants. Ces livres sont comparés à celui qui leur sert de base: la Bible, et c'est d'après celle-ci que les hommes seront jugés. Les saints, en parfaite union avec Jésus, jugeront les méchants qui sont morts. "Contemplez, dit l'ange, les saints qui jugent avec Jésus, et décident du sort des méchants selon ce qu'ils ont accompli étant dans leurs corps. Le châtiment qui doit leur être infligé est inscrit en face de leurs noms." Je vis que c'était là l'oeuvre des saints et de Jésus pendant les mille ans dans la sainte cité, avant qu'elle descende sur la terre. PE 52 3 Puis, à la fin des mille ans, Jésus, avec les anges et tous les saints, quittera la sainte cité, et alors qu'il descendra avec eux sur la terre, les méchants ressusciteront. Ceux qui l'ont percé le verront revenir dans toute sa gloire, avec les anges et les saints, et se lamenteront à cause de lui. Ils verront les stigmates occasionnés par les clous dans ses mains et dans ses pieds, ainsi que la cicatrice de la lance qui perça son côté. Ces stigmates seront sa gloire. C'est à la fin des mille ans que Jésus se posera sur le mont des Oliviers, que celui-ci se partagera en deux pour former une immense plaine. Ceux qui s'enfuient à ce moment-là sont les méchants, qui viennent de ressusciter. Alors la sainte cité descendra du ciel et se posera sur la plaine. Satan insufflera alors son esprit aux méchants. Il leur affirmera que l'armée de la cité est insignifiante, que la sienne est immense et peut vaincre les saints en s'emparant de la ville. PE 53 1 Tandis que Satan rassemblait son armée, les saints, dans la ville, contemplaient les beautés et la gloire du paradis de Dieu. Jésus était à leur tête et les conduisait. Tout à coup notre adorable Sauveur s'éloigna de nous, mais bientôt nous entendîmes sa douce voix nous dire: "Venez, vous qui êtes bénis de mon Père; prenez possession du royaume qui vous a été préparé dès la fondation du monde." Matthieu 25:34. Nous nous groupâmes autour de Jésus, et au moment précis où il fermait les portes de la ville, la malédiction fut prononcée sur les méchants. Les portes furent fermées. Alors les saints, se servant de leurs ailes, montèrent au sommet de la muraille de la ville. Jésus les accompagnait. Sa couronne paraissait brillante et glorieuse; c'était une couronne dans une autre couronne, et ainsi sept fois. Les couronnes des saints étaient faites de l'or le plus pur et garnies d'étoiles. Leurs visages resplendissaient de gloire, car ils reproduisaient l'image de Jésus; et tandis qu'ils montaient ensemble vers le sommet de la ville, je fus captivée par ce que je voyais. PE 53 2 Alors les méchants virent ce qu'ils avaient perdu. Dieu envoya du ciel un feu qui les consuma. C'était là l'exécution du jugement. Les méchants reçurent ce que les saints, en pleine union avec Jésus, avaient décidé à leur égard pendant les mille ans. Le même feu qui avait consumé les méchants purifia toute la terre. Les montagnes, bouleversées, en fusion, dégageaient une chaleur intense, et tout le chaume fut consumé. Alors notre héritage s'ouvrit devant nous, glorieux, splendide. C'était la terre renouvelée. Nous nous écriâmes tous d'une seule voix: "Gloire! Alléluia!" ------------------------Chapitre 10 -- La fin des 2300 jours PE 54 1 Je vis un trône, et sur ce trône étaient assis le Père et le Fils. J'admirai le visage de Jésus et sa personne adorable. Mais je ne pouvais voir le Père, car une nuée glorieuse le couvrait. Je demandai à Jésus si le Père avait la même forme que lui. Il me répondit par l'affirmative, mais je ne pouvais pas le voir, car, ajouta-t-il, "si tu voyais une fois la gloire de sa personne, tu cesserais d'exister". Devant le trône je vis le peuple adventiste -- l'Eglise et le monde. Je vis deux groupes: l'un était incliné devant le trône, profondément intéressé; l'autre semblait indifférent. Ceux qui s'inclinaient devant le trône priaient en regardant Jésus qui, lui, regardait son Père et semblait plaider avec lui. Une lumière jaillissait du Père vers son Fils, et du Fils au groupe en prière. Puis je vis une lumière resplendissante qui venait du Père vers son Fils, et du Fils flottait sur ceux qui étaient devant le trône. Mais ils étaient peu nombreux ceux qui la recevaient. Plusieurs la fuyaient; d'autres y étaient indifférents, et elle s'écarta d'eux. Quelques-uns l'appréciaient et allaient s'incliner avec le petit groupe qui était en prière. Tous, dans ce groupe, recevaient la lumière, et en avaient de la joie. Leurs visages en reflétaient la gloire. PE 55 1 Je vis le Père se lever de son trône,1 et se rendre dans un chariot de feu au lieu très saint, au-delà du voile, et s'y asseoir. Alors Jésus se leva de son trône, et la plupart de ceux qui étaient inclinés se levèrent avec lui. Je ne vis aucun rayon de lumière passer de Jésus à la multitude insouciante après qu'il se fut levé, et ces gens étaient complètement dans les ténèbres. Ceux qui se levèrent en même temps que Jésus, ne cessèrent d'avoir les yeux fixés sur lui lorsqu'il quitta son trône et il les conduisit un moment. Ensuite il leva la main droite, et il dit de sa douce voix: "Attendez ici; je vais au Père pour recevoir le royaume; gardez vos vêtements sans tache; dans peu de temps je reviendrai des noces et je vous prendrai avec moi." Puis un chariot aux roues de flammes de feu, entouré par les anges, avança près de Jésus, qui y monta et fut conduit au lieu très saint où le Père était assis. Là, je contemplai Jésus, souverain sacrificateur, se tenant devant le Père. Autour de la bordure de ses vêtements, il y avait des grenades, entremêlées de clochettes d'or. Voir Exode 28:33, 34. Ceux qui se levèrent avec Jésus dirigeaient leur foi vers lui dans le lieu très saint, et priaient: "Père, donne-nous ton Esprit." Jésus alors soufflait sur eux le Saint-Esprit. Dans ce souffle il y avait de la lumière, de la puissance, beaucoup d'amour, de joie et de paix. PE 55 2 Je me retournai pour voir le groupe qui était resté incliné devant le trône; ceux-là ne savaient pas que Jésus l'avait quitté. Satan apparut près du trône, essayant de faire l'oeuvre de Dieu. Je les vis qui regardaient vers le trône, et priaient: "Père, donne-nous ton Esprit." Satan soufflait alors sur eux une influence maléfique, où il y avait de la lumière et beaucoup de puissance, mais pas d'amour, de joie et de paix. Le but de Satan consistait à les séduire, et avec eux les enfants de Dieu. ------------------------Chapitre 11 -- En prévision du temps de trouble PE 56 1 Le Seigneur m'a montré maintes fois qu'il est contraire à la Bible de faire des provisions pour subvenir à nos besoins temporels pendant le temps de trouble. Je vis que si les saints mettaient de côté des vivres, chez eux ou dans les champs pour ce moment-là, alors que l'épée, la famine et la peste séviraient dans le pays, ces vivres leur seraient enlevés par la violence, et des étrangers moissonneraient leurs champs. C'est alors qu'il faudra mettre toute notre confiance en Dieu; il nous soutiendra. Je vis que notre pain et notre eau nous seraient assurés, que nous ne manquerions de rien et ne souffririons pas de la faim; car Dieu peut dresser pour nous une table dans le désert. Si c'était nécessaire il enverrait des corbeaux pour nous nourrir, comme autrefois pour Elie, ou il ferait pleuvoir de la manne du ciel, comme pour les Israélites au désert. PE 56 2 Les maisons et les champs seront inutiles aux saints pendant le temps de trouble, car ils devront fuir une populace en fureur, et à ce moment-là ils ne pourront vendre leurs possessions pour faire avancer le règne de Dieu. Il me fut montré que c'était la volonté de Dieu que les saints se débarrassent, avant le temps de trouble, de tout ce qui pourrait les gêner, et qu'ils fassent alliance avec Dieu par le sacrifice. S'ils placent sur l'autel ce qu'ils possèdent, et cherchent sérieusement à connaître leur devoir envers Dieu, il leur enseignera quand et comment disposer de ces choses. Ils seront alors dégagés de tout au temps de trouble. PE 56 3 Je vis que si des personnes s'attachent à leurs biens sans demander au Seigneur où est leur devoir, il ne leur fera pas connaître sa volonté. Il leur sera permis de conserver leurs possessions, mais au temps de détresse celles-ci s'élèveront devant elles comme une montagne sur le point de les écraser. Elles voudront alors s'en défaire, mais ce sera trop tard. J'en entendis qui disaient en pleurant: "La cause de Dieu languissait, le peuple de Dieu était affamé de vérité, et nous n'avons rien fait pour y remédier. Maintenant nos biens sont inutiles. Oh, que ne les avons-nous sacrifiés; nous nous serions amassé un trésor dans le ciel!" PE 57 1 Je vis qu'un sacrifice n'augmentait pas, mais qu'il diminuait et était consumé. Je vis aussi que Dieu n'exigeait pas que tous vendent leurs propriétés en même temps; mais que, s'ils le désiraient, il leur ferait connaître au moment du besoin la quantité de leurs biens qu'ils devaient vendre, ainsi que le moment où ils devaient le faire. Il a été demandé autrefois à quelques-uns de vendre leurs propriétés pour soutenir la cause du message adventiste, alors que d'autres devaient conserver les leurs jusqu'au moment où le besoin s'en ferait sentir. Le moment venu, leur devoir sera de vendre. PE 57 2 Je vis que certains n'avaient pas annoncé sous son jour véritable le message: "Vendez ce que vous possédez, et donnez-le en aumônes." Ils n'avaient pas présenté clairement la signification de ces paroles du Sauveur. Le but à atteindre en vendant n'est pas de subvenir aux besoins de ceux qui sont capables de le faire eux-mêmes, mais de répandre la vérité. C'est un péché d'entretenir et d'encourager la paresse de ceux qui peuvent travailler. Il en est qui ont été zélés pour assister à toutes les assemblées, non pour glorifier Dieu, mais pour des "pains et des poissons". Ils auraient mieux fait de rester chez eux et de travailler de leurs mains à "ce qui est bien" pour subvenir aux besoins des leurs et avoir quelque chose à donner pour soutenir la cause de la vérité présente. C'est le moment aujourd'hui de s'amasser un trésor dans le ciel et de mettre son coeur au large, afin d'être prêts pour le temps de trouble. Ceux-là seulement dont les mains seront pures et les coeurs droits pourront supporter ce temps d'épreuve. C'est aujourd'hui qu'il faut avoir la loi de Dieu écrite dans nos esprits, sur nos fronts et dans nos coeurs. PE 58 1 Le Seigneur m'a montré le danger que nous courons en permettant à nos esprits d'être remplis de pensées et de soucis mondains. J'ai vu que quelques-uns se laissaient détourner de la vérité présente et de l'amour de la Bible par la lecture de livres excitants. D'autres se préoccupent énormément de ce qu'ils mangeront, boiront ou porteront. Il en est aussi qui attendent la venue du Christ pour un avenir trop lointain. Le temps a duré quelques années de plus qu'ils ne s'y attendaient; par conséquent ils croient que cela peut durer encore bien des années. C'est ainsi que leurs esprits ont été détournés de la vérité présente pour s'occuper des choses de ce monde. J'ai vu qu'il y avait là un grand danger; car si l'esprit est rempli d'autres choses, la vérité présente en sera chassée, et il ne restera plus de place sur les fronts pour y apposer le sceau du Dieu vivant. J'ai vu que le temps où Jésus doit officier dans le lieu très saint est sur le point de finir, et que sa venue est très proche. Nous devrions employer tous nos loisirs à sonder la Bible, qui nous jugera au dernier jour. PE 58 2 Mes chers frères et soeurs, pensons constamment aux commandements de Dieu et au témoignage de Jésus, et laissons-les repousser nos soucis mondains. Qu'ils soient l'objet de vos méditations quand vous vous couchez et quand vous vous levez. Vivez et agissez toujours en vue de la venue du Fils de l'homme. Le temps du scellement est très court, et sera bientôt dans le passé. Aujourd'hui, alors que les quatre anges retiennent les quatre vents, assurons notre vocation et notre élection. ------------------------Chapitre 12 -- Les "esprits frappeurs" PE 59 1 Le 24 août 1850, je vis que les "frappements mystérieux" provenaient de la puissance de Satan: quelques-uns directement, d'autres indirectement par ses suppôts; mais tous avaient la même origine. C'était l'oeuvre de Satan sous différents aspects. Mais la plupart des membres d'église et le monde en général, plongés dans de profondes ténèbres, croyaient que c'était une manifestation de Dieu. L'ange demanda: "Un peuple ne consultera-t-il pas son Dieu? S'adressera-t-il aux morts en faveur des vivants?" Faudra-t-il donc en effet que les vivants s'adressent aux morts pour avoir la connaissance, alors que ceux-ci ne savent rien. Pour avoir accès au Dieu vivant devra-t-on consulter les morts? Voir Ésaïe 8:19, 20. PE 60 2 Je vis que bientôt on considérerait comme un blasphème le fait de parler contre les "esprits frappeurs", que ce phénomène se répandrait de plus en plus, que la puissance de Satan augmenterait, et que quelques-uns de ses dévoués disciples auraient le pouvoir de faire des miracles, "jusqu'à faire descendre du feu du ciel sur la terre, à la vue des hommes". Il me fut montré que par les frappements et le "mesmérisme", ces magiciens modernes expliqueraient tous les miracles opérés par notre Seigneur Jésus-Christ, et qu'un grand nombre de gens croiraient que toutes les oeuvres merveilleuses accomplies par le Fils de Dieu, lorsqu'il était ici-bas, le furent par cette même puissance.1 Je fus transportée à l'époque de Moïse, et je vis que les signes et les merveilles que Dieu opéra par lui devant Pharaon, furent imités pour la plupart par les magiciens d'Egypte; et que, immédiatement avant la délivrance finale des saints, Dieu agirait puissamment en faveur de son peuple et qu'il serait permis à ces magiciens modernes d'imiter ses oeuvres. PE 60 1 Ce temps viendra bientôt. Nous aurons alors à nous appuyer fermement sur le bras puissant de Jéhovah; car tous ces grands signes et ces prodiges ont pour but de séduire le peuple de Dieu et de le renverser. Nos esprits doivent se reposer sur Dieu; il ne faut pas que nous ayons la même crainte que les méchants, ni révérer ce qu'ils révèrent, mais être fermes dans la vérité. Si nos yeux pouvaient s'ouvrir, nous verrions les mauvais anges autour de nous, cherchant de nouveaux moyens pour nous nuire et nous détruire. Et nous verrions aussi les anges de Dieu qui nous protègent contre leur pouvoir; car le Seigneur veille toujours sur Israël. Il protégera et sauvera son peuple, s'il met sa confiance en lui. Lorsque l'ennemi déferlera sur nous comme un fleuve, l'Esprit de Dieu lèvera sa bannière contre lui. PE 60 2 L'ange me dit: "Souviens-toi que tu es sur un terrain enchanté." Je vis que nous devions veiller, revêtir toutes les armes de Dieu et prendre le bouclier de la foi, afin de pouvoir triompher des traits enflammés du malin. ------------------------Chapitre 13 -- Les messagers PE 61 1 Le Seigneur m'a souvent montré en vision la situation et les besoins de ses enfants dispersés qui ne connaissent pas encore la vérité présente. J'ai vu que les messagers devaient leur apporter la lumière le plus tôt possible. PE 61 2 Beaucoup de ceux qui nous entourent n'ont besoin que d'être débarrassés de leurs préjugés et d'avoir devant les yeux les preuves bibliques de nos croyances actuelles, pour recevoir avec joie la vérité présente. Il faut que les messagers veillent sur les âmes comme s'ils devaient en rendre compte. Leur vie doit être une vie de dur labeur et d'angoisse d'esprit: le fardeau de la cause de Dieu repose sur eux. Ils auront à abandonner les intérêts et les commodités du monde, et faire tout ce qu'ils peuvent pour l'avancement de la vérité présente et pour sauver les âmes qui périssent. PE 61 3 Ils recevront ainsi une riche récompense. Ceux qu'ils auront amenés à la vérité luiront comme des étoiles sur leurs couronnes, et cela d'âge en âge. Pendant toute l'éternité, ils auront la satisfaction d'avoir accompli leur devoir en présentant la vérité dans sa pureté et dans sa beauté, afin que des âmes l'acceptent et soient sanctifiées par elle, en estimant à sa juste valeur le privilège d'avoir été enrichies, lavées dans le sang de l'Agneau, rachetées par Dieu. PE 61 4 J'ai vu qu'avant de défendre de nouveaux points importants, qu'ils croient être soutenus par la Bible, les bergers devaient consulter ceux qui leur inspirent confiance, ceux qui ont été à l'origine du message et qui sont fermes dans toute la vérité présente. C'est ainsi que les bergers seront parfaitement unis. Cette union sera ressentie par l'Eglise. Une telle manière de faire préviendrait des divisions et ne courrait pas le risque de troubler le précieux troupeau du Seigneur. On ne verrait pas de brebis dispersées qui n'ont point de bergers. PE 62 1 Je vis aussi que Dieu avait des messagers qu'il aimerait employer dans sa cause, mais que ceux-ci n'étaient pas prêts. Ils n'étaient pas assez sérieux pour exercer une bonne influence sur le troupeau, ne ressentant pas le poids de la cause ni la valeur des âmes, comme doivent le faire des messagers de Dieu. L'ange dit: "Purifiez-vous, vous qui portez les vases de l'Eternel. Purifiez-vous, vous qui portez les vases de l'Eternel." Ils n'accompliront que peu de chose s'ils ne sont pas entièrement consacrés au Seigneur, s'ils ne comprennent pas l'importance et la solennité du dernier message de miséricorde qui est annoncé aujourd'hui au troupeau dispersé. D'aucuns que Dieu n'a pas appelés seraient disposés à proclamer le message. Mais s'ils sentaient le poids de la cause et les responsabilités d'un tel poste, ils se rendraient compte de leur indignité, et s'écrieraient avec l'apôtre: "Qui est suffisant pour ces choses?" Une des raisons pour lesquelles ils partiraient si volontiers, c'est que Dieu n'a pas fait reposer sur eux le poids de la cause. Tous ceux qui ont proclamé le premier et le second message ne sont pas appelés à prêcher le troisième, même s'ils l'ont bien compris, car quelques-uns conservent de nombreuses erreurs et c'est à peine s'ils arriveront à se sauver eux-mêmes. S'ils se mêlent de guider les autres, ils contribueront à leur perte. J'ai vu que certains, qui avaient sombré profondément dans le fanatisme, seraient maintenant les premiers à vouloir être envoyés par le Seigneur, avant de s'être purifiés de leurs anciennes erreurs. Mêlant l'erreur à la vérité, ils nourriraient avec cela le troupeau de Dieu. Si on leur permettait de prêcher, celui-ci deviendrait malade, et la mort s'ensuivrait. J'ai vu qu'ils devaient être éprouvés jusqu'à ce qu'ils se soient débarrassés de toutes leurs erreurs, sinon ils ne pourront jamais entrer dans le royaume des cieux. PE 62 2 Les messagers ne peuvent concéder au jugement et au discernement de ceux qui ont été dans l'erreur et le fanatisme, la même confiance qu'ils accordent à ceux qui sont restés dans la vérité, exempts d'erreurs extravagantes. Il en est aussi beaucoup qui sont enclins à envoyer dans le champ quelques-uns de ceux qui viennent d'accepter la vérité présente, qui ont encore bien à apprendre et beaucoup à faire avant d'être eux-mêmes en règle avec Dieu et de pouvoir conduire les autres. PE 63 1 J'ai vu combien il est nécessaire que les messagers veillent et sachent repousser tout fanatisme qui pourrait faire son apparition. Satan nous attaque de tous les côtés; si nous ne veillons pas, si nous ne discernons pas ses pièges, si nous ne revêtons pas toute l'armure de Dieu, les dards enflammés du malin nous atteindront. Il y a de nombreuses vérités dans la Parole de Dieu, mais c'est de la "vérité présente" que le troupeau a besoin aujourd'hui. J'ai vu le danger que couraient les messagers en se détournant de certains points importants de la vérité présente, pour insister sur des sujets qui n'ont pas pour but d'unir le troupeau et de sanctifier l'âme. Satan profitera de tous les avantages possibles pour faire du tort à la cause. PE 63 2 Mais des sujets comme le sanctuaire, en rapport avec les 2300 jours, les commandements de Dieu et la foi de Jésus, expliquent très bien le passé du Mouvement adventiste; ils montrent ce que nous croyons, affermissent la foi de ceux qui doutent et donnent de la certitude à la gloire future. J'ai vu fréquemment que c'étaient là les sujets principaux sur lesquels les messagers devaient insister. PE 63 3 Si les messagers choisis par Dieu doivent attendre que tous les obstacles soient enlevés de leur chemin, beaucoup n'iront jamais à la recherche de la brebis perdue. Satan présentera de nombreuses objections pour les empêcher de faire leur devoir. Mais ils devront marcher par la foi, se confiant en celui qui les a appelés à accomplir son oeuvre, et il ouvrira le chemin devant eux dans la mesure où ce sera pour leur bien et pour sa gloire. Jésus, le grand Docteur et le divin modèle, n'avait pas un lieu où reposer sa tête. Sa vie lut une vie de dur labeur, de tristesse et de souffrance; puis il se donna lui-même pour nous. Ceux qui, à la place du Christ, supplient les âmes de se réconcilier avec Dieu, et qui espèrent régner avec le Christ dans la gloire, doivent aussi s'attendre à partager ses souffrances ici-bas. "Ceux qui sèment avec larmes moissonneront avec chants d'allégresse. Celui qui marche en pleurant, quand il porte la semence, revient avec allégresse, quand il porte ses gerbes." Psaumes 126:5, 6. ------------------------Chapitre 14 -- La marque de la bête PE 64 1 Dans une vision qui me fut donnée le 27 juin 1850, l'ange qui m'accompagnait me dit: "Le temps est presque fini. Reflétez-vous l'image de Jésus comme vous le devriez?" Puis mon attention fut ramenée à la terre, et je vis que ceux qui venaient d'embrasser le message du troisième ange étaient loin d'être prêts. L'ange dit: "Préparez-vous, préparez-vous, préparez-vous! Vous devez mourir au monde comme vous ne l'avez jamais fait." Je vis qu'il restait encore une grande oeuvre à faire pour eux, et peu de temps pour la faire. PE 64 2 Ensuite je vis que les sept derniers fléaux seront bientôt versés sur ceux qui sont sans abri, et cependant le monde n'en faisait pas plus de cas que s'il s'agissait de quelques gouttes d'eau. Je fus alors rendue capable de voir les sept derniers fléaux: la colère de Dieu. Je vis que cette colère était terrible, épouvantable, et que s'il étendait la main, ou la levait dans sa colère, les habitants de cette terre seraient comme s'ils n'avaient jamais été, ou souffriraient de maux incurables et de plaies nombreuses dont ils ne pourraient être soulagés et qui les détruiraient. Je fus saisie de terreur, je tombai sur ma face devant l'ange, et je le priai de m'épargner ce spectacle, car il était trop affreux. Je me rendis compte alors, comme jamais auparavant, de l'importance qu'il y a à sonder la Parole de Dieu avec soin pour savoir comment échapper aux fléaux qui doivent tomber sur tous ceux qui adorent la bête et son image, et reçoivent sa marque sur leurs fronts ou sur leurs mains. Je ne comprenais pas que l'on puisse transgresser la loi de Dieu et fouler aux pieds son saint sabbat, alors que de pareils châtiments menacent ceux qui s'en rendent coupables. PE 65 1 Le pape a changé le jour du repos du septième au premier jour de la semaine. Il pensa changer le commandement même qui avait été donné à l'homme pour qu'il se souvienne de son Créateur. Il pensa changer le plus grand commandement du Décalogue, et se rendre ainsi l'égal de Dieu, ou même s'élever au-dessus de Dieu. Mais le Seigneur est immuable, donc sa loi est immuable. Le pape s'est placé au-dessus de Dieu en cherchant à changer ses préceptes immuables de sainteté, de justice et de bonté. Il a foulé aux pieds le jour sanctifié par Dieu, et, de sa propre autorité, il l'a remplacé par un des six jours ouvrables. Toute la terre a suivi la bête, et chaque semaine le monde frustre Dieu du temps qu'il a sanctifié. Le pape a fait une brèche dans la loi, mais j'ai vu que le temps était arrivé où le peuple de Dieu devait réparer cette brèche et relever les fondements antiques. PE 65 2 J'intercédai devant l'ange pour que Dieu sauve ceux qui s'égaraient. Lorsque les fléaux commenceront à tomber, ceux qui continueront à transgresser le saint sabbat ne pourront invoquer les excuses qu'ils avancent aujourd'hui; ils auront la bouche fermée. Le saint Législateur appliquera la justice à ceux qui ont eu en aversion sa sainte loi et l'ont appelée "une malédiction pour l'homme", une pauvre chose négligeable. Lorsque ceux-là sentiront les étreintes de cette loi se resserrer sur eux, ces expressions revêtiront tout leur sens et ils comprendront la gravité de leur péché, qui a consisté à se moquer de cette loi dont le commandement est, selon la Parole de Dieu, "saint, juste et bon". PE 66 1 Ensuite je vis la gloire du ciel, réservée aux fidèles. Tout était magnifique, glorieux. Les anges chantaient un cantique merveilleux, puis ils cessaient de chanter, prenaient leurs couronnes et les jetaient aux pieds de Jésus, en s'écriant: "Gloire! Alléluia!" Je joignis ma voix à leurs chants de louange en l'honneur de l'Agneau, et chaque fois que j'ouvrais la bouche, j'avais un sentiment indéfinissable de la gloire qui m'entourait. C'était comme un poids éternel de gloire. L'ange dit: "Le petit reste qui aime Dieu et garde ses commandements, qui demeure fidèle jusqu'à la fin, jouira de cette gloire; il sera pour toujours avec Jésus et chantera avec les saints anges." PE 66 2 Puis je ne vis plus la gloire, mais le "reste" qui était sur la terre. L'ange leur dit: "Voulez-vous éviter les sept derniers fléaux? Voulez-vous jouir de la gloire, de tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment et souffrent volontiers pour lui? Si oui, vous devez mourir afin de pouvoir vivre. Préparez-vous, préparez-vous, préparez-vous! Vous devez avoir une préparation plus grande que celle que vous avez maintenant, car le jour du Seigneur arrive, jour cruel, jour de colère, de désolation, qui détruira les pécheurs. Sacrifiez tout pour Dieu. Déposez tout sur son autel: le moi, les possessions; offrez-vous vous-mêmes comme un sacrifice vivant. Il ne faut pas faire moins pour entrer dans la gloire. Faites-vous un trésor dans le ciel, où les voleurs ne percent ni ne dérobent et où la teigne ne détruit point. Vous devez participer aux souffrances du Christ ici-bas, si vous voulez participer à sa gloire dans l'au-delà." PE 66 3 Le ciel sera bon marché, si nous l'obtenons par la souffrance. Il faut renoncer au moi constamment, mourir au moi chaque jour. Seul Jésus doit vivre en nous; ayons toujours en vue sa gloire. Je vis que ceux qui venaient d'accepter la vérité devraient apprendre à souffrir pour le Sauveur, savoir supporter de dures épreuves, afin d'être purifiés et de recevoir le sceau du Dieu vivant, passer par le temps de trouble, voir le Roi dans sa beauté, habiter en la présence de Dieu et des anges saints et purs. PE 67 1 Lorsque je vis que nous devions être dans les conditions voulues pour pouvoir hériter de la gloire éternelle, et combien Jésus avait souffert pour nous obtenir ce riche héritage, je priai pour que nous soyons baptisés dans ses souffrances, afin que nous ne faiblissions pas sous l'épreuve, mais que nous la supportions avec patience et avec joie, sachant que Jésus a souffert pour que, par sa pauvreté et ses souffrances, nous fussions enrichis. L'ange dit: "Renoncez à vous-mêmes, soyez fermes." D'aucuns parmi nous ont eu le temps de progresser dans la vérité, d'avancer pas à pas, et chaque pas qu'ils ont fait les a fortifiés pour continuer. Mais aujourd'hui le temps est presque fini, et ce que nous avons mis des années à apprendre, d'autres devront l'apprendre en quelques mois. Il leur faudra aussi beaucoup désapprendre pour pouvoir beaucoup apprendre. Ceux qui ne voudront pas recevoir la marque de la bête et son image au moment où le décret sera promulgué, doivent manifester maintenant de la décision et dire: Non, nous ne voulons pas observer l'institution de la bête. ------------------------Chapitre 15 -- Les aveugles qui conduisent des aveugles PE 68 1 J'ai vu à quel point les conducteurs aveugles s'efforçaient de rendre les autres aussi aveugles qu'eux-mêmes, et étaient loin de comprendre ce qui les attendait. Ils se dressent contre la vérité; et comme celle-ci triomphe, beaucoup de ceux qui les ont considérés comme des hommes de Dieu et qui en attendaient des lumières, sont troublés. Qu'en est-il du sabbat? leur demandent-ils. Et ces gens qui veulent s'affranchir du quatrième commandement, sont prêts à leur répondre. J'ai vu qu'il n'y avait pas de réelle honnêteté dans les nombreuses positions prises contre le sabbat. Le but principal est de négliger le sabbat de l'Eternel pour observer un autre jour que celui qui a été sanctifié par Jéhovah. Si un argument est démoli on se réfugie dans un autre, même si celui-ci a déjà été abandonné par ses défenseurs qui l'avaient reconnu insuffisant. PE 68 2 Le peuple de Dieu arrive à l'unité de la foi. Ceux qui observent le sabbat de la Bible sont unis dans leurs vues sur la vérité biblique. Mais ceux qui s'opposent au sabbat parmi les adventistes sont étrangement divisés. L'un s'oppose au sabbat, et déclare qu'il en est ainsi et ainsi, et tout lui paraît clair. Mais la question n'est pas réglée pour autant; la vérité du sabbat progressant, un autre s'efforce de la combattre. Mais en le faisant, il renverse les arguments du premier; il présente une théorie aussi opposée aux siennes qu'aux nôtres. Il en est ainsi avec un troisième et un quatrième; mais aucun d'eux ne citera la Parole de Dieu: "Le septième jour est le jour du repos de l'Eternel, ton Dieu." PE 68 3 J'ai vu que ces hommes sont charnels, c'est pourquoi ils ne se soumettent pas à la sainte loi de Dieu. Ils ne s'accordent pas entre eux, malgré tous leurs efforts pour démolir les Ecritures et faire une brèche à la loi de Dieu: changer, abolir, combattre n'importe comment le quatrième commandement plutôt que de l'observer. Ils désirent faire taire le troupeau à ce sujet, dans l'espoir que les gens n'y penseront plus, et que leurs partisans étant si peu zélés dans l'étude de la Bible, il sera facile de leur faire accepter l'erreur pour la vérité. ------------------------Chapitre 16 -- Préparation pour la fin PE 69 1 Le 7 septembre 1850, à Oswego (New York), le Seigneur me montra qu'une grande oeuvre devrait être accomplie par son peuple s'il veut pouvoir subsister au combat du jour du Seigneur. Il me fut montré ceux qui se disaient adventistes, mais qui rejetaient la vérité présente. Je vis qu'ils étaient en train de s'émietter et que la main du Seigneur était au milieu d'eux pour les diviser et les disperser, alors que nous sommes aujourd'hui au temps du rassemblement. Tout cela pour que les joyaux précieux qui sont parmi eux et qui s'étaient laissé séduire, puissent ouvrir les yeux et voir leur véritable état. Et alors que la vérité leur est présentée par les messagers du Seigneur, ils sont prêts à l'accepter dans toute sa beauté et son harmonie, à abandonner leurs anciens associés et leurs erreurs pour se ranger du côté de la vérité. PE 69 2 Je vis que ceux qui s'opposent au sabbat de l'Eternel ne pouvaient s'appuyer sur la Bible pour montrer que notre position est incorrecte. C'est pourquoi ils s'attaquent au caractère de ceux qui croient et enseignent la vérité, et ils les calomnient. Plusieurs d'entre ceux qui autrefois étaient consciencieux, aimaient Dieu et sa Parole, se sont endurcis en rejetant la lumière de la vérité. Ils n'ont pas hésité à accuser faussement ceux qui aiment le saint sabbat, car en faisant ainsi ils diminuent l'influence de ceux qui ne craignent pas de proclamer la vérité. Mais tout cela n'empêchera pas l'oeuvre de Dieu de progresser. En fait, cette façon d'agir contribuera à ouvrir les yeux de quelques-uns. Tous les joyaux du Seigneur seront réunis, car Dieu rassemblera le reste de son peuple, et il accomplira son oeuvre glorieusement. PE 70 1 Nous qui croyons à la vérité, prenons garde de ne donner aucune occasion de parler mal de nous. Sachons que tout ce que nous faisons doit être en harmonie avec la Bible. Toutes nos erreurs, toutes nos fautes seront des motifs de joie pour ceux qui haïssent les commandements de Dieu, ainsi que cela arriva en 1843. PE 70 2 Le 14 mai de 1851, je vis la beauté de Jésus. En contemplant sa gloire, il ne me venait pas à l'esprit que je puisse être séparée de sa présence. Je vis une lumière procédant de la gloire qui entourait le Père; et comme cette lumière s'approchait de moi, je tremblais comme une feuille. J'avais peur d'être anéantie; mais la lumière s'éloigna. Alors j'eus quelque idée du Dieu grand et terrible avec qui nous avons affaire. Je vis alors quelle pauvre opinion certains se font de la sainteté de Dieu, et comme ils prennent son saint nom en vain, sans se douter qu'ils parlent du Dieu grand et terrible. Alors qu'ils prient, beaucoup usent d'expressions irrévérencieuses, qui attristent l'Esprit du Seigneur, et empêchent leurs requêtes d'arriver jusqu'au ciel. PE 70 3 J'ai vu que bien des personnes ne se rendent pas compte de ce qu'elles doivent être afin de pouvoir subsister devant le Seigneur sans souverain sacrificateur dans le sanctuaire pendant le temps de trouble. Ceux qui reçoivent le sceau du Dieu vivant, et qui seront protégés pendant ce temps de détresse, doivent refléter pleinement l'image de Jésus. PE 70 4 J'ai vu que beaucoup négligeaient la préparation nécessaire; ils comptaient sur le "temps de rafraîchissement" et la pluie de "l'arrière-saison" pour pouvoir subsister au jour du Seigneur et vivre en sa présence. Oh, combien j'en ai vu qui étaient sans abri au temps de détresse! Ils avaient négligé de se préparer, c'est pourquoi ils ne pouvaient recevoir le rafraîchissement que tous doivent recevoir pour pouvoir vivre à la vue d'un Dieu saint. PE 71 1 Ceux qui refusent d'être modelés par les prophètes, qui ne purifient pas leur âme en obéissant à toute la vérité; ceux qui sont disposés à croire que leur condition est bien meilleure qu'elle n'est en réalité, arriveront au temps des fléaux et s'apercevront alors qu'ils avaient besoin d'être taillés et équarris pour faire partie de l'édifice de Dieu. Mais ce sera trop tard, car aucun médiateur ne plaidera plus leur cause devant le Père. Auparavant, on aura entendu cette déclaration solennelle: "Que celui qui est injuste soit encore injuste, que celui qui est souillé se souille encore; et que le juste pratique encore la justice, et que celui qui est saint se sanctifie encore." PE 71 2 J'ai vu que nul ne pouvait avoir part au "rafraîchissement", s'il n'avait auparavant obtenu la victoire sur chaque défaut: l'orgueil, l'égoïsme, l'amour du monde, -- sur chaque parole et action mauvaises. Il faut donc s'approcher toujours plus près du Seigneur, et rechercher sérieusement cette préparation indispensable qui nous rendra capables de subsister au combat du jour du Seigneur. Souvenons-nous que Dieu est saint, et que seuls des êtres saints peuvent subsister en sa présence. ------------------------Chapitre 17 -- Prière et foi PE 72 1 J'ai vu fréquemment que les enfants de Dieu négligeaient la prière, surtout la prière secrète; que plusieurs n'exerçaient pas la foi comme c'est leur privilège de le faire, attendant d'éprouver certain sentiment que seule la foi peut apporter. Mais le sentiment n'est pas la foi; les deux sont distincts. C'est à nous d'exercer la foi, à Dieu de nous donner le sentiment de la joie et des bénédictions. La grâce d'en haut est communiquée à l'âme par une foi vivante, cette foi qu'il est en notre pouvoir d'exercer. PE 72 2 La foi véritable se réclame des bénédictions promises avant que celles-ci soient comprises et senties. Nous devons adresser nos requêtes par la foi au-delà du second voile et nous réclamer des promesses célestes. Il faut ensuite croire que nous recevons les bénédictions divines, parce que notre foi les fait nôtres, et d'après la Parole elles nous appartiennent. "Tout ce que vous demanderez en priant, croyez que vous l'avez reçu, et vous le verrez s'accomplir." Marc 11:24. Voilà la foi, la foi réelle: croire que vous recevrez la bénédiction même avant que vous l'éprouviez. Lorsque la chose demandée est accordée, la foi disparaît. Mais ils sont nombreux ceux qui supposent avoir beaucoup de foi lorsqu'ils reçoivent l'Esprit dans une grande mesure. Ils croient même que la foi n'est pas possible s'ils ne sentent pas la puissance de l'Esprit. C'est confondre la foi avec la bénédiction qui procède de la foi. Le meilleur moment pour exercer la foi, c'est lorsque l'on se sent privé de l'Esprit. Quand d'épais nuages semblent environner l'homme, c'est alors qu'il faut percer les ténèbres et dissiper les nuages par une foi vivante. La véritable foi repose sur les promesses contenues dans la Parole de Dieu, et seuls ceux qui obéissent à la Parole peuvent se réclamer de ces glorieuses promesses. "Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez ce que vous voudrez, et cela vous sera accordé." Jean 15:7. "Quoi que ce soit que nous demandions, nous le recevons de lui, parce que nous gardons ses commandements et que nous faisons ce qui lui est agréable." 1 Jean 3:22. PE 73 1 Nous devons pratiquer beaucoup la prière secrète. Le Christ est le cep, nous sommes les sarments. Et si nous voulons croître et fleurir, il faut que nous puisions sans cesse à la sève du Cep vivant, car si nous en sommes séparés, nous sommes sans force. PE 73 2 Je demandai à l'ange pourquoi il n'y avait pas plus de foi ni de puissance en Israël. Il me répondit: "Vous lâchez trop tôt le bras du Seigneur. Faites parvenir vos requêtes à son trône, et attendez avec foi. Ses promesses sont certaines; croyez que vous recevrez ce que vous demandez, et vous le recevrez." Le cas d'Elie me fut alors rappelé. Le prophète était sujet aux mêmes passions que nous, et il pria avec insistance. Sa foi triompha de l'épreuve. Il pria sept fois le Seigneur, et enfin la nuée apparut. Je vis que nous avions douté des promesses sûres, et blessé le Sauveur par notre manque de foi. L'ange dit: "Revêtez toutes les armes de Dieu. Prenez par-dessus tout cela le bouclier de la foi, avec lequel vous pourrez protéger le coeur, la vie elle-même, des traits enflammés du malin." Si l'ennemi peut arriver à détourner de Jésus les regards de ceux qui sont découragés pour les diriger sur eux-mêmes et leur propre indignité, au lieu des mérites du Sauveur, son amour et sa grande miséricorde, il s'emparera du bouclier de la foi et arrivera à ses fins. Ceux-là seront alors exposés à de violentes tentations. Le faible dcit donc regarder à Jésus, croire en lui; il pourra alors exercer la foi. ------------------------Chapitre 18 -- Le temps du rassemblement PE 74 1 Le 23 septembre, le Seigneur me montra qu'il avait étendu la main une seconde fois pour rassembler le reste de son peuple,1 et que ses efforts redoubleraient pour effectuer ce rassemblement. Dans la dispersion, Israël fut frappé et déchiré; aujourd'hui Dieu guérit et rassemble son peuple. Pendant la dispersion, les efforts tentés pour répandre la vérité ont été insuffisants et n'ont produit que peu de résultats. Mais pendant le rassemblement, alors que Dieu réunit son peuple, la proclamation de la vérité portera ses fruits. Tous doivent être unis et zélés. PE 74 2 J'ai vu que ceux qui citaient des exemples de la dispersion pour nous diriger maintenant pendant le rassemblement étaient dans l'erreur; car si Dieu ne faisait pas plus pour nous qu'il fit alors, Israël ne serait jamais réuni. J'ai vu que ceux qui avaient fait la carte de 1843 avaient été dirigés par le Seigneur, et qu'elle ne devait pas être modifiée; les chiffres étaient exactement ce qu'il désirait qu'ils fussent. Sa main cacha quelques erreurs de certains chiffres, de sorte que personne ne put s'en apercevoir jusqu'à ce que sa main se fut retirée.2 PE 74 3 Puis je vis que pour ce qui concerne le "continuel" (Daniel 8:12), le mot "sacrifice" avait été ajouté par les hommes; il n'est pas dans le texte. Le Seigneur en a donné une vue correcte à ceux qui ont proclamé l'heure du jugement. Avant 1844, presque tous les adventistes croyaient à la bonne explication du "continuel"; mais dans la confusion qui suivit 1844, d'autres explications furent avancées et l'incertitude s'ensuivit. Depuis 1844 on n'a plus eu besoin d'accepter de date, et on ne devra plus en fixer. PE 75 1 Le Seigneur m'a montré que le message du troisième ange doit faire son chemin, et être proclamé aux enfants de Dieu dispersés, mais il ne s'appuie sur aucune date. J'ai vu que d'aucuns nourrissaient une fausse excitation parce qu'ils fixaient des dates; mais le message du troisième ange n'a pas besoin de ces dates. J'ai vu que ce message peut se contenter de la base qui lui est propre, et n'a pas besoin de date pour lui donner de la force. Il accomplira son oeuvre avec puissance, et l'abrégera avec justice. PE 75 2 On me montra alors des gens qui étaient dans une grande erreur: ils croyaient que c'était leur devoir de se rendre à Jérusalem, où ils devaient faire une oeuvre avant le retour du Seigneur. (Voir Appendice.) De tels égarements ont pour but de détourner les esprits de la proclamation du message du troisième ange; car ceux qui veulent aller à Jérusalem ne pensent qu'à cela et, afin de couvrir les frais de voyage pour eux-mêmes et pour d'autres, ils en arriveront à priver de leurs moyens la cause de la vérité présente. Je vis qu'il ne résulterait aucun bien d'un tel projet; il faudrait beaucoup de temps pour arriver à convaincre quelques Juifs de la première venue du Messie, et bien plus encore pour les faire croire à la seconde. Je vis que Satan avait grandement égaré certaines personnes à ce sujet, que des âmes autour d'elles auraient pu être éclairées par leur ministère et conduites à observer les commandements de Dieu; mais elles les laissaient se perdre. Je vis aussi que l'ancienne ville de Jérusalem ne sera jamais reconstruite, mais que Satan faisait tout ce qu'il pouvait pour égarer à ce sujet les enfants de Dieu à l'époque du rassemblement, afin de les empêcher de consacrer tout leur intérêt à l'oeuvre actuelle du Seigneur et de leur faire négliger la préparation nécessaire pour le jour du Seigneur. ------------------------Chapitre 19 -- Un avertissement PE 76 1 Cher lecteur: Le devoir qui m'incombe vis-à-vis de mes frères et soeurs et la crainte que leur sang ne soit trouvé sur mes vêtements m'ont dirigée en écrivant ce petit ouvrage. Je n'ignore pas que beaucoup de gens ne croient pas aux visions, et qu'un bon nombre de ceux qui prétendent attendre le Christ, et enseignent que nous sommes dans les "derniers temps", disent qu'elles viennent de Satan. Je m'attends à beaucoup d'opposition de la part de tous ces gens; et je n'aurais pas publié mes visions si je n'avais senti que c'était la volonté de Dieu, car elles m'attireront probablement la haine et la dérision de quelques-uns. Mais je crains Dieu plus que les hommes. PE 76 2 Lorsque le Seigneur commença à me confier des messages pour son peuple, j'avais beaucoup de difficulté à les transmettre. Souvent je les adoucissais autant que possible par crainte d'offenser certaines personnes. C'était pour moi une grande épreuve que de communiquer les messages tels que Dieu me les donnait. Je ne me rendais pas compte de mon infidélité; je ne mesurais pas le danger et le péché d'une telle attitude jusqu'à ce que, dans une vision, je fus transportée en présence de Jésus. Le Sauveur me regarda sévèrement, puis il détourna de moi sa face. Il ne m'est pas possible de décrire la terreur et l'angoisse que je ressentis. Je tombai la face contre terre en la présence du Seigneur, et je n'eus pas la force d'articuler une parole. Oh, combien j'avais hâte de ne plus voir ce regard terrible! Je pus alors me représenter, dans une certaine mesure, la terreur des méchants lorsqu'ils crieront aux montagnes et aux rochers: "Tombez sur nous, et cachez-nous devant la face de celui qui est assis sur le trône, et devant la colère de l'agneau." PE 76 3 Puis un ange m'invita à me relever, et ce que je vis peut difficilement être décrit. Je me trouvais en présence d'un groupe de personnes hirsutes, aux vêtements en lambeaux et dont l'expression était l'image exacte du désespoir et de l'horreur. Elles s'approchèrent de moi, ôtèrent leurs vêtements et les frottèrent aux miens. Je regardai alors mes vêtements et je m'aperçus qu'ils étaient tachés de sang, et que ce sang les rongeait et y faisait des trous. Une fois encore je tombai comme morte aux pieds de l'ange qui m'accompagnait. Je n'avais pas la moindre excuse à faire valoir. Ma langue se refusait à parler et il me tardait de quitter ce lieu saint. Mais l'ange me releva, et me dit: "Tel n'est pas encore ton cas, mais cette scène t'a été montrée pour que tu saches quelle sera ta situation si tu négliges de déclarer aux autres ce que Dieu t'a révélé. Si tu es fidèle jusqu'à la fin, tu mangeras du fruit de l'arbre de vie et tu te désaltéreras aux sources des eaux vives. Tu auras beaucoup à souffrir, mais la grâce de Dieu te suffira." Je fus alors décidée à faire tout ce que le Seigneur exigerait de moi, afin d'avoir son approbation et de ne plus sentir se poser sur moi son regard sévère. PE 77 1 On m'a souvent accusée faussement d'enseigner des idées propres au spiritisme. Mais avant que le rédacteur du Day-Star émette cette opinion, le Seigneur me donna une vision des tristes résultats dont aurait à souffrir le troupeau si on lui enseignait des idées spirites comme celles que soutenaient ce rédacteur et d'autres personnes. J'ai souvent vu l'adorable Jésus, et remarqué sa personne. Je lui ai demandé si son Père était: lui aussi une personne et s'il avait une forme comme la sienne. Il me répondit: "Je suis l'image expresse de sa personne." (Voir Appendice.) PE 77 2 J'ai souvent remarqué que les idées spirites dissipaient toute la gloire céleste et que dans l'esprit de beaucoup de gens le trône de David et la personne adorable de Jésus ont été consumés par le feu du spiritisme. J'ai vu que quelques-uns de ceux qui avaient été séduits et entraînés dans cette erreur seraient exposés à la lumière de la vérité, mais que ce serait presque impossible pour eux de s'affranchir complètement de la puissance séductrice du spiritisme. De telles personnes devraient confesser résolument leurs erreurs et les abandonner pour toujours. PE 78 1 Cher lecteur, je vous recommande la Parole de Dieu; qu'elle soit la règle de votre foi et de votre vie. C'est par elle que nous serons jugés. Dans sa Parole, Dieu a promis de donner des visions dans "les derniers jours"; non comme une nouvelle règle de foi, mais pour consoler son peuple et corriger ceux qui s'éloignent des vérités bibliques. C'est ainsi que Dieu agit envers Pierre lorsqu'il l'envoya prêcher aux Gentils. Actes 10. PE 78 2 A ceux qui feront circuler ce petit ouvrage, je dirai qu'il est destiné aux enfants de Dieu sincères et non à ceux qui tournent en ridicule les choses de l'Esprit de Dieu. ------------------------Chapitre 20 -- Les songes de Madame White PE 78 3 (Voir page 12) PE 78 4 Je vis en rêve un temple où beaucoup de monde se rendait. Ceux-là seulement qui s'y réfugiaient seraient sauvés à la fin des temps. Tous ceux qui n'y entraient pas seraient perdus sans retour. Des foules de gens qui passaient par là en se rendant à leurs occupations, se moquaient de ceux qui entraient dans le temple, et leur disaient que cette voie de sécurité n'était qu'une fable habilement conçue; qu'en réalité, il n'y avait aucun danger à éviter. Ils se saisirent même de quelques-uns pour les empêcher de se réfugier dans l'enceinte du temple. PE 78 5 Craignant d'être tournée en dérision, je jugeai prudent d'attendre que la foule se fût dispersée, ou jusqu'à ce que je puisse entrer sans attirer l'attention. Mais la foule augmentait au lieu de diminuer. De peur d'arriver trop tard, je quittai la maison en toute hâte et me frayai un chemin au travers de la foule. Mon désir d'entrer au temple était tel que je ne fis pas attention à tous ceux qui m'entouraient. En pénétrant dans l'édifice, je remarquai qu'il reposait sur une immense colonne à laquelle était attaché un Agneau meurtri et sanglant. Nous qui étions présents paraissions comprendre que c'était pour nous que cet Agneau avait été frappé et meurtri. Tous ceux qui entraient dans le temple devaient venir devant lui pour confesser leurs péchés. PE 79 1 En face de l'Agneau se trouvaient des sièges élevés, occupés par des gens qui paraissaient très heureux. La lumière du ciel semblait resplendir sur leurs visages; ils louaient Dieu et chantaient des cantiques d'actions de grâce ressemblant à une musique angélique. C'étaient ceux qui étaient venus devant l'Agneau pour confesser leurs péchés et ayant reçu son pardon étaient maintenant dans l'attente joyeuse de quelque heureux événement. PE 79 2 Même après être entrée dans l'édifice, je fus envahie par un sentiment de crainte. J'avais honte de m'humilier en présence de ces gens. Mais je me sentais contrainte d'avancer. Je faisais lentement le tour de la colonne pour me trouver devant l'Agneau, lorsqu'une trompette sonna. Le temple fut ébranlé, l'assemblée des saints poussa un cri de triomphe, pendant qu'une lumière éclatante éclairait l'édifice. Puis tout retomba dans d'épaisses ténèbres. Les heureux chanteurs avaient disparu avec la lumière. J'étais seule dans l'horreur silencieuse de la nuit. PE 79 3 Je m'éveillai en proie à la plus horrible angoisse. Ce n'est qu'à grand peine que je réussis à me convaincre que ce que j'avais vu n'était qu'un rêve. Il me semblait que mon sort était fixé, que l'Esprit du Seigneur m'avait quittée à tout jamais. Mon désespoir augmenta, si cela était possible. PE 79 4 Peu après, j'eus un autre rêve. Je me voyais assise, la Tête entre les mains, en proie au plus profond désespoir, et faisant ces réflexions: "Si Jésus était ici-bas, j'irais à lui, je me jetterais à ses pieds, et je lui dirais toute ma douleur. Il ne se détournerait pas de moi, il me ferait miséricorde; je l'aimerais et le servirais toujours." A ce moment précis, la porte s'ouvrit, une personne d'une grande beauté entra. Elle me regarda avec un air de pitié, et me dit: "Veux-tu voir Jésus? Il est ici, tu peux le voir si tu veux. Prends tout ce que tu possèdes et suis-moi." PE 80 1 Ces paroles me remplirent d'une joie indicible, et, très contente, je ramassai le peu que j'avais, et je suivis mon guide. Il me fit monter des escaliers escarpés et apparemment peu solides. Lorsque je commençai mon ascension, il m'avertit d'avoir à tenir les yeux fixés en haut de peur d'être prise de vertige et de tomber. C'est ce qui était arrivé à beaucoup de ceux qui m'avaient précédée avant d'être au haut de l'escalier. PE 80 2 Après avoir gravi la dernière marche, nous nous trouvâmes devant une porte. Ici, mon guide m'invita à me débarrasser de tout ce que j'avais pris avec moi, ce que je fis avec joie. Puis il ouvrit la porte et m'invita à entrer. Je fus bientôt en présence de Jésus. Impossible de se tromper. Cette expression de bienveillante majesté ne pouvait être que la sienne. Dès que son regard se posa sur moi, je sentis qu'il connaissait toutes les circonstances de ma vie, ainsi que mes pensées et mes sentiments les plus secrets. PE 80 3 Incapable de supporter ses regards scrutateurs, je tentai de m'y soustraire, mais s'approchant de moi, il posa la main sur ma tête, et me dit en souriant: "Ne crains point." Les accents de cette douce voix firent tressaillir mon coeur d'une joie inconnue jusqu'alors. Cette joie m'ôta l'usage de la parole; vaincue par un bonheur ineffable, je tombai prosternée à ses pieds. Pendant que j'étais là, défaillante, je vis se dérouler sous mes yeux des scènes de beauté et de gloire. Il me semblait être parvenue à la sécurité et à la paix du ciel. Enfin, les forces me revinrent, et je me levai. Les regards aimants de Jésus se posaient encore sur moi, et son sourire me remplissait d'allégresse. Sa présence m'inspirait à la fois un saint respect et un amour indicible. PE 81 1 Mon guide ouvrit la porte, et nous sortîmes l'un et l'autre. Il m'invita à reprendre tout ce que j'avais laissé dehors. Cela fait, il me donna une corde verte soigneusement enroulée. Il m'ordonna de la serrer sur mon coeur, et lorsque je désirerais voir Jésus, je n'aurais qu'à la dérouler jusqu'au bout. Il m'avertit de ne pas la laisser enroulée longtemps, de peur qu'elle ne se noue et ne soit difficile à dérouler. Je plaçai la corde sur mon coeur et redescendit joyeusement les étroits escaliers, en louant Dieu, et en disant à tous ceux que je rencontrais où ils pouvaient voir Jésus. PE 81 2 Ce rêve me redonna l'espoir. Pour moi, la corde verte représentait la foi, et je commençai à comprendre la beauté et la simplicité de la confiance en Dieu. ------------------------Chapitre 21 -- Un songe de William Miller PE 82 2 J'ai rêvé que Dieu, par une main invisible, m'avait envoyé un bel écrin ciselé, d'ébène et de perles curieusement incrustées, d'environ vingt-cinq centimètres sur quinze. Une clé était attachée à l'écrin, et je l'ouvris immédiatement. A ma grande surprise, il était rempli de toutes sortes de joyaux de dimensions variées: des diamants, des pierres précieuses et des pièces d'or et d'argent de différente valeur. Le tout était si bien arrangé qu'il s'en dégageait une lumière que seul le soleil pouvait égaler. PE 82 3 Emerveillé par la beauté et la valeur du contenu de cet écrin, je pensai qu'il était de mon devoir de ne pas en jouir seul. Je le plaçai donc sur une table, au milieu de ma chambre, et demandai à tous ceux qui le désiraient de venir admirer ce que jamais oeil humain n'avait contemplé. PE 82 4 Les gens commencèrent à arriver, peu nombreux d'abord, puis augmentant petit à petit jusqu'à ce qu'il y ait foule. En apercevant les joyaux, ils poussèrent des cris d'admiration. Puis chacun voulut les toucher: ils les sortirent de l'écrin, et il y en eut bientôt un peu partout sur la table. PE 82 5 Je me dis alors que le propriétaire de cet écrin me les réclamerait, et si je permettais qu'on disperse ainsi toutes ces choses de prix, je n'arriverais jamais à les remettre en place, ni à remplacer celles qui pourraient manquer. Je priai donc les visiteurs de ne plus les toucher et de les laisser dans l'écrin. Mais plus j'insistais, plus on les dispersait. Il y en avait maintenant partout: sur la table, sur le plancher et sur tous les meubles de la chambre. PE 83 1 Je m'aperçus même que parmi les bonnes pièces de monnaie et les vrais joyaux, il y en avait un grand nombre de faux. Je fus indigné de l'ingratitude et de la malhonnêteté de ces gens, et je leur adressai de violents reproches. Mais plus je m'énervais, plus ils éparpillaient de faux joyaux et de fausses pièces parmi les véritables. PE 83 2 J'usai alors des grands moyens; je les mis à la porte par la force. Mais lorsque j'arrivais à en mettre un dehors, il en entrait trois autres, apportant avec eux de la poussière, des copeaux, du sable et toutes sortes de déchets, jusqu'à ce que tout cela recouvre les vrais joyaux, de sorte qu'on ne pouvait plus les voir. Ils mirent aussi en pièces l'écrin et en dispersèrent les morceaux parmi les déchets. Je me rendis alors compte que ma colère ne servait pas à grand-chose et, découragé, je m'assis et me mis à pleurer. PE 83 3 Tandis que je pleurais et me lamentais sur la perte qui résulterait pour moi de toute cette affaire, je me souvins de Dieu et je l'implorai avec ferveur pour qu'il me vînt en aide. Immédiatement la porte s'ouvrit et un homme entra, après que tout le monde fut sorti. Il tenait à la main un balai, il ouvrit les fenêtres et se mit à balayer la chambre et à la débarrasser des ordures. PE 83 4 Je lui criai de s'arrêter, car parmi tout cela il y avait des joyaux précieux. PE 83 5 Il me répondit: "Ne crains rien, j'en prendrai soin." PE 83 6 Et alors qu'il balayait, la poussière, le sable, les faux joyaux et les fausses pièces s'envolèrent par la fenêtre comme une fumée emportée par le vent. Pendant ce remue-ménage, je fermai un instant les yeux; quand je les rouvris, les faux joyaux avaient tous disparu. Seuls les joyaux précieux, les diamants, les pièces d'or et d'argent gisaient à profusion dans la chambre. PE 84 1 L'homme mit sur la table un écrin beaucoup plus grand et beaucoup plus beau que l'autre et y rangea les joyaux et les pièces, sans rien omettre, bien que quelques diamants n'aient pas été plus grands qu'une tête d'épingle. Il m'appela pour venir voir ce qu'il avait fait. Je regardai dans l'écrin et mes yeux furent éblouis. Tout cela brillait dix fois plus qu'auparavant. Je pensai alors que les joyaux avaient été polis par le sable et les pieds des méchantes personnes qui les avaient dispersés sur le plancher. Ils étaient bien arrangés dans l'écrin par cet homme, chacun à sa place, et sans peine visible. Je poussai un cri de joie, et ce cri me réveilla. ------------------------Chapitre 22 -- Une explication PE 85 1 Chers amis chretiens: Ayant publié en 1851 une brève esquisse de mon expérience et de mes visions, je considère comme de mon devoir de souligner quelques passages de ce petit travail et de vous faire part également de certaines visions plus récentes. PE 85 2 1. A la page 33 il est dit: "Je vis que le saint sabbat est, et restera, le mur de séparation entre le véritable Israël de Dieu et les incroyants; et que le sabbat est la grande vérité qui unira les coeurs des enfants de Dieu. Je vis que Dieu avait des enfants qui ne connaissaient pas encore le sabbat et, par conséquent, ne l'observaient pas. Ils n'avaient pas rejeté la lumière à cet égard. Et au commencement du temps de détresse, nous étions remplis du Saint-Esprit alors que nous partions ensemble proclamer la vérité du sabbat." PE 85 3 Cette vision me fut donnée en 1847, alors que quelques adventistes seulement observaient le sabbat, et parmi ceux-ci peu supposaient que cela suffisait pour tracer une ligne de démarcation entre le peuple de Dieu et les incroyants. Aujourd'hui on peut voir le début de l'accomplissement de cette vision. Le "commencement du temps de détresse" ici mentionné n'est pas le moment où les fléaux seront versés sur la terre, mais une courte période qui les précède, durant laquelle Jésus est dans le sanctuaire. A ce moment-là, alors que l'oeuvre s'achève, la détresse fond sur la terre et "les nations se sont irritées", mais sont tenues en échec de façon à ne pas entraver l'oeuvre du troisième ange. C'est alors que "la pluie de l'arrière-saison", le "temps de rafraîchissement", viendra de la part du Seigneur, pour donner de la puissance à la "voix forte" du troisième ange et préparer les saints à tenir ferme lorsque les sept fléaux seront versés. PE 86 1 2. La vision de "la porte ouverte et la porte fermée" (pages 42-45) m'a été donnée en 1849. L'application (d'Apocalypse 3:7, 8), au sanctuaire céleste et à l'oeuvre du Christ, était pour moi entièrement nouvelle. Jamais je n'avais entendu quelqu'un présenter cette idée. Maintenant que la question du sanctuaire est bien élucidée, cette application apparaît dans toute sa beauté et toute sa splendeur. PE 86 2 3. La vision où il était dit que le Seigneur "avait étendu la main une seconde fois pour rassembler le reste de son peuple" (page 74), ne se rapporte qu'à l'union et à la force qui existaient une fois parmi ceux qui attendaient le Christ, et au fait que le Sauveur avait commencé à rassembler à nouveau son peuple. PE 86 3 4. Manifestations spirites. A la page 43 nous lisons: "J'ai vu que les mystérieux frappements de New York et d'ailleurs étaient dus à la puissance de Satan, et qu'ils deviendraient de plus en plus communs. Ils revêtiraient le manteau de la religion pour tranquilliser tous ceux qui se laisseraient séduire par leurs manifestations et pour gagner si possible le peuple de Dieu, en l'amenant à douter des enseignements et de la puissance du Saint-Esprit." Cette vision fut donnée en 1849, il y a près de cinq ans, alors que ces manifestations étaient confinées pour la plupart à la ville de Rochester, et connues comme les "coups de Rochester". Depuis ce temps, l'hérésie s'est répandue au-delà de l'attente de tout le monde. PE 86 4 Une grande partie de la vision relatée à la page 59 intitulée "Les esprits frappeurs", donnée au mois d'août 1850, s'est accomplie et se poursuit encore de nos jours. En voici une partie: "Je vis que bientôt on considérerait comme un blasphème le fait de parler contre les 'esprits frappeurs', que ce phénomène se répandrait de plus en plus, que la puissance de Satan augmenterait, et que quelques-uns de ses dévoués disciples auraient le pouvoir de faire des miracles, 'jusqu'à faire descendre du feu du ciel sur la terre, à la vue des hommes'. Il me fut montré que par les frappements et le mesmérisme, ces magiciens modernes expliqueraient tous les miracles opérés par notre Seigneur Jésus-Christ, et qu'un grand nombre de gens croiraient que toutes les oeuvres merveilleuses accomplies par le Fils de Dieu lorsqu'il était ici-bas, le furent par cette même puissance." PE 87 1 J'ai vu que ces séductions sataniques progressaient au point de séduire, s'il était possible, même les élus. Le grand ennemi a le pouvoir de faire apparaître des formes ressemblant à nos parents ou nos amis décédés. Il nous fait croire que ceux-ci sont présents; les paroles qu'ils avaient l'habitude de prononcer sont répétées sur le même ton qu'avait leur voix lorsqu'ils étaient en vie. Tout ceci a pour but de tromper les croyants et les prendre au piège de l'erreur. PE 87 2 Je vis que les saints devaient bien comprendre la vérité présente, qu'il leur faudra défendre par les Ecritures. Ils doivent connaître l'état des morts, car les esprits des démons leur apparaîtront, prétendant être leurs parents ou leurs amis. Ils leur affirmeront que le sabbat a été changé, et leur présenteront d'autres doctrines contraires à l'Ecriture. Ils feront l'impossible pour gagner leur sympathie; ils opéreront des miracles en leur présence pour confirmer leurs déclarations. Les enfants de Dieu doivent se préparer à résister à ces esprits maléfiques, Bible en mains. Qu'ils comprennent que les morts ne savent rien, et que ces esprits qui leur apparaissent ne sont autres que des esprits de démons. Nous ne devons pas nous laisser distraire par ce qui nous entoure, mais être occupés par la vérité présente, afin de pouvoir donner les raisons de notre foi. Il nous faut la sagesse d'en haut pour triompher de l'erreur et des séductions du diable. PE 87 3 Nous devons bien examiner les fondements de notre espérance, car nous aurons à en répondre par les Ecritures. Cette séduction gagnera du terrain; nous aurons à lui faire face, et à moins d'être préparés pour cette lutte, nous serons pris au piège et vaincus. Mais si nous faisons tout ce que nous pouvons pour nous préparer au conflit qui nous confronte, Dieu fera sa part et son bras tout-puissant nous protégera. Plutôt que de tolérer que les âmes fidèles soient séduites et égarées par les prodiges mensongers de Satan, Dieu enverrait à leur secours tous les anges du ciel pour qu'ils dressent une haie autour d'elles. PE 88 1 J'ai vu la rapidité avec laquelle cette séduction avait gagné du terrain. Il me fut montré un train roulant avec la rapidité de l'éclair. L'ange me dit de bien l'observer. Je fixai donc mes yeux sur ce train. Il me semblait que le monde entier y avait pris place, qu'il ne restait plus un seul homme ailleurs. L'ange me dit: "Ils sont liés en bottes pour être brûlés." Puis il me fit remarquer le chef de train qui avait l'air majestueux et que tous les voyageurs admiraient et révéraient. Je me demandai qui il était et je m'en ouvris à l'ange. Il me répondit: "C'est Satan lui-même. C'est lui qui conduit le train sous la forme d'un ange de lumière. Il a rendu le monde captif. Tous ont cru à sa puissance séductrice, au mensonge; c'est pourquoi ils seront perdus. Celui qui est à côté de lui, le plus grand après lui, c'est le mécanicien, et d'autres sont ses agents qui s'occupent de différents travaux, selon les besoins. Ils vont ainsi à la perdition avec la rapidité de l'éclair." PE 88 2 Je demandai à l'ange si vraiment tout le monde était là. Il me dit de regarder dans la direction opposée. Je vis alors un petit groupe qui suivait un étroit sentier. Tous semblaient être parfaitement unis par la vérité. L'ange me dit: "Le troisième ange les rassemble pour les greniers célestes." Ce petit groupe avait l'air rongé par le chagrin, comme si tous étaient passés par de sévères épreuves ou des luttes terribles. Mais il semblait que le soleil sortait derrière un nuage et illuminait leurs visages, de sorte qu'ils paraissaient triomphants, comme s'ils étaient sur le point de gagner la victoire. PE 89 1 Je vis que le Seigneur avait donné au monde l'occasion de découvrir le piège. Il est une chose certaine pour le chrétien, s'il n'y en avait pas d'autres, c'est que l'on ne fait aucune différence entre ce qui est précieux et ce qui est vil. Thomas Paine, dont le corps est aujourd'hui réduit en poussière, et qui ressuscitera à la fin des mille ans, à la seconde résurrection, pour recevoir selon ses oeuvres et subir la seconde mort, est présenté par Satan comme étant au ciel et hautement exalté. Satan l'a employé ici-bas aussi longtemps qu'il l'a pu, et aujourd'hui il le présente comme étant suprêmement élevé et honoré au ciel. Comme il avait enseigné ici-bas, ainsi enseigne-t-il dans l'au-delà. Il en est qui ont considéré avec horreur sa vie et sa mort, ses enseignements corrompus pendant sa vie, mais qui aujourd'hui veulent bien être enseignés par lui, -- un des hommes les plus vils et les plus corrompus, qui a méprisé Dieu et sa loi.1 (Voir Appendice.) PE 89 2 C'est ainsi que le père du mensonge aveugle et séduit le monde en envoyant ses anges pour parler au nom des apôtres, et faire croire qu'ils sont en contradiction avec ce qu'ils ont écrit sous la dictée du Saint-Esprit alors qu'ils étaient ici-bas. Ces anges trompeurs présentent les apôtres comme reniant leurs propres enseignements et déclarent que ceux-ci ont été adultérés. En agissant ainsi, Satan se plaît à jeter les chrétiens, et le monde entier, dans l'incertitude en ce qui concerne la Parole de Dieu. Celle-ci le suit dans ses retranchements, et déjoue ses plans; c'est pourquoi il s'efforce de susciter le doute sur son origine divine. Il exalte l'athée Thomas Paine et assure qu'à sa mort il est monté au ciel, d'où il enseigne le monde, étant aujourd'hui avec les saints apôtres, qu'il haïssait quand il était ici-bas. PE 90 1 Satan assigne une tâche à chacun de ses anges. Il leur recommande d'être fourbes, habiles, astucieux. Certains doivent agir comme les apôtres et parler pour eux, tandis que d'autres représenteront des incrédules et des méchants qui sont morts en maudissant Dieu, mais qui seraient maintenant très religieux. Ils ne font aucune différence entre les plus grands des apôtres et les plus vils des hommes. Ils leur font enseigner les mêmes choses. Peu importe pour Satan qui il fait parler, pourvu que son but soit atteint. Il était si intimement uni avec Paine ici-bas qu'il l'aidait dans son oeuvre maléfique; c'est facile pour lui d'employer les termes mêmes de cet incrédule et l'écriture qui a si bien servi ses desseins. C'est lui qui lui dicta un grand nombre de ses ouvrages. On comprend qu'il puisse si facilement le faire parler ou écrire par ses suppôts; Paine n'était-il pas de son vivant un serviteur dévoué du diable? Tous ces enseignements présentés comme venant des apôtres, des saints et des méchants qui sont morts, viennent directement de sa majesté satanique. PE 90 2 Le fait que Satan prétende qu'un de ceux qu'il a tant aimés et qui ont haï profondément Dieu soit aujourd'hui avec les saints apôtres et les anges dans la gloire, devrait suffire pour faire tomber le voile de tous les esprits et leur faire comprendre les oeuvres néfastes et mystérieuses de notre grand ennemi. Il dit virtuellement au monde et aux incrédules qu'il importe peu que l'on soit méchant, que l'on croit ou non à Dieu ou à la Bible. "Vivez, dit-il, comme bon vous semble; le ciel est votre demeure." Car il est bien évident que si Paine est au ciel et y occupe une place élevée, tout le monde peut y aller. Cette erreur est si manifeste que tous peuvent la discerner s'ils le veulent. En se servant de certaines personnes comme Thomas Paine, Satan s'efforce de poursuivre ce qu'il a tâché de faire depuis sa chute. Par sa puissance et ses prodiges mensongers il sape à la base l'espérance des chrétiens et éteint le soleil qui doit illuminer l'étroit sentier destiné à les conduire au ciel. Il fait croire au monde que la Bible n'est pas inspirée, qu'elle ne vaut pas plus qu'un livre d'histoires quelconques. Il la remplace par les manifestations spirites. PE 91 1 Celles-ci constituent un intermédiaire qui lui est consacré entièrement, qui est sous son contrôle, par lequel il peut faire croire au monde ce qu'il veut. Il laisse dans l'ombre le Livre qui doit le juger un jour avec ses suppôts. Pour lui, le Sauveur du monde n'est pas plus qu'un simple mortel. Comme les soldats romains qui montaient la garde au sépulcre de Jésus et qui firent courir le bruit que les chefs des prêtres et les anciens des Juifs avaient mis dans leur bouche, ainsi en est-il de ces pauvres gens qui se laissent séduire par ces prétendues manifestations spiritualistes, et qui s'en vont répétant qu'il n'y a rien de miraculeux dans la naissance, la mort et la résurrection du Sauveur. Après avoir éclipsé Jésus, ils attirent l'attention sur eux-mêmes, sur leurs miracles qui, affirment-ils, sont bien supérieurs à ceux du Christ. Ainsi le monde est pris au piège, et bercé par un sentiment de sécurité, jusqu'à ce que les sept derniers fléaux soient versés sur la terre. Satan se réjouit de voir si bien réussir ses plans, et le monde entier tombe dans ses filets. PE 91 2 5. Aux pages 54, 55 je dis qu'une nuée glorieuse couvrait le Père et que sa personne ne pouvait être vue. Je dis aussi que je vis le Père se lever de son trône. Le Père était entouré d'un halc de lumière et de gloire, de sorte que personne ne pouvait le distinguer. Cependant je savais que c'était le Père, et que de sa personne émanaient cette lumière et cette gloire. Lorsque je vis ce corps de lumière et de gloire s'élever du trône, je savais que c'était parce que le Père se levait, c'est pourquoi je dis que je vis le Père se lever. La gloire -- ou l'excellence -- de sa forme, je ne la vis pas; nul ne saurait la voir et vivre; cependant la lumière glorieuse qui entoure son trône pouvait être vue. PE 92 1 Je dis aussi que "Satan apparut près du trône, essayant de faire l'oeuvre de Dieu". Je citerai une autre phrase de la page 55: "Je me retournai pour voir le groupe qui était incliné devant le trône." Ce groupe en prière était dans son état mortel, sur la terre; cependant il me fut présenté comme incliné devant le trône. Je n'ai jamais eu dans l'idée que ces gens étaient déjà dans la nouvelle Jérusalem. Je ne pense pas non plus que l'on puisse supposer que je crois que Satan était dans la nouvelle Jérusalem. Mais Jean ne vit-il pas le grand dragon rouge dans le ciel? "Un autre signe parut encore dans le ciel, dit-il; et voici, c'était un grand dragon rouge, ayant sept têtes et dix cornes." Apocalypse 12:3. Comment pourrait-il se faire qu'un tel monstre se trouvât dans le ciel! Il y a là autant matière à ridicule que dans l'interprétation de mes déclarations. PE 92 2 6. Aux pages 48-51 je parle d'une vision que j'eus au mois de janvier 1850. La partie de cette vision qui se rapporte aux moyens dont étaient frustrés les messagers du Seigneur, s'applique plus particulièrement à ce temps. Depuis lors, des amis de la cause de la vérité présente ont été généreux; ils ont profité des occasions pour faire le bien avec leur argent. Quelques-uns même ont donné trop généreusement, et ont fait du mal à ceux qui ont reçu. Pendant deux ans environ, il m'a été montré qu'on dépensait trop facilement l'argent du Seigneur plutôt que d'en manquer. PE 92 3 Ce qui suit provient d'une vision que j'eus à Jackson (Michigan), le 2 juin 1853. Elle se rapportait en grande partie aux frères de cet endroit. "Je vis que les frères commençaient à sacrifier leurs propriétés, et en donnaient le prix sans connaître le véritable objectif qui était devant eux -- la cause qui était en souffrance -- , et ils donnaient généreusement, beaucoup trop, et trop souvent. Je vis que les instructeurs auraient dû corriger cette erreur, et exercer une bonne influence dans l'église. On a fait peu ou pas de cas de l'argent; le plus tôt on en disposait mieux cela valait. Un mauvais exemple a été donné par quelques-uns qui ont accepté de gros dons, et n'ont pas donné la moindre indication à ceux qui avaient des biens de ne pas en user trop librement. En acceptant de si grosses sommes d'argent, sans s'inquiéter de savoir si c'était Dieu qui avait inspiré les frères pour être si généreux, trop de libéralité a été sanctionnée. PE 93 1 "Les donateurs ont aussi erré, ils ne se sont pas inquiétés de savoir s'il y avait ou non des besoins à satisfaire. Ceux qui avaient de l'argent étaient très perplexes. Un frère souffrit d'avoir trop d'argent entre les mains. Il n'avait pas appris l'économie, mais vivait d'une manière dispendieuse, et il dépensait pour ses voyages çà et là, sans aucune nécessité. Il donnait le mauvais exemple en dépensant ainsi l'argent du Seigneur. Il semblait dire: 'Il y a assez d'argent à J..., il y en a même beaucoup plus que l'on peut dépenser avant que le Seigneur revienne.' De tels procédés firent beaucoup de mal à quelques-uns; ils acceptèrent la vérité avec de fausses vues, ne se rendant pas compte que c'était l'argent du Seigneur qu'ils dépensaient et n'en connaissant pas la valeur. Ces pauvres gens qui venaient d'accepter le message du troisième ange, et qui avaient eu un tel exemple devant eux, avaient beaucoup à apprendre pour renoncer au moi et souffrir pour l'amour du Christ. Ils devront apprendre à renoncer à leurs aises, à leur confort, et connaître la valeur des âmes. Ceux qui sentent que le 'malheur' est sur eux s'ils ne prêchent l'Evangile ne penseront pas aux facilités des voyages. D'aucuns qui n'ont pas reçu d'appel ont été encouragés à entrer dans le champ. D'autres ont été affectés par ces choses, et n'ont pas éprouvé la nécessité de l'économie, du renoncement à soi-même, afin de remplir le trésor du Seigneur. Ils diraient plutôt: 'D'autres ont assez d'argent; ils donneront pour soutenir le journal. Je n'ai rien besoin de faire. Le journal marchera sans mon aide.'" PE 94 1 Ce ne fut pas une petite épreuve pour moi de constater que quelques-uns de ceux qui s'étaient appuyés sur cette partie de mes visions parlant de sacrifier ses biens pour soutenir la cause, en faisaient un mauvais usage. Ils employaient ces fonds d'une manière extravagante, tandis qu'ils négligeaient les principes exposés dans les autres parties. A la page 50 nous lisons: "Je vis que la cause de Dieu avait été paralysée et déshonorée par des hommes auxquels Dieu n'avait pas confié de message. Ceux-là devront rendre compte un jour de chaque dollar dépensé pour des voyages inutiles. Cet argent aurait pu être utilisé pour faire avancer la cause de Dieu." A la page 50 nous lisons encore: "Je vis que ceux qui avaient la force de travailler et de soutenir la cause étaient responsables de leurs forces, comme d'autres de leurs biens." PE 94 2 Je voudrais ici attirer l'attention sur la vision mentionnée à ce sujet à la page 57. En voici un court extrait: "Je vis que certains n'avaient pas annoncé le message sous son jour véritable: 'Vendez ce que vous possédez, et donnez-le en aumônes.' Luc 12:33. Ils n'avaient pas présenté clairement la signification de ces paroles du Sauveur. Le but à atteindre en vendant n'est pas de subvenir aux besoins de ceux qui sont capables de le faire eux-mêmes, mais de répandre la vérité. C'est un péché d'entretenir et d'encourager la paresse de ceux qui peuvent travailler. Il en est qui ont été zélés pour assister à toutes les assemblées, non pour glorifier Dieu, mais pour 'des pains et des poissons'. Ils auraient mieux fait de rester chez eux et de travailler de leurs mains 'à ce qui est bien' pour subvenir aux besoins des leurs et avoir quelque chose à donner pour soutenir la cause de la vérité présente." Le dessein de Satan a été autrefois d'en pousser quelques-uns à dépenser trop d'argent et à influencer les frères à vendre leurs biens précipitamment, afin que par une abondance d'argent donné hâtivement, des âmes en reçoivent du mal et soient finalement perdues, et que maintenant que la proclamation de la vérité prend de l'extension, les fonds fassent défaut. Ce dessein de Satan a été réalisé en partie. PE 95 1 Le Seigneur m'a montré l'erreur d'un grand nombre qui s'imaginent que seuls ceux qui sont riches doivent soutenir la publication de notre journal et de nos brochures. Tous ont à faire leur part. Ceux qui ont la force de travailler et de gagner de l'argent pour soutenir la cause en sont responsables, comme d'autres de leurs biens. Tout enfant de Dieu qui professe croire à la vérité présente doit être zélé pour faire sa part dans cette cause. PE 95 2 Au mois de juillet 1853, je vis qu'il n'était pas bien que le journal, qui est celui de Dieu et qu'il approuve, sorte si peu souvent.1 La cause, à l'époque où nous vivons, exige que ce journal paraisse chaque semaine, et que de nombreux traités voient le jour, afin de combattre les erreurs de notre temps qui se multiplient; mais l'oeuvre est paralysée faute de moyens. Je vis que la vérité doit faire son chemin, et que nous ne devions pas être trop craintifs, et qu'il valait mieux que des journaux et des brochures soient reçus par trois personnes qui n'en aient pas besoin, plutôt que d'en priver une seule âme qui les apprécie et qui puisse en recevoir du bien. Les signes des derniers jours doivent être exposés clairement, car les manifestations de Satan continuent à augmenter. Les publications de ce dernier et de ses suppôts se multiplient, apportant avec elles leur influence maléfique. Tout ce qui peut être tenté pour proclamer la vérité doit l'être rapidement. PE 95 3 Il m'a été montré que la vérité exposée dans des publications fera son chemin, car c'est la vérité pour les derniers jours. Elle vivra, et à l'avenir on n'aura pas à s'étendre là-dessus. Il n'est pas nécessaire d'employer beaucoup de mots dans le journal pour exposer ce qui est évident et brille de sa propre clarté. La vérité est directe, simple et claire. Elle assume sa propre défense, ce qui n'est pas le cas avec l'erreur. Celle-ci est si sinueuse, si entortillée, qu'il faut une multitude de mots pour parvenir à l'expliquer. Je vis que toute la lumière reçue à certains endroits était venue du journal; que des âmes avaient été gagnées à la vérité par ce moyen et l'avaient communiquée à d'autres et que dans diverses localités où il y avait plusieurs croyants, ceux-ci avaient connu la vérité par ce messager silencieux. Ce fut leur seul prédicateur. La cause ne doit pas être paralysée faute de moyens. ------------------------Chapitre 23 -- L'ordre évangélique PE 97 1 Le Seigneur m'a montré que l'ordre évangélique avait été beaucoup trop craint et négligé.1 Le formalisme doit être évité, mais il ne faut pas pour cela oublier l'ordre. Il y a de l'ordre au ciel. Il y en avait dans l'Eglise lorsque le Christ était ici-bas; et après son ascension, l'ordre fut strictement observé par ses apôtres. Et maintenant que nous sommes dans les derniers jours, alors que Dieu amène ses enfants à l'unité de la foi, l'ordre est plus nécessaire que jamais. Car si le Seigneur unit ses enfants, Satan et ses anges font tous leurs efforts pour détruire cette unité. C'est ce qui explique que des hommes qui manquent de sagesse et de jugement soient entrés hâtivement dans le champ. Ils ne savent peut-être pas diriger leur propre maison et n'ont aucun ordre en ce qui les concerne. Pourtant ils se croient capables d'avoir la charge du troupeau du Seigneur. Ils commettent de nombreuses erreurs, et ceux qui ne connaissent pas notre foi jugent tous les messagers d'après ces hommes qui n'ont reçu de mandat de personne. Ainsi la cause de Dieu est dans l'opprobre et la vérité bafouée par de nombreux incroyants qui sans cela auraient la franchise de demander: "Les choses sont-elles ainsi?" PE 97 2 Ces hommes dont la vie ne dénote aucune sainteté et qui ne sont pas qualifiés pour enseigner la vérité présente, entrent dans le champ sans être reconnus par l'Eglise ou les frères en général. Le résultat, c'est la confusion, la désunion. Quelques-uns d'entre eux connaissent la théorie de la vérité et sont capables de présenter des arguments, mais ils manquent de spiritualité, de jugement et d'expérience. Ils ignorent bien des choses qui leur seraient nécessaires avant de pouvoir enseigner la vérité. D'autres ne peuvent donner d'arguments; mais parce que des frères les ont entendus faire de belles prières et de bonnes exhortations de temps en temps, on les presse d'entrer dans le champ, de s'engager dans une oeuvre pour laquelle Dieu ne les a pas qualifiés, car ils n'ont pas suffisamment d'expérience et de jugement. Ils s'enorgueillissent alors spirituellement et, sans raisons valables, se croient des ouvriers du Seigneur. Ils ne se connaissent pas eux-mêmes. Ils manquent de jugement et de persévérance, se vantent et affirment beaucoup de choses qu'ils sont incapables de prouver par la Parole. Dieu sait tout cela; c'est pourquoi il n'appelle pas de tels hommes dans sa vigne en ces temps périlleux. Les frères doivent être très prudents et ne pas envoyer dans le champ ceux que le Seigneur n'a pas appelés. PE 98 1 Ces hommes que Dieu n'a pas choisis sont les plus assurés qu'ils sont appelés et que leurs travaux sont très importants. Ils vont dans le champ et n'y exercent généralement pas une bonne influence. Cependant en certains endroits, ils obtiennent quelque succès, ce qui les amène, ainsi que d'autres, à penser que Dieu les a sûrement désignés. Mais le succès n'est pas une preuve évidente qu'on est appelé de Dieu; car les anges travaillent dans les coeurs sincères; ils éclairent leur intelligence concernant la vérité présente, pour que celle-ci soit acceptée et vécue. Même si des hommes qui ne sont pas envoyés de Dieu se rendent là où il ne les place pas, prétendent enseigner, et que des âmes acceptent la vérité à la suite de leur prédication, cela ne prouve pas qu'ils aient été appelés de Dieu. Ceux qui acceptent la vérité par leur moyen reconnaissent plus tard que ces hommes ne se basaient pas sur le conseil de Dieu et subissent eux-mêmes la servitude et les épreuves. Même si des hommes pervers parlent de la vérité, d'aucuns peuvent l'accepter, mais ces hommes trompeurs n'en acquièrent pas pour cela les faveurs du ciel, s'ils restent méchants, et dans la mesure où ils ont trompé ceux qui sont aimés de Dieu, selon la confusion qu'ils apportent dans l'Eglise, ils recevront un jour leur châtiment. Leurs péchés ne resteront pas impunis, le jour de Dieu les fera connaître. PE 99 1 Ces messagers qui se sont envoyés eux-mêmes sont une malédiction pour la cause. Des âmes sincères mettent en eux leur confiance, en pensant qu'ils suivent le conseil de Dieu et vivent en parfaite union avec l'Eglise. C'est pourquoi ces croyants acceptent que ces hommes administrent les ordonnances du Seigneur, et ils se font même baptiser par eux. Mais lorsque ces âmes sincères y voient clair -- et cela arrive un jour ou l'autre -- elles s'aperçoivent que ces hommes ne sont pas ce qu'elles pensaient, c'est-à-dire des messagers choisis et appelés de Dieu, elles sont plongées dans l'épreuve et le doute au sujet de la vérité qu'elles ont reçue, et le besoin se fait sentir chez elles de se faire instruire à nouveau. Ces croyants sont troublés par l'ennemi et dans leur perplexité ils se demandent si c'est bien le Seigneur qui les a conduits et ne sont satisfaits que lorsqu'ils ont été rebaptisés. Il est beaucoup plus difficile aux messagers de Dieu d'aller travailler là où ces hommes ont exercé une mauvaise influence que d'entrer dans de nouveaux champs. Les serviteurs de Dieu doivent agir ouvertement, loyalement, et ne pas pactiser avec l'erreur. Ils se tiennent entre les vivants et les morts, et auront à rendre compte de la manière dont ils se sont acquittés de leur mission, ainsi que de l'influence qu'ils ont exercée sur le troupeau dont le Seigneur les a fait surveillants. PE 99 2 Ceux qui acceptent la vérité et subissent de telles épreuves l'auraient connue aussi bien s'ils n'avaient pas été en rapport avec ces hommes, et si ceux-ci avaient occupé l'humble place que le Seigneur leur avait désignée. L'oeil de Dieu se pose sur ses joyaux, et il aurait dirigé vers eux ses messagers choisis -- des hommes qui se seraient conduits intelligemment. La lumière de la vérité aurait luit pour ces âmes et leur aurait fait comprendre leur véritable position. Elles auraient accepté la vérité en connaissance de cause, et auraient été satisfaites de sa beauté et de sa clarté. En en ressentant les puissants effets, elles auraient été affermies et auraient exercé une sainte influence. PE 100 1 Le danger que présentent pour la cause ces personnes qui voyagent sans que le Seigneur ne les ait appelées m'a de nouveau été montré. Si elles obtiennent quelque succès, on se rendra compte des qualités qui leur manquent. Elles commettront des erreurs graves, et par leur manque de sagesse des âmes précieuses pourront être égarées à un tel point qu'il ne sera plus jamais possible de les atteindre. J'ai vu que l'Eglise devait sentir sa responsabilité, et agir judicieusement à l'égard de ceux qui veulent enseigner, c'est-à-dire examiner soigneusement leur vie, leurs aptitudes et leur conduite en général. S'ils ne donnent pas de preuve indubitable d'être appelés par le Seigneur et de sentir que s'ils ne répondent pas à cet appel ils porteront le poids du "malheur à moi si je n'annonce l'évangile", c'est à l'église qu'il incombe le devoir d'agir et de faire savoir qu'elle ne reconnaît pas ces personnes comme des messagers de Dieu. Telle est la seule conduite que l'église puisse adopter à cet égard. PE 100 2 J'ai vu que cette porte où passe l'ennemi pour venir troubler le troupeau du Seigneur peut être fermée. Je demandai à l'ange comment cela pouvait se faire. Il me répondit: "L'Eglise doit avoir recours à la Parole de Dieu, et revenir à l'ordre évangélique, perdu de vue et négligé." C'est une nécessité absolue si l'on veut faire régner dans l'Eglise l'unité de la foi. J'ai vu qu'aux jours des apôtres l'Eglise avait été en danger d'être séduite par les faux docteurs. C'est pourquoi les frères choisirent des hommes ayant donné la preuve qu'ils gouvernaient bien leur propre maison et maintenaient l'ordre chez eux. Ils pouvaient donc éclairer ceux qui étaient dans les ténèbres. On pria le Seigneur à leur sujet; et selon la décision de l'Eglise et du Saint-Esprit, ils furent mis à part par l'imposition des mains. Ayant reçu leur mission de Dieu et l'approbation de l'Eglise, ils partirent baptiser au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Ils administraient les ordonnances du Seigneur, rendant souvent visite aux saints, rompant pour eux les symboles du corps brisé et du sang versé par le Sauveur crucifié, afin de rappeler à la mémoire des enfants de Dieu ses souffrances et sa mort. PE 101 1 J'ai vu que nous ne sommes pas plus en sécurité aujourd'hui en ce qui concerne les faux docteurs qu'aux jours des apôtres, et nous devrions au moins prendre des mesures aussi énergiques que les leurs pour assurer la paix, l'harmonie et l'unité du troupeau. Nous avons leur exemple, et il nous faut le suivre. Des frères d'expérience et de jugement sûr doivent se réunir, et selon la Parole de Dieu et la sanction du Saint-Esprit, après de ferventes prières, imposer les mains à ceux qui ont donné la preuve indubitable qu'ils ont reçu de Dieu leur mission, afin de les mettre à part pour qu'ils se consacrent entièrement à son oeuvre. Cet acte montrera que l'Eglise sanctionne leur départ comme messagers du Seigneur pour proclamer le message le plus solennel qui ait jamais été confié aux hommes. PE 101 2 Le Seigneur ne confiera pas le soin de son précieux troupeau à des hommes dont l'esprit et le jugement ont été affaiblis par d'anciennes erreurs qu'ils ont cultivées, telles que le "perfectionnisme" et le spiritisme. (Voir Appendice.) Leur façon d'agir alors qu'ils enseignaient ces erreurs les a disqualifiés et a couvert d'opprobre la cause de la vérité. Bien qu'ils se croient aujourd'hui libérés de ces erreurs, et compétents pour enseigner le dernier message, Dieu ne les acceptera pas. Il ne confiera pas ses âmes précieuses à leurs soins; car leur jugement a été faussé alors qu'ils étaient dans l'erreur, et il n'est pas redevenu normal. Le grand Dieu, saint et jaloux, a besoin de saints hommes pour proclamer sa vérité. La sainte loi donnée du haut du Sinaï fait partie de Dieu lui-même, et les saints hommes qui en sont les stricts observateurs sont les seuls auxquels il confie l'honneur de l'enseigner aux autres. PE 102 1 Les serviteurs de Dieu qui enseignent la vérité doivent être des hommes de jugement, des hommes qui peuvent faire face à l'opposition sans s'exciter; car ceux qui combattent la vérité attaqueront ses défenseurs, et présenteront les pires objections qu'ils pourront avancer à cet effet. Les serviteurs de Dieu qui prêchent le message doivent être préparés à réfuter ces objections avec calme et douceur, par la lumière de la vérité. Il arrive fréquemment que les adversaires parlent aux ministres de Dieu d'une manière provocante dans l'espoir de leur arracher des réponses similaires, afin de pouvoir déclarer que les défenseurs des commandements sont vraiment, comme on le leur a dit, durs et acerbes. J'ai vu que nous devions être préparés à réfuter les objections avec patience, jugement et douceur, leur donnant le poids qu'elles méritent, sans les écarter par des affirmations trop positives qui terrassent l'adversaire, et font preuve de dureté à son égard. Reconnaissons la valeur des objections, puis faisons ressortir la lumière de la vérité, et laissons celle-ci l'emporter sur l'erreur. C'est ainsi que l'on produira une bonne impression, et que les adversaires sincères reconnaîtront qu'ils étaient séduits et que les observateurs des commandements ne sont pas ce qu'on leur en avait dit. PE 102 2 Ceux qui professent être des serviteurs du Dieu vivant doivent être disposés à être les serviteurs de tous plutôt que de s'exalter au-dessus des frères. Il faut aussi qu'ils soient bons et courtois. S'ils commettent des erreurs, qu'ils soient prêts à les confesser. L'honnêteté dans les intentions ne doit pas être une excuse pour ne pas confesser ses erreurs. La confession ne diminuera pas la confiance de l'Eglise à l'égard du messager, et celui-ci donnera un bon exemple; la pratique de la confession sera encouragée dans l'Eglise et il en résultera une douce communion. Ceux qui professent être des instructeurs seront des modèles de piété, de douceur, d'humilité, de bonté, afin de gagner des âmes à Jésus et à la vérité biblique. Un ministre du Christ sera pur dans ses conversations et dans ses actes. Il ne doit jamais oublier qu'il transmet les paroles inspirées par un Dieu saint. Qu'il n'oublie pas non plus qu'il a la garde du troupeau, qu'il doit présenter à Jésus le cas de tous ceux qui en font partie et plaider pour eux comme Jésus le fait pour nous devant son Père. PE 103 1 Je fus amenée à considérer les enfants d'Israël d'autrefois, et je vis combien pure et sainte devait être la vie des ministres du sanctuaire, parce qu'ils étaient amenés par la nature de leur oeuvre à être en union intime avec Dieu. Il fallait que les ministres fûssent saints, purs, irréprochables, sinon Dieu les aurait détruits. Or Dieu n'a pas changé. Il est aujourd'hui aussi saint, aussi pur et aussi juste qu'il le fut jamais. Ceux qui professent être les ministres de Jésus doivent être des hommes qui ont de l'expérience et une piété profonde, et qui en tout temps et en tout lieu exercent une sainte influence. PE 103 2 J'ai vu que le temps est venu pour les messagers d'aller où s'ouvrent des portes; Dieu les précédera et disposera les coeurs de quelques-uns à les écouter. Il faut entrer dans de nouveaux champs, et il serait bon, si les choses s'y prêtent, d'aller deux à deux pour se soutenir l'un l'autre. Un plan me fut présenté: il conviendrait que deux frères partent ensemble, voyagent en compagnie dans des endroits où règnent les ténèbres, où il y a beaucoup d'opposition et où le travail abonde, et là, par des efforts conjugués et une foi solide, qu'ils se consacrent à étaler la vérité devant ceux qui sont dans les ténèbres. Puis si les deux frères peuvent faire davantage en visitant séparément différents endroits et en se retrouvant souvent pour s'encourager mutuellement, qu'ils adoptent ce plan. Qu'ils se consultent au sujet des champs ouverts devant eux et qu'ils décident lesquels de leurs talents sont les plus nécessaires et de quelle manière ils auront le plus de succès pour atteindre les coeurs. Ensuite au moment de se séparer de nouveau, leur courage et leur énergie seront renouvelés pour affronter l'opposition et les ténèbres, afin de travailler de bon coeur au salut des âmes qui se perdent. PE 104 1 J'ai vu que les serviteurs de Dieu ne devaient pas se cantonner dans le même champ de travail, mais se rendre dans de nouveaux endroits pour gagner des âmes. Ceux qui connaissent déjà la vérité ne doivent pas exiger autant de leur service; car ils devraient se conduire seuls et affermir les frères qui les entourent, alors que les messagers de Dieu iront où règnent les ténèbres, pour exposer la vérité présente à ceux qui ne la connaissent pas encore. ------------------------Chapitre 24 -- Difficultes dans l'Église PE 104 2 Chers frères et soeurs: A mesure que l'erreur progresse, il faut redoubler de zèle pour la cause de Dieu et comprendre le sérieux des temps dans lesquels nous vivons. Les ténèbres couvrent la terre et ses habitants. Et comme la plupart de ceux qui nous entourent gisent dans les ténèbres épaisses de l'erreur et du mensonge, nous devons secouer notre torpeur et vivre près du Seigneur, où nous pourrons recevoir de divins rayons de lumière et de gloire de la personne de Jésus. Les ténèbres s'épaississant et l'erreur augmentant, nous devrions obtenir une connaissance plus parfaite de la vérité, être toujours prêts à défendre notre foi par les Ecritures. PE 105 1 Nous devons être sanctifiés par la vérité, entièrement consacrés au Seigneur, et vivre d'une manière si conforme à notre profession de foi que Dieu puisse répandre sur nous plus de lumière et nous fortifier de sa force. Chaque fois que nous manquons de vigilance, nous risquons d'être surpris par l'ennemi et de devenir la proie de la puissance des ténèbres. Satan ordonne à ses anges d'avoir l'oeil ouvert pour faire tomber tous ceux qu'ils peuvent, pour découvrir les fautes et les péchés de ceux qui font profession de croire à la vérité, les entourer de ténèbres, les amener à s'oublier, à déshonorer la cause de Dieu et à attrister l'Eglise. Ceux qui se sont ainsi égarés, qui ont cessé de veiller, sont de plus en plus clans l'obscurité, et la lumière du ciel s'évanouit de plus en plus pour eux. Ils ne peuvent découvrir les péchés qui les assiègent, et Satan tend autour d'eux ses filets, jusqu'à ce qu'il ait réussi à s'emparer d'eux. PE 105 2 Dieu est notre force. Nous devons regarder à lui pour obtenir la sagesse et savoir nous diriger. Si nous avons toujours en vue sa gloire, le bien de l'Eglise et le salut de nos âmes, nous vaincrons tous les péchés qui nous assiègent. Nous devrions chercher individuellement à remporter chaque jour de nouvelles victoires. Il nous faut apprendre à marcher seuls dans la bonne voie et à ne dépendre que de Dieu. Plus tôt nous apprendrons cela, mieux nous nous en trouverons. Que chacun cherche à savoir où il faute, et veille ensuite fidèlement, afin que ses péchés ne le terrassent pas, mais qu'il en triomphe. Alors nous pourrons nous confier en Dieu, et de grandes difficultés seront épargnées à l'Eglise. PE 105 3 Lorsque les messagers de Dieu vont travailler au salut des âmes, ils perdent beaucoup de temps à s'occuper de ceux qui connaissent la vérité depuis des années, mais sont encore faibles parce qu'ils ont négligé de veiller sur eux-mêmes, et parfois, me semble-t-il, ont poussé l'ennemi à les tenter. Ils tombent dans des difficultés et des épreuves puériles, et les serviteurs de Dieu doivent passer leur temps à les visiter. Ils sont ainsi absorbés pendant des heures, même des journées entières, et leurs âmes sont blessées et affligées à écouter ces petites difficultés et ces épreuves insignifiantes où chacun grossit ses propres griefs pour les rendre aussi sérieux que possible, de peur que les serviteurs de Dieu ne viennent à penser que la chose ne méritait pas qu'on y fît attention. Au lieu de demander à ces hommes de Dieu de les aider à sortir de ces épreuves, ils feraient mieux de s'humilier devant le Seigneur, de prier et de jeûner, jusqu'à ce que ces épreuves aient disparu. PE 106 1 Il en est qui pensent que le seul but pour lequel Dieu a appelé ses messagers dans leur champ d'activité, c'est d'accourir à leur appel et de les porter en quelque sorte dans leurs bras. Ils pensent que la partie la plus importante de leur besogne consiste à régler leurs petites misères, qu'ils se sont attirées par leur manque de jugement, en prêtant le flanc à l'ennemi, ainsi que par leur disposition incorrigible à faire ressortir les défauts de ceux qui les entourent. Mais pendant ce temps, que deviennent les brebis affamées qui soupirent après le pain de vie? Ceux qui connaissent la vérité, mais qui ne s'y conforment pas -- s'ils le faisaient, ils s'épargneraient une grande partie de ces épreuves -- absorbent le temps de ces messagers, qui ne sauraient ainsi s'acquitter de la tâche à laquelle le Seigneur les a appelés. PE 106 2 Les serviteurs de Dieu sont peinés et leur courage est abattu lorsque de telles choses se produisent dans l'Eglise. Chacun devrait s'évertuer à ne pas ajouter le poids d'une plume à leur fardeau, mais au contraire à les aider, à les soutenir par des paroles d'encouragement et la prière de la foi. Comme ils se sentiraient libres si tous ceux qui professent la vérité cherchaient à encourager ceux qui les entourent au lieu de ne penser qu'à eux-mêmes! Il en résulte que lorsque les serviteurs de Dieu pénètrent dans de nouveaux champs, où la vérité n'a pas encore été proclamée, ils y apportent un esprit blessé par ces petites difficultés de leurs frères. Et avec tout cela, ils ont à faire face à l'incrédulité et aux préjugés des adversaires. PE 107 1 Comme il leur serait plus facile sans cela de toucher les coeurs! Comme Dieu serait glorifié si ses serviteurs pouvaient, d'un esprit léger, présenter la vérité dans toute sa beauté! Ceux qui se sont rendus coupables d'absorber à ce point les serviteurs de Dieu, en leur racontant leurs difficultés qu'il leur était facile de régler eux-mêmes, auront à rendre compte au Seigneur pour tout le temps et les moyens employés pour leur être agréables, et, par là, donner satisfaction à l'ennemi. Ceux-là devraient pouvoir être capables de venir en aide à leurs frères, et ne jamais exposer à toute une assemblée leurs épreuves et leurs difficultés, ou attendre l'arrivée de quelque messager du Seigneur pour régler leurs affaires. Qu'ils se mettent eux-mêmes en règle avec Dieu, afin que leurs épreuves soient oubliées, et lorsque les ouvriers du Seigneur seront là, qu'ils soient prêts à les soutenir au lieu de les fatiguer inutilement. ------------------------Chapitre 25 -- L'espérance de l'église PE 107 2 Ces derniers temps, j'ai regardé autour de moi pour découvrir les vrais disciples de l'humble et doux Jésus, et mon esprit a été très perplexe. PE 107 3 Beaucoup de ceux qui professent attendre la venue prochaine du Sauveur vivent comme les mondains: ils sont bien plus préoccupés d'obtenir l'approbation de ceux qui les entourent que celle de Dieu. Ils sont froids et formalistes, comme les églises nominales dont ils sont sortis récemment. Le message à Laodicée décrit parfaitement leur condition. Voir Apocalypse 3:14-20. Ils ne sont ni froids ni bouillants, mais tièdes. S'ils refusent d'écouter le conseil du "témoin fidèle et véritable", et ne se repentent vraiment; s'ils n'achètent pas de "l'or éprouvé par le feu", des "vêtements blancs" afin d'être vêtus et un "collyre" pour oindre leurs yeux, ils seront vomis de sa "bouche". PE 108 1 Nous sommes arrivés à un moment où une grande partie de ceux qui se sont réjouis de la venue imminente du Seigneur, raisonnent comme les églises et le monde, qui se moquaient d'eux parce qu'ils croyaient à la proximité de ce retour, et faisaient circuler à leur sujet toutes sortes de bruits mensongers pour les discréditer et ruiner leur influence. PE 108 2 Aujourd'hui, si quelqu'un soupire après le Dieu vivant, s'il a faim et soif de justice, et si le Seigneur lui fait sentir sa présence et remplit son coeur de l'amour céleste, celui-là est bien souvent considéré par ceux qui professent croire au retour prochain du Christ comme un être qui se nourrit d'illusions, et on l'accuse d'être "mesmérisé" et animé d'un mauvais esprit. PE 108 3 Beaucoup de ces soi-disant chrétiens s'habillent, parlent et se conduisent comme des mondains. Prétendant suivre le Christ, ils ne sont cependant pas en communion avec le ciel. Seules les intéressent les choses d'ici-bas. Par contre, de quelle qualité ne doivent pas être les chrétiens qui, par la sainteté de leur conduite et par leur piété, démontrent qu'ils attendent et hâtent l'avènement du jour de Dieu! Voir 2 Pierre 3:11, 12. "Quiconque a cette espérance en lui se purifie, comme lui-même est pur." 1 Jean 3:3. Mais il est évident que beaucoup de ceux qui portent le nom d'Adventistes s'occupent davantage d'orner leurs corps pour plaire aux yeux du monde que d'apprendre de la Parole de Dieu comment ils peuvent s'assurer l'approbation de Dieu. PE 108 4 Qu'arriverait-il si Jésus, notre divin modèle, apparaissait au milieu d'eux, comme au temps de sa première venue? A ce moment-là il naquit dans une étable. Puis ce furent sa vie et son ministère. Il fut l'homme de douleur, habitué à la souffrance. Ces soi-disant chrétiens auraient honte de ce Sauveur doux et humble, qui portait une robe sans couture et n'avait pas un lieu où reposer sa tête. Sa vie irréprochable, désintéressée, les condamnerait; sa sainteté contrasterait singulièrement avec leur légèreté et leurs rires insensés. Sa manière de parler, franche et sincère, condamnerait la leur, souvent empreinte de cupidité. Les vérités qu'il exprimait sans détour feraient ressortir leurs vrais caractères. Leur plus grand désir serait de le voir s'éloigner d'eux le plus tôt possible, et ils seraient les premiers à s'écrier: "Crucifie-le!" PE 109 1 Suivons Jésus alors qu'il entrait à Jérusalem et que "toute la multitude des disciples, saisie de joie, se mit à louer Dieu à haute voix... Ils disaient: Béni soit le roi qui vient au nom du Seigneur! Paix dans le ciel, et gloire dans les lieux très hauts! Quelques pharisiens, du milieu de la foule, dirent à Jésus: Maître, reprends tes disciples. Et il répondit: Je vous le dis, s'ils se taisent, les pierres crieront!" Luc 19:37-39. A l'instar des pharisiens, une grande partie de ceux qui professent attendre le Christ aurait aimé voir les disciples réduits au silence. Ils auraient crié au fanatisme, au mesmérisme. Les disciples de Jésus "étendirent leurs vêtements sur le chemin", "et d'autres des branches qu'ils coupèrent dans les champs". Tout cela aurait été considéré comme des actes extravagants et insensés. Mais Dieu aura un peuple sur la terre qui sera bouillant et qui le louera et le glorifiera; c'est celui qui garde ses commandements. S'il se taisait, les pierres mêmes crieraient. PE 109 2 Jésus revient, mais non comme la première fois, comme un petit enfant à Bethléhem. Il ne montera pas à Jérusalem pour que les disciples louent Dieu à haute voix, et crient: "Hosanna!" Il revient dans la gloire du Père et avec tous les anges. Le ciel entier sera vide alors de tous les anges, tandis que les saints l'attendront, les regards dirigés vers la nuée, comme ces hommes de Galilée lorsqu'il monta vers son Père du mont des Oliviers. Seuls, à ce moment-là, ceux qui sont saints, ceux qui l'ont suivi fidèlement, pousseront des cris de joie en le voyant. "Voici, diront-ils, c'est notre Dieu, en qui nous avons confiance, et c'est lui qui nous sauve." Ésaïe 25:9. Et ils seront changés "en un instant, en un clin d'oeil, à la dernière trompette" -- cette trompette qui réveillera les saints endormis et les fera sortir de la poussière, revêtus d'immortalité, et s'écriant: "Victoire! Victoire sur la mort et sur le tombeau!" Les saints transformés seront alors enlevés ensemble avec les anges à la rencontre du Seigneur dans les airs, pour n'être plus jamais séparés de Celui qu'ils aiment. PE 110 1 Avec une telle perspective devant nous, une espérance aussi glorieuse, une telle rédemption obtenue par Jésus en versant son sang, nous tairons-nous? Ne louerons-nous pas à haute voix le Seigneur, comme les disciples lorsque Jésus faisait son entrée à Jérusalem? La perspective qui est devant nous n'est-elle pas bien plus glorieuse que la leur? Qui oserait nous empêcher de glorifier Dieu, même à haute voix, alors que nous avons une telle espérance, débordante d'immortalité et de gloire? Nous avons eu un avant-goût du monde à venir, et nous en avons la nostalgie. Tout mon être soupire après le Dieu vivant, et je ne serai heureuse que lorsqu'il remplira mon coeur de toute sa plénitude. ------------------------Chapitre 26 -- Préparation pour la venue du Christ PE 111 1 Chers frères et soeurs: Croyez-vous de tout votre coeur que le Christ reviendra bientôt et que nous possédons aujourd'hui le dernier message de miséricorde qui doit être donné à un monde coupable? Notre exemple est-il ce qu'il devrait être? Montrons-nous à ceux qui nous entourent, par notre conduite et nos paroles, que nous attendons l'apparition glorieuse de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, qui changera nos corps vils et les rendra semblables à son corps glorieux? Je crains que nous ne sentions pas ces choses comme nous le devrions. Ceux qui croient les vérités importantes que nous professons doivent agir selon leur foi. On recherche trop les plaisirs et ce qui attire l'attention du monde; on occupe beaucoup trop son esprit à la toilette, et la langue prononce trop souvent des propos qui frisent la légèreté, ce qui est un démenti à notre profession de foi, car notre conversation ne se concentre pas sur le ciel, d'où nous attendons le Sauveur. PE 111 2 Des anges veillent sur nous et nous gardent. Souvent nous leur faisons de la peine en parlant à la légère, en plaisantant, ou en nous laissant aller à l'indifférence et à la torpeur. Bien que nous fassions de temps en temps quelque effort pour obtenir la victoire, nous retombons ensuite dans la même ornière. Nous sommes incapables de vaincre les tentations et de résister à l'ennemi; nous ne supportons pas l'épreuve de notre foi, plus précieuse que l'or. Nous ne souffrons pas pour l'amour du Christ, et nous ne le glorifions pas dans la tribulation. PE 112 1 Cette force d'âme qui consiste à servir Dieu par principe nous fait grandement défaut. Nous ne devons pas rechercher notre plaisir et notre propre satisfaction, mais honorer et glorifier Dieu sincèrement dans tout ce que nous faisons et dans tout ce que nous disons. Si nos coeurs demeuraient toujours sous l'impression des paroles suivantes, si nous les avions toujours à l'esprit, nous ne succomberions pas si facilement à la tentation, et nos paroles seraient toujours sobres et bien choisies: "Il était blessé pour nos péchés, brisé pour nos iniquités; le châtiment qui nous donne la paix est tombé sur lui, et c'est par ces meurtrissures que nous sommes guéris." "Au jour du jugement, les hommes rendront compte de toute parole vaine qu'ils auront proférée." "Tu es un Dieu qui voit." PE 112 2 Nous ne pouvons penser à ces importantes vérités et aux souffrances du Christ endurées pour nous, pauvres pécheurs, afin de nous pardonner et de nous racheter par son sang précieux, sans éprouver un ardent désir de souffrir pour celui qui souffrit et supporta tout pour nous. Si nous considérons bien ces choses, notre cher moi avec toute sa dignité sera humilié. Il sera remplacé par une simplicité enfantine. Nous supporterons d'être repris par les autres et nous ne nous irriterons pas facilement. Notre volonté égoïste ne dominera plus notre âme. PE 112 3 Les joies véritables et les consolations du chrétien seront alors au ciel. Les âmes de ceux qui ont connu les puissances du monde à venir, qui ont goûté les joies célestes, ne sauraient plus se contenter des choses de cette terre. Ceux-là trouveront assez à faire dans leurs moments de loisir. Ils seront attirés vers Dieu; ils auront avec le Dieu qu'ils aiment et qu'ils adorent une douce communion, car là où est leur trésor, là aussi sera leur coeur. Ils contempleront ce trésor: la sainte cité, la terre renouvelée, leur demeure éternelle. Et alors qu'ils méditent sur ces choses sublimes, pures et saintes, le ciel se rapproche d'eux. Ils sentent la puissance du Saint-Esprit, qui les éloigne de plus en plus du monde; leurs principales joies sont dans les choses du ciel, leur paisible demeure. La puissance qui les attire vers Dieu et vers le ciel est si grande que rien ne saurait détourner leurs esprits de leur tâche importante: assurer le salut de l'âme, honorer et glorifier Dieu. PE 113 1 Lorsque je pense à tout ce qui a été fait pour que nous restions dans le droit chemin, je suis poussée à m'écrier: "Oh, quel amour, quel merveilleux amour, le Fils de Dieu n'a-t-il pas eu pour nous, pauvres pécheurs!" Serions-nous indifférents et insouciants pour tout ce qui a été fait pour notre salut? Le ciel tout entier s'intéresse à nous. Nous devrions être pleins d'ardeur pour honorer, glorifier et adorer le Très-Haut. Que nos coeurs débordent d'amour et de gratitude envers celui qui a manifesté tant d'amour et de compassion à notre égard. Honorons-le par notre conduite, et montrons par nos paroles pures et saintes que nous sommes nés d'en haut, que ce monde n'est pas notre patrie, que nous ne sommes ici-bas que des étrangers et des voyageurs, en route vers un pays meilleur. PE 113 2 Il en est beaucoup qui se réclament du nom du Christ et qui prétendent attendre sa venue prochaine, mais qui ne savent pas ce que c'est que de souffrir pour le Christ. Leurs coeurs ne sont pas subjugués par la grâce, et ils ne sont pas morts à eux-mêmes, comme on le constate en bien des occasions. Cela ne les empêche pas de parler de leurs épreuves. Or, la principale cause de ces épreuves vient de leurs coeurs rebelles, qui les rendent si sensibles qu'ils sont souvent de mauvaise humeur. S'ils pouvaient comprendre ce que cela veut dire que d'être d'humbles disciples du Christ, de véritables chrétiens, ils travailleraient en toute sincérité. Ils commenceraient par mourir à eux-mêmes, puis ils seraient fervents dans la prière, et chasseraient de leurs coeurs toute mauvaise pensée. PE 113 3 Mes frères, abandonnez votre propre suffisance, et suivez Celui qui est doux et humble de coeur. N'oubliez jamais que Jésus est votre exemple, et que vous devez suivre l'empreinte de ses pas. Regardez à lui; il est l'auteur et le consommateur de notre foi; à cause de la joie qui lui était proposée, il a souffert le supplice de la croix, méprisé l'ignominie. Il supporta la contradiction des pécheurs. Pour nos péchés, il fut l'agneau doux, meurtri, frappé, brisé, immolé. PE 114 1 Souffrons donc courageusement pour l'amour de Jésus. Crucifions chaque jour le vieil homme; prenons part aux souffrances du Christ, afin de participer à sa gloire lorsque nous serons couronnés d'honneur et d'immortalité. ------------------------Chapitre 27 -- Fidélité aux reunions d'edification mutuelle PE 114 2 Le Seigneur m'a montré que les observateurs du sabbat devraient s'intéresser tout particulièrement à leurs assemblées, et les rendre attrayantes. Il est grandement nécessaire que des efforts soient faits dans ce sens. Tous doivent avoir quelque chose à dire pour le Seigneur, car c'est ainsi qu'ils seront bénis. Un livre de mémoire est écrit sur ceux qui n'abandonnent pas leurs réunions, mais s'entretiennent souvent ensemble des bienfaits du ciel. Le "reste" des enfants de Dieu doit vaincre par le sang de l'Agneau et à cause de la parole de leur témoignage. Mais il en est qui s'attendent à vaincre uniquement par le sang de l'Agneau, sans aucun effort de leur part. J'ai vu que Dieu avait été miséricordieux en nous accordant la faculté de la parole. Il nous a été donné une langue, et nous sommes responsables devant le Seigneur de l'usage que nous en faisons. Nous devrions glorifier Dieu de nos bouches, en parlant de sa miséricorde infinie, ainsi que de la vérité, et vaincre par la parole de notre témoignage et le sang de l'Agneau. PE 115 1 Nous ne devrions pas nous réunir pour rester silencieux. Seuls sont tenus en mémoire par le Seigneur ceux qui s'assemblent pour s'entretenir de son honneur, de sa gloire et de sa puissance. Sur ceux-là seulement reposera la bénédiction de Dieu; et ils seront affermis. Si tous se comportaient comme il se doit, on ne perdrait pas un temps précieux, il ne serait pas nécessaire de conseiller de ne pas faire de longues prières et de longues exhortations. Tout le temps serait employé à prier et à rendre des témoignages courts et précis. Demandez, croyez, et vous recevrez. On se moque trop du Seigneur, on fait trop de prières qui n'en sont pas. Vaines et vides de sens, elles fatiguent les anges et déplaisent à Dieu. Il nous faut d'abord savoir ce dont nous avons besoin, et ensuite le demander à Dieu, avec la certitude qu'il nous exaucera au moment même où nous prions. Alors notre foi croîtra; tous seront édifiés; les faibles seront affermis et les découragés et abattus lèveront les yeux, persuadés que Dieu est le rémunérateur de tous ceux qui le cherchent. PE 115 2 Il en est qui gardent le silence dans les réunions parce qu'ils n'ont rien à dire de nouveau, et doivent, s'ils veulent parler, répéter les mêmes choses. J'ai vu que l'orgueil en est la principale raison, car Dieu et les anges écoutent les témoignages des saints et ils se plaisent à les entendre répéter chaque semaine. Le Seigneur aime la simplicité et l'humilité; mais il est contristé et les anges sont peinés lorsque ceux qui se disent les héritiers de Dieu et les cohéritiers du Christ, laissent un temps précieux se perdre dans les réunions. PE 115 3 Si les frères et soeurs étaient dans les conditions voulues, ils ne seraient pas embarrassés pour dire quelques mots à la gloire de Jésus qui fut, à cause de leurs péchés, cloué sur la croix du Calvaire. S'ils appréciaient davantage la condescendance du Seigneur qui a donné son Fils unique, afin qu'il mourût pour nos transgressions; s'ils comprenaient mieux les souffrances du Sauveur pour l'homme coupable et le pardon qu'il lui a obtenu, ils seraient plus disposés à louer et à magnifier leur Rédempteur. Au lieu de rester silencieux, ils seraient pleins de reconnaissance et de gratitude; ils parleraient de sa gloire et de sa puissance, et la bénédiction divine reposerait sur eux. Le Seigneur serait glorifié, lors même qu'ils répéteraient les mêmes choses. L'ange me montra ceux qui ne cessent de crier nuit et jour: "Saint, saint, saint est le Seigneur Dieu, le Tout-Puissant." "C'est une répétition continuelle, me dit l'ange, pourtant Dieu en est glorifié." Bien que nous ayons à redire toujours les mêmes choses, elles honorent Dieu et démontrent que nous ne sommes pas insensibles à sa bonté et à sa miséricorde à notre égard. PE 116 1 J'ai vu que les Eglises nominales étaient tombées, que la froideur et la mort régnaient dans leur sein. Si elles suivaient la Parole de Dieu, elles en seraient humiliées. Elles considèrent de haut l'oeuvre du Seigneur. Pour de soi-disant chrétiens, c'est trop humiliant de répéter toujours la même simple histoire de la bonté de Dieu, lorsqu'ils se réunissent. Aussi s'efforcent-ils de trouver quelque chose de nouveau, quelque chose de grand, des paroles qui flattent l'oreille et soient agréables à l'homme; et l'Esprit de Dieu s'éloigne d'eux. PE 116 2 Lorsque nous suivrons l'humble sentier de la Bible, nous bénéficierons des impulsions de l'Esprit de Dieu. Tout se maintiendra dans une douce harmonie si nous marchons dans l'humble voie de la vérité et dépendons entièrement du Seigneur. Alors nous ne risquerons pas d'être influencés par les mauvais anges. C'est lorsque les âmes s'élèvent au-dessus de l'Esprit de Dieu, avançant avec leur propre force, que les anges cessent de veiller sur elles et les abandonnent aux assauts de Satan. PE 116 3 Certains devoirs sont clairement énoncés dans la Parole de Dieu. C'est en nous y conformant que nous resterons humbles, séparés du monde, et que nous ne risquerons pas de tomber dans l'apostasie comme les Eglises nominales. L'ablution des pieds et la communion doivent être pratiquées plus fréquemment. Jésus nous a donné un exemple, qu'il nous a invités à imiter. J'ai vu que cet exemple devait être suivi aussi fidèlement que possible. Mais les frères et soeurs n'ont pas toujours agi avec sagesse en ce qui concerne l'ablution des pieds, et il en est résulté du désordre. En l'introduisant dans de nouveaux endroits, il faut user de prudence et de sagesse, surtout où l'exemple et les enseignements de notre Seigneur à cet égard n'ont pas été présentés, et où il subsiste certains préjugés. Beaucoup d'âmes honnêtes, influencées par des instructeurs en qui elles avaient confiance, sont fortement prédisposées contre ce devoir si simple. Il faut donc l'introduire au bon moment et de la bonne manière. (Voir Appendice.) PE 117 1 Il n'est pas d'exemple dans la Parole que des frères aient lavé les pieds des soeurs; mais il y a des exemples que des soeurs ont lavé les pieds des frères. Marie lava avec ses larmes les pieds de Jésus, et les essuya avec ses cheveux. Voir aussi 1 Timothée 5:10. J'ai vu que c'était le Seigneur qui avait poussé les soeurs à laver les pieds des frères, et que c'est selon l'ordre évangélique. Tous doivent se conduire intelligemment, et ne pas faire de l'ablution des pieds une cérémonie fastidieuse. PE 117 2 Le saint baiser mentionné par l'apôtre Paul doit être considéré sous son vrai jour. C'est ainsi que se saluaient les amis chrétiens lorsqu'ils se séparaient et lorsqu'ils se retrouvaient après quelques semaines ou quelques mois de séparation. Dans 1 Thessaloniciens 5:26, Paul dit: "Saluez tous les frères par un saint baiser." Dans le même chapitre, il dit: "Abstenez-vous de toute espèce de mal." Il n'y a aucune apparence de mal lorsque le saint baiser est échangé au bon moment et au lieu convenable. (Voir Appendice.) PE 117 3 J'ai vu que Satan avait levé son bras puissant contre l'oeuvre de Dieu, et que pour le combattre il fallait mobiliser les forces de tous ceux qui aiment la cause de la vérité. Ils devraient manifester un grand intérêt à soutenir les mains de ceux qui la défendent, afin que par leur vigilance constante ils puissent repousser l'ennemi. Il faut que tous soient unis comme un seul homme dans l'oeuvre de Dieu. Toutes les aptitudes de l'esprit doivent être en alerte, car ce qui se fait doit être fait rapidement. PE 118 1 Je vis ensuite le troisième ange. Celui qui m'accompagnait me dit: "Son oeuvre est redoutable, sa mission est solennelle. Il doit séparer le bon grain de l'ivraie, et sceller, ou lier, les gerbes pour les greniers célestes. Voilà ce qui devrait occuper votre esprit, retenir toute votre attention!" ------------------------Chapitre 28 -- À ceux qui manquent d'expérience PE 118 2 J'ai vu que certains n'avaient pas compris l'importance de la vérité ni ses effets. Ils agissent selon l'impulsion ou l'excitation du moment, et suivent souvent leurs sentiments, sans égard à l'ordre établi dans l'église. Quelques-uns semblent penser que la religion consiste surtout à faire du bruit; d'autres, qui viennent d'accepter le troisième message, se mettent à reprendre et à enseigner ceux qui sont dans la vérité depuis des années, qui ont subi son influence sanctifiante et souffert pour elle. PE 118 3 Ceux qui sont ainsi remplis d'orgueil par l'ennemi, auront à apprendre ce que c'est que de se placer sous l'influence sanctifiante de la vérité. Ils devront aussi se souvenir comment cette dernière les a trouvés: malheureux, misérables, pauvres, aveugles et nus. Lorsque la vérité commencera à les purifier, et à les débarrasser de leurs scories, comme cela arrive sûrement lorsqu'elle est reçue avec amour, alors ils n'auront pas le sentiment qu'ils sont riches, qu'ils se sont enrichis et n'ont besoin de rien. (Voir Appendice.) PE 119 1 Ceux qui ont accepté la vérité et croient la connaître parfaitement, alors qu'ils en ignorent les premiers éléments, qui ne craignent pas de prendre la place de ceux qui enseignent, qui se permettent de reprendre ceux qui, depuis des années, ont été des colonnes de la vérité, montrent bien qu'ils n'en ont rien compris. S'ils avaient la moindre idée de la puissance sanctifiante de la vérité, ils porteraient des fruits de paix et de justice, et seraient humbles sous sa douce et puissante influence. Ils comprendraient ce que la vérité a fait pour eux, et considéreraient les autres comme étant meilleurs qu'eux-mêmes. PE 119 2 J'ai vu que l'Eglise du "reste" n'était pas préparée à affronter ce qui va arriver sur la terre. Une torpeur ressemblant à de la léthargie s'est emparée de ceux qui professent croire que nous avons le dernier message. L'ange qui m'accompagnait s'écria avec une solennité terrible: "Préparez-vous! Préparez-vous! Préparez-vous! car la colère de Dieu, sans mélange de miséricorde, va bientôt se déchaîner, et vous n'êtes pas prêts. Déchirez vos coeurs et non vos vêtements. Une grande oeuvre doit être faite par le 'reste' des enfants de Dieu. Mais beaucoup d'entre eux s'apitoient sur leurs petites misères." L'ange ajouta: "Des légions de mauvais anges sont autour de vous, et cherchent à vous précipiter dans d'affreuses ténèbres, afin que vous soyez perdus. Vous vous laissez détourner trop facilement des vérités importantes des derniers jours et de la préparation nécessaire. Vous vous arrêtez à des bagatelles et à des difficultés puériles, et vous essayez de les expliquer à la satisfaction de celui-ci ou de celui-là." PE 119 3 Non seulement des personnes ont perdu des heures précieuses en des conversations oiseuses, mais en ont fait perdre un grand nombre aux serviteurs de Dieu qui ont dû les écouter, alors que les coeurs n'avaient pas été subjugués par la grâce divine. Si l'on mettait de côté l'orgueil et l'égoïsme, cinq minutes suffiraient pour régler la plupart des difficultés dont ces gens se plaignent. Les heures employées à se justifier ont affligé les anges et provoqué le déplaisir de Dieu. PE 120 1 J'ai vu que Dieu ne voulait pas s'abaisser à écouter de longues justifications. Il ne veut pas non plus que ses serviteurs le fassent; car un temps précieux est ainsi perdu, un temps qui devrait être employé à détourner les pécheurs de la mauvaise voie, à arracher les âmes du feu. PE 120 2 J'ai vu que les enfants de Dieu étaient sur un terrain enchanté. Quelques-uns ont presque perdu le sentiment de la brièveté du temps et de la valeur d'une âme. L'orgueil s'est glissé dans les rangs des observateurs du sabbat: orgueil dans les vêtements, dans les efforts faits pour paraître. L'ange me dit: "Les observateurs du sabbat devront mourir à eux-mêmes: à l'orgueil, à l'amour de la louange." PE 120 3 Il faut proclamer la vérité qui sauve à ceux qui en sont affamés et gisent dans les ténèbres. J'ai vu qu'un grand nombre de gens demandaient au Seigneur de les humilier; mais s'ils étaient exaucés, ce serait par de terribles actes de justice. Leur devoir est de s'humilier eux-mêmes. J'ai vu que ceux qui avaient des tendances à s'élever, couraient à la perdition. Lorsqu'une personne commence à s'élever à ses propres yeux et croit pouvoir faire elle-même quelque chose, l'Esprit de Dieu se retire d'elle, et elle se fie à ses propres forces jusqu'à ce qu'elle soit vaincue. J'ai vu qu'un seul enfant de Dieu, dans le droit sentier, peut faire mouvoir le bras du Seigneur; mais qu'un grand nombre de chrétiens infidèles, réunis, ne sont que faiblesse: ils ne sauraient rien obtenir. PE 120 4 Il en est beaucoup dont les coeurs sont insoumis et qui manquent d'humilité. Ils sont bien plus occupés de leurs petits griefs et de leurs épreuves puériles que des âmes qui se perdent. S'ils avaient en vue la gloire de Dieu, leur souci principal serait le salut des pécheurs qui les entourent. En outre, ils emploieraient toutes leurs énergies pour soutenir les serviteurs de Dieu, afin qu'ils annoncent avec hardiesse, mais avec amour, la vérité avant que la douce voix de la miséricorde cesse de se faire entendre. L'ange me dit: "Ceux qui se réclament du nom de Dieu ne sont pas prêts." J'ai vu que les sept derniers fléaux allaient être bientôt versés sur les méchants sans abri. A ce moment-là, ceux qui les ont empêchés d'obéir à la vérité entendront d'amers reproches de leur part. Ils se sentiront défaillir. PE 121 1 L'ange me dit encore: "Vous vous êtes arrêtés à des difficultés mineures; il en résultera la perte de plusieurs pécheurs." Dieu veut agir en notre faveur dans nos assemblées, et c'est son plaisir de le faire. Mais Satan déclare: "Je veux paralyser l'oeuvre." Et ses suppôts répondent: "Amen." Ceux qui disent croire à la vérité s'étendent sur leurs petites épreuves et difficultés que Satan a grossi à leurs yeux. Un temps précieux est ainsi perdu qui ne se retrouvera plus. Les ennemis de la vérité ont constaté notre faiblesse; Dieu en a été offensé et le Christ blessé. Satan a ainsi atteint son but; ses plans ont réussi, il triomphe. ------------------------Chapitre 29 -- Le renoncement PE 121 2 J'ai vu que les croyants étaient en danger de faire de trop grands préparatifs à l'occasion des conférences, que trop de monde était occupé à servir et que l'appétit devait être contrôlé. Il faut craindre que l'on ne vienne là que pour "des pains et des poissons". J'ai vu que tous ceux qui ont encore la mauvaise habitude de faire usage du tabac devaient l'abandonner, et dépenser leur argent pour quelque chose de mieux. Faisons le sacrifice de quelques douceurs, mettons de côté l'argent que l'on consacrerait à satisfaire l'appétit, afin de remplir le trésor du Seigneur. Comme les deux petites pièces de la veuve, de tels dons sont remarqués par le Maître. La somme peut être insignifiante, mais si tous agissent de même, l'argent ne fera pas défaut dans le trésor. Si chacun s'exerçait à l'économie dans ses vêtements, s'il se privait de quelque chose qui n'est pas absolument nécessaire, et mettait de côté ce qui lui fait du mal, comme le thé et le café, pour donner à la cause du Seigneur, il recevrait ici-bas de nombreuses bénédictions, et dans le ciel une riche récompense. PE 122 1 Beaucoup de croyants pensent que puisque Dieu leur a donné des moyens, ils peuvent vivre à leur guise, se procurer une alimentation abondante, et beaucoup de vêtements. Ils ne voient pas pourquoi ils se priveraient alors qu'ils ne manquent de rien. Ceux-là ignorent ce que c'est que de faire un sacrifice. S'ils diminuaient un peu leur train de vie pour faire avancer la vérité, ce serait de leur part un sacrifice, et lorsque Dieu récompensera chacun selon ses oeuvres, il se souviendrait d'eux. ------------------------Chapitre 30 -- L'irrévérence PE 122 2 J'ai vu que le nom de Dieu ne devait être prononcé qu'avec révérence et une crainte respectueuse. En priant, quelques-uns emploient à la légère les mots Dieu Tout-Puissant, sans réfléchir à ce qu'ils disent. Cela déplaît au Seigneur. Ils ne se rendent pas compte du sens de leurs paroles, sinon ils ne parleraient pas ainsi du Dieu grand et redoutable qui les jugera bientôt au dernier jour. L'ange me dit: "Ne prononcez pas ces deux mots ensemble, car terrible est le nom de Dieu." Ceux qui comprennent la grandeur et la majesté de Dieu ne prononceront son nom qu'avec une sainte révérence. Nul ne peut voir celui qui habite une lumière inaccessible et vivre. J'ai vu que si l'Eglise veut prospérer, ces choses doivent être comprises et corrigées. ------------------------Chapitre 31 -- Les faux bergers PE 123 1 Il m'a été montré que les faux bergers étaient ivres, mais non de vin; ils titubaient, mais non après avoir bu des liqueurs fortes. La vérité de Dieu est pour eux chose scellée: ils ne peuvent en faire la lecture. Quand on leur demande ce qu'est le sabbat du septième jour, s'il s'agit du vrai jour de repos biblique, ils n'ont que des fables à raconter. J'ai vu que ces prophètes ressemblaient aux renards du désert. Ils ne sont pas montés devant les brèches, ils n'ont pas entouré d'un mur la maison d'Israël, pour demeurer fermes dans le combat. Voir Ezéchiel 13:5. Quand les esprits sont agités, et que l'on demande à ces faux bergers où est la vérité, ceux-ci tranquillisent les gens, même s'il leur faut changer leur propre manière de voir. La lumière a lui sur un certain nombre de ces bergers; mais ils n'ont pas voulu la recevoir. Ils ont modifié leur attitude de nombreuses fois pour éluder la vérité, et ne pas arriver aux conclusions inéluctables. La puissance de la vérité sape à la base leur position; mais plutôt que de se rendre à l'évidence, ils avancent des arguments dont ils ne sont pas satisfaits eux-mêmes. PE 123 2 J'ai vu qu'un certain nombre de ces bergers avaient renié les enseignements du Seigneur donnés dans le passé. Ils ont rejeté les glorieuses vérités qu'ils avaient autrefois défendues avec ardeur; ils sont tombés dans le mesmérisme et toutes sortes de séductions. J'ai vu qu'ils étaient ivres d'erreurs, et conduisaient le troupeau à sa perte. Plusieurs de ces adversaires de la vérité de Dieu trament le mal sur leurs couches pendant la nuit, et pendant le jour ils mettent leurs projets à exécution, c'est-à-dire qu'ils jettent "la vérité par terre" pour la remplacer par quelque chose de nouveau qui puisse intéresser et détourner les esprits de la vérité, qui est ce qu'il y a de plus important et de plus précieux au monde. PE 124 1 J'ai vu que les prêtres qui conduisent leur troupeau à la mort seront bientôt arrêtés dans leur effrayante carrière. Les fléaux de Dieu vont être versés sur la terre, mais il ne suffira pas que ces faux bergers soient tourmentés par un ou deux de ces fléaux. A ce moment-là, la main de Dieu s'étendra encore, mue par sa colère et sa justice, et il ne la ramènera pas à lui avant que ses intentions aient été pleinement exécutées, et que les prêtres mercenaires, s'étant jetés aux pieds des saints, aient reconnu que le Seigneur a aimé ces derniers parce qu'ils ont été fidèles à la vérité et ont observé les commandements de Dieu, jusqu'à ce que tous les injustes aient été détruits sur la terre. PE 124 2 Les différents groupes qui professent des croyances adventistes possèdent chacun une parcelle de vérité, mais Dieu a confié toutes ces vérités à ses enfants qui se préparent pour le jour de Dieu. Il leur a aussi donné certaines vérités qu'aucun de ces groupes ne connaît, et encore moins ne comprend. Ce sont des choses qui sont scellées pour eux, mais que le Seigneur a révélé à ceux qui sont prêts à voir et à comprendre. Si Dieu a quelque lumière à communiquer, il en donnera l'intelligence à ses enfants, sans qu'ils aient besoin d'en demander l'explication aux hommes qui sont dans les ténèbres de l'erreur. PE 124 3 Il m'a été montré combien ceux qui croient avoir le dernier message de miséricorde ont besoin d'être séparés des faux docteurs qui chaque jour adoptent de nouvelles erreurs. J'ai vu que ni jeunes ni vieux ne devaient assister à leurs réunions; car ce serait mal faire que de les encourager alors qu'ils distillent l'erreur comme un venin mortel, et enseignent des doctrines qui ne sont que des commandements d'hommes. L'influence de telles réunions n'est pas bonne. Si le Seigneur nous a fait sortir des ténèbres de l'erreur, il nous faut rester fermes dans la liberté qu'il nous a acquise, et nous réjouir dans la vérité. Nous encourons le déplaisir de Dieu si nous allons écouter l'erreur, sans y être obligés; car à moins qu'il ne nous envoie à ces réunions où l'erreur est inculquée par la force de la volonté, il ne nous gardera pas. Les anges cessent de veiller sur nous, et nous sommes à la merci de l'ennemi, dans les ténèbres, affaiblis par sa puissance et celle de ses mauvais anges. La lumière qui nous entoure est contaminée par les ténèbres. PE 125 1 J'ai vu que nous n'avions pas de temps à perdre en écoutant des fables. Nos esprits ne doivent pas être ainsi distraits, mais occupés par la vérité présente. Il nous faut rechercher la sagesse, afin de pouvoir obtenir plus de connaissance en ce qui concerne notre position, et, avec douceur, donner les raisons de notre espérance, d'après les Ecritures. Si de fausses doctrines et des erreurs dangereuses occupent notre esprit, nous n'arriverons pas à approfondir la vérité qui doit permettre à la maison d'Israël de subsister au jour de l'Eternel. ------------------------Chapitre 32 -- Le don de Dieu à l'homme PE 125 2 Le grand amour et la condescendance de Dieu en donnant son Fils pour qu'il mourût, afin que nous ayons le pardon et la vie, me furent présentés. J'ai vu qu'Adam et Eve avaient eu le privilège de contempler la beauté délicieuse du jardin d'Eden, et qu'il leur fut permis de manger de tous les arbres qui s'y trouvaient, à l'exception d'un seul. Mais le serpent réussit à tenter Eve qui, à son tour, tenta son mari. Ils mangèrent tous deux du fruit de l'arbre défendu. Ils transgressèrent ainsi un commandement de Dieu, et devinrent des pécheurs. La nouvelle s'en répandit à travers le ciel, et les harpes se turent. Les anges furent plongés dans la tristesse, et craignirent que nos premiers parents avancent la main pour manger du fruit de l'arbre de vie et deviennent des pécheurs immortels. Mais Dieu dit qu'il chasserait les transgresseurs du jardin; et que des chérubins qui agitaient une épée flamboyante interdiraient l'accès à l'arbre de vie, de sorte que l'homme ne pût plus l'approcher, et manger du fruit, destiné à perpétuer l'immortalité. PE 126 1 La tristesse remplit le ciel lorsqu'il devint évident que l'homme était perdu, et que le monde créé par Dieu allait maintenant se peupler d'êtres mortels, voués à la misère, à la maladie et à la mort. Nul ne pourrait y échapper; toute la famille d'Adam devrait mourir. Je vis alors Jésus; sur son visage se lisait une expression de sympathie et de tristesse. Je le vis s'approcher de la lumière éblouissante qui entourait le Père. L'ange qui m'accompagnait me dit: "Il a un entretien secret avec son Père." L'anxiété des anges était alors intense. Trois fois Jésus pénétra dans cette lumière éclatante; la troisième fois qu'il se sépara du Père nous pûmes voir sa personne. Son visage était calme, ne reflétant aucune anxiété, aucun souci, aucune affliction. Il s'en dégageait une expression de bonté impossible à décrire. Il fit alors savoir aux armées angéliques qu'il y avait un moyen de salut pour l'homme pécheur. Il avait plaidé auprès du Père, et obtenu la permission de donner sa vie en rançon pour la race perdue. Il se chargerait de ses péchés, il mourrait pour elle, afin d'ouvrir la voie par laquelle les hommes pourraient, par les mérites de son sang, trouver le pardon de leurs transgressions, et par l'obéissance être réintégrés dans le jardin d'où ils avaient été chassés. Ils auraient ainsi à nouveau accès à l'arbre de vie qui leur avait été interdit. PE 126 2 Alors une joie inexprimable remplit le ciel. L'armée angélique entonna un chant de louange et d'adoration. Les messagers du ciel firent résonner leurs harpes et chantèrent sur un ton plus élevé qu'auparavant, à cause de la grande miséricorde et de la condescendance de Dieu, qui avait consenti à ce que son Fils bien-aimé mourût pour une race rebelle. Puis ce furent des chants de louange et d'adoration pour célébrer le renoncement et le sacrifice de Jésus, qui consentait à abandonner le sein du Père pour une vie de souffrance et d'angoisse, qui le conduirait à l'ignominie et à la mort pour donner la vie à d'autres. PE 127 1 L'ange me dit: "Pensez-vous que ce soit sans luttes que le Père ait consenti à donner son Fils bien-aimé? Non, non." Ce n'est pas sans luttes, en effet, que Dieu dut décider ou de laisser périr l'homme coupable ou de livrer à la mort son Fils chéri. L'intérêt des anges pour le salut de l'humanité était si grand qu'il s'en serait trouvé parmi eux qui auraient été disposés à renoncer à la gloire et à sacrifier leur vie pour l'homme perdu. "Mais, me dit l'ange qui m'accompagnait, cela n'eût servi à rien." La transgression était si grande que la vie d'un ange ne pouvait payer la dette. Seules la mort et l'intercession du Fils de Dieu pouvaient payer la dette de l'homme perdu et le sauver de la tristesse et du malheur sans espoir. PE 127 2 Mais l'oeuvre qui fut assignée aux anges consistait à monter et à descendre pour apporter un baume adoucissant aux souffrances du Fils de Dieu. Ils servaient Jésus. Ils avaient aussi pour tâche de préserver les sujets de la grâce des mauvais anges et des ténèbres que Satan amassait constamment autour d'eux. Je vis qu'il était impossible à Dieu de changer sa loi pour sauver le pécheur; c'est pourquoi il souffrit que son Fils bien-aimé mourût pour les transgressions de l'homme. PE 129 1 Les dons spirituels PE 129 2 Volume I, Avec une introduction de R. F. Cottrell PE 129 3 Le grand conflit entre Christ et Satan PE 129 4 Publié à Battle Creek (Michigan) en septembre 1858 ------------------------Chapitre 33 -- Un coup d'oeil rétrospectif PE 130 1 Les quarante et un chapitres comprenant Les dons spirituels, vol. I (le troisième et dernier livre de Premiers Ecrits), furent écrits par Mme White, alors qu'elle habitait à Battle-Creek (Michigan), au printemps et en été de l'année 1858, immédiatement après sa grande vision du 14 mars. Au mois de février et au début de mars, frère et soeur White assistèrent à une série de conférences tenues dans l'Etat de l'Ohio. En revenant, ils s'arrêtèrent à Lovett's Grove (Bowling Green), Ohio, où ils donnèrent quelques réunions dans une école publique. La dernière devait avoir lieu le dimanche matin, 14 mars. Dans l'après-midi, un service funèbre fut présidé dans cette même école par James White. Après l'allocution de son mari, Mme White se leva pour ajouter quelques paroles de consolation à la famille affligée. Alors qu'elle parlait, elle fut ravie en vision, et pendant deux heures le Seigneur lui révéla des choses d'importance primordiale pour l'Eglise. Voici ce qu'elle dit à ce sujet: PE 130 2 "Dans la vision de Lovett's Grove, la plupart des choses que j'avais vues dix ans auparavant touchant le grand conflit des âges entre le Christ et Satan me furent répétées, et il me fut dit de les écrire." -- Life Sketches of Ellen G. White, 162. PE 130 3 Dès son retour à Battle-Creek, Mme White se mit à écrire ce qui lui avait été révélé. Au mois de septembre, on put annoncer que le petit livre Les dons spirituels, le grand conflit entre le Christ et ses anges et Satan et ses anges, était sorti de presse. Ses 219 pages traitaient les points saillants du conflit un peu sous la forme d'un digest. Mais pour les adventistes qui observaient le sabbat, et dont le nombre n'atteignait pas trois mille, c'était un livre d'une grandeur raisonnable. Il était précédé d'une introduction sur le don prophétique par frère Cottrell, un de nos pionniers (p. 133-143). PE 131 1 Dans les trois premiers chapitres, Mme White décrit brièvement la chute de Satan, celle de l'homme et le plan du salut. Puis elle arrive immédiatement à la vie du Christ et à la mission des apôtres. La dernière moitié du livre est consacrée à l'histoire du Mouvement adventiste et aux épreuves par lesquelles les enfants de Dieu devront passer avant la fin. Elle insiste particulièrement sur les vérités vitales de la Parole de Dieu pour ceux qui veulent participer au triomphe de l'Eglise. PE 131 2 Au cours des années qui suivirent la publication de ce petit livre, il fut répété à Mme White, en de nombreuses visions, ce qui doit se produire à la fin du grand conflit. Elle écrivit en 1888: PE 131 3 "Grâce à l'illumination du Saint-Esprit, les scènes du conflit séculaire entre le bien et le mal m'ont été présentées. A diverses reprises, il m'a été donné de contempler les péripéties de la joute formidable entre Jésus-Christ, le Prince de la vie, l'auteur de notre salut, et Satan, le prince du mal, l'auteur du péché, le premier transgresseur de la loi divine." -- La tragédie des siècles, 13. PE 131 4 L'Eglise s'agrandissant, des livres plus volumineux purent être publiés et vendus. Mme White traita alors plus longuement ce qui lui avait été révélé dans de nombreuses visions. Elle écrivit quatre livres d'environ 400 pages chacun, connus sous le nom d'Esprit de prophétie (1870-1884). Ces quatre volumes racontent, avec les détails nécessaires, le grand conflit des âges, tel qu'il est esquissé dans l'Ancien et le Nouveau Testament, à partir de la chute de Lucifer jusqu'à la seconde venue du Christ et la nouvelle terre. PE 132 1 Dès la parution du dernier volume de cette série, Mme White se remit au travail, et retraça avec plus de détails encore l'histoire de ce conflit. C'est ainsi qu'elle prépara ses livres pour les non-adventistes comme pour les membres de l'Eglise. Elle publia ainsi cinq ouvrages: Patriarches et Prophètes, Prophets and Kings, Jésus-Christ, Conquérants pacifiques et La Tragédie des siècles (1888-1916). Ces grands volumes publiés, les premiers s'épuisèrent. Comme nous l'avons noté dans l'avant-propos, Les dons spirituels, volume I, fut réimprimé en 1882 et intégré à Early Writings (Premiers Ecrits). Le Comité de publication des Ecrits de Mme E. G. White ------------------------Chapitre 34 -- Introduction PE 133 1 Le don de prophétie a été manifesté au cours de la dispensation juive. S'il disparut pendant des siècles en raison de la corruption qui caractérisa la fin de l'ancienne alliance, il réapparut au moment où le Messie se présenta. Zacharie, le père de Jean-Baptiste, était "rempli du Saint-Esprit", et il prophétisait. Siméon, un homme "juste et pieux", qui "attendait la consolation d'Israël", "vint au temple, poussé par l'Esprit". Il prophétisa que Jésus serait une "lumière pour éclairer les nations, et la gloire d'Israël". Anne, une prophétesse, "parlait de Jésus à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem". Et il n'y eut pas de plus grand prophète que Jean-Baptiste, qui fut choisi par Dieu pour présenter à Israël "l'agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde". PE 133 2 L'ère chrétienne débuta par l'effusion de l'Esprit, et une grande variété de dons spirituels se manifesta parmi les croyants. Ces dons étaient si nombreux que Paul pouvait dire aux Corinthiens: "A chacun la manifestation de l'Esprit est donnée pour l'utilité commune." A chaque membre d'église, et non à chacun dans le monde, comme certains l'ont interprété. PE 133 3 Depuis la grande apostasie, ces dons se sont rarement manifestés. C'est sans doute la raison pour laquelle ceux qui se disent chrétiens croient généralement qu'ils étaient limités à la période de la primitive Eglise. Mais ne serait-ce pas plutôt à cause des erreurs et de l'incrédulité de l'Eglise que ces dons ont cessé? Et lorsque le peuple de Dieu reviendra à la foi de la primitive Eglise, comme cela se produira certainement au moment de la proclamation des commandements de Dieu et de la foi de Jésus, la pluie de l'arrière-saison renouvellera ces dons. Malgré les apostasies nombreuses de la dispensation juive, celle-ci s'ouvrit et se termina par des manifestations spéciales de l'Esprit de Dieu. Il serait donc déraisonnable de supposer que la dispensation chrétienne, qui est comme la lumière du soleil par rapport à l'ancienne dispensation que l'on peut comparer à celle de la lune, doit commencer dans la gloire et se terminer dans l'obscurité. Et puisqu'une oeuvre spéciale de l'Esprit était nécessaire afin de préparer un peuple pour la première venue du Christ, combien plus en sera-t-il ainsi pour la seconde, surtout si les derniers jours doivent être plus périlleux que tous les précédents, alors que des faux prophètes se présenteront qui auront le pouvoir de faire de grands signes et des prodiges, au point de séduire, si c'était possible, même les élus. PE 134 1 Nous lisons dans les Ecritures: "Il [Jésus] leur dit: Allez par tout le monde, et prêchez la bonne nouvelle à toute la création. Celui qui croira et qui sera baptisé sera sauvé, mais celui qui ne croira pas sera condamné. Voici les miracles qui accompagneront ceux qui auront cru: en mon nom, ils chasseront les démons; ils parleront de nouvelles langues; ils saisiront des serpents; s'ils boivent quelque breuvage mortel, il ne leur fera point de mal; ils imposeront les mains aux malades, et les malades seront guéris." Marc 16:15-18. PE 134 2 Les dons n'étaient pas confinés aux apôtres, mais s'étendaient à tous les croyants. Qui pouvait les recevoir? Ceux qui croyaient. Combien de temps? Aucune limite n'est fixée. La promesse accompagne la mission qui consiste à prêcher l'Evangile; tout croyant doit en être bénéficiaire. PE 135 1 Mais on objecte que cette aide était promise aux apôtres seulement et à ceux qui croiraient à leur prédication. Après avoir accompli leur mission, établi l'Evangile, ces dons cesseraient avec leur génération. Voyons si la mission du Sauveur se termina avec le premier siècle. Matthieu 28:19, 20: "Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde." PE 135 2 Que la prédication de l'Evangile ne se termine pas avec la primitive Eglise nous en avons la preuve dans la promesse de Jésus: "Je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde." Le Sauveur ne dit pas: "Je suis avec vous, apôtres, jusqu'à la fin du monde." Il ne veut pas parler de la fin de la dispensation juive, car celle-ci finit à la croix. Il faut donc en conclure que la prédication de l'Evangile sera toujours accompagnée de la même puissance spirituelle. La mission des apôtres appartient à l'ère chrétienne et l'embrasse tout entière. En conséquence, si les dons ne se manifestèrent pas à cause de l'apostasie, ils revivront avec le réveil de la foi primitive. PE 135 3 Dans 1 Corinthiens 12:28, il est dit que Dieu a établi dans l'Eglise certains dons spirituels. Puisqu'aucun texte n'abolit ces dons, ils sont donc toujours à la disposition des enfants de Dieu. Le chapitre qui les aurait abolis est le même qui a aboli le sabbat juif et institué le sabbat chrétien; c'est celui du ministère d'iniquité et de l'homme de péché. Mais on cite le passage suivant pour prouver que les dons doivent cesser: "La charité ne périt jamais. Les prophéties prendront fin, les langues cesseront, la connaissance disparaîtra. Car nous connaissons en partie, et nous prophétisons en partie, mais quand ce qui est parfait sera venu, ce qui est partiel disparaítra. Lorsque j'étais enfant, je parlais comme un enfant; ... je raisonnais comme un enfant; lorsque je suis devenu homme, j'ai fait disparaître ce qui était de l'enfant. Aujourd'hui nous voyons au moyen d'un miroir, d'une manière obscure, mais alors nous verrons face à face; aujourd'hui je connais en partie, mais alors je connaîtrai comme j'ai été connu. Maintenant donc ces trois choses demeurent: la foi, l'espérance, la charité; mais la plus grande de ces choses, c'est la charité." 1 Corinthiens 13:8-13. PE 136 1 Ce texte prédit, en effet, la fin des dons spirituels, ainsi que de la foi et de l'espérance. Mais quand? Au moment où ce qui est parfait sera instauré, quand nous ne verrons plus "au moyen d'un miroir, d'une manière obscure", quand nous verrons "face à face". Le jour où tout sera parfait, où le juste sera rendu parfait, est encore dans le futur. Il est vrai que l'homme de péché, lorsqu'il est "devenu homme", s'est débarrassé des choses "de l'enfant", telles que les prophéties, les langues et la connaissance, ainsi que de la foi, de l'espérance et la charité des chrétiens primitifs. Mais il n'y a rien dans ce texte qui indique que Dieu voulait que les dons qu'il avait placés dans son Eglise cessassent avant que la foi et l'espérance disparaissent, c'est-à-dire que la gloire de l'immortalité éclipse les plus brillants déploiements de puissance spirituelle et de connaissance manifestés ici-bas. PE 136 2 L'objection basée sur 2 Timothée 3:16, avancée par quelques-uns, ne mérite pas qu'on s'y arrête. Si Paul, en disant que l'Ecriture rend l'homme de Dieu parfait, et propre à toute bonne oeuvre, entendait que rien dorénavant ne pourra plus être écrit par inspiration, pourquoi à ce moment même ajoutait-il quelque chose à l'Ecriture? Pourquoi n'a-t-il pas laissé tomber la plume dès qu'il eut écrit cette phrase? Et pourquoi Jean, trente ans plus tard, écrivit-il l'Apocalypse? Ce livre contient un autre texte qu'on cite pour prouver l'abolition des dons spirituels. PE 137 1 "Je le déclare à quiconque entend les paroles de la prophétie de ce livre: Si quelqu'un y ajoute quelque chose, Dieu le frappera des fléaux décrits dans ce livre; et si quelqu'un retranche quelque chose des paroles du livre de cette prophétie, Dieu retranchera sa part de l'arbre de la vie et de la ville sainte, décrits dans ce livre." Apocalypse 22:18, 19. PE 137 2 En s'appuyant sur ce texte on prétend que Dieu qui, "à plusieurs reprises et de plusieurs manières", a "parlé à nos pères par les prophètes", et, au commencement de l'ère évangélique, par Jésus et les apôtres, a solennellement promis de ne plus jamais communiquer quelque chose à l'homme de cette manière. Donc, après cette date, toute prophétie serait fausse. Ce verset de l'Apocalypse, dit-on, met fin au canon de l'inspiration. S'il en était ainsi, on se demande alors pourquoi, après son retour de Patmos à Ephèse, Jean écrivit son évangile. Car il ajoutait ainsi quelque chose aux paroles de la prophétie écrite sur l'île de Patmos. PE 137 3 De toute évidence ce texte, qui défend d'ajouter ou de retrancher quelque chose, ne se rapporte pas à tous les livres de la Bible, mais seulement à l'Apocalypse, telle que l'écrivit l'apôtre. Toutefois, nul n'a le droit d'ajouter quoi que ce soit à aucun livre écrit sous l'inspiration divine, ou d'en retrancher quelque chose. Jean, en écrivant l'Apocalypse, ajouta-t-il quelque chose aux prophéties du livre de Daniel? Pas le moins du monde. Un prophète ne saurait altérer la Parole de Dieu. Mais les visions de Jean corroborent celles de Daniel, et jettent une lumière additionnelle sur les sujets traités dans ce livre. J'en conclus donc que le Seigneur ne s'est pas imposé à lui-même de garder le silence, mais qu'il a conservé la liberté de parler quand bon lui semble. Que le langage de mon coeur soit donc toujours celui-ci: "Parle, Seigneur, ton serviteur écoute." PE 138 1 Ainsi, on ne saurait prouver par l'Ecriture l'abolition des dons spirituels. Et puisque les portes de l'enfer n'ont pas prévalu contre l'Eglise, et que Dieu a encore un peuple sur la terre, nous pouvons nous attendre au développement des dons, en rapport avec le message du troisième ange, un message qui ramènera l'Eglise sur le terrain apostolique, et apportera au monde la lumière, non les ténèbres. PE 138 2 Mais nous sommes avertis qu'il y aura dans les derniers jours des faux prophètes. C'est par la Bible que nous pourrons connaître la valeur de leur enseignement et savoir faire la distinction entre le vrai et le faux. Le grand critère, c'est la Parole de Dieu, qui juge à la fois des prophéties et du caractère des prophètes. S'il ne devait pas y avoir de vraies prophéties aux derniers jours, combien il aurait été plus facile de le dire, et d'éviter ainsi tous les dangers de séduction, plutôt que de signaler un moyen de les éprouver, comme s'il était possible qu'il y en ait de vraies aussi bien que des fausses. PE 138 3 Dans Ésaïe 8:20 on trouve une déclaration des plus intéressantes à cet égard: "A la loi et au témoignage! Si l'on ne parle pas ainsi, il n'y aura point d'aurore pour le peuple." Pourquoi dire: "Si l'on ne parle pas", s'il n'y avait pas de véritable manifestation spirituelle ou de prophétie au même moment? Jésus dit: "Gardez-vous des faux prophètes... Vous les reconnaîtrez à leurs fruits." Matthieu 7:15, 16. Ces paroles font partie du sermon sur la montagne, et tous peuvent se rendre compte que ce discours de Jésus a une application générale à l'Eglise au cours des âges. Les faux prophètes se reconnaissent à leurs fruits; en d'autres termes, par leur valeur morale. Le seul moyen de savoir si leurs fruits sont bons ou mauvais, c'est la loi de Dieu. C'est ainsi que nous sommes amenés à la loi et au témoignage. Les vrais prophètes parleront non seulement selon cette parole, mais ils vivront selon cette parole. On ne saurait condamner celui qui parle et vit ainsi. PE 139 1 Ce qui a toujours caractérisé les faux prophètes, ce sont leurs visions de paix. Ils disent: "Paix et sûreté", alors qu'une destruction soudaine fond sur eux. Les vrais prophètes réprouvent courageusement le péché; ils annoncent la colère à venir. PE 139 2 Les prédictions qui ne sont pas en harmonie avec les déclarations positives de l'Ecriture doivent être rejetées. Ainsi, notre Sauveur fit savoir à ses disciples comment il reviendra. Lorsqu'il monta au ciel à leur vue, deux anges vinrent leur dire qu'il en reviendrait de même. C'est pourquoi il avait déclaré: "Si donc on vous dit: Voici, il est dans le désert, n'y allez pas; voici, il est dans les chambres, ne le croyez pas." Toute vraie prophétie sur ce point doit reconnaître que cette venue sera visible pour tous: il reviendra sur les nuées des cieux. Pourquoi Jésus ne dit-il pas: A ce moment-là, rejetez toute prophétie; car il ne doit plus y avoir de vrais prophètes. PE 139 3 Dans Ephésiens 4:11-13, il est dit: "Il a donné les uns comme apôtres, les autres comme prophètes, les autres comme évangélistes, les autres comme pasteurs et docteurs, pour le perfectionnement des saints en vue de l'oeuvre du ministère et de l'édification du corps de Christ, jusqu'à ce que nous soyons tous parvenus à l'unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu, à l'état d'homme fait, à la mesure de la stature parfaite de Christ." PE 140 1 Dans un verset antérieur, nous apprenons que lorsque le Christ est monté au ciel il a donné des dons aux hommes. Parmi ces dons, il y a les apôtres, les prophètes, les évangélistes, les pasteurs et les docteurs. Le but pour lequel ils ont été donnés était le perfectionnement des saints dans l'unité et la connaissance. Il en est qui sont pasteurs et docteurs aujourd'hui qui pensent que ces dons ont pleinement accompli leur but il y a dix-neuf cents ans, et par conséquent n'ont plus leur raison d'être. Pourquoi alors conservent-ils leurs titres de pasteurs et de docteurs? Si la charge de prophète est par ce texte limitée à la primitive Eglise, il en doit être de même pour l'évangéliste, et toutes autres fonctions; car il n'est fait aucune distinction. PE 140 2 Arrêtons-nous un instant sur ce point. Tous ces dons ont été donnés pour le perfectionnement des saints, l'unité, la connaissance. C'est grâce à leur influence que l'Eglise primitive a joui pour un temps de l'unité: "La multitude de ceux qui avaient cru n'était qu'un coeur et qu'une âme", est-il dit. Et il semble que c'est par une conséquence naturelle de cette unité que "les apôtres rendaient avec beaucoup de force témoignage de la résurrection du Seigneur Jésus", et qu'une "grande grâce reposait sur eux tous". Actes 4:31-33. Comme on aimerait voir tout cela aujourd'hui! Mais l'apostasie avec son influence desséchante a terni la beauté de l'Eglise, et l'a revêtue de sacs. La division et le désordre en ont été le résultat. Jamais il n'y eut une si grande diversité de croyances dans la chrétienté qu'aujourd'hui. Si les dons étaient nécessaires pour conserver l'unité dans la primitive Eglise, à combien plus forte raison sontils nécessaires aujourd'hui pour la restaurer! Et que ce soit le dessein de Dieu de ramener cette unité dans l'Eglise des derniers jours, cela ressort avec évidence des prophéties. Nous avons l'assurance que les sentinelles seront éveillées quand le Seigneur visitera de nouveau Sion. Au temps de la fin, nous est-il dit, les sages comprendront. Alors l'unité de la foi régnera parmi ceux que Dieu considère comme sages; car ceux qui en réalité ont une juste compréhension des choses doivent nécessairement les comprendre de la même manière. Qu'est-ce qui doit opérer cette unité si ce ne sont les dons qui ont été donnés à cet effet? PE 141 1 De toutes les considérations qui précèdent, il ressort que l'état parfait de l'Eglise ici prédit est encore dans le futur. En conséquence, ces dons n'ont pas encore accompli leur oeuvre. La lettre aux Ephésiens fut écrite en 64, environ deux ans avant que Paul écrive à Timothée que le temps de son départ approchait. Les germes de l'apostasie se développaient alors au sein de l'Eglise, car Paul avait écrit dix ans plus tôt, dans sa seconde épître aux Thessaloniciens: "Le mystère de l'iniquité agit déjà." Des loups ravisseurs allaient bientôt pénétrer dans le bercail, et ils n'épargneraient pas le troupeau. L'Eglise était loin à ce moment-là de réaliser l'unité dont parle le texte; elle était sur le point d'être déchirée par des factions et désaxée par des divisions. L'apôtre ne l'ignorait pas; ses regards se portaient sur la période qui suivra la grande apostasie, au moment du rassemblement du "reste" du peuple de Dieu, quand il dit: "Jusqu'à ce que nous soyons tous parvenus à l'unité de la foi." Ephésiens 4:13. Donc les dons octroyés à l'Eglise n'avaient pas encore fait leur temps. 1 Thessaloniciens 5:19-21: "N'éteignez pas l'Esprit. Ne méprisez pas les prophéties. Mais examinez toutes choses; retenez ce qui est bon." PE 142 1 Dans cette épître, l'apôtre parle de la seconde venue du Seigneur. Il décrit l'état du monde incrédule de cette époque, qui s'en va répétant: "Paix et sûreté", alors que le jour du Seigneur est sur le point de fondre sur eux et d'amener une destruction soudaine, comme un voleur dans la nuit. Il exhorte l'Eglise, en vue de ces choses, à veiller et à être sobre. Parmi les exhortations qui suivent se trouvent les paroles que nous avons citées: "N'éteignez pas l'Esprit", etc. Certains peuvent penser que ces trois versets sont totalement détachés les uns des autres quant au sens; mais ils ont un rapport naturel dans l'ordre qui leur est assigné. La personne qui éteint l'Esprit méprisera les prophéties, qui sont le fruit légitime de l'Esprit. "Je répandrai mon esprit sur toute chair; vos fils et vos filles prophétiseront." Joël 2:28. L'expression: "Examinez toutes choses" est limitée au sujet du discours: les prophéties; et nous devons éprouver les esprits par le moyen donné par Dieu dans sa Parole. Les séductions spirituelles et les fausses prophéties abondent aujourd'hui, et ce texte a une application toute spéciale ici. Mais remarquez que l'apôtre ne dit pas: "Rejetez toutes choses", mais "examinez toutes choses; retenez ce qui est bon." PE 142 2 Joël 2:28-32: "Après cela, je répandrai mon esprit sur toute chair; vos fils et vos filles prophétiseront, vos vieillards auront des songes, et vos jeunes gens des visions. Même sur les serviteurs et sur les servantes, dans ces jours-là, je répandrai mon esprit. Je ferai paraître des prodiges dans les cieux et sur la terre, du sang, du feu, et des colonnes de fumée; le soleil se changera en ténèbres, et la lune en sang, avant l'arrivée du jour de l'Eternel, de ce jour grand et terrible. Alors quiconque invoquera le nom de l'Eternel sera sauvé, le salut sera sur la montagne de Sion et à Jérusalem, comme a dit l'Eternel, et parmi les réchappés que l'Eternel appellera." PE 143 1 Cette prophétie de Joël, qui parle de l'effusion de l'Esprit aux derniers jours, ne fut pas accomplie entièrement au début de la dispensation évangélique. Les prodiges dans les cieux et sur la terre dont parle ce texte sont évidemment les précurseurs du "jour grand et terrible" de l'Eternel. Bien que nous ayons eu déjà des signes, ce jour terrible est encore dans le futur. Il est vrai qu'on peut appeler toute la dispensation évangélique les derniers jours, mais dire que les 1900 ans qui sont dans le passé sont les derniers jours est une absurdité. Ils nous amènent au jour du Seigneur et à la délivrance du reste du peuple de Dieu. Car "le salut sera sur la montagne de Sion et à Jérusalem, comme a dit l'Eternel, et parmi les réchappés que l'Eternel appellera." PE 143 2 Ces "réchappés", qui vivent au milieu des signes et des prodiges précédant le jour grand et terrible de l'Eternel, sont sans doute "les restes" de la postérité de la femme dont il est parlé dans Apocalypse 12:17, -- la dernière phase de l'Eglise sur la terre. "Le dragon, furieux contre la femme, s'en alla faire la guerre au reste de ses enfants, qui observent les commandements de Dieu et qui gardent le témoignage de Jésus." (Version Synodale.) PE 143 3 Le reste de l'Eglise évangélique aura les dons. La guerre fera rage contre eux parce qu'ils gardent les commandements de Dieu et qu'ils ont le témoignage de Jésus. Apocalypse 12:17. Dans Apocalypse 19:10, il est dit que "le témoignage de Jésus est l'esprit de la prophétie". L'ange dit: "Je suis ton compagnon de service, et celui de tes frères qui ont le témoignage de Jésus." Dans Apocalypse 22:9, nous avons la même pensée: "Je suis ton compagnon de service, et celui de tes frères les prophètes." La comparaison nous montre la force de l'expression: "le témoignage de Jésus est l'esprit de la prophétie." Mais le témoignage de Jésus comprend tous les dons d'un seul et même Esprit. Paul dit: "Je rends à mon Dieu de continuelles actions de grâce à votre sujet, pour la grâce de Dieu qui vous a été accordée en Jésus-Christ. Car en lui vous avez été comblés de toutes les richesses qui concernent la parole et la connaissance, le témoignage de Christ ayant été solidement établi parmi vous, de sorte qu'il ne vous manque aucun don, dans l'attente où vous êtes de la manifestation de notre Seigneur Jésus-Christ." 1 Corinthiens 1:4-7. Le témoignage du Christ a été confirmé dans l'Eglise de Corinthe; et quel en fut le résultat? -- Il ne lui manquait aucun don. N'avons-nous pas raison de dire que lorsque le "reste" sera pleinement confirmé dans le témoignage de Jésus, il ne lui manquera aucun don, en attendant la venue de notre Seigneur Jésus-Christ? PE 144 1 R. F. Cottrell. ------------------------Chapitre 35 -- La chute de Satan PE 145 1 Satan était une fois un ange honoré du ciel, venant juste après le Christ. Son visage, comme celui des autres anges, avait la douceur et l'expression du bonheur. Son front était haut et large: signe d'une grande intelligence. Sa beauté était parfaite; son attitude, noble et majestueuse. Mais lorsque Dieu dit à son Fils: "Faisons l'homme à notre image", Satan fut jaloux de Jésus. Il aurait aimé être consulté au sujet de la formation de l'homme; et parce qu'il ne le fut pas, il fut rempli d'envie, de jalousie et de haine. Il désirait recevoir les plus grands honneurs dans le ciel auprès de Dieu. PE 145 2 Jusqu'à ce moment-là tout le ciel avait connu l'ordre, l'harmonie et une soumission parfaite au gouvernement de Dieu. S'insurger contre sa volonté et contre son ordre était le plus grand péché qui puisse se concevoir. Tout le ciel semblait en mouvement. Les anges étaient organisés en compagnies, et chaque division avait à sa tête un ange plus élevé qui commandait. Satan, ambitieux de gloire personnelle et ne voulant pas se soumettre à l'autorité de Jésus, faisait des insinuations contre le gouvernement de Dieu. Un certain nombre d'anges sympathisaient avec Satan et sa rébellion, alors que d'autres défendaient énergiquement l'honneur de Dieu et la sagesse qu'il avait manifestée en donnant de l'autorité à son Fils. Il y eut donc conflit entre les anges. Satan, secondé par ses acolytes, voulait réformer le gouvernement de Dieu. Ils cherchaient à pénétrer la sagesse insondable du Créateur et à deviner le dessein qu'il avait formé en exaltant Jésus et en lui conférant un pouvoir illimité. Ils se révoltèrent contre l'autorité de Jésus. Toute l'armée céleste dut comparaître devant le Père et chacun fut jugé. Il fut décidé que Satan serait expulsé du ciel avec tous les anges qui s'étaient joints à lui. Il y eut alors guerre dans le ciel, et les anges s'y engagèrent. Satan espérait vaincre le Fils de Dieu et ceux qui lui étaient restés fidèles. Mais les bons anges prévalurent, et Satan fut chassé du ciel avec sa suite. PE 146 1 Lorsque Satan se vit expulsé du ciel avec ceux qui étaient tombés avec lui, et comprit qu'il avait perdu pour toujours sa pureté et sa gloire, il en éprouva du regret et désira être réintégré au ciel. Il était disposé à reprendre sa place, ou n'importe quelle autre qui lui fût assignée. Mais ce n'était pas possible: le ciel ne devait pas être remis en danger. Si Satan y avait été réintroduit, il aurait pu le contaminer tout entier; car le péché avait pris naissance en lui, et il portait les germes de la rébellion. Satan et ceux qui le suivaient implorèrent avec larmes la faveur de Dieu; mais leur péché -- leur haine, leur envie, leur jalousie -- avait été si grand que Dieu ne pouvait l'effacer. Il fallait qu'il subsiste pour recevoir son châtiment final. PE 146 2 Lorsque Satan eut compris qu'il ne lui restait aucune possibilité de retrouver la faveur divine, il donna libre cours à sa malice et à sa haine. Il conféra avec ses anges, et il élabora de nouveaux plans pour combattre le gouvernement de Dieu. Quand Adam et Eve furent placés dans le magnifique jardin d'Eden, Satan conçut le projet de les détruire. Si l'heureux couple était resté fidèle, il aurait été impossible de le priver de son bonheur. Satan ne pouvait exercer son pouvoir sur eux à moins qu'ils n'eûssent auparavant désobéi à Dieu et perdu sa faveur. Il lui fallait imaginer quelque plan pour amener Adam et Eve à désobéir, afin qu'ils encourent la défaveur de Dieu et se placent sous l'influence directe de Satan et de ses anges. Il fut donc décidé que Satan revêtirait une autre forme et feindrait de s'intéresser à l'homme. Il lancerait des insinuations contre la véracité des déclarations de Dieu et ferait naître le doute dans le coeur de nos premiers parents. Il exciterait ensuite leur curiosité et les pousserait à jeter un regard indiscret sur les desseins insondables de Dieu -- le péché même que Satan avait commis -- , et il les amènerait à argumenter contre les restrictions posées à propos de l'arbre de la connaissance. ------------------------Chapitre 36 -- La chute de l'homme PE 147 1 Les saints anges visitaient souvent le jardin d'Eden, et ils donnaient des instructions à Adam et Eve au sujet de leurs occupations. Ils leur parlèrent aussi de la révolte de Satan et de sa chute. Ils les mirent en garde contre lui, et leur conseillèrent de ne jamais se séparer dans leur travail, car ils pourraient être amenés en présence de cet ennemi déchu. Les anges leur conseillèrent aussi de suivre fidèlement les instructions que Dieu leur avait données, car ce n'était qu'en obéissant strictement qu'ils pouvaient être en sécurité. Ainsi l'ennemi n'aurait aucun pouvoir sur eux. PE 147 2 Satan entreprit son oeuvre de séduction par Eve. Celle-ci commit sa première erreur en s'éloignant de son mari, et la suivante en s'attardant auprès de l'arbre défendu; puis elle écouta la voix du tentateur, osa même douter des paroles de Dieu: "Le jour où tu en mangeras, tu mourras." Elle se dit que Dieu n'avait peut-être pas voulu dire exactement ce qu'elle avait compris, et, s'armant d'audace, elle avança la main, prit du fruit et en mangea. Celui-ci n'était-il pas "bon à manger et agréable à la vue"? Elle éprouva de la jalousie de ce que Dieu avait défendu ce qui était en réalité pour leur bien. Elle offrit du fruit à son mari, et le tenta. Elle lui fit part de tout ce que le serpent lui avait dit, et lui exprima son étonnement de l'avoir entendu parler. PE 148 1 J'ai vu le visage d'Adam envahi par la tristesse; il semblait effrayé, surpris. Une lutte se livrait dans son esprit. Il était convaincu qu'il s'agissait de l'ennemi contre lequel ils avaient été mis en garde, et que sa femme allait mourir. Ils devaient être séparés. Mais son amour pour Eve était fort, et dans un profond découragement il résolut de partager son sort. Il prit le fruit, et vite il le mangea. Alors Satan exulta. Il s'était révolté dans le ciel, et il avait gagné des sympathisants qui l'aimaient et l'avaient suivi dans sa révolte. Il était tombé et en avait entraîné d'autres avec lui. Maintenant il venait de tenter la femme de se détourner de Dieu, de douter de sa sagesse et de vouloir chercher à pénétrer ses desseins omniscients. Satan savait que la femme ne tomberait pas seule. Adam, par suite de son amour pour elle, désobéirait aussi au commandement de Dieu et tomberait avec elle. PE 148 2 La nouvelle de la chute de l'homme se répandit à travers tout le ciel. Toutes les harpes se turent. Les anges déposèrent leurs couronnes en signe de tristesse. Tout le ciel était agité. Un conseil se tint pour décider ce qu'il y avait lieu de faire avec les coupables. Les anges craignaient qu'ils avancent la main, mangent du fruit de l'arbre de vie et ne deviennent des pécheurs immortels. Mais Dieu dit qu'il allait chasser les transgresseurs du jardin. Des anges furent donc envoyés immédiatement pour garder l'accès à l'arbre de vie. Satan avait imaginé que nos premiers parents désobéiraient à Dieu, encourraient sa désapprobation, puis mangeraient du fruit de l'arbre de vie, afin de pouvoir vivre pour toujours dans le péché et la désobéissance; le péché aurait été ainsi immortalisé. Mais des saints anges furent envoyés pour les chasser du jardin, et leur barrer l'accès à l'arbre de vie. Chacun de ces anges puissants avait dans la main droite quelque chose qui avait l'apparence d'une épée flamboyante. PE 148 3 Alors Satan triompha. Il avait obtenu que d'autres souffrent par sa chute. Il avait été chassé du ciel, eux du paradis. ------------------------Chapitre 37 -- Le plan du salut PE 149 1 Le ciel se remplit de douleur lorsque l'on sut que l'homme était perdu, et que ce monde créé par Dieu serait peuplé d'êtres condamnés à la misère, à la maladie et à la mort, sans espoir de salut. Toute la famille d'Adam devait périr. Je vis sur le visage de Jésus une expression de sympathie et de douleur. Il s'approcha bientôt de la lumière éblouissante dont le Père était environné. L'ange qui m'accompagnait me dit: "Il a un entretien secret avec son Père." L'anxiété des anges semblait intense pendant que Jésus communiait ainsi avec son Père. Trois fois il pénétra dans la lumière éclatante; la troisième fois, il quitta le Père et sa personne fut visible. Quand il sortit de la présence de son Père il paraissait calme, exempt de perplexité, tout rayonnant de bienveillance et d'affabilité. Il fit savoir à l'armée céleste qu'une voie de salut avait été trouvée pour l'homme perdu. Il raconta comment il avait intercédé auprès du Père, offrant sa vie en rançon, acceptant de subir la mort afin que l'homme pût trouver le pardon. Par les mérites de son sang et l'obéissance à la loi divine, il retrouverait la faveur de Dieu, serait réintégré dans le merveilleux jardin et pourrait manger du fruit de l'arbre de vie. PE 149 2 Tout d'abord les anges ne purent se réjouir, car leur Chef ne leur cacha rien, mais leur fit connaître le plan du salut. Jésus leur dit qu'il devrait se tenir entre la colère de son Père et l'homme coupable, supporter l'iniquité et le mépris, car très peu le recevraient comme Fils de Dieu. Presque tous le haïraient et le rejetteraient. Il abandonnerait toute la gloire céleste, s'incarnerait sur la terre, s'humilierait comme un simple homme, serait tenté comme un homme, afin de pouvoir secourir ceux qui seraient tentés; et enfin, après qu'il aurait accompli sa mission, il serait livré entre les mains des hommes qui lui feraient subir toutes les cruautés et toutes les souffrances que Satan et ses anges puissent les pousser à lui infliger. Puis il mourrait de la mort la plus cruelle, pendu entre ciel et terre comme un pécheur coupable. Il souffrirait pendant des heures une agonie si affreuse que des anges mêmes ne pourraient supporter de la voir, et se voileraient la face à ce spectacle. Jésus souffrirait non seulement dans son corps, mais éprouverait aussi une agonie mentale bien pire que les souffrances physiques. Le poids des péchés du monde reposerait sur lui. Il dit aux anges qu'il devrait mourir et ressusciter le troisième jour; puis il monterait au ciel pour intercéder en faveur de l'homme coupable. PE 150 1 Les anges se prosternèrent devant lui. Ils offrirent leur vie. Jésus leur dit que par sa mort il sauverait un grand nombre de pécheurs dont la dette ne pourrait être payée par la vie d'un ange. Seule sa vie pouvait être acceptée du Père en rançon pour l'homme. Jésus leur dit aussi qu'ils auraient quelque chose à faire dans ce plan: ils auraient à l'assister à différentes occasions. Il allait revêtir la nature de l'homme tombé, et sa force n'égalerait pas même la leur. Les anges seraient témoins de son humiliation et de ses souffrances. Ils verraient ses douleurs et la haine des hommes à son égard, ce qui les plongerait dans une peine profonde. Par amour pour lui, ils désireraient le secourir et le délivrer de ses meurtriers. Mais ils ne devaient rien empêcher; ils joueraient un rôle dans sa résurrection. Le plan du salut avait été décidé, et son Père avait accepté ce plan. PE 150 2 Jésus, dans une sainte tristesse, réconforta et encouragea les anges; il leur dit que plus tard ceux qu'il allait racheter seraient avec lui. Par sa mort il en rachèterait un grand nombre, et détruirait celui qui avait le pouvoir de la mort. Son Père lui remettrait le royaume, et il posséderait aux siècles des siècles la grandeur des royaumes qui sont sous tous les cieux. Satan et les pécheurs seraient détruits; ils ne troubleraient plus jamais le ciel ni la nouvelle terre purifiée. Jésus invita les armées célestes à se résigner à adopter ce plan du salut que son Père avait accepté, et à se réjouir de sa mort, grâce à laquelle le pécheur pourrait obtenir à nouveau la faveur divine et jouir du ciel. PE 151 1 Alors une joie inexprimable remplit le ciel. L'armée angélique entonna un chant de louange et d'adoration. Les messagers du ciel touchèrent leurs harpes et chantèrent sur un ton plus élevé qu'auparavant, pour célébrer la grande miséricorde et la condescendance de Dieu qui avait donné son Fils bien-aimé afin qu'il mourût pour une race rebelle. Puis la louange et l'adoration des anges furent exprimées en reconnaissance du renoncement et du sacrifice que Jésus avait consenti à faire en quittant le sein du Père et en choisissant de vivre une vie de souffrance et d'angoisse, et mourir d'une mort ignominieuse, afin de donner la vie à d'autres. PE 151 2 L'ange me dit: "Pensez-vous que le Père ait consenti à donner son Fils bien-aimé sans luttes? Non, non, ce n'est pas sans luttes que Dieu dut décider: ou de laisser périr l'humanité coupable ou de livrer à la mort pour elle son Fils bien-airné." Si grand était l'intérêt des anges pour le salut de l'humanité qu'il s'en serait trouvé parmi eux qui étaient disposés à renoncer à leur gloire et à sacrifier leur vie pour l'homme perdu. "Mais, me dit l'ange qui m'accompagnait, cela n'eût servi de rien. La transgression était si grande que la vie d'un ange ne pouvait payer la dette. Il n'y avait que la mort et l'intercession du Fils de Dieu qui puissent payer cette dette et sauver l'homme perdu de la douleur et du malheur sans espoir." PE 151 3 L'oeuvre assignée aux anges devait être d'apporter du baume céleste pour adoucir les souffrances du Fils de Dieu et de le servir. Ils auraient aussi à préserver les sujets de la grâce de l'influence des mauvais anges, et à dissiper les ténèbres dont Satan s'efforcerait constamment de les envelopper. J'ai vu qu'il serait impossible à Dieu d'altérer ou modifier sa loi pour sauver l'homme perdu. C'est pourquoi il a permis que son Fils bien-aimé meure pour la transgression humaine. PE 152 1 Satan osa de nouveau se réjouir avec ses anges en pensant que, grâce à la chute de l'homme, il contraindrait le Fils de Dieu à abandonner sa position glorieuse. Il assura à ses anges qu'il réussirait à faire succomber Jésus lorsque celui-ci aurait revêtu la nature humaine, et qu'ainsi il empêcherait que le plan du salut s'accomplisse. PE 152 2 Il me fut montré que Satan était une fois un ange heureux, élevé. Puis je le vis comme il est maintenant. Il conserve une allure royale; ses traits sont encore nobles, car c'est un ange tombé. Mais l'expression de son visage est chargée d'anxiété, de soucis, de tristesse, de malice, de haine, de déceptions, de tous les maux. Je remarquai particulièrement son front, autrefois si noble. Il était devenu fuyant. Sa longue habitude du mal dégradait toutes ses qualités, et chaque mauvais trait était développé. Ses yeux étaient pleins de ruse, de malice, et montraient une grande pénétration. Son corps était de grande taille, mais ses muscles se relâchaient aux mains, au visage. Quand je le vis, il avait le menton appuyé sur la main gauche. Il paraissait livré à de profondes réflexions. On remarquait sur son visage un sourire si plein de malice et de ruse sataniques qu'il me fit trembler. C'est le sourire qu'il arbore juste au moment où il va fondre sur sa victime. Et lorsqu'il l'a prise dans ses pièges, ce sourire devient horrible. ------------------------Chapitre 38 -- La première venue du Christ PE 153 1 Je fus ramenée à l'époque où Jésus devait revêtir la nature humaine, s'humilier lui-même et subir les tentations de Satan. PE 153 2 Sa naissance ne connut pas les grandeurs de ce monde. Il naquit dans une étable et une crèche lui servit de berceau. Néanmoins il reçut plus d'honneurs que n'importe lequel des enfants des hommes. Des anges vinrent informer les bergers de sa naissance, et la lumière et la gloire de Dieu accompagnèrent leur témoignage. Les armées célestes touchèrent leurs harpes et glorifièrent Dieu. Elles annoncèrent triomphalement la venue du Fils de Dieu dans ce monde pour accomplir l'oeuvre de la rédemption. Par sa mort, il allait apporter la paix, le bonheur et la vie éternelle à l'homme perdu. Dieu honora la venue de son Fils; les anges l'adorèrent. PE 153 3 Des anges de Dieu se penchèrent sur la scène de son baptême; le Saint-Esprit descendit sous la forme d'une colombe et reposa sur lui, et comme le peuple était dans l'étonnement et ne le quittait pas des yeux, la voix du Père se fit entendre du ciel, disant: "Tu es mon Fils bien-aimé; en toi j'ai mis toute mon affection." PE 153 4 Jean-Baptiste n'était pas certain que c'était le Sauveur qui venait au Jourdain pour être baptisé par lui. Mais Dieu avait promis de lui donner un signe par lequel il reconnaîtrait l'Agneau de Dieu. Ce signe, ce fut la colombe qui reposa sur Jésus et la gloire de Dieu qui l'environna. Jean-Baptiste tendit alors la main vers lui, et dit à haute voix: "Voici l'Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde!" PE 153 5 Jean-Baptiste informa ses disciples que Jésus était le Messie promis, le Sauveur du monde. Son oeuvre touchant à sa fin, il leur conseilla de suivre le Christ qui était le grand Docteur. La vie de Jean-Baptiste fut une vie de tristesse et de renoncement. Il fut le messager de la première venue du Christ, mais il ne lui fut pas permis d'assister à ses miracles, ni de voir la puissance qui l'accompagnait. Lorsque Jésus commença son ministère, Jean-Baptiste savait qu'il devait mourir. Sa voix se fit rarement entendre, sauf dans le désert. Sa vie fut solitaire. Il ne resta pas au sein de sa famille pour en jouir, mais il s'en éloigna afin d'accomplir sa mission. Des multitudes, fuyant les villes et les villages, se rendaient au désert pour entendre ce prophète extraordinaire. Jean-Baptiste mettait la cognée à la racine de l'arbre. Il réprouvait le péché, sans crainte des conséquences, préparant ainsi le chemin de l'Agneau de Dieu. PE 154 1 Hérode fut touché en entendant le témoignage direct et puissant de Jean-Baptiste, et il voulut savoir ce qu'il fallait faire pour devenir son disciple. Mais Jean n'ignorait pas qu'Hérode était sur le point d'épouser la femme de son frère, bien que son mari vivait encore. Il lui fit comprendre que c'était illégal. Hérode n'était pas disposé à faire un sacrifice: il épousa la femme de son frère. Influencé par elle, il fit mettre Jean-Baptiste en prison avec l'intention cependant de le relâcher. Alors que le Baptiste était là, ses disciples vinrent lui faire part des oeuvres merveilleuses accomplies par Jésus. Il ne pouvait entendre les beaux discours du Sauveur, mais ses disciples le tenaient au courant de ce qu'il disait et le réconfortaient par ce qu'ils avaient entendu. Mais bientôt le précurseur fut décapité, grâce à l'influence de la femme d'Hérode. PE 154 2 J'ai vu que les plus humbles disciples qui suivirent Jésus, qui furent témoins de ses miracles et entendirent les paroles réconfortantes qui tombaient de ses lèvres, étaient plus grands que Jean-Baptiste: ils étaient plus élevés et honorés et avaient plus de satisfaction dans leurs vies. PE 154 3 Jean-Baptiste est venu dans l'esprit et la puissance d'Elie, pour proclamer la première venue de Jésus. Je fus ramenée aux derniers jours, et je vis que Jean-Baptiste représentait les croyants qui iront, dans l'esprit et la puissance d'Elie, annoncer le jour de la colère divine et la seconde venue de Jésus. PE 155 1 Après son baptême dans le Jourdain, le Sauveur fut conduit par l'Esprit dans le désert pour y être tenté par le diable. Le Saint-Esprit l'avait préparé pour cette scène spéciale de violentes tentations. Quarante jours il fut tenté par Satan, et pendant ce temps il ne mangea rien. Tout ce qui l'entourait était désagréable et la nature humaine le poussait à s'en éloigner. Il était avec les bêtes sauvages et le diable, dans ce lieu désolé et solitaire. Le Fils de Dieu était pâle et émacié par le jeûne et la souffrance. Mais il devait passer par là pour exécuter l'oeuvre qu'il était venu accomplir. PE 155 2 Satan profita des souffrances du Fils de Dieu pour l'assiéger de nombreuses tentations, dans l'espoir de le terrasser parce qu'il s'était réduit à l'état humain. Il lui dit: "Si tu es le Fils de Dieu, ordonne à cette pierre qu'elle devienne du pain." Il tenta Jésus à s'abaisser à prouver qu'il était bien le Messie, en exerçant sa puissance divine. Jésus répondit avec douceur: "Il est écrit: L'homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu." PE 155 3 Satan cherchait à faire naître une discussion avec Jésus au sujet de sa filiation divine. Il lui signala sa faiblesse et ses souffrances et, avec orgueil, il affirma qu'il était plus fort que lui. Mais la voix venue du ciel, qui disait: "Tu es mon Fils bien-aimé; en toi j'ai mis toute mon affection", suffisait pour soutenir Jésus dans ses souffrances. Je vis que le Christ n'avait pas à convaincre Satan de sa puissance, ni à lui prouver qu'il était le Sauveur du monde. Le diable avait suffisamment de preuves de la position élevée et de l'autorité du Fils de Dieu. Son refus de reconnaître cette autorité l'avait exclu du ciel. PE 156 1 Pour manifester sa puissance, Satan conduisit Jésus à Jérusalem, le plaça sur le haut du temple, et là, il lui demanda de se jeter de cette hauteur vertigineuse pour prouver qu'il était le Fils de Dieu. Satan cette fois lui cita ces paroles inspirées: "Il est écrit: Il donnera des ordres à ses anges à ton sujet, afin qu'ils te gardent; et: Ils te porteront sur les mains, de peur que ton pied ne heurte contre une pierre." Jésus lui répondit: "Il est dit: Tu ne tenteras point le Seigneur, ton Dieu." Satan voulait amener Jésus à présumer de la miséricorde de son Père et à risquer sa vie avant d'avoir accompli sa mission. Il espérait qu'ainsi le plan du salut serait annulé; mais ce plan avait des fondements trop profonds pour être renversé ou endommagé par Satan. PE 156 2 Le Christ est l'exemple de tous les chrétiens. Lorsqu'ils sont tentés, ou que leurs droits sont discutés, ils doivent supporter tout cela patiemment. Qu'ils ne pensent pas qu'ils ont le droit de demander au Seigneur de déployer pour eux sa puissance afin qu'ils obtiennent la victoire sur leurs ennemis, à moins que Dieu n'en soit directement honoré et glorifié. Si Jésus s'était jeté en bas du pinacle du temple, il n'aurait pas glorifié son Père; car personne n'en aurait été témoin, si ce n'est Satan et les anges de Dieu. C'eut été inciter le Seigneur à déployer sa puissance devant son pire ennemi. Il se serait abaissé devant le personnage qu'il venait terrasser. PE 156 3 "Le diable le transporta encore sur une montagne très élevée, lui montra tous les royaumes du monde et leur gloire, et lui dit: Je te donnerai toutes ces choses, si tu te prosternes et m'adores. Jésus lui dit: Retire-toi, Satan! car il est écrit: Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et tu le serviras lui seul." PE 156 4 Satan fit passer devant Jésus les royaumes de ce monde avec toute leur gloire. Si Jésus consentait à l'adorer, il lui offrait de lui céder ses droits à la possession de la terre. Satan savait que si le plan du salut réussissait, si Jésus mourait pour racheter l'homme, lui, Satan, verrait sa puissance limitée; elle lui serait enfin enlevée et lui-même serait détruit. C'est pourquoi il avait formé le projet d'empêcher, si possible, l'achèvement de la grande oeuvre qui avait été commencée par le Fils de Dieu. Si le plan tracé pour racheter l'homme échouait, Satan conserverait le royaume qu'il prétendait posséder. S'il réussissait, il se flatterait de régner lui-même au lieu du Dieu du ciel. PE 157 1 Satan exulta lorsque Jésus abandonna sa puissance et sa gloire pour quitter le ciel. Il pensait que le Fils de Dieu serait ainsi en son pouvoir. Il avait si facilement réussi dans sa tentation du premier couple en Eden, qu'il espérait par son pouvoir et son astuce satanique avoir raison du Fils de Dieu, et ainsi sauver sa vie et son royaume. S'il pouvait réussir à détourner Jésus de faire la volonté de son Père, il aurait atteint son but. Mais Jésus repoussa le tentateur par ces mots: "Retire-toi, Satan." Il ne devait se prosterner que devant son Père. Satan prétendait que tous les royaumes de la terre lui appartenaient, et il insinuait à Jésus que toutes ses souffrances pouvaient lui être épargnées, qu'il n'était pas nécessaire qu'il meure pour obtenir les royaumes de ce monde. Il lui suffisait de se prosterner devant lui pour posséder tous les biens du monde entier et la gloire de régner sur eux. Mais Jésus fut inébranlable. Il savait que le jour viendrait où en donnant sa vie il arracherait le royaume à Satan, et qu'après un certain temps, tout, dans le ciel et sur la terre, lui serait soumis. Il préféra donc sa vie de souffrances et sa mort ignominieuse, seuls moyens désignés par le Père pour qu'il devienne l'héritier légitime des royaumes de la terre afin de les posséder éternellement. Même Satan devrait lui être livré afin d'être détruit par la mort, et ne plus jamais nuire au Sauveur ou aux saints dans la gloire. ------------------------Chapitre 39 -- Le ministère du Christ PE 158 1 Après que Satan eut terminé ses tentations, il quitta Jésus pour un temps. Des anges vinrent préparer au Sauveur sa nourriture dans le désert et le fortifier; la bénédiction de son Père reposa sur lui. Satan avait échoué dans ses tentations; mais il espérait qu'il y aurait, au cours du ministère du Christ, des moments favorables pour renouveler ses attaques astucieuses contre lui. Il pensait réussir en poussant ceux qui ne le recevraient pas à le haïr et à chercher sa perte. Il tint un conseil spécial avec ses anges. Déçus et furieux de n'avoir rien obtenu contre le Fils de Dieu, ils décidèrent d'user de plus de ruse et d'employer toute leur puissance pour faire naître l'incrédulité chez les hommes de sa propre nation pour qu'ils ne le reconnaissent pas comme le Sauveur du monde, et décourager ainsi Jésus dans l'accomplissement de sa mission. Il importait peu que les Juifs soient fidèles dans leurs cérémonies et leurs sacrifices; s'ils pouvaient leur fermer les yeux au sujet des prophéties et leur faire croire que le Messie devait apparaître comme un roi puissant, ils seraient amenés à mépriser et à rejeter Jésus. PE 158 2 Il me fut montré que Satan et ses anges étaient très occupés pendant le ministère du Christ; ils inspiraient aux hommes l'incrédulité, la haine, la moquerie. Souvent lorsque Jésus énonçait quelque vérité tranchante, condamnant leurs péchés, les gens devenaient furieux. Satan et ses anges les poussaient à mettre à mort le Fils de Dieu. Plus d'une fois ils prirent des pierres pour le lapider, mais des anges veillaient sur lui et le soustrayaient à la fureur de la multitude en le conduisant dans un lieu sûr. Maintes fois, alors que de simples vérités tombaient de ses lèvres, la foule s'emparait de lui et le conduisait au haut d'une colline avec l'intention de le jeter en bas. Une discussion s'éleva un jour parmi les Juifs pour savoir ce qu'il fallait faire de lui; mais les anges le cachèrent à leur vue, et, passant au milieu d'eux, il disparut. PE 159 1 Satan espérait toujours que le grand plan du salut échouerait. Il employait tout son pouvoir pour endurcir le coeur des gens et les irriter contre Jésus. Il espérait que, vu le petit nombre de personnes qui le recevraient comme Fils de Dieu, Jésus considérerait que ses souffrances et son sacrifice seraient trop grands pour si peu de gens. Mais j'ai vu que si deux seulement avaient accepté Jésus comme Fils de Dieu, et cru en lui pour le salut de leur âme, il aurait accompli le plan. PE 159 2 Jésus commença son oeuvre en anéantissant la puissance de Satan sur ceux qui souffraient. Il redonnait la santé aux malades, rendait la vue aux aveugles, guérissait les paralytiques, qui sautaient de joie pour glorifier Dieu. Il ramenait à la santé ceux qui étaient infirmes, enchaînés par Satan pendant de nombreuses années. Par de bonnes paroles il réconfortait le faible, celui qui tremblait, qui était abattu. Ceux qui souffraient par la puissance de Satan étaient libérés de son emprise; ils recouvraient la santé dans la joie et le bonheur. Il ramena des morts à la vie, qui glorifiaient Dieu pour le grand déploiement de sa force. Il opérait puissamment pour tous ceux qui croyaient en lui. PE 159 3 La vie du Christ fut remplie de paroles et d'actes de bienveillance, de sympathie et d'amour. Il écoutait toujours attentivement ceux qui venaient à lui et soulageait leurs maux. Des multitudes avaient dans leurs propres personnes la preuve de sa divine puissance. Toutefois, après avoir vu ses oeuvres merveilleuses, beaucoup avaient honte de cet instructeur humble bien que puissant. Les gouvernants ne croyant pas en lui, le peuple ne l'acceptait pas volontiers. Il était l'homme de douleur, habitué à la souffrance. Ses contemporains ne pouvaient tolérer d'être dirigés par sa vie d'abnégation. Ils préféraient jouir des honneurs que le monde offre. Cependant plusieurs suivirent le Fils de Dieu, écoutèrent ses enseignements, heureux des paroles qui tombaient si généreusement de ses lèvres, paroles si simples que même les plus faibles pouvaient les comprendre. PE 160 1 Satan et ses anges fermèrent les yeux et obscurcirent l'intelligence des Juifs; ils poussèrent les chefs du peuple et les dirigeants à faire mourir le Sauveur. Certains reçurent l'ordre de se saisir de lui; mais quand ils le virent, ils furent tout étonnés de se trouver en présence d'un homme plein de sympathie et de compassion devant la détresse humaine. Ils l'entendirent parler avec amour et avec tendresse aux faibles et aux affligés. Ils l'entendirent aussi reprendre Satan avec autorité, et libérer ses captifs. Ils écoutèrent ses paroles de sagesse et ils furent captivés. Ils n'osèrent pas mettre la main sur lui. Ils retournèrent vers les prêtres et les anciens sans Jésus. Quand ces derniers leur demandèrent pourquoi ils ne l'avaient pas arrêté, ils racontèrent comment ils l'avaient vu opérer des miracles; ils répétèrent ses paroles de sagesse et d'amour, et finirent en disant: "Jamais homme n'a parlé comme cet homme." Les chefs des prêtres les accusèrent d'avoir aussi été séduits, et quelques huissiers eurent honte de ne pas l'avoir pris. Les prêtres demandèrent ironiquement si quelque gouvernant avait cru en lui. J'ai vu que plusieurs magistrats et anciens croyaient en Jésus; mais Satan les incitait à ne pas l'avouer; ils craignaient la réprobation du peuple plus que celle de Dieu. PE 160 2 Ainsi la ruse et la haine de Satan n'arrivaient pas à annuler le plan du salut. Lorsque le moment approcha où devait s'accomplir l'oeuvre pour laquelle Jésus était venu dans le monde, Satan et ses anges se consultèrent et décidèrent de suggérer à sa propre nation de réclamer le sang du Christ et de l'abreuver de cruauté et de mépris. Ils espéraient que Jésus, sous de tels traitements, perdrait son humilité et sa douceur. PE 161 1 Tandis que Satan élaborait ses plans, Jésus dévoilait avec soin à ses disciples les souffrances par lesquelles il devait passer, -- qu'il serait crucifié et qu'il ressusciterait le troisième jour. Mais leur intelligence paraissait obscurcie, et ils n'arrivaient pas à comprendre ce qu'il leur disait. ------------------------Chapitre 40 -- La transfiguration PE 162 1 La foi des disciples fut grandement fortifiée par la transfiguration. Il leur fut alors permis de contempler la gloire du Christ et d'entendre la voix du ciel témoigner de son divin caractère. Dieu avait voulu leur donner une preuve convaincante que Jésus était bien le Messie promis. Lorsque, à la crucifixion, ils éprouveraient une amère tristesse et une profonde déception, ils ne perdraient pas entièrement confiance. A la transfiguration, le Seigneur envoya Moïse et Elie s'entretenir avec le Sauveur au sujet de ses souffrances et de sa mort. Au lieu de choisir des anges, Dieu choisit ceux qui avaient passé eux-mêmes par les épreuves d'ici-bas. PE 162 2 Elie avait marché avec Dieu. Son oeuvre fut toute d'épreuves et de labeurs. Par lui le Seigneur avait dénoncé les péchés d'Israël. C'était un prophète de Dieu, et cependant il dut fuir de lieu en lieu pour sauver sa vie. Sa propre nation le traqua comme une bête fauve, afin de s'en débarrasser. Mais Dieu le translata. Des anges le portèrent triomphalement dans la gloire du ciel. PE 162 3 Moïse fut l'homme le plus grand qui ait jamais existé parmi les hommes qui vécurent avant lui. Il fut hautement honoré par Dieu à qui il parlait face à face, comme avec un ami. Il lui fut permis de contempler la gloire éblouissante qui entoure le Père. C'est par lui que Dieu délivra les enfants d'Israël de l'esclavage d'Egypte. Il fut un médiateur pour son peuple, intervenant fréquemment pour apaiser la colère divine envers ce peuple. Lorsque le Seigneur fut courroucé contre les Israélites à cause de leur incrédulité, leurs murmures et leurs graves péchés, Moïse fit preuve d'un amour tout particulier à leur égard. Dieu se proposant de les détruire et de faire de lui une grande nation, Moïse plaida avec instance en leur faveur. Dans sa détresse, il supplia même le Seigneur de détourner son courroux d'Israël, de le pardonner, ou d'effacer son propre nom de son livre. PE 163 1 Lorsque les enfants d'Israël murmurèrent contre lui et contre Dieu parce qu'ils n'avaient plus d'eau, ils accusèrent leur chef de les avoir fait venir dans le désert pour les faire mourir, eux et leurs enfants. Le Seigneur entendit leurs murmures, et ordonna à Moïse de parler au rocher, afin d'obtenir de l'eau. L'homme de Dieu frappa le rocher dans sa colère et s'attribua la gloire du miracle. L'indiscipline continuelle et les murmures des enfants d'Israël lui avaient causé une vive tristesse, et pour un court instant il oublia combien le Seigneur les avait supportés et que leurs murmures n'étaient pas dirigés contre lui, mais contre Dieu. Il ne pensa qu'à lui-même, au tort qui lui était fait, et à l'ingratitude dont il était l'objet pour l'amour qu'il ne cessait de manifester à l'égard du peuple d'Israël. PE 163 2 Le dessein de Dieu était de placer souvent ce peuple dans des conditions difficiles et d'intervenir miraculeusement pour le délivrer, afin qu'il puisse se rendre compte de l'amour et de la sollicitude du Seigneur à son égard; il serait ainsi conduit à le servir et à l'honorer. Mais Moïse avait forfait à l'honneur de Dieu; il n'avait pas magnifié son nom devant le peuple pour l'amener à le glorifier. En agissant ainsi il encourut le déplaisir de Dieu. PE 163 3 Lorsque Moïse descendit de la montagne du Sinaï avec les deux tables de pierre et vit Israël adorer le veau d'or, il entra dans une violente colère; il brisa les tables de la loi. J'ai vu que Moïse n'avait pas commis de péché en faisant cela. Il s'était mis en colère pour Dieu, il débordait de zèle pour sa gloire. Mais lorsqu'il céda aux sentiments naturels de son coeur, qu'il s'attribua l'honneur qui n'était dû qu'à Dieu, il pécha, et pour ce péché Dieu ne lui permit pas d'entrer dans le pays de Canaan. PE 164 1 Satan avait cherché un motif pour accuser Moïse devant les anges. Il se réjouit d'avoir réussi à lui faire encourir le déplaisir de Dieu. Il dit aux anges qu'il arriverait à vaincre le Sauveur du monde quand il viendrait racheter l'homme. Par sa transgression, Moïse se plaça sous le pouvoir de Satan, dans le domaine de la mort. S'il était resté inébranlable, le Seigneur l'eût fait entrer dans le pays de la promesse et monter au ciel sans passer par la mort. PE 164 2 Moïse mourut, mais l'archange Michel descendit et ranima son corps avant qu'il n'ait vu la corruption. Satan s'y opposa, prétextant que ce corps lui appartenait; mais l'archange Michel ressuscita Moïse, et le prit au ciel. Satan fut très irrité contre Dieu, il l'accusa d'être injuste en lui dérobant sa proie. Mais le Christ ne reprit pas son adversaire, bien que celui-ci avait fait tomber le serviteur de Dieu. Il remit le cas à son Père et dit simplement: "Que le Seigneur te réprime." PE 164 3 A une certaine occasion Jésus avait dit à ses disciples que quelques-uns de ceux qui étaient avec lui ne goûteraient pas la mort avant d'avoir vu le royaume des cieux venir avec puissance. Cette promesse s'accomplit à la transfiguration. Le visage du Sauveur fut changé et resplendit comme le soleil. Ses vêtements devinrent blancs et étincelants. Moïse était là, représentant ceux qui ressusciteront des morts à la seconde apparition du Christ. Elie aussi était là, lui qui fut translaté sans passer par la mort, pour représenter ceux qui revêtiront l'immortalité sans passer par la mort à la seconde venue du Christ. Les disciples contemplèrent avec étonnement et avec crainte la majesté de Jésus; une nuée vint les couvrir, et ils entendirent la voix majestueuse de Dieu qui disait: "Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le." ------------------------Chapitre 41 -- Le Christ trahi PE 165 1 Je fus transportée au temps où Jésus mangea la Pâque avec ses disciples. Satan avait réussi à séduire Judas, il l'avait persuadé qu'il était un vrai disciple du Christ; mais son coeur avait toujours été charnel. Il avait vu les miracles de Jésus, il l'avait suivi au cours de son ministère et eu des preuves évidentes qu'il était le Messie. Mais Judas était avare et la convoitise le dominait; il aimait l'argent. Il manifesta un jour son mécontentement contre l'onction de Jésus. Marie aimait son Seigneur. Il lui avait pardonné ses péchés, qui étaient nombreux, et avait ressuscité des morts son bien-aimé frère. Elle croyait que rien n'était trop coûteux pour son Sauveur. Plus serait élevé le prix du parfum qu'elle emploierait pour lui, mieux elle exprimerait sa gratitude à son égard. Judas, pour excuser son avarice, prétendit que ce parfum aurait pu être vendu pour donner l'argent aux pauvres. Mais il ne se souciait guère des pauvres; c'était un égoïste, et souvent il s'appropriait ce qui lui était confié pour les pauvres. Judas ne s'était jamais soucié du bien-être de Jésus, ni même de ses besoins; c'était son avarice qui le faisait parler des pauvres. Cet acte de générosité de la part de Marie était un vif reproche pour sa convoitise. Le chemin était préparé pour que la tentation de Satan séduise Judas sans difficulté. PE 165 2 Les prêtres et les magistrats des Juifs haïssaient Jésus; mais les foules se pressaient pour écouter ses paroles de sagesse et pour voir ses miracles. Les gens manifestaient un profond intérêt, ils suivaient Jésus pour entendre les enseignements de ce maître incomparable. De nombreux chefs croyaient en lui, mais ils n'osaient pas l'avouer de peur d'être chassés de la synagogue. Les prêtres et les anciens décidèrent de faire quelque chose pour détourner de Jésus l'attention du peuple. Ils craignaient que tous les hommes crussent en lui. Ils ne voyaient pas de sécurité pour eux-mêmes. Ou bien ils perdaient leur position, ou ils mettaient Jésus à mort. Et même, après l'avoir fait mourir, il resterait encore de vivants témoignages de sa puissance. Jésus avait ressuscité Lazare des morts, et ils craignaient que s'ils faisaient mourir le Sauveur, Lazare fût un témoin de son grand pouvoir. Les gens accourant pour voir celui qui avait été ressuscité des morts, les chefs du peuple étaient décidés à faire mourir Lazare et à faire cesser l'agitation. Ils détourneraient alors l'attention du peuple vers les traditions et les doctrines des hommes, vers la dîme de la menthe et du cumin, et de nouveau exerceraient leur influence sur ce peuple. Ils décidèrent de se saisir de Jésus quand il serait seul; car s'ils essayaient de l'arrêter dans la foule, alors que les gens se passionnaient pour ce qu'il disait, ils seraient lapidés. PE 166 1 Judas savait combien ils étaient désireux de s'emparer de Jésus; il offrit aux prêtres et aux anciens de le leur livrer pour quelques pièces d'argent. L'amour de l'argent le poussa à livrer son Maître à ses pires ennemis. C'était Satan qui opérait par Judas; pendant le repas pascal impressionnant, le traître faisait des plans pour trahir son Seigneur. Tristement, Jésus dit à ses disciples que tous seraient scandalisés cette nuit à cause de lui. Mais Pierre affirma avec véhémence que si tous étaient scandalisés, il ne le serait pas, lui. Jésus dit à Pierre: "Satan vous a réclamés, pour vous cribler comme le froment. Mais j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point; et toi, quand tu seras converti, affermis tes frères." Luc 22:31, 32. PE 166 2 Je contemplai Jésus avec ses disciples lorsqu'ils étaient dans le jardin de Gethsémané. Profondément attristé, le Sauveur leur demanda de veiller et de prier, de peur de tomber dans la tentation. Il savait que leur foi serait éprouvée, qu'ils seraient déçus dans leurs espérances, et qu'ils auraient besoin de toute la force qu'ils pourraient obtenir en veillant avec soin et en priant avec ferveur. Jésus priait, en poussant des cris et en pleurant: "Père, si tu voulais éloigner de moi cette coupe! Toutefois, que ma volonté ne se fasse pas, mais la tienne." Le Fils de Dieu priait dans l'agonie. De grosses gouttes de sang tombaient de son visage sur le sol. Des anges survolaient le jardin, témoins de la scène, mais il n'y en eut qu'un seul qui fut chargé de venir fortifier le Fils de Dieu dans son agonie. La joie avait disparu du ciel. Les anges jetèrent leurs couronnes, mirent de côté leurs harpes, et suivirent l'agonie de Jésus en silence et avec un profond intérêt. Ils auraient aimé pouvoir entourer le Fils de Dieu, mais leurs chefs ne le leur permirent pas, de peur qu'ils ne soient amenés à le délivrer. Le plan du salut avait été arrêté, il devait se réaliser. PE 167 1 Après que Jésus eut prié, il vint vers ses disciples; mais ils dormaient. A cette heure terrible il ne pouvait pas même compter sur leur sympathie et leurs prières. Pierre, si zélé peu de temps auparavant, dormait profondément. Lui rappelant ses déclarations, Jésus lui dit: "Vous n'avez donc pu veiller une heure avec moi?" Trois fois le Fils de Dieu pria dans l'agonie. Alors Judas, avec sa bande d'hommes armés, apparut. Il s'approcha du Maître comme d'habitude, pour le saluer. Le groupe entoura Jésus; mais il manifesta sa puissance divine, en disant: "Qui cherchez-vous?" "C'est moi." Ils tombèrent par terre. Jésus posa cette question afin qu'ils puissent se rendre compte de sa puissance, et avoir la preuve qu'il pouvait se délivrer lui-même de leurs mains, s'il le voulait. PE 167 2 Les disciples commencèrent à espérer quand ils virent les gens armés d'épées et de bâtons tomber si brusquement. Tandis qu'ils se relevaient et entouraient de nouveau le Fils de Dieu, Pierre tira son épée, frappa un serviteur du grand prêtre et lui coupa l'oreille. Jésus lui dit de remettre son épée dans le fourreau. "Penses-tu, déclara-t-il, que je ne puisse pas invoquer mon Père, qui me donnerait à l'instant plus de douze légions d'anges?" Je vis que lorsque ces paroles furent prononcées les anges reprirent espoir. Ils étaient prêts à entourer leur chef et à disperser cette foule excitée. Mais la tristesse revint sur leurs traits quand Jésus ajouta: "Comment donc s'accompliraient les Ecritures, d'après lesquelles il doit en être ainsi." Le coeur des disciples aussi sombrait dans le désespoir, amèrement déçu, lorsqu'ils virent Jésus se laisser emmener par ses ennemis. PE 168 1 Les disciples craignaient pour leur vie. Tous l'abandonnèrent et s'enfuirent. Jésus resta seul aux mains de la foule meurtrière. Quel triomphe fut alors celui de Satan! Et quelle tristesse chez les anges de Dieu! Plusieurs légions d'anges, chacune ayant un chef puissant à leur tête, furent envoyées pour être témoins de la scène. Les anges devaient enregistrer chaque insulte et chaque cruauté infligées au Fils de Dieu, comme toutes les angoisses par lesquelles Jésus devait passer; car les hommes qui furent les acteurs de cette scène terrible devront la voir se reproduire un jour en vivants caractères. ------------------------Chapitre 42 -- Le procès de Jésus PE 169 1 Lorsqu'ils quittèrent le ciel, dans la tristesse, les anges déposèrent leurs couronnes étincelantes. Ils ne pouvaient pas les porter tandis que leur chef souffrait et allait porter une couronne d'épines. Dans la salle du tribunal, Satan et ses anges s'efforçaient de détruire tout sentiment, toute sympathie humaine. L'atmosphère même était lourde et souillée par leur influence. Les chefs des prêtres et les anciens étaient poussés par eux à insulter et à maltraiter Jésus de la manière la plus difficile à supporter pour la nature humaine. Satan espérait que ces moqueries et ces violences amèneraient Jésus à proférer quelques plaintes ou quelques murmures; ou qu'il manifesterait sa puissance divine, échapperait à la multitude, annulant ainsi le plan du salut. PE 169 2 Après la trahison, Pierre suivit son Seigneur. Il se demandait anxieusement ce qu'on allait faire de Jésus. Mais quand il fut accusé d'être un de ses disciples, craignant pour son propre salut, il déclara qu'il ne connaissait pas cet homme. Les disciples étaient notés pour la pureté de leur langage. Pierre, pour convaincre ses accusateurs qu'il n'était pas disciple du Christ, le renia pour la troisième fois avec des imprécations et des jurons. Jésus, qui était à quelque distance de Pierre, jeta sur lui un regard de tristesse et de reproche. Alors le disciple se souvint des paroles que Jésus lui avait dites dans la chambre haute au sujet du zèle qu'il affichait à ce moment-là. "Quand tu serais pour tous une occasion de chute, avait-il dit, tu ne le seras jamais pour moi." Depuis il avait renié son Seigneur, en faisant des imprécations et en jurant. Mais le regard de Jésus toucha le coeur de Pierre, et le sauva. Il pleura amèrement, se repentit de son grand péché et se convertit; il put alors affermir ses frères. PE 170 1 La foule réclamait le sang de Jésus. Il fut cruellement flagellé; on le revêtit d'un vieux manteau de pourpre et on mit sur sa tête une couronne d'épines. On lui mit dans la main un roseau, on s'inclinait devant lui, et on le saluait ironiquement: "Salut, roi des Juifs!" Puis on lui prit le roseau et on l'en frappa sur la tête, lui faisant ainsi pénétrer les épines de sa couronne dans les tempes, inondant son visage et sa barbe de sang. PE 170 2 Il était difficile aux anges de supporter ce spectacle. Ils auraient voulu délivrer Jésus, mais ceux qui les commandaient les en empêchaient, en leur disant qu'une grande rançon devait être payée pour l'homme, une rançon complète qui devait coûter la vie à Celui qui avait pouvoir sur la mort. Jésus savait que les anges assistaient à la scène d'humiliation. L'ange le plus faible aurait suffi pour anéantir cette foule en délire et délivrer Jésus. Le Sauveur savait que s'il le demandait à son Père, des anges viendraient immédiatement le délivrer. Mais il fallait qu'il souffrît la violence des méchants, afin de réaliser le plan du salut. PE 170 3 Doux et humble, Jésus se tenait devant la foule furieuse qui lui faisait subir les plus viles injures. On lui crachait au visage, ce visage dont ces hommes impies voudront un jour se cacher, qui illuminera la cité de Dieu d'une lumière plus resplendissante que celle du soleil. Le Christ n'avait aucune animosité contre ces malfaiteurs. Ils lui couvrirent la tête d'un vieux vêtement, lui bandèrent les yeux et le frappèrent au visage, en disant: "Devine qui t'a frappé!" Les anges s'agitèrent; ils auraient aimé le secourir instantanément; mais ceux qui les commandaient les retinrent. PE 170 4 Quelques-uns des disciples avaient gagné la confiance des principaux Juifs et purent pénétrer au tribunal pour assister au jugement de Jésus. Ils s'attendaient à le voir manifester sa puissance divine, se libérer des mains de ses ennemis et les punir de leur cruauté à son égard. Leur espoir augmentait ou diminuait à mesure que les différentes scènes se déroulaient. Ils doutaient parfois et craignaient d'avoir été trompés. Mais la voix qu'ils avaient entendue sur la montagne de la transfiguration et la gloire dont ils avaient été les témoins fortifièrent leur foi qu'il était bien le Fils de Dieu. Ils se souvinrent des scènes auxquelles ils avaient assisté, des miracles accomplis par Jésus lorsqu'il guérissait les malades, ouvrait les yeux des aveugles, les oreilles des sourds, reprenait et chassait les démons, ramenait les morts à la vie, et calmait même le vent et la mer. PE 171 1 Les disciples ne pouvaient se faire à l'idée qu'il mourrait. Ils espéraient toujours le voir déployer sa puissance, et avec autorité disperser cette foule assoiffée de sang, comme lorsqu'il entrait dans le temple pour en chasser les vendeurs qui faisaient de la maison de Dieu une place de marché et qu'ils fuyaient devant lui comme s'ils avaient été poursuivis par des soldats en armes. Les disciples ne perdaient pas l'espoir de voir leur Maître user de sa puissance et convaincre tout ce monde qu'il était bien le Roi d'Israël. PE 171 2 Judas était bourrelé de remords et de honte pour avoir trahi Jésus. Lorsqu'il vit tout ce qu'on lui faisait, il fut vaincu. Il avait aimé le Sauveur, mais davantage encore l'argent. Il n'avait pas cru qu'il se laisserait emmener par la foule qu'il avait conduite au jardin. Il s'attendait à le voir opérer un miracle et s'échapper. Mais quand il vit la foule déchaînée au tribunal, assoiffée de sang, il ressentit profondément sa culpabilité; et alors qu'il entendait accuser Jésus avec véhémence, il fendit la foule et confessa qu'il avait péché en trahissant le sang innocent. Il offrit aux prêtres de leur rendre l'argent qu'ils lui avaient remis pour son forfait et les supplia de relâcher Jésus, en déclarant qu'il était innocent. PE 171 3 Il y eut un court instant de trouble et de confusion pendant lequel les prêtres gardèrent le silence. Ils étaient contrariés que le peuple apprenne qu'ils avaient payé un des disciples de Jésus pour le livrer entre leurs mains. Ils ne voulaient pas que fût dévoilée leur façon de traquer Jésus comme un voleur et de l'arrêter secrètement. Mais la confession de Judas, son air hagard, sa culpabilité apparente, montraient à la multitude que c'était par haine que les prêtres avaient arrêté Jésus. Lorsque Judas cria que le Sauveur était innocent, les prêtres répondirent: "Que nous importe? Cela te regarde!" Ils tenaient Jésus en leur pouvoir et étaient bien déterminés à le garder. Judas, accablé par l'angoisse, jeta l'argent qu'il méprisait maintenant aux pieds de ceux qui le lui avaient remis, et, angoissé et horrifié, il partit et se pendit. PE 172 1 Jésus avait de nombreux sympathisants dans la foule qui l'entourait. En ne répondant pas aux nombreuses questions qui lui étaient posées, il étonnait ces gens. Sous la moquerie et la violence, ni un froncement de sourcils ni une expression de trouble ne vinrent ternir ses traits. Il resta digne et calme. Les spectateurs en étaient émerveillés. Ils faisaient la comparaison entre cette dignité et l'attitude de ceux qui étaient assis pour le juger; ils se disaient les uns aux autres qu'il ressemblait plus à un roi que n'importe lequel de leurs gouverneurs. Il n'avait rien d'un criminel; son regard était doux, pur, sans peur; son front, large et haut. Tous ces traits reflétaient de la bienveillance et de nobles principes. Sa patience et son support étaient si peu humains que beaucoup tremblaient. Même Hérode et Pilate furent grandement troublés par cette attitude noble, divine. PE 172 2 Dès l'abord, Pilate fut convaincu que Jésus n'était pas un homme ordinaire. Il le crut doué d'un caractère excellent et innocent de tout ce dont on l'accusait. Les anges qui virent la scène remarquèrent la conviction du gouverneur romain. Afin de l'empêcher de prendre la responsabilité de livrer Jésus pour être crucifié, un ange fut envoyé à la femme de Pilate pour l'informer dans un songe que Jésus était le Fils de Dieu et qu'il était innocent. Elle fit parvenir immédiatement à Pilate un message où elle disait qu'elle avait beaucoup souffert en songe à cause de Jésus, et l'avertissait de ne rien avoir à faire avec ce saint homme. Le messager, fendant la foule, remit la lettre à Pilate. Lorsqu'il la lut, il trembla, devint pâle et décida de ne rien avoir à faire avec la mort du Christ. Si les Juifs voulaient le sang de Jésus, il ne leur prêterait pas son concours pour cela, mais s'efforcerait de le délivrer. PE 173 1 Lorsque Pilate sut qu'Hérode était à Jérusalem, il fut grandement soulagé; il espérait se libérer de toute responsabilité en ce qui concernait le jugement et la condamnation de Jésus. Il l'envoya immédiatement, avec ses accusateurs, à Hérode. Ce dernier était un pécheur endurci. Le meurtre de Jean-Baptiste avait laissé dans sa conscience une tache indélébile. Quand il entendit parler de Jésus et des miracles qu'il accomplissait, il fut pris de panique et trembla, croyant que c'était Jean-Baptiste qui était ressuscité des morts. Lorsque Pilate le lui envoya, il considéra que c'était reconnaître son autorité et son droit de juger. Il en résulta que les deux gouverneurs, qui jusque-là étaient ennemis, se réconcilièrent. PE 173 2 Hérode se réjouit de voir Jésus. Il s'attendait à ce qu'il opère quelque grand miracle pour lui faire plaisir. Mais l'oeuvre de Jésus ne consistait pas à satisfaire la curiosité ou à rechercher sa propre sécurité. Son pouvoir divin, miraculeux, ne devait s'exercer que pour le salut des autres, non en sa faveur. Jésus ne répondit rien aux nombreuses questions d'Hérode; il ne répondit pas non plus à ses ennemis qui l'accusaient avec véhémence. Hérode fut irrité de ce que Jésus n'ait pas l'air de craindre son pouvoir. Il se moqua, ainsi que ses soldats, du Fils de Dieu. Cependant il fut étonné de constater la noble attitude de Jésus, malgré les mauvais traitements qui lui étaient infligés. Pour ne pas avoir à le condamner, il le renvoya à Pilate. PE 173 3 Satan et ses anges assaillaient Pilate de leurs tentations, s'efforçant de le conduire à sa perte. Ils lui suggérèrent que s'il ne prenait pas part à la condamnation de Jésus, d'autres le feraient; la multitude avait soif de sang. S'il ne livrait pas Jésus pour être crucifié, il perdrait sa puissance et ses honneurs mondains; il serait dénoncé comme un croyant de cet imposteur. Donc, par crainte de perdre son pouvoir et son autorité, Pilate consentit à la mort de Jésus. Néanmoins, il plaça son sang sur ses accusateurs. La foule y répondit par ce cri: "Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants!" Cela ne justifia pas Pilate; il était coupable du sang du Christ. Par pur égoïsme, par amour des honneurs des grands de la terre, il livra à la mort un innocent. Si Pilate avait suivi sa propre conviction, il n'aurait rien fait pour condamner Jésus. PE 174 1 L'attitude et les paroles de Jésus au cours de son procès firent une impression profonde sur les esprits d'un grand nombre de personnes présentes à cette occasion. Le résultat de l'influence ainsi exercée fut visible après la résurrection. Parmi ceux qui furent ajoutés à l'Eglise, beaucoup avaient été convaincus le jour du procès de Jésus. PE 174 2 La rage de Satan fut grande lorsqu'il vit que toutes les cruautés qu'il avait inspirées aux Juifs envers Jésus n'avaient pas suscité de sa part le plus léger murmure. Bien qu'il eût revêtu la nature humaine, le Sauveur était soutenu par une force divine, et il ne se détourna pas d'un iota de la volonté de son Père. ------------------------Chapitre 43 -- La crucifixion du Christ PE 175 1 Le Fils de Dieu fut livré au peuple pour être crucifié; des cris de triomphe l'accompagnèrent au lieu du supplice. Il était affaibli par la fatigue, la douleur et la perte de sang causée par la flagellation et les coups. Malgré tout cela, on posa sur ses épaules la lourde croix à laquelle on allait bientôt le clouer. Il succomba sous le fardeau. Trois fois la croix fut placée sur ses épaules, et trois fois il tomba, défaillant. Un de ses disciples, qui n'avait pas confessé ouvertement sa foi en lui fut arrêté. On le chargea de la croix, et il la porta jusqu'au lieu fatal. Des multitudes d'anges survolaient ce lieu. Un certain nombre de disciples du Christ le suivirent au Calvaire, attristés, et pleurant amèrement. Ils se souvenaient de son entrée triomphale à Jérusalem peu de jours auparavant, quand ils l'avaient suivi en criant: "Hosanna dans les lieux très hauts!" Ils avaient étendu leurs vêtements et des branches de palmiers sur son chemin. Ils espéraient qu'il prendrait en main le royaume, et régnerait sur Israël. Comme tout était changé maintenant! La belle perspective avait disparu. C'était sans réjouissances, sans espoir plein de promesses, mais avec des coeurs remplis de crainte et de désespoir qu'ils suivaient lentement, tristement, celui qui avait été rejeté et humilié, et qui allait bientôt mourir. PE 175 2 La mère de Jésus était là, le coeur brisé par une angoisse que seule une mère aimante peut éprouver. Cependant, comme les disciples, elle continuait à espérer que le Christ accomplirait quelque miracle remarquable et se libérerait de ses bourreaux. Elle ne pouvait pas supporter la pensée qu'il se laisserait crucifier. Mais tous les préparatifs furent faits, et Jésus fut couché sur la croix. On apporta le marteau et les clous. Le coeur des disciples défaillait; la mère de Jésus atteignait les limites de la souffrance. Avant que le Sauveur fût cloué sur la croix, les disciples l'éloignèrent de cette scène, afin qu'elle n'entendît pas le bruit que feraient les clous en déchirant les os et les muscles des mains et des pieds. PE 176 1 Jésus ne fit entendre aucun murmure, mais il gémissait. Son visage était pâle et de grosses gouttes de sueur tombaient de son front. Satan exultait de voir les souffrances que devait endurer le Fils de Dieu. Il craignait pourtant que les efforts qu'il faisait pour contrecarrer le plan du salut ne fussent vains, qu'il n'eût perdu son royaume et que lui-même ne dût être finalement détruit. PE 176 2 Après que Jésus eut été cloué sur la croix, on dressa celle-ci et on la planta violemment dans le trou préparé dans le sol, déchirant les chairs du Sauveur, et lui occasionnant les souffrances les plus atroces. Pour que cette mort fût aussi ignominieuse que possible, deux brigands furent crucifiés à ses côtés. Ceux-ci furent saisis de force; et après qu'ils eurent opposé une grande résistance, leurs bras furent étendus et cloués à leurs croix. Mais Jésus s'était soumis; nul n'avait été obligé d'user de force pour étendre ses bras. Alors que les voleurs maudissaient leurs bourreaux, le Sauveur agonisant priait pour ses ennemis: "Père, pardonneleur, car ils ne savent ce qu'ils font." Ce n'était pas simplement une agonie physique par laquelle passait Jésus; les péchés du monde étaient sur lui. PE 176 3 Pendant que Jésus était sur la croix, quelques passants se moquèrent de lui. Hochant la tête comme s'ils s'inclinaient devant un roi, ils lui disaient: "Toi qui détruis le temple, et qui le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même. Si tu es le Fils de Dieu, descends de la croix." Satan employa le même langage dans le désert: "Si tu es le Fils de Dieu." Les chefs des prêtres, les anciens et les scribes dirent: "Il a sauvé les autres, et il ne peut se sauver lui-même! S'il est roi d'Israël, qu'il descende de la croix, et nous croirons en lui." Les anges qui survolaient la scène furent soulevés d'indignation lorsqu'ils entendirent les dirigeants se moquer de lui et dire: "S'il est le Fils de Dieu, qu'il se sauve lui-même." Ils auraient voulu venir secourir Jésus, le délivrer; mais il ne leur était pas permis de le faire. Le but de sa mission n'était pas encore atteint. PE 177 1 Lorsque Jésus était sur la croix, ses longues heures d'agonie ne lui firent pas oublier sa mère. Elle était revenue au lieu de cette scène terrible, car elle ne pouvait rester longtemps loin de son Fils. La dernière leçon de Jésus fut une leçon de compassion et d'humanité. Il regarda le visage de sa mère, ravagé par la douleur, puis Jean, le disciple qu'il aimait. Il dit à sa mère: "Femme, voilà ton fils." Et à Jean: "Voilà ta mère." Et, dès ce moment, le disciple la prit chez lui. PE 177 2 Jésus avait soif dans son agonie. On lui donna à boire du vinaigre et du fiel; mais quand il l'eut goûté, il le refusa. Les anges avaient été témoins de l'agonie de leur chef, jusqu'à ce qu'ils ne puissent plus la supporter; ils se voilèrent la face pour ne plus voir cette scène atroce. Le soleil même refusa de la regarder. Jésus cria à haute voix, ce qui frappa de terreur ses bourreaux: "Tout est accompli!" Le voile du temple se déchira en deux, depuis le haut jusqu'en bas, la terre trembla, les rochers se fendirent, d'épaisses ténèbres couvrirent la terre. Le dernier espoir des disciples s'évanouit à la mort de Jésus. Plusieurs d'entre eux assistèrent à cette scène de souffrances et de mort; leur tristesse était alors à son comble. PE 177 3 Satan ne se réjouit plus alors comme il l'avait fait auparavant. Il avait espéré anéantir le plan du salut; mais les fondements en étaient trop profonds. Il savait, maintenant que le Christ était mort, que lui aussi devait mourir, et que son royaume serait donné à Jésus. Il tint conseil avec ses anges. Il n'avait pu prévaloir contre le Fils de Dieu. Il faudrait intensifier les efforts et les diriger contre ses disciples. Il faudrait empêcher le plus grand nombre possible de recevoir le salut acquis par Jésus. De cette manière, Satan pourrait continuer à travailler contre le royaume de Dieu. Il aurait intérêt à éloigner de Jésus le plus grand nombre de gens possible; car les péchés de ceux qui ont été rachetés par son sang retomberont finalement sur celui qui en a été l'instigateur. C'est lui qui devra en subir le châtiment, tandis que ceux qui n'acceptent pas le salut par les mérites de Jésus souffriront la pénalité de leurs propres péchés. PE 178 1 La vie du Christ fut une vie de pauvreté, sans honneurs mondains, sans apparat. Son humilité et son renoncement contrastaient singulièrement avec la vie orgueilleuse des prêtres et des anciens. Sa pureté immaculée était un reproche continuel pour leurs péchés. Ils le méprisèrent à cause de son humilité, de sa sainteté et de sa pureté. Mais ceux qui le méprisèrent ici-bas le verront un jour dans la gloire ineffable du Père. PE 178 2 Au prétoire, Jésus fut entouré d'ennemis assoiffés de son sang. Mais ceux qui crièrent: "Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants!" le verront lorsqu'il sera un roi honoré. Alors toutes les armées du ciel l'escorteront en chantant des hymnes de victoire et de triomphe en l'honneur du chef qui fut mis à mort, mais qui est revenu à la vie, comme puissant vainqueur. PE 178 3 Des êtres misérables et faibles crachèrent à la face du roi de gloire tandis que la foule lançait des cris de triomphe brutal devant ces insultes dégradantes. Ce visage qui remplissait tout le ciel d'admiration, qui fut meurtri par les coups de ces méchants, ils le verront un jour resplendir comme le soleil en plein midi. Ils chercheront alors à s'en cacher. Au lieu de lancer leurs cris de triomphe brutal, ils se lamenteront à son sujet. PE 178 4 Dans le royaume de gloire, Jésus présentera les stigmates de ses mains qui lui furent faits à la crucifixion. Ces marques de cruauté, il les aura toujours. Chaque trace des clous dira l'histoire de la merveilleuse rédemption de l'homme, et du prix élevé qu'elle a coûté. Le soldat qui perça de sa lance le côté du Seigneur verra la cicatrice de ce coup, et se lamentera; l'angoisse l'étreindra pour avoir participé à la mutilation de son corps. PE 179 1 Les meurtriers du Sauveur furent très contrariés par l'inscription: "Le roi des Juifs", placée au haut de la croix. Mais alors ils devront le voir dans toute sa gloire et toute sa puissance royale. Ils verront sur son vêtement et sur sa cuisse, écrites en vivants caractères, ces paroles: "Roi des rois et Seigneur des seigneurs." Ceux qui lui crièrent pour se moquer, alors qu'il était sur la croix: "Que le Christ, le roi d'Israël, descende maintenant de la croix, afin que nous voyions et que nous croyions", ceux-là le verront dans toute sa puissance royale et toute son autorité. Ils ne demanderont pas de preuves qu'il est le roi d'Israël, mais accablés par sa majesté et sa gloire éclatante, ils s'écrieront: "Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur!" PE 179 2 Le tremblement de terre, les rochers qui se fendirent, les ténèbres qui couvrirent la terre, et le cri du Sauveur: "Tout est accompli!" quand il donna sa vie, tout cela fit trembler ses ennemis. Les disciples étaient étonnés de ces manifestations singulières; mais leurs espérances étaient anéanties. Ils avaient peur que les Juifs ne cherchent aussi à les faire mourir. Ils étaient convaincus que la haine manifestée contre le Fils de Dieu ne s'arrêterait pas là. Ils passèrent des heures dans la solitude à pleurer sur leur déception. Ils avaient espéré que Jésus régnerait comme un prince temporel, mais leurs espérances moururent avec lui. Dans leur tristesse et leur désappointement, ils se demandaient s'il ne les avait pas trompés. Sa mère même se demandait aussi s'il était bien le Messie. PE 179 3 Mais malgré leur désappointement et leurs espérances déçues, les disciples aimaient Jésus. Ils désiraient donner à son corps une sépulture honorable, et ils se demandaient comment y parvenir. Un homme, Joseph d'Arimathée, conseiller des Juifs, riche, influent, vrai disciple de Jésus, se rendit auprès de Pilate et lui demanda courageusement le corps du Sauveur. Il n'osa pas le faire ouvertement, mais dut agir en secret à cause de la haine des Juifs. Les disciples craignaient que ceux-ci ne s'opposent à ce que le corps du Christ ait une sépulture honorable. Pilate accorda la permission désirée, et les disciples vinrent descendre de la croix ce corps inanimé, tandis qu'ils pleuraient sur leurs espoirs déçus. Le corps fut soigneusement enveloppé d'un linceul blanc et déposé dans le sépulcre de Joseph où personne n'avait encore été mis. PE 180 1 Les femmes qui avaient suivi humblement le Christ alors qu'il vivait, ne quittèrent pas son corps avant d'avoir vu où on le déposait. Une grande pierre en fermait l'entrée, de peur que ses ennemis ne viennent s'en emparer. Mais elles n'avaient rien à craindre à ce sujet. Je vis qu'une armée angélique veillait avec un profond intérêt sur ce lieu de repos de Jésus, attendant de recevoir l'ordre de libérer de sa prison le Roi de gloire. PE 180 2 Les bourreaux du Christ craignaient qu'il revînt à la vie et ne leur échappât. Ils demandèrent donc à Pilate de placer une garde au sépulcre jusqu'au troisième jour. Ce qu'ils demandaient leur fut accordé, et la pierre qui fermait le tombeau fut scellée, de peur que ses disciples ne viennent prendre son corps et disent qu'il était ressuscité. ------------------------Chapitre 44 -- La résurrection du Christ PE 181 1 Les disciples se reposèrent le jour du sabbat, pleurant la mort de leur Seigneur, tandis que Jésus, le roi de gloire, gisait dans la tombe. Lorsque la nuit approcha, des soldats montèrent la garde près du lieu de repos du Sauveur, tandis que les anges, invisibles, survolaient le tombeau. La nuit s'écoula lentement, et alors qu'il faisait encore sombre, les anges qui veillaient surent que l'heure de délivrer le Fils bien-aimé de Dieu allait bientôt sonner. Tandis qu'ils attendaient avec la plus intense émotion le moment de son triomphe, un ange puissant descendit rapidement du ciel. Son visage était comme un éclair et ses vêtements blancs comme la neige. Sa lumière dissipa les ténèbres et fit fuir les mauvais anges qui réclamaient triomphalement le corps de Jésus. L'une des troupes angéliques qui avaient assisté à la scène de l'humiliation du Christ et veillé sur son lieu de repos se joignit aux anges venus du ciel, et tous ensemble ils descendirent au sépulcre. Lorsqu'ils s'en approchèrent, il y eut un grand tremblement de terre. PE 181 2 La terreur s'empara de la garde romaine. Où était maintenant le pouvoir des soldats de garder le corps de Jésus? Ils ne pensèrent plus qu'ils étaient là pour empêcher les disciples d'emporter son corps. Lorsque la lumière des anges resplendit autour d'eux, plus brillante que celle du soleil, les soldats romains tombèrent comme morts sur le sol. L'un des anges se saisit de la grande pierre, la fit rouler à côté de la porte du sépulcre et s'assit dessus. L'autre entra dans le sépulcre et détacha le linge qui entourait la tête de Jésus. Alors l'ange venu du ciel s'écria d'une voix qui fit trembler la terre: "Fils de Dieu, ton Père t'appelle, sors de là!" La mort ne pouvait dominer sur lui plus longtemps. Jésus se leva d'entre les morts comme un conquérant triomphant. Saisies d'une crainte solennelle, les armées angéliques contemplaient la scène. Lorsque Jésus sortit du sépulcre, tous ces saints anges se prosternèrent pour l'adorer; ils le saluèrent avec des chants de victoire et de triomphe. PE 182 1 Les anges de Satan furent obligés de s'enfuir devant la lumière éblouissante des anges venus du ciel. Ils se plaignirent amèrement à leur roi qu'on leur ait ravi par la violence le corps de celui qu'ils avaient tant haï, et qui était ressuscité des morts. Satan et ses troupes s'étaient grandement réjouis de ce que leur pouvoir sur l'homme tombé ait causé la mort du prince de la vie et que son corps ait été déposé dans la tombe. Mais leur triomphe infernal fut de courte durée. Car lorque Satan vit Jésus sortir de sa prison en conquérant majestueux, il sut qu'après un certain temps il devrait mourir lui-même, et que son royaume reviendrait à celui à qui il appartenait. Il se lamenta et fut furieux de ce que malgré tous ses efforts, Jésus n'avait pas été vaincu. Il avait au contraire ouvert la voie pour le salut de l'homme, et quiconque suivrait cette voie serait sauvé. PE 182 2 Les mauvais anges et leur chef tinrent conseil pour examiner comment ils pourraient encore travailler contre le gouvernement de Dieu. Satan ordonna à ses suppôts de se rendre auprès des prêtres et des anciens. Il leur dit: "Nous avons réussi à les séduire en fermant leurs yeux et en endurcissant leurs coeurs au sujet de Jésus. Nous leur avons fait croire que c'était un imposteur. Nous avons poussé les prêtres et les anciens à haïr le Christ et à le tuer. Mais la garde romaine communiquera l'odieuse nouvelle que le Christ est ressuscité. Disons-leur maintenant que si la nouvelle de sa résurrection se répand, ils seront lapidés par le peuple pour avoir fait mourir un innocent." PE 182 3 Lorsque les armées angéliques quittèrent le sépulcre, et que la lumière disparut, la garde romaine revint à elle et se hasarda à lever la tête pour voir ce qui s'était passé. Ces soldats furent remplis d'étonnement lorsqu'ils virent que la grande pierre avait été roulée à côté du sépulcre et que le corps de Jésus avait disparu. Ils se hâtèrent d'en informer les prêtres et les anciens. Lorsque ceux-ci les entendirent, ils pâlirent, horrifiés à la pensée de ce qu'ils avaient fait. Si ce que les soldats leur avaient dit était vrai, ils étaient perdus. Pendant quelques instants ils gardèrent le silence; ils se regardaient les uns les autres, ne sachant que dire ni que faire. Croire à ce qu'on leur avait dit, c'était se condamner eux-mêmes. Ils se consultèrent et raisonnèrent ainsi: Si le rapport de la garde romaine circule parmi le peuple, ceux qui ont fait mourir le Christ seront mis à mort comme des meurtriers. Il fut donc décidé de payer les soldats pour qu'ils gardent la chose secrète. Les prêtres et les anciens leur offrirent une forte somme d'argent, en disant: "Dites: Ses disciples sont venus de nuit le dérober, pendant que nous dormions." Et quand les soldats de la garde demandèrent ce qu'on leur ferait pour avoir dormi à leur poste, les principaux des Juifs promirent qu'ils persuaderaient le gouverneur de ne rien leur faire. Par amour de l'argent, la garde romaine avait forfait à l'honneur: elle accepta de suivre le conseil des prêtres et des anciens. PE 183 1 Lorsque Jésus, sur la croix, s'écria: "Tout est accompli", les rochers se fendirent, la terre trembla et quelques tombeaux furent ouverts. Quand il se releva victorieux sur la mort et sur le sépulcre, alors que la terre chancellait et la gloire du ciel éclairait ce lieu sacré, plusieurs justes qui étaient morts obéirent à son appel et apparurent comme témoins de sa résurrection. Ces saints, favorisés, sortirent de leur tombeau, glorifiés. Ils étaient choisis parmi ceux de tous les siècles, depuis la création jusqu'aux jours du Christ. Ainsi, alors que les Juifs cherchaient à cacher la résurrection, Dieu décida de susciter un groupe de personnes, sorties de leur sépulcre, pour attester que Jésus était ressuscité et pour proclamer sa gloire. PE 184 1 Ces saints ressuscités différaient en stature et en forme, quelques-uns paraissaient plus nobles que d'autres. Je fus informée que les habitants de la terre avaient dégénéré, ayant perdu leur force et leur beauté. Satan avait le pouvoir sur la maladie et sur la mort, et à chaque siècle les effets de la malédiction avaient été plus visibles, et plus remarquable le pouvoir de Satan. Ceux qui avaient vécu aux jours de Noé et d'Abraham ressemblaient aux anges, pour la forme, la beauté et la force. Mais chaque génération qui se succédait produisait des êtres plus faibles, plus sujets à la maladie, et la durée de leur vie était écourtée. Satan avait appris comment affaiblir la race. PE 184 2 Ceux qui revinrent à la vie après la résurrection de Jésus apparurent à un grand nombre de personnes; ils leur dirent que le sacrifice pour l'homme était complet, que Jésus, que les Juifs avaient crucifié, était ressuscité des morts. Pour prouver ce qu'ils avançaient, ils déclarèrent: "Nous sommes ressuscités avec lui." Ils rendaient témoignage que c'était par sa force toute-puissante qu'ils avaient été rappelés de leurs tombeaux. Malgré la diffusion du rapport mensonger au sujet de la résurrection du Christ, celle-ci ne pouvait pas être cachée par Satan, par ses anges ou les chefs des prêtres; car ce groupe de saints, sortis de leurs tombeaux, en répandirent la merveilleuse et joyeuse nouvelle. D'ailleurs Jésus devait bientôt se montrer lui-même à ses disciples attristés, dissipant leurs craintes et les comblant de joie et de bonheur. PE 184 3 La nouvelle se répandant de ville en ville et de village en village, les Juifs à leur tour craignirent pour leur vie, et dissimulèrent la haine qu'ils nourrissaient envers les disciples. Leur espoir résidait dans la diffusion du rapport mensonger. Et ceux qui désiraient que ce mensonge fût vrai l'acceptaient. Pilate trembla lorsqu'il entendit raconter que le Christ était ressuscité. Il ne pouvait pas douter du témoignage donné, et dès ce moment la paix le quitta pour Toujours. Par amour pour les honneurs du monde, par crainte de perdre son autorité et sa vie, il avait livré Jésus à la mort. Il était maintenant tout à fait convaincu que ce n'était pas seulement du sang d'un innocent dont il s'était rendu coupable, mais de celui du Fils de Dieu. La vie de Pilate ne fut plus désormais qu'une vie misérable. Le désespoir, l'angoisse, lui enlevait toute espérance, toute joie. Il refusa d'être consolé, et sa mort fut pitoyable. PE 185 1 Le coeur d'Hérode1 s'était encore plus endurci. Lorsqu'il entendit raconter que le Christ était ressuscité, il ne fut guère troublé. Il fit mourir Jacques, et lorsqu'il vit que cela faisait plaisir aux Juifs, il fit aussi arrêter Pierre, avec l'intention de le mettre à mort. Mais Dieu avait une oeuvre pour Pierre, et il envoya un ange pour le délivrer. Hérode fut visité par les jugements de Dieu. Alors qu'il se glorifiait lui-même en présence d'une grande foule de gens, il fut frappé par un ange du Seigneur et mourut d'une mort horrible. PE 185 2 De bon matin, le premier jour de la semaine, alors qu'il faisait encore obscur, les saintes femmes se rendirent au sépulcre, apportant des aromates pour oindre le corps de Jésus. Elles virent que la lourde pierre avait été roulée à côté du sépulcre; le corps de Jésus avait disparu. Leur coeur se contracta: elles craignirent que leurs ennemis aient enlevé le corps. Soudain, elles aperçurent deux anges en vêtements blancs, au visage resplendissant. Ces êtres célestes comprirent ce qui amenait ces femmes, et immédiatement ils leur dirent que Jésus n'était pas là; il était ressuscité. Elles pouvaient voir la place où il avait reposé. Ils leur ordonnèrent d'aller dire aux disciples qu'il les précédait en Galilée. Avec crainte et une grande joie, les femmes se hâtèrent d'aller vers les disciples attristés, et elles leur racontèrent ce qu'elles avaient vu et entendu. PE 186 1 Les disciples n'arrivaient pas à croire que le Christ fût ressuscité; mais, émus par le rapport des saintes femmes, ils coururent au sépulcre. Ils constatèrent que Jésus n'y était plus; ils virent le linceul, mais ils ne pouvaient pas croire qu'il était ressuscité des morts. Ils retournèrent chez eux émerveillés de ce qu'ils avaient vu, ainsi que du rapport que leur avaient donné les femmes. Mais Marie préféra s'attarder auprès du sépulcre, en pensant à ce qu'elle avait vu, et s'attristant à la pensée qu'elle pouvait avoir été trompée. Elle sentait que de nouvelles épreuves l'attendaient. Son chagrin était renouvelé, et elle se mit à pleurer. Elle se pencha pour regarder dans le sépulcre une fois de plus, et elle vit deux anges vêtus de blanc. L'un était assis où la tête de Jésus avait reposé, l'autre où il avait eu les pieds. Ils lui parlèrent tendrement, et lui demandèrent pourquoi elle pleurait. Elle répondit: "Parce qu'ils ont enlevé mon Seigneur, et je ne sais où ils l'ont mis." PE 186 2 En disant cela, elle se retourna, et elle vit Jésus debout, mais elle ne savait pas que c'était lui. Il lui parla avec bonté, lui demanda quelle était la cause de sa tristesse et qui elle cherchait. Supposant que c'était le jardinier, elle le supplia de lui dire où il avait déposé le corps de Jésus, s'il l'avait emporté, afin qu'elle pût en prendre soin. Jésus s'adressant de nouveau à elle de sa voix céleste lui dit: "Marie!" Elle connaissait le son de cette voix si chère. Aussitôt elle répondit: "Maître!" Et dans sa joie elle allait l'entourer de ses bras, mais Jésus lui dit: "Ne me touche pas, car je ne suis pas encore monté vers mon Père. Mais va trouver mes frères, et dis-leur que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu." Toute joyeuse, elle se hâta de rejoindre les disciples pour leur porter la bonne nouvelle. Jésus s'empressa de monter vers son Père pour s'entendre dire que son sacrifice était accepté et pour recevoir tout pouvoir dans le ciel et sur la terre. PE 187 1 Les anges environnèrent le Fils de Dieu comme d'un nuage, et demandèrent que les portes éternelles fussent ouvertes, afin que le roi de gloire pût entrer. J'ai vu que, tandis que Jésus était avec cette brillante armée céleste, en présence de Dieu et entouré de sa gloire, il n'oublia pas ses disciples, mais reçut de son Père une puissance, afin que, retournant vers eux, il pût la leur communiquer. Le même jour il redescendit et se montra aux disciples. Il leur permit alors de le toucher, car il était monté vers son Père, et avait reçu de la puissance. PE 187 2 A ce moment-là, Thomas n'était pas présent. Il ne voulut pas recevoir humblement ce que lui dirent les disciples; il affirma d'un ton ferme et sûr de lui-même qu'il ne croirait pas à moins de mettre son doigt dans la marque des clous et sa main dans son côté qui avait reçu le coup de lance. En parlant ainsi, il manquait de confiance dans ses frères. Si tous avaient raisonné comme lui, personne n'aurait pu recevoir Jésus à ce moment ni croire à sa résurrection. Mais c'était la volonté de Dieu que le rapport des disciples soit reçu par ceux qui ne pouvaient eux-mêmes voir et entendre le Sauveur ressuscité. L'incrédulité de Thomas déplut à Dieu. Quand Jésus rencontra de nouveau ses disciples, Thomas les accompagnait; et l'ayant vu, il crut. Comme il avait déclaré qu'il ne croirait pas sans que la preuve du toucher ne se joignît à celle de la vue, Jésus lui donna la preuve qu'il désirait. Thomas s'écria alors: "Mon Seigneur et mon Dieu!" Jésus le reprit pour son incrédulité, en lui disant: "Parce que tu m'as vu, tu as cru. Heureux ceux qui n'ont pas vu, et qui ont cru!" PE 188 1 C'est ainsi que ceux qui n'ont pas eu l'expérience du premier et du second message doivent recevoir des autres qui sont passés par là les lumières nécessaires. De même que Jésus fut rejeté, j'ai vu que ces messages avaient aussi été rejetés. Et de même que les disciples ont déclaré qu'il n'y avait sous le ciel aucun autre nom par lequel nous devions être sauvés, de même les serviteurs de Dieu avertissent ceux qui n'acceptent qu'une partie seulement des vérités se rapportant au troisième message qu'ils doivent recevoir joyeusement tous les messages tels que Dieu les a donnés, ou ne rien accepter du tout. PE 188 2 Tandis que les saintes femmes répandaient la nouvelle que Jésus était ressuscité, la garde romaine faisait circuler le mensonge mis dans la bouche des soldats par les chefs des prêtres et les anciens, à savoir que les disciples étaient venus de nuit, alors qu'ils dormaient, et avaient enlevé le corps de Jésus. Satan avait mis ce mensonge dans la bouche et dans le coeur des chefs des prêtres; le peuple était prêt à recevoir leurs paroles. Mais Dieu avait donné des certitudes à cet égard; car de cet important événement dépendait notre salut, et tout doute devait être écarté. Il était impossible aux prêtres et aux anciens de le cacher. Des témoins étaient ressuscités pour attester la résurrection du Christ. PE 188 3 Jésus resta avec les disciples quarante jours, faisant régner dans leurs coeurs la joie et le bonheur tandis qu'il leur exposait plus pleinement les réalités du royaume de Dieu. Il leur donna la mission de rendre témoignage des choses qu'ils avaient vues et entendues concernant ses souffrances, sa mort et sa résurrection. Il avait fait un sacrifice pour le péché, et tous ceux qui le voulaient pouvaient venir à lui pour avoir la vie. Avec tendresse, il leur dit qu'ils seraient persécutés; mais ils trouveraient du réconfort en se souvenant de leur expérience et des paroles qu'il leur avait dites. Il leur rappela qu'il avait vaincu les tentations de Satan, et obtenu la victoire par les épreuves et la souffrance. Satan n'aurait plus de puissance sur lui; alors il reporterait sur eux ses tentations ainsi que sur tous ceux qui croiraient en son nom. Mais ils pouvaient vaincre comme il avait vaincu. Jésus donna à ses disciples le pouvoir de faire des miracles. Il leur promit de leur envoyer ses anges pour les délivrer de leurs persécuteurs. La vie ne pouvait pas leur être enlevée jusqu'à ce qu'ils aient accompli leur mission. Alors il pourrait leur être demandé de sceller de leur sang les témoignages qu'ils avaient rendus. PE 189 1 Les disciples écoutèrent avidement les enseignements de Jésus, faisant leurs délices de chaque mot qui tombait de ses lèvres. Ils étaient maintenant certains qu'il était le Sauveur du monde. Ses paroles pénétraient profondément dans leurs coeurs. Ils étaient attristés à la pensée qu'ils seraient bientôt séparés de leur Maître céleste, et qu'ils n'entendraient plus ses paroles réconfortantes. Mais leurs coeurs furent réchauffés par l'amour et une grande joie lorsque Jésus leur dit qu'il allait leur préparer des places et qu'il reviendrait pour les prendre avec lui, afin que là où il serait, ils y soient aussi. Il promit aussi de leur envoyer le Consolateur -- le Saint-Esprit -- pour les guider dans toute la vérité. "Et, levant les mains, il les bénit." ------------------------Chapitre 45 -- L'ascension du Christ PE 190 1 Le ciel tout entier attendait l'heure triomphale à laquelle Jésus monterait vers son Père. Des anges vinrent à la rencontre du Roi de gloire et l'escortèrent triomphalement jusqu'au ciel. Après avoir béni ses disciples, Jésus fut séparé d'eux et enlevé; et alors qu'il montait, la multitude des captifs ressuscités en même temps que lui le suivait. Une partie de l'armée du ciel était présente, tandis que dans le ciel une foule innombrable d'anges attendaient son arrivée. Alors qu'il montait vers la sainte cité, les anges qui escortaient Jésus criaient: "Portes, élevez vos linteaux; élevez-vous, portes éternelles! Que le roi de gloire fasse son entrée!" Les anges qui étaient dans la cité demandaient: "Qui donc est ce roi de gloire?" Les anges composant l'escorte répondaient: "L'Eternel fort et puissant, l'Eternel puissant dans les combats. Portes, élevez vos linteaux. Elevez-les, portes éternelles! Que le roi de gloire fasse son entrée!" De nouveau les anges qui attendaient demandaient: "Qui donc est ce roi de gloire?" Et les anges composant l'escorte répondaient en mélodieux accords: "L'Eternel des armées: voilà le roi de gloire!" PE 190 2 Puis le cortège céleste pénétra dans la cité de Dieu. Alors tous les anges entourèrent leur chef majestueux et, dans des sentiments de profonde adoration, se prosternèrent devant lui en jetant leurs couronnes éclatantes à ses pieds. Ensuite ils touchèrent leurs harpes d'or; des chants doux et mélodieux firent retentir tout le ciel en l'honneur de l'Agneau qui avait été immolé, mais qui vivait de nouveau dans la majesté et la gloire. PE 190 3 Tandis que les disciples levaient les yeux tristement vers le ciel pour jeter un dernier regard sur leur Seigneur, deux anges vêtus de blanc leur apparurent, et leur dirent: "Hommes galiléens, pourquoi vous arrêtez-vous à regarder au ciel? Ce Jésus, qui a été enlevé au ciel du milieu de vous, viendra de la même manière que vous l'avez vu allant au ciel." Les disciples et la mère de Jésus, qui avec eux avait été témoin de l'ascension du Fils de Dieu, passèrent la nuit suivante à parler de ses oeuvres merveilleuses, et des événements étranges et glorieux qui venaient d'avoir lieu. PE 191 1 Satan tint de nouveau conseil avec ses anges. Animé d'une haine farouche contre le gouvernement de Dieu, il leur dit qu'aussi longtemps qu'il détiendrait son pouvoir et son autorité sur la terre, leurs efforts contre les disciples de Jésus devaient décupler. Ils n'avaient rien pu faire contre le Christ, mais ils devaient, si possible, avoir raison de ses disciples. A chaque génération ils devaient chercher à prendre dans leurs filets ceux qui croiraient en Jésus. Il leur dit que le Christ avait donné à ses disciples le pouvoir de les chasser et de guérir ceux qu'ils rendaient malades. Alors les anges de Satan partirent comme des lions rugissants, cherchant à dévorer les disciples de Jésus. ------------------------Chapitre 46 -- Les disciples du Christ PE 192 1 Les disciples prêchèrent avec beaucoup de puissance un Sauveur crucifié et ressuscité. Ils opéraient, au nom de Jésus, des signes et des prodiges: les malades étaient guéris, et un paralytique de naissance recouvra une parfaite santé; il entra avec Pierre et Jean dans le temple, marchant, sautant et louant Dieu aux yeux de tous. La nouvelle s'en répandit, et les gens commencèrent à s'assembler autour des disciples. Beaucoup accoururent, grandement étonnés de la guérison qui avait été obtenue. PE 192 2 Jésus mort, les prêtres pensèrent qu'on ne verrait plus de miracles parmi les disciples, que l'enthousiasme s'évanouirait, et que le peuple retournerait aux traditions des hommes. Mais voici que même parmi eux ces disciples opéraient des miracles, et les gens étaient remplis d'admiration. Jésus avait été crucifié; ils se demandaient où les disciples avaient bien pu obtenir ce pouvoir. Quand il était en vie, ils pensaient que c'était lui qui le leur donnait; mais une fois mort, ils s'attendaient à voir cesser les miracles. Pierre comprit leur embarras; il leur dit: "Hommes israélites, pourquoi vous étonnez-vous de cela? Pourquoi avez-vous les regards fixés sur nous, comme si c'était par notre propre puissance ou par notre piété que nous eussions fait marcher cet homme? Le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, le Dieu de nos pères, a glorifié son serviteur Jésus, que vous avez livré et renié devant Pilate, qui était d'avis qu'on le relâchât. Vous avez renié le Saint et le Juste, et vous avez demandé qu'on vous accordât la grâce d'un meurtrier. Vous avez fait mourir le Prince de la vie, que Dieu a ressuscité des morts; nous en sommes témoins. C'est par la foi en son nom que son nom a raffermi celui que vous voyez et connaissez." PE 193 1 Les chefs des prêtres et les anciens ne pouvaient pas supporter ces paroles. Sur leur ordre, Pierre et Jean furent appréhendés et jetés en prison. Mais des milliers de gens avaient été convertis et amenés à croire à la résurrection et à l'ascension du Christ en entendant un seul discours des disciples. Les prêtres et les anciens étaient troublés. Ils avaient fait mourir Jésus afin que l'esprit du peuple se tourne vers eux; mais les choses maintenant étaient pires qu'auparavant. Ils étaient ouvertement accusés par les disciples d'être les meurtriers du Fils de Dieu, et ils ne pouvaient pas dire à quel point la situation allait évoluer, ni comment ils seraient eux-mêmes considérés par le peuple. Ils auraient volontiers fait mourir Pierre et Jean, mais ils n'osaient pas par crainte du peuple. PE 193 2 Le jour suivant, les apôtres furent amenés devant le conseil. Les hommes mêmes qui avaient réclamé avec véhémence le sang du Juste étaient là. Ils avaient entendu Pierre renier son Seigneur avec des jurements et des imprécations, lorsqu'il était soupçonné d'être son disciple; ils espéraient de nouveau l'intimider. Mais Pierre s'était converti; il avait maintenant l'occasion de se racheter de sa couardise, de son reniement et d'exalter le nom qu'il avait déshonoré. Avec une sainte hardiesse, et par la puissance de l'Esprit, il leur déclara, intrépide: "C'est par le nom de Jésus-Christ de Nazareth, que vous avez crucifié, et que Dieu a ressuscité des morts, c'est par lui que cet homme se présente en pleine santé devant vous. Jésus est la pierre rejetée par vous qui bâtissez, et qui est devenue la principale de l'angle. Il n'y a de salut en aucun autre; car il n'y a sous le ciel aucun autre nom qui ait été donné parmi les hommes, par lequel nous devions être sauvés." PE 193 3 Le peuple était étonné de la hardiesse de Pierre et de Jean. Ils virent qu'ils avaient été avec Jésus; car leur conduite noble ressemblait à celle que le Sauveur avait manifestée devant ses ennemis. Le Christ, par un regard de pitié et de Tristesse, reprit Pierre quand il le renia. En confessant maintenant son Seigneur, Pierre était approuvé et béni. En signe d'approbation de Jésus, il était rempli du Saint-Esprit. PE 194 1 Les prêtres n'osèrent pas manifester la haine qu'ils éprouvaient à l'égard des disciples. Ils les firent sortir du conseil, et se dirent entre eux: "Que ferons-nous à ces hommes? Car il est manifeste pour tous les habitants de Jérusalem qu'un miracle signalé a été accompli par eux, et nous ne pouvons pas le nier." Ils avaient peur que la nouvelle de ce miracle se répandît parmi le peuple. Une fois connue par tout le monde, les prêtres se rendaient compte qu'ils perdraient leur propre puissance et qu'ils seraient considérés comme les meurtriers de Jésus. Toutefois tout ce qu'ils osèrent faire, ce fut de menacer les apôtres, de leur défendre de parler au nom de Jésus, sous peine de mort. Mais Pierre déclara hardiment qu'ils ne pouvaient pas se taire au sujet de ce qu'ils avaient vu et entendu. PE 194 2 Grâce à la puissance de Jésus, les disciples continuèrent à guérir les malades qu'on leur amenait. Des centaines s'enrôlaient chaque jour sous la bannière d'un Sauveur crucifié, ressuscité et monté au ciel. Les prêtres et les anciens, et ceux qui étaient particulièrement engagés avec eux, furent alarmés. Ils mirent de nouveau les apôtres en prison, dans l'espoir de calmer l'agitation. Satan et ses anges exultaient; mais les anges de Dieu ouvrirent la prison, et contrairement à l'ordre du grand prêtre et des anciens, ils dirent aux apôtres: "Allez, tenez-vous dans le temple, et annoncez au peuple toutes les paroles de cette vie." PE 194 3 Le conseil s'assembla, et ils envoyèrent chercher les prisonniers. Les huissiers ouvrirent les portes de la prison; mais ceux qu'ils cherchaient n'étaient pas là. Ils revinrent vers les prêtres et les anciens, et dirent: "Nous avons trouvé la prison soigneusement fermée, et les gardes qui étaient devant les portes; mais, après avoir ouvert, nous n'avons trouvé personne dedans." "Quelqu'un vint leur dire: Voici, les hommes que vous avez mis en prison sont dans le temple, et ils enseignent le peuple. Alors le commandant partit avec les huissiers, et les conduisit sans violence, car ils avaient peur d'être lapidés par le peuple. Après qu'ils les eurent amenés en présence du sanhédrin, le souverain sacrificateur les interrogea en ces termes: Ne vous avonsnous pas défendu expressément d'enseigner en ce nom-là? Et voici, vous avez rempli Jérusalem de votre enseignement, et vous voulez faire retomber sur nous le sang de cet homme!" PE 195 1 Ces principaux Juifs étaient des hypocrites; ils aimaient la louange des hommes plus que Dieu. Leurs coeurs s'étaient endurcis au point que les oeuvres les plus merveilleuses opérées par les apôtres ne faisaient que les rendre furieux. Ils savaient que si les disciples prêchaient Jésus, sa crucifixion, sa résurrection et son ascension, on les accuserait d'être ses meurtriers. Ils n'étaient plus aussi désireux que le sang de Jésus fût sur eux comme lorsqu'ils criaient: "Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants!" PE 195 2 Les apôtres déclaraient hardiment qu'ils devaient obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes. L'apôtre Pierre dit: "Le Dieu de nos pères a ressuscité Jésus, que vous avez tué, en le pendant au bois. Dieu l'a élevé par sa droite comme Prince et Sauveur, pour donner à Israël la repentance et le pardon des péchés. Nous sommes témoins de ces choses, de même que le Saint-Esprit, que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent." En entendant ces paroles, ces meurtriers furent hors d'eux-mêmes et déterminés à verser à nouveau du sang en mettant à mort les apôtres. Alors qu'ils allaient exécuter leur projet, un ange de Dieu toucha le coeur de Gamaliel, qui conseilla aux prêtres et aux gouverneurs: "Ne vous occupez plus de ces hommes, et laissez-les aller. Si cette entreprise ou cette oeuvre vient des hommes, elle se détruira; mais si elle vient de Dieu, vous ne pouvez la détruire. Ne courez pas le risque d'avoir combattu contre Dieu." Les mauvais anges poussaient les prêtres et les anciens à mettre à mort les apôtres; mais Dieu envoya son ange pour influencer un des principaux Juifs qui éleva la voix en faveur de ses serviteurs. La tâche des apôtres n'était pas achevée. Ils devaient comparaître devant les rois pour faire connaître le nom de Jésus, et pour témoigner des choses qu'ils avaient vues et entendues. PE 196 1 Contre leur gré, les prêtres relâchèrent les prisonniers, après les avoir fait battre de verges, et leur avoir défendu de parler au nom de Jésus. "Les apôtres se retirèrent de devant le sanhédrin, joyeux d'avoir été jugés dignes de subir des outrages pour le nom de Jésus. Et chaque jour, dans le temple et dans les maisons, ils ne cessaient d'enseigner, et d'annoncer la bonne nouvelle de Jésus-Christ." C'est ainsi que la Parole de Dieu se répandait. Les disciples témoignaient hardiment des choses qu'ils avaient vues et entendues; et au nom de Jésus, ils opéraient des miracles étonnants. Ils ne craignaient pas de faire retomber le sang du Christ sur ceux qui en avaient si allègrement exprimé le désir lorsqu'il leur était permis de faire mourir le Fils de Dieu. PE 196 2 J'ai vu que les anges de Dieu avaient reçu pour mission de prendre un soin tout particulier des vérités sacrées qui devaient être, au cours des siècles, comme une ancre pour les disciples du Christ. Le Saint-Esprit reposa spécialement sur les apôtres, qui furent témoins de la crucifixion, de la résurrection et de l'ascension de notre Seigneur -- c'est-à-dire les faits dont l'importante vérité était l'espoir d'Israël. Tous devaient regarder au Sauveur du monde comme leur unique espérance, suivre le chemin qu'il avait tracé par le sacrifice de sa propre vie, et garder la loi de Dieu afin de vivre. J'ai vu la sagesse et la bonté manifestées par Jésus en donnant aux disciples le pouvoir de faire l'oeuvre qu'il avait faite lui-même et pour laquelle il avait été haï et mis à mort par les Juifs. En son nom ils exerçaient sa puissance sur les oeuvres de Satan. Une auréole de lumière et de gloire rayonnait sur le temps de la mort et de la résurrection de Jésus, immortalisant la vérité sacrée qu'il était le Sauveur du monde. ------------------------Chapitre 47 -- La mort d'Étienne PE 197 1 Les disciples se multipliaient rapidement à Jérusalem, et plusieurs prêtres obéissaient à la foi. Etienne, homme plein de foi, opérait des prodiges et des miracles parmi le peuple. Les principaux Juifs étaient furieux de voir que des prêtres se détournaient de leurs traditions, des sacrifices et des offrandes, pour accepter Jésus, le grand sacrifice. Animé de la puissance d'en haut, Etienne blâmait les prêtres incroyants et exaltait Jésus devant eux. Ceux-ci, ne pouvant résister à sa sagesse et à l'Esprit par lequel il parlait, et n'arrivant pas à avoir raison de lui, soudoyèrent des faux témoins, qui jurèrent l'avoir entendu proférer des paroles blasphématoires contre Moïse et contre Dieu. Ils l'accusèrent de parler contre le temple et contre la loi, et attestèrent qu'ils l'avaient entendu dire que Jésus de Nazareth changerait les coutumes que Moïse leur avait léguées. PE 197 2 Quand Etienne comparut devant ses juges, la lumière de la gloire de Dieu resplendit sur son visage. "Tous ceux qui siégeaient au sanhédrin ayant les regards fixés sur Etienne, son visage leur parut comme celui d'un ange." Lorsqu'il dut répondre aux charges qui pesaient sur lui, il commença par Moïse et les prophètes, et passa en revue l'histoire des enfants d'Israël et les agissements de Dieu à leur égard; il montra comment le Christ avait été annoncé par la prophétie. Il parla de l'histoire du temple, et déclara que Dieu n'habitait pas dans des temples faits de mains d'homme. Les Juifs adoraient le temple; et n'importe quoi qui fût dit contre ce bâtiment les remplissait d'une plus grande indignation que si ces mots eussent été dirigés contre Dieu. Lorsque Etienne parla du Christ et mentionna le temple, il s'aperçut que le peuple ne l'écoutait plus. Il dit alors: "Hommes au cou raide, incirconcis de coeur et d'oreilles! vous vous opposez toujours au Saint-Esprit." Alors qu'ils observaient les cérémonies extérieures de leur religion, leurs coeurs étaient corrompus et remplis de malice. Il mentionna la cruauté de leurs pères qui avaient persécuté les prophètes, et déclara que ceux à qui il s'adressait avaient commis un plus grand péché en rejetant et en crucifiant le Christ. "Lequel des prophètes, leur dit-il, vos pères n'ont-ils pas persécuté? Ils ont tué ceux qui annonçaient d'avance la venue du Juste, que vous avez livré maintenant, et dont vous avez été les meurtriers." PE 198 1 Lorsque ces vérités tranchantes furent exprimées, les prêtres et les principaux furent hors d'eux-mêmes. Ils se ruèrent sur Etienne en grinçant des dents. "Mais Etienne, rempli du Saint-Esprit, et fixant les regards vers le ciel, vit la gloire de Dieu." "Et il dit: Voici, je vois les cieux ouverts, et le Fils de l'homme debout à la droite de Dieu." Le peuple refusait de l'entendre. "Ils poussèrent alors de grands cris, en se bouchant les oreilles, et ils se précipitèrent tous ensemble sur lui, le traînèrent hors de la ville, et le lapidèrent." Etienne, s'étant mis à genoux, s'écria d'une voix forte: "Seigneur, ne leur impute pas ce péché." PE 198 2 J'ai vu qu'Etienne était un puissant homme de Dieu, suscité spécialement pour occuper une place importante dans l'Eglise. Satan se réjouit de sa mort; car il savait que les disciples perdaient beaucoup par sa disparition. Mais le triomphe de Satan fut de courte durée; car parmi ceux qui assistaient à la mort d'Etienne, il en était un à qui Jésus allait se révéler. C'était Saul de Tarse. Ce dernier ne prit pas part à la lapidation de l'homme de Dieu, mais il consentit à ce qu'on le fasse mourir. Il déployait un grand zèle en persécutant l'Eglise de Dieu. Il poursuivait les chrétiens jusque dans leurs maisons, pour s'emparer d'eux et les livrer à ceux qui voulaient les faire mourir. C'était un homme doué et instruit. Son zèle et son savoir le faisaient hautement estimer par les Juifs, alors qu'il était la terreur de beaucoup de disciples du Christ. Satan employait ses talents pour promouvoir sa révolte contre le Fils de Dieu et ceux qui croyaient en lui. Mais Dieu est capable d'annuler la puissance du grand adversaire, et de libérer ceux qu'il retient captifs. Le Christ avait choisi Saul pour prêcher son nom, pour affermir ses disciples dans leur oeuvre et remplacer Etienne. ------------------------Chapitre 48 -- La conversion de Saul PE 200 1 Lorsque Saul se rendit à Damas, avec des lettres l'autorisant à se saisir des chrétiens -- hommes et femmes -- qui prêchaient Jésus, pour les amener liés à Jérusalem, les mauvais anges se réjouirent. Mais soudain une lumière venant du ciel resplendit autour de lui, qui fit s'enfuir les mauvais anges, et le fit tomber par terre. Il entendit une voix qui lui disait: "Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu?" Il répondit: "Qui es-tu, Seigneur?" Et le Seigneur dit: "Je suis Jésus que tu persécutes. Il te serait dur de regimber contre les aiguillons." Et Saul, tremblant et saisi d'effroi, dit: "Seigneur, que veux-tu que je fasse?" Et le Seigneur répondit: "Lève-toi, entre dans la ville, et on te dira ce que tu dois faire." PE 200 2 "Les hommes qui l'accompagnaient demeurèrent stupéfaits; ils entendaient bien la voix, mais ils ne voyaient personne." Lorsque la lumière disparut, Saul se releva; et bien que ses yeux fussent ouverts, il ne voyait rien. La lumière étincelante du ciel l'avait aveuglé. On le conduisit par la main à Damas, où il fut trois jours sans voir, et il ne mangea ni ne but. Le Seigneur envoya son ange à l'un de ces hommes que Saul espérait appréhender; il lui révéla en vision qu'il devait aller dans la rue appelée "la Droite", chercher "dans la maison de Judas, un nommé Saul de Tarse. Car il prie, et il a vu en vision un homme du nom d'Ananias, qui entrait, et qui lui imposait les mains, afin qu'il recouvrât la vue." PE 200 3 Ananias craignit qu'il n'y ait quelque erreur dans cette affaire. Il commença par dire au Seigneur ce qu'il avait entendu au sujet de Saul. Mais le Seigneur lui répondit: "Va, car cet homme est un instrument que j'ai choisi, pour porter mon nom devant les nations, devant les rois, et devant les fils d'Israël; et je lui montrerai tout ce qu'il doit souffrir pour mon nom." Ananias suivit les indications du Seigneur; il entra dans la maison, imposa les mains à Saul, en disant: "Saul, mon frère, le Seigneur Jésus qui t'est apparu sur le chemin par lequel tu venais, m'a envoyé pour que tu recouvres la vue et que tu sois rempli du Saint-Esprit." PE 201 1 Immédiatement Saul recouvra la vue; il se leva et fut baptisé. Aussitôt il prêcha dans les synagogues que Jésus était le Fils de Dieu. Tous ceux qui l'entendaient étaient dans l'étonnement, et disaient: "N'est-ce pas celui qui persécutait à Jérusalem ceux qui invoquent ce nom, et n'est-il pas venu ici pour les emmener liés devant les principaux sacrificateurs?" Cependant Saul se fortifiait de plus en plus, et il confondait les Juifs. Ceux-ci se trouvaient de nouveau en difficulté. Tous connaissaient l'opposition manifestée par Saul à l'égard de Jésus et son zèle pour chercher et faire mourir tous ceux qui croyaient en son nom. Sa conversion miraculeuse avait convaincu plusieurs Juifs que Jésus était le Fils de Dieu. Saul relatait son expérience dans la puissance du Saint-Esprit. Il persécutait à mort les chrétiens, les appréhendant et les jetant en prison, tant hommes que femmes, quand, sur le chemin de Damas, une grande lumière venant du ciel resplendit soudain autour de lui, et Jésus se révéla et lui apprit qu'il était le Fils de Dieu. PE 201 2 Tandis que Saul prêchait Jésus avec hardiesse, il exerçait une grande influence. Il connaissait bien les Ecritures, et après sa conversion une lumière divine illuminait les prophéties concernant Jésus, ce qui lui permettait de présenter clairement et courageusement la vérité et de corriger toute perversion des Ecritures. L'Esprit de Dieu reposant sur lui, il pouvait d'une manière claire et convaincante expliquer à ses auditeurs les prophéties se rapportant à la première venue du Christ, et montrer que les Ecritures qui annonçaient ses souffrances, sa mort et sa résurrection, s'étaient accomplies. ------------------------Chapitre 49 -- Les juifs decident de tuer Paul PE 202 1 Lorsque les chefs des prêtres et les principaux virent les résultats de la narration de l'expérience de Paul, ils furent remplis de haine contre lui. Ils virent qu'il prêchait Jésus avec hardiesse et opérait des miracles en son nom, que les multitudes l'écoutaient et se détournaient de leurs traditions, puis considéraient que les dirigeants Juifs étaient les meurtriers du Fils de Dieu. Ils s'irritèrent et s'assemblèrent pour décider ce qu'il fallait faire pour enrayer cet enthousiasme. Le seul moyen, pensèrent-ils, était de faire mourir Paul. Mais, connaissant leurs intentions, des anges reçurent pour mission de veiller sur lui, afin de préserver sa vie pour qu'il puisse poursuivre sa tâche. PE 202 2 Satan à leur tête, les Juifs incrédules veillèrent jour et nuit aux portes de Damas, afin que lorsque Paul sortirait ils puissent le tuer. Mais Paul avait été informé de leur projet, et pendant la nuit les disciples le descendirent par la muraille, dans une corbeille. L'échec qu'avaient subi leurs plans remplit les Juifs de honte et d'indignation, et le dessein de Satan fut déjoué. PE 202 3 Après cela, Paul se rendit à Jérusalem pour se joindre aux disciples; mais ceux-ci avaient peur de lui. Ils ne pouvaient pas croire à sa sincérité. Sa vie avait été en danger à Damas à cause des Juifs, et maintenant ses frères ne voulaient pas le recevoir parmi eux. Barnabas, l'ayant pris avec lui, le conduisit vers les apôtres, et leur raconta comment, sur le chemin, Paul avait vu le Seigneur, et comment à Damas il avait prêché courageusement au nom de Jésus. PE 202 4 Mais Satan poussant les Juifs à faire mourir Paul, Jésus lui dit de quitter Jérusalem. Il partit donc en compagnie de Barnabas pour d'autres villes, prêchant Jésus, opérant des miracles et convertissant un grand nombre de personnes. Un boiteux de naissance, ayant été guéri par Paul, les gens qui adoraient des idoles voulaient offrir un sacrifice aux disciples. Paul fut très peiné, et leur dit que lui et ses compagnons n'étaient que des hommes, et que seul devait être adoré le Dieu qui a créé le ciel et la terre, la mer et toutes les choses qui s'y trouvent. Ainsi Paul exaltait Dieu devant le peuple; mais ce fut à peine s'il arriva à contenir ces gens. Ils en étaient à se former leur première conception de la foi dans le vrai Dieu, le culte et l'honneur qui lui sont dus; et tandis qu'ils écoutaient Paul, Satan incitait les Juifs incrédules des autres villes à suivre l'apôtre pour détruire ce qu'il faisait. Ces Juifs excitèrent les esprits de ces idolâtres en faisant circuler des mensonges sur Paul. La grande admiration du peuple se changea alors en haine, et ces gens qui peu de temps auparavant voulaient adorer les disciples, lapidèrent Paul et le traînèrent hors de la ville, pensant qu'il était mort. Mais tandis que les disciples l'entouraient et pleuraient, il se releva, à leur grande joie, et entra avec eux dans la ville. PE 203 1 Ailleurs, alors que Paul et Silas prêchaient Jésus, une servante qui avait un esprit de Python, se mit à les suivre en criant: "Ces hommes sont les serviteurs du Dieu Très-Haut, et ils vous annoncent la voie du salut!" Elle agit ainsi pendant plusieurs jours. Paul en était écoeuré; car ces cris détournaient de la vérité l'attention des gens. Le but de Satan en la poussant à faire cela consistait à dégoûter le peuple et à détruire l'influence des disciples. "Paul, fatigué, se retourna, et dit à l'esprit: Je t'ordonne, au nom de Jésus-Christ, de sortir d'elle. Et il sortit à l'heure même." PE 203 2 Il plaisait à ses maîtres qu'elle criât en suivant les disciples. Mais quand le mauvais esprit la quitta, et qu'ils la virent se transformer en disciple du Christ, ils devinrent furieux. Ils avaient gagné beaucoup d'argent par cette divinatrice, et maintenant l'espoir de leur gain s'évanouissait. Le dessein de Satan avait échoué; mais ses serviteurs se saisirent de Paul et de Silas, et les traînèrent sur la place publique devant les magistrats, en disant: "Ces hommes troublent notre ville; ce sont des Juifs." Alors la foule se souleva contre eux, et les préteurs, ayant fait arracher leurs vêtements, ordonnèrent qu'on les battît de verges. Après qu'ils les eurent accablés de coups, ils les jetèrent en prison et recommandèrent au geôlier de les garder avec soin. Celuici, ayant reçu cet ordre, les enferma dans la prison intérieure, et leur mit les ceps aux pieds. Mais les anges du Seigneur les accompagnèrent, et firent en sorte que cet emprisonnement tournât à la gloire de Dieu. Le peuple put se rendre compte que le Seigneur était à l'oeuvre et n'abandonnait pas ses serviteurs. PE 204 1 Vers le milieu de la nuit, Paul et Silas priaient et chantaient les louanges de Dieu. Tout à coup il se fit un grand tremblement de terre, et les fondements de la prison furent ébranlés. Je vis que les anges brisèrent immédiatement les liens de tous les prisonniers. Le geôlier se réveilla, et lorsqu'il vit les portes de la prison ouvertes, il fut épouvanté. Il pensa que les prisonniers s'étaient enfuis et qu'il serait puni de mort. Mais alors qu'il tirait son épée et allait se tuer, Paul cria d'une voix forte: "Ne te fais point de mal, nous sommes tous ici." PE 204 2 La puissance de Dieu convainquit le geôlier. Il demanda de la lumière, entra précipitamment, et se jeta tout tremblant aux pieds de Paul et de Silas. Il les fit sortir, et dit: "Seigneurs, que faut-il que je fasse pour être sauvé?" Les apôtres répondirent: "Crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvé, toi et ta famille." Le geôlier réunit toute sa famille, et Paul leur prêcha Jésus. Ainsi le coeur du geôlier fut uni à ceux de ses frères; il lava leurs plaies, et aussitôt il fut baptisé, lui et tous les siens. Il leur servit alors à manger, et il se réjouit avec toute sa famille de ce qu'il avait cru en Dieu. PE 205 1 La bonne nouvelle de la manifestation de la puissance de Dieu en ouvrant les portes de la prison, ainsi que la conversion du geôlier et de sa famillle, se répandit bientôt. Lorsque les préteurs et les magistrats en eurent connaissance, ils furent effrayés, et ils envoyèrent des licteurs dire au geôlier de relâcher Paul et Silas. Mais Paul n'était pas disposé à quitter ainsi la prison; il ne voulait pas que la manifestation de la puissance divine restât cachée. Il dit aux licteurs: "Après nous avoir battu de verges publiquement et sans jugement, nous qui sommes Romains, ils nous ont jetés en prison, et maintenant ils nous font sortir secrètement! Il n'en sera pas ainsi. Qu'ils viennent eux-mêmes nous mettre en liberté." Lorsque ces paroles furent rapportées aux préteurs, ils furent effrayés en apprenant que les apôtres étaient citoyens romains. Ils craignaient que Paul et Silas ne déposassent une plainte contre eux à l'empereur pour les traitements illégaux dont ils avaient été l'objet. "Ils vinrent les apaiser, et ils les mirent en liberté, en les priant de quitter la ville." ------------------------Chapitre 50 -- Paul visite Jerusalem PE 206 1 Après sa conversion, Paul se rendit à Jérusalem; il y prêcha Jésus et les merveilles de sa grâce. Il relata sa conversion miraculeuse, ce qui rendit les prêtres et les principaux si furieux qu'ils cherchaient à lui ôter la vie. Afin de le sauver, Jésus lui apparut à nouveau dans une vision alors qu'il était en prière. Il lui dit: "Hâte-toi, et sors promptement de Jérusalem, parce qu'ils ne recevront pas ton témoignage sur moi." Paul répondit: "Seigneur, ils savent eux-mêmes que je faisais mettre en prison et battre de verges dans les synagogues ceux qui croyaient en toi, et que, lorsqu'on répandit le sang d'Etienne, ton témoin, j'étais moi-même présent, joignant mon approbation à celle des autres, et gardant les vêtements de ceux qui le faisaient mourir." Paul pensait que les Juifs de Jérusalem ne résisteraient pas à son témoignage, et qu'ils considéreraient que le grand changement qui s'était opéré en lui ne pouvait l'avoir été que par la puissance divine. Mais le Seigneur fut encore plus catégorique: "Va, lui dit-il, je t'enverrai au loin vers les nations." PE 206 2 Pendant son absence de Jérusalem, Paul écrivit plusieurs lettres à différents endroits, relatant son expérience et rendant son témoignage avec puissance. Mais quelques-uns s'efforçaient de détruire l'influence de ces lettres. Ils étaient forcés d'admettre que celles-ci avaient du poids et du pouvoir, mais ils déclaraient que Paul, présent en personne, était faible et sa parole méprisable. PE 206 3 Le fait est que Paul était un homme de grand savoir et que sa sagesse et ses manières charmaient ses auditeurs. Ses connaissances plaisaient aux savants, et beaucoup d'entre eux croyaient en Jésus. Devant les rois et de grandes assemblées, il déployait une telle éloquence que tous étaient fascinés par ses paroles. Les prêtres et les anciens en étaient furieux. Paul pouvait entrer dans des raisonnements compliqués et entraîner son auditoire par son éloquence enflammée, lui faisant toucher du doigt les profondes richesses de la grâce divine et l'amour extraordinaire du Christ. Puis en toute simplicité il se mettait à la portée du commun peuple, et de façon puissante il relatait son expérience, ce qui suscitait chez eux un ardent désir de devenir disciples du Christ. PE 207 1 Le Seigneur apparut à nouveau à Paul, et lui révéla qu'il devait se rendre à Jérusalem; qu'il y serait lié et souffrirait pour son nom. Et bien qu'il fût prisonnier pendant longtemps, le Seigneur accomplit par son intermédiaire une oeuvre spéciale. Ses liens devaient être le moyen de répandre la connaissance du Christ, et ainsi de glorifier Dieu. Renvoyé de ville en ville pour son jugement, son témoignage concernant Jésus et les incidents intéressants de sa propre conversion furent relatés devant des rois et des gouverneurs, afin qu'ils soient sans excuse au sujet de Jésus. Des milliers crurent au Sauveur et se réjouirent en son nom. PE 207 2 J'ai vu que le dessein de Dieu avait été accompli lorsque Paul fit la traversée pour se rendre à Rome. Il voulut que l'équipage du vaisseau soit témoin de la puissance de Dieu manifestée par le moyen de Paul, et que les païens puissent entendre le nom de Jésus, afin que beaucoup d'entre eux se convertissent en écoutant les enseignements de Paul et en voyant les miracles qu'il faisait. Des rois et des gouverneurs furent charmés par son raisonnement. En l'entendant prêcher Jésus, par la puissance du Saint-Esprit, et relater son expérience religieuse, ils étaient convaincus que Jésus était le Fils de Dieu. Tandis que plusieurs l'écoutaient émerveillés, l'un d'entre eux s'exclama: "Tu vas bientôt me persuader de devenir chrétien." Cependant la plupart de ceux qui l'entendirent remirent à des temps futurs l'examen de ce qu'il avait dit. Satan mettait à profit ce délai: en négligeant de se convertir lorsque leurs coeurs étaient touchés, ils laissaient passer l'occasion et s'endurcissaient. PE 208 1 Il me fut montré que Satan aveugla les Juifs au point qu'ils ne purent accepter Jésus comme leur Sauveur; puis il les dirigea de telle manière que, jaloux de ses oeuvres merveilleuses, ils décidèrent de lui ôter la vie. Satan prit possession de l'un des disciples du Christ et l'amena à livrer son Maître entre les mains de ses ennemis, afin qu'ils crucifient le Seigneur de vie et de gloire. PE 208 2 Après la résurrection du Christ, les Juifs ajoutèrent péché sur péché en soudoyant la garde romaine. Mais cette résurrection fut confirmée par une multitude de témoins qui ressuscitèrent en même temps. Ensuite Jésus apparut à ses disciples, à plus de cinq cents à la fois, alors que ceux qui ressuscitèrent avec lui apparurent à un bon nombre de personnes, déclarant que le Christ était ressuscité. PE 208 3 Satan avait poussé les Juifs à se rebeller contre Dieu en refusant de reconnaître son Fils et en trempant les mains dans son précieux sang. Peu leur importaient maintenant les preuves que Jésus était le Fils de Dieu, le Rédempteur du monde; ils l'avaient mis à mort et ne voulaient rien savoir d'autre à son sujet. Leur seul espoir et leur seule consolation, comme celle de Satan après sa chute, étaient de prévaloir contre le Fils de Dieu. Ils continuèrent donc leur rébellion en persécutant les disciples du Christ et en les mettant à mort. Rien n'était plus odieux à leurs oreilles que le nom de Jésus qu'ils avaient crucifié; ils étaient déterminés à repousser toutes les preuves fournies en sa faveur. PE 208 4 Lorsque le Saint-Esprit, par l'intermédiaire d'Etienne, donna la preuve évidente que Jésus était bien le Fils de Dieu, les Juifs se bouchèrent les oreilles pour ne pas être convaincus. Satan avait en sa possession les meurtriers de Jésus. Par leurs mauvaises actions ils étaient devenus ses sujets qui lui obéissaient volontiers et le grand ennemi agissait par leur moyen pour tourmenter ceux qui croyaient en Christ. Il se servait des Juifs pour exciter les Gentils contre Jésus et ses disciples. Mais Dieu envoya ses anges pour affermir ces derniers dans leur oeuvre, afin qu'ils puissent témoigner des choses qu'ils avaient vues et entendues, et enfin, par leur fermeté, sceller leur témoignage de leur sang. PE 209 1 Satan se réjouissait de voir les Juifs assujettis dans ses filets. Ces derniers continuaient leurs formes inutiles, leurs sacrifices et leurs rites. Lorsque Jésus, sur la croix, s'écria: "Tout est accompli!" le voile du temple se déchira en deux, depuis le haut jusqu'en bas, indiquant par là que Dieu ne se rencontrerait plus avec les prêtres dans le temple, qu'il n'accepterait plus leurs sacrifices et leurs rites. Dorénavant, le mur de séparation entre les Juifs et les Gentils était renversé. Jésus avait offert son sacrifice en faveur des deux communautés. Si Juifs et Gentils voulaient le salut, ils devaient croire en lui, en l'unique offrande pour le péché, le Sauveur du monde. PE 209 2 Lorsque le soldat perça le côté de Jésus, sur la croix, il en sortir deux liquides distincts: de l'eau et du sang. Le sang avait pour but de laver les péchés de ceux qui croiraient en son nom; l'eau représentait cette eau vive obtenue grâce au Sauveur pour donner la vie au croyant. ------------------------Chapitre 51 -- La grande apostasie PE 210 1 J'ai été ramenée au temps où les païens idolâtres persécutaient violemment et mettaient à mort les chrétiens. Le sang coulait à torrents. Les nobles, les intellectuels et le commun peuple, tous étaient sacrifiés sans merci. Des familles riches étaient réduites à la pauvreté, parce qu'elles n'avaient pas voulu renoncer à leur religion. Mais malgré la persécution et la souffrance, ces chrétiens restaient inébranlables. Ils conservaient la pureté de leur religion. Je vis que Satan se réjouissait de leurs souffrances et en triomphait. Mais Dieu approuvait ses fidèles martyrs. Les chrétiens de cette époque terrible étaient l'objet tout particulier de son amour, parce qu'ils acceptaient volontiers de souffrir pour lui. Chaque souffrance endurée par eux augmentait leur récompense dans le ciel. PE 210 2 Mais bien que Satan se soit réjoui des souffrances des saints, il n'était cependant pas satisfait. Il désirait dominer sur les esprits aussi bien que sur les corps. Les souffrances endurées par les martyrs ne faisaient que les rapprocher du Seigneur; elles augmentaient leur amour les uns pour les autres, et leur faisaient craindre plus que jamais d'offenser Dieu. Satan voulait les amener à déplaire au Seigneur; ils perdraient alors leur force, leur courage et leur fermeté. Quoique des milliers de chrétiens fussent mis à mort, d'autres surgissaient pour prendre leur place. Satan s'aperçut qu'il perdait ses sujets, car, bien qu'ils souffrissent la persécution et la mort, ils restaient attachés à Jésus-Christ et les sujets de son royaume. Satan fit donc des plans pour combattre plus efficacement contre le gouvernement de Dieu et renverser l'Eglise. Il amena les païens idolâtres à accepter une partie de la foi chrétienne. Ceux-ci, prétendant croire à la crucifixion et à la résurrection du Christ, voulurent s'unir aux disciples de Jésus sans que leur coeur fût changé. Ce fut un danger terrible pour l'Eglise, un temps d'angoisse. Quelques-uns s'imaginèrent que s'ils consentaient à se joindre à ces idolâtres, qui n'avaient accepté qu'une partie de la foi chrétienne, ce serait le moyen d'obtenir leur conversion totale. C'est ainsi que Satan cherchait à corrompre les doctrines bibliques. PE 211 1 Je vis que tout cela finit par rabaisser l'idéal chrétien, et que les païens s'unissaient aux vrais chrétiens. Bien que les idolâtres prétendissent être convertis, ils apportaient leur idolâtrie dans l'Eglise. Ils ne faisaient que changer les objets de leur culte contre les images des saints, et même du Christ et de Marie sa mère. A mesure que les disciples de Jésus se joignaient à eux, la religion chrétienne se corrompait et l'Eglise perdait sa pureté et sa puissance. Quelques-uns repoussaient cette union pour préserver leur pureté, et n'adoraient que Dieu. Ils refusaient de se prosterner devant une image représentant quelque chose qui est dans le ciel ou sur la terre. PE 211 2 Satan se réjouissait de la chute d'un si grand nombre de chrétiens. Il encouragea l'Eglise tombée à obliger ceux qui voulaient préserver la pureté de leur religion, à choisir entre ses cérémonies et le culte des images ou être mis à mort. Le feu de la persécution s'alluma de nouveau contre l'Eglise et des millions de croyants furent tués sans pitié. PE 211 3 Voici ce qui me fut présenté: Une grande troupe de païens idolâtres défilait portant une bannière noire sur laquelle étaient peints le soleil, la lune et les étoiles. Cette troupe paraissait animée de sentiments farouches. Puis je vis une autre troupe portant une bannière immaculée, sur laquelle étaient écrites ces paroles: "Pureté et sainteté à l'Eternel." Les visages de ceux qui la composaient reflétaient une fermeté et une résignation célestes. Je vis les païens idolâtres s'approcher d'eux, et il y eut un grand massacre. Les chrétiens fondaient comme neige devant eux; mais la troupe fidèle serrait les rangs, et élevait très haut son étendard. A mesure que des chrétiens tombaient, d'autres se groupaient autour de la banniere et prenaient leurs places. PE 212 1 Je vis la troupe des idolâtres tenir un conseil. Comme ils n'arrivaient pas à faire céder les chrétiens, ils imaginèrent un autre plan. Je les vis abaisser leur bannière, s'approcher de la troupe fidèle et lui faire des propositions. Tout d'abord ces propositions furent repoussées. Puis je vis que ces chrétiens tenaient aussi un conseil. D'aucuns proposèrent d'abaisser également leur bannière et d'accepter ces propositions pour sauver leurs vies; ils pourraient à la fin devenir plus forts et élever leur étendard parmi les païens. Quelques-uns ne voulurent pas céder, mais préférèrent mourir en soutenant leur bannière au lieu de l'abaisser. Je vis alors que beaucoup abaissaient leur pavillon et s'unissaient aux païens; mais ceux qui étaient fermes le reprenaient et le relevaient. Je vis qu'on abandonnait de plus en plus la troupe de ceux qui portaient la bannière immaculée pour se joindre aux païens idolâtres à la bannière noire, qui persécutaient les fidèles. Beaucoup furent mis à mort. Mais la bannière immaculée se maintenait élevée, et des croyants ne cessaient de se rallier autour d'elle. PE 212 2 Les Juifs qui, les premiers, suscitèrent la haine des païens contre Jésus, ne restèrent pas impunis. Au prétoire, alors que Pilate hésitait à condamner le Sauveur, les Juifs s'écrièrent: "Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants!" L'accomplissement de cette terrible malédiction qu'ils attirèrent sur leurs têtes, la nation juive l'a subi. Les païens et ceux qui se disaient chrétiens ont été également leurs ennemis. Ces soi-disant chrétiens, dans leur zèle pour le Christ, que les Juifs avaient crucifié, pensèrent que plus ils feraient souffrir ces derniers plus ils plairaient à Dieu. Un grand nombre de Juifs incroyants furent donc mis à mort, tandis que d'autres étaient chassés de lieu en lieu et subissaient toutes sortes de châtiments. PE 213 1 Le sang du Christ et des disciples qu'ils avaient répandu retomba sur eux; ils furent terriblement châtiés. La malédiction reposa sur eux; ils furent la risée des païens et des soi-disant chrétiens. Avilis, évités, détestés, on aurait dit qu'ils portaient sur eux la marque de Caïn. Mais je vis que Dieu avait merveilleusement protégé ce peuple; qu'il l'avait dispersé à travers le monde afin qu'on puisse voir qu'il était l'objet de la malédiction divine. Je vis que Dieu avait rejeté les Juifs en tant que nation; mais que, individuellement, ils pouvaient encore se convertir et déchirer le voile qui recouvre leur coeur et les empêche de comprendre la Parole de Dieu, afin de voir que les prophéties à leur égard se sont accomplies. Ils accepteront ainsi Jésus comme Sauveur du monde, et se rendront compte du grand péché commis par leur nation en le rejetant et en le crucifiant. ------------------------Chapitre 52 -- Le mystère de l'iniquité PE 213 2 Le plan de Satan a toujours consisté à détourner les hommes de Jésus et à détruire la responsabilité individuelle. Le grand ennemi échoua dans ses desseins lorsqu'il tenta le Fils de Dieu; mais il réussit mieux avec l'homme déchu. La chrétienté se corrompit; les papes et les prêtres s'exaltèrent eux-mêmes, et enseignèrent aux gens à se tourner vers eux pour obtenir le pardon de leurs péchés, au lieu de regarder eux-mêmes au Christ. PE 213 3 Les hommes furent trompés. On leur enseigna que les papes et les prêtres étaient les représentants du Christ, lorsqu'en réalité ils représentaient Satan, et ceux qui se prosternaient devant eux adoraient ce dernier. Le peuple demandait la Bible; mais les prêtres considéraient qu'il était dangereux de laisser chacun libre de lire ce livre, de peur que les gens y voient clair et que les péchés des chefs religieux ne soient démasqués. On enseigna aux gens à recevoir chaque mot de ces séducteurs comme s'il sortait de la bouche de Dieu. Les prêtres exercèrent sur les esprits le pouvoir qui n'appartient qu'à Dieu. Si quelqu'un osait suivre ses propres convictions, la même haine que Satan et les Juifs nourrissaient à l'égard de Jésus était suscitée contre eux, et ceux qui détenaient l'autorité avaient soif de leur sang. PE 214 1 Il me fut montré une époque où Satan triomphait. Des multitudes de chrétiens étaient mis à mort d'une manière effroyable, parce qu'ils voulaient préserver la pureté de leur religion. La Bible était haïe, et des efforts étaient faits pour en expurger la terre. Il était interdit au peuple de la lire sous peine de mort; tous les exemplaires qui pouvaient être saisis étaient brûlés. Mais j'ai vu que Dieu prenait un soin tout particulier de sa Parole, et qu'il la protégeait. A certaines périodes de l'histoire, il n'existait que très peu d'exemplaires de la Bible. Mais Dieu ne permit pas qu'elle disparût complètement, car dans les derniers jours elle devait se multiplier au point que chaque famille pourrait la posséder. PE 214 2 J'ai vu que lorsqu'il n'y avait que très peu d'exemplaires de la Bible, elle était précieuse et réconfortante pour les disciples de Jésus persécutés. Elle était lue dans le secret le plus absolu, et ceux qui jouissaient de ce précieux privilège sentaient qu'ils avaient un entretien particulier avec Dieu, avec son Fils et avec ses disciples. Mais ce privilège béni coûta la vie à un grand nombre. Découverts, ils étaient livrés au bourreau, envoyés au bûcher ou enfermés dans un donjon où ils mouraient de faim. PE 214 3 Satan ne pouvait faire obstacle au plan du salut. Jésus fut crucifié et ressuscita le troisième jour. Mais le diable dit à ses anges qu'il allait faire tourner à son avantage la crucifixion et la résurrection. Il tolérait que ceux qui professaient la foi en Jésus crussent que les lois réglant les sacrifices juifs et les offrandes avaient cessé à la mort du Christ, pourvu qu'il puisse les pousser plus loin et leur faire croire que le Décalogue aussi était mort avec lui. PE 215 1 Je vis qu'un grand nombre de chrétiens tombèrent dans ce piège posé par Satan. Tout le ciel fut dans l'indignation lorsqu'il vit que la sainte loi de Dieu était foulée aux pieds. Jésus et toute l'armée angélique connaissaient bien la nature de la loi de Dieu; ils savaient qu'elle ne pouvait être ni changée ni abrogée. L'état désespéré de l'homme après la chute causa la plus profonde tristesse dans le ciel, et poussa Jésus à s'offrir pour mourir à la place du transgresseur de la sainte loi de Dieu. Mais si cette loi avait pu être abrogée, l'homme aurait été sauvé sans la mort de Jésus. En conséquence, sa mort n'abolit pas la loi de son Père, mais au contraire la magnifia et l'honora; elle renforça l'obéissance à tous ses saints préceptes. PE 215 2 Si l'Eglise était restée pure et ferme, Satan n'aurait pas pu réussir à séduire les chrétiens et à leur faire fouler aux pieds la loi de Dieu. Dans son plan téméraire, Satan s'attaqua directement à la base du gouvernement de Dieu dans le ciel et sur la terre. Sa révolte le fit chasser du ciel. Après cette révolte, pour se sauver lui-même, il désirait que Dieu changeât sa loi; mais il lui fut dit en présence de toute l'armée angélique que la loi de Dieu était inaltérable. Satan sait que s'il peut en amener d'autres à violer la loi de Dieu, il les gagne à sa cause; car tout transgresseur de la loi doit mourir. PE 215 3 Satan décida d'aller plus loin encore. Il dit à ses anges que quelques chrétiens seraient si fidèles à la loi de Dieu qu'ils ne tomberaient pas dans ses pièges. Les dix commandements étaient si clairs que beaucoup croiraient qu'ils étaient toujours en vigueur, et que, par conséquent, il lui fallait chercher à altérer un seul des dix commandements. Il proposa alors à ses suppôts d'essayer de changer le quatrième, celui du sabbat, altérant ainsi le seul commandement qui met en relief le vrai Dieu, le Créateur du ciel et de la terre. Satan leur présenta la glorieuse résurrection de Jésus, et leur dit qu'en ressuscitant le premier jour de la semaine, il avait changé le sabbat du septième jour au premier. PE 216 1 C'est ainsi que Satan employa la résurrection pour servir ses desseins. Il se réjouit avec ses anges de ce que les erreurs qu'ils avaient préparées fûssent si bien reçues par ceux qui prétendaient être les amis du Christ. Ce que l'un considérait avec horreur, un autre l'admettait. Ainsi différentes erreurs furent acceptées et défendues avec zèle. La volonté de Dieu, si clairement révélée dans sa Parole, était ensevelie sous les erreurs et les traditions enseignées comme étant des commandements de Dieu. Quoique cette séduction qui défie le ciel sera tolérée jusqu'à la seconde apparition de Jésus, Dieu n'est pas resté sans témoins au cours de cette époque d'erreur et de tromperie. Au milieu des ténèbres et de la persécution de l'Eglise, il y a toujours eu des vrais et fidèles croyants qui ont gardé tous les commandements de Dieu. PE 216 2 J'ai vu que les armées angéliques étaient remplies d'admiration en considérant les souffrances et la mort du Roi de gloire. Mais j'ai vu qu'elles n'avaient pas été étonnées que le Seigneur de la vie et de la gloire, qui a rempli tout le ciel de joie et de splendeur, triomphât de la mort, sortît de sa prison en conquérant triomphant. C'est pourquoi, s'il est un événement qui devrait être commémoré par un jour de repos, ce serait la crucifixion. Mais j'ai vu que ni l'un ni l'autre de ces événements n'était destiné à altérer ou à abroger la loi de Dieu. Au contraire, ils renforcent la preuve de son immutabilité. PE 216 3 Ces deux événements importants possèdent leurs mémoriaux. En participant à la sainte Cène, nous annonçons la mort du Seigneur jusqu'à ce qu'il vienne. Les scènes de ses souffrances et de sa mort sont ainsi rappelées à nos esprits. La résurrection du Christ est commémorée par le fait que nous sommes ensevelis avec lui au moment du baptême et que nous sortons ensuite du tombeau liquide afin que "nous marchions en nouveauté de vie". PE 217 1 Il m'a été montré que la loi de Dieu subsisterait toujours, et qu'elle existera dans la nouvelle terre pendant toute l'éternité. A la création, lorsque les fondements de la terre furent posés, les fils de Dieu considérèrent avec admiration les oeuvres du Créateur, et toutes les armées célestes chantèrent de joie. Or c'est à ce moment-là que le sabbat fut institué. A la fin des six jours de la création, Dieu se reposa le septième jour de toute son oeuvre qu'il avait faite; il bénit ce jour et le sanctifia, parce qu'il s'était reposé de toute son oeuvre. Le sabbat fut institué en Eden avant la chute; il fut observé par Adam et Eve, et toute l'armée des cieux. Dieu se reposa le septième jour, il le bénit et il le sanctifia. J'ai vu que le sabbat ne passerait jamais; mais que les rachetés et toutes les armées angéliques l'observeraient en l'honneur du grand Créateur pendant toute l'éternité. ------------------------Chapitre 53 -- La mort n'est pas un tourment éternel PE 218 1 Satan commença ses séductions en Eden. Il dit à Eve: "Vous ne mourrez point." Telle fut sa première leçon sur l'immortalité de l'âme. Elle a continué depuis lors à être enseignée avec tout ce qu'elle comporte de séductions, et elle continuera à l'être jusqu'à la fin de la captivité des enfants de Dieu. On me montra Adam et Eve. Ils mangèrent du fruit défendu, et alors une épée flamboyante leur interdit l'accès à l'arbre de vie. Ils furent chassés du jardin, afin qu'ils ne mangent pas du fruit de cet arbre et ne soient des pécheurs immortels. Le fruit de l'arbre de vie avait pour but de perpétuer l'immortalité. J'entendis un ange demander: "Quel est le membre de la famille d'Adam qui n'ait pas été arrêté par l'épée flamboyante et ait mangé du fruit de l'arbre de vie?" J'entendis un autre ange répondre: "Aucun membre de la famille d'Adam n'a jamais dépassé cette épée et n'a mangé du fruit de cet arbre; c'est pourquoi il n'y a pas de pécheur immortel." L'âme qui pèche mourra de mort éternelle, -- une mort dont il n'y a aucun espoir de résurrection; et alors la colère de Dieu sera apaisée. PE 218 2 C'était pour moi une chose extraordinaire que Satan puisse réussir avec tant de facilité à faire croire aux hommes que les paroles de Dieu: "L'âme qui pèche, c'est celle qui mourra", signifient que l'âme qui pèche ne mourra pas, mais vivra éternellement dans des tourments. L'ange me dit: "La vie, c'est la vie, qu'elle se passe dans la peine ou dans le bonheur. La mort ne connaît ni douleur, ni joie, ni haine." PE 218 3 Satan ordonna à ses anges de faire un effort spécial pour répandre le mensonge proféré pour la première fois à Eve en Eden: "Vous ne mourrez point." Et comme ce mensonge était accepté très facilement par les gens, tout disposés à croire que l'homme est immortel, Satan répandit la doctrine que le pécheur vivrait éternellement dans la douleur. Il avait ainsi préparé le chemin à ses suppôts pour faire passer Dieu aux yeux des hommes comme un tyran qui se venge en envoyant en enfer tous ceux qui lui déplaisent. Il leur fait sentir ainsi le poids de sa colère; et tandis qu'ils souffriront dans les flammes éternelles, il les regardera avec satisfaction. Satan savait que si cette erreur était acceptée, Dieu serait haï par un grand nombre d'hommes, au lieu d'être aimé et adoré. Mais d'un autre côté beaucoup seraient amenés à croire que les menaces de la Parole de Dieu ne sauraient être littéralement accomplies, car ce serait contraire à son caractère de bonté et d'amour de plonger dans d'éternels tourments les êtres qu'il a créés. PE 219 1 Un autre extrême où Satan a jeté les hommes est de leur faire oublier entièrement la justice de Dieu, les menaces de sa Parole, et de le représenter comme étant si miséricordieux qu'il ne fera périr personne, mais que tous, aussi bien les saints que les pécheurs, seront enfin sauvés dans son royaume. PE 219 2 En conséquence, les erreurs populaires de l'immortalité de l'âme, des peines éternelles, permettent à Satan de conduire une certaine classe de gens à considérer la Bible comme un livre qui n'est pas inspiré. Ils pensent qu'elle contient de bonnes choses, mais que l'on ne saurait lui faire confiance et l'aimer, car on leur a dit qu'elle enseignait les peines éternelles. PE 219 3 Satan conduit une autre classe de gens encore plus loin. Il les amène à nier l'existence même de Dieu. Ils ne peuvent comprendre le Dieu de la Bible, qui inflige d'horribles tortures à une partie de l'humanité, tortures qui dureraient pendant l'éternité. C'est pourquoi ils rejettent la Bible et son Auteur; ils considèrent la mort comme un sommeil éternel. PE 219 4 Il est encore une autre classe de gens craintifs et timides. Ceux-là, Satan les pousse à commettre le péché, et après qu'ils ont péché, il leur fait croire que le salaire du péché n'est pas la mort mais la vie dans d'horribles tourments qui dureront à travers les âges sans fin de l'éternité. En faisant ressortir devant ces faibles d'esprit les horreurs d'un enfer éternel, il prend possession d'eux et leur fait perdre la raison. Alors Satan et ses anges exultent, et les incrédules et les athées jettent le blâme sur le christianisme. Ils déclarent que ces maux sont le résultat naturel de la croyance à la Bible et à son Auteur, alors qu'au contraire ils proviennent d'une hérésie populaire. PE 220 1 J'ai vu que les armées célestes étaient remplies d'indignation devant cette oeuvre de Satan. Je demandai pourquoi il était permis que ces séductions puissent s'exercer sur les esprits des hommes alors que les anges sont puissants, et pourraient facilement déjouer les desseins de l'ennemi s'ils en recevaient l'ordre. Puis je vis que Dieu savait que Satan emploierait tout son art pour détruire l'homme. C'est pourquoi le Seigneur fit écrire sa Parole et a rendu si clairs ses desseins que le plus faible d'entre les humains ne saurait errer. Après avoir donné sa Parole à l'homme, Dieu l'a soigneusement préservée de la destruction par Satan et ses anges, ou par ses suppôts ou ses représentants. Alors que d'autres livres pourraient être détruits, la Bible serait immortelle. A l'approche de la fin des temps, lorsque les séductions de Satan iraient en augmentant, les exemplaires de ce livre se multiplieraient au point que tous ceux qui désireraient le posséder pourraient l'obtenir, et s'armer ainsi contre les séductions et les mensonges de Satan. PE 220 2 J'ai vu que Dieu avait pris un soin tout particulier de la Bible. Cependant, alors qu'elle était peu répandue, certains savants ont modifié çà et là quelques mots, pensant rendre leur sens plus clair, alors qu'en réalité ils confondaient ce qui était clair pour l'incliner vers leurs propres vues, inspirées par la tradition. Mais j'ai vu que la Parole de Dieu, comme un tout, constitue une chaîne parfaite, un passage expliquant l'autre. Ceux qui recherchent vraiment la vérité ne sauraient errer en la lisant; car non seulement c'est la Parole de Dieu toute simple, qui indique le chemin de la vie, mais le Saint-Esprit est donné comme guide pour nous faire comprendre ce chemin de la vie qui y est révélé. PE 221 1 J'ai vu qu'il n'est jamais donné aux anges de Dieu de contrôler la volonté. Le Seigneur place devant l'homme la vie et la mort; il peut choisir. Beaucoup désirent la vie, mais continuent à suivre le chemin large. Ils choisissent de se révolter contre le gouvernement de Dieu, malgré sa miséricorde infinie et sa grande compassion en donnant son Fils afin qu'il meure pour eux. Ceux qui ne choisissent pas d'accepter le salut si chèrement acquis, doivent être châtiés. Mais j'ai vu que Dieu ne les jetterait pas en enfer pour leur faire endurer des peines éternelles; il ne les prendrait pas non plus au ciel; car s'ils devaient vivre en compagnie d'êtres saints et purs, ils seraient très malheureux. Mais il les détruira finalement, et ce sera comme s'ils n'avaient jamais existé. Alors sa justice sera satisfaite. Il a formé l'homme de la poussière de la terre, et ceux qui désobéissent, ceux qui ne sont pas saints, seront consumés par le feu; ils retourneront ainsi à l'état de poussière. J'ai vu que la bonté et la compassion de Dieu à cet égard devraient amener tous les hommes à admirer son caractère et à glorifier son saint nom. Après la destruction des méchants, toutes les armées célestes diront: "Amen!" PE 221 2 Satan considère avec satisfaction tous ceux qui acceptent les idées fausses qu'il a émises, quoiqu'ils professent le nom du Christ. Le diable est encore occupé à imaginer de nouvelles séductions, et son pouvoir et son art dans cette direction augmentent sans cesse. Il induisait ses représentants: les papes et les prêtres, à s'exalter eux-mêmes, et à pousser le peuple à persécuter violemment et à détruire ceux qui ne voulaient pas accepter ses séductions. Quelles souffrances les disciples n'avaient-ils pas dû endurer! Les anges ont gardé un récit fidèle de tout cela. Satan et ses anges déclarèrent, pleins de joie, aux anges qui exerçaient leur ministère en faveur de ces saints qui souffraient, qu'ils seraient tous mis à mort, de sorte qu'il ne resterait plus aucun chrétien véritable sur la terre. Je vis que l'Eglise de Dieu était alors pure. Il n'y avait aucun danger que des hommes au coeur corrompu y entrent; car le vrai chrétien, qui osait manifester sa foi, courait le risque de subir toutes les tortures inventées par Satan et ses mauvais anges, ou inspirées par les hommes. ------------------------Chapitre 54 -- La réforme PE 222 1 Malgré toutes les persécutions que durent subir les saints, de fidèles témoins de la vérité furent suscités de tous côtés. Les anges du Seigneur accomplissaient la tâche qui leur avait été confiée. Ils opéraient dans les endroits ténébreux pour en sortir les âmes sincères. Celles-ci étaient comme ensevelies sous les erreurs; cependant Dieu les cherchait, comme il le fit pour Saul, pour en faire des porte-parole de sa vérité et pour qu'elles élèvent leurs voix contre les péchés de ceux qui professaient être son peuple. Les anges de Dieu agissaient sur les coeurs de Martin Luther, de Mélanchton et d'autres dans différents lieux; il allumait en eux le désir ardent d'avoir recours au vivant témoignage de la Parole de Dieu. L'ennemi avait déferlé sur l'Eglise comme un fleuve; il fallait relever l'étendard contre lui. Luther fut celui que Dieu choisit pour faire face à l'orage et à la colère d'une Eglise déchue, ainsi que pour affermir le peu qui était resté fidèle à sa profession de foi. Luther vivait dans la crainte continuelle d'offenser Dieu; il essayait d'obtenir sa faveur par les bonnes oeuvres, mais il ne fut satisfait que lorsqu'un rayon lumineux descendu du ciel vint dissiper les ténèbres de son esprit, et lui redonner confiance, non dans les bonnes oeuvres, mais dans les mérites du sang du Christ. Il put alors aller à Dieu par lui-même, non par les papes ou les confesseurs, mais par Jésus-Christ seul. PE 223 1 Qu'elle était précieuse pour Luther cette nouvelle et glorieuse lumière qui avait percé les ténèbres de son intelligence, et l'avait délivré de ses superstitions! Il donnait à cela plus de prix qu'aux plus riches trésors de la terre. La Parole de Dieu était quelque chose de nouveau. Tout était changé. Le livre qu'il avait redouté, parce qu'il n'en discernait pas la beauté, était maintenant pour lui la vie, la vie éternelle. Il faisait sa joie, sa consolation; c'était son instructeur béni. Rien ne pouvait l'en détourner. Il avait craint la mort; mais en disant la Parole de Dieu, toutes ses terreurs s'étaient dissipées; il admirait le caractère de Dieu, et il l'aimait. Il sondait la Bible pour lui-même et jouissait des riches trésors qu'elle contient; puis il la sondait pour l'Eglise. Il était scandalisé par les péchés de ceux en qui il s'était confié pour son salut. En voyant les autres enveloppés des mêmes ténèbres qu'il avait connues lui-même, il faisait l'impossible pour les amener à l'Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde. PE 223 2 Elevant la voix contre les erreurs et les péchés de l'Eglise papale, il s'efforça de dissiper les ténèbres où étaient plongés des milliers d'hommes, qui comptaient sur les bonnes oeuvres pour leur salut. Il désirait ardemment pouvoir ouvrir leurs esprits aux véritables richesses de la grâce de Dieu, et à l'excellence du salut obtenu par Jésus-Christ. Par la puissance du Saint-Esprit, il dénonça les péchés des chefs de l'Eglise; et malgré l'opposition des prêtres, son courage ne faiblit pas un seul instant. Il se reposait sur le bras puissant du Seigneur, et il se confiait en lui pour obtenir la victoire. A mesure que la lutte se faisait plus dure, la rage des prêtres devenait plus ardente. Ceux-ci n'avaient pas le moindre désir d'être réformés. Ils préféraient les plaisirs de la dissipation et que l'Eglise reste dans les ténèbres. PE 224 1 J'ai vu que Luther était un homme ardent, zélé, courageux et plein de hardiesse pour réprouver le péché et défendre la vérité. Il n'avait peur ni des hommes ni des démons; il savait que Celui qui était avec lui était plus puissant qu'eux tous. Luther courait parfois le danger d'aller aux extrêmes. Mais Dieu suscita Mélanchton, dont le caractère était tout à fait l'opposé du sien. Il seconda Luther dans son oeuvre de réforme. Mélanchton était timide, craintif, prudent et doué d'une grande patience. C'était un bien-aimé de Dieu. Sa connaissance des Ecritures était grande, son jugement et sa sagesse excellents. Son amour pour la cause de Dieu égalait celui de Luther. Les coeurs de ces deux hommes s'unirent intimement; ce furent des amis inséparables. Luther était d'un grand secours pour Mélanchton lorsque celui-ci manquait de hardiesse et de prompte décision, et Mélanchton faisait de même pour Luther lorsque celui-ci était en danger de trop se hâter. La prudence prévoyante de Mélanchton évita souvent des difficultés qui auraient surgi pour la cause si Luther avait été tout seul. Il m'a été montré la sagesse de Dieu en choisissant ces deux hommes pour l'oeuvre de la réforme. PE 224 2 Je fus ramenée aux jours des apôtres, et je vis que Dieu choisit pour compagnon à l'ardent, au zélé Pierre, le doux, le patient Jean. Il arrivait parfois à Pierre d'être impétueux, et il fallait souvent que Jean, le disciple bien-aimé, le calmât, ce qui ne le réformait cependant pas. Mais après qu'il eut renié son Seigneur, il se repentit et se convertit. Alors tout ce qui lui était nécessaire pour régler son ardeur et son zèle, ce furent les doux avertissements de Jean. Mais la cause du Christ aurait beaucoup souffert si elle avait été laissée aux seuls soins de Jean. Le zèle de Pierre était nécessaire; sa hardiesse et son énergie triomphèrent souvent des difficultés et réduisirent au silence l'ennemi. Jean était l'amabilité même; il gagna de nombreuses personnes à la cause du Christ par sa patience et son dévouement. PE 225 1 Dieu suscita des hommes pour élever la voix contre les péchés de l'Eglise papale et pour faire triompher la Réforme. Satan chercha à détruire ces fidèles témoins; mais le Seigneur dressa une haie autour d'eux. Quelques-uns, pour la gloire de son nom, scellèrent de leur sang leur témoignage; mais d'autres, comme Luther et Mélanchton, purent mieux glorifier Dieu en vivant et en dénonçant les péchés des prêtres, des papes et des rois. Ceux-ci tremblèrent à la voix de Luther et de ses associés. Grâce à ces hommes, des rayons de lumière commencèrent à dissiper les ténèbres, et un très grand nombre reçurent la lumière et la suivirent. Et lorsqu'un témoin était mis à mort, deux ou plus étaient suscités pour le remplacer. PE 225 2 Mais Satan n'était pas satisfait. Il n'avait de pouvoir que sur le corps; il lui était impossible de forcer les croyants à abandonner leur foi et leur espérance. Même dans la mort ceux-ci triomphaient par la brillante perspective de l'immortalité à la résurrection des justes. Leur courage était surhumain. Pas un instant ils ne relâchaient leurs efforts; ils étaient constamment revêtus de l'armure du chrétien, prêts au combat, non seulement contre leurs ennemis spirituels, mais contre Satan incarné dans les hommes, qui leur criait constamment: "Abandonne la foi ou meurs!" Ces quelques chrétiens étaient forts en Dieu, plus précieux à ses yeux que la moitié d'un monde qui portait le nom du Christ et qui était lâche pour sa cause. Alors que l'Eglise était persécutée, ses membres, forts en Dieu, étaient unis et s'aimaient les uns les autres. Elle n'acceptait pas les pécheurs dans son sein. Ceux-là seulement qui abandonnaient tout pour suivre le Christ pouvaient être ses disciples. Ils aimaient la pauvreté, l'humilité et voulaient ressembler au Sauveur. ------------------------Chapitre 55 -- L'union de l'Église et du monde PE 226 1 Après cela je vis Satan qui tenait un conseil avec ses anges pour considérer les gains qu'ils avaient obtenus. A la vérité, ils avaient, par crainte de la mort, empêché quelques âmes timides d'accepter la vérité; mais un grand nombre, même parmi les plus timides, s'étaient rangés du côté de la vérité, et immédiatement leurs craintes et leur timidité avaient disparu. En assistant à la mort de leurs frères, devant leur fermeté et leur patience, ils reconnaissaient que Dieu et les anges étaient avec eux pour pouvoir endurer de telles souffrances. Leur courage et leur hardiesse en étaient décuplés. Et lorsqu'ils étaient eux-mêmes appelés à donner leur vie, ils manifestaient leur foi avec une telle fermeté que leurs meurtriers tremblaient en les voyant. PE 226 2 Satan et ses anges décidèrent qu'il y avait un moyen plus efficace pour détruire les âmes, un moyen ayant plus de chance de réussite. Bien que les chrétiens aient été appelés à souffrir, leur fermeté et la bienheureuse espérance qui les encourageaient, donnaient de la hardiesse aux plus faibles et les rendaient capables d'affronter la torture et les flammes des bûchers. Ils imitaient la noble attitude du Christ lorsque, devant leurs bourreaux, par leur constance et la gloire de Dieu qui reposait sur eux, ils convainquaient les autres de la vérité. PE 226 3 Satan, donc, décida qu'il devait employer une manière plus douce. Il avait déjà altéré les doctrines de la Bible, et les traditions qui devaient perdre des millions d'âmes s'enracinaient profondément. Refoulant sa haine, il décida de conseiller à ses sujets de ne plus employer de telles persécutions, mais de faire adopter par l'Eglise différentes traditions, pour remplacer la foi qui a été donnée une fois aux saints. Lorsqu'il eut obtenu que l'Eglise consentît à recevoir les faveurs et les honneurs du monde, sous le prétexte qu'elle en tirerait des bénéfices, elle commença à perdre les faveurs de Dieu. Délaissant la proclamation des vérités qui excluent de son sein ceux qui aiment les plaisirs et le monde, elle perdit graduellement sa puissance. PE 227 1 Alors l'Eglise ne fut plus ce peuple séparé et particulier qu'elle était lorsque le feu de la persécution faisait rage. Comment l'or pur s'est-il ainsi terni? J'ai vu que si l'Eglise avait toujours conservé son caractère particulier, saint, la puissance du Saint-Esprit imparti aux disciples serait encore avec elle. Les malades seraient guéris, les démons seraient chassés; elle serait forte et la terreur de ses ennemis. PE 227 2 J'ai vu une très grande multitude de gens professer le nom du Christ, mais Dieu ne les reconnaissait pas comme siens; il ne trouvait aucun plaisir en eux. Satan semblait revêtir un caractère religieux, et était bien d'accord que ces gens se disent chrétiens. Il ne se souciait pas de savoir s'ils croyaient en Jésus, à sa résurrection, à sa crucifixion. Lui et ses anges croyaient tout cela, et ils en tremblaient. Mais si la foi ne se traduit pas en bonnes oeuvres et ne conduit pas ceux qui la professent à imiter la vie de renoncement du Christ, Satan ne s'en soucie guère; car ces gens prennent seulement le nom de chrétiens, alors que leurs coeurs sont encore charnels. Il peut les employer à son service, mieux même que s'ils ne faisaient pas profession de christianisme. Cachant leurs défauts sous le manteau de la religion, ils n'ont pas une vie sanctifiée, et leurs passions ne sont pas vaincues, ce qui donne l'occasion aux incroyants de jeter le discrédit sur le nom du Christ, ainsi que sur ceux qui pratiquent une religion pure et sans tache. PE 227 3 Les ministres prêchent des choses agréables qui flattent les oreilles charnelles. Ils n'osent prêcher Jésus et les vérités tranchantes de la Bible, de peur que les inconvertis n'abandonnent l'Eglise. Comme beaucoup sont riches, il faut les retenir, bien qu'ils ne soient pas plus qualifiés que Satan et ses anges pour faire partie de l'Eglise. C'est exactement ce que Satan désire. La religion de Jésus est présentée comme populaire et honorable aux yeux des mondains. On dit aux gens que ceux qui professent cette religion seront plus honorés par le monde. Tout ceci diffère beaucoup de ce que Jésus a enseigné. Sa doctrine et le monde ne sauraient se concilier. Ceux qui suivent le Christ ont renoncé au monde. Les enseignements flatteurs proviennent de Satan et ses anges. Ceux-ci ont tracé le plan et les soi-disant chrétiens l'ont mis en pratique. Des fables agréables furent enseignées et reçues avec empressement, et des hypocrites ainsi que des gens qui péchaient ouvertement s'unirent à l'Eglise. Si la vérité était prêchée dans sa pureté, elle ne tarderait pas à exclure ces gens. Mais on ne voyait aucune différence entre les soi-disant disciples du Christ et le monde. J'ai vu que si le voile qui recouvre les membres de l'Eglise avait été levé, on aurait vu une iniquité et une corruption telles que les enfants de Dieu les plus réservés n'auraient pas hésité à appeler ces soi-disant chrétiens par leur nom: enfants de leur père, le diable, dont ils font les oeuvres. PE 228 1 Jésus et toute l'armée des anges considéraient cette scène avec horreur. Cependant Dieu avait un message sacré et très important pour l'Eglise. Si ce message était reçu, il produirait au sein de cette dernière une réforme radicale, il ferait revivre le témoignage vivant qui la débarrasserait des hypocrites et des pécheurs, et lui rendrait les faveurs de Dieu. ------------------------Chapitre 56 -- William Miller PE 229 2 Dieu envoya son ange pour agir sur le coeur d'un fermier qui ne croyait pas à la Bible et l'amena à étudier les prophéties. Les anges de Dieu visitèrent maintes fois cet homme pour ouvrir son intelligence afin qu'il comprenne les prophéties, qui jusque-là avaient été obscures pour le peuple de Dieu. Il découvrit les différentes chaînes prophétiques, et il les étudia les unes après les autres, jusqu'à ce qu'il fut rempli d'admiration pour la Parole de Dieu. Il y trouvait un ensemble de vérités merveilleuses. Cette Parole, qu'il avait considérée comme n'étant pas inspirée, étalait maintenant devant lui sa beauté et sa gloire. Il comprit qu'un passage de l'Ecriture en explique un autre, et lorsqu'un verset était fermé à son intelligence, il en découvrait l'interprétation dans un autre. La Parole de Dieu devint alors sa joie, lui inspirant le plus profond respect, presque de la révérence. PE 229 3 En étudiant les prophéties, il découvrit que, bien à leur insu, les habitants de notre globe vivaient les dernières scènes de l'histoire du monde. Il considéra les Eglises et il vit qu'elles étaient corrompues; elles avaient détourné leurs regards de Jésus pour les fixer sur le monde; elles recherchaient ses honneurs plutôt que ceux qui procèdent d'en haut; elles tâchaient d'obtenir ses richesses au lieu de se faire un trésor dans les cieux. Partout, William Miller put voir l'hypocrisie, les ténèbres et la mort. Il en fut profondément remué. Dieu l'appela à quitter sa ferme, comme autrefois Elisée ses boeufs et le champ qu'il cultivait, pour suivre le prophète Elie. Mais ce ne fut pas sans trembler que William Miller commença à dévoiler au peuple les mystères du royaume de Dieu, et qu'il se mit à expliquer les prophéties se rapportant à la seconde venue du Christ. A mesure qu'il avançait dans sa Tâche, il devenait plus fort. Comme Jean-Baptiste avait préparé la première venue de Jésus, William Miller prépara la seconde. PE 230 1 J'ai été ramenée aux jours des disciples, et il m'a été montré que Dieu avait confié à Jean, le disciple bien-aimé, une oeuvre spéciale. Satan était bien déterminé à paralyser cette oeuvre, et il incita ses suppôts à faire mourir Jean. Mais Dieu envoya son ange qui le garda merveilleusement. Tous ceux qui furent témoins de la grande puissance manifestée dans la délivrance de Jean furent convaincus que Dieu était avec lui, et que son témoignage au sujet de Jésus était correct. Ceux qui cherchaient sa perte n'osèrent pas attenter à ses jours. Il lui fut donc permis de continuer à souffrir pour son Sauveur. Il fut accusé faussement par ses ennemis et peu après banni dans une île solitaire, où le Seigneur envoya son ange pour lui révéler des événements qui devaient se dérouler sur la terre, ainsi que l'état de l'Eglise jusqu'à la fin, -- ses apostasies et la place qu'elle devrait occuper si elle voulait plaire à Dieu et finalement triompher. PE 230 2 L'ange vint du ciel vers Jean dans toute sa majesté; son visage reflétait la gloire de Dieu. Il révéla à l'apôtre des scènes d'un intérêt palpitant concernant l'histoire de l'Eglise de Dieu, et fit passer devant lui les luttes périlleuses que devraient affronter les disciples du Christ. Jean vit ces derniers passer par des épreuves cruelles, blanchis et éprouvés, et, finalement, victorieux, sauvés glorieusement dans le royaume de Dieu. La face de l'ange était radieuse de joie pendant qu'il montrait à Jean le triomphe de l'Eglise de Dieu. Lorsque l'apôtre contempla la délivrance finale de cette dernière, il fut transporté par la gloire de la scène, et c'est avec une profonde révérence et admiration qu'il tomba aux pieds de l'ange pour l'adorer. Le messager céleste le releva instantanément, et lui dit: "Garde-toi de le faire! Je suis ton compagnon de service, et celui de tes frères qui ont le témoignage de Jésus. Adore Dieu. -- Car le témoignage de Jésus est l'esprit de la prophétie." L'ange montra alors à Jean la céleste cité dans toute sa splendeur. Transporté et comme accablé par tout ce qu'il voyait, l'apôtre, oubliant l'avertissement de l'ange, tomba à nouveau à ses pieds pour l'adorer. Il entendit le même doux reproche: "Garde-toi de le faire! Je suis ton compagnon de service, et celui de tes frères les prophètes, et de ceux qui gardent les paroles de ce livre. Adore Dieu." PE 231 1 Des prédicateurs et des membres d'église ont considéré l'Apocalypse comme un livre mystérieux, et de moindre importance que d'autres parties de l'Ecriture. Mais j'ai vu que ce livre était vraiment une révélation donnée spécialement pour le bien de ceux qui vivaient dans les derniers jours, pour les guider dans l'accomplissement de leurs devoirs. Dieu dirigea William Miller dans l'étude des prophéties; il lui donna de grandes lumières sur l'Apocalypse. PE 231 2 Si les visions de Daniel avaient été comprises, on aurait mieux saisi le sens des visions de Jean. Mais au moment voulu, Dieu agit sur le serviteur qu'il avait choisi. Celui-ci, avec clarté et par la puissance du Saint-Esprit, expliqua les prophéties, et montra l'harmonie qui existe entre les visions de Daniel et celles de Jean, ainsi qu'avec d'autres passages de la Bible. Il fit impression sur les coeurs en présentant les avertissements sacrés et terribles de la Parole au sujet de notre préparation pour la venue du Fils de l'homme. Il se produisit dans l'esprit de ceux qui entendirent William Miller une profonde et solennelle conviction. Des pasteurs et une foule de gens, des pécheurs et des incrédules se tournèrent vers le Seigneur et se préparèrent à affronter le jour du jugement. PE 231 3 Les anges de Dieu accompagnaient William Miller dans sa mission. Il fut ferme et inébranlable, proclamant courageusement le message qui lui avait été confié. Un monde qui gisait dans les ténèbres, une Eglise froide, mondaine, c'en était assez pour bander toutes ses énergies et pour lui faire endurer les travaux, les privations et les souffrances dans sa pénible besogne. Bien que combattu par le monde et par ceux qui se disaient chrétiens, bien qu'exposé aux coups de Satan et de ses anges, il ne cessa de prêcher l'Evangile éternel aux foules partout où il était invité à le faire; il fit retentir au près et au loin le cri: "Craignez Dieu, et donnez-lui gloire, car l'heure de son jugement est venue." ------------------------Chapitre 57 -- Le Message du Premier Ange PE 232 2 J'ai vu que Dieu était dans la proclamation du temps, en 1843. C'était son dessein de réveiller les hommes et de les amener à se décider pour ou contre la vérité. Des ministres furent convaincus que l'explication des périodes prophétiques était correcte, et quelques-uns renoncèrent à leur orgueil, à leurs traitements et à leurs églises pour aller de lieu en lieu proclamer le message. Mais comme ce message ne toucha le coeur que d'un très petit nombre des soi-disant ministres du Christ, l'oeuvre fut accomplie par beaucoup de croyants qui n'avaient pas le titre de prédicateur. Quelquesuns abandonnèrent leurs champs pour proclamer le message, alors que d'autres furent tirés de leurs ateliers et de leurs entreprises commerciales. Et même des hommes furent obligés de quitter des professions libérales pour s'engager dans l'oeuvre impopulaire de la proclamation du message du premier ange. PE 232 3 Des ministres abandonnèrent leurs idées et leurs sentiments sectaires et s'unirent pour proclamer la venue de Jésus. Partout où le message était prêché, il émouvait les gens. Les pécheurs se repentaient, versaient des larmes et priaient pour obtenir le pardon de leurs péchés; ceux qui avaient commis des actes malhonnêtes s'empressaient de réparer, dans la mesure du possible, le tort qu'ils avaient fait. Les parents se sentaient remplis de sollicitude à l'égard de leurs enfants. Ceux qui acceptaient le message travaillaient à la conversion de leurs amis et de leurs parents. Convaincus de l'importance de ce message solennel, ils les conjuraient de se préparer pour la venue du Fils de l'homme. Il fallait être désespérément endurci pour ne pas céder à l'évidence qui accompagnait ces témoignages. Cette oeuvre purificatrice détournait les affections des choses du monde pour les reporter sur les choses divines, comme on ne l'avait jamais vu auparavant. PE 233 1 Des milliers de personnes acceptèrent la vérité par la prédication de William Miller. Des serviteurs de Dieu, animés de l'esprit et de la puissance d'Elie, proclamèrent le message. Comme Jean-Baptiste, le précurseur de Jésus, ceux qui prêchaient ce message solennel se sentaient poussés à mettre la cognée à la racine des arbres, et à inviter les hommes à porter des fruits dignes de la repentance. Leur témoignage était de nature à réveiller les églises, à les stimuler puissamment, et à manifester leur caractère réel. Et lorsque fut donné l'avertissement solennel de fuir la colère à venir, un grand nombre de ceux qui faisaient partie des églises reçurent ce message salutaire. Ils se rendirent compte de leurs manquements, et avec les larmes amères de la repentance, ils s'humilièrent devant Dieu. L'Esprit du Seigneur reposant sur eux, ils aidèrent à faire retentir le cri: "Craignez Dieu, et donnez-lui gloire; car l'heure de son jugement est venue!" PE 233 2 La prédiction d'une date déterminée concernant la fin suscita une grande opposition parmi toutes les classes de la société, depuis le pasteur du haut de la chaire jusqu'au dernier des pécheurs endurcis. "Pour ce qui est du jour et de l'heure, personne ne le sait", disaient le ministre hypocrite et le moqueur téméraire. Aucun d'eux ne voulait être instruit et corrigé par ceux qui indiquaient l'année où ils croyaient que se termineraient les périodes prophétiques, et faisaient remarquer les signes de la proximité de la venue du Christ. Beaucoup de pasteurs, qui professaient aimer Jésus, affirmaient qu'ils ne voyaient aucun inconvénient à la prédication du retour du Christ, mais qu'ils s'opposaient à la fixation d'une date déterminée. Dieu dont l'oeil voit tout lisait dans les coeurs. Ces gens n'aimaient pas que l'on dise que Jésus était proche. Ils savaient que leur conduite antichrétienne ne pourrait supporter l'épreuve, car ils ne suivaient pas l'humble sentier indiqué par lui. Ces faux bergers paralysaient l'oeuvre de Dieu. La vérité proclamée avec une puissance convaincante émouvait les gens, et, comme le geôlier de Philippe, ils commençaient à demander: "Que faut-il que je fasse pour être sauvé?" Mais ces pasteurs se plaçaient entre la vérité et le peuple, et ils lui prêchaient des choses agréables pour le détourner de la vérité. Ils se joignaient à Satan et à ses anges pour dire: "Paix, paix", alors qu'il n'y avait point de paix. Ceux qui aimaient leurs aises et ne se souciaient pas d'être en communion avec Dieu, restèrent dans leur sécurité charnelle. Je vis que les anges de Dieu remarquaient tout cela; les vêtements de ces bergers non consacrés étaient couverts du sang des pécheurs. PE 234 1 Les ministres qui refusèrent d'accepter ce message salutaire empêchèrent les autres de le recevoir. Le sang de leurs semblables était sur eux. Ils s'unirent au peuple pour persécuter William Miller et ses associés. De faux bruits circulèrent dans le but de nuire à son influence. Maintes fois, alors qu'il présentait avec force le conseil de Dieu et expliquait à ses auditeurs des vérités tranchantes, il soulevait la rage de quelques-uns, qui l'attendaient à la sortie pour lui faire un mauvais coup. Mais des anges de Dieu le protégeaient, et le conduisaient en lieu sûr; car son oeuvre n'était pas encore achevée. PE 234 2 Les plus pieux accueillaient le message avec joie, et reconnaissaient qu'il venait de Dieu et qu'il était proclamé au temps voulu. Les anges suivaient avec le plus profond intérêt le résultat de la prédication du message céleste. Lorsque les églises le rejetèrent, ils allèrent tristement vers Jésus pour le consulter. Le Sauveur détourna sa face des églises, et ordonna à ses anges de veiller soigneusement sur les âmes précieuses qui n'avaient pas rejeté le message, car une autre lumière allait luire pour elles. PE 235 1 J'ai vu que si ceux qui se disaient chrétiens avaient aimé l'apparition du Sauveur, s'ils avaient placé sur lui leurs affections et eu le sentiment que nul ici-bas ne pouvait lui être comparé, ils auraient accueilli avec joie la première proclamation de sa venue. Mais le mécontentement qu'ils manifestèrent en entendant parler de cette venue, prouvait péremptoirement qu'ils ne l'aimaient pas. Satan et ses anges triomphaient; ils jetèrent à la face du Christ et de ses saints anges que ceux qui se disaient chrétiens avaient si peu d'amour pour leur Sauveur qu'ils ne désiraient nullement son second avènement. PE 235 2 J'ai vu les enfants de Dieu attendre avec joie la venue du Seigneur et se préparer à cet événement. Dieu voulut les éprouver. Sa main couvrit une erreur commise au moment de calculer les périodes prophétiques. Ceux qui attendaient leur Seigneur ne virent pas cette erreur. Elle ne fut pas remarquée non plus par les plus savants de ceux qui s'opposaient à la fixation de la date. Dieu voulait que son peuple fît face à une déception; le temps passa, et le Seigneur ne vint pas. Alors ceux qui avaient attendu l'avènement avec tant de joie furent attristés et abattus. Ceux qui n'avaient pas aimé cette apparition du Sauveur, qui avaient accepté le message par crainte, furent tout heureux de ce qu'elle ne se soit pas produite au moment où on l'avait attendue. Leur profession de foi n'avait pas touché leurs coeurs, ni purifié leur vie. Ce passage du temps fixé était bien propre à révéler leurs sentiments réels. Ils furent les premiers à tourner en ridicule les chrétiens affligés et déçus qui avaient aimé réellement l'apparition de leur Maître. J'ai vu la sagesse de Dieu en éprouvant son peuple et en lui donnant ainsi une pierre de touche qui lui permettrait de reconnaître ceux qui faibliraient et tourneraient le dos à l'heure de la tentation. PE 236 1 Jésus et toute l'armée céleste regardaient avec sympathie et amour ceux qui s'étaient attachés à la douce espérance de voir bientôt celui qu'ils aimaient. Les anges planaient autour d'eux, afin de les soutenir à l'heure de l'épreuve. Ceux qui avaient refusé de recevoir le message céleste furent laissés dans les ténèbres. La colère de Dieu s'alluma contre eux, parce qu'ils n'avaient pas voulu recevoir la lumière qui leur avait été envoyée du ciel. PE 236 2 Les chrétiens fidèles, profondément déçus, ne pouvaient comprendre pourquoi leur Seigneur n'était pas revenu; mais ils ne furent pas laissés dans les ténèbres. Ils se remirent à l'étude de leur Bible et approfondirent leur étude des périodes prophétiques. La main du Seigneur découvrit les chiffres qu'elle cachait et l'erreur fut expliquée. Les fidèles virent que la période prophétique allait jusqu'en 1844, et que les mêmes arguments qu'ils avaient présentés pour montrer qu'elle se terminait en 1843, prouvaient qu'elle devait se terminer en 1844. La lumière de la Parole de Dieu éclaira leur point de vue; ils découvrirent qu'il devait y avoir un retard: "Si elle [la prophétie] tarde, attends-la." Dans leur amour pour la venue immédiate du Christ, ils avaient perdu de vue ce retard de la prophétie, calculé pour éprouver ceux qui attendaient. Ils fixèrent donc à nouveau une date. Cependant, je vis que beaucoup d'entre eux n'arrivaient pas à surmonter leur amer désappointement, à posséder le même zèle et la même énergie qui avaient caractérisé leur foi en 1843. PE 236 3 Satan et ses anges triomphaient. Ceux qui refusaient de recevoir le message se félicitaient de la prévoyance et de la sagesse dont ils avaient fait preuve en ne tombant pas dans cette illusion, comme ils l'appelaient. Ils ne se rendaient pas compte qu'ils rejetaient le conseil de Dieu, qu'ils travaillaient avec Satan et ses anges à jeter dans la perplexité le peuple de Dieu qui vivait selon le message qu'il avait reçu du ciel. PE 237 1 Ceux qui reçurent ce message furent opprimés dans les églises. Pendant un certain temps les hommes qui ne voulaient pas recevoir le message n'osèrent pas découvrir les sentiments qui les animaient. Mais après un certain temps, ils révélèrent ces sentiments. Ils voulurent alors réduire au silence le témoignage que ceux qui attendaient le Christ se sentaient obligés de rendre, à savoir que les périodes prophétiques s'étendaient jusqu'en 1844. Leurs adversaires ne pouvaient produire aucun argument contre les raisons solides qu'ils présentaient. Cependant les églises s'irritèrent; elles étaient résolues à ne pas se rendre à l'évidence et à fermer leurs portes au message, en sorte que d'autres ne puissent l'entendre. Ceux qui osèrent parler de la lumière que le Seigneur leur avait communiquée furent chassés des églises. Mais Jésus fut avec eux; ils se réjouirent d'avoir son approbation. Ils étaient ainsi préparés à recevoir le message du second ange. ------------------------Chapitre 58 -- Le Message du Second Ange PE 237 3 Les églises ayant rejeté le message du premier ange, elles refusèrent d'accepter la lumière céleste et perdirent la faveur de Dieu. Elles mirent leur confiance dans leurs propres forces. En s'opposant au premier message, elles se placèrent dans une condition telle qu'il leur fut impossible d'être éclairées par le message du second ange. Mais les bien-aimés de Dieu, opprimés, acceptèrent le message: "Babylone est tombée", et ils quittèrent les églises. PE 237 4 Au moment où s'approchait la fin de la proclamation du message du second ange, je vis une grande lumière qui resplendissait du ciel sur le peuple de Dieu. Les rayons de cette lumière paraissaient aussi brillants que ceux du soleil. J'entendis la voix des anges criant: "Voici l'époux, allez à sa rencontre!" PE 238 1 C'était le cri de minuit, qui devait donner de la puissance au message du second ange. Des anges étaient envoyés du ciel pour relever les saints découragés, et pour les préparer à la grande oeuvre qui les attendait. Les hommes les mieux doués ne furent pas les premiers à recevoir ce message. Les anges allèrent vers les croyants les plus humbles et les contraignirent de faire entendre le cri: "Voici l'époux, allez à sa rencontre!" PE 238 2 Ceux à qui le message avait été confié se hâtèrent de le proclamer par la puissance du Saint-Esprit, et stimulèrent leurs frères découragés. Cette oeuvre ne provenait pas de la sagesse et de la science des hommes, mais de la puissance divine. Les saints qui entendirent le cri ne purent y résister. Ce furent d'abord les plus spirituels qui acceptèrent le message; certains qui avaient été à la tête de l'oeuvre furent les derniers à s'écrier: "Voici l'époux, allez à sa rencontre!" PE 238 3 Dans toutes les parties du pays, la lumière resplendit sur le message du second ange, et ce cri émut des milliers de personnes. On l'entendit de ville en ville et de village en village, jusqu'à ce que tous les enfants de Dieu, dans l'attente, fussent touchés. Dans de nombreuses églises, il ne fut pas permis de prêcher le message, et beaucoup de personnes qui avaient le témoignage vivant abandonnèrent les églises déchues. Une oeuvre puissante fut accomplie par le cri de minuit. Le message sondait les coeurs, et amenait les croyants à rechercher une piété réelle, personnelle. Ils savaient qu'ils ne pouvaient pas s'appuyer les uns sur les autres. PE 238 4 Les saints, anxieux, attendaient le Seigneur dans le jeûne, dans les veilles, et dans des prières presque constantes. Certains pécheurs considéraient l'avenir avec effroi; mais la grande masse manifestait l'esprit de Satan par son opposition au message. Ces gens se moquaient de la vérité, la tournaient en ridicule, et répétaient partout: "Pour ce qui est du jour et de l'heure, personne ne le sait." Les mauvais anges les poussaient à endurcir leurs coeurs, et à rejeter tout rayon de lumière céleste, afin de pouvoir les prendre dans le piège de Satan. Un grand nombre de personnes qui prétendaient attendre la venue du Christ n'avaient aucune part dans la proclamation du message. La gloire de Dieu dont elles avaient été témoins, l'humilité et la profonde piété de ceux qui attendaient la venue de leur Maître, les preuves les plus convaincantes, tout cela les conduisit à déclarer qu'elles acceptaient la vérité; mais en réalité ces gens n'étaient pas convertis; ils n'étaient pas prêts pour la venue du Seigneur. PE 239 1 Partout les saints étaient remplis d'un fervent esprit de prière. Une sainte solennité les dominait. Les anges observaient avec le plus profond intérêt les effets du message; ils élevaient ceux qui l'acceptaient, et les éloignaient des choses terrestres pour leur faire obtenir une abondante mesure de grâce à la source du salut. Dieu regardait ses enfants avec faveur, et Jésus était heureux de voir son image se refléter en eux. Ils faisaient un sacrifice total, avaient une consécration sans réserve, et s'attendaient à revêtir l'immortalité. Mais de nouveau ils devaient être amèrement déçus. Le moment où ils attendaient la délivrance s'écoula, et ils étaient toujours sur la terre. Jamais les effets de la malédiction ne leur parurent si visibles. Ils avaient mis toutes leurs affections dans les choses du ciel, et, dans une douce anticipation, avaient goûté l'immortelle délivrance. Mais leurs espérances ne se réalisèrent pas. PE 239 2 La crainte qui avait saisi beaucoup de gens ne disparut pas en un jour. Ils n'exultèrent pas immédiatement de voir les chrétiens désappointés. Mais aucun signe de la colère de Dieu ne paraissant, ils revinrent de leur frayeur, et commencèrent à ridiculiser les enfants de Dieu. Ceux-ci connurent à nouveau l'épreuve. Le monde les raillait et les couvrait d'opprobre. Ceux qui avaient été persuadés que Jésus reviendrait pour ressusciter les morts et translater les vivants, afin de les introduire à toujours dans son royaume, manifestaient les mêmes sentiments que les disciples au sépulcre du Christ: "Ils ont enlevé mon Seigneur, et je ne sais où ils l'ont mis." ------------------------Chapitre 59 -- Le mouvement adventiste illustre PE 240 1 J'ai vu un certain nombre de groupes de gens qui semblaient liés ensemble par des cordes. Plusieurs d'entre eux étaient dans de profondes ténèbres; leurs yeux étaient dirigés vers la terre, et il ne paraissait y avoir entre eux et Jésus aucun rapport. Mais, dispersées parmi ces groupes, il y avait des personnes dont le visage semblait lumineux et qui fixaient en haut leurs regards. Des rayons de lumière venaient de Jésus, pareils à ceux du soleil, et les illuminaient. Un ange me dit de regarder attentivement, et je vis un autre ange qui veillait sur chacun de ceux qui avaient un rayon de lumière, tandis que les mauvais anges entouraient ceux qui étaient dans les ténèbres. J'entendis un ange crier: "Craignez Dieu, et donnez-lui gloire, car l'heure de son jugement est venue!" PE 241 2 Une lumière éclatante se posait sur ces groupes, et éclairait tous ceux qui la recevaient. D'aucuns qui étaient dans les ténèbres reçurent la lumière et s'en réjouirent. D'autres résistèrent à cette lumière, prétextant qu'elle n'avait pour but que de les égarer. La lumière passa donc loin d'eux, et ils furent plongés dans les ténèbres. Ceux qui avaient reçu la lumière de Jésus l'appréciaient hautement. Leurs visages rayonnaient d'une sainte joie, tandis que leurs regards étaient dirigés vers Jésus. Leurs voix s'unissaient à celle de l'ange: "Craignez Dieu, et donnez-lui gloire; car l'heure de son jugement est venue!" PE 241 1 Lorsqu'ils faisaient entendre ce cri, je vis que ceux qui étaient dans les ténèbres les poussaient violemment des épaules et des côtés. Alors beaucoup de ceux qui appréciaient la lumière sacrée rompirent les cordes qui les liaient et se séparèrent ainsi de ces gens. Lorsqu'ils firent cela, des hommes appartenant à différents groupes et révérés par eux passèrent par là, quelques-uns en prononçant des paroles aimables, d'autres des paroles déplaisantes et faisant des gestes menaçants: ils resserrèrent les cordes qui se relâchaient. Ces hommes disaient constamment: "Dieu est avec nous; nous sommes dans la lumière; nous avons la vérité." Je demandai qui étaient ces hommes. On me répondit que c'étaient des ministres et des dirigeants qui étaient à la tête de ceux qui avaient rejeté la lumière et qui ne voulaient pas que d'autres la reçoivent. PE 241 2 J'ai vu ceux qui avaient reçu la lumière; ils levaient les yeux au ciel, attendant avec un ardent désir que Jésus vienne les prendre avec lui. Bientôt une nuée les couvrit, et leurs visages furent attristés. Je demandai la raison de cette nuée; il me fut montré que c'était leur désappointement. Le moment où ils attendaient leur Sauveur était passé, et Jésus n'était pas venu. Devant leur découragement, les ministres et les hommes influents que j'avais remarqués auparavant se réjouirent, et tous ceux qui avaient rejeté la lumière triomphèrent, tandis que Satan et ses anges exultaient. PE 241 3 Puis j'entendis la voix d'un autre ange qui disait: "Babylone est tombée!" Une lumière luisait sur ceux qui étaient découragés; ils désiraient ardemment voir l'apparition de Jésus, et ils fixaient leurs yeux en haut. Je vis des anges qui parlaient avec celui qui avait crié: "Babylone est tombée", et ils s'unirent avec lui pour s'écrier: "Voici l'époux, allez à sa rencontre!" Les voix mélodieuses de ces anges semblaient résonner partout. Une lumière éclatante, glorieuse, resplendissait autour de ceux qui avaient apprécié la vérité qui leur avait été impartie. Leurs visages étaient radieux, et ils s'unissaient à la voix des anges pour crier: "Voici l'époux!" Tandis que ce cri montait harmonieusement des différents groupes, ceux qui avaient rejeté la lumière bousculaient ces chrétiens, les tournaient en dérision et les regardaient avec mépris. Mais des anges de Dieu étendaient leurs ailes sur ceux qui étaient ainsi persécutés, tandis que Satan et ses anges s'efforçaient d'amasser leurs ténèbres autour d'eux, afin de leur faire rejeter la lumière céleste. PE 242 1 J'entendis ensuite une voix qui disait à ceux qui avaient été bousculés et ridiculisés: "Sortez du milieu d'eux, et ne touchez pas à ce qui est impur." Pour obéir à cette voix, un grand nombre d'entre eux rompirent les cordes qui les attachaient à leurs persécuteurs, et quittèrent les groupes qui étaient dans les ténèbres pour rejoindre les fidèles qui avaient déjà repris leur liberté, et ils unirent joyeusement leurs voix aux leurs. J'entendis quelques-uns qui restaient encore dans les groupes entourés de ténèbres élever la voix dans des prières ferventes. Les ministres et les hommes influents faisaient le tour des différents groupes, resserrant les cordes plus solidement; mais j'entendais toujours ces prières. Puis je vis que ceux qui priaient pour recevoir de l'aide tendaient leurs mains vers le groupe libéré, se réjouissant dans le Seigneur. On leur répondit, en leur montrant le ciel: "Sortez du milieu d'eux, séparez-vous." Je vis des personnes lutter individuellement pour obtenir la liberté; enfin, elles rompirent les cordes qui les retenaient, résistèrent aux efforts qui étaient faits pour serrer les cordes plus solidement, et refusèrent d'écouter les assertions répétées: "Dieu est avec nous. Nous avons la vérité." PE 242 2 Des personnes quittaient continuellement les groupes qui étaient dans les ténèbres pour se joindre au groupe qui était libre et semblait être dans un lieu élevé au-dessus de la terre. Les regards de ceux qui composaient ce dernier groupe étaient dirigés vers le ciel, la gloire de Dieu reposait sur eux, et ils chantaient ses louanges. Ils étaient très unis, et paraissaient enveloppés de la lumière céleste. Autour de ce groupe se tenaient quelques personnes qui subissaient l'influence de la lumière, mais qui n'étaient pas particulièrement unies au groupe. Tous ceux qui aimaient la lumière qui luisait sur eux regardaient en haut avec un profond intérêt, et Jésus jetait sur eux un regard de douce approbation. Ils attendaient sa venue et languissaient en pensant à cette apparition. Aucun de leurs regards ne s'attardait sur cette terre. Mais de nouveau une nuée enveloppa ceux qui attendaient et je les vis tourner leurs yeux fatigués vers le sol. Je demandai la raison de ce changement. L'ange qui m'accompagnait me répondit: "Ils sont de nouveau déçus dans leur attente. Jésus ne peut pas encore venir sur la terre. Ils doivent supporter de plus grandes épreuves pour lui. Ils doivent abandonner les erreurs et les traditions des hommes, et se tourner résolument vers Dieu et sa Parole. Ils doivent être purifiés, blanchis et éprouvés. Ceux qui triompheront de cette épreuve amère obtiendront une victoire éternelle." PE 243 1 Jésus ne revint pas ici-bas pour purifier le sanctuaire en purifiant la terre par le feu, comme l'attendait le joyeux groupe de croyants. J'ai vu que l'explication que donnaient ces croyants était correcte en ce qui concernait les périodes prophétiques. Le temps fixé se terminait en 1844, et Jésus est entré dans le lieu très saint pour purifier le sanctuaire à la fin des jours. Leur erreur provenait du fait qu'ils n'avaient pas compris ce qu'était le sanctuaire ni la nature de sa purification. Je regardai de nouveau le groupe dans l'attente, désappointé, et ceux qui le composaient me parurent tristes. Ils examinaient sérieusement les preuves de leur foi, ainsi que les calculs des périodes prophétiques, et ils n'y découvraient pas d'erreurs. Le temps était accompli, mais où était leur Sauveur? Ils l'avaient perdu. PE 243 2 Il me fut montré le désappointement des disciples quand ils se rendirent au sépulcre et ne trouvèrent pas le corps de Jésus. Marie dit: "Ils ont enlevé mon Seigneur, et je ne sais où ils l'ont mis." Les anges dirent aux disciples éplorés que leur Seigneur était ressuscité et qu'il les précédait en Galilée. PE 244 1 De la même manière je vis que Jésus regardait avec la compassion la plus profonde ceux qui avaient été désappointés lorsqu'ils attendaient sa venue. Il envoya ses anges pour diriger leurs esprits, afin qu'ils puissent le suivre où il était. Il leur montra que cette terre n'est pas le sanctuaire, mais qu'il devait entrer dans le lieu très saint du sanctuaire céleste pour faire l'expiation en faveur de ses enfants et pour recevoir le royaume de son Père. Ensuite il reviendra sur la terre et il les prendra avec lui pour toujours. Le désappointement des premiers disciples représente le désappointement de ceux qui attendaient leur Seigneur en 1844. PE 244 2 Je fus ramenée au temps où le Christ entrait triomphalement à Jérusalem. Les disciples, dans la joie, croyaient qu'il allait s'emparer du royaume et régner comme prince temporel. Ils suivaient donc leur Roi dans cet espoir. Ils coupèrent des branches de palmiers, étendirent sur son chemin leurs vêtements. Quelques-uns marchaient devant lui, d'autres le suivaient, en criant: "Hosanna au Fils de David! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur! Hosanna dans les lieux très hauts!" La scène déplut aux pharisiens, et ils demandèrent à Jésus de faire taire ses disciples. Mais Jésus leur répondit: "S'ils se taisent, les pierres crieront." La prophétie de Zacharie 9:9 devait être accomplie; mais les disciples n'en eurent pas moins un amer désappointement. Peu de jours après ils suivirent Jésus au Calvaire, et le virent ensanglanté et cloué sur une croix. Ils furent témoins de son agonie et de son ensevelissement. Leurs coeurs furent ulcérés; leurs espérances ne se réalisèrent pas comme ils l'avaient pensé. Ces espérances moururent avec Jésus. Mais lorsque le Sauveur ressuscita et apparut à ses disciples attristés, leurs espérances renaquirent. Ils l'avaient retrouvé. PE 245 1 J'ai vu que le désappointement de ceux qui croyaient à la venue du Seigneur en 1844 n'égalait pas celui des premiers disciples. La prophétie s'était accomplie dans le premier et le second message. Ceux-ci furent donnés au temps voulu et firent l'oeuvre que Dieu désirait qu'ils fassent. ------------------------Chapitre 60 -- Une autre illustration PE 245 2 Il me fut montré tout l'intérêt que le ciel porte à l'oeuvre qui s'accomplit sur la terre. Jésus donna à un ange puissant la mission de descendre ici-bas pour avertir les hommes et les préparer pour sa seconde venue. Quand l'ange quitta la présence de Jésus dans les cieux, une lumière éclatante et glorieuse le précédait. Il me fut dit que sa mission consistait à éclairer la terre de sa gloire, et à avertir les hommes du déchaînement de la colère de Dieu. Des multitudes recevaient la lumière. D'aucuns semblaient être très graves, tandis que d'autres étaient ravis et pleins de joie. Tous ceux qui recevaient la lumière tournaient leurs visages vers le ciel, et glorifiaient Dieu. Mais bien que cette lumière fût répandue sur tous, quelques-uns ne firent que sentir son influence, et ne la reçurent pas de bon coeur. Beaucoup furent animés d'une grande colère. Les ministres et le peuple s'unirent pour résister à la lumière répandue par l'ange puissant. Mais tous ceux qui la reçurent se séparèrent du monde et furent très unis les uns aux autres. PE 245 3 Satan et ses anges étaient très occupés à détourner de la lumière les esprits du plus grand nombre possible. Le groupe qui la rejeta fut laissé dans les ténèbres. Je vis que l'ange de Dieu observait avec un profond intérêt ceux qui professaient faire partie de son peuple, pour enregistrer le caractère qu'ils développaient alors que le message d'origine céleste leur était présenté. Et comme un très grand nombre de ceux qui professaient aimer Jésus se détournaient du message céleste, s'en moquaient et le détestaient, un ange, ayant un parchemin dans la main, enregistrait ces honteux agissements. Tout le ciel était rempli d'indignation en voyant que Jésus était ainsi dédaigné par ceux qui se disaient ses disciples. PE 246 1 J'ai vu le désappointement qu'éprouvèrent ceux qui, pleins de confiance, attendaient leur Seigneur, mais ne purent le voir. C'était dans les desseins de Dieu de cacher le futur, et d'amener son peuple à prendre une décision. Sans la prédication d'une date précise sur la venue du Christ, l'oeuvre désignée par Dieu n'aurait pas été accomplie. Satan faisait croire aux hommes qu'il fallait regarder dans un avenir lointain pour voir les grands événements se rapportant au jugement et à la fin du temps de grâce. Il était donc nécessaire que les hommes soient amenés à faire une préparation immédiate en vue de cet événement. PE 246 2 La date passée, ceux qui n'avaient pas pleinement reçu la lumière de l'ange s'unirent avec les hommes qui avaient méprisé le message et tournèrent en ridicule ceux qui avaient été déçus. Les anges notèrent la situation des soi-disant disciples du Christ. Le passage du temps défini avait montré ce qu'ils étaient en réalité; beaucoup furent pesés dans la balance et trouvés trop légers. Ils professaient être chrétiens, mais ils ne suivaient pas le Christ. Satan était plein de joie en voyant l'état de ces soi-disant disciples de Jésus. Il les avait fait tomber dans ses pièges; il avait amené la majorité d'entre eux à abandonner le droit sentier, et ils essayaient de monter au ciel par un autre chemin. Les anges virent que ceux qui étaient purs et saints étaient mélangés dans Sion avec les pécheurs et les hypocrites qui aimaient le monde. Ils avaient veillé sur les vrais disciples de Jésus; mais ceux qui étaient corrompus affectaient les saints. Ceux dont le coeur brûlait de l'ardent désir de voir Jésus ne pouvaient parler de sa venue, car leurs soi-disant frères le leur défendaient. Les anges voyaient la scène et sympathisaient avec le "reste" qui aimait l'apparition du Seigneur. PE 247 1 Un autre ange puissant reçut la mission de descendre sur la terre. Jésus plaça dans sa main un écrit, et arrivé ici-bas il cria: "Elle est tombée, elle est tombée, Babylone!" Puis je vis ceux qui étaient désappointés lever à nouveau les yeux vers le ciel, dans l'espoir de voir l'apparition de leur Seigneur. Mais plusieurs paraissaient hébétés, comme s'ils dormaient; cependant je pouvais voir les traces de leur profonde tristesse sur leurs visages. Ils virent par les Ecritures qu'ils étaient dans une période de retard et devaient attendre patiemment l'accomplissement de la prophétie. Les mêmes preuves qui les avaient conduits à attendre leur Seigneur en 1843, les conduisaient maintenant à l'attendre en 1844. Cependant je vis que la majorité ne possédait plus l'énergie qui avait caractérisé leur foi en 1843. Leur désappointement avait ébranlé cette dernière. PE 247 2 Lorsque le peuple de Dieu s'unit au second ange, l'armée céleste nota avec l'intérêt le plus profond l'effet du message. Elle vit beaucoup de ceux qui se disaient chrétiens tourner en dérision ceux qui avaient été désappointés. Des paroles comme celles-ci tombaient de leurs lèvres: "Vous n'êtes pas encore montés!" Un ange écrivait tout cela. L'ange me dit: "Ils se moquent de Dieu." Un cas semblable de l'ancien temps me fut rappelé. Elie avait été enlevé au ciel, et son manteau était tombé sur les épaules d'Elisée. Alors de méchants jeunes gens qui avaient appris de leurs parents à mépriser l'homme de Dieu, suivirent Elisée et se moquèrent de lui, en criant: "Monte, chauve! Monte, chauve!" En insultant ainsi son serviteur, ils insultaient Dieu lui-même, et ils furent punis en conséquence. C'est ainsi que ceux qui ont tourné en ridicule l'ascension des saints seront visités par la colère de Dieu, et devront reconnaître qu'on ne plaisante pas avec le Seigneur. PE 247 3 Jésus ordonna à d'autres anges de voler rapidement vers les enfants de Dieu, afin de fortifier leur foi chancelante, de les préparer à comprendre le message du second ange et le changement important qui devait avoir lieu dans le ciel. Je vis ces anges recevoir de Jésus une grande puissance et une grande lumière, et voler rapidement sur la terre pour accomplir leur mandat: aider dans sa tâche le second ange. Une grande lumière resplendit sur les enfants de Dieu lorsque les anges s'écrièrent: "Voici l'époux, allez à sa rencontre!" Je vis alors les désappointés se lever et proclamer en harmonie avec le second ange: "Voici l'époux, allez à sa rencontre!" La lumière des anges dissipa les ténèbres partout. Satan et ses anges s'efforçaient d'empêcher cette lumière de se répandre et d'obtenir son effet déterminé. Ils contestèrent avec les anges du ciel, leur disant que Dieu avait trompé le peuple, et qu'avec toute leur lumière et leur puissance, ils ne feraient pas croire au monde que le Christ reviendrait. Mais malgré les efforts de Satan pour détourner les esprits de la lumière, les anges de Dieu continuaient leur oeuvre. PE 248 1 Ceux qui recevaient la lumière paraissaient très heureux. Ils continuaient à regarder vers le ciel, dans l'espoir de voir apparaître Jésus. Quelques-uns étaient dans une grande détresse; ils pleuraient et priaient. Leurs yeux semblaient être fixés sur eux-mêmes, et ils n'osaient pas regarder en haut. Une lumière venue du ciel perça les ténèbres qui les entouraient; leurs yeux, qu'ils avaient fixés sur eux-mêmes, dans leur désespoir, se tournèrent vers le ciel, tandis qu'une sainte joie se lisait sur leurs visages. Jésus et toute l'armée angélique jetaient un regard d'approbation sur ces fidèles enfants de Dieu dans l'attente. PE 248 2 Ceux qui rejetèrent et combattirent la lumière du message du premier ange, furent privés de la lumière du second, et ne purent profiter de la puissance et de la gloire qui accompagnèrent le message: "Voici l'époux, allez à sa rencontre!" Jésus se détourna d'eux avec sévérité; car ils lui avaient manqué d'égard et l'avaient rejeté. Ceux qui reçurent le message étaient environnés d'une nuée de gloire; ils craignaient d'offenser Dieu; ils attendaient, veillaient et priaient pour connaître sa volonté. Je vis que Satan et ses anges cherchaient à détourner cette lumière divine du peuple de Dieu; mais aussi longtemps que ceux qui étaient dans l'attente aimaient cette lumière et continuaient à fixer leurs regards en haut, vers Jésus, Satan n'avait aucun pouvoir pour les priver de ces précieux rayons. Le message qui venait du ciel rendait furieux Satan et ses anges, et conduisit ceux qui professaient aimer Jésus, mais méprisaient sa venue, à se moquer des fidèles enfants de Dieu. Mais un ange notait chaque insulte, chaque légèreté, chaque mauvais traitement dont étaient l'objet les enfants de Dieu de la part de leurs soidisant frères. PE 249 1 Un très grand nombre élevèrent la voix pour s'écrier: "Voici l'époux, allez à sa rencontre!" Ils abandonnèrent leurs frères qui n'aimaient pas l'apparition de Jésus, et ne voulaient pas leur permettre d'insister sur sa seconde venue. Je vis que le Sauveur détournait sa face de ceux qui rejetaient en méprisaient sa venue. Il ordonna à ses anges de séparer son peuple de ceux qui étaient impurs, de peur qu'ils ne soient souillés. Ceux qui obéirent au message furent libérés et unis. Une sainte lumière luisait sur eux. Ils renoncèrent au monde, sacrifièrent leurs intérêts terrestres, abandonnèrent leurs trésors d'ici-bas, et dirigèrent leurs regards vers le ciel, s'attendant à voir apparaître leur bien-aimé Libérateur. Une sainte lumière brillait sur leurs visages, indiquant la paix et la joie qui régnaient en eux. Jésus ordonna à ses anges d'aller vers eux et de les fortifier, car l'heure de l'épreuve approchait. Je vis que ces croyants dans l'attente n'étaient pas encore éprouvés comme ils devaient l'être. Ils n'étaient pas exempts d'erreurs. Je vis la miséricorde et la bonté manifestées par Dieu en envoyant un avertissement aux enfants des hommes, des messages répétés pour les amener à sonder leurs coeurs et à étudier les Ecritures, afin qu'ils puissent se détourner des erreurs reçues des païens et des papistes. Grâce à ces messages Dieu accomplit l'oeuvre de séparer ses enfants du monde, afin qu'ils puissent travailler pour lui avec une grande puissance, et observer tous ses commandements. ------------------------Chapitre 61 -- Le Sanctuaire PE 250 1 Il me fut montré le triste désappointement éprouvé par les enfants de Dieu quand ils ne virent pas apparaître Jésus au moment où ils l'attendaient. Ils ignoraient la raison pour laquelle leur Sauveur n'était pas venu; car ils ne pouvaient découvrir aucune preuve que le temps prophétique n'était pas terminé. L'ange me dit: "La Parole de Dieu a-t-elle failli? Dieu n'a-t-il pas accompli ses promesses? Non! Il a fait tout ce qu'il avait promis. Jésus s'est levé et a fermé la porte du lieu saint du sanctuaire céleste, il a ouvert une porte du lieu très saint, et y est entré pour purifier le sanctuaire. Tous ceux qui attendent patiemment comprendront ce mystère. L'homme s'est trompé, mais il n'y a aucune faute de la part de Dieu. Il a accompli tout ce qu'il avait promis. L'homme a cru par erreur que la terre était le sanctuaire qui devait être purifié à la fin des périodes prophétiques. C'est l'expectative de l'homme, non la promesse de Dieu, qui a failli." PE 250 2 Jésus envoya ses anges pour diriger vers le lieu très saint les esprits de ceux qui étaient désappointés; il y est entré pour purifier le sanctuaire et faire une propitiation spéciale pour Israël. Jésus dit aux anges que tous ceux qui l'y trouveraient comprendraient l'oeuvre qu'il devait accomplir. Je vis que les épousailles de Jésus et de la sainte Jérusalem auraient lieu tandis qu'il était dans le lieu très saint. Lorsqu'il y aura achevé son oeuvre, il descendra sur la terre avec le pouvoir royal et prendra avec lui tous ceux qui ont patiemment attendu son retour. PE 251 1 Il me fut montré ce qui se passa au ciel en 1844, à la fin des périodes prophétiques. Lorsque Jésus acheva son ministère dans le lieu saint et en ferma la porte, de profondes ténèbres entourèrent ceux qui avaient entendu et rejeté les messages de son retour; ils le perdirent de vue. Jésus revêtit alors ses habits précieux. Il y avait autour de la bordure de sa robe une clochette d'or et une grenade, une clochette d'or et une grenade. A ses épaules était suspendu un pectoral artistement travaillé. Lorsqu'il faisait un mouvement, ce pectoral étincelait comme des diamants, faisant ressortir des lettres qui paraissaient comme des noms écrits ou gravés. Il portait sur la tête quelque chose qui ressemblait à une couronne. Une fois vêtu, il fut entouré par les anges, et franchit le second voile dans un chariot de feu. PE 251 2 Je fus alors invitée à remarquer les deux appartements du sanctuaire céleste. Le voile, ou la porte, fut levé, et j'eus la permission d'entrer. Dans le lieu saint, je vis le chandelier d'or avec sept lampes, la table des pains de proposition, l'autel des parfums et l'encensoir. Tous les meubles de cet appartement ressemblaient à de l'or pur, et réfléchissaient l'image de celui qui entrait dans ce lieu. Le rideau qui séparait les deux appartements était de différentes couleurs et de matières diverses, avec une magnifique bordure où se trouvaient des images d'or représentant des anges. Ce rideau, ou voile, fut levé, et je regardai dans le second appartement. J'y vis une arche qui paraissait être faite de l'or le plus fin. Le haut de l'arche avait une bordure travaillée magnifiquement, façonnée en couronnes. Dans l'arche se trouvaient les tables de pierre où étaient gravés les dix commandements. PE 251 3 Deux ravissants chérubins se tenaient de chaque côté de l'arche, avec les ailes étendues au-dessus et venant se toucher un peu plus haut que la tête de Jésus debout devant le propitiatoire. Leurs faces étaient tournées l'une contre l'autre, le regard dirigé vers l'arche, représentant toute l'armée des anges considérant avec intérêt la loi de Dieu. Entre les chérubins il y avait un encensoir d'or, et alors que les prières des saints, offertes avec foi, parvenaient à Jésus et qu'il les présentait à son Père, une nuée odoriférante se dégageait de l'encens comme une fumée aux couleurs merveilleuses. Audessus de l'endroit où Jésus se tenait, devant l'arche, il y avait une lumière glorieuse si éclatante que je ne pus la regarder. Cela ressemblait au trône de Dieu. Lorsque l'encens montait vers le Père, cette gloire excellente venait du trône jusqu'à Jésus; et de là elle descendait sur ceux dont les prières étaient montées comme un encens d'agréable odeur. La lumière se répandait abondamment sur Jésus; elle couvrait le propitiatoire, et la traînée de gloire remplissait le temple. Je ne pus regarder longtemps cette scène incomparable. Aucune langue au monde ne saurait la décrire. J'étais comme accablée, et je me détournai de cette scène de gloire et de majesté. PE 252 1 Il me fut aussi montré un sanctuaire sur la terre ayant deux appartements. Il ressemblait à celui que j'avais vu au ciel; et il me fut dit qu'il n'en était qu'une image. L'ameublement du premier appartement était semblable à celui du ciel. Le voile fut levé, et je pus jeter un coup d'oeil dans le lieu très saint. J'y vis le même ameublement que dans celui du ciel. Le grand prêtre exerçait son ministère dans les deux appartements du sanctuaire terrestre. Chaque jour il entrait dans le premier, mais seulement une fois par an dans le second, afin de le purifier des péchés qui y avaient été transférés. PE 252 2 Je vis que Jésus exerçait aussi son ministère dans les deux appartements du sanctuaire céleste. Ici-bas les prêtres entraient dans le sanctuaire terrestre en offrant le sang d'un animal pour le péché. Jésus entra dans le sanctuaire céleste par l'offrande de son propre sang. Le grand prêtre du sanctuaire terrestre était remplacé à sa mort; son service se Terminait avec lui. Mais Jésus est Souverain Sacrificateur éternellement. Par leurs sacrifices et les offrandes, les enfants d'Israël devaient s'approprier les mérites de Jésus, du Sauveur à venir. Aussi, dans sa sagesse, Dieu nous a donné des détails à ce sujet, afin que nous puissions, en les considérant, comprendre le ministère de Jésus dans le sanctuaire céleste. PE 253 1 En mourant sur le Calvaire, Jésus s'écria: "Tout est accompli." Le voile du temple se déchira en deux, depuis le haut jusqu'en bas, afin de montrer que les services du sanctuaire terrestre avaient pris fin pour toujours, et que Dieu n'aurait plus à accepter les sacrifices des prêtres. Le sang de Jésus était répandu; il l'offrirait lui-même dans le sanctuaire céleste. De même que le grand prêtre entrait une fois l'an dans le lieu très saint du sanctuaire terrestre pour le purifier, de même Jésus est entré dans le lieu très saint du sanctuaire céleste, à la fin des 2300 jours de Daniel 8, en 1844, afin de faire une propitiation finale pour tous ceux qui pourraient profiter de sa médiation, et purifier ainsi le sanctuaire. ------------------------Chapitre 62 -- Le Message du Troisième Ange PE 254 2 Le ministère de Jésus dans le lieu saint terminé, il passa dans le lieu très saint. Il se présenta devant l'arche contenant la loi de Dieu, et il envoya un ange puissant dans le monde, pour proclamer un troisième message. Un parchemin fut placé dans la main de l'ange, qui descendit sur la terre avec puissance et majesté et donna connaissance d'un avertissement effrayant, accompagné de la plus terrible menace qui ait jamais été faite à l'homme. PE 254 3 Ce message avait pour but de mettre en garde les enfants de Dieu contre les tentations angoissantes qui les attendaient. L'ange me dit: "Ils auront beaucoup à lutter contre la bête et son image. Leur seule espérance de vie éternelle est de rester fermes, bien que leur vie soit en danger, et de demeurer solidement attachés à la vérité." Le troisième ange termina son message par ces mots: "C'est ici la persévérance des saints, qui gardent les commandements de Dieu et la foi de Jésus." En prononçant ces paroles, il montrait le sanctuaire céleste. PE 254 4 Tous les croyants qui acceptent ce message sont appelés à diriger leurs regards vers le lieu très saint où Jésus se tient devant l'arche pour faire l'intercession finale en faveur de tous ceux pour lesquels la grâce subsiste encore et pour ceux qui, par ignorance, ont transgressé la loi de Dieu. Cette propitiation est faite pour les justes qui sont morts aussi bien que pour ceux qui sont encore en vie. Elle embrasse tous ceux qui moururent en se confiant en Christ, mais qui, n'ayant pas connu la vérité au sujet des commandements de Dieu, ont péché par ignorance en transgressant ses préceptes. PE 254 5 Après que Jésus eut ouvert la porte du lieu très saint, la vérité concernant le sabbat fut connue. Les enfants de Dieu furent alors éprouvés, comme autrefois les enfants d'Israël, pour voir s'ils seraient fidèles à la loi de Dieu. Je vis le troisième ange, le bras levé, montrant à ceux qui avaient été désappointés le lieu très saint du sanctuaire céleste. Lorsque par la foi ils entrent dans le lieu très saint, ils trouvent Jésus, et l'espérance et la joie sont de nouveau leur partage. Je les vis regarder en arrière. Ils considéraient le passé, depuis la proclamation du second avènement de Jésus jusqu'à l'expérience qui avait été la leur au passage de la date en 1844. Ils virent leur désappointement expliqué, et la joie et la certitude les ranimèrent. Le troisième ange a éclairé le passé, le présent et l'avenir, et ils savent que Dieu les a certainement dirigés par sa providence mystérieuse. PE 255 1 Il me fut aussi montré comment le "reste" des enfants de Dieu suivaient Jésus dans le lieu très saint, comment ils considéraient l'arche et le propitiatoire, étant captivés par leur gloire. Jésus leva le couvercle de l'arche, et alors ils virent les deux pierres sur lesquelles sont gravés les dix commandements. Ils parcoururent rapidement les saints oracles; mais ils reculèrent en tremblant en voyant le quatrième commandement, au milieu des dix préceptes sacrés, briller d'une lumière plus vive que les neuf autres et entouré d'une auréole de gloire. Rien ne leur indiquait que ce commandement fût aboli ou transféré au premier jour de la semaine. Le commandement était toujours le même que lorsqu'il fut prononcé par Dieu même dans une solennelle et terrible grandeur au milieu des éclairs et des grondements de tonnerre, au mont Sinaï. C'était le même qui fut gravé sur les tables de pierre par le doigt de Dieu: "Tu travailleras six jours, et tu feras tout ton ouvrage, mais le septième jour est le jour de l'Eternel, ton Dieu." Ils s'étonnèrent en voyant le soin dont étaient entourés les dix commandements. Ils les voyaient placés près de Jéhovah, couverts et protégés par sa sainteté. Ils se rendirent compte qu'ils avaient foulé aux pieds le quatrième commandement, et observé un jour transmis par les païens et les papistes, au lieu du jour sanctifié par Jéhovah. Ils s'humilièrent devant Dieu et gémirent sur leurs transgressions. PE 256 1 Je vis la fumée monter de l'encensoir à mesure que Jésus offrait à son Père leurs confessions et leurs prières. Pendant que la fumée de l'encens montait, une lumière éclatante enveloppait le Sauveur et le propitiatoire. Les enfants de Dieu priaient avec ferveur; après avoir découvert qu'ils transgressaient la loi de Dieu, ils furent bénis, et leurs visages s'illuminèrent d'espérance et de joie. Ils prirent part à l'oeuvre du troisième ange et à son avertissement solennel; mais il n'y en eut que peu qui acceptèrent d'abord ce message. Cependant les fidèles continuèrent à le proclamer avec énergie. Je vis ensuite que beaucoup de personnes embrassaient le message du troisième ange, et unissaient leurs voix à celles des croyants qui avaient été les premiers à donner l'avertissement, et ils honoraient le Seigneur en se reposant le jour qu'il avait sanctifié. PE 256 2 Un grand nombre de ceux qui acceptèrent le message du troisième ange n'avaient pas connu les deux premiers. Satan le savait bien; son oeil malin veillait sur eux pour les terrasser; mais le troisième ange dirigea leurs regards vers le lieu très saint du sanctuaire céleste, et ceux qui avaient connu les deux premiers messages leur indiquèrent comment arriver à ce sanctuaire. Un grand nombre de personnes reconnurent l'enchaînement parfait de la vérité dans les messages des trois anges; elles les reçurent avec joie dans leur ordre, et suivirent Jésus par la foi dans le sanctuaire céleste. Ces messages me furent présentés comme une ancre pour les enfants de Dieu. Ceux qui les comprennent et les acceptent ne seront pas entraînés par les tromperies de Satan. PE 256 3 Après le grand désappointement de 1844, Satan et ses anges s'occupèrent activement à tendre des pièges aux croyants pour ébranler leur foi. Il agit sur l'esprit de certaines personnes qui avaient connu les messages et qui avaient eu une apparence d'humilité. Quelques-uns cherchèrent à prouver que l'accomplissement du premier et du second message était encore dans le futur, alors que d'autres croyaient qu'il était bien loin dans le passé. Ceux-ci réussirent à influencer les esprits inexpérimentés et à ébranler leur foi. D'aucuns sondèrent leur Bible avec l'intention de se créer une foi personnelle, indépendante de l'Eglise. Satan se réjouissait follement de tout cela. Il savait qu'au moyen de divers vents de doctrine il pouvait mieux réussir à induire en erreur ceux qui se détachaient de leurs ancres. Plusieurs de ceux qui avaient été à la tête de la proclamation du premier et du second message s'en détournèrent. Il y eut ainsi division et confusion parmi les croyants. PE 257 1 Mon attention fut alors portée sur William Miller. Il avait l'air perplexe et semblait accablé par l'anxiété et la détresse en songeant à son peuple. Ceux qui avaient connu l'unité et l'amour les uns pour les autres en 1844 se refroidissaient, se combattaient et sombraient dans la torpeur et l'indifférence. En considérant ces choses, la douleur minait les forces de William Miller. Je vis des hommes influents le surveiller, de crainte qu'il ne reçût le message du troisième ange et les commandements de Dieu. Et lorsqu'il était enclin à accepter la lumière du ciel, ces hommes imaginaient quelque plan pour l'en dissuader. Une influence humaine fut exercée pour le maintenir dans les ténèbres et conserver son influence parmi ceux qui s'opposaient à la vérité. William Miller finit par élever la voix contre la lumière d'en haut. Il commit une erreur en ne recevant pas le message qui aurait expliqué amplement son désappointement, jeté une lumière glorieuse sur le passé, ranimé ses forces abattues, illuminé son espérance et l'aurait porté à glorifier Dieu. Il écouta la sagesse humaine plutôt que la sagesse divine. Mais, épuisé par l'âge et par ses labeurs incessants dans la cause de son Maître, il fut moins coupable que ceux qui l'empêchèrent d'accepter la vérité. Ce sont eux les vrais responsables. Ce péché repose sur eux. PE 258 1 Si William Miller avait vu la lumière du troisième message, bien des choses qui lui paraissaient mystérieuses et obscures lui auraient été expliquées. Mais ses frères manifestèrent un amour et un intérêt si profonds à son égard qu'il n'eut pas le courage de les abandonner. Son coeur penchait vers la vérité, puis il regardait à ses frères qui s'y opposaient. Pouvait-il se séparer d'eux qui, côte à côte avec lui, avaient proclamé la seconde venue de Jésus? Il se persuada que ses amis ne sauraient l'égarer. PE 258 2 Dieu permit qu'il tombât sous le pouvoir de Satan, le dominateur de la mort. Il le cacha dans le tombeau, loin de ceux qui cherchaient constamment à l'éloigner de la vérité. Moïse commit une erreur au moment où il allait entrer dans la terre promise. Je vis que, de même, William Miller erra au moment où il allait pénétrer dans la Canaan céleste, en laissant son influence agir contre la vérité. D'autres l'y entraînèrent; ce sont eux qui en rendront compte. Mais les anges veillent sur les précieux restes de ce serviteur de Dieu. Il ressuscitera au son de la dernière trompette. ------------------------Chapitre 63 -- Un fondement solide PE 258 3 J'ai vu un groupe de gens qui se tenaient fermement sur leur garde et ne prêtaient aucune attention à ceux qui cherchaient à ébranler la foi établie de l'ensemble. Le Seigneur les regardait d'un oeil approbateur. Il me fut montré trois marches qui conduisaient à une plateforme et représentaient les trois messages: du premier, du second et du troisième ange. L'ange qui m'accompagnait me dit: "Malheur à celui qui retranchera la plus minime partie de ces messages. Leur véritable signification est d'une importance vitale. La destinée des âmes dépend de la manière dont ils sont reçus." PE 259 1 Je fus de nouveau ramenée à considérer ces messages, et je vis à quel prix les enfants de Dieu avaient acquis leur expérience. Ils l'avaient obtenue à travers bien des souffrances et des luttes. Dieu les avait dirigés pas à pas, jusqu'à ce qu'ils soient placés sur une plateforme solide et inébranlable. Je vis quelques personnes s'approcher de cette plateforme pour en examiner la solidité. Certaines d'entre elles s'empressaient d'y prendre place avec joie, alors que d'autres la critiquaient, et auraient voulu y voir apporter quelques améliorations pour qu'elle s'approche davantage de la perfection et que le peuple soit beaucoup plus heureux. D'aucuns en descendaient pour l'examiner et la déclaraient mal posée. Mais je vis que presque tous se tenaient fermement sur cette plateforme et suppliaient ceux qui en étaient descendus de cesser leurs plaintes; car Dieu en était le grand Architecte, et c'était lui qu'ils critiquaient et qu'ils combattaient. Ils leur racontaient comment le Seigneur les avait amenés sur cette ferme plateforme, et, élevant ensemble les yeux au ciel, ils louaient Dieu à haute voix. Quelques-uns de ceux qui s'étaient plaints et avaient quitté la plateforme furent touchés, et ils reprirent humblement leurs places. PE 259 2 Je fus ramenée à la proclamation de la première venue du Christ. Jean-Baptiste fut envoyé dans l'esprit et la puissance d'Elie pour préparer la voie du Sauveur. Ceux qui rejetèrent son témoignage ne purent bénéficier des enseignements de Jésus. Leur opposition au message qui proclamait sa venue les empêcha de reconnaître son caractère messianique. Satan poussa ceux qui rejetèrent le message du Baptiste à aller encore plus loin, à rejeter et à crucifier le Christ. Ils ne purent ainsi recevoir les bienfaits de la Pentecôte, ce qui leur aurait enseigné la voie du sanctuaire céleste. PE 259 3 Le voile du temple déchiré indiquait que les sacrifices et les ordonnances judaïques ne seraient plus agréés. Le sacrifice suprême avait été consommé et accepté, et le Saint-Esprit qui descendit au jour de la Pentecôte détourna les esprits des disciples du sanctuaire terrestre pour les reporter sur le sanctuaire céleste où à son ascension Jésus était entré avec son propre sang, afin de faire bénéficier les siens de sa propitiation. Mais les Juifs en général furent plongés dans d'épaisses ténèbres. Ils ne purent comprendre le plan du salut, et ils continuèrent à placer leur confiance dans leurs sacrifices et offrandes inutiles. Le sanctuaire céleste avait pris la place du terrestre; mais les Juifs n'en avaient aucune connaissance; c'est pourquoi ils ne purent bénéficier de la médiation du Christ dans le lieu saint. PE 260 1 Aujourd'hui, il en est beaucoup qui considèrent avec une sainte horreur la conduite des Juifs, qui rejetèrent et crucifièrent le Christ. En lisant le récit des mauvais traitements qu'ils lui infligèrent, ils se disent qu'ils ne l'auraient pas renié comme Pierre ou crucifié comme les Juifs. Mais Dieu qui lit dans les coeurs a mis à l'épreuve cet amour pour Jésus qu'ils prétendent ressentir. Tout le ciel suivait avec un profond intérêt la proclamation du premier message. Beaucoup de ceux qui disaient avoir tant d'amour pour Jésus et qui versaient des larmes en lisant le récit de sa crucifixion, se moquèrent de la bonne nouvelle de son retour. Au lieu de recevoir ce message avec joie, ils prétendirent que c'était une erreur. Ils haïrent ceux qui aimaient son apparition et les chassèrent des églises. Ceux qui rejetèrent le premier message ne purent jouir des bénédictions du second, ni profiter du cri de minuit, qui devait les préparer à pénétrer, par la foi, avec Jésus, dans le lieu très saint du sanctuaire céleste. En rejetant les deux premiers messages, ils ont obscurci leur intelligence de telle manière qu'ils ne peuvent reconnaître aucune lumière dans le message du troisième ange, qui indique le chemin du lieu très saint. PE 260 2 Je vis que, comme les Juifs avaient crucifié Jésus, les églises en général avaient repoussé ces messages. C'est pourquoi elles n'ont aucune connaissance du chemin qui conduit au lieu très saint et ne peuvent bénéficier de l'intercession que Jésus y exerce. A l'instar des Juifs qui offraient leurs sacrifices inutiles, elles adressent leurs vaines prières au lieu que Jésus a quitté. Satan, jouissant de leur erreur, se fait religieux et attire à lui ces chrétiens de profession; il opère des signes et des miracles mensongers, afin de les attirer dans ses filets. Les uns sont séduits d'une manière, les autres différemment, car il a préparé diverses tromperies pour affecter les différents esprits. D'aucuns considèrent avec horreur une séduction, tandis qu'ils en adoptent d'autres aussi dangereuses. Quelques-uns sont séduits par le spiritisme. Satan se présente aussi comme un ange de lumière et exerce son influence par de fausses réformes. Les églises s'en réjouissent et s'imaginent que Dieu agit merveilleusement pour elles, alors que c'est l'oeuvre d'un autre esprit qui se manifeste. L'excitation s'évanouit bientôt, et l'église et le monde sont alors dans une condition pire qu'auparavant. PE 261 1 J'ai vu que Dieu avait, parmi les Adventistes de nom et dans les différentes églises déchues, des enfants fidèles. Aussi, avant que les fléaux soient versés, des pasteurs et des laïques seront appelés à sortir de ces églises et accepteront la vérité avec joie. Satan ne l'ignore pas, et avant que le grand cri se soit fait entendre, il produit un bouleversement dans ces communautés religieuses, afin de faire croire à ceux qui ont rejeté la vérité que Dieu est avec eux. Il espère tromper ainsi les âmes sincères et arriver à leur faire croire que Dieu est encore à l'oeuvre en faveur de ces églises. Mais la lumière se fera, et tous ceux qui sont sincères quitteront les églises déchues pour se joindre au "reste" des enfants de Dieu. ------------------------Chapitre 64 -- Le spiritisme PE 262 1 La séduction des frappements spirites me fut présentée. Je vis que Satan avait le pouvoir de faire paraître devant nous des formes qui se présentent comme nos parents et nos amis qui se sont endormis en Jésus. Il semblera que ces défunts sont réellement présents, et qu'ils parlent comme lorsqu'ils étaient ici-bas, avec le même timbre de voix, et employant les mêmes mots familiers. Le monde sera ainsi trompé et pris dans les pièges du grand ennemi des âmes au point de croire à cette séduction. PE 262 2 J'ai vu que les saints devaient posséder une connaissance parfaite de la vérité présente, qu'ils auront à défendre par les Ecritures. Il faut qu'ils sachent quelle est la condition des morts; car les esprits des démons leur apparaîtront avec la prétention d'être leurs parents ou leurs amis, et leur présenteront des doctrines contraires aux Ecritures. Ils feront aussi l'impossible pour susciter la sympathie et opéreront des miracles pour confirmer leurs dires. Les enfants de Dieu doivent être prêts à résister à ces esprits par l'Ecriture qui déclare que les morts ne savent rien et que ces apparitions ne sont autres que les esprits des démons. PE 262 3 Nous devons examiner soigneusement le fondement de notre espérance; car nous aurons à le justifier par les Ecritures. L'erreur spirite se répandra rapidement, et il nous faudra la combattre. Si nous n'y sommes pas préparés, nous serons séduits et vaincus. Mais si nous faisons notre possible pour nous préparer à cette lutte qui nous attend, Dieu fera sa part; son bras puissant nous protégera. Il enverrait tous ses anges de gloire pour dresser une barrière autour des âmes fidèles, plutôt que de permettre qu'elles soient séduites et égarées par les miracles mensongers de Satan. PE 263 1 J'ai vu avec quelle rapidité cette erreur se répandrait. Il me fut montré un train roulant à la vitesse de l'éclair. L'ange me recommanda de regarder attentivement ce train, et j'y fixai mes yeux. Il me sembla que tout le monde entier y avait pris place. Il me montra le chef de train, un personnage beau et imposant, que tous les passagers semblaient regarder avec estime et respect. J'étais intriguée, et je demandai à l'ange qui m'accompagnait qui c'était. Il me répondit: "C'est Satan. C'est lui qui conduit sous la forme d'un ange de lumière. Il a rendu le monde captif; les hommes se laissent gagner par ses séductions et croient au mensonge, ce qui causera leur perte. Le suppôt de Satan, le plus élevé après lui, c'est son mécanicien; les autres de ses agents sont employés à divers offices, selon les besoins. Tous courent à la perdition avec la rapidité de l'éclair." PE 263 2 Je demandai à l'ange si le monde entier était là. Il me dit de regarder dans la direction opposée. Je vis alors un petit groupe de gens qui suivaient un étroit sentier. Tous paraissaient très unis par la vérité. Ils avaient l'air épuisés par les fatigues, comme s'ils venaient de passer par des épreuves et des luttes pénibles. Il semblait que le soleil venait de déboucher d'un épais nuage et brillait sur leurs visages. Cela les fit paraître triomphants, comme s'ils étaient prêts à remporter la victoire. PE 263 3 Je vis que le Seigneur avait donné au monde tout ce qu'il fallait pour qu'il découvre les pièges de Satan. A défaut d'autres, voici une preuve suffisante pour le chrétien: il n'est fait aucune différence entre ce qui est précieux et ce qui est méprisable. Thomas Paine, dont le corps est aujourd'hui réduit en poussière, et qui se réveillera à la fin des mille ans, à la seconde résurrection, afin de recevoir son salaire à la seconde mort, est représenté par Satan comme étant au ciel où il est hautement élevé. Satan l'employa sur la terre aussi longtemps qu'il put. Aujourd'hui il poursuit la même oeuvre en prétendant que Thomas Paine est élevé et honoré au ciel; il voudrait faire croire qu'il enseigne là-haut ce qu'il a enseigné ici-bas. Et ceux qui ont considéré avec horreur sa vie et sa mort, qui ont entendu ses enseignements alors qu'il était en vie, consentent maintenant à se laisser enseigner par ses prétendues révélations au moyen de médiums spirites, -- lui qui fut l'un des hommes les plus vils et les plus corrompus, qui méprisèrent Dieu et sa loi! PE 264 1 Celui qui est le père du mensonge aveugle et séduit le monde en envoyant ses anges parler au nom des apôtres et faire croire qu'ils contredisent ce qu'ils écrivirent sous la dictée du Saint-Esprit lorsqu'ils étaient ici-bas. Ces anges menteurs présentent les apôtres comme ayant corrompu leurs propres enseignements et les leur font déclarer falsifiés. C'est ainsi que Satan se plaît à jeter ceux qui se disent chrétiens dans l'incertitude à l'égard de la Parole de Dieu, ce saint livre qui contrarie ses plans et lui barre la route. Il porte donc les hommes à douter de l'origine divine de la Bible; puis il élève l'incrédule Thomas Paine, comme s'il était allé au ciel après sa mort et s'était associé aux apôtres qu'il combattit sur la terre. Il le représente comme s'il enseignait réellement le monde. PE 264 2 Satan assigne une tâche à chacun de ses anges. Il leur recommande d'être artificieux, ingénieux, rusés. Quelquesuns devront jouer le rôle des apôtres et parler en leur nom, alors que d'autres joueront le rôle d'hommes incrédules et méchants qui moururent en maudissant Dieu, mais qui seraient maintenant très religieux. Il n'est fait aucune différence entre les apôtres les plus saints et les incrédules les plus abjects. On fait enseigner les mêmes choses aux uns et aux autres. Il importe peu à Satan qui il fait parler, pourvu qu'il atteigne son but. Il était en rapport intime avec Paine au cours de la vie de ce dernier, favorisant son oeuvre. C'est facile pour lui de reconnaître les paroles mêmes et l'écriture d'un homme qui le servit fidèlement et exécuta si bien ses desseins. Beaucoup d'écrits de Paine lui furent dictés par Satan, et il est tout aussi facile aujourd'hui à celui-ci de dicter ses sentiments par ses anges et de les faire paraître comme s'ils provenaient de Thomas Paine. C'est le chefd'oeuvre du grand ennemi. Tout cet enseignement que l'on dit provenir des apôtres, des saints et d'hommes impies, vient directement de Satan. PE 265 1 Le fait que Satan prétende qu'un homme qu'il a tant aimé et qui avait tant de haine pour Dieu soit aujourd'hui avec les saints apôtres et les anges glorieux devrait suffire à déchirer le voile jeté sur les esprits et à leur faire découvrir les agissements ténébreux et mystérieux de Satan. Il déclare virtuellement au monde et aux impies: "Peu importe que vous soyez méchants ou non, que vous croyiez ou non en Dieu ou en la Bible. Vivez comme il vous plaira, le ciel est votre demeure; car tous savent que si Thomas Paine es: au ciel et y est exalté, ils y parviendront certainement." Ce raisonnement est tellement faux que chacun peut s'en rendre compte. Satan fait aujourd'hui par le moyen d'hommes tels que Thomas Paine ce qu'il s'est efforcé de faire depuis sa chute. Grâce à ses miracles et à ses mensonges, il sape les bases de l'espérance chrétienne, et cache le soleil qui doit éclairer l'étroit sentier qui mène au ciel. Il fait croire au monde que la Bible n'est pas inspirée, qu'elle n'est pas meilleure qu'un livre de contes. Et il offre quelque chose pour la remplacer: les manifestations de l'esprit! PE 265 2 Celles-ci constituent un moyen qui lui est propre, sous sa direction, et par lequel il peut faire croire au monde ce qu'il lui plaît. Quant au livre qui doit le juger au dernier jour ainsi que ses disciples, il le relègue dans l'ombre. Il ne fait pas plus de cas du Sauveur que d'un homme quelconque. De même que la garde romaine, qui veillait au tombeau de Jésus, répandit le bruit faux et mensonger que les prêtres et les anciens avaient mis dans leurs bouches, de même les pauvres disciples de Satan, séduits par ces prétendues manifestations spiritualistes, répètent et s'efforcent de faire croire qu'il n'y eut rien de miraculeux dans la naissance, la mort et la résurrection du Sauveur. Après avoir relégué Jésus à l'arrière-plan, ils attirent sur eux-mêmes l'attention du monde, sur leurs miracles et leurs prodiges mensongers, qu'ils déclarent surpasser de beaucoup les oeuvres du Christ. C'est ainsi que les gens sont pris au piège et bercés dans un sentiment de sécurité d'où ils ne sortiront que pour découvrir leur affreuse séduction lorsque les sept derniers fléaux seront versés sur la terre. Satan rit de voir si bien réussir son plan et le monde entier tomber dans ses pièges. ------------------------Chapitre 65 -- L'avarice PE 266 1 J'ai vu que Satan ordonne à ses anges de tendre leurs pièges tout particulièrement devant ceux qui attendent la seconde venue du Christ et qui observent les commandements de Dieu. Il leur dit que les églises étaient endormies et qu'afin de les retenir il allait accroître sa puissance et le nombre de ses prodiges mensongers. "Mais, dit-il, nous haïssons la secte des observateurs du sabbat. Ils travaillent constamment contre nous, ils nous ravissent nos sujets, et ils les amènent à obéir à la loi de Dieu que nous détestons. Allez, enivrez de soucis ceux qui possèdent des terres ou de l'argent. Si vous pouvez les amener à placer leurs affections sur ces choses, nous les gagnerons. Ils peuvent professer la foi qu'ils veulent, mais occupez-les davantage à gagner de l'argent qu'à travailler à l'avancement du règne de Jésus-Christ ou à la diffusion des vérités que nous détestons. Montrez à ces gens le monde sous le jour le plus attrayant, afin qu'ils l'aiment et en fassent une idole. Nous devons garder dans nos rangs tous les moyens dont nous pouvons nous servir. Plus les disciples du Christ consacreront d'argent à son service, plus ils feront de mal à notre royaume en nous prenant nos sujets. Lorsqu'ils annoncent des réunions en différents lieux, nous sommes en danger. Soyez vigilants, créez si possible le désordre et la confusion. Détruisez l'amour fraternel; découragez et fatiguez leurs prédicateurs, car nous les haïssons. Présentez toutes les excuses plausibles à ceux qui ont de l'argent de peur qu'ils le donnent à l'oeuvre. Prenez en mains ces questions d'argent, et faites que leurs prédicateurs soient dans le besoin et la détresse. Leur courage et leur zèle en seront affaiblis. Disputez-leur chaque pouce de terrain. Faites que la convoitise et l'amour des richesses terrestres soient le trait dominant de leur caractère. Aussi longtemps qu'il en sera ainsi, le salut et la grâce seront négligés. Mettez autour d'eux toutes les attractions possibles, et ils ?? appartiendront sûrement. De plus, non seulement nous serons assurés de les tenir, mais leur influence ne pourra pas s'exercer pour en conduire d'autres vers le ciel. Lorsque l'un d'eux est sur le point de donner quelque chose, mettez en lui des dispositions au murmure, afin qu'il soit parcimonieux." PE 267 1 J'ai vu que Satan exécute admirablement ses plans. Lorsque les serviteurs de Dieu annoncent des réunions, Satan et ses anges sont sur les lieux pour paralyser l'oeuvre. Il fait naître constamment des tentations dans le coeur des enfants de Dieu. Il conduit les uns d'un côté, les autres d'un autre, se servant des mauvais traits de caractère des frères et des soeurs, cherchant à stimuler leurs penchants naturels les plus regrettables. S'ils ont des dispositions à l'égoïsme et à la convoitise, Satan se tient à côté d'eux et fait tous ses efforts pour les amener à céder à leurs penchants. La grâce de Dieu et la vérité peuvent, il est vrai, dissiper leurs convoitises et leurs sentiments égoïstes pendant quelque temps, mais s'ils ne remportent pas une victoire totale, Satan s'approche au moment où ils ne sont pas sous une influence salutaire, et il dessèche en eux tout sentiment noble et généreux. Ils croient alors qu'on exige trop d'eux; ils se fatiguent de faire le bien, et oublient le grand sacrifice auquel Jésus a consenti pour les racheter du pouvoir de Satan et de la misère désespérée. PE 268 1 Satan profita des dispositions envieuses et égoïstes de Judas, et le poussa à murmurer lorsque Marie répandit sur Jésus le parfum de grand prix. Judas considéra cette action comme une grande prodigalité, et il déclara que l'on aurait pu vendre ce parfum et donner l'argent aux pauvres; il estimait que cette offrande était trop coûteuse. Judas appréciait son Maître juste assez pour le vendre pour quelques pièces d'argent. J'ai vu qu'il y a des Judas parmi ceux qui prétendent attendre le Seigneur. Satan les domine, à leur insu. Dieu ne peut pas approuver le moins du monde la convoitise ou l'égoïsme; il hait les prières et les exhortations de ceux qui se laissent aller à ces mauvais traits de caractère. Satan se rend compte qu'il ne lui reste que peu de temps, et il pousse les hommes à devenir de plus en plus égoïstes et envieux; puis il se réjouit quand il les voit occupés d'eux-mêmes, avares et égoïstes. Si ces victimes pouvaient ouvrir les yeux, elles verraient Satan exprimer une joie infernale et rire de la folie de ceux qui acceptent ses conseils et tombent dans ses pièges. PE 268 2 Satan et ses anges notent tous les actes bas et envieux de ces personnes; ils les présentent à Jésus et à ses anges, en disant sur un ton accusateur: "Ces gens sont les disciples du Christ! Ils se préparent à être translatés!" Satan compare leur conduite aux passages de l'Ecriture où de telles actions sont condamnées, puis il défie les anges du ciel en disant: "C'est donc là les disciples du Christ! Ce sont les fruits du sacrifice du Christ et de la rédemption!" Les anges se détournent tristement de cette scène. Dieu veut que ses enfants agissent constamment, et lorsque ceux-ci se fatiguent de bien faire, lui-même se fatigue d'eux. J'ai vu qu'il est vivement attristé par la moindre manifestation d'égoïsme de la part de ceux qui se disent ses disciples, et pour lesquels Jésus n'a pas épargné son propre sang. Toute personne égoïste et envieuse s'écartera du véritable sentier. Comme Judas qui vendit son Maître, elle vendra les bons principes et les dispositions nobles et généreuses pour quelques avantages terrestres. Tous ceux-là seront éliminés du peuple de Dieu par le crible. Ceux qui désirent voir le ciel doivent pratiquer de toute leur énergie les principes d'en haut. Leur âme doit s'épanouir dans la bienveillance, au lieu de se dessécher dans l'égoïsme. Il faut profiter de toutes les occasions pour faire le bien, et pratiquer ainsi les principes du ciel. Jésus m'a été montré comme le modèle parfait; sa vie fut exempte de tout intérêt égoïste. Il donnait constamment la preuve de ses sentiments de bienveillance désintéressée. ------------------------Chapitre 66 -- Le criblage PE 269 1 J'ai vu quelques croyants qui, avec une grande foi et des cris angoissés, plaidaient avec Dieu. Leurs visages étaient pâles, révélant leur profonde anxiété et leurs luttes intérieures. Ils manifestaient une grande ferveur et une grande fermeté; de grosses gouttes de sueur perlaient à leur front. De temps en temps, sentant l'approbation de Dieu, ils étaient rayonnants, mais bientôt ils retombaient dans le même état de ferveur, d'anxiété et de gravité. PE 269 2 Les mauvais anges s'empressaient autour d'eux, les plongeant dans les ténèbres pour leur cacher Jésus afin que, leurs yeux étant attirés par les ténèbres, ils puissent les amener à perdre confiance et à murmurer contre lui. Leur seule sécurité était de diriger leurs regards en haut. Les anges de Dieu avaient la garde de son peuple, et lorsque l'atmosphère empoisonnée des mauvais anges entourait ceux qui étaient dans l'angoisse, ils battaient constamment des ailes pour dissiper les épaisses ténèbres. PE 270 1 Les croyants continuant à supplier le Seigneur, parfois un rayon de lumière provenant de Jésus venait jusqu'à eux pour les encourager; leurs visages en étaient illuminés. J'ai vu que quelques-uns d'entre eux ne participaient pas à cette oeuvre d'intercession; ils semblaient indifférents à ce qui se passait autour d'eux. Ils ne résistaient pas aux ténèbres qui les entouraient, et celles-ci les emprisonnaient comme une épaisse nuée. Alors les anges de Dieu les abandonnaient à leur sort, et allaient secourir ceux qui priaient. J'ai vu les anges de Dieu se hâter auprès de ceux qui luttaient de toutes leurs forces pour résister aux mauvais anges et qui s'encourageaient eux-mêmes en implorant le Seigneur avec persévérance. Mais les anges du ciel ne s'occupaient pas de ceux qui ne faisaient aucun effort pour s'aider eux-mêmes, et je les perdis de vue. PE 270 2 Je demandai ce que signifiait le criblage que j'avais vu. On me répondit qu'il était causé par le conseil du Témoin véritable à l'église de Laodicée. Ce conseil aura son effet sur le coeur de celui qui le reçoit; il l'amènera à exalter la vérité. Quelques-uns ne l'accepteront pas; ils le combattront, et c'est ce qui produira le criblage parmi le peuple de Dieu. PE 270 3 J'ai vu que le témoignage du Véritable n'a été écouté qu'à moitié. Ce témoignage solennel dont dépend la destinée de l'Eglise a été considéré à la légère, sinon tout à fait méprisé. Il doit produire une sérieuse repentance. Tous ceux qui le reçoivent vraiment s'y conformeront et seront purifiés. PE 270 4 L'ange dit: "Ecoutez!" Bientôt j'entendis une voix ressemblant à un grand nombre d'instruments de musique, douce et harmonieuse. La mélodie dépassait tout ce que j'avais jamais entendu; elle semblait être pleine de miséricorde et de compassion, d'élévation et de sainte joie. Tout mon être en tressaillit. L'ange dit: "Regardez!" Mon attention fut alors attirée par le groupe que j'avais vu, qui était terriblement criblé. Ceux que j'avais vus auparavant me furent montrés pleurant et priant avec angoisse. Le nombre des anges gardiens qui les entouraient avait doublé, et ils étaient armés de la tête aux pieds. Ils se déplaçaient dans un ordre parfait, comme une compagnie de soldats. Les visages des fidèles révélaient le combat terrible qu'ils avaient livré. Cependant leurs traits, marqués par l'angoisse, resplendissaient maintenant de la lumière et de la gloire du ciel. Ils avaient obtenu la victoire, et ils en éprouvaient une profonde gratitude et une sainte joie. PE 271 1 Le nombre de ce groupe avait diminué. Quelques-uns avaient été éliminés par le crible et laissés le long du chemin. Les insouciants et les indifférents, qui ne s'étaient pas joints à ceux qui appréciaient suffisamment la victoire et le salut pour persévérer dans la prière, n'obtinrent rien et furent laissés en arrière dans les ténèbres. Leurs places étaient immédiatement prises par d'autres qui acceptaient la vérité et entraient dans les rangs. Les mauvais anges continuaient à les entourer, mais ils n'avaient aucun pouvoir sur eux. PE 271 2 J'entendis ceux qui étaient revêtus de l'armure parler de la vérité avec beaucoup de puissance. Celle-ci produisait son effet. Plusieurs avaient été retenus: des femmes par leurs maris, des enfants par leurs parents. Les âmes sincères qui avaient été empêchées d'entendre la vérité l'acceptaient maintenant avec empressement. La crainte des parents avait disparu; seule comptait pour eux la vérité. Ils avaient eu faim et soif de la vérité; elle leur était plus chère et plus précieuse que la vie. Je demandai ce qui avait produit ce grand changement. Un ange me répondit: "C'est la pluie de l'arrièresaison, le rafraîchissement de la part du Seigneur, le grand cri du troisième ange." PE 271 3 Une grande puissance accompagnait ces élus. L'ange dit: "Regardez!" Mon attention fut alors dirigée vers les méchants, les incrédules. Ils étaient tous actifs. Le zèle et la puissance du peuple de Dieu les avaient réveillés et rendus furieux. La confusion régnait partout. Je vis qu'on avait pris des mesures contre le groupe qui jouissait de la lumière et de la puissance de Dieu. Les ténèbres s'épaississaient autour d'eux; cependant ils restaient fermes, ayant l'approbation de Dieu et se confiant en lui. Je les vis perplexes; puis je les entendis prier avec ferveur. Ils ne cessaient de répéter jour et nuit: "O Dieu, que ta volonté soit faite! Si cela peut glorifier ton nom, ouvre un chemin pour sauver ton peuple. Délivre-nous des païens qui nous entourent. Ils ont décidé notre mort; mais ton bras peut nous apporter le salut." Ce sont les seules paroles que j'aie retenues. Tous semblaient avoir un sentiment profond de leur indignité, et ils manifestaient une entière soumission à la volonté de Dieu. Cependant, comme Jacob, chacun, sans exception, réclamait la délivrance et luttait pour l'obtenir. PE 272 1 Peu de temps après qu'ils eurent commencé à supplier le Seigneur, les anges, pleins de sympathie à leur égard, désiraient aller les délivrer. Mais un ange puissant, qui les commandait, ne le leur permit pas. Il leur dit: "La volonté de Dieu n'est pas encore accomplie. Ils doivent boire la coupe, être baptisés du baptême." PE 272 2 Bientôt j'entendis la voix de Dieu qui secouait le ciel et la terre. Il y eut un grand tremblement de terre. Les bâtiments tombaient de tous côtés. J'entendis alors un grand cri de victoire, puissant, musical, clair. Je regardai le groupe qui, peu de temps auparavant, gémissait dans la détresse et l'esclavage. Leur captivité était terminée. Une lumière glorieuse luisait sur eux. Comme ils me parurent beaux! Toute trace de soucis et de fatigue avait disparu; la santé et la beauté étaient sur tous les visages. Leurs ennemis, les païens qui les entouraient, tombaient comme s'ils étaient morts; ils ne pouvaient supporter l'éclat de la lumière qui resplendissait sur les saints libérés. Cette lumière, cette gloire, reposa sur eux jusqu'à ce que Jésus parut sur les nuées des cieux. Alors les fidèles éprouvés furent changés en un instant, en un clin d'oeil, de gloire en gloire. Les sépulcres s'ouvrirent, et les saints en sortirent revêtus d'immortalité, en s'écriant: "Victoire sur la mort et sur le sépulcre!" Et tous ensemble, avec les justes vivants, ils furent enlevés à la rencontre de leur Seigneur dans les airs, tandis que chaque langue immortelle faisait retentir des cris de victoire. ------------------------Chapitre 67 -- Les péchés de Babylone PE 273 1 J'ai vu que depuis que le second ange a proclamé la chute des églises leur corruption n'a cessé d'augmenter. Les membres de ces églises portent le nom de disciples du Christ, mais il est impossible de les distinguer des gens du monde. Les ministres prennent leurs textes dans la Parole de Dieu, mais leur prédication ne vise qu'à flatter. C'est ce qui plaît au coeur naturel. Celui-ci n'aime pas la vérité ni le salut du Christ. Il n'y a chez les pasteurs populaires rien qui suscite la colère de Satan, fasse trembler le pécheur, ou qui grave dans les coeurs et les consciences la réalité d'un jugement qui viendra bientôt. Les hommes inconvertis aiment les apparences de piété sans véritable sainteté; ils sont donc tout disposés à soutenir une religion de ce genre. PE 273 2 L'ange me dit: "Il n'y a que toute l'armure de la justice qui peut rendre un homme capable de vaincre les puissances des ténèbres, et obtenir la victoire sur elles. Satan s'est emparé entièrement des Eglises. On y insiste surtout sur ce que disent et ce que font les hommes, sans s'inquiéter des vérités tranchantes de la Parole de Dieu. L'esprit et l'amitié du monde sont inimitié contre Dieu. Lorsque la vérité dans sa simplicité et dans sa force, telle qu'elle est en Jésus, est mise en action contre l'esprit du monde, elle suscite aussitôt la persécution. Un très grand nombre de soi-disant chrétiens n'ont jamais connu Dieu. Leur coeur n'a pas été transformé, et ce qui est charnel est inimitié contre Dieu. Ce sont de fidèles serviteurs de Satan, bien qu'ils se soient donné un autre nom." PE 274 1 J'ai vu que depuis que Jésus a quitté le lieu saint du sanctuaire céleste et franchi le second voile, les Eglises ont été remplies de toutes sortes d'impuretés. J'ai vu une grande iniquité. Cependant leurs membres se disent chrétiens. Leur profession, leurs prières et leurs exhortations sont en abomination aux yeux de Dieu. L'ange me dit: "On ne sent pas la présence de Dieu dans leurs assemblées. L'égoïsme, la fraude et le mensonge sont pratiqués là sans remords de conscience. Et par-dessus tous ces mauvais traits de caractère, ils jettent le manteau de la religion." Il me fut montré l'orgueil des églises populaires. Dieu n'occupe pas les pensées de leurs membres; leur mentalité charnelle se reporte sur eux-mêmes. Ils ornent leurs pauvres corps mortels avec une grande satisfaction. Jésus et les anges les regardent avec colère. L'ange me dit: "Leurs péchés et leur orgueil sont montés jusqu'au ciel. Leur part est faite. La justice et le jugement ont dormi longtemps, mais ils vont bientôt se réveiller. 'A moi la vengeance, à moi la rétribution', dit le Seigneur." Les menaces terribles du troisième ange vont se réaliser, et tous les méchants boiront à la coupe de la colère de Dieu. Une armée innombrable de mauvais anges sont dispersés sur toute la terre, et envahissent les églises. Ces suppôts de Satan considèrent les organisations religieuses avec une grande joie; car le manteau de la religion couvre la pire iniquité et les plus grands des crimes. PE 274 2 Tout le ciel voit avec indignation les êtres humains, cette création de Dieu, réduits par leurs semblables à la dégradation la plus abjecte, rabaissés au rang des brutes. De soidisant disciples du Sauveur dont la compassion s'est toujours exercée à la vue des maux de l'humanité, s'engagent de gaîté de coeur dans ce péché énorme consistant à réduire en esclavage les âmes des hommes. La misère humaine est exploitée de lieu en lieu, achetée et vendue. Les anges ont enregistré tout cela dans le livre. Les larmes des esclaves pieux, hommes ou femmes, des pères, des mères, des enfants, des frères et des soeurs sont conservées dans le ciel. Dieu retient sa colère, mais pour très peu de temps. Il exercera cette colère contre notre nation, et surtout contre les organisations religieuses qui ont sanctionné ce terrible trafic d'esclaves et l'ont elles-mêmes pratiqué. Une telle injustice, une telle oppression, de telles souffrances sont considérées avec indifférence par de nombreux soi-disant disciples du doux Jésus. Et beaucoup d'entre eux peuvent infliger avec une odieuse satisfaction toute cette misère indescriptible, et ils osent adorer Dieu. C'est une moquerie effrontée. Satan se réjouit, 1 bafoue Jésus et ses anges à cause d'une telle inconsistance, en disant, avec un plaisir infernal: "Ce sont là des disciples du Christ!" PE 275 1 Ces soi-disant chrétiens lisent la description des souffrances des martyrs, et les larmes coulent sur leurs joues. Ils s'étonnent que des hommes aient pu s'endurcir au point de commettre de telles cruautés. Cependant ceux qui pensent et parlent ainsi retiennent en même temps des êtres humains en esclavage. Il y a plus: ils brisent les liens de la nature, ils oppriment cruellement leurs semblables. Ils font subir la torture la plus inhumaine avec la même cruauté manifestée par les papistes et les païens envers les disciples du Christ. L'ange me dit: "Au jour du jugement de tels hommes seront punis plus sévèrement que les païens et les papistes." Les cris des opprimés sont montés jusqu'au ciel, et les anges sont stupéfaits à l'ouïe de ces souffrances infligées à ses semblables par l'homme, formé à l'image de Dieu. L'ange me dit: "Les noms des oppresseurs sont inscrits en lettres de sang, croisées de verges et inondées de larmes brûlantes de souffrance et d'agonie. La colère de Dieu ne cessera pas jusqu'à ce qu'il ait fait boire jusqu'à la lie à ce pays de lumière la coupe de sa fureur, jusqu'à ce qu'il ait puni au double Babylone. 'Payez-la comme elle a payé, et rendezlui au double selon ses oeuvres. Dans la coupe où elle a versé, versez-lui au double.'" PE 276 1 J'ai vu que le propriétaire d'esclaves aura à répondre pour l'âme de l'esclave qu'il a maintenu dans l'ignorance et que les péchés de l'esclave reposeront sur le maître. Dieu ne peut pas prendre au ciel l'esclave qui a été maintenu dans l'ignorance et la dégradation, ne sachant rien de Dieu ou de la Bible, ne craignant que le fouet de son maître et se voyant réduit à un niveau inférieur à celui des brutes. Mais il fait pour lui la meilleure chose qu'un Dieu compatissant puisse faire: il lui permet d'être comme s'il n'avait jamais existé. Le maître, au contraire, doit subir les sept derniers fléaux, puis prendre part à la seconde résurrection et souffrir la seconde mort, la plus terrible. Alors, la justice de Dieu sera satisfaite. ------------------------Chapitre 68 -- Le grand cri PE 277 1 J'ai vu des anges voler rapidement çà et là dans le ciel, descendre sur la terre, puis remonter au ciel, préparant l'accomplissement de quelque événement important. Ensuite j'en vis un autre, puissant, envoyé sur la terre pour joindre sa voix au troisième ange, afin de donner force et puissance à son message. Cet ange était doué d'une grande puissance et environné de gloire. Lorsqu'il descendit sur la terre, celleci fut éclairée de sa gloire. La lumière qui l'accompagnait pénétrait partout. Il criait d'une voix forte: "Elle est tombée, elle est tombée, Babylone la grande! Elle est devenue une habitation de démons, un repaire de tout esprit impur, un repaire de tout oiseau impur et odieux." Le message proclamant la chute de Babylone, donné par le second ange, est ainsi répété avec la mention additionnelle de la corruption qui a envahi les églises à partir de 1844. L'oeuvre de cet ange vient seconder celle du troisième message au moment où sa proclamation devient un grand cri. Le peuple de Dieu est ainsi préparé pour triompher à l'heure de la tentation qu'il doit bientôt affronter. Je vis ces deux anges environnés d'une grande lumière, proclamant sans crainte le message du troisième ange. PE 277 2 D'autres anges furent envoyés pour seconder l'ange puissant descendu du ciel. J'entendis des voix qui semblaient résonner partout, disant: "Sortez du milieu d'elle, mon peuple, afin que vous ne participiez point à ses péchés, et que vous n'ayez point de part à ses fléaux. Car ses péchés se sont accumulés jusqu'au ciel, et Dieu s'est souvenu de ses iniquités." Ce message semblait être une addition au troisième message, de même que le cri de minuit s'était joint au message du second ange, en 1844. La gloire de Dieu se posait sur les saints qui attendaient patiemment et proclamaient sans crainte le solennel et dernier avertissement, annonçant la chute de Babylone, et appelant les enfants de Dieu à sortir de son sein, afin de pouvoir échapper à son terrible sort. PE 278 1 La lumière qui avait éclairé ceux qui attendaient pénétra partout. Ceux qui, dans les diverses églises, avaient reçu quelque lumière, et qui n'avaient pas entendu ni rejeté les trois messages, obéirent à l'appel et quittèrent les églises déchues. Un grand nombre était parvenu à l'âge de raison depuis que ces messages avaient été proclamés, la lumière luisait sur eux, ils avaient le privilège de choisir entre la vie et la mort. Quelques-uns firent un bon choix et se rangèrent avec ceux qui attendaient leur Seigneur et observaient tous ses commandements. Le troisième message devait faire son oeuvre. Tous les enfants de Dieu devaient en être éprouvés et appelés à sortir des diverses congrégations religieuses. Les âmes sincères étaient animées d'une puissance qui les faisaient agir, tandis que la manifestation de la puissance divine inspirait de la crainte à leurs parents et à leurs amis qui n'avaient pas la même foi, de sorte qu'ils n'osèrent ni ne purent entraver ceux qui sentaient l'Esprit de Dieu opérer dans leurs coeurs. Le dernier appel parvint même jusqu'aux esclaves, et ceux qui étaient pieux furent transportés de joie à la perspective de leur heureuse délivrance. Leurs maîtres ne pouvaient les contraindre; la crainte et l'étonnement les rendaient muets. De puissants miracles furent opérés; des malades étaient guéris, et les disciples étaient accompagnés de signes et de prodiges. Dieu était à l'oeuvre, et tous les saints, sans en craindre les conséquences, suivaient la conviction de leurs propres consciences. Ils s'unissaient à ceux qui observaient tous les commandements de Dieu, et proclamaient au loin le troisième message. J'ai vu que celui-ci se terminerait avec une force et une puissance qui dépasseront de beaucoup le cri de minuit. PE 279 1 Les serviteurs de Dieu, revêtus de la puissance d'en haut, le visage resplendissant d'une sainte consécration, allèrent proclamer le message céleste. Les âmes, disséminées parmi les différents corps religieux, répondirent à leur appel en abandonnant les églises condamnées, comme Lot sortit de Sodome avant la destruction de cette ville. Le peuple de Dieu, fortifié par la gloire excellente qui reposait sur lui en abondance, fut préparé pour endurer l'heure de la tentation. De tous côtés, j'entendis une multitude de voix qui disaient: "C'est ici la persévérance des saints, qui gardent les commandements de Dieu et la foi de Jésus." ------------------------Chapitre 69 -- La fin du troisième message PE 279 2 Il me fut montré le temps où se terminerait le troisième message. La puissance de Dieu avait reposé sur ses enfants; ils s'étaient acquittés de leur tâche et se préparaient pour le temps d'épreuve qui allait venir. Ils avaient reçu la pluie de l'arrière-saison, le rafraîchissement de la part du Seigneur, et leur témoignage en avait été vivifié. Le dernier avertissement avait partout retenti; il avait excité et irrité les habitants de la terre qui n'avaient pas voulu recevoir le message. PE 279 3 Je vis des anges accourir çà et là dans le ciel. L'un d'entre eux, muni d'une écritoire, revenait de la terre et rapportait à Jésus que son oeuvre était achevée, que les saints avaient été comptés et scellés. Puis je vis le Sauveur, qui avait exercé son ministère devant l'arche contenant les dix commandements, jeter à terre son encensoir. Il éleva les mains, et s'écria d'une voix forte: "C'en est fait!" Alors toutes les armées angéliques déposèrent leurs couronnes, tandis que Jésus faisait cette déclaration solennelle: "Que celui qui est injuste soit encore injuste, que celui qui est souillé se souille encore; et que le juste pratique encore la justice, et que celui qui est saint se sanctifie encore." PE 280 1 Le sort de chacun avait été décidé, soit pour la vie, soit pour la mort. Pendant que Jésus avait exercé son ministère dans le sanctuaire, le jugement avait eu lieu pour les justes qui étaient morts, puis pour les justes vivants. Le Christ avait reçu son royaume, ayant fait propitiation pour son peuple et effacé ses péchés. Les sujets du royaume avaient été comptés; les noces de l'Agneau, consommées. La grandeur et la domination des royaumes qui sont sous tous les cieux avaient été données à Jésus et à ceux qui doivent hériter du salut. Jésus allait régner comme Roi des rois et Seigneur des seigneurs. PE 280 2 Lorsque Jésus sortit du lieu très saint, j'entendis retentir les clochettes qui étaient sur ses vêtements, et un sombre nuage enveloppa les habitants de la terre. Alors il n'y avait plus de médiateur entre l'homme coupable et un Dieu offensé. Aussi longtemps que Jésus s'était tenu entre Dieu et le pécheur, il y avait une certaine retenue parmi le peuple, mais lorsqu'il ne fut plus entre l'homme et le Père, toute retenue disparut, et les impénitents furent complètement sous la direction de Satan. Il n'était pas possible que les fléaux fussent versés tandis que Jésus officiait dans le lieu très saint; mais lorsque son oeuvre fut achevée et que son intercession eut pris fin, rien ne put plus arrêter la colère de Dieu. Celle-ci atteignit le pécheur qui avait méprisé le salut et qui s'était moqué de la répréhension. Pendant la période terrible qui commença au moment où Jésus eut terminé son oeuvre médiatrice, les saints n'avaient plus d'intercesseur auprès de Dieu. Le sort de chacun était décidé. Jésus s'arrêta un moment dans la partie extérieure du sanctuaire céleste, et les péchés qui avaient été confessés pendant qu'il était dans le lieu très saint furent placés sur Satan, l'auteur du péché, afin qu'il en souffrît le châtiment. PE 280 3 Alors je vis Jésus qui déposait ses vêtements sacerdotaux pour revêtir ses habits royaux. Il portait sur la tête plusieurs couronnes placées les unes dans les autres. Il quitta le ciel entouré de l'armée angélique. Les fléaux tombaient sur les habitants de la terre. D'aucuns accusaient et maudissaient Dieu; d'autres accouraient auprès des enfants de Dieu et les suppliaient de leur dire comment ils pourraient échapper à ces jugements. Mais les saints ne pouvaient rien faire pour eux. Les dernières larmes pour les pécheurs avaient été versées, la dernière prière avait été offerte, le dernier fardeau avait été porté, le dernier avertissement avait été donné. La douce voix de la miséricorde ne devait plus se faire entendre. PE 281 1 Lorsque les saints et le ciel entier s'intéressaient au salut des pécheurs, ceux-ci n'en firent aucun cas. La vie et la mort leur avaient été présentées; beaucoup avaient désiré la vie, mais n'avaient rien fait pour l'obtenir. Ils ne se soucièrent pas de choisir la vie; maintenant, il n'y avait plus de sang expiatoire pour purifier le coupable, plus de Sauveur compatissant pour intercéder pour eux, et pour dire: "Epargne, épargne le pécheur encore un peu de temps!" Tout le ciel s'unit au Christ pour leur faire entendre ces terribles paroles: "C'en est fait! C'est fini!" Le plan du salut avait été accompli, mais bien peu avaient voulu l'accepter. Lorsque la douce voix de la miséricorde se tut, les méchants furent saisis de crainte et d'horreur; ils entendirent d'une manière distincte ces paroles: "Trop tard! Trop tard!" PE 281 2 Ceux qui avaient méprisé la Parole de Dieu couraient çà et là, du nord au sud, de l'est à l'ouest, pour la chercher. L'ange me dit: "Ils ne la trouveront pas; il y a une famine dans le pays, non pas une famine de pain et d'eau, mais des paroles de Dieu. Que ne donneraient-ils pas maintenant pour entendre une parole d'approbation de la part du Seigneur! Mais c'est trop tard, ils doivent souffrir la faim et la soif. Ils n'ont cessé jour après jour de mépriser le salut, estimant davantage les richesses et les plaisirs de la terre que les trésors et les promesses du ciel. Ils ont rejeté Jésus et méprisé ses saints. Souillés ils sont, souillés ils resteront." PE 282 1 Un grand nombre de méchants étaient fous de rage lorsqu'ils souffraient des effets des fléaux. C'était une scène d'angoisse terrible. Les parents accusaient leurs enfants et ceux-ci dénonçaient leurs parents, les frères leurs soeurs et les soeurs leurs frères. Partout c'étaient des lamentations et des reproches. Les gens se tournaient vers les pasteurs, et leur faisaient d'amers reproches. "Vous ne nous avez pas avertis de tout cela, leur disaient-ils. Vous nous disiez que le monde entier devait se convertir. Pour calmer toutes les craintes, vous nous criiez: 'Paix, paix!' Vous ne nous avez pas parlé de cette heure. Vous avez affirmé que ceux qui en parlaient étaient des fanatiques, des méchants qui nous perdraient." Je vis que les pasteurs n'échappèrent pas à la colère de Dieu; ils durent souffrir dix fois plus que ceux qu'ils avaient trompés. ------------------------Chapitre 70 -- Le temps de détresse PE 282 2 J'ai vu les saints quitter les villes et les villages, se réunir par groupes et vivre dans les lieux les plus retirés. Les anges leur apportaient la nourriture et l'eau, alors que les méchants souffraient de la faim et de la soif. Puis je vis les grands de ce monde qui se consultaient, et Satan et ses anges très affairés autour d'eux. Je vis un écrit qu'on répandait dans différentes parties de la terre, prescrivant que si les saints n'abandonnaient pas leurs idées particulières, ne renonçaient pas à l'observation du sabbat pour observer le premier jour de la semaine, il serait permis après un certain temps de les mettre à mort. PE 282 3 Mais au moment de cette épreuve, les saints conservaient leur calme, se confiant en Dieu et s'appuyant sur la promesse qu'il leur serait préparé un moyen pour en triompher. Dans quelques endroits, avant même que le temps fût venu de mettre ces menaces à exécution, les méchants se jetaient sur les saints pour les faire mourir. Mais des anges, sous la forme d'hommes de guerre, combattaient pour eux. Satan aurait voulu détruire les saints du Souverain; mais Jésus ordonna à ses anges de veiller sur eux. Dieu voulait être honoré en faisant alliance avec ceux qui avaient observé sa loi, à la vue des païens qui les entouraient. Et Jésus voulait aussi être honoré en enlevant au ciel, sans qu'ils eussent à passer par la mort, ses fidèles qui l'avaient attendu si longtemps. PE 283 1 Bientôt je vis les saints dans une grande angoisse; ils paraissaient être entourés par les méchants habitants de la terre. Tout semblait se liguer contre eux. Quelques-uns commencèrent à craindre que Dieu ne les abandonnât entre les mains des impies. Mais si leurs yeux avaient pu être ouverts, ils auraient vu autour d'eux des anges de Dieu. Puis je vis la foule des méchants irrités, et ensuite une multitude innombrable de mauvais anges poussant les méchants à faire mourir les saints. Mais avant de pouvoir s'approcher du peuple de Dieu, les méchants devaient d'abord traverser la phalange des anges saints et puissants, ce qui leur était impossible. Les anges de Dieu les obligeaient à reculer; ils repoussaient les mauvais anges qui se pressaient autour d'eux. PE 283 2 C'était une heure d'angoisse, d'agonie terrible pour les saints. Ils criaient à Dieu jour et nuit pour être délivrés. A vues humaines, il n'y avait pour eux aucun moyen d'échapper. Déjà les méchants commençaient à triompher, et s'écriaient: "Pourquoi votre Dieu ne vous délivre-t-il pas de nos mains? Pourquoi ne montez-vous pas au ciel pour sauver votre vie?" Mais les saints ne tenaient aucun compte de ces paroles. Comme Jacob, ils luttaient avec Dieu. Il tardait aux anges de les délivrer; mais ils devaient attendre encore un peu de temps. Les enfants de Dieu devaient boire cette coupe et être baptisés de ce baptême. Les anges fidèles à leur mandat continuaient de veiller. Dieu ne permettrait pas que son nom fût en opprobre parmi les impies. Le temps approchait où il manifesterait sa puissance et délivrerait glorieusement ses saints. Pour la gloire de son nom, il allait délivrer tous ceux qui l'avaient patiemment attendu, et dont les noms étaient inscrits dans le livre de vie. PE 284 1 Le fidèle Noé me fut rappelé. Lorsque tomba la pluie et que commença le déluge, Noé et sa famille étaient entrés dans l'arche. Dieu avait fermé la porte sur eux. Le patriarche avait fidèlement averti ses contemporains, mais ils s'étaient moqués de lui. Lorsque les eaux tombèrent sur la terre, les engloutissant l'un après l'autre, ils voyaient l'arche dont ils s'étaient moqués, voguer calmement sur les eaux déchaînées, sauvant le fidèle Noé et sa famille. PE 284 2 J'ai vu que les enfants de Dieu, qui avaient fidèlement averti le monde de la colère à venir, seraient délivrés de cette manière. Dieu ne permettra pas que les méchants fassent mourir ceux qui espèrent être translatés, et qui ne voudront pas s'incliner devant le décret de la bête ou recevoir sa marque. J'ai vu que s'il était permis aux méchants de faire mourir les saints, Satan et toute son armée diabolique, avec tous ceux qui se moquent de Dieu, seraient remplis de joie. Et quel triomphe ce serait pour sa majesté Satan que de remporter dans sa dernière lutte la victoire sur ceux qui ont attendu si longtemps l'apparition de Celui qu'ils adorent! Ceux qui se sont moqués à l'idée de voir les saints s'élever au ciel, verront le soin que Dieu prend de ses enfants et leur glorieuse délivrance. Lorsque ceux-ci fuyaient les villes et les villages, ils étaient poursuivis par les méchants qui cherchaient à les faire mourir. Mais les épées dont ils allaient se servir se brisaient et n'avaient pas plus de pouvoir que des fétus de paille. Les anges de Dieu protégeaient les saints, qui criaient jour et nuit pour obtenir la délivrance. Leurs cris parvinrent jusqu'aux oreilles du Seigneur. ------------------------Chapitre 71 -- La délivrance des saints PE 285 1 Ce fut l'heure de minuit que Dieu choisit pour délivrer son peuple. Lorsque les méchants les assiégeaient de leurs moqueries, le soleil parut tout à coup dans toute sa splendeur et la lune s'arrêta. Les impies regardaient cette scène avec étonnement, tandis que les saints contemplaient avec une joie solennelle ces gages de leur délivrance. Des signes et des prodiges se succédaient rapidement. Tous les éléments semblaient être détournés de leurs cours naturel; les fleuves cessaient de couler; de sombres nuages s'élevaient et s'entrechoquaient. Mais il y avait un endroit glorieux d'où la voix du Seigneur se faisait entendre; c'était comme le bruit des grosses eaux; elle ébranlait le ciel et la terre. PE 285 2 Il y eut un grand tremblement de terre; des tombes s'ouvrirent, et ceux qui étaient morts dans la foi pendant la proclamation du troisième message, qui avaient observé le sabbat, sortirent glorieux de leurs lits de poussière pour entendre l'alliance de paix que Dieu allait faire avec ceux qui avaient gardé sa loi. Le ciel s'ouvrait, se fermait, était continuellement agité. Les montagnes s'inclinaient comme des roseaux agités par le vent, et jetaient de tous côtés des blocs de rochers. La mer bouillonnait et rejetait des pierres sur la terre. Lorsque Dieu annonça le jour et l'heure de la venue de Jésus, il prononçait une phrase, et s'arrêtait tandis que ses paroles parcouraient la terre. L'Israël de Dieu avait les yeux fixés en haut; il écoutait les paroles qui sortaient de la bouche de Jéhovah et qui résonnaient comme le bruit du tonnerre. C'était une scène d'une solennité effrayante. Après chaque phrase, les saints s'écriaient: "Gloire! Alléluia!" Leurs visages, éclairés de la gloire de Dieu, rayonnaient comme celui de Moïse lorsqu'il descendit du Sinaï. Les méchants ne pouvaient pas les regarder à cause de l'éclat de leurs visages. Et lorsque la bénédiction éternelle fut prononcée sur ceux qui avaient honoré Dieu en observant son saint sabbat, on entendit un immense cri proclamant la victoire remportée sur la bête et son image. PE 286 1 Alors commença le jubilé, le temps durant lequel le pays devait se reposer. J'ai vu l'esclave pieux se lever victorieux et triomphant, faisant tomber les chaînes qui l'avaient lié, alors que son maître impie était dans la confusion, ne sachant que faire, car les méchants ne pouvaient comprendre les paroles prononcées par la voix de Dieu. PE 286 2 Bientôt apparut la grande nuée blanche où était assis le Fils de l'homme. Lorsqu'elle apparut au loin, cette nuée semblait très petite. L'ange dit que c'était le signe du Fils de l'homme. A mesure qu'elle s'approchait de la terre, nous pûmes contempler la gloire excellente et la majesté de Jésus qui avançait vers la victoire. Un cortège de saints anges, la tête ornée de magnifiques et étincelantes couronnes, l'escortait. Nul langage ne saurait décrire la gloire de cette scène. Cette nuée vivante, d'une majesté et d'une gloire incomparables, s'approcha encore plus près de nous, et nous pûmes distinguer nettement la personne adorable de Jésus. Il ne portait plus une couronne d'épines; mais son front était orné d'une couronne de gloire. Sur son vêtement et sur sa cuisse, on pouvait lire: Roi des rois et Seigneur des seigneurs. Son visage rayonnait comme le soleil en plein midi; ses yeux étaient comme des flammes de feu, ses pieds avaient l'apparence de l'airain le plus pur. Sa voix retentissait comme le son d'instruments de musique. La terre tremblait devant lui; le ciel se retira comme un livre qu'on roule, et les montagnes et les îles furent remuées de leurs places. "Les rois de la terre, les grands, les chefs militaires, les riches, les puissants, tous les esclaves et les hommes libres, se cachèrent dans les cavernes et dans les rochers des montagnes. Et ils disaient aux montagnes et aux rochers: Tombez sur nous, et cachez-nous devant la face de celui qui est assis sur le trône, et devant la colère de l'agneau; car le grand jour de sa colère est venu, et qui peut subsister." PE 287 1 Ceux qui, peu de temps auparavant, auraient voulu faire disparaître de la terre les fidèles croyants, voyaient alors la gloire de Dieu s'arrêter sur eux. Au milieu de leur terreur, ils entendaient les saints chanter: "Le voici, c'est notre Dieu; nous avons espéré en lui et il nous a sauvés." PE 287 2 La terre fut fortement ébranlée à la voix du Fils de Dieu qui appelait les saints hors de leurs sépulcres. Ils répondirent à son appel, et apparurent revêtus d'une glorieuse immortalité, et s'écriant: "La mort a été engloutie dans la victoire. O mort, où est ta victoire? O mort, où est ton aiguillon?" Alors les saints vivants et les saints ressuscités élevèrent leurs voix et firent entendre un long cri de victoire. Ces corps qui avaient été déposés dans la tombe portant les marques de la maladie et de la mort en sortirent triomphants, pleins de santé et de force. Les saints vivants furent transformés en un instant, en un clin d'oeil, et enlevés avec ceux qui étaient ressuscités. Tous ensemble, ils allèrent au-devant du Seigneur dans les airs. Oh, quelle glorieuse réunion! Des amis que la mort avait longtemps séparés se retrouvaient pour ne plus jamais se quitter. PE 287 3 De chaque côté du chariot fait de nuées il y avait des ailes, et au-dessous, des roues vivantes. Lorsque le chariot montait, les roues s'écriaient: "Saint!" et lorsque les ailes s'agitaient, elles s'écriaient: "Saint!" Les saints anges, formant un cortège autour de la nuée, s'écriaient aussi: "Saint, saint, saint est le Seigneur Dieu, le Tout-Puissant!" Et les saints qui étaient dans la nuée s'écriaient: "Gloire! Alléluia!" Et le chariot montait vers la sainte cité. Avant d'y entrer, les saints furent disposés en un carré parfait. Jésus était au centre; il dépassait de la tête et des épaules les saints et les anges. Tous ceux qui formaient le carré pouvaient contempler sa taille majestueuse et son visage adorable. ------------------------Chapitre 72 -- La récompense des saints PE 288 1 Je vis ensuite un grand nombre d'anges qui apportaient des couronnes glorieuses -- une pour chaque saint, gravée à son nom. Lorsque Jésus demanda les couronnes, les anges les lui présentèrent, et, de sa main droite, il les plaça sur la tête des saints. De la même manière, des anges apportèrent des harpes que Jésus présenta également aux saints. Les anges qui commandaient donnèrent les premiers le ton, puis chaque voix fit entendre de joyeuses actions de grâce, et chacun toucha habilement les cordes des harpes, faisant retentir l'air de la musique la plus mélodieuse. PE 288 2 Alors je vis Jésus conduire la troupe des rachetés à la porte de la cité. Il saisit cette porte, la fit tourner sur ses gonds étincelants, et fit entrer les nations qui avaient gardé la vérité. A l'intérieur de la cité, tout était de nature à réjouir la vue. Partout on voyait des choses riches et glorieuses. Alors Jésus posa son regard sur les saints qu'il avait rachetés. Leurs visages étaient resplendissants de gloire; et lorsqu'il fixa sur eux ses yeux pleins d'amour, il dit de sa voix pure et musicale: "Je contemple le travail de mon âme et en suis rassasié. Vous pouvez jouir éternellement de cette gloire; vos peines sont finies. Il n'y aura plus de mort, plus de deuil, de cri, de souffrance." Je vis l'armée des rachetés se prosterner devant lui et jeter à ses pieds leurs couronnes étincelantes. Ensuite, relevés par ses mains bienfaisantes, ils jouèrent de leurs harpes d'or et remplirent tout le ciel de leur musique magnifique et de leurs chants en l'honneur de l'Agneau. PE 288 3 Je vis alors Jésus conduire son peuple vers l'arbre de vie. Il fit entendre de nouveau sa voix aimable, plus sublime qu'aucune musique ayant jamais frappé l'oreille humaine. "Les feuilles de cet arbre, dit-il, sont pour la guérison des nations. Mangez-en tous." L'arbre de vie était chargé des plus beaux fruits; les saints pouvaient en cueillir librement. Dans la cité il y avait un trône splendide d'où procédait un fleuve d'eau vive, pure comme du cristal. Sur chaque rive du fleuve était l'arbre de vie portant des fruits bons à manger. PE 289 1 Nul langage ne saurait décrire le ciel. Lorsque je pense à tout cela, je suis émerveillée. Remplie d'admiration pour ces splendeurs incomparables et ces gloires indescriptibles, je ne puis que poser la plume et m'écrier: "Oh, quel amour! Quel merveilleux amour!" Les paroles les plus sublimes ne sauraient décrire la gloire du ciel, ou les profondeurs incommensurables de l'amour du Sauveur. ------------------------Chapitre 73 -- La terre désolée PE 289 2 Mon attention fut de nouveau attirée vers la terre. Les méchants avaient été détruits et leurs corps gisaient à sa surface. La colère de Dieu s'était déchaînée contre les habitants de la terre dans les sept derniers fléaux. Ils s'étaient mordu la langue de douleur et avaient blasphémé contre Dieu. Les faux bergers avaient été particulièrement visés par la colère de Dieu. Leurs yeux s'étaient fondus dans leurs orbites et leur langue dans leur bouche pendant qu'ils étaient encore debout. Après que les saints eurent été délivrés, les méchants tournèrent leur rage les uns contre les autres. La terre paraissait inondée de sang et jonchée de cadavres. Elle ressemblait à un affreux désert. Les villes et les villages, détruits par le tremblement de terre, formaient des monceaux de ruines. Les montagnes qui avaient été remuées de leurs places avaient laissé d'immenses cavernes; des rochers brisés, lancés par les eaux de la mer ou arrachés du sein de la terre, étaient disséminés à sa surface. D'énormes arbres avaient été déracinés et couchés sur le sol. PE 290 1 C'est dans cette désolation que devront demeurer Satan et ses anges pendant mille ans. C'est là qu'il sera confiné, qu'il errera çà et là, et qu'il pourra se rendre compte des effets de sa révolte contre la loi de Dieu. Pendant mille ans, il pourra savourer les fruits de la malédiction qu'il a provoquée. Limité à la terre, il ne pourra errer sur d'autres planètes pour tenter ceux qui n'ont pas connu le péché. Sa souffrance sera terrible. Depuis sa chute, il n'a cessé d'avoir une activité dévorante. Mais alors il sera privé de sa force; il pourra réfléchir à ce qu'a été sa conduite depuis sa chute, et considérer avec terreur l'avenir qui lui est réservé. Il devra souffrir pour tout le mal dont il s'est rendu coupable et pour tous les péchés qu'il a fait commettre. PE 290 2 J'entendis les anges et les rachetés pousser des cris de triomphe; on aurait cru assister à un concert donné par dix mille instruments de musique. Ils se réjouissaient de ce que Satan ne pourrait plus jamais les contrarier ni les tenter, et aussi parce que les autres mondes n'avaient plus rien à craindre de sa présence ni de ses tentations. PE 290 3 Alors je vis des trônes où étaient assis Jésus et les rachetés; car ceux-ci allaient régner comme rois et sacrificateurs. Le Christ, uni à son peuple, jugeait les méchants, qui étaient morts, examinant leurs actes à la lumière du livre de la loi: la Parole de Dieu, et décidant chaque cas selon les oeuvres qu'ils avaient accomplies étant dans leurs corps. Puis ils fixaient le temps que les méchants devaient souffrir, d'après leurs oeuvres. Tout cela était écrit en face de leurs noms dans le livre de mort. PE 290 4 Satan et ses anges furent aussi jugés par Jésus et les rachetés. Le châtiment de Satan devait être beaucoup plus sévère que celui des hommes qu'il avait séduits. Aucune comparaison ne pouvait être faite entre ses souffrances et les leurs. Lorsque tous ceux qu'il a réussi à séduire auront été détruits, Satan devra leur survivre et souffrir beaucoup plus longtemps. PE 291 1 Quand le jugement des méchants fut achevé, à la fin des mille ans, Jésus quitta la sainte cité. Les rachetés et un cortège d'anges le suivirent. Il descendit sur une haute montagne qui, dès que son pied l'eut touchée, se sépara en deux et devint une immense plaine. Alors nous levâmes les yeux et nous vîmes la grande et merveilleuse cité aux douze fondements, aux douze portes, trois de chaque côté, et un ange devant chacune d'elle. Nous nous écriâmes: "La cité! la grande cité! Elle descend du ciel d'auprès de Dieu." Elle descendit dans toute sa splendeur, dans toute sa gloire; elle se posa sur l'immense plaine que Jésus lui avait préparée. ------------------------Chapitre 74 -- La seconde résurrection PE 292 1 Jésus avec tout le cortège des anges et tous les rachetés quittèrent la sainte cité. Les anges escortèrent leur chef, puis venait la suite des saints rachetés. Alors Jésus, déployant une majesté terrible, appela les morts hors de la tombe. Ils en sortirent avec les mêmes corps débiles, maladifs, qui étaient descendus dans la fosse. Quel spectacle! A la première résurrection, les rachetés se réveillèrent dans la fleur de l'immortalité. Mais à la seconde résurrection, les méchants portent les marques visibles de la malédiction. Les grands de ce monde, les rois, les faibles et les forts, les savants et les ignorants, tous se relèvent ensemble; tous voient le Fils de l'homme; et ces mêmes créatures qui le méprisèrent, se moquèrent de lui, mirent une couronne d'épines sur son front sacré et le frappèrent avec un roseau, le voient dans toute sa royale majesté. Ceux qui lui avaient craché au visage à l'heure de sa passion, se détournent maintenant de son regard perçant et de l'éclat de son visage. Ceux qui enfoncèrent des clous dans ses mains et dans ses pieds voient maintenant les stigmates de sa crucifixion. Il en est de même pour ceux qui percèrent son côté. Tous peuvent se rendre compte que c'est bien Celui qu'ils ont crucifié et dont ils se sont moqués lorsqu'il allait mourir. Ils poussent maintenant un long cri d'angoisse, et s'enfuient pour se cacher de la présence du Roi des rois et du Seigneur des seigneurs. PE 292 2 Tous cherchent la protection des rochers pour ne pas voir la gloire terrible de Celui qu'ils ont autrefois méprisé. Puis, anéantis par la souffrance, devant sa majesté et l'éclat de sa gloire, ils élèvent tous ensemble la voix. Ils s'écrient: "Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur!" PE 292 3 Alors Jésus et ses anges, accompagnés de tous les rachetés, retournent dans la cité. Les méchants, condamnés, remplissent les airs de leurs lamentations et de leurs gémissements. Je vis alors que Satan recommençait son oeuvre. Il passait et repassait parmi ses sujets, fortifiait les faibles, et leur disait combien lui et ses anges étaient puissants. Il leur montrait les innombrables millions qui étaient ressuscités. Il se trouvait parmi eux des guerriers fameux, des rois habiles à conduire des batailles, qui avaient conquis des royaumes. Il y avait là de puissants géants, des hommes vaillants qui n'avaient jamais perdu une bataille. Là se trouvait l'orgueilleux et ambitieux Napoléon, dont l'approche faisait trembler les royaumes. Il y avait des hommes de haute stature et au port digne, qui étaient tombés dans la bataille, assoiffés de conquêtes. En sortant de leurs sépulcres, ils reprennent le cours de leurs pensées interrompu par la mort. Ils nourrissent le même désir de vaincre qui les animait quand ils tombèrent. PE 293 1 Satan tient conseil avec ses anges, et ensuite avec ces rois, ces conquérants, ces hommes puissants. Puis il regarde cette immense armée, et leur dit que ceux qui se trouvent dans la cité ne sont qu'une petite troupe, qu'ils peuvent monter contre elle, la prendre, en chasser les habitants et posséder toutes ses richesses et sa gloire. PE 293 2 Satan réussit à les tromper et tous commencent à faire des préparatifs pour la bataille. Il y a beaucoup d'hommes habiles dans cette vaste multitude, et ils se mettent à construire toute sorte d'instruments de guerre. Ensuite, Satan à leur tête, cette immense armée se met en marche. Immédiatement après Satan, viennent les rois et les guerriers, puis la multitude rangée par compagnies. Chacune d'elle a son chef. Dans leur marche à travers la terre désolée, ils observent un ordre parfait en se dirigeant vers la sainte cité. PE 293 3 Jésus ferme les portes de la cité environnée par cette immense armée de méchants. Ceux-ci se placent en ordre de bataille, s'attendant à livrer un rude combat. Alors Jésus et toute l'armée des anges, ainsi que tous les saints, dont les têtes sont ornées de couronnes étincelantes, montent sur les murailles de la cité. Jésus, d'un ton de majesté, dit: "Pécheurs, contemplez la récompense des justes! Et vous, mes rachetés, contemplez le salaire des méchants!" La grande armée des méchants regarde la troupe glorieuse des justes qui se tiennent sur les murailles de la ville. En voyant la splendeur de leurs couronnes étincelantes et leurs visages rayonnants de gloire, réfléchissant l'image de Jésus; puis, contemplant la gloire indescriptible et la majesté du Roi des rois et du Seigneur des seigneurs, les méchants sentent leur courage défaillir. Ils sont assaillis par la pensée des richesses et de la gloire qu'ils ont perdues, et ils comprennent que le salaire du péché, c'est la mort. Ils voient ceux qu'ils ont méprisés, saints, heureux, revêtus de gloire, d'honneur et d'immortalité, alors qu'eux sont hors de la cité, au milieu de choses méprisables et abominables. ------------------------Chapitre 75 -- La seconde mort PE 294 1 Satan se précipite au milieu de sa troupe, cherchant à pousser cette multitude à agir. Mais Dieu fait descendre le feu du ciel, et les grands de ce monde, les puissants, les nobles et les misérables, tous sont consumés. J'en vis qui étaient détruits immédiatement, alors que d'autres souffraient plus longtemps. Ils recevaient selon leurs oeuvres qu'ils avaient faites étant dans leurs corps. Quelques-uns mirent plusieurs jours à se consumer, et aussi longtemps qu'il restait en eux quelque vie, ils étaient conscients de leurs souffrances. L'ange dit: "Le ver ne mourra point, leur feu ne s'éteindra point tant qu'il y aura un atome à dévorer." PE 295 1 Satan et ses anges souffraient longtemps. Le grand ennemi des âmes ne portait pas seulement le poids de ses péchés, mais aussi celui des péchés de l'armée des rachetés, qui avait été placé sur lui. Il dut aussi souffrir pour la perte des âmes qu'il avait causée. Alors je vis que Satan et toute l'armée des méchants étaient consumés, et que la justice de Dieu était satisfaite. Toute l'armée des anges et tous les rachetés s'écrièrent: "Amen!" PE 295 2 L'ange me dit: "Satan est la racine, ses enfants sont les rameaux. Ils sont maintenant consumés, racine et rameaux; ils sont morts d'une mort éternelle. Jamais ils ne ressusciteront. Dieu aura un univers pur." Ensuite je regardai, et je vis le feu qui avait consumé les méchants; il brûlait tout ce qu'il y avait d'immonde et de souillé; il purifia la terre. Je regardai de nouveau, et je vis la terre purifiée. On ne voyait plus le moindre signe de malédiction. La surface de la terre, auparavant bouleversée, ressemblait alors à une immense plaine. L'univers entier, que Dieu avait formé, était purifié; le grand conflit était terminé. Où que l'on portât les yeux, on ne voyait que des choses magnifiques. Tous les rachetés, jeunes et vieux, grands et petits, jetaient leurs couronnes aux pieds du Rédempteur; ils se prosternaient devant lui, et adoraient Celui qui vit aux siècles des siècles. PE 295 3 La terre nouvelle, dans toute sa beauté, dans toute sa gloire, était l'héritage éternel des rachetés. Le règne, la domination et la grandeur des royaumes qui sont sous tous les cieux furent alors donnés aux saints du Souverain, qui devaient les posséder pour toujours, aux siècles des siècles. ------------------------Appendice PE 296 1 Pages 15-20. Emploi du pronom "nous". -- En parlant de certains événements futurs, l'auteur emploie le pronom "nous" et semble participer activement à quelques-unes des scènes qu'elle décrit. Ceci a reçu, de la part de quelques lecteurs, une interprétation littérale. Afin de mettre les choses au point, il suffira de tenir compte des faits suivants:. PE 296 2 Lorsque Mme White décrit ce que Dieu lui a révélé, elle le fait parfois comme si elle était mêlée aux événements dont elle parle, que ceux-ci aient eu lieu dans le passé, qu'ils soient présents ou futurs. En réponse aux questions concernant la condition dans laquelle elle se trouvait lorsqu'elle était en vision, elle écrit:. PE 296 3 "Quand le Seigneur juge bon de me donner une vision, je suis transportée en présence de Jésus et des anges, et entièrement détachée des choses de cette terre... Mon attention est souvent attirée sur des scènes qui se passent ici-bas. Parfois je suis transportée bien loin dans le futur, et je vois ce qui doit arriver. D'autres fois je vois des choses qui ont eu lieu dans le passé." -- Spiritual Gifts 2:292.. PE 296 4 Ellen White, adventiste elle-même, écrit comme si elle voyait et entendait ce qui va se produire:. PE 296 5 Page 15: "Nous entendîmes bientôt la voix de Dieu, semblable au bruit des grandes eaux, annonçant le jour et l'heure du retour de Jésus.". PE 296 6 Page 16: "Nous entrâmes tous ensemble dans la nuée, et notre ascension pour atteindre la mer de verre dura sept jours... Jésus, de sa propre main, ceignit nos fronts d'une couronne.". PE 296 7 Page 17: "Nous entrâmes tous avec le sentiment que nous avions droit à ce lieu.". PE 296 8 "Nous vîmes l'arbre de vie et le trône de Dieu.". PE 296 9 "Jésus à notre tête, nous quittâmes tous la cité pour la terre.". PE 296 10 Page 19: "Alors que nous allions entrer dans le temple...". PE 297 1 "Je ne saurais décrire toutes les splendeurs que j'y ai vues.". PE 297 2 Après sa vision, Mme White était capable de se souvenir d'une grande partie de ce qui lui avait été montré, mais elle n'avait plus aucun souvenir de ce qui était secret et ne devait pas être révélé. En ce qui concerne la scène qui doit se produire lorsque le peuple de Dieu sera délivré (p. 285), elle entendit annoncer "le jour et l'heure du retour de Jésus" (p. 15, 34). A ce sujet, elle écrivit plus tard:. PE 297 3 "Je n'ai pas la moindre idée du temps dont a parlé la voix de Dieu. J'ai entendu cette voix proclamer l'heure et le jour de la venue de Jésus, mais après ma vision, je n'en ai plus eu le moindre souvenir. J'ai vu des scènes d'un tel intérêt qu'aucun langage humain ne saurait décrire. Tout était pour moi une vivante réalité." -- Lettre 38, 1888; Selected Messages 1:76.. PE 297 4 Le fait qu'elle semblait participer à certains événements ne garantit pas qu'elle y participera quand ces événements se produiront.. PE 297 5 Page 17. Frères Fitch et Stockman. -- En racontant sa première vision, Mme White parle des "frères Fitch et Stockman" comme des rachetés avec lesquels elle s'est entretenue dans la nouvelle Jérusalem. Tous les deux étaient des pasteurs qu'elle avait bien connus et qui avaient pris une part active dans la proclamation du message sur le retour du Christ, mais qui étaient morts peu de temps avant le désappointement du 22 octobre 1844.. PE 297 6 Charles Fitch, un pasteur presbytérien, accepta le message adventiste en lisant les conférences de William Miller, ainsi que par ses relations avec Josiah Litch. Il se lança de tout son coeur dans la proclamation du retour du Christ comme devant se produire à la fin des 2300 jours; ce fut un chef en vue du Mouvement adventiste. En 1842, il dessina la carte prophétique qui eut un si grand succès, et dont parle Mme White dans les Premiers Ecrits, 74. Il mourut quelques jours avant le 22 octobre 1844, à la suite d'une maladie contractée lors d'un service baptismal par une froide journée d'automne. -- Voir Prophetic Faith of Our Fathers 4:533-545.. PE 297 7 Lévi F. Stockman était un jeune pasteur méthodiste de l'Etat du Maine, qui, en 1842, avec une trentaine d'autres. pasteurs méthodistes, embrassa le message de la seconde venue du Christ et le proclama. Il travaillait à Portland (Maine), quand il tomba malade, en 1843. Il mourut de tuberculose le 25 juin 1844. C'est vers lui que Mme White, alors jeune fille, se rendit pour demander conseil lorsque, découragée, Dieu lui parla dans deux songes. -- Voir Premier écrits, 12 et 78-81; Prophetic Faith of Our Fathers 4:780-782.. PE 298 1 Lorsque Mme White eut une vision des événements qui suivirent la seconde venue du Christ, elle parla avec ces hommes des expériences par lesquelles avaient passé les croyants du Mouvement adventiste. Elle semble participer elle-même aux événements dont elle parle.. PE 298 2 Page 21. Le mesmérisme. -- Pour justifier leur opposition, quelques ennemis des premières visions de Mme White l'accusaient d'être sous l'influence du mesmérisme, un phénomène connu aujourd'hui sous le nom d'hypnotisme. L'hypnose est un état qui ressemble au sommeil, produit par la suggestion. Le sujet hypnotisé, étant en rapport avec celui qui le suggestionne, répond à ce qu'il en attend. Quand un médecin "mesmérite" voulut hypnotiser Mme White, il en fut incapable.. PE 298 3 Dès le début de son ministère, Mme White dénonça les périls de l'hypnotisme, et elle reçut souvent des instructions à cet égard. Elle met en garde contre la pratique consistant à dominer l'esprit ou la volonté d'un autre. -- Voir Rayons de Santé, 120, 121; Medical Ministry, 110-112; Selected Messages 2:349, 350, 353.. PE 298 4 Pages 22, 33. Adventistes de nom. -- Ceux qui s'unirent pour proclamer le premier message et le second, mais qui rejetèrent celui du troisième ange ainsi que la vérité du sabbat, et qui néanmoins continuaient à croire à la venue du Christ, sont appelés par Mme White "ceux qui se disaient adventistes", ou "qui rejetaient la vérité présente" (p. 69). Elle parle aussi de "différents groupes qui professent des croyances adventistes" (p. 124). Dans nos premières publications ils étaient parfois appelés "adventistes du premier jour". L'expression "Eglises nominales" est aussi employée pour désigner ces églises et il nous est dit qu'elles. "étaient tombées" parce que "la froideur et la mort régnaient dans leur sein" (p. 116).. PE 299 1 Un grand nombre de chrétiens furent désappointés à l'automne de 1844, lorsque le Christ ne revint pas comme ils l'attendaient. Les adventistes se divisèrent alors en plusieurs groupes. Deux de ceux-ci survécurent: l'Eglise chrétienne adventiste, dont les membres sont peu nombreux, et les Adventistes du Septième Jour.. PE 299 2 Il y en eut relativement peu parmi les adventistes qui maintinrent leur confiance dans l'accomplissement de la prophétie en 1844. Mais ceux qui furent fidèles acceptèrent le message du troisième ange avec l'observation du sabbat. Parlant de cette période critique, Mme White écrivit plus tard:. PE 299 3 "Si les adventistes, après le grand désappointement de 1844, s'étaient cramponnés à leur foi; s'ils s'étaient laissé conduire par la providence divine; s'ils avaient reçu le message du troisième ange et l'avaient proclamé par la puissance du Saint-Esprit, ils auraient vu le salut de Dieu, le Seigneur aurait puissamment secondé leurs efforts, l'oeuvre serait achevée, et le Christ serait revenu pour chercher les siens et les introduire dans les demeures éternelles.. PE 299 4 "Mais dans la période de doute et d'incertitude qui suivit le désappointement, un grand nombre d'adventistes abandonnèrent leur foi. Des dissensions et des divisions s'ensuivirent. La majorité d'entre eux combattirent par la parole et par la plume les quelques croyants qui, se confiant dans la providence divine, reçurent la réforme sur le sabbat et commencèrent à proclamer le message du troisième ange. Beaucoup parmi ceux qui auraient dû vouer leur temps et leurs talents à avertir le monde, étaient absorbés par leur opposition à la vérité du sabbat, et, à leur tour, ceux qui étaient fidèles à cette vérité, devaient nécessairement employer leur temps et leur énergie à la défendre. Ainsi, l'oeuvre était paralysée, et le monde, laissé dans les ténèbres. Si tous les adventistes avaient été unis sur l'observation des commandements de Dieu et la foi de Jésus, comme notre histoire eût été différente!" -- Selected Messages 1:68.. PE 299 5 Pages 42-45. La porte ouverte et la porte fermée. -- Lorsque dans La Tragédie des Siècles, Mme White parle. du grand Mouvement adventiste et du désappointement du 22 octobre 1844 et de ce qui se produisit immédiatement après le désappointement, elle fait mention de la conclusion inévitable à laquelle on arriva pendant une courte période: "la porte de la miséricorde était fermée". Mais elle ajoute: "L'étude de la question du sanctuaire leur apporta des nouvelles lumières." -- Voir La tragédie des siècles, 473, et tout le chapitre "Dans le lieu très saint", 465-475.. PE 300 1 En ce qui la concernait personnellement, elle écrivit en 1874 qu'elle n'a "jamais eu de vision où il lui a été dit qu'aucun pécheur ne pouvait plus se convertir". Et elle n'enseigna jamais une doctrine semblable. "La lumière qui me fut donnée, écrit-elle ailleurs, consistait à corriger notre erreur et à nous permettre de voir notre position réelle." -- Selected Messages 1:74, 63.. PE 300 2 Pages 43, 44 et 86. Les frappements mystérieux de New York et Rochester. -- Il s'agit ici des incidents relatifs aux débuts du spiritisme moderne. En 1848, des coups mystérieux furent entendus dans la maison de la famille Fox, à Hydesville, à une soixantaine de kilomètres à l'est de la ville de Rochester (New York). On se perdait en conjectures au sujet de ces coups mystérieux, mais Ellen White déclara qu'il lui avait été montré dans une vision qu'il s'agissait de manifestations spirites, que ces phénomènes se multiplieraient rapidement et qu'au nom de la religion, ils deviendraient populaires, séduisant les multitudes. Ce serait le chef-d'oeuvre des séductions sataniques des derniers jours.. PE 300 3 Page 50. Messagers sans message. -- Cette expression apparaît dans le compte rendu d'une vision donnée à Ellen White le 26 janvier 1850. A cette époque les adventistes n'avaient pas d'Eglise organisée. La plupart craignaient qu'une organisation amène le formalisme parmi les croyants. Mais avec le temps, des éléments discordants commencèrent à faire des ravages dans les rangs des adventistes. Des messages d'avertissements furent alors donnés par Mme White, et les adventistes petit à petit adoptèrent une forme d'organisation pour leur Eglise. Il en résulta que les groupes de croyants furent plus unis qu'auparavant. On put ainsi. recommander les pasteurs qui étaient capables de prêcher le message, et en même temps dénoncer ceux qui au lieu de prêcher la vérité enseignaient l'erreur.. PE 301 1 L'importance d'une telle organisation est mise en évidence dans le second livre de Mme White: Supplément du livre Expérience chrétienne et visions d'Ellen G. White, dans le chapitre intitulé "L'ordre évangélique", publié en 1854. -- Voir Premier écrits, 97-104.. PE 301 2 Pages 61, 62. Unité des bergers. -- Voir note de la page 50: Messagers sans message.. PE 301 3 Page 75. Le "devoir de se rendre à Jérusalem". -- Mme White fait ainsi allusion à certaines opinions erronées d'un petit nombre de personnes. L'année suivante, dans la The Review and Herald, du 7 octobre 1851, James White donna son avis sur des "opinions troublantes et sans profit qui circulent au sujet de la vieille Jérusalem". Il mentionnait aussi "les opinions étranges qui ont fait trébucher quelques-uns, et d'après lesquelles les saints doivent encore aller à la vieille ville de Jérusalem, etc.". PE 301 4 Page 77. Le rédacteur du "Day-Star". -- Enoch Jacobs habitait à Cincinnati (Ohio). C'est lui qui publiait le Day-Star, un des premiers journaux qui proclama la seconde venue du Christ. C'est à Enoch Jacobs qu'Ellen Harmon, au mois de décembre 1845, envoya un compte rendu de sa première vision dans l'espoir de l'affermir. Elle avait remarqué que sa confiance dans la direction divine du Mouvement adventiste était vacillante. C'est donc dans le Day-Star que parut la première vision de Mme White, dans le numéro du 24 janvier 1846. C'est ce même journal qui inséra le mémorable article concernant le sanctuaire céleste et sa purification, écrit par Hiram Edson, le Dr. Hahn et O. R. L. Crozier. C'était un numéro spécial, daté du 7 février 1846. Il s'agissait d'une étude des Ecritures relative au ministère du Christ dans le lieu très saint du sanctuaire céleste qui avait commencé le 22 octobre 1844. C'est dans ce même journal que parut aussi une seconde communication d'Ellen Harmon, dans le numéro du 14 mars 1846. -- Voir Premier écrits, 32-35. Le paragraphe ici considéré. se rapporte à des vues soutenues ultérieurement par Enoch Jacobs et aux erreurs spirites qu'il embrassa.. PE 302 1 Page 89. Thomas Paine. -- Les écrits de Thomas Paine étaient bien connus et très répandus aux Etats-Unis en 1840. Son livre L'âge de raison était une oeuvre déiste et préjudiciable à la foi chrétienne. Le livre commence par ces mots: "Je crois en un seul Dieu et à rien de plus." Paine ne croyait pas en Christ; Satan s'en servit avec succès pour diriger ses attaques contre l'Eglise. Ainsi que Mme White l'a fait remarquer, si un homme comme Paine peut entrer au ciel et y être hautement honoré, n'importe quel pécheur dont la vie n'a pas été changée et qui ne croit pas en Jésus-Christ peut y entrer. Elle dénonça dans un langage vigoureux l'irrationalité du spiritisme.. PE 302 2 Page 101. "Perfectionnisme". -- Lorsque, parmi les premiers adventistes, peu de temps après 1844, quelques-uns tombèrent dans le fanatisme, Ellen White s'adressa à ces extrémistes avec un "Ainsi a dit l'Eternel". Elle dénonça ceux qui enseignaient qu'on pouvait arriver à la perfection dans la chair et ne plus pécher. Plus tard elle écrit:. PE 302 3 "Ils prétendaient que ceux qui sont sanctifiés ne peuvent plus pécher. Et tout naturellement ils en arrivèrent à croire que les affections et les désirs des sanctifiés étaient toujours bons, et qu'ils ne seraient jamais en danger de faire le mal. Mais ces sophismes les poussaient à commettre les péchés les plus graves sous le manteau de la sanctification; et grâce à ces élucubrations, l'influence du mesmérisme faisait des ravages parmi ceux qui les écoutaient et qui ne discernaient pas le mal qui se cachait sous ces belles mais séductrices théories.... PE 302 4 " Les séductions de ces faux docteurs me furent clairement révélées, et je vis ce qui était écrit à ce sujet dans le livre du ciel. Tandis qu'ils prétendaient posséder une sainteté parfaite, leurs actes étaient odieux aux yeux du Seigneur." -- Life Sketches of Ellen G. White, 83, 84.. PE 302 5 Pages 116, 117. La sainte Cène; l'ablution des pieds par les femmes et le saint baiser. -- Les pionniers de l'Eglise Adventiste du Septième Jour, ayant accepté la vérité du. sabbat, tenaient essentiellement à suivre la Parole de Dieu en toutes choses. Mais ils voulaient aussi éviter les mauvaises interprétations de cette Parole: les extrêmes, le fanatisme. Ils comprirent très bien le privilège et l'obligation de pratiquer la sainte Cène, établie dans l'Eglise par notre Seigneur. Mais il y avait parmi eux quelque incertitude au sujet de l'ablution des pieds et du saint baiser. Dans cette vision, Dieu éclaircit certains points délicats qui devaient guider et protéger l'Eglise.. PE 303 1 En ce qui concernait la fréquence de ces ordonnances, quelques-uns insistaient pour qu'on les pratique une fois par an, mais des instructions furent données pour que la sainte Cène soit pratiquée plus souvent. Aujourd'hui, l'Eglise Adventiste en général commémore la mort du Seigneur quatre fois par an.. PE 303 2 Des conseils furent aussi donnés au sujet de l'ablution des pieds. Il semble qu'il y ait eu différentes opinions sur la manière de procéder. D'aucuns prenaient des initiatives dont le résultat était la "confusion". Il fut recommandé que cette ordonnance soit pratiquée avec prudence, de telle sorte que des préjugés ne puissent se faire jour à ce sujet. On se posait aussi la question de savoir si les frères et les soeurs devaient se laver les pieds mutuellement. Mme White donna alors des indications tirées de l'Ecriture à ce sujet. Il ne serait pas déplacé pour une femme -- apparemment dans certaines conditions -- de laver les pieds d'un homme, mais elle déconseillait à un homme de laver les pieds d'une femme.. PE 303 3 Au sujet du saint baiser, voici ce que dit le S.D.A. Bible Commentary:. PE 303 4 "En Orient surtout, le baiser était un mode courant d'exprimer son amour et son amitié en se saluant. Voir Luc 7:45; Actes 20:37. Le 'saint baiser', ou le 'baiser fraternel' (1 Pierre 5:14, Synodale), était une marque d'affection chrétienne. Il semble être devenu une coutume chez les premiers chrétiens de se donner le 'baiser de paix' à l'occasion de la sainte Cène (Justin Martyr, lère Apologie 65). Plus tard, certains écrits indiquent que ce n'était pas la coutume de donner le 'saint baiser' au sexe opposé (Constitutions apostoliques II. 57; VII. 11)." -- The S.D.A. Bible Commentary 7:257, 258.. PE 303 5 Il semble avoir été la coutume chez les premiers. Adventistes du Septième Jour d'échanger le saint baiser à l'ablution des pieds. On ne trouve nulle part dans nos écrits que ce soit mal de pratiquer le saint baiser entre les hommes et les femmes, mais il est conseillé à tous de s'abstenir de ce qui a quelque apparence de mal.. PE 304 1 Page 118. Faire du bruit. -- Le filet évangélique ramasse toutes sortes de gens. Certains adventistes croyaient que leur expérience religieuse n'avait aucune valeur si elle n'était accompagnée de démonstrations bruyantes en louant Dieu, en prononçant des prières exaltées et des "amen" retentissants. Ici encore il fallut donner des avertissements, recommander l'ordre et la solennité aux services religieux.. PE 304 2 Pages 82, 229-232. William Miller. -- En parlant du grand réveil adventiste en Amérique au cours des décennies de 1830-1840 et 1840-1850, Mme White mentionne souvent William Miller. Dans La Tragédie des Siècles, il y a un long chapitre sur la vie et le ministère de cet homme de Dieu, sous le titre "Un réformateur américain" (p. 355-381). William Miller naquit à Pittsfield (Massachusetts), en 1782, et mourut à Low Hampton (New York), en 1849. Il avait quatre ans lorsque ses parents allèrent se fixer à Low Hampton (New York), près du lac Champlain, et il grandit dans une ferme. Il aimait l'étude et il lisait beaucoup. Il devint un chef dans sa communauté. En 1816, il se mit à étudier sérieusement la Parole de Dieu. Cette étude l'amena à faire un examen approfondi des prophéties qui se rapportent à la seconde venue du Christ. Il arriva à la conclusion que cette seconde venue du Sauveur était proche. Après avoir bien examiné les preuves qu'il avait trouvées dans l'Ecriture à cet égard, pendant plusieurs années, et s'être assuré qu'il ne se trompait pas, il répondit, au mois d'août 1831, à une invitation de présenter à d'autres ses vues sur les prophéties. A partir de ce moment-là, il consacra la plus grande partie de son temps à prêcher le message adventiste. Il fut aidé dans cette tâche par des centaines de pasteurs protestants.. PE 304 3 A l'époque du désappointement, le 22 octobre 1844, Miller était fatigué et malade. Il dépendait largement de ses jeunes collaborateurs qui l'avaient secondé dans la proclamation du message adventiste. Ils le détournèrent de la. vérité du sabbat dont il eut connaissance tôt après le désappointement. Ce sont eux, et non Miller, qui seront tenus responsables. Ellen White parle de cela dans ses Premiers Ecrits, 258, et assure que Miller sera parmi ceux qui sortiront de leur tombeau au son de la dernière trompette.. PE 305 1 Pages 232-240; 254-258. Les trois messages d'Apocalypse 14. -- Dans trois chapitres, commençant à la page 232, Ellen White parle du premier message, du second et du troisième. Elle écrivait pour ceux qui, avec elle, avaient connu le grand mouvement du réveil adventiste, ainsi que le désappointement du printemps et de l'automne de 1844. Elle ne donne pas d'explication au sujet de ces trois messages, mais elle suppose que ses lecteurs en ont une pleine connaissance. Elle parle de ce qui pourrait encourager ses frères à la lumière de sa propre expérience. Dans La Tragédie des Siècles, nous avons plus de détails à cet égard. Le message du premier ange proclame la proximité de "l'heure du jugement". Voir dans La Tragédie des Siècles les chapitres "Les précurseurs du matin" (p. 337-354), "Un réformateur américain" (p. 355-381), "Un grand réveil religieux" (p. 395-412). Pour le message du second ange, voir le chapitre "Un avertissement rejeté" (p. 413-428). L'histoire du désappointement est racontée aux chapitres "Prophéties accomplies" (p. 429-448), "Qu'est-ce que le sanctuaire" (p. 449-464) et "Dans le lieu très saint" (p. 465-475). Le message du troisième ange est traité dans le chapitre "La loi de Dieu est immuable" (p. 477-494) et "Une réforme indispensable" (p. 495-504).. PE 305 2 Pages 237, 238. Fin du message du second ange. -- Alors que nous comprenons très bien que le premier message et le deuxième ont leur application aujourd'hui, nous reconnaissons aussi qu'au début de sa proclamation, le message du premier ange, avec sa déclaration que "l'heure du jugement est venue", s'applique surtout à l'attente du retour du Christ pendant le grand réveil adventiste à partir de 1830 jusqu'au début de 1840. Le message du second ange a son application initiale au début de l'automne de 1844. Il invite les croyants adventistes à sortir des Eglises qui ont rejeté la proclamation du message du premier ange.. Et s'il est vrai que le message du second ange continue à être la "vérité présente", il eut son point culminant immédiatement avant le 22 octobre 1844. Lorsque les trois messages revêtent de nouveau devant le monde une grande importance, immédiatement avant le retour du Christ, l'ange d'Apocalypse 18 se joint à la proclamation du second ange, dans le message: "Babylone est tombée. Sortez du milieu d'elle, mon peuple." -- Voir La tragédie des siècles, 647-656.. PE 306 1 Pages 275, 276. Esclaves et maîtres. -- Selon (Apocalypse 6:15, 16), il y aura encore des esclaves lorsque la seconde venue du Christ se produira. C'est dans ce passage que nous trouvons ces paroles: "Les esclaves et les hommes libres." Mme White déclare qu'il lui fut montré en vision l'esclave et son maître à la seconde venue du Christ. En cela, elle est en parfait accord avec la Bible. Tant Jean que Mme White ont montré les conditions qui régneraient à la seconde venue de notre Seigneur. S'il est vrai que l'esclavage des nègres, aux Etats-Unis, fut aboli par la proclamation de l'émancipation, qui entra en vigueur six ans après la déclaration en question, le message n'est pas invalidé pour cela; car même aujourd'hui, des millions d'hommes et de femmes vivent virtuellement dans l'esclavage dans différentes parties du monde. Il est donc impossible de juger d'une prophétie qui se rapporte à l'avenir avant que nous ne soyons parvenus au moment de son accomplissement.. ------------------------Les Paraboles de Jésus PJ 7 1 Préface PJ 11 1 Chapitre 1 -- L'enseignement en paraboles PJ 21 1 Chapitre 2 -- Un semeur sortit pour semer PJ 47 1 Chapitre 3 -- D'abord l'herbe, puis l'épi PJ 53 1 Chapitre 4 -- L'ivraie PJ 59 1 Chapitre 5 -- Semblable à un grain de sénevé PJ 63 1 Chapitre 6 -- Autres enseignements tirés des semailles PJ 75 1 Chapitre 7 -- Semblable à du levain PJ 81 1 Chapitre 8 -- Le trésor caché PJ 93 1 Chapitre 9 -- La perle PJ 99 1 Chapitre 10 -- Le filet PJ 101 1 Chapitre 11 -- Choses nouvelles et choses anciennes PJ 113 1 Chapitre 12 -- Demander pour donner PJ 125 1 Chapitre 13 -- Deux adorateurs PJ 137 1 Chapitre 14 -- Dieu ne fera-t-il pas justice à ses élus? PJ 155 1 Chapitre 15 -- Cet homme accueille des gens de mauvaise vie PJ 167 1 Chapitre 16 -- Perdu et retrouvé PJ 179 1 Chapitre 17 -- Laisse-le encore cette année PJ 185 1 Chapitre 18 -- Dans les chemins et le long des haies PJ 205 1 Chapitre 19 -- La mesure du pardon PJ 213 1 Chapitre 20 -- Le gain qui est une perte PJ 221 1 Chapitre 21 -- Un grand abîme PJ 233 1 Chapitre 22 -- Dire et faire PJ 245 1 Chapitre 23 -- La vigne du Seigneur PJ 267 1 Chapitre 24 -- Sans l'habit de noces PJ 281 1 Chapitre 25 -- Les talents PJ 321 1 Chapitre 26 -- Les richesses injustes PJ 331 1 Chapitre 27 -- Qui est mon prochain? PJ 343 1 Chapitre 28 -- La récompense de la grâce PJ 357 1 Chapitre 29 -- À la rencontre de l'Époux ------------------------Préface PJ 7 1 Maître incomparable, le Christ donna la plus grande partie de son enseignement en paraboles.. PJ 7 2 La nature est son temple préféré. Où qu'il porte ses pas: dans les champs, les prairies, les vallées ou sur les coteaux; qu'il ait devant lui la chaîne altière du Liban; qu'il s'attarde sur les rives délicieuses du lac de Génésareth; qu'il longe le Jourdain ou traverse la Samarie pour se rendre dans la ville glorieuse de David, il sait tirer de tout ce qui l'entoure une foule d'enseignements pour ses disciples et ses nombreux auditeurs. Les multitudes qui se pressent autour de lui reconnaissent que "jamais homme n'a parlé comme cet homme".. PJ 7 3 D'autres avant lui -- des prophètes, des sages -- ont employé des symboles et des figures pour exprimer leur pensée d'une manière plus frappante; mais Jésus manie cette méthode avec une incomparable maîtrise et trouve les moyens les plus appropriés pour donner aux enseignements divins une forme très attrayante. Il présente avec une grande simplicité les vérités les plus profondes, rapproche de précieuses pensées d'événements familiers; puis il parle de l'amour de Dieu, de la reconnaissance qui lui est due et de l'amour du prochain qui en découle.. PJ 8 1 Les paraboles du Christ respirent cette confiance enfantine qui permet aux hommes les plus simples d'avoir accès aux riches trésors des vérités divines.. PJ 8 2 Le présent ouvrage contient vingt-huit paraboles, divisées en six groupes. Les enseignements qui s'en dégagent sont mis en relief d'une manière saisissante.. PJ 8 3 L'expérience a prouvé que les paraboles sont appréciées de tous ceux qui aiment ce qui est noble et vrai. Puisse ce livre trouver sa place dans bien des foyers et y apporter le salut et la paix! Les Éditeurs. ------------------------Chapitre 1 -- L'enseignement en paraboles PJ 11 1 L'enseignement du Christ en paraboles s'inspire du principe même qui le guidait dans sa mission en faveur de l'humanité. Afin de nous familiariser avec sa personne divine, le Sauveur revêtit notre condition et habita parmi nous. La divinité s'est révélée dans l'humanité et la gloire invisible sous une forme corporelle. Ainsi l'inconnu pourrait s'apprendre par le connu, les choses célestes par les terrestres, Dieu s'étant rendu semblable aux hommes. Il en est de même dans l'enseignement du Christ: l'inconnu est illustré par les choses visibles et les vérités divines sont mises à la portée de tous par des faits de la vie courante. PJ 11 2 L'Ecriture nous rapporte que "Jésus dit à la foule toutes ces choses en paraboles... afin que s'accomplît ce qui avait été annoncé par le prophète: j'ouvrirai ma bouche en paraboles, je publierai des choses cachées depuis la création du monde".1 Il se servait des scènes de la nature et de la vie ordinaire de ses auditeurs pour illustrer les vérités spirituelles de la parole écrite. En reliant ainsi les règnes animal et végétal au domaine spirituel, les paraboles du Christ sont les anneaux d'une chaîne de vérités qui unit l'homme à Dieu et la terre au ciel. PJ 11 3 En empruntant ses instructions à la nature, le Christ se servait de choses qu'il avait lui-même créées et auxquelles il avait communiqué ses qualités et sa puissance. Dans sa perfection initiale, toute la création était l'expression de la pensée de Dieu. Pour Adam et Eve, en Eden, la nature où ils puisaient leur instruction était remplie de la connaissance divine et la sagesse parlait aux yeux et pénétrait le coeur. Nos premiers parents communiaient ainsi avec Dieu dans ses oeuvres magnifiques. Mais dès qu'ils eurent transgressé la loi du Très-Haut, la gloire qui rayonnait de la face de Dieu se retira de la nature; celle-ci perdit sa beauté et fut souillée par le péché. Elle conserva néanmoins de nombreux vestiges de sa magnificence d'antan. Les leçons de choses offertes par le Seigneur ne sont pas entièrement supprimées, car la nature parle encore de son Auteur à celui qui s'applique à comprendre son langage. PJ 12 1 Au temps du Christ, on avait perdu de vue cet enseignement, et l'homme discernait à peine Dieu dans ses oeuvres. Le péché avait voilé les merveilles de la création; les oeuvres de Dieu étaient devenues l'obstacle qui dérobait celui-ci aux regards des hommes au lieu de le révéler. Ils "ont adoré et servi la créature au lieu du Créateur", à tel point que les païens "se sont égarés dans leurs pensées et leur coeur sans intelligence a été plongé dans les ténèbres".2 Ainsi, en Israël, l'enseignement humain avait pris la place de l'enseignement révélé. Non seulement les choses de la nature, mais tout ce qui avait été donné aux hommes pour leur faire connaître Dieu -- le service du culte et les Ecritures elles-mêmes -- avait été perverti au point d'en voiler sa face. PJ 12 2 Le Christ s'efforça d'écarter ce qui obscurcissait la vérité et il déchira le voile que le péché avait jeté sur la nature, afin de mettre en évidence la gloire spirituelle qu'elle devait réfléchir. Par ses paraboles, il remit en honneur les enseignements de la nature et des Ecritures et en fit une révélation nouvelle. PJ 12 3 Jésus cueillait le lis éclatant pour le placer dans la main des enfants et des adolescents, et tandis que ceux-ci considéraient son jeune et frais visage empreint de la gloire de son Père, il leur inculquait une leçon de confiance: "Considérez comment croissent les lis des champs: ils ne travaillent ni ne filent; cependant je vous dis que Salomon même, dans toute sa gloire, n'a pas été vêtu comme l'un d'eux. Si Dieu revêt ainsi l'herbe des champs, qui existe aujourd'hui et qui demain sera jetée au four, ne vous vêtira-t-il pas à plus forte raison, gens de peu de foi?"3 PJ 13 1 Mais dans le sermon sur la montagne, Jésus ne s'adressa pas seulement aux enfants et aux adolescents. Il avait là devant lui toute une foule composée d'hommes et de femmes accablés et angoissés, déçus et troublés. Jésus leur dit: "Ne vous inquiétez donc point, et ne dites pas: Que mangerons-nous? que boirons-nous? de quoi serons-nous vêtus? car toutes ces choses, ce sont les païens qui les recherchent. Votre Père céleste sait que vous en avez besoin." Puis, étendant les mains sur la foule qui l'entourait, il ajouta: "Cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu; et toutes ces choses vous seront données par-dessus."4 PJ 13 2 Le Christ dégageait ainsi le message qu'il avait lui-même placé dans les lis et l'herbe des champs. Il désire que nous le lisions sur chaque lis et sur chaque brin d'herbe. PJ 13 3 Les conceptions de Jésus sur la vérité et son enseignement étaient si vastes que le moindre détail de la nature lui servait d'illustration. Toutes les scènes de la vie journalière étaient reliées à quelque vérité essentielle, si bien que la nature entière se trouvait revêtue des paraboles du Maître. PJ 13 4 Dans la première partie de son ministère, Jésus avait parlé d'une manière si claire que tous ses auditeurs pouvaient comprendre la vérité divine qui conduit au salut. Mais malheureusement, dans beaucoup de coeurs, elle n'avait pas pris racine. "C'est pourquoi je leur parle en paraboles, disait-il, parce qu'en voyant ils ne voient point, et qu'en entendant ils n'entendent ni ne comprennent... car le coeur de ce peuple est devenu insensible; ils ont endurci leurs oreilles, et ils ont fermé leurs yeux."5 PJ 14 1 Jésus voulait éveiller la curiosité de ses auditeurs et secouer les indolents pour faire pénétrer la vérité dans leur coeur. L'enseignement en paraboles était populaire; il attirait l'attention et forçait le respect non seulement des Juifs, mais encore des gens d'autres nations. Aucune méthode n'était plus efficace que celle-là. Si les auditeurs de Jésus avaient eu vraiment le désir de connaître les choses divines, ils auraient pu saisir les enseignements du Maître, car il était toujours disposé à les expliquer à ceux qui en cherchaient sincèrement le sens. PJ 14 2 Le Christ devait aussi présenter des vérités que le peuple n'était pas préparé à recevoir ni même à comprendre. C'est l'une des raisons pour lesquelles il enseignait en paraboles. En tirant ses instructions des scènes de la vie ordinaire ou de la nature, il captait l'attention et impressionnait les coeurs. Plus tard, ceux qui l'avaient entendu illustrer ainsi ses enseignements par les objets qui leur étaient familiers pouvaient se rappeler les exhortations du divin Maître. Ses paroles devenaient alors de plus en plus claires dans la pensée de ceux qui avaient ouvert leur coeur à l'action du Saint-Esprit. Les mystères s'éclaircissaient et ce qui avait d'abord été difficile à saisir devenait évident. PJ 14 3 Jésus s'efforçait de trouver le chemin de tous les coeurs. Grâce à un choix d'illustrations variées, il n'exposait pas seulement la vérité sous ses aspects divers, mais il l'adaptait aux différentes classes de ses auditeurs. Il attirait leur attention par des images prises dans la vie quotidienne. Personne ne pouvait dire qu'il avait été oublié ou laissé de côté. Les plus humbles et les plus grands pécheurs entendaient une voix qui leur parlait avec tendresse et sympathie. PJ 14 4 Une autre raison poussait Jésus à s'exprimer en paraboles. Dans cette multitude rassemblée autour de lui, il y avait des sacrificateurs, des rabbins, des scribes et des anciens, des hérodiens et des magistrats, des mondains, des bigots et des ambitieux qui n'avaient qu'un seul désir: découvrir un motif quelconque pour l'accuser. Ils le suivaient pas à pas chaque jour pour surprendre une parole qui pourrait faire condamner et réduire au silence celui qui semblait entraîner le monde à sa suite. Le Sauveur n'était pas dupe de leurs secrètes intentions, aussi présentait-il la vérité de telle manière qu'ils ne pouvaient rien trouver qui leur permît de l'accuser devant le sanhédrin. Dans ses paraboles, il censurait leur hypocrisie et leur méchanceté. Sous un langage imagé, il enseignait des vérités qui, exposées de façon directe, les auraient éloignés et poussés à mettre fin immédiatement à son ministère. Tandis qu'il échappait ainsi aux pièges des espions, il développait la vérité de façon si claire que l'erreur était démasquée et que les coeurs sincères profitaient de ses leçons. Il utilisait la nature et les expériences de la vie pour enseigner aux hommes la sagesse et la bonté de Dieu. "Les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient comme à l'oeil, depuis la création du monde, quand on les considère dans ses ouvrages."6 PJ 15 1 Dans l'enseignement en paraboles, le Sauveur donne une conception exacte de la véritable éducation. Il aurait pu amener les hommes à sonder les vérités scientifiques les plus profondes, leur faire saisir des mystères dont la compréhension a exigé des siècles de recherches; il aurait pu éclairer la voie des savants à venir et stimuler l'esprit d'invention jusqu'à la fin des temps. Il ne le fit pas, car il ne voulait pas satisfaire la curiosité ou l'ambition des hommes ni leur frayer la voie des grandeurs terrestres. Dans tout son enseignement, le Christ mettait l'intelligence humaine en contact avec l'Esprit infini. Il ne poussait jamais ses auditeurs à étudier les théories en cours au sujet de Dieu, de ses oracles ou de ses oeuvres. Il leur apprenait à le discerner dans sa parole, ses ouvrages et les interventions de sa providence. PJ 16 1 Jésus ne s'exprimait jamais en théories abstraites, mais il insistait sur les principes fondamentaux nécessaires au développement du caractère, et qui permettent à l'homme de mieux connaître Dieu et d'augmenter sa capacité de faire le bien. Il annonçait des vérités pratiques et aux conséquences éternelles. PJ 16 2 C'est le Christ qui avait dirigé l'éducation d'Israël. Voici ce qu'il avait déclaré au sujet des commandements et des préceptes de l'Eternel: "Tu les inculqueras à tes enfants, tu en parleras quand tu seras dans ta maison, quand tu iras en voyage, quand tu te coucheras et quand tu te lèveras. Tu les lieras comme un signe sur tes mains et ils seront comme des fronteaux entre tes yeux. Tu les écriras sur les poteaux de ta maison et sur tes portes."7 Jésus démontra, dans son enseignement, comment ce commandement devait être accompli, comment les lois et les principes du royaume de Dieu pouvaient être présentés pour que l'on voie leur valeur et leur beauté. Quand l'Eternel forma Israël pour faire de lui son représentant sur la terre, il le fit habiter dans un pays de collines et de vallées. Sa vie familiale et religieuse devait être en perpétuel contact avec la nature et la parole de Dieu. C'est ainsi que le Christ enseigna tantôt sur les rives du lac ou sur le versant des coteaux, tantôt dans les champs ou les jardins, là où ses disciples pouvaient contempler la nature dans laquelle il puisait les illustrations de son enseignement; et à mesure qu'ils recevaient celui-ci, ils faisaient usage des connaissances acquises en coopérant avec lui dans son oeuvre. PJ 16 3 C'est ainsi que la création nous familiarise avec son Auteur. La nature est le précieux manuel que nous devons utiliser avec les Ecritures pour faire connaître le Seigneur et ramener à la bergerie les brebis égarées. Par l'étude des oeuvres du Tout-Puissant, le Saint-Esprit crée en nous une conviction qui n'est pas le résultat de la logique humaine. Si l'intelligence reste encore capable de connaître Dieu, si les yeux ne sont pas trop obscurcis pour voir et si les oreilles ne sont pas devenues sourdes à sa voix, les vérités divines s'impriment sur le coeur en caractères indélébiles. PJ 17 1 La simplicité et la pureté des leçons tirées de la nature leur donnent une valeur incalculable. Tout homme a besoin des enseignements qui découlent de cette source. Les beautés de la nature éloignent l'âme du péché et des vanités du monde pour l'attirer vers la paix, vers la pureté et vers Dieu. Les étudiants s'occupent trop souvent des théories et des spéculations à l'ordre du jour, faussement appelées science et philosophie. Ils ont besoin de se mettre en étroite communion avec la nature afin d'apprendre que la création et le christianisme ont un seul et même Dieu. Qu'ils s'efforcent de comprendre l'harmonie existant entre la nature et le monde spirituel. Que tout ce qu'ils voient et touchent contribue à la formation de leur caractère; ainsi leurs facultés mentales se fortifieront, leur caractère se développera et leur vie s'ennoblira. PJ 17 2 Le but que le Christ se proposait dans ses paraboles était en étroite relation avec celui du sabbat. Dieu a donné aux hommes un mémorial de sa puissance créatrice afin qu'ils puissent le discerner dans ses oeuvres. Le sabbat nous invite à contempler la gloire de Dieu dans sa création. Jésus avait le même dessein, c'est pourquoi il a lié son enseignement aux beautés de la nature. Pendant les heures sacrées du jour du repos, nous devrions tout spécialement méditer les messages que Dieu a écrits pour nous dans le livre de la nature et étudier les paraboles dans un cadre semblable à celui où Jésus se trouvait lorsqu'il les a prononcées: dans les champs et les jardins, sous la voûte du ciel, au milieu des prés et des fleurs. Lorsque nous nous plaçons au sein de la nature, la présence du Christ devient plus réelle; il nous parle de sa paix et de son amour. PJ 17 3 Les enseignements de Jésus se rapportent non seulement au sabbat, mais encore à la semaine de labeur. Il a des instructions pour le laboureur et le semeur. Dans les travaux du labourage et de la moisson, il nous apprend à voir l'image de l'oeuvre de la grâce dans nos coeurs. Il désire que nous fassions une application utile des vérités de la Bible dans les moindres actes de la vie. Si nous agissons ainsi, nos occupations journalières n'absorberont pas notre attention au point de nous faire oublier le Seigneur. Constamment, elles nous rappelleront notre Créateur et notre Rédempteur. Semblable à un fil d'or, la pensée de Dieu courra tout au travers de nos préoccupations domestiques. Sa gloire resplendira de nouveau pour nous sur la nature entière. Nous connaîtrons de mieux en mieux la vérité céleste et nous nous rapprocherons toujours plus de la pureté divine. Nous serons ainsi enseignés par l'Eternel et nous demeurerons avec Dieu tout en restant dans l'état où nous étions lorsqu'il nous a appelés.8 ------------------------Chapitre 2 -- Un semeur sortit pour semer Le semeur et la semence PJ 21 1 La parabole du semeur illustre les mystères du royaume des cieux et l'oeuvre du divin laboureur en faveur de son Eglise. Semblable au semeur qui arpente son champ fraîchement remué, le Christ sema à pleines mains la semence de vérité. Ses paraboles étaient cette graine d'où devaient éclore les plus précieuses vérités de sa grâce. A cause de sa simplicité, la parabole du semeur n'a pas été appréciée à sa juste valeur. Par la semence lancée dans le sol, le Christ désire attirer notre attention sur la semence évangélique qui a pour effet de ramener l'homme à Dieu. C'est le souverain Maître de l'univers qui nous a donné la parabole de la menue semence, et ce sont les mêmes lois de la germination qui agissent dans les coeurs pour y faire fructifier la semence de la vérité. PJ 21 2 Une foule s'était rassemblée sur les bords de la mer de Galilée pour voir et écouter Jésus. Les malades, étendus sur leurs nattes, attendaient le moment de lui exposer leurs besoins. Le Christ avait reçu de Dieu le pouvoir de guérir les infirmités d'une race pécheresse, aussi son premier soin était il de chasser la maladie et de répandre autour de lui la vie, la santé et la paix. PJ 22 1 Comme la foule augmentait sans cesse et se pressait autour de Jésus au point que les nouveaux venus ne pouvaient plus arriver jusqu'à lui, le Sauveur, après avoir adressé quelques paroles aux pêcheurs qui se trouvaient dans leurs barques, monta dans l'embarcation qui devait le conduire de l'autre côté du lac. Puis, ayant demandé à ses disciples de s'éloigner quelque peu du rivage, il se mit à prêcher. PJ 22 2 Le long du littoral s'étendait la magnifique plaine de Génésareth, surplombée par des collines. Dans la plaine, comme sur le flanc des collines, des semeurs et des moissonneurs s'affairaient, les uns à jeter la semence, les autres à moissonner les premières récoltes. Considérant cette scène, le Christ s'adressa à la foule en ces termes: PJ 22 3 "Un semeur sortit pour semer. Comme il semait, une partie de la semence tomba le long du chemin: les oiseaux vinrent, et la mangèrent. Une autre partie tomba dans un endroit pierreux, où elle n'avait pas beaucoup de terre: elle leva aussitôt, parce qu'elle ne trouva pas un sol profond; mais, quand le soleil parut, elle fut brûlée et sécha, faute de racines. Une autre partie tomba parmi les épines: les épines montèrent, et l'étouffèrent. Une autre partie tomba dans la bonne terre: elle donna du fruit, un grain cent, un autre soixante, un autre trente."1 PJ 22 4 La mission du Christ fut incomprise de ses contemporains, car sa venue sur la terre ne correspondait pas à leur attente. Il était le centre de toute l'économie juive. Les cérémonies imposantes du culte avaient été établies par Dieu. Elles étaient destinées à annoncer qu'au temps marqué apparaîtrait celui qu'elles préfiguraient. Mais les Juifs s'étaient attachés aux formes et aux rites et avaient oublié totalement leur signification symbolique. Les traditions, les maximes et les préceptes humains avaient voilé l'enseignement divin et constituaient autant d'obstacles qui les empêchaient de parvenir à la connaissance de la véritable religion. Et quand vint la Réalité dans la personne du Christ, ils ne reconnurent pas en lui l'accomplissement de tous leurs types, la substance même des ombres de leurs services religieux. Ils rejetèrent l'antitype et se cramponnèrent aveuglément à leurs symboles et à leurs cérémonies devenues inutiles. Le Fils de Dieu était venu, mais ils continuaient à demander un signe. Ils répondaient au message: "Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche"2 en réclamant un miracle. L'Evangile de Jésus-Christ fut pour eux une pierre d'achoppement parce qu'ils exigeaient des signes au lieu d'un Sauveur. Pour eux, le Messie devait être un vaillant guerrier qui établirait par de grands faits d'armes son empire sur les ruines des royaumes terrestres. C'est à cette attente que répondit le Sauveur par la parabole du semeur. Ce n'est ni par la force, ni par de violents combats que devait triompher le royaume de Dieu, mais par l'introduction d'un principe nouveau dans le coeur des hommes. PJ 23 1 "Celui qui sème la bonne semence, c'est le Fils de l'homme."3 Le Christ est venu sur la terre, non comme un roi, mais comme un semeur; non pour renverser des empires, mais pour répandre la semence; non pour entraîner ses partisans vers des triomphes terrestres et la gloire nationale, mais pour les former en vue d'une moisson qui nécessiterait des labeurs patients, des pertes et des désillusions. PJ 23 2 Les pharisiens saisissaient le sens de la parabole, mais la leçon ne leur convenait guère; ils faisaient semblant de n'y rien comprendre. Quant à la foule, elle était encore trop étrangère au grand mystère présenté par le nouveau Maître pour en saisir toute la portée, bien que ses paroles aient étrangement remué les coeurs et amèrement déçu leurs ambitions. Les disciples eux-mêmes ne comprirent pas cette parabole, mais leur intérêt avait été éveillé. Ils vinrent trouver Jésus en particulier pour lui en demander une explication. PJ 23 3 C'était justement ce qu'attendait le Maître. Ils répondaient ainsi à son secret désir de pouvoir leur donner un enseignement plus complet. Il leur commenta donc la parabole comme il continue à faire comprendre sa parole à tous ceux qui le recherchent sincèrement. Ceux qui étudient les Ecritures le coeur ouvert à l'action du Saint-Esprit en saisiront le sens. "Si quelqu'un veut faire sa volonté, dit le Christ, il connaîtra si ma doctrine est de Dieu, ou si je parle de mon chef."4 Tous ceux qui viennent à lui pour mieux saisir ses enseignements ne seront pas déçus. Il leur dévoilera les mystères du royaume des cieux, et ces mystères seront compris de tous ceux qui aspirent à la connaissance de la vérité. Une céleste clarté brillera dans le temple de leur âme et elle sera pour leur entourage comme un flambeau sur un sentier ténébreux. PJ 24 1 "Un semeur sortit pour semer." En Orient, la situation était incertaine. On était exposé à de graves dangers, ce qui obligeait les gens à vivre dans des villes entourées de murailles, de sorte que chaque jour on pouvait voir le cultivateur se rendre à son travail, hors des murailles de la ville. De même, le Christ, le divin Semeur, sortit pour semer. Il quitta un séjour de paix et de sécurité, sacrifiant la gloire qu'il avait auprès du Père avant même que le monde fût, et abandonna la place qu'il occupait sur le trône de l'univers. Il vint sur la terre, homme de douleur, exposé à la tentation. Dans la solitude, il sema avec larmes et arrosa de son sang la semence de vie qu'il était venu apporter à un monde perdu. PJ 24 2 Comme lui, ses serviteurs doivent sortir pour semer. Appelé à la vocation de semeur de vérité, Abraham reçut cette exhortation: "Va-t'en de ton pays, de ta patrie, et de la maison de ton père dans le pays que je te montrerai."5 "Il partit sans savoir où il allait6 L'apôtre Paul, en prière au temple de Jérusalem, reçut cet ordre du ciel: "Va, je t'enverrai au loin vers les nations.7 Ceux qui reçoivent un appel à s'unir à Jésus-Christ doivent aussi tout quitter pour le suivre. Cela ne se fait pas sans rompre avec d'anciennes relations, sans briser des plans soigneusement établis, sans renoncer à des espérances terrestres. Avec peine, avec larmes, dans l'isolement et l'abnégation, il faut jeter la semence. PJ 25 1 "Le semeur sème la parole."8 Le Christ est venu pour semer la vérité sur la terre. Depuis la chute, Satan n'a cessé de répandre les germes de l'erreur. Il parvint, par un mensonge, à dominer l'homme et il s'efforce de renverser le royaume de Dieu ici-bas afin de placer l'humanité sous son hégémonie. Un semeur d'un monde supérieur, le Christ, vint sur la terre pour jeter les semences de vérité. Celui qui avait pris part aux conseils de Dieu, qui habitait les profondeurs mêmes du sanctuaire de l'Eternel, pouvait apporter sur la terre les purs principes de la vérité. Depuis la chute de l'homme, le Christ n'a cessé de révéler la vérité à l'humanité et de lui communiquer l'incorruptible semence, "la parole vivante et permanente de Dieu.9 Dans la première promesse faite en Eden à notre race déchue, le Christ semait la semence évangélique. Mais la parabole du semeur s'applique tout particulièrement à son ministère parmi les hommes et au ministère de son Eglise. PJ 25 2 La semence, c'est la parole de Dieu. Toute semence a en soi un germe de vie dans lequel est cachée la vie de la plante. La parole de Dieu est aussi un facteur de vie: "Les paroles que je vous ai dites, fait remarquer Jésus, sont esprit et vie. ... Celui qui écoute ma parole et qui croit à celui qui m'a envoyé, a la vie éternelle."10 Chaque commandement, chaque promesse de la Bible renferme une puissance, la vie même de Dieu, qui nous donne le pouvoir d'obéir au commandement et de transformer la promesse en réalité. Celui qui, par la foi, reçoit la parole, reçoit la vie même et le caractère de Dieu. PJ 25 3 Toute semence porte en elle du fruit selon son espèce. Mise en terre dans des conditions normales, la graine manifestera sa vitalité dans la plante qui sortira d'elle. Reçue dans votre âme, par la foi, l'incorruptible semence de la parole de Dieu produira une vie et un caractère conformes au caractère et à la vie de Dieu. PJ 26 1 Les docteurs en Israël ne semaient pas la bonne semence de la parole. L'oeuvre du Christ offrait un contraste frappant avec celle des rabbins de son époque dont la principale préoccupation était d'exposer des traditions, des théories et des spéculations humaines. Il leur arrivait souvent de remplacer la parole de Dieu par ce que des hommes en avait dit ou écrit. Leur enseignement n'avait pas le pouvoir de vivifier l'âme. Le Christ, au contraire, choisissait toujours les Ecritures comme thème central de ses exposés. Il arrêtait ses contradicteurs avec un catégorique "il est écrit?"11 "n'avez vous jamais lu dans les Ecritures...?"12 "qu'y lis-tu.13 Il ne laissait jamais passer l'occasion de jeter la semence de vie dans le coeur de l'ami ou de l'ennemi. Il est le chemin, la vérité et la vie, la Parole même de Dieu. Néanmoins, il se référait toujours aux Ecritures en disant; "Ce sont elles qui rendent témoignage de moi.14 Et, "commençant par Moïse et par tous les prophètes", il expliquait à ses disciples "dans toutes les Ecritures ce qui le concernait.15 PJ 26 2 Les serviteurs du Christ doivent suivre son exemple. Aujourd'hui comme hier, les vérités fondamentales de la parole de Dieu sont enfouies sous les théories et les spéculations des hommes. Nombreux sont les prétendus ministres de l'Evangile qui n'acceptent pas toute la Bible comme la parole inspirée de Dieu. L'un n'admet pas ceci, l'autre repousse cela. Ils s'accordent pour mettre leur jugement au-dessus de l'Ecriture, et le message qu'ils enseignent ne repose que sur leur propre autorité. L'origine et l'autorité divines de la parole sont détruites. Des semences d'infidélité sont largement répandues et les fidèles sont dans la confusion, ne sachant plus ce qu'ils doivent croire. Nombreuses sont les croyances qu'on n'a pas le droit de conserver. Au temps du Christ, les rabbins attribuaient un sens mystique et outré à certains passages des Ecritures. Ils s'évertuaient ainsi à éliminer la force de la parole de Dieu qui condamnait leurs pratiques. Il en est de même de nos jours. On rend l'Ecriture obscure et mystérieuse afin d'excuser la transgression de la loi. Au cours de sa vie terrestre, Jésus condamna cette manière d'agir. Il affirmait que la parole de Dieu pouvait être comprise par tous les hommes. Il attirait l'attention sur l'autorité absolue des Ecritures. C'est ce que nous devrions faire nous-mêmes. La Bible doit être présentée au monde comme la parole d'un Dieu infini, comme le point final de toute controverse et le fondement de toute croyance. PJ 27 1 La Bible a été privée de sa puissance et il en est résulté un abaissement de la spiritualité. Bien des sermons prêchés de nos jours ne révèlent pas cette manifestation de la puissance divine qui réveille les consciences et communique la vie à l'âme. Les auditeurs ne peuvent plus dire: "Notre coeur ne brûlait-il pas au-dedans de nous, lorsqu'il nous parlait en chemin et nous expliquait les Ecritures?"16 Nombreux sont ceux qui crient au Dieu vivant et qui soupirent après la présence divine. Les systèmes philosophiques ou les productions littéraires les plus admirables ne sauraient satisfaire le coeur humain. Les affirmations et les inventions de l'homme sont sans valeur. Seule la parole de Dieu doit parler aux âmes. Puissent ceux qui sont lassés des traditions, des maximes et des théories humaines, entendre la voix de celui dont la parole peut communiquer la vie éternelle! PJ 27 2 Le thème favori du Christ était la tendresse paternelle de Dieu et son abondante grâce. Il insistait sur la sainteté de son caractère et de sa loi; il se présentait lui-même comme le chemin, la vérité et la vie. Que ce soit aussi les thèmes des ministres du Christ. Exposez la vérité telle qu'elle est en Jésus. Présentez clairement les exigences de la loi et de l'Evangile. Parlez aux hommes de la vie de sacrifice du Christ, de ses humiliations, de sa mort, de sa résurrection glorieuse, de son ascension, de son intercession en leur faveur dans les parvis célestes et de sa promesse: "Je reviendrai, et je vous prendrai avec moi."17 PJ 27 3 Au lieu de perdre votre temps à discuter des théories erronées ou à chercher à combattre les adversaires de l'Evangile, suivez l'exemple du Christ. Que vos discours procèdent de la source limpide qui procure la vie. "Prêche la parole, insiste en toute occasion, favorable ou non."18 "Heureux vous qui partout semez le long des eaux.19 "Que celui qui a entendu ma parole rapporte fidèlement ma parole. Pourquoi mêler la paille au froment? dit l'Eternel.20 "Toute parole de Dieu est éprouvée. ... N'ajoute rien à ses paroles, de peur qu'il ne te reprenne et que tu ne sois trouvé menteur21 PJ 28 1 "Le semeur sème la parole." Tel est le grand principe qui devrait être à la base de notre système d'éducation. "La semence, c'est la parole de Dieu."22 Dans la plupart des écoles, aujourd'hui, la Bible est mise de côté et les esprits se nourrissent d'autres sujets. L'étude des auteurs incrédules tient une trop grande place dans nos programmes scolaires et le scepticisme se trouve mêlé aux enseignements de nos manuels. La recherche scientifique tend à égarer les esprits à cause des interprétations erronées qui sont données de ses découvertes. Ce que l'on appelle enseignements de la science est mis en concurrence avec la parole de Dieu et on fait passer celle-ci pour incertaine et indigne de confiance. Des semences de doute sont jetées dans le cerveau de la jeunesse et à l'heure de la tentation, elles lèvent infailliblement. Sans la foi dans la parole de Dieu, l'âme en danger n'a plus de guide, et la jeunesse est conduite dans des sentiers qui l'éloignent de Dieu et de la vie éternelle. PJ 28 2 C'est en grande partie à cette cause que l'on peut attribuer l'iniquité qui règne dans le monde à notre époque. Quand les Ecritures sont délaissées, les mauvaises passions du coeur naturel échappent à leur puissance de contrôle. Les hommes sèment pour la chair et moissonnent de la chair la corruption. PJ 28 3 C'est ici encore qu'il faut chercher la raison principale de notre faiblesse mentale. Lorsqu'on se détourne de la parole de Dieu pour se nourrir des écrits d'auteurs non inspirés, l'esprit se rabougrit et perd de sa vigueur. Peu à peu, il s'éloigne des principes larges et profonds de la vérité immuable. Notre intelligence s'adapte à ce qui lui est devenu familier et se laisse absorber par des aspirations purement matérielles; elle s'affaiblit et la faculté de s'assimiler les choses spirituelles diminue au point de devenir, après un certain temps, incapable d'expansion. PJ 29 1 C'est là de la fausse éducation. L'oeuvre de tout éducateur devrait être de mettre la jeunesse en rapport avec les grandes vérités de l'inspiration. Telle est l'éducation essentielle pour la vie présente et celle à venir. PJ 29 2 N'allons pas croire que cela contrecarre l'étude des sciences ou rabaisse le niveau de l'instruction. La connaissance de Dieu est aussi élevée que les cieux et aussi vaste que l'univers. Rien ne peut ennoblir et vivifier l'esprit comme la méditation des grands thèmes qui concernent notre vie éternelle. Que la jeunesse cherche à comprendre le sens de ces vérités qui viennent de Dieu, et ses facultés intellectuelles se développeront. Tout étudiant qui s'efforce de mettre en pratique la parole de Dieu enrichit ses connaissances et s'assure ainsi un trésor impérissable. PJ 29 3 L'éducation qu'il faut chercher à acquérir en sondant les Ecritures, c'est une connaissance pratique du plan du salut. Elle restaurera l'image de Dieu dans l'âme, fortifiera l'esprit contre l'assaut des tentations et permettra à l'étudiant de collaborer avec Jésus-Christ dans sa mission de miséricorde. Elle fera de lui un membre de la famille divine et le préparera à participer à l'héritage des saints. PJ 29 4 Mais celui qui enseigne la vérité sacrée ne peut communiquer que ce qu'il connaît par expérience. Le semeur sème sa semence.23 Le Christ enseignait la vérité parce qu'il était la vérité. Sa pensée, son caractère, son expérience personnelle s'incarnaient dans sa prédication. Ainsi doit-il en être de ses serviteurs: ceux qui enseignent la parole de Dieu doivent l'assimiler en la mettant en pratique. Ils doivent s'approprier le Christ devenu pour eux sagesse, justice et sanctification et rédemption. Quand on présente la parole de Dieu, il importe de ne pas le faire en termes vagues comme si l'on avançait de simples suppositions. Il faut pouvoir dire avec l'apôtre Pierre: "Ce n'est pas, en effet, en suivant des fables habilement conçues, que nous vous avons fait connaître la puissance et l'avènement de notre Seigneur Jésus-Christ, mais c'est comme ayant vu sa majesté de nos propres yeux."24 Tout ministère du Christ et tout éducateur chrétien doivent pouvoir dire avec Jean, l'apôtre bien-aimé: "La vie a été manifestée, et nous l'avons vue et nous lui rendons témoignage, et nous vous annonçons la vie éternelle, qui était auprès du Père et qui nous a été manifestée.25 Le terrain au bord du chemin PJ 30 1 La parabole du semeur avait pour but de faire comprendre l'influence du terrain sur la croissance de la semence. Le Christ disait virtuellement à ses auditeurs: Vous n'êtes pas qualifiés pour juger mon oeuvre et vous n'avez aucune raison d'être désappointés si je ne partage pas vos idées. L'accueil que vous réservez à mon message est pour vous la chose essentielle, car votre destinée éternelle en dépend. PJ 30 2 Jésus donna en ces termes la signification de la semence tombée au bord du chemin: "Lorsqu'un homme écoute la parole du royaume et ne la comprend pas, le malin vient et enlève ce qui a été semé dans son coeur: cet homme est celui qui a reçu la semence le long du chemin."26 PJ 30 3 La semence tombée le long du chemin représente la parole de Dieu qui parvient aux oreilles d'auditeurs distraits. Tel un chemin foulé aux pieds par les hommes et les animaux, le coeur humain devient une grande route où le monde, avec ses plaisirs et ses péchés, peut circuler aisément. Préoccupée par des ambitions égoïstes et complice de combinaisons coupables, l'âme s'est "endurcie par la séduction du péché".27 Les facultés spirituelles sont paralysées. Les hommes entendent la parole de Dieu, mais ne la comprennent pas; ils ne réalisent pas qu'elle les concerne personnellement. Ils ne se rendent compte ni de leurs besoins, ni des dangers qu'ils courent; l'amour du Christ et son message de grâce les laissent indifférents. PJ 31 1 De même que les oiseaux guettent la semence qui tombe le long du chemin et s'en emparent, de même Satan se tient prêt à enlever de l'âme la semence de la vérité divine. Il craint que la parole de Dieu ne réveille l'indifférent et ne produise son effet sur le coeur endurci. Satan et ses anges sont présents dans les assemblées où la parole est prêchée. Un combat se livre entre les anges du ciel qui s'efforcent de toucher les coeurs par le divin message et l'ennemi toujours en état d'alerte pour le rendre inefficace. Avec un zèle qui n'a d'égal que sa malice, il s'efforce d'enrayer l'oeuvre de l'Esprit-Saint. Tandis que le Sauveur du monde attire les âmes à lui par son amour, Satan essaie par tous les moyens de détourner leur attention. Il place devant elles des projets mondains, les pousse à la critique, au doute et à l'incrédulité. Le langage ou les gestes du prédicateur ne sont peut-être pas du goût des auditeurs qui s'entretiennent de ses défauts. Ainsi, la vérité dont ils ont besoin et que le Seigneur leur envoie dans sa miséricorde ne produira sur eux aucune impression durable. PJ 31 2 Satan a de nombreux collaborateurs en la personne des soi-disant chrétiens qui l'aident à arracher la semence des coeurs. Nombreux sont ceux qui, après avoir écouté la prédication de la parole de Dieu, en font un sujet de critique dans leur foyer. Ils la jugent comme s'il s'agissait d'une production littéraire ou d'un discours politique. Le message qu'ils devraient considérer comme la parole de Dieu parlant à leurs coeurs est l'objet de remarques légères et sarcastiques. Le caractère du prédicateur, ses mobiles, ses actions, l'attitude des autres croyants sont librement discutés. Un jugement sévère est prononcé, on répète des commérages et des calomnies, même devant les inconvertis, et parfois les parents n'hésitent pas à le faire en présence de leurs enfants. On détruit ainsi le respect que l'on doit avoir pour les serviteurs de Dieu et leurs messages, et plusieurs sont amenés à mépriser les saintes Ecritures elles-mêmes. PJ 32 1 Voilà comment, dans les familles qui se disent chrétiennes, on conduit la jeunesse vers l'incrédulité. Et les parents se demandent pourquoi leurs enfants ont si peu de goût et de dispositions pour l'Evangile et doutent des vérités bibliques! Ils s'étonnent que celles-ci n'aient pas sur eux plus d'influence. Ils ne voient pas que leur propre exemple a endurci le coeur de leurs enfants. La bonne semence ne trouve pas de place où elle pourrait prendre racine et Satan se hâte de la faire disparaître des coeurs. Dans les endroits pierreux PJ 32 2 "Celui qui a reçu la semence dans les endroits pierreux, c'est celui qui entend la parole et la reçoit aussitôt avec joie; mais il n'a pas de racine en lui-même, il manque de persistance, et, dès que survient une tribulation ou une persécution à cause de la parole, il y trouve une occasion de chute."28 PJ 32 3 La semence tombée sur le sol rocailleux ne trouve que peu de terre. La plante y lève avec rapidité, mais sa racine, gênée par les pierres et privée des éléments indispensables à son développement normal, ne tarde pas à sécher. Semblables à la roche que recouvre une mince couche de terre, bon nombre de ceux qui font profession de religion sont victimes de leur égoïsme, et leurs plus nobles désirs sont étouffés. L'amour du moi n'a pas été vaincu, et ils n'ont pas compris le caractère excessivement odieux du péché ni éprouvé le sentiment de leur culpabilité. Il se peut que ces gens aient été faciles à convaincre et paraissent de fervents chrétiens. En réalité, ils n'ont que le vernis de la religion. PJ 32 4 Ce n'est pas parce que des hommes acceptent rapidement la parole de Dieu ni parce qu'elle fait leur joie, qu'ils l'abandonnent ensuite. Dès que Matthieu eut entendu l'appel de son Sauveur, il se leva et quitta tout pour le suivre. Dieu désire que nous acceptions avec joie la parole sainte aussitôt qu'elle nous parvient. Il y a de la "joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent",29 et il y a de la joie dans le coeur de celui qui croit en Christ. Mais dans la parabole du semeur, ceux qui ont reçu la parole immédiatement n'ont pas calculé la dépense. Ils n'ont pas compris les exigences de la parole de Dieu. Ils ne la confrontent pas avec toutes leurs habitudes et ne se placent pas entièrement sous son contrôle. PJ 33 1 Les racines plongent profondément dans le sol, et, cachées à nos yeux, elles entretiennent la vie de la plante. Il en est de même pour le chrétien: sa vie spirituelle est fortifiée par le lien invisible qui l'unit au Christ par la foi. Mais les auditeurs distraits se confient en leurs propres mérites au lieu de s'en remettre au Christ. Ils comptent sur leurs bonnes oeuvres, leurs élans de générosité, leur propre justice. La puissance divine leur fait défaut parce qu'ils ne sont pas unis au Christ. Ils n'ont pas de racines en eux-mêmes. PJ 33 2 Le soleil bienfaisant de l'été, qui fait croître le bon grain et le mûrit, détruit la semence qui n'a pas de profondes racines. Ainsi celui qui n'a pas de racine en lui-même "manque de persistance, et, dès que survient une tribulation ou une persécution à cause de la parole, il y trouve une occasion de chute?"30 Beaucoup reçoivent l'Evangile comme un moyen d'éviter la souffrance et non comme la délivrance du péché. Ils se réjouissent pendant un certain temps, persuadés que la religion les libérera des épreuves et des difficultés. Tout se passe-t-il selon leurs désirs? Ils semblent être de bons chrétiens. Mais ils succombent à la rude épreuve de la tentation. Ils ne peuvent pas endurer l'opprobre pour l'amour du Christ. Dès que la parole de Dieu leur signale qu'ils se complaisent dans tel péché ou exige d'eux quelque renoncement ou sacrifice, ils se scandalisent. Un changement radical de vie leur paraît trop coûteux. Perdant de vue les réalités célestes, ils s'attardent aux soucis du moment. Ils sont semblables aux disciples qui abandonnèrent Jésus en disant: "Cette parole est dure; qui peut l'écouter.31 PJ 34 1 De nombreuses personnes font profession de servir Dieu, mais ne le connaissent pas réellement. Leur désir de faire sa volonté repose sur leurs propres inclinations, et non sur l'action puissante du Saint-Esprit. Leur conduite n'est pas conforme à la loi de Dieu. Théoriquement, elles reconnaissent que le Christ est leur Sauveur, mais elles ne croient pas qu'il puisse leur donner la force de vaincre leurs péchés. Elles ne sont pas personnellement en rapport avec un Sauveur vivant, et leur caractère révèle des défauts héréditaires et cultivés. PJ 34 2 Reconnaître le besoin du Saint-Eprit est une chose, accepter ses appels à la repentance en est une autre. Beaucoup de gens ont le sentiment de vivre loin de Dieu, d'être esclaves de leurs péchés et de leur égoïsme. Ils s'efforcent de se réformer mais ils ne crucifient pas le moi; ils ne s'abandonnent pas entièrement entre les mains de leur Sauveur pour recevoir de lui la force de faire sa volonté; ils ne désirent pas que leur vie soit modelée sur la sienne. D'une façon générale, ils reconnaissent leurs imperfections, mais ne renoncent pas à leurs mauvaises habitudes. Et chaque péché fortifie leur vieille nature égoïste. PJ 34 3 Le seul espoir pour ces âmes est d'expérimenter dans leur vie la vérité renfermée dans les paroles du Christ à Nicodème: "Il faut que vous naissiez de nouveau." "A moins de naître d'en haut, nul ne peut voir le Royaume de Dieu."32 PJ 34 4 La véritable sainteté est une consécration totale au service de Dieu; sans une telle consécration, il ne saurait y avoir de vie chrétienne véritable. Le Christ exige de nous une consécration sans réserve. Il réclame notre coeur, notre esprit, notre âme, nos forces à son service. Celui qui ne vit que pour lui-même n'est pas chrétien. PJ 34 5 L'amour doit être le principe de l'action. Il est l'essence même du gouvernement divin sur la terre et dans les cieux. Il faut aussi qu'il soit à la base du caractère chrétien, car c'est le seul élément qui puisse le rendre inébranlable et lui permettre d'affronter victorieusement l'épreuve et la tentation. PJ 35 1 L'amour se révélera par le sacrifice. Le plan de la rédemption repose sur un sacrifice dont on ne peut mesurer la hauteur et la profondeur. Le Christ a tout donné pour nous, c'est pourquoi il faut que celui qui l'accepte soit prêt à renoncer à tout par amour pour lui. L'honneur et la gloire du Rédempteur doivent être nos principales préoccupations. PJ 35 2 Si nous aimons Jésus, nous aurons le désir de vivre pour lui, de lui présenter nos offrandes d'actions de grâces et de travailler à son service. Notre labeur même paraîtra léger. Par amour pour notre Sauveur, nous accepterons peines, souffrances et sacrifices. Nous éprouverons un amour semblable au sien pour ceux qui se perdent et le même ardent désir de les sauver. PJ 35 3 Voilà la religion de Jésus-Christ. Tout ce qui est en dessous de cet idéal n'est qu'illusion. Une simple théorie de la vérité évangélique, ou une simple profession de foi, ne sauvera personne. Nous ne pouvons appartenir au Sauveur qu'en nous donnant entièrement à lui. Celui qui sert Dieu d'un coeur partagé devient irrésolu et instable. Ses efforts en vue de servir à la fois ses propres intérêts et ceux du Christ font de lui un auditeur pour qui la semence est tombée dans un endroit pierreux et qui sera incapable de résister à l'épreuve. Parmi les épines PJ 35 4 "Celui qui a reçu la semence parmi les épines, c'est celui qui entend la parole, mais en qui les soucis du siècle et la séduction des richesses étouffent cette parole, et la rendent infructueuse."33 PJ 35 5 Souvent, la semence évangélique tombe parmi les épines et les mauvaises herbes. Si le coeur humain n'est pas transformé, si les vieilles habitudes d'une vie de péché ne sont pas délaissées, si Satan n'est pas banni de l'âme, la bonne semence sera étouffée par les épines qui croîtront à leur aise. PJ 36 1 La grâce ne peut agir que dans le coeur préparé avec soin à recevoir la précieuse semence de la vérité. Les ronces du péché croissent n'importe où et n'exigent aucun entretien, mais la grâce doit être soigneusement cultivée. Les ronces et les épines sont toujours prêtes à envahir le terrain; il faut être continuellement occupé à les détruire. Si le coeur n'est pas placé sous le contrôle de Dieu, si le Saint-Esprit n'est pas constamment à l'oeuvre pour affiner et ennoblir le caractère, les vieilles habitudes reparaîtront sans cesse. D'aucuns peuvent professer croire à l'Evangile, mais si leurs coeurs ne sont pas sanctifiés, leur profession de foi est vaine. S'ils ne remportent pas la victoire sur le péché, c'est le péché qui triomphera d'eux. Les épines qui ont été coupées, mais non déracinées, repoussent de plus belle et envahissent le champ de l'âme. PJ 36 2 Le Christ a énuméré les dangers qui mettent l'âme en péril. D'après le récit de Marc, ce sont les "soucis du siècle", la "séduction des richesses" et "l'invasion des autres convoitises".34 L'Evangile de Luc mentionne "les soucis", "les richesses et les plaisirs de la vie.35 Voilà ce qui étouffe la parole de Dieu, la semence spirituelle, et l'empêche de se développer. L'âme cesse de tirer sa subsistance du Christ, la spiritualité s'affaiblit et finit par disparaître complètement. PJ 36 3 "Les soucis du siècle." Nul n'est à l'abri de cette tentation. Le travail, les privations et la crainte de la misère oppressent le pauvre et sont pour lui des sujets d'angoisse. Le riche redoute la perte ou la dévaluation de ses richesses. Bien des disciples du Seigneur oublient la leçon qu'il nous a enseignée en parlant des fleurs champêtres.36 Ils n'ont pas confiance dans sa constante sollicitude. Le Christ ne peut porter leurs fardeaux puisqu'ils ne veulent pas s'en décharger sur lui. Aussi les soucis de la vie qui devraient les rapprocher du Sauveur ne font-ils que les séparer de lui. PJ 37 1 Beaucoup pourraient être utiles au service de Dieu, s'ils ne se laissaient dominer par le désir d'acquérir des biens. Toute leur énergie est concentrée sur des entreprises qui leur font négliger leur vie spirituelle. C'est ainsi qu'ils se séparent de Dieu. Les Ecritures nous disent: "Ayez du zèle, et non de la paresse."37 Nous devons travailler afin de pouvoir venir en aide aux nécessiteux. Il faut que les chrétiens soient actifs, qu'ils entreprennent des affaires et ils le peuvent sans commettre de péché. Mais certains se laissent tellement absorber par leurs occupations qu'ils ne trouvent plus le temps de prier, d'étudier la Bible, de rechercher le Seigneur et de le servir. Il leur arrive parfois d'être attirés vers la sainteté, vers le ciel, mais ils n'ont pas le temps de se détourner du tourbillon du monde pour écouter la voix puissante et infaillible de l'Esprit de Dieu. L'éternité est subordonnée chez eux aux choses du monde, qui occupent dans leurs coeurs la première place. Comment la divine semence pourrait-elle alors porter des fruits? Les énergies spirituelles sont données en pâture aux exigences de la mondanité. PJ 37 2 D'autres agissent différemment, et travaillent pour le bien de leurs semblables, mais commettent une erreur analogue. Leurs devoirs sont si pressants et leurs reponsabilités si nombreuses qu'ils en oublient l'exercice de la piété. Ils négligent de cultiver la communion avec Dieu par la prière et l'étude de sa parole. Ils ne se souviennent pas de cette déclaration du Sauveur: "Sans moi vous ne pouvez rien faire."38 Ils marchent loin de lui et ils échappent à l'influence de la grâce divine; aussi le moi ne tarde-t-il pas à se manifester. Leur service est entaché par un désir de domination et par les traits durs et grossiers d'un coeur irrégénéré. Voilà un des principaux secrets de l'échec du service chrétien. C'est la raison pour laquelle celui-ci donne souvent des résultats si peu satisfaisants. PJ 37 3 "La séduction des richesses."39 L'amour des richesses recèle une puissance de fascination et de séduction. Ceux qui possèdent les biens de la terre oublient trop souvent que c'est Dieu qui donne la faculté de les acquérir. Ils disent: "Ma force et la puissance de ma main m'ont acquis ces richesses."40 Au lieu d'être un sujet de reconnaissance envers Dieu, leurs richesses les amènent à se glorifier eux-mêmes. Ils perdent le sentiment de leur dépendance à l'égard du Créateur et de leurs obligations envers leurs semblables. Oubliant de considérer la fortune comme un talent dont il faut faire usage pour la gloire de Dieu et le relèvement de l'humanité, ils l'utilisent à des fins égoïstes. Une telle utilisation des richesses, au lieu de développer en l'homme le caractère de Dieu, favorise l'implantation de celui de Satan. La semence de la parole est étouffée par les épines. PJ 38 1 "Les plaisirs de la vie."41 Les plaisirs que l'on recherche simplement en vue de jouissances personnelles présentent un grand danger. Toute habitude qui affaiblit le corps, obscurcit l'esprit ou émousse les facultés spirituelles, peut être rangée parmi les "convoitises charnelles qui font la guerre à l'âme.42 PJ 38 2 "Et l'invasion des autres convoitises."43 Les biens de cette vie sont neutres en eux-mêmes; ils deviennent pernicieux à partir du moment où on leur donne la prééminence sur le royaume de Dieu. Tout ce qui éloigne de Dieu, tout ce qui ravit les affections dues au Christ, est un ennemi de l'âme. PJ 38 3 Tant qu'on est jeune, vigoureux et susceptible d'un développement rapide, on court le danger de se laisser entraîner par une ambition égoïste. Si l'on réussit dans ses entreprises mondaines, on risque de persévérer dans une ligne de conduite qui émousse la conscience et ne permet pas de discerner ce qui constitue l'excellence du caractère. Lorsque les circonstances favorisent ce développement, on a vite fait de s'engager dans une voie contraire à la parole de Dieu. PJ 39 1 Durant cette période de formation de leurs enfants, les parents ont une très grande responsabilité. Ils devraient s'efforcer d'entourer la jeunesse d'influences saines qui lui permettront d'acquérir une juste conception de la vie et la conduiront au véritable succès. Malheureusement, combien de parents sont dominés par le souci d'un avenir matériel brillant pour leurs enfants, dont ils choisissent les relations à cet effet! Bien des couples s'établissent dans de grandes villes et introduisent leurs enfants dans la haute société. Ils les entourent ainsi d'influences propres à favoriser l'orgueil et la mondanité et avilissantes pour l'esprit et l'âme. On perd de vue le but noble et élevé de la vie, on échange contre quelques avantages temporels le privilège d'être des fils de Dieu et des héritiers des biens éternels. PJ 39 2 Bien des parents pensent travailler au bonheur de leurs enfants en encourageant leur passion pour les amusements. Ils admettent qu'ils soient captivés par le sport et leur permettent d'assister à des parties de plaisir; ils leur donnent de l'argent, qu'ils peuvent dépenser sans scrupules en vue de leur satisfaction personnelle. Or, plus on se livre au plaisir, plus il devient une obsession. Ces jeunes gens sont à tel point absorbés par les amusements qu'ils finissent par les considérer comme le but principal de la vie. Ils contractent des habitudes de paresse et de laisser-aller qui les rendent incapables de devenir de bons chrétiens. PJ 39 3 Il arrive que l'Eglise, qui devrait être "la colonne et l'appui de la vérité", encourage l'amour égoïste du plaisir. Quand l'Eglise a besoin d'argent, à quels moyens a-t-elle recours? Aux ventes de charité, aux buffets, aux tombolas et autres procédés de ce genre. Souvent, on profane le lieu de culte mis à part pour le service divin, en le transformant en salle de festin où l'on vient pour manger et pour boire, acheter, vendre et s'égayer. Le respect pour la maison de Dieu est diminué dans l'esprit des jeunes. Les barrières de la maîtrise de soi sont ébranlées. On fait appel à des mobiles égoïstes, à l'appétit et au désir de paraître, que l'on renforce en montrant de l'indulgence. PJ 40 1 Les villes sont des centres d'amusements et de plaisirs. Bien des parents, en s'y établissant, croient offrir ainsi de plus grands avantages à leurs enfants, mais ils sont vite désappointés et regrettent trop tard leur grave erreur. Aujourd'hui, nos villes deviennent semblables à Sodome et à Gomorrhe. De trop nombreux jours fériés encouragent l'oisiveté. Les sports excitants, le théâtre, les courses de chevaux, le jeu, la consommation des boissons enivrantes stimulent les passions. La jeunesse se laisse entraîner par le courant populaire. Ceux qui apprennent à aimer le plaisir pour lui-même ouvrent toute grande la porte de leur coeur aux tentations. Ils s'adonnent à une gaieté intempestive et à une joie insouciante, et leurs relations avec les amateurs de plaisirs les grisent. En goûtant à toutes les formes de dissipation, ils finissent par n'avoir plus ni la force ni la volonté de mener une vie utile. Leurs aspirations religieuses s'évanouissent en fumée et leur vie spirituelle est enveloppée de ténèbres. Toutes les facultés les plus nobles de l'âme qui relient l'homme au monde spirituel sont altérées. PJ 40 2 Il est vrai que certains peuvent se rendre compte de leur triste condition et se repentir. Dieu peut leur pardonner, mais leur âme a reçu une grave blessure, et ils seront toute leur vie en danger de retomber. Leur faculté de discernement, dont la sensibilité aurait dû être développée pour qu'ils puissent distinguer entre le bien et le mal, a été en grande partie détruite. Ils sont lents à reconnaître la voix du Saint-Esprit parlant à leur coeur ou à discerner les pièges de Satan. Trop souvent, à l'heure du danger, ils succombent à la tentation et s'éloignent de Dieu. Leur vie se termine par un échec aux conséquences éternelles. PJ 40 3 Soucis, richesses, plaisirs, tels sont les atouts dont Satan se sert dans le jeu de la vie. Un avertissement nous est donné: "N'aimez point le monde, ni les choses qui sont dans le monde. Si quelqu'un aime le monde, l'amour du Père n'est point en lui; car tout ce qui est dans le monde, la convoitise de la chair, la convoitise des yeux, et l'orgueil de la vie, ne vient point du Père, mais vient du monde."44 Celui qui lit dans les coeurs comme dans un livre ouvert, dit: "Prenez garde à vous-mêmes, de crainte que vos coeurs ne s'appesantissent par les excès du manger et du boire, et par les soucis de la vie.45 L'apôtre Paul écrit à son tour, sous l'inspiration du Saint-Esprit: "Mais ceux qui veulent s'enrichir tombent dans la tentation, dans le piège, et dans beaucoup de désirs insensés et pernicieux qui plongent les hommes dans la ruine et la perdition. Car l'amour de l'argent est une racine de tous les maux; et quelques-uns, en étant possédés, se sont égarés loin de la foi, et se sont jetés eux-mêmes dans bien des tourments.46 La préparation du terrain PJ 41 1 Par la parabole du semeur, le Christ montre que les différents résultats obtenus par les semailles dépendent de la nature du terrain. Dans chaque cas, le semeur et la semence sont les mêmes. Le Sauveur souligne de cette manière que si la parole de Dieu reste sans effet sur notre vie, c'est de notre faute. Mais les conséquences n'échappent pas à notre contrôle. Il est vrai que nous ne pouvons pas nous changer nous-mêmes, mais le libre choix nous appartient et c'est à nous de décider quelle sera notre destinée éternelle. Rien n'oblige les auditeurs représentés par la semence tombée le long du chemin, dans les endroits pierreux, ou parmi les épines, à rester dans cette condition. L'Esprit de Dieu s'efforce sans cesse de rompre le charme qui les retient au monde et d'éveiller en eux le désir des biens impérissables. C'est parce qu'ils résistent à l'Esprit que les hommes finissent par ne plus prendre garde aux appels de la parole de Dieu et par en négliger l'étude. Ils sont eux-mêmes responsables de la dureté de leur coeur, qui empêche le bon grain de s'y enraciner, et des mauvaises herbes qui l'étouffent. PJ 41 2 Il faut cultiver ce jardin qu'est le coeur; il faut en défricher le terrain par une profonde repentance et en arracher les plantes nuisibles semées par Satan. Lorsqu'un champ est envahi par des ronces, ce n'est que par un travail énergique qu'on parvient à l'en débarrasser. De même, les mauvaises tendances du coeur naturel peuvent seulement être vaincues par des efforts persévérants accomplis au nom de Jésus et par sa grâce. Par le canal de son prophète, le Seigneur nous donne cet ordre: "Défrichez-vous un champ nouveau, et ne semez pas parmi les épines."47 "Semez selon la justice, moissonnez selon la miséricorde.48 Jésus désire accomplir cette oeuvre en notre faveur et fait appel à notre coopération. PJ 42 1 Les semeurs de la bonne parole ont une tâche à remplir pour préparer les coeurs à recevoir l'Evangile. Le ministère de la prédication comporte trop de sermons et pas assez de cure d'âme. Un travail personnel est nécessaire pour sauver ceux qui périssent. Animés d'une sympathie chrétienne, nous devrions nous approcher des personnes individuellement et nous efforcer de les intéresser aux grandes vérités de la vie éternelle. Leur coeur peut être aussi dur que les sentiers battus et il peut nous sembler dès l'abord que nos efforts sont inutiles, mais là où la logique et les arguments échouent, l'amour de Jésus-Christ, révélé dans notre apostolat, peut attendrir les coeurs de pierre et permettre à la semence de la vérité d'y prendre racine. PJ 42 2 Les semeurs ont donc un travail à faire pour que la bonne semence ne soit pas étouffée par les épines ou ne périsse pas faute de terre. Il faut enseigner au croyant, dès le début de son expérience religieuse, les principes fondamentaux de la vie chrétienne. Il faut lui apprendre qu'il n'est pas sauvé seulement par le sacrifice de Jésus, mais qu'il doit refléter le caractère du Christ et vivre de sa vie. Enseignez à chacun qu'il doit porter des fardeaux et délaisser ses inclinations naturelles. Qu'il ait une idée exacte du bonheur qu'on éprouve à travailler pour le Christ, à le suivre dans la voie du renoncement et à tout supporter comme un bon soldat. Qu'il apprenne à se confier en son amour, à lui abandonner ses soucis, et qu'il goûte la joie qu'apporte le salut des âmes. Dans son amour pour ceux qui périssent, il s'oubliera lui-même; les plaisirs du monde perdront leur puissance d'attraction, et les fardeaux ne réussiront pas à le décourager. La charrue de la vérité fera son oeuvre et défoncera le sol en friche. Elle ne se contentera pas de couper les épines; elle les déracinera complètement. Dans la bonne terre PJ 43 1 Le semeur ne rencontre pas que des déceptions. En parlant de la semence tombée dans la bonne terre, le Sauveur nous déclare que celui qui entend la parole et la comprend "porte du fruit, et un grain en donne cent, un autre soixante, un autre trente."49 "Ce qui est tombé dans la bonne terre, ce sont ceux qui, ayant entendu la parole avec un coeur honnête et bon, la retiennent, et portent du fruit avec persévérance50 PJ 43 2 Ce "coeur honnête et bon" dont parle la parabole n'est pas un coeur sans péché, car l'Evangile doit être prêché à ceux qui sont perdus. Le Christ a dit: "Je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs."51 Le coeur honnête est celui qui cède à l'action du Saint-Esprit. Il confesse ses fautes, éprouve le besoin du pardon et de l'amour de Dieu et a le sincère désir de connaître la vérité et de lui obéir. Un coeur bon est un coeur qui a foi en la parole de Dieu. Sans la foi, il ne peut recevoir cette parole. Il faut, dit l'Ecriture, "que celui qui s'approche de Dieu croie que Dieu existe, et qu'il est le rémunérateur de ceux qui le cherchent52 PJ 43 3 "Celui qui entend la parole et la comprend." Les pharisiens du temps du Christ fermaient les yeux pour ne pas voir et se bouchaient les oreilles pour ne pas entendre; c'est pourquoi la vérité n'atteignait pas leurs coeurs. Leur ignorance et leur cécité volontaires leur ont coûté cher. Le Christ enseigna à ses disciples qu'ils devaient être réceptifs à ses instructions et prêts à croire. Il prononça sur eux une bénédiction parce qu'ils entendaient la parole et la recevaient avec foi. PJ 44 1 L'auditeur qui reçoit la semence dans la bonne terre accepte la parole "non comme la parole des hommes, mais, ainsi qu'elle l'est véritablement, comme la parole de Dieu."53 Seul celui qui reçoit les Ecritures comme la voix de Dieu lui parlant personnellement est un vrai disciple. Il tremble en l'entendant, car pour lui elle est une réalité vivante; il lui ouvre son intelligence et son coeur. Corneille et ses amis étaient des auditeurs attentifs quand ils disaient à Pierre: "Nous sommes tous devant Dieu, pour entendre tout ce que le Seigneur t'a ordonné de nous dire.54 PJ 44 2 La connaissance de la vérité dépend beaucoup moins du quotient intellectuel que de la pureté des intentions et de la simplicité d'une foi vivante. Les anges de Dieu se tiennent auprès de ceux qui recherchent le conseil du Seigneur avec humilité. Le Saint-Esprit leur est accordé pour leur dévoiler les trésors précieux de la vérité. PJ 44 3 Les auditeurs représentés par la bonne terre gardent la parole après l'avoir entendue. Satan et tous ses agents ne peuvent la leur ravir. PJ 44 4 Il ne suffit pas d'écouter ou de lire la parole de Dieu. Celui qui désire faire un bon usage des Ecritures doit méditer sur la vérité qui lui a été présentée. Par une attention soutenue et des prières ferventes, il doit chercher à comprendre la signification des paroles de vérité, et boire à longs traits à la source des oracles sacrés. PJ 44 5 Dieu nous invite à nourrir notre esprit de pensées nobles et pures. Il veut que nous méditions sur son amour et sa miséricorde, que nous contemplions la grande oeuvre de la rédemption. La vérité nous apparaîtra toujours plus clairement; nos aspirations vers la pureté du coeur et la clarté des idées seront plus élevées et plus saintes. L'âme qui se nourrit de pensées nobles et élevées sera transformée par la communion avec Dieu qu'elle trouvera dans l'étude des Ecritures. PJ 45 1 "Et porte du fruit." Ceux qui ont entendu la parole et qui la gardent porteront du fruit par leur obéissance. Reçue dans l'âme, cette parole se manifestera par de bonnes oeuvres. Elle permettra l'édification d'un caractère et d'une vie conformes à l'idéal proposé par le Christ. Voici ce qu'il dit de lui-même: "Je veux faire ta volonté, mon Dieu! Et ta loi est au fond de mon coeur."55 "Je ne cherche pas ma volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé.56 L'Ecriture ajoute encore: "Celui qui dit qu'il demeure en lui doit marcher aussi, comme il a marché lui-même.57 PJ 45 2 La parole de Dieu entre souvent en conflit avec nos tendances héréditaires ou acquises et avec nos mauvaises habitudes, mais l'auditeur représenté par la bonne terre reçoit la parole et se soumet à toutes ses exigences; tout son comportement est dès lors sous le contrôle de celle-ci. A ses yeux, les commandements de l'homme borné et sujet à l'erreur sont insignifiants à côté de la parole du Dieu infini. C'est de tout son coeur et avec une détermination inébranlable qu'il aspire à la vie éternelle. Même s'il devait subir la persécution, perdre ses biens et jusqu'à sa vie, il obéira à la vérité. PJ 45 3 Et il porte du fruit "avec persévérance". Aucun de ceux qui reçoivent la parole de Dieu n'est à l'abri des difficultés et des épreuves, mais le véritable chrétien ne se laisse pas aller à l'impatience, au doute et à l'abattement. Même si nous ne pouvons pas connaître l'issue de l'épreuve et comprendre les desseins de Dieu à notre égard, nous ne devons pas perdre confiance. Souvenons-nous au contraire de la miséricorde de notre Dieu; déchargeons-nous sur lui de tous nos soucis et attendons patiemment l'heure de la délivrance. PJ 45 4 L'épreuve fortifie la vie spirituelle. Supportée vaillamment, elle modèle notre caractère et nous apporte de grandes bénédictions. La tempête et l'obscurité sont parfois nécessaires pour amener à maturité ces fruits parfaits de la foi que sont la douceur et l'amour. PJ 46 1 "Le laboureur attend le précieux fruit de la terre, prenant patience à son égard, jusqu'à ce qu'il ait reçu les pluies de la première et de l'arrière-saison."58 De même, le chrétien doit attendre patiemment que la parole de Dieu fructifie dans sa vie. Lorsque nous prions pour recevoir les grâces du Saint-Esprit, souvent Dieu exauce nos prières en nous faisant passer par certaines circonstances qui favorisent le développement de ces fruits en nous. Comme nous ne comprenons pas ses desseins, nous nous étonnons et sommes consternés. Cependant, ces grâces ne peuvent se développer sans suivre des lois comparables à celles qui régissent la croissance de la plante. Notre rôle est donc de recevoir la parole, de la garder avec soin et de nous soumettre à elle sans réserve. Alors seulement les desseins de Dieu se réaliseront en nous. PJ 46 2 "Si quelqu'un m'aime, dit le Christ, il gardera ma parole, et mon Père l'aimera; nous viendrons à lui, et nous ferons notre demeure chez lui."59 Nous vivrons sous l'attrait d'un esprit fort et parfait parce que nous serons en liaison étroite avec la source de puissance éternelle. Dans notre vie en Dieu, nous serons captifs de Jésus-Christ; nous ne vivrons plus en égoïstes, mais le Christ vivra en nous. Son caractère se reflétera dans le nôtre, et c'est ainsi que nous produirons les fruits du Saint-Esprit: "trente, soixante, et cent pour un.60 ------------------------Chapitre 3 -- D'abord l'herbe, puis l'épi PJ 47 1 La parabole du semeur suscita bien des questions. Certains auditeurs en avaient conclu que le Christ n'établirait pas son règne ici-bas et plusieurs étaient intrigués et perplexes. Remarquant leur embarras, le Christ employa de nouvelles illustrations, s'efforçant encore de détourner leurs pensées d'un royaume terrestre et de les diriger vers l'oeuvre que la grâce de Dieu accomplit dans l'âme. PJ 47 2 "Il dit encore: Il en est du royaume de Dieu comme quand un homme jette de la semence en terre; qu'il dorme ou qu'il veille, nuit et jour, la semence germe et croît sans qu'il sache comment. La terre produit d'elle-même, d'abord l'herbe, puis l'épi, puis le grain tout formé dans l'épi; et, dès que le fruit est mûr, on y met la faucille, car la moisson est là."1 PJ 47 3 Le cultivateur qui "met la faucille, parce que la moisson est là", ne peut être que le Christ. C'est lui qui, au dernier jour, viendra récolter la moisson de la terre. Mais le semeur représente ceux qui travaillent pour lui. Il est dit de la semence "qu'elle germe et croît sans qu'il sache comment". Il n'en est pas ainsi du Fils de Dieu. Il ne s'endort pas à la tâche, mais il veille nuit et jour. Il n'ignore aucun détail du développement de la semence. La parabole de la semence nous montre que Dieu est à l'oeuvre dans la nature. La semence porte en elle le principe de la germination que Dieu lui a imparti, mais, livrée à elle-même, elle ne pourrait germer. L'homme a un rôle à jouer dans le développement de la graine. Il doit préparer le terrain, y mettre l'engrais nécessaire et l'ensemencer. Mais si sa mission est de cultiver ainsi la terre, son action a des limites. Il n'est pas de force ou de sagesse humaines capables de faire sortir de la semence une plante vivante. Que l'homme fasse de son mieux, il dépendra encore de celui qui unit les semailles et la moisson par les anneaux merveilleux de sa toute-puissance. PJ 48 1 La semence possède la vie et le terrain, une puissance; néanmoins, si une force surnaturelle n'intervenait la nuit et le jour, la semence resterait infructueuse. Il faut que la pluie vienne donner de l'humidité au sol, que le soleil le réchauffe et qu'un courant électrique passe au travers de la semence ensevelie. Le Créateur seul peut mettre en activité la vie dont il est l'auteur. Toute semence croît, toute plante se développe par la puissance de Dieu. PJ 48 2 "Comme la terre fait éclore son germe, et comme un jardin fait pousser ses semences, ainsi le Seigneur, l'Eternel, fera germer le salut et la louange, en présence de toutes les nations."2 La semence végétale et la semence spirituelle sont régies par des lois semblables. Celui qui enseigne la vérité doit préparer le terrain des coeurs puis y jeter la bonne graine, mais c'est la puissance divine qui produit la vie. Il y a un point au-delà duquel les efforts humains sont vains. Quand nous prêchons la parole, il ne nous est pas donné de communiquer la puissance qui vivifie les âmes et fait germer la louange et la justice. Cette oeuvre est celle d'un agent supérieur à tout pouvoir humain, le Saint-Esprit, qui rendra la parole vivante et capable de régénérer l'âme pour l'éternité. Voilà ce que le Christ cherchait à faire comprendre à ses disciples. Il leur enseignait que la vertu qui assurerait le succès ne résidait pas en eux, mais que c'est la puissance miraculeuse de Dieu qui rendrait sa parole efficace. PJ 49 1 Le travail du semeur est un acte de foi. Il ne peut percer le mystère de la germination et de la croissance de la semence. Il a confiance dans les moyens dont Dieu se sert pour agir sur la végétation. En livrant sa graine à la terre, il jette en apparence le précieux grain qui pourrait fournir du pain à sa famille. En réalité, il donne ce qu'il possède pour recevoir davantage. Il répand la semence dans l'espoir d'une moisson abondante. Les serviteurs de Jésus-Christ doivent travailler ainsi en comptant que la semence produira une moisson. PJ 49 2 Il se peut que pendant un certain temps, la bonne semence passe inaperçue dans un coeur dur, intéressé, épris du monde et donne l'impression de n'y avoir pas pris racine. Mais par la suite, sous l'influence de l'Esprit-Saint, l'invisible semence lève et porte enfin du fruit à la gloire de Dieu. Dans notre travail journalier, nous ne savons pas ce qui réussira, ceci ou cela. Nous n'avons pas à nous en préoccuper, nous devons accomplir notre tâche et laisser à Dieu le soin du résultat. "Dès le matin sème ta semence, et le soir ne laisse pas reposer ta main."3 L'Eternel a déclaré, en faisant alliance avec la famille humaine: "Tant que la terre subsistera, les semailles et la moisson... ne cesseront point.4 C'est en se reposant sur cette promesse que l'agriculteur laboure et sème. Notre confiance ne doit pas être moindre au sujet des semailles spirituelles: "Ainsi en est-il de ma parole, qui sort de ma bouche: elle ne retourne point à moi sans effet, sans avoir exécuté ma volonté et accompli mes desseins.5 "Celui qui marche en pleurant, quand il porte la semence, revient avec allégresse, quand il porte ses gerbes.6 PJ 49 3 La germination représente le commencement de la vie spirituelle; le développement de la plante est une belle image de la croissance chrétienne. Il en est de la grâce comme de la nature: il ne peut y avoir de vie sans croissance. La plante doit grandir ou mourir. Le développement de la vie chrétienne, de même que celui de la plante, est silencieux et imperceptible, mais constant. A chacune de ses phases, notre vie peut être parfaite; cependant, si le dessein de Dieu à notre égard s'accomplit, il y aura progrès continuel. La sanctification est l'oeuvre de toute la vie. Au fur et à mesure que les occasions d'agir s'offrent à nous, notre expérience s'accroît et notre connaissance augmente. Nous devenons plus forts pour porter des responsabilités et notre maturité est proportionnée à nos privilèges. PJ 50 1 La plante pousse parce qu'elle assimile les substances que Dieu a mises à sa disposition. Ses racines pénètrent profondément dans le sol. Elle se réchauffe au soleil et absorbe la rosée et la pluie. L'air lui fournit aussi des éléments indispensables. C'est ainsi que le chrétien doit grandir en liaison étroite avec les agents divins. Conscients de notre faiblesse, nous ne devons pas négliger les occasions d'acquérir de nouvelles expériences. Semblables à la plante qui plonge ses racines dans le sol, nous devons nous enraciner en Christ. De même qu'elle reçoit la chaleur solaire, la rosée et la pluie, il faut aussi que nous ouvrions nos coeurs à l'action du Saint-Esprit. Cette oeuvre ne se fera "ni par la puissance ni par la force, mais par mon Esprit, dit l'Eternel des armées".7 Si nous restons attachés au Christ, il viendra à nous "comme la pluie, comme la pluie du printemps qui arrose la terre.8 Comme le soleil de la justice, il se lèvera sur nous et "la guérison sera sous ses ailes.9 Nous fleurirons "comme le lis". Nous revivrons "comme le froment", et nous fleurirons "comme la vigne.10 Constamment unis au Christ, notre Sauveur personnel, nous croîtrons en lui à tous égards, car il est notre chef. PJ 50 2 Le blé donne "d'abord l'herbe, puis l'épi, puis le grain tout formé dans l'épi". C'est pour multiplier les graines que le cultivateur jette la semence et entretient son champ. Il veut obtenir du pain pour l'affamé et de la semence pour les moissons futures. De même, le divin laboureur s'attend à une moisson à la suite de ses efforts et de ses sacrifices. Jésus-Christ désire reproduire son image dans les coeurs et il le fait par l'intermédiaire de ceux qui croient en lui. La vie chrétienne n'a pas d'autre raison d'être que de porter du fruit: ce fruit est la reproduction du caractère du Maître dans le coeur du croyant et, par lui, dans d'autres vies. PJ 51 1 La plante ne germe, ne grandit ni ne porte du fruit pour elle-même, mais pour donner "de la semence au semeur et du pain à celui qui mange".11 Ainsi, nul ne doit vivre pour lui-même. Le chrétien est le représentant du Christ dans le monde pour travailler au salut de ses semblables. PJ 51 2 Il ne peut y avoir de croissance ni de fruit dans une vie repliée sur elle-même. Si vous avez accepté le Christ pour Sauveur personnel, vous devez vous oublier vous-même pour vous dépenser en faveur de votre prochain. Parlez de l'amour du Christ, de sa bonté, et accomplissez tous les devoirs qui se présentent à vous. Portez le fardeau des âmes en faisant tout ce qui est en votre pouvoir pour sauver celles qui se perdent. Dans la mesure où vous recevrez l'Esprit du Christ, esprit de désintéressement et de sacrifice en faveur du prochain, vous grandirez et porterez du fruit. Les grâces de l'Esprit mûriront en vous, votre foi s'affermira, vos convictions s'approfondiront, votre amour deviendra parfait; vous réfléchirez de plus en plus l'image du Christ dans tout ce qui est pur, noble et aimable. PJ 51 3 "Le fruit de l'Esprit, c'est l'amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bénignité, la fidélité, la douceur, la tempérance."12 Ces fruits ne périront jamais. Ils produiront, chacun selon son espèce, une moisson pour la vie éternelle. PJ 51 4 "Dès que le fruit est mûr, on y met la faucille, car la moisson est là." Le Christ désire intensément voir son image réfléchie dans son Eglise. Lorsque son caractère sera parfaitement reproduit dans ses disciples, il reviendra pour les réclamer comme sa propriété. PJ 52 1 Le privilège de chaque chrétien n'est pas seulement d'attendre le retour du Sauveur, mais de le hâter.13 Si tous ceux qui se disent chrétiens portaient du fruit à la gloire de Dieu, avec quelle rapidité le monde serait ensemencé de la semence évangélique! Bientôt la grande moisson finale serait mûre, et le Christ reviendrait pour recueillir le précieux grain. ------------------------Chapitre 4 -- L'ivraie PJ 53 1 Jésus leur proposa une autre parabole: "Le royaume des cieux est semblable à un homme qui a semé une bonne semence dans son champ. Mais, pendant que les gens dormaient, son ennemi vint, sema de l'ivraie parmi le blé, et s'en alla. Lorsque l'herbe eut poussé et donné du fruit, l'ivraie parut aussi."1 PJ 53 2 "Le champ, c'est le monde",2 dit le Christ. Nous devons comprendre qu'il s'agit de l'Eglise du Christ dans le monde. Cette parabole est une description de ce qui touche au royaume de Dieu, de son oeuvre pour le salut des hommes. Or, cette oeuvre est accomplie par l'Eglise. Il est vrai que le Saint-Esprit est venu dans le monde entier et qu'il opère partout dans les coeurs; mais c'est dans l'Eglise que nous grandissons et mûrissons pour les greniers célestes. PJ 53 3 "Celui qui sème la bonne semence, c'est le Fils de l'homme; ... la bonne semence, ce sont les fils du royaume; l'ivraie, ce sont les fils du malin."3 La bonne semence représente ceux qui sont nés de la parole de Dieu, de la vérité. L'ivraie représente une catégorie de personnes qui sont le fruit, l'incarnation de l'erreur ou de faux principes. "L'ennemi qui l'a semée, c'est le diable.4 Ni Dieu ni les anges n'ont semé l'ivraie. C'est l'oeuvre de Satan, l'ennemi de Dieu et de l'homme. PJ 54 1 En Orient, il arrivait parfois qu'on se vengeât de son ennemi en jetant dans son champ nouvellement ensemencé quelque mauvaise semence qui, en levant, ressemblait beaucoup au blé. En poussant, elle portait préjudice à la moisson et causait des ennuis et une perte au propriétaire. De même, c'est sa haine du Christ qui a poussé Satan à jeter de l'ivraie parmi le bon grain du royaume. Il attribue ensuite au Fils de Dieu le fruit de ses semailles. En faisant entrer dans l'Eglise ceux qui renient par leurs actes le caractère du Christ, le malin jette le déshonneur sur la cause de Dieu, présente sous un faux jour l'oeuvre du salut et met les âmes en péril. PJ 54 2 Les serviteurs du Christ éprouvent de la tristesse en voyant dans l'Eglise un mélange de vrais et de faux croyants. Ils voudraient pouvoir la purifier. Imitant les serviteurs de la parabole, ils sont prêts à arracher l'ivraie. Mais le Seigneur leur dit: "Non, de peur qu'en arrachant l'ivraie, vous ne déraciniez en même temps le blé. Laissez croître ensemble l'un et l'autre jusqu'à la moisson."5 PJ 54 3 Le Seigneur nous a enseigné clairement que ceux qui s'obstinent dans un péché manifeste doivent être retranchés de l'Eglise; mais il ne nous a pas chargés de juger le caractère et les mobiles des autres. Il connaît trop bien notre nature pour nous confier une pareille mission. Si nous tentions d'enlever de l'Eglise tous ceux que nous supposons ne pas être d'authentiques chrétiens, nous commettrions sûrement des erreurs. En effet, nous considérons souvent comme désespéré le cas de certaines âmes que le Seigneur attire à lui. Si nous les traitions selon nos vues imparfaites, nous risquerions de leur enlever la dernière lueur d'espérance. Parmi ceux qui se croient chrétiens, beaucoup se trouveront parmi les réprouvés au dernier jour, tandis que beaucoup d'autres que leurs voisins jugeaient indignes auront accès aux portes du ciel. L'homme juge d'après l'apparence, mais Dieu regarde au coeur. L'ivraie et le blé doivent pousser ensemble jusqu'au jour de la moisson. Or la moisson, c'est la fin du temps de grâce. PJ 55 1 Les paroles du Sauveur, dans cet entretien avec ses disciples, renferment une autre leçon de patience et d'amour. De même que les racines de l'ivraie s'enchevêtrent avec celles du froment, ainsi les faux frères au sein de l'Eglise sont mêlés aux vrais disciples. Le vrai caractère de ces pseudo-chrétiens n'est pas encore pleinement manifesté; et si on les éloignait du corps de l'Eglise, d'autres en seraient scandalisés, qui auraient pu rester fermes. PJ 55 2 L'enseignement de cette parabole est mis en lumière par l'attitude de Dieu à l'égard des hommes et des anges. Satan est un séducteur. Quand il eut péché dans le ciel, les bons anges eux-mêmes ne discernèrent pas pleinement son véritable caractère. C'est pourquoi Dieu ne le détruisit pas immédiatement. S'il l'avait fait, les saints anges auraient pu douter de sa justice et de son amour. Or, un doute sur la bonté divine eût été semblable à une mauvaise semence qui aurait produit un fruit amer de péché et de misère. C'est pourquoi Satan fut épargné, afin de lui permettre de manifester pleinement son caractère. Depuis de longs siècles, le Seigneur a supporté le spectacle angoissant du mal. Il a consenti au don infini du Calvaire plutôt que de voir des âmes séduites par le malin, car il n'était pas possible d'arracher l'ivraie sans mettre en danger l'existence du bon grain. N'aurions-nous pas autant de patience à l'égard de nos semblables que le Seigneur du ciel et de la terre à l'égard de Satan? PJ 55 3 Le monde n'a aucune raison de douter des vérités chrétiennes parce qu'il y a des membres indignes dans l'Eglise; et les chrétiens, à leur tour, ne doivent pas se décourager parce qu'ils coudoient de faux frères. Considérez un instant l'Eglise primitive. Ananias et Saphira s'étaient joints aux disciples; Simon le magicien avait été baptisé; Démas, avant d'abandonner Paul, avait été du nombre des croyants; Judas Iscariot était un apôtre. Le Rédempteur ne veut pas perdre une seule âme, et ses rapports avec Judas nous ont été rapportés pour nous montrer sa longue patience à l'égard de la perversité humaine. Il nous exhorte à la supporter comme il l'a supportée lui-même. Il nous déclare qu'il y aura jusqu'à la fin des faux frères dans l'Eglise. PJ 56 1 Malgré les avertissements de Jésus, des hommes ont essayé d'arracher l'ivraie; et pour punir ceux qui étaient supposés faire le mal, l'Eglise a eu recours au pouvoir temporel. Ceux qui ne reconnaissaient pas les doctrines officielles ont été emprisonnés, torturés, mis à mort à l'instigation d'hommes qui prétendaient agir avec l'assentiment du Christ. Mais cet esprit n'est pas le sien, c'est celui de Satan qui inspire de tels actes. PJ 56 2 La persécution est la tactique de Satan pour placer le monde sous sa dépendance. En infligeant de tels traitements à ceux qu'elle croyait dans l'erreur, l'Eglise a donné de Dieu une caricature. PJ 56 3 La parabole du Seigneur nous apprend à nous défier de nous-mêmes et à rester dans l'humilité, ainsi qu'à nous abstenir de juger et de condamner les autres. Tout ce qui est semé dans le champ n'est pas du bon grain et le fait d'appartenir à l'Eglise ne prouve pas nécessairement que l'on soit chrétien. PJ 56 4 Tant que le blé est en herbe, l'ivraie lui ressemble singulièrement; mais cette confusion disparaît à mesure que le champ blanchit et que les épis se courbent, mûrs et bien pleins. PJ 56 5 Les pécheurs qui font profession de piété peuvent momentanément se mêler aux vrais disciples du Christ et par leur semblant de christianisme tromper beaucoup de gens; mais au temps de la moisson du monde, il n'y aura pas de doute possible entre les bons et les mauvais. On verra alors ceux qui ne s'étaient joints qu'à l'Eglise et non au Christ. PJ 56 6 L'ivraie peut se mêler au froment et bénéficier avec lui de tous les avantages du soleil et de la pluie; mais au temps de la moisson, on apercevra "la différence entre le juste et le méchant, entre celui qui sert Dieu et celui qui ne le sert pas".6 Le Christ lui-même décidera quels sont ceux qui pourront faire partie de la famille céleste. Il jugera tout être humain selon ses paroles et selon ses oeuvres. Une simple profession de foi ne sera d'aucune valeur devant lui; seule la nature du caractère décidera de la destinée. PJ 57 1 Le Sauveur ne nous laisse pas entendre qu'un temps viendra où l'ivraie se changera en blé. Le blé et l'ivraie croissent ensemble jusqu'à la moisson qui est la fin du monde. Alors l'ivraie sera liée en gerbes pour être brûlée, tandis que le blé sera amassé dans les greniers célestes. "Alors les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père." "Le Fils de l'homme enverra ses anges, qui arracheront de son royaume tous les scandales et ceux qui commettent l'iniquité: et ils les jetteront dans la fournaise ardente, où il y aura des pleurs et des grincements de dents."7 ------------------------Chapitre 5 -- Semblable à un grain de sénevé PJ 59 1 Parmi ceux qui écoutaient les enseignements du Christ, on notait beaucoup de pharisiens. Avec mépris, ils se plaisaient à faire remarquer que peu de ses auditeurs reconnaissaient en lui le Messie. Et ils se demandaient entre eux comment ce maître obscur pourrait amener la nation juive à dominer le monde. Sans fortune, sans puissance, sans honneur, comment arriverait-il à fonder ce nouveau royaume? Jésus lut les pensées de leur coeur et leur répondit: PJ 59 2 "A quoi le royaume de Dieu est-il semblable, et à quoi le comparerai-je?"1 Dans les gouvernements terrestres, rien ne peut le représenter, aucune société n'est à même de lui fournir un symbole. "Il est semblable, leur dit-il, à un grain de sénevé qu'un homme a pris et jeté dans son jardin; il pousse, devient un arbre, et les oiseaux du ciel habitent dans ses branches.2 PJ 59 3 La semence se développe grâce au principe de vie que Dieu a mis en elle. Sa croissance ne dépend d'aucune force humaine. Il en est ainsi du royaume du Christ: il est une nouvelle création. Son développement est régi par des principes diamétralement opposés à ceux qui régissent les royaumes terrestres. Ceux-ci s'établissent et se maintiennent par la force brutale, tandis que le royaume nouveau a pour fondateur le Prince de la paix. Le Saint-Esprit représente les empires du monde sous l'emblème de bêtes féroces; mais le Christ est "l'agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde".3 Il n'a pas voulu régner sur les consciences en recourant à la contrainte. Les Juifs s'attendaient que le royaume de Dieu soit établi comme le sont les royaumes terrestres. Pour amener le règne de la justice, ils ne reculaient pas devant les moyens répressifs et imaginaient des plans et des méthodes. Le Christ, lui, inculque un principe. Il combat l'erreur et le péché en implantant dans le coeur la vérité et la justice. PJ 60 1 Lorsque Jésus proposa cette parabole, on pouvait voir çà et là, dans les prés ou au milieu des champs de blé, des tiges de sénevé s'agitant sous la brise. Les oiseaux sautillaient de branche en branche et gazouillaient dans le feuillage. Et pourtant, la semence qui avait donné naissance à cette plante géante était la plus minuscule de toutes les graines. Elle avait d'abord été une faible pousse qui, grâce à sa vitalité, avait crû et prospéré jusqu'à prendre de grandes proportions. Il en est ainsi du royaume de Dieu: ses débuts paraissent humbles et sans apparence. Comparé aux royaumes terrestres, il est le plus insignifiant. Les princes de ce monde ridiculisaient les prétentions du Christ à la royauté. Cependant ce royaume spirituel, par les vérités puissantes qui furent confiées à ses sujets, possédait une vie divine. Quelle rapidité dans sa croissance! Quelle étendue dans son influence! Au temps où fut donnée cette parabole, ce royaume n'avait pour représentants que quelques paysans galiléens. Les hommes répugnaient à se mêler à ces pêcheurs pauvres et peu nombreux qui avaient suivi Jésus. Mais le grain de sénevé devait se développer et étendre ses branches dans toutes les parties du monde. Après avoir ébloui les hommes de leur gloire, les royaumes terrestres disparaîtront, tandis que le royaume du Christ subsistera et atteindra une puissance illimitée. PJ 60 2 Ainsi l'oeuvre de la grâce dans les coeurs est insignifiante à ses débuts. Une parole est prononcée, un rayon de lumière pénètre dans l'âme, une influence agit qui est le point de départ d'une vie nouvelle. Qui pourrait en prévoir le résultat? PJ 61 1 Cette parabole illustre non seulement la croissance du royaume du Christ, mais encore chaque phase de son développement. Dieu, dans chaque génération, confie une vérité et une oeuvre spéciale à son Eglise. Cette vérité, cachée aux sages de ce siècle et aux intelligents, est révélée à ceux qui sont humbles et ressemblent à des enfants. Elle les convie au renoncement; elle les appelle à livrer des combats et à remporter des victoires. Au commencement, ses partisans sont peu nombreux. Ils sont en butte à l'opposition et au mépris des grands de ce monde et d'une Eglise mondanisée. Voyez Jean-Baptiste, le précurseur, se dressant seul contre l'orgueil et le formalisme des Juifs. Voyez les premiers témoins de l'Evangile en Europe: la mission de Paul et de Silas, tous deux faiseurs de tentes, semble obscure, désespérée quand ils s'embarquent à Troas pour Philippes; voyez Paul, vieillard enchaîné, prêchant le Christ au coeur de la forteresse des Césars; voyez ces petites communautés d'esclaves et de paysans tenant tête au paganisme de la Rome impériale. Voyez Martin Luther affronter la puissance d'une Eglise qui est le chef-d'oeuvre de la sagesse humaine; voyez-le tenant ferme pour la parole de Dieu devant l'empereur et le pape, et déclarant: "Me voici, je ne puis autrement. Que Dieu me soit en aide!" Voyez encore John Wesley prêchant le Christ et sa justice aux hommes formalistes, sensuels et incrédules de son temps. Voyez-le, accablé par les misères du monde païen, solliciter la faveur de lui apporter le message de l'amour du Sauveur. Notez la réponse du cléricalisme: "Ne te mets pas en peine, jeune homme, quand Dieu jugera bon de convertir les païens, il le fera sans toi et sans moi." PJ 61 2 Aujourd'hui, les maîtres de la pensée religieuse exaltent ceux qui ont jeté la semence de la vérité dans les siècles passés et leur élèvent des monuments. Mais beaucoup foulent aux pieds la plante sortie de cette semence. De nos jours comme autrefois, on entend déclarer: "Nous savons que Dieu a parlé à Moïse; mais celui-ci [le Christ dans la personne de ses témoins], nous ne savons d'où il est."4 Comme aux premiers siècles de l'ère chrétienne, les vérités destinées spécialement à notre époque ne se trouvent pas chez les autorités ecclésiastiques, mais chez des hommes et des femmes qui ne sont ni trop savants ni trop sages à leurs propres yeux pour croire à la parole de Dieu. PJ 62 1 "Considérez, frères, que parmi vous qui avez été appelés il n'y a ni beaucoup de sages selon la chair, ni beaucoup de puissants, ni beaucoup de nobles. Mais Dieu a choisi les choses folles du monde pour confondre les sages; Dieu a choisi les choses faibles du monde pour confondre les fortes; Dieu a choisi les choses viles du monde et celles qu'on méprise, celles qui ne sont point, pour réduire au néant celles qui sont, ... afin que votre foi fût fondée, non sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu."5 PJ 62 2 La parabole du grain de sénevé doit recevoir en cette génération un accomplissement triomphant. La petite graine deviendra un grand arbre, et le dernier message d'avertissement et de miséricorde sera porté "à toute nation, à toute tribu, à toute langue",6 "pour choisir du milieu d'elles un peuple qui porte son nom.7 Et la terre sera illuminée de la gloire de Dieu. ------------------------Chapitre 6 -- Autres enseignements tirés des semailles PJ 63 1 On peut retirer des semailles et du développement de la plante d'utiles enseignements pour l'école et la famille. Que les enfants et les adolescents apprennent à reconnaître l'action de la main divine dans le monde de la nature, et ils pourront saisir par la foi les réalités éternelles. Lorsqu'ils verront la puissance de Dieu constamment à l'oeuvre pour subvenir aux besoins de sa grande famille, lorsqu'ils comprendront de quelle manière nous sommes appelés à travailler avec lui, leur foi grandira et sa puissance se manifestera davantage dans leur vie quotidienne. PJ 63 2 Comme la terre, la semence a été créée par la parole de Dieu et a reçu d'elle la force de grandir et de se multiplier. "Dieu dit: Que la terre produise de la verdure, de l'herbe portant de la semence, des arbres fruitiers donnant du fruit selon leur espèce et ayant en eux leur semence sur la terre. Et cela fut ainsi. ... Dieu vit que cela était bon."1 Cette parole fait encore aujourd'hui pousser la semence. Celle-ci étale sa verdure au soleil et témoigne de la toute-puissance de Dieu qui "dit, et la chose arrive"; qui "ordonne, et elle existe.2 PJ 63 3 Le Christ apprit à ses disciples à prier ainsi: "Donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien." Attirant leur attention sur les fleurs, il leur donna cette assurance: "Si Dieu revêt ainsi l'herbe des champs, ... ne vous vêtira-t-il pas à plus forte raison?"3 Le Christ est toujours à l'oeuvre afin d'exaucer cette prière et de renforcer en nous cette conviction. Une puissance invisible opère sans cesse pour nourrir et vêtir l'homme. Le Seigneur use des moyens les plus divers pour faire de la faible graine, apparemment perdue, une plante vigoureuse; il veille à tout ce qui pourra assurer une moisson parfaite. Voici quelques belles paroles du Psalmiste: PJ 64 1 Tu visites la terre et tu lui donnes l'abondance, Tu la combles de richesses; Le ruisseau de Dieu est plein d'eau; Tu prépares le blé, quand tu la fertilises ainsi. En arrosant ses sillons, en aplanissant ses mottes, Tu la détrempes par des pluies, tu bénis son germe. Tu couronnes l'année de tes biens, Et tes pas versent l'abondance...4 PJ 64 2 Le monde matériel est soumis au contrôle de Dieu, et la nature obéit à ses lois. Tout se passe selon la volonté du Créateur. Nuages, rayons de soleil, rosée, pluie, vents et orages, tout est placé sous sa surveillance et obéit spontanément à son ordre. C'est en suivant la loi divine que la pousse sortie du grain de blé perce les sillons et produit "d'abord l'herbe, puis l'épi, puis le grain tout formé dans l'épi".5 Le Seigneur dirige ce développement en temps voulu et sans que la graine s'y oppose. Se peut-il vraiment que l'homme, fait à l'image de Dieu, doué de raison et de parole, soit le seul à sous-estimer ses dons et à enfreindre sa volonté? Des êtres intelligents seraient-ils les seuls à semer la confusion dans le monde? PJ 64 3 Dans tout ce qui contribue à subvenir aux besoins de l'homme, nous constatons l'association des efforts divins et humains. Il n'y a pas de moisson possible si l'homme n'a pas fait les semailles; mais le soleil et la pluie, la rosée et les nuages sont indispensables pour faire croître la semence. Il en est ainsi des affaires et de toutes les recherches scientifiques. On peut en dire autant du domaine spirituel, de la formation du caractère et de toutes les branches de l'activité chrétienne. Nous avons notre part à faire, mais il faut que notre action soit secondée par la puissance de Dieu sans laquelle tout effort est vain. PJ 65 1 Toutes les fois que l'homme entreprend un travail quelconque, dans le domaine spirituel ou matériel, il doit se souvenir qu'il lui faut l'aide du Créateur. Nous devons absolument réaliser que nous dépendons de Dieu. Nous avons trop confiance en l'homme et dans ses inventions, et pas assez en la puissance que le Seigneur tient à notre disposition. "Nous sommes ouvriers avec Dieu."6 La part de l'homme est insignifiante comparée à celle de Dieu; mais celui qui est uni à la divinité peut tout par la puissance qui lui vient de Jésus-Christ. PJ 65 2 Le développement graduel de la plante est une leçon de choses pour l'éducation des enfants. On voit paraître "d'abord l'herbe, puis l'épi, puis le grain tout formé dans l'épi".7 Celui qui a prononcé cette parabole créa la petite graine, lui communiqua ses propriétés vitales et institua des lois pour en assurer la croissance. Jésus a expérimenté dans sa propre vie les principes énoncés dans son illustration. Dans sa nature physique et spirituelle, il suivit l'ordre de croissance illustré par la plante, et il désire que les jeunes passent eux aussi par là. Bien qu'il ait été la Majesté du ciel, le Roi de gloire, il se fit tout petit enfant à Bethléhem et, pendant un certain temps, il eut besoin des soins de sa mère. Il parla et agit avec la sagesse de l'enfant, et non avec celle de l'homme, honorant ses parents et leur rendant joyeusement les petits services qu'on attend d'un enfant de son âge. Mais à chaque période de son développement, il fut parfait; il possédait la grâce simple et naturelle d'une vie sans péché. Parlant de son enfance, le récit sacré nous dit qu'il "croissait et se fortifiait. Il était rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui".8 Il est dit encore au sujet de sa jeunesse que "Jésus croissait en sagesse, en stature et en grâce, devant Dieu et devant les hommes9 PJ 66 1 Ici nous est présentée l'oeuvre des parents et des éducateurs: ils doivent s'efforcer de cultiver avec soin les dispositions des jeunes, afin qu'à chaque époque de la vie ils puissent mettre en lumière la beauté naturelle de cette période, beauté qui se développe aussi naturellement que celle de la plante. PJ 66 2 Les enfants les plus attrayants sont ceux qui restent naturels et sans affectation. Il ne faut pas leur accorder une attention spéciale et répéter leurs petites réparties devant eux. N'encouragez pas chez eux la vanité en louant leur apparence, leurs paroles et leurs actions. Ne les habillez pas d'une façon onéreuse et recherchée, car cela encourage en eux l'orgueil et excite l'envie de leurs petits camarades. PJ 66 3 Instruisez vos enfants avec une grande simplicité. Apprenez-leur à se contenter des petits services qu'ils peuvent rendre, ainsi que des plaisirs de leur âge. L'enfance est représentée par l'herbe de la parabole; or, l'herbe a une beauté qui lui est propre. Ne poussez pas vos enfants vers une maturité précoce, laissez-leur aussi longtemps que possible la fraîcheur et la grâce des premières années. PJ 66 4 Les petits enfants peuvent être chrétiens; ils auront une expérience correspondant à leur âge. C'est tout ce que le Seigneur attend d'eux. Il faut les éduquer dans le domaine spirituel, et la tâche des parents est de les placer dans les meilleures conditions pour que leur caractère devienne semblable à celui du Christ. PJ 66 5 Dieu a établi des lois dans la nature où l'effet suit la cause avec une certitude absolue. La moisson dira clairement ce que nous avons semé. L'ouvrier négligent est condamné par son oeuvre. La moisson dépose contre lui. Il en est de même dans le domaine spirituel: la fidélité de tout ouvrier est établie sur le résultat de son labeur, et la moisson dira s'il a été diligent ou paresseux. C'est ainsi que se décidera sa destinée éternelle. PJ 67 1 Toute semence produit du fruit selon son espèce. Ainsi en est-il de la vie humaine. Il nous faut tous semer la compassion, la sympathie et l'amour, car nous moissonnerons ce que nous aurons semé. Chaque trait d'égoïsme, d'amour de soi, de propre suffisance, chaque acte d'indulgence coupable envers soi-même portera des fruits selon son espèce. Celui qui vit pour lui-même sème pour la chair, et il moissonnera de la chair la corruption. PJ 67 2 Dieu ne détruit personne. Tout homme qui est détruit se sera détruit lui-même. Celui qui résiste à la voix de sa conscience sème des semences d'incrédulité qui produiront une moisson certaine. En rejetant le premier avertissement du ciel, Pharaon sema l'entêtement, et il récolta l'obstination. Ce n'est pas l'Eternel qui le poussa au doute. La semence de scepticisme qu'il répandit produisit une moisson selon son espèce. C'est ainsi qu'il s'obstina dans sa résistance jusqu'à ce qu'il vît la dévastation de son pays, la mort de son fils premier-né, des premiers-nés de son palais et de chaque famille de son royaume, et jusqu'à ce que les eaux de la mer eussent englouti ses chevaux, ses chars et ses cavaliers. Son histoire est l'image frappante de cette parole: "Ce qu'un homme aura semé, il le moissonnera aussi."10 Si les hommes s'en rendaient vraiment compte, ils veilleraient sur la semence qu'ils répandent. PJ 67 3 La semence jetée en terre produit une récolte. Si l'on sème à son tour le produit de celle-ci, on la multiplie. Cette loi est vraie dans nos relations avec nos semblables. Toute action, toute parole est une semence qui portera du fruit. Chaque acte de bonté, d'obéissance ou de renoncement se reproduira chez d'autres qui, à leur tour, propageront ce bienfait à d'autres encore. De même, chaque acte de malice, d'envie ou de désunion est une semence qui engendrera des "racines d'amertume"11 par lesquelles plusieurs seront souillés. A leur tour, ces derniers contamineront un plus grand nombre encore. Ainsi, ce que l'on sème de bien ou de mal produira son fruit pour le temps et l'éternité. PJ 68 1 La parabole du semeur nous enseigne aussi la libéralité dans les choses temporelles et spirituelles. Le Seigneur déclare: "Heureux vous qui partout semez le long des eaux."12 "Sachez-le, celui qui sème peu moissonnera peu, et celui qui sème abondamment moissonnera abondamment.13 Semer partout le long des eaux signifie partager sans interruption les dons du ciel, donner là où la cause de Dieu et les besoins de l'humanité réclament notre aide. Cela ne nous appauvrira pas: "Celui qui sème abondamment moissonnera abondamment." Le semeur multiplie sa semence en la jetant au loin, et il en est ainsi de ceux qui, fidèlement, dispensent les dons de Dieu. En donnant, ils font retomber sur eux des bénédictions plus abondantes. Dieu a promis de les combler afin qu'ils ne cessent pas de répandre. "Donnez, et il vous sera donné; on versera dans votre sein une bonne mesure, serrée, secouée et qui déborde.14 PJ 68 2 Les semailles et la moisson ont une signification encore plus vaste. Lorsque nous distribuons des biens matériels que Dieu nous accorde, notre amour et notre sympathie éveillent chez ceux qui en sont l'objet des témoignages de reconnaissance envers Dieu. Le coeur est ainsi préparé à recevoir les semences de l'Evangile; et celui qui fournit la semence au semeur la fera germer, et elle portera du fruit pour la vie éternelle. PJ 68 3 Cette parabole représente encore le sacrifice de notre Sauveur pour le rachat de l'humanité: "Si le grain de blé qui est tombé en terre ne meurt, dit-il, il reste seul; mais, s'il meurt, il porte beaucoup de fruit."15 Ainsi, la mort du Christ portera du fruit pour le royaume de Dieu. Conformément aux lois du règne végétal, la vie sera le résultat de sa mort. PJ 69 1 Tous ceux qui veulent porter du fruit comme collaborateurs du Christ doivent tout d'abord mourir à eux-mêmes. Leur vie doit être jetée dans le sillon des besoins du monde. L'amour du moi et l'intérêt personnel doivent périr. La loi du renoncement est la loi de la conservation. La semence ensevelie dans la terre produit du fruit qui, à son tour, sera aussi semé. Ainsi, la moisson est multipliée. L'agriculteur conserve son grain en le jetant dans le sillon. Il en est de même pour tout être humain: donner, c'est vivre. La vie qui sera conservée est celle qui est librement offerte au service de Dieu et du prochain. Ceux qui, ici-bas, sacrifient leur vie pour l'amour du Christ, la conserveront pour l'éternité. PJ 69 2 La semence meurt pour renaître en nouveauté de vie. Il y a là une image de la résurrection. Tous ceux qui aiment Dieu revivront dans l'Eden d'en haut. En parlant de ceux qui reposent dans la tombe, Dieu déclare: "Le corps est semé corruptible, il ressuscite incorruptible; il est semé méprisable, il ressuscite glorieux; il est semé infirme, il ressuscite plein de force."16 PJ 69 3 Tels sont quelques-uns des enseignements que nous pouvons retirer de la parabole du semeur et de la semence. Lorsque les parents et les maîtres tenteront de les inculquer, qu'ils s'efforcent d'être pratiques. Que les enfants cultivent eux-mêmes un bout de terrain. Pendant qu'ils travaillent, parents et éducateurs pourront leur parler du jardin du coeur, de la bonne ou de la mauvaise semence qu'on peut y semer, et leur montrer que le coeur doit être préparé lui aussi pour recevoir la semence de la vérité. Ils pourront expliquer la mort du Christ par le grain mis en terre, et la résurrection par la tige qui commence à paraître. A mesure que la plante se développe, on pourra poursuivre la comparaison entre les semailles naturelles et les semailles spirituelles. PJ 70 1 C'est ainsi qu'il faut instruire la jeunesse. Cet enseignement serait plus pratique si chaque école avait des terres à cultiver qui puissent être considérées comme la salle de classe de Dieu. En utilisant la nature comme un manuel d'étude, les enfants apprendraient les lois du développement de leur être spirituel. PJ 70 2 Le labour et les autres travaux de préparation du sol apportent sans cesse des leçons. Personne ne s'attend à récolter une moisson sur un terrain en friche. Il faut du travail, de l'ardeur, de la persévérance pour que le terrain soit en état de recevoir convenablement la semence. Il en est de même dans le domaine spirituel. Ceux qui veulent que leur terrain soit défoncé doivent introduire la parole de Dieu dans leur coeur. C'est alors qu'il sera défriché et labouré par l'influence adoucissante du Saint-Esprit. Sans effort, il n'y a pas de récolte. Il en va du coeur comme de la terre: il faut que l'Esprit de Dieu agisse sur lui pour l'affiner et le discipliner avant qu'il puisse porter du fruit à sa gloire. PJ 70 3 Le sol ne donnera pas ses richesses s'il n'est travaillé que par intermittence. Il a besoin journellement de toute notre attention. Il doit être labouré fréquemment et en profondeur, si l'on veut détruire les mauvaises herbes qui absorbent ce qui doit nourrir la bonne semence. Ainsi, aucun de ceux qui préparent la moisson en labourant et en semant, n'assistera impuissant à l'anéantissement de ses espérances. PJ 70 4 La bénédiction du Seigneur reposera sur ceux qui travaillent la terre en tirant de la nature des leçons spirituelles. Quand il remue le sol, l'ouvrier ne se doute pas des richesses qui lèveront un jour devant lui. Bien qu'il ne doive pas mépriser les enseignements et les informations que peuvent lui donner des personnes d'expérience et des hommes intelligents, il doit apprendre par lui-même. Cela fait partie de son éducation. La culture du sol servira à la formation de l'âme. PJ 71 1 Celui qui fait lever la semence, veille sur elle nuit et jour et lui donne la puissance de se développer, c'est notre Créateur, le Roi du ciel. Il veille sur ses enfants avec un soin plus diligent encore. Tandis que l'homme sème le blé qui subviendra à notre vie physique, Dieu sème dans l'âme le grain qui produira du fruit pour la vie éternelle. ------------------------Chapitre 7 -- Semblable à du levain PJ 75 1 Beaucoup d'hommes instruits et influents étaient accourus pour entendre le prophète de Galilée. Parmi eux, certains regardaient avec curiosité la foule rassemblée autour du Christ tandis qu'il enseignait au bord de la mer. Toutes les classes de la société y étaient représentées: des pauvres, des illettrés, des mendiants en haillons, des malfaiteurs marqués par le péché, des estropiés, des libertins, des commerçants et des rentiers. Tous, grands et petits, riches et pauvres, se pressaient autour du Maître pour entendre ses enseignements. En considérant cette étrange assemblée, les gens instruits se demandaient entre eux: "Le royaume de Dieu sera-t-il vraiment composé d'éléments de ce genre?" Le Sauveur répondit à nouveau par une parabole: PJ 75 2 "Le royaume des cieux, dit-il, est semblable à du levain qu'une femme a pris et mis dans trois mesures de farine, jusqu'à ce que la pâte soit toute levée."1 PJ 75 3 Chez les Juifs, le levain était quelquefois considéré comme l'emblème du péché. Pendant la période pascale, il était recommandé d'enlever tout levain des maisons, pour montrer qu'il fallait ôter le péché de son coeur. Le Christ donne cet avertissement à ses disciples: "Gardez-vous du levain des pharisiens, qui est l'hypocrisie." Et l'apôtre Paul parle du "levain de malice et de méchanceté".2 Mais dans la parabole du Sauveur, le levain est employé pour représenter le royaume des cieux, la puissance vivifiante et pénétrante de la grâce de Dieu. PJ 76 1 Il n'est pas d'être si vil, si dégradé qui ne puisse être transformé par cette puissance. Un nouveau principe de vie sera communiqué à tous ceux qui se soumettront à l'action du Saint-Esprit, de manière à restaurer en eux l'image de Dieu qui s'était perdue. PJ 76 2 L'homme est incapable de réaliser cette oeuvre de transformation par sa propre volonté. Il n'a en lui aucune puissance suffisante pour cela. Le levain -- substance étrangère à la masse -- doit être introduit dans la pâte pour qu'on obtienne le résultat désiré. C'est pourquoi le pécheur doit recevoir la grâce de Dieu avant d'être prêt pour le royaume de gloire. Ni la culture, ni l'éducation ne réussiront à transformer un esclave du péché en un enfant du ciel. C'est de Dieu que doit venir cette puissance régénératrice. Ce changement ne peut être opéré que par le Saint-Esprit. Tous ceux qui veulent être sauvés, grands ou petits, riches ou pauvres, doivent se soumettre à l'action de cette puissance. PJ 76 3 De même que le levain placé à l'intérieur de la pâte fait lever celle-ci, de même la grâce divine renouvelle le coeur et transforme la vie. Un changement purement extérieur n'est pas suffisant pour nous mettre en harmonie avec Dieu. Nombreux sont ceux qui essaient de se corriger en renonçant à telle ou telle mauvaise habitude, espérant ainsi devenir chrétiens, mais ils font fausse route. C'est en effet par le coeur qu'il faut commencer. PJ 76 4 Faire profession de foi et posséder la vérité dans le coeur sont deux choses bien différentes. Une simple connaissance de la vérité ne suffit pas à transformer le cours de nos pensées. Il faut pour cela que le coeur soit converti et sanctifié. PJ 76 5 Celui qui s'efforce de garder les commandements de Dieu uniquement par devoir ne connaîtra jamais la joie de l'obéissance. Ce n'est pas là obéir. Celui qui considère la soumission à la loi divine comme un fardeau, parce qu'elle contrarie ses désirs, n'est pas réellement chrétien. La véritable obéissance procède d'un principe qui a sa source dans l'être intérieur. Elle émane de l'amour de la justice et de la loi de Dieu. L'essence de toute justice, c'est la fidélité à notre Rédempteur qui nous pousse à faire le bien par amour du bien -- parce que le bien est agréable à Dieu. PJ 77 1 La grande vérité de la conversion du coeur par le Saint-Esprit est expliquée dans ces paroles du Christ à Nicodème: "En vérité, en vérité, je te le dis, à moins de naître d'en haut, nul ne peut voir le Royaume de Dieu." "Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l'esprit est esprit. Ne t'étonne pas que je t'aie dit: Il faut que vous naissiez de nouveau. Le vent souffle où il veut, et tu en entends le bruit; mais tu ne sais d'où il vient, ni où il va. Il en est ainsi de tout homme qui est né de l'esprit."3 PJ 77 2 Sous l'inspiration divine, l'apôtre Paul écrit: "Mais Dieu, qui est riche en miséricorde, à cause du grand amour dont il nous a aimés, nous qui étions morts par nos offenses, nous a rendus à la vie avec Christ (c'est par grâce que vous êtes sauvés); il nous a ressuscités ensemble et nous a fait asseoir ensemble dans les lieux célestes, en Jésus-Christ, afin de montrer dans les siècles à venir l'infinie richesse de sa grâce par sa bonté envers nous en Jésus-Christ. Car c'est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Et cela ne vient pas de vous, c'est le don de Dieu."4 PJ 77 3 Le levain caché dans la pâte agit d'une manière invisible et la fait lever. Le levain de la vérité, lui aussi, agit secrètement, silencieusement et d'une manière continue pour transformer l'âme. Les penchants naturels sont tempérés puis subjugués, et de nouvelles pensées, de nouveaux sentiments, de nouveaux mobiles apparaissent. La vie de Jésus-Christ devient le modèle à imiter. L'esprit est changé et les facultés sont orientées dans une nouvelle direction. L'homme n'est pas doté de nouvelles facultés, mais celles qu'il possède sont sanctifiées. Sa conscience est éveillée et il reçoit des traits de caractère qui le rendent capable de travailler pour Dieu. PJ 78 1 De nombreuses personnes se demandent pourquoi il y en a tant qui prétendent croire à la parole de Dieu et n'ont cependant pas subi de transformation visible dans leurs paroles, leur esprit et leur caractère; pourquoi il y en a tant qui ne peuvent supporter la contradiction, manifestent de la mauvaise humeur dès que quelque chose va à l'encontre de leurs plans et de leurs désirs, et prononcent des paroles dures, impérieuses et colériques. On observe chez eux le même égoïsme, la même indulgence à leur égard, les mêmes accès de colère et les mêmes propos irréfléchis que chez les gens du monde. Ils manifestent la même susceptibilité, le même orgueil, le même abandon aux inclinations naturelles, le même caractère perverti que s'ils n'avaient jamais connu la parole de Dieu. C'est la preuve qu'ils ne sont pas convertis. Ils n'ont pas caché dans leur coeur le levain de la vérité, et celui-ci n'a donc pas eu l'occasion d'accomplir son oeuvre. Leurs tendances au mal, naturelles ou acquises, n'ont pas été soumises à sa puissance transformatrice. Leur vie révèle l'absence de la grâce du Christ et leur incrédulité à l'égard de cette puissance qui peut changer le caractère. PJ 78 2 "La foi vient de ce qu'on entend, et ce qu'on entend vient de la parole de Christ."5 Les Ecritures sont le plus puissant agent de transformation du caractère. Le Christ priait ainsi: "Sanctifie-les par ta vérité: ta parole est la vérité.6 La parole de Dieu agit dans le coeur de celui qui l'étudie et s'y soumet; elle y subjugue toutes les mauvaises inclinations. Le Saint-Esprit intervient pour convaincre de péché; la foi naissante opère par l'amour du Christ et transforme corps, âme et esprit à l'image du Seigneur. Dès lors, celui-ci peut nous employer pour faire sa volonté. La puissance qui nous est donnée opère du dedans au dehors et nous pousse à faire part à d'autres de la vérité qui nous a été révélée. PJ 78 3 Les enseignements de la parole de Dieu satisfont le besoin principal de l'homme: la conversion de l'âme par la foi. Ces grands principes ne doivent pas être regardés comme trop purs et trop saints pour être mêlés à notre vie journalière. Ils atteignent jusqu'au ciel et embrassent l'éternité. Cependant, leur influence vitale doit se manifester dans chaque détail de notre vie. PJ 79 1 Reçu dans le coeur, le levain de la vérité disciplinera les désirs, purifiera les pensées, adoucira le caractère; il vivifiera les facultés intellectuelles et les énergies morales; il augmentera notre capacité de sentir et d'aimer. PJ 79 2 Le monde est étonné de voir des individus animés par ces principes. L'homme égoïste et épris de l'amour de l'argent ne vit que pour s'assurer les richesses, les honneurs et les plaisirs de ce monde. Il ne tient aucun compte de l'éternité. Mais le disciple du Christ relègue ces choses à l'arrière-plan. Pour l'amour de son Sauveur, il renonce à lui-même et travaille au salut de ceux qui vivent sans Dieu et sans espérance. Le monde ne peut pas comprendre le chrétien, car celui-ci a les yeux fixés sur les réalités éternelles; l'amour du Christ avec sa puissance rédemptrice a pénétré dans son coeur; il évince tous les autres mobiles et élève l'être au-dessus de l'influence néfaste du monde. PJ 79 3 La parole de Dieu doit sanctifier nos rapports avec nos semblables. Le levain de la vérité ne produira pas l'esprit de rivalité, l'ambition, le désir d'occuper la première place. L'amour qui vient du ciel n'est ni égoïste, ni versatile. Il ne dépend pas des louanges des hommes. Le coeur de celui qui reçoit la grâce du ciel déborde d'amour pour Dieu et pour ceux en faveur desquels le Christ est mort. Chez lui, le moi ne cherche pas à revendiquer ses droits. Il n'aime pas les autres parce que ceux-ci l'aiment ou lui plaisent, parce qu'ils apprécient ses mérites, mais parce qu'ils sont les rachetés du Christ. Si ses mobiles, ses paroles et ses actions sont incompris ou méconnus, il ne s'en offense pas mais continue courageusement sa route. Il reste aimable et prévenant, humble et néanmoins plein d'espérance, confiant dans la miséricorde et l'amour de Dieu. PJ 79 4 L'apôtre nous exhorte: "Puisque celui qui vous a appelés est saint, vous aussi soyez saints dans toute votre conduite, selon qu'il est écrit: Vous serez saints, car je suis saint."7 La grâce du Christ doit contrôler le caractère et la voix. Son action se remarquera dans la politesse et l'amabilité envers les frères, ainsi que par des paroles d'amour et d'encouragement. On sent au foyer la présence d'un ange et la vie dégage un doux parfum qui monte vers Dieu comme un encens d'agréable odeur. L'amour se manifeste par la bonté, la douceur, la patience et la longanimité. PJ 80 1 Le visage même est transformé. La présence du Christ dans le coeur illumine les traits de ceux qui l'aiment et qui gardent ses commandements. La vérité y est écrite et la douce paix du ciel s'y révèle. La vie d'un tel homme exprime une amabilité constante, un amour plus qu'humain. PJ 80 2 Le levain de la vérité opère un changement dans l'être tout entier. Il raffine ses manières et, de dur et d'égoïste, le rend aimable et généreux. Par lui, l'impur est purifié, lavé dans le sang de l'Agneau. L'esprit, l'âme et le corps retrouvent leur harmonie divine grâce à sa puissance vivifiante. La nature humaine participe à la divinité et le Christ est honoré par l'excellence et la perfection du caractère. Lorsque ces changements se produisent, les anges éclatent en chants de louange et le Père et le Fils sont remplis de joie de voir des âmes transformées à leur divine ressemblance. ------------------------Chapitre 8 -- Le trésor caché PJ 81 1 "Le royaume des cieux est encore semblable à un trésor caché dans un champ. L'homme qui l'a trouvé le cache; et, dans sa joie, il va vendre tout ce qu'il a, et achète ce champ."1 PJ 81 2 Dans l'ancien temps, on cachait très souvent ses trésors dans la terre, car les vols et les rapines étaient fréquents. A chaque changement de pouvoir, ceux qui avaient de grosses fortunes étaient soumis à un lourd tribut. En outre, le pays était constamment menacé par l'invasion de bandes de pillards. C'est pourquoi les riches cherchaient à mettre leur fortune en lieu sûr; or, la terre était la meilleure cachette. Mais il arrivait aussi qu'on oubliât l'endroit; lorsque le propriétaire venait à mourir ou s'il était séparé de ses biens par l'exil, le trésor acquis avec tant de peine devenait la propriété de celui qui avait la chance de le découvrir. Au temps du Christ, on trouvait fréquemment, dans des terres abandonnées, de vieilles pièces de monnaie et des ornements d'or ou d'argent. PJ 81 3 Un homme loue un champ pour le cultiver et, tandis que ses boeufs tirent la charrue, le soc met au jour un trésor enseveli. Il se rend compte aussitôt qu'une fortune est à sa portée. Il remet ce trésor à sa place, s'en retourne chez lui et vend tout ce qu'il a pour acheter le champ qui cache le trésor. Sa famille et ses voisins, stupéfaits, le prennent pour un fou, en regardant ce champ si longtemps laissé en friche. Mais cet homme sait ce qu'il fait. Dès qu'il est devenu le propriétaire légal de ce terrain, il en fouille toutes les parties pour retrouver le trésor. PJ 82 1 Cette parabole met en évidence la valeur du trésor céleste et l'effort qu'il faut accomplir pour l'obtenir. Le laboureur était prêt à se séparer de tous ses biens et à se livrer à de pénibles travaux en vue d'obtenir les richesses cachées. De même, celui qui découvre le trésor céleste ne trouvera aucune peine trop grande, aucun sacrifice trop dur pour s'assurer la possession des trésors de la vérité. PJ 82 2 Dans la parabole, le champ qui renferme le trésor représente les saintes Ecritures. Le trésor, c'est l'Evangile. La terre elle-même ne recèle pas autant de filons d'or que la parole de Dieu contient de précieuses vérités. Comment est-il caché? PJ 82 3 Il est dit que les trésors de l'Evangile sont cachés. Ceux qui se surestiment, qui se targuent d'une vaine philosophie, ne voient pas la beauté, la puissance et le mystère du plan de la rédemption. Beaucoup ont des yeux qui ne voient pas, des oreilles qui n'entendent pas. Ils ont de l'intelligence, mais ils ne discernent pas le trésor caché. PJ 82 4 Quelqu'un pouvait passer là où était caché le trésor et, en proie à un cruel dénuement, s'asseoir au pied d'un arbre sans se douter qu'une fortune se trouvait tout près. Il en était ainsi du peuple juif. Tel un riche trésor, la vérité avait été confiée aux Hébreux. L'économie judaïque, portant le sceau de Dieu, avait été instituée par le Christ lui-même. Les grandes vérités de la rédemption avaient été voilées sous des types et des symboles. Cependant, quand Jésus vint sur la terre, les Juifs ne le reconnurent pas comme celui qui réalisait toutes ces figures. Ils avaient la parole de Dieu entre leurs mains, mais les traditions qui s'étaient transmises de génération en génération et l'interprétation humaine des Ecritures cachaient la vérité telle qu'elle est en Jésus. La portée spirituelle des écrits sacrés était perdue. Le trésor de toute connaissance leur était ouvert, mais ils ne le voyaient pas. PJ 83 1 Dieu ne cache pas sa vérité aux hommes, mais celle-ci, à cause de leur attitude, leur devient incompréhensible. Le Christ avait donné à Israël des preuves évidentes de sa messianité, mais son enseignement réclamait un changement de vie radical. Les Juifs se rendaient compte que s'ils recevaient le Christ, ils devraient abandonner leurs maximes et leurs traditions, qui leur étaient chères, aussi bien que leurs pratiques égoïstes et impies. Il fallait faire un sacrifice pour recevoir la vérité immuable et éternelle, c'est pourquoi ils fermaient les yeux devant les preuves les plus évidentes que Dieu leur avait données pour établir leur foi en Christ. Ils professaient croire à l'Ancien Testament tout en refusant d'accepter son témoignage touchant la vie et le caractère du Messie. Ils craignaient de se laisser convaincre, ce qui les aurait amenés à se convertir et à abandonner leurs idées préconçues. Le trésor de l'Evangile, le Chemin, la Vérité et la Vie, était parmi eux, mais ils rejetèrent le plus grand don que le ciel puisse envoyer. PJ 83 2 "Cependant, même parmi les chefs, plusieurs crurent en lui; mais, à cause des pharisiens, ils n'en faisaient pas l'aveu, dans la crainte d'être exclus de la synagogue."2 Ils étaient convaincus; ils croyaient que Jésus était le Fils de Dieu, mais leurs ambitions les empêchaient de le confesser. Il leur manquait la foi qui leur aurait permis de s'assurer le trésor céleste; ils étaient à la recherche du trésor terrestre. PJ 83 3 De nos jours, les hommes s'acharnent à se procurer des richesses temporelles. Leur esprit est rempli de pensées égoïstes et ambitieuses. Par amour du gain, des honneurs ou de la puissance, ils mettent leurs devises, leurs traditions et leurs exigences au-dessus des préceptes divins. Pour eux, les trésors de la parole de Dieu sont cachés. PJ 84 1 "L'homme animal ne reçoit pas les choses de l'Esprit de Dieu, car elles sont une folie pour lui, et il ne peut les connaître, parce que c'est spirituellement qu'on en juge."3 PJ 84 2 "Si notre Evangile est encore voilé, ajoute l'apôtre, il est voilé pour ceux qui périssent; pour les incrédules dont le Dieu de ce siècle a aveuglé l'intelligence, afin qu'ils ne vissent pas briller la splendeur de l'Evangile de la gloire de Christ, qui est l'image de Dieu."4 Valeur du trésor PJ 84 3 Le Sauveur vit que les hommes étaient absorbés par le souci du gain et perdaient de vue les réalités éternelles. Il entreprit de combattre cette erreur en essayant de briser le puissant attrait qui paralysait les âmes. Il s'écria d'une voix forte: "Que servirait-il à un homme de gagner tout le monde, s'il perdait son âme? ou que donnerait un homme en échange de son âme?"5 Il présenta à l'humanité déchue le monde plus noble qu'elle avait perdu de vue, afin qu'elle puisse contempler les réalités éternelles. Il la conduisit au seuil de l'Infini, inondé par la gloire indescriptible de Dieu, et lui en dévoila le trésor. PJ 84 4 La valeur de ce trésor dépasse celle de l'argent ou de l'or. Les richesses des mines de la terre ne sauraient être comparées aux siennes. PJ 84 5 Job s'exprime ainsi: PJ 84 6 L'abîme dit: Elle n'est point en moi; Et la mer dit: Elle n'est point avec moi. Elle ne se donne pas contre de l'or pur, Elle ne s'achète pas au poids de l'argent; Elle ne se pèse pas contre l'or d'Ophir, Ni contre le précieux onyx, ni contre le saphir; Elle ne peut se comparer à l'or ni au verre, Elle ne peut s'échanger pour un vase d'or fin. Le corail et le cristal ne sont rien auprès d'elle: La sagesse vaut plus que les perles.6 PJ 85 1 Voilà le trésor que l'on trouve dans les Ecritures. La Bible est le grand manuel d'éducation de Dieu. Elle est à la base de toutes les sciences. Celui qui s'applique à la sonder y trouvera le germe de toutes les connaissances. Et par-dessus tout, elle contient la science des sciences, celle du salut. Elle est la mine des richesses insondables du Christ. PJ 85 2 C'est par l'étude et la pratique de la parole de Dieu qu'on acquiert une instruction vraiment supérieure. Mais si on lui préfère des ouvrages qui ne conduisent pas à Dieu et à son royaume, la science ainsi acquise usurpe le nom dont elle se pare. PJ 85 3 Il y a de magnifiques vérités dans la nature. La terre, la mer et le ciel en sont remplis. Ils sont nos maîtres. La nature nous fait entendre des leçons de sagesse divine et de vérité éternelle, mais l'homme déchu se refuse à les comprendre. Le péché a voilé la nature aux yeux de l'homme qui ne peut l'interpréter de lui-même sans la mettre au-dessus de Dieu. Des enseignements conformes à la vérité ne sauraient agir sur l'esprit de ceux qui rejettent la parole de Dieu. Ils tordent à tel point le sens des leçons de la nature qu'elles éloignent les hommes du Créateur. PJ 85 4 Beaucoup de gens croient que la sagesse humaine surpasse celle du divin Maître, et que le livre de Dieu est un livre démodé, périmé, ne présentant plus aucun intérêt. Ce n'est pas l'opinion de ceux qui ont été vivifiés par l'Esprit. Ils voient le trésor inestimable, et ils vendraient tous leurs biens pour acquérir le champ qui le recèle. Au lieu des ouvrages remplis des hypothèses d'écrivains célèbres, ils choisissent la parole du plus grand auteur et du plus grand maître que le monde ait jamais connu, celui qui est mort pour nous afin que nous puissions avoir la vie éternelle. Conséquences de la négligence du trésor PJ 85 5 Satan incite les hommes à penser que l'on peut acquérir de merveilleuses connaissances en dehors de Dieu. Par un raisonnement séducteur, il amena Adam et Eve à douter de la parole de l'Eternel et à accepter une théorie qui les conduisit à la désobéissance. Ses sophismes produisent de nos jours les mêmes effets qu'au jardin d'Eden. Des maîtres font entrer dans leur enseignement les opinions d'auteurs incroyants, inculquant ainsi à la jeunesse des idées qui l'inciteront à se défier de Dieu et à transgresser sa loi. Ils sont loin de savoir ce qu'ils font, ils ne se rendent pas compte des conséquences de leur travail. PJ 86 1 Un étudiant peut posséder tous les diplômes de nos écoles modernes, faire l'impossible pour acquérir des connaissances; mais s'il ne connaît pas Dieu, s'il n'obéit pas aux lois qui régissent son être, il court à sa perte. Par ses mauvaises habitudes, il fausse son jugement et perd le contrôle de soi. Il est incapable de raisonner correctement sur des sujets qui le concernent particulièrement. Il traite son esprit et son corps d'une manière inconsidérée et irrationnelle. Par ses mauvaises habitudes, il gâche sa vie. Il ne peut jouir du bonheur: ayant négligé de cultiver des principes purs et saints, il se place sous l'emprise d'habitudes qui le privent de paix. Ses années d'études acharnées sont perdues, car il s'est détruit lui-même. Il a abusé de ses forces physiques et mentales. Le temple de son corps est en ruine. Il est perdu pour cette vie et pour l'éternité. En amassant des connaissances terrestres, il croyait faire l'acquisition d'un trésor, mais en mettant la Bible de côté, il a sacrifié celui qui vaut plus que toute autre chose. A la recherche du trésor PJ 86 2 La parole de Dieu doit être l'objet de notre étude. Nous devons apprendre à nos enfants les vérités qu'elle contient. C'est un trésor inépuisable, mais les hommes ne le trouvent pas, parce qu'ils ne le cherchent pas avec assez de persévérance. Nombreux sont ceux qui se contentent de simples suppositions au sujet de la vérité et se satisfont d'un travail superficiel, croyant posséder l'essentiel. Ils prennent les affirmations des autres pour la vérité, parce qu'ils sont trop indolents pour faire les efforts persévérants de celui qui fouille le sol afin d'y découvrir le trésor caché. Les inventions humaines sont non seulement peu sûres, mais dangereuses, car elles prennent la place de Dieu. Les hommes substituent leurs propres déclarations au mot d'ordre: Ainsi parle l'Eternel. PJ 87 1 Jésus-Christ est la vérité. Ses paroles sont véridiques et ont une signification beaucoup plus profonde qu'on ne l'imagine à première vue. Tout ce que nous a dit le Sauveur a une valeur insoupçonnée que découvriront ceux qui sont animés du Saint-Esprit; ils discerneront les précieuses pépites d'or de la vérité, bien qu'elles soient un trésor caché. PJ 87 2 Nous ne comprendrons jamais la parole de Dieu au moyen des théories et des spéculations humaines. Beaucoup de gens qui s'imaginent saisir la philosophie jugent leurs explications indispensables pour ouvrir les trésors de la connaissance et empêcher les hérésies de s'infiltrer dans l'Eglise. Mais ce sont précisément ces arguments philosophiques qui ont engendré de fausses théories et des hérésies. Les hommes ont essayé désespérément d'expliquer ce qu'ils considéraient comme des textes bibliques difficiles. Mais le plus souvent, leurs efforts n'ont fait qu'obscurcir ce qu'ils se devaient d'éclaircir. PJ 87 3 Les prêtres et les pharisiens s'imaginaient briller dans leurs interprétations personnelles de la parole de Dieu; mais le Christ leur déclara: "Vous ne comprenez ni les Ecritures, ni la puissance de Dieu."7 Il les accusait d'enseigner des "préceptes qui ne sont que des commandements d'hommes.8 Ils avaient la responsabilité de l'enseignement des oracles de Dieu et étaient censés comprendre sa parole, mais ils ne la mettaient pas en pratique. Satan les aveuglait, afin qu'ils n'en saisissent pas le sens véritable. PJ 87 4 C'est encore ce qui se produit de nos jours. Combien d'Eglises se sont rendues coupables de ce péché! Nos prétendus savants courent le danger -- et quel danger! -- de répéter l'expérience des docteurs juifs. Par leur mauvaise interprétation des messages divins et leur conception erronée de la vérité, ils troublent les âmes et les plongent dans les ténèbres. PJ 88 1 Il ne faut pas lire les Ecritures à la faible lumière de la tradition ou des spéculations humaines. Il serait aussi vain de prétendre ajouter la lumière d'une torche à l'éclat du soleil que de vouloir expliquer les Ecritures par la tradition ou l'imagination. Point n'est besoin des lampes fumeuses de la sagesse humaine pour discerner les merveilles de la parole de Dieu. Elle est elle-même la lumière, la révélation de la gloire de Dieu. A côté d'elle, toute autre lumière pâlit. PJ 88 2 La parole doit être étudiée avec zèle et d'une manière approfondie. L'indolence ne sera jamais récompensée d'une connaissance parfaite de la vérité. Nous ne pouvons obtenir aucune réussite ici-bas sans un effort sérieux, patient et persévérant. Si les hommes veulent que leurs affaires prospèrent, ils doivent avoir une volonté tenace, une confiance absolue dans le succès de leurs travaux. De même, sans un effort sérieux, nous ne devons pas nous attendre à progresser dans la connaissance spirituelle. Ceux qui désirent trouver le trésor de la vérité doivent, à l'exemple du mineur, creuser avec ardeur pour arracher à la terre les trésors qui y sont cachés. Aucun travail fait avec indolence ne sera couronné de succès. Que nul ne se contente de lire la parole de Dieu, mais que tous, jeunes et vieux, l'étudient de tout leur coeur avec prière, pour chercher la vérité comme on cherche un trésor caché. Ceux qui le font seront récompensés, car le Christ vivifiera leur intelligence. PJ 88 3 Notre salut dépend de la connaissance de la vérité que renferment les Ecritures. La volonté de Dieu est que nous la possédions. Sondez, oh! sondez les précieuses pages de la Bible avec des coeurs affamés. Explorez la parole de Dieu comme le mineur explore la terre pour découvrir des filons d'or. Ne vous lassez pas dans vos recherches jusqu'à ce que vous soyez au clair au sujet de vos rapports avec Dieu et de sa volonté à votre égard. Le Christ a déclaré: "Tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils. Si vous demandez quelque chose en mon nom, je le ferai."9 PJ 89 1 Des hommes de piété et de talent ont des aperçus des réalités éternelles, mais souvent ils n'avancent pas dans la connaissance, parce que chez eux les choses visibles voilent encore la gloire des choses invisibles. Celui qui tient à découvrir le trésor caché doit viser plus haut que des objectifs terrestres; il doit consacrer à sa recherche ses affections et toutes ses capacités. PJ 89 2 La désobéissance a fermé les portes du vaste champ des connaissances que l'on aurait pu obtenir par l'étude des Ecritures. Comprendre signifie obéir aux commandements de Dieu. Les Ecritures ne doivent pas être adaptées aux préjugés et à la méfiance des hommes. Seuls ceux qui cherchent humblement à connaître la vérité afin d'y conformer leur vie réussiront à la comprendre. PJ 89 3 Vous demandez-vous: "Que dois-je faire pour être sauvé?" Abandonnez tout d'abord vos idées préconçues, héréditaires ou cultivées. Si vous sondez les Ecritures avec le dessein d'y trouver la confirmation de vos opinions, vous n'arriverez jamais à la connaissance de la vérité. Faites-le pour savoir ce que le Seigneur dit. Si, au cours de vos études, vous êtes convaincu que les idées qui vous étaient chères sont en désaccord avec la vérité, n'interprétez pas cette dernière faussement, afin de faire concorder ses dires avec vos opinions personnelles, mais acceptez la lumière qui vous est donnée. Ouvrez votre coeur et votre esprit afin que vous puissiez contempler les merveilles de la parole de Dieu. PJ 89 4 La foi en Christ comme Rédempteur du monde exige une intelligence éclairée, contrôlée par un coeur capable de trouver et d'apprécier le trésor céleste. Elle est inséparable de la repentance et de la transformation du caractère. Avoir la foi signifie découvrir et accepter le trésor de l'Evangile avec toutes les obligations qu'il impose. PJ 90 1 "Si un homme ne naît de nouveau, a dit Jésus, il ne peut voir le royaume de Dieu."10 Il peut faire des suppositions et se laisser aller au gré de ses fantaisies, mais sans la vision que donne la foi, il ne saurait distinguer le trésor. Le Christ a donné sa vie pour nous en assurer la possession; or, sans la régénération par la foi en son sang, il n'y a pas de rémission des péchés, pas de trésor pour les âmes qui périssent. PJ 90 2 Pour discerner les vérités de la parole de Dieu, il nous faut l'illumination du Saint-Esprit. Nous ne pouvons admirer les beautés de la nature que si le soleil dissipe les ténèbres en inondant la terre de sa lumière. Il en est de même des trésors de la parole de Dieu. On peut les apprécier seulement lorsque le Soleil de justice les inonde de ses rayons lumineux. PJ 90 3 Le Saint-Esprit, envoyé du ciel par la bienveillance de celui qui est amour, révèle les choses de Dieu à toute âme qui a une foi sans réserve en Christ. Par sa puissance, les vérités essentielles dont dépend le salut sont gravées dans l'esprit, et le chemin de la vie est si évident qu'il est impossible de se tromper. Quand on étudie les Ecritures, il faut prier pour obtenir l'illumination du Saint-Esprit qui permettra d'en découvrir et d'en apprécier les trésors. Recherches récompensées PJ 90 4 Que nul ne s'imagine qu'il n'a plus rien à apprendre. On peut mesurer la profondeur de l'intelligence humaine et connaître parfaitement les oeuvres des grands écrivains, mais l'imagination la plus exercée ne saurait trouver de limites en Dieu. Au-delà de tout ce que nous pouvons saisir, il reste l'infini. Nous n'avons fait qu'entrevoir les reflets de la gloire du Seigneur; nous avons seulement effleuré l'immensité de sa connaissance et de sa sagesse. Notre travail s'est pour ainsi dire limité à la surface de la mine, alors que les veines plus riches en métal précieux sont dans les profondeurs où elles attendent, pour le récompenser, l'ouvrier diligent qui les mettra au jour. Il faut creuser le plus profondément possible pour trouver le trésor glorieux. Grâce à une foi véritable, la connaissance divine deviendra la connaissance humaine. PJ 91 1 Nul ne peut sonder les Ecritures dans l'esprit du Christ sans en être récompensé. Quand on consent à se laisser instruire comme un petit enfant, quand on se soumet entièrement à la volonté de Dieu, on trouve la vérité dans sa parole. Si les êtres humains étaient obéissants, ils comprendraient le plan divin, et les demeures de la grâce et de la gloire du monde céleste s'ouvriraient devant eux pour leur permettre de les explorer. Ils seraient tout différents de ce qu'ils sont aujourd'hui, car l'exploration des mines de la vérité les ennoblirait. Le mystère de la rédemption, l'incarnation du Christ, son sacrifice expiatoire ne leur paraîtraient pas vagues comme maintenant. Non seulement ils les comprendraient mieux, mais ils les apprécieraient infiniment plus. PJ 91 2 Dans sa prière adressée au Père, le Sauveur donna au monde une leçon qui devrait être gravée dans notre esprit et dans nos coeurs: "La vie éternelle, disait-il, c'est qu'ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ."11 Voilà en quoi consiste la véritable éducation, celle qui nous rend forts. La connaissance de Dieu et de Jésus-Christ, son envoyé, transforme à l'image de la Divinité celui qui l'expérimente. Elle lui donne la maîtrise de soi, et permet aux facultés supérieures de l'esprit de contrôler les impulsions et les passions inférieures. Elle fait de lui un fils de Dieu et un héritier du ciel, le met en communion avec l'esprit de l'Eternel et lui ouvre les portes des riches trésors de l'univers. PJ 92 1 Telle est la connaissance qui s'obtient par l'étude des Ecritures. Or ce trésor est à la disposition de celui qui consent à tout donner pour l'acquérir. PJ 92 2 "Si tu appelles la sagesse, et si tu élèves ta voix vers l'intelligence, si tu la cherches comme l'argent, si tu la poursuis comme un trésor, alors tu comprendras la crainte de l'Eternel, et tu trouveras la connaissance de Dieu."12 ------------------------Chapitre 9 -- La perle PJ 93 1 Notre Sauveur compara les bénédictions que nous assure l'amour rédempteur à une perle. Il illustra son enseignement par la parabole du marchand parti à la recherche de perles précieuses: "Il a trouvé une perle de grand prix; et il est allé vendre tout ce qu'il avait, et l'a achetée."1 Le Christ est cette perle précieuse, car en lui est rassemblée toute la gloire du Père, la plénitude de la divinité. Il est le reflet de sa gloire et l'empreinte de sa personne.2 Son caractère révèle les attributs de Dieu, et chaque page de l'Ecriture réfléchit sa lumière. Sa justice, semblable à une perle blanche et pure, est sans défaut et sans tache. Aucune oeuvre humaine ne peut améliorer le grand et précieux don de Dieu aux hommes. Il est parfait, car en Jésus-Christ "sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science"; et "il a été fait pour nous sagesse, justice et sanctification et rédemption.3 En lui sont satisfaits, pour cette vie et pour l'éternité, tous les désirs ardents de l'âme humaine. Notre Rédempteur est une perle de si grande valeur que, comparés à elle, tous les autres biens peuvent être considérés comme une perte. PJ 93 2 Le Christ est venu chez les siens et les siens ne l'ont pas reçu. La lumière de Dieu a brillé dans les ténèbres du monde, "et les ténèbres ne l'ont point reçue".4 Mais tous ne restèrent pas indifférents à ce don du ciel. Le marchand de la parabole représente une classe de gens qui sont animés du désir sincère de trouver la vérité. Des hommes réfléchis de toute nationalité s'étaient efforcés de trouver dans la littérature, les sciences et les religions du monde païen ce qui manquait à leurs âmes. Parmi les Juifs, des coeurs sincères soupiraient après quelque chose que ne pouvait leur procurer une religion formaliste. Ils éprouvaient le besoin de s'élever spirituellement. Les disciples de Jésus appartenaient à cette dernière catégorie, Corneille et l'eunuque d'Ethiopie, à la première. Ils avaient ardemment désiré la lumière d'en haut et avaient prié avec instance pour la recevoir; c'est pourquoi ils acceptèrent le Christ avec joie quand il se révéla. PJ 94 1 Dans la parabole, il ne nous est pas dit que la perle est un don: le négociant l'a achetée au prix de tous ses biens. Beaucoup se demandent ce qu'il faut en conclure, car le Christ nous est présenté dans l'Ecriture comme un don. En effet, il est un don, mais seulement pour ceux qui se livrent à lui sans réserve, coeur, âme et esprit, pour vivre dans l'obéissance à toutes ses exigences. Tout ce que nous sommes, tous nos talents et nos aptitudes sont à lui et doivent être consacrés à son service. Quand nous nous donnons entièrement à lui, il se donne à nous avec toutes les richesses du ciel. C'est ainsi que nous recevons la perle de grand prix. PJ 94 2 Le salut est un don gratuit,et cependant il doit être acheté et vendu. Sur le marché de la miséricorde, la perle précieuse est achetée sans argent, sans rien payer. Là, les biens célestes sont accessibles à tous. Le trésor des joyaux de la vérité est ouvert à chacun. "J'ai mis devant toi une porte ouverte, que personne ne peut fermer",5 déclare le Seigneur. Aucune sentinelle n'y monte la garde. Au contraire, des voix vous convient à entrer. Le Sauveur lui-même adresse à chacun cette invitation pressante et affectueuse: "Je te conseille d'acheter de moi de l'or éprouvé par le feu, afin que tu deviennes riche.6 PJ 95 1 L'Evangile du Christ est une bénédiction que tout le monde peut recevoir; les plus pauvres comme les plus riches peuvent obtenir le salut, car ce n'est pas avec la fortune qu'on l'acquiert, mais par une obéissance volontaire, en se livrant au Christ comme un bien qu'il s'est acquis. La meilleure éducation elle-même n'a pas la vertu de rapprocher l'homme de Dieu. Les pharisiens, favorisés par de nombreux avantages temporels et spirituels, disaient avec ostentation: "Nous sommes riches, aurions-nous encore besoin de quelque chose?" Pourtant, ils étaient malheureux, misérables, pauvres, aveugles et nus."7 Le Christ leur avait offert la perle de grand prix, mais ils l'avaient dédaignée; aussi leur dit-il: "Les publicains et les prostituées vous devanceront dans le royaume de Dieu.8 PJ 95 2 Nous ne pouvons pas gagner le salut, mais il faut que nous le recherchions avec autant de ferveur et de persévérance que si nous devions tout abandonner pour l'obtenir. PJ 95 3 Il nous faut chercher la perle de grand prix, mais non sur les marchés ou à la manière du monde. Dieu ne nous demande ni argent ni or en paiement, puisque tout est à lui. Abandonnez l'idée que vous assurerez votre salut par des avantages temporels ou spirituels. Dieu vous demande une obéissance volontaire, il vous invite à délaisser vos péchés. "Celui qui vaincra, dit-il, je le ferai asseoir avec moi sur mon trône, comme moi j'ai vaincu et me suis assis avec mon Père sur son trône."9 PJ 95 4 Certaines personnes semblent être constamment à la recherche de la perle céleste, mais elles ne consentent pas à rompre tout à fait avec leurs anciennes habitudes. Elles ne meurent pas à elles-mêmes pour laisser le Christ vivre en elles. C'est la raison pour laquelle elles ne parviennent pas à trouver la perle précieuse. Elles sont esclaves d'ambitions malsaines et de l'attirance exercée par le monde; elles ne prennent pas leur croix ni ne suivent leur Sauveur sur le chemin du renoncement et du sacrifice. Presque chrétiennes, elles semblent près du royaume des cieux mais ne peuvent y entrer. Presque sauvé, mais pas entièrement, cela signifie non pas presque, mais totalement perdu. PJ 96 1 La parabole du marchand de perles fines a deux sens. Elle ne s'applique pas seulement aux hommes qui soupirent après le royaume des cieux, mais aussi au Christ qui est à la recherche de son héritage perdu. Divin marchand en quête de belles perles, il a discerné dans l'humanité la perle de grand prix. Il a vu la possibilité de sauver l'homme souillé et ruiné par le péché. Les coeurs qui ont servi de champ de bataille aux assauts de l'ennemi et qui ont été délivrés par la puissance de l'amour sont plus précieux aux yeux du Rédempteur que ceux qui n'ont jamais péché. Dieu ne considère pas l'humanité comme indigne et souillée; il la voit à travers son Fils et sait ce qu'elle peut devenir grâce à l'amour rédempteur. Il a abandonné toutes les richesses de l'univers pour acheter la perle; après l'avoir retrouvée, Jésus l'enchâsse de nouveau dans son diadème. "Ils sont les pierres d'un diadème, qui brilleront dans son pays."10 "Ils seront à moi, dit l'Eternel des armées, ils m'appartiendront au jour que je prépare.11 PJ 96 2 Mais le thème sur lequel nous devons méditer avant tout, c'est le Christ, perle de grand prix, et le privilège que nous avons de pouvoir posséder ce trésor céleste. C'est le Saint-Esprit qui nous fait connaître la valeur de la perle de grand prix. C'est quand on la recherche avec ferveur jusqu'à ce qu'on l'ait trouvée que le Saint-Esprit manifeste sa puissance. Au temps du Christ, nombreux étaient ceux qui venaient écouter la bonne nouvelle, mais leur esprit était obscurci par de faux enseignements, et ils ne reconnaissaient pas dans l'humble Maître de Galilée l'envoyé de Dieu. Mais après l'ascension du Christ, son élévation au trône et l'inauguration de son oeuvre de médiation furent marquées par l'effusion du Saint-Esprit au jour de la Pentecôte. Les témoins de Jésus proclamèrent la puissance du Sauveur ressuscité. La lumière divine pénétra dans le coeur de ceux qui avaient été induits en erreur par les adversaires du Christ. Désormais, ils l'exaltèrent publiquement comme "Prince et Sauveur, pour donner à Israël la repentance et le pardon des péchés".12 Ils le virent entouré de la gloire des cieux, prêt à répandre de riches bénédictions sur tous ceux qui abandonneraient la voie de la révolte. Lorsque les apôtres proclamèrent la gloire du Fils unique venu du Père, trois mille âmes se convertirent. Elles se virent telles qu'elles étaient, pécheresses et souillées, et reconnurent en Jésus leur ami et leur rédempteur. Le Christ fut exalté et glorifié par la puissance de Dieu qui reposait sur l'homme. Par la foi, ces nouveaux croyants virent en lui celui qui avait supporté l'humiliation, la souffrance et la mort pour qu'ils ne périssent pas, mais qu'ils aient la vie éternelle. La révélation du Christ par l'Esprit leur permit de comprendre toute l'étendue de sa puissance et de sa majesté; c'est ainsi que, tendant les mains vers lui avec foi, ils purent s'écrier: "Nous croyons!" PJ 97 1 Alors l'heureuse nouvelle du Sauveur ressuscité se répandit jusqu'aux extrémités du monde habité. L'Eglise vit accourir à elle de tous côtés une foule de convertis. Des croyants se reconvertissaient et des pécheurs se joignaient aux chrétiens pour découvrir, eux aussi, la perle de grand prix. La prophétie se réalisait: "Et le faible parmi eux sera dans ce jour comme David; la maison de David sera comme Dieu, comme l'ange de l'Eternel devant eux."13 Chaque chrétien voyait en son frère l'image de l'amour divin. Un seul intérêt prévalait dans l'Eglise, éclipsant tous les autres: refléter le caractère du Christ et travailler à l'édification de son royaume. "La multitude de ceux qui avaient cru n'était qu'un coeur et qu'une âme. ... Les apôtres rendaient avec beaucoup de force témoignage de la résurrection du Seigneur Jésus. Et une grande grâce reposait sur eux tous. ... Et le Seigneur ajoutait chaque jour à l'Eglise ceux qui étaient sauvés.14 L'esprit du Christ animait toute l'assemblée, car chacun avait découvert la perle de grand prix. PJ 97 2 Ces scènes doivent se renouveler avec une plus grande puissance encore, car l'effusion du Saint-Esprit au jour de la Pentecôte n'était que la pluie de l'automne, mais la pluie du printemps sera plus abondante. L'Esprit attend que nous aspirions à le recevoir. Le Christ doit être une seconde fois révélé dans sa plénitude par la puissance de l'Esprit. Les hommes discerneront la valeur réelle de la perle précieuse et ils s'écrieront avec l'apôtre Paul: "Ces choses qui étaient pour moi des gains, je les ai regardées comme une perte, à cause de Christ. Et même je regarde toutes choses comme une perte, à cause de l'excellence de la connaissance de Jésus-Christ mon Seigneur."15 ------------------------Chapitre 10 -- Le filet PJ 99 1 "Le royaume des cieux est encore semblable à un filet jeté dans la mer et ramassant des poissons de toute espèce. Quand il est rempli, les pêcheurs le tirent; et, après s'être assis sur le rivage, ils mettent dans des vases ce qui est bon, et ils jettent ce qui est mauvais. Il en sera de même à la fin du monde. Les anges viendront séparer les méchants d'avec les justes, et ils les jetteront dans la fournaise ardente, où il y aura des pleurs et des grincements de dents."1 PJ 99 2 C'est la prédication de l'Evangile qui est symbolisée par l'acte de jeter le filet. Ce dernier rassemble dans l'Eglise bons et mauvais. Lorsque l'oeuvre d'évangélisation sera terminée, le jugement se chargera de procéder au triage. Le Seigneur vit quel préjudice causerait à l'Eglise la présence de faux frères dans son sein. Il vit que le monde repousserait la vérité évangélique à cause de la conduite inconséquente de ces prétendus chrétiens, et que des croyants sincères seraient même amenés à trébucher parce qu'un grand nombre de ceux qui portent le nom du Christ ne sont pas dirigés par son Esprit. Ces personnes étant tolérées dans l'Eglise, certains seraient en danger de croire que Dieu excuse leurs péchés. C'est la raison pour laquelle le Christ tire le voile qui cache l'avenir et invite tous les fidèles à se rappeler que c'est le caractère, et non la position sociale, qui décide de la destinée de chacun. PJ 100 1 Les paraboles de l'ivraie et du filet nous enseignent clairement que les méchants ne se convertiront pas tous. Le blé et l'ivraie croissent ensemble jusqu'au moment de la moisson. Les bons et les mauvais poissons sont tirés à terre ensemble pour un triage final. PJ 100 2 Ces paraboles nous apprennent encore qu'il n'y aura plus de temps de grâce après le jugement. L'oeuvre d'évangélisation achevée, il sera aussitôt procédé à la séparation des bons et des méchants, et la destinée de l'une et de l'autre classe sera fixée à tout jamais. PJ 100 3 Dieu ne veut la destruction de personne: "Dis-leur: Je suis vivant! dit le Seigneur, l'Eternel, ce que je désire, ce n'est pas que le méchant meure, c'est qu'il change de conduite et qu'il vive. Revenez, revenez de votre mauvaise voie; et pourquoi mourriez-vous, maison d'Israël?"2 Pendant toute la durée du temps de grâce, son Esprit convie les hommes à accepter le don de la vie éternelle. Seuls ceux qui rejettent son appel périront. Dieu a déclaré que le péché devait être détruit parce qu'il est une cause de perdition pour l'univers. Ceux qui s'y cramponnent périront avec lui lors de sa destruction. ------------------------Chapitre 11 -- Choses nouvelles et choses anciennes PJ 101 1 Tout en instruisant la foule, le Christ préparait ses disciples en vue de leur mission future. Dans tous ses enseignements, il y avait des leçons pour eux. Après avoir prononcé la parabole du filet, il leur demanda: "Avez-vous compris toutes ces choses? -- Oui, répondirent-ils." Il leur proposa alors une autre parabole pour leur permettre de saisir la responsabilité qui leur incombait en rapport avec les vérités qui leur avaient été communiquées. "Il leur dit: C'est pourquoi, tout scribe instruit de ce qui regarde le royaume des cieux est semblable à un maître de maison qui tire de son trésor des choses nouvelles et des choses anciennes."1 PJ 101 2 Le trésor acquis par le maître de maison ne doit pas être mis dans un coffre-fort mais partagé avec d'autres. Son emploi le fait fructifier. Le maître de maison a chez lui, parmi ses richesses, des choses nouvelles et des choses anciennes. Le Christ veut montrer par là que la vérité confiée à ses disciples doit être donnée au monde et qu'ils s'enrichiront dans la mesure où ils en feront part à d'autres. PJ 101 3 Tous ceux qui reçoivent l'Evangile dans leur coeur auront le désir de le proclamer. L'amour du Christ se manifestera, car la personne qui a accepté son Sauveur racontera comment elle a été guidée par le Saint-Esprit; elle parlera de sa faim et de sa soif de connaître Dieu et celui qu'il a envoyé, du résultat de son étude des Ecritures, de ses prières, de ses heures d'angoisse, et de l'assurance que le Christ lui a donnée: "Tes péchés te sont pardonnés."2 Il est anormal de garder ces choses pour soi, et celui qui est rempli de l'amour du Christ ne pourra pas agir ainsi. Plus nous aurons reçu de la part du Sauveur, plus nous serons désireux de faire goûter à d'autres cette même bénédiction. En faisant connaître les riches trésors de la bonté de Dieu, nous recevrons de nouvelles grâces. Nous aurons la simplicité de coeur d'un enfant, sa faculté d'obéissance spontanée. PJ 102 1 Nous soupirerons après la sainteté, et les trésors de la grâce et de la vérité nous seront donnés dans une mesure toujours plus grande pour que nous les communiquions au monde. PJ 102 2 L'immense réserve de la vérité, c'est la parole de Dieu: la parole écrite, le livre de la nature, les témoignages de l'intervention divine au sein de l'humanité. Voilà les trésors où les ouvriers du Christ doivent puiser. Dans leur recherche de la vérité, il faut qu'ils comptent sur Dieu et non sur l'intelligence humaine des grands hommes, dont la sagesse n'est que folie à ses yeux. Par les voies qu'il a lui-même fixées, le Seigneur se fera connaître à tous ceux qui le cherchent sincèrement. PJ 102 3 Si le disciple de Jésus-Christ croit à sa parole et la met en pratique, il n'est aucune science de la nature qu'il ne puisse saisir et apprécier. Tout lui sera utile pour faire comprendre la vérité à d'autres. Les sciences naturelles offrent un trésor de connaissances dans lequel peut puiser quiconque est à l'école du Christ. A mesure que nous contemplons les beautés de la nature, que nous étudions les leçons qu'elle nous enseigne par l'agriculture, la croissance des arbres, et toutes les merveilles de la terre, de la mer et du ciel, nous parvenons à une nouvelle conception de la vérité. Les desseins mystérieux de Dieu à l'égard de l'homme, les profondeurs de sa sagesse et de son jugement tels que nous les observons dans la vie courante sont autant de mines d'où nous pouvons tirer de grandes richesses. PJ 103 1 Mais c'est dans la parole écrite que se trouve le plus clairement révélée à l'homme déchu la connaissance de Dieu. C'est vraiment le trésor où sont contenues les richesses insondables du Christ. PJ 103 2 La parole de Dieu comprend l'Ancien Testament aussi bien que le Nouveau. L'un n'est pas complet sans l'autre. Jésus affirma que les vérités de l'Ancien Testament avaient autant de valeur que celles du Nouveau; il était aussi bien le Rédempteur des hommes au commencement du monde qu'il l'est aujourd'hui. Avant que le Sauveur ait revêtu sa divinité de notre humanité, le message évangélique avait été annoncé par Adam, Seth, Hénoc, Metuschélah et Noé. Abraham en Canaan et Lot à Sodome l'avaient prêché, et toutes les générations eurent de fidèles messagers pour parler de celui qui allait venir. Les rites de l'économie judaïque avaient été institués par le Christ; il était lui-même le fondement des offrandes sacrificielles, le grand antitype de tous les services religieux. Le sang des victimes symbolisait le sacrifice de l'Agneau de Dieu. En lui s'accomplirent toutes les offrandes typiques. PJ 103 3 Le Christ, manifesté aux patriarches, symbolisé dans les sacrifices, dépeint dans la loi, révélé par les prophéties, voilà les richesses de l'Ancien Testament. Le Christ, dans sa vie, sa mort et sa résurrection; le Christ, manifesté par le Saint-Esprit, voilà le trésor du Nouveau Testament. Notre Sauveur, reflet de la gloire du Père, remplit à la fois l'Ancien et le Nouveau Testament. PJ 103 4 Les apôtres furent appelés à servir de témoins de la vie, de la mort et de l'intercession du Christ annoncées par les prophètes. Jésus-Christ dans son humiliation, sa pureté, sa sainteté, son amour infini était le thème de leur prédication. Pour que l'Evangile soit prêché dans toute sa plénitude, ils devaient présenter le Sauveur, non seulement tel qu'il s'était révélé dans sa vie et ses enseignements, mais aussi tel qu'il avait été prédit par les prophètes de l'Ancien Testament et symbolisé par les sacrifices. PJ 104 1 Dans son enseignement, le Christ présentait des vérités anciennes dont il était lui-même l'auteur, des vérités qu'il avait autrefois annoncées par l'intermédiaire des patriarches et des prophètes; mais il répandait maintenant sur elles une nouvelle lumière. Comme leur signification paraissait alors différente! Ses explications diffusaient un flot de lumière et de vie spirituelle. Il promit à ses disciples que le Saint-Esprit les éclairerait et leur permettrait de saisir de mieux en mieux la parole de Dieu. Ainsi, ils pourraient exposer la vérité dans sa beauté renouvelée. PJ 104 2 Depuis le jour lointain de la promesse d'un Rédempteur en Eden, la vie, le caractère et l'oeuvre médiatrice de Jésus-Christ ont été un sujet d'étude pour l'esprit humain. Cependant, ceux qui, sous l'influence du Saint-Esprit, ont présenté ces thèmes, l'ont fait sous une lumière toujours nouvelle. Les vérités de la rédemption sont capables d'un développement constant; bien qu'anciennes, elles sont toujours actuelles, révélant sans cesse à ceux qui les étudient une gloire et une puissance plus grandes. PJ 104 3 A chaque tournant de l'histoire, il y a un nouveau développement de la vérité, un message de Dieu à la génération présente. Les vérités anciennes conservent toute leur importance, et les vérités nouvelles ne sont pas indépendantes des anciennes, elles n'en sont que le complément. Les vérités nouvelles ne peuvent être comprises qu'à la lumière des anciennes. Quand le Christ voulut exposer à ses disciples la vérité de la résurrection, il commença "par Moïse et tous les prophètes", et il "leur expliqua dans toutes les Ecritures ce qui le concernait".3 D'un autre côté, la lumière qui brille dans les vérités nouvelles illumine celles du passé. Celui qui rejette ou néglige les nouvelles ne possède pas vraiment les anciennes; elles perdent pour lui leur puissance vivifiante et deviennent une forme inerte. PJ 105 1 Il est des hommes qui croient et enseignent les vérités de l'Ancien Testament tout en rejetant celles du Nouveau. Mais, en refusant de recevoir les instructions du Christ, ils montrent qu'ils ne croient pas aux paroles des patriarches et des prophètes. "Si vous croyiez Moïse, dit Jésus, vous me croiriez aussi, parce qu'il a écrit de moi."4 C'est pourquoi il n'y a aucune puissance dans leur enseignement de l'Ancien Testament. PJ 105 2 Un grand nombre de personnes qui s'imaginent croire et enseigner l'Evangile commettent la même erreur en laissant de côté les écritures qui constituent l'Ancien Testament, dont le Christ a dit: PJ 105 3 "Ce sont elles qui rendent témoignage de moi."5 En rejetant l'Ancien Testament, elles rejettent virtuellement le Nouveau, car les deux font partie d'un tout inséparable. Nul ne peut présenter correctement la loi de Dieu sans l'Evangile, ou réciproquement: la loi, c'est l'Evangile qui prend corps et l'Evangile, c'est la loi dans toute sa portée. La loi est la racine; la fleur et le fruit parfumés qu'elle porte, c'est l'Evangile. PJ 105 4 L'Ancien Testament jette un flot de lumière sur le Nouveau, et le Nouveau sur l'Ancien. L'un et l'autre sont la révélation de la gloire divine en Christ et présentent des vérités dont le sens profond se révélera avec une clarté toujours plus grande à quiconque les étudie avec soin. PJ 105 5 La vérité qui est en Jésus-Christ et qui se manifeste par lui est incommensurable. Elle apparaît à celui qui étudie les Ecritures comme une source qui va en s'approfondissant et en s'élargissant à mesure qu'il la contemple avec plus d'attention. Ici-bas, nous ne parviendrons jamais à cerner le mystère de l'amour de Dieu qui a donné son Fils en sacrifice pour nos péchés. L'oeuvre de notre Rédempteur sur la terre dépassera toujours tout ce que notre imagination peut concevoir. Nous aurons beau faire l'impossible pour pénétrer ce mystère, notre esprit se fatiguera avant d'y être parvenu. Le chercheur le plus diligent verra devant lui un océan sans limites. PJ 106 1 La vérité qui est en Jésus-Christ peut être expérimentée, mais non expliquée. Sa hauteur, sa largeur et sa profondeur dépassent notre connaissance. Nous pouvons pousser notre imagination au plus haut degré, nous ne parviendrons qu'à entrevoir une bien faible esquisse de cet amour inexplicable, aussi élevé que les cieux, mais qui daigne venir ici-bas pour imprimer l'image de Dieu sur tous les êtres humains. PJ 106 2 Cependant, il nous est possible de nous rendre compte en partie de l'étendue des compassions divines à notre égard. Elles sont révélées au coeur humble et contrit. Nous ne comprendrons l'amour de Dieu que dans la mesure où nous apprécierons le sacrifice qu'il a consenti pour nous. Si nous sondons la parole de Dieu avec humilité, la grandeur du thème de la rédemption nous apparaîtra; à mesure que nous le contemplerons, il augmentera d'éclat, et à mesure que nous nous efforcerons de le comprendre, il croîtra en hauteur et en profondeur. PJ 106 3 Constamment nous sommes appelés à tirer de lui notre subsistance en participant au pain vivant descendu du ciel, en puisant à une source toujours fraîche et toujours prête à répandre ses abondants trésors. Si nous demeurons toujours en sa présence, nos coeurs tournés vers lui pour le remercier et le louer, notre vie intérieure sera continuellement renouvelée. Dans nos prières, nous parlerons avec Dieu comme avec un ami. Il nous révélera personnellement ses mystères, et nous ressentirons fréquemment la paix et la joie de la présence de Jésus. Nos coeurs brûleront au-dedans de nous quand il viendra s'entretenir avec nous comme il le faisait avec Hénoc. Quand cette expérience sera véritablement celle du chrétien, il se dégagera de sa vie une simplicité, une humilité, une douceur, une tendresse qui montreront à tous ceux qui l'entourent qu'il a été avec Jésus et qu'il a reçu ses instructions. PJ 107 1 La religion du Christ est une énergie spirituelle vivante et agissante, un principe vivifiant qui remplit la vie du croyant dans laquelle se manifestent la fraîcheur, la puissance et la joie d'une perpétuelle jeunesse. Le coeur qui reçoit la parole de Dieu n'est pas semblable à une mare dont l'eau s'évapore, ou à une citerne crevassée qui laisse échapper son contenu. Il est comme un torrent qui descend des monts à travers les ravines, alimenté par une source intarissable dont les eaux fraîches et limpides, bondissant de rocher en rocher, revigorent celui qui est fatigué, assoiffé, accablé sous son fardeau. PJ 107 2 Une telle expérience qualifie celui qui enseigne la vérité et en fait un véritable représentant du Christ. L'Esprit du Sauveur donnera de la puissance et de la clarté à ses déclarations et à ses prières. Le témoignage qu'il rendra de Jésus ne sera ni étroit ni dépourvu de vie. Le prédicateur ne répétera pas toujours les mêmes discours, mais il sera constamment favorisé par l'illumination du Saint-Esprit. Le Christ a dit: "Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle. ... Comme le Père qui est vivant m'a envoyé, et que je vis par le Père, ainsi celui qui me mange vivra par moi. ... C'est l'esprit qui vivifie. ... Les paroles que je vous ai dites sont esprit et vie."6 PJ 107 3 Quand nous mangerons la chair du Christ, quand nous boirons son sang, notre ministère offrira l'image des réalités éternelles. Nous ne reviendrons plus sans cesse sur des pensées surannées. Les prédications fades et monotones cesseront. Les anciennes vérités seront présentées sous un jour nouveau. Nous posséderons une nouvelle conception de la vérité que nous prêcherons avec une clarté et une puissance évidentes. Si les personnes qui auront le privilège de bénéficier des soins d'un tel ministère se laissent influencer par le Saint-Esprit, elles sentiront en elles la puissance régénératrice d'une vie nouvelle. Le feu de l'amour divin les embrasera. Leurs facultés seront avivées et leur permettront de discerner la majesté et la beauté de la vérité. PJ 108 1 Le fidèle maître de maison incarne l'idéal de tout véritable éducateur. S'il considère la parole de Dieu comme un trésor, il en retirera toujours de nouvelles vérités et, s'il reste en communion avec Dieu par la prière, l'Esprit du Christ reposera sur lui et opérera par son moyen en faveur des autres. L'Esprit remplira son intelligence et son coeur de courage et d'espérance, et lui rappellera les exemples de la parole de Dieu, si bien qu'il communiquera tout cela à la jeunesse qui lui est confiée. PJ 108 2 Les sources de paix et de joie célestes, jaillissant du coeur du maître d'école par les textes inspirés, deviendront un fleuve puissant qui influencera tous ceux qui entreront en contact avec lui. La Bible ne sera pas pour l'élève un livre ennuyeux. Sous la direction d'un maître sage, elle deviendra de plus en plus attrayante. Elle sera comme le pain de vie et ne vieillira pas. Sa fraîcheur et sa beauté charmeront les enfants et les jeunes; elle sera comme le soleil qui communique sa chaleur et sa clarté sans jamais s'épuiser. PJ 108 3 Source d'éducation, le Saint-Esprit anime l'Ecriture: une nouvelle et précieuse lumière émane de chacune de ses pages. La vérité y est révélée; mots et phrases acquièrent de l'éclat et un sens approprié aux circonstances: c'est la voix de Dieu qui s'adresse à l'âme. PJ 108 4 Le Saint-Esprit aime à parler aux jeunes et à leur faire découvrir les trésors et les beautés de la parole de Dieu. Les promesses faites par le grand Maître emporteront l'intérêt et pénétreront l'âme d'un pouvoir divin. Le croyant se familiarisera avec les choses célestes qui deviendront pour lui un rempart contre la tentation. PJ 108 5 Les paroles de vérité auront une importance plus grande et prendront une signification insoupçonnée jusqu'alors. Leur beauté et leur richesse auront une influence transformatrice sur l'esprit et le caractère. La lumière de l'amour céleste inondera le coeur comme une inspiration. PJ 109 1 Une étude prolongée de la Bible ne peut que la faire apprécier et amener celui qui s'y livre à la connaissance de la sagesse infinie et de l'amour de Dieu. PJ 109 2 La signification de la dispensation israélite n'a pas encore été totalement comprise. Des vérités profondes sont voilées sous les rites et les symboles. L'Evangile est la clé qui donne accès à ces mystères. La connaissance du plan de la rédemption permettra de les saisir. Il ne tient qu'à nous de pénétrer plus avant dans la compréhension de ces sujets merveilleux. Il faut que nous percevions les choses profondes de Dieu. Les anges eux-mêmes désirent plonger leurs regards dans les vérités révélées à ceux qui, d'un coeur contrit, sondent les Ecritures et demandent au Seigneur de mieux saisir la longueur, la largeur, la profondeur et la hauteur de la connaissance que lui seul peut leur donner. PJ 109 3 Tandis que nous approchons de la fin de l'histoire du monde, les prophéties relatives aux derniers jours réclament tout particulièrement notre attention. Le dernier livre du Nouveau Testament est rempli de vérités qu'il nous faut comprendre. Satan aveugle beaucoup de gens, de telle sorte qu'ils sont tout heureux de trouver une excuse pour ne pas étudier l'Apocalypse. Mais le Christ y a révélé, par son serviteur Jean, ce qui arrivera dans les derniers temps, et il dit: "Heureux celui qui lit et ceux qui entendent les paroles de la prophétie, et qui gardent les choses qui y sont écrites!"7 PJ 109 4 "La vie éternelle, a dit Jésus, c'est qu'ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ."8 Pourquoi ne nous rendons-nous pas compte de la valeur de cette connaissance? Pourquoi ces glorieuses vérités n'illuminent-elles pas notre coeur, ne frémissent-elles pas sur nos lèvres et ne remplissent-elles pas tout notre être? PJ 110 1 En nous donnant sa parole, le Seigneur nous a communiqué toutes les vérités nécessaires à notre salut. Des milliers de gens se sont désaltérés à cette source sans que son débit soit affaibli; des milliers ont contemplé le Seigneur et ont été transformés à son image. Leur esprit brûlait au-dedans d'eux tandis qu'ils parlaient de son caractère, de ce que le Christ était pour eux et de ce qu'ils étaient pour lui. Ces chercheurs n'ont pas épuisé ces thèmes sacrés, et des milliers d'autres peuvent s'engager dans cette voie de la découverte des mystères du salut. Si nous méditons la vie du Christ et le caractère de sa mission, nous distinguerons toujours mieux les rayons de lumière qui en émanent. Chaque nouvelle recherche nous révélera un aspect encore plus intéressant. Le sujet est inépuisable. L'étude de l'incarnation du Fils de Dieu, de son sacrifice expiatoire et de son oeuvre médiatrice pourrait occuper toute la vie du chercheur persévérant. Et en songeant aux innombrables années qu'il passera dans le ciel, il s'écriera: "Le mystère de la piété est grand." PJ 110 2 Pendant l'éternité, nous étudierons ce que nous aurions pu saisir dès ici-bas si nous avions mieux profité des lumières qui étaient mises à notre disposition. Les grands thèmes de la rédemption seront pour les rachetés un sujet constant de méditation et de louange. Ils comprendront les vérités que le Christ aurait révélées à ses disciples s'ils avaient eu plus de foi. Des visions nouvelles de la perfection et de la gloire du Sauveur leur seront sans cesse accordées. Pendant l'éternité, le fidèle maître de maison tirera de son trésor des choses nouvelles et des choses anciennes. ------------------------Chapitre 12 -- Demander pour donner PJ 113 1 Le Christ recevait continuellement du Père ce qu'il communiquait aux hommes. "La parole que vous entendez n'est pas de moi, disait-il, mais du Père qui m'a envoyé."1 "Le Fils de l'homme est venu, non pour être servi, mais pour servir.2 C'est pour les autres, et non pour lui-même, qu'il a vécu, médité et prié. Après des heures passées en communion avec Dieu, il apportait quotidiennement la lumière divine aux hommes. Chaque jour, il recevait un nouveau baptême du Saint-Esprit. De grand matin, l'Eternel le tirait de son sommeil et oignait son âme et ses lèvres de grâce afin qu'il pût la communiquer à d'autres. Les paroles qu'il prononçait lui étaient inspirées directement du ciel pour encourager en temps opportun les faibles et les opprimés. "Le Seigneur, l'Eternel, m'a donné une langue exercée, disait-il, pour que je sache soutenir par la parole celui qui est abattu; il éveille, chaque matin, il éveille mon oreille, pour que j'écoute comme écoutent des disciples.3 PJ 113 2 Les prières du Christ et sa communion constante avec Dieu impressionnaient les disciples. Un jour, après avoir été séparés de lui quelques instants, ils le trouvèrent profondément absorbé dans la prière. Apparemment inconscient de leur présence, Jésus continua de prier à haute voix. Les disciples en furent très émus. Quand il eut fini, ils s'écrièrent: "Seigneur, enseigne-nous à prier."4 PJ 114 1 Il reprit alors la prière qu'il avait prononcée au cours du Sermon sur la montagne. Puis il se servit d'une parabole pour illustrer la leçon qu'il désirait leur donner. PJ 114 2 "Si l'un de vous a un ami, dit-il, et qu'il aille le trouver au milieu de la nuit pour lui dire: Ami, prête-moi trois pains, car un de mes amis est arrivé de voyage chez moi, et je n'ai rien à lui offrir, et si, de l'intérieur de sa maison, cet ami lui répond: Ne m'importune pas, la porte est déjà fermée, mes enfants et moi nous sommes au lit, je ne puis me lever pour te donner des pains, -- je vous le dis, quand même il ne se lèverait pas pour les lui donner parce que c'est son ami, il se lèverait à cause de son importunité, et lui donnerait tout ce dont il a besoin."5 PJ 114 3 Le quémandeur de cette parabole réclame quelque chose pour le donner à son tour. Il lui faut du pain pour restaurer un voyageur exténué et affamé. Son voisin fait preuve de mauvaise volonté, mais cet homme ne se laisse pas rebuter; il faut à tout prix qu'il assiste son ami. Finalement, son insistance triomphe, et il obtient ce qu'il demande. PJ 114 4 C'est ainsi que les disciples devaient rechercher les bénédictions de Dieu. Par la multiplication des pains et par son sermon sur le pain descendu du ciel, le Christ leur avait montré quelle serait leur mission future: donner aux hommes le pain de vie. Mais celui qui leur avait assigné cette tâche n'ignorait pas que leur foi serait souvent mise à l'épreuve; ils se trouveraient fréquemment placés dans des situations inattendues et se rendraient compte de leur insuffisance. Des âmes avides du pain de vie viendraient à eux, et ils se sentiraient démunis et impuissants. Il leur fallait donc recevoir de la nourriture spirituelle, faute de quoi ils n'auraient rien à donner. Ils ne devraient pas renvoyer une seule âme affamée. Le Christ leur indiqua la source où ils pourraient puiser. Un homme ne renvoie pas son ami qui vient lui demander l'hospitalité au milieu de la nuit. Il n'a rien à lui offrir, mais il va chez son voisin qui a du pain et le prie avec insistance jusqu'à ce qu'il ait répondu favorablement à sa requête. Et Dieu, qui a envoyé ses serviteurs dans le monde pour rassasier les affamés ne subviendrait-il pas aux besoins de sa cause? PJ 115 1 Le voisin égoïste de la parabole ne représente pas le caractère de Dieu. Ici nous n'avons pas une leçon tirée d'une comparaison, mais d'un contraste. Il s'agit d'un homme égoïste qui accède à une requête urgente pour être débarrassé de celui qui trouble son repos. Mais Dieu prend plaisir à donner; il est plein de compassion, et ne demande qu'à exaucer les prières qui lui sont présentées avec foi. Il répand sur nous ses bienfaits afin que nous puissions en faire part à d'autres et que nous devenions semblables à lui. PJ 115 2 Le Christ déclare: "Demandez, et l'on vous donnera; cherchez, et vous trouverez; frappez, et l'on vous ouvrira. Car quiconque demande reçoit, celui qui cherche trouve, et l'on ouvre à celui qui frappe."6 PJ 115 3 Il dit encore: "Quel est parmi vous le père qui donnera une pierre à son fils, s'il lui demande du pain? Ou, s'il demande un poisson, lui donnera-t-il un serpent au lieu d'un poisson? Ou, s'il demande un oeuf, lui donnera-t-il un scorpion? Si donc, méchants comme vous l'êtes, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, à combien plus forte raison le Père céleste donnera-t-il le Saint-Esprit à ceux qui le lui demandent."7 PJ 115 4 Pour fortifier notre confiance en Dieu, le Christ nous enseigne à nous adresser à lui par un nom nouveau qui rappelle tout ce qu'il y a de plus cher au coeur humain. Il nous donne le privilège d'appeler le Dieu infini "notre Père", aussi bien en lui parlant qu'en parlant de lui. Ce nom est un signe de notre amour et de notre confiance en lui, le gage de ses égards pour nous et des relations qu'il désire entretenir avec nous. Lorsque nous le prononçons pour demander une faveur ou une bénédiction, il résonne comme une mélodie à ses oreilles. Afin que nous ne soyons pas tentés de nous accuser de présomption en l'appelant de ce nom, il nous le répète maintes fois, car il veut que ce terme nous soit familier. PJ 116 1 Dieu nous considère comme ses enfants. Il nous a rachetés d'un monde indifférent et nous a choisis pour que nous devenions membres de la famille royale, fils et filles du Roi du ciel. Il nous demande d'avoir en lui une confiance plus grande encore que celle de l'enfant en son père terrestre. Les parents aiment leurs enfants, mais l'amour de Dieu est pour nous plus grand, plus large, plus profond que l'amour humain ne peut l'être. Il est infini. Dès lors, si des parents savent donner de bonnes choses à leurs enfants, à combien plus forte raison notre Père céleste donnera-t-il le Saint-Esprit à ceux qui le lui demandent! PJ 116 2 Les enseignements du Christ au sujet de la prière doivent être examinés attentivement, car celle-ci est une science divine, et les exemples du Maître mettent en relief des principes que tous doivent comprendre. Jésus nous montre ce qu'est le véritable esprit de prière, il nous apprend à persévérer dans nos requêtes et nous assure que Dieu est tout disposé à nous écouter et à nous exaucer. PJ 116 3 Nos prières ne doivent pas être égoïstes, centrées seulement sur nos propres besoins. Il faut demander afin de pouvoir donner. Laissons-nous inspirer par la ligne directrice de la vie du Christ. "Je me sanctifie moi-même pour eux, dit-il, afin qu'eux aussi soient sanctifiés par la vérité."8 La même piété, le même esprit de sacrifice, la même soumission aux exigences de la parole de Dieu doivent se retrouver dans la vie de ses serviteurs. Notre rôle ici-bas n'est pas de nous servir ou de nous complaire en nous-mêmes, mais de glorifier le Seigneur en collaborant avec lui au salut des pécheurs. Nous devons implorer les bienfaits de Dieu en vue de les communiquer à d'autres. Nous ne pouvons recevoir que dans la mesure où nous donnons. Les trésors du ciel ne nous seront pas plus longtemps dispensés si nous ne les partageons pas avec ceux qui nous entourent. PJ 117 1 Dans la parabole, le quémandeur est maintes fois repoussé, mais il ne se décourage pas. Ainsi, nos prières ne semblent pas toujours avoir des réponses immédiates, mais le Christ enseigne que nous ne devons pas cesser de prier. La prière n'est pas destinée à produire un changement dans les sentiments de Dieu, mais à nous mettre en harmonie avec lui. Lorsque nous lui adressons une demande, il peut juger utile que nous fassions tout d'abord notre examen de conscience et que nous nous repentions de notre péché. C'est pourquoi il nous fait passer par l'épreuve et l'humiliation, afin que nous comprenions ce qui entrave l'action de son Esprit en nous. PJ 117 2 Les promesses de Dieu sont conditionnelles, et la prière ne nous exempte nullement de nos devoirs. "Si vous m'aimez, dit Jésus, gardez mes commandements. ... Celui qui a mes commandements et qui les garde, c'est celui qui m'aime; et celui qui m'aime sera aimé de mon Père, je l'aimerai, et je me ferai connaître à lui."9 Ceux qui présentent leurs requêtes en se réclamant de la promesse, mais n'en remplissent pas les conditions, insultent Jéhovah. Ils prennent le nom du Christ comme garant de la réalisation des promesses divines, mais ne donnent aucun témoignage de foi et d'amour pour lui. PJ 117 3 Beaucoup se trouvent dans une situation qui les empêche d'être agréés du Père céleste. Il faut que nous examinions avec soin les bases sur lesquelles repose notre foi lorsque nous nous approchons de Dieu. Si nous sommes infidèles, nous présentons un chèque au Seigneur sans tenir compte des clauses qui nous permettraient de l'encaisser. Nous rappelons à Dieu ses promesses et nous lui demandons de les accomplir, mais en nous exauçant, il déshonorerait son nom. PJ 117 4 Voici l'une de ces promesses: "Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez ce que vous voudrez, et cela vous sera accordé."10 Et l'apôtre Jean déclare: "Si nous gardons ses commandements, par là nous savons que nous l'avons connu. Celui qui dit: Je l'ai connu, et qui ne garde pas ses commandements, est un menteur, et la vérité n'est point en lui. Mais celui qui garde sa parole, l'amour de Dieu est véritablement parfait en lui."11 PJ 118 1 Le Christ donna ce commandement à ses disciples vers la fin de sa vie: "Comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres."12 Obéissons-nous à ce commandement, ou bien nous laissons-nous aller à des traits de caractère durs et peu chrétiens? Si nous avons offensé quelqu'un, notre devoir est de lui confesser notre faute et de rechercher la réconciliation. Cette préparation est nécessaire pour nous présenter avec foi devant Dieu en vue d'implorer sa bénédiction. PJ 118 2 Il y a encore un autre point trop souvent négligé par ceux qui recherchent le Seigneur dans la prière. Avez-vous été honnête envers lui? Il déclare par le prophète Malachie: "Depuis le temps de vos pères, vous vous êtes écartés de mes ordonnances, vous ne les avez point observées. Revenez à moi, et je reviendrai à vous, dit l'Eternel des armées. Et vous dites: En quoi devons-nous revenir? Un homme trompe-t-il Dieu? Car vous me trompez, et vous dites: En quoi t'avons-nous trompé? Dans les dîmes et les offrandes."13 PJ 118 3 Dieu étant l'auteur de toute bénédiction, il réclame une certaine partie de ce que nous possédons pour soutenir la prédication de l'Evangile. En rendant à Dieu cette portion de nos biens, nous lui montrons que nous apprécions ses dons. Mais si nous retenons ce qui lui appartient de droit, comment osons-nous réclamer sa bénédiction? Si nous sommes des administrateurs infidèles des biens terrestres, comment pouvons-nous espérer qu'il nous confie la gestion de ceux du ciel? C'est peut-être la raison pour laquelle certaines de nos prières demeurent inexaucées. PJ 118 4 Mais dans sa grande miséricorde, le Seigneur est prêt à pardonner: "Apportez à la maison du trésor toutes les dîmes, dit-il, afin qu'il y ait de la nourriture dans ma maison. Mettez-moi de la sorte à l'épreuve... et vous verrez si je n'ouvre pas pour vous les écluses des cieux, si je ne répands pas sur vous la bénédiction en abondance. Pour vous je menacerai celui qui dévore, et il ne vous détruira pas les fruits de la terre, et la vigne ne sera pas stérile dans vos campagnes. ... Toutes les nations vous diront heureux, car vous serez un pays de délices, dit l'Eternel des armées."14 PJ 119 1 Ainsi en est-il de chacune des exigences du Seigneur. Tous ses dons dépendent de notre obéissance. Le ciel tient en réserve des bénédictions abondantes pour les collaborateurs de Dieu. Tous ceux qui lui obéissent peuvent solliciter avec assurance l'accomplissement de ses promesses. PJ 119 2 Nous devons avoir en Dieu une confiance totale, inébranlable. Souvent, il tarde à nous répondre afin d'éprouver notre foi ou la sincérité de nos désirs. Après avoir demandé selon sa parole, croyons à sa promesse et continuons à prier avec une persévérance inlassable. PJ 119 3 Dieu ne dit pas: "Demandez une seule fois et vous recevrez." Il nous invite à lui adresser inlassablement nos requêtes. Cette assiduité dans la prière suscite chez le suppliant une plus grande ardeur et augmente son désir de recevoir ce qu'il réclame. Sur la tombe de Lazare, Jésus dit à Marthe: "Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu."15 PJ 119 4 Mais beaucoup ne possèdent pas une foi vivante, ce qui les empêche de voir la puissance de Dieu. Leur faiblesse est le résultat de leur incrédulité: ils se fient plus à leurs oeuvres qu'à celles de Dieu à leur égard. Ils prennent tout en charge, établissent des plans, font des projets, mais ils prient très peu, n'ayant en Dieu qu'une confiance limitée. Ils croient avoir la foi, mais ce n'est qu'une impulsion passagère. Inconscients de leurs besoins et de l'empressement de Dieu à leur accorder ce qu'ils demandent, ils ne persévèrent pas dans leurs requêtes. PJ 120 1 Nos prières doivent être aussi instantes et aussi assidues que celle de l'ami dépourvu de pain qui va au milieu de la nuit en demander à son voisin. Plus grandes seront notre ferveur et notre constance, plus étroite aussi sera notre communion avec le Christ. Les bénédictions reçues seront proportionnées à notre foi. PJ 120 2 Prier et croire, telle est la part de l'homme. Veiller en priant. Veiller et coopérer avec Dieu qui entend les prières. N'oublions pas que "nous sommes ouvriers avec Dieu".16 Parlons et agissons en harmonie avec nos requêtes. Ou bien l'épreuve démontrera l'authenticité de notre foi, ou bien elle prouvera que nos prières n'ont été qu'une forme. Cette alternative est capitale. PJ 120 3 Au milieu des angoisses et des difficultés, ne regardons pas à l'homme pour être secourus; mettons notre confiance en Dieu. L'habitude de raconter nos problèmes à d'autres nous affaiblit et ne fait pas de bien à ceux qui nous écoutent. Nous plaçons sur eux le fardeau de misères spirituelles qu'ils sont incapables de soulager. Nous cherchons le secours de l'homme faillible et limité, alors que celui du Dieu infini est à notre disposition. PJ 120 4 Nous n'avons pas besoin d'aller aux extrémités du monde pour trouver la sagesse, car Dieu est tout près de nous. Notre succès ne dépend pas des capacités que nous possédons, ni de celles que nous acquerrons, mais du Seigneur. Nous devons avoir beaucoup moins de confiance en l'homme et davantage en ce que Dieu peut faire pour tous ceux qui croient. Il désire ardemment que nous le recherchions avec foi, que nous nous attendions à de grandes choses de sa part. Il désire nous donner une juste compréhension des choses temporelles et spirituelles. Il peut aviver notre intelligence et nous inspirer le tact et l'habileté. Mettons nos talents au service du Seigneur et demandons-lui la sagesse: elle nous sera accordée. PJ 120 5 Que la parole du Christ soit notre assurance. Ne nous a-t-il pas conviés à venir à lui? Evitons de parler de nos sujets de découragement, nous y perdrions beaucoup. En regardant aux apparences, en murmurant quand surviennent les difficultés, nous mettons en évidence une foi faible et défaillante. Parlons et agissons comme si notre foi était invincible. Le Seigneur est riche en ressources, il est le Maître de l'univers. Avec foi, levons les yeux vers le ciel, vers celui qui possède la lumière, la puissance et peut agir avec efficacité. PJ 121 1 Il y a dans la foi véritable une vitalité, une fermeté de principe, une détermination que ni le temps, ni les circonstances ne peuvent affaiblir. "Les adolescents se fatiguent et se lassent, et les jeunes hommes chancellent; mais ceux qui se confient en l'Eternel renouvellent leur force. Ils prennent le vol comme les aigles; ils courent, et ne se lassent point, ils marchent, et ne se fatiguent point."17 PJ 121 2 Beaucoup désirent ardemment venir en aide à leurs semblables, mais sentent qu'ils n'ont aucune force spirituelle, aucune lumière à leur donner. Qu'ils présentent leurs requêtes devant le trône de grâce et qu'ils réclament l'effusion du Saint-Esprit. Dieu est prêt à tenir chacune de ses promesses. La Bible en main, il faut dire: J'ai suivi tes directives, je me réclame de ta promesse: "Demandez, et l'on vous donnera; cherchez, et vous trouverez; frappez, et l'on vous ouvrira."18 PJ 121 3 Nous ne devons pas seulement prier au nom du Christ, mais sous l'inspiration du Saint-Esprit. C'est là le sens de ce passage: "L'Esprit lui-même intercède par des soupirs inexprimables."19 Dieu prend plaisir à exaucer de telles requêtes. Quand nous faisons monter vers lui une prière fervente au nom du Christ, notre ferveur même est le gage qu'il nous exaucera "infiniment au-delà de tout ce que nous demandons ou pensons.20 PJ 121 4 Le Christ a déclaré: "Tout ce que vous demanderez en priant, croyez que vous l'avez reçu, et vous le verrez s'accomplir." "Tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils."21 Jean, le disciple bien-aimé, poussé par le Saint-Esprit, dit clairement et avec assurance: "Si nous demandons quelque chose selon sa volonté, il nous écoute. Et si nous savons qu'il nous écoute, quelque chose que nous demandions, nous savons que nous possédons la chose que nous lui avons demandée.22 Adressez donc vos supplications au Père, au nom de Jésus. Dieu honorera le nom de son Fils. PJ 122 1 L'arc-en-ciel qui encercle le trône de Dieu est un gage de sa fidélité. Il nous atteste qu'il n'y a en lui ni variation, ni même l'ombre d'un changement. Nous avons péché contre lui et nous avons démérité de sa bonté; cependant, il a lui-même mis sur nos lèvres ce poignant appel: "A cause de ton nom, ne méprise pas, ne déshonore pas le trône de ta gloire! N'oublie pas, ne romps pas ton alliance avec nous!"23 Quand nous venons à lui pour confesser notre indignité et notre péché, il prête attention à nos cris. L'honneur de son trône est engagé dans l'accomplissement de ses promesses. PJ 122 2 Comme Aaron qui le préfigurait, notre Sauveur, dans le lieu saint, porte le nom de ses enfants sur son coeur. Notre grand prêtre se souvient de toutes les paroles qu'il nous a adressées pour fortifier notre foi. Il n'oublie pas l'alliance qu'il a contractée avec nous. PJ 122 3 Tous ceux qui le cherchent le trouveront; tous ceux qui frappent à la porte la verront s'ouvrir. Ils n'entendront pas l'excuse de la parabole: "Laisse-moi tranquille; la porte est fermée; je n'ai nulle envie de l'ouvrir." Il ne leur sera jamais répondu: "Je ne peux pas te secourir." Ceux qui demandent quelques pains, fût-ce au milieu de la nuit, pour rassasier des âmes affamées, seront reçus avec bienveillance. PJ 122 4 Dans la parabole, celui qui réclame des pains pour l'étranger reçoit "tout ce dont il a besoin". Dans quelle mesure le Seigneur nous donnera-t-il pour que nous puissions partager? -- "Selon la mesure du don de Christ."24 Des anges veillent avec un vif intérêt sur la manière dont nous nous comportons à l'égard de nos semblables. Quand ils voient quelqu'un manifester envers l'égaré une sympathie semblable à celle du Christ, ils se tiennent à ses côtés afin de lui rappeler des paroles qui seront comme le pain de vie pour l'âme. Ainsi "Dieu pourvoira à tous vos besoins selon sa richesse, avec gloire, en Jésus-Christ".25 Si votre témoignage est fidèle, il le revêtira de la puissance de la vie à venir. La parole de Dieu sera dans votre bouche un message de justice et de vérité. PJ 123 1 L'effort personnel en faveur d'autrui doit toujours être précédé de la prière secrète, car la science du salut des âmes exige une grande sagesse. Avant de communiquer avec les hommes, communiez avec le Christ. C'est auprès du trône de la grâce qu'on se prépare à venir en aide à ses semblables. PJ 123 2 Que votre âme soupire après Dieu, après le Dieu vivant. La vie du Christ montre ce que l'homme peut faire quand il participe à la nature divine. Tout ce que Jésus recevait du Père est à votre disposition. Demandez, et vous obtiendrez. Armé de la foi tenace de Jacob et de la persévérance inlassable d'Elie, réclamez-vous de toutes les promesses divines. PJ 123 3 Que les glorieux desseins de Dieu s'emparent de votre esprit et que votre vie soit unie à celle de Jésus-Christ par des liens invisibles! Celui qui a ordonné à la lumière de dissiper les ténèbres est tout disposé à illuminer votre coeur pour faire resplendir la lumière de la connaissance de Dieu manifestée dans son Fils. Le Saint-Esprit vous révélera les valeurs spirituelles et elles deviendront une puissance dans le coeur obéissant. Le Christ vous fera approcher du Dieu infini, afin que vous puissiez contempler la gloire qui est au-delà du voile, et que vous révéliez aux hommes la toute-puissance de celui qui est toujours vivant pour intercéder en notre faveur. ------------------------Chapitre 13 -- Deux adorateurs PJ 125 1 Jésus prononça la parabole du pharisien et du publicain "en vue de certaines personnes se persuadant qu'elles étaient justes, et ne faisant aucun cas des autres". Le pharisien monte au temple pour adorer, non parce qu'il se sent pécheur et qu'il a besoin de pardon, mais parce qu'il se croit juste et espère s'attirer de la considération. Il envisage son culte comme un acte méritoire qui le valorisera devant Dieu et donnera aux gens qui l'observent une haute opinion de sa piété. Il compte gagner l'estime à la fois de Dieu et des hommes. Son adoration est motivée par l'intérêt personnel. PJ 125 2 Cet homme est rempli de lui-même et le montre dans son attitude, sa démarche et jusque dans ses prières. A l'écart des autres, il semble dire: "Ne m'approchez pas, car je suis saint!"1 Il se tient debout et prie "en lui-même". Satisfait de sa propre personne, il pense que le Seigneur et les hommes le regardent avec la même complaisance. PJ 125 3 "O Dieu, je te rends grâces, dit-il, de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, qui sont ravisseurs, injustes, adultères, ou même comme ce publicain."2 Il ne juge pas son caractère d'après celui de Dieu, mais d'après celui des êtres humains, détournant sa pensée du ciel pour la reporter sur ses semblables. C'est là le secret de son contentement. PJ 126 1 Il aime à parler de ses bonnes oeuvres: "Je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tous mes revenus."3 Sa religion ne touche pas l'âme. Il ne cherche pas à conformer son caractère à celui de Dieu, son coeur n'est pas débordant d'amour et de miséricorde. Il se contente des formes extérieures de la religion. Sa justice lui est propre, elle est le fruit de ses bonnes oeuvres; il l'évalue d'après un étalon purement humain. PJ 126 2 Or, quiconque vit en propre juste méprisera ses semblables. De même que le pharisien se juge d'après les autres, il juge les autres d'après lui-même. C'est à leur justice qu'il mesure la sienne, et plus il les voit mauvais, meilleur il se trouve par le fait du contraste. Sa propre justice le pousse à accuser les autres et à les condamner comme transgresseurs de la loi de Dieu. Il manifeste ainsi l'esprit de Satan, l'accusateur des frères. Avec de tels sentiments, il lui est impossible d'entrer en communion avec le Seigneur. Il s'en retourne chez lui, privé de la bénédiction divine. PJ 126 3 Le publicain s'était rendu au temple avec d'autres adorateurs, mais il ne tarda pas à se retirer à l'écart, se jugeant indigne de participer à leur culte. Se tenant à distance, il "n'osait même pas lever les yeux au ciel, mais il se frappait la poitrine",4 dans l'amertume de son âme et la conviction de son indignité. Conscient d'avoir offensé Dieu, il se sentait pécheur et souillé. Il ne pouvait même pas s'attendre à la compassion de ceux qui l'entouraient, car ils le regardaient avec mépris. Il savait qu'il n'avait aucun mérite à faire valoir devant le Seigneur, aussi s'écriait-il dans son désespoir: "O Dieu, sois apaisé envers moi, qui suis un pécheur." Il ne se comparait pas aux autres. Seul en la présence de Dieu, accablé par le sentiment de sa culpabilité, il n'avait qu'un seul désir: recevoir le pardon et la paix; il ne comptait que sur la miséricorde du ciel. Et il fut béni: "Je vous le dis, déclara le Christ, celui-ci descendit dans sa maison justifié, plutôt que l'autre.5 PJ 127 1 Le pharisien et le publicain représentent deux classes d'adorateurs. Leurs ancêtres sont les deux fils qui naquirent à nos premiers parents: Caïn et Abel. Caïn se croyait juste et ne se présenta devant Dieu qu'avec une offrande d'actions de grâces, sans confesser ses péchés et sans reconnaître son besoin de miséricorde. Abel, au contraire, se présenta avec le sang qui symbolisait l'Agneau de Dieu. Il se considérait comme pécheur et se sentait perdu. Son seul espoir était l'amour immérité de Dieu. Le Seigneur accepta son offrande, mais il rejeta celle de Caïn. La première condition pour être reçus de Dieu, c'est le sentiment de notre dénuement, la confession de notre misère et de notre péché. "Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux!"6 PJ 127 2 L'expérience de l'apôtre Pierre renferme une leçon qui s'applique à ces deux catégories de personnes. Au début, quand il fut choisi pour être disciple, il se croyait fort. De même que le pharisien, il ne se voyait pas "comme le reste des hommes". Lorsque Jésus, avant d'être trahi, eut déclaré à ses disciples: "Vous serez tous scandalisés", Pierre, sûr de lui, répliqua: "Quand tous seraient scandalisés, je ne serai pas scandalisé."7 Il n'avait aucune conscience du danger qu'il courait. Il se laissait abuser par la confiance qu'il avait en ses propres forces. Il se croyait capable de repousser la tentation. Mais au moment de l'épreuve, quelques heures plus tard, il renia son Maître avec imprécations. PJ 127 3 Lorsque le chant du coq vint lui rappeler les paroles du Christ, Pierre, surpris et écoeuré de son acte, se tourna et regarda son Maître. Au même moment, Jésus posa sur son disciple un regard où se lisaient à la fois la tristesse, la compassion et l'amour. Se voyant alors tel qu'il était, Pierre s'éloigna et pleura amèrement. Ce regard du Sauveur lui avait brisé le coeur. Pierre était arrivé à un tournant de son expérience religieuse. Il se repentit profondément de son péché. Dans sa contrition, il ressemblait au publicain et, comme ce dernier, il trouva miséricorde. Le regard de Jésus lui donnait la certitude du pardon. PJ 128 1 Sa propre suffisance avait disparu, et il ne se hasarda jamais plus à des déclarations aussi présomptueuses. PJ 128 2 Après sa résurrection, le Christ le mit à l'épreuve par trois fois: "Simon, fils de Jonas, m'aimes-tu plus que ne m'aiment ceux-ci?" Pierre ne s'éleva plus au-dessus de ses frères. Il s'en remit alors à celui qui, seul, pouvait lire en son coeur: "Seigneur, tu sais toutes choses, dit-il, tu sais que je t'aime."8 PJ 128 3 Il fut alors investi de sa mission, plus grande et plus délicate que celle qu'il avait reçue jusque-là. Le Christ le chargea de paître les brebis et les agneaux. En lui confiant ainsi la charge des âmes pour lesquelles il avait offert sa propre vie, le Sauveur lui donna le plus beau témoignage de confiance, le gage le plus sûr de sa réhabilitation. Le disciple fougueux, propre juste, orgueilleux était devenu un homme contrit et soumis. Dès lors, il suivit son Maître sur la voie du renoncement et du sacrifice. Ayant participé à ses souffrances, Pierre aura le privilège de partager sa gloire quand le Christ sera assis sur son trône. PJ 128 4 Le mal qui fit tomber Pierre et priva le pharisien de la communion avec Dieu cause aujourd'hui encore la ruine de milliers de personnes. Rien n'est plus offensant pour Dieu, plus dangereux pour l'âme humaine que l'orgueil et la propre suffisance. De tous les péchés, c'est assurément le plus difficile à vaincre. PJ 128 5 La chute de Pierre ne fut pas instantanée, mais graduelle. Sa présomption l'amena à se croire sauvé et, petit à petit, à renier son Maître. Nous ne devons jamais nous fier à nous-mêmes ni penser que nous sommes à l'abri de la tentation tant que nous sommes ici-bas. Ceux qui acceptent le Sauveur, si sincère que soit leur conversion, ne devraient jamais apprendre à se dire ou à se croire sauvés. C'est une affirmation propre à égarer. Chacun devrait s'efforcer de cultiver l'espérance et la foi; mais alors même que nous nous donnons à Jésus et que nous avons l'assurance d'être acceptés de lui, nous ne sommes pas encore à l'abri de la tentation. La parole de Dieu nous dit: "Plusieurs seront purifiés, blanchis et épurés."9 Celui-là seul qui surmontera l'épreuve recevra la couronne de vie. PJ 129 1 Ceux qui se convertissent et qui disent dans leur premier élan de foi: "Je suis sauvé", courent le risque de mettre leur confiance en eux-mêmes. Ils perdent de vue leur propre faiblesse et leur besoin constant de la force divine. Ils ne sont pas préparés à lutter contre les stratagèmes de Satan et, devant la tentation, plusieurs, comme Pierre, tombent dans le gouffre. PJ 129 2 Voici l'avertissement qui nous est adressé: "Que celui qui croit être debout prenne garde de tomber!"10 Nous défier de nous-mêmes et ne dépendre que du Christ, voilà notre unique sécurité. PJ 129 3 Pierre avait besoin de connaître ses défauts et de sentir combien la grâce et la puissance du Christ lui étaient nécessaires. Le Seigneur pouvait, non pas lui épargner l'épreuve, mais le préserver de la défaite. Si Pierre avait pris garde à l'avertissement du Maître, il aurait veillé, prié et marché avec crainte et tremblement, de peur de trébucher; il aurait reçu le secours divin et Satan n'aurait pas eu la victoire. PJ 129 4 La chute de Pierre fut causée par la confiance qu'il avait en lui, et c'est par la repentance et l'humiliation qu'il se releva. Son expérience constitue un encouragement pour chaque pécheur repentant. Malgré sa faute si grave, il ne fut pas abandonné à son sort. Les paroles du Christ restaient inscrites en son âme: "J'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point."11 Alors qu'il était en proie au plus cuisant remords, le souvenir de cette prière et le regard compatissant du Sauveur lui rendirent l'espoir. Après sa résurrection, le Christ se souvint de son apôtre et, par un ange, confia ce message aux femmes: "Allez dire à ses disciples et à Pierre qu'il vous précède en Galilée: c'est là que vous le verrez."12 La repentance de Pierre fut acceptée par le Sauveur qui pardonne les péchés. PJ 130 1 La même compassion qui permit à l'apôtre d'être sauvé s'étend à toute âme qui a succombé à la tentation. Tous les efforts de Satan ont pour but de faire tomber l'homme dans le péché, puis il le laisse impuissant et tremblant, le faisant douter du pardon. Mais pourquoi craindrions-nous, quand le Seigneur a dit: "A moins qu'on ne me prenne pour refuge, qu'on ne fasse la paix avec moi"?13 Tout a été préparé pour la guérison de nos infirmités. Tout nous encourage à venir au Christ. PJ 130 2 Le Sauveur a offert son corps brisé pour racheter l'héritage de Dieu et donner à l'homme une possibilité de salut. "C'est aussi pour cela qu'il peut sauver parfaitement ceux qui s'approchent de Dieu par lui, étant toujours vivant pour intercéder en leur faveur."14 Par sa vie sans péché, son obéissance, sa mort sur la croix du Calvaire, le Christ a intercédé pour l'humanité déchue; et maintenant, ce n'est pas comme un simple suppliant qu'il plaide pour nous, mais comme un conquérant qui réclame les fruits de sa victoire. Son offrande est parfaite et, en tant qu'avocat, il exécute le mandat qui lui a été confié, tenant devant Dieu l'encensoir débordant de ses mérites, des prières, des confessions et des actions de grâces de son peuple. Remplies du parfum de sa justice, celles-ci montent vers Dieu comme une agréable odeur. L'offrande est agréée et le pardon couvre toutes les transgressions. PJ 130 3 Le Christ s'est engagé à être notre substitut et notre garant, et il ne néglige personne. Celui qui n'a pas supporté que les êtres humains soient exposés à la ruine éternelle sans accepter la mort pour leur salut jettera un regard compatissant sur tout homme conscient de son incapacité à se sauver lui-même. Il relèvera quiconque le suppliera dans sa détresse. Par son expiation, il nous a donné accès à une source intarissable de puissance morale, aussi ne manquera-t-il pas d'utiliser cette puissance en notre faveur. Nous pouvons déposer à ses pieds nos péchés et nos peines, car il nous aime. Son regard et ses paroles nous invitent à la confiance. Il modèlera nos caractères pour les rendre conformes à sa volonté. PJ 131 1 La coalition des puissances sataniques ne peut rien contre celui qui se jette avec confiance dans les bras de Jésus. "Il donne de la force à celui qui est fatigué, et il augmente la vigueur de celui qui tombe en défaillance."15 PJ 131 2 "Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous les pardonner, et pour nous purifier de toute iniquité."16 Le Seigneur dit: "Reconnais seulement ton iniquité, reconnais que tu as été infidèle à l'Eternel, ton Dieu.17 "Je répandrai sur vous une eau pure, et vous serez purifiés; je vous purifierai de toutes vos souillures et de toutes vos idoles.18 PJ 131 3 Mais pour trouver le pardon et la paix, il faut se connaître soi-même, et cette connaissance doit produire la repentance. Le pharisien n'était nullement convaincu de péché. Le Saint-Esprit ne pouvait pas opérer en lui. Son âme était revêtue d'une armure de propre justice que ne pouvaient percer les flèches dirigées par la main des anges. Seul celui qui se reconnaît pécheur peut être sauvé. Le Christ est venu sur la terre "pour guérir ceux qui ont le coeur brisé, pour proclamer aux captifs la délivrance, et aux aveugles le recouvrement de la vue, pour renvoyer libres les opprimés."19 "Ce ne sont pas ceux qui se portent bien qui ont besoin de médecin, mais les malades.20 Nous devons donc nous rendre compte de notre condition réelle pour désirer l'aide du Seigneur. Il faut avoir conscience du danger que l'on court pour s'enfuir vers un lieu de refuge. Celui qui ne ressent pas la douleur que lui causent ses blessures n'éprouvera pas le besoin d'en être guéri. PJ 131 4 Voici ce que déclare le Seigneur: "Parce que tu dis: Je suis riche, je me suis enrichi, et je n'ai besoin de rien, et parce que tu ne sais pas que tu es malheureux, misérable, pauvre, aveugle et nu, je te conseille d'acheter de moi de l'or éprouvé par le feu, afin que tu deviennes riche, et des vêtements blancs, afin que tu sois vêtu et que la honte de ta nudité ne paraisse pas, et un collyre pour oindre tes yeux, afin que tu voies."21 L'or éprouvé par le feu, c'est la foi qui est agissante par la charité. Elle seule nous mettra en harmonie avec Dieu. Nous pouvons être actifs, accomplir bien des oeuvres, mais sans l'amour qui animait le coeur du Sauveur, nous ne ferons jamais partie de la famille céleste. PJ 132 1 Nul ne peut, par lui-même, prendre conscience de ses erreurs. "Le coeur est tortueux par-dessus tout, et il est méchant: Qui peut le connaître?"22 Les lèvres peuvent exprimer une misère spirituelle que le coeur n'est pas disposé à avouer. Tout en disant à Dieu que nous sommes de pauvres pécheurs, nous pouvons nous enorgueillir de notre humilité et exalter notre justice. Seule la contemplation du Christ nous permettra de nous voir tels que nous sommes. C'est parce que nous ne connaissons pas notre Sauveur que nous nous laissons griser par le sentiment de notre valeur personnelle. Sa pureté et sa perfection nous révèlent notre faiblesse, notre misère, nos défauts. Nous nous sentons alors perdus, sans espérance, recouverts de nos vêtements de propres justes, comme les autres pécheurs. Nous découvrons ainsi que le salut n'est pas offert en fonction de notre sainteté, mais par un effet de la grâce infinie de Dieu. PJ 132 2 La prière du publicain fut exaucée parce qu'elle exprimait un sentiment de complète dépendance par rapport au Tout-Puissant. Pour cet homme, le moi n'était que honte. Il doit en être ainsi de tous ceux qui recherchent Dieu. Par la foi -- cette foi qui renonce à s'appuyer sur soi-même -- le suppliant doit s'en remettre à celui dont la puissance est infinie. PJ 132 3 Aucune pratique extérieure ne peut remplacer une foi simple et une entière abnégation. Mais n'oublions pas que nul ne peut se dépouiller du moi si ce n'est par Jésus-Christ. C'est pourquoi le croyant dira: "Seigneur, prends mon coeur, car je ne puis te le donner. Il t'appartient. Garde-le pur, car j'en suis incapable. Sauve-moi en dépit de moimême, de ce moi faible et si peu conforme à ton image. Modèle-moi, façonne-moi, élève-moi dans une atmosphère pure et sainte où les puissants courants de ton amour pourront atteindre mon âme." PJ 133 1 L'abnégation ne doit pas seulement marquer les débuts de la vie chrétienne, mais caractériser toutes les étapes de notre progression vers le ciel. Nos bonnes oeuvres dépendent toutes d'une puissance qui est extérieure à nous-mêmes. C'est pourquoi il faut que notre coeur, brisé, contrit et humilié, soupire sans cesse après Dieu et fasse monter vers lui une confession sincère. Renoncer constamment au moi et dépendre uniquement du Christ, telle est notre seule sauvegarde. PJ 133 2 Plus nous nous approcherons de Jésus et plus nous distinguerons la pureté de son caractère, mieux nous saisirons l'extrême gravité du péché et moins nous serons enclins à l'orgueil. Ceux que le ciel reconnaît comme saints sont les derniers à faire parade de leur bonté. L'apôtre Pierre devint un fidèle serviteur du Christ, il reçut une grande mesure de puissance et de lumière divines. Il prit une part active à l'édification de l'Eglise, mais il n'oublia jamais la terrible expérience de son humiliation. Son péché était pardonné, cependant il savait très bien que seule la grâce du Christ pouvait le faire triompher de la faiblesse de caractère qui avait causé sa chute. Il ne trouvait en lui aucun motif de se glorifier. PJ 133 3 Aucun des apôtres ou des prophètes n'a jamais prétendu être sans péché. Des hommes qui ont vécu très près de Dieu, des hommes qui auraient sacrifié leur vie plutôt que de commettre sciemment un acte coupable, des hommes que Dieu avait honorés de sa lumière et de sa puissance ont confessé leur nature pécheresse. Ils n'ont pas placé leur confiance dans la chair, ne se sont réclamés d'aucune justice qui leur fût propre, mais ils ont mis toute leur confiance en celle du Christ. Ainsi en sera-t-il de tous ceux qui contemplent le Sauveur. PJ 134 1 A mesure que nous avançons dans l'expérience chrétienne, notre repentance s'approfondit. Le Seigneur dit à ceux qu'il a pardonnés, à ceux qu'il reconnaît comme son peuple: "Alors vous vous souviendrez de votre conduite qui était mauvaise, et de vos actions qui n'étaient pas bonnes; vous vous prendrez vous-mêmes en dégoût!"23 Et encore: "J'établirai mon alliance avec toi, et tu sauras que je suis l'Eternel, afin que tu te souviennes du passé et que tu rougisses, afin que tu n'ouvres plus la bouche et que tu sois confuse, quand je te pardonnerai tout ce que tu as fait, dit le Seigneur, l'Eternel.24 Alors nous n'ouvrirons plus les lèvres pour nous glorifier et nous saurons que seuls les mérites du Christ sont suffisants. Nous confesserons avec l'apôtre: "Ce qui est bon, je le sais, n'habite pas en moi, c'est-à-dire dans ma chair.25 "Pour ce qui me concerne, loin de moi la pensée de me glorifier d'autre chose que de la croix de notre Seigneur Jésus-Christ, par qui le monde est crucifié pour moi, comme je le suis pour le monde.26 PJ 134 2 Voici le commandement qui s'harmonise avec cette expérience: "Travaillez à votre salut avec crainte et tremblement, non seulement comme en ma présence, mais bien plus encore maintenant que je suis absent; car c'est Dieu qui produit en vous le vouloir et le faire, selon son bon plaisir."27 Vous ne devez pas craindre que les promesses de Dieu restent vaines, que sa patience se lasse et que ses compassions vous fassent défaut. Craignez plutôt que votre volonté ne soit pas soumise à celle du Christ, et que votre vie ne soit dirigée par vos traits de caractère, héréditaires ou acquis. "C'est Dieu qui produit en vous le vouloir et le faire, selon son bon plaisir." Craignez que le moi ne s'interpose entre votre âme et le Maître, et que votre volonté ne ruine le dessein de Dieu à votre égard. Enfin, ne vous fiez pas à vos propres forces; gardez-vous de retirer votre main de celle du Christ et de suivre le sentier de la vie loin de sa présence. PJ 135 1 Il faut barrer la route à l'orgueil et à la propre justice; c'est pourquoi nous devons éviter de prodiguer ou de recevoir des flatteries ou des louanges. Flatter est l'oeuvre de Satan. Il excelle aussi bien dans cet art que dans celui de l'accusation. C'est ainsi qu'il cherche à perdre les âmes. Les personnes qui prodiguent des louanges à leurs semblables font le jeu de l'ennemi. Puissent ceux qui travaillent pour le Christ se détourner de ce danger! Que le moi soit renié. Jésus seul doit être exalté. Que tous les yeux soient dirigés vers "celui qui nous aime, qui nous a délivrés de nos péchés par son sang",28 et que vers lui monte la louange de tous les coeurs. PJ 135 2 Une vie où domine la crainte de Dieu ne sera pas une vie de tristesse et de chagrin. C'est l'absence du Christ qui donne au visage une expression d'abattement et qui réduit notre vie à un long chemin de larmes. Ceux qui sont remplis du sentiment de leur valeur et qui cultivent l'amour du moi ne ressentent pas le besoin d'une communion vivante et personnelle avec le Christ. Le coeur qui ne s'est pas brisé sur le Rocher divin se complaît dans sa propre suffisance. Les hommes veulent une religion qui les glorifie et ils préfèrent prendre un chemin suffisamment large pour ne pas devoir renoncer à leur moi. Leur égoïsme, leur amour de la popularité et des louanges les éloignent du Sauveur. Or, sans lui, la vie n'est que tristesse et chagrin. Mais quand le Christ remplit une âme, il est une source de joie. Pour tous ceux qui le reçoivent, la joie est la note dominante de la parole de Dieu. PJ 135 3 "Car ainsi parle le Très-Haut, dont la demeure est éternelle et dont le nom est saint: j'habite dans les lieux élevés et dans la sainteté; mais je suis avec l'homme contrit et humilié, afin de ranimer les esprits humiliés, afin de ranimer les coeurs contrits."29 PJ 135 4 C'est alors qu'il était caché dans le creux du rocher que Moïse contempla la gloire de Dieu. Lorsque nous nous réfugierons en Christ, le Rocher brisé, il nous couvrira de ses mains percées et nous entendrons ce qu'il a dit à ses serviteurs. Dieu se révèle à nous, comme à Moïse, "miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en bonté et en fidélité, qui conserve son amour jusqu'à mille générations, qui pardonne l'iniquité, la rébellion et le péché".30 PJ 136 1 L'oeuvre de la rédemption entraîne des conséquences qu'il nous est difficile de concevoir. "Ce sont des choses que l'oeil n'a point vues, que l'oreille n'a point entendues, et qui ne sont point montées au coeur de l'homme, des choses que Dieu a préparées pour ceux qui l'aiment."31 Quand le pécheur, attiré par la puissance du Christ, s'approche de la croix et se prosterne devant elle, il se produit une nouvelle création. Il reçoit un coeur nouveau, il devient une nouvelle créature en Jésus-Christ. La sainteté n'exige rien de plus. C'est Dieu lui-même qui justifie "celui qui a la foi en Jésus". "Et ceux qu'il a justifiés, il les a aussi glorifiés.32 Si grandes que soient la honte et la dégradation dans lesquelles le péché nous a plongés, plus grands encore seront les honneurs et l'élévation que nous réserve l'amour rédempteur. Ceux qui s'efforcent de se conformer au modèle divin recevront une mesure des trésors du ciel et une puissance qui les élèveront même au-dessus des anges qui n'ont pas connu le péché. PJ 136 2 "Ainsi parle l'Eternel, le rédempteur, le Saint d'Israël, à celui qu'on méprise, qui est en horreur au peuple, à l'esclave des puissants: des rois le verront, et ils se lèveront, des princes, et ils se prosterneront, à cause de l'Eternel, qui est fidèle, du Saint d'Israël, qui t'a choisi."33 PJ 136 3 "Quiconque s'élèvera sera abaissé, et quiconque s'abaissera sera élevé."34 ------------------------Chapitre 14 -- Dieu ne fera-t-il pas justice à ses élus? PJ 137 1 Le Christ venait de parler de la période qui précéderait immédiatement sa seconde venue et des périls que devraient affronter ses disciples. C'est en pensant d'une manière toute spéciale à ce temps qu'il prononça la parabole destinée à enseigner "qu'il faut toujours prier et ne point se relâcher". PJ 137 2 "Il y avait dans une ville un juge, dit-il, qui ne craignait point Dieu et qui n'avait d'égard pour personne. Il y avait aussi dans cette ville une veuve qui venait lui dire: Fais-moi justice de ma partie adverse. Pendant longtemps il refusa. Mais ensuite il dit en lui-même: Quoique je ne craigne point Dieu et que je n'aie d'égard pour personne, néanmoins, parce que cette veuve m'importune, je lui ferai justice, afin qu'elle ne vienne pas sans cesse me rompre la tête. Le Seigneur ajouta: Entendez ce que dit le juge inique. Et Dieu ne fera-t-il pas justice à ses élus, qui crient à lui jour et nuit, et tardera-t-il à leur égard? Je vous le dis, il leur fera promptement justice."1 PJ 137 3 Le juge qui est dépeint ici ne se soucie pas de la justice, et n'a aucune pitié pour ceux qui souffrent. Il repoussait continuellement la veuve qui lui exposait son cas. Maintes fois elle n'était venue vers lui que pour être traitée avec mépris et chassée du tribunal. Le juge savait qu'elle était dans son droit; il aurait pu aussitôt lui faire justice, mais il ne le voulait pas. Il désirait montrer que son pouvoir était discrétionnaire, et il se plaisait à la voir plaider, prier et supplier en vain. Mais elle ne se laissait pas décourager; malgré l'indifférence et la dureté du juge, elle ne cessait de venir lui présenter sa demande jusqu'à ce qu'il consentît à s'occuper de son cas. "Quoique je ne craigne point Dieu et que je n'aie d'égard pour personne, dit-il, néanmoins, parce que cette veuve m'importune, je lui ferai justice, afin qu'elle ne vienne pas sans cesse me rompre la tête." Pour sauver sa réputation et ne pas donner trop de publicité à son jugement partial, il rendit justice à cette femme persévérante. PJ 138 1 "Le Seigneur ajouta: Entendez ce que dit le juge inique. Et Dieu ne fera-t-il pas justice à ses élus, qui crient à lui jour et nuit, et tardera-t-il à leur égard? Je vous le dis, il leur fera promptement justice." Jésus établit ici un contraste frappant entre le juge inique et Dieu. L'homme de loi ne cède aux instances de la veuve que par égoïsme, pour assurer sa tranquillité. Il n'éprouve aucune pitié pour elle, sa misère le laisse insensible. Comme l'attitude de Dieu à l'égard de ceux qui le cherchent est différente! C'est avec une compassion infinie qu'il écoute les appels des nécessiteux et des affligés. PJ 138 2 Veuve, sans amis, cette pauvre femme n'avait pas les moyens de redresser sa situation matérielle. De même, par le péché, l'homme a perdu tout contact avec Dieu, et ne peut se sauver tout seul; mais par Jésus-Christ, l'accès auprès du Père lui est assuré. Dieu chérit particulièrement ses élus. Il les a appelés des ténèbres à sa merveilleuse lumière pour qu'ils publient sa louange et brillent comme des phares au milieu des ténèbres de ce monde. Le juge inique ne portait aucun intérêt à cette pauvre veuve qui l'importunait pour obtenir justice; cependant, pour se soustraire à ses supplications pitoyables, il prêta l'oreille à sa cause et la délivra de ses adversaires. Mais Dieu aime ses enfants d'un amour infini. Ce qu'il a de plus cher sur la terre, c'est son Eglise. PJ 139 1 "Car la portion de l'Eternel, c'est son peuple, Jacob est la part de son héritage. Il l'a trouvé dans une contrée déserte, dans une solitude aux effroyables hurlements; il l'a entouré, il en a pris soin, il l'a gardé comme la prunelle de son oeil." "Car ainsi parle l'Eternel des armées: Après cela viendra la gloire! Il m'a envoyé vers les nations qui vous ont dépouillés; car celui qui vous touche, touche la prunelle de son oeil."2 PJ 139 2 La requête de la veuve: "Fais-moi justice de ma partie adverse" représente les prières des enfants de Dieu. Satan est leur grand adversaire, l'"accusateur des frères",3 celui qui les accuse jour et nuit devant Dieu. Son oeuvre ne consiste qu'à dénaturer et attaquer, à séduire et détruire l'Eglise de Dieu. Par cette parabole, le Seigneur enseigne à ses disciples qu'ils doivent prier pour être délivrés de la puissance de Satan et de ses suppôts. PJ 139 3 Le prophète Zacharie nous montre Satan accusant le peuple de Dieu, et le Christ prenant sa défense. Voici ce que dit le prophète: "Il me fit voir Josué, le souverain sacrificateur, debout devant l'ange de l'Eternel, et Satan qui se tenait à sa droite pour l'accuser. L'Eternel dit à Satan: Que l'Eternel te réprime, Satan! que l'Eternel te réprime, lui qui a choisi Jérusalem! N'est-ce pas là un tison arraché du feu? Or Josué était couvert de vêtements sales, et il se tenait debout devant l'ange."4 PJ 139 4 Le peuple de Dieu est ici représenté comme un criminel à la barre des accusés. Josué, en qualité de souverain sacrificateur, demande une bénédiction en faveur de son peuple qui se trouve dans une grande affliction. Tandis qu'il plaide devant Dieu, Satan se tient à sa droite comme son adversaire. Il accuse les enfants de Dieu et s'efforce de faire paraître leur cas aussi désespéré que possible. Il étale devant l'Eternel leurs mauvaises actions et leurs défauts. Il tente de les montrer sous un jour tel que le Christ soit amené à leur refuser l'assistance dont ils ont un si pressant besoin. Josué les représente devant Dieu: recouvert de vêtements sales, il tombe sous le coup de la condamnation. Conscient des péchés de son peuple, il sombre dans un profond découragement. Satan fait peser sur lui un tel sentiment de culpabilité qu'il en est presque réduit au désespoir. Mais, malgré l'opposition acharnée de Satan, il n'en demeure pas moins dans l'attitude d'un suppliant. PJ 140 1 Satan a inauguré son rôle d'accusateur dans le ciel; il l'assume également sur la terre depuis la chute de l'homme et s'y applique d'autant plus que nous approchons de la fin de ce monde. Il sait qu'il a peu de temps et il redouble d'ardeur dans son oeuvre de séduction et de destruction. Il ne peut supporter de voir sur la terre ce peuple qui, même dans ses faiblesses et ses égarements, rend hommage à la loi de l'Eternel. Il tient absolument à le faire désobéir. Il se réjouit de son indignité, et il tend des pièges pour séduire chacune de ces âmes et l'éloigner du Seigneur. Il cherche toutes les occasions d'accuser, de condamner Dieu et tous ceux qui poursuivent ici-bas son oeuvre de miséricorde et d'amour, de compassion et de pardon. PJ 140 2 Toute manifestation de la puissance de Dieu à l'égard de son peuple excite l'inimitié de Satan et de ses démons, qui redoublent alors d'efforts pour assurer sa ruine. Il est jaloux de tous ceux qui puisent leur force en Christ. Son but est d'induire les hommes au mal et, quand il a réussi, il rejette tout le blâme sur ceux qui sont tentés. Il montre leurs vêtements souillés: leurs défauts de caractère, leur faiblesse, leur folie, leur ingratitude, leur manque de ressemblance avec le Rédempteur qu'ils ont ainsi déshonoré. Il avance tout cela pour prouver qu'il est dans son droit quand il réclame leur destruction. Il s'efforce de les terrifier en présentant leur cas comme désespéré, en leur faisant croire que rien ne pourra jamais ôter leurs souillures. Il espère ainsi détruire leur foi au point qu'ils céderont à ses tentations et se détourneront de Dieu. PJ 140 3 Le peuple de Dieu est incapable de répondre aux accusations de Satan. S'il regardait à lui-même, il serait voué au désespoir; mais il en appelle au divin Avocat, il se réclame des mérites de son Rédempteur. Dieu peut être "juste, tout en justifiant celui qui a la foi en Jésus".5 Avec confiance, le peuple de Dieu crie à lui pour réduire au silence les accusations de Satan et déjouer ses pièges: "Fais-moi justice de ma partie adverse", dit-il; et, fort de l'irréfutable argument de la croix, le Christ fait taire l'accusateur téméraire. PJ 141 1 "L'Eternel dit à Satan: Que l'Eternel te réprime, Satan! que l'Eternel te réprime, lui qui a choisi Jérusalem. N'est-ce pas là un tison arraché du feu?"6 Quand Satan cherche à noircir et à perdre les enfants de Dieu, le Christ s'interpose. N'a-t-il pas pris sur lui leurs péchés, n'a-t-il pas arraché du mal la race humaine comme un tison du feu? Uni à l'homme par sa nature humaine, par sa nature divine il est un avec le Dieu infini. Il met la délivrance à la portée de ceux qui périssent. L'adversaire est confondu. PJ 141 2 "Or Josué était couvert de vêtements sales, et il se tenait debout devant l'ange. L'ange, prenant la parole, dit à ceux qui étaient devant lui: Otez-lui les vêtements sales! Puis il dit à Josué: Vois, je t'enlève ton iniquité, et je te revêts d'habits de fête. Je dis: Qu'on mette sur sa tête un turban pur! Et ils mirent un turban pur sur sa tête, et ils lui mirent des vêtements." Avec une autorité reçue de l'Eternel des armées, l'ange prit alors un engagement solennel à l'égard de Josué, représentant du peuple de Dieu: "Si tu marches dans mes voies et si tu observes mes ordres, tu jugeras ma maison et tu garderas mes parvis, et je te donnerai libre accès parmi ceux qui sont ici7 -- parmi les anges qui entourent le trône de Dieu." PJ 141 3 Malgré les lacunes des siens, le Christ ne leur en témoigne pas moins sa sollicitude. Il a le pouvoir de changer leurs vêtements souillés et de donner la robe de sa propre justice à ceux qui se repentent et qui croient. En face de leur nom inscrit sur les registres du ciel, il met la mention: "Pardonné." Il déclare, en présence de tout l'univers, qu'ils lui appartiennent, et il montre en la personne de Satan l'accusateur et le séducteur. Dieu fera justice à ses élus. PJ 142 1 La prière: "Fais-moi justice de ma partie adverse" ne s'applique pas seulement à Satan, mais encore à ceux qu'il pousse à calomnier, à tenter et à détruire le peuple de Dieu. Ceux qui ont décidé d'obéir aux commandements du Seigneur savent par expérience qu'ils ont des ennemis dirigés par une puissance maléfique, ceux-là même qui assaillirent le Christ pas à pas avec un acharnement et une persévérance que nul être humain ne peut soupçonner. Comme leur divin Maître, les vrais chrétiens sont harcelés par de continuelles tentations. PJ 142 2 Les Ecritures exposent la situation du monde à la veille de la seconde venue du Christ. L'apôtre Jacques, notamment, dépeint le lucre et l'oppression qui doivent prévaloir à cette époque: "A vous maintenant, riches! ... Vous avez amassé des trésors dans les derniers jours! Voici, le salaire des ouvriers qui ont moissonné vos champs, et dont vous les avez frustrés, crie, et les cris des moissonneurs sont parvenus jusqu'aux oreilles du Seigneur des armées. Vous avez vécu sur la terre dans les voluptés et dans les délices, vous avez rassasié vos coeurs au jour du carnage. Vous avez condamné, vous avez tué le juste, qui ne vous a pas résisté."8 Voilà le tableau des conditions dans lesquelles nous vivons aujourd'hui. Par toute espèce d'oppressions et d'extorsions, des hommes amassent des fortunes colossales pendant que les affamés crient à Dieu leur misère. PJ 142 3 "La délivrance s'est retirée, et le salut se tient éloigné; car la vérité trébuche sur la place publique, et la droiture ne peut approcher. La vérité a disparu, et celui qui s'éloigne du mal est dépouillé."9 Ces paroles s'accomplirent dans la vie du Christ. Il observa les commandements de son Père, mettant de côté les traditions et les coutumes par lesquelles les hommes les avaient remplacés. C'est pourquoi il fut haï et persécuté. Cette histoire n'a cessé de se répéter. Les hommes ont substitué leurs préceptes à la loi de Dieu, et ceux qui veulent rester fidèles au Seigneur souffrent l'opprobre et la persécution. A cause de son obéissance, le Christ fut accusé de blasphème et de violation du sabbat. On déclara qu'il était possédé d'un esprit malin et qu'il incarnait Béelzébul. La même accusation atteint aujourd'hui ses disciples. Satan espère ainsi les faire tomber dans le péché et les amener à déshonorer Dieu. PJ 143 1 Le caractère du juge inique, qui ne craignait pas Dieu et n'avait d'égards pour personne, révélait quelle sorte de jugement on préparait alors contre Jésus et comment les événements se dérouleraient au cours de son procès. Le Seigneur désire que ses disciples de tous les temps se rendent compte que l'on ne peut guère avoir confiance, à l'heure de l'épreuve, dans les chefs d'Etat et les juges de la terre. Les enfants de Dieu sont souvent appelés à se présenter devant des hommes haut placés qui suivent, non les conseils de la Bible, mais leurs impulsions profanes et indisciplinées. PJ 143 2 Dans la parabole du juge inique, le Christ nous montre quelle attitude nous devons adopter. "Ne fera-t-il pas justice à ses élus, qui crient à lui jour et nuit?" Jésus est notre exemple, lui qui ne fit rien pour revendiquer ses droits ou se délivrer lui-même. Il remit sa cause entre les mains de Dieu. De même, ses disciples ne doivent ni accuser, ni condamner, ni recourir à la force pour se tirer d'affaire. PJ 143 3 Si des épreuves inexplicables surviennent, il ne faut pas qu'elles nous ravissent notre paix intérieure. Quelque injuste que soit la façon dont nous pourrons être traités, ne nous laissons pas aller à la colère. En nourrissant un esprit de vengeance, nous nous nuisons à nous-mêmes, nous perdons notre confiance en Dieu et nous attristons le Saint-Esprit. Auprès de nous se tient un témoin, un messager céleste, qui élèvera en notre faveur un étendard contre l'ennemi. Il nous couvrira des rayons éclatants du Soleil de justice. Ainsi, Satan, qui ne peut franchir ce bouclier lumineux, ne nous atteindra pas. PJ 144 1 L'humanité s'enlisant de plus en plus dans le mal, aucun d'entre nous ne peut prétendre qu'il n'aura jamais de difficultés. Ce sont précisément elles qui nous amènent à pénétrer dans la salle d'audience du Très-Haut, où nous pouvons recevoir les conseils de celui qui est infini en sagesse. PJ 144 2 Le Seigneur nous dit: "Invoque-moi au jour de la détresse."10 Il nous invite à l'implorer avec zèle et à lui confier notre perplexité, notre dénuement et le besoin que nous éprouvons de recevoir son aide. Dès que surviennent les difficultés, présentons-lui nos requêtes avec ferveur. Par l'importunité de nos prières, nous démontrerons que nous avons pleine confiance en lui. Le sentiment de notre indigence nous incite à prier ardemment, et notre Père céleste est ému par nos supplications. PJ 144 3 Ceux qui souffrent la persécution pour leur foi sont souvent tentés de se croire délaissés de Dieu. A vues humaines, ils constituent une minorité, et selon toute apparence leurs adversaires triomphent. Qu'ils ne soient pas troublés dans leur conscience, car celui qui a souffert pour eux et qui s'est chargé de leurs afflictions et de leurs douleurs ne les a pas abandonnés. PJ 144 4 Les enfants de Dieu ne sont pas laissés seuls et sans défense; la prière permet à la Toute-Puissance d'agir en notre faveur. Grâce à elle, des hommes "vainquirent des royaumes, exercèrent la justice, obtinrent des promesses, fermèrent la gueule des lions, éteignirent la puissance du feu" -- nous saurons ce que cela veut dire en lisant le récit de la vie des martyrs -- , "mirent en fuite des armées étrangères".11 PJ 144 5 Si nous consacrons nos vies au service de Dieu, nous ne serons jamais placés dans une situation telle qu'il ne puisse nous secourir. Quelle que soit notre position, nous avons un guide pour nous montrer le chemin; quelles que soient nos perplexités, nous avons un conseiller avisé; quels que soient nos chagrins, nos deuils, notre solitude, nous avons un ami compatissant. Si, dans notre ignorance, nous faisons un faux pas, le Christ nous relèvera; sa voix claire et distincte se fera entendre: "Je suis le chemin, la vérité et la vie."12 "Il délivrera le pauvre qui crie, et le malheureux qui n'a point d'aide13 PJ 145 1 Le Seigneur déclare qu'il sera honoré par ceux qui s'approchent de lui et le servent avec fidélité. "A celui qui est ferme dans ses sentiments tu assures la paix, la paix, parce qu'il se confie en toi."14 Le bras du Tout-Puissant est étendu pour nous conduire toujours plus loin. En avant! dit le Seigneur, je vous enverrai du secours. C'est en mon nom que vous demandez, donc vous recevrez. Je serai honoré devant ceux qui attendent votre chute. Ils assisteront au triomphe de ma parole. "Tout ce que vous demanderez avec foi par la prière, vous le recevrez.15 PJ 145 2 Que tous ceux qui sont affligés ou injustement traités crient à Dieu. Détournez-vous de ceux dont le coeur est dur comme l'acier, et présentez vos requêtes à votre Créateur. Il ne repousse jamais celui qui vient à lui avec un coeur contrit. Aucune prière sincère n'est laissée sans réponse. Du milieu des antiennes des choeurs angéliques, le Seigneur entend les supplications du plus faible d'entre nous. Quand nous lui exposons les désirs de nos coeurs dans le silence de notre chambre, ou quand nous murmurons une prière tout en cheminant, nos paroles atteignent le trône du Souverain de l'univers. Il est possible qu'aucune oreille humaine ne les entende, mais elles ne peuvent se perdre dans le vide ni passer inaperçues dans le tumulte de nos occupations quotidiennes. Rien ne peut étouffer les soupirs de l'âme; ils s'élèvent au-dessus du vacarme de la rue et de la confusion des foules jusqu'aux célestes parvis. C'est à Dieu que nous parlons, et il entend notre prière. PJ 145 3 Si grand que soit le sentiment de votre indignité, n'hésitez pas à remettre votre cause entre les mains de Dieu. Quand il s'est donné lui-même en Christ pour le péché du monde, il s'est chargé de la rédemption de toute âme humaine. "Lui, qui n'a point épargné son propre Fils, mais qui l'a livré pour nous tous, comment ne nous donnera-t-il pas aussi toutes choses avec lui?"16 N'accomplira-t-il pas les promesses miséricordieuses qu'il nous a laissées pour nous encourager et nous fortifier? PJ 146 1 Le plus grand désir du Christ, c'est d'arracher son héritage à la domination de Satan. Mais il faut que la délivrance extérieure de la puissance du mal soit précédée d'une délivrance intérieure. Le Seigneur permet les épreuves, afin de nous purifier de la mondanité, de l'égoïsme, de la dureté, de tout trait de caractère qui n'est pas conforme à celui du Christ. Il permet que le torrent de l'affliction déferle sur nos âmes, afin que nous puissions le connaître, lui, le vrai Dieu, et Jésus-Christ qu'il a envoyé, afin que nous éprouvions le vif désir d'être débarrassés de toute souillure et que nous devenions plus purs, plus saints et plus heureux. Il nous arrive souvent d'entrer dans la fournaise de l'épreuve avec l'esprit obscurci par l'égoïsme; mais si, patiemment, nous la supportons, nous en sortirons en réfléchissant le caractère divin. Quand l'épreuve aura terminé son oeuvre, "il fera paraître [notre] justice comme la lumière, et [notre] droit comme le soleil à son midi".17 PJ 146 2 Il n'y a pas lieu de craindre que le Seigneur reste sourd aux prières de ses enfants; il faut plutôt redouter que ceux-ci, dans la tentation et l'épreuve, ne se laissent aller au découragement et ne manquent de persévérance dans la prière. PJ 146 3 Le Sauveur fit preuve d'une compassion divine à l'égard de la femme syro-phénicienne. Son coeur fut ému par sa détresse. Il désirait lui donner immédiatement l'assurance que sa requête était agréée, mais il voulait aussi donner une leçon à ses disciples. C'est pourquoi il parut, pendant un moment, rester insensible aux appels de cette âme affligée. Mais quand sa foi eut été manifestée aux yeux de tous, il lui adressa un éloge et lui accorda la faveur qu'elle avait sollicitée. Les disciples n'oublièrent jamais cette leçon, qui a été consignée dans le livre inspiré pour nous montrer la valeur d'une prière instante. PJ 147 1 C'est le Christ lui-même qui mit au coeur de cette mère une persévérance à tout épreuve; c'est lui qui donna à la pauvre veuve le courage et la détermination nécessaires pour affronter le juge. C'est aussi le Christ qui, des siècles auparavant, au cours de la lutte mystérieuse près du torrent de Jabbok, avait insufflé à Jacob la même assiduité dans sa foi. Aussi récompensa-t-il la confiance qu'il avait lui-même inspirée. PJ 147 2 Celui qui demeure dans le sanctuaire céleste exerce la justice avec équité. Il se plaît davantage en compagnie de ses enfants aux prises avec la tentation dans un monde de péché qu'en compagnie des armées angéliques entourant son trône. PJ 147 3 Le ciel tout entier porte le plus grand intérêt à notre minuscule planète, parce que le Christ a payé un prix infini pour le salut de ses habitants. Le Rédempteur a uni le ciel à la terre, demeure de ses rachetés, par le ministère de créatures intelligentes. Les êtres célestes nous visitent encore, comme au temps où ils marchaient et s'entretenaient avec Abraham et Moïse. Au milieu des activités fébriles de nos grandes cités, parmi la foule de nos quartiers industriels et commerçants, là où du matin au soir on se comporte comme si les affaires, le sport et les plaisirs devaient remplir la vie entière, là où ceux qui contemplent les réalités invisibles sont si peu nombreux, là même, le ciel a encore ses sentinelles et ses saints. Il s'y trouve des agents invisibles qui enregistrent toutes les paroles et les actions des hommes. Dans toute assemblée qui a pour objet les affaires ou les loisirs, dans toute congrégation réunie pour le culte, il y a plus d'auditeurs que les regards humains ne peuvent en discerner. Parfois, ces êtres célestes lèvent le voile qui cache le monde invisible pour que nous détournions nos pensées de notre vie fiévreuse et considérions que nos paroles et nos actes sont enregistrés par des témoins qui échappent à notre vue. PJ 148 1 Nous avons besoin de mieux comprendre la mission des anges. Souvenons-nous que, dans tout ce que nous faisons, nous jouissons de leur coopération et sommes les objets de leur sollicitude. Des armées invisibles, puissantes et lumineuses sont au service des doux et des humbles qui croient aux promesses divines et qui s'en réclament. Les chérubins, les séraphins et les anges qui excellent en force -- des myriades de myriades et des milliers de milliers -- se tiennent à la droite de l'Eternel. Tous sont "des esprits au service de Dieu, envoyés pour exercer un ministère en faveur de ceux qui doivent hériter du salut".18 PJ 148 2 Ces messagers établissent un rapport fidèle des paroles et des actions de chaque être humain. Tout acte de cruauté ou d'injustice envers le peuple du Seigneur, toutes les souffrances que lui font endurer des partisans du mal, tout est fidèlement inscrit sur les registres du ciel. PJ 148 3 "Dieu ne fera-t-il pas justice à ses élus, qui crient à lui jour et nuit, et tardera-t-il à leur égard? Je vous le dis, il leur fera promptement justice." PJ 148 4 "N'abandonnez donc pas votre assurance, à laquelle est attachée une grande rémunération. Car vous avez besoin de persévérance, afin qu'après avoir accompli la volonté de Dieu, vous obteniez ce qui vous est promis. Encore un peu, un peu de temps: celui qui doit venir viendra, et il ne tardera pas."19 "Soyez donc patients, frères, jusqu'à l'avènement du Seigneur. Voici, le laboureur attend le précieux fruit de la terre, prenant patience à son égard, jusqu'à ce qu'il ait reçu les pluies de la première et de l'arrière-saison. Vous aussi, soyez patients, affermissez vos coeurs, car l'avènement du Seigneur est proche.20 PJ 148 5 La patience de Dieu est merveilleuse. La justice attend longtemps pendant que la miséricorde plaide avec le pécheur. "La justice et l'équité sont la base de son trône."21 "L'Eternel est lent à la colère", mais "il est grand par sa force; il ne laisse pas impuni. L'Eternel marche dans la tempête, dans le tourbillon; les nuées sont la poussière de ses pieds."22 PJ 149 1 Le monde s'est enhardi dans la transgression de la loi de Dieu. Parce que le Seigneur use de patience, certains ont foulé aux pieds son autorité. Ils se sont fortifiés les uns les autres dans la cruauté et dans l'oppression contre son héritage, en disant: "Comment Dieu saurait-il, comment le Très-Haut connaîtrait-il?"23 Mais il y a une limite qu'ils ne peuvent franchir. Le temps est proche où ils l'auront atteinte. Maintenant déjà, ils ont presque dépassé les bornes de la longanimité, de la grâce et de la miséricorde divines. Le Seigneur viendra venger son honneur bafoué, délivrer son peuple, et arrêter ces flots d'impiété. PJ 149 2 Aux jours de Noé, les hommes s'étaient à tel point détournés de la loi divine que le souvenir du Créateur avait presque disparu de la terre. Leur iniquité était si considérable que Dieu dut les détruire par le déluge. PJ 149 3 D'une génération à l'autre, il fit connaître ses voies. En temps de crise, il se révélait lui-même et intervenait pour déjouer les plans de Satan. Il permit souvent qu'on en arrive à un point critique au niveau des nations, des familles ou des individus, afin que son intervention soit manifeste. Il montrait alors qu'il y avait en Israël un Dieu qui maintenait sa loi et défendait les droits de son peuple. PJ 149 4 Aujourd'hui, tandis que l'iniquité abonde de toutes parts, on peut être certain que la grande crise finale est imminente. Quand le mépris de sa loi sera devenu presque universel et que ses enfants seront opprimés et affligés par leurs compagnons, le Seigneur interviendra. PJ 149 5 Le temps n'est pas éloigné où il dira: "Va, mon peuple, entre dans ta chambre, et ferme la porte derrière toi; cachetoi pour quelques instants, jusqu'à ce que la colère soit passée. Car voici, l'Eternel sort de sa demeure, pour punir les crimes des habitants de la terre; et la terre mettra le sang à nu, elle ne couvrira plus les meurtres."24 Des hommes qui se disent chrétiens peuvent tromper et opprimer le pauvre, dépouiller la veuve et l'orphelin, donner libre cours à leur rage satanique parce qu'ils ne parviennent pas à dominer sur la conscience des enfants de Dieu; mais pour toutes ces choses, le Seigneur les fera venir en jugement. Ce jugement sera "sans miséricorde" pour ceux qui n'ont "pas fait miséricorde."25 Bientôt, ils devront comparaître devant le juge de toute la terre pour rendre compte des souffrances physiques et morales qu'ils ont infligées à son peuple. Aujourd'hui, ils peuvent se livrer à de fausses accusations, ridiculiser ceux qui ont reçu la mission d'accomplir l'oeuvre de Dieu, faire emprisonner les croyants, les condamner aux travaux forcés, à la déportation et à la mort; mais ils devront répondre de toutes les angoisses, de toutes les larmes dont ils auront été la cause. Ils recevront le double de tous leurs péchés. En parlant de Babylone, figure de l'Eglise apostate, le Seigneur dit à ceux qui exécutent ses jugements: "Ses péchés se sont accumulés jusqu'au ciel, et Dieu s'est souvenu de ses iniquités. Payez-la comme elle a payé, rendez-lui au double selon ses oeuvres. Dans la coupe où elle a versé, versez-lui au double.26 PJ 150 1 De l'Inde, de l'Afrique, de la Chine, des îles et des pays prétendus chrétiens avec leurs millions d'opprimés, le cri des misères humaines monte jusqu'à Dieu. Ce cri ne tardera pas à recevoir une réponse. L'Eternel purifiera la terre de la corruption morale, non par un déluge d'eau comme au temps de Noé, mais par un déluge de feu que personne ne pourra éteindre. PJ 150 2 "Ce sera une époque de détresse, telle qu'il n'y en a point eu depuis que les nations existent jusqu'à cette époque. En ce temps-là, ceux de ton peuple qui seront trouvés inscrits dans le livre seront sauvés."27 PJ 150 3 Le Christ rassemblera les siens. Il les fera sortir des mansardes, des masures, des prisons, des montagnes, des déserts, des antres de la terre et des profondeurs de la mer. Sur la terre, ils ont été dénués de tout, affligés et tourmentés. Des millions sont descendus dans la tombe, couverts d'infamie, parce qu'ils avaient résisté aux séductions de Satan. Ils ont été condamnés par les tribunaux comme les plus vils des criminels. Mais l'heure approche où l'on verra que "c'est Dieu qui est juge."28 Alors les sentences de la terre seront révoquées. "Il fait disparaître de toute la terre l'opprobre de son peuple." Chaque enfant de Dieu sera revêtu d'un vêtement blanc. "On les appellera peuple saint, rachetés de l'Eternel.29 PJ 151 1 Quels que soient les fardeaux qu'ils aient dû porter, les dommages qu'ils aient dû subir, les persécutions qui leur aient été infligées, allant même jusqu'au martyre, les enfants de Dieu seront amplement récompensés. Ils "le serviront et verront sa face, et son nom sera sur leurs fronts".30 ------------------------Chapitre 15 -- Cet homme accueille des gens de mauvaise vie PJ 155 1 Lorsque "les publicains et les gens de mauvaise vie" se groupaient autour du Christ, les rabbins manifestaient leur réprobation en disant: "Cet homme accueille des gens de mauvaise vie, et mange avec eux."1 PJ 155 2 Ils insinuaient ainsi que le Christ se plaisait au milieu des pécheurs et des pervers et que leur iniquité le laissait indifférent. Jésus décevait les rabbins. Pourquoi cet homme qui avait de si hautes prétentions ne recherchait-il pas leur société et ne suivait-il pas leur mode d'enseignement? Pourquoi était-il si simple et travaillait-il parmi toutes les classes de la société? S'il était véritablement prophète, disaient-ils, il serait en accord avec eux et il traiterait les publicains et les pécheurs avec l'indifférence qu'ils méritent. Ces gardiens de la société étaient irrités de voir celui avec lequel ils contestaient sans cesse et dont la pureté les condamnait, montrer tant de sympathie pour ces parias. Ils désapprouvaient ses méthodes, parce qu'ils se croyaient instruits, distingués et éminemment religieux; mais l'exemple du Christ dévoilait leurs sentiments égoïstes. PJ 155 3 Ils s'exaspéraient aussi en voyant ceux qui méprisaient les rabbins et qui ne se rendaient jamais à la synagogue se presser autour de Jésus et écouter ses paroles avec ravissement. Puisque les scribes et les pharisiens se sentaient condamnés en présence d'un être aussi pur, comment les publicains et les gens de mauvaise vie pouvaient-ils être attirés par lui? PJ 156 1 Ils ne se doutaient pas que la réponse à cette question se trouvait dans les paroles accusatrices et dédaigneuses qu'ils avaient prononcées: "Cet homme accueille des gens de mauvaise vie." Ceux qui venaient à Jésus découvraient auprès de lui l'espoir d'être eux aussi retirés de l'abîme du péché. Alors que les pharisiens les méprisaient et les condamnaient, le Christ accueillait ces pécheurs comme des enfants de Dieu, égarés loin de la maison paternelle, mais présents dans le coeur du Père. Leur misère le poussait à les aimer encore davantage. Plus ils étaient éloignés de lui, plus il désirait les ramener à la bergerie, et plus grand était le sacrifice auquel il consentait en leur faveur. PJ 156 2 Les docteurs de la loi auraient pu apprendre tout cela dans les rouleaux sacrés dont ils se glorifiaient d'être les gardiens et les interprètes. David, qui avait commis une grande faute, n'avait-il pas écrit lui-même: "Je suis errant comme une brebis perdue: cherche ton serviteur"?2 Michée n'avait-il pas révélé l'amour de Dieu pour le pécheur quand il écrivait: "Quel Dieu est semblable à toi, qui pardonnes l'iniquité, qui oublies les péchés du reste de ton héritage? Il ne garde pas sa colère à toujours, car il prend plaisir à la miséricorde.3 La brebis perdue PJ 156 3 Le Christ ne rappelle pas maintenant à ses auditeurs les paroles de l'Ecriture, mais il a recours au témoignage de leur expérience. Les grands plateaux qui s'étendaient à l'est du Jourdain fournissaient de riches pâturages pour les troupeaux, et de nombreuses brebis égarées avaient erré dans leurs gorges et sur leurs collines boisées. Grâce à la sollicitude des bergers, elles avaient été retrouvées et ramenées à la bergerie. Parmi les auditeurs de Jésus, il y avait non seulement des bergers mais aussi des hommes qui avaient investi de l'argent dans des troupeaux, de sorte que tous pouvaient comprendre sa comparaison: "Quel homme d'entre vous, s'il a cent brebis, et qu'il en perde une, ne laisse les quatre-vingt-dix-neuf autres dans le désert pour aller après celle qui est perdue, jusqu'à ce qu'il la trouve?"4 PJ 157 1 Ces âmes que vous méprisez, déclare Jésus, sont la propriété de Dieu. Elles lui appartiennent par droit de création et de rédemption, et elles ont une grande valeur à ses yeux. De même que le berger aime ses brebis et ne prend aucun repos tant qu'il lui en manque une, de même aussi, à un degré infiniment supérieur, le Seigneur aime toute âme réprouvée. On peut méconnaître son amour, s'éloigner de lui et choisir un autre maître, cependant on n'en reste pas moins la propriété de Dieu, et il désire retrouver ce qu'il a perdu. "Comme un pasteur inspecte son troupeau quand il est au milieu de ses brebis éparses, ainsi je ferai la revue de mes brebis, et je les recueillerai de tous les lieux où elles ont été dispersées au jour des nuages et de l'obscurité",5 déclare-t-il. PJ 157 2 Dans la parabole, le berger part à la recherche d'une seule brebis, le plus petit nombre que l'on puisse énoncer; cela prouve que s'il n'y avait eu sur la terre qu'une seule âme à sauver, Jésus serait mort pour elle. PJ 157 3 La brebis qui s'est égarée est la plus malheureuse de toutes les créatures. Le berger doit partir à sa recherche, car elle ne saurait rentrer toute seule à la bergerie. Il en est ainsi de celui qui s'est éloigné de Dieu; il est aussi misérable que la brebis perdue, car sans le secours de l'amour divin, jamais il ne pourrait revenir à Dieu. PJ 157 4 Le berger qui découvre l'absence d'une brebis ne se contente pas de regarder nonchalamment son troupeau en disant: "Après tout, il m'en reste encore quatre-vingt-dix-neuf, et ce serait trop pénible d'aller à la recherche de celle qui manque à l'appel. Qu'elle revienne, et je lui ouvrirai la porte du bercail." Non, dès qu'il s'aperçoit qu'il manque une brebis, il est saisi d'angoisse et de tristesse; il se met à compter et à recompter son troupeau. Quand il est sûr de sa disparition, au lieu de s'endormir, il laisse les quatre-vingt-dix-neuf bêtes dans la bergerie pour aller à la recherche de celle qui s'est égarée. Plus la nuit est sombre et orageuse et plus les sentiers sont dangereux, plus grande est la sollicitude du berger et plus actives sont ses recherches. Il fait l'impossible jusqu'à ce qu'il ait trouvé sa brebis égarée. PJ 158 1 Quel soulagement n'éprouve-t-il pas quand il entend au loin son bêlement plaintif! Guidé par le son, il gravit les pentes les plus escarpées; il va jusqu'au bord du précipice, au péril de sa vie. Il continue ses recherches tandis que les cris de plus en plus faibles de la brebis lui font comprendre qu'elle va mourir. Enfin, ses efforts sont couronnés de succès. La brebis perdue est retrouvée. Il ne lui reproche pas de lui avoir causé tant de soucis et de fatigue. Il ne la chasse pas devant lui avec un fouet. Il n'a même pas l'idée de la conduire à la bergerie; mais, dans sa joie, il la charge toute tremblante sur ses épaules. Si elle est meurtrie et blessée, il la prend dans ses bras, la presse et la réchauffe sur son coeur pour lui redonner la vie, et, heureux que ses peines n'aient pas été vaines, il la ramène au bercail. PJ 158 2 Remercions Dieu de ne pas nous avoir présenté ici le tableau douloureux d'un berger rejoignant son troupeau sans sa brebis. La parabole ne nous parle pas d'un échec, mais d'un succès et de la joie qu'en éprouve le berger. Par cet exemple, le Seigneur nous donne l'assurance qu'aucune brebis égarée ne sera abandonnée à son triste sort, et qu'il retirera du précipice de la corruption et des ronces du péché quiconque désire être sauvé. PJ 158 3 Quelle que soit la gravité de ta faute, reprends courage, toi qui es abattu. Ne pense pas que peut-être Dieu pardonnera tes transgressions et te permettra de venir en sa présence. C'est lui qui a fait les premiers pas. Alors que tu étais révolté contre lui, il t'a cherché; le coeur attendri comme un berger, il a laissé les quatre-vingt-dix-neuf brebis en sécurité et s'est enfoncé dans le désert à la recherche de celle qui était perdue. Avec amour, il serre dans ses bras l'âme meurtrie, blessée, sur le point de mourir, et c'est avec joie qu'il la rapporte au bercail où elle sera en sûreté. PJ 159 1 Les Juifs enseignaient que Dieu ne manifestait son amour au pécheur que lorsque celui-ci se repentait de ses fautes. A leurs yeux, la repentance était une oeuvre par laquelle on gagnait la faveur du ciel. C'est précisément cette pensée qui poussa les pharisiens étonnés et irrités à s'écrier: "Cet homme accueille des gens de mauvaise vie." Selon eux, le Christ n'aurait dû se laisser approcher que de ceux qui s'étaient repentis. Or, dans la parabole de la brebis perdue, le Sauveur nous enseigne que nous ne sommes pas sauvés parce que nous avons cherché Dieu, mais parce que Dieu nous a cherchés. "Nul n'est intelligent, nul ne cherche Dieu; tous sont égarés, tous sont pervertis."6 Nous ne nous repentons pas pour que Dieu nous aime, mais il nous révèle son amour pour que nous puissions nous repentir. PJ 159 2 Quand la brebis égarée est enfin rentrée au bercail, le berger exprime sa reconnaissance par des chants de joie. Il invite ses voisins et ses amis en leur disant: "Réjouissez-vous avec moi, car j'ai trouvé ma brebis qui était perdue."7 De même aussi, quand une âme est ramenée au bercail par le grand pasteur des brebis, le ciel et la terre s'unissent dans un concert d'actions de grâces et de louanges. PJ 159 3 "Il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent, que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n'ont pas besoin de repentance."8 Vous, pharisiens, dit le Christ, vous vous considérez comme les favoris du ciel, vous vous croyez en sécurité à l'abri de votre propre justice. Sachez donc que si vous n'avez pas besoin de repentance, ma mission ne vous concerne pas. Les âmes qui ont le sentiment de leur pauvreté et de leur péché, voilà celles que je suis venu secourir. Les anges du ciel s'intéressent à ces êtres perdus que vous méprisez. Vous vous plaignez et vous vous moquez lorsqu'une de ces âmes vient à moi, mais sachez que les anges du ciel s'en réjouissent et que des chants de triomphe se font entendre dans les cours célestes. PJ 160 1 Les rabbins prétendaient que le ciel était dans la joie quand un pécheur était anéanti. Mais Jésus enseignait que l'oeuvre de la destruction est étrangère aux desseins de Dieu. Ce qui réjouit le ciel tout entier, c'est la restauration de l'image de Dieu dans ses créatures. PJ 160 2 Quand une personne qui s'est plongée dans le péché cherche à revenir à Dieu, elle rencontre la critique et la méfiance. Certains mettent en doute la sincérité de sa repentance ou chuchotent: "Il n'est pas stable, il ne persévérera pas." Ces gens-là ne font pas l'oeuvre de Dieu mais celle de Satan, l'accusateur des frères. Par leurs critiques, le malin espère décourager cette âme et l'éloigner encore davantage du Seigneur. Que le pécheur repentant contemple les réjouissances célestes qui éclatent lors du retour d'une âme perdue. Qu'il se repose sur l'amour divin et qu'il ne se laisse jamais abattre par le mépris et la suspicion des pharisiens. PJ 160 3 Les rabbins comprirent que la parabole s'appliquait aux publicains et aux pécheurs; mais elle a également une signification plus large. La brebis perdue ne représente pas seulement le pécheur en tant qu'individu, mais aussi le monde apostat, ruiné par le péché. La terre n'est qu'un atome dans le vaste univers sur lequel Dieu règne. Cependant, cette petite planète rebelle, brebis égarée, est plus précieuse à ses yeux que les quatre-vingt-dix-neuf qui ne se sont jamais éloignées de sa bergerie. Le Christ, chef adoré des armées célestes, abandonna sa haute position et la gloire dont il jouissait auprès du Père pour sauver l'humanité perdue. Pour cela, il quitta les mondes qui n'avaient pas péché, les quatre-vingt-dix-neuf brebis qui l'aimaient, et il descendit ici-bas pour être "blessé pour nos péchés, brisé pour nos iniquités".9 Dieu s'est donné lui-même dans la personne de son Fils, afin d'avoir la joie d'accueillir à nouveau la brebis égarée. PJ 161 1 "Voyez quel amour le Père nous a témoigné, pour que nous soyons appelés enfants de Dieu!" "Comme tu m'as envoyé dans le monde, dit Jésus, je les ai aussi envoyés dans le monde" -- afin de "compléter ce qui manque encore aux souffrances du Christ pour son corps, qui est l'Eglise".10 Toute âme que le Christ a sauvée est appelée à travailler en son nom au salut de ceux qui se perdent. Cette tâche avait été négligée en Israël; mais n'est-elle pas aussi délaissée aujourd'hui par ceux qui se déclarent disciples de Jésus-Christ? PJ 161 2 Combien d'égarés, lecteur, as-tu cherchés et ramenés au bercail? En t'écartant de ceux que tu juges peu intéressants, te rends-tu compte que tu négliges des âmes que le Seigneur recherche? C'est peut-être au moment où elles ont le plus grand besoin de ta compassion que tu te détournes d'elles. Dans toutes les églises, il y a des personnes qui aspirent au repos et à la paix. Elles peuvent paraître indifférentes, mais elles ne sont pas insensibles à l'influence du Saint-Esprit, et bon nombre d'entre elles pourraient être gagnées au Sauveur. PJ 161 3 Si la brebis perdue n'est pas ramenée au bercail, elle erre jusqu'à ce qu'elle périsse. Beaucoup vont à la ruine parce que personne ne leur a tendu une main secourable pour les sauver. Ces égarés peuvent paraître endurcis, mais s'ils avaient reçu les mêmes avantages que d'autres, ils auraient peut-être révélé plus de grandeur d'âme et plus de talents qu'eux. Les anges, émus de compassion pour ces pécheurs, pleurent alors que les yeux des hommes restent secs et que leurs coeurs sont fermés à la pitié. PJ 161 4 Oh! qu'elle est rare, la sympathie profonde et communicative pour ceux qui sont tentés et qui se perdent! Oh! combien il importe que l'Esprit du Christ occupe en nous une plus grande place et que le moi disparaisse! PJ 161 5 Les pharisiens se virent censurés par la parabole de la brebis perdue. Au lieu de s'attarder aux critiques qu'ils faisaient sur sa mission, Jésus avait condamné le mépris et l'abandon dans lesquels ils laissaient les publicains et les pécheurs. Il ne l'avait pas fait ouvertement, de peur de fermer leurs coeurs à la vérité. La parabole leur montrait toutefois ce que Dieu attendait d'eux et ce qu'ils avaient négligé. S'ils avaient été de vrais bergers, ces conducteurs en Israël auraient fait l'oeuvre des bergers. Ils auraient manifesté la miséricorde et l'amour du Christ, et se seraient unis à lui dans sa mission. Leur refus de le faire révélait le caractère hypocrite de leur piété. Plusieurs repoussèrent les reproches du Christ. Il y en eut cependant qui furent convaincus par ses paroles. Après l'ascension du Sauveur, ces derniers reçurent le Saint-Esprit et se joignirent aux disciples pour accomplir l'oeuvre évoquée dans la parabole de la brebis perdue. La drachme perdue PJ 162 1 Après la parabole de la brebis perdue, Jésus proposa la suivante: "Quelle femme, si elle a dix drachmes, et qu'elle en perde une, n'allume une lampe, ne balaie la maison, et ne cherche avec soin, jusqu'à ce qu'elle la trouve?"11 PJ 162 2 En Orient, la demeure du pauvre ne comprenait en général qu'une seule pièce, le plus souvent sombre et sans fenêtres. Elle était rarement nettoyée, et si une pièce de monnaie tombait à terre, elle était aussitôt recouverte de poussière et de détritus. Pour la retrouver, même en plein jour, il fallait allumer une lampe et balayer la maison avec soin. PJ 162 3 La dot des femmes consistait d'ordinaire en pièces d'argent qu'elles conservaient jalousement comme leur plus précieux trésor pour les transmettre à leurs filles. C'est pourquoi la perte de l'une de ces pièces était considérée comme un grand malheur. La retrouver était une occasion de réjouissances auxquelles les voisines s'associaient volontiers. PJ 162 4 "Lorsqu'elle l'a trouvée, dit le Christ, elle appelle ses amies et ses voisines, et dit: Réjouissez-vous avec moi, car j'ai trouvé la drachme que j'avais perdue. De même, je vous le dis, il y a de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se repent."12 PJ 163 1 Comme la précédente, cette parabole nous parle d'un objet perdu que l'on recherche avec soin, et du plaisir qu'on éprouve à le retrouver. Toutefois, ces deux paraboles représentent des catégories de personnes différentes. La brebis perdue a conscience de sa situation. Elle sait qu'elle s'est éloignée du berger et du troupeau et qu'il lui est impossible de retrouver son chemin. Elle est l'image de ceux qui reconnaissent s'être éloignés de Dieu et se trouvent dans la perplexité, humiliés et fortement tentés. La drachme perdue représente ceux qui vivent inconsciemment dans le péché. Ils se sont égarés loin de Dieu et ne le savent pas. Ils courent un danger mortel et ne s'en inquiètent nullement. Dans cette parabole, le Christ nous apprend que les indifférents sont aussi l'objet de son amour et de sa compassion. Il faut les rechercher pour les ramener à Dieu. PJ 163 2 La brebis s'était égarée loin de la bergerie, dans le désert ou dans la montagne. PJ 163 3 La drachme était perdue dans la maison, elle était là tout près, mais il fallait la chercher avec beaucoup de soin. PJ 163 4 Cette parabole renferme une leçon pour la famille. On manifeste souvent une grande indifférence pour le salut des membres de son foyer. L'un d'entre eux vit peut-être loin du Seigneur. Mais comme on s'afflige peu de la ruine de l'une de ces âmes qui ont été confiées aux parents! PJ 163 5 Bien que perdue dans la poussière, la drachme n'en reste pas moins une pièce d'argent, et c'est précisément à cause de sa valeur que la femme la cherche. Il en est de même de toute âme: si dégradée qu'elle soit, elle demeure précieuse aux yeux de Dieu. La pièce de monnaie porte l'effigie et les titres du souverain régnant; ainsi l'homme, à la création, portait le sceau et l'image de son Créateur; et quoique cette dernière soit maintenant souillée et altérée par le péché, elle a laissé son empreinte sur toute âme. Dieu désire sauver ceux qui s'égarent et réimprimer en eux l'image de sa justice et de sa sainteté. PJ 164 1 La femme de la parabole cherche sa drachme avec zèle: elle allume la lampe et balaie la maison. Elle déplace tout ce qui pourrait entraver ses recherches. Et bien qu'elle n'ait perdu qu'une pièce, elle ne les interrompra pas avant de l'avoir retrouvée. Il doit en être de même dans la famille. Si l'un des membres se perd, il ne faut rien négliger pour le ramener au Seigneur. Que tous les autres fassent un sérieux retour sur eux-mêmes et passent soigneusement en revue toutes leurs attitudes. Qu'ils se demandent s'il n'y a pas quelque faute, quelque erreur dans la manière de diriger la famille qui contribue à maintenir cette âme dans l'impénitence. PJ 164 2 S'il y a dans la famille un enfant qui soit inconscient de son état de péché, les parents ne doivent pas s'en désintéresser. Allumez la lampe, sondez la parole de Dieu. Que toute la vie du foyer soit observée à sa lumière, afin de comprendre pourquoi cet enfant s'est éloigné du Sauveur. Que les parents analysent leurs sentiments, qu'ils examinent leurs habitudes, leur conduite. Les enfants constituent l'héritage du Seigneur, et nous devrons lui rendre compte de la manière dont nous aurons géré son bien. PJ 164 3 Certains couples désireraient travailler dans quelque mission étrangère, et beaucoup se dépensent pour des oeuvres chrétiennes alors que leurs propres enfants ignorent l'amour du Sauveur. Trop de parents pensent qu'il appartient aux ministres du culte ou aux instructeurs religieux de les amener à la connaissance du Christ; ils se déchargent ainsi d'une responsabilité que Dieu leur a confiée personnellement. Apprendre à suivre Jésus est la meilleure forme de collaboration que Dieu propose aux parents. Cette tâche demande de la persévérance et les efforts incessants de toute une vie. La négliger revient à montrer que nous sommes des économes infidèles. Cette insouciance est sans excuse aux yeux du Seigneur. PJ 165 1 Mais ceux qui s'en sentent coupables ne doivent pas désespérer. Qu'ils songent un instant à la femme qui cherche sa drachme jusqu'à ce qu'elle l'ait trouvée. A son exemple, avec amour, foi et prière, les parents doivent travailler en faveur des leurs jusqu'à ce qu'ils puissent se présenter avec joie devant Dieu, en disant: "Voici, moi et les enfants que l'Eternel m'a donnés..."13 PJ 165 2 Telle est la véritable activité missionnaire au foyer, utile aussi bien à ceux qui s'y livrent qu'à ceux pour qui elle se déploie. Par notre fidélité dans le cercle de famille, nous nous préparons à travailler en faveur des membres de la famille de Dieu avec lesquels nous sommes appelés à vivre pendant l'éternité. Nous devons manifester à l'égard de nos frères et soeurs en Christ le même intérêt que nous portons aux membres de notre famille. PJ 165 3 Dieu veut que nous soyons ainsi qualifiés pour travailler en faveur d'autres personnes encore. A mesure que nos sympathies s'élargiront et que notre amour augmentera, nous verrons s'étendre notre sphère d'activité. La grande famille humaine dont Dieu est le Père embrasse la terre entière et il ne faut négliger aucun de ses membres. PJ 165 4 Où que nous soyons, la drachme perdue attend que nous la cherchions. Le ferons-nous? Nous rencontrons constamment des personnes insensibles aux préoccupations religieuses. Nous parlons avec elles et leur rendons visite. Nous intéressons-nous à leur salut? Leur présentons-nous le Christ comme le Sauveur qui pardonne les péchés? Le coeur réchauffé par l'amour de Jésus, les entretenons-nous de cet amour? Sinon, comment pourrons-nous rencontrer ces âmes perdues pour l'éternité, lorsque nous devrons nous présenter avec elles devant le trône de Dieu? PJ 165 5 Qui dira la valeur d'une âme? Si vous désirez la connaître, allez à Gethsémané, et là, veillez avec Jésus pendant ces heures d'angoisse, où sa sueur devint comme des grumeaux de sang. Contemplez le Sauveur sur la croix, entendez son cri de détresse: "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné?"14 Considérez son front meurtri, son côté et ses pieds percés. Souvenez-vous que le Christ a tout risqué. Pour notre rédemption, le ciel même fut mis en péril. Au pied de la croix, vous souvenant que pour un seul pécheur Jésus aurait donné sa vie, vous saisirez la valeur d'une âme. PJ 166 1 Si vous êtes en communion avec le Christ, vous attribuerez à toute âme humaine le prix qu'il y attache. Vous éprouverez pour les autres le même amour profond qu'il a eu pour vous. Alors vous pourrez attirer et non repousser, gagner et non chasser ceux pour lesquels il est mort. Nul n'aurait été ramené à Dieu sans les efforts personnels du Christ; et c'est par un travail personnel qu'il nous est possible de contribuer au salut des âmes. Quand vous en verrez qui vont à la mort, vous ne pourrez conserver une paisible indifférence et jouir de vos aises. Plus grand est leur péché, plus profonde est leur misère, plus déterminés et plus affectueux doivent être vos efforts en vue d'assurer leur salut. Vous discernerez les besoins de ceux qui souffrent, qui ont péché contre Dieu et qui gémissent sous le poids de leur culpabilité. Votre coeur sympathisera avec eux et vous leur tendrez une main secourable. Avec foi et amour, vous les conduirez auprès de Jésus. Vous veillerez sur eux et vous les encouragerez. Votre sympathie et votre confiance les fortifieront contre les rechutes. PJ 166 2 Tous les anges sont prêts à collaborer à cette oeuvre. Toutes les ressources d'en haut sont mises à la disposition de ceux qui s'efforcent de sauver les égarés. Les agents célestes vous aideront à toucher les plus indifférents et les plus endurcis. Quand l'un d'entre eux revient à Dieu, le ciel entier est dans la joie; les séraphins et les chérubins font vibrer leurs harpes d'or; ils chantent les louanges de Dieu et de l'Agneau pour leur miséricorde et leur bienveillance à l'égard des enfants des hommes. ------------------------Chapitre 16 -- Perdu et retrouvé PJ 167 1 Les paraboles de la brebis perdue, de la drachme et de l'enfant prodigue mettent en évidence l'amour compatissant de Dieu pour ceux qui se perdent. Même s'ils se sont détournés de lui, il ne les abandonne pas à leur misère, mais il est plein de tendresse et de pitié pour ceux qui sont exposés aux ruses de l'ennemi. PJ 167 2 Dans la parabole de l'enfant prodigue, nous avons une illustration de la manière dont Dieu agit à l'égard de ceux qui, après avoir connu son amour, ont cédé aux suggestions du tentateur. PJ 167 3 "Un homme avait deux fils. Le plus jeune dit à son père: Mon père, donne-moi la part de bien qui doit me revenir. Et le père leur partagea son bien. Peu de jours après, le plus jeune fils, ayant tout ramassé, partit pour un pays éloigné."1 PJ 167 4 Ce fils cadet s'est lassé des règles de la maison paternelle. Il estime qu'elles portent atteinte à sa liberté. Méconnaissant l'amour et la sollicitude de son père, il décide de ne suivre que ses inclinations. PJ 167 5 Le jeune homme ne se reconnaît aucune obligation à son égard et ne lui exprime aucune gratitude. Toutefois, se réclamant de ses droits filiaux, il demande sa part du patrimoine. Il veut recevoir immédiatement les biens qui, en fait, ne doivent lui revenir qu'à la mort de son père. Il désire les jouissances présentes, et l'avenir lui importe peu. PJ 168 1 Ayant obtenu son héritage, il part "pour un pays éloigné", loin de la maison paternelle. Maintenant qu'il a de l'argent à profusion et la liberté de faire ce qui lui plaît, il se flatte de pouvoir satisfaire les inclinations de son coeur. Personne ne pourra plus lui dire: "Ne fais pas ceci, car cela te serait nuisible", ou: "Fais cela, parce que c'est bien." De mauvais compagnons l'entraînent toujours plus profondément dans le péché, et il gaspille son bien "en vivant dans la débauche".2 PJ 168 2 La Bible nous parle d'hommes qui "se vantant d'êtres sages ... sont devenus fous".3 C'est l'histoire du jeune homme de notre parabole. Il dissipe, avec des prostituées, les richesses qu'il a égoïstement réclamées à son père. Il dilapide le trésor de sa jeunesse. Les plus belles années de son existence, la force de son intelligence, les brillantes perspectives de son jeune âge, ses aspirations spirituelles, tout est consumé dans le feu de la convoitise. PJ 168 3 Mais une grande famine survient, et il commence à se trouver dans le besoin; il se met au service d'un propriétaire du pays, qui l'envoie paître les pourceaux. Or, pour un Juif, c'était l'emploi le plus vil et le plus dégradant. Le jeune homme qui s'est vanté de sa liberté se trouve maintenant réduit à l'esclavage. Il est dans la pire des servitudes -- "saisi par les liens de son péché".4 Le fascinant mirage qui l'a séduit s'est évanoui, et il sent maintenant le poids de sa chaîne. Assis sur le sol, dans cette contrée frappée par la famine, sans autre compagnie que celle des pourceaux, il voudrait bien pouvoir se rassasier des caroubes que l'on donne à ces bêtes. De tous les joyeux compagnons qui l'entouraient aux jours de sa prospérité pour boire et manger à ses dépens, il n'en reste pas un seul pour sympathiser avec lui. Où est maintenant sa joie tapageuse? Faisant taire sa conscience, engourdissant sa sensibilité, il se croyait heureux. Mais aujourd'hui que tous ses biens ont été gaspillés, il souffre de la faim, son orgueil est blessé, ses facultés morales sont amoindries et sa volonté est si affaiblie qu'il ne peut plus compter sur elle. Tout sentiment élevé semble avoir tari en lui. Il est la plus pitoyable des épaves humaines. PJ 169 1 Quel tableau de la condition du pécheur! Décidé à suivre ses caprices et à s'adonner à des plaisirs coupables, celui-ci, malgré les bienfaits que Dieu lui prodigue dans son amour, désire par-dessus tout être séparé de lui. Pareil à ce fils ingrat, il se réclame des bénédictions divines comme de la part d'héritage qui lui revient de droit. Il les prend le plus naturellement du monde, sans songer qu'il doit de la reconnaissance et de l'amour à son Père céleste. Comme Caïn, fuyant la présence de l'Eternel pour aller fonder un foyer, comme l'enfant prodigue partant "pour un pays éloigné", le pécheur cherche le bonheur dans l'oubli de Dieu. PJ 169 2 Quelles que soient les apparences, toute vie égocentrique est perdue. Quiconque veut vivre loin de Dieu dissipe ses biens, gaspille ses plus précieuses années, les facultés de son esprit, de son coeur et de son âme, et court à une ruine éternelle. Celui qui se sépare de Dieu dans un esprit d'indépendance est esclave de Mammon. L'intelligence que Dieu a créée en vue de la compagnie des anges se dégrade au service de ce qui est terrestre et bestial. Telle est la fin de tout culte du moi. PJ 169 3 Si vous avez choisi une telle vie, sachez que vous dépensez votre argent pour ce qui ne nourrit pas, et que vous travaillez pour ce qui n'apporte pas la plénitude. Il arrivera un moment où vous vous rendrez compte de votre dégradation. Seul, dans une contrée lointaine, vous sentirez votre misère et, désespéré, vous vous écrierez: "Misérable que je suis! Qui me délivrera du corps de cette mort?"5 Le prophète exprime une vérité universelle quand il dit: "Maudit soit l'homme qui se confie dans l'homme, qui prend la chair pour son appui, et qui détourne son coeur de l'Eternel! Il est comme un misérable dans le désert, et il ne voit point arriver le bonheur; il habite les lieux brûlés du désert, une terre salée et sans habitants."6 Dieu "fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes7 mais les hommes ont la faculté de refuser la pluie et le soleil. Bien que le Soleil de justice brille pour tous et que les ondées de la grâce tombent en abondance sur tous, nous pouvons néanmoins, en nous séparant du Seigneur, habiter "les lieux brûlés du désert". PJ 170 1 Le Dieu d'amour éprouve encore de la tendresse pour celui qui s'est délibérément éloigné de lui, et il fait tout pour le ramener dans la maison paternelle. Dans sa grande misère, le fils prodigue est "rentré en lui-même."8 Le charme que Satan avait jeté sur lui a disparu et il comprend maintenant que ses souffrances sont le résultat de sa folie. Il se dit: "Combien de mercenaires chez mon père ont du pain en abondance, et moi, ici, je meurs de faim! Je me lèverai, j'irai vers mon père.9 Dans l'état pitoyable où il se trouve, le fils prodigue croit encore à l'amour paternel. Cet amour l'attire. C'est aussi l'assurance de l'amour de Dieu qui contraint le pécheur à revenir à lui. "La bonté de Dieu te pousse à la repentance.10 La miséricorde et la compassion divines, semblables à une chaîne d'or, entourent toute âme qui se trouve en danger. Le Seigneur déclare: "Je t'aime d'un amour éternel; c'est pourquoi je te conserve ma bonté.11 PJ 170 2 Le jeune homme prend la résolution de confesser son péché: "J'irai vers mon père, et je lui dirai: Mon père, j'ai péché contre le ciel et contre toi, je ne suis plus digne d'être appelé ton fils." Mais il ajoute -- ce qui montre combien peu il a compris l'amour de son père: "Traite-moi comme l'un de tes mercenaires."12 PJ 170 3 Le jeune homme abandonne pourceaux et caroubes et se met en route pour la maison paternelle. Tremblant de faiblesse, mourant de faim, il avance néanmoins avec ardeur. Il n'a rien pour cacher ses haillons; mais la misère a eu raison de l'orgueil, et il se hâte pour aller solliciter une place de serviteur là où il était autrefois l'enfant chéri. PJ 171 1 Le jour où il quitta la maison paternelle, le jeune homme, insouciant et joyeux, ne se doutait guère, en en franchissant le seuil, de la douleur qui étreignait le coeur de son père. Tandis qu'il dansait et festoyait avec ses compagnons de débauche, il n'était pas sensible au chagrin qu'il avait provoqué chez les siens. Et maintenant que d'un pas lassé il se dirige vers la demeure paternelle, il ignore que quelqu'un guette son retour. "Comme il était encore loin",13 son père reconnut sa silhouette, malgré les dégradations de plusieurs années de péché, car l'amour a bonne vue. "Emu de compassion, il courut se jeter à son cou", et l'embrassa avec tendresse en l'étreignant longuement. PJ 171 2 Le père ne permettra pas que des regards méprisants contemplent la misère et les haillons de son fils. Enlevant son ample et riche manteau, il en enveloppe le corps amaigri du jeune homme qui sanglote et exprime son repentir par ces mots: "Mon père, j'ai péché contre le ciel et contre toi, je ne suis plus digne d'être appelé ton fils."14 Le serrant contre lui, le père le fait entrer dans la maison. On ne lui laisse même pas le temps de demander une place de serviteur. En sa qualité de fils, on lui offrira ce qu'il y a de meilleur. Aussi sera-t-il respecté et honoré des serviteurs et des servantes. PJ 171 3 Le père dit à ceux-ci: "Apportez vite la plus belle robe, et l'en revêtez; mettez-lui un anneau au doigt, et des souliers aux pieds. Amenez le veau gras, et tuez-le. Mangeons et réjouissons-nous; car mon fils que voici était mort, et il est revenu à la vie; il était perdu, et il est retrouvé. Et ils commencèrent à se réjouir."15 PJ 171 4 Dans sa turbulente jeunesse, le prodigue considérait son père comme dur et sévère. Combien ses sentiments ont changé aujourd'hui! Ainsi, ceux qui sont séduits par Satan voient en Dieu un être exigeant et impitoyable, toujours prêt à reprendre et à condamner, repoussant les pécheurs aussi longtemps qu'il a une excuse valable pour ne pas leur venir en aide. Pour eux, sa loi est une entrave au bonheur des hommes, un joug accablant auquel ils sont heureux de pouvoir échapper. Mais celui dont les yeux ont été ouverts par l'amour du Sauveur le voit rempli de compassion. Ce n'est pas un être tyrannique ou implacable, mais un père désireux d'embrasser son fils repentant. Avec le psalmiste, le pécheur peut s'écrier: "Comme un père a compassion de ses enfants, l'Eternel a compassion de ceux qui le craignent."16 PJ 172 1 Dans la parabole, l'enfant prodigue n'est ni réprimandé ni rejeté à cause de sa folie passée. Il a vraiment le sentiment que sa faute est pardonnée, effacée, oubliée pour toujours. De même, Dieu dit au pécheur: "J'efface tes transgressions comme un nuage, et tes péchés comme une nuée." "Je pardonnerai leur iniquité, et je ne me souviendrai plus de leur péché."17 "Que le méchant abandonne sa voie, et l'homme d'iniquité ses pensées; qu'il retourne à l'Eternel, qui aura pitié de lui, à notre Dieu, qui ne se lasse pas de pardonner." "En ces jours, en ce temps-là, dit l'Eternel, on cherchera l'iniquité d'Israël, et elle n'existera plus, le péché de Juda, et il ne se trouvera plus.18 PJ 172 2 Quelle assurance nous est ainsi donnée de l'empressement de Dieu lorsqu'il s'agit d'accueillir le pécheur repentant! Astu, cher lecteur, choisi la voie qui te plaisait? T'es-tu éloigné de Dieu? As-tu cherché à te délecter des fruits de la transgression, jusqu'à ce qu'il t'en reste un goût de cendres? Et maintenant, tes biens dissipés, tes plans renversés et tes espérances mortes, te trouves-tu assis dans la solitude et la désolation? Eh bien! cette voix qui parle depuis si longtemps à ton coeur, mais à laquelle tu n'as pas voulu prêter l'oreille, s'adresse à toi, claire et distincte: Debout et en route! car ce n'est plus ici une terre de repos: parce qu'elle a été souillée, elle sera une cause de souffrances, de cruelles souffrances. Rentre à la maison de ton Père céleste. Il t'appelle, écoute-le: "Reviens à moi, car je t'ai racheté."19 PJ 172 3 Ne prête pas l'oreille aux suggestions de l'adversaire qui te conseille de demeurer loin du Christ jusqu'à ce que tu sois meilleur -- jusqu'à ce que tu sois assez bon pour pouvoir te présenter devant Dieu. Si tu attends, tu ne reviendras jamais au Seigneur. Quand Satan te fait remarquer tes vêtements souillés, répète-lui la promesse de Jésus: "Je ne mettrai pas dehors celui qui vient à moi."20 Dis à l'ennemi que le sang du Christ purifie de tout péché. Fais tienne la prière de David: "Purifie-moi avec l'hysope, et je serai pur; lave-moi, et je serai plus blanc que la neige.21 PJ 173 1 Lève-toi et va vers ton Père. Il accourra de très loin à ta rencontre. Si tu fais ne serait-ce qu'un pas sur le chemin de la repentance, il te serrera dans ses bras avec un amour infini. Son oreille est attentive au cri de l'âme contrite. Aucune aspiration spirituelle ne lui échappe. Jamais une prière n'a été prononcée, si timide soit-elle, jamais une larme n'a coulé, même dans le plus grand secret, jamais l'embryon d'un désir sincère n'est monté vers Dieu sans que son Esprit soit allé à sa rencontre. Avant même que la prière soit formulée ou l'aspiration du coeur manifestée, le Christ est prêt à offrir sa grâce pour suppléer à celle qui agit déjà dans l'âme humaine. PJ 173 2 Ton Père céleste te dépouillera de tes vêtements souillés par le péché. Dans la magnifique parabole prophétique de Zacharie, le grand prêtre Josué, qui se tient en vêtements sales devant l'ange de l'Eternel, est une figure du pécheur. Le Seigneur prononce ces paroles: "Otez-lui les vêtements sales! Puis il dit à Josué: Vois, je t'enlève ton iniquité, et je te revêts d'habits de fête. ... Et ils mirent un turban pur sur sa tête, et ils lui mirent des vêtements."22 Ainsi Dieu te revêtira "des vêtements du salut" et te couvrira "du manteau de la délivrance". "Tandis que vous reposez au milieu des étables, les ailes de la colombe sont couvertes d'argent, et son plumage est d'un jaune d'or.23 PJ 173 3 Il te fera entrer dans la maison du festin, et la bannière qu'il déploiera sur toi, c'est l'amour.24 "Si tu marches dans mes voies, dit-il, je te donnerai libre accès parmi ceux qui sont ici" -- parmi les saints anges qui entourent son trône.25 PJ 173 4 "Comme la fiancée fait la joie de son fiancé, ainsi tu feras la joie de ton Dieu." "L'Eternel, ton Dieu, est au milieu de toi, comme un héros qui sauve; il fera de toi sa plus grande joie; il gardera le silence dans son amour; il aura pour toi des transports d'allégresse."26 Le ciel et la terre s'associeront au chant de réjouissance du Père: "Mon fils que voici était mort, et il est revenu à la vie; il était perdu, et il est retrouvé.27 PJ 174 1 Jusqu'ici, la parabole ne mentionne aucune note discordante susceptible de troubler l'harmonie de cette scène de bonheur; mais voici que le Christ introduit un autre personnage. Lors de l'arrivée du fils prodigue, son frère aîné était dans les champs. "Lorsqu'il revint et approcha de la maison, il entendit la musique et les danses. Il appela un des serviteurs, et lui demanda ce que c'était. Ce serviteur lui dit: Ton frère est de retour et ton père a tué le veau gras, parce qu'il l'a retrouvé en bonne santé. Il se mit en colère, et ne voulut pas entrer."28 Le frère aîné n'avait pas partagé l'angoisse du père et ne s'était pas soucié de celui qui s'était égaré. Il ne peut donc participer à la joie paternelle lors du retour du prodigue. Les réjouissances de cette fête ne trouvent aucun écho dans son coeur. La réponse du serviteur éveille en lui des sentiments de jalousie. Il refuse d'entrer pour souhaiter la bienvenue à son frère retrouvé, et il considère comme une injure à sa personne la faveur dont celui-ci est l'objet. PJ 174 2 L'orgueil et la méchanceté du fils aîné se révèlent dès que son père essaie de le raisonner. Il invoque le fait qu'il a passé toute sa vie dans la demeure paternelle sans récompense, et il met cette vie en contraste avec les avantages accordés à son frère cadet. Il fait ressortir que ces années de travail ont été celles d'un serviteur plutôt que celles d'un fils. Alors qu'il aurait dû goûter la joie profonde de vivre près de son père, il pensait uniquement au profit qu'il retirerait d'une vie rangée. Ses paroles prouvent que seule cette préoccupation l'a poussé à renoncer aux jouissances du péché. Maintenant, si son frère doit bénéficier des largesses paternelles, il s'estime lésé dans ses intérêts, et il lui en veut d'être l'objet de cette faveur. Il montre clairement que s'il avait été à la place du père, il n'aurait pas reçu le prodigue. Il ne le reconnaît pas même pour son frère, mais le désigne froidement comme "ton fils". PJ 175 1 Et pourtant, son père le traite avec tendresse: "Mon enfant, lui dit-il, tu es toujours avec moi, et tout ce que j'ai est à toi."29 Toutes ces années pendant lesquelles ton frère a erré loin de moi, n'as-tu pas joui de ma présence? PJ 175 2 Tout ce qui pouvait contribuer au bonheur de ses enfants était à leur entière disposition. Un fils n'a à s'inquiéter ni de donation, ni de récompense. "Tout ce que j'ai est à toi." Il te suffit de mon amour et d'accepter les dons qui te sont libéralement accordés. PJ 175 3 L'un des fils s'était volontairement éloigné de la maison paternelle, pendant un certain temps, parce qu'il n'avait pas su discerner l'amour du père. Mais maintenant il est revenu et une vague de joie dissipe toute autre préoccupation. "Ton frère que voici était mort, et il est revenu à la vie; il était perdu, et il est retrouvé." PJ 175 4 Le fils aîné vit-il sa mesquinerie et son ingratitude et parvint-il à comprendre que son frère, malgré sa conduite désordonnée, n'en restait pas moins son frère? Finit-il par se repentir de sa jalousie et de sa dureté de coeur? Le Christ n'en dit rien. La parabole se déroulait encore et il appartenait à ses auditeurs de fixer quel serait son dénouement. PJ 175 5 Le fils aîné représente les Juifs qui ont refusé de se repentir à l'époque de Jésus, et les pharisiens de tous les temps qui méprisent ceux qu'ils regardent comme des publicains et des gens de mauvaise vie. Parce qu'ils ne se sont pas plongés euxmêmes profondément dans le vice, ils sont remplis de propre justice. Le Christ rencontre ces chicaneurs sur leur propre terrain. Comme le fils aîné de la parabole, ils avaient reçu de grands privilèges de la part de Dieu; ils se disaient les fils de sa maison, mais ils avaient un esprit mercenaire. Ils travaillaient, non par amour, mais dans l'espoir d'une récompense. A leurs yeux, Dieu était un chef de corvée exigeant. Ils se scandalisèrent parce que le Christ invitait les publicains et les gens de mauvaise vie à jouir librement des dons de la grâce -- ces dons que les rabbins espéraient mériter par leurs oeuvres et leurs mortifications. Le retour du prodigue remplissait de joie le coeur du père, mais ne provoquait chez eux que de la jalousie. PJ 176 1 Dans la parabole, les observations du père à son fils aîné représentent les appels que la miséricorde céleste adressait aux pharisiens: "Tout ce que j'ai est à toi", non comme un salaire, mais comme un don. Comme le fils prodigue, vous ne pouvez le recevoir qu'à titre de faveur imméritée de l'amour du Père. PJ 176 2 Non seulement la propre justice engendre une fausse conception de Dieu, mais elle rend le coeur dur et l'esprit critique à l'égard des autres. Egoïste et jaloux, le fils aîné observait son frère et se tenait prêt à décrier ses actions et à l'accuser à la première occasion. Il observait chacune de ses fautes et jugeait sévèrement l'erreur la plus légère. C'est ainsi qu'il cherchait à justifier son esprit implacable. Nombreux sont aujourd'hui ceux qui suivent son exemple. Alors qu'une âme est pour la première fois aux prises avec de nombreuses tentations, ils sont là, obstinés, inflexibles, se plaignant et accusant. Ils se disent enfants de Dieu, mais sont animés par l'esprit de Satan. Par leur attitude à l'égard de leurs frères, ces accusateurs se placent eux-mêmes sur un terrain où le Seigneur ne peut leur dispenser la lumière de sa face. PJ 176 3 Beaucoup de gens ne cessent de demander: "Avec quoi me présenterai-je devant l'Eternel, pour m'humilier devant le Dieu Très-Haut? Me présenterai-je avec des holocaustes, avec des veaux d'un an? L'Eternel agréera-t-il des milliers de béliers, des myriades de torrents d'huile? Donnerai-je pour mes transgressions mon premier-né, pour le péché de mon âme le fruit de mes entrailles?" La réponse est la suivante: "On t'a fait connaître, ô homme, ce qui est bien; et ce que l'Eternel demande de toi, c'est que tu pratiques la justice, que tu aimes la miséricorde, et que tu marches humblement avec ton Dieu."30 PJ 177 1 Voici ce que Dieu demande: "Détache les chaînes de la méchanceté, dénoue les liens de la servitude, renvoie libres les opprimés, et que l'on rompe toute espèce de joug. ... Ne te détourne pas de ton semblable."31 Lorsque tu te regarderas comme un pécheur sauvé uniquement par l'amour de ton Père céleste, tu auras pitié de ceux qui souffrent dans le péché. Tu n'accueilleras plus la misère et la repentance par la jalousie et la critique. Quand la glace de l'égoïsme aura disparu de ton coeur, tu vibreras en harmonie avec Dieu et tu participeras à sa joie lorsqu'un pécheur se convertira. PJ 177 2 Tu te réclames, il est vrai, du titre d'enfant de Dieu; mais si cette prétention est fondée, c'est "ton frère" qui était mort et qui est revenu à la vie, qui était perdu et qui est retrouvé. Il t'est uni par les liens les plus étroits, car Dieu le reconnaît pour fils. Si tu nies ce degré de parenté avec lui, tu montres par là que tu n'es qu'un mercenaire dans la maison, et non un enfant de la famille de Dieu. PJ 177 3 Bien que tu refuses de participer aux réjouissances qui accompagnent le retour de ton frère perdu, celles-ci n'en continueront pas moins, et celui qui est réintégré dans la famille aura sa place aux côtés du Père et dans son oeuvre. Qui a été beaucoup pardonné aime beaucoup. Mais toi, tu seras dans les ténèbres du dehors. "Celui qui n'aime pas n'a pas connu Dieu, car Dieu est amour."32 ------------------------Chapitre 17 -- Laisse-le encore cette année PJ 179 1 Dans son enseignement, le Christ unissait toujours à l'annonce du jugement de Dieu les appels de sa miséricorde. "Le Fils de l'homme est venu, non pour perdre les âmes des hommes, dit-il, mais pour les sauver." "Dieu, en effet, n'a pas envoyé son Fils dans le monde pour qu'il juge le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui."1 Son oeuvre de miséricorde en rapport avec la justice et le jugement de Dieu est illustrée par la parabole du figuier stérile. PJ 179 2 Le Christ avait averti le peuple juif de la venue du royaume de Dieu, et il avait énergiquement secoué son ignorance et sa tiédeur. Israël savait fort bien prévoir le temps d'après l'aspect du ciel, mais il était incapable de discerner les signes précurseurs qui parlaient si clairement de la mission du Sauveur. PJ 179 3 Néanmoins, on était aussi prêt qu'aujourd'hui à se croire favori du ciel, et on appliquait à d'autres les messages de censure. Les auditeurs de Jésus lui parlèrent d'un événement qui venait de produire une grande effervescence. Le peuple avait été outré de certaines mesures prises par Ponce Pilate, gouverneur de Judée. Un soulèvement populaire avait éclaté à Jérusalem, et Pilate avait voulu l'étouffer par la violence. En une certaine occasion, ses soldats avaient même été jusqu'à envahir les parvis du temple et égorger des pèlerins galiléens qui offraient leurs sacrifices. Les Juifs considéraient toute calamité comme la conséquence des péchés de ceux qui en étaient victimes et ils racontaient ces actes de barbarie avec une secrète satisfaction. A leurs yeux, leur bien-être matériel démontrait qu'ils étaient meilleurs, et par conséquent plus haut placés dans l'estime de Dieu que ces Galiléens. Ils attendaient de Jésus des paroles de condamnation contre ces hommes qui, selon eux, avaient bien mérité leur punition. PJ 180 1 Quant aux disciples, ils ne se hasardèrent pas à émettre un jugement sur cette affaire avant d'avoir interrogé le Maître. Celui-ci leur avait donné des avertissements précis contre leur tendance à cataloguer les autres et à mesurer les rétributions avec leur esprit limité. Cependant, ils croyaient que Jésus allait condamner ces malheureux pèlerins et les déclarer particulièrement coupables. Aussi furent-ils très surpris de sa réponse. PJ 180 2 Se tournant vers la foule, le Sauveur prit la parole: "Croyez-vous que ces Galiléens fussent de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens, parce qu'ils ont souffert de la sorte? Non, je vous le dis. Mais si vous ne vous repentez, vous périrez tous également."2 Ces événements tragiques étaient destinés à pousser les coeurs à l'humiliation et à la repentance. L'orage de la vengeance grondait déjà dans le lointain, prêt à fondre sur tous ceux qui n'avaient pas trouvé leur refuge en Christ. PJ 180 3 Tout en s'entretenant avec les disciples et avec la foule, Jésus, dans un regard prophétique, vit Jérusalem assiégée par des armées ennemies. Il entendit les pas des étrangers qui s'avançaient contre la ville élue. Des milliers d'êtres humains périraient au cours du siège. Comme ces Galiléens, de nombreux Juifs allaient être assassinés jusque dans les parvis du temple, au moment même où ils offriraient leurs sacrifices. Les malheurs qui frappaient certaines personnes constituaient autant d'avertissements adressés par Dieu à une nation également coupable. "Si vous ne vous repentez, dit Jésus, vous périrez tous également."3 Le peuple juif pouvait encore bénéficier du court temps de grâce qui lui était accordé et découvrir comment trouver la paix. PJ 181 1 "Un homme, poursuivit-il, avait un figuier planté dans sa vigne. Il vint pour y chercher du fruit, et il n'en trouva point. Alors il dit au vigneron: Voilà trois ans que je viens chercher du fruit à ce figuier, et je n'en trouve point. Coupe-le: pourquoi occupe-t-il la terre inutilement?"4 PJ 181 2 Aucun auditeur de Jésus ne pouvait se méprendre sur la signification de ses paroles. David avait chanté Israël comme étant une vigne arrachée de l'Egypte. Esaïe avait écrit de son côté: "La vigne de l'Eternel des armées, c'est la maison d'Israël, et les hommes de Juda, c'est le plant qu'il chérissait."5 La génération du Christ était représentée par ce figuier planté dans la vigne de Dieu, objet de ses soins particuliers et de ses bénédictions. PJ 181 3 Le dessein de Dieu à l'égard de ses enfants et les glorieuses possibilités qui s'offraient à eux avaient été décrits en termes éloquents: "... afin qu'on les appelle des térébinthes de la justice, une plantation de l'Eternel, pour servir à sa gloire."6 En mourant, Jacob, poussé par l'Esprit-Saint, avait dit de son fils préféré: "Joseph est le rejeton d'un arbre fertile, le rejeton d'un arbre fertile près d'une source; les branches s'élèvent au-dessus de la muraille." Puis il avait ajouté: "C'est l'oeuvre du Dieu de ton père, qui t'aidera; c'est l'oeuvre du Tout-Puissant, qui te bénira des bénédictions des cieux en haut, des bénédictions des eaux en bas.7 Dieu avait donc planté Israël comme une vigne superbe auprès des sources de la vie. Il l'avait établi sur "un coteau fertile". "Il en remua le sol, ôta les pierres, et y mit un plant délicieux." PJ 181 4 "Il espéra qu'elle produirait de bons raisins, mais elle en a produit de mauvais."8 Les Juifs de l'époque du Christ faisaient de plus grandes démonstrations de piété que ceux des siècles précédents, et pourtant ils étaient encore plus dépourvus des grâces agréables de l'Esprit de Dieu. Les admirables traits de caractère qui avaient donné à la vie de Joseph son parfum et sa beauté ne se retrouvaient pas dans la nation juive. PJ 182 1 Dieu vint dans la personne de son Fils pour chercher du fruit, et il n'en trouva point. Israël occupait le terrain inutilement et son existence était un sujet de malédiction. Il prenait dans la vigne une place qu'aurait pu occuper un arbre fertile. Il privait l'humanité des bénédictions que le Seigneur lui destinait. Aux yeux des autres nations, les Israélites avaient donné de Dieu une image déformée. Non seulement ils étaient inutiles, mais ils constituaient un réel obstacle. Dans une grande mesure, leur religion égarait les coeurs et les menait à la ruine plutôt qu'au salut. PJ 182 2 Dans la parabole, le vigneron ne pense pas un instant que la sentence prononcée contre le figuier qui reste improductif soit injuste. Il connaît et partage l'intérêt que le propriétaire ressent pour cet arbre stérile. Sa plus grande joie serait de le voir pousser et porter du fruit. Il accède au désir du maître de la vigne quand il lui dit: "Laisse-le encore cette année; je creuserai tout autour, et j'y mettrai du fumier. Peut-être à l'avenir donnera-t-il du fruit."9 PJ 182 3 Le vigneron ne refuse pas de s'occuper d'un arbre si peu intéressant. Il veut encore lui prodiguer tous ses soins et le placer dans les conditions les plus favorables. PJ 182 4 Le propriétaire de la vigne et le vigneron sont tous les deux intéressés à la prospérité du figuier. Il en est ainsi du Père et du Fils qui aiment également le peuple élu. Le Christ fait comprendre à ses auditeurs que d'autres occasions leur seront accordées par surcroît. Toutes les ressources de l'amour de Dieu seront mises à contribution pour qu'ils deviennent des térébinthes de la justice dont les fruits seront en bénédiction à l'humanité. PJ 182 5 La parabole ne nous donne pas le résultat des efforts du vigneron. Elle s'arrête sur ce point d'interrogation, car la conclusion dépend de la génération qui écoute le Sauveur. C'est à elle que s'adresse cet avertissement solennel: "... sinon, tu le couperas."10 C'est à elle de décider si ces paroles irrévocables doivent être prononcées. Le jour de la colère approche. Par les malheurs qui ont déjà affecté la nation, le maître du vignoble l'a miséricordieusement avertie de la destruction qui menace le figuier stérile. PJ 183 1 Cette mise en garde résonne aussi pour notre génération. N'es-tu pas, coeur insouciant, un arbre inutile dans la vigne du Seigneur? Ces paroles de condamnation ne s'adresseront-elles pas à toi d'ici peu? Depuis combien de temps jouis-tu des dons de Dieu? Depuis quand veille-t-il sur toi et attend-il que tu reviennes à lui? Quel privilège d'être planté dans sa vigne et de bénéficier des soins du vigneron! Combien de fois la chaleur du message évangélique a fait vibrer ton coeur! Tu te réclames du nom du Christ, tu te dis membre de l'Eglise qui est son corps, et néanmoins tu te sens dépourvu de lien vivant avec le foyer de l'amour infini. Le courant de sa vie ne parvient pas jusqu'à toi. On ne découvre pas chez toi les vertus de son caractère, le "fruit de l'Esprit".11 PJ 183 2 Le figuier stérile reçoit la pluie, les rayons du soleil et les soins du vigneron. Du sol, il retire les éléments nécessaires à son développement, mais ses branches improductrices ne font que priver de lumière les plantes fertiles qui ne peuvent pas prospérer à son ombre. Il en est de même des bénédictions que le ciel te dispense: elles ne sont d'aucune utilité au monde, et tu prives les autres de bienfaits qui leur reviendraient si tu n'étais pas sur leur chemin. PJ 183 3 D'une façon peut-être indistincte, tu vois que tu occupes inutilement le terrain. Malgré cela, dans sa grande bonté, Dieu ne t'a pas encore retranché. Non qu'il se désintéresse de toi: il ne se détourne pas avec indifférence ni ne t'abandonne à la destruction. Comme autrefois, quand il considérait Israël, il te regarde en s'écriant: "Que ferai-je de toi, Ephraïm? Dois-je te livrer, Israël? ... Je n'agirai pas selon mon ardente colère, je renonce à détruire Ephraïm; car je suis Dieu, et non pas un homme."12 Le Sauveur compatissant dit à ton sujet: "Laisse-le encore cette année; je creuserai tout autour, et j'y mettrai du fumier." PJ 184 1 Avec quel amour inlassable le Christ ne travailla-t-il pas en faveur d'Israël pendant cette période de sursis! Sur la croix, il priait encore en ces termes: "Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu'ils font?"13 Après l'ascension, l'Evangile fut d'abord prêché à Jérusalem, et c'est là qu'eut lieu l'effusion du Saint-Esprit. C'est là aussi que la première église manifesta la puissance du Sauveur ressuscité, et qu'Etienne, le visage "comme celui d'un ange14 rendit son témoignage au prix de sa vie. Tout ce que le ciel pouvait donner, Israël l'avait reçu: "Qu'y avait-il encore à faire à ma vigne, interroge le Christ, que je n'aie pas fait pour elle.15 Ses soins et ses travaux en faveur de son peuple n'ont pas diminué, mais augmenté. Il dit encore: "Moi l'Eternel, j'en suis le gardien, je l'arrose à chaque instant; de peur qu'on ne l'attaque, nuit et jour je la garde.16 PJ 184 2 "Peut-être à l'avenir donnera-t-il du fruit; sinon..." PJ 184 3 Le coeur qui ne répond pas à la sollicitude divine s'endurcit jusqu'à devenir insensible à l'influence du Saint-Esprit. C'est alors que la sentence est prononcée: "Coupele: pourquoi occupe-t-il la terre inutilement?" PJ 184 4 Aujourd'hui, Dieu t'adresse cette invitation: "Israël, reviens à l'Eternel, ton Dieu. ... Je réparerai leur infidélité, j'aurai pour eux un amour sincère. ... Je serai comme la rosée pour Israël, il fleurira comme le lis, et il poussera des racines comme le Liban. ... Ils reviendront s'asseoir à son ombre, ils redonneront la vie au froment, et ils fleuriront comme la vigne. ... C'est de moi que tu recevras ton fruit."17 ------------------------Chapitre 18 -- Dans les chemins et le long des haies PJ 185 1 Un jour, le Sauveur fut invité à un festin donné par un pharisien. Il acceptait d'aller chez les riches aussi bien que chez les pauvres, et selon son habitude, il illustrait ses enseignements par les scènes qu'il avait sous les yeux. Chez les Juifs, les repas sacrés coïncidaient avec les dates fixées pour les réjouissances nationales et religieuses. C'était pour eux un symbole des bénédictions de la vie éternelle. Le grand festin où ils devaient s'asseoir avec Abraham, Isaac et Jacob, tandis que les païens les regarderaient du dehors avec envie, était un sujet sur lequel ils s'étendaient avec complaisance. A travers la parabole des conviés, Jésus leur transmit l'avertissement qu'il désirait leur donner. Les Juifs s'attribuaient le monopole des bénédictions de Dieu, présentes et futures. D'après eux, les autres nations n'avaient pas droit à la miséricorde divine. Mais le Christ leur enseigna par cette parabole qu'ils étaient précisément en train de repousser l'appel à entrer dans le royaume des cieux. Cette invitation qu'ils avaient dédaignée serait adressée à ceux qu'ils méprisaient et dont ils évitaient le contact, comme s'ils étaient lépreux. PJ 185 2 Dans le choix de ses invités, le pharisien s'était surtout laissé guider par ses intérêts personnels. Jésus lui dit: "Lorsque tu donnes à dîner ou à souper, n'invite pas tes amis, ni tes frères, ni tes parents, ni des voisins riches, de peur qu'ils ne t'invitent à leur tour et qu'on ne te rende la pareille. Mais, lorsque tu donnes un festin, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles. Et tu seras heureux de ce qu'ils ne peuvent pas te rendre la pareille; car elle te sera rendue à la résurrection des justes."1 PJ 186 1 Le Christ répétait ainsi les instructions qu'il avait données à Israël par l'intermédiaire de Moïse. Voici les directives auxquelles on devait se conformer lors des solennités: "Alors viendront ... l'étranger, l'orphelin et la veuve, qui seront dans tes portes, et ils mangeront et se rassasieront."2 PJ 186 2 Ces assemblées devaient servir de leçons de choses à Israël qui, après avoir appris à goûter les joies de l'hospitalité, devait pendant toute l'année prendre soin des pauvres et des déshérités. Ces fêtes contenaient encore un enseignement plus riche. Les bénédictions spirituelles accordées aux Israélites n'étaient pas seulement pour eux; le Seigneur leur avait donné le pain de vie pour qu'ils le communiquent au monde. PJ 186 3 Mais ils n'accomplirent pas leur mission. Les paroles du Christ constituaient un blâme pour leur égoïsme, aussi déplurent-elles souverainement aux pharisiens. Espérant détourner la conversation, l'un des convives s'écria en prenant un air de sainteté: "Heureux celui qui prendra son repas dans le royaume de Dieu!"3 Cet homme s'était exprimé avec une parfaite assurance, comme s'il avait été certain d'avoir une place dans le royaume. Son attitude ressemblait curieusement à celle des chrétiens qui se réjouissent d'être sauvés par le Christ, alors qu'ils ne font rien pour se conformer à ses enseignements. Quand le pharisien priait, il avait l'esprit de Balaam: "Que je meure de la mort des justes, et que ma fin soit semblable à la leur.4 Il ne songeait pas à se préparer pour le ciel; il pensait uniquement aux joies qu'il comptait y trouver. Sa réflexion était destinée à détourner l'attention des autres convives du devoir qui leur incombait. Il voulait leur faire oublier les exigences présentes en les transportant à l'époque encore lointaine de la résurrection des justes. PJ 187 1 Jésus lisait dans le coeur de ce prétentieux, et, fixant sur lui les regards, il développa devant ces gens réunis la nature et la valeur de leurs privilèges actuels. Il leur montra que la félicité future était conditionnée par l'accomplissement de leurs devoirs immédiats. PJ 187 2 "Un homme, dit-il, donna un grand souper, et il invita beaucoup de gens." Lorsque le jour des festivités arriva, l'hôte envoya son serviteur pour renouveler son invitation par ce second message: "Venez, car tout est déjà prêt." Mais il fut reçu avec une étrange indifférence: "Tous unanimement se mirent à s'excuser. Le premier lui dit: J'ai acheté un champ, et je suis obligé d'aller le voir; excuse-moi, je te prie. Un autre dit: J'ai acheté cinq paires de boeufs, et je vais les essayer; excuse-moi, je te prie. Un autre dit: Je viens de me marier, et c'est pourquoi je ne puis aller."5 PJ 187 3 Aucune de ces excuses n'était fondée sur une réelle nécessité. Celui qui devait aller visiter son lopin de terre l'avait déjà acheté. Sa hâte de le voir était due au fait qu'il avait mis tout son coeur dans cette acquisition. Les boeufs aussi avaient été achetés, et c'était pour sa seule satisfaction personnelle que le fermier allait les essayer. La troisième excuse n'avait pas plus de valeur que les deux autres: le mariage n'était pas une raison pour décliner l'invitation, car la femme aurait également été la bienvenue; mais l'époux avait des projets de réjouissances dont il se promettait plus de joie que du banquet en question. Il avait appris à trouver du plaisir dans une autre compagnie que celle de son hôte. Il ne présenta pas d'excuses et ne se conforma même pas à la plus élémentaire politesse. Dire "je ne puis" n'était qu'une manière de voiler la vérité: "Je n'ai aucune envie d'y aller." PJ 187 4 Toutes ces excuses révèlent un esprit préoccupé. Ces différents invités s'étaient laissé absorber entièrement par d'autres intérêts. Ils refusaient l'invitation qu'ils avaient d'abord acceptée et offensaient leur généreux ami par leur attitude désinvolte. PJ 188 1 En proposant la parabole du grand souper, Jésus a voulu évoquer les bénédictions offertes par l'Evangile. La substance de ce festin n'est rien de moins que le Christ lui-même. Il est le pain descendu du ciel, et c'est de lui que découlent les sources du salut. Les messagers de l'Eternel avaient annoncé à Israël la venue du Sauveur et désigné Jésus comme "l'agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde."6 Dans le banquet préparé par lui, le Seigneur présentait le don le plus excellent que le ciel pût offrir, un don d'une valeur inestimable. C'est l'amour de Dieu qui avait couvert les frais du festin. "Si quelqu'un mange de ce pain, dit le Christ, il vivra éternellement.7 PJ 188 2 Mais pour accepter l'invitation au festin évangélique, il faut subordonner ses intérêts temporels à la réception du Christ et de sa justice. Dieu donne tout en faveur de l'homme, et il lui demande un service qui soit au-dessus de toute considération personnelle et matérielle. Il ne peut agréer un coeur partagé. Un coeur absorbé par des préoccupations terrestres ne saurait s'abandonner à Dieu. PJ 188 3 Cette leçon vaut pour tous les temps. Nous devons suivre l'Agneau de Dieu où qu'il aille, nous laisser diriger par lui, préférer sa compagnie à celle de nos amis. N'est-ce pas lui qui a dit: "Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n'est pas digne de moi, et celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n'est pas digne de moi"?8 PJ 188 4 Autour de la table familiale, quand ils rompaient le pain quotidien, nombreux étaient les contemporains de Jésus qui disaient: "Heureux celui qui prendra son repas dans le royaume de Dieu." Mais le Christ montra combien il était difficile de trouver des invités pour la table qui avait été dressée au prix d'un sacrifice infini. Ceux qui écoutaient ses paroles éprouvaient le sentiment d'avoir négligé les appels de la miséricorde. Les biens de la terre et les plaisirs occupaient toutes leurs pensées. C'est unanimement qu'ils s'étaient excusés. PJ 189 1 Il en est encore ainsi de nos jours. Les excuses présentées pour décliner l'invitation au souper recouvrent l'ensemble de celles que l'on invoque pour repousser les appels de l'Evangile. Les uns prétendent qu'ils ne peuvent pas compromettre leur prospérité matérielle pour satisfaire aux exigences de la Vérité. Ils attachent plus d'importance à leurs intérêts personnels immédiats qu'aux réalités éternelles. Les bénédictions mêmes qu'ils ont reçues du ciel deviennent ainsi une barrière qui les sépare de leur Créateur et Rédempteur. Ils ne consentent en aucune manière à renoncer à leurs projets, et ils répondent au messager porteur de l'invitation miséricordieuse: "Pour le moment retire-toi: quand j'en trouverai l'occasion, je te rappellerai."9 D'autres objectent les difficultés qu'ils rencontreraient dans leur entourage s'ils obéissaient à Dieu; ils ne peuvent pas, disent-ils, se permettre d'agir autrement que leurs parents et leurs amis. Ils ressemblent en tout point aux personnages dont parle la parabole. Le Maître est sensible au mépris qui se cache dans leurs futiles excuses. PJ 189 2 L'invité qui répond: "Je viens de me marier, et c'est pourquoi je ne puis aller", représente une forte proportion d'êtres humains. Ils sont nombreux, en effet, ceux qui permettent à une femme ou à un mari de les empêcher de répondre aux appels de Dieu. Le mari dira: "Je ne peux suivre ma conviction tant que ma femme s'y opposera. Son influence me créerait de trop grandes difficultés." La femme entend cet appel miséricordieux: "Viens, car tout est prêt", et elle répond: "Je te prie de m'excuser. Mon mari décline l'invitation de la grâce. Il dit que ses affaires ne lui permettent pas de l'accepter. Je dois le suivre, je ne puis donc pas venir." Les enfants sont impressionnés, et ils désirent se rendre au festin; mais comme ils aiment leurs parents et que ceux-ci repoussent les appels de l'Evangile, ils pensent qu'on ne peut s'attendre qu'ils y aillent seuls. Eux aussi disent: "Excuse-moi." PJ 190 1 Tous ceux-là rejettent l'appel du Sauveur parce qu'ils redoutent la division dans le cercle de la famille. En refusant d'obéir à Dieu, ils croient assurer leur tranquillité et leur prospérité; mais c'est une illusion. Celui qui sème l'égoïsme moissonnera l'égoïsme. En repoussant l'amour du Christ, ils écartent le seul élément qui puisse purifier et stabiliser l'amour humain. Non seulement ils sacrifient le ciel, mais ils ne jouiront jamais véritablement de ce qu'ils ont préféré au ciel. PJ 190 2 Dans la parabole, quand le maître de la maison apprend l'accueil qu'a reçu son invitation, irrité, il dit à son serviteur: "Va promptement dans les places et dans les rues de la ville, et amène ici les pauvres, les estropiés, les aveugles et les boiteux."10 PJ 190 3 Il se détourne de ceux qui ont méprisé sa bonté et invite les déshérités, ceux qui n'ont ni maisons ni terres: les pauvres, les affamés, ceux qui apprécieront ses largesses. "Les publicains et les prostituées vous devanceront dans le royaume de Dieu",11 dit le Christ. Quels que soient la misère morale d'un homme et le mépris dont il est l'objet de la part de ses semblables, il ne peut être tombé trop bas pour que l'amour et la sollicitude de Dieu s'exercent en sa faveur. Jésus aime voir venir à lui ceux qui sont minés par les soucis et les préoccupations de l'existence, qui sont fatigués et opprimés. Il n'a qu'un désir: leur procurer la lumière, la joie et la paix qui se trouvent en lui seul. Les plus grands pécheurs sont l'objet de sa profonde compassion et de son amour. Cherchant à les attirer à lui, il envoie son Esprit-Saint qui les entoure de sa tendresse. PJ 190 4 Le serviteur chargé d'amener des pauvres et des aveugles donne son rapport: "Maître, ce que tu as ordonné a été fait, et il y a encore de la place. Et le maître dit au serviteur: Va dans les chemins et le long des haies, et ceux que tu trouveras, contrains-les d'entrer, afin que ma maison soit remplie."12 Le Christ fait ici clairement allusion à la proclamation de l'Evangile en dehors de la sphère du judaïsme, sur les grands chemins et le long des sentiers du monde. PJ 191 1 Conformément à cet ordre, Paul et Barnabas déclarèrent aux Juifs: "C'est à vous premièrement que la parole de Dieu devait être annoncée; mais, puisque vous la repoussez, et que vous vous jugez vous-mêmes indignes de la vie éternelle, voici, nous nous tournons vers les païens. Car ainsi nous l'a ordonné le Seigneur: Je t'ai établi pour être la lumière des nations, pour porter le salut jusqu'aux extrémités de la terre. Les païens se réjouissaient en entendant cela, ils glorifiaient la parole du Seigneur, et tous ceux qui étaient destinés à la vie éternelle crurent."13 PJ 191 2 Le message évangélique délivré par les disciples du Christ était la proclamation de sa première venue dans le monde. Il apportait la bonne nouvelle du salut par la foi en lui. Il annonçait son retour en gloire pour racheter son peuple et donnait aux hommes l'espérance de participer par la foi et l'obéissance à l'héritage des saints dans la lumière. Ce message est toujours actuel. Il se double aujourd'hui d'un avertissement relatif à l'imminence de la seconde venue du Seigneur. Les signes précurseurs qu'il avait lui-même donnés se sont accomplis et nous pouvons savoir par les Ecritures que Jésus-Christ est à la porte. PJ 191 3 Dans l'Apocalypse, Jean prédit en ces termes la proclamation de l'Evangile à la veille du retour du Christ: "Je vis un autre ange qui volait par le milieu du ciel, ayant un Evangile éternel, pour l'annoncer aux habitants de la terre, à toute nation, à toute tribu, à toute langue, et à tout peuple. Il disait d'une voix forte: Craignez Dieu et donnez-lui gloire, car l'heure de son jugement est venue; et adorez celui qui a fait le ciel, et la terre, et la mer, et les sources d'eaux."14 PJ 191 4 Dans la prophétie, cette mise en garde à propos du jugement et les messages qui l'accompagnent sont suivis de l'apparition du Fils de l'homme sur les nuées des cieux. La proclamation du jugement constitue l'annonce de la proximité de la venue du Seigneur. Or, cette proclamation est appelée Evangile éternel. La prédication relative au retour imminent du Christ constitue donc une partie essentielle du message évangélique. PJ 192 1 La Bible déclare que dans les derniers jours les hommes seront absorbés par leurs affaires, les plaisirs et le souci de gagner de l'argent. Ils auront les yeux fermés aux réalités éternelles. "Ce qui arriva du temps de Noé arrivera de même à l'avènement du Fils de l'homme. Car, dans les jours qui précédèrent le déluge, les hommes mangeaient et buvaient, se mariaient et mariaient leurs enfants, jusqu'au jour où Noé entra dans l'arche; et ils ne se doutèrent de rien, jusqu'à ce que le déluge vînt et les emportât tous: il en sera de même à l'avènement du Fils de l'homme."15 PJ 192 2 Il en est de même aujourd'hui. Les hommes recherchent avec frénésie les richesses et les plaisirs égoïstes comme s'il n'y avait ni Dieu, ni ciel, ni au-delà. Au temps de Noé, l'annonce du déluge devait amener les hommes à s'effrayer de leur méchanceté et les appeler à la repentance. Ainsi, le message du retour prochain du Christ doit détourner les hommes de leur attachement aux choses terrestres. Il a pour but de les éveiller à la perception des réalités éternelles et de les inciter à prendre garde à l'invitation du Seigneur. PJ 192 3 L'invitation évangélique est à transmettre au monde entier, "à toute nation, à toute tribu, à toute langue et à tout peuple".16 Il faut que le dernier message d'avertissement et de miséricorde éclaire toute la terre de sa gloire, qu'il pénètre toutes les couches de la société, riches et pauvres, grands et petits. "Va dans les chemins et le long des haies, dit le Christ, et ceux que tu trouveras, contrains-les d'entrer, afin que ma maison soit remplie." PJ 192 4 Le monde périt faute de connaître l'Evangile. Une famine de la parole de Dieu sévit. Ils sont rares, en effet, ceux qui prêchent le message divin sans y mêler des traditions humaines. Tout en possédant la Bible, les hommes ne reçoivent pas les bienfaits que le Seigneur y a placés à leur intention. Dieu a chargé ses serviteurs de porter son invitation au monde. Il faut que les paroles de vie soient transmises à ceux qui périssent dans leurs péchés. PJ 193 1 En donnant l'ordre d'aller dans les chemins et le long des haies, le Christ précise la mission de tous ceux qu'il appelle à son service. La terre entière est le champ où ils doivent exercer leur activité. Toute la famille humaine est représentée au sein de leur communauté. Le Seigneur désire que sa parole de grâce soit offerte à chaque âme. PJ 193 2 Le travail personnel entre pour une grande part dans cette oeuvre. C'était la méthode du Sauveur. Son ministère comportait beaucoup de contacts individuels. Il aimait particulièrement les entretiens en tête à tête. Ainsi, par l'intermédiaire d'une seule âme, le message pouvait fréquemment toucher des milliers de gens. PJ 193 3 Nous ne devons pas attendre que l'on vienne à nous. Il faut aller chercher les hommes là où ils se trouvent. Quand la parole a été prêchée du haut de la chaire, le travail ne fait que commencer. Des multitudes ne seront jamais touchées par l'Evangile si nous n'allons pas le leur annoncer. PJ 193 4 L'invitation au festin avait tout d'abord été envoyée au peuple juif, appelé à être l'instructeur et le conducteur des autres nations. Il était le dépositaire des rouleaux sacrés qui annonçaient la venue du Messie; il avait aussi la charge des services symboliques préfigurant sa mission. Si les prêtres et le peuple avaient répondu à l'invitation du Christ, ils se seraient unis à ses messagers pour la transmettre au reste du monde. La vérité leur avait été envoyée pour qu'ils la communiquent à d'autres. Comme ils repoussèrent l'appel, celui-ci fut adressé aux pauvres, aux infirmes, aux boiteux et aux aveugles. Les publicains et les gens de mauvaise vie l'acceptèrent. Lorsque cet appel est transmis aux païens, le même plan est suivi: le message est tout d'abord proclamé dans les places et dans les rues, c'est-à-dire à ceux qui jouent un rôle prédominant dans le monde, pour enseigner et conduire le peuple. PJ 194 1 Les serviteurs du Seigneur feraient bien de s'en souvenir. L'invitation doit être présentée aux bergers du troupeau, aux hommes qui ont reçu de Dieu la mission d'enseigner, comme une parole qu'ils doivent prendre en considération. Ceux qui appartiennent aux classes supérieures de la société doivent être cherchés et conviés avec affection et sollicitude. Des hommes engagés dans les affaires et occupant des postes de confiance, des hommes de science et de génie, des prédicateurs de l'Evangile dont l'esprit n'a pas encore été attiré sur les vérités particulières pour notre époque: voilà les premiers qui devraient entendre l'invitation. Il faut leur en faire part. PJ 194 2 Nous devons accomplir une oeuvre auprès des riches. Puisqu'ils sont les dépositaires des biens que le ciel leur a confiés, il convient d'éveiller en eux le sens de leur responsabilité. Il faut leur rappeler qu'ils auront un jour à rendre compte de leur fortune à celui qui juge les vivants et les morts. Les riches ont besoin que vous travailliez pour leur âme dans l'amour et la crainte du Seigneur. Ils se fient trop souvent à leurs biens, sans discerner le danger qu'ils courent. Leurs regards doivent être attirés vers les richesses impérissables. Il faut qu'ils apprennent à reconnaître l'autorité de la bonté véritable qui dit: "Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos. Prenez mon joug sur vous et recevez mes instructions, car je suis doux et humble de coeur; et vous trouverez du repos pour vos âmes. Car mon joug est doux, et mon fardeau léger."17 PJ 194 3 On s'adresse rarement de façon personnelle à ceux qui occupent de hautes positions du fait de leur culture, de leur fortune ou de leur profession. Beaucoup de prédicateurs de l'Evangile hésitent à s'approcher d'eux et à leur parler de leurs intérêts éternels. Mais il ne devrait pas en être ainsi. Si un homme tombe à l'eau, nous ne le laisserons pas se noyer, qu'il soit notaire, marchand ou juge. Si des gens se ruent vers un précipice, nous n'hésiterons pas à les retenir, quel que soit leur rang social. Nous ne devons pas non plus hésiter à avertir les hommes des périls qui guettent leur âme. PJ 195 1 Nul ne doit être négligé sous prétexte qu'il semble absorbé par les biens d'ici-bas. Nombreux sont les grands de ce monde dont le coeur est meurtri et qui sont las de cette vie de vanité. Ils soupirent après une paix qu'ils ne possèdent pas. Dans les classes les plus élevées de la société, des âmes ont faim et soif de salut. Beaucoup accepteraient le secours d'un messager du Seigneur s'il se présentait à eux personnellement, d'une manière courtoise, avec un coeur rempli de l'amour de Jésus-Christ. PJ 195 2 Le succès du message évangélique ne dépend pas de discours savamment conçus, d'éloquents témoignages ou d'une argumentation serrée, mais de la simplicité avec laquelle il est délivré et de son adaptation à ceux qui ont faim du pain de vie. "Que dois-je faire pour être sauvé?" -- voilà comment s'exprime le besoin profond de l'être humain. PJ 195 3 Des milliers de personnes peuvent être touchées de la façon la plus humble. Les hommes et les femmes les plus cultivés, ceux que l'on considère comme les mieux doués, sont souvent vivifiés par les simples paroles d'une âme qui aime Dieu et qui peut parler de cet amour aussi naturellement que l'homme du monde s'entretient de ses intérêts les plus chers. PJ 195 4 Souvent, les discours les mieux préparés ne produisent que peu d'effet; mais le témoignage loyal et sincère d'un fils ou d'une fille de Dieu, délivré avec une simplicité naturelle, a la puissance d'ouvrir des portes longtemps fermées au Christ et à son amour. PJ 195 5 Que celui qui accomplit l'oeuvre du Seigneur se rappelle qu'il ne doit pas compter sur sa propre force. Qu'il ait recours à Dieu avec foi en sa puissance salvatrice. Qu'il combatte avec lui dans la prière et fasse usage de tous les moyens que le Seigneur met à sa disposition. Le Saint-Esprit donnera de l'efficacité à ses travaux, et les anges du ciel seront à ses côtés pour toucher les coeurs. PJ 196 1 Si les principaux de Jérusalem et les conducteurs religieux avaient répondu à l'appel de Jésus, quel centre missionnaire cette ville serait devenue! Israël, se détournant de son apostasie, se serait converti et une puissante armée se serait constituée pour la cause de Dieu. Avec quelle rapidité l'Evangile n'aurait-il pas atteint les extrémités de la terre! Si donc, de nos jours, des hommes influents et capables étaient gagnés à la cause du Christ, ils accompliraient une oeuvre admirable en faveur des pécheurs et de ceux qui sont rejetés par la société, et répandraient partout la bonne nouvelle du salut. L'invitation serait transmise avec promptitude et les conviés ne tarderaient pas à se grouper autour de la table du Seigneur. PJ 196 2 Mais il ne faut pas penser seulement aux hommes influents et négliger les autres. Jésus recommande aussi à ses messagers d'aller dans les chemins et le long des haies, vers les pauvres et les humbles de la terre. Dans les cours et les ruelles de nos grandes cités, dans les chemins écartés des campagnes, il y a des familles et des individus -- peut-être des solitaires en pays étrangers -- qui ne font partie d'aucune église et qui, dans leur isolement, en viennent à penser que Dieu les a oubliés. Ils ne savent que faire pour être sauvés. Beaucoup sont plongés dans le péché; beaucoup se trouvent dans la misère, la souffrance, le besoin, l'incrédulité, le découragement, la maladie physique et morale. Ils aspirent à trouver le baume qui pansera leurs blessures. Satan les pousse à le rechercher dans la luxure et les plaisirs qui consommeront leur déchéance et leur mort. Il leur tend les pommes de Sodome qui se changent en amertume dès qu'ils les portent à leur bouche. Ils dépensent leur argent pour ce qui ne nourrit pas, et ils travaillent pour ce qui ne rassasie pas. PJ 197 1 Nous devons voir dans ces êtres souffrants ceux que Jésus est venu sauver. C'est à eux qu'il dit: "Vous tous qui avez soif, venez aux eaux, même celui qui n'a pas d'argent! Venez, achetez et mangez, venez, achetez du vin et du lait, sans argent, sans rien payer!... Ecoutez-moi donc, et vous mangerez ce qui est bon, et votre âme se délectera de mets succulents. Prêtez l'oreille, et venez à moi, écoutez, et votre âme vivra."18 PJ 197 2 Dieu nous a tout spécialement recommandé d'avoir des égards pour les étrangers, les proscrits et ceux qui sont faibles de caractère. Bien des gens qui semblent indifférents à toute question religieuse aspirent dans leur coeur au repos et à la paix. Plongés dans les bas-fonds du péché, ils peuvent néanmoins être sauvés. PJ 197 3 Les serviteurs du Christ doivent imiter son exemple. En se rendant de lieu en lieu, Jésus consolait les affligés et guérissait les malades. Puis il leur présentait les grandes vérités relatives à son royaume. C'est aussi la mission qu'il a confiée à ses disciples. En soulageant les corps, vous trouverez le moyen de subvenir aux besoins des âmes. Vous pourrez attirer l'attention du monde sur le Sauveur crucifié et parler de l'amour du grand Médecin qui, seul, a le pouvoir de guérir. PJ 197 4 Dites aux malheureux en proie au découragement qu'il y a de l'espoir pour eux. Malgré leurs égarements et les lacunes de leur caractère, Dieu a encore une joie en réserve pour eux: celle du salut qu'il offre. Il prend plaisir à se servir de matériaux apparemment impropres à tout usage, qui ont été les instruments de Satan, pour en faire les bénéficiaires de sa grâce. Il se réjouit en les délivrant de la colère qui fondra sur tous ceux qui lui ont désobéi. Il faut leur dire qu'il y a guérison et purification pour tous. Il y a une place pour eux à la table du Seigneur. Celui-ci attend de pouvoir leur souhaiter la bienvenue. PJ 198 1 Ceux qui vont par les chemins et le long des haies rencontreront des personnes d'un caractère bien différent, qui ont besoin de leur ministère. Il y a des âmes qui marchent dans toute la lumière qu'elles ont reçue et qui servent Dieu de leur mieux. Se rendant compte de la grande oeuvre qui reste encore à faire en elles et chez ceux qui les entourent, elles aspirent à connaître Dieu toujours plus parfaitement, mais elles n'ont fait qu'entrevoir les premières lueurs d'une clarté plus vive. Elles prient Dieu avec larmes, le suppliant de leur donner la bénédiction que leur foi discerne dans le lointain. On trouvera nombre de ces gens au sein de la corruption des grandes villes. Beaucoup passent inaperçus à cause de leur condition extrêmement modeste. Il en est plusieurs dont les prédicateurs et les églises ne savent rien. Mais dans ces lieux humbles et misérables, ils sont les témoins du Seigneur. Peut-être n'ont-ils reçu que peu de lumière et n'ont-ils guère eu l'occasion de former un caractère chrétien; mais dans leur nudité, en butte à la faim et au froid, ils s'efforcent de venir en aide à d'autres. Que les dispensateurs de la grâce infiniment variée de Dieu recherchent ces âmes, qu'ils visitent leurs foyers et subviennent à leurs besoins par la puissance du Saint-Esprit! Etudiez la Bible avec elles et priez ensemble avec la simplicité que communique l'Esprit de Dieu. Le Christ donnera à ses serviteurs un message qui sera pour elles comme le pain du ciel. Ses précieuses bénédictions se transmettront de coeur à coeur, de famille en famille. PJ 198 2 On a souvent mal interprété l'ordre donné dans la parabole: "Contrains-les d'entrer." Certains ont cru qu'il fallait obliger les gens à accepter l'Evangile. Mais cette parole montre plutôt la nature pressante de l'invitation et l'efficacité des encouragements donnés. L'Evangile n'a jamais employé la force pour conduire les âmes au Christ. Voici quel est son message: "Vous tous qui avez soif, venez aux eaux." "L'Esprit et l'épouse disent: Viens. ... Que celui qui veut prenne de l'eau de la vie, gratuitement."19 Nous sommes contraints à venir à Jésus par la puissance de la grâce et de l'amour divins. PJ 199 1 Le Sauveur déclare: "Voici, je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui, je souperai avec lui, et lui avec moi?"20 Il ne se laisse pas rebuter par le mépris ni effrayer par les menaces, mais il cherche constamment les égarés, en disant: "Comment pourrais-je t'abandonner.21 Bien que repoussé par un coeur endurci, Jésus se fait entendre avec plus d'insistance encore: "Voici, je me tiens à la porte, et je frappe." La force irrésistible de son amour contraint l'homme à entrer dans la salle du banquet. Aussi dit-il au Christ: "Je deviens grand par ta bonté.22 PJ 199 2 Le Christ communiquera à ses serviteurs l'amour ardent qu'il témoigne dans la recherche de ceux qui se perdent. Il ne suffit pas de dire simplement: "Venez", car il y a des âmes qui entendent l'appel sans en pénétrer le sens. Leur compréhension est trop lente et trop faible pour discerner les bénédictions qui les attendent. Beaucoup de gens ont conscience de leur triste condition morale et disent: "Laissez-moi, car je ne suis pas digne de votre aide." Mais les messagers de la bonne nouvelle ne doivent pas abandonner la partie. Avec amour et mansuétude, ils ont à s'approcher de ceux qui sont découragés et délaissés. Communiquez-leur votre courage, votre espérance, votre force. Avec bonté, contraignez-les d'entrez. "Reprenez les uns, ceux qui contestent; sauvez-en d'autres en les arrachant du feu; et pour d'autres encore, ayez une pitié mêlée de crainte."23 PJ 199 3 Notre message aura de l'efficacité si nous marchons avec Dieu par la foi. Le Seigneur nous rendra capables de montrer son amour et de mettre en évidence le danger qui résulte du rejet de sa grâce. Ainsi, des âmes se trouveront contraintes d'accepter l'Evangile. Jésus-Christ accomplira encore des miracles étonnants si les hommes veulent seulement faire la part que Dieu leur a confiée. Aujourd'hui, comme par le passé, de grandes transformations peuvent s'opérer dans les coeurs. John Bunyan, retiré d'une vie de souillure et de péché, et John Newton, auparavant marchand d'esclaves, devinrent les hérauts d'un Sauveur crucifié. Des Bunyan et des Newton peuvent encore être régénérés parmi nos contemporains. Nombre de parias seront encore relevés par ceux qui consentent à collaborer avec la divinité et, à leur tour, ils s'emploieront à restaurer l'image de Dieu dans d'autres âmes. Certaines personnes ont eu très peu d'occasions d'apprendre à connaître leur Sauveur; elles sont dans l'erreur parce qu'elles ne connaissent rien de mieux. Néanmoins, les rayons de la lumière d'en haut leur parviendront. Le Seigneur leur dira comme à Zachée: "Il faut que je demeure aujourd'hui dans ta maison."24 On constatera que ceux qui avaient la réputation d'être endurcis auront des coeurs aussi tendres que des enfants, parce que le Seigneur aura daigné abaisser son regard sur eux. De nombreuses personnes qui ont été plongées dans les erreurs et les péchés les plus grossiers répondront à l'appel divin et prendront la place de celles qui n'ont pas su apprécier les occasions et les privilèges qui leur étaient offerts. Elles figureront parmi les élus de Dieu, parmi ses bien-aimés; et lorsque le Christ viendra dans son règne, elles seront près de son trône. PJ 200 1 "Gardez-vous de refuser d'entendre celui qui parle."25 Jésus dit: "Aucun de ces hommes qui avaient été invités ne goûtera de mon souper." Ils ont repoussé l'invitation, elle ne leur sera jamais renouvelée. En rejetant le Christ, les Juifs endurcissaient leur coeur et se plaçaient sous le contrôle de Satan. Il leur était désormais impossible d'accepter la grâce divine. Il en est ainsi aujourd'hui. Celui qui n'apprécie pas l'amour de Dieu, qui ne se laisse pas fléchir et subjuguer par ce principe immuable est définitivement perdu. Le Seigneur ne peut en donner une manifestation plus grande que celle qui nous a été accordée. Le coeur qui reste insensible à cet amour devient absolument inaccessible. PJ 201 1 Toutes les fois que vous refusez de prêter l'oreille au message de miséricorde, vous vous endurcissez dans l'incrédulité. Après chaque occasion manquée, vous avez encore moins envie d'écouter la voix de Jésus. Vous diminuez ainsi vos chances de répondre au dernier appel de la miséricorde. Veillez à ce qu'il ne soit pas dit de vous comme de l'ancien Israël: "Ephraïm est attaché aux idoles: laisse-le!"26 Prenez garde que le Christ ne vous répète, avec des larmes dans la voix, les paroles qu'il prononçait autrefois sur Jérusalem: "Combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants, comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous ne l'avez pas voulu! Voici, votre maison vous sera laissée déserte.27 PJ 201 2 Nous vivons à l'époque où le dernier message de miséricorde, c'est-à-dire le dernier appel de la grâce, est adressé aux enfants des hommes. L'exécution de l'ordre donné: "Allez dans les chemins et le long des haies", entre dans sa phase ultime. Toute âme recevra l'invitation: "Venez, car tout est prêt." Les anges du ciel opèrent encore en collaboration avec les hommes. Par toutes sortes d'encouragements, le Saint-Esprit vous presse de venir. Le Christ attend un signe indiquant que vous tirez le verrou pour lui permettre d'entrer. Les anges aimeraient pouvoir porter au ciel la nouvelle qu'un pécheur de plus s'est repenti. Les armées célestes se tiennent prêtes à toucher leurs harpes et à entonner des chants de joie en apprenant qu'une nouvelle âme a accepté l'invitation au festin évangélique. ------------------------Chapitre 19 -- La mesure du pardon PJ 205 1 Pierre vint un jour demander à Jésus: "Seigneur, combien de fois pardonnerai-je à mon frère, lorsqu'il péchera contre moi? Sera-ce jusqu'à sept fois?"1 Les rabbins limitaient le pardon à trois offenses. Pour se conformer à ce qu'il croyait être la pensée du Maître, Pierre en porta la limite à sept fois, chiffre exprimant l'idée de la perfection. Mais le Christ enseigna que nous ne devons jamais nous lasser de pardonner: "Je ne te dis pas jusqu'à sept fois, dit-il, mais jusqu'à septante fois sept fois.2 PJ 205 2 Ensuite, il expliqua sur quelle base le pardon doit être accordé, et montra qu'il est dangereux d'entretenir dans son coeur des ferments de rancune. Dans une parabole, il cita le comportement d'un roi envers les dignitaires auxquels il avait confié les affaires de son gouvernement. Quelques-uns d'entre eux recevaient des sommes considérables qui appartenaient à l'Etat. Le monarque ayant entrepris d'examiner leur gestion, on lui en amena un dont les comptes accusaient l'énorme découvert de dix mille talents. Il était incapable de restituer ce qu'il avait pris. Comme c'était la coutume, le roi, pour rentrer dans ses fonds, ordonna qu'on le vende avec tout ce qu'il possédait. Terrifié, le pauvre homme tomba à ses pieds, en s'écriant: "Seigneur, aie patience envers moi, et je te paierai tout."3 Saisi de pitié, le maître de ce serviteur le laissa aller et lui remit sa dette. PJ 206 1 "Après qu'il fut sorti, ce serviteur rencontra un de ses compagnons qui lui devait cent deniers. Il le saisit et l'étranglait, en disant: Paie ce que tu me dois. Son compagnon, se jetant à terre, le suppliait, disant: Aie patience envers moi, et je te paierai. Mais l'autre ne voulut pas, et il alla le jeter en prison, jusqu'à ce qu'il eût payé ce qu'il devait. Ses compagnons, ayant vu ce qui était arrivé, furent profondément attristés, et ils allèrent raconter à leur maître tout ce qui s'était passé. Alors le maître fit appeler ce serviteur, et lui dit: Méchant serviteur, je t'avais remis en entier ta dette, parce que tu m'en avais supplié; ne devais-tu pas aussi avoir pitié de ton compagnon, comme j'ai eu pitié de toi? Et son maître irrité le livra aux bourreaux, jusqu'à ce qu'il eût payé tout ce qu'il devait."4 PJ 206 2 Cette parabole nous donne certains détails qui sont indispensables à la présentation du tableau, mais qui n'ont aucune signification spirituelle. Il ne faut pas s'y arrêter. Les grandes vérités illustrées doivent seules retenir notre attention. PJ 206 3 Le pardon accordé par le roi, c'est le pardon divin de tous nos péchés. Le Christ est représenté par ce souverain qui, ému de compassion, remit la dette de son serviteur. Les hommes se trouvaient sous la condamnation de la loi transgressée; il leur était impossible de se sauver eux-mêmes. C'est la raison pour laquelle Jésus vint ici-bas, revêtant sa divinité de notre humanité. Lui, le juste, sacrifia sa propre vie pour racheter des injustes. Après s'être donné pour nos péchés, il offre gratuitement à toute âme le pardon acquis par son sang. "La miséricorde est auprès de l'Eternel, et la rédemption est auprès de lui en abondance."5 PJ 206 4 Telle est la base sur laquelle nous devons accorder le pardon à ceux qui sont pécheurs comme nous. "Si Dieu nous a ainsi aimés, nous devons aussi nous aimer les uns les autres." "Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement."6 PJ 207 1 Quand le débiteur de la parabole eut demandé un délai, en disant: "Aie patience envers moi, et je te paierai tout", la condamnation fut annulée. Toute sa dette lui fut remise. Il eut bientôt l'occasion d'exercer à son tour la miséricorde, à l'exemple de son maître. A peine sorti, il rencontra un de ses compagnons qui lui devait une petite somme d'argent. Il lui avait été remis dix mille talents, et son débiteur ne lui devait que cent deniers. Mais celui qui avait été traité avec tant de compassion agit tout différemment à l'égard de son camarade. Son débiteur lui adressa une requête analogue à celle qu'il avait lui-même présentée au roi, mais sans succès. Celui à qui l'on venait d'accorder le pardon se montra dur et sans pitié. C'est en vain que son débiteur lui demanda d'user de patience envers lui. Tout ce dont voulait se souvenir l'ingrat serviteur, c'est de la petite somme qui lui était due. Il exigea tout ce qui lui revenait et il exécuta une sentence semblable à celle qui venait d'être si miséricordieusement annulée en sa faveur. PJ 207 2 Comme ils sont nombreux ceux qui, de nos jours, manifestent le même esprit! Quand le serviteur du roi suppliait son souverain d'avoir pitié de lui, il ne se rendait compte ni de l'énormité de sa dette ni de son incapacité à s'en acquitter. Il espérait pouvoir se libérer lui-même. "Aie patience envers moi, s'écria-t-il, et je te paierai tout." Il existe encore des personnes qui croient mériter la faveur divine par leurs oeuvres. Elles ne sont pas conscientes de leur impuissance. Elles n'acceptent pas la grâce de Dieu comme un don gratuit, mais elles tentent d'acquérir la justice par leurs propres efforts. Leur coeur n'est pas brisé et humilié à la pensée de leur péché, et elles se montrent exigeantes et implacables pour les autres. Leurs offenses contre Dieu, au regard des fautes que leurs frères ont pu commettre envers elles, sont comme dix mille talents par rapport à cent deniers -- environ un million comparé à une unité -- et pourtant elles refusent de pardonner à leurs semblables. PJ 208 1 Dans la parabole, le maître convoqua ce serviteur intraitable et lui dit: "Méchant serviteur, je t'avais remis en entier ta dette, parce que tu m'en avais supplié; ne devais-tu pas aussi avoir pitié de ton compagnon, comme j'ai eu pitié de toi? Et son maître irrité le livra aux bourreaux, jusqu'à ce qu'il eût payé tout ce qu'il devait." "C'est ainsi, dit Jésus, que mon Père céleste vous traitera, si chacun de vous ne pardonne à son frère de tout son coeur."7 Quiconque refuse de se montrer clément repousse loin de lui tout espoir de pardon. PJ 208 2 Mais il ne faudrait pas faire une fausse application de l'enseignement de cette parabole. Le pardon de Dieu ne nous dispense aucunement de l'obéissance que nous lui devons. Il en est de même de l'esprit de clémence à l'égard du prochain: il ne dispense personne de la soumission à ses obligations. Dans la prière que Jésus enseigna aux disciples, il dit: "Pardonne-nous nos offenses, comme nous aussi nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés."8 Il ne dit pas que pour obtenir le pardon nous ne devons pas réclamer à un débiteur ce qu'il nous doit. S'il ne peut pas payer, fût-ce même par sa faute, il ne faut pas le jeter en prison ni le traiter avec dureté. Néanmoins, la parabole ne nous apprend pas à encourager l'indolence. L'Ecriture déclare: "Si quelqu'un ne veut pas travailler, qu'il ne mange pas non plus.9 Elle n'exige pas que celui qui gagne péniblement sa vie entretienne des paresseux, car il en est un grand nombre qui sont dans la pauvreté et la disette parce qu'ils gaspillent leur temps et ne se donnent pas la peine de subvenir à leurs besoins. S'ils ne se corrigent pas de leurs travers, tout ce qui sera fait en leur faveur le sera en pure perte, comme si l'on mettait un trésor dans un sac percé. Et pourtant, il existe des cas de pauvreté inévitable; aussi notre devoir est-il de manifester de la bonté et de la compassion envers les malheureux. Il faut traiter les autres comme nous désirerions être traités si nous nous trouvions dans de semblables circonstances. PJ 209 1 Le Saint-Esprit, par l'intermédiaire de l'apôtre Paul, nous adresse cette exhortation: "Si donc il y a quelque consolation en Christ, s'il y a quelque soulagement dans la charité, s'il y a quelque union d'esprit, s'il y a quelque compassion et quelque miséricorde, rendez ma joie parfaite, ayant un même sentiment, un même amour, une même âme, une même pensée. Ne faites rien par esprit de parti ou par vaine gloire, mais que l'humilité vous fasse regarder les autres comme étant au-dessus de vous-mêmes. Que chacun de vous, au lieu de considérer ses propres intérêts, considère aussi ceux des autres. Ayez en vous les sentiments qui étaient en Jésus-Christ."10 PJ 209 2 Mais le péché ne doit pas être considéré à la légère. Le Seigneur nous défend de le tolérer chez notre frère. "Si ton frère a péché, dit-il, reprends-le."11 Il faut appeler le péché par son nom et en parler franchement à celui qui s'en est rendu coupable. PJ 209 3 Ecrivant sous l'inspiration divine, l'apôtre Paul recommande à Timothée: "Insiste en toute occasion, favorable ou non, reprends, censure, exhorte, avec toute douceur et en instruisant."12 Il écrit aussi à Tite: "Il y a... beaucoup de gens rebelles, de vains discoureurs et de séducteurs, auxquels il faut fermer la bouche. ... Reprends-les sévèrement, afin qu'ils aient une foi saine.13 PJ 209 4 "Si ton frère a péché, dit le Sauveur, va et reprends-le entre toi et lui seul. S'il t'écoute, tu as gagné ton frère. Mais, s'il ne t'écoute pas, prends avec toi une ou deux personnes, afin que toute l'affaire se règle sur la déclaration de deux ou de trois témoins. S'il refuse de les écouter, dis-le à l'Eglise; et s'il refuse aussi d'écouter l'Eglise, qu'il soit pour toi comme un païen et un publicain."14 PJ 209 5 Le Seigneur nous montre par ces paroles que les différends qui surgissent entre chrétiens doivent être réglés dans l'Eglise. Il ne faut pas les porter devant ceux qui ne craignent pas Dieu. Un converti vient-il à subir quelque injustice de la part d'un frère en la foi, qu'il évite de faire appel à un tribunal de non-croyants et qu'il suive l'instruction donnée par Jésus-Christ. Au lieu de chercher à se venger, qu'il s'efforce de sauver son frère. Dieu veille sur les intérêts de ceux qui l'aiment et le craignent, et c'est en toute confiance qu'ils peuvent s'en remettre à celui qui juge avec justice. PJ 210 1 Trop souvent, lorsqu'une personne a été maintes fois offensée et que l'offenseur avoue sa faute, cette personne se lasse de pardonner et s'imagine qu'elle l'a fait suffisamment. Mais le Sauveur nous montre clairement comment nous devons nous comporter: "Si ton frère a péché, dit-il, reprends-le; et, s'il se repent, pardonne-lui."15 Ne le repousse pas comme indigne de confiance. "Prends garde à toi-même, est-il écrit, de peur que tu ne sois aussi tenté.16 PJ 210 2 Si vos frères s'égarent, vous devez leur pardonner. Quand ils viennent à vous pour confesser leurs fautes, vous ne devez pas dire: "Ils ne se sont pas encore humiliés comme il faudrait. Je ne crois pas qu'ils aient un sentiment assez vif de leur péché." De quel droit voudriez-vous les soumettre aux rigueurs de votre jugement comme si vous saviez ce qui se passe dans leurs coeurs? La parole de Dieu nous déclare: "S'il se repent, pardonne-lui. Et s'il a péché contre toi sept fois dans un jour, et que sept fois il revienne à toi, disant: je me repens, -- tu lui pardonneras",17 et cela non seulement sept fois, mais encore septante fois sept fois, autrement dit, aussi souvent que le Seigneur consent à nous pardonner. PJ 210 3 C'est à la grâce de Dieu que nous devons tout ce que nous avons; c'est par elle que nous avons été adoptés; c'est encore elle qui a effectué notre rédemption, notre régénération, notre élévation à la qualité d'héritiers avec le Christ. Que cette grâce soit aussi révélée à d'autres. PJ 210 4 Ne découragez pas celui qui s'est égaré, et ne blessez pas votre frère par une dureté digne des pharisiens; veillez à ce que votre coeur et votre esprit ne se laissent pas dominer par des sentiments d'amertume; que le ton de votre voix soit exempt de tout mépris. Si vous dites une seule parole de vous-même, si vous prenez une attitude indifférente, ou si vous montrez de la suspicion ou de la défiance, vous risquez de perdre une âme. Votre prochain a besoin de rencontrer un frère avec un coeur semblable à celui du Frère aîné, capable par sa sympathie de toucher son coeur humain. Il faut qu'il sente l'étreinte d'une main chaleureuse et qu'il entende dire: "Prions." A tous deux, le Seigneur accordera une riche bénédiction, car la prière nous unit aux autres et à Dieu. C'est elle qui attire Jésus à nos côtés et communique aux coeurs abattus et défaillants une force nouvelle pour vaincre le monde, la chair et Satan; c'est elle qui détourne les assauts de cet adversaire. PJ 211 1 Quand nous délaissons les imperfections humaines pour contempler Jésus, une transformation divine s'opère dans notre caractère. L'esprit du Christ agit sur le coeur et le modèle à son image. Faites donc tout ce qui dépend de vous pour exalter Jésus; tournez vos regards vers "l'agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde".18 En entreprenant cette tâche, rappelez-vous que "celui qui ramènera un pécheur de la voie où il s'était égaré sauvera une âme de la mort et couvrira une multitude de péchés.19 PJ 211 2 "Mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père ne vous pardonnera pas non plus vos offenses."20 Rien ne peut justifier celui qui n'a pas l'esprit de pardon. Qui ne se montre pas miséricordieux envers les autres prouve qu'il ne participe pas lui-même à la grâce de Dieu. La clémence d'en haut attire l'âme égarée à celui dont l'amour est infini. Le flot de la compassion divine envahit le coeur du pécheur et, par lui, se communique à d'autres. La tendresse et la miséricorde que le Christ a manifestées ici-bas se retrouveront chez ceux qui ont part à sa grâce. Mais "si quelqu'un n'a pas l'Esprit de Christ, il ne lui appartient pas.21 Il est étranger à la vie de Dieu, et uniquement propre à être séparé de lui pour l'éternité. PJ 212 1 Il est vrai qu'il peut avoir une fois été absous, mais son esprit sans pitié prouve qu'il rejette maintenant l'amour de Dieu qui pardonne. Il s'est écarté de lui et se trouve dans la même condition qu'avant d'avoir obtenu grâce. Il a renié sa repentance et il porte à nouveau ses péchés comme s'il ne s'était jamais repenti. PJ 212 2 Voici la grande leçon qui se dégage de cette parabole: la compassion de Dieu contraste avec la dureté de l'homme; or le pardon divin doit nous donner la dimension de notre propre miséricorde. "Ne devais-tu pas avoir aussi pitié de ton compagnon, comme j'ai eu pitié de toi?" PJ 212 3 Nous ne sommes pas pardonnés parce que nous pardonnons, mais comme nous pardonnons. La base de tout pardon se trouve dans l'amour immérité de Dieu; mais par notre attitude envers les autres, nous montrons si nous nous sommes approprié cet amour. Aussi le Christ dit-il: "On vous jugera du jugement dont vous jugez, et l'on vous mesurera avec la mesure dont vous mesurez."22 ------------------------Chapitre 20 -- Le gain qui est une perte PJ 213 1 Le Christ enseignait et, comme à l'accoutumée, un groupe s'était formé autour de ses disciples. Le Maître venait précisément de parler à ceux-ci des scènes auxquelles ils devaient bientôt participer. Ils allaient être appelés à répandre les vérités qu'il leur avait confiées, et se trouveraient aux prises avec les grands de ce monde. A cause de lui, ils seraient traduits en justice et comparaîtraient devant des magistrats et des rois. Mais ils recevraient une sagesse à laquelle nul ne pourrait tenir tête. Ses paroles, qui touchaient le coeur des foules et confondaient ses rusés adversaires, témoignaient de la puissance de l'Esprit qui habitait en lui et qu'il avait promise à ses disciples. PJ 213 2 Mais beaucoup n'aspiraient aux grâces du ciel que pour un but égoïste. Ils reconnaissaient la merveilleuse puissance qui agissait par le Christ pour exposer clairement la vérité. Ils savaient qu'il avait promis à ses disciples la sagesse nécessaire pour comparaître devant les gouverneurs et les magistrats. Ne mettrait-il pas également son pouvoir à la disposition de leurs visées temporelles? PJ 213 3 "Quelqu'un dit à Jésus, du milieu de la foule: Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage."1 Par Moïse, Dieu avait donné des lois touchant la transmission de l'héritage. Le fils aîné devait recevoir une portion double des biens paternels, tandis que chacun de ses frères plus jeunes avait droit à une part égale de ce qui restait.2 Cet homme estimait que son frère l'avait lésé dans le partage de leurs biens. Il n'avait pas réussi à obtenir ce qu'il croyait être son dû. Mais, se disait-il, si le Christ consentait à intervenir, il aurait sans doute gain de cause. Il avait entendu les vibrants appels de Jésus et ses solennelles condamnations à l'égard des scribes et des pharisiens. S'il s'adressait à son frère avec la même autorité, celui-ci n'oserait sans doute plus refuser de partager. PJ 214 1 C'est au milieu des instructions solennelles du Christ que cet homme vint exhiber son égoïsme. Il voyait tout le parti qu'il pourrait tirer de la puissance du Seigneur en vue de ses intérêts matériels; mais les vérités spirituelles n'avaient eu aucune prise sur son esprit et sur son coeur. Il n'avait qu'une idée en tête: prendre possession de son héritage. Jésus, le Roi de gloire, s'était fait pauvre pour nous, de riche qu'il était, et il offrait à cet homme les trésors de l'amour divin. Le Saint-Esprit le sollicitait de s'assurer "un héritage qui ne se peut ni corrompre, ni souiller, ni flétrir".3 Il avait eu des preuves de la puissance du Christ. Maintenant, l'occasion se présentait à lui de s'adresser au grand Maître pour lui exprimer ses désirs les plus chers. Mais, comme l'un des personnages du "Voyage du Pèlerin" de Bunyan, ses yeux étaient fixés sur la terre, il n'apercevait pas la couronne qui était sur sa tête. Comme Simon le magicien, il considérait les dons de Dieu comme un moyen d'acquérir des biens terrestres. PJ 214 2 La mission du Christ ici-bas touchait à son terme. Il ne restait plus au Sauveur que quelques mois pour achever l'oeuvre qu'il était venu accomplir en vue de l'établissement du royaume de sa grâce. Cependant, la cupidité humaine s'efforçait de l'en détourner pour l'entraîner dans une dispute au sujet d'un lopin de terre. Mais Jésus ne se laissa pas détourner de sa mission. "O homme, répondit-il, qui m'a établi pour être votre juge, ou pour faire vos partages?"4 PJ 215 1 Il aurait pu dire à cet homme exactement ce que demandait la justice. Il connaissait le cas. Mais les frères se disputaient parce que l'un et l'autre étaient avares. Le Christ dit virtuellement: "Il ne m'appartient pas de régler des différends de ce genre." Il était venu dans une tout autre intention: prêcher l'Evangile et réveiller chez les êtres humains un sens des réalités éternelles. PJ 215 2 L'attitude du Christ en présence d'une situation comme celle-là est une leçon pour tous ceux qui exercent un ministère en son nom. Voici le mandat qu'il a donné aux douze en les envoyant dans le monde: "Allez, prêchez, et dites: Le royaume des cieux est proche. Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons. Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement."5 Les apôtres ne devaient pas s'occuper des différends d'ordre purement temporel. Leur mission consistait à persuader les hommes d'accepter la réconciliation avec Dieu. PJ 215 3 C'est en s'appliquant à cette tâche qu'ils pouvaient être en bénédiction à l'humanité. Le Christ: voilà l'unique remède pour les péchés et les douleurs des hommes. Seul l'Evangile de la grâce a la puissance de guérir les maux qui rongent la société. L'injustice du riche à l'égard du pauvre et la haine de celui-ci envers le riche ont toutes deux leurs racines dans l'égoïsme, et l'on ne parvient à extirper celui-ci qu'en se soumettant à Jésus-Christ. Lui seul peut donner, en échange d'un coeur égoïste, un coeur à nouveau capable d'aimer. Que les serviteurs du Christ prêchent donc l'Evangile avec l'Esprit qui leur est envoyé du ciel et qu'ils travaillent comme leur Maître au bonheur de l'humanité, en exerçant sur elle une influence bienfaisante et ennoblissante. Ils constateront alors des résultats qu'il serait impossible d'obtenir par la seule puissance humaine. PJ 216 1 Notre Seigneur s'attaqua à la racine du problème qui troublait cet homme, et régla tous les litiges analogues: "Gardez-vous avec soin de toute avarice; car la vie d'un homme ne dépend pas de ses biens, fût-il dans l'abondance. PJ 216 2 "Et il leur dit cette parabole: Les terres d'un homme riche avaient beaucoup rapporté. Et il raisonnait en lui-même, disant: Que ferai-je? car je n'ai pas de place pour serrer ma récolte. Voici, dit-il, ce que je ferai: j'abattrai mes greniers, j'en bâtirai de plus grands, j'y amasserai toute ma récolte et tous mes biens; et je dirai à mon âme: Mon âme, tu as beaucoup de biens en réserve pour plusieurs années; repose-toi, mange, bois, et te réjouis. Mais Dieu lui dit: Insensé! Cette nuit même ton âme te sera redemandée; et ce que tu as préparé, pour qui sera-t-il? Il en est ainsi de celui qui amasse des trésors pour lui-même, et qui n'est pas riche pour Dieu."6 PJ 216 3 Par la parabole du riche insensé, le Christ mit en évidence la folie de ceux qui placent toutes leurs affections dans les biens de ce monde. Cet homme avait tout reçu de Dieu: le soleil avait brillé sur ses terres, car celui-ci éclaire de ses rayons les bons et les méchants, et les ondées du ciel tombent sur le champ de l'injuste comme sur celui du juste. Le Seigneur avait fait prospérer la végétation et avait accordé à ce propriétaire des récoltes abondantes. Ses greniers regorgeaient, et il était perplexe, car il n'avait pas de place pour loger le surplus du produit de ses champs. Il ne pensait pas à Dieu qui l'avait comblé de tous ces biens. Il oubliait que le Seigneur l'avait établi administrateur de ces richesses pour venir en aide aux nécessiteux. Il avait là une belle occasion d'être un généreux dispensateur entre les mains de Dieu, mais il ne pensait qu'à ses aises. PJ 216 4 Son attention s'était portée sur la situation des pauvres, des orphelins, des veuves, des malades et des affligés: autant de cas qui demandaient son assistance. Il aurait pu facilement se décharger d'une partie de son superflu, et mettre ainsi de nombreuses familles à l'abri du besoin; bien des affamés auraient pu être rassasiés; ceux qui n'avaient pas de vêtements auraient pu se vêtir; il aurait pu rendre heureux bien des coeurs, exaucer lui-même de nombreuses requêtes. Un concert de louanges serait ainsi monté vers le ciel. Le Seigneur avait entendu les prières des malheureux et, dans sa bonté, il leur avait préparé le nécessaire.7 Il avait été pourvu abondamment aux besoins de plusieurs par les bénédictions accordées à l'homme riche. Mais celui-ci avait fermé son coeur au cri des pauvres. Il avait dit à ses serviteurs: "Voici ce que je ferai: j'abattrai mes greniers, j'en bâtirai de plus grands, j'y amasserai toute ma récolte et tous mes biens; et je dirai à mon âme: Mon âme, tu as beaucoup de biens en réserve pour plusieurs années; repose-toi, mange, bois, et te réjouis." PJ 217 1 Les aspirations de ce riche n'étaient pas plus élevées que celles des animaux. Il vivait comme s'il n'y avait ni Dieu, ni ciel, ni vie à venir; comme si tout ce qu'il possédait lui appartenait en propre, et qu'il ne doive rien ni à Dieu ni aux hommes. C'est un homme de ce genre que le psalmiste décrit dans ce passage: "L'insensé dit en son coeur: Il n'y a point de Dieu!"8 PJ 217 2 Ce propriétaire vivait et concevait des plans pour lui seul. Il veillait à ce que son avenir soit largement assuré, et il ne pensait qu'à accumuler le fruit de ses travaux pour en jouir. Il se considérait comme le plus favorisé des hommes, et il en attribuait la gloire à sa prévoyance et à son savoir-faire. Il était honoré par ses concitoyens comme un homme judicieux et prospère -- car "on te louera, si tu te fais du bien".9 PJ 217 3 Mais "la sagesse de ce monde est une folie devant Dieu".10 Tandis que le riche se promet des années de plaisir, Dieu fait des plans tout différents. Il adresse à cet économe infidèle ce message: "Insensé! cette nuit même ton âme te sera redemandée." L'argent ne pourra rien contre une pareille sentence, et les biens qu'il a accumulés ne sauraient lui accorder aucun sursis. En un instant, ce qu'il a amassé au prix du travail de toute une vie pour se mettre à l'abri du besoin lui devient inutile. "Ce que tu as préparé, pour qui cela sera-t-il?" Ses champs immenses, ses greniers bien remplis lui échappent. "Il amasse, et il ne sait qui recueillera."11 PJ 218 1 Il ne s'est pas assuré la seule chose qui pourrait maintenant lui être utile. Dans son égoïsme, il a repoussé l'amour de Dieu qui se serait répandu sur les autres par des actes de miséricorde. Il a ainsi rejeté la vie -- car Dieu est amour et son amour est vie. Ce riche a préféré le terrestre au spirituel, et il doit disparaître avec ce qui est terrestre. "L'homme qui est en honneur, et qui n'a pas d'intelligence, est semblable aux bêtes que l'on égorge."12 PJ 218 2 "Il en est ainsi de celui qui amasse des trésors pour luimême, mais qui n'est pas riche pour Dieu." Ce tableau correspond à une réalité de tous les temps. Vous pouvez faire des plans en vue de votre avantage personnel, accumuler des trésors, édifier de grandes et hautes bâtisses, comme l'ont fait les fondateurs de l'antique cité de Babylone; mais vous ne pourrez jamais construire des murailles assez élevées et des portes assez solides pour barrer la route aux messagers du jugement. "Le roi Belschatsar donna un grand festin à ses grands", et il loua "les dieux d'or, d'argent, d'airain, de fer, de bois et de pierre". Mais la main d'un Etre invisible inscrivit sa condamnation sur la paroi, et l'on ne tarda pas à entendre les pas des soldats ennemis aux portes du palais. "Cette même nuit, Belschatsar, roi des Chaldéens, fut tué",13 et un monarque étranger s'assit sur le trône. PJ 218 3 Vivre pour soi, c'est périr. L'avarice, le désir d'un profit personnel immédiat, sépare l'âme de la source de la vie. C'est l'esprit de Satan qui persuade l'homme d'amasser et d'accaparer des biens, tandis que celui de Jésus-Christ invite à la générosité et au sacrifice en faveur des autres. "Et voici ce témoignage, c'est que Dieu nous a donné la vie éternelle, et que cette vie est dans son Fils. Celui qui a le Fils a la vie; celui qui n'a pas le Fils de Dieu n'a pas la vie."14 PJ 219 1 C'est la raison pour laquelle il a dit: "Gardez-vous avec soin de toute avarice; car la vie d'un homme ne dépend pas de ses biens, fût-il dans l'abondance." ------------------------Chapitre 21 -- Un grand abîme PJ 221 1 Dans la parabole du riche et de Lazare, le Christ montre que c'est dans cette vie que les hommes fixent leur destinée éternelle. Durant ce temps de grâce, le pardon de Dieu est offert à tous. Mais ceux qui le refusent pour se complaire en eux-mêmes se coupent de la vie éternelle. Aucun temps de grâce supplémentaire ne leur sera accordé. Par leur propre choix, ils auront creusé un abîme infranchissable entre eux et leur Dieu. PJ 221 2 Cette parabole établit un contraste entre les riches qui n'ont pas pris Dieu comme appui et les pauvres qui ont mis en lui leur confiance. Le Christ fait comprendre que le temps viendra où leur position respective sera inversée. Ceux qui sont pauvres en biens de ce monde, mais qui se confient en Dieu et se montrent patients dans l'affliction, seront un jour élevés bien au-dessus de ceux qui occupent maintenant les plus hautes positions que le monde puisse offrir, mais qui ne se soumettent pas à la volonté de Dieu. PJ 221 3 "Il y avait un homme riche, dit le Christ, qui était vêtu de pourpre et de fin lin, et qui chaque jour menait joyeuse et brillante vie. Un pauvre, nommé Lazare, était couché à sa porte, couvert d'ulcères, et désireux de se rassasier des miettes qui tombaient de la table du riche."1 PJ 222 1 Ce riche n'appartenait pas à la catégorie du juge inique, qui affichait ouvertement son mépris pour Dieu et les hommes. Il se disait fils d'Abraham. Il ne traitait pas le mendiant avec rudesse, il ne lui disait pas de s'éloigner de lui parce que sa vue l'importunait. Si ce pauvre et repoussant spécimen de l'humanité pouvait retirer quelque soulagement à le voir passer, le riche voulait bien tolérer qu'il reste à sa porte. Mais il était égoïstement indifférent aux besoins de son frère souffrant. PJ 222 2 A cette époque, les hôpitaux n'existaient pas. Les malades et les nécessiteux étaient exposés aux regards de ceux auxquels Dieu avait confié des biens, afin de recevoir d'eux secours et sympathie. Il en était ainsi du mendiant et du riche. Lazare avait grand besoin d'aide, car il était sans ami, sans foyer, sans ressources, sans pain. Il était réduit jour après jour à une triste existence, alors que le riche avait tout ce qu'il désirait. Celui qui pouvait fort bien soulager la misère de ce malheureux vivait pour lui-même, comme le font encore de nos jours beaucoup de gens. PJ 222 3 Il ne manque pas de personnes aujourd'hui, tout près de nous, qui souffrent de la faim, qui manquent de vêtements et qui sont sans foyer. Celui qui ne partage pas avec ceux qui sont dans le besoin se charge d'une faute dont il devra un jour rendre compte en tremblant. Toute avarice est condamnée comme étant de l'idolâtrie, et toute manifestation d'égoïsme offense le Seigneur. PJ 222 4 Dieu avait établi le riche comme administrateur de ses biens, aussi celui-ci devait-il venir en aide aux malheureux qui se trouvaient dans le cas de Lazare. Cet ordre avait été donné: "Tu aimeras l'Eternel, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ta force", et celui-ci: "Tu aimeras ton prochain comme toi-même."2 Le riche était Juif et il connaissait les commandements de Dieu; mais il oubliait qu'il devrait répondre de l'usage des biens et des talents qui lui avaient été confiés. Le Seigneur avait répandu sur lui d'abondantes bénédictions, mais il les employait égoïstement pour sa propre gloire et non pour celle de son Créateur. Il aurait dû employer ses biens au service de l'humanité, selon l'abondance des richesses qu'il avait reçues. C'était là le commandement de Dieu, mais le riche ne se souciait guère de ses devoirs envers lui. Il prêtait de l'argent et en exigeait l'intérêt, mais il ne donnait au Seigneur aucun intérêt pour ce qu'il lui avait confié. Il possédait des connaissances et des talents, mais il ne les faisait pas fructifier. Oubliant les comptes qu'il devait rendre, il s'adonnait entièrement aux plaisirs. Tout ce qui l'entourait: amusements, louanges et flatteries de ses compagnons, tout contribuait à ses joies égoïstes. Il se laissait tellement absorber par la société de ses amis qu'il perdait tout sentiment de la responsabilité qui lui incombait de collaborer avec Dieu dans son ministère de miséricorde. PJ 223 1 Il avait l'occasion de comprendre la parole de Dieu et de mettre en pratique ses enseignements; mais la joyeuse compagnie dans laquelle il se plaisait occupait une si grande partie de son temps qu'il en oubliait l'Eternel. PJ 223 2 Il vint un moment où la condition de ces deux hommes changea. Le pauvre Lazare avait souffert jour après jour, mais il avait tout supporté sans se plaindre; il finit par mourir et fut enseveli. Personne ne pleura sa mort; mais par sa patience dans les douleurs, il avait été un témoin du Christ, il avait enduré l'épreuve de sa foi, et il nous est montré comme étant porté par les anges en présence d'Abraham. PJ 223 3 Lazare représente le pauvre qui a la souffrance en partage, mais qui croit en Jésus. Lorsque la trompette sonnera et que tous les saints qui sont dans les sépulcres entendront la voix du Christ et en sortiront, ils recevront leur récompense; car leur foi en Dieu n'aura pas été une simple théorie, mais une vivante réalité. PJ 223 4 "Le riche mourut aussi, et il fut enseveli. Dans le séjour des morts, il leva les yeux; et, tandis qu'il était en proie aux tourments, il vit de loin Abraham, et Lazare dans son sein. Il s'écria: Père Abraham, aie pitié de moi, et envoie Lazare, pour qu'il trempe le bout de son doigt dans l'eau et me rafraîchisse la langue; car je souffre cruellement dans cette flamme."3 PJ 224 1 Dans cette parabole, le Christ rencontrait ses auditeurs sur leur propre terrain. La doctrine de l'état conscient de l'âme humaine entre la mort et la résurrection était celle d'un bon nombre de ses auditeurs. Le Sauveur, ayant connaissance de cette théorie, adapta sa parabole de manière à leur inculquer des vérités importantes en se servant de leurs idées préconçues. Il plaçait devant ses auditeurs un miroir où ils pouvaient se voir dans leurs véritables rapports avec Dieu. Partant de l'opinion générale, il mettait en relief une vérité qu'il voulait enseigner à tous: la valeur de l'homme ne dépend pas de l'importance de sa fortune, car tout ce qu'il possède lui est seulement prêté par le Seigneur; l'abus de ces dons le placera au-dessous de l'homme le plus pauvre et le plus affligé qui aime Dieu et met sa confiance en lui. PJ 224 2 Le Christ désire faire comprendre à la foule qu'il est impossible de faire son salut après la mort. Il met dans la bouche d'Abraham la réponse suivante: "Mon enfant, souviens-toi que tu as reçu tes biens pendant ta vie, et que Lazare a eu les maux pendant la sienne; maintenant il est ici consolé, et toi, tu souffres. D'ailleurs, il y a entre nous et vous un grand abîme, afin que ceux qui voudraient passer d'ici vers vous, ou de là vers nous, ne puissent le faire."4 Jésus montre ainsi que c'est en vain qu'on attendrait un nouveau temps de grâce après la mort. Cette vie est le seul temps accordé à l'homme en vue de se préparer pour l'éternité. PJ 224 3 Le riche n'a pas perdu de vue qu'il est enfant d'Abraham, et dans sa détresse, c'est à lui qu'il adresse ses cris: "Père Abraham, aie pitié de moi." Il n'adresse pas sa prière à Dieu. Il montre ainsi qu'il place Abraham au-dessus de Dieu, et qu'il compte, pour son salut, sur le fait qu'il descend de ce patriarche. Le larron sur la croix, lui, invoqua le Christ: "Souviens-toi de moi, quand tu viendras dans ton règne."5 La réponse ne se fit pas attendre: "Je te le dis en vérité aujourd'hui [tandis que je suis sur cette croix d'ignominie et de souffrance], tu seras avec moi dans le paradis.6 Mais le riche adresse sa prière à Abraham et n'est pas exaucé. Jésus seul a été élevé comme "Prince et Sauveur, pour donner à Israël la repentance et le pardon des péchés". "Il n'y a de salut en aucun autre."7 PJ 225 1 Pendant sa vie, le riche n'a songé qu'à ses plaisirs. Il s'aperçoit trop tard qu'il ne s'est pas préparé pour l'éternité. Dès qu'il se rend compte de sa folie, il pense à ses frères qui suivent la même voie et ne cherchent que leurs satisfactions présentes. Il supplie donc le patriarche en ces termes: "Je te prie, père Abraham, d'envoyer Lazare dans la maison de mon père; car j'ai cinq frères. C'est pour qu'il leur atteste ces choses, afin qu'ils ne viennent pas aussi dans ce lieu de tourments. Abraham répondit: Ils ont Moïse et les prophètes; qu'ils les écoutent. Et il dit: Non, père Abraham, mais si quelqu'un des morts va vers eux, ils se repentiront. Et Abraham lui dit: S'ils n'écoutent pas Moïse et les prophètes, ils ne se laisseront pas persuader quand même quelqu'un des morts ressusciterait."8 PJ 225 2 Quand le riche demande un témoignage supplémentaire pour ses frères, il lui est clairement affirmé que même ainsi ces derniers ne se laisseraient pas persuader. Sa requête constitue un reproche adressé à Dieu. Il semble dire: "Si j'avais été mieux averti, je ne me trouverais pas maintenant dans ce lieu." Abraham lui répond en substance: "Tes frères ont été suffisamment avertis. La lumière leur a été donnée, mais ils n'ont pas voulu voir; la vérité leur a été présentée, mais ils n'ont pas voulu entendre." PJ 225 3 "S'ils n'écoutent pas Moïse et les prophètes, ils ne se laisseront pas persuader quand même quelqu'un des morts ressusciterait." L'histoire du peuple juif atteste la véracité de cette déclaration. Le dernier des miracles du Christ -- en quelque sorte le couronnement de son oeuvre -- fut la résurrection de Lazare de Béthanie, quatre jours après sa mort. Cette confirmation merveilleuse de la divinité du Messie fut donnée aux Juifs, mais ils la rejetèrent. Lazare revint à la vie et rendit devant eux son témoignage, mais, fermant leurs coeurs à l'évidence, ils songèrent même à le faire mourir.9 PJ 226 1 La loi et les prophètes sont les instruments choisis par Dieu pour assurer le salut des êtres humains. Le Christ déclare: Qu'ils prennent garde à cette révélation! S'ils ne sont pas attentifs à la voix de Dieu dans sa parole, un homme qui se relèverait d'entre les morts ne saurait les convaincre. PJ 226 2 Ceux qui écoutent Moïse et les prophètes n'ont pas besoin d'une autre lumière: celle que Dieu leur a donnée suffit. Si quelqu'un la refuse et n'apprécie pas les occasions offertes par le ciel, il ne prêterait pas plus d'attention au message d'un ressuscité. Cette nouvelle preuve n'aurait pas plus d'efficacité que les précédentes; car ceux qui rejettent la loi et les prophètes ont le coeur tellement endurci qu'ils repousseraient toute autre lumière. PJ 226 3 L'entretien entre Abraham et celui qui avait été autrefois un homme riche est une prosopopée. Une leçon s'en dégage: chacun a reçu assez de lumière pour faire ce que Dieu attend de lui. Les responsabilités de l'homme sont proportionnées aux occasions et aux privilèges qui lui sont accordés. Le Seigneur donne à tous clarté et grâce en suffisance pour accomplir l'oeuvre assignée. Quelqu'un se dérobe-t-il aux devoirs que lui révèle le peu de lumière qu'il a reçu? Il se montrerait plus infidèle encore et plus indifférent à l'égard des bénédictions dont il est l'objet si des lumières plus grandes lui étaient dispensées. "Celui qui est fidèle dans les moindres choses l'est aussi dans les grandes, et celui qui est injuste dans les moindres choses l'est aussi dans les grandes."10 Ceux qui refusent de se laisser éclairer par Moïse et les prophètes, et qui réclament de grands miracles, ne seraient pas convaincus si leurs désirs étaient satisfaits. PJ 227 1 La parabole du riche et de Lazare montre comment les catégories d'individus représentées par ces deux hommes sont considérées dans le monde invisible. La richesse n'est pas un péché si elle a été acquise honnêtement. Un riche n'est pas condamné parce qu'il a beaucoup de ressources, mais parce qu'il en use avec égoïsme. Il ferait infiniment mieux de les placer près du trône de Dieu en s'en servant pour faire du bien. La mort ne peut appauvrir celui qui s'est consacré à la recherche des valeurs éternelles, mais celui qui accumule une fortune pour lui seul n'en pourra rien emporter au ciel. Il a prouvé qu'il était un administrateur infidèle; il a joui de ses biens pendant sa vie, mais il a oublié ses obligations envers Dieu. Il ne s'est pas constitué un trésor dans le ciel. PJ 227 2 L'homme riche qui a eu tant de privilèges aurait dû faire valoir ses talents de telle sorte qu'ils portent du fruit jusque dans la vie éternelle. Le but de la rédemption est non seulement d'effacer le péché, mais encore de rendre à l'homme les dons spirituels qui lui ont été ravis par la puissance amoindrissante du péché. On ne saurait emporter de l'argent dans l'au-delà; il n'y serait du reste d'aucune utilité. Seuls les actes accomplis pour gagner des âmes au Christ nous suivent dans les parvis célestes. Ceux qui emploient les dons du Seigneur uniquement pour leur satisfaction personnelle, qui ne viennent pas en aide à leurs semblables et qui ne contribuent en rien à la progression de l'oeuvre de Dieu dans ce monde, déshonorent leur Créateur. Coupables de vol envers Dieu: voilà ce qui est écrit dans les livres du ciel en face de leur nom. PJ 227 3 L'homme riche avait tout ce que l'argent peut donner, mais il ne possédait pas le genre de capital nécessaire pour maintenir son compte en règle avec Dieu. Sa vie s'était déroulée comme si tout ce qu'il avait lui appartenait. Il avait négligé l'appel divin aussi bien que les droits de l'humanité souffrante. Mais il reçut un jour un appel qu'il ne put repousser: une puissance qui n'admettait aucune réplique lui intima l'ordre de quitter les biens dont l'administration lui était retirée. L'homme autrefois fortuné se voit maintenant précipité dans une pauvreté irrémédiable. Il ne revêtira jamais la robe de la justice du Christ, cette robe tissée sur les métiers du ciel. Auparavant vêtu de pourpre et de fin lin, il est réduit à la nudité. Son temps de grâce est terminé. Il n'a rien apporté en entrant dans le monde, il n'emportera rien en le quittant. PJ 228 1 Soulevant le voile qui cache les réalités éternelles, Jésus présenta ce tableau devant les prêtres et les chefs, les scribes et les pharisiens. Contemplez-le, vous qui êtes riches en biens terrestres mais pauvres aux yeux du Seigneur! Arrêtez-vous devant cette scène! Ce qui est apprécié des hommes est en abomination à l'Eternel. "Que sert-il à un homme de gagner tout le monde, s'il perd son âme? que donnerait un homme en échange de son âme?"11 Application au peuple juif PJ 228 2 Quand le Christ donna la parabole du riche et de Lazare, nombreux étaient les Juifs qui se trouvaient dans la pitoyable condition de l'homme riche et qui usaient des biens du Seigneur pour leur propre satisfaction. Ils se préparaient eux-mêmes à entendre la sentence: "Tu as été pesé dans la balance, et tu as été trouvé léger."12 Le riche avait été favorisé d'une double bénédiction, matérielle et spirituelle, mais il refusait de coopérer avec Dieu dans le parti qu'il en tirait. Il en était ainsi du peuple juif que le Seigneur avait fait le dépositaire de la vérité sacrée et l'économe de sa grâce. Il lui avait donné tous les avantages et il l'invitait à en faire part à d'autres. Israël avait reçu des instructions toutes particulières quant à la manière de traiter ses frères qui étaient tombés dans le malheur aussi bien que les étrangers et les nécessiteux qui vivaient en son sein. Il ne devait pas constamment rechercher son intérêt. Il lui était demandé de se souvenir des malheureux et de partager avec eux. Dieu promettait sa bénédiction dans la mesure où l'on exercerait la miséricorde et la charité. Mais les Juifs, pas plus que l'homme riche, ne tendaient de main secourable à l'humanité souffrante, ni sur le plan matériel, ni sur le plan spirituel. Remplis d'orgueil, ils se considéraient comme le peuple élu et favori de Dieu; toutefois, ils ne le servaient ni ne l'adoraient. Ils se reposaient sur le fait qu'ils descendaient d'Abraham: "Nous sommes la postérité d'Abraham",13 disaient-ils avec ostentation. Lorsque la crise survint, il fut évident qu'ils s'étaient séparés de Dieu et avaient mis leur confiance en Abraham, comme s'il avait été Dieu. PJ 229 1 Le Christ désirait faire pénétrer sa lumière dans l'esprit enténébré des Juifs. "Si vous étiez enfants d'Abraham, leur dit-il, vous feriez les oeuvres d'Abraham. Mais maintenant vous cherchez à me faire mourir, moi qui vous ai dit la vérité que j'ai entendue de Dieu. Cela, Abraham ne l'a point fait."14 PJ 229 2 Jésus n'accorde aucune importance aux questions de race. Il enseigne que la parenté spirituelle prime toute parenté naturelle. Les Juifs se réclamaient du père des croyants; mais en ne faisant pas les oeuvres d'Abraham, ils démontraient qu'ils n'étaient pas ses véritables enfants. Seuls ceux qui témoignent de leurs liens spirituels avec lui en obéissant à la volonté divine, se placent dans la lignée de ses vrais descendants. Bien que Lazare fasse partie d'une classe de gens que les hommes considèrent comme inférieure, le Christ le reconnaît pour un de ceux que le patriarche invitera dans sa plus grande intimité. PJ 229 3 Le riche, entouré de tout le confort que peut procurer la fortune, était néanmoins si peu clairvoyant qu'il mettait Abraham à la place que le Seigneur doit occuper. S'il avait apprécié ses grands privilèges, s'il avait permis à l'Esprit de Dieu d'agir sur son esprit et sur son coeur, il se serait trouvé dans une position tout à fait différente. Il en est ainsi de la nation qu'il représentait. Si les Juifs avaient répondu à l'appel divin, leur destinée aurait été tout autre. Doués d'un véritable discernement spirituel, ils auraient permis au Seigneur d'accroître encore les faveurs dont ils jouissaient et d'en faire une source de bénédiction pour le monde entier. Mais ils s'étaient éloignés de la voie du Très-Haut à tel point que tout le cours de leur vie en était perverti. Comme économes de Dieu, ils n'employaient pas leurs dons conformément à la vérité et à la justice. Ils n'avaient pas fait entrer l'éternité dans leurs calculs; aussi les conséquences de leur infidélité furent-elles la ruine de la nation tout entière. PJ 230 1 Jésus savait qu'à la destruction de Jérusalem, les Juifs se souviendraient de son avertissement. Tel fut en effet le cas. Quand le malheur s'abattit sur la cité, quand la faim et les souffrances de tout genre affligèrent le peuple, ils se rappelèrent les paroles du Christ et comprirent la parabole. Ils s'étaient attiré ces souffrances parce qu'ils avaient négligé la lumière que le Seigneur leur avait accordée pour qu'ils la fassent briller dans le monde. Dans les derniers jours PJ 230 2 La dernière partie de la parabole dépeint les scènes finales de l'histoire du monde. L'homme riche se disait enfant d'Abraham, mais il était séparé de lui par un abîme infranchissable, c'est-à-dire par un caractère mal dirigé. Abraham servait Dieu, se soumettant à sa parole avec foi et obéissance. Mais le riche ne se souciait ni de Dieu ni de ceux qui souffraient. L'abîme creusé entre lui et le patriarche était celui de la désobéissance. Nombreux sont aujourd'hui ceux qui suivent la même voie. Tout en faisant partie de l'Eglise, ils sont inconvertis. Ils peuvent prendre part aux offices, chanter le psaume: "Comme une biche soupire après des courants d'eau, ainsi mon âme soupire après toi, ô Dieu",15 mais leur témoignage est mensonger. Ils ne sont pas plus justes aux yeux de l'Eternel que le plus vil des pécheurs. L'homme qui aspire à l'excitation des plaisirs mondains et qui est rempli du désir de paraître est incapable de servir le Seigneur. Semblable au riche de notre parabole, il n'est nullement disposé à lutter contre les convoitises charnelles. Il ne demande qu'à satisfaire ses appétits. Il choisit l'atmosphère du péché, et quand soudainement la mort l'emporte, il descend dans la tombe avec le caractère que lui a donné sa coopération, pendant sa vie entière, avec les instruments de Satan. Il est alors trop tard pour décider d'être bon ou méchant, car dès le jour où l'homme meurt, ses pensées périssent également.16 PJ 231 1 Quand la voix de Dieu réveillera les morts, chacun sortira de la tombe avec les mêmes inclinations et les mêmes passions, les mêmes sympathies et les mêmes antipathies qu'il avait de son vivant. Le Seigneur ne fera pas de miracle pour régénérer l'homme qui n'a pas voulu se laisser transformer au moment où toutes les occasions et toutes les facilités désirables lui étaient données. Il ne s'est pas soucié de Dieu pendant sa vie et n'a trouvé aucun plaisir à son service. Son caractère n'est pas conforme à celui du Père. Aussi ne pourrait-il trouver aucune joie au sein de la famille céleste. PJ 231 2 Il y a aujourd'hui dans le monde des personnes qu'on peut appeler propres justes. Ces gens ne sont ni gloutons, ni buveurs, ni infidèles, mais ils vivent pour eux et non pour le Seigneur. Celui-ci n'occupe aucunement leurs pensées, c'est pourquoi ils sont classés parmi les incrédules. S'il leur était donné de pénétrer dans la sainte cité, ils n'auraient aucun droit à l'arbre de vie, car au moment où les commandements de Dieu leur ont été présentés, ils ont refusé de s'y conformer. Ils n'ont pas servi le Seigneur sur cette terre, comment pourraient-ils le servir dans l'au-delà? Ils ne supporteraient pas de vivre en sa présence et ils trouveraient tout autre lieu préférable au ciel. PJ 231 3 Apprendre du Christ signifie recevoir sa grâce, en d'autres termes son caractère. Mais ceux qui n'apprécient ni ne mettent à profit les occasions et les influences sacrées qui leur sont offertes ici-bas ne sont pas en état de participer au culte céleste. Leurs caractères ne sont pas façonnés sur le divin modèle. Par leur négligence, ils ont creusé un abîme que rien ne peut combler. Entre eux et les justes, il y a un gouffre infranchissable. ------------------------Chapitre 22 -- Dire et faire PJ 233 1 "Un homme avait deux fils; et, s'adressant au premier, il dit: Mon enfant, va travailler aujourd'hui dans ma vigne. Il répondit: Je ne veux pas. Ensuite, il se repentit, et il alla. S'adressant à l'autre, il dit la même chose. Et ce fils répondit: Je veux bien, seigneur. Et il n'alla pas. Lequel des deux a fait la volonté du père? Ils répondirent: Le premier."1 PJ 233 2 Dans son sermon sur la montagne, le Christ précise: "Ceux qui me disent: Seigneur, Seigneur! n'entreront pas tous dans le royaume des cieux, mais celui-là seul qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux?"2 Le critère de la sincérité ne réside pas dans les paroles, mais dans les actes. Le Christ ne demande pas, en effet: "Que dites-vous d'extraordinaire?" mais bien: "Que faites-vous d'extraordinaire.3 Ces paroles sont des plus significatives: "Si vous savez ces choses, vous êtes heureux, pourvu que vous les pratiquiez.4 Les paroles ne sont rien si elles ne sont pas accompagnées par les actes correspondants. Tel est l'enseignement de la parabole des deux fils. PJ 233 3 Elle fut donnée lors de la dernière visite que Jésus fit à Jérusalem avant de mourir. Il venait de chasser du temple vendeurs et changeurs, et sa voix avait parlé au coeur de ces hommes par la puissance de Dieu. Stupéfaits et terrifiés, ils avaient obéi à son ordre sans discussion et sans offrir de résistance. PJ 234 1 Mais, revenus de leur saisissement, les prêtres et les anciens retournèrent au temple et trouvèrent le Christ guérissant les malades et les mourants. Ils entendirent des cris de joie et des chants de louange. Dans le temple même, les enfants qui avaient été guéris agitaient des branches de palmier en chantant de joyeux hosannas au Fils de David. Les lèvres des tout jeunes enfants balbutiaient les louanges du puissant Guérisseur. Cependant, tout cela ne suffisait pas pour vaincre les préjugés et la jalousie des prêtres et des anciens. PJ 234 2 Le lendemain, tandis que le Christ enseignait dans le temple, ils vinrent à lui, en disant: "Par quelle autorité faistu ces choses, et qui t'a donné cette autorité?"5 PJ 234 3 Ces hommes avaient eu des preuves irrécusables du pouvoir du Christ. Lors de la purification du temple, ils avaient vu l'autorité céleste qui se dégageait de son visage. Ils n'avaient pas pu résister à la puissance de sa parole et Jésus avait répondu à leur question, une fois de plus, par les guérisons merveilleuses qu'il avait opérées. Il avait donné de son autorité des signes évidents qu'il n'était pas possible de contester. Mais les prêtres et les anciens voulaient autre chose que des preuves. Ils désiraient pousser Jésus à se proclamer lui-même le Messie, afin de tordre ses paroles et de soulever le peuple contre lui. Ils désiraient saper son influence afin de pouvoir le faire mourir. PJ 234 4 Jésus savait que s'ils ne reconnaissaient pas Dieu en lui ou s'ils ne trouvaient pas dans ses miracles une confirmation de sa divinité, ils ne recevraient pas non plus son témoignage s'il se présentait ouvertement comme le Christ. Dans sa réponse, il éluda la question sur laquelle ils espéraient pouvoir le perdre, et il la fit tourner à leur propre confusion. PJ 235 1 "Je vous adresserai aussi une question, leur dit-il; et, si vous m'y répondez, je vous dirai par quelle autorité je fais ces choses. Le baptême de Jean, d'où venait-il? Du ciel, ou des hommes?"6 PJ 235 2 Les chefs des prêtres et les anciens du peuple demeurèrent perplexes. "Ils raisonnèrent ainsi entre eux: Si nous répondons: Du ciel, il nous dira: Pourquoi donc n'avez-vous pas cru en lui? Et si nous répondons: Des hommes, nous avons à craindre la foule, car tous tiennent Jean pour un prophète. Alors ils répondirent à Jésus: Nous ne savons. Et il leur dit à son tour: Moi non plus, je ne vous dirai pas par quelle autorité je fais ces choses."7 PJ 235 3 "Nous ne savons." Cette réponse n'était pas véridique. Voyant qu'ils s'étaient mis dans une fâcheuse position, les prêtres s'abritèrent sous un mensonge. Jean-Baptiste était venu rendre témoignage à celui dont ils contestaient l'autorité. Il l'avait désigné en ces termes: "Voici l'agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde."8 C'est lui qui l'avait baptisé; au sortir de l'eau, tandis que Jésus priait son Père, le ciel s'était ouvert et le Saint-Esprit était descendu sur lui sous la forme d'une colombe. Une voix avait fait entendre des cieux ces paroles: "Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis toute mon affection.9 PJ 235 4 Se souvenant de la manière dont Jean avait rappelé les prophéties relatives au Messie et de cette scène du baptême de Jésus, les prêtres et les principaux de la nation n'osèrent pas dire que le baptême de Jean était du ciel. S'ils reconnaissaient dans le Baptiste un prophète, comme ils en étaient pleinement convaincus, comment répudier le témoignage qu'il avait rendu au Fils de Dieu? Et ils ne pouvaient pas dire que le baptême de Jean était des hommes, parce que le peuple croyait que Jean était un prophète. Voilà pourquoi ils répondirent: "Nous ne savons." PJ 235 5 Alors le Christ présenta la parabole du père et de ses deux fils. Quand le père s'adressa au premier: "Va travailler aujourd'hui dans ma vigne", le fils lui répondit aussitôt: "Je ne veux pas." Il refusa d'obéir, s'engagea sur une voie tortueuse et eut de mauvaises fréquentations. Mais plus tard, il se repentit et fit ce qui lui était commandé. PJ 236 1 Le père donna au second le même ordre: "Va travailler aujourd'hui dans ma vigne." Celui-là lui répondit: "Je veux bien, seigneur", mais il ne s'y rendit pas. PJ 236 2 Dans cette parabole, le père représente Dieu; la vigne, l'Eglise. Les deux fils correspondent à deux classes d'individus. Celui qui refusa d'obéir, en disant: "Je ne veux pas", était une figure de ceux qui vivaient ouvertement dans le péché, ne faisant aucune profession de piété, repoussant les restrictions qui découlent de l'obéissance aux commandements de Dieu. Mais plusieurs d'entre eux, par la suite, répondirent à l'appel divin. Quand l'Evangile leur fut présenté en ces termes par Jean-Baptiste: "Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche",10 ils se repentirent et confessèrent leurs fautes. PJ 236 3 Le caractère des pharisiens fut révélé dans l'attitude du cadet qui dit: "Je veux bien, seigneur", et qui n'alla pas à la vigne. Comme ce fils, les principaux du peuple étaient impénitents et remplis d'eux-mêmes. La vie religieuse d'Israël n'était plus qu'un vain simulacre. Quand la loi fut proclamée sur la montagne du Sinaï par la voix de Dieu, les Juifs unanimes déclarèrent: "Nous ferons tout ce que l'Eternel a dit."11 Ils répondirent: "Je veux bien, seigneur", mais ils ne le firent pas. Lorsque le Christ vint personnellement pour leur révéler la signification réelle de la loi, ils le rejetèrent. Le Sauveur avait donné aux personnes influentes de son époque des preuves abondantes de son autorité et de sa puissance divine; mais bien que convaincues, elles ne voulurent pas en convenir. Le Christ leur avait montré qu'elles persistaient dans l'incrédulité parce que leurs coeurs n'étaient pas animés par l'esprit qui conduit à l'obéissance. "Vous annulez ainsi la parole de Dieu, leur disait-il, au profit de votre tradition. ... C'est en vain qu'ils m'honorent, en enseignant des préceptes qui sont des commandements d'hommes."12 PJ 237 1 Parmi les auditeurs du Christ, il y avait des scribes et des pharisiens, des prêtres et des magistrats. Après avoir donné la parabole des deux fils, il leur demanda: "Lequel des deux a fait la volonté du père?" Ne se doutant de rien, les pharisiens répondirent: "Le premier." Ils ne comprenaient pas qu'ils se condamnaient eux-mêmes par ces paroles. Alors le Christ leur fit cette remarque sévère: "Je vous le dis en vérité, les publicains et les prostituées vous devanceront dans le royaume de Dieu. Car Jean est venu à vous dans la voie de la justice, et vous n'avez pas cru en lui. Mais les publicains et les prostituées ont cru en lui; et vous, qui avez vu cela, vous ne vous êtes pas ensuite repentis pour croire en lui."13 PJ 237 2 Jean-Baptiste était venu prêcher la vérité, et des pécheurs avaient été convaincus et s'étaient convertis. Ces personnes précéderaient dans le royaume des cieux les propres justes qui résistaient aux plus solennels avertissements. Les publicains et les prostituées étaient ignorants, tandis que ces gens cultivés connaissaient le chemin de la vérité. Cependant, ils refusaient de marcher sur le sentier qui conduit au bonheur éternel. La vérité qui aurait dû être pour eux une odeur de vie qui donne la vie, devint une odeur de mort qui donne la mort. Des pécheurs notoires qui se prenaient en dégoût avaient reçu le baptême des mains de Jean; mais ces maîtres spirituels étaient, pour leur part, des hypocrites. Leur coeur inflexible constituait la barrière qui les empêchait de recevoir la vérité. Ils résistaient à l'influence du Saint-Esprit et refusaient d'obéir aux commandements de Dieu. PJ 237 3 Le Christ ne leur dit pas qu'il leur était impossible d'entrer dans le royaume des cieux, mais il leur montra que les obstacles qui s'y opposaient provenaient d'eux-mêmes. La porte restait ouverte pour ces chefs juifs, et l'invitation leur était encore faite. Jésus aspirait à les voir convaincus et convertis. PJ 238 1 Les prêtres et les principaux de la nation passaient leur temps en cérémonies qu'ils jugeaient trop saintes pour les mêler à des affaires profanes. C'est pourquoi ils étaient censés consacrer toute leur vie à la religion. Mais ils participaient aux rites pour être vus des hommes et considérés comme pieux et dévôts. Tout en donnant l'impression d'obéir à Dieu, ils refusaient de se soumettre à sa volonté. Ils ne pratiquaient pas la vérité qu'ils enseignaient. PJ 238 2 Le Christ affirma que Jean-Baptiste était l'un des plus grands prophètes, et il montra à la foule qu'elle avait reçu des lumières suffisantes pour voir en lui un messager divin. Parlant avec puissance, le prédicateur du désert avait courageusement dénoncé les péchés des prêtres et exhorté les notables à accomplir les oeuvres de Dieu. Il leur avait signalé leur indifférence coupable alors qu'ils refusaient de s'acquitter de la mission confiée par leur Père. Jean-Baptiste n'avait consenti à aucun compromis avec le péché, et plusieurs furent ainsi détournés de leur injustice. PJ 238 3 Si les conducteurs d'Israël avaient été sincères, ils auraient reçu le témoignage de Jean et accepté Jésus comme le Messie. Mais ils ne produisirent pas dans leur vie les fruits de la repentance et de la justice. Ceux-là même qui étaient les objets de leur mépris les devançaient dans le royaume de Dieu. PJ 238 4 Dans la parabole, le fils qui a dit: "Je veux bien, seigneur", s'est donné lui-même des airs de fidélité et d'obéissance; mais le temps a démontré qu'il n'en avait que l'apparence. Il n'aimait pas véritablement son père. Il en allait ainsi des pharisiens: ils se vantaient de leur piété, mais celle-ci se révélait vaine à l'heure du test. Quand cela correspondait à leurs intérêts, ils rendaient les commandements aussi exigeants que possible, mais s'il fallait qu'ils se soumettent eux-mêmes à l'obéissance, ils recouraient aux raisonnements les plus subtils pour éluder les préceptes divins. Le Christ disait à leur sujet: "Faites donc et observez tout ce qu'ils vous disent; mais n'agissez pas selon leurs oeuvres. Car ils disent, et ne font pas."14 Ils n'étaient pas vraiment animés d'amour pour Dieu et le prochain. Le Seigneur les invitait à être ses collaborateurs en vue de travailler au bien de l'humanité; mais tout en donnant l'apparence d'accepter son appel, ils refusaient d'obéir. Ils mettaient leur confiance en eux-mêmes et se glorifiaient de leur bonté; mais ils foulaient aux pieds les commandements de Dieu et ne voulaient pas s'acquitter de la tâche assignée. A cause de leur transgression, le Seigneur était sur le point de retirer ses faveurs à cette nation rebelle. PJ 239 1 La propre justice est une contrefaçon de la vraie justice, et tous ceux qui s'y attachent auront à en supporter les conséquences désastreuses. De nombreuses personnes, aujourd'hui, prétendent obéir à la loi divine sans avoir dans leur coeur l'amour de Dieu qui se répand sur le prochain. Le Christ les invite à s'unir à lui dans son oeuvre de salut, mais ils se contentent de répondre: "Je veux bien, Seigneur." Toutefois, ils ne mettent rien en pratique. Ils ne sont pas les collaborateurs de ceux qui travaillent véritablement pour le Maître. Ils restent oisifs. Semblables au fils infidèle, ils font au Père de fausses promesses. En entrant solennellement dans l'Eglise, ils ont pris l'engagement de se soumettre à la parole divine et de se consacrer au service, mais ils ne le tiennent pas. En paroles, ils se disent enfants de Dieu, mais ils le renient dans leur vie et leur caractère. Ils ne se soumettent pas à sa volonté. Leur vie est un mensonge. PJ 239 2 Ils tiennent leurs promesses quand elles n'exigent aucun sacrifice de leur part, mais dès que le renoncement s'impose et qu'il faut se charger de sa croix, ils se retirent. De cette façon, la conviction du devoir va s'affaiblissant et la violation consciente des commandements de Dieu devient une habitude. L'oreille peut encore entendre la parole divine, mais les perceptions spirituelles ont disparu, le coeur s'est endurci et la conscience s'est flétrie. PJ 240 1 N'ayez pas l'illusion d'accomplir le service que le Christ vous demande par le simple fait que vous ne manifestez pas d'hostilité à son égard. C'est ainsi que l'on se séduit soimême. En retenant ce qui nous a été donné par le Seigneur pour contribuer à l'avancement de son règne, que ce soit notre temps, notre argent, ou quelque autre don, nous travaillons contre lui. PJ 240 2 Satan se sert de l'indifférence et de l'indolence des chrétiens de profession pour renforcer les rangs de ses soldats. Beaucoup s'imaginent être avec le Christ, bien qu'ils ne travaillent pas directement pour lui; ils aident en réalité l'adversaire à occuper le terrain et à remporter des avantages. En n'entrant pas résolument au service du Maître, en négligeant des devoirs ou des occasions de rendre témoignage, ils permettent à Satan de prendre de l'ascendant sur des âmes qui auraient pu être gagnées à Jésus-Christ. PJ 240 3 Nous ne serons jamais sauvés dans l'indolence et l'inaction. Il n'est pas de personne véritablement convertie qui mène une existence inerte et inutile. Nous ne pouvons pas être traînés au ciel. Aucun paresseux n'y pénétrera. Quiconque ne se fait pas violence et ne s'efforce pas de connaître les lois d'en haut se disqualifie pour le séjour des bienheureux. Ceux qui refusent d'être les collaborateurs de Dieu sur la terre ne le seraient pas davantage au ciel, et il serait imprudent de les y introduire. PJ 240 4 Il y a plus d'espoir pour les publicains et les gens de mauvaise vie que pour ceux qui connaissent la parole de Dieu et n'acceptent pas de lui obéir. Celui qui se reconnaît pécheur et n'essaie pas de dissimuler son péché, qui se sait corrompu, corps, âme et esprit, craint de se trouver éternellement banni du royaume des cieux. Il se rend compte de son mal et cherche la guérison auprès du grand Médecin qui a dit: "Je ne mettrai pas dehors celui qui vient à moi."15 C'est celui-là que le Seigneur peut employer comme ouvrier dans sa vigne. PJ 241 1 Le fils qui refuse, pendant un certain temps, d'obéir à l'ordre paternel n'est pas condamné par le Christ; mais il ne reçoit pas non plus de compliment. Ceux qui jouent le rôle du premier fils, refusant d'obéir au père, ne méritent aucune louange pour leur attitude. Il ne faut pas considérer leur franchise comme une vertu. Transformée par la vérité et rendue sainte, elle pourrait amener ces personnes à témoigner courageusement pour leur Maître; mais détournée de son objet légitime, cette franchise est une injure, un défi et presque un blasphème. L'absence d'hypocrisie chez un homme n'annule pas pour autant son état de pécheur. Quand les appels de l'Esprit-Saint touchent le coeur, il n'y a de sécurité que dans une réponse immédiate. Lorsque Dieu vous dit: "Va travailler aujourd'hui dans ma vigne", ne refusez pas cette invitation. "Aujourd'hui, si vous entendez sa voix, n'endurcissez pas vos coeurs."16 Il est imprudent de temporiser au lieu d'obéir. Vous risquez de ne plus jamais entendre un autre appel. PJ 241 2 Que personne ne pense que les péchés longtemps caressés peuvent être abandonnés aisément. Tel n'est pas le cas. Chaque péché entretenu affaiblit le caractère et fortifie la mauvaise habitude; on aboutit ainsi à une dépravation physique, mentale et morale. Vous pouvez vous repentir de votre iniquité et suivre résolument la bonne voie, mais votre tournure d'esprit, votre familiarité avec le mal vous rendent peu apte à le distinguer du bien. Par les mauvaises habitudes que vous aurez contractées, Satan vous assaillira sans relâche. PJ 241 3 La pierre de touche de votre sincérité se trouve dans ce commandement: "Va travailler aujourd'hui dans ma vigne." Répondrez-vous par des actes aussi bien que par des paroles? Celui qui a reçu l'appel divin fera-t-il pleinement usage de toute la connaissance qu'il possède, et travaillera-t-il avec fidélité et abnégation pour le Maître de la vigne? PJ 241 4 L'apôtre Pierre nous indique comment nous devons agir. "Que la grâce et la paix vous soient multipliées, écrit-il, par la connaissance de Dieu et de Jésus notre Seigneur! Comme sa divine puissance nous a donné tout ce qui contribue à la vie et à la piété, au moyen de la connaissance de celui qui nous a appelés par sa propre gloire et par sa vertu, lesquelles nous assurent de sa part les plus grandes et les plus précieuses promesses, afin que par elles vous deveniez participants de la nature divine, en fuyant la corruption qui existe dans le monde par la convoitise, -- à cause de cela même, faites tous vos efforts pour joindre à votre foi la vertu, à la vertu la science, à la science la tempérance, à la tempérance la patience, à la patience la piété, à la piété l'amour fraternel, à l'amour fraternel la charité."17 PJ 242 1 Si vous cultivez la vigne de votre âme avec fidélité, Dieu fera de vous son collaborateur. Ainsi, vous travaillerez non seulement pour vous-même, mais aussi pour vos semblables. En comparant l'Eglise à une vigne, le Christ ne veut pas dire que nos sympathies et nos efforts doivent se limiter à ses seuls membres. Il désire que le vignoble s'étende jusqu'aux extrémités de la terre. A mesure que nous recevons l'instruction et la grâce de Dieu, il nous faut apprendre aux autres la manière de soigner les plantes précieuses que sont ses enfants. Dès lors, nous travaillerons à l'extension de la vigne du Seigneur. Celui-ci attend une démonstration de notre foi, de notre amour et de notre persévérance. Il a les yeux fixés sur nous pour voir si nous profitons de tous les avantages spirituels qu'il met à notre portée afin que nous devenions d'habiles vignerons sur la terre et que nous puissions entrer dans le paradis de Dieu, cette demeure édénique d'où Adam et Eve ont été exclus par leur transgression. PJ 242 2 Dieu est un père pour son peuple; à ce titre, il a droit à un fidèle service de notre part. Considérez la vie du Christ. Placé à la tête de l'humanité, accomplissant l'oeuvre de son Père, il est un exemple de ce que chaque fils devrait et pourrait être. Aujourd'hui, Dieu exige de tout être humain l'obéissance même dont le Christ a fait preuve. Il se mit à la disposition de son Père avec amour, volontairement et librement: "Je veux faire ta volonté, mon Dieu! et ta loi est au fond de mon coeur?"18 Aucun sacrifice, aucun labeur ne paraissait trop pénible au Christ tandis qu'il accomplissait l'oeuvre pour laquelle il était venu. A l'âge de douze ans, il disait déjà: "Ne savez-vous pas qu'il faut que je m'occupe des affaires de mon Père.19 Il avait entendu l'appel et s'était mis à l'ouvrage: "Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé, et d'accomplir son oeuvre20 fait-il remarquer. PJ 243 1 C'est ainsi que nous devons servir Dieu: par l'action dans une obéissance totale. Tous ceux qui désirent être ses fils et ses filles doivent coopérer avec lui, avec le Christ et avec les anges. PJ 243 2 C'est le test auquel chacun sera soumis. Le Seigneur dit de ceux qui s'acquittent fidèlement de leur tâche: "Ils seront à moi, mon trésor particulier,... au jour que je ferai; et je les épargnerai comme un homme épargne son fils qui le sert."21 PJ 243 3 Le dessein de Dieu est d'éprouver les hommes en leur donnant l'occasion de former leur caractère. Ils doivent montrer s'ils sont fidèles ou non à ses commandements. On n'acquiert pas l'amour du Père par de bonnes oeuvres, mais celles-ci révèlent si nous le possédons. Celui dont la volonté est soumise à celle de Dieu n'accomplira pas d'oeuvres pour mériter son amour. Si nous recevons ce dernier comme un don gratuit, nous obéirons avec joie aux commandements. PJ 243 4 Il n'y a aujourd'hui dans le monde que deux catégories de personnes: celles qui transgressent la loi et celles qui l'observent. Il en sera de même au jour du jugement. Voilà la pierre de touche au moyen de laquelle on reconnaît la fidélité ou l'infidélité. "Si vous m'aimez, dit le Christ, gardez mes commandements. ... Celui qui a mes commandements et qui les garde, c'est celui qui m'aime; et celui qui m'aime sera aimé de mon Père, je l'aimerai, et je me ferai connaître à lui. ... Celui qui ne m'aime pas ne garde point mes paroles. Et la parole que vous entendez n'est pas de moi, mais du Père qui m'a envoyé." "Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, de même que j'ai gardé les commandements de mon Père, et que je demeure dans son amour."22 ------------------------Chapitre 23 -- La vigne du Seigneur La nation juive PJ 245 1 La parabole des deux fils fut suivie de celle de la vigne. Dans la première, le Christ avait exposé aux docteurs de la loi l'importance de la soumission aux ordres divins; dans la seconde, il fit ressortir les nombreuses bénédictions accordées aux Israélites, et il montrait par là que le Seigneur avait le droit d'exiger leur obéissance. Il présenta aux Juifs le glorieux dessein de Dieu qu'ils auraient pu réaliser s'ils avaient été fidèles. Levant le voile qui cachait l'avenir, il leur révéla comment, faute de collaborer à l'accomplissement de la volonté divine, la nation tout entière se privait de ses bienfaits et attirait sur elle une ruine inévitable. PJ 245 2 "Il y avait un homme, maître de maison, qui planta une vigne, dit Jésus. Il l'entoura d'une haie, y creusa un pressoir, et bâtit une tour; puis il l'afferma à des vignerons, et quitta le pays."1 PJ 245 3 Le prophète Esaïe décrit cette vigne en ces termes: "Je chanterai à mon bien-aimé le cantique de mon bien-aimé sur sa vigne. Mon bien-aimé avait une vigne, sur un coteau fertile. Il en remua le sol, ôta les pierres, et y mit un plant délicieux; il bâtit une tour au milieu d'elle, et il y creusa aussi une cuve. Puis il espéra qu'elle produirait de bons raisins."2 PJ 246 1 Le vigneron choisit un terrain dans un lieu aride et inculte. Après l'avoir entouré d'une clôture, il le défriche, le travaille et y plante des ceps de la meilleure espèce dans l'espoir d'en retirer une magnifique récolte. A cause de la supériorité de ce domaine sur les terres en friche, le vigneron s'attend que les résultats de son travail et de ses soins assidus lui feront honneur. C'est ainsi que Dieu s'est choisi dans le monde un peuple qui devait être instruit et formé par Jésus-Christ. Le prophète ajoute: "La vigne de l'Eternel des armées, c'est la maison d'Israël, et les hommes de Juda, c'est le plant qu'il chérissait."3 Dieu avait accordé à cette nation de grands privilèges, il avait répandu sur elle, sans compter, tous les trésors de sa sollicitude. En retour, il pensait qu'elle l'honorerait en portant du fruit. Elle devait mettre en évidence les principes de son royaume. Au milieu d'un monde déchu et pervers, elle était destinée à représenter le caractère de Dieu. PJ 246 2 En sa qualité de vigne du Seigneur, Israël devait produire des fruits tout à fait différents de ceux des nations païennes, idolâtres, adonnées à la méchanceté, à la violence, au crime, à la cupidité, à l'oppression et à la débauche. L'iniquité, la dégradation et la misère, voilà les fruits donnés par cet arbre corrompu. A côté d'eux, les grappes de la vigne du Seigneur devaient offrir un contraste frappant. PJ 246 3 Le privilège d'Israël était donc de représenter le caractère de Dieu tel qu'il avait été révélé à Moïse. Répondant à la prière de celui-ci: "Fais-moi voir ta gloire", le Tout-Puissant déclara: "Je ferai passer devant toi toute ma bonté." "L'Eternel passa devant lui, et s'écria: l'Eternel, l'Eternel, Dieu miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en bonté et en fidélité, qui conserve son amour jusqu'à mille générations, qui pardonne l'iniquité, la rébellion et le péché."4 C'était le fruit que Dieu attendait de son peuple. Dans la pureté de son caractère, la sainteté de sa vie, l'exercice de la miséricorde, de la bonté et de la compassion, Israël devait montrer que "la loi de l'Eternel est parfaite" et qu'"elle restaure l'âme".5 PJ 247 1 Le plan de Dieu était de communiquer, par l'intermédiaire des Juifs, de riches bénédictions à tous les peuples de la terre. Ils devaient ouvrir un chemin pour que la lumière divine soit diffusée au monde entier. En s'abandonnant à leurs coutumes perverses, les nations avaient perdu la connaissance de Dieu. Mais dans sa miséricorde, le Seigneur ne les avait pas anéanties, car il désirait leur donner, grâce à son Eglise, une occasion de venir à lui. Il tenait à ce que les principes révélés par son peuple deviennent le moyen de restaurer son image dans l'homme. PJ 247 2 C'est dans cette intention qu'il appela Abraham à quitter sa parenté idolâtre pour se rendre au pays de Canaan: "Je ferai de toi une grande nation, et je te bénirai; je rendrai ton nom grand, et tu seras une source de bénédiction."6 PJ 247 3 Les descendants d'Abraham, Jacob et sa postérité, furent conduits en Egypte, dans ce grand pays corrompu, pour y révéler les principes du royaume de Dieu. La droiture de Joseph et la manière merveilleuse dont il préserva les Egyptiens de la famine constituaient une image de la vie du Christ. Moïse et beaucoup d'autres encore furent des témoins de Dieu. PJ 247 4 En faisant sortir Israël d'Egypte, le Seigneur manifesta une fois de plus sa puissance et sa miséricorde. Les miracles éclatants qu'il opéra pour le délivrer de la servitude et sa façon de le conduire dans le désert ne visaient pas le seul avantage du peuple hébreu, mais ils devaient également servir de leçon aux nations voisines. L'Eternel se révéla ainsi comme un Dieu supérieur à toute autorité et à toute grandeur humaines. Les signes et les prodiges accomplis en faveur d'Israël montraient sa puissance sur la nature et sur son plus fervent adorateur. Le Seigneur visita l'orgueilleux royaume des Egyptiens comme il le fera pour toute la terre dans les derniers jours de l'histoire humaine. Le grand Je Suis délivra son peuple par le feu et la tempête, le tremblement de terre et la mort. Il le retira du pays de l'esclavage et le conduisit à travers "ce grand et affreux désert, où il y a des serpents brûlants et des scorpions, dans des lieux arides et sans eau". Il fit même jaillir pour lui "de l'eau du rocher le plus dur", et il le nourrit avec le "blé du ciel."7 Moïse déclare: "La portion de l'Eternel, c'est son peuple, Jacob est la part de son héritage. Il l'a trouvé dans une contrée déserte, dans une solitude aux effroyables hurlements; il l'a entouré, il en a pris soin, il l'a gardé comme la prunelle de son oeil, pareil à l'aigle qui éveille sa couvée, voltige sur ses petits, déploie ses ailes, les prend, les porte sur ses plumes. L'Eternel seul a conduit son peuple. Et il n'y avait avec lui aucun Dieu étranger.8 C'est ainsi qu'il attira Israël à lui afin qu'il habite à l'ombre du Tout-Puissant. PJ 248 1 C'est le Christ qui conduisit les Hébreux dans leurs étapes à travers le désert. Caché le jour dans la colonne de nuée, et la nuit dans la colonne de feu, il les dirigea, les préservant des dangers. Il les amena ainsi dans la terre promise. A la vue de toutes les nations qui ne connaissaient pas Dieu, il établit le peuple d'Israël comme son bien de prédilection, comme la vigne de l'Eternel. PJ 248 2 C'est à ce peuple que furent confiés les oracles divins. Il fut entouré comme d'une haie par les préceptes de la loi, ces principes éternels de justice, de vérité et de pureté. L'obéissance à ces règles devait être sa protection. Cette loi devait empêcher les Hébreux de se détruire eux-mêmes par la pratique du péché. Et Dieu plaça son saint temple au milieu d'eux comme une tour au milieu d'une vigne. PJ 248 3 Le Christ était l'instructeur d'Israël. De même qu'il avait été son guide dans le désert, de même il restait toujours son conducteur et son maître. Dans le tabernacle, puis dans le temple, sa gloire se manifestait dans une lumière, la sainte Shekinah, qui se trouvait au-dessus du propitiatoire. Il ne cessait de répandre sur eux les richesses de son amour et de sa patience. PJ 249 1 Dieu désirait que son peuple serve à la louange et à la gloire de son nom. Il lui accorda tous les avantages spirituels. Il ne lui refusa rien de ce qui pouvait contribuer à la formation d'un caractère qui le représente dignement. PJ 249 2 Par sa soumission aux commandements de Dieu, Israël devait connaître une prospérité qui émerveillerait les autres nations. Celui qui pouvait lui donner la sagesse et l'habileté dans tous les travaux était disposé à continuer son enseignement. Il voulait l'élever et l'ennoblir par l'obéissance à ses lois. S'il les observait, il serait préservé des maladies qui affectaient les autres peuples, et une grande vigueur intellectuelle devait être son partage. Sa prospérité mettrait en relief la gloire, la majesté et la puissance de Dieu, et il serait un royaume de prêtres et de princes. Le Seigneur lui fournissait tous les avantages voulus pour devenir la nation la plus puissante du monde. PJ 249 3 Par Moïse, le Christ avait présenté, de la manière la plus précise, le plan du salut et les conditions du bien-être: "Tu es un peuple saint pour l'Eternel, ton Dieu; l'Eternel, ton Dieu, t'a choisi, pour que tu fusses un peuple qui lui appartînt entre tous les peuples qui sont sur la face de la terre. ... Sache donc que c'est l'Eternel, ton Dieu, qui est Dieu. Ce Dieu fidèle garde son alliance et sa miséricorde, jusqu'à la millième génération envers ceux qui l'aiment et qui observent ses commandements. ... Ainsi, observe les commandements, les lois et les ordonnances que je te prescris aujourd'hui, et mets-les en pratique. Si vous écoutez ces ordonnances, si vous les observez et les mettez en pratique, l'Eternel, ton Dieu, gardera envers toi l'alliance et la miséricorde qu'il a jurées à tes pères. Il t'aimera, il te bénira et te multipliera; il bénira le fruit de tes entrailles et le fruit de ton sol, ton blé, ton moût et ton huile, les portées de ton gros et de ton menu bétail, dans le pays qu'il a juré à tes pères de te donner. Tu seras béni plus que tous les peuples. ... L'Eternel éloignera de toi toute maladie; il ne t'enverra aucune de ces mauvaises maladies d'Egypte qui te sont connues."9 PJ 250 1 Si les enfants d'Israël gardaient ses commandements, Dieu promettait de leur donner le meilleur froment et le miel du rocher.10 Il leur accorderait de longs jours et les ferait entrer en possession de son salut. PJ 250 2 Par leur désobéissance, Adam et Eve avaient perdu l'Eden, et toute la terre avait été maudite à cause du péché. Toutefois, si le peuple de Dieu se conformait aux instructions reçues, le pays serait rétabli dans sa fertilité et sa beauté premières. L'Eternel avait lui-même donné à Israël des directives pour cultiver le sol et contribuer à cette oeuvre de restauration. Ainsi, grâce aux prescriptions divines, tout le pays était destiné à devenir une leçon de choses pour illustrer la vérité spirituelle. Parce qu'elle obéit à des lois physiques, la terre produit ses richesses; de même, c'est en se soumettant à la loi morale qu'Israël pouvait refléter le caractère du Très-Haut. Les païens eux-mêmes reconnaîtraient ainsi la supériorité de ceux qui servaient et adoraient le Dieu vivant. PJ 250 3 "Voici, disait Moïse, je vous ai enseigné des lois et des ordonnances, comme l'Eternel, mon Dieu, me l'a commandé, afin que vous les mettiez en pratique dans le pays dont vous allez prendre possession. Vous les observerez et vous les mettrez en pratique; car ce sera là votre sagesse et votre intelligence aux yeux des peuples, qui entendront parler de toutes ces lois et qui diront: Cette grande nation est un peuple absolument sage et intelligent! Quelle est, en effet, la grande nation qui ait des dieux aussi proches que l'Eternel, notre Dieu, l'est de nous toutes les fois que nous l'invoquons? Et quelle est la grande nation qui ait des lois et des ordonnances justes, comme toute cette loi que je vous présente aujourd'hui?"11 PJ 250 4 Israël devait occuper tout le territoire qui lui avait été assigné; il fallait déposséder les nations qui avaient rejeté le culte et le service du vrai Dieu. Le plan du Seigneur était que la révélation de son caractère à travers son peuple attire les hommes à lui. L'invitation de l'Evangile devait parvenir au monde entier. Le Christ allait être élevé à la vue des nations par le moyen des sacrifices cultuels, et quiconque regarderait à lui serait sauvé. Tous ceux qui, suivant l'exemple de Rahab la Cananéenne et de Ruth la Moabite, se détourneraient des idoles pour adorer le vrai Dieu, devaient s'unir au peuple élu. A mesure qu'Israël augmenterait, il élargirait ses frontières jusqu'à ce que le royaume embrasse le monde entier. PJ 251 1 L'Eternel veut placer tous les hommes sous son pouvoir miséricordieux et remplir la terre de joie et de paix. Il nous a créés pour le bonheur, et son plus ardent désir est d'inonder les coeurs de la paix céleste. Il veut que chaque famille terrestre soit l'image de la famille du ciel! PJ 251 2 Mais la nation juive faillit à son mandat, et le Seigneur lui dit: "Je t'avais plantée comme une vigne excellente et du meilleur plant; comment as-tu changé, dégénéré en une vigne étrangère?" "Israël était une vigne féconde, qui rendait beaucoup de fruits!"12 "Maintenant donc, habitants de Jérusalem et hommes de Juda, soyez juges entre moi et ma vigne! Qu'y avait-il encore à faire à ma vigne, que je n'aie pas fait pour elle? Pourquoi, quand j'ai espéré qu'elle produirait de bons raisins, en a-t-elle produit de mauvais? Je vous dirai maintenant ce que je vais faire à ma vigne. J'en arracherai la haie, pour qu'elle soit broutée; j'en abattrai la clôture, pour qu'elle soit foulée aux pieds. Je la réduirai en ruine; elle ne sera plus taillée, ni cultivée; les ronces et les épines y croîtront; et je donnerai mes ordres aux nuées, afin qu'elles ne laissent plus tomber la pluie sur elle. ... Il avait espéré de la droiture, et voici du sang versé! de la justice, et voici des cris de détresse.13 PJ 251 3 Le Seigneur avait chargé Moïse de montrer aux enfants d'Israël quels seraient les résultats de leur infidélité. En violant son alliance, ils se sépareraient de la vie de Dieu et se priveraient de ses bénédictions. "Garde-toi, dit Moïse, d'oublier l'Eternel, ton Dieu, au point de ne pas observer ses commandements, ses ordonnances et ses lois, que je te prescris aujourd'hui. Lorsque tu mangeras et te rassasieras, lorsque tu bâtiras et habiteras de belles maisons, lorsque tu verras multiplier ton gros et ton menu bétail, s'augmenter ton argent et ton or, et s'accroître tout ce qui est à toi, prends garde que ton coeur ne s'enfle et que tu n'oublies l'Eternel, ton Dieu. ... Garde-toi de dire en ton coeur: Ma force et la puissance de ma main m'ont acquis ces richesses. ... Si tu oublies l'Eternel, ton Dieu, et que tu ailles après d'autres dieux, si tu les sers et te prosternes devant eux, je vous déclare formellement aujourd'hui que vous périrez. Vous périrez comme les nations que l'Eternel fait périr devant vous, parce que vous n'aurez point écouté la voix de l'Eternel, votre Dieu."14 PJ 252 1 Israël ne prit point garde à cet avertissement, et il oublia l'Eternel, perdant de vue qu'il détenait le privilège immense de le représenter sur la terre. Les bénédictions qu'il avait reçues ne servirent de rien au monde, car il exploitait tous ces avantages pour sa propre glorification. Il frustrait Dieu du service demandé, et il frustrait l'humanité de directives religieuses aussi bien que d'un saint exemple. Semblables aux antédiluviens, les Israélites suivaient les inclinations de leurs coeurs mauvais. A cause de leur attitude, les choses saintes étaient tournées en dérision. Ils allaient répétant: "C'est ici le temple de l'Eternel, le temple de l'Eternel, le temple de l'Eternel!"15 alors qu'ils déshonoraient en fait le caractère, le nom et le sanctuaire de Dieu. PJ 252 2 Les vignerons auxquels le Maître avait confié le soin de sa vigne furent infidèles à leur mission. Les prêtres et les docteurs de la loi n'instruisirent pas convenablement la nation et ne la rendirent pas sensible à la bonté et à la miséricorde divines. Ils n'insistèrent pas sur les droits du Seigneur à être aimé et servi. Ces ouvriers ne recherchèrent que leur propre gloire et s'approprièrent les fruits de la vigne. Leur souci principal était d'attirer sur eux-mêmes l'attention et les hommages. PJ 253 1 La culpabilité de ces chefs d'Israël ne ressemblait en rien à celle du commun peuple. De solennelles obligations reposaient sur eux. Ils s'étaient engagés à enseigner les paroles de Dieu et à s'y conformer strictement. Cependant, ils pervertirent les saintes Ecritures et placèrent de lourds fardeaux sur les épaules des Israélites, imposant des cérémonies à presque chaque moment de la vie. Le peuple vivait dans une obsession continuelle, car les règlements des rabbins étaient trop difficiles à suivre. PJ 253 2 Devant l'impossibilité de garder tous ces commandements humains, on finit par se relâcher aussi dans l'observation des préceptes divins. PJ 253 3 Le Seigneur avait appris aux enfants d'Israël qu'il était le propriétaire de la vigne et que tous les biens dont ils avaient la charge devaient servir à sa gloire. Mais les prêtres et les docteurs ne s'acquittèrent pas des devoirs sacrés qui leur incombaient en tant que dépositaires. Systématiquement, ils s'appropriaient ce que l'Eternel leur avait confié en vue de l'avancement de son oeuvre. Par leur cupidité et leur avarice, ils étaient devenus un objet de mépris même pour les païens, qui recevaient ainsi une fausse image du caractère de Dieu et des lois de son royaume. PJ 253 4 Avec un coeur de père, le Seigneur supportait les écarts de son peuple. Il l'attirait à lui, soit en lui accordant des bénédictions, soit en les lui retirant. Patiemment, il lui rappelait ses péchés et attendait avec indulgence qu'il les reconnaisse. Il suscita des prophètes et des messagers pour le rendre attentif à ses droits sur le produit de la vigne; mais au lieu de les recevoir, on les traita en ennemis. Les vignerons les opprimèrent et les mirent à mort. Dieu leur envoya d'autres serviteurs, mais ils subirent le même sort que les premiers; on leur voua encore une haine accrue. PJ 253 5 Recourant à un dernier moyen, le Seigneur envoya son propre Fils, en disant: "Ils auront du respect pour mon Fils!" Mais leur entêtement leur avait enlevé tout scrupule, et ils se dirent l'un à l'autre: "Voici l'héritier; venez, tuonsle, et emparons-nous de son héritage",16 nous aurons alors la vigne pour nous et nous ferons de la récolte ce que bon nous semblera. PJ 254 1 Les chefs d'Israël n'aimaient pas Dieu, c'est pourquoi ils s'éloignèrent de lui et rejetèrent toute proposition de réconciliation. Le Fils bien-aimé vint pour affirmer les droits du propriétaire de la vigne, mais les ouvriers le traitèrent avec mépris, en disant: "Nous ne voulons pas que cet homme règne sur nous!"17 Ils étaient jaloux du Christ à cause de la beauté de son caractère. Sa méthode d'enseignement était bien supérieure à la leur, et ils redoutaient son succès. Jésus les reprenait, fustigeant leur hypocrisie, et révélait quelles seraient les conséquences de leur attitude, ce qui excitait leur rage. Les reproches qu'ils ne pouvaient réduire au silence les piquaient au vif. Ils haïssaient l'idéal de justice que le Christ présentait continuellement. Et comme son enseignement dévoilait leurs tendances égocentriques, ils résolurent de le faire mourir. Ils avaient en horreur son exemple de droiture, sa piété, aussi bien que l'élévation spirituelle qui se manifestait dans tous ses actes. Sa vie tout entière était une censure perpétuelle de leur égoïsme, et quand ils durent faire un choix décisif entre l'obéissance qui conduit à la vie éternelle et la désobéissance qui entraîne la mort éternelle, ils rejetèrent le Saint d'Israël. Lorsqu'ils durent choisir entre le Christ et Barabbas, ils s'écrièrent: "Relâche-nous Barabbas." A la demande de Ponce Pilate: "Que ferai-je donc de Jésus, qu'on appelle Christ?", ils répondirent avec rage: "Qu'il soit crucifié.18 Le procurateur continua: "Crucifierai-je votre roi?" Les prêtres et les principaux du peuple répliquèrent: "Nous n'avons de roi que César." Au moment où Pilate se lava les mains, en disant: "Je suis innocent du sang de ce juste", les prêtres se joignirent à la foule ignorante pour clamer: "Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants.19 PJ 254 2 Voilà comment les conducteurs d'Israël firent leur choix. Leur décision fut enregistrée dans le livre que Jean entrevit, en vision, dans la main de celui qui était assis sur le trône -- livre que personne ne pouvait ouvrir. Au jour où il sera descellé par le Lion de la tribu de Juda, l'esprit de vengeance caché dans la détermination des chefs juifs leur apparaîtra clairement. PJ 255 1 Le peuple d'Israël se plaisait à dire qu'il était le favori du ciel, et qu'il serait toujours considéré comme l'assemblée de Dieu. Descendant d'Abraham, il croyait que sa prospérité reposait sur un fondement si solide que ni la terre ni le ciel ne pourraient le déposséder de ses droits. Mais, par son infidélité, il se préparait à être condamné par le ciel et séparé du Très-Haut. PJ 255 2 Dans la parabole de la vigne, après avoir montré aux prêtres comment ils mettraient le comble à leur méchanceté, le Christ leur posa cette question: "Lorsque le maître de la vigne viendra, que fera-t-il à ces vignerons?" Les prêtres, qui avaient suivi son exposé avec un profond intérêt, ignorant les rapports qui existaient entre eux et le sujet en considération, se joignirent à la foule pour répondre: "Il fera périr misérablement ces misérables, et il affermera la vigne à d'autres vignerons, qui lui en donneront le produit au temps de la récolte."20 PJ 255 3 A leur insu, ils venaient de prononcer leur propre condamnation. Jésus jeta sur eux un regard scrutateur, et ils comprirent qu'il lisait les secrets de leurs coeurs. Sa divinité éclatait à leurs yeux avec une puissance indubitable. Ils se reconnurent sous les traits des vignerons, et c'est involontairement qu'ils s'écrièrent: "A Dieu ne plaise!" PJ 255 4 Solennellement et avec regret, le Christ leur demanda: "N'avez-vous jamais lu dans les Ecritures: La pierre qu'ont rejetée ceux qui bâtissaient est devenue la principale de l'angle; c'est du Seigneur que cela est venu, et c'est un prodige à nos yeux? C'est pourquoi, je vous le dis, le royaume de Dieu vous sera enlevé, et sera donné à une nation qui en rendra les fruits. Celui qui tombera sur cette pierre s'y brisera, et celui sur qui elle tombera sera écrasé."21 PJ 256 1 Le Christ aurait épargné aux Juifs le sort dont ils étaient menacés, s'ils l'avaient accepté. Mais l'envie et la jalousie les rendirent implacables. Ils refusèrent de recevoir Jésus de Nazareth comme le Messie. Ils rejetèrent la lumière du monde et se trouvèrent plongés dans l'obscurité profonde de la nuit la plus noire. Les Juifs subirent le châtiment qui leur était prédit. Leurs passions indomptées furent la cause de leur ruine. Dans leur fureur aveugle, ils s'entretuèrent, et leur révolte orgueilleuse et obstinée contre les Romains leur attira la colère de leurs vainqueurs. Jérusalem fut détruite, son temple devint un monceau de ruines, et l'emplacement sur lequel il s'élevait fut labouré comme un champ. Les enfants de Juda périrent de la mort la plus horrible et des millions d'entre eux furent vendus comme esclaves chez des peuples idolâtres. PJ 256 2 En tant que nation, Israël n'avait pas répondu aux desseins de Dieu. Aussi la vigne lui fut-elle enlevée. Les prérogatives dont il avait abusé et l'oeuvre qu'il avait négligée furent confiées à d'autres. L'Eglise de nos jours PJ 256 3 La parabole des vignerons ne s'applique pas seulement aux Juifs, elle contient aussi une leçon pour nous. Le Seigneur a gratifié l'Eglise de notre génération de nombreux privilèges et de grandes bénédictions, aussi attend-il d'elle des fruits proportionnés à l'importance du dépôt qui lui a été confié. PJ 256 4 Nous avons été rachetés au prix d'une rançon inestimable, et seule son importance peut nous donner quelque idée de ses résultats. Cette terre, qui a été arrosée des larmes et du sang du Fils de Dieu, est appelée à produire les fruits du paradis. Les vérités de la parole de Dieu doivent refléter leur gloire et leur excellence dans la vie des croyants. C'est par son peuple que le Christ veut manifester son caractère et les fondements de son royaume. PJ 257 1 Satan s'efforce d'entraver l'oeuvre de l'Eternel et, constamment, il pousse les hommes à accepter ses principes. Il présente le peuple de Dieu comme un peuple égaré. Il est l'accusateur des frères; à ce titre, il s'exerce à lancer des calomnies contre ceux qui marchent dans la justice. Or, le Seigneur désire répondre aux accusations de Satan grâce à l'expérience de son peuple et aux résultats obtenus par l'obéissance à des principes de justice. PJ 257 2 Il faut que ceux-ci soient mis en évidence dans la vie de tout chrétien, dans la famille, dans l'Eglise et dans les institutions consacrées au service de Dieu. Il incombe à chacun de démontrer ce qui peut être fait pour le monde. Tous doivent mettre en relief la puissance de salut qui réside dans l'Evangile et être des instruments propres à réaliser le grand dessein de Dieu en faveur de l'humanité. PJ 257 3 Les conducteurs d'Israël considéraient avec orgueil la somptuosité de leur temple et le caractère imposant de leurs offices religieux. Mais la justice, la miséricorde et l'amour de Dieu leur faisaient défaut. La beauté du temple et la splendeur de leurs services étaient insuffisantes pour leur assurer la faveur divine; car ces chefs spirituels n'apportaient pas ce qui seul a de la valeur aux yeux de l'Eternel: l'offrande d'un coeur humilié et contrit. Lorsque les principes fondamentaux du royaume de Dieu sont abandonnés, les cérémonies ne cessent de se multiplier et prennent un aspect outrancier. Quand la formation du caractère et la parure intérieure sont négligées, quand la simplicité de la piété est perdue de vue, l'orgueil et le désir de paraître exigent de magnifiques églises, de riches ornements et d'imposantes cérémonies. Mais tout cela ne glorifie pas Dieu. Une religion centrée sur la forme, le faste et les solennités ne saurait être agréée par lui. Ce genre de culte ne trouve aucun écho auprès des messagers du ciel. PJ 257 4 L'Eglise a une grande valeur aux yeux de Dieu, et il l'apprécie, non pour son apparence extérieure, mais pour la piété sincère qui la différencie du monde. Il l'estime dans la mesure où les membres qui la composent grandissent dans la connaissance de Jésus-Christ et progressent dans la vie spirituelle. PJ 258 1 Le Seigneur aspire à recevoir de sa vigne des fruits de sainteté et de désintéressement, d'amour et de bonté. L'art le plus merveilleux ne saurait être comparé à la beauté du caractère des représentants du Christ. C'est l'atmosphère de grâce qui environne l'âme du croyant, le Saint-Esprit agissant sur ses pensées et sur son coeur, qui fait de lui une bonne odeur de vie donnant la vie et permet à Dieu de bénir son oeuvre. PJ 258 2 Une congrégation peut être la plus pauvre du pays et n'avoir aucun attrait visible: si ses membres possèdent le caractère de Jésus, ils seront inondés de sa joie. Les anges s'uniront à leur culte, et les louanges et les actions de grâces, procédant de coeurs reconnaissants, monteront vers le trône de Dieu comme une offrande agréable. PJ 258 3 Le Seigneur désire que nous nous entretenions de sa bonté et de sa puissance. Il est honoré par l'expression de nos sentiments de gratitude. "Celui qui offre pour sacrifice des actions de grâces me glorifie",22 dit-il. Dans ses pérégrinations à travers le désert, Israël bénissait l'Eternel par des chants sacrés. Les commandements et les promesses divines avaient été mis en musique, et ces pèlerins les chantaient tout le long de leur route. En Canaan, à l'occasion de leurs festivités religieuses, les Israélites racontaient les oeuvres merveilleuses de Dieu et faisaient monter vers le ciel leurs accents de reconnaissance. Le Seigneur voulait que la vie de ses enfants soit une vie de prière. C'est ainsi que l'on faisait connaître sur la terre sa voie, et parmi toutes les nations son salut.23 PJ 258 4 Il devrait en être ainsi à notre époque, où les peuples de la terre adorent de faux dieux. Nous devons les en détourner, non en dénonçant leurs idoles, mais en les amenant à la contemplation de quelque chose de meilleur. Il faut leur révéler la bonté de Dieu. "Vous êtes mes témoins, dit l'Eternel, c'est moi qui suis Dieu."24 PJ 259 1 Le Seigneur aimerait que ses enfants apprécient le plan de la rédemption et l'immense privilège qu'il leur accorde en les traitant comme ses fils et ses filles. Il désire les voir marcher devant lui en obéissant avec reconnaissance. Il souhaite qu'ils vivent d'une vie nouvelle et le servent chaque jour avec joie. Son plaisir est d'entendre la gratitude jaillir de leurs coeurs, à la pensée que leurs noms sont écrits dans le livre de vie de l'Agneau, et qu'ils peuvent se décharger de tous leurs soucis sur celui qui prend soin d'eux. Il nous invite à nous réjouir parce que nous sommes son héritage, parce que la justice du Christ est le vêtement blanc des saints et que nous avons la bienheureuse espérance du retour prochain de notre Sauveur. PJ 259 2 Louer Dieu de tout son coeur et en toute sincérité a autant d'importance que la prière. Montrons au monde et aux habitants du ciel que nous apprécions le merveilleux amour du Père pour l'humanité déchue et que nous nous attendons à recevoir de sa plénitude des bénédictions de plus en plus abondantes. Nous devons parler bien davantage des points lumineux de notre expérience chrétienne. Après une effusion particulière de l'Esprit-Saint, notre joie dans le Seigneur et notre efficacité à son service seront grandement accrues si nous nous exprimons sur la bonté et les merveilles de notre Dieu en faveur de ses enfants. PJ 259 3 Des conversations sur ces thèmes tiennent en échec la puissance de Satan. Elles bannissent l'esprit de mécontentement et de murmure, et le tentateur perd ainsi du terrain. Elles contribuent à la formation du caractère indispensable pour pénétrer un jour dans les demeures éternelles. PJ 259 4 Un tel témoignage exercera son influence sur nos semblables. Il n'est pas de méthode plus efficace pour gagner des âmes au Christ. PJ 260 1 Honorons le Seigneur en le servant réellement et en faisant tout ce qui dépend de nous pour que son nom soit glorifié. Dieu nous a comblés de ses bienfaits pour que nous les partagions avec d'autres et que nous révélions ainsi son caractère au monde. Dans l'ancienne alliance, les dons et les offrandes constituaient une partie essentielle de l'adoration. Les Israélites devaient consacrer le dixième de leurs revenus au service du sanctuaire. Ils devaient en outre apporter des sacrifices pour le péché, des offrandes volontaires et des sacrifices d'actions de grâces. C'est ainsi qu'il était pourvu, à cette époque, au support du ministère évangélique. Dieu ne nous demande pas moins qu'à Israël. La grande oeuvre du salut des âmes doit se poursuivre activement, et il faut qu'elle soit soutenue par les dîmes, les dons et les offrandes des croyants. Le Seigneur a prévu ce moyen pour subvenir aux besoins du ministère. Il réclame la dîme comme sa propriété, et nous devons toujours la considérer comme un dépôt sacré, destiné à être versé dans son trésor pour le bien de sa cause. Il nous demande aussi des offrandes volontaires et des sacrifices d'actions de grâce. Tout cela doit être consacré à la diffusion de l'Evangile jusque dans les régions les plus reculées de la terre. PJ 260 2 Le service que nous devons à Dieu comporte un ministère personnel: notre collaboration au salut des âmes. Le Christ a donné cet ordre: "Allez par tout le monde, et prêchez la bonne nouvelle à toute la création."25 Ces paroles s'adressent à chaque disciple du Sauveur. Tous les élus sont mandatés par Dieu pour aller porter la bonne nouvelle du salut à leurs semblables. Leur coeur doit battre à l'unisson de celui de Jésus. Ils éprouveront pour les âmes un amour identique au sien. Tous ne peuvent pas remplir la même fonction dans l'oeuvre de Dieu, mais il y a une place pour chacun. PJ 260 3 Autrefois, Abraham, Isaac, Jacob, Moïse, cet homme sage et patient, ainsi que Josué avec ses nombreuses capacités furent enrôlés dans le service divin. La musique de Marie, le courage et la piété de Débora, l'affection filiale de Ruth, l'obéissance et la loyauté de Samuel, la fidélité austère d'Elie, l'influence apaisante d'Elisée -- tout fut employé. Ainsi, de nos jours, il faut que tous ceux qui jouissent de la bénédiction de Dieu répondent à son appel par un service effectif. Chaque talent doit être utilisé pour l'avancement de son royaume et la gloire de son nom. PJ 261 1 Tous ceux qui acceptent le Christ comme leur Sauveur personnel doivent démontrer la vérité de l'Evangile et sa puissance vivifiante. Dieu n'exige rien de nous sans en avoir prévu la réalisation. Par la grâce du Christ, nous pouvons répondre à toutes les exigences divines. Les richesses du ciel doivent être révélées par le peuple du Très-Haut. Jésus a dit: "Si vous portez beaucoup de fruit, c'est ainsi que mon Père sera glorifié, et que vous serez mes disciples."26 PJ 261 2 La terre entière est la vigne du Seigneur. Bien qu'elle soit aujourd'hui entre les mains de l'usurpateur, elle appartient à Dieu, aussi bien par droit de création que par droit de rédemption. Le sacrifice du Christ fut accompli en faveur de l'humanité. "Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique."27 C'est par ce don que tous les autres sont accordés aux hommes. Quotidiennement, le monde entier reçoit la bénédiction divine. Chaque goutte de pluie, chaque rayon de soleil, chaque feuille, chaque fleur et chaque fruit sont des manifestations de la longue patience et du grand amour de Dieu envers un monde ingrat. PJ 261 3 Que rendons-nous au grand Dispensateur de toutes ces choses? Quel cas faisons-nous des droits qu'il a sur nous? A qui la plupart des hommes consacrent-ils leur vie? Ils s'adonnent au culte de Mammon. Les richesses, les honneurs et les plaisirs, voilà ce qu'ils recherchent. Ils acquièrent la fortune en volant, non seulement leurs semblables, mais Dieu lui-même. Ils usent de leurs talents pour satisfaire leur égoïsme. Tout ce dont ils peuvent s'emparer est mis au service de leur avidité et de leur passion des plaisirs. PJ 262 1 Le péché de nos contemporains est le même que celui qui provoqua la destruction d'Israël. L'ingratitude envers le Seigneur, la négligence des occasions et des bénédictions, l'appropriation pour un usage égoïste des dons de Dieu attirèrent le déplaisir du ciel sur la nation juive. Les mêmes péchés provoqueront aussi la ruine du monde moderne. PJ 262 2 Les larmes que Jésus répandit sur le mont des Oliviers en contemplant Jérusalem ne furent pas versées sur elle seulement, mais sur toutes les nations. Car dans le sort de Jérusalem, le Sauveur vit l'image de la destruction de la terre entière. PJ 262 3 "Si toi aussi, au moins en ce jour qui t'est donné, tu connaissais les choses qui appartiennent à ta paix! Mais maintenant, elles sont cachées à tes yeux."28 PJ 262 4 "En ce jour qui t'est donné." Ce jour touche à sa fin. Le temps de grâce est sur le point de s'achever. Déjà les nuages de la vengeance s'amoncellent. Ceux qui auront rejeté le pardon divin seront bientôt entraînés dans une ruine subite et irrémédiable. PJ 262 5 Pourtant, les hommes sont plongés dans un profond sommeil. Ils ne reconnaissent pas le temps où Dieu vient les secourir. PJ 262 6 En ces heures critiques, dans quel état se trouve l'Eglise? Ses membres répondent-ils aux exigences divines et s'acquittent-ils fidèlement de leur mandat? Révèlent-ils au monde le caractère du Père? Attirent-ils son attention sur le dernier message de miséricorde et d'avertissement que lui adresse le ciel? PJ 262 7 L'humanité est en péril, et des multitudes se meurent. Mais combien peu ceux qui se disent chrétiens ont à coeur le salut des âmes! La destinée d'un monde oscille sur le plateau de la balance, mais cet état de choses ne semble pas devoir affecter ceux qui prétendent avoir reçu les vérités les plus solennelles jamais confiées à des mortels. Il fait tristement défaut, l'amour qui poussa le Christ à quitter le ciel et à prendre notre nature, afin que nous soyons touchés au coeur de notre humanité et attirés ainsi vers la divinité. Le peuple de Dieu semble frappé de stupeur, d'une paralysie spirituelle qui l'empêche de prendre conscience de ses devoirs actuels. PJ 263 1 A leur entrée en Canaan, les Israélites ne répondirent pas au dessein de Dieu qui voulait qu'ils prennent possession de tout le pays. Après une conquête partielle, ils s'installèrent en vue de jouir du fruit de leur victoire. Leur incrédulité et leur amour des aises les poussèrent à se grouper dans les parties conquises au lieu de chercher à occuper de nouveaux territoires. C'est ainsi qu'ils commencèrent à s'éloigner du Seigneur. En n'accomplissant pas le plan de Dieu, ils mirent celui-ci dans l'impossibilité de leur accorder les bénédictions qu'il leur avait promises. L'Eglise ne suit-elle pas aujourd'hui le même chemin qu'Israël? Bien qu'ils voient le monde entier privé des bienfaits de l'Evangile, les soi-disant chrétiens se réunissent là où ils peuvent en jouir librement. Ils n'éprouvent pas le besoin d'occuper de nouveaux territoires et de porter le message du salut dans des pays où il n'a pas encore été prêché. Ils refusent de s'acquitter de leur mission: "Allez par tout le monde, et prêchez la bonne nouvelle à toute la création." Sont-ils moins coupables que la communauté juive d'autrefois? PJ 263 2 Ceux qui se disent disciples du Christ sont à l'épreuve devant l'univers céleste; mais la tiédeur de leur zèle et la faiblesse de leurs efforts les classent parmi les serviteurs infidèles. Si leurs actes représentaient tout ce dont ils sont capables, on ne pourrait les condamner; mais s'ils engageaient leur coeur dans le travail, ils feraient bien davantage. Ils savent -- et le monde aussi -- qu'ils ont perdu en grande partie l'esprit de sacrifice. Il en est beaucoup dont les noms, dans les livres du ciel, sont suivis de ces mots: "Consomme, mais ne produit rien." Beaucoup qui se réclament du Christ et qui obscurcissent sa gloire, ternissent sa beauté et bafouent son honneur. PJ 264 1 Nombreux sont ceux dont les noms sont inscrits sur les registres d'église, mais qui ne sont pas dirigés par leur Seigneur. Ses instructions les laissent indifférents et ils n'accomplissent pas son oeuvre. Voilà pourquoi ils sont placés sous le contrôle de l'ennemi. N'agissant pas résolument pour le bien, ils font un mal incalculable. Comme leur influence n'est pas un parfum vivifiant qui mène à la vie, elle est une odeur fatale qui conduit à la mort. PJ 264 2 L'Eternel déclare: "Ne châtierais-je pas ces choses-là?"29 C'est parce qu'il n'a pas répondu à la volonté de Dieu qu'Israël fut rejeté et que le Seigneur fit appel à d'autres peuples. Si, à leur tour, ceux-ci sont infidèles, ne seront-ils pas rejetés de la même manière? PJ 264 3 Dans la parabole de la vigne, ce sont les vignerons que le Christ déclare coupables, car ils ont refusé de rendre au propriétaire le produit de sa terre. En Israël, c'étaient les prêtres et les docteurs qui, en induisant le peuple en erreur, avaient privé l'Eternel du culte qui lui était dû et avaient détourné du Christ la nation juive. PJ 264 4 Jésus présenta la loi de Dieu, exempte de toute tradition humaine, comme la grande règle à laquelle il fallait se soumettre. C'est ce qui lui attira l'inimitié des rabbins, qui avaient élevé des enseignements humains au-dessus de la parole de Dieu et éloigné le peuple de ses préceptes. Ils ne voulaient pas abandonner leurs propres commandements pour suivre les impératifs de l'Ecriture. Ils n'étaient pas disposés à sacrifier leur orgueil intellectuel et les louanges des hommes pour l'amour de la vérité. Lorsque le Christ vint présenter à la nation les exigences de Dieu, les prêtres et les anciens lui contestèrent le droit de s'interposer entre eux et le peuple. Ils n'acceptèrent ni ses reproches ni ses avertissements, et ils mirent tout en oeuvre pour lui aliéner les sympathies populaires et consommer sa perte. PJ 264 5 Ces hommes furent les grands responsables du rejet du Christ et des conséquences qu'il entraîna. Le péché et la ruine d'une religion étaient donc imputables à ses conducteurs religieux. PJ 265 1 De nos jours, les mêmes influences ne sont-elles pas à l'oeuvre? Parmi les ouvriers de la vigne du Seigneur, beaucoup ne suivent-ils pas les traces des chefs juifs? Les conducteurs religieux ne détournent-ils pas les âmes de l'obéissance à la parole de Dieu? Au lieu d'enseigner la fidélité aux préceptes divins, n'enseigne-t-on pas la légitimité de la transgression? Du haut de nombreuses chaires, on prêche l'abolition de la loi. Les traditions, les ordonnances et les coutumes humaines sont mises à l'honneur. On se sert des dons du Créateur pour cultiver l'orgueil et la satisfaction personnelle, tandis que l'on méconnaît ses droits. PJ 265 2 En rejetant la loi du Très-Haut, les hommes ne savent pas ce qu'ils font. N'est-elle pas la transcription du caractère de Dieu, l'incarnation des principes de son royaume? Celui qui refuse de reconnaître ces principes se place en dehors du canal où les bénédictions divines s'écoulent. PJ 265 3 Ce n'est que par l'observation des commandements que l'on bénéficiera de toutes les promesses faites à Israël. Ce n'est que sur le sentier de l'obéissance que l'on trouvera la même élévation de caractère, la même plénitude de bénédictions: bénédictions concernant l'esprit, l'âme et le corps, les maisons et les champs, cette vie et la vie à venir. PJ 265 4 Dans le monde spirituel comme dans le monde matériel, ce n'est que par la soumission aux lois divines que l'on peut porter du fruit. Quiconque enseigne qu'il est permis de fouler aux pieds les commandements de Dieu empêche ceux qui l'écoutent de porter du fruit à sa gloire. Il se rend coupable en refusant au Seigneur les grappes de sa vigne. PJ 265 5 Les messagers de Dieu viennent à nous avec les ordres du Maître et, comme lui, ils exigent l'obéissance à sa parole. Ils réclament de sa part les fruits de sa vigne: l'amour, l'humilité, l'esprit de sacrifice. Comme les chefs juifs, beaucoup de vignerons ne sont-ils pas outrés de ces demandes? Lorsque les droits de Dieu sont présentés devant le peuple, ces conducteurs religieux n'usent-ils pas de leur influence pour les repousser? Le Seigneur déclare que ces hommes sont des serviteurs infidèles. PJ 266 1 Les paroles du Tout-Puissant au peuple juif sont un avertissement solennel à l'Eglise d'aujourd'hui et à ses dirigeants. Dieu dit, en parlant d'Israël: "Que j'écrive pour lui toutes les ordonnances de ma loi, elles sont regardées comme quelque chose d'étranger."30 Aux prêtres et aux docteurs de la loi, il dit aussi: "Mon peuple est détruit, parce qu'il lui manque la connaissance. Puisque tu as rejeté la connaissance, je te rejetterai; ... puisque tu as oublié la loi de ton Dieu, j'oublierai aussi tes enfants.31 PJ 266 2 Ne fera-t-on aucun cas des avertissements du Seigneur? Laissera-t-on passer les occasions de le servir sans les mettre à profit? Les sarcasmes du monde, l'orgueil intellectuel, les coutumes et les traditions humaines empêcheront-ils les disciples de Jésus de lui rendre le culte qui lui est dû? Rejetteront-ils la parole de Dieu comme les chefs juifs ont rejeté le Christ? Les conséquences du péché d'Israël sont sous nos yeux. L'Eglise de nos jours tiendra-t-elle compte de cet avertissement? PJ 266 3 "Si quelques-unes des branches ont été retranchées, et si toi, qui étais un olivier sauvage, tu as été enté à leur place, et rendu participant de la racine et de la graisse de l'olivier, ne te glorifie pas. ... Elles ont été retranchées pour cause d'incrédulité, et toi, tu subsistes par la foi. Ne t'abandonne pas à l'orgueil, mais crains; car si Dieu n'a pas épargné les branches naturelles, il ne t'épargnera pas non plus."32 ------------------------Chapitre 24 -- Sans l'habit de noces PJ 267 1 La parabole des noces nous apporte une leçon extrêmement importante. Le mariage représente l'union de la divinité avec l'humanité, tandis que l'habit de noces symbolise le caractère que doivent posséder tous ceux qui seront dignes de prendre part à cette fête. PJ 267 2 Dans cette parabole, comme dans celle du grand souper, sont figurés l'invitation évangélique, son rejet par le peuple juif et l'appel de la grâce adressé aux Gentils. Ceux qui refusent l'invitation se rendent coupables d'une plus grande injure et seront passibles d'un châtiment plus redoutable dans la parabole des noces que dans celle du grand souper. L'invitation au festin est royale; elle provient d'un personnage investi de l'autorité suprême. Elle confère un grand honneur, mais celui-ci est méconnu. On dédaigne le pouvoir du roi. Tandis que le message du maître de maison est traité avec indifférence, celui du souverain est accueilli par l'insulte et le meurtre. Ses émissaires sont méprisés, outragés et mis à mort. PJ 267 3 Le maître de maison, voyant son invitation bafouée, déclare qu'aucun de ceux à qui elle a été adressée ne goûtera de son souper. Quant à ceux qui ont offensé le roi, ils sont frappés d'un jugement plus sévère que l'exclusion de sa présence. "Il envoya ses troupes, fit périr ces meurtriers, et brûla leur ville."1 PJ 268 1 Dans ces deux paraboles, des invités participent à un banquet; mais la seconde nous montre qu'une préparation est nécessaire pour assister au festin et que ceux qui la négligent n'y seront pas admis. "Le roi entra pour voir ceux qui étaient à table, et il aperçut là un homme qui n'avait pas revêtu un habit de noces. Il lui dit: Mon ami, comment es-tu entré ici sans avoir un habit de noces? Cet homme eut la bouche fermée. Alors le roi dit aux serviteurs: Liez-lui les pieds et les mains, et jetez-le dans les ténèbres du dehors, où il y aura des pleurs et des grincements de dents."2 PJ 268 2 L'invitation aux noces a été adressée par les disciples du Christ. Notre Seigneur envoya d'abord les douze, puis les soixante-dix pour annoncer la proximité du royaume de Dieu et engager les hommes à se repentir et à croire à l'Evangile. Mais on ne prit pas garde à ces exhortations: ceux qui avaient été conviés aux noces ne vinrent pas. Les serviteurs furent dépêchés une deuxième fois, pour dire: "Voici, j'ai préparé mon festin; mes boeufs et mes bêtes grasses sont tués, tout est prêt, venez aux noces."3 Ce fut le message porté aux Juifs après la crucifixion du Christ. Mais ce peuple, qui se prétendait l'élu de Dieu, rejeta l'Evangile qui lui était délivré avec la puissance du Saint-Esprit. Beaucoup le firent avec le plus profond mépris; d'autres furent tellement irrités qu'on leur offre le salut, le pardon de l'offense dont ils s'étaient rendus coupables en rejetant le Seigneur de gloire, qu'ils s'en prirent aux porteurs de ce message. Une "grande persécution" s'alluma soudain.4 Bon nombre d'hommes et de femmes furent jetés en prison, et quelques-uns des témoins du Seigneur, comme Etienne et Jacques, furent mis à mort. PJ 268 3 Les Juifs scellèrent ainsi leur rejet de la miséricorde céleste, et la parabole en révèle les fatales conséquences. Le roi "envoya ses troupes, fit périr ces meurtriers, et brûla leur ville". Ce jugement fut exécuté lors de la destruction de Jérusalem et de la dispersion de la nation juive. PJ 269 1 Le troisième appel au festin représente la prédication de l'Evangile aux Gentils. "Les noces sont prêtes, annonce le roi, mais les conviés n'en étaient pas dignes. Allez donc dans les carrefours, et appelez aux noces tous ceux que vous trouverez."5 PJ 269 2 Les serviteurs du roi se rendirent dans les chemins, et "rassemblèrent tous ceux qu'ils trouvèrent, méchants et bons".6 C'était une société très mélangée, comprenant des gens qui ne se souciaient pas plus du maître du festin que ceux qui avaient refusé son invitation. Les premiers conviés n'avaient pas cru devoir sacrifier le plus petit avantage pour se rendre au banquet du roi. Mais parmi ceux qui s'y présentèrent se trouvaient des êtres guidés par l'intérêt personnel, n'ayant en vue que les mets de la table royale, sans la moindre pensée d'honorer le monarque. PJ 269 3 Quand celui-ci entra pour voir ceux qui étaient à table, le caractère de chacun fut révélé. Un habit de noces avait été offert à tous, de la part du roi. En le portant, les convives honoraient le souverain. Or, l'un de ces hommes avait mis ses vêtements ordinaires. Il avait refusé de faire les préparatifs requis. Il dédaignait l'habit qui lui avait été procuré à grands frais. Il témoignait ainsi de son mépris pour son seigneur. Le roi lui demanda: "Mon ami, comment es-tu entré ici sans avoir un habit de noces?" Il ne répondit rien. Il s'était condamné lui-même. Alors le monarque déclara: "Liez-lui les pieds et les mains, et jetez-le dans les ténèbres du dehors, où il y aura des pleurs et des grincements de dents."7 PJ 269 4 L'examen des invités par le roi symbolise l'oeuvre du jugement. Les convives du banquet évangélique sont ceux qui professent servir Dieu, ceux dont les noms sont inscrits dans le livre de vie. Mais tous ceux qui se disent chrétiens ne sont pas de vrais disciples du Christ. Avant que la récompense finale soit donnée, il faut savoir qui aura part à l'héritage des justes. Cette décision doit être prise avant le retour de Jésus sur les nuées des cieux. Quand il viendra, sa rétribution sera avec lui, "pour rendre à chacun selon ce qu'est son oeuvre".8 Par conséquent, il faut que l'oeuvre de chacun ait été manifestée auparavant. Tout disciple du Christ recevra une récompense en rapport avec ses actes. PJ 270 1 Le jugement se prépare au ciel tandis que les hommes vivent encore sur la terre. La vie de tous ceux qui prétendent servir Dieu est examinée d'après ce qui est inscrit dans les livres, et la destinée de chacun est irrévocablement fixée selon ses actes. PJ 270 2 L'habit de noces de la parabole représente le caractère pur et sans tache des vrais disciples du Christ. Il a été donné à l'Eglise de se revêtir d'un fin lin, éclatant, pur, "sans tache, ni ride, ni rien de semblable". Le fin lin, disent les Ecritures, "ce sont les oeuvres justes des saints".9 C'est la justice du Christ, son caractère irréprochable qui est communiqué par la foi à tous ceux qui le reçoivent comme leur Sauveur personnel. PJ 270 3 La robe blanche de l'innocence était celle que portaient nos premiers parents quand ils furent placés par Dieu dans le jardin d'Eden. Ils vivaient alors en harmonie parfaite avec sa volonté, et toutes leurs affections se tournaient vers leur Père céleste. Une belle et douce lumière, la lumière de Dieu, symbole de leurs vêtements spirituels, enveloppait le couple saint. S'ils étaient demeurés fidèles à leur Créateur, elle ne les aurait jamais quittés. Mais le péché les sépara de l'Eternel, et la lumière qui les entourait s'évanouit. Honteux de leur nudité, ils essayèrent de remplacer leurs vêtements célestes par des feuilles de figuier qu'ils cousirent ensemble. PJ 270 4 C'est ce que tous les transgresseurs de la loi divine ont fait depuis le jour de la désobéissance de nos premiers parents. Ils ont utilisé, eux aussi, des feuilles de figuier pour cacher la nudité résultant de leurs transgressions. Ils ont mis des habits de leur invention. Ils se sont efforcés de dissimuler leurs péchés sous leurs propres oeuvres et de se rendre acceptables aux yeux de Dieu. PJ 271 1 Mais ce travail est vain. Rien ne pourra jamais remplacer la robe d'innocence qu'ils ont perdue. Ceux qui seront assis avec le Christ et ses anges au festin de noces de l'Agneau ne seront pas revêtus de feuilles de figuier ni d'habits de ce monde. PJ 271 2 Seuls les vêtements qui ont été préparés par le Seigneur nous permettront de nous présenter devant lui. Le Christ enveloppera de sa robe de justice tous ceux qui se repentent et qui croient. "Je te conseille, dit-il, d'acheter de moi... des vêtements blancs, afin que tu sois vêtu et que la honte de ta nudité ne paraisse pas."10 PJ 271 3 Tissée sur les métiers du ciel, cette robe n'a pas un seul fil de la sagesse d'ici-bas. Dans son humanité, le Christ a formé un caractère parfait qu'il veut bien nous communiquer. "Toute notre justice est comme un vêtement souillé"?11 Le meilleur de nous-même est altéré par le péché, mais le Fils de Dieu "a paru pour ôter les péchés, et il n'y a point en lui de péché". Le péché, selon la définition biblique, est "la transgression de la loi.12 Le Christ s'est soumis à toutes les exigences de la loi. Lui-même ne disait-il pas: "Je veux faire ta volonté, mon Dieu! et ta loi est au fond de mon coeur.13 Lorsque Jésus était sur la terre, il affirmait à ses disciples: "J'ai gardé les commandements de mon Père.14 Par son obéissance parfaite, il a rendu possible pour tous les hommes l'observation des commandements de Dieu. Quand nous nous soumettons au Christ, notre coeur est uni au sien, notre volonté se confond avec la sienne, notre esprit s'identifie au sien, nos pensées sont captives de sa volonté. Nous vivons de sa vie. Voilà ce que signifie être revêtu du vêtement de sa justice. Quand le Seigneur nous regarde, il ne voit pas un habit fait de feuilles de figuier, ni la nudité, ni la laideur du péché, mais sa propre robe de justice qui est l'obéissance parfaite à la loi de l'Eternel. PJ 272 1 C'est le roi lui-même qui fait l'inspection de ses hôtes. Seuls ceux qui se sont conformés à ses directives et ont revêtu l'habit de noces sont reçus au banquet évangélique. Tous sont appelés à passer sous le regard scrutateur du grand Roi. Seuls ceux qui porteront la robe de la justice du Christ seront agréés. PJ 272 2 Cela revient à pratiquer ce qui est juste. C'est par ses actes que chacun sera jugé; ce sont nos oeuvres qui mettent en évidence notre caractère et l'authenticité de notre foi. PJ 272 3 Il ne suffit pas de croire que Jésus n'est pas un imposteur et que la Bible n'est pas un recueil de fables habilement conçues. On peut admettre que le nom de Jésus est le seul qui ait été donné aux hommes pour être sauvés, et néanmoins ne pas l'accepter comme Sauveur personnel. Croire à la théorie de la vérité, se dire chrétien, faire inscrire son nom sur les registres d'église ne suffit pas. "Celui qui garde ses commandements demeure en Dieu, et Dieu en lui; et nous connaissons qu'il demeure en nous par l'Esprit qu'il nous a donné." "Si nous gardons ses commandements, par là nous savons que nous l'avons connu."15 C'est à ce signe qu'on reconnaît une véritable conversion. Quelle que soit notre profession de foi, elle est inutile si le Christ ne se manifeste pas en nous par des oeuvres de justice. PJ 272 4 La vérité doit être implantée dans notre coeur pour diriger notre esprit et contrôler nos affections. Il faut que la parole du Seigneur mette le sceau sur notre caractère. Chaque iota, chaque trait de lettre de cette parole doit entrer dans la vie de chaque jour. PJ 272 5 Celui qui devient participant de la nature divine se conformera à la grande règle de justice: la sainte loi de Dieu. Cette loi est la norme suivant laquelle il mesure les actions des hommes, et, au jour du jugement, elle servira de pierre de touche pour évaluer le caractère. PJ 272 6 Nombre de personnes affirment que la loi a été abolie à la mort du Christ. Mais ce raisonnement va à l'encontre de ses propres déclarations. "Ne croyez pas, dit-il, que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes; ... tant que le ciel et la terre ne passeront point, il ne disparaîtra pas de la loi un seul iota ou un seul trait de lettre."16 Le Christ donna sa vie pour expier les transgressions dont nous nous étions rendus coupables. Si la loi avait pu être changée ou abrogée, Jésus n'aurait pas eu besoin de mourir. Au cours de sa vie terrestre, il respecta la loi de Dieu, et par sa mort, il la confirma. Il donna sa vie en sacrifice, non pour abolir le décalogue ou abaisser le niveau de l'idéal de sainteté, mais pour maintenir la justice et pour mettre en évidence l'immutabilité et la pérennité de la loi. PJ 273 1 Satan avait prétendu que l'homme était dans l'incapacité absolue de garder les commandements de Dieu. Cela est vrai si nous ne comptons que sur nos propres forces. Mais en s'incarnant et en observant parfaitement cette loi, le Christ a prouvé que l'obéissance à tous les préceptes divins est possible grâce à l'union de l'humanité et de la divinité. PJ 273 2 "A tous ceux qui l'ont reçu, à ceux qui croient en son nom, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu."17 Ce pouvoir n'est pas en l'homme, mais en Dieu. Quand une âme reçoit le Christ, elle reçoit la puissance de vivre sa vie. PJ 273 3 Notre Père exige de ses enfants la perfection. Sa loi est l'expression de son caractère, et en même temps le modèle du nôtre. Cet idéal est présenté à chacun, afin d'écarter de l'esprit humain tout malentendu sur la nature des sujets que le Seigneur recevra dans son royaume. La vie du Christ ici-bas fut une révélation parfaite de la loi divine; en conséquence, pour les chrétiens, former un caractère semblable au sien revient à observer les commandements de Dieu. Le Seigneur peut alors les admettre comme membres de la famille céleste. Revêtus des habits glorieux de la justice du Christ, ils auront leur place au festin du roi. Ils se joindront à la foule des rachetés qui auront blanchi leurs vêtements, dans le sang de l'Agneau. PJ 274 1 Celui qui est entré dans la salle du festin sans l'habit de noces représente la majorité de nos contemporains, qui se disent chrétiens et se réclament des bénédictions et des privilèges de l'Evangile, mais n'éprouvent aucun besoin d'une transformation de caractère. Ils ne se sont jamais vraiment repentis de leurs péchés. Ils ne réalisent pas la nécessité d'un Sauveur et ne mettent pas leur confiance en Jésus. Ils n'ont pas vaincu leurs tendances au mal, héréditaires ou cultivées. Cependant, ils ont une bonne opinion d'eux-mêmes et se fient à leurs mérites au lieu de se reposer sur le Seigneur. Auditeurs de la parole, ils viennent au banquet sans porter le vêtement de la justice du Christ. PJ 274 2 Beaucoup parmi ceux qui se disent chrétiens ne sont que des moralistes. Ils ont refusé le don qui seul pouvait faire d'eux de dignes représentants de Jésus ici-bas. L'oeuvre du Saint-Esprit leur est totalement inconnue, et ils ne suivent pas la parole de Dieu. Les principes du ciel distinguant ceux qui sont unis au Christ de ceux qui font corps avec le monde sont presque indiscernables dans leur vie. Les soi-disant disciples du Maître ne forment plus un peuple particulier, séparé de tous les autres. La ligne de démarcation est floue. Ils se soumettent aux coutumes du siècle et vivent dans l'égoïsme. L'Eglise s'est jointe aux incroyants pour violer la loi de Dieu, alors que ceux-ci auraient dû se joindre à l'Eglise pour l'observer. Chaque jour, c'est l'Eglise qui se convertit au monde. PJ 274 3 Ces prétendus chrétiens s'attendent à être sauvés par la mort du Christ tout en refusant de le suivre dans sa vie de sacrifice. Ils exaltent la grandeur du salut gratuit et cherchent à se couvrir d'une justice apparente, avec l'espoir de dissimuler leurs défauts de caractère; mais la vanité de leurs efforts sera manifeste au jour du jugement. PJ 274 4 La justice du Christ ne voilera pas un seul péché que l'on a caressé dans son coeur. Un homme peut être considéré par le monde comme intègre tout en transgressant la loi de Dieu, parce qu'on ne le voit commettre aucune mauvaise action. Mais le Seigneur juge aussi les pensées et les sentiments. Tout acte sera estimé d'après le mobile qui l'aura inspiré. Seul ce qui est conforme aux principes de la loi pourra supporter l'épreuve du jugement. PJ 275 1 Dieu est amour, et il l'a prouvé en donnant son propre Fils, "afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle".18 Il n'a rien refusé à ceux qu'il s'était acquis. Il a donné le ciel tout entier pour nous assurer la force de repousser et de vaincre notre adversaire. Mais l'amour de Dieu ne l'amène pas à excuser le péché. Il ne l'excusa ni chez Satan, ni chez Adam, ni chez Caïn et ne le fera pas davantage pour qui que ce soit d'autre. Il ne sera jamais le complice de nos transgressions et ne fermera pas les yeux sur nos défauts. Il s'attend à nous voir triompher en son nom. PJ 275 2 Ceux qui rejettent la justice du Christ repoussent le type de caractère qui ferait d'eux des fils et des filles de Dieu. Ils n'acceptent pas le seul élément qui puisse les mettre en mesure de participer au festin de noces. PJ 275 3 Dans la parabole, quand le roi demanda: "Comment es-tu entré ici -- sans avoir un habit de noces?",19 l'homme interpellé resta silencieux. Il en sera de même au grand jour du jugement. Maintenant encore, on peut excuser ses défauts, mais à cette heure-là on ne cherchera plus à se justifier. PJ 275 4 En notre génération, les Eglises qui se réclament du Christ jouissent des privilèges les plus élevés. Le Seigneur nous a été révélé avec une clarté toujours plus vive. Nos avantages dépassent de beaucoup ceux qui étaient accordés au peuple de Dieu des siècles passés. Nous n'avons pas seulement les grandes vérités confiées à Israël, mais aussi l'évidence du salut merveilleux apporté par le Christ. Ce qui n'était que types et symboles pour les Juifs est une réalité pour nous. Ils possédaient l'Ancien Testament; nous avons en plus, dans le Nouveau, l'assurance d'un Sauveur qui est venu, qui a été crucifié, qui est ressuscité et qui a fait cette déclaration en sortant du sépulcre de Joseph: "Je suis la résurrection et la vie." Par la connaissance du Christ et de son amour, le royaume de Dieu est au milieu de nous. Jésus nous est révélé dans les sermons et exalté dans les cantiques. Le banquet spirituel nous est offert avec largesse. Toute âme peut recevoir gratuitement un vêtement de noces d'un prix inestimable. Les messagers de Dieu nous présentent la justice du Christ, la justification par la foi, les belles et riches promesses de l'Ecriture, le libre accès au Père par le Fils, l'assistance du Saint-Esprit, la ferme assurance de la vie éternelle dans le royaume des cieux. Qu'aurait pu faire de plus pour nous celui qui a préparé le grand souper, le céleste banquet? PJ 276 1 Les anges de Dieu disent dans le ciel: "Nous nous sommes fidèlement acquittés de notre tâche. Nous avons repoussé l'armée des mauvais anges. Répandant la lumière dans les âmes, nous leur avons rappelé l'amour de Dieu manifesté en Jésus. Nous avons attiré leur attention sur la croix du Christ." Elles ont compris que leurs transgressions avaient causé la mort du Fils de Dieu et leur coeur en a été profondément touché. Elles ont vu les étapes menant d'une simple conviction à une conversion réelle. Non sans émotion, elles ont senti la puissance de l'Evangile et la douceur de l'amour de Dieu. La beauté du caractère du Christ leur est apparue clairement. Mais pour le plus grand nombre, tout cela s'est révélé vain. Les hommes n'ont pas voulu renoncer à leurs mauvaises habitudes ni échanger leurs vêtements sales contre l'habit céleste. Ils sont devenus esclaves de l'avarice et ont aimé le monde plus que Dieu. PJ 276 2 Le jour des décisions finales sera solennel. Dans une vision prophétique, l'apôtre Jean le décrit en ces termes: "Je vis un grand trône blanc, et celui qui était assis dessus. La terre et le ciel s'enfuirent devant sa face, et il ne fut plus trouvé de place pour eux. Et je vis les morts, les grands et les petits, qui se tenaient devant le trône. Des livres furent ouverts. Et un autre livre fut ouvert, celui qui est le livre de vie. Et les morts furent jugés selon leurs oeuvres, d'après ce qui était écrit dans ces livres."20 PJ 277 1 Quelle tristesse se dégagera de cet examen rétrospectif à la lumière de l'éternité! La vie de chacun apparaîtra telle qu'elle aura été. Les plaisirs, les richesses et les honneurs du monde perdront alors de leur importance. Les hommes verront la valeur inestimable de la justice qu'ils ont méprisée. Ils se rendront compte qu'ils ont modelé leur caractère d'après les séductions de Satan, et que les vêtements qu'ils ont adoptés étaient des gages de soumission au grand apostat. Ils discerneront alors les conséquences de leur choix et la gravité de leur désobéissance aux commandements de Dieu. PJ 277 2 Un second temps de grâce ne sera pas accordé aux hommes. C'est dans cette vie qu'il faut revêtir la robe de justice du Christ. L'occasion actuelle est la seule que nous ayons pour former des caractères qui nous donneront accès à la demeure préparée par Jésus pour ceux qui gardent ses commandements. PJ 277 3 Le temps de grâce est sur le point de s'achever. La fin est proche. C'est à nous qu'est donné cet avertissement: "Prenez garde à vous-mêmes, de crainte que vos coeurs ne s'appesantissent par les excès du manger et du boire, et par les soucis de la vie, et que ce jour ne vienne sur vous à l'improviste."21 Ne vous laissez pas surprendre. Ne courez pas le risque de paraître au banquet royal sans l'habit de noces. PJ 277 4 "Le fils de l'homme viendra à l'heure où vous n'y penserez pas." "Heureux celui qui veille, et qui garde ses vêtements, afin qu'il ne marche pas nu et qu'on ne voie pas sa honte!"22 ------------------------Chapitre 25 -- Les talents PJ 281 1 Sur la montagne des Oliviers, le Christ avait entretenu ses disciples de sa seconde venue. Il avait énuméré certains signes devant attirer l'attention sur la proximité de son retour, et exhorté ses disciples à veiller et à se tenir prêts. Il leur répéta cet avertissement: "Veillez donc, puisque vous ne savez ni le jour, ni l'heure."1 Ensuite, il leur indiqua comment se préparer pour sa venue. Le temps de l'attente ne doit pas être passé dans l'oisiveté, mais dans un travail assidu. Telle est la leçon qui se dégage de la parabole des talents. PJ 281 2 Le royaume des cieux, dit-il, peut être comparé à "un homme qui, partant pour un voyage, appela ses serviteurs, et leur remit ses biens. Il donna cinq talents à l'un, deux à l'autre, et un au troisième, à chacun selon sa capacité, et il partit."2 PJ 281 3 L'homme qui part pour un pays éloigné représente le Christ qui, au moment où il propose cette parabole, est sur le point de quitter la terre. Les serviteurs figurent les disciples de Jésus. Nous ne nous appartenons pas à nous-mêmes. Nous avons été "rachetés à un grand prix", non pas "par des choses périssables, par de l'argent ou de l'or, ... mais par le sang précieux de Christ", "afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour eux."3 PJ 282 1 Tous les hommes ont été rachetés à ce prix infini. En déversant sur le monde les trésors d'en haut, en nous accordant par le Christ le ciel entier, Dieu s'est acquis la volonté, les affections, l'esprit et l'âme de chaque être humain. Tous, croyants ou non, sont la propriété du Seigneur et sont appelés à le servir. Ils devront, au grand jour du jugement, rendre compte de la manière dont ils auront répondu aux désirs du Maître. PJ 282 2 Mais tous ne sont pas disposés à reconnaître les droits de Dieu. Dans les serviteurs de la parabole, il faut voir ceux-là seuls qui prétendent avoir accepté cette mission. PJ 282 3 Les disciples du Christ ont été rachetés en vue du service. Notre Seigneur enseigne que le véritable but de la vie, c'est l'utilité commune. Jésus lui-même fut un ouvrier, et il a fait du service une loi pour tous. Chacun doit se dépenser pour Dieu et pour ses semblables. Le Sauveur a présenté au monde une conception de la vie dépassant toutes celles que l'on connaissait. Une existence consacrée au prochain met l'homme en relation avec le Christ. La loi du service est l'anneau qui nous relie à Dieu et à nos semblables. PJ 282 4 Le Maître nous confie ses biens, c'est-à-dire quelque chose dont nous devons faire usage pour lui. Il indique à chacun sa tâche, car tous ont un rôle dans le plan éternel de Dieu, tous sont appelés à collaborer avec le Christ au salut des âmes. Notre champ d'activité ici-bas est prévu de façon aussi certaine que la place préparée pour nous dans les parvis célestes. Les dons du Saint-Esprit PJ 282 5 Les talents que le Seigneur a confiés à son Eglise représentent avant tout les dons et les grâces que lui communique le Saint-Esprit. "A l'un est donné par l'Esprit une parole de sagesse; à un autre, une parole de connaissance, selon le même Esprit; à un autre, la foi, par le même Esprit; à un autre, le don des guérisons, par le même Esprit; à un autre, le don d'opérer des miracles; à un autre, la prophétie; à un autre, le discernement des esprits; à un autre, la diversité des langues; à un autre, l'interprétation des langues. Un seul et même Esprit opère toutes ces choses, les distribuant à chacun en particulier comme il veut."4 Tous ne reçoivent pas les mêmes dons, mais à chacun est promis quelque don de l'Esprit. PJ 283 1 Avant de quitter ses disciples, Jésus "souffla sur eux, et leur dit: Recevez le Saint-Esprit". Il leur dit encore: "J'enverrai sur vous ce que mon Père a promis."5 Mais ce don ne fut accordé dans sa plénitude qu'après l'ascension. Quand les disciples s'abandonnèrent totalement, par la foi et la prière, à l'action du Saint-Esprit, celui-ci fut déversé sur eux. PJ 283 2 C'est alors, d'une façon toute spéciale, qu'ils reçurent les biens du ciel. "Etant monté en haut, il a emmené des captifs; et il a fait des dons aux hommes." "A chacun de nous la grâce a été donnée selon la mesure du don de Christ", le Saint-Esprit "distribuant [ces dons] à chacun en particulier comme il veut".6 Grâce au Christ, ces dons nous sont déjà acquis, mais pour les posséder réellement, il faut que nous ayons l'Esprit de Dieu. PJ 283 3 La promesse du Saint-Esprit n'est pas appréciée à sa juste valeur. Elle ne se réalise pas comme cela serait possible. C'est l'absence de l'Esprit qui affaiblit le ministère évangélique. On peut avoir la science, les talents, l'éloquence, tous les dons naturels ou acquis: sans le Saint-Esprit, aucun coeur ne sera touché, aucune âme gagnée à Jésus-Christ. D'autre part, s'ils vivent en communion avec le Sauveur, s'ils ont part aux dons de l'Esprit, les disciples les plus pauvres et les plus ignorants auront le pouvoir d'agir sur les coeurs. Dieu fera d'eux des instruments par lesquels opérera la plus grande puissance de l'univers. Autres talents PJ 284 1 La parabole ne représente pas seulement les dons particuliers du Saint-Esprit. Elle concerne toutes les facultés et tous les dons, qu'ils soient innés ou acquis, naturels ou spirituels. Tous doivent être employés au service du Christ. En devenant ses disciples, nous nous remettons entre ses mains avec tout ce que nous sommes et tout ce que nous possédons. Il nous rend ces dons purifiés et ennoblis, pour qu'ils puissent être employés à sa gloire en contribuant au bien de nos semblables. PJ 284 2 Dieu a donné "à chacun selon sa capacité". La distribution des talents n'est pas faite arbitrairement. Celui qui est capable d'en utiliser cinq en reçoit cinq. Celui qui ne peut en employer que deux en reçoit deux. Celui qui ne sait en faire valoir qu'un en reçoit un. Nul n'a lieu de se désoler qu'il n'ait pas reçu de plus grands talents: le Maître a procédé à leur répartition, et il est honoré par l'emploi judicieux d'un dépôt quelconque, sans considération de son importance. Qui détient cinq talents doit en faire fructifier cinq. Qui n'en a qu'un seul doit faire prospérer cet unique talent. Pour chaque personne, le Seigneur tient compte "de ce qu'elle peut avoir à sa disposition, et non de ce qu'elle n'a pas".7 L'emploi des talents PJ 284 3 Dans la parabole, "celui qui avait reçu les cinq talents s'en alla, les fit valoir, et il gagna cinq autres talents. De même, celui qui avait reçu les deux talents en gagna deux autres".8 PJ 284 4 Quelle que soit leur quantité, il faut que ces talents soient productifs. Ne nous interrogeons pas sur le nombre des talents reçus, mais sur l'emploi que nous en faisons. Notre premier devoir à l'égard de Dieu et de nos semblables est de développer nos facultés. Celui qui n'accroît pas ses capacités de jour en jour n'atteint pas le but de sa vie. Lorsque nous affirmons croire au Christ, nous prenons l'engagement de mettre à son service tout ce que nos aptitudes nous permettent de devenir. Nos efforts doivent donc tendre à porter chacune de nos facultés au plus haut degré de perfection, afin de faire tout le bien dont nous sommes capables. PJ 285 1 Le Seigneur a une grande oeuvre à réaliser et, dans la vie à venir, il accordera le plus bel héritage à ceux qui l'auront servi avec le plus de fidélité et d'empressement dans la vie présente. Il choisit ses instruments, et tous les jours, d'une manière ou d'une autre, il les met à l'épreuve. Il se sert de tous ceux qui s'efforcent d'exécuter ses desseins, non parce qu'ils sont arrivés à la perfection, mais parce qu'ils peuvent y parvenir avec son aide. PJ 285 2 Dieu acceptera seulement ceux qui ont un idéal élevé. Il met tout être humain en demeure de faire de son mieux. La sainteté est exigée de chacun. Ne rabaissons jamais l'idéal de la justice pour l'accommoder à nos tendances au mal, héréditaires ou acquises. Nous devons comprendre que l'imperfection du caractère est un péché. Toutes les qualités morales se trouvent en Dieu et forment un ensemble harmonieux auquel peuvent avoir part ceux qui reçoivent le Christ comme Sauveur personnel. PJ 285 3 Quiconque désire être ouvrier avec Dieu doit chercher à perfectionner toutes les aptitudes de son corps et de son esprit. La véritable éducation, c'est l'épanouissement de nos facultés physiques, mentales et morales en vue de l'accomplissement de nos devoirs; c'est la culture du corps, de l'esprit et de l'âme pour le service de Dieu. C'est la seule éducation qui subsistera jusque dans la vie éternelle. PJ 285 4 Le Seigneur exige de tout croyant une croissance en capacité et en efficacité sous tous les rapports. Sous la forme de ses souffrances et du don de sa vie, le Christ a déjà payé le salaire de notre service volontaire. Il est venu dans le monde pour nous montrer comment et dans quel esprit nous devrions travailler. Il veut que nous recherchions de quelle manière nous pouvons le mieux contribuer à l'avancement de son oeuvre et à la gloire de son nom. Honorons, avec le plus grand amour et la plus entière consécration, le Père qui "a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle".9 PJ 286 1 Le Christ n'a jamais déclaré qu'il était facile d'atteindre à la perfection morale. Un caractère noble et bien équilibré ne nous est pas donné à la naissance et n'est pas non plus le fait du hasard. On l'acquiert par des efforts individuels, en vertu des mérites et de la grâce du Christ. Dieu nous accorde les facultés, les talents; à nous de former notre caractère. Nous y parvenons au prix de luttes sévères avec le moi. Les tendances héréditaires doivent être combattues sans relâche. Il faut s'examiner attentivement, avec un oeil critique, et ne faire grâce à aucun trait défectueux. PJ 286 2 Que nul ne se déclare incapable de remédier à ses défauts de caractère. Si vous tirez une pareille conclusion, vous n'obtiendrez jamais la vie éternelle. Les impossibilités n'existent que dans votre volonté. Si vous ne le voulez pas, vous ne pourrez pas vaincre. La difficulté réelle provient de la corruption d'un coeur non sanctifié et de l'insoumission à la volonté de Dieu. PJ 286 3 Bien des personnes que Dieu a qualifiées pour un excellent travail n'accomplissent que peu de chose parce qu'elles ne font pas beaucoup d'efforts. Des milliers de gens traversent la vie comme s'ils n'avaient aucun but, aucun objectif à atteindre. Leur récompense sera proportionnée à leurs oeuvres. PJ 286 4 N'oubliez pas que vous ne parviendrez jamais à un idéal plus élevé que celui que vous vous serez fixé vous-même. Placez-le donc le plus haut possible, et pas à pas, même si cela devait vous demander un effort pénible, par le sacrifice et le renoncement, gravissez l'échelle jusqu'au dernier échelon. Que rien ne vous rebute. La destinée n'a pas tissé autour de vous des mailles si serrées et si solides que vous en soyez réduit à l'impuissance et à l'incertitude. Les obstacles devraient produire en vous la ferme résolution de les surmonter. Il suffira d'une barrière renversée pour vous fortifier et vous encourager. Avancez résolument dans la bonne voie et vous verrez que les circonstances, loin de ralentir votre marche, ne feront que l'accélérer. PJ 287 1 Ayez l'ambition, pour la gloire du Maître, de cultiver toutes les qualités. A chaque étape du développement de votre caractère, vous devez être agréable à Dieu. Cela vous est possible, car Hénoc l'a réalisé alors même qu'il vivait en un siècle dégénéré. Or, il y a encore des Hénocs de nos jours. PJ 287 2 Imitez Daniel, ce fidèle homme d'Etat qu'aucune tentation ne parvint à corrompre. Ne décevez pas celui qui vous a aimé au point de donner sa vie pour effacer vos péchés: "Sans moi vous ne pouvez rien faire",10 déclare-t-il. Ne l'oubliez pas. Si vous avez commis une faute, vous remporterez certainement une victoire en reconnaissant cette faute et en y voyant un avertissement. Vous pourrez ainsi changer votre défaite en victoire, décourager l'adversaire et glorifier votre Rédempteur. PJ 287 3 Un caractère conforme à l'image divine, tel est le seul trésor que nous pourrons emporter dans l'éternité. Ceux qui se laissent maintenant instruire par le Christ emporteront avec eux, dans les demeures célestes, toutes les perfections divines qu'ils ont acquises ici-bas. Et dans le ciel même, nous devrons continuer à faire des progrès. Qu'il est donc important de développer notre caractère dès à présent! PJ 287 4 Les intelligences du monde invisible aideront l'homme qui recherche, avec une foi inébranlable, cette perfection du caractère qui transparaîtra dans tous ses actes. A tous ceux qui se sont engagés dans cette voie, Jésus déclare: "Je me tiens à ta droite pour te secourir." PJ 287 5 La volonté humaine participe à la Toute-Puissance dans la mesure où elle coopère avec la volonté de Dieu. Tout ce qui se fait sur son ordre doit être accompli par sa force. Tout ce qu'il ordonne, il le donne. Les facultés mentales PJ 288 1 Dieu exige le développement des facultés mentales. Il veut que ses serviteurs aient une plus grande intelligence et un jugement plus sain que les gens du monde. Ceux qui sont trop indolents ou trop insouciants pour devenir des ouvriers utiles et instruits sont les objets de son déplaisir. Le Seigneur nous invite à l'aimer de tout notre coeur, de toute notre âme, de toute notre force, et de toute notre pensée. Cela nous place dans l'obligation de développer notre intelligence au plus haut degré possible, afin que nous puissions connaître et aimer notre Créateur de toute notre pensée. PJ 288 2 Si nos facultés mentales sont entièrement sous le contrôle de l'Esprit-Saint, plus nous les cultivons, plus elles peuvent être utilisées efficacement au service de Dieu. L'homme peu instruit qui a une vie consacrée et qui désire faire du bien à ses semblables sera certainement aussi employé par lui. Mais ceux qui, avec le même esprit de consécration, possèdent une solide culture, peuvent réaliser une oeuvre beaucoup plus importante pour le Christ. Ils occupent une position privilégiée. PJ 288 3 Le Seigneur désire que nous acquérions le plus de connaissances possible, avec l'unique intention d'en faire part à d'autres. Nul ne peut savoir où et comment il sera appelé à travailler ou à parler pour Dieu. Seul notre Père céleste sait ce qu'il peut faire des hommes. Il y a devant nous des possibilités que notre faible foi ne saurait discerner. Nous devrions être mentalement capables de présenter la parole de Dieu même aux plus hautes autorités de ce monde, de manière à glorifier son nom. Ne perdons pas la moindre occasion de nous perfectionner intellectuellement en vue de l'oeuvre de Dieu. PJ 289 1 Que les jeunes se mettent au travail avec la détermination d'acquérir une solide instruction. N'attendez pas que les portes s'ouvrent toutes grandes devant vous, mais ouvrez-les vous-mêmes. Ne méprisez pas les petits commencements et faites des économies, ne dépensez pas l'argent dont vous disposez à la recherche de vos plaisirs ou à la satisfaction de votre gourmandise. Prenez la décision de vous rendre aussi utiles que Dieu le veut. Soyez consciencieux dans tout ce que vous entreprenez. Saisissez toutes les occasions qui vous sont offertes de développer vos facultés intellectuelles. Associez l'étude et la lecture à un travail manuel de valeur et faites ce qui est en votre pouvoir, dans un esprit de vigilance et de prière, en vue d'acquérir la sagesse du ciel. Ainsi, vous obtiendrez une instruction complète, et vous développerez votre caractère; vous aurez sur les autres une bonne influence qui vous permettra de les conduire sur le sentier de la justice et de la sainteté. PJ 289 2 Nous pourrions cultiver bien mieux nos facultés si nous savions profiter de tous les avantages et de tous les privilèges qui nous sont accordés. La véritable éducation implique plus que l'enseignement prodigué dans les grandes écoles. S'il est vrai que nous ne devons pas négliger l'étude des sciences, il est tout aussi exact qu'il existe une éducation supérieure qui s'obtient seulement par une communion intime avec Dieu. Que tout élève prenne donc la Bible et se mette en contact avec le grand Educateur. Qu'il cultive ses facultés intellectuelles afin d'être capable de résoudre les problèmes difficiles que l'on rencontre dans la recherche de la vérité. PJ 289 3 Ceux qui aspirent à la connaissance en vue d'en faire part à leurs semblables recevront la bénédiction du Seigneur. L'étude de sa parole ravivera les énergies mentales, permettra aux facultés de s'épanouir et donnera à l'esprit puissance et efficacité. PJ 289 4 Tous ceux qui désirent être ouvriers avec Dieu doivent se discipliner. Cela leur apportera davantage que l'éloquence ou les dons les plus brillants. Une intelligence moyenne, convenablement dirigée, dépassera dans ses réalisations les plus grands talents et l'instruction la plus étendue auxquels manque la maîtrise de soi. Le langage PJ 290 1 L'expression orale est un talent que nous devrions cultiver avec le plus grand soin. De tous les dons que nous avons reçus du ciel, aucun ne se révèle plus bénéfique. Par la parole, on convainc et on persuade, on prie et on proclame les louanges de Dieu; on fait part aux autres de l'amour du Rédempteur. Comme il est important de développer cette faculté en vue d'accomplir tout le bien possible! PJ 290 2 La culture et le bon usage de la voix sont l'objet d'une négligence coupable, même de la part de chrétiens actifs et intelligents. Bien des personnes lisent ou parlent si bas ou si vite qu'on les comprend difficilement. D'autres ont une prononciation si indistincte ou s'expriment sur un ton si perçant, si aigre, qu'il est pénible de les écouter. Les textes bibliques, les cantiques, les rapports ou autres communications présentés devant un public sont parfois lus de telle façon qu'ils ne sont pas compris et perdent ainsi toute leur force de pénétration. PJ 290 3 C'est un défaut qui peut et doit être corrigé. La Bible nous donne des instructions à ce sujet. Il est dit des Lévites qui faisaient la lecture des Ecritures au temps d'Esdras: "Ils lisaient distinctement dans le livre de la loi de Dieu, et ils en donnaient le sens pour faire comprendre ce qu'ils avaient lu."11 PJ 290 4 Grâce à des efforts persévérants, chacun peut arriver à lire distinctement et à parler à haute et intelligible voix et d'une manière persuasive. En faisant ainsi, on augmentera considérablement son efficacité au service du Sauveur. PJ 290 5 Tout chrétien est appelé à révéler à d'autres les richesses insondables de Jésus-Christ; c'est pourquoi il devrait rechercher une élocution parfaite afin de présenter l'Ecriture de manière à la faire apprécier de son auditoire. Dieu désire autre chose que des instruments maladroits. Il n'entre pas dans ses desseins que la grâce qui doit se répandre sur le monde soit amoindrie par l'agent dont il se sert. PJ 291 1 Nous devons regarder à Jésus, le parfait modèle, et prier pour recevoir l'aide du Saint-Esprit, afin de développer toutes nos facultés en vue d'en tirer le meilleur parti possible. PJ 291 2 C'est particulièrement le cas de ceux qui sont appelés à exercer un ministère public. Le prédicateur et le professeur devraient se rappeler qu'ils délivrent un message qui aura d'éternelles conséquences. La parole annoncée jugera les auditeurs au grand jour de la rétribution finale. Pour certaines personnes, l'acceptation ou le rejet de la vérité biblique dépendra de la façon dont elle leur aura été exposée. C'est pourquoi, veillons à la présenter de telle manière qu'elle soit comprise et fasse impression sur les coeurs. Parlons lentement, distinctement, avec solennité, tout en conservant la ferveur indispensable. PJ 291 3 La culture et l'usage de la parole ont leur importance dans chaque branche de l'activité chrétienne, dans la vie familiale, comme dans tous nos rapports avec nos semblables. Habituons-nous à choisir des intonations agréables, à employer un langage correct et à nous montrer aimables et courtois dans nos propos. Les paroles douces et bienveillantes font l'effet d'une rosée ou d'une ondée rafraîchissante. Il est dit de Jésus que des paroles pleines de charme bouillonnaient dans son coeur, et qu'une langue exercée lui avait été donnée pour le mettre en état de "soutenir par la parole celui qui est abattu".12 Et le Seigneur nous adresse cette recommandation: "Que votre parole soit toujours accompagnée de grâce", et qu'elle "serve à l'édification" de tous ceux qui l'entendent.13 PJ 291 4 Si nous cherchons à réformer les autres, nous devons nécessairement surveiller notre langage. Il aura, en effet, une odeur de vie qui communiquera la vie ou une odeur de mort qui ne pourra donner que la mort. Beaucoup, en réprimant ou en conseillant les autres, se servent d'expressions dures qui ne conviennent pas à des âmes blessées. Ces paroles maladroites exaspèrent et repoussent les égarés. Il faut que les hérauts des principes de la vérité reçoivent l'onction de la miséricorde céleste. En toute circonstance, les reproches doivent être exprimés avec amour. Ainsi, au lieu d'exaspérer, nos paroles auront un effet constructif. Par le Saint-Esprit, le Seigneur nous donnera force et puissance. Telle est son oeuvre. PJ 292 1 Pas une seule parole inconsidérée ne devrait être prononcée. Il ne tombera des lèvres du chrétien ni réflexion médisante, ni propos frivole, ni remarque maussade, ni suggestion impure. Paul écrivait sous l'inspiration divine: "Qu'il ne sorte de votre bouche aucune parole mauvaise."14 Les "paroles mauvaises" ne sont pas seulement celles qui font penser aux passions les plus basses, mais encore toutes celles qui sont contraires aux saints principes d'une religion pure et sans tache, y compris les allusions et les insinuations douteuses. Celui qui ne les réprime pas avec le plus grand soin court le danger de tomber dans des fautes très graves. PJ 292 2 Chaque famille, chaque chrétien est tenu d'élever une barrière contre toute parole impure. Le devoir de celui qui se trouve dans la société de gens frivoles est de détourner, dans la mesure du possible, le sujet de la conversation. Avec l'aide de Dieu, il faut doucement y introduire des pensées propres à inspirer un entretien utile. PJ 292 3 Les parents ont la tâche d'habituer leurs enfants à ne se servir de la parole qu'en vue du bien, et la meilleure école à cet égard, c'est le foyer. Dès leur plus jeune âge, les enfants doivent apprendre à parler avec déférence et affection à leurs parents et à leurs frères et soeurs, à n'exprimer que des sentiments de respect, de vérité et de pureté. Que les parents s'instruisent eux-mêmes chaque jour à l'école du Christ. C'est ainsi qu'il leur sera possible d'enseigner à leurs enfants, par le précepte et par l'exemple, à avoir une "parole saine, irréprochable".15 C'est l'un des devoirs les plus importants qui leur soient confiés. PJ 293 1 Il faut que toutes les paroles du serviteur du Christ aident et encouragent ceux qui les entendent à marcher dans le chemin de la vie chrétienne. Parlons beaucoup plus que nous n'avons coutume de le faire des épisodes encourageants de notre expérience. Etendons-nous sur la miséricorde et la tendresse de Dieu, sur la profondeur insondable de l'amour du Sauveur. Nos paroles doivent toujours servir à exprimer la louange et les actions de grâces. Celui qui est pénétré de l'amour divin le montrera dans ses conversations. Il ne sera pas difficile de communiquer ce qui fait partie de notre vie spirituelle. Le trésor caché dans le coeur se manifestera: les pensées nobles, les élans de générosité, la perception claire de la vérité, les intentions désintéressées, les aspirations ardentes à la piété et à la sainteté trouveront des mots pour s'exprimer. Celui qui révélera de la sorte le Christ dans son langage détiendra une puissance pour lui gagner des âmes. PJ 293 2 Nous devons parler de Jésus à ceux qui ne le connaissent pas. Agissons comme lui. La vie d'en haut faisait en tous lieux l'objet de ses conversations: à la synagogue, le long du chemin, dans une barque à quelque distance du rivage, à la table du pharisien ou à celle du publicain. Aux lois de la nature et aux événements de la vie courante, il associait toujours un message concernant le salut. Les coeurs de ceux qui l'écoutaient étaient attirés, car il guérissait les malades, consolait les affligés et prenait les petits enfants dans ses bras pour les bénir. Dès qu'il ouvrait la bouche, il captivait l'attention, et chacune de ses paroles était pour l'un de ses auditeurs une odeur de vie qui donne la vie. PJ 293 3 Nous devrions agir ainsi. Où que nous soyons, saisissons toutes les occasions de parler de notre Sauveur. Si nous suivons son exemple, en faisant le bien, comme lui nous parviendrons à toucher les coeurs. Révélons celui qui "se distingue entre dix mille", et dont toute la personne est "pleine de charme",16 non pas d'une manière abrupte, mais avec le tact qui provient de l'amour divin. C'est surtout à cela que doit contribuer le don de la parole: il nous a été accordé pour présenter le Christ comme un Sauveur qui pardonne les péchés. L'influence PJ 294 1 La vie de Jésus exerçait une influence qui allait constamment en s'élargissant, comme la vague sur l'immense océan, et qui le reliait à Dieu et à l'humanité. Par son intermédiaire, Dieu a gratifié l'homme d'une puissance qui le met dans l'impossibilité de vivre pour lui-même. Individuellement, nous sommes en rapport avec nos semblables; nous faisons partie du grand univers de Dieu et nous sommes sous le poids d'obligations mutuelles. L'homme ne peut pas vivre indépendamment de son prochain, car la prospérité des uns affecte celle des autres. Le plan de Dieu est que chacun se sente nécessaire au bien de tous, et qu'il s'efforce de contribuer à leur bonheur. PJ 294 2 Toute âme est entourée d'une atmosphère qui lui est propre. Cette atmosphère peut être la source de propriétés vivifiantes de foi, de courage et d'espérance; elle peut être adoucie par le parfum de l'amour, comme aussi refroidie par des frimas de tristesse, de mauvaise humeur et d'égoïsme, ou empoisonnée par un péché que l'on caresse. Consciemment ou non, tous ceux qui nous côtoient en subissent les effets. PJ 294 3 Nous ne pouvons pas fuir cette responsabilité. Nos paroles, nos actes, nos vêtements, notre comportement et même l'expression de notre visage exercent une influence. De l'impression que nous laissons ainsi autour de nous découlent des conséquences bonnes ou mauvaises dont nul ne peut mesurer l'étendue. Toute impulsion donnée est une semence qui produira sa récolte, c'est un anneau de la chaîne des événements humains dont nous ignorons la longueur. Si notre exemple permet à certains d'adopter de bons principes de vie, nous leur communiquons la force de faire le bien. A leur tour, ils exerceront la même action sur d'autres, et ainsi de suite. Des milliers d'âmes peuvent de cette manière être appelées à bénéficier de notre influence inconsciente. PJ 295 1 Jetez une pierre dans un lac: une vague se formera, puis une autre, et le cercle ira en s'élargissant, jusqu'à ce qu'il atteigne le rivage. Ainsi en est-il de notre influence. Sans que nous le sachions, sans que nous puissions la diriger, elle continue son action pour le bien ou pour le mal. PJ 295 2 Le caractère est une puissance. Le témoignage silencieux d'une existence consacrée, sincère et désintéressée possède un pouvoir presque irrésistible. En manifestant dans notre vie le caractère du Christ, nous travaillons avec lui au salut des âmes. Ce n'est que par l'identification de notre vie avec la sienne que cette coopération est possible. Plus étendue sera notre influence, plus nous pourrons faire de bien. Quand ceux qui prétendent servir Dieu suivront l'exemple de leur Maître, quand ils mettront chaque jour en oeuvre les principes de la loi, quand ils montreront par leurs actes qu'ils aiment le Seigneur d'un amour suprême et leur prochain comme eux-mêmes, alors l'Eglise aura la puissance de bouleverser le monde. PJ 295 3 Mais nous ne devons pas perdre de vue que l'influence est aussi une force pour le mal. C'est une chose terrible que de perdre son âme, causer la perte de celle des autres est plus terrible encore. Redoutable est l'idée que notre influence peut être une odeur de mort, et pourtant c'est possible. Plusieurs de ceux qui prétendent se rallier à Jésus-Christ ne font, en réalité, que s'en écarter. C'est la raison pour laquelle l'Eglise est si faible. Beaucoup se laissent aller facilement à la critique et à la censure. En exprimant la suspicion, la jalousie et le mécontentement, ils deviennent eux-mêmes les agents de Satan; avant qu'ils s'en soient rendu compte, ils ont servi à la réalisation des desseins de l'ennemi. Les mauvaises impressions ont été produites, le doute a été jeté et les flèches sataniques ont atteint leur but. La méfiance, le doute et l'incrédulité ouverte ont pris dans des coeurs la place qu'aurait pu y occuper le Sauveur. Pendant ce temps, les artisans du malin contemplent avec satisfaction ceux qu'ils ont précipités dans le scepticisme et qui sont maintenant insensibles aux reproches et aux exhortations. En se comparant à ces personnes, ils s'estiment justes et vertueux; ils ne voient pas que ces ruines sont le travail de leur langue sans frein et de leur coeur rebelle. La chute de ces âmes, victimes de la tentation, est due à leur propre influence. PJ 296 1 Ainsi donc, la frivolité, le laisser-aller et l'indifférence des prétendus chrétiens détournent bien des êtres du sentier de la vie. Nombreux sont ceux qui trembleront à l'idée de comparaître devant le tribunal suprême et de voir les effets de leur attitude. PJ 296 2 C'est seulement par la grâce de Dieu qu'il est possible de faire un bon emploi de ce talent. Il n'y a rien en nous qui puisse, venant de nous-mêmes, exercer une heureuse influence sur les autres. Si nous nous rendons compte de notre faiblesse et de notre besoin de la puissance divine, nous ne nous confierons pas dans nos propres ressources. Pouvons-nous savoir quelles seront les conséquences d'un jour, d'une heure, d'un seul instant? C'est pourquoi nous ne devrions jamais commencer une journée sans nous en remettre à notre Père céleste. Ses anges ont pour mission de veiller sur nous, et si nous nous mettons sous leur garde, ils seront à notre droite à l'heure du péril. Quand nous serons inconsciemment en danger de produire un mauvais effet sur les autres, ils se tiendront à nos côtés pour nous orienter vers une voie meilleure et pour inspirer nos paroles et nos actions. C'est ainsi que notre influence peut être une puissance silencieuse, inconsciente, mais cependant efficace pour attirer des âmes au Christ et vers le ciel. Le temps PJ 296 3 Notre temps appartient à Dieu, et chacun de nos instants lui est dû. Nous sommes tenus, de façon impérative, d'en tirer le meilleur parti pour sa gloire. Il n'est aucun talent dont il nous demandera un compte aussi rigoureux que celui du temps. PJ 297 1 La valeur du temps est incalculable. Le Christ considérait chaque moment comme précieux, nous donnant en cela un exemple. La vie est trop brève pour être gaspillée, et il nous reste bien peu de temps pour nous préparer en vue de l'éternité. Nous n'avons pas un instant à perdre, pas un instant à consacrer à des plaisirs égoïstes et aux jouissances du péché. C'est maintenant que nous sommes appelés à former des caractères pour le monde à venir. C'est maintenant que nous devons prendre nos dispositions en vue du jugement dernier. PJ 297 2 L'homme est à peine né que le processus de la mort commence, et ses labeurs incessants n'aboutiront qu'au néant s'il ne reçoit pas la véritable connaissance de la vie éternelle. Celui qui apprécie le temps et le regarde comme un jour de travail se prépare en vue des demeures éternelles. Pour lui, c'est un bonheur d'être né. PJ 297 3 Nous sommes exhortés à racheter le temps; mais jamais nous ne pourrons retrouver celui que nous avons perdu, pas même un seul instant. Il ne nous est possible de racheter le temps qu'en tirant le meilleur parti de celui qui nous reste, en collaborant avec Dieu au grand plan de la rédemption. PJ 297 4 Celui qui agit ainsi voit son caractère se transformer. Il devient fils de Dieu, membre de la famille royale, enfant du Roi des cieux. Il est digne d'entrer dans la compagnie des anges. PJ 297 5 C'est maintenant le moment favorable pour travailler au salut de nos semblables. Certains s'imaginent que s'ils donnent de l'argent pour la cause du Christ, on ne leur demandera rien d'autre. Ils perdent un temps précieux qu'ils pourraient consacrer à son service. Le devoir et le privilège de toute personne en santé, c'est de travailler pour le Seigneur. Chacun doit s'employer à lui gagner des âmes. Les sacrifices pécuniaires ne peuvent pas remplacer l'engagement personnel. PJ 298 1 Chaque minute est chargée de conséquences éternelles. Nous devons être comme des gardes prêts à intervenir d'un moment à l'autre. L'occasion qui s'offre à nous maintenant de parler à une âme en détresse peut ne plus jamais se représenter. Il est possible que Dieu dise à cette personne: "Cette nuit même ton âme te sera redemandée",17 et à cause de notre négligence elle ne sera peut-être pas prête. Comment nous justifierons-nous devant le Seigneur au jour du jugement? PJ 298 2 La vie est trop solennelle pour que nous l'occupions tout entière à des questions d'ordre matériel et terrestre, et dans un souci constant des choses qui ne sont qu'un atome comparativement aux valeurs éternelles. Néanmoins, Dieu nous a aussi appelés à le servir dans les affaires temporelles. Le zèle apporté à cette tâche fait autant partie de la vraie religion que les exercices de piété. La Bible n'approuve jamais l'indolence -- ce fléau le plus ruineux pour notre monde. Tout homme et toute femme vraiment convertis seront des travailleurs diligents. PJ 298 3 C'est de l'emploi judicieux de notre temps que dépend le succès de notre formation intellectuelle. La pauvreté, une humble origine ou un milieu défavorable ne constituent pas un obstacle décisif à la culture. Appliquons-nous seulement à bien utiliser tous nos instants disponibles. Ceux que nous serions tentés de dissiper en conversations futiles ou au lit, le matin; le temps passé dans les transports publics, à la gare, avant de se mettre à table ou en attendant des gens qui ne sont pas exacts aux rendez-vous, tout cela devrait être employé à l'étude, à la lecture ou à la réflexion. Une énergique résolution, une application soutenue, une économie stricte de tous les instants nous permettront d'acquérir les connaissances et la discipline qui nous qualifieront pour n'importe quel poste de confiance. PJ 298 4 Le devoir de chaque chrétien est de contracter des habitudes d'ordre, de perfection et de diligence. Quel que soit son ouvrage, l'homme qui le fait négligemment est inexcusable. Si l'on est toujours au travail et que ce dernier demeure sans cesse inachevé, c'est que l'on n'y a pas mis son esprit et son coeur. Celui qui est désavantagé par sa lenteur devrait aspirer à se corriger de ce défaut. Il faut qu'il s'applique à tirer de son temps le meilleur parti possible. Avec de l'adresse et de la méthode, certaines personnes feront en cinq heures autant de travail que d'autres en dix. Il est des ménagères qui sont toujours sur la brèche, non parce qu'elles ont fort à faire, mais parce qu'elles ne savent pas organiser leur journée. Elles n'avancent pas et se donnent beaucoup de peine pour peu de chose. Mais tous ceux qui le désirent peuvent surmonter leur embarras et leur lenteur habituelle. Il leur suffit de se fixer un but précis, de décider du temps nécessaire pour une tâche donnée et de faire tous leurs efforts pour tenir ce programme. L'exercice de la volonté rendra les mains habiles. PJ 299 1 Faute d'énergie et de décision pour se réformer, certains finissent par s'ancrer dans leurs mauvaises habitudes. Mais s'ils cultivent leurs facultés, ils deviendront capables d'accomplir un excellent travail. Leurs services seront alors requis en toutes circonstances. On les appréciera à leur juste valeur. PJ 299 2 Combien d'enfants, de jeunes gens et de jeunes filles gaspillent un temps qui, utilisé à des travaux domestiques, aurait pu témoigner de leur affection à l'égard de leurs parents! La jeunesse pourrait charger sur ses robustes épaules de nombreux fardeaux que d'autres doivent porter. PJ 299 3 Dès sa plus tendre enfance, le Sauveur eut une vie très active. Il ne cherchait pas sa propre satisfaction. C'était le Fils du Dieu infini, mais il travailla en compagnie de Joseph, son père adoptif, dans une échoppe de charpentier. Son métier avait une valeur symbolique: il était venu dans le monde pour édifier des caractères. Tous ses travaux manuels reflétaient la perfection qu'il apporta dans la transformation des caractères par sa divine puissance. Il est notre modèle. PJ 300 1 Parents, apprenez à vos enfants la valeur du temps et l'usage qu'ils doivent en faire. Enseignez-leur qu'il vaut la peine de combattre en vue de réaliser une oeuvre qui honorera Dieu et sera utile à l'humanité. Dès leur jeune âge, ils peuvent être des serviteurs de Dieu. PJ 300 2 Les parents ne sauraient commettre un plus grand péché que de permettre à leurs enfants de vivre dans l'indolence. Ainsi élevés, ils ne tardent pas à prendre goût à la paresse; ils perdent toute énergie et deviennent des êtres inutiles. En âge de gagner leur vie, ils travaillent sans ardeur et font traîner leur ouvrage en longueur. Cependant, ils réclament un salaire aussi élevé que s'ils se montraient consciencieux. Entre eux et de fidèles économes, il y a toute la distance qui sépare la terre du ciel. PJ 300 3 On transporte naturellement sur le plan spirituel les habitudes d'indolence et d'insouciance que l'on a cultivées dans son travail manuel. Elles disqualifient celui qui les a contractées pour une activité efficace au service de Dieu. Beaucoup de gens auraient pu être en bénédiction autour d'eux, mais leur paresse les a perdus. L'oisiveté et l'absence de résolution, de but, ouvrent la porte à une multitude de tentations. Les mauvaises compagnies et les habitudes vicieuses conduisent fatalement à la dépravation de l'âme et de l'esprit; elles ont pour résultat l'échec de la vie présente et la perte de celle qui est à venir. PJ 300 4 Quel que soit le travail que nous sommes appelés à faire, l'Ecriture sainte nous dit: "Ayez du zèle, et non de la paresse. Soyez fervents d'esprit. Servez le Seigneur." "Tout ce que ta main trouve à faire avec ta force, fais-le", "sachant que vous recevrez du Seigneur l'héritage pour récompense. Servez Christ, le Seigneur."18 La santé PJ 301 1 La santé est un bienfait dont peu de gens savent apprécier la valeur, et pourtant c'est d'elle que dépend en majeure partie l'efficacité de nos facultés physiques et mentales. Le corps est le siège de nos passions et de nos impulsions; il faut donc le conserver dans sa meilleure forme, et sous les influences les plus spirituelles, si nous voulons que nos talents puissent fructifier. PJ 301 2 Tout ce qui diminue la vigueur corporelle affaiblit également l'esprit et lui enlève la possibilité de distinguer le bien du mal. La volonté de faire le bien s'en trouve donc elle aussi amoindrie. PJ 301 3 L'usage inconsidéré des forces physiques abrège le temps de vie qui aurait pu être employé à la gloire de Dieu. De plus, il nous disqualifie pour l'oeuvre qui nous a été confiée: par de mauvaises habitudes, par des veillées trop prolongées et la satisfaction de la gourmandise au détriment de la santé, nous jetons les bases de la maladie. La négligence de l'exercice corporel, le surmenage mental ou physique déséquilibrent le système nerveux. Ceux qui raccourcissent leur vie de cette manière et qui, méprisant les lois de la nature, se disqualifient pour le service de Dieu, se rendent coupables de vol envers lui et envers leurs semblables. Car la période pendant laquelle ils peuvent être en bénédiction à d'autres -- leur raison d'être dans ce monde -- est abrégée. Ils se disqualifient même pour la tâche qu'ils auraient été à même d'accomplir en un temps plus court. Le Seigneur nous tient pour coupables quand, par de mauvaises habitudes, nous privons le monde du bien que nous aurions pu faire. PJ 301 4 Transgresser une loi physique revient à transgresser la loi morale, car Dieu est assurément l'auteur de l'une comme de l'autre. Il a écrit sa loi de sa propre main sur chaque nerf, chaque muscle, chaque faculté de l'homme. Abuser de n'importe quelle partie de notre organisme constitue une violation de l'ordre divin. PJ 302 1 Nous devrions connaître notre corps afin de le maintenir dans les conditions voulues pour accomplir l'oeuvre du Seigneur. Veillons avec un soin jaloux à la conservation et au développement de la vie physique, afin que la nature divine se manifeste parfaitement au travers de l'humanité. Les rapports existant entre les fonctions corporelles et la vie spirituelle représentent un des sujets d'étude les plus importants. Il faut en faire l'objet de nos recherches spéciales, aussi bien à l'école qu'à la maison. Tous ont besoin de se familiariser avec la physiologie du corps humain et avec les lois qui régissent la vie. Celui qui demeure volontairement dans l'ignorance des lois biologiques et qui les viole pèche contre Dieu. Chacun devrait se placer dans les conditions les plus favorables au maintien de la vie et de la santé. Il faut contrôler nos habitudes par une intelligence qui soit elle-même sous le contrôle du Seigneur. PJ 302 2 "Ne savez-vous pas, dit l'apôtre Paul, que votre corps est le temple du Saint-Esprit qui est en vous, que vous avez reçu de Dieu, et que vous ne vous appartenez point à vous-mêmes? Car vous avez été rachetés à un grand prix. Glorifiez donc Dieu dans votre corps et dans votre esprit, qui appartiennent à Dieu."19 La force PJ 302 3 Nous devons aimer Dieu, non seulement de tout notre coeur, de toute notre âme et de toute notre pensée, mais encore de toute notre force. Cela requiert un usage intelligent de toutes nos énergies physiques. PJ 302 4 Qu'il s'agisse du domaine temporel ou du domaine spirituel, le Christ fut un travailleur au sens le plus élevé du terme. En toutes choses, il était déterminé à faire la volonté de son Père. Le ciel et la terre sont unis par des liens plus étroits, et placés plus directement sous la surveillance du Sauveur qu'on ne le suppose généralement. C'est le Christ qui conçut le plan du premier tabernacle terrestre et donna des instructions précises en rapport avec la construction du temple de Salomon. Celui qui exerça ici-bas la profession de charpentier dans le village de Nazareth, est le divin architecte qui établit le plan du sanctuaire où son nom devait être honoré. PJ 303 1 C'est le Christ également qui donna aux ouvriers chargés d'édifier le tabernacle la sagesse et l'habileté nécessaires pour exécuter les travaux les plus délicats: "Sache, est-il écrit, que j'ai choisi Betsaleel, fils d'Uri, fils de Hur, de la tribu de Juda. Je l'ai rempli de l'Esprit de Dieu, de sagesse, d'intelligence, et de savoir pour toutes sortes d'ouvrages. ... Je lui ai donné pour aide Oholiab, fils d'Ahisamac, de la tribu de Dan. J'ai mis de l'intelligence dans l'esprit de tous ceux qui sont habiles, pour qu'ils fassent tout ce que je t'ai ordonné."20 PJ 303 2 Dieu veut que ses ouvriers, dans chaque branche, le considèrent comme le dispensateur de tout ce qu'ils possèdent. Toutes les bonnes inventions et tous les progrès ont leur origine en celui qui est admirable par ses conseils et infini en ressources. L'auscultation habile du médecin, sa possibilité d'agir sur les nerfs et les muscles, sa connaissance de l'organisme délicat du corps humain, tout cela procède de la sagesse divine et doit servir à soulager les souffrances. L'habileté du charpentier à manier le marteau, la vigueur avec laquelle le forgeron bat l'enclume leur sont données par Dieu. Il a confié des talents aux hommes et s'attend en retour à les voir venir à lui pour demander ses directives. Quoi que nous fassions et où que nous soyons placés, le Seigneur désire conduire notre esprit afin d'obtenir de nous un travail parfait. PJ 303 3 La religion et les affaires ne sont qu'une seule et même chose. Il faut que la religion de la Bible pénètre tout ce que nous disons ou faisons. Le divin et l'humain doivent se mêler dans les réalisations matérielles aussi bien que dans les oeuvres spirituelles; ils doivent agir de pair dans toutes nos entreprises, qu'elles soient industrielles, agricoles, commerciales ou scientifiques. Il faut qu'il y ait coopération de ces deux facteurs dans tout ce qu'embrasse l'activité chrétienne. PJ 304 1 Dieu a proclamé des principes sans lesquels cette collaboration est impossible. Sa gloire doit être l'unique mobile de ceux qui travaillent avec lui. Tout ce que nous faisons est à réaliser par amour pour le Seigneur et en harmonie avec sa volonté. PJ 304 2 Il est aussi nécessaire de suivre la volonté de Dieu dans la construction d'une maison que dans la célébration d'un office religieux. Les ouvriers qui ont adopté de bons principes dans l'édification de leur caractère croîtront en grâce et en connaissance chaque fois qu'ils érigeront un bâtiment. PJ 304 3 Mais le Maître n'acceptera pas le plus beau des services ou le talent le plus éminent si le moi n'a pas été déposé, en sacrifice vivant, sur l'autel divin. La racine doit être saine, sinon l'arbre ne produira aucun fruit qui puisse être agréé par Dieu. PJ 304 4 Le Seigneur octroya à Joseph et à Daniel le don de l'administration, et parce qu'ils ne recherchaient pas leurs propres plaisirs, mais uniquement l'accomplissement de la volonté de Dieu, il put agir par eux. PJ 304 5 La vie de Daniel est une leçon pour nous. Elle nous apprend qu'un homme d'affaires n'est pas nécessairement un homme rusé et diplomate. Il peut être dirigé par Dieu pas à pas. Premier ministre du royaume de Babylone, Daniel restait prophète de l'Eternel et recevait la lumière de l'inspiration divine. La parole de Dieu compare les chefs d'Etats ambitieux à l'herbe et à sa fleur qui sèchent. Cependant, le Seigneur désire avoir à son service des hommes intelligents et capables de travailler dans les différentes branches de son oeuvre. Nous avons besoin d'hommes d'affaires qui respectent les principes de la vérité dans toutes leurs transactions. Il faut que leurs dons naturels se développent autant que possible par l'étude et l'expérience. S'il est des personnes qui doivent saisir toutes les occasions d'acquérir la sagesse et le savoir-faire, ce sont celles qui consacrent leurs talents à l'édification du royaume de Dieu sur la terre. Lorsque l'administration de Daniel fut soumise à la critique la plus malveillante, ses adversaires ne lui trouvèrent aucune faute, aucune erreur. Il est le modèle de tout homme d'affaires, et son histoire nous montre ce que peut accomplir celui qui consacre toute son intelligence, toute sa force physique, tout son coeur et toute sa vie au service de Dieu. L'argent PJ 305 1 Dieu confie aussi à l'homme de l'argent, et il lui donne les facultés nécessaires pour acquérir des biens. Il arrose la terre par la rosée et des averses rafraîchissantes; il la réchauffe par le soleil qui brille et réveille la nature, fait pousser les plantes et mûrir les fruits. Il demande en retour que nous lui rendions ce qui lui appartient. PJ 305 2 L'argent ne nous a pas été donné pour que nous acquérions les honneurs et la gloire. En qualité d'administrateurs fidèles, nous devons l'employer pour l'honneur et la gloire de Dieu. Certains pensent qu'il n'y a qu'une partie de leurs biens qui est au Seigneur, et quand ils ont consacré cette partie à des oeuvres charitables ou à l'église, ils estiment que le reste leur appartient et qu'ils peuvent l'utiliser à leur gré. C'est une erreur. Tout ce que nous possédons est au Seigneur, et nous devrons lui rendre compte un jour de l'emploi que nous en avons fait. La façon dont nous dépensons chaque centime montrera si nous aimons Dieu par-dessus tout et notre prochain comme nous-mêmes. PJ 305 3 L'argent est précieux parce qu'il peut faire beaucoup de bien. Entre les mains des enfants de Dieu, c'est de la nourriture pour les affamés, de la boisson pour celui qui est altéré, des vêtements pour celui qui est nu, une défense pour l'opprimé et un secours pour les malades. Mais s'il n'est pas employé en vue des besoins de l'existence, du bien de nos semblables et de l'avancement de la cause du Christ, il n'a pas plus de valeur que le sable. PJ 306 1 L'argent accumulé est non seulement inutile, mais il représente une malédiction. Ici-bas, il est un piège pour l'âme et détourne les affections du trésor céleste. Au grand jour de Dieu, il attirera la condamnation sur ceux qui ne s'en sont pas servis pour faire du bien. L'Ecriture déclare: "A vous maintenant, riches! Pleurez et gémissez, à cause des malheurs qui viendront sur vous. Vos richesses sont pourries, et vos vêtements sont rongés par les teignes. Votre or et votre argent sont rouillés; et leur rouille s'élèvera en témoignage contre vous, et dévorera vos chairs comme un feu. Vous avez amassé des trésors dans les derniers jours! Voici, le salaire des ouvriers qui ont moissonné vos champs, et dont vous les avez frustrés, crie, et les cris des moissonneurs sont parvenus jusqu'aux oreilles du Seigneur des armées."21 PJ 306 2 Mais le Christ condamne tout gaspillage et nous donne une leçon d'économie: "Ramassez les morceaux qui restent, afin que rien ne se perde",22 disait-il. Cette leçon est destinée à tous ses disciples. Celui qui comprend que son argent est un talent reçu du Seigneur sera économe, il se sentira dans l'obligation de l'être afin de pouvoir donner. PJ 306 3 Plus nous dépensons inutilement, moins il nous reste pour nourrir ceux qui ont faim ou pour vêtir ceux qui sont nus. Chaque centime consacré à des futilités nous prive ainsi d'une belle occasion d'exercer notre générosité; de cette façon, nous dérobons à Dieu l'honneur et la gloire que lui attirerait l'usage judicieux des talents qu'il nous a confiés. Affection et impulsions généreuses PJ 306 4 Une nature affectueuse, des impulsions généreuses, une vive intelligence des choses d'en haut sont de précieux talents qui engagent la responsabilité de celui qui en est doué. Tous doivent être consacrés à l'oeuvre de Dieu; mais c'est là que beaucoup font erreur. Satisfaits de ces dons, ils ne les emploient pas au service de la société et se contentent de dire que s'ils en avaient la possibilité, si les circonstances leur étaient favorables, ils feraient une oeuvre magnifique. Ils attendent toujours que l'occasion se présente. Ils éprouvent du mépris pour la parcimonie de l'avare qui donne à contrecoeur un morceau de pain aux nécessiteux. Ils voient que celui-ci ne vit que pour lui-même et qu'il devra rendre compte des talents dont il fait un si mauvais usage. C'est avec une certaine complaisance qu'ils établissent le contraste qui existe entre eux et des esprits aussi étroits. Ils estiment leur situation bien préférable à celle de leurs voisins mesquins. Mais ils se bercent d'illusion, car la possession de qualités inemployées ne fait qu'accroître leur responsabilité. Ceux qui ont une nature aimante et généreuse sont tenus d'en faire bénéficier non seulement leurs amis, mais aussi les personnes qui pourraient avoir besoin de leur aide. Les avantages d'ordre social sont aussi des talents qui doivent servir au bien de tous ceux qui entrent en contact avec nous. L'amour qui ne se manifeste qu'en faveur d'un petit nombre n'est pas de l'amour, mais de l'égoïsme. Il ne pourra contribuer ni au bien d'autrui, ni à la gloire de Dieu. Ceux qui n'emploient pas les talents reçus du Seigneur se trouvent sous le coup d'une condamnation plus sévère que ceux pour lesquels ils éprouvent un tel mépris. Il leur sera dit: "Vous avez connu la volonté de votre Maître, et vous ne l'avez pas faite." Les talents se multiplient par l'usage PJ 307 1 Les talents dont on se sert sont des talents qui se multiplient. Le succès n'est pas le résultat de la chance ou de la destinée: il est l'oeuvre de la divine providence, la récompense de la foi et de la sagesse, de la vertu et de l'effort persévérant. Le Seigneur désire que nous fassions usage de tous les dons que nous possédons. Si nous agissons ainsi, nous en recevrons de plus grands. Il n'opérera aucun miracle pour nous accorder les talents qui nous font défaut; mais si nous utilisons ceux que nous détenons, il collaborera avec nous pour développer et fortifier chacune de nos facultés. Tout effort énergique et désintéressé au service du Maître contribuera à l'accroissement de nos capacités. Si nous nous mettons à la disposition du Saint-Esprit pour être ses dociles instruments, la grâce de Dieu agira en nous. Elle nous permettra de vaincre nos anciens penchants et d'acquérir des habitudes nouvelles. Plus nous mettrons notre coeur à obéir aux suggestions de l'Esprit, plus nous serons aptes à recevoir sa puissance et à accomplir un travail de valeur. Il éveille les énergies assoupies et redonne vigueur aux facultés paralysées. PJ 308 1 L'humble ouvrier qui répond aux appels de Dieu peut être assuré de son assistance. L'acceptation d'une responsabilité aussi grave et aussi sacrée contribue à l'ennoblissement du caractère, fait appel aux facultés mentales et spirituelles les plus élevées, fortifie et purifie l'esprit et le coeur. On est parfois surpris de voir combien, avec la force d'en haut, un être faible peut accomplir d'efforts puissants et productifs. Celui qui débute humblement avec un minimum de savoir, se contentant de dire ce qu'il sait, tout en cherchant à acquérir d'autres connaissances, s'apercevra que tous les trésors du ciel sont à sa disposition. Plus il tentera de répandre la lumière, plus il en jouira lui-même. Plus nous nous efforcerons d'expliquer à d'autres la parole de Dieu avec amour, plus elle deviendra claire à nos propres yeux. L'usage de nos connaissances et de nos facultés conditionnera nos progrès et notre puissance. PJ 308 2 Tout effort fait pour le Christ entraîne une bénédiction. Si nous employons nos ressources pour sa gloire, il les augmentera. Nous serons vivifiés par la grâce de Dieu dans la mesure où nous travaillerons à gagner des âmes au Sauveur, lui soumettant cette préoccupation dans nos requêtes. Nos affections acquerront un rayonnement marqué de ferveur divine et notre vie chrétienne, devenue plus ardente, plus réelle, sera caractérisée par l'esprit de prière. PJ 309 1 La valeur d'un homme est estimée au ciel suivant la manière dont son coeur s'ouvre à la connaissance de Dieu. Cette connaissance est une source de toute-puissance, car le Seigneur nous a créés pour que chacune de nos facultés serve à exprimer des pensées divines; aussi s'efforce-t-il sans cesse d'amener l'esprit de l'homme à l'unisson avec le sien. Il nous offre le privilège de coopérer avec le Christ en manifestant sa grâce au monde, afin que nous saisissions toujours mieux les vérités célestes. En regardant à Jésus, on obtient une vue plus profonde et plus exacte de Dieu et l'on est transformé par cette contemplation. La bonté et l'amour du prochain deviennent spontanés. On édifie un caractère digne du divin modèle. On parvient à mieux connaître Dieu dans la mesure où l'on s'élève à sa ressemblance. On entre ainsi dans une communion plus intime avec le ciel, et l'on augmente ses possibilités de s'enrichir par la compréhension des valeurs éternelles. Un seul talent PJ 309 2 Celui qui n'avait reçu qu'un talent "alla faire un creux dans la terre, et cacha l'argent de son maître".23 PJ 309 3 Ainsi l'homme pourvu du don le plus modeste négligea de le mettre à profit. C'est là un avertissement pour tous ceux qui croient que l'insuffisance de leurs capacités les dispense de servir le Maître. S'ils pouvaient réaliser de grandes choses, avec quelle joie ils les entreprendraient! Mais parce qu'ils occupent une position effacée, ils se croient justifiés en ne faisant rien. C'est une erreur. Dans la répartition des dons, le Seigneur éprouve les caractères. Celui qui a négligé de faire fructifier son unique talent a démontré qu'il était un serviteur infidèle. S'il avait reçu cinq talents, il les aurait enterrés comme il le fit pour le sien. Son mauvais emploi de l'unique talent donne la mesure de son mépris pour les faveurs du ciel. PJ 309 4 "Celui qui est fidèle dans les moindres choses l'est aussi dans les grandes."24 On méconnaît généralement l'importance des petites choses parce qu'elles sont modestes, mais elles contribuent beaucoup à la discipline de la vie. Elles revêtent la plus haute valeur; les sous-estimer dans la formation du caractère serait une attitude des plus dangereuses. PJ 310 1 "Celui qui est injuste dans les moindres choses l'est aussi dans les grandes."24 Par son infidélité dans les plus petits devoirs, l'homme prive son Créateur du service qu'il lui doit. Cette faute aura sur lui des répercussions fâcheuses: il ne recevra ni la grâce, ni la puissance, ni la force de caractère qui sont la récompense d'une soumission totale à la volonté de Dieu. En vivant éloigné de Jésus-Christ, il s'expose aux tentations de Satan et commet des erreurs au service du Maître. N'étant pas conduit par de bons principes dans les petites choses, il ne parvient pas à obéir au Seigneur dans les grandes choses qu'il considère comme sa tâche particulière. Les défauts entretenus dans les menus détails de cette vie passent dans les affaires de plus grande importance. On agit d'après les principes qu'on s'est formés. Ainsi, des actes souvent répétés engendrent des habitudes, celles-ci façonnent le caractère, et le caractère à son tour fixe notre destinée pour le temps présent et pour l'éternité. PJ 310 2 C'est seulement par la fidélité dans les petites choses que l'on apprend à s'acquitter scrupuleusement de responsabilités plus grandes. Dieu mit Daniel et ses compagnons en contact avec les hommes éminents de Babylone, afin de donner à ces païens l'occasion de connaître les principes de la véritable religion. Daniel avait pour mission de représenter le caractère de Dieu au sein d'un peuple idolâtre. Comment se prépara-t-il à occuper un poste aussi important et aussi honorable? Sa fidélité dans les petites choses donna un cachet particulier à sa vie entière. Il honora le Seigneur dans les devoirs les plus insignifiants, aussi reçut-il sa collaboration. Dieu accorda à Daniel et à ses compagnons "de la science, de l'intelligence dans toutes les lettres, et de la sagesse; et Daniel expliquait toutes les visions et tous les songes".25 PJ 311 1 A l'exemple de Daniel, le témoin de l'Eternel à Babylone, nous sommes appelés, nous aussi, à être ses témoins auprès de nos contemporains, à révéler les principes de son royaume aussi bien dans les menus détails que dans les affaires importantes de la vie. PJ 311 2 Par sa vie terrestre, le Christ nous a enseigné à prêter attention aux petites choses. La grande oeuvre de la Rédemption occupait continuellement ses pensées. Toutes ses facultés physiques et mentales étaient mises à contribution pour guérir et enseigner; cependant, il remarquait les moindres détails, soit dans la vie courante, soit dans la nature. Ses leçons les plus instructives étaient celles qui, illustrées par des phénomènes de la nature, mettaient en valeur les grandes vérités du royaume de Dieu. Il n'ignorait pas les besoins du plus humble de ses serviteurs, et ses oreilles étaient attentives à tous les cris de la misère humaine. Il ne resta pas indifférent à la détresse de la pauvre femme qui, perdue au milieu de la foule, l'avait touché. Le moindre geste de foi recevait son exaucement. Quand il ressuscita la fille de Jaïrus, il conseilla à ses parents de lui donner à manger. Quand, par sa grande puissance, il triompha lui-même de la mort, il eut soin de plier et de ranger le linceul qui avait servi à l'envelopper. PJ 311 3 En qualité de chrétiens, nous sommes appelés à collaborer avec le Christ au salut des âmes. C'est la tâche que nous nous sommes engagés à entreprendre. La négliger constituerait une infidélité à son égard. Mais pour nous acquitter de ce mandat, il faut suivre l'exemple du Maître en nous occupant consciencieusement des plus petits détails. C'est ainsi que le succès nous sera assuré dans chaque branche de l'activité chrétienne. PJ 311 4 Le Seigneur désire que son peuple atteigne le plus haut degré dans son expérience, afin qu'il puisse le glorifier par des facultés que lui-même veut lui accorder. Sa grâce a tout préparé pour nous permettre de faire savoir au monde que nous suivons des plans meilleurs que les siens. Nous croyons en un Dieu puissant pour agir sur les coeurs; nous avons donc à établir la supériorité que cette foi nous confère sous le rapport de l'intelligence, de l'habileté et de la connaissance. PJ 312 1 Ceux qui n'ont pas reçu de grands talents ne doivent pas se laisser aller au découragement. Qu'ils travaillent avec les moyens dont ils disposent, surveillant les points faibles de leur caractère et cherchant à le rendre fort par la grâce divine. Il faut que la fidélité et la loyauté président à chacun de nos actes. Cultivons les qualités qui nous permettront de nous acquitter de notre tâche. PJ 312 2 Nous devons vaincre à tout prix nos habitudes de négligence. Certaines personnes croient s'excuser des erreurs les plus graves en les mettant sur le compte de l'oubli. Mais ne sont-elles pas douées de facultés intellectuelles aussi bien que les autres? Il leur faut cultiver leur mémoire. L'oubli et le laisser-aller sont des péchés. Si vous faites preuve d'indolence, vous risquez de négliger votre propre salut et de vous apercevoir finalement que vous n'êtes pas prêt pour le royaume des cieux. PJ 312 3 Les plus grandes vérités doivent pénétrer dans les plus petites choses. Une religion pratique entre dans les moindres devoirs de la vie quotidienne. L'homme se qualifie avant tout par une obéissance absolue à la parole du Seigneur. PJ 312 4 D'aucuns estiment que s'ils ne sont pas directement employés à une oeuvre religieuse, ils sont improductifs et n'ont aucune part à l'avancement du règne de Dieu. Quelle erreur! S'ils accomplissent une besogne qui doit être faite, il ne faut pas qu'ils se croient inutiles dans la vaste maison du Père. Même les devoirs les plus humbles ne sont pas à négliger, car tout travail honnête est une bénédiction, et celui qui s'en acquitte fidèlement se prépare pour une plus grande oeuvre. PJ 313 1 Si modeste que soit la tâche confiée à nos soins, lorsqu'elle est réalisée dans un total oubli de soi, Dieu l'agrée comme un service de valeur. Aucune offrande n'est petite quand elle provient d'un coeur qui la donne avec joie. PJ 313 2 Où que nous nous trouvions, le Christ nous exhorte à faire face aux devoirs qui se présentent. Quand vous travaillez à la maison, mettez tout votre soin à la rendre aussi agréable que possible. Si vous êtes mère, élevez vos enfants pour le Seigneur, car c'est une mission qui a tout autant d'importance que celle du prédicateur en chaire. Votre place est-elle à la cuisine? Cherchez à devenir une cuisinière modèle. Veillez à ce que vos repas soient conformes aux règles de la diététique, nourrissants et présentés d'une manière appétissante. De même que vous utilisez des produits de qualité pour les apprêter, rappelez-vous aussi que votre intelligence a besoin d'une nourriture substantielle. Avez-vous été appelé à cultiver le sol, à faire du commerce ou toute autre chose? Agissez de telle manière que vos efforts soient couronnés de succès. Travaillez avec application. Soyez partout un représentant du Christ, vous comportant comme il le ferait à votre place. PJ 313 3 Si anodin que soit votre talent, le Seigneur en a l'emploi. Cet unique talent, sagement mis en valeur, réalisera le but qui lui est assigné. Il faut nous efforcer, par notre fidélité dans les moindres détails, d'ajouter à ce que nous possédons; si nous agissons sur le plan de l'addition, Dieu se chargera d'opérer sur celui de la multiplication. Ces petites choses auront une influence des plus précieuses dans son oeuvre. PJ 313 4 Qu'une foi vivante soit mêlée comme des fils d'or à l'accomplissement de nos devoirs, même des plus insignifiants. Alors tout le labeur quotidien contribuera à notre croissance de chrétien. Ayons sans cesse les regards fixés sur Jésus-Christ. Chacune de nos entreprises sera vivifiée par notre amour pour lui. Ainsi donc, par un emploi judicieux de nos talents, nous pourrons nous unir au monde supérieur par une chaîne d'or. Voilà le processus de la véritable sanctification; car la sanctification consiste dans le joyeux accomplissement des devoirs de chaque jour et l'entière soumission à la volonté de Dieu. PJ 314 1 Mais beaucoup de chrétiens attendent qu'une grande mission leur soit confiée. Ne trouvant pas le moyen de satisfaire leur ambition, ils négligent les devoirs de la vie quotidienne qu'ils jugent dénués d'intérêt. Jour après jour, ils laissent passer les occasions de montrer leur fidélité à Dieu. Pendant qu'ils languissent après une grande tâche, la vie s'écoule, son but n'est pas atteint, et le travail qui leur était assigné reste à faire. L'heure des comptes PJ 314 2 "Longtemps après, le maître de ces serviteurs revint, et leur fit rendre compte."26 Quand les serviteurs devront répondre de l'emploi des talents reçus, ce que chacun a rapporté sera soigneusement examiné. Le rendement révèle la conscience de l'ouvrier. PJ 314 3 Ceux qui ont reçu cinq et deux talents restituent ces derniers à leur maître avec ce qu'ils ont rapporté, sans s'en attribuer aucun mérite. Ces talents ne leur avaient-ils pas été confiés? Ils les ont fait fructifier et en ont gagné d'autres, mais ces serviteurs savent que sans le capital initial, il n'y aurait pas eu de rendement. Ils ont conscience de n'avoir fait que leur devoir. Le capital appartenait au Seigneur; les revenus sont aussi les siens. Si le Sauveur ne leur avait pas accordé sa grâce et son amour, ils seraient demeurés éternellement insolvables. PJ 314 4 Cependant, quand le Maître reprend les talents, il approuve et récompense les ouvriers comme si tout le mérite leur en revenait. Il est rempli de joie et de satisfaction, parce qu'il peut leur accorder ses bénédictions. Il les rémunère pour chaque effort et chaque sacrifice, non parce qu'il leur doit quelque chose, mais parce que son coeur déborde d'amour et de tendresse. PJ 315 1 "C'est bien, bon et fidèle serviteur, dit-il; tu as été fidèle en peu de chose, je te confierai beaucoup; entre dans la joie de ton maître."27 PJ 315 2 Ce qui nous vaut l'approbation de Dieu, c'est la fidélité, la loyauté envers lui, et l'amour avec lequel on le sert. Toute impulsion du Saint-Esprit qui pousse les hommes vers le bien et vers le Seigneur est notée dans les livres du ciel et, au dernier jour, les ouvriers dont il se sera servi seront loués. PJ 315 3 Ils participeront à la joie de leur Maître quand ils verront dans son royaume les âmes qui auront été gagnées par leur moyen. Ils auront en outre l'avantage de collaborer à son oeuvre, parce que sur la terre ils se seront qualifiés pour cette tâche. Ce que nous serons un jour, dans l'éternité, sera le reflet de notre caractère actuel et de notre activité au service de Dieu. Le Christ dit de lui-même: "Le Fils de l'homme est venu, non pour être servi, mais pour servir."28 Or, l'oeuvre qu'il a réalisée sur la terre est la même que celle qu'il accomplit dans les cieux. Parce que nous aurons coopéré avec le Christ ici-bas, notre récompense dans le monde à venir sera de travailler pour lui avec un pouvoir plus grand et un champ d'action plus étendu. PJ 315 4 "Celui qui n'avait reçu qu'un talent s'approcha ensuite, et il dit: Seigneur, je savais que tu es un homme dur, qui moissonnes où tu n'as pas semé, et qui amasses où tu n'as pas vanné; j'ai eu peur, et je suis allé cacher ton talent dans la terre; voici, prends ce qui est à toi."29 PJ 315 5 Voilà comment on s'excuse du mauvais emploi que l'on fait des dons de Dieu. On considère le Seigneur comme un maître sévère, tyrannique, désirant trouver ses serviteurs en défaut pour pouvoir les punir. On l'accuse d'exiger ce qu'il n'a pas donné et de moissonner ce qu'il n'a pas semé. PJ 315 6 Nombreux sont ceux qui se plaignent de la dureté de Dieu parce qu'il demande leur service et leurs biens. Or que pouvons-nous lui apporter que nous n'ayons reçu de lui? "Tout vient de toi, déclare le roi David, et nous recevons de ta main ce que nous t'offrons."30 Tout appartient à Dieu, non seulement par droit de création, mais aussi par droit de rédemption. Toutes les bénédictions qui nous sont accordées sur la terre et celles dont nous jouirons dans la vie future portent l'empreinte de la croix du Calvaire. L'accusation lancée contre Dieu suivant laquelle il serait un maître dur moissonnant où il n'a pas semé est donc dénuée de tout fondement. PJ 316 1 Si injuste que soit le reproche du serviteur paresseux, le maître ne le réfute pas, mais il prend cet homme sur son propre terrain et lui prouve que sa conduite est inexcusable. Il avait reçu les moyens de faire fructifier son talent: "Il te fallait donc remettre mon argent aux banquiers, dit-il, et à mon retour, j'aurais retiré ce qui est à moi avec un intérêt."31 PJ 316 2 Notre Père céleste ne nous demande ni plus ni moins que ce dont il nous a rendus capables. Il n'impose pas à ses serviteurs des fardeaux qu'ils ne peuvent porter. "Il sait de quoi nous sommes formés, il se souvient que nous sommes poussière."32 Nous avons donc la possibilité de réaliser par sa grâce tout ce qu'il attend de nous. PJ 316 3 "On demandera beaucoup à qui l'on a beaucoup donné."33 Individuellement, nous serons tenus responsables si nous faisons un iota de moins que ce que nous aurions dû. Le Seigneur mesure avec exactitude chacune de nos possibilités. Les talents inutilisés entreront en ligne de compte aussi bien que ceux dont on aura fait usage. Car Dieu nous tient pour responsables de tout ce que nous pourrions devenir par un sage emploi des talents reçus. Nous serons jugés d'après ce que nous aurions pu accomplir, mais que nous avons délaissé en n'utilisant pas au moment opportun nos facultés à la gloire de Dieu. Même si nous ne perdons pas notre âme, nous subirons jusque dans l'éternité la perte des connaissances et des capacités que notre négligence nous a empêché d'acquérir. PJ 317 1 Mais quand nous nous donnons entièrement au Seigneur et que nous suivons ses directives, il se porte garant de nos progrès. Il ne veut pas que nous présumions des résultats de nos efforts sincères. Nous ne devons même pas penser à un échec possible, car nous avons à collaborer avec celui qui ne connaît pas l'insuccès. PJ 317 2 Ne parlons jamais de notre faiblesse ou de notre incapacité: cela équivaudrait à nous rendre coupables de méfiance à l'égard de Dieu et de sa parole. Quand, accablés sous le faix, nous murmurons, quand nous refusons les responsabilités que Dieu veut nous confier, nous le comparons virtuellement à un maître dur qui exige ce qu'il ne nous a pas donné la force de réaliser. PJ 317 3 Nous sommes souvent tentés de croire que le serviteur paresseux de la parabole est un homme humble, alors que la véritable humilité est toute différente. Cette qualité ne rabaisse ni le niveau intellectuel, ni les aspirations de ceux qui la possèdent réellement; elle ne les rend pas lâches et ne les amène pas à fuir toute responsabilité dans la crainte de ne pas s'en acquitter convenablement. Non: une personne vraiment humble accomplit les desseins de Dieu en comptant sur son secours. PJ 317 4 Le Seigneur travaille avec qui il veut. Parfois, il choisit les instruments les plus modestes pour réaliser une grande oeuvre, car c'est dans la faiblesse humaine qu'il fait éclater sa puissance souveraine. Nous avons un critère personnel auquel nous mesurons la valeur de chaque chose. Mais Dieu juge tout autrement que nous. Ne pensons pas que ce qui est grand à nos yeux soit obligatoirement grand aux siens, que ce qui est petit à nos yeux le soit également aux siens. Nous ne sommes pas qualifiés pour porter un jugement sur nos talents, pas plus que pour choisir notre tâche. Nous devons accepter les fardeaux qui nous sont assignés, les porter par amour pour Dieu et aller toujours à lui pour trouver le repos. Quel que soit le travail qu'il nous demande, c'est en nous consacrant de tout notre coeur et avec joie à son service que nous l'honorerons. Ce qui lui plaît, c'est que nous nous acquittions de nos devoirs avec reconnaissance, en nous réjouissant d'avoir été jugés dignes d'être ses collaborateurs. Le talent enlevé PJ 318 1 Voici la sentence prononcée contre le serviteur paresseux: "Otez-lui donc le talent, et donnez-le à celui qui a les dix talents."34 Ici, comme dans la récompense accordée au fidèle serviteur, il n'est pas simplement question de la rétribution finale, mais encore du processus graduel de rétribution qui a lieu ici-bas. Il en va du monde spirituel comme de la nature: toute faculté inutilisée s'atrophie et disparaît. L'activité est la loi de la vie; l'inaction conduit à la mort. "A chacun la manifestation de l'Esprit est donnée pour l'utilité commune.35 Nos dons s'accroissent quand nous les employons pour le bien des autres. Ceux qui sont utilisés à des fins égoïstes déclinent et finissent par s'éteindre tout à fait. Quiconque refuse de communiquer à autrui ce qu'il a reçu s'apercevra un jour qu'il n'a plus rien à donner, parce qu'il se soumet à une loi fatale qui amoindrit et détruit les facultés de l'âme. PJ 318 2 Que nul ne pense pouvoir servir le moi et s'occuper de ses seuls intérêts, puis entrer quand même dans la joie de son Seigneur. Il ne trouverait alors aucune saveur au contact de l'amour désintéressé; il ne serait pas qualifié pour le ciel et ne saurait apprécier la pure atmosphère de tendresse qui le remplit. Les voix angéliques et le son des harpes ne le satisferaient pas, et la science du ciel resterait une énigme pour lui. PJ 318 3 Au grand jour du jugement, ceux qui n'auront pas travaillé pour le Christ, qui se seront laissés vivre, refusant toute responsabilité et ne pensant qu'à eux-mêmes, seront placés par le Juge de toute la terre dans la catégorie des méchants et recevront la même condamnation qu'eux. PJ 318 4 De nombreuses personnes se disent chrétiennes et négligent, sans se sentir coupables, de rendre au Seigneur ce qu'elles lui doivent. Elles savent cependant que le blasphémateur, le meurtrier, l'adultère méritent leur châtiment; mais en ce qui les concerne, elles apprécient les services religieux. Comme elles aiment entendre prêcher l'Evangile, elles se croient chrétiennes. Bien qu'elles passent leur temps à se complaire en elles-mêmes, elles seront tout aussi surprises que le serviteur de la parabole d'entendre ce verdict: "Otezlui le talent!" A l'instar des Juifs, elles confondent la jouissance de leurs bénédictions avec l'usage qu'elles auraient dû en faire. PJ 319 1 Beaucoup excusent leur paresse en alléguant leur incapacité. Mais Dieu les aurait-il vraiment créés inaptes? Certainement pas. Cette incapacité est le produit de leur inaction, cultivée par eux de leur plein gré. Déjà ils sentent dans leur caractère les effets de la sentence: "Otez-lui le talent!" Le mépris constant de leurs dons finira par contrister et éloigner d'eux le Saint-Esprit, leur unique lumière. Le verdict: "Le serviteur inutile, jetez-le dans les ténèbres du dehors", appose le sceau du ciel sur le choix qu'ils auront fait eux-mêmes pour l'éternité. ------------------------Chapitre 26 -- Les richesses injustes PJ 321 1 Le Christ est venu sur la terre dans une période de mondanité intense, où l'on subordonnait les intérêts spirituels aux intérêts matériels, les valeurs éternelles aux valeurs temporelles. On prenait en ce temps-là les chimères pour des réalités, et inversement. On ne contemplait pas le monde invisible par la foi. Satan était parvenu à faire croire que les affaires terrestres étaient les seules qui soient dignes d'attention, et les hommes étaient tombés dans ses pièges. PJ 321 2 Le Christ apparut pour changer cette situation. Il s'efforça de rompre le charme séducteur qui fascinait l'humanité. Dans ses instructions, il veilla à établir la part du ciel et de la terre, à détourner les pensées de ses auditeurs du moment présent pour les attirer sur l'avenir. Dans leurs activités journalières, ils devaient songer à l'éternité. PJ 321 3 "Un homme riche, leur dit-il, avait un économe qui lui fut dénoncé comme dissipant ses biens."1 Le riche avait confié tout son avoir à son intendant; mais celui-ci était infidèle, et le maître s'aperçut qu'il le volait systématiquement. Aussi, il décida de congédier immédiatement son économe et il l'invita à lui rendre ses comptes: "Qu'est-ce que j'entends dire de toi? Rends compte de ton administration, car tu ne pourras plus administrer mes biens.1 PJ 322 1 Dans la perspective de son renvoi, l'intendant ne vit que trois issues possibles: se mettre au travail, mendier, ou mourir de faim. "Que ferai-je, gémit-il, puisque mon maître m'ôte l'administration de ses biens? Travailler à la terre? je ne le puis. Mendier? j'en ai honte. Je sais ce que je ferai, pour qu'il y ait des gens qui me reçoivent dans leurs maisons quand je serai destitué de mon emploi. Et, faisant venir chacun des débiteurs de son maître, il dit au premier: Combien dois-tu à mon maître? Cent mesures d'huile, répondit-il. Et il lui dit: Prends ton billet, assieds-toi vite, et écris cinquante. Il dit ensuite à un autre: Et toi, combien dois-tu? Cent mesures de blé, répondit-il. Et il lui dit: Prends ton billet, et écris quatre-vingts."2 PJ 322 2 De cette manière, le serviteur infidèle rendait complices de sa malhonnêteté les débiteurs de son maître. Il lésait ce dernier à leur profit. En acceptant ses faveurs, ceux-ci se sentaient obligés de l'accueillir chez eux comme un ami. PJ 322 3 "Le maître loua l'économe infidèle de ce qu'il avait agi prudemment."3 L'homme du monde rendit hommage à la finesse astucieuse de celui qui l'avait frustré de ses biens, mais sa louange n'était pas celle de Dieu. PJ 322 4 Le Christ ne fait pas l'éloge de l'économe infidèle. Il se sert d'un fait bien connu pour illustrer la leçon qu'il désire donner. "Faites-vous, dit-il, des amis avec les richesses injustes, pour qu'ils vous reçoivent dans les tabernacles éternels, quand elles viendront à vous manquer."4 PJ 322 5 Le Sauveur avait été blâmé par les pharisiens pour s'être mêlé aux publicains et aux gens de mauvaise vie. Cela n'avait en rien diminué l'intérêt qu'il leur témoignait, ni paralysé ses efforts en leur faveur. Il vit que leur fonction de péagers les induisait en tentation et que des pièges de toute sorte les environnaient. Facile était leur premier faux pas, et rapide la pente qui les entraînait à des actions de plus en plus coupables et criminelles. Jésus s'efforçait donc, par tous les moyens, de leur faire accepter un idéal plus élevé et de leur inculquer de plus nobles principes. Tel est l'objet de la parabole de l'économe infidèle. Il s'était présenté chez les publicains un cas identique. Dans la description faite par le Christ, ils pouvaient facilement reconnaître leur comportement. Plusieurs y prirent garde et en tirèrent une leçon spirituelle. PJ 323 1 Cependant, la parabole s'adressait tout particulièrement aux disciples qui, les premiers, avaient reçu ce levain de la vérité qu'ils avaient pour mission de transmettre à d'autres. Les instructions de notre Seigneur demeuraient en bonne partie obscures pour eux, et souvent ils finissaient par les oublier. Mais plus tard, sous l'influence du Saint-Esprit, ces vérités revinrent clairement à leur mémoire et ils les enseignèrent aux nouveaux convertis. PJ 323 2 Le Sauveur parlait aussi pour les pharisiens, car il ne désespérait pas de leur faire reconnaître la force de ses paroles. Plusieurs, en effet, avaient été profondément convaincus, si bien qu'au moment où la vérité leur serait présentée sous l'influence du Saint-Esprit, ils deviendraient disciples du Christ. PJ 323 3 Les pharisiens avaient essayé de nuire au Sauveur en l'accusant de se joindre aux publicains et aux pécheurs. Maintenant, le Maître allait retourner l'argument contre ses détracteurs. Il leur présenta la scène dont les publicains étaient les acteurs principaux, et leur fit comprendre qu'elle retraçait leur comportement et qu'elle leur indiquait la seule manière de se corriger de leurs erreurs. PJ 323 4 Les biens du maître avaient été confiés à l'intendant infidèle afin qu'il les emploie pour des oeuvres de bienfaisance. Mais il les avait utilisés à son profit. Ainsi en était-il du peuple d'Israël. Dieu avait choisi les descendants d'Abraham, et de son bras puissant il les avait délivrés de l'esclavage d'Egypte. Il en avait fait les dépositaires des vérités les plus précieuses -- les oracles sacrés -- afin qu'ils communiquent la lumière au monde et qu'ils soient pour tous une source de bénédictions. Mais ses économes s'étaient servis de tous ces dons pour s'enrichir et s'enorgueillir. PJ 324 1 Vaniteux et propres justes, les pharisiens gaspillaient les biens que Dieu leur avait accordés au lieu de les utiliser pour sa gloire. PJ 324 2 Le serviteur infidèle n'avait pas songé à faire des réserves pour l'avenir. Il s'était approprié les sommes qui lui avaient été confiées en vue de secourir ses semblables. Mais il n'avait pensé qu'au présent. Dès que son maître lui eut enlevé la gestion de ses biens, il ne lui resta rien en propre. Cependant, l'argent de son maître était encore entre ses mains, et il décida de s'en servir pour se mettre à l'abri du besoin. Il conçut un nouveau plan: au lieu de tout garder pour lui, il se mit à faire des libéralités. Les amis qu'il s'assurait de cette manière le recevraient lorsqu'il aurait perdu son emploi. Ainsi en était-il des pharisiens. Le Seigneur était à la veille de leur retirer l'administration du dépôt confié, et ils étaient invités à penser à l'avenir. Ils ne pouvaient se préparer pour l'éternité qu'en s'intéressant au bien des autres et en dispensant généreusement les dons de Dieu. PJ 324 3 Quand il eut raconté la parabole, le Christ déclara: "Les enfants de ce siècle sont plus prudents à l'égard de leurs semblables que ne le sont les enfants de lumière."5 Il voulait dire par là que les gens du monde sont plus sages et plus persévérants dans la recherche de leurs intérêts personnels que ceux qui font profession de christianisme en servant leur Maître. Il en est aujourd'hui comme du temps de Jésus. Considérez la vie de soi-disant chrétiens à qui le Seigneur a accordé des talents, de la puissance et de l'influence. Il leur a confié de l'argent pour leur permettre de travailler avec lui au grand plan de la rédemption. Tous ces dons doivent servir au bien de l'humanité, au soulagement des malades et à l'assistance des nécessiteux. Notre devoir est de donner du pain à l'affamé, de vêtir celui qui est nu, de venir en aide à la veuve et à l'orphelin, de réconforter l'affligé et l'opprimé. PJ 325 1 Dieu n'a pas voulu que la détresse abonde sur la terre et qu'un seul homme accumule tant de richesses, alors que les enfants des autres n'ont pas même un morceau de pain. Il nous faut employer pour le bien de nos semblables tout ce qui reste une fois que nous avons subvenu à nos besoins. Voici ce qui nous est demandé: "Vendez ce que vous possédez, et donnez-le en aumônes." "Recommande-leur de faire du bien, d'être riches en bonnes oeuvres." "Lorsque tu donnes un festin, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles." "Détache les chaînes de la méchanceté, dénoue les liens de la servitude, renvoie libres les opprimés, et que l'on rompe toute espèce de joug; partage ton pain avec celui qui a faim, et fais entrer dans ta maison les malheureux sans asile; si tu vois un homme nu, couvrele." "Si tu rassasies l'âme indigente, ta lumière se lèvera sur l'obscurité." "Allez par tout le monde, et prêchez la bonne nouvelle à toute la création."6 Tels sont les ordres du Seigneur. La plupart de ceux qui se disent chrétiens les suivent-ils? PJ 325 2 Hélas! combien de gens détournent à leur profit les dons de Dieu! Combien s'efforcent uniquement d'accroître leurs propriétés! On ne compte plus ceux qui dissipent follement leur argent dans les plaisirs, la satisfaction de leur appétit ou l'acquisition de maisons, de meubles et de vêtements somptueux, sans se soucier de leurs contemporains victimes de la misère et de la délinquance, de la maladie et de la mort. Des multitudes périssent sans recevoir un seul regard compatissant, ni la moindre parole ou le moindre geste de sympathie. PJ 325 3 Les hommes sont coupables de vol envers Dieu. Celui qui emploie égoïstement des fonds qu'il possède, prive Dieu de la gloire qui lui reviendrait si ces ressources matérielles servaient au soulagement des souffrances humaines et au salut des âmes. Il se rend coupable de détournement des biens qui lui ont été confiés. Le Seigneur déclare: "Je m'approcherai de vous pour le jugement, et je me hâterai de témoigner contre ... ceux qui retiennent le salaire du mercenaire, qui oppriment la veuve et l'orphelin, qui font tort à l'étranger." "Un homme trompe-t-il Dieu? Car vous me trompez, et vous dites: En quoi t'avons-nous trompé? Dans les dîmes et les offrandes. Vous êtes frappés par la malédiction, et vous me trompez, la nation tout entière!" "A vous maintenant, riches! ... Vos richesses sont pourries, et vos vêtements sont rongés par les teignes. Votre or et votre argent sont rouillés; et leur rouille s'élèvera en témoignage contre vous. ... Vous avez amassé des trésors dans les derniers jours! ... Vous avez vécu sur la terre dans les voluptés et dans les délices." "Voici, le salaire des ouvriers qui ont moissonné vos champs, et dont vous les avez frustrés, crie, et les cris des moissonneurs sont parvenus jusqu'aux oreilles du Seigneur des armées."7 PJ 326 1 Chacun sera appelé à rendre compte de l'administration des talents qu'il a reçus. Au jour du jugement, les richesses accumulées n'auront plus de valeur. On ne possédera plus rien que l'on puisse réclamer comme sa propriété. PJ 326 2 Ceux qui passent leur vie à s'amasser une fortune sont encore plus imprudents, moins clairvoyants, moins soucieux de leurs intérêts éternels que l'économe infidèle ne l'était de son avenir matériel. Ceux qui se prétendent enfants de lumière montrent moins de sagesse que les enfants du siècle. C'est à leur sujet que le prophète déclare, à la suite d'une vision qu'il eut du jugement: "En ce jour, les hommes jetteront leurs idoles d'argent et leurs idoles d'or, qu'ils s'étaient faites pour les adorer, aux rats et aux chauvessouris; et ils entreront dans les fentes des rochers et dans les creux des pierres, pour éviter la terreur de l'Eternel et l'éclat de sa majesté, quand il se lèvera pour effrayer la terre."8 PJ 326 3 "Faites-vous des amis avec les richesses injustes, nous dit Jésus, pour qu'ils vous reçoivent dans les tabernacles éternels, quand elles viendront à vous manquer." Dieu, le Christ et les anges sont tous au service des affligés, de ceux qui souffrent et des pécheurs. Consacrez-vous au Seigneur en vue de cette oeuvre, faites usage pour la soutenir des dons qu'il vous accorde; vous serez alors associés aux êtres célestes. Votre coeur et le leur battra ainsi à l'unisson; votre caractère s'assimilera au leur. Les habitants des tabernacles éternels ne seront plus pour vous des étrangers. Quand ce monde aura pris fin, les sentinelles qui se tiennent aux portes du ciel vous souhaiteront la bienvenue. PJ 327 1 Tout ce que vous aurez fait pour les autres vous sera rendu. Les richesses employées convenablement accompliront beaucoup de bien. Des âmes seront gagnées à Jésus-Christ. Celui qui conforme sa vie à la volonté du Sauveur rencontrera dans les cieux les êtres en faveur desquels il aura travaillé et pour lesquels il se sera dévoué sur la terre. C'est avec reconnaissance que les rachetés se rappelleront ceux qui auront été les instruments de leur salut éternel. Le ciel sera précieux pour quiconque aura travaillé fidèlement au salut des âmes. PJ 327 2 La leçon de cette parabole nous concerne tous. Chacun devient responsable de la grâce reçue en Jésus. La vie est trop solennelle pour être noyée dans des questions d'ordre temporel. Le Seigneur nous demande de communiquer à nos semblables ce que les valeurs éternelles et invisibles nous ont fait connaître. PJ 327 3 Chaque année, des millions d'âmes meurent sans avoir reçu d'avertissement et sans être sauvées. A chaque instant de notre vie si variée des occasions d'atteindre et de sauver ces âmes s'offrent à nous et Dieu désire que nous en tirions tout le parti possible. Les jours, les semaines et les mois s'écoulent; il nous reste ainsi un jour, une semaine, un mois de moins pour accomplir notre mission. Encore quelques années, et la voix à laquelle il nous faudra répondre nous dira: "Rends compte de ton administration." PJ 327 4 Le Christ nous demande de faire notre examen de conscience. Etablissons soigneusement notre bilan. Sur un plateau de la balance, mettons Jésus, c'est-à-dire les trésors éternels, la vie, la vérité, le ciel, la joie des âmes rachetées; sur l'autre, tous les attraits que peut nous offrir le monde. D'un côté, plaçons la perte de notre âme et de celles pour lesquelles nous aurions pu travailler; de l'autre, pour nous et pour elles, une vie qui se mesure sur celle de Dieu. Pesons pour le temps et l'éternité. Tandis que nous ferons cela, écoutons la voix du Christ qui nous dit: "Que sert-il à un homme de gagner tout le monde, s'il perd son âme?"9 PJ 328 1 Dieu veut que nous préférions les réalités célestes aux réalités terrestres. Il nous donne l'occasion de faire un placement à la banque du ciel. Il encourage nos aspirations les plus élevées et désire mettre en lieu sûr nos plus chers trésors. Il déclare: "Je rendrai les hommes plus rares que l'or fin, je les rendrai plus rares que l'or d'Ophir."10 Quand les richesses que la teigne et la rouille détruisent n'auront plus aucune valeur, les disciples du Christ seront heureux de posséder au ciel un trésor impérissable. PJ 328 2 L'amitié des rachetés de Jésus-Christ est préférable à toutes celles que l'on peut trouver dans le monde. L'accès aux demeures qu'il est allé nous préparer est plus précieux que la possession de somptueux palais. Les paroles que le Seigneur adresse à ses fidèles serviteurs valent bien mieux que les louanges terrestres: "Venez, vous qui êtes bénis de mon Père; prenez possession du royaume qui vous a été préparé dès la fondation du monde."11 PJ 328 3 Le Christ offre à ceux-là même qui ont dilapidé ses biens l'occasion d'acquérir les richesses du ciel. Il dit: "Donnez, et il vous sera donné." "Faites-vous des bourses qui ne s'usent point, un trésor inépuisable dans les cieux, où le voleur n'approche point, et où la teigne ne détruit point." "Recommande aux riches du présent siècle ... de faire du bien, d'être riches en bonnes oeuvres, d'avoir de la libéralité, de la générosité, et de s'amasser ainsi pour l'avenir un trésor placé sur un fondement solide, afin de saisir la vie véritable."12 PJ 329 1 Que vos biens vous précèdent donc dans le ciel. Placez-les près du trône de Dieu. Assurez-vous un droit sur les richesses inestimables du Christ: "Faites-vous des amis avec les richesses injustes, pour qu'ils vous reçoivent dans les tabernacles éternels, quand elles viendront à vous manquer." ------------------------Chapitre 27 -- Qui est mon prochain? PJ 331 1 Chez les Juifs, la question: "Qui est mon prochain?"1 provoquait souvent des discussions interminables. Ils n'étaient pas dans le doute au sujet des païens et des Samaritains. Ces derniers étaient regardés comme des étrangers. Mais comment convenait-il de faire la distinction, parmi les gens du pays, entre les différentes classes de la société? Qui donc les rabbins, les prêtres et les anciens du peuple devaient-ils considérer comme leur prochain? Ils passaient toute leur existence à se purifier par une suite ininterrompue de cérémonies, car le contact avec les masses ignorantes et insouciantes leur paraissait occasionner une souillure dont on ne pouvait se débarrasser que par des pratiques fastidieuses. Avaient-ils à regarder ces "impurs" comme leur prochain? PJ 331 2 Le Christ va répondre à cette question par la parabole du bon Samaritain. Il montre que le prochain n'est pas simplement notre coreligionnaire, et qu'on ne le reconnaît ni à la couleur, ni à la race, ni au rang social. Le prochain, c'est toute personne qui a besoin de notre aide, toute âme qui a été blessée et meurtrie par l'adversaire. Le prochain, c'est quiconque est la propriété de Dieu. PJ 331 3 La parabole du bon Samaritain est due à une question posée au Christ par un docteur de la loi. Tandis que le Sauveur enseignait le peuple, "un docteur de la loi se leva, et dit à Jésus, pour l'éprouver: Maître, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle?"2 Ce sont les pharisiens qui avaient suggéré cette question au docteur de la loi, dans l'espoir de prendre Jésus en défaut dans ses paroles; aussi attendaient-ils impatiemment sa réponse. Mais le Sauveur évita toute controverse, et demanda la réponse à son interlocuteur luimême: "Qu'est-il écrit dans la loi? Qu'y lis-tu.3 Or, les Juifs accusaient précisément Jésus de minimiser la valeur de la loi promulguée sur le mont Sinaï; mais le Christ retourna la question du salut en la portant sur le terrain de l'obéissance aux commandements de Dieu. PJ 332 1 Le docteur de la loi répondit: "Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta force, et de toute ta pensée; et ton prochain comme toimême." "Tu as bien répondu, lui dit Jésus; fais cela, et tu vivras."3 PJ 332 2 Cet homme n'était pas satisfait de la position et des actes des pharisiens. Il avait étudié les Ecritures avec le désir d'en comprendre le véritable sens. C'est en toute sincérité qu'il posa cette question d'un intérêt vital pour lui: "Que dois-je faire?" Dans sa réponse à propos de la loi, il ne se soucia aucunement de toute la multitude des cérémonies et des rites, car il ne leur attribuait aucune valeur. Il reprit les deux grands principes dont dépendent la loi et les prophètes. L'approbation donnée à cette réponse plaçait le Seigneur dans une position avantageuse: les rabbins ne pouvaient le condamner, puisqu'il souscrivait aux paroles d'un interprète autorisé de la loi. PJ 332 3 Jésus déclara: "Fais cela, et tu vivras." Dans son enseignement, il présentait invariablement les exigences divines comme un tout, montrant qu'il n'est pas possible d'observer un commandement et d'en violer un autre, car le même principe est à la base de tous. L'obéissance à la loi entière décidera de notre destinée éternelle. PJ 333 1 Le Christ savait que nul ne peut y parvenir par ses propres forces. Il voulait amener le docteur de la loi à une recherche plus approfondie, afin qu'il découvre la vérité. Celui-là seul qui accepte les mérites et la grâce du Sauveur est à même d'observer la loi de Dieu. La foi dans la propitiation pour le péché rend l'homme capable d'aimer Dieu de tout son coeur, et son prochain comme lui-même. PJ 333 2 Le docteur de la loi était conscient de n'avoir gardé ni les quatre premiers commandements, ni les six derniers. Les paroles pénétrantes du Christ l'avaient convaincu de péché; mais au lieu de confesser sa transgression, il tenta d'excuser sa conduite. Au lieu de reconnaître la vérité, il s'efforça de montrer combien il est difficile d'obéir aux préceptes divins. Il espérait ainsi repousser la condamnation et se justifier en présence de la foule. La réplique du Sauveur avait montré que sa question était oiseuse, puisqu'il avait pu y répondre lui-même. Mais il posa une nouvelle question: "Qui est mon prochain?" PJ 333 3 Une fois de plus, le Christ évita la controverse; il résolut le problème en évoquant un incident survenu récemment, encore frais dans l'esprit de ses auditeurs. "Un homme, dit-il, descendait de Jérusalem à Jéricho. Il tomba au milieu des brigands, qui le dépouillèrent, le chargèrent de coups, et s'en allèrent, le laissant à demi mort."4 PJ 333 4 Pour se rendre de Jérusalem à Jéricho, il fallait traverser une partie du désert de Judée. La route serpentait au sein de gorges rocheuses et sauvages, infestées de brigands; elles étaient souvent le théâtre de scènes de violence. C'est là que le voyageur de la parabole avait été attaqué et dépouillé de tout ce qu'il possédait. Il gisait seul, à demi mort, le long de la route. Un prêtre qui empruntait ce chemin vit ce malheureux blessé, baignant dans son sang. Mais au lieu de se porter à son secours, il "passa outre". Vint alors un Lévite; curieux de savoir ce qui était arrivé, il s'arrêta pour voir le blessé. Il fut vite convaincu de son devoir, mais celui-ci n'était pas agréable. Il regrettait d'avoir pris cette direction et d'avoir rencontré ce malheureux. Il se persuada que ce n'était pas son affaire et, lui aussi, il "passa outre". PJ 334 1 Mais un Samaritain qui effectuait le même trajet vit le blessé et fit en sa faveur ce que les autres n'avaient pas voulu faire. Avec douceur et bonté, il porta secours au malheureux. Il "fut ému de compassion lorsqu'il le vit. Il s'approcha, et banda ses plaies, en y versant de l'huile et du vin; puis il le mit sur sa propre monture, le conduisit à une hôtellerie, et prit soin de lui. Le lendemain, il tira deux deniers, les donna à l'hôte, et dit: Aie soin de lui, et ce que tu dépenseras de plus, je te le rendrai à mon retour."5 Le prêtre et le Lévite faisaient l'un et l'autre profession de piété, mais le Samaritain prouva qu'il était vraiment converti. Prendre soin du blessé ne lui était pas plus agréable qu'aux deux autres voyageurs, mais il montra par ses oeuvres que ses sentiments étaient en harmonie avec ceux de Dieu. PJ 334 2 En donnant cette leçon, le Christ présentait les principes de la loi d'une manière forte et précise. Il faisait comprendre à ses auditeurs combien ils se montraient négligents à cet égard. Ses paroles étaient si claires et si directes qu'il ne restait aucune chicane possible, aussi le docteur de la loi ne put-il rien lui objecter. Ses préjugés à l'égard du Christ se dissipèrent, mais il n'avait pas encore surmonté ses antipathies raciales au point de faire ouvertement l'éloge du Samaritain. Quand le Seigneur lui demanda: "Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de celui qui était tombé au milieu des brigands?", il répondit: "C'est celui qui a exercé la miséricorde envers lui."6 PJ 334 3 "Jésus lui dit: Va, et toi, fais de même!"6 Manifeste la même bonté envers les malheureux. Tu montreras ainsi que tu observes toute la loi. PJ 334 4 Ce qui différenciait les Juifs des Samaritains, c'était leur croyance religieuse en ce qui concerne le vrai culte. Les pharisiens estimaient qu'il n'y avait rien de bon chez les Samaritains, aussi proféraient-ils contre eux les pires malédictions. L'antipathie entre les deux communautés était si grande que la femme samaritaine s'étonna que Jésus lui demande à boire: "Comment toi, dit-elle, qui es Juif, me demandes-tu à boire, à moi qui suis une femme samaritaine?" Car, ajoute l'évangéliste, "les Juifs n'ont pas de relations avec les Samaritains?"7 Dans leur haine meurtrière à l'égard du Christ, les Juifs se levèrent un jour dans le temple pour le lapider. Ils ne purent mieux lui exprimer leur hostilité qu'en lui disant: "N'avons-nous pas raison de dire que tu es un Samaritain, et que tu as un démon.8 Néanmoins, un fait demeurait, c'est que le prêtre et le Lévite avaient négligé leur devoir. Ils avaient laissé à un Samaritain exécré le soin de porter secours à un homme de leur peuple. PJ 335 1 Le Samaritain avait accompli le commandement: "Tu aimeras ton prochain comme toi-même.",9 démontrant ainsi qu'il était plus juste que ceux qui le méprisaient. Au péril de sa vie, il avait traité le blessé comme un frère. Ce Samaritain représente le Christ, qui manifesta à notre égard un amour incomparable. Alors que nous étions blessés et agonisants, il eut pitié de nous. Il ne passa pas outre en nous abandonnant à la mort, impuissants et désespérés. Il ne resta pas dans sa demeure sainte et heureuse, où il jouissait de l'affection des cohortes angéliques. Il eut égard à notre grande détresse; se chargeant de notre cause, il s'identifia avec l'humanité. Il mourut pour le salut de ses ennemis, et il pria pour ses bourreaux. Faisant allusion à son exemple, il dit à ses disciples: "Ce que je vous commande, c'est de vous aimer les uns les autres. ... Comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns- les autres.10 PJ 335 2 Le prêtre et le Lévite allaient au temple pour participer aux cérémonies prescrites par Dieu lui-même. C'était un privilège considérable. Ces deux hommes estimaient qu'après avoir été les objets d'une telle marque de distinction, ils se seraient abaissés en portant secours à un blessé inconnu gisant au bord du chemin. Ils laissèrent ainsi passer l'occasion que Dieu leur offrait d'être ses instruments en venant en aide à un malheureux. PJ 336 1 Aujourd'hui, nombreux sont ceux qui commettent la même erreur. Ils classent leurs devoirs en deux catégories distinctes. La première se compose de grandes choses, qui sont réglées par la loi divine; la seconde est faite de prétendus détails, dans lesquels le commandement: "tu aimeras ton prochain comme toi-même"11 est méconnu. Cette catégorie de tâches est abandonnée aux caprices et dépend des inclinations et des impulsions. C'est ainsi que le caractère est faussé et la religion chrétienne, travestie. PJ 336 2 Certains croiraient s'abaisser en s'occupant des souffrances des autres; et ils regardent avec indifférence, quand ce n'est pas avec mépris, les temples en ruine que sont tant d'âmes. D'autres méprisent les pauvres pour des raisons différentes. A leur avis, ils sont employés au service du Christ et cherchent à promouvoir une activité louable. Ils ont l'impression de réaliser une grande oeuvre et ne pensent pas devoir s'arrêter aux besoins des malheureux et des déshérités. En vertu de ce qu'ils font, ils se croient même autorisés à opprimer les pauvres, à les plonger dans la détresse, à les priver de leurs droits légitimes et à méconnaître leurs besoins réels. Cependant, ces gens-là se sentent justifiés parce que, en agissant ainsi, ils s'imaginent travailler à l'avancement de la cause du Seigneur. PJ 336 3 Nombre de croyants laissent un frère ou un voisin se débattre au milieu de circonstances difficiles. Puisqu'ils professent être chrétiens, celui-ci peut être conduit à penser que leur froideur et leur égoïsme reflètent le caractère du Christ. Comme ces prétendus serviteurs de Dieu ne collaborent pas avec lui, l'amour divin qu'ils devraient manifester reste en grande partie caché à leurs semblables. Ainsi se perd une abondante moisson de louanges et d'actions de grâces qui auraient pu monter du coeur et des lèvres des hommes jusqu'à Dieu. PJ 337 1 Celui-ci est privé de la gloire due à son saint nom; des âmes pour lesquelles Jésus est mort lui sont ravies -- des âmes qu'il désirait accueillir dans son royaume pour qu'elles demeurent éternellement en sa présence. PJ 337 2 La vérité divine n'exerce que peu d'influence sur le monde, alors qu'elle aurait sur lui un ascendant considérable si nous étions des chrétiens pratiquants. Beaucoup se contentent d'une religion superficielle; mais la seule profession de foi n'a que peu de valeur. Nous pouvons nous prétendre disciples du Christ et nous rallier à toutes les vérités de la parole de Dieu: si nos actes journaliers ne sont pas en accord avec nos croyances, quel bien en retireront nos voisins? Si nous ne sommes pas des chrétiens dignes de ce nom, notre confession de foi aurait beau être aussi élevée que le ciel, elle ne pourra nous assurer la vie éternelle, pas plus qu'à nos semblables. Un bon exemple fera plus de bien au monde que toutes nos affirmations. PJ 337 3 Aucune forme d'égoïsme ne peut servir la cause du Christ, car cette dernière se confond avec celle des pauvres et des opprimés. Le coeur des vrais disciples doit être animé de la profonde sympathie qui a caractérisé la vie de leur Maître, et d'un amour sans limites à l'égard de ceux qu'il a appréciés au point de donner sa vie pour eux. Les âmes en faveur desquelles il est mort ont du prix à ses yeux, beaucoup plus que toutes les offrandes que nous pourrions apporter à Dieu. Le Sauveur n'approuve pas ceux qui se consacrent à une oeuvre apparemment louable tout en négligeant les nécessiteux ou en frustrant l'étranger de ses droits. PJ 337 4 La sanctification de l'âme par l'Esprit-Saint n'est pas autre chose que l'implantation de la nature du Christ dans notre humanité. La religion de l'Evangile, c'est la vie du Christ en nous -- un principe vivant et actif. C'est la grâce du Sauveur manifestée dans le caractère et produisant de bonnes oeuvres. Il est impossible de séparer les enseignements de l'Evangile de notre existence concrète. Tous les aspects de notre expérience religieuse doivent être une révélation de la vie du Christ. PJ 338 1 Le fondement de la piété, c'est l'amour. Quelle que soit notre profession de foi, nous n'aimons pas vraiment Dieu si nous n'aimons pas nos frères d'une manière désintéressée. Mais nous n'y parviendrons pas en "essayant" d'aimer les autres. Ce qu'il nous faut, c'est l'amour de Jésus dans notre coeur. Si le moi est absorbé par lui, l'amour jaillira spontanément. Quand nous nous sentirons constamment poussés à venir en aide à notre prochain et que la lumière céleste remplira notre âme et se reflétera sur notre visage, nous serons parvenus à la perfection chrétienne. PJ 338 2 Un coeur où le Christ a établi sa demeure ne peut être dépourvu d'amour. Si nous aimons le Père parce qu'il nous a aimés le premier, nous aimerons aussi tous ceux pour lesquels son Fils est mort. Nous ne saurions entrer en contact avec Dieu sans entrer en contact avec l'humanité, car la divinité et l'humanité se trouvent alliées en celui qui siège sur le trône de l'univers. Lorsque nous sommes en communion avec le Christ, nous sommes aussi unis à nos semblables par les chaînes d'or de l'amour. La pitié et la compassion du Sauveur se manifestent alors dans notre vie. Nous n'attendons pas que les malheureux et les nécessiteux nous soient amenés, nous n'avons pas besoin d'être exhortés à la charité. Il nous est tout aussi naturel de leur venir en aide qu'il l'était pour le Christ de se rendre de lieu en lieu en faisant du bien. PJ 338 3 L'action du Saint-Esprit se manifeste à chaque endroit où un coeur débordant d'amour et de sympathie s'efforce d'être en bénédiction aux autres et de les édifier. Au sein du paganisme, des hommes qui n'avaient pas connaissance de la loi écrite de Dieu et n'avaient jamais entendu parler de Jésus témoignèrent de la bonté à ses serviteurs, allant jusqu'à les protéger au péril de leur vie. A travers leurs actes, une puissance divine se montrait à l'oeuvre. Le Saint-Esprit implante ainsi la grâce du Christ dans le coeur du païen, éveillant en lui des sympathies contraires à sa nature et à son éducation. La lumière "qui, en venant dans le monde, éclaire tout homme"12 illumine son âme, et, s'il y prend garde, elle conduira ses pas vers le royaume de Dieu. PJ 339 1 Pour glorifier le Seigneur, il faut relever ceux qui sont tombés et consoler ceux qui sont dans la détresse. Quel que soit le coeur dans lequel il habite, Jésus se révélera toujours de la même manière. Partout où elle se manifeste, la religion du Christ fera du bien. Quel que soit le lieu où elle opère, elle produira la lumière. PJ 339 2 Dieu ne connaît pas les distinctions de nationalité, de race ou de rang social, car il est le Créateur de l'humanité entière. Par voie de création, tous les hommes font partie de la même famille, et tous sont aussi unis par le fait de la rédemption. Jésus-Christ est venu abattre toutes les murailles de séparation; il a ouvert les différents compartiments du temple, afin que chacun accède librement auprès de Dieu. Son amour est si vaste, si complet, si profond qu'il pénètre partout. Il arrache à l'empire de Satan les pauvres âmes abusées par ses tromperies. Il les place à la portée du trône de Dieu, ce trône entouré de l'arc-en-ciel de la promesse. PJ 339 3 En Christ, il n'y a plus ni Juif ni Grec, ni esclave ni libre. Tous sont unis par son sang précieux.13 PJ 339 4 Quelle que soit la religion d'un homme, son cri de détresse ne doit pas rester sans réponse. Là où règne l'amertume à cause de divergences religieuses, on peut faire beaucoup de bien par un ministère personnel. La bienfaisance abat les préjugés et conduit les âmes vers le Seigneur. PJ 339 5 Sympathisons avec nos semblables dans leurs tristesses, leurs difficultés, leurs souffrances. Participons aux joies et aux soucis des grands et des petits, des riches et des pauvres. Le Christ nous dit: "Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement."14 Tout autour de nous se trouvent des âmes éprouvées en quête d'un mot compatissant, d'un geste d'assistance. Des veuves ont besoin d'aide et de sympathie. Le Seigneur invite ses disciples à recueillir les orphelins comme un dépôt sacré. Ils sont trop souvent négligés. Ils peuvent être en haillons, maladroits et repoussants à bien des égards; ils n'en sont pas moins la propriété de Dieu. Ils ont été rachetés à un grand prix et sont aussi précieux que nous à ses yeux. Ils sont membres de la grande famille divine. En leur qualité d'économes du Seigneur, les chrétiens sont responsables d'eux. "Je te redemanderai son sang",15 dit l'Eternel. PJ 340 1 Le péché est le plus grand de tous les malheurs. Il nous appartient donc de prendre les pécheurs en pitié et de leur venir en aide. Il est vrai que nous ne pouvons pas tous les atteindre de la même façon. Il en est qui savent dissimuler leur dénuement spirituel. Une parole aimable ou le rappel d'un souvenir bienfaisant peuvent leur être d'un grand secours. D'autres se trouvent dans la misère la plus noire et sont inconscients de leur dépravation. Un grand nombre sont tellement plongés dans le péché qu'ils ont perdu le sens des réalités éternelles. L'image de Dieu s'est effacée en eux, et ils ne savent même pas qu'ils ont une âme à sauver. Ils n'ont ni foi en Dieu ni confiance dans les hommes. Beaucoup ne pourront être touchés que par des actes de bonté. Commençons par les aider matériellement, en leur donnant la possibilité d'être bien nourris, propres et vêtus décemment. Devant les preuves de notre amour désintéressé, il leur sera plus facile de croire à l'amour du Christ. PJ 340 2 Parmi ceux qui se sont égarés, plusieurs éprouvent un sentiment de honte et se rendent compte de leur folie. Ils pensent tellement à leurs fautes et à leurs erreurs que le désespoir finit par s'emparer d'eux. Il ne faut pas négliger ces personnes. Lorsqu'un nageur est obligé de remonter le courant d'une rivière, il est entraîné en arrière par la force de l'eau. Tendons-lui donc une main secourable, à l'exemple de notre Frère aîné offrant la sienne à Pierre quand il enfonçait dans les flots. Adressons-lui des paroles d'espoir, qui feront renaître en lui la confiance et l'amour. PJ 341 1 Ton frère, spirituellement malade, a besoin de toi, comme toi tu as eu besoin de l'amour d'un frère. L'expérience de quelqu'un qui a connu les mêmes faiblesses, qui puisse sympathiser avec lui et l'aider: voilà ce qui lui serait nécessaire. La connaissance de nos propres faiblesses devrait nous permettre de soulager les autres au fort de leurs détresses. Ne passons jamais auprès d'une âme affligée sans chercher à lui faire part des consolations que nous trouvons en Dieu. PJ 341 2 La victoire sur les instincts les plus vils de la nature humaine s'obtient par l'alliance avec Jésus et le contact personnel avec un Sauveur vivant. Parlez aux égarés de la main toute-puissante qui s'offre pour les soutenir, de la pleine humanité du Christ qui a compassion d'eux. Il ne leur suffit pas de croire à la loi et à la force, incapables d'éprouver de la pitié et d'entendre les appels désespérés. Il leur faut une chaude poignée de main et la confiance en un coeur rempli de tendresse. Rappelez-leur que Dieu se tient constamment à leurs côtés et veille sur eux avec amour. Invitez-les à penser à ce coeur paternel contristé par le péché, à la main toujours tendue de ce Père compatissant, à sa voix qui leur dit: "Celui qui me prendra pour rempart avec moi fera la paix, il fera la paix avec moi."16 PJ 341 3 Aussitôt que vous vous serez mis à l'oeuvre, vous aurez près de vous des compagnons invisibles. Les anges du ciel se tenaient près du Samaritain quand il bandait les plaies de l'étranger. Ils sont aux côtés de tous ceux qui font la volonté de Dieu en assistant leurs semblables. Vous pouvez compter sur la collaboration du Christ lui-même. C'est lui qui restaure; dès que vous travaillerez sous sa direction, vous verrez de grands résultats. PJ 342 4 De votre fidélité dans cette tâche dépend non seulement le bien-être de vos semblables, mais encore votre destinée éternelle. Le Christ fait tout pour attirer ceux qui consentent à s'attacher à lui, afin qu'ils soient un avec lui comme lui-même est un avec son Père. Il permet que nous entrions en contact avec la souffrance et le malheur, en vue de nous arracher à notre égoïsme. Il cherche à développer en nous les attributs de son propre caractère: la compassion, la tendresse et l'amour. En acceptant ce ministère, nous entrons à son école et nous nous y préparons pour le ciel. En le rejetant, nous repoussons ses instructions et choisissons d'être privés pour toujours de sa présence. PJ 342 1 "Si tu observes mes ordres, déclare l'Eternel, je te donnerai libre accès parmi ceux qui sont ici",17 c'est-à-dire parmi les anges qui environnent son trône. En collaborant avec les êtres célestes dans leur oeuvre sur la terre, nous nous préparons à vivre en leur compagnie. Les anges du ciel, ces "esprits au service de Dieu, envoyés pour exercer un ministère en faveur de ceux qui doivent hériter du salut18 accueilleront celui qui n'aura pas vécu ici-bas "pour être servi, mais pour servir.19 C'est dans cette société bienheureuse que nous comprendrons pleinement, pour notre joie éternelle, tout ce qui est inclus dans la question: "Qui est mon prochain?" ------------------------Chapitre 28 -- La récompense de la grâce PJ 343 1 Les Juifs avaient presque complètement oublié la vérité relative à la grâce divine. Les rabbins affirmaient que la faveur de Dieu devait se gagner. Ils espéraient mériter par leurs oeuvres la récompense des justes. C'est la raison pour laquelle leur culte était empreint d'esprit mercenaire. Même les disciples de Jésus ne s'étaient pas tout à fait affranchis de cet esprit; aussi le Christ saisissait-il toutes les occasions pour leur montrer leur erreur. Au moment où il allait prononcer la parabole des ouvriers, un incident se produisit qui lui donna l'occasion de présenter la vérité. PJ 343 2 Tandis qu'il cheminait, un jeune chef survint et s'inclina respectueusement pour le saluer. "Bon maître, lui demanda-t-il, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle?"1 PJ 343 3 Le chef s'était adressé à lui simplement comme à un rabbin éminent, sans discerner en lui le Fils de Dieu. Le Sauveur lui répondit: "Pourquoi m'appelles-tu bon? Il n'y a de bon que Dieu seul." Sur quelle base me donnes-tu à moi ce qualificatif? Dieu seul est bon. Si tu me reconnais comme tel, tu dois aussi me recevoir comme son Fils et son représentant. "Si tu veux entrer dans la vie, ajouta Jésus, observe les commandements."2 Le caractère du Tout-Puissant est révélé dans sa loi. Il faut donc t'inspirer de ses principes dans tous tes actes si tu veux être en harmonie avec lui. PJ 344 1 Le Christ n'amoindrit pas les exigences de la loi divine. En un langage clair et précis, il montre que l'observation des commandements est la condition de la vie éternelle. La même condition était requise d'Adam avant son péché. Le Seigneur n'attend pas moins de nous aujourd'hui que d'Adam au paradis terrestre; il demande une obéissance parfaite et une justice irréprochable. Les exigences demeurent sous l'alliance de grâce ce qu'elles étaient au jardin d'Eden: l'observation de la loi de Dieu, qui est sainte, juste et bonne. PJ 344 2 A l'injonction: "Observe les commandements", le jeune homme répliqua: "Lesquels?" Il pensait qu'il était sans doute question de quelque précepte cérémoniel, alors que le Sauveur faisait allusion à la loi édictée au mont Sinaï. Le Christ mentionna plusieurs des commandements gravés sur la seconde table du Décalogue, puis il les résuma dans cette formule: "Tu aimeras ton prochain comme toi-même."3 PJ 344 3 Sans hésiter, le jeune homme lui répondit: "Maître, j'ai observé toutes ces choses dès ma jeunesse?"4 Sa conception de la loi morale était superficielle. A vues humaines, sa vie était irréprochable, du moins sur le plan extérieur. Il s'imaginait donc avoir atteint à une obéissance parfaite. Toutefois, il craignait secrètement de ne pas être absolument en règle avec Dieu. C'est ce qui le poussa à poser cette question: "Que me manque-t-il encore.5 PJ 344 4 Jésus lui dit: "Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel. Puis viens, et suis-moi. Après avoir entendu ces paroles, le jeune homme s'en alla tout triste, car il avait de grands biens."6 PJ 344 5 L'amour de soi est une transgression de la loi de Dieu. C'est ce que Jésus voulait faire comprendre à son interlocuteur; aussi le soumit-il à une pierre de touche qui allait mettre en évidence son égoïsme. Il lui dévoila le foyer d'infection de son caractère. Le jeune homme ne désirait pas d'autre lumière. Il chérissait une idole: le monde était son dieu. Il prétendait garder les commandements, mais il ne possédait pas le principe qui en est l'esprit et la vie. Il n'éprouvait pas un véritable amour pour Dieu et ses semblables. Il lui manquait l'essentiel pour entrer dans le royaume de Dieu. Son amour du moi et des avantages matériels le mettait en dissonance avec le ciel. PJ 345 1 La sincérité et la ferveur de ce jeune chef lui avaient valu la sympathie du Sauveur. "Jésus, l'ayant regardé, l'aima."7 Il avait vu en lui un futur prédicateur de la justice. Il aurait reçu ce noble et ses talents avec empressement, comme il avait reçu les humbles pêcheurs qui le suivaient. Si ce jeune homme avait voulu se consacrer au salut des âmes, il serait devenu un ouvrier diligent et efficace au service du Maître. PJ 345 2 Mais il devait tout d'abord accepter les conditions de l'apostolat et se donner à Dieu sans la moindre réserve. A l'appel du Sauveur, Jean, Pierre, Matthieu et leurs compagnons quittèrent tout et le suivirent".8 La même consécration était exigée de la part du jeune chef. Le Christ ne lui demandait pas un sacrifice plus grand que celui auquel il avait consenti lui-même. Il "s'est fait pauvre, de riche qu'il était, afin que par sa pauvreté vous fussiez enrichis.9 Le jeune homme n'avait pas autre chose à faire que de suivre ses traces. PJ 345 3 En le regardant, Jésus fut saisi du désir ardent de gagner son âme. Il aurait voulu l'envoyer porter la bonne nouvelle du salut. Pour compenser ce qu'il lui demandait de laisser, Jésus lui offrait le privilège de sa présence. "Suis-moi", lui dit-il. Pierre, Jacques et Jean avaient considéré cette prérogative comme un sujet de grande joie. Le jeune homme lui-même éprouvait une vive admiration pour le Christ. Il se sentait attiré par lui, mais n'était pas prêt à accepter son principe de renoncement. Il attachait une plus grande valeur à ses richesses qu'à Jésus. Il désirait la vie éternelle, mais il refusait d'accepter dans son coeur cet amour désintéressé qui est la source de toute vie. Avec tristesse, il s'éloigna du Sauveur. PJ 346 1 Comme le jeune homme s'en allait, Jésus dit à ses disciples: "Qu'il sera difficile à ceux qui ont des richesses d'entrer dans le royaume de Dieu!"10 Ces paroles surprirent les disciples, qui avaient toujours considéré les riches comme les favoris du ciel. Ils espéraient recevoir eux-mêmes la puissance terrestre et les richesses dans le royaume messianique. Si les riches n'entraient pas dans ce royaume, quelle espérance pourrait-il bien y avoir pour le reste des hommes? PJ 346 2 Jésus reprit: "Mes enfants, qu'il est difficile à ceux qui se confient dans les richesses d'entrer dans le royaume de Dieu! Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le royaume de Dieu. Les disciples furent encore plus étonnés."11 Ils comprenaient maintenant que cet avertissement solennel leur était aussi adressé. Les paroles du Sauveur avaient mis en évidence leur soif inavouée de richesse et de puissance. Saisis de crainte en pensant à eux-mêmes, ils s'exclamèrent: "Et qui peut être sauvé?" PJ 346 3 "Jésus les regarda, et dit: Cela est impossible aux hommes, mais non à Dieu: car tout est possible à Dieu."11 PJ 346 4 Un riche, en qualité de riche, ne peut hériter le royaume des cieux. Ses biens ne lui donnent aucun droit à l'héritage glorieux des saints. Ce n'est que par la grâce imméritée du Christ que l'homme entrera dans la cité de Dieu. PJ 346 5 Ces paroles du Saint-Esprit s'adressent aussi bien aux riches qu'aux pauvres: "Vous ne vous appartenez point à vous-mêmes. Car vous avez été rachetés à un grand prix."12 Lorsque les hommes sont convaincus de la véracité de ces affirmations, ils considèrent leurs richesses comme un dépôt qu'ils doivent employer en se laissant guider par Dieu pour sauver ceux qui se perdent et secourir les pauvres et les malades. De nous-mêmes, nous ne pouvons le faire, car notre coeur est attaché aux biens terrestres. Celui qui est esclave de Mammon reste sourd aux cris de l'humanité en détresse. Mais toutes choses sont possibles à Dieu, et la contemplation de l'amour incomparable du Christ touchera et gagnera les coeurs égoïstes. Le riche dira, avec Saul le pharisien: "Ces choses qui étaient pour moi des gains, je les ai regardées comme une perte, à cause de Christ. Et même je regarde toutes choses comme une perte, à cause de l'excellence de la connaissance de Jésus-Christ mon Seigneur."13 Les gens fortunés ne regarderont plus leurs biens comme leur propriété personnelle, et ils seront heureux de se considérer comme les dispensateurs des multiples grâces de Dieu et les serviteurs de tous les hommes par amour pour lui. PJ 347 1 Pierre fut le premier à se remettre du sentiment de condamnation personnelle provoqué par les paroles du Sauveur. Il songeait avec satisfaction à ce que lui et ses compagnons avaient fait pour le Seigneur. "Voici, nous avons tout quitté, et nous t'avons suivi",14 dit-il. Se rappelant la promesse conditionnelle faite au jeune chef: "Tu auras un trésor dans le ciel", il demanda ce que lui et ses amis recevraient en récompense de leurs sacrifices. PJ 347 2 La réponse du Sauveur fit tressaillir le coeur de ces pêcheurs galiléens. Elle décrivait les honneurs qui réaliseraient leurs plus beaux rêves: "Je vous le dis en vérité, quand le Fils de l'homme, au renouvellement de toutes choses, sera assis sur le trône de sa gloire, vous qui m'avez suivi, vous serez de même assis sur douze trônes, et vous jugerez les douze tribus d'Israël."15 Et il ajouta: "Je vous le dis en vérité, il n'est personne qui, ayant quitté, à cause de moi et à cause de la bonne nouvelle, sa maison, ou ses frères, ou ses soeurs, ou sa mère, ou son père, ou ses enfants, ou ses terres, ne reçoive au centuple, présentement dans ce siècle-ci, des maisons, des frères, des soeurs, des mères, des enfants, et des terres, avec des persécutions, et, dans le siècle à venir, la vie éternelle.16 PJ 348 1 Mais la question de Pierre: "Qu'en sera-t-il pour nous?"17 avait révélé un esprit qui, s'il n'était pas réformé, empêcherait les disciples de devenir les ambassadeurs du Christ, car c'était là l'esprit d'un mercenaire. Quoique attirés par l'amour de Jésus, les disciples n'étaient pas encore exempts de tout pharisaïsme. Ils travaillaient avec l'idée que leur rétribution serait proportionnée à leurs efforts. Ils avaient tendance à se glorifier eux-mêmes, et à se comparer les uns aux autres. L'un d'entre eux venait-il à commettre une faute quelconque, les autres se laissaient aller à des sentiments de supériorité. PJ 348 2 De peur que ses disciples ne perdent de vue les principes évangéliques, Jésus leur dit une parabole pour illustrer la manière d'agir de Dieu à l'égard de ses serviteurs, et l'esprit dans lequel ils devaient travailler pour lui. PJ 348 3 "Le royaume des cieux, dit-il, est semblable à un maître de maison qui sortit dès le matin, afin de louer des ouvriers pour sa vigne."18 C'était alors la coutume, pour les hommes qui cherchaient du travail, de se rendre sur la place du marché et d'y attendre qu'un employeur vienne leur en proposer. Ainsi, dans notre parabole, nous voyons un maître de maison sortir à différentes heures du jour pour embaucher des ouvriers. Les premiers engagés convinrent d'un certain salaire, et ceux qui furent engagés plus tard laissèrent la question de leur rétribution au bon vouloir de l'employeur. PJ 348 4 "Quand le soir fut venu, le maître de la vigne dit à son intendant: Appelle les ouvriers, et paie-leur le salaire, en allant des derniers aux premiers. Ceux de la onzième heure vinrent, et reçurent chacun un denier. Les premiers vinrent ensuite, croyant recevoir davantage; mais ils reçurent aussi chacun un denier."19 PJ 348 5 Dans ses rapports avec les vignerons, le maître représente Dieu dans ses relations avec les hommes. Ses voies diffèrent des usages en vigueur ici-bas. Dans les affaires de ce monde, le salaire est proportionné à la somme de travail que l'on accomplit. L'ouvrier ne s'attend à recevoir que ce qu'il a gagné. Dans la parabole, au contraire, le Christ met en évidence les principes de son royaume, qui n'est pas de ce monde et n'est pas dirigé par des lois humaines. N'est-ce pas le Seigneur qui déclare: "Mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos voies ne sont pas mes voies. ... Autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre, autant mes voies sont élevées au-dessus de vos voies, et mes pensées au-dessus de vos pensées"?20 PJ 349 1 Les premiers ouvriers engagés acceptèrent de travailler pour une certaine somme, qu'ils reçurent, sans plus, le soir venu. Ceux qui furent embauchés par la suite crurent à cette promesse du maître: "Je vous donnerai ce qui est raisonnable."21 Ils eurent confiance en sa justice et en son équité; ils ne demandèrent rien au sujet de leur salaire. Ils furent récompensés, non pas selon leur travail, mais selon la générosité du maître. PJ 349 2 Ainsi Dieu désire que nous nous en remettions à celui qui justifie le pécheur. Il nous donne sa récompense, non d'après nos mérites, mais "selon le dessein éternel qu'il a mis à exécution par Jésus-Christ notre Seigneur". "Il nous a sauvés, non à cause des oeuvres de justice que nous aurions faites, mais selon sa miséricorde." Il fera pour ceux qui mettent leur confiance en lui "infiniment au-delà de tout ce que nous demandons ou pensons".22 PJ 349 3 Ce qui fait la valeur de notre service aux yeux de Dieu, ce n'est pas la somme de travail que nous accomplissons ni les résultats visibles de nos efforts, mais l'esprit dans lequel nous agissons. Les ouvriers de la onzième heure s'estimèrent heureux de l'occasion qui leur était donnée de travailler; leur coeur vibrait de reconnaissance envers celui qui avait consenti à les engager. Le soir venu, lorsque le maître leur accorda le salaire d'une journée entière, ils en furent grandement surpris, car ils ne pensaient pas mériter autant. La bonté qu'ils lisaient sur son visage les remplissait de joie. Jamais ils n'oublièrent sa générosité, ni le salaire inespéré qu'ils avaient reçu. Il en est de même du pécheur qui s'est engagé à servir le Maître avec le sentiment de son indignité, alors que la onzième heure du jour est déjà arrivée. Son temps de service lui semble être bien court, et il a l'impression de ne mériter aucun salaire. Mais la pensée que Dieu l'a accepté remplit son coeur de joie. Il travaille avec humilité et confiance, heureux d'être ouvrier avec le Christ. C'est un tel esprit que le Seigneur se plaît à honorer. PJ 350 1 Jésus désire que nous nous reposions sur lui sans nous inquiéter de la récompense. La question de la rétribution passe à l'arrière-plan, quand il habite dans nos coeurs, car ce n'est pas le mobile qui nous fait agir. Accessoirement, il est vrai, nous devrions avoir égard à la rémunération. Dieu désire nous voir apprécier les bénédictions promises, mais il ne veut pas que nous soyons impatients de recevoir la récompense, ni que nous nous attendions à une rétribution pour chaque devoir accompli. Il nous faut faire ce qui est bien sans nous inquiéter du gain que nous en retirerons. Le mobile de nos actions devrait être l'amour de Dieu et du prochain. PJ 350 2 Cette parabole n'excuse nullement ceux qui ont entendu le premier appel à entrer dans la vigne, mais qui ont négligé d'y répondre. Quand, à la onzième heure, le maître de la maison se rendit sur la place du marché et y rencontra des hommes inoccupés, il leur dit: "Pourquoi vous tenez-vous ici toute la journée sans rien faire?" Ils lui répondirent: "C'est que personne ne nous a loués."23 Aucun des ouvriers engagés tard dans la journée ne se trouvait là le matin. Ils n'avaient donc pas rejeté l'appel. Ceux qui refusent et qui plus tard se repentent font certainement bien de se repentir, mais il est dangereux de prendre à la légère le premier appel de la miséricorde divine. PJ 350 3 Quand les ouvriers, la journée terminée, "reçurent chacun un denier",24 ceux qui avaient commencé le travail dès la pointe du jour en furent mécontents. N'avaient-ils pas peiné douze heures? N'auraient-ils pas dû obtenir plus que ceux qui n'avaient travaillé qu'une heure, et cela dans la partie la moins chaude de la journée? "Ces derniers n'ont travaillé qu'une heure, disent-ils, et tu les traites à l'égal de nous, qui avons supporté la fatigue du jour et la chaleur."25 PJ 351 1 "Mon ami, répondit à l'un d'eux le maître de la maison, je ne te fais pas tort; n'es-tu pas convenu avec moi d'un denier? Prends ce qui te revient, et va-t'en. Je veux donner à ce dernier autant qu'à toi. Ne m'est-il pas permis de faire de mon bien ce que je veux? Ou vois-tu de mauvais oeil que je sois bon? -- Ainsi les derniers seront les premiers, et les premiers seront les derniers."25 PJ 351 2 Les ouvriers de la première heure représentent ceux qui, en vertu de leur état de service, estiment avoir plus de droits que les autres. Ils se mettent à l'ouvrage avec un sentiment de supériorité, et non avec un esprit d'abnégation et de sacrifice. Il se peut qu'ils aient fait profession de servir Dieu toute leur vie, qu'ils aient été les premiers à endurer la fatigue, les privations, les épreuves; c'est d'ailleurs la raison pour laquelle ils prétendent mériter une forte récompense. Ils pensent plus à celle-ci qu'au privilège d'être les serviteurs du Christ. A leur point de vue, tous ces travaux et ces sacrifices leur donnent droit à une rémunération plus grande que celle de leurs compagnons; parce qu'il n'en est pas ainsi, ils en sont scandalisés. S'ils apportaient dans leurs activités un esprit de foi et d'amour, ils resteraient à la première place. Mais leur esprit revendicatif n'est pas conforme à celui du Christ et montre combien ils sont peu dignes de confiance. Ils dévoilent ainsi leur ambition personnelle, leur doute à l'égard de Dieu et la jalousie que leur inspire la prospérité de leurs frères. La bonté et la libéralité du Seigneur ne sont pour eux que des occasions de murmurer. Ils prouvent qu'ils ne sont pas en communion avec Dieu. Ils ne connaissent pas la joie de la collaboration avec le maître de la moisson. PJ 352 1 Rien n'offense davantage notre Père qu'un esprit étroit et égoïste. Dieu ne peut se servir de ceux qui sont animés de tels sentiments, car ils sont insensibles à l'action du Saint-Esprit. PJ 352 2 Les Juifs avaient été les premiers appelés à entrer dans la vigne du Seigneur; ils en conçurent de l'orgueil et devinrent des propres justes. Ils considérèrent leurs longues années de service comme leur donnant le droit de recevoir une plus grande récompense que les autres. Ils s'exaspéraient pardessus tout lorsqu'on leur laissait entendre que les Gentils seraient l'objet de privilèges spirituels semblables aux leurs. PJ 352 3 Le Christ avertit les disciples, qui avaient été les premiers appelés à le suivre, de crainte qu'ils ne tombent dans le même travers. Il vit qu'un esprit de propre justice serait une cause de faiblesse et de malédiction pour son Eglise. Les hommes se jugeraient capables de faire quelque chose pour mériter une place dans le royaume des cieux. Ils s'imagineraient qu'au moment où ils auraient réalisé certains progrès, le Seigneur leur viendrait en aide. Ainsi, ils s'occuperaient beaucoup plus d'eux-mêmes que de Jésus. Plusieurs de ceux qui avaient fait quelques progrès allaient être enflés d'orgueil et se croire supérieurs aux autres. Ils en recevraient avec empressement les adulations, et veilleraient jalousement à occuper une place très importante dans l'estime de leurs semblables. C'est contre ce danger que le Seigneur mit en garde ses disciples. PJ 352 4 Se vanter de ses mérites personnels est un acte déplacé. "Que le sage ne se glorifie pas de sa sagesse, que le fort ne se glorifie pas de sa force, que le riche ne se glorifie pas de sa richesse. Mais que celui qui veut se glorifier se glorifie d'avoir de l'intelligence et de me connaître, de savoir que je suis l'Eternel qui exerce la bonté, le droit et la justice sur la terre; car c'est à cela que je prends plaisir, dit l'Eternel."26 PJ 352 5 La récompense n'est pas donnée à cause des oeuvres, de crainte que quelqu'un ne s'en prévale, mais par pure grâce: "Que dirons-nous donc qu'Abraham, notre père, a obtenu selon la chair? Si Abraham a été justifié par les oeuvres, il a sujet de se glorifier, mais non devant Dieu. Car que dit l'Ecriture? Abraham crut à Dieu, et cela lui fut imputé à justice. Or, à celui qui fait une oeuvre, le salaire est imputé, non comme une grâce, mais comme une chose due; et à celui qui ne fait point d'oeuvre, mais qui croit en celui qui justifie l'impie, sa foi lui est imputée à justice."27 Nul n'a donc sujet de se glorifier ou de se plaindre en se comparant aux autres. Aucun n'est privilégié aux dépens de ses semblables, et personne ne peut faire valoir des droits à la récompense. PJ 353 1 Le premier et le dernier doivent avoir part à la vie éternelle, et il conviendrait que le premier accueille joyeusement le dernier. Celui qui murmure à propos de la rétribution accordée à un autre oublie qu'il n'est lui-même sauvé que par grâce. La parabole des ouvriers condamne tout esprit de jalousie et de suspicion. L'amour se réjouit de la vérité et ne fait pas de comparaison dictée par l'envie. Celui qui possède l'amour ne compare que la beauté du Christ avec les défauts de son propre caractère. PJ 353 2 Cette parabole est un avertissement pour tous les ouvriers du Seigneur. Quelles que soient l'ancienneté de leurs services et l'importance de leurs labeurs, sans amour pour leurs frères et sans humilité devant Dieu, ils ne sont rien. Il n'y a pas de religion dans la glorification du moi. Celui qui s'exalte lui-même se trouvera privé de la grâce qui assure son efficacité au service du Christ. Celui qui se laisse aller à l'orgueil ou à la présomption n'accomplira qu'un travail défectueux. PJ 353 3 Ce n'est pas le temps que nous pouvons consacrer à la tâche qui nous rend agréables à Dieu, mais notre empressement à le servir et notre fidélité. Notre vie doit se caractériser par l'abnégation. Le moindre effort, fait en toute sincérité et avec désintéressement, plaît beaucoup plus au Seigneur que de grands exploits entachés d'égoïsme. Dieu nous sonde pour voir si l'esprit du Christ habite en nous, et il note jusqu'à quel point nos actes reflètent son image. A ses yeux, notre amour et notre fidélité dans la tâche comptent plus que la somme de travail accompli. PJ 354 1 Le Christ ne sera l'hôte de notre âme et Dieu ne nous reconnaîtra pour ses ouvriers qu'à partir du moment où notre égoïsme sera vaincu, où nous cesserons de lutter pour la suprématie, où notre coeur sera rempli de reconnaissance et où l'amour parfumera notre vie. PJ 354 2 Si pénible que soit la tâche, les véritables ouvriers ne la considèrent pas comme une corvée. Ils sont prêts à dépenser et à se dépenser sans compter, aimant leur travail et s'y livrant d'un coeur joyeux. Jésus-Christ exprime parfaitement cette joie quand il dit: "Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé, et d'accomplir son oeuvre."28 Il s'agit de coopérer avec le Seigneur de gloire. Cette pensée adoucit les tâches; elle fortifie la volonté et affermit l'esprit pour tout ce qui peut survenir. En collaborant avec abnégation, en s'ennoblissant par la participation aux souffrances du Christ, en partageant sa compassion, on contribue à augmenter sa joie et à faire rejaillir gloire et honneur sur son saint nom. PJ 354 3 Tel est l'esprit du véritable service. Faute d'en être animés, beaucoup de ceux qui nous paraissent les premiers seront les derniers, tandis que ceux qui le possèdent, même s'ils sont jugés les derniers, deviendront les premiers. PJ 354 4 Plusieurs se sont donnés au Christ et ne trouvent néanmoins aucune occasion de faire pour lui de grandes choses ou des sacrifices importants. Qu'ils se consolent à l'idée que ce n'est pas nécessairement le sort du martyr qui est le plus agréable à Dieu. Il se peut que ce ne soit pas le missionnaire affrontant tous les jours le danger et la mort qui occupe la première place dans les livres du ciel. Celui qui est réellement chrétien dans sa vie privée, dans ses luttes quotidiennes contre le moi, et qui l'exprime par la sincérité et la pureté de ses pensées, par sa douceur sous la provocation, par sa foi, sa piétié et sa fidélité dans les petites choses, celui qui, dans son foyer, reflète le caractère du Christ, celui-là peut être plus précieux aux yeux de Dieu que le missionnaire ou le martyr mondialement célèbres. PJ 355 1 Oh! combien les barèmes humains diffèrent de celui que le Seigneur emploie pour mesurer le caractère! Dieu voit les nombreuses tentations auxquelles on a résisté, alors que le monde et même les amis intimes les ignorent -- tentations surgies dans le cercle familial ou dans les profondeurs du coeur. Il voit l'humilité de l'âme qui ressent sa propre faiblesse, et la repentance profonde qu'elle éprouve au sujet d'une seule mauvaise pensée. Il voit la consécration sans réserve apportée à son service. Il a tenu un compte précis des combats victorieux livrés contre le moi. Dieu et les anges connaissent tout cela. Un livre de souvenir est écrit devant l'Eternel en faveur de ceux qui le craignent et bénissent son nom. PJ 355 2 Ce n'est ni dans la science, ni dans la condition sociale, ni dans le nombre et la qualité de nos talents, ni dans la volonté de l'homme qu'il faut aller chercher le secret du succès. Conscients de notre faiblesse, nous avons à contempler le Christ, qui est à l'origine de toute force et de toute pensée; en nous soumettant à lui, nous remporterons victoire sur victoire. PJ 355 3 Si court et si effacé que soit notre service, si nous suivons Jésus avec foi, nous ne serons pas frustrés de la récompense. Les plus humbles et les plus faibles peuvent recevoir ce que les plus grands et les plus sages ne sauraient gagner. Les portes d'or du ciel ne s'ouvriront jamais devant les orgueilleux, ni devant les hautains, mais elles céderont à la timide poussée du petit enfant. Magnifique sera la récompense de la grâce réservée à ceux qui auront travaillé pour Dieu dans la simplicité de la foi et de l'amour! ------------------------Chapitre 29 -- À la rencontre de l'Époux PJ 357 1 Le Christ est assis avec ses disciples sur le mont des Oliviers. Le soleil a disparu à l'horizon par-delà les collines, et le ciel a pris ses teintes du soir. On aperçoit très distinctement une maison brillamment illuminée, comme pour quelque festivité. De toutes les fenêtres jaillissent des flots de lumière. La foule, groupée aux alentours, indique qu'un cortège nuptial va bientôt apparaître. Dans plusieurs contrées de l'Orient, les cérémonies de mariage se célèbrent le soir. L'époux va à la rencontre de l'épouse pour la conduire chez lui, et c'est à la lueur des flambeaux que la procession se dirige de la demeure de la jeune femme vers celle du mari, où un banquet a été préparé en l'honneur des invités. PJ 357 2 Dans la scène que contemple Jésus, des personnes rassemblées attendent l'arrivée du cortège avec l'intention de s'y joindre. PJ 357 3 Tout près de la maison de la fiancée se tiennent dix jeunes filles en robes blanches. Chacune est munie d'une lampe allumée et d'un petit vase à huile. Elles attendent avec impatience l'arrivée de l'époux. Mais celui-ci tarde à venir. Après quelques heures, elles se lassent et s'endorment. A minuit, le cri se fait entendre: "Voici l'époux, allez à sa rencontre!"1 Réveillées en sursaut, les jeunes filles se lèvent précipitamment et voient le cortège nuptial s'approcher, illuminé par des torches et égayé par les accents de la musique. Puis elles discernent les voix de l'épouse et de l'époux. Les dix vierges prennent leurs lampes, les mouchent et se hâtent de rejoindre le cortège. Mais cinq d'entre elles ont oublié de remplir leur petit vase à huile. N'ayant pas prévu un si long retard, elles n'ont rien fait pour parer aux désagréments d'une pareille éventualité. Dans leur détresse, elles font appel à leurs compagnes plus avisées: "Donnez-nous de votre huile, car nos lampes s'éteignent.1 Mais celles-ci ont déjà vidé dans les leurs toute leur réserve d'huile. "Non, répondent-elles, il n'y en aurait pas assez pour nous et pour vous; allez plutôt chez ceux qui en vendent, et achetezen pour vous.1 PJ 358 1 Pendant qu'elles vont en acheter, le cortège passe. Les cinq jeunes filles aux lampes allumées se joignent à la foule et entrent dans la maison avec la suite nuptiale, puis la porte est fermée. Quand les vierges imprévoyantes arrivent à la salle du festin, elles reçoivent un accueil inattendu. L'ordonnateur de la fête leur répond: "Je ne vous connais pas."1 Elles sont contraintes de rester dehors, dans la rue déserte et sombre. PJ 358 2 Tandis qu'il observait les gens qui attendaient l'époux, Jésus raconta à ses disciples l'histoire des dix vierges, illustrant l'expérience de l'Eglise au temps de sa seconde venue. PJ 358 3 Les deux catégories de jeunes filles correspondent aux deux classes de personnes qui disent croire au retour du Seigneur. Toutes sont appelées des "vierges", à cause de la pureté de leur profession de foi. Leurs lampes représentent la parole de Dieu. "Ta parole est une lampe à mes pieds, et une lumière sur mon sentier",2 déclare le psalmiste. L'huile est un symbole du Saint-Esprit, figuré ainsi dans la prophétie de Zacharie: "Puis l'ange qui conversait avec moi revint: il me réveilla, comme un homme qu'on réveillerait de son sommeil. Et il me dit: 'Que vois-tu?' Je répondis: Je vois un chandelier tout en or, surmonté d'un réservoir et portant sept lampes, avec sept conduits pour les sept lampes qui sont au sommet du chandelier. Il y a près de lui deux oliviers, l'un à droite du réservoir, l'autre à gauche. PJ 359 1 "Je repris la parole, et je dis à l'ange qui conversait avec moi: Que signifie tout cela, mon seigneur? ... Alors il reprit: Voici la parole que l'Eternel adresse à Zorobabel: Ce n'est point par la puissance ou la force, mais c'est par mon Esprit que s'accomplira cette oeuvre, a dit l'Eternel des armées. ... PJ 359 2 "Je repris encore la parole, et je dis: Que signifient ces deux oliviers, à droite et à gauche du chandelier? Je répétai une seconde fois: Que signifient ces deux branches d'oliviers, qui sont à côté des deux conduits en or, d'où découle le liquide doré? L'ange me répondit: Ne sais-tu pas ce qu'ils signifient? Je répliquai: Non, mon seigneur. Alors il dit: Ce sont les deux hommes qui ont reçu l'onction de l'Eternel, et qui se tiennent près du Seigneur de toute la terre."3 PJ 359 3 Des deux oliviers, l'huile était déversée dans les conduits en or jusqu'au chandelier lui-même, et de là dans les lampes qui éclairaient le sanctuaire. C'est ainsi que par le canal des êtres saints qui se tiennent autour du trône de Dieu, l'Esprit est communiqué à tous ceux qui se consacrent à son service. La mission des deux oints est de transmettre au peuple de Dieu la grâce qui, seule, peut faire de sa parole une lampe à nos pieds et une lumière sur notre sentier. "Ce n'est point par la puissance ou par la force, mais c'est par mon Esprit que s'accomplira cette oeuvre, a dit l'Eternel des armées." PJ 359 4 Dans la parabole, les dix jeunes filles allèrent à la rencontre de l'époux. Elles avaient toutes des lampes et des vases à huile. Pendant un certain temps, on ne faisait aucune différence entre elles. Ainsi en est-il de l'Eglise à la veille de la seconde venue du Christ. Tous les chrétiens ont la connaissance des saintes Ecritures, tous ont entendu parler de la proximité de la venue du Seigneur et attendent avec confiance son apparition. Mais ce qui s'est produit dans la parabole arrive aussi maintenant. Un délai survient et met à l'épreuve la foi de chacun. Quand retentit le cri: "Voici l'époux, allez à sa rencontre", beaucoup ne sont pas prêts. Ils n'ont plus d'huile dans leurs vases pour alimenter leurs lampes. Ils sont dépourvus du Saint-Esprit. PJ 360 1 Sans l'Esprit de Dieu, toute connaissance de sa parole est vaine. La théorie de la vérité ne peut vivifier l'âme et sanctifier le coeur si elle ne s'accompagne pas de son influence. Nous pouvons connaître les commandements de Dieu et les promesses de la Bible: si le Saint-Esprit ne fait pas pénétrer la vérité au fond de notre coeur, notre caractère ne sera pas changé. Sans son illumination, il est impossible de distinguer la vérité de l'erreur, et l'on succombe inévitablement aux habiles tentations de Satan. PJ 360 2 Les personnes figurées par les vierges folles ne sont pas des hypocrites. Elles respectent la vérité, elles ont soutenu ses droits; elles aiment la compagnie des croyants, mais elles ne se sont pas abandonnées à l'action de l'Esprit. Elles n'ont pas brisé leur nature sur le Rocher, c'est-à-dire Jésus-Christ. Elles sont également représentées par le terrain pierreux. Elles reçoivent avec empressement la parole de Dieu, mais sans en assimiler les principes, si bien que son influence n'est pas durable. L'Esprit n'agit sur le coeur de l'homme, pour le faire naître à une vie nouvelle, que dans la mesure où il le désire. Mais ceux que symbolisent les vierges folles se sont contentés d'une expérience superficielle, et n'ont pas connu Dieu véritablement. Ils ne se sont pas appliqués à sonder son caractère, ils n'ont pas entretenu de communion avec le Seigneur; voilà pourquoi ils ne savent comment faire pour croire et pour vivre leur foi. Leur culte n'est plus qu'un tissu de rites formalistes: "Ils se rendent en foule auprès de toi, et mon peuple s'assied devant toi; ils écoutent tes paroles, mais ils ne les mettent point en pratique, car leur bouche en fait un sujet de moquerie, et leur coeur se livre à la cupidité."4 L'apôtre Paul précise quels seront les traits dominants de ceux qui vivront immédiatement avant la seconde venue de Jésus-Christ. "Dans les derniers jours, dit-il, il y aura des temps difficiles. Car les hommes seront égoïstes, ... aimant le plaisir plus que Dieu, ayant l'apparence de la piété, mais reniant ce qui en fait la force."5 PJ 361 1 Ce sont ceux qui, en ce temps de crise, diront: "Paix et sûreté!", se laissant bercer par une fausse sécurité, oublieux du danger qui les guette. Réveillés de leur léthargie spirituelle, ils verront l'étendue de leur misère et demanderont aide à leurs frères. Mais dans le domaine de la foi, nul ne peut combler les déficiences des autres. La grâce de Dieu a été librement offerte à chaque homme. Le message évangélique a été proclamé: "Que celui qui a soif vienne; que celui qui veut prenne de l'eau de la vie, gratuitement."6 Le caractère ne se transmet pas. Personne ne peut avoir la foi pour un autre, ni recevoir l'Esprit pour un autre. Comme le caractère est le résultat de l'action de l'Esprit, il est incommunicable. S'il y avait dans le pays "Noé, Daniel et Job, je suis vivant! dit le Seigneur, l'Eternel, ils ne sauveraient ni fils ni filles, mais ils sauveraient leur âme par leur justice.7 PJ 361 2 Le caractère se révèle dans les heures cruciales. Quand, à minuit, le cri se fit entendre: "Voici l'époux, allez à sa rencontre", et que les vierges furent tirées de leur sommeil, on vit alors lesquelles s'étaient préparées. Toutes furent prises à l'improviste; mais les unes étaient en mesure de faire face à toute éventualité, tandis que les autres n'avaient rien prévu. Aujourd'hui également, une catastrophe soudaine et inattendue, mettant l'âme face à face avec la mort, montrera si notre foi dans les promesses divines est réelle ou non, si notre âme est soutenue ou non par l'Esprit de Dieu. Le grand test aura lieu à la fin du temps de grâce, au moment où il sera trop tard pour se préparer et subvenir à ses besoins spirituels. PJ 361 3 Les dix vierges veillent au crépuscule de l'histoire de ce monde. Toutes se disent chrétiennes; toutes ont reçu un appel, un nom, une lampe, et toutes prétendent être au service du Seigneur. Chacune semble attendre l'apparition du Christ, mais cinq ne sont pas prêtes, cinq seront surprises et désolées quand elles se trouveront exclues de la salle des noces. PJ 362 1 Au dernier jour, beaucoup revendiqueront leur admission dans le royaume de Jésus-Christ: "Nous avons mangé et bu devant toi, et tu as enseigné dans nos rues." "Seigneur, Seigneur, n'avons-nous pas prophétisé par ton nom? n'avons-nous pas chassé des démons par ton nom? et n'avons-nous pas fait beaucoup de miracles par ton nom?" Mais voici la réponse qu'ils entendront: "Je vous le dis, je ne sais d'où vous êtes; retirez-vous de moi."8 Ici-bas, ils n'ont pas goûté la communion avec le Christ, c'est pourquoi ils ne connaissent pas le langage du ciel et sont privés de ses joies. "Lequel des hommes, en effet, connaît les choses de l'homme, si ce n'est l'esprit de l'homme qui est en lui? De même, personne ne connaît les choses de Dieu, si ce n'est l'Esprit de Dieu.9 PJ 362 2 Les paroles les plus terribles que des oreilles humaines puissent entendre se trouvent contenues dans cette sentence: "Je ne vous connais pas!" La communion de l'Esprit, dont vous avez fait peu de cas, aurait été la seule préparation possible en vue de la compagnie des heureux convives qui assistent au banquet des noces. Vous ne pouvez participer à cette scène. Sa lumière frapperait des yeux aveugles, et sa musique des oreilles fermées. L'amour et le bonheur qui s'y expriment n'éveilleraient aucun accord joyeux dans un coeur engourdi par le monde. Vous vous êtes ainsi exclus du ciel par votre inaptitude à jouir de la compagnie des êtres saints. PJ 362 3 Le réveil occasionné par le cri: "Voici l'Epoux!" ne suffira pas pour nous préparer à rencontrer le Seigneur. Il sera trop tard, à ce moment-là, pour aller remplir nos lampes vides. Il est impossible d'éloigner le Christ de sa vie présente et d'être prêt à jouir de sa compagnie dans le ciel. PJ 363 1 Notons que dans la parabole les vierges sages avaient de l'huile dans leurs vases, outre celle qui se trouvait dans leurs lampes. Ces lampes purent brûler sans que la flamme baisse pendant toute cette nuit de veille. Elles contribuèrent à augmenter l'éclat de l'illumination en l'honneur de l'époux et éclairèrent la route qui conduisait à sa maison. PJ 363 2 C'est ainsi que les disciples de Jésus-Christ doivent briller dans les ténèbres du monde. Grâce au Saint-Esprit, la parole de Dieu est une lumière quand elle devient une puissance transformatrice dans la vie de celui qui la reçoit. En implantant dans nos coeurs les principes de cette parole, l'Esprit développe en nous le caractère du Seigneur et fait alors rayonner sa gloire dans la vie de ses disciples. C'est ainsi qu'il leur faut glorifier Dieu, et briller sur le chemin qui conduit à la demeure de l'Epoux, à la cité de Dieu, au banquet des noces de l'Agneau. PJ 363 3 L'arrivée de l'époux eut lieu à minuit -- l'heure la plus sombre. De même, le retour du Christ se produira dans la période la plus critique de l'histoire de notre planète. Le temps de Noé et de Lot illustre bien la situation du monde avant l'apparition du Fils de l'homme. Les Ecritures nous disent à ce sujet que Satan opérera puissamment "avec toutes les séductions de l'iniquité".10 Son action se manifeste par les ténèbres de plus en plus épaisses, par les erreurs, les hérésies et les tromperies sans nombre en ces derniers jours. Non seulement le diable entraîne le monde dans ses pièges, mais ses séductions corrompent même les églises qui se déclarent chrétiennes. La grande apostasie engendrera des ténèbres aussi épaisses que celles de minuit, aussi impénétrables qu'un sac de crin. Ce sera une nuit d'épreuves pour le peuple de Dieu, une nuit de larmes et de persécutions pour ceux qui s'attachent à la vérité. Néanmoins, la lumière divine aura raison de ces ténèbres. PJ 363 4 Le Seigneur a dit: "La lumière brillera du sein des ténèbres!"11 Quand "la terre était informe et vide", quand "il y avait des ténèbres à la surface de l'abîme", "l'esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux. Dieu dit: Que la lumière soit! Et la lumière fut."12 De même, dans cette nuit de ténèbres spirituelles, la parole de Dieu s'exprime ainsi: "Que la lumière soit!" Et l'Eglise reçoit cet ordre: "Lèvetoi, sois éclairée, car ta lumière arrive, et la gloire de l'Eternel se lève sur toi.13 PJ 364 1 "Voici, disent les Ecritures, les ténèbres couvrent la terre, et l'obscurité les peuples; mais sur toi l'Eternel se lève, sur toi sa gloire apparaît."13 PJ 364 2 Les ténèbres de la méconnaissance de Dieu enveloppent la terre. Les hommes ont oublié son caractère. On l'a mal compris et faussement interprété. Il faut qu'un message venant du Seigneur soit proclamé à notre époque, message lumineux par son influence et salutaire par sa puissance. Nous avons à révéler au monde le caractère de Dieu. L'éclat de sa gloire, de sa bonté, de sa miséricorde et de sa vérité doit se répandre au milieu des ténèbres. PJ 364 3 Telle est l'oeuvre annoncée par le prophète Esaïe en ces termes: "Monte sur une haute montagne, Sion, pour publier la bonne nouvelle; élève avec force ta voix, Jérusalem, pour publier la bonne nouvelle; élève ta voix, ne crains point, dis aux villes de Juda: Voici votre Dieu! Voici, le Seigneur, l'Eternel vient avec puissance, et de son bras il commande; voici, le salaire est avec lui, et les rétributions le précèdent."14 PJ 364 4 Ceux qui attendent l'arrivée de l'Epoux doivent dire au monde: "Voici votre Dieu!" Les derniers rayons de la lumière de la grâce, le dernier message de miséricorde qu'il faut porter à l'humanité, c'est une révélation de son amour. Les enfants de Dieu sont appelés à manifester sa gloire. Dans leur vie et leur caractère, ils ont à témoigner de ce que la grâce de Dieu a fait pour eux. PJ 364 5 La lumière du Soleil de justice doit produire des paroles de vérité et des oeuvres de sainteté. PJ 365 1 Le Christ, reflet de la gloire du Père, est venu ici-bas pour être la lumière du monde et le représentant de Dieu devant les hommes. Aussi est-il écrit de lui qu'il a été "oint du Saint-Esprit et de force" et "qu'il allait de lieu en lieu faisant du bien."15 Lui-même a déclaré, dans la synagogue de Nazareth: "L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a oint pour annoncer une bonne nouvelle aux pauvres; il m'a envoyé pour guérir ceux qui ont le coeur brisé, pour proclamer aux captifs la délivrance, et aux aveugles le recouvrement de la vue, pour renvoyer libres les opprimés, pour publier une année de grâce du Seigneur.16 C'est le mandat qu'il a confié à ses disciples. C'est à eux qu'il a dit: "Vous êtes la lumière du monde. ... Que votre lumière luise ainsi devant les hommes, afin qu'ils voient vos bonnes oeuvres, et qu'ils glorifient votre Père qui est dans les cieux.17 PJ 365 2 Le prophète Esaïe décrit aussi cette oeuvre en ces termes: "Partage ton pain avec celui qui a faim, et fais entrer dans ta maison les malheureux sans asile; si tu vois un homme nu, couvre-le, et ne te détourne pas de ton semblable. Alors ta lumière poindra comme l'aurore, et ta guérison germera promptement; ta justice marchera devant toi, et la gloire de l'Eternel t'accompagnera."18 PJ 365 3 Ainsi, dans l'obscurité spirituelle, la gloire de Dieu brillera par l'intermédiaire de son Eglise pour relever l'opprimé et consoler l'affligé. PJ 365 4 Que d'âmes en détresse autour de nous! Notre tâche est de leur venir en aide et de les soulager dans leurs souffrances et leurs misères. PJ 365 5 La pratique de la bienfaisance sera beaucoup plus efficace que tous les sermons du monde. Nous devons donner du pain à l'affamé, des habits à celui qui est nu, un abri à celui qui est sans asile. Et nous sommes appelés à faire plus encore. Seul l'amour de Jésus peut subvenir aux besoins de l'âme. Si le Christ demeure en nous, nos coeurs déborderont d'une divine sympathie, et les sources d'un amour fervent comme le sien seront ouvertes. PJ 366 1 Dieu ne demande pas seulement nos dons en faveur des malheureux, mais il réclame de nous un visage affable, des paroles d'encouragement, de chaudes poignées de main. Quand Jésus guérissait les malades, il leur imposait les mains. Il faut entrer en rapport intime avec les personnes auxquelles on désire faire du bien. PJ 366 2 Nombreux sont ceux qui vivent sans espérance; apportez-leur quelques rayons de soleil. Beaucoup ont perdu courage; adressez-leur des paroles de réconfort et priez pour eux. Il en est qui ont besoin du pain de vie; lisez-leur la parole de Dieu. Plusieurs sont affligés d'une maladie de l'âme qu'aucun baume ni aucun médecin ne peuvent guérir. Intercédez en leur faveur et amenez-les à Jésus, en leur disant qu'il y a du baume en Galaad et un Médecin puissant. PJ 366 3 La lumière est une bénédiction, une bénédiction universelle qui répand ses trésors sur un monde ingrat, impie et privé de sens moral. Il en est de même de la lumière du Soleil de justice. La terre entière, perdue dans les ténèbres du péché et de la souffrance, doit connaître l'amour du Père. L'éclat qui jaillit du trône de Dieu est destiné à tous les hommes, sans distinction de secte, de rang ou de classe. PJ 366 4 Il faut porter jusqu'aux confins du monde le message d'espérance et de miséricorde. Tous ceux qui le veulent ont la faculté de s'emparer de la puissance divine et de faire la paix avec le Seigneur. Les païens ne doivent pas rester enveloppés plus longtemps dans l'obscurité de minuit, qui se dissipera devant les lumineux rayons du Soleil de justice. La puissance de l'enfer a été vaincue. PJ 366 5 Mais nul ne saurait donner ce qu'il n'a pas reçu. Dans l'oeuvre de Dieu, l'humanité ne peut rien faire d'elle-même. Il est impossible d'y devenir un porte-flambeau par ses propres efforts. Amenée par les messagers célestes dans les conduits d'or, l'huile qui coulait dans les réservoirs du chandelier permettait à celui-ci de donner une lumière toujours égale. Ainsi l'amour divin, communiqué à l'homme sans interruption, le rend capable de transmettre la lumière autour de lui. C'est dans les coeurs unis à Dieu par la foi que l'huile sainte se déverse continuellement pour produire de bonnes oeuvres et un service sincère et véritable. PJ 367 1 Le don inestimable du Saint-Esprit renferme toutes les ressources du ciel. Ce n'est pas à cause d'une quelconque restriction de la part de Dieu que les richesses de sa grâce ne se répandent pas abondamment sur les hommes. Tous seraient remplis du Saint-Esprit s'ils étaient disposés à le recevoir. PJ 367 2 Chaque âme a le privilège de devenir un instrument par lequel Dieu transmet au monde les trésors de sa grâce, les richesses insondables du Christ. Jésus désire par-dessus tout des serviteurs qui révèlent son caractère et soient imprégnés de son Esprit. L'amour du Sauveur manifesté par des êtres humains, voilà le plus grand besoin de l'humanité. Le ciel entier attend notre collaboration pour répandre l'huile sainte qui sera un sujet de joie et de bénédiction parmi les hommes. PJ 367 3 Jésus a tout préparé pour que son Eglise soit transformée à son image, illuminée par celui qui est la Lumière du monde, et qu'elle reflète la gloire d'Emmanuel. Il désire que chaque fidèle soit entouré d'une atmosphère de paix rayonnante. Il veut que notre vie devienne la manifestation de sa propre joie. Celui en qui réside l'Esprit se distinguera par un courant d'amour céleste. La plénitude divine sera communiquée au monde par le canal d'hommes consacrés. PJ 367 4 Le Soleil de justice porte la guérison sous ses ailes.19 Tout chrétien véritable aura donc pour mission de vivifier, d'encourager, d'assister et de guérir en profondeur. PJ 367 5 La religion de Jésus-Christ comporte plus que le pardon des péchés; elle exige leur abandon pour laisser la place libre aux grâces de l'Esprit. Elle suppose aussi la connaissance et la joie divines, un coeur dépouillé du moi et rempli de la présence du Sauveur. L'âme dans laquelle le Christ habite est pure, libre de tout péché. En elle se réalise le plan de l'Evangile dans toute sa gloire, toute sa plénitude et sa divine perfection. L'acceptation du salut en Jésus-Christ fait rayonner de paix, d'amour et de confiance véritables. Une vie pénétrée de la beauté et du parfum de son caractère prouve que Dieu a vraiment envoyé son Fils dans le monde pour en être le Sauveur. PJ 368 1 Le Christ n'a pas ordonné à ses disciples de s'efforcer de briller, mais il leur dit: "Que votre lumière luise."20 Si vous avez reçu la grâce de Dieu, la lumière est en vous. Ecartez les obstacles, et sa gloire éclatera pour dissiper les ténèbres. Rien ne saurait empêcher votre rayonnement de s'exercer autour de vous. PJ 368 2 La révélation de sa gloire par l'intermédiaire de l'humanité amènera le ciel si près de nous que les beautés du temple intérieur seront visibles en tous ceux chez qui le Sauveur est entré. Les hommes seront captivés par la lumière émanant d'un chrétien en qui demeure le Christ. Des louanges et des actions de grâces monteront vers Dieu de la part de tous ceux qui auront ainsi été gagnés au Sauveur, et le grand Donateur en sera glorifié. PJ 368 3 "Lève-toi, sois éclairée, car ta lumière arrive, et la gloire de l'Eternel se lève sur toi."21 Ce message est adressé à ceux qui vont à la rencontre de l'Epoux. Le Christ vient avec puissance et une grande gloire, celle qui lui est propre et celle de son Père. Il est accompagné de tous les saints anges. Le monde entier se trouvera plongé dans l'obscurité totale, mais la demeure des saints sera illuminée de sa gloire. Ils distingueront les premiers rayons de lumière de sa seconde apparition. Sa splendeur projettera un éclat parfait, et ceux qui auront servi Jésus admireront en lui leur Rédempteur. Tandis que les méchants fuiront loin de sa face, les fidèles seront dans l'allégresse. Le patriarche Job, contemplant en vision le temps du second avènement du Christ, déclarait: "Je le verrai, et il me sera favorable; mes yeux le verront, et non ceux d'un autre."22 Le Sauveur a été pour ses disciples un compagnon de chaque jour et un ami intime, parce qu'ils ont vécu en étroite communion avec le Père. Sur eux s'est levée la gloire de l'Eternel. Ils ont reflété la lumière de la connaissance de Dieu que le Christ leur a donnée. Maintenant, ils se réjouissent dans la splendeur éblouissante de la Majesté du ciel. Ils sont prêts à entrer dans la communion des êtres célestes, car ils ont déjà le ciel dans leurs coeurs. PJ 369 1 La tête levée, éclairés par les rayons éclatants du Soleil de justice, heureux à la pensée que l'heure de la rédemption a sonné, ils vont à la rencontre de l'Epoux en disant: "Voici, c'est notre Dieu en qui nous avons confiance, et c'est lui qui nous sauve."23 PJ 369 2 "J'entendis comme une voix d'une foule nombreuse, comme un bruit de grosses eaux, et comme un bruit de forts tonnerres, disant: Alléluia! Car le Seigneur notre Dieu tout-puissant est entré dans son règne. Réjouissons-nous et soyons dans l'allégresse, et donnons-lui gloire; car les noces de l'agneau sont venues, et son épouse s'est préparée. ... Et l'ange me dit: Ecris: Heureux ceux qui sont appelés au festin de noces de l'agneau!" "Il est le Seigneur des seigneurs et le Roi des rois, et les appelés, les élus et les fidèles... sont avec lui."24 ------------------------Patriarches et Prophètes PP 7 1 Préface PP 9 1 Chapitre 1 -- L’origine du mal PP 21 1 Chapitre 2 -- La création PP 29 1 Chapitre 3 -- La tentation et la chute PP 41 1 Chapitre 4 -- Le plan de la rédemption PP 49 1 Chapitre 5 -- Caïn et Abel PP 57 1 Chapitre 6 -- Seth et Hénoc PP 67 1 Chapitre 7 -- Le déluge PP 81 1 Chapitre 8 -- Après le déluge PP 87 1 Chapitre 9 -- La semaine primitive PP 95 1 Chapitre 10 -- La tour de Babel PP 103 1 Chapitre 11 -- L’appel d’Abraham PP 111 1 Chapitre 12 -- Abraham en Canaan PP 125 1 Chapitre 13 -- Le sacrifice d’Isaac PP 135 1 Chapitre 14 -- La destruction de Sodome PP 149 1 Chapitre 15 -- Le mariage d’Isaac PP 157 1 Chapitre 16 -- Jacob et Esaü PP 163 1 Chapitre 17 -- L’exil de Jacob PP 173 1 Chapitre 18 -- La lutte nocturne PP 181 1 Chapitre 19 -- Le retour de Jacob en Canaan PP 191 1 Chapitre 20 -- Joseph en Egypte PP 201 1 Chapitre 21 -- Joseph et ses frères PP 219 1 Chapitre 22 -- Moïse PP 233 1 Chapitre 23 -- Les plaies d’Egypte PP 247 1 Chapitre 24 -- La Pâque PP 253 1 Chapitre 25 -- L’exode PP 263 1 Chapitre 26 -- De la mer Rouge au Sinaï PP 275 1 Chapitre 27 -- La loi proclamée au Sinaï PP 289 1 Chapitre 28 -- L’idolâtrie au Sinaï PP 305 1 Chapitre 29 -- Satan et la loi de Dieu PP 317 1 Chapitre 30 -- Le sanctuaire et son rituel PP 333 1 Chapitre 31 -- Nadab et Abihu PP 339 1 Chapitre 32 -- La loi et les alliances PP 351 1 Chapitre 33 -- Du Sinaï à Kadès PP 365 1 Chapitre 34 -- Les douze espions PP 373 1 Chapitre 35 -- La révolte de Coré PP 385 1 Chapitre 36 -- Israël au désert PP 391 1 Chapitre 37 -- Le rocher symbolique -- Moïse à Kadès PP 401 1 Chapitre 38 -- Le contour de I’Idumée PP 413 1 Chapitre 39 -- La conquête de Basan PP 419 1 Chapitre 40 -- Balaam PP 433 1 Chapitre 41 -- L’apostasie au Jourdain PP 443 1 Chapitre 42 -- La loi de Moïse récapitulée PP 451 1 Chapitre 43 -- Mort de Moïse PP 463 1 Chapitre 44 -- Le passage du Jourdain PP 469 1 Chapitre 45 -- La prise de Jéricho PP 481 1 Chapitre 46 -- L’assemblée de Sichem PP 487 1 Chapitre 47 -- L’alliance avec les Gabaonites PP 493 1 Chapitre 48 -- Le partage de Canaan PP 505 1 Chapitre 49 -- Dernières paroles de Josué PP 511 1 Chapitre 50 -- Les dîmes et les offrandes PP 517 1 Chapitre 51 -- Le soin des pauvres PP 525 1 Chapitre 52 -- Les fêtes annuelles PP 531 1 Chapitre 53 -- Les premiers juges PP 547 1 Chapitre 54 -- Samson PP 557 1 Chapitre 55 -- Samuel enfant PP 563 1 Chapitre 56 -- Héli et ses fils PP 569 1 Chapitre 57 -- L’arche chez les Philistins PP 581 1 Chapitre 58 -- Les écoles de prophètes PP 591 1 Chapitre 59 -- Le premier roi d’Israël PP 605 1 Chapitre 60 -- La présomption de Saül PP 613 1 Chapitre 61 -- Saül rejeté par Dieu PP 623 1 Chapitre 62 -- L’onction de David PP 627 1 Chapitre 63 -- David et Goliath PP 633 1 Chapitre 64 -- David fugitif PP 643 1 Chapitre 65 -- Magnanimité de David PP 655 1 Chapitre 66 -- Mort de Saül PP 661 1 Chapitre 67 -- Sorcellerie ancienne et moderne PP 669 1 Chapitre 68 -- Un malheur à Tsiklag PP 677 1 Chapitre 69 -- David appelé au trône PP 683 1 Chapitre 70 -- Le règne de David PP 695 1 Chapitre 71 -- Péché et repentir de David PP 705 1 Chapitre 72 -- La révolte d’Absalom PP 723 1 Chapitre 73 -- Dernières années de David ------------------------Préface PP 7 1 Les éditeurs publient cette troisième édition, convaincus que cet ouvrage éclaire un sujet d'une importance suprême et d'un intérêt universel, mais trop peu connu ou trop laissé dans l'ombre. La grande lutte qui se livre entre la vérité et l'erreur, entre la lumière et les ténèbres, entre la puissance de Dieu et les tentatives d'usurpation de l'ennemi de toute justice: tel est le grand spectacle sur lequel il est raisonnable de supposer que l'attention de tous les mondes est concentrée. Que cette lutte, résultat du péché, existe; qu'elle doive passer par différentes phases pour se terminer enfin à la plus grande gloire de Dieu comme à l'honneur et à l'avantage de ses sujets fidèles: voilà les certitudes que la Bible, révélation de Dieu aux hommes, nous apporte. La Parole divine nous révèle les grandes péripéties de cette controverse, où est engagé le salut de tout un monde; or, il est des heures, dans l'histoire de l'humanité, où ces questions revêtent un intérêt poignant, et où il est de toute importance de savoir individuellement ce qu'elles demandent de nous.. PP 7 2 L'heure actuelle en est une: tout, en effet, indique que l'on peut désormais être assuré que cette longue controverse tire à sa fin. Malheureusement, bien des esprits voudraient aujourd'hui reléguer au rang de fable les pages du récit sacré ayant trait aux circonstances qui entraînèrent notre monde dans cette lutte grandiose; d'autres, sans adopter cette opinion extrême, inclinent à envisager ce récit comme suranné, et, partant, le traitent avec indifférence.. PP 7 3 Mais qui n'aimerait remonter à l'origine de ce conflit, contempler la défection première, en observer l'esprit, en noter les résultats, et apprendre à en éviter les conséquences? Tels sont les thèmes qui. remplissent le présent volume. Il fait naître dans l'esprit le plus vif intérêt pour une importante partie de la Parole de Dieu. Il revêt d'une signification nouvelle les promesses et les prophéties du saint Livre; il revendique la justice de Dieu dans ses rapports avec ceux qui rejettent son autorité, il fait éclater la merveilleuse miséricorde que Dieu a montrée à l'homme pécheur, en lui ouvrant la voie du salut. Le lecteur assiste ainsi au développement des desseins de Dieu au sein de l'humanité, jusqu'à l'époque la plus glorieuse de l'histoire du peuple élu.. PP 8 1 Bien que l'auteur aborde les thèmes les plus élevés et décrive des scènes capables d'éveiller les émotions les plus pures et de remuer le coeur humain jusque dans ses profondeurs, il le fait en un langage simple, clair et à la portée de tous les lecteurs.. PP 8 2 Nous recommandons ce livre à ceux qu'attire l'étude du plan divin pour la rédemption de l'humanité, et que préoccupe l'avenir de leur âme. Nous le recommandons aussi à tous les autres, assurés qu'en abordant ce livre sans parti pris, ils seront bientôt charmés par les vérités vivifiantes offertes à leur méditation.. Les Éditeurs. ------------------------Chapitre 1 -- L'origine du mal PP 9 1 "Dieu est amour." Sa nature, ses lois, ses voies, tout en lui est amour. Tel il est, tel il a été, tel il sera. En celui "qui siège sur un trône éternel", qui "habite dans une demeure haute et sainte", "il n'y a aucune variation ni aucune ombre de changement".(1) PP 9 2 Chaque manifestation de sa puissance créatrice est l'expression d'un amour infini. A tous les êtres, la souveraineté de Dieu assure des bienfaits sans bornes. Le Psalmiste nous le dit en ces termes: PP 9 3 Ton bras est armé de puissance,... Ta main droite exerce l'autorité suprême. La justice et le droit sont la base de ton trône; La bonté et la vérité marchent devant ta face. PP 9 4 Heureux le peuple qui connaît les chants de triomphe: Il s'avance à la clarté de ta face, ô Éternel! Il se réjouit en célébrant ton nom chaque jour, Et il se glorifie de ta justice. Car c'est toi qui es la splendeur de notre puissance,... Oui, notre bouclier protecteur Est dans les mains de l'Éternel: Notre roi appartient au saint d'Israël!(2) PP 10 1 L'histoire du grand conflit entre le bien et le mal, depuis le jour où il éclata dans le ciel jusqu'à la répression finale de la révolte et l'extinction totale du péché, n'est qu'une démonstration de l'inaltérable amour de Dieu. PP 10 2 Le Maître de l'univers n'est pas seul dans l'accomplissement de son grand oeuvre. Il y est secondé par un Être capable d'apprécier ses desseins et de partager la joie qu'il trouve dans le bonheur de ses créatures. "Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu. Elle était au commencement avec Dieu."(3) La Parole, c'est-à-dire le Fils unique de Dieu, n'est qu'un avec le Père éternel: un par sa nature, un par son caractère, un dans ses desseins. Il est le seul Être qui puisse entrer dans tous ses conseils et partager toutes ses pensées. "On l'appellera le Conseiller admirable, le Dieu fort, le Père d'éternité, le Prince de la Paix.(4) "Celui dont l'origine remonte aux temps anciens, aux jours éternels.(5) PP 10 3 Il le déclare lui-même: PP 10 4 Moi, la Sagesse,... L'Éternel m'avait auprès de lui quand il commença son oeuvre, Avant même ses créations les plus anciennes. J'ai été formé dès l'éternité, Dès le commencement, dès l'origine de la terre... Quand il posait les fondements de la terre, J'étais auprès de lui, son ouvrière. J'étais ses délices tous les jours, Et sans cesse je me réjouissais en sa présence.(6) PP 10 5 C'est par son Fils que Dieu a créé tous les êtres célestes. "C'est en lui que tout a été créé, ... les trônes, les dominations, les autorités, les puissances: tout a été créé par lui et pour lui."(7) Ministres de Dieu, les anges, tout resplendissants de la lumière de sa présence, s'élancent, d'un vol rapide, pour exécuter ses volontés. Mais celui qui, au-dessus d'eux tous, exerce le commandement suprême, c'est le Fils, c'est l'Oint de l'Éternel, "le rayonnement de sa gloire", "l'empreinte même de sa personne", celui qui soutient "tout de sa parole puissante". C'est "un trône glorieux, exalté de tout temps", que le lieu de son sanctuaire.(8) "Le sceptre de sa royauté est un sceptre d'équité." Il est environné de "splendeur et de majesté, de force et de magnificence". "La bonté et la vérité marchent devant sa face.(9) PP 11 1 A la base du gouvernement de Dieu se trouve une loi juste, une loi d'amour, une loi sublime assurant le bonheur de tous les êtres responsables qui s'inclinent avec joie devant ses injonctions. De ses créatures, Dieu demande une soumission intelligente faite d'amour, de confiance et d'admiration. Ne pouvant accepter de leur part une obéissance forcée, il leur accorde une entière liberté, condition essentielle d'un service volontaire. PP 11 2 Aussi longtemps que régna, dans l'univers de Dieu, cette obéissance, la paix fut parfaite. L'armée céleste mettait ses délices à seconder les plans de son Créateur, à réfléchir sa gloire et à chanter ses louanges. L'amour envers Dieu était suprême; celui des êtres célestes les uns pour les autres était pur et plein d'abandon. Aucune note discordante ne troublait les harmonies célestes. PP 11 3 Mais cet heureux état de choses prit fin. Il y eut un être qui pervertit la liberté accordée par Dieu à ses créatures. Le péché naquit dans le coeur d'un ange auquel, après Jésus-Christ, le Père éternel avait conféré le plus d'honneur et de gloire. PP 11 4 Saint, immaculé, attaché à la personne ineffable du Créateur, Lucifer, le "fils de l'aurore", était à l'origine l'un des deux "chérubins protecteurs" et, comme tel, baigné par les rayons éternels de la gloire divine. "Ainsi parle le Seigneur, l'Éternel: Tu étais le couronnement de l'édifice, plein de sagesse, parfait en beauté. Tu te trouvais dans l'Eden, le jardin de Dieu. Tu étais couvert de pierres précieuses de toutes sortes... Je t'avais oint pour être un chérubin protecteur. Je t'avais établi sur la sainte montagne de Dieu; tu marchais au milieu des pierres aux feux éclatants. Tu fus irréprochable dans ta conduite, depuis le jour où tu fus créé, jusqu'au temps où l'iniquité parvint à pénétrer chez toi."(10) PP 11 5 Imperceptiblement, Lucifer."* se laissa bercer par des pensées ambitieuses. "Ton coeur s'est enorgueilli de ta beauté; et ton opulence t'a fait perdre la sagesse.(10) "Tu disais en ton coeur: Je monterai au ciel, j'élèverai mon trône au-dessus des étoiles de Dieu; ... je serai semblable au Très-Haut.(11) Cet ange puissant, dont toute la gloire venait de Dieu, en vint à la considérer comme lui appartenant en propre. Non content d'occuper une place qui l'élevait au-dessus de toute l'armée des anges, il osa convoiter des hommages qui n'étaient dus qu'au Créateur. Au lieu d'encourager tous les êtres célestes à faire de Dieu l'objet suprême de leur adoration et de leur obéissance, il se mit à attirer sur lui leur affection et leurs loyaux services, allant jusqu'à convoiter les honneurs dont l'Être infini avait investi son Fils comme sa prérogative exclusive. PP 12 1 La parfaite harmonie qui avait régné dans le ciel fut alors rompue. La disposition de Lucifer à servir ses intérêts plutôt que ceux de son Créateur fut notée avec appréhension par les êtres célestes pour qui la gloire de Dieu était suprême. Dans l'assemblée des anges, des voix suppliantes invitèrent leur chef à revenir sur ses pas. Le Fils de Dieu lui représenta la grandeur, la bonté et la justice du Créateur, ainsi que le caractère sacré et inviolable de sa loi. "C'est Dieu lui-même, lui dit-il, qui a établi l'ordre du ciel. En t'insurgeant contre cet ordre, Lucifer, tu déshonores l'auteur de tes jours, et tu vas au-devant de ta ruine." Mais cet avertissement ne fit qu'exciter chez l'ange séditieux un esprit de résistance, et qu'envenimer sa jalousie à l'égard du personnage auguste qui lui parlait avec tant de bonté et de pitié. PP 12 2 Disputer la suprématie du Fils de Dieu, et blâmer ainsi la sagesse et l'amour du Créateur, telle fut dès lors la détermination de ce prince des armées célestes. En vue du succès de ce dessein, il résolut d'utiliser toute l'énergie d'une intelligence surhumaine. Mais celui qui garantit à toutes ses créatures une pleine liberté de volonté et d'action ne voulut pas qu'aucune d'elles restât ignorante des sophismes dont s'enveloppait le parti de la révolte. Avant le grand combat qui allait s'ouvrir, il fallait que tous comprissent clairement quelle était la volonté de celui à la sagesse et à la bonté duquel ils devaient leur félicité. PP 12 3 Le Roi de l'univers réunit les armées célestes pour leur faire connaître la dignité de son Fils et le caractère de ses relations avec tous les êtres créés. Sur un même trône étaient assis le Père et le Fils; une même auréole de gloire les enveloppait. Autour du trône se rassembla, par "myriades de myriades et milliers de milliers", la foule innombrable des anges(12) placés dans l'ordre de leur rang, à la fois ministres et sujets, mais tous nimbés par la gloire dont rayonne le trône de la Divinité. PP 13 1 Devant cette multitude, le Roi déclare que, seul, son Fils unique est admis à entrer pleinement dans ses conseils, et que c'est à lui qu'est confiée l'exécution des desseins de sa volonté. C'est lui, le Fils de Dieu, qui, de par la volonté du Père, a créé toutes les armées du ciel, et à qui, comme à Dieu, appartiennent leur allégeance et leurs hommages. Le Fils va d'ailleurs exercer encore la puissance divine en créant la terre et ses habitants, mais sans briguer jamais aucun pouvoir, aucune gloire personnelle contraire à la volonté de Dieu, étant uniquement préoccupé d'exalter le pouvoir de son Père et d'exécuter les plans de sa munificence. PP 13 2 A l'ouïe de ces paroles, les anges reconnaissent avec transports la suprématie du Fils. Ils se prosternent devant lui et lui offrent leur amour et leur adoration. Lucifer s'incline avec eux. Mais dans son coeur se livre, entre la vérité et la loyauté, l'envie et la jalousie, un effroyable combat. La vague d'enthousiasme soulevée par les anges semble d'abord l'entraîner avec eux. Les puissants et mélodieux accords des hymnes de louange, amplifiés par des milliers de voix, paraissent avoir étouffé en lui l'esprit du mal. Frémissant d'une émotion inexprimable, il se joint aux accents d'adoration qui, de la multitude angélique, montent vers le Père et le Fils. Mais il est bientôt envahi de nouveau par l'orgueil et l'obsession de sa propre gloire. Il s'abandonne de nouveau à la soif de suprématie et à l'envie vis-à-vis du Fils bien-aimé. Il oublie que les honneurs dont il est lui-même l'objet sont un pur don de la bonté divine et réclament sa gratitude. Infatué de son éclat et de sa prééminence, il aspire, malgré tout, à être égal à Dieu. N'est-il pas aimé et vénéré par l'armée céleste? Les anges ne sont-ils pas ravis d'exécuter ses ordres? Ne les surpasse-t-il pas tous en honneurs et en sagesse? Pourquoi le Fils de Dieu est-il plus élevé que lui? Pourquoi partage-t-il seul avec le Père la puissance et l'autorité suprêmes? Pourquoi est-ce au Fils qu'est dévolue la suprématie? Pourquoi est-il plus honoré que moi? PP 13 3 Lucifer quitte le poste qu'il occupe en la présence immédiate de Dieu, et s'en va propager son esprit de mécontentement parmi les anges. Il opère dans l'ombre, et voile pour un temps son véritable dessein sous une apparence de respect pour l'Être suprême. Il commence par insinuer des doutes au sujet des lois qui gouvernent les êtres célestes. Il suggère que si ces lois sont indispensables pour les habitants des mondes créés, elles ne le sont pas pour les anges qui, plus élevés, peuvent se gouverner par leur propre sagesse. L'honneur de Dieu ne peut souffrir de notre part aucun dommage, observe-t-il. Toutes nos pensées sont saintes. Pas plus que Dieu lui-même, nous ne pouvons tomber dans l'erreur. L'élévation du Fils à l'égal du Père est donc une injustice à l'égard de Lucifer qui a les mêmes droits à être révéré et honoré. Et si le premier des anges était admis à occuper la position élevée qui lui est due, ce serait à l'avantage de toute l'armée du ciel, à laquelle il se propose de procurer la liberté, tandis que la liberté dont nous avons joui jusqu'ici vient de prendre fin. Un Maître absolu vous a été donné, devant l'autorité duquel tous doivent s'incliner. Telles étaient les subtiles erreurs qui gagnaient rapidement du terrain dans les cours célestes. PP 14 1 En réalité, aucun changement ne s'était produit quant à la position et à l'autorité du Fils de Dieu. Ses prérogatives n'avaient jamais varié: elles avaient seulement dû être réaffirmées en raison des prétentions et des insinuations séditieuses de Lucifer, insinuations qui avaient réussi à aveugler un grand nombre d'anges. PP 14 2 A la faveur de la confiance affectueuse et loyale que lui accordaient les êtres saints placés sous ses ordres, Lucifer mettait tant d'astuce à injecter dans leur esprit ses doutes et son aigreur, qu'ils ne s'apercevaient pas de son jeu. Celui-ci consistait à placer les desseins de Dieu sous un faux jour, qui les dénaturait, de façon à engendrer le mécontentement et la dissidence. Habilement, il amenait ses auditeurs à exprimer leurs propres pensées; puis, au moment propice, il répétait leurs paroles pour prouver qu'ils n'étaient pas entièrement d'accord avec le gouvernement divin. Tout en professant lui-même une parfaite loyauté à l'égard de Dieu, il assurait que la stabilité de son gouvernement profiterait certainement de quelques changements dans l'organisation et dans les lois du ciel. Avec une habileté consommée, il prétendait n'avoir d'autre désir que de maintenir la loyauté, l'harmonie et la paix. Tout en travaillant à fomenter l'opposition à la loi de Dieu et à inoculer ses propres sentiments aux anges qui lui étaient confiés, il prétendait combattre la discorde et affermir l'ordre établi. PP 14 3 Ainsi allumé, l'esprit de révolte poursuivait son oeuvre néfaste. Sans que l'on remarquât aucune rupture ouverte, un partage d'opinions s'opérait parmi les anges. Quelques-uns envisageaient avec faveur les insinuations de Lucifer contre le gouvernement divin. Jusque-là en parfaite harmonie avec l'état de choses existant, ils se sentaient maintenant malheureux de ne pouvoir s'ingérer dans les conseils impénétrables de Dieu et contrariés de l'exaltation de son Fils. Cette catégorie d'anges était prête à seconder Lucifer dans son ambitieuse révolte contre l'Être suprême. D'autre part, les anges fidèles soutenaient la sagesse et la justice de ses décrets, et intervenaient auprès du chef des séditieux pour s'efforcer de le réconcilier avec l'ordre établi. PP 15 1 Notre chef, disaient-ils, c'est le Fils de Dieu. Il était un avec le Créateur bien avant notre existence. Il a toujours occupé une place à la droite du Père. Sa suprématie, riche en bienfaits pour tous ceux qui en ont bénéficié, n'a jamais encore été mise en doute, ni l'harmonie du ciel interrompue. Pourquoi la discorde éclaterait-elle maintenant? Augurant que cette dissension n'engendrerait que d'affreuses conséquences, les anges loyaux conjuraient les mécontents de renoncer à leurs propos et de rester fidèles à Dieu et à son gouvernement. PP 15 2 Conformément à son caractère miséricordieux, le Créateur supporta longtemps la cabale de Lucifer. L'esprit de contradiction et de révolte n'avait jamais encore fait son apparition dans le ciel. C'était un élément nouveau, étrange, mystérieux, inexplicable. Lucifer lui-même ne s'était pas d'abord rendu compte du vrai caractère de ses sentiments. Au début, il avait même craint d'exprimer les mouvements et les divagations de son coeur. Ne les ayant pas repoussés, il était allé à la dérive. Pour le convaincre de son erreur, tous les moyens que la sagesse et l'amour infinis purent imaginer furent mis en oeuvre. On lui prouva que son mécontentement était sans raison. On lui fit entrevoir quel serait le résultat de sa persistance dans sa mutinerie. Finalement, Lucifer comprit qu'il avait tort, et que "l'Éternel est juste dans tous ses actes, et miséricordieux dans toutes ses oeuvres".(13) Il reconnut que les divins statuts sont droits, et consentit à le proclamer devant tous les habitants du ciel. PP 15 3 S'il avait donné suite à cette conviction, il aurait pu se sauver lui-même et avec lui un grand nombre d'anges. Jusqu'à ce moment-là, bien qu'il eût abandonné sa place de chérubin protecteur, il n'avait pas complètement secoué le joug. S'il avait voulu revenir en arrière et glorifier la sagesse du Créateur, satisfait de la place qui lui avait été assignée dans le plan divin, il eût été réintégré dans sa charge. L'heure avait sonné pour lui de prendre une décision finale: ou reconnaître la souveraineté divine, ou se révolter ouvertement. Il fut tout près de rebrousser chemin. Seul son orgueil l'en empêcha. Lui, si hautement honoré, confesser qu'il avait été dans l'erreur et que ses soupçons étaient faux; se courber sous une autorité qu'il avait combattue comme injuste! Ce sacrifice lui parut trop grand. PP 16 1 Dans sa compassion pour Lucifer et ses sympathisants, le Créateur s'efforçait encore de les arrêter sur le bord de l'abîme dans lequel ils étaient sur le point de sombrer. Mais, falsifiant cette miséricorde, Lucifer prétendit que la patience divine était un hommage rendu à sa supériorité, et que le Roi de l'univers accepterait finalement ses conditions. Si vous restez inébranlables, dit-il à ses partisans, vous aurez gain de cause. Persistant dans son attitude, il entra résolument en lutte avec son Créateur. PP 16 2 Voilà comment Lucifer, le "porte-lumière", celui qui avait été participant de la gloire de Dieu et même attaché au trône, prévariqua et devint Satan, "l'adversaire" de Dieu et des êtres saints, le destructeur de ceux qui avaient été confiés à sa garde et à sa direction. PP 16 3 Repoussant désormais avec dédain les arguments et les supplications des anges fidèles, il les qualifia d'esclaves et d'égarés. La préférence accordée au Fils de Dieu, leur dit-il, est un acte d'injustice envers moi et envers toute l'armée du ciel. Je ne me soumettrai pas davantage à cette usurpation de mes droits et des leurs. Jamais plus, ajouta-t-il, je ne reconnaîtrai la suprématie du Fils. J'ai décidé de réclamer l'honneur qui doit m'être dévolu, et de prendre sous mes ordres tous ceux qui voudront être mes disciples. Je leur promets un gouvernement nouveau et meilleur, qui garantira à chacun la liberté. Un grand nombre d'anges annoncèrent leur détermination de le prendre pour chef. Flatté de la faveur avec laquelle ses avances étaient reçues, Lucifer se prit à espérer que tous les anges passeraient de son côté et qu'il deviendrait l'égal de Dieu. PP 16 4 Encore une fois, les anges fidèles le conjurent, lui et ses sympathisants, de se soumettre à Dieu. Ils leur représentent le résultat inévitable de leur refus. Celui qui vous a créés, disent-ils, peut arrêter votre entreprise et punir sévèrement votre faction séditieuse. Nul ange ne peut combattre la loi de Dieu avec succès; elle est aussi sacrée que lui-même. A tous, ils donnent le conseil de faire la sourde oreille aux raisonnements séducteurs de Lucifer, et ils adjurent ce dernier et ses partisans de se rendre immédiatement en la présence de Dieu pour lui confesser leur erreur d'avoir mis en doute sa sagesse et son autorité. PP 17 1 Beaucoup de dissidents furent disposés à renoncer à leur défection et à recouvrer la faveur de Dieu et de son Fils. Mais Satan avait une autre ruse en réserve. Il déclara que ceux qui s'étaient joints à lui étaient allés trop loin. Connaissant la loi divine, il savait qu'il n'y avait plus de pardon pour eux, et que ceux qui se soumettraient à l'autorité du ciel seraient destitués. Quant à moi, continua-t-il, je suis déterminé à ne jamais plus m'incliner devant l'autorité du Vice-Roi. La seule chose qu'il nous reste à faire, à vous et à moi, c'est de revendiquer notre liberté; c'est de nous emparer par la force des droits qu'on ne nous accorde pas de bon gré. PP 17 2 En ce qui concernait Satan lui-même, il était exact qu'il était allé trop loin pour revenir en arrière. Il n'en était pas de même de ceux qui s'étaient laissé aveugler par ses sophismes. Les conseils et les prières des anges loyaux leur ouvraient une porte de salut. S'ils en avaient accepté l'offre, ils auraient pu s'arracher aux pièges de Satan. Mais l'orgueil, l'affection qu'ils portaient à leur chef et le désir de jouir de libertés illimitées l'emportèrent, et les tendres appels de la miséricorde divine furent définitivement rejetés. PP 17 3 Dieu avait permis à Satan de mener son entreprise jusqu'au moment où la révolte s'était manifestée en plein jour. Chérubin honoré de l'onction sacrée, objet de très grands honneurs, passionnément aimé des êtres célestes, Lucifer exerçait sur ceux-ci une influence considérable. Pour que la vraie nature et la tendance de son projet pussent être reconnues de tous, il fallait que ses plans arrivassent à maturité. Le gouvernement de Dieu renfermait non seulement les habitants du ciel, mais ceux de tous les mondes créés, que Lucifer espérait entraîner, eux aussi, comme les anges, dans sa révolte. Il avait mené sa campagne avec une habileté et une puissance de séduction extraordinaires, recourant tour à tour au sophisme et au mensonge. Se couvrant d'un voile d'hypocrisie, et accomplissant tous ses gestes dans le mystère, il avait fermé le chemin à celui qui aurait voulu le dévoiler sous son vrai jour. Avant le plein épanouissement de son complot, il était impossible d'en démasquer la laideur, d'y voir une révolte ou même d'imaginer où elle allait aboutir. Les bons anges eux-mêmes ne décelaient pas son vrai caractère ni les conséquences de son oeuvre. PP 18 1 Aussi, dès le début, Lucifer avait-il gagné du terrain. Il avait opéré de façon à rester en dehors du débat. Il mettait ses propres agissements au compte des anges, et accusait d'indifférence aux intérêts des êtres célestes ceux qu'il ne pouvait amener complètement à son bord. Il obscurcissait, par des arguments subtils, tous les desseins de Dieu. Ce qui était élémentaire devenait mystérieux. Par d'habiles perversions, il semait le doute sur les plus simples déclarations de l'Éternel. Et sa haute position, qui l'associait étroitement au gouvernement divin, donnait d'autant plus de poids à ses affirmations. PP 18 2 Satan, par la flatterie et la fraude, avait falsifié la parole de Dieu et dénaturé ses méthodes de gouvernement. Il avait prétendu qu'en imposant des lois aux anges, Dieu était injuste, et qu'en exigeant de ses créatures soumission et obéissance, il n'avait en vue que son exaltation personnelle; tandis que, pour lui, son but était de procurer le bonheur de l'univers. En revanche, Dieu ne pouvait employer que des moyens conformes à la vérité et à la justice. Pour démontrer devant les habitants du ciel et de tous les mondes que son gouvernement est juste et sa loi parfaite, pour que chacun vît clairement le vrai caractère et le but réel de l'usurpateur, il était nécessaire que ses prétentions impies eussent le temps de se démolir elles-mêmes par leurs lamentables conséquences. Le séducteur devait être démasqué devant l'univers tout entier. PP 18 3 La discorde qu'il avait déchaînée dans le ciel et tout le mal qui en était résulté étaient, selon Satan, attribuables à l'administration divine. Son but, à lui, avait été d'amender les statuts du Très-Haut. En conséquence, Dieu lui permit de démontrer la valeur de ses prétentions et les effets des changements qu'il proposait d'apporter aux lois du ciel. PP 18 4 En vertu d'une sagesse infinie, Lucifer fut chassé du ciel et non pas détruit. Dieu ne pouvant accepter qu'une obéissance dictée par l'amour, la fidélité de ses créatures doit reposer sur la conviction de sa justice et de sa bonté. Or, si la destruction de Satan avait eu lieu alors, les habitants du ciel et des mondes -- ne comprenant pas encore la nature et les conséquences du péché -- n'eussent pas été à même de discerner la justice divine. Si l'ange rebelle avait été immédiatement exclu du nombre des vivants, beaucoup d'êtres auraient servi Dieu par crainte plutôt que par amour. L'influence du séducteur n'eût pas complètement disparu; son esprit de rébellion n'eût pas été totalement extirpé. Pour le bien de l'univers entier à travers les âges infinis, il fallait qu'il pût développer plus entièrement ses principes. Ainsi, tous les êtres créés verraient ses attaques contre l'administration céleste sous leur vrai jour. Les attributs divins de justice et de miséricorde, comme l'immutabilité de la loi de Dieu, ne pourraient plus jamais être mis en doute. PP 19 1 La révolte de Satan devait servir de leçon à l'univers durant tous les âges futurs, et constituer un témoignage perpétuel contre la nature du péché et de ses effroyables résultats. Dieu a voulu que les effets de la politique de Satan sur les hommes et les anges démontrassent à quoi aboutit le rejet de son autorité. Il a voulu témoigner que le bonheur de toutes les créatures issues de sa puissance créatrice est inséparable de l'existence de son gouvernement. Ainsi l'histoire de cette aventure effroyable sera une sauvegarde perpétuelle destinée à préserver tous les êtres saints de la séduction du péché et de ses douloureuses conséquences. PP 19 2 Celui qui règne dans les cieux voit la fin dès le commencement. Devant lui les mystères du passé et de l'avenir sont comme un livre ouvert. Par delà les souffrances, les ténèbres et les ruines accumulées par le péché, il contemple l'épanouissement de son grand oeuvre d'amour. Si "la nuée et l'obscurité l'environnent, la justice et le droit sont [néanmoins] la base de son trône".(14) Et voilà ce que comprendront un jour, fidèles ou infidèles, tous les habitants de l'univers. PP 19 3 ... Son oeuvre est parfaite, Car tous ses desseins sont justes. C'est un Dieu fidèle et sans iniquité; Il est juste et droit.(15) ------------------------Chapitre 2 -- La création PP 21 1 Les cieux ont été créés par la parole de l'Éternel, Et toute leur armée par le souffle de sa bouche... Car il parle, et la chose existe; Il commande, et elle paraît... Il a posé la terre sur ses fondements: Elle ne sera jamais ébranlée.(1) PP 21 2 Lorsqu'elle sortit des mains du Créateur, la terre était d'une éclatante beauté. Sa surface était ondulée de montagnes et de collines, parsemée de lacs délicieux et arrosée de superbes fleuves. Mais ces collines et ces monts n'étaient pas, comme aujourd'hui, escarpés, raboteux, échancrés de précipices béants et de gouffres sans fond. Les aspérités et les âpres rugosités de la charpente terrestre étaient recouvertes d'un sol fécond, d'où s'échappait partout une luxuriante végétation. Pas de landes stériles, ni de fétides marécages. L'oeil ne rencontrait que gracieux arbustes et fleurs délicates. Les hauteurs étaient couronnées d'arbres majestueux aux dimensions inconnues aujourd'hui. L'air, exempt de tout miasme, de toute infection, était pur et sain. Le paysage tout entier surpassait en beauté les jardins royaux les mieux entretenus, et l'armée des anges, en contemplant cette scène, bénissait Dieu de ses oeuvres merveilleuses. PP 21 3 Dès que la terre fut couverte de végétation et peuplée d'animaux innombrables, l'homme, chef-d'oeuvre de la création, l'être pour lequel ce séjour enchanteur venait d'être préparé, fut appelé à l'existence. Il reçut la domination de tout ce qu'embrassaient ses regards. "Alors Dieu dit: Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu'il règne... sur la terre entière. ... Ainsi Dieu créa l'homme à son image. ... Il créa un homme et une femme."(2) PP 22 1 Tel est le récit sacré des origines du genre humain. Sa clarté et sa précision excluent toute idée erronée. "Dieu créa l'homme à son image." Il n'y a pas de mystère sous cette parole. Elle ne donne nullement lieu de supposer que l'homme n'est que le dernier échelon d'une lente évolution ayant son point de départ dans les organismes inférieurs de la vie animale ou végétale. Cette théorie annule l'oeuvre grandiose du Créateur. On a tellement à coeur, aujourd'hui, d'ôter à Dieu sa souveraineté sur l'univers, que l'on dépouille l'homme de sa divine origine. Celui qui avait semé dans l'espace les mondes étoilés; qui avait donné leur coloris aux fleurs des champs; qui avait orné la terre et les cieux des merveilles de sa puissance, voulut couronner son oeuvre glorieuse en lui donnant un dominateur, et il créa un être digne de la main qui lui donnait la vie. La généalogie de notre race, telle que nous la donne le volume inspiré, ne la fait pas remonter à une succession d'infusoires, de mollusques et de quadrupèdes se transformant peu à peu: elle la fait remonter au Créateur. Bien que tiré de la poudre de la terre, Adam était cependant "fils de Dieu".(3) PP 22 2 En sa qualité de représentant de l'Être suprême, Adam fut constitué maître du règne animal. Privés de la faculté de comprendre et de reconnaître la souveraineté de Dieu, les animaux sont capables d'aimer l'homme et de le servir. Le Psalmiste a dit: PP 22 3 Tu as donné... au fils de l'homme... l'empire sur les oeuvres de tes mains; Tu as mis toutes choses sous ses pieds: Les brebis comme les boeufs, Et même les bêtes sauvages,... Tout ce qui parcourt les sentiers des mers.(4) PP 22 4 L'homme devait porter l'image de Dieu, aussi bien physiquement que par son caractère. Le Fils de Dieu seul est "l'empreinte même" du Père;(5) mais l'homme a été fait "selon sa ressemblance". Sa nature était en harmonie avec la volonté du Créateur; son intelligence pouvait s'élever jusqu'aux choses divines; ses affections étaient pures; ses appétits et ses passions, sous l'ascendant de la raison. Il était saint, heureux de porter l'image de Dieu, et parfaitement soumis à sa volonté. PP 23 1 En sortant des mains de son Créateur, Adam était d'une taille élancée et parfaitement harmonieuse. Son visage vermeil resplendissait de santé, de vie et de joie. Sa stature était de beaucoup supérieure à celle des hommes de la génération présente. Ève lui était inférieure en stature; ses formes étaient pleines de noblesse et de grâce. Dans son innocence, le premier couple ne portait aucun vêtement artificiel: il était nimbé, ainsi que les anges, d'un voile de lumière et de gloire, qu'il conserva aussi longtemps qu'il resta obéissant. PP 23 2 Après la création de l'homme, Dieu fit passer devant lui tous les animaux de la terre pour leur donner des noms. Adam vit bien que chacun d'eux avait sa compagne; mais, parmi toutes les créatures que Dieu avait faites, il n'en trouva aucune qui lui ressemblât."(6) Alors "l'Éternel Dieu dit: Il n'est pas bon que l'homme soit seul; je lui ferai une aide semblable à lui.(7) PP 23 3 L'homme a été fait pour vivre en société, et non pas dans la solitude. Sans compagne, ni les beautés de l'Eden, ni le charme de ses occupations, ni même ses relations avec les anges n'eussent procuré au premier homme un bonheur parfait. Sans une compagne de même nature que lui, aimante et digne d'être aimée, son besoin de sympathie et de sociabilité n'eût pas été satisfait. Cette compagne, Dieu la donna lui-même à Adam. Il lui fit "une aide semblable à lui", à savoir un être qui pût vivre auprès de lui, partager ses joies et répondre à ses affections. Pour marquer qu'elle n'était pas destinée à être son chef, pas plus qu'à être traitée en inférieure, mais à se tenir à son côté comme son égale, aimée et protégée par lui, Ève fut tirée d'une de ses côtes. Os de ses os, chair de sa chair, la femme était une autre partie de lui-même, signe sensible et frappant de l'union intime et de l'attachement profond qui devaient caractériser leurs rapports. "Jamais un homme n'a haï sa propre chair; mais il la nourrit, et en prend soin." "C'est pourquoi l'homme laissera son père et sa mère, et s'attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair."(8) PP 23 4 C'est Dieu qui célébra le premier mariage. Cette institution a ainsi pour fondateur le Créateur de l'univers. "Que le mariage soit respecté."(9) C'est l'un des premiers dons de Dieu à l'homme; et c'est l'une des deux institutions qu'Adam emporta avec lui lorsque, après sa chute, il franchit les portes du Paradis. Quand les principes divins sont respectés, le mariage est un bienfait. Il est la sauvegarde de la pureté et du bonheur de l'homme. Il pourvoit à ses besoins sociaux, il élève sa nature physique, intellectuelle et morale. PP 24 1 "Puis l'Éternel planta un jardin en Éden, du côté de l'Orient, et il y plaça l'homme qu'il avait formé."(10) Tout ce que Dieu avait fait n'était que beauté et perfection, et rien ne semblait manquer au bonheur du premier couple. Mais le Créateur voulut lui donner une autre preuve de bonté en lui préparant un jardin qui fût sa demeure particulière. Dans ce jardin étaient plantés des arbres de toutes les variétés, dont un grand nombre étaient chargés de fruits ou exhalaient des parfums délicieux. La vigne y poussait en hauteur, laissant gracieusement ployer ses sarments sous le poids d'un fruit succulent, coloré des teintes les plus riches et les plus variées. La tâche d'Adam et d'Ève consistait à tresser ces sarments en arcades et en berceaux pour faire des demeures vivantes, tapissées de feuillage et de fruits. Partout on voyait des fleurs odoriférantes de toutes les couleurs. Au milieu du jardin se dressait l'arbre de vie, dont la beauté éclipsait tous les autres. Son fruit, qui ressemblait à des pommes d'or et d'argent, avait la propriété de prolonger la vie. PP 24 2 La création était désormais complète. "Ainsi les cieux et la terre furent achevés avec tout ce qui s'y trouve." "Dieu contempla ce qu'il avait fait, et il vit que cela était très bien."(11) L'Éden s'étalait sur la terre épanouie. Adam et Ève avaient un libre accès à l'arbre de vie. Nulle trace de péché, nulle ombre de mort ne ternissait cette superbe création. PP 24 3 Les étoiles du matin entonnaient des chants d'allégresse, Et les fils de Dieu [les anges] poussaient des acclamations.(12) PP 24 4 Le Créateur avait jeté les fondements de la terre. Il l'avait enrichie de beauté et d'harmonie, parsemée d'objets utiles à l'homme, et y avait prodigué les merveilles de la terre et de la mer. Le grand oeuvre de la création fut achevé en six jours. Alors Dieu "se reposa, le septième jour, de toute l'oeuvre qu'il avait accomplie. Ainsi, Dieu bénit le septième jour et il le sanctifia, parce qu'en ce jour-là il s'était reposé de toute l'oeuvre dont il était l'auteur et le Créateur."(13) Contemplant avec satisfaction l'oeuvre de ses mains, où tout était parfait, Dieu se reposa, non pas comme le fait l'homme à la fin de sa journée, mais pour marquer sa joie à la vue des oeuvres de sa sagesse, de sa bonté et de sa gloire. PP 25 1 Après s'être reposé au septième jour, Dieu le sanctifia, c'est-à-dire qu'il le mit à part, comme jour de repos à l'usage de l'homme. Appelé à suivre l'exemple de son Créateur, celui-ci devra consacrer au repos ce jour sacré, afin qu'en contemplant les cieux et la terre, il puisse élever sa pensée vers les oeuvres de Dieu, le coeur débordant de révérence et d'amour pour l'auteur de ses jours. PP 25 2 C'est dans le jardin d'Éden que le Seigneur établit le mémorial de son oeuvre créatrice. Ce jour de repos fut confié à Adam, père et représentant de toute la famille humaine. Son observation devait être, de la part de tous ceux qui habiteraient sur la terre, un acte de gratitude envers Dieu, leur Créateur et légitime Souverain. Cette institution, qui avait un caractère absolument commémoratif, devenait le partage de toute l'humanité. N'ayant rien de symbolique, elle n'était pas limitée à quelque peuple particulier. PP 25 3 Même dans le Paradis, l'homme avait besoin, un jour sur sept, de cesser son activité terrestre pour se vouer plus complètement à la contemplation des oeuvres créées, écouter la nature parler à ses sens et proclamer qu'il y a un Dieu vivant, qui est le Maître suprême et le Créateur de tout ce qui existe. PP 25 4 Les cieux racontent la gloire de Dieu, Et le firmament proclame l'oeuvre de ses mains. Le jour en parle au jour, Et la nuit en donne connaissance à la nuit.(14) PP 25 5 Les beautés de la nature sont un signe de l'amour de Dieu. Cet amour éclate dans les ravissants paysages ornés d'arbres majestueux, dans les boutons de fleurs et leurs délicates corolles. Tout nous le rappelle. Or, le sabbat, dirigeant sans cesse les yeux des hommes vers celui qui les a créés, les convie à ouvrir le grand livre de la nature et à y lire la puissance, la sagesse et l'amour du Créateur. PP 25 6 Bien que créés innocents et saints, nos premiers parents n'échappaient pas à la possibilité de faire le mal. Doué du libre arbitre, à même d'apprécier la sagesse et la bienveillance de Dieu, ainsi que la justice de ses exigences, l'homme restait parfaitement libre d'obéir ou de désobéir. Il jouissait de la société de Dieu et des saints anges; mais il ne pouvait être en état d'éternelle sécurité, tant que sa fidélité n'avait pas été mise à l'épreuve. Ainsi, dès le début, une restriction lui fut imposée, qui mit une bride à l'égoïsme, cette passion fatale qui avait causé la perte de Satan. PP 26 1 L'arbre de la connaissance placé au milieu du jardin, près de l'arbre de vie, devait servir à éprouver l'obéissance et la reconnaissance de nos premiers parents. Admis à manger librement du fruit de tous les autres arbres, ils ne pouvaient, sous peine de mort, goûter à celui-là. S'ils triomphaient de l'épreuve, ils seraient finalement soustraits à la puissance de l'ennemi, et demeureraient à perpétuité dans la faveur de Dieu. PP 26 2 Il n'existe pas de gouvernement sans lois. L'une des conditions indispensables de l'existence de l'homme était, en sa qualité de sujet, l'obéissance aux lois de Dieu. Adam aurait pu être créé incapable de les transgresser. Le Créateur aurait pu empêcher sa main de toucher au fruit défendu. Privé de la faculté de choisir, l'homme n'aurait pas été un être libre, mais un simple automate. Son obéissance aurait été forcée et non volontaire. Adam n'aurait pas pu se former un caractère. D'ailleurs, ce système eût été contraire aux voies de Dieu à l'égard des habitants des autres mondes, et ce mode d'existence, indigne d'un être intelligent, eût fortifié l'accusation d'arbitraire lancée par Satan contre le gouvernement divin. PP 26 3 Dieu avait fait l'homme droit, doué de nobles facultés, et sans penchant au mal. Il l'avait gratifié d'une haute intelligence: tout l'engageait à demeurer fidèle à son Créateur. Une obéissance parfaite et perpétuelle, telle était la condition d'une éternelle félicité. A ce prix, il pouvait avoir libre accès à l'arbre de vie. PP 26 4 La demeure de nos premiers parents devait servir de modèle à celles de leurs descendants, au fur et à mesure que ceux-ci prendraient possession de la terre. Ce foyer, orné par la main de Dieu, n'était pas un palais. Dans leur vanité, les hommes se plaisent à habiter des demeures somptueuses. Ils mettent leur gloire dans les ouvrages de leurs mains. Mais Dieu plaça Adam dans un jardin. Ce jardin, qui devait lui servir d'habitation, avait pour dôme le ciel bleu, pour plancher un tapis de verdure émaillé de fleurs délicates, et pour dais les branches feuillues d'arbres majestueux. Aux parois étaient suspendus comme ornements les magnifiques produits du divin Artiste. Ce décor offert au premier couple dans son innocence renferme une leçon pour les hommes de tous les temps. Le vrai bonheur n'est pas dans les satisfactions de la vanité et du luxe, mais dans la communion avec Dieu, au sein de ses oeuvres admirables. Si les hommes recherchaient moins l'artificiel et cultivaient davantage la simplicité, ils répondraient beaucoup mieux au plan divin à leur égard. L'ambition et l'orgueil ne sont jamais satisfaits. Les vrais sages trouvent des jouissances aussi réelles que pures dans les biens que Dieu a mis à la portée de tous. PP 27 1 Les habitants de l'Éden reçurent la charge du jardin "pour le cultiver et pour le garder". Cette occupation saine et agréable n'avait rien de pénible. Dieu a donné à l'homme le bienfait du travail pour occuper son esprit, fortifier son corps et développer ses facultés. L'activité mentale et physique à laquelle Adam se livrait était pour lui une des plus douces joies de son existence, avant et même après la perte du Paradis, obligé qu'il fut ensuite de demander son pain quotidien à un sol devenu ingrat. Ce même travail, quoique bien différent des agréables devoirs de l'Éden, fut pour lui une sauvegarde contre la tentation et une source de bonheur. PP 27 2 Ceux qui considèrent comme un fléau le travail, accompagné aujourd'hui de lassitude et de douleur, commettent une erreur. Ceux qui n'ont que du mépris pour la classe ouvrière, comprennent bien mal le but de Dieu en créant l'homme. Que sont les terres et les biens des plus opulents, à côté du domaine dévolu à notre noble ancêtre? Et pourtant, Adam ne devait pas rester oisif. Le Créateur, qui sait de quoi le bonheur est fait, lui assigna sa tâche. Il n'y a que les hommes et les femmes qui travaillent qui sachent ce qu'est la vraie joie de vivre. Les anges eux-mêmes, envoyés de Dieu pour exercer leur ministère auprès des enfants des hommes, sont très occupés. Nulle part le Créateur n'a pourvu à la pratique dégradante de l'indolence. PP 27 3 S'ils restaient fidèles à Dieu, Adam et sa compagne gouverneraient la terre, investis d'une autorité suprême sur tous les êtres vivants. Le lion et l'agneau jouaient paisiblement autour d'eux, ou se couchaient côte à côte à leurs pieds. Au-dessus de leur tête, les oiseaux voltigeaient sans crainte. A leur ramage, vraie action de grâces à l'adresse du Père et du Fils, nos premiers parents unissaient leur voix. PP 28 1 Adam et Ève n'étaient pas seulement les heureux enfants de leur Père céleste; ils étaient ses élèves, et jouissaient des leçons de sa sagesse infinie. Bien qu'honorés de la visite des anges, ils conversaient avec le Créateur qu'ils contemplaient sans voile. L'arbre de vie leur donnait une santé florissante. Leur intelligence n'était que peu inférieure à celle des anges. Les mystères de l'univers visible, "oeuvre admirable de celui dont la science est parfaite",(15) étaient pour eux une source inépuisable d'instruction et de délices. Les lois et les opérations de la nature qui, depuis six mille ans, sont pour l'homme un objet d'étude, leur étaient dévoilées par l'Architecte et Conservateur de toutes choses. Ils parlaient avec les fleurs, les feuilles et les arbres, et comprenaient les secrets de leur existence. Depuis le puissant léviathan se jouant dans les eaux jusqu'au ciron imperceptible flottant dans un rayon de soleil, toutes les créatures vivantes leur étaient familières. A chacune, Adam avait donné un nom. Il connaissait sa nature et ses habitudes. PP 28 2 Les gloires du firmament, les mondes innombrables et leurs révolutions, "le balancement des nuages",(15) les mystères de la lumière et du son, du jour et de la nuit, tels étaient les sujets d'étude de nos premiers parents. Sur chaque feuille de la forêt, sur chaque pierre de la montagne, sur chaque étoile scintillante, partout: sur la terre, dans les airs et dans les cieux, ils voyaient inscrit le nom de Dieu. L'ordre et l'harmonie de la création leur révélaient une puissance et une sagesse infinies. A chaque pas, ils découvraient quelque merveille qui leur inspirait un amour plus profond, et leur arrachait de nouvelles actions de grâces. PP 28 3 Dans la pensée du Créateur, si Adam et Ève demeuraient fidèles à la loi divine, leurs facultés d'apprendre, de jouir et d'aimer ne devaient cesser de grandir. De nouveaux trésors de connaissances, de nouvelles sources de bonheur, des perceptions toujours plus claires de l'indéfectible et incommensurable amour de Dieu, devaient être leur doux partage. ------------------------Chapitre 3 -- La tentation et la chute PP 29 1 Ne pouvant plus fomenter de révolte dans le ciel, Satan trouva un nouveau champ d'activité et de lutte contre Dieu: il se proposa la ruine de la race humaine. Le bonheur et la paix du couple habitant l'Éden étaient pour lui comme le mirage d'une félicité à jamais perdue. Dévoré par l'envie, il prit la résolution de les inciter à la désobéissance et d'attirer sur eux la peine du péché. Dans ce but, il décida de changer leur amour en méfiance et leurs chants de joie en récriminations contre leur Créateur. Par là, non seulement il les plongerait dans la désolation où il se trouvait lui-même, mais il jetterait le déshonneur sur Dieu et la désolation dans le ciel. PP 29 2 Nos premiers parents ne furent pas laissés dans l'ignorance du danger qui les menaçait. Des messagers célestes leur firent connaître l'histoire de la chute de Satan, et leur dévoilèrent les plans formés pour leur destruction. Ils leur expliquèrent plus entièrement la nature du gouvernement divin que le prince du mal s'efforçait de renverser. C'est par la désobéissance aux justes commandements de Dieu, leur dirent-ils, que Satan et son armée sont tombés. Cela vous montre l'importance d'honorer cette loi, condition indispensable du maintien de l'ordre et de l'équité dans l'univers. La loi de Dieu -- émanation de sa volonté, révélation écrite de son caractère, expression de la sagesse et de l'amour divins -- est aussi sacrée que Dieu lui-même, et l'harmonie de la création dépend d'un parfait accord entre cette loi et tout ce qui existe, animé ou inanimé. Dieu a placé non seulement les êtres intelligents, mais aussi toutes les opérations de la nature sous des lois fixes qu'il n'est pas permis de violer. Tandis que la nature est gouvernée par des lois naturelles, seul, parmi tous les autres êtres, l'homme est justiciable de la loi morale. Couronnement de l'oeuvre de la création, il a reçu de Dieu la faculté de comprendre les exigences de sa loi, d'en apprécier tant la justice et la bonté que son obligation sacrée. Aussi Dieu demande-t-il de lui une obéissance implicite. PP 30 1 Comme l'avaient été les anges, les habitants de l'Éden vont être mis à l'épreuve et appelés à décider, soit d'obéir et de vivre, soit de désobéir et de mourir. S'ils sont irrespectueux de sa volonté, celui qui n'a pas épargné les anges désobéissants ne les épargnera pas non plus. Toute transgression compromettra la possession des dons de Dieu, et attirera sur eux le malheur et la ruine. PP 30 2 Les anges mirent Adam et Ève en garde contre les pièges de Satan. Ses efforts pour vous faire tomber, leur dirent-ils, seront inlassables. Mais aussi longtemps que vous serez obéissants, le malin ne pourra vous faire aucun mal; car, si cela était nécessaire, tous les anges seraient envoyés à votre secours. Si vous repoussez fermement et sans relâche ses premières insinuations, vous jouirez de la même sécurité que les messagers du ciel. Mais si, une seule fois, vous cédez à la tentation, votre nature en sera tellement altérée que vous n'aurez plus en vous-mêmes ni la force ni le désir de résister à Satan. PP 30 3 La défense de manger de l'arbre de la connaissance avait pour but de servir de pierre de touche à l'obéissance du premier couple, et partant à son amour pour Dieu. C'était la seule restriction mise à la jouissance de tout ce qu'il y avait dans le Paradis. Mais la désobéissance dans ce seul cas suffira pour les exposer à la peine du péché. D'ailleurs, il ne sera pas permis à Satan de les harceler sans cesse de ses tentations. Ce n'était qu'au pied de l'arbre défendu que cela lui serait possible. Chercher à sonder la nature de cet arbre, c'était s'exposer à tomber dans les pièges de l'ennemi. Aussi leur fut-il recommandé de prêter attention à l'avertissement de Dieu, et de suivre les instructions qu'il avait jugé bon de leur donner. PP 31 1 Afin d'accomplir son oeuvre avec succès, Satan se décida à employer un déguisement bien propre à servir ses desseins sinistres: celui du serpent. Cet animal était alors une des créatures les plus intelligentes et les plus belles de la création. Il possédait des ailes et devenait, en plein vol, un objet éblouissant ayant l'apparence et l'éclat de l'or poli. A le voir perché sur les branches de l'arbre défendu, chargé de fruits délicieux, on ne pouvait se défendre d'un mouvement d'admiration. Ainsi se dissimulait, dans le jardin de la paix, le destructeur attendant sa proie. PP 31 2 Les anges avaient prévenu Ève du danger qui la guettait si, au cours de ses devoirs quotidiens dans le jardin, elle se séparait de son mari. En sa compagnie, lui avaient-ils dit, le danger de la tentation sera moins grand que si tu es seule. Or, absorbée par ses charmantes occupations, elle s'éloigne inconsciemment de son mari. S'apercevant tout à coup qu'elle est seule, elle éprouve un sentiment d'effroi. Mais, chassant aussitôt ses craintes, elle se dit qu'elle est assez sage pour discerner le mal et y résister. PP 31 3 Oubliant les recommandations de l'ange, elle se trouve bientôt en face de l'arbre défendu, qu'elle contemple avec un mélange de curiosité et d'admiration. Le fruit en est si beau qu'elle se demande pourquoi Dieu l'a défendu. L'occasion du tentateur est venue. Comme s'il comprenait les mouvements du coeur d'Ève: "Quoi, dit-il à la femme, Dieu aurait-il vraiment dit: Vous ne mangerez les fruits d'aucun arbre du jardin?"(1) A l'ouïe de cet écho inattendu de ses propres pensées, elle est surprise et presque effrayée. Mais alors, d'une voix musicale et caressante, le serpent se répand en louanges subtiles sur sa beauté incomparable, louanges qu'elle écoute sans déplaisir. Aussi, au lieu de s'enfuir en toute hâte, elle s'attarde, émerveillée d'entendre parler un serpent. Si elle s'était trouvée en face d'un être semblable aux anges, la crainte l'aurait saisie; mais l'idée ne lui vient pas que ce séduisant animal puisse être un instrument de l'ange déchu. PP 31 4 A l'habile question du tentateur, elle répond: "Nous mangeons les fruits des arbres du jardin, mais, quant au fruit de l'arbre placé au milieu du jardin, Dieu a dit: N'en mangez point, et n'y touchez pas; sinon vous mourrez! Le serpent répondit à la femme: Vous ne mourrez certainement pas; mais Dieu sait que, le jour où vous mangerez de ce fruit, vos yeux s'ouvriront, et vous serez comme Dieu, connaissant le bien et le mal." PP 32 1 Le tentateur lui fait accroire qu'en mangeant du fruit de cet arbre, elle et son mari parviendront à une sphère d'existence plus élevée, et qu'ils verront s'élargir l'horizon de leurs connaissances. Ayant lui-même mangé du fruit défendu, n'a-t-il pas acquis le don de la parole? Puis il insinue que l'Éternel leur interdit cet arbre par une crainte jalouse de les voir s'élever à sa hauteur. C'est, affirme-t-il, en raison de ses propriétés merveilleuses, de la faculté qu'il a de donner la sagesse, qu'on vous a défendu d'en goûter ou même d'y toucher. En termes couverts, le tentateur ajoute que la menace divine ne sera pas exécutée; elle n'a pour but que de les intimider. Il continue: Comment pourriez-vous mourir? N'avez-vous pas mangé de l'arbre de vie? Dieu a voulu vous empêcher de parvenir à un plus haut développement et de découvrir un plus grand bonheur. PP 32 2 Depuis les jours d'Adam jusqu'aux nôtres, la tactique de Satan a été la même. Il pousse les hommes à se défier de l'amour de Dieu et à douter de sa sagesse. Il cherche constamment à exciter en eux un esprit de curiosité et d'irrévérence, un désir inquiet et malsain de pénétrer les secrets de la sagesse et de la puissance divines. A vouloir sonder ce qu'il a plu à Dieu de nous celer, des multitudes passent à côté des vérités révélées essentielles au salut. Satan amène les hommes à la désobéissance en leur suggérant que le terrain défendu va leur faire connaître de merveilleux secrets. Illusion et erreur. Épris de leurs idées de progression, passant par-dessus les commandements de Dieu, ils mettent leurs pieds sur le sentier qui aboutit à la dégradation et à la mort. PP 32 3 Au couple maître de l'Éden, Satan s'attache à insinuer qu'il y a des avantages à violer la loi de Dieu. N'entend-on pas aujourd'hui des raisonnements tout semblables? Bien des gens qui se vantent de leur largeur d'idées et de leur grande liberté, raillent l'étroitesse de ceux qui obéissent aux commandements divins. Satan prétendait avoir retiré un grand profit du fruit défendu; mais il avait soin de taire le fait que, pour cette raison même, il avait été expulsé du ciel. Plongé par le péché dans un malheur sans bornes, il cachait son affreux sort pour entraîner l'homme avec lui. De même aujourd'hui, le faux croyant voile son vrai caractère. Ses prétentions à la sainteté ne font que le rendre plus dangereux. Il fait l'oeuvre de Satan et conseille à ses semblables d'en faire autant, et cela pour leur ruine éternelle. PP 33 1 Ève crut sincèrement aux paroles de Lucifer. C'est ce qui la perdit. Elle tomba pour avoir manqué de confiance en la parole de Dieu. Au jour du jugement, les hommes ne seront pas condamnés pour avoir consciencieusement cru au mensonge, mais pour avoir douté de la vérité ou négligé de la connaître. Il faut mettre tout son coeur à la recherche de la vérité. Les exemples donnés dans la Parole de Dieu ont pour but de nous avertir, de nous instruire, et de nous préserver de la séduction. Les négliger, c'est marcher à sa perte. Soyons certains que tout ce qui contredit cette Parole procède de Satan. Ses sophismes ont beau affirmer le contraire, il est toujours fatal de désobéir à Dieu. PP 33 2 Le serpent se met à cueillir du fruit défendu et le dépose dans les mains d'Ève. Elle accepte, comme malgré elle, et alors le tentateur lui rappelle ses propres paroles: Dieu a défendu d'y toucher sous peine de mort. Ève ne remarque aucun mauvais résultat de son acte, elle devient plus hardie. Voyant que le fruit de l'arbre est bon à manger, agréable à la vue, et qu'il est désirable, puisqu'il peut donner l'intelligence, elle en prend et en mange. Le goût en est excellent. Elle croit ressentir en elle une force vivifiante, et s'imagine entrer dans une sphère plus élevée. Et maintenant qu'elle a désobéi, elle va devenir, entre les mains de Satan, l'instrument de la perte de son mari. Sous l'empire d'une étrange fascination, elle se rend auprès d'Adam et lui raconte tout ce qui s'est passé. PP 33 3 Un voile de tristesse mêlée d'étonnement et d'alarme envahit le visage d'Adam. Il répond à sa femme: Le mystérieux serpent doit être l'adversaire contre lequel on nous a mis en garde. En conséquence, d'après la sentence divine, tu devras mourir. Pour toute réponse, Ève l'engage vivement à manger de ce fruit, en lui répétant les paroles du serpent: "Vous ne mourrez certainement pas." Ce doit être vrai, dit-elle, car je ne ressens aucun signe du déplaisir de Dieu. Au contraire, j'éprouve une sensation délicieuse, qui anime tout mon être d'une vie nouvelle, semblable à celle des messagers célestes. PP 33 4 Adam comprend que sa femme a violé le commandement de Dieu et foulé aux pieds la seule défense qui leur ait été imposée pour éprouver leur fidélité et leur amour. Une lutte terrible se livre en lui. Il est consterné de voir Ève devenue victime du tentateur. Mais l'acte fatal est commis, et il va falloir qu'il se sépare de celle dont la société fait sa joie. Comment s'y résigner? Oh! Adam, tu as joui de la compagnie de Dieu et des anges; tu as contemplé la gloire du Créateur, tu sais la haute destinée réservée à ta race si elle demeure fidèle! Et tous ces bienfaits, tous ces privilèges s'éclipseraient devant la crainte de perdre ta compagne! En effet, son affection pour Ève prime tout: elle surpasse son amour, sa gratitude et sa fidélité envers le Créateur. N'est-elle pas, se dit-il, une partie de mon être, et puis-je supporter la pensée d'en être séparé? Il ne lui vient pas à l'idée que la puissance infinie qui l'a tiré de la poudre, qui a fait de lui un être vivant et magnifique, et dont l'amour lui a donné cette compagne, peut la lui remplacer. Et il se décide à partager son sort. Si elle doit mourir, il mourra avec elle. Après tout, se dit-il, les paroles du sage serpent ne pourraient-elles pas être vraies? Ève est devant lui aussi ravissante et, apparemment, aussi innocente qu'auparavant. Elle lui manifeste même un amour plus vif que jamais. Aucun signe de mort ne paraît sur ses traits. Adam se résout à braver les conséquences de son acte. Il saisit le fruit et le dévore. PP 34 1 Son péché consommé, il a tout d'abord l'impression qu'il entre dans une sphère plus élevée. Bientôt, cependant, la pensée de sa faute le remplit de terreur. L'atmosphère, qui avait toujours été douce et uniforme, paraît glaciale au couple désobéissant, leur vêtement lumineux disparaît. N'osant se présenter dévêtus devant Dieu et devant les anges, ils se mettent à façonner quelques ajustements. En outre, l'amour et la paix qui, jusqu'alors, ont été leur partage, font place à un sentiment de culpabilité et de désenchantement, à une frayeur de l'avenir. PP 34 2 Notre premier père, qui commence à se rendre compte du vrai caractère de sa faute, reproche à sa femme de s'être follement éloignée de lui et laissé séduire par le serpent. Ils se rassurent, néanmoins, à l'idée que celui qui les a, jusque-là, comblés de tant de bontés, pardonnera leur unique transgression, ou que leur châtiment sera moins inflexible qu'ils ne le craignent. PP 34 3 Satan triomphe de son succès. Il a poussé la femme à manquer de confiance en Dieu, à douter de sa sagesse, à transgresser sa loi. Par elle, il a consommé la chute d'Adam. PP 35 1 Mais le Législateur suprême se prépare à faire connaître aux coupables les conséquences de leur transgression. Sa divine présence apparaît dans le jardin. Dans son innocence et sa sainteté, le premier couple avait salué avec joie l'approche du Créateur. Mais maintenant, frappés de terreur, Adam et Ève s'enfuient et se cachent dans les taillis les plus épais du jardin. Or, "l'Éternel Dieu appela Adam, et lui dit: Où es-tu? Il répondit: J'ai entendu le bruit de tes pas dans le jardin; j'ai eu peur, parce que je suis nu, et je me suis caché. L'Éternel dit encore: Qui t'as appris que tu es nu? As-tu mangé le fruit que je t'avais défendu de manger?" PP 35 2 Adam ne pouvait pas plus nier qu'excuser son péché. Mais au lieu d'en manifester du repentir, il en jette la faute sur sa femme, et partant sur Dieu lui-même: "La femme que tu m'as donnée pour compagne, m'a offert ce fruit et j'en ai mangé." Celui qui, par amour pour Ève, s'est froidement déterminé à sacrifier l'approbation de Dieu, le Paradis et une vie éternelle de joie, n'hésite pas, en ce moment, à rejeter la responsabilité de sa faute sur sa compagne et sur le Créateur! Telle est la puissance du péché! PP 35 3 Dieu interroge la femme: "Pourquoi as-tu fait cela?" Elle répond: "Le serpent m'a séduite; et j'ai mangé ce fruit." Pourquoi as-tu créé le serpent? Pourquoi l'as-tu laissé pénétrer dans l'Éden? Tels étaient les reproches impliqués dans l'excuse d'Ève. De même qu'Adam, elle rejette sur Dieu la faute de leur commune désobéissance. L'esprit de justification a pour auteur le père du mensonge. Manifesté par nos premiers parents aussitôt qu'ils eurent subi l'ascendant de Satan, il s'est reproduit, depuis, chez tous les fils et toutes les filles d'Adam. Au lieu de confesser humblement son péché, on cherche à s'en disculper et à le rejeter sur ses semblables, sur les circonstances et sur Dieu. On va jusqu'à prendre occasion de ses bienfaits pour murmurer contre lui! PP 35 4 L'Éternel prononce alors la condamnation du serpent: "Parce que tu as fait cela, tu seras maudit entre tous les animaux et toutes les bêtes des champs; tu ramperas sur ton ventre, et tu mangeras la poussière tous les jours de ta vie." Utilisé comme instrument par Satan, le serpent devra partager son châtiment. De la plus gracieuse et la plus admirée des créatures des champs, il va devenir la plus abjecte et la plus détestée de toutes, également redoutée et haïe des hommes et des bêtes. La deuxième partie de la sentence s'applique directement à Satan lui-même dont elle annonce la défaite et la destruction finales: "Et je mettrai de l'inimitié entre toi et la femme; entre ta postérité et sa postérité; elle t'écrasera la tête, et toi, tu la blesseras au talon." PP 36 1 Ève entend ensuite les chagrins et les douleurs qui doivent être désormais sa portion. L'Éternel lui dit: "Tes désirs se porteront sur ton mari, et il dominera sur toi." En la créant, Dieu avait fait Ève égale à Adam. S'ils étaient restés obéissants à Dieu, en harmonie avec sa grande loi d'amour, l'accord le plus parfait n'eût cesser d'exister entre eux. Mais le péché avait engendré la discorde et, dès lors, l'union et l'harmonie ne pouvaient se maintenir que par la soumission de l'un ou de l'autre des époux. Or, Ève avait péché la première. En se séparant de son mari, contrairement à la recommandation divine, elle avait succombé à la tentation, et c'est à ses sollicitations qu'Adam avait désobéi. En conséquence, elle était placée sous l'autorité de son mari. Si notre race déchue obéissait à la loi de Dieu, cette sentence, bien qu'étant un résultat du péché, se changerait en bénédiction. Mais l'homme, abusant de sa suprématie, a trop souvent rendu le sort de la femme bien amer et fait de sa vie un martyre. PP 36 2 Dans sa demeure édénique, Ève avait été parfaitement heureuse aux côtés de son mari. Remuante et curieuse comme nos Èves modernes, elle s'était sentie flattée à l'idée d'entrer dans une sphère plus haute que celle qui lui était assignée. En voulant s'élever au-dessus de sa situation première, elle tomba plus bas. Un sort semblable attend toutes celles qui répugnent à s'acquitter joyeusement des devoirs de la vie. Désertant la place où elles seraient en bénédiction, et ambitionnant des positions pour lesquelles elles ne sont pas faites, beaucoup de femmes sacrifient leur vraie dignité et leur vraie noblesse. PP 36 3 A Adam, Dieu déclara: "Puisque tu as écouté la voix de ta femme, et que tu as mangé de l'arbre au sujet duquel je t'avais donné cet ordre: Tu n'en mangeras point!... la terre sera maudite à cause de toi; tu en tireras ta nourriture avec peine tous les jours de ta vie. Et elle produira pour toi des épines et des chardons, et tu te nourriras de l'herbe des champs. Tu mangeras ton pain à la sueur de ton visage, jusqu'à ce que tu retournes dans la terre d'où tu as été tiré; car tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière." PP 37 1 Il n'entrait pas dans le dessein du Très-Haut que les innocents habitants du Paradis eussent la moindre connaissance du péché. Dieu leur avait prodigué le bien et voilé le mal, alors que désormais, ayant pris de l'arbre défendu, ils vont continuer à en manger, c'est-à-dire à côtoyer le mal, tous les jours de leur vie. A partir de ce moment, le genre humain va être harcelé par les tentations de Satan. Aux douces occupations qui leur avaient été assignées, vont succéder les soucis et le labeur quotidien, les désappointements, les chagrins, les douleurs et finalement la mort. PP 37 2 Quand Dieu avait créé l'homme, il l'avait fait dominer sur la terre et sur toutes les créatures. Tant qu'Adam était demeuré fidèle au ciel, la nature lui était soumise. Mais maintenant qu'il s'est rebellé, le règne animal a secoué son sceptre, et toute la nature, frappée de malédiction, est devenue pour lui un continuel témoin des résultats de son insoumission. Dieu a voulu ainsi, dans sa grande miséricorde, montrer aux hommes le caractère sacré de sa loi, et leur prouver, par leur propre expérience, le danger de s'en écarter si peu soit-il. PP 37 3 Mais la vie de labeur et de soucis qui devait être désormais le lot de l'homme, cachait en réalité une pensée d'amour. Elle constitue une discipline rendue nécessaire à la nature humaine. Elle doit servir à brider ses appétits et ses passions, et l'aider ainsi à se maîtriser. Elle entre dans le grand plan de Dieu pour racheter l'homme de la dégradation et de la ruine. PP 37 4 L'avertissement donné à nos premiers parents: "Le jour où tu en mangeras, tu mourras certainement"(2) n'implique pas qu'ils mourraient le jour même de la désobéissance, mais qu'en ce jour-là, la sentence irrévocable serait prononcée. L'immortalité leur était promise à condition qu'ils obéissent. La transgression commise, ils perdaient la vie éternelle. Le jour même de leur premier péché, ils étaient voués à une mort certaine. PP 37 5 Pour prolonger indéfiniment sa vie, l'homme n'aurait eu qu'à continuer de manger de l'arbre de vie. Privé de ce fruit, sa vitalité allait subir une déperdition graduelle, pour aboutir à la décrépitude et à la mort. L'espoir de Satan était qu'Adam et Ève continueraient à manger du fruit de l'arbre de vie, de façon à perpétuer une existence désormais malheureuse. Mais l'homme n'eut pas plutôt désobéi que des anges furent envoyés pour lui interdire l'accès à l'arbre de vie. La lumière qui flamboyait autour d'eux avait l'apparence d'une épée étincelante. Aucun membre de la famille d'Adam n'a donc pu manger de ce fruit. Ainsi, il n'existe pas de pécheurs immortels. PP 38 1 Envisageant le déluge de maux qui a submergé le monde à la suite de la transgression originelle, bien des personnes déclarent que ces effroyables conséquences ne sont nullement en rapport avec un péché aussi minime. Elles en prennent prétexte pour incriminer la sagesse et la justice de Dieu. Si elles voulaient envisager cette question de plus près, elles verraient leur erreur. Ayant créé l'homme à son image, exempt de péché et destiné à "remplir la terre" d'êtres peu inférieurs aux anges, Dieu ne pouvait permettre qu'elle se peuplât d'une race rebelle à ses lois. Il fallait donc la mettre à l'épreuve. Or, le fait que cette épreuve était extrêmement légère montre non seulement la bonté du Créateur, mais aussi l'énorme gravité de la désobéissance de l'homme. PP 38 2 En revanche, si Adam avait été soumis à une restriction pénible, bien des gens se seraient livrés au mal, en disant: Ceci n'est qu'une peccadille; Dieu ne s'occupe pas de fautes aussi minimes. Des péchés que l'on considère comme véniels et n'encourant pas la réprobation des hommes seraient commis sans remords de conscience. Dieu a ainsi fait voir qu'il a horreur du péché à quelque degré que ce soit... Ève se trompait en croyant le contraire. En mangeant du fruit défendu, et en poussant son mari à l'imiter, elle a attiré sur le monde des maux sans nombre. Qui saurait prévoir, au moment de la tentation, les terribles conséquences qui résulteront d'un faux pas? PP 38 3 Parmi les personnes qui prétendent que la loi de Dieu n'est plus en vigueur, beaucoup affirment qu'il est impossible de lui obéir. Si tel est le cas, comment expliquer qu'Adam ait dû subir la peine de sa transgression? Le péché de nos premiers parents a déversé sur le monde un tel déluge de douleurs et de crimes que, sans la bonté et la miséricorde de Dieu, cette faute première aurait plongé le genre humain dans un désespoir sans issue. Que personne ne s'abuse: "Le salaire du péché, c'est la mort."(3) Pas plus aujourd'hui que lorsque cette sentence fut prononcée sur le père de l'humanité, la loi de Dieu ne peut être impunément violée. PP 39 1 Ayant péché, Adam et Ève furent avertis qu'ils ne pouvaient plus demeurer en Éden. Ils supplièrent Dieu de les laisser habiter le lieu qui fut témoin de leurs joies et de leur innocence. Confessant qu'ils avaient perdu tout droit à occuper cet heureux séjour, ils promirent une stricte obéissance pour l'avenir. Il leur fut répondu: Votre nature s'est altérée et pervertie par le péché; vous avez perdu une partie de votre force de résistance au mal; vous serez donc désormais plus facilement victimes encore des attaques de Satan qu'en votre état d'innocence. PP 39 2 Humiliés, accablés d'une tristesse inexprimable, Adam et Ève dirent adieu à leur ravissante demeure, et s'en allèrent vivre sur une terre frappée de malédiction. La température, précédemment si douce et si uniforme, était devenue sujette à de grandes variations. Pour les protéger des extrêmes du froid et de la chaleur, Dieu, dans sa bonté, leur procura un vêtement fait de peaux d'animaux. PP 39 3 Lorsqu'ils virent pour la première fois une fleur flétrie, une feuille desséchée, ce signe de dégénérescence leur causa un plus grand chagrin qu'on n'en éprouve aujourd'hui devant la mort d'un être cher. Et quand les arbres de la forêt se dépouillèrent de leur feuillage, un fait brutal leur apparut dans toute son horreur: tout organisme vivant est condamné à mourir. PP 39 4 Le séjour de délices dont les charmants sentiers étaient désormais interdits à l'homme demeura longtemps encore sur la terre. Les premiers hommes, déchus de leur innocence, le contemplaient de loin. C'est à la porte de l'incomparable jardin fermé par la présence des gardiens angéliques, et où se révélait la gloire de Dieu, qu'Adam et ses fils venaient adorer le Créateur et renouveler leurs voeux d'obéissance. Plus tard, lorsque la marée montante de l'iniquité eut envahi le monde et que la malice des hommes fut menacée par un déluge dévastateur, la main qui avait planté l'Éden le retira de dessus la terre. Mais il lui sera rendu, plus glorieux encore, lors du rétablissement final, quand apparaîtront "un ciel nouveau et une terre nouvelle".(4) PP 39 5 Alors ceux qui auront gardé les commandements de Dieu jouiront d'une vigueur immortelle sous les ombrages de l'arbre de vie. A travers les siècles infinis de l'éternité, les habitants des mondes immaculés verront dans l'Éden restauré un échantillon de l'oeuvre parfaite de la création divine, alors qu'elle était vierge encore de la souillure du péché, une image de ce que toute la terre serait devenue si l'homme avait collaboré au glorieux plan du Créateur. ------------------------Chapitre 4 -- Le plan de la rédemption PP 41 1 La nouvelle de la chute de l'homme plongea le ciel dans la consternation. Le monde nouvellement créé, contaminé par le péché, allait être habité par une race vouée à la souffrance et à la mort. Cette catastrophe souleva d'universelles lamentations. On n'entrevoyait aucune possibilité de sauver les coupables. PP 41 2 Mais l'amour divin avait à l'avance conçu un plan pour le rachat de l'homme. La loi, violée, demandait la vie des transgresseurs. Or, cette loi était aussi sacrée que Dieu lui-même, et seul un être égal au Très-Haut pouvait, en fournissant la rançon du pécheur, devenir son substitut et le réconcilier avec lui. Cet être, c'était le Fils de Dieu, le glorieux commandant des armées du ciel. Pour accomplir cette mission, il devait prendre sur lui la coulpe et le stigmate du péché, descendre jusqu'au dernier échelon de l'ignominie, et se voir séparé de son Père. PP 41 3 Devant cette effroyable perspective, le Fils de Dieu ne recule pas. Ému de compassion pour le couple infortuné, étreint d'une pitié infinie à la pensée des douleurs d'un monde perdu, il accepte cette entreprise avec tous ses aléas. Il se sacrifiera pour réaliser la pensée éternelle de l'amour de Dieu. PP 42 1 Devant le Père, il plaida la cause du pécheur, cependant que l'armée du ciel attendait, dans une grande anxiété, le résultat de l'entrevue. Il dura longtemps, ce mystérieux colloque, ce "conseil de paix"(1) en faveur de l'homme. Le plan du salut, qui prévoyait l'immolation de "l'Agneau sans défaut et sans tache", avait été formé "avant la création du monde.(2) Et néanmoins, ce ne fut pas sans lutte que le Roi de l'univers consentit à abandonner son Fils à la mort pour une race coupable. Mais "Dieu aima tellement le monde, qu'il donna son Fils, afin que tous ceux qui croiraient en lui ne périssent point, mais qu'ils aient la vie éternelle.(3) Cet amour de Dieu pour un monde qui ne l'aimait pas "surpasse toute connaissance". A travers des âges sans fin, les esprits immortels, confondus et prosternés, chercheront à en sonder le mystère. PP 42 2 Perverti par le péché, l'homme était incapable par lui-même de se réconcilier avec celui qui n'est que bonté et pureté. D'autre part, Dieu ne pouvait "réconcilier le monde avec soi"(4) qu'en se manifestant par l'intermédiaire de son Fils. En outre, ce Fils, après avoir racheté l'homme de la condamnation de la loi, allait pouvoir associer la puissance divine à l'effort humain. Ainsi, les enfants d'Adam pourront redevenir "enfants de Dieu(5) par la conversion et la foi au Rédempteur. Ce plan allait requérir la collaboration du ciel tout entier. PP 42 3 Mais lorsque le Fils de Dieu en fit part aux anges, ceux-ci, loin de se réjouir, accueillirent ses paroles au milieu d'un silence mêlé de stupeur. Le salut de l'homme, leur dit-il, va coûter des douleurs inexprimables à votre chef bien-aimé. Pour pouvoir se placer entre le pécheur et son châtiment, il lui faudra quitter le siège de la Majesté céleste, renoncer aux joies et à la gloire immortelle des régions de la pureté et de la paix, naître sur la terre comme un simple homme, y respirer l'atmosphère fétide et souillée d'un monde perdu. Après avoir participé personnellement aux douleurs et aux tentations des humains, il subira l'ignominie et la mort. Tout cela sera nécessaire pour que votre Maître soit à même de secourir ceux qui sont tentés.(6) PP 42 4 A la fin de son ministère, dit encore Jésus, livré entre les mains d'hommes cruels et exposé à toutes les insultes et à toutes les tortures que Satan pourra leur inspirer, il sera suspendu entre le ciel et la terre comme un malfaiteur, et subira la mort la plus cruelle. Après de longues heures d'une agonie que vous ne pourrez contempler sans vous voiler la face, il connaîtra une suprême angoisse: chargé à ce moment-là des péchés du monde entier, il verra le Père détourner de lui son visage. PP 43 1 A ces mots, les anges se prosternent aux pieds de leur chef et lui offrent leur vie en sacrifice en faveur de l'homme. La vie d'un ange, leur répond-il, ne saurait payer la dette du pécheur. Seul peut le faire celui qui a créé l'homme. Durant un certain temps, le Fils vous sera inférieur par la mort qu'il devra souffrir".(7) Revêtu de la nature humaine, il n'aura pas votre résistance morale. Vous aurez donc à l'entourer, à le fortifier et à le soulager dans ses souffrances. Ensuite, attachés "au service de Dieu", vous serez, par lui, "envoyés pour exercer un ministère en faveur de ceux qui doivent recevoir en héritage le salut.(7) Vous aurez ainsi à protéger les sujets du royaume de Dieu de la puissance des mauvais anges et des ténèbres morales dont Satan cherchera sans cesse à les envelopper. PP 43 2 Quand vous assisterez à l'humiliation et à l'agonie de votre Maître, vous serez tentés, dans votre douleur et votre indignation, de le délivrer de la main de ses meurtriers. Mais il ne vous sera pas permis d'intervenir pour empêcher quoi que ce soit. Les sarcasmes et la brutalité des hommes envers le Sauveur font partie du plan du salut. En devenant le Rédempteur, il doit y consentir d'avance. PP 43 3 Apprenez que par sa mort le Sauveur rachètera un grand nombre d'âmes, et détruira celui qui a la puissance de la mort. Il revendiquera le royaume vendu à Satan par le péché, et les rachetés en partageront avec lui la possession éternelle. Le péché et les pécheurs seront anéantis et ne troubleront jamais plus la paix du ciel ou de la terre. Je vous demande, dit-il en terminant, de vous rallier à ce plan que mon Père a accepté, et de vous réjouir de ce que, par ma mort, l'homme déchu pourra être réconcilié avec Dieu. PP 43 4 La gloire et la félicité d'un monde racheté allaient donc éclipser les douleurs et l'immolation du Prince de la vie. Alors des transports d'allégresse éclatèrent dans les cieux et les parvis célestes retentirent des premiers accords du cantique qui devait, plus tard, se faire entendre sur les collines de Bethléem: "Gloire à Dieu au plus haut des cieux, paix sur la terre, bienveillance envers les hommes."(8) Avec plus d'enthousiasme encore que lors de la création du monde, "les étoiles du matin entonnèrent des chants d'allégresse, et les fils de Dieu poussèrent des acclamations".(9) PP 44 1 La première nouvelle du plan de la rédemption qui parvint à Adam était renfermée dans la sentence prononcée sur Satan au Paradis: "Et je mettrai de l'inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité: celle-ci t'écrasera la tête, et tu la blesseras au talon." Cette sentence, prononcée devant nos premiers parents, contenait pour eux une promesse. Tout en prédisant une guerre entre l'homme et Satan, elle déclarait que la puissance du grand adversaire serait finalement abattue. Debout comme des criminels devant leur juge, Adam et Ève attendaient le verdict qui devait les condamner non seulement à une vie de labeur et de douleur, mais aussi à retourner dans la poussière. Ils entendirent alors ces paroles qui firent naître dans leurs coeurs une espérance consolante: s'ils devaient souffrir de la puissance de leur grand ennemi, ils entrevoyaient cependant une victoire finale. PP 44 2 Quand Satan apprit qu'il y aurait inimitié entre lui et la femme, entre sa postérité et la sienne, il comprit que son oeuvre de dépravation sur la nature humaine allait être entravée, et que l'homme serait mis à même de résister à son ascendant. Mais lorsqu'il entendit un exposé plus complet du plan du salut, il se réjouit néanmoins à la pensée qu'ayant consommé la chute d'Adam, il avait réussi à obliger le Fils de Dieu à descendre de son trône, revêtu de la nature humaine. Fier de ce premier succès, il se flatta de triompher, et de mettre ainsi en échec la rédemption de l'homme. PP 44 3 Des anges développèrent plus en détail le plan du salut à nos premiers parents. Ils leur dirent: "Soyez certains que, malgré votre grand péché, vous ne serez pas abandonnés à la puissance de l'ennemi. Le Fils de Dieu a offert d'expier votre faute au prix de sa vie. Grâce à une nouvelle période d'épreuve, en obéissant à Dieu, par la foi au Rédempteur, vous pourrez redevenir ses enfants." PP 44 4 Le sacrifice exigé par leur transgression révéla à Adam et Ève le caractère sacré de la loi divine. Mieux que jamais, ils virent la nature détestable du péché et ses affreux résultats. Accablés de remords et de douleur, ils supplièrent Dieu d'épargner son Fils dont l'amour avait fait toute leur joie, et de les frapper eux-mêmes et leur postérité. PP 45 1 La loi de Jéhovah, leur fut-il répondu, est à la base de son gouvernement, aussi bien dans le ciel que sur la terre. La modifier, ne fût-ce que sur un seul point, pour l'adapter à votre état de déchéance, est hors de question. D'autre part, la vie d'un ange ne pourrait être acceptée comme rançon de sa violation. C'est le Fils de Dieu, celui qui a créé l'homme, qui seul peut la fournir. De même que la transgression d'Adam entraînera la souffrance et la mort, de même le sacrifice du Bien-Aimé apportera la vie et l'immortalité. PP 45 2 Dans votre innocence, vous avez pu vous entretenir avec votre Créateur. Mais votre péché vous ayant séparé de lui, il n'y a que l'expiation de son Fils qui puisse franchir cet abîme, ouvrir une voie de communication entre le ciel et la terre, et apporter aux hommes le salut et la joie. Vos relations personnelles avec le Créateur, actuellement supprimées, se continueront par l'intermédiaire de son Fils et de ses anges. PP 45 3 Ce n'était pas, d'ailleurs, l'homme seul qui était tombé sous la puissance de Satan, et qui devait être racheté; il y avait aussi notre terre. On devient esclave de celui par qui on est vaincu"...(10) Quand il fut créé, Adam avait reçu la domination du globe. En cédant à la tentation, il devint le captif du tentateur, et son fief passa entre ses mains. C'est ainsi qu'en usurpant la domination de la terre confiée à Adam, Satan est devenu le "dieu de ce monde.(11) En payant la pénalité du péché, le Sauveur a racheté non seulement l'homme, mais aussi son empire. Tout ce qui a été perdu par le premier Adam sera restauré par le second. "Et toi, tour du troupeau, colline de la fille de Jérusalem", dit un prophète, "à toi viendra, à toi arrivera l'ancienne domination". L'apôtre Paul parle également de la "rédemption de la possession acquise.(12) PP 45 4 Dieu a créé la terre pour en faire la demeure d'êtres saints et heureux. "Dieu a formé la terre, et l'a affermie; il l'a fondée lui-même; il ne l'a pas créée pour être déserte, mais pour être habitée."(13) Ce but sera atteint quand, renouvelée par la puissance de Dieu, exempte de péché et de douleurs, elle deviendra l'héritage éternel des rachetés. "Les justes posséderont la terre, et ils y demeureront à perpétuité." "Il n'y aura plus d'anathème; le trône de Dieu et de l'Agneau sera dans la ville; ses serviteurs... verront sa face.(14) PP 46 1 C'est ainsi que Dieu révéla à Adam et Ève d'importants événements qui allaient marquer l'histoire de l'homme jusqu'au déluge et au premier avènement du Fils de Dieu. Ils entendirent encore ces paroles: Bien que le sacrifice du Sauveur soit suffisant pour sauver le monde entier, un grand nombre d'hommes préféreront une vie de péché à une vie d'obéissance. Le crime augmentera d'une génération à l'autre, et la malédiction qu'entraîne le péché pèsera toujours plus lourdement sur le genre humain, sur le règne animal et sur la terre. Par sa perversité, l'homme raccourcira lui-même la longueur de ses jours. Il déclinera en stature, en endurance physique, ainsi qu'en force morale et intellectuelle. Le monde sera accablé de misères de tous genres. En obéissant à leurs penchants, les hommes se rendront incapables d'apprécier les grandes vérités du plan du salut. Mais, fidèle à son dessein, le Fils de Dieu ne se désintéressera pas du sort des hommes; il continuera de s'offrir à eux comme le refuge de la faiblesse et du malheur. Il suppléera aux besoins de tous ceux qui s'approcheront de lui avec foi. Aussi y aura-t-il toujours sur la terre des serviteurs de Dieu pour maintenir sa connaissance et rester purs au milieu de la perversité universelle. PP 46 2 Pour rappeler constamment à l'homme le souvenir de son péché et lui donner l'occasion de confesser humblement sa foi en un Rédempteur futur, Dieu institua le rite des sacrifices. Le premier holocauste offert par Adam lui causa une douleur cuisante. De sa propre main, il dut ravir à un être la vie que Dieu seul pouvait donner. C'était la première fois qu'il voyait la mort, qui, sans lui, n'eût jamais frappé les hommes ni les animaux. En égorgeant l'innocente victime, il frissonna à la pensée que son péché ferait couler le sang de l'Agneau de Dieu. Cette scène lui donna un sentiment plus profond et plus vif de la gravité d'une faute qui ne pouvait être expiée que par la mort d'un être cher au coeur du Très-Haut. Puis Adam s'émut devant la bonté infinie de celui qui consentait à offrir au pécheur une telle rançon. Une étoile d'espérance illumina dès lors l'avenir qui lui avait paru si lugubre et si désolé. PP 46 3 Mais le plan de la rédemption avait un but bien plus vaste encore que le salut de l'humanité. Ce plan n'était pas seulement destiné à faire respecter la loi de Dieu par les habitants de notre petite planète. Il s'agissait de justifier le caractère de Dieu devant les habitants des autres mondes. C'est à cela que le Sauveur faisait allusion quand il disait, immédiatement avant sa crucifixion: "C'est maintenant qu'a lieu le jugement de ce monde; maintenant le prince de ce monde va être jeté dehors. Et moi, quand j'aurai été élevé de la terre, j'attirerai tout à moi."(15) La mort du Fils de Dieu allait rendre le ciel accessible aux hommes; mais elle allait aussi justifier devant tout l'univers l'attitude de Dieu et de son Fils concernant la révolte de Satan. Elle établirait la perpétuité de sa loi et révélerait la nature et les résultats du péché. PP 47 1 Dès le début, le grand conflit a porté sur la loi de Dieu. Satan a prétendu que le Seigneur est injuste, sa loi imparfaite, et que le bien de l'univers exige sa révision. En l'attaquant, le grand rebelle visait à renverser l'autorité de son auteur. La suite du conflit montrera si les divins statuts sont défectueux et doivent être amendés, ou s'ils sont parfaits et immuables. PP 47 2 Quand Satan fut expulsé du ciel, il résolut de faire de la terre son royaume. Si je séduis Adam et Ève, pensait-il, leur patrimoine passera entre mes mains, puisqu'ils m'auront choisi pour leur souverain. D'ailleurs, le péché ne pouvant être pardonné, Adam et ses descendants seront mes sujets légitimes, et le monde m'appartiendra. Son plan fut déjoué quand Dieu livra son Fils unique, égal à lui-même, en rançon pour le péché, ouvrant ainsi à l'homme la voie de la réconciliation et sa rentrée au Paradis. Mais pour que la terre pût être arrachée aux griffes de l'usurpateur, il fallait que ce litige, ouvert dans le ciel, fût tranché sur le terrain même que l'adversaire réclamait comme sien. PP 47 3 L'univers fut émerveillé en apprenant que le Fils de Dieu allait s'offrir en sacrifice pour sauver l'humanité. Celui qu'on avait vu passer, à travers l'immensité de la création, d'une étoile et d'un monde à l'autre, surveillant tout et assurant le bien-être de chacun, avait consenti à quitter sa gloire pour s'incarner dans la nature humaine. Ce projet mystérieux suscitait de profondes méditations chez les innocents habitants des autres mondes. Aussi, quand Jésus-Christ parut sur la terre sous une forme humaine, tous ces êtres le suivirent-ils, pas à pas, avec un intérêt palpitant, sur le chemin ensanglanté qui le conduisait de la crèche à la croix. On enregistra les moqueries et les insultes dont il fut abreuvé à l'évidente instigation de Satan. On suivit la marche de la lutte: on vit, d'une part, l'adversaire déversant sur l'humanité un flot de ténèbres, de deuil et de souffrances; d'autre part, le Sauveur refoulant ce flot de toute l'énergie de son âme. PP 48 1 On vit la bataille entre le bien et le mal devenir de plus en plus acharnée. Et lorsque le crucifié, expirant sur la croix, s'écria: "Tout est accompli!" dans tous les mondes, comme à travers le ciel, retentit un immense cri de victoire. On avait atteint l'issue du vaste conflit qui se poursuivait depuis tant de siècles. Le Fils de Dieu avait vaincu. Par sa mort, la grande question posée: le Père et le Fils pousseront-ils leur amour pour l'homme jusqu'au sacrifice? était désormais tranchée, et Satan s'était dévoilé sous son véritable caractère de menteur et de meurtrier. Par la manière dont il traitait les hommes soumis à sa puissance, on pouvait juger de l'esprit dans lequel, s'il en avait eu l'occasion, il aurait gouverné les êtres célestes. Aussi, est-ce d'une seule voix que dans tout l'univers fut exaltée l'administration divine. PP 48 2 Si la loi de Dieu avait pu être changée, le salut de l'homme aurait été accompli sans le sacrifice du Calvaire. Le fait que le Fils de Dieu a dû donner sa vie en faveur de l'humanité a prouvé que cette loi n'abandonne pas ses droits sur le pécheur. Il a été démontré que "le salaire du péché, c'est la mort", et que la mort de Jésus a scellé le destin de Satan. PP 48 3 Si la loi divine a été abolie à la croix, comme d'aucuns le prétendent, une conclusion s'impose: l'agonie et la mort du Fils de Dieu n'ont eu d'autre résultat que de donner raison à Satan, et ainsi le Prince du mal a triomphé, et ses accusations contre le gouvernement divin ont été justifiées. Au contraire, le simple fait que Jésus-Christ a payé la peine du péché prouve, d'une façon concluante et définitive, que la loi divine est immuable; que Dieu est juste, miséricordieux, prêt au sacrifice, et que, sous son administration, entre le pardon, d'une part, et la justice infinie, de l'autre, l'harmonie est parfaite. ------------------------Chapitre 5 -- Caïn et Abel PP 49 1 Les fils d'Adam, Caïn et Abel, étaient très différents de caractère. Abel avait des dispositions à la piété. Il s'était rendu compte que les voies de Dieu envers l'homme pécheur sont empreintes de justice et de miséricorde, et il acceptait avec reconnaissance l'espérance de la rédemption. Caïn, en revanche, nourrissait toutes sortes de pensées amères. Il murmurait de ce que Dieu, en raison du péché d'Adam, avait prononcé une malédiction sur la terre et sur le genre humain. Il s'abandonnait aux pensées mêmes qui avaient amené la perte de Satan: à l'ambition et au doute à l'égard de la justice et de l'autorité divines. Comme Adam et Ève, ces deux frères durent prouver leur fidélité à l'égard de la parole de Dieu. Ils connaissaient les conditions du salut, et comprenaient le système divinement institué des sacrifices. Ils savaient qu'en se conformant à ce rite, ils exprimaient leur foi en un Sauveur à venir, reconnaissaient qu'il n'y a de pardon qu'en lui seul, et manifestaient leur soumission à la volonté divine. Enfin, ils n'ignoraient pas qu'en signe d'actions de grâces, ils devaient présenter à Dieu les premiers fruits de la terre. PP 49 2 Les deux frères préparèrent deux autels semblables, et y apportèrent leurs offrandes. Celle d'Abel, conformément à l'ordre divin, consistait en un agneau de son troupeau. Et "l'Éternel eut égard à Abel et à son offrande".(1) Le feu descendit du ciel et consuma le sacrifice. Caïn, en dépit des instructions reçues, nettes et précises, déposa sur son autel, non pas un agneau, mais des produits de son verger. Aucun signe du ciel ne vint témoigner que son offrande était agréée. Abel le supplia de s'approcher de Dieu de la façon requise, mais il ne se montra que plus obstiné à en faire à sa guise. Étant l'aîné, il jugeait qu'il n'avait pas de leçons à recevoir de son frère, et méprisa ses conseils. PP 50 1 Caïn s'était approché de Dieu le murmure sur les lèvres et l'incrédulité au coeur à l'égard de l'expiation promise et de la nécessité des sacrifices. Son offrande n'impliquait aucun aveu de ses fautes. Ainsi que beaucoup de nos contemporains, c'était pour lui un acte de faiblesse que de suivre scrupuleusement les directions divines et d'attendre son salut uniquement d'un Sauveur à venir. Déterminé à conserver son indépendance, fort de ses mérites, au lieu de s'approcher de Dieu avec un agneau dont le sang se fût mêlé à son offrande, il avait apporté du fruit de son travail. Par ce geste, il pensait offrir à Dieu un hommage qui lui assurât son approbation. Il avait obéi, il est vrai, en érigeant son autel. Il avait encore obéi en apportant une offrande; mais cette obéissance était incomplète. Il y manquait l'élément essentiel: l'aveu du besoin d'un Rédempteur. PP 50 2 Du point de vue de leur instruction religieuse, les deux frères étaient égaux. Pécheurs tous les deux, ils reconnaissaient également leur devoir d'adorer Dieu et de le révérer. Jusqu'à un certain point, vue superficiellement, leur religion était la même. Passé cette limite, la différence était énorme. PP 50 3 "Par la foi, Abel offrit à Dieu un sacrifice meilleur que celui de Caïn."(2) Abel avait compris les grands principes de la rédemption. Se reconnaissant pécheur, il voyait se dresser entre l'Éternel et lui toute sa culpabilité et la mort qui en est la pénalité. En offrant une victime sanglante, il s'inclinait devant la loi de Dieu violée par lui, et contemplait dans le sang de cette même victime un Sauveur qui devait mourir à sa place. C'est ainsi qu'il avait tout à la fois et l'assurance que son offrande était agréée, et le témoignage de sa justification. PP 50 4 Caïn n'était nullement victime d'une décision arbitraire. Autant qu'Abel, il avait eu l'occasion d'apprendre et d'accepter la vérité. C'est une erreur de croire que l'un des deux frères avait été élu pour le salut, et l'autre pour la perdition. Abel choisit la foi et l'obéissance; Caïn opta pour le doute et l'insoumission. Là était toute la différence. PP 51 1 Caïn et Abel représentent deux catégories d'individus que l'on rencontrera jusqu'à la fin. Les uns acceptent le sacrifice offert pour délivrer l'homme de son péché; les autres courent le risque de se confier en leurs propres mérites, c'est-à-dire d'offrir à Dieu un sacrifice privé de vertu expiatoire, et partant incapable de réconcilier l'homme avec Dieu. Ces derniers veulent ignorer que seuls les mérites de Jésus-Christ peuvent nous procurer le pardon de nos péchés. Ceux qui, ne sentant aucun besoin de l'Agneau de Dieu, comptent pouvoir s'intégrer dans la faveur du Tout-Puissant par leurs bonnes oeuvres, commettent la même erreur que Caïn. Aussi longtemps qu'ils n'acceptent pas le sang purificateur, ils restent sous la condamnation. PP 51 2 Les adorateurs qui se rangent du côté de Caïn constituent la majorité des hommes. Presque toutes les fausses religions ont pour base le principe selon lequel on peut faire son salut par ses propres moyens. Quelques-uns aujourd'hui prétendent que l'humanité n'a nul besoin de rédemption, mais seulement d'une amélioration; qu'elle est susceptible de s'épurer, de s'élever, de se régénérer elle-même. On en voit le résultat dans l'histoire de Caïn. Non, elle n'est pas capable de se régénérer elle-même. Sa tendance naturelle n'est pas de monter vers le bien, mais de descendre vers le mal. Jésus est notre unique espérance. "Il n'y a, sous le ciel, aucun autre nom qui ait été donné aux hommes, par lequel nous devions être sauvés." "Car il n'y a de salut en aucun autre."(3) PP 51 3 La vraie foi, celle qui s'appuie entièrement sur le Sauveur, se traduit par la soumission à toutes les exigences divines. Depuis Adam jusqu'à nos jours, une grande controverse se poursuit sur la question de l'obéissance à la loi de Dieu. Dans tous les siècles, on a vu des hommes se réclamer de la faveur divine tout en se permettant de fermer les yeux sur l'un ou l'autre de ses préceptes. C'est "par les oeuvres", déclare l'Écriture, que la foi est "rendue parfaite"; sans les oeuvres, sans l'obéissance, "la foi est morte".(4) Celui qui prétend connaître Dieu, "et qui ne garde pas ses commandements, est un menteur, et la vérité n'est point en lui.(5) PP 52 1 Quand Caïn vit que son offrande était rejetée, il se courrouça contre Dieu et contre Abel: contre Dieu, parce qu'il n'acceptait pas ce qu'il avait substitué à l'offrande réglementaire, et contre Abel, parce qu'il préférait obéir à Dieu, plutôt que de le suivre dans sa désobéissance. Dieu n'abandonna cependant pas Caïn à lui-même, et condescendit à raisonner avec cet homme qui se montrait si peu raisonnable. "L'Éternel dit à Caïn: Pourquoi es-tu irrité, et pourquoi ton visage est-il abattu?"(6) La voix céleste continua: "Si tu avais fait ton offrande avec piété, n'aurait-elle pas été agréée? Si tu l'as faite sans piété, c'est que le péché est déjà à la porte de ton coeur qu'il tend à dominer. Mais toi, sache t'en rendre vainqueur.(6) L'alternative est devant Caïn. Ou bien il acceptera les mérites du Sauveur promis et obéira à Dieu pour jouir de sa faveur, ou bien il persistera dans son incrédulité et dans sa désobéissance; et dans ce cas, Dieu l'abandonnera sans qu'il ait aucun motif de se plaindre. PP 52 2 Au lieu de reconnaître sa culpabilité, le fils aîné d'Adam continue à se plaindre de l'injustice de Dieu et à jalouser haineusement son frère. Querelleur, il provoque une discussion avec ce dernier au sujet des voies de Dieu à leur égard. Modestement, mais fermement, le frère cadet prend le parti de la justice et de la bonté du Créateur, et s'efforce de convaincre Caïn que c'est lui qui a tort. Il lui rappelle avec quelle compassion Dieu a épargné la vie de leurs parents, alors qu'il aurait pu les frapper à mort sur-le-champ. En outre, dans son amour, Dieu livrera son Fils innocent au châtiment qu'ils ont eux-mêmes mérité. Ces paroles ne font qu'exaspérer Caïn, en qui le bon sens et la conscience crient qu'Abel a raison. Mais il est furieux de voir celui qui a l'habitude de l'écouter oser le contredire et lui refuser toute sympathie. Une rage aveugle s'empare de lui, et il frappe mortellement son frère. PP 52 3 Ce n'était pas pour quelque faute commise par Abel que Caïn le haïssait et qu'il le tua, mais "parce que ses oeuvres étaient mauvaises, et parce que celles de son frère étaient justes."(7) C'est ainsi que, dans tous les siècles, les méchants ont haï ceux qui étaient meilleurs qu'eux. La vie d'obéissance et de fidélité respectueuse d'Abel était pour le meurtrier un reproche perpétuel. "Quiconque fait le mal hait la lumière, et ne va pas vers la lumière, de peur que ses oeuvres ne soient réprouvées.(8) "Tous ceux qui veulent vivre pieusement en Jésus-Christ seront persécutés.(9) PP 53 1 La mort d'Abel est le premier exemple de l'inimitié qui, selon la déclaration divine, devait régner entre le serpent et la postérité de la femme, c'est-à-dire entre Satan et ses sujets, d'un côté, et Jésus-Christ et ses disciples, de l'autre. Par le péché, Satan a su imposer son ascendant à la race humaine; mais ce joug, Jésus-Christ nous offre le moyen de le briser. Lorsque, par la foi en l'Agneau de Dieu, une âme renonce au péché, la fureur de Satan s'allume aussitôt. La vie sainte d'Abel réfutait la prétention de l'Adversaire selon laquelle il est impossible à l'homme d'observer la loi de Dieu. Quand Caïn, animé par l'esprit du Malin, vit qu'il ne pouvait dominer Abel, il s'emporta à tel point qu'il lui donna la mort. Partout où des hommes oseront revendiquer la loi de Dieu, on verra le même esprit s'élever contre eux. C'est là l'esprit qui, dans tous les siècles, a dressé les potences et allumé les bûchers où ont péri les disciples de Jésus-Christ. Ces cruautés émanent toujours de Satan et de ses suppôts. Mais la rage du Malin est celle d'un adversaire désarmé. Chaque martyr de Jésus est un vainqueur. "Ils l'ont vaincu (le serpent ancien, appelé le Diable et Satan) par le sang de l'Agneau et par la parole de leur témoignage; ils n'ont point aimé leur vie, ils n'ont pas reculé devant la mort."(10) PP 53 2 Le meurtrier fut bientôt appelé à répondre de son crime. "L'Éternel dit à Caïn: Où est Abel, ton frère? Caïn répondit: Je ne sais pas; suis-je le gardien de mon frère, moi"?(11) Caïn est déjà descendu si bas dans le péché qu'il a perdu la notion de la grandeur et de l'omniscience de Dieu. Pour cacher son crime, il recourt au mensonge. PP 53 3 Dieu lui répond: "Qu'as-tu fait? Le sang de ton frère crie de la terre jusqu'à moi." Il donne à Caïn l'occasion de confesser son péché, car il a eu le temps de réfléchir. Il connaît l'énormité de son crime et du mensonge dont il a essayé de le couvrir. Mais il reste frondeur, et la sentence ne tarde plus. La voix qui lui a fait entendre des appels si doux lui jette maintenant ce terrible verdict: "Tu seras maudit de la terre qui a ouvert sa bouche pour recevoir de ta main le sang de ton frère. Quand tu cultiveras la terre, elle ne te donnera plus ses fruits; tu seras errant et fugitif sur la terre." PP 53 4 Bien que le meurtrier ait mérité la peine capitale, un Créateur miséricordieux lui conserve la vie et lui donne le temps de se convertir. Mais Caïn ne vivra que pour s'endurcir, pour fomenter la révolte contre l'autorité divine, et pour devenir le chef d'une race de pécheurs effrontés et intraitables. Poussé par Satan, cet apostat deviendra un meneur dont l'influence et l'exemple contribueront à démoraliser la société et à propager à tel point la corruption et la violence, que la destruction du monde deviendra nécessaire. PP 54 1 En épargnant la vie du premier meurtrier, Dieu voulait donner à tout l'univers une leçon sur le conflit séculaire entre le bien et le mal. La sombre histoire de Caïn et de ses descendants devait être un exemple de ce qui serait arrivé si Dieu avait permis aux pécheurs de poursuivre éternellement leur révolte contre lui. La miséricorde de Dieu n'eut pour effet que d'aggraver l'arrogance des impies. Quinze siècles après la sentence prononcée sur Caïn, l'univers put constater, dans le spectacle d'un monde plongé dans la souillure et le crime, les fruits de l'influence et de l'exemple du premier meurtrier. Il devint manifeste que la sentence de mort prononcée sur les hommes était à la fois juste et miséricordieuse. On vit que plus ceux-ci vivent longtemps dans le mal, plus ils deviennent insolents. On comprit que le verdict coupant court à une carrière d'iniquité débordante et débarrassant le monde d'êtres endurcis dans le péché était non pas un malheur, mais un bienfait. PP 54 2 Dévoré par un zèle frénétique, Satan travaille sans relâche et sous mille déguisements à calomnier le caractère et le gouvernement de Dieu. Grâce à de vastes plans, à une organisation savante et à une énergie farouche, il s'efforce de retenir les habitants du monde dans les filets de l'imposture. De son côté, grâce à une stratégie d'une ampleur incomparable, l'Être infiniment sage qui voit la fin dès le commencement prépare non seulement l'écrasement de la révolte, mais le dévoilement de son caractère devant l'univers. PP 54 3 Les fidèles habitants des autres mondes surveillaient avec une profonde attention ce qui se passait sur le nôtre. Le tableau de l'humanité leur révélait quels auraient été, dans le ciel, les résultats de l'administration de Lucifer qui rejetait l'autorité de Dieu et faisait fi de sa loi. Cette race de malfaiteurs éhontés leur fournissait un échantillon authentique de ce que deviennent bientôt les sujets du grand révolté. PP 54 4 "Toutes les pensées de leurs coeurs étaient chaque jour dirigées vers le mal."(12) Chez ces hommes, chaque impulsion du coeur ou de l'imagination était opposée aux principes divins de pureté, de paix et d'amour. Telle était l'effroyable moisson de la politique de Satan qui consiste à affranchir les créatures de Dieu des barrières de sa loi. PP 55 1 Grâce aux faits mis au jour par les péripéties de ce formidable conflit, Dieu justifie les principes et les règles de son gouvernement diffamé par Satan et ses partisans. Un jour -- trop tard pour les rebelles -- sa justice sera proclamée par les méchants comme par les bons. PP 55 2 Au fur et à mesure que se développe le front gigantesque de son ordre de bataille, et que l'heure du dénouement s'approche, Dieu recueille, au long des siècles, la sympathie et l'approbation de tous les mondes. Cette sympathie et cette approbation ne lui feront pas défaut lors de l'extirpation définitive de la grande rébellion. Il sautera alors aux yeux de tous que les contempteurs des divins préceptes se sont rangés du côté de Satan et ont fait la guerre à Jésus-Christ. Aussi, quand le prince de ce monde sera jugé, et que ses partisans partageront son châtiment, tout l'univers, en qualité de témoin à charge, fera retentir cette clameur: "O Roi des saints, tes voies sont justes et véritables!"(13) ------------------------Chapitre 6 -- Seth et Hénoc PP 57 1 Adam eut un troisième fils qui fut destiné à être l'héritier de la promesse divine renfermant le droit d'aînesse spirituel. Le nom de Seth, qui lui fut donné, signifie "mis à la place", "remplaçant", "car, dit Ève, Dieu m'a donné un autre fils à la place d'Abel, que Caïn a tué".(1) De stature plus noble que Caïn et Abel, Seth avait plus de ressemblance avec Adam que ses frères. Au point de vue religieux, il suivait les traces d'Abel, ce qui ne veut pas dire qu'il eût hérité d'un naturel meilleur que Caïn. "Lorsque Dieu créa l'homme", est-il écrit, il le "fit à l'image de Dieu". Après la chute, on lit de Seth qu'"Adam eut un fils à sa ressemblance, selon son image.(2) Adam fut créé à l'image de Dieu, sans péché, tandis que Seth, de même que Caïn, hérita de la nature déchue de ses parents. Seulement, lorsqu'il eut connaissance du Rédempteur et de la volonté d'un Dieu juste et saint, il voulut, avec le secours de la grâce divine, honorer et servir son Créateur, et, comme Abel s'il avait vécu, enseigner la bonne voie aux pécheurs. PP 57 2 "Un fils naquit aussi à Seth, et il l'appela Énos. C'est alors que l'on commença d'invoquer le nom de l'Éternel." Les fidèles avaient adoré Dieu avant cette date; mais à mesure que les descendants d'Adam se multipliaient, la différence entre ceux-ci et les rebelles devenait plus marquée. On se déclarait ouvertement pour la piété ou le mépris de la religion et la désobéissance. PP 58 1 Avant la chute, comme après leur expulsion du Paradis, nos premiers parents avaient honoré et observé le jour de repos institué en Éden. Ayant, ensuite, goûté aux fruits amers de la désobéissance, ils apprirent, comme ceux qui foulent aux pieds les commandements de Dieu, que ces divins préceptes sont sacrés et immuables, et que la peine de la transgression ne se fait pas attendre. Tous les descendants d'Adam restés fidèles honorèrent, comme eux, le jour de repos. Caïn et les siens, en revanche, sans aucun égard pour le jour auquel Dieu s'était reposé, choisirent, à leur gré, leurs jours de labeur et de chômage. PP 58 2 Après sa malédiction, Caïn s'éloigna du voisinage de son père et se voua d'abord à la culture du sol. Plus tard, il fonda une ville à laquelle il donna le nom de son fils aîné. Tournant le dos à la promesse d'un paradis restauré, pour ne rechercher que les biens passagers d'une terre maudite et les plaisirs du péché, il devint le chef de file de la très nombreuse classe de ceux qui adorent le dieu de ce siècle. Ses descendants, célèbres par leurs contributions aux progrès des arts et des métiers, étaient dénués de piété et opposés au plan de Dieu pour l'humanité. Au crime d'homicide dont Caïn avait donné l'exemple, Lémec, son cinquième descendant, ajouta la polygamie. Ehonté dans son impiété, il ne prononça le nom de Dieu que pour tirer de l'impunité de Caïn l'assurance de sa propre sécurité. PP 58 3 Abel s'était consacré à la vie pastorale, vivant sous des tentes ou sous des abris de feuillage. Les descendants de Seth, qui suivaient la même vocation, faisaient "profession d'être étrangers et voyageurs sur la terre", "attendant une patrie meilleure, la patrie céleste".(3) Pendant un certain temps, les deux clans demeurèrent distincts. Puis la race de Caïn, débordant de son territoire primitif, se répandit dans les plaines et les vallées où les enfants de Seth avaient fixé leur résidence. Ceux-ci, pour échapper à la contagion de leur exemple, se retirèrent dans les montagnes. Aussi longtemps que dura cette séparation, ils demeurèrent fidèles à Dieu et à son culte. Mais avec le temps, ils se mélangèrent insensiblement aux habitants des vallées. Ce contact eut les pires conséquences. PP 59 1 "Les fils de Dieu virent que les filles des hommes étaient belles."(4) Attirés par la beauté des femmes de la race de Caïn, les enfants de Seth oublièrent la volonté de Dieu au point de les épouser. Dans leur société, un grand nombre d'adorateurs de Dieu cessèrent de constituer un peuple à part. Leurs relations avec des gens dépravés leur firent adopter aussi bien leurs raisonnements que leurs manières de vivre. Ils firent litière des restrictions du septième commandement: "ils prirent des femmes parmi toutes celles qui leur plurent". "Suivant la voie de Caïn(5) et abandonnant les commandements de Dieu, ils s'adonnèrent à la poursuite de la fortune et du plaisir. Sans "se soucier de conserver la connaissance de Dieu", ils "s'égarèrent dans de vains raisonnements, et leur coeur sans intelligence fut rempli de ténèbres". Aussi Dieu les livra-t-il "à un esprit pervers(6) et la prévarication, comme une lèpre mortelle, se répandit sur la terre. PP 59 2 Durant près de mille ans, témoin éploré des résultats de sa faute, Adam lutta de toutes ses forces pour refouler la marée de l'iniquité. Divinement chargé d'instruire sa postérité dans la voie du Seigneur, et scrupuleusement fidèle aux révélations d'en haut, le père de l'humanité les répétait à ses enfants et à ses petits-enfants. Jusqu'à la neuvième génération, ses descendants purent apprendre de lui l'état de l'homme au paradis, l'histoire de sa chute, les conséquences douloureuses de la désobéissance, ainsi que l'intervention divine qui devait assurer le salut aux croyants. Peu nombreux, hélas! furent ceux qui prirent à coeur les paroles du premier homme. En revanche, les reproches amers ne lui furent pas épargnés pour avoir, par son péché, plongé le monde dans le malheur. PP 59 3 La vie d'Adam fut une vie de repentir, d'humiliation et de douleur. Au sortir de l'Éden, la pensée de la mort le faisait frémir d'horreur. Son premier contact avec elle eut lieu lors du crime de Caïn, son fils aîné, meurtrier de son frère. Bourrelé de remords au souvenir de son propre péché, doublement frappé au coeur par la mort d'Abel et la malédiction prononcée sur Caïn, abîmé de tristesse, Adam dut vivre longtemps encore pour être témoin de la corruption générale qui devait finalement aboutir à la destruction du monde par le déluge. L'idée de la mort lui avait longtemps paru effroyable. Mais, après avoir été, durant environ dix siècles, le spectateur navré des suites de sa désobéissance, il finit par accueillir cette sanction comme un effet de la bonté et de la pitié de son Créateur. PP 60 1 Mais, malgré l'impiété du monde antédiluvien, cette époque ne fut pas, comme on l'a souvent prétendu, un âge d'ignorance et de barbarie. Les hommes qui vivaient alors avaient l'avantage de s'élever très haut dans l'échelle morale et intellectuelle. Leurs forces physiques et mentales, comme leurs moyens d'acquérir des connaissances religieuses et scientifiques, sont restées sans parallèle. C'est une erreur de supposer que, vivant fort longtemps, ils arrivaient très tard à maturité. Leurs facultés mentales s'éveillaient de bonne heure, et les gens pieux continuaient à augmenter leurs connaissances et leur sagesse durant tout le cours de leur existence. D'illustres savants de notre temps, placés à côté d'antédiluviens du même âge, paraîtraient très inférieurs tant du point de vue intellectuel que du point de vue physique. Au fur et à mesure que la durée de la vie s'est raccourcie et que la vigueur physique a diminué, les facultés mentales de l'homme ont décliné. Aujourd'hui, des hommes qui se sont consacrés à certaines études durant une période de vingt à cinquante ans font l'admiration de leurs contemporains. Mais que sont les connaissances acquises par eux comparées à celles des antédiluviens, dont les facultés mentales et physiques se développaient durant des siècles? PP 60 2 Nous reconnaissons que notre époque bénéficie des connaissances accumulées par les hommes du passé. Les géants de la pensée qui ont réfléchi, étudié, écrit, nous ont laissé leurs travaux. Mais combien leur étaient supérieurs ceux des générations des premiers âges qui, durant des siècles, eurent parmi eux un homme que Dieu avait formé "à son image", qu'il avait déclaré "très bien", et instruit dans tous les domaines du monde matériel! Adam apprit l'histoire de la création de la bouche même du Créateur. Il assista aux événements de neuf cents ans, et ses descendants firent leur profit de ses connaissances. Les antédiluviens, il est vrai, n'avaient ni livres ni annales à consulter. En revanche, leur mémoire, aussi extraordinaire que leur vigueur physique et mentale, était à même, non seulement d'enregistrer ce qu'ils entendaient, mais de le transmettre à leur postérité sans la moindre altération. En outre, durant des siècles, neuf générations contemporaines purent se consulter et faire mutuellement échange de leurs connaissances. PP 61 1 Les facilités dont jouissaient les hommes de cet âge pour s'instruire dans la connaissance de Dieu par le moyen de ses oeuvres sont restées inégalées. Loin que cette époque ait été une ère de ténèbres religieuses, ce fut une période de grandes lumières. Tous ceux qui en avaient le désir pouvaient se renseigner auprès d'Adam. Jésus et les anges instruisaient les âmes pieuses. Un témoin silencieux de la vérité, c'était le Paradis, qui demeura des siècles sur la terre. C'est à la porte de ce jardin, porte gardée par les deux chérubins auréolés de gloire, que se rassemblaient les adorateurs. C'est là qu'ils dressaient leurs autels et présentaient leurs offrandes. C'est là aussi que Caïn et Abel avaient offert leurs sacrifices, et que Dieu leur avait fait l'honneur de converser avec eux. Tant que ce jardin était là, sous leurs yeux, gardé par deux anges lumineux, il n'était pas possible aux sceptiques de nier l'existence de l'Éden. L'ordre de la création, le but du Paradis, l'histoire des deux arbres, si profondément reliée au sort de l'humanité, tous ces faits étaient incontestés. Aussi longtemps qu'Adam vécut, l'existence et la souveraineté de Dieu, comme le caractère obligatoire de sa loi, ne furent guère mises en doute. PP 61 2 Formant un vif contraste avec la corruption générale, une lignée d'hommes transformés par la communion avec le ciel donnaient le spectacle d'une vie sainte et pure. Doués d'une rare puissance intellectuelle, possédant une vaste culture, ces fidèles adorateurs du Dieu vivant étaient investis d'une grande et belle mission: celle de servir de témoins de la vérité, comme aussi d'exemples de rectitude morale et de piété, non seulement aux hommes de leur temps, mais aussi aux générations à venir. Bien que les Écritures n'en mentionnent que quelques-uns parmi les plus éminents, ces nobles représentants de Dieu n'ont jamais, à aucune époque, fait défaut sur la terre. PP 61 3 Hénoc fait partie de cette sainte phalange. On lit de lui qu'après avoir vécu soixante-cinq ans, il engendra un fils, et qu'il "marcha avec Dieu pendant trois cents ans". Dès ses premières années, il aima Dieu et garda ses commandements. De la bouche d'Adam, il apprit la sombre histoire de la chute, ainsi que la promesse réjouissante de la grâce, et il plaça son espérance dans le Rédempteur promis. Mais après la naissance de son premier fils, vivant en communion plus intime avec Dieu, il comprit mieux ses obligations et sa responsabilité. L'affection et l'abandon filial de son enfant; la confiance entière de celui-ci en la protection paternelle, comme aussi sa propre tendresse pour ce premier-né, lui firent mieux sentir à la fois l'amour de Dieu, étonnant, infini, insondable, manifesté dans le don de son Fils, et la confiance illimitée que ses enfants peuvent lui accorder. Cette nouvelle révélation de la bonté divine fut désormais, jour et nuit, l'objet de ses méditations, et fit de lui un apôtre zélé parmi son entourage. PP 62 1 "Marcher avec Dieu", pour Hénoc, ce n'était point passer ses heures dans l'extase ou la contemplation, mais remplir fidèlement tous les devoirs de la vie quotidienne. Loin de s'isoler et de vivre en ermite, il se sentait investi d'une mission au sein de la société. Dans sa famille, ainsi qu'au dehors, comme mari, père, ami et citoyen, partout et toujours, il vivait en serviteur de Dieu. PP 62 2 Et cette sainte "marche", cette harmonie "avec Dieu", dura trois cents ans! Il est peu de chrétiens qui, avertis qu'ils n'ont plus que quelques jours ou quelques semaines à vivre, ne se sentent stimulés à se conduire d'une manière infiniment plus pieuse. Chez Hénoc, au contraire, la foi grandissait et la ferveur augmentait avec les années, avec les siècles. PP 62 3 Malgré sa haute et solide culture, malgré sa vaste érudition, Hénoc, grâce à sa communion avec le ciel dont il recevait des révélations particulières, était le plus humble des hommes. Plus était constant chez lui le sentiment de la grandeur et de la perfection divines, plus il avait conscience de sa faiblesse et de ses imperfections. PP 62 4 Craignant que la chaleur de sa piété ne souffrît au spectacle angoissant de l'impiété publique, il recherchait la solitude et s'adonnait longuement à la méditation et à la prière pour connaître toujours plus parfaitement la volonté de Dieu. Pour lui, la prière était la respiration de l'âme lui permettant de vivre dans l'atmosphère même du ciel. PP 62 5 Par l'intermédiaire des anges, Dieu lui donna une plus claire intelligence du plan de la rédemption. Il lui annonça son dessein de détruire le monde par un déluge, et lui fit voir l'histoire des générations qui vivraient après le cataclysme, ainsi que les grands événements qui marqueraient le retour de Jésus-Christ et la fin du monde. PP 62 6 Hénoc avait été perplexe au sujet des morts. N'entrevoyant rien pour les bons au-delà de la tombe, il s'attristait à la pensée que justes et injustes retourneraient ensemble dans la poussière, terme final de leur existence. En vision prophétique, il put contempler, non seulement la mort du Sauveur, mais son retour en gloire accompagné de tous les saints anges, pour arracher son peuple à la puissance du tombeau et consumer les impies par le feu. Il vit aussi qu'à l'époque de ce retour, la terre serait habitée par une génération fanfaronne, présomptueuse, rebelle, reniant le seul vrai Dieu, méprisant sa loi, rejetant et son Fils et son sacrifice rédempteur. PP 63 1 "Prédicateur de la justice", Hénoc faisait connaître ses révélations à son entourage. Ceux qui aimaient Dieu se rendaient auprès de ce saint homme pour bénéficier de ses instructions et de ses prières. Mais sa prédication ne se limitait pas aux seuls enfants de Seth. Élargissant le cercle de ses auditeurs, il parlait de son message à tous ceux qui voulaient l'écouter. Dans le pays même où Caïn avait voulu fuir loin de la divine présence, le prophète de Dieu fit connaître des scènes terribles aperçues en vision: "Voici, disait-il, que le Seigneur est venu avec ses saintes myriades pour exercer le jugement contre tous, et pour convaincre tous les impies de toutes les oeuvres d'impiété qu'ils ont commises."(7) PP 63 2 Hénoc dénonçait le mal sans crainte ni ménagements. Tout en prêchant l'amour de Dieu et en conjurant ses contemporains d'abandonner leur inconduite, il les avertissait des jugements qui allaient fondre sur les injustes. L'Esprit du Christ dont il était animé ne se manifestait pas seulement en paroles d'amour et en supplications. Les hommes de Dieu ne se bornent pas à faire entendre des choses agréables. Dans le coeur et sur les lèvres de ses messagers, le Seigneur met des vérités brûlantes et tranchantes comme des épées. La puissance de Dieu qui agissait par le moyen de son serviteur produisait une profonde impression sur ceux qui l'entendaient. Un certain nombre d'entre eux prenaient garde à ses avertissements, et renonçaient à leur inconduite. Mais la multitude, tournant en dérision ses paroles, ne se plongeait que plus aveuglément dans le mal. PP 63 3 Dans les derniers jours, les serviteurs de Dieu devront faire entendre au monde un message semblable, message qui sera également accueilli par le doute et le sarcasme. Tout comme les antédiluviens repoussèrent les représentations de l'homme qui "marchait avec Dieu", la dernière génération rejettera les avertissements des messagers du ciel. PP 64 1 Au milieu de son ardente activité, Hénoc ne négligeait pas la communion avec Dieu. Plus le travail était pénible et pressant, plus constantes et ferventes étaient ses prières. Après une période de labeur consacrée au salut des âmes, il se retirait loin de la société pour se livrer, dans la solitude, à la recherche de la connaissance divine dont il avait faim et soif. A la suite de ces périodes d'intimité avec Dieu, son visage reflétait la lumière qui rayonne de celui de Jésus. A son retour parmi les hommes, les méchants eux-mêmes le contemplaient avec un respect mêlé d'effroi. PP 64 2 D'année en année, le flot de la culpabilité humaine montait. De plus en plus sombres et menaçants s'accumulaient les nuages de la colère divine. Mais le témoin de la foi continuait à avertir, à supplier, à implorer. Il s'efforçait de refouler les vagues du mal et de conjurer les coups de la vengeance. L'iniquité ayant atteint ses dernières limites, un décret de destruction fut prononcé. Dédaigné par une génération vicieuse et dévergondée, infatigable dans sa lutte contre l'iniquité débordante, Hénoc fut finalement transporté d'un monde de péché dans les régions de la joie éternelle. PP 64 3 Ses contemporains s'étaient moqués de la folie d'un homme indifférent aux avantages de la richesse, et qui avait fixé ses affections sur les trésors de l'éternité. Hénoc avait contemplé le Roi dans sa gloire au milieu de la céleste Sion. Ses pensées, son coeur, sa conversation étaient au ciel. "Heureux ceux qui ont le coeur pur, car ils verront Dieu."(8) Durant trois cents ans, il avait marché avec Dieu, vivant sur le seuil du monde éternel, à un pas de la terre des bienheureux. Aussi les portes de la sainte cité s'ouvrirent-elles soudain pour permettre d'y continuer sa marche sainte au premier habitant de la terre admis à y pénétrer. PP 64 4 Son absence fit sensation. On regretta cette voix qui, jour après jour, faisait entendre les enseignements et les avertissements du ciel. Son départ fut remarqué par plusieurs, tant des justes que des impies. Ceux qui l'aimaient, pensant qu'il s'était rendu dans l'une de ses retraites, allèrent à sa recherche, comme plus tard les fils des prophètes le firent pour Élie. Ils revinrent en rapportant que "Dieu l'avait pris". PP 64 5 La translation d'Hénoc renfermait un grand enseignement. Les suites lamentables du péché d'Adam auraient pu donner lieu au découragement. Beaucoup de gens étaient prêts à s'écrier: "A quoi nous sert-il d'avoir été fidèles à Dieu puisque l'humanité est frappée de malédiction, et que la mort nous atteint tous?" Mais les instructions données à Adam, répétées par Seth et pratiquées par Hénoc dissipèrent ce nuage de scepticisme et ranimèrent l'espoir des croyants. De même que la mort était venue par Adam, la vie et l'immortalité allaient venir par le Rédempteur promis. Satan avait répandu la croyance qu'il n'y a ni récompense pour les justes ni châtiment pour les injustes, et que, d'ailleurs, il est impossible d'obéir aux exigences divines. Par Hénoc, Dieu avait déclaré, au contraire, "qu'il existe et qu'il est le rémunérateur de ceux qui le cherchent".(9) Il avait prouvé aux hommes que, même au sein d'une société corrompue, il est possible d'obéir à sa loi et de résister à la tentation. L'exemple du patriarche avait démontré la valeur inestimable d'une vie pure. Son ascension imprima un sceau ineffaçable de certitude à sa prophétie: récompense immortelle pour les justes, condamnation, ignominie et mort éternelle pour les transgresseurs. PP 65 1 "C'est par la foi qu'Hénoc fut enlevé et ne vit point la mort, ... car, avant son enlèvement, il avait obtenu le témoignage d'être agréable à Dieu."(10) Dieu ne permit point que tombât sous les coups de la mort un homme qui vivait dans une union aussi étroite avec le ciel. La piété de ce prophète représente l'état de sainteté qui sera exigé de ceux qui vivront lors du second avènement de Jésus-Christ, et qui seront "rachetés de la terre.(11) Ce sera également une époque d'iniquité généralisée. Comme lors du déluge, les hommes secoueront l'autorité du ciel pour suivre leurs penchants et les enseignements d'une philosophie fallacieuse. A l'instar d'Hénoc, le peuple de Dieu, caractérisé par une vie irréprochable, proclamera au monde le retour du Seigneur et les jugements réservés aux rebelles. De même qu'Hénoc fut enlevé avant la destruction du monde par les eaux du déluge, de même les justes en seront retirés avant sa destruction par le feu. "Nous ne mourrons pas tous, mais tous nous serons changés, en un instant, en un clin d'oeil, au son de la dernière trompette." "Le Seigneur lui-même, à un signal donné, à la voix de l'archange et au son de la trompette de Dieu, descendra du ciel." "La trompette sonnera, et les morts ressusciteront incorruptibles, et nous serons changés." "Ceux qui seront morts en Christ ressusciteront premièrement; ensuite nous, les vivants, restés sur la terre, nous serons enlevés tous ensemble avec eux, au milieu des nuées, à la rencontre du Seigneur, dans les airs, et ainsi nous serons toujours avec le Seigneur."(12) ------------------------Chapitre 7 -- Le déluge PP 67 1 Aux jours de Noé, par suite de la désobéissance d'Adam et du meurtre de Caïn, une double malédiction reposait sur la terre. Mais la surface du globe était restée intacte. Malgré divers signes de détérioration, la nature conservait sa richesse et sa beauté primitives. Les collines étaient couronnées d'arbres majestueux autour desquels s'enlaçaient les sarments prolifères de la vigne. Les plaines, semblables à de vastes jardins, étaient tapissées de verdure et embaumées de mille fleurs. Une grande variété d'arbres fruitiers donnaient des récoltes presque illimitées. Les arbres de haute futaie surpassaient en dimensions, en beauté et en symétrie les plus superbes échantillons d'aujourd'hui. Leur fibre, aux veines serrées et presque aussi dures que la pierre, semblait indestructible. L'or, l'argent, les pierres précieuses abondaient. PP 67 2 Le genre humain n'avait que peu perdu de sa vigueur primitive. Quelques générations seulement s'étaient succédé depuis qu'Adam avait mangé de l'arbre qui prolongeait la vie. La longévité de l'homme se mesurait encore par siècles. Si cette race de multi-centenaires avait répondu au but de son existence et consacré ses ressources inouïes d'intelligence et de force physique à des entreprises ayant en vue le service de Dieu, le monde eût retenti de la gloire du Créateur. Mais il n'en était rien. De nombreux géants renommés pour leur sagesse, et dont les ouvrages admirables faisaient l'étonnement de leurs contemporains, n'étaient pas moins notoires par leur dérèglement que par leur génie. PP 68 1 Les dons magnifiques dont Dieu avait gratifié les antédiluviens ne servaient qu'à leur gloire personnelle. Appréciés pour eux-mêmes et sans égard au donateur, ces bienfaits se transformaient en malédiction. L'or, l'argent, les pierres et les bois fins entraient dans la construction de résidences somptueuses où chacun cherchait à éclipser son voisin. L'homme ne visait qu'à satisfaire son orgueil. La vie s'écoulait dans le divertissement et le crime. De l'indifférence envers Dieu, on était bien vite venu à nier son existence. La nature était adorée à la place du Dieu de la nature. On encensait le génie humain, on glorifiait ses ouvrages et on apprenait aux enfants à se prosterner devant des images taillées. PP 68 2 C'était sur de vertes pelouses, à l'ombre d'arbres vénérables ou en de vastes bosquets au feuillage toujours vert, qu'on érigeait les autels des faux dieux. Ces bosquets étaient entourés de jardins somptueux où s'étalaient des avenues bordées d'arbres fruitiers de toutes les variétés, ornées de statues et agrémentées de tout ce qui pouvait plaire aux sens, satisfaire la volupté et entraîner à l'idolâtrie. PP 68 3 En bannissant Dieu de leurs pensées et en adorant les oeuvres de leur imagination, les hommes devenaient de plus en plus terre à terre. "Ceux qui les fabriquent, dit le Psalmiste, et tous ceux qui se confient en elles, leur deviendront semblables."(1) Une loi de l'esprit humain veut que l'on se transforme à l'image de ce que l'on contemple. L'homme ne s'élève pas plus haut que ses conceptions de la vertu. En attribuant à leurs faux dieux les vices et les passions humaines, l'idéal de ces idolâtres s'abaissait de plus en plus. PP 68 4 "L'Éternel vit que la méchanceté de l'homme était grande sur la terre, et que toutes les pensées de son coeur étaient chaque jour dirigées vers le mal. ... La terre s'était corrompue devant Dieu, et elle était remplie de crimes."(2) La loi que Dieu avait donnée aux hommes comme règle de conduite était violée, et tous les forfaits imaginables étaient à l'ordre du jour. L'iniquité abondait, la justice était foulée aux pieds, et les cris des opprimés parvenaient jusqu'au ciel. Au sein de la dépravation générale, Méthusélah, Noé et d'autres s'efforçaient en vain de conserver la connaissance du vrai Dieu et d'endiguer la marée du mal. PP 69 1 Contrairement à l'ordre divinement établi dès le commencement, la polygamie avait de très bonne heure fait son apparition. La volonté de Dieu à cet égard s'était manifestée par le fait qu'il n'avait doté Adam que d'une femme. Mais, peu après la chute, les hommes avaient donné libre cours à leurs coupables désirs, et récoltaient maintenant une moisson grandissante de souffrances et de misères. Ni le mariage ni la propriété n'étaient respectés. Celui qui convoitait les femmes ou les biens de son prochain les lui prenait de force, et se glorifiait de ses prouesses. On se faisait une joie d'abattre des animaux et de se repaître de leur chair. L'homme devenant ainsi de plus en plus cruel et sanguinaire, la vie humaine était sacrifiée avec une incroyable indifférence. Le monde était encore dans son enfance, et l'iniquité était déjà si répandue et si invétérée que le ciel ne put le supporter davantage. PP 69 2 Dieu déclara: "J'exterminerai de la surface de la terre l'homme que j'ai créé."(3) Mon esprit ne sera pas toujours en lutte avec une race coupable. Si les hommes ne cessent de souiller la terre et de prostituer les trésors que j'ai répandus sur elle à profusion, je balaierai hommes et bêtes; je détruirai toute végétation et toute nourriture. La beauté de la nature ne sera plus que désolation et que ruine. PP 69 3 Cent vingt ans avant le déluge, Dieu fit connaître par un ange son intention à Noé, et lui ordonna de construire une arche. Pendant ce temps, il devait annoncer au monde que Dieu allait envoyer sur la terre un déluge qui engloutirait les méchants. Ceux qui accepteraient son message et se convertiraient obtiendraient le pardon et seraient sauvés du cataclysme. Avant Noé, ce même message avait déjà été communiqué à Hénoc et à sa famille. Méthusélah et ses fils, contemporains de Noé, l'entendirent à nouveau et travaillèrent à la construction de l'arche. PP 69 4 Dieu donna lui-même à Noé les dimensions exactes de cette arche, ainsi que d'autres directives très détaillées. La sagesse humaine aurait été incapable de concevoir un bâtiment d'aussi vastes proportions et d'une pareille résistance. Si Noé le construisit, Dieu en fut l'architecte. Semblable à un navire quant à sa carène, de manière à pouvoir flotter sur l'eau, il ressemblait à d'autres égards à une maison d'habitation. L'arche avait trois étages et une seule porte, placée sur le côté. La lumière y pénétrait par l'étage supérieur, les diverses parties de l'édifice étant aménagées de telle façon qu'elles étaient toutes éclairées par la même ouverture. Les matériaux employés à sa construction étaient le bois de gopher ou cyprès résineux, capable de résister aux ravages du temps durant des siècles. L'érection de cet immense bâtiment fut lente et laborieuse. Malgré la force herculéenne des hommes de cette époque, l'énorme dimension des arbres et la consistance du bois exigèrent un labeur beaucoup plus long qu'aujourd'hui. Rien ne fut négligé, humainement parlant, pour donner à cette entreprise toute la perfection possible. Néanmoins, l'arche n'aurait pu, telle qu'elle était, braver l'orage qui allait se déchaîner sur la terre. Dieu seul pouvait protéger ses serviteurs au milieu des éléments. PP 70 1 "C'est par la foi que Noé, divinement averti de ce qu'on ne voyait pas encore, et pénétré d'une pieuse crainte, bâtit l'arche pour sauver les siens; par elle il condamna le monde, et devint héritier de la justice qui vient de la foi."(4) A tous les spectateurs, l'oeuvre prouvait la sincérité de Noé, ainsi que l'authenticité de son message. Chaque coup de marteau rendait témoignage de sa foi. Il donna au monde un exemple de ce que signifie prendre Dieu au mot. Tout ce que Noé possédait fut investi dans cette construction. De toutes les directions, des multitudes vinrent contempler cette gigantesque embarcation érigée sur terre ferme, et entendre les paroles ferventes et convaincues du singulier prédicateur. PP 70 2 Touchés et remués par ses avertissements, un grand nombre de ses auditeurs parurent se joindre à lui. Mais leur conversion était superficielle. Ils ne voulaient pas abandonner leurs péchés. Le temps qui s'écoula avant l'arrivée du déluge démontra la fragilité de leur foi. Ils se laissèrent entraîner par l'incrédulité générale, et finirent par retourner à leurs anciennes coutumes. Rejetant la voix de la miséricorde et le solennel message de Noé, ils furent bientôt ses plus hardis détracteurs. Nul ne va si loin dans le mal que celui qui, après avoir reçu la lumière, repousse les appels du Saint-Esprit. PP 70 3 Les hommes de cette génération n'étaient pas idolâtres dans toute l'acception du terme. Un grand nombre d'entre eux se disaient adorateurs du vrai Dieu, et prétendaient que leurs idoles n'étaient qu'une représentation de la divinité et les aidaient à la concevoir plus nettement. Tels étaient les premiers et les plus notables adversaires de la prédication de Noé. Représentant Dieu par des objets matériels, ils étaient aveuglés sur sa majesté, sa puissance et la sainteté de son caractère, aussi bien que sur la nature sacrée et immuable de ses exigences. Le péché leur paraissait de moins en moins grave, et ils en étaient venus à croire que la loi divine n'était plus en vigueur. Il est contraire au caractère de Dieu, disaient-ils, de châtier les malfaiteurs, et nous nous refusons à penser qu'une catastrophe viendra frapper la terre. Si les hommes de cette génération avaient obéi à la loi divine, ils auraient reconnu la voix du Créateur dans les avertissements de son serviteur. Mais leur obstination les avait préparés à prendre Noé pour un imposteur ou un illuminé. PP 71 1 Du côté de la vérité, on ne voyait ni la multitude ni la majorité. Le monde s'était ligué contre la justice de Dieu et contre ses lois. Lors de la tentation d'Ève par Satan, ce dernier avait dit: "Vous ne mourrez certainement pas."(5) Les hommes sages et honorés de l'époque de Noé répétaient le même refrain: "Les menaces du ciel ont pour but de nous intimider; elles ne se vérifieront jamais. Ne vous alarmez pas: la destruction du monde par le Dieu qui l'a fait et le châtiment des êtres qu'il a créés n'auront jamais lieu. Tranquillisez-vous; ne craignez rien, Noé est un fou et un fanatique." Et les épigrammes de pleuvoir sur la tête du vénérable vieillard. Loin de s'humilier, les foules persistaient dans la désobéissance et l'iniquité, comme si Dieu n'avait point parlé par son serviteur. PP 71 2 Noé, cependant, solide comme le roc, opposait au mépris et à la dérision des foules une fermeté et une fidélité inébranlables. Durant cent vingt ans, soutenu par une force irrésistible émanant de sa communion avec Dieu, sa parole, écho du Tout-Puissant, fit entendre à cette génération l'approche d'événements qui, à vues humaines, paraissaient impossibles. PP 71 3 Ses contemporains assuraient que les lois de la nature étaient immuables: témoin le retour invariable des saisons et le fait que les fleuves avaient toujours porté leurs eaux à la mer. D'ailleurs, la terre étant fertilisée par la brume ou la rosée, on n'avait jamais vu de pluie. Ces logiciens n'oubliaient qu'une chose: cette régularité était due à celui qui avait dit à la mer: "Tu viendras jusqu'ici, et tu n'iras pas plus loin."(6) PP 72 1 Les années s'écoulant sans amener de changements apparents dans la nature, ceux qui avaient senti l'aiguillon de la peur commencèrent à se rassurer. Comme beaucoup de gens à notre époque, ils pensaient que la nature est supérieure au Dieu de la nature, et que Dieu lui-même ne peut modifier ses inflexibles lois. Arguant que si la prédiction de Noé était correcte, notre globe serait jeté dans un état de perturbation, ils concluaient et faisaient croire au monde que ce message n'était qu'une mystification. S'il y avait un mot de vérité dans ce que disait Noé, observait-on, nos savants s'en apercevraient. Et pour marquer leur mépris de l'avertissement divin, ils se livraient de plus en plus aux plaisirs. On mangeait, on buvait, on plantait, on bâtissait. On lançait des entreprises que le temps devait rendre très fructueuses. Et pour bien montrer que l'on n'éprouvait aucune crainte de l'Être suprême, on se vautrait dans l'iniquité avec plus de hardiesse que jamais. PP 72 2 Si les antédiluviens avaient accepté l'avertissement qui leur était adressé, Dieu aurait détourné d'eux son courroux, comme il le fit plus tard pour Ninive. Hélas! leur résistance obstinée aux cris de la conscience et aux supplications du prophète de Dieu combla la mesure de leur culpabilité, et leur destruction devint irrévocable. PP 72 3 Les jours de grâce prenaient fin. Noé s'était strictement conformé aux directives du Seigneur. L'arche, complètement terminée, était approvisionnée d'aliments pour hommes et bêtes. Alors le serviteur de Dieu adressa à ses contemporains un dernier et suprême appel. Avec une ferveur inexprimable, il les adjura de profiter du refuge qui leur était offert. Une fois encore, ses paroles ne soulevèrent que railleries et ricanements. Mais soudain, sur la foule narquoise tombe un grand silence. Des monts et des forêts, on voit s'avancer paisiblement vers l'arche une troupe d'animaux composée de bêtes sauvages et domestiques. En même temps, on entend un bruissement comme celui d'un vent impétueux, et que voit-on? Dans un ordre parfait, des oiseaux innombrables, à obscurcir le soleil, viennent de toutes les directions. Tandis que les hommes résistent, insensibles aux ordres du Très-Haut, les animaux entrent dans l'arche, deux à deux, par espèce, ou à raison de sept couples pour les animaux purs. On contemple cette scène avec une admiration mêlée de stupeur. Les philosophes sont requis de donner une explication du phénomène. Mais en vain, car ce mystère les dépasse. D'ailleurs, les hommes se sont endurcis à tel point que cette scène ne produit sur eux qu'une impression passagère. Le soleil brille dans tout son éclat, la terre comme auparavant étale sa splendeur. En conséquence, comme pour braver et hâter la colère divine en marche, on retourne aux dissipations et aux violences. PP 73 1 Noé entend alors cet ordre: "Entre dans l'arche, toi et toute ta famille; car j'ai vu que tu es juste devant moi, au milieu de cette génération."(7) Si les avertissements du patriarche n'avaient pas produit l'effet voulu sur le monde, ils avaient convaincu sa famille. Sa fidélité et sa loyauté étaient récompensées par le salut de tous les siens. Quel encouragement pour les parents fidèles! PP 73 2 La miséricorde divine cessa de plaider pour une race coupable. Les bêtes des champs et les oiseaux du ciel ayant trouvé un lieu de refuge, Noé et sa famille entrèrent dans l'arche. "Alors l'Éternel ferma la porte de l'arche sur lui." On vit un éclair; une nuée éblouissante descendit du ciel et se tint devant l'entrée de l'arche. La porte, si massive que les hommes de l'intérieur n'auraient pu la fermer, fut ébranlée par des mains invisibles, et roula lentement sur ses gonds. Ainsi, tandis que Noé était à l'abri, les contempteurs de la grâce restaient sans protection. Cette porte était scellée par Dieu, qui seul pouvait la rouvrir. Ainsi sera fermée celle de la miséricorde, lorsque Jésus, avant son retour sur les nuées du ciel, cessera son intercession en faveur des coupables. Alors la grâce divine ne freinant plus les méchants, ils seront livrés à la merci de Satan. Aussi se proposeront-ils d'exterminer le peuple de Dieu. Mais, de même que Noé dans l'arche, les justes seront protégés par le Tout-Puissant. PP 73 3 Sept jours s'écoulèrent sans qu'on aperçût le moindre signe de l'orage qui approchait. Tandis qu'au dehors s'agitait une multitude triomphante, la foi de Noé et de sa famille fut mise à rude épreuve. Ce délai apparent confirmait les incrédules dans la croyance que Noé était victime d'une hallucination, et que le déluge était un mythe. Oubliant le spectacle troublant des oiseaux et des animaux qui s'étaient réfugiés spontanément dans l'arche, et celui de la porte qu'on avait vu se fermer mystérieusement, les rires, les orgies et les danses reprirent de plus belle. On osa même ridiculiser les manifestations de la puissance divine, et la foule, réunie autour de l'arche, se mit à narguer ses hôtes avec une insolence inconnue jusqu'alors. PP 74 1 Au huitième jour, cependant, de sombres nuages obscurcirent le ciel. Le tonnerre gronda, les éclairs sillonnèrent le firmament, et bientôt de grosses gouttes de pluie s'abattirent sur la terre. A ce spectacle tout nouveau, la foule, frappée d'effroi, se demandait secrètement: "Serait-il vrai que Noé ait raison, et que l'humanité soit vouée à la destruction?" Cependant, le ciel devenait de plus en plus sombre et les rafales de pluie se succédaient, de plus en plus abondantes. En proie à une folle terreur, les animaux erraient en tous sens, et semblaient, par leurs cris discordants, se lamenter sur leur destinée et celle de l'humanité. Alors, "toutes les sources du grand abîme et les écluses des cieux s'ouvrirent". L'eau descendit des nuages en véritables cataractes. Les fleuves débordants inondèrent les vallées. Des trombes d'eau sortant du sein de la terre avec une force indescriptible projetèrent à cent et deux cents mètres de hauteur des masses de rochers qui, en retombant, s'enfoncèrent profondément dans la terre. PP 74 2 Les hommes contemplèrent tout d'abord la destruction des ouvrages de leurs mains. Leurs somptueuses demeures, ainsi que les jardins et les bosquets délicieux où ils avaient érigé leurs autels idolâtres, furent anéantis par la foudre, qui en dispersa les débris. Les autels sur lesquels on offrait des sacrifices humains ayant disparu, leurs adorateurs purent voir, en tremblant, la puissance du Dieu vivant semer la destruction sur les objets de leur égarement. PP 74 3 La fureur de l'orage allait en augmentant. Arbres, constructions, rochers et bancs de terre étaient projetés dans toutes les directions. Plus haut que le rugissement de la tempête s'élevaient les clameurs déchirantes des multitudes qui avaient renié l'autorité de Dieu. Satan lui-même, contraint de rester au milieu des éléments déchaînés, n'était pas sans crainte pour sa propre existence. Frustré de la joie de conduire à son gré une race d'hommes puissants et de l'espoir de la voir poursuivre ses abominations et sa révolte contre le Roi du ciel, il se répandait en imprécations contre ce qu'il appelait l'injustice et la cruauté de Dieu. PP 74 4 De même, certains hommes blasphémaient Dieu, et ils l'auraient volontiers renversé de son trône s'ils l'avaient pu. D'autres, éperdus de terreur, tendaient leurs mains vers l'arche, en implorant ses hôtes de les recevoir. Leur conscience, tardivement réveillée, leur disait qu'il y a un Dieu qui gouverne l'univers. En vain, à grands cris, ils s'adressaient à lui: ses oreilles étaient fermées à leurs supplications. A cette heure néfaste, ils reconnaissaient que la cause de leur ruine était leur désobéissance à une loi sainte et bonne. Le mobile de cette confession était la crainte du châtiment et non un véritable repentir, ni une vraie horreur du mal. Si la punition s'était arrêtée, ils auraient recommencé à insulter le ciel. Ainsi, lorsque les jugements de Dieu fondront sur la terre, les injustes sauront qu'ils expient leurs violations de la loi de Dieu. Mais ils n'éprouveront pas de remords plus sincères que les pécheurs de l'ancien monde. PP 75 1 Dans leur désespoir, quelques-uns s'efforçaient de pénétrer dans l'arche. D'autres, qui s'y cramponnaient, étaient bientôt emportés par le remous des eaux ou par le choc des arbres et des rochers. Battue par les vents impitoyables et secouée par les vagues, l'immense embarcation, frissonnant de toute sa masse, n'en continuait pas moins à cingler au milieu des éléments en démence. Des anges puissants étaient là pour la protéger. PP 75 2 A l'intérieur de l'arche, les bêtes trahissent par leurs cris une douloureuse angoisse. A l'extérieur, devant l'horreur de la tempête, les bêtes des champs et des forêts accourent affolées auprès des humains, comme pour leur demander secours et protection. Quelques-uns montent avec leurs enfants sur le dos de certains animaux puissants doués d'une vitalité tenace, et les dirigent vers les hauteurs, dans l'espoir d'échapper ainsi aux eaux grossissantes. D'autres, escaladant les collines et les monts, grimpent au sommet d'arbres énormes, mais ceux-ci sont arrachés et projetés avec leur cargaison vivante au milieu des vagues écumantes. Et les eaux montent, montent sans cesse. L'un après l'autre, tous les lieux qui avaient paru promettre un sûr abri sont inondés. Les gens qui ont cherché un dernier refuge sur les plus hautes cimes y disputent aux animaux une parcelle de terre ferme pour être bientôt, avec eux, emportés par les éléments déchaînés. Et maintenant, des plus hauts sommets, on n'aperçoit plus qu'une mer sans rivages. PP 75 3 Alors le message de Dieu ne semble plus une plaisanterie aux hommes qui l'ont méprisé. Combien ceux-ci apprécieraient une seule heure de grâce, un seul appel des lèvres de Noé! Mais la douce voix de la miséricorde s'est tue. D'ailleurs, ce n'était pas seulement la justice de Dieu, mais aussi son amour qui appelait ses jugements à mettre un frein à l'iniquité débordante. PP 76 1 "C'est ainsi que le monde d'alors périt submergé par l'eau du déluge. Mais les cieux et la terre d'à présent sont gardés par cette même parole et réservés pour le feu qui doit les consumer au jour du jugement et de la destruction des hommes impies."(8) Un autre orage s'approche. Une fois encore, la colère de Dieu frappera la terre et détruira le péché avec les pécheurs. L'iniquité qui perdit les antédiluviens règne actuellement dans le monde. Les hommes ont banni de leur coeur la crainte de Dieu. Sa loi est traitée avec indifférence, sinon avec mépris. La mondanité effrénée de notre génération ne le cède en rien à celle qui caractérisait le temps de Noé. Cela a été prédit: "Dans les jours qui précédèrent le déluge, on mangeait et on buvait, on se mariait et on donnait en mariage, jusqu'au jour où Noé entra dans l'arche, et les hommes ne s'avisèrent de rien jusqu'au moment où vint le déluge qui les emporta tous. Il en sera de même à l'avènement du Fils de l'homme.(9) PP 76 2 Par ces paroles, Jésus n'entendait pas condamner les antédiluviens de ce qu'ils mangeaient ou buvaient. C'est lui qui leur avait donné à profusion les fruits de la terre pour subvenir à leurs besoins physiques. Où ils péchaient, c'était en usant de ces bienfaits sans gratitude envers celui qui les leur prodiguait, et en se livrant sans retenue à la satisfaction de leurs appétits. Il était légitime de se marier, puisque le mariage remonte à la création du monde, et que Dieu, son auteur, l'a entouré de dispositions destinées à en conserver la beauté et la sainteté. Mais ces règles avaient été oubliées et le mariage avait été perverti et transformé en un moyen d'assouvir les passions. PP 76 3 Aujourd'hui, nous sommes témoins d'un même état de choses. L'appétit règne en maître. On voit des gens qui se disent disciples de Jésus-Christ, qui occupent une place honorable dans l'Église, manger et boire avec les mondains jusqu'à l'intempérance. On ne s'aperçoit pas qu'avec des facultés mentales et spirituelles émoussées, on s'expose à succomber aux passions inférieures. Des multitudes de gens, ne reconnaissant aucune obligation morale de maîtriser les désirs sensuels, deviennent esclaves de leurs convoitises. On ne vit que pour la satisfaction des sens et l'on borne ses pensées à la vie présente. Dans toutes les couches sociales, le luxe, la parade, le gaspillage sont à l'ordre du jour. La justice et la probité sont sacrifiées à l'amour de l'argent. Les pauvres sont opprimés, et la vente des "corps et des âmes d'hommes" va son train. Le vol, la fraude et la concussion s'installent sans pudeur en haut lieu comme dans les bas-fonds de la société. PP 77 1 Les organes de la presse pullulent en récits d'homicides perpétrés sans raison et de sang-froid, comme si tout sentiment d'humanité avait disparu. Ces atrocités sont même devenues si fréquentes, que c'est à peine si leur répétition soulève encore des commentaires ou éveille la surprise. PP 77 2 L'esprit d'anarchie qui fermente chez tous les peuples, et dont les explosions intermittentes font frémir le monde, nous donne une idée de la violence du feu qui, le moment venu, éclatera, couvrant notre terre de ruines et de désolation. Le tableau du monde antédiluvien que nous a laissé la Parole inspirée ne dépeint que trop parfaitement la condition vers laquelle marche à grands pas la société moderne. Les crimes perpétrés journellement dans nos pays réputés chrétiens sont aussi hideux et révoltants que ceux qui amenèrent l'extermination des pécheurs de l'ancien monde. PP 77 3 Avant la catastrophe, Dieu chargea Noé d'avertir sa génération pour qu'elle se convertisse et échappe à la destruction. De même aujourd'hui, le second avènement du Seigneur étant à la porte, Dieu envoie ses serviteurs porter un avertissement au monde pour lui donner l'occasion de s'y préparer. Les multitudes qui ont vécu dans la violation de la loi divine sont maintenant invitées, miséricordieusement, à obéir à ses préceptes sacrés. Le pardon est offert à tous ceux qui voudront abandonner le péché par la conversion envers Dieu et la foi en Jésus-Christ. Hélas! les foules vivent en désaccord avec les purs principes du gouvernement de Dieu. Elles jugent trop grand le sacrifice qui leur est demandé, rejettent l'avertissement et nient l'autorité de la loi divine. PP 77 4 De la grande population de la terre au temps de Noé, huit âmes seulement acceptèrent l'appel de Dieu. Après avoir averti le monde de sa destinée, le prédicateur de la justice dut voir son message méprisé et rejeté. Il n'en va pas autrement aujourd'hui. Avant de punir, le Législateur invite les transgresseurs à revenir à l'obéissance. Mais pour la majorité, ces avertissements sont en pure perte. L'apôtre Pierre l'a prédit: "Dans les derniers jours, il viendra des moqueurs pleins de railleries, vivant au gré de leurs propres convoitises; et ils diront: Où est la promesse de son avènement? Car, depuis que nos pères sont morts, tout demeure dans le même état que depuis le commencement du monde."(10) On entend fréquemment répéter ces mêmes paroles, non seulement de la bouche des pécheurs avérés, mais aussi du haut de la chaire chrétienne: "Nulle raison de s'alarmer, dit-on. Avant le retour du Seigneur, le monde se convertira, et la justice régnera sur la terre durant mille ans. Paix! paix! tout demeure dans le même état que depuis le commencement. Que nul ne se laisse effrayer par les alarmistes." PP 78 1 Mais cette façon de parler est en désaccord avec l'enseignement de Jésus et de ses apôtres. Écoutons cette question significative posée par le Maître: "Quand le Fils de l'homme viendra, trouvera-t-il de la foi sur la terre?"(11) Et, comme on l'a vu, il annonce que la condition du monde sera la même qu'au temps de Noé. De son côté, l'apôtre Paul nous avertit qu'aux approches de la fin, on sera témoin d'une surenchère de la méchanceté: "Or, l'Esprit dit expressément que dans les temps à venir, quelques-uns se détourneront de la foi pour s'attacher à des esprits séducteurs et à des doctrines de démons.(12) Il ajoute que, "dans les derniers jours, il surviendra des temps difficiles.(13) Puis il dresse un catalogue saisissant des péchés qui séviront parmi ceux qui "garderont l'apparence de la piété". PP 78 2 Au moment où leur temps de grâce tirait à sa fin, les antédiluviens s'abandonnaient aux divertissements et à de folles réjouissances. De crainte que les populations ne fussent impressionnées par l'ultime avertissement, les gens influents s'évertuaient à les retenir dans une ronde de plaisirs. Ne voit-on pas la même chose se répéter de nos jours? Au moment même où les serviteurs de Dieu font entendre le message final, le monde s'absorbe dans une succession continuelle de distractions et de fêtes qui effacent l'idée de Dieu et empêchent l'homme de réfléchir aux vérités qui seules peuvent le préserver d'une destruction imminente. PP 78 3 Aux jours de Noé, les philosophes affirmaient qu'il était impossible que le monde fût détruit par l'eau. Aujourd'hui, des hommes de science croient pouvoir démontrer que notre monde ne peut périr par le feu, attendu que ce serait contraire aux lois de la nature. Ils ignorent que le Dieu de la nature, auteur et conservateur de ces lois, peut utiliser l'oeuvre de ses mains selon qu'il le juge à-propos. PP 79 1 C'est lorsque les sages et les hommes renommés eurent prouvé, à leur satisfaction, que la destruction du globe par un déluge était une impossibilité; c'est lorsque les craintes des populations eurent été calmées, et que tous envisagèrent la prophétie de Noé comme une aberration, -- c'est alors que l'heure de Dieu sonna, et que "toutes les sources du grand abîme et les écluses des cieux s'ouvrirent"(14) et les engloutirent. Trop tard, les hommes s'aperçurent que leur sagesse et leur orgueilleuse philosophie n'étaient que folie, que le Législateur est plus grand que les lois de la nature, et que l'Être omnipotent n'est pas à court de moyens pour accomplir ses desseins. PP 79 2 "Ce qui arriva du temps de Noé arrivera également au jour où le Fils de l'homme sera manifesté."(15) "Cependant, le jour du Seigneur viendra comme un voleur. Alors les cieux passeront avec fracas, les éléments embrasés se dissoudront, et la terre, avec les oeuvres qu'elle renferme, sera consumée.(16) Lorsque les déductions philosophiques auront banni toute crainte des jugements de Dieu; lorsque les maîtres de la pensée religieuse auront démontré que des âges de paix nous attendent; lorsque le monde sera absorbé par un perpétuel retour d'affaires et de plaisirs, lorsqu'il sera occupé à planter, à festoyer et à folâtrer, tout en repoussant les divins avertissements et en persiflant les messagers de Dieu, -- c'est à ce moment-là qu'une "ruine subite les surprendra, et qu'ils n'échapperont point.(17) ------------------------Chapitre 8 -- Après le déluge PP 81 1 Les eaux s'étaient élevées jusqu'à quinze coudées au-dessus des plus hautes montagnes. Durant les cinq longs mois de leur réclusion, livrés à la merci des flots et des vents, les habitants de l'arche eurent parfois l'impression qu'ils étaient sur le point d'être engloutis par les flots en fureur. Mais dans ces heures d'épouvante, la foi de Noé ne fléchit pas. Il avait la certitude que la main divine était au gouvernail. PP 81 2 Les eaux ayant commencé à se retirer, Dieu fit dériver l'arche dans un havre protégé par un groupe de montagnes conservées à dessein. Dans ce port, l'arche, abritée des vagues et séparée de l'océan sans limites, put voguer paisiblement. Quel soulagement pour ces passagers à bout de forces après un si dangereux voyage! Impatients de remettre leurs pieds sur la terre ferme, Noé et sa famille appelaient de tous leurs voeux le moment de la baisse des eaux. Quarante jours après que les sommets des montagnes furent devenus visibles, ils lâchèrent un corbeau en vue de découvrir si la terre s'était asséchée. Ce vigoureux volatile, ne trouvant que de l'eau, se mit à errer autour de l'arche. Sept jours plus tard, une colombe, envoyée au large, ne trouvant pas où se reposer, revint à son gîte. Noé attendit encore sept autres jours, puis il la renvoya. A la grande joie des captifs, l'oiseau revint tenant une feuille d'olivier dans son bec. Quelque temps après, "Noé ôta la couverture de l'arche, et il regarda; et voici que la surface du sol avait séché".(1) Mais le patriarche continua d'attendre patiemment. Entré dans l'arche sur l'ordre de Dieu, il n'en sortirait que sur sa permission. PP 82 1 Finalement, un ange descendit du ciel, ouvrit l'énorme porte du vaisseau, et invita Noé et sa famille à quitter leur abri et à libérer tous les êtres vivants qu'il renfermait. Dans la joie de cette délivrance, le patriarche n'oublia pas celui dont les soins paternels les avaient protégés. Son premier acte, en quittant l'arche, fut de bâtir un autel. En signe de reconnaissance envers Dieu pour sa délivrance, comme pour marquer sa foi au sacrifice du Rédempteur à venir, il offrit à l'Éternel un holocauste de toutes les espèces d'animaux purs. De ce sacrifice, qui fut agréable à Dieu, découla une bénédiction, non seulement pour le patriarche lui-même, mais pour la nouvelle humanité. "L'Éternel sentit l'agréable odeur; puis l'Éternel dit en son coeur: désormais, je ne maudirai plus la terre à cause de l'homme. ... Tant que la terre durera, les semailles et la moisson, le froid et la chaleur, l'été et l'hiver, le jour et la nuit se succéderont sans interruption."(2) PP 82 2 Noé donnait là une leçon à toutes les générations futures. En posant le pied sur la terre désolée, au lieu de songer à se préparer un gîte, il érigea d'abord un autel à Dieu. De son bétail limité, conservé dans l'arche à grands frais, il préleva joyeusement un hommage au Dieu dont il avait tout reçu. A son exemple, notre premier souci devrait être d'offrir au Seigneur des tributs volontaires et spontanés. Toutes les manifestations de sa miséricorde et de sa bonté envers nous devraient susciter de notre part des marques de reconnaissance, tant sous la forme d'actes de piété que sous celle d'offrandes en faveur de son oeuvre. PP 82 3 Pour que les hommes ne soient pas saisis de terreur à la pensée d'un nouveau déluge à chaque apparition des nuages et de la pluie, Dieu fit à la famille de Noé cette promesse rassurante: "J'établis mon alliance avec vous; ... il n'y aura plus de déluge pour désoler la terre. ... J'ai mis mon arc dans les nuées, et il deviendra un signe d'alliance entre moi et la terre. Lorsque j'amoncellerai des nuées sur la terre, l'arc apparaîtra dans les nuées. ... Et, en le voyant, je me souviendrai de l'alliance éternelle établie entre Dieu et tous les êtres vivants, quelle que soit leur espèce, qui sont sur la terre."(3) PP 83 1 Ainsi lorsque nous voyons dans les nuages ce magnifique mémorial de son alliance avec les hommes, nous pouvons admirer la condescendance et les compassions de Dieu envers ses faibles créatures. Quand il nous dit qu'en voyant l'arc-en-ciel il se souvient de son alliance, cela n'implique pas qu'il puisse jamais oublier ses promesses. Il emprunte simplement notre langage pour mieux se faire comprendre. Son dessein était de donner aux parents des générations futures l'occasion d'instruire leurs enfants sur le sens de l'arc-en-ciel, de leur rappeler l'histoire du déluge, et de rallumer leur foi en l'amour de Dieu envers les hommes. PP 83 2 Le trône de Dieu est entouré d'un arc-en-ciel qui auréole en même temps la tête de son Fils: "La splendeur qui se voyait autour [du trône] était pareille à celle de l'arc qui était dans la nuée en un jour de pluie." Cette vision, dit le prophète, représentait l'image de la gloire de l'Éternel."(4) "Je vis un trône dressé dans le ciel", écrit l'apôtre Jean, "et sur ce trône quelqu'un était assis. ... Et le trône était entouré d'un arc-en-ciel brillant comme l'émeraude.(5) Quand la méchanceté des hommes attire sur eux les jugements de Dieu, notre divin Intercesseur et Sauveur rappelle à son Père sa promesse miséricordieuse envers le pécheur repentant. Il lui montre à la fois l'arc-en-ciel colorant les nuées et celui qui entoure, au-dessus de sa tête, le trône de la divine majesté. PP 83 3 Dieu a lui-même rattaché une des plus précieuses promesses à celle qu'il fit à Noé après le déluge: "Comme au temps de Noé, au déluge, lorsque je fis le serment que les eaux de Noé ne se répandraient plus sur la terre, ainsi j'ai juré de n'être plus irrité contre toi et de ne plus te menacer. Quand les montagnes s'effondreraient, quand les collines s'ébranleraient, ma bonté pour toi ne faiblira point et mon alliance de paix ne sera pas ébranlée, dit l'Éternel qui a compassion de toi."(6) PP 83 4 Lorsque les bêtes de proie sortirent de l'arche avec lui, Noé fut saisi par la crainte de voir sa famille, au nombre de huit personnes, dévorée par ces fauves. Mais Dieu lui envoya ce rassurant message: "Vous serez craints et redoutés de tous les animaux de la terre et de tous les oiseaux du ciel. Tout ce qui se meut sur le sol, et tous les poissons de la mer sont livrés entre vos mains. Tout ce qui a mouvement et vie vous servira de nourriture; je vous donne tout cela, de même que les végétaux."(7) Jusqu'alors, Dieu n'avait pas donné à l'homme la permission de se nourrir de viande. Son dessein était que la race humaine subsistât des produits du sol. A ce moment-là, toute verdure ayant disparu, Dieu autorisa l'usage alimentaire des bêtes pures conservées dans l'arche. PP 84 1 Le péché avait amené sur la terre une troisième et affreuse malédiction: toute sa surface avait été bouleversée. Quand les eaux commencèrent à diminuer, les collines et les montagnes étaient entourées d'une vaste mer fangeuse. Partout le sol était jonché de cadavres. Pour empêcher que leur décomposition ne polluât l'atmosphère, Dieu fit de la terre un immense cimetière. Un vent impétueux agita les eaux avec tant de violence que des arbres, des roches, des monceaux de terre et jusqu'aux sommets des monts s'accumulèrent à des hauteurs diverses sur cette immense charnier. En même temps furent cachés à la vue des hommes l'argent, l'or, les pierres précieuses et les bois fins qui avaient enrichi et embelli le monde, et qui, au lieu de servir à glorifier Dieu, étaient devenus des objets d'idolâtrie et de dépravation. PP 84 2 La surface de la terre offrait un spectacle de désolation impossible à décrire. Les montagnes, naguère si belles dans leur parfaite symétrie, étaient bouleversées et déchiquetées. Le sol était couvert de pierres, de blocs erratiques et de bancs de rochers. En maints endroits, des collines et des monts avaient disparu sans laisser de trace, et des plaines avaient fait place à des chaînes de montagnes. Ces transformations étaient plus visibles en certaines régions. Les lieux où avaient abondé l'or, l'argent et les pierres précieuses portaient les marques de malédiction les plus évidentes. PP 84 3 Les immenses forêts ensevelies se sont, depuis, transformées en charbon, et constituent les grands gisements de houille et les riches puits de pétrole. Fréquemment, cette houille et ce pétrole prennent feu, et ce feu reste en état d'ignition sous la surface de la terre. La pierre à chaux s'allume, les rochers s'embrasent, le minerai de fer se fond. Le contact de l'eau et de la chaux, augmentant l'intensité du feu, provoque de puissantes explosions souterraines, des tremblements de terre et des éruptions volcaniques. Quand celles-ci ne fournissent pas une soupape suffisante aux éléments en fusion, la terre elle-même frissonne, le sol se soulève et se gonfle comme les vagues de la mer. De vastes crevasses se produisent, qui engloutissent parfois des villages, des villes et des montagnes enflammées. Ces remarquables phénomènes, avant-coureurs de la destruction du monde, deviendront de plus en plus fréquents et désastreux à mesure qu'approchera le moment de la venue du Seigneur. PP 85 1 Les profondeurs de la terre sont l'arsenal d'où le Seigneur a tiré les éléments qui ont servi à la désolation de l'ancien monde. Les eaux jaillissant du sol ont alors rejoint celles qui descendaient du ciel. Mais depuis le déluge, le feu, s'ajoutant à l'eau, est devenu l'agent destructeur de villes plongées dans l'iniquité. Ces châtiments ont pour but de courber devant la puissance de Dieu les hommes qui ignorent sa loi et son autorité. En voyant des montagnes enflammées vomir du feu et des torrents de minerai en fusion mettre des rivières à sec, envahir des cités populeuses et répandre partout la ruine et la désolation, les coeurs les plus endurcis frémissent de terreur, et les blasphémateurs sont obligés de s'incliner humblement devant la souveraineté de Dieu. PP 85 2 Telles sont les catastrophes qui faisaient dire aux anciens prophètes: "Oh! si tu déchirais les cieux, et si tu descendais, tu ébranlerais les montagnes devant toi, comme le feu embrase le bois sec, comme la flamme fait bouillonner l'eau. Alors tu ferais connaître ton nom à tes ennemis, et les nations trembleraient devant toi."(8) "L'Éternel marche dans l'ouragan et dans la tempête; les nuées sont comme la poussière de ses pieds. Il menace la mer et il la dessèche; il fait tarir tous les fleuves.(9) PP 85 3 Des scènes dépassant tout ce que le monde a vu de plus effroyable marqueront le second avènement de Jésus-Christ. "Les montagnes tremblent devant lui et les collines sont ébranlées. A son seul aspect, la terre se soulève, le monde et tous ses habitants. Qui pourrait subsister devant son courroux? Qui pourrait résister à l'ardeur de sa colère?"(10) "Éternel, abaisse tes cieux et descends; touche les montagnes et qu'elles soient embrasées! Fais briller l'éclair et disperse mes ennemis: lance tes flèches et mets-les en déroute.(11) PP 85 4 "Je ferai paraître des prodiges en haut dans le ciel, et des miracles en bas sur la terre: du sang, du feu, et des tourbillons de fumée."(12) "Il y eut des éclairs, des voix, des coups de tonnerre, et un grand tremblement de terre, un tremblement tel qu'il n'y en eut jamais de si grand depuis qu'il y a des hommes sur la terre. ... Toutes les îles s'enfuirent, et les montagnes disparurent. Des grêlons énormes, du poids d'un talent, tombèrent du ciel sur les hommes; et les hommes blasphémèrent Dieu à cause du fléau de la grêle; car c'était un fléau terrible."(13) PP 86 1 Sous l'action conjuguée de la foudre et du feu enfermé à l'intérieur de la terre, les montagnes s'enflammeront comme une fournaise, et vomiront des masses de lave qui engloutiront jardins, champs, villes, villages. Ces matières en fusion, tombées dans les fleuves, en feront bouillonner les eaux qui, avec une force indescriptible, projetteront d'énormes blocs de rochers dont les fragments iront s'abattre dans toutes les directions. Les fleuves tariront, et, d'un bout à l'autre, la terre sera convulsée par des éruptions et des tremblements de terre. PP 86 2 C'est ainsi que Dieu fera disparaître les méchants. Mais au milieu de ces bouleversements, de même que Noé dans son arche, les justes seront protégés. Dieu sera leur refuge. Sous ses ailes ils trouveront un sûr abri. Le Psalmiste nous en donne l'assurance: PP 86 3 Oui, tu es mon refuge, ô Éternel! Tu as pris le Très-Haut pour ton asile. Aucun mal ne t'atteindra; Aucun fléau n'approchera de ta tente. "Puisqu'il s'est attaché à moi je le délivrerai; Je le mettrai en sûreté, puisqu'il connaît mon nom." Car au jour du malheur il m'abritera dans sa tente; Il me cachera dans le lieu le plus secret de son tabernacle. Il m'élèvera sur un rocher.(14) ------------------------Chapitre 9 -- La semaine primitive PP 87 1 Comme le jour du repos, la semaine remonte à la création du monde. Elle nous a été transmise intacte à travers toute l'histoire biblique. C'est Dieu lui-même qui a fixé la longueur de la première semaine et en a fait le modèle de toutes celles qui devaient suivre jusqu'à la fin des temps. Elle se composait de sept jours ordinaires. Après avoir consacré six jours à l'oeuvre de la création, Dieu s'est reposé le septième, puis il l'a béni et mis à part comme jour de repos à l'usage de l'homme. PP 87 2 Dans la loi donnée au Sinaï, Dieu a confirmé la semaine et les faits sur lesquels elle repose. Le quatrième commandement débute par un ordre donné à l'homme: "Souviens-toi du jour du repos pour le sanctifier."(1) Puis viennent des dispositions précisant ce qui pourra être fait durant les six premiers jours de la semaine, et ce qui sera prohibé au septième. Enfin, citant son propre exemple, Dieu donne les raisons de cet emploi de la semaine: "Car l'Éternel a fait en six jours les cieux, la terre, la mer et tout ce qui y est contenu, et il s'est reposé le septième jour. C'est pourquoi l'Éternel a béni le jour du repos et l'a sanctifié." Ce motif paraît à la fois admirable et frappant, si l'on considère les jours de la création comme des jours littéraux. Les six premiers de chaque semaine sont destinés au travail de l'homme, et cela pour la raison que Dieu a consacré une proportion identique de la première semaine à l'oeuvre de la création. De même, au septième jour, l'homme doit s'abstenir de tout travail en souvenir et en commémoration du repos du Créateur. PP 88 1 La prétention d'après laquelle les événements de la première semaine auraient exigé des milliers et des milliers d'années sape donc par la base le quatrième commandement du Décalogue. On veut que le Créateur ait ordonné aux hommes une semaine de jours littéraux en mémoire de périodes interminables. Dieu n'agit pas de cette manière envers ses créatures. Cette théorie jette le vague et l'obscurité là où Dieu a mis une clarté parfaite. Ce n'est que du scepticisme sous sa forme la plus insidieuse, scepticisme d'autant plus dangereux que, voilant son vrai caractère, il est enseigné par une foule d'hommes professant croire à la Bible. PP 88 2 "Les cieux ont été créés par la parole de l'Éternel, et toute leur armée par le souffle de sa bouche. ... Car il parle, et la chose existe; il commande, et elle paraît."(2) La Bible ignore les siècles sans fin au cours desquels la terre serait lentement sortie du chaos. La narration sacrée affirme que chaque jour de la création, comme tous les jours qui ont suivi, a consisté en un soir et un matin, et elle mentionne l'oeuvre accomplie chaque jour de cette première semaine. Elle conclut: "Telle est l'histoire de la création des cieux et de la terre [litt., telles furent les générations des cieux et de la terre quand ils furent créés]." Ces paroles n'expriment nullement l'idée que les jours de la création étaient différents des jours ordinaires. Chaque jour est appelé une "génération", ce qui veut dire que Dieu y fit une nouvelle portion de son oeuvre. PP 88 3 Les géologues prétendent trouver dans la terre elle-même les preuves que celle-ci serait beaucoup plus ancienne que ne le dit la narration mosaïque. On a découvert des ossements d'hommes et d'animaux, des instruments de guerre, des arbres pétrifiés, etc., de dimensions bien plus grandes que ceux d'aujourd'hui, ou qui ont existé depuis des milliers d'années. On en conclut que la terre a été habitée longtemps avant l'époque indiquée dans le récit de la création, et cela par une race d'hommes de beaucoup supérieure en stature aux hommes de nos jours. Ce raisonnement a induit un grand nombre de croyants à adopter l'enseignement selon lequel les jours de la création seraient des périodes d'une longueur incalculable. PP 89 1 Mais la géologie ne peut rien prouver indépendamment de l'histoire biblique. Ceux qui opinent si savamment sur les découvertes de cette science n'ont aucune idée exacte de la dimension des hommes, des animaux et des arbres qui existaient avant le déluge, ou des bouleversements qui se sont produits alors. Les fossiles découverts prouvent l'existence d'un genre de vie qui différait à beaucoup d'égards de l'état de choses actuel. Seuls les récits inspirés peuvent nous en apprendre l'époque. L'histoire du déluge révèle des faits que la géologie n'aurait jamais pu déceler. Aux jours de Noé, des hommes, des animaux et des arbres de dimensions bien supérieures à ceux qui existent actuellement ont été ensevelis et conservés dans la terre dans le but précis d'apprendre aux siècles futurs que cette génération a péri dans un déluge. Dieu désirait que la découverte de ces vestiges servît à démontrer la véracité des récits inspirés. Malheureusement, par leurs vains raisonnements, les hommes tombent dans la même erreur que les antédiluviens. Ils transforment, par un mauvais usage, les bienfaits de Dieu en instruments de malédiction. PP 89 2 Une des ruses de Satan consiste précisément à s'efforcer de rendre obscure la loi de Dieu qui est parfaitement claire. Il pousse ainsi les hommes dans la voie du scepticisme et les enhardit dans leur insoumission à l'égard de son gouvernement. L'hostilité de l'ennemi est surtout dirigée contre le quatrième commandement qui proclame nettement que le Dieu vivant est le Créateur des cieux et de la terre. PP 89 3 On constate, en effet, même chez les chrétiens, une tendance persistante à attribuer l'oeuvre de la création à des causes naturelles, et à substituer des raisonnements humains aux déclarations formelles de l'Écriture. Il en est beaucoup qui condamnent l'étude des prophéties bibliques, notamment celles du livre de Daniel et de l'Apocalypse, sous prétexte qu'elles sont obscures et indéchiffrables, alors que ces mêmes personnes acceptent sans hésitation des suppositions géologiques diamétralement opposées au récit mosaïque. Que faut-il penser des gens qui attribuent une obscurité impénétrable aux choses que Dieu a révélées, et qui acceptent avec avidité des enseignements dont il n'a pas dit un mot? PP 90 1 "Ce qui est caché appartient à l'Éternel, notre Dieu; mais la révélation est pour nous et pour nos enfants à jamais."(3) Dieu n'a pas révélé à l'homme la façon dont il s'y est pris pour créer l'univers. La science est impuissante à sonder les secrets du Très-Haut, dont la vertu créatrice est aussi incompréhensible que son existence. PP 90 2 Dieu a permis que les flots de lumière inondent les hommes dans le domaine des sciences et des arts. Mais lorsque les savants s'aventurent à épiloguer sur les secrets de la Providence, ils arrivent infailliblement à des conclusions erronées. Il peut être inoffensif de spéculer sur des matières non révélées dans la Parole de Dieu, mais c'est à condition que nos conclusions ne contredisent pas ce qu'elle affirme. Ceux qui abandonnent l'Écriture pour discourir sur l'oeuvre de la création au nom de la science errent, sans carte ni boussole, sur une mer inconnue. Dans leurs tentatives pour concilier la Parole de Dieu avec la science, les hommes qui ne se laissent pas guider par la Bible, fussent-ils des génies, deviennent le jouet de leurs fantaisies. Le Créateur et son oeuvre dépassent tellement leur compréhension que, devant leur incapacité de les expliquer par les lois naturelles, ils rejettent le récit biblique comme inacceptable. Ceux qui doutent de la véracité de l'Ancien et du Nouveau Testament et qui, au nom des lois naturelles, considèrent comme légendaires les parties historiques de la Bible, font généralement un pas de plus: ils en viennent à douter de l'existence de Dieu, et, privés d'ancre et de boussole, ils vont se briser sur les récifs de l'incrédulité. PP 90 3 La simplicité de la foi leur a manqué, faute d'avoir eu une ferme confiance dans la divine autorité de la Parole de Dieu. Celle-ci ne peut être jugée par de prétendues notions scientifiques. Les connaissances humaines sont toujours sujettes à caution. C'est par esprit de contradiction et par ignorance soit de la science, soit de la Bible, que les sceptiques prétendent les trouver en conflit. Bien comprises toutes deux, elles sont parfaitement d'accord. Moïse a écrit sous la direction de l'Esprit divin. Une connaissance exacte de la géologie ne se réclame jamais de découvertes qui ne puissent se concilier avec ses déclarations. Toute vérité, soit naturelle, soit révélée, est d'accord avec elle-même dans toutes ses manifestations. PP 91 1 La Parole de Dieu soulève des problèmes que les plus grands savants ne pourront jamais résoudre. Ces problèmes sont mentionnés par elle pour nous faire sentir combien il y a de choses, même parmi les plus ordinaires de la vie, que l'homme borné, en dépit de toute sa prétendue sagesse, ne pourra jamais connaître à fond. Et pourtant, bien des savants croient que Dieu est emprisonné par ses propres lois et prétendent tout expliquer, jusqu'à l'opération de son Esprit sur le coeur humain. C'est au point qu'ils en perdent le respect de son nom et la crainte de sa puissance. Ne comprenant pas ses lois ni sa faculté illimitée d'accomplir par elles ses desseins, on nie le surnaturel. On appelle "lois naturelles" ce qu'on est parvenu à découvrir des lois régissant le monde physique. Mais combien est limitée notre connaissance de ces lois! Et quel mortel aura jamais la moindre notion de l'immensité du champ d'opérations du Créateur dans les limites de ses propres lois? PP 91 2 On enseigne communément que la matière possède un pouvoir vital, une énergie inhérente, des propriétés qui lui sont propres. De cette façon, les opérations de la nature se dérouleraient en harmonie avec des lois fixes que Dieu lui-même ne peut violer. Cette fausse science n'est nullement approuvée par la Parole de Dieu. La nature est la servante de son Créateur. Dieu n'annule pas ses lois, et ne va pas à leur encontre: il en fait ses instruments. La nature révèle une intelligence, une présence, une énergie active qui opèrent au sein de ses lois et par elles, et témoignent de l'activité continue du Père et du Fils. Jésus dit: "Mon Père travaille jusqu'à présent, et je travaille, moi aussi."(4) PP 91 3 Dans l'hymne que nous a conservé Néhémie, les Lévites chantaient: "Toi seul, tu es l'Éternel! C'est toi qui as fait les cieux, les cieux des cieux et toute leur armée, la terre et tout ce qui la couvre. ... Tu donnes la vie à tous les êtres."(5) En ce qui concerne la terre, l'oeuvre de la création est complète, car "ses oeuvres étaient achevées depuis la création du monde.(6) Ce n'est pas en vertu d'une force inhérente qu'année après année notre terre nous rend ses bienfaits et continue son mouvement de gravitation autour du soleil. L'énergie divine, toujours à l'oeuvre, soutient les objets de sa création. Cela est bien loin de l'idée que le mécanisme du monde, mis en mouvement une fois pour toutes, continue par son propre élan à fonctionner, notre pouls à battre et nos respirations à se succéder les unes aux autres. Au contraire, chaque respiration, chaque pulsation de notre coeur est une preuve du soin universel exercé par celui en qui "nous avons la vie, le mouvement et l'être".(7) PP 92 1 La main de Dieu guide les planètes et les maintient à leur place dans leur marche invariable à travers l'espace. "C'est lui qui fait marcher leurs armées en bon ordre et qui les appelle toutes par leur nom. Telle est la grandeur de son pouvoir et de sa force souveraine que pas une ne refuse de lui obéir."(8) C'est par son pouvoir que la végétation pousse, que les feuilles naissent, que les fleurs éclosent. C'est lui "qui fait germer l'herbe sur les montagnes"; et "par lui les vallons fructifient". Les animaux de la forêt "demandent à Dieu leur pâture.(9) Tout être vivant, depuis le plus petit insecte jusqu'à l'homme, dépend de ses soins providentiels. "Tous ces êtres, dit magnifiquement le Psalmiste, attendent de toi que tu leur donnes, en temps opportun, leur nourriture. Tu la leur donnes, et ils la recueillent; tu ouvres ta main et ils sont comblés de biens.(10) PP 92 2 Sa parole domine les éléments. Il couvre les cieux de nuages et prépare la pluie qui doit arroser la terre. "Il fait tomber la neige comme de la laine, et répand le givre comme de la cendre." "Au son de sa voix, les eaux s'amassent dans les cieux; il fait monter les nuages de l'extrémité de la terre, il fait briller les éclairs au milieu de la pluie; il tire le vent de ses trésors."(11) Car Dieu est à la base de tout. Toute vraie science est en harmonie avec ses oeuvres; toute éducation véritable produit l'obéissance à son gouvernement. La science présente à nos yeux de nouvelles merveilles; elle escalade les cieux, elle explore des profondeurs inconnues; mais de ses investigations elle ne ramène rien qui soit en contradiction avec la révélation divine. Le livre de la nature et la Parole écrite s'éclairent mutuellement, et nous poussent à adorer le Créateur et à placer une confiance intelligente en sa Parole. PP 92 3 Aucun être borné ne peut arriver à une parfaite conception de l'existence, de la sagesse ou des oeuvres de l'Être infini. Job a écrit: PP 92 4 Peux-tu sonder les profondeurs de Dieu, Et atteindre les limites du Tout-puissant? Elles ont la hauteur des cieux: que pourrais-tu donc faire? Elles sont plus profondes que le séjour des morts: Comment les connaîtrais-tu? Leur étendue est plus vaste que la terre, Plus large que la mer.(12) PP 93 1 Les plus puissants cerveaux humains ne peuvent sonder Dieu. Les hommes auront beau chercher sans cesse et apprendre à perpétuité: l'infini restera toujours devant eux. PP 93 2 Un fait demeure: les oeuvres de la création témoignent de la grandeur et de la sagesse de Dieu. Ceux qui prennent sa Parole pour conseiller trouveront dans la science un utile auxiliaire: "Les cieux racontent la gloire de Dieu, et le firmament proclame l'oeuvre de ses mains."(13) "Les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient comme à l'oeil depuis la création du monde, quand on les considère dans ses ouvrages.(14) ------------------------Chapitre 10 -- La tour de Babel PP 95 1 Le déluge avait purifié la terre de sa corruption morale. Pour la repeupler, Dieu n'avait conservé qu'une seule famille, celle de Noé, à qui il avait déclaré: "J'ai vu que tu es juste devant moi au milieu de cette génération."(1) Bientôt, cependant, on vit se développer chez les trois fils de Noé les mêmes tendances qui s'étaient partagées le monde avant le déluge. Sem, Cham et Japhet, les fondateurs de la nouvelle humanité, laissaient présager le caractère de leur postérité respective. PP 95 2 Divinement inspiré, Noé prédit l'histoire des trois générations qui devaient naître de ces ancêtres. Parlant des descendants de Cham, qu'il désigne par le nom de son fils plutôt que par le sien, il dit: "Maudit soit Canaan! Il sera le serviteur de ses frères."(2) L'indécence de Cham prouvait que chez lui la révérence filiale avait depuis longtemps disparu, et révélait l'impiété et la bassesse de son caractère. Ses tendances coupables passèrent chez Canaan, et sa postérité finit par appeler sur elle les jugements de Dieu. PP 95 3 En revanche, le respect filial et l'obéissance aux statuts divins manifestés par Sem et Japhet auguraient un meilleur avenir pour leur postérité. Cet avenir fut annoncé en ces termes: PP 96 1 Béni soit l'Éternel, Dieu de Sem, Et que Canaan soit son serviteur! Que Dieu étende les possessions de Japhet, Que celui-ci habite dans les tentes de Sem, Et que Canaan soit son serviteur.(2) PP 96 2 La lignée de Sem devait être celle du peuple héritier de l'alliance divine et ancêtre du Rédempteur promis. Jéhovah était le Dieu de Sem. De ce dernier devaient descendre Abraham, le peuple d'Israël et Jésus-Christ. "Heureux, dit le Psalmiste, le peuple dont l'Éternel est le Dieu!"(3) Quant à Japhet, il devait "habiter dans les tentes de Sem". Ses descendants auraient une large part des bienfaits de l'Évangile. PP 96 3 Bien que la postérité de Canaan se fût abandonnée aux formes les plus dégradantes du paganisme, la prophétie qui la condamnait à l'esclavage tarda plusieurs siècles à s'accomplir. Dieu toléra son impiété et sa dépravation jusqu'à ce qu'elles eussent outrepassé les limites de la patience divine. Elle fut alors dépossédée de ses terres et réduite en servitude par les descendants de Sem et de Japhet. La prédiction de Noé n'était pas un sort arbitraire jeté sur ses fils. Elle ne déterminait nullement leur caractère et leur destinée. Elle révélait les conséquences du genre de vie qu'ils devaient respectivement choisir et du caractère qu'ils formeraient. Étant donné leurs tendances, elle se bornait à exprimer le dessein de Dieu à leur égard et à l'égard de leur postérité. Généralement, les enfants héritent des dispositions de leurs parents, et imitent leur exemple. Les péchés de de ceux-ci se reproduisent ainsi d'une génération à l'autre. L'irrévérence et la bassesse de Cham, adoptée par sa postérité, amenèrent sur celle-ci une malédiction qui a pesé sur un grand nombre de générations. "Un seul pécheur peut causer la perte des biens les plus précieux."(4) PP 96 4 En revanche, quelle ne fut pas la récompense de Sem pour avoir respecté son père, et quels hommes illustres apparaissent dans sa postérité! "L'Éternel veille sur les jours de l'homme intègre, ... et sa postérité est bénie."(5) "Reconnais donc que c'est l'Éternel ton Dieu qui est Dieu, le Dieu fidèle, qui garde son alliance et sa miséricorde jusqu'à mille générations vis-à-vis de ceux qui l'aiment et qui observent ses commandements.(6) PP 97 1 Durant un certain temps, les descendants de Noé continuèrent à résider dans les montagnes où l'arche s'était arrêtée. Mais quand ils commencèrent à se multiplier, l'apostasie les sépara. Incommodés par les exhortations et l'exemple des adorateurs de Dieu, et désirant s'affranchir des restrictions de sa loi, ils prirent finalement la décision de partir ailleurs. Se dirigeant vers les plaines de Sinéar arrosées par l'Euphrate, et charmés par la beauté du site et la fertilité du sol, ils résolurent de s'y fixer. Au projet qu'ils conçurent de bâtir une ville, ils ajoutèrent celui de construire une tour dont la hauteur fabuleuse ferait l'admiration du monde. Cette double entreprise avait pour but d'éviter de se séparer en colonies, contrairement à l'ordre de Dieu de se disperser sur la face de la terre, de la remplir et de la soumettre. Les fondateurs de Babel entendaient se maintenir en une seule communauté et fonder une monarchie qui embrasserait un jour la terre tout entière. Leur cité deviendrait ainsi la métropole d'un empire universel. Sa gloire devait être la merveille du monde, et les noms de ses fondateurs passeraient à la postérité. De même, la tour, dont le sommet atteindrait jusqu'au ciel, serait un monument de la sagesse et du génie de ses constructeurs, et perpétuerait leur réputation jusqu'aux dernières générations. PP 97 2 Les habitants de la plaine de Sinéar ne croyaient pas à la promesse divine annonçant qu'on ne verrait plus de déluge. Un grand nombre d'entre eux niaient même l'existence de Dieu et attribuaient cette catastrophe à des causes naturelles. D'autres croyaient à un Être suprême, mais semblables à Caïn, ils se révoltaient contre lui. En donnant à cette construction une hauteur plus élevée que la limite atteinte par la récente catastrophe, ils pensaient se mettre à l'abri de tout danger. En outre, la grandeur de la tour allait leur permettre de monter jusqu'à la région des nuages, où ils espéraient découvrir les causes du cataclysme. En un mot, toute cette entreprise avait pour but de satisfaire l'orgueil de ses initiateurs et d'éteindre la connaissance de Dieu chez les générations futures. PP 97 3 L'oeuvre étant presque achevée, les constructeurs s'y réservèrent des demeures particulières. Des salles, magnifiquement meublées et décorées, étaient affectées aux idoles. On se réjouissait du succès de l'entreprise, et on glorifiait les dieux d'or et d'argent. Le Maître du ciel et de la terre était méprisé. Soudain, l'ouvrage qui était en si bonne voie s'arrêta. Que s'était-il passé? Des anges avaient été envoyés pour y mettre fin. PP 98 1 La tour avait atteint une hauteur prodigieuse. Comme il était impossible aux ouvriers du sommet de communiquer avec ceux qui étaient à la base, on avait posté à divers endroits des hommes qui se transmettaient les demandes de matériaux ou d'autres messages. Or, pendant que ces messages passaient ainsi d'un poste à l'autre, leur langage fut confondu, de sorte que les matériaux commandés n'étaient pas ceux qu'il fallait, et que les ordres passés par la chaîne étaient, à l'arrivée, tout autres qu'au départ. La confusion et la stupeur furent générales. L'entente et la coopération n'étant plus possibles, le travail fut suspendu. Incapables de se rendre compte des étranges malentendus qui se produisaient, les constructeurs, hors d'eux-mêmes, se mirent à s'accabler de reproches. L'entreprise fut noyée dans la discorde et le sang. Pour marquer la désapprobation divine, la foudre tomba sur la partie supérieure de la tour et la précipita sur le sol. Alors on comprit qu'il y a dans le ciel un Dieu qui règne sur la terre. PP 98 2 Jusqu'à ce moment-là, les hommes n'avaient parlé qu'une seule langue. Désormais, ceux qui comprenaient le même idiome s'unirent par groupes et s'en allèrent, les uns dans une direction, les autres dans une autre. "Ainsi l'Éternel les dispersa de là sur toute la terre."(7) Et le dessein de Dieu fut atteint par le moyen même employé par les hommes pour en empêcher la réalisation. PP 98 3 Mais à quel prix pour cette génération! Le plan divin voulait qu'en allant fonder des nations sur toute la surface de la terre, les hommes emportent avec eux la connaissance de sa volonté, afin que la lumière de la vérité passe, pure et claire, d'une génération à l'autre. Noé, le fidèle "prédicateur de la justice", vécut trois cent cinquante ans après le déluge, et Sem cinq cents, période durant laquelle leurs descendants furent, par eux, instruits des exigences de Dieu et de ses voies envers leurs pères. En revanche, les hommes de Babel -- peu désireux d'entendre des vérités qui leur étaient désagréables et de conserver la connaissance de Dieu -- furent encore empêchés, par la confusion des langues, d'avoir accès à ceux qui auraient pu leur communiquer la lumière. PP 98 4 Les bâtisseurs de Babel avaient murmuré contre Dieu. Au lieu de se souvenir avec gratitude de sa miséricorde envers Adam et son alliance de grâce avec Noé, ils s'étaient plaints de sa sévérité envers le couple primitif chassé de l'Éden, et envers le monde antédiluvien détruit par le déluge. Or, tout en accusant Dieu d'être arbitraire et sévère, ils acceptèrent le joug de Satan, plus cruel encore que celui des tyrans. Pour couvrir de mépris le sacrifice sanglant préfigurant la mort du Sauveur, et profitant des ténèbres dans lesquelles l'idolâtrie avait plongé l'humanité, l'ange rebelle poussa les hommes à contrefaire ces sacrifices et à immoler leurs propres enfants sur les autels de leurs dieux! Oubliant les attributs du Créateur, ils en vinrent à remplacer sa justice, sa puissance et son amour par l'oppression, la violence et une atroce inhumanité. PP 99 1 Parmi les gens de Babel qui avaient décidé d'établir un gouvernement indépendant du Très-Haut, se trouvaient quelques hommes craignant Dieu qui, trompés sur les intentions des impies, avaient été entraînés dans leur entreprise. Par égard pour eux, et afin de donner aux meneurs le temps de révéler leur vrai caractère, le Seigneur avait tardé à exécuter ses jugements. Reconnaissant leur erreur, ces "fils de Dieu" s'efforcèrent de détourner les apostats de leur projet, mais ils se heurtèrent à une volonté inébranlable de défier le Dieu du ciel. Si l'oeuvre de ces derniers n'avait été mise en échec, si leur confédération, visant à l'organisation d'un empire où l'on n'aurait fait à Dieu ni place ni honneur, n'avait été dissoute, l'humanité aurait été démoralisée dès son enfance. Un pouvoir redoutable eût extirpé la paix, le bonheur et la sécurité de dessus la terre. Aux divins statuts, "saints, justes et bons",(8) les hommes auraient substitué l'égoïsme et la cruauté. PP 99 2 Mais ceux qui craignaient Dieu l'avaient supplié d'intervenir, et "l'Éternel était descendu pour voir la ville et la tour qu'avaient bâtie les fils des hommes".(9) Par pitié pour le monde, il avait confondu leur langage et mis fin à leur aventure en abattant le monument de leur insolence. Dieu supporte longtemps la perversité des hommes. Il leur donne le temps de se convertir, tout en prenant note de leurs plans pour résister à sa loi. De temps à autre, la main invisible qui tient le sceptre de l'univers se découvre pour mettre un frein à l'iniquité et montrer avec une clarté aveuglante que Dieu est le Créateur de l'univers, l'Être infini en sagesse, en amour et en vérité, le suprême dominateur des cieux et de la terre, celui qu'on ne brave pas impunément. PP 100 1 Les projets des constructeurs de Babel s'effondrèrent dans la défaite et la honte. Le monument de leur orgueil devint celui de leur folie. Néanmoins, les hommes continuèrent, à l'exemple de Satan dans le ciel et de Caïn sur la terre, à marcher dans la même voie, à agir à leur guise et à rejeter la loi de Dieu. Il existe encore, aujourd'hui, des bâtisseurs de tours. Les mécréants échafaudent leurs théories sur de prétendues déductions de la science, et rejettent la Parole révélée. En prononçant un jugement sur le gouvernement moral de Dieu, ils méprisent sa loi et prônent la suffisance de la raison humaine. Puis, "parce que la sentence prononcée contre les mauvaises actions n'est pas exécutée sur-le-champ, le coeur des hommes est rempli du désir de faire le mal".(10) PP 100 2 Dans le monde qui se dit chrétien, un grand nombre d'esprits se détournent des enseignements de la Bible, pourtant si simples et si clairs, et se mettent à édifier leurs systèmes sur des raisonnements humains et d'agréables fictions. Eux aussi, ils érigent une tour leur permettant de monter au ciel; et des foules, suspendues à leurs lèvres, écoutent ces discoureurs éloquents proclamer que le pécheur ne meurt point, et que le salut s'obtient sans obéir à la loi de Dieu. Si ceux qui prétendent être disciples du Christ acceptaient la règle divine, ils pourraient être unis. Mais aussi longtemps que la sagesse humaine sera placée au-dessus de la Parole inspirée, il y aura des divisions et des dissensions entre croyants. La confusion actuelle créée par les confessions de foi divergentes des sectes qui divisent la chrétienté est bien caractérisée par le terme "Babylone"(11) (confusion) appliqué par la prophétie aux Églises mondanisées des derniers jours. PP 100 3 Constructeurs de tours aussi, ceux qui se font un ciel de leurs richesses et de leur pouvoir. "Ils se vantent méchamment de leurs violences; leurs paroles sont hautaines."(12) Foulant aux pieds les droits de l'homme, ils ne tiennent aucun compte de l'autorité divine. Les orgueilleux peuvent, pendant un temps, jouir d'une grande influence et voir réussir leurs entreprises; mais c'est pour ne récolter à la fin que revers et dégoûts. PP 100 4 Le temps des règlements de comptes est à la porte. Le Très-Haut va bientôt descendre pour voir ce que les hommes ont édifié. Sa puissance souveraine va se manifester, et les ouvrages de l'orgueil humain seront anéantis. PP 101 1 L'Éternel regarde du haut des cieux; Il voit tous les enfants des hommes. Du lieu de sa demeure il observe Tous les habitants de la terre... PP 101 2 L'Éternel déjoue les desseins des nations; Il anéantit les projets des peuples. Mais les desseins de l'Éternel subsisteront à perpétuité; Les projets de son coeur durent d'âge en âge.(12) ------------------------Chapitre 11 -- L'appel d'Abraham PP 103 1 Après la dispersion des hommes de Babel, l'idolâtrie étant redevenue presque universelle, Dieu abandonna finalement à leurs mauvaises voies les pécheurs endurcis, et se choisit un des descendants de Sem, nommé Abram, afin de faire de lui le conservateur de sa loi pour les générations futures. Abram avait grandi au sein de la superstition et du paganisme. Sa famille elle-même, par laquelle la connaissance de Dieu avait été conservée, commençait à céder aux influences fascinatrices qui l'entouraient. Elle "servait d'autres dieux" que Jéhovah."(1) Mais comme la vraie foi ne pouvait pas s'éteindre, Dieu s'était toujours conservé un petit nombre de fidèles. D'un siècle à l'autre, sans brèche ni interruption, Adam, Seth, Hénoc, Méthusélah, Noé et Sem s'étaient transmis le précieux trésor de ses révélations. Maintenant c'était le fils de Taré qui devenait le dépositaire de cet héritage sacré. "L'Éternel est près de tous ceux qui l'invoquent, de tous ceux qui l'invoquent avec sincérité.(2) PP 103 2 Sollicité de tous côtés par l'idolâtrie, Abram, inébranlable, demeurait incorruptible au sein de l'apostasie générale. Il reçut bientôt des instructions nettes et précises sur la loi de Dieu et les conditions du salut que devait apporter le Rédempteur. La promesse d'une nombreuse postérité, tout particulièrement chère aux hommes de cet âge, lui fut faite: "Je te ferai devenir une grande nation, lui dit le Seigneur; je te bénirai, je rendrai ton nom glorieux, et tu seras une cause de bénédiction." A cette promesse fut ajoutée l'assurance précieuse que le Sauveur sortirait de sa descendance: "Toutes les familles de la terre seront bénies en toi".(3) PP 104 1 Comme première condition de l'accomplissement de cette promesse, sa foi devra être éprouvée; un sacrifice va lui être demandé. Abram reçoit cet ordre: "Quitte ton pays, ta famille, et la maison de ton père, et va dans le pays que je te montrerai."(4) Sa parenté et ses amis pourraient contrecarrer les plans de Dieu envers son serviteur. Pour que celui-ci soit qualifié en vue de sa grande mission de gardien des oracles sacrés, il devra s'éloigner du milieu où il a passé sa jeunesse. Il lui faudra revêtir un caractère à part, agir autrement que tout le reste du monde. Il n'aura pas même la satisfaction ni la possibilité de se faire comprendre de ses amis. "Les choses spirituelles se discernent spirituellement." Il restera même incompris de sa parenté idolâtre. En rapport tout particulier avec le ciel, il devra vivre parmi des étrangers. PP 104 2 "C'est par la foi qu'Abraham obéit à l'appel de Dieu et partit pour le pays qu'il devait recevoir en héritage; il partit, sans savoir où il allait."(5) L'obéissance totale et empressée d'Abram est l'un des plus beaux exemples de la vraie foi qui soient renfermés dans la Bible. Pour lui, "la foi est une ferme assurance des choses qu'on espère, une démonstration de celles qu'on ne voit pas.(5) Appuyé sur la promesse divine, sans le moindre gage extérieur de son accomplissement, il quitte son foyer, sa parenté, sa patrie, et se met en voyage sans savoir où Dieu le conduit. "C'est par la foi qu'il séjourna dans la terre qui lui avait été promise, comme dans une terre étrangère, habitant sous des tentes, ainsi qu'Isaac et Jacob, héritiers avec lui de la même promesse.(6) PP 104 3 Ce qui était demandé à Abram n'était ni une épreuve facile, ni un léger sacrifice. Des liens puissants l'attachaient à sa patrie, à sa parenté, à son foyer. Mais il n'hésite point. Il ne demande pas si le pays où il se rend est fertile, si le climat en est salubre, si les environs en sont agréables, ni s'il est possible de s'y enrichir. Dieu ayant parlé, son serviteur obéira: car, pour lui, le plus beau lieu de la terre est celui où Dieu l'appelle. PP 105 1 Beaucoup de croyants, aujourd'hui encore, sont soumis à la même épreuve que le patriarche, avertis, non par une voix venant directement du ciel, mais par la Parole de Dieu et des circonstances providentielles. Ils sont appelés à abandonner une carrière qui leur promet la fortune et les honneurs, à quitter leurs proches ou à renoncer à un milieu agréable et avantageux, pour entrer dans une voie où les attendent des inconvénients, des renoncements, des sacrifices. Une vie facile, un entourage sympathique risqueraient d'entraver la formation morale indispensable à l'accomplissement de l'oeuvre à laquelle le Seigneur les destine. En conséquence, il les emmène loin des influences et des conseils humains, là où, n'ayant plus que Dieu pour ressource, ils pourront mieux le connaître. Heureux mortels, ceux qui acceptent des devoirs tout nouveaux dans des champs d'activité inexplorés, et qui sont prêts à travailler pour Dieu d'un coeur ferme et joyeux, estimant, par amour pour le Sauveur, leurs pertes pour des gains! Celui qui consent à agir ainsi possède la foi d'Abraham, et partagera avec lui "le poids éternel d'une gloire sans mesure et sans limite", auprès de laquelle "les souffrances du temps présent sont sans aucune proportion".(7) PP 105 2 Obéissant à l'appel de Dieu, Abram quitte "Ur en Chaldée",(8) où il habite, et se rend à Charan. Jusque-là, il est accompagné par la famille de son père qui joint l'idolâtrie au culte du vrai Dieu. Abram y réside jusqu'à la mort de Taré, son père. A ce moment-là, la voix de Dieu l'invite à se remettre en route, et il obéit, laissant son frère Nachor à sa famille et à ses idoles. A part Sara, sa femme, seul son neveu Lot, fils de Haran son frère, décédé depuis longtemps, consent à le suivre dans ses pérégrinations. C'était cependant une caravane considérable qui s'éloignait de la Mésopotamie. Abram était déjà pourvu de grands troupeaux de gros et de menu bétail, la richesse de l'Orient, et accompagné d'un nombreux cortège de serviteurs. Ces voyageurs qui abandonnaient le pays de leurs pères pour n'y plus retourner, emmenaient avec eux "tous les biens qu'ils avaient amassés, ainsi que les gens qu'ils avaient acquis à Charan.(9) Parmi ces derniers, il y en avait un certain nombre qui, gagnés au culte et au service du vrai Dieu tant par Abram que par Sara, plaçaient les choses éternelles au-dessus des considérations d'intérêt personnel. Ils partirent donc pour se rendre au pays de Canaan. PP 106 1 Le premier arrêt fut Sichem, où Abram installa son camp, entre les monts Ébal et Garizim, à l'ombre des chênes de Mamré, dans une large vallée aux vertes prairies et aux champs d'oliviers. C'était une contrée ravissante, "un bon pays, un pays riche en torrents, en sources et eaux profondes, jaillissant dans les vallées et dans les montagnes; un pays d'orge, de vignes, de figuiers et de grenadiers; un pays d'oliviers, d'huile et de miel".(10) Mais ces collines boisées et cette plaine fertile étaient enveloppées, pour le patriarche, d'une sombre atmosphère: les Cananéens étaient alors dans le pays. La contrée désirable qui devait lui échoir était occupée par des gens plongés dans les souillures de l'idolâtrie. Ses bosquets servaient d'abris aux autels des faux dieux, et des sacrifices humains étaient offerts sur les hauteurs environnantes. PP 106 2 Tout en se cramponnant à la promesse divine, mais non sans de douloureux pressentiments, Abram se mit en devoir d'y dresser ses tentes, quand l'Éternel lui apparut, et lui dit: "Je donnerai ce pays à ta postérité."(11) Fortifié par cette parole qui l'assure de la présence et de la protection divines au milieu des méchants, le patriarche "bâtit là un autel à l'Éternel, qui lui était apparu.(11) Mais bientôt, appelé à reprendre le bâton du pèlerin, il transporte son camp en un lieu appelé Béthel, où il érige un nouvel autel, et où il invoque le nom de l'Éternel. PP 106 3 Abraham, appelé l'"ami de Dieu", nous a laissé un noble exemple. Sa vie était une vie de prière. Partout où il dressait ses tentes, on voyait s'élever un autel où il réunissait tout son personnel pour le sacrifice du matin et du soir. Quand il quittait ce lieu, l'autel y restait. Des années plus tard, maint Cananéen nomade, instruit par lui, venant à passer, reconnaissait qu'Abram avait séjourné là, et, sa tente dressée, il réparait l'autel et y adorait le Dieu vivant. PP 106 4 Continuant ses pérégrinations vers le sud, Abram voit à nouveau sa foi mise à l'épreuve. Le ciel refusant la pluie à la terre, les ruisseaux cessèrent d'arroser les vallées, l'herbe sécha, les troupeaux ne trouvèrent plus de pâture, et la famine menaça tout le camp. Que fera Abram? Se mettra-t-il à douter de la Providence, ou à regretter l'abondance des plaines de la Chaldée? On se le demande, dans son entourage, en voyant les épreuves s'abattre sur lui: car c'est sur sa foi inébranlable que l'on compte, puisque Dieu est son ami et son conducteur. PP 107 1 Incapable de s'expliquer, dans cette conjoncture, les desseins de la Providence, l'homme de Dieu reste calme, soutenu par la promesse: "Je te bénirai, je rendrai ton nom glorieux, et tu seras une cause de bénédictions." Sans se laisser ébranler par les circonstances adverses, il se livre à d'ardentes prières, tout en cherchant les moyens de conserver la vie à son camp et à ses troupeaux. Il ne songe pas à quitter le pays de Canaan, ni à retourner en Chaldée, d'où il est sorti, et où le pain abonde. Il se rend dans un lieu de refuge temporaire, le plus près possible du pays de la promesse, où Dieu l'a placé, et où il pourra prochainement revenir. Il descend en Égypte. PP 107 2 Dans sa providence, Dieu avait permis cette épreuve afin de donner à son serviteur une leçon de soumission, de patience et de foi, qui, plus tard, pourrait servir d'exemple à tous ceux qui sont appelés à passer par l'affliction. Si Dieu conduit ses enfants par des chemins qu'ils ignorent, il n'oublie ni ne rejette ceux qui mettent en lui leur confiance. Il permettra que Jean, le bien-aimé, soit exilé à Patmos; mais l'apôtre y sera rejoint par le Fils de Dieu, qui fera passer devant ses yeux des visions d'une gloire immortelle. Quand Dieu expose son peuple à l'épreuve, c'est afin que celui-ci, par son obéissance et sa constance, soit lui-même spirituellement enrichi, et devienne pour d'autres, par son exemple, une source de courage et de foi. "Je connais bien les projets que j'ai formés en votre faveur, dit l'Éternel; projets de paix et non de malheur."(12) Les tribulations qui nous éprouvent le plus sévèrement, celles qui nous font craindre que le Seigneur nous ait abandonnés, ont pour but de nous rapprocher de Jésus, de nous apprendre à jeter à ses pieds tous nos soucis, et à goûter la paix qu'il nous donne en échange. PP 107 3 En tout temps, Dieu a fait passer son peuple par la fournaise de l'affliction. C'est sous l'ardeur de cette fournaise que la gangue se sépare de l'or dans le caractère du chrétien. Jésus, qui surveille l'opération, sait à quel degré le précieux métal doit être chauffé pour arriver à réfléchir l'éclat de son amour. C'est par des épreuves pénibles mais révélatrices que Dieu discipline ses serviteurs. Ceux qui ont des dons propres à servir à l'avancement de sa cause sont placés dans des situations qui leur découvrent des défauts et des faiblesses ignorés, et leur donnent l'occasion de se corriger et d'apprendre à se confier en Dieu, leur seul secours, leur seule sauvegarde. Alors son but est atteint. Instruits, façonnés, disciplinés, ils sont préparés, quand l'heure sonne, à remplir, avec l'aide des anges, la mission magnifique à laquelle ils sont destinés. PP 108 1 Durant son séjour en Égypte, Abram montra qu'il n'était pas exempt de faiblesses et d'imperfections humaines. En craignant d'avouer que Sara est sa femme, il révèle un manque de confiance en Dieu. Il subit une éclipse de la foi sereine et du noble courage qui apparaissent si souvent dans sa vie. Sara étant "fort belle", il craint que les Égyptiens au teint bruni ne convoitent la ravissante étrangère et ne se fassent aucun scrupule de s'en emparer et de tuer son mari. Il se flatte qu'en faisant passer sa femme pour sa soeur, il ne ment pas, puisqu'elle est fille de son père, sinon de sa mère. Mais Dieu n'approuve aucun écart de la stricte vérité. Ce manque de foi fait courir un grand péril à Sara, car le roi d'Égypte, informé de la beauté de celle-ci, la fait enlever et amener dans son palais dans l'intention d'en faire sa femme. Mais des jugements divins, qui frappent la famille royale, protègent l'épouse du patriarche. Informé de la supercherie d'Abram, le monarque indigné lui fait ce reproche: "Pourquoi as-tu agi ainsi avec moi? ... Pourquoi m'as-tu dit: Elle est ma soeur, ... en sorte que je l'ai prise pour femme? Maintenant, voici ta femme, prends-la et va-t'en."(13) PP 108 2 Le roi, qui fait de grandes faveurs à Abram, ne veut pas qu'il arrive aucun mal, ni à lui ni à sa famille. A cette époque, les lois interdisaient aux Égyptiens de manger ou de boire avec les bergers étrangers. Néanmoins, le pharaon, en le congédiant avec courtoisie et générosité, le fait reconduire sous bonne garde hors de son territoire. Si cet étranger, honoré et protégé du ciel, et auquel il avait été sur le point de faire un tort immense, restait plus longtemps dans son royaume, pensait le roi, sa prospérité grandissante et ses honneurs deviendraient un objet de convoitise et une occasion de malheur pour la famille royale. PP 108 3 L'intervention du ciel en faveur d'Abram durant son séjour sur le territoire égyptien lui servit plus tard de protection dans ses relations avec les peuples païens, qui apprirent qu'il est dangereux de porter atteinte aux enfants de celui qui règne dans le ciel. C'est à cet épisode de la vie d'Abram que le prophète faisait allusion, lorsqu'il disait que "l'Éternel avait châtié des rois à cause d'eux", et avait dit: "Ne touchez pas à ceux que j'ai oints, et ne faites pas de mal à mes prophètes!"(14) PP 109 1 Une ressemblance intéressante est à noter entre ce qui est arrivé à Abram et ce qui arriva, des siècles plus tard, à ses descendants. Comme lui, sa postérité descendra en Égypte à l'occasion d'une famine; comme lui, elle y séjournera et en sortira à la faveur des jugements divins, et chargée des riches présents d'un peuple païen. ------------------------Chapitre 12 -- Abraham en Canaan PP 111 1 Abram revint dans la terre de Canaan "très riche en troupeaux, en argent et en or".(1) Toujours accompagné de Lot, il arriva à Béthel, où ils dressèrent leurs tentes auprès de l'autel érigé naguère. Mais ils s'aperçurent que de grands biens engendrent de grandes difficultés. Dans les soucis et les peines, ils avaient vécu en bonne intelligence. Maintenant qu'ils sont riches, les voilà menacés de ne plus s'entendre. Comme les pâturages ne suffisaient plus à leurs troupeaux, de fréquentes querelles surgissaient entre les bergers. Il fallut arriver à une entente. De toute évidence, ils devaient se séparer. Abram était l'aîné de Lot et son supérieur, tant par le degré de parenté que par la fortune et par la situation sociale. Et bien que tout le pays lui eût été attribué par Dieu lui-même, il renonce courtoisement à son droit, et fait à Lot la proposition suivante: "Qu'il n'y ait point, je te prie, de dispute entre moi et toi, ni entre mes bergers et tes bergers; car nous sommes frères. Tout le pays n'est-il pas devant toi? Sépare-toi donc de moi: si tu vas à gauche, j'irai à droite; et si tu vas à droite, j'irai à gauche." PP 111 2 On voit ici s'affirmer l'esprit noble et désintéressé du patriarche. Que d'hommes, en de pareilles circonstances, se seraient cramponnés à leurs droits et à leurs préférences! Que de familles sont désunies par des questions d'intérêts! Que d'églises, pour les mêmes raisons, se sont divisées, exposant la cause de l'Évangile à la risée des incrédules! Qu'il n'y ait point de dispute entre moi et toi, propose noblement le patriarche; "car nous sommes frères", non seulement selon la chair, mais en qualité de serviteurs du vrai Dieu. Les croyants répandus sur toute la terre ne forment qu'une famille, et devraient tous être animés d'un esprit d'amour et de conciliation. "Aimez-vous réciproquement d'une affection tendre et fraternelle; prévenez-vous par des égards réciproques."(2) Tel est l'enseignement de notre Sauveur. La pratique de cette déférence selon laquelle chacun doit faire aux autres ce qu'il voudrait qu'on lui fît à lui-même suffirait pour faire disparaître la moitié des maux qui affligent notre société. C'est de Satan que vient la cupidité. Le chrétien, au contraire, possède une charité qui ne cherche pas son intérêt. Il met en pratique cette belle parole: "Que chacun de vous, au lieu de ne regarder qu'à son propre intérêt, regarde aussi à celui des autres.(3) PP 112 1 Lot, qui devait sa prospérité à Abram, ne montra aucune gratitude envers son bienfaiteur. La courtoisie lui eût ordonné de laisser le choix à son oncle. Mais il saisit égoïstement l'occasion qui lui était offerte pour en tirer tous les avantages. "Levant les yeux, il vit toute la plaine du Jourdain, jusqu'à Tsoar, ... entièrement arrosée, comme le jardin de l'Éternel, comme le pays d'Égypte."(4) La région la plus fertile de toute la Palestine était la vallée du Jourdain, qui rappelait le paradis perdu, et égalait en beauté et en fertilité les plaines du Nil qu'ils venaient de quitter. On y voyait, en outre, des villes riches et magnifiques, dont les marchés fameux assuraient un fructueux trafic. Ébloui par des rêves de prospérité mondaine, Lot ne tint aucun compte des dangers de ce voisinage au point de vue moral et spirituel. Soit qu'il ignorât que les habitants de la plaine "étaient pervertis et de grands pécheurs contre l'Éternel", soit qu'il n'y ajoutât que peu d'importance, il "choisit pour lui toute la plaine du Jourdain, ... et dressa ses tentes jusqu'à Sodome.(4) Comme il prévoyait peu les terribles conséquences de ce choix égoïste! PP 112 2 La séparation consommée, Abram reçut à nouveau la promesse qui lui assurait la possession de tout le pays. Peu après, il alla établir son camp à Hébron, aux chênes de Mamré, où il bâtit un autel à l'Éternel. Laissant à Lot le luxe périlleux de la vallée de Sodome, il put jouir ici de la vie simple et patriarcale qui était la sienne, respirant l'air pur des hauts plateaux, entourés de collines couvertes de vignes, d'oliviers, de champs de blé et de vastes pâturages. PP 113 1 Le patriarche entretenait des relations cordiales avec ses voisins et jouissait, parmi les peuplades environnantes, de la considération due à un chef sage et puissant. Sa vie et son caractère, qui formaient un contraste frappant avec les moeurs des idolâtres, exerçaient une influence décisive en faveur de la vraie foi. Son invariable fidélité envers son Dieu, son affabilité, sa bienfaisance et sa noble simplicité lui étaient rendues en confiance, en amitié, en respect et en honneurs. PP 113 2 Pour Abram, la vraie religion n'est pas un trésor précieux à garder égoïstement pour soi-même. C'est contraire à sa nature et à ses principes. Un coeur où Jésus habite est incapable de cacher le rayonnement de cette présence. Aussi cette lumière, au lieu de diminuer, y brille d'un éclat qui grandit de jour en jour, au fur et à mesure que, sous l'action du Soleil de justice, disparaissent les brumes de l'égoïsme et du péché. PP 113 3 Représentants de Dieu sur la terre, les croyants doivent être des flambeaux au sein des ténèbres morales de ce monde. Dispersés dans les bourgs, les villes et les villages, ils y sont les témoins, les ambassadeurs par lesquels Jésus veut communiquer à un monde incrédule la connaissance de sa volonté et les merveilles de sa grâce. Son désir est que ceux qui participent à son grand salut soient des missionnaires du Très-Haut. C'est d'ailleurs par la piété du chrétien que les mondains jugent l'Évangile. Les épreuves supportées avec constance, les bienfaits reçus avec gratitude, la douceur, la bonté, la miséricorde, en un mot l'amour du prochain, voilà les vertus qui illuminent le monde et contrastent avec les ténèbres résultant de l'égoïsme du coeur naturel. PP 113 4 Riche en foi, noble dans sa générosité, immuable dans sa fidélité aux principes, Abram était aussi sage dans la diplomatie que brave et habile dans la guerre. Bien qu'il fût connu comme propagateur d'une nouvelle religion, trois rois amoréens, fils d'un même père et régnant sur la plaine habitée par le patriarche, vinrent lui proposer amicalement de faire alliance avec eux en vue d'assurer la sécurité de populations sans cesse exposées à la violence des pillards. Une occasion ne tarda pas à se présenter à Abram de tirer avantage de ce pacte. PP 114 1 Quatorze ans auparavant, Kedor-Laomer, roi d'Élam, avait envahi et rendu tributaire le pays de Canaan. Plusieurs princes qui lui étaient soumis s'étant révoltés, le roi d'Élam, secondé par quatre alliés, pénétra dans le pays pour le ramener à la soumission. De leur côté, cinq rois cananéens s'étaient unis pour repousser l'agresseur. La rencontre, fatale pour ceux-ci, eut lieu dans la vallée de Siddim. Une bonne partie de leur armée fut mise en pièces et le reste s'enfuit vers les montagnes. Les vainqueurs pillèrent les villes de la plaine, puis s'en allèrent, chargés de dépouilles, emmenant avec eux de nombreux captifs, parmi lesquels se trouvaient Lot et sa famille. PP 114 2 Abram, qui vit en paix aux chênes de Mamré, apprend d'un fugitif les nouvelles de la bataille et le malheur qui vient d'atteindre son neveu. Exempt de rancoeur à son sujet, il sent se réveiller toute son affection pour son parent et prend la résolution de le sauver. Après avoir cherché conseil dans la prière, il se prépare à la guerre. De son propre camp, il réunit trois cent dix-huit serviteurs élevés dans le service de Dieu, formés à son service et exercés dans le maniement des armes. Ses associés, Mamré, Escol et Aner, joignent chacun leur troupe à la sienne et ils se mettent à la poursuite des pillards. Les Élamites et leurs alliés avaient dressé leur camp à Dan, sur la limite septentrionale du pays. Grisés par leur victoire et ne redoutant aucun retour offensif de la part des vaincus, ils se livraient à de joyeuses ripailles. Divisant sa troupe de façon à les surprendre de divers côtés à la fois, le patriarche fondit sur leur camp à la faveur de la nuit. Grâce à cet assaut, aussi impétueux qu'inattendu, la victoire ne fut pas longtemps douteuse. Le roi d'Élam fut tué et ses troupes mises en déroute. Lot, sa famille, tous les prisonniers et leurs biens furent délivrés, sans compter de riches dépouilles qui tombèrent entre les mains des vainqueurs. C'était à Abram, après Dieu, que revenait le mérite de cette victoire. L'adorateur de Jéhovah avait non seulement rendu un service au pays, mais il s'était montré un homme de valeur. On reconnut que la piété n'est pas synonyme de lâcheté, et que sa religion ne l'empêchait pas d'être courageux dans la défense du droit et la protection des opprimés. Son geste héroïque le fit connaître de toutes les tribus d'alentour. Le roi de Sodome, accompagné de sa suite, se rendit à la rencontre du patriarche pour lui présenter ses hommages. Renonçant à récupérer ses biens, il le pria seulement de lui rendre les prisonniers. De par les lois de la guerre, le butin revenait au vainqueur. Abram, qui avait entrepris cette expédition sans aucun but intéressé, refusa de tirer profit du malheur d'autrui et se contenta d'exiger que ses associés eussent leur juste part. PP 115 1 Peu d'hommes placés dans de telles circonstances auraient résisté à la tentation d'acquérir de riches trophées. Son exemple fait honte aux esprits sordides et mercenaires. Abram n'oubliait pas les droits de la justice et de l'humanité. Sa conduite est un beau commentaire de la maxime inspirée: "Tu aimeras ton prochain comme toi-même."(5) Voici sa réponse: "Je lève ma main vers l'Éternel, le Dieu Très-Haut, Créateur des cieux et de la terre: je ne prendrai pas même un fil ou une courroie de chaussure de tout ce qui est à toi. Tu ne pourras pas dire: C'est moi qui ai enrichi Abram.(6) Nul ne devait pouvoir dire que le patriarche avait entrepris cette guerre dans un but égoïste, ni attribuer sa prospérité aux largesses ou aux faveurs d'autrui. Dieu avait promis de le bénir et c'est à lui seul que devait être attribuée la gloire de ses succès. PP 115 2 Un autre personnage encore vint saluer le retour du patriarche victorieux en lui apportant du pain et du vin pour restaurer son armée: c'était Melchisédek, roi de Salem, "prêtre du Très-Haut". Il bénit Abram, puis il bénit Dieu "qui avait livré ses ennemis entre ses mains". PP 115 3 Après lui avoir donné la dîme de tout, Abram, le coeur joyeux, retourna à ses tentes et à ses troupeaux. Mais de sombres pensées vinrent bientôt troubler sa quiétude. Homme de paix, il avait soigneusement évité les querelles et les inimitiés; et voilà qu'il venait d'être mêlé à une scène de carnage et d'horreur! Les nations qu'il avait vaincues ne renouvelleront-elles pas leurs déprédations et ne feront-elles pas de lui le point de mire de leur vengeance? Impliqué désormais dans des querelles politiques, ne sera-ce pas la fin de sa vie paisible et pastorale? D'ailleurs, il n'est pas encore en possession de la terre de Canaan et il n'a plus d'espoir de posséder jamais un héritier par qui la promesse puisse s'accomplir. PP 116 1 Dans une vision de la nuit, il entend une voix divine: "Ne crains point, Abram! Je suis ton bouclier; ta récompense sera très grande."(7) Hanté par de sombres pressentiments, Abram ne peut saisir la promesse avec la même assurance qu'auparavant, et il en demande la confirmation. En outre, comment cette promesse pourra-t-elle se réaliser, aussi longtemps que Dieu lui refuse un fils? "Seigneur, Éternel, dit-il, que me donneras-tu? Je m'en vais sans enfants. ... Tu ne m'as pas donné de postérité, et c'est un homme attaché à ma maison qui sera mon héritier.(7) Il se proposait d'adopter Éliézer, son fidèle serviteur, et d'en faire son héritier. Mais Dieu lui assure que cet héritier sera son propre fils, puis il le conduit hors de sa tente, l'invite à contempler les étoiles innombrables qui diaprent le firmament, et ajoute: "Ainsi sera ta postérité." Alors "Abram crut à l'Éternel, qui le lui imputa à justice.(8) PP 116 2 Le patriarche, cependant, insiste. Il désire quelque signe visible qui confirme sa foi et serve à démontrer à ses descendants que les desseins de Dieu à leur égard se réaliseront. L'Éternel y consent et condescend à contracter une alliance avec son serviteur, en employant les formes usuelles de l'époque pour confirmer ce contrat solennel. Sur son ordre, Abram sacrifie une génisse, une chèvre et un bélier, âgés de trois ans chacun; il les partage, puis il en place les moitiés face à face, en laissant un espace entre deux. A ces offrandes, il ajoute une tourterelle et un jeune pigeon qu'il ne partage pas. Cela fait, il passe avec révérence entre les moitiés du sacrifice, faisant à Dieu un voeu solennel de perpétuelle obéissance; puis, dans une silencieuse expectative, il demeure jusqu'au coucher du soleil auprès de ces cadavres, les préservant de toute profanation et les protégeant contre les oiseaux de proie. Vers le "coucher du soleil, un profond sommeil s'empara d'Abram; alors une terreur, une obscurité profonde tombèrent sur lui".(9) Puis Dieu lui adresse la parole et lui dit de ne pas compter entrer en possession immédiate de la terre promise. Il l'informe qu'avant de l'occuper sa postérité sera appelée à subir une longue oppression. Le patriarche voit alors se dérouler le plan de la rédemption. Il contemple la mort du Sauveur, son suprême sacrifice et son retour en gloire. Il aperçoit la terre entière rendue à sa beauté édénique et remise entre ses mains en possession éternelle, accomplissement final et complet de la divine promesse.(10) PP 117 1 Comme gage de la solidité de cette alliance entre Dieu et Abram, un brasier fumant et une flamme de feu, symboles de la divine présence, passent entre les moitiés des victimes, qui sont totalement consumées. Puis, le patriarche entend encore une voix confirmant la possession du pays à sa postérité, "depuis le fleuve d'Égypte jusqu'au grand fleuve, le fleuve d'Euphrate". PP 117 2 Après qu'Abram eut passé vingt-cinq ans en Canaan, "l'Éternel lui apparut et lui dit: Je suis le Dieu tout-puissant. Marche devant ma face, et sois intègre."(11) Frappé d'un saint respect mêlé d'effroi, le patriarche tombe sur sa face, et la voix continue: "Voici l'alliance que moi je fais avec toi. Tu deviendras père d'une multitude de nations." Comme gage de l'accomplissement de cette alliance, son nom, qui avait été Abram, est changé en celui d'Abraham, qui signifie "père d'une grande multitude". Le nom de Saraï devient Sara, "princesse"; car, dit la voix divine, "elle donnera le jour à des nations, et des chefs de peuples sortiront d'elle". PP 117 3 C'est à ce moment-là que fut donné à Abraham le rite de la circoncision "comme un sceau de la justice qu'il avait obtenue par la foi, quand il était encore incirconcis".(12) Ce rite devait être observé par le patriarche et ses descendants en signe de dévotion au service de Dieu et de séparation volontaire d'avec les idolâtres, et en mémoire du fait que l'Eternel les adoptait comme son trésor particulier. Les conditions de l'alliance avec Abraham comprenaient l'engagement pris par celui-ci de ne pas contracter de mariage avec les païens, de crainte que sa famille, perdant le respect de Dieu et de sa sainte loi, ne fût tentée de participer aux pratiques pernicieuses des autres nations et entraînée dans l'idolâtrie. PP 117 4 De grands honneurs vont encore être conférés à Abraham. Les anges du ciel s'entretiendront avec lui comme un ami avec son ami. Lorsque viendra le moment où Sodome devra être frappée par les jugements du ciel, il en sera informé et pourra même intercéder en faveur des pécheurs. A cette occasion, son entrevue avec les anges va lui fournir une magnifique occasion de leur offrir l'hospitalité. PP 117 5 Par une chaude journée d'été, assis à l'entrée de sa tente, le patriarche contemple le tranquille paysage, quand il aperçoit, de loin, trois voyageurs qui se dirigent vers lui. Arrivés à une petite distance de sa tente, ils s'arrêtent comme pour se consulter sur la direction à prendre. Sans attendre qu'on lui demande une faveur, Abraham s'empresse d'aller à leur rencontre; mais comme ils paraissent changer de direction, il hâte le pas pour les rejoindre. Avec une exquise courtoisie, il leur demande de lui faire l'honneur de venir prendre quelques rafraîchissements. De ses propres mains, il apporte de l'eau pour leur permettre de laver leurs pieds et, tandis que ses hôtes se reposent à l'ombre, il va lui-même choisir le menu du repas qu'il va leur offrir. Puis, quand tout est prêt, il assiste, respectueusement debout, à leur modeste banquet. Cet acte de courtoisie a été jugé digne d'être conservé par l'Écriture et, deux mille ans plus tard, un apôtre y fera allusion en ces termes: "N'oubliez pas l'hospitalité; c'est en la pratiquant que quelques-uns ont reçu chez eux des anges, sans le savoir."(13) PP 118 1 Abraham, qui avait pris ces étrangers pour trois voyageurs fatigués, ne se doutait guère que l'un d'eux fût un personnage digne d'être adoré. Les messagers célestes vont maintenant lui révéler leur identité. Bien que chargés d'une mission redoutable, ils parlent tout d'abord, à cet homme de foi, de bénédictions divines. Dieu ne prend pas plaisir à exercer la vengeance. Si l'iniquité ne passe pas inaperçue devant lui, et s'il exerce une stricte justice contre le mal, la destruction des impies est néanmoins une "oeuvre extraordinaire" pour celui dont l'amour est infini. PP 118 2 "L'amitié de l'Éternel est pour ceux qui le craignent."(14) Dieu honorera de sa confiance l'homme qui l'honore, et lui révélera ses desseins. "Cacherai-je à Abraham ce que je vais faire?" demande le Seigneur. Et il continue: "Le cri qui s'élève contre Sodome et Gomorrhe a grandi, et leur péché est énorme. Je veux descendre, et voir si leur crime est arrivé à son comble, ainsi que le bruit en est venu jusqu'à moi; si cela n'est pas, je le saurai.(15) Dieu connaissait parfaitement la mesure de l'iniquité de Sodome. S'il s'exprimait à la façon des hommes, c'était afin de souligner la justice de sa décision. Avant de frapper les transgresseurs, il vient lui-même se rendre compte de leur condition, prêt à leur offrir encore l'occasion de se convertir s'ils n'ont pas dépassé la mesure. PP 118 3 Deux des messagers célestes s'étant éloignés, Abraham reste seul avec celui qu'il connaît maintenant pour être le Fils de Dieu, et il va plaider en faveur des habitants de Sodome. Une première fois, il les a sauvés par son épée. Il va maintenant essayer de les sauver par ses prières. Lot et sa famille y résident encore, et l'affection désintéressée qui avait poussé Abraham à les délivrer de la main des Élamites va s'efforcer de les arracher, si c'est la volonté de Dieu, aux coups de sa justice. PP 119 1 Sa plaidoirie sera tout empreinte d'humilité et de révérence. "Voici, j'ai osé parler au Seigneur, bien que je ne sois que cendre et poussière", dit-il. Dans ces paroles, nulle trace de présomption ou de propre justice. Il ne demande aucune faveur motivée par son obéissance pour les sacrifices qu'il a consentis au service de Dieu. Pécheur lui-même, il plaide en faveur des pécheurs. Tel est l'esprit qui doit animer tous ceux qui s'approchent du Seigneur. Néanmoins, la prière d'Abraham respire la confiance d'un enfant plaidant auprès d'un père aimé. S'approchant du messager céleste, il lui présente une pétition pressante. Bien qu'habitant Sodome, Lot n'a point participé aux iniquités de ses habitants et Abraham se dit que dans cette ville populeuse, il doit y avoir d'autres adorateurs du vrai Dieu. C'est dans cette pensée qu'il ose dire au Seigneur: "Tu ne saurais agir ainsi, et faire mourir le juste avec le méchant de telle sorte que le juste soit traité comme le méchant. Loin de toi une telle pensée. Celui qui juge la terre entière ne ferait-il point justice?" Et à mesure qu'il obtient ce qu'il demande, le patriarche devient plus hardi, jusqu'à ce qu'il reçoive l'assurance que, s'il y a dix justes à Sodome, la ville sera sauvée. PP 119 2 Ce qui inspirait la prière d'Abraham, c'était l'amour des âmes qui périssaient. L'horreur que lui inspirent les péchés de cette ville corrompue est surpassée par le désir de sauver les pécheurs. Cette sollicitude est un exemple de celle que nous devons ressentir pour les impénitents. De tous côtés, nous sommes entourés d'âmes qui marchent vers une ruine tout aussi fatale, tout aussi effroyable que celle qui allait frapper Sodome. Chaque jour se ferme, sur un être humain, la porte du salut. A chaque heure, des âmes passent la limite de la miséricorde. Où sont les voix qui avertissent, qui supplient le pécheur d'éviter l'affreux sort qui l'attend? Où sont les mains tendues pour l'arracher à la mort? Où sont ceux qui, en paroles brûlantes d'humilité et de foi persévérante, plaident devant Dieu en faveur de l'homme perdu? PP 119 3 L'esprit manifesté par Abraham était l'esprit du Sauveur. Le Fils de Dieu est lui-même le grand intercesseur en faveur du pécheur. Celui qui a payé le prix du rachat de l'âme humaine en connaît la valeur. Surmontant son horreur du mal, horreur qui ne peut habiter que dans une âme immaculée, Jésus-Christ a manifesté envers les hommes un amour que la bonté infinie pouvait seule concevoir. Agonisant sur la croix, chargé du poids écrasant des péchés du monde, il priait pour ses insulteurs et ses meurtriers: "Père, pardonne-leur, murmurait-il, car ils ne savent ce qu'ils font."(16) PP 120 1 Il est écrit d'Abraham qu'il "fut appelé ami de Dieu", qu'il "fut le père de tous ceux qui ont la foi."(17) Dieu lui a rendu ce témoignage: "Toutes les nations de la terre seront bénies en ta postérité, parce qu'Abraham a obéi à ma voix et a observé ce que je lui avais ordonné, mes commandements, mes préceptes et mes lois." Et celui-ci: "C'est lui que j'ai choisi, afin qu'il commande à ses enfants, et à sa maison après lui, de suivre la voie de l'Éternel, en faisant ce qui est juste et droit, et qu'ainsi l'Éternel accomplisse en faveur d'Abraham les promesses qu'il lui a faites.(18) PP 120 2 C'est une rare distinction que reçut Abraham d'être appelé le père d'un peuple destiné à être, durant des siècles, le gardien et le conservateur de la vérité divine; d'un peuple par l'intermédiaire duquel les nations de la terre seraient bénies grâce au Messie promis. Mais celui qui avait appelé le patriarche savait ce qu'il faisait. Celui qui, de loin, lit nos pensées, et qui juge les hommes à leur juste valeur, pouvait dire de lui: Je le connais. Abraham ne trahira pas la vérité pour servir des intérêts personnels. Il gardera ma loi; il agira selon la droiture et la justice. Il ne se contentera pas de craindre Dieu; il implantera sa religion dans son foyer. Il instruira sa famille dans les voies de la justice. La loi de Dieu sera la règle de sa maison. PP 120 3 Cette maison d'Abraham se composait de plus d'un millier de personnes. Ceux qui, par ses enseignements, étaient amenés à adorer le vrai Dieu, trouvaient un gîte dans son camp. Là, comme dans une école, ils recevaient des enseignements qui devaient les préparer à être les représentants d'une foi pure et véritable. La responsabilité du patriarche était grande. Il formait de futurs chefs de famille qui introduiraient plus tard ses méthodes de gouvernement dans leurs propres maisons. PP 121 1 Dans les temps primitifs, le père de famille était à la fois le gouverneur et le prêtre. Son autorité sur ses enfants ne s'arrêtait pas lorsque ceux-ci fondaient leurs propres foyers. Ses descendants le considéraient comme leur chef tant dans les choses religieuses que dans les affaires matérielles. Ce système de gouvernement patriarcal, qu'Abraham s'efforça de perpétuer, avait pour effet de conserver la connaissance de Dieu. Il était indispensable pour relier entre eux les membres de la famille et pour dresser une barrière contre l'idolâtrie générale. PP 121 2 Le patriarche se rendait compte que la familiarité avec le mal engendre insensiblement le relâchement, puis l'abandon des bons principes. Aussi s'efforçait-il de préserver son camp de la tendance à se mélanger avec les païens et à fréquenter leurs cérémonies idolâtres. Avec le plus grand soin, il veillait à exclure tout vestige de fausse religion et à faire connaître aux siens la majesté et la gloire du Dieu vivant, seul digne d'adoration. PP 121 3 Cette sage précaution, qui consistait à supprimer autant que possible tout contact entre les païens et son peuple, venait de Dieu lui-même, qui voulait former une nation ayant "sa demeure à part, et qui ne se confondît pas avec les autres".(19) S'il avait séparé Abraham de sa parenté idolâtre, c'était pour lui permettre d'élever sa famille loin des influences séductrices qui l'entouraient en Mésopotamie. Ainsi, la vraie foi pouvait se conserver dans toute sa pureté de génération en génération parmi ses descendants. PP 121 4 De son côté, Abraham était poussé par son affection pour ses enfants et pour toute sa maison, comme par sa sollicitude pour leur bonheur éternel, à exalter à leurs yeux les divins statuts comme le plus précieux héritage qu'il pût leur laisser et, par eux, communiquer au monde entier. Dans son camp, chacun devait savoir qu'il relevait de la souveraineté de Dieu. Sous ce signe, on ne devait connaître ni oppression chez les parents, ni désobéissance chez les enfants. La loi de Dieu assignant à chacun son devoir, la soumission à cette loi pouvait seule procurer le bonheur et la prospérité. PP 121 5 Aussi, l'exemple du patriarche, l'influence silencieuse de sa vie quotidienne constituaient-ils un enseignement permanent. L'inflexible droiture de sa conduite, son affabilité désintéressée et la rare courtoisie qui lui avaient valu l'admiration de personnages royaux, régnaient au sein de son foyer. L'atmosphère de noblesse et de bénignité qui rayonnait de sa personne révélait à tous le fait qu'il vivait avec le ciel. Dans sa maison, le plus humble serviteur n'était pas ignoré; on n'y voyait pas deux lois, l'une pour le maître, l'autre pour le serviteur; une entrée royale pour le riche et une autre pour le pauvre. Chacun y était traité avec justice et compassion; chacun était considéré comme susceptible d'hériter, aussi bien que le patriarche, des bienfaits de la grâce et de la vie éternelle. PP 122 1 Dieu avait choisi Abraham "afin qu'il commande à sa maison après lui". Il savait qu'il n'y aurait chez lui ni laisser-aller ni favoritisme indulgent. On ne le verrait pas sacrifier le devoir aux clameurs d'une affection irraisonnée. En effet, non seulement Abraham enseignait la bonne voie, mais il appliquait sans fléchir l'autorité de lois justes et équitables. PP 122 2 En vérité, ils sont peu nombreux, aujourd'hui, ceux qui suivent cet exemple. Chez un trop grand nombre de parents, on constate un sentimentalisme égoïste et aveugle, faussement nommé affection, qui consent à abandonner les enfants à la merci de leurs caprices, à leur jugement rudimentaire et à leurs volontés indisciplinées. C'est commettre une véritable cruauté envers la jeunesse et une criante injustice envers la société. La faiblesse chez les parents engendre le désordre dans les familles et dans le monde. Au lieu d'inculquer aux jeunes la soumission aux commandements de Dieu, on les confirme dans leur résolution d'en faire à leur guise. Ils grandissent ainsi avec une aversion profonde pour la volonté divine et transmettent leur esprit irréligieux et insubordonné à leurs enfants et aux enfants de leurs enfants. A l'instar d'Abraham, les parents doivent "commander à leur maison après eux" et, comme premier pas dans l'obéissance à l'autorité de Dieu, enseigner et faire respecter la soumission à l'autorité paternelle. PP 122 3 Le peu d'estime manifestée pour la loi de Dieu que l'on constate jusque chez certains conducteurs religieux a été la source de grands maux. L'enseignement actuellement très répandu, d'après lequel les statuts divins ne sont plus obligatoires, a produit sur la moralité populaire le même effet que l'idolâtrie. Ceux qui cherchent à atténuer les droits de la loi de Dieu sapent par la base le gouvernement des familles et des nations. Les parents qui ne sont pas fidèles à ces statuts ne peuvent "ordonner à leur maison" de marcher dans la bonne voie. La loi de Dieu n'y étant pas acceptée comme une règle de conduite, leurs enfants, lorsqu'ils fondent des foyers à leur tour, ne sentent aucune obligation d'enseigner à leur progéniture ce qu'ils n'ont jamais appris eux-mêmes. Et voilà pourquoi tant de familles vivent sans Dieu et pourquoi la dépravation est si générale et si profonde. PP 123 1 Ce n'est que lorsqu'ils auront commencé à marcher, d'un coeur sincère, dans la bonne voie, que les parents seront préparés à "commander à leurs enfants après eux". A cet égard, une réforme radicale s'impose. Elle est nécessaire chez les parents, nécessaire chez les ministres de l'Évangile. Les uns et les autres ont besoin de Dieu dans leurs familles. S'ils désirent voir un changement dans la situation du monde, il faut qu'ils introduisent la Parole de Dieu dans leurs maisons et en fassent leur conseiller. Ils doivent enseigner à leurs enfants qu'elle est la voix de Dieu exigeant d'eux une stricte obéissance. PP 123 2 Patiemment, affectueusement et sans relâche, qu'ils leur apprennent comment il faut vivre pour plaire à Dieu. Les enfants ainsi élevés seront préparés à résister aux sophismes de l'incrédulité. S'ils acceptent la Bible comme base de leur foi, celle-ci sera assise sur un fondement que la marée du scepticisme ne pourra pas emporter. PP 123 3 Un trop grand nombre de familles négligent la prière. Les parents se figurent qu'ils n'ont pas de temps à consacrer au culte de famille, matin et soir. Le temps leur manque pour rendre grâces à Dieu de ses bienfaits sans nombre, tels que les gais rayons du soleil, les bienfaisantes ondées qui font pousser la végétation, la protection dont les anges de Dieu les entourent. Le temps leur manque pour demander au Seigneur son aide, sa direction et sa douce présence au sein de leur foyer. Tout comme le boeuf et le cheval, ils se rendent à leur travail sans élever une seule pensée vers le ciel. Le sacrifice consenti par Jésus-Christ pour arracher leur âme à une perdition éternelle, ils ne se soucient guère plus d'en remercier Dieu que les animaux qui périssent! PP 123 4 Ceux qui professent aimer Dieu devraient, à l'instar des patriarches, ériger un autel au Seigneur partout où ils dressent leur tente. S'il y eut jamais un temps où chaque maison devrait être une maison de prière, c'est bien maintenant. Pères et mères, élevez fréquemment vos coeurs à Dieu par d'humbles prières tant pour vous-mêmes que pour vos enfants. Vous, pères de famille, qui en êtes les prêtres, apportez matin et soir un sacrifice de louange à l'autel de l'Éternel. Et vous, épouses, joignez-vous à eux et à vos enfants pour invoquer et louer le Créateur. Jésus, qui réside volontiers dans de tels foyers, habitera aussi le vôtre. PP 124 1 Il en rayonnera une sainte influence. L'amour s'y révélera et s'y épanouira par des gestes de prévenance, de bonté, de courtoisie douce et désintéressée. Qu'ils soient nombreux, ces foyers où règne cette atmosphère, où Dieu est adoré et où s'épanouit le véritable amour; ces foyers où la prière du matin et du soir s'élève à Dieu comme l'encens de l'autel, pour redescendre sur ses membres en rosée de grâce et de bénédiction! PP 124 2 Le foyer chrétien où cet idéal est cultivé constitue, en faveur de la vérité du christianisme, un témoignage que l'incroyant est incapable de réfuter. Chacun peut se rendre compte qu'il y réside une puissance agissant jusque dans le coeur des enfants et que c'est là un temple érigé au Dieu d'Abraham. Si tous les foyers qui se disent chrétiens l'étaient en réalité, leur influence serait immense: ils seraient en vérité "la lumière du monde". Aux parents qui s'efforcent sincèrement d'atteindre cet idéal, Dieu répète le témoignage rendu à Abraham: "C'est lui que j'ai choisi, afin qu'il commande à ses enfants, et à sa maison après lui, de suivre la voie de l'Éternel, en faisant ce qui est juste et droit, et qu'ainsi l'Éternel accomplisse en faveur d'Abraham les promesses qu'il lui a faites." ------------------------Chapitre 13 -- Le sacrifice d'Isaac PP 125 1 La promesse d'un fils a été accueillie par Abraham avec joie. Mais attendra-t-il patiemment que Dieu accomplisse sa parole à son heure et à sa manière? Le délai, qui va mettre sa foi à l'épreuve, le fera-t-il trébucher? Sara, jugeant impossible que Dieu lui donne un enfant dans sa vieillesse, suggéra à son mari un moyen par lequel le dessein de Dieu pourrait se réaliser: elle lui proposa de prendre sa servante comme épouse secondaire. La polygamie, si répandue à cette époque qu'on ne la considérait plus comme un péché, n'en était pas moins une violation de la loi divine et une grave atteinte à la sainteté et au bonheur du foyer. Le mariage d'Abraham avec Agar devait avoir des conséquences funestes non seulement pour sa famille, mais pour les générations futures. PP 125 2 Flattée de la position honorable qui lui était faite par sa qualité de femme du patriarche, et fière de la perspective de devenir la mère du grand peuple qui devait descendre de lui, Agar devint hautaine, présomptueuse, et se mit à traiter sa maîtresse avec dédain. Des jalousies réciproques troublèrent ce foyer naguère si heureux. Obligé d'entendre les plaintes des deux femmes, Abraham s'efforçait en vain de rétablir l'harmonie. Sara, sur l'instante requête de laquelle il avait épousé Agar, en rejetait maintenant la faute sur son mari et voulait bannir sa rivale. Songeant qu'Agar devait être, comme il l'espérait vivement, la mère du fils divinement annoncé, Abraham s'y refusait. Mais comme Agar n'en était pas moins la servante de Sara, il la laissa sous le joug de sa maîtresse. L'esprit altier de la servante égyptienne ne pouvait se soumettre aux traitements autoritaires qu'elle avait provoqués. Elle prit la fuite. PP 126 1 Se dirigeant vers le désert, elle s'arrêta, solitaire et désolée, auprès d'une source, quand un ange en forme humaine lui apparut. "Agar, servante de Saraï, lui dit-il, comme pour lui rappeler et sa condition et son devoir, retourne vers ta maîtresse, et humilie-toi devant elle." A cette sévère injonction, il ajoute cette parole de consolation: "L'Éternel t'a entendue dans ton affliction. ... Je multiplierai tellement ta postérité qu'on ne pourra la compter, tant elle sera nombreuse."(1) Et en souvenir perpétuel de la miséricorde divine, l'ange lui recommande d'appeler son enfant Ismaël, "Dieu entend". PP 126 2 Ayant presque atteint l'âge de cent ans, Abraham reçut l'assurance renouvelée que son futur héritier serait l'enfant de Sara. Toutefois cette grande promesse lui demeurait obscure. Il songe immédiatement à Ismaël, qu'il chérit, et s'écrie: "Puisse Ismaël continuer à vivre devant toi!"(2) Mais la promesse est réitérée en termes qui ne souffrent aucune équivoque: "Non, c'est Sara, ta femme, qui te donnera un fils; tu l'appelleras Isaac, et je ferai alliance avec lui." Dieu ajoute, sans oublier la requête du père: "Quant à Ismaël, je t'ai exaucé: je veux le bénir, et je le ferai croître, ... et je ferai de lui une grande nation.(2) PP 126 3 La naissance d'Isaac, qui réalisait, après toute une vie d'attente, leurs plus chères espérances, remplit d'allégresse Abraham et Sara, comme aussi tout le camp du patriarche. Mais cet événement renversait les rêves ambitieux caressés par Agar. Ismaël, devenu un jeune homme et considéré par chacun comme l'héritier des richesses d'Abraham, ainsi que des bénédictions promises à ses descendants, était soudainement écarté. Les réjouissances auxquelles la naissance d'Isaac donnèrent lieu redoublèrent tellement le désappointement, la jalousie et la haine d'Agar et de son fils, que celui-ci se moqua ouvertement de l'héritier de la promesse. Voyant dans ces dispositions turbulentes une source permanente de discorde, Sara insista auprès d'Abraham sur leur renvoi. Cette demande jeta le patriarche dans une douloureuse perplexité. Comment bannir Ismaël, ce fils encore tendrement aimé? Dans son angoisse, il implora la direction divine. Par un ange, Dieu lui fit dire d'acquiescer à la requête de son épouse, sans se laisser arrêter par son affection pour Ismaël et Agar, car c'était là le seul moyen de rétablir le bonheur et l'harmonie de sa famille. L'ange ajoutait une promesse consolante. Bien que séparé de la famille de son père, Ismaël ne sera pas abandonné de Dieu; il vivra et deviendra le père d'une grande nation. En proie à une douleur poignante, le patriarche obéit à la parole divine et congédia l'épouse égyptienne et son fils. PP 127 1 La leçon donnée à Abraham est valable pour tous les siècles. Elle proclame que la sainteté et le bonheur du mariage doivent être garantis, fût-ce au prix d'un grand sacrifice. Sara était la seule femme légitime d'Abraham, nulle autre n'était autorisée à partager ses droits d'épouse et de mère. Son respect pour son mari nous est donné en exemple dans le Nouveau Testament, et Dieu ne la blâme pas de se refuser à partager avec une autre femme l'affection de son époux et de demander le bannissement de sa rivale. N'était-ce pas, de la part d'Abraham et de Sara, un manque de confiance en la puissance de Dieu qui avait amené l'union du patriarche avec Agar? PP 127 2 Dieu avait appelé Abraham à être le père des croyants. Sa vie devait servir d'exemple aux générations futures. Mais sa foi n'avait pas été parfaite; elle avait faibli le jour où il n'avait pas osé avouer que Sara était sa femme, ainsi que lors de son mariage avec Agar. Aussi, pour lui donner plus de confiance en son Père céleste, Dieu va le soumettre à une nouvelle épreuve, la plus dure qu'aucun homme ait jamais été appelé à subir. Dans une vision de la nuit, ordre lui est donné de se rendre au pays de Morija pour y offrir son fils en sacrifice sur une montagne qui lui sera désignée. PP 127 3 Dans la vigueur de l'âge mûr, l'homme peut affronter des épreuves et des douleurs qu'il ne saurait supporter à un âge plus avancé, alors que, chancelant, il descend vers la tombe. Dans sa jeunesse, Abraham s'était fait un jeu de subir des privations et de braver le danger. Mais l'ardeur de sa jeunesse avait disparu. A l'époque où il reçut cette injonction inouïe, il avait atteint l'âge de cent vingt ans. Il était donc, même pour l'époque où il vivait, un vieillard. Néanmoins, Dieu avait réservé la dernière, la suprême épreuve de sa vie pour le moment où, courbé sous le poids des ans, rassasié de labeurs et de soucis, le patriarche soupirait après le repos. PP 128 1 Abraham habitait à Béer-Séba. Riche, prospère, comblé d'honneurs, il était respecté à l'égal d'un prince par les grands du pays. Les plaines qui s'étendaient autour de son camp étaient couvertes des milliers de têtes de son gros et de son menu bétail, et parsemées des tentes de ses bergers et de ses fidèles serviteurs, qui se comptaient par centaines. Le fils de la promesse, qui avait grandi aux côtés de son père, était devenu un jeune homme. Le ciel avait enfin couronné de bienfaits cette longue vie de sacrifices, d'attente patiente et d'espoirs différés. Pour obéir au Seigneur, Abraham avait dit un adieu éternel au sol natal et aux sépulcres de ses pères. Il avait erré en étranger dans le pays qui devait lui échoir et longtemps soupiré après la naissance de l'héritier promis. Sur un ordre d'en haut, il avait banni de son foyer son fils Ismaël. Et maintenant que l'enfant tant désiré est arrivé à une belle adolescence, et que le patriarche commence à entrevoir le fruit de ses espérances, il entend, glacé d'horreur, une voix qui lui dit: "Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Isaac; va-t-en au pays de Morija, et là, offre-le en holocauste."(3) PP 128 2 Isaac était non seulement le rayon de soleil de son père, la consolation de sa vieillesse, mais par-dessus tout l'héritier de la promesse. Ce fils, dont la perte par accident ou par une maladie eût déchiré le coeur d'Abraham et fait pencher sa tête blanchie, ce fils, il lui est ordonné d'aller l'immoler de sa propre main! Cet ordre lui paraît tout d'abord épouvantable et impossible, et Satan s'empresse de lui suggérer qu'il est victime d'une illusion, puisque la loi divine lui dit: "Tu ne tueras point", et que Dieu ne peut exiger ce qu'il a défendu. PP 128 3 Le patriarche sort de sa tente et contemple la paisible clarté d'un firmament sans nuages. Il se rappelle la promesse qui lui a été faite, près de cinquante ans plus tôt, selon laquelle sa postérité sera innombrable comme les étoiles. Or, cette promesse doit être accomplie en Isaac; comment se résoudre à le mettre à mort? Abraham est tenté de croire qu'il est, en effet, victime d'une hallucination. Dans sa perplexité et son angoisse, il se courbe sur le sol et prie comme il n'a jamais prié. Il demande à Dieu, s'il doit accomplir cette horrible mission, de lui donner une confirmation quelconque de cet ordre. Songeant aux anges qui lui ont été envoyés pour lui révéler le sort de Sodome et lui ont annoncé la naissance de ce fils, il se rend sur les lieux où il a plusieurs fois rencontré les messagers célestes, espérant les y rencontrer et recevoir d'eux des instructions plus complètes. Mais aucun d'eux ne vient soulager son coeur. Dans les ténèbres dont son esprit semble enveloppé, seul l'ordre terrible retentit à ses oreilles: "Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Isaac." L'injonction est donc péremptoire; d'ailleurs, le jour approche; il faut partir; Abraham n'ose plus tarder. PP 129 1 Retournant à sa tente, il se rend auprès du lit où Isaac dort du sommeil profond et calme de la jeunesse et de l'innocence. Le père contemple un instant le visage chéri de son fils; puis il s'en détourne en frémissant et regarde Sara endormie. La réveillera-t-il pour lui permettre d'embrasser son enfant encore une fois? Lui communiquera-t-il l'ordre d'en haut? Comment ne pas lui ouvrir son coeur, et partager avec elle cette terrible responsabilité? Mais il se retient: Isaac n'est-il pas l'orgueil et la joie de sa mère? La vie de celle-ci n'est-elle pas liée à celle de son enfant? Son affection ne se refusera-t-elle pas à ce sacrifice? PP 129 2 Le vieillard réveille alors son fils et lui annonce qu'il a reçu l'ordre d'aller offrir un sacrifice sur une montagne éloignée. Isaac, qui a souvent accompagné son père vers l'un ou l'autre des autels dressés au cours de son pèlerinage, n'est pas surpris de ce réveil insolite. Les préparatifs du voyage sont vite achevés. Le bois est préparé et placé sur un âne. Puis le père et le fils se mettent en route, accompagnés de deux serviteurs. PP 129 3 Silencieux, ils marchent côte à côte. Le patriarche, qui médite son redoutable secret, n'est guère disposé à converser. Il pense à la mère aimante et fière; il se représente le jour où il rentrera seul au foyer et il ne se dissimule nullement la souffrance qui sera celle de sa compagne. PP 129 4 Cette journée -- la plus longue qu'Abraham ait vécue -- tire lentement vers sa fin. Tandis qu'Isaac et les jeunes gens se livrent au sommeil, l'homme de Dieu passe la nuit en prière, espérant encore qu'un messager céleste viendra lui dire que l'épreuve suffit et que le jeune homme peut retourner sain et sauf auprès de sa mère. Mais il ne voit venir personne. Une seconde journée interminable, une seconde nuit de douleur et de prière s'écoule: seule continue à retentir à son oreille la parole qui doit le laisser sans héritier. En échange, Satan ne se fait pas faute de lui insuffler le doute et la résistance, tentations que le vieillard repousse avec fermeté. Au matin de la troisième journée, comme ils se mettent en route, le patriarche, regardant vers le nord, aperçoit le signe qui lui a été promis: une nuée de gloire suspendue au-dessus de la montagne de Morija l'assure que c'est bien du ciel que vient la mission dont il est chargé. PP 130 1 Encore à ce moment-là, loin de murmurer contre Dieu, Abraham s'encourage en pensant à la bonté et à la fidélité de son Créateur. Ce fils chéri, qui a été, de sa part, un don inattendu, n'a-t-il pas le droit de le lui reprendre? D'ailleurs, il y a une promesse qui lui dit: "C'est d'Isaac que naîtra la postérité qui portera ton nom",(4) postérité nombreuse comme les grains de sable du rivage. Or Isaac est l'enfant du miracle. Celui qui lui a donné la vie ne pourrait-il pas la lui rendre? Plongeant son regard au-delà des choses visibles, le patriarche se cramponne à la parole divine et se dit que le Tout-Puissant "a le pouvoir même de ressusciter un mort.(5) Lui seul comprend la grandeur du sacrifice de ce père qui voue son fils à la mort. PP 130 2 Désirant que personne, sauf l'oeil de Dieu, ne soit témoin de la scène finale, Abraham ordonne aux serviteurs de demeurer en arrière. "Moi et l'enfant, nous irons jusque-là pour adorer; puis nous reviendrons vers vous."(6) Le bois est placé sur Isaac, la future victime; le père se charge du couteau et du feu, et ils s'acheminent tous deux en silence vers le sommet de la montagne. Le jeune homme qui, depuis quelque temps, se demande où l'on prendra une offrande, si loin du troupeau, se décide à parler: "Mon père!... Voici le feu et le bois; mais où est l'agneau pour l'holocauste?" Ces deux mots: "Mon père!" qui percent le coeur du vieillard, vont-ils le faire chanceler dans sa résolution?... Va-t-il se libérer de son secret?... Non, pas encore... "Mon fils, répond-il, Dieu se pourvoira lui-même de l'agneau pour l'holocauste!" PP 130 3 Arrivés au lieu désigné, le père et le fils bâtissent un autel et y placent le bois. Alors, d'une voix tremblante, l'ami de Dieu révèle à Isaac le funèbre message. Effaré, terrifié à l'ouïe du sort qui l'attend, le jeune homme n'offre aucune résistance. Il pourrait s'enfuir s'il le voulait: le vieillard accablé de douleur, épuisé par la lutte intérieure de ces trois journées terribles, ne pourrait s'opposer au vigoureux jeune homme. Mais Isaac a appris dès son enfance à obéir avec abandon et confiance; dès qu'il est au courant du projet divin, il acquiesce avec une entière soumission. Il se juge honoré d'être appelé à immoler sa vie à son Créateur. Partageant la foi de son père, il s'efforce même d'apaiser sa douleur, en venant au secours de ses mains tremblantes qui essayent de le lier sur l'autel. PP 131 1 Et maintenant que les derniers gages d'amour ont été échangés, que les dernières larmes ont coulé et qu'une dernière fois ils se sont embrassés, le père lève le couteau qui doit égorger son fils... Mais son bras reste paralysé: du ciel, une voix lui crie: "Abraham! Abraham!" Il répond promptement: "Me voici!" Et la voix de l'ange continue: "Ne porte pas la main sur l'enfant, et ne lui fais aucun mal. Je sais maintenant que tu crains Dieu, puisque tu n'as pas refusé ton fils, ton fils unique."(7) PP 131 2 Alors Abraham aperçoit "derrière lui un bélier qui est retenu dans un buisson par les cornes", et sans perdre un instant, "il l'offre en holocauste à la place de son fils". Dans sa joie et sa gratitude, il donne un nouveau nom à ce lieu désormais sacré: Jéhovah-Jiré, Dieu pourvoira. PP 131 3 Sur le mont Morija, Dieu renouvelle l'alliance faite avec Abraham et, par un serment solennel, confirme la promesse destinée à ses descendants à travers toutes les générations: "Je l'ai juré par moi-même, déclare l'Éternel, puisque tu as agi ainsi et que tu ne m'as pas refusé ton fils, ton fils unique, je te bénirai certainement. Oui, je te donnerai une postérité nombreuse comme les étoiles du ciel et comme le sable qui est au bord de la mer; et ta postérité tiendra les portes de ses ennemis. Toutes les nations de la terre seront bénies en ta postérité, parce que tu as obéi à ma voix."(7) PP 131 4 L'acte de foi dont Abraham vient de donner l'exemple est comme une colonne de feu illuminant le sentier des serviteurs de Dieu jusqu'aux derniers siècles. Durant trois journées de voyage, il avait eu suffisamment de temps pour réfléchir et pour douter, s'il y avait été disposé. Il aurait pu facilement se dire qu'en tuant son fils il allait être considéré comme un meurtrier, comme un second Caïn; qu'il serait méprisé, mis au ban de la société, et que c'en serait fini de tous ses enseignements et de sa mission au milieu de ses contemporains. Il aurait pu, également, prétexter son grand âge. Mais le patriarche n'a pas cherché de prétextes pour refuser d'obéir à Dieu. Il ne s'est réfugié derrière aucun de ces subterfuges. Humain et sujet aux mêmes faiblesses, aux mêmes penchants que nous, il ne s'est pas demandé comment la promesse divine pourrait se concilier avec la mort d'Isaac. Il ne s'est pas arrêté à parlementer avec son coeur saignant. Convaincu que Dieu est juste dans toutes ses exigences, il a obéi à la lettre. PP 132 1 "Abraham crut à Dieu, et cela lui fut imputé à justice; et il fut appelé ami de Dieu."(8) Or, "ceux qui ont la foi sont les vrais enfants d'Abraham."(9) Mais la foi du patriarche s'est manifestée par ses oeuvres. "Abraham, notre père, ne fut-il pas justifié par les oeuvres, lorsqu'il offrit sur l'autel son fils Isaac? Tu vois que la foi agissait avec ses oeuvres, et que par ses oeuvres sa foi fut rendue parfaite."(8) Beaucoup de personnes se trompent sur les relations qui existent entre la foi et les oeuvres. Elles vous diront: "Vous n'avez qu'à croire en Jésus-Christ et vous êtes en règle. Vous n'avez pas à vous soucier d'observer la loi." Le fait est qu'une foi authentique se manifeste par l'obéissance. Jésus disait aux Juifs incrédules: "Si vous étiez les enfants d'Abraham, vous feriez les oeuvres d'Abraham."(10) A Isaac, en parlant de son père, Dieu dira: "Abraham a obéi à ma voix et a observé ce que je lui avais dit, mes commandements, mes préceptes et mes lois."(11) "La foi, dit un apôtre, si elle ne produit pas d'oeuvres, est morte en elle-même."(12) Et "voici en quoi consiste l'amour de Dieu", explique l'apôtre de l'amour, "c'est que nous gardions ses commandements."(13) Par des rites préfiguratifs et des promesses, Dieu avait "annoncé d'avance à Abraham cette bonne nouvelle."(14) Par l'oeil de la foi, le patriarche avait contemplé le Rédempteur à venir. Jésus le disait aux Juifs: "Abraham, votre père, a tressailli de joie à la pensée de voir mon jour: il l'a vu, et il a été rempli de joie."(15) Le bélier offert en holocauste à la place d'Isaac représentait le Fils de Dieu qui devait être immolé à notre place. Quand l'homme fut condamné à mort par la transgression de la loi de Dieu, le Père, les yeux abaissés sur son Fils, dit au pécheur: "Tu vivras, j'ai trouvé une rançon." PP 132 2 Si Dieu avait ordonné à Abraham de tuer son fils, c'était non seulement pour éprouver sa foi, mais tout autant pour que le patriarche fût frappé de la réalité de l'Évangile. Les sombres jours d'agonie qu'il traversa alors devaient l'aider à comprendre, par son expérience personnelle, la grandeur du sacrifice consenti par le Dieu infini en faveur de la rédemption de l'homme. Aucune épreuve n'aurait pu mettre l'âme d'Abraham à la torture comme l'ordre d'offrir Isaac en sacrifice. Or, quand Dieu livra son Fils à l'ignominie et à la mort, les anges qui assistèrent à l'agonie du Rédempteur n'eurent pas le droit de s'interposer, comme ils le firent dans le cas d'Isaac. On n'entendit aucune voix crier: "C'est assez!" Pour sauver une race perdue, le Roi de gloire dut sacrifier sa vie. Quelle meilleure preuve peut-on demander de l'infinie compassion et de l'amour de Dieu! "Lui qui n'a point épargné son propre Fils, mais qui l'a livré pour nous tous, comment ne nous donnera-t-il pas aussi toutes choses avec lui?"(16) PP 133 1 Il y a plus. Le sacrifice exigé d'Abraham n'avait pas uniquement en vue son propre bien, ni celui des générations futures, mais l'édification des êtres purs qui habitent le ciel et les autres mondes. Le territoire de la lutte entre Jésus-Christ et Satan, le champ sur lequel elle se livre pour le plan du salut est le manuel de l'univers. A l'occasion d'un manque de foi de la part d'Abraham à l'endroit des promesses de Dieu, Satan l'avait accusé devant les anges et devant le Père et déclaré indigne des bienfaits de l'alliance dont il avait violé les conditions. Aussi Dieu jugea-t-il bon d'éprouver la fidélité de son serviteur devant l'univers, tant pour développer plus clairement le plan du salut aux regards de ses habitants que pour leur démontrer qu'il n'accepte rien de moins qu'une obéissance parfaite. PP 133 2 Les êtres célestes furent témoins de la scène émouvante où s'affirma la foi d'Abraham et la soumission de son fils. Cette épreuve était infiniment plus grande que celle d'Adam. La défense faite à nos premiers parents n'impliquait aucune souffrance, tandis que l'ordre donné à Abraham comportait un déchirement indicible. L'obéissance calme et ferme d'Abraham frappa tout le ciel de stupeur et d'admiration; et une joie unanime éclata en son honneur. Les accusations de Satan s'étaient avérées mensongères. Le Seigneur prononça ces paroles: "Je sais maintenant [contrairement aux accusations du Malin] que tu crains Dieu, puisque tu ne m'as pas refusé ton fils, ton fils unique." L'alliance de Dieu ratifiée avec Abraham par un serment, en présence des habitants des autres mondes, assurait la récompense des fidèles. PP 134 1 Les anges eux-mêmes avaient difficilement compris le mystère de la rédemption et la nécessité de la mort du Fils de Dieu, du Prince du ciel, pour sauver l'homme pécheur. Aussi, lorsque Abraham reçut l'ordre d'offrir son fils en sacrifice, tout le ciel fut alerté. Dès ce moment, avec une attention haletante, les anges suivirent instant après instant les faits et gestes du patriarche. Quand Isaac demanda: "Où est l'agneau pour le sacrifice?" et quand Abraham répondit: "Dieu se pourvoira lui-même d'un agneau"; lorsque la main du père fut arrêtée, au moment où il allait frapper Isaac et où le bélier divinement préparé fut offert à sa place, -- alors la lumière se fit sur le mystère de la rédemption et, mieux qu'auparavant, les anges comprirent le plan merveilleux conçu par Dieu pour assurer le salut de l'humanité.(17) ------------------------Chapitre 14 -- La destruction de Sodome PP 135 1 Située au milieu d'une plaine dont la fertilité et la beauté rappelaient "le jardin de l'Éternel",(1) Sodome était le joyau de la vallée du Jourdain. Dans ce pays du palmier, de l'olivier et de la vigne, on voyait prospérer la végétation luxuriante des tropiques. Les fleurs y exhalaient leurs parfums du commencement à la fin de l'année. De riches moissons doraient ses campagnes, tandis que des troupeaux de gros et de menu bétail peuplaient les collines environnantes. L'art et l'industrie contribuaient à embellir cette ville orgueilleuse. Les trésors de l'Orient ornaient ses palais et ses marchés étaient approvisionnés de leurs précieux produits. Avec un minimum de soins et de travail, tous les besoins de la vie étaient satisfaits et l'année entière ressemblait à une fête continuelle. PP 135 2 Dans cette ville où le désoeuvrement et la richesse avaient endurci des coeurs étrangers à la souffrance, la profusion générale avait fait naître le luxe et l'orgueil; ses habitants, encouragés par l'opulence et les loisirs, se vautraient dans la volupté. PP 135 3 "Voici, en effet", écrivait plus tard un prophète, "quel a été le crime de Sodome, ta soeur: elle vivait dans l'orgueil, l'abondance et une molle oisiveté. Voilà comment elle vivait, ainsi que ses filles; elle ne tendait pas la main à l'affligé et à l'indigent. Elles sont devenues hautaines et elles ont commis des abominations devant moi; aussi les ai-je exterminées, dès que j'ai vu tout cela."(2) PP 136 1 La richesse et les loisirs tant convoités par les hommes les poussent, par un chemin facile, dans les pièges de l'ennemi, là où fleurissent le vice et le crime. A ce régime, l'esprit s'étiole, la raison s'égare, l'âme se pervertit. Satan ne réussit jamais aussi bien que lorsqu'il se présente aux humains à leurs heures d'inaction. Placé en embuscade, il est tout prêt à s'emparer de ceux qui ne sont pas sur leurs gardes, ceux qui, devant quelque séduisant appât, lui donnent libre accès dans leur vie. PP 136 2 Sodome était pleine de rires et de divertissements, de banquets et d'ivrognerie. L'exemple du monde antédiluvien détruit par la colère de Dieu n'arrêtait pas son impiété. Sa population outrageait ouvertement le Créateur et sa loi. Les passions les plus viles et les plus brutales s'y donnaient libre cours. PP 136 3 A l'époque où Lot avait élu domicile à Sodome, la corruption n'était pas encore universelle. Dans sa miséricorde, Dieu avait fait pénétrer quelques rayons de lumière dans ses ténèbres morales. Abraham n'y était pas inconnu, mais on se moquait de sa fidélité au vrai Dieu. Plus tard, la délivrance opérée par lui en faveur des captifs de Sodome tombés entre les mains du roi d'Élam, malgré les forces bien supérieures de celui-ci, et la magnanimité du patriarche au sujet des dépouilles et des prisonniers avaient suscité l'étonnement et l'admiration. Plusieurs avaient loué son talent et sa bravoure et étaient convaincus qu'il devait sa victoire à l'intervention d'un pouvoir divin. Comment douter de la supériorité de sa religion devant un geste si noble, si désintéressé et surtout si contraire à l'âpreté sordide des Sodomites? PP 136 4 En bénissant Abraham, Melchisédek avait également rendu hommage à l'Eternel comme étant la source des succès du patriarche et l'auteur de sa victoire. Il avait dit: "Béni soit Abraham par le Dieu Très-Haut, créateur des cieux et de la terre, et béni soit le Dieu Très-Haut, qui a livré tes ennemis entre tes mains!"(3) Par ces événements, la voix de Dieu leur avait encore parlé. Mais ces derniers rayons de lumière, comme les précédents, avaient été repoussés. PP 137 1 Et maintenant, la dernière nuit de Sodome est venue. A l'insu de ses habitants, les nuages de la vengeance projettent leur ombre sur la cité coupable. Tandis que les anges s'approchent pour détruire, les hommes ne rêvent que liesse et prospérité. Leur dernier jour s'éteint sur une scène de sécurité et de splendeur. Les rayons mourants du soleil baignent un paysage d'une beauté idéale. La fraîcheur du soir fait sortir les habitants de leurs demeures et une foule désoeuvrée circule en tous sens en quête de plaisirs nouveaux. PP 137 2 A l'heure crépusculaire, on voit deux étrangers s'approcher de la porte de la ville. Ce sont apparemment des voyageurs qui viennent y passer la nuit. Dans ces humbles personnages, nul ne discerne les puissants hérauts des jugements divins et la multitude insouciante ne se doute guère que la réception qu'elle va faire aux messagers célestes fera déborder la coupe de sa culpabilité. PP 137 3 Mais un homme se trouva là pour accueillir avec bonté ces étrangers et les inviter à se retirer sous son toit. Lot ne les connaissait pas, mais il avait appris d'Abraham à pratiquer la politesse et l'hospitalité, et ces vertus, qui faisaient partie de sa religion, lui étaient devenues coutumières. Sans cet esprit de courtoisie qu'il s'efforçait de cultiver, il aurait péri avec les habitants de Sodome. Que de foyers, en refusant d'accueillir un étranger, repoussent un messager divin qui leur apporte, avec sa bénédiction, l'espérance et la paix! PP 137 4 Toute action, petite ou grande, porte son fruit pour le bien ou pour le mal. De l'accomplissement ou de la négligence de devoirs apparemment très insignifiants peuvent dépendre les plus grands bienfaits ou les pires calamités. Ce sont les petites choses qui révèlent le caractère. Ce qui, dans notre vie, récolte l'approbation divine, ce sont les actes ignorés de l'abnégation quotidienne accomplis avec empressement et bonté. Nous ne devons pas vivre pour nous-mêmes, mais pour autrui. Les menues attentions, les petits actes de courtoisie comptent pour beaucoup dans la composition du bonheur. C'est par la pratique de ces vertus que la vie devient une joie et une bénédiction. Les négliger, c'est aller au-devant de bien des amertumes. PP 137 5 Pour soustraire aux outrages auxquels étaient exposés ces étrangers qui arrivaient à Sodome, Lot se fera un devoir de leur offrir immédiatement l'hospitalité. Quand, de la porte de la ville où il est assis, il les voit approcher, il s'empresse d'aller à leur rencontre et, s'inclinant profondément, il leur dit: "Entrez, mes seigneurs, je vous prie, dans la maison de votre serviteur, pour y passer la nuit."(4) Paraissant décliner l'invitation, ils répondent: "Non, nous passerons la nuit sur cette place." Cette réponse avait pour but, premièrement, de mettre à l'épreuve la sincérité de Lot et, deuxièmement, de paraître ignorer les moeurs de Sodome, en jugeant pouvoir sans aucun danger passer la nuit dans la rue. Cette réponse décide Lot à ne pas laisser ces hommes à la merci de la populace. "Il insista tellement qu'ils allèrent chez lui et entrèrent dans sa maison." PP 138 1 En conduisant ses invités par un chemin détourné, il avait espéré cacher son intention aux oisifs qui erraient près de la porte de la ville. Mais son insistance et l'hésitation des voyageurs les avaient fait remarquer. Aussi, avant qu'ils se fussent retirés pour la nuit, une foule désordonnée entourait la maison. Cette multitude était composée de jeunes gens et de vieillards, tous également enflammés par les plus viles passions. Les deux étrangers venaient de s'informer auprès de Lot au sujet des moeurs de cette ville et celui-ci achevait de les avertir de ne pas s'aventurer hors de la maison, quand on entendit les huées et les ricanements de la populace demandant à Lot de les lui livrer. PP 138 2 Sachant que si ces forcenés sont poussés à bout, ils pénétreront dans sa maison, Lot sort dans la rue pour essayer de les persuader. Dans l'espoir de les calmer et de leur faire honte de leur abominable intention, il leur dit, employant l'appellation de "frères" dans le sens de voisins: "Je vous en prie, mes frères, ne leur faites point de mal." Mais ces paroles ont l'effet de l'huile sur le feu. La rage des assaillants devient semblable au rugissement de la tempête. Menaçant de traiter Lot pis que ses hôtes, ils se mettent à le narguer et à lui demander s'il est là "pour faire le juge". Se précipitant sur lui, ils l'eussent écharpé, sans l'intervention des deux anges. "Les deux visiteurs étendirent la main; ils firent rentrer Lot avec eux dans la maison, et ils fermèrent la porte." PP 138 3 Ce qui suit nous fait connaître qui étaient les personnages qu'il avait pris sous son toit. "Ils frappèrent d'éblouissement les gens qui étaient à l'entrée de la maison, depuis le plus petit jusqu'au plus grand; aussi ces derniers s'efforcèrent-ils en vain de trouver la porte d'entrée." Sans ce double aveuglement, cette infâme populace eût déjà connu les coups de la justice de Dieu. Cette scène n'était pas nouvelle, mais l'iniquité était arrivée à son comble, et les habitants de Sodome venaient de franchir la frontière mystérieuse où la patience de Dieu arrive à son terme. Dans la vallée de Siddim, les feux de sa colère étaient près de s'allumer. PP 139 1 Les anges révèlent alors à Lot l'objet de leur mission: "Nous allons, lui disent-ils, détruire cette contrée, parce qu'un grand cri s'est élevé contre ses habitants devant l'Éternel, et l'Éternel nous a envoyés pour la détruire." Ces étrangers que Lot avait voulu protéger, ce sont eux maintenant qui lui offrent de le sauver, lui et tous les membres de sa famille qui voudront fuir cette cité corrompue. La foule, lassée, s'étant dispersée, Lot sortit pour avertir ses enfants. Il leur répéta les paroles des anges: "Levez-vous, sortez d'ici; car l'Éternel va détruire la ville. Mais ses gendres crurent qu'il se moquait" et se mirent à plaisanter sur ce qu'ils appelaient ses craintes superstitieuses. Influencées par leurs maris, les filles de Lot, ne voyant aucun signe de danger, se croyaient en sécurité. Entourées de bien-être, elles ne jugeaient pas possible que la belle ville de Sodome fût détruite. PP 139 2 Accablé de tristesse, Lot rentre chez lui et raconte son insuccès. Alors les anges lui donnent, à lui, à sa femme et aux deux filles qui vivent avec lui, l'ordre de sortir de leur demeure et de quitter la ville. Mais Lot hésite. Bien que navré, chaque jour, des actes de violence dont il est témoin, il ne se rend pas compte de la gravité des péchés qui se commettent autour de lui, ni de la nécessité absolue d'y mettre fin. D'autre part, quelques-uns de ses enfants ont décidé de rester à Sodome et sa femme refuse de partir sans eux. La pensée de quitter ce qui lui est le plus cher sur la terre lui paraît insupportable. Il lui semble dur d'abandonner une demeure luxueuse et tous les biens accumulés durant une vie entière, pour s'en aller, dénué de tout, mener une vie de pèlerin. PP 139 3 Perplexe, morne, effaré, Lot s'attarde, au risque de périr avec les siens dans la tempête qui s'avance. Alors les messagers célestes les prennent par la main, lui, sa femme et ses filles, et les conduisent hors de la ville; puis ils rentrent à Sodome pour y accomplir leur oeuvre de destruction. PP 140 1 Dans toutes les villes de la plaine, il ne s'est donc pas trouvé dix justes. Seul, en réponse à la supplication d'Abraham, un homme craignant Dieu va être arraché au cataclysme. Un troisième personnage alors s'approche. C'est celui auprès duquel Abraham a intercédé en faveur de Lot. Avec une véhémence qui le fait tressaillir, il lui crie: "Enfuis-toi pour sauver ta vie! Ne regarde pas derrière toi, et ne t'arrête nulle part dans la plaine; fuis vers la montagne, de peur que tu ne périsses!" A ce moment-là, tout délai, toute hésitation peut être fatale. Un regard jeté en arrière sur la ville condamnée; un instant de retard passé à regretter leur confortable demeure peut leur coûter la vie. L'ouragan de la colère divine n'attend que le délai nécessaire pour donner à ces pauvres fugitifs la possibilité d'échapper. PP 140 2 Terrifié, hagard, Lot objecte maintenant qu'il ne peut faire ce qu'on lui demande; il a peur de perdre la vie en chemin. Le contact de l'iniquité et de l'impiété de Sodome a terni sa foi. Le Prince du ciel est à son côté, et il doute de sa protection et de sa sollicitude! Au lieu de s'en remettre entièrement au divin Messager et de lui confier, sans restriction ni crainte, sa volonté et sa vie, il a recours, comme c'est souvent le cas, à ses propres expédients: "Voici une ville qui est assez proche pour m'y abriter", supplie-t-il; "elle est petite, permets-moi de m'y réfugier -- puisqu'elle est peu importante -- et j'aurai ainsi la vie sauve." La ville en question était Béla, plus tard appelée Tsoar, distante de Sodome de quelques kilomètres seulement; elle était, comme celle-ci, vouée à la destruction. Mais Lot ayant plaidé qu'elle était petite, sa requête lui est accordée. "Oui, lui est-il répondu, je t'accorde encore cette grâce de ne pas détruire la ville dont tu parles." Preuve étonnante de la mansuétude de Dieu à l'égard de ses faibles créatures! PP 140 3 Comme l'orage de feu ne peut plus tarder, l'ordre de se hâter retentit à nouveau. A ce moment-là, la femme de Lot s'aventure à jeter un regard en arrière sur la cité en perdition: à l'instant même, elle devient un monument de la justice de Dieu. Si Lot n'avait manifesté aucune hésitation; s'il avait obéi à l'avertissement sans plainte ni murmure et s'était courageusement dirigé vers la montagne désignée, son exemple eût sauvé sa femme du péché qui la perdit; elle aurait eu la vie sauve. Mais les tergiversations de son mari avaient atténué dans son esprit l'importance de l'appel divin et son coeur, resté à Sodome, se rebella contre les jugements de Dieu qui la privaient de son bien-être et de ses enfants. Oubliant la miséricorde divine qui épargnait sa vie, elle murmurait contre la sentence qui livrait à la destruction une richesse patiemment accumulée. Au lieu d'accepter sa délivrance avec gratitude, elle osait réclamer la vie de ceux qui avaient rejeté l'appel de Dieu. Son ingratitude pour la vie qui lui était conservée prouvait qu'elle en était indigne. PP 141 1 Prenons garde de traiter à la légère les moyens de salut que Dieu met à notre disposition! Il est des chrétiens qui disent: "Je ne tiens pas à être sauvé, si mon épouse (ou mon époux) et mes enfants ne le sont pas." Ces personnes -- qui pensent que le ciel ne sera pas pour elles un lieu de bonheur parfait sans la présence d'êtres qui leur sont si chers -- comprennent-elles bien ce qu'elles doivent à Dieu pour sa grande bonté? Ont-elles oublié qu'elles sont liées au service de leur Créateur et Rédempteur par des liens ineffables d'amour, d'honneur et de loyauté? Parce que nos proches rejettent l'amour d'un Sauveur qui leur tend les bras, comme à tous, osons-nous lui tourner le dos, nous aussi? Un être qui apprécie à sa valeur le prix infini offert par le Sauveur pour racheter son âme -- et par conséquent le prix de cette âme -- ne peut mépriser la miséricorde divine parce que d'autres êtres jugent à propos de n'en faire aucun cas. Le fait même que des gens font fi des justes droits de Dieu devrait susciter en nous un désir d'autant plus grand de les honorer et d'entraîner vers le bonheur éternel tous ceux que nous pouvons influencer. PP 141 2 "Le soleil se levait sur la terre, lorsque Lot entra dans Tsoar." Ses gais rayons semblaient n'éclairer dans les cités de la plaine qu'une scène de paix et de prospérité. Le mouvement renaissait dans les rues. Chacun se rendait, qui à ses affaires, qui aux plaisirs de la journée. Les gendres de Lot riaient encore des avertissements et des craintes du vieillard, quand, soudain, comme un coup de tonnerre dans un ciel sans nuages, la tempête éclate sur les villes de la plaine fertile. Du ciel s'abat sur la terre une pluie de feu et de soufre. Les palais et les temples, les luxueuses demeures, les jardins et les vignes, aussi bien que la gaie et folle multitude qui, la veille, avait insulté aux messagers célestes: tout est enveloppé de flammes. Et la fumée de la conflagration qui monte vers le ciel comme celle d'une grande fournaise annonce que la belle vallée de Siddim est devenue un lieu désert qui ne devra plus être ni habité ni rebâti, une désolation proclamant à toutes les générations futures la certitude des jugements de Dieu. PP 142 1 Les flammes qui consumèrent Sodome et Gomorrhe étendent jusqu'à nous leur sinistre lueur. Elles nous enseignent cette chose terrible que si la miséricorde divine supporte longtemps les prévaricateurs, il y a dans le mal une limite que les hommes ne sauraient impunément franchir. Quand cette limite est atteinte, le rôle de la miséricorde s'arrête et celui du châtiment commence. PP 142 2 Jésus a fait entendre qu'il y a des péchés plus graves que ceux de Sodome et de Gomorrhe. Ceux qui entendent la bonne nouvelle de la grâce les invitant à la conversion et qui n'en tiennent pas compte, a dit le Sauveur, sont plus coupables que les habitants de la vallée de Siddim. Un mal plus irréparable est commis par les gens qui professent connaître Dieu et observer ses commandements, alors qu'ils les renient par leur caractère et leur vie quotidienne. L'allusion de Jésus au sort de Sodome renferme un avertissement solennel destiné, non seulement à ceux qui commettent des péchés scandaleux, mais à tous les hommes qui se jouent des appels de Dieu. PP 142 3 Le message du Témoin fidèle à l'Église d'Éphèse renferme ces paroles: "Ce que j'ai contre toi, c'est que tu as laissé ton premier amour. Souviens-toi donc d'où tu es déchu et te convertis, et pratique tes premières oeuvres. Sinon, je viens à toi promptement, et j'ôterai ton candélabre de sa place, à moins que tu ne te convertisses."(5) Ému d'une compassion plus profonde que celle d'un père ou d'une mère à l'égard d'un fils perdu et malheureux, le Sauveur attend la réponse à son offre d'amour et de pardon. D'une voix suppliante, il adresse à l'enfant prodigue cette invitation: "Reviens à moi, et je reviendrai à toi."(6) Mais si la brebis perdue persiste à fermer l'oreille à la voix tendre et plaintive du berger, elle finira par s'égarer dans les ténèbres. A la longue, le coeur qui repousse la grâce divine s'endurcit dans le péché et finit par n'être plus sensible aux intimations du ciel. Un sort terrible est réservé à celui dont le bon Berger, jusque-là compatissant, dira: "Il s'est attaché aux idoles; laisse-le faire."(7) Au jour du jugement, il y aura moins de rigueur pour les villes de la plaine que pour ceux qui ont connu l'amour de Jésus et qui lui auront préféré les plaisirs d'un monde de péché. PP 143 1 Vous qui tournez le dos aux offres de la miséricorde divine, ne voulez-vous pas réfléchir à tout ce qui s'inscrit contre vous dans les livres du ciel? Sachez qu'on y enregistre fidèlement l'impiété des nations, des familles et des individus. Aussi longtemps que le compte est ouvert, Dieu vous offre le pardon; il vous invite à la conversion. Il patiente, et cette patience peut être longue. Mais un jour viendra où le compte sera clos, où votre décision, volontairement prise, sera enregistrée et votre destinée fixée. Et alors sera donné le signal pour l'exécution de la sentence. PP 143 2 Il existe un motif d'alarme dans la condition actuelle du monde religieux. On s'est joué d'un Dieu de miséricorde. On foule aux pieds sa loi "en enseignant des préceptes qui sont des commandements d'hommes".(8) L'incrédulité règne dans bien des Églises; non pas l'incrédulité au sens ordinaire de ce terme, celle qui rejette l'Écriture purement et simplement, mais une incrédulité enveloppée d'un manteau de christianisme et qui sape la foi en la Bible comme révélation divine. La piété fervente a fait place au formalisme. Il en résulte que l'apostasie et la sensualité sont à l'ordre du jour. Jésus-Christ a déclaré que, comme il en était "du temps de Lot, ... il en sera de même au jour où le Fils de l'homme paraîtra."(9) Les événements quotidiens attestent l'accomplissement de cette parole. Le monde marche rapidement vers le jour où il sera mûr pour sa destruction. Bientôt les jugements de Dieu consumeront le péché et les pécheurs. PP 143 3 Or, voici l'avertissement du Sauveur: "Soyez sur vos gardes, de peur que vos coeurs ne soient appesantis par les excès de la bonne chère, par l'ivresse et par les inquiétudes de cette vie, et que ce jour-là ne vienne subitement sur vous, comme un filet; car il surprendra tous ceux qui habitent la surface de la terre entière", tous ceux dont le coeur est attaché aux choses d'ici-bas. "Veillez donc en tout temps et priez, afin que vous puissiez échapper à tous ces maux qui doivent arriver et subsister devant le Fils de l'homme."(10) PP 143 4 Avant la destruction de Sodome, cet ordre avait été donné à Lot: "Enfuis-toi pour sauver ta vie! Ne regarde pas derrière toi, et ne t'arrête nulle part dans la plaine; fuis vers la montagne, de peur que tu ne périsses!" Par la même voix, ce conseil suprême fut donné aux disciples avant la destruction de Jérusalem: "Or, quand vous verrez Jérusalem investie par des armées, sachez à ce moment-là que sa ruine approche. Que ceux qui seront alors dans la Judée s'enfuient dans les montagnes."(11) Selon cette intimation, les disciples ne devaient pas s'attarder à emporter un objet quelconque, mais tirer tout le parti possible des instants qui leur étaient laissés pour s'enfuir. Pour Lot et les siens, il s'agissait de rompre radicalement avec les méchants, de sauver leur vie par la fuite. Il en avait été ainsi aux jours de Noé; il en fut de même pour Lot, comme il en sera encore ainsi aux derniers jours. Alors la voix de Dieu se fera entendre à nouveau, sommant son peuple de se séparer de l'iniquité universelle. PP 144 1 Le tableau de la corruption et de l'apostasie qui existeront dans le monde religieux aux derniers jours nous est donné dans la vision de l'Apocalypse sur le jugement de Babylone, "la grande ville qui règne sur les rois de la terre."(12) Voici l'appel qui retentit du haut du ciel avant sa destruction: "Sortez de Babylone, ô mon peuple, de peur qu'en participant à ses péchés, vous n'ayez aussi part à ses plaies."(13) Comme aux jours de Noé et de Lot, la séparation d'avec le péché et les pécheurs devra être radicale. Pas de compromis entre Dieu et le monde, ni de retour en arrière pour acquérir des richesses terrestres: "Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon."(14) PP 144 2 Semblable aux habitants de la vallée de Siddim, le monde rêve d'un avenir de prospérité et de paix. "Enfuis-toi pour sauver ta vie!" nous crie l'ange de Dieu. Mais d'autres voix clament: "Pas d'excitation; il n'y a pas de quoi s'alarmer." Les multitudes répètent: "Paix et sûreté!" alors que le ciel annonce qu'une "ruine soudaine surprendra" les pécheurs. La nuit qui précéda leur destruction, les villes de la plaine, vautrées dans le tourbillon du plaisir, se moquaient des avertissements du messager divin. Mais la même nuit, la porte de la miséricorde se ferma pour toujours sur les habitants de ces cités indolentes et dépravées. On ne se joue pas toujours de Dieu impunément, et on ne le fait pas longtemps. "Oui, le jour de l'Éternel arrive, jour cruel, jour de fureur et d'ardente colère, qui réduira la terre en désert et en exterminera les pécheurs."(15) La grande majorité du monde rejettera la miséricorde divine et sera emportée par une ruine soudaine et irrémédiable. Mais ceux qui tiendront compte de l'avertissement "habiteront dans la retraite du Très-Haut" et "reposeront à l'ombre du Tout-Puissant". "Sa fidélité sera leur bouclier protecteur." C'est pour le juste qu'est la promesse: "Je le rassasierai de longs jours, et je lui ferai contempler mon salut."(16) PP 145 1 Lot ne demeura à Tsoar que peu de temps. Les moeurs de Sodome y prévalaient. Craignant que cette ville ne subisse le même sort, il s'en éloigna. En effet, peu après, Dieu la détruisit, comme il en avait eu le dessein. S'étant retiré dans les montagnes, Lot trouva un gîte dans une caverne où il vécut, dépouillé de tout le confort pour lequel il n'avait pas craint d'exposer sa famille à l'atmosphère empoisonnée d'une ville corrompue. Il en subit les conséquences jusque dans sa retraite. On voit, par la conduite de ses filles, qu'elles étaient aveuglées par l'immoralité de Sodome au point de ne plus distinguer le bien du mal. Les descendants de Lot donnèrent naissance à deux peuples dégradés et idolâtres, les Moabites et les Ammonites, dont le mépris des commandements de Dieu et l'hostilité acharnée envers son peuple durèrent jusqu'au jour où, la coupe débordant, ils disparurent sous les coups de la justice divine. PP 145 2 Quel contraste entre la vie d'Abraham et celle de Lot! Autrefois, ils avaient partagé la même vie nomade; ensemble ils avaient adoré Dieu au pied du même autel et vécu côte à côte sous leurs tentes. Et maintenant!... C'est que Lot avait choisi de vivre à Sodome pour jouir de ses fêtes et de ses avantages matériels. Quittant Abraham et le sacrifice quotidien offert au Dieu vivant, il avait laissé ses enfants grandir au milieu d'une population pervertie et idolâtre. Il est vrai qu'il conserva la crainte de Dieu dans son coeur. L'Écriture nous apprend que "le juste Lot était outré de la conduite déréglée de ces pervers" et que "ce juste, qui demeurait parmi eux, sentait son âme juste tourmentée, chaque jour, de ce qu'il voyait et entendait de leurs oeuvres criminelles",(17) impuissant à y mettre un frein. Sauvé lui-même comme "un tison retiré du feu(18) il fut néanmoins dépossédé de tous ses biens et privé de sa femme et de ses enfants. Telles sont les terribles conséquences d'un faux pas! Couvert d'infamie en sa vieillesse, il se vit obligé de vivre dans des cavernes comme les bêtes sauvages! PP 145 3 "Ne te fatigue pas à acquérir des richesses", dit Salomon; "n'y applique pas ton esprit". "Celui qui est âpre au gain trouble sa maison; mais celui qui hait les présents vivra." A quoi l'apôtre Paul ajoute: "Ceux qui veulent devenir riches tombent dans la tentation, dans le piège, et dans beaucoup de désirs insensés et pernicieux qui plongent les hommes dans la ruine et la perdition."(19) PP 146 1 Quand Lot se fixa à Sodome, il s'était fermement promis de protéger sa famille des moeurs existantes. Ce en quoi il échoua complètement. Il ne sut pas même se préserver personnellement des influences corruptrices qui l'entouraient. En outre, les relations de ses enfants avec les habitants de Sodome l'entraînèrent, malgré lui, à sympathiser avec eux. On en connaît les résultats. PP 146 2 Beaucoup de gens commettent une erreur semblable. En choisissant un domicile, ils considèrent les avantages matériels plutôt que l'influence morale et sociale dont ils seront entourés, eux et leur famille. Ils jettent leur dévolu sur une contrée belle et fertile ou sur une ville florissante qui leur promet la prospérité matérielle, mais où leurs enfants seront exposés à diverses tentations et où, trop souvent, ceux-ci formeront des relations contraires à la piété et à la croissance d'un caractère chrétien. L'atmosphère de moralité douteuse, d'incrédulité ou d'indifférence aux choses religieuses qui les y enveloppe neutralise l'influence pieuse d'une famille qui a constamment devant elle des exemples de révolte contre l'autorité des parents ou celle de Dieu. Beaucoup contractent des liens avec les incrédules et prennent parti pour les ennemis de la foi. PP 146 3 Dieu attend de ses enfants, lorsqu'ils ont à décider de l'endroit où ils iront résider, qu'ils considèrent à quelles influences morales et religieuses ils seront soumis, eux et les leurs. Il est vrai qu'on ne peut pas toujours choisir son entourage et qu'il peut nous arriver d'être très perplexes à ce sujet. Dans ces cas, souvenons-nous que partout où le devoir nous appelle, si nous veillons et prions et si nous plaçons notre confiance en la grâce du Seigneur, il nous préservera de la contamination. Mais nous ne devons pas nous exposer inutilement à des influences défavorables à la vie chrétienne. Quand nous nous fixons volontairement dans un milieu imprégné de mondanité et d'incrédulité, nous encourons le déplaisir de Dieu et éloignons de notre foyer les messagers du ciel. PP 146 4 Ceux qui, au détriment de leurs intérêts éternels, recherchent pour leurs enfants les avantages de la richesse et des honneurs, découvriront qu'ils ont fait un calcul désastreux. Plusieurs, comme Lot, verront la perte de leurs enfants et se sauveront difficilement eux-mêmes. Le travail de leur vie sera perdu; leur existence aboutira à une débâcle. Guidés par la vraie sagesse, leurs enfants auraient peut-être acquis moins de prospérité mondaine, mais obtenu un gage sûr à l'héritage éternel. PP 147 1 La récompense que Dieu a promise à son peuple n'est pas dans ce monde. Abraham ne posséda ici-bas aucune propriété, "pas même un pouce de terre".(20) Très riche, cependant, il employait ses biens à la gloire de Dieu et au bien-être de ses semblables. Mais il ne considérait pas cette terre comme sa patrie. Dieu l'avait appelé à quitter ses compatriotes idolâtres en lui promettant la terre de Canaan comme possession éternelle. Néanmoins, ni lui, ni son fils, ni le fils de son fils ne virent la réalisation de cette promesse. Quand il voulut inhumer sa femme, il dut acheter une sépulture aux Cananéens. Son seul bien-fonds dans le pays promis fut cette tombe dans la caverne de Macpéla. PP 147 2 Cela ne signifie pas que la promesse de Dieu ait failli. Même si elle n'eut pas son accomplissement final lors de l'occupation de Canaan par le peuple juif, elle n'en reste pas moins certaine. La réalisation de la promesse peut sembler longtemps différée, mais "au temps fixé, elle ne tardera pas à arriver à son terme."(21) N'oublions pas qu' "un jour devant le Seigneur est comme mille ans, et mille ans comme un jour."(22) "Les promesses ont été faites à Abraham et à sa descendance."(23) Le patriarche fait donc lui-même partie des candidats à l'héritage. Mais cette donation promise au patriarche et à ses descendants ne comprend pas seulement la possession de la Palestine, mais celle du monde entier. PP 147 3 L'apôtre écrit que "la promesse d'avoir le monde pour héritage fut faite à Abraham et à sa postérité, non pas en vertu de la loi, mais en vertu de la justice de la foi."(24) La Bible enseigne clairement que les promesses faites à Abraham doivent s'accomplir par Jésus-Christ. Tous ceux qui sont à Jésus-Christ sont "la postérité d'Abraham, héritiers selon la promesse", bénéficiaires d'un "héritage qui ne peut être ni corrompu, ni souillé, ni flétri"(25) à savoir, notre terre délivrée de la malédiction du péché. En effet, "le règne, la domination et la souveraineté des royaumes qui sont sous tous les cieux seront accordés au peuple des saints du Très-Haut. Son règne est un règne éternel, et toutes les puissances le serviront et lui obéiront." "Mais les humbles posséderont la terre, et ils jouiront d'une grande prospérité."(26) PP 148 1 Admis à contempler cet immense patrimoine, Abraham se contenta de cette espérance. "C'est par la foi qu'il séjourna dans la terre qui lui avait été promise comme dans une terre étrangère, habitant sous des tentes, ainsi qu'Isaac et Jacob, héritiers avec lui de la même promesse. Car il attendait la cité qui a de solides fondements, dont Dieu est l'architecte et le fondateur." "Tous ceux-là sont morts dans la foi sans avoir obtenu ce qui leur avait été promis; ils l'ont seulement vu et salué de loin, ayant fait profession d'être étrangers et voyageurs sur la terre."(27) PP 148 2 Si nous voulons obtenir "une patrie meilleure", c'est-à-dire "une patrie céleste", nous devons, nous aussi, vivre ici-bas comme étrangers et voyageurs. ------------------------Chapitre 15 -- Le mariage d'Isaac PP 149 1 Parvenu à un âge avancé et augurant une mort prochaine, Abraham songea à prendre une mesure importante en vue de l'accomplissement de la promesse divine relative à sa postérité. Isaac, son héritier, choisi pour lui succéder comme gardien de la loi de Dieu et père du peuple élu, n'était pas marié. Pour Abraham, le choix d'une épouse pour son fils avait une extrême importance, surtout quant à l'influence qu'elle pourrait exercer en ce qui concerne la vraie foi. Isaac avait hérité de la confiance en Dieu et de la soumission à ses ordres qui caractérisaient son père. Mais il possédait, avec un tempérament très affectueux, une nature douce et conciliante. Or, les habitants de Canaan étaient idolâtres et Dieu avait défendu à son peuple de s'unir à eux par le mariage, ces unions étant de nature à l'entraîner dans l'apostasie. Abraham craignait que, lié à une personne étrangère au culte de Jéhovah, son fils ne fût en danger de sacrifier ses principes par amour de la paix. PP 149 2 Dans les temps primitifs, les questions matrimoniales étaient généralement réglées par les parents. C'était en tout cas la coutume parmi ceux qui adoraient le Seigneur. On ne contraignait personne à se marier contre son gré. En revanche, les affections des jeunes étaient dirigées par le jugement mûri de parents craignant Dieu. Faire fi de leurs conseils était considéré comme un affront, voire comme un crime. Quant à Isaac, plein de confiance en la sagesse et en l'affection de son père, il s'en remettait à lui à ce sujet, assuré que Dieu lui-même dirigera le choix qui sera fait. PP 150 1 Le patriarche songea à la parenté de son père restée en Mésopotamie. Sans être complètement à l'abri de l'idolâtrie, celle-ci restait attachée à la connaissance et au culte du vrai Dieu. Or, comme Isaac ne pouvait quitter le pays de Canaan pour aller vivre parmi eux, on espérait trouver là-bas une jeune femme disposée à renoncer à son pays pour s'unir au fils d'Abraham et collaborer avec lui à maintenir dans sa pureté le culte du Dieu vivant. Abraham confia cette importante mission au "plus ancien des serviteurs de sa maison", un homme d'une piété et d'un jugement éprouvés, qui lui avait rendu de longs et fidèles services. Par un serment solennel, il lui fit promettre devant Dieu de ne pas choisir pour son fils une femme cananéenne, mais une fille de la famille de Nacor, le Mésopotamien. Si aucune jeune fille de cette famille ne consentait à quitter sa parenté, le serviteur était dégagé de son serment; mais il ne devait en aucun cas y conduire Isaac. Pour encourager son serviteur en vue de cette mission à la fois délicate et difficile, le patriarche lui donna l'assurance que Dieu la couronnerait de succès: "L'Éternel, le Dieu des cieux, qui m'a fait sortir de la maison de mon père et du pays de ma naissance, lui dit-il, enverra son ange devant toi."(1) PP 150 2 Sans tarder, le messager se mit en route, accompagné d'une suite de dix chameaux affectés en partie à son usage et en partie aux cadeaux destinés à la future épouse et à sa suite. Un long trajet les amena d'abord à Damas, puis dans les riches plaines arrosées par l'Euphrate, le grand fleuve de l'Orient. Arrivé à Charan, "la ville de Nacor", Éliézer "s'arrêta hors de la ville, près d'un puits, vers le soir, à l'heure où les femmes sortaient pour aller puiser de l'eau". Pour le serviteur d'Abraham, une heure solennelle avait sonné, de laquelle devaient découler, selon le choix qui serait fait, de graves conséquences non seulement pour la maison de son maître, mais pour les générations futures. Cependant, comment s'acquitter sagement de cette importante mission parmi des gens qui lui sont complètement étrangers? Se rappelant la parole d'Abraham lui promettant l'intervention divine, il a recours à la prière. Accoutumé à voir chez le patriarche de continuels exemples de bonté et d'hospitalité, il demande à Dieu que le choix qui va lui incomber soit déterminé par un acte de courtoisie de la part de la jeune fille qu'il rencontrera. PP 151 1 La réponse à sa prière ne se fait pas attendre. Parmi les femmes réunies autour d'un puits, l'une d'elles le frappe par ses manières avenantes. Il s'approche d'elle et lui demande à boire de la cruche qu'elle porte sur l'épaule. Non seulement il est accueilli avec bonté, mais elle lui offre de puiser de l'eau pour ses chameaux, fonction réservée, en Orient, aux filles de maisons princières elles-mêmes. Le signe demandé par Éliézer venait de lui être accordé. Non seulement "la jeune fille était très belle", mais sa courtoisie empressée indiquait à la fois un bon coeur et une nature pleine d'activité et d'énergie. Le serviteur d'Abraham reconnaît que jusqu'ici la direction divine l'a favorisé. PP 151 2 Après avoir récompensé l'amabilité de la jeune bergère par de riches présents, Éliézer s'informe de sa parenté. Apprenant qu'elle est fille de Béthuel, le neveu de son maître, "il s'incline et se prosterne devant l'Éternel", et, dans l'action de grâces qu'il rend à Dieu, il mentionne ses relations avec Abraham. PP 151 3 Rentrant en hâte chez elle, la jeune fille raconte l'événement à son frère Laban, qui accourt auprès de l'étranger et l'emmène sous le toit familial où on lui offre, ainsi qu'à sa suite, un gîte et du fourrage pour les chameaux. PP 151 4 Invité à s'asseoir à table, Éliézer refuse de manger jusqu'à ce qu'il ait fait part du but de son voyage. Il parle de sa prière auprès du puits et des incidents qui ont suivi. Il ajoute: "Et maintenant, si vous voulez user de bonté et de fidélité à l'égard de mon maître, déclarez-le moi; sinon, dites-le moi aussi, et je me tournerai à droite ou à gauche." A quoi on lui répond: "La chose vient de l'Éternel; nous ne pouvons te dire ni mal, ni bien. Voici Rébecca, qui est là devant toi; prends-la et pars, et qu'elle devienne la femme du fils de ton maître, comme l'Éternel l'a dit." PP 151 5 Le consentement de la famille obtenu, on demande à Rébecca elle-même si elle est disposée à entreprendre ce grand voyage pour épouser le fils d'Abraham. Convaincue, par ce qui s'est passé, que Dieu l'a choisie pour être la femme d'Isaac, elle répond: "Je partirai!" PP 152 1 Impatient de voir la joie de son maître à la vue du succès de sa mission, le vieux serviteur, pressé de partir, se met en route dès le lendemain matin. Isaac, qui s'était occupé des troupeaux dans le voisinage de Béer-Séba, où habitait son père, était rentré dans la tente de celui-ci, en attendant le retour de la caravane. Étant sorti, "vers le soir, pour méditer dans les champs, Isaac leva les yeux, et il vit des chameaux qui s'avançaient. Rébecca, levant aussi les yeux, aperçut Isaac, et elle sauta à bas de son chameau. Elle dit au serviteur: Qui est cet homme qui vient dans les champs au-devant de nous? Le serviteur répondit: C'est mon maître. Alors elle prit son voile et s'en couvrit. Le serviteur raconta à Isaac tout ce qu'il avait fait. Puis Isaac conduisit Rébecca dans la tente de Sara, sa mère; il prit Rébecca pour femme, et il l'aima. Ainsi Isaac fut consolé après la mort de sa mère." PP 152 2 Abraham n'ignorait pas les conséquences qui résultent de mariages entre les croyants et les incroyants. Il avait sous les yeux tout ce qui s'était passé à cet égard depuis le temps de Caïn jusqu'à son époque, y compris les conséquences de son mariage avec Agar, comme de ceux d'Ismaël et de Lot. Son manque de foi et celui de Sara avaient eu pour résultat la naissance d'Ismaël, chez qui, depuis l'enfance, l'influence et les enseignements du père avaient été contrecarrés par la parenté idolâtre de la mère. La jalousie d'Agar et des femmes qu'elle avait données à Ismaël avait entouré la famille de celui-ci d'une barrière qu'Abraham avait été impuissant à renverser, et l'idolâtrie s'était établie dans la famille du fils aîné. Séparé de son père, aigri par les querelles d'un foyer exempt d'affection et dénué de la crainte de Dieu, Ismaël s'était vu contraint de choisir l'existence aventureuse d'un pillard du désert, "sa main levée contre tous, et la main de tous contre lui".(2) Vers la fin de sa vie, regrettant son passé coupable, il revint au Dieu de son père. Mais l'exemple donné à sa postérité subsista. Turbulente et idolâtre, la nation puissante issue de lui fut toujours une cause de souffrances pour les descendants d'Isaac. PP 152 3 La femme de Lot, nature égoïste et irréligieuse, avait fait beaucoup pour séparer son mari d'Abraham. N'eût été cette femme, Lot ne serait jamais resté à Sodome, privé des conseils et de la sagesse de son oncle. Sans les enseignements reçus d'Abraham dans son enfance, le contact de sa femme et de la population dépravée de cette ville l'eût sûrement fait sombrer dans l'incrédulité. Le mariage de Lot et le choix de Sodome comme résidence furent ainsi les premiers anneaux d'une chaîne d'événements funestes qui affligèrent le monde durant plusieurs générations. PP 153 1 Nulle personne craignant Dieu ne peut, sans danger, s'unir à un conjoint qui n'a pas cette crainte. Le bonheur et la prospérité de l'hymen dépendent de l'union des deux époux. Or, entre le croyant et le non-croyant existe une divergence radicale de goûts, d'inclinations, de projets. Ils servent deux maîtres distincts et inconciliables. Les principes du conjoint croyant ont beau être purs et irréprochables, la vie en commun l'éloignera de Dieu. PP 153 2 Celui qui est entré inconverti dans les liens du mariage et qui se donne à Dieu n'en est que plus contraint d'être fidèle à sa compagne, et vice-versa, quelles que soient les discordances en matière religieuse. On doit néanmoins considérer que les obligations envers le Seigneur sont bien plus impérieuses que les relations terrestres, même si des épreuves ou la persécution devaient en être le résultat. Si cette fidélité s'accompagne d'affection et de douceur, il y a des chances que le croyant finisse par gagner à la foi son conjoint non croyant. Mais les mariages entre chrétiens et infidèles sont interdits dans la Bible. L'ordre du Seigneur est formel: "Ne vous mettez pas sous un joug étranger en vous unissant aux infidèles."(3) PP 153 3 Divinement honoré du titre d'héritier de promesses destinées au monde entier, Isaac, âgé de quarante ans, s'était soumis à la décision de son père, qui avait chargé un serviteur pieux d'aller lui trouver une épouse. Le résultat de ce mariage nous est donné dans ce touchant tableau de bonheur domestique: "Puis Isaac conduisit Rébecca dans la tente de Sara, sa mère; il prit Rébecca pour femme, et il l'aima. Ainsi Isaac fut consolé après la mort de sa mère." PP 153 4 Quel contraste entre la conduite d'Isaac et celle de la jeunesse actuelle, même parmi les chrétiens! Ne voit-on pas, trop souvent, les jeunes revendiquer comme leur prérogative exclusive le droit de choisir un époux ou une épouse, sans la moindre idée de consulter à ce sujet soit Dieu, soit leurs parents, et cela même des années avant d'avoir atteint leur maturité? Quelques années de vie en commun suffisent en général pour les convaincre de leur erreur, alors qu'il est souvent trop tard pour en réparer les funestes conséquences. Cette même pétulance manifestée dans le choix d'un conjoint se retrouve dans la vie matrimoniale, et le mal s'aggrave au point qu'elle devient intolérable. Nombreux sont ceux qui ont ainsi compromis leur bonheur en cette vie et leur espoir d'une vie future. PP 154 1 S'il est un sujet qui exige toute notre attention et devrait nous amener à rechercher le conseil de personnes plus âgées, c'est celui du mariage. Avant de contracter ce lien pour la vie, que le jeune homme et la jeune fille ouvrent la Bible et demandent au Seigneur de les diriger. PP 154 2 La déférence d'Isaac pour le jugement de son père était le résultat de l'éducation qu'il avait reçue et qui lui avait fait aimer une vie d'obéissance. Tout en exigeant de ses enfants le respect de l'autorité paternelle, Abraham prouvait par sa vie quotidienne que cette autorité n'émanait pas d'une volonté égoïste ou arbitraire, mais naissait d'une affection n'ayant en vue que leur bien-être et leur bonheur. PP 154 3 Les parents ne doivent jamais oublier qu'ils sont responsables du bonheur de leurs enfants et qu'ils doivent les guider dans le choix de leurs futurs compagnons d'existence. Par leurs paroles et leur exemple, ils ont pour mission, avec l'aide de la grâce divine, de former leur caractère de telle façon que, dès leurs plus tendres années, ils soient animés de sentiments purs et nobles et attirés par le bien et le vrai. Qui se ressemble s'assemble, dit un proverbe. Implantez de bonne heure dans leur âme l'amour de la vérité, de la pureté et de la bonté, et ils rechercheront la société de ceux qui possèdent ces mêmes dispositions. PP 154 4 Efforcez-vous d'imiter dans votre vie quotidienne l'amour et la bienveillance du Père céleste. Que la vie au foyer soit tout ensoleillée de joie. Faites-y régner une douce atmosphère qui ne laisse dans les souvenirs de vos enfants qu'une vision de paix et de bonheur paradisiaque. Cela leur vaudra plus que des terres ou de l'argent. Sans doute, les membres d'une famille n'ont pas tous le même caractère, et ce fait exigera de votre part de la patience et de la miséricorde. La tendresse et le calme réussiront d'ailleurs à unir étroitement tous les vôtres. PP 154 5 Le véritable amour naît d'un principe saint et élevé, totalement différent des attachements qu'éveille une flamme soudaine s'éteignant à la première épreuve sérieuse. C'est par le fidèle accomplissement des devoirs qui lui incombent au foyer paternel que la jeunesse se prépare en vue de créer un foyer à son tour. C'est là qu'elle doit apprendre le renoncement, la bonté, la courtoisie et la sympathie chrétienne. Celui qui, le coeur plein d'une chaude affection, quitte votre toit pour prendre la direction d'un nouveau foyer, saura comment faire le bonheur de celle qu'il aura choisie pour compagne de sa vie. Au lieu d'être la fin de l'amour, le mariage n'en sera que le commencement. ------------------------Chapitre 16 -- Jacob et Esaü PP 157 1 Jacob et Ésaü, les fils jumeaux d'Isaac et de Rébecca, présentaient, dans leur caractère et dans leur vie, un contraste frappant. Dès avant leur naissance, cette dissemblance avait été annoncée aux parents par un ange. En réponse à la prière angoissée de Rébecca, celle-ci avait appris qu'elle donnerait le jour à deux fils, qui seraient ancêtres de deux grands peuples, et que le plus jeune aurait la prééminence. PP 157 2 Ésaü grandit dans l'amour des plaisirs égoïstes et l'esprit absorbé par les choses de la vie présente. Impatient, sans frein, grand amateur de la chasse, il mettait sa joie à courir les aventures, et fut de bonne heure un chasseur de profession. Il était le favori de son père. Ce berger pacifique et paisible était ravi de la vigueur et de l'audace de ce fils aîné qui parcourait monts et déserts et lui rapportait les produits de sa chasse avec le récit de ses exploits. PP 157 3 Jacob, méditatif, diligent et soucieux, plus préoccupé de l'avenir que du présent, préférait le séjour au foyer, le soin des troupeaux et la culture du sol. Son application, sa dextérité et son esprit d'économie en faisaient le favori de sa mère, qui trouvait dans l'affection douce et profonde et les attentions constantes du cadet plus de satisfaction que dans les rares et bruyantes caresses d'Ésaü. PP 158 1 Les promesses faites à Abraham et confirmées à son fils, promesses qui faisaient pour Isaac et Rébecca l'objet suprême de leurs voeux et de leurs espérances, étaient connues d'Ésaü et de Jacob. Le droit d'aînesse leur avait été présenté comme un précieux apanage conférant non seulement une richesse temporelle, mais une primauté spirituelle. Celui à qui il sera dévolu deviendra, leur avait-on dit, le prêtre de sa famille et l'ancêtre du Rédempteur promis. Mais la possession du droit d'aînesse comporte certaines obligations. Celui qui en sera le bénéficiaire devra consacrer sa vie au service de Dieu. A l'instar d'Abraham, il sera soumis aux ordres de l'Eternel et lui obéira en ce qui concerne son mariage, ses relations familiales et sa vie publique. PP 158 2 En faisant connaître ces privilèges et ces conditions à ses fils, Isaac avait annoncé que c'était à Ésaü, en sa qualité de fils aîné, que revenait le droit d'aînesse. Mais celui-ci n'avait ni goût pour la piété, ni inclination vers une vie religieuse. Les exigences attachées au droit d'aînesse spirituel lui semblaient une entrave désagréable et même irritante. La loi de Dieu, qui constituait la base de l'alliance avec Abraham, lui apparaissait comme un joug de servitude. Résolu à suivre ses penchants et à vivre à sa guise, il mettait son bonheur à être riche et puissant, et son plaisir dans les festins et les réjouissances. Pour lui, rien n'égalait la vie émancipée, vagabonde et aventureuse. PP 158 3 Rébecca, qui n'oubliait pas les paroles de l'ange, jugeait de la chose avec plus de discernement que son mari. Elle était persuadée que l'héritage dont parlait la promesse de Dieu était réservé à Jacob. Mais elle avait beau répéter à Isaac les paroles célestes, celui-ci, dans son affection pour le fils aîné, demeurait inébranlable. PP 158 4 Instruit par sa mère, le fils cadet avait connaissance de la révélation divine qui lui attribuait le droit d'aînesse et il désirait vivement en posséder les ineffables privilèges. Ce n'étaient pas les richesses temporelles qu'il convoitait, mais les bénédictions spirituelles: communier avec Dieu comme Abraham, le juste; présenter au nom de sa famille le sacrifice expiatoire; devenir l'ancêtre du peuple élu et du Messie promis; posséder l'immortel héritage. En un mot, goûter les prérogatives et les honneurs compris dans l'alliance avec Dieu. PP 159 1 Il écoutait avidement son père parler du droit d'aînesse spirituel et retenait pieusement tout ce que lui en disait sa mère. Ce sujet occupait jour et nuit ses pensées et devint la suprême ambition de sa vie. Cependant, tout en plaçant les biens éternels au-dessus des biens terrestres, Jacob ne possédait pas une connaissance personnelle du Dieu qu'il révérait. Son coeur n'avait pas été renouvelé par la grâce divine. Craignant que la promesse le concernant ne s'accomplisse pas tant qu'Ésaü conserverait les droits du premier-né, il s'ingéniait à découvrir le moyen de s'approprier ce trésor tant convoité que son frère tenait en si petite estime. PP 159 2 Un jour, Ésaü revient de la chasse, harassé de fatigue. Il trouve Jacob occupé à préparer un potage et il lui demande de lui en offrir une portion. Celui-ci, toujours obsédé par la même pensée, saisit l'occasion et pose à Ésaü comme condition de lui céder en retour le droit d'aînesse. "Voici que je m'en vais mourir, s'écrie le chasseur insouciant et viveur; à quoi me servirait mon droit d'aînesse?"(1) Quelques instants lui suffiraient pour se préparer à manger dans la tente de son père. Mais en échange d'un plat, il renonce à ce droit d'aînesse et confirme cette aliénation par un serment. Pour satisfaire un caprice momentané, il troque froidement le glorieux héritage que Dieu a promis à ses pères. Prêt à sacrifier les choses célestes à celles de la terre, à échanger un bien futur contre un plaisir passager, il montre que, pour lui, le présent prime tout. PP 159 3 "C'est ainsi qu'Ésaü méprisa le droit d'aînesse."(1) En abandonnant ce précieux patrimoine, il ressent même une espèce de soulagement. Maintenant, devant lui, la route est libre: il peut agir comme bon lui semble. Que de gens, aujourd'hui encore, pour se procurer de folles jouissances appelées liberté, aliènent leur droit à un héritage "qui ne peut être ni corrompu, ni souillé, ni flétri, et qui leur est réservé dans les cieux"! PP 159 4 Toujours fasciné et asservi par les choses de la terre, Ésaü alla prendre parmi les filles de Heth deux femmes dont l'idolâtrie fut une source de cuisants chagrins pour Isaac et Rébecca. C'était une nouvelle violation des conditions formelles de l'alliance qui interdisait le mariage entre les membres du peuple de Dieu et les païens. Cependant, ni les raisonnements de Rébecca, ni l'ardent désir de Jacob, ni l'indifférence d'Ésaü quant aux obligations du droit d'aînesse ne parvenaient à ébranler l'intention du père de conférer à son aîné le droit de primogéniture. PP 160 1 Les années s'écoulaient. Isaac, devenu vieux et aveugle, et se croyant près de mourir, se décida enfin à donner sa bénédiction à son fils favori. Mais connaissant l'opposition de Rébecca et de Jacob, il jugea prudent de célébrer cet acte solennel en secret et cela, conformément à la coutume, à l'occasion d'un banquet. En conséquence, le patriarche donne cet ordre à Ésaü: "Je te prie, ... va dans la campagne, et tue-moi du gibier. Apprête-moi un mets appétissant, selon mon goût; ... et que mon âme te bénisse avant que je meure."(2) PP 160 2 Rébecca, qui devine le dessein de son mari, est convaincue que ce projet est contraire à la volonté de Dieu et qu'Isaac, en frustrant Jacob de l'honneur qui lui revient, est en danger d'encourir le déplaisir du ciel. En vain, elle a essayé sur Isaac la force du raisonnement; maintenant, elle se décide à recourir à la ruse. PP 160 3 Dès qu'Ésaü est parti pour la chasse, elle se prépare à mettre son projet à exécution. Elle informe Jacob de ce qui se passe, et elle insiste sur la nécessité, si l'on veut prévenir l'acte final et irrévocable, d'agir immédiatement. Elle ajoute que s'il veut suivre ses instructions, il obtiendra la bénédiction découlant de la promesse divine. Jacob n'entre pas immédiatement dans le plan de sa mère. Il est très angoissé à la pensée de tromper son père. Cette action, pense-t-il, lui vaudra plutôt une malédiction qu'une bénédiction. Bientôt, cependant, ses scrupules calmés et surmontés, il cède à la suggestion de Rébecca. Il n'a pas l'intention de recourir directement au mensonge; mais, une fois en présence de son père, il croit avoir été trop loin pour battre en retraite et il obtient par la fraude l'objet de ses voeux les plus chers. PP 160 4 Jacob et Rébecca avaient réussi. Mais de leur tromperie il ne devait résulter que de grands chagrins. Dieu avait annoncé que le droit d'aînesse reviendrait à Jacob. S'ils avaient attendu avec foi et laissé le Seigneur opérer en leur faveur, cette promesse se serait accomplie à son heure. Mais, comme beaucoup de gens qui se disent chrétiens, ils ne consentaient pas à abandonner la chose entre ses mains. Rébecca se repentit amèrement des mauvais conseils qu'elle avait donnés à son fils: son acte eut pour effet de l'en séparer à toujours. Elle ne devait, en effet, plus revoir son visage, et Jacob, dès lors, ne connut plus que le remords. Il avait péché contre son père, contre son frère, contre son âme et contre Dieu. En une seule heure, il s'était condamné à toute une vie de regrets, surtout lorsque, des années plus tard, l'inconduite de ses fils vint assombrir son existence. PP 161 1 A peine Jacob était-il sorti de la tente de son père qu'Ésaü rentra de la chasse. Quoiqu'il eût aliéné son droit d'aînesse et confirmé cet acte par un serment solennel, il était maintenant déterminé, quelles que fussent les prérogatives de son frère, à en réclamer le profit. Aux grâces spirituelles du droit d'aînesse se rattachaient des bienfaits d'ordre temporel, tels que la primauté et une double part dans l'héritage paternel, les seuls qu'Ésaü pût apprécier. "Que mon père se lève, dit-il, et qu'il mange de la chasse de son fils afin que son âme me bénisse." PP 161 2 Ému, surpris, terrifié, le vieillard aveugle apprend la mystification dont il vient d'être la victime. Son espoir, si longtemps caressé, est réduit à néant. En outre, il sympathise profondément avec le désappointement de son fils aîné. Mais soudain, il sent s'imposer à lui la conviction que c'est Dieu qui vient de dissiper son projet et de permettre la chose même qu'il a si longtemps voulu empêcher. Il se souvient des paroles de l'ange à Rébecca et, malgré la faute dont Jacob vient de se rendre coupable, il reconnaît que celui-ci est le plus digne de réaliser le dessein de Dieu. Du reste, en bénissant Jacob, n'a-t-il pas ressenti en lui la puissance de l'Esprit divin? En présence de tous ces faits, il ratifie la bénédiction qu'il a tout à l'heure inconsciemment donnée à Jacob: "Je l'ai béni... ainsi donc il restera béni."(3) PP 161 3 Ésaü avait fait peu de cas de la bénédiction tant qu'elle semblait à sa portée. Maintenant qu'elle lui échappe pour toujours, il la désire de toute la puissance de sa nature impulsive et passionnée. Sa douleur, mêlée de rage, éclate en un cri amer et terrible: "Bénis moi, moi aussi, mon père!... N'as-tu point réservé une bénédiction pour moi?" Hélas! la promesse donnée ne pouvait être rappelée. Le droit d'aînesse, follement abandonné par lui, ne pouvait plus être récupéré. "Pour un plat", pour la satisfaction momentanée d'un appétit qui n'avait jamais connu de frein, Ésaü a vendu son héritage, et maintenant qu'il reconnaît sa folie, il est trop tard. "Voulant obtenir la bénédiction paternelle, il fut repoussé; car, bien qu'il l'eût demandée avec larmes, il ne put faire changer son père de résolution."(4) Ésaü n'était pas exclu de la grâce divine qui s'obtient par la conversion. Mais le droit d'aînesse ne pouvait plus lui échoir. D'ailleurs, il ne désirait pas se réconcilier avec Dieu. Sa douleur était due, non au sentiment de ses péchés, mais aux conséquences de ceux-ci. PP 162 1 Ésaü, que l'Écriture appelle "un profane",(5) représente ceux qui mésestiment la rédemption acquise par Jésus-Christ et qui sont prêts à sacrifier l'héritage du ciel aux biens périssables de la terre. Des multitudes de gens vivent pour le présent, sans accorder une pensée ni une préoccupation à l'avenir. Avec Ésaü, ils répètent: "Mangeons et buvons, car demain nous mourrons."(6) On se laisse guider par ses inclinations; on préfère renoncer aux perspectives éternelles plutôt que de s'imposer quelques restrictions. Devant le choix entre les satisfactions corporelles et les joies du ciel, ce sont les premières qui l'emportent, tandis que Dieu et l'éternité sont écartés et virtuellement méprisés. Même parmi ceux qui se disent chrétiens, que de gens se cramponnent à des plaisirs qui nuisent à leur santé et annihilent les sentiments délicats de leur âme! Combien même s'offensent lorsqu'on leur présente le devoir de se purifier de toute souillure de la chair et de l'esprit et d'achever leur sanctification dans la crainte de Dieu! Ne pouvant concilier ces jouissances dangereuses avec la marche vers le ciel, ils en concluent que le chemin qui mène à la vie est trop étroit et préfèrent y renoncer. PP 162 2 Ainsi, un grand nombre de personnes échangent leur droit d'aînesse contre des plaisirs enivrants. Pour des satisfactions passagères, pour des voluptés débilitantes et abrutissantes, on sacrifie sa santé, on affaiblit ses facultés mentales, on renonce même au ciel. Ésaü comprit trop tard qu'il avait fait un marché stupide. Il en sera de même, au dernier jour, pour des multitudes qui, en échange d'appâts sensuels, auront renoncé à leur droit de cité dans un monde meilleur. ------------------------Chapitre 17 -- L'exil de Jacob PP 163 1 Devant la menace de mort proférée par son frère, Jacob quitte précipitamment le foyer paternel. Seul, le bâton à la main, il entreprend un trajet de plusieurs centaines de kilomètres. Le coeur lourd de remords et d'effroi, il s'avance à travers une contrée infestée de tribus nomades et farouches. De crainte d'être rejoint par son frère courroucé, il évite même la rencontre des humains. PP 163 2 Il emporte avec lui, il est vrai, la bénédiction et la promesse de l'alliance. En le congédiant, son père les lui a répétées avec la recommandation de prendre femme en Mésopotamie dans la famille de sa mère. Mais le fugitif se demande si, banni du foyer paternel par sa propre faute, il ne s'est pas privé à jamais du bénéfice des promesses divines. Satan le harcèle d'inquiétudes et c'est à peine s'il ose encore prier. L'abandon où il se trouve est tel, la nuit de son désespoir devient si dense qu'il éprouve comme jamais auparavant le besoin de la protection divine. Toute assurance en ses propres forces ou en ses propres mérites a disparu. Humilié jusqu'en terre et confessant son péché avec larmes, il supplie l'Éternel de lui révéler, de quelque manière, s'il ne l'a pas entièrement rejeté. PP 163 3 Le soir du second jour trouve Jacob à une très grande distance des tentes de son père. Exténué de fatigue, il se couche sur le sol où une pierre lui sert d'oreiller. Et maintenant, un Dieu compatissant va faire connaître à son serviteur solitaire et désespéré qu'il ne l'a pas abandonné, que sa miséricorde lui est assurée. Il va révéler à ce pécheur repentant ce qui lui manque pour faire bondir son coeur de joie: un Sauveur par lequel le chemin de la réconciliation avec Dieu lui est largement ouvert. PP 164 1 Pendant son sommeil, il contempla en songe une échelle éclatante de lumière dont la base reposait sur la terre et dont le sommet atteignait le ciel. Sur cette échelle, des anges montaient et descendaient. Du sommet, Dieu, s'adressant à Jacob, lui disait: "Je suis l'Éternel, le Dieu d'Abraham, ton père, et le Dieu d'Isaac. Cette terre sur laquelle tu es couché, je la donnerai à toi et à ta postérité. ... Toutes les familles de la terre seront bénies en toi et en ta postérité." Non seulement la promesse faite à Abraham et à Isaac est répétée à Jacob, mais il entend ces paroles de réconfort et d'encouragement: "Oui, je suis avec toi; je te garderai partout où tu iras. Je te ramènerai dans ce pays; car je ne t'abandonnerai pas avant d'avoir fait ce que je t'ai promis."(1) PP 164 2 Dans sa bonté, Dieu avertit ensuite le fugitif des dangers à la fois spirituels et matériels qui le menacent. Il prépare ainsi Jacob à résister aux tentations qui viendront l'assaillir alors qu'il se verra entouré d'idolâtres et d'hommes rusés. Il l'encourage à bien remplir la mission qui lui est confiée, à conserver toujours devant ses yeux le haut idéal qui lui est proposé et dans son coeur l'assurance que le plan divin se réalisera dans sa vie. PP 164 3 Dans cette même vision, Jacob eut la révélation de certaines phases du plan du salut dont la connaissance pouvait lui être utile. L'échelle mystique vue en songe n'était autre que celle dont Jésus parlera plus tard au disciple Nathanaël, lorsqu'il lui dira: "Vous verrez le ciel ouvert, et les anges de Dieu montant et descendant sur le Fils de l'homme."(2) Jusqu'au moment de sa rébellion contre Dieu, l'homme avait eu un libre accès auprès du Créateur. Mais la désobéissance d'Adam et d'Ève ayant interrompu ces relations, la liaison entre le ciel et la terre avait été assurée par l'échelle mystique et par le Fils de Dieu, dont le sacrifice devait combler l'abîme creusé par le péché. C'est ainsi que l'humanité, au lieu d'être abandonnée à son désespoir, a pu de nouveau communiquer avec le ciel par le ministère des anges et, par Jésus-Christ, la faiblesse humaine a été mise en contact avec la puissance infinie. PP 165 1 Jacob ne comprit pas dès le début toute la vérité renfermée dans ce grand mystère. Mais elle fit dès lors, et toute sa vie durant, l'objet de ses méditations et se dévoila de plus en plus à son esprit. PP 165 2 Quand il se réveilla, les étincelants personnages de la vision avaient disparu. Les étoiles qui diapraient le firmament animaient seules les ombres de la nuit. Dans le lointain, apparaissait à l'horizon la silhouette estompée des collines. Mais une présence invisible peuplait ce lieu solitaire devenu sacré. Jacob eut le sentiment net et solennel que Dieu était avec lui. "Certainement! s'écria-t-il, l'Éternel est dans ce lieu, et moi, je ne le savais pas! ... C'est bien ici la maison de Dieu; c'est ici la porte des cieux!"(3) PP 165 3 "Jacob se leva de bon matin; il prit la pierre dont il avait fait son chevet, il l'érigea en monument et il versa de l'huile sur son sommet." Selon la coutume d'alors, pour commémorer l'événement, Jacob laissa ce souvenir de la grâce divine, afin que, chaque fois qu'il aurait l'occasion de revoir ce lieu, il pût s'y arrêter pour adorer l'Éternel. Il appela cet endroit Béthel, "Maison de Dieu". Le coeur plein de gratitude, il répéta la promesse qui l'assurait de la protection divine et prononça ce voeu: "Si Dieu est avec moi, s'il me garde dans le voyage que j'ai entrepris, s'il me donne du pain à manger et des habits pour me vêtir, et si je retourne en paix à la maison de mon père, alors l'Éternel sera mon Dieu. Cette pierre que j'ai érigée en monument sera la maison de Dieu. ... Je te paierai la dîme de tout ce que tu me donneras." PP 165 4 Le fils d'Isaac ne posait pas ici de conditions à Dieu. La prospérité lui avait été promise. Ce voeu n'était que l'expression de la reconnaissance de son âme devant l'assurance de la miséricorde et de la bonté divines. Il comprenait que Dieu avait sur lui des droits qu'il devait respecter, et que les signes singuliers de la faveur dont il venait d'être l'objet exigeaient de sa part une marque d'appréciation. Il faudrait que ce même sentiment anime le fidèle devant chacun des bienfaits qui lui viennent de l'Auteur de toute grâce. Le chrétien devrait souvent se souvenir de sa vie passée et se rappeler les délivrances merveilleuses qui lui ont été accordées, le soutien qui lui a été offert dans l'épreuve, les issues soudaines ouvertes devant lui quand tout semblait obscur et fermé, et le réconfort qui lui est parvenu au moment de défaillir. Dans toutes ces circonstances, nous devons reconnaître des preuves de la présence et de la protection des anges de Dieu. Le souvenir de ces bienfaits innombrables devrait nous inciter à répéter, émus, avec le Psalmiste: "Que rendrai-je à l'Éternel? Tous ses bienfaits sont sur moi!"(4) PP 166 1 Notre temps, nos talents, nos biens doivent être consacrés à celui qui nous les a confiés. Chaque fois que nous sommes l'objet d'une délivrance ou que nous parviennent des faveurs nouvelles et inattendues, notre gratitude devrait monter vers Dieu non seulement en paroles, mais, à l'exemple de Jacob, en dons et en offrandes en faveur de sa cause. Recevant constamment les bienfaits de Dieu, nous devons toujours être disposés à donner pour sa cause. PP 166 2 "Je te paierai la dîme de tout ce que tu me donneras", avait dit Jacob.(5) Pouvons-nous, nous qui goûtons la pleine lumière de l'Évangile et tous ses privilèges, nous contenter de donner moins que ceux qui vivaient sous une dispensation moins favorisée? Nos obligations ne sont-elles pas, au contraire, d'autant plus grandes que nous avons reçu davantage? Et cependant, combien chiches sont nos évaluations! Qu'ils sont misérables et mesquins les calculs mathématiques avec lesquels nous mesurons notre temps, notre argent, notre amour, au regard d'un don, d'un amour incommensurable! Des dîmes pour Jésus-Christ! Pour un sacrifice infini! Du haut de sa croix, Jésus nous demande un don total et sans réserve. Tout ce que nous sommes, tout ce que nous avons doit être consacré au Seigneur. PP 166 3 Animé d'une foi nouvelle et durable à l'égard des promesses divines, convaincu de la présence et de la protection des anges, Jacob reprit son voyage dans la direction du "pays des fils de l'Orient".(6) Mais quelle différence entre son arrivée dans ce pays et celle du messager d'Abraham, près de cent ans auparavant! Le serviteur s'était présenté entouré d'une suite voyageant à dos de chameaux, et apportant avec lui de riches présents en or et en argent. Le petit-fils arrivait seul, les pieds endoloris, avec, pour tout trésor, un bâton. De même qu'avait fait le serviteur d'Abraham, Jacob s'arrête auprès d'un puits, où il rencontre Rachel, la fille cadette de Laban, son oncle. Mais cette fois, c'est lui qui roule la pierre et se met à abreuver les troupeaux. S'étant fait connaître, il est reçu sous le toit de son parent. Un séjour de quelques semaines révèle sa diligence et sa valeur, et on le presse de rester, la main de Rachel lui étant promise en retour de sept années de service. PP 167 1 Dans les temps primitifs, la coutume voulait qu'avant la ratification d'un contrat de mariage, le fiancé versât entre les mains de son futur beau-père, à titre de garantie, une certaine somme d'argent ou son équivalent. Les pères de famille ne jugeaient pas prudent de confier le bonheur de leurs filles à des hommes qui n'avaient pas fait d'économies en vue de l'entretien d'une famille. Si ceux-ci n'étaient pas assez économes et travailleurs pour acquérir du bétail ou des terres, il était à craindre que leur vie ne fût misérable. Un moyen de mettre à l'épreuve un prétendant qui n'avait pas de quoi fournir de garantie consistait à lui permettre de travailler pour le père de la personne aimée durant une période correspondant à la valeur de la dot exigée. Si l'on était satisfait de ses services et si, à d'autres égards, le prétendant était trouvé digne d'entrer dans la famille, il obtenait la femme de son choix et la dot versée faisait généralement retour à l'épouse le jour de son mariage. Dans le cas de Rachel et de Léa, Laban retint égoïstement par devers lui la dot qui devait leur être restituée. C'est à cela qu'elles feront allusion lorsqu'elles diront, plus tard, en quittant la Mésopotamie: "Il nous a vendues, et il a même dilapidé notre argent."(7) PP 167 2 Cette ancienne coutume, si elle provoquait parfois des abus, était sage. Tout en prévenant des mariages prématurés, elle donnait l'occasion d'éprouver les affections du futur gendre, comme aussi son aptitude à entretenir une famille. La coutume opposée qui règne de nos jours engendre de fâcheuses conséquences. Il arrive fréquemment que les candidats au mariage ont très peu d'occasions de faire réciproquement connaissance de leurs habitudes et de leurs dispositions, de sorte qu'au jour des noces, en ce qui concerne la vie quotidienne, ils sont vraiment étrangers l'un à l'autre. Dans un grand nombre de cas, on découvre, mais trop tard, qu'on n'est pas faits l'un pour l'autre, et ces unions ont pour résultat une vie malheureuse. Il arrive aussi fréquemment que l'épouse et les enfants souffrent de l'indolence et de l'incapacité ou même des habitudes vicieuses du mari et père. Si le prétendant avait été mis à l'épreuve, selon l'ancienne coutume, de grands chagrins auraient pu être évités. PP 168 1 Les sept années de fidèles services rendus par Jacob pour obtenir la main de Rachel "ne lui semblèrent que quelques jours, parce qu'il l'aimait".(8) Au terme de cette période, l'égoïste et cupide Laban, qui désirait conserver un aussi précieux collaborateur, le suborna de la façon la plus cruelle en substituant à Rachel sa fille aînée. Devant la complicité de Léa, Jacob crut qu'il ne pourrait l'aimer. Sa protestation indignée eut pour toute réponse l'offre qui lui fut faite d'épouser Rachel contre sept autres années de travail. Mais le père exigea que Léa ne fût pas répudiée, afin de ne pas déshonorer sa famille. Jacob, placé dans une position on ne peut plus douloureuse et difficile, décida finalement de conserver Léa et d'épouser Rachel, qui fut toujours la préférée. Mais cette préférence excita l'envie et la jalousie de sa soeur, et la rivalité des deux épouses assombrit la vie du patriarche. PP 168 2 Jacob passa vingt ans en Mésopotamie au service de Laban. Celui-ci, au mépris de tout lien de parenté, ne songea qu'à exploiter son gendre et neveu. Non content de lui demander quatorze années pour ses deux filles, il changea dix fois son salaire durant les années restantes. Pendant tout ce temps, la diligence et la fidélité de Jacob ne se démentirent pas. Les paroles cinglantes qu'il adressa à Laban lors de leur dernière entrevue donnent un bref mais vivant tableau de la vigilance infatigable avec laquelle il avait veillé aux intérêts de son exacteur de beau-père: "Voilà vingt ans que j'ai passés chez toi; tes brebis et tes chèvres n'ont pas avorté, et je n'ai pas mangé les béliers de tes troupeaux. Je ne t'ai point rapporté les bestiaux déchirés par les animaux sauvages; c'est moi qui en ai subi la perte. Tu me réclamais les bêtes qui avaient été prises pendant le jour, ou celles prises pendant la nuit. La chaleur me consumait pendant le jour, et le froid pendant la nuit; et le sommeil fuyait de mes yeux."(9) PP 168 3 De jour et de nuit, le pâtre avait à veiller sur ses troupeaux, toujours menacés par les voleurs aussi bien que par les bêtes sauvages. Celles-ci abondaient, et leur hardiesse allait jusqu'à causer de grands ravages dans les troupeaux mal gardés. Pour surveiller ceux de Laban, Jacob avait un bon nombre de gardiens, mais c'était lui qui devait répondre de tous les dégâts. A certaines époques, il était obligé d'être lui-même constamment sur pied pour protéger le troupeau, soit contre la soif durant la sécheresse, soit contre les gelées nocturnes durant la saison la plus rigoureuse de l'année, toute intempérie pouvant être fatale. S'il manquait des brebis, c'était Jacob, le berger en chef, qui en supportait le dommage. De leur côté, les serviteurs devaient lui rendre un compte strict de l'état du troupeau. PP 169 1 La vie du berger oriental, sa diligence, sa prévoyance et les tendres soins qu'il prodigue aux faibles créatures qui lui sont confiées ont servi d'images aux auteurs inspirés pour illustrer quelques-unes des plus précieuses vérités de l'Évangile. Dans ses relations avec son peuple, après la chute de l'homme, Jésus est comparé à un berger qui voit ses brebis s'égarer sur la sombre voie du péché et de la mort. Il quitta, pour les sauver, les honneurs et la gloire de la bergerie céleste. Voici ces paroles: "Je chercherai [la brebis] qui est perdue; je ramènerai l'égarée; je panserai la blessée et je fortifierai la malade. ... Je viendrai au secours de mes brebis, afin qu'elles ne soient plus livrées au pillage. ... Les bêtes sauvages ne les dévoreront plus."(10) Elles entendront sa voix qui les appelle au bercail, à la "tente [dressée] pour donner de l'ombre pendant le jour, contre la chaleur, et pour servir de refuge et d'asile contre la tempête et la pluie."(11) Les soins dont il entoure ses brebis sont infatigables. Il affermit les faibles, soulage les souffrantes; il porte les agneaux dans ses bras et les serre sur son coeur. Aussi les brebis aiment-elles le berger. "Elles ne suivront pas un étranger; au contraire, elles le fuiront, parce qu'elles ne connaissent point la voix des étrangers. PP 169 2 " Je suis le bon berger, dit Jésus; le bon berger donne sa vie pour ses brebis. Le mercenaire, qui n'est pas le berger, et à qui les brebis n'appartiennent pas, s'il voit venir le loup, abandonne les brebis et s'enfuit; et le loup les ravit et les disperse. C'est qu'il est mercenaire, et qu'il ne se soucie pas des brebis. Je suis le bon berger! ... Je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent."(12) PP 169 3 Le souverain Berger a confié le soin de son troupeau à ses serviteurs, les sous-bergers, auxquels il demande de manifester le même intérêt que lui et d'assumer toute la responsabilité sacrée qui leur incombe. Il les adjure d'être fidèles, de paître le troupeau, de le protéger de la dent du loup ravisseur et de fortifier la brebis chancelante. Jésus rappelle aux sous-bergers que son amour l'a poussé à offrir sa vie pour les sauver, et il se donne en exemple. Mais "le mercenaire, ... à qui les brebis n'appartiennent pas" s'intéresse peu au troupeau. Il ne travaille que pour un gain et ne cherche que son profit. Et si le danger le menace, il s'enfuit et abandonne son bétail. PP 170 1 L'apôtre Pierre fait aux sous-bergers la recommandation suivante: "Paissez le troupeau de Dieu qui vous est confié: faites-le, non par contrainte, mais de bon gré, non pour un gain sordide, mais par dévouement, non en dominant sur ceux qui vous sont échus en partage, mais en vous rendant les modèles du troupeau."(13) Et voici celle de l'apôtre Paul: "Prenez garde à vous-mêmes, et à tout le troupeau au milieu duquel le Saint-Esprit vous a établis surveillants, pour paître l'Église de Dieu qu'il s'est acquise par son propre sang. Pour moi, je sais qu'après mon départ, il s'introduira parmi vous des loups cruels, qui n'épargneront point le troupeau."(14) PP 170 2 Que tous ceux qui considèrent comme une tâche indésirable les soins et les responsabilités qui sont l'apanage du fidèle berger prêtent l'oreille à cet avertissement: "Faites-le, non par contrainte, mais de bon gré, non pour un gain sordide, mais par dévouement." Le souverain Berger n'a pas besoin de ces serviteurs infidèles. Tout pâtre spirituel doit se souvenir que l'Église a été rachetée par le sang de Jésus-Christ et que les brebis qui lui sont confiées ont coûté un prix incommensurable. Il doit les considérer comme étant d'une valeur infinie et veiller sur elles avec un zèle infatigable, afin que leur état soit non seulement satisfaisant, mais florissant. Le berger animé de l'esprit du Sauveur et qui, imitant son abnégation, travaille avec persévérance au bien-être de son troupeau, le verra prospérer sous sa direction. Chacun sera appelé à rendre un compte minutieux de son ministère. A chaque berger, le Maître demandera: "Où est le troupeau qui t'avait été donné? Où sont les brebis qui faisaient ta gloire?"(15) Celui qui sera trouvé fidèle recevra une riche récompense. "Lorsque le souverain pasteur paraîtra, vous remporterez la couronne de gloire, qui ne se flétrit jamais."(16) PP 170 3 Las de travailler chez Laban, Jacob songea à retourner au pays de Canaan. Il dit à son beau-père: "Laisse-moi partir, afin que je puisse retourner chez moi, dans mon pays. Donne-moi mes femmes, pour lesquelles je t'ai servi, ainsi que mes enfants, afin que je m'en aille; car tu sais combien de temps j'ai servi chez toi." Laban, qui n'ignorait pas que ses biens avaient augmenté depuis qu'ils étaient entre les mains de son gendre, le sollicita de rester davantage; car, lui dit-il, "j'ai reconnu que l'Éternel m'a béni à cause de toi".(17) Jacob souligna: "Ce que tu avais avant moi était peu de chose; mais depuis mon arrivée, ton bien a beaucoup augmenté." PP 171 1 Le temps passait. Laban constatait avec un vif dépit que Jacob devenait "extrêmement riche": il avait "de nombreux troupeaux, des serviteurs et des servantes, des chameaux et des ânes".(17) Ses fils, partageant sa jalousie, tenaient contre Jacob des propos injurieux: "Jacob a pris tout ce qui appartenait à notre père", disaient-ils, "et c'est avec les biens de notre père qu'il s'est acquis toutes ces richesses". Jacob, connaissant ces discours et remarquant "que le visage de Laban n'était plus, à son égard, comme auparavant"(18) aurait depuis longtemps quitté son rusé parent, n'eût été la crainte de rencontrer Ésaü. Maintenant il comprend que rester davantage, c'est courir un sérieux danger. Les fils de Laban, qui considèrent sa richesse comme leur appartenant, pourraient bien un jour la lui ravir de force. Sa perplexité est grande, il ne sait quel parti prendre. Dans sa détresse, se souvenant de la radieuse promesse de Béthel, il expose à Dieu son souci, et sa prière est exaucée par un songe. Une voix lui dit: "Retourne au pays de tes pères, vers ta parenté, et je serai avec toi." PP 171 2 Une absence de Laban lui fournit l'occasion du départ. En hâte, il rassemble les troupeaux de gros et de menu bétail, qu'il fait partir les premiers. Accompagné de ses femmes, de ses enfants et de ses serviteurs, Jacob traverse l'Euphrate et presse le pas dans la direction du pays de Galaad, séparé de Canaan par le Jourdain. Au bout de trois jours, Laban est informé de la fuite de son gendre. Il se lance à sa poursuite et le rejoint le septième jour de son départ. Frémissant de colère, il est déterminé à obliger les fugitifs à revenir sur leurs pas et ne doute pas de son succès, sa bande étant de beaucoup la plus forte. PP 171 3 Le péril était grand pour Jacob. Mais, grâce à l'intervention divine, Laban n'exécuta pas son projet. "J'ai en main le pouvoir de vous faire du mal, dit-il; mais le Dieu de votre père m'a parlé la nuit passée en me disant: Garde-toi de rien dire à Jacob soit en bien, soit en mal", c'est-à-dire: tu ne le contraindras pas à retourner chez toi par la force, ni ne l'engageras à le faire par des promesses flatteuses. PP 172 1 Puis le même Laban, qui s'était approprié la dot de ses filles, qui s'était montré si cupide et si dur envers son gendre, lui reproche hypocritement de s'être enfui sans lui avoir permis de lui offrir un repas d'adieux, ni même de prendre congé de ses filles et de leurs enfants. Dans sa réponse, Jacob retrace fidèlement le régime égoïste et sordide que Laban lui a fait subir, et il le prend à témoin de la fidélité et de la droiture qu'il a mises à le servir. Il termine en disant: "Si le Dieu de mon père, le Dieu d'Abraham, celui que craint Isaac, n'avait été pour moi, tu m'aurais maintenant laissé partir les mains vides. Dieu a vu mon affliction et le travail de mes mains, et la nuit passée, il a jugé entre nous." PP 172 2 Ne pouvant contester aucune de ces allégations, Laban propose de conclure un traité de paix, à quoi Jacob consent, et l'on amasse un monceau de pierres pour conserver le souvenir de cette alliance. Laban appela cette colonne Mitspa, poste d'observation, en disant: "Que l'Éternel nous surveille, moi et toi, quand nous serons séparés l'un de l'autre." Laban dit aussi à Jacob: "Tu vois ce monceau: voici le monument que j'ai dressé entre moi et toi. Ce monceau est témoin, ce monument est témoin que je ne dépasserai pas ce monceau pour aller vers toi, et que tu ne dépasseras ni ce monceau, ni ce monument, dans des intentions hostiles." Pour ratifier l'alliance, on fit un festin. La nuit se passa en conversations amicales. Puis, à l'aube du jour, Laban et ses hommes s'éloignèrent dans la direction de l'orient. Cette séparation est la dernière trace que nous ayons des relations entre les enfants d'Abraham et les habitants de la Mésopotamie. ------------------------Chapitre 18 -- La lutte nocturne PP 173 1 En quittant Paddan-Aram, Jacob avait obéi à un ordre divin. Mais ce n'était pas sans de vives appréhensions qu'il repassait par le chemin parcouru vingt ans auparavant. Sa faute envers son père était constamment devant ses yeux. Il ne pouvait oublier que son exil prolongé était la conséquence directe de son péché; et cette pensée, qui le poursuivait jour et nuit, avivée par les reproches de sa conscience, jetait une ombre de mélancolie sur son voyage. PP 173 2 A la vue des collines de son pays, le coeur du patriarche se serre douloureusement: tout le passé remonte à sa mémoire. A mesure qu'il approche du terme, les sombres pressentiments qui le hantent à la pensée d'Ésaü augmentent. La nouvelle de son retour, pense-t-il, va réveiller chez son frère des sentiments de vengeance auxquels s'ajoutera la crainte que Jacob ne vienne réclamer sa part de l'héritage paternel, héritage dont Ésaü est, depuis son départ, le seul bénéficiaire. S'il y est disposé, se dit Jacob, il est capable de me faire beaucoup de mal. PP 173 3 Mais Dieu lui donne une preuve nouvelle de sa sollicitude. En s'éloignant des montagnes de Galaad dans la direction du sud, il aperçoit deux armées d'anges marchant avec lui, l'une comme avant-garde, l'autre comme arrière-garde. A ce spectacle, qui lui rappelle sa vision de Béthel, Jacob tressaille de joie: les divins messagers qui l'avaient réconforté lors de sa fuite sont maintenant les protecteurs de sa rentrée dans son pays. Il s'écrie: "C'est ici le camp de Dieu! ... et il donne à ce lieu le nom de Mahanaïm", les deux camps.(1) PP 174 1 Néanmoins, Jacob comprend qu'il a, de son côté, quelque chose à faire pour assurer sa sécurité. Une mesure conciliatoire s'impose. A cet effet, il envoie à Ésaü deux de ses hommes porteurs d'un message dont il dicte les termes. Et, pour effacer de l'esprit de son frère toute amertume pouvant résulter de la prédiction annonçant que l'aîné des deux frères sera soumis au cadet, Jacob l'intitule "mon seigneur Ésaü" et se nomme lui-même "ton serviteur Jacob". D'autre part, pour le tranquilliser au sujet de l'héritage paternel, il a soin d'ajouter: "J'ai des boeufs et des ânes, des brebis, des serviteurs et des servantes: j'envoie l'annoncer à mon seigneur, afin de trouver grâce à tes yeux." PP 174 2 Les messagers reviennent avec la nouvelle qu'Ésaü n'a fait aucune réponse à la démarche amicale de son frère et qu'il n'est pas loin d'arriver lui-même, accompagné de quatre cents hommes. En proie à "une grande frayeur, et rempli d'angoisse", Jacob comprend que le jour de la vengeance d'Ésaü est venu. La terreur se répand dans son camp. Retourner sur ses pas est impossible; aller de l'avant serait insensé. Son personnel sans armes, sans défense, n'est nullement préparé à offrir une résistance. Par précaution, il partage son camp en deux bandes, en sorte que si l'une est attaquée, l'autre puisse échapper. Puis, prélevant sur ses vastes troupeaux un don magnifique, il l'envoie à Ésaü accompagné d'un second message amical. PP 174 3 Maintenant qu'il a fait tout ce qui dépend de lui pour expier ses torts et conjurer le danger qui le menace, humblement repentant, Jacob se réclame de la protection divine et fait cette prière touchante: "O Éternel, tu m'as dit: Retourne dans ton pays, au lieu de ta naissance, et je te ferai du bien! Je suis trop petit pour toutes les faveurs et pour toute la fidélité dont tu as usé envers ton serviteur; car j'ai passé le Jourdain avec mon bâton, et maintenant, j'ai pu former deux troupes. Délivre-moi, je te prie, de la main de mon frère, de la main d'Ésaü, car je crains qu'il ne vienne me frapper, ainsi que la mère et les enfants." PP 175 1 On était arrivé au torrent de Jabbok. La nuit tombait. Jacob fait passer le gué à sa famille et reste lui-même en arrière, car il a décidé de passer la nuit seul avec Dieu. L'Éternel peut toucher le coeur d'Ésaü: c'est en lui que le patriarche met son unique espoir. PP 175 2 Cette région montagneuse et déserte servait de tanière aux bêtes sauvages et de repaire aux détrousseurs et aux assassins. Solitaire et sans protection, courbé par l'angoisse, Jacob se prosterne jusqu'en terre. Il est minuit. Tout ce qui lui est cher ici-bas est séparé de lui et court les plus grands dangers. Et ce péril où des innocents peuvent périr, ô amertume! c'est lui qui en est la cause. Sa prière monte vers Dieu, accompagnée de cris et de larmes. Soudain, il sent se poser sur lui une main puissante. Croyant avoir affaire à un ennemi qui en veut à sa vie, il s'efforce de se dégager de son étreinte. Un corps à corps silencieux s'engage. C'est à qui, dans cette lutte nocturne, l'emportera sur son adversaire. Sans se relâcher un seul instant, Jacob lutte de toute la force de son être. Et tandis qu'il défend sa vie avec l'énergie du désespoir, ses péchés montent devant lui comme pour le séparer de Dieu. Dans cette extrémité, au souvenir des promesses divines, il demande miséricorde. PP 175 3 L'aube blanchissait déjà à l'horizon, que la lutte durait encore. Alors l'inconnu touche Jacob à la hanche, qui à l'instant se trouve déboitée. A ce signe, le patriarche reconnaît que son antagoniste est un messager céleste. Et voilà pourquoi, malgré des efforts presque surhumains, il ne l'a pas emporté. Jésus-Christ, l'ange de l'alliance, s'est révélé à lui. Sans lâcher prise, pénitent et brisé, Jacob se cramponne, "il pleure et demande grâce";(2) il réclame l'assurance que son péché est pardonné. La souffrance physique, très vive cependant, ne réussit pas à le détourner de son objet un seul instant, sa détermination ne fait que grandir et sa foi s'affermir. A l'ange qui cherche à se libérer et lui dit: "Laisse-moi aller, car l'aurore se lève", Jacob répond: "Je ne te laisserai point aller que tu ne m'aies béni." Si cette déclaration avait été présomptueuse, il eût à l'instant perdu la vie. Mais cette parole n'était qu'une expression de certitude éperdue. Jacob, qui avait confessé son indignité, plaçait sa confiance en un Dieu fidèle à ses promesses. PP 175 4 Jacob "lutta avec l'ange, et il fut le plus fort".(3) Par l'humiliation et l'abandon de soi-même, ce mortel, faillible et chancelant, prévalut sur la Majesté du ciel. De sa main tremblante, il avait saisi les promesses de Dieu, et le coeur de celui qui est l'amour infini n'avait pu repousser l'appel du suppliant. Jacob voit maintenant se dévoiler tout entière devant lui la gravité de la ruse qui lui a fait obtenir le droit d'aînesse. Faute d'avoir eu confiance en Dieu, il avait voulu accomplir, par ses propres moyens, une promesse que Dieu se réservait de réaliser en son temps et à sa manière. Pour lui donner l'assurance du pardon, son nom, qui lui rappelait son péché, fut remplacé par un autre qui devait éterniser sa victoire. "Ton nom, lui dit l'ange, ne sera plus Jacob, mais Israël [vainqueur, prince de Dieu], car tu as lutté avec Dieu et avec les hommes, et tu as vaincu."(4) PP 176 1 Jacob reçoit alors la bénédiction après laquelle il a tant soupiré. Le péché qui avait fait de lui un "supplanteur", est pardonné. La crise de sa vie est passée. Le doute, l'angoisse et les remords qui ont assombri son existence font alors place à la douce paix qui découle de sa réconciliation avec le Très-Haut. Il ne craint plus de rencontrer son frère. Le Dieu qui lui a pardonné peut aussi toucher le coeur d'Ésaü et l'amener à s'incliner devant son repentir. PP 176 2 Tandis que Jacob luttait avec l'ange, un autre messager céleste était envoyé à Ésaü. En songe, ce dernier avait vu son frère rentrant, après vingt années d'exil, au foyer paternel et se courbant dans un indicible chagrin devant la tombe de sa mère. Dans ce même songe, Ésaü avait vu le camp de Jacob entouré d'une armée céleste. Il raconta cette vision à ses guerriers et donna l'ordre formel de ne faire aucun mal à son frère, celui-ci étant sous la protection divine. PP 176 3 Les deux convois finissent par se rapprocher. D'un côté, le chasseur des déserts marche à la tête de sa troupe. De l'autre, on voit Jacob, ses femmes et leurs enfants entourés de bergers et de servantes et suivis d'innombrables troupeaux. Ouvrant la marche, infirme et appuyé sur un bâton, Jacob avance péniblement, portant encore sur son visage les traces d'un combat mystérieux, mais les traits illuminés de paix et de joie. PP 176 4 A la vue de l'invalide, "Ésaü courut à sa rencontre, l'embrassa, se jeta à son cou, et le couvrit de baisers; et ils pleurèrent".(5) En contemplant cette scène, les rudes guerriers d'Ésaü, le coeur ému, se demandent ce que signifie le changement étrange survenu chez leur capitaine. Ils se doutent peu, à la vue de Jacob impotent, que sa faiblesse même a été sa force. PP 177 1 Durant sa nuit d'angoisse auprès du torrent, Jacob avait appris la vanité des secours humains et de la confiance qu'ils inspirent. Impuissant et indigne, il s'était réclamé de la promesse que Dieu fait au pécheur repentant, assuré que le ciel et la terre passeraient plutôt que cette parole. Voilà ce qui l'avait soutenu durant ce mémorable conflit. PP 177 2 Cette nuit de lutte et d'angoisse préfigure l'épreuve à travers laquelle le peuple de Dieu devra passer immédiatement avant le retour de Jésus-Christ. Plongeant son regard à travers les siècles jusqu'à nos jours, le prophète Jérémie écrit: "Nous avons entendu des cris d'effroi. Partout l'épouvante! la paix s'est enfuie. ... Pourquoi tous les visages sont-ils devenus livides? Malheur! Cette journée est terrible, et il n'y en a jamais eu de semblable. C'est un temps d'angoisse pour Jacob! Mais il en sera délivré."(6) PP 177 3 Ce temps de détresse commencera quand le Seigneur Jésus aura achevé son oeuvre de Médiateur entre l'homme et Dieu. A ce moment-là, le sort de tout être humain sera fixé, et le sang expiatoire cessera de purifier les péchés. Alors sera entendue cette solennelle déclaration: "Que celui qui est injuste soit encore injuste, et que celui qui est souillé se souille encore; que celui qui est juste pratique encore la justice, et que celui qui est saint se sanctifie encore!"(7) Le frein que le Saint-Esprit fait peser sur la méchanceté humaine sera retiré. De même que Jacob était menacé de mort par son frère, de même le peuple de Dieu courra le péril d'être exterminé par les méchants; et de même que le patriarche lutta toute la nuit pour être délivré de la main d'Ésaü, ainsi les justes crieront à Dieu nuit et jour pour être sauvés de leurs ennemis. PP 177 4 Satan avait accusé Jacob devant les anges et réclamé sa vie, puis il avait poussé Ésaü à marcher contre lui. Durant la longue lutte nocturne de Jacob, l'ennemi s'était efforcé -- lui rappelant le souvenir de sa faute -- de le séparer de Dieu par le découragement. De son côté, tout en cherchant à lui échapper, le messager céleste, pour éprouver sa foi, lui avait rappelé son péché. Mais malgré son angoisse et ses larmes, le patriarche avait tenu bon. Convaincu de la bonté de Dieu, il s'était jeté dans les bras de sa miséricorde. Frôlant le désespoir au souvenir de sa vie passée, il s'était cramponné à l'ange avec tant de véhémence, avec des cris si déchirants qu'il avait remporté la victoire. PP 178 1 Telle sera l'expérience du peuple de Dieu dans sa lutte finale avec les puissances du mal. Dieu éprouvera sa foi, sa persévérance et sa confiance en lui. De son côté, Satan tentera de terrifier les fidèles à la pensée que leur situation est désespérée et que leurs péchés sont trop hideux pour être pardonnés. Le sentiment de leur faiblesse sera si vif que, par moments, leur espoir sombrera. En revanche, au souvenir de l'infinie miséricorde de Dieu et de leur sincère contrition, ils se réclameront des promesses faites au pécheur. Leurs prières ne seront pas immédiatement exaucées; mais leur foi ne faiblira point. Ils s'attacheront à Dieu de toute leur âme, et répéteront avec Jacob: "Je ne te laisserai point aller que tu ne m'aies béni." PP 178 2 Si Jacob ne s'était pas repenti auparavant, Dieu n'aurait pu l'exaucer ni lui sauver la vie. De même, dans le temps de détresse, tandis que les enfants de Dieu seront torturés par l'angoisse et la crainte, si des péchés non confessés devaient revenir à leur mémoire, ils seraient écrasés. Le désespoir ferait sombrer leur foi et il ne leur resterait plus assez de confiance pour demander à Dieu la délivrance. Mais ce ne sera pas le cas. Bien que profondément conscients de leur indignité, ils n'auront pas de torts cachés à révéler. Leurs péchés auront été effacés par le sang expiatoire de Jésus-Christ, et leurs fautes auront disparu de leur souvenir. PP 178 3 Satan incite beaucoup de personnes à croire que le Seigneur passe l'éponge sur les petites fautes. Les voies de Dieu envers Jacob montrent, au contraire, qu'il ne tolère ni ne sanctionne aucun mal, quel qu'il soit. Tout individu qui tente d'excuser ou de cacher ses péchés, qui les laisse non confessés et non pardonnés sur les registres du ciel, sera vaincu par Satan. Plus sa profession religieuse est belle, plus est honorable sa position sociale, et plus aussi sa conduite est répréhensible aux yeux du Seigneur, et certain le triomphe du grand adversaire. PP 178 4 D'autre part, l'histoire de Jacob nous assure que Dieu ne rejette pas celui qui, entraîné sur une mauvaise voie, retourne à lui par une conversion véritable. C'est en s'abandonnant entre les mains de Dieu avec une confiance enfantine que Jacob reçut ce qu'il n'avait pu obtenir par ses propres forces. L'Eternel lui apprit que la puissance et la grâce divines pouvaient seules lui communiquer la bénédiction après laquelle son âme soupirait. PP 179 1 Il en sera de même de ceux qui vivront dans les derniers jours. Lorsqu'ils seront entourés de dangers, et lorsque leur âme sentira la morsure du désespoir, ils ne devront s'appuyer que sur le sacrifice expiatoire offert sur le Calvaire. Nous ne pourrons rien faire de nous-mêmes. Dans notre indignité et notre impuissance, nous ne trouverons de secours que dans les mérites d'un Sauveur crucifié et ressuscité. Aucun de ceux qui agiront ainsi ne périra. Un long et sombre inventaire est ouvert devant les yeux de l'Être infini. Cet inventaire est complet: aucun de nos manquements n'a été oublié. Mais celui qui, autrefois, écoutait les cris de ses serviteurs entendra la prière faite avec foi et pardonnera nos transgressions. Il l'a promis: il accomplira sa parole. PP 179 2 Jacob a prévalu parce qu'il était résolu et persévérant. Sa victoire nous enseigne le pouvoir de la prière importune. C'est maintenant qu'il nous faut apprendre ce que sont la prière victorieuse et la foi invincible. Les plus grandes victoires remportées par l'Église de Jésus-Christ ou individuellement par le chrétien ne sont pas dues au talent, à l'éducation, à la richesse ou à la faveur des hommes. Ce sont celles que l'on obtient dans la prière solitaire, face à face avec Dieu, par une foi fervente et inflexible qui se cramponne, éperdue, à la puissance du Très-Haut. PP 179 3 Ceux qui persévéreront dans leur désobéissance tout en réclamant la bénédiction divine ne l'obtiendront jamais. Mais toute âme qui, comme Jacob, s'emparera des promesses d'en haut et possédera la même ferveur, la même persévérance, réussira comme il a réussi. "Et Dieu ne ferait-il pas justice à ses élus, qui crient à lui jour et nuit, et n'est-il pas plein de miséricorde envers eux! Je vous dis qu'il leur fera prompte justice."(8) ------------------------Chapitre 19 -- Le retour de Jacob en Canaan PP 181 1 Après avoir traversé le Jourdain, "Jacob arriva sain et sauf à la ville de Sichem, dans le pays de Canaan".(1) La prière de Béthel, où il demandait à Dieu de le ramener en paix dans son pays, était exaucée. Il demeura quelque temps dans la vallée de Sichem où Abraham, plus de cent ans auparavant, avait établi son camp et érigé son premier autel en terre promise, et où, après avoir "acheté de la main des fils de Hamor, père de Sichem, pour cent pièces d'argent, la partie du champ, il avait dressé sa tente et élevé un autel, appelé l'autel du Dieu fort, du Dieu d'Israël."(1) PP 181 2 Comme Abraham, Jacob érigeait chaque fois, non loin de sa tente, un autel auprès duquel il conviait tous les membres de sa famille pour le sacrifice du matin et du soir. C'est là aussi qu'il creusa le puits où, dix-sept siècles plus tard, s'arrêta Jésus, le descendant et le Sauveur de Jacob, pour s'y reposer durant la chaleur du jour, et où il parla à ses auditeurs émerveillés d'une "source qui jaillit jusque dans la vie éternelle".(2) PP 181 3 Le séjour de Jacob et de ses fils à Sichem se termina par une scène de violence et de meurtre. Dina, la fille du patriarche, étant tombée dans le déshonneur, deux de ses frères, pour se venger du jeune homme qui l'avait séduite, se rendirent coupables du massacre d'une ville tout entière. Ce drame affreux avait eu, pour point de départ, l'imprudence de la jeune fille qui était "sortie pour voir les filles du pays".(3) Celui qui cherche le plaisir parmi ceux qui ne craignent pas Dieu se place sur le terrain de Satan. PP 182 1 La perfide cruauté de Siméon et Lévi n'était pas sans cause; mais leur forfait contre les Sichémites fut un acte inexcusable dont ils avaient soigneusement caché le projet à leur père. Aussi le patriarche fut-il frappé d'horreur quand il l'apprit. Malade de chagrin devant la fourberie criminelle de ses deux fils, il se contenta de leur dire: "Vous avez troublé ma vie, en me rendant odieux aux habitants de ce pays. ... Quant à moi, je n'ai qu'un petit nombre d'hommes; ces gens-là se réuniront contre moi, ils me frapperont, et je serai exterminé, moi et ma maison." La douleur et l'effroi que le patriarche avait ressentis à cette occasion se révéla, cinquante ans plus tard, dans les paroles qu'il prononça sur son lit de mort: PP 182 2 Siméon et Lévi sont frères. Leurs glaives sont des instruments de violence. Que mon âme ne s'associe pas à leur dessein! Que mon esprit ne s'unisse point à leur assemblée!... Maudite soit leur colère; car elle a été barbare! Maudite leur fureur; car elle a été cruelle!(4) PP 182 3 Jacob sentait qu'il y avait là pour lui et les siens un sujet de profonde humiliation. La cruauté et la duplicité se manifestaient dans le caractère de ses fils. Des fétiches étaient cachés dans le camp, l'idolâtrie pénétrait jusque dans sa famille. Si Dieu nous traite selon nos mérites, pensait-il, ne nous livrera-t-il pas à la merci des nations environnantes? PP 182 4 Tandis que le patriarche était ainsi accablé de tristesse, Dieu lui ordonna de se diriger vers le sud et de fixer sa demeure à Béthel. Ce lieu rappelait à Jacob la vision des anges, la promesse de Dieu et son voeu de servir le Seigneur. Mais avant de s'y rendre, il voulut purifier sa famille de la souillure de l'idolâtrie. En conséquence, il donna cet ordre à tout son camp: "Faites disparaître les dieux étrangers qui sont au milieu de vous; purifiez-vous, et changez de vêtements. Levons-nous, montons à Béthel, et j'y élèverai un autel au Dieu qui m'a répondu au jour de ma détresse, et qui a été avec moi pendant mon voyage."(5) PP 183 1 Alors, avec une profonde émotion, Jacob raconta à sa famille comment, dans une vision, Dieu lui était apparu lors de son passage à Béthel quand, craignant la mort, fugitif et solitaire, il avait quitté précipitamment les tentes de son père. Tandis que, l'âme attendrie, il repassait ainsi devant eux les preuves admirables de la bonté divine à son égard, la puissance d'en haut toucha également le coeur de ses enfants. Ce récit contribua efficacement à les disposer à s'associer à un service de consécration. "Ils donnèrent à Jacob tous les dieux étrangers qui étaient en leur possession et les anneaux qu'ils avaient à leurs oreilles; et Jacob les enfouit sous le chêne qui était près de Sichem." PP 183 2 Ils partirent ensuite; et Dieu frappa de terreur les villes d'alentour. C'est ainsi que les fils de Jacob ne furent pas poursuivis et que la caravane arriva sans encombre à Béthel. Là, apparaissant de nouveau au patriarche, l'Éternel lui renouvela la promesse de l'alliance. "Et Jacob éleva un monument à l'endroit où Dieu lui avait parlé, un monument de pierre." PP 183 3 C'est là aussi qu'eut lieu la mort de Débora, la nourrice de Rébecca, qui, de la Mésopotamie, avait accompagné sa maîtresse et constitué, dès lors, un membre honoré de la famille d'Isaac. La présence de cette femme âgée avait été pour Jacob un lien précieux le rattachant au passé et lui rappelant tout particulièrement sa mère, dont l'affection pour lui avait été tendre et forte. Débora fut enterrée au milieu de si grandes démonstrations de chagrin que le chêne sous lequel elle fut inhumée reçut le nom de "chêne des pleurs". Il est intéressant de noter que la fidélité de cette amie de la famille ainsi que le deuil dont sa mort fut l'occasion ont été dignes d'être mentionnés dans le Livre inspiré. PP 183 4 Deux journées de voyage amenèrent le camp à Hébron. Un grand deuil y attendait Jacob: la mort de Rachel, l'épouse aimée pour laquelle il avait donné quatorze longues années de labeur, que son affection avait transformées en années de bonheur. La profondeur et la constance de cet amour se révélèrent, longtemps plus tard, lorsque le patriarche, sur son lit de mort, reçut la visite de son fils Joseph. Jetant un coup d'oeil rétrospectif sur sa vie, il lui dit: "Et moi, quand je revenais de Paddan, Rachel mourut en route auprès de moi, dans le pays de Canaan, à quelque distance d'Éphrata; et je l'enterrai là, sur le chemin d'Éphrata."(6) De tous les événements de sa vie longue et agitée, Jacob ne trouve à rappeler au plus aimé de ses fils que la perte de sa mère. PP 184 1 En mourant, Rachel avait donné naissance à un fils. Au moment d'expirer, elle l'avait nommé Bennoni, c'est-à-dire "fils de ma douleur", mais son père l'appela Benjamin, "fils de ma main droite" ou "de ma force". Pour perpétuer la mémoire de Rachel, on érigea un monument sur son sépulcre. Sur le chemin d'Éphrata, la famille de Jacob fut assombrie par un hideux péché qui priva Ruben, le premier-né, des privilèges et des honneurs du droit d'aînesse. PP 184 2 Atteignant enfin le terme de son voyage, "Jacob arriva auprès d'Isaac, son père, à Mamré, la ville d'Arba, appelée aujourd'hui Hébron, où avait séjourné Abraham".(7) Jacob y resta jusqu'à la mort de son père. Les tendres attentions de ce fils si longtemps absent furent une grande consolation pour Isaac, endeuillé, infirme, aveugle et solitaire. PP 184 3 Jacob et Ésaü se rencontrèrent encore une fois à l'occasion de la mort de leur père. Le fils aîné avait attendu ce moment pour se venger. Mais ses sentiments s'étaient bien modifiés. De son côté, Jacob, plus que comblé par les bénédictions spirituelles du droit d'aînesse, abandonna à son frère les richesses d'Isaac, le seul héritage qui intéressât Ésaü. Quant à lui, en plus des biens supérieurs qu'il avait ambitionnés, Dieu, dans sa munificence, lui avait accordé une opulence considérable. Ni la jalousie ni la haine ne séparaient plus désormais les deux frères. Ils se quittèrent pourtant. PP 184 4 "En effet, leurs biens étaient trop grands pour qu'il leur fût possible de demeurer ensemble, et le pays où ils séjournaient ne pouvait plus leur suffire à cause de leurs troupeaux."(8) D'ailleurs, cette séparation était conforme au dessein de Dieu concernant Jacob. La différence entre les deux frères au point de vue religieux était si grande qu'il valait mieux qu'ils fussent éloignés l'un de l'autre. Ésaü et Jacob avaient été également instruits dans la connaissance de Dieu. Tous deux avaient eu la liberté de marcher selon ses commandements et de recevoir sa faveur. Mais ils avaient pris des voies différentes, et leurs sentiers allaient s'écarter de plus en plus. PP 184 5 Ce n'est pas en vertu d'un acte arbitraire de la part de Dieu qu'Ésaü fut exclu des bienfaits du salut. Le don de la grâce qui est en Jésus-Christ est offert gratuitement à tous les hommes. Il n'y a d'élection pour la perdition que celle qu'on choisit soi-même. Dans sa Parole, Dieu nous révèle les conditions auxquelles chacun peut obtenir la vie éternelle: l'obéissance par la foi en Jésus-Christ. Le salut est accordé à celui dont le caractère est conforme à la loi divine. Tout être humain qui s'y conforme entrera dans le royaume de la gloire. Jésus l'a déclaré: "Celui qui croit au Fils a la vie éternelle; celui qui refuse de croire au Fils ne verra point la vie, mais le courroux de Dieu demeure sur lui." Il ajoute: "Ce n'est pas quiconque me dit: Seigneur, Seigneur! qui entrera dans le Royaume des cieux, mais seulement celui qui fait la volonté de mon Père qui est aux cieux."(9) Et dans l'Apocalypse, le Seigneur déclare: "Heureux ceux qui font ses commandements, afin d'avoir droit à l'arbre de vie, et d'entrer par les portes dans la ville."(10) Telle est la seule élection que connaisse la Parole de Dieu. PP 185 1 Toute âme qui consent à "travailler à son propre salut avec crainte et tremblement" est élue. Est élu, celui qui consent à prendre "l'armure de Dieu" et à "combattre le bon combat". Est élu, celui qui consent à "veiller et à prier", à "sonder les Écritures" et à fuir la tentation. Est élu, celui qui est résolu à croire, malgré tout, et à obéir à "toute parole qui sort de la bouche de Dieu". Les moyens et les résultats de la rédemption sont offerts gratuitement à tous ceux qui en auront rempli les conditions. PP 185 2 Ésaü avait méprisé les conditions de l'alliance. Plaçant les biens temporels au-dessus des biens spirituels, il avait obtenu ce qu'il désirait. C'était de son propre choix qu'il s'était séparé du peuple de Dieu. Jacob, en échange, avait choisi l'héritage de la foi. Mais comme il avait recouru à la ruse et au mensonge pour se le procurer, Dieu permit qu'il fût châtié par sa faute même. Il apprit qu'en recourant à l'habileté, à l'astuce, il avait agi contre le Très-Haut. Et malgré les vicissitudes et les amertumes des années qui suivirent, il ne renonça jamais à son choix. PP 185 3 La lutte nocturne au torrent de Jabbok fit de Jacob un tout autre homme. Sa confiance en lui-même fut déracinée et l'esprit d'artifice de ses premières années disparut pour toujours. La supercherie fit place à la droiture et à la véracité. Il apprit à s'appuyer tout simplement sur le bras du Tout-Puissant et, dans l'affliction ou l'épreuve, à s'incliner humblement devant sa volonté. Dans le feu de la fournaise, les éléments impurs de son caractère se consumèrent peu à peu jusqu'à ce qu'enfin la foi d'Abraham et d'Isaac parut chez lui dans tout son éclat. PP 186 1 Le péché de Jacob ne laissa pas cependant d'exercer dans sa famille une influence fâcheuse dont les fruits amers se manifestèrent dans le caractère et la vie de ses fils. Arrivés à la maturité, ceux-ci avaient de graves défauts. D'autre part, la polygamie produisit les conséquences lamentables qu'elle engendre tout naturellement: elle fit tarir les sources de l'amour; les liens les plus sacrés se relâchèrent; la jalousie entre les mères créa une pénible tension au sein de la famille. Les enfants grandirent, querelleurs et ennemis de toute contrainte, et la vie du père fut assombrie par le chagrin. PP 186 2 Un des fils de Jacob, cependant, avait un caractère très différent de celui de ses frères: c'était Joseph, le fils aîné de Rachel, dont la rare beauté physique semblait refléter les admirables qualités de son esprit et de son coeur. Pur, actif, enjoué, il faisait preuve de force morale et de fermeté. Docile aux instructions de son père, il aimait obéir à Dieu. Les traits de caractère qui le distinguèrent par la suite: l'amabilité, la fidélité au devoir et la véracité, apparaissaient déjà dans sa vie d'enfant. Après la mort de sa mère, il reporta son affection sur son père, qui, de son côté, concentrait sa tendresse sur cet enfant de sa vieillesse. "Il aima Joseph plus que tous ses autres fils."(11) PP 186 3 Cette préférence devait engendrer bien des douleurs. En manifestant imprudemment son affection pour ce fils, Jacob provoqua de la jalousie chez ses frères. D'autre part, Joseph, témoin de leur inconduite, et ayant timidement hasardé quelques paroles de désapprobation, ne réussit qu'à enflammer leur ressentiment. Finalement, ne pouvant souffrir leur impiété plus longtemps, et dans l'espoir que l'autorité de leur père les amènerait à changer de conduite, Joseph mit ce dernier au courant de la situation. PP 186 4 Jacob se garda bien d'exciter la colère de ses fils par de rudes et sévères remontrances. D'une voix pleine d'émotion, il leur exprima la sollicitude qu'il leur portait et les conjura, par égard pour ses cheveux gris, de ne pas exposer son nom à l'opprobre et, par-dessus tout, de ne pas déshonorer Dieu par les graves violations de sa loi dont ils se rendaient coupables. Honteux de voir leurs méfaits dévoilés, les jeunes gens parurent repentants; mais ils ne faisaient que cacher l'aigreur accrue de leurs mauvais sentiments. PP 186 5 Le don peu judicieux que fit Jacob à Joseph d'un riche vêtement que portaient seules, à cette époque, les personnes de distinction, fut, aux yeux de ses fils, une nouvelle preuve de sa partialité, et fit naître en eux le soupçon qu'il se proposait de les écarter du droit d'aînesse pour l'attribuer au fils de Rachel. Leur colère grandit encore lorsqu'un jour le jeune garçon vint leur raconter un songe qu'il avait eu. PP 187 1 "Nous étions, leur dit-il, à lier des gerbes au milieu des champs. Et voici que ma gerbe se leva et se tint debout; vos gerbes se rangèrent autour d'elle et se prosternèrent devant la mienne. PP 187 2 Voudrais-tu régner sur nous et devenir notre maître?" s'écrièrent ses frères en proie à une jalouse irritation. PP 187 3 Peu après, Joseph eut un songe du même genre, qu'il leur raconta également: "J'ai vu, dit-il, le soleil, la lune et onze étoiles qui se prosternaient devant moi." Ce songe fut aussi vite interprété que le premier. Son père, qui était présent, le réprimanda: "Que signifie le songe que tu as eu? Faudra-t-il que nous venions, moi, ta mère et tes frères, nous prosterner à terre devant toi?" La sévérité apparente de ces paroles cachait, chez Jacob, la conviction intime que Dieu révélait l'avenir à son jeune fils. PP 187 4 Quant a ses frères, en le contemplant, debout devant eux, son beau visage illuminé par l'Esprit de l'inspiration, ils ne pouvaient réprimer un sentiment d'admiration. Mais, refusant d'abandonner leur vie de désordre, ils continuaient à haïr celui dont la pureté condamnait leurs péchés. L'esprit de Caïn s'emparait de leurs coeurs. PP 187 5 Obligés, par la nécessité, de trouver des pâturages pour leurs troupeaux et de se transporter d'un lieu à l'autre, les fils de Jacob restaient parfois des mois entiers loin de la maison paternelle. Après les circonstances qui viennent d'être relatées, ils se rendirent à Sichem, l'endroit où leur père avait acheté un terrain. Quelque temps s'étant écoulé sans qu'il reçût de leurs nouvelles, Jacob songea à leur acte de barbarie envers les Sichémites et éprouva des craintes pour leur sécurité. Il envoya Joseph à leur recherche. S'il avait connu leurs sentiments réels envers leur jeune frère, il ne lui eût certes pas confié cette démarche. PP 187 6 D'un coeur joyeux, Joseph se mit en route. Pas plus que son père, il ne se doutait de ce qui allait survenir avant d'avoir le bonheur de se revoir. Arrivé à Sichem, après une marche longue et solitaire de quelque quatre-vingts kilomètres, il trouva ni ses frères ni leurs troupeaux. Les gens de l'endroit l'envoyèrent à Dothan, quinze kilomètres plus loin. Oubliant sa fatigue, il se remit en marche, pressé de rassurer son père et de revoir ses frères, car il les aimait bien malgré leur antipathie à son égard. Ceux-ci, le voyant de loin, ne songèrent ni à sa lassitude après un si long parcours fait à leur intention, ni aux devoirs de l'hospitalité et de l'affection. La vue de la tunique bigarrée, signe de la préférence paternelle, exaspéra jusqu'à la frénésie leur amertume et leur haine. "Voici l'homme aux songes, s'écrièrent-ils en se moquant. Venez maintenant, tuons-le et jetons-le dans une de ces citernes; nous dirons qu'une bête féroce l'a dévoré. Nous verrons alors ce qu'il adviendra de ses songes!" PP 188 1 Sans Ruben, leur dessein se fût exécuté. N'osant songer à participer au meurtre de son frère, l'aîné proposa de le jeter vivant dans une fosse et de l'y laisser périr; il se réservait de le délivrer et de le renvoyer à son père. Ses frères s'étant ralliés à son idée, Ruben, craignant de trahir ses vrais sentiments et de faire échouer son projet, s'éloigna. PP 188 2 Exempt de toute méfiance, heureux d'avoir atteint le but de sa longue randonnée, Joseph s'attendait à recevoir un accueil amical. Mais il fut terrifié par les regards courroucés de ses frères, qui le saisirent et le dépouillèrent de sa robe. Leurs sarcasmes et leurs menaces lui révélèrent leur meurtrier dessein. Ses supplications furent vaines. Ils le traînèrent rudement jusqu'à une fosse profonde et l'y précipitèrent. Après s'être assurés qu'il n'avait aucun moyen de s'enfuir et qu'il était condamné à mourir de faim, ils "s'assirent pour manger". PP 188 3 Cet acte criminel ne leur donna cependant pas la satisfaction qu'ils en espéraient. Quelques-uns même se sentaient mal à l'aise, quand ils virent approcher un convoi de voyageurs. C'était une caravane d'Ismaélites venant de l'autre côté du Jourdain, qui transportaient en Égypte des épices et d'autres denrées. Alors Juda proposa de vendre Joseph à ces négociants païens, plutôt que de le faire mourir, "car il est notre frère, notre chair", leur dit-il, et il leur fit observer que cette façon de s'en débarrasser les laisserait nets de son sang. Tous approuvèrent la proposition, et Joseph fut immédiatement retiré de la fosse. PP 189 1 En voyant les marchands ambulants, Joseph comprit l'effroyable vérité. Devenir esclave lui paraissait un sort plus affreux que la mort. En vain, dans sa terreur et son affolement, s'adressait-il tantôt à l'un, tantôt à l'autre de ses frères. Quelques-uns, émus de pitié, se taisaient, de crainte de s'exposer au ridicule. Tous sentaient qu'ils étaient allés trop loin pour reculer, et ils se disaient que si Joseph était épargné, il les accuserait sûrement auprès de leur père, qui ne laisserait pas impunie leur criminelle tentative envers son fils favori. Fermant leur coeur aux supplications de leur jeune frère, ils le livrèrent entre les mains des marchands idolâtres et la caravane, continuant son chemin, fut bientôt hors de vue. PP 189 2 Quand Ruben retourna à la fosse, le jeune prisonnier avait disparu. Consterné et rongé de remords, il déchira ses vêtements et revint vers ses frères, en s'écriant: "L'enfant n'y est plus; et moi, où irai-je?" Apprenant ce qu'on avait fait de Joseph et voyant qu'il était impossible de l'arracher à son sort, il se laissa persuader de se joindre à eux pour cacher leur forfait. Ils tuèrent alors un bouc, y trempèrent la tunique de Joseph et l'apportèrent à Jacob, disant qu'ils avaient trouvé ce vêtement dans un champ. Nous craignons que ce ne soit celui de notre frère, lui dirent-ils. "Reconnais si c'est la robe de ton fils, ou non." Ce n'était pas sans une vive appréhension qu'ils lui apportaient cette nouvelle mensongère. Mais ils ne s'étaient pas attendus à la scène déchirante, au paroxysme de douleur dont ils furent témoins. "C'est la robe de mon fils! s'écria Jacob. Une bête féroce l'a dévoré; certainement Joseph a été mis en pièces." PP 189 3 Vainement, ses fils et ses filles s'efforcèrent de le consoler. "Il déchira ses vêtements et mit un sac sur ses reins, et il porta longtemps le deuil de son fils." Le temps semblait n'apporter aucun soulagement à son chagrin. Dans son désespoir, il allait répétant: "Je rejoindrai, en pleurant, mon fils dans le séjour des morts!" Épouvantés de leur acte, mais redoutant les reproches de leur père, les jeunes gens continuèrent à lui celer un crime dont le seul souvenir les faisait frémir d'horreur. ------------------------Chapitre 20 -- Joseph en Egypte PP 191 1 Tandis que la caravane qui emmène Joseph s'avance vers le sud dans la direction de l'Égypte, le jeune captif discerne, dans le lointain, les collines où sont dressées les tentes de son père. A la pensée de la solitude et de l'affliction de cet être chéri, des flots de larmes amères inondent son visage. Puis la scène atroce de Dothan repasse devant lui: il revoit les regards haineux de ses frères. Il entend les paroles ironiques et insultantes qui ont accueilli ses cris désespérés. La pensée de l'avenir le fait frémir. Quel changement dans sa vie! De fils tendrement aimé, il va devenir un esclave dédaigné et méprisé. Seul et sans amis, quel va être son sort dans le pays étranger où on l'entraîne? Et Joseph s'abandonne tout entier à sa douleur et à son épouvante. PP 191 2 Mais, dans sa bonté, Dieu allait faire concourir à son bonheur cette lamentable épreuve. L'affection si tendre et si ardente de son père, poussée jusqu'à la partialité et à la faiblesse, cette préférence imprudente, qui avait irrité ses frères et les avait poussés à l'acte cruel qui le séparait de la maison paternelle, avait influé défavorablement sur son caractère. Certains défauts avaient été encouragés, dont il devait maintenant se corriger. Il devenait présomptueux et autoritaire. Accoutumé à la tendresse et aux soins de son père, il était mal préparé à affronter les difficultés qui l'attendaient comme étranger et surtout comme esclave. PP 192 1 Bientôt la pensée de Joseph s'élève vers le Dieu de son père qu'il a appris à aimer dès son enfance. Que de fois, dans la tente de Jacob, n'a-t-il pas entendu le récit de la vision de Béthel, alors qu'il quittait en fugitif le foyer paternel. Il connaît aussi les promesses faites au patriarche et leur accomplissement. Il a appris de lui comment, en des heures de détresse, les anges de Dieu sont venus le consoler, l'instruire, le protéger. En outre, il n'ignore pas l'amour divin qui doit donner au monde un Rédempteur. PP 192 2 Tous ces enseignements précieux affluent maintenant à la mémoire de Joseph, et il a confiance que le Dieu de ses pères sera aussi le sien. Sans tarder, il se jette tout entier dans les bras de son Créateur. Il le supplie d'être son soutien au pays de l'exil. De toute son âme, vibrante d'une sainte émotion, il prend d'héroïques résolutions. En toutes circonstances, il agira comme il convient à un sujet du Roi des rois. Il le servira de tout son coeur; il affrontera les plus amères épreuves avec courage et il sera fidèle dans tous ses devoirs. En quelques heures, il a appris ce que des années n'auraient pu lui enseigner autrement. Les événements d'un seul jour l'ont transformé. D'un enfant gâté, le malheur a fait de lui un homme réfléchi, vaillant et maître de soi. PP 192 3 Arrivé en Égypte, Joseph est vendu à Potiphar, officier du Pharaon et capitaine de sa garde, au service duquel il restera dix ans, et où il va être assailli de tentations peu communes. Le culte des faux dieux va étaler sous ses yeux une pompe royale rehaussée par la richesse et la culture de la nation la plus civilisée de la terre. Mais il conservera sa simplicité et sa fidélité envers Dieu. Ayant de tous côtés le spectacle du vice, il sera comme quelqu'un qui n'entend rien, qui ne voit rien. Il ne permettra pas à ses pensées d'errer sur des sujets défendus, et surtout, il ne cachera pas ses principes pour obtenir la faveur des Égyptiens. S'il le faisait, il succomberait à la tentation. Au contraire, il n'aura pas honte de la religion de ses pères et il ne laissera ignorer à personne qu'il adore Jéhovah. PP 192 4 "L'Éternel fut avec Joseph, qui prospérait. ... Son maître vit que l'Éternel était avec lui, et que l'Éternel faisait réussir entre ses mains tout ce qu'il entreprenait."(1) La confiance de Potiphar croissant de jour en jour, cet homme d'État en fit son intendant et lui confia la gérance de tous ses biens. "Il laissa toutes ses affaires aux soins de Joseph; grâce à lui, il ne s'occupait plus de rien, sinon de la nourriture qu'il prenait." PP 193 1 La prospérité visible qui marquait tout ce qui était remis aux soins de Joseph ne procédait pas d'un miracle direct. C'étaient son habileté, son application, son énergie qui étaient couronnées de succès. Joseph l'attribuait à la faveur de Dieu, et son maître lui-même voyait là le secret de sa réussite extraordinaire. Mais celle-ci n'aurait pas existé sans une vigilance intelligente et infatigable. Dieu était glorifié par la fidélité de son serviteur, dont la pureté et la droiture formaient un contraste frappant avec les moeurs des idolâtres et faisaient briller les grâces célestes au sein des ténèbres du paganisme. PP 193 2 L'amabilité et la probité du jeune captif finirent par toucher le coeur du capitaine de la garde, qui en vint à le regarder comme son fils plutôt que comme un esclave. Joseph fut ainsi mis en relation avec des hommes instruits et haut placés, ce qui lui permit de se familiariser avec les sciences comme avec les langues et affaires du pays, connaissances qui allaient bientôt lui être très utiles comme premier ministre du royaume. PP 193 3 Mais son intégrité devait être soumise à une rude épreuve. La femme de son maître voulut l'entraîner à la violation de la loi de Dieu. Jusque-là, Joseph était demeuré pur au milieu de la corruption qui régnait autour de lui. Mais comment repousser une tentation aussi soudaine, aussi forte, aussi séduisante? Il savait quelle serait la conséquence de sa résistance. D'un côté se plaçaient la duplicité, mais aussi la faveur et les récompenses; de l'autre, la disgrâce, la prison, la mort peut-être. Toute sa carrière future dépendait de sa décision. Joseph restera-t-il fidèle à ses principes et à son Dieu? Les anges observent cette scène avec un intérêt inexprimable. La conduite de Joseph va révéler la force d'un caractère fondé sur des principes religieux. Sa décision est prise. Quelles qu'en soient les conséquences, il ne trahira ni la confiance de son maître terrestre, ni sa foi envers son Maître céleste. Sous l'oeil scrutateur de Dieu, combien de personnes prennent des libertés qu'elles ne se permettraient pas en présence de leurs semblables! Mais il n'en fut pas ainsi avec Joseph: "Comment pourrais-je commettre une si grande faute et pécher contre Dieu?" fut sa réponse. PP 194 1 Nous aussi, nous craindrions de pécher si nous avions toujours à la pensée le fait que Dieu voit et entend tout ce que nous faisons et disons, et qu'il en tient un registre fidèle dont nous aurons à rendre compte. Jeunes gens, rappelez-vous constamment que, où que vous soyez et quoi que vous fassiez, vous êtes en la présence de Dieu. Nous ne pouvons lui cacher nos voies. Rien, dans notre conduite, n'échappe à son oeil scrutateur. Les lois humaines, même les plus sévères, sont secrètement et impunément violées; mais il n'en est pas ainsi de la loi de Dieu. Les ténèbres de minuit ne voilent pas le coupable à ses yeux. Ce dernier peut se croire seul, alors qu'un invisible Témoin enregistre chacun de ses actes. Les desseins mêmes de nos coeurs sont connus du Seigneur. Toutes les actions, toutes les paroles, toutes les pensées d'un homme sont aussi soigneusement enregistrées que s'il était seul au monde et que l'attention du ciel était tout entière concentrée sur lui. PP 194 2 Joseph eut à pâtir de son intégrité: celle qui avait voulu le tenter se vengea de son refus; elle l'accusa d'un odieux attentat contre sa vertu et le fit jeter en prison. Si Potiphar avait ajouté foi aux accusations de sa femme, le jeune Hébreu eût perdu la vie. Mais la chaste conduite dont il avait toujours fait preuve fut à ses yeux une confirmation suffisante de son innocence. Néanmoins, pour sauver la réputation de sa maison, il l'abandonna à la disgrâce et à la captivité. PP 194 3 Au début, Joseph fut traité avec beaucoup de sévérité par ses geôliers. Le Psalmiste dit à son sujet: PP 194 4 On lui serra les pieds dans des entraves, Et il fut jeté dans les fers, Jusqu'au jour où ce qu'il avait dit arriva, Et où la parole de l'Éternel montra ce qu'il était.(2) PP 194 5 Le caractère de Joseph brille jusqu'au fond de son cachot. Si ses années de fidélité chez Potiphar ont été mal récompensées, il n'en est pas aigri. La paix que lui donne le sentiment de son innocence lui reste, et il remet toute cette affaire entre les mains de Dieu. Au lieu de passer son temps à gémir sur l'injustice dont il est l'objet, il oublie son malheur pour alléger celui des autres. Dans sa prison même, il trouve une oeuvre à accomplir. A l'école de l'affliction, sans lui épargner aucune des dures leçons dont il a besoin, Dieu le prépare en vue d'une haute mission. Témoin, dans sa geôle, des résultats de l'oppression et de la tyrannie aussi bien que des conséquences du crime, il apprend la valeur de la justice, de la sympathie, de la miséricorde et il se prépare à exercer le pouvoir avec sagesse et compassion. PP 195 1 Peu à peu, Joseph gagna la confiance du chef de la prison et finit par se voir confier la surveillance de tous les détenus. La droiture de sa vie quotidienne et sa sympathie pour les affligés lui ouvrirent la voie qui le conduisit à la prospérité et aux honneurs. Tout rayon de bonté que nous projetons sur autrui se retourne sur nous-mêmes. Toute parole aimable et sympathique adressée aux malheureux, tout soulagement apporté aux opprimés et tout secours offert aux nécessiteux renferment en eux-mêmes leur récompense. PP 195 2 Le grand panetier et le grand échanson du roi, jetés en prison pour quelque méfait, passèrent sous la direction de Joseph. Un matin, celui-ci remarqua qu'ils avaient l'air abattu et leur en demanda la cause. Il apprit que chacun d'eux avait eu un songe troublant dont ils auraient bien voulu connaître la signification. "Les interprétations n'appartiennent-elles pas à Dieu?" leur dit Joseph. "Racontez-moi vos songes, je vous prie."(3) Après les avoir entendus, il leur en donna l'explication. Dans les trois jours, l'échanson devait être réintégré dans sa charge et continuer de présenter la coupe au Pharaon. Quant au grand panetier, sur l'ordre du roi, il devait être condamné et mis à mort également dans les trois jours. Dans les deux cas, l'événement vint justifier la prédiction. PP 195 3 L'échanson ayant exprimé à Joseph sa vive gratitude tant pour l'heureuse interprétation de son rêve que pour maints actes de bonté reçus de sa part, celui-ci, de son côté, faisant allusion de la manière la plus touchante à son injuste réclusion, le supplie de présenter son cas devant le roi. "Souviens-toi de moi, lui dit-il, quand tu seras heureux, et use de bonté envers moi, je te prie; parle de moi au Pharaon, et fais-moi sortir de cette maison." L'échanson vit son rêve se réaliser dans tous les détails; mais, rentré dans la faveur royale, il oublia son bienfaiteur. Et Joseph resta encore deux ans en prison. L'espérance qui s'était allumée en son âme s'éteignait peu à peu et, à toutes ses autres épreuves, venait encore s'ajouter le douloureux aiguillon de l'ingratitude d'un obligé. PP 195 4 Mais la main divine allait bientôt ouvrir les portes de son cachot. En une même nuit, le roi d'Égypte eut deux songes qui semblaient annoncer quelque grande calamité. Ses sages et ses magiciens ne pouvant lui donner aucune lumière à ce sujet, le Pharaon fut saisi d'une angoisse telle que la terreur se répandit dans le palais. L'échanson se souvint alors de Joseph et de son propre songe. Profondément confus de son ingratitude, il informa immédiatement le roi des deux songes interprétés par le prisonnier hébreu et de leur prompt accomplissement. Bien qu'humilié d'être obligé de renoncer à ses mages pour consulter un captif, le Pharaon n'hésita pas. Prêt à écouter, s'il le fallait, le dernier des hommes, il envoya chercher Joseph. "On le fit aussitôt sortir de la prison. Il se rasa et changea de vêtements, puis il se rendit auprès du Pharaon." PP 196 1 "Le Pharaon dit à Joseph: J'ai fait un songe que personne ne peut interpréter. Or, j'ai appris que tu sais interpréter les songes qu'on te raconte. Joseph répondit au Pharaon, en disant: Ce n'est pas moi, c'est Dieu qui donnera au Pharaon une réponse satisfaisante."(4) Déclinant modestement l'honneur qu'on lui fait de posséder une sagesse supérieure, Joseph révèle sa confiance en Dieu et il écoute le roi d'Égypte lui faire en ces termes le récit de son rêve: PP 196 2 "Dans mon songe, je me tenais sur le bord du fleuve. Et je vis monter du fleuve sept vaches grasses et belles, qui se mirent à paître dans les marécages. Sept autres vaches montaient après elles; elles étaient chétives, très laides et maigres. Je n'en ai jamais vu d'aussi laides dans tout le pays d'Égypte. Les vaches laides et maigres dévorèrent les sept premières vaches grasses, qui entrèrent dans leurs corps sans qu'il parût qu'elles y fussent entrées; car elles étaient aussi laides qu'auparavant. Alors je m'éveillai. Je vis encore en songe sept épis pleins et beaux qui sortaient d'une même tige. Puis, voici que sept épis chétifs, maigres et brûlés par le vent d'Orient, germaient après ceux-là. Les épis maigres engloutirent les sept beaux épis. J'ai raconté cela aux magiciens; mais aucun d'eux ne m'en a fourni l'explication. PP 196 3 "Joseph répondit au Pharaon: Le songe du Pharaon est un. Dieu a révélé au Pharaon ce qu'il va faire. ... Sept années de grande abondance vont venir dans tout le pays d'Égypte. Elles seront suivies de sept années de famine qui feront oublier, dans le pays d'Égypte, les années d'abondance, et la famine consumera le pays. On ne reconnaîtra plus que le pays a été dans l'abondance, à cause de cette famine qui viendra dans la suite, tant elle sera grande. Si le songe s'est reproduit deux fois pour le Pharaon, c'est que la chose est décidée de la part de Dieu, et Dieu se hâtera de l'accomplir. PP 197 1 " Maintenant donc, continua Joseph, que le Pharaon choisisse un homme intelligent et sage, et qu'il l'établisse sur le pays d'Égypte. Que le Pharaon établisse aussi des intendants sur le pays pour prélever un cinquième des récoltes du pays d'Égypte, pendant les sept années d'abondance. Qu'ils rassemblent toutes les récoltes des bonnes années qui vont venir; qu'ils amassent du froment pour le mettre à la disposition du Pharaon, comme provisions dans les villes, et qu'ils conservent tout cela. Ces provisions seront pour le pays une réserve en vue des sept années de famine qui surviendront dans le pays d'Égypte, en sorte que le pays ne périra point par la famine." PP 197 2 L'interprétation du songe était si plausible et si raisonnable, les mesures proposées par Joseph paraissaient si sages et si habiles qu'on ne pouvait douter de la véracité de ses paroles. Mais à qui confier l'exécution de ce plan? La vie de la nation dépendait de la sagesse de ce choix. Perplexe, le roi prit quelque temps pour réfléchir. Le grand échanson, qui avait à racheter son ingratitude passée, et fait connaître au roi la sagesse et la prudence déployées par Joseph dans la direction de la prison, se répandit en louanges à son sujet. Les renseignements pris par le roi prouvèrent l'exactitude de ces paroles. D'ailleurs, Joseph avait non seulement signalé le danger menaçant la nation, mais proposé les moyens d'y parer. Il était évident que la sagesse divine le guidait et que personne dans l'entourage du roi n'était mieux qualifié pour diriger les affaires du royaume à travers cette crise. Le fait qu'il était hébreu et esclave s'effaçait devant l'excellence de son jugement. PP 197 3 "Pourrions-nous trouver un homme pareil à celui-ci, ayant comme lui l'esprit de Dieu?" demanda le roi à son entourage. Le choix fut décidé et le monarque adressa à Joseph, étonné, les paroles suivantes: "Puisque Dieu t'a révélé tout cela, il n'y a personne qui soit aussi intelligent et aussi sage que toi. C'est toi que j'établis sur ma maison, et tout mon peuple obéira à ta parole. Le trône seul m'élèvera au-dessus de toi." Alors, présentant à Joseph les insignes de sa charge, "le Pharaon ôta son anneau de sa main et le mit à la main de Joseph; il le fit revêtir d'habits de fin lin, et lui mit au cou un collier d'or. Il le fit monter sur le second de ses chars; et l'on criait devant lui: A genoux!" PP 198 1 Il l'établit seigneur de sa maison Et gouverneur de tous ses biens, Pour commander en maître à ses princes Et enseigner à ses anciens la sagesse.(5) PP 198 2 Du cachot, Joseph passait à la dignité de gouverneur de l'Égypte. Mais si elle était entourée d'honneurs, cette charge n'en était pas moins hérissée de périls. Ce n'est pas sans dangers qu'un homme gravit les plus hauts sommets. La tempête, qui laisse intacte l'humble fleur de la vallée, déracine l'arbre géant de la montagne. De même, des hommes restés probes dans une existence ignorée sont facilement entraînés vers l'abîme du mal par les tentations qui les assaillent lorsqu'ils sont parvenus au faîte de la faveur et de la gloire. PP 198 3 Joseph résista à l'épreuve de la prospérité comme il avait supporté celle de l'adversité. Dans le palais des Pharaons comme dans la cellule du prisonnier, il resta fidèle au Seigneur. Étranger dans un pays païen, séparé de sa famille et par conséquent des adorateurs du vrai Dieu, il continua à s'appuyer sur celui qui avait dirigé ses pas jusque-là et il s'acquitta avec probité des devoirs de sa charge. Grâce à lui, le Dieu du ciel fut révélé au roi et aux grands du pays, qui, tout en persistant dans leur idolâtrie, apprirent à respecter les principes glorifiés par la vie et le caractère du serviteur de Jéhovah. PP 198 4 Et si l'on veut savoir comment Joseph fut à même de donner un si bel exemple de fermeté de caractère, de sagesse et de droiture, la réponse n'est pas difficile. Il avait appris dans sa jeunesse à suivre le devoir plutôt que l'inclination. C'est la fidélité, la foi naïve et la noblesse de coeur de l'adolescent qui expliquent les fruits de son âge mûr. Une vie pure et simple avait favorisé l'épanouissement de ses forces physiques et intellectuelles. La communion avec Dieu par l'intermédiaire de ses oeuvres et par la contemplation des vérités sublimes confiées aux héritiers de la foi avait élevé et ennobli sa nature spirituelle; elle avait élargi et fortifié son intelligence comme aucune autre étude n'aurait pu le faire. Le fidèle accomplissement du devoir dans toutes les phases de sa vie, de la plus humble à la plus élevée, avait porté chacune de ses facultés à son plus haut degré de développement. Un caractère noble et droit est le résultat d'une vie conforme à la volonté de Dieu. PP 199 1 La crainte du Seigneur, voilà la sagesse; Se détourner du mal, voilà l'intelligence!(6) PP 199 2 Peu de personnes comprennent l'influence des petites choses sur le développement du caractère. Rien de ce qui doit nous occuper n'est réellement petit. Les circonstances variées que nous traversons de jour en jour ont pour but de mettre notre fidélité à l'épreuve et de nous qualifier pour des situations plus élevées. Par la stricte adhésion aux principes dans les affaires ordinaires de la vie, l'esprit s'accoutume à placer le devoir au-dessus du plaisir et de l'inclination. Un esprit ainsi discipliné n'oscille pas entre le bien et le mal comme le roseau agité par le vent. Il est fidèle au devoir par habitude de probité et de véracité. C'est par l'honnêteté dans les petites choses qu'on acquiert la force d'être fidèle dans les grandes. PP 199 3 Un caractère droit a plus de valeur que l'or d'Ophir. Sans ce précieux apanage, nul ne peut parvenir à une distinction honorable. Mais le caractère ne s'hérite pas; il ne s'achète pas non plus. L'excellence morale et les délicates facultés de l'intelligence ne sont pas le résultat du hasard. Sans culture, les dons les plus rares restent stériles. L'acquisition d'un beau caractère est le produit d'efforts bien dirigés et persévérants: c'est l'oeuvre d'une vie entière. Dieu donne les occasions: le succès dépend de l'usage qu'on en fait. ------------------------Chapitre 21 -- Joseph et ses frères PP 201 1 Les préparatifs en vue de la famine commencèrent dès les premières années de fertilité. Sous la direction de Joseph, on construisit dans toutes les villes principales de vastes entrepôts destinés à recevoir le surplus des récoltes futures. A la fin des années d'abondance, la quantité de blé mise en réserve dépassait toute évaluation. Mais, ainsi que Joseph l'avait prédit, les sept années de famine commencèrent. "Il y eut famine dans tous les pays, tandis qu'il y avait du pain dans tout le pays d'Égypte. Puis, tout le pays d'Égypte fut aussi affamé, et le peuple cria vers Pharaon pour avoir du pain. Pharaon dit à tous les Égyptiens: Allez vers Joseph et faites tout ce qu'il vous dira. Comme la famine régnait sur toute la surface du pays, Joseph ouvrit tous les greniers, et il vendit du blé aux Égyptiens."(1) PP 201 2 La disette s'étant répandue jusqu'au pays de Canaan, elle fut durement ressentie dans la région habitée par Jacob. Ce dernier entendit parler des réserves abondantes faites par Pharaon. Dix fils du patriarche se rendirent alors en Égypte pour y acheter du blé. A leur arrivée, on les dirigea, avec d'autres solliciteurs, chez le premier ministre. "Joseph reconnut ses frères, mais eux ne le reconnurent pas."(1) A la demande de Pharaon, il avait changé de nom et il n'y avait guère de ressemblance entre le jeune homme vendu aux Ismaélites et le vice-roi d'Égypte. PP 202 1 En se présentant devant Joseph, ses dix frères "se prosternèrent devant lui, la face contre terre". A ce spectacle, Joseph revoit ses songes; tout le passé revit intensément dans sa mémoire. Il promène sur ces hommes un regard pénétrant et découvre que Benjamin n'est pas avec eux. Il se demande immédiatement si son frère cadet ne serait pas, lui aussi, tombé victime de leur cruelle jalousie; et il prend la résolution d'apprendre ce qu'il en est. "Vous êtes des espions!" leur dit-il sévèrement. "C'est pour reconnaître les points faibles du pays que vous êtes venus." Ils lui répondirent: "Non, mon seigneur; mais tes serviteurs sont venus pour acheter des vivres. Nous sommes tous fils d'un même père; nous sommes d'honnêtes gens; tes serviteurs ne sont pas des espions." Leur déclaration pouvant être fausse, Joseph réitère son accusation: "Pas du tout! Vous êtes venus pour reconnaître les points faibles du pays." "Nous, tes serviteurs, dirent-ils, nous sommes douze frères, fils d'un même père, du pays de Canaan. Le plus jeune est en ce moment avec notre père, et il y en a un qui n'est plus." PP 202 2 Feignant toujours de douter de la véracité de leur histoire, le gouverneur leur propose alors de lui prouver leur sincérité en restant en Égypte, tandis que l'un d'eux ira chercher leur jeune frère. S'ils n'y consentent pas, ils seront traités en espions. Les fils de Jacob déclarent ne pouvoir consentir à une pareille proposition. Durant son exécution, leurs familles souffriraient de la faim. Lequel d'entre eux voudra entreprendre seul ce voyage, laissant ses frères en prison? Comment osera-t-il se présenter devant leur père? D'ailleurs, se disent-ils, il est probable que nous serons tous mis à mort ou réduits en esclavage. Et si Benjamin vient en Égypte, ce ne sera que pour partager notre sort. Ils décident donc de rester et de souffrir ensemble, plutôt que d'augmenter la douleur de leur père par la perte du seul fils qui lui reste. Ils sont alors jetés en prison, où on les retient enfermés trois jours. PP 202 3 Au cours des années qui s'étaient écoulées depuis leur forfait à l'égard de Joseph, les fils de Jacob avaient changé. D'envieux, violents, faux, cruels et vindicatifs qu'ils étaient, l'adversité les avait rendus désintéressés, bons les uns envers les autres, dévoués à leur père et, quoique arrivés à l'âge mûr, soumis à l'autorité paternelle. PP 203 1 Les trois jours passés dans la prison égyptienne leur permirent de faire un sérieux retour sur leur conduite d'autrefois et furent pour eux l'occasion de remords amers. Joseph n'osait les y retenir plus longtemps, leurs familles et leur père pouvant souffrir de la faim. Il les fit donc venir devant lui et leur dit: "Faites ceci, et vous vivrez! Je crains Dieu... Si vous êtes des gens de bien, que l'un de vous, votre frère, reste prisonnier dans votre prison; et vous, allez, emportez du blé pour les besoins de vos familles. Puis, amenez-moi votre jeune frère; vos paroles seront reconnues véritables, et vous ne mourrez point." Ils acceptèrent la proposition, sans manifester beaucoup d'espoir que leur père pût consentir à se séparer de Benjamin. PP 203 2 Joseph leur avait parlé par interprète. Sans se douter qu'il les comprenait, ils s'étaient accusés devant lui du crime commis envers leur frère. "Vraiment, se disaient-ils, nous sommes punis à cause de notre frère; car nous avons vu l'angoisse de son âme quand il nous demandait grâce, et nous ne l'avons point écouté! Voilà pourquoi ce malheur nous est arrivé." Ruben, qui, à Dothan, avait voulu le délivrer, leur dit: "Ne vous avais-je pas dit: Ne commettez point de péché contre cet enfant? Mais vous ne m'avez pas écouté. Et voici que son sang nous est redemandé." En les entendant, Joseph ne peut contenir son émotion; il sort pour donner libre cours à ses larmes. Lorsqu'il reparaît, il ordonne que Siméon soit lié devant eux et reconduit en prison. La raison de ce choix était que Siméon avait été l'instigateur et le principal auteur du crime. PP 203 3 Avant de les congédier, Joseph ordonna qu'on leur fournît du blé et qu'on plaçât l'argent de chacun d'eux à l'ouverture de son sac. On leur donna également du fourrage pour leurs bêtes pendant le voyage de retour. Comme ils étaient en route, l'un d'eux ayant ouvert son sac, fut surpris d'y trouver son argent. Ils furent alors saisis de terreur et se dirent l'un à l'autre: "Qu'est-ce que Dieu nous a fait?" Fallait-il regarder cela comme un signe de la faveur divine, ou comme une preuve que le Seigneur avait commencé de punir leur forfait? C'est à cette dernière conclusion qu'ils s'arrêtèrent. PP 203 4 Pendant ce temps, Jacob attendait avec inquiétude le retour de ses fils. Dès leur arrivée, tout le camp s'assembla avec empressement autour d'eux pour entendre le récit qu'ils firent à leur père de tout ce qui leur était arrivé. En les écoutant, chacun fut rempli d'appréhension. L'attitude et les procédés du gouverneur égyptien leur semblaient cacher quelque sinistre dessein. Leurs craintes se confirmèrent lorsqu'à l'ouverture de leurs sacs chacun y retrouva son argent. Dans son angoisse, Jacob poussa ce gémissement: "Vous m'avez privé de mes enfants! Joseph n'est plus; Siméon n'est plus; et vous emmèneriez Benjamin! C'est sur moi que tout cela retombe!" Ruben répondit: "Tu feras mourir mes deux fils, si je ne te ramène pas Benjamin. Confie-le moi, et je te le rendrai." Ces véhémentes paroles ne rassurent pas le vieillard: "Mon fils, réplique-t-il, ne descendra point avec vous; car son frère est mort, et celui-ci est resté seul. S'il lui arrivait malheur dans le voyage que vous allez entreprendre, vous feriez descendre mes cheveux blancs dans le séjour des morts, sous le poids de la douleur." PP 204 1 Mais la sécheresse continuait, et la provision de blé apportée d'Égypte fut bientôt épuisée. Les fils de Jacob, sachant bien qu'il était inutile de retourner sans Benjamin auprès du premier ministre et qu'il y avait peu d'espoir de changer la résolution de leur père, attendaient la crise en silence. De jour en jour, la famine s'approchait plus près du camp de Jacob, qui en lisait sur tous les visages l'avertissement lugubre. Finalement, il dit à ses fils: "Retournez pour nous acheter un peu de vivres." Juda lui répondit: "Ce gouverneur nous l'a expressément déclaré: Vous ne serez pas admis devant moi si votre frère n'est pas avec vous. Si donc tu envoies notre frère avec nous, nous partirons, et nous t'achèterons des vivres. Mais si tu ne le laisses pas aller, nous ne partirons pas; car le gouverneur a dit: Vous ne serez pas admis devant moi, si votre frère n'est pas avec vous." Voyant que la résolution de son père commençait à fléchir, il ajouta: "Laisse partir l'enfant avec moi. Nous nous lèverons, et nous nous mettrons en route; et nous vivrons et ne mourrons point, ni nous, ni toi, ni nos petits-enfants." Puis il s'offrit comme garant de son frère, prêt à porter éternellement la peine de la perte de Benjamin s'il ne le ramenait sain et sauf. PP 204 2 Ne pouvant plus refuser son consentement, Jacob donna l'ordre de se préparer au voyage, en leur recommandant de porter au gouverneur un présent composé des "produits les plus renommés du pays" parmi ceux qui existaient encore: "un peu de baume, un peu de miel, des aromates et de la myrrhe, des pistaches et des amandes". "Prenez aussi votre frère, ajouta-t-il; levez-vous, retournez vers cet homme." Lorsqu'ils furent sur le départ pour ce périlleux voyage, le patriarche se leva et, les mains tendues vers le ciel, prononça cette prière: "Que le Dieu tout-puissant vous fasse trouver grâce auprès de lui, afin qu'il vous rende votre autre frère, ainsi que Benjamin! Pour moi, s'il faut que je sois privé de mes enfants, que j'en sois privé!" PP 205 1 Arrivés une deuxième fois en Égypte, les fils de Jacob se présentent devant Joseph. Lorsque les regards de celui-ci s'arrêtent sur Benjamin, le fils de sa propre mère, une vive émotion l'étreint. Se surmontant cependant, il ordonne que l'on conduise les dix frères à sa maison, pour y dîner avec lui. Alarmés de se voir amenés chez le gouverneur, ils se disent: "C'est à cause de l'argent qui fut remis l'autre fois dans nos sacs. On veut nous assaillir, se précipiter sur nous, faire de nous des esclaves." Dans leur détresse, ils s'adressent au maître d'hôtel et lui annoncent, comme preuve de leur honnêteté, qu'ils ont rapporté cet argent, ainsi qu'une nouvelle somme pour acheter des vivres. Ils ajoutent: "Nous ne savons pas qui avait remis notre argent dans nos sacs. L'intendant leur répond: Tout va bien pour vous! Ne craignez point! C'est votre Dieu, le Dieu de votre père, qui vous a donné un trésor dans vos sacs; votre argent m'a bien été remis." Ils se rassurent et, rejoints par Siméon, qui vient d'être relâché, ils rendent grâce à Dieu pour sa miséricorde. PP 205 2 A l'arrivée du gouverneur, ils lui remettent leurs dons et "se prosternent devant lui jusqu'à terre". De nouveau, les songes de Joseph lui reviennent à l'esprit. Il salue ses frères et s'empresse de leur demander: "Votre vieux père, dont vous m'avez parlé, se porte-t-il bien? Vit-il encore?" Ils répondirent: "Ton serviteur, notre père, se porte bien; il vit encore. Et ils s'inclinent et se prosternent" une seconde fois. Joseph, levant les yeux, voit Benjamin, et il dit: "Est-ce là votre jeune frère, dont vous m'avez parlé?" Puis: "Dieu te fasse miséricorde, mon fils." Vaincu par l'émotion, ne pouvant rien ajouter, "il entra dans la chambre intérieure, et il y pleura". PP 205 3 Redevenu maître de lui, il les rejoint et chacun se met à table. Selon la loi des castes, il était défendu aux Égyptiens de manger avec des gens d'autres nations. En conséquence, les fils de Jacob se tenaient à une table à part, de même que les Égyptiens, tandis que le gouverneur, en raison de son rang, mangeait seul. Quand tout le monde fut assis, les frères de Joseph constatèrent avec surprise qu'ils avaient été placés par rang d'âge. "Joseph leur fit porter des mets de sa propre table; mais la portion de Benjamin était cinq fois plus grosse que celle des autres." Par cette préférence, Joseph espérait découvrir si Benjamin était, comme il l'avait été lui-même, en butte à l'envie de la part de ses frères aînés. Ceux-ci, ignorant toujours que Joseph les comprenait, conversaient librement entre eux, ce qui permettait à celui-ci de découvrir leurs vrais sentiments. Décidé, cependant, à les soumettre à une épreuve décisive, il ordonna, avant leur départ, que sa coupe d'argent fût cachée dans le sac du plus jeune. PP 206 1 Les fils de Jacob, accompagnés de Siméon et de Benjamin, se remirent joyeusement en route avec leurs animaux chargés de blé. Tous étaient heureux à la pensée d'avoir échappé aux périls qui avaient semblé les menacer. Mais à peine avaient-ils dépassé les faubourgs de la ville que l'intendant les rejoignait et leur lançait cette apostrophe qui les fit tressaillir: "Pourquoi avez-vous rendu le mal pour le bien? N'est-ce pas dans cette coupe que boit mon maître, et dont il se sert pour deviner? Vous avez fait une mauvaise action." Ces coupes, censées découvrir les substances vénéneuses qu'on y introduisait, étaient à cette époque précieusement conservées comme sauvegarde contre les empoisonnements. PP 206 2 A l'accusation de l'intendant, nos voyageurs répondirent: "Pourquoi mon seigneur parle-t-il ainsi? A Dieu ne plaise que tes serviteurs aient commis une telle action. Eh quoi! nous t'avons rapporté du pays de Canaan l'argent que nous avions trouvé à l'intérieur de nos sacs; comment aurions-nous dérobé de l'argent ou de l'or de la maison de ton maître? Que celui de tes esclaves sur qui l'on trouvera la coupe périsse, et nous-mêmes nous serons les esclaves de ton seigneur. PP 206 3 " L'intendant leur dit: Eh bien, qu'il soit fait selon vos paroles! Celui sur lequel on trouvera la coupe sera mon esclave; quant aux autres, ils seront quittes." PP 206 4 Les perquisitions commencèrent immédiatement. "Aussitôt, chacun d'eux s'empressa de déposer son sac à terre", et, procédant par ordre, "l'intendant fouilla en commençant par le plus âgé et en finissant par le plus jeune; et la coupe se trouva dans le sac de Benjamin". PP 207 1 Au désespoir, les onze frères déchirent leurs vêtements et rentrent lentement dans la ville. Suivant l'intendant jusqu'au palais, où le gouverneur se trouvait encore, "ils se jettent à terre devant lui. Joseph leur dit: Quelle action avez-vous commise? Ne saviez-vous pas qu'un homme tel que moi a le pouvoir de deviner?" Joseph ne prétendait pas posséder l'art de la divination. S'il leur laissait croire qu'il pouvait lire les secrets de leur vie, c'était simplement pour leur donner l'occasion de reconnaître leur péché. PP 207 2 Juda répond: "Que dirons-nous à mon seigneur? Comment parler? Comment nous justifier? Dieu a su trouver l'iniquité de tes serviteurs. Nous voici maintenant les esclaves de mon seigneur, nous et celui entre les mains duquel s'est trouvée la coupe. PP 207 3 "Joseph s'écrie: Loin de moi la pensée d'agir ainsi! Celui entre les mains duquel a été trouvée la coupe sera mon esclave; mais vous, retournez en paix chez votre père." PP 207 4 Alors, en proie à une détresse inexprimable, Juda s'approche de Joseph et lui dit: "De grâce, seigneur! Permets, je te prie, à ton serviteur de faire entendre une parole aux oreilles de mon seigneur, et puisse ta colère ne point s'enflammer contre ton serviteur; car tu es l'égal du Pharaon." Avec une touchante éloquence, il décrit la douleur de son père lors de la perte de Joseph, et avec quel déchirement il a consenti à se séparer de Benjamin, le seul fils qui lui reste de sa femme Rachel, qu'il avait tant aimée. PP 207 5 "Maintenant, quand je retournerai auprès de ton serviteur, mon père, si le jeune homme dont l'âme est liée à son âme n'est pas avec nous, dès qu'il verra que le jeune homme est absent, notre père mourra. Ainsi tes serviteurs feront descendre, sous le poids de la douleur, les cheveux blancs de ton serviteur, notre père, dans le séjour des morts. Du reste, ton serviteur a répondu de ce jeune homme, en disant à son père: Si je ne te le ramène pas, je serai pour toujours coupable envers mon père." PP 207 6 Et Juda conclut: "Maintenant donc, je te prie, que moi, ton serviteur, je puisse rester l'esclave de mon seigneur à la place du jeune homme, et que ce dernier puisse remonter avec ses frères. Comment, en effet, pourrais-je remonter chez mon père, si l'enfant n'est pas avec moi? Non, je ne saurais voir la douleur dont mon père serait accablé!" PP 208 1 Joseph est satisfait. Il constate chez ses frères les fruits d'une véritable conversion. A l'ouïe de l'offre magnanime de Juda, il s'écrie: "Faites sortir tout le monde!" Puis il éclate en sanglots: "Je suis Joseph", leur dit-il d'une voix étranglée. "Mon père vit-il encore?" A ces mots, ses frères sont comme paralysés et restent muets d'épouvante. Quoi! le gouverneur de l'Égypte, c'est Joseph, ce frère tant jalousé, ce frère qu'ils étaient prêts à mettre à mort et qu'ils avaient vendu comme esclave! Tous les mauvais traitements dont ils l'ont accablé repassent devant leurs yeux. Ils se souviennent comment ils se sont moqués des songes de sa jeunesse; par quel crime ils ont tenté d'en empêcher l'accomplissement, auquel cependant ils ont tant contribué! Et ils se demandent si ce frère martyr ne va pas se venger, maintenant qu'ils sont à sa merci... PP 208 2 Voyant leur confusion, Joseph leur dit avec bonté: "Approchez-vous de moi. Ils s'approchèrent, et il leur dit: Je suis Joseph, votre frère, que vous avez vendu pour être conduit en Égypte. Maintenant, ne vous affligez pas, et n'ayez pas de regrets de ce que vous m'avez vendu pour être conduit ici; car c'est pour vous conserver la vie que Dieu m'a envoyé devant vous." Noble coeur! Il pense qu'ils ont assez souffert de leur cruauté à son égard. Il cherche à dissiper leurs craintes, et il veut adoucir l'amertume de leurs remords. PP 208 3 "Voilà deux ans, dit-il, que la famine règne dans le pays; et pendant cinq ans encore, il n'y aura ni labour ni moisson. Dieu m'a envoyé devant vous pour vous assurer l'existence dans ce pays, et pour vous sauver la vie en vous accordant une grande délivrance. Non, ce n'est pas vous qui m'avez envoyé ici, c'est Dieu. Il m'a établi pour être le père du Pharaon, le seigneur de toute sa maison et le gouverneur de tout le pays d'Égypte. Hâtez-vous de retourner auprès de mon père, et dites-lui: Ainsi parle ton fils Joseph: Dieu m'a établi seigneur de toute l'Égypte; viens auprès de moi, ne tarde point! Tu habiteras dans le pays de Gossen, et tu seras près de moi, toi, tes enfants, les enfants de tes enfants, tes brebis et tes boeufs, ainsi que tout ce qui t'appartient. Là, je te nourrirai -- car il y aura encore cinq ans de famine -- en sorte que tu ne périsses pas de misère, toi et ta maison, et tout ce qui t'appartient. Vous le voyez de vos yeux, et Benjamin, mon frère, le voit aussi lui-même, c'est bien moi qui vous parle de ma propre bouche. PP 209 1 " Alors il se jeta au cou de Benjamin, son frère, et il pleura. Benjamin aussi se mit à pleurer sur son épaule. Il embrassa également, en pleurant, tous ses frères. Alors ses frères s'entretinrent avec lui." Ils lui confessèrent humblement leur péché, et le supplièrent de leur pardonner. Après avoir longtemps souffert de chagrin et de remords, ils étaient heureux de retrouver leur frère en vie. PP 209 2 La nouvelle fut bientôt portée aux oreilles du roi qui, ravi de cette occasion de manifester sa reconnaissance à Joseph, confirma l'invitation que celui-ci avait faite à sa famille. "Ce qu'il y a de meilleur dans tout le pays d'Égypte, leur dit-il, sera pour vous." PP 209 3 Les fils de Jacob s'en retournèrent abondamment pourvus de provisions, et accompagnés de chariots et de tout ce qu'il fallait pour transporter leurs familles ainsi que tout leur personnel. Joseph fit à Benjamin des présents plus rares qu'à ses autres frères. Puis, craignant qu'il ne s'élevât des disputes entre eux au cours du voyage, il leur fit cette recommandation: "Ne vous querellez pas en chemin." PP 209 4 Arrivés auprès de leur père, les onze fils de Jacob lui apportent cette grande nouvelle: "Joseph vit encore! Et même c'est lui qui gouverne tout le pays d'Égypte!" Le vieillard, interdit, reste immobile, ne pouvant croire ce qu'il entend. Mais, lorsqu'il voit le long convoi de chariots et de bêtes de somme, et leur chargement; lorsqu'il peut, à nouveau, serrer dans ses bras Benjamin, il se rend à l'évidence. Dans l'excès de sa joie, il s'écrie: "C'est assez! Joseph mon fils vit encore; j'irai, je le verrai avant de mourir." PP 209 5 Mais un acte d'humiliation restait à accomplir par les dix frères repentants. Ils confessèrent à leur père l'acte de perfide cruauté qui, durant tant d'années, avait assombri sa vie et la leur. Jacob ne les aurait pas soupçonnés d'un crime semblable. Mais voyant que Dieu avait tout fait concourir à leur bien, il pardonna leur égarement, et il les bénit. PP 209 6 Jacob et ses fils, accompagnés de leurs familles, de leurs troupeaux et de leurs nombreux serviteurs, se mirent bientôt en route pour l'Égypte. La joie était dans tous les coeurs. Arrivés à Béer-Séba, le patriarche offrit à l'Éternel des sacrifices d'actions de grâces, et le supplia de lui donner une marque visible de son approbation et de sa protection. Dans une vision de la nuit, cette parole lui fut adressée: "Ne crains point de descendre en Égypte; car je t'y ferai devenir une grande nation. Moi-même je descendrai avec toi en Égypte; moi-même aussi je t'en ferai sûrement remonter." PP 210 1 Cette promesse était significative. Malgré la promesse faite à Abraham d'une postérité innombrable comme les étoiles, le peuple choisi ne s'était jusqu'alors accru que lentement. D'ailleurs, le pays de Canaan ne se prêtait pas à une semblable multiplication. Il était occupé par de puissantes tribus païennes qui ne devaient pas en être dépossédées avant la "quatrième génération". Les descendants d'Abraham auraient été obligés, ou bien d'en chasser les habitants, ou de se mélanger à eux, et de se voir entraînés dans l'idolâtrie. Or, ni l'une ni l'autre de ces solutions n'eût été conforme à la parole divine. L'Égypte, en échange, présentait les conditions nécessaires à l'accomplissement du plan de Dieu. Un territoire fertile, bien arrosé et offrant tous les avantages nécessaires à un rapide accroissement, y était mis à leur disposition. D'autre part, l'antipathie des Égyptiens pour la vocation pastorale qui était celle des descendants d'Israël -- "car les Égyptiens ont en abomination tous ceux qui font paître les brebis"(2) -- allait favoriser leur désir de rester un peuple séparé et distinct, préservé de toute participation à l'idolâtrie. PP 210 2 A son arrivée en Égypte, la caravane se dirigea aussitôt vers la contrée de Gossen. Accompagné d'une suite princière, Joseph s'y rendit dans son chariot officiel. La dignité de sa position et la pompe de son entourage le laissaient indifférent. Une seule pensée, un seul désir faisait tressaillir son coeur. Lorsqu'il vit approcher les voyageurs, les tendres affections dont, durant tant d'années, il avait dû réprimer les élans, ne connurent plus de frein. Il s'élança de son chariot, et courant au-devant de son père, il "se jeta à son cou, et pleura longtemps sur son épaule. Alors Israël dit à Joseph: Je puis mourir maintenant, puisque j'ai vu ton visage, et que tu vis encore." PP 210 3 Joseph prit cinq de ses frères pour les présenter au Pharaon et recevoir de lui le territoire où ils allaient établir leur résidence. Dans sa gratitude envers son premier ministre, le monarque se proposait d'offrir à ses frères quelques charges dans le gouvernement. Mais, fidèle au culte de l'Éternel, Joseph voulut leur épargner les tentations auxquelles ils auraient été exposés dans une cour païenne. Il leur conseilla d'avouer franchement leur occupation au roi. Ils suivirent ce conseil, et eurent soin d'ajouter qu'ils n'étaient venus dans ce pays qu'en séjour et non à demeure, se réservant ainsi le droit d'en repartir quand ils voudraient. En conséquence, maintenant son offre, le Pharaon leur assigna comme territoire, "le meilleur de tout le pays d'Égypte", à savoir la terre de Gossen. PP 211 1 Peu de temps après leur arrivée, Joseph amena aussi son père à la cour pour le présenter au Pharaon. Le patriarche n'était pas habitué à l'étiquette des cours. Mais il avait vécu au milieu des scènes sublimes de la nature, et il avait conversé avec un monarque plus puissant. Aussi, conscient de sa supériorité, il leva ses mains sur le Pharaon, et le bénit. PP 211 2 En revoyant Joseph, Jacob lui avait déclaré qu'après ce dénouement inespéré de ses longues angoisses, il se sentait prêt à mourir. Dix-sept années encore devaient cependant lui être accordées dans la paisible contrée de Gossen, années qui fournirent un heureux contraste avec celles qui les avaient précédées. Il reconnut chez ses fils les marques d'une véritable conversion. Il put voir sa famille entourée de toutes les conditions nécessaires au développement d'une grande nation, et contempler, par la foi, l'accomplissement de la promesse de leur établissement futur au pays de Canaan. Comblé des attentions, de l'affection et des faveurs du premier ministre de l'Égypte, et heureux de vivre auprès de ce fils tant pleuré, le patriarche s'achemina doucement et paisiblement vers sa fin. PP 211 3 Sentant sa mort approcher, il fit venir Joseph auprès de lui, et, fort de la promesse de Dieu relative à la possession de Canaan, il lui dit: "Je t'en prie, ne m'enterre point en Égypte! Quand je serai couché avec mes pères, tu m'emporteras hors d'Égypte, et tu m'enseveliras dans leur tombeau." Joseph promit de faire ce qu'il lui demandait; mais Jacob, non satisfait, exigea de son fils le serment solennel qu'il l'inhumerait dans la caverne de Macpéla. PP 211 4 Une autre question importante préoccupait l'esprit du patriarche. Il voulut que les deux fils de Joseph fussent intégrés en bonne et due forme au nombre des fils d'Israël. Aussi, lors de sa dernière visite à son père, Joseph amena avec lui ses deux fils, Éphraïm et Manassé. Par leur mère, ces deux jeunes gens se rattachaient à la plus haute classe de la sacrificature égyptienne. S'ils avaient voulu choisir la nationalité maternelle, la position de leur père leur aurait ouvert toute grande la voie de la richesse et des honneurs. Mais Joseph, qui adhérait fermement aux promesses de l'alliance, désirait que ses fils s'unissent à la famille de son père, et que, renonçant à toutes les distinctions que leur offrait la cour d'Égypte, ils viennent prendre leur place parmi les tribus de bergers auxquels les oracles de Dieu avaient été confiés. PP 212 1 Jacob dit à Joseph: "Les deux fils qui te sont nés dans le pays d'Égypte, avant que j'aille vers toi au pays d'Égypte, sont à moi. Oui, Éphraïm et Manassé seront à moi, aussi bien que Ruben et Siméon." Il les adoptait comme fils pour en faire les chefs de deux tribus distinctes. Ainsi, une portion des prérogatives du droit d'aînesse perdu par Ruben revenait à Joseph qui recevait, par ce fait, une double part en Israël. PP 212 2 La vue de Jacob s'était obscurcie par l'âge; il n'avait pas remarqué la présence des deux jeunes gens. Quand il les vit, il demanda: "Qui sont ceux-ci?" Apprenant qui ils étaient, il ajouta: "Fais-les approcher de moi, je te prie, afin que je les bénisse." Le patriarche "les couvrit de baisers et les embrassa", puis il plaça solennellement les mains sur leurs têtes, en signe de bénédiction, et prononça ces paroles: "Que le Dieu dans la voie duquel ont marché mes pères, Abraham et Isaac, le Dieu qui a été mon berger depuis ma naissance jusqu'à ce jour, que l'Ange qui m'a délivré de tout mal, bénisse ces enfants!" Jacob ne connaissait plus la propre justice, ni les ressources de la force ou de l'habileté humaines. C'était Dieu qui l'avait protégé et soutenu. Il ne se plaignait pas des mauvais jours qu'il avait traversés. Il ne disait plus des épreuves et des chagrins: "C'est sur moi que tout cela retombe!" Sa mémoire ne lui rappelait que la miséricorde et les tendres compassions de celui qui l'avait accompagné tout le long de son pèlerinage. PP 212 3 La bénédiction terminée, Jacob fit à ses fils une déclaration qui devait rester pour les générations à venir, à travers les longues années de leur dure servitude, un témoignage de sa foi: "Voici que je vais mourir; mais Dieu sera avec vous, et il vous fera retourner dans le pays de vos pères." PP 212 4 A la dernière extrémité, on convoqua tous les fils de Jacob autour de son lit. Lorsqu'ils furent réunis, il parla en ces termes: "Rassemblez-vous, et je vous ferai connaître ce qui vous arrivera dans la suite des jours." Que de fois, avec angoisse, il avait songé à l'avenir, et s'était demandé quelle serait l'histoire de leurs diverses tribus. Mais à ce moment-là, entouré de ses enfants réunis pour recevoir sa dernière bénédiction, l'esprit de l'inspiration divine repose sur lui, et l'avenir de ses fils se déroule devant ses yeux dans une vision prophétique. L'un après l'autre, il les nomme par leurs noms, décrit leur caractère et prédit leur histoire PP 213 1 Ruben, tu es mon premier-né, Ma force, et les prémices de ma vigueur, Le premier en dignité et le premier en puissance. PP 213 2 Telle eût été la position de Ruben, comme premier-né, sans le honteux péché qu'il commit à Migdal-Éder, et qui le privait du droit d'aînesse. Jacob continua: PP 213 3 Impétueux comme l'onde, tu n'auras pas la prééminence. PP 213 4 La prêtrise fut accordée à Lévi, la royauté et la promesse messianique à Juda, et à Joseph une double portion de l'héritage. La tribu de Ruben ne devint jamais nombreuse. Moindre que celles de Juda, de Joseph ou de Dan, elle fut une des premières à être emmenée en captivité. PP 213 5 Après Ruben, venaient, par ordre d'âge, Siméon et Lévi. Unis dans leur acte de cruauté envers les Sichémites, ils avaient aussi joué le premier rôle dans la vente de Joseph. Leur père prononça à leur sujet cette parole sévère: PP 213 6 Je veux les diviser parmi les fils de Jacob Et les disperser en Israël. PP 213 7 Lors du dénombrement d'Israël, immédiatement avant l'entrée en Canaan, la tribu de Siméon était la plus petite. Moïse ne la mentionne même pas dans sa dernière bénédiction. Au partage de Canaan, cette tribu n'eut qu'une petite part du territoire qui échut à Juda, et dans la suite, les familles puissantes de cette tribu allèrent s'établir en colonies en dehors des limites de la Terre Sainte. Lévi ne reçut comme héritage que quarante-huit villes situées dans différentes parties du pays. Mais comme cette tribu demeura fidèle à l'Éternel lors d'une apostasie générale, elle fut pour cette raison appelée au service du sanctuaire, de sorte que la malédiction qui la frappait fut changée en bénédiction. PP 214 1 Les prérogatives les plus éminentes du droit d'aînesse échurent à Juda. L'histoire prophétique de cette tribu est comme un commentaire de son nom, qui signifie "louange".: PP 214 2 Pour toi, ô Juda, tes frères te rendront hommage; Ta main fera plier le cou de tes ennemis; Les fils de ton père se prosterneront devant toi... Tu es un jeune lion, ô Juda, Quand tu reviens avec ton butin, ô mon fils!... Il s'est accroupi, il s'est couché comme un jeune lion, Comme une lionne: qui oserait le faire lever? Le sceptre ne sera point enlevé à Juda, Et le bâton du commandement n'échappera pas à son pouvoir Jusqu'à ce que vienne le Pacifique (le Scilo), Auquel les peuples obéiront... PP 214 3 Le roi des animaux est un symbole très approprié pour désigner cette tribu d'où sortirent David et le Scilo, le Fils de David, "lion de la tribu de Juda", devant lequel, un jour, toutes les puissances et tous les peuples s'inclineront en lui rendant hommage. PP 214 4 A la plupart de ses enfants, Jacob prédit un avenir prospère. Quand il arriva au nom de Joseph, et qu'il invoqua la bénédiction du ciel "sur le front du prince de ses frères", le coeur du père déborda: PP 214 5 Joseph est le rameau d'un arbre fertile, Le rameau d'un arbre fertile au bord d'une source; Ses branches s'élèvent par-dessus la muraille. Des archers le harcèlent, lui lancent des flèches, Et ils dirigent contre lui leurs attaques. Mais son arc n'a point perdu sa vigueur; Ses bras et ses mains sont demeurés fermes, Grâce au secours du Tout-Puissant de Jacob, Du Dieu qui est le Berger, le Rocher d'Israël... Grâce au Dieu de ton père, qui sera ton appui, Et au Tout-Puissant qui te bénira, Tu auras en partage les bénédictions célestes d'en haut, Les bénédictions du profond abîme, Les bénédictions des mamelles et du sein maternel, Les bénédictions de ton père s'élèvent Au-dessus des bénédictions de ceux qui t'ont engendré, Jusqu'au sommet des collines éternelles; Elles reposent sur la tête de Joseph, Sur le front du prince de ses frères. PP 215 1 Les affections de Jacob avaient toujours été ardentes et profondes. Il aimait tendrement ses fils. Les témoignages qu'il leur rendait en mourant n'étaient dictés ni par la partialité ni par le ressentiment. Il leur avait pardonné à tous, et il les aima jusqu'à la fin. Sa tendresse paternelle n'eût trouvé que des accents d'encouragement et d'espérance. Mais à ce moment-là, la puissance de Dieu reposait sur lui, et il fut obligé, sous l'inspiration d'en haut, de prononcer des vérités qu'il lui eût été douloureux de proférer de son chef. PP 215 2 Après avoir prononcé les dernières bénédictions, Jacob répète la recommandation relative à sa sépulture: "Je vais être recueilli auprès des miens; enterrez-moi avec mes pères... Dans la caverne du champ de Macpéla... Là furent ensevelis Abraham, avec Sara, sa femme. Là aussi furent ensevelis Isaac et Rébecca, sa femme; et c'est là que j'ai enseveli Léa." L'acte final de son existence révélait sa foi en la promesse de Dieu. PP 215 3 Les dernières années de Jacob nous apparaissent comme un soir paisible et serein après une journée d'orage et de tempête. Si de sombres nuages se sont amoncelés sur son sentier, son soleil se couche radieux, et ses dernières heures sont illuminées de célestes clartés. "Sur le soir, la lumière apparaîtra."(3) "Observe l'homme intègre et regarde l'homme droit; car il y a un avenir pour l'homme de paix."(4) PP 215 4 Pour ses fautes, Jacob dut souffrir amèrement. Après le grand péché qui le chassa loin des tentes de son père, de longues années de labeur, de soucis et de chagrins furent son partage. Fugitif et sans foyer, il dut se séparer de sa mère qu'il ne revit plus jamais. Après avoir travaillé sept ans pour celle qu'il aimait, il fut vingt ans au service d'un maître rapace qui l'exploita odieusement. Malgré cela, il vit son bien s'accroître et ses fils grandir autour de lui. Mais il ne goûta que peu de joie dans un foyer souvent troublé par les querelles. PP 215 5 Coup sur coup, il fut frappé au coeur par le déshonneur de sa fille, la vengeance de ses frères, la mort de Rachel, le péché odieux de Ruben, celui de Juda et le cruel forfait qui lui ravit Joseph. Lugubre existence que la sienne! Que de maux Jacob moissonna comme fruit d'un premier égarement! Et combien de fois il vit ses fils répéter les péchés dont il s'était lui-même rendu coupable! Mais cette douloureuse discipline et cet amer châtiment atteignirent leur but. Jacob récolta un "fruit de justice et de paix".(5) PP 216 1 L'inspiration enregistre impartialement les fautes de ceux qui ont joui de la faveur de Dieu. On peut même dire qu'elle nous parle plus volontiers de leurs péchés que de leurs vertus. Ceci est pour plusieurs un sujet d'étonnement, et motive souvent les sarcasmes des incrédules. Le fait même que la Bible ne voile ni n'atténue les faiblesses de ses personnages les plus illustres est au contraire une preuve incontestable de sa véracité. Il est admis que tous les historiens sont plus ou moins influencés par leurs préventions, et ne peuvent être absolument impartiaux. Et il est certain que si la Bible avait été écrite par des hommes non inspirés, elle nous aurait présenté ses héros sous le jour le plus flatteur. Mais elle nous les décrit tels qu'ils ont été. Aussi bien que nous, les hommes autrefois honorés de Dieu, et auxquels il avait confié de hautes responsabilités, ont été maintes fois victimes de la tentation et du péché. C'est pour nous avertir et nous encourager que leurs chutes et leurs égarements nous sont dévoilés. Si ces hommes étaient présentés exempts de toute faiblesse, notre nature encline au mal et nos manquements nous pousseraient au désespoir. En les voyant, comme nous, exposés aux découragements, succomber à la tentation, reprendre courage malgré tout, et triompher par la grâce de Dieu, nous nous sentons fortifiés pour continuer le combat de la foi. Comme eux, avec la force de Jésus, nous pouvons vaincre et regagner le terrain perdu. PP 216 2 D'autre part, ces récits nous avertissent que Dieu ne tient pas le coupable pour innocent, mais qu'il dévoile et condamne le mal chez ses serviteurs les plus favorisés, avec une sévérité plus grande encore que chez ceux qui ont eu moins de lumières et de responsabilités. PP 216 3 Après l'ensevelissement de Jacob, les frères de Joseph, oubliant toutes ses bontés, furent de nouveau hantés par la crainte. Le souvenir de leur péché leur inspirait de vives appréhensions. "Qui sait, se demandaient-ils, s'il n'a point différé sa vengeance par respect pour notre père, et s'il ne va pas maintenant, après une longue attente, faire tomber sur nous le châtiment de nos crimes?" N'osant se présenter eux-mêmes devant lui, ils lui envoyèrent ce message: "Ton père a donné cet ordre, avant de mourir: Vous parlerez ainsi à Joseph: Oh pardonne, je te prie, le crime de tes frères, et le péché qu'ils ont commis; car ils t'ont fait du mal. Mais maintenant pardonne, je te prie, le crime des serviteurs du Dieu de ton père." Joseph, dont l'affection pour ses frères était profonde et désintéressée, fut navré à la pensée qu'ils pussent lui attribuer des sentiments de vengeance. Ce message lui arracha des larmes, et ses frères, encouragés en l'apprenant, vinrent se jeter à ses pieds, et lui dirent: "Nous sommes tes serviteurs!" Joseph leur répondit: "Soyez sans crainte; car puis-je me mettre à la place de Dieu? Vous aviez la pensée de me faire du mal; mais ce mal, Dieu l'a changé en bien, afin d'accomplir ce qui arrive aujourd'hui, pour conserver la vie à un peuple nombreux. Soyez donc sans crainte: j'aurai soin de vous et de vos enfants." PP 217 1 La vie de Joseph est une image de la vie de Jésus-Christ. Par envie, ses frères l'avaient vendu comme esclave. Ils voulaient ainsi l'empêcher de devenir plus grand qu'eux. Aussi, quand ils l'eurent exilé en Égypte, se flattèrent-ils à la pensée qu'ils n'auraient plus rien à craindre de ses songes. Mais Dieu dirigea les événements de manière à réaliser précisément ce qu'ils avaient voulu prévenir. De même, les prêtres et les principaux des Juifs, jaloux de Jésus et craignant qu'il n'obtînt du peuple la faveur qu'ils briguaient pour eux-mêmes, le mirent à mort pour l'empêcher de devenir roi. Mais en agissant ainsi, ils contribuèrent précisément à ce résultat. PP 217 2 Sans doute, grâce à son séjour en Égypte, Joseph était devenu un sauveur pour la famille de son père. Toutefois cela ne diminuait point la culpabilité de ses frères. De même, la crucifixion de Jésus fit de lui le Rédempteur de l'humanité, le Sauveur d'une race perdue et le Souverain d'un monde. Mais le crime de ses meurtriers reste tout aussi odieux que si le Père céleste ne l'avait pas fait concourir à sa gloire et au bien des rachetés. Comme Joseph fut vendu par ses frères, Jésus-Christ fut, par l'un de ses disciples, vendu à ses plus mortels ennemis. Joseph, à cause de sa pureté même, fut calomnié et jeté en prison. Ainsi Jésus, en raison de sa vie sainte et désintéressée qui, à elle seule, condamnait le péché, fut méprisé et rejeté, puis condamné sur le témoignage de faux témoins. PP 217 3 Enfin, la patience et la douceur de Joseph devant l'injustice et l'oppression, son empressement à pardonner et sa noble générosité envers ses frères dénaturés préfiguraient le silence et la générosité avec lesquels le Sauveur supporta la brutalité et les outrages des impies, comme aussi le pardon qu'il accorda à ses meurtriers et qu'il offre encore à tous ceux qui viennent à lui, confessant leurs péchés et implorant sa miséricorde. PP 218 1 Joseph survécut cinquante-quatre ans à son père. "Il put voir les enfants d'Éphraïm jusqu'à la troisième génération. Les enfants de Makir, fils de Manassé, naquirent aussi sur les genoux de Joseph." Il fut témoin de l'accroissement et de la prospérité de son peuple. Jusqu'à la fin, il crut d'une foi inébranlable que Dieu établirait Israël dans le pays de la promesse. PP 218 2 Malgré tous les honneurs dont il fut l'objet au pays des Pharaons, c'était pour lui l'exil. Aussi dut-il signifier, par un dernier acte, qu'il appartenait à Israël. Voyant sa fin approcher, il assembla sa parenté autour de lui et lui fit part de ses dernières volontés: "Dieu vous visitera certainement, dit-il, et il vous fera remonter de ce pays dans le pays qu'il a promis par serment de donner à Abraham, à Isaac et à Jacob." Puis il leur fit prendre l'engagement solennel d'emporter avec eux ses ossements dans le pays de Canaan. Joseph mourut âgé de cent dix ans. On l'embauma, et il fut placé dans un sépulcre en Égypte. Durant tout le cours des siècles de servitude qui suivirent, ce tombeau rappela aux Israélites qu'ils n'étaient en Égypte qu'en séjour, et les exhorta à ne pas oublier le pays de la promesse dont la possession était certaine. ------------------------Chapitre 22 -- Moïse PP 219 1 Pour se procurer des vivres durant la famine, le peuple égyptien avait vendu ses bestiaux et ses terres à la couronne, s'enchaînant ainsi dans un perpétuel servage. Mais Joseph avait sagement pourvu à son émancipation en permettant à chacun de devenir fermier royal contre un cinquième du produit de son travail. PP 219 2 En raison des services rendus à la nation par Joseph, les descendants de Jacob furent exemptés de ces conditions. Non seulement on leur concéda le territoire où ils se fixèrent, mais on les exonéra d'impôts, et on leur fournit des vivres en abondance pendant toute la durée de la famine. Le roi reconnut publiquement que c'était grâce à l'intervention du Dieu de Joseph que l'Égypte était dans l'abondance, alors que les autres peuples étaient dans la disette. Il constata également que sous la sage administration de Joseph, le royaume s'était fort enrichi. PP 219 3 Mais avec le temps, le grand homme auquel l'Égypte était si redevable ainsi que la génération qui avait bénéficié de ses travaux descendirent dans la tombe, et "il s'éleva sur l'Égypte un nouveau roi, qui n'avait pas connu Joseph".(1) Non pas qu'il ignorât ce que celui-ci avait fait pour son pays, mais il désirait n'en pas tenir compte, et, si possible, ensevelir ces faits dans l'oubli. Il dit à son peuple: "Voyez, les enfants d'Israël forment un peuple plus nombreux et plus puissant que nous. Allons! Il faut agir avec prudence à son égard et l'empêcher de s'accroître, de peur que, si quelque guerre survenait, il ne se joigne à nos ennemis pour nous combattre et pour sortir du pays." PP 220 1 En effet, "les enfants d'Israël s'étaient accrus et multipliés; ils étaient devenus de plus en plus nombreux et puissants; et le pays en était rempli". Tout cela était dû aux soins tout paternels de Joseph et aux faveurs du Pharaon alors régnant. Mais leurs coutumes et leur religion n'ayant rien de commun avec celles des Égyptiens, et leur nombre allant toujours en augmentant, le nouveau roi et le peuple commencèrent à s'alarmer. On ne désirait pas le bannissement des Israélites, car beaucoup d'entre eux étaient d'habiles artisans que le roi utilisait pour l'érection de temples magnifiques et de somptueux palais. On se contenta de les opprimer. PP 220 2 Le nouveau Pharaon les assimila aux Égyptiens qui s'étaient vendus à la couronne corps et biens. Bientôt, on établit sur eux des chefs de corvée, et alors leur esclavage devint complet. "Ils imposèrent aux Israélites la plus dure servitude; ils leur rendirent la vie amère, en les employant à de pénibles constructions, en argile et en briques, ainsi qu'à toutes sortes de travaux des champs. Et on leur imposait tyranniquement tout ce dur labeur." "Mais plus on l'accablait, plus le peuple s'accroissait et se multipliait." PP 220 3 Échouant dans leur dessein de les affaiblir, de diminuer leur nombre et de dompter leur esprit d'indépendance par ce servage écrasant, le roi et ses conseillers recoururent à des mesures plus iniques. Ordre fut donné aux sages-femmes des Hébreux de faire périr à leur naissance tous les enfants mâles. L'instigateur de cet ordre barbare n'était autre que Satan qui, connaissant la promesse d'un Libérateur, pensait ainsi faire avorter le plan divin. Mais ces sages-femmes, qui étaient pieuses, refusèrent d'exécuter ce cruel arrêt, et Dieu les récompensa en les faisant prospérer. Irrité de voir qu'on bravait son décret, le roi le rendit plus impérieux et plus général. Toute la nation fut appelée à rechercher et à massacrer ces innocentes victimes: "Le Pharaon donna cet ordre à tout son peuple: Jetez dans le fleuve tous les fils qui naîtront, mais laissez vivre toutes les filles!" PP 221 1 Tandis qu'on exécutait cet ordre, il naquit un fils à un couple de pieux Israélites de la tribu de Lévi, Amram et Jokébed. L'enfant "était beau". Ses parents, considérant comme prochain le temps de la délivrance, décidèrent que cet enfant ne serait pas sacrifié. Pleins de confiance, "ils ne se laissèrent pas effrayer par l'édit du roi".(2) PP 221 2 La mère réussit à le cacher durant trois mois. Puis, voyant qu'elle ne pouvait plus le garder auprès d'elle en toute sécurité, elle confectionna un petit coffret de jonc, qu'elle rendit imperméable en l'enduisant de bitume et de poix. Elle déposa alors son nourrisson dans ce coffret et alla le porter au bord du fleuve parmi les roseaux. N'osant pas le surveiller elle-même, de crainte d'exposer la vie de son enfant et la sienne, elle en chargea Marie, la soeur du bébé, qui se tenait à distance. PP 221 3 Mais d'autres sentinelles veillaient aussi. Les ferventes prières de la mère avaient placé son trésor sous la protection divine. Les anges qui planaient sur cet humble reposoir y dirigèrent la fille du Pharaon qui se rendait au fleuve pour se baigner. Sa curiosité fut attirée vers cet objet flottant. Dès qu'elle vit le bel enfant qu'il contenait, elle comprit toute son histoire. Les larmes du bébé excitèrent sa compassion. Son coeur fut ému à la pensée de la mère inconnue qui avait recouru à ce stratagème pour sauver son enfant. Elle résolut de l'emporter et songea même à l'adopter. PP 221 4 Marie, qui avait, de loin, observé tous les mouvements de la princesse, voyant que l'enfant était l'objet de sa tendresse, s'avança timidement, et lui demanda: "Veux-tu que j'aille chercher une nourrice parmi les femmes des Hébreux, pour qu'elle t'allaite cet enfant?" La permission lui en étant donnée, elle courut porter l'heureuse nouvelle à sa mère, qui l'accompagna auprès de la fille du roi. "Emporte cet enfant et allaite-le moi, lui dit celle-ci; je te donnerai ton salaire." PP 221 5 Dieu avait entendu les prières de cette pieuse femme, et sa foi était récompensée. Pleine de gratitude, désormais exempte de danger, elle se consacra à la douce tâche qui lui était confiée. Convaincue que son enfant lui avait été conservé en vue de quelque grande mission, elle ne négligea rien pour l'instruire et le guider dans la voie de la piété. Poursuivie par la pensée qu'il passerait bientôt de ses mains à celles de sa royale mère adoptive, où il serait entouré d'influences dangereuses, elle mit à cette tâche plus de soin et de diligence que pour ses autres enfants. Tout en s'efforçant de lui inculquer, avec la crainte de Dieu, l'amour de la vérité et de la justice, elle demanda ardemment au Seigneur de le préserver de la corruption qui régnait à la cour. Elle dévoila à son fils la folie et les souillures de l'idolâtrie, et lui apprit de bonne heure à invoquer celui qui seul pouvait l'entendre et le secourir dans le danger. PP 222 1 Jokébed garda l'enfant auprès d'elle le plus longtemps possible; lorsqu'il eut atteint l'âge de douze ans, elle dut s'en séparer. Le jeune Moïse, échangeant son humble cabane pour le palais royal, fut amené chez la fille du Pharaon, "qui l'adopta pour son fils". Mais il n'oublia jamais les impressions reçues dans son enfance. Loin de s'effacer de sa mémoire, les enseignements de sa mère le préservèrent de l'orgueil, de l'incrédulité et du vice qui s'étalaient au milieu des splendeurs d'une cour dissipée. Quelle influence admirable que celle de cette femme, de cette exilée, de cette esclave! Toute la vie de Moïse, la grande mission qu'il remplit à la tête du peuple d'Israël seront le résultat de l'oeuvre d'une mère pieuse. Il n'est rien qui égale cette mission. La mère tient pour une large part entre ses mains les destinées de ses enfants. Elle forme des esprits; elle forge des caractères. Elle travaille non seulement pour le temps, mais pour l'éternité. Elle dépose dans les coeurs une semence qui germera et portera du fruit, soit pour le bien, soit pour le mal. PP 222 2 Son oeuvre ne consiste pas à jeter sur la toile quelque belle et pure image, ni à l'incruster dans le marbre: elle grave sur l'âme humaine l'image de la Divinité. C'est surtout durant les premières années de ses petits que pèse sur elle la responsabilité de former leur caractère. Les impressions faites à cet âge sur leur esprit malléable y resteront toute la vie. De là l'importance de donner aux enfants, dès l'âge le plus tendre, une éducation et une formation ayant pour but d'en faire des croyants. Car ils nous sont confiés pour être formés non pas en vue d'occuper un trône terrestre, mais en vue d'un trône céleste qui subsistera à travers tous les âges. PP 222 3 Chaque mère de famille doit se dire que tous ses instants ont une valeur incalculable. Son oeuvre sera jugée au jour solennel du règlement des comptes. On verra alors qu'une forte proportion de fautes et de crimes commis sur la terre sont attribuables à l'ignorance et à la négligence de celles dont le devoir était de diriger dans la bonne voie les pas chancelants de l'enfance. On verra également que la majorité des hommes qui ont éclairé le monde de l'éclat de leur génie ou des rayons bienfaisants de la vérité et de la vertu devaient les mobiles de leurs actes et de leur succès aux efforts et aux prières d'une mère chrétienne. PP 223 1 A la cour du Pharaon, Moïse reçut une haute culture civile et militaire. Le monarque ayant résolu de choisir son petit-fils adoptif comme son héritier, tout fut disposé en vue de le préparer à occuper cette situation. "Moïse fut instruit dans toute la science des Égyptiens; il était puissant en paroles et en oeuvres."(3) Par ses capacités militaires, il devint le favori des armées égyptiennes; il était universellement considéré comme un homme extraordinaire. Satan était battu. Dieu avait fait servir à la formation et à l'éducation du libérateur de son peuple le décret même qui vouait les enfants hébreux à la mort. PP 223 2 Des anges apprirent aux anciens d'Israël que le temps de leur délivrance approchait et que Moïse était l'homme dont Dieu allait se servir pour accomplir cette oeuvre. Il fut lui-même avisé par des êtres célestes que le Seigneur l'avait désigné pour briser les fers de son peuple. Mais, supposant que cette oeuvre devait s'accomplir par la force des armes, il en conclut qu'il était chargé de conduire les Israélites à la guerre contre les armées égyptiennes. Dans cette pensée, il se surveilla de crainte que son attachement pour sa mère adoptive ou pour le Pharaon ne devînt un obstacle à l'accomplissement de la volonté divine. PP 223 3 En vertu des lois, on ne pouvait occuper le trône du Pharaon sans appartenir à la caste sacerdotale. En conséquence, en sa qualité d'héritier présomptif, Moïse dut être initié aux mystères de la religion nationale. Il les étudia avec un zèle infatigable; mais on ne put jamais le déterminer à sacrifier aux faux dieux. Il fut alors averti que s'il persistait dans la foi hébraïque, sa déchéance serait prononcée par la princesse. Mais il demeura inflexible dans sa décision de ne rendre hommage qu'au seul Dieu créateur des cieux et de la terre. Dans ses discussions avec les prêtres et le peuple, il démontrait combien était insensée la vénération superstitieuse qu'ils accordaient à des objets inanimés. Personne ne pouvait réfuter ses arguments ni changer sa manière de voir. On toléra momentanément sa fermeté, en raison de sa haute situation et de la faveur dont il jouissait tant à la cour que parmi le peuple. PP 224 1 "C'est par la foi que Moïse, devenu grand, renonça au titre de fils de la fille du Pharaon, aimant mieux être maltraité avec le peuple de Dieu que de jouir, pour un peu de temps, des délices du péché; il considérait l'opprobre du Christ comme une richesse plus grande que les trésors de l'Égypte, parce qu'il regardait à la rémunération."(4) Moïse était capable d'occuper un rang élevé parmi les grands de la terre; il pouvait briller à la cour du plus glorieux empire et en tenir dignement le sceptre. Sa supériorité intellectuelle le plaçait au-dessus des grands hommes de tous les siècles. Comme historien, poète, philosophe, général et législateur, il était sans égal. Et néanmoins, ayant le monde entier devant lui, il eut la force morale de renoncer aux perspectives brillantes de la richesse et des grandeurs humaines, "aimant mieux souffrir avec le peuple de Dieu que d'avoir du péché une jouissance momentanée". PP 224 2 Moïse avait appris quelle serait la récompense finale réservée aux humbles et fidèles serviteurs de Dieu. Pour lui, toute la gloire mondaine était éclipsée par cette promesse. Le trône et le somptueux palais des Pharaons lui étaient offerts. Mais il connaissait les péchés et l'impiété qui régnaient dans ce milieu séducteur. Par-delà les magnifiques résidences, par-delà la couronne d'un empire, il entrevoyait la gloire incomparable qui sera le partage des saints du Très-Haut dans un règne de pureté et d'innocence. Il voyait le diadème impérissable que le Roi du ciel placera sur le front des vainqueurs. Et, le coeur enflammé de cette foi, il se détourna des grands de la terre pour se joindre à un peuple pauvre, humble et méprisé qui voulait obéir à Dieu et non le renier. PP 224 3 Moïse resta à la cour jusqu'à ce qu'il eût atteint l'âge de quarante ans. La douloureuse servitude qui opprimait son peuple pesait lourdement sur son coeur. Il rendait visite à ses frères et les encourageait, en les assurant que Dieu allait les délivrer. Souvent, révolté à la vue de l'injustice et de la tyrannie dont ils étaient les victimes, il brûlait du désir de les venger. Un jour qu'il se promenait, voyant un Égyptien frapper un Israélite, il se jeta sur l'agresseur et le tua. A part l'Israélite, personne n'ayant été témoin de ce fait, Moïse ensevelit immédiatement le cadavre sous le sable. Il venait de se montrer prêt à défendre la cause de son peuple et il espérait le voir se lever comme un seul homme pour recouvrer sa liberté. "Il croyait que ses frères comprendraient que Dieu leur accordait par sa main la délivrance; mais ils ne le comprirent pas?"(5) Ils n'étaient pas encore mûrs pour la liberté. Le jour suivant, Moïse vit deux Hébreux se quereller. L'un des deux étant évidemment dans son tort, Moïse le censura. Rétorquant, le coupable dénia à Moïse le droit d'intervenir et l'accusa lâchement de meurtre. "Qui t'a établi chef et juge sur nous? lui dit-il. Est-ce que tu veux me tuer comme tu as tué l'Égyptien."(6) PP 225 1 Le bruit s'en répandit immédiatement dans le pays et parvint bientôt, fortement exagéré, aux oreilles du Pharaon. On lui démontra que cette affaire avait une longue portée; que Moïse se proposait de se mettre à la tête de ses frères contre les Égyptiens; de renverser le gouvernement et de s'asseoir sur le trône; en un mot, qu'il n'y aurait aucune sécurité dans le royaume aussi longtemps qu'il serait en vie. Sa mort fut donc immédiatement décidée par le monarque. Informé du danger qu'il courait, Moïse s'enfuit dans la direction de l'Arabie. Dieu dirigea ses pas vers la demeure de Jéthro, prêtre de Madian, adorateur du vrai Dieu, dont il épousa plus tard une fille, et chez qui il demeura quarante ans en qualité de berger. PP 225 2 En tuant un Égyptien, Moïse était tombé dans l'erreur souvent commise par ses pères, erreur qui consistait à vouloir faire eux-mêmes ce que le Seigneur avait promis d'accomplir lui-même. Dieu ne se proposait nullement, comme Moïse le pensait, de délivrer son peuple par la guerre, mais par sa propre puissance, afin que lui seul en eût toute la gloire. Il fit néanmoins contribuer cette erreur à l'accomplissement de sa volonté. Moïse n'était pas prêt pour la grande oeuvre qui l'attendait. Comme Abraham et Jacob, il devait apprendre à ne pas compter, pour exécuter les promesses divines, sur la force ou sur la sagesse humaine, mais sur la seule puissance de Dieu. En outre, dans la solitude des montagnes, Moïse avait d'autres enseignements encore à recevoir. A l'école du renoncement et des privations, il apprendrait à être patient et à modérer ses passions. Avant de pouvoir gouverner sagement, il fallait qu'il sache obéir. Pour faire connaître au peuple la volonté du Très-Haut, il devait avoir un coeur entièrement soumis aux directions divines et se préparer, par une expérience personnelle, à entourer de soins paternels tous ceux qui auraient besoin de lui. PP 225 3 D'aucuns se seraient passés de ce long stage de labeur obscur. Ils auraient envisagé comme une perte de temps inutile ces quarante ans que Dieu, dans sa sagesse infinie, appelait le futur conducteur de son peuple à consacrer aux humbles devoirs d'un berger. Les soins vigilants, l'oubli de soi et la tendre sollicitude dont il allait prendre l'habitude en gardant le troupeau de son beau-père, devaient le préparer à devenir, en Israël, un pasteur compatissant, un chef d'une patience à toute épreuve. Ces qualités, aucun des avantages de l'éducation ou de la culture humaine ne pouvait les remplacer. PP 226 1 Moïse avait d'ailleurs beaucoup de choses à désapprendre. L'affection de sa mère adoptive, la dissipation étalée partout au grand jour, les raffinements, les roueries et le mysticisme d'une fausse religion, les splendeurs d'un culte idolâtre, les oeuvres imposantes de l'architecture et de la sculpture, tout cela s'était profondément incrusté dans son coeur et dans sa jeune imagination, et avait en quelque sorte formé ses habitudes et pétri son caractère. Le temps, un changement d'entourage et la communion avec Dieu pouvaient seuls effacer ces impressions. Pour arriver à échanger l'erreur contre la vérité, Moïse devra soutenir des luttes très douloureuses. Mais Dieu sera son secours, et il le soutiendra quand le combat sera trop rude pour ses faibles forces. PP 226 2 Tous ceux que Dieu a choisis pour accomplir une grande oeuvre sur la terre ont eu leurs moments de faiblesse. Mais ce n'étaient pas des hommes aux habitudes cristallisées et obstinés à s'y cramponner. Au contraire, ils désiraient avec ardeur être instruits par Dieu sur la manière de travailler pour lui. Nous lisons dans l'Écriture que si quelqu'un "manque de sagesse", il lui suffit de la "demander à Dieu qui donne à tous libéralement, sans rien reprocher; et elle lui sera donnée".(7) Mais le Seigneur ne dispense pas sa lumière aux hommes qui se plaisent dans les ténèbres. Celui qui veut recevoir le secours d'en-haut doit être conscient de sa faiblesse et de ses imperfections. Il faut qu'il se prépare aux grands changements qui doivent s'opérer en lui et se livre avec ardeur et persévérance au travail et à la prière. La victoire ne s'obtient que par une volonté résolue de se corriger de ses mauvaises habitudes. Que d'hommes n'arrivent jamais à la position qu'ils pourraient atteindre dans l'oeuvre de Dieu pour la raison qu'ils attendent du ciel ce qu'il leur a donné la force d'accomplir eux-mêmes. Tous ceux qui désirent se préparer à remplir une carrière féconde doivent consentir à passer par une sévère discipline mentale et morale, assurés de rencontrer une force divine prête à seconder leurs efforts. PP 227 1 Derrière un rempart de montagnes, Moïse était seul avec Dieu. Les yeux et l'esprit délivrés du spectacle éblouissant des temples égyptiens, comme de l'erreur et des superstitions de leurs cultes, il pouvait contempler en paix la solennelle majesté des collines éternelles, la grandeur de Dieu et, par contraste, le néant de l'idolâtrie. Il lisait partout le nom du Créateur; partout il se sentait enveloppé de sa présence et couvert de sa protection. Peu à peu, dans l'austère simplicité de la vie du désert, sa suffisance, son orgueil, l'amour du faste et du confort disparurent. Il devint patient, brave, modéré. Enraciné dans sa foi au Puissant de Jacob, il finit par devenir "un homme fort doux, plus qu'aucun homme qui fût sur la terre".(8) PP 227 2 Cependant, au cours de sa vie errante à travers de vastes solitudes, tout en paissant ses troupeaux, ce prince devenu berger songeait à l'oppression qui accablait son peuple. Son esprit se reportait sur les voies de Dieu envers ses pères et sur les promesses qui leur avaient été laissées comme héritage. Nuit et jour, ses pensées montaient vers le ciel. Les anges de Dieu l'éclairaient de célestes lumières. Ce furent des années riches en bénédictions, celles qu'il passa dans ces solitudes désertiques, riches non seulement pour lui-même et pour son peuple, mais aussi pour les générations à venir dans le monde entier. PP 227 3 Les années s'écoulaient. "Il arriva, longtemps après, que le roi d'Égypte mourut. Alors les enfants d'Israël, qui gémissaient dans la servitude, poussèrent des cris de détresse, et ces cris, que leur arrachait la servitude, montèrent jusqu'à Dieu, qui entendit leurs gémissements et se souvint de son alliance avec Abraham, avec Isaac et avec Jacob. Dieu tourna ses regards vers les enfants d'Israël, et il connut leur détresse."(9) PP 227 4 Le temps de la délivrance était enfin arrivé. Les desseins de Dieu allaient s'accomplir, et l'orgueil des hommes sombrer dans le mépris. Le libérateur était sur le point de paraître en la personne d'un humble berger, avec, pour toute arme, une verge à la main; mais, de cette verge, Dieu ferait le symbole de sa puissance. Un jour qu'il conduisait ses troupeaux près d'Horeb, "la montagne de Dieu", Moïse aperçut un phénomène étrange: c'était un buisson enflammé qui ne se consumait pas. Comme Moïse s'approchait pour observer ce spectacle, une voix, sortant des flammes, l'appela par son nom. Tout tremblant, il répondit: "Me voici!" Alors la voix l'avertit de ne pas s'approcher dans une attitude de profane curiosité: "Ote les souliers de tes pieds; car le lieu où tu te tiens est une terre sainte... Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac, le Dieu de Jacob."(10) La voix était celle qui, dans les siècles passés, s'était fait entendre aux pères par l'"Ange de l'alliance". "Alors Moïse cacha son visage; car il craignait de fixer ses regards sur Dieu." PP 228 1 Un profond sentiment de révérence doit caractériser tous ceux qui entrent en la présence du Très-Haut. Au nom de Jésus, nous pouvons nous approcher du Seigneur avec assurance, mais sans hardiesse présomptueuse, et non comme si nous étions à son niveau. Il est des gens qui parlent au Dieu grand, saint et redoutable "qui habite une lumière inaccessible", comme s'ils s'adressaient à un égal ou même à un inférieur. D'autres se comportent dans sa maison comme ils n'oseraient pas le faire dans la salle d'audience d'un prince terrestre. Ils devraient se dire qu'ils sont en présence de celui que les séraphins adorent et devant lequel les anges se voilent la face. Tous ceux qui sont véritablement conscients de la présence de Dieu s'approchent de lui avec une sainte révérence, en se prosternant humblement devant lui. Semblables à Jacob contemplant la vision de Béthel, ils s'écrient: "Combien ce lieu est redoutable! C'est bien ici la maison de Dieu; c'est ici la porte des cieux!" PP 228 2 Comme Moïse écoute, dans une sainte frayeur, la voix continue: "J'ai vu, oui, j'ai vu la détresse dans laquelle se trouve mon peuple qui est en Égypte, et j'ai entendu les plaintes qu'il pousse contre ses oppresseurs. Oui, je connais ses souffrances; je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens et pour le faire monter d'Égypte dans une contrée fertile et spacieuse, dans une terre où coulent le lait et le miel. ...Va donc, je t'envoie auprès du Pharaon; fais sortir d'Égypte mon peuple, les enfants d'Israël." PP 228 3 Étourdi et terrifié à l'ouïe de cet ordre, Moïse recule et s'écrie: "Que suis-je pour aller auprès du Pharaon et pour faire sortir d'Égypte les enfants d'Israël?" La réponse vient: "Je serai avec toi; et voici quel sera pour toi le signe que c'est moi qui t'ai envoyé: quand tu auras fait sortir le peuple de l'Égypte, vous servirez Dieu sur cette montagne." PP 229 1 Réfléchissant aux difficultés à surmonter, à l'aveuglement, à l'ignorance et à l'incrédulité de son peuple, parmi lequel beaucoup ne connaissaient pas le Seigneur, "Moïse dit à Dieu: Je vais aller vers les enfants d'Israël, et je leur dirai: Le Dieu de vos pères m'envoie vers vous. S'ils me demandent quel est son nom, que devrai-je leur répondre? Alors Dieu dit à Moïse: Je suis celui qui dit: Je suis. Puis il ajouta: Tu parleras ainsi aux enfants d'Israël: celui qui est, l'Éternel, m'envoie vers vous." PP 229 2 Et Moïse reçoit l'ordre de rassembler premièrement, parmi les anciens d'Israël, ceux qui sont les plus intègres, et qui depuis longtemps soupirent au sein de leur esclavage, pour leur apporter, de la part de Dieu, un message et une promesse de délivrance. Accompagné de ces hommes, il devra se rendre auprès du Pharaon, et lui dire: "Le Dieu des Hébreux nous est apparu. Permets-nous d'aller à trois journées de marche dans le désert, pour offrir des sacrifices à l'Éternel, notre Dieu." PP 229 3 Moïse est prévenu que le Pharaon refusera d'accéder à leur demande; mais il ne devra point faiblir, car Dieu saisira cette occasion pour manifester sa puissance à la vue des Égyptiens et de son peuple. "Je tiendrai ma main, et je frapperai l'Égypte par toutes sortes de prodiges que je ferai au milieu d'elle; après cela le Pharaon vous laissera partir." PP 229 4 Des directives sont ensuite données aux Israélites en vue des provisions nécessaires pendant le voyage: "Il arrivera qu'au moment de votre départ vous ne vous en irez pas les mains vides. Chaque femme demandera à sa voisine et à celles qui habitent dans sa maison des objets d'argent, des objets d'or, et des vêtements." Les Égyptiens s'étaient enrichis du travail injuste qu'ils avaient imposé aux Israélites. Ces derniers, en se mettant en route vers leur nouvel héritage, avaient donc le droit de réclamer le paiement de leurs années de labeur. A cet effet, ils devront demander des articles de valeur facilement transportables. Du reste, Dieu va disposer les Égyptiens en leur faveur. Les puissants miracles accomplis pour leur délivrance frapperont les oppresseurs de telle sorte que les requêtes de leurs esclaves leur seront accordées. PP 229 5 Mais Moïse voyait devant lui des obstacles insurmontables. Comment pourra-t-il convaincre son peuple que Dieu l'a réellement envoyé? Il répond à la voix céleste: "Ils ne me croiront pas, et ils n'obéiront point à ma voix; car ils diront: L'Éternel ne t'est pas apparu." Dieu lui donne alors, comme preuve de sa vocation, un signe tombant sous les sens: "Jette à terre ton bâton. Moïse le jeta à terre; le bâton devint un serpent(11). A cette vue, Moïse s'enfuit." Puis il reçut l'ordre de mettre sa main dans son sein; il obéit, et quand il la retira, "voici que sa main était couverte de lèpre, blanche comme la neige". Mais Dieu lui dit de la remettre dans son sein, et quand il la retira, "elle avait repris la couleur de la chair". Par ces signes, Moïse reçoit l'assurance que son peuple, comme le Pharaon, connaîtra la toute-puissance de l'Eternel. PP 230 1 Mais l'homme de Dieu est encore effrayé à la pensée de l'oeuvre étrange et merveilleuse qui l'attend. Dans sa détresse, il se retranche derrière l'excuse qu'il n'a pas la parole aisée: "Hélas! Seigneur, dit-il, je n'ai pas la parole facile, ni depuis hier, ni depuis avant-hier, ni depuis que tu parles à ton serviteur; car j'ai la bouche et la langue embarrassées." Il avait été si longtemps absent de l'Égypte qu'il avait perdu l'usage courant de la langue du pays. PP 230 2 "L'Éternel lui dit: Qui a fait la bouche de l'homme? Qui rend muet ou sourd, clairvoyant ou aveugle? N'est-ce pas moi, l'Éternel? Maintenant donc, va: je serai avec toi quand tu parleras." Moïse demande alors qu'une personne plus compétente que lui soit choisie à sa place. Ses excuses avaient d'abord été dictées par la timidité et la modestie. Mais Dieu lui ayant promis d'écarter toutes les difficultés et de lui donner le succès final, toute hésitation, toute allusion à son incapacité devenait de la défiance, et équivalait à l'accusation que Dieu était incapable d'accomplir sa promesse ou qu'il s'était trompé en le choisissant. PP 230 3 L'Éternel lui désigne alors Aaron, son frère, qui maniait la langue égyptienne à la perfection. "Le voici même qui s'avance à ta rencontre... Tu lui parleras donc, et tu mettras les paroles dans sa bouche. Je serai avec toi et avec lui, quand vous parlerez, et je vous enseignerai ce que vous devez faire. C'est lui qui parlera pour toi au peuple; il sera ta bouche, et tu seras Dieu pour lui. Tu prendras dans ta main ce bâton par lequel tu opéreras les prodiges." L'ordre était impératif. Tout prétexte ayant été enlevé, il n'y avait plus à tergiverser. PP 231 1 L'appel divin adressé à Moïse l'avait trouvé timide, se défiant de lui, la parole embarrassée et consterné à la pensée de son incapacité à être l'interprète de Dieu auprès d'Israël. Mais lorsqu'il eut accepté cette mission, il y entra de tout son coeur et avec une pleine confiance en l'Éternel. La grandeur de cette tâche exigeait les meilleures facultés de son intelligence. Sa prompte obéissance fut récompensée, car il devint éloquent, optimiste, maître de lui, en un mot propre à accomplir la plus grande mission qui eût jamais été confiée à un être humain. C'est là un exemple de ce que Dieu peut faire pour affermir le caractère de ceux qui s'abandonnent sans réserve à sa volonté et à sa puissance. PP 231 2 L'homme qui accepte les responsabilités que Dieu lui offre et y apporte toute l'énergie de son âme, acquerra les forces et l'efficacité qui lui sont nécessaires. Quelque humble que soit sa position, et quelque limités que soient ses talents, celui qui s'efforce d'accomplir son devoir avec fidélité parviendra à la vraie grandeur. Si Moïse, confiant en ses forces et en sa sagesse, avait accepté avec empressement sa lourde carrière, il aurait montré qu'il n'était pas l'homme qu'il fallait. Celui qui se rend compte de sa faiblesse prouve qu'il comprend jusqu'à un certain point l'immensité de l'oeuvre qui lui est confiée, et qu'il compte faire de Dieu sa force et son conseiller. PP 231 3 Moïse retourna chez son beau-père et lui exprima son désir d'aller voir ses frères en Égypte. "Va en paix", lui dit Jéthro, en lui donnant son consentement et sa bénédiction. Alors Moïse se mit en route, accompagné de sa femme et de ses enfants. Il n'avait pas osé faire connaître le but de son voyage, de peur qu'on ne s'opposât au départ de sa famille. Avant d'avoir atteint l'Égypte, cependant, il jugea lui-même prudent de la renvoyer en Madian, chez son beau-père. PP 231 4 Ce qui avait fait éprouver à Moïse de la répugnance à l'idée de retourner en Égypte, c'était la crainte secrète de se trouver face à face avec le Pharaon et les conseillers qui lui avaient été hostiles, quarante ans auparavant. Mais sitôt que sa décision fut prise, Dieu l'informa que ses ennemis étaient morts. PP 231 5 En route pour l'Égypte, Moïse reçut un avertissement saisissant du déplaisir de Dieu. Un ange lui apparut dans l'attitude menaçante d'un ennemi prêt à le frapper à mort. Aucune explication ne lui était donnée. Mais l'homme de Dieu se souvint que, cédant aux sollicitations de sa femme, il avait négligé d'appliquer à son plus jeune fils l'ordonnance relative à la circoncision, sans laquelle nul ne pouvait avoir part aux bénédictions de l'alliance de Dieu avec Israël. PP 232 1 Une semblable négligence de la part de l'élu du Très-Haut ne pouvait qu'affaiblir, aux yeux du peuple, l'obligation du divin précepte. D'ailleurs, dans l'accomplissement de sa mission auprès du Pharaon, Moïse allait courir de grands dangers; sa vie ne pouvait être conservée que grâce à la protection des anges sur laquelle il ne pouvait compter que s'il ne négligeait aucun devoir. Craignant de perdre son mari, Séphora accomplit ce rite elle-même, et l'ange laissa Moïse continuer son voyage. PP 232 2 Dans le temps de détresse qui aura lieu immédiatement avant le retour du Seigneur, les justes ne pourront échapper à la mort que par le ministère des saints anges. Mais cette sécurité sera refusée aux transgresseurs de la loi de Dieu. A ce moment-là, les messagers célestes ne pourront protéger ceux qui violeront un précepte quelconque de cette loi. ------------------------Chapitre 23 -- Les plaies d'Egypte PP 233 1 Des anges avaient donné à Aaron l'ordre d'aller au-devant de son frère Moïse, dont il était depuis si longtemps séparé. Ils se rencontrèrent près d'Horeb, au milieu des solitudes du désert, et eurent un très long entretien. "Moïse rapporta à Aaron toutes les paroles du message dont l'Éternel l'avait chargé, et tous les prodiges qu'il lui avait donné mission d'accomplir." Ensemble, ils se rendirent en Égypte, et, arrivés au pays de Gosen, ils rassemblèrent les anciens d'Israël. Aaron leur communiqua tout ce que Dieu avait fait pour Moïse, puis les prodiges confiés à ce dernier furent renouvelés devant eux. "Le peuple crut; les Israélites comprirent que l'Éternel était venu les visiter, et qu'il avait vu leur détresse. Ils s'inclinèrent et ils adorèrent."(1) PP 233 2 Moïse avait aussi reçu un message pour le roi, et les deux frères se rendirent ensemble au palais des Pharaons, en qualité d'ambassadeurs du Roi des rois. PP 233 3 -- Laisse partir mon peuple, afin qu'il puisse célébrer une fête en mon honneur dans le désert, dirent-ils au monarque. PP 233 4 -- Qui est l'Éternel pour que j'obéisse à sa voix en laissant partir Israël? leur demanda-t-il. Je ne connais pas l'Éternel, et je ne laisserai point partir Israël. PP 234 1 -- Le Dieu des Hébreux nous est apparu, répondirent-ils. Permets-nous d'aller à trois journées de marche dans le désert, pour offrir des sacrifices à l'Éternel, notre Dieu, de peur qu'il ne nous frappe par la peste ou par l'épée. PP 234 2 La nouvelle de l'arrivée des deux frères et l'intérêt qu'elle excitait parmi le peuple étaient parvenus à la connaissance du Pharaon. Imaginant que son royaume avait déjà subi des dommages par l'apparition de ces étrangers, il se mit dans une grande colère. "Moïse et Aaron, leur dit-il, pourquoi détournez-vous le peuple de son ouvrage? Ce peuple est maintenant très nombreux dans le pays, et vous les faites chômer de leurs travaux?" PP 234 3 Durant leur servitude, les descendants de Jacob avaient en quelque sorte perdu la connaissance de la loi de Dieu et s'étaient écartés de ses préceptes. Le sabbat avait été généralement abandonné, et les exactions des chefs de corvées rendaient son observation apparemment impossible. Aussi Moïse dit-il à son peuple que l'obéissance aux commandements de Dieu était la première condition de la délivrance. Mais les oppresseurs eurent bientôt connaissance de ses efforts pour rétablir l'observation du sabbat. PP 234 4 Sérieusement alarmé, le roi suspectait les Israélites d'une révolte et de l'abandon de leurs travaux. Ces projets, pensait-il, étaient la conséquence de l'oisiveté; aussi allait-il faire en sorte qu'il ne leur restât pas de temps à consacrer à de dangereux complots. Il prit immédiatement des mesures pour resserrer leurs chaînes et étouffer en eux cet esprit d'indépendance. Le même jour, des ordres furent donnés qui rendaient leur travail encore plus pénible. Les matériaux ordinairement employés aux bâtisses étaient des briques séchées au soleil. Leur fabrication occupait un grand nombre d'esclaves hébreux. Les murs des plus beaux édifices étaient faits de ces briques auxquelles on ajoutait un revêtement de pierres de taille. Pour rendre l'argile plus consistante, on y mélangeait de la paille, dont il fallait de très grandes quantités. Or, le roi donna l'ordre de ne plus fournir de paille, et les bâtisseurs furent désormais obligés d'aller la chercher eux-mêmes, tout en livrant le même nombre de briques. PP 235 1 Ce décret jeta les Israélites dans la consternation. En vertu du décret royal, ils se répandirent dans tout le pays pour chercher du chaume au lieu de paille, mais ils ne purent livrer la même somme de travail; leurs contremaîtres furent cruellement battus par ordre des chefs de corvée égyptiens et ils allèrent porter plainte au Pharaon. PP 235 2 Le monarque les reçut en ricanant: "Vous êtes des paresseux, oui, des paresseux! C'est pour cela que vous dites: Nous voulons aller offrir des sacrifices à l'Éternel." Ils furent renvoyés à leur ouvrage, avertis par le roi que leurs fardeaux ne seraient nullement allégés. Au moment où ils sortaient du palais du Pharaon, rencontrant Moïse et Aaron qui les attendaient, ils leur dirent, exaspérés: "Que l'Éternel vous regarde et qu'il vous juge! Vous nous avez attiré la défaveur du Pharaon et de ses serviteurs, et vous avez mis l'épée dans leurs mains pour nous faire périr!" PP 235 3 En entendant ces reproches, Moïse fut consterné. Les souffrances de ses frères s'étaient de beaucoup multipliées. Jeunes et vieux, sur toute l'étendue du pays, poussaient des cris de détresse et s'unissaient pour l'accuser de cette funeste aggravation de leur état. Il alla verser devant Dieu toute l'amertume de son âme: "Seigneur, dit-il, pourquoi as-tu fait du mal à ce peuple? Pourquoi donc m'as-tu envoyé? Depuis que je me suis présenté au Pharaon pour parler en ton nom, il s'est mis à maltraiter ce peuple et tu n'as nullement accordé à ton peuple la délivrance!" Il reçut cette réponse: "Tu vas voir maintenant ce que je ferai au Pharaon: contraint par une main puissante, il laissera partir les Israélites; et cette main puissante le contraindra à les renvoyer lui-même de son pays." Et Dieu lui rappela l'alliance qu'il avait conclue avec ses pères, l'assurant qu'elle atteindrait son but. PP 235 4 Pendant toute la durée de la servitude, quelques Israélites étaient restés attachés au culte de Jéhovah. C'était le coeur saignant que ces hommes avaient vu leurs enfants, témoins chaque jour des abominations païennes, s'incliner devant les faux dieux; et ils ne cessaient de demander à l'Éternel de les délivrer de la servitude égyptienne. Loin de cacher leur foi, ils avaient déclaré à leurs oppresseurs que l'objet de leur culte était le Créateur des cieux et de la terre, le seul Dieu vivant et vrai, et énuméré devant eux les preuves de sa puissance depuis la création jusqu'aux jours de Jacob. Les Égyptiens pouvaient ainsi connaître la religion des Hébreux. Mais trop orgueilleux pour se laisser instruire par leurs esclaves, ils tentaient de les séduire par des promesses et des récompenses, recourant, lorsqu'ils échouaient, aux menaces et même à la violence. PP 236 1 Les anciens d'Israël s'efforcèrent de soutenir la foi chancelante de leurs frères en leur rappelant les promesses de Dieu, notamment les paroles par lesquelles Joseph, à son lit de mort, prédisait leur délivrance. Quelques-uns écoutaient et croyaient, mais la plupart, aveuglés par les faits malheureux qui venaient de se produire, se refusaient à espérer. PP 236 2 De leur côté, les Égyptiens, apprenant ce qui se disait chez les Hébreux, tournaient leur attente en plaisanterie et se raillaient de la puissance de leur Dieu. Ils les traitaient d'esclaves et leur lançaient ce défi: "Si votre Dieu est juste et miséricordieux, s'il possède un pouvoir supérieur à celui des dieux égyptiens, pourquoi ne vous donne-t-il pas la liberté?" Et ils ajoutaient: "Regardez-nous: nous adorons des divinités que vous appelez des faux dieux; et pourtant, nous sommes une nation riche et puissante. Nos dieux nous ont rendus prospères, et ils ont fait de vous nos serviteurs; ils nous donnent même la force d'opprimer et, s'il le faut, d'anéantir les adorateurs de Jéhovah." Le Pharaon, de son côté, disait tout haut que le Dieu des Hébreux était incapable de délivrer son peuple. PP 236 3 A l'ouïe de ces paroles, beaucoup d'Israélites, se rangeant à l'opinion des oppresseurs, voyaient chanceler leur foi. Il est vrai qu'ils étaient esclaves et exposés à tous les caprices de maîtres cruels. Leurs enfants étaient traqués et mis à mort, et l'existence même leur était à charge. Pourtant, disaient-ils, nous adorons le Dieu du ciel. S'il était vraiment au-dessus de tous les dieux, il ne nous laisserait pas sous le joug des idolâtres. PP 236 4 D'autre part, les fidèles comprenaient que si Dieu avait permis leur esclavage, c'était parce qu'ils s'étaient éloignés de lui; parce qu'ils n'avaient pas craint de s'allier par mariage avec les païens et de verser ainsi dans l'idolâtrie. En même temps, ils déclaraient hautement à leurs frères que Dieu briserait bientôt le joug de l'oppresseur. PP 236 5 Les Hébreux s'étaient attendus à recouvrer la liberté sans subir d'épreuves pour leur foi, sans souffrances ni privations. Ils n'étaient pas mûrs pour la délivrance. Leur foi chancelante ne leur permettait pas de supporter patiemment des afflictions jusqu'au moment où Dieu jugerait à propos d'intervenir. Un bon nombre d'entre eux se résignaient à demeurer dans la servitude plutôt qu'à affronter les désagréments inséparables d'un changement de pays. D'autres encore avaient à tel point adopté les moeurs des Égyptiens qu'ils préféraient rester là où ils étaient. PP 237 1 Pour ces raisons, Dieu ne pourra les délivrer dès la première manifestation de sa puissance devant le Pharaon. Il devra donner au roi d'Égypte l'occasion de manifester plus complètement son esprit tyrannique, tandis qu'il se révélera lui-même à son peuple de façon que celui-ci, en contemplant sa puissance, sa justice et son amour, préférera quitter l'Égypte et se mettre à son service. PP 237 2 En attendant, la tâche de Moïse eût été bien plus facile si un grand nombre d'Israélites n'avaient pas été hostiles au plan divin. Il reçut l'ordre de retourner auprès du peuple et de lui répéter la promesse de la délivrance, en l'accompagnant d'une nouvelle assurance de la faveur divine. Mais "ils ne l'écoutèrent point, parce qu'ils étaient découragés et qu'ils gémissaient dans une dure servitude". La voix divine dit alors à Moïse: "Va, dis au Pharaon, roi d'Égypte, de laisser sortir de son pays les enfants d'Israël." Découragé, l'homme de Dieu répondit: "Eh quoi! les enfants d'Israël ne m'ont pas écouté; comment le Pharaon m'écouterait-t-il, moi?" Le Seigneur lui réitère l'ordre de se rendre chez le roi, accompagné d'Aaron, et de lui demander de les laisser sortir d'Égypte. PP 237 3 En même temps, l'Éternel lui apprend que le monarque ne cédera pas jusqu'à ce qu'il ait frappé l'Égypte de manifestations spéciales de sa puissance. Avant que s'abatte chacun des jugements divins, Moïse devra en décrire exactement au roi la nature et les effets et lui donner ainsi l'occasion de les éviter s'il le désire. Chaque fléau sera suivi d'un autre, plus terrible, jusqu'à ce que son coeur soit humilié, et qu'il reconnaisse que le Créateur des cieux et de la terre est le Dieu vivant et vrai. L'Éternel allait offrir ainsi aux Égyptiens l'occasion de voir combien était vaine la sagesse de leurs grands hommes, et faible la puissance de leurs dieux pour s'opposer à ses paroles. Il allait punir ce peuple de son idolâtrie, et réduire par là au silence ceux qui louaient ses absurdes divinités. Il voulait ainsi glorifier son nom, afin de faire trembler les nations qui en entendraient parler, et, libérant son peuple de l'idolâtrie, l'amener à lui rendre un culte digne de lui. PP 238 1 De nouveau, Moïse et Aaron pénètrent dans les riches salles du palais royal. Entourés de superbes colonnes et de décorations étincelantes, de statues des faux dieux et de magnifiques peintures, ils se trouvent en présence du monarque le plus puissant de la terre. Debout devant lui, les deux représentants d'une race asservie répètent l'ordre de leur Dieu exigeant la libération d'Israël. Le roi leur demande un miracle attestant l'authenticité de leur mandat. Comme ils avaient reçu les instructions nécessaires en vue de cette demande, Aaron, prenant le bâton, le jette devant le Pharaon, et la verge se transforme en serpent. Le monarque, faisant appeler "les sages, les devins et les magiciens de l'Égypte,... chacun jeta son bâton, et ces bâtons devinrent des serpents; mais le bâton d'Aaron engloutit ceux des devins". Triomphant, le roi déclare que ses magiciens sont aussi forts que Moïse et Aaron. Il croit pouvoir en toute sûreté rejeter leur demande et qualifie d'imposteurs les serviteurs de l'Éternel, sans pouvoir, cependant, leur faire aucun mal. PP 238 2 Pour le convaincre que le grand JE SUIS lui avait envoyé ses prophètes, ce miracle avait été accompli par Dieu, et non par Moïse et Aaron, tandis que les magiciens l'avaient contrefait par la puissance de Satan. Les magiciens n'avaient pas réellement changé leurs bâtons en serpents. Grâce à la magie -- un des instruments du grand séducteur -- ils en avaient seulement produit l'illusion. Quoique en possession de toute l'intelligence et de toute la puissance d'un ange déchu, le prince du mal n'a pas le pouvoir de créer; seul Dieu peut donner la vie. Changer les bâtons en serpents était au-dessus de la force de Satan: une contrefaçon, voilà tout ce qu'il pouvait faire. Mais comme les faux serpents ressemblaient parfaitement à celui de Moïse, le Pharaon crut, avec ses courtisans, que les bâtons avaient été changés en serpents. Et lorsque le serpent de Moïse engloutit ceux des magiciens, le roi, au lieu de l'attribuer à la puissance divine, y vit simplement une magie supérieure à celle de ses sorciers. PP 238 3 Satan avait fourni au monarque le prétexte désiré pour résister à l'injonction de Jéhovah et récuser les miracles qu'il avait accomplis par Moïse. Il déclara aux Égyptiens que ces deux frères n'étaient que des enchanteurs, et que le message qu'ils apportaient ne pouvait prétendre au respect dû aux ordres d'un être supérieur. La contrefaçon de Satan atteignait donc son but: confirmer les Égyptiens dans leur rébellion, et encourager le Pharaon à endurcir son coeur. Il espérait également ébranler la confiance de Moïse et d'Aaron en la divine origine de leur mission et faire échouer ainsi l'émancipation des enfants d'Israël. PP 239 1 Le prince du mal avait encore un but plus profond en faisant simuler les miracles par les magiciens. Il savait qu'en brisant le joug de la servitude qui pesait sur Israël, Moïse préfigurait le divin Libérateur qui devait donner le coup de grâce au règne du péché au sein de la race humaine. Il savait qu'à l'apparition du Messie, de grands miracles prouveraient au monde que celui-ci était l'envoyé de Dieu; et il tremblait pour son pouvoir. Aussi, en contrefaisant l'oeuvre de Moïse, Satan espérait-il non seulement empêcher la délivrance d'Israël, mais exercer sur les siècles futurs une influence telle qu'on ne croirait pas aux miracles du Sauveur et qu'on les attribuerait à l'adresse et à la puissance humaines. C'est ainsi que, de tout temps, il s'est efforcé de bannir de bien des esprits la foi en Jésus comme Fils de Dieu, et d'annuler l'offre miséricordieuse du salut éternel. PP 239 2 Le lendemain matin, Moïse et Aaron durent se rendre au bord du fleuve, où le roi avait coutume de diriger ses pas pour y faire ses dévotions au Nil qui, en raison de la fertilité et de la richesse qu'il apporte à l'Égypte par ses débordements annuels, était considéré comme un dieu. Les deux frères réitérèrent leur message; puis, étendant leur bâton, ils en frappèrent les eaux. Les ondes sacrées se trouvèrent transformées en sang. Les poissons moururent, et une odeur nauséabonde se répandit dans les airs. L'eau conservée dans les citernes et dans les maisons fut également changée en sang. "Mais les magiciens d'Égypte firent de même par leurs enchantements.... Le Pharaon tourna le dos et revint dans sa maison, sans prêter attention à ce prodige." La plaie dura sept jours, mais resta sans effet. PP 239 3 Le bâton fut de nouveau étendu sur le fleuve, et il en sortit des grenouilles qui se répandirent sur tout le pays. Elles infestèrent les maisons, envahirent les chambres à coucher et jusqu'aux fours et aux pétrins. Les Égyptiens, qui regardaient la grenouille comme sacrée, n'osaient pas détruire cette peste gluante devenue intolérable. Ces batraciens pullulaient jusque dans le palais du Pharaon, impatient de les voir disparaître. Les magiciens, qui s'étaient évertués à en produire, se déclaraient incapables de les extirper. Déconcerté, le roi fit chercher Moïse et Aaron et leur dit: "Intercédez auprès de l'Éternel, pour qu'il éloigne les grenouilles de moi et de mon peuple; je laisserai partir votre peuple, afin qu'il puisse offrir des sacrifices à l'Éternel." On lui rappela ses fanfaronnades et on lui demanda de fixer lui-même le moment de l'évacuation du fléau. Le roi fixa le jour suivant, tout en espérant que, dans l'intervalle, les grenouilles se retireraient d'elles-mêmes et lui épargneraient l'humiliation amère de se soumettre au Dieu d'Israël. Au temps fixé, les grenouilles moururent et dans tout le pays l'atmosphère fut empestée par ces corps en décomposition. PP 240 1 Si Dieu les avait fait rentrer sous terre en un instant, le peuple y aurait vu le résultat des enchantements de ses magiciens. Au contraire, comme elles moururent et qu'on dut les entasser en monceaux, le Pharaon, ses savants et toute l'Égypte durent reconnaître que cette apparition n'était pas l'effet de la magie, mais un jugement du ciel. PP 240 2 "Le Pharaon, voyant qu'il avait du répit, endurcit son coeur." Alors, sur l'ordre de Dieu, Aaron étendit la main et, dans tout le pays, la poussière de la terre se transforma en moustiques. Sommés par le roi d'en faire autant, les magiciens s'en dirent incapables, et chacun put constater que l'oeuvre de Dieu était supérieure à celle de Satan. Les magiciens eux-mêmes dirent au roi: "Le doigt de Dieu est là!" PP 240 3 Le monarque demeurant sourd aux appels et aux avertissements du ciel, un nouveau jugement devenait nécessaire. Pour qu'on ne l'attribuât pas au hasard, le moment de son apparition fut prédit. Une quantité de mouches venimeuses envahirent les maisons et couvrirent le sol, au point que "tout le pays d'Égypte fut dévasté par ces mouches". C'étaient de gros insectes dont la piqûre était très douloureuse pour les hommes et pour les bêtes. Comme cela avait été prédit, la plaie ne s'étendit pas sur la terre de Gossen. PP 240 4 Le Pharaon donna alors aux Israélites la permission de sacrifier à l'Éternel, mais sans sortir d'Égypte. Moïse refusa cette permission et en donna la raison: "Il ne convient pas d'agir ainsi, dit-il; car les sacrifices que nous offririons à l'Éternel, notre Dieu, seraient une abomination pour les Égyptiens. Et, si nous offrions, sous les yeux des Égyptiens, des sacrifices qui leur sont en abomination, ne pourraient-ils pas nous lapider?" Les animaux que les Hébreux devaient sacrifier étaient regardés par les Égyptiens comme sacrés; en tuer un, même par accident, était considéré comme un acte digne de mort. Moïse ayant renouvelé la proposition de s'éloigner de trois journées de marche, le Pharaon céda et supplia les serviteurs de Dieu de faire disparaître le fléau. Ils y consentirent, tout en l'avertissant de ne pas les tromper. La plaie fut arrêtée, mais le roi, dont le coeur s'endurcissait de plus en plus, retira ce qu'il avait promis. PP 241 1 Un coup plus terrible l'attendait: tout le bétail de l'Égypte qui était aux champs se trouva frappé de mortalité. Les animaux sacrés, aussi bien que les bêtes de somme: boeufs, brebis, chevaux, chameaux et ânes, tout fut emporté. Comme on lui avait déclaré que les Hébreux seraient indemnes de cette plaie, le Pharaon envoya des messagers chez les Israélites pour vérifier la véracité de cette prédiction: en effet, "il ne mourut pas un seul animal dans les troupeaux des enfants d'Israël". PP 241 2 Le roi persistant dans son obstination, Moïse reçut l'ordre de prendre "des poignées de cendres de fournaise" et de les répandre vers le ciel sous les yeux du Pharaon. Comme les autres plaies, cet acte était profondément significatif. Quatre cents ans auparavant, Dieu avait montré à Abraham l'oppression future de son peuple sous l'emblème d'un brasier fumant et d'une flamme de feu, lui déclarant qu'il enverrait ses jugements sur les oppresseurs, et que les captifs sortiraient de l'Égypte chargés de biens. Le geste de Moïse rappelait à Israël que s'il avait longtemps langui en Égypte dans la fournaise de l'affliction, le temps de la délivrance était arrivé. Projetées dans les airs, les cendres se répandirent dans tout le pays. Partout où elles se déposèrent, elles "produisirent, sur les hommes et sur les animaux, des ulcères formés par une éruption de pustules". Jusque-là, les prêtres et les magiciens avaient encouragé le roi dans son opiniâtreté; mais, frappés eux-mêmes par une maladie repoussante et douloureuse, exposés à un mépris d'autant plus humiliant qu'ils s'étaient vantés de leur pouvoir, ils renoncèrent à lutter contre le Dieu d'Israël. Le peuple entier se rendit compte qu'il était absurde de se confier en des magiciens qui ne pouvaient pas même protéger leurs propres personnes. PP 241 3 Le coeur du Pharaon s'endurcissant de plus en plus, Dieu lui envoya ce nouveau message: "Cette fois, je vais déchaîner tous mes fléaux contre toi-même, contre tes serviteurs et ton peuple, afin que tu saches que nul n'est pareil à moi sur toute la terre. ... Voici pourquoi je t'ai laissé subsister: c'est afin de montrer en toi ma puissance." Ce n'était pas que Dieu l'eût appelé à l'existence dans ce but; mais il avait fait concourir les événements de telle sorte qu'il occupât le trône d'Égypte au temps fixé pour la délivrance d'Israël. Le Seigneur avait conservé la vie de cet orgueilleux tyran, indigne de sa grâce, afin que son obstination donnât lieu à la manifestation de ses merveilles sur le pays d'Égypte. Il aurait pu placer sur le trône un roi conciliant qui n'eût pas osé résister aux éclatantes manifestations de sa puissance. Mais alors, ses desseins n'eussent pas été accomplis. Il avait livré son peuple à la cruauté des Égyptiens afin de lui faire connaître par expérience l'influence avilissante de l'idolâtrie. En châtiant ce prince, Dieu montrait son horreur de l'idolâtrie, de l'oppression et de la cruauté. PP 242 1 Parlant du Pharaon, Dieu avait déclaré: "J'endurcirai son coeur, et il ne laissera point partir le peuple."(2) Cet endurcissement n'était pas l'effet d'un pouvoir surnaturel et arbitraire. Dieu lui donnait des preuves irréfutables de sa puissance, preuves dont il refusait de reconnaître l'évidence, en fermant volontairement les yeux à la lumière. Chaque résistance le confirmait davantage dans sa rébellion, et il marchait désormais, tête baissée, au-devant de son destin. Il passera d'un degré d'obstination à un autre, jusqu'au moment où il sera appelé à contempler les visages inanimés des premiers-nés de tout son peuple. PP 242 2 Dieu parle aux hommes par ses serviteurs. Par ses avertissements et ses censures, il donne à chacun l'occasion de se corriger avant que le péché soit trop enraciné dans son coeur. Celui qui refuse de s'amender en portera les conséquences, et Dieu ne s'interposera pas. Un acte coupable prépare le chemin au suivant et rend le coeur moins sensible à l'influence du Saint-Esprit jusqu'au point d'être incapable de le percevoir. "Ce que l'homme aura semé, il le moissonnera aussi."(3) Celui qui oppose à la vérité un scepticisme narquois ou une stupide indifférence récoltera ce qu'il aura semé. Cela explique comment il arrive à des multitudes de gens d'écouter avec une placide insouciance des vérités qui, un jour, les remuaient jusqu'au fond de l'âme. PP 242 3 C'est à ses risques et périls qu'on tranquillise une conscience coupable par la pensée qu'on pourra changer de conduite quand on le voudra. C'est une erreur de penser que l'on peut aujourd'hui se jouer des invitations d'un Dieu d'amour, quitte à y répondre demain quand on y sera disposé, et c'est étrangement s'abuser de croire qu'il sera facile, à la dernière extrémité, de changer de chef après avoir passé toute sa vie sous les ordres du grand rebelle. L'éducation, l'expérience, l'habitude des jouissances coupables déforment le caractère à tel point qu'il devient incapable de refléter l'image de Jésus. Contrairement à ceux qui n'ont jamais vu la lumière briller sur leur sentier, les hommes qui longtemps l'ont repoussée et méprisée voient venir le jour où elle s'éteint pour toujours. PP 243 1 Maintenant Pharaon est menacé du fléau de la grêle. Il reçoit ce conseil: "Fais mettre en sûreté ton bétail et tout ce que tu as dans les champs." Tous les hommes et tous les animaux qui se trouveront dans les champs, et qui ne seront pas rentrés dans les maisons, seront frappés de la grêle et périront. Le bruit de la prédiction se répandit rapidement, et tous ceux qui crurent à la parole de l'Éternel firent rentrer leurs troupeaux. La miséricorde de Dieu s'associait ainsi à ses jugements et permettait à ceux qui avaient été impressionnés par les plaies précédentes de se mettre à l'abri. PP 243 2 L'ouragan arriva comme il avait été annoncé. "L'Éternel envoya le tonnerre et la grêle, et le feu du ciel tombait sur la terre. C'est ainsi que l'Éternel fit tomber de la grêle sur le pays d'Égypte. Il tomba de la grêle, et du feu mêlé à la grêle; et celle-ci était si forte qu'on n'avait rien vu de pareil dans toute l'Égypte depuis que ce pays avait formé une nation. La grêle frappa, dans le pays d'Égypte, tout ce qui se trouvait dans les champs, depuis les hommes jusqu'aux animaux. La grêle tomba aussi sur toutes les herbes des champs, et brisa tous les arbres de la campagne." La ruine et la désolation suivaient la trace de l'ange destructeur. Seul le pays de Gossen fut épargné. Les Égyptiens purent ainsi constater que la terre est entre les mains du Dieu vivant, que les éléments sont soumis à sa voix et que la seule sécurité consiste à lui obéir. PP 243 3 Sous cette terrible manifestation de la colère divine, l'Égypte tremblait d'épouvante. En toute hâte, le Pharaon fit venir les deux frères, et s'écria: "J'ai péché, je le vois maintenant; l'Éternel est juste; c'est moi et mon peuple qui sommes coupables. Intercédez auprès de l'Éternel, afin qu'il n'y ait plus de tonnerre ni de grêle; je vous laisserai partir, et vous n'aurez plus à subir de retards." Moïse lui répondit: "Dès que je serai sorti de la ville, je lèverai mes mains vers l'Éternel; le tonnerre cessera, et il ne tombera plus de grêle, afin que tu saches que la terre appartient à l'Éternel. Mais je sais que toi et tes serviteurs vous ne rendrez pas encore hommage à l'Éternel Dieu." PP 244 1 Moïse savait que la lutte n'était pas finie; que les confessions et les promesses du Pharaon n'étaient pas dictées par un changement d'attitude radical, mais lui étaient arrachées par la terreur. Néanmoins, ne voulant pas lui fournir de prétexte à de nouveaux parjures, il acquiesça à sa requête. Sans prendre garde à la fureur de la tempête, il sortit du palais sous les yeux du Pharaon et de toute sa cour, témoins muets de la protection divine qui le couvrait. Après être sorti de la ville, le prophète "leva ses mains vers l'Éternel: le tonnerre et la grêle cessèrent, et la pluie ne tomba plus sur la terre". Mais dès que le roi fut revenu de ses craintes, la perversité reprit possession de son coeur. PP 244 2 Alors "l'Éternel dit à Moïse: Va vers le Pharaon, car j'ai endurci son coeur et le coeur de ses serviteurs, pour faire paraître au milieu d'eux mes prodiges, et afin que tu racontes à ton fils et au fils de ton fils les merveilles que je vais opérer parmi les Égyptiens, et les miracles que j'ai accomplis au milieu d'eux. Vous saurez alors que je suis l'Éternel." En lui donnant des preuves incontestables de la différence qu'il faisait entre son peuple et les Égyptiens, Dieu voulait confirmer la foi d'Israël et montrer à toutes les nations que le peuple hébreu, méprisé et opprimé par elles, était placé sous la protection du ciel. PP 244 3 Moïse avertit le roi que s'il persistait dans son obstination, Dieu enverrait des sauterelles qui couvriraient tout le pays, qu'elles mangeraient la verdure qui avait échappé à la grêle, et rempliraient les maisons, sans excepter le palais royal. "Ni tes pères, ni les pères de tes pères n'ont vu rien de pareil depuis le jour où ils ont occupé ce pays jusqu'à aujourd'hui." PP 244 4 Les conseillers du Pharaon étaient affolés. La nation entière avait subi une lourde perte du fait de la mort de ses bestiaux; un grand nombre de personnes avaient été tuées par la grêle; les forêts avaient été ravagées, les récoltes détruites. Le peuple égyptien allait perdre rapidement tout ce qu'il avait gagné par les travaux des Hébreux. Devant le pays se dressait le spectre de la famine. Se pressant autour du Pharaon, les princes et les courtisans lui demandent avec irritation: "Jusques à quand cet homme sera-t-il pour nous un piège? Laisse partir ces gens, et qu'ils servent l'Éternel, leur Dieu. Ne comprends-tu pas encore que l'Égypte va à la ruine?" PP 245 1 Rappelant Moïse et Aaron, le roi leur dit: "Allez, servez l'Éternel, votre Dieu. Quels sont ceux qui partiront? Moïse répond: Nous irons avec nos jeunes gens et nos vieillards, avec nos fils et nos filles. Nous irons avec nos brebis et nos boeufs: car nous voulons célébrer une fête en l'honneur de l'Éternel." Furieux, le Pharaon s'écrie: "Que l'Éternel soit avec vous! Moi, vous laisser partir avec vos petits enfants! Non, certes, car vous avez quelque mauvais dessein. Il n'en sera pas ainsi. Allez, vous les hommes, et servez l'Éternel, puisque c'est là ce que vous avez demandé. Puis on les chassa de devant le Pharaon." PP 245 2 Celui qui avait cherché à décimer les Israélites par un travail excessif, affecte maintenant de prendre un profond intérêt à leur bien-être et un tendre soin de leurs petits enfants. En réalité, il voulait garder les femmes et les enfants comme otages, afin de s'assurer le retour des hommes. PP 245 3 Moïse étendit alors sa verge sur le pays, et un vent d'orient qui se mit à souffler amena les sauterelles. "Elles étaient si nombreuses qu'il n'y en a jamais eu autant avant elles, et on n'en verra jamais plus autant après elles. Elles couvrirent le sol sur toute l'étendue du pays, qui en fut obscurci. Elles dévorèrent toute l'herbe de la terre et tous les fruits des arbres, tout ce que la grêle avait laissé." PP 245 4 Le Pharaon manda en grande hâte les messagers de Jéhovah, et leur dit: "J'ai péché contre l'Éternel, votre Dieu, et contre vous. Mais pardonne, cette fois encore, je te prie, mon péché, et intercédez auprès de l'Éternel, votre Dieu, pour qu'il éloigne au moins de moi ce fléau mortel." Ainsi fut fait, et un puissant vent d'occident emporta les sauterelles vers la mer Rouge. Mais le roi se buta encore une fois. PP 245 5 L'Égypte était au désespoir. Les fléaux qui l'avaient désolée semblaient dépasser tout ce qu'il était possible aux hommes de supporter; et à la pensée de l'avenir, les populations étaient frappées d'épouvante. On avait adoré en Pharaon un représentant de la divinité; mais on commençait à s'apercevoir qu'il se cabrait devant un Être qui faisait des puissances de la nature les ministres de ses volontés. En revanche, le peuple asservi, qui se voyait si miraculeusement favorisé, s'accoutumait à croire à sa délivrance. Les maîtres de corvée n'osaient plus, comme auparavant, opprimer les Hébreux. Dans tous les coeurs régnait une crainte secrète de voir cette race malmenée se lever et tirer vengeance de ses oppresseurs. Partout, on se demandait avec terreur: "Que va-t-il arriver?" PP 246 1 Soudain, le pays fut envahi de ténèbres si denses qu'il semblait qu'on pût les toucher de la main. Non seulement l'obscurité était totale, mais l'atmosphère paraissait irrespirable. "Pendant trois jours, les Égyptiens ne se voyaient pas les uns les autres et aucun d'eux ne quitta la place où il se trouvait. Mais tous les enfants d'Israël avaient de la lumière dans les lieux qu'ils habitaient." Le soleil et la lune, objets de culte pour les Égyptiens, semblaient eux-mêmes frappés, aussi bien que leurs adorateurs, par le pouvoir qui allait briser les fers de la nation de l'Éternel. PP 246 2 Ce mystérieux fléau révélait à la fois la miséricorde de Dieu et sa répugnance à détruire ses créatures. Avant de punir l'Égypte d'une dernière plaie, la plus effroyable de toutes, il donnait à ce peuple l'occasion de se repentir. PP 246 3 La peur arrache au Pharaon une nouvelle concession. A la fin du troisième jour de ténèbres, il fait venir Moïse et consent au départ des gens, mais non à celui des brebis et des boeufs. "Nos troupeaux resteront avec nous; il n'en restera pas un ongle", réplique résolument le chef des Hébreux. "Nous ne saurons, en effet, que lorsque nous serons arrivés, quelles victimes nous aurons à offrir à l'Éternel." A ces mots, la fureur du roi éclate dans toute sa violence: "Sors de chez moi! lui crie-t-il. Garde-toi de reparaître en ma présence; car le jour où tu verras mon visage, tu mourras! Moïse répondit: Tu as bien dit; je ne reverrai plus ta face." PP 246 4 "Moïse était très considéré, dans tout le pays d'Égypte, par les serviteurs du Pharaon et par tout le peuple." La crainte respectueuse qu'on avait de lui -- car on lui attribuait le pouvoir d'arrêter les plaies -- empêchait le Pharaon de lui faire du mal. Dans le peuple, chacun désirait l'affranchissement des Israélites. C'étaient le roi et les prêtres qui s'opposaient aux sommations de Moïse. Leur acharnement devait durer jusqu'au dernier moment. ------------------------Chapitre 24 -- La Pâque PP 247 1 Dès la première demande qui lui fut adressée de libérer Israël, le roi d'Égypte avait été prévenu de ce que serait la plus douloureuse des dix plaies. "Ainsi dit l'Éternel: Israël est mon fils, mon premier-né. Et je te dis: Laisse aller mon fils et qu'il me serve; et si tu refuses de le laisser aller, voici, je vais tuer ton fils, ton premier-né."(1) Bien que méprisés des Égyptiens, les Hébreux n'en avaient pas moins été choisis pour être les dépositaires de la loi de Dieu. Les bénédictions et les privilèges dont ils avaient été honorés leur donnaient, parmi les nations, la prééminence qu'a le premier-né sur ses frères. Le châtiment dont l'Égypte avait été menacée tout au début ne lui fut infligé qu'en dernier lieu. Dieu est patient et miséricordieux; il prend un tendre soin des êtres formés à son image. Si la perte de ses moissons et de ses troupeaux avait amené l'Égypte à se convertir, ses enfants n'auraient pas été frappés. Hélas! cette nation avait obstinément résisté à l'ordre de Dieu, et le coup final était sur le point de s'abattre sur elle. PP 247 2 Le Pharaon avait interdit à Moïse de reparaître devant lui. Mais un dernier avertissement divin devait être donné à ce monarque intraitable. Moïse se présenta une fois de plus devant lui avec ce terrible message: "Ainsi parle l'Eternel: Au milieu de la nuit je passerai à travers l'Égypte. Alors périra dans ce pays tout premier-né, depuis le premier-né du Pharaon qui devait s'asseoir sur son trône, jusqu'au premier-né de la servante qui fait tourner la meule, ainsi que tous les premiers-nés des animaux. Il s'élèvera dans tout le pays d'Égypte des lamentations si grandes qu'il n'y en a jamais eu et qu'il n'y en aura jamais plus de semblables. Mais pas même un chien n'aboiera contre les enfants d'Israël, qu'il s'agisse des hommes ou des bêtes. Vous saurez ainsi combien l'Eternel distingue entre les Égyptiens et le peuple d'Israël. Tous tes serviteurs que voici viendront me trouver, et ils se prosterneront devant moi, en disant: Sors, toi et tout le peuple qui est à ta suite. Après cela, je partirai."(2) PP 248 1 Avant l'exécution de cette menace, Dieu fit donner à Israël, par Moïse, des instructions relatives au départ de l'Égypte, surtout sur la manière de se préserver du prochain fléau. Chaque famille devait immoler un agneau ou un chevreau sans défaut et le manger, seule ou réunie à une famille voisine. En outre, au moyen d'un bouquet d'hysope trempé dans le sang de l'animal, il fallait asperger le montant et les deux linteaux de la porte, afin que le Destructeur, qui allait passer à minuit, "n'entrât pas dans la maison". La chair de l'animal devait être "rôtie au feu", mangée durant la nuit, "avec des pains sans levain et des herbes amères", et cela à la hâte, "les reins ceints, les sandales aux pieds, et le bâton à la main". C'était, disait Moïse, "la Pâque de l'Éternel".(3) PP 248 2 "L'Éternel avait dit: Cette nuit-là, je passerai dans le pays d'Égypte; je frapperai tous les premiers-nés dans ce pays, depuis les hommes jusqu'aux animaux. J'exécuterai mes jugements contre tous les dieux de l'Égypte. Je suis l'Éternel. Le sang sur les maisons où vous habitez vous servira de signe; je verrai le sang et je passerai outre, et le fléau destructeur ne vous atteindra point, lorsque je frapperai le pays d'Égypte." PP 248 3 Dans toutes les générations futures, en commémoration de cette grande délivrance, les Israélites devaient célébrer chaque année une fête à l'Éternel, et à cette occasion réciter à leurs enfants l'histoire du passage du Destructeur "par-dessus les maisons des Israélites, en Égypte, lorsqu'il frappa les Égyptiens, et qu'il préserva nos maisons". PP 249 1 En reconnaissance de la protection divine qui avait couvert leurs premiers-nés, les enfants d'Israël furent invités à consacrer au Seigneur le premier-né des hommes et du bétail, sans qu'il fût possible de les racheter par une rançon.(4) Plus tard, lors de l'institution des services du tabernacle, Dieu substitua aux premiers-nés la tribu de Lévi.(5) Chaque famille était néanmoins tenue, en signe de gratitude, de racheter le fils premier-né par une rançon.(6) PP 249 2 La Pâque devait être une fête à la fois commémorative et préfigurative. Non seulement elle rappelait la délivrance de la servitude égyptienne, mais elle préfigurait la suprême délivrance que Jésus devait apporter au monde. L'agneau du sacrifice représentait "l'Agneau de Dieu", notre unique espérance de salut. Par son immolation, dit l'apôtre Paul, le Christ est devenu "notre Pâque".(7) Mais il ne suffisait pas que l'agneau pascal fût immolé; il fallait que son sang fût aspergé sur les poteaux de la porte. C'est ainsi que les mérites du Sauveur sont imputés aux âmes croyantes. Jésus a non seulement donné sa vie pour le monde, mais pour chacun individuellement, à condition qu'il s'approprie les vertus de son sacrifice expiatoire. PP 249 3 L'hysope employée pour l'aspersion du sang était le symbole de la purification. On l'employa plus tard pour les lépreux et dans la souillure par le contact avec un mort. On en voit la signification dans la prière du Psalmiste: PP 249 4 Purifie-moi avec l'hysope, et je serai sans tache; Lave-moi, et je serai plus blanc que la neige.(8) PP 249 5 L'agneau devait être apprêté de façon qu'aucun de ses os ne fût rompu. De même, pas un de ceux de l'Agneau de Dieu n'a été brisé:(9) symbole de la plénitude du sacrifice du Christ. PP 249 6 La chair de l'agneau devait être mangée. Ainsi il ne nous suffit pas de croire en Jésus pour être sauvés; il nous faut encore, par la foi, nous approprier constamment l'aliment et les forces spirituelles de la Parole de Dieu. Jésus a dit: "Si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme, et si vous ne buvez son sang, vous n'avez point la vie en vous-mêmes. Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle." Et pour expliquer cette parole, il ajoute: "Les paroles que je vous ai dites sont esprit et vie."(10) PP 250 1 Jésus observait la loi de son Père; sa vie, son amour et son pouvoir bienfaisant sur les coeurs en étaient des témoignages convaincants. "La Parole a été faite chair, écrit saint Jean; elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité, et nous avons contemplé sa gloire, une gloire telle qu'est celle du Fils unique venu d'auprès du Père."(11) Les disciples de Jésus sont appelés à faire la même expérience. Ils doivent recevoir et s'assimiler la Parole de Dieu de telle façon qu'elle devienne le mobile de tous leurs actes. A moins de manger la chair et de boire le sang du Fils de Dieu, il ne saurait y avoir en eux de vie spirituelle. C'est à cette condition seulement qu'ils seront transformés à son image et pourront reproduire ses divins attributs. PP 250 2 Les herbes amères qui devaient, au repas pascal, accompagner la chair de l'agneau avaient pour but de rappeler l'amertume de la servitude égyptienne. Ainsi la participation au corps du Seigneur doit s'accompagner d'un douloureux regret de nos péchés. Les pains sans levain renfermaient également un enseignement. La loi pascale prescrivait expressément qu'il ne devait y avoir aucun levain dans les maisons pendant toute la durée de la fête, ordonnance à laquelle les Juifs se sont strictement conformés. Il faut, de même, que ceux qui désirent recevoir de Jésus l'aliment et la vie de leur âme, se séparent de tout levain de péché. L'apôtre Paul en parle en ces termes aux fidèles de Corinthe: "Purifiez-vous du vieux levain, afin que vous deveniez une pâte nouvelle et sans levain, comme vous l'êtes aussi; car Christ, notre Pâque, a été immolé. Ainsi donc célébrons la fête, non avec le vieux levain, ni avec un levain de malice et de méchanceté, mais avec les pains sans levain de la sincérité et de la vérité."(12) PP 250 3 Pour obtenir la liberté, les Israélites devaient manifester leur foi en la grande délivrance qui se préparait. Ils devaient arborer l'enseigne sanglante à la façade de leurs maisons; se séparer des Égyptiens, eux et leurs familles, et se retirer dans leurs demeures. S'ils avaient négligé le moindre détail des instructions reçues; s'ils n'avaient pas retiré leurs enfants de la société des Égyptiens; si, en égorgeant l'agneau, ils avaient négligé d'en asperger le sang aux poteaux de leur demeure, ou s'ils étaient sortis de chez eux, ils n'auraient pas été en sécurité. Ils auraient eu beau se croire en règle: leur sincérité ne les eût pas sauvés, car ils avaient été avertis que tous ceux qui ne se conformeraient pas aux recommandations de Dieu verraient leur premier-né frappé par le Destructeur. PP 251 1 C'est par son obéissance que le peuple hébreu devait faire preuve de sa foi. De même, tous ceux qui espèrent être sauvés par les mérites du sang de Jésus ne doivent pas oublier qu'ils ont eux-mêmes quelque chose à faire pour assurer leur salut. S'il est vrai que le Christ peut seul nous arracher à la pénalité due à nos péchés, il n'est pas moins vrai que nous devons passer du péché à l'obéissance. S'il est vrai que l'homme est sauvé par la foi et non par les oeuvres, il l'est aussi que la foi ne se prouve que par les oeuvres. Dieu a livré son Fils à la mort pour expier nos péchés; il nous a donné la lumière de la vérité; il a ouvert devant nous le sentier de la vie, et nous a accordé des avantages, des moyens de grâce et des privilèges: à l'homme de coopérer avec ces moyens de salut; à lui de mettre à profit les secours que Dieu lui offre: de croire et d'obéir. PP 251 2 Moïse fit part à Israël de toutes les instructions divines concernant leur délivrance. Quand il eut achevé, "le peuple s'inclina et se prosterna".(13) La joyeuse perspective de l'émancipation; la révélation du châtiment effrayant qui attendait leurs oppresseurs; les soucis et les soins se rapportant à leur prochain départ, tout cela fit place un instant à une profonde reconnaissance envers leur miséricordieux Libérateur. Bon nombre d'Égyptiens qui avaient été amenés à adorer le Dieu des Hébreux, vinrent alors demander à ceux-ci de les recevoir sous leurs toits pendant que passerait l'ange exterminateur. Accueillis avec joie, ils s'engagèrent dès ce moment à servir le Dieu de Jacob, et à sortir de l'Égypte avec son peuple. PP 251 3 Les Israélites se conformèrent aux instructions données. Les préparatifs du départ se firent avec célérité et dans le plus profond secret. Les familles se rassemblèrent; l'agneau pascal fut immolé; sa chair, rôtie au feu. On prépara les herbes amères et les pains sans levain. Chaque père de famille, en qualité de prêtre et sacrificateur de son foyer, aspergea de sang le linteau et les poteaux de sa porte. En silence et à la hâte, on mangea l'agneau pascal. Dans une solennelle attente, tout le peuple veillait et priait. Partout, le premier-né, depuis l'adolescent jusqu'au petit enfant, en proie à une indicible terreur, sentait battre son coeur avec violence. Partageant leur émotion, les pères et les mères les entouraient de leurs bras. Mais pas un seul foyer israélite ne fut touché par le messager de la mort. Voyant le sanglant symbole de la protection d'un Dieu-Sauveur placé à la porte d'entrée, l'Exterminateur passa outre. PP 252 1 Au milieu de la nuit, "une grande clameur retentit en Égypte; car il n'y avait point de maison où il n'y eût un mort... Tous les premiers-nés, depuis le premier-né du Pharaon, celui qui devait s'asseoir sur son trône, jusqu'au premier-né des captifs retenus en prison, et jusqu'au premier-né des animaux"(14) avaient été frappés à mort. Dans chaque foyer l'aîné, l'orgueil des parents, avait passé de vie à trépas. A l'ouïe de cette catastrophe, pâles, atterrés, les genoux tremblants, le Pharaon et ses courtisans se relevèrent de leur couche. Le roi se souvint de cette parole qu'il avait prononcée: "Qui est l'Éternel, pour que j'obéisse à sa voix, en laissant partir Israël? Je ne connais pas l'Éternel et je ne laisserai point partir Israël." PP 252 2 Humilié jusqu'en terre dans son orgueil impie, il convoqua en pleine nuit Moïse et Aaron, et leur dit: "Levez-vous! Sortez du milieu de mon peuple, vous et les enfants d'Israël. Allez servir l'Éternel, comme vous l'avez dit! Prenez aussi vos brebis et vos boeufs, comme vous l'avez demandé; allez, et bénissez-moi!" Les conseillers royaux, aussi bien que les Égyptiens, "pressaient le peuple pour le faire sortir au plus tôt du pays; car ils disaient: Nous allons tous périr!" ------------------------Chapitre 25 -- L'exode PP 253 1 Debout et en silence, les reins ceints et le bâton à la main, le coeur partagé entre la crainte et l'espérance, les Israélites attendaient le décret royal qui devait les chasser du pays d'Égypte. Avant que le jour parut, ils étaient en voyage. Durant les plaies, alors que leurs oppresseurs tremblaient de terreur, prenant confiance, ils s'étaient peu à peu rassemblés dans le territoire de Gossen, ce qui avait facilité l'organisation et le contrôle de cette multitude flottante, de telle sorte qu'au moment du départ, et malgré la soudaineté de la fuite, elle se trouva divisée en compagnies placées sous la conduite de leurs chefs respectifs. PP 253 2 Ils étaient "au nombre de six cent mille hommes, sans compter les petits enfants. En outre, une grande multitude de gens monta avec eux."(1) Cette multitude comprenait non seulement des personnes attirées par la foi au Dieu d'Israël, mais aussi un nombre beaucoup plus considérable de gens qui désiraient échapper aux plaies, ou qu'attiraient la curiosité et l'amour des aventures. Mais ces derniers furent sans cesse pour les Israélites une source d'ennuis et de dangers. PP 254 1 Le peuple emmenait avec lui "de nombreux troupeaux de brebis et de boeufs" qui lui appartenaient, car il n'avait pas, comme les Égyptiens, vendu ses biens au roi. Le bétail transporté en Égypte par Jacob et ses fils s'était beaucoup multiplié. En outre, avant de quitter l'Égypte, sur le conseil de Moïse, chacun avait réclamé le salaire de son travail resté sans rémunération, et les Égyptiens étaient trop pressés de se débarrasser de leur présence pour leur refuser quoi que ce fût. C'est ainsi qu'Israël quitta le pays de la servitude, comblé des dépouilles de ses oppresseurs. PP 254 2 Cette journée achevait d'accomplir la prédiction faite à Abraham longtemps auparavant: "Ta postérité sera étrangère dans un pays qui ne lui appartiendra pas; elle y sera asservie et opprimée pendant quatre cents ans. Mais je jugerai à son tour la nation à laquelle tes descendants auront été asservis; et ensuite ils sortiront avec de grandes richesses."(2) Les quatre cents ans étaient révolus. "Le même jour, toutes les armées de l'Éternel sortirent du pays d'Égypte."(3) PP 254 3 En quittant l'Égypte, les Israélites emportaient avec eux un dépôt précieux: les ossements de Joseph qui, depuis si longtemps, attendaient l'accomplissement de la promesse divine, et qui, durant les longues années de la servitude, avaient parlé de délivrance à Israël. PP 254 4 "Lorsque le Pharaon eut laissé partir le peuple, Dieu ne conduisit pas les Israélites par le chemin du pays des Philistins, qui est pourtant le plus court" pour se rendre au pays de Canaan, mais il dirigea ses pas vers le sud, dans la direction de la mer Rouge. "En effet, Dieu dit: Le peuple pourrait regretter son départ, quand il verra la guerre, et il voudra retourner en Égypte."(4) Leur marche à travers la Philistie aurait été entravée par les habitants, qui se seraient certainement opposés au passage d'un peuple d'esclaves échappant à l'étreinte de ses maîtres. Or, les Israélites étaient peu préparés à une rencontre avec ce peuple puissant et belliqueux. La foi en Dieu encore peu éclairée, sans armes, non accoutumés à la guerre, l'esprit déprimé par une longue servitude, embarrassés par les femmes, les enfants, les brebis et les boeufs, ils auraient été terrorisés et se seraient découragés. Leur marche vers la mer Rouge révélait à la fois la miséricorde et la sagesse de Dieu. PP 255 1 "Étant partis de Succoth, ils campèrent à Étham, à l'extrémité du désert. L'Éternel allait devant eux, le jour dans une colonne de nuée, pour les guider dans leur chemin, et la nuit dans une colonne de feu, pour les éclairer, afin qu'il leur fût possible de marcher de jour comme de nuit. La colonne de nuée pendant le jour et la colonne de feu pendant la nuit ne cessèrent jamais d'éclairer le peuple d'Israël." L'Éternel, dit le Psalmiste, étendit la nuée pour couvrir les enfants d'Israël, ainsi que la colonne de feu pour les éclairer pendant la nuit.(5) PP 255 2 Israël marchait sous l'étendard de son Chef invisible. De jour, la nuée dirigeait leurs pas et s'étendait comme un dais au-dessus de la multitude, tempérant, par son humide fraîcheur, les ardeurs brûlantes du désert. De nuit, elle se transformait en colonne de feu, illuminant tout le camp et l'assurant de la continuelle présence de Dieu. PP 255 3 Dans un des passages les plus beaux et les plus consolants de ses prophéties, Ésaïe fait allusion à la colonne de nuée et de feu. Il décrit le soin que Dieu prendra de son peuple lors de la grande lutte finale avec les puissances du mal: "Sur toute l'étendue du mont Sion, sur toutes ses assemblées, l'Éternel fera lever, pendant le jour, un nuage environné de fumée, et, pendant la nuit, l'éclat d'un feu flamboyant. Car un dais abritera toute sa gloire; il y aura une tente pour donner de l'ombre pendant le jour, contre la chaleur, et pour servir de refuge et d'asile contre la tempête et la pluie."(6) PP 255 4 Le long défilé des Hébreux traversait une plaine inculte et déserte. Le voyage s'avérait long et fatigant, et l'on commençait à se demander où cette aventure allait aboutir. La crainte d'une poursuite de la part des Égyptiens agitait déjà quelques coeurs. Alors l'Éternel révéla à Moïse qu'on allait passer derrière une bande de rochers et camper au bord de la mer. Dieu ajouta que le Pharaon allait se mettre à leur poursuite, mais qu'ils seraient délivrés. PP 255 5 En Égypte, le bruit courut bientôt qu'au lieu de s'arrêter dans le désert pour adorer Dieu, les Hébreux marchaient tout droit vers la mer Rouge. Les courtisans du Pharaon lui représentèrent que ces esclaves s'étaient enfuis pour toujours, et on se mit à déplorer la folie d'avoir attribué la mort des premiers-nés à la puissance divine. Revenus de leur effroi, les savants expliquèrent que les plaies n'étaient que le résultat de causes naturelles. Et chacun de répéter amèrement: "Qu'avons-nous donc fait quand nous avons laissé partir Israël, de sorte que nous voilà privés de ses services?"(7) PP 256 1 "Puis le Pharaon fit atteler son char,... et il prit six cents chars d'élite et tous les chars de l'Égypte", sa cavalerie, ses fantassins et ses capitaines. Bien décidé à intimider les Israélites par un grand déploiement de forces, il s'entoura des grands de la couronne et se mit lui-même à la tête de l'armée. Pour obtenir la faveur des dieux et assurer le succès de la campagne, les prêtres se joignirent à l'expédition. On se flattait qu'en ramenant les fugitifs en grande pompe, on rachèterait l'honneur du pays, honneur qui avait souffert aux yeux des nations voisines. PP 256 2 Les Hébreux avaient campé au bord d'un bras de mer qui semblait leur opposer une barrière infranchissable, tandis que, vers le sud, une montagne aux flancs escarpés leur barrait le passage. Tout à coup, on vit briller dans le lointain les armures et avancer en rangs serrés les chariots d'avant-garde d'une armée qui, approchant à une allure accélérée, ne tarda pas à paraître au grand complet. L'épouvante gagna tout le camp d'Israël. Les uns se mirent à crier à l'Éternel, tandis que le plus grand nombre se répandait en lamentations et en plaintes contre Moïse. "N'y avait-il donc pas des tombeaux en Égypte, que tu nous aies emmenés pour mourir au désert? Que nous as-tu fait, quand tu nous as fait sortir d'Égypte? Ne te disions-nous pas en Égypte: Laisse-nous servir les Égyptiens; car il vaut mieux pour nous servir les Égyptiens que de mourir dans le désert..."(8) PP 256 3 Navré de voir son peuple manifester si peu de foi en un Dieu qui leur avait donné tant de preuves de sa puissance, Moïse se demandait comment on pouvait lui imputer le danger de la situation actuelle, alors qu'il n'avait fait que suivre ponctuellement les directions divines. Quant à lui, malgré une perspective qui semblait désespérée, il n'avait aucune crainte sur l'issue de la crise. D'un ton calme et assuré, il répondit au peuple: "N'ayez point de crainte! Demeurez tranquilles et contemplez la délivrance que l'Éternel va vous accorder en ce jour; car les Égyptiens que vous avez vu aujourd'hui, vous ne les verrez jamais plus. L'Éternel combattra pour vous; et vous, vous n'aurez qu'à rester tranquilles." PP 257 1 Ce n'était pas chose facile que de contenir une multitude dépourvue de discipline et de sang-froid. Elle ne tarda pas, en effet, à se livrer au désordre et à la violence. Convaincue qu'elle allait sous peu retomber entre les mains de ses oppresseurs, la foule manifestait bruyamment son affolement. On avait suivi docilement la colonne de nuée comme l'étendard d'un Être supérieur, qui disait: "En avant!" Et maintenant on se demandait si cette même colonne n'était pas le signe avant-coureur d'une horrible calamité. N'avait-elle pas, en effet, conduit le peuple dans une impasse et du mauvais côté de la montagne? C'est ainsi qu'à leurs yeux aveuglés l'Ange de Dieu apparaissait comme un présage de désastre. PP 257 2 Au moment où l'armée égyptienne, près de rejoindre les Hébreux, croyait déjà tenir sa proie, la colonne de nuée se dressa majestueusement dans les cieux, passa par-dessus le peuple, et vint se placer entre lui et l'ennemi. Dès ce moment, une muraille ténébreuse sépara les assaillants des assaillis. N'apercevant plus le camp des Hébreux, les Égyptiens se virent obligés de s'arrêter. D'autre part, à mesure que les ténèbres de la nuit envahissaient cette scène, la paroi obscure devenait pour Israël un puissant réflecteur inondant tout le camp d'un flot de lumière semblable à l'éclat du jour. L'espérance renaissait dans les coeurs. A Moïse, qui implorait le ciel, Dieu répondit: "Pourquoi cries-tu vers moi? Dis aux enfants d'Israël de se mettre en marche. Quant à toi, lève ton bâton, élève ta main vers la mer, et fends-là: les enfants d'Israël passeront au milieu de la mer à pied sec." PP 257 3 Décrivant plus tard le passage d'Israël au travers de la mer Rouge, le Psalmiste chantera: PP 257 4 Tu te fis un chemin dans la mer, Un sentier dans les grandes eaux, Sans qu'on pût reconnaître ta trace. Tu as conduit ton peuple comme un troupeau, Par la main de Moïse et d'Aaron.(9) PP 257 5 Sur l'ordre de Dieu, Moïse étendit son bâton, et les eaux de la mer se séparèrent de manière à former deux murailles entre lesquelles Israël s'avança à pied sec. La lumière provenant de la colonne de nuée faisait étinceler les cimes argentées des vagues immobiles et illuminait ce large passage tracé dans les entrailles de la mer, et qui se perdait dans l'obscurité de la rive opposée. PP 258 1 "Les Égyptiens se mirent à leur poursuite, et tous les chevaux du Pharaon, ses chars et ses cavaliers entrèrent à leur suite au milieu de la mer. A la dernière veille du matin, l'Éternel, du sein de la colonne de feu et de nuée, regarda le camp des Égyptiens, et il le mit en déroute."(10) PP 258 2 A leurs yeux étonnés, la nuée mystérieuse s'était changée en une colonne de feu, d'où jaillissaient des éclairs et les roulements du tonnerre. PP 258 3 Les nuées se répandirent en torrents d'eau; Les nuages lancèrent la foudre Et tes flèches volèrent de toutes parts. Ton tonnerre gronda dans le tourbillon; Les éclairs illuminèrent le monde; La terre fut ébranlée et trembla.(11) PP 258 4 La confusion et l'effroi envahirent le camp des Égyptiens. Enveloppés par les éléments en fureur, où ils reconnaissaient la voix d'un Dieu irrité, ils voulurent revenir sur leurs pas et regagner en hâte le rivage. Mais Moïse, ayant étendu sa main à nouveau, les eaux accumulées, frémissantes, rugissantes et avides de leur proie, s'abattirent avec fracas, engloutissant l'armée égyptienne dans leurs noires profondeurs. PP 258 5 Quand le matin parut, les Hébreux purent contempler tout ce qui restait de leurs puissants ennemis: des cadavres enfermés dans leurs cuirasses gisant sur le rivage. Une seule nuit avait suffi pour délivrer Israël du plus grand des périls. Une foule innombrable et impuissante, composée d'esclaves inaccoutumés au combat, de femmes, d'enfants et de bestiaux, arrêtée par la mer et pressée à l'arrière par une puissante armée, avait vu une voie s'ouvrir devant elle à travers l'élément liquide, et ses ennemis, pris au piège, engloutis dans ce même élément, au moment où ils croyaient tenir la victoire. C'était Dieu qui leur avait apporté la délivrance, et vers lui montèrent leurs accents de gratitude et de confiance. Rempli du Saint-Esprit, Moïse chanta et le peuple entonna à sa suite cet hymne triomphal, le plus ancien et l'un des plus sublimes qui soient connus: PP 258 6 Je chanterai à la gloire de l'Éternel,... Car il a fait éclater sa puissance, Il a précipité dans la mer le cheval et son cavalier. L'Éternel est ma force. A lui vont mes louanges: Il a été mon libérateur. Il est mon Dieu: Je le glorifierai. Il est le Dieu de mon père: Je le célébrerai. L'Éternel est le Maître des batailles: Son nom est l'Éternel. Il a précipité dans la mer les chars du Pharaon et son armée, Et l'élite de ses combattants a été noyée dans la mer Rouge. Les flots se sont fermés sur eux; Ils sont descendus comme une pierre au fond des eaux. Ta main droite, ô Éternel, a révélé sa puissance. Ta droite, ô Éternel, a écrasé l'ennemi. ... Qui est semblable à toi, parmi les dieux, ô Éternel! Qui est semblable à toi, qui as la sainteté pour parure. ... Tu as guidé, par ta miséricorde, Ce peuple que tu as délivré. Tu l'as dirigé, par ta puissance, Vers ta demeure sainte. En apprenant ces prodiges, les peuples tremblent; La frayeur et l'angoisse pèsent sur eux; La puissance de ton bras Les rendra immobiles comme la pierre, Jusqu'à ce que ton peuple ait passé, ô Éternel, Jusqu'à ce qu'ait passé Le peuple que tu as acquis. Tu les conduiras, tu les établiras Sur la montagne que tu leur donnes pour héritage, Dans le lieu, ô Éternel, dont tu as fait ta demeure.(12) PP 259 1 Chanté par tout un peuple, ce cantique magnifique monta comme le rugissement de l'océan. Ses échos, répercutés par les monts environnants, traversèrent la mer et le désert. Les femmes d'Israël, Marie, soeur de Moïse, en tête, le reprirent, en s'accompagnant de danses et de tambourins. PP 259 2 Cet hymne, ainsi que la grande délivrance qu'il commémorait, fit sur le peuple hébreu une impression ineffaçable. De siècle en siècle, il fut chanté par les prophètes et les chantres d'Israël pour proclamer que l'Eternel est la force et la délivrance de tous ceux qui se confient en lui. Mais ce cantique n'appartient pas au peuple juif seulement. Il annonce la victoire finale de l'Israël de Dieu et la destruction future de tous les ennemis de la justice. Saint Jean, le prophète de Patmos, contemplant "sur une mer de verre mêlée de feu" les vainqueurs revêtus de robes blanches et munis des "harpes de Dieu", les entend "chanter le cantique de Moïse, serviteur de Dieu, et le cantique de l'Agneau".(13) PP 260 1 Non point à nous, ô Éternel, non point à nous Mais à ton nom donne gloire; Car toi seul tu es bon et fidèle!(14) PP 260 2 Tel est l'esprit dont est pénétré le cantique de Moïse, et qui doit animer tous ceux qui aiment et craignent Dieu. En nous arrachant à la servitude du péché, Dieu accomplit pour nous une délivrance plus grande encore que celle des Hébreux au bord de la mer Rouge. Semblables aux cohortes d'Israël, nous devons, à haute voix et de tout notre coeur, louer Dieu pour ses merveilles. Ceux qui réfléchissent aux bontés insignes du Seigneur, sans perdre de vue ses dons plus ordinaires, feront éclater leur voix en chants d'allégresse. Les bienfaits que nous recevons quotidiennement de sa part, mais par-dessus tout la mort de Jésus qui a mis à notre portée le bonheur et l'atmosphère du ciel, doivent être pour nous le sujet d'une constante gratitude. Quelle compassion, quel amour incompréhensible Dieu ne nous a-t-il pas témoignés en nous prenant, pauvres pécheurs que nous sommes, dans son intimité, et en faisant de nous les objets de sa sollicitude et de sa joie! Quel sacrifice notre Rédempteur n'a-t-il pas consenti pour nous acquérir le titre d'enfants de Dieu! Louons donc le Seigneur pour la bienheureuse espérance que nous apporte le plan du salut, pour les riches bienfaits que nous réserve l'héritage éternel des saints, pour le Christ vivant qui intercède au ciel en notre faveur. PP 260 3 "Celui qui offre pour sacrifice la louange me glorifie",(15) nous dit le Seigneur. Tous les habitants du ciel s'unissent pour louer Jéhovah. Apprenons dès maintenant à chanter le cantique des anges pour pouvoir nous unir à eux quand nous ferons partie de leurs glorieuses phalanges. Répétons avec le Psalmiste: PP 260 4 Je louerai l'Éternel tant que je vivrai; Je célébrerai mon Dieu tant que j'existerai... Chantez la gloire de son nom; Louez-le et rendez-lui gloire.(16) PP 260 5 Afin de manifester sa puissance, et pour humilier d'une façon éclatante l'orgueil des oppresseurs de son peuple, Dieu, dans sa sagesse, avait conduit Israël entre une mer et une enceinte de montagnes. Il aurait pu le sauver d'une toute autre manière. Mais ce moyen donnait à son peuple l'occasion de prouver sa foi et de manifester sa confiance en Dieu. Tout fatigué et terrifié que fût Israël, s'il avait alors refusé d'avancer, sur l'ordre de Moïse, Dieu ne lui aurait pas ouvert une voie de salut. "C'est par la foi qu'ils traversèrent la mer Rouge, comme une terre sèche."(17) En s'avançant jusqu'au bord de l'eau, ils montrèrent leur confiance en la parole de Dieu prononcée par Moïse. Après qu'ils eurent fait ce qui dépendait d'eux, le Puissant d'Israël partagea la mer pour leur ouvrir un passage. PP 261 1 Il y a ici un grand encouragement pour les croyants de tous les siècles. Leur vie est souvent traversée de dangers, et le devoir semble parfois dur à accomplir. Leur imagination dresse devant eux une ruine inévitable et derrière eux l'esclavage ou la mort. Et cependant, la voix de Dieu est claire, qui leur dit: "Marche!" A nous d'obéir à la consigne reçue. Peu importe si nos yeux ne peuvent pénétrer les ténèbres qui nous enveloppent et si les ondes froides baignent déjà nos pieds. Les obstacles ne disparaîtront jamais devant un esprit indécis et incrédule. Ceux qui renvoient le moment d'obéir jusqu'à ce qu'ait disparu toute ombre d'incertitude et qu'il ne reste plus aucune possibilité de défaite, n'obéiront jamais. Le doute murmure: "Attends que soient tombées les entraves, et que tu voies clairement ta voie." Mais la foi qui "espère tout" et qui "croit tout", dit courageusement: "En avant!" PP 261 2 La nuée, ténébreuse pour les Égyptiens, répandait des flots de lumière dans le camp des Hébreux et sur la route à suivre. De même, les voies de la Providence n'apportent aux incroyants que ténèbres et désespoir, tandis que pour les âmes confiantes, elles rayonnent de lumière et de paix. Le sentier par lequel Dieu nous mène peut traverser le désert ou la mer, mais c'est le sentier de la sécurité. ------------------------Chapitre 26 -- De la mer Rouge au Sinaï PP 263 1 Des bords de la mer Rouge, où gisaient les cadavres de leurs ennemis, les cohortes d'Israël se remirent en route, sous la conduite de la colonne de nuée, à travers une contrée morne et solitaire où alternaient des plaines stériles et des montagnes arides et désolées. Néanmoins, le sentiment de leur liberté les remplissait de joie et bannissait tout esprit de mécontentement. PP 263 2 Au bout de trois jours de marche, ses provisions d'eau étant épuisées, la multitude se traînait péniblement, en proie à une soif ardente, à travers des plaines brûlées par le soleil. Seul Moïse, qui connaissait les lieux, savait qu'à la prochaine station, à Mara, où l'on trouverait des sources, l'eau n'était pas potable, et ses regards suivaient avec une extrême inquiétude la direction de la colonne de nuée. Le coeur lui manqua lorsqu'il entendit le cri joyeux: "De l'eau! de l'eau!" et qu'il vit hommes, femmes et enfants se précipiter vers la source, pour pousser bientôt un cri d'horreur: l'eau était amère! Dans son désespoir, la foule oublia et la colonne de nuée, symbole de la présence divine, et le fait que Moïse, aussi bien qu'eux, l'avait docilement suivie: elle se mit à invectiver ce dernier de l'avoir dirigée sur cette route. Ému de leur détresse, Moïse fit ce qu'ils avaient oublié de faire: il cria à Dieu de leur venir en aide. "Et l'Éternel lui indiqua un bois qu'il jeta dans les eaux; et les eaux devinrent douces."(1) PP 264 1 C'est là que cette promesse fut faite à Israël: "Si tu écoutes la voix de l'Éternel, ton Dieu; si tu fais ce qui est droit à ses yeux, si tu prêtes l'oreille à ses commandements et si tu observes toutes ses lois, je ne t'infligerai aucun des maux dont j'ai accablé l'Égypte; car je suis l'Éternel qui te guérit!"(2) PP 264 2 Partant de Mara, le peuple arriva à un endroit où il y avait douze sources et soixante-dix palmiers. Ils y campèrent plusieurs jours avant de pénétrer dans le désert de Sin, un mois après le départ d'Égypte. Les provisions commençaient à manquer, l'herbe se faisait rare, et les troupeaux diminuaient. Comment allait-on donner à manger à cette vaste multitude? A nouveau, le doute surgit dans les coeurs et les murmures recommencèrent. Les commissaires et les anciens eux-mêmes joignirent leurs plaintes à celles du peuple contre les chefs que Dieu leur avait donnés: "Ah! disait-on, que ne sommes-nous morts de la main de l'Éternel, dans le pays d'Égypte, quand nous étions assis devant les potées de viande et que nous mangions du pain à satiété! Vous nous avez amenés dans ce désert pour faire mourir de faim toute cette multitude."(3) PP 264 3 Ils n'avaient pas encore souffert de la faim; il y avait de quoi suffire aux besoins du moment présent; mais ils craignaient pour l'avenir. Ne comprenant pas comment cette foule immense allait pouvoir subsister durant son voyage à travers le désert, ils voyaient déjà, en imagination, leurs enfants mourant d'inanition. Ils ne comprenaient pas que Dieu permettait l'épuisement de leurs provisions pour leur donner l'occasion de s'attendre à celui qui les avait délivrés jusque-là, et qui était prêt à leur donner, s'ils s'adressaient à lui, des preuves nouvelles de son amour et de sa sollicitude. Ne leur avait-il pas promis que s'ils gardaient ses commandements aucune maladie ne les atteindrait? Aussi était-ce, de leur part, le fait d'une incrédulité coupable de supposer qu'eux ou leurs enfants pussent être victimes de la faim. PP 264 4 L'Éternel leur avait promis d'être leur Dieu et de les conduire dans un pays spacieux et fertile. Il les avait arrachés à la servitude et à la dégradation d'une façon miraculeuse, afin de les éduquer et de les élever à une grandeur morale qui fît d'eux une merveille parmi les nations. Il allait aussi leur confier un mandat précieux. Mais à chaque obstacle qu'ils rencontraient sur leur route, ils semblaient perdre courage. S'ils avaient eu foi en Dieu, en se souvenant de tout ce qu'il avait fait pour eux, c'est avec joie qu'ils auraient enduré des ennuis, des privations et même de réelles souffrances. Mais ne se confiant en Dieu qu'autant qu'ils avaient sous les yeux les signes visibles de sa puissance, ils oubliaient la longue suite de miracles éclatants auxquels ils avaient assisté, pour ne voir et ne sentir que les désagréments de l'heure présente. Au lieu de se dire: "Dieu a fait de grandes choses pour nous: nous étions des esclaves et nous voici devenus un grand peuple libre", ils ne parlaient que des fatigues de la route, et se demandaient quand ce voyage allait prendre fin. PP 265 1 L'histoire des vicissitudes d'Israël à travers le désert a été conservé à l'intention de l'Israël de Dieu jusqu'aux derniers temps. Le récit des marches et contremarches de ce peuple nomade et des miracles accomplis pour le soulager de la faim, de la soif et de la fatigue est rempli d'instructions et d'avertissements pour nous. Le peuple hébreu suivait une école préparatoire en vue de la possession de la terre promise. A nous, de même, de nous remémorer d'un coeur humble et docile, en vue de notre préparation pour la Canaan céleste, les épreuves de l'ancien Israël. PP 265 2 Bien des personnes s'étonnent de l'incrédulité et des murmures d'Israël, et se disent qu'à sa place elles n'auraient pas été aussi ingrates. Mais, dès qu'elles rencontrent quelque contrariété, elles ne manifestent ni plus de foi ni plus de patience qu'Israël. Si elles passent par des moments pénibles, elles parlent mal des gens ou des choses dont Dieu s'est servi pour les purifier. D'autres, dont tous les besoins actuels sont satisfaits, ne savent pas se confier en Dieu pour l'avenir et sont dans une agitation continuelle à la pensée que l'indigence pourrait les atteindre, ainsi que leurs enfants. D'autres encore, constamment préoccupés de maux possibles, ou grossissant des tracas réels, ne voient plus les nombreux bienfaits de la Providence dont ils devraient être reconnaissants. Les vexations qu'elles rencontrent, et qui devraient les rapprocher de Dieu, seule source de secours, ne font que les en éloigner, parce qu'elles n'éveillent dans leurs coeurs qu'inquiétude et ressentiment. Il est triste d'avoir si peu de foi en Dieu. Ne devrions-nous pas nous interdire cette anxiété qui contriste le Saint-Esprit, sans nous aider à supporter nos mécomptes? Ne serait-il pas sage de bannir de nos coeurs ce souci perpétuel de nos besoins futurs? Il est vrai que le Seigneur n'a pas promis d'écarter tout danger de notre route. Il ne se propose pas de retirer les siens hors de ce monde de méchanceté. Mais il nous montre un sûr refuge. Tout le ciel s'intéresse à nous, et Jésus est notre ami. A ceux qui sont las et accablés, il adresse cette parole: "Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous soulagerai." Déposez le joug de vos inquiétudes et de vos préoccupations, "et recevez mon enseignement; car je suis doux et humble de coeur. Et vous trouverez le repos de vos âmes."(4) Le repos et la paix en Dieu sont à notre portée: il suffit de nous "décharger sur lui de tous nos soucis, parce qu'il a soin de nous."(5) PP 266 1 L'apôtre Paul nous dit: "Prenez garde que quelqu'un de vous n'ait un coeur mauvais et incrédule, et ne se sépare du Dieu vivant."(6) En vue de ce que Dieu a fait pour nous, notre foi devrait être robuste, active, constante. Au lieu de se répandre en murmures et en plaintes, le langage de nos coeurs devrait être: PP 266 2 Mon âme, bénis l'Éternel, Et que tout ce qui est en moi bénisse son saint nom! Mon âme, bénis l'Éternel, Et n'oublie aucun de ses bienfaits!(7) PP 266 3 Loin d'ignorer les besoins de son peuple, Dieu dit à Moïse: "Je vais faire pleuvoir pour vous du pain, du haut des cieux." En conséquence, ordre fut donné dans le camp d'en recueillir une provision chaque jour, et une provision double au sixième jour, de façon à respecter l'observance du jour sacré. PP 266 4 Voici en quels termes Moïse assura le peuple qu'il allait être pourvu à l'alimentation de la congrégation: "L'Éternel vous donnera ce soir de la viande à manger, et demain matin du pain à satiété." Il ajouta: "Que sommes-nous, en effet, nous-mêmes? Vos murmures ne sont pas contre nous, mais contre l'Éternel." Puis par Aaron, il fit faire cette proclamation: "Présentez-vous devant l'Éternel; car il a entendu vos murmures." Tandis qu'Aaron parlait, tous "les enfants d'Israël se tournèrent du côté du désert, et voici que la gloire de l'Éternel apparut dans la nuée".(8) Cette splendeur toute nouvelle pour eux avait pour but de leur démontrer que ce n'était pas Moïse, mais le Très-Haut, qui était leur conducteur, et à qui ils devaient obéir. PP 267 1 A la tombée de la nuit, le camp fut assailli d'une nuée de cailles, en nombre suffisant pour nourrir toute la multitude. Le lendemain matin, "on vit qu'il y avait à la surface du désert quelque chose de menu, rond comme des grains, semblable au givre tombé sur le sol. ... Elle ressemblait à de la graine de coriandre; elle était blanche." Le peuple l'appela "manne". Moïse leur dit: "C'est là le pain que l'Éternel vous a donné pour nourriture."(9) On se mit à recueillir cette manne, et l'on trouva qu'il y en avait abondamment pour chacun. On "la broyait avec les meules, on la pilait dans un mortier, la faisait cuire dans un pot, et on en faisait des gâteaux"; "elle avait le goût d'un gâteau de miel."(10) Il fut recommandé au peuple d'en recueillir chaque jour un omer(11) par personne, et de ne pas en laisser de reste jusqu'au matin. Quelques-uns, ayant voulu en conserver, trouvèrent, le lendemain, qu'elle était impropre à la consommation. La provision pour la journée devait être faite le matin. Tout ce qui restait sur le sol fondait au soleil. PP 267 2 Le peuple en ramassa "les uns plus, les autres moins; ... celui qui en avait recueilli beaucoup n'en avait pas trop, et celui qui en avait recueilli peu n'en manquait pas."(12) L'apôtre Paul tire de ce fait un enseignement pratique: "Je ne vous demande pas, pour soulager les autres, écrit-il, de vous mettre vous-mêmes dans la gêne, mais je voudrais qu'il y eût de l'égalité entre vous. Dans les circonstances présentes, votre abondance suppléera à leur indigence, afin que leur abondance supplée aussi à votre indigence et qu'ainsi il y ait égalité, comme il est écrit: Celui qui avait beaucoup recueilli n'avait pas trop, et celui qui avait peu recueilli ne manquait de rien."(13) PP 267 3 Au sixième jour, le peuple recueillit deux omers pour chaque personne. Les principaux s'empressèrent d'en informer Moïse. Sa réponse fut: "C'est ce que l'Éternel a dit: demain est un jour de repos, le sabbat consacré à l'Éternel. Faites cuire ce que vous avez à cuire, et faites bouillir ce que vous avez à faire bouillir, et gardez le surplus en réserve jusqu'au matin." Ainsi fut fait, et l'on constata que la manne ne s'était pas gâtée. "Mangez cette nourriture aujourd'hui, leur dit Moïse; car c'est le jour du sabbat de l'Éternel. Vous n'en trouverez pas aujourd'hui dans les champs. Vous en recueillerez pendant six jours, mais le septième jour, qui est le sabbat, il n'y en aura point."(14) PP 268 1 Dieu nous demande d'observer son saint jour aussi scrupuleusement qu'au temps d'Israël. Chaque chrétien devrait considérer l'ordre donné aux Hébreux comme le concernant personnellement. Le jour qui précède celui du repos est un jour de préparation. Nos affaires ne doivent en aucun cas empiéter sur les heures sacrées. Mais les soins donnés aux malades sont une oeuvre de miséricorde qui ne constitue pas une violation du jour de repos et ne doit pas être négligée. En revanche, il faut éviter tout travail non indispensable. Bien des personnes renvoient jusqu'au commencement du jour de repos de petits devoirs qui devraient être accomplis le jour de la préparation. C'est une erreur. Que ces travaux inachevés restent tels quels jusqu'à la fin du jour de repos. Ce sera un bon moyen de rafraîchir la mémoire de mainte personne oublieuse. PP 268 2 Pendant toute la durée de leur séjour au désert, les Israélites furent chaque semaine témoins d'un triple miracle destiné à leur inculquer la sainteté du jour de repos. Au sixième jour, la manne tombait en quantité double; au septième, il n'en tombait pas; et ce jour-là, celle qu'on avait recueillie le jour précédent se conservait, alors que les autres jours elle se gâtait. PP 268 3 Tous ces faits prouvent clairement que le jour de repos n'a pas été, comme beaucoup le pensent, institué lors de la promulgation de la loi au Sinaï. Les Israélites ont compris le devoir de l'observer avant d'y arriver. Obligés de recueillir chaque vendredi une double portion de manne pour le jour de repos où elle ne tombait pas, ils avaient sans cesse en vue le caractère sacré de ce jour. De là l'observation sévère à l'adresse des Israélites qui étaient sortis pour en recueillir le matin du sabbat: "Jusques à quand refuserez-vous d'observer mes commandements et mes lois?"(15) PP 268 4 "Les enfants d'Israël mangèrent de la manne pendant quarante ans, jusqu'à leur arrivée aux frontières du pays de Canaan."(15) Durant tout ce laps de temps, ce miraculeux approvisionnement leur rappela les soins fidèles et affectueux d'un Dieu d'amour. Pour parler avec le Psalmiste, Dieu leur "donna le froment des cieux."(16) Ils apprenaient ainsi journellement que les promesses divines les mettaient tout aussi bien à l'abri du besoin que ne l'eussent fait les plaines fertiles de Canaan. PP 269 1 La manne qui descendait du ciel pour alimenter Israël était une figure du pain céleste que Dieu devait envoyer au monde. Jésus le dira plus tard: "Je suis le pain de vie. Vos pères ont mangé la manne dans le désert, et ils sont morts. C'est ici le pain qui est descendu du ciel. ... Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement; et le pain que je donnerai pour la vie du monde, c'est ma chair."(17) "A celui qui vaincra, je donnerai de la manne cachée."(18) PP 269 2 Après qu'ils eurent quitté le désert de Sin, les Israélites campèrent à Réphidim. N'y trouvant pas d'eau, ils se mirent à douter de la protection divine. Dans leur aveugle impertinence, ils vinrent dire à Moïse: "Donnez-nous de l'eau à boire." La patience de l'homme de Dieu tint bon: "Pourquoi me cherchez-vous querelle? leur demanda-t-il. Pourquoi tentez-vous l'Éternel?" Ils répliquèrent avec colère: "Pourquoi nous as-tu fait sortir de l'Égypte pour nous faire mourir de soif, nous, nos enfants et nos troupeaux?"(19) La colonne de nuée qui les couvrait leur paraissait cacher quelque affreux mystère. Et Moïse, qui est-il et quel peut avoir été son but en nous faisant sortir d'Égypte? se demandaient-ils. Méfiants et soupçonneux, ils l'accusaient de chercher à les faire périr par les privations et la souffrance, eux et leurs enfants, dans l'intention de s'emparer de leurs biens. Leur fureur allait jusqu'à proposer de le lapider. PP 269 3 Dans sa détresse, Moïse cria à l'Éternel: "Que ferai-je pour ce peuple?" Dieu lui dit d'assembler les anciens d'Israël et de passer, le bâton miraculeux à la main, devant le peuple. Il ajouta: "Je vais me tenir devant toi, là-bas, sur le rocher, au mont Horeb; tu frapperas le rocher, il en sortira de l'eau, et le peuple boira." Moïse obéit: des eaux abondantes jaillirent du rocher, et tout le camp put se désaltérer. Au lieu d'ordonner à Moïse de lever son bâton pour appeler quelque terrible fléau sur les auteurs de ces coupables murmures, Dieu faisait de ce même bâton un instrument de délivrance. PP 269 4 Il fendit des rochers dans le désert, Et il en fit couler des torrents Pour désaltérer son peuple. De la pierre, il fit jaillir des ruisseaux; Il en fit sortir des eaux Abondantes comme des fleuves.(20) PP 270 1 Moïse avait frappé le rocher. Mais c'était le Fils de Dieu qui, près de lui, bien que voilé par la colonne de nuée, en avait fait jaillir des eaux vivifiantes. Moïse et les anciens, ainsi que toute la congrégation qui se tenait à distance, contemplèrent la gloire de Dieu sans se douter que, si la nuée s'était retirée, l'éclat foudroyant de celui qu'elle enveloppait les eût frappés à mort. PP 270 2 Sous l'aiguillon de la soif, le peuple avait "tenté l'Éternel, en disant: L'Éternel est-il au milieu de nous, ou n'y est-il pas?" Cette incrédulité était criminelle; aussi Moïse avait-il craint de voir les jugements de Dieu s'abattre sur le peuple. En souvenir de ce péché, il appela ce lieu Massa, "tentation", et Mériba, "contestation". PP 270 3 Un nouveau danger menaçait Israël. En raison de ses murmures, Dieu permit qu'il fût attaqué par des ennemis. La tribu sauvage et guerrière des Amalécites habitant cette région se jeta sur les gens faibles et fatigués qui étaient restés à l'arrière. Comme l'ensemble du peuple n'était pas à même de prendre les armes, Moïse chargea Josué de former un corps d'armée composé d'hommes choisis de toutes les tribus, et de les conduire dès le lendemain contre l'ennemi. Lui-même, le bâton de Dieu à la main, allait se tenir sur une éminence d'où l'on pouvait dominer le champ de bataille. Pendant le combat, Moïse, accompagné d'Aaron et d'Hur, priait pour le succès de son peuple, les bras étendus vers le ciel. On remarqua que lorsque les mains du prophète étaient levées, Israël triomphait, tandis que si, par lassitude, il les laissait retomber, c'était l'ennemi qui gagnait du terrain. En conséquence, Aaron et Hur lui soutinrent les mains jusqu'au coucher du soleil et l'ennemi fut mis en fuite. PP 270 4 En servant ainsi d'appui à Moïse, Aaron et Hur donnaient au peuple une leçon. Ils montraient aux Hébreux qu'ils devaient, eux aussi, soutenir leur chef dans sa tâche. L'attitude de Moïse était également symbolique. Quand Israël se confiait en Dieu, l'Éternel combattait pour lui et mettait ses ennemis en déroute. En revanche, lorsqu'il comptait sur ses propres forces, il était vaincu. PP 270 5 Ainsi, aujourd'hui, l'Israël de Dieu n'est victorieux que lorsque, par la foi, il se cramponne à son glorieux Libérateur. Il est vrai que la puissance divine s'associe et se combine avec l'effort humain. Moïse ne croyait pas qu'Israël pût battre l'ennemi en restant les bras croisés. De même, Josué, avec ses braves guerriers, avait jeté dans la bataille toute son énergie et toute sa bravoure. PP 271 1 Après la défaite des Amalécites, Dieu dit à Moïse: "Écris ces événements en souvenir dans le Livre, et déclare à Josué que j'effacerai entièrement la mémoire d'Amalek de dessous les cieux!"(21) Peu avant sa mort, le prophète fit encore à son peuple cette recommandation: "Souviens-toi de ce que te fit Amalek, pendant le voyage, lors de votre sortie d'Égypte; comment il vint t'attaquer sur la route, et tomber sur toi par derrière, en se jetant sur tous les traînards alors que vous étiez fatigués et à bout de forces; et il n'avait aucune crainte de Dieu....Tu effaceras la mémoire d'Amalek de dessous le ciel. Ne l'oublie pas.(22) La sentence prononcée contre ce peuple impie était ainsi résumée: "Amalek ayant levé la main contre le trône de l'Éternel, l'Éternel sera en guerre contre lui de génération en génération."(23) PP 271 2 Les Amalécites n'ignoraient pas le caractère et la souveraineté de Dieu; mais au lieu de l'honorer, jetant un défi à sa puissance, ils tournaient en dérision les miracles accomplis par Moïse au pays d'Égypte, et ils raillaient les craintes des nations qui les entouraient. Ils avaient juré par leurs dieux qu'ils détruiraient les Hébreux jusqu'au dernier, et ils défiaient le Dieu d'Israël de leur résister. Mais, n'ayant ni offense ni menace à reprocher à Israël, leur attaque était injustifiée. Ils cherchaient à détruire son peuple parce qu'ils haïssaient le Seigneur. Depuis longtemps, leur insolence et leurs crimes appelaient la vengeance de celui dont la miséricorde ne cessait de les appeler à la conversion. En se jetant sur les Israélites à bout de forces et sans défense, Amalek avait signé son arrêt de mort. Dieu prend soin des plus faibles de ses enfants. Aucun acte d'oppression ou de cruauté dirigé contre eux ne passe inaperçu. Sa main s'étend comme un bouclier sur tous ceux qui l'honorent et qui l'aiment. Malheur à celui qui frappe cette main: elle brandit l'épée de la justice. PP 271 3 Non loin de l'endroit où Israël campait à ce moment-là, se trouvait la demeure de Jéthro, beau-père de Moïse. Il apprit la nouvelle de la délivrance des Hébreux et se mit en route pour ramener à son gendre sa femme et ses deux enfants. Informé de leur approche, Moïse, qui avait dû se séparer de sa famille au moment d'affronter sa périlleuse tâche, s'était rendu avec joie à leur rencontre. Les premières salutations échangées, heureux de revoir les siens et de jouir de leur présence, il les conduisit sous sa tente. Après avoir entendu les merveilleuses délivrances accordées à Israël, Jéthro, plein de joie, bénit le Seigneur, puis il s'unit à Moïse et aux anciens pour célébrer, par une fête solennelle, sa miséricorde et ses bontés. PP 272 1 Pendant son séjour au camp, Jéthro eut bientôt l'occasion de s'apercevoir de la lourde charge qui pesait sur les épaules de son gendre. Maintenir l'ordre et la discipline au milieu de cette multitude fruste et ignorante était une tâche surhumaine. Comme Moïse était reconnu chef et juge de la nation israélite, c'était à lui que l'on soumettait non seulement les questions d'intérêt général, mais aussi les différends qui surgissaient entre particuliers. Il avait accepté cette charge parce qu'elle lui donnait l'occasion d'instruire le peuple. "Je leur fais entendre, dit-il à son beau-père, les ordres de Dieu et ses lois." Jéthro protesta: "Le fardeau est trop pesant pour toi, lui dit-il; tu ne peux le porter tout seul. ... Tu succomberas certainement." PP 272 2 Il lui conseilla de choisir des hommes compétents, dont il ferait des chefs de milliers, de centaines et de dizaines, "des hommes capables, craignant Dieu, des hommes intègres, haïssant le gain déshonnête".(24) Ces hommes devaient être chargés de juger des affaires de moindre importance, tandis que les cas graves et difficiles seraient, comme précédemment, soumis à Moïse. "Pour toi, lui dit Jéthro, sois le représentant du peuple auprès de Dieu, et porte les affaires devant Dieu. Fais connaître aux Israélites ses ordres et ses lois; montre-leur la voie dans laquelle ils doivent marcher, et comment ils doivent se conduire." Moïse écouta le sage conseil de son beau-père et fut ainsi soulagé d'une charge écrasante. Cette innovation eut pour résultat l'établissement d'un ordre plus parfait. Dieu avait hautement honoré Moïse et accompli de grands prodiges par son moyen, mais celui-ci ne méprisait pas pour autant les bons conseils. Conducteur d'Israël, il écouta avec reconnaissance le pieux Madianite et mit à exécution la mesure de prudence qu'il venait de lui suggérer. PP 272 3 De Réphidim, reprenant son voyage, le peuple suivit la marche de la colonne de nuée. Jusque-là, sa route avait tour à tour traversé des plaines arides, escaladé des pentes escarpées ou suivi d'étroits défilés entre les roches. Maintes fois, en traversant une lande sablonneuse, il avait vu se dresser au loin des hauteurs abruptes qui semblaient barrer le passage. Ce n'était qu'en approchant de ces murailles inaccessibles qu'on apercevait un col d'où l'on découvrait une autre plaine à traverser. PP 273 1 C'est par une de ces gorges profondes que le peuple passait en ce moment. La scène était saisissante. Aussi loin que s'étendait le regard, la multitude israélite -- vraie marée humaine accompagnée de troupeaux de gros et de menu bétail -- longeait des parois rocheuses s'élevant à des centaines de mètres. Devant cet innombrable cortège se dressaient, majestueux et formidables, les flancs massifs du Sinaï, au sommet duquel s'était arrêtée la colonne de nuée. C'est dans la plaine qui s'étendait à ses pieds qu'Israël dressa ses tentes. Il y séjourna près d'un an. La nuit, la colonne de feu, présence divine, protégeait le camp, tandis que descendait sans bruit le pain du ciel destiné aux repas. PP 273 2 A l'aube, une frange d'or profilant le sommet des monts, puis les éclatants rayons du soleil passant par les échancrures des rochers apportaient à la multitude lassée le gracieux sourire de la nature. De tous côtés, les hauteurs hérissées de pics vertigineux semblaient, dans leur solitaire grandeur, proclamer la majesté éternelle et la fidélité inébranlable de Dieu. En présence de celui "qui pèse au crochet les montagnes, et les collines à la balance",(25) l'homme sentait sa faiblesse et son ignorance. C'est dans ce cadre grandiose qu'Israël va recevoir les révélations les plus étonnantes que Dieu ait jamais confiées aux hommes. C'est là qu'il lui fera connaître, au cours d'une scène inoubliable, le caractère sacré de sa loi. L'influence abrutissante de la servitude et un long voisinage de l'idolâtrie ont laissé des traces profondes sur le caractère et les habitudes des Hébreux. Des réformes radicales devront avoir lieu. En se révélant à eux, Dieu va les faire monter à un niveau moral plus élevé. ------------------------Chapitre 27 -- La loi proclamée au Sinaï PP 275 1 Peu après avoir présidé à l'établissement du camp d'Israël au pied du Sinaï, Moïse fut appelé à se rendre seul sur la montagne pour recevoir les ordres de Dieu. Il gravit un sentier escarpé et rocailleux et il s'approcha d'un nuage qui marquait la présence de l'Éternel. Le moment était venu où Israël allait contracter avec le Très-Haut des relations intimes et où ce peuple serait incorporé à son gouvernement en qualité d'église et de nation. PP 275 2 Voici le message que Moïse fut chargé de communiquer aux enfants d'Israël: "Vous avez vu ce que j'ai fait aux Égyptiens, et comment je vous ai portés vous-mêmes sur des ailes d'aigle, et vous ai fait venir jusqu'à moi. Désormais, si vous obéissez à ma voix, et si vous gardez mon alliance, vous serez parmi tous les peuples mon plus précieux joyau; car la terre entière m'appartient. Vous serez pour moi un royaume de prêtres, une nation sainte."(1) PP 275 3 Moïse redescendit au camp, réunit les anciens d'Israël, et leur répéta le divin message. Le peuple répondit: "Nous ferons tout ce que l'Éternel a ordonné." Les Israélites contractaient ainsi une alliance solennelle avec Dieu en s'engageant à le reconnaître comme leur unique souverain, et à devenir ses sujets à un degré tout particulier. PP 276 1 Jusqu'ici, devant chaque désagrément, le peuple s'était laissé aller à murmurer contre Moïse et Aaron et à les accuser d'avoir fait sortir Israël d'Égypte pour le conduire à la mort. Pour cette raison, et afin qu'il ait confiance en son serviteur, Dieu va maintenant l'honorer sous ses yeux. Moïse étant remonté sur la montagne, Dieu lui dit: "Je vais aller à toi dans une épaisse nuée, afin que le peuple entende ma voix quand je te parlerai, et qu'il ait toujours confiance en toi." PP 276 2 La scène au cours de laquelle le Seigneur allait proclamer sa loi devait revêtir un caractère de grandeur terrifiante qui donnerait une juste idée de son auguste majesté, comme du caractère sacré de tout ce qui se rattache à son service. L'Éternel dit encore à Moïse: "Va vers le peuple; qu'ils se purifient tous aujourd'hui et demain, et qu'ils lavent leurs vêtements, afin d'être prêts le troisième jour; car, ce jour-là, l'Éternel descendra, à la vue de tout le peuple sur la montagne du Sinaï." Deux jours devaient être employés par le peuple à se préparer pour cette audience avec Dieu. Les personnes et les vêtements devaient être exempts de toute impureté. A l'ouïe de leurs péchés, énumérés par Moïse, il fallait qu'ils se livrent à l'humiliation, au jeûne et à la prière et bannissent de leurs coeurs toute iniquité. PP 276 3 Ces préparatifs terminés, Moïse reçut l'ordre de dresser une barrière autour de la montagne, afin que ni homme ni bête ne pût fouler le terrain sacré. Toute personne qui se hasarderait seulement à toucher la montagne serait mise à mort. PP 276 4 Au matin du troisième jour, quand les regards se tournèrent vers le Sinaï, on vit le sommet voilé par un épais nuage, qui devenait plus sombre et plus dense à mesure qu'il descendait vers la base, jusqu'à ce que toute la montagne fût enveloppée de ténèbres et de mystère. Puis retentit un son de trompette appelant le peuple à la rencontre de Dieu. Moïse en tête, la foule s'avança jusqu'au pied de la montagne. D'éblouissants éclairs s'échappaient des ténèbres, tandis que les échos des hauteurs environnantes répercutaient les grondements du tonnerre. "Or le mont Sinaï était tout en fumée, parce que l'Éternel y était descendu au milieu des flammes. Cette fumée montait comme la fumée d'une fournaise, et toute la montagne tremblait avec violence." "La gloire de l'Éternel apparaissait aux enfants d'Israël comme un feu dévorant",(2) et "le son de la trompette devenait de plus en plus éclatant". Les signes de la présence divine étaient si effrayants que le peuple, saisi de terreur, se jeta le visage contre terre devant l'Éternel. Moïse lui-même s'écria: "Je suis épouvanté et tout tremblant."(3) PP 277 1 Bientôt, le tonnerre et la trompette se turent; il se fit un silence angoissant, puis la voix du Seigneur retentit, sortant d'un épais rideau d'obscurité. Et alors, debout au milieu d'un cortège d'anges, l'Éternel proclama sa loi. Plus tard, Moïse décrira cette scène en ces termes: PP 277 2 L'Éternel est venu du Sinaï, Il s'est levé pour eux de Séir, Il a resplendi de la montagne de Paran; Il a surgi du milieu des saintes myriades; Il a envoyé pour eux, de sa droite, le feu de sa loi. Il aime aussi les autres peuples, Et sa main protège tous les saints d'Israël: Ils se sont assis à tes pieds Pour recevoir tes paroles.(4) PP 277 3 Ce n'est pas uniquement sous l'auguste majesté du Juge et du Législateur que Jéhovah se révéla, mais aussi sous la figure du compatissant Gardien de son peuple. Ainsi que le démontre le préambule de la loi: PP 277 4 "Je suis l'Éternel, ton Dieu, qui t'ai fait sortir du pays d'Égypte, de la maison de servitude."(5) PP 277 5 Celui qui articulait maintenant cette loi aux oreilles de son peuple était celui qu'Israël connaissait déjà comme Guide et Libérateur; celui qui l'avait fait sortir d'Égypte en lui frayant une voie à travers la mer, qui avait englouti le Pharaon et ses armées, et qui s'était ainsi montré supérieur à tous les dieux de l'Égypte. PP 277 6 La loi divine proclamée à ce moment-là n'était pas destinée exclusivement aux Hébreux. Si Dieu leur faisait l'honneur de les en constituer gardiens et dépositaires, c'était pour qu'ils en fissent part à tous les peuples. Les préceptes du Décalogue sont donc destinés à toute l'humanité. Ils ont été donnés pour éclairer et gouverner le monde entier. Ces dix préceptes courts, compréhensifs, impératifs, qui renferment les devoirs de l'homme envers Dieu et envers le prochain, sont tous fondés sur le grand principe de l'amour, ainsi formulé: "Tu aimeras l'Éternel, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ta force. ... Tu aimeras ton prochain comme toi-même."(6) PP 278 1 Dans les dix commandements, ces deux grands principes sont précisés de façon à s'appliquer aux conditions et aux circonstances de l'homme. Les voici: PP 278 2 "Tu n'auras point d'autres dieux devant ma face."(7) PP 278 3 Seul Dieu, l'Être éternel, incréé, existant par lui-même, à la fois auteur et soutien de tout ce qui existe, a droit à l'adoration et à la vénération suprêmes. Ce commandement interdit à l'homme de donner à n'importe qui et n'importe quoi la première place dans ses affections et son obéissance. Tout ce qui tend à diminuer notre amour pour Dieu, ou qui entrave le service que nous lui devons, devient pour nous un dieu. PP 278 4 "Tu ne te feras point d'image taillée, ni aucune représentation des choses qui sont en haut dans le ciel, ici-bas sur la terre, ou dans les eaux au-dessous de la terre. Tu ne te prosterneras point devant elles, et tu ne les serviras point." PP 278 5 Le second commandement défend d'honorer le vrai Dieu par l'intermédiaire d'images ou d'effigies. Un grand nombre de peuples païens ont prétendu que leurs images n'étaient que des figures ou des symboles au moyen desquels ils adoraient la divinité. Or Dieu déclare que ce genre de culte est un péché. Toute tentative de représenter l'Être éternel par des objets matériels ne peut qu'amoindrir et ravaler notre conception de Dieu. Par les images, l'esprit, détourné des perfections infinies de l'Éternel, est attiré vers la créature plutôt que vers le Créateur. L'homme se dégrade dans la mesure où est diminuée en lui la conception de Dieu. PP 278 6 "Je suis l'Éternel, ton Dieu, un Dieu jaloux ..." Les liens intimes qui unissent Dieu et son peuple sont comparés à ceux du mariage. L'idolâtrie est considérée comme un adultère spirituel, le déplaisir qu'elle inspire au Créateur est ici, avec beaucoup d'à-propos, appelé jalousie. PP 278 7 "... qui punis l'iniquité des pères sur les enfants jusqu'à la troisième et à la quatrième génération de ceux qui me haïssent." Les enfants portent inévitablement les conséquences de l'inconduite paternelle ou maternelle; mais ils ne sont punis pour les péchés de leurs parents que s'ils y participent. Il arrive néanmoins que les enfants suivent leurs traces et participent ainsi à leurs péchés, tant par hérédité que par l'exemple reçu. Les mauvaises tendances, les appétits pervertis, les moeurs relâchées, aussi bien que les maladies et la dégénérescence physique se transmettent, comme un legs fatal, de père en fils, jusqu'à la troisième et à la quatrième génération. Ce fait redoutable devrait inspirer aux hommes une crainte salutaire et les éloigner de la voie du péché. PP 279 1 "... et qui fais miséricorde jusqu'à mille générations à ceux qui m'aiment et qui gardent mes commandements." En interdisant l'adoration des faux dieux, le second commandement ordonne implicitement l'adoration du Dieu véritable. Or, à ceux qui le servent fidèlement, le Seigneur promet de faire miséricorde, non seulement jusqu'à la troisième et à la quatrième génération, comme c'est le cas du châtiment pour ceux qui le haïssent, mais jusqu'à mille générations. PP 279 2 "Tu ne prendras point le nom de l'Éternel ton Dieu en vain; car l'Éternel ne tiendra point pour innocent celui qui aura pris son nom en vain." Ce commandement ne condamne pas seulement les faux serments et les jurons vulgaires, mais aussi l'emploi du nom de Dieu fait avec légèreté et sans tenir compte de l'effrayante signification qui s'y rattache. C'est déshonorer le Très-Haut que de répéter à tout propos son nom d'une manière irréfléchie dans la conversation ordinaire, ou de le prendre à témoin pour des questions triviales. "Son nom est saint et redoutable."(8) Chacun devrait faire de la majesté, de la pureté et de la sainteté de Dieu un objet de méditation, au point que, pénétré du sentiment de son auguste caractère, on ne prononce jamais son saint nom qu'avec une profonde vénération. PP 279 3 "Souviens-toi du jour du repos pour le sanctifier. Tu travailleras six jours, et tu feras toute ton oeuvre; mais le septième jour est le repos de l'Éternel, ton Dieu: tu ne feras aucune oeuvre en ce jour-là, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bétail, ni l'étranger qui est dans tes murs; car l'Éternel a fait en six jours les cieux, la terre, la mer et tout ce qui y est contenu, et il s'est reposé le septième jour. C'est pourquoi l'Éternel a béni le jour du repos et l'a sanctifié." PP 280 1 Le jour du repos n'est pas introduit ici comme une institution nouvelle, mais comme ayant été fondé lors de la création. L'ordre est donné de s'en souvenir et de l'observer comme mémorial de l'oeuvre du Créateur. En appelant Dieu le Créateur des cieux et de la terre, ce commandement le distingue de tous les faux dieux. Ceux qui observent le septième jour montrent par là qu'ils adorent Jéhovah. Tant qu'il y aura des hommes sur la terre pour honorer Dieu, ce jour sera le signe de leur allégeance. Le quatrième commandement est le seul, entre les dix, qui mentionne à la fois le nom et le titre du Législateur. Il est par conséquent le seul qui révèle l'autorité dont cette loi émane. Il renferme ainsi le sceau de Dieu, et la signature du Créateur proclame l'authenticité et l'obligation de sa loi. PP 280 2 Ayant donné aux hommes six jours pour travailler, Dieu leur demande d'achever leur ouvrage dans ce laps de temps. Les actes de miséricorde et de nécessité sont permis ce jour-là. Il faut prendre soin des malades en tout temps. En revanche, le travail non indispensable doit y être strictement évité. "Si tu cesses de fouler aux pieds le jour du sabbat, en t'occupant de tes affaires en ce jour qui m'est consacré; si tu appelles le sabbat ton jour de délices et si tu considères comme vénérable ce qui est consacré à l'Éternel; si tu honores ce jour, en n'allant pas à ton travail, et en t'abstenant de vains discours, alors tu trouveras tes délices en l'Éternel..."(9) PP 280 3 "En t'abstenant de vains discours." Ceux qui, au jour du repos, s'entretiennent de leurs affaires ou font des projets les concernant, sont, devant Dieu, aussi coupables que s'ils travaillaient. Pour sanctifier le jour du repos, nous ne devons même pas laisser notre esprit s'arrêter sur nos affaires séculières. Et le commandement concerne aussi "l'étranger qui est dans nos murs". Durant les heures sacrées, tous les membres du foyer doivent s'unir pour honorer Dieu. PP 280 4 "Honore ton père et ta mère, afin que tes jours soient prolongés sur la terre que l'Éternel, ton Dieu, te donne." PP 280 5 Les parents ont droit à un degré d'affection et de respect qui n'est dû à aucune autre personne. Dieu les tient responsables des âmes qu'il leur a confiées, et il leur ordonne de tenir sa place auprès de leurs enfants durant les premières années de leur vie. Celui qui rejette l'autorité légitime de ses parents rejette donc l'autorité de Dieu. D'après le cinquième commandement, les enfants doivent non seulement respecter leurs parents et leur obéir, mais encore les entourer d'affection et de tendresse, alléger leur charge, veiller sur leur réputation, et constituer l'appui et la consolation de leur vieillesse. Ce commandement comprend également les égards dus aux pasteurs et magistrats, comme à tous ceux auxquels Dieu a confié quelque autorité. PP 281 1 Parlant de ce précepte, l'apôtre Paul écrit que "c'est le premier commandement accompagné d'une promesse".(10) Pour Israël, qui s'attendait à entrer bientôt dans le pays de Canaan, la promesse envisageait une longue vie dans ce bon pays. Mais elle va plus loin: elle s'adresse à tout l'Israël de Dieu auquel est promise la vie éternelle sur une terre purifiée de la malédiction du péché. PP 281 2 "Tu ne tueras point." PP 281 3 Toute injustice tendant à abréger la vie; tout esprit de haine ou de vengeance; toute colère qui pousse à commettre des actions préjudiciables au prochain ou même seulement à lui désirer du mal -- car "quiconque hait son frère est un meurtrier"(11) -- tout égoïsme qui fait négliger les soins dus aux indigents et aux malades, toutes ces choses constituent, à des degrés divers, des violations du sixième commandement. PP 281 4 "Tu ne commettras point d'adultère." PP 281 5 Ce commandement prohibe non seulement toute action impure, mais aussi les désirs et les pensées sensuelles, comme tout ce qui peut tendre à les exciter. Plus que la pureté de la vie extérieure, Dieu nous demande celle des pensées secrètes et des émotions du coeur. Jésus-Christ, qui nous apprend la portée étendue de la loi de Dieu, déclare que la pensée ou le regard coupable est un péché aussi réel que l'acte lui-même. PP 281 6 "Tu ne déroberas point." PP 281 7 Cette défense s'applique à des péchés tant privés que publics. Le huitième commandement interdit la chasse à l'homme, la traite des esclaves, les guerres de conquête. Il condamne le larcin et le vol avec effraction. Il exige une stricte probité dans les plus petits détails de la vie. Il défend de surfaire en matière commerciale et exige le paiement des justes dettes et des salaires. Il enseigne que tout acte consistant à tirer avantage de l'ignorance, de la faiblesse ou du malheur d'autrui est enregistré dans les livres célestes à l'égal de la fraude. PP 282 1 "Tu ne diras point de faux témoignage contre ton prochain." PP 282 2 Sous le titre de "faux témoignages" viennent se placer toutes déclarations inexactes sur n'importe quel sujet, toute tentative et tout dessein de tromper notre prochain. Par un regard, un mouvement de la main, une expression du visage, on peut mentir aussi effectivement que par des paroles. Toute exagération intentionnelle, toute insinuation ayant pour but de donner une idée erronée, voire le récit de certains faits présentés de manière à induire en erreur, constitue un mensonge. Ce précepte interdit tout ce qui tend à compromettre la réputation du prochain par l'altération de la vérité, par des soupçons nuisibles, par la calomnie ou la médisance. La suppression intentionnelle de la vérité, qui porterait préjudice à quelqu'un, est elle-même une violation du neuvième commandement. PP 282 3 "Tu ne convoiteras point la maison de ton prochain; tu ne convoiteras point la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son boeuf, ni son âne, ni aucune chose qui soit à ton prochain." PP 282 4 En interdisant le désir égoïste qui engendre l'acte coupable, le dixième commandement attaque la racine même de tous les péchés. Celui qui, par obéissance à la loi de Dieu, s'interdit jusqu'au désir illégitime de posséder ce qui appartient à autrui ne se rendra pas coupable d'actes condamnables à l'égard de ses semblables. PP 282 5 Tels sont les préceptes sacrés du Décalogue proclamé par le grand Législateur du haut du mont Sinaï enveloppé d'éclairs et ébranlé par les éclats du tonnerre. Cette manifestation extraordinaire de la puissance et de la majesté divines avait pour but d'inspirer une vénération profonde pour l'auteur de cette loi, le Créateur des cieux et de la terre, et de laisser derrière elle un souvenir ineffaçable. Dieu voulait aussi, par là, convaincre tous les hommes de l'importance, de la nature sacrée et de l'immuable obligation de sa loi. PP 283 1 Effrayé, le peuple d'Israël s'était peu à peu éloigné de la montagne. La terreur des sentences divines semblait dépasser la mesure de ses forces. Au fur et à mesure que passait devant lui le code de la justice, il reconnaissait toujours mieux le caractère du péché et sa culpabilité aux yeux d'un Dieu saint. La multitude adressa cette supplication à Moïse: "Parle-nous toi-même, et nous écouterons; mais que Dieu ne parle point avec nous, de peur que nous ne mourions."(12) Le prophète répondit: "Ne craignez point; car Dieu est venu pour vous mettre à l'épreuve et pour que vous ayez toujours sa crainte présente devant vous, afin que vous ne péchiez pas." Puis "Moïse s'approcha de la nuée obscure dont Dieu s'était enveloppé", tandis que le peuple, paralysé de frayeur, restait à distance. PP 283 2 Aveuglé et dégradé par son long esclavage et son contact avec l'idolâtrie, Israël n'était pas préparé à apprécier les grands principes de la loi divine. Pour l'aider à mieux comprendre la nature et l'obligation de celle-ci, Dieu lui donna des statuts additionnels qui en illustraient le sens et l'application. Ceux-ci étaient parfois appelés "jugements", d'abord parce qu'ils étaient conçus avec infiniment de sagesse et d'équité, et ensuite parce que les magistrats, en rendant la justice, devaient toujours les consulter. Étant distincts des dix commandements, ils furent communiqués au peuple par l'intermédiaire de Moïse. PP 283 3 La première de ces lois se rapportait aux serviteurs. Dans les temps anciens, les criminels étaient parfois vendus comme esclaves; dans certains cas, des débiteurs étaient aussi vendus par leurs créanciers; enfin, la pauvreté poussait diverses personnes à se vendre elles-mêmes ou à vendre leurs enfants. Mais un Hébreu ne pouvait être esclave pour la vie, la durée de son servage étant limitée à six ans. La septième année, il devait être mis en liberté. Le rapt humain, le meurtre intentionnel et la révolte contre l'autorité des parents étaient punis de mort. Il était permis d'avoir des esclaves non israélites; mais la loi protégeait soigneusement leur vie et leur personne. Le meurtrier d'un esclave était puni, et l'esclave maltraité par son maître, n'eût-il perdu qu'une dent, devenait libre. PP 283 4 Les Israélites, qui avaient récemment été serviteurs, étaient mis en garde, maintenant qu'ils allaient avoir des serviteurs à leur tour, contre la cruauté et l'oppression dont ils avaient souffert en Égypte. Le souvenir de leur amère servitude devait les aider à se mettre à leur place, et les porter à être bons et compatissants, faisant aux autres ce qu'ils auraient désiré qu'on leur fît. PP 284 1 Les droits des veuves et des orphelins étaient tout particulièrement sauvegardés. De ces derniers, privés de tendresse, le Seigneur disait: "Si vous leur faites du tort, et qu'ils élèvent leurs cris vers moi, j'entendrai leurs cris. Mon courroux s'enflammera; je vous ferai périr par l'épée, et vos femmes deviendront veuves, en même temps que vos enfants orphelins."(13) Les gens d'autres nations s'unissant à Israël étaient garantis de toute injustice et de toute oppression: "Tu n'opprimeras pas l'étranger. Vous connaissez vous-mêmes les sentiments éprouvés par l'étranger, puisque vous avez été étrangers dans le pays d'Égypte."(14) PP 284 2 Il était interdit de prêter au pauvre de l'argent à intérêt. La couverture ou le vêtement d'un pauvre, pris en garantie, devait lui être restitué à la tombée de la nuit. Celui qui se rendait coupable de vol devait donner le double. Le respect des magistrats et des gouverneurs était obligatoire, et les juges étaient mis en garde contre la tentation de pervertir le jugement, de soutenir une mauvaise cause ou de recevoir des présents. La calomnie était interdite, et l'on était tenu à des actes de bonté, même envers des ennemis personnels. PP 284 3 L'obligation sacrée du jour de repos était rappelée. Des fêtes annuelles furent instituées auxquelles chaque homme devait assister en apportant à l'Éternel des offrandes de reconnaissance et les premiers fruits récoltés. PP 284 4 L'objet de ces règlements était indiqué: exempts de tout sentiment arbitraire, ils avaient pour but le bien d'Israël. "Vous serez pour moi des hommes saints",(15) disait le Seigneur, c'est-à-dire des hommes dignes d'être reconnus comme appartenant à un Dieu saint. Ces lois -- charte et fondement de la loi nationale -- furent écrites par Moïse et précieusement conservées. Elles constituaient, en outre, comme les dix préceptes dont elles étaient le commentaire, la condition de l'accomplissement des promesses de Dieu à Israël. PP 284 5 Dieu adressa alors au peuple ce message: "Je vais envoyer un ange devant toi pour te protéger en chemin et pour t'introduire dans le lieu que j'ai préparé. Prends garde à toi-même quand tu seras en sa présence, et écoute sa voix. Ne lui résiste point; car il ne pardonnerait pas votre désobéissance, parce que mon nom est en lui. Mais si tu écoutes attentivement sa voix, si tu fais tout ce que j'ordonnerai, je serai l'ennemi de tes ennemis et l'adversaire de tes adversaires."(16) PP 285 1 Enveloppé dans la colonne de nuée ou de feu, le Fils de Dieu conduisait Israël dans toutes ses pérégrinations. Non seulement il leur donnait des symboles leur annonçant un Sauveur à venir, mais il était aussi un Sauveur présent, seule source de bénédiction, donnant ses ordres par l'intermédiaire de Moïse. PP 285 2 Redescendu de la montagne, "Moïse vint rapporter au peuple toutes les paroles de l'Éternel et tous ses commandements. Alors tout le peuple répondit d'une seule voix: Nous ferons tout ce que l'Éternel a prescrit".(17) Cette décision ainsi que toutes les paroles de l'Éternel auxquelles le peuple s'était engagé à obéir furent enregistrées dans un livre par Moïse. PP 285 3 Puis vint la ratification de l'alliance. On construisit un autel au pied de la montagne. Tout près, on "dressa douze pierres pour les douze tribus d'Israël", comme témoins de leur acceptation de l'alliance. Des jeunes hommes désignés pour la circonstance offrirent alors des sacrifices. PP 285 4 Après avoir fait aspersion, sur l'autel, du sang des sacrifices, Moïse "prit le livre de l'alliance et le lut au peuple qui l'écoutait". Les conditions de cette alliance leur étaient ainsi solennellement répétées, de façon à laisser chacun libre de décider s'il voulait oui ou non les accepter. Tout au début, ils avaient déjà promis d'obéir à la voix de Dieu, puis entendu la proclamation de sa loi. Enfin, pour que nul n'ignorât à quoi l'alliance les engageait, ils venaient d'en écouter les préceptes en détail. De nouveau, et d'une seule voix, le peuple répondit: "Nous ferons tout ce que l'Éternel nous a prescrit, et nous lui obéirons." "Lorsque Moïse eut exposé à tout le peuple tous les commandements de la Loi, il prit le sang,... et il en aspergea le livre lui-même, et tout le peuple, en disant: Ceci est le sang de l'alliance que Dieu a commandé de conclure avec vous."(18) PP 285 5 Le moment était venu de prendre des dispositions en vue de l'établissement de la nation hébraïque sous la souveraineté de Dieu, son roi. Moïse avait reçu cet ordre: "Monte vers l'Éternel, avec Aaron, Nadab et Abihu, et soixante-dix anciens d'Israël, et vous vous prosternerez à distance. Moïse seul s'approchera de l'Éternel." Tandis que le peuple adorait au pied de la montagne, les hommes désignés à cet effet en firent l'ascension. Ces soixante-dix anciens devant seconder Moïse dans le gouvernement d'Israël, Dieu plaça son Esprit sur eux et leur donna le privilège de contempler sa puissance et sa gloire. "Et ils virent le Dieu d'Israël. Sous ses pieds se trouvait comme un dallage de saphir transparent, aussi pur que les cieux mêmes." Ils n'aperçurent pas la Divinité, mais seulement la gloire de sa présence. Auparavant, ils n'auraient pu supporter pareil spectacle. Mais les preuves de la puissance divine les avaient amenés à la conversion, et ils s'étaient accoutumés à méditer sur sa gloire, sa pureté et sa miséricorde, au point qu'ils pouvaient maintenant s'approcher du Seigneur. PP 286 1 Moïse et Josué, "son serviteur", étant appelés à se rendre sur la montagne et à y demeurer quelque temps, Aaron, Hur et les anciens furent désignés pour les remplacer. "Moïse monta donc sur la montagne. ... La gloire de l'Éternel reposa sur le mont Sinaï, qui fut couvert d'une nuée." Six jours durant, la montagne resta ainsi sous la nuée, signe spécial de la présence de Dieu. Pendant ce temps, rien ne révéla cette présence, Moïse attendit patiemment d'être appelé par le Très-Haut. Dieu avait dit: "Monte vers moi sur la montagne. Tu y resteras." La soumission, la docilité du prophète, mises à l'épreuve, ne se démentirent point: il ne s'éloigna pas de son poste. Ce grand serviteur de Dieu, lui-même si favorisé, n'aurait pas pu supporter la présence et la gloire du Créateur. Avant d'entrer en communication avec lui, il devait consacrer six jours à la méditation, à la prière, à un sévère examen de conscience. PP 286 2 Au septième jour, le jour du sabbat, Moïse fut admis dans l'impénétrable nuée qui, s'entrouvrant à la vue de tout le peuple, laissa échapper, comme un torrent de feu, la gloire de l'Éternel. "Moïse entra dans la nuée, et monta sur la montagne", où il demeura "pendant quarante jours et quarante nuits",(19) sans compter les six jours de préparation. Durant ces six jours, Josué, qui accompagnait Moïse, mangeait de la manne et buvait de l'eau du "torrent qui descendait de la montagne". Mais il n'entra pas dans la nuée de gloire. Il resta à quelque distance et continua, en attendant le retour de son maître, de s'alimenter et de se désaltérer de la même manière. Moïse, lui, jeûna durant toute cette période. PP 287 1 Les directives qu'il reçut à cette occasion concernaient la construction d'un sanctuaire dans lequel la divine présence se manifesterait d'une façon extraordinaire. "Ils m'élèveront un sanctuaire", avait dit l'Éternel, "et j'habiterai au milieu d'eux".(20) PP 287 2 Pour la deuxième fois, l'obligation du jour de repos est rappelée. "Ce sera, entre moi et les enfants d'Israël, un signe d'alliance à perpétuité, ... afin qu'on sache que c'est moi, l'Éternel, qui vous sanctifie. Vous observerez donc le sabbat, qui doit être pour vous une chose sainte. ... Quiconque fera un travail, ce jour-là, sera puni de mort."(21) PP 287 3 Les ordres concernant l'érection du sanctuaire étant récents, le peuple aurait pu conclure que la construction du lieu de culte était pressante, et qu'il était permis d'y travailler le jour du sabbat. C'était pour prévenir cette erreur que l'avertissement était donné. La sainteté et l'urgence même de cette entreprise ne pouvaient justifier la violation du jour consacré à l'Éternel. Désormais, le peuple allait être honoré de la présence de son Roi. "J'habiterai au milieu des enfants d'Israël, et je serai leur Dieu, ... et ce lieu sera consacré par ma gloire",(22) avait dit le Seigneur. PP 287 4 Comme symbole de l'autorité du Tout-Puissant et comme expression visible de sa volonté, un exemplaire du Décalogue, gravé sur deux tables de pierre par le doigt même de Dieu, fut remis à Moïse.(23) Celles-ci furent, en leur temps, déposées dans le sanctuaire, qui devint alors le centre visible de l'adoration de l'Eternel. PP 287 5 Des bas-fonds de l'esclavage, Israël était ainsi élevé au-dessus de toutes les nations pour devenir le trésor particulier du Roi des rois. Dieu l'avait séparé du monde pour une mission sacrée. En le constituant dépositaire de sa loi, il se proposait de conserver, par son moyen, la connaissance de son nom parmi les hommes. La lumière du monde se répandrait ainsi au sein d'une humanité enveloppée de ténèbres, et une voix se ferait entendre, appelant tous les peuples à se détourner du fétichisme pour servir le Dieu vivant. En demeurant fidèles à leur mandat, les Israélites pourront devenir une puissance dans le monde. Dieu se constituera leur défenseur et les élèvera au-dessus de tous les peuples. Par l'intermédiaire d'Israël, la lumière de la vérité sera révélée à l'humanité, et sous son sceptre juste et bon, ce peuple démontrera la supériorité de son culte sur toutes les formes de l'idolâtrie. ------------------------Chapitre 28 -- L'idolâtrie au Sinaï PP 289 1 Israël souffrit bientôt de la longue absence de Moïse. On savait qu'accompagné de Josué, il avait fait l'ascension du Sinaï, et qu'il était entré dans la sombre nuée entourant le sommet de la montagne. On la voyait même de temps en temps s'illuminer d'éclairs qui révélaient la présence de Dieu. Malgré cela, l'ennui fit place à l'inquiétude. Accoutumés, en Égypte, à des représentations visibles de la divinité, les Israélites en étaient venus à placer leur foi en ce Moïse qui, maintenant, leur était enlevé. Les jours, puis les semaines s'écoulaient sans qu'on le vît revenir. Bien que la nuée fût toujours visible, un grand nombre, dans le camp, s'imaginèrent que leur chef les avait abandonnés, ou qu'il avait été consumé par le feu du ciel. PP 289 2 Cette période d'attente leur donnait l'occasion de méditer sur la loi divine qu'ils avaient entendue et de se préparer à recevoir de nouvelles révélations. Le temps qui leur était accordé n'était pas trop long. S'ils l'avaient employé à obtenir une plus claire intelligence de la volonté de Dieu et à s'humilier devant lui, ils auraient été préservés de la tentation. Mais ils se laissèrent aller à l'insouciance, pour en venir peu à peu à la turbulence et à la révolte. C'était surtout le cas du "ramassis de gens" de toute espèce qui s'était joint à eux et qui était impatient d'entrer dans la terre promise où coulaient le lait et le miel. Il est vrai que ce bon pays ne pouvait être occupé qu'à condition d'obéissance, ce qu'on avait perdu de vue. Quelques-uns suggéraient de retourner en Égypte ou d'aller de l'avant. Mais l'élément étranger était résolu à ne plus attendre Moïse. PP 290 1 Conscients de leur impuissance en l'absence de leur chef, les Israélites retournèrent bientôt à leurs anciennes superstitions. C'était le ramassis de gens qui s'était, le premier, livré au murmure et à l'impatience. Ce fut encore lui qui prit l'initiative de l'apostasie qui s'ensuivit. Comme le peuple désirait quelque image de la divinité marchant devant eux à la place de Moïse, et que le boeuf faisait partie des emblèmes des divinités égyptiennes, on suggéra la fabrication d'un veau. On oublia que Dieu n'avait pas désigné d'objet pour le représenter et avait même interdit d'en choisir un. On ne se souvint pas des miracles accomplis en Égypte et à la mer Rouge, qui leur avaient inspiré confiance en un Dieu tout-puissant et invisible. On oublia également qu'en réponse à leur demande d'un signe visible de sa présence, Dieu leur avait donné la colonne de nuée et de feu qui dirigeait les cohortes d'Israël, ainsi que les scènes glorieuses du Sinaï. Néanmoins, en face de cette même nuée, on pensait à retourner en Égypte, et cela sous la conduite d'un veau!(1) PP 290 2 En l'absence de Moïse, l'autorité judiciaire avait été confiée à Aaron. Une foule immense se rassembla autour de sa tente avec cette requête: "Allons, fais un dieu qui marche à notre tête; car ce Moïse, cet homme qui nous a fait sortir du pays d'Égypte, nous ne savons ce qu'il est devenu." A croire ces gens, la nuée qui les avait conduits jusqu'alors s'était définitivement arrêtée sur la montagne et ne les conduirait pas plus loin. A sa place, il leur fallait une image, et si, comme on le suggérait, ils retournaient en Égypte, cette image, portée devant eux comme leur dieu, leur assurerait les bonnes grâces des Égyptiens. PP 290 3 Une crise comme celle que traversait en ce moment Israël exigeait un homme ferme, décidé, animé d'un indomptable courage. Il fallait un homme qui plaçât l'honneur de Dieu au-dessus de la faveur populaire, de sa sécurité personnelle et de sa vie elle-même. Mais celui qui était en ce moment à la tête d'Israël ne possédait pas cette trempe. Aaron gourmanda faiblement la multitude, et sa timide irrésolution, à ce moment critique, ne fit que rendre la foule plus obstinée. Le tumulte dégénéra bientôt en émeute. Seul un petit nombre de gens resta fidèle au vrai Dieu: la grande majorité versa aveuglément dans l'apostasie. PP 291 1 Au lieu de défendre noblement la cause du Très-Haut, Aaron céda aux clameurs de la foule. Il commença par ordonner que les femmes lui apportent les boucles d'oreilles en or qui se trouvaient en leur possession. Il espérait que leur vanité se refuserait à ce sacrifice. Mais elles se dépouillèrent volontiers de ces ornements, et Aaron s'en servit pour fondre un veau imitant les dieux égyptiens. Le peuple s'écria: "Voilà, ô Israël, ton dieu qui t'a fait sortir du pays d'Égypte!" Aaron permit non seulement cette insulte à l'Éternel, mais voyant avec quelle satisfaction le dieu d'or était accueilli, il érigea un autel devant l'idole, et fit cette proclamation: "Demain, il y aura une fête en l'honneur de l'Éternel." Des hérauts allaient par tout le camp, de groupe en groupe, et répétaient la convocation. "Dès le lendemain, ils se levèrent de bon matin; ils offrirent des holocaustes et des actions de grâces. Le peuple s'assit pour manger et pour boire, puis ils se livrèrent à des réjouissances." Sous prétexte de "célébrer une fête en l'honneur de l'Éternel", on se livra à la gloutonnerie et au dérèglement. PP 291 2 N'est-il pas fréquent, aujourd'hui, de voir l'amour du plaisir se déguiser sous une forme de piété? La religion qui permet de se livrer à des penchants égoïstes et sensuels, tout en exigeant l'observance des formes du culte, n'est-elle pas, de nos jours comme au temps d'Israël, celle qui plaît à la multitude? Ne reste-t-il pas encore en haut lieu, dans l'Église, des Aarons complaisants qui cèdent aux esprits étrangers à la vraie piété et qui, ainsi, les encouragent dans la voie du péché? PP 291 3 Quelques jours seulement s'étaient écoulés depuis que les Hébreux avaient conclu avec Dieu un pacte solennel par lequel ils lui promettaient foi et obéissance. Tout tremblants au pied de la montagne, ils avaient entendu cette parole: "Tu n'auras point d'autres dieux devant ma face!" Et maintenant, alors que la gloire de Dieu couronnait encore le sommet du Sinaï, la congrégation reniait le Seigneur et rendait un culte à un faux dieu! PP 292 1 Ils firent un veau d'or au pied de l'Horeb, Et ils se prosternèrent devant une image de métal. Ils échangèrent le Dieu qui était leur gloire. Contre l'image d'un boeuf qui broute l'herbe!(2) PP 292 2 Comment manifester plus d'ingratitude, comment insulter plus outrageusement celui qui s'était révélé à eux comme un tendre Père et un Roi tout-puissant! PP 292 3 Sur la montagne, Moïse fut mis au courant de ce qui se passait dans le camp; il reçut l'ordre d'y retourner sans délai. "Va, disait la voix divine, descends d'ici; car ce peuple que tu as fait sortir du pays d'Égypte s'est corrompu! Il s'est bien vite détourné de la voie que je lui avais ordonné de suivre; il s'est fait un veau en métal fondu, s'est prosterné devant lui." Dieu aurait pu étouffer ce mouvement à sa naissance; mais il le laissa se développer pour nous montrer comment il punit la trahison et l'apostasie. PP 292 4 Le contrat de Dieu avec son peuple était rompu. En conséquence, l'Éternel dit à Moïse: "Laisse-moi donc agir maintenant; mon courroux s'enflammera contre lui, et je le consumerai; mais je ferai de toi une grande nation." On pouvait prévoir que le peuple hébreu, mais surtout l'élément étranger, enclin à se rebeller contre Dieu, continuerait de murmurer contre Moïse et de le tourmenter par son incrédulité et son opiniâtreté. Pour ce dernier, la tâche de conduire ce peuple jusqu'à la terre promise allait être ingrate et surhumaine. Du reste, ses péchés l'avaient déjà privé de la faveur de Dieu, et la justice demandait son élimination. En conséquence, l'Éternel proposait à Moïse de le faire disparaître et de susciter, par lui, une grande nation qui remplacerait Israël. PP 292 5 "Laisse-moi donc agir maintenant, disait la voix, et je le consumerai." Qui n'eût pas abandonné ces pécheurs à leur sort? Qui, à la place de Moïse, ne se serait pas empressé d'échanger une vie d'ennuis, de tracas et de sacrifices payée d'ingratitude et de récriminations, contre une carrière aisée et honorable? PP 292 6 Mais là où d'autres n'auraient aperçu que des causes de découragement, Moïse voyait des motifs d'espérance. Dans cette parole: "Laisse-moi donc agir, maintenant", il discerna que Dieu, loin de lui interdire d'intercéder, l'y encourageait plutôt; il sentit même que seule son intercession pouvait sauver Israël, et que s'il l'en conjurait, Dieu épargnerait son peuple. Plein de cet espoir, "Moïse chercha à apaiser l'Éternel, son Dieu, en disant: Pourquoi, ô Éternel, ton courroux s'enflammerait-il contre ton peuple, que tu as fait sortir du pays d'Égypte grâce à ta force souveraine et à ta main puissante?" PP 293 1 Par cette parole: "Ce peuple que tu as fais sortir d'Égypte", Dieu montrait qu'il avait renié Israël. Moïse, déclinant humblement l'honneur qui lui est fait, réplique en appelant Israël "ton peuple, que tu as fait sortir... grâce à ta force souveraine". Il continue: "Il ne faut pas que les Égyptiens puissent dire: C'est pour leur malheur qu'il les a fait sortir de notre pays, pour les faire périr dans les montagnes et les exterminer de la surface de la terre!" PP 293 2 Au cours des quelques mois qui s'étaient écoulés depuis qu'Israël avait quitté l'Égypte, le bruit de sa merveilleuse délivrance s'était répandu parmi toutes les nations environnantes, qui redoutaient ce que Dieu allait faire pour Israël. Si celui-ci avait disparu à ce moment-là, ses ennemis auraient triomphé, et Dieu eût été déshonoré. Les Égyptiens auraient déclaré que leurs prévisions étaient justes. Au lieu de conduire son peuple dans le désert pour y sacrifier, c'est ce dernier qui était sacrifié. La destruction du peuple que Dieu avait si hautement honoré eût fait rejaillir sur son nom un opprobre ineffaçable. Quelle responsabilité encourent ceux que le Seigneur honore et sur lesquels il compte pour que son nom soit glorifié parmi les hommes! Avec quel soin ne doivent-ils pas se garder du péché, de crainte de s'attirer la colère de Dieu et d'exposer son nom au mépris des impies! PP 293 3 En intercédant en faveur d'Israël, Moïse sentit sa timidité l'abandonner devant l'intérêt et l'amour profonds qu'il portait à ce peuple pour lequel, sous la direction de Dieu, il s'était tant dévoué. Dieu exauça ses supplications désintéressées. Il avait voulu mettre à l'épreuve la fidélité et l'affection de son serviteur pour ce peuple égaré et ingrat. Et cette épreuve, Moïse l'avait noblement subie. Son intérêt pour Israël n'avait aucun mobile égoïste. La prospérité du peuple de Dieu lui était plus chère même que la gloire d'être le père d'une grande nation. Le Seigneur prit plaisir à voir la simplicité de coeur et l'abnégation de son serviteur. Il lui confia, comme à un fidèle berger, la grande mission de conduire son peuple jusqu'à la terre promise. PP 294 1 Chargé des "tables du témoignage" et accompagné de Josué, Moïse redescend de la montagne. Bientôt, ils entendent, montant de la plaine, des cris et des clameurs qui semblent révéler une calamité publique. La première pensée de Josué, le guerrier, fut celle d'une attaque ennemie. "Des cris de bataille retentissent dans le camp!" s'écrie-t-il. Moïse comprend mieux ce qui se passe. Il ne s'agit pas de combat, mais d'une joie désordonnée. "Ce n'est ni le bruit de cris de victoire, dit-il, ni le bruit de cris de défaite; j'entends un bruit de chants." PP 294 2 Arrivés à proximité du camp, ils voient le peuple chanter et danser autour de son idole. Combien cette saturnale païenne, imitation des fêtes idolâtres, ressemble peu à la calme solennité des cérémonies consacrées à l'honneur du vrai Dieu! Moïse, qui vient de contempler la gloire de l'Eternel, est consterné. Bien qu'averti de ce qui se passe, il ne s'attend pas à cet affreux et dégradant spectacle. Au comble de l'indignation, et pour montrer l'horreur que lui inspire cette apostasie, il jette les deux tables de pierre, qui se brisent à ses pieds à la vue de la multitude. Ce geste indiquait que le peuple avait violé son alliance avec Dieu, et que Dieu, de son côté, répudiait ses engagements. PP 294 3 Moïse entre dans le camp et, passant au travers de la foule en liesse, saisit l'idole et la brûle. Puis il la réduit en poudre, jette cette poudre dans l'eau du torrent qui descend de la montagne, et la fait boire au peuple pour lui démontrer ainsi l'impuissance totale du dieu qu'il avait adoré. PP 294 4 Il fait alors appeler son frère coupable et lui demande sévèrement: "Que t'a fait ce peuple, pour que tu te soies laissé entraîner à lui faire commettre un si grand péché?" Aaron cherche à se disculper en racontant les clameurs des Israélites. "Que la colère de mon seigneur ne s'enflamme pas, dit-il! Tu sais toi-même combien ce peuple est prompt à faire le mal. Ils m'ont dit: Fais-nous un dieu qui marche devant nous; car ce Moïse, cet homme qui nous a fait sortir du pays d'Égypte, nous ne savons ce qu'il est devenu. Je leur ai répondu: Que ceux qui ont de l'or s'en dépouillent! Ils m'en ont apporté; je l'ai jeté au feu, et ce veau en est sorti." PP 295 1 Aaron voulait faire croire à Moïse qu'un miracle avait eu lieu, et que l'or jeté au feu s'était, surnaturellement, transformé en un veau. Mais ses excuses et ses équivoques ne servirent de rien: il fut justement considéré comme le plus grand coupable. Le fait qu'il avait reçu de Dieu des honneurs qui le plaçaient bien au-dessus du peuple rendait son péché d'autant plus odieux. PP 295 2 C'était Aaron, "le saint de l'Éternel",(3) qui avait fait l'idole et publié la fête. Celui qui avait été l'interprète de Moïse, et dont Dieu avait dit: "Je sais qu'il parlera très bien"(4) n'avait pas mis le moindre obstacle au projet sacrilège des idolâtres; celui par le moyen de qui Dieu avait frappé de ses jugements les Égyptiens et leurs dieux, avait écouté sans s'émouvoir cette proclamation faite en présence de l'image de fonte: "Voilà, ô Israël! ton dieu qui t'a fait sortir du pays d'Égypte!" L'homme qui avait accompagné Moïse sur le sommet de la montagne et contemplé la gloire incomparable de l'Éternel avait assimilé cette gloire à l'image d'un veau! En un mot, c'était celui à qui Dieu avait confié, en l'absence de Moïse, le gouvernement de son peuple, qui sanctionna son apostasie! PP 295 3 S'il avait eu le courage de défendre les droits divins sans égards aux conséquences, il aurait empêché cette apostasie. En restant inébranlablement fidèle; en rappelant au peuple les foudres du Sinaï, son alliance avec Dieu et sa promesse de garder sa loi, le mal aurait été conjuré. Mais la facilité qu'Aaron avait apportée à accéder aux désirs du peuple, la calme assurance avec laquelle il s'était soumis à ses volontés avaient encouragé la foule à aller plus loin dans le péché qu'elle ne se l'était proposé. Aussi Dieu était-il "tellement irrité contre Aaron, qu'il voulait le faire périr".(5) Ce ne fut que grâce à la fervente intercession de Moïse que sa vie fut épargnée; il ne rentra dans la faveur de Dieu qu'après s'être repenti et humilié. PP 295 4 Les regards courroucés de Moïse en rentrant au camp, ses paroles sévères et l'indignation qu'il manifesta en brisant les tables de la loi formaient un contraste frappant avec les paroles doucereuses et la débonnaireté indulgente de son frère. Aussi la sympathie du peuple était-elle acquise à Aaron, dont on admirait l'aménité et la tolérance, et à qui on pardonnait volontiers d'avoir jeté sur la foule la responsabilité de sa faiblesse. Son caractère faible et complaisant l'avait aveuglé sur l'énormité du péché qu'il sanctionnait. Sa complicité à cette occasion coûta la vie à des milliers de personnes. Quelle différence entre sa conduite et celle de Moïse qui, tout en défendant courageusement les droits de Dieu, montrait que le bonheur d'Israël lui tenait plus à coeur que sa prospérité personnelle, son honneur ou sa vie! PP 296 1 De tous les péchés que le Seigneur punira un jour, il n'en est pas de plus grave à ses yeux que celui qui consiste à encourager le mal chez son prochain. Dieu aime à voir ses serviteurs lui prouver leur loyauté en censurant le mal courageusement et quoiqu'il leur en coûte. Ceux qui ont une mission divine à remplir ne doivent se permettre aucune servilité lâche et complaisante. Sans jamais rechercher les honneurs ni reculer devant les devoirs désagréables, qu'ils accomplissent l'oeuvre du Seigneur avec une inflexible fidélité. PP 296 2 Quoique Dieu ne détruisît pas Israël, en réponse aux prières de Moïse, l'apostasie du peuple devait être punie d'une façon exemplaire. Si l'esprit d'insubordination et de dérèglement dans lequel Aaron avait laissé glisser le peuple n'avait été immédiatement étouffé, il aurait dégénéré en anarchie et l'aurait entraîné dans une ruine irrémédiable. Le mal devait être réprimé avec une sévérité impitoyable. PP 296 3 "Moïse vit que le peuple n'avait plus aucun frein; car Aaron l'avait laissé sans frein, l'exposant ainsi à devenir la risée de ses ennemis. Alors Moïse se plaça à la porte du camp, et dit: A moi, tous ceux qui sont pour l'Éternel!" Ceux qui n'avaient point pactisé avec l'apostasie devaient se placer à la droite de Moïse; ceux qui étaient coupables, mais repentants, à sa gauche. Le peuple obéit, et il se trouva que la tribu de Lévi n'avait pris aucune part au culte idolâtre. Un grand nombre de gens des autres tribus, qui avaient péché, manifestèrent leur repentir. En revanche, une foule d'autres, qui appartenaient surtout à l'élément étranger et qui avaient pris l'initiative du veau d'or, persistèrent obstinément dans leur résistance. PP 296 4 Alors Moïse ordonna à ceux qui étaient à sa droite et n'étaient pas coupables d'idolâtrie de prendre leur épée et de mettre à mort tous ceux qui s'acharnaient dans leur entêtement. "Et il périt ce jour-là, dans le peuple, environ trois mille hommes." Sans égards à leur position, à leur parenté ou à leurs relations, les instigateurs de l'impiété furent abattus. Ceux qui se convertirent et s'humilièrent furent épargnés. PP 297 1 Les hommes qui accomplirent cette terrible exécution agissaient en vertu d'un ordre divin et ne faisaient qu'appliquer la sentence du Roi d'Israël. Entouré de faiblesse et d'ignorance, l'homme doit y regarder à deux fois avant de condamner son semblable. Mais quand Dieu lui ordonne de prendre des sanctions contre l'iniquité, il faut qu'il obéisse. Les hommes qui s'acquittèrent de cette douloureuse besogne montrèrent l'horreur que leur inspiraient la révolte et l'idolâtrie et se consacrèrent plus entièrement au service du vrai Dieu. Pour honorer leur fidélité, le Seigneur allait conférer une distinction spéciale à la tribu de Lévi. PP 297 2 Israël s'était rendu coupable de trahison envers un Roi auquel il avait volontairement promis d'être soumis. Pour maintenir le gouvernement divin, il avait fallu châtier les traîtres. Mais ici encore, sans porter atteinte à l'autorité de sa loi, Dieu manifestait sa miséricorde en donnant à chacun la liberté de choisir et l'occasion de se repentir. Seuls furent exécutés ceux qui s'acharnèrent dans leur rébellion. PP 297 3 Il était nécessaire que ce péché fût puni pour témoigner aux nations environnantes le déplaisir de Dieu à l'égard de l'idolâtrie. En se faisant l'exécuteur de la justice divine contre les coupables, Moïse laissait aux générations futures une protestation solennelle et publique contre le crime d'idolâtrie. En outre, quand, plus tard, les Israélites condamneront ce péché chez leurs voisins et que ceux-ci les accuseront d'avoir adoré un veau en Horeb, ils pourront, tout en reconnaissant ce fait humiliant, rappeler le sort terrible qui atteignit alors les transgresseurs et démontrer ainsi que ce péché n'avait été ni approuvé ni excusé. PP 297 4 D'ailleurs, le châtiment d'Horeb était dicté par l'amour aussi bien que par la justice. Dieu est le gardien de son peuple autant qu'il en est le souverain. S'il retranche les pécheurs endurcis, c'est de crainte qu'ils n'en entraînent d'autres à la ruine. Si Dieu a épargné, par exception, la vie de Caïn, c'est pour démontrer à l'univers ce qui résulte de l'impunité du péché. C'est à l'influence de sa vie et de ses enseignements sur ses descendants qu'il faut attribuer la corruption qui appela la destruction du monde par le déluge. L'histoire des antédiluviens prouve qu'une longue vie n'est pas un bienfait pour les pécheurs. La patience de Dieu n'ayant pas mis de frein à leur méchanceté, plus ils vécurent, plus ils devinrent corrompus. PP 298 1 Il en fut ainsi de l'idolâtrie au Sinaï. Si un prompt châtiment n'avait réprimé la révolte, on eût assisté aux mêmes résultats. La terre serait devenue aussi dépravée qu'aux jours de Noé. Dans sa miséricorde, Dieu fit périr des milliers d'hommes pour ne pas être obligé, plus tard, d'en frapper des millions. Pour sauver la masse, il fallait punir le petit nombre. PP 298 2 Du reste, en violant son serment d'obéissance envers Dieu, Israël perdait tout droit à sa protection et s'exposait à devenir la proie de ses ennemis. En arrêtant sommairement les pécheurs dans leur mauvaise voie, le Seigneur manifestait sa miséricorde. L'esprit qui les animait les aurait portés à se haïr et à se battre entre eux, et ils auraient fini par s'entre-tuer. PP 298 3 Lorsque le peuple, revenu à lui-même, vit toute l'énormité de son péché, la terreur se répandit dans le camp. On craignit que tous les coupables ne fussent mis à mort. Prenant pitié de leur détresse, Moïse leur promit de supplier Dieu en leur faveur. "Vous avez commis un grand péché! leur dit-il. Et maintenant je vais monter vers l'Éternel; peut-être obtiendrai-je le pardon de votre péché." "Moïse retourna donc vers l'Éternel, et lui dit: Hélas! ce peuple a commis un grand péché: ils se sont fait un dieu d'or. Pardonne cependant leur péché; sinon, efface-moi du livre que tu as écrit. L'Éternel répondit à Moïse: Celui qui a péché contre moi, je l'effacerai de mon livre. Va maintenant; conduis le peuple là où je l'ai dit. Voici que mon Ange marchera devant toi; mais au jour où je sévirai contre eux, je les punirai de leur péché." PP 298 4 La prière de Moïse nous fait penser aux registres célestes où sont inscrits non seulement les noms de tous les hommes, mais leurs actions, bonnes ou mauvaises. Le livre de vie contient les noms de tous ceux qui sont entrés au service de Dieu. Ceux d'entre eux qui s'éloignent du bon chemin et s'obstinent dans le péché au point de repousser les appels du Saint-Esprit verront au jour du jugement leurs noms effacés du livre de vie. Or Moïse, considérant tout ce qu'il y aura d'affreux dans le sort final des impénitents, et ne pouvant supporter la pensée de voir les jugements du ciel tomber sur ce peuple si miraculeusement délivré, demandait à Dieu d'effacer son nom avec les leurs. Son intercession en faveur d'Israël, qui figure la médiation du Sauveur en faveur des pécheurs, ne fut que partiellement acceptée: Dieu ne permit pas à Moïse de porter, comme devait le faire plus tard son propre Fils, la culpabilité du pécheur. "Celui qui [aura] péché contre moi, lui dit-il, je l'effacerai de mon livre." PP 299 1 C'est avec une profonde tristesse que le peuple enterra ses cadavres. Trois mille hommes étaient tombés par l'épée. Peu après, une plaie ravagea le camp. Ensuite, on annonça que la présence divine n'accompagnerait plus les Hébreux dans leur voyage. Dieu avait en effet déclaré: "Je n'y monterai pas en me tenant au milieu de vous, qui êtes un peuple au cou roide; car je pourrais vous anéantir pendant le voyage. ... Déposez donc vos ornements, et je verrai ensuite ce que je dois faire." En entendant ces paroles menaçantes, le peuple prit le deuil, et personne ne se revêtit de ses ornements. "C'est ainsi que les enfants d'Israël se dépouillèrent de leurs ornements, quand ils quittèrent le mont Horeb."(6) PP 299 2 Par ordre divin, la tente qui avait servi de lieu de culte temporaire fut "dressée hors du camp, loin de l'enceinte", ce qui prouvait une fois de plus que Dieu leur avait retiré sa présence. Il allait se révéler à Moïse, mais non plus à un tel peuple. Cette punition fut extrêmement douloureuse à la multitude bourrelée de remords, qui vit là un présage d'une plus grande calamité. L'Éternel, se disait-on, n'a-t-il pas séparé Moïse du camp afin de nous détruire complètement? PP 299 3 Ils furent bientôt rassurés. "Moïse prit la tente, et il la dressa hors du camp, ... et il l'appela la Tente d'assignation" ou de "rendez-vous". Tous ceux qui étaient véritablement contrits et désireux de revenir au Seigneur furent invités à s'y rendre, pour y confesser leurs péchés et implorer sa miséricorde. Quand ils retournèrent à leurs tentes, Moïse y pénétra à son tour, comme intercesseur, tandis que le peuple, en proie à une émotion poignante, observait si Dieu ne donnerait pas quelque signe de faveur, leur assurant qu'ils ne seraient pas entièrement consumés. "Et il arriva que, comme Moïse entrait dans la Tente, la colonne de nuée descendit, et se mit à l'entrée de la Tente, et l'Éternel parla avec Moïse. Et tout le peuple vit la colonne de nuée se tenant à l'entrée de la Tente; et tout le peuple se leva, et ils se prosternèrent, chacun à l'entrée de sa tente", le visage inondé de larmes de joie. PP 300 1 Connaissant la perversité et l'aveuglement du peuple qui lui était confié; comprenant les difficultés qu'il aurait à surmonter, et convaincu qu'il ne réussirait dans cette tâche que grâce au secours de Dieu, Moïse lui demanda une révélation plus claire de sa volonté, ainsi que l'assurance de sa présence. PP 300 2 "Moïse dit à l'Éternel: Tu m'as dit: Fais monter ce peuple! ... Et tu ne m'as pas fait connaître celui que tu veux envoyer avec moi. Cependant, tu m'avais dit: Je te connais par ton nom, et tu as trouvé grâce à mes yeux. Si donc j'ai trouvé grâce à tes yeux, fais-moi connaître tes desseins, afin que je te connaisse et que je trouve grâce à tes yeux. Daigne aussi considérer que cette nation est ton peuple. L'Éternel répondit: Je serai moi-même ton guide, et j'assurerai ta sécurité." PP 300 3 Mais Moïse n'était pas satisfait. Accablé à la pensée des grands malheurs qui s'ensuivraient si Dieu abandonnait Israël, et ne pouvant supporter l'idée que son sort fût séparé du leur, il demande à Dieu de rendre sa faveur à ses frères et de continuer de diriger leurs marches par un signe de sa présence. "Si ta face ne vient nous guider, supplie-t-il, ne nous fais point partir d'ici. A quoi pourrait-on connaître que j'ai trouvé grâce à tes yeux, moi et ton peuple, si l'on ne voit pas que tu marches avec nous? C'est à cela que moi et ton peuple nous nous distinguerons de tous les peuples qui habitent sur la face de la terre." PP 300 4 "L'Éternel répondit à Moïse: Je ferai encore ce que tu demandes; car tu as trouvé grâce à mes yeux, et je te connais par ton nom." Chacune des prières de Moïse a été exaucée. Il n'arrête cependant pas là ses supplications. Il aspire à des marques plus grandes de la faveur de Dieu, et il lui adresse alors une requête qu'aucun homme n'avait encore faite auparavant: "Je t'en prie: fais-moi voir ta gloire!" Loin de repousser cette requête comme présomptueuse, Dieu adresse à son serviteur cette réponse empreinte d'une douce condescendance: "Je ferai passer devant toi toute ma bonté." PP 300 5 Dans notre état de mortalité, nul homme ne survivrait s'il contemplait sans voiles la gloire de Dieu. Or, à Moïse, le Seigneur promet de faire voir autant de la gloire divine qu'il pourra en supporter. Il l'appelle à gravir une fois de plus le sommet de la montagne, et alors la main qui a fait le monde, qui "transporte à l'improviste les montagnes",(7) prend sa faible créature, qui est un puissant homme de foi, et la place dans l'anfractuosité d'un rocher, tandis que passent devant elle la gloire et la bonté de Dieu. PP 301 1 Cette scène, mais surtout la promesse que la présence divine allait l'accompagner, fut pour Moïse un gage de succès dans l'oeuvre qui était devant lui. Il comprit qu'aucune grandeur humaine, qu'aucun talent, qu'aucune science ne peut tenir lieu, dans la vie de l'homme, de la réelle présence de Dieu. Aussi apprécia-t-il cette grâce comme infiniment supérieure à toute la science de l'Égypte, comme à toutes ses capacités d'homme d'État et d'homme de guerre. PP 301 2 Pour le pécheur impénitent, "c'est une chose terrible que de tomber entre les mains du Dieu vivant". Et cependant, Moïse, seul en présence de l'Éternel, n'éprouvait aucune crainte: car son âme était à l'unisson avec la volonté de son Créateur. "Si j'avais eu dans le coeur quelque intention coupable, le Seigneur ne m'aurait point exaucé", dit le Psalmiste."(8) "L'intimité de l'Éternel est pour ceux qui le craignent, et il leur fait connaître son alliance."(9) PP 301 3 Alors, "l'Éternel passa devant lui, et s'écria: L'Éternel, oui, l'Éternel est le Dieu miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en grâce et en fidélité! Il conserve sa grâce jusqu'à mille générations; il pardonne l'iniquité, la révolte et le péché, mais il ne tient pas le coupable pour innocent."(10) PP 301 4 "Aussitôt, Moïse s'inclina vers la terre et se prosterna", suppliant une fois de plus l'Éternel de pardonner l'iniquité de son peuple et de le prendre pour son héritage. Exauçant sa prière, Dieu lui fit la promesse de rendre à Israël sa faveur et d'opérer pour lui "des prodiges qu'on n'a vus encore dans aucun pays et dans aucune nation". PP 301 5 Comme la première fois, Moïse demeura sur la montagne quarante jours et quarante nuits, miraculeusement soutenu durant ce long jeûne. Nul n'avait été admis à l'accompagner, et il n'avait été permis à quiconque de toucher la montagne pendant son absence. Sur l'ordre de Dieu, il prépara deux tables de pierre qu'il apporta avec lui. Une seconde fois, "l'Éternel écrivit sur les tables les paroles de l'alliance, les dix commandements".(11) PP 302 1 Durant ce long laps de temps passé dans la communion avec Dieu, Moïse avait réfléchi la gloire de sa divine présence. Sans qu'il s'en doutât, lorsqu'il redescendit de la montagne, son visage irradiait une lumière toute semblable à celle qui éclairera plus tard celui d'Étienne lorsque, à Jérusalem, traduit devant ses juges, "son visage parut semblable à celui d'un ange".(12) PP 302 2 "Aaron et tous les enfants d'Israël, en apercevant Moïse, virent rayonner la peau de son visage, et ils n'osèrent pas s'approcher de lui." Devant leur confusion et leur terreur, mais n'en connaissant pas la cause, Moïse, d'une voix tendre et suppliante, les invita avec insistance à s'approcher de lui; il leur présenta le gage de la réconciliation qu'il tenait entre ses mains, et les assura de la restitution de la faveur divine. Finalement, quelqu'un osa s'approcher; mais haletant et sans voix, il se borna à indiquer de la main le visage de Moïse, puis le ciel. Alors le libérateur comprit, et "mit un voile sur son visage". PP 302 3 Dans son état de consciente culpabilité, Israël ne pouvait supporter la vue d'une lumière céleste qui aurait dû le remplir de joie. Le pécheur est craintif devant cette lumière, alors qu'une âme purifiée ne désire pas s'y soustraire. Par égard pour le peuple, chaque fois qu'il rentrait au camp après avoir communiqué avec Dieu, Moïse mettait un voile sur son visage, puis il faisait part à Israël des messages de l'Éternel. Ce rayonnement nous enseigne le caractère auguste et sacré de la loi de Dieu, ainsi que la gloire de l'Évangile révélé par Jésus-Christ. PP 302 4 Durant son séjour sur la montagne, Moïse avait reçu non seulement les tables de la loi, mais aussi une révélation du plan du salut. Il comprit que le sacrifice du Sauveur était préfiguré par tous les rites et symboles de la dispensation judaïque. C'était la lumière céleste jaillissant aussi bien du Calvaire que de la loi divine, qui illuminait le visage du prophète. Elle figurait la gloire de la dispensation dont Moïse, représentant du seul véritable Intercesseur, était le médiateur visible. Elle symbolisait également les bienfaits réservés, par la médiation de Jésus-Christ, aux enfants de Dieu qui gardent ses commandements. Elle nous enseigne que plus notre communion avec Dieu est intime, plus claire aussi est notre intelligence de ses ordonnances, et plus nous sommes rendus conformes à son image et participants de sa nature. PP 303 1 Moïse était un emblème de Jésus-Christ. De même que l'intercesseur d'Israël voilait son visage au peuple qui n'en pouvait supporter l'éclat, ainsi notre Sauveur, en descendant sur la terre, voila sa divinité sous notre humanité. S'il était venu parmi nous auréolé d'un éclat céleste, le séjour parmi les hommes ne lui eût pas été possible: ceux-ci n'auraient pu supporter le rayonnement de sa présence. Et voilà pourquoi il se revêtit d'une "chair semblable à notre chair de péché",(13) seul moyen d'atteindre notre race déchue et de la relever. ------------------------Chapitre 29 -- Satan et la loi de Dieu PP 305 1 La première attaque de Satan contre la loi divine eut lieu parmi les innocents habitants du ciel et rallia un grand nombre d'anges. Mais cette victoire apparente se transforma bientôt en une défaite qui entraîna leur séparation d'avec Dieu et leur expulsion de la demeure céleste. PP 305 2 Lorsque la lutte fut transportée sur notre planète, Lucifer remporta de nouveau un certain avantage. L'homme pécha, devint captif du grand rebelle et lui livra honteusement son royaume. Désormais, la voie semblait largement ouverte devant Satan pour établir ici-bas un gouvernement indépendant constituant un défi lancé à l'autorité de Dieu et de son Fils. C'est alors que parut le plan du salut permettant à l'homme de retrouver la faveur de Dieu et d'obéir à sa loi, plan qui laissait entrevoir le rachat final de l'humanité et de son domaine terrestre tombé sous la puissance du Malin. PP 305 3 Battu pour la seconde fois, Satan conçut l'espoir de transformer sa défaite en victoire. Il sema la révolte au sein de l'humanité déchue en accusant Dieu d'injustice pour avoir permis à l'homme de violer ses commandements. "Pourquoi, demanda le rusé tentateur, Dieu, qui connaissait l'avenir, a-t-il soumis l'homme à une épreuve? Pourquoi l'a-t-il exposé au péché, à l'infortune et à la mort?" Et les enfants d'Adam, oubliant la restauration miséricordieuse qui leur était offerte, et perdant de vue le sacrifice incommensurable que leur désobéissance allait coûter au Roi du ciel, prêtèrent l'oreille au séducteur et se mirent à murmurer contre le seul Être qui pût les sauver de son pouvoir destructeur! PP 306 1 Ils se comptent aujourd'hui par milliers ceux qui font écho à cette plainte déloyale. Ils ne voient pas que si Dieu les privait du droit de choisir entre le bien et le mal, il leur ôterait tout ce qui constitue la noblesse de l'homme et les réduirait, privés de volonté et dépouillés de tout libre arbitre, à l'état de simples automates. Ils ne se rendent pas compte que leur obéissance, comme celle des habitants des autres mondes, doit être mise à l'épreuve, d'autant plus que l'homme ne sera jamais obligé de céder au mal, ni placé devant une tentation irrésistible. PP 306 2 En se multipliant sur la terre, les hommes passèrent presque tous du côté du Révolté. Une fois de plus, celui-ci crut tenir la victoire, mais le déluge envoyé par le Tout-Puissant enraya les progrès de l'iniquité et purifia la terre de ses souillures. "Lorsque tes jugements s'exercent sur la terre, dit le prophète Ésaïe, les habitants du monde apprennent la justice. Si l'on fait grâce au méchant, il ne comprend pas les leçons de la justice. Il fera le mal dans le pays de la droiture."(1) Il en fut ainsi après le déluge. A l'abri des jugements de Dieu, les hommes se rebellèrent de nouveau contre lui, rejetant son alliance et ses lois. PP 306 3 A ce moment-là, l'Éternel fit alliance avec Abraham et se choisit un peuple dont il fit le dépositaire de sa loi. Pour faire échouer ce projet, Satan prépara immédiatement ses pièges en vue de pousser les enfants de Jacob à se marier avec les païens et à se prosterner devant leurs idoles. Mais Joseph resta fidèle à son Dieu et fut un témoin courageux de la vraie foi. Rien ne put éteindre en lui cette lumière. Satan eut beau exploiter l'envie de ses frères et le faire vendre comme esclave dans un pays idolâtre, Dieu fit servir cet événement à la propagation de son nom au pays d'Égypte. PP 307 1 La crainte de Dieu et les connaissances qu'il acquiert dans la maison de Potiphar, puis dans sa prison, préparent Joseph à devenir premier ministre au pays des Pharaons. Il entre dans le palais de ces rois, et son ascendant se fait bientôt sentir à travers l'Égypte, alors que la connaissance de Dieu se répand dans toutes les directions. Descendus dans ce pays, les fils de Jacob y deviennent riches et prospères, et ceux d'entre eux qui restent fidèles au Seigneur y exercent une profonde influence. PP 307 2 Voyant que la nouvelle religion est reçue avec faveur, les prêtres idolâtres commencent à s'alarmer. Poussés par Satan à la révolte contre le Dieu du ciel, ils s'efforcent d'inspirer cette haine à l'héritier du trône. PP 307 3 Pendant les quarante ans que dura l'exil de Moïse au pays de Madian, l'idolâtrie sembla triompher chez ses frères. D'année en année, chez ceux-ci, la foi s'amoindrissait. Fiers de leur puissance, le Pharaon et le peuple se moquaient du Dieu d'Israël. Cet esprit d'hostilité arrogante atteignit son apogée sous le monarque régnant au moment où Moïse vint lui réclamer l'affranchissement de son peuple. Car ce ne fut pas ignorance, mais insolence blasphématoire de sa part, lorsqu'il répondit: "Qui est l'Éternel, pour que j'obéisse à sa voix?... Je ne connais pas l'Éternel." PP 307 4 Dieu donna encore aux Égyptiens l'occasion de se convertir malgré leur persistance dans l'incrédulité. Il n'oublia pas qu'aux jours de Joseph l'Égypte fut un asile pour Israël et que ce peuple témoigna des sentiments de bonté qui honorèrent l'Éternel. Aussi, dans sa compassion et sa longanimité, il espaça ses jugements de manière à leur donner le temps de rentrer en eux-mêmes. Frappés par les objets mêmes qu'ils avaient adorés, ils pouvaient se convaincre de la puissance de Dieu. Et tous ceux qui se soumirent à lui échappèrent aux châtiments, résultat auquel contribuèrent l'opiniâtreté et le fanatisme du Pharaon. PP 307 5 A cause de la tendance des descendants de Jacob de s'allier avec les païens et de pactiser avec l'idolâtrie, Dieu permit leur émigration en Égypte, où l'influence de Joseph et les circonstances devaient faire en sorte qu'ils soient séparés du reste du monde. Le grossier fétichisme des Égyptiens et leur cruauté à l'égard des Hébreux durant la dernière partie de leur séjour chez eux auraient dû inspirer à ces derniers l'horreur de l'idolâtrie et les pousser à s'attacher au Dieu de leurs pères. Mais Satan tira habilement parti des événements pour influencer les Israélites et les entraîner à suivre les pratiques de leurs maîtres païens. En outre, comme il ne leur fut pas permis, durant leur esclavage, d'offrir des sacrifices, en raison de la vénération superstitieuse dont les Égyptiens entouraient les animaux, leur esprit ne fut plus attiré par ces cérémonies vers le céleste sacrificateur. PP 308 1 Quand arriva le temps de la délivrance, Satan se prépara à maintenir dans l'ignorance et la superstition le peuple d'Israël qui comptait alors plus de deux millions d'âmes. Ce peuple que Dieu avait promis de bénir, de multiplier et de rendre puissant sur la terre; ce peuple par lequel il pensait révéler la connaissance de sa volonté et dont il allait faire le gardien de sa loi, -- Satan s'efforçait de le retenir dans les chaînes de l'esclavage au point d'effacer de sa mémoire jusqu'au souvenir de son Dieu. Pour cela, il s'attacha d'abord à neutraliser, en les contrefaisant devant le Pharaon, l'effet des miracles de Moïse. Mais il ne réussit qu'à provoquer de plus éclatantes manifestations de la puissance et de la gloire divines, et qu'à rendre plus évidentes l'existence et la souveraineté du Dieu vivant et vrai. Ce fut même en frappant de ses jugements les dieux de l'Égypte que l'Éternel délivra Israël. PP 308 2 Il fit avancer son peuple au milieu des cris d'allégresse, Et ses élus au milieu des chants de triomphe... A condition qu'ils garderaient ses commandements, Et pratiqueraient ses lois.(2) PP 308 3 En arrachant les Hébreux à un état de servitude pour les amener dans un bon pays qu'il leur avait préparé, Dieu voulait les attirer tout près de lui et les entourer de ses bras paternels. En retour de tant de bonté et de miséricorde, il allait leur demander de n'avoir point d'autres dieux que lui, le Dieu vivant, et d'exalter son glorieux nom sur toute la terre. PP 308 4 Pour cela, il les amena au Sinaï, où, de sa propre voix, il leur fit entendre ses commandements. Mais Satan et ses anges étaient sur les lieux et se préparaient, au moment même où Dieu proclamait sa loi, à faire tomber Israël dans le péché. Ce peuple que l'Éternel s'est choisi, l'ennemi se propose de le lui arracher à la face du ciel et de l'entraîner dans l'idolâtrie, sachant bien que l'homme ne peut s'élever moralement aussi longtemps qu'il adore des êtres qui lui sont inférieurs ou des objets qu'il a fabriqués de ses propres mains. Satan sait qu'il aura gagné la partie s'il parvient à aveugler l'homme au point de lui faire oublier la puissance, la majesté et la gloire du Dieu infini en lui substituant une image taillée ou même un quadrupède ou un reptile, et s'il réussit à lui faire perdre de vue qu'il est d'origine divine et créé à l'image de Dieu, pour le courber devant des objets révoltants ou ridicules. L'homme sombre alors dans l'immoralité et s'abandonne aux plus viles passions. PP 309 1 Le séducteur poursuivra donc au pied même du Sinaï l'oeuvre qu'il a commencée dans le ciel. Durant les quarante jours que Moïse passe avec Dieu sur la montagne, il travaille activement à semer le doute, la révolte et l'apostasie parmi le peuple. Au moment même où le Seigneur écrit sa loi pour la confier à Israël, celui-ci abandonne son Créateur et réclame des dieux d'or! Et quand Moïse sort de l'auguste et terrifiante Présence, apportant avec lui les divins préceptes que le peuple s'est engagé à observer, il le trouve foulant aux pieds ces mêmes statuts et se prosternant avec insolence devant une image de métal! PP 309 2 En poussant les enfants d'Israël à ce comble d'impiété, Satan croit avoir atteint son but. Maintenant qu'ils se sont vautrés dans le blasphème et la dégradation, pense-t-il; maintenant qu'ils ont perdu tout sentiment des nombreux bienfaits de Dieu, comme aussi tout souvenir de leurs voeux d'obéissance réitérés et solennels, l'Éternel va les rejeter et les livrer à la destruction. Ainsi sera consommée l'extinction de la postérité d'Abraham qui devait conserver la connaissance du Dieu vivant, et d'où devait sortir la vraie postérité, le vainqueur de Lucifer! PP 309 3 Dans cet espoir d'anéantir le plan de Dieu, le grand rebelle devait encore être déçu. Si prévaricateurs qu'ils étaient, les Hébreux ne furent pas anéantis. Ceux d'entre eux qui se rangèrent du côté de Satan furent retranchés. Le reste du peuple, humilié et contrit, fut reçu en grâce. PP 309 4 Tout l'univers, témoin des scènes du Sinaï, put constater par leurs résultats la différence entre le règne de Dieu et celui de Satan. Une fois encore les saints habitants des autres mondes purent contempler, par les fruits de l'apostasie d'Israël, le régime que Lucifer aurait établi dans le ciel. PP 310 1 En poussant les hommes à violer le second commandement, Satan cherchait à ravaler leur conception de l'Être suprême. En annulant le quatrième, il voulait les amener à oublier l'Éternel. En effet, selon ce commandement, les droits de Dieu à être obéi et à être seul adoré ont pour base le fait qu'il est le Créateur de tous les êtres. La Bible est formelle sur ce point. On lit dans le prophète Jérémie: PP 310 2 "L'Éternel est le vrai Dieu; il est le Dieu vivant, le Roi éternel. ... Ils disparaîtront de dessus la terre et de dessous les cieux, ces dieux qui n'ont fait ni les cieux ni la terre. C'est l'Éternel qui a créé la terre par sa puissance, affermi le monde par sa sagesse, étendu les cieux par son intelligence. ... Tout orfèvre [aura] honte de son idole; car les statues de fonte ne sont que mensonge: il n'y a point de souffle en elles. Elles ne sont que vanité, oeuvre de néant; elles périront au jour du châtiment. Il n'en est pas ainsi de celui qui est l'héritage de Jacob; car c'est lui qui a créé toute chose."(3) PP 310 3 Le jour du repos, mémorial de l'oeuvre créatrice, nous rappelle que Dieu est le Créateur des cieux et de la terre. Témoin constant de son existence, il nous montre sa grandeur, sa richesse et son amour. Par conséquent, si le jour du repos avait toujours été sanctifié, il n'y aurait jamais eu sur la terre d'idolâtres ni d'athées. PP 310 4 L'institution du jour de repos, qui date du jardin d'Éden, est donc aussi ancienne que le monde. Ce jour a été dès lors observé par tous les patriarches. Durant la servitude d'Égypte, contraints par leurs chefs de corvée de violer le sabbat, les Israélites avaient presque complètement perdu la notion de sa sainteté. Lorsque la loi fut proclamée au Sinaï, les premiers mots du quatrième commandement furent: "Souviens-toi du jour du repos pour le sanctifier", ce qui prouve que le sabbat avait été institué antérieurement, c'est-à-dire, comme le dit ce même commandement, lors de la création. C'est pour extirper l'idée de Dieu de l'esprit des hommes que Satan s'est efforcé de renverser ce grand mémorial, bien convaincu que s'il peut les amener à oublier leur Créateur, nul ne s'efforcera plus de résister à la puissance du mal, et que lui, Satan, restera le maître incontesté. PP 311 1 L'inimitié de Satan pour la loi de Dieu l'a entraîné à combattre tous les préceptes du Décalogue. Le principe de l'amour filial et de l'obéissance aux parents se rattache intimement à celui de l'amour et de l'obéissance envers Dieu, le Père de tous les êtres. Le mépris pour l'autorité paternelle engendre bientôt le mépris pour l'autorité divine. De là les efforts de l'ange tombé pour affaiblir l'obligation du cinquième commandement. Parmi les païens, le respect des parents n'a jamais été en vogue. Chez bien des peuples, on abandonnait les parents âgés ou on les mettait à mort dès qu'ils ne pouvaient plus se suffire à eux-mêmes. La mère de famille était traitée avec peu de respect, et, à la mort de son mari, on la plaçait sous l'autorité du fils aîné. Moïse avait ordonné l'obéissance filiale; mais lorsqu'ils s'éloignaient de Dieu, les Israélites négligeaient le cinquième commandement comme les autres. PP 311 2 Satan "a été meurtrier dès le commencement".(4) Aussi, dès qu'il eut établi son ascendant sur la terre, il incita les hommes non seulement à se haïr et à se tuer les uns les autres, mais, pour porter un défi plus audacieux à l'autorité divine, à faire de la violation du sixième commandement une partie de leur religion. PP 311 3 Grâce à une conception pervertie des attributs de la divinité, les nations païennes en étaient venues, pour apaiser leurs dieux, à croire à la nécessité des sacrifices humains. D'horribles cruautés étaient alors commises sous diverses formes d'idolâtrie, notamment la coutume de faire passer les enfants par le feu en présence des idoles. Quand un enfant sortait sain et sauf de l'épreuve, on en concluait qu'il était agréé des dieux. Dès lors, on le tenait en grande estime, au point que ses crimes, si graves qu'ils fussent, n'étaient jamais punis. Mais si, en passant par le feu, il recevait quelque brûlure, son sort était scellé, et le courroux des dieux ne pouvait être apaisé qu'en sacrifiant sur un autel la vie de cet infortuné. Aux pires époques de leurs apostasies, les Israélites allèrent jusqu'à pratiquer ces abominations. PP 311 4 Le septième commandement fut aussi très tôt violé au nom de la religion. Des rites d'une immoralité éhontée étaient incorporés aux cultes idolâtres. Les dieux mêmes se présentaient comme des êtres impurs, et leur adoration encourageait à se livrer sans retenue aux passions les plus viles. Les vices contre nature étaient à l'ordre du jour, et les fêtes religieuses, caractérisées par un dérèglement public et universel. PP 312 1 La polygamie entra de bonne heure dans les moeurs. Ce fut l'un des péchés qui attirèrent la colère de Dieu sur le monde antédiluvien, ce qui n'empêcha pas cette pratique de se généraliser de nouveau après le déluge, car Satan apporta un soin tout particulier à pervertir l'institution du mariage, à en affaiblir l'obligation et à en dénigrer la sainteté. Il était convaincu qu'il n'y a pas de moyen plus sûr d'effacer en l'homme l'image de Dieu qu'en le plongeant dans le malheur et dans le vice. PP 312 2 Dès le début du grand conflit, le plan du premier menteur a été de calomnier le caractère de Dieu et de fomenter la révolte contre sa loi. Aussi ce dessein semble-t-il avoir été couronné de succès, puisque les multitudes prêtent l'oreille à ses séductions et se révoltent contre le Seigneur. Néanmoins, au milieu même du triomphe apparent de la puissance du mal, le plan divin s'accomplit lentement mais sûrement. A tous les êtres créés, Dieu révèle sa justice et sa bienveillance. Si, capté par les pièges de Satan, tout le genre humain a été dans le mal, le Créateur lui a ouvert, par le sacrifice de son Fils, une porte de salut, en lui donnant la force de pratiquer ses commandements. C'est ainsi que, de siècle en siècle, du sein même de l'apostasie générale, Dieu recrute un "peuple qui porte sa loi dans son coeur".(5) PP 312 3 C'est par la ruse que Satan a séduit les anges; c'est ce moyen qu'il a de tout temps employé auprès de l'humanité, et auquel il aura recours jusqu'à la fin. S'il déclarait ouvertement qu'il fait la guerre à Dieu et à sa loi, les hommes se tiendraient sur leurs gardes. Mais il se déguise; il mélange la vérité à l'erreur, et, grâce à ce manège, il réussit à faire prévaloir des doctrines captivantes qui entraînent le monde à sa perte. PP 312 4 Cependant le jour approche où le triomphe du grand séducteur prendra fin pour toujours. L'oeuvre qu'il poursuit dans l'ombre depuis si longtemps sera démasquée. Les effets de son règne et les fruits de la violation des divins statuts seront dévoilés aux yeux de tous les êtres créés. La loi de Dieu sera pleinement revendiquée. On constatera que les voies du Très-Haut ont toujours eu pour but le bien éternel de son peuple et de tous les mondes qu'il a créés. En présence de tout l'univers, Satan lui-même confessera la sainteté de la loi de Dieu et la justice de son gouvernement. PP 313 1 Le temps n'est pas éloigné où le Seigneur vengera son autorité outragée. "Voici que l'Éternel sort de sa demeure, pour punir l'iniquité des habitants de la terre?"(6) "Qui pourra soutenir le jour de sa venue? Qui pourra subsister quand il paraîtra."(7) Lorsque Dieu devait descendre sur le mont Sinaï pour proclamer sa loi, il avait été interdit de s'approcher de la montagne sous peine d'être consumé par la gloire de sa présence. Si la proclamation de la loi a été entourée de semblables précautions, quelle ne sera pas la majesté de son tribunal, quand il viendra punir les transgresseurs de ses préceptes sacrés? Comment ceux qui ont foulé aux pieds son autorité pourront-ils soutenir sa gloire au grand jour des rétributions finales? PP 313 2 Les terreurs du Sinaï représentaient au peuple les scènes du dernier jugement. Le son d'une trompette convoquait alors tout Israël à la rencontre de Dieu. Mais ici, ce sera "la voix de l'archange" et la "trompette de Dieu" qui appelleront de toutes les extrémités de la terre les vivants et les morts en la présence de leur Juge. Entourés d'une multitude d'anges, le Père comme le Fils étaient descendus sur la montagne. Au grand jour du jugement, Jésus-Christ "viendra dans la gloire de son Père" et "dans sa gloire, avec tous les anges", et "alors il s'assiéra sur son trône de gloire" et "toutes les nations seront rassemblées devant lui".(8) PP 313 3 Quand la présence divine se manifesta au sommet enténébré de la montagne, la gloire de l'Éternel, aux yeux de tout Israël, ressemblait à un feu dévorant. Mais quand le Fils de Dieu paraîtra dans sa gloire et celle de ses anges, toute la terre sera comme embrasée par l'éclat de sa majesté. PP 313 4 Il vient, notre Dieu, et il ne se tait point; Devant lui est un feu dévorant, Autour de lui une tempête furieuse. Il convoque les cieux d'en haut, Ainsi que la terre, pour juger son peuple.(9) PP 313 5 Un "fleuve de feu sortira de devant lui", qui fera "fondre les éléments"; la terre, avec tout ce qu'elle renferme, sera consumée "lorsque le Seigneur Jésus apparaîtra, venant du ciel, avec les anges de sa puissance, au milieu des flammes de feu, pour faire justice de ceux qui ne connaissent point Dieu et qui n'obéissent pas à l'Évangile de notre Seigneur Jésus-Christ".(10) PP 314 1 Depuis la création, jamais l'homme n'avait contemplé un spectacle aussi terrifiant que celui de la promulgation de la loi au Sinaï. Au son de la voix divine, semblable à un puissant son de trompette, la nature entra en convulsions, la montagne fut secouée de la base au sommet, et les enfants d'Israël, pâles et tremblants de terreur, se jetèrent la face contre terre. PP 314 2 La terre trembla, les cieux se fondirent devant Dieu; Le Sinaï même trembla devant Dieu, le Dieu d'Israël.(11) PP 314 3 Or, celui dont la voix ébranla alors la terre a fait cette déclaration: "J'ébranlerai encore une fois, non seulement la terre, mais aussi le ciel." "L'Éternel rugit du haut du ciel; il fait entendre sa voix du haut de sa demeure sainte." "L'Éternel rugit, il fait retentir sa voix; les cieux et la terre en sont ébranlés."(12) PP 314 4 En ce grand jour qui approche, "le ciel se retirera comme un livre qu'on roule; toutes les montagnes et toutes les îles seront jetées hors de leurs places!"(13) "La terre chancellera comme un homme ivre; elle sera secouée comme une cabane; son iniquité tombe sur elle; elle tombe et ne peut plus se relever(14) PP 314 5 "C'est pourquoi toutes les mains sont défaillantes, et tout coeur d'homme se fond. ... Ils se regardent l'un l'autre avec stupeur. Ils sont frappés d'épouvante, saisis de douleurs et d'angoisses. ... Je punirai le monde pour sa malice;... je ferai cesser l'orgueil des superbes, et j'abattrai l'insolence des tyrans." "Partout l'épouvante. ...Tous les visages sont devenus livides."(15) PP 314 6 Quand Moïse, après son tête-à-tête avec Dieu, redescendit de la montagne, Israël, coupable, ne put supporter l'éclat de son visage. Combien moins les pécheurs pourront-ils regarder le Fils de Dieu lorsqu'il paraîtra enveloppé de la gloire de son Père et entouré de toute l'armée céleste, quand il viendra pour exécuter la sentence prononcée contre les transgresseurs de sa loi et les contempteurs de son sacrifice expiatoire! Alors "les rois de la terre, les grands, les capitaines, les riches, les puissants... se cacheront dans les cavernes et dans les rochers des montagnes; et ils diront aux montagnes et aux rochers: Tombez sur nous; dérobez-nous à la vue de celui qui est assis sur le trône, et à la colère de l'Agneau! Car il est venu, le grand jour de son courroux! Et qui pourrait subsister?"(16) PP 315 1 "En ce jour-là, ils jetteront aux rats et aux chauves-souris les idoles d'argent et les idoles d'or;... et ils se réfugieront dans les fentes des rochers, dans le creux des montagnes, pour fuir devant la terreur qu'inspire l'Éternel et devant l'éclat de sa majesté, quand il se lèvera pour frapper d'effroi la terre."(17) PP 315 2 Les hommes se rendront compte alors que la révolte de Satan doit s'achever par sa perte et celle de tous ses adeptes. Au lieu que la transgression ait produit des résultats heureux, on verra que "le salaire du péché, c'est la mort."(18) "Car voici que le jour vient, ardent comme une fournaise. Tous les orgueilleux et tous ceux qui font le mal seront comme du chaume, et le jour qui vient les embrasera, dit l'Éternel des armées; et il ne leur laissera ni racine ni rameau."(19) Satan, la racine du mal, et les méchants, ses rameaux, seront consumés. Le péché et les malheurs sans nom qui en ont découlé auront pris fin. Le Psalmiste écrit par anticipation: PP 315 3 Tu as réprimandé les nations; tu as fait périr les méchants; Tu as effacé leur nom pour toujours, à perpétuité.(20) PP 315 4 Au sein de l'ouragan de la colère divine, les croyants seront sans crainte: "L'Éternel sera un refuge pour son peuple, une forteresse pour les enfants d'Israël."(21) Le jour qui verra la terreur et la destruction des transgresseurs de la loi de Dieu apportera aux fidèles "une joie ineffable et glorieuse". L'Éternel dira alors: PP 315 5 Rassemblez-moi mes fidèles, Qui ont scellé leur alliance avec moi par un sacrifice Et les cieux proclameront sa justice; Car c'est Dieu lui-même qui va juger.(22) PP 315 6 "Et vous verrez de nouveau la différence qu'il y a entre le juste et le méchant, entre celui qui sert Dieu et celui qui ne le sert pas."(23) "Écoutez-moi, vous qui connaissez la justice, ô peuple qui porte ma loi dans ton coeur!... J'ai retiré de ta main la coupe d'étourdissement; tu ne boiras plus désormais au calice de mon courroux. ... C'est moi, c'est moi qui vous console."(24) Car "quand les montagnes s'effondreraient, quand les collines s'ébranleraient, ma bonté pour toi ne faiblira point et mon alliance de paix ne sera pas ébranlée, dit l'Éternel, qui a compassion de toi".(25) PP 316 1 Le plan de la rédemption aura pour conséquence de réintégrer notre monde dans la faveur divine. Tout ce qui a été ruiné par le péché sera restauré. L'homme sera racheté, et avec lui notre globe, qui deviendra la demeure éternelle des élus. En vain, Satan aura lutté six mille ans pour en conserver la possession. Le but de Dieu sera atteint. "Les saints du Très-Haut recevront le royaume, et ils posséderont le royaume éternellement, aux siècles des siècles."(26) PP 316 2 "En ce jour-là, l'Éternel sera le seul Dieu, et son nom seul sera invoqué. ... L'Éternel sera le roi de toute la terre."(27) PP 316 3 Du soleil levant au soleil couchant, Loué soit le nom de l'Éternel!(28) ... O Éternel, ta parole subsiste toujours dans les cieux. ... Tous ses commandements sont immuables. Ils sont inébranlables, pour toujours, à perpétuité.(29) PP 316 4 Les statuts sacrés, abhorrés par Satan, et qu'il a voulu anéantir, seront honorés dans tout l'univers. Et "de même que la terre fait pousser les plantes, de même qu'un jardin fait germer ses semences, ainsi le Seigneur, l'Éternel, fera germer la justice et la louange à la face de toutes les nations."(30) ------------------------Chapitre 30 -- Le sanctuaire et son rituel PP 317 1 Lorsque Moïse était sur la montagne, Dieu lui dit: "Les enfants d'Israël ... m'élèveront un sanctuaire, et j'habiterai au milieu d'eux."(1) Cet ordre fut suivi d'instructions détaillées. Mais l'apostasie du Sinaï fit différer l'érection de ce tabernacle jusqu'à ce que le peuple eût recouvré la faveur divine. PP 317 2 Ce travail fut alors confié à des hommes spécialement choisis et qualifiés par Dieu, qui s'en acquittèrent avec sagesse et habileté, en suivant minutieusement les directives fournies par Moïse. Le plan de l'édifice sacré, ses dimensions exactes, sa forme, les matériaux à employer, les meubles et les divers ustensiles, tout était compris dans ces instructions. A cet effet, Dieu avait montré à Moïse le sanctuaire céleste, en lui recommandant de veiller à ce que tout fût conforme au modèle qu'il avait eu sous les yeux. Ce sanctuaire devait donc être "une image" du "vrai sanctuaire", c'est-à-dire du céleste,(2) où le Fils de Dieu, notre grand prêtre, allait exercer son ministère, après avoir offert sa vie en sacrifice pour les pécheurs. PP 317 3 La construction du sanctuaire exigea des préparatifs considérables et coûteux. Il fallut une grande quantité de matériaux, dont certains des plus précieux et des plus rares; mais Dieu n'accepta que les offrandes volontaires. L'ordre divin, que Moïse répéta à la congrégation, était celui-ci: "Vous accepterez l'offrande de tout homme qui en fera le sacrifice de bon coeur."(3) Les deux premières conditions de l'érection de la demeure du Très-Haut étaient donc le dévouement à son service et un esprit de sacrifice. PP 318 1 Chacun répondit à l'appel. "Tous ceux dont le coeur était bien disposé et qui étaient animés de sentiments généreux se présentèrent et apportèrent des offrandes à l'Éternel pour la construction de la tente d'assignation, pour tout ce qui concernait le service de cette tente, ainsi que pour les vêtements sacrés. Hommes et femmes accoururent; toutes les personnes de bonne volonté apportèrent boucles, bagues, anneaux, colliers, toute sorte d'objets en or."(4) PP 318 2 "Tous ceux qui avaient chez eux des étoffes teintes en bleu d'azur, en écarlate, en cramoisi, du fin lin, du poil de chèvre, des peaux de béliers teintes en rouge et des peaux de dauphins, les apportèrent aussi. Tous ceux qui voulaient présenter une offrande d'argent ou d'airain en firent hommage à l'Éternel. Tous ceux qui avaient chez eux du bois d'acacia, pour tous les ouvrages destinés au service, agirent de même. PP 318 3 "Les femmes les plus adroites de leurs mains filèrent elles-mêmes, et elles apportèrent ce qu'elles avaient filé de leurs mains, les étoffes teintes en bleu d'azur, en écarlate, en cramoisi, et le fin lin. Toutes celles qui étaient animées de bons sentiments, et qui avaient de l'habileté, filèrent du poil de chèvre. PP 318 4 "Les principaux du peuple apportèrent des pierres d'onyx et des pierres à enchâsser, pour l'éphod et le pectoral; des aromates et de l'huile pour le chandelier, pour l'huile d'onction et pour les parfums destinés aux encensements."(5) PP 318 5 Les travaux commencèrent. Jeunes et vieux, hommes, femmes et enfants continuèrent cependant d'apporter leurs offrandes. Bientôt les commissaires du travail découvrirent qu'ils avaient assez de matériaux et même plus qu'il n'en fallait. Alors Moïse fit faire cette proclamation à travers le camp: "Personne, ni homme ni femme, ne doit plus préparer d'offrande pour le sanctuaire. On empêcha donc le peuple d'apporter de nouveaux dons."(6) Si les murmures des Israélites et les châtiments qui les suivirent ont été enregistrés pour servir d'avertissement aux générations futures, leur dévouement, leur zèle et leurs libéralités sont pour nous des exemples à imiter. Tous ceux qui apprécient et aiment les bienfaits du culte public feront preuve du même esprit de sacrifice lorsqu'il s'agira de préparer un lieu où Dieu puisse manifester sa présence, et ils voudront lui offrir ce qu'ils ont de meilleur. La maison de Dieu ne doit jamais avoir de dettes: ce serait un opprobre pour elle. Aussi les fonds nécessaires à son érection doivent-ils affluer au point qu'on puisse dire, comme lors de la construction du tabernacle: "Ne préparez plus d'offrandes." PP 319 1 Le tabernacle était démontable, de façon à pouvoir être transporté d'un lieu à l'autre au cours des déplacements du camp. Pour cette raison, il avait des proportions restreintes et ne mesurait que seize mètres de longueur sur six et demi de largeur et de hauteur. Il n'en avait pas moins une superbe structure. Le bois employé pour les parois et l'ameublement était l'acacia, le plus durable qu'on pût se procurer au Sinaï. Les parois étaient en planches placées debout, côte à côte, reposant sur des bases d'argent et solidement reliées entre elles par des colonnes et des barres transversales. Le tout, recouvert d'or, donnait l'illusion d'un édifice d'or massif. La toiture se composait de quatre tapis superposés. Le premier consistait en une "tenture de fin lin retors et d'étoffes teintes en bleu d'azur, en pourpre écarlate et en cramoisi, sur laquelle des chérubins étaient artistement tissés".(7) Les trois autres étaient respectivement de poil de chèvre, de peaux de béliers teintes en rouge et de peaux de dauphins. Elles étaient cousues ensemble de façon à recouvrir complètement l'édifice. PP 319 2 La construction était divisée en deux par une riche tenture suspendue à des colonnes plaquées d'or. Une tenture toute semblable fermait l'entrée de la première pièce. De même que celle du plafond, ces deux tentures étaient d'un tissu luxueux, où le bleu, le pourpre et l'écarlate se combinaient avec art, et sur lequel se détachaient des chérubins tissés en brocart d'or et d'argent représentant l'armée angélique qui exerce un ministère en faveur du peuple de Dieu. PP 320 1 La tente sacrée était entourée d'une cour à ciel ouvert, appelée le parvis, fermée par un rideau de fin lin suspendu à des colonnes d'airain. L'entrée de cette enceinte, qui regardait l'orient, se composait d'une draperie richement travaillée, mais inférieure à celles du sanctuaire. Les rideaux du parvis n'ayant que la moitié de la hauteur des parois du tabernacle, l'édifice se voyait facilement du dehors. PP 320 2 A l'intérieur du parvis, non loin de l'entrée, était placé l'autel des holocaustes, construit en airain. Tous les sacrifices étaient consumés sur cet autel et l'aspersion du sang expiatoire était faite sur ses cornes. Entre l'autel et le tabernacle se trouvait une cuve d'airain faite avec les miroirs offerts par les femmes d'Israël. Les prêtres s'y lavaient les mains et les pieds chaque fois qu'ils entraient dans les lieux saints ou qu'ils s'approchaient de l'autel pour y offrir un holocauste. PP 320 3 Dans la première pièce du tabernacle, appelée le lieu saint, se trouvaient la table des pains de proposition, le chandelier ou candélabre et l'autel des parfums. Située au nord, la table était entourée d'une garniture d'or et recouverte du même métal. Chaque sabbat, les prêtres y plaçaient douze gâteaux arrosés d'encens et disposés en deux piles. Les pains enlevés, considérés comme sacrés, étaient placés sur la table des prêtres. Au sud, il y avait le candélabre à sept lampes portées par sept branches ornées de fleurs de muguet artistement ciselées. Il était tiré d'un morceau d'or massif. Comme le tabernacle ne comportait aucune fenêtre, les lampes, qu'on ne devait jamais laisser éteindre toutes à la fois, l'éclairaient jour et nuit. PP 320 4 En face et tout près du voile qui séparait le lieu saint du lieu très saint et de la présence immédiate de Dieu, était placé l'autel d'or, appelé l'autel des parfums. Le prêtre y faisait brûler de l'encens matin et soir. Il en touchait les cornes avec le sang des sacrifices et l'aspergeait du sang de la victime au grand jour des expiations. Le feu de cet autel, allumé par Dieu lui-même, devait être religieusement entretenu. Jour et nuit, le parfum de l'encens sacré embaumait les lieux saints et se répandait au-dehors à une grande distance du tabernacle. PP 320 5 Le voile intérieur donnait accès au lieu très saint où se concentrait le service symbolique de l'expiation et de l'intercession, trait d'union entre le ciel et la terre. C'est dans cette pièce que se trouvait l'arche sainte: coffret d'acacia entièrement recouvert d'or, à l'intérieur comme à l'extérieur, et relevé à son bord supérieur par un couronnement d'or. Ce meuble était destiné aux deux tables de pierre sur lesquelles Dieu avait gravé lui-même les dix commandements. Cette loi étant la base de l'alliance contractée entre Dieu et Israël, on l'appelait l'arche de l'alliance ou du testament. PP 321 1 Le couvercle de l'arche, appelé le propitiatoire, était forgé d'un seul bloc d'or. A chaque extrémité, il était surmonté d'un chérubin en or faisant monter vers le ciel l'une de ses ailes, tandis qu'il repliait l'autre sur son corps(8) en signe de vénération et d'humilité. Leurs visages tournés l'un vers l'autre et leurs yeux abaissés pieusement sur l'arche figuraient le respect de l'armée céleste pour la loi de Dieu et l'intérêt qu'elle porte au plan du salut. PP 321 2 Au-dessus du propitiatoire, entre les deux chérubins, une nuée lumineuse, appelée la Shékinah, voilait la présence divine. C'est là que la voix céleste sortant de la nuée révélait sa volonté au prêtre ou répondait à ses prières. Un rayon de lumière illuminant l'ange de la droite indiquait l'approbation ou l'acceptation, tandis qu'une ombre ou un nuage recouvrant l'ange de la gauche annonçait la désapprobation ou le refus. PP 321 3 Si la loi de Dieu renfermée dans l'arche constituait la grande règle de la justice et proclamait la mort du violateur, le propitiatoire qui la recouvrait et où Dieu révélait sa présence promettait le pardon au pécheur repentant qui acceptait le sacrifice expiatoire. C'est ainsi que la rédemption par le Fils de Dieu était révélée par le symbolisme du sanctuaire, où PP 321 4 La bonté et la vérité se sont rencontrées; La justice et la paix se sont embrassées.(9) PP 321 5 La gloire du sanctuaire vu de l'intérieur défiait toute description. Les parois d'or réfléchissant en tous sens les feux du candélabre; les vives couleurs des tentures brodées d'anges scintillants; les ors éclatants de la table et de l'autel de l'encens; et au-delà du second voile, l'arche sainte, ses mystiques chérubins séparés par la redoutable Shékinah, manifestation visible de la présence de l'Éternel: tout cela n'était qu'un faible reflet de la magnificence incomparable du temple céleste, qui est le grand centre de l'oeuvre de la rédemption. PP 322 1 La construction du tabernacle dura environ six mois. Quand tout fut terminé, Moïse examina soigneusement le travail accompli, et le compara avec le modèle qui lui avait été montré sur la montagne et les directives qu'il avait reçues de Dieu. "Et il vit qu'ils l'avaient exécuté conformément aux ordres de l'Éternel. Alors Moïse les bénit."(10) Impatients de curiosité, tous les Israélites s'assemblèrent pour contempler l'édifice. Tandis qu'on l'admirait, plein d'une sainte vénération, la colonne de nuée descendit, flotta au-dessus du sanctuaire et l'enveloppa tout entier. "Et la gloire de l'Éternel remplit le tabernacle(11) au point que Moïse lui-même ne put y pénétrer. Profondément émus, les Israélites avaient la preuve que l'ouvrage de leurs mains était agréé. Mais bientôt, la joie qui gonflait tous les coeurs éclata en larmes de reconnaissance et en prières, où chacun demandait silencieusement à Dieu de demeurer avec son peuple. PP 322 2 Par ordre du Seigneur, la tribu de Lévi fut mise à part pour assurer les services du sanctuaire. Cette tribu remplaça ainsi le père de famille qui avait servi de prêtre dans les tout premiers temps, ainsi que le fils aîné qui lui avait été substitué depuis le temps d'Abraham. Dès ce moment, Dieu accorda cet honneur à la tribu de Lévi, en récompense de sa fidélité, comme aussi de son courage et de son zèle lors de l'affaire du veau d'or au Sinaï. Le sacerdoce fut réservé à la famille d'Aaron. Seuls celui-ci et ses fils furent autorisés à l'exercer. Les autres descendants de Lévi, chargés du tabernacle et de son ameublement, furent aussi appelés à seconder les prêtres dans leurs fonctions. Mais ils ne devaient offrir les sacrifices, faire brûler l'encens et regarder les objets sacrés qu'après les avoir recouverts. PP 322 3 Un costume spécial et conforme à leur charge fut prescrit aux prêtres. L'ordre donné à Moïse était le suivant: "Tu feras préparer pour Aaron, ton frère, des vêtements sacrés qui lui serviront d'insigne et de parure."(12) La robe du simple prêtre était de fin lin blanc, tissée d'une seule pièce. Elle descendait presque jusqu'aux pieds et était fixée à la taille par une ceinture de lin blanc brodée de bleu, de pourpre et d'écarlate. Un turban ou une mitre blanche complétait le vêtement. De même que Moïse avait reçu l'ordre d'ôter ses souliers sur une terre sainte, les prêtres ne devaient pas garder leurs chaussures pour entrer dans le sanctuaire. La poussière qui s'était attachée à leurs sandales aurait pu souiller le saint lieu. Avant de commencer leur service, soit au tabernacle, soit à l'autel des sacrifices, ils devaient donc ôter leurs chaussures dans le parvis et se laver les mains et les pieds. Ces précautions avaient pour but d'inculquer à tous les spectateurs la nécessité de se présenter devant Dieu exempt de toute souillure. PP 323 1 En conformité avec ses hautes fonctions, les vêtements du grand prêtre étaient faits de tissus précieux richement travaillés. En plus de sa robe de fin lin, le prêtre ordinaire portait un vêtement bleu d'azur tissé également d'une seule pièce qui se terminait par une garniture de clochettes d'or alternant avec une imitation de grenades en bleu, pourpre et écarlate. Par-dessus venait l'éphod, un gilet or, bleu, pourpre, écarlate et de fin lin, attaché à la taille par une ceinture magnifiquement ouvragée aux mêmes couleurs. L'éphod, qui était exempt de manches, portait des épaulettes brodées d'or sur lesquelles étaient enchâssées deux pierres d'onyx où l'on avait gravé les noms des douze tribus d'Israël. PP 323 2 Par-dessus l'éphod, pour finir, se plaçait le pectoral, le plus sacré des ornements sacerdotaux. D'un empan en carré, suspendu par des cordons bleus attachés à des boucles d'or partant des épaules, il était bordé de pierres précieuses correspondant à celles qui constituent les fondements de la cité de Dieu et garni sur quatre rangées de douze pierres précieuses sur lesquelles étaient gravés, comme sur les gemmes des épaulettes, les noms des douze tribus. PP 323 3 L'ordre divin était le suivant: "Aaron portera sur son coeur les noms des enfants d'Israël, gravés sur le pectoral du jugement: ce sera un mémorial perpétuel devant l'Éternel."(13) C'est ainsi que Jésus-Christ, notre grand prêtre, porte sur son coeur le nom de toute âme contrite et croyante en faveur de laquelle il présente son sang devant le Père; de sorte que nous pouvons dire avec le Psalmiste: "Moi, je suis pauvre et indigent; mais le Seigneur pense à moi(14) PP 323 4 De chaque côté du pectoral, deux grandes gemmes, d'un vif éclat, appelées l'Urim et le Thummim, avaient pour but de révéler au grand prêtre et au peuple la volonté de Dieu. Le Seigneur répondait aux questions posées soit par une auréole de lumière entourant la gemme de droite, en signe d'approbation ou de consentement, soit par une ombre enveloppant la gemme de gauche, en signe de désapprobation ou de refus. PP 324 1 La mitre du grand prêtre consistait en un turban blanc auquel était fixé, par un cordon bleu, le diadème sacré, une lame d'or pur portant cette inscription: "Sainteté à l'Éternel." Tout ce qui se rapportait aux vêtements ou à l'attitude des prêtres devait éveiller chez les spectateurs le sentiment de la sainteté de Dieu, du caractère sacré de son culte et de la pureté qu'il exige de ceux qui se présentent devant lui. PP 324 2 Comme le sanctuaire lui-même, les rites qui s'y accomplissaient par le ministère des prêtres devaient être "l'image et l'ombre des choses célestes".(15) Ces rites revêtaient une grande importance. Dieu donna à leur égard les instructions les plus précises et les plus explicites. Les cérémonies du sanctuaire se divisaient en deux parties: le service quotidien et le service annuel. Le service quotidien s'accomplissait à l'autel des holocaustes, dans le parvis du tabernacle et dans le lieu saint, tandis que le service annuel se déroulait dans le lieu très saint. PP 324 3 A part le grand prêtre, aucun mortel ne pouvait pénétrer dans la pièce intérieure du tabernacle. Une fois par an, et cela après une préparation sévère et solennelle, ce haut dignitaire entrait en tremblant devant Dieu pour y procéder, devant le propitiatoire, à l'expiation des péchés d'Israël. Dieu apparaissait alors dans la nuée de gloire. Au-dehors, la foule attendait dans le silence et la prière. Lorsque le séjour du grand prêtre dans le lieu très saint se prolongeait au-delà du temps accoutumé, l'effroi s'emparait du peuple qui se demandait si, à cause de ses péchés ou de ceux du prêtre, celui-ci n'avait pas été terrassé par la gloire de Dieu. PP 324 4 Le service quotidien se composait de l'holocauste du matin et du soir, de l'offrande de l'encens sur l'autel d'or, ainsi que de sacrifices offerts par des particuliers pour des péchés personnels. Il y avait également un rituel pour les sabbats, les nouvelles lunes et les fêtes annuelles. PP 324 5 Chaque matin et chaque soir, on offrait sur l'autel un agneau d'un an et des gâteaux pour signifier la consécration quotidienne de la nation à l'Éternel, comme pour réclamer le bénéfice du sang expiatoire du Rédempteur promis. Dieu ayant expressément recommandé que chaque offrande fût "sans défaut",(16) toutes les bêtes des sacrifices devaient être examinées par les prêtres, qui refusaient celles qui avaient une tare quelconque. Seule une offrande "sans défaut" pouvait servir de symbole à la pureté parfaite de "l'Agneau sans défaut et sans tache."(17) qui allait venir. PP 325 1 Les sacrifices étaient également une figure de la perfection morale à laquelle doivent aspirer et parvenir les enfants de Dieu. L'apôtre Paul y fait allusion dans cette parole: "Je vous exhorte donc, frères, par les compassions de Dieu, à offrir vos corps en sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu, ce qui est votre culte raisonnable."(18) De même, en nous consacrant au Seigneur, nous devons nous efforcer de rendre aussi parfaite que possible l'offrande que nous lui présentons. Dieu n'agrée rien de moins que ce que nous pouvons lui apporter de meilleur. Ceux qui l'aiment de tout leur coeur désireront lui offrir leurs plus belles forces, et cela en mettant toutes leurs facultés en harmonie avec les lois divines. PP 325 2 C'était lors de l'offrande quotidienne de l'encens que le prêtre s'approchait le plus près de Dieu. Comme le voile intérieur du sanctuaire ne montait pas jusqu'au plafond, la gloire de l'Éternel siégeant sur le propitiatoire éclairait en partie le lieu saint à la vue du prêtre qui offrait l'encens en face de l'autel. Au moment où le nuage d'encens s'élevait de l'autel d'or et où la gloire divine descendait sur le propitiatoire, il arrivait souvent qu'elle débordait du lieu très saint jusque dans le lieu saint, au point que l'officiant était obligé de se retirer vers le voile de sortie. De même que dans le rituel symbolique le prêtre dirigeait par la foi son regard vers le propitiatoire qu'il ne voyait pas, ainsi le peuple de Dieu doit maintenant adresser ses prières à Jésus-Christ qui, bien qu'invisible à l'oeil de la chair, plaide en sa faveur dans le sanctuaire céleste. PP 325 3 L'encens qui montait avec les prières d'Israël représente les mérites et l'intercession du Sauveur, ainsi que sa parfaite justice imputée au pécheur par la foi, et qui seule peut faire agréer le culte qu'il offre à son Dieu. En outre, s'il y avait devant le voile du lieu très saint un autel de perpétuelle intercession, il y avait aussi, devant le voile du lieu saint, un autel de continuelle expiation. Enfin, comme c'était par les symboles du sang et de l'encens que l'on pouvait s'approcher de Dieu, c'est par l'intermédiaire de notre grand Médiateur que les pécheurs peuvent venir au Seigneur, seul Dispensateur de miséricorde et de salut aux âmes repentantes. PP 326 1 Chaque matin et chaque soir, quand les prêtres entraient dans le lieu saint, à l'heure de l'encens, l'un d'eux offrait sur l'autel du parvis le sacrifice quotidien. C'était toujours une scène émouvante pour les adorateurs assemblés près du tabernacle. En effet, avant d'entrer, par l'intermédiaire du prêtre, en la présence de Dieu, les Israélites devaient sonder leurs coeurs et confesser leurs péchés, puis, unis dans une prière silencieuse, tourner leurs visages vers le lieu saint. Ainsi, tandis que leurs requêtes montaient avec la fumée de l'encens, ils s'appropriaient par la foi les mérites du Sauveur promis, préfiguré par le service expiatoire. Aussi les heures fixées pour le sacrifice du matin et du soir étaient-elles considérées comme sacrées et finirent-elles par être observées par toute la nation israélite comme heures du culte de famille. PP 326 2 Quand, plus tard, les Juifs en exil adressaient leurs prières au Dieu d'Israël, ils tournaient à ce moment-là leurs visages vers Jérusalem. Les chrétiens doivent trouver là l'exemple du culte de famille du matin et du soir. Si une répétition machinale de dévotions exemptes de tout esprit d'adoration déplaît au Seigneur, il voit en revanche avec plaisir ceux qui l'aiment s'incliner matin et soir pour lui demander le pardon de leurs péchés et réclamer les bénédictions dont ils ont besoin. PP 326 3 Les pains de proposition placés en permanence devant Dieu constituaient une offrande perpétuelle et faisaient donc partie du service quotidien. On les appelait "pains de proposition" ou "pains de la face", parce qu'ils étaient constamment devant la face de l'Éternel.(19) Ils avaient pour but de rappeler que l'homme dépend de Dieu pour sa nourriture temporelle et spirituelle, et qu'il n'obtient l'une et l'autre que par la médiation du Fils de Dieu. Dans le désert, le Seigneur avait nourri Israël du pain du ciel. Plus tard, c'est encore de la grâce divine que ce dernier attendait le pain du corps et celui de l'âme. La manne, comme les pains de proposition, était un symbole du Sauveur qui se tient sans cesse, pour nous, devant la face de Dieu. "Je suis le pain vivant qui est descendu du ciel",(20) a-t-il dit lui-même. Quand les pains étaient, chaque sabbat, remplacés par des pains frais, on ôtait les grains d'encens placés dessus pour les faire brûler devant Dieu. PP 327 1 Ce qu'il y avait de plus important dans les services quotidiens, c'étaient les sacrifices individuels. Le pécheur repentant amenait son offrande à la porte du tabernacle et, plaçant sa main sur la tête de la victime, il lui transmettait symboliquement ses péchés, qu'il confessait. Puis, de sa propre main, il égorgeait l'animal, dont le sang était porté par le prêtre dans le lieu saint et aspergé devant le voile derrière lequel se trouvait la loi violée par le pécheur. Par cette cérémonie, le péché était, par l'intermédiaire du sang, transféré au sanctuaire. Dans les cas où le sang n'était pas porté au lieu saint, les prêtres consommaient la chair de la victime, selon le commandement de Moïse: "C'est une chose très sainte,... afin que vous portiez l'iniquité de l'assemblée, et que vous fassiez pour elle l'expiation devant l'Éternel."(21) Ces deux rites figuraient le transfert des péchés au sanctuaire. PP 327 2 Tel était le rituel, jour après jour, d'un bout de l'année à l'autre. Aussi le sanctuaire, souillé peu à peu par les péchés d'Israël qui s'y accumulaient, devait-il être purifié par des cérémonies spéciales. En conséquence, Dieu ordonna qu'il fût fait expiation pour les deux lieux saints, comme pour l'autel, afin de les purifier et les sanctifier, "à cause des souillures des enfants d'Israël".(22) Une fois l'an, au grand jour des expiations ou des propitiations, le grand prêtre entrait dans le lieu très saint pour procéder à la "purification du sanctuaire". Les rites qui s'y accomplissaient achevaient le cycle annuel du cérémonial. PP 327 3 Ce jour-là, on amenait devant l'entrée du tabernacle deux boucs. Par le sort, l'un d'eux était désigné pour l'Éternel, l'autre pour Azazel. Le bouc sur lequel tombait le premier sort était égorgé et offert pour les péchés du peuple. Le prêtre en portait le sang à l'intérieur du voile et en faisait aspersion sur le propitiatoire. "Il fera, avait dit Moïse, l'expiation pour le sanctuaire, à cause des souillures des enfants d'Israël et de leurs transgressions, quels que soient leurs péchés. Il fera de même pour la tente d'assignation qui est établie parmi eux au milieu de leurs souillures."(23) Les instructions données à Moïse disaient: "Lorsqu'il aura achevé de faire l'expiation pour le sanctuaire,... Aaron fera approcher le bouc vivant. Il posera ses deux mains sur la tête du bouc vivant, et confessera sur lui toutes les iniquités des enfants d'Israël et toutes leurs transgressions, quels que soient leurs péchés; il les mettra sur la tête du bouc, et l'enverra au désert par un homme préposé à cet office. Le bouc ainsi chargé de toutes leurs iniquités les emportera dans une terre déserte; et l'homme lâchera le bouc dans le désert."(24) PP 328 1 Tout travail était mis de côté. La congrégation d'Israël passait cette journée entière à s'humilier devant Dieu par un sérieux examen de conscience, par le jeûne et la prière. Ce n'était que lorsque le bouc avait été conduit au désert que le peuple se considérait comme délivré de ses péchés. PP 328 2 Cette cérémonie annuelle enseignait au peuple des vérités importantes relatives à l'expiation des péchés. Par leurs offrandes faites dans le cours de l'année, les pénitents indiquaient qu'ils acceptaient le substitut qui devait un jour prendre leur place. Mais le sang des victimes n'achevait pas l'expiation des péchés. Il servait simplement de véhicule pour transférer ces péchés au sanctuaire. En offrant un sacrifice sanglant, le pécheur reconnaissait l'autorité de la loi, confessait sa culpabilité et exprimait sa foi en celui qui devait venir "ôter le péché du monde". Mais il n'était pas entièrement dégagé de la condamnation de la loi. PP 328 3 Au jour des expiations, le grand prêtre, après avoir immolé une victime pour l'assemblée, en portait le sang dans le lieu très saint et en faisait aspersion sur le propitiatoire, au-dessus des tables de la loi. La loi qui exigeait la vie du pécheur était ainsi satisfaite, et le prêtre, en tant que médiateur, se chargeait de tous les péchés d'Israël. En quittant le sanctuaire, il plaçait ses mains sur la tête du bouc émissaire, "confessait sur lui toutes les iniquités des enfants d'Israël" et les transférait "sur la tête du bouc". Celui-ci, "chargé de toutes leurs iniquités, les emportait dans une terre déserte". C'est alors que le peuple se considérait comme définitivement libéré de sa culpabilité. Telles étaient les cérémonies accomplies au jour des expiations pour servir "d'image et d'ombre des choses célestes".(25) PP 329 1 Comme on l'a vu, le sanctuaire terrestre fut construit par Moïse sur le modèle qui lui avait été montré sur la montagne. C'était un symbole pour le temps présent; "ses deux lieux saints étaient une image du sanctuaire céleste"; Jésus-Christ, notre "grand prêtre, est ministre du sanctuaire et du véritable tabernacle dressé par le Seigneur, et non par un homme".(26) PP 329 2 Contemplant, en vision, le temple de Dieu qui est dans le ciel, l'apôtre Jean y voit "sept lampes ardentes brûlant devant le trône". Il y voit aussi un personnage qui a "un encensoir d'or", auquel "on donne beaucoup de parfums pour les offrir, avec les prières de tous les saints, sur l'autel d'or qui est devant le trône".(27) Le prophète est ici admis à voir la première pièce du sanctuaire céleste. On y retrouve les sept lampes ardentes et l'autel d'or que le sanctuaire terrestre avait imités par le candélabre d'or et par l'autel des parfums. Une seconde fois, le prophète voit "le temple de Dieu s'ouvrir dans le ciel", et il y aperçoit "l'arche de l'alliance(28) figurée sur la terre par le coffret sacré construit par Moïse pour contenir la loi de Dieu. PP 329 3 En résumé, Moïse avait construit le sanctuaire terrestre "selon le modèle qu'il avait vu".(29) L'apôtre Paul déclare que "le tabernacle et tous les ustensiles du culte", lorsqu'ils furent terminés, représentaient le "sanctuaire céleste lui-même(30) Et saint Jean, de son côté, nous dit qu'il vit l'original dans lequel Jésus exerce son ministère en notre faveur et dont le tabernacle construit par Moïse était une miniature. PP 329 4 Aucun édifice terrestre ne pouvait reproduire l'immensité et la gloire du sanctuaire céleste, demeure du Roi des rois, où "mille milliers d'anges le servent", et où "des myriades de myriades se tiennent debout devant lui";(31) temple inondé de la gloire du trône éternel, où les séraphins étincelants, garde du Très-Haut, se couvrent la face en l'adorant. Néanmoins, le sanctuaire terrestre et son rituel avaient pour but de nous communiquer de grandes lumières sur le sanctuaire céleste et l'oeuvre qui s'y poursuit pour la rédemption de l'homme. PP 330 5 C'est après son ascension que notre Sauveur inaugura son ministère de grand prêtre dans le sanctuaire céleste. Jésus-Christ, écrit l'apôtre Paul, "n'est pas entré dans un sanctuaire fait de main d'homme, imitation du vrai sanctuaire; mais il est entré dans le ciel même, afin de comparaître maintenant pour nous devant la face de Dieu".(32) Son ministère comprend deux grandes phases embrassant chacune une certaine période de temps, et se déroulant respectivement dans l'une ou l'autre des pièces du sanctuaire céleste. Tout s'y passe exactement comme dans le sanctuaire terrestre, c'est-à-dire en deux cycles successifs: le service quotidien et le service annuel, pour chacun desquels était réservée l'une des deux pièces du tabernacle. PP 330 1 A son ascension, Jésus regagna le ciel pour y plaider en présence de Dieu les mérites de son sang en faveur des croyants, tout comme l'avaient fait les prêtres au tabernacle mosaïque lorsque, dans le lieu saint, ils faisaient aspersion du sang des sacrifices en faveur des pécheurs. PP 330 2 Mais le sang du Sauveur, tout en libérant de la condamnation le pécheur repentant, n'anéantit pas le péché. Celui-ci demeure sur les registres du sanctuaire jusqu'à l'expiation finale. C'est ce que montrait la dispensation mosaïque où le sang des sacrifices justifiait le pécheur, tandis que le péché lui-même subsistait dans le sanctuaire jusqu'au jour des expiations. PP 330 3 Au grand jour des récompenses finales, les morts seront "jugés selon leurs oeuvres, d'après ce qui était écrit dans ces livres".(33) Cela fait, en vertu du sang expiatoire du Fils de Dieu, les péchés de tous les croyants seront effacés des dossiers du sanctuaire. Ce sera la purification de celui-ci par l'élimination des sombres annales du péché. PP 330 4 Sur la terre, cette liquidation solennelle: l'expiation définitive et l'effacement des péchés, était figurée par le cérémonial du grand jour des expiations ou de la purification du sanctuaire. Ce cérémonial consistait, en vertu du sang de la victime, à éliminer définitivement du sanctuaire tous les péchés qui s'y étaient accumulés et à les emporter au désert. Ainsi, au jour du jugement, les péchés de tous les vrais pénitents seront effacés des livres célestes pour ne plus revenir à la mémoire. PP 330 5 Satan est l'auteur du mal et l'instigateur de tous les péchés qui ont causé la mort du Fils de Dieu, et la justice exige qu'il subisse la peine capitale. L'oeuvre du Sauveur en vue de la rédemption de l'homme ne sera donc complète que par la purification des impuretés qui souillent le sanctuaire céleste. Cela se produira lorsqu'ils seront placés sur la tête de Satan pour qu'il en subisse la pénalité finale, de même que cela se faisait dans le service rituel, où le cycle annuel se terminait par la purification du sanctuaire et la transmission des péchés sur la tête du bouc émissaire. PP 331 1 On voit par là que les cérémonies du tabernacle, comme celles du temple qui le remplaça, inculquaient jour après jour aux enfants d'Israël les grandes vérités se rattachant à la mort et au ministère de Jésus-Christ. Une fois l'an, tous les esprits se portaient sur le dénouement du grand conflit entre le Fils de Dieu et Lucifer: la purification totale et définitive de l'univers par la disparition éternelle du péché et des pécheurs. ------------------------Chapitre 31 -- Nadab et Abihu PP 333 1 La dédicace du tabernacle fut suivie de la consécration des prêtres. Les cérémonies de cette consécration durèrent sept jours. Au huitième, ils entrèrent dans les devoirs de leurs charges. Assisté par ses fils, Aaron offrit les sacrifices prescrits, puis, levant les mains, il bénit le peuple. Tout ayant été accompli selon ses ordres, Dieu manifesta son approbation en révélant sa gloire: le feu du ciel descendit et consuma l'offrande qui était sur l'autel. Frappé d'une admiration mêlée d'effroi à la vue de ce signe de la présence et de la faveur divines, la foule poussa d'une seule voix un cri de louange et d'adoration. PP 333 2 Peu après, un terrible malheur frappait la famille du grand prêtre. C'était à l'heure du culte, au moment où les prières et les cantiques s'élevaient vers le ciel. Les deux fils d'Aaron, portant leurs encensoirs, y faisaient brûler l'encens sacré dont la fumée odoriférante montait devant l'Éternel. Mais, au mépris des ordres reçus, ils s'étaient servis d'un "feu étranger" au lieu du feu sacré que Dieu avait lui-même allumé dans ce but. Alors une flamme sortit de la présence de l'Éternel et les consuma à la vue de la foule.(1) PP 334 1 Après Moïse et Aaron, Nadab et Abihu occupaient les plus hautes charges de la nation. Dieu les avait particulièrement honorés en leur permettant de contempler sa gloire sur la montagne avec les soixante-dix anciens. Leur faute n'en devenait donc que plus grave. Cet exemple nous avertit que les hommes ayant reçu de grandes lumières et qui, comme ces princes en Israël, ont joui de la communion de Dieu et de la lumière de sa gloire, ne doivent pas croire qu'ils peuvent pécher impunément. S'imaginer que Dieu sera moins sévère à l'égard d'hommes aussi singulièrement honorés, c'est se bercer d'une illusion fatale. Les hautes faveurs reçues exigent en retour une vertu et une sainteté correspondantes. Dieu ne se contentera pas à moins. De grands privilèges et des bénédictions spéciales ne sont pas une garantie de sécurité ni un blanc-seing de conduite. Tous les avantages que le Seigneur nous donne n'ont pour but que d'augmenter notre ardeur et notre zèle à faire sa volonté. PP 334 2 Nadab et Abihu n'avaient pas appris, dans leur jeunesse, à renoncer à leur volonté propre. L'extrême indulgence de leur père et son manque de fermeté à leur égard en étaient en grande partie la cause. Il avait permis à ses fils de suivre leurs inclinations. Des habitudes de mollesse et de facilité longtemps cultivées s'étaient enracinées en eux avec une force que le sentiment de leurs fonctions sacrées ne pouvait plus dominer. N'ayant pas appris à respecter l'autorité de leur père, ils ne voyaient pas la nécessité d'obéir strictement aux ordres de Dieu. La coupable indulgence d'Aaron envers ses fils avait fait d'eux les futures victimes des châtiments divins. PP 334 3 Dieu voulut enseigner au peuple que l'on doit s'approcher de lui avec une grande révérence et selon ses prescriptions; qu'il ne peut accepter une obéissance partielle, et qu'il ne lui suffit pas, dans un culte solennel, que tout soit fait à peu près selon les ordres donnés. Dieu a prononcé une malédiction contre ceux qui ne font aucune distinction entre les choses sacrées et les choses profanes. Il déclare par le prophète: "Malheur à ceux qui appellent le mal bien et le bien mal; qui font des ténèbres la lumière et de la lumière les ténèbres. ... Malheur à ceux qui sont sages à leurs propres yeux et intelligents à leur propre sens! ... Car ils ont rejeté la loi de l'Éternel des armées; ils ont méprisé la parole du Saint d'Israël."(2) Que personne ne s'abuse par la pensée qu'une partie des commandements de Dieu n'est pas essentielle, ou que le Seigneur acceptera autre chose que ce qu'il nous demande. L'obéissance aux ordres de Dieu contenus dans sa Parole n'est pas facultative. Celui qui préfère la désobéissance en supportera les conséquences. PP 335 1 Il y a telle voie qui semble droite à l'homme, Et dont l'issue aboutit à la mort.(3) PP 335 2 Moïse dit à Aaron, à Éléazar et à Ithamar, les deux fils survivants d'Aaron: "...Ne découvrez point vos têtes, et ne déchirez pas vos vêtements, de peur que vous ne mourriez; ...car l'huile de l'onction de l'Éternel est sur vous." Le conducteur d'Israël rappelait ainsi à son frère cette parole divine: "Je serai sanctifié par ceux qui s'approchent de moi, et je serai glorifié en présence de tout le peuple." Aaron demeura silencieux. Il reconnaissait que la mort de ses deux fils, frappés sans avertissement pour un grave péché, était le résultat de sa propre négligence. Obéissant à l'avertissement de son frère, il dissimula sa tristesse. Il comprit qu'il ne fallait pas, par un signe de douleur quelconque, laisser soupçonner chez lui la moindre apparence de sympathie pour le mal, sympathie par laquelle la congrégation aurait pu être entraînée à murmurer contre Dieu. PP 335 3 Pour inspirer à tous une crainte salutaire du péché, Dieu voulait que son peuple reconnût la justice de ses châtiments, afin de préserver à temps ceux qui, par des idées erronées sur une prétendue indulgence divine, auraient cru pouvoir se livrer impunément au mal. Le ciel condamne toute fausse sympathie vis-à-vis du pécheur qui s'excuse. Le devoir des serviteurs de Dieu est d'avertir les personnes chez qui la perception morale s'est oblitérée au point de ne plus voir l'énormité de leurs fautes, et qui courent le danger de s'engourdir dans leur fatal aveuglement. Ceux qui atténuent la gravité et les résultats du péché peuvent se flatter de leur charité; leur oeuvre n'en contrecarre pas moins celle de l'Esprit de Dieu. Ils bercent d'une sécurité fatale des pécheurs côtoyant l'abîme et se font à la fois complices de leur culpabilité et responsables de leur impénitence. Très nombreux sont ceux qui, à la faveur de cette décevante sympathie, sont allés à la ruine éternelle. PP 336 1 Il faut dire aussi que Nadab et Abihu n'auraient jamais commis ce péché s'ils n'avaient d'abord été en état d'ivresse partielle à la suite de copieuses libations de vin. Ils savaient pourtant qu'avant de pénétrer dans le sanctuaire où se manifestait la présence divine, ils devaient se livrer à une préparation sévère, dont leur intempérance les avait rendus incapables. Mais leur perception morale était à tel point engourdie qu'ils n'étaient plus capables de discerner entre le sacré et le profane. Aaron et ses deux fils survivants reçurent alors cet avertissement: "Tu ne boiras ni vin ni boisson,(4) toi ainsi que tes fils, quand vous entrerez dans la Tente d'assignation, de peur que vous ne mourriez. C'est là une loi perpétuelle que vous observerez de génération en génération, afin que vous soyez toujours en état de discerner ce qui est saint et ce qui est profane, ce qui est souillé et ce qui est pur, et d'enseigner aux enfants d'Israël toutes les lois que l'Éternel leur a fait transmettre par Moïse." PP 336 2 L'usage de boissons fermentées a pour effet d'affaiblir le corps, de troubler l'intelligence et d'émousser le sens moral. Il empêche l'homme de discerner avec exactitude le caractère sacré des choses saintes et l'obligation des commandements de Dieu. Le Seigneur veut que tous ceux qui occupent des positions sacrées soient strictement tempérants, afin que leur esprit, toujours lucide, puisse distinguer entre le bien et le mal, et qu'ils ne se départissent jamais de la sagesse et de la fermeté nécessaires dans l'administration de la justice, comme dans l'exercice de la miséricorde. PP 336 3 Cette obligation est aussi valable aujourd'hui qu'au temps d'Israël. Aux disciples de Jésus-Christ, l'apôtre Pierre écrit: "Vous êtes la race élue, le sacerdoce royal, la nation sainte, le peuple que Dieu s'est acquis."(5) Pour arriver à le servir d'une manière acceptable, notre Créateur nous demande de conserver nos facultés dans la meilleure condition possible. L'usage des boissons fermentées produit encore les mêmes effets que sur les prêtres d'Israël. Il émousse nos sentiments à l'égard du péché au point que les choses sacrées et les choses profanes se confondent. De là cet avertissement solennel et terrible adressé à l'Église de tous les siècles: "Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l'Esprit de Dieu habite en vous? L'homme qui détruit le temple de Dieu sera détruit lui-même par Dieu; car le temple de Dieu est saint, et vous êtes saints, vous aussi." "Ne savez-vous pas que ... vous ne vous appartenez plus à vous-même? Car vous avez été rachetés à un grand prix. Glorifiez donc Dieu dans votre corps." "Soit que vous mangiez, soit que vous buviez, ou que vous fassiez quelque autre chose, faites tout pour la gloire de Dieu."(6) ------------------------Chapitre 32 -- La loi et les alliances PP 339 1 Dès leur création, Adam et Ève connurent la loi de Dieu et ses exigences. Ses préceptes étaient écrits dans leurs coeurs. Quand ils tombèrent dans le péché, loin de changer sa loi, Dieu conçut un plan qui, mis en oeuvre, devait ramener le pécheur à l'obéissance. Il leur promit un Sauveur dont la mort -- auguste rançon pour les péchés -- serait préfigurée par le sang de victimes symboliques. C'est la preuve que si la loi de Dieu n'avait pas été transgressée, la mort n'aurait jamais existé. Un Sauveur n'aurait pas été nécessaire, pas plus que de sanglants sacrifices pour annoncer sa venue. PP 339 2 Les descendants d'Adam transmirent de père en fils, d'une génération à l'autre, la connaissance de la loi de Dieu. Ceux qui acceptèrent le moyen de salut si gracieusement offert aux hommes, et qui suivirent la voie de l'obéissance furent si peu nombreux, et le monde fut bientôt si corrompu, que, pour le purifier, le déluge devint une nécessité. La loi, conservée par Noé et sa famille, fut communiquée par eux à leurs descendants. Plus tard, les hommes s'étant de nouveau égarés dans le mal, Dieu choisit Abraham dont il déclara: "Abraham a obéi à ma voix et a observé ce que je lui avais ordonné, mes commandements, mes préceptes et mes lois."(1) PP 340 1 C'est à lui que fut donné le rite de la circoncision, symbole de consécration à Dieu, d'un engagement à fuir l'idolâtrie et à garder la loi divine. Faute d'avoir tenu cet engagement, et pour s'être laissé entraîner à s'unir aux païens et à suivre leurs pratiques, les descendants d'Abraham furent emmenés en Égypte et réduits en esclavage. Durant leur séjour dans ce pays, leurs relations avec les idolâtres et leur soumission forcée, comme leur contact avec les turpitudes et les erreurs du paganisme, les entraînèrent plus loin encore dans la prévarication. Pour cette raison, après les avoir fait sortir d'Égypte, Dieu les amena au pied du Sinaï. Là, du haut de la montagne enveloppée de sa gloire, entouré de l'armée des anges et au milieu de l'ébranlement de la nature, Dieu fit entendre sa loi à la multitude. PP 340 2 Même alors, il ne la confia pas à la mémoire d'un peuple trop enclin à l'oublier. Pour empêcher que ses saints préceptes ne fussent mélangés à des traditions païennes ou confondus avec des lois ou des traditions humaines, il les écrivit sur des tables de pierre. Et il ne se contenta pas de publier le Décalogue. Le peuple d'Israël s'était montré si disposé à s'égarer que Dieu voulut en quelque sorte fermer l'accès à toutes les tentations. Moïse reçut l'ordre d'écrire des instructions et des statuts où la volonté divine était exprimée en détail. Ces statuts qui se rapportaient aux devoirs envers Dieu, envers le prochain et envers l'étranger, n'étaient qu'une amplification, un développement des principes énoncés dans les dix commandements. Ils avaient pour but de prévenir toute erreur et de rehausser la sainteté des dix paroles gravées sur la pierre. PP 340 3 En d'autres termes, si l'homme avait obéi à la loi divine telle qu'elle fut donnée à Adam, conservée par Noé et observée par Abraham, la circoncision n'aurait pas été nécessaire. Et si les descendants d'Abraham avaient gardé l'alliance dont la circoncision était le signe, ils n'auraient jamais été entraînés dans l'idolâtrie, et la dure servitude égyptienne n'aurait pas eu lieu. La loi de Dieu, conservée dans leurs mémoires, n'aurait pas été proclamée au Sinaï ni gravée sur la pierre. Enfin, si le peuple d'Israël avait observé les dix commandements, les préceptes additionnels donnés à Moïse auraient été superflus. PP 341 1 En outre, le système sacrificiel confié à Adam avait été perverti par ses descendants. Au cours des rapports prolongés de ceux-ci avec les idolâtres, les rites simples et significatifs divinement prescrits avaient été altérés par un mélange de superstitions et de coutumes païennes. De là les précisions données au Sinaï relatives aux sacrifices. De là aussi, après l'achèvement du tabernacle, les instructions sur les offrandes et les formes du culte à observer au sanctuaire. Ce fut cette loi cérémonielle que Moïse écrivit dans un livre, tandis que les dix commandements prononcés au Sinaï et gravés par Dieu lui-même sur les tablettes de pierre étaient religieusement conservés dans l'arche. PP 341 2 Bien des gens aujourd'hui confondent ces deux lois. Pour prouver que la loi morale est abolie, ils citent, comme s'y rapportant, des passages relatifs à la loi cérémonielle. C'est là une perversion des Écritures. La distinction entre ces deux lois est simple et claire. Le système cérémoniel se composait, exclusivement, de symboles préfigurant le Sauveur à venir, son sacrifice et son sacerdoce. Cette loi rituelle, ses sacrifices et ses ordonnances ne devaient être observés par les Hébreux que jusqu'à ce que le type rencontrât l'antitype, à la mort du Messie, l'Agneau de Dieu qui devait "ôter le péché du monde", moment à partir duquel tous les sacrifices devaient cesser. Telle est la loi que Jésus-Christ "a supprimée en la clouant à la croix".(2) PP 341 3 Quant à la loi des dix commandements, voici ce qu'en dit le Psalmiste: "O Éternel, ta parole subsiste à toujours dans les cieux."(3) Jésus lui-même a fait à ce sujet les déclarations suivantes: "Ne pensez pas que je sois venu abolir la loi. ... En effet, je vous le dis en vérité: -- expression qui donne à sa déclaration toute l'énergie possible -- avant que le ciel et la terre aient passé, il ne disparaîtra de la loi ni un seul iota ni un seul trait de lettre, jusqu'à ce que tout soit accompli."(4) Non seulement Jésus affirme ici les obligations de la loi dans le passé et à son époque, mais il déclare qu'elles dureront aussi longtemps que les cieux et la terre. La loi de Dieu est donc immuable. Ses droits sur l'humanité sont les mêmes dans tous les âges. PP 342 1 Rappelant la loi proclamée au Sinaï, Néhémie déclare: "Tu descendis sur la montagne du Sinaï; tu leur parlas du haut des cieux, et tu leur donnas des lois justes, des enseignements vrais, des préceptes et des commandements excellents."(5) Au sujet du commandement qui dit: "Tu ne convoiteras point", l'apôtre Paul affirme que la loi est "sainte, et le commandement saint, juste et bon."(6) PP 342 2 La mort du Sauveur, qui mit fin à la loi des rites et des ombres, ne modifia pas les obligations de la loi morale. Bien au contraire: le fait même que le Fils de Dieu dut mourir pour expier sa violation en démontre le caractère immuable. PP 342 3 Ceux qui enseignent que Jésus est venu abolir la loi de Dieu et rendre caduc l'Ancien Testament parlent de l'économie judaïque comme d'une période de ténèbres, et de la religion des Hébreux comme ne consistant qu'en rites et en cérémonies. C'est une erreur. La trace merveilleuse du grand JE SUIS se retrouve à travers toutes les périodes de l'histoire sainte, où sont racontées ses voies envers le peuple élu. Jamais il n'accorda aux hommes des preuves plus éclatantes de sa présence que lorsque, reconnu comme seul monarque en Israël, il lui donna sa loi, que l'on vit sa marche effrayante à travers le camp et sa main invisible y présenter le sceptre de son ineffable majesté. PP 342 4 Ce ne fut pas seulement à l'avènement du Sauveur, mais à travers tous les siècles qui suivirent la chute et la promesse de la rédemption, que "Dieu était en Jésus-Christ, réconciliant avec lui le monde".(7) Dans toutes les manifestations de la présence divine en Israël, c'est par son Fils que Dieu révélait sa gloire, ce Fils qui était à la base et au centre du système des sacrifices, tant dans l'âge patriarcal que sous l'économie judaïque. PP 342 5 Depuis le péché de nos premiers parents, il n'y a plus eu de communication directe entre Dieu et l'homme. C'est entre les mains de son Fils que le Père a remis le monde pour le racheter par son oeuvre médiatrice, tout en revendiquant la sainteté et l'autorité de sa loi. Toutes les relations qui ont été établies entre le ciel et notre humanité déchue ont eu le Fils de Dieu pour intermédiaire. C'est le Fils de Dieu qui fit la promesse de la rédemption à nos premiers parents, et c'est lui qui se révéla aux patriarches. Adam, Noé, Abraham, Isaac, Jacob et Moïse connaissaient l'Évangile. Ils attendaient leur salut d'un substitut qui se porterait garant de l'humanité. Ils s'entretenaient avec celui qui devait s'incarner ici-bas, et quelques-uns d'entre eux ont même parlé face à face avec lui et avec ses anges.(8) PP 343 1 Non seulement Jésus-Christ a été le conducteur des Hébreux à travers le désert, l'Ange en qui était le nom de Jéhovah, et qui, voilé par la colonne de nuée, marchait au désert devant les caravanes d'Israël, mais c'est lui qui donna la loi à ce peuple. C'est Jésus-Christ qui, du Sinaï enflammé, prononça les dix préceptes de la loi de son Père, et c'est lui encore qui remit à Moïse cette loi gravée sur les tables de pierre. PP 343 2 Parlant des "prophètes qui ont prophétisé touchant la grâce qui nous était destinée", l'apôtre Pierre écrit qu'ils "cherchaient à découvrir l'époque et les circonstances marquées par l'Esprit du Christ qui était en eux, et qui attestait d'avance les souffrances réservées au Christ et les gloires qui devaient les suivre."(9) C'est donc Jésus-Christ qui parlait avec son peuple par les prophètes, et c'est sa voix que nous entendons dans l'Ancien Testament. "Le témoignage de Jésus, c'est l'esprit de la prophétie."(10) PP 343 3 Dans ses enseignements, alors qu'il vivait ici-bas, Jésus renvoyait ses auditeurs à l'Ancien Testament, les seuls livres de la Bible qui existaient alors: "Vous sondez les Écritures, disait-il, parce que vous pensez avoir par elles la vie éternelle: ce sont elles qui rendent témoignage de moi."(11) Il déclarait aussi: "Ils ont Moïse et les prophètes; qu'ils les écoutent." Et il ajoutait: "S'ils n'écoutent pas Moïse et les prophètes, ils ne seraient pas non plus persuadés quand même quelqu'un des morts ressusciterait."(12) PP 343 4 La loi cérémonielle donnée par Jésus-Christ a été abrogée au Calvaire. L'apôtre Paul expliquait aux Juifs quelles en avaient été la valeur et la place dans le plan de la rédemption en rapport avec l'oeuvre du Sauveur. Il la déclarait glorieuse et digne de son divin auteur. Le solennel rituel du sanctuaire symbolisait de grandes vérités qui devaient être enseignées à travers les générations. Le nuage d'encens qui montait avec les prières d'Israël symbolisait la justice du Christ qui seule peut faire agréer par Dieu la prière du pécheur. La victime sanglante sur l'autel du sacrifice rendait son témoignage au Rédempteur à venir, tandis que dans le lieu très saint brillait le signe visible de la présence divine. Et voilà comment, à travers tant de ténèbres et d'apostasies, la foi demeura vivace dans le coeur des hommes jusqu'à l'avènement du Messie promis. PP 344 1 Bien avant de venir sur la terre sous forme humaine, Jésus était la lumière de son peuple et du monde. La première lueur qui filtra à travers les ténèbres dont le péché avait enveloppé la terre nous est parvenue par Jésus-Christ. Et c'est à lui que nous devons chaque rayon de lumière divine destiné aux humains. Dans le plan de la rédemption, c'est lui l'Alpha et l'Oméga, le premier et le dernier. PP 344 2 Depuis que le Sauveur a versé son sang pour la rémission des péchés, et qu'il est monté au ciel "afin de comparaître pour nous devant la face de Dieu",(13) c'est par torrents que la lumière est descendue sur nous du haut du Calvaire et des lieux saints du sanctuaire céleste. Mais les vives lumières qui nous inondent ne doivent pas nous faire mépriser celles qui furent autrefois accordées aux hommes à travers des symboles annonçant un Sauveur à venir. L'Évangile illumine l'économie judaïque; et c'est lui qui donne toute sa signification à la loi cérémonielle. A mesure que de nouvelles vérités sont révélées, nous comprenons mieux le caractère de Dieu dans ses voies envers le peuple élu. Tout nouveau rayon de lumière nous donne une intelligence plus claire du plan de la rédemption qui est l'accomplissement de la volonté divine. De nouvelles beautés, une force nouvelle émergent de la Parole inspirée, et nous en étudions les pages avec un intérêt toujours croissant. PP 344 3 Maints esprits s'imaginent que Dieu avait placé une muraille entre les Hébreux et le monde extérieur, et que ses soins, son amour, refusés en bonne partie au reste de l'humanité, étaient presque exclusivement réservés à Israël. C'est encore une erreur. Dieu n'entendait pas qu'il s'élevât une cloison étanche entre son peuple et les autres nations. Le coeur de l'Être infini soupirait après tous les habitants de la terre. Quoique rejeté, il cherchait constamment à se révéler à eux pour les rendre participants de son amour et de sa grâce. PP 344 4 Le peuple élu devait faire part aux autres des bénédictions divines. Ce fut le cas d'Abraham. Appelé, honoré, béni de Dieu, il faisait briller la lumière dans tous les pays où il séjournait. Il ne craignait pas d'entrer en contact avec les hommes qui l'entouraient. Il avait des relations amicales avec les rois des nations environnantes, dont quelques-uns l'honoraient de leur respect. Sa droiture, son désintéressement, sa bravoure, sa bienfaisance firent successivement connaître le caractère de Dieu aux habitants de la Mésopotamie, de l'Égypte et même de Sodome. PP 345 1 Il en fut de même de Joseph à l'égard du peuple égyptien et de toutes les nations qui étaient en relations avec ce puissant royaume. Pourquoi Dieu éleva-t-il Joseph à une si haute situation en Égypte? Il aurait pu réaliser ses desseins envers les enfants de Jacob d'une tout autre manière. S'il le plaça dans le palais des rois, c'était parce qu'il voulait répandre par lui, auprès et au loin, les rayons de la lumière céleste. Par sa sagesse et sa justice, la pureté et le désintéressement de sa vie quotidienne, son souci des intérêts du peuple, qui était idolâtre, Joseph se montra un vrai représentant de Jésus-Christ. Par son bienfaiteur, auquel toute l'Égypte adressait ses louanges et sa gratitude, cette nation païenne put connaître l'amour de son Créateur et Rédempteur. PP 345 2 En la personne de Moïse, également, Dieu dressa un flambeau au pied du trône du plus puissant monarque de la terre, et cette révélation de son vrai caractère aux âmes sincères eut lieu avant l'apparition de ses jugements sur ce royaume. PP 345 3 De même, la délivrance d'Israël lors de sa sortie d'Égypte contribua à étendre fort loin la connaissance de la puissance divine et fit trembler la population belliqueuse et redoutable de Jéricho. "Nous l'avons appris, dit Rahab, qui vivait dans cette cité, et notre coeur s'est fondu, et il n'est plus resté de courage en aucun de nous pour vous résister; car c'est l'Éternel, votre Dieu, qui est Dieu, en haut dans les cieux, et en bas sur la terre."(14) Des siècles après l'exode, les prêtres philistins rappelaient encore les plaies d'Égypte à leur peuple, et l'avertissaient de ne pas s'opposer au Dieu des Hébreux. PP 345 4 Si le Seigneur avait choisi Israël, s'il l'avait béni et rendu prospère, ce n'était pas pour qu'il fût l'objet exclusif de ses faveurs, mais pour se faire connaître par lui à tous les habitants de la terre. Or, c'était précisément pour atteindre ce but qu'il lui avait ordonné de rester séparé des nations païennes qui l'entouraient. PP 346 1 C'est parce que l'idolâtrie et tous les péchés qui l'accompagnent lui sont odieux, que l'Éternel ordonna à son peuple de ne pas se mélanger avec les autres nations pour imiter leur conduite(15) et oublier son Dieu. Dans ce même but, il défendit aux Israélites de se marier avec les idolâtres. Il était tout aussi nécessaire alors que maintenant au peuple de Dieu de se "séparer de la souillure du monde" et de se préserver de tout ce qui est contraire à la vérité et à la justice. Mais Dieu n'entendait pas, pour autant, que son peuple, drapé dans sa propre justice, se séparât du reste du monde au point de n'exercer sur lui aucune influence. PP 346 2 Dans tous les siècles, les disciples du Christ, semblables à leur Maître, doivent être la lumière du monde. Le Sauveur a dit: "Vous êtes la lumière du monde; une ville située sur une montagne ne peut être cachée, et on n'allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau; mais on la met sur un support, et elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison", c'est-à-dire dans le monde. Et il ajoute: "Que votre lumière luise ainsi devant les hommes, afin qu'ils voient vos bonnes oeuvres, et qu'ils rendent gloire à votre Père qui est dans les cieux."(16) C'est là précisément ce qu'avaient fait Hénoc, Noé, Abraham, Joseph et Moïse, et c'est ce que Dieu attendait du peuple d'Israël. En revanche, en s'abandonnant à leurs coeurs endurcis et incrédules, poussés par Satan, les Israélites tombèrent tantôt dans un extrême, tantôt dans un autre. Ou bien, dans leur bigoterie et leur exclusivisme orgueilleux, ils cachèrent leur lumière, comme si l'amour de Dieu n'était que pour eux; ou bien ils se livrèrent aux pratiques abominables de leurs voisins. PP 346 3 De même que la Bible nous révèle deux lois: l'une immuable et éternelle, l'autre provisoire et temporaire, de même elle nous présente deux alliances. L'alliance de grâce fut d'abord conclue en Éden, alors qu'après sa chute l'homme apprit que la postérité de la femme écraserait la tête du serpent. Cette alliance offrait à tous les hommes le pardon de Dieu, la grâce nécessaire pour lui obéir par la foi en Jésus-Christ, et la vie éternelle. Les patriarches connurent ainsi l'espérance du salut. PP 346 4 La même alliance fut renouvelée à Abraham lorsque Dieu lui fit la promesse suivante: "Toutes les nations de la terre seront bénies en ta postérité."(17) Cette promesse, Abraham le savait, se rapportait au Fils de Dieu. C'est du Sauveur qu'il attendait le pardon de ses péchés, et ce fut cette foi que Dieu lui "imputa à justice."(18) Cette alliance avec Abraham maintenait l'autorité et l'obligation de la loi morale, car Dieu avait dit au patriarche: "Je suis le Dieu tout-puissant. Marche devant ma face, et sois intègre."(19) Et il lui rendit ce témoignage: "Abraham a obéi à ma voix, et a observé ce que je lui avais ordonné, mes commandements, mes préceptes et mes lois."(20) Or, cette alliance était pour tous les temps: "Je ferai mon alliance avec toi, lui avait dit l'Éternel, et avec ta postérité après toi, d'âge en âge; ce sera une alliance perpétuelle, en sorte que je serai ton Dieu, et celui de ta postérité après toi."(20) PP 347 1 Conclue avec Adam et renouvelée avec Abraham, cette alliance ne put être ratifiée qu'à la mort de Jésus-Christ. Néanmoins, elle fut appelée une nouvelle alliance. Fondée sur la loi divine, elle avait pour but de remettre l'homme en harmonie avec la volonté de Dieu, en le rendant capable d'observer ses préceptes. PP 347 2 L'autre contrat, appelé dans les Écritures "l'ancienne alliance", fut passé entre Dieu et Israël au Sinaï, et ratifié par le sang d'un sacrifice, tandis que l'alliance avec Abraham le fut par le sang du Rédempteur. Si celle-ci est appelée la "deuxième" ou la "nouvelle alliance", c'est parce que le sang qui la ratifia fut versé postérieurement à celui qui scella la première alliance. Il est indéniable que la "nouvelle" alliance était déjà en vigueur aux jours d'Abraham puisqu'elle fut alors confirmée tant par la promesse que par le serment de Dieu, "deux choses immuables et sans mensonge possible, puisqu'elles viennent de Dieu".(21) PP 347 3 Mais, demandera-t-on, si l'alliance conclue avec Abraham comprenait la promesse de la rédemption, comment expliquer qu'une autre alliance ait été plus tard contractée au Sinaï? -- C'est parce qu'au cours de leur servitude, les Hébreux avaient en bonne partie perdu la connaissance de Dieu et des principes renfermés dans l'alliance avec Abraham. En outre, le Seigneur voulait les amener à l'aimer, à se confier en lui et à sentir leur besoin de son secours en les amenant à la mer Rouge dans un endroit où, poursuivis par les Égyptiens, il leur était impossible d'échapper. Ce but fut atteint. Leur délivrance les remplit d'amour et de reconnaissance envers Dieu, comme aussi de confiance en son puissant soutien. PP 348 1 Une vérité plus grande encore devait leur être inculquée. Ayant vécu au milieu de l'idolâtrie, ils ne se faisaient une juste idée ni de la sainteté de Dieu, ni de la profonde perversité de leurs coeurs et de leur complète incapacité d'obéir par eux-mêmes à la loi divine et, par conséquent, de la nécessité d'un Sauveur. PP 348 2 Pour leur apprendre tout cela, Dieu les amena au Sinaï où il leur révéla sa gloire, leur donna sa loi et leur promit de grands bienfaits en retour de leur obéissance: "Si vous obéissez à ma voix et si vous gardez mon alliance, ... vous serez pour moi un royaume de prêtres, une nation sainte."(22) Ne comprenant pas la dépravation du coeur humain; ignorant qu'en dehors du Sauveur il lui était impossible d'observer la loi de Dieu, le peuple entra sans hésiter dans l'alliance qui lui était proposée. Fort de sa propre justice, le peuple déclara: "Nous ferons tout ce que l'Éternel nous a prescrit, et nous lui obéirons."(23) PP 348 3 Quelques semaines s'étaient à peine écoulées depuis cette scène de majesté et de terreur où ils avaient, en tremblant, entendu proclamer la loi de Dieu, que, rompant leur alliance avec l'Éternel, ils se prosternaient devant une image de métal! Ils ne pouvaient donc plus compter sur la faveur d'en haut en vertu d'une alliance qu'ils avaient violée. En revanche, en se rendant compte de leur misère morale et de leur besoin de pardon, ils étaient préparés à comprendre la nécessité du Sauveur offert par l'alliance avec Abraham et préfiguré par les sacrifices. Dès ce moment, ramenés par la foi et la gratitude à un Dieu qui pouvait les délivrer de l'esclavage du péché, ils étaient prêts à apprécier les bienfaits de la nouvelle alliance. PP 348 4 Les termes de l'ancienne étaient: Obéis et tu vivras; "l'homme qui accomplit [mes lois] vivra par elles!"(24) D'autre part, elle disait: "Maudit est celui qui ne met pas cette loi en pratique."(25) La nouvelle alliance, en revanche, a été "établie sur de meilleures promesses", à savoir: la promesse du pardon des péchés et celle du don de la grâce divine qui renouvelle le coeur et le met en harmonie avec les principes de la loi divine. "Voici l'alliance que je ferai avec la maison d'Israël après ces jours-là, dit l'Éternel. Je mettrai ma loi au-dedans d'eux, et je l'écrirai dans leur coeur. ... Je pardonnerai leur iniquité et je ne me souviendrai plus de leur péché."(26) PP 349 1 En vertu de cette alliance, la loi même qui avait été gravée sur les tables de pierre est écrite par le Saint-Esprit dans notre coeur. Au lieu de chercher à établir notre propre justice, nous acceptons celle du Sauveur. Son sang expie nos péchés et son obéissance nous est imputée. Alors notre coeur, renouvelé par le Saint-Esprit, est rendu capable de produire "les fruits de l'Esprit". Par la grâce de Jésus-Christ, nous vivons désormais dans l'obéissance à la loi de Dieu. Avec lui, nous pouvons dire: PP 349 2 Mon Dieu, je prends plaisir à faire ta volonté, Et ta loi est au fond de mon coeur.(27) PP 349 3 Durant son séjour sur la terre, Jésus disait: "Mon Père ... ne m'a pas laissé seul, parce que je fais toujours ce qui lui est agréable."(28) PP 349 4 L'apôtre Paul expose clairement les rapports qui existent, sous la nouvelle alliance, entre la foi et la loi: "Étant donc justifiés par la foi, dit-il, nous avons la paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ." "Anéantissons-nous donc la loi par la foi? Non, certes! Au contraire, nous la confirmons." "Car ce qui était impossible à la loi, attendu que la chair la rendait impuissante [à justifier l'homme qui l'a violée], Dieu l'a fait! En envoyant à cause du péché son propre Fils dans une chair semblable à notre chair de péché, il a condamné le péché dans la chair, afin que la justice prescrite par la loi fût accomplie en nous, qui marchons, non selon la chair, mais selon l'esprit."(29) PP 349 5 L'oeuvre de Dieu est la même dans tous les temps; mais elle passe par diverses phases pour s'adapter aux différents âges du monde. A partir de la première promesse évangélique, passant par l'âge patriarcal et l'économie judaïque, le plan de la rédemption a suivi un développement graduel et constant. Le Sauveur, figuré dans les rites et les cérémonies de la loi mosaïque, n'est autre que celui qui nous est révélé dans l'Évangile. Les nuages qui voilaient sa personne divine se sont dissipés. Les vapeurs et les ombres ont disparu, et Jésus, le Rédempteur du monde, apparaît aujourd'hui à nos yeux. PP 350 1 Celui qui proclama la loi au Sinaï et donna à Moïse les préceptes de la loi cérémonielle est celui-là même qui prononça le Sermon sur la montagne. Les grands principes de l'amour envers Dieu énoncés là comme étant le fondement de la loi et des prophètes ne sont que la répétition de ce qu'il avait dit au peuple hébreu par la bouche de Moïse: PP 350 2 "Écoute, Israël! L'Éternel, notre Dieu, est le seul Éternel! Tu aimeras l'Éternel de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ta force."(30) PP 350 3 "Tu aimeras ton prochain comme toi-même."(31) PP 350 4 Notre divin Maître est le même sous les deux dispensations ou alliances. Ses exigences n'ont pas varié. Les principes de son gouvernement restent identiques, car ils procèdent tous du "Père des lumières, en qui il n'y a aucune variation ni aucune ombre de changement".(32) ------------------------Chapitre 33 -- Du Sinaï à Kadès PP 351 1 La construction du tabernacle avait commencé quelque temps après l'arrivée au Sinaï; et c'est au début de la deuxième année, à partir de l'exode, que l'édifice sacré fut dressé pour la première fois. Son inauguration fut suivie de la consécration des prêtres, de la célébration de la Pâque, du dénombrement du peuple et de l'achèvement de l'organisation civile et religieuse de la nation. Le culte avait pris une forme plus précise. Pourvu d'une législation civile admirablement détaillée et d'une merveilleuse simplicité, l'État israélite était désormais organisé d'une manière parfaitement adaptée à son entrée en Canaan. Ce travail avait duré environ un an. PP 351 2 L'ordre et la perfection qui éclatent dans toutes les oeuvres de Dieu étaient visibles dans l'économie hébraïque. Dieu était le souverain d'Israël, le centre du pouvoir et du gouvernement. Moïse avait été désigné comme conducteur de la nation, chargé de faire respecter les lois au nom du Seigneur. Un conseil de soixante-dix anciens choisi parmi les douze tribus le secondait dans la gestion des affaires. Puis venaient les prêtres, qui consultaient Dieu dans le sanctuaire. Des chefs ou princes gouvernaient les tribus. Sous ceux-ci étaient placés des "chefs de milliers, de centaines, de cinquantaines et de dizaines", ainsi que des "officiers" auxquels étaient confiées des charges spéciales.(1) PP 352 1 Le camp israélite, disposé dans un ordre parfait, était partagé en trois grandes sections qui avaient chacune sa place dans le campement. Au centre se trouvait le tabernacle, demeure du Monarque invisible. Autour du tabernacle campaient les prêtres et les Lévites. Au-delà de ce cercle venaient les tribus. Le soin du tabernacle et de tout ce qui s'y rattachait, tant durant les haltes qu'en voyage, incombait aux Lévites. Lorsqu'on levait le camp, ils pliaient la tente sacrée pour la dresser à la prochaine étape. Il était interdit sous peine de mort aux membres des autres tribus de s'en approcher. Les Lévites se partageaient, selon les trois fils de Lévi, en trois familles, dont chacune avait sa charge spéciale. En face du tabernacle, les tentes les plus rapprochées étaient celles de Moïse et d'Aaron. Au sud se trouvaient les Kéhathites, qui avaient le soin de l'arche et des autres meubles sacrés. Au nord se plaçaient les Mérarites, qui s'occupaient des colonnes, des bases et des parois. Derrière venaient les Guerçonites, à qui étaient confiées les draperies et les tentures. PP 352 2 Chaque tribu avait également sa place marquée. Soit durant la marche, soit au repos, elle campait autour de son étendard. Dieu avait ordonné: "Les enfants d'Israël camperont chacun près de sa bannière, sous les enseignes de leurs maisons patriarcales; ils camperont vis-à-vis et tout autour de la tente d'assignation." En voyage, "ils marcheront dans l'ordre où ils auront campé, chacun à son rang, selon sa bannière".(2) Les étrangers qui avaient accompagné Israël lors de la sortie d'Égypte n'étaient pas admis à occuper la place réservée aux tribus; ils se plaçaient à l'extérieur du camp; leurs enfants étaient exclus de la communauté jusqu'à la troisième génération.(3) PP 352 3 On exigeait dans le camp non seulement l'ordre le plus strict, mais aussi une propreté scrupuleuse. En vue de conserver la santé d'une aussi grande multitude, des règlements sanitaires très précis étaient en vigueur. Par exemple, il était interdit à toute personne atteinte d'une souillure corporelle quelconque d'entrer dans le camp. Une propreté et un ordre rigoureux étaient les conditions indispensables à la présence du Dieu saint qui avait dit: "Ton camp devra être saint, de peur que l'Éternel ne voie chez toi quelque chose d'impur et qu'il ne se détourne de toi."(4) PP 353 1 Quand Israël se remettait en route, l'arche de l'alliance, chargée de "choisir un lieu de repos" pour la congrégation, prenait la tête du convoi.(5) Elle était portée par les fils de Kéhath, précédés de Moïse et d'Aaron. Auprès d'eux se tenaient les prêtres portant les trompettes d'argent, prêts à communiquer au peuple les ordres qu'ils recevaient de Moïse et qui devaient être transmis avec précision par les chefs de chaque compagnie. Quiconque refusait de se conformer aux ordres reçus était puni de mort. PP 353 2 Dieu est un Dieu d'ordre. Tout ce qui se fait dans le ciel s'exécute avec un ensemble parfait. L'armée des anges déploie son activité dans une soumission et une discipline rigoureuses. Aucune entreprise ne peut réussir sans ordre et sans unanimité. Non moins qu'aux jours d'Israël, Dieu réclame aujourd'hui de l'ordre et de la méthode dans son oeuvre. Tous ceux qui travaillent pour lui doivent le faire intelligemment, et non avec négligence et insouciance. Il marque son oeuvre du sceau de son approbation lorsqu'elle est accomplie avec foi et exactitude. PP 353 3 Dans tous ses déplacements, Israël était dirigé par le Seigneur lui-même. Le lieu du campement était indiqué par la descente de la colonne de nuée sur le tabernacle, où elle reposait durant toute la durée du séjour en cet endroit. Au départ, elle s'élevait à une certaine hauteur au-dessus de la tente sacrée. Une invocation solennelle était faite tant à l'arrêt qu'au moment de repartir: "Quand l'arche partait, Moïse disait: Lève-toi, ô Éternel, que tes ennemis soient dispersés, et que ceux qui te haïssent s'enfuient devant ta face! Quand elle s'arrêtait, il disait: Reviens, ô Éternel! auprès des myriades des milliers d'Israël!"(6) PP 353 4 Il n'y avait que onze journées de marche entre le Sinaï et Kadès, ville située à la frontière de Canaan. Aussi, quand finalement la nuée donna le signal du départ et que les colonnes d'Israël s'ébranlèrent, ce fut avec la perspective d'entrer rapidement dans ce bon pays. Dieu n'avait-il pas accompli de puissants miracles pour les faire sortir d'Égypte? Quels bienfaits le peuple ne pouvait-il donc pas attendre de lui, maintenant qu'il s'était solennellement engagé à le considérer comme son souverain, et qu'il avait lui-même été choisi comme le peuple élu du Très-Haut? PP 354 1 Ce n'était pourtant pas sans regrets que les Israélites quittaient les lieux où ils avaient si longtemps séjourné. Ils en étaient presque arrivés à considérer comme leur demeure ce site isolé des autres peuples, à l'abri de ces murailles de granit, où Dieu les avait conduits pour y proclamer sa loi. Les Hébreux aimaient à porter leurs regards sur la montagne sainte dont les rochers sauvages et les sommets blanchis avaient si souvent été témoins de la gloire de Dieu. Ce panorama, qui se confondait si intimement pour eux avec la présence de l'Éternel et des anges, était trop sacré pour qu'ils le quittent sans tristesse. PP 354 2 Au son des trompettes, cependant, tout le camp s'ébranla, l'arche en tête, puis les tribus, chacune derrière son étendard. Tous les yeux se portaient avec intérêt sur la nuée pour voir quelle direction elle prendrait. Quand on s'aperçut qu'au lieu de se diriger vers le nord elle s'éloignait dans la direction de l'est, où l'on n'apercevait que des masses rocheuses sombres et désolées s'entassant les unes sur les autres, un sentiment de mélancolie envahit bien des coeurs. PP 354 3 A mesure qu'on avançait, la route devenait plus difficile. Tour à tour, on descendait une déclivité rocailleuse, ou l'on traversait une plaine stérile. A l'entour, c'était le grand désert, "une terre aride et pleine de fondrières, une terre où règnent la sécheresse et l'ombre de la mort; terre où aucun homme ne passe et où personne n'habite".(7) Aussi loin que se portaient les regards, les gorges rocheuses du massif étaient envahies d'hommes, de femmes et d'enfants, accompagnés de chariots et de longues colonnes de gros et de menu bétail. La marche était nécessairement lente et laborieuse pour un peuple mal préparé, après une si longue pause, aux périls et aux désagréments du voyage. PP 354 4 Après trois jours de marche, des plaintes véhémentes se firent entendre. Elles provenaient de l'élément égyptien dont la majeure partie ne s'était pas encore ralliée à Israël. Ne cherchant qu'une occasion de manifester leur mécontentement, ces gens critiquaient sans cesse la manière dont Moïse dirigeait la multitude. Chacun savait que Moïse ne faisait que suivre la nuée conductrice. Néanmoins, on le blâmait d'avoir pris cette route, et, comme le murmure est contagieux, il se propagea bientôt à travers tout le camp. PP 355 1 Le peuple recommença à demander de la viande. Il ne se contentait plus de la manne qui tombait avec abondance. Durant la servitude d'Égypte, les Hébreux avaient dû se contenter d'aliments grossiers que les travaux et les privations rendaient acceptables, tandis que bon nombre des Égyptiens qui les accompagnaient avaient été habitués à une nourriture délicate. Ils furent les premiers à se plaindre en se rappelant qu'avant leur arrivée au Sinaï, en réponse à leurs cris, Dieu leur avait donné de la viande, mais pour un jour seulement. PP 355 2 Le Seigneur pouvait procurer aux Israélites de la viande tout aussi bien que de la manne. C'était dans leur intérêt qu'il leur donnait un aliment plus conforme à leurs besoins que le régime échauffant auquel ils avaient été accoutumés en Égypte. En les privant en grande mesure de nourriture animale, il corrigeait leur appétit et les préparait à apprécier le régime donné à Adam et Ève dans le jardin d'Éden: les fruits de la terre. PP 355 3 Mais Satan les incitait à considérer cette restriction comme injuste et cruelle. Certain que la satisfaction illimitée de l'appétit les entraînerait dans la sensualité et les placerait plus facilement sous son pouvoir, il leur inspirait le désir de choses défendues. L'auteur de la maladie et de la souffrance prend les hommes par leurs côtés faibles. Depuis le jour où il avait amené Ève à manger du fruit défendu, c'était surtout par la gourmandise qu'il avait entraîné les hommes dans le péché. L'intempérance dans le manger et le boire, non seulement prive l'homme de sa force de résistance en présence de la tentation, mais le prédispose à s'affranchir des obligations morales. PP 355 4 Dieu avait libéré les Israélites de l'esclavage pour en faire un peuple saint, pur, heureux. Dans ce but, qui renfermait aussi le bonheur de leur postérité, il imposait une discipline indispensable. S'ils avaient consenti à corriger leur appétit dépravé, ils n'auraient pas connu la souffrance et la maladie. Leurs descendants auraient hérité d'une réelle vigueur physique et morale, d'une claire intelligence de la vérité et du devoir, d'un jugement sain, d'une sagacité surprenante. Mais, en refusant de s'imposer ces restrictions, ils se privaient de la pleine réalisation de ces bienfaits. PP 356 1 Le Psalmiste y fait allusion en ces termes: PP 356 2 Ils tentèrent Dieu dans leur coeur, En lui demandant une nourriture conforme à leur désir. Ils parlèrent contre Dieu, Et ils dirent: Dieu pourrait-il Dresser une table dans le désert? Voici qu'il a frappé le rocher et les eaux ont coulé, Et des torrents se sont répandus. Mais pourra-t-il donner du pain, Procurer de la viande à son peuple? L'Éternel entendit ces murmures, et il en fut indigné; Son brûlant courroux s'alluma contre Jacob; Sa colère s'éleva contre Israël.(8) PP 356 3 Pendant le trajet de la mer Rouge au Sinaï, les murmures avaient été fréquents. Par pitié pour leur ignorance et leur aveuglement, Dieu n'avait pas sévi contre eux. Et depuis lors, il s'était révélé en Horeb. Israël avait été témoin de sa majesté, de sa puissance et de sa miséricorde. Ce fait aggravait doublement l'incrédulité et l'impatience du peuple, d'autant plus qu'il avait accepté le Seigneur comme son Roi et s'était engagé à lui obéir. Les murmures des Israélites étaient une révolte. Pour les préserver de l'anarchie et de la ruine, un châtiment prompt et exemplaire s'imposait. "Le feu de Jéhovah s'alluma contre eux, et il dévora l'extrémité du camp."(9) Les meneurs furent tués par la foudre qui descendit de la nuée. Terrifié, le peuple s'adressa à Moïse, qui supplia Dieu, et le feu s'arrêta. En souvenir de ce châtiment, le lieu fut appelé Tabééra, "embrasement". PP 356 4 Mais le mal n'était pas guéri. Ce châtiment sévère ne porta point les survivants à s'humilier. Au contraire, les plaintes redoublèrent. De tous côtés, ils se réunissaient à l'entrée de leurs tentes pour se lamenter: "Le ramassis d'étrangers qui se trouvait au milieu d'eux fut enflammé de convoitise; et même les enfants d'Israël se mirent de nouveau à pleurer et à dire: Qui nous fera manger de la viande? Nous nous souvenons des poissons que nous mangions pour rien en Égypte, des concombres, des melons, des poireaux, des oignons et de l'ail; et maintenant notre âme est desséchée; il n'y a plus rien, et nos yeux ne voient que la manne." PP 356 5 Ainsi se désolait le peuple au sujet d'un aliment que Dieu lui avait procuré, et qui s'adaptait si parfaitement à son besoin et à son genre de vie assez pénible qu'il n'y avait pas un seul malade dans toutes les tribus. PP 357 1 Le coeur de Moïse faillit lui manquer. Il avait demandé grâce pour ce peuple alors que Dieu voulait le détruire et en susciter un autre par sa postérité. Il avait même demandé que son nom fût effacé du livre de vie plutôt que de voir périr les rebelles. Il était décidé à tout sacrifier pour eux, et voilà comment on le récompensait! On l'accusait de maints déboires et même de peines imaginaires. Ces murmures augmentaient le fardeau de soucis et de responsabilités sous lequel chancelait le libérateur hébreu. Dans sa détresse il fut tenté de manquer de confiance en Dieu. La prière qu'il lui adressa était presque un reproche: PP 357 2 "Pourquoi as-tu affligé ton serviteur? lui dit-il, et pourquoi n'ai-je pas trouvé grâce devant tes yeux, pour que tu aies mis sur moi la charge de tout ce peuple? ... Où prendrai-je de la viande pour en distribuer à ce peuple? Car ils pleurent autour de moi, en disant: Donne-nous de la viande à manger? Je ne puis pas, à moi seul, porter tout ce peuple, car il est trop pesant pour moi." PP 357 3 L'exaucement ne tarda pas. L'Éternel lui dit: "Assemble-moi soixante-dix hommes parmi les anciens d'Israël, de ceux que tu connais pour être des anciens du peuple, et comme ayant sur lui de l'autorité" -- non seulement de l'âge, mais de l'expérience, de la dignité et un jugement sain -- "et amène-les à la tente d'assignation, et qu'ils se tiennent là avec toi. Je descendrai, et je parlerai là avec toi; je prendrai de l'esprit qui est en toi, et je le mettrai sur eux, afin qu'ils portent avec toi la charge du peuple, et que tu ne la portes pas toi seul." PP 357 4 Dieu permet à Moïse de choisir lui-même les hommes les plus fidèles et les plus capables de partager ses responsabilités. Leur influence va l'aider à mettre un frein à la violence du peuple et à calmer l'insurrection. Mais de la création de cette charge nouvelle vont résulter des maux sérieux pour l'avenir. Ces hommes n'auraient jamais été appelés à remplir ces fonctions, si Moïse s'était souvenu des preuves qu'il avait eues de la puissance et de la bonté de Dieu. S'il s'était entièrement appuyé sur lui, il aurait obtenu une force proportionnée à cette éventualité. Mais s'exagérant ses responsabilités et son travail, il avait en quelque sorte perdu de vue le fait qu'il n'était qu'un instrument entre les mains de Dieu. Il n'était donc pas excusable de participer ainsi à l'esprit de murmure qui faisait le malheur d'Israël. PP 358 1 Dieu lui donna ensuite l'ordre de préparer le peuple à écouter ce qu'il allait faire pour eux: "Tu diras au peuple: Sanctifiez-vous pour demain, et vous aurez de la viande à manger. Puisque vous avez pleuré aux oreilles de l'Éternel, en disant: Qui nous fera manger de la viande? Car nous étions bien en Égypte! ... l'Éternel vous donnera de la viande, et vous en mangerez. Vous n'en mangerez pas un jour, ni deux, ni cinq, ni dix, ni vingt jours, mais jusqu'à un mois entier, jusqu'à ce qu'elle vous sorte par les narines, et que vous en soyez dégoûtés, parce que vous avez rejeté l'Éternel qui est au milieu de vous, et que vous avez pleuré en disant: Pourquoi sommes-nous donc sortis d'Égypte?" PP 358 2 Moïse s'écria: "Le peuple au milieu duquel je suis compte six cent mille hommes à pied; et tu viens dire: Je leur donnerai de la viande, et ils en mangeront un mois entier. Egorgera-t-on des brebis et des boeufs autant qu'il en faudra pour eux? Ou prendra-t-on pour eux tous les poissons de la mer, en sorte qu'il y en ait suffisamment pour eux?" PP 358 3 Censuré pour son manque de foi, Moïse entendit cette réponse: "Le bras de l'Éternel est-il trop court? Tu verras maintenant si ce que je t'ai dit arrivera ou non." PP 358 4 Moïse répéta les paroles de Dieu à la congrégation et annonça la nomination des soixante-dix anciens. La sommation du conducteur d'Israël à ces hommes pourrait être avantageusement adressée aux magistrats et aux législateurs des temps modernes: "Écoutez vos frères vous exposer leur cause et jugez avec justice les différends de chacun d'eux avec son frère ou avec l'étranger. Vous n'aurez point égard, dans vos jugements, à l'apparence des personnes. Vous écouterez le petit comme le grand, sans craindre personne, car le jugement appartient à Dieu."(10) PP 358 5 Les soixante-dix furent alors appelés au tabernacle. "Alors l'Éternel descendit dans la nuée, et il parla à Moïse. Il prit une partie de l'Esprit qui l'animait, et il le mit sur les soixante-dix anciens. Dès que l'Esprit reposa sur eux, ils commencèrent à prophétiser." Comme les disciples au jour de la Pentecôte, ils reçurent "la puissance d'en haut". En les préparant ainsi pour leurs fonctions, Dieu voulut les honorer en présence de la congrégation, afin qu'on reconnût en eux des hommes divinement choisis pour collaborer avec Moïse dans le gouvernement d'Israël. PP 359 1 A cette occasion, on vit une fois de plus se manifester l'esprit noble et désintéressé du prophète. Deux des soixante-dix, se jugeant indignes d'une si haute charge, ne s'étaient pas présentés au tabernacle. Mais l'Esprit de Dieu descendit sur eux à l'endroit où ils se trouvaient, et ils se mirent aussi à prophétiser. Quand il apprit cela, Josué, craignant que le désordre ne résultât de cette irrégularité, voulut la faire cesser. Jaloux pour l'honneur de son maître, il lui dit: "Moïse, mon seigneur, empêche-les! Moïse lui répondit: Es-tu jaloux pour moi? Ah! plût à Dieu que tout le peuple de l'Éternel fût prophète, et que l'Éternel mît son esprit sur eux!" PP 359 2 Alors un vent violent qui soufflait de la mer "amena les cailles, et les répandit sur le camp, sur une étendue d'environ une journée de marche, dans un sens et dans l'autre, autour du camp; il y en avait sur le sol une couche de près de deux coudées d'épaisseur".(11) Ce jour-là, toute la nuit et tout le jour suivant, le peuple s'occupa à ramasser cette nourriture mise miraculeusement à sa portée. On en fit de grandes provisions. "Celui qui en ramassa le moins en avait dix homers." Tout ce qui n'était pas consommé immédiatement, on le fit sécher, de sorte qu'il y en eut, selon la parole de l'Éternel, pour tout un mois. Si Dieu donnait ainsi à Israël un aliment peu propre à assurer son bien-être physique, c'était parce qu'il s'obstinait à le demander. Le violent désir du peuple fut satisfait, mais il dut en subir les conséquences. Il s'abandonna sans frein à sa gourmandise, et ses excès furent promptement punis. "L'Éternel frappa le peuple d'un très grand fléau." Un grand nombre d'Israélites périrent des suites d'une fièvre violente; les plus coupables moururent dès qu'ils eurent touché à la nourriture convoitée. PP 359 3 A Hatseroth, l'étape qui suivit celle de Tabééra, une épreuve plus amère encore attendait Moïse. Son frère et sa soeur, Aaron et Marie, avaient occupé une très haute position en Israël. L'un comme l'autre étaient favorisés du don de prophétie et ils avaient, par la faveur de Dieu, collaboré avec Moïse lors de la délivrance du peuple. Un prophète le rappelle en ces termes: "Je t'ai délivré de la maison de servitude; j'ai envoyé devant toi Moïse, Aaron et Marie."(12) La force de caractère de Marie s'était déployée très tôt. Toute jeune, elle avait surveillé auprès du Nil le coffret où était placé son frère, encore nourrisson. Dieu s'était servi de son sang-froid et de son tact pour conserver à son peuple un futur libérateur. Poétesse et musicienne de grand talent, elle avait dirigé, sur le rivage de la mer Rouge, le choeur et la danse des femmes d'Israël. Elle ne le cédait ainsi, dans les affections du peuple et dans les honneurs qu'elle avait reçus de Dieu, qu'à Moïse et à Aaron. Hélas! le péché qui avait jeté la discorde dans le ciel surgit aussi dans le coeur de cette fille d'Israël, et, malheureusement, la sympathie ne lui fit pas défaut. PP 360 1 Marie et Aaron n'avaient pas été consultés dans le choix des soixante-dix anciens, et ils en conçurent un sentiment de jalousie contre Moïse. Auparavant déjà, ils avaient craint de voir leur influence sur ce dernier éclipsée par d'autres. Lors de la visite de Jéthro, sacrificateur de Madian et beau-père de Moïse, dont les conseils avaient été acceptés avec empressement par celui-ci, ils l'avaient blâmé de méconnaître leur position et leur autorité. Marie et Aaron n'avaient jamais connu les soucis ni porté les responsabilités qui pesaient sur leur frère. Mais comme ils avaient été choisis pour le seconder, ils pensaient que Moïse devait partager avec eux, à titre égal, les charges de la direction. Ils envisageaient d'ailleurs comme superflue la nomination d'un plus grand nombre d'assistants. PP 360 2 Pénétré plus que tout autre de l'importance de la grande oeuvre qui lui avait été confiée, Moïse était conscient de sa faiblesse et faisait de Dieu son conseiller. Aaron avait une plus haute opinion de lui-même et possédait moins de confiance en Dieu. Au Sinaï, en acquiesçant docilement aux désirs du peuple, il avait démontré la faiblesse de son caractère et trahi la confiance placée en lui. Aveuglés par la jalousie et l'ambition, Marie et Aaron oublièrent tout cela. Hautement honoré par le choix de sa famille au saint office de la prêtrise, ce dernier y puisait en ce moment-là un aliment pour son ambition. "Est-ce par Moïse seul que l'Éternel a parlé?" demandèrent le frère et la soeur. "N'a-t-il pas aussi parlé par nous?"(13) Ils se considéraient comme favorisés de Dieu dans la même mesure que Moïse, et ils estimaient avoir droit aux mêmes prérogatives. PP 361 1 Cédant à son mécontentement, Marie critiqua des événements que Dieu avait tout spécialement dirigés. Le mariage de Moïse lui avait déplu. Le fait qu'il avait pris une femme en dehors du peuple d'Israël lui paraissait une injure faite à sa famille et blessait son orgueil national. Aussi ses rapports avec Séphora étaient-ils marqués d'un mépris mal déguisé. PP 361 2 Appelée "éthiopienne",(14) l'épouse de Moïse était Madianite, et par conséquent descendante d'Abraham. Au physique, elle ne différait des Hébreux que par son teint légèrement plus bronzé. Sans être israélite, Séphora adorait le vrai Dieu. Timide, modeste, douce et affectueuse, elle se montrait très sensible à la souffrance. C'était la raison pour laquelle Moïse, en route pour l'Égypte, avait exigé son retour au pays de Madian, afin de lui épargner le spectacle des châtiments qui devaient frapper les Égyptiens. PP 361 3 Quand Séphora rejoignit son mari dans le désert, elle fut témoin de son surmenage et de sa fatigue. Elle en fit part à Jéthro qui, pour le soulager, suggéra les mesures que l'on sait. Là était la principale raison de l'antipathie de Marie pour sa belle-soeur. Blessée au vif par la négligence dont elle s'imaginait être l'objet, ainsi qu'Aaron, elle en attribuait la cause à Séphora et pensait que l'influence de celle-ci l'avait exclue des conseils de son frère. Si Aaron avait été loyal et ferme, il aurait pu conjurer le mal. Mais il sympathisa avec sa soeur et finit par partager sa jalousie. PP 361 4 "Or, Moïse était un homme fort doux, plus qu'aucun homme qui fût sur la terre." Il supporta leurs accusations avec un silence résigné. C'est ce qui lui avait valu, de la part de Dieu, une mesure de sagesse supérieure à toute autre. L'humilité et la longanimité qui lui permettaient de supporter patiemment l'incrédulité et les murmures du peuple, ainsi que l'orgueil et l'envie de ceux qui auraient dû être ses collaborateurs les plus dévoués, ces vertus il les avait acquises durant les années de labeur et d'attente qu'il avait passées au pays de Madian. PP 361 5 La sainte Écriture dit que Dieu "fera marcher les humbles dans la justice, et enseignera sa voie aux humbles".(15) Le Seigneur guide ceux qui consentent à recevoir des conseils, parce qu'ils ont un désir sincère d'accomplir sa volonté. Jésus a fait cette promesse: "Si quelqu'un veut faire la volonté de Dieu, il connaîtra si ma doctrine est de Dieu."(16) Et on lit dans l'épître de Jacques: "Si l'un de vous manque de sagesse, qu'il la demande à Dieu, qui donne à tous libéralement, sans rien reprocher; et elle lui sera donnée."(17) Mais Dieu ne contraint personne et ne peut conduire ceux qui, trop orgueilleux pour apprendre, sont décidés à agir à leur guise. De l'homme à l'esprit partagé, qui suit sa propre volonté tout en prétendant faire celle de Dieu, il est écrit: "Que cet homme-là ne s'attende point à recevoir quelque chose de la part du Seigneur."(18) PP 362 1 Dieu avait choisi Moïse et placé sur lui son Esprit. En murmurant contre lui, Marie et Aaron se rendaient coupables de déloyauté, non seulement envers leur chef terrestre, mais aussi envers Dieu lui-même. Ils furent convoqués au tabernacle. "L'Éternel dit soudain à Moïse, à Aaron et à Marie: Rendez-vous, tous les trois, vers la tente d'assignation. Et ils y allèrent tous les trois. L'Éternel descendit dans la colonne de nuée et se tint à l'entrée de la tente; puis il appela Aaron et Marie, qui s'avancèrent tous les deux. Il leur dit: Écoutez bien mes paroles. S'il y a parmi vous un prophète, moi, l'Éternel, je me fais connaître à lui; je lui parle en songe. Il n'en est pas ainsi de mon serviteur Moïse, qui est fidèle dans toute ma maison. ... Pourquoi donc n'avez-vous pas craint de parler contre mon serviteur, contre Moïse? Ainsi le courroux de l'Éternel s'enflamma contre eux; il s'en alla, et la nuée se retira de dessus la tente. Au même moment, Marie se trouva couverte de lèpre, blanche comme la neige." PP 362 2 A part la sévère leçon que lui infligeait le châtiment de Marie, Aaron fut épargné. Leur orgueil à tous deux était humilié jusque dans la poussière. Aaron confessa leur péché et supplia que sa soeur ne restât point sous le coup de cette maladie repoussante et mortelle. En réponse aux prières de Moïse, Marie fut délivrée, mais elle dut demeurer sept jours en dehors du camp. Le symbole de la faveur divine n'était revenu sur le tabernacle que lorsque la soeur d'Aaron avait été exclue du camp. Par déférence pour sa haute situation, et pour marquer le chagrin que lui causait l'épreuve qui l'avait frappée, toute la multitude attendit, à Hatséroth, son retour. PP 363 1 Cette manifestation du déplaisir de Dieu devait servir d'avertissement à tout Israël et mettre fin à l'esprit de mécontentement et d'insubordination qui allait croissant. De grands malheurs seraient arrivés si l'envie et l'aigreur de Marie n'avaient été réprimées d'une façon exemplaire. L'envie est un des traits les plus sataniques et les plus funestes qui puissent se loger dans le coeur humain. PP 363 2 La fureur est cruelle et la colère est comme un torrent; Mais qui pourra subsister devant la jalousie?(19) PP 363 3 C'est l'envie qui a donné naissance à la discorde dans le ciel et qui, depuis, a inondé le monde de maux incalculables. Partout où il y a jalousie et "esprit de dispute, il y a désordre et toute espèce de mal."(20) Dire du mal des autres, se constituer juge de leurs mobiles ou de leurs actes ne devrait pas être considéré comme une faute légère. "Celui qui médit de son frère ou qui juge son frère médit de la loi et juge la loi. Or si tu juges la loi tu n'es pas observateur de la loi, tu t'en rends le juge."(21) Il n'y a qu'un seul juge: c'est "celui qui mettra en lumière tout ce que les ténèbres cachent, et qui manifestera les desseins des coeurs."(22) Tout homme qui s'arroge le droit de juger et de condamner ses semblables usurpe une des prérogatives du Créateur. PP 363 4 La Bible nous recommande tout spécialement de ne pas porter à la légère des accusations contre ceux que Dieu a choisis comme ses ambassadeurs. L'apôtre Pierre parle de gens "audacieux, arrogants, [qui] ne craignent pas de parler injurieusement des gloires, tandis que des anges, leurs supérieurs en force et en puissance, ne prononcent point contre elles, devant le Seigneur, de jugement injurieux".(23) PP 363 5 De même, dans ses instructions à ceux qui ont la charge des églises, l'apôtre Paul écrit: "Ne reçois aucune accusation contre un ancien, si ce n'est sur la déposition de deux ou trois témoins."(24) PP 363 6 Celui qui a confié à des hommes la lourde responsabilité de conducteurs et de docteurs de son peuple tiendra celui-ci responsable de la manière dont il aura traité ses serviteurs. Nous devons honorer ceux que Dieu a honorés. Le châtiment infligé à Marie doit servir d'avertissement à tous les hommes qui cèdent à la jalousie et au murmure contre ceux auxquels Dieu assigne une tâche importante dans son oeuvre. ------------------------Chapitre 34 -- Les douze espions PP 365 1 Onze jours après avoir quitté la montagne d'Horeb, les Hébreux campèrent à Kadès, dans le désert de Paran, aux confins de la terre promise. Le peuple proposa d'envoyer des espions pour explorer le pays. L'Éternel, consulté par Moïse, y consentit, à condition de choisir un des principaux de chaque tribu. Les douze hommes désignés furent chargés par Moïse d'aller visiter la contrée et d'en étudier la situation et les avantages naturels. Il leur recommanda d'examiner si ceux qui l'habitaient étaient forts ou faibles, braves et nombreux, et si le sol en était fertile, sans oublier d'en apporter des produits. PP 365 2 Les espions partirent et parcoururent tout le pays jusqu'à sa limite septentrionale. Au bout de quarante jours, ils étaient de retour. Plein d'espoir, le peuple les attendait avec une impatience mal contenue. La nouvelle de leur retour, portée de tribu en tribu, fut saluée par des cris de joie, et on accourut précipitamment à leur rencontre. Ceux-ci, qui avaient échappé à de grands dangers, présentèrent, entre autres échantillons de la fertilité du sol, une grappe de raisin d'une dimension telle qu'elle avait dû être portée par deux hommes. Ils avaient aussi avec eux des figues et des grenades dont le pays abondait. PP 366 1 Heureux à la perspective d'entrer en possession d'un pays si fertile, le peuple écouta avec le plus vif intérêt, et de façon à n'en pas perdre une parole, le rapport qui fut présenté à Moïse. "Nous sommes allés dans le pays où tu nous avais envoyés, commencèrent les espions; c'est vraiment un pays où coulent le lait et le miel, et en voici des fruits."(1) PP 366 2 L'enthousiasme était à son comble: le peuple était tout prêt à obéir à la voix de l'Éternel et à prendre possession du pays promis. Mais, après en avoir décrit la beauté et la fertilité, tous les espions, sauf deux, se mirent à exagérer les difficultés et les dangers de l'entreprise. Ils énumérèrent les nations puissantes qui l'occupaient. Ils déclarèrent que les villes étaient très grandes et entourées de murailles, que ceux qui les occupaient étaient puissants, et qu'on ne pouvait en faire la conquête. Ils y avaient même vu des géants, fils d'Anak. PP 366 3 La scène changea. A l'ouïe des paroles défaitistes inspirées aux espions par Satan, un voile de tristesse tomba sur la congrégation, et un lâche désespoir s'empara de tous les coeurs. Au lieu de prendre le temps de réfléchir, le peuple oublia le passage de la mer Rouge et la destruction de ses oppresseurs. Il oublia que celui qui l'avait conduit jusque-là pouvait sûrement lui donner la terre promise. Laissant Dieu en dehors de ses pensées, il agit comme si l'entreprise ne dépendait que de la force de son bras. C'était renier la main puissante qui l'avait dirigé par une longue suite de miracles. Aussi les murmures éclatèrent-ils de nouveau contre Moïse et contre Aaron. "C'est donc ici, criait-on, la fin de tous nos beaux espoirs! C'est donc là le pays pour lequel nous avons fait tout ce voyage depuis l'Égypte!" Et l'on accusa les chefs d'avoir trompé le peuple et de l'avoir amené dans une impasse. PP 366 4 Affolée, la foule pousse une immense clameur, mêlée de gémissements. Comprenant la gravité de la situation et la nécessité de réagir vigoureusement contre l'effet produit par ses collègues infidèles, Caleb se lève et se met à rappeler hautement les promesses de Dieu. Il ne conteste pas ce qui vient d'être dit. Il convient que les villes ont de hautes murailles et que les Cananéens sont puissants. "Mais Dieu nous a promis ce pays! s'écrie-t-il. Montons et emparons-nous du pays, car nous aurons la victoire!" En entendant ces paroles d'espérance et de courage, la foule se calme un instant. Mais les dix lâches interrompent Caleb et reviennent sur les obstacles qu'ils dépeignent en couleurs encore plus sombres. "Nous ne pourrons pas lutter contre ce peuple, disent-ils, car il est plus fort que nous. Tous ceux que nous y avons vus sont des hommes de haute taille. Nous y avons même vu les géants, enfants d'Anak, de la race des géants; nous étions à nos propres yeux comme des sauterelles, et nous l'étions aussi à leurs yeux." PP 367 1 Persévérant dans leurs propos défaitistes, ces hommes se dressent contre Caleb et Josué, contre Moïse et contre Dieu. De plus en plus déterminés à combattre toute idée de faire la conquête de Canaan, ils vont jusqu'à falsifier les faits, et à dire: "C'est un pays qui dévore ses habitants!" Ce rapport était mensonger, les espions se contredisaient, puisqu'ils avaient déclaré que le pays était fertile et prospère, et que ses habitants étaient de haute stature, ce qui eût été impossible si le climat y était meurtrier. Voilà jusqu'où vont les hommes qui se livrent à l'incrédulité, c'est-à-dire à l'influence de Satan! PP 367 2 "Alors toute l'assemblée éleva la voix et se mit à pousser des cris; et le peuple pleura pendant cette nuit-là." Bientôt, la scène dégénéra en tumulte. Le peuple semblait avoir perdu la raison. Oubliant que Dieu entendait leurs discours et que l'ange de sa présence, enveloppé dans la colonne de nuée, était témoin de cette explosion de fureur, les Hébreux allaient jusqu'à maudire Moïse et Aaron. "Que ne sommes-nous morts dans le pays d'Égypte, ou que ne sommes-nous morts dans ce désert!" criait-on. Puis l'on s'attaqua au Dieu du ciel: "Pourquoi l'Éternel nous mène-t-il dans ce pays-là, où nous tomberons sous les coups de l'épée? Nos femmes et nos petits enfants y seront la proie des ennemis. Ne vaudrait-il pas mieux, pour nous, retourner en Égypte? Et ils se dirent l'un à l'autre: Nommons un chef, et retournons en Égypte." PP 367 3 Ils accusaient donc non seulement Moïse, mais Dieu lui-même de les avoir trompés en leur promettant un pays qu'ils ne pouvaient conquérir. Et on allait nommer un chef qui les reconduirait au pays de la souffrance et de la servitude, au pays dont ils avaient été retirés par le bras du Dieu omnipotent! PP 368 1 Dans leur humiliation et leur détresse, et ne sachant que faire pour détourner le peuple d'un acte de folie, "Moïse et Aaron tombèrent sur leur visage, devant toute l'assemblée réunie des enfants d'Israël". Caleb et Josué s'efforcèrent d'apaiser le tumulte. Les vêtements déchirés en signe de douleur et d'indignation, ils se jetèrent au milieu du peuple, et leurs voix retentissantes dominant la tempête de gémissements et de récriminations, firent entendre ces paroles: "Le pays que nous avons parcouru pour l'explorer est un fort bon pays. Si l'Éternel nous est favorable, il nous fera entrer dans ce pays et nous le donnera; c'est un pays où coulent le lait et le miel. Seulement, ne vous révoltez pas contre l'Éternel, et ne craignez point le peuple de ce pays; car ils seront notre pâture. L'ombre qui les protégeait s'est retirée d'eux, car l'Éternel est avec nous. Ne les craignez point!" PP 368 2 Les Cananéens avaient comblé la mesure de leurs iniquités et Dieu ne devait pas les supporter plus longtemps. Sa protection une fois retirée, ils devenaient une proie facile. Par la promesse du Seigneur, leur pays était acquis à Israël. Mais le faux rapport des espions infidèles avait comme ensorcelé la congrégation. L'oeuvre des traîtres avait réussi. L'incrédulité d'Israël était telle que s'il y avait eu dix espions contre deux pour encourager le peuple à marcher de l'avant au nom de l'Éternel, ils auraient pris l'avis des deux contre les dix. PP 368 3 Ceux-ci, sans plus de gêne, dénoncèrent bruyamment Caleb et Josué. On cria bientôt qu'il fallait les lapider; la populace en démence ramassa divers projectiles et s'élança contre eux en poussant des cris de rage. Soudain les pierres tombèrent des mains. Il se produisit un grand silence, et la foule se mit à trembler de frayeur. Dieu intervenait pour arrêter son dessein meurtrier. A la vue du peuple entier, la gloire de sa présence illumina tout à coup le tabernacle d'une clarté flamboyante. Un Être plus puissant était là, devant lequel nul n'osa continuer la résistance. Les espions mensongers, frappés de terreur, coururent haletants se blottir sous leurs tentes. PP 368 4 Moïse étant entré dans le tabernacle, l'Éternel lui dit: "Jusques à quand ce peuple me méprisera-t-il?... Je le frapperai de la peste et je le détruirai; mais je te ferai devenir toi-même une nation plus grande et plus puissante que celle-ci." Moïse ne peut consentir à cette proposition; il plaide pour son peuple en faisant appel à la miséricorde divine: "Je t'en prie, supplie-t-il, que la puissance du Seigneur se montre dans toute sa grandeur, ainsi que tu l'as déclaré quand tu as dit: l'Éternel est lent à la colère et abondant en grâce. ... Oui, pardonne, je te prie, l'iniquité de ce peuple selon la grandeur de ta miséricorde, comme tu lui as déjà pardonné depuis l'Égypte jusqu'ici." PP 369 1 Dieu promet à Moïse d'épargner Israël d'une destruction immédiate, mais il ne pourra manifester sa puissance ni donner à son peuple la victoire sur ses ennemis. En conséquence, dans sa miséricorde, il lui ordonne de faire volte-face et de reprendre la direction de la mer Rouge. PP 369 2 Dans son égarement, le peuple s'était écrié: "Que ne sommes-nous morts dans ce désert!" Cette prière allait être exaucée. Dieu ajoute: "Aussi vrai que je suis vivant, je vous traiterai selon les paroles mêmes que j'ai entendues de vous. Oui, vos cadavres tomberont dans ce désert. Vous tous, dont on a fait le recensement, tous, tant que vous êtes, depuis l'âge de vingt ans et au-dessus. Mais j'y ferai entrer vos petits-enfants, dont vous avez dit: Ils seront la proie des ennemis; et ils connaîtront le pays que vous avez méprisé." PP 369 3 De Caleb, Dieu déclare: "Mais, parce que mon serviteur Caleb a été animé d'un autre esprit et m'a fidèlement obéi, je le ferai entrer dans le pays où il est allé, et sa postérité en prendra possession." PP 369 4 Les espions avaient consacré quarante jours à leur voyage d'exploration. Dieu annonce qu'Israël devra errer pendant quarante ans dans le désert. Les dix infidèles, frappés par une plaie, périssent sous les yeux de la multitude, qui, dans ce châtiment, lit le sort qui l'attend. PP 369 5 La sentence condamnant Israël à errer quarante ans avant d'entrer au pays de Canaan, bien qu'apportant un amer désappointement à Moïse et à Aaron, comme à Caleb et à Josué, fut acceptée sans un murmure. PP 369 6 En revanche, quand Moïse fit connaître la décision divine au peuple, celui-ci l'accueillit avec des manifestations de douleur et d'emportement qui finirent par des lamentations. Il savait qu'il avait commis un péché odieux en se laissant aller à un mouvement de violence criminelle contre les espions qui le suppliaient d'obéir à Dieu. Et il découvrait, terrifié, qu'il avait commis une faute dont les conséquences seraient désastreuses. Les Israélites parurent sincèrement repentants et attristés de leur déplorable conduite, mais c'était le résultat de leur égarement qu'ils déploraient et non leur ingratitude et leur désobéissance. Si, en voyant leur échapper le bienfait qu'ils avaient méprisé, ils s'étaient affligés de leur péché, la sentence n'eût pas été prononcée. Mais ils s'étaient lamentés sans cause, et maintenant Dieu leur donnait lieu de s'affliger. Les coeurs n'étant pas changés, il ne leur fallait qu'un prétexte pour recommencer la révolte. Ce prétexte fut l'ordre divin, intimé par Moïse, de retourner au désert. Dieu mettait à l'épreuve leur soumission apparente et leur prouvait qu'elle n'était pas réelle. En empêchant Israël d'entrer en Canaan, Satan avait atteint son but. Maintenant il va le pousser, au mépris de la sentence divine et réduit à ses propres forces, à faire précisément ce qu'il a refusé d'accomplir quand Dieu le lui a ordonné. Lamentable aveuglement! PP 370 1 La nuit se passe en gémissements. Avec le jour l'espoir renaît, le peuple prend la résolution de racheter sa poltronnerie. Non moins rebelle qu'auparavant, il décide d'entrer en Canaan malgré tout, de conquérir le pays et de s'y établir. Il reconnaît donc la valeur de ce qu'il a stupidement refusé. "Nous avons péché, admet-il, après avoir accusé Dieu de ne pas accomplir ses promesses. Nous voici, nous monterons à l'endroit dont l'Éternel a parlé; car nous avons péché."(2) Sans être sincère, ce repentir s'inclinait néanmoins devant la justice divine. PP 370 2 Aujourd'hui encore, Dieu fait éclater sa gloire en portant les hommes à reconnaître, malgré eux, sa justice. Il en sera ainsi quand sa colère sera finalement déclenchée sur les injustes. Lorsque le Seigneur viendra "avec ses saintes myriades, pour exercer le jugement contre tous", il "convaincra tous les impies de toutes les oeuvres d'impiété qu'ils ont commises".(3) Les pécheurs impénitents seront amenés à confesser la justice de leur condamnation. PP 371 1 Sans tenir compte de la volonté divine, les Israélites se préparent à entreprendre la conquête de Canaan. Revêtus de cuirasses et munis d'armes diverses, ils se croient sûrs de vaincre. Quarante ans plus tard, quand Dieu ordonnera à Israël de prendre Jéricho, il l'accompagnera. L'arche renfermant sa loi sera portée devant les armées et les chefs commanderont leurs mouvements sous la direction divine. Ici, c'est contrairement aux ordres de Dieu et de ses chefs, sans l'arche et sans Moïse, qu'il va au-devant de l'ennemi! PP 371 2 La trompette d'alarme se fit entendre. Moïse se rendit en hâte auprès de la troupe et leur dit: "Pourquoi transgressez-vous le commandement de l'Éternel? Cela ne vous réussira point. N'y montez pas, de peur que vous ne soyez battus par vos ennemis; car l'Éternel n'est pas au milieu de vous. Les Amalécites et les Cananéens sont là devant vous."(4) PP 371 3 Ayant entendu parler de la puissance mystérieuse qui paraissait protéger ce peuple et des miracles qui s'accomplissaient en sa faveur, les Cananéens avaient réuni une forte armée pour repousser les envahisseurs. Les assaillants ne possédaient pas de chef. Ils n'avaient pas demandé à Dieu de leur donner la victoire; ils partaient avec la résolution désespérée de changer leur sort ou de périr dans la bataille. Quoique étrangères au métier des armes, les milices d'Israël constituaient une multitude d'hommes armés qui se flattaient de tout renverser par un assaut furieux et irrésistible. Ils s'élancèrent follement au-devant d'un ennemi qui n'avait pas osé les attaquer. PP 371 4 Les Cananéens avaient pris position sur un plateau entouré de rochers, et auquel on ne parvenait que par des passages d'une ascension dangereuse. Le grand nombre des Hébreux ne pouvait que rendre leur défaite plus sanglante. Ils se mirent à gravir les sentiers des montagnes, exposés aux projectiles meurtriers de leurs ennemis campés sur les hauteurs. D'énormes blocs de rochers descendaient sur les Israélites en marquant leur passage par le sang des victimes qu'ils écrasaient. Ceux qui parvinrent au sommet, épuisés par l'ascension, furent repoussés avec acharnement et durent se replier avec de lourdes pertes. Le champ de bataille était couvert de cadavres, et l'armée israélite, complètement défaite. Cette folle équipée s'achevait dans le désastre. PP 372 1 Forcés de battre en retraite, les survivants revinrent au camp en pleurant devant l'Éternel, dont ils ne reçurent aucune consolation.(5) La victoire des ennemis d'Israël, qui avaient attendu en tremblant l'approche de cette nombreuse armée, les remplit de courage. Ils prirent pour de faux rapports tout ce qu'ils avaient entendu des choses merveilleuses que Dieu avait accomplies pour son peuple et ils abandonnèrent toutes leurs frayeurs. PP 372 2 En inspirant de l'espoir aux Cananéens, cette première défaite d'Israël allait augmenter considérablement les difficultés de la conquête. Il ne lui restait donc plus qu'à se retirer devant ses ennemis victorieux et à s'enfoncer dans le désert qui devait être, ainsi qu'ils le savaient, le tombeau de toute une génération. ------------------------Chapitre 35 -- La révolte de Coré PP 373 1 Les malheurs qui avaient frappé les Israélites calmèrent pour un temps leurs murmures et leur insubordination. Mais l'esprit de révolte qui couvait dans les coeurs finit par porter des fruits amers. Les précédentes séditions n'avaient été que des soulèvements populaires brusques et irraisonnés. On allait maintenant assister à une conspiration froidement ourdie dans le but de renverser des chefs divinement choisis. PP 373 2 Coré, l'âme du mouvement, Lévite, de la famille de Kéhath et cousin de Moïse, était un homme capable et influent. Chargé du service du tabernacle, il ne fut bientôt plus satisfait de son poste et aspira à la prêtrise qui avait été attribuée à Aaron et à sa famille, en échange des premiers-nés, honneur qui avait donné lieu à des jalousies et à des mécontentements. PP 373 3 Depuis quelque temps, Coré menait une sourde opposition contre Moïse et Aaron, mais sans oser se livrer ouvertement à aucun acte hostile. Il conçut finalement le dessein hardi de renverser leur autorité tant civile que religieuse. Il n'eut pas de peine à trouver des partisans. Au sud du tabernacle, près des tentes de Coré et des Kéhathites, se trouvait le secteur de la tribu de Ruben, comprenant les tentes de Dathan et d'Abiram, deux princes de cette tribu. Ces deux hommes influents embrassèrent avec empressement les plans ambitieux du Lévite. Descendants du fils aîné de Jacob, et prétendant que l'autorité civile leur revenait, ils résolurent de partager avec Coré les honneurs du sacerdoce. PP 374 1 Les desseins de Coré furent favorisés par l'état des esprits. L'amertume du désappointement avait fait reparaître, parmi le peuple, le doute, la jalousie et la haine, et on entendait à nouveau des plaintes dirigées contre le patient chef d'Israël. Le peuple oubliait qu'il était dirigé par Dieu, que l'Ange de l'alliance, son chef invisible, qui marchait devant eux voilé par la colonne de nuée, était le Fils de Dieu, et que c'était de lui que Moïse recevait toutes ses instructions. PP 374 2 Ces hommes regimbèrent contre la terrible sentence qui les condamnait à mourir dans le désert. Ils étaient prêts à s'emparer de tout prétexte pour conclure que ce n'était pas Dieu mais Moïse qui les conduisait et avait fixé leur sort. Ni les tentatives renouvelées de l'homme le plus doux de la terre, ni les rangs décimés qui leur rappelaient le déplaisir de Dieu ne parvinrent à réduire leur insubordination et à les ramener à la raison. Une fois de plus, ils succombaient à la tentation. PP 374 3 L'humble vie de berger de Moïse en Madian avait été beaucoup plus heureuse que son rôle de chef de cette immense et turbulente multitude. Mais il n'avait pas eu le choix. A la place de sa houlette de pasteur de brebis, il avait reçu une mission dont il ne pouvait se dessaisir que sur l'ordre de Dieu. PP 374 4 Celui qui lit les desseins des coeurs et qui connaissait les projets de Coré et de ses affidés, avait donné à son peuple des avertissements et des instructions qui auraient dû le mettre en garde contre les trames des conspirateurs. A la suite des plaintes de Marie contre son frère, le peuple avait vu cette femme frappée d'un jugement divin. L'Éternel avait déclaré que Moïse était plus grand qu'un prophète. "Je lui parle face à face", avait-il dit. Et il avait ajouté: "Pourquoi donc n'avez-vous pas craint de parler contre mon serviteur, contre Moïse?"(1) Ces paroles ne s'adressaient pas à Marie et Aaron seulement, mais à tout Israël. PP 374 5 Coré et ses adhérents avaient été favorisés par des manifestations spéciales de la puissance et de la grandeur divines. Ils faisaient partie de ceux qui étaient montés avec lui sur la montagne et avaient contemplé la gloire de Dieu. Mais, depuis lors, un changement s'était produit en eux. Une légère tentation caressée s'était fortifiée, et ils avaient fini par tomber à tel point sous l'ascendant de Satan qu'ils ne craignaient pas de s'engager dans cette coupable mutinerie. Ils commencèrent par se communiquer tout bas leur mécontentement, puis, en affectant de vouer un profond intérêt à la prospérité du peuple, ils portèrent leurs doléances aux oreilles des principaux d'Israël. Leurs insinuations furent reçues avec tant d'empressement qu'ils finirent par se croire animés d'un saint zèle pour la gloire de Dieu. PP 375 1 Allant plus loin, ils réussirent à s'associer deux cent cinquante hommes haut placés dans la congrégation. Soutenus par ce parti puissant et influent, les conspirateurs ne doutèrent plus de la réussite de leur plan, à savoir: apporter un changement radical dans le gouvernement, et opérer des réformes importantes dans l'administration de Moïse et d'Aaron. PP 375 2 La jalousie avait donné naissance à l'envie; celle-ci mena à l'insurrection. Ces hommes avaient tant discuté sur le droit de Moïse à exercer l'autorité et sur les honneurs dont il jouissait qu'ils en étaient venus à se figurer que sa situation était très enviable, et que n'importe lequel d'entre eux aurait pu la remplir aussi bien que lui. Ils s'étaient mutuellement suggestionnés au point de croire que ces charges, Moïse et Aaron les avaient assumées de leur propre chef. Les mécontents affirmaient qu'en prenant sur eux la prêtrise et le gouvernement, distinctions auxquelles leur maison n'avait pas plus de droit que tant d'autres, ils s'étaient élevés au-dessus de la congrégation de l'Éternel; pas plus saints que le peuple, ils auraient dû se contenter d'être les égaux de leurs frères qui, aussi bien qu'eux, étaient favorisés de la présence et de la protection de Dieu. PP 375 3 Comprenant que rien n'est plus agréable aux gens coupables d'une mauvaise action que d'être entourés de sympathie, les conjurés firent alors une démarche auprès du peuple. Coré et ses adeptes déclarèrent que leurs murmures n'avaient été pour rien dans les jugements de Dieu. La congrégation, ajoutèrent-ils, n'était pas dans son tort, puisqu'elle ne réclamait que son droit. En revanche, Moïse avait montré un esprit autoritaire en censurant un peuple favorisé de la présence divine. PP 376 1 Coré passa en revue l'histoire de leurs pérégrinations à travers le désert et de leurs privations, rappela que leurs murmures et leur désobéissance avaient été suivis de la mort d'un grand nombre d'entre eux, d'où l'on pouvait conclure que si Moïse avait agi autrement leurs déboires auraient été évités. Il était donc responsable de leurs malheurs, et s'ils n'entraient pas au pays de Canaan, c'était la faute de la mauvaise administration de Moïse et d'Aaron. On en déduisait que si Coré devenait le conducteur du peuple et si, au lieu de le censurer, il savait l'encourager en appuyant davantage sur sa bonne conduite, leur voyage serait paisible et prospère. Au lieu d'errer dans le désert, ils pourraient marcher directement vers la terre promise. PP 376 2 Jamais l'union entre les éléments discordants de la multitude n'avait été si complète. Les succès que Coré remportait auprès du peuple augmentaient sa confiance et le confirmaient dans son idée que si l'usurpation de Moïse demeurait impunie, elle serait fatale aux libertés d'Israël. Coré prétendait, en outre, que Dieu lui avait donné une révélation et l'avait autorisé à apporter, avant qu'il ne fût trop tard, un changement dans le gouvernement. PP 376 3 Un bon nombre d'Israélites, cependant, n'étaient pas disposés à accueillir les charges proférées contre Moïse. Le souvenir de son dévouement patient et désintéressé troublait leur conscience. Il fallut, pour les gagner, attribuer à un mobile égoïste son profond intérêt à la prospérité d'Israël. A cet effet, on exhuma une vieille accusation, à savoir que Moïse avait amené Israël dans le désert pour l'y faire périr et le dépouiller. PP 376 4 Jusqu'ici, tout s'était tramé dans l'ombre. Mais aussitôt qu'il jugea le mouvement assez fort pour justifier une rupture ouverte, Coré parut à la tête des factieux et accusa publiquement Moïse et Aaron d'avoir usurpé une autorité à laquelle lui et ses partisans avaient droit au même titre. Il les accusait en même temps d'avoir privé le peuple de sa liberté et de son indépendance. "C'en est assez! disaient les insurgés. Car toute l'assemblée, tous sont consacrés, et l'Éternel est au milieu d'eux. Pourquoi donc vous élevez-vous au-dessus de la congrégation de l'Éternel?"(2) PP 377 1 Moïse n'avait pas soupçonné ce sombre complot. Aussi, quand il en vit tout d'un coup les effrayantes proportions, il se jeta sur sa face et se mit à implorer Dieu en silence. Bientôt il se releva, la douleur empreinte sur son visage, mais calme et digne. Un message divin lui avait été donné. "Demain matin, dit-il, l'Éternel fera connaître qui est à lui, et qui est consacré; et il le fera approcher de lui; et il fera approcher de lui celui qu'il aura choisi." L'épreuve était renvoyée au lendemain, afin de donner à chacun le temps de réfléchir. Ceux qui aspiraient à la prêtrise furent invités à se présenter au tabernacle, pourvus chacun d'un encensoir, pour y offrir l'encens en la présence de la congrégation. D'après la loi, il était explicitement stipulé que seuls ceux qui avaient été appelés à cette sainte fonction pouvaient l'exercer, et cela dans le sanctuaire. Les sacrificateurs Nadab et Abihu eux-mêmes avaient été frappés à mort pour avoir, contrairement à la règle, osé offrir un "feu étranger". Aussi Moïse défiait-il ses accusateurs d'en appeler à Dieu, s'ils avaient le courage d'en affronter le péril. PP 377 2 Désignant Coré et les Lévites qui l'accompagnaient, il leur adressa ces paroles: "Est-ce trop peu pour vous que le Dieu d'Israël vous ait mis à part de l'assemblée d'Israël, et vous ait permis de vous approcher de lui, pour faire le service du tabernacle de l'Éternel, et pour vous présenter devant l'assemblée, afin de la servir? Il te laisse approcher de lui, toi et tous tes frères, les enfants de Lévi, avec toi, et vous recherchez encore le sacerdoce! C'est pour cela que toi et tous ceux qui sont avec toi, vous vous êtes ligués contre l'Éternel! Car qui est Aaron, pour que vous murmuriez contre lui?" PP 377 3 Dathan et Abiram n'avaient pas pris, dans ce mouvement, une part aussi compromettante que Coré. Dans l'espoir qu'ils s'étaient laissé entraîner dans la conspiration sans en comprendre toute la laideur, Moïse leur demanda de venir lui faire part de leurs griefs. Mais ils refusèrent de se rendre à son invitation et nièrent insolemment son autorité. Leur réponse, faite à l'ouïe de tout le peuple, fut la suivante: "Nous ne monterons pas. Est-ce peu de chose que tu nous aies fait sortir d'un pays où coulent le lait et le miel, pour nous faire mourir dans le désert, et que tu veuilles encore dominer sur nous? Certes tu ne nous as pas fait venir dans un pays où coulent le lait et le miel, et tu ne nous as pas donné un héritage de champs ou de vignes! Penses-tu rendre ces gens aveugles?... Nous ne monterons pas." PP 378 1 Appliquant au théâtre de leur esclavage les termes mêmes employés par Dieu pour décrire le pays promis, ils accusaient Moïse de les asservir tout en se disant inspiré d'en haut, et ils lui déclaraient qu'ils n'entendaient plus se laisser mener çà et là comme des aveugles, tantôt vers Canaan et tantôt vers le désert, au gré de son ambition. Et voilà comment celui qui avait été pour eux comme un père, comme un berger patient, devenait à leurs yeux le pire des tyrans et des usurpateurs! Exclus de Canaan par leur propre faute, ils en rejetaient le blâme sur Moïse! PP 378 2 Bien que les sympathies du peuple soient nettement acquises aux mécontents, Moïse ne cherche pas à se justifier. Devant toute l'assemblée, il en appelle solennellement à Dieu comme témoin de la pureté de ses motifs et de la droiture de sa conduite. PP 378 3 Le lendemain, Coré à leur tête, les deux cent cinquante princes se présentèrent au tabernacle avec leurs encensoirs. On les fit entrer dans le parvis, tandis que le peuple s'attroupait à l'entour pour attendre le résultat de l'épreuve. Ce n'était pas Moïse, mais les rebelles qui, dans leur aveuglement, avaient invité la multitude à être témoin de la victoire de Coré, qui se croyait plus que jamais sûr de l'emporter sur Aaron. PP 378 4 Alors la gloire de l'Éternel apparut à toute l'assemblée. Puis le Seigneur parla à Moïse et à Aaron. "Séparez-vous du milieu de cette assemblée, leur dit-il, et je les consumerai en un instant. Mais ils tombèrent sur leur visage, et dirent: O Dieu des esprits de toute chair, un seul homme a péché, et tu t'irriterais contre toute l'assemblée!" PP 378 5 Coré s'était retiré de l'assemblée pour rejoindre Dathan et Abiram. Moïse, accompagné des soixante-dix anciens, alla donner un dernier avertissement aux hommes qui, la veille, avaient refusé de se rendre à son appel. Comme la multitude le suivait, il se tourna vers elle et lui dit: "Éloignez-vous maintenant des tentes de ces hommes pervers, et ne touchez à rien qui leur appartienne, de peur que vous ne périssiez pour tous leurs péchés." Sous l'impression d'une catastrophe imminente, le peuple obéit. PP 379 1 Abandonnés de ceux qu'ils avaient trompés, les chefs de la révolte ne perdirent cependant rien de leur audace. Debout à la porte de leurs tentes, entourés de leurs familles, ils avaient l'air de défier l'avertissement divin. PP 379 2 Alors, à l'ouïe de toute l'assemblée, Moïse fit entendre ce message de la part du Dieu d'Israël: "A ceci vous connaîtrez que l'Éternel m'a envoyé, et que je n'ai rien fait de moi-même: si ces gens-là meurent comme meurent tous les hommes, s'ils subissent le sort commun à tous les hommes, l'Éternel ne m'a point envoyé. Mais si l'Éternel accomplit un prodige tout nouveau, si la terre s'entrouvre et les engloutit avec tout ce qui leur appartient, s'ils descendent vivants dans le Séjour des morts, vous reconnaîtrez qu'ils ont méprisé l'Éternel." PP 379 3 En proie à une profonde émotion, tout Israël avait les yeux fixés sur Moïse. A peine celui-ci avait-il cessé de parler que la terre ferme s'ouvrait, et que les rebelles et leurs familles, avec tout ce qui leur appartenait, étaient engloutis dans le gouffre béant. Le peuple, terrifié, conscient d'avoir participé au mal, prit la fuite. PP 379 4 Ce n'était pas tout. Un feu sortit de la nuée et consuma les deux cent cinquante princes qui avaient offert le parfum. Ils n'avaient pas été punis avec les organisateurs de la conspiration dont ils purent constater le sort, et ils auraient eu l'occasion de se repentir. Mais leurs sympathies pour les rebelles persistant, ils furent frappés à leur tour. PP 379 5 Coré et ses partisans, eux aussi, auraient pu éviter leur châtiment, si, manifestant un sincère regret, ils avaient demandé pardon, alors que Moïse avertissait le peuple de fuir une mort imminente. Par leur obstination, ils se firent justice à eux-mêmes. PP 379 6 Chacun avait plus ou moins sympathisé avec les coupables. L'assemblée entière, qui avait participé à leur péché, venait de recevoir des preuves accablantes de son erreur et de l'innocence de Moïse: une intervention venue d'en haut avait arrêté l'insurrection. A cette heure encore, le peuple, répondant aux appels de la miséricorde, pouvait être sauvé. Dans sa grande compassion, le Fils de Dieu, l'Ange qui marchait devant eux, frappait patiemment à la porte de leurs coeurs et s'efforçait de les préserver de la destruction. PP 380 1 Dieu faisait une distinction entre les auteurs de la révolte et leurs victimes. Reconnaissant l'erreur de Coré, le peuple devait accepter la sentence qui le condamnait à mourir dans le désert. Mais il ne voulait pas se soumettre à ce châtiment; il persistait à croire que Moïse les avait trompés. Tout en fuyant devant le gouffre béant ouvert devant Coré, les Israélites avaient conservé dans leurs coeurs l'effet de ses flatteries et persistaient à espérer qu'un nouvel ordre de choses allait s'établir, une ère où la louange remplacerait la censure et où le bien-être succéderait à la lutte et aux contrariétés. PP 380 2 Ce soir-là, Israël avait regagné ses tentes, terrifié, mais non repentant. Les hommes qui venaient de périr lui avaient adressé tant de paroles agréables, et professé à son égard tant d'intérêt et de bonté, qu'on persistait à voir en ces gens des hommes excellents que Moïse avait fait disparaître. Non seulement on insultait Dieu en rejetant ses fidèles représentants, mais on conspirait leur mort, et l'on ne voyait aucune nécessité de demander pardon au Seigneur de cet énorme péché. Au lieu de passer cette nuit de grâce à se confesser et à se convertir, la foule chercha quelque moyen de résister aux preuves qui lui avaient été données de sa culpabilité. Satan, qui était sur les lieux, pervertissait son jugement et l'aveuglait sur le chemin de la destruction. PP 380 3 Au cri des révoltés, descendus dans les entrailles de la terre, tout Israël s'était enfui en proie à une terreur panique, en s'écriant: "Prenons garde que la terre ne nous engloutisse!" Mais, dès "le lendemain, toute l'assemblée des enfants d'Israël murmura contre Moïse et contre Aaron, en disant: vous avez fait mourir le peuple de l'Éternel". Ils étaient prêts à se livrer à des actes de violence contre leurs conducteurs dévoués et désintéressés quand, au même moment, la gloire divine apparut dans la nuée au-dessus du tabernacle. Une voix se fit entendre, qui dit à Moïse et à Aaron: "Éloignez-vous du milieu de cette assemblée, et je les consumerai en un instant." PP 380 4 Fort de son bon droit, loin de s'enfuir et d'abandonner la congrégation à son sort au milieu de la catastrophe, Moïse reste, berger fidèle, immobile auprès du troupeau qui lui a été confié. Il supplie Dieu de ne pas détruire entièrement le peuple qu'il a choisi. Grâce à son intercession, le bras de la justice divine sera arrêté et Israël, désobéissant et rebelle, ne sera pas décimé. PP 381 1 Mais l'ange de la colère était déjà parti et semait la mort sur son passage. Sur l'invitation de son frère, Aaron prit un encensoir et se rendit en hâte au milieu de l'assemblée, debout "entre les morts et les vivants" pour faire "expiation pour le peuple". En même temps que la fumée du parfum, les prières de Moïse montèrent vers Dieu et la plaie fut arrêtée. Quatorze mille personnes, frappées à mort, avaient payé de leur vie leurs récriminations et leur révolte. PP 381 2 Dieu donna ensuite une nouvelle preuve que le sacerdoce avait été conféré à la famille d'Aaron. Chaque tribu fut invitée à préparer un bâton et à y inscrire son nom. Sur celui de Lévi, on écrivit le nom d'Aaron. "Moïse déposa ces bâtons devant l'Éternel, dans la tente du témoignage." La tribu dont le bâton fleurirait devait être celle que Dieu avait choisie pour le sacerdoce. Le lendemain, "voici que le bâton d'Aaron, pour la maison de Lévi, avait fleuri; sur ce bâton, des boutons avaient germé, des fleurs étaient écloses, et des amandes avaient mûri".(3) On le fit voir au peuple puis on le conserva au tabernacle en témoignage pour la postérité. Ce miracle trancha définitivement la question du sacerdoce. PP 381 3 Il était désormais reconnu que Moïse et Aaron avaient été établis par autorité divine. Le peuple fut contraint d'accepter la triste sentence qui le condamnait à mourir dans le désert. "Voici que nous périssons! s'écriait-on. Nous sommes perdus; oui, nous sommes tous perdus!" C'était confesser qu'Israël avait péché en se rebellant contre ses chefs, et que Coré et sa bande avaient reçu le châtiment qu'ils méritaient. PP 381 4 Sur un théâtre restreint, la révolte de Coré rappelait celle de Lucifer, ses conséquences et l'esprit qui l'avait inspirée. C'étaient l'orgueil et l'ambition qui l'avaient poussé à se plaindre du gouvernement de Dieu et à vouloir renverser l'ordre établi dans le ciel. Et depuis sa chute, le but de Satan a été d'inculquer aux hommes le même esprit d'envie et de mécontentement, la même soif des situations et des faveurs. C'est lui qui avait influencé Coré, Dathan et Abiram pour exciter en eux l'amour des grandeurs, la méfiance et la révolte. En poussant ces hommes à rejeter ceux que Dieu avait choisis, il les avait amenés à secouer l'autorité du ciel, tout en se croyant justes et en considérant ceux qui condamnaient courageusement leurs péchés comme les suppôts de Satan! PP 382 1 Les mauvaises tendances qui ont donné naissance à la révolte de Coré et préparé sa perte existent encore aujourd'hui. L'orgueil et l'ambition se rencontrent partout. Nourris et caressés, ces deux penchants ouvrent la porte à l'envie et à la recherche des honneurs. Le coeur qui s'y livre s'éloigne imperceptiblement de Dieu et se dirige vers la zone de Satan. Semblables à Coré et à ses acolytes, beaucoup d'hommes, même parmi les soi-disant disciples de Jésus, sont à tel point dévorés par le désir d'occuper de hautes situations qu'ils sont prêts, pour s'assurer des partisans, à sacrifier la vérité, à calomnier les hommes de Dieu, et même à les accuser des mobiles égoïstes et honteux qui les animent. A force de répéter, contre toute évidence, ces fausses accusations, ils finissent par les croire vraies. Et, tout en sapant la confiance accordée aux serviteurs de Dieu, ils finissent par se croire engagés dans une bonne oeuvre et à se figurer qu'ils rendent service à Dieu. PP 382 2 Les Hébreux n'aimaient pas se soumettre aux directives et aux restrictions du Seigneur. Tout avertissement, tout frein les contrariait et provoquait leurs murmures contre Moïse. Si Dieu les avait laissés libres d'agir à leur guise, ils auraient eu peu de plaintes à élever contre leurs chefs. Dans toutes les périodes de l'histoire de l'Église, les serviteurs de Dieu ont rencontré le même esprit. PP 382 3 En s'adonnant aux délices du péché, les hommes ouvrent leur coeur à Satan et avancent d'un degré de méchanceté à un autre. A force de rejeter la vérité, l'esprit s'obscurcit. Il repousse la lumière la plus éclatante et finit par s'endurcir dans le mal. Le péché cesse de lui paraître odieux, et il s'y adonne avec toujours plus de facilité. Pour ceux qui en sont là, les fidèles serviteurs de Dieu deviennent des objets de haine. N'étant pas disposés à accepter les souffrances et les sacrifices qu'exige une réforme, toute répréhension, tout appel est exagéré et mal venu. Comme Coré, ils déclarent que ce n'est pas le peuple qui est à blâmer, mais le censeur. Et en endormant leur conscience par cette erreur, les envieux et les mécontents se concertent pour semer la discorde dans l'Église et pour paralyser les efforts de ceux qui cherchent à l'édifier. PP 383 1 Tout progrès réalisé par ceux que Dieu appelle à mener son oeuvre à bien excite la suspicion. Chacun de leurs actes est dénaturé par les jaloux et les médisants. Il en a été ainsi au temps de Luther, de Wesley et d'autres réformateurs, et il en est de même aujourd'hui. PP 383 2 Coré n'aurait pas agi comme il le fit s'il avait su que toutes les directives et les censures communiquées à Israël venaient de Dieu. Mais il aurait pu le savoir. Dieu avait prouvé d'une façon éclatante que c'était lui qui conduisait Israël. Seulement, Coré et ses affiliés rejetèrent la lumière jusqu'au point où les manifestations les plus aveuglantes de la part de Dieu ne purent plus les convaincre et ils les attribuèrent alors à l'influence humaine ou à la puissance satanique. Le lendemain de la disparition de Coré et de ses partisans, le peuple fit la même chose, lorsqu'il se mit à dire: "Vous avez fait mourir le peuple de l'Éternel." En face d'une preuve incontestable du déplaisir de Dieu, à savoir la destruction des hommes qui les avaient séduits, ils osèrent déclarer que c'était par le pouvoir de Satan que Moïse avait fait mourir ces hommes justes et intègres. PP 383 3 C'est ce qui scella leur destinée. Ils avaient commis le péché contre le Saint-Esprit, péché par lequel le coeur de l'homme s'endurcit définitivement contre l'influence de la grâce divine. "Si quelqu'un parle contre le Fils de l'homme, dira Jésus, il lui sera pardonné; mais si quelqu'un parle contre le Saint-Esprit, il ne lui sera pardonné ni dans ce monde ni dans le monde à venir."(4) Quand Jésus prononça cette parole, les Juifs venaient d'attribuer au pouvoir de Béelzébul des actes de miséricorde accomplis par la puissance divine. Or, comme c'est par le moyen du Saint-Esprit que Dieu entre en rapport avec l'homme, ceux qui, de propos délibéré, assignent à cette puissance un caractère satanique coupent la seule voie de communication existant entre le ciel et l'âme humaine. PP 383 4 C'est par l'intermédiaire du Saint-Esprit que Dieu censure le pécheur et le convainc de péché. Il s'ensuit qu'en rejetant formellement l'oeuvre de l'Esprit, un homme enlève au Seigneur toute possibilité d'agir en sa faveur. La dernière ressource de la miséricorde divine a été épuisée. Le pécheur s'est séparé de Dieu qui ne possède aucune force en réserve capable de le convaincre et de le convertir. Son péché reste sans remède. "Laisse-le!"(5) tel est l'ordre de Dieu. "Il ne reste plus de sacrifice pour les péchés, mais seulement la terrible attente du jugement, et le feu ardent qui doit dévorer les rebelles."(5) ------------------------Chapitre 36 -- Israël au désert PP 385 1 Pendant près de quarante ans, enfoncés dans les solitudes du désert, les Israélites disparurent. Moïse résume cette période en ces termes: "La durée de notre voyage, depuis Kadès-Barnéa jusqu'au passage du torrent de Zéred, a été de trente-huit ans, jusqu'à ce que toute la génération des gens de guerre eût disparu du camp, comme l'Éternel le leur avait juré. La main de l'Éternel s'appesantit aussi sur eux et ils furent anéantis au milieu même du camp, jusqu'à leur entière disparition."(1) PP 385 2 Durant toutes ces années, le fait que le peuple était sous le coup d'une condamnation fut constamment rappelé à sa mémoire. Comme il avait rejeté Dieu lors de la révolte de Kadès, Dieu, de son côté, le rejeta momentanément. Et comme il s'était montré infidèle à l'alliance, le signe de l'alliance, le rite de la circoncision, ne fut pas pratiqué. En outre, comme il avait manifesté le désir de retourner au pays de la servitude et s'était ainsi montré indigne de la liberté, la fête de Pâque, qui devait commémorer sa délivrance, ne fut plus observée. PP 385 3 La continuation des services du tabernacle et de la chute de la manne témoignait cependant que Dieu n'avait pas entièrement abandonné son peuple. "En effet, ajoute Moïse, l'Éternel, ton Dieu, t'a béni dans toutes les oeuvres de tes mains; il a veillé sur ta marche à travers cet immense désert. Pendant ces quarante ans, l'Éternel, ton Dieu, a été avec toi; tu n'as manqué de rien."(2) PP 386 1 Le cantique des Lévites que Néhémie nous a conservé décrit éloquemment la sollicitude de Dieu envers Israël durant ces années: "Dans tes grandes compassions, tu ne les abandonnas point dans le désert. La colonne de nuée ne s'éloigna point d'eux pendant le jour et elle continua de les guider pendant leur voyage, et la colonne de feu, pendant la nuit, ne cessa pas d'éclairer pour eux la route qu'ils devaient suivre. PP 386 2 "Tu leur donnas ton bon Esprit pour les instruire; tu ne refusas point ta manne à leur bouche, et tu leur procuras de l'eau pour étancher leur soif. Tu les nourris pendant quarante ans dans le désert, sans que rien leur manquât; leurs vêtements ne s'usèrent point et leurs pieds n'enflèrent point."(3) PP 386 3 Mais les marches à travers le désert ne devaient pas être seulement une punition; elles servirent à discipliner la génération nouvelle et à la préparer à entrer dans la terre promise. "L'Éternel, ton Dieu, dit Moïse, te châtie comme un homme châtie son enfant, afin de t'humilier et de t'éprouver, pour connaître les sentiments de ton coeur, et pour voir si tu seras fidèle ou non à ses commandements. Oui, il t'a humilié; il t'a fait souffrir de la faim, et il t'a nourri de cette manne que tu ne connaissais pas et que n'avaient pas connue tes pères, afin de t'apprendre que l'homme ne vit pas de pain seulement, mais de tout ce qui sort de la bouche de l'Éternel."(4) PP 386 4 Le Très-Haut... Le trouva dans une contrée sauvage, Dans une solitude, au milieu des hurlements du désert. Il l'entoura, il prit soin de lui, Il le garda comme la prunelle de son oeil.(5) PP 386 5 "Dans toutes leurs angoisses, il a été lui-même dans l'angoisse, et l'Ange de sa face les a sauvés. Dans son amour et sa miséricorde, il les a rachetés lui-même. Il les a soutenus et les a portés sans cesse pendant les jours passés."(5) PP 386 6 Et pourtant, tout ce qui nous a été conservé de leur histoire dans le désert, ce ne sont guère que des cas de mutinerie contre Dieu. La révolte de Coré avait entraîné la mort de quatorze mille Israélites. Et il y eut d'autres cas où le peuple manifesta le même mépris pour l'autorité divine. PP 387 1 Un jour, le fils d'une femme israélite et d'un père égyptien, qui faisait partie de l'élément étranger à Israël, quitta la place qui lui avait été marquée dans le camp, s'aventura dans les limites réservées aux Israélites et prétendit avoir le droit d'y dresser sa tente. C'était contraire au statut divin en vertu duquel tout descendant d'un Égyptien en était exclu jusqu'à la troisième génération. Une dispute s'éleva à ce sujet entre lui et un Israélite, et l'affaire fut portée devant les juges, qui condamnèrent l'Égyptien. PP 387 2 Furieux de cette décision, celui-ci se mit à maudire le magistrat et à blasphémer le nom de Dieu. Il fut immédiatement déféré à Moïse. La loi disait: "Celui qui maudira son père ou sa mère sera puni de mort."(6) Mais, sur un acte aussi grave, on jugea nécessaire de consulter l'Éternel, et, en attendant, l'homme fut emprisonné. La sentence, prononcée par Dieu même, stipulait que le blasphémateur devait être conduit hors du camp et lapidé par le peuple, après que les témoins auraient solennellement confirmé l'accusation en plaçant leurs mains sur sa tête. Ils durent même jeter contre lui les premières pierres. PP 387 3 Cet événement fut suivi par la proclamation de l'ordonnance suivante se rapportant aux cas de ce genre: "Quiconque maudira son Dieu portera la peine de son péché. Celui qui blasphémera le nom de l'Éternel sera puni de mort; toute l'assemblée le lapidera: qu'il soit étranger ou qu'il soit né dans le pays, quand il blasphémera le nom de l'Éternel, il sera mis à mort."(7) PP 387 4 Il est des personnes qui ne voient ni l'amour ni la justice de Dieu dans l'infliction d'une peine aussi sévère pour des paroles échappées dans un accès de colère. Elles oublient qu'il était indispensable de montrer que des propos dictés par la haine contre Dieu constituaient un péché dont la gravité appelait l'intervention de l'amour et de la justice de Dieu: de sa justice, par le châtiment de ce premier coupable, et de son amour, par l'avertissement donné à tous concernant la révérence dont le nom de Dieu doit être entouré. En effet, si cet acte n'avait pas été puni, il aurait, par la suite, entraîné un plus grand nombre d'exécutions. PP 388 1 L'élément égyptien qui s'était joint à Israël était une source continuelle de tentations et d'ennuis. Ces gens, qui prétendaient avoir échangé leur idolâtrie contre le culte du vrai Dieu, étaient fortement imbus des habitudes de leur première éducation, et, partant, entachés d'idolâtrie et d'irrévérence envers Dieu. Ils étaient les premiers à se plaindre et à fomenter la discorde; aussi le camp était-il moralement contaminé par leurs pratiques idolâtres et leurs murmures. PP 388 2 Peu après le retour au désert, se produisit un cas de profanation du sabbat dans des circonstances revêtant une gravité particulière. C'était encore le résultat de l'irritation causée par la sentence qui prorogeait l'entrée en Canaan. Un homme, que cette décision avait outré et qui était résolu à défier la loi de Dieu, se mit à ramasser du bois le jour du sabbat. Durant le séjour au désert, il avait été strictement défendu de faire du feu ce jour-là. Cette interdiction ne devait pas s'appliquer à la Palestine, où la sévérité du climat en hiver rendait le chauffage des habitations indispensable, ce qui n'était pas le cas au désert. Cette violation flagrante du quatrième commandement n'était donc pas un péché d'oubli ou d'ignorance, mais bien un acte provocateur et prémédité. PP 388 3 Pris sur le fait, l'homme fut amené devant Moïse. Il avait déjà été annoncé que la violation du sabbat était passible de mort, mais Dieu n'avait pas révélé comment cette peine devait être infligée. Moïse porta donc ce cas devant l'Éternel, qui répondit: "Cet homme sera puni de mort; que toute l'assemblée le lapide hors du camp."(8) Le blasphème et la violation volontaire du sabbat étaient donc soumis à la même pénalité, comme révélant un même mépris pour l'autorité divine. PP 388 4 Bien des personnes rejettent aujourd'hui comme une institution juive le jour de repos institué à la création, alléguant que s'il était obligatoire à notre époque, il faudrait encore en frapper la profanation de la peine de mort. On vient de voir que, chez les Hébreux, le blasphème entraînait le même châtiment. Faut-il en conclure que le troisième commandement, qui interdit ce péché, ne regarde que les Juifs? L'argument tiré de l'application de la peine capitale à propos du quatrième commandement s'applique tout aussi bien au troisième, au cinquième et à presque tous les dix préceptes du Décalogue. Si Dieu ne frappe pas, actuellement, de peines temporelles la transgression de sa loi, sa Parole n'en déclare pas moins que "le salaire du péché, c'est la mort". Ceux qui en violent sciemment les préceptes sacrés s'en apercevront au jour des rétributions finales. PP 389 1 Durant les quarante ans du séjour au désert, le miracle de la manne rappela chaque semaine à Israël l'obligation sacrée du jour du repos. Et cependant ce prodige ne lui apprit pas à respecter cette institution. Sans se laisser aller à des violations aussi flagrantes que celle dont on vient de parler, il apportait une grande négligence à son observation. Dieu le déclara plus tard par un prophète: "Ils profanèrent indignement mes sabbats."(9) Ce péché est même mentionné comme motivant l'exclusion de Canaan de la première génération sortie du pays d'Égypte. Leurs enfants ne firent pas mieux. Leur indifférence à l'égard du sabbat durant les quarante années passées au désert fut telle qu'en les introduisant dans le pays promis, Dieu leur annonça leur exil futur parmi les nations païennes. PP 389 2 C'était de Kadès qu'Israël était retourné au désert, et c'est à Kadès qu'à la fin des pérégrinations, "toute l'assemblée des enfants d'Israël, arrivant au désert de Tsin, dans le premier mois,... s'arrêta".(10) PP 389 3 C'est là que Marie mourut et fut ensevelie. Comme elle, des milliers d'Israélites étaient sortis d'Égypte remplis d'espérance et avaient célébré l'Éternel pour leur délivrance. A cause de leurs péchés, leur longue vie errante se termina, elle aussi, au désert. La génération suivante allait-elle profiter de cette leçon? Ce ne fut, hélas! pas le cas, comme le reconnaît le Psalmiste: PP 389 4 Cependant ils péchèrent encore contre Dieu, Et ils ne se laissèrent pas convaincre. ... Quand Dieu les faisait mourir, ils le recherchaient; Ils revenaient et s'empressaient de retourner vers lui. Ils se souvenaient que Dieu était leur rocher, Et le Dieu Très-Haut leur rédempteur. PP 389 5 Mais leurs lèvres le trompaient, Et leur langue lui mentait. PP 389 6 Leur coeur ne lui était pas fermement attaché, Et ils n'étaient pas fidèles à son alliance. Mais lui, plein de compassion, pardonnait aux pécheurs, Et il ne les détruisait point. Il retint souvent sa colère. ... Il se souvint qu'ils n'étaient que chair, Un souffle qui passe et ne revient plus.(11) ------------------------Chapitre 37 -- Le rocher symbolique -- Moïse à Kadès PP 391 1 C'était du rocher frappé en Horeb qu'avait jailli pour la première fois le torrent limpide qui rafraîchit Israël dans le désert. A travers toutes ses marches, chaque fois qu'il avait besoin d'eau, elle lui parvenait par un miracle de la bonté divine. Ce n'était pas celle d'Horeb qui continuait de couler. Où qu'il se trouvât, quand elle devenait nécessaire, elle s'échappait tout à coup des crevasses d'un rocher voisin du campement. PP 391 2 C'était le Fils de Dieu qui, par la puissance de sa parole, faisait sourdre ces ondes bienfaisantes. "Ils buvaient à un rocher spirituel qui les suivait, et ce rocher était le Christ."(1) Source de tous leurs bienfaits temporels et spirituels, d'étape en étape, le Sauveur les accompagnait. "Quand il les a conduits à travers les déserts, ils n'ont pas eu soif; il a fait jaillir pour eux l'eau du rocher; il a fendu le roc... et les eaux en jaillirent; elles coulèrent à travers le désert comme un fleuve."(2) PP 391 3 Le rocher d'Horeb était un symbole riche d'enseignements précieux. De même que des eaux vivifiantes s'élançaient du rocher frappé par le bâton de Moïse, ainsi, du Christ "frappé par Dieu", "meurtri et brisé à cause de nos iniquités",(3) jaillit le fleuve du salut appelé à sauver notre race perdue. Comme le rocher avait été frappé une fois, le Messie serait "offert une seule fois pour ôter les péchés de plusieurs".(4) Notre Sauveur ne devait pas être offert en sacrifice une seconde fois. Il suffit à ceux qui recherchent les bienfaits de sa grâce de les demander au nom de Jésus, d'un coeur sincère. Nos prières font passer les blessures du crucifié devant les yeux du Très-Haut et couler à nouveau le flot salutaire symbolisé par l'eau qui désaltérait Israël. PP 392 1 Après leur établissement dans la terre de Canaan, les Israélites célébrèrent avec des démonstrations de joie le miracle de l'eau jaillissant du rocher. Aux jours du Sauveur, cette célébration était devenue une cérémonie très impressionnante. Elle avait lieu, à Jérusalem, lors de la fête des tabernacles, devant le peuple rassemblé. Chaque jour de la fête, c'est-à-dire sept jours de suite, les prêtres sortaient de la ville, la musique et le choeur des Lévites en tête, et se rendaient à la source de Siloé. Une longue procession suivait le cortège. Tous ceux qui pouvaient s'approcher de la source s'y désaltéraient, tandis que retentissaient les strophes du cantique: "Vous puiserez des eaux avec joie aux sources du salut."(5) L'eau recueillie par les prêtres dans un vase d'or était portée au temple au son des clairons et de l'hymne solennel: PP 392 2 Nos pas s'arrêtent Dans tes portes, ô Jérusalem!(6) PP 392 3 Puis, toujours avec des cantiques de louanges, chantés en triomphe par la foule et accompagnés d'instruments de musique et du son des trompettes retentissantes, l'eau de Siloé était répandue sur l'autel des sacrifices. PP 392 4 Pour attirer l'attention des Israélites sur les bienfaits qu'il était venu leur apporter, le Sauveur fit un jour allusion à cette cérémonie commémorative. "Le dernier et grand jour de la fête", Jésus, d'une voix qui retentit à travers les parvis du temple, fit entendre cette parole: "Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi, et qu'il boive. Qui croit en moi, des fleuves d'eau vive couleront de lui, comme l'Écriture le dit." L'apôtre Jean ajoute: "Il disait cela de l'Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui."(7) Une eau fraîche et limpide jaillissant d'une terre brûlée et stérile qu'elle couvre d'un tapis de verdure émaillé de fleurs, et qui rend la vie à ceux qui périssent, tel est l'emblème de la divine grâce que Jésus peut seul apporter aux âmes qu'elle purifie. Celui en qui Jésus demeure possède en lui-même une source intarissable de grâce et de joie; son sentier en est illuminé. L'amour du Sauveur y fait mûrir des fruits de bonté et de justice qui rafraîchiront les âmes altérées et les conduiront à la vie éternelle. PP 393 1 Jésus, auprès du puits de Jacob, avait employé la même image dans sa conversation avec une femme de Samarie. "Celui qui boira de l'eau que je lui donnerai, dit-il, n'aura plus jamais soif. L'eau que je lui donnerai deviendra en lui une source qui jaillira jusqu'en la vie éternelle."(8) En sa personne, le Sauveur réunit les deux images: il est à la fois le rocher et l'eau vive. PP 393 2 Ce riche et consolant symbolisme revient fréquemment dans les pages de l'Écriture. Des siècles avant la venue du Messie, Moïse l'appelait "le rocher du salut".(9) Le Psalmiste le désignait par ces métaphores: "Mon rocher et mon rédempteur"; "mon salut et ma haute retraite"; "le rocher inaccessible pour moi"; "mon rocher, ma retraite;" "le rocher de mon coeur"; "le rocher où je trouve un refuge". PP 393 3 Dans ses cantiques, David en parle sous l'image "des eaux tranquilles" et fraîches coulant dans de verts pâturages et au bord desquelles le céleste Berger conduit son troupeau. "Tu les abreuves, dit-il, au fleuve de tes délices, car en toi est la source de la vie."(10) De son côté, Salomon écrit que "la source de la sagesse est un ruisseau jaillissant."(11) Pour Jérémie, le Fils de Dieu est "la source d'eau vive", et pour Zacharie, "une source qui jaillit afin d'effacer le péché et la souillure."(12) PP 393 4 Ésaïe l'appelle "le rocher des siècles", "l'ombre d'un grand rocher dans un pays désolé".(13) Puis il enregistre cette précieuse promesse qui rappelait vivement à l'esprit la source claire serpentant à l'entour du camp hébreu: "Les affligés et les misérables cherchent des eaux et n'en trouvent point, et leur langue est desséchée par la soif; mais moi, l'Éternel, je les exaucerai; moi, le Dieu d'Israël, je ne les abandonnerai pas." "Je répandrai des eaux sur le sol altéré et des ruisseaux sur la terre desséchée"; "des eaux jailliront dans le désert et des torrents dans la plaine aride."(14) PP 394 1 Ailleurs, on entend cet appel: "O vous tous qui êtes altérés, venez à la source des eaux!" Ce même appel reparaît à la dernière page de la Parole inspirée, où l'on voit "le fleuve de l'eau de la vie, clair comme du cristal", sortant du trône de Dieu et de l'Agneau, tandis que retentit à travers les siècles cette invitation miséricordieuse: "Que celui qui veut de l'eau vive la reçoive gratuitement."(15) PP 394 2 Au moment où les caravanes d'Israël atteignirent Kadès, le flot limpide qui, depuis tant d'années, jaillissait aux abords du camp, s'arrêta. Dieu voulait, une fois de plus, donner l'occasion à son peuple de montrer s'il avait confiance en lui ou s'il était incrédule comme ses pères. PP 394 3 Dans le lointain, se profilaient les collines de Canaan. Quelques jours de marche encore, et c'était les frontières du pays de la promesse. On n'était plus qu'à une petite distance du pays d'Édom occupé par les descendants d'Ésaü, et à travers lequel on pouvait atteindre Canaan en ligne directe. Moïse avait reçu cet ordre: "Dirigez-vous vers le nord. Donne cet ordre au peuple: Vous allez passer sur le territoire de vos frères, les enfants d'Ésaü, qui habitent à Séïr, et ils auront peur de vous. ...Vous achèterez d'eux, à prix d'argent, la nourriture que vous mangerez; vous leur paierez même l'eau que vous boirez."(16) PP 394 4 Ces explications auraient dû faire comprendre aux Israélites pourquoi l'eau avait disparu. Ils étaient sur le point de traverser une contrée fertile et bien arrosée qui les conduirait en droite ligne à destination. Dans le pays d'Édom ils ne seraient pas inquiétés et ils pourraient s'approvisionner abondamment en nourriture et en eau. Avant que Dieu leur permît d'atteindre le but, ils devaient montrer qu'ils croyaient en ses promesses. La disparition de l'eau aurait dû être pour eux un sujet de réjouissance et le signe que leurs pérégrinations à travers le désert avaient pris fin. Mais, aveuglés par l'incrédulité, ils ne le comprirent point. PP 394 5 Au contraire, ils en firent un prétexte pour douter et murmurer. Comme s'ils avaient perdu tout espoir que Dieu les mettrait en possession de Canaan, ils se mirent à réclamer bruyamment les bienfaits du désert. La première épreuve leur suffit pour laisser percer l'esprit ingrat et turbulent qu'avaient manifesté leurs pères. Ils n'eurent pas plus tôt entendu des voix demander de l'eau, qu'ils oublièrent la main qui subvenait depuis si longtemps à leurs besoins. Au lieu de prières adressées à Dieu, on entendit des murmures désespérés: "Que n'avons-nous péri quand nos frères périrent eux-mêmes devant l'Éternel?"(17) En somme, ils regrettaient de n'avoir pas subi le sort de Coré! PP 395 1 Leur aigreur se déversa contre Moïse et Aaron: "Pourquoi avez-vous fait venir l'assemblée de l'Éternel dans ce désert pour nous y laisser mourir, nous et notre bétail? Pourquoi nous avez-vous fait quitter l'Égypte pour nous amener dans ce mauvais pays, où l'on ne peut pas semer, où il n'y a ni figuier ni vigne, ni grenadier, ni eau à boire?" PP 395 2 "Alors Moïse et Aaron s'éloignèrent de l'assemblée, et allèrent à l'entrée de la tente d'assignation. Ils tombèrent le visage contre terre, et la gloire de l'Éternel leur apparut." Moïse entendit ces paroles: "Prends le bâton et convoque l'assemblée, toi et Aaron, ton frère. Vous parlerez au rocher en présence des Israélites et il donnera ses eaux; tu feras sortir pour eux de l'eau du rocher." PP 395 3 Moïse, le bâton de Dieu à la main, et Aaron se présentèrent devant la multitude. Tous deux étaient maintenant des vieillards. Durant de longues années, ils avaient supporté l'insubordination et l'opiniâtreté d'Israël. A cette heure-là, finalement, la patience de Moïse l'abandonna. "Écoutez, ô rebelles! s'écria-t-il. Vous ferons-nous sortir de l'eau de ce rocher?" Et au lieu de parler à la paroi rocailleuse, ainsi que Dieu le lui avait ordonné, il la frappa par deux fois de son bâton. PP 395 4 L'eau jaillit avec abondance du rocher, et la foule se désaltéra. Mais une grave faute avait été commise. Moïse avait parlé avec irritation. Plutôt qu'une sainte indignation causée par l'ingratitude et le mépris du peuple envers Dieu, le ton de ses paroles avait manifesté un accès de colère tout humaine. "Écoutez, ô rebelles!" avait-il dit. L'accusation était fondée, mais la vérité elle-même ne doit pas être énoncée sous l'impulsion de l'humeur et de l'impatience. Chaque fois que Dieu avait chargé Moïse de prononcer devant le peuple des paroles pénibles à dire et à entendre, il l'avait soutenu dans la délivrance de son message. Mais ici, le prophète avait censuré le peuple de son propre chef, et il avait ainsi contristé l'Esprit de Dieu et fait du tort à Israël. PP 396 1 Il avait manqué de patience et de calme, et le peuple en profita pour se demander si, dans le passé, il avait été dirigé par Dieu. Pour excuser ses propres péchés, il en vint à se demander si la conduite de Moïse, aussi bien que la sienne, n'était pas exempte de blâme. On avait enfin trouvé un prétexte pour repousser toutes les censures que Dieu prononça par l'intermédiaire de son serviteur. PP 396 2 En demandant: "Vous ferons-nous sortir de l'eau de ce rocher?" Moïse manqua de confiance en Dieu et laissa entendre qu'il ne ferait pas ce qu'il avait promis. Aussi Dieu dit-il à Moïse et à Aaron: "Vous n'avez pas cru en moi, de manière à me sanctifier aux yeux des enfants d'Israël." Au moment où l'eau avait fait défaut, en effet, leur foi avait été ébranlée par les murmures du peuple. La première génération fut condamnée à périr dans le désert à cause de son incrédulité, et maintenant la même disposition reparaissait chez leurs enfants. Ces derniers vont-ils subir le même sort? Telles étaient les réflexions de Moïse et d'Aaron. Las et découragés, ils ne firent rien pour enrayer le courant du sentiment populaire. S'ils avaient eux-mêmes manifesté une foi inébranlable en Dieu, ils auraient pu, par des paroles d'encouragement, aider le peuple à surmonter l'épreuve. En exerçant d'une façon prompte et énergique l'autorité dont ils étaient investis, ils auraient pu arrêter les récriminations. Avant de réclamer le secours de Dieu, leur devoir était de faire tout ce qui dépendait d'eux pour remédier à la situation. Que de maux auraient été évités si les murmures à Kadès avaient été réprimés! PP 396 3 Par son acte inconsidéré, Moïse en outre annulait un enseignement que Dieu se proposait de donner. Le rocher qui, tout au début, devait être frappé une fois seulement symbolisait le Messie qui serait immolé "une seule fois". La seconde fois, il aurait suffi de parler au rocher, tout comme il nous suffit, aujourd'hui, de demander à Dieu ses bienfaits au nom de Jésus. En frappant le rocher une seconde fois, Moïse défigurait ce bel emblème. PP 396 4 Il y avait plus encore. Moïse et Aaron s'étaient arrogé un pouvoir qui n'appartient qu'à Dieu. L'intervention divine donna à cette circonstance une solennité extraordinaire, et les conducteurs d'Israël auraient dû en profiter pour inculquer au peuple une haute idée de la majesté, de la puissance et de la bonté divines. Quand ils s'étaient écriés avec colère: "Vous ferons-nous sortir de l'eau de ce rocher?" bien que sujets eux-mêmes aux défaillances et aux infirmités humaines, ils s'étaient mis à la place de Dieu. Lassé par les continuels murmures et les révoltes du peuple, Moïse perdit de vue son tout-puissant Soutien. Privé de la force divine, un seul instant suffit pour entacher sa carrière d'une faiblesse humaine. L'homme qui aurait pu rester pur, ferme et désintéressé jusqu'à la fin de sa vie, avait finalement essuyé une défaite. Dieu, qui devait être magnifié et exalté, était déshonoré devant la congrégation. PP 397 1 Cette fois-ci, l'Éternel ne prononça aucun jugement contre ceux qui provoquèrent si souvent Moïse et Aaron. La répréhension divine tomba tout entière sur ces derniers. En donnant l'impression que les murmures du peuple étaient dirigés contre eux, et non contre Dieu, ses représentants attitrés ne l'honorèrent pas. C'était en pensant à eux-mêmes, en cherchant de la sympathie, personnellement, qu'ils tombèrent inconsciemment dans cette faute et négligèrent de montrer au peuple toute son indignité envers Dieu. Aussi ne furent-ils pas coupables de péché délibéré et volontaire; ils succombèrent à une tentation soudaine. PP 397 2 La censure divine qui fut immédiatement prononcée fut amère et très humiliante. "L'Éternel dit ensuite à Moïse et à Aaron: Puisque vous n'avez pas cru en moi, de manière à me sanctifier aux yeux du peuple d'Israël, vous ne conduirez pas cette assemblée dans le pays que je lui ai donné." Comme l'Israël rebelle, les deux frères devaient mourir avant la traversée du Jourdain. Si, sous la censure divine, ils avaient manifesté de l'humeur, leur culpabilité aurait été beaucoup plus grande. Mais leur repentir fut immédiat et profond, et Dieu accepta leur contrition, sans pouvoir cependant leur en remettre la peine à cause de l'exemple donné à Israël. PP 397 3 Sans rien cacher, Moïse annonça au peuple que n'ayant pas glorifié l'Éternel, il allait être déchargé du soin de les conduire au pays promis, et il les invita à se demander, étant donné la sévérité de son châtiment, comment Dieu devait envisager leurs murmures et leur injustice lorsqu'ils attribuaient à un homme les châtiments dont leurs péchés avaient été frappés. Il leur dit aussi avec quelle instance il avait demandé au Seigneur de révoquer sa sentence. "Mais, ajouta-t-il, l'Éternel était irrité contre moi, à cause de vous. Il ne m'exauça point."(18) PP 398 1 A chaque contrariété, à chaque épreuve, les Israélites accusaient Moïse de les avoir fait quitter l'Égypte, comme si Dieu n'y était pour rien. Et chaque fois qu'ils s'étaient plaints des ennuis du voyage et de leurs chefs, Moïse leur avait dit: "Vos murmures sont dirigés contre Dieu. Ce n'est pas moi, c'est lui qui vous a délivrés." Or sa parole imprudente prononcée devant le rocher: "Vous ferons-nous sortir de l'eau de ce rocher?" justifiait implicitement l'accusation d'Israël, et aurait pu le confirmer dans son incrédulité. C'était pour effacer à jamais cette impression de leurs esprits que Moïse n'entra pas dans la terre promise. Ce fait prouvait d'une façon incontestable que leur chef n'était pas Moïse, mais bien l'ange puissant dont Dieu avait dit: "Je vais envoyer un ange devant toi, pour te protéger en chemin et pour t'introduire dans le lieu que je t'ai préparé. Prends garde à toi-même quand tu seras en sa présence, et écoute sa voix, ... parce que mon nom est en lui."(19) PP 398 2 "L'Éternel fut irrité contre moi à cause de vous", avait dit Moïse. Lorsqu'il commit sa faute, les yeux de tout Israël étant dirigés sur lui, son péché rejaillit sur celui qui l'avait choisi comme conducteur de son peuple. Si Dieu avait fait bon marché d'une faute connue de tous, le peuple aurait conclu que, chez les hommes haut placés, et dans des circonstances extrêmement irritantes, le manque de foi et l'impatience peuvent être excusés. Mais quand on apprit que, pour ce seul péché, Moïse et Aaron allaient être exclus de Canaan, on comprit que Dieu ne fait pas acception de personnes et qu'il punira sûrement les transgresseurs de sa loi. PP 398 3 L'histoire d'Israël a été écrite pour servir d'instruction et d'enseignement à toutes les générations futures. Il fallait montrer aux hommes de tous les temps que le Dieu du ciel est un juge impartial, qui, en aucun cas, ne justifie le péché. Peu de personnes ont une juste conception de l'horreur qu'il faut en avoir. Les hommes s'imaginent que Dieu est trop bon pour punir. L'histoire biblique démontre, au contraire, que la bonté et l'amour de Dieu l'obligent à le traiter comme un mal fatal à la paix et au bonheur de l'univers. PP 399 1 L'intégrité et la fidélité d'un Moïse ne purent le dispenser du châtiment de sa faute. Au peuple, Dieu avait pardonné de plus grands péchés, mais il ne pouvait user de la même indulgence envers ses conducteurs. Il honora Moïse plus qu'aucun autre homme sur la terre. Il lui révéla sa gloire et,par son moyen, communiqua ses lois à Israël. Les lumières du prophète, ses connaissances, ses honneurs aggravaient son péché. Aucune fidélité passée ne peut expier un acte coupable. La responsabilité et la culpabilité d'un homme se mesurent aux connaissances et aux privilèges qui lui ont été accordés. PP 399 2 A vues humaines, la faute de Moïse n'était qu'une bagatelle, une faiblesse très fréquente chez les humains. "Il prononça des paroles imprudentes",(20) dit le Psalmiste. On peut en conclure que si Dieu châtia sévèrement cette faute de son serviteur le plus fidèle et le plus honoré, il ne l'excusera pas chez d'autres. L'orgueil et la disposition à censurer nos frères déplaisent au Seigneur. Ceux qui se laissent envahir par ces sentiments encouragent les sceptiques. Plus la position d'un homme est élevée, plus vaste est son influence et plus impératif aussi son devoir de cultiver la patience et l'humilité. PP 399 3 Satan triomphe quand il réussit à pousser les enfants de Dieu, notamment les hommes qui occupent de hautes positions dans l'Église, à s'attribuer la gloire qui n'appartient qu'au Très-Haut. C'est par là que Satan est tombé, et c'est par là qu'il réussit le mieux à perdre les hommes. Il n'est pas de bienfait, pas de tentation dont Satan ne s'empare, si nous lui donnons prise, pour cribler et ruiner notre âme. Aussi est-ce pour nous mettre sur nos gardes que Dieu nous donne tant d'avertissements contre l'orgueil. Il n'est pas une inclination de notre nature, pas une faculté de notre esprit, pas une impulsion de notre coeur qui n'ait besoin, à chaque instant, d'être placée sous la direction de l'Esprit de Dieu. PP 399 4 Quelles que soient les lumières spirituelles dont on jouisse, à quelque degré de la faveur et de la bénédiction divines qu'on soit parvenu, et quelles que soient les épreuves qui surviennent, Satan s'en empare pour nous harceler, nous tenter et nous faire tomber, si nous lui offrons la moindre occasion. Il est donc indispensable de marcher avec humilité devant Dieu et de lui demander avec foi de diriger chacune de nos pensées, de dominer chacune de nos impulsions. Tous ceux qui professent la religion de Jésus-Christ sont tenus, de la façon la plus sacrée, à être calmes et à garder leur sang-froid au milieu des circonstances les plus critiques. PP 400 1 Les charges qui reposaient sur Moïse étaient lourdes et nombreuses. Peu d'hommes seront jamais éprouvés aussi durement que lui. Et cependant, il n'en fut pas tenu compte pour l'excuser. Dieu a largement pourvu aux besoins de ses enfants, et s'ils s'appuient sur lui, ils ne seront jamais le jouet des circonstances. Sans doute, Satan nous attaque sur nos points faibles, mais ce n'est pas une raison pour être vaincus. Les tentations les plus sévères ne justifient pas le péché, quelque pression qu'elles exercent sur nous. Si nous cédons, celui-ci est notre fait. Ni la terre ni l'enfer n'ont le pouvoir de forcer quelqu'un à succomber. Quelque soudain, quelque terrible que soit l'assaut, le secours est en Dieu, et avec sa force nous pouvons triompher. ------------------------Chapitre 38 -- Le contour de I'Idumée PP 401 1 Le camp israélite à Kadès n'était qu'à une petite distance des frontières d'Édom. Comme Moïse, aussi bien que le peuple, tenait à traverser ce pays pour arriver en Canaan, on envoya à cet effet, sur l'ordre de Dieu, un message au roi d'Édom, conçu en ces termes: "Ainsi parle ton frère Israël: Tu sais tous les maux que nous avons endurés. Nos pères descendirent en Égypte, où nous avons longtemps demeuré; mais les Égyptiens nous ont maltraités, nous et nos pères. Nous avons crié à l'Éternel; il a entendu notre voix, il a envoyé un ange, et il nous a fait sortir d'Égypte. Nous voilà maintenant à Kadès, ville qui est à la limite de ton territoire. Permets que nous passions par ton pays; nous ne traverserons ni les champs, ni les vignes, et nous ne boirons pas l'eau des puits; nous suivrons la route royale, sans nous détourner à droite ni à gauche, jusqu'à ce que nous ayons franchi ton territoire."(1) PP 401 2 A cette requête polie, le roi d'Édom opposa ce refus menaçant: "Tu ne passeras point chez moi; sinon, je sortirai à ta rencontre avec l'épée." Étonnés de cet échec, les chefs d'Israël renouvelèrent leur demande, accompagnée de cette promesse: "Nous monterons par la grande route; si nous buvons de tes eaux, nous et nos troupeaux, nous en paierons le prix. Laisse-nous seulement passer à pied, pas davantage." Le roi répondit: "Tu ne passeras point." PP 402 1 Des bandes d'Édomites armés avaient déjà pris position aux passages difficiles, de sorte que toute avance paisible dans cette direction était impossible. Et comme Dieu avait interdit de recourir aux armes contre Édom, il fallut se résigner à contourner péniblement ce pays. PP 402 2 Si, en face de cette difficulté, le peuple s'était confié en Dieu, le capitaine des armées célestes l'aurait conduit à travers l'Idumée. Ses habitants auraient été saisis d'une telle frayeur qu'au lieu de manifester de l'hostilité, ils se seraient montrés très accueillants. Mais les Israélites n'avaient pas obéi avec promptitude aux ordres reçus. Tandis qu'ils se livraient aux plaintes et aux murmures, l'occasion favorable s'était envolée, et quand, enfin, ils se décidèrent à envoyer leur requête au roi d'Édom, elle fut repoussée. PP 402 3 Depuis qu'Israël avait quitté l'Égypte, Satan n'avait cessé de semer les tentations et les obstacles sur la route de Canaan. De leur côté, par leur incrédulité, les Hébreux avaient souvent eux-mêmes favorisé ses embûches. Les mauvais anges sont toujours là pour nous disputer chaque pouce de terrain. Il importe donc de croire à la Parole de Dieu et d'y obéir aussitôt, tandis que les bons anges sont prêts à nous seconder. Lorsque le Seigneur veut faire quelque grande chose pour son peuple et l'appelle à marcher de l'avant, Satan suscite chez ce dernier un esprit de discorde et l'incite au murmure et à l'incrédulité. Par ses hésitations et ses atermoiements, il provoque le déplaisir du Très-Haut et perd ainsi les bienfaits qui lui étaient destinés. Les serviteurs de Dieu doivent être des hommes d'action, toujours prêts à entrer dans la voie que leur ouvre la Providence. Tout délai de leur part fournit à Satan l'occasion de leur infliger une défaite. PP 402 4 Dans les premières instructions données à Moïse pour traverser l'Idumée, Dieu, tout en prévenant Israël que les Édomites auraient peur d'eux, leur interdisait de tirer parti de cet avantage. Ils ne devaient pas profiter du fait que la puissance de Dieu était de leur côté pour leur faire du mal. "Soyez bien sur vos gardes, leur avait-il dit. N'ayez point de démêlés avec eux; car je ne vous donnerai rien dans leur pays, pas même de quoi y poser la plante du pied: j'ai donné à Ésau en héritage la montagne de Séir."(2) PP 403 1 Les Édomites étaient des descendants d'Abraham et d'Isaac, et c'est pour l'amour de ces patriarches que Dieu usait de miséricorde envers eux. Aussi longtemps qu'ils ne dépassaient pas les limites de la miséricorde divine, il ne fallait pas les inquiéter dans leur héritage. Les habitants de Canaan, qui avaient fait déborder la coupe de leur iniquité, devaient disparaître; mais les enfants d'Ésaü étaient encore les objets de la grâce divine et méritaient d'être traités avec compassion. PP 403 2 Les ancêtres de ces deux nations étant frères, il ne devait exister entre elles que des relations cordiales. Il fut donc interdit à Israël de tirer vengeance de l'affront qui lui avait été fait. Il ne devait songer à s'annexer aucun territoire de l'Idumée. Bien qu'étant le peuple choisi et favorisé de Dieu, il ne fallait pas qu'il se considère comme ayant seul droit à l'héritage de la terre, ni qu'il cherche à en exclure toutes les autres nations. Dans leurs rapports avec les Édomites, il devait se contenter d'acheter d'eux les vivres dont il aurait besoin, et les payer comptant. Pour l'y encourager, Dieu avait ajouté: "En effet, l'Éternel, ton Dieu, t'a béni; ... tu n'as manqué de rien."(3) Israël ayant un Dieu riche en ressources, il devait éviter de rien obtenir par la force ou par la fraude et se conformer en toutes choses au principe de la loi divine qui dit: "Tu aimeras ton prochain comme toi-même." PP 403 3 S'ils avaient traversé l'Idumée comme Dieu l'entendait, leur contact avec les habitants du pays n'aurait eu que de bons résultats. Les Édomites auraient profité de l'occasion pour faire connaissance avec le peuple de Dieu et avec son culte. Ils auraient appris comment le Dieu de Jacob bénit ceux qui l'aiment et le servent. L'incrédulité d'Israël avait empêché tout cela. En réponse aux clameurs du peuple, Dieu lui donna de l'eau, mais sans annuler les conséquences de son manque de foi. Il lui fallut retraverser le désert et se désaltérer de nouveau à la source miraculeuse dont ils n'auraient plus eu besoin s'ils s'étaient confiés en Dieu. PP 403 4 Les colonnes d'Israël se tournèrent donc une fois de plus vers le sud et s'engagèrent dans des régions arides qui leur parurent encore plus dénudées après avoir vu les verdoyantes vallées d'Édom. Ce triste désert est bordé par une chaîne de montagnes parmi lesquelles s'élève le mont Hor, où Aaron devait mourir et être enseveli. PP 404 1 Quand les Israélites arrivèrent à cette montagne, Dieu dit à Moïse: "Prends Aaron et Éléazar, son fils. C'est là qu'Aaron sera recueilli, et il mourra là."(4) Les deux vieillards, accompagnés d'Éléazar, firent ensemble l'ascension de la montagne. Cent vingt hivers avaient blanchi leurs têtes. Au cours de leur longue et mémorable existence, ils avaient connu à la fois les plus cuisantes épreuves et les plus grands honneurs qui aient jamais été le partage de l'homme. Dans la communion avec Dieu, leurs talents naturels, très grands, et toutes leurs facultés s'étaient développés et enrichis. Leur vie entière s'était consumée au service de Dieu et de leurs semblables. Leurs visages dénotaient non seulement la fermeté et une vive intelligence, mais aussi une grande bonté et une rare noblesse de sentiments. PP 404 2 Moïse et Aaron avaient passé de longues années côte à côte, prenant part aux mêmes labeurs, aux mêmes soucis. Ils avaient affronté ensemble des dangers innombrables et goûté les plus douces bénédictions du ciel. Mais l'heure de la séparation approchait. Aussi, profitant des moments précieux qui leur restaient, les deux centenaires gravissaient à pas lents la pente escarpée et pénible de la montagne, tout en se reposant fréquemment et en s'entretenant du passé et de l'avenir. Aussi loin que portaient leurs regards, ils avaient devant eux la scène de leurs longs pèlerinages. Plus près, couvrant la plaine, se dressaient les tentes innombrables de la nation à laquelle ils avaient tous deux consacré la meilleure partie de leur vie, et pour le bonheur de laquelle ils avaient tout sacrifié. Plus loin, au-delà des montagnes d'Édom, se dessinait la route de la terre promise, dont ni Aaron, ni Moïse ne devaient goûter les délices. Aucune amertume ne troublait leur sérénité; aucun murmure ne s'échappait de leurs lèvres. Seule la cause de cette privation jetait sur leurs visages un voile de gravité attristée. PP 404 3 L'oeuvre d'Aaron en faveur d'Israël touchait à son terme. Quarante années auparavant, âgé de quatre-vingt-trois ans, il avait été appelé à seconder Moïse dans la tâche ardue de conduire Israël hors d'Égypte. Il soutint les mains du prophète lors de la bataille contre Amalek. Il lui fut permis de gravir le mont Sinaï et d'y contempler la gloire divine. Dieu avait conféré à sa famille la charge de la sacrificature et il l'avait lui-même honoré de la sainte dignité de grand prêtre. La légitimité de cette fonction sacrée avait été confirmée par les jugements divins qui emportèrent Coré et son parti, et c'était grâce à l'intercession d'Aaron que la plaie avait été arrêtée. PP 405 1 Quand ses deux fils furent frappés à mort pour avoir violé un ordre divin, Aaron n'avait ni regimbé, ni murmuré. Quelques taches, cependant, maculaient les pages de cette noble vie. Aaron avait commis un très grave péché quand, au pied du Sinaï, cédant aux clameurs du peuple, il lui avait fondu un veau d'or. Puis il s'était associé aux murmures et à l'envie de Marie contre Moïse. Enfin, avec celui-ci, il avait offensé Dieu à Kadès, en s'écartant de l'ordre reçu de parler au rocher. PP 405 2 Dieu désirait faire de ces deux conducteurs de son peuple des représentants de son Fils. Aaron avait porté sur sa poitrine les noms des tribus d'Israël et annoncé au peuple la volonté de Dieu. Médiateur d'Israël aux jours des expiations, il avait porté le sang de la victime symbolique dans le lieu très saint, et en était ressorti pour bénir Israël, de même que Jésus-Christ viendra bénir son peuple quand son oeuvre de propitiation sera terminée. C'est la dignité et le caractère symbolique de cette auguste charge qui avaient donné toute sa gravité au péché de Kadès. PP 405 3 A cause de ce péché, il devait renoncer au privilège d'exercer la souveraine prêtrise dans la terre de Canaan, d'offrir le premier sacrifice consacrant la prise de possession du pays. Quant à Moïse, il continuera de conduire Israël jusqu'à la frontière. Combien l'avenir de ces deux hommes eût été différent s'ils avaient supporté sans murmure l'épreuve qui les attendait au rocher de Kadès! Que de conséquences une seule faute peut engendrer! L'oeuvre d'une vie entière peut ne pas se relever d'un écart commis en un seul moment de tentation ou d'inadvertance. PP 405 4 Douloureusement affecté, Moïse dépouilla Aaron de ses vêtements sacrés et en revêtit Éléazar qui devenait ainsi, de par autorité divine, le successeur de son père. PP 405 5 L'absence des deux conducteurs d'Israël et le fait qu'ils étaient accompagnés d'Éléazar qui, on le savait, était appelé à succéder à son père, causa une vive émotion dans le camp où leur retour était attendu avec une impatience angoissée. De sombres pensées agitaient les coeurs de ceux qui songeaient à la sentence prononcée contre Moïse et Aaron. Chez les quelques personnes qui avaient connaissance du but de cette mystérieuse ascension, la crainte pour leurs chefs s'augmentait d'amers souvenirs et de remords. PP 406 1 Finalement, on discerna, descendant lentement de la montagne, les silhouettes estompées de Moïse et d'Éléazar, qui avait revêtu les vêtements sacerdotaux de son père absent. Éplorée, la foule se rassembla autour de Moïse, qui annonça qu'Aaron s'était éteint dans ses bras au sommet du mont Hor, où Éléazar et lui l'avaient inhumé. A l'ouïe de la mort de ce chef universellement aimé, auquel on avait si souvent causé du chagrin, la congrégation versa des larmes et se lamenta. "Toute la maison d'Israël pleura Aaron pendant trente jours."(5) PP 406 2 L'Écriture ne consacre à l'ensevelissement du souverain prêtre d'Israël que cette simple mention: "Aaron mourut là, et y fut enseveli."(6) La mort de cet homme de Dieu, un des plus illustres qui aient jamais vécu, n'eut pour témoins que deux intimes amis qui procédèrent, seuls, à son ensevelissement. Son sépulcre solitaire au sommet du mont Hor resta même inconnu du peuple d'Israël. Quel contraste entre cette inhumation divinement prescrite et les coutumes de notre époque! Aujourd'hui, les obsèques d'un personnage haut placé deviennent souvent l'occasion de manifestations pompeuses et de folles dépenses. La gloire de Dieu n'entre pour rien dans l'ostentation et les profusions qui accompagnent et caractérisent si souvent le devoir de rendre un mort à la poussière. PP 406 3 Toute la congrégation porta le deuil d'Aaron, mais son décès fut surtout vivement ressenti par Moïse. Outre qu'il lui rappelait que sa fin était proche, il était profondément sensible à la perte de ce frère qui, durant tant d'années, avait partagé ses joies et ses épreuves, ses craintes et ses espérances. Mais il savait que Dieu était son Ami, et, plus fortement que jamais, il s'appuya sur son bras. PP 406 4 Peu après le départ de Hor, les Israélites furent battus dans un engagement avec Arad, l'un des rois cananéens. Ayant alors imploré le secours d'en haut, ils mirent cet ennemi en déroute. Cette victoire aurait dû leur inspirer de la gratitude envers l'Auteur de tout bien; mais ils en conçurent de la vanité et retombèrent dans leur vieille habitude de murmurer. Persuadés qu'ils seraient venus à bout de leurs ennemis tout aussi facilement quarante ans plus tôt, après le retour des espions, ils se plaignirent de ce long et inutile séjour dans le désert, alors qu'ils auraient pu marcher immédiatement vers Canaan. PP 407 1 En s'avançant vers le sud, ils arrivèrent dans une vallée sablonneuse et brûlée, sans ombre ni végétation. La route paraissait longue et pénible; les voyageurs étaient à la fois altérés et fatigués. Cette nouvelle épreuve de leur foi et de leur patience les prit au dépourvu. A force de ne voir que les désagréments de leur situation, ils s'éloignaient toujours plus de Dieu, oubliant que sans leurs murmures à Kadès, le contour du pays d'Édom leur eût été épargné, et au lieu d'être reconnaissants de n'avoir pas été punis plus sévèrement, ils se flattaient à la pensée que si Dieu et Moïse n'étaient pas intervenus, ils auraient déjà pris possession de la terre promise. Ne nourrissant plus guère envers Dieu, quoi qu'il fît, que de l'amertume et du mécontentement, ils en vinrent finalement à envisager l'Égypte comme plus désirable que la liberté et le pays de Canaan. PP 407 2 "Le peuple... murmura donc contre Dieu et contre Moïse, en disant: Pourquoi nous avez-vous fait monter hors d'Égypte, pour nous laisser mourir dans le désert? Car on n'y trouve ni pain, ni eau, et notre âme est dégoûtée de cette misérable nourriture."(7) PP 407 3 Courageusement, Moïse leur reprocha leur ingratitude. Seule la puissance de Dieu, leur dit-il, a pu vous protéger "à travers cet immense et redoutable désert, plein de serpents brûlants et de scorpions, désert aride et sans eau".(8) Chaque jour de votre long pèlerinage, un miracle de la miséricorde divine vous a gardés. Sur tout le parcours de la route tracée par Dieu, il y a eu de l'eau pour vous désaltérer et du pain pour apaiser votre faim. Vous avez voyagé sains et saufs de jour sous la colonne de nuée, de nuit sous la colonne de feu. Soutenus par des anges, vous avez gravi des cols difficiles au sommet des rochers, et suivi les sentiers raboteux du désert. Malgré les privations de votre vie nomade, il n'y a pas, dans tous vos rangs, une seule personne souffrante. Au cours de vos longues traites, vos pieds ne se sont pas enflés et vos vêtements ne se sont pas usés. Dieu vous a protégés des bêtes féroces et des reptiles venimeux des forêts et du désert. Si, en présence de tous ces gages de son amour, vous continuez de vous plaindre, prenez garde qu'il ne vous retire sa protection et que de nouvelles tribulations ne vous amènent à apprécier ses soins et sa miséricorde! PP 408 1 Protégés par la puissance divine, les Hébreux n'ont pas vu les dangers innombrables qui les entouraient sans cesse. Aussi, dans leur ingratitude et leur incrédulité, ils croient une fois de plus aller au-devant de la mort. En conséquence, Dieu va précisément permettre à celle-ci de les atteindre. Les serpents venimeux qui infestaient le désert étaient appelés "serpents brûlants" en raison des effets meurtriers produits par leur morsure que suivaient une violente inflammation et une mort soudaine. PP 408 2 Tout à coup, un grand nombre d'Israélites se virent poursuivis par ces dangereux reptiles. La terreur et la confusion se répandirent à travers tout le camp. Dans presque chaque tente, il y avait des morts ou des mourants. Personne n'était épargné. Le silence de la nuit même était fréquemment troublé par les cris perçants de nouvelles victimes. Chacun était occupé à soigner des blessés ou à veiller avec une mortelle angoisse sur ceux qui n'étaient pas encore atteints. A ce moment-là, personne ne murmurait plus, et cependant les tribulations du passé étaient sans comparaison avec les souffrances actuelles. PP 408 3 Alors le peuple, humilié et repentant, alla se confesser auprès de Moïse: "Nous avons péché, dirent-ils; car nous avons parlé contre l'Éternel et contre toi."(9) Peu de temps auparavant, ils avaient accusé leur chef d'être leur pire ennemi, la source de tous leurs maux, en sachant parfaitement bien que cette affirmation était fausse. Mais dès qu'un danger réel fondait sur eux, ils accouraient à lui, comme à leur seul intercesseur. "Prie l'Éternel, disaient-ils, pour qu'il éloigne de nous ces serpents." PP 408 4 Moïse reçut l'ordre de faire un serpent d'airain semblable à ceux qui tourmentaient le peuple et de l'élever au milieu du camp, faisant savoir que tous ceux qui dirigeraient les yeux sur cette effigie seraient soulagés. Il obéit, et bientôt la joyeuse nouvelle se répandit parmi le peuple que ceux qui avaient été mordus pouvaient échapper à la mort. Comme un grand nombre de personnes avaient déjà succombé, plusieurs avaient du mal à croire qu'il suffisait, pour être guéris, de regarder l'image métallique dressée par Moïse sur une perche. Ceux-là périrent dans leur incrédulité. Un grand nombre de blessés, cependant, eurent foi au divin remède. Des pères, des mères, des frères, des soeurs s'employaient activement à aider leurs amis mourants à regarder le reptile symbolique. Un seul regard jeté sur lui par les moribonds suffisait: ils étaient complètement rétablis. PP 409 1 Les Israélites savaient que ce serpent de métal n'avait pas le pouvoir d'opérer un tel miracle, et que sa vertu guérissante venait de Dieu. Ce simple rite avait pour but d'enseigner au peuple que c'étaient ses péchés qui lui avaient attiré cette affliction, et lui apprenait qu'en obéissant à Dieu, il n'avait aucun danger à redouter. PP 409 2 Une importante leçon spirituelle se dégageait de l'élévation du serpent. Les Hébreux ne pouvaient par eux-mêmes se préserver des effets du venin fatal. Dieu seul pouvait les guérir; mais à condition qu'ils croient au remède divinement prescrit. Il fallait regarder pour vivre. C'était leur foi qui était agréable à Dieu, et cette foi, ils la manifestaient en considérant le serpent comme le symbole du Rédempteur à venir, grâce aux seuls mérites duquel on peut être sauvé. Jusqu'alors, un grand nombre d'Israélites avaient apporté leurs offrandes à Dieu avec la pensée qu'ils faisaient ainsi l'entière expiation de leurs péchés. Or, Dieu voulait leur enseigner que leurs sacrifices n'ayant par eux-mêmes pas plus de vertu que le serpent d'airain, ils devaient diriger leur pensée vers le Sauveur promis. PP 409 3 "De même que Moïse éleva le serpent dans le désert, de même il faut que le Fils de l'homme soit élevé, afin que quiconque croit en lui ait la vie éternelle."(10) Tous ceux qui ont vécu ici-bas ont senti la morsure du "serpent antique, appelé le diable et Satan."(11) Les conséquences fatales du péché ne peuvent être supprimées que par le remède procuré par Dieu lui-même. Les Israélites qui sauvèrent leur vie en regardant le serpent avaient manifesté leur foi. De même, le pécheur qui dirige son regard sur le Sauveur vivra. Par la foi au sacrifice expiatoire, il recevra le pardon. Différent du symbole inerte et inanimé, Jésus-Christ possède en lui-même une vertu, un pouvoir qui guérit le pécheur repentant. PP 410 1 Mais si le pécheur est incapable de se sauver lui-même, il a cependant quelque chose à faire pour obtenir le salut. "Je ne mettrai point dehors celui qui vient à moi",(12) dit le Sauveur. Il faut venir à lui, et quand nous nous détournons de nos péchés, il faut croire qu'il nous accueille et nous pardonne. La foi est la main de l'âme qui s'empare de la grâce et de la miséricorde divines. C'est un pur don de Dieu: à nous de l'exercer. PP 410 2 Nous ne devons pas nous figurer que nos mérites peuvent nous sauver. Un grand nombre de personnes ont désiré et longuement cherché à obtenir ce bienfait, sans jamais le recevoir, parce qu'elles croyaient pouvoir faire quelque chose pour s'en rendre dignes. Seule la justice de Jésus-Christ, c'est-à-dire ses mérites, peut nous assurer les bienfaits de l'alliance de grâce. Il faut détourner ses regards de soi-même, croire que Jésus est un Sauveur pleinement suffisant, qu'il est notre seule espérance de salut; "car il n'y a sous le ciel aucun autre nom qui ait été donné aux hommes, par lequel nous devions être sauvés".(13) PP 410 3 Quand notre confiance en Dieu sera parfaite; quand nous nous appuierons sur les mérites de Jésus, le seul Sauveur capable de pardonner les péchés, nous recevrons de lui tous les secours désirables. Que personne ne cherche en soi-même la source du salut. Jésus est mort pour nous parce que nous étions incapables de nous sauver nous-mêmes. C'est en lui que se trouvent notre espérance, notre justification, notre droit à paraître devant Dieu et devant sa loi. Notre misère morale n'est pas une raison de désespérer et de croire que notre Sauveur ne se met point en peine de nous. C'est, au contraire, à ce moment-là même qu'il nous invite à aller à lui pour recevoir le pardon et la vie. PP 410 4 Un grand nombre d'Israélites ne voyaient aucun secours dans le remède que le ciel leur offrait. Entourés de toutes parts de morts et de mourants, convaincus que sans le secours de Dieu ils étaient perdus, ils continuaient néanmoins à se lamenter de leurs blessures et de leurs douleurs, alors qu'ils auraient pu être instantanément guéris. La mort se dressait devant eux, leurs forces les abandonnaient, leurs yeux devenaient vitreux: et cependant ils continuaient à repousser un remède qui était tout près d'eux! PP 410 5 Êtes-vous conscient de votre danger et de votre impuissance loin de Jésus? Ne vous épuisez pas en vaines lamentations; ne vous plongez pas dans le découragement. Reposez-vous sur les mérites d'un Sauveur crucifié et ressuscité. Regardez et vivez! Jésus vous a donné sa parole. Il sauve tous ceux qui viennent à lui. Des millions de personnes en quête de guérison rejettent sa miséricorde, mais il n'en laissera pas périr une seule qui se confie en ses mérites. PP 411 1 Ils sont nombreux ceux qui ne veulent pas accepter le Sauveur avant d'avoir compris tous les mystères de la rédemption. Ils ont beau voir autour d'eux des milliers d'âmes qui ont porté leurs yeux sur la croix du Calvaire et en ont reçu l'efficace: ils se refusent à diriger sur elle le regard de la foi. PP 411 2 D'autres s'égarent dans les dédales de la philosophie à la recherche de raisons et de preuves qu'ils ne trouveront jamais. Ils rejettent les lumières et les preuves que Dieu a bien voulu nous donner. Ils refusent de marcher à la lumière du Soleil de justice avant qu'on leur ait expliqué pourquoi il brille! Ceux qui persistent dans cette voie ne parviendront jamais à la connaissance de la vérité. Dieu ne nous enlèvera pas tout motif de douter. A chacun il donne des preuves suffisantes pour étayer sa foi. Si nous ne les acceptons pas, il nous abandonne dans les ténèbres, comme il laissa périr ceux qui, mordus par les serpents, se mettaient à poser des questions au lieu d'accepter le remède. Le regard de la foi donne la vie. Regardons à Jésus. C'est notre premier devoir. ------------------------Chapitre 39 -- La conquête de Basan PP 413 1 Après avoir suivi la frontière méridionale du pays d'Édom, les Israélites se tournèrent vers le nord et reprirent la direction de Canaan. Ils avaient à traverser un vaste plateau où se jouaient les fraîches brises des collines environnantes. Gaiement, ils échangèrent ce climat contre celui de la vallée aride et suffocante qu'ils venaient de parcourir et reprirent courage. Passant à gué le torrent de Zéred, ils contournèrent à l'orient le pays de Moab. Un ordre de Dieu leur disait: "Tu vas aujourd'hui passer la frontière de Moab, à Ar, et tu arriveras en face des enfants d'Ammon. Ne les attaque pas, et n'aie aucun démêlé avec eux; car je ne te donnerai rien à posséder dans le pays des enfants d'Ammon, parce que j'ai donné ce pays en héritage aux enfants de Lot."(1) PP 413 2 Arrivées plus au nord, les colonnes d'Israël atteignirent bientôt le pays des Amoréens. Ce peuple puissant et belliqueux habitait primitivement la partie méridionale du pays de Canaan. Accru en nombre, il avait traversé le Jourdain, et, déclarant la guerre aux Moabites, il s'était emparé d'une partie de leur territoire, occupant en maître incontesté toute la contrée qui s'étendait de l'Arnon au Jabbok. Pour se rendre directement au Jourdain, comme c'était l'intention des Hébreux, il fallait traverser ce royaume. PP 414 1 Moïse envoya au roi des Amoréens, alors dans sa capitale, ce message amical: "Permets que je passe par ton pays; je suivrai toujours la grande route, sans me détourner ni à droite ni à gauche. Tu me vendras des vivres, à prix d'argent, afin que j'aie à manger; tu me donneras aussi de l'eau à prix d'argent, afin que j'aie à boire. Laisse-moi seulement passer." La réponse du roi amoréen fut un refus formel, immédiatement suivi du rassemblement de toutes ses troupes en vue de s'opposer à la marche des Hébreux. Ce déploiement militaire répandit la terreur parmi les Israélites, mal préparés à une rencontre avec des forces aussi considérables, bien armées et bien disciplinées. Au point de vue de l'art de la guerre, leurs ennemis avaient l'avantage, et selon toute apparence, Israël allait essuyer une défaite écrasante. PP 414 2 Moïse, qui vivait les yeux fixés sur la colonne de nuée, encourageait les Israélites en leur montrant le signe de la présence divine qui les accompagnait. En même temps, il leur recommandait de se préparer à une rencontre. Leurs ennemis, impatients d'engager la bataille, étaient sûrs de la victoire. Cependant, le Maître suprême de la terre et de la mer avait donné cet ordre au conducteur de son peuple: "Levez-vous, partez et passez le torrent de l'Arnon. Vois, j'ai livré entre tes mains Sihon, roi de Hesbon, l'Amoréen, ainsi que son pays. Commence par t'emparer de son territoire, et fais-lui la guerre. Dès aujourd'hui, je vais répandre la crainte et la terreur de ton nom sur les peuples qui sont sous tous les cieux, tellement qu'en entendant parler de toi, ils trembleront et seront saisis de terreur à ton approche." PP 414 3 Les nations qui entouraient Canaan auraient pu être épargnées si elles ne s'étaient pas opposées à la marche d'Israël. Dieu avait manifesté envers elles sa patience et sa bonté. Lorsqu'il fut révélé à Abraham dans une vision que sa postérité demeurerait quatre cents ans dans un pays étranger, il avait entendu cette promesse: "A la quatrième génération, tes enfants reviendront ici; car l'iniquité de l'Amoréen n'est pas encore à son comble."(2) Bien que les Amoréens idolâtres fussent déjà indignes de vivre à cause de leur profonde corruption, Dieu, voulant leur prouver qu'il est le Créateur des cieux et de la terre, les avait épargnés encore durant quatre cents ans. Les merveilles par lesquelles il avait délivré Israël de la puissance égyptienne leur étaient parvenues. Ils avaient eu assez d'occasions de connaître la vérité; mais ils refusèrent de se détourner de l'idolâtrie et de l'immoralité, préférant tourner le dos à la lumière et conserver leurs idoles. PP 415 1 En ramenant son peuple pour la seconde fois sur la frontière de Canaan, Dieu donna à ces nations païennes de nouvelles preuves de sa puissance. Elles virent Israël remporter la victoire sur Arad et les Cananéens, et apprirent comment Dieu avait guéri les Israélites mordus par les serpents. De son côté, Israël, devant le refus des Iduméens de traverser leur territoire, ce qui les obligeait de prendre la route longue et pénible de la mer Rouge, n'avait manifesté aucune hostilité aux peuples d'Édom, de Moab et d'Ammon, ni commis de déprédation sur leurs territoires. PP 415 2 Arrivés à la frontière des Amoréens, Moïse n'avait demandé à Sihon que la permission de traverser son pays, promettant d'observer les mêmes précautions dont on avait usé à l'égard des autres nations. Le roi de Hesbon, en repoussant hautainement cette requête courtoise, et en mobilisant ses troupes dans des intentions hostiles, faisait déborder la coupe. Dieu allait mettre fin à sa domination. PP 415 3 Les Israélites passèrent l'Arnon, marchèrent au-devant de l'ennemi et remportèrent une éclatante victoire. Profitant immédiatement de cet avantage, ils envahirent le pays des Amoréens. Le Capitaine de l'armée de l'Éternel avait vaincu ceux qui s'opposaient à Israël, comme il l'aurait fait trente-huit ans plus tôt, si celui-ci avait eu confiance en lui. PP 415 4 Plein d'espoir et de courage, le peuple pressa le pas vers le nord et ne tarda pas à arriver sur les confins d'un pays qui allait mettre sa foi et son courage à rude épreuve. Il avait devant lui le puissant royaume de Basan, peuplé de grandes villes dont les ruines font encore aujourd'hui l'admiration du monde. "Soixante villes ... fortifiées de hautes murailles, avec des portes et des barres, sans compter celles très nombreuses qui n'avaient point de murailles."(3) Les maisons étaient bâties d'énormes pierres noires dont les étonnantes dimensions rendaient ces édifices absolument imprenables par n'importe quels engins de cette époque. En outre, le pays abondait en cavernes, en précipices, en gouffres béants et en citadelles naturelles. Les habitants, qui descendaient d'une race de géants, étaient eux-mêmes d'une haute stature et d'une force prodigieuse. Ils étaient si connus pour leur violence et leur cruauté qu'ils répandaient la terreur parmi les peuples environnants. Le roi du pays lui-même, Og, se faisait remarquer au milieu de cette race herculéenne par sa force et ses prouesses. PP 416 1 La colonne de nuée ouvrant la voie, les Hébreux la suivirent jusqu'à Édréi, où le roi géant les attendait entouré de toute son armée. Og avait habilement choisi le champ de bataille. La ville d'Édréi était située au bord d'un plateau s'élevant abruptement au-dessus de la plaine, et hérissé de roches volcaniques. On n'y avait accès que par d'étroits sentiers d'une ascension difficile. En cas de défaite, les troupes pouvaient se réfugier dans ce cirque de rochers où il serait impossible de les poursuivre. PP 416 2 Le roi, assuré du succès, rassembla son immense armée et s'avança au-devant d'Israël. Il prit position sur la hauteur, en bordure du plateau, au bruit des vociférations triomphantes poussées par des milliers de ses combattants. Ils brandissaient leurs lances, impatients d'en venir aux mains. Quand les Hébreux aperçurent de loin le roi Og dominant ses guerriers par sa stature, quand ils virent la multitude dont il était entouré et la forteresse en apparence inattaquable derrière laquelle étaient retranchés des milliers de guerriers invisibles, le coeur faillit leur manquer. Mais Moïse conservait un calme parfait. L'Éternel n'avait-il pas déclaré, en parlant du roi de Basan: "Ne le crains point; car je l'ai livré entre tes mains, lui, tout son peuple et son pays; tu le traiteras comme tu as traité Sihon, roi des Amoréens, qui habitait à Hesbon."(4) PP 416 3 La foi sereine du chef fut communicative. Tout le peuple prit confiance en la puissante protection de son Dieu, et il ne fut pas déçu. Ni les géants, ni les villes fortifiées, ni les armées redoutables, ni les forteresses imprenables ne purent résister devant le Chef de l'armée de l'Éternel. Car ce fut lui qui mit l'ennemi en déroute et remporta la victoire. Le roi géant et son armée furent anéantis, et les Hébreux occupèrent immédiatement tout son territoire. Voilà comment disparut cette nation, qui s'était adonnée à l'iniquité et à l'idolâtrie. PP 417 1 Maints Israélites, parmi ceux qui prirent part à la conquête de Galaad et de Basan, se souvinrent de la scène de Kadès, où Israël avait été condamné à de longues pérégrinations dans le désert. Ils purent se convaincre qu'à plusieurs égards, le rapport des espions avait été exact. Ils venaient de voir des villes fortifiées et populeuses, habitées par des géants auprès desquels les Hébreux n'étaient que des pygmées. Mais en même temps ils purent constater la fatale erreur commise par leurs pères en opposant à la puissance de Dieu leur incrédulité, le seul obstacle qui, quarante ans plus tôt, les avait empêchés d'entrer immédiatement dans la terre de Canaan. PP 417 2 Si les Israélites avaient alors pris possession de la terre promise, l'entreprise aurait pu s'exécuter avec beaucoup moins de peine. Dieu leur avait promis que s'ils obéissaient à sa voix, il les précéderait, combattrait pour eux et enverrait des frelons pour chasser les habitants du pays. A cette époque, ceux-ci n'éprouvaient pas de crainte à l'égard des Hébreux et avaient fait peu de préparatifs pour les arrêter. Tandis que maintenant Israël avait affaire à des peuples avertis et puissants, dont les armées étaient nombreuses et bien disciplinées. PP 417 3 Dans sa guerre contre Sihon et Og, Israël dut passer par l'épreuve même qu'avaient subie ses pères, et où ils avaient si misérablement échoué. Mais cette fois-ci l'épreuve était plus difficile. C'est ainsi que Dieu traite encore son peuple. S'il ne subit pas une épreuve avec succès, il le ramène au même point une seconde et une troisième fois, mais dans des conditions plus difficiles, et cela jusqu'à ce qu'il triomphe, à moins que, demeurant rebelle, il ne soit abandonné dans les ténèbres. PP 417 4 Les Hébreux se rappelèrent alors l'engagement où ils avaient été défaits, laissant derrière eux des milliers de morts, pour s'y être lancés contrairement à la volonté divine, sans Moïse, leur chef autorisé, sans la colonne de nuée, symbole de la présence de Dieu, et sans l'arche de l'alliance. Cette fois-ci, Moïse était avec eux pour affermir leurs coeurs par des paroles d'espérance et de foi. Le Fils de Dieu, au milieu de la colonne de nuée, ouvrait la marche, et l'arche sainte honorait l'armée de sa présence. PP 418 1 Cette guerre renferme un enseignement pour nous. Le puissant Dieu d'Israël est notre Dieu; en lui, nous pouvons placer notre confiance. Si nous obéissons à sa voix, il agira pour nous d'une manière éclatante, comme il l'a fait pour son ancien peuple. Toute âme qui s'efforce de suivre le sentier du devoir sera parfois assaillie par le doute. A certaines heures, la route pourra paraître hérissée d'obstacles en apparence insurmontables, et l'on sera tenté de s'abandonner au découragement. A ce moment-là, Dieu nous dit: En avant, coûte que coûte, fais ton devoir! Les difficultés qui jettent la terreur dans ton âme s'évanouiront au fur et à mesure que tu avanceras, humble et confiant, dans le sentier de l'obéissance. ------------------------Chapitre 40 -- Balaam PP 419 1 La conquête de Basan terminée, Israël revint sur les bords du Jourdain pour se préparer à celle de Canaan. Le camp s'installa sur les rives du fleuve, non loin de l'endroit où il se perd dans la mer Morte, en face même de Jéricho. PP 419 2 C'était dans le proche voisinage du royaume des Moabites. Ceux-ci, bien que respectés par les Hébreux, n'en avaient pas moins surveillé, avec de vives alarmes, tout ce qui venait de se passer chez les nations environnantes. Les Amoréens, devant lesquels les Moabites avaient dû battre en retraite, avaient été vaincus par les Hébreux, qui s'étaient emparés du territoire même que Moab avait dû céder à Sichem. Les armées de Basan également avaient plié devant la puissance mystérieuse qui se cachait dans la colonne de nuée, et les places fortes de ce peuple de géants étaient occupées par les envahisseurs. Attaquer Israël, c'eût été, pour Moab, courir un gros risque en face des secours surnaturels qui le protégeaient. L'appel aux armes était donc hors de question. Alors, pour mettre la puissance de Dieu en échec, comme autrefois Pharaon, ils recoururent à la sorcellerie, à laquelle ils demandèrent de maudire Israël. PP 420 1 Le peuple de Moab était apparenté aux Madianites par le double lien de la race et de la religion. Pour s'assurer de la coopération de cette nation-soeur contre Israël, Balak, roi de Moab, chercha à éveiller ses craintes, en lui envoyant ce message: "Cette multitude va bientôt tout dévorer autour de nous, comme les boeufs broutent l'herbe des champs."(1) PP 420 2 Or, il y avait en Mésopotamie un homme nommé Balaam auquel on attribuait des dons surnaturels, et dont la réputation était parvenue jusqu'au pays de Moab. Se décidant à recourir à lui, Balak lui envoya une députation composée d'élites de Moab et de Madian pour lui demander le concours de ses incantations contre les Hébreux. PP 420 3 Les ambassadeurs se mirent immédiatement en route à travers monts et déserts pour la lointaine Mésopotamie. Ayant trouvé Balaam, ils lui remirent, de la part de leur roi, le message suivant: "Il y a ici un peuple qui est sorti de l'Égypte; il couvre la surface du pays, et il s'est établi vis-à-vis de moi. Viens donc maintenant, je te prie, pour maudire ce peuple; car il est plus puissant que moi. Peut-être pourrai-je alors le battre et le chasser de ce pays; car je sais que celui que tu bénis est béni, et que celui que tu maudis est maudit." PP 420 4 Balaam avait été un homme de bien et un prophète de Dieu. Mais quoique se donnant encore pour un serviteur du Très-Haut, il avait renoncé à la piété pour s'adonner à la cupidité. Il n'ignorait pas que Dieu avait choisi Israël et que son devoir était de refuser les présents de Balak. Mais flatté par cette parole des ambassadeurs: "Celui que tu bénis est béni, et celui que tu maudis est maudit", il prie ces messagers de passer la nuit chez lui, étant donné, leur dit-il, qu'il ne pourra leur donner de réponse définitive qu'après avoir consulté l'Éternel. Il sait cependant qu'aussi longtemps qu'Israël demeurera fidèle à Dieu, aucune puissance adverse, terrestre ou infernale, ne pourra rien contre lui. D'autre part, sa vénalité est excitée par la riche récompense et les honneurs qu'on lui promet. Il accepte donc les dons qu'on lui offre, et, tout en prétendant vouloir suivre strictement la volonté de Dieu, il cherche le moyen de satisfaire Balak. PP 420 5 Durant la nuit, l'ange de Dieu lui adressa ces paroles: "Tu n'iras pas avec ces gens-là, et tu ne maudiras point ce peuple; car il est béni." Le matin venu, Balaam renvoya ses hôtes, mais sans leur en dire la raison. Dépité de voir s'évanouir ses rêves dorés, il leur dit avec humeur: "Retournez dans votre pays; car l'Éternel a refusé de me laisser aller avec vous." PP 421 1 "Balaam aima le salaire de l'iniquité."(2) L'avarice, considérée par Dieu comme une idolâtrie, le dominait. Par elle, Satan le subjugua et le conduisit à sa perte. Le tentateur ne manque jamais de détourner les hommes du service du Seigneur par l'appât de la fortune et des honneurs. Il leur dit que trop de scrupules ne mènent pas à l'opulence, et il entraîne ainsi bien des gens loin de l'honnêteté. Un pas dans la mauvaise voie facilite le second et rend de plus en plus hardi dans le mal. Lorsqu'on s'est livré à l'amour des richesses et de l'autorité, on finit par oser des actions odieuses. Pour se procurer quelque aisance, beaucoup pensent pouvoir, pendant un temps, s'écarter d'une stricte probité, quitte, une fois leur but atteint, à revenir dans la bonne voie. Ces personnes-là tombent dans les filets de Satan, et il est rare qu'elles en échappent. PP 421 2 Les messagers de Balak, à leur retour, ne lui dirent pas que c'était Dieu qui avait interdit au prophète d'acquiescer à sa demande. Supposant que le refus de Balaam n'avait d'autre cause que le désir d'obtenir de plus riches présents, le roi de Moab lui envoya des princes plus nombreux et d'un rang plus élevé, chargés de lui offrir de plus grands honneurs et autorisés à accepter ses conditions quelles qu'elles fussent. En outre, Balak adressait au prophète infidèle ce message urgent: "Que rien, je te prie, ne t'empêche de venir vers moi; car je te comblerai d'honneurs, et je ferai tout ce que tu me diras. Mais viens, je t'en prie, pour maudire ce peuple." PP 421 3 Une seconde fois, Balaam est mis à l'épreuve. Dans sa réponse aux pressantes sollicitations des ambassadeurs, il affiche des scrupules de conscience, assurant qu'aucune somme d'or ou d'argent ne pourra l'encourager à désobéir à Dieu. Et cependant, bien qu'il ait des ordres formels, il a un tel désir de satisfaire le roi qu'il demande à ses envoyés d'attendre qu'il ait encore une fois consulté l'Éternel. Se figure-t-il que le Seigneur changera d'idée pour lui faire plaisir? PP 421 4 "Dieu s'approcha de Balaam pendant la nuit, et lui dit: Si ces étrangers sont venus pour t'appeler, lève-toi, va avec eux; mais tu ne feras que ce que je te dirai." Balaam était résolu, quoi qu'il arrive, à suivre le désir de son coeur. Le Seigneur le lui permet jusqu'à un certain point et le laisse dans l'illusion qu'il sanctionne sa convoitise. PP 422 1 Aujourd'hui, des milliers de personnes font exactement la même chose. Leur devoir leur est clairement prescrit dans la Bible ou nettement indiqué par les circonstances; elles n'ont aucune peine à s'en rendre compte; mais ce devoir est contraire à leur inclination. Aussi, ne tenant aucun compte de leurs convictions intimes, elles demandent à Dieu de leur montrer sa volonté. Très consciencieusement, en apparence, elles prient avec instance pour que Dieu les éclaire. C'est là se jouer du Seigneur. Il permet alors à ces personnes d'en faire à leur tête et d'en porter les conséquences. PP 422 2 Mais mon peuple n'a pas écouté ma voix;... Alors je les ai abandonnés à la dureté de leur coeur, Et ils ont marché au gré de leurs désirs.(3) PP 422 3 Que celui qui voit clairement son devoir prenne garde de ne pas s'aventurer à prier Dieu de l'en exempter. Qu'il lui demande plutôt, d'un coeur humble et soumis, la force et la sagesse de lui obéir. PP 422 4 Les Moabites étaient un peuple dégradé et idolâtre. Mais en comparaison des lumières reçues, ils n'étaient pas aussi coupables que Balaam. Ce voyant est donc autorisé à se rendre chez Balak; mais comme il se donne pour un prophète du Très-Haut et que chacune de ses paroles va être considérée comme inspirée, Dieu ne lui permettra pas de dire ce qu'il lui plaira: il l'obligera à ne prononcer que les paroles qu'il lui mettra dans la bouche. "Tu ne feras que ce que je te dirai." PP 422 5 Cependant, les messagers de Moab, contrariés du nouveau délai qu'on leur demandait et s'attendant à un deuxième refus, s'étaient remis en route. Balaam n'avait donc plus d'excuse pour se rendre auprès de Balak. Néanmoins, déterminé à profiter d'une si belle occasion de s'enrichir, il bâte sa monture ordinaire et se met en voyage. Craignant même que la permission divine ne lui soit retirée et que le pécule convoité ne lui échappe, il presse vigoureusement l'allure de sa bête. PP 423 1 Tout à coup, un "ange de l'Éternel se place sur le chemin pour s'opposer à lui". L'ânesse, apercevant le divin messager invisible au "voyant", quitte la route et s'engage dans un champ. A force de la frapper, Balaam réussit à la ramener sur le chemin. Un peu plus loin, le voyageur arrive à un endroit où la route est resserrée de chaque côté par un mur, et où l'ange l'attend. L'animal, pour éviter cette apparition terrifiante, se jette contre la muraille et foule le pied de son maître. Celui-ci, exaspéré, et ne voyant pas que Dieu lui barre le chemin, le roue de coups pour le faire avancer. Mais bientôt il se trouve "dans un passage étroit où il n'y a pas d'espace pour se détourner ni à droite ni à gauche", et où l'ange de l'Éternel reparaît une troisième fois, comme auparavant, dans une attitude menaçante. La pauvre bête, tremblante de frayeur, s'arrête brusquement et s'abat sous son cavalier. Hors de lui, Balaam se remet à la frapper plus cruellement que jamais. Dieu alors arrête la démence du prophète. L'ânesse muette, faisant entendre une voix humaine, lui dit:"Que t'ai-je fait, pour que tu m'aies frappée déjà trois fois?" Comme il ne songe qu'à ces arrêts réitérés qui retardent son voyage, Balaam, furieux à en perdre la raison, répond à l'animal comme s'il était un être humain: "C'est que tu t'es moquée de moi. Que n'ai-je une épée dans la main. Je te tuerais à l'instant!" Ce prétendu magicien, en route pour aller maudire tout un peuple et paralyser ses mouvements, n'a pas même la force de tuer sa monture! PP 423 2 Alors ses yeux s'ouvrent et il aperçoit l'ange de Dieu, une épée à la main, s'apprêtant à le mettre à mort. Épouvanté, Balaam "s'incline et se prosterne, le visage en terre. L'ange de l'Éternel lui dit: Pourquoi as-tu frappé ton ânesse déjà trois fois? C'est moi qui suis sorti pour m'opposer à toi; car je te vois suivre un chemin qui te mène à ta perte. L'ânesse m'a vu, et elle s'est détournée devant moi déjà trois fois; si elle ne s'était pas détournée devant moi, je t'aurais même tué, et je l'aurais laissée vivre." PP 423 3 Balaam devait la vie au pauvre animal qu'il avait traité avec si peu d'humanité. Celui qui se disait prophète de l'Éternel, qui s'intitulera "l'homme qui a l'oeil ouvert"(4) et "qui voit la vision du Tout-Puissant", était si aveuglé par la cupidité qu'il ne parvenait pas à voir l'ange de Dieu visible à sa bête! Il est écrit que le dieu de ce siècle a aveuglé l'esprit des incrédules."(5) Qu'ils sont nombreux ces aveugles-là! Ils se lancent dans les sentiers défendus, transgressent la loi divine et ne s'aperçoivent pas que Dieu et les anges sont ligués contre eux! Comme Balaam, ils s'irritent contre ceux qui voudraient les préserver de la ruine. PP 424 1 Par son inhumanité à l'égard de sa monture, Balaam avait montré quel esprit l'animait. "Le juste a soin de la vie de son bétail; mais les méchants n'ont pas d'entrailles."(6) Peu de personnes se font une juste idée de la cruauté qu'il y a à maltraiter les animaux, à les accabler de travail ou à les faire souffrir par leur négligence. Celui qui a créé l'homme a mis les animaux à son service; mais il ne lui a pas donné le droit de les brutaliser, car "ses compassions s'étendent sur toutes ses oeuvres."(7) C'est à cause du péché de l'homme que "toute la création (inférieure) soupire, et qu'elle est comme en travail."(8) La chute de l'homme a condamné à la souffrance et à la mort non seulement le genre humain, mais aussi les animaux. Il est donc raisonnable que l'homme s'efforce d'atténuer plutôt que d'aggraver les douleurs qu'il a attirées sur les créatures de Dieu. PP 424 2 Celui qui brutalise les bêtes parce qu'il les tient sous son pouvoir est à la fois un lâche et un tyran. C'est manifester un esprit satanique que de faire souffrir soit les hommes soit la création animale. Bien des gens s'assurent que leur cruauté ne viendra pas au jour parce qu'une pauvre bête muette ne pourra les accuser. Mais si leurs yeux, comme ceux de Balaam, pouvaient s'ouvrir, ils verraient un ange de Dieu prendre note de leur conduite. Tous les actes de ce genre font partie d'un dossier et sont conservés pour le jour où le jugement de Dieu s'exercera contre les tortionnaires de ses créatures. PP 424 3 Quand Balaam vit le messager de l'Éternel, il s'écria, terrifié: "J'ai péché; car je ne savais pas que tu t'étais posté sur le chemin pour m'arrêter; et maintenant, si tu me désapprouves, je m'en retournerai." Dieu le laisse continuer son voyage, tout en lui donnant à entendre que ses paroles lui seront dictées par la puissance céleste. Car il va prouver à Moab d'une manière bien frappante que les Hébreux sont sous sa protection, en montrant à ce peuple la complète impuissance de Balaam pour prononcer une malédiction contre Israël. PP 425 1 Apprenant l'approche du prophète, le roi de Moab, accompagné d'une suite nombreuse, alla le recevoir à la frontière de son royaume. Il lui exprima l'étonnement que lui avaient causé ses délais, eu égard aux somptueux présents qu'il lui réservait. Balaam répondit: "Tu le vois, je suis venu vers toi; mais puis-je de moi-même dire quoi que ce soit? Je dirai ce que Dieu me mettra dans la bouche." Mais cette restriction l'inquiétait fort, car il craignait de voir s'écrouler l'objet de ses convoitises. PP 425 2 Accompagné des principaux dignitaires de la couronne, Balak escorta Balaam en grande pompe à "Ba-moth-Baal, d'où il pût voir jusqu'aux dernières lignes du camp d'Israël". Debout sur la hauteur, Balaam embrasse d'un seul regard tout le camp du peuple élu! Comme les Israélites se doutent peu de ce qui se passe tout près d'eux! Qu'ils connaissent mal les soins dont le Seigneur les entoure de jour et de nuit! Et combien le peuple de Dieu, dans tous les âges, est lent à reconnaître l'amour et la miséricorde de son divin Protecteur! S'il pouvait se rendre compte de la puissance merveilleuse qui s'exerce continuellement en sa faveur, ne déborderait-il pas de gratitude envers lui? PP 425 3 Balaam, qui avait quelque connaissance des sacrifices offerts par les Hébreux, espérait, en les surpassant par le faste des siens, s'assurer la bénédiction de Dieu et réaliser son coupable désir. Peu à peu, il en venait à sympathiser avec les Moabites idolâtres. En s'abandonnant à la puissance de Satan, sa sagesse avait tourné à la folie et son discernement spirituel à l'aveuglement. Sous sa direction, on construisit sept autels sur chacun desquels il offrit un sacrifice. Cela fait, "il s'en alla dans un endroit découvert" pour consulter Dieu, promettant à Balak de lui communiquer tout ce qui lui serait révélé. PP 425 4 Entouré des nobles et des princes de Moab, ainsi que d'une multitude de curieux, le roi attend le retour du prophète auprès du sacrifice. Tous prêtent une oreille attentive aux paroles qui doivent paralyser à jamais le pouvoir invisible de ces maudits Israélites. Voici l'oracle de Balaam: PP 425 5 Balak m'a fait venir d'Aram, Le roi de Moab m'a fait descendre des montagnes de l'Orient. Allons! maudis pour moi Jacob! Viens vouer Israël à la colère! Comment maudirai-je celui que Dieu n'a point maudit? Comment vouerai-je à la colère Celui contre lequel l'Éternel n'est pas irrité? Car je le vois du sommet des rochers, Je le contemple du haut des coteaux: C'est un peuple qui a sa demeure à part, Et qui ne se confond pas avec les autres nations. Qui pourrait compter les grains de poussière de Jacob Et dénombrer le quart des enfants d'Israël? Que je meure de la mort des justes, Et que ma fin soit semblable à la leur! PP 426 1 Balaam avouait qu'il était venu dans le dessein de maudire Israël, alors que ses paroles étaient diamétralement opposées! Celui qu'il brûlait de maudire, il était contraint de le bénir! On lui avait représenté ce peuple qui répandait la terreur dans les pays environnants comme une multitude grossière et turbulente, dont les bandes vagabondes infestaient le pays. Et Balaam, les yeux arrêtés sur le camp d'Israël, contemple sa vaste étendue et sa belle ordonnance, où tout proclame la prospérité, la discipline et l'ordre le plus parfait. Il reconnaît la faveur dont Dieu entoure Israël et son caractère distinctif qui ne doit pas être placé au niveau des autres, mais au-dessus d'eux tous: "C'est un peuple, dit-il, qui a sa demeure à part, et qui ne se confond pas avec les autres nations." PP 426 2 A l'époque où ces paroles étaient prononcées, les Hébreux n'avaient pas de territoire; leur caractère, leurs moeurs et leurs coutumes étaient inconnus de Balaam. Et pourtant, de quelle manière saisissante cette prédiction n'allait-elle pas s'accomplir dans l'histoire d'Israël, aussi bien durant les années de leur captivité future qu'à travers les siècles de leur dispersion parmi tous les peuples! Il en est de même aujourd'hui du peuple de Dieu, du véritable Israël. Quoique dispersé sur toute la terre, il n'est qu'un pèlerin dont la cité est au ciel. PP 426 3 La vision accordée à Balaam ne lui révèle pas seulement l'histoire du peuple hébreu comme nation. Il contemple aussi l'accroissement et la prospérité du peuple de Dieu jusqu'à la fin des temps. Il voit ceux qui aiment et craignent l'Éternel entourés d'une faveur spéciale et soutenus par le Tout-Puissant lorsqu'ils descendent dans la vallée de l'ombre de la mort. Puis il les aperçoit sortant de leurs sépulcres, couronnés de gloire, d'honneur et d'immortalité, et goûtant avec délices les joies édéniques de la nouvelle terre. Transporté à la vue de ce spectacle, le prophète, malgré lui, s'écrie: "Qui pourrait compter les grains de poussière de Jacob, et dénombrer le quart des enfants d'Israël?" Enfin, remarquant leurs fronts ornés d'une couronne de gloire et leurs visages rayonnant d'une joie ineffable, Balaam, à la pensée d'une vie de bonheur parfait et sans terme, laisse échapper ce cri: "Que je meure de la mort des justes, et que ma fin soit semblable à la leur!" PP 427 1 S'il avait été disposé à accepter la lumière qui venait de briller à ses yeux, il aurait à l'instant réalisé ce voeu et coupé court à toutes ses négociations avec les Moabites. Au lieu d'abuser plus longtemps de la miséricorde de Dieu, il aurait dirigé vers lui un coeur profondément contrit. Malheureusement, il "aimait le salaire de l'injustice", et il était résolu à l'obtenir. PP 427 2 Balak, qui s'était fermement attendu à voir tomber sur Israël un destin fatal produisant sur ce peuple l'effet d'un fléau dévastateur, et qui a écouté avec stupeur les paroles du voyant, laisse éclater son irritation: "Que m'as-tu fait? Je t'ai pris pour maudire mes ennemis! Et voilà, tu n'as fait que les bénir!" Faisant de nécessité vertu, Balaam prétend que les paroles qu'il a prononcées malgré lui ont été dictées par un sincère attachement à la volonté de Dieu. Il répond au roi: "Ne dois-je pas avoir soin de ne dire que ce que l'Éternel met dans ma bouche?" PP 427 3 Balak, cependant, n'abandonne pas encore son dessein. Il réfléchit que le spectacle présenté par le camp des Hébreux est si imposant que Balaam, intimidé, n'a pas osé lancer contre eux ses enchantements. Il conduit le prophète dans un endroit d'où il ne pourra voir qu'une partie du camp d'Israël. S'il le maudit par sections, pense-t-il, tout le camp sera bientôt sous le coup de l'anathème. "Viens, lui dit-il, avec moi à une autre place d'où tu pourras voir ce peuple. Tu n'en apercevras que les derniers rangs sans en voir la totalité."(9) PP 427 4 Une nouvelle tentative est faite sur le sommet d'une hauteur nommée Pisga. De nouveau, on construit sept autels sur lesquels on offre des sacrifices identiques aux premiers, et auprès desquels se tiennent le roi et les princes, tandis que Balaam s'est retiré pour aller "à la rencontre de l'Éternel". Un autre message est confié au voyant, qu'il sera également impuissant à garder pour lui ou à modifier. Quand il reparaît, la foule impatiente lui demande: "Qu'a dit l'Éternel?" Comme la première fois, l'oracle terrifiera le roi et ses princes: PP 428 1 Dieu n'est point un homme pour mentir, Ni un fils d'homme pour se repentir. Ce qu'il a dit, ne le fera-t-il point? Ce qu'il a déclaré, ne le réalisera-t-il pas?... Oui! j'ai reçu l'ordre de bénir; Il a béni: je ne révoquerai pas sa bénédiction. Il n'aperçoit point d'iniquité en Jacob; Il ne voit point de perversité en Israël. L'Éternel, son Dieu, est avec lui: Les Israélites l'acclament comme leur roi. PP 428 2 Pris d'une sainte frayeur par ces révélations, Balaam s'écrie: "L'enchantement ne peut rien contre Jacob, ni la divination contre Israël."(10) Le grand magicien avait mis ses sortilèges à contribution pour plaire aux Madianites. Mais, en parlant de cette scène, la postérité dira: "Qu'est-ce que Dieu a fait?" Aussi longtemps qu'Israël sera sous la protection divine, nul peuple, bien qu'armé de toute la puissance de Satan, ne pourra lui nuire. Dans l'avenir, tout le monde s'émerveillera des oeuvres de Dieu en sa faveur. On admirera que de la bouche d'un homme déterminé à proférer des imprécations, on n'ait entendu que de riches et précieuses promesses, et cela en un langage d'une sublime poésie. La faveur témoignée à Israël à cette occasion devait être, pour les fidèles de tous les siècles, un gage de la sollicitude de la Providence divine. A l'avenir, quand Satan incitera les impies à calomnier et à persécuter le peuple de Dieu, cette circonstance lui sera rappelée pour affermir son courage et sa foi. PP 428 3 Suffoqué, désespéré, le roi de Moab s'écrie: "Ne le maudis point, mais ne le bénis pas non plus!" Il lui reste cependant au coeur une lueur d'espoir, et il veut faire encore un essai. Il conduit Balaam sur le mont Péor, où se trouve un temple consacré au culte immoral de Baal, son dieu. On y érige encore le même nombre d'autels sur lesquels on offre les mêmes sacrifices. Cette fois-ci, Balaam ne se retire pas à l'écart pour connaître la volonté de l'Éternel. Abandonnant toute prétention à la sorcellerie, debout à côté des autels, il dirige ses regards vers les tentes d'Israël, et ce divin message s'échappe de ses lèvres: PP 429 1 Que tes tentes sont belles, ô Jacob! Et tes demeures, ô Israël! Elles s'étendent comme des vallées, Comme des jardins au bord d'un fleuve, Comme des aloès que l'Éternel a plantés, Comme des cèdres au bord des eaux. PP 429 2 L'eau débordera des réservoirs d'Israël, Et ses semailles seront abondamment arrosées. Son roi s'élèvera au-dessus d'Agag, Et son royaume deviendra tout-puissant... PP 429 3 Il se couche, il se repose, comme le lion, comme la lionne; Qui osera le réveiller? Béni soit qui te bénira, Maudit soit qui te maudira! PP 429 4 La prospérité du peuple de Dieu est ici dépeinte sous les plus gracieuses images fournies par la nature. Le prophète compare Israël à de fertiles vallées couvertes de moissons dorées; à des jardins arrosés de sources intarissables, à l'aloès odoriférant, au cèdre majestueux. Cette dernière métaphore est l'une des plus belles et des plus appropriées. Le cèdre était honoré chez tous les peuples de l'Orient. Partout où l'homme a mis le pied, d'un bout de la terre à l'autre, on trouve des spécimens de sa famille. On le voit prospérer dans les régions arctiques comme sous les tropiques, exposé aux ardeurs du soleil et bravant les frimas, sur les rives d'un fleuve et au sein d'une végétation luxuriante, comme dans la steppe aride et desséchée. Partout le cèdre pousse, profondément enraciné jusque dans l'ossature des monts, et défiant les plus terribles tempêtes. PP 429 5 Sous les glaces de l'hiver, quand toute végétation a péri, frais et verdoyant, il éclipse les autres arbres par sa force, sa solidité et son éternelle vigueur. Aussi est-il le symbole de ceux dont la vie "est cachée avec le Christ en Dieu."(11) "Les justes, est-il écrit, s'élèveront comme le cèdre du Liban."(12) Le Créateur a fait du cèdre le roi de la forêt: "Dans le jardin de Dieu, les cyprès n'égalaient point ses branches, et les platanes étaient moins vigoureux que ses rameaux. Aucun arbre du jardin de Dieu ne l'égalait en beauté."(13) Le fait que cet arbre est cité dans les Écritures comme l'emblème de la royauté et le symbole des justes témoigne de la haute considération que Dieu porte à ceux qui font sa volonté. PP 430 1 Balaam annonce que le roi d'Israël sera plus grand et plus fort qu'Agag; c'était le nom donné aux rois amalécites, nation très puissante à cette époque. Il prédit également qu'Israël, s'il est fidèle, soumettra tous ses ennemis. Le roi d'Israël, c'est le Fils de Dieu dont le trône, établi sur la terre, sera exalté au-dessus de tous les royaumes du monde. PP 430 2 A l'ouïe des paroles du prophète, bouleversé de dépit, de crainte et de rage; exaspéré à la pensée que Balaam ait pu lui laisser si longtemps quelque espoir, alors que tout est contre lui; plein de mépris pour sa fourberie, le roi donne libre cours à sa colère: "Fuis dans ton pays! lui dit-il. J'avais dit que je te comblerais; mais c'est l'Éternel qui t'en a privé." PP 430 3 Balaam lui répond qu'il l'a prévenu. Il n'a donc pu lui donner d'autre message que ceux que Dieu a placés dans sa bouche. Et avant de retourner dans son pays, il fait encore une magnifique et sublime prédiction relative au Rédempteur du monde et à la destruction finale des ennemis de Dieu: "Et maintenant, dit-il à Balak, je m'en retourne chez mon peuple. Viens donc, je t'annoncerai ce que ce peuple fera à ton peuple dans la suite des temps: PP 430 4 Oui, je le vois, mais il n'est pas encore présent; Je le contemple, mais il n'est pas proche; Un astre sort de Jacob, Un sceptre s'élève d'Israël. Il écrasera Moab d'un bout à l'autre; Il détruira cette race guerrière." PP 430 5 Il termine en prédisant la destruction complète de Moab, d'Édom, d'Amalek et du Kénien, ne laissant pas au monarque des Moabites la plus faible raison d'espérer. PP 430 6 Frustré des largesses et des dignités espérées, tombé en disgrâce auprès du roi et conscient d'avoir encouru le déplaisir de Dieu, Balaam récolta les fruits de la folle mission qu'il s'était donnée. Sa cupidité, un moment freinée, le ressaisit de plus belle lorsqu'il rentre chez lui, abandonné de l'Esprit de Dieu, et il est prêt à recourir à n'importe quel stratagème pour s'assurer les présents de Balak. Sachant que la prospérité d'Israël dépend de sa fidélité envers Dieu, et que le seul moyen de le perdre est de l'entraîner dans le péché, il se décide à rentrer en grâce auprès de Balak en lui indiquant la manière de faire tomber ce peuple sous la malédiction divine. PP 431 1 Il retourne immédiatement au pays de Moab, et il développe devant le roi un stratagème qui entraînera les Hébreux à participer à des actes d'idolâtrie, ainsi qu'à prendre part au culte licencieux de Baal et d'Astarté. De cette manière, Israël, perdant la protection divine, sera à la merci des nations belliqueuses qui l'entourent. Le roi acquiesça immédiatement à ce plan, et retint Balaam auprès de lui pour l'aider à le mettre à exécution. PP 431 2 Balaam assista au succès de sa diabolique manoeuvre. Il vit la malédiction de Dieu fondre sur son peuple et des milliers d'Israélites périr sous ses jugements. Mais la justice rétributive qui châtiait Israël n'épargna point son séducteur. Au cours de la guerre qui éclata entre Israël et les Moabites, Balaam fut tué. Il avait eu le pressentiment que sa fin était proche, quand il s'était écrié: "Que je meure de la mort des justes, et que ma fin soit semblable à la leur!" Mais n'ayant pas choisi de vivre comme les justes, il fut rangé parmi les ennemis de Dieu. PP 431 3 Le sort de Balaam rappelle celui de Judas auquel il ressemble d'une manière frappante. Tous deux ont voulu faire coïncider le service de Dieu avec celui de Mammon et ont échoué d'une façon lamentable. Balaam connaissait le vrai Dieu et professait de le servir. Judas considérait Jésus comme le Messie et s'était fait recevoir au nombre de ses disciples. Balaam conçut l'idée de faire du service de Dieu un moyen de parvenir à la richesse et aux honneurs. Au lieu d'atteindre son but, il trébucha et perdit la vie. Judas espéra également se servir de ses rapports avec le Sauveur pour arriver à la fortune et à une haute situation dans le royaume temporel dont Jésus serait le roi. La ruine de ses espérances l'entraîna à l'apostasie et au suicide. Balaam et Judas avaient tous deux reçu de grandes lumières et joui de grands privilèges. Un seul péché caressé empoisonna toute leur vie et causa leur perte. PP 431 4 Il est dangereux de laisser subsister dans son coeur une seule disposition non chrétienne. Un seul péché caressé finit par altérer le caractère et par étouffer les plus nobles aspirations. Un seul accroc à la conscience, une seule mauvaise habitude contractée, une seule négligence à l'égard du devoir abattent les barrières de l'âme et ouvrent l'accès à Satan. La voie sûre consiste à faire monter journellement et sincèrement vers Dieu cette prière: PP 432 1 Que ta parole affermisse mes pas, Et ne permets point que le péché domine sur moi.(14) ------------------------Chapitre 41 -- L'apostasie au Jourdain PP 433 1 Les troupes victorieuses d'Israël étaient revenues de Basan le coeur joyeux et animées d'une nouvelle confiance en Dieu. Elles avaient déjà pris possession d'un territoire d'une grande valeur, et elles entrevoyaient la conquête immédiate de Canaan, dont seul le Jourdain les séparait encore. En face, au-delà du fleuve, s'étendait une plaine verdoyante arrosée de cours d'eau et ombragée de luxuriants palmiers. A l'occident de cette plaine, s'élevaient les tours et les palais de Jéricho, entourée à tel point de verdure qu'on l'appelait "la ville des palmiers". PP 433 2 Les Hébreux avaient trouvé, à l'est du Jourdain, un agréable emplacement pour y dresser leur camp. C'était la vallée de Sittim, ainsi nommée en raison des nombreux massifs de palmiers et d'acacias qui bordaient le fleuve, et où l'on jouissait d'un climat tropical. PP 433 3 Au milieu de cette riche et belle nature, ils allaient rencontrer un ennemi plus terrible que des armées ou que les animaux sauvages du désert. Ce pays si favorisé de la nature était souillé par ses habitants. Des scènes dégradantes et infâmes se déroulaient constamment au cours du culte que l'on y rendait publiquement à Baal, leur divinité principale. Nombreux étaient les lieux notoires où s'étalaient l'idolâtrie et l'immoralité, et dont les noms eux-mêmes suggéraient l'immonde corruption de ces populations. PP 434 1 Ce voisinage exerça une influence démoralisatrice sur les Israélites. Ils s'accoutumèrent aux pensées impures qui leur étaient constamment suggérées. L'aise et l'inaction les éloignèrent inconsciemment de Dieu, ils en arrivèrent au point où la tentation devint presque irrésistible. Le temps que Moïse passa aux préparatifs de l'occupation de Canaan fut, pour les Israélites, une période pleine de dangers. Plusieurs semaines ne s'étaient pas écoulées que leur histoire était souillée par une effroyable apostasie. PP 434 2 Tout d'abord, il n'y eut guère de rapports entre les Israélites et leurs voisins idolâtres. Mais bientôt, on vit se glisser dans le camp des femmes moabites dont le plan était d'entraîner les Hébreux dans l'immoralité et l'idolâtrie. Leur but était si habilement voilé sous le couvert de l'amitié que nul ne songea à les suspecter, pas même les chefs du peuple. PP 434 3 A la suggestion de Balaam, le roi de Moab organisa une grande fête en l'honneur de leurs dieux. Il était entendu que Balaam inviterait les Israélites à y assister. Considéré par ceux-ci comme un prophète de Dieu, il n'eut pas de peine à atteindre son but. Une foule d'Israélites qui l'accompagnèrent à la fête furent pris dans les filets de Satan. Charmés par la musique et les danses, et séduits par la beauté des prêtresses, ils oublièrent leur fidélité à l'Éternel et participèrent aux divertissements et à la bonne chère. Lorsque les sens émoussés par le vin eurent fait tomber les barrières de la volonté, les passions se débridèrent; leur conscience étant paralysée par le libertinage, ils se laissèrent aller à se prosterner devant les idoles. Ils offrirent des sacrifices sur les autels païens et participèrent aux rites les plus dégradants. PP 434 4 Il ne fallut pas longtemps pour que ce poison mortel répandît son infection à travers tout le camp. Ces hommes, qui auraient écrasé leurs ennemis en bataille rangée, étaient tombés dans les pièges des femmes idolâtres. Les chefs et les principaux avaient été les premiers à s'adonner au mal. Cette scène de dévergondage effréné fut à peu près générale. Le peuple semblait fasciné. Ces pratiques infâmes avaient réussi là où les enchantements de Balaam avaient échoué: elles l'avaient séparé de Dieu. "Israël s'attacha à Baal-Péor."(1) Quand, enfin, Moïse s'en rendit compte, le succès des ennemis était à ce point complet que les rites païens se pratiquaient déjà dans le camp. Le grand vieillard fut bouleversé, et la colère de Dieu s'alluma. PP 435 1 De prompts châtiments éveillèrent l'attention du peuple sur l'énormité de son péché: la peste fit dix mille victimes. Dieu ordonna que les fauteurs de l'apostasie fussent mis à mort par les magistrats, et l'ordre fut promptement exécuté. Ils furent tués, et leurs corps, suspendus à la vue de tous, montrèrent ainsi à l'assemblée l'horreur que Dieu avait de leur conduite et l'intensité de son courroux. La nation entière comprit que le châtiment était mérité. Elle se rendit au tabernacle pour s'humilier avec larmes et confesser son péché. PP 435 2 Tandis que le peuple pleurait à la porte du tabernacle et que la plaie poursuivait son oeuvre de mort; tandis que les magistrats s'acquittaient encore de leur sanglante besogne, Zimri, un des grands en Israël, entra hardiment dans le camp, accompagné d'une prostituée madianite, fille d'un "chef du peuple" de cette nation, et il la conduisit dans sa tente. Jamais le vice ne s'était affiché avec plus d'impudence. Troublé par le vin, Zimri étala orgueilleusement sa honte en plein jour. Au moment même où les principaux et les prêtres, prosternés devant l'Éternel, "pleuraient entre le portique et l'autel", suppliant Dieu "d'épargner son peuple et de ne point livrer son héritage à l'opprobre", cet homme exposa sa luxure aux yeux de tous comme pour défier la vengeance divine et se moquer des magistrats d'Israël. PP 435 3 "A cette vue, Phinées, fils d'Éléazar, fils d'Aaron, le prêtre, se leva du milieu de l'assemblée, et prit une lance dans sa main. Il suivit l'Israélite dans sa tente" et les tua, lui et la Madianite. "Alors le fléau qui sévissait parmi les enfants d'Israël fut arrêté." Le prêtre qui avait ainsi exécuté le jugement de Dieu fut honoré en présence de toute l'assemblée, et le sacerdoce, attaché pour toujours à sa maison. "Phinées, dit l'Éternel, a détourné des enfants d'Israël mon courroux. ... C'est pourquoi tu lui annonceras que je lui accorde mon alliance de paix; ce sera, pour lui et pour sa postérité après lui, l'alliance d'un sacerdoce perpétuel, parce qu'il a été zélé pour son Dieu, et qu'il a fait l'expiation pour les enfants d'Israël." PP 436 1 Le châtiment divin infligé à Israël pour le péché de Sittim fit périr tous les survivants de la catégorie nombreuse de gens qui, près de quarante ans plus tôt, avaient encouru la sentence: "Ils mourront dans le désert." Un dénombrement du peuple effectué par ordre de Dieu sur les bords du Jourdain prouva "qu'il n'y avait parmi eux aucun des Israélites dont Moïse et Aaron, le prêtre, avaient fait le recensement dans le désert de Sinaï. ... Il n'en resta pas un seul, excepté Caleb, fils de Jephunné, et Josué, fils de Nun."(2) PP 436 2 Dieu avait châtié Israël pour s'être laissé prendre aux séductions des Madianites. Sa justice rétributive allait atteindre aussi les tentateurs. Les Amalécites qui, à Réphidim, s'étaient jetés sur les faibles, à l'arrière de l'armée israélite, ne furent punis que plus tard. Mais les Madianites, qui les avaient séduits et constituaient un ennemi plus redoutable, subirent une correction plus prompte. "Exécute contre les Madianites la vengeance des enfants d'Israël, dit Dieu à Moïse; tu seras ensuite recueilli auprès de ton peuple."(3) PP 436 3 Ce mandat fut immédiatement mis à exécution. Mille hommes de chaque tribu furent réunis, armés et placés sous la conduite de Phinées. "Ils livrèrent bataille aux Madianites, ainsi que l'Éternel l'avait commandé à Moïse. ... Ils tuèrent cinq rois de Madian; ils tuèrent aussi par l'épée Balaam, fils de Béor." De même, les femmes qui avaient été faites prisonnières furent, par ordre de Moïse, mises à mort comme étant les ennemis les plus dangereux d'Israël. PP 436 4 Telle fut la fin de ceux qui avaient comploté la perte du peuple de Dieu. Pour parler avec le Psalmiste: "Les nations sont tombées dans la fosse qu'elles avaient creusée; leur pied s'est pris au piège qu'elles avaient caché."(4) "L'Éternel ne délaissera pas son peuple, et il n'abandonnera pas son héritage. Ses jugements se montreront un jour conformes à la justice." Quand "ils attaquent la vie du juste", l'Éternel "fera retomber sur eux leur crime, et leur perversité même consommera leur ruine."(5) PP 436 5 Quand Balaam avait été sollicité pour maudire les Hébreux, il n'avait pu, par tous ses enchantements, attirer sur eux le moindre mal. En effet, "l'Éternel n'avait point aperçu d'iniquité en Jacob [ni] de perversité en Israël".(6) C'était lorsqu'ils avaient cédé à la tentation et violé la loi divine que leur force les avait abandonnés. Quand le peuple de Dieu reste fidèle à ses commandements, on peut dire de lui: "L'enchantement ne peut rien contre Jacob, ni la divination contre Israël."(6) Lorsque ceux qui se disent dépositaires de la loi divine en deviennent les transgresseurs, ils ne peuvent subsister devant leurs ennemis. Voilà pourquoi toute la puissance et tous les artifices de Satan ont pour but de les entraîner dans le péché. PP 437 1 Les Israélites, qui n'avaient pu être vaincus par les armes de Madian ni par ses incantations, furent victimes de ses prostituées. Tel est le pouvoir que la femme enrôlée au service de Satan a toujours exercé pour séduire et perdre les âmes. PP 437 2 Nombreux sont les blessés qu'elle a fait tomber, Et grande est la multitude de ceux qu'elle a tués!(7) PP 437 3 C'est ainsi que furent séduits les enfants de Seth et que le peuple de Dieu de cette époque se corrompit. C'est par là que Joseph fut tenté. C'est à la sollicitation d'une femme que Samson abdiqua sa force, espoir d'Israël, entre les mains des Philistins. C'est là que trébucha le roi David et ce fut sur ce même autel que Salomon, le plus sage des rois, trois fois appelé le bien-aimé de Dieu, sacrifia sa fidélité pour devenir l'esclave de ses passions. PP 437 4 "Ces événements ont une signification typique, et ils ont été rapportés pour nous avertir, nous qui touchons à la fin des temps. Ainsi donc, que celui qui croit être debout prenne garde qu'il ne tombe."(8) Satan sait fort bien ce qu'il y a dans le coeur humain. Après s'être livré à cette étude durant des milliers d'années avec une ardeur infernale, il connaît les points vulnérables de chaque individu. Aussi est-ce par les tentations mêmes qui ont eu tant de succès à Baal-Péor qu'il s'efforce, de siècle en siècle, de renverser les hommes les plus forts, ceux qu'on peut appeler des pères en Israël. Tout au long de l'histoire humaine, nombreux sont les hommes qui ont succombé à la sensualité. PP 437 5 A mesure que le peuple de Dieu approche de la fin des temps et qu'il arrive sur le seuil de la Canaan céleste, il voit, comme autrefois, Satan redoubler d'efforts pour l'empêcher d'entrer dans la terre promise. Chacun peut s'attendre à trouver ses pièges sous ses pas. Ce ne sont pas les ignorants ou les âmes incultes seulement qui ont besoin d'être sur leurs gardes. L'ennemi étale ses tentations jusque devant ceux qui occupent les plus hautes fonctions dans l'Église. Car il sait que s'il peut les amener à lui vendre leur âme, il pourra les employer pour en perdre un grand nombre. Il se sert aujourd'hui encore des agents qu'il mettait en oeuvre il y a trois mille ans. C'est par des amitiés mondaines, le charme de la beauté, l'amour du plaisir, de la gaieté, de la bonne chère et de la coupe enivrante qu'il mène les hommes à la violation du septième commandement. PP 438 1 Avant de pousser Israël dans l'idolâtrie, Satan l'avait entraîné dans le libertinage. Ceux qui consentent à déshonorer l'image de Dieu et à souiller son temple en leur personne ne se feront aucun scrupule de déshonorer Dieu, pour peu qu'ils puissent assouvir les désirs de leur coeur dépravé. Le dérèglement des moeurs émousse l'intelligence et endort la conscience. Les facultés morales et intellectuelles se paralysent au point que l'on devient insensible à l'obligation de la loi de Dieu, à l'expiation de son Fils et à la valeur de son âme. La bonté, la pureté, la vérité, le respect dû à Dieu et le goût des choses saintes, en un mot toutes les aspirations vers le ciel sont consumées sur l'autel de la sensualité. L'âme humaine devient semblable à une lande affreuse et désolée, à une "demeure d'esprits impurs", à un repaire "d'oiseaux immondes". Sur cette route, les hommes formés à l'image de Dieu descendent au niveau de la brute. PP 438 2 C'est en se joignant aux idolâtres et en s'associant à leurs divertissements que les Hébreux avaient oublié la loi de Dieu avec toutes les conséquences qui en découlent. De même aujourd'hui, c'est en incitant les disciples de Jésus à s'associer avec les mondains et à prendre part à leurs amusements que Satan réussit le mieux à les plonger dans le péché. "Sortez du milieu d'eux, dit le Seigneur; séparez-vous d'eux, et ne touchez point à ce qui est impur."(9) Dieu demande aujourd'hui à son peuple de se distinguer aussi nettement du monde, de ses coutumes, de ses habitudes et de ses principes que l'ancien Israël. Pour y arriver, il suffira aux enfants de Dieu de suivre les enseignements de sa Parole. PP 438 3 Les avertissements donnés aux Hébreux contre le danger de s'assimiler aux païens n'étaient pas plus formels ni plus précis que ceux qui ordonnent aux chrétiens de ne pas se conformer aux coutumes et à l'esprit des impies. Jésus nous dit: "N'aimez pas le monde, ni ce qui est dans le monde; si quelqu'un aime le monde, l'amour du Père n'est point en lui." "L'amour du monde est inimitié contre Dieu. Ainsi, celui qui veut être l'ami du monde devient l'ennemi de Dieu."(10) Les disciples du Christ doivent donc se séparer des pécheurs et n'entrer dans leur société que lorsqu'elle leur offre l'occasion de leur faire du bien. On ne saurait être trop décidé à fuir la société de ceux qui peuvent nous éloigner de Dieu. Tout en priant le Seigneur de ne "pas nous induire en tentation", nous devons fuir celle-ci autant qu'il est possible. PP 439 1 Les Israélites ont été induits dans le péché alors qu'ils jouissaient d'une période de repos et de sécurité. Cessant d'avoir toujours Dieu présent à leur esprit, ils avaient négligé la prière et s'étaient abandonnés à un sentiment de propre justice. Dans le confort et le bien-être, ils avaient laissé pénétrer en eux des pensées impures. Les traîtres de l'intérieur avaient ouvert la citadelle à Satan. C'est encore ainsi que l'ennemi médite notre perte. Avant la chute d'un chrétien, il se fait dans son coeur, à l'insu du monde, un long travail préparatoire. Son esprit ne descend pas d'un seul coup de la pureté et de la sainteté dans les bas-fonds de la perversité, de la corruption et du crime. Il faut du temps pour qu'un être formé à l'image de Dieu s'écroule au niveau de la brute et devienne une incarnation de l'esprit satanique. Mais on finit toujours par ressembler aux images que l'on contemple. L'homme qui se livre à des pensées impures se transforme insensiblement jusqu'au moment où il regarde avec complaisance un péché qui autrefois lui faisait horreur. PP 439 2 Par tous les moyens, Satan cherche à populariser le vice et le crime. On ne peut parcourir les rues de nos cités sans se trouver en face de quelque réclame flamboyante à propos d'un roman ou d'un spectacle démoralisant. L'esprit se familiarise ainsi avec le péché. Les récits décrivant la conduite d'êtres ignobles encombrent les colonnes de la presse. Tout ce qui est propre à enflammer les passions est livré par elle en pâture au public sous la forme de nouvelles sensationnelles. Le crime est à tel point le sujet de toutes les conversations et de toutes les lectures que les consciences délicates, qui reculaient d'horreur à l'ouïe de ces abominations, finissent par s'endurcir au point de s'en délecter. PP 440 1 Une grande partie des divertissements actuellement à la mode, même parmi ceux qui se disent chrétiens, ressemblent à ceux des païens. Il en est peu, en tout cas, que Satan n'utilise pour la destruction des âmes. Depuis des siècles, il emploie le théâtre pour enflammer les passions et glorifier le vice. Il se sert des spectacles grandioses et de la musique ensorcelante de l'opéra. Il recourt au carnaval, à la danse et aux jeux de cartes pour faire fléchir les barrières morales et pour ouvrir les portes à la sensualité. A tous les amusements où l'orgueil et la bonne chère sont encouragés, où l'on oublie Dieu et les choses éternelles, on voit Satan à l'oeuvre forgeant des chaînes pour asservir les âmes. PP 440 2 "Garde ton coeur plus que toute autre chose; ... car c'est de lui que jaillissent les sources de la vie": tel est le conseil du Sage!"(11) Un coeur ne peut rester pur sans être sans cesse renouvelé par la grâce divine. Vouloir former un caractère noble et vertueux indépendamment de cette grâce découlant du Sauveur, c'est construire sur un sable mouvant une maison qui sera sûrement renversée par les tempêtes de la tentation. De chaque coeur devrait monter cette prière: "O Dieu! crée en moi un coeur pur, et renouvelle en moi un esprit bien disposé."(12) Et alors, devenu participant du don céleste, on peut marcher vers la perfection avec ceux "que la puissance de Dieu garde par la foi."(13) PP 440 3 Tous ceux qui désirent résister à la tentation et éviter les artifices de l'ennemi ont quelque chose à faire. Ils doivent surveiller avec le plus grand soin tout ce qui pourrait leur nuire, éviter de lire, de voir ou d'entendre ce qui est de nature à suggérer des pensées impures. Il ne faut pas permettre à son esprit d'errer au hasard sur tous les sujets que l'ennemi fait passer devant nos yeux. "Ayant ceint les reins de votre esprit, nous dit l'apôtre Pierre, soyez vigilants, ... et ne vous conformez pas aux convoitises qui régnaient autrefois en vous, au temps de votre ignorance. Mais, de même que celui qui vous a appelés est saint, vous aussi soyez saints dans toute votre conduite."(14) PP 440 4 L'apôtre Paul dit aussi: "Que tout ce qui est vrai, tout ce qui est honorable, tout ce qui est juste, tout ce qui est pur, tout ce qui est aimable, tout ce qui a bonne réputation, tout ce qui est vertueux et digne de louange, que tout cela occupe vos pensées."(15) Pour cela, il faut des prières ferventes, une vigilance inlassable et le secours permanent du Saint-Esprit, qui attirera notre attention sur les choses d'en haut et l'habituera à s'arrêter sur ce qui est pur et saint. Enfin, il est indispensable d'étudier diligemment la Parole de Dieu. "Comment un jeune homme rendra-t-il pure sa conduite?" demande le Psalmiste. Et il répond: "C'est en restant fidèle à ta parole.... J'ai serré ta parole dans mon coeur, afin de ne pas pécher contre toi."(16) PP 441 1 Si aujourd'hui les péchés semblables à celui d'Israël à Baal-Péor ne sont pas châtiés avec la même promptitude, leur rétribution n'en est pas moins certaine. "L'homme qui détruit le temple de Dieu sera détruit lui-même par Dieu."(17) La nature a attaché à ces désordres des pénalités terribles qui atteignent tôt ou tard les coupables. Ce sont ces péchés-là qui, plus que tous les autres, ont engendré la dégénérescence effroyable qui frappe actuellement notre race avec tout son cortège de maladies et de souffrances. S'ils réussissent à cacher leurs péchés, les violateurs de la loi n'en récoltent pas moins sûrement les conséquences sous forme de douleurs, de maladies, d'aliénation mentale, et, pour finir, de mort prématurée. Ce n'est pas tout: après cette vie, il faudra affronter le tribunal de Dieu avec ses sanctions amères et éternelles. "Ceux qui commettent de tels péchés n'hériteront pas le royaume de Dieu." Avec Satan et ses anges, leur part sera "dans l'étang de feu", qui est "la seconde mort."(18) PP 441 2 Les lèvres de l'étrangère distillent le miel, Et son palais est plus doux que l'huile. Mais la fin qu'elle prépare est amère comme l'absinthe, Aiguë comme une épée à deux tranchants. ... Éloigne d'elle ton chemin Et n'approche pas de l'entrée de sa maison, De peur que tu ne donnes ton honneur à d'autres Et tes années à un homme cruel; De peur que des étrangers ne se rassasient de ton bien Et que le fruit de ton travail ne passe dans une maison étrangère; De peur que tu ne gémisses quand tu seras près de ta fin, Quand ta chair et ton corps se consumeront. ... Sa maison penche vers la mort. ... Pas un de ceux qui vont vers elle n'en revient. ... Les invités de cette femme sont dans les profondeurs du séjour des morts.(19) ------------------------Chapitre 42 -- La loi de Moïse récapitulée PP 443 1 Debout sur les hauteurs qui dominaient le Jourdain et la terre promise, Moïse contemplait l'héritage de son peuple. L'heure de la conquête avait sonné. Ne serait-il pas possible, se demandait le prophète à cheveux blancs, que fût révoquée la sentence prononcée contre lui à l'occasion de sa faute à Kadès? Et il adressa à l'Éternel cette requête suppliante: "Seigneur Éternel, tu as commencé à montrer à ton serviteur ta grandeur et ta main puissante; car quel est le dieu, dans les cieux et sur la terre, qui pourrait accomplir des oeuvres et des exploits comme les tiens? Permets-moi, je te prie, de passer et de voir ce bon pays qui est au-delà du Jourdain, cette belle montagne et le Liban."(1) PP 443 2 Il entendit cette réponse: "C'est assez; ne me parle plus de cette affaire. Monte au sommet du Pisga, dirige tes regards vers l'occident, vers le nord, vers le midi et vers l'orient, et contemple la contrée de tes yeux; car tu ne passeras pas le Jourdain." PP 443 3 Moïse se soumit sans un murmure, et dès lors sa sollicitude angoissée se reporta tout entière sur Israël. Mais qui allait dorénavant porter à ce peuple tout l'intérêt dont il avait été consumé? Le coeur débordant d'affection, "Moïse parla à l'Éternel en disant: Que l'Éternel, le Dieu des esprits de toute chair, établisse sur l'assemblée un guide qui sorte et entre devant eux, qui les fasse sortir et qui les fasse entrer, afin que l'assemblée de l'Éternel ne soit pas comme des brebis qui n'ont point de berger!"(2) PP 444 1 Exauçant la prière de son serviteur, "l'Éternel répondit à Moïse: Prends Josué, fils de Nun, en qui l'Esprit réside. Tu placeras ta main sur lui, et tu le présenteras devant Éléazar, le prêtre, et devant toute l'assemblée; tu l'installeras en leur présence, et tu lui feras part de ton autorité, afin que toute l'assemblée des enfants d'Israël lui obéisse." Josué, qui depuis longtemps secondait Moïse, était un homme sage et capable, animé d'une foi fervente. PP 444 2 Solennellement mis à part comme conducteur d'Israël par l'imposition des mains de Moïse, qui y joignit une exhortation saisissante, il fut immédiatement admis à prendre part au gouvernement. L'Éternel ajouta: "Il se présentera devant Éléazar, le prêtre, qui consultera pour lui le jugement de l'Urim, devant l'Éternel. Sur son ordre, ils sortiront, lui et tous les enfants d'Israël avec lui, ainsi que toute l'assemblée, et ils rentreront aussi sur son ordre."(3) PP 444 3 Avant d'abandonner sa charge de conducteur d'Israël, Moïse fut invité à répéter au peuple l'histoire de sa délivrance de l'Égypte et de ses randonnées dans le désert, et lui récapitula la loi donnée au Sinaï. Peu nombreux étaient ceux qui avaient assisté à sa promulgation. Au moment où Israël allait passer le Jourdain et prendre possession de la terre promise, il était nécessaire qu'il vît étaler sous ses yeux les exigences de la loi et qu'on lui rappelât que l'obéissance à ses préceptes était la condition indispensable de sa prospérité. PP 444 4 En conséquence, Moïse se présenta devant le peuple pour lui adresser ses derniers avertissements et ses suprêmes recommandations. Son visage, encadré des cheveux blancs de la vieillesse, était rayonnant de douceur et de sérénité. Sa taille droite, son port noble et plein de dignité, son regard vif et clair exprimaient la vigueur d'une santé inaltérée. La scène était solennelle. Très ému, l'homme de Dieu se mit à décrire l'amour et la miséricorde du puissant Protecteur d'Israël. Il parla en ces termes: PP 445 1 "Informe-toi des temps anciens qui t'ont précédé, depuis le jour où Dieu créa l'homme sur la terre. Demande s'il y eut jamais, d'une extrémité des cieux jusqu'à l'autre, un fait aussi extraordinaire, et si l'on a jamais entendu rien de pareil! Y a-t-il un peuple qui ait jamais entendu la voix de Dieu parlant du milieu du feu, comme tu l'as entendue, et qui soit resté vivant? Un dieu a-t-il jamais essayé de choisir une nation au milieu d'une autre nation, par des épreuves, des signes, des miracles, en combattant d'une main forte et d'un bras puissant, en accomplissant des oeuvres grandes et terribles, comme l'Éternel, votre Dieu, l'a fait pour vous, en Égypte, sous vos propres yeux? Tu as été témoin de tout cela afin que tu en viennes à reconnaître que c'est l'Éternel qui est Dieu et qu'il n'y en a point d'autre que lui."(4) PP 445 2 "Ce n'est pas parce que vous étiez plus nombreux que tous les autres peuples que l'Éternel s'est attaché à vous et vous a choisis; car vous étiez le plus petit de tous les peuples. Mais l'Éternel vous aime, et il est fidèle au serment qu'il a fait à vos pères. Aussi l'Éternel, grâce à sa main puissante, vous a-t-il fait sortir et vous a-t-il délivrés de la maison de servitude, de la main du Pharaon, roi d'Égypte. Reconnais donc que c'est l'Éternel, ton Dieu, qui est Dieu, le Dieu fidèle qui garde son alliance et sa miséricorde jusqu'à mille générations vis-à-vis de ceux qui l'aiment et qui observent ses commandements."(5) PP 445 3 Israël, qui avait été enclin à jeter sur Moïse la faute de ses épreuves et à l'accuser d'orgueil, d'ambition et d'égoïsme, écoutait maintenant la voix de son chef avec respect, confiance et affection. Très franchement, Moïse lui rappela que ses erreurs et les égarements de ses pères avaient été la cause de ses interminables et irritantes randonnées dans le désert. Dieu n'avait pas volontairement retardé le moment de la possession du pays de Canaan, loin de là! Il avait été le premier à regretter de ne pas pouvoir la réaliser immédiatement et faire ainsi éclater sa puissance aux yeux de toutes les nations. Ce sont, affirma-t-il aux enfants d'Israël, votre méfiance à l'égard de Dieu, votre orgueil et votre incrédulité qui vous ont empêchés de prendre plus tôt possession de la terre promise. Étrangers à la pureté, à la bonté, à la bienveillance, vous n'étiez pas prêts à donner le spectacle d'un peuple dont l'Éternel est le Dieu. Si vos pères s'étaient soumis avec foi aux directives et aux lois divines, il y a longtemps que, saints, heureux et prospères, vous auriez pu vous établir en Canaan. Vos délais ont déshonoré Dieu et terni sa gloire aux yeux des peuples environnants. PP 446 1 Comprenant la nature et la valeur de la loi divine, Moïse assura les Israélites qu'aucune autre nation ne possédait des statuts aussi justes, aussi sages, aussi miséricordieux que ceux qui leur avaient été confiés. "Voyez, leur dit-il, je vous ai enseigné des lois et des préceptes comme l'Éternel, mon Dieu, me l'a commandé, afin que vous les mettiez en pratique dans le pays où vous allez entrer pour en prendre possession. Vous les observerez et vous les mettrez en pratique; car cela prouvera votre sagesse et votre intelligence aux yeux des peuples, qui, entendant parler de toutes ces lois, diront: Cette grande nation est le seul peuple sage et intelligent!"(6) PP 446 2 "Souviens-toi, continue Moïse, du jour où tu te présentas devant l'Éternel, ton Dieu, en Horeb." Puis il pose à la conscience de chacun cette question, qui était un défi adressé aux autres peuples: "Quelle est la grande nation qui ait ses dieux près d'elle, comme nous avons l'Éternel, notre Dieu, toutes les fois que nous l'invoquons? Et quelle est la grande nation qui ait des commandements et des préceptes aussi justes que ceux qui sont prescrits par la loi placée aujourd'hui devant vous?"(6) PP 446 3 Le même défi s'adresse aujourd'hui aux nations: Quelles sont celles, parmi les plus civilisées, dont les lois puissent être comparées aux préceptes bons, sages et humains confiés à l'ancien peuple de Dieu? Les lois humaines portent la marque des faiblesses et des passions du coeur naturel, alors que la loi de Dieu porte le sceau du ciel. PP 446 4 "Quant à vous, poursuit le prophète, l'Éternel vous a choisis et vous a retirés de l'Égypte, de cette fournaise à fondre le fer, afin que vous deveniez le peuple qui lui appartient comme son héritage."(7) Puis il décrit le pays dans lequel le peuple va entrer et qui lui appartiendra. Le tableau coloré qu'il en trace par des paroles vibrantes remue profondément le coeur des Israélites qui se souviennent que celui qui les prononce est, par leur faute, exclu de cette terre prospère: PP 447 1 "L'Éternel, ton Dieu, va te faire entrer dans un bon pays", non "pas comme le pays d'Égypte d'où vous êtes sortis, où, après avoir ensemencé un champ, vous deviez l'arroser avec le pied, comme un jardin potager. Mais le pays où vous allez entrer pour en prendre possession est un pays de montagnes et de vallées arrosées par les pluies du ciel"; "un bon pays, un pays riche en torrents, en sources et eaux profondes jaillissant dans les vallées et dans les montagnes; un pays de blé, d'orge, de vignes, de figuiers et de grenadiers; un pays d'oliviers, d'huile et de miel; un pays où tu ne mangeras pas le pain de la misère et où tu ne manqueras de rien; un pays dont les pierres sont du fer, et des montagnes duquel tu extrairas l'airain"; "un pays dont l'Éternel, ton Dieu, prend soin", et sur lequel "l'Éternel, ton Dieu, a continuellement les yeux, depuis le commencement de l'année jusqu'à la fin".(8) PP 447 2 Et Moïse conclut: PP 447 3 "Quand l'Éternel, ton Dieu, t'aura fait entrer dans le pays qu'il a juré à tes pères, Abraham, Isaac et Jacob, de te donner, pays où sont de grandes et bonnes villes que tu n'as point bâties, des maisons remplies de toutes sortes de biens, et que tu seras rassasié, -- prends garde à toi, de peur que tu n'oublies l'Éternel." "Gardez-vous d'oublier l'alliance que l'Éternel, votre Dieu, a contractée avec vous. ...Car l'Éternel, ton Dieu, est un feu consumant, un Dieu jaloux. ... Si vous vous corrompez, ... et si vous faites ce qui est mal aux yeux de l'Éternel, votre Dieu, ... vous périrez promptement et vous disparaîtrez du pays que vous allez posséder au-delà du Jourdain."(9) PP 447 4 La récapitulation de la loi terminée, Moïse acheva de mettre par écrit toutes les ordonnances, statuts et jugements que Dieu lui avaient donnés, y compris les règlements relatifs au cérémonial des sacrifices. Le volume renfermant le code complet fut confié à ceux que cela concernait et déposé à côté de l'arche de l'alliance. PP 447 5 Mais le grand vieillard, poursuivi par la crainte que le peuple ne s'éloigne de Dieu, lui fit encore un discours d'une éloquence poignante et sublime, où il retraça le tableau des bienfaits qui récompenseront leur obéissance et des maux qui suivront leur égarement: PP 448 1 "Si tu obéis fidèlement à la voix de l'Éternel, ton Dieu, si tu as soin de mettre en pratique tous ses commandements que je te prescris aujourd'hui, ... tu seras béni dans la ville, et tu seras béni dans les champs. Béni sera le fruit de tes entrailles, le fruit de ton sol, le fruit de ton bétail, ... bénies seront ta corbeille et ta huche! -- Tu seras béni à ton arrivée, et tu seras béni à ton départ. L'Éternel fera que tes ennemis, qui s'élèveront contre toi, seront mis en déroute devant toi. ... L'Éternel fera entrer la bénédiction dans tes greniers et dans toutes tes entreprises.(10) ... PP 448 2 "Mais si tu n'obéis pas à la voix de l'Éternel, ton Dieu, en ayant soin de mettre en pratique tous ses commandements et ses lois que je te prescris aujourd'hui, voici toutes les malédictions qui fondront sur toi, et qui t'atteindront. ... L'Éternel t'emmènera... chez une nation que tu n'auras point connue, ... et tu seras un objet de stupeur, de raillerie et de sarcasme, parmi tous les peuples chez lesquels t'aura conduit l'Éternel.... L'Éternel te dispersera parmi tous les peuples, d'une extrémité de la terre jusqu'à l'autre; et là, tu serviras d'autres dieux, que tu n'as point connus, ni toi ni tes pères, des dieux de bois et de pierre. Tu ne jouiras d'aucun repos parmi ces nations, et la plante de tes pieds n'y trouvera aucun point d'appui. Là, l'Éternel te donnera un coeur tremblant, des yeux qui s'éteignent, et une âme languissante. Ton existence sera comme en suspens devant toi; tu seras dans l'effroi nuit et jour, et tu ne seras point assuré de ta vie. Le matin tu diras: Que ne suis-je au soir! et le soir tu diras: Que ne suis-je au matin! à cause de l'effroi dont ton coeur sera rempli, et à cause du spectacle dont tes yeux seront témoins." PP 448 3 Plongeant un regard inspiré à travers les siècles futurs, Moïse décrit ensuite les scènes lamentables de la ruine finale de la nation d'Israël et la destruction de Jérusalem par les Romains: PP 448 4 "L'Éternel fera lever contre toi, de loin, des extrémités de la terre, une nation à la marche rapide comme le vol de l'aigle, une nation dont tu ne comprendras point la langue, une nation au visage farouche, qui n'aura ni respect pour le vieillard, ni pitié pour l'enfant." PP 448 5 Et le prophète dépeint avec des détails effrayants la désolation de la Palestine et les horribles souffrances que subira, des siècles plus tard, le peuple juif lors de la prise de Jérusalem par Titus: "(Cette nation) dévorera le fruit de ton bétail et le produit de ton sol, jusqu'à ce que tu sois exterminé. ... Elle t'assiégera dans toutes les villes, jusqu'à ce que tombent, dans tout ton pays, tes murailles hautes et fortes dans lesquelles tu mettais ta confiance. ... Au sein de la détresse et de l'angoisse où te réduira ton ennemi, tu mangeras le fruit de tes entrailles, la chair de tes fils et de tes filles, que l'Éternel, ton Dieu, t'aura donnés." "... La femme la plus tendre et la plus délicate d'entre vous, qui, par mollesse ou par délicatesse, n'eût point essayé de mettre la plante de son pied sur la terre, regardera d'un oeil hostile le mari qui reposait sur son sein, son fils et sa fille, ... car, dans son extrême disette, elle s'en nourrira en secret, au sein de la détresse et de l'angoisse où te réduira ton ennemi dans tes villes." PP 449 1 Moïse termine par ces paroles solennelles: "J'en prends aujourd'hui à témoin contre vous les cieux et la terre; j'ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis donc la vie, afin que tu vives, toi et ta postérité, en aimant l'Éternel, ton Dieu, en obéissant à sa voix, et en lui demeurant attaché. C'est lui, en effet, qui est ta vie et qui prolongera tes jours, pour que tu habites le sol que l'Éternel a juré de donner à tes pères, Abraham, Isaac et Jacob."(11) PP 449 2 Pour faire pénétrer plus profondément encore ces vérités dans tous les esprits, Moïse les revêt du langage de la poésie sacrée, sous la forme d'un cantique à la fois historique et prophétique. Au récit des merveilleux bienfaits déversés sur son peuple dans le passé, il joint la prédiction des grands événements de l'avenir jusqu'à la victoire finale des fidèles, lors de l'avènement de Jésus-Christ dans sa gloire et sa puissance. Pour ne jamais l'oublier, Moïse exhorte les enfants d'Israël à apprendre ce cantique par coeur et à l'enseigner à leurs enfants et petits-enfants. Ils devaient le chanter aux assemblées du service divin, et même en vaquant à leurs occupations ordinaires. Gardiens et dépositaires de la loi de Dieu, ils devaient en expliquer le sens et l'importance à leurs descendants. Voici en quels termes Dieu leur en avait imposé le devoir: "Tu les inculqueras à tes enfants, tu en parleras quand tu seras dans ta maison, quand tu seras en voyage, quand tu te coucheras et quand tu te lèveras. ... Tu les inscriras aussi sur les poteaux de ta maison et sur tes portes."(12) PP 450 1 Quand, dans l'avenir, les enfants demanderaient: "Qu'est-ce que ces commandements, ces lois et ces préceptes que l'Éternel, notre Dieu, vous a prescrits?" les parents devraient relater l'histoire des voies miséricordieuses de Dieu à leur égard, rappeler les miracles accomplis pour leur délivrance, et ajouter: "L'Éternel nous a commandé de mettre en pratique toutes ces lois, et de craindre l'Éternel, notre Dieu, afin que nous soyons toujours heureux, et qu'il nous conserve la vie, comme il l'a fait jusqu'ici. Nous serons donc tenus pour justes, si nous prenons soin de mettre en pratique tous ces commandements devant l'Éternel, notre Dieu, comme il nous l'a ordonné."(13) ------------------------Chapitre 43 -- Mort de Moïse PP 451 1 Dans tout ce que fait Dieu pour son peuple, l'amour et la miséricorde marchent de pair avec la justice la plus impartiale. On en voit des preuves nombreuses dans l'histoire des Hébreux. Son amour à leur égard s'exprime par cette image touchante: PP 451 2 Pareil à l'aigle qui excite sa couvée Et vole autour de ses petits, Qui déploie ses ailes pour les prendre avec lui Et les porter sur ses plumes, Ainsi l'Éternel seul a conduit son peuple.(1) PP 451 3 Néanmoins, avec quelle prompte sévérité les péchés d'Israël n'étaient-ils pas châtiés! De même, Dieu a manifesté son amour infini pour une race perdue dans le don de son Fils unique. Par une foule d'actes de bonté et de compassion, Jésus a révélé aux hommes le caractère miséricordieux de son Père. Cependant, c'est lui-même qui a dit: "Avant que le ciel et la terre aient passé, il ne disparaîtra de la loi ni un seul iota ni un seul trait de lettre, jusqu'à ce que tout soit accompli."(2) PP 451 4 Au jour du jugement, la voix qui adresse aujourd'hui au pécheur des appels si tendres et si pressants, qui l'invite à trouver en Jésus le pardon et la grâce, dira à ceux qui auront rejeté sa miséricorde: "Retirez-vous de moi, maudits!"(3) Dans toute la Bible, Dieu nous apparaît non seulement comme un Père aimant, mais aussi comme un juste Juge. Tout en prenant plaisir à manifester sa miséricorde, à pardonner "l'iniquité, la révolte et le péché", "il ne tient pas le coupable pour innocent."(4) PP 452 1 Celui qui domine les peuples avait déclaré que Moïse ne conduirait pas Israël dans la terre promise; et le prophète, par ses ardentes prières, ne put obtenir le rappel de cette sentence. Tout en acceptant de mourir, celui-ci, fidèle à sa tâche, s'occupa activement à préparer son peuple à entrer dans son héritage. PP 452 2 Sur ces entrefaites, Moïse et Josué furent invités à se rendre au tabernacle, où était venue se placer la colonne de nuée. Au cours d'une cérémonie solennelle, le peuple fut remis aux soins de Josué. L'oeuvre de Moïse était terminée. S'oubliant lui-même, comme toujours, il adresse alors à son successeur, au nom de l'Éternel et en présence de l'assemblée, cette parole d'encouragement: "Sois fort et prends courage; car c'est toi qui introduiras les enfants d'Israël dans le pays que j'ai promis par serment de leur donner, et moi, je serai avec toi."(5) Puis, se tournant vers les anciens et les chefs du peuple, il les supplie d'obéir fidèlement aux instructions qu'il leur a communiquées de la part de Dieu. PP 452 3 Plus vivement que jamais, en regardant ce noble vieillard qui va bientôt lui être enlevé, Israël se rappelle sa tendresse paternelle, ses sages conseils, ses infatigables travaux. Quand ses péchés avaient mérité les jugements divins, que de fois ses prières l'en ont préservé! A sa douleur s'ajoute la pensée amère que c'est par sa faute que Moïse a péché et qu'il doit mourir. PP 452 4 La disparition de son chef bien-aimé allait constituer pour Israël une censure infiniment plus douloureuse que toutes celles qui auraient pu lui être infligées du vivant du prophète. Dieu voulait par là l'amener à prendre la résolution de ne pas rendre la tâche de Josué aussi pénible que l'avait été celle de Moïse. Encore aujourd'hui, Dieu nous parle par ses bienfaits; mais quand ceux-ci ne sont pas appréciés, il nous les retire pour nous amener à reconnaître nos torts et à revenir à lui de tout notre coeur. PP 453 1 Le même jour, Moïse recevait cet ordre: "Monte sur cette montagne,...sur le mont Nébo. ... Puis tu contempleras le pays de Canaan, que je donne en possession aux enfants d'Israël. Tu mourras sur la montagne où tu vas monter, et tu seras recueilli auprès de ton peuple."(6) Le patriarche fut souvent appelé à s'éloigner du camp pour communiquer avec Dieu. Cette fois-ci, il avait devant lui un voyage bien mystérieux: il allait remettre sa vie entre les mains de son Créateur. Cette mort solitaire, où aucun ami ne serait admis à entourer ses derniers moments, lui paraissait bien lugubre. Mais ce qui était pour lui plus douloureux encore, c'était de se séparer du peuple qu'il aimait et avec lequel il avait si longtemps confondu ses intérêts et sa vie. Mais le prophète avait appris à se confier en Dieu, et, inébranlable dans sa foi, il se remettait, lui et son peuple, entre les mains de la miséricorde divine. PP 453 2 Une dernière fois, Moïse paraît dans l'assemblée d'Israël. Une fois de plus, l'Esprit de Dieu anime le grand vieillard et lui inspire, en paroles touchantes et sublimes, des bénédictions à l'adresse de chaque tribu, puis une autre pour le peuple entier. Voici ses ultimes paroles: PP 453 3 Nul, ô Israël, n'est semblable au Dieu Qui vient à ton secours environné de majesté, Porté sur les cieux et sur les nues. Le Dieu de tous les siècles est ton sûr asile; Ses bras éternels te soutiennent. Il a chassé devant toi l'ennemi, Et il t'a dit: Extermine! Israël est en sécurité dans sa demeure. La source de Jacob jaillit solitaire Dans un pays riche en blé et en vin, Sous des cieux qui lui versent la rosée. Que tu es heureux, ô Israël! Qui est, comme toi, Un peuple sauvé par l'Éternel, Ton bouclier protecteur, L'épée qui te donne la victoire? Tes ennemis s'humilieront devant toi; Et toi, tu fouleras de tes pieds leurs lieux élevés!(7) PP 453 4 Moïse se retire alors de l'assemblée, puis, seul et silencieux, il commence à gravir les flancs "du mont Nébo, au sommet du Pisga".(8) De cette hauteur solitaire, il contemple le paysage qui s'étend à ses pieds. Au loin, vers l'ouest, les eaux bleues de la grande mer bornent l'horizon. Au nord, le mont Hermon dresse vers le ciel sa masse imposante. A l'est, c'est le plateau de Moab et, plus loin, le pays de Basan, théâtre des récents triomphes d'Israël. Au sud se déploie le désert où Israël a consumé tant d'années. PP 454 1 Devant ce magnifique panorama, Moïse repasse dans son esprit les peines et les vicissitudes de sa vie, depuis le moment où, abandonnant les honneurs d'une cour et la perspective d'un trône, il lia son sort à celui d'un peuple choisi de Dieu. Il se rappelle les longues années qu'il a consacrées, au désert de Madian, à paître les troupeaux de Jéthro; l'apparition de l'ange dans le buisson ardent et l'appel de Dieu lui ordonnant d'aller délivrer Israël. Il revoit les grands miracles opérés par le Tout-Puissant en faveur de son peuple, et il songe au long support et à la miséricorde divine envers Israël durant ses années de voyage et de révoltes dans le désert. De toute la multitude qui a quitté l'Égypte, deux adultes seulement seront admis à entrer dans la terre promise!... A cette pensée, Moïse se demande si sa vie d'épreuves et d'abnégation n'a pas été vaine. PP 454 2 Mais il ne regrette rien. Il sait que cette mission lui a été confiée d'en haut. Il sait aussi que s'il a tout d'abord hésité devant cette responsabilité, l'ayant acceptée, il n'a jamais reculé, ni cherché à déposer ce lourd fardeau. Quand Dieu lui a proposé de l'en décharger et d'abandonner Israël, il n'y a pas consenti. D'ailleurs, si ses épreuves ont été cuisantes, il a joui de marques spéciales de la faveur divine. Le séjour dans le désert lui a procuré le rare et précieux privilège de contempler la puissance et la gloire de Dieu et de vivre dans la communion de son amour. Aussi est-il heureux d'avoir pris la sage résolution de porter "l'opprobre du Christ" plutôt "que de jouir, pour un peu de temps, des délices du péché". PP 454 3 Ce coup d'oeil rétrospectif sur sa carrière de conducteur d'Israël rappelle cependant au vénérable centenaire une faute qu'il voudrait voir effacée afin de mourir en paix. Et comme il n'ignore pas que le repentir et la foi au grand sacrifice expiatoire suffisent amplement pour cela, il confesse encore une fois son péché et en implore le pardon au nom du Sauveur. PP 455 1 Alors s'offre à ses regards une vue panoramique de la terre promise. Chaque région du pays passe successivement devant lui. Ce n'est pas une image vague et confuse entrevue à travers les voiles de l'espace, mais un tableau d'une clarté et d'une netteté merveilleuses. Ce n'est pas non plus la vue du pays de Canaan tel qu'il était alors, mais tel qu'il deviendra lorsque, entre les mains d'Israël, il sera comblé des bénédictions divines. En le voyant, Moïse croit contempler un second Éden. PP 455 2 Tour à tour, ses yeux s'arrêtent sur des monts couronnés de cèdres, sur des collines plantées d'oliviers ou de vignes et sur de larges et riches plaines verdoyantes, diaprées de fleurs multicolores. D'un côté, il aperçoit des palmiers tropicaux; d'un autre, des champs ondoyants d'orge et de froment. Ici, ce sont des vallées ensoleillées, égayées par le murmure d'un ruisseau et le chant des oiseaux; là, de superbes cités et des jardins magnifiques; plus loin encore, des lacs poissonneux, des troupeaux de brebis paissant sur le flanc des collines, et enfin, cachées dans les rochers, les provisions de miel amassées par l'abeille sauvage. C'était bien là le pays décrit à Israël par Moïse lui-même, animé de l'Esprit de Dieu: PP 455 3 Son pays est béni par l'Éternel, Qui lui donne le plus précieux don du ciel, la rosée, Et les sources de l'abîme aux eaux profondes; Les plus précieux produits du sol,... Les meilleures productions des montagnes antiques, Les dons les plus exquis des collines éternelles, Les dons les plus délicieux de la terre, Et tous les trésors qu'elle contient.(9) PP 455 4 Dieu montre aussi à Moïse le peuple élu établi en Canaan, chaque tribu dans son propre territoire, mais aussi son histoire après son établissement: longue et lugubre succession d'apostasies et de châtiments. Le prophète voit Israël dispersé parmi les nations païennes et privé de la gloire de Dieu: ses belles cités réduites en cendres et ses populations emmenées captives chez des peuples étrangers, puis réintégrées dans le pays de leurs pères, et finalement soumises au joug des Romains. PP 455 5 En outre, le prophète est admis à contempler, dans un lointain futur, le premier avènement du Sauveur. Il voit le divin enfant dans la crèche de Bethléhem; il entend les cantiques de louanges de l'armée angélique souhaitant la paix à la terre et aperçoit l'étoile conduisant les mages d'orient vers l'humble berceau du Sauveur. Ici, l'esprit de Moïse s'illumine soudain au souvenir de la parole prophétique: PP 456 1 Un astre sort de Jacob, Un sceptre s'élève d'Israël.(10) PP 456 2 Puis il suit pas à pas l'humble existence de Jésus de Nazareth, ses guérisons, son ministère de compassion et d'amour, sa réjection par les Juifs orgueilleux et incrédules. Il entend, stupéfait, la jactance avec laquelle ils portent aux nues la loi de Dieu, tout en méprisant et en rejetant celui qui l'a révélée aux hommes. Sur le mont des Oliviers, il contemple Jésus, le visage baigné de larmes, disant adieu à sa ville bien-aimée, à ce peuple béni du ciel, au milieu duquel lui, Moïse, a lutté, prié, souffert et pour lequel il aurait consenti à voir son nom effacé du livre de vie. Il entend le Sauveur prononcer cette parole douloureuse et terrible: "Voici que vous serez abandonnés à vous-mêmes dans votre demeure!"(11) Alors, brisé d'émotion, le vieillard joint ses larmes à la douleur du Fils de Dieu. PP 456 3 Et maintenant, le prophète est témoin de l'agonie de Jésus en Gethsémané, des outrages et de la brutalité dont il est ensuite l'objet, et enfin du crime de la crucifixion. A cette vue, il comprend que le serpent dressé par lui sur une perche dans le désert symbolisait le Fils de Dieu "élevé" afin que "quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle".(12) Il entend le cri d'agonie du Sauveur: "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné?" Suffoqué de douleur, d'indignation et d'horreur, il assiste à l'hypocrisie et à la haine satanique de la nation juive à l'égard de son Rédempteur, l'ange puissant qui l'a accompagné dans le désert. PP 456 4 Jésus est déposé dans le sépulcre neuf de Joseph d'Arimathée, et tout le pays est comme enveloppé d'un suaire de désespoir. Mais bientôt le Fils de Dieu sort victorieux du tombeau et remonte au ciel escorté d'anges et d'une "multitude de captifs" sortis de leurs sépulcres. Moïse voit s'ouvrir toutes grandes devant ce cortège les portes étincelantes d'un palais glorieux où l'armée angélique accueille son chef en chantant un hymne triomphal. Il apprend, avec un tressaillement de joie, qu'il sera lui-même au nombre de ceux qui accompagneront le Sauveur et lui ouvriront les portes éternelles. Combien insignifiants lui paraissent alors les sacrifices et les peines de sa vie en comparaison des souffrances du Fils de Dieu, et auprès du "poids éternel de cette gloire sans mesure et sans limites!"(13) Et comme le voyant est heureux à la pensée d'être admis à y participer un jour! PP 457 1 La scène suivante le ramène sur la terre, où il voit les disciples de Jésus allant de lieu en lieu prêchant la Bonne Nouvelle. Si le peuple d'Israël "selon la chair" a failli à la haute mission à laquelle Dieu l'appelait, celle d'être la lumière du monde; s'il a méprisé la miséricorde divine et perdu son droit aux promesses faites au peuple élu, Dieu n'a pas, pour cela, rejeté la postérité d'Abraham. Le glorieux but qui devait être atteint par Israël le sera par tous ceux qui, s'unissant à Jésus-Christ par la foi, deviendront "la postérité d'Abraham et héritiers des promesses". Comme Abraham, ils seront appelés à être devant le monde les gardiens et les hérauts à la fois de la loi de Dieu et de l'Évangile de son Fils. En voyant cette double lumière illuminer ceux qui "sont assis dans les ténèbres",(14) et des milliers d'âmes parmi les nations marcher à sa clarté, Moïse contemple avec ravissement l'accroissement et la prospérité d'Israël. PP 457 2 Une autre scène passe encore devant ses yeux. De même qu'il a vu Satan pousser les Juifs à rejeter le Sauveur tout en professant honorer la loi de son Père, il voit maintenant le monde chrétien -- victime d'une aberration opposée -- prétendre accepter Jésus-Christ tout en rejetant la loi de Dieu! De la bouche des prêtres et des anciens, il a ouï ce cri impie: "Ote-le! ôte-le!" Et maintenant, de la bouche de soi-disant conducteurs du peuple chrétien, il entend cette parole: "Débarrassez-nous de la loi!" Il voit le jour de repos de l'Éternel foulé aux pieds et remplacé par une institution rivale et apocryphe! A cette vue, Moïse est de nouveau saisi d'étonnement et d'horreur. Comment ceux qui croient en Jésus-Christ peuvent-ils rejeter la loi qu'il a, sur la sainte montagne, promulguée de sa propre bouche? Comment des gens qui craignent Dieu peuvent-ils repousser et renier la loi qui est le fondement de son gouvernement dans le ciel et sur la terre? Mais le prophète aperçoit avec satisfaction un petit nombre de fidèles qui honorent et révèlent la loi de son Dieu. PP 458 1 Puis Moïse assiste à un dernier assaut des puissances de ce monde contre ceux qui gardent la loi de Dieu. Ils sont condamnés à mort; mais l'heure de la colère sonne, et Dieu se lève pour punir les habitants de la terre de leurs iniquités, tout en protégeant ceux qui ont honoré son nom. Il entend ensuite le Seigneur adresser des paroles de paix à ceux qui ont honoré sa loi. Les cieux et la terre tremblent au bruit de sa voix, et l'univers salue le second et glorieux avènement de Jésus-Christ. Les justes couchés dans leurs sépulcres ressuscitent immortels et les fidèles restés sur la terre deviennent incorruptibles. Tous ensemble, ils montent vers la cité de Dieu en chantant des hymnes d'allégresse. PP 458 2 Un dernier tableau encore se déroule devant le prophète. Notre terre lui apparaît vierge de toute malédiction et plus radieuse que le pays de Canaan qu'il vient de contempler. Le péché et la mort en sont bannis et les rachetés y trouvent une demeure qui ne passera jamais. La réalité est plus glorieuse qu'on ne l'eût jamais imaginé. Le peuple élu prend enfin possession de son héritage éternel. A la vue de ce spectacle, Moïse éprouve des transports de joie. PP 458 3 La vision disparaît. Les yeux du vieillard s'arrêtent à nouveau sur la terre de Canaan qui s'étend à ses pieds. Puis, tel un guerrier fatigué, cherchant du repos, il s'étend doucement sur le sol. Et on lit: "Moïse, serviteur de l'Éternel, mourut là, dans le pays de Moab, ... vis-à-vis de Beth-Péor; et personne n'a connu son tombeau jusqu'à aujourd'hui."(15) Un grand nombre de ceux qui avaient été peu disposés à écouter ses conseils, tandis qu'il était avec eux, auraient été en danger d'idolâtrer son cadavre, s'ils avaient connu le lieu de sa sépulture. Les anges de Dieu ensevelirent le corps de ce fidèle serviteur et veillèrent sur sa tombe solitaire. PP 458 4 "Il n'a plus paru en Israël de prophète semblable à Moïse, que l'Éternel connaissait face à face. Nul ne l'a égalé, soit pour tous les signes et les miracles que l'Éternel l'envoya faire,... soit pour toutes les oeuvres grandes et terribles que Moïse accomplit, de sa main puissante, à la vue de tout Israël."(16) PP 459 1 Si la vie de Moïse avait été exempte du péché commis à Kadès, lorsque l'eau sortit du rocher, et qu'il ne donna pas gloire à Dieu, il serait entré dans la terre promise, et, de là, il eût été transporté au ciel sans passer par la mort. Il ne resta cependant pas longtemps dans le sépulcre. Le Fils de Dieu, accompagné des anges qui l'avaient inhumé, descendit du ciel et vint lui-même réveiller et délivrer de son tombeau le prophète endormi. PP 459 2 Satan, qui s'était glorifié de son succès en faisant pécher Moïse et en le rendant passible de la mort; qui déclarait que la sentence: "Tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière"(17) livrait les morts à sa merci; qui les réclamait comme ses captifs, voués à une éternelle réclusion, n'avait encore jamais vu s'ouvrir les portes du tombeau. PP 459 3 Aussi, quand il s'aperçut que le Prince de la vie allait briser les barreaux de cette sombre prison, et qu'il le vit s'approcher du sépulcre de Moïse accompagné d'une escorte d'anges étincelants, il accourut, tout effaré, pour défendre son empire. Entouré de ses mauvais anges, il se mit à protester hautement contre l'invasion d'un domaine qu'il réclamait comme le sien. Il déclara que le serviteur de Dieu était son prisonnier puisqu'il avait transgressé la loi divine en s'attribuant la gloire qui appartient à l'Éternel. Moïse avait commis le péché même pour lequel lui, Lucifer, avait été chassé du ciel. Le grand rebelle réitéra ses accusations contre le gouvernement divin et se plaignit de l'injustice dont il était l'objet. PP 459 4 Mais le Seigneur ne s'arrêta pas à parlementer avec lui. Il aurait pu lui reprocher l'oeuvre néfaste et cruelle qu'il avait accomplie dans le ciel, en entraînant un grand nombre d'anges dans la ruine. Il aurait pu lui citer ses mensonges en Éden, qui firent tomber Adam et introduisirent la mort dans le monde. Il aurait pu lui rappeler que c'étaient les tentations dont il harcela le peuple d'Israël qui poussèrent celui-ci au murmure et à la révolte et, finalement, lassèrent la patience du prophète. PP 459 5 Mais Jésus, remettant ce litige à son Père, se contente de dire à Lucifer: "Que le Seigneur te punisse!"(18) Plutôt que d'entrer en discussion avec le tentateur, il s'apprête à l'instant même à faire une première brèche dans la forteresse de son adversaire: il ramène l'illustre mort à la vie. Cet acte donnait à Satan une preuve péremptoire de la suprématie du Fils de Dieu. Par là était assurée la résurrection des morts. La proie de Satan lui étant arrachée, il serait désormais certain que tous les justes sortiraient de la tombe. PP 460 1 C'est le péché qui avait fait tomber Moïse au pouvoir de Satan. D'après ses propres mérites, il était captif légitime de la mort. Et la vie immortelle dans laquelle il venait d'entrer était un don du Fils de Dieu. Revêtu d'un corps glorifié, Moïse accompagna son libérateur dans la cité céleste. PP 460 2 Jusqu'à la crucifixion du Sauveur, qui fut la preuve suprême de la justice et de l'amour de Dieu, jamais ce double caractère de la Divinité ne reçut une démonstration aussi éclatante que dans la vie de Moïse. Si Dieu a exclu son serviteur de la terre de Canaan, c'est pour nous donner une leçon que nous ne devons jamais oublier, à savoir qu'il exige de nous une stricte obéissance et que l'homme doit prendre garde à ne pas s'attribuer la gloire qui revient au Seigneur. Mais il n'avait ni oublié, ni abandonné son serviteur. Le Dieu du ciel connaissait ses souffrances. Il avait pris note de tous les actes de fidélité qui avaient caractérisé sa longue vie d'épreuves et de luttes. Au sommet du Pisga, il appela Moïse à un héritage infiniment plus glorieux que celui de la Canaan terrestre. PP 460 3 En compagnie du prophète Élie, qui avait été enlevé au ciel sans mourir, Moïse fut plus tard témoin de la transfiguration de Jésus sur la haute montagne. Du sein de la lumière et de la gloire, ces deux immortels furent chargés d'apporter au Fils de Dieu un peu de réconfort. Et c'est ainsi que fut exaucée la prière de Moïse faite des siècles auparavant: placer ses pieds sur cette "bonne montagne" au milieu de la terre que Dieu avait donnée à son peuple et apporter un gage du bon plaisir de son Père à celui en qui se concentraient toutes les promesses faites à Israël. Tel est le dernier épisode que nous connaissons de l'histoire de cet homme si hautement honoré du ciel. PP 460 4 Jésus avait lui-même déclaré à Israël que Moïse était un type du Messie: "L'Éternel, ton Dieu, te suscitera un prophète comme moi, sorti de tes rangs, parmi tes frères: vous l'écouterez."(19) Avant de lui confier la charge de conduire les armées d'Israël vers la Canaan terrestre, Dieu l'avait fait passer par l'école de la souffrance et de la pauvreté. Mais le capitaine de l'Israël de Dieu en route vers la Canaan céleste n'a pas eu besoin de leçons humaines pour le préparer en vue de sa divine mission. Néanmoins, il dut être "élevé à la perfection par les souffrances"; en effet, "comme il a souffert lui-même et qu'il a été tenté, il peut aussi secourir ceux qui sont tentés."(20) Bien qu'il n'eût manifesté ni faiblesse ni imperfection humaine, notre Sauveur dut mourir pour nous obtenir l'accès à la terre promise. "Quant à Moïse, il a été fidèle dans toute sa maison, comme un serviteur appelé à rendre témoignage de ce qui devait être annoncé plus tard. Mais Christ l'est comme un Fils à la tête de sa maison; et sa maison, c'est nous, pourvu que nous retenions fermement, jusqu'à la fin, la confiance et l'espérance dont nous nous glorifions."(21) ------------------------Chapitre 44 -- Le passage du Jourdain PP 463 1 Profondément affligés du décès de leur chef, les Israélites portèrent le deuil trente jours. Moïse était mort, mais non son oeuvre. Elle devait se perpétuer dans le souvenir de ses compatriotes. La mémoire de cette vie sainte, désintéressée, serait longtemps chérie et exercerait une influence persuasive et silencieuse dans les coeurs de ceux-là même qui avaient négligé d'en profiter. Ce n'est qu'après sa mort qu'ils se rendirent réellement compte de la valeur de ses sages conseils, de sa paternelle tendresse et de sa foi inébranlable. Ils se souvinrent avec reconnaissance des précieux enseignements qu'il leur avait donnés. Semblable au soleil couchant qui dore encore les monts longtemps après avoir disparu, la vie des hommes purs et saints continue d'éclairer le monde après qu'ils l'ont quitté. Le souvenir de leurs oeuvres, de leurs paroles et de leur exemple demeure. "La mémoire du juste vit éternellement."(1) PP 463 2 Quoique attristé par la perte de Moïse, Israël ne se sentit pas abandonné. La colonne de nuée et la colonne de feu qui planaient sur le tabernacle l'assuraient que s'il marchait dans la voie de ses commandements, Dieu continuerait d'être son guide et son défenseur. PP 464 1 Josué, le nouveau conducteur attitré de la nation, était connu comme un guerrier courageux, résolu, persévérant, prompt et incorruptible. Paternel envers ceux qui lui étaient confiés, il était animé d'une piété vivante. Ces vertus et ces talents allaient être tout particulièrement appréciés par les Hébreux à cette période de leur histoire. Durant le séjour au désert, il avait servi Moïse en qualité de premier ministre. Par sa simplicité, sa modestie, sa fermeté quand d'autres fléchissaient, par son courage dans le danger, il avait prouvé, bien avant d'être appelé à cette charge, qu'il possédait les qualités nécessaires pour la remplir. Tel était l'homme divinement choisi pour conduire les armées d'Israël dans la terre promise. PP 464 2 Ce n'était cependant pas sans de vives appréhensions et sans défiance de lui-même qu'il entreprenait la tâche qui était devant lui. Ses craintes se dissipèrent à l'ouïe des paroles encourageantes que Dieu lui adressa: "Je serai avec toi comme j'ai été avec Moïse. Je ne te laisserai point; je ne t'abandonnerai point. ... C'est toi qui mettras ce peuple en possession du pays que j'ai juré à leurs pères de leur donner. ... Tout lieu que foulera la plante de votre pied, je vous le donne."(2) C'était tout le territoire qui s'étendait depuis la "grande Mer", la Méditerranée, jusqu'aux montagnes du Liban et aux rives de l'Euphrate. PP 464 3 A ces promesses étaient ajoutées les recommandations suivantes: "Sois ferme, aie bon courage et prends soin d'agir conformément à toute la loi que Moïse, mon serviteur, t'a prescrite. ... Aie toujours à la bouche ce livre de la loi; médite-le jour et nuit; aie soin d'agir conformément à tout ce qui y est écrit; car alors tu réussiras dans tes entreprises et tu seras heureux." PP 464 4 Les Israélites étaient encore campés sur la rive orientale du Jourdain, qui constituait le premier obstacle à la conquête, quand Josué reçut l'ordre suivant: "Lève-toi, passe le Jourdain, toi et tout ce peuple, pour entrer dans le pays que je donne aux enfants d'Israël." A cet ordre, aucune instruction n'était ajoutée quant à la manière de franchir le fleuve. Mais Josué savait que les ordres de Dieu renfermaient en eux-mêmes la possibilité de les exécuter. Fort de cette certitude, l'intrépide guerrier s'occupa immédiatement des préparatifs de la conquête. PP 465 1 A quelques kilomètres de la rive opposée, en face du lieu où Israël avait campé, se trouvait la puissante ville de Jéricho. Entourée de hautes murailles, cette cité, qui était la clé de tout le pays, constituait une barrière formidable. Par prudence, Josué chargea deux jeunes gens d'aller espionner la ville pour se rendre compte de sa population, de ses ressources et de la force de ses fortifications. L'entreprise était très dangereuse, eu égard à la méfiance et à l'inquiétude de ses habitants, jour et nuit sur le qui-vive. Une femme, nommée Rahab, qui les protégea au péril de sa vie, reçut d'eux, en retour de ses bontés, la promesse d'avoir la vie sauve lors de la prise de la ville. PP 465 2 Les espions revinrent sains et saufs avec ce message: "Certainement, l'Éternel a livré tout le pays entre nos mains; et même tous les habitants du pays ont perdu courage devant nous." A Jéricho même, voici ce qu'ils avaient entendu: "Nous avons appris comment l'Éternel a mis à sec devant vous les eaux de la mer Rouge, à votre sortie d'Égypte, et ce que vous avez fait aux deux rois des Amoréens, qui étaient au-delà du Jourdain, à Sihon et à Og, que vous avez voués à l'interdit. Nous l'avons appris, et notre coeur s'est fondu, et il n'est plus resté de courage en aucun de nous pour vous résister; car c'est l'Éternel, votre Dieu, qui est Dieu, en haut dans les cieux et en bas sur la terre." PP 465 3 L'ordre fut donné au peuple de s'approvisionner pour trois jours, et à l'armée celui de se mettre en ordre de bataille. Chacun s'associa de bon coeur aux plans du général, qui reçut du peuple cette déclaration de confiance et de coopération: "Nous ferons tout ce que tu nous as commandé, et nous irons partout où tu nous enverras; nous t'obéirons en toutes choses, comme nous avons obéi à Moïse. Veuille seulement l'Éternel, ton Dieu, être avec toi, comme il a été avec Moïse." PP 465 4 Quittant les bosquets d'acacias de la vallée de Sittim où elle était campée, l'armée avança jusque sur les bords du Jourdain. Chacun se rendait compte que, sans le secours de Dieu, il n'y avait aucun espoir de traverser le fleuve. On était, en effet, au printemps, saison où la fonte des neiges en faisait déborder les eaux, de sorte qu'il était impossible de le passer aux gués ordinaires. Dieu voulait précisément que ce passage fût miraculeux. Sur son ordre, Josué commanda au peuple de se sanctifier: il s'agissait d'être exempts de péché et de souillure corporelle; "car demain, dit-il, l'Éternel fera au milieu de vous des choses merveilleuses". PP 466 1 L'arche de l'alliance, signe de la présence du Très-Haut, devait ouvrir la marche. Le peuple avait ordre, en voyant les prêtres emporter ce meuble sacré dans la direction du fleuve, de quitter ses quartiers et de marcher à sa suite. Tous les détails de la traversée étaient minutieusement arrêtés. Josué avait ajouté: "Vous reconnaîtrez à ceci que le Dieu vivant est avec nous, et qu'il chasse devant nous les Cananéens. ... Voici, l'arche de l'alliance du Seigneur de toute la terre va passer devant vous dans le Jourdain." PP 466 2 Au moment fixé, l'arche portée par les prêtres prenant les devants, la multitude s'ébranla, laissant un espace d'un kilomètre environ entre elle et l'avant-garde. Tous les regards suivaient avec anxiété les prêtres et l'arche sainte se dirigeant vers les rives du Jourdain et s'approchant lentement de ses eaux gonflées et menaçantes. Mais à peine les prêtres se furent-ils mouillés les pieds que l'on vit les flots se partager: d'un côté, ils étaient refoulés en arrière, et de l'autre, ils continuaient leur cours, laissant ainsi le lit du fleuve complètement à sec. PP 466 3 Sur l'ordre de Dieu, les prêtres s'avancèrent jusqu'à un point situé à égale distance des deux rives, tandis que toute la multitude, descendant à leur suite, passa sur l'autre bord. Chacun put ainsi constater, en traversant, que la puissance qui arrêtait les eaux du Jourdain était celle-là même qui, quarante ans auparavant, avait entrouvert devant leurs pères les eaux de la mer Rouge. Ce n'est que lorsque tout le peuple eut passé que l'arche fut transportée sur la rive occidentale. A peine eût-elle été mise en lieu sûr, "et les prêtres qui portaient l'arche de l'alliance eussent-ils quitté le lit du fleuve, et la plante de leurs pieds se fût-elle levée pour se poser sur le sec", que les eaux, soudain mises en liberté, se précipitèrent irrésistiblement dans la direction de leur embouchure. PP 466 4 Mais il fallait que les générations futures se souviennent toujours de ce grand miracle. Tandis que les prêtres qui portaient l'arche étaient encore au milieu du Jourdain, douze hommes spécialement désignés, à raison d'un par tribu, prirent chacun une pierre à cet endroit et la transportèrent sur la rive opposée. Ces pierres servirent à ériger un monument à l'endroit du premier campement sur la rive occidentale. On recommanda au peuple de raconter cet événement à leurs enfants et à leurs petits-enfants, afin, comme le leur dit Josué, que "tous les peuples de la terre reconnaissent que la main de l'Éternel est puissante, et afin que vous ayez toujours la crainte de l'Éternel, votre Dieu." PP 467 1 L'impression causée par ce miracle, tant sur les Hébreux que sur leurs ennemis, fut profonde. Israël y voyait l'assurance que Dieu était au milieu d'eux pour les protéger, et qu'il agirait en leur faveur par Josué comme par Moïse. Cette assurance était nécessaire au moment où ils allaient entreprendre la tâche redoutable qui, quarante ans plus tôt, avait fait chanceler la foi de leurs pères. Avant le passage du Jourdain, Dieu avait déclaré à Josué: "Aujourd'hui, je commencerai à t'élever aux yeux de tout Israël, afin qu'ils sachent que je serai avec toi comme j'ai été avec Moïse." Et en effet, "en ce jour-là, l'Éternel éleva Josué aux yeux de tout Israël, et ils le craignirent comme ils avaient craint Moïse, tous les jours de sa vie". PP 467 2 Cette éclatante manifestation de la puissance divine avait encore pour but d'intensifier les craintes que le peuple d'Israël inspirait déjà aux nations environnantes et de lui préparer ainsi un triomphe plus facile et plus complet. Aussi, quand parvint aux rois des Amoréens et des Cananéens la nouvelle que Dieu avait arrêté les eaux du Jourdain devant les Hébreux, ils furent glacés d'effroi. Cinq rois de Madian, Sihon, le puissant roi des Amoréens, et Og, roi de Basan, avaient déjà péri. Et maintenant, les Israélites venaient de traverser des eaux grossies et impétueuses! Aux Cananéens, à eux-mêmes, à Josué lui-même, des preuves irrécusables venaient d'être données que le Dieu vivant, le Roi du ciel et de la terre, était au milieu de son peuple et qu'il ne l'abandonnerait pas. L'épouvante fut générale chez les peuples voisins. PP 467 3 Les Hébreux dressèrent leur premier campement en Canaan à une petite distance du Jourdain. Josué y fit circoncire les enfants d'Israël, et, à Guilgal, "ils célébrèrent la Pâque".(3) La suspension du rite de la circoncision depuis la révolte de Kadès avait été pour Israël un témoignage constant du fait que son alliance avec Dieu, dont cette cérémonie était le symbole, avait été rompue. La cessation de la fête de la Pâque -- mémorial de leur délivrance du pays d'Égypte -- avait, de même, été une marque du déplaisir de Dieu à l'occasion de leur intention de retourner au pays de la servitude. PP 468 1 Or, les années de la réjection étant écoulées, Dieu reconnaissait à nouveau Israël comme son peuple et il lui rendait le signe de son alliance. Tous les hommes qui étaient nés dans le désert furent circoncis. Puis Dieu dit à Josué: "Aujourd'hui, j'ai fait rouler loin de vous l'opprobre de l'Égypte."(3) En mémoire de cet événement, le lieu du campement fut appelé "Guilgal", qui signifie: "j'ai fait rouler". PP 468 2 Les Hébreux n'ayant pas pris possession de Canaan immédiatement après leur sortie d'Égypte, comme ils s'y attendaient, les nations païennes s'étaient moquées de Dieu et de son peuple. Elles avaient ri de voir celui-ci errer si longtemps dans le désert, et avaient tourné en dérision leur Dieu, incapable, à leurs yeux, de leur donner la terre promise. En manifestant d'une façon éclatante sa puissance en faveur de son peuple, le Seigneur venait de mettre fin à leurs sarcasmes. PP 468 3 "Les enfants d'Israël célébrèrent la Pâque le quatorzième jour du mois, vers le soir, dans les plaines de Jéricho. Le lendemain de la Pâque, ce jour-là même, ils mangèrent des pains sans levain et des grains rôtis, qui étaient des produits du pays. La manne cessa le lendemain du jour où ils mangèrent du blé du pays; les enfants d'Israël n'eurent donc plus de manne, mais ils mangèrent, cette année-là, des produits de la terre de Canaan."(4) Les longues années dans le désert étaient terminées. Enfin, Israël foulait le sol de la terre promise. ------------------------Chapitre 45 -- La prise de Jéricho PP 469 1 Les Hébreux étaient entrés dans le pays de Canaan; mais ils ne l'avaient pas conquis, et cette conquête, à vues humaines, paraissait devoir être longue et difficile. Il était habité par une race puissante, décidée à défendre farouchement son territoire. Par crainte du danger commun qui les menaçait, les diverses tribus s'étaient unies entre elles. Les chevaux et les chars de guerre des Cananéens, leur connaissance des lieux et l'habitude des combats leur assuraient un grand avantage. En outre, le pays était défendu par des places fortes "dont les murailles s'élevaient jusqu'au ciel".(1) Ce n'était qu'avec l'assurance d'être secourus par une force supérieure que les Israélites pouvaient espérer gagner cette guerre. PP 469 2 L'une des plus formidables citadelles du pays, la grande et riche Jéricho, était devant eux, à une faible distance de leur camp de Guilgal. A l'extrémité d'une plaine fertile où abondaient les produits des tropiques, embellie de palais et de temples consacrés au luxe et à la dissolution, cette ville orgueilleuse, retranchée derrière ses tours crénelées, semblait défier le Dieu d'Israël. C'était un grand centre d'idolâtrie, spécialement dédié au culte d'Astarté, la déesse de la lune. Partout s'étalaient les rites orduriers et impurs de la religion des Cananéens. Israël, qui n'avait pas oublié les récentes et terribles conséquences de son péché à Beth-Péor, ne pouvait songer à cette cité corrompue qu'avec horreur et dégoût. PP 470 1 Abattre Jéricho, tel semblait être à Josué la première étape vers la conquête de Canaan. Mais il ne voulut rien entreprendre sans l'approbation divine. Un jour, s'étant éloigné du camp pour méditer et implorer le secours du Dieu d'Israël, il se trouve, tout à coup, en présence d'un guerrier armé de pied en cap, une épée nue à la main. Sa taille est imposante et son aspect majestueux. Josué lui demande: "Es-tu des nôtres, ou de nos ennemis? Il répondit: Non, je suis le chef de l'armée de l'Éternel; j'arrive maintenant."(2) PP 470 2 Puis Josué entend cet ordre, autrefois donné à Moïse en Horeb: "Ote les chaussures de tes pieds; car le lieu où tu te tiens est saint." Cette parole révèle au conducteur d'Israël l'identité du mystérieux étranger, qui n'est autre que le Fils de Dieu. Saisi d'effroi, il tombe sur sa face devant l'auguste personnage, adore, et entend cette promesse: "Regarde, j'ai livré entre tes mains Jéricho, son roi, ses vaillants guerriers." Et il reçoit des instructions précises sur la manière de s'emparer de la ville. PP 470 3 Obéissant à ces instructions, Josué met l'armée d'Israël en ordre de marche. Aucun assaut ne sera donné. Il s'agira simplement de faire, au son des trompettes, le tour de la ville. La tête de l'armée était composée d'une troupe d'élite, à laquelle on ne demanda ni valeur ni prouesses, mais une simple obéissance aux ordres donnés. Puis venait l'arche auréolée de gloire et portée par les prêtres revêtus de leurs vêtements sacrés. L'armée suivait, chaque tribu sous son étendard. Telle était la procession guerrière qui fit le tour de la ville condamnée. On n'entendait d'autre bruit que celui des pas des hommes et le son lugubre des trompettes répercuté par les collines et résonnant jusque dans les rues de Jéricho. Après chaque circonvolution, Israël rentrait silencieusement sous ses tentes, et l'arche venait s'abriter dans le tabernacle. PP 470 4 Pâles de craintes et d'alarmes, les sentinelles de Jéricho surveillaient attentivement tous les mouvements de l'armée israélite et en informaient les autorités, qui se demandaient ce que pouvait signifier cette mystérieuse démonstration. A la vue de cette multitude accompagnée de l'arche sainte et des sacrificateurs faisant chaque jour le tour de leur ville, les prêtres et le peuple furent saisis de frayeur. On examina à nouveau les murailles pour s'assurer qu'elles pourraient résister à la plus furieuse attaque. Parmi eux, cependant, plusieurs trouvaient ridicule la pensée que ces bizarres processions pussent leur faire le moindre mal. D'autres, qui ne voyaient pas ce spectacle sans effroi, se rappelaient que la mer Rouge s'était partagée devant cette nation et que, tout récemment, le Jourdain lui avait livré passage. Ils ne doutaient pas que Dieu ne fît pour elle quelque nouveau miracle. PP 471 1 Le même programme se déroula six jours de suite. Le septième, de très bonne heure, Josué rallia ses troupes et leur enjoignit de faire, ce jour-là, sept fois le tour de la ville, après quoi, à un signal donné par les trompettes, l'armée devait pousser une grande clameur: c'est alors que Dieu leur livrerait la ville. PP 471 2 Les nombreux bataillons d'Israël reprirent leur marche solennelle autour des murailles. Tout était silencieux: on n'entendait que le bruit cadencé de pieds innombrables frappant le sol et le son des trompettes, qui rompait de temps en temps le calme du matin. Les épais remparts de Jéricho semblaient défier tous les efforts de l'homme. Cependant les sentinelles sentirent leur effroi grandir, lorsqu'au premier tour de l'armée elles en virent succéder un deuxième, puis un troisième, un quatrième, un cinquième, un sixième... Quel pouvait bien être le but de ces mystérieuses marches? De quel événement extraordinaire et imminent pouvaient-elles être le signal? Elles n'eurent pas longtemps à attendre. Le septième circuit complété, l'armée s'arrêta. Les trompettes, qui depuis quelque temps étaient restées silencieuses, firent tout à coup entendre des éclats si terribles qu'on crut sentir trembler la terre. Alors les massives murailles de la ville, leurs tours et leurs créneaux, ébranlés par la base, oscillèrent et vinrent s'abattre lourdement sur le sol au milieu d'un effroyable fracas. Paralysés de terreur, les habitants n'offrirent aucune résistance à l'armée israélite qui prit possession de la cité. PP 471 3 Cette victoire n'était donc pas due à la valeur humaine, mais entièrement au bras de l'Éternel. Aussi, de même que les premiers fruits de la terre, Jéricho, avec tout ce qu'elle renfermait, devait lui être consacrée. Il s'agissait de faire comprendre à Israël que la conquête de Canaan ne devait pas avoir la cupidité pour mobile, et que le peuple devait se borner à être un instrument entre les mains de Dieu, son Roi. La consigne donnée avait été la suivante: "La ville sera vouée à l'Éternel par interdit, elle et tout ce qu'elle contient. ... Gardez-vous de ce que vous aurez voué à l'interdit, ... car vous mettriez en interdit le camp d'Israël, et vous y jetteriez le trouble." PP 472 1 On fit passer au fil de l'épée "hommes et femmes, enfants et vieillards, jusqu'aux boeufs, aux brebis et aux ânes". Seules, selon la parole des espions, la fidèle Rahab et sa famille furent épargnées. Puis on mit le feu à la ville. Ses palais, ses temples, ses demeures somptueuses, ses ameublements de luxe, ses riches draperies et ses vêtements précieux: tout fut livré aux flammes. Ce qui ne pouvait être consumé, "l'or, l'argent, et les objets d'airain et de fer", on le mit dans le trésor de la maison de l'Éternel. PP 472 2 L'emplacement même de la ville fut maudit. Jéricho ne devait plus jamais être rebâtie comme place forte. Une malédiction fut prononcée contre quiconque oserait reconstruire les murailles que la puissance divine avait abattues. En présence de tout le peuple, Josué fit cette solennelle déclaration: "Maudit soit, devant l'Éternel, celui qui se lèvera pour rebâtir cette ville de Jéricho! Il en posera les fondements au prix de son premier-né, et il en dressera les portes au prix de son plus jeune fils." PP 472 3 Cette destruction complète n'était que l'exécution de l'ordre donné antérieurement par Moïse concernant les habitants de Canaan: "Tu les voueras entièrement à l'interdit." "Dans les villes de ces peuples, tu n'y laisseras vivre rien de ce qui respire."(3) Il en est beaucoup pour qui ces ordres paraissent contraires à l'esprit d'amour et de miséricorde recommandé ailleurs dans la Bible. Mais ils étaient en réalité dictés par une sagesse et une bonté infinies. Dieu voulait établir Israël en Canaan pour en faire une nation et un gouvernement qui fussent un avant-goût de son royaume sur la terre. Israël ne devait pas seulement être le dépositaire de la vraie foi: il était chargé d'en faire connaître les principes dans le monde entier. Or, les Cananéens s'étaient livrés au paganisme le plus immonde. Il était donc nécessaire de purifier ce pays d'un mal qui, autrement, aurait sûrement compromis les plans de la bonté divine. PP 473 1 Les habitants de Canaan avaient eu amplement le temps de se convertir. Quarante ans auparavant, l'ouverture de la mer Rouge et les plaies d'Égypte avaient attesté la puissance suprême du Dieu d'Israël. Tout récemment encore, la défaite des rois de Madian, de Galaad et de Basan avait prouvé que l'Éternel était au-dessus de tous les dieux. La sainteté de son caractère et son horreur de l'impureté s'étaient manifestées dans les châtiments dont Israël avait été frappé pour avoir participé aux rites de Baal-Péor. Tous ces faits étaient connus des habitants de Jéricho, dont un bon nombre partageaient les convictions de Rahab, sans vouloir, comme elle, s'y conformer ni convenir que le Dieu d'Israël est le Dieu du ciel et de la terre. Comme les antédiluviens, les Cananéens ne vivaient que pour souiller la terre et blasphémer le ciel. En conséquence, l'amour et la justice de Dieu exigeaient l'exécution sommaire de ces êtres rebelles au Seigneur et adversaires de l'homme. PP 473 2 "C'est par la foi que les murailles de Jéricho tombèrent."(4) Avec quelle facilité avaient été renversées, par les armées célestes, les fortifications de cette cité orgueilleuse qui, quarante ans plus tôt, avaient terrifié les espions incrédules! Le Puissant d'Israël avait dit: "J'ai livré entre tes mains Jéricho." Et devant cette parole, la superbe humaine s'était évanouie. PP 473 3 Le chef de l'armée de l'Éternel n'était entré en communication qu'avec Josué. En ne se révélant pas à l'assemblée, il la laissait libre de croire aux paroles de son chef ou d'en douter, d'obéir aux ordres divins reçus par lui ou de les rejeter. Le peuple ne voyait pas l'armée d'anges qui l'entourait sous les ordres du Fils de Dieu. Il aurait pu faire ce raisonnement: "Quels mouvements insensés que ceux-ci, et combien est ridicule l'idée de faire chaque jour le tour des murailles de la ville, en embouchant des trompettes de cornes de bélier, comme si cela pouvait avoir un effet quelconque sur ces massives fortifications!" Or, c'était précisément pour affermir la foi des Israélites que ces circuits répétés avaient été ordonnés. Ils devaient apprendre que leur force ne résidait pas dans la valeur ou la sagesse humaines, mais uniquement dans le Dieu de leur salut. Ils devaient s'habituer à ne s'appuyer que sur le bras de leur divin chef. PP 474 1 Dieu est prêt à faire de grandes choses pour ses enfants. Il viendra infailliblement au secours de ceux qui s'abandonnent entièrement à lui et lui obéissent. La raison pour laquelle son peuple est si faible, c'est qu'il se confie trop en lui-même et ne donne pas au Seigneur l'occasion de manifester sa puissance. PP 474 2 Après un court répit, Josué résolut d'attaquer Aï, petite ville de ravines, à quelques kilomètres à l'ouest de la vallée du Jourdain. Les espions qui y furent envoyés revinrent en disant que ses habitants étaient peu nombreux et qu'il suffirait d'un petit contingent d'hommes pour la prendre. La grande victoire que Dieu venait de donner à Israël l'avait rempli de confiance en lui-même. Le pays de Canaan lui avait été promis, mais il oubliait que le succès lui venait d'en haut. Il regardait ses ennemis avec mépris et commençait à se faire une haute opinion de sa valeur militaire. Josué lui-même avait proposé la conquête d'Aï sans consulter l'Éternel. PP 474 3 Comptant donc sur une victoire facile, on jugea qu'une troupe de trois mille hommes suffirait pour s'emparer de la place. Sans s'assurer que Dieu serait avec eux, ils partirent pleins d'ardeur et s'avancèrent vers la porte de la ville. Mais ils y rencontrèrent une résistance si énergique, des adversaires si nombreux et si bien armés, qu'ils prirent la fuite en désordre. "Les gens d'Aï ... les poursuivirent depuis la porte de la ville jusqu'à Sébarim, et les battirent à la descente." Quoique la perte fût minime -- il n'y eut que trente-six hommes tués -- cette défaite découragea Israël. "Le coeur du peuple se fondit et devint comme de l'eau." PP 474 4 C'était la première fois que les Hébreux livraient bataille aux Cananéens, et les défenseurs de cette petite ville avaient suffi pour les faire battre en retraite! Que devaient-ils donc augurer du résultat des grands engagements qui les attendaient? Angoissé, plein d'appréhension, Josué envisagea ce contre-temps comme un signe du déplaisir de Dieu. "Il déchira ses vêtements et tomba le visage contre terre, devant l'arche de l'Éternel, jusqu'au soir, lui et les anciens d'Israël avec lui, et ils jetèrent de la poussière sur leur tête." "Ah! Seigneur Éternel, s'écria-t-il, pourquoi as-tu fait passer le Jourdain à ce peuple pour nous livrer entre les mains de l'Amoréen et nous faire périr? ... Seigneur, que dirai-je, après qu'Israël a tourné le dos devant ses ennemis? Les Cananéens et tous les habitants du pays l'apprendront; ils nous envelopperont, ils retrancheront notre nom de la terre; et que feras-tu pour ton grand nom?" PP 475 1 Dieu lui répondit: "Lève-toi! Pourquoi es-tu ainsi prosterné contre terre? Les enfants d'Israël ont péché; ils ont transgressé l'alliance que je leur avais prescrite." L'heure était à l'action prompte et énergique, et non au désespoir et aux lamentations. La congrégation abritait quelque péché secret. Avant de retrouver la présence et la bénédiction de Dieu, il fallait le démasquer et le bannir. "Je ne serai plus désormais avec vous, ajouta l'Éternel, si vous n'ôtez pas l'interdit du milieu de vous." PP 475 2 Un des hommes chargés d'exécuter les ordres de Dieu les avait violés, et tout le peuple avait été tenu responsable de son péché. "Ils ont pris de l'interdit, ils en ont même dérobé; ils l'ont dissimulé." Pour découvrir le coupable, Josué doit recourir au sort. Dieu ne lui désigne pas directement l'auteur de l'interdit. Il laisse la chose incertaine pendant quelque temps, afin d'amener le peuple à s'humilier et à se sentir responsable des péchés existant dans son sein. PP 475 3 "Josué se leva donc de bon matin, fit approcher Israël par tribus", et une scène émouvante eut lieu alors. On jeta d'abord le sort sur les tribus, puis sur les clans, puis sur les familles. A chaque tour, le sort, inexorable, s'approchait plus près de sa victime. Enfin, Acan, fils de Carmi, de la tribu de Juda, fut désigné par Dieu comme l'homme qui avait troublé Israël. Pour établir sa culpabilité sans conteste, comme pour éviter toute possibilité d'une condamnation injuste, Josué adjura Acan d'avouer sa faute. Le malheureux fit une entière confession de son péché. "Oui, c'est moi, dit-il, qui ai péché contre l'Éternel, le Dieu d'Israël; et voici ce que j'ai fait. J'ai vu dans le butin un beau manteau de Sinéar, deux cents sicles d'argent, et un lingot d'or du poids de cinquante sicles; je les ai convoités, et je les ai pris: vous les trouverez cachés dans la terre, au milieu de ma tente, et l'argent est dessous." Des messagers furent immédiatement envoyés à sa tente et creusèrent le sol à l'endroit indiqué. "Ils virent que les objets étaient cachés dans la tente, et l'argent était dessous. Ils les prirent au milieu de la tente; ils les apportèrent à Josué et à tous les enfants d'Israël, et les déposèrent devant l'Éternel." PP 476 1 La sentence, divinement révélée, fut prononcée et immédiatement exécutée. Josué dit à Acan: "Pourquoi nous as-tu troublés? L'Éternel te troublera aujourd'hui." Comme le peuple avait été tenu responsable du péché d'Acan et en avait subi les conséquences, il dut participer, par ses représentants, à la punition du coupable. "Tous les Israélites l'assommèrent à coups de pierres." Sur son cadavre, on éleva un grand monceau de pierres en souvenir de son péché et de son châtiment. "C'est pourquoi on a nommé jusqu'à aujourd'hui ce lieu: la vallée d'Acor", qui signifie: vallée du trouble. Dans le livre des Chroniques, la mémoire d'Acan est conservée en ces termes: "Acar [sic], qui troubla Israël, lorsqu'il commit une prévarication, au sujet de l'interdit."(5) PP 476 2 Acan avait défié les avertissements les plus précis et les plus solennels. "Gardez-vous de ce que vous aurez voué à l'interdit, avait dit la proclamation au peuple; car si, après avoir prononcé ce voeu, vous vous empariez de l'interdit, vous mettriez en interdit le camp d'Israël, et vous y jetteriez le trouble." Cet ordre avait été donné immédiatement après le miraculeux passage du Jourdain, après le renouvellement de l'alliance, de la circoncision et de la Pâque, et après l'apparition de l'ange de l'alliance, chef de l'armée de l'Éternel. Il avait été suivi de la ruine de Jéricho, présage du sort qui attend infailliblement les transgresseurs de la loi de Dieu et preuve éclatante de sa puissance. PP 476 3 A cette heure de triomphe et de châtiment, il ne s'était trouvé, sur des millions d'Israélites, que ce seul homme pour oser violer l'ordre de Dieu. La cupidité d'Acan avait été excitée par un fastueux vêtement babylonien, qu'il appelait encore, au moment d'être exécuté, "un beau manteau de Sinéar". Entraîné d'un péché dans un autre, il avait fini par s'approprier l'or et l'argent consacrés au trésor de l'Éternel, frustrant ainsi Dieu des prémices de la terre de Canaan. PP 476 4 Le péché même qui causa la perte d'Acan avait sa racine dans l'amour de l'argent. C'est un des péchés les plus communs de nos jours, et dont on fait le moins de cas. D'autres fautes sont poursuivies et châtiées; mais il est très rare que la violation du dixième commandement donne lieu ne fût-ce qu'à une simple réprimande. L'histoire d'Acan est là pour nous en apprendre l'énormité et les terribles conséquences. PP 477 1 L'avarice, l'âpreté au gain, est un mal qui se développe graduellement. Acan l'avait caressé au point que cette passion était devenue pour lui une chaîne presque impossible à briser. Il aurait été horrifié si on lui avait dit que ce péché allait causer un désastre en Israël; mais le mal avait fini par endormir sa conscience, et il ne succomba que trop facilement à la tentation. PP 477 2 En face d'avertissements aussi solennels et explicites, ne commet-on pas aujourd'hui des péchés tout semblables? La convoitise et l'avarice nous sont tout aussi formellement défendus qu'elles le furent à Israël et à Acan. Il est écrit que "la convoitise, l'avarice est une idolâtrie". Il est aussi écrit: "Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon." "Gardez-vous avec soin de toute avarice." "Que l'avarice ne soit pas même nommée parmi vous."(6) Nous avons les exemples lamentables d'Acan, de Judas, d'Ananias et de Saphira. Avant ceux-là, il y a eu celui de Lucifer, "le fils de l'aurore", qui perdit à jamais la gloire et la félicité du ciel pour avoir convoité une plus haute position. Et malgré tous ces exemples, la convoitise abonde. PP 477 3 Sa trace visqueuse se retrouve partout. Elle crée le mécontentement et la dissension dans les familles. Chez le pauvre, elle fait naître l'envie et la haine contre le riche, et chez le riche elle provoque l'oppression spoliatrice du pauvre. Ce mal n'existe pas seulement dans le monde, mais dans l'Église, où il est fréquent de rencontrer l'égoïsme, l'avarice, la rapacité, l'indifférence vis-à-vis des indigents et la frustration de Dieu "dans les dîmes et dans les offrandes". Que d'Acans, hélas! parmi les membres considérés des Églises! PP 477 4 Combien d'hommes se rendent gravement à l'église et s'approchent de la table du Seigneur, en recelant parmi leurs biens des gains illicites et des choses que Dieu a maudites? Pour "un beau manteau de Sinéar", des multitudes de gens sacrifient l'approbation de leur conscience et leur espoir de la vie éternelle. Des multitudes troquent leur probité et leur utilité en ce monde contre quelque "cent sicles d'argent". Les cris de l'humanité souffrante restent sans écho. La propagation de l'Évangile est arrêtée dans sa marche. Ces exemples, qui donnent un démenti au christianisme, servent de points de mire aux sarcasmes des mondains. Et l'avare "chrétien" continue à accumuler ses trésors. Mais "l'homme peut-il tromper Dieu?"(7) PP 478 1 Le péché d'Acan avait fait courir un grand péril à toute la nation. Aujourd'hui encore, la faute d'un seul homme peut attirer sur l'Église le déplaisir de Dieu, qui pèsera sur elle jusqu'à ce que le mal ait été découvert et banni de son sein. Les plus grands maux qui menacent l'Église ne viennent pas de ses ennemis déclarés, des incrédules et des blasphémateurs, mais bien de ses membres indignes. Ce sont eux qui la privent de la bénédiction du Dieu d'Israël. PP 478 2 Quand l'Église passe par la tribulation, quand sa froideur et sa médiocrité font la joie de ses ennemis, le moment est venu, non de croiser les bras et de se lamenter, mais de se demander s'il n'y a pas un Acan dans le troupeau. Que chacun, dans un esprit d'humiliation, fasse un retour sur lui-même et se mette à rechercher quels sont les péchés secrets qui éloignent la présence de Dieu. PP 478 3 La confession d'Acan était venue trop tard pour qu'elle pût lui profiter. Il avait vu l'armée d'Israël revenir d'Aï battue et découragée; il avait vu Josué et les anciens courbés vers la terre dans une angoisse inexprimable. S'il avait fait sa confession alors, il aurait donné quelque preuve d'un vrai repentir. Mais il garda le silence. Il entendit annoncer qu'un grand péché, dont on précisait la nature, avait été commis; mais ses lèvres restèrent closes. Puis on commença à tirer au sort. L'âme glacée d'épouvante, il vit successivement désigner sa tribu, puis son clan, puis sa famille! Mais là encore, il se refusa à balbutier le moindre aveu. Il attendit que le doigt de Dieu se fût posé sur lui et ne parla que lorsqu'il n'y eût plus moyen de rien cacher. PP 478 4 Il est fréquent, hélas! ce genre de confession où l'on ne reconnaît sa faute qu'après son dévoilement à tous les regards. Qu'il est différent, le repentir de celui qui avoue un péché connu seulement de lui-même et de Dieu! Acan n'eût pas même confessé sa faute s'il n'avait espéré éviter, par là, les conséquences de son vol. Lorsque sa confession se produisit enfin, elle ne servit qu'à montrer que son châtiment était juste. Elle ne renfermait ni repentir sincère, ni contrition, ni changement de disposition, ni horreur du mal. PP 479 1 Telle est la confession que feront les coupables devant le tribunal de Dieu, lorsque le sort de chacun aura été décidé soit pour la vie, soit pour la mort. La punition qui leur sera infligée arrachera un plein aveu de toutes les bouches. Cet aveu, sur les lèvres des réprouvés, jaillira, irrésistiblement, d'un sentiment écrasant de leur culpabilité et de "l'attente terrible du jugement".(8) Mais ces confessions ne les sauveront pas. PP 479 2 Beaucoup, semblables à Acan, se rassurent par la pensée que s'ils peuvent cacher leurs transgressions aux hommes, Dieu ne leur en tiendra pas compte. Ces péchés les retrouveront bel et bien un jour, mais trop tard, hélas! et cela quand ils ne pourront plus être expiés ni par sacrifices ni par offrandes. Quand les registres du ciel seront ouverts, ce ne sera pas en paroles que le grand juge déclarera leur culpabilité aux impénitents. Son regard accusateur et pénétrant rappellera si vivement à leur mémoire chacun des actes et chacune des circonstances de leur vie qu'il ne sera pas nécessaire, comme au temps de Josué, de rechercher les coupables de tribu en tribu, de clan en clan, de famille en famille. De leurs propres lèvres, ils confesseront leur honte. Les péchés qui avaient échappé à la connaissance des hommes seront proclamés devant le monde entier. ------------------------Chapitre 46 -- L'assemblée de Sichem PP 481 1 Après l'exécution d'Acan, Josué reçut l'ordre de réunir tous les hommes de guerre et de marcher une seconde fois contre Aï. Cette fois la puissance de Dieu accompagna son peuple, qui fut bientôt en possession de la ville. PP 481 2 Les opérations militaires furent alors suspendues pour donner à tout Israël l'occasion d'assister à des services religieux d'une grande importance. Personne encore ne possédait de maison pour y loger sa famille, ni de champs à cultiver, et le peuple avait hâte de s'établir définitivement sur ses terres. Pour cela, il fallait d'abord chasser les Cananéens du pays. Mais cette entreprise si importante devait cependant céder le pas à un devoir plus impérieux encore. PP 481 3 Avant de prendre possession de son héritage, Israël devait d'abord renouveler son alliance avec Dieu. Les dernières instructions de Moïse renfermaient l'ordre de réunir le peuple sur les collines d'Ébal et de Garizim, près de Sichem, pour qu'il promette solennellement d'obéir à la loi de Dieu. En conséquence, les hommes, les femmes, les petits enfants et les étrangers qui vivaient parmi eux(1) quittèrent le camp de Guilgal et marchèrent, dans un territoire ennemi, jusqu'à Sichem, située près du centre du pays. Quoique entourés de populations non encore subjuguées, ils n'avaient rien à craindre tant qu'ils étaient fidèles au Dieu qui les protégeait. Comme aux jours de Jacob, "Dieu frappa de terreur les villes d'alentour"(2) et ils ne furent pas molestés. PP 482 1 L'endroit choisi pour cette grave cérémonie leur était cher par l'histoire de leurs pères. C'était là qu'Abraham avait élevé son premier autel à l'Éternel "dans le pays de Canaan"; là qu'Abraham et Jacob avaient dressé leurs tentes, que ce dernier avait acheté le champ où, plus tard, on ensevelit les os de Joseph, là enfin que se trouvaient le puits creusé par ce patriarche et le chêne sous lequel il avait enterré les images idolâtres emportées par sa famille. PP 482 2 Le site, un des plus charmants de la Palestine, était un théâtre digne de la scène mémorable qui allait s'y dérouler. Entre deux collines arides s'étendait une ravissante vallée de prairies verdoyantes, émaillée de fleurs sauvages, plantée de bosquets d'oliviers et arrosée de sources abondantes. Les monts Ébal et Garizim qui l'enserrent se touchent presque; leurs éperons inférieurs semblent former une plate-forme naturelle, de telle sorte que chaque mot prononcé sur l'une s'entend distinctement de l'autre; en outre, le flanc de chaque mont, en pente douce, peut recevoir de grandes foules. PP 482 3 Obéissant aux directives laissées par Moïse, on érigea sur le mont Ébal un monument fait de grandes pierres. Sur ce monument, préalablement couvert d'une couche de chaux, on inscrivit les dix préceptes que Dieu avait gravés sur les tables de pierre placées dans l'arche et les lois que Moïse avait écrites dans un livre. A côté de ce monument, on éleva un autel de pierres brutes sur lequel on offrit des sacrifices à l'Éternel. Le fait que cet autel était bâti sur le mont Ébal, d'où émanait la malédiction, était significatif, car il rappelait qu'Israël, ayant encouru la juste colère de Dieu, eût été frappé sans l'expiation du Fils de Dieu représentée par l'autel des sacrifices. PP 482 4 Six tribus, issues de Léa et de Rachel, se placèrent sur le mont Garizim. Celles qui descendaient des servantes de Jacob se disposèrent, avec Ruben et Zabulon, sur le mont Ébal, tandis que les prêtres et l'arche prirent place entre les deux collines, au fond de la vallée. Après une sonnerie de trompettes, Josué, debout à côté de l'arche, procéda, au milieu d'un calme impressionnant, à la lecture des bénédictions attachées à l'obéissance à la loi de Dieu. La lecture terminée, les tribus du mont Garizim répondirent: Amen. Josué lut ensuite les malédictions, et des centaines de milliers de voix venant du mont Ébal donnèrent leur assentiment par un solennel Amen. Après cela vint la lecture de la loi de Dieu, ainsi que celle des statuts donnés par Moïse. PP 483 1 Une première fois, au Sinaï, Israël avait reçu la loi divine, mais prononcée directement par la voix de Dieu. Ses préceptes sacrés, écrits de la propre main de l'Éternel, étaient conservés dans l'arche. Cette même loi venait maintenant d'être inscrite en un lieu public où tous pouvaient la lire. En plus de cela, elle avait été lue par Josué en présence de tout Israël. Moïse l'avait récapitulée, quelques semaines plus tôt, devant tout le peuple rassemblé. Chacun avait ainsi eu l'occasion de connaître les conditions de l'alliance en vertu de laquelle Israël recevait la terre de Canaan. PP 483 2 Ce ne furent pas seulement les hommes d'Israël mais aussi les femmes et les petits enfants qui entendirent la lecture de la loi. Il importait, en effet, que ces derniers connussent aussi leurs devoirs. Car Dieu avait donné cet ordre: "Gravez donc les paroles que je vous dis dans votre coeur et dans votre âme; liez-les comme un signe sur vos mains, et qu'elles soient comme des fronteaux entre vos yeux. Enseignez-les à vos enfants, ... afin que vous et vos enfants vous demeuriez dans ce pays, que l'Éternel a juré à vos pères de leur donner, aussi longtemps que les cieux subsisteront au-dessus de la terre."(3) PP 483 3 Chaque septième année, la loi devait ainsi être lue en présence de tout Israël. Moïse l'avait ordonné en ces termes: "Au bout de sept ans, à l'époque de l'année de rémission, à la fête des Tabernacles, quand tout Israël viendra pour comparaître devant l'Éternel, ton Dieu, dans le lieu qu'il choisira, tu liras cette loi en présence de tous les Israélites, de manière qu'elle soit bien entendue d'eux. Tu rassembleras le peuple, les hommes, les femmes et les enfants, et l'étranger qui sera dans tes villes, afin qu'ils entendent, qu'ils apprennent à craindre l'Éternel, votre Dieu, et qu'ils aient soin de mettre en pratique toutes les paroles de cette loi. Leurs enfants, qui n'en auront pas eu connaissance, l'entendront, et ils apprendront à craindre l'Éternel, votre Dieu, tout le temps que vous vivrez sur la terre dont vous prendrez possession après avoir passé le Jourdain."(4) PP 484 1 Pour entraîner les hommes dans le mal, Satan s'efforce constamment de pervertir ce que Dieu a dit, d'aveugler les esprits et d'enténébrer les intelligences. Voilà pourquoi le Seigneur est si explicite et donne ses commandements en des termes sur lesquels il est impossible de se méprendre. Il s'efforce d'arracher les hommes aux séductions de Satan et de les attirer sous sa protection. En raison de l'ardeur que met l'ennemi à distraire nos pensées et à ravir de nos coeurs les promesses et les commandements du Seigneur, Dieu a condescendu à proclamer ses oracles de sa propre voix et à les écrire de sa propre main. Ces paroles bénies, toutes frémissantes de vie et éclatantes de lumière, ce viatique, ce guide parfait, il nous le confie pour nous inciter à une plus grande diligence en vue de nous en assimiler le contenu d'une façon permanente. PP 484 2 Les conducteurs religieux devraient apporter une plus grande attention à l'instruction des âmes qui leur sont confiées. Les faits et les enseignements de la partie historique de la Bible, aussi bien que les avertissements et les ordonnances du Seigneur, doivent leur être inculqués en un langage simple et à la portée des enfants. Il incombe aux prédicateurs de l'Évangile, comme aux parents, de veiller à ce que la jeunesse soit instruite dans les Écritures. PP 484 3 Non seulement les parents peuvent et doivent initier leurs enfants au contenu varié du livre sacré, mais s'ils veulent que leurs fils et leurs filles soient attirés par la Parole de Dieu, il faut qu'ils s'y intéressent eux-mêmes, que ses enseignements leur soient familiers et qu'ils suivent à la lettre la recommandation divine faite à Israël: "Enseignez-les à vos enfants, faites-les leur connaître, que vous restiez à la maison, ou que vous soyez en voyage, quand vous vous coucherez ou quand vous vous lèverez."(5) Ceux qui désirent voir leurs enfants aimer et révérer l'Éternel doivent les entretenir de sa bonté et de sa puissance, telles qu'elles se révèlent dans sa Parole et dans les oeuvres de la nature. PP 484 4 Chaque chapitre, chaque verset de la Bible est une parole divine adressée aux hommes. Il faut en lier les préceptes "comme un signe sur nos mains et comme un fronteau entre nos yeux". Étudiée et mise en pratique, l'Écriture sainte conduira aujourd'hui le peuple de Dieu, de même que le peuple d'Israël était conduit de jour par la colonne de nuée et de nuit par la colonne de feu. ------------------------Chapitre 47 -- L'alliance avec les Gabaonites PP 487 1 Peu après leur retour à leur camp de Guilgal, les Israélites reçurent la visite d'une étrange députation. Ces ambassadeurs proposaient de contracter une alliance entre la nation hébraïque et la leur. Ils disaient venir d'un pays éloigné, et leur aspect semblait bien confirmer leur dire: leurs vêtements étaient râpés, leurs sandales raccommodées et leurs outres à vin rapiécées et ficelées, comme on le ferait rapidement au cours d'un voyage. PP 487 2 De leur lointaine patrie, bien au-delà des frontières de la Palestine, disaient les nouveaux venus, leurs compatriotes avaient entendu parler des merveilles accomplies par Dieu pour son peuple, et ils les envoyaient pour lui proposer une alliance. Les Hébreux ayant été particulièrement avertis contre toute idée de former des alliances avec les idolâtres de Canaan, les principaux conçurent des doutes quant à la véracité de ces déclarations. Ils leur demandèrent: "Peut-être habitez-vous parmi nous; comment donc ferions-nous alliance avec vous?" A quoi ils répondirent: "Nous sommes tes serviteurs."(1) Josué leur demanda alors directement: "Qui êtes-vous, et d'où venez-vous?" Réitérant leur assertion, ils ajoutèrent, pour prouver leur sincérité: "Voici notre pain, nous l'avons pris tout chaud, pour notre provision, le jour où nous sommes sortis de nos maisons pour venir chez vous, et maintenant il est sec et en miettes. Ces outres à vin que nous avons remplies toutes neuves, voici qu'elles se sont déchirées; et nos vêtements et nos chaussures se sont usés, par suite de l'extrême longueur du voyage." PP 488 1 Alors, "sans avoir consulté l'Éternel, ... les gens d'Israël acceptèrent" leurs allégations comme véridiques. "Josué leur accorda la paix et conclut avec eux une alliance qui leur assurait la vie; et les principaux de l'assemblée s'y engagèrent par serment." Trois jours après la conclusion du traité, la vérité fut découverte. Ces gens étaient des voisins. Comprenant qu'il leur était impossible de subsister devant les Hébreux, ils avaient recouru à ce stratagème pour sauver leur vie. PP 488 2 Grande fut l'indignation du peuple quand il apprit la mystification dont il avait été victime. Ce sentiment s'accrut encore lorsqu'après trois jours de marche, on arriva aux villes des Gabaonites, au centre du pays. "Toute l'assemblée murmura contre les chefs." Mais ceux-ci ne voulurent pas répudier ce traité extorqué par fraude. "Nous leur avons fait serment par l'Éternel, le Dieu d'Israël, dirent-ils, et ils ne les firent pas mourir." D'ailleurs, les Gabaonites s'étant engagés à échanger l'idolâtrie contre le culte du vrai Dieu, ils échappèrent à la mort sans qu'il y eût violation de l'ordre divin qui exigeait la destruction des Cananéens idolâtres. Les Hébreux se mirent simplement au bénéfice du principe selon lequel une promesse formelle n'engageant pas à des actes coupables doit être considérée comme sacrée. C'est le principe qui ne permet pas d'invoquer des motifs de gain, de vengeance ou d'avantages personnels contre l'inviolabilité d'un serment ou d'un engagement. PP 488 3 Les lèvres fausses sont en abomination à l'Éternel; Mais ceux qui agissent sincèrement lui sont agréables. ... Qui pourra monter à la montagne de l'Éternel Et qui pourra subsister dans son saint lieu? C'est l'homme qui a les mains nettes et le coeur pur. ... S'il a juré, fût-ce à son préjudice, Il ne change rien à son serment.(2) PP 489 1 Les Gabaonites eurent donc la vie sauve, mais ils furent asservis aux gros travaux du sanctuaire. Josué "les établit coupeurs de bois et puiseurs d'eau pour l'assemblée et pour l'autel ... de l'Éternel". Conscients de leur culpabilité et heureux de se racheter à n'importe quel prix, les Gabaonites acceptèrent ces conditions avec gratitude. "Nous voici entre tes mains, dirent-ils à Josué; traite-nous comme il te semblera bon." Des siècles durant, leurs descendants restèrent attachés au service du sanctuaire. PP 489 2 Le territoire des Gabaonites renfermait quatre villes. Ce peuple, qui n'avait pas de roi, était gouverné par des anciens ou sénateurs. Gabaon, la plus importante de leurs cités, "était une grande ville, une vraie ville royale", et "tous ses hommes étaient vaillants". Le fait qu'ils acceptèrent des conditions aussi humiliantes pour échapper à la mort montre quelle terreur les Israélites inspiraient aux habitants de Canaan. PP 489 3 Mais les Gabaonites auraient trouvé bien plus d'avantages à se conduire honnêtement avec Israël. Car Dieu avait déclaré que tous ceux qui voudraient renoncer au paganisme et se joindre aux Hébreux auraient part aux bienfaits de l'alliance. Ces prosélytes entraient dans la catégorie des "étrangers séjournant parmi vous" et jouissaient, à peu d'exceptions près, des mêmes avantages qu'Israël. Voici quel était, à leur égard, le statut de l'Éternel: PP 489 4 "L'étranger qui séjourne parmi vous sera comme l'un de vos compatriotes, et tu l'aimeras comme toi-même."(3) Le précepte relatif à la Pâque et aux sacrifices renfermait cette disposition: "Il y aura une seule et même loi pour toute l'assemblée, pour vous comme pour l'étranger en séjour parmi vous; ... il en sera de l'étranger comme de vous-mêmes devant l'Éternel."(4) PP 489 5 S'ils n'avaient pas recouru à la ruse, les Gabaonites auraient pu être incorporés au peuple d'Israël sur ce pied-là. Mais ces habitants d'une "ville royale", qui "étaient tous des hommes vaillants", subirent l'humiliation de se voir réduits à être coupeurs de bois et puiseurs d'eau à perpétuité. Pour s'être affublés d'un manteau de pauvreté en vue de tromper le peuple de Dieu, ils se virent condamnés à une éternelle indigence. Leur servage constitua un témoignage permanent de l'aversion de Dieu pour la fausseté. PP 490 1 La soumission de Gabaon aux Israélites jeta l'effroi parmi les rois de Canaan. Ils se mirent immédiatement en mesure de châtier un peuple qui avait fait la paix avec les envahisseurs. Cinq d'entre eux, Adoni-Tsédek à leur tête, se liguèrent contre Gabaon. Leurs mouvements furent si prompts que les Gabaonites eurent à peine le temps d'envoyer à Guilgal ce cri d'alarme adressé à Josué: "N'abandonne point tes serviteurs; monte auprès de nous promptement; délivre-nous, et donne-nous du secours; car tous les rois des Amoréens, qui habitent la montagne, se sont réunis contre nous."(5) La ville de Gabaon commandant les passages de la Palestine centrale et méridionale, le danger était aussi grand pour Israël que pour les Gabaonites; car si l'on voulait conquérir le pays, il fallait être maître de cette place. PP 490 2 Josué se disposa à voler au secours de ce peuple, d'autant plus qu'il s'était rendu à discrétion et avait adopté le culte du vrai Dieu. Mais il ne voulut rien faire, cette fois, sans avoir consulté le Seigneur, qui lui répondit: "Ne les crains pas, car je les ai livrés entre tes mains, et aucun d'eux ne tiendra devant toi." "Josué monta donc de Guilgal, et avec lui tous les gens de guerre, et tous les hommes forts et vaillants." Grâce à une marche forcée de toute la nuit, il put amener ses troupes devant Gabaon dès le lendemain matin. Les rois coalisés avaient à peine réuni leurs armées autour de la ville qu'il se jetait sur eux. L'attaque fut si rapide et si inattendue que les assaillants furent mis en déroute. L'immense armée des Cananéens, en fuite, prit le chemin de Beth-Oron. Après avoir atteint le sommet de la colline, elle redescendit la pente inclinée de l'autre versant, où elle fut criblée par un orage de grêle. "L'Éternel fit tomber du ciel sur eux de grosses pierres, ... et ils périrent. Ceux qui furent tués par les pierres de grêle furent plus nombreux que ceux que les enfants d'Israël firent périr avec l'épée." PP 490 3 Arrivé sur la hauteur, Josué contempla les troupes ennemies qui continuaient de fuir désespérément dans la direction des montagnes, où elles espéraient trouver un refuge. Réfléchissant que, s'ils n'étaient pas complètement battus, les ennemis se rallieraient et recommenceraient la guerre, "Josué parla à l'Éternel ... et il dit, en présence d'Israël: PP 490 4 Soleil, arrête-toi sur Gabaon, Et toi, lune, sur la vallée d'Ajalon!" PP 491 1 "Et le soleil s'arrêta, et la lune suspendit sa course, jusqu'à ce que la nation se fût vengée de ses ennemis. ...Le soleil s'arrêta au milieu du ciel et ne se hâta point de se coucher, presque un jour entier." PP 491 2 Avant la nuit, la promesse faite à Josué était accomplie: toute l'armée ennemie avait été livrée entre ses mains. Les événements de cette journée restèrent longtemps dans les mémoires en Israël. Un prophète y fait allusion en ces termes: PP 491 3 Le soleil et la lune s'arrêtent dans leur orbite A la lueur de tes flèches qui volent, A l'éclat de ta lance étincelante. Tu parcours la terre avec fureur; Tu broies les nations avec colère, Tu t'avances au secours de ton peuple.(6) PP 491 4 C'était l'Esprit du Très-Haut qui avait inspiré la prière de Josué, afin de donner une nouvelle preuve de la puissance du Dieu d'Israël. Il lui avait promis d'écraser ses ennemis. Il n'y avait donc rien de présomptueux dans la prière du général hébreu. Il n'en déploya pas moins d'énergie que si le succès avait dépendu exclusivement de ses armes. Après avoir dépensé tout ce que la force humaine pouvait donner, il avait demandé à Dieu de lui venir en aide. Le secret du succès, c'est l'union conjuguée de la puissance divine avec l'effort de l'homme. Ceux qui obtiennent les plus grands résultats sont ceux qui s'appuient de la façon la plus complète sur le bras du Tout-Puissant. L'homme qui avait osé dire: "Soleil, arrête-toi sur Gabaon, et toi, lune, sur la vallée d'Ajalon!" était celui qui, prosterné contre terre dans le camp de Guilgal, y avait passé des heures en prière. Les hommes forts sont ceux qui prient. PP 491 5 Ce grand miracle prouve que la nature est aux ordres du Créateur, et que la main divine est partout à l'oeuvre dans le monde physique. Satan voudrait la cacher aux hommes et voiler à leurs regards le travail incessant de la Providence. Le miracle de Gabaon est un défi jeté à tous ceux qui élèvent la nature au-dessus du Dieu de la nature. Sur les armées des Amoréens idolâtres qui voulaient résister au vrai Dieu, "l'Éternel fit tomber du ciel de grosses pierres". A son gré, Dieu peut ordonner aux éléments d'anéantir la puissance de ses ennemis. Le Psalmiste les interpelle en ces termes: PP 492 1 Foudre et grêle, neige et vapeurs, Vents de tempête qui exécutez sa parole.(7) PP 492 2 L'Écriture nous parle d'une plus grande bataille qui se livrera au cours des scènes finales de l'histoire de ce monde. Ce sera lorsque l'Éternel aura "ouvert son arsenal" et en "aura tiré les armes de son courroux".(8) Dieu demande à Job: PP 492 3 As-tu pénétré jusqu'aux trésors de la neige? As-tu vu les arsenaux de la grêle, Que je tiens prêts pour les temps de la détresse, Pour le jour de la bataille et de la guerre?(9) PP 492 4 Dans l'Apocalypse, saint Jean nous décrit les ravages qui auront lieu quand une grande voix, venant du temple céleste, dira: "C'en est fait!" "Des grêlons énormes, du poids d'un talent, tombèrent du ciel sur les hommes."(10) ------------------------Chapitre 48 -- Le partage de Canaan PP 493 1 La victoire de Beth-Horon eut pour résultat la conquête rapide de la Palestine méridionale. "Josué frappa donc tout le pays, la montagne, le Midi, la plaine et les coteaux et tous leurs rois. ... Josué prit, en une seule fois, tous ces rois et leurs pays, parce que l'Éternel, le Dieu d'Israël, combattait pour Israël. Puis Josué, avec tout Israël, retourna au camp de Guilgal."(1) PP 493 2 Terrifiées à l'ouïe des succès qui accompagnaient les armées d'Israël, les tribus occupant le nord du pays se liguèrent entre elles. A la tête de cette fédération était Jabin, roi de Hatsor, dont le territoire se trouvait à l'ouest du lac Mérom. "Ils sortirent, avec toutes leurs armées, formant un peuple innombrable comme le sable qui est sur le bord de la mer, avec des chevaux et des chars en fort grand nombre. Tous ces rois, s'étant donné rendez-vous, campèrent ensemble près des eaux de Mérom, pour combattre contre Israël." C'était la plus puissante armée que les Israélites aient affrontée en Canaan. Ici encore, Josué reçut un encouragement d'en haut: "Ne les crains point, car demain, à cette heure-ci, je les livrerai tous blessés à mort devant Israël." PP 493 3 Tombant à l'improviste sur le camp des alliés, près du lac Mérom, Josué le mit en déroute. "L'Éternel les livra entre les mains d'Israël. Ils les battirent et les poursuivirent ... au point de n'en laisser échapper aucun." Mais Dieu ne voulut pas que les chars et les chevaux qui avaient fait l'orgueil des Cananéens restassent entre les mains des Israélites, qui auraient pu mettre en eux leur confiance et oublier leur vrai chef. Il ordonna de brûler les chars et de couper les jarrets des chevaux, afin de les rendre impropres à la guerre. PP 494 1 L'une après l'autre, les villes capitulèrent, et Hatsor, la citadelle de la fédération, fut livrée aux flammes. La guerre continua plusieurs années; mais à la fin des hostilités Josué était maître de Canaan. "Alors le pays fut tranquille et sans guerre." PP 494 2 Bien que subjugués, les Cananéens n'étaient cependant pas entièrement dépossédés. A l'ouest, le long de la mer, les Philistins occupaient encore une plaine fertile, et au nord de ceux-ci, également au bord de la mer, vivaient les Sidoniens, maîtres du Liban. Le sud, sur la frontière de l'Égypte, était de même encore aux mains des ennemis d'Israël. PP 494 3 Mais Josué ne devait pas continuer la guerre. Avant d'abandonner le commandement, il avait une autre tâche à accomplir. Il fallait que tout le pays, conquis ou à conquérir, fût partagé entre les tribus. Cela fait, chaque tribu resterait chargée de soumettre sa terre respective. Les Israélites avaient la promesse que, s'ils étaient fidèles, Dieu chasserait leurs ennemis devant eux. En outre, s'ils restaient attachés à son alliance, ils étendraient leurs possessions plus loin encore. PP 494 4 L'emplacement de chaque tribu fut déterminé par le sort, la distribution du pays confiée à Josué, à Éléazar, le grand prêtre, et aux chefs des tribus. Moïse avait lui-même fixé les limites du territoire à partager et désigné le chef de chaque tribu responsable de la répartition. La tribu de Lévi, consacrée au service du sanctuaire, et non comprise dans la répartition, recevait en héritage quarante-huit villes choisies dans les différentes parties du pays. PP 494 5 Avant qu'on eût commencé le partage, Caleb se rendit auprès de Josué, accompagné des chefs des tribus. Il était, après le fils de Nun, l'homme le plus âgé d'Israël. Il lui rappela la promesse qui lui avait été faite en récompense de sa fidélité lorsque, avec Josué, il avait été le seul des douze espions à faire du pays un rapport favorable et à encourager le peuple à en prendre possession au nom de l'Éternel. PP 495 1 Cette promesse était celle-ci: "La terre que ton pied a foulée sera à jamais un héritage pour toi et pour tes enfants, parce que tu as suivi fidèlement l'Éternel!"(2) Caleb réclamait pour lui la terre d'Hébron, qui avait été, pendant de nombreuses années, la demeure d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. C'est là que se trouvait la caverne de Macpéla, où ils étaient enterrés. Hébron était alors le siège des Anakim si redoutés, dont l'aspect avait terrifié les espions et, par ceux-ci, anéanti le courage de tout Israël. Tel était le site que Caleb, confiant en la puissance divine, préférait à tout autre pour héritage. Il ajoutait: PP 495 2 "Et voici, maintenant, l'Éternel m'a conservé la vie, comme il l'avait dit. Il y a quarante-cinq ans que l'Éternel adressa cette parole à Moïse. ... Me voici âgé aujourd'hui de quatre-vingt-cinq ans; je suis encore maintenant aussi vigoureux que le jour où Moïse m'envoya; j'ai autant de force que j'en avais alors, soit pour la guerre, soit pour aller et venir. Ainsi donc, accorde-moi cette montagne, dont l'Éternel a parlé en ce jour-là. Car tu as appris alors qu'il s'y trouve des Anakim, et qu'il y a de grandes villes fortes. Peut-être l'Éternel sera-t-il avec moi, et les déposséderai-je, ainsi que l'Éternel l'a dit." PP 495 3 Caleb représentait la tribu de Juda pour le partage du pays. Il avait jugé à propos de s'associer les principaux de cette tribu afin d'éviter tout soupçon de s'être servi de son autorité dans des vues intéressées. Cette requête, appuyée par ses associés, lui fut immédiatement accordée. On ne pouvait confier en des mains plus sûres la conquête de la citadelle des géants. "Alors Josué le bénit et donna Hébron, en héritage, à Caleb, fils de Jephunné, ... parce qu'il avait fidèlement servi l'Éternel, le Dieu d'Israël." PP 495 4 La foi de Caleb ne varia pas depuis l'époque où il contredit le témoignage incrédule des espions. Il crut à la promesse que Dieu avait faite à son peuple de le mettre en possession du pays de Canaan, et il en suivit pas à pas l'accomplissement. Avec son peuple, il endura les longs voyages; il participa aux déceptions et aux peines des coupables. Il partagea les privations, les périls et les fléaux, comme aussi les années de guerre qui suivirent. Mais loin de se plaindre, il glorifia la miséricorde de Dieu qui lui avait conservé la vie, alors que ses frères avaient péri dans le désert. Agé de plus de quatre-vingts ans, il n'avait rien perdu de sa vigueur. Aussi, loin de réclamer pour lui un pays déjà conquis, il demanda le territoire que les espions avaient jugé imprenable entre tous. PP 496 1 Avec le secours de Dieu, il se proposait d'arracher cette forteresse aux géants mêmes dont la puissance avait terrorisé Israël. Mais ce n'était pas le désir des honneurs ou d'un avancement personnel qui motivait sa requête. Ce vaillant guerrier, blanchi sous les armes, voulait donner à Israël un exemple qui fût tout à l'honneur de Dieu et qui servît à encourager les tribus à achever une tâche qu'elles avaient jugée impossible: la conquête du pays de Canaan. PP 496 2 Après avoir reçu pour héritage le site où il avait placé son coeur durant quarante ans, Caleb, avec le secours de Dieu, "déposséda d'Hébron les trois fils d'Anak".(3) Pourvu d'un patrimoine pour lui et sa famille, il ne ralentit pas son zèle. Il continua la conquête au profit de la nation et à la gloire de Dieu. PP 496 3 Les deux espions fidèles mangèrent des raisins d'Escol, alors que les dix qui avaient été lâches et rebelles périrent dans le désert. Chacun reçut selon sa foi. Les incrédules, en ce qui les concernait, virent leurs craintes s'accomplir. Malgré les promesses de Dieu, ils déclarèrent impossible la conquête de Canaan et n'y entrèrent pas. Ceux, en revanche, qui s'étaient confiés en leur Libérateur plutôt que de regarder aux difficultés du chemin, avaient pris possession de la terre promise. "C'est par la foi ... qu'ils avaient conquis des royaumes, ... échappé au tranchant de l'épée, triomphé de la maladie, montré leur vaillance à la guerre, mis en fuite des armées ennemies." "La victoire par laquelle le monde a été vaincu, c'est notre foi."(4) PP 496 4 Une autre requête présentée à Josué, relative à la répartition du territoire, manifestait un esprit bien différent de celui de Caleb. Elle émanait de la tribu d'Ephraïm et de la demi-tribu de Manassé. Les descendants de Joseph, étant donné leur nombreuse population, demandaient une double portion de territoire. Celui qui leur avait été assigné était le plus riche du pays et renfermait la vallée de Saron. Mais un bon nombre des principales villes de cette vallée étaient encore aux mains des Cananéens. Or, Ephraïm et Manassé, qui reculaient devant les fatigues et les périls d'une conquête, demandaient un deuxième lot dans le territoire déjà conquis. La tribu d'Ephraïm à laquelle appartenait Josué, étant une des plus nombreuses en Israël, se considérait comme ayant droit à des faveurs. Les enfants de Joseph dirent donc à Josué: "Pourquoi nous as-tu donné en héritage un seul lot, une seule part, à nous qui formons une population nombreuse?"(5) PP 497 1 Ils ne purent obtenir de l'incorruptible Josué qu'il s'écartât de la stricte justice. Il leur dit: "Si vous êtes tellement nombreux, montez à la forêt, et défrichez-la, pour vous faire une place dans le pays des Phérésiens et des Rephaïm, puisque la montagne d'Éphraïm est trop étroite pour vous." Leur réplique révéla le mobile de leur plainte: ils manquaient de foi et de courage pour chasser les Cananéens: "La montagne ne nous suffira pas, dirent-ils. Quant à la région de la plaine, il y a des chars de fer chez tous les Cananéens qui l'habitent." PP 497 2 Si les Éphraïmites avaient eu le courage et la foi d'un Caleb, aucun ennemi n'aurait pu subsister devant eux. Loin d'approuver leur pusillanimité en face des rigueurs et des dangers de l'entreprise, Josué reprit: "Tu es un peuple nombreux, et tu as une grande force; tu n'auras pas un simple lot. Mais tu auras la montagne; puisque c'est une forêt, tu la défricheras, et ses abords t'appartiendront; car tu déposséderas les Cananéens, malgré leurs chars de fer et toute leur puissance." De leur propre aveu, ils étaient "un grand peuple", donc à même, en comptant sur Dieu, de se tirer d'embarras comme leurs frères. Leurs arguments se retournaient donc contre eux. PP 497 3 Jusque-là, Guilgal avait été le quartier général de la nation israélite et le siège du tabernacle. Le moment était venu de transférer ce dernier à sa résidence permanente, à Silo, petite ville du territoire d'Éphraïm, située vers le centre du pays, et d'un accès facile à toutes les tribus. Pour que les adorateurs ne fussent pas molestés, la région avait été soigneusement nettoyée de tous les ennemis qui s'y trouvaient. "Toute l'assemblée des enfants d'Israël se réunit à Silo, et ils y placèrent la tente d'assignation."(6) Les tribus qui, à ce moment-là, campaient encore, suivirent le tabernacle à Silo et y dressèrent leurs tentes jusqu'au moment où elles purent s'installer dans leurs patrimoines respectifs. PP 498 1 L'arche séjourna à Silo trois cents ans, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'elle tombât aux mains des Philistins et que Silo fût saccagée à cause de la vie désordonnée des deux fils d'Héli. Jusqu'à son installation dans le temple de Jérusalem, l'arche ne revint plus à Silo, qui devint une localité insignifiante. Son emplacement n'est marqué aujourd'hui que par quelques anciennes ruines, qui servirent autrefois d'avertissement à Jérusalem: "Allez à mon ancienne demeure de Silo, où je fis d'abord résider mon nom, dit l'Éternel par le prophète Jérémie, et voyez ce que j'ai fait, à cause de la méchanceté de mon peuple d'Israël. ... Je traiterai cette maison sur laquelle mon nom est invoqué et dans laquelle vous placez votre confiance, ce lieu que je vous ai donné, à vous et à vos pères, comme j'ai traité Silo."(7) PP 498 2 "Quand on eut achevé de partager le pays", et que chaque tribu eut reçu son héritage, Josué demanda aussi son lot. Comme Caleb, il bénéficiait d'une promesse spéciale; mais il ne demanda pas un vaste territoire: il se contenta d'une seule ville. "Ils lui donnèrent la ville qu'il demanda. ... Il rebâtit la ville et y habita."(8) Le nom qu'il lui donna fut Timnath-Sérach, qui signifie: "portion de reste", et qui devait perpétuer le souvenir du caractère noble et désintéressé du conquérant hébreu. Celui-ci, loin de prendre le premier sa part du butin, attendit que les plus humbles du peuple eussent été servis. PP 498 3 Parmi les villes assignées aux Lévites, on en choisit six -- trois de chaque côté du Jourdain -- comme cités de refuge où un meurtrier pût mettre sa vie à l'abri. Moïse avait ordonné la mise à part de ces villes, "où pourra se retirer le meurtrier qui aura tué quelqu'un par mégarde". "Ces villes, disait-il, vous serviront de refuge contre le vengeur du sang, afin que le meurtrier ne soit point mis à mort avant d'avoir comparu en jugement devant l'assemblée."(9) Cette disposition miséricordieuse était rendue nécessaire par l'ancienne coutume de la vengeance privée, en vertu de laquelle le châtiment d'un meurtrier incombait au plus proche parent ou au premier héritier de la victime. Dieu ne jugeant pas à propos d'abolir cette coutume à ce moment-là, il fournit ainsi un moyen de sûreté personnelle à ceux qui, dans l'avenir, deviendraient homicides involontaires. Dans les cas où le mobile du meurtre était clair, on ne jugeait pas qu'il fût nécessaire d'attendre la décision du magistrat. Le vengeur du sang pouvait poursuivre l'agresseur et le mettre à mort où qu'il le trouvât. PP 499 1 Les villes de refuge étaient à une demi-journée de marche de tous les coins du pays. Les routes qui y conduisaient devaient être maintenues en bon état. Au long du parcours, afin d'éviter toute perte de temps au fugitif, on devait placer des poteaux indicateurs portant en gros caractères l'inscription "Refuge". Chacun pouvait profiter de ces mesures de sécurité, qu'il fût hébreu, étranger de passage ou étranger en séjour. Si l'innocent ne devait pas être mis à mort brutalement, le coupable, d'autre part, ne pouvait échapper à son juste châtiment. Le cas de l'inculpé devait être examiné impartialement par les autorités compétentes, et il ne jouissait de la protection de la ville de refuge que s'il n'était pas coupable de meurtre intentionnel. Coupable, il fallait le livrer au vengeur du sang. Celui qui avait droit à la protection n'en jouissait qu'à condition de demeurer dans la ville de refuge. S'il s'aventurait en dehors des limites fixées et que le vengeur du sang le trouvât, il devait payer de sa vie cette infraction à l'ordre du Seigneur. Enfin, à la mort du grand prêtre, tous ceux qui avaient demandé la sécurité d'une ville de refuge pouvaient retourner chez eux. PP 499 2 Dans une inculpation de meurtre, il ne fallait pas condamner un accusé sur le témoignage d'un seul témoin, alors même que les preuves circonstancielles étaient contre lui. Le statut divin disait: "On fera périr le meurtrier sur la déposition de témoins; mais un seul témoin ne suffira pas pour faire condamner à mort un autre homme."(10) C'était le Fils de Dieu qui avait transmis ces dispositions à Israël par Moïse. Quand il fut personnellement sur la terre et qu'il instruisit ses disciples sur la manière d'agir envers les accusés, il leur réitéra cette recommandation. Les opinions et manières de voir d'un seul homme ne suffisent pas pour trancher une matière controversée. Dans tous les cas de ce genre, deux ou trois personnes doivent partager en commun la responsabilité de la décision, "afin que toute l'affaire soit décidée sur la parole de deux ou trois témoins."(11) PP 499 3 Quand un homme inculpé de meurtre était reconnu coupable, aucune expiation ni rançon ne pouvait le racheter. Le principe était formel: "Celui qui répandra le sang de l'homme, le sang du meurtrier sera aussi répandu." "Vous n'accepterez point de rançon pour la vie d'un meurtrier qui est coupable et digne de mort; car il doit mourir." "Tu l'arracheras même de mon autel, afin de le faire mourir." "Le sang qui aura été répandu ne pourra être expié, pour ce pays, que par le sang de celui qui l'aura fait couler."(12) La sécurité et l'honneur de la nation exigeaient que le meurtre fût sévèrement puni. La vie humaine, que Dieu seul peut donner, devait être considérée comme sacrée. PP 500 1 Les villes de refuge instituées pour l'ancien peuple de Dieu étaient un symbole du refuge qui nous est offert en Jésus-Christ. Par l'effusion de son propre sang, le Sauveur qui avait donné à Israël des villes de refuge contre le danger d'une mort temporaire, a procuré aux transgresseurs de la loi de Dieu une sûre retraite contre la seconde mort. Aucune puissance ne saurait lui ravir celui qui lui demande l'expiation de ses fautes. "Il n'y a maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ." "Qui condamnera? Jésus-Christ est celui qui est mort; bien plus, il est ressuscité, il est à la droite de Dieu, et il intercède pour nous," "afin que nous trouvions un puissant encouragement, nous, dont le seul refuge a été de saisir l'espérance qui nous était proposée".(13) PP 500 2 Celui qui devait fuir vers une ville de refuge n'avait pas un instant à perdre. Il lui fallait abandonner sans délai sa famille et ses occupations. Il n'avait pas même le temps de prendre congé de ceux qu'il aimait. Sa vie étant en danger, toute autre considération devait s'effacer devant le seul espoir qui lui restait: atteindre un lieu de sûreté. Ni fatigue ni obstacles ne devaient le retenir. Il n'osait même pas ralentir sa course un instant avant d'avoir pénétré à l'intérieur des murs protecteurs. PP 500 3 C'est un emblème frappant du pécheur exposé à la mort éternelle aussi longtemps qu'il n'a pas trouvé un abri en Jésus. De même que l'insouciance ou le moindre retard pouvait coûter la vie au fugitif israélite, de même toute indifférence, tout délai apporté par nous dans le salut de notre âme peut devenir fatal. Notre grand adversaire a l'oeil fixé sur le transgresseur de la loi de Dieu; tout pécheur qui ne voit pas le danger qu'il court et ne s'occupe pas sérieusement de trouver un abri est poursuivi par lui et sera sûrement frappé mortellement. PP 500 4 Celui qui se hasardait à sortir de la cité de refuge était abandonné au vengeur du sang. De même, il ne suffit pas au pécheur de croire en Jésus-Christ et d'obtenir son pardon; il faut encore demeurer en lui. Car "si nous péchons volontairement, après avoir reçu la connaissance de la vérité, il ne reste plus de sacrifice pour les péchés, mais seulement la terrible attente du jugement, et le feu ardent qui doit dévorer les rebelles."(14) PP 501 1 Deux des tribus d'Israël, celles de Gad et de Ruben, ainsi que la moitié de celle de Manassé, avaient reçu leur héritage avant de passer le Jourdain. Pour ce peuple de bergers, les larges plateaux et les riches forêts de Galaad et de Basan, ainsi que leurs vastes pâturages, avaient plus d'intérêt que le pays de Canaan proprement dit. Mais elles s'étaient engagées à fournir à leurs frères un certain nombre d'hommes armés jusqu'à la fin de la conquête. A cet effet, lors de l'entrée en Canaan, un contingent de "quarante mille hommes équipés pour la guerre" avaient "passé en armes devant le peuple ... pour combattre, dans les plaines de Jéricho".(15) Ces soldats ne rentrèrent dans leurs foyers qu'après avoir vaillamment combattu avec leurs frères pendant des années. Ayant pris part aux luttes, ils se partagèrent le butin et s'en retournèrent "dans leurs tentes avec de grandes richesses, avec des troupeaux fort nombreux et avec de l'argent, de l'or, de l'airain, du fer, des vêtements en grande abondance", qu'ils furent invités à "partager avec leurs frères" restés avec les familles et les troupeaux."(16) PP 501 2 Leur installation dans une région éloignée du sanctuaire ne laissa pas de causer une vive anxiété à Josué, qui savait combien ils seraient tentés, dans leur isolement et leur vie nomade, d'adopter les coutumes des tribus païennes entourant leurs frontières. Son esprit et celui de quelques autres chefs étaient encore en proie à ces sombres pressentiments, lorsqu'une étrange nouvelle leur parvint. Sur les bords du Jourdain, près de l'endroit où avait eu lieu le passage miraculeux, les deux tribus et demie avaient dressé un grand autel tout semblable à l'autel des sacrifices de Silo. Or, il était sévèrement interdit, par la loi de Dieu, d'instituer un autre culte que celui du sanctuaire. Si tel eût été l'objet de cet autel, il aurait éloigné le peuple de la vraie foi. PP 501 3 Dans la chaleur de leur émotion et de leur indignation, les représentants du peuple, assemblés à Silo, proposèrent que ces mécréants fussent immédiatement passés par les armes. Grâce à l'intervention d'esprits plus pondérés, on décida de leur envoyer une députation chargée de demander aux deux tribus et demie une explication de leur conduite. A cet effet, on choisit dix chefs, un par tribu, ayant à leur tête Phinées, le prêtre qui s'était distingué dans l'affaire de Péor. PP 502 1 Persuadés que leurs frères étaient coupables, les ambassadeurs leur adressèrent une sévère remontrance: ils les accusèrent de s'être rebellés contre Dieu et les invitèrent à se souvenir comment il avait châtié Israël à Baal-Péor. Au nom de tout Israël, Phinées offrit généreusement aux enfants de Gad et de Ruben, au cas où il leur paraîtrait dur d'habiter un pays privé de l'autel des holocaustes, de partager avec leurs frères les territoires de l'autre côté du fleuve, où ils pourraient jouir des mêmes privilèges. PP 502 2 Les deux tribus et demie avaient commis une erreur en se permettant, sans explication préalable, un acte prêtant à de graves soupçons et sur les motifs duquel on s'était complètement mépris. Mais les accusés expliquèrent que leur autel n'était pas érigé pour y offrir des sacrifices. Séparés de leurs frères par le Jourdain, ils voulaient simplement manifester qu'ils n'avaient pas d'autre culte et qu'ils professaient la même foi qu'eux. Ils craignaient aussi de se voir, à l'avenir, eux et leurs enfants, exclus du tabernacle sous le prétexte qu'ils ne faisaient point partie d'Israël. Cet autel, construit sur le modèle de celui de l'Éternel à Silo, avait donc uniquement pour but de prouver que ceux qui l'avaient érigé étaient, eux aussi, adorateurs du Dieu vivant. PP 502 3 Pleins de joie, les députés de Canaan acceptèrent cette explication et ils s'en allèrent immédiatement porter cette bonne nouvelle à ceux qui les avaient envoyés, et chez qui tout sentiment belliqueux fit place à des actions de grâces et à des réjouissances. Pour prévenir tout genre de tentation et tout futur malentendu, les enfants de Gad et de Ruben placèrent sur leur autel cette inscription qui en indiquait l'usage et le but: "Cet autel est témoin entre nous que l'Éternel seul est Dieu." PP 502 4 Combien de querelles naissent de simples malentendus, même entre personnes animées des meilleures intentions! Et quelles conséquences graves et même fatales elles engendreraient si l'on perdait de vue la courtoisie et la bienveillance! Les dix tribus, qui se rappelaient leur manque de vigilance et de promptitude à propos d'Acan, avaient voulu agir, cette fois, avec plus d'énergie et de rapidité. Malheureusement, en voulant éviter une erreur, elles étaient tombées dans l'erreur opposée. Au lieu de se livrer d'abord à une enquête courtoise, leurs délégués avaient abordé leurs frères avec des paroles de censure et de condamnation. Si les gens de Gad et de Ruben avaient rétorqué dans le même esprit, la guerre eût éclaté. Il est donc tout aussi important de se garder d'impétueuses réprimandes et de soupçons sans fondement que d'éviter une lâche indolence lorsqu'il s'agit de réprimer le mal. PP 503 1 Beaucoup de gens très sensibles aux avertissements qui leur sont adressés se permettent une sévérité excessive envers ceux qu'ils supposent être dans l'erreur. On ne ramène jamais personne dans la bonne voie par des reproches. Cette méthode a, au contraire, poussé bien des âmes plus loin dans leur égarement. Ce n'est que dans un esprit de bonté, d'affabilité et de miséricorde que l'on peut sauver celui qui s'égare, et "couvrir ainsi une multitude de péchés". PP 503 2 La sagesse dont firent preuve les Rubénites et leurs frères est digne d'être imitée. Méconnus et durement pris à partie, alors qu'ils s'efforçaient de servir la bonne cause, ils ne manifestèrent aucune trace de ressentiment. Avant de chercher à se disculper, ils écoutèrent les accusations de leurs frères avec autant de patience que de courtoisie. Puis, expliquant en détail leurs motifs, ils mirent leur innocence en plein jour. Grâce à eux fut réglé à l'amiable un incident qui eût pu avoir les plus graves conséquences. PP 503 3 Ceux qui ont le droit pour eux peuvent rester calmes et impassibles devant des accusations injustes. Les choses sur lesquelles les hommes se méprennent à notre sujet étant connues de Dieu, nous pouvons lui remettre avec confiance le soin de ce qui nous concerne. Tout aussi sûrement qu'il dévoila le péché d'Acan, le Seigneur défendra la cause de ceux qui s'attendent à lui. Ceux qui ont l'Esprit du Sauveur posséderont cet amour, qui est patient et plein de bonté. PP 503 4 Dieu désire voir régner au sein de son peuple l'union et l'amour fraternel. Peu avant sa crucifixion, Jésus, dans sa prière, demandait que ses disciples fussent un comme il est lui-même un avec le Père, afin de faire connaître au monde que Dieu l'avait envoyé. Cette prière si touchante qui a traversé les siècles est aussi pour nous. Jésus ajoute, en effet: "Ce n'est pas seulement pour eux que je prie, mais aussi pour ceux qui croiront en moi par leur parole."(17) Sans sacrifier jamais un seul principe de la vérité, nous devons tendre avec constance vers cette unité qui prouve que nous sommes disciples du Maître. "C'est à l'amour que vous aurez les uns pour les autres, dit encore Jésus, que tous connaîtront que vous êtes mes disciples."(18) Et voici l'exhortation que l'apôtre Pierre adresse à l'Église: "Soyez tous d'un même sentiment, pleins de compassion et d'amour fraternel, miséricordieux et humbles. Ne rendez pas le mal pour le mal, ni l'injure pour l'injure; au contraire, bénissez, car c'est à cela que vous avez été appelés, pour hériter vous-mêmes la bénédiction."(19) ------------------------Chapitre 49 -- Dernières paroles de Josué PP 505 1 Les guerres de conquêtes terminées, Josué s'était retiré chez lui, à Timnat-Sérach, où il vivait dans une paisible retraite. "Nombre de jours s'étant écoulés depuis que l'Éternel avait donné du repos à Israël de la part de tous ses ennemis, tout à l'entour, il arriva que Josué fut vieux, avancé en âge. Et Josué convoqua tout Israël, ses anciens, ses chefs, ses juges et ses contrôleurs."(1) PP 505 2 Plusieurs des maux qui avaient naguère attiré les châtiments du ciel reparaissaient. Affligé par les infirmités de l'âge et sentant que sa carrière allait bientôt se terminer, Josué ne songeait pas sans appréhension à l'avenir de son peuple. En accents plus que paternels, il adressa ces paroles aux représentants d'Israël rassemblés encore une fois auprès de lui: "Vous avez vu tout ce que l'Éternel, votre Dieu, a fait à toutes ces nations qu'il vous a soumises; car c'est l'Éternel, votre Dieu, qui a combattu pour vous." PP 505 3 Josué exhorte ensuite son peuple à ne pas se reposer sur ses lauriers et à se souvenir de l'ordre de Dieu de déposséder complètement les Cananéens idolâtres qui occupent encore une portion considérable du territoire promis à Israël. Or, cette mission, le peuple y avait à peu près renoncé. Les tribus s'étaient installées chacune dans sa terre, l'armée avait été licenciée, et l'on envisageait la reprise des hostilités comme une entreprise dangereuse et d'un succès douteux. PP 506 1 "L'Éternel, votre Dieu, dit Josué, les chassera et les dépossédera devant vous, et vous prendrez possession de leur pays, ainsi que l'Éternel, votre Dieu, vous l'a dit. Attachez-vous donc fermement à observer et à pratiquer tout ce qui est écrit dans le livre de la loi de Moïse, sans vous en détourner ni à droite, ni à gauche." PP 506 2 Puis il prit ses collaborateurs à témoin du fait que Dieu avait accompli ses promesses chaque fois qu'ils s'étaient conformés aux conditions posées: "Reconnaissez donc, de tout votre coeur et de toute votre âme, qu'il n'est pas tombé une seule de toutes les bonnes paroles que l'Éternel, votre Dieu, a prononcées sur vous; ... il n'en est pas tombé un seul mot." Josué leur déclare que si Dieu a été fidèle à ses promesses, il le sera aussi à ses menaces: "De même que toutes les bonnes paroles que l'Éternel, votre Dieu, vous a adressées se sont accomplies pour vous, de même il arrivera que l'Éternel accomplira sur vous toutes ses paroles de menace. ... Si vous transgressez l'alliance de l'Éternel, ... le courroux de l'Éternel s'embrasera contre vous, et vous disparaîtrez promptement de ce bon pays qu'il vous a donné." PP 506 3 Bien des personnes se laissent tromper par la pensée agréable, suggérée par Satan, que l'amour de Dieu pour son peuple est tel qu'il excuse ses péchés; que ses menaces, tout en répondant, dans son gouvernement moral, à un certain but, ne s'accompliront jamais littéralement. Mais Dieu n'abandonne aucun principe de sa justice; il voit le péché sous son vrai jour, et affirme qu'il a pour conséquences infaillibles la souffrance et la mort. Dieu n'a jamais accordé, et il n'accordera jamais au pécheur un pardon inconditionnel. Ce genre de pardon serait, de sa part, une abdication des principes de justice qui sont à la base même de son gouvernement et jetterait dans la consternation les mondes restés purs. Si les conséquences du péché, expressément signalées, n'étaient pas certaines, comment pourrait-on être assuré de l'accomplissement des bienfaits promis à la vertu? Une bonté qui exclurait la justice ne serait plus de la bonté, mais de la faiblesse. PP 507 1 Dieu est l'auteur de la vie. Toutes ses lois ont pour but de la perpétuer. Mais là où Dieu a mis l'ordre, le péché a introduit le désordre. Aussi longtemps que le péché existera, la souffrance et la mort seront inévitables. Ce n'est que grâce au Rédempteur, qui a subi la lèpre du péché à notre place, que nous pouvons espérer échapper personnellement à ses effroyables conséquences. PP 507 2 Avant la mort de Josué, et à sa demande, les chefs et les représentants d'Israël se rassemblèrent de nouveau à Sichem. Dans tout le pays, aucun endroit ne rappelait des souvenirs plus sacrés, depuis l'alliance de Dieu avec Abraham et Jacob, jusqu'aux voeux solennels du peuple lors de son entrée en Canaan. Là étaient les monts Ébal et Garizim, témoins silencieux des promesses faites par les Hébreux, et que ceux-ci allaient maintenant renouveler auprès du lit de mort de leur chef. De tous côtés s'étalaient les monuments des bienfaits de Dieu: une terre qu'ils n'avaient pas cultivée; des villes qu'ils n'avaient pas bâties; des vignes et des oliviers qu'ils n'avaient pas plantés. Une fois de plus, pour prouver aux princes d'Israël l'amour et la miséricorde du Père céleste et pour éveiller en eux le désir de le servir "avec droiture et fidélité", Josué passe en revue devant eux l'histoire du peuple et les interventions merveilleuses de Dieu en sa faveur. PP 507 3 La solennité de cette réunion est rehaussée par la présence de l'arche, symbole de celle de Dieu. Josué l'a fait apporter de Silo afin de rendre plus profonde l'impression qu'il désire produire sur ses auditeurs. En outre, le culte des idoles étant encore pratiqué secrètement par un certain nombre d'Israélites, Josué se propose d'amener le peuple à bannir radicalement ce péché de son sein et met ses représentants en demeure de prendre une décision libre et formelle. "S'il vous déplaît de servir l'Éternel, leur dit-il, choisissez aujourd'hui qui vous voulez servir." PP 507 4 Mais il comprend qu'on ne peut "servir l'Éternel" par contrainte, mais de bon gré; que la seule source d'une vraie piété, c'est l'amour; qu'adorer Dieu par crainte du châtiment ou par attrait des récompenses n'a aucune valeur, et qu'une apostasie flagrante n'est pas plus odieuse à l'Éternel qu'un culte hypocrite ou simplement formaliste. PP 507 5 Le vénérable chef d'Israël presse donc son peuple d'examiner sous toutes ses faces la question qu'il lui soumet, et de décider s'il désire réellement vivre comme les nations idolâtres d'alentour. S'il ne vous est pas agréable d'adorer l'Éternel, source de tout bienfait, leur dit-il, décidez aujourd'hui qui vous voulez adorer, "ou les dieux qu'ont servis vos pères au-delà du fleuve", loin desquels Abraham a été appelé, "ou les dieux des Amoréens, dans le pays desquels vous habitez". PP 508 1 Ces dernières paroles renfermaient un vif reproche à l'adresse d'Israël. Les dieux des Amoréens n'avaient pu protéger leurs adorateurs. Cette nation impie et corrompue avait disparu et le sol fécond qu'elle occupait était passé entre les mains du peuple de Dieu. Aussi, quel comble d'inconséquence pour Israël d'opter pour les divinités dont les adorateurs avaient été retranchés de la terre! "Pour moi et ma maison, conclut le vieux capitaine, nous servirons l'Éternel." Le saint zèle qui l'anime se communique alors à l'assemblée, qui lui fait spontanément cette réponse unanime: "Loin de nous la pensée d'abandonner l'Éternel pour servir d'autres dieux!" PP 508 2 Josué, cependant, revient à la charge: "Vous n'aurez pas la force de servir l'Éternel, car c'est un Dieu saint. ...Il ne pardonnera point vos transgressions et vos péchés." En d'autres termes: Avant que vous puissiez réaliser une réforme permanente, il faut que vous sentiez votre complète incapacité d'obéir à Dieu par vous-mêmes. La loi divine qui condamne le transgresseur ne lui offre aucun moyen de salut. Aussi longtemps qu'on s'appuie sur ses propres forces et sur sa propre justice, il est impossible d'obtenir le pardon de ses péchés et de soumettre sa vie à la loi de Dieu. C'est donc en vain que vous vous engageriez à le servir, puisque c'est uniquement par la foi au Rédempteur que l'on reçoit le pardon et la force de mieux faire. Si vous voulez être sauvés, il faut donc cesser de vous appuyer sur vos propres efforts et ne vous confier qu'aux mérites du Sauveur promis. PP 508 3 Josué cherche, par là, à amener ses auditeurs à bien peser leurs paroles et à ne pas faire de voeux qu'ils seraient incapables d'accomplir. Avec ferveur, tout le peuple répète sa déclaration: "Non! nous voulons servir l'Éternel." Puis l'assemblée consent, sur la proposition de Josué, à être témoin contre elle-même du fait qu'elle a opté pour Dieu, et elle réitère solennellement, une fois de plus, son voeu de fidélité: "Nous servirons l'Éternel et nous obéirons à sa voix." PP 509 1 "Ainsi Josué traita alliance avec le peuple en ce jour-là, et il lui donna des lois et des ordres à Sichem." Puis, après avoir couché par écrit ce grave engagement, il le plaça avec le livre de la loi, à côté de l'arche. Il dressa ensuite une colonne commémorative, en disant: "Voici que cette pierre servira de témoin contre nous; car elle a entendu toutes les paroles que l'Éternel nous a dites; elle servira de témoin contre vous, afin que vous n'abandonniez pas votre Dieu. Et Josué renvoya le peuple, chacun dans son héritage." PP 509 2 L'oeuvre de Josué est terminée. Ce "serviteur de l'Éternel" reçoit dans l'Écriture le témoignage d'avoir "servi l'Éternel tant qu'il vécut". Mais la plus belle attestation qui puisse être rendue à sa mémoire de chef d'État, c'est l'histoire de la génération qui eut le privilège de lui être confiée, histoire ainsi résumée par le livre inspiré qui porte son nom: "Israël suivit l'Éternel tant que vécurent Josué et, après lui, les anciens qui connaissaient toutes les oeuvres que l'Éternel avait faites en faveur d'Israël." ------------------------Chapitre 50 -- Les dîmes et les offrandes PP 511 1 Dans l'économie mosaïque, le service divin était assuré par le don que faisait chaque Israélite du dixième de son revenu. "Toute dîme de la terre prélevée sur les semences du sol, ou sur les fruits des arbres, m'appartient, avait dit l'Éternel à Moïse; c'est une chose consacrée à l'Éternel. ...Toute dîme du gros et du menu bétail, ... le dixième en sera consacré à l'Éternel."(1) PP 511 2 Le système de la dîme ne datait pas de l'époque des Hébreux. Dès les temps les plus reculés, Dieu avait réclamé la dîme comme lui appartenant. Cette prescription fut suivie par Abraham, qui paya la dîme à Melchisédec, "prêtre du Dieu Très-Haut."(2) Exilé et fugitif, Jacob fit au Seigneur, à Béthel, cette promesse: "Je te paierai la dîme de tout ce que tu me donneras."(2) Plus tard, quand la nation israélite fut organisée, l'institution de la dîme fut réaffirmée comme l'une des ordonnances divinement instituées et à l'observation de laquelle la prospérité du peuple était attachée. PP 511 3 Cette institution avait pour but de faire comprendre aux hommes une grande vérité, à savoir que Dieu est la source de tous les dons et de tous les bienfaits et que ses créatures doivent lui en témoigner leur gratitude. C'est Dieu "qui donne à tous la vie, la respiration, toutes choses".(3) "C'est à moi, disait l'Éternel, qu'appartiennent tous les animaux des forêts, ainsi que les bêtes des montagnes, par milliers." "C'est à moi qu'appartiennent l'argent et l'or." Il y a plus: c'est Dieu qui donne aux hommes la faculté d'acquérir des biens."(3) En reconnaissance de tout ce que Dieu leur donne, ils doivent lui rendre une portion de ses bienfaits sous forme de dons et d'offrandes destinés à l'entretien de son culte. PP 512 1 De même que "le septième jour est le repos de l'Éternel", ainsi la dîme "appartient à l'Éternel".(4) Il s'est réservé une partie du revenu comme du temps qu'il accorde à l'homme; et nul ne peut impunément l'aliéner au profit de ses intérêts personnels. La dîme devait être consacrée exclusivement à la tribu de Lévi, qui avait été mise à part pour s'occuper du service du sanctuaire. PP 512 2 Mais la dîme ne constituait nullement la totalité des contributions destinées à des buts religieux. Le tabernacle, comme plus tard le temple, fut entièrement construit par des offrandes volontaires. En outre, en prévision des réparations nécessaires, ainsi que pour d'autres dépenses, Moïse exigea qu'à l'occasion de tout recensement chacun donnât un demi-sicle pour le service du tabernacle. Au temps de Néhémie, l'Israélite faisait chaque année une offrande dans ce but.(5) Les offrandes pour le péché et les offrandes d'actions de grâces qui, aux fêtes annuelles, étaient très nombreuses, revenaient partiellement aux Lévites. A part cela, il avait été largement pourvu au soin des pauvres. PP 512 3 Ce n'était pas tout. Avant même de prélever la dîme de leurs revenus, les Israélites devaient reconnaître les droits de Dieu. Les premiers fruits de tous les produits du sol lui étaient consacrés. Les prémices de la laine, à la tonte des moutons, celles du grain, lorsqu'il était battu, comme les prémices de l'huile et du vin, étaient mises à part pour le Seigneur. Il en était de même des premiers-nés du bétail, comme du rachat du fils premier-né. Les premiers fruits étaient apportés devant Dieu, au sanctuaire, où ils étaient mis à la disposition des prêtres. PP 512 4 Comme on le voit, les Juifs avaient constamment l'occasion de se souvenir que Dieu était le propriétaire de leurs champs et de leurs troupeaux. C'était lui qui leur envoyait le soleil et la pluie pour les semailles et les moissons; tout ce qu'ils possédaient faisait partie de sa création, et ils n'étaient que les économes de ses biens. PP 513 1 Quand ils apportaient les premiers fruits de leurs champs, de leurs vergers et de leurs vignes, les enfants d'Israël s'assemblaient autour du tabernacle et rendaient publiquement grâce à Dieu pour ses bontés. En présentant son offrande au prêtre, l'adorateur disait: "Mon père était un Araméen nomade." Puis il rappelait le séjour en Égypte et les souffrances dont Dieu avait délivré Israël "grâce à sa vigueur puissante et à la force de son bras et en opérant des prodiges et des miracles". Il ajoutait: "Il nous a conduits dans cette contrée, et il nous a donné ce pays, un pays où coulent le lait et le miel. Maintenant donc, voici que j'apporte les prémices des fruits du sol que tu m'as donnés, ô Éternel."(6) PP 513 2 Les contributions exigées des Hébreux pour des buts religieux et charitables s'élevaient donc pour le moins à un quart de leur revenu. On serait tenté de croire qu'une charge aussi lourde aurait dû les réduire à la pauvreté. Bien au contraire, la fidèle observation de ces libéralités était une condition de leur prospérité. Voici la promesse de Dieu pour ceux qui lui obéissaient: "Je détournerai de vous le fléau dévastateur; il ne détruira plus les fruits de votre sol, et vos vignes ne seront plus stériles dans vos campagnes. ... Toutes les nations vous diront heureux; car vous serez un pays de délices, dit l'Éternel des armées."(7) PP 513 3 L'époque du prophète Aggée nous offre un exemple des conséquences qui suivent le refus égoïste de rendre à Dieu, non seulement la dîme, mais aussi les offrandes volontaires. Après le retour de Babylone, les Juifs entreprirent la reconstruction du temple de Jérusalem. L'opposition de leurs ennemis les ayant fait interrompre cet ouvrage, une sécheresse les réduisit presque à la famine et acheva de les décourager. "Le moment n'est pas encore venu de rebâtir le temple de l'Éternel", disaient-ils. Mais le prophète leur adressa le message suivant: "Est-ce le moment pour vous d'habiter des maisons lambrissées, alors que ce temple est en ruines? Maintenant donc, ainsi parle l'Éternel des armées: Soyez attentifs à la voie dans laquelle vous êtes engagés. Vous avez semé beaucoup pour récolter peu; vous mangez, mais sans parvenir à vous rassasier; vous buvez, mais votre soif n'est pas étanchée; vous êtes vêtus, mais sans parvenir à vous réchauffer. L'ouvrier met son salaire dans une bourse trouée."(8) PP 514 1 Puis vient la raison de cet état de choses. "Vous comptiez sur une abondante récolte; vous avez peu moissonné. Quand vous avez voulu rentrer vos récoltes, d'un souffle je les ai dissipées. Pourquoi cela? dit l'Éternel des armées. C'est parce que mon temple est en ruines, tandis que chacun de vous s'empresse de bâtir sa propre maison. C'est pourquoi les cieux au-dessus de vous retiennent la rosée et la terre vous refuse ses fruits. J'ai fait venir la sécheresse sur les champs et sur les montagnes, sur le blé, sur la vendange et sur l'huile, sur tout ce que produit le sol, sur les hommes et sur les animaux, sur tous les produits du travail de vos mains."(8) PP 514 2 "En ce temps-là, quand on allait à un tas de gerbes devant donner vingt mesures de blé, on n'en trouvait que dix; quand on allait à la cuve de vin pour y puiser cinquante mesures, on n'en trouvait que vingt. Je vous ai jadis éprouvés en envoyant la rouille, la nielle et la grêle, qui ont détruit toute l'oeuvre de vos mains."(9) PP 514 3 Stimulé par ces avertissements, le peuple se remit à bâtir la maison de Dieu, qui lui envoya ce nouveau message: "Observez attentivement ce qui va se passer à partir de ce jour et dans la suite, depuis le vingt-quatrième jour du neuvième mois, jour où ont été posés les fondements du temple de l'Éternel. ... Eh bien! à partir de ce jour, je vous comblerai de mes bénédictions."(9) PP 514 4 Tel répand son bien, qui l'augmente encore davantage; Et tel épargne outre mesure, pour n'aboutir qu'à la disette.(10) PP 514 5 Dans le Nouveau Testament, l'apôtre Paul nous donne le même enseignement: "Celui qui sème peu moissonnera peu, et celui qui sème abondamment moissonnera abondamment. ...Dieu est puissant pour vous combler de toutes sortes de grâces, afin qu'ayant toujours, en toute chose, tout ce qui vous est nécessaire, vous ayez encore largement de quoi faire toutes sortes de bonnes oeuvres."(11) PP 514 6 Dieu voulait que les Israélites portent la lumière de la vérité à tous les habitants du globe. En pratiquant le culte public tel qu'il fut institué par le Seigneur, ils rendaient témoignage à l'existence et à la souveraineté du Dieu vivant. Et ce culte, ils devaient le soutenir comme un témoignage de fidélité et d'amour pour le Créateur. Au lieu de faire dépendre la diffusion de la vérité des efforts et des offrandes de ceux qui sont "participants du don céleste", Dieu aurait pu confier cette mission aux anges ou proclamer sa volonté de sa propre voix, comme il le fit de sa loi au Sinaï. En chargeant les hommes d'accomplir cette oeuvre, il a voulu, dans sa sagesse et son amour infinis, en faire ses collaborateurs. PP 515 1 Aux jours d'Israël, la dîme et les offrandes volontaires avaient pour but de soutenir l'ensemble du service divin. Le peuple de Dieu de notre époque oserait-il donner moins? Jésus a posé pour principe que nos offrandes soient en proportion des lumières et des privilèges dont nous jouissons: "On exigera davantage de celui à qui l'on aura beaucoup confié."(12) En envoyant ses disciples prêcher l'Évangile, il leur dit: "Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement."(13) Lorsque les bénédictions d'en haut se multiplient à notre égard, et surtout lorsque nous contemplons le sacrifice incomparable du Fils de Dieu, notre gratitude ne devrait-elle pas nous pousser à plus de générosité en faveur de la diffusion du message du salut? PP 515 2 L'oeuvre de l'Évangile exigeant aujourd'hui des ressources plus considérables qu'autrefois, les dîmes et les offrandes sont plus nécessaires encore que sous l'économie hébraïque. Au lieu de recourir à des moyens discutables et peu chrétiens pour équilibrer son budget, si l'Église soutenait généreusement la cause de l'Évangile, Dieu serait honoré et plus nombreuses seraient les âmes amenées au Sauveur. PP 515 3 Le moyen employé par Moïse pour réunir les fonds nécessaires à la construction du tabernacle eut un grand succès. Il n'eut pas besoin d'insister pour inviter le peuple à donner. Il ne fit usage d'aucun des procédés si souvent utilisés de nos jours par les Églises. Pas de soirées amusantes, de danses ni de banquets. Il n'organisa ni loteries, ni tombolas, ni autres moyens profanes en faveur d'oeuvres charitables ou missionnaires. Par ordre du Seigneur, Moïse invita les enfants d'Israël à lui apporter leurs offrandes. Il leur dit que tout ce qui lui serait apporté volontairement et de bon coeur serait accepté. Et les offrandes affluèrent avec une telle abondance que Moïse dut en refuser. PP 516 1 Dieu a fait des hommes ses économes. Les biens qu'il leur a confiés sont destinés à la proclamation de l'Évangile. A ceux qui sont fidèles, Dieu confiera de plus grandes richesses. "J'honore ceux qui m'honorent", dit-il."(14) "Dieu aime celui qui donne gaiement."(15) Aussi, quand ses enfants reconnaissants lui apportent leurs offrandes "non pas à regret ni par contrainte", sa bénédiction les accompagne. Il a fait cette promesse: "Apportez toutes les dîmes au trésor du temple. Qu'il y ait des vivres dans ma maison; mettez-moi ainsi à l'épreuve, dit l'Éternel; vous verrez si je ne vous ouvre pas les écluses des cieux et si je ne répands pas sur vous la bénédiction sans mesure."(16) ------------------------Chapitre 51 -- Le soin des pauvres PP 517 1 Pour encourager l'assiduité au service divin comme pour secourir les pauvres, Dieu réclama des Israélites une seconde dîme de tous leurs revenus. Voici ce qu'il avait dit de la première dîme: "Quant aux enfants de Lévi, voici, je leur donne en héritage toutes les dîmes d'Israël."(1) A l'égard de la deuxième, il avait ordonné: "Tu mangeras, en présence de l'Éternel, ton Dieu, dans le lieu que l'Éternel aura choisi pour que son nom y soit invoqué, la dîme de ton blé, de ton vin nouveau, de ton huile, des premiers-nés de ton gros et de ton menu bétail, afin que tu apprennes à craindre toujours l'Éternel, ton Dieu."(2) PP 517 2 Deux années de suite, les Israélites devaient apporter au sanctuaire cette seconde dîme ou son équivalent en argent. Après avoir fait à Dieu une offrande d'actions de grâces et donné une portion déterminée au prêtre, l'offrant devait consommer le reste en agapes religieuses auxquelles il invitait l'étranger, l'orphelin et la veuve. Cette ordonnance permettait à l'Israélite, à l'époque des fêtes annuelles, non seulement d'offrir au Seigneur des dons reconnaissants, mais aussi d'inviter à des repas fraternels les prêtres et les Lévites qui, mis ainsi en contact avec le peuple, avaient l'occasion de l'encourager et de l'instruire dans le service divin. PP 518 1 Chaque troisième année, en échange, cette deuxième dîme devait être utilisée pour recevoir sous son toit le Lévite et le pauvre. "Tu la donneras, ordonnait la loi, au Lévite et à l'étranger, à l'orphelin et à la veuve, afin qu'ils aient à manger dans tes villes et qu'ils soient rassasiés."(3) Cette dîme constituait ainsi un fonds destiné à des buts charitables et hospitaliers. PP 518 2 D'autres dispositions encore étaient prises pour les pauvres. Les droits de Dieu mis à part, ce qui frappe dans les lois données par Moïse, c'est l'esprit de libéralité, de compassion et d'hospitalité qui caractérise les recommandations relatives aux pauvres. Bien que Dieu eût promis à son peuple d'abondantes bénédictions, il n'avait jamais dit que la pauvreté y serait entièrement inconnue. Il y aurait toujours, dans le pays, des pauvres et des gens qui feraient appel à la sympathie et à la bienfaisance. Comme aujourd'hui, on était sujet au malheur, à la maladie et à des pertes matérielles. Mais aussi longtemps qu'Israël fut fidèle aux divins préceptes, on n'y vit jamais de mendiants, ni personne souffrant de la faim. PP 518 3 La loi de Dieu donnait aux pauvres le droit à une certaine portion des produits du sol. Il était permis à chacun d'apaiser sa faim dans le verger ou dans la vigne de son voisin. C'est en vertu de cette tolérance que les disciples de Jésus avaient cueilli et mangé des épis un jour de sabbat. PP 518 4 Tout ce qui restait dans les champs de blé, dans les vergers et dans les vignes, après la récolte, appartenait aux pauvres: "Quand tu feras la moisson dans ton champ, disait Moïse, si tu as oublié une poignée d'épis dans le champ, tu ne retourneras point pour la prendre. ...Quand tu auras secoué tes oliviers, tu ne reviendras pas pour passer en revue chaque branche. ...Quand tu vendangeras ta vigne, tu ne cueilleras pas les grappes qui y sont restées; elles seront pour l'étranger, pour l'orphelin et pour la veuve. Tu te souviendras que tu as été esclave dans le pays d'Égypte."(4) PP 518 5 Il était tout particulièrement pourvu au soin des pauvres durant la septième année. L'année sabbatique, comme on l'appelait, commençait à la fin de la moisson. Au temps des semailles, qui suivaient immédiatement la moisson, il ne fallait rien semer; la vigne, au printemps, ne devait pas être cultivée. Cette année-là, on ne comptait ni sur une moisson ni sur une vendange. On pouvait manger ce que le sol produisait spontanément, mais il était interdit de rien emmagasiner. Les fruits de la terre étaient mis à la libre disposition des étrangers, des orphelins et des veuves comme aussi des animaux des champs.(5) PP 519 1 On se demandera comment le peuple pouvait vivre durant la septième année, puisque la terre ne produisait que juste de quoi subvenir aux besoins de ses habitants. Dieu y avait pourvu par cette promesse: "Je vous enverrai ma bénédiction la sixième année, et elle donnera une récolte pour trois ans. Vous sèmerez la huitième année, et vous mangerez de l'ancienne récolte; jusqu'à la neuvième année, jusqu'à ce que sa récolte soit venue, vous mangerez de l'ancienne."(6) PP 519 2 L'observation de l'année sabbatique devait être un bienfait pour le sol et pour l'habitant. Cette année de jachère préparait la terre à produire davantage. De son côté, le peuple, déchargé des gros travaux de la campagne, pouvait vaquer à diverses besognes, tout en jouissant de plus grands loisirs pour récupérer ses forces physiques en vue du labeur des années suivantes. En outre, cette année-là donnait à l'Israélite plus de temps à consacrer à la méditation, à la prière, à l'étude des enseignements et ordonnances du Seigneur, comme à l'éducation de sa famille. PP 519 3 Pour les esclaves hébreux, l'année sabbatique était celle de l'émancipation. Mais on ne devait pas les renvoyer à vide. L'ordre de Dieu disait: "Quand tu le renverras libre de chez toi, tu ne le renverras pas les mains vides. Tu ne manqueras pas de lui donner quelque chose de ton troupeau, de ton aire et de ton pressoir; tu lui donneras une part des biens dont l'Éternel t'aura béni."(7) PP 519 4 Le salaire de l'ouvrier devait lui être remis sans retard: "Tu ne feras point tort au mercenaire pauvre et indigent, qu'il soit l'un de tes frères ou l'un des étrangers qui demeure dans ton pays. ...Tu lui remettras ce que tu lui dois, le jour même, avant le coucher du soleil; car cet homme est pauvre, et il attend avec impatience son salaire."(8) PP 519 5 Il y avait aussi des directives spéciales relatives aux serviteurs fugitifs: "Tu ne livreras pas à son maître un esclave qui se sera réfugié auprès de toi après s'être enfui de chez son maître. Il demeurera avec toi, au milieu de ton pays, dans le lieu qu'il choisira, dans celle de tes villes où il se trouvera bien; tu ne le molesteras point."(9) PP 520 1 Au débiteur, la septième année apportait l'affranchissement de ses dettes. Les Hébreux devaient en tout temps donner assistance à leurs frères nécessiteux et leur prêter de l'argent sans intérêt. Prêter à intérêt à un malheureux était expressément défendu: "Si ton frère, qui est près de toi, devient pauvre et que sa main s'affaiblisse, tu le soutiendras, quand même il serait un étranger ou un hôte, afin qu'il vive auprès de toi. Tu ne tireras de lui ni intérêt ni profit, mais tu craindras ton Dieu, et ton frère vivra auprès de toi. Tu ne lui prêteras point ton argent à intérêt, et tu ne lui donneras point de tes vivres pour en tirer un profit."(10) Si la dette restait impayée jusqu'à l'année du relâche, elle était alors annulée. PP 520 2 L'approche de cette année pouvait avoir pour effet de ralentir la générosité envers les indigents. Mais les Israélites étaient tout particulièrement mis en garde contre cette tentation. A témoin, les avertissements suivants: "S'il y a chez toi l'un de tes frères qui soit pauvre, ... tu n'endurciras point ton coeur, et tu ne fermeras pas ta main à ton frère pauvre. ... Prends garde à toi, de peur qu'il n'y ait une pensée mauvaise dans ton coeur, et que tu ne dises: La septième année, l'année de rémission, approche. Prends garde de considérer sans pitié ton frère pauvre et ne refuse pas de le secourir; car il crierait contre toi vers l'Éternel, et tu te rendrais coupable d'un péché. ... Il y aura toujours des pauvres dans le pays; c'est pourquoi je te donne ce commandement: Ouvre ta main à ton frère, à l'indigent et au pauvre qui sera dans ton pays. ... Tu lui prêteras ce dont il aura besoin, selon son indigence."(11) PP 520 3 Nul n'avait lieu de craindre que sa libéralité pût l'exposer à tomber dans le besoin. Au contraire, l'obéissance aux commandements de Dieu était le plus sûr chemin de la prospérité. "Tu prêteras à beaucoup de nations, disait l'Éternel, et tu n'emprunteras point toi-même; tu domineras sur beaucoup de nations, et elles ne domineront pas sur toi."(12) PP 520 4 Après "sept années sabbatiques, sept fois sept ans", soit "une période de quarante-neuf ans, disait l'Éternel, vous ferez sonner la trompette dans tout votre pays. Vous sanctifierez la cinquantième année, et vous publierez la liberté dans le pays pour tous ses habitants. Ce sera pour vous le jubilé; chacun de vous rentrera dans sa propriété, et chacun retournera dans sa famille."(13) PP 521 1 C'était "le dixième jour du septième mois, le jour des expiations" que l'on "faisait retentir le son de la trompette" du jubilé à travers le pays. Tous les enfants de Jacob étaient alors appelés à saluer l'année de rémission. Et on la saluait en effet, avec d'autant plus d'allégresse qu'elle commençait à partir du grand jour des expiations où se faisait la propitiation de tous les péchés d'Israël. Comme sous l'année sabbatique, on ne devait ni ensemencer ni moissonner les champs. Tout ce qu'ils produisaient était considéré comme appartenant aux indigents. Au jubilé, certaines catégories d'esclaves hébreux -- tous ceux qui n'avaient pas été émancipés l'année sabbatique -- étaient mis en liberté. PP 521 2 Ce qui caractérisait surtout l'année du jubilé, c'était le retour de tous les biens immobiliers à la famille du premier possesseur. Selon les directives divines, le pays avait été partagé en lots; la répartition faite, il était positivement défendu d'y rien changer. On ne pouvait vendre sa terre que si l'on y était contraint par la pauvreté. Au cas où le possesseur d'un lot vendu ou ses parents désiraient le racheter, l'acquéreur n'avait pas le droit d'en refuser la vente. De toute façon, l'année du jubilé, la terre revenait automatiquement à son premier propriétaire ou à ses héritiers. PP 521 3 "La terre ne sera point vendue à perpétuité, disait l'Éternel; car la terre est à moi, et vous êtes chez moi comme des étrangers et des gens en séjour."(14) Il s'agissait de faire comprendre à Israël, d'une part, que le pays qui lui était confié pendant un certain temps était la propriété légitime de Dieu et, d'autre part, que ses occupants étaient tenus d'avoir des égards tout particuliers pour les indigents, ces derniers ayant, autant que les plus fortunés, le droit d'y occuper leur place. PP 521 4 Tels étaient les règlements établis par un Créateur miséricordieux pour diminuer la souffrance, projeter quelques rayons de soleil dans la vie des déshérités et des malheureux, comme aussi de faire briller dans les coeurs l'étoile de l'espérance. Le Seigneur désirait aussi élever une barrière contre l'amour insatiable des richesses et combattre le fléau qui résulte de l'accroissement continuel de la fortune dans certaines classes de la société, à savoir l'aggravation de la misère chez les autres. En effet, sans frein, la puissance des riches aboutit au monopole et les pauvres, tout aussi estimables aux yeux du Seigneur, sont considérés et traités par leurs frères plus favorisés comme une race inférieure. Cette oppression suscite des sentiments de colère et de haine chez les indigents, en proie au découragement et au désespoir, et se traduisent par des conflits meurtriers, désorganisateurs et destructeurs de l'ordre civil. Or les lois établies par Dieu en Israël avaient pour but de préserver l'égalité sociale; l'année sabbatique et le jubilé celui de rétablir et de reconstituer ce qui, dans l'intervalle, s'était désaxé dans l'économie sociale et politique de la nation. PP 522 1 Il s'agissait là du bien des riches tout autant que de celui des pauvres. Il fallait réprimer la cupidité et l'ambition en cultivant de nobles sentiments de bienfaisance. L'encouragement à la bienveillance et à la confiance entre toutes les classes de la société ne pouvait que consolider l'ordre social et assurer la stabilité de l'État. PP 522 2 Membres d'une même humanité, mailles d'un vaste filet, nous sommes tous liés les uns aux autres. Ce qui contribue au bonheur et au relèvement du prochain a sur nous une répercussion bienfaisante. La loi de l'interdépendance embrasse toutes les classes de la société. Les pauvres ne dépendent pas plus des riches que ceux-ci ne dépendent des pauvres. Si ces derniers réclament une part des bienfaits du ciel à leurs voisins plus favorisés, ceux-ci ont besoin du labeur fidèle, du service intelligent et des bras vigoureux qui constituent le capital du pauvre. PP 522 3 A condition d'obéir à ses préceptes, Dieu avait promis à Israël les bénédictions suivantes: "Je vous enverrai les pluies en leur saison. La terre donnera ses produits, et les arbres des champs porteront leurs fruits. Le battage des blés se prolongera chez vous jusqu'à la vendange, et la vendange jusqu'aux semailles; vous mangerez votre pain à satiété, et vous habiterez en sécurité dans votre pays. Je ferai régner la paix dans le pays, et votre repos ne sera point troublé; je ferai disparaître du pays les animaux malfaisants, et l'épée ne passera point par votre territoire. ... Je marcherai au milieu de vous; je serai votre Dieu et vous serez mon peuple. ... PP 523 1 Mais si vous ne m'écoutez pas et si vous ne mettez pas en pratique tous ces commandements, ... et que vous rompiez mon alliance, ... vous sèmerez en vain votre semence: vos ennemis la mangeront. Je tournerai ma face contre vous; vous serez vaincus par vos ennemis. Ceux qui vous haïssent domineront sur vous, et vous fuirez sans que personne vous poursuive."(15) PP 523 2 Bien des gens préconisent avec enthousiasme l'idée d'une répartition égale des biens temporels. Ce système n'entre pas dans les vues du Créateur. Dieu se sert de la diversité des conditions sociales pour former les caractères. Il entend que ceux qui possèdent des biens terrestres se considèrent comme les économes des richesses qu'il leur a confiées pour soulager les malheureux et les nécessiteux. Le Rédempteur sympathise avec les plus pauvres et les plus humbles de ses enfants. Ce sont ses représentants sur la terre, pour éveiller dans nos coeurs l'amour qu'il ressent pour les infortunés et les opprimés. La pitié et la bienfaisance qui leur sont témoignées sont considérées par le Sauveur comme s'il en était lui-même l'objet. En revanche, il est personnellement blessé par tout acte de cruauté ou de négligence à leur égard. PP 523 3 Qu'elle serait différente, la condition actuelle du monde, au point de vue moral, spirituel et temporel, si cette loi de Dieu concernant les pauvres était mise en pratique! Au lieu de l'égoïsme et de la suffisance, on verrait un tel déploiement de sollicitude et de bienveillance à l'égard du prochain que le paupérisme, si fréquent en bien des pays, n'existerait plus. PP 523 4 Les principes établis par le Créateur supprimeraient les maux inouïs qui ont, de tout temps, résulté de l'oppression des pauvres par les riches, comme de l'envie excitée par les riches chez les pauvres. Tout en prévenant l'accumulation de richesses excessives et le déploiement d'un luxe effréné, ces mêmes principes rendraient impossibles l'ignorance et la dégradation des multitudes dont le servage mal rémunéré sert à édifier des fortunes colossales. En un mot, ils apporteraient une solution paisible aux problèmes qui menacent actuellement de plonger le monde dans l'anarchie et dans le sang. ------------------------Chapitre 52 -- Les fêtes annuelles PP 525 1 Les assemblées religieuses annuelles qui réunissaient tout Israël au sanctuaire étaient au nombre de trois.(1) Le premier lieu de ces rassemblements fut d'abord Silo. Plus tard, lorsque Jérusalem devint le centre du culte, c'est dans cette ville que les tribus se réunirent pour célébrer leurs fêtes solennelles. PP 525 2 Israël était entouré de tribus farouches et belliqueuses toujours prêtes à se jeter sur son territoire. Néanmoins, trois fois l'an, tous les hommes valides et toutes les personnes capables d'entreprendre ce voyage devaient quitter leurs maisons pour se rendre au centre du pays, au lieu des grandes solennités. L'occasion était donc belle, pour leurs ennemis, de faire irruption dans ces foyers déserts et de les piller. Mais Dieu garantissait Israël de l'invasion. Il avait promis d'être le protecteur de son peuple. "L'ange de l'Éternel, dit le Psalmiste, campe autour de ceux qui le craignent, et il les arrache au danger."(2)Il avait déclaré à Israël que lorsqu'on se rendrait au lieu fixé pour l'adorer, il réprimerait chez ses ennemis toute velléité de conquête. "Je chasserai les nations devant toi, et j'étendrai tes frontières, avait-il dit; et personne n'aura la tentation de prendre ton pays, pendant que tu monteras pour te présenter trois fois par an devant l'Éternel, ton Dieu."(3) PP 526 1 La première de ces fêtes, la Pâque, ou fête des pains sans levain, avait lieu au mois d'Abib, premier mois de l'année juive, qui correspond à la fin de mars et au commencement d'avril. Les froids de l'hiver étaient terminés, la pluie de l'arrière-saison avait cessé de tomber, toute la nature se parait des splendeurs du printemps. Les collines et les vallées se tapissaient de verdure qu'émaillaient de multiples fleurs sauvages. C'était l'époque de la pleine lune et des soirées délicieuses. Un chantre sacré dépeint en ces termes le charme et la beauté de cette saison: PP 526 2 Voici que l'hiver s'est enfui; La saison des pluies est finie, terminée. ... Les fleurs commencent à éclore sur la terre, Le temps des chansons est revenu; Le roucoulement de la tourterelle se fait entendre. Déjà mûrissent les premiers fruits du figuier, Et la vigne en fleurs déjà exhale son parfum.(4) PP 526 3 De toutes les parties du pays, des groupes de pèlerins se dirigeaient vers Jérusalem: les bergers descendaient de leurs collines, les pécheurs quittaient les rives du lac de Tibériade, les cultivateurs délaissaient leurs champs, les fils des prophètes s'éloignaient de leurs écoles pour se rendre au lieu où Dieu révélait sa présence. A mesure que l'on approchait de la ville sainte, les caravanes, qui voyageaient à pied et par petites étapes, devenaient de plus en plus nombreuses. PP 526 4 L'allégresse de la nature emplissait les coeurs de joie et de reconnaissance envers l'auteur de tout bien. Aussi les groupes de voyageurs entonnaient-ils fréquemment les psaumes qui célèbrent la gloire et la majesté de Dieu. Au signal donné par une trompette, accompagnées du son des cymbales, des centaines de voix chantaient en choeur le cantique d'actions de grâces: PP 526 5 Je me réjouis quand on me dit: Allons à la maison de l'Éternel! Nos pas s'arrêtent dans tes portes, ô Jérusalem, ... C'est là que montent les tribus de l'Éternel. ... Pour célébrer le nom de l'Éternel. ... Priez pour la paix de Jérusalem! ... Que ceux qui t'aiment vivent en sécurité!(5) PP 526 6 En passant auprès des collines sur lesquelles les païens allumaient autrefois les feux de leurs autels, les voyageurs continuaient: PP 527 1 Je lève mes yeux vers les montagnes: D'où me viendra le secours? ... Mon secours vient de l'Éternel, Qui a fait les cieux et la terre.(5) PP 527 2 Ceux qui se confient en l'Éternel Sont comme la montagne de Sion Qui ne peut être ébranlée, Qui subsiste éternellement. Jérusalem est entourée de montagnes, De même l'Éternel entoure son peuple, Dès maintenant et à perpétuité.(5) PP 527 3 Arrivée au sommet des monts qui dominent la ville sainte, la multitude s'arrêtait un instant pour contempler les foules d'adorateurs qui se dirigeaient vers le temple. Puis, en voyant monter la fumée de l'encens, au son des trompettes annonçant l'heure du service divin, elle se remettait à chanter: PP 527 4 L'Éternel est grand et digne de toute louange, Dans la ville de notre Dieu, sur sa montagne sainte, Elle s'élève avec grâce, du côté du septentrion, La montagne de Sion, joie de toute la terre: C'est la cité du grand Roi.(6) PP 527 5 Que la paix soit dans tes murs, Et la sécurité dans tes palais! ... PP 527 6 Ouvrez-moi les portes du Dieu de justice; J'entrerai dans le temple, et je célébrerai l'Éternel. ... PP 527 7 Je m'acquitterai de mes voeux envers l'Éternel En présence de tout son peuple, Dans les parvis de la maison de l'Éternel, Au milieu de toi, ô Jérusalem! ... Louez l'Éternel!(7) PP 527 8 Toutes les maisons de Jérusalem ouvraient gratuitement leurs portes aux pèlerins. Mais comme cela ne suffisait pas, à cause de l'affluence des visiteurs, on dressait partout des tentes dans les espaces libres et jusque sur les collines environnantes. PP 527 9 Le quatorzième jour du mois, au soir, commençaient les émouvantes cérémonies de la Pâque commémorant la délivrance de la servitude égyptienne et annonçant le grand sacrifice qui devait libérer les hommes de l'esclavage du péché. Ces cérémonies, qui ont perdu leur valeur à la mort du Sauveur, ont été remplacées par la sainte communion, symbole commémoratif de cette mort, préfigurée par la Pâque. PP 528 1 Les sept jours de la fête des pains sans levain suivaient le souper de la Pâque. Le premier et le septième étaient des jours de sainte convocation durant lesquels on ne devait se livrer à aucun travail servile. Le second jour de la fête, avait lieu la présentation des premiers épis de la moisson nouvelle. L'orge, la plus avancée des céréales de la Palestine, commençait à mûrir et le prêtre en agitait une gerbe devant l'autel pour témoigner que tout appartient à Dieu. La moisson ne pouvait commencer avant l'accomplissement de ce rite. PP 528 2 Cinquante jours après la présentation des premiers fruits, avait lieu la Pentecôte, aussi appelée fête de la moisson ou des semaines. Comme expression de gratitude envers Dieu pour les blés nourriciers qu'il a donnés à l'homme, on présentait au temple deux pains levés. Les services religieux de la Pentecôte ne duraient qu'un jour. PP 528 3 Avec le septième mois, arrivait la fête des tabernacles ou des récoltes. Cette fête était une action de grâces rendue à Dieu pour les produits des vergers, des oliviers et de la vigne. C'était la dernière et la plus importante de l'année. Le sol avait fourni ses trésors; les moissons étaient recueillies dans les greniers; l'huile et le vin étaient rentrés, les premiers fruits avaient été mis en réserve. Maintenant Israël venait apporter au Seigneur son tribut de reconnaissance. PP 528 4 Cette fête devait être avant tout une occasion de réjouissances. Elle avait lieu immédiatement après le grand jour des expiations, où le peuple venait de recevoir l'assurance du pardon de ses péchés. En paix avec Dieu, il se présentait devant lui pour louer sa bonté et sa miséricorde. Les travaux de la moisson étaient terminés et ceux de la nouvelle année n'étaient pas encore commencés; le peuple pouvait se livrer sans arrière-pensée aux joies sacrées de cette solennité. Bien que l'ordre de paraître aux fêtes annuelles ne mentionnât que les pères et les fils, il était entendu que tous les membres de la famille devaient également y participer, et l'on y accueillait avec bienveillance les serviteurs, les Lévites, les étrangers et les pauvres. PP 528 5 De même que la Pâque, la fête des tabernacles était commémorative. En souvenir de leur vie errante dans le désert, les Israélites quittaient leurs maisons pour se loger sous des abris ou bocages de verdure, faits "de branches de palmiers, de rameaux d'arbres touffus et de saules de rivière".(8) Au premier jour, avait lieu une sainte assemblée, de même qu'au huitième jour qui suivait la fête. PP 529 1 Le but de ces solennités annuelles était d'encourager jeunes et vieux au service de Dieu, tout en donnant aux habitants des diverses parties du pays l'occasion de faire connaissance et de resserrer ainsi les liens qui les attachaient les uns aux autres et au Seigneur. Belle et heureuse chose pour le peuple de Dieu à notre époque, s'il avait aussi une fête des tabernacles, une fête commémorative des biens dont le ciel l'a comblé! De même qu'Israël célébrait le souvenir de la délivrance de ses pères, ainsi que celui de sa conservation miraculeuse durant ses pérégrinations, nous devons, de même, nous souvenir avec gratitude comment Dieu nous a retirés du monde et nous a fait passer des ténèbres à la glorieuse lumière de sa grâce et de sa puissance. PP 529 2 Aux Israélites qui demeuraient à une très grande distance du tabernacle, l'assistance à ces assemblées annuelles prenait plus d'un mois chaque année. Cet exemple de zèle pour la cause de Dieu devrait augmenter à nos yeux l'importance du culte public et la nécessité de subordonner nos intérêts personnels et terrestres aux choses spirituelles et éternelles. Négliger le privilège de nous affermir dans la foi et nous encourager mutuellement dans le service de Dieu, c'est subir une grande perte. Les vérités de la Parole inspirée perdent à nos yeux leur importance et leur éclat. Nos coeurs cessent d'être éclairés et réchauffés par les effluves sanctifiantes d'en haut, et notre vie spirituelle s'étiole. PP 529 3 Les chrétiens en général se privent de bien des joies par leur manque de sympathie. Celui qui se replie sur lui-même ne remplit pas le rôle que Dieu lui a confié. Enfants d'un même Père, nous dépendons tous les uns des autres. Dieu et l'humanité ont des droits sur nous. Lorsque nous cultivons soigneusement la sociabilité de notre nature, nous apprenons à sympathiser avec nos frères et à trouver notre bonheur à leur faire du bien. PP 529 4 La fête des tabernacles était à la fois commémorative et préfigurative. Non seulement elle rappelait le séjour dans le désert, mais, comme fête des moissons, elle célébrait la récolte des fruits et préfigurait le grand jour de la moisson finale. En ce jour, le Seigneur enverra ses anges pour brûler l'ivraie et rentrer le bon grain dans ses greniers. Les méchants seront détruits; les nations pécheresses "disparaîtront comme si elles n'avaient jamais existé".(9) Toutes les voix de l'univers s'uniront pour chanter au Seigneur un cantique de louanges. Le voyant de Patmos nous en parle en ces termes: "J'entendis toutes les créatures, dans le ciel, sur la terre, sous la terre, sur la mer et toutes les choses qui s'y trouvent, qui disaient: 'A celui qui est assis sur le trône et à l'Agneau soient la louange, l'honneur, la gloire et la force aux siècles des siècles".(10) PP 530 1 A la fête des tabernacles, le peuple louait Dieu pour ses bienfaits. Grâce aux services du jour des expiations auxquels il venait d'assister, il se réjouissait parce qu'il avait été pardonné et s'était réconcilié avec Dieu. De même, quand les rachetés réunis dans la Canaan céleste seront à jamais délivrés du péché, de la servitude et de la malédiction sous laquelle "toute la création ensemble soupire jusqu'à ce jour",(11)ils se réjouiront d'une joie ineffable et glorieuse. Le grand oeuvre du salut que Jésus poursuit en faveur des hommes sera achevé et leurs péchés seront effacés pour toujours. PP 530 2 Cette délivrance est ainsi résumée par le prophète Ésaïe: "Ceux dont l'Éternel aura payé la rançon retourneront et reviendront dans Sion avec des chants de triomphe. Une allégresse éternelle couronnera leur tête; la joie et l'allégresse seront leur partage; la douleur et les gémissements s'enfuiront."(12) ------------------------Chapitre 53 -- Les premiers juges PP 531 1 Une fois installées en Canaan, les tribus d'Israël ne firent plus guère de tentatives pour achever la conquête du pays. Satisfaites du territoire acquis, leur zèle se ralentit, puis la guerre prit fin. "Quand Israël fut devenu fort, il rendit les Cananéens tributaires, mais il ne les déposséda point."(1) PP 531 2 Les promesses de Dieu s'étaient fidèlement accomplies. Josué avait mis fin à la domination des Cananéens et distribué le territoire entre les tribus. Il ne restait plus à ces dernières, appuyées sur le secours d'en haut, qu'à achever la conquête du pays. Contrairement au commandement de Dieu, les Hébreux s'unirent aux Cananéens et violèrent ainsi les conditions requises pour posséder le pays promis. PP 531 3 Dès le Sinaï, Dieu les mit en garde contre l'idolâtrie et, aussitôt après la proclamation de la loi, Moïse leur communiqua ce message: "Tu ne te prosterneras pas devant leurs dieux et tu ne les serviras point. Tu n'imiteras pas leur conduite, mais tu les détruiras complètement. Tu briseras leurs pierres sacrées. Vous servirez l'Éternel, votre Dieu; il bénira votre nourriture et votre boisson, et j'éloignerai la maladie du milieu de vous."(2) Puis Dieu promit qu'aussi longtemps qu'ils seraient fidèles, ils vaincraient leurs ennemis: PP 532 1 "J'enverrai ma terreur devant toi; je mettrai en déroute tout peuple chez lequel tu arriveras, et je mettrai tous tes ennemis en fuite devant toi. J'enverrai devant toi les frelons, qui chasseront devant ta face les Héviens, les Cananéens et les Héthiens. Je ne les chasserai pas loin de toi en une seule année, de peur que le pays ne devienne un désert, et que les bêtes sauvages ne se multiplient à tes dépens. Je les chasserai peu à peu loin de toi, jusqu'à ce que tu croisses en nombre, et que tu puisses prendre possession du pays. ... Je livrerai entre vos mains les habitants de ce pays, et vous les chasserez devant vous. Tu ne feras alliance ni avec eux ni avec leurs dieux. Ils n'habiteront pas dans ton pays, de peur qu'ils ne t'entraînent à pécher contre moi, car tu servirais leurs dieux, et ce serait un piège pour toi."(3) Ces directives furent répétées par Moïse de la façon la plus solennelle peu avant sa mort, puis encore par Josué. PP 532 2 Dieu avait placé son peuple en Canaan pour en faire une digue puissante contre le flot de l'iniquité qui menaçait de submerger le monde. Il se proposait de le conduire de conquête en conquête et de livrer entre ses mains des nations plus grandes et plus puissantes que lui. Voici cette promesse: "Si vous observez avec soin tous ces commandements que je vous ordonne de mettre en pratique, aimant l'Éternel, votre Dieu, marchant dans toutes ses voies et vous attachant à lui, l'Éternel chassera devant vous toutes ces nations, et vous vous rendrez maîtres de nations plus grandes et plus puissantes que vous. Tout lieu que foulera la plante de votre pied vous appartiendra. Votre frontière s'étendra depuis le désert jusqu'au Liban, et depuis le fleuve, le fleuve de l'Euphrate, jusqu'à la mer occidentale. Nul ne pourra subsister devant vous; l'Éternel votre Dieu répandra devant vous la terreur et l'effroi dans tous les pays où vous porterez vos pas, ainsi qu'il vous l'a déclaré."(4) PP 532 3 Indifférents à leur haute destinée, les Israélites préférèrent une vie d'aise et de facilité. Ils laissèrent s'envoler les occasions d'achever la conquête du pays, pour se voir, durant bien des générations, harcelés par les restes de ces populations idolâtres, qui furent, ainsi que le prophète le leur avait prédit, "comme des épines dans leurs yeux et comme des aiguillons dans leurs côtés".(5) Se mélangeant avec les idolâtres, ils "apprirent à faire comme eux(6) et le résultat en fut l'idolâtrie qui se répandit dans le pays comme une gangrène. Le Psalmiste en parle en ces termes: PP 533 1 Ils servirent leurs idoles, Qui furent pour eux un piège, Et ils sacrifièrent aux démons leurs fils, Ainsi que leurs filles. ... Et le pays fut profané par ces meurtres. ... Le courroux de l'Éternel s'enflamma contre son peuple; Il prit en aversion son héritage.(6) PP 533 2 Pendant la génération qui avait entendu les instructions de Josué, l'idolâtrie fit peu de progrès. Mais les parents avaient donné le mauvais exemple à leurs enfants. L'abandon de la conquête fut une semence néfaste qui produisit des fruits amers durant bien des générations. La vie simple des Hébreux leur avait procuré une santé physique remarquable; mais leurs rapports avec les païens les entraînèrent à des voluptés qui affaiblirent chez eux la vigueur corporelle et mentale. Leurs péchés les ayant séparés de Dieu et privés de sa protection, ils furent subjugués par les nations mêmes qu'ils auraient dû anéantir."Ils abandonnèrent l'Éternel, le Dieu de leurs pères, qui les avait fait sortir d'Égypte", et "les avait conduits comme un troupeau à travers le désert. ... Ils l'irritèrent par le culte des hauts lieux, et ils excitèrent sa jalousie par leurs idoles." C'est pourquoi, PP 533 3 Il abandonna le tabernacle de Silo, La tente dont il avait fait sa demeure parmi les hommes. Il laissa emmener en captivité le siège de sa puissance; Il livra sa gloire aux mains de l'ennemi.(7) PP 533 4 Dieu n'oublia cependant pas complètement son peuple, au sein duquel se trouvait toujours une minorité de fidèles. De temps à autre, il suscitait des hommes vaillants et pieux qui détournaient Israël de l'idolâtrie et le délivraient de ses ennemis. Mais après la mort du libérateur, le peuple, privé de son autorité, retournait à ses idoles. C'est ainsi qu'Israël parcourut, maintes et maintes fois, au cours de son histoire, les quatre périodes de ce cycle lamentable: apostasie et châtiments, puis repentir et délivrance. PP 534 1 Le roi de Mésopotamie, le roi de Moab, et après eux les Philistins et les Cananéens de Hatsor, conduits par Sisera, devinrent tour à tour les oppresseurs d'Israël. Othniel, Samgar et Ehud, puis Débora et Barac furent suscités pour délivrer leurs frères. Mais de nouveau "les enfants d'Israël firent ce qui est mal aux yeux de l'Éternel et l'Éternel les livra entre les mains des Madianites."(8) PP 534 2 Jusque-là, le joug de l'oppresseur ne s'était fait que légèrement sentir sur les tribus qui occupaient la rive orientale du Jourdain. Mais cette fois ce furent elles qui souffrirent les premières. Les Amalécites, qui habitaient au sud de Canaan, comme les Madianites, à l'est, étaient depuis toujours les ennemis implacables d'Israël. Le second de ces deux peuples avait été à peu près détruit sous Moïse. Mais depuis lors, il s'était considérablement accru et fortifié. Altéré de vengeance, il pensa que le moment était arrivé d'assouvir sa haine contre Israël. Dieu ayant retiré sa protection, tout le pays, aussi bien que les tribus à l'est du Jourdain, souffrirent de leurs déprédations. Ces farouches habitants du désert envahissaient Israël "comme une nuée de sauterelles".(9) Accompagnés de leurs troupeaux comme un fléau dévastateur, ils se répandaient sur toute la surface du pays, depuis le Jourdain jusqu'à la plaine des Philistins. PP 534 3 Aussitôt que les moissons commençaient à blanchir, ils inondaient le pays, cueillaient les fruits, ravageaient les champs, pillaient et maltraitaient les habitants. Puis ils retournaient dans leurs déserts. Les Israélites habitant la campagne abandonnaient leurs maisons et se réfugiaient dans les villes fortifiées, les forteresses, les cavernes des montagnes et jusque dans les rochers inaccessibles. Cette oppression durait depuis sept ans lorsque enfin, dans sa détresse, le peuple reconnut et confessa son péché. Alors le Seigneur lui suscita un libérateur. PP 534 4 Parmi les nombreux clans de la tribu de Manassé, un des plus pauvres était celui qui descendait d'Abiézer, fils de Galaad, dont l'une des familles, celle de Joas, jouait un rôle considérable. La bravoure de ses fils leur avait valu la réputation d'avoir "chacun la taille d'un fils de roi".(10) Sauf un, tous avaient perdu la vie dans des combats contre les Madianites, et le dernier survivant, Gédéon, s'était rendu redoutable aux envahisseurs. C'est à lui que Dieu fit appel pour délivrer son peuple. Pour battre une petite quantité de blé qui avait échappé aux pillards, il s'était retiré auprès du pressoir, où il ne risquait pas d'être aperçu, la vendange étant encore éloignée. PP 535 1 Alors que, silencieux et solitaire, il se livre à cette besogne, Gédéon réfléchit à la triste situation de son peuple et se demande comment le joug de l'oppresseur pourrait bien être brisé. Soudain, "l'ange de l'Éternel lui apparut et lui dit: Vaillant guerrier, l'Éternel est avec toi!" Gédéon répondit: "Hélas! mon Seigneur, si l'Éternel est avec nous, pourquoi donc tous ces malheurs nous sont-ils arrivés? Où sont toutes ces merveilles que nos pères nous ont racontées, en disant: L'Éternel ne nous a-t-il pas fait sortir de l'Égypte? Car maintenant l'Éternel nous a abandonnés et nous a livrés entre les mains des Madianites." L'ange reprit: "Va avec cette force que tu as, et délivre Israël de la main des Madianites. N'est-ce pas moi qui t'envoie?" PP 535 2 Gédéon demande alors un signe lui prouvant que celui qui lui parle est bien l'ange de l'Éternel qui, dans le passé, a délivré Israël. Et, se rappelant que les anges venus un jour conférer avec Abraham avaient accepté son hospitalité, il invite le divin messager à prendre quelque nourriture. Il court à sa tente et tire, de ses minces provisions, un chevreau de lait et des gâteaux sans levain qu'il apporte à son hôte. L'ange lui dit: "Prends la viande et les gâteaux sans levain; dépose-les sur ce rocher, et répands le jus." Gédéon obéit, et il voit alors le signe demandé: l'ange touche ces mets du bout de son bâton; une flamme sort du rocher, consume le repas, puis l'auguste visiteur disparaît. PP 535 3 Joas, père de Gédéon, qui participait à l'apostasie de ses compatriotes, avait élevé à Ophra, son lieu de résidence, un grand autel à Baal, devant lequel les gens de la ville venaient adorer ce dieu. Gédéon reçoit l'ordre d'abattre cet autel, d'en élever un autre à sa place, sur le rocher même où son offrande a été consumée, et d'y offrir un holocauste à l'Eternel. Il fallait que la délivrance d'Israël fût précédée d'une protestation solennelle contre le culte de Baal. Or, l'auteur de la loi des sacrifices avait le droit d'autoriser le fils de Joas, qui n'appartenait pas au sacerdoce, à offrir ce sacrifice. PP 536 1 Gédéon exécute fidèlement les ordres donnés. Mais, s'il le fait en plein jour, il devra affronter une vive opposition; il opère donc en secret. Aidé de ses serviteurs, il accomplit tout en une nuit. Au matin, quand les hommes d'Ophra viennent faire leurs dévotions à Baal, leur fureur est telle qu'ils veulent mettre à mort Gédéon. Mais Joas, auquel on avait raconté la visite de l'ange, prend la défense de son fils: "Est-ce à vous, dit-il, de prendre parti pour Baal? Est-ce à vous de lui porter secours? Quiconque prendra parti pour Baal sera mis à mort aujourd'hui même." Le rude vieillard ajoute: "S'il est dieu, qu'il plaide sa cause lui-même, puisqu'on a démoli son autel!" Si Baal ne pouvait défendre son autel, comment aurait-il pu protéger ses adorateurs? PP 536 2 Toute idée de représailles contre Gédéon étant abandonnée, ce dernier sonne la trompette de guerre et rallie tout d'abord sous son étendard les gens d'Ophra. Des messagers sont envoyés dans la tribu de Manassé comme dans celles d'Aser, de Zabulon et de Nephtali et toutes répondent à l'appel. PP 536 3 Avant de se mettre à la tête de son armée, Gédéon tient cependant à s'assurer encore que l'appel vient de Dieu. Il fait donc cette prière: "Si tu veux délivrer Israël par ma main, comme tu l'as dit, eh bien! je mettrai une toison dans l'aire; si la rosée se pose sur la toison seule et que la terre reste sèche, je connaîtrai que tu délivreras Israël par ma main, comme tu l'as promis." Au matin, Gédéon trouve la toison humide, alors que la terre est sèche. Mais un doute s'élève encore dans l'esprit du guerrier: l'épreuve peut n'être pas décisive, puisque la laine absorbe tout naturellement l'humidité de l'air. Il demande alors au Seigneur de lui donner la preuve inverse, tout en le suppliant de ne pas prendre en mauvaise part son extrême prudence. Sa requête lui est accordée, et, fort de cet encouragement, Gédéon, suivi de sa troupe, se met en marche contre les envahisseurs. PP 536 4 Or, "tous les Amalécites, les Madianites et les fils de l'Orient se rassemblèrent; ils passèrent le Jourdain et campèrent dans la vallée de Jizréel".Gédéon n'avait que trente-deux mille hommes à opposer à une immense armée. Et cependant, il entend de l'Éternel cette étrange parole: "Le peuple qui est avec toi est trop nombreux pour que je livre les Madianites entre ses mains. Israël s'attribuerait la gloire qui m'appartient, en disant: C'est ma main qui m'a délivré. Maintenant donc, fais publier aux oreilles du peuple cet avis: Que celui qui a peur et qui tremble s'en retourne et se retire de la montagne de Galaad." PP 537 1 Il était évident que ceux qui craignaient d'affronter le danger ou les privations, ou étaient attachés à des intérêts matériels constituaient plutôt un élément de faiblesse pour l'armée d'Israël. En outre, une loi exigeait qu'avant le départ d'une armée pour la guerre, on lût cette proclamation: "Qui parmi vous a bâti une maison neuve, sans en avoir encore pris possession? Que celui-là s'en aille et retourne chez lui, de peur qu'il ne meure dans la bataille, et qu'un autre n'entre en possession de cette maison. Si quelqu'un d'entre vous a planté une vigne, et n'en a pas encore cueilli les fruits, qu'il s'en aille et retourne chez lui, de peur qu'il ne meure dans la bataille, et qu'un autre n'en recueille les fruits. Si quelqu'un s'est fiancé avec une femme, et ne l'a pas encore épousée, qu'il s'en aille et retourne chez lui, de peur qu'il ne meure dans la bataille, et qu'un autre ne l'épouse." Les officiers devaient ajouter: "S'il est ici un homme qui ait peur et qui sente son coeur faiblir, qu'il s'en aille et qu'il retourne chez lui, de peur que le coeur de ses frères ne vienne à défaillir comme le sien."(11) PP 537 2 En raison du nombre infime de ses hommes comparés à l'armée ennemie, Gédéon avait omis la proclamation usuelle. Quel ne fut pas son étonnement, quand il entendit que son armée était trop considérable! Dans le coeur de ces soldats, Dieu lisait à la fois de l'orgueil et un manque de foi. Remués par les émouvants appels de Gédéon, ils s'étaient promptement enrôlés; mais en voyant la multitude des Madianites, ils avaient été saisis de frayeur. Et cependant, en cas de triomphe, ces mêmes hommes se seraient attribués la gloire qui revenait à Dieu. PP 537 3 Gédéon obéit à la parole de l'Éternel, mais le coeur lui manqua en voyant vingt-deux mille hommes, soit plus des deux tiers de son armée, le quitter pour rentrer à la maison. "L'Éternel dit à Gédéon: le peuple est encore trop nombreux; fais-le descendre au bord de l'eau, et là j'en ferai le triage. Celui que je désignerai pour aller avec toi te suivra et celui que je ne désignerai pas restera." La petite armée, qui s'attendait à passer immédiatement à l'attaque, fut conduite au bord de l'eau. Quelques hommes se baissèrent, prirent lestement un peu d'eau dans leur main et la portèrent à leurs lèvres, tout en continuant leur marche. Tout le reste de la troupe mit genou en terre pour boire à longs traits dans la rivière. Ceux qui s'étaient contentés de prendre un peu d'eau avec la main étaient au nombre de trois cents. Ce sont ceux-là qui furent choisis. Tous les autres reçurent la permission de s'en aller. PP 538 1 Les moyens les plus simples servent souvent à éprouver les caractères. Les hommes qui, à cette heure de péril, avaient été si prompts à se désaltérer, n'étaient pas de ceux auxquels on pouvait se confier. Dans l'oeuvre de Dieu, il n'est pas de place pour les douillets et les indolents. Les hommes qui furent choisis plaçaient le devoir avant le confort. Ce n'étaient pas seulement des hommes de courage et de sang-froid, mais aussi des hommes de foi. Purs de toute souillure idolâtre, ils seront soutenus d'en haut et, par eux, Israël sera sauvé. Le succès ne dépend pas du nombre, mais du caractère. Dieu délivre par quelques hommes aussi bien que par une grande armée. PP 538 2 Les Israélites campèrent au sommet d'une colline dominant la vallée occupée par les envahisseurs. "Or les Madianites, les Amalécites et tous les fils de l'Orient étaient répandus dans la vallée aussi nombreux que des sauterelles, et leurs chameaux étaient innombrables comme le sable qui est sur le bord de la mer."(12) Devant cette multitude et en songeant à la lutte qui va s'engager le lendemain, Gédéon sent son coeur se glacer. Mais pendant la nuit Dieu l'invite à se rendre, avec Pura son écuyer, au camp des Madianites où il entendra des choses qui seront de nature à l'encourager. Arrivés là, les deux Israélites écoutent un soldat ennemi raconter à son compagnon un songe qu'il venait de faire. "Voici, j'ai fait un songe, disait-il. Je voyais un gâteau de pain d'orge rouler dans le camp des Madianites: il roula jusqu'à la tente, la heurta et la fit tomber." La réponse de son compagnon remua profondément ceux qui les écoutaient: "Ce n'est pas autre chose que l'épée de Gédéon, fils de Joas, homme d'Israël. Dieu a livré les Madianites et tout le camp entre ses mains." Reconnaissant la voix de Dieu dans l'entretien des deux Madianites, Gédéon retourne vers sa poignée d'hommes et leur dit: "Levez-vous; car l'Éternel a livré entre vos mains le camp de Madian." PP 539 1 Il mit immédiatement à exécution un plan d'attaque qui lui avait été divinement suggéré, et il divisa ses hommes en trois compagnies. Après avoir remis à chacun d'eux une trompette et une torche cachée dans une cruche, il disposa les trois escouades de façon à aborder le camp ennemi de différents côtés. Au milieu du silence de la nuit, à un signal donné par le cor de Gédéon, les trois compagnies se mettent à sonner de la trompette; puis, brisant leurs cruches et brandissant leurs torches enflammées, les trois cents hommes se précipitent sur l'ennemi en poussant ce cri terrible: "L'épée de l'Éternel et de Gédéon!" PP 539 2 L'armée de Madian qui dormait se réveille brusquement et se voit de tous côtés entourée de torches flamboyantes, tandis que retentit le son de la trompette et le cri strident des assaillants. Prise de panique, elle se croit aux prises avec des troupes innombrables et fuit en tous sens, en poussant des cris d'épouvante. Prenant, dans leur affolement, leurs propres compagnons d'armes pour des ennemis, les Madianites s'entre-tuent. PP 539 3 La nouvelle de la victoire se répand, et des milliers de guerriers israélites congédiés reviennent et se joignent à leurs frères dans la poursuite de l'ennemi. Celui-ci se dirige en toute hâte vers le Jourdain, pour regagner son pays sur la rive opposée. Mais des messagers envoyés par Gédéon pressent les hommes d'Éphraïm d'intercepter le passage des gués méridionaux. Pendant ce temps, les trois cents hommes, exténués mais indomptables, se mettent à la poursuite de ceux qui ont gagné l'autre rive. Parmi ceux-ci, Oreb et Zéeb, les chefs de l'invasion, sont rejoints, faits prisonniers et mis à mort, tandis que les quinze mille hommes de troupe qui les accompagnent sont complètement dispersés. PP 539 4 Au cours de cette grande défaite, les envahisseurs n'avaient pas perdu moins de cent vingt mille hommes. La puissance de Madian fut à tel point anéantie que cette nation ne fut plus jamais à même de faire la guerre à Israël. La nouvelle que le Dieu d'Israël avait de nouveau combattu pour son peuple se répandit comme l'éclair. Une terreur panique s'empara des nations environnantes quand elles apprirent comment Israël avait triomphé d'un peuple aussi redoutable. PP 539 5 L'homme dont Dieu s'était servi pour accomplir cette délivrance n'occupait aucune situation importante en Israël. Ni gouverneur, ni prêtre, ni Lévite, il se considérait lui-même comme le plus humble de la maison de son père. Mais il était courageux, intègre, se défiant de ses propres forces et disposé à suivre les directives du Seigneur. Les meilleurs serviteurs de Dieu ne sont pas ceux qui possèdent les plus grands talents, mais ceux qui, convaincus de leur propre insuffisance, s'appuient totalement sur lui. Lorsqu'ils unissent leur faiblesse à la force du Très-Haut et leur ignorance à sa sagesse, il les rend vainqueurs. "L'humilité précède la gloire."(13) PP 540 1 Pour anéantir la puissance des ennemis d'Israël, à Jéricho, Dieu avait fait sonner la trompette par l'armée de Josué. Autour du camp madianite, ce fut par la petite troupe de Gédéon. Privés de la puissance et de la sagesse, les plans les mieux établis échouent, tandis que les plus médiocres, accompagnés d'humilité et de foi, réussissent. PP 540 2 Si son peuple possédait une véritable humilité, Dieu pourrait opérer en sa faveur d'une façon prodigieuse. Mais ils sont peu nombreux ceux auxquels il peut donner de grandes responsabilités et des succès remarquables sans qu'ils deviennent orgueilleux et suffisants. Voilà pourquoi, en choisissant des instruments pour son oeuvre, Dieu laisse de côté les hommes que le monde estime grands et dont il admire les talents. La confiance en Dieu et l'obéissance à la volonté divine sont essentielles dans les luttes spirituelles du chrétien comme dans les batailles. Dieu est tout aussi disposé aujourd'hui que dans le passé à collaborer avec son peuple et à faire de grandes choses par de faibles instruments. Tout le ciel est prêt à répondre aux appels adressés à la sagesse et à la force d'en haut et à "faire infiniment au-delà de tout ce que nous demandons et pensons."(14) PP 540 3 Gédéon revint de la poursuite de l'ennemi pour recevoir des reproches de ses compatriotes. Lorsque, à son appel, les hommes d'Israël avaient rebroussé chemin pour poursuivre les Madianites, les Éphraïmites, par crainte du danger, étaient restés en arrière et s'excusaient du fait que Gédéon ne leur avait pas envoyé de sommation particulière. Mais lorsqu'ils apprirent la nouvelle du triomphe d'Israël, ils furent vexés de n'y avoir point participé. Ils avaient cependant, sur l'ordre de Gédéon, gardé les gués du Jourdain, arrêté les fuyards, tué un grand nombre d'ennemis, notamment les deux chefs, Oreb et Zéeb, et, par là, contribué à la victoire. Non contents de cela, bien que chargés de trophées, jaloux de Gédéon et irrités contre lui, ils l'apostrophèrent brutalement en ces termes: "Pourquoi as-tu agi ainsi à notre égard? Pourquoi ne nous as-tu pas appelés quand tu es allé faire la guerre contre les Madianites?" Sans tenir compte de l'intervention divine, ils parlaient comme si Gédéon avait agi de son propre chef. Ce fait, à lui seul, démontrait qu'ils n'étaient pas dignes d'être choisis comme instruments du Seigneur. PP 541 1 Gédéon leur répondit: "Qu'ai-je fait en comparaison de vous? Les grappillages d'Éphraïm ne valent-ils pas mieux que la vendange d'Abiézer? Dieu a livré entre vos mains les chefs des Madianites, Oreb et Zéeb. Qu'ai-je donc pu faire en comparaison de vous?" La jalousie d'Éphraïm aurait pu facilement engendrer une querelle suivie de violences. Mais la modeste réponse de l'homme de Dieu apaisa leur fureur, et ils s'en retournèrent chez eux satisfaits. Ferme et intransigeant lorsqu'il s'agissait de principes, ce "vaillant guerrier" manifesta en cette occasion un rare esprit de conciliation. PP 541 2 De retour de cette brillante victoire, les Israélites reconnaissants offrirent la royauté à Gédéon et à sa famille. Cette proposition se heurtait aux principes de la théocratie israélite et impliquait le rejet de Dieu comme roi d'Israël. La réponse de Gédéon montre la pureté de ses principes et la noblesse de ses mobiles: "Je ne régnerai pas sur vous, dit-il, et mon fils ne régnera point sur vous." PP 541 3 Mais un autre piège l'attendait, dans lequel il tomba. Une période d'inactivité succédant à de grandes luttes est souvent plus dangereuse que la bataille. Lorsque le peuple de Dieu a remporté une grande victoire, Satan s'acharne contre lui. Telle est l'explication des projets imprudents qui montèrent à l'esprit de Gédéon. Jusque-là, il s'était contenté de mettre à exécution les ordres du Seigneur. Poussé par une humeur remuante et impatiente, au lieu de se laisser conduire, il se mit à forger des plans pour lui-même. PP 541 4 Il se souvint de l'ordre qui lui avait été donné d'offrir un sacrifice sur le rocher d'Ophra, et conclut qu'il avait été appelé à exercer la prêtrise. Sans attendre aucune instruction divine, il prépara un lieu pour y célébrer un culte analogue à celui du tabernacle. Grâce à la faveur populaire, il n'eut aucune peine à mener son plan à bonne fin. Comme part du butin pris aux Madianites, il réclama toutes les boucles d'or. En outre, le peuple ajouta des objets de grand prix et les riches vêtements des rois de Madian. En possession de ces dons, Gédéon se fit un éphod et un pectoral sur le modèle de ceux que portait le grand prêtre. Cet acte inconsidéré eut des conséquences funestes pour lui, sa famille et tout Israël. Ce culte illégal induisit un bon nombre d'Israélites à abandonner Dieu et à adorer des idoles. Après la mort de Gédéon, l'apostasie se généralisa et envahit même sa famille. L'homme qui avait abattu l'idolâtrie finit par la ramener au sein de son peuple. PP 542 1 Peu de personnes se font une juste idée de la portée de leurs actes et de leurs paroles. Seul l'avenir dira l'influence exercée par les erreurs des parents sur leurs enfants et petits-enfants, dont ils devront rendre compte. Il y a plus: nos paroles et nos actes produisent sur nous-mêmes des réactions bienfaisantes ou déplorables. Cette pensée donne à la vie présente une solennité redoutable et doit nous pousser à demander à Dieu de nous guider. PP 542 2 Les hommes occupant de très hautes situations peuvent nous égarer. Les plus sages sont sujets à l'erreur et les plus forts peuvent trébucher. Il nous faut constamment recevoir la lumière d'en haut. Notre sécurité consiste à mettre toute notre confiance en celui qui a dit: "Suis-moi." PP 542 3 Après la mort de Gédéon, "les enfants d'Israël ... ne se souvinrent pas de l'Éternel, leur Dieu, qui les avait délivrés de la main de tous les ennemis d'alentour; et ils ne témoignèrent aucune gratitude à la maison de Jérubbaal-Gédéon, pour tout le bien qu'il avait fait à Israël". Le peuple oublia ce qu'il devait à son chef et libérateur, et choisit comme roi son fils naturel Abimélec qui, pour affermir son trône, assassina tous les fils légitimes de son père, sauf un seul. Les hommes qui abandonnent la crainte de Dieu s'éloignent rapidement des voies de l'honneur et de la vertu. Mais le sentiment de la miséricorde divine porte à la reconnaissance envers ceux qui, comme Gédéon, ont été des instruments de bénédiction pour leurs contemporains. Aussi la cruauté d'Israël envers la famille de Gédéon n'a-t-elle rien d'étonnant de la part d'un peuple qui manifestait envers Dieu une si noire ingratitude. PP 543 1 Après la mort d'Abimélec, sous l'administration de juges craignant Dieu, les progrès de l'idolâtrie cessèrent pour un temps. Mais Israël retomba bientôt dans les pratiques des peuples d'alentour. Dans les tribus du nord, les dieux de Tyr et de Sidon avaient beaucoup d'adorateurs. Dans le sud-ouest, on s'attachait aux idoles des Philistins, et dans l'est, à celles de Moab et d'Ammon, qui avaient détourné du vrai Dieu le coeur de leurs pères. Mais l'apostasie ne tarda pas à apporter avec elle son châtiment. Les Ammonites soumirent les tribus orientales, puis, traversant le Jourdain, ils envahirent le territoire de Juda et d'Éphraïm, tandis qu'à l'ouest, montant de leur plaine maritime, les Philistins pillaient et incendiaient la partie occidentale du pays. PP 543 2 Lorsqu'il se vit livré entre les mains d'ennemis implacables, Israël se souvint à nouveau de celui qu'il avait abandonné. "Alors, les enfants d'Israël crièrent à l'Éternel, en disant: Nous avons péché contre toi; car nous avons abandonné notre Dieu, et nous avons servi les Baals."(15) Mais ce repentir, arraché par le malheur, n'était pas réel. Le peuple déplorait que le péché lui eût attiré de si grands maux, mais non d'avoir déshonoré Dieu et désobéi à sa loi. La vraie conversion est plus que la douleur d'avoir péché: c'est une volte-face complète à l'égard du mal. PP 543 3 L'Éternel répondit à Israël par l'un de ses prophètes: "Ne vous ai-je pas délivrés des Égyptiens, des Amoréens, des enfants d'Ammon et des Philistins? Lorsque les Sidoniens, les Amalécites et les Madianites vous ont opprimés et que vous avez crié vers moi, ne vous ai-je pas délivrés de leurs mains? Mais vous m'avez abandonné et vous avez servi d'autres dieux; c'est pourquoi je ne vous délivrerai plus. Allez, et criez aux dieux que vous avez choisis; qu'ils vous délivrent au temps de votre détresse." PP 543 4 Cette dernière parole, qui dut frapper de terreur, reporte la pensée à une scène encore future: celle du jour du jugement où devront répondre tous ceux qui auront repoussé la miséricorde de Dieu et méprisé sa grâce. C'est devant ce tribunal que comparaîtront ceux qui auront mis les talents dont Dieu les avait gratifiés -- temps, fortune, intelligence -- au service des dieux de ce monde. Les hommes qui auront abandonné leur ami fidèle pour jouir du bien-être et du plaisir et qui, tout en se proposant de retourner à Dieu un jour, se sont laissé entraîner par les folies, les divertissements et les frivolités du monde, par les vanités de la mode ou les excès de table; les hommes qui, sourds à la voix de la vérité, ont endurci leur coeur, endormi la voix de leur conscience et trahi leur devoir; qui, en un mot, ont fait fi des choses éternelles et du sacrifice de celui qui s'est donné pour l'homme perdu, récolteront ce qu'ils ont semé. Ils entendront un jour ces paroles solennelles: PP 544 1 Puisque j'ai crié et que vous avez refusé d'entendre; Que j'ai étendu ma main, et que personne n'y prend garde; Puisque vous avez rejeté tous mes conseils, Et que vous ne voulez pas de mes remontrances, Je me rirai, moi aussi, de votre malheur. ... Quand la détresse et l'angoisse tomberont sur vous. Alors, ils crieront vers moi, mais je ne répondrai pas; Ils me chercheront de grand matin, mais ils ne me trouveront point. PP 544 2 Parce qu'ils ont haï la connaissance, Et qu'ils n'ont pas choisi la crainte de l'Éternel, Qu'ils n'ont pas pris plaisir à mes conseils, Et qu'ils ont dédaigné toutes mes remontrances, Ils savoureront les fruits de leur conduite, Et ils se rassasieront de leurs propres conseils! ... PP 544 3 Mais celui qui m'écoute habitera en sûreté, Il sera tranquille, sans crainte d'aucun mal.(16) PP 544 4 Les enfants d'Israël s'humilièrent devant Dieu. "Ils ôtèrent du milieu d'eux les dieux étrangers, et ils servirent l'Éternel, qui ne put supporter plus longtemps l'affliction d'Israël!" Tels sont la miséricorde incompréhensible et le patient amour de notre Dieu. Les Hébreux n'avaient pas plus tôt banni les péchés qui les séparaient de lui qu'il exauça leurs prières et opéra en leur faveur. Il suscita un libérateur en la personne de Jephté le Galaadite, qui déclara la guerre aux Ammonites et mit fin à leur tyrannie, après dix-huit ans d'oppression. Cette douloureuse leçon fut, hélas! bien vite oubliée, elle aussi. PP 544 5 Le peuple se livra de nouveau au mal, et Dieu permit une fois de plus à leur puissant voisin, les Philistins, de les opprimer. Les Israélites s'étaient mêlés à ces idolâtres; ils participaient à leurs fêtes et à leurs cultes au point qu'ils paraissaient s'être entièrement assimilés à eux d'esprit et de coeur. Mais, brusquement, ces prétendus amis devinrent leurs plus implacables ennemis et cherchèrent à les exterminer par tous les moyens possibles. Durant bien des années, ils furent cruellement opprimés et par moments écrasés par cette nation belliqueuse. PP 545 1 Comme à Israël, il arrive trop souvent aux chrétiens de vouloir gagner les bonnes grâces du monde en se conformant à ses coutumes. Mais ils finissent toujours par s'apercevoir que ces prétendus amis sont de très dangereux ennemis. Pour priver le peuple de Dieu de la protection divine et l'entraîner dans le péché et la perdition, Satan se sert de l'attrait des infidèles. Or, la Bible enseigne positivement qu'il ne saurait y avoir aucun accord entre le peuple de Dieu et le monde. "Mes frères, ne vous étonnez pas si le monde vous hait", écrit un apôtre. Jésus avait déjà dit: "Si le monde vous hait, sachez qu'il m'a haï avant vous."(17) ------------------------Chapitre 54 -- Samson PP 547 1 Enveloppés de tous côtés par le spectacle de l'apostasie, les fidèles adorateurs du Très-Haut ne cessaient de lui demander de venir à leur secours. Mais leurs prières semblaient rester sans réponse, et le joug de l'oppresseur s'appesantir d'année en année plus lourdement sur le pays. Dans sa providence, Dieu leur préparait un libérateur. Dès les débuts de la domination philistine, était né un enfant que Dieu destinait à humilier la superbe de ces puissants ennemis de son peuple. PP 547 2 Sur les confins de la contrée montagneuse qui bornait la plaine habitée par les Philistins, dans la petite ville de Tsoréa, habitait Manoah, un des rares Israélites qui fussent restés fidèles au Dieu du ciel. Sa femme, qui était stérile, reçut la visite d'un ange lui annonçant la naissance d'un fils qui délivrerait son peuple. Il lui donna en même temps les directives à suivre pour l'événement attendu: "Prends bien garde dès maintenant, lui dit-il, de ne boire ni vin ni boisson, et de ne manger rien d'impur."(1) Le même régime devait être celui de l'enfant dès sa naissance, et ses cheveux ne devaient jamais être coupés, car il serait consacré à Dieu comme naziréen.(1) PP 548 1 La femme décrivit l'ange à son mari et lui communiqua son message. Craignant de commettre quelque erreur dans la manière de s'acquitter de la tâche qui leur serait confiée, Manoah adressa à Dieu cette prière: "Ah! Seigneur, je te prie, que l'homme de Dieu que tu as envoyé vienne encore auprès de nous et qu'il nous enseigne ce que nous devons faire pour l'enfant qui doit naître." PP 548 2 L'ange reparut, et à la question de Manoah: "Quelle règle de conduite devra suivre l'enfant, et que fera-t-il?" il lui répéta les instructions données: "La femme s'abstiendra de tout ce que je lui ai dit. Elle ne mangera rien du produit de la vigne, elle ne boira ni vin, ni boisson, et elle ne mangera rien d'impur; elle observera tout ce que je lui ai prescrit." PP 548 3 Dieu réservait au fils promis une mission importante. Aussi, pour qu'il ait les aptitudes indispensables à son accomplissement, fallait-il que les habitudes de sa mère et les siennes fassent l'objet d'une rigide surveillance. Le régime alimentaire d'une future mère ayant une influence sur son enfant soit en bien, soit en mal, elle devait se conformer aux principes de la tempérance la plus stricte. Des conseillères mal avisées prétendent qu'une mère doit satisfaire tous ses désirs et caprices: suggestion aussi erronée que funeste, et que l'ordre solennel donné à la femme de Manoah suffit pour réduire à néant. PP 548 4 La même responsabilité incombe également aux pères de famille. Aussi bien que leurs épouses, ils transmettent leur nature physique et mentale, leur tempérament et leurs penchants à leur postérité. Que d'enfants sont privés, par l'intempérance de leurs parents, de vigueur physique, mentale et morale! Les buveurs, les fumeurs, les hommes dissolus s'exposent à transmettre et transmettent réellement à leur progéniture leur soif inextinguible, des nerfs irrités, un sang enflammé, des passions et des maladies repoussantes! Les enfants ayant moins de force de résistance aux tentations que leurs parents, il en résulte que chaque génération successive descend d'un degré sur l'échelle de la santé. Les parents sont donc pour une bonne part responsables, non seulement des passions violentes et des désirs déréglés de leurs petits, mais aussi de l'existence de milliers d'enfants qui naissent sourds, aveugles, rachitiques ou idiots. Chaque père et mère devrait s'inspirer de la question de Manoah: "Quelle règle devra suivre l'enfant?" Si tous ceux qui font peu de cas des influences prénatales voulaient relire les instructions solennelles données et réitérées au couple hébreu, ils verraient comment le Créateur envisage cette question. PP 549 1 Mais il ne suffisait pas que le fils attendu reçût de ses parents une bonne constitution; il fallait encore que ces mesures prénatales fussent suivies de la formation de bonnes habitudes. Dès son enfance, le futur juge et libérateur d'Israël devait être astreint aux règles sévères d'une tempérance rigoureuse. Naziréen dès sa naissance, il allait s'abstenir strictement de vin et de toutes boissons similaires. De même, il faut inculquer à tous les enfants dès l'âge le plus tendre la tempérance, le renoncement et la maîtrise de soi. PP 549 2 La prohibition de l'ange s'appliquait à tout aliment "impur". La distinction entre les animaux purs et impurs, loin d'être un règlement cérémoniel et arbitraire, est fondée sur des principes sanitaires. C'est surtout à l'observance de ces règles qu'il faut attribuer la vitalité merveilleuse qui distingue le peuple juif depuis des milliers d'années. Les principes de la tempérance ne s'appliquent pas seulement à l'usage des boissons fermentées. Il vont bien plus loin. Une nourriture stimulante et indigeste fait souvent à la santé un tort aussi considérable que ces boissons, et communique dans bien des cas les germes de l'intempérance. La vraie tempérance consiste à s'abstenir de tout ce qui est nuisible à la santé et à user avec modération de ce qui lui est favorable. Peu de personnes se rendent bien compte des rapports intimes qui existent entre leur régime alimentaire et leur santé, leur caractère, leur utilité dans ce monde et leur destinée éternelle. Le corps étant le serviteur de l'esprit et non le contraire, nos penchants doivent rester sous la domination de nos facultés intellectuelles et morales. PP 549 3 La promesse faite à Manoah se réalisa par la naissance d'un fils auquel il donna le nom de Samson (le batailleur). On ne tarda pas à remarquer que le jeune garçon possédait une force physique phénoménale, qui ne résidait pas, comme Samson et ses parents le savaient fort bien, dans la puissance de ses muscles, mais dans sa qualité de naziréen, dont sa chevelure était le symbole. Si Samson avait obéi aux commandements de Dieu aussi fidèlement que ses parents, sa carrière eût été plus noble et plus heureuse. Mais ses relations avec les idolâtres le pervertirent. La ville de Tsoréa n'étant pas éloignée du pays des Philistins, Samson y faisait de fréquentes visites. Il y contracta des liaisons qui assombrirent toute sa vie. Une jeune Philistine de la ville de Timna gagna son coeur, et il résolut de l'épouser. A ses parents pieux qui cherchaient à l'en dissuader, il n'eut que cette réponse: "Elle plaît à mes yeux."(2) Arrivé à l'âge viril, alors qu'il allait entrer dans sa divine mission et qu'il aurait dû être particulièrement fidèle au Seigneur, Samson se lia aux ennemis d'Israël! Il ne se demanda pas si, en épousant la personne de son choix, il allait glorifier Dieu ou si, au contraire, il ne rendait pas impossible la réalisation de sa vocation. Dieu a promis la sagesse aux hommes qui mettent sa volonté au-dessus de tout, et non à ceux qui sont résolus à suivre leurs caprices. PP 550 1 Que de gens imitent la conduite de Samson! Que de chrétiens ne cherchent pas le conseil de Dieu, n'ont pas sa gloire en vue, et chez lesquels le choix d'un mari ou d'une femme ne dépend que de l'inclination! En conséquence, que de mariages entre croyants et non-croyants! Au lieu que la foi chrétienne exerce une influence prépondérante dans cette question, il arrive trop souvent que les mobiles auxquels on obéit y sont complètement étrangers. Pour étendre constamment son influence sur le peuple de Dieu, Satan met en jeu des passions non sanctifiées et s'efforce de le pousser à s'unir avec ses sujets. Or, le Seigneur a placé à cet égard dans sa Parole les avertissements les plus précis: "Quel accord existe-t-il entre Christ et Bélial [un des noms de Satan], dit l'apôtre Paul, ou quelle part le fidèle a-t-il avec l'infidèle?"(3) PP 550 2 Les noces de Samson le mirent en rapports amicaux avec des gens qui haïssaient le Dieu d'Israël. De même, ceux qui contractent volontairement des relations de ce genre jugent indispensable de se conformer à un bon nombre d'usages et de coutumes de la société qui les entoure. Un temps précieux est ainsi gaspillé en pensées et en paroles qui sapent les principes par la base et ébranlent les convictions. PP 550 3 Avant même la fin des noces, la femme pour laquelle Samson avait transgressé les ordres de Dieu faisait preuve de duplicité vis-à-vis de son mari. Indigné de cette perfidie, il la quitte pour s'en retourner seul à Tsoréa. Revenu de sa colère, il revient chercher sa femme et la trouve mariée à un autre! Pour se venger, il met le feu aux blés et aux oliviers des Philistins, qui, de leur côté, font mourir la malheureuse femme, sans se rappeler que c'étaient leurs menaces qui l'avaient poussée à la trahison. Mis en fureur à l'ouïe du traitement barbare infligé à sa femme, Samson -- qui avait déjà donné des preuves de sa force extraordinaire en déchirant un jeune lion de ses mains et en tuant trente hommes d'Askalon -- "bat complètement les Philistins, en leur infligeant une grande défaite". Puis, pour échapper aux poursuites de ses ennemis, il se retire dans la caverne du rocher d'Étam, au pays de Juda. PP 551 1 Mais un fort détachement de Philistins pénètre dans la région, et les habitants de Juda, alarmés, consentent lâchement à lui livrer Samson. Trois mille hommes de Juda, auxquels il donne l'assurance qu'il ne leur fera pas de mal, viennent l'arrêter. Il consent à être lié et livré aux Philistins, à condition qu'ils ne le touchent pas, ce qui l'obligerait à les massacrer. Samson, lié de deux cordes neuves, est conduit dans le camp ennemi, où sa vue provoque de grandes démonstrations de joie. Mais tandis que leurs cris font retentir les échos des collines, "l'Esprit de l'Éternel le saisit, et les cordes qu'il avait aux bras deviennent comme du lin brûlé par le feu; les liens tombent de ses mains", puis, s'emparant de la première arme qui lui tombe sous la main, -- une mâchoire d'âne, qui devient plus redoutable qu'une épée ou une lance, -- il fait des Philistins un tel carnage qu'ils s'enfuient, fous de terreur, laissant mille morts derrière eux. PP 551 2 Si les Israélites avaient été disposés à se joindre à Samson pour compléter la victoire, ils auraient pu, à ce moment-là, secouer le joug de leurs oppresseurs. Mais, à force de négliger leur mission d'extirper les païens, ils devinrent timides et lâches. Ils s'étaient joints à eux dans leurs honteuses pratiques, toléraient leur cruauté et leur injustice tant qu'elle ne les touchait pas, quitte, si l'oppression fondait sur eux, à se soumettre abjectement. Il leur arrivait même, quand Dieu leur suscitait un libérateur, de l'abandonner et de se joindre à leurs ennemis. PP 551 3 Après sa victoire, Samson, établi juge par les Israélites, exerça cette fonction pendant vingt ans. Mais un acte coupable en prépare un autre. Comme il avait transgressé le commandement de Dieu en prenant une femme chez les Philistins, il retournait parfois chez ses ennemis mortels pour y satisfaire des passions coupables. Confiant en sa force extraordinaire, qui faisait l'effroi des Philistins, il se rendit un jour à Gaza pour y voir une prostituée. Quand ils apprirent son arrivée, les habitants de la ville se réjouirent à la pensée de la vengeance qu'ils allaient pouvoir satisfaire: leur adversaire ne s'était-il pas enfermé dans les murs d'une de leurs cités les mieux fortifiées? Sûrs de leur proie, ils attendirent le matin pour assurer leur triomphe. PP 552 1 A minuit, cependant, réveillé par la voix accusatrice de sa conscience, Samson revient à lui. Quoiqu'il ait violé son naziréat, Dieu ne l'abandonne pas, et sa force prodigieuse le sauvera, cette fois encore. Il se dirige vers la porte de la ville, "il en saisit les battants et les deux poteaux; il les arrache avec la barre, les charge sur ses épaules, et les porte au sommet de la montagne qui est en face d'Hébron". PP 552 2 Mais le danger qu'il vient de courir ne l'arrête pas sur la pente du mal. Il ne retourne plus chez les Philistins, mais continue de rechercher les plaisirs sensuels qui l'entraînent à sa perte. Non loin du lieu de sa naissance, il "s'éprend d'une femme qui habitait dans la vallée de Sorek; elle s'appelait Dalila". La vallée de Sorek était célèbre par ses vignes, et c'était là un attrait de plus pour le chancelant naziréen, qui avait déjà bu du vin, et brisé cet autre lien qui l'attachait à la vertu et à Dieu. Les Philistins, qui suivaient avec attention tous ses mouvements, apprirent bientôt le motif avilissant de sa visite, et résolurent de se servir de Dalila pour le perdre. PP 552 3 N'osant s'attaquer à Samson tant qu'il était en possession de sa grande force, ils résolurent d'en découvrir le secret. Ils envoyèrent donc à la vallée de Sorek une députation composée d'hommes influents des diverses provinces de la Philistie, qui soudoyèrent Dalila pour qu'elle leur révèle le grand mystère. PP 552 4 Accablé de questions par la perfide courtisane, Samson l'abuse en lui donnant diverses explications dont la fausseté est aussitôt dévoilée. Dalila accuse alors Samson de fourberie: "Comment peux-tu dire: Je t'aime, puisque ton coeur n'est pas avec moi! Tu t'es joué de moi trois fois, et tu ne m'as pas dit d'où vient ta grande vigueur." Par trois fois, Samson a eu la preuve que les Philistins se sont ligués avec Dalila pour le perdre, et chaque fois, son but manqué, elle a tourné la chose en plaisanterie. Dans son aveuglement, Samson bannit toute crainte. Une puissance fascinatrice le retient auprès de cette femme, qui "le harcèle tous les jours de questions et le fatigue de ses instances au point que son âme est impatientée jusqu'à la mort." Vaincu, Samson découvre finalement son secret: "Le rasoir, révèle-t-il, n'a jamais passé sur ma tête, car je suis naziréen, consacré à Dieu dès le sein de ma mère. Si j'étais rasé, ma force m'abandonnerait; je deviendrais faible, et je serais comme tout autre homme." PP 553 1 Dalila envoie alors immédiatement un messager aux gouverneurs de la Philistie, les pressant de venir sans retard. Tandis que l'hercule israélite dort, elle fait tomber sous le ciseau les tresses de son épaisse chevelure. Alors, comme auparavant, elle lui crie: "Les Philistins sont sur toi, Samson!" Réveillé en sursaut, il se dit: "J'en sortirai comme les autres fois, et je me dégagerai de leurs mains." Mais il constate "que l'Éternel s'est retiré de lui". Avant d'oser s'approcher, les Philistins obligent Dalila à l'irriter pour se rendre bien compte qu'il a perdu sa force. Alors ils le "saisissent, lui crèvent les yeux, le font descendre à Gaza, le lient d'une double chaîne d'airain, et lui font tourner la meule dans la prison". PP 553 2 Quelle déchéance pour le juge et champion d'Israël! Le voilà impuissant, aveugle, enchaîné et assujetti à d'abjectes et pénibles besognes. Petit à petit, il a violé les conditions de sa sainte vocation, et maintenant le voilà tombé au point de trahir son secret! Dieu l'a abandonné! A elle seule, sa longue chevelure n'avait aucune vertu; elle n'était que le signe de sa fidélité envers Dieu. Ce symbole sacrifié aux passions des sens, Samson perd en même temps les avantages dont il est le gage. PP 553 3 La souffrance, l'humiliation et les moqueries des Philistins lui en apprirent plus sur sa faiblesse qu'il n'en avait jamais su auparavant et l'amenèrent à la conversion. Ses cheveux ayant repoussé, sa force lui revint. Mais, enchaîné, il n'inspirait aucune crainte à ses ennemis, qui attribuaient leur victoire à leurs idoles, et insultaient le Dieu d'Israël. PP 553 4 Or, un jour, on annonça une grande fête en l'honneur de Dagon, le dieu-poisson, protecteur de la mer. Gens de la ville et de la campagne, peuple et seigneurs s'assemblèrent de toutes les parties de la plaine philistine. Le vaste temple, ainsi que les galeries, étaient bondés d'adorateurs. Une scène de liesse et de ripaille allait commencer. Après les pompes du sacrifice, viennent la musique et le reste. Pour finir, on amène Samson, comme suprême trophée de la puissance de Dagon. Son apparition est saluée par des cris de triomphe et des ricanements. Peuple et gouverneurs raillent l'impuissance du captif et louent le dieu qui a triomphé de leur adversaire. PP 554 1 A ce moment-là, Samson, se disant fatigué, demande la permission de s'appuyer contre les deux colonnes centrales qui soutiennent la toiture du temple. Puis il murmure silencieusement cette prière: "Seigneur Éternel, je te prie, souviens-toi de moi! O Dieu! donne-moi de la force, cette fois seulement, afin que je me venge des Philistins pour la perte de mes deux yeux!" Embrassant alors les deux colonnes de ses bras puissants, il jette ce cri terrible: "Que je meure avec les Philistins!" et, "d'un effort suprême", il se cambre en avant. ... "Les deux colonnes du milieu" qui soutiennent l'édifice oscillent, s'ébranlent, et le toit s'écroule avec fracas "sur les princes et sur tout le peuple qui s'y trouve". "C'est ainsi qu'il fit périr beaucoup plus de gens dans sa mort qu'il n'en avait fait périr pendant sa vie." PP 554 2 L'idole et ses adorateurs, prêtres et paysans, nobles et guerriers furent tous ensemble ensevelis sous les ruines du temple de Dagon. Parmi eux se trouvait celui que Dieu avait destiné à délivrer son peuple. La nouvelle de cette catastrophe étant parvenue en Israël, les compatriotes de Samson descendirent de leurs collines et, sans rencontrer d'opposition, ils retirèrent le corps de leur héros du milieu des décombres. "Ils remontèrent chez eux, et ils l'ensevelirent entre Tsoréa et Estaol, dans le tombeau de Manoah, son père." PP 554 3 La promesse de Dieu annonçant que c'était par Samson qu'il "commencerait à délivrer Israël des Philistins" s'était accomplie. Mais combien tristes avaient été les péripéties de cette vie qui aurait pu servir à la louange de Dieu et à la gloire de son peuple! Demeuré fidèle à sa mission divine, Samson aurait vu les desseins de Dieu se réaliser pour lui dans la respectabilité et l'honneur. Par ses capitulations devant la tentation, ses infidélités à l'égard de sa vocation, sa carrière entachée de défaites s'était terminée par l'esclavage et une mort lamentable. PP 555 1 Physiquement, Samson fut l'homme le plus fort qui vécut ici-bas. Mais en fait de force morale, d'intégrité et de volonté, il se place parmi les plus faibles. On confond souvent de fortes passions avec un fort caractère. Mais, au contraire, l'homme dompté par ses passions est faible. La vraie grandeur se mesure à la puissance des sentiments qu'on subjugue et non à celle des passions par lesquelles on est subjugué. PP 555 2 Le fils de Manoah fut entouré de soins providentiels qui le préparèrent pour l'oeuvre à laquelle il était destiné. Il avait grandi dans des conditions propres à développer la force physique, la vigueur intellectuelle et la pureté morale. Mais sous l'influence de mauvaises compagnies, il s'était peu à peu détourné de Dieu, sa seule sauvegarde, et il avait été emporté par le torrent du mal. Les hommes qui rencontrent des épreuves dans l'accomplissement de leur devoir peuvent être assurés de la protection divine. Mais ceux qui suivent volontairement le sentier de la tentation y tombent un jour ou l'autre. PP 555 3 Les hommes que Dieu se propose d'utiliser comme ses instruments en vue d'une oeuvre spéciale sont précisément ceux que Satan poursuit de ses tentations avec le plus d'acharnement. Il s'attaque à leurs côtés faibles. Il cherche, par certains défauts de caractère, à s'emparer de tout leur être, sachant bien que ces défauts, caressés, lui livreront la place. Mais nul n'est fatalement voué à la défaite, ni réduit à surmonter la puissance du mal par ses propres forces. Le secours est à la portée de tous ceux qui le désirent réellement. Les anges qui montaient et descendaient l'échelle de Jacob seconderont tout homme sincère dans sa marche vers les plus hauts sommets. ------------------------Chapitre 55 -- Samuel enfant PP 557 1 Elkana, riche Lévite de la maison d'Éphraïm, était pieux et intègre. Douce et modeste, Anne, son épouse, était également animée d'une foi sereine et d'une piété fervente. Le privilège, si ardemment convoité par tout Hébreu, de perpétuer son nom, leur avait été refusé: leur intérieur, heureux pourtant, n'était pas égayé par des voix enfantines. A l'exemple de beaucoup d'autres manquant de foi, Elkana se décida à contracter un second mariage, qui fut loin de lui porter bonheur. Des fils et des filles vinrent bientôt réjouir son foyer, mais la beauté de l'institution divine avait été sacrifiée, et la paix bannie de sa maison. Pennina, la seconde femme, jalouse et égoïste, y apportait des manières orgueilleuses et des propos effrontés. Pour Anne, la joie de vivre avait disparu, mais elle supportait son épreuve avec une touchante résignation. PP 557 2 Fidèle aux ordonnances du Seigneur, Elkana se rendait chaque année avec sa famille à Silo, aux grandes solennités, pour adorer et offrir le sacrifice, bien que, par suite d'irrégularités dans l'administration du sanctuaire, on n'y réclamât plus ses services. Mais ces saintes assemblées, consacrées au service de Dieu, étaient troublées par l'épouse acariâtre qui avait assombri sa vie. L'offrande d'actions de grâces faite, toute la famille se réunissait, selon la coutume, pour un festin qui devait être à la fois solennel et joyeux. A cette occasion, Elkana donnait à Pennina comme à chacun de ses fils et à chacune de ses filles sa portion du sacrifice. Plein d'égards envers Anne, et voulant indiquer par là que son affection pour elle était la même que si elle avait un fils, il lui offrait une portion double. La deuxième épouse, alors, dévorée de jalousie, réclamait bruyamment la préséance en vertu des faveurs que le ciel lui avait accordées. Puis elle raillait Anne dont la stérilité était pour elle un signe de la défaveur divine. Les mêmes scènes se répétaient chaque année. Anne, finalement, ne pouvant plus les supporter ni cacher sa tristesse, se mit à verser d'abondantes larmes et se retira de la fête. Son mari chercha en vain à la consoler. "Anne, lui dit-il, pourquoi pleures-tu? Pourquoi ne manges-tu pas, et pourquoi ton coeur est-il triste? Est-ce que je ne vaux pas mieux pour toi que dix fils?"(1) PP 558 1 Sans prononcer aucune plainte, Anne alla répandre devant Dieu la douleur qu'elle ne pouvait partager avec aucun être humain. Dans sa prière, elle le supplia de lui faire le don précieux d'un fils à élever pour lui. Puis elle fit le voeu solennel que si sa requête était exaucée, son enfant serait consacré au Seigneur dès sa naissance. PP 558 2 Tout en priant silencieusement, près de l'entrée du tabernacle, elle "répandait beaucoup de larmes". Un tel spectacle de piété était rare à cette époque. En revanche, la gloutonnerie, la joie bruyante, même l'ivrognerie se manifestaient fréquemment jusque dans les fêtes religieuses. Héli, le grand prêtre, ayant aperçu cette femme, crut qu'elle était ivre, et, pour la réprimander, il lui dit sévèrement: "Quand donc finira ton ivresse? Va donc faire passer ton vin." PP 558 3 Douloureusement affectée par cette parole inattendue, Anne répondit avec douceur: "Non, mon Seigneur; je suis une femme dont le coeur est affligé; mais je répands mon âme devant l'Éternel. Ne prends pas ta servante pour une femme de rien; car c'est l'excès de ma douleur et de mon affliction qui m'a fait parler jusqu'à présent." PP 559 1 Très touché, le grand prêtre, qui était un homme de Dieu, lui dit alors: "Va en paix, et que le Dieu d'Israël t'accorde la demande que tu lui as adressée." PP 559 2 La prière d'Anne fut exaucée. Elle enfanta le fils qu'elle avait tant désiré, et l'appela Samuel: "demandé à Dieu". Cet enfant qu'elle aimait de toute l'ardeur de son coeur de mère, qui la charmait par sa douce naïveté, et dont elle voyait se développer les facultés, lui devenait de jour en jour plus cher. Mais ce fils unique accordé miraculeusement à sa foi, ce trésor qu'elle avait consacré à Dieu, elle ne voulut pas le refuser à celui qui le lui avait donné. Aussitôt que l'enfant put être séparé de sa mère, elle accomplit son voeu. PP 559 3 Reprenant avec son mari le chemin de Silo, Anne présenta son précieux don au grand prêtre en ces termes: "C'est pour cet enfant que je priais. L'Éternel m'a accordé la demande que je lui avais faite. Moi aussi, j'en fais don à l'Éternel; il est consacré à l'Éternel pour tous les jours de sa vie." Héli fut profondément touché par la foi et la piété de cette femme d'Israël. Indulgent jusqu'à la faiblesse avec ses propres fils, il fut pénétré de respect et de confusion devant cette mère qui se séparait de son unique enfant pour le consacrer au service de Dieu. Intérieurement condamné pour son affection égoïste, il exprima son admiration et sa honte en s'inclinant devant Dieu. PP 559 4 Anne, débordante de joie et de gratitude envers le Seigneur, brûlait de manifester sa reconnaissance et sentait l'Esprit de l'inspiration descendre sur elle. Elle fit entendre cet hymne magnifique: PP 559 5 Cessez de tenir des propos arrogants; Que des paroles insolentes ne jaillissent plus de vos lèvres; Car l'Éternel est un Dieu qui sait tout, Et il ne laisse pas les crimes impunis! ... L'Éternel fait tressaillir mon coeur de joie. L'Éternel a relevé mon front. Ma bouche défie mes ennemis; Car son secours me remplit d'allégresse. PP 559 6 Nul n'est saint comme l'Éternel; Il n'y a pas d'autre Dieu que toi! Il n'y a point de rocher comme notre Dieu. L'Éternel fait mourir et il fait vivre; Il fait descendre au Séjour des Morts Et il en fait remonter. L'Éternel enrichit et il appauvrit; Il abaisse et il élève. Il fait sortir de la poussière le misérable, Et de la fange il retire l'indigent, Pour les faire asseoir à côté des princes, Et pour leur donner en héritage un trône de gloire; Car les colonnes de la terre sont à l'Éternel; Sur elles il a posé le monde. Il veillera sur les pas de ceux qui l'aiment; Mais les méchants périront dans les ténèbres; Car ce n'est point par sa propre force que l'homme aura la victoire. O Éternel! Que tes ennemis soient écrasés! Du haut du ciel l'Éternel tonnera sur eux! L'Éternel jugera les extrémités de la terre! Il donnera l'empire à son Roi; Il fera grandir la puissance de son Oint. PP 560 1 La prophétie d'Anne annonçait à la fois l'avènement de David, le futur roi d'Israël, et celui du Messie, l'Oint(2) de l'Éternel. Après une allusion aux paroles blessantes d'une femme querelleuse, son cantique passe à la destruction des ennemis de Dieu et au triomphe final de son peuple racheté. PP 560 2 De Silo, Anne revint à sa demeure de Rama, laissant derrière elle son enfant, appelé à s'initier, sous la surveillance du juge d'Israël, au service de la maison de Dieu. Dès ses premières lueurs d'intelligence, Samuel avait appris de sa mère à révérer Dieu et à se considérer comme lui étant consacré. Pour diriger ses pensées vers le Créateur, Anne n'avait rien négligé, et sa sollicitude ne se relâcha pas le jour de leur séparation. Le jeune garçon faisait tous les jours le sujet de ses prières. Chaque année, elle lui confectionnait une robe qu'elle lui apportait lorsqu'elle montait à Silo avec son mari. Dans ce petit costume, souvenir permanent de sa tendresse, chaque filament était entrelacé de prières. Elle ne demandait pas pour lui la gloire de ce monde, mais qu'il fût pur, probe, compatissant. Elle désirait pour lui la véritable grandeur qui consiste à honorer Dieu et à faire du bien à ses semblables. PP 560 3 La récompense d'Anne fut grande. Grand aussi est l'encouragement que peut puiser dans son exemple toute mère de famille qui réfléchit à la mission qui lui est confiée. Les humbles devoirs de la femme, si souvent considérés comme une corvée désagréable, devraient être envisagés comme un rôle noble et glorieux. Une mère de famille peut exercer une influence bénie dont les répercussions réjouiront son coeur. Sa mission consiste à former le caractère de ses enfants sur le divin Modèle, à conduire leurs pas, à travers la bonne et la mauvaise fortune, dans le sentier qui mène aux gloires célestes, à condition de suivre elle-même les enseignements de Jésus. PP 561 1 Le monde pullule d'influences corruptrices. La mode et le milieu exercent un grand pouvoir sur la jeunesse. Toute mère qui néglige d'instruire, de diriger, de réprimer ses enfants les verra s'engager tout naturellement sur la pente du mal et se détourner du bien. Aussi doit-elle répéter fréquemment la prière de Manoah: "Quelle règle de conduite doit suivre l'enfant, et que devra-t-il faire?" Si elle met en pratique les instructions de la Parole de Dieu, elle recevra la sagesse nécessaire. PP 561 2 "Cependant le jeune Samuel continuait à grandir, et il était agréable à l'Éternel aussi bien qu'aux hommes." Bien que vivant au tabernacle et occupé au service de Dieu, il n'était pas à l'abri d'influences nuisibles et de mauvais exemples. Les fils d'Héli ne craignaient pas Dieu et n'honoraient pas leur père. Aussi Samuel ne recherchait pas leur compagnie et n'imitait pas leur conduite. Sa constante préoccupation était d'être ce que le Seigneur voulait qu'il fût. Tous les jeunes peuvent en faire autant, car Dieu aime à voir même les tout petits enfants entrer à son service. PP 561 3 Par son caractère doux et aimant, généreux, obéissant et respectueux, Samuel ne tarda pas à gagner l'affection du vieux prêtre auquel il était confié. Affligé par la perversité de ses fils, Héli trouvait du réconfort en la compagnie de ce protégé si serviable et si affectueux. Nul père n'aima son fils plus tendrement que ce vieillard n'aimait ce jeune garçon. On s'étonnait de voir régner une telle affection entre ce simple enfant et le premier magistrat du pays, qui se plaisait à venir se reposer auprès de lui des angoisses et des remords que lui causaient le dérèglement de ses deux fils. PP 561 4 Certaines fonctions étaient interdites aux Lévites avant d'avoir atteint l'âge de vingt-cinq ans. Samuel fit exception à la règle. Encore enfant, il avait été revêtu d'un éphod en signe de consécration au service du sanctuaire. Dès son arrivée au tabernacle, on lui avait confié quelques devoirs en rapport avec ses capacités. Très humbles pour commencer, ces devoirs n'étaient pas toujours agréables; mais il s'en acquittait de son mieux et de bon coeur. Aussi lui offrait-on chaque année des responsabilités plus grandes. PP 562 1 Sa religion faisait partie de tous les devoirs de la vie. Il se considérait lui-même comme un serviteur de l'Éternel, et son service était accepté du ciel, parce qu'il était dicté par l'amour de Dieu et le désir sincère de faire sa volonté. C'est ainsi que Samuel devint le collaborateur du Seigneur des cieux et de la terre, ce qui le préparait à accomplir une oeuvre admirable au sein du peuple d'Israël. PP 562 2 Si l'on enseignait aux enfants à considérer leurs humbles occupations quotidiennes comme une tâche qui leur est assignée par le Seigneur, si on leur apprenait à travailler avec fidélité et intelligence, combien les travaux domestiques leur paraîtraient plus agréables et plus honorables! La pensée que chacune de nos besognes doit être accomplie pour le Seigneur donne un charme tout particulier aux occupations les plus humbles. Elle forme un lien entre les humains qui s'en inspirent et les êtres saints qui, dans les cieux, accomplissent la volonté du Créateur. PP 562 3 Le succès en cette vie nous permet l'entrée dans la vie éternelle, il dépend de l'attention minutieuse accordée aux moindres choses. Les plus petites comme les plus grandes oeuvres de la création sont marquées du sceau de la perfection. La main qui jette les mondes dans l'espace est celle qui forme les délicates fleurs des champs. Nous devons être parfaits dans notre sphère comme Dieu est parfait dans la sienne. La structure harmonieuse et symétrique d'un caractère beau et fort est composée d'actes et de devoirs successifs accomplis avec conscience jusque dans les plus petits détails. De simples marques de bonté, non seulement égaient le sentier de la vie, mais laissent derrière elles des traces bienfaisantes qui ne périront jamais. PP 562 4 La jeunesse d'aujourd'hui est aussi précieuse aux yeux du Seigneur et aussi utile au monde que le fut Samuel. Notre époque a besoin d'hommes de cette trempe. Jamais oeuvre pour Dieu et pour l'humanité n'a été plus grande que celle qui est de nos jours à la portée de ceux qui veulent être fidèles au mandat que Dieu leur a confié. ------------------------Chapitre 56 -- Héli et ses fils PP 563 1 A la fois prêtre et juge, Héli remplissait les deux plus hautes fonctions en Israël. Divinement choisi pour exercer le sacerdoce, et occupant le siège judiciaire le plus élevé, il était tout naturellement considéré comme un exemple à suivre, et exerçait par conséquent une grande influence sur tout le peuple. PP 563 2 Malheureusement, ce haut magistrat était incapable de diriger sa propre famille. Père indulgent, aimant la paix et la tranquillité, il ne savait pas user de son autorité pour corriger les mauvaises habitudes et réprimer les passions de ses enfants. Plutôt que de les punir, il préférait se taire et les laisser agir à leur guise. Au lieu de considérer l'éducation de ses fils comme une de ses responsabilités les plus importantes, il ne lui accordait qu'une attention distraite. PP 563 3 Le grand prêtre d'Israël n'ignorait pourtant pas qu'il avait le devoir d'élever et de corriger les enfants que Dieu lui avait confiés, mais il ne voulait pas les contrarier, et, à plus forte raison, les désavouer et les punir. Loin de penser aux terribles conséquences qui pouvaient en résulter, il négligeait de les former pour le service de Dieu et les devoirs de la vie. Il cédait à tous leurs caprices. PP 564 1 Dieu avait dit d'Abraham: "C'est lui que j'ai choisi, afin qu'il commande à ses enfants, et à sa maison après lui, de suivre la voie de l'Éternel, en faisant ce qui est juste et droit."(1) Héli, au contraire, se laissait dominer par eux. Cette faiblesse se révéla dans la perversité et l'inconduite de ces jeunes gens qui semblaient ignorer Dieu et sa loi. Familiarisés dès leur enfance avec le sanctuaire, au lieu d'en devenir plus respectueux, ils perdaient complètement de vue son caractère sacré. Le service divin, pour eux, était une chose profane. Leur père n'ayant jamais réprimé leur irrévérence envers son autorité, pas plus que leur manque de respect à l'égard des solennelles cérémonies du sanctuaire, l'âge mûr les trouvait pétris de scepticisme et d'insolence. PP 564 2 Bien qu'ils fussent impropres aux fonctions sacrées, on les avait chargés d'exercer le sacerdoce dans la maison de Dieu, où la manière de présenter les sacrifices avait été réglée de la façon la plus précise. Mais ces hommes impies, méprisant toute autorité jusque dans le service de l'Éternel, ne tenaient aucun compte des règlements relatifs aux sacrifices préfigurant la mort du Sauveur, et destinés à conserver dans les coeurs la foi au Rédempteur à venir. PP 564 3 Les sacrifices de prospérité étant surtout une expression de reconnaissance envers Dieu, on ne devait brûler sur l'autel que la graisse. Une portion spécifiée était réservée au prêtre, et la part principale devait être rendue à l'offrant. Il la consommait avec ses amis en un festin où tous manifestaient leur gratitude envers le grand sacrifice qui devait être offert pour le péché du monde. PP 564 4 Loin de s'associer à la solennité de ce service symbolique, les fils d'Héli ne songeaient qu'à en tirer des avantages personnels. Au lieu de se contenter de la part qui leur était attribuée, ils réclamaient une portion additionnelle. Plus que cela, ils prétendaient avoir le droit de choisir les morceaux qui leur plaisaient, et si on les leur refusait, ils menaçaient de s'en emparer de force. Le grand nombre de ces offrandes aux fêtes annuelles leur donnait ainsi l'occasion de s'enrichir aux dépens des adorateurs. PP 564 5 Cette conduite scandaleuse enleva au service divin sa solennité et attira le mépris sur les offrandes faites à l'Éternel.(2) On ne songea plus au grand sacrifice prototype vers lequel tous les regards auraient dû être dirigés. Et ainsi, "le péché de ces jeunes hommes était très grand aux yeux de l'Éternel". PP 565 1 Mais il y avait plus: ces prêtres indignes déshonoraient leur saint office par le libertinage et on les laissait souiller le temple de l'Éternel par leur présence! Outrés de l'inconduite d'Hophni et de Phinées, un grand nombre de gens cessèrent de fréquenter les cérémonies nationales. Le service de Dieu était méprisé et abandonné, et les gens enclins au mal s'y adonnaient avec d'autant plus d'impudence. La corruption et l'idolâtrie se répandaient parmi le peuple. PP 565 2 Héli, qui avait commis une grande erreur en confiant à ses fils l'administration des choses saintes, excusait leur dérèglement sous un prétexte ou sous un autre. Les choses en arrivèrent au point où le peuple vint se plaindre des actes de violence de ses fils. Il ne lui fut alors plus possible de fermer les yeux. Torturé par le chagrin, il ne put garder le silence plus longtemps. Mais ses fils, qui avaient grandi dans l'impiété, ne furent pas touchés de sa détresse. Ses douces réprimandes ne firent sur eux aucune impression et ne les amenèrent pas à changer de conduite. Pour faire son devoir, Héli aurait dû les destituer et les condamner à mort. Mais il n'osa pas les déshonorer publiquement, et il les maintint dans leur fonction, leur permettant ainsi de continuer à discréditer la cause de Dieu. Obstinément infidèle à sa tâche, le juge d'Israël allait connaître l'intervention divine. PP 565 3 "Un homme de Dieu alla trouver Héli, et lui dit: Ainsi parle l'Éternel: Ne me suis-je pas clairement révélé à la maison de ton père, quand Israël était en Égypte, au service du Pharaon? Je l'ai choisi parmi toutes les tribus d'Israël pour être mon prêtre, pour monter à mon autel, pour faire fumer les parfums et porter l'éphod en ma présence, et j'ai donné à la maison de ton père tous les sacrifices offerts par les enfants d'Israël. Pourquoi foulez-vous aux pieds les sacrifices que j'ai institués dans ma demeure? Tu honores tes fils plus que moi, et vous vous engraissez des prémices de toutes les offrandes d'Israël, mon peuple! C'est pourquoi, ainsi dit l'Éternel, arrière de moi cette pensée! Car j'honore ceux qui m'honorent, mais ceux qui me méprisent seront livrés au mépris. ... Et je m'établirai un prêtre fidèle, qui agira selon mon coeur et selon mon désir. Je lui bâtirai une maison stable, et il marchera toujours devant mon Oint." PP 566 1 Dieu accusait Héli d'honorer ses fils plus que lui. Au lieu de livrer à l'infamie leur conduite abominable, il avait préféré jeter le discrédit sur le service de Dieu. Ceux qui, dans leur affection aveugle, abandonnent leurs enfants à leurs égarements, les honorent plus que Dieu, puisqu'ils sont plus soucieux de leur plaire que d'honorer le culte du Seigneur. PP 566 2 En sa qualité de grand prêtre et de juge en Israël, Héli était responsable de l'état moral et religieux du peuple de Dieu et plus particulièrement de la conduite de ses fils. Après avoir cherché en vain à remédier au mal par des moyens pacifiques, au lieu de recourir à des mesures plus sévères, il s'était montré incapable de maintenir Israël dans un état de pureté, ce qui lui attirait le déplaisir de Dieu. Ceux qui n'ont pas le courage de condamner le mal, qui sont trop indolents ou trop indifférents pour purifier leur famille, ou l'Église de Dieu, sont responsables des conséquences de leur insouciance. Les maux que nous pourrions réprimer par notre autorité paternelle ou pastorale nous sont imputables au même degré que si nous en étions les auteurs. PP 566 3 Héli ne gouverna pas sa famille selon les principes divins prescrits aux parents. Il suivit sa propre méthode. Indulgent, il ferma les yeux sur les fautes et les péchés de ses fils dans leur jeune âge, en espérant que ces mauvaises tendances disparaîtraient avec le temps. Il s'imaginait que sa méthode éducative était meilleure que celle que Dieu avait donnée dans sa Parole. Il laissa croître chez les siens des penchants coupables, en se disant qu'ils étaient "trop jeunes pour être punis, et que ces défauts disparaîtraient avec l'âge". C'est ainsi que raisonnent une foule de gens qui oublient que les mauvaises habitudes deviennent une seconde nature. Les enfants qui grandissent sans frein cultivent des traits de caractère dont toute leur vie se ressentira, et qui, très probablement, se reproduiront chez d'autres. PP 567 4 Il n'y a pas de plus grand malheur pour une famille que l'insubordination des enfants envers leurs parents. Quand ceux-ci se soumettent à tous leurs désirs et leur permettent des choses défendues, les enfants perdent bientôt tout respect pour l'autorité paternelle comme pour l'autorité de Dieu et des hommes. Ils tombent dans les filets de Satan. L'influence d'une famille désordonnée est un danger pour la société; c'est un flot qui grandit et envahit les foyers, les communautés et les gouvernements. PP 567 1 Par sa position, Héli exerçait une plus grande influence que s'il avait été un homme ordinaire. Aussi sa vie de famille fut-elle imitée par tout Israël. L'effet néfaste de son indolence et de sa négligence se fit sentir dans des milliers de foyers. De même, les parents qui se disent religieux et tolèrent le mal chez leurs enfants exposent la vérité divine à l'opprobre. Le genre de piété d'une famille se reconnaît aux caractères qui se forment sous son atmosphère. Les actes parlent plus fort que les belles professions de piété. PP 567 2 Si grands, cependant, que soient les maux résultant de l'infidélité paternelle, ils sont dix fois plus funestes quand ils existent dans les foyers des conducteurs de l'Église. La culpabilité de ceux-ci est d'autant plus grande que leur position est plus élevée. PP 567 3 Dieu avait promis que la famille d'Aaron existerait à jamais devant lui. Mais cette promesse était valable à condition de se consacrer tout entier à l'oeuvre du sanctuaire, sans chercher ses avantages ni suivre ses inclinations naturelles. Aussi Dieu déclare-t-il: "Loin de moi cette pensée!" Mis à l'épreuve, Héli et ses fils s'étaient montrés indignes du sacerdoce. Ils n'avaient pas fait leur part: Dieu, qui avait promis de les bénir, ne pouvait faire la sienne. PP 567 4 L'exemple de ceux qui servent à l'autel doit inspirer aux fidèles la révérence pour Dieu et la crainte de l'offenser. Quand les serviteurs du Christ, ceux qui portent aux hommes le message de la réconciliation de la part de Dieu, mettent leurs saintes fonctions au service de leurs intérêts personnels ou de leurs passions, ils deviennent les meilleurs suppôts de Satan. Semblables à Hophni et Phinées, "ils attirent le mépris sur les offrandes faites à l'Éternel". Pendant un certain temps, ils peuvent cacher leurs vices, mais quand enfin leur véritable caractère est dévoilé, la foi chrétienne en reçoit une atteinte souvent désastreuse. Beaucoup éprouvent dès lors de la méfiance vis-à-vis de tous ceux qui prêchent la Parole de Dieu. Cette question se pose involontairement dans leur esprit: "Cet homme ne serait-il pas semblable à celui qui nous paraissait si chrétien, et qui s'est montré si corrompu"? La Parole de Dieu perd ainsi son pouvoir sur les âmes. PP 568 1 La réprimande qu'Héli adressa à ses fils renferme des paroles d'une portée solennelle et effrayante que chaque ministre de la Parole ferait bien de méditer: "Si un homme pèche contre un autre homme, Dieu peut intervenir; mais s'il pèche contre l'Éternel, qui interviendra en sa faveur?" Si les crimes d'Hophni et Phinées n'avaient nui qu'à leurs semblables, le juge aurait pu obtenir leur pardon en leur infligeant une peine et en exigeant une restitution. Ou s'ils n'avaient pas été coupables d'une faute volontaire, on aurait pu présenter pour eux une offrande pour le péché. Mais leurs forfaits se commettaient au cours de leur ministère comme prêtres du Très-Haut auquel ils présentaient eux-mêmes les offrandes pour le péché! Le service de Dieu en était si discrédité devant le peuple qu'aucune expiation en leur faveur ne pouvait être acceptée. Leur propre père, quoique lui-même grand prêtre, n'osait intercéder pour eux et ne pouvait les protéger de la colère d'un Dieu saint. De tous les pécheurs, les plus coupables sont ceux qui exposent au mépris les moyens que Dieu offre aux hommes pour les sauver; ce sont ceux qui "crucifient de nouveau, pour leur part, le Fils de Dieu et l'exposent à l'ignominie".(3) ------------------------Chapitre 57 -- L'arche chez les Philistins PP 569 1 Un autre avertissement allait être donné à la maison d'Héli, mais Dieu ne pouvait le communiquer ni au grand prêtre ni à ses fils, car leurs péchés, semblables à un épais nuage, avaient intercepté la présence du Saint-Esprit. En revanche, le jeune Samuel demeurait fidèle au sein de la décadence générale. Un message de condamnation lui fut alors confié pour ses maîtres et devint le signe de sa vocation de prophète du Très-Haut. PP 569 2 "Alors, la parole de l'Éternel était rare et les visions n'étaient pas fréquentes. Or il se trouva qu'Héli était couché à sa place habituelle. Il commençait à avoir les yeux troubles, et il y voyait à peine. -- La lampe de Dieu n'était pas encore éteinte, et Samuel était couché dans le temple de l'Éternel, où se trouvait l'arche sainte. Alors l'Éternel appela Samuel,(1) qui répondit: Me voici! Puis il accourut auprès d'Héli, et lui dit: Me voici, car tu m'as appelé. Héli répondit: Je n'ai pas appelé, recouche-toi." PP 569 3 L'appel ayant été répété trois fois, Samuel y répondit trois fois de la même manière. Héli se rendit compte alors que la voix de Dieu n'était pas adressée à son serviteur à cheveux blancs mais à un enfant. Il y avait là, pour la maison du grand prêtre, une réprimande amère, mais combien méritée! PP 570 1 Exempt d'envie ou de jalousie, le vieux prêtre conseilla à Samuel, au cas où la voix se ferait entendre à nouveau, de répondre: "Parle, ô Éternel, ton serviteur écoute!" Quand l'appel fut répété pour la quatrième fois, le jeune garçon se borna à dire: "Parle, ton serviteur écoute", si grand était son trouble à la pensée que le Dieu du ciel pût lui adresser la parole. Il se révélait à lui de façon qu'Héli en eût connaissance. PP 570 2 "L'Éternel dit à Samuel: Voici, je vais faire en Israël une chose que personne n'entendra sans que ses deux oreilles lui tintent. J'accomplirai alors sur Héli toutes les menaces que j'ai prononcées contre sa maison; je commencerai et j'achèverai. En effet, je lui ai annoncé que je condamnais à jamais sa famille, parce que, connaissant l'infâme conduite de ses fils, il ne les a pas réprimés. C'est pourquoi je jure à la maison d'Héli que jamais son iniquité ne sera expiée ni par sacrifices, ni par oblations." PP 570 3 "Or Samuel ne connaissait pas encore l'Éternel; la parole de l'Éternel ne lui avait pas encore été révélée." Cela veut dire qu'il ignorait encore les manifestations directes de la présence divine accordées aux prophètes. PP 570 4 La pensée qu'un si terrible message lui fût confié remplit Samuel de confusion et d'épouvante. Au matin, quoique oppressé par un si lourd fardeau, il se met à vaquer à ses travaux ordinaires, tremblant à la pensée qu'on ne lui pose des questions l'obligeant à faire part des jugements divins prononcés contre celui qu'il révère et qu'il aime. Dieu ne lui ayant pas ordonné de révéler ces effrayantes dénonciations, il demeure silencieux, évitant autant que possible la présence du prêtre. PP 570 5 Mais bientôt Héli, qui s'attend à quelque grand malheur pour lui et sa famille, fait venir Samuel et lui demande de répéter fidèlement ce que l'Éternel lui a dit. Le jeune garçon obéit, et le vieillard, humble et soumis, se courbe sous l'effroyable sentence. Il se borne à dire: "C'est l'Éternel; qu'il fasse ce qui lui semblera bon!" PP 570 6 Héli, cependant, ne montre pas un véritable repentir. Il confesse sa faute, mais sans changer de méthode. Dieu ayant, d'une année à l'autre, différé ses jugements, il aurait pu employer ce répit pour racheter le passé. Mais le vieillard ne prend aucune mesure efficace pour mettre fin aux iniquités qui souillent le sanctuaire et mènent des milliers d'Israélites à la perdition. Dans l'espoir de racheter sa négligence, il se borne à faire connaître à toute la nation le message d'avertissement et de censure adressé à sa maison, et auquel le peuple ne prendra pas plus garde que ses prêtres. La longanimité de Dieu ne servit de rien: Hophni et Phinées continuèrent à fermer l'oreille et le coeur aux menaces du ciel, et à s'enfoncer toujours plus dans le mal. PP 571 1 Les nations environnantes n'ignoraient pas ce qui se passait en Israël. Elles n'en devenaient que plus hardies dans l'idolâtrie et le crime, alors qu'elles auraient ressenti quelque remords si le peuple de Dieu avait conservé sa pureté. Mais le jour des rétributions approchait. On avait défié l'autorité de Dieu et méprisé son culte. Il était temps qu'il intervînt pour venger l'honneur de son nom. PP 571 2 "Israël sortit en guerre à la rencontre des Philistins, et campa près d'Ében-Ézer, tandis que les Philistins étaient campés à Aphek." Cette expédition avait été entreprise par les Israélites sans que Dieu l'eût conseillée, et sans l'assentiment du prêtre ou d'un prophète. "Les Philistins se rangèrent en bataille contre Israël; le combat s'engagea, et Israël fut battu par les Philistins, qui tuèrent sur le champ de bataille environ quatre mille hommes." Comme les troupes revenaient à leur camp, défaites et démoralisées, "les anciens d'Israël dirent: Pourquoi l'Éternel nous a-t-il laissé battre aujourd'hui par les Philistins?" Cent fois dignes des châtiments de Dieu, ils ne voyaient pas que leurs péchés étaient la cause de cette calamité. Ils dirent alors: "Allons prendre à Silo l'arche de l'alliance de l'Éternel; qu'elle soit ramenée au milieu de nous, et qu'elle nous délivre de la main de nos ennemis." PP 571 3 Dieu n'avait ni ordonné ni permis que l'arche fût transportée sur le lieu du combat. Mais quand les Israélites, qui comptaient sur elle pour remporter la victoire, la virent, portée par les fils d'Héli, ils poussèrent des cris de joie. D'autre part, quand les Philistins -- qui considéraient l'arche comme étant le Dieu d'Israël et lui attribuaient les exploits extraordinaires des Hébreux -- entendirent ces clameurs, ils "demandèrent: Que signifient ces grands cris de joie dans le camp des Hébreux? Alors on leur apprit que l'arche de l'Éternel était arrivée dans le camp, et ils eurent peur; car ils disaient: Dieu est venu dans le camp! Il n'en était pas ainsi ces jours passés. Malheur à nous! Qui nous délivrera de ces dieux si puissants? Ce sont ces dieux qui ont frappé les Égyptiens de toutes sortes de plaies dans le désert. Philistins! fortifiez-vous et soyez des hommes! de peur que vous ne deveniez des esclaves des Hébreux, comme ils ont été les vôtres. Soyez des hommes et combattez!" PP 572 1 Les Philistins livrèrent un furieux combat qui eut comme conséquence une défaite sanglante pour Israël: trente mille hommes jonchèrent le champ de bataille; l'arche de Dieu fut prise, et les deux fils d'Héli moururent en voulant la défendre. Une fois de plus, l'histoire enregistrait ce fait: l'iniquité du peuple de Dieu ne reste pas impunie. Plus est grande chez celui-ci la connaissance de la volonté divine, plus grave est son péché. PP 572 2 Un effroyable malheur venait de frapper Israël: l'arche de Dieu était entre les mains de l'ennemi. En perdant le symbole de la présence et de la puissance divines, il perdait sa gloire. Cette arche sainte rappelait les manifestations prodigieuses de son pouvoir. Chaque fois qu'elle était apparue, aux premiers jours d'Israël, des victoires extraordinaires avaient été enregistrées. Elle occupait le lieu très saint du tabernacle. Couverte par les ailes des deux chérubins d'or et enveloppée de la gloire de la Shékina, elle était le symbole visible du Dieu très-haut. Mais à cette heure néfaste, elle n'avait pas donné la victoire ni défendu son peuple consterné. PP 572 3 Les Israélites ne voyaient pas que leur religion formaliste les privait de la puissance de Dieu. L'arche était pour eux le symbole de la présence divine; mais ils violaient effrontément la loi qu'elle renfermait et contristaient le Saint-Esprit. Dans ces conditions, elle ne leur était pas plus utile qu'un sarcophage ou un coffret quelconque. En outre, Israël en était venu à considérer l'arche de la même façon que les païens regardaient leurs dieux, et à se figurer que la force et le salut résidaient en elle. Le culte qu'il rendait à l'arche n'était que du formalisme, de l'hypocrisie et de l'idolâtrie. Ses péchés l'avait séparé de Dieu, la victoire ne pouvait plus couronner ses armes. Il ne suffisait pas que l'arche et le sanctuaire fussent au milieu d'Israël. Ce n'était pas assez que les prêtres offrissent des holocaustes et que le peuple fût appelé le peuple de Dieu. Le Seigneur n'a pas égard à la prière de celui qui garde l'iniquité dans son coeur. Il est écrit que "si quelqu'un détourne l'oreille pour ne point écouter la loi, sa prière même est en abomination".(2) PP 573 1 A Silo, cependant, Héli, aveugle et accablé par l'âge, attend, "le coeur tremblant pour l'arche de Dieu", le résultat du conflit. Assis chaque jour devant la porte du tabernacle, près du grand chemin, il attend l'arrivée de quelque messager venant du champ de bataille. Enfin, un Benjamite, "les vêtements déchirés, la tête couverte de poussière", passe en courant sur le chemin qui monte à la ville. Sans faire attention au vieillard posté au bord de la route, il arrive à la cité et annonce la nouvelle de la catastrophe à la foule atterrée qui "se met à pousser des cris". PP 573 2 Le bruit des lamentations parvient jusqu'au prêtre solitaire. On lui amène le messager de malheur, qui lui dit: "Israël s'est enfui devant les Philistins; le peuple a même éprouvé un grand désastre. De plus, tes deux fils, Hophni et Phinées, sont morts." Bien que ces nouvelles fussent terribles, Héli put les supporter, car il s'y attendait. Mais le messager ajoute immédiatement: "Et l'arche de Dieu a été prise." Alors une expression d'angoisse indicible se peint sur le visage du vieillard. La pensée que son péché ait pu déshonorer Dieu au point de se retirer d'Israël dépasse la mesure de ses forces. Foudroyé par la douleur, "il tomba de son siège à la renverse", "se rompit la nuque et mourut". PP 573 3 La femme de Phinées, qui, contrairement à son mari, craignait et servait Dieu, fut également victime de la triple nouvelle de la perte de son époux, de la prise de l'arche et de la mort subite de son beau-père. Le dernier espoir d'Israël lui parut s'être envolé. A cette heure désastreuse, un enfant lui naquit, qu'elle nomma "Icabod" (la gloire a disparu), répétant tristement de sa voix mourante: "La gloire est bannie d'Israël. ... Oui, plus de gloire pour Israël; car l'arche de Dieu est prise." PP 573 4 Pour châtier l'infidélité de son peuple, le Seigneur se sert souvent de ses ennemis les plus acharnés. Les méchants peuvent alors triompher. Mais le moment vient où ceux-ci doivent, à leur tour, subir l'effet des jugements de celui qui punit l'iniquité partout où elle prévaut. Cependant, Dieu n'avait pas abandonné son peuple, et la joie des idolâtres ne fut pas de longue durée. Le Seigneur s'était servi des Philistins pour punir Israël: il va maintenant se servir de l'arche pour châtier les Philistins. Son invisible présence frappera de terreur et de destruction les contempteurs de sa loi. PP 574 1 Triomphants, les Philistins transportèrent l'arche à Asdod, l'une de leurs cinq principales villes, et la placèrent dans la maison de leur dieu Dagon. Ils s'imaginaient que la vertu qui avait toujours accompagné l'arche allait être mise à leur service, et que cette force, ajoutée à celle de Dagon, les rendrait invincibles. Mais quand on pénétra dans le temple, le lendemain matin, une scène jeta les Philistins dans la consternation: Dagon était à terre, prosterné sur sa face devant l'arche de l'Éternel. Les prêtres relevèrent respectueusement l'idole et la remirent à sa place. Le lendemain, ils la trouvèrent à nouveau devant l'arche, étrangement mutilée. La partie supérieure de l'idole ressemblait à un homme, et la partie inférieure à un poisson. Ce qui figurait un homme avait été séparé en tronçons, ne laissant entière que la partie ressemblant à un poisson. Saisis d'horreur, les prêtres et le peuple virent dans ce mystérieux événement le sinistre présage de leur destruction et de celle de leur idole par le Dieu des Hébreux. L'arche fut alors transportée du temple dans un bâtiment isolé. PP 574 2 Les habitants d'Asdod furent frappés d'une maladie douloureuse et fatale. Se souvenant des plaies qui avaient autrefois atteint les Égyptiens, le peuple attribua l'épidémie à la présence de l'arche, et on décida de l'envoyer à Gath. Le fléau la suivit; les habitants de cette ville expédièrent le redoutable meuble à Ékron dont la population, frappée de terreur, s'écria: "On transporte chez nous l'arche du Dieu d'Israël pour nous faire mourir, nous et notre peuple!" La ville eut beau demander protection à ses dieux, comme l'avaient fait les habitants de Gath et d'Asdod, l'invisible destructeur n'en continua pas moins son oeuvre, de sorte que "les cris de détresse montaient de la ville jusqu'au ciel". N'osant plus loger l'arche dans les lieux habités, les Philistins l'exposèrent en pleine campagne. Alors des souris infestèrent le pays et ravagèrent les produits du sol, aussi bien dans les greniers que dans les champs. La nation se vit alors menacée de destruction, tant par le fléau de la maladie que par celui de la famine. PP 574 3 L'arche resta ainsi sept mois en Philistie, sans que les Israélites fissent rien pour la recouvrer. Ce temps écoulé, les Philistins se montrèrent tout aussi désireux de s'en débarrasser qu'ils l'avaient été de s'en emparer. Au lieu d'une source de force, elle n'avait été qu'un fléau. Mais comment s'en défaire? Partout où elle était transportée, les jugements de Dieu la suivaient. On réunit les princes, les prêtres et les devins, et on leur demanda avec angoisse: "Que ferons-nous de l'arche de l'Éternel? Dites-nous de quelle manière nous devons la renvoyer à sa résidence habituelle." Les prêtres conseillèrent de lui adjoindre une riche offrande d'expiation, disant: "Si vous guérissez, vous saurez pourquoi sa main n'a cessé de peser sur vous." PP 575 1 Pour conjurer un fléau quelconque, les païens avaient coutume de faire une image de celui-ci ou de la partie du corps spécialement touchée. L'effigie d'or, d'argent ou de tout autre métal était placée comme talisman dans un lieu bien en vue. Une coutume analogue existe encore dans certains pays païens où l'on apporte avec soi dans le temple de son dieu, en qualité d'hommage, une image du membre malade. PP 575 2 Conformément à cette superstition universelle, les seigneurs philistins conseillèrent d'offrir "cinq imitations d'hémorroïdes d'or et cinq souris d'or, autant qu'il y avait de princes chez les Philistins, car, dirent-ils, une même plaie vous a tous frappés, vous et vos princes". PP 575 3 Ces hommes sages reconnaissaient qu'un pouvoir supérieur accompagnait l'arche; mais ils ne conseillaient pas au peuple de se détourner de son idolâtrie pour servir l'Éternel. Contraints, par des châtiments douloureux, de se soumettre à l'autorité du Dieu d'Israël, ils ne l'en haïssaient pas moins. C'est ainsi que des pécheurs, convaincus par les jugements du Très-Haut qu'il est inutile de combattre contre lui, se voient dans l'obligation de se soumettre à son pouvoir tout en repoussant son joug. Ce genre de soumission ne peut sauver personne. Pour être reçu en grâce, il faut s'abandonner à la volonté divine. PP 575 4 Il existait néanmoins, parmi les Philistins, des hommes prêts à s'opposer au retour de l'arche dans son pays. Un tel aveu de la puissance du Dieu d'Israël eût été, selon eux, humiliant pour l'orgueil de la Philistie. Mais "les prêtres et les devins" leur dirent: "Pourquoi endurcir votre coeur comme l'ont fait les Égyptiens et le Pharaon?" Un plan fut alors proposé qui reçut l'assentiment de chacun et fut aussitôt mis à exécution. Pour éviter tout danger de souillure, l'arche ainsi que les offrandes expiatoires en or furent placées sur un chariot neuf. A celui-ci, on attela deux jeunes vaches qui n'avaient jamais porté le joug. L'attelage fut alors laissé libre d'aller où il voulait. "Si l'arche monte du côté de son pays, vers Beth-Sémès, dirent les prêtres et les devins, c'est l'Éternel qui nous a fait ce grand mal; sinon, nous saurons que ce n'est pas sa main qui nous a frappés, mais que tout cela nous est arrivé par hasard." PP 576 1 Les jeunes vaches prirent en mugissant la route qui mène directement à Beth-Sémès. Guidées par une main invisible, les bêtes ne s'écartèrent pas de la route, et l'arche, accompagnée de la présence divine, arriva sans encombre à destination. PP 576 2 C'était au temps des blés. Les gens de Beth-Sémès moissonnaient dans la vallée. "Ils levèrent les yeux, aperçurent l'arche, et se réjouirent à cette vue. Le chariot arriva dans le champ de Josué, à Beth-Sémès, et s'y arrêta. Il y avait là une grande pierre; on fendit le bois du chariot, et on offrit les vaches en holocauste à l'Éternel." Les princes des Philistins, qui avaient suivi l'arche "jusqu'au territoire de Beth-Sémès", ayant été témoins de sa réception, s'en retournèrent chez eux, où ils constatèrent que la plaie avait cessé, et que, par conséquent, les calamités étaient un jugement du Dieu d'Israël. PP 576 3 Les Bethsémites répandirent aussitôt la nouvelle que l'arche était en leur possession, et les gens de la contrée environnante accoururent pour saluer son retour. Elle fut placée sur la pierre qui avait d'abord servi d'autel, et des sacrifices furent offerts devant elle à l'Éternel. Si ces Israélites s'étaient alors repentis de leurs péchés, ils auraient joui de la bénédiction d'en haut. Mais tout en se réjouissant du retour de l'arche comme d'un heureux présage, ils transgressaient la loi du Seigneur. Ils n'avaient de sa sainteté qu'une vague idée. Au lieu de préparer à l'arche un lieu convenable, ils la laissèrent dans le champ, tout en continuant à la contempler et à s'entretenir de la manière merveilleuse dont elle leur était revenue. Ils en vinrent à se demander en quoi pouvait bien consister son pouvoir extraordinaire, et finalement, vaincus par la curiosité, ils s'enhardirent à en soulever le couvercle. PP 577 1 Tout Israël avait appris à considérer l'arche avec une révérence mêlée d'un saint effroi. Des anges invisibles l'accompagnaient dans tous ses déplacements. Quand les Lévites la transportaient d'un lieu à l'autre, ils ne devaient pas même la regarder. Une fois l'an seulement, il était permis au grand prêtre de la contempler. Les Philistins, quoique idolâtres, n'avaient pas osé en soulever les draperies. Aussi l'audace irrespectueuse des Bethsémites fut-elle immédiatement châtiée. Un grand nombre d'entre eux furent frappés de mort soudaine. PP 577 2 Loin de se repentir de leur péché, les survivants regardèrent l'arche avec une crainte superstitieuse. Pressés de s'en débarrasser, et n'osant la toucher, les Bethsémites envoyèrent dire aux gens de Kirjath-Jéarim de venir l'emporter. Les habitants de cette ville savaient que l'arche était un gage de la faveur divine pour les fidèles. Pleins de joie à cette nouvelle, ils vinrent et l'emmenèrent solennellement en leur ville, et la déposèrent dans la maison du Lévite Abinadab. Celui-ci en remit le soin à son fils Éléazar, chez qui elle resta bien des années. PP 577 3 Après que l'Éternel se fut manifesté à Samuel en vision pour la première fois, celui-ci avait été reconnu comme prophète par le peuple tout entier. En communiquant courageusement l'avertissement de Dieu à la maison d'Héli, quelque douloureux et pénible que fût ce devoir, le fils d'Anne avait donné la preuve qu'il était digne d'être le messager du Très-Haut. "L'Éternel était avec lui; il ne laissait tomber à terre aucune de ses paroles. De Dan jusqu'à Béer-Séba, tout Israël reconnut que Samuel était établi prophète de l'Éternel." PP 577 4 En tant que nation, les Israélites étaient irréligieux et idolâtres. Samuel parcourait le pays, visitait les villes et les villages, s'efforçant de ramener les coeurs à Dieu. Ses travaux ne restèrent pas sans résultats. Après avoir subi le joug de ses ennemis durant vingt ans, "toute la maison d'Israël se lamenta après l'Éternel". Samuel leur donna ce conseil: "Si c'est de tout votre coeur que vous revenez à l'Éternel, ôtez du milieu de vous les dieux de l'étranger et les Astartés, attachez-vous de tout votre coeur à l'Éternel et servez-le, lui seul. Il vous délivrera de la main des Philistins." PP 578 1 La vraie piété était enseignée aux jours de Samuel comme au temps de notre Seigneur. Pour Israël, comme pour les chrétiens, les formes extérieures, sans la grâce, n'ont aucune valeur. Aujourd'hui comme alors, ce qu'il faut, c'est un réveil de la vraie religion du coeur. Le premier pas pour ceux qui veulent revenir à Dieu, c'est de se convertir. Nul ne peut le faire pour un autre. Individuellement, nous devons nous humilier devant Dieu et abandonner nos idoles. Quand nous aurons fait notre part, le Seigneur nous accordera son salut. PP 578 2 En réponse au désir des tribus, une grande assemblée se réunit à Mitspa, où un jeûne solennel fut célébré. Profondément humilié, le peuple confessa ses péchés, et, pour donner une preuve de sa fidélité, il investit Samuel de l'autorité de juge. Les Philistins, s'imaginant que cette assemblée était un conseil de guerre, rassemblèrent un fort détachement de troupes pour disperser les Israélites avant qu'ils fussent prêts au combat. La nouvelle de leur approche jeta la terreur parmi le peuple, qui adressa à Samuel cette supplication: "Ne cesse pas de crier pour nous à l'Éternel, notre Dieu, afin qu'il nous délivre de la main des Philistins." PP 578 3 Au moment où le prophète offrait un agneau en holocauste à l'Éternel, les Philistins s'approchèrent pour livrer bataille. Alors celui qui était descendu sur le mont Sinaï au milieu du feu, de la fumée et des tonnerres, celui qui avait ouvert la mer Rouge et partagé le Jourdain devant les enfants d'Israël manifesta de nouveau sa puissance. Un terrible orage s'abattit sur l'armée ennemie, et la terre fut couverte des cadavres de ces redoutables guerriers. PP 578 4 Partagés entre l'espérance et la crainte, les Israélites étaient demeurés silencieux. Quand ils virent les Philistins frappés à mort, ils comprirent que Dieu avait accepté leur conversion. Nullement préparés pour la guerre, ils s'emparèrent des armes des soldats mis hors de combat et poursuivirent l'armée en fuite jusqu'à Beth-Car. Cette victoire fut remportée sur le lieu même où l'arche avait été capturée, vingt ans auparavant, là où les Israélites avaient été battus par les Philistins, et les fils d'Héli tués. PP 578 5 On peut bien dire que, pour les nations comme pour les individus, le sentier de l'obéissance au Seigneur est celui de la sécurité et du bonheur, tandis que la voie de la transgression ne mène qu'à la défaite et au désastre. Les Philistins subirent une telle défaite qu'ils abandonnèrent les forteresses prises aux Israélites et s'abstinrent pendant bien des années de tout acte d'hostilité. D'autres nations suivirent leur exemple, de sorte qu'Israël eut la paix aussi longtemps que Samuel resta le seul administrateur des affaires. PP 579 1 Pour qu'on n'oubliât jamais cet événement, Samuel éleva, entre Mitspa et le rocher, une grande pierre comme mémorial. Il l'appela "Ében-Ézer", pierre du secours, disant au peuple: "Jusqu'ici, l'Éternel nous a secourus." ------------------------Chapitre 58 -- Les écoles de prophètes PP 581 1 La sollicitude de Dieu pour Israël ne se bornait pas aux seuls intérêts religieux du peuple. Tout ce qui touchait à son bien-être physique et à son éducation relevait de sa providence et rentrait dans la sphère de la loi divine. Dieu avait ordonné aux Hébreux d'enseigner ses ordonnances à leurs enfants et de les mettre au courant de tout ce qu'il avait fait pour leurs pères. C'était là un des devoirs essentiels des parents, dont ils ne pouvaient se décharger sur d'autres. Ce n'étaient pas des lèvres étrangères mais le coeur aimant du père et de la mère qui devait révéler Dieu à l'enfant. PP 581 2 La pensée du Très-Haut devait s'associer à tous les événements de la vie quotidienne. Il fallait que les grandes délivrances du passé, ainsi que les promesses du Rédempteur à venir, fussent souvent rappelées dans les familles israélites, et que l'usage de figures et de symboles aidassent à graver ces faits dans les mémoires. Les grandes vérités relatives à la providence divine et à la vie future étaient ainsi inculquées à la jeunesse, à laquelle on apprenait à voir Dieu à la fois dans la nature et dans les Écritures. Les étoiles, les arbres et les fleurs des champs, les monts majestueux et le murmure des ruisseaux, tout leur parlait du Créateur. D'autre part, les cérémonies solennelles du tabernacle, tant celles du culte public que celles des sacrifices, étaient aussi des révélations de Dieu. PP 582 1 Telle fut l'éducation de Moïse dans l'humble chaumière de Gossen et celle de Samuel sur les genoux de la fidèle Anne. Telle fut celle de David dans les montagnes de Bethléhem, et celle de Daniel avant la prise de Jérusalem et son exil à Babylone. Telles furent aussi les premières leçons de Jésus à Nazareth, et celles de Timothée, instruit dans les saintes Lettres par sa mère Eunice et Loïs, son aïeule.(1) PP 582 2 A l'instruction de la jeunesse israélite au foyer vint s'ajouter, au temps de Samuel, l'établissement des écoles de prophètes. On y admettait tout jeune homme désireux de sonder plus à fond les vérités de la Parole de Dieu et de devenir docteur en Israël. Samuel les fonda pour opposer une digue à la corruption, et travailler ainsi à la prospérité future de la nation en lui fournissant des hommes craignant Dieu et aptes à servir en qualité de dirigeants et de conseillers. PP 582 3 Les jeunes gens studieux, intelligents et pieux réunis dans ce but par Samuel étaient appelés "fils des prophètes". Alors qu'ils communiaient avec Dieu et étudiaient sa Parole et ses oeuvres, la sagesse d'en haut s'ajoutait à leurs talents naturels. Leurs maîtres versés dans la connaissance des saintes Lettres étaient revêtus de l'onction du Saint-Esprit. Pour leur science comme pour leur piété, ils inspiraient le respect et la confiance. Aux jours de Samuel, il existait deux de ces écoles: l'une à Rama, la résidence du prophète, l'autre à Kirjath-Jéarim où se trouvait l'arche de l'alliance. D'autres encore furent ouvertes plus tard. PP 582 4 Les élèves de ces écoles subvenaient à leur entretien par la culture du sol ou l'exercice de quelque métier. En Israël, on ne trouvait pas cela étrange ni contraire à la dignité. On regardait plutôt comme un crime le fait de laisser grandir un jeune homme sans lui apprendre un métier manuel. L'ordre de Dieu voulait que chaque enfant en eût un, même celui qui se destinait à une vocation religieuse. Jusqu'au temps des apôtres, beaucoup de conducteurs religieux en Israël subvenaient à leurs besoins par le travail de leurs mains. L'apôtre Paul et Aquilas ne sont pas moins honorés pour avoir gagné leur vie en faisant des tentes. PP 583 1 Les principaux sujets d'étude, dans ces écoles, étaient la loi de Dieu, y compris les instructions données à Moïse, l'histoire sainte, la musique sacrée et la poésie. L'enseignement y était bien différent de celui de nos écoles de théologie, dont beaucoup d'étudiants sortent moins avancés dans la vraie connaissance de Dieu et dans la vérité religieuse que quand ils y sont entrés. Dans l'ancien temps, l'unique but de toute étude était la connaissance de la volonté de Dieu et des devoirs de l'homme. On y cherchait les hauts faits du Seigneur dans les annales de l'histoire sacrée. On y dévoilait les grandes vérités renfermées dans les symboles du culte destinés à diriger les regards sur son objet central: l'Agneau de Dieu qui devait ôter le péché du monde. On y enseignait à s'approcher de Dieu avec foi, à étudier ses lois et à y obéir. Des maîtres qualifiés et sanctifiés tiraient du trésor de la vérité divine des choses nouvelles et des choses anciennes, et l'Esprit de Dieu s'y manifestait par des prophéties et des hymnes sacrés. PP 583 2 La musique devait élever les pensées vers les choses nobles et pures, et éveiller dans l'âme des sentiments d'amour et de reconnaissance envers Dieu. Quel contraste entre cette ancienne coutume et les usages auxquels, aujourd'hui, on fait trop souvent servir l'art musical! Que de personnes emploient ce don, non pour glorifier Dieu, mais pour se faire admirer! L'amour de la musique entraîne les imprudents à s'unir aux mondains dans des lieux de plaisir que Dieu a défendus à ses enfants. Il en résulte que ce don même, qui serait un grand bienfait s'il était bien employé, devient entre les mains de Satan un des plus puissants attraits pour éloigner des réalités éternelles. PP 583 3 La musique fait partie du culte rendu à Dieu dans les cours célestes. Aussi devons-nous, dans nos cantiques de louanges, nous rapprocher le plus possible des choeurs angéliques. La culture de la voix est une partie importante de l'éducation et ne devrait pas être négligée. Dans les services religieux, tout autant que la prière, le chant est un acte de culte. Mais pour donner à un cantique l'expression voulue, il faut que le coeur s'y associe. PP 583 4 Quelle différence entre ces écoles dirigées par les prophètes et nos établissements scolaires modernes! Qu'ils sont rares, ceux qui ne sont pas dirigés selon les principes et les coutumes du monde! On y constate une absence déplorable de fermeté et de discipline. D'où l'ignorance alarmante de la Parole de Dieu parmi les populations qui se disent chrétiennes. Un verbiage superficiel et sentimental, voilà ce qu'on décore du titre d'instruction morale et religieuse! La justice et la miséricorde divines, le charme de la sainteté, la certitude des récompenses futures comme des résultats funestes et irrévocables du péché, rien de cela n'est inculqué à la jeunesse. En échange, de mauvaises compagnies l'initient vers les sentiers du crime, de la dissipation et de la sensualité. Les éducateurs de notre époque n'auraient-ils pas quelque chose à apprendre des anciennes écoles des Hébreux? PP 584 1 Celui qui a créé l'homme a pourvu au développement de son corps, de son âme et de son esprit. Le succès de l'éducation dépend donc de la fidélité avec laquelle on se conforme au plan du Créateur. Au commencement, Dieu créa l'homme à son image et l'enrichit de facultés nobles et bien équilibrées. Par la chute et ses conséquences, ces dons ont été pervertis. Le péché a souillé et presque oblitéré l'image de Dieu en l'homme. C'est pour restaurer cette image que le plan du salut a été formé et qu'un temps d'épreuve nous a été accordé. Revenir à notre perfection originelle, tel est l'objet principal de la vie présente et le vrai but de l'éducation. L'oeuvre des parents et des pédagogues consiste donc à devenir "collaborateurs de Dieu"(2) dans la réalisation de son plan. PP 584 2 Toutes les facultés intellectuelles, morales et physiques de l'homme sont un don de Dieu et doivent être portées à leur plus haut degré possible de développement et de perfection. Mais cette culture ne doit pas être poursuivie dans un but égoïste. Le caractère de Dieu n'étant que bonté et amour, tous les talents qu'il nous a départis doivent être employés à sa gloire et au relèvement de nos semblables. Aussi est-ce dans cet emploi que nous trouvons notre exercice le plus pur, le plus noble et le plus heureux. PP 584 3 Si l'on donnait à ce principe l'attention qu'il mérite, on verrait un changement radical dans les méthodes d'éducation courantes. Au lieu de faire appel à la vanité, à une ambition égoïste, d'exciter une émulation malsaine, les éducateurs s'efforceraient d'éveiller l'amour du bien, du vrai et du beau, en un mot, la soif de la perfection. L'élève travaillerait au développement des dons qu'il tient de Dieu, non pour surpasser ses condisciples, mais pour réaliser le dessein du Créateur à son égard et réfléchir son image. Plutôt que de contempler des modèles humains, et d'avoir l'amour de la gloire comme mobile, il dirigerait ses regards vers le Créateur avec le seul désir de le mieux connaître et de lui ressembler davantage. PP 585 1 "Le commencement de la sagesse, c'est la crainte de l'Éternel, et la connaissance du Dieu saint, c'est la prudence."(3) La connaissance de Dieu, base de toute vraie éducation, telle est donc la grande affaire de la vie. Inculquer cette connaissance et former des caractères qui y soient conformes, tel devrait être le but de l'éducateur. La loi de Dieu est l'empreinte de son caractère. C'est ce qui fait dire au Psalmiste: "Tous tes commandements sont justes", et: "Tes commandements m'instruisent."(4) Dieu s'est révélé dans sa Parole et dans les oeuvres de la création. Il faut donc chercher à le connaître dans le Livre inspiré et dans la nature. PP 585 2 C'est une loi de notre esprit qu'il se conforme aux objets auxquels il s'arrête habituellement. S'il ne s'occupe que de choses frivoles et vulgaires, il se ravale et se rapetisse. S'il ne s'applique jamais à l'étude de problèmes difficiles, il se rétrécit et finit par perdre la faculté de se développer. Or, comme moyen d'éducation, la Bible est sans rivale. On y trouve matière aux pensées les plus profondes et aux plus hautes aspirations. On y voit à l'oeuvre la puissance qui a posé les bases de la terre et étendu les cieux. Elle renferme les récits historiques les plus instructifs qui soient. Sortie de la source de la vérité éternelle, elle a été, par une main divine, conservée pure à travers tous les siècles. Elle illumine un passé lointain que la science humaine cherche en vain à scruter. PP 585 3 C'est seulement là qu'on trouve une histoire de notre race que n'aient pas altérée les préjugés et l'orgueil des hommes. C'est là que sont enregistrées les luttes, les défaites et les victoires morales des plus grands hommes que le monde ait connus. C'est là que sont résolus les grands problèmes du devoir et de la destinée. Le voile qui sépare le monde visible du monde invisible y est soulevé pour nous permettre de contempler les péripéties de la lutte millénaire qui se livre entre les deux forces opposées qui s'affronteront jusqu'au triomphe final de la justice et de la vérité. Or, tout ce vaste tableau n'étant qu'une révélation du caractère de Dieu, sa contemplation respectueuse nous met en contact avec l'Esprit infini, et a pour effet non seulement d'ennoblir et de purifier notre être moral, mais de développer et de fortifier nos facultés mentales. PP 586 1 L'enseignement de la Bible a une haute portée sur la prospérité de l'homme dans tous les domaines et dans toutes les circonstances de la vie auxquels il contribue d'ailleurs à nous préparer. Il nous dévoile les principes qui sont à la base de la prospérité des nations, principes auxquels sont liés le bien-être de la société et la sauvegarde de la famille, et sans lesquels nul ne peut parvenir à l'utilité, au bonheur et à la considération en cette vie, pas plus qu'à la possession de la vie future. Étudiée et mise en pratique, la Bible donnerait au monde des êtres d'une intelligence plus puissante et plus fertile que ne pourrait le faire l'application la plus soutenue apportée à toutes les branches de la philosophie humaine. Elle produirait des hommes au caractère solide et ferme qui feraient honneur à Dieu et seraient en bénédiction à l'humanité. PP 586 2 L'étude des sciences, elle aussi, est une révélation de Dieu. Toute vraie science n'est qu'une interprétation des lois écrites par le doigt de Dieu dans le monde physique. De ses recherches, la science ne tire que de nouvelles preuves de la sagesse et de la puissance divines. Bien compris, le livre de la nature et l'Écriture sainte concourent à nous faire comprendre les lois sages et bienfaisantes au moyen desquelles Dieu opère. PP 586 3 Ceux qui instruisent la jeunesse doivent imiter l'exemple du divin Éducateur et apprendre à leurs élèves à reconnaître Dieu dans toutes les oeuvres de la création, tout en tirant des scènes familières de la nature des exemples qui mettent ses enseignements à la portée de tous. Les oiseaux voltigeant dans le feuillage, les fleurettes des prés, les arbres majestueux, les champs fertiles, les blés en herbe, les terrains stériles, le soleil couchant illuminant le ciel de rayons empourprés, tout lui servait de points de comparaison et se reliait aux paroles de vie qu'il prononçait. Aussi, ces mêmes scènes venant à se présenter aux regards, on se souvenait des précieuses leçons qu'il en avait tirées. PP 586 4 Dans les cieux et sur la terre, Dieu a établi entre nous et lui de nombreux points de contact. Le cachet de la divinité, si manifeste dans la Révélation, est également visible dans le spectacle des monts altiers, des vallées fertiles, de l'océan profond et sans limites. Toute la nature parle de l'amour du Créateur. Ce monde n'est pas uniquement chagrins et misères. Ces trois mots: "Dieu est amour" sont inscrits sur chaque bouton de fleur et sur chaque brin d'herbe. Si le règne du péché a fait pousser des épines et des chardons, il y a des fleurs sur ces derniers, et les épines sont cachées par des roses. Tout dans la nature atteste les soins tendres et paternels de notre Dieu et son désir de nous rendre heureux. Ses défenses et ses ordres n'ont pas pour seul but de prouver son autorité; dans tout ce qu'il fait il a en vue le bien-être de ses enfants. Il ne leur demande pas d'abandonner ce qui pourrait leur être utile. L'opinion selon laquelle la religion nuit à la santé est une des erreurs les plus pernicieuses. L'Écriture nous dit: "La crainte de l'Éternel conduit à la vie."(5) PP 587 1 Quel est l'homme qui prend plaisir à la vie, Qui souhaite de longs jours pour goûter le bonheur?... Garde ta langue du mal Et tes lèvres des paroles trompeuses. Détourne-toi du mal et fais le bien; Recherche la paix et poursuis-la.(6) PP 587 2 Mes paroles...sont la vie de ceux qui les trouvent, Et la santé de tout leur corps.(7) PP 587 3 La vraie religion rétablit l'harmonie entre l'homme et les lois divines, physiques, mentales et morales. Elle produit la maîtrise de soi, la sérénité, la tempérance, ennoblit l'esprit, épure l'appréciation des choses, sanctifie le jugement. Elle donne à l'âme un avant-goût de la pureté céleste. La confiance en Dieu et en sa souveraine providence allège le fardeau de nos tracas et de nos soucis. Dans la plus haute situation comme dans la plus humble, elle fait déborder le coeur de joie. La religion fortifie la santé, prolonge la vie et procure la jouissance de tous les bienfaits du ciel. Elle ouvre à notre âme une source intarissable de bonheur. Oh! si les hommes savaient combien les choses que Jésus-Christ leur offre sont supérieures à celles auxquelles ils aspirent! L'homme qui agit et qui pense contrairement à la volonté de Dieu fait à son âme le plus grand tort et la plus grande injustice. Il ne peut y avoir de joie réelle dans les sentiers interdits par celui qui n'a en vue que le bien de ses créatures et sait comment y contribuer. Le chemin de la transgression conduit au malheur et à la destruction, mais PP 588 1 Les voies de la sagesse sont des voies agréables, Et tous ses sentiers conduisent à la paix.(8) PP 588 2 L'étude du système d'éducation pratiqué par les Hébreux au point de vue physique autant que religieux n'est pas sans profit. Malheureusement, il est loin d'être apprécié à sa juste valeur, notamment en ce qui concerne les rapports intimes existant entre notre nature morale et intellectuelle et notre nature physique. Quoi de plus important pour la jeunesse que l'étude de notre merveilleux organisme et des lois de la santé? PP 588 3 En outre, aujourd'hui comme au temps d'Israël, il est indispensable à tout jeune homme de s'initier aux devoirs de la vie pratique et d'apprendre un métier. Cela est essentiel non seulement comme sauvegarde contre des vicissitudes possibles, mais aussi en vue du développement physique, mental et moral. Cette nécessité s'impose même à ceux qui croient n'avoir jamais besoin de travailler pour vivre. Nul ne peut conserver une forte constitution et une santé prospère sans exercices physiques. En consacrant une partie de leur temps au travail manuel, les jeunes gens apprendront à se suffire à eux-mêmes et se préserveront des pratiques dégradantes qui résultent si souvent de l'oisiveté. Tout cela est en harmonie avec le but primordial de l'éducation et tend à nous rapprocher du Créateur. PP 588 4 Si l'on faisait comprendre à la jeunesse que le but de l'existence est d'honorer Dieu, de faire du bien à son semblable et de la préparer à une haute destinée, on verrait des milliers de jeunes gens et de jeunes filles se détourner avec dégoût des ambitions mesquines et égoïstes, comme des plaisirs frivoles qui hantent leur imagination et leur coeur. Ils apprendraient à haïr le péché, non seulement dans l'espoir de la récompense ou dans la crainte du châtiment, mais parce que le péché est haïssable en lui-même, et que se mettre à son service, c'est dégrader les facultés que Dieu nous a prêtées en nous créant à son image. PP 588 5 Le Seigneur ne demande pas à la jeunesse d'être moins ambitieuse. Il ne veut pas qu'on étouffe en elle la volonté indomptable, l'effort vigoureux ou l'infatigable persévérance, pas plus que le désir de réussir et d'être honoré parmi les hommes. Par la grâce de Dieu, tous ces sentiments doivent être dirigés vers des buts aussi éloignés des intérêts égoïstes et temporels que les cieux le sont au-dessus de la terre. PP 589 1 Il y a plus. L'éducation commencée dans cette vie continuera dans la vie à venir. Dans ce monde-là, les oeuvres merveilleuses de Dieu, les preuves de sa sagesse et de sa puissance créatrice, le mystère infini de son amour révélé dans le plan de la rédemption se présenteront à nous dans une beauté toujours nouvelle. "Ce sont des choses que l'oeil n'a point vues, que l'oreille n'a pas entendues, et qui ne sont pas montées au coeur de l'homme, mais que Dieu a préparées pour ceux qui l'aiment."(9) PP 589 2 Dès maintenant, nous pouvons entrevoir quelques rayons de sa présence et jouir d'un avant-goût des joies célestes. Mais la plénitude de cette allégresse et de cette félicité ne sera connue que dans l'au-delà. Seule l'éternité nous révélera la glorieuse destinée à laquelle peut parvenir l'homme restauré à l'image de Dieu. ------------------------Chapitre 59 -- Le premier roi d'Israël PP 591 1 Israël était gouverné au nom et par l'autorité de Dieu. La tâche de Moïse, des soixante-dix anciens, des gouverneurs et des juges consistait simplement à faire observer les lois que le Seigneur avait lui-même proclamées. Ils n'avaient pas le droit d'en faire de nouvelles. Telle fut toujours la condition d'existence d'Israël en tant que nation. En outre, de siècle en siècle, des hommes de Dieu lui étaient envoyés pour l'instruire et veiller à l'exécution des lois. PP 591 2 L'Éternel avait prévu le jour où Israël demanderait un roi. Tout en le lui accordant, il veilla à ce qu'il n'y eût rien de changé dans les principes sur lesquels était fondé l'État. Dieu restait le chef de la nation, et sa loi, la loi suprême du pays. Le roi devait être le vicaire du Très-Haut. PP 591 3 Pendant les premiers temps qui suivirent leur établissement en Canaan, les Israélites se conformèrent de bon coeur aux principes de la théocratie, et le peuple prospéra sous l'administration de Josué. L'accroissement de la population et les rapports avec d'autres peuples amenèrent un changement dans les esprits. En adoptant bon nombre de coutumes de ses voisins idolâtres, le peuple perdit en grande partie le caractère saint et particulier qui le distinguait. Peu à peu, le respect pour Dieu diminua, et l'on fit moins de cas de l'honneur que l'on avait d'être le peuple élu. Éblouis par la pompe et le vain étalage des monarques païens, les Israélites se lassèrent de leur simplicité. D'autre part, la jalousie et l'envie éclatèrent entre les tribus. Affaibli par ses dissensions intestines, sans cesse exposé aux incursions de ses ennemis idolâtres, le peuple en vint à penser que pour conserver sa dignité parmi les autres nations, il devait s'unir sous un gouvernement central énergique et puissant. En se relâchant de leur soumission à la loi de Dieu, les Hébreux voulurent être délivrés du joug de leur céleste Souverain, et cette aspiration vers la monarchie devint générale. PP 592 1 Depuis les jours de Josué, le pays n'avait pas été gouverné avec autant de sagesse et de succès que sous l'administration de Samuel. Divinement investi de la triple charge de juge, de prophète et de prêtre, il avait travaillé avec un zèle infatigable et désintéressé au bien de son peuple. Sous sa prudente administration, Israël avait prospéré. L'ordre rétabli, la piété encouragée, l'esprit de mécontentement avait cessé de se manifester. Mais l'âge ayant obligé Samuel de partager avec d'autres les soucis du gouvernement, il avait, en accord avec le peuple, appelé ses deux fils à le seconder. Le prophète continuait d'exercer ses fonctions à Rama, tandis que ses fils, établis à Béer-Séba, administraient la justice dans la partie méridionale du pays. PP 592 2 Ces derniers ne se montrèrent pas dignes du choix de leur père. Dieu avait expressément déclaré que les gouverneurs d'Israël devaient juger avec droiture, traiter les veuves et les orphelins avec équité et ne pas recevoir de présents. Mais les fils de Samuel, "pour s'enrichir, acceptaient des présents et violaient la justice". D'autre part, le prophète, oublieux de l'expérience d'Héli, se montra trop indulgent avec ses fils, et le résultat de cette faiblesse ne tarda pas à se manifester dans leur conduite. PP 592 3 La partialité des deux jeunes magistrats causa beaucoup de mécontentement et servit au peuple de prétexte pour exprimer un désir caressé depuis longtemps. "Tous les anciens d'Israël, s'étant réunis, allèrent trouver Samuel à Rama et lui dirent: Te voilà chargé d'années, et tes fils ne suivent pas tes traces. Maintenant, établis sur nous un roi pour nous juger, comme en ont tous les peuples."(1) Les abus des fils de Samuel ne lui avaient pas été dénoncés. S'il les avait connus, il les aurait immédiatement destitués. Mais ce n'était pas là ce que voulaient les pétitionnaires. Samuel vit bien que le vrai mobile du mécontentement était l'orgueil, et que derrière la demande du peuple se cachait une détermination bien arrêtée. Aucune plainte n'était proférée contre lui. Chacun rendait hommage à la sagesse et à l'intégrité de son administration. Néanmoins, le vieillard crut voir dans cette requête une censure personnelle et une tentative directe de l'éliminer. Sans donner cours à sa tristesse ni adresser aucun reproche aux représentants du peuple, il en fit un sujet de prière et ne chercha de conseil qu'en Dieu seul. PP 593 1 "L'Éternel dit à Samuel: Obéis à la voix du peuple dans tout ce qu'ils te diront; ce n'est pas toi qu'ils rejettent, c'est moi qu'ils rejettent, afin que je ne règne plus sur eux! Ils agissent à ton égard comme ils ont toujours agi depuis que je les ai fait sortir d'Égypte jusqu'à ce jour." Le prophète était repris de s'être affligé de l'attitude du peuple en ce qui le concernait. Ce n'était pas à lui qu'on avait manqué de respect, mais à Dieu, qui avait jusque-là nommé les gouverneurs de son peuple. Ceux qui méprisent et rejettent un fidèle serviteur du Très-Haut ne s'en prennent pas à l'homme, mais au Maître qui l'a envoyé. Ce sont les paroles du Seigneur, ce sont ses réprimandes et ses conseils qui sont foulés aux pieds. C'est son autorité qui est bravée. PP 593 2 Les plus beaux jours d'Israël avaient été ceux où le peuple reconnaissait l'Éternel comme son roi, et où les lois et le gouvernement établi étaient reconnus comme supérieurs à ceux de tous les peuples. Voici ce que Moïse avait déclaré au sujet des commandements de Dieu: "Vous les observerez et vous les mettrez en pratique; car cela prouvera votre sagesse et votre intelligence aux yeux des peuples, qui, entendant parler de toutes ces lois, diront: Cette grande nation est le seul peuple sage et intelligent!"(2) Malheureusement, les Hébreux s'étaient écartés de la loi divine et n'avaient pas atteint la hauteur à laquelle ils étaient appelés. Aujourd'hui, ils accusaient le gouvernement de Dieu d'être la cause de tous leurs maux et de toutes leurs folies. Voilà à quel point le péché aveugle l'esprit humain! PP 594 1 Par les prophètes, Dieu avait prédit qu'un jour Israël aurait un roi. Mais cela ne prouvait nullement que cette forme de gouvernement fût meilleure ou conforme à sa volonté. Le Seigneur permettait simplement à son peuple de suivre son caprice, puisqu'il refusait de se laisser guider par ses conseils. Il lui fit dire par le prophète Osée: "Je t'ai donné un roi dans ma colère et je te l'ôterai dans mon indignation."(3) Quand les hommes préfèrent choisir leur propre voie sans demander conseil à Dieu, ou contrairement à sa volonté révélée, il accède à leurs désirs; mais c'est pour les amener, par des conséquences amères, à voir leur folie et à s'en détourner. L'orgueil et la sagesse de l'homme sont de dangereux guides. On finit toujours par découvrir que les désirs du coeur humain, quand ils sont contraires à la volonté de Dieu, sont une malédiction plutôt qu'un bienfait. PP 594 2 Dieu désirait que son peuple, sentant son impuissance, ne demandât des lois et n'attendît du secours que de lui. Les Hébreux auraient pu alors occuper la haute position à laquelle il les appelait. Lorsqu'ils auraient un roi, ils se détourneraient de leur Créateur, se confieraient davantage en la force humaine et suivraient les égarements de leur prince. PP 594 3 Samuel reçut l'ordre de se conformer au désir du peuple, tout en l'avertissant de la désapprobation divine et en lui faisant connaître les conséquences de son choix. "Samuel rapporta toutes les paroles de l'Éternel au peuple, qui lui demandait un roi." Il leur parla ouvertement des charges qui allaient leur être imposées et leur fit le sombre tableau de la condition qui serait la leur en contraste avec la liberté et la prospérité dont ils jouissaient. Il leur prédit que ce roi imiterait le luxe et la pompe des autres monarques en mettant lourdement à contribution leurs personnes et leurs biens. L'élite de vos jeunes hommes, leur dit-il, sera réquisitionnée à son service pour en faire les cochers de ses chariots et les cavaliers de sa garde. Ils composeront les rangs de son armée. Il les emploiera à cultiver ses champs, à recueillir ses moissons et à fabriquer des instruments de guerre à son usage. Les filles d'Israël seront enrôlées comme parfumeuses, cuisinières, boulangères. PP 594 4 Pour soutenir le train royal de sa maison, votre prince, ajouta-t-il, "prendra les meilleurs de vos champs que l'Éternel vous a donnés", "vos serviteurs et vos servantes, et jusqu'à vos ânes" pour "les employer à ses travaux". En outre, il réclamera le dixième de votre revenu, qu'il s'agisse de votre travail ou du produit de vos terres. "Et vous serez ses esclaves", dit le prophète en terminant. "Alors vous crierez à cause du roi que vous aurez choisi; mais l'Éternel ne vous répondra pas." Si dures que soient les exactions de votre roi, une fois la monarchie établie, il ne sera pas facile de l'abolir. "Le peuple refusa d'écouter la voix de Samuel. Ils dirent: Non, il nous faut un roi! Nous voulons être comme toutes les nations; notre roi nous jugera, il marchera à notre tête et sera notre chef à la guerre." PP 595 1 "Comme toutes les nations!" Les Israélites ne comprenaient pas qu'être à cet égard différents de tous les autres peuples, c'était un privilège spécial, un bienfait inouï. Dieu avait séparé Israël des autres nations pour en faire son trésor particulier, tandis que lui ne faisait aucun cas de cet honneur insigne et ne demandait qu'à suivre l'exemple des païens! Aujourd'hui encore, le désir de se conformer aux coutumes et aux usages du monde persiste au sein du peuple de Dieu. A mesure qu'il s'éloigne du bon chemin, il se met à ambitionner les gains et les honneurs de la terre, et à imiter ceux qui adorent le dieu de ce monde. PP 595 2 De nombreux chrétiens assurent qu'en se conformant aux usages des mondains et en s'unissant à eux, ils sont à même d'exercer sur les non-croyants une plus grande influence. Mais c'est le contraire qui arrive. Tous ceux qui suivent cette voie se séparent de la source de leur force. En se conformant au monde, ils deviennent ennemis de Dieu. Pour l'amour de quelques distinctions terrestres, ils sacrifient l'honneur ineffable auquel Dieu les a destinés: celui "d'annoncer les vertus de celui qui nous a appelés des ténèbres à sa merveilleuse lumière".(4) PP 595 3 Le prophète avait fait son devoir. Mais les Hébreux, las de sa piété et de son austérité, le rejetaient pour lui préférer un homme qui les gouvernât en roi. A son serviteur navré, l'Éternel dit: "Obéis à leur voix et donne-leur un roi." Samuel, le coeur brisé, congédia le peuple et se prépara au grand changement qui allait s'opérer dans le gouvernement. PP 595 4 La vie pure, pieuse et désintéressée de Samuel avait été une censure perpétuelle, tant pour les prêtres et les anciens égoïstes que pour la multitude orgueilleuse et sensuelle. Privée d'apparat et de pompe, son humble administration était honorée par le Rédempteur du monde dont il était le représentant. PP 596 1 Le caractère de Samuel était une image de Jésus, dont la pureté et la vie sainte provoquèrent la rage de Satan, et dont la vie, lumière du monde, révélait la dépravation cachée du coeur humain et allumait contre lui les plus violentes colères des hypocrites représentants de la piété. Il n'était pas venu dans le monde entouré de richesses et d'honneurs. Mais ses oeuvres prouvaient qu'il possédait une puissance supérieure à celle des plus grands princes de la terre. PP 596 2 Les Juifs attendaient un Messie qui briserait le joug de leurs oppresseurs, et cela tout en se cramponnant à leurs péchés, qui étaient la cause même de leur oppression. Si Jésus avait pallié leurs iniquités et loué leur piété, ils l'auraient choisi comme roi. Mais ils ne pouvaient supporter les censures dont il flagellait leurs vices. Ils méprisaient le charme d'un caractère fait de bonté, de pureté et de sainteté. Il en a été de même à tous les âges du monde. La lumière du ciel condamne ceux qui ne veulent pas la suivre. Désavoués par des hommes irréprochables, les hypocrites deviennent les suppôts de Satan pour opprimer et persécuter les fidèles. "Tous ceux qui veulent vivre pieusement en Jésus-Christ seront persécutés."(5) PP 596 3 En permettant à Israël d'établir un gouvernement monarchique, Dieu s'était réservé le droit de choisir le roi. Les Hébreux respectèrent ce droit, et le sort tomba sur Saül, fils de Kis, de la tribu de Benjamin. Les avantages personnels du futur monarque étaient de nature à flatter leur orgueil. "Il n'avait pas son pareil dans le peuple entier."(6) Dans la fleur de l'âge, d'un port noble, la taille haute et les traits agréables, il paraissait né pour commander. Mais, malgré tous ces avantages extérieurs, Saül était dépourvu des qualités essentielles qui constituent la vraie sagesse. Il n'avait pas appris dans sa jeunesse à réprimer l'impétuosité de ses passions, ni senti la puissance transformatrice de la grâce divine. PP 596 4 Fils d'un propriétaire riche et influent, Saül, selon la simplicité des temps, partageait avec son père les travaux de l'agriculture. Quelques-unes des bêtes de Kis s'étant perdues dans la montagne, Saül, accompagné d'un serviteur, se mit à leur recherche. Après trois jours de vaines randonnées, se trouvant non loin de Rama, la demeure de Samuel, le serviteur proposa à son jeune maître d'aller demander des renseignements au prophète. "J'ai sur moi un quart de sicle d'argent, dit-il; je le donnerai à l'homme de Dieu, et il nous indiquera notre route." La coutume de ce temps voulait qu'en allant voir un personnage important, on lui fît un petit présent. PP 597 1 Arrivés près de la ville, nos voyageurs rencontrèrent des jeunes filles qui étaient venues pour puiser de l'eau et leur demandèrent où était la demeure du voyant. Elles leur répondirent que le prophète venait d'arriver pour assister à un service religieux qui devait avoir lieu dans la localité même, et que le sacrifice offert au "haut lieu" serait suivi du repas usuel. Un grand changement s'était produit durant l'administration de Samuel. Au début, les services du sanctuaire étaient peu fréquentés.(7) A ce moment-là, en revanche, le culte du vrai Dieu était rétabli dans tout le pays, et le peuple était assidu aux assemblées religieuses. Mais elles n'avaient pas lieu au tabernacle. Les sacrifices étaient offerts dans les villes des prêtres et des Lévites, d'où l'expression de "hauts lieux". PP 597 2 Arrivés près de la demeure de Samuel, le fils de Kis et son serviteur, qui ne connaissaient pas le prophète, se trouvèrent face à face avec lui. Or, Dieu venait de lui dire: "Voici l'homme dont je t'ai parlé; car c'est lui qui dominera sur mon peuple." A la question de Saül: "Indique-moi, je te prie, la maison du voyant", Samuel répondit: "Le voyant, c'est moi." Et après lui avoir assuré que ses bêtes avaient été retrouvées, il le presse de rester à la fête, et lui laisse entrevoir la haute destinée qui l'attend: "Aussi bien, lui dit-il, à qui est destiné tout ce qu'il y a de plus précieux en Israël? N'est-ce pas à toi et à toute la maison de ton père?" PP 597 3 Saül tressaillit. La question d'un roi agitant tous les esprits, il ne put se méprendre sur le sens des paroles du prophète. Il répondit modestement: "Je ne suis qu'un Benjamite, de l'une des plus petites tribus d'Israël; ma famille est la moindre de toutes celles de la tribu de Benjamin. Pourquoi donc me tiens-tu un pareil langage?" PP 597 4 Samuel conduit alors son visiteur à l'assemblée, où les principaux de la ville l'attendent. Il donne l'ordre de réserver à Saül la place d'honneur et de lui servir les meilleurs morceaux. Le repas terminé, il l'emmène chez lui, et, dans un entretien particulier, lui expose les grands principes sur lesquels le gouvernement d'Israël a été établi et le prépare en quelque sorte à ses hautes fonctions. PP 598 1 Le lendemain, de bonne heure, Saül se remet en route, accompagné de Samuel. Après avoir traversé la ville, se laissant devancer par le serviteur, ils s'arrêtent, et "Samuel, prenant une fiole d'huile, la répand sur la tête de Saül, l'embrasse et lui dit: Voici l'onction que l'Éternel te confère pour que tu sois le chef de son héritage." Comme preuve que tout ce qui vient d'arriver a été fait sur l'ordre de Dieu, le prophète lui prédit tous les incidents qui doivent lui survenir pendant son retour chez lui, et il l'assure que l'Esprit de Dieu le qualifiera pour sa nouvelle charge. Il ajoute: "L'Esprit de l'Éternel te saisira, ... et tu seras changé en un autre homme. Quand tu auras vu ces signes se produire, agis selon les circonstances; car Dieu est avec toi!" PP 598 2 Saül reprit son chemin. Tout arriva comme le prophète l'avait prédit. Près de la frontière de Benjamin, on l'informa que les ânesses avaient été retrouvées. Non loin du chêne de Thabor, il rencontra trois hommes qui allaient adorer Dieu à Béthel. L'un d'eux portait trois chevreaux, l'autre trois pains, et le troisième une outre de vin pour le festin du sacrifice. Ils firent à Saül la salutation ordinaire, puis ils lui offrirent deux pains. Arrivé en sa propre ville, à Guibéa, il rencontra "une troupe de prophètes descendant du haut lieu, précédés de luths, de tambourins, de flûtes et de harpes, et qui chantaient les louanges de Dieu". Lorsque Saül se fut approché d'eux, il s'associa à leurs cantiques d'actions de grâces et se mit à prophétiser avec eux. Sa parole fut si éloquente, il apporta tant de ferveur à cet exercice, que ceux qui l'avaient connu s'écriaient: "Qu'est-il arrivé au fils de Kis? Saül est-il aussi au nombre des prophètes?" PP 598 3 Au cours de ce service divin tenu par les prophètes, un grand changement s'opéra en Saül. La lumière du Saint-Esprit, faite de pureté et de sainteté, brilla dans son coeur, en bannit les ténèbres et le révéla à lui-même tel qu'il était devant Dieu. Il entrevit la beauté d'une vie sainte. Le plan du salut qui, jusqu'alors, lui semblait vague et obscur, s'ouvrit devant son intelligence. Appelé à entrer en lutte contre le péché et contre Satan, il sentit qu'il n'aurait de force qu'en Dieu, et le Seigneur le remplit de courage et de sagesse pour ses futurs devoirs. PP 599 1 L'onction royale de Saül n'avait pas été portée à la connaissance de la nation, et le choix de Dieu devait être indiqué par le sort. Samuel convoqua alors le peuple à Mitspa. Après avoir imploré la bénédiction du ciel sur l'événement de la journée, on procéda à la cérémonie du sort, dont la multitude attendit le résultat en silence. La tribu, la famille et la maison furent successivement désignées, puis le sort tomba sur Saül, fils de Kis. Mais celui-ci n'était pas dans la foule. Accablé par le sentiment de la responsabilité qui allait tomber sur ses épaules, il s'était retiré à l'écart. On le ramena au sein de l'assemblée, qui admira sa démarche royale et sa taille majestueuse. "Il les dépassait tous de la tête." Samuel lui-même, en le présentant au peuple, s'écria: "Voyez-vous celui que l'Éternel a choisi? Il n'a pas son pareil dans le peuple entier." Pour toute réponse, la multitude, en longues et bruyantes acclamations, fit entendre ce cri: "Vive le roi!" PP 599 2 Alors "Samuel exposa au peuple le droit de la royauté", à savoir les principes sur lesquels le gouvernement monarchique était basé et par lesquels il devait être régi. Le pouvoir du roi était soumis à la volonté de Dieu, il n'était pas un monarque absolu. Le discours du prophète, consigné dans un livre, précisait les prérogatives du prince, ainsi que les droits et privilèges du peuple. Quoique ce dernier eût méprisé ses avertissements et l'eût contraint d'acquiescer à sa volonté, Samuel ne s'efforça pas moins de sauvegarder ses libertés. PP 599 3 S'il fut accepté par le peuple dans sa majorité, le choix de Saül rencontra néanmoins une forte opposition. Que le monarque eût été pris dans la tribu de Benjamin, la plus petite des tribus d'Israël, au mépris de celles de Juda et d'Ephraïm, les plus nombreuses et les plus puissantes, cela paraissait un affront intolérable aux protestataires, qui refusèrent de faire acte de soumission et d'apporter le présent d'usage. Les hommes qui demandèrent un roi avec le plus d'insistance étaient ceux-là même qui ne voulaient pas reconnaître avec gratitude celui que Dieu avait choisi. Chaque faction présentait ses candidats; plusieurs hommes influents convoitèrent cet honneur; l'envie et la jalousie entrant en jeu, les intrigues de l'orgueil et de l'ambition aboutirent au mécontentement et à la colère. PP 600 1 Dans ces circonstances, Saül, ne jugeant pas à propos d'assumer la dignité royale, laissa à Samuel l'administration de l'État comme auparavant, et retourna à Guibéa, honorablement escorté par un bon nombre d'Israélites, convaincus que son choix était voulu de Dieu, et déterminés à le soutenir. PP 600 2 Peu après l'élection de Saül, les Ammonites habitant à l'orient du Jourdain, leur roi Nahas en tête, envahirent le territoire d'Israël et vinrent mettre le siège devant Jabès de Galaad. Les habitants de cette ville demandèrent la paix, qu'ils offraient d'acheter par un tribut annuel. L'impitoyable Nahas n'y voulut consentir qu'à condition de crever l'oeil droit à tous les habitants, en signe perpétuel de son autorité. PP 600 3 Le peuple de la ville assiégée demanda un délai de sept jours, que les Ammonites acceptèrent, pensant rehausser par là l'éclat de leur victoire. Une demande de secours, qui fut immédiatement envoyée de Jabès aux tribus de la rive gauche, plongea Guibéa dans la consternation. C'était à la fin du jour. Saül, qui revenait des champs avec ses boeufs, entendit de loin un cri de lamentations qui trahissait quelque grande calamité. "Qu'a donc le peuple pour pleurer ainsi?" demanda-t-il. Apprenant l'inique et horrible proposition des Ammonites, tout son être se révolta. "Saisi par l'Esprit de Dieu,... il prit une paire de boeufs et les coupa en morceaux qu'il envoya par des messagers dans tout le territoire d'Israël, avec cet avis: Ainsi seront traités les boeufs de tout homme qui ne marchera pas à la suite de Saül et de Samuel." PP 600 4 A cette sommation répondirent trois cent trente mille hommes qui se réunirent à Bézec, sous les ordres de Saül. Sans retard, on fit savoir aux assiégés qu'ils pourraient attendre du secours dès le lendemain, le jour même où ils devaient faire leur soumission. Grâce à une marche forcée, Saül et son armée traversèrent le Jourdain et arrivèrent devant Jabès "dès la veille du matin". Divisant, comme Gédéon, ses troupes en trois compagnies, Saül fondit sur le camp des Ammonites, qui, ne soupçonnant aucun danger à cette heure matinale, se croyaient en parfaite sécurité. La panique de l'ennemi facilita sa défaite ainsi que le carnage qui s'ensuivit. "Ceux qui échappèrent furent tellement dispersés qu'il n'en resta pas deux ensemble." PP 601 1 La promptitude et la bravoure de Saül, comme l'habileté avec laquelle il avait su diriger des troupes aussi considérables, étaient précisément les qualités que les Israélites avaient rêvées pour leur roi: pouvoir se mesurer avec les autres nations. Aussi attribuèrent-ils l'honneur de la victoire à des qualités humaines, oubliant que sans la bénédiction divine tous leurs efforts n'auraient servi de rien. Dans l'excès de leur enthousiasme, quelques-uns proposèrent de mettre à mort les hommes qui avaient refusé de reconnaître l'élection de Saül. Le roi s'interposa par ces paroles: "Personne ne sera mis à mort en ce jour, car aujourd'hui l'Éternel a opéré une délivrance en Israël." Saül donnait là une preuve du changement qui s'était produit dans son caractère. Au lieu de prendre pour lui le crédit du triomphe, il l'offrait à Dieu. Et au lieu de s'abaisser à des actes de vengeance, il manifestait un esprit de générosité et de pardon, qui sont les preuves incontestables de la présence de Dieu dans un coeur. PP 601 2 Samuel proposa alors la convocation d'une assemblée nationale à Guilgal, où la royauté placée sur la tête de Saül pût être publiquement confirmée. Ainsi fut fait, et là, "en présence de l'Éternel, ils établirent Saül pour roi, ils offrirent à l'Éternel des sacrifices d'actions de grâces. Puis Saül et tout Israël se livrèrent à de grandes réjouissances." PP 601 3 Guilgal avait été l'emplacement de la première halte d'Israël en Canaan. C'était là que Josué, sur l'ordre de Dieu, avait dressé l'autel de douze pierres pour commémorer le miraculeux passage du Jourdain; là que la circoncision avait été renouvelée, et qu'on avait célébré la Pâque après le péché de Kadès et le séjour dans le désert; là que la manne avait cessé de tomber, et que le Capitaine de l'armée de l'Éternel était apparu comme commandant en chef des troupes d'Israël. De là, ces dernières étaient parties pour la conquête de Jéricho et d'Aï; là aussi, après son péché, Acan avait subi son châtiment, et Josué, pour avoir négligé de consulter l'Éternel, avait conclu un malheureux traité. C'est sur cette plaine aux souvenirs si émouvants que Samuel et Saül se présentèrent devant la foule. Dès que les acclamations adressées au roi eurent cessé, Samuel, résiliant ses fonctions, fit ses adieux à son peuple. PP 602 1 "J'ai obéi, dit-il, à votre voix dans tout ce que vous m'avez dit; j'ai établi un roi sur vous; désormais, voici le roi qui marchera à votre tête. Quant à moi, je suis vieux, j'ai blanchi. ... J'ai marché à votre tête depuis ma jeunesse jusqu'à ce jour. Me voici donc, témoignez contre moi devant l'Éternel et devant son oint. De qui ai-je pris le boeuf? De qui ai-je pris l'âne? Qui ai-je opprimé? A qui ai-je fait violence? De la main de qui ai-je reçu un présent pour fermer les yeux en sa faveur? Je vous le restituerai. Tout d'une voix, le peuple répondit: Tu ne nous as pas opprimés, tu ne nous as pas fait violence, et tu n'as rien pris de la main de personne." PP 602 2 Samuel ne cherchait pas seulement à justifier sa conduite. Il avait, peu auparavant, exposé devant le peuple les principes qui allaient régir le roi et la nation, et, à ses paroles, il avait voulu ajouter le poids de son propre exemple. Associé à l'oeuvre du Seigneur dès sa jeunesse, il n'avait eu, durant sa longue existence, qu'un seul objet en vue: la gloire de Dieu et le plus grand bien d'Israël. Le prophète savait, en outre, qu'il n'y avait pour son peuple de perspective de prospérité que s'il se reconnaissait coupable devant Dieu de la faute qu'il avait commise. Par suite de ses péchés, il avait perdu sa foi en Dieu, perdu le sentiment de la sagesse et de la puissance de celui qui seul était capable de défendre sa cause. Avant de trouver la vraie paix, il fallait que le peuple confessât son péché. "Il nous faut un roi, avait-il dit,... il nous jugera; il marchera à notre tête et sera notre chef à la guerre." PP 602 3 Et maintenant, Samuel récapitule l'histoire des Israélites depuis le jour où Dieu les a fait sortir d'Égypte. Le Roi des rois avait marché devant eux et combattu pour eux. Souvent, leurs péchés les avaient livrés entre les mains de leurs ennemis. Mais dès qu'ils s'étaient détournés du mal, la miséricorde de Dieu leur avait suscité un libérateur. L'Éternel vous a envoyé Gédéon et Barac, leur dit Samuel, et "Jephté et Samuel; il vous a délivrés des ennemis qui vous entouraient, et vous avez vécu en sécurité". Et néanmoins, menacés par un ennemi, "vous m'avez dit: Non! un roi régnera sur nous. Pourtant l'Éternel, votre Dieu, était votre roi." PP 602 4 Samuel continue: "En ce moment même, restez encore ici pour contempler la chose extraordinaire que l'Éternel va accomplir sous vos yeux. N'est-ce pas aujourd'hui la moisson des blés? J'invoquerai l'Éternel; il fera tonner et pleuvoir, afin que vous sachiez et que vous voyiez combien vous avez mal agi aux yeux de l'Éternel en demandant un roi. Alors Samuel invoqua l'Éternel; l'Éternel fit tonner et pleuvoir en ce jour-là." Au mois de mai et de juin, en Orient, il ne tombait point de pluie; l'air était doux, le ciel, serein et sans nuages. Aussi le violent orage qui éclata en ce moment sur la foule assemblée lui causa une vive frayeur. Humilié, le peuple confessa alors son péché, le péché même dont il était coupable: "Prie l'Éternel, ton Dieu, pour tes serviteurs, afin que nous ne mourions point; car nous avons ajouté à tous nos autres péchés la faute de demander un roi." PP 603 1 Mais Samuel ne laissa pas le peuple dans le découragement, ce qui eût entravé tout effort en vue d'une réforme, et donné à Satan l'occasion de faire considérer Dieu comme un être sévère et inflexible et non un Père toujours prêt à pardonner. Il lui adressa ce message réconfortant: "Ne craignez point. Oui, vous avez mal agi! Néanmoins, ne vous détournez pas de l'Éternel, mais servez-le de tout votre coeur. Ne vous détournez pas de lui; ce serait vous attacher à des idoles de néant, qui ne sauraient ni secourir ni sauver, car les idoles ne sont que néant. A cause de son grand nom, l'Éternel n'abandonnera pas son peuple." PP 603 2 Samuel ne fit aucune allusion à l'affront qui lui avait été fait; il n'adressa au peuple aucun reproche pour son ingratitude en retour d'un désintéressement qui ne s'était jamais démenti. Il assura au contraire Israël de l'intérêt incessant qu'il lui portait: "Loin de moi la pensée de pécher contre l'Éternel en cessant de prier pour vous. Je vous enseignerai le bon et droit chemin. Seulement, craignez l'Éternel et servez-le avec fidélité, de tout votre coeur; car voyez quelle merveille il vient d'accomplir sous vos yeux! Mais si vous faites le mal, vous serez détruits, et vous et votre roi." ------------------------Chapitre 60 -- La présomption de Saül PP 605 1 Après l'assemblée de Guilgal, Saül licencia l'armée levée pour combattre les Ammonites, ne réservant que deux mille hommes stationnés sous ses ordres à Micmas, et mille placés sous les ordres de son fils Jonathan, à Guibéa. Ce licenciement était une grave erreur. Pleine de courage comme l'était cette armée après sa récente victoire, il lui eût été facile de se jeter du même coup sur d'autres ennemis et d'établir fermement l'indépendance d'Israël. PP 605 2 Cependant leurs belliqueux adversaires, les Philistins, étaient actifs. Malgré leur défaite à Ében-Ézer, ils n'en avaient pas moins conservé quelques forteresses de montagne dans le pays d'Israël, et bientôt ils s'établissaient jusqu'au coeur du pays. En fait d'armes, d'engins de guerre et d'avantages extérieurs, les Philistins l'emportaient de beaucoup sur les Israélites. Durant la longue période de leur domination sur ces derniers, ils leur avaient défendu, pour les empêcher de s'armer, d'exercer le métier de forgeron. Après la conclusion de la paix, les Israélites avaient continué de se rendre aux forteresses de l'ennemi pour y faire exécuter leurs travaux de forge. Gagnés par une vie de facilité et amollis par une longue servitude, les soldats d'Israël avaient négligé de se procurer des armes. Ils pouvaient facilement se munir d'arcs et de frondes, alors employés pour la guerre, mais personne, parmi eux, sauf Saül et Jonathan, ne possédait une épée ou une hallebarde.(1) PP 606 1 Ce ne fut que la seconde année du règne de Saül qu'on fit une tentative pour soumettre les Philistins. Le premier coup fut porté par Jonathan, fils de Saül, qui attaqua et battit une de leurs redoutes dans la montagne. Exaspérés par cet affront, les Philistins se préparèrent à assaillir immédiatement Israël. Saül fit alors appeler à Guilgal, à son de trompe, tous les hommes de guerre, y compris ceux des tribus transjordaniennes. PP 606 2 Les Philistins avaient réuni à Micmas "trente mille chars, six mille cavaliers, et une multitude aussi nombreuse que le sable qui est au bord de la mer".(2) Quand cette nouvelle parvint à Guilgal où était campée l'armée de Saül, les Israélites furent si épouvantés qu'un grand nombre de guerriers repassèrent le Jourdain; d'autres se cachèrent dans les cavernes et les ravins, très nombreux dans cette région. A mesure que la bataille approchait, les désertions devenaient plus nombreuses, et ceux qui restaient dans les rangs étaient en proie à de sombres pressentiments. PP 606 3 Quand Saül fut oint roi sur Israël, il reçut de Samuel ces directives explicites: "Descends avant moi à Guilgal; je t'y rejoindrai pour offrir des sacrifices d'actions de grâces. Tu attendras sept jours jusqu'à ce que j'arrive; alors je t'instruirai de ce que tu devras faire."(3) PP 606 4 Saül attendit plusieurs jours sans faire de grands efforts pour encourager son armée à mettre sa confiance en Dieu. Avant l'expiration du délai fixé par le prophète, il commença à s'impatienter et à se décourager. Il aurait dû lui-même préparer sérieusement le peuple pour la solennité du sacrifice que Samuel allait présider, service qui exigeait que chacun fît un retour sur soi-même et reconnût ses péchés, en vue de la bénédiction divine nécessaire pour affronter la bataille. Les Hébreux allaient au-devant d'un désastre. Mais Dieu n'abandonnait pas son peuple. S'il l'exposait au danger, c'était pour lui montrer la folie de s'appuyer sur l'homme. En outre, le caractère de Saül allait être mis à l'épreuve. Cette circonstance devait lui donner l'occasion de se montrer digne des responsabilités qui lui incombaient, en s'en remettant à Dieu et en attendant patiemment ses ordres. Il prouverait ainsi que le Seigneur pouvait lui confier la direction de son peuple dans les moments difficiles. Le roi qu'a choisi Israël va-t-il diriger les regards de ses soldats défaillants vers celui qui conduit les monarques, en qui résident la force et la délivrance? PP 607 1 Poussé par son tempérament bouillant et par une impatience grandissante, Saül attribuait la confusion, la détresse et la désertion de ses troupes à l'absence du prophète, dont la providence divine retardait l'arrivée. N'y tenant plus, et pressé de calmer les craintes de l'armée, il résolut de présenter lui-même l'holocauste, fonction qui n'était permise qu'aux prêtres, fils de Lévi. D'ailleurs Dieu lui avait fait dire par Samuel qu'il révélerait, à ce moment-là, ce qu'Israël devait faire en cette circonstance, ce qui équivalait à la promesse d'une délivrance merveilleuse au moyen des quelques hommes qui lui étaient restés fidèles. Saül n'en donna pas moins cet ordre: "Amenez-moi l'holocauste",(4) et, armé de pied en cap, il offrit le sacrifice sur l'autel. PP 607 2 "Alors qu'il finissait de l'offrir, voici que Samuel arriva. Saül sortit au-devant de lui pour le saluer." Il était si satisfait de lui-même et de ce qu'il venait de faire, qu'il s'attendait à recevoir des félicitations plutôt qu'une censure. PP 607 3 Le visage de Samuel exprimait une profonde angoisse. A sa question: "Qu'as-tu fait?" Saül osa se justifier de l'acte qu'il venait de commettre. "Quand j'ai vu, dit-il, que le peuple commençait à se disperser, que tu n'arrivais point au jour fixé, et que les Philistins étaient rassemblés à Micmas, je me suis dit: Les Philistins vont tomber sur moi à Guilgal, et je ne me suis pas encore rendu l'Éternel favorable. Ainsi j'ai dû prendre sur moi d'offrir l'holocauste. PP 607 4 "Samuel dit à Saül: Tu as agi follement, tu n'as pas observé le commandement que l'Éternel, ton Dieu, t'avait donné. L'Éternel aurait affermi à toujours ta royauté sur Israël; mais maintenant ta royauté ne sera pas durable. L'Éternel s'est choisi un homme selon son coeur, et il l'a destiné à être le chef de son peuple. ... Puis Samuel se leva et monta de Guilgal à Guibéa de Benjamin." PP 607 5 Israël passait par une heure de crise. Il devait ou cesser d'être le peuple de Dieu ou maintenir le principe sur lequel la monarchie était fondée -- celui de la souveraineté du ciel. S'il voulait consentir à être entièrement au Seigneur et lui subordonner toute autorité humaine, Dieu continuerait d'être son Dominateur et son Défenseur. Un gouvernement qui ne reconnaîtrait pas la suprématie du Très-Haut ne pourrait jamais prospérer. Par la faute qu'il venait de commettre, le fils de Kis s'était montré indigne de la qualité de vice-roi de Dieu auprès de son peuple. En conséquence, le plan divin s'accomplirait par quelqu'un d'autre. Le gouvernement d'Israël serait confié à un homme qui régnerait selon la volonté du ciel. PP 608 1 Nous ne connaissons pas toujours toute la portée d'une épreuve. Il n'y a de sécurité pour nous que dans l'obéissance à la Parole de Dieu. Toutes ses promesses comportent une double condition: croire et obéir. Dès le moment où l'on renonce à obéir, la source des promesses de l'Écriture est tarie pour nous. Nous n'avons pas à suivre nos impressions ni à nous fier au jugement des hommes. Quelles que soient les circonstances, notre seule consigne est de suivre la volonté divine. Dieu se charge des conséquences. En demeurant fidèles à l'heure de l'épreuve, nous prouvons aux hommes et aux anges que dans les conjonctures difficiles, Dieu peut avoir confiance en nous pour exécuter sa volonté, honorer son nom et encourager son peuple. PP 608 2 Saül s'était aliéné la faveur de Dieu et refusait de s'humilier. Il pensait pouvoir compenser ce qui lui manquait en piété réelle par son zèle pour les formes du culte. Bien qu'il fût parfaitement au courant de ce qui s'était passé quand l'arche de Dieu avait été amenée à la bataille par Hophni et Phinées, il n'en fit pas moins venir au camp l'arche et un Lévite dans l'espoir d'inspirer confiance au peuple et de ramener ses troupes dispersées. Il songeait d'ailleurs à se passer désormais de la présence, des conseils et des observations peu agréables du prophète. PP 608 3 L'Esprit de Dieu s'était efforcé d'éclairer l'intelligence et de toucher le coeur du premier roi d'Israël. Samuel l'avait fidèlement et franchement averti; mais il n'en avait pas profité, au contraire. Il y a là un triste exemple de la force des mauvaises habitudes contractées dans le jeune âge. Dans sa jeunesse, Saül n'avait pas aimé Dieu ni craint de lui déplaire. Aussi son esprit impétueux, non accoutumé à la soumission, était-il toujours prêt à se révolter contre la volonté divine. Ceux qui, dans leurs jeunes années, se sont fidèlement acquittés de leurs devoirs, sont prêts à assumer, à l'âge mûr, des fonctions plus élevées. Mais quand on a pris un faux pli pendant longtemps, il est bien difficile de se tourner brusquement, d'un jour à l'autre, dans une direction opposée. PP 609 1 Saül s'efforça en vain de rallier le peuple. Avec son armée, réduite à six cents hommes, il quitta Guilgal et se retira dans la forteresse récemment occupée par les Philistins. Celle-ci était située sur le versant méridional d'une gorge profonde, à quelques kilomètres de l'emplacement de Jérusalem. Au nord de cette vallée, à Micmas, était campée l'armée des Philistins, d'où des bandes de pillards se dirigeaient de côté et d'autre pour ravager la contrée. Cette crise avait pour but de châtier la perversité de Saül et de donner à son peuple une leçon d'humilité et de foi. PP 609 2 La témérité sacrilège du roi devait le priver de l'honneur de la victoire. L'instrument choisi pour délivrer Israël fut un jeune homme craignant Dieu: Jonathan, le propre fils de Saül. Poussé par une inspiration divine, il proposa à son écuyer d'aller tenter un coup de main contre l'ennemi. "Peut-être l'Éternel agira-t-il pour nous, lui dit-il; car rien n'empêche l'Éternel de donner la victoire au petit nombre aussi bien qu'au grand."(5) L'écuyer, homme de foi et de prière, ayant épousé son dessein, ils quittèrent secrètement le camp, de peur qu'on ne s'opposât à leur projet. Après avoir adressé une ardente prière au Gardien de leurs pères, ils s'entendirent sur un signe qui devait leur révéler ses directives. Ils descendirent au fond de la gorge qui séparait les deux armées, et profitant des aspérités de la montagne, ils en escaladèrent silencieusement le flanc opposé, qui se trouvait dans l'ombre. PP 609 3 Quand ils furent près de la forteresse, ils se montrèrent aux Philistins. Ceux-ci en les voyant, ricanèrent: "Montez donc jusqu'à nous!" Jonathan et son écuyer avaient convenu par avance que ce serait le signe que Dieu favorisait leur projet. Ils disparurent alors, et par un passage secret, très escarpé, les deux guerriers s'avancèrent jusqu'au sommet d'un rocher qui semblait inaccessible, et qui était peu fortifié. Ils se trouvaient ainsi dans le camp ennemi. Les sentinelles surprises et effrayées n'offrirent aucune résistance et furent mises à mort. PP 610 1 Jonathan et son compagnon, secondés et protégés par les anges de Dieu, se jetèrent sur les hommes du poste, qui tombèrent devant eux. A ce moment, un tremblement de terre fit entendre un bruit ressemblant à une multitude de cavaliers et de chariots qui approchaient. Les Philistins comprirent que Dieu opérait en faveur d'Israël. La panique envahit tout le camp. Prenant, dans leur affolement, leurs propres soldats pour des ennemis, les Philistins se mirent à s'égorger les uns les autres. PP 610 2 Le bruit du combat parvint à l'armée d'Israël. Des sentinelles avertirent le roi qu'une grande confusion régnait chez l'adversaire. Saül demanda si quelqu'un avait quitté le camp. Personne ne manquait sauf Jonathan et son écuyer. Voyant que les Philistins reculaient et que leur nombre diminuait, Saül, à la tête de son armée, se lança à l'assaut. Les Israélites qui avaient passé à l'ennemi se retournèrent contre lui. Un bon nombre de guerriers sortirent aussi de leurs cachettes, et, tous ensemble, ils firent un grand carnage de l'armée en fuite. PP 610 3 Le roi voulut tirer le plus grand parti possible de la situation. Il défendit sottement à ses hommes de rien manger de toute la journée, ajoutant à son ordre cette imprécation: "Maudit soit celui qui prendra de la nourriture avant le soir, avant que j'aie tiré vengeance de mes ennemis!" La victoire était déjà remportée, et cela à l'insu et sans le concours de Saül; mais il comptait se glorifier de la destruction complète de l'armée vaincue. Cette défense de manger n'avait d'autre mobile qu'une vanité ambitieuse, et prouvait que le roi n'hésitait pas à sacrifier la vie de ses soldats quand il s'agissait de ses visées personnelles. La confirmer par un serment solennel, c'était ajouter le sacrilège à l'irréflexion. Elle eut pour conséquence d'amener le peuple à violer un commandement de Dieu. Harassé, épuisé, après avoir combattu à jeun toute la journée, le peuple, le soir venu, se jeta sur le butin et se mit, en violation de la loi, à manger de la chair avec son sang. PP 610 4 Au cours de la journée, Jonathan, en traversant un bois, avait mangé un peu de miel, transgressant ainsi à son insu la défense imprudente de son père. La chose ayant été rapportée à Saül, celui-ci exigea que la sentence de mort fût immédiatement exécutée. Il ne voulut pas même considérer que le délit de son fils était involontaire. Il sentait qu'en l'épargnant, il reconnaîtrait qu'il s'était trompé en donnant cet ordre irréfléchi, aveu trop coûteux pour son orgueil. Inexorable, il s'écria: "Que Dieu me traite avec la rigueur la plus extrême, si tu ne meurs, Jonathan!" PP 611 1 Saül ne pouvait revendiquer l'honneur de la victoire, et il pensait s'illustrer par son zèle à maintenir son serment. Fût-ce au prix de la vie de son fils, il voulait montrer à ses sujets que la parole royale devait être respectée. A Guilgal, peu auparavant, contrairement au commandement de Dieu, il s'était arrogé le sacerdoce, quitte à se justifier obstinément des reproches de Samuel. Et maintenant qu'on avait désobéi à un ordre déraisonnable, qui n'avait été violé que par ignorance, ce roi et père condamnait son fils à la mort! PP 611 2 Le peuple s'opposa à l'exécution de cette sentence. Bravant la colère de Saül, l'armée fit entendre cette protestation énergique: "Quoi! Jonathan mourrait, lui qui a procuré une si grande victoire à Israël? Cela ne sera point! Aussi vrai que l'Éternel est vivant, il ne tombera pas à terre un seul cheveu de sa tête; car c'est avec Dieu qu'il a vaincu aujourd'hui." L'orgueilleux monarque n'osa pas regimber contre ce verdict unanime, et Jonathan eut la vie sauve. Saül comprit que son fils lui était préféré, tant par le peuple que par l'Éternel. La leçon infligée à son étourderie et à son entêtement lui donna le pressentiment que ses imprécations retomberaient sur sa propre tête. Il cessa de faire la guerre aux Philistins, et, sombre et irascible, il retourna en sa maison. Les personnes les plus portées à se justifier de leurs fautes sont aussi les plus sévères vis-à-vis des autres. Comme Saül, bien des gens s'attirent le déplaisir de Dieu pour ne vouloir être ni conseillés, ni réprimandés. Ils ont beau voir que le Seigneur n'est pas avec eux: ils se refusent à rechercher la cause du mal en eux-mêmes. Esprits orgueilleux et fanfarons, ils se permettent de juger cruellement et de condamner sans merci des gens qui sont meilleurs qu'eux. Ces juges sans mandat feraient bien de méditer cette parole de Jésus: "De la façon dont vous jugez, vous serez jugés vous-mêmes, et c'est la mesure dont vous vous servez qui servira pour vous."(6) PP 611 3 Ceux qui veulent s'élever aux yeux de leurs semblables sont souvent placés dans des situations où leur vrai caractère est découvert. Il en fut ainsi de Saül. Sa conduite prouva que l'autorité et les honneurs lui étaient plus chers que la justice et la miséricorde. Les Israélites purent alors reconnaître l'erreur qu'ils avaient commise en rejetant le gouvernement que Dieu leur avait donné. Ils avaient échangé un pieux prophète dont les prières imploraient sur eux les bénédictions du ciel, contre un roi qui, dans son zèle aveugle, demandait à Dieu de frapper son peuple de ses malédictions. PP 612 1 Si les guerriers d'Israël n'étaient intervenus pour sauver la vie de l'héroïque Jonathan, leur libérateur eût péri par la volonté de son propre père. De quelles appréhensions les Hébreux ne doivent-ils pas avoir été remplis, quand ils se virent, plus tard, à la merci des caprices de Saül! Et combien amer dut être le souvenir de l'avoir porté sur le trône par leurs propres clameurs! Dieu supporte longuement l'égarement des hommes et donne à chacun l'occasion de reconnaître et d'abandonner ses péchés. Ceux qui ne tiennent pas compte de sa volonté et méprisent ses avertissements peuvent prospérer pendant un temps. Mais le jour vient sûrement où ils se trouveront face à face avec leur folie. ------------------------Chapitre 61 -- Saül rejeté par Dieu PP 613 1 Saül n'était pas sorti à son honneur de l'épreuve de Guilgal: il avait jeté le discrédit sur le service divin. Bien que la censure de Samuel fût empreinte d'une affection vraiment paternelle, le roi, assombri et mortifié, avait dès lors évité la présence du prophète. L'erreur de Saül n'était cependant pas irréparable, et Dieu lui donna l'occasion de la racheter en manifestant une foi entière en sa parole et une exacte obéissance à sa volonté. Il pourrait ainsi montrer s'il voulait rester fidèle au Seigneur et digne de conduire son peuple. PP 613 2 Samuel se rendit auprès du roi et lui annonça qu'il venait de la part de celui qui l'avait appelé au trône. "Ainsi parle l'Éternel des armées, lui dit-il: Je veux demander compte à Amalek de ce qu'il fit à Israël, quand il lui barra le chemin à sa sortie d'Égypte. Va donc, frappe les Amalécites, et voue à l'interdit tout ce qui leur appartient. Tu seras pour eux sans pitié; tu feras mourir hommes et femmes, enfants et nourrissons, boeufs et brebis, chameaux et ânes."(1) PP 613 3 Les Amalécites avaient été les premiers à faire la guerre à Israël. Pour ce péché, comme pour leur insolence envers Dieu et leur idolâtrie avilissante, le Seigneur avait fait prononcer sur eux une sentence de destruction par l'intermédiaire de Moïse. Il avait fait conserver par écrit le souvenir de leur cruauté envers Israël et avait donné cet ordre: "Tu effaceras la mémoire d'Amalek de dessous le ciel. Ne l'oublie pas."(2) L'exécution de cette sentence avait été différée pendant quatre siècles durant lesquels les Amalécites ne s'étaient pas détournés de leurs péchés. Et Dieu savait que si c'eût été en leur pouvoir, ils eussent extirpé et son peuple et son culte de dessus la terre. Le temps était donc venu de mettre à exécution un jugement si longtemps suspendu. PP 614 1 Le long support que Dieu exerce envers les méchants les enhardit dans le crime. Mais, pour être longtemps retardé, leur châtiment n'en est que plus certain et plus terrible. "L'Éternel se lèvera, comme à la montagne de Pératsim; il frémira de colère, comme dans la vallée de Gabaon, pour accomplir son oeuvre, oeuvre étrange, et pour exécuter sa tâche inouïe, inusitée."(3) "Aussi vrai que je suis vivant, dit le Seigneur, l'Éternel, je prends plaisir, non pas à la mort du méchant, mais à sa conversion, mais à son salut." "L'Éternel est le Dieu miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en grâce et en vérité. ...Il pardonne l'iniquité, la révolte et le péché, mais il ne tient pas le coupable pour innocent."(4) PP 614 2 Bien que la vengeance lui répugne, Dieu n'en frappera pas moins les transgresseurs de sa loi. Il le fait pour préserver les habitants de la terre d'une dépravation et d'une destruction générales. Pour en sauver quelques-uns, il retranche ceux qui s'endurcissent dans le péché. "L'Éternel est lent à la colère et grand par la puissance; mais il ne laisse pas le coupable impuni."(5) Par des rétributions terribles, il revendique l'autorité de sa loi méprisée. Sa répugnance à exercer sa justice prouve l'énormité des péchés qui attirent ses jugements et la sévérité des châtiments qui attendent les pécheurs. PP 614 3 Dans l'exercice même de cette justice rétributive, Dieu se montre miséricordieux. S'il fallait détruire les Amalécites, les Kéniens, qui habitaient parmi eux, devaient être épargnés. Ce peuple, quoique entaché d'idolâtrie, était adorateur de Dieu et ami d'Israël. C'est de cette tribu qu'était Hobab, le beau-frère de Moïse, qui avait accompagné Israël à travers le désert et lui avait rendu de précieux services par sa connaissance des lieux. PP 615 1 Cette expédition n'était pas destinée à agrandir le royaume, et la victoire ne devait rapporter ni honneurs, ni dépouilles. Elle n'était, de la part d'Israël, qu'un acte d'obéissance envers Dieu et n'avait d'autre but que d'exécuter les jugements du ciel. Dieu voulait que toutes les nations pussent constater que le châtiment des Amalécites qui avaient insulté sa souveraineté leur était infligé par le peuple même qu'ils avaient méprisé. PP 615 2 Depuis la défaite des Philistins, Saül avait guerroyé contre Moab, Ammon, Édom, ainsi que contre les Amalécites, et partout il en était sorti victorieux. Dès qu'il eut reçu la mission d'attaquer les Amalécites, il fit proclamer la guerre. L'appel aux armes venant du prophète, un grand nombre d'Israélites s'enrôlèrent sous les drapeaux. "Saül battit Amalek jusqu'à Sur, qui est vis-à-vis de l'Égypte. Il prit vivant Agag, roi des Amalécites, et il fit passer tout le peuple par le fil de l'épée, le vouant à l'interdit. Mais Saül et le peuple épargnèrent Agag, ainsi que les pièces de choix du menu et du gros bétail, les bêtes de seconde portée, les agneaux et tout ce qu'il y avait de meilleur. Ils ne voulurent point les vouer à l'interdit; ils vouèrent seulement à l'interdit tout ce qui était chétif et sans valeur." PP 615 3 La victoire de Saül sur les Amalécites était la plus éclatante qu'il eût jamais remportée. Mais elle ralluma, hélas! l'orgueil caché au fond de son coeur. L'arrêt divin qui vouait Amalek à une destruction complète ne fut que partiellement mis à exécution. Pour rehausser l'éclat de son triomphe par la présence d'un captif royal, Saül, en imitation des nations environnantes, avait épargné Agag, l'impétueux et barbare monarque des Amalécites. De son côté, le peuple s'était réservé les plus belles pièces de bétail et les meilleures bêtes de somme. Il s'en justifiait par l'intention d'en faire des sacrifices à l'Éternel; mais son véritable dessein était d'épargner son propre bétail en employant celui de l'ennemi. PP 615 4 Soumis à une dernière épreuve, Saül venait de prouver, par son mépris flagrant des ordres reçus et sa ferme détermination de gouverner à sa guise, qu'il n'était pas l'homme digne de représenter le Seigneur sur le trône d'Israël. Aussi, alors que le roi et son armée revenaient tout glorieux de leur victoire, une grande tristesse régnait dans la demeure du prophète. Un message de l'Éternel l'avertissait de la conduite du roi et ajoutait: "Je me repens d'avoir établi Saül pour roi; car il s'est détourné de moi et n'a point exécuté mes paroles."(6) La mort dans l'âme, le prophète passa toute la nuit à pleurer et à demander à Dieu de rapporter la terrible sentence. PP 616 1 "Celui qui protège Israël à jamais ne ment pas et ne se repent point; car il n'est pas un homme pour se repentir"!(6) Le repentir de Dieu n'est pas semblable au repentir de l'homme. Celui de l'homme implique un changement chez lui de dispositions et de rapports envers Dieu, et rend seul possible le repentir de l'Éternel. Mais le Seigneur "est le même hier, aujourd'hui, éternellement."(7) L'homme peut changer ses relations avec le Seigneur, soit en remplissant les conditions auxquelles la faveur d'en haut peut lui être accordée, soit en se plaçant, de propos délibéré, en dehors de ces conditions. La désobéissance de Saül modifia ses rapports avec Dieu; mais les conditions de la faveur divine n'avaient pas changé. Les exigences du Très-Haut restaient les mêmes; car "en lui il n'y a aucune variation ni aucune ombre de changement."(8) PP 616 2 Le lendemain matin, le coeur oppressé, le prophète se mit en route pour se rendre auprès d'un roi égaré, tout en nourrissant l'espoir que celui-ci reconnaîtrait son péché et pourrait ainsi rentrer dans la faveur de Dieu. Hélas! quand on y a fait les premiers pas, le sentier du péché devient glissant. Saül vint à la rencontre du prophète un mensonge sur les lèvres. "Sois béni de l'Éternel! s'écria-t-il; j'ai exécuté l'ordre de l'Éternel." PP 616 3 Le roi était démenti par ce qu'entendait le prophète. Celui-ci lui demande à brûle-pourpoint: "Quel est donc ce bêlement de brebis qui frappe mes oreilles, et ce mugissement de boeufs que j'entends?" Saül répondit: "Le peuple les a amenés de chez les Amalécites; car le peuple a épargné ce qu'il y avait de meilleur en fait de brebis et de boeufs, pour les sacrifier à l'Éternel, ton Dieu; le reste, nous l'avons voué à l'interdit." Le peuple n'avait fait que suivre les ordres du roi, qui, pour se disculper, rejetait sur son armée la responsabilité de sa désobéissance. PP 616 4 L'importance du message qu'il avait à communiquer à Saül torturait le coeur de Samuel, d'autant plus qu'il devait s'acquitter de cette pénible tâche en présence de toute l'armée, et au moment où, ivre d'orgueil et de joie après son triomphe, elle attribuait sa victoire à la valeur et à l'habileté de son roi. Mais quand le prophète vit les preuves de la révolte de celui auquel Dieu avait fait tant de faveurs et qui maintenant égarait son peuple, son chagrin fit place à l'indignation. Sans se laisser éblouir par les explications du roi, il lui dit d'une voix mêlée de stupéfaction et de douleur: "Je vais t'apprendre ce que l'Éternel m'a dit cette nuit: Lorsque tu étais petit à tes propres yeux, n'es-tu pas devenu le chef des tribus d'Israël, et l'Éternel ne t'a-t-il pas oint roi d'Israël?" Puis, il lui répète l'ordre de Dieu relatif à Amalek, et lui demande la raison de sa désobéissance. PP 617 1 Saül persiste à se justifier: "J'ai pourtant obéi à la voix de l'Éternel! Je suis parti pour accomplir la mission que l'Éternel m'avait confiée. J'ai amené Agag, roi d'Amalek, et j'ai voué à l'interdit les Amalécites. Mais le peuple a choisi, au milieu du butin, pour prémices de l'interdit, des brebis et des boeufs, afin de les sacrifier à l'Éternel, ton Dieu, à Guilgal." PP 617 2 Les austères et solennelles paroles du prophète balayent cet échafaudage de mensonges: "L'Éternel, dit-il, prend-il autant de plaisir aux holocaustes et aux sacrifices qu'à l'obéissance due à sa voix? Or, l'obéissance vaut mieux que le sacrifice; la soumission vaut mieux que la graisse des béliers; la rébellion est aussi coupable que la magie; la résistance est semblable au crime de l'idolâtrie. Puisque tu as rejeté la parole de l'Éternel, il te rejette aussi et te dépouille de la royauté." PP 617 3 A l'ouïe de ces terribles paroles, le roi s'écrie: "J'ai péché, j'ai transgressé l'ordre de l'Éternel et tes instructions. Je craignais le peuple, et j'ai cédé à sa voix." Tout en continuant de rejeter la faute sur le peuple, comme s'il n'avait lui-même péché que par crainte des hommes, Saül, terrifié, avoue maintenant les torts qu'il vient de nier effrontément. Ce n'est donc pas le regret d'avoir désobéi qui dicte au roi cette supplication: "Maintenant, je te prie, pardonne mon péché, reviens avec moi, et je me prosternerai devant l'Éternel." Si Saül avait été animé d'un vrai repentir, il aurait fait une confession publique de son péché. Mais son principal souci est de conserver son autorité, son trône, ainsi que l'attachement de son peuple. Pour affermir son ascendant sur ce dernier, il veut que Samuel l'honore de sa présence. PP 618 1 "Je ne retournerai point avec toi, lui répond le prophète; car tu as rejeté la parole de l'Éternel, et l'Éternel t'a rejeté, afin que tu ne sois plus roi sur Israël." "Au moment où Samuel tournait le dos pour s'en aller", Saül, pris de frayeur, et voulant le retenir, "saisit le pan de son manteau, qui se déchira" et lui resta entre les mains. "Samuel lui dit: C'est ainsi que l'Éternel t'arrache aujourd'hui la royauté d'Israël, pour la donner à ton prochain, qui est plus digne que toi." PP 618 2 Le vif remords de Saül n'a pas pour cause le déplaisir de Dieu; il redoute de voir Samuel rompre ses relations avec lui, car il sait que la confiance du peuple est acquise au prophète. Il craint que si celui-ci l'abandonne, le peuple ne se soulève contre lui, et qu'il n'ait bien de la peine à conserver son prestige contre un concurrent éventuel. Il conjure donc Samuel de l'honorer devant la foule et les anciens en participant avec lui à un service religieux. Une voix divine ayant alors averti Samuel d'accéder à la demande du roi pour ne donner aucun prétexte à un mouvement d'insurrection, il assista, spectateur silencieux, au service divin. PP 618 3 Un acte de justice terrible, impitoyable, restait à accomplir pour revendiquer publiquement l'honneur de Dieu et censurer la conduite du roi. Samuel ordonna qu'on amenât devant lui le roi des Amalécites. De tous ceux qui étaient tombés sous le fer d'Israël, Agag était le plus cruel et le plus barbare. Plein de fiel contre le peuple de Dieu, il avait cherché à le détruire et mis toute son influence en faveur de l'idolâtrie. Agag se présenta néanmoins devant le prophète en se flattant que pour lui tout danger de mort était passé. Samuel lui dit: "De même que ton épée a privé des femmes de leurs enfants, ainsi ta mère portera le deuil d'un fils. Et Samuel fit exécuter Agag en présence de l'Éternel, à Guilgal." Puis il retourna en sa maison à Rama, et Saül rentra chez lui, à Guibéa. Le prophète et le roi ne devaient plus se rencontrer qu'une seule fois. PP 618 4 Quand il fut appelé au trône, Saül avait une humble opinion de ses capacités et consentait à se laisser guider. Ses connaissances et son expérience religieuse étaient limitées, et il avait de sérieux défauts de caractère. Mais Dieu lui avait communiqué son Esprit et donné l'occasion de se former pour gouverner Israël. S'il était resté humble et disposé à se laisser diriger par la sagesse divine, il aurait pu s'acquitter de sa haute charge avec honneur et succès. Sous l'influence de la grâce divine, toutes ses qualités se seraient affermies et ses défauts atténués. Telle est l'oeuvre que le Seigneur désire accomplir pour tous ceux qui se consacrent à son service. C'est ainsi qu'il a appelé dans son oeuvre un grand nombre d'hommes animés d'un esprit humble et pieux, disposés à se laisser guider, et les a placés là où ils pouvaient apprendre à se corriger de leurs défauts de caractère. PP 619 1 Humble et modeste quand il monta sur le trône, Saül s'était laissé envahir par l'orgueil du succès, réveillé par la première victoire de son règne, et qui devint son plus grand danger. Sa valeur et ses talents militaires lors de la délivrance de Jabès de Galaad avaient excité l'enthousiasme de toute la nation, faisant oublier à celle-ci que le roi était seulement l'agent par lequel Dieu avait opéré. Mais Saül, qui avait d'abord attribué à Dieu la gloire de cette victoire, crut qu'il en était lui-même l'auteur. Cette vanité l'avait préparé à commettre le sacrilège de Guilgal. Cette confiance aveugle en sa personne lui avait fait rejeter les réprimandes de Samuel. Sachant que celui-ci était un prophète de Dieu, il aurait dû les accepter, alors même qu'il n'eût pas compris en quoi il avait péché. S'il avait été disposé à reconnaître son erreur et à la confesser, cette expérience amère eût été une sauvegarde pour l'avenir. De même, quand celui qui se dit enfant de Dieu tombe dans l'indifférence à l'égard de la volonté du Seigneur et contribue à en entraîner d'autres par son exemple, s'il veut bien s'humilier et revenir au Seigneur, sa défaillance peut se transformer en victoire. PP 619 2 A Guilgal, le roi s'est couvert d'un faux prétexte religieux pour oser offrir un sacrifice contre les défenses les plus formelles. Il a ainsi émoussé sa perception morale. Mais Dieu ne se sépare pas de lui, et, prêt à lui pardonner, il lui offre une nouvelle tâche très précise qui va lui permettre de racheter le passé. Une fois de plus, Saül désobéit. Il rejette la réprimande qui lui est faite et ferme ainsi la seule voie par laquelle le Seigneur peut le sauver. En effet, lors de l'expédition contre Amalek, il pense avoir accompli l'injonction divine dans tout ce qu'elle a d'essentiel. PP 619 3 Il oublie que Dieu ne peut accepter une obéissance partielle, quelque plausibles que soient les raisons dont on veut se couvrir. Le Seigneur ne donne pas aux hommes le droit de prendre des libertés à l'égard de ses ordres. Il avait déclaré à Israël: "Vous ne ferez pas ... chacun comme bon lui semble", mais "garde et écoute tous ces préceptes que je te commande."(9) Lorsque nous devons prendre une décision, nous n'avons pas à envisager les inconvénients possibles, mais, au contraire, si la chose est conforme à la volonté de Dieu. "Il y a telle voie qui semble droite à l'homme, et dont l'issue aboutit à la mort."(10) PP 620 1 "L'obéissance vaut mieux que le sacrifice." En eux-mêmes, les holocaustes n'avaient aucune valeur devant Dieu. Ils donnaient à toute âme pénitente l'occasion d'exprimer sa douleur d'avoir péché et sa foi au Sauveur promis, ainsi que de prendre l'engagement d'une obéissance future. Sans repentir, sans foi, sans soumission, les offrandes étaient inutiles. Aussi Saül montra-t-il un véritable mépris pour l'autorité divine, quand, en violation de cette même autorité, il proposa d'offrir en sacrifice des animaux voués à la destruction, sacrifices qui eussent constitué une insulte contre le ciel. Le péché du roi et ses résultats sont devant nous. Et néanmoins, que de personnes refusent comme lui d'obéir à un commandement de Dieu, tout en continuant de lui offrir un culte extérieur! Quelque zèle qu'on puisse apporter aux cérémonies religieuses, aussi longtemps qu'on persiste à violer l'un de ses commandements, le Seigneur n'en fait aucun cas, et son Esprit en est absent. PP 620 2 "La rébellion est aussi coupable que la magie; la résistance est semblable au crime de l'idolâtrie." Celle-ci ayant commencé avec Satan, toute révolte contre Dieu découle directement d'une suggestion satanique. Ceux qui se dressent contre un commandement divin font un pacte avec le grand apostat. Celui-ci, faisant usage de toute sa puissance de séduction, captive et éblouit les hommes en leur montrant tout sous un faux jour. Semblables à nos premiers parents, fascinés et séduits par lui, les gens ne croient pouvoir discerner que des avantages sur le chemin de la transgression. PP 620 3 Il n'est pas de plus grande preuve du pouvoir de Satan que le grand nombre d'âmes, prises dans ses pièges, qui s'imaginent être au service de Dieu. En se rebellant contre Moïse, Coré, Dathan et Abiram croyaient ne s'insurger que contre un chef humain semblable à eux et finirent par croire qu'ils travaillaient pour le Seigneur. Et cependant, en rejetant l'instrument de Dieu, ils rejetaient son Fils et méprisaient son Esprit. De même, aux jours du Sauveur, ce furent les gens les plus religieux du peuple, les scribes et les anciens des Juifs, qui le crucifièrent. Le même esprit persiste aujourd'hui dans le coeur de ceux qui mettent leur volonté à la place de celle de Dieu. PP 621 1 Celui qui ne tient pas compte des défenses et des avertissements de la Parole ou de l'Esprit de Dieu fait un pas périlleux. Ils sont nombreux ceux qui, comme Saül, se laissent surmonter par la tentation jusqu'au point où, dans leur aveuglement, ils ne discernent plus le vrai caractère du péché. Foulant aux pieds l'Esprit de grâce, ils n'entendent plus sa voix et sont abandonnés aux séductions qu'ils ont choisies. PP 621 2 Avec Saül, Dieu avait donné à Israël un roi tel qu'il le désirait. Lors de la confirmation de la royauté à Guilgal, Samuel avait dit: "Voici le roi que vous avez choisi, que vous avez demandé."(11) Beau de visage, d'une stature noble et majestueuse, Saül répondait à l'idée que les Israélites se faisaient de la dignité royale. En outre, sa valeur personnelle et son habileté à la guerre étaient les qualités qui, selon eux, forçaient le respect des autres peuples. Il leur importait assez peu que leur roi possédât les hautes vertus qui seules pouvaient le rendre apte à gouverner avec équité. Ils n'avaient pas demandé un homme au caractère vraiment noble et désintéressé, animé de la crainte et de l'amour de Dieu, et jaloux de conserver au peuple d'Israël son caractère distinctif de peuple élu. PP 621 3 Saül avait eu des preuves tangibles que Samuel était divinement inspiré. En se permettant d'enfreindre le commandement que Dieu lui avait donné par le moyen du prophète, il rompait avec la saine raison et avec ses intimes convictions. Ce fatal aveuglement doit être attribué à la sorcellerie. Saül avait apporté un grand zèle à extirper l'idolâtrie et la magie. Et cependant, en désobéissant à l'ordre de Dieu, il avait été tout aussi réellement inspiré par Satan que ceux qui pratiquaient la nécromancie. Repris, censuré, il ajouta l'obstination à la révolte. Il n'aurait pas fait une plus grande injure à l'Esprit de Dieu en s'unissant ouvertement aux idolâtres. PP 622 1 Et maintenant, Dieu va appeler au trône "un homme selon son coeur",(12) un homme qui, sans être parfait, s'appuiera sur le Seigneur et se laissera guider par son Esprit; un homme qui, lorsqu'il le méritera, acceptera la censure et rentrera dans la bonne voie. ------------------------Chapitre 62 -- L'onction de David PP 623 1 C'est à Bethléhem, à quelques kilomètres au sud de Jérusalem, que naquit David, mille ans avant que Jésus vînt au monde dans cette même ville, où il fut couché dans une crèche et adoré par les mages d'Orient. Le futur roi d'Israël passa les tendres années de son enfance sur les collines environnantes. Occupé à garder les troupeaux de son père, il charmait la monotonie des heures en chantant des hymnes de sa composition qu'il accompagnait des sons harmonieux d'une harpe. C'est ainsi que par cette vie solitaire Dieu le préparait à l'oeuvre à laquelle il le destinait. PP 623 2 Un jour, Dieu parla au prophète Samuel et lui dit: "Jusques à quand t'affligeras-tu au sujet de Saül, alors que je l'ai rejeté, afin qu'il ne règne plus sur Israël? Remplis d'huile ta corne et pars. Je t'envoie chez Isaï, de Bethléhem; car c'est un de ses fils que j'ai choisi pour roi. ...Emmène avec toi une génisse, et tu diras: Je viens offrir un sacrifice à l'Éternel. Tu inviteras Isaï au sacrifice. Je te ferai savoir ce que tu as à faire, et tu oindras en mon nom celui que je te désignerai. Samuel fit ce que lui avait dit l'Éternel, et il se rendit à Bethléhem. Les anciens de la ville, saisis d'inquiétude, accoururent au-devant de lui, et ils lui dirent: Viens-tu pour notre bien? Il répondit: Pour votre bien."(1) PP 624 1 Outre les anciens, Samuel invita au sacrifice Isaï et ses fils, à l'exception de David, le plus jeune, qu'on avait par nécessité laissé auprès des moutons. Quand le sacrifice fut terminé, avant qu'on s'assît au repas usuel, Samuel se mit à faire l'inspection des vaillants fils d'Isaï. Éliab, l'aîné, ressemblait fort à Saül par sa beauté et sa stature. Ses traits réguliers, sa taille bien découplée et son attitude martiale attirèrent l'attention du prophète: "Voici certainement, se dit-il, l'homme que l'Éternel s'est choisi comme successeur de Saül." Il attendait pour l'oindre la sanction divine, quand il entendit ces paroles: "Ne regarde pas à sa belle mine ni à sa haute taille; car je l'ai écarté. Ce qui se voit ne compte pas pour l'Éternel; l'homme regarde le visage; mais l'Éternel regarde au coeur." Éliab ne craignait pas Dieu, et se serait montré, sur le trône, orgueilleux et autoritaire. PP 624 2 Nulle beauté extérieure ne saurait nous recommander auprès du Seigneur. La vraie beauté s'exprime par la sagesse et l'excellence du caractère et de la conduite. C'est la bonté du coeur qui nous rend agréables à Dieu. Ce grand principe devrait nous guider quand nous nous jugeons nous-mêmes ou les autres. L'erreur de Samuel doit nous apprendre combien sont vaines les appréciations fondées sur les agréments du visage ou sur la beauté de la taille comparés aux qualités véritables qui sont connues de Dieu seul. PP 624 3 Les pensées et les conseils de Dieu sont au-dessus de notre compréhension; mais ce que nous pouvons savoir, c'est que ses enfants seront appelés à occuper la place même pour laquelle ils sont qualifiés et rendus aptes à l'accomplir, à condition qu'ils soient soumis à la volonté de celui dont les plans généreux ne doivent pas être frustrés par la perversité humaine. PP 624 4 Éliab et ses six frères, qui assistaient au service divin, passèrent sous les yeux du prophète, sans que le Seigneur fît choix de l'un d'eux. Samuel, très perplexe, demanda à Isaï: "Sont-ce là tous tes fils? Isaï répondit: Il reste encore le plus jeune, mais il fait paître les brebis. Samuel dit à Isaï: Envoie-le chercher; nous ne commencerons pas le repas avant son arrivée." PP 624 5 Quel ne fut pas l'étonnement du berger solitaire quand un messager vint lui annoncer que le prophète était à Bethléhem, et qu'il le faisait demander. Intrigué de savoir pourquoi le prophète et juge pouvait bien l'envoyer chercher, il se rendit immédiatement à l'appel. "David était blond, il avait de beaux yeux, et il était de mine agréable." Alors que Samuel contemplait, ravi, les traits charmants, mâles et modestes du jeune berger, la voix de l'Éternel lui dit: "Lève-toi, oins-le; car c'est lui!" David s'était montré brave et fidèle dans ses humbles fonctions, et maintenant Dieu le choisissait pour être le capitaine de son peuple. "Samuel prit la corne d'huile et l'oignit au milieu de ses frères. A partir de ce moment-là, et par la suite, l'Esprit de l'Éternel fut sur David." Sa tâche terminée, le prophète, le coeur soulagé, retourna chez lui à Rama. PP 625 1 L'onction de David s'était opérée en secret, et Samuel n'avait fait connaître à personne le but de sa visite, pas même à la famille d'Isaï. Le rite dont il venait d'être l'objet fut pour le jeune homme l'augure d'une haute destinée. A travers toutes les vicissitudes et les épreuves des années qui suivirent, elle fut pour lui un encouragement à rester fidèle au Seigneur. PP 625 2 L'insigne honneur conféré à David ne l'enfla pas d'orgueil. Il reprit tranquillement ses occupations, et attendit calmement le développement des plans de Dieu. Aussi humble et modeste qu'auparavant, de retour sur ses collines, il continua de prendre un tendre soin de ses troupeaux. Mais ce fut avec une nouvelle inspiration qu'il continua de composer ses mélodies et de les jouer sur la harpe. PP 625 3 Un riche paysage s'étalait sous ses yeux. Le fruit de la vigne se dorait au soleil, les arbres de la forêt balançaient sous la brise leur vert feuillage. L'astre du jour montait au zénith en inondant la terre de ses flots de lumière. Dans le lointain, se dessinaient les lignes gracieuses des collines. Plus loin encore, les pics sauvages de la chaîne de Moab semblaient percer le tendre azur de la voûte céleste qui voile la demeure de Dieu. Ce Dieu invisible, tout le révélait et chantait ses louanges. La lumière du jour faisait resplendir les monts. Les forêts, les prairies et les ruisseaux élevaient sa pensée jusqu'au "Père des lumières", à "l'auteur de tout don parfait et de toute grâce excellente". Chaque jour, de nouvelles conceptions du caractère et de la majesté du Créateur faisaient déborder son coeur d'adoration et de joie. Dans la contemplation des oeuvres de Dieu, les facultés de son esprit et de son coeur s'affermissaient et se développaient. Sa pensée, toujours en éveil, toujours prête à explorer de nouvelles profondeurs de l'amour de Dieu, y trouvait le thème de nouveaux cantiques. Les riches sonorités de sa voix, répétées par les collines, ressemblaient à des réponses aux chants d'allégresse des séraphins. PP 626 1 Cette vigoureuse et belle adolescence préparait David à s'asseoir un jour parmi les plus nobles personnages de la terre. Employées à célébrer les louanges de son Créateur, ses heures de méditation lui communiquaient une sagesse et une piété qui faisaient de lui l'ami de Dieu et des anges. PP 626 2 Qui peut mesurer les résultats de ces années de contemplation et d'activité passées sur les collines solitaires de Bethléhem? D'une part, la communion avec la nature et avec Dieu, le soin de ses troupeaux fait à la fois de périls et de délivrances, les chagrins comme les joies de son humble existence façonnaient son caractère et préparaient sa carrière future. D'autre part, les psaumes du "doux chantre d'Israël", inspirés par ces situations diverses, se composaient peu à peu, en attendant de réchauffer l'amour et de fortifier la foi et la piété des âmes sensibles à travers tous les siècles à venir. PP 626 3 C'est ainsi que le jeune berger, marchant de force en force et de sagesse en sagesse, se préparait à la grande carrière qui l'attendait. ------------------------Chapitre 63 -- David et Goliath PP 627 1 Quand le roi Saül comprit qu'il avait été rejeté par Dieu et sentit la portée des menaces que Samuel lui avait adressées, son coeur s'emplit d'amertume et de révolte. Ce n'était pas un vrai repentir qui courbait sa tête orgueilleuse. Il croyait que la valeur déployée dans ses guerres pour Israël devait expier ses désobéissances. Loin de se rendre compte de la gravité de sa conduite, il se prit à maugréer contre le jugement divin -- injuste à ses yeux -- qui lui enlevait, à lui et à sa postérité, le trône d'Israël. Au lieu d'accepter le châtiment avec humilité, il s'abandonna à un sombre désespoir et ne s'occupa plus, dès lors, qu'à conjurer la ruine de sa maison. PP 627 2 Plusieurs signes faisaient craindre que le roi ne perdît la raison. Son entourage lui conseilla alors de faire venir auprès de lui un musicien exercé, espérant que les douces mélodies de quelque instrument de musique pourraient lui apporter un peu d'apaisement. Providentiellement, on lui présenta le jeune David, qui avait la réputation de jouer habilement de la harpe. Les accords suaves qu'il fit entendre au monarque eurent l'effet désiré. Son profond abattement s'évanouit. PP 628 1 Quand les services de David n'étaient plus requis, il retournait, aussi simple qu'auparavant, à ses troupeaux et à ses collines, quitte à revenir à la cour chaque fois qu'il y était rappelé, alors que le roi, tout en se disant charmé de son jeune musicien, éprouvait chaque fois un sentiment de soulagement quand son jeune page le quittait pour reprendre ses occupations champêtres. PP 628 2 Tout en grandissant en faveur auprès de Dieu et des hommes, David s'appliquait plus que jamais à faire la volonté du Seigneur. Il avait d'ailleurs de nouveaux sujets de méditation. Ses séjours à la cour lui avaient fait découvrir, en plus des responsabilités de la royauté, quelques-unes des tentations qui assaillaient l'âme de Saül et expliquaient le mystère de son humeur chagrine et ombrageuse. Il avait vu le diadème du monarque obscurci par un voile de mélancolie qui s'étendait jusque sur son foyer, où l'on était loin d'être heureux. Pour oublier ces tristes pensées, il recourait à sa harpe dont les douces mélopées l'élevaient vers l'Auteur de tout bien et dissipaient les nuages qui obscurcissaient parfois son horizon. PP 628 3 De même qu'il avait préparé Moïse pour son oeuvre, Dieu formait maintenant le fils d'Isaï pour en faire le conducteur de son peuple. En paissant son troupeau, David apprenait à connaître les soins du grand Berger pour ses brebis. Les collines solitaires et les ravins sauvages où il faisait paître ses moutons étaient le repaire de maintes bêtes de proie. Fréquemment, quelque lion sorti des fourrés ou un ours affamé descendu de sa tanière venait attaquer son troupeau. N'ayant pour armes, selon la coutume du temps, que sa fronde et sa houlette de berger, il donna néanmoins de bonne heure des preuves du courage et de la force qu'il savait déployer pour protéger le menu bétail qui lui était confié. PP 628 4 Racontant plus tard ses prouesses, il disait: "S'il venait un lion ou un ours, qui emportait une brebis du troupeau, je courais après lui, je le frappais et j'arrachais la brebis de sa gueule; s'il se dressait contre moi, je le saisissais par la mâchoire, je le frappais et je le tuais."(1) Ces actes de bravoure, qui avaient développé en lui le courage, le sang-froid et la confiance en Dieu, le firent qualifier de "guerrier vaillant" par l'officier qui l'avait signalé au roi, en ajoutant: "L'Éternel est avec lui(2) PP 629 1 La guerre ayant éclaté entre Israël et les Philistins, trois des fils d'Isaï rejoignirent l'armée. David, qui était resté à Bethléhem, fut un jour envoyé au camp par son père pour porter à ses frères un message et un présent, et pour s'informer de leur état. A l'insu d'Israël, le jeune berger avait reçu d'un ange une mission bien plus importante: celle de sauver l'armée et le peuple d'Israël en péril. PP 629 2 Comme il approchait du camp, David entendit un bruit confus qui ressemblait aux préparatifs d'un engagement. "Quand il arriva au retranchement, l'armée en sortait pour former sa ligne de bataille et poussait des cris de guerre."(3) Pressant le pas, il alla saluer ses frères. Tandis qu'il leur parlait, Goliath, le champion des Philistins, sortit de leurs rangs et se mit à insulter l'armée de Saül et à la défier de trouver un homme qui voulût se mesurer avec lui. David apprit que ce défi adressé à l'armée transie de frayeur lui était répété jour après jour, sans qu'un seul homme eût encore osé le relever. PP 629 3 Dans les rangs de l'armée d'Israël, où régnait un abattement profond, et où tout courage semblait avoir disparu, on se disait l'un à l'autre: "Voyez-vous cet homme qui s'avance? Il vient pour insulter Israël." Suffoqué de honte et d'indignation, et remué jusqu'au fond de l'âme par le désir de venger l'honneur du Dieu vivant et le prestige de son peuple, David s'écria: "Qui est donc ce Philistin, cet incirconcis, qui ose insulter les armées du Dieu vivant?" PP 629 4 Éliab, l'aîné des fils d'Isaï, qui connaissait l'audace, le courage et la force de son jeune frère, discerna facilement les sentiments qui s'agitaient dans son coeur. En effet, la visite du prophète Samuel chez son père et son départ silencieux avaient fait naître chez lui et chez ses frères des soupçons sur le vrai but de cette visite. En outre, les honneurs dont David était l'objet avaient excité leur jalousie, en sorte qu'ils ne lui rendaient pas le respect et l'affection que leur manifestait le pastoureau, comme ils l'appelaient. Aussi, dans la question que David venait de poser, Éliab vit-il un reproche adressé à sa poltronnerie vis-à-vis du Philistin. Irrité, il cria à son frère: "Pourquoi es-tu venu ici? A qui as-tu laissé dans le désert les quelques brebis que nous possédons? Je connais ton orgueil et la malice de ton coeur. C'est pour voir la bataille que tu es venu." Le cadet répondit avec respect, mais avec fermeté: "Qu'ai-je donc fait? C'était une simple question." PP 630 1 Les paroles de David furent rapportées au roi, qui se fit amener le jeune homme. David lui tint cet étonnant langage: "Que personne ne perde courage à cause de ce Philistin! Ton serviteur ira combattre contre lui." Saül chercha à le détourner de son dessein. David, inébranlable, raconta modestement et simplement à Saül ce qui lui était arrivé lorsqu'il gardait les troupeaux de son père. Il ajouta: "L'Éternel, qui m'a délivré de la griffe du lion et de la griffe de l'ours, me délivrera de la main de ce Philistin. Saül répondit à David: Va, et que l'Éternel soit avec toi." PP 630 2 Quarante jours durant, le peuple avait tremblé sous les défis arrogants du géant. A la simple vue de ce surhomme qui mesurait près de trois mètres de haut, au casque et aux jambières d'airain, dont la cuirasse à écailles pesait cinq mille sicles, défiant flèches et javelines, dont le bois de la lance était comme l'ensuble d'un tisserand et dont le fer pesait six cents sicles, -- le coeur avait manqué aux guerriers de Saül. PP 630 3 Chaque matin et chaque soir, Goliath s'avançait vers le camp d'Israël, et disait à haute voix: "Pourquoi sortez-vous pour vous ranger en bataille? Ne suis-je pas le Philistin, et vous, les sujets de Saül? Choisissez parmi vous un homme qui combatte contre moi. S'il a l'avantage en combattant avec moi, et s'il me tue, nous serons vos sujets; mais si j'ai l'avantage sur lui, et si je le tue, vous nous serez assujettis, et vous nous servirez! Le Philistin disait encore: Oui, je jette aujourd'hui ce défi aux troupes d'Israël: Donnez-moi un homme et nous combattrons ensemble." PP 630 4 Ayant permis à David d'accepter le défi de Goliath, tout en n'osant espérer qu'il réussît dans son héroïque entreprise, Saül donna ordre de le revêtir de son armure. Le lourd casque d'airain fut placé sur sa tête; on le revêtit de la cuirasse, et on le ceignit de l'épée du monarque. Ainsi équipé, David se mit en route, mais pour revenir bientôt sur ses pas. Les spectateurs inquiets jugèrent qu'il avait décidé de ne pas risquer sa vie dans une rencontre aussi inégale. Mais ce n'était pas la pensée du jeune guerrier. Il demanda simplement la permission de se décharger de cette armure encombrante, en disant à Saül: "Je ne saurais marcher avec ces armes; car je n'y suis pas habitué. David s'en débarrassa, et il prit en main un bâton. Il choisit dans le torrent cinq cailloux bien polis, les mit dans le sac de berger qui lui servait de gibecière, et, sa fronde à la main, il s'avança contre le Philistin." PP 631 1 Le géant, précédé de son écuyer, s'avança hardiment, s'attendant à affronter le plus redoutable des guerriers d'Israël. Il s'approcha de David et ne vit qu'un adolescent robuste et au visage vermeil de santé, qui, nullement gêné par une armure, se présentait à son avantage. Entre cette jeune silhouette et les formes massives du redoutable athlète, le contraste était frappant. PP 631 2 Alors, la surprise, la confusion et la rage de Goliath éclatèrent: "Suis-je un chien, hurla-t-il, pour que tu viennes contre moi avec un bâton?" Et, par tous les dieux à lui connus, il déversa sur David un flot de malédictions et d'outrages. Puis, ricanant: "Viens ici, je donnerai ta chair aux oiseaux du ciel et aux bêtes des champs." PP 631 3 Sans faiblir, David répondit au champion des Philistins: "Tu viens contre moi avec l'épée, la lance et le javelot; mais moi, je viens contre toi au nom de l'Éternel des armées, du Dieu de l'armée d'Israël que tu as insulté. Aujourd'hui l'Éternel te livrera entre mes mains; je te mettrai à mort, je te couperai la tête, et je donnerai aujourd'hui les cadavres de l'armée des Philistins aux oiseaux des cieux et aux animaux de la terre. Toute la terre saura qu'Israël a un Dieu; et toute cette multitude verra que l'Éternel n'a pas besoin de l'épée ni de la lance pour donner la victoire; car l'Éternel est le maître du combat et il vous livrera entre nos mains." PP 631 4 Les paroles de David parviennent facilement aux oreilles des milliers de guerriers, témoins de cette scène. Sa voix est sonore; un air de joie et de triomphe éclaire son beau visage. Pris d'un accès de fureur, à l'ouïe de ce langage, Goliath repousse en arrière la visière de son casque, et, le front découvert, il s'élance contre son adversaire pour l'écraser. Le fils d'Isaï, qui l'attend, porte la main à sa gibecière, y prend un caillou qu'il met dans sa fronde; la fronde tournoie,... et la pierre va s'enfoncer dans le front du Philistin. PP 632 1 L'effarement saisit les deux armées en présence. Chacun des spectateurs était assuré que David serait tué. Mais la pierre avait atteint son but, et on vit le puissant guerrier s'agiter violemment, étendre les bras comme s'il était atteint de cécité, puis vaciller, et, comme le chêne frappé par la foudre, s'abattre lourdement sur le sol. PP 632 2 David ne perd pas un instant. Il s'élance sur le corps affalé du Philistin, et, saisissant des deux mains sa pesante épée, destinée à le décapiter lui-même, il fait rouler à ses pieds la tête orgueilleuse du champion. PP 632 3 Alors l'armée d'Israël fait entendre une formidable clameur de surprise et de joie. Les Philistins, frappés de terreur et de confusion, fuient précipitamment. En poussant des cris de triomphe que répercutent les collines environnantes, les Hébreux "poursuivent les Philistins jusqu'à l'entrée de Gath et jusqu'aux portes d'Ékron; les Philistins blessés à mort jonchèrent la route jusqu'à Saaraïm, jusqu'à Gath et jusqu'à Ékron. Les enfants d'Israël, après avoir poursuivi les Philistins, revinrent et pillèrent leur camp. David prit la tête du Philistin et la fit porter à Jérusalem; mais il plaça l'armure de Goliath dans sa propre tente." ------------------------Chapitre 64 -- David fugitif PP 633 1 A certains moments, Saül s'apercevait de son inaptitude à gouverner Israël. Il en conclut que s'il avait auprès de lui un homme animé de l'Esprit d'en haut, le royaume serait plus en sûreté et lui-même, en cas de guerre, assuré de la protection divine. Comme la droiture et la sagesse de David prouvaient que Dieu était avec lui, le roi, qui s'en rendait compte, refusa désormais de le laisser retourner auprès de son père, et le retint à la cour. C'est alors que Jonathan, fils de Saül, et David se lièrent d'une profonde amitié. "L'âme de Jonathan s'attacha à l'âme de David, de sorte que Jonathan l'aima comme lui-même."(1) Les deux jeunes gens s'étant engagés à rester unis comme des frères, Jonathan "se dépouilla du manteau qu'il portait et le donna à David, avec son équipement et jusqu'à son épée, son arc et sa ceinture". PP 633 2 Introduit à la cour par la volonté de Dieu, David était au courant des affaires et se préparait ainsi en vue de sa carrière future. Bien que chargé de missions importantes, il conservait sa modestie et gagnait l'affection et la confiance du peuple, comme il avait gagné celles de la famille royale. "Partout où Saül l'envoyait, il réussissait; et Saül le mit à la tête des gens de guerre." PP 634 1 Mais cette faveur du roi ne dura pas longtemps. "Au retour de l'armée, alors que David revenait de la défaite du Philistin, les femmes de toutes les villes d'Israël sortirent à la rencontre de Saül, chantant et dansant, battant des tambourins et des triangles. Celles qui dansaient se répondaient les unes aux autres et disaient: PP 634 2 Saül a frappé ses mille Et David ses dix mille." PP 634 3 Lorsque Saül vit que David passait avant lui dans l'estimation des femmes d'Israël, le démon de la jalousie s'empara de son coeur. Loin de réprimer ce sentiment, il dévoila la faiblesse de son caractère en s'écriant: "On en donne dix mille à David et à moi mille; il ne lui manque plus que la royauté!" Le chant des femmes le convainquit qu'il gagnait le coeur du peuple et qu'il régnerait à sa place. PP 634 4 L'amour de la louange était l'un des grands défauts de Saül. Ce penchant dominait sa pensée et ses actes. Au lieu de chercher l'approbation de Dieu, il briguait la faveur des hommes. Mais c'est un chemin dangereux que de vouloir occuper la première place dans l'opinion de ceux-ci. Chez Saül, tout était subordonné au désir d'être loué et admiré. Sa règle du bien et du mal se mesurait au niveau des applaudissements populaires. PP 634 5 La présence de David à la cour était pour le bien du monarque, et les douces mélodies du jeune chantre avaient pour but d'amener Saül à se laisser toucher par l'Esprit de Dieu. Mais Satan s'acharnait à exciter la jalousie d'un roi qui, tout en gouvernant Israël, ne savait pas se gouverner lui-même. Sacrifiant son jugement à ses impulsions, il se livrait à des accès de colère aveugle, véritables paroxysmes de rage au cours desquels il était prêt à tuer le premier qui eût osé le contrarier. De ces accès de frénésie, il tombait dans un état d'abattement, de remords, de dégoût de lui-même. Alors il demandait à David de lui jouer de la harpe, et le mauvais esprit semblait conjuré pour quelque temps. PP 634 6 Mais ces accalmies duraient peu. Un jour que David chantait devant lui un hymne à la louange de Dieu en s'accompagnant de sa harpe, le roi, saisi soudain d'un transport de fureur, jeta sa lance contre lui. David, divinement protégé, s'enfuit sain et sauf. PP 634 7 Pour se débarrasser de son rival, Saül l'avait "éloigné de sa personne et établi chef de mille hommes". Mais David "réussissait dans toutes ses entreprises, et l'Éternel était avec lui". Saül, le voyant si bien réussir, "avait peur de lui". Le contraste désavantageux où le plaçait la vie irréprochable de son jeune capitaine l'irritait et le rendait malheureux, car "tous en Israël et en Juda aimaient David". On constatait qu'entre les mains de ce jeune homme capable, les affaires étaient menées avec sagesse et dextérité. Ses conseils étaient sages, alors que les avis du roi étaient parfois très sujets à caution. PP 635 1 Bien que Saül fît l'impossible pour trouver l'occasion favorable de mettre fin aux jours de l'oint de l'Éternel, ses ruses échouaient toujours. De son côté, David, se confiant en celui qui est "admirable en ses desseins et merveilleux dans les moyens qu'il emploie",(2) lui demandait constamment de le diriger. Les tribulations auxquelles l'exposait la jalousie du roi le rapprochaient de Dieu, son unique défenseur. En outre, l'affection de Jonathan contribuait à protéger sa vie. Dieu poursuivait ses desseins envers son serviteur et envers son peuple. PP 635 2 Le mal que fait l'envie dans le monde est incalculable. Elle y engendre l'inimitié cruelle qui avait soulevé Caïn contre son frère Abel. "Les oeuvres d'Abel étaient justes, est-il écrit, tandis que celles de Caïn étaient mauvaises." C'est pour cette raison que Dieu n'avait pu le bénir. L'envie est fille de l'orgueil. Elle engendre la haine, puis la violence et le meurtre. En incitant la fureur de Saül contre un homme qui ne lui avait fait que du bien, Satan révélait son propre caractère. PP 635 3 Saül jugeait qu'il ne pourrait être heureux que lorsqu'il aurait supprimé le fils d'Isaï. Il le surveillait attentivement dans l'espoir de le trouver en faute. Mais il fallait qu'en le mettant à mort, il pût se justifier devant le peuple de ce noir attentat. Aussi, pour lui tendre un piège, l'engagea-t-il à pousser la guerre avec plus de vigueur, en lui promettant comme récompense la main de sa fille aînée. A cette proposition, David fit cette modeste réponse: "Qui suis-je? Que vaut mon entourage? Et qu'est-ce que la famille de mon père en Israël, pour que je devienne le gendre du roi?" Le monarque montra sa mauvaise foi en donnant sa fille à un autre. PP 635 4 Mical, la plus jeune fille de Saül, avait une vive inclination pour David. Le roi y vit une nouvelle occasion d'ourdir la perte de son rival. La main de Mical lui fut offerte à condition qu'il fournisse les trophées établissant la mise à mort d'un certain nombre de Philistins. Le but de Saül était de le faire "tomber sous la main des Philistins". Revenu victorieux, David devint gendre du roi, qui, furieux, voyait tous ses plans aboutir à l'élévation de celui qu'il voulait abattre. Plus assuré que jamais que David était l'homme dont Dieu avait dit qu'il était "meilleur que lui" et occuperait le trône à sa place, Saül donna à Jonathan et aux officiers de la cour l'ordre de le mettre à mort. PP 636 1 Jonathan révéla à David l'intention de son père et lui conseilla de se cacher tandis qu'il supplierait le roi d'épargner sa vie. Il rappela à son père ce que David avait fait pour l'honneur et l'existence même de la nation, et lui représenta l'effrayante responsabilité qui reposerait sur le meurtrier d'un homme que Dieu avait employé pour châtier les ennemis d'Israël. La conscience du roi fut touchée et son coeur fut remué. Il fit ce serment: "Aussi vrai que l'Éternel est vivant, David ne mourra pas!" Le gendre du roi fut donc ramené à la cour. PP 636 2 La guerre éclata de nouveau entre les Israélites et les Philistins. David, qui dirigeait l'armée, remporta une grande victoire. Sa sagesse et son héroïsme lui valurent les louanges de tout le royaume. Mais la vieille amertume de Saül se réveilla. Alors que David jouait devant lui et remplissait tout le palais de douces harmonies, le roi, pris d'un accès de fureur, lança contre lui sa hallebarde, pensant le clouer à la paroi. Mais un ange détourna l'arme meurtrière, et David s'éloigna précipitamment du palais. Saül donna alors ordre à ses gens de se saisir de lui dès le lendemain et de le faire périr. PP 636 3 Mical informa son mari du dessein de son père, et, le pressant de s'enfuir, le fit descendre par la fenêtre. David se rendit à Rama auprès de Samuel qui, sans craindre le déplaisir du roi, recueillit le fugitif dans sa maison. La demeure du prophète était une paisible retraite environnée de collines où le serviteur de Dieu continuait son oeuvre. Il était entouré d'un groupe de voyants qui, sous sa direction, étudiaient les voies et les volontés du Seigneur. David, assuré que Saül n'aurait pas le courage de faire profaner ce sanctuaire par ses troupes, put y entendre les précieuses instructions du vénérable docteur. Mais aucun endroit n'était sacré pour le roi dément. Saül ne put supporter que David restât longtemps auprès du voyant, de crainte que le prophète, révéré par tout Israël, n'employât son crédit en faveur de son rival. Quand il apprit le lieu de sa retraite, il y envoya ses hommes avec ordre de le lui amener à Guibéa, où il se proposait d'exécuter son dessein meurtrier. PP 637 1 En s'y rendant, les messagers du roi se trouvèrent enrôlés par un Être plus grand que Saül. Comme Balaam, lorsqu'il partit pour maudire Israël, ils furent rejoints par des messagers invisibles et prononcèrent des paroles prophétiques. C'est ainsi que Dieu, devant le courroux de l'homme, entourait son serviteur d'une muraille d'anges. PP 637 2 La nouvelle en parvint à Saül, qui attendait impatiemment d'avoir David en son pouvoir. Au lieu de se sentir repris dans sa conscience, exaspéré, il envoya d'autres émissaires. Ceux-ci, également saisis par l'Esprit de Dieu, se joignirent aux premiers et se mirent aussi à prophétiser. Un troisième contingent fut à peine arrivé que l'Esprit prophétique le saisit. La fureur de Saül ne connut plus de bornes et il se décida à se rendre lui-même sur les lieux, impatient d'exécuter son ennemi en l'égorgeant de sa propre main. C'est alors qu'un ange de Dieu le rencontra et prit possession de son être. Subjugué par l'Esprit, le roi continua son chemin en adressant à Dieu des prières mélangées de prédictions et de mélodies sacrées. PP 637 3 Arrivé à Rama, à la maison du prophète, il enleva le vêtement extérieur qui trahissait son rang et passa tout le jour et toute la nuit sous l'influence de l'Esprit de Dieu avec Samuel et ses disciples. Le bruit de cette scène se répandit au loin, et les gens s'attroupèrent pour la contempler. Une fois encore, et à la fin de son règne, on put répéter ce proverbe en Israël: "Saül est aussi du nombre des prophètes!" Le roi assura David qu'il n'avait rien contre lui. Mais celui-ci se défiait des paroles du roi et de sa conversion. Il n'attendit pas que son humeur changeât: il s'échappa. PP 637 4 Il réussit à revoir son ami Jonathan et il eut une entrevue avec lui. Conscient de son innocence, il lui adressa cette touchante lamentation: "Qu'ai-je fait, quel est mon crime? De quoi me suis-je rendu coupable envers ton père, pour qu'il en veuille à ma vie?" Persuadé que les sentiments de son père avaient changé, Jonathan répondit: "A Dieu ne plaise! tu ne mourras point. Mon père ne forme aucun projet, important ou non, sans m'en informer. Pourquoi donc mon père me cacherait-il celui-ci? Cela n'est pas possible." Après la récente manifestation de la puissance de Dieu, Jonathan ne pouvait croire que le roi pût faire du mal à David. Mais peu convaincu, celui-ci répondit à son ami: "Aussi vrai que l'Éternel est vivant et que ton âme est vivante, il n'y a qu'un pas entre moi et la mort." PP 638 1 Au temps de la nouvelle lune, on célébrait une fête solennelle qui devait tomber le lendemain de l'entrevue. Il était de rigueur, à cette occasion, de voir les deux jeunes gens à la table du roi. Comme David craignait d'y aller, il fut convenu qu'il rendrait visite à ses frères à Bethléhem, ce qui représentait une absence de trois jours. A son retour, il devait se cacher dans un bosquet non loin de la salle du festin, et Jonathan devait observer l'effet de cette absence sur l'humeur du roi. Aux questions qui lui seront posées, il devra répondre que David s'est rendu chez ses parents pour assister à un sacrifice. Si Saül ne manifeste aucun mécontentement, et dit: "C'est bien", on conclura que David pourra rentrer sans crainte à la cour. Mais si le roi s'emporte, la fuite de David deviendra inévitable. PP 638 2 Le premier jour de la fête, le roi ne fit aucune remarque sur l'absence de David. Mais le second jour, il demanda: "Pourquoi le fils d'Isaï n'est-il point venu au repas, ni hier, ni aujourd'hui? Jonathan répondit: David m'a demandé avec instance d'aller jusqu'à Bethléhem. Il a dit: Laisse-moi partir, je te prie; car nous avons un sacrifice de famille dans la ville, et mon frère m'a recommandé de m'y rendre. Maintenant donc, si j'ai trouvé grâce à tes yeux, permets-moi de m'y rendre en hâte pour aller voir mes frères. C'est pour cela qu'il n'est pas venu à la table du roi." PP 638 3 A ces mots, Saül entre dans une violente colère. Il déclare qu'aussi longtemps que David vivra, Jonathan ne montera jamais sur le trône. Puis il ordonne que David soit immédiatement amené et mis à mort. Jonathan essaye de plaider pour son ami: "Pourquoi le faire mourir? Qu'a-t-il fait?" Cet appel aux sentiments d'humanité du roi ne fait que redoubler sa fureur aveugle, et il lance contre son fils la hallebarde qu'il destinait à son gendre. PP 639 1 Frémissant de douleur et d'indignation, le jeune prince se lève de table et ne paraît plus à la fête. A l'heure indiquée, il se rend, navré, au rendez-vous, pour avertir David des sentiments de son père à son égard. Les deux jeunes gens se jettent au cou l'un de l'autre et pleurent amèrement. La sombre passion du roi jette sur leur existence un voile de tristesse indicible. Lorsqu'ils se séparent pour suivre chacun sa destinée, David dit à Jonathan: "Va en paix, maintenant que nous avons prêté l'un et l'autre ce serment au nom de l'Éternel: l'Éternel sera entre moi et toi, entre ma postérité et ta postérité à jamais." PP 639 2 Le fils du roi retourne à Guibéa, tandis que David se rend à Nob, ville de la tribu de Benjamin, distante de quelques kilomètres. Ne sachant où se réfugier, il vient y chercher un asile chez le prêtre Achimélec. Celui-ci, très inquiet de le voir arriver seul, à la hâte et le visage bouleversé, lui demande ce qui l'amène. Dans la crainte d'être découvert, le fugitif recourt à la dissimulation. Il répond au saint homme que le roi lui a confié une mission secrète exigeant une grande célérité. Ce manque de véracité et de foi en Dieu devait coûter la vie au prêtre. L'enfant de Dieu doit être véridique au risque des pires conséquences. Le grand prêtre n'avait que des pains sacrés. David parvient à dissiper ses scrupules et à se faire remettre les pains pour apaiser sa faim. PP 639 3 Mais un nouveau danger se présente. Doëg, un Édomite, principal berger de Saül, qui professait la foi des Hébreux, faisait en ce moment ses dévotions devant le sanctuaire. A la vue de cet homme, David se décide d'aller chercher un refuge ailleurs et de se procurer des armes. Il demande une épée au sacrificateur. Celui-ci lui répond qu'il n'en a pas d'autre que celle de Goliath, qui figure au tabernacle comme relique. "Elle n'a pas sa pareille, lui dit David, donne-la moi." En prenant l'épée avec laquelle il a exécuté le héros des Philistins, le courage lui revient, et il va se réfugier auprès d'Akis, le roi de Gath, ennemi de son peuple, où il pense avoir moins à craindre que sur les terres de Saül. Mais on vient rapporter à Akis que David est l'homme qui, quelques années auparavant, a tué le géant des Philistins. Le chef de l'armée de Saül en fuite se retrouve ainsi dans un grand péril, dont il n'échappe qu'en feignant d'être fou. PP 640 1 Le manque de confiance en Dieu dont David avait fait preuve à Nob avait été une première erreur. Sa ruse devant Akis en était une seconde. Il avait naguère montré de la noblesse de caractère, et sa valeur morale lui avait gagné la faveur du peuple. Dans une grave circonstance, se confiant en Dieu, il avait terrassé le colosse de Gath. Plein de cette confiance, il avait marché en son nom contre l'adversaire. Maintenant, il faiblit devant l'épreuve et laisse paraître la faiblesse humaine. Dans chaque homme, il voit un espion ou un traître. Poursuivi et persécuté, la détresse et les difficultés ont presque voilé à ses yeux la face de son tendre Père céleste. PP 640 2 Ces circonstances, néanmoins, vont lui enseigner une importante leçon. Il fera connaissance avec sa faiblesse et verra la nécessité de recourir sans cesse à Dieu, débordant de pitié envers ceux qui s'égarent, prêt à fortifier les faibles, à leur manifester sa patience et sa commisération dans l'adversité et à encourager, par son Esprit, les coeurs abattus. PP 640 3 Tout échec subi par un enfant de Dieu a pour cause un manque de foi. Quand les ténèbres enveloppent notre âme, quand nous avons besoin de conseils, regardons en haut. La lumière brille au-delà des ombres de la nuit. David n'aurait pas dû douter de Dieu un seul instant. Il pouvait avoir confiance, puisqu'il était l'oint de l'Éternel, et qu'en diverses occasions il avait été protégé par les anges et rendu capable d'opérer des prodiges. Si, au lieu d'arrêter ses regards sur le péril, il avait songé à la puissance et à la majesté de Dieu, il aurait conservé sa paix en présence de la mort et pu s'approprier la promesse de l'Éternel: "Quand les montagnes s'effondreraient, quand les collines s'ébranleraient, ma bonté pour toi ne faiblira point, et mon alliance de paix ne sera pas ébranlée, dit l'Éternel, qui a compassion de toi."(3) PP 640 4 David chercha un refuge loin de Saül. Il se rendit dans les montagnes de Juda, où il se retira dans la caverne d'Adullam, qui pouvait être défendue par une petite troupe contre une forte armée. "Ses frères et toute la maison de son père l'ayant appris, y descendirent auprès de lui." Effrayée à l'idée qu'à tout moment les cruels soupçons de Saül pouvaient se diriger contre elle, la famille de David ne se sentait plus en sécurité. Elle avait appris -- et la conviction s'en répandait par tout Israël -- que Dieu avait choisi David pour être le futur conducteur de son peuple. Aussi pensait-elle être plus en sûreté auprès d'un fugitif logé dans une caverne solitaire qu'exposée aux aveugles emportements d'un roi jaloux. PP 641 1 Dans la caverne d'Adullam, la sympathie et l'affection mutuelles au sein de sa famille étaient parfaites, et le fils d'Isaï qui avait souffert de la défiance de ses propres frères pouvait, de tout son coeur, chanter, accompagné de sa harpe: PP 641 2 Oh! qu'il est bon, qu'il est doux Pour des frères de se trouver réunis!(4) PP 641 3 C'est là qu'il composa le psaume cinquante-septembre PP 641 4 Bientôt la troupe de David s'augmenta encore de beaucoup de gens qui désiraient échapper à l'arbitraire du roi, ou qui, voyant qu'il n'était plus guidé par l'Esprit de Dieu, avaient perdu confiance en lui. "Tous ceux qui étaient dans la détresse, tous ceux qui avaient des dettes, tous les mécontents s'assemblèrent aussi auprès de lui. Il y eut ainsi autour de lui environ quatre cents hommes." David possédait là un petit royaume où régnaient un ordre et une discipline irréprochables. Mais, comme il savait pertinemment que le roi n'avait pas abandonné ses projets meurtriers, et qu'il n'était pas en parfaite sécurité dans cette retraite montagneuse, il trouva pour ses parents un refuge auprès du roi de Moab. Quant à lui, averti par un prophète, il échangea son abri contre celui que lui offrait la forêt d'Héreth. Les vicissitudes qu'il traversait ne devaient pas être stériles. Il apprenait l'art d'être un général sage aussi bien qu'un roi juste et compatissant. Le commandement d'une bande de fugitifs était un noviciat qui le préparait à reprendre plus tard l'oeuvre à laquelle le roi d'Israël était impropre. PP 641 5 Saül, qui se proposait d'envelopper et de capturer David dans la caverne d'Adullam, fut hors de lui en apprenant qu'il avait quitté cet abri. Il ne pouvait s'expliquer cette fuite mystérieuse qu'en imaginant la présence, dans son entourage, de traîtres qui informaient le fils d'Isaï de ses projets. Il déclara à ses conseillers qu'une conspiration devait avoir été ourdie contre lui, et les engagea, en leur offrant de riches récompenses et des honneurs, à lui révéler qui, parmi ses gens, avait favorisé David. PP 642 1 Doëg, l'Iduméen, poussé par l'ambition et la haine du prêtre qui avait dévoilé ses péchés, se fit délateur. Il rapporta à Saül la visite de David chez Achimélec en termes qui étaient de nature à intensifier la colère du roi contre l'homme de Dieu. Les paroles perfides de cette "langue enflammée du feu de la géhenne" provoquèrent une crise de barbarie chez Saül. Dans son inhumaine fureur, il déclara que toute la famille du prêtre périrait. L'atroce décret fut exécuté. Sur l'ordre du roi et par la main de Doëg, non seulement Achimélec, mais les membres de la famille de son père, "quatre-vingt-cinq hommes portant l'éphod de lin", furent égorgés. "Saül fit encore passer au fil de l'épée Nob, ville des prêtres: hommes et femmes, enfants et nourrissons, boeufs et ânes, menu bétail, tout fut passé au fil de l'épée." Voilà ce que fit le roi d'Israël sous l'ascendant de Lucifer. Quand Dieu avait déclaré que l'iniquité des Amalécites était parvenue à son comble, le roi s'était cru trop humain pour exécuter la sentence qui les condamnait à la mort, et il avait épargné ce que Dieu avait voué à l'anathème. Ici, sans ordre de l'Éternel, il égorgeait tous les prêtres et exterminait tous les habitants de Nob! Telle est la perversité du coeur humain qui a refusé d'être guidé par Dieu. PP 642 2 Cet abominable forfait accompli par le roi qu'il avait choisi frappa d'horreur tout Israël. L'arche sainte était entourée de respect, mais on massacrait les prêtres qui consultaient l'Éternel. A quoi donc ne pouvait-on pas s'attendre? ------------------------Chapitre 65 -- Magnanimité de David PP 643 1 Après l'affreux carnage des prêtres perpétré par Saül, "l'un des fils d'Achimélec, fils d'Ahitub, nommé Abiathar, s'échappa et se réfugia auprès de David. Abiathar rapporta à David que Saül avait fait massacrer les prêtres de l'Éternel. David répondit à Abiathar: J'ai bien compris, ce jour-là, lorsque Doëg, l'Édomite, était présent, qu'il ne manquerait pas d'informer Saül. C'est moi qui suis cause de la mort de toute la famille de ton père. Reste avec moi; ne crains rien! Celui qui attente à ma vie attente à la tienne; tu seras bien gardé auprès de moi!"(1) PP 643 2 Toujours pourchassé par le roi, David ne trouvait de repos ni de sécurité nulle part. Il n'était pas même en sûreté dans la ville de Kéïda que sa brave troupe avait sauvée de la main des Philistins. De Keïda, ils se rendirent au désert de Ziph. David eut là une grande joie, à un moment où les rayons de soleil étaient rares sur son sentier. Ce fut une visite inattendue de Jonathan, qui avait appris le lieu de son refuge. Les deux amis passèrent ensemble des heures inoubliables. Après s'être raconté leurs mutuelles épreuves, Jonathan encouragea David par ces paroles: "Ne crains point; car la main de Saül, mon père, ne t'atteindra pas. Tu régneras sur Israël, et moi, je serai le second auprès de toi; Saül, mon père, le sait bien aussi." Ils s'entretinrent alors des voies merveilleuses de Dieu envers David, qui fut grandement encouragé. "Tous deux firent alliance en présence de l'Éternel; puis David resta dans la forêt, et Jonathan retourna chez lui." Après son départ, David, réconforté, chanta: PP 644 1 J'ai cherché mon refuge en l'Éternel. Comment dites-vous à mon âme: "Fuis vers tes montagnes comme l'oiseau?" Car voici que les méchants bandent l'arc; Ils ont ajusté leur flèche sur la corde, Pour tirer dans l'ombre sur ceux qui ont le coeur droit. Quand les fondements sont renversés, Le juste, que fera-t-il?... PP 644 2 L'Éternel est dans sa demeure sainte; L'Éternel a son trône dans les cieux. Ses yeux observent, Ses regards sondent les fils des hommes. L'Éternel sonde le juste; Mais il hait le méchant et celui qui se plaît à la violence.(2) PP 644 3 Les Ziphiens, dans les régions sauvages où David s'était réfugié, envoyèrent dire à Saül qu'ils connaissaient la retraite de son gendre et qu'ils s'offraient à l'y conduire. Averti de leur intention, David changea de résidence et se retira dans les montagnes qui séparent Mahon de la mer Morte. De nouveau, on vint dire à Saül: "Voici que David est dans le désert d'En-Guédi. Saül prit alors trois mille hommes choisis parmi tous les Israélites, et il se mit en marche pour chercher David et ses gens jusque sur les rochers des bouquetins." David n'avait avec lui que six cents hommes. PP 644 4 Caché dans une caverne avec ses gens, il attendait que Dieu lui montrât une issue. Tout en gravissant la montagne, Saül entra seul dans la caverne même où David et sa troupe s'étaient cachés. Ce que voyant, les gens de David, convaincus que Dieu le lui avait providentiellement livré, le pressèrent de se faire justice. Mais David entendit la voix de sa conscience lui dire: "Ne touche pas à l'oint de l'Éternel." Ses guerriers insistèrent: "Voici le jour annoncé par l'Éternel quand il t'a dit: je livrerai ton ennemi entre tes mains. Traite-le comme bon te semblera. Mais David se leva et coupa sans bruit le pan du manteau" royal, qu'il se fit, plus tard, le reproche d'avoir endommagé. PP 645 1 Saül, sorti de la caverne, continuait sa marche, quand il entendit une voix lui crier: "O roi, mon seigneur!" Il se retourna pour voir d'où venait cette voix, et il reconnut le fils d'Isaï, l'homme même qu'il poursuivait avec acharnement depuis si longtemps! S'inclinant profondément, en sujet respectueux, David lui dit: "Pourquoi écoutes-tu les propos de ceux qui disent: David cherche à te faire du mal? Regarde, tu peux voir de tes yeux que l'Éternel t'avait livré aujourd'hui entre mes mains, dans la caverne. On parlait de te tuer; mais je t'ai épargné, et j'ai dit: Je ne porterai pas la main sur mon seigneur; car il est l'oint de l'Éternel. Vois donc, mon père, le pan de ton manteau que je tiens à la main; puisque j'ai le pan de ton manteau et que je ne t'ai pas tué, sache et reconnais qu'il n'y a en moi ni méchanceté ni révolte, et que je n'ai point péché contre toi. Et toi, tu fais la chasse à ma vie pour me l'ôter!" PP 645 2 Humilié des reproches de son gendre, dont il ne pouvait contester la justesse, profondément ému de constater qu'il venait d'être à la merci de l'homme dont il cherchait à ôter la vie, et que celui-ci était debout devant lui, fort de son innocence, Saül s'écria: "Est-ce bien ta voix, mon fils David? Et Saül éleva la voix et pleura. Il dit à David: Tu es plus juste que moi; car tu m'as rendu le bien pour le mal que je t'ai fait. ... Quand un homme trouve son ennemi, le laisse-t-il aller sain et sauf? Que l'Éternel te rende du bien pour ce que tu m'as fait aujourd'hui! Maintenant je sais que tu seras roi, et que le royaume d'Israël restera entre tes mains." Et sur la demande du roi, David lui jure que quand ses paroles se réaliseront il traitera sa maison avec égards. PP 645 3 Mais David ne pouvait se fier aux promesses de Saül, ni espérer que ses regrets seraient de longue durée. Il resta donc dans la retraite des rochers, et le roi se rendit chez lui. PP 645 4 L'inimitié contre les serviteurs de Dieu de la part d'hommes inspirés par Satan peut parfois se changer en sentiments reconnaissants et bienveillants, mais ce changement n'est pas toujours durable. Il peut arriver à des hommes qui ont calomnié et persécuté les enfants de Dieu d'être amenés à reconnaître leurs torts, à s'humilier devant ceux dont ils ont ruiné la réputation et à changer d'attitude à leur égard. Mais lorsqu'ils cèdent à nouveau aux suggestions du Malin, la vieille inimitié se réveille, et ils reprennent l'oeuvre dont ils s'étaient repentis et qu'ils avaient un moment abandonnée. On les revoit médire, accuser et condamner de la façon la plus amère les personnes auxquelles ils avaient fait la plus humble confession. Leur conversion n'est qu'éphémère. Satan peut se servir d'eux avec beaucoup plus d'efficacité parce qu'ils renient une lumière plus éclatante. PP 646 1 "Puis Samuel mourut; tout Israël se rassembla pour célébrer son deuil; et on l'ensevelit dans sa maison à Rama." En Israël, cette mort fut considérée comme une perte irréparable. Un grand prophète, un homme d'une rare bonté, un juge éminent avait quitté ce monde. La douleur du peuple fut profonde et sincère. Dès sa jeunesse, Samuel s'était conduit avec une parfaite intégrité et avait exercé une influence beaucoup plus grande que le roi. PP 646 2 En comparant la vie de Samuel et celle de Saül, le peuple ne pouvait que reconnaître l'erreur qu'il avait commise en voulant un roi uniquement pour ne pas différer des autres nations. Bien des gens constataient les progrès de l'impiété, auxquels le mauvais exemple du roi n'était pas étranger, et ce n'était pas sans de bonnes raisons que l'on pleurait la mort de Samuel, le fondateur et directeur des écoles de prophètes. On avait surtout perdu celui auquel on faisait appel dans les calamités publiques, celui qui intercédait constamment auprès de Dieu pour le peuple. Ses prières avaient été une source de sécurité, car on savait que "la prière du juste faite avec ferveur a une grande puissance".(3) PP 646 3 On eut alors l'impression que Dieu abandonnait Israël. Le roi n'était plus qu'un possédé; la justice était pervertie; l'ordre faisait place à la confusion. Et c'était au moment où la nation était déchirée par des luttes intestines et où les conseils calmes et pieux de Samuel semblaient le plus nécessaires, que Dieu donnait du repos à son serviteur! Devant cette tombe paisible, d'amères pensées envahissaient le coeur des Hébreux au souvenir du prophète dont ils avaient rejeté l'autorité tutélaire. C'était lui qui leur avait appris à aimer Dieu et à lui obéir, lui dont les prières les amenaient au trône de l'Éternel. Et maintenant, ils étaient à la merci d'un roi qui, vrai suppôt de Satan, finirait par les séparer de la protection du ciel! PP 646 4 David, qui ne put assister à l'inhumation de Samuel, répandit d'abondantes larmes comme un fils sur la tombe d'un père tendrement aimé. Pour lui, cette mort, en brisant un frein de plus opposé à l'acharnement de Saül, rendait sa sécurité plus précaire que jamais. Aussi, tandis que le roi est occupé par ce deuil national, en profite-t-il pour aller chercher un gîte plus sûr dans le désert de Paran. C'est dans cette steppe désolée, et sous la double impression de la mort du prophète et de l'inimitié du roi, qu'il compose les psaumes cent vingt et cent vingt et un, et qu'il chante pour la première fois ces paroles: PP 647 1 Mon secours vient de l'Éternel, Qui a fait les cieux et la terre, Il ne permettra pas que ton pied chancelle; Celui qui te garde ne sommeillera point. Non, celui qui garde Israël Ne sommeillera pas; il ne s'endormira point... L'Éternel te gardera de tout mal; Il gardera ton âme. L'Eternel veillera sur ton départ comme sur ton arrivée Dès maintenant et à toujours.(4) PP 647 2 Durant leur séjour au désert de Paran, David et ses gens eurent l'occasion de protéger des maraudeurs les troupeaux et le menu bétail d'un riche de la région, du nom de Nabal, descendant de Caleb. C'était un homme sordide et brutal. On était au temps de la tonte des moutons, époque où l'hospitalité s'exerçait largement. Selon la coutume du temps, David envoya à Nabal dix de ses jeunes gens pour lui dire: "Paix à toi pour la vie! Paix à toi, ainsi qu'à ta maison; paix à tout ce qui t'appartient! Et maintenant j'ai appris que tu as les tondeurs. Pendant que tes bergers étaient auprès de nous, nous ne leur avons fait aucune offense; et ils n'ont éprouvé aucune perte, tout le temps qu'ils ont été à Carmel.(5) Demande-le à tes serviteurs, et ils te le diront. Que mes jeunes gens trouvent donc grâce à tes yeux, et donne, je te prie, à tes serviteurs et à ton fils David ce que tu trouveras sous ta main." PP 647 3 David et ses hommes avaient été pour les bergers et les troupeaux de l'opulent propriétaire comme une muraille protectrice. Ils s'attendaient à recevoir de lui, en retour, une marque de gratitude répondant à leur nécessité. Ils auraient pu faire main basse sur le gros et le menu bétail du riche voisin; mais ils préférèrent agir honnêtement. Leur amabilité demeura sans résultat. La réponse que Nabal fit envoyer à David révélait son caractère: "Qui est David, et qui est le fils d'Isaï? Ils sont nombreux, aujourd'hui, les serviteurs qui s'enfuient de chez leurs maîtres! Et je prendrais mon pain, mon eau et la viande que j'ai apprêtée pour mes tondeurs, et je les donnerais à des gens qui viennent je ne sais d'où?" PP 648 1 Quand il vit ses jeunes gens revenir les mains vides, et sut la réception qu'on leur avait réservée, David, profondément indigné, leur ordonna de se préparer pour une expédition. Il était résolu à punir l'homme qui lui refusait son dû, et qui ajoutait l'insulte à l'injustice. Ce subit mouvement de colère du chef de bande ressemblait plus à l'esprit de Saül qu'au sien propre et montrait qu'il avait une leçon de patience à apprendre à l'école de l'affliction. PP 648 2 Or, un des serviteurs de Nabal s'était rendu en hâte vers Abigaïl, femme de celui-ci, et lui avait raconté l'affaire en ces termes: "David a envoyé du désert des messagers pour saluer notre maître; mais Nabal les a rudoyés. Cependant ces gens avaient été très bons pour nous; nous n'en avons reçu aucune offense, et nous n'avons subi aucune perte pendant tout le temps que nous avons passé auprès d'eux, lorsque nous étions dans les champs. Ils nous ont servi de rempart, la nuit et le jour, tant que nous avons été auprès d'eux, occupés à paître nos troupeaux. Maintenant donc réfléchis, et vois ce que tu as à faire; car la ruine de notre maître et de toute sa maison est certaine." PP 648 3 Sans consulter son mari ni lui faire part de ses intentions, Abigaïl envoya à David une quantité de provisions qu'elle fit charger sur des ânes conduits par quelques serviteurs. Elle monta elle-même sur un âne à leur suite et rencontra le poète-guerrier et sa troupe dans un endroit ombragé de la montagne. "Quand Abigaïl aperçut David, elle s'empressa de descendre de son âne, et, tombant la face contre terre en présence de David, elle se prosterna. S'étant ainsi jetée à ses pieds, elle dit: A moi, mon seigneur, à moi la faute! Permets à ta servante de parler devant toi; écoute les paroles de ta servante." PP 648 4 Abigaïl abordait David avec autant de respect que si elle se fût adressée à une tête couronnée. Nabal s'était écrié avec mépris: "Qui est David?" Abigaïl l'appelait: "Mon seigneur!" Par un discours tout empreint de sagesse, de grâce et d'humilité, elle s'efforce de calmer son irritation. Elle proteste de son dévouement à la famille d'Isaï et supplie le futur roi d'Israël de passer outre à l'affront de son mari, affront qui n'a été que l'explosion d'une nature égoïste et bourrue. PP 649 1 "Maintenant, ajoute-t-elle, mon seigneur, aussi vrai que l'Éternel est vivant, et que ton âme est vivante, c'est l'Éternel qui t'a empêché d'en venir à verser le sang et de te venger de ta propre main. Que tes ennemis et ceux qui cherchent à nuire à mon seigneur soient comme Nabal." Abigaïl ne s'attribue pas le succès de son intervention. Elle en donne à Dieu la gloire et l'honneur. Puis elle offre aux gens de David, en dédommagement, le riche présent qui l'accompagne. S'adressant ensuite à lui, elle s'exprime comme si elle était elle-même coupable de ce qui est arrivé: PP 649 2 "Pardonne, je te prie, la faute de ta servante! Certainement l'Éternel assurera à la maison de mon seigneur une existence durable, car mon seigneur soutient les guerres de l'Éternel, et aucun malheur ne l'atteindra pendant toute sa vie." Délicatement, elle lui montre la voie qu'il aurait dû suivre. Bien que poursuivi comme un traître, il n'a pas à venger des affronts personnels. PP 649 3 Abigaïl termine ainsi son éloquent plaidoyer: "S'il s'élève quelqu'un pour te persécuter et pour attenter à ta vie, l'âme de mon seigneur sera gardée dans l'écrin des vivants auprès de l'Éternel, ton Dieu.... Quand l'Éternel aura fait à mon seigneur tout le bien qu'il lui a promis, et qu'il l'aura établi chef d'Israël, puisse mon seigneur ne pas encourir le reproche et ne pas éprouver le remords d'avoir, sans motif, répandu le sang, et de s'être vengé lui-même! Et, lorsque l'Éternel aura fait du bien à mon seigneur, puisses-tu te souvenir de ta servante!"(6) PP 649 4 Ces paroles ne pouvaient provenir que de lèvres purifiées par la sagesse d'en haut. La piété d'Abigaïl, semblable au parfum d'une fleur, s'exhalait de son visage, de ses paroles, de ses actes. L'Esprit de Dieu habitait dans son âme. Ses paroles, empreintes de grâce, de bonté et de paix, exercèrent une céleste influence sur celui à qui elles s'adressaient. Revenu à de meilleurs sentiments, David frémit à la pensée de l'acte violent qu'il avait été sur le point de commettre. "Heureux les artisans de la paix, dit Jésus, car ils seront appelés enfants de Dieu!"(7) Que ne sont-elles plus nombreuses les femmes qui ressemblent à cette fille d'Israël, toujours prêtes à calmer des accès de colère, à prévenir des actes soudains et irréfléchis, et à arrêter de grands maux par des paroles calmes et mesurées! PP 650 1 Une vie chrétienne est un rayonnement continu de lumière, de consolation et de paix. Elle est faite de pureté, de tact, de simplicité. Animée de l'esprit du Sauveur, elle n'a pour mobile qu'un amour désintéressé. Abigaïl possédait le don de reprendre et de conseiller avec sagesse. Sous le charme de ses paroles, David, convaincu qu'il n'a pas été maître de lui, sent sa colère s'évanouir. Aussi reçoit-il la réprimande qui lui est adressée avec humilité et conformément aux paroles d'un cantique composé par lui: PP 650 2 Que le juste me frappe, ce me sera une faveur; Qu'il me reprenne, ce sera de l'huile sur ma tête.(8) PP 650 3 Il bénit Abigaïl et la remercie de l'avoir si judicieusement conseillé. Beaucoup de personnes croient avoir mérité d'être louées quand elles ont accepté une censure sans manifester d'impatience. Ils sont peu nombreux ceux qui accueillent la répréhension avec reconnaissance et en bénissent l'auteur. PP 650 4 Quand Abigaïl revint chez elle, elle trouva Nabal et ses hôtes assis autour d'un copieux festin où le vin coulait à flots, et qui dégénérait en orgie. Ce ne fut que le lendemain qu'elle raconta à son mari ce qui s'était passé la veille, et le danger mortel qu'il avait couru. Nabal, qui était aussi poltron que grossier, fut frappé de stupeur. Hanté par la crainte que David n'exécutât son dessein quand même, il passa bientôt de l'épouvante à une morne insensibilité. Dix jours plus tard, il mourut. L'existence qui lui avait été prêtée n'avait servi qu'à faire du mal. Aussi Dieu lui dit-il, comme à l'homme riche de la parabole: "Cette nuit même, ton âme te sera redemandée."(9) PP 650 5 Le jugement faussé par les coutumes des nations de son temps, David, qui avait déjà une femme, épousa plus tard Abigaïl. Des hommes de Dieu, grands par leur caractère, se laissent gagner parfois par les pratiques du monde. En ce qui concerne David, les conséquences amères de sa polygamie se firent douloureusement sentir durant toute sa vie. PP 650 6 Après la mort de Samuel, David put vivre en paix durant quelques mois dans les solitudes du pays de Ziph. Mais les ennemis d'Israël, implacables, espérant gagner les faveurs du roi, l'informèrent du lieu où il s'était retiré. Ce renseignement réveilla le démon de la jalousie qui sommeillait dans le coeur de Saül. Il se remit à la tête de ses hommes et recommença ses poursuites. Des espions bien intentionnés rapportèrent ce fait à David. Celui-ci, accompagné de quelques-uns de ses hommes, part à la recherche de son ennemi. Ils arrivent à l'endroit où sont dressées les tentes de Saül et de sa troupe, mais ils ne voient pas de sentinelles en observation: le camp est tout entier plongé dans le sommeil. David demande alors à ses amis lequel d'entre eux consent à le suivre au milieu du camp: Abisçaï répond immédiatement: "Moi, j'y descendrai avec toi!" PP 651 1 Dissimulés par l'ombre des collines, David et son compagnon passent inaperçus au milieu de l'armée. Ils cherchent à se rendre compte du nombre de leurs ennemis et arrivent vers Saül qu'ils trouvent endormi, une cruche d'eau à son chevet. Abisçaï dit alors à David: "Dieu a livré aujourd'hui ton ennemi entre tes mains; laisse-moi, je te prie, le frapper de la lance et le clouer à terre d'un seul coup; je n'aurai pas à y revenir." En réponse, il entend ces paroles prononcées à voix basse: "Ne le tue pas; qui pourrait impunément mettre la main sur l'oint de l'Éternel?" David ajoute: "L'Éternel est vivant! C'est à l'Éternel seul de le frapper, soit que son jour vienne et qu'il meure, soit qu'il descende au combat et qu'il y périsse. Que l'Éternel me garde de porter la main sur l'oint de l'Éternel! Prends seulement, je te prie, la lance qui est à son chevet, ainsi que la cruche d'eau, et allons-nous-en. Ainsi David prit la lance et la cruche d'eau qui étaient au chevet du lit de Saül, et ils s'en allèrent. Personne ne les avait vus ou remarqués, car aucun des soldats ne s'était réveillé; tous dormaient, parce que l'Éternel avait fait tomber sur eux un profond sommeil." Dieu peut paralyser les plus forts, priver de sagesse les plus prudents, rendre vaines les précautions des plus vigilants. PP 651 2 Quand David eut atteint un lieu sûr, debout, au sommet de la colline, il cria à haute voix à la troupe endormie et à Abner, son général: "Quoi, n'es-tu pas un brave, et qui est ton pareil en Israël? Pourquoi donc ne veilles-tu pas sur le roi, ton seigneur? Quelqu'un du peuple est venu pour tuer le roi, ton seigneur! Ce n'est pas bien ce que tu as fait là. Aussi vrai que l'Éternel est vivant, vous méritez la mort, vous qui ne veillez pas sur votre seigneur, l'oint de l'Éternel. Et maintenant, regarde où sont la lance du roi et la cruche d'eau qui se trouvaient à son chevet." PP 652 1 "Alors Saül reconnut la voix de David, et il dit: Est-ce bien ta voix, mon fils David? David dit: C'est ma voix, ô roi, mon seigneur! Il ajouta: Pourquoi mon seigneur poursuit-il ainsi son serviteur? Qu'ai-je fait, et quel crime ma main a-t-elle commis? Que le roi, mon seigneur, veuille bien écouter maintenant les paroles de son serviteur." Une fois de plus, le roi confesse sa faute: "J'ai péché, dit-il; reviens, mon fils David! Je ne te ferai plus de mal, puisqu'en ce jour tu as respecté ma vie. Oui, j'ai agi follement, et j'ai commis une très grande faute. David répondit: Voici la lance du roi; que l'un de tes jeunes gens passe ici, et la prenne." Saül avait bien dit: "Je ne te ferai plus de mal." Mais David ne voulut pas se placer entre ses mains. Ce deuxième exemple d'égards de la part de David pour la vie de Saül, son souverain, fit une plus grande impression sur l'esprit du roi que le premier et lui arracha une plus humble confession de sa faute. Confus et bouleversé par la grande magnanimité dont il est l'objet, il s'écrie en s'éloignant: "Béni sois-tu, mon fils David! Certainement, tu réussiras dans toutes tes entreprises!" PP 652 2 Le fils d'Isaï ne croyait pas que Saül demeurerait longtemps dans les sentiments qu'il venait d'exprimer. Abattu, "David se dit en lui-même: Je périrai quelque jour par la main de Saül! Je n'ai lien de mieux à faire que de me réfugier dans le pays des Philistins. ... David se leva donc et se rendit avec les six cents hommes qui l'accompagnaient, auprès d'Akis, roi de Gath." PP 652 3 Mais David n'avait pas consulté l'Éternel à ce sujet. Alors que Saül tramait sa mort, Dieu lui préparait le trône d'Israël. Bien qu'ils soient enveloppés de mystère aux yeux des hommes, les plans de Dieu s'exécutent. Incapables de comprendre ses voies et se basant sur des apparences, les hommes considèrent les épreuves permises par le ciel comme autant d'obstacles et de présages de malheur. C'est ainsi que David, au lieu de s'attacher aux promesses de Dieu, s'arrêtait aux circonstances et commençait à douter de jamais parvenir au trône. Ses longues tribulations avaient épuisé sa foi, lassé sa patience. PP 653 1 Ce n'était pas le Seigneur qui envoyait David demander protection aux Philistins, les ennemis d'Israël. Dans sa détresse, perdant toute confiance en Saül et en son entourage, il s'abandonnait à la merci des pires ennemis de son peuple! En se rendant chez les Philistins, ce brave général, ce guerrier sage et victorieux travaillait à l'encontre de sa cause. Dieu l'avait appelé à dresser son étendard dans le pays de Juda. Déserter son poste et son devoir sans ordre de l'Éternel, c'était manquer de foi. PP 653 2 L'honneur de Dieu souffrit de cette incrédulité de son serviteur. En se plaçant sous la protection des Philistins qui le craignaient plus que Saül et son armée, il leur découvrait la faiblesse de son peuple et encourageait des ennemis implacables à venir l'opprimer. David avait été oint pour défendre Israël, et non pour faire exulter les méchants par une apparente indifférence à sa prospérité. PP 653 3 En outre, David donnait à ses frères l'impression d'être passé chez les païens pour rendre hommage à leurs dieux, ou, en tout cas, l'occasion de se méprendre sur ses motifs. En faisant naître ainsi des doutes dans les esprits, il accomplissait les desseins de Satan. Il n'avait pas renoncé au vrai culte ni abandonné la cause de Dieu; mais il avait perdu sa foi en la protection divine et avait affaibli ses facultés morales. PP 653 4 David fut cordialement reçu par le roi des Philistins. La chaleur de cette réception était due en partie à l'admiration que ce monarque lui portait, et en partie au fait que sa vanité était flattée de voir un Hébreu de marque venir se placer sous sa protection. Se croyant à l'abri de toute trahison sur les terres d'Akis, David y amena sa famille et ses biens. Ses hommes en firent autant. Selon toute apparence, il était venu s'établir définitivement en Philistie. Tout cela entrait fort dans les goûts d'Akis, qui promit de protéger les fugitifs d'Israël. PP 653 5 Reconnaissant qu'il serait dangereux, tant pour lui que pour ses gens, d'être exposés à l'influence des idolâtres et au spectacle des rites païens, et qu'ils pourraient adorer Dieu avec beaucoup plus de liberté dans une ville qui leur serait spécialement affectée plutôt qu'à Gath, David demanda au roi une résidence éloignée de la ville royale. Akis lui concéda gracieusement la ville de Tsiklag. PP 654 1 Pendant qu'il séjournait dans cette ville isolée, David guerroya contre les Guésuriens, les Guirziens et les Amalécites, tout en ayant soin de ne laisser personne en vie pour en porter les nouvelles à Gath. De retour de ces expéditions, il laissait croire à Akis qu'il avait fait la guerre aux gens du pays de Juda. Ces dissimulations ne faisaient qu'affermir les Philistins, et le roi Akis se disait: "Il se rend odieux à Israël son peuple; il sera mon serviteur à jamais." Ces tribus païennes, David le savait, devaient être détruites, et il avait été désigné pour accomplir cette oeuvre mais il était infidèle à Dieu quand il avait recours au mensonge. PP 654 2 "Vers ce temps-là, les Philistins rassemblèrent leurs troupes en une seule armée pour faire la guerre à Israël. Akis dit à David: Tu sais que tu viendras avec moi à la guerre, toi et tes hommes." David n'avait pas la moindre intention de diriger ses armes contre ses frères. Mais il ne savait comment sortir de sa fausse position et attendait une issue dictée par les circonstances. Il fit au roi cette réponse évasive: "Tu verras ce que ton serviteur sait faire." Akis crut que David lui promettait d'être de son côté et il lui promit en retour de grands honneurs. PP 654 3 Bien que la foi de David ait quelque peu fléchi en ce qui concernait les promesses de Dieu, il n'oubliait pas que Samuel l'avait oint roi sur Israël. Il se souvenait des victoires qu'il avait remportées grâce au secours de Dieu. Il repassait dans sa mémoire la grande miséricorde que le Seigneur lui avait manifestée en le préservant de la main de Saül et il résolut de ne pas trahir une cause aussi sacrée. Faisant abstraction de l'inimitié et de la cruauté de Saül, il prit la résolution de ne pas se joindre aux ennemis de son peuple. ------------------------Chapitre 66 -- Mort de Saül PP 655 1 La guerre éclata de nouveau entre Israël et les Philistins. L'ennemi dressa son camp à Sunem, à l'extrémité septentrionale de la vallée de Jizréel. Saül rassembla son armée à quelques kilomètres de distance, à l'extrémité méridionale de la même plaine, au pied de la montagne de Guilboa. C'était là que Gédéon, avec ses trois cents hommes, avait mis en fuite les armées des Madianites. Mais l'esprit qui avait inspiré le libérateur était bien différent de celui qui animait en ce moment le roi d'Israël. Gédéon était allé à l'assaut plein de foi au Puissant de Jacob, tandis que Saül se sentait abandonné de Dieu, seul et sans défense. "A la vue du camp des Philistins, il eut peur et son coeur fut très agité."(1) PP 655 2 Il apprit que David était avec les Philistins, et il s'attendait à voir le fils d'Isaï saisir cette occasion pour tirer vengeance des maux qu'il avait soufferts de sa part. Sa détresse était inexprimable. La folle jalousie qui l'avait si longtemps lancé à la poursuite de l'élu de Dieu avait entraîné Israël dans ce péril extrême. Il ne pensait qu'à la mort de David et il avait négligé la sécurité de son royaume. Les Philistins en avaient profité pour pénétrer jusqu'au centre même du pays. L'esprit des ténèbres avait, d'un côté, poussé Saül à mobiliser toutes ses forces contre David et, de l'autre, il avait inspiré ce projet d'invasion aux Philistins. Qui dira combien de fois cet astucieux adversaire utilise encore la même tactique! Il pousse quelque faux croyant à susciter une querelle dans l'Église, puis, à la faveur de cette discorde, il jette sur elle ses suppôts pour l'anéantir. PP 656 1 La bataille devait se livrer le lendemain. Accablé par le sombre pressentiment de ce qui allait lui arriver, Saül ne voyait devant lui qu'une horrible nuit. Que ne donnerait-il pas pour un secours, un conseil! En vain, il consulte l'Éternel qui "ne lui répond point, ni par des songes, ni par l'Urim, ni par les prophètes." Pourquoi est-il repoussé par celui qui ne repousse jamais une âme qui vient à lui avec sincérité et humilité? C'est que le roi s'est privé lui-même de tous les moyens de consulter l'Éternel. Il a rejeté les conseils de Samuel, le prophète; il a exilé David, l'élu de Dieu; il a massacré les prêtres du Très-Haut. Peut-il s'attendre à recevoir une réponse, quand il a supprimé toutes les voies de communication entre le ciel et la terre? Après avoir chassé l'Esprit de la grâce, comment espérerait-il une réponse de la part de Dieu? PP 656 2 Ce n'étaient d'ailleurs pas le pardon de ses péchés et sa réconciliation avec le Seigneur que demandait Saül mais la défaite de ses ennemis. Séparé de Dieu par sa révolte, et ne pouvant revenir en arrière que par le chemin d'un repentir dont il ne veut pas, l'orgueilleux monarque se décide, dans sa détresse, à un acte désespéré et fatal. PP 656 3 "Saül dit à ses serviteurs: Cherchez-moi une femme qui sache évoquer les morts; j'irai la trouver, et je la consulterai." Le roi savait pertinemment que l'occultisme avait été interdit par Dieu. Une sentence de mort était prononcée contre tous ceux qui se livraient à ses impurs maléfices. Il avait lui-même, du vivant de Samuel, fait mettre à mort tous les sorciers et tous ceux qui consultaient les esprits. Et c'est à eux, maintenant, qu'il allait demander un oracle! PP 656 4 On répondit au roi: "Il y a à Endor une femme qui sait évoquer les morts." Cette femme avait fait un pacte avec Satan. En retour, le prince du mal opérait des miracles à sa demande et lui révélait des secrets. Saül se déguise et part de nuit, accompagné de deux serviteurs, à la recherche de la sorcière. Quel spectacle que celui de ce roi d'Israël marchant aveuglément à la remorque de Satan! Y a-t-il au monde sentier plus lugubre que celui de l'homme qui obstinément repousse l'Esprit de Dieu pour n'en faire qu'à sa tête? Y a-t-il un esclavage plus terrible que celui que fait subir le pire des tyrans: l'égoïsme? La confiance en Dieu et l'obéissance à sa volonté: telles avaient été les conditions posées à Saül avant de monter sur le trône d'Israël. S'il les avait remplies, Dieu eût été son Guide; le Tout-Puissant, son bouclier. Dieu l'avait longtemps supporté. Sa révolte et son entêtement avaient été bien près de réduire au silence la voix divine en son âme. Néanmoins, jusqu'ici, il avait encore eu l'occasion de se convertir. Mais maintenant qu'il se détourne de Dieu pour aller solliciter les conseils d'un suppôt de Satan, il coupe le dernier lien qui le rattache à son Créateur et se place tout entier sous l'ascendant du grand révolté. PP 657 1 A la faveur des ténèbres, Saül et ses deux serviteurs traversent la plaine, passent sans encombre près de l'armée des Philistins, gravissent le flanc de la montagne et arrivent à la demeure solitaire de la sorcière d'Endor. C'est là que l'évocatrice des esprits s'est cachée pour pratiquer secrètement ses incantations. Mais Saül a beau être déguisé, sa haute stature et son port royal prouvent qu'il n'est pas un guerrier ordinaire. Les soupçons de la femme sont confirmés par la riche récompense qui lui est offerte. "Saül lui dit: Prédis-moi l'avenir, je te prie, en évoquant un mort, et fais-moi monter celui que je te désignerai. La femme lui répondit: Tu sais bien ce que Saül a fait, comment il a fait disparaître du pays ceux qui évoquent les morts et les devins. Pourquoi donc me tends-tu un piège pour me faire mourir? Saül lui fit ce serment par l'Éternel, et lui dit: Aussi vrai que l'Éternel est vivant, il ne t'arrivera aucun mal pour cette affaire. Alors la femme lui dit: Qui dois-je évoquer devant toi? Il répondit: Évoque Samuel." PP 657 2 Après avoir pratiqué ses sortilèges, "la femme dit à Saül: Je vois un dieu qui monte de dessous la terre... C'est un vieillard qui monte, et il est couvert d'un manteau. Saül comprit que c'était bien Samuel. Il s'inclina, le visage contre terre, et il se prosterna." Mais ce n'était pas le prophète qui apparaissait à l'appel de la sorcière. L'apparition surnaturelle qui imitait Samuel n'était qu'un produit du pouvoir de Satan, une personnification à la ressemblance de Samuel, comme celle qui, plus tard, dans le désert, se présentera à Jésus en ange de lumière. PP 658 1 Quand la sorcière vit Samuel, elle "poussa un grand cri, et elle dit à Saül: Pourquoi m'as-tu trompée? Tu es Saül." Le premier soin de l'esprit personnifiant Samuel avait donc été d'avertir l'évocatrice de l'identité de son visiteur. Le message apporté à Saül par le soi-disant prophète fut le suivant: "Pourquoi as-tu troublé mon repos, en me faisant monter? Saül répondit: Je suis dans une grande détresse; car les Philistins me font la guerre, et Dieu s'est retiré de moi. Il ne me répond plus, ni par les prophètes, ni par les songes. Je t'ai donc fait appeler pour que tu me fasses connaître ce que je dois faire." PP 658 2 Tandis que Samuel vivait, Saül avait méprisé ses conseils et s'était offensé de ses réprimandes. Mais à cette heure de détresse et de calamité, il met son dernier espoir dans les directives du prophète. Hélas! au lieu d'entrer en communication avec le ciel, il s'est adressé à un messager de l'enfer! Saül s'était complètement livré à Satan. Celui-ci, dont le seul plaisir est de semer le malheur et le crime, va en profiter pour accabler le malheureux roi. Voici la réponse du prétendu Samuel: PP 658 3 "Pourquoi me consultes-tu, puisque l'Éternel s'est retiré de toi, et qu'il est devenu ton ennemi? L'Éternel agit comme il l'a annoncé par ma bouche. L'Éternel arrache de tes mains ton royaume, et il le donne à un autre, à David. Tu n'as pas obéi à la voix de l'Éternel, et tu n'as pas fait sentir à Amalek l'ardeur de son courroux; voilà pourquoi l'Éternel te traite de cette manière aujourd'hui. Et même l'Éternel livrera Israël avec toi aux mains des Philistins." PP 658 4 L'oeuvre du tentateur consiste à excuser le péché, à rendre attrayant le sentier du mal, et l'homme sourd aux avertissements du Seigneur. Durant des années, séduit par ce régime, Saül avait méprisé les réprimandes de Samuel. Maintenant, Satan change brusquement de tactique. Pour plonger dans le désespoir le roi affolé, il dresse devant lui toute l'énormité de son péché et l'impossibilité du pardon. C'était le meilleur moyen de l'écraser et de le pousser au suicide. PP 658 5 Lorsque Saül entend cette effroyable prédiction, affaibli par la fatigue et le jeûne, bourrelé de remords, éperdu, il oscille comme un chêne dans la tempête et s'affale sur le sol. Terrifiée de voir le roi d'Israël étendu sans connaissance à ses pieds, la sorcière se demande ce qui va lui arriver. Elle le supplie de se relever et de prendre quelque nourriture, en lui rappelant qu'elle a exposé sa vie pour le satisfaire. Les serviteurs de Saül s'étant joints à ses instances, il cède enfin, et la femme place devant lui le veau gras et des pains sans levain préparés à la hâte. Quelle scène! Quelques heures avant d'affronter la mort, l'homme que Dieu a oint roi sur Israël prend son repas, en face d'une sorcière, dans un antre lugubre où viennent de retentir, comme sorties des enfers, les plus sinistres prédictions! PP 659 1 Avant le point du jour, Saül et ses serviteurs sont de retour au camp pour se préparer au combat. En consultant l'esprit des ténèbres, Saül a consommé sa perte. Accablé par le désespoir, comment va-t-il pouvoir inspirer du courage à son armée? Séparé du ciel, comment inviter Israël à regarder à Dieu, la source de tout secours? La prédiction fatale va elle-même concourir à son accomplissement. PP 659 2 Dans la plaine de Sunem et sur les pentes de Guilboa s'engage bientôt, entre l'armée d'Israël et les hordes philistines, une mêlée sanglante. Bien que l'affreux spectre de la caverne d'Endor ait banni de son coeur tout espoir de salut, Saül défend néanmoins son trône et son royaume avec une énergie désespérée. Mais c'est en vain. "Les Israélites s'enfuirent devant les Philistins, et beaucoup d'entre eux, blessés à mort, tombèrent sur la montagne de Guilboa." Trois des fils du roi ont péri bravement à ses côtés. Il a vu l'épée faucher autour de lui ses plus vaillants guerriers. Pressé par les archers ennemis, gravement blessé, ne pouvant plus ni combattre ni fuir, et résolu à ne pas tomber vivant entre les mains des Philistins, Saül avait dit à son écuyer: "Tire ton épée et transperce-moi." Ce dernier refusa de porter la main contre l'oint de l'Éternel. Alors Saül se jeta sur son épée et se tua lui-même. PP 659 3 Ainsi mourut le premier roi d'Israël, par un suicide. A la fin d'une vie manquée, il était descendu dans la tombe, désespéré et déshonoré! Et tout cela pour avoir préféré faire sa volonté plutôt que celle de Dieu! PP 659 4 La nouvelle de la défaite se répandit au loin et plongea tout Israël dans la consternation. Les villes furent abandonnées par la population et les Philistins en prirent tranquillement possession. Le règne de Saül avait consommé la ruine de son royaume. PP 660 1 Le lendemain, les Philistins, en parcourant le champ de bataille, découvrirent les cadavres de Saül et de ses trois fils. Pour compléter leur triomphe, ils décapitèrent le roi, le dépouillèrent de son armure et emportèrent chez eux ces trophées ensanglantés. "Ils déposèrent les armes de Saül dans le temple d'Astarté et attachèrent son corps à la muraille de Beth-San, près de Guilboa, non loin du Jourdain." Ils firent de même pour les cadavres de ses fils, qui, suspendus par des chaînes, allaient être dévorés par les oiseaux de proie. PP 660 2 Les courageux habitants de Jabès de Galaad, se rappelant comment, en des années plus heureuses, Saül avait délivré leur ville, donnèrent à ces corps pantelants une honorable sépulture. Ils traversèrent le Jourdain de nuit, enlevèrent de la muraille de Beth-San les cadavres de Saül et de ses fils et revinrent à Jabès, où ils les brûlèrent. Puis ils prirent leurs cendres, les ensevelirent sous le tamaris qui est près de Jabès et jeûnèrent pendant sept jours. Une noble action accomplie quarante ans auparavant valut, à Saül et à ses fils, d'être enterrés par des hommes compatissants à l'heure sombre de la défaite et du déshonneur. ------------------------Chapitre 67 -- Sorcellerie ancienne et moderne PP 661 1 Le récit biblique de la visite de Saül chez la pythonisse d'Endor a posé un problème à beaucoup de croyants. Certains en concluent que Samuel fut personnellement présent à cette entrevue. Mais la Bible nous donne elle-même les preuves du contraire. Si, comme on le prétend, Samuel était alors au ciel, il a donc dû en redescendre, soit par la puissance de Dieu, soit par celle de Satan! Or, nul ne peut admettre un instant que Satan ait eu le pouvoir de faire descendre du ciel ce saint prophète en réponse aux incantations d'une sorcière. On ne peut croire non plus que Dieu ait ordonné à Samuel de répondre à l'appel de cette femme, alors qu'il avait refusé d'entrer en communication avec Saül par des songes, par l'Urim, ou par les prophètes.(1) Dans ce cas, Dieu aurait abandonné ses propres moyens pour se révéler à Saül par l'intermédiaire d'un suppôt de Satan! PP 661 2 Le message donné à Saül prouve suffisamment son origine. Sa teneur, loin de porter le roi à se convertir, n'avait pour but que de le pousser au suicide. C'est là, non l'oeuvre de Dieu, mais celle de Satan. D'autre part, le fait que Saül consulta une sorcière est cité dans l'Écriture comme une des causes de sa mort: "Ainsi mourut Saül, à cause de la faute qu'il avait commise contre l'Éternel, parce qu'il n'avait pas observé la parole de l'Éternel et aussi parce qu'il avait interrogé et consulté ceux qui évoquent les esprits. Il ne consulta point l'Éternel; l'Éternel le fit donc mourir et transféra la royauté à David, fils d'Isaï."(2) L'affirmation est formelle: Saül consulta les esprits du mal et non le Seigneur. Ce n'est donc pas avec Samuel qu'il entra en conversation par le moyen de la sorcière, mais bien avec Satan. Celui-ci, ne pouvant faire paraître le vrai Samuel, produisit une contrefaçon du prophète qui servit à son dessein séducteur. PP 662 1 Presque toutes les formes anciennes de nécromancie et de sorcellerie étaient fondées sur la foi en la survivance des morts. Ceux qui pratiquaient les arts occultes prétendaient entretenir un commerce avec les trépassés et obtenir d'eux la connaissance de l'avenir. Le prophète Ésaïe mentionne cette coutume: "Si l'on vous dit: Consultez ceux qui évoquent les morts et les devins, ceux qui chuchotent et qui murmurent, répondez: Un peuple ne doit-il pas consulter son Dieu? S'adressera-t-il aux morts pour les vivants?"(3) PP 662 2 Cette croyance à la possibilité de communiquer avec les morts était à la base de l'idolâtrie. Les païens s'imaginaient que leurs dieux étaient les esprits déifiés des héros trépassés. Le paganisme n'était donc pas autre chose que le culte des morts. Cela découle du texte même des Écritures. Dans le récit du péché d'Israël à Beth-Péor, on lit: "Pendant qu'Israël séjournait à Sittim, le peuple commença à se livrer à la débauche avec les filles de Moab. Celles-ci invitèrent les Israélites à prendre part aux sacrifices en l'honneur de leur dieu. Israël s'attacha à Baal-Péor.",(4) Le psalmiste nous révèle à quel "dieu" ces sacrifices étaient offerts. Parlant de la même circonstance, il dit: "Ils s'attachèrent à Baal-Péor, et mangèrent les sacrifices des morts(5) c'est-à-dire offerts aux morts. PP 662 3 La déification des trépassés, de même que les fausses communications avec eux, ont joué un grand rôle dans presque tous les systèmes du paganisme. On croyait que ces dieux transmettaient leur volonté aux hommes et donnaient des conseils à ceux qui les consultaient. Ceci s'applique directement aux oracles de la Grèce et de Rome. PP 663 1 Le prétendu commerce avec les morts existe encore aujourd'hui, même dans les pays dits chrétiens. Ces entretiens avec ceux qui se donnent pour les esprits de personnes décédées sont aujourd'hui connus sous le nom de spiritisme.(6) Ils possèdent un attrait tout spécial pour ceux qui ont déposé des êtres chers dans la tombe. Sous l'aspect de ces amis qui sont morts, des esprits vaporeux leur apparaissent, leur parlent d'incidents qui se sont produits de leur vivant et leur rappellent leurs habitudes. Ils amènent ainsi les gens à croire que ces êtres disparus sont des anges qui, ici-bas, entrent en rapport avec eux. On voue ainsi un culte à ces prétendus esprits des trépassés, dont les déclarations ont, pour beaucoup de gens, plus de poids que la Parole de Dieu. PP 663 2 D'autre part, beaucoup envisagent le spiritisme comme une simple imposture. Ils attribuent au charlatanisme les manifestations qui servent aux médiums à démontrer le caractère surnaturel du spiritisme. Mais s'il y a là des jongleries et des tours de passe-passe, il faut reconnaître qu'il existe des apparitions surnaturelles frappantes. Lorsque ceux qui considèrent le spiritisme comme du charlatanisme se trouveront en présence de phénomènes impossibles à qualifier de supercheries, ils deviendront ses adeptes. PP 663 3 Le spiritisme moderne, comme les diverses formes de l'ancienne sorcellerie et du culte des idoles -- qui ont tous comme principe le commerce avec les morts -- se fonde sur ce premier mensonge qui séduisit Ève dans le jardin d'Éden: "Vous ne mourrez certainement pas; mais Dieu sait que le jour où vous mangerez de ce fruit,... vous serez comme Dieu."(7) Ayant pour origine un mensonge qu'ils perpétuent, tous les genres d'occultisme procèdent également du père du mensonge. PP 663 4 Il était expressément défendu aux Hébreux de participer d'une manière quelconque au prétendu commerce avec les morts. La Parole de Dieu enlève toute valeur à la nécromancie quand elle déclare: "Les morts ne savent rien!... Ils n'ont désormais plus aucune part à ce qui se fait sous le soleil."(8) "Son souffle s'en va; il retourne à la poussière, en ce jour-là ses desseins sont anéantis."(9) Dieu avait en outre déclaré à Israël: "Si quelqu'un s'adresse à ceux qui évoquent les esprits et aux devins, je tournerai ma face contre cet homme, et je le retrancherai du milieu de son peuple."(10) PP 664 1 Les "esprits" ne sont donc pas ceux des morts, mais bien les mauvais anges, les messagers de Satan. La Bible déclare que l'ancienne idolâtrie qui, comme on l'a vu, renferme à la fois le culte des morts et les prétendues communications avec eux, n'est autre que le culte des démons. L'apôtre Paul avertit ses frères de n'avoir aucune part à l'idolâtrie de leurs voisins païens. "Ce que les païens sacrifient, ils le sacrifient aux démons, et non pas à Dieu. Or, je ne veux pas que vous ayez communion avec les démons."(11) Le psalmiste dit qu'"en sacrifiant leurs fils et leurs filles aux idoles de Canaan(12) tout en croyant rendre un culte à des trépassés, les Israélites adoraient en réalité les démons. PP 664 2 Le spiritisme moderne, qui a la même base, n'est que la réapparition, sous une forme nouvelle, de la sorcellerie et du culte des démons anciennement interdits et condamnés. Cette réapparition est prédite dans les Écritures, qui nous déclarent que "dans les temps à venir, quelques-uns se détourneront de la foi pour s'attacher à des esprits séducteurs et à des doctrines de démons".(13) Dans sa deuxième épître aux Thessaloniciens, le même apôtre annonce une activité spéciale qui doit se produire par le spiritisme immédiatement avant le retour du Seigneur. Il l'appelle une "apparition de la puissance de Satan, opérant avec toutes sortes de miracles, de signes et de prodiges menteurs."(14) PP 664 3 L'apôtre Pierre décrit également les dangers auxquels l'Église sera exposée aux derniers jours. "Il y aura de même, dit-il, comme autrefois, de faux docteurs qui introduiront sournoisement des hérésies pernicieuses, et qui, reniant le Maître qui les a rachetés, attireront sur eux-mêmes une ruine soudaine."(15) Cet apôtre signale ici l'un des traits caractéristiques des doctrines spirites. Ils renient Jésus-Christ comme Fils de Dieu. Or, l'apôtre Jean qualifie ainsi cette catégorie de docteurs: "Qui est le menteur, sinon celui qui nie que Jésus est le Christ? Voilà l'antichrist, celui qui nie le Père et le Fils. Quiconque nie le Fils n'a pas non plus le Père."(16) En reniant Jésus-Christ, le spiritisme renie le Père et le Fils, et devient la manifestation de l'antichrist. PP 665 1 Quand il prédisait le sort de Saül par la femme d'Endor, Satan cherchait à entraîner le peuple d'Israël dans ses pièges. Il espérait qu'en allant consulter la sorcière, celui-ci se laisserait ainsi guider par lui, au lieu de s'adresser à celui qui seul devait être le conseiller de son peuple. La fascination que le spiritisme exerce sur les masses tient à son prétendu pouvoir de soulever le voile de l'avenir et de révéler aux hommes ce que Dieu leur a caché. Or, sur les grands événements futurs le Seigneur nous a révélé tout ce qu'il nous est utile de savoir. Ces prédictions constituent un guide à travers les périls qui nous attendent. Satan, en échange, vise à ébranler notre confiance en Dieu. Il veut nous rendre mécontents de notre ignorance et nous pousser, au mépris de ce que le Très-Haut nous a révélé dans sa sainte Parole, à chercher des connaissances qu'il nous a voilées. PP 665 2 Bien des gens se tourmentent de ne pas connaître l'issue de certaines affaires. Ils supportent mal l'incertitude et ne consentent pas à attendre de voir comment Dieu fera tout concourir à sa gloire. Les maux qu'ils pressentent les affolent. Ils cèdent à des sentiments de révolte et se plaignent de ne pas connaître ce qui ne leur est pas révélé. S'ils voulaient se confier en Dieu, ils recevraient dans sa communion la consolation et le calme après lesquels ils soupirent. En allant à Jésus, ces âmes "fatiguées et chargées" "trouveraient du repos". En négligeant la consolation que Dieu leur offre et en s'adressant ailleurs pour connaître ce qu'il leur a caché, elles tombent dans l'erreur de Saül et n'obtiennent que la connaissance du mal. PP 665 3 Ce désir impatient de déchirer le voile de l'avenir est un manque de foi en Dieu et prépare la voie aux suggestions du grand séducteur qui, en révélant aux hommes certains faits passés, leur fait croire qu'il est capable de révéler l'avenir. Grâce à l'expérience acquise au cours des siècles, et par le calcul des causes et des effets, il parvient à connaître avec une certaine précision quelques événements futurs de la vie de l'homme. Et voilà comment il séduit de pauvres âmes égarées pour les attirer sous son pouvoir et les soumettre à sa volonté. PP 665 4 Relisons l'avertissement que Dieu nous donne par un prophète: "Si l'on vous dit: Consultez ceux qui évoquent les morts et les devins, ceux qui chuchotent et qui murmurent, répondez: Un peuple ne doit-il pas consulter son Dieu: S'adressera-t-il aux morts en faveur des vivants? A la loi et au témoignage! Si le peuple ne parle pas ainsi, il n'y aura point d'aurore pour lui!"(17) PP 666 1 Faut-il que les adorateurs d'un Dieu saint, infini en sagesse et en puissance, aillent chercher des renseignements auprès des diseurs de bonne aventure dont les connaissances proviennent de leur intimité avec l'ennemi de nos âmes? C'est Dieu qui est la lumière de son peuple. Il l'invite à fixer, par la foi, ses regards sur des gloires cachées aux yeux des humains. Le Soleil de justice projettera dans leurs coeurs des rayons d'allégresse. Éclairés par le ciel, ils n'auront nulle envie de s'éloigner de la source de la lumière pour écouter les messages du prince des ténèbres. PP 666 2 Contrairement à ce qu'il fit pour Saül, le tentateur use souvent d'un autre moyen. Il séduit par la flatterie. Les anciens oracles poussaient les hommes aux pires impuretés. Ils faisaient table rase des préceptes divins condamnant le péché et prescrivant la vertu et la vérité. De même, le spiritisme affirme qu'il n'y a ni mort, ni péché, ni rétribution; que le désir est la loi suprême, et que l'homme n'est justiciable que de lui-même. Les barrières que Dieu a dressées autour de la vérité, de la justice, de la piété sont renversées, et bien des âmes sont entraînées dans le mal. Ces enseignements ne révèlent-ils pas une origine identique à celle du culte des démons? PP 666 3 Dieu montra aux Israélites les résultats du commerce avec les esprits malins en plaçant sous leurs yeux les abominations des Cananéens, qui étaient sans affection naturelle, idolâtres, adultères, meurtriers, abominables par leurs pensées et leurs actions révoltantes. En effet, on ignore que "le coeur de l'homme est trompeur plus que toute chose et incurablement mauvais".(18) PP 666 4 Satan était résolu à maintenir sa domination sur la terre des Cananéens. Aussi, quand elle devint le patrimoine des Hébreux et fut régie par la loi divine, sa haine contre Israël se décupla et il se mit à ourdir sa perte. Grâce à l'intermédiaire des mauvais esprits, il y introduisit les faux dieux, et finalement le peuple fut expulsé du pays promis. PP 666 5 Cette histoire, Lucifer s'efforce de la répéter aujourd'hui. Dieu appelle son peuple à se séparer du monde pour obéir à sa loi. Aussi la rage de "l'accusateur de nos frères" ne connaît pas de bornes. "Le diable est descendu vers vous, rempli de fureur, sachant qu'il ne lui reste que peu de temps."(19) Lorsqu'il voit que les élus sont sur le point d'entrer en possession de la terre promise, il cherche à les frustrer de leur héritage. Jamais cette recommandation de Jésus n'a été plus nécessaire: "Veillez et priez, afin que vous ne tombiez pas dans la tentation."(20) PP 667 1 La parole que Dieu adressait au peuple d'Israël est donc aussi pour les hommes de notre génération: "Ne vous adressez point à ceux qui évoquent les esprits ni aux devins. Ne les consultez pas, afin de ne pas vous souiller avec eux;" "car l'Éternel a horreur de quiconque recourt à de telles pratiques".(21) ------------------------Chapitre 68 -- Un malheur à Tsiklag PP 669 1 David et ses hommes n'avaient pas participé au combat, mais ils avaient accompagné les Philistins jusqu'au champ de bataille. Lorsque les deux armées se préparaient à en venir aux mains, le fils d'Isaï se trouva dans la situation la plus critique. Chacun s'attendait, en effet, à le voir joindre ses armes à celles des Philistins. Or, quitter, au cours des hostilités, le poste qui lui serait assigné, c'était commettre envers Akis, qui l'avait protégé, la triple félonie de la lâcheté, de l'ingratitude et de la trahison. Un acte semblable l'aurait couvert d'infamie et exposé à la vengeance d'ennemis plus à craindre encore que Saül. D'autre part, combattre contre Israël, c'était trahir sa patrie, se constituer l'ennemi de Dieu et de son peuple. De plus, la mort du roi lui aurait été attribuée. PP 669 2 En y réfléchissant, David comprit son erreur. Il se rendit compte qu'il aurait mieux fait de chercher un abri sous la garde de Dieu dans les hautes montagnes, plutôt que chez les ennemis de l'Éternel et de son peuple. Dans sa miséricorde, le Seigneur ne voulut pas punir l'erreur de son serviteur ni l'abandonner dans sa détresse. Si David avait trébuché, s'il avait manqué de foi en la puissance céleste, il n'avait jamais songé à abandonner son Dieu. Aussi, tandis que Satan et ses légions étaient affairés à préparer la ruine d'un roi qui avait abandonné Dieu, les anges travaillaient à délivrer David du piège dans lequel il était tombé. Les princes philistins se mirent à protester contre la présence de David et de sa troupe au milieu de leur armée. "Qui sont ces Hébreux?"(1) s'écrièrent-ils en se pressant autour d'Akis. Celui-ci, peu disposé à se séparer d'un allié aussi apprécié, répondit: "C'est David, serviteur de Saül, roi d'Israël, qui habite chez moi depuis des jours et des années. Je n'ai rien trouvé à lui reprocher depuis le jour où il a passé à nous jusqu'à maintenant." PP 670 1 Irrités, les chefs des Philistins demandèrent le départ des Hébreux: "Renvoie cet homme, dirent-ils; qu'il s'en retourne à l'endroit où tu l'as établi, et qu'il n'aille pas avec nous à la guerre, de peur qu'il ne se tourne contre nous pendant le combat. Comment, en effet, pourrait-il regagner la faveur de son maître, si ce n'est au prix des têtes de nos hommes? N'est-ce pas ce David dont on disait, en chantant dans les danses: Saül a frappé ses mille et David ses dix mille?" La perte de leur fameux champion et le triomphe d'Israël dont la mort de Goliath avait été le signal étaient encore tout frais dans la mémoire des Philistins. PP 670 2 Akis, forcé de céder, s'en excusa auprès de David: "Aussi vrai que l'Éternel est vivant, lui dit-il, tu es un homme droit et j'aime à te voir aller et venir dans le camp auprès de moi; car je n'ai trouvé chez toi rien de répréhensible, depuis le jour de ton arrivée auprès de moi jusqu'à aujourd'hui. Mais tu ne plais pas aux princes. Maintenant donc, retire-toi et va en paix, afin de ne point mécontenter les princes des Philistins." PP 670 3 David craint de trahir les sentiments qui l'agitent. Il répondit: "Qu'ai-je fait, et qu'as-tu trouvé à blâmer chez ton serviteur, depuis que je suis auprès de toi jusqu'à maintenant, pour que je ne puisse aller combattre les ennemis de mon seigneur le roi?" PP 670 4 La réponse d'Akis doit avoir éveillé chez le fils d'Isaï un sentiment de honte et de remords à la pensée de la dissimulation à laquelle lui, un serviteur de l'Éternel, venait de s'abaisser. "Je le sais, répondit Akis; tu m'es agréable comme un ange de Dieu. Mais les princes des Philistins ont dit: Il ne montera pas avec nous au combat. Ainsi, lève-toi de bon matin, toi et les serviteurs de ton maître qui sont avec toi; oui, levez-vous de bon matin, et aussitôt qu'il fera jour, partez." Le piège dans lequel David était tombé n'existait plus. Il était libre. PP 671 1 Après trois journées de marche, David et ses six cents hommes arrivèrent chez eux à Tsiklag. Mais cette ville n'offrait plus qu'un spectacle de désolation. Les Amalécites, en leur absence, s'étaient vengés des incursions de David sur leur territoire. Surprenant sa ville sans défense ils l'avaient mise à sac et incendiée, emmenant avec eux les femmes, les enfants et de riches dépouilles. PP 671 2 Surpris et horrifiés, David et ses hommes virent les ruines noircies de leurs demeures dévorées par le feu. Mais bientôt, devant la réalité du désastre, ces guerriers au coeur de fer "élevèrent la voix et pleurèrent, même jusqu'à n'avoir plus la force de pleurer". Tel était le châtiment que David s'était attiré pour avoir manqué de foi en se réfugiant chez les Philistins! Il put se convaincre du peu de sécurité que l'on trouve chez les ennemis de Dieu et de son peuple. Ses hommes eux-mêmes l'accusèrent d'être la cause de ce malheur. Il avait provoqué la colère des Amalécites, puis, aveuglé par sa confiance en ses ennemis, quitté sa ville sans y laisser de garnison. Fous de douleur et de rage, ses soldats étaient prêts à tout. Ils parlaient même de le lapider. PP 671 3 Pour David, le secours humain avait disparu. Ce qui lui était le plus cher sur la terre avait été emporté. Saül l'avait chassé de sa patrie; les Philistins l'avaient rejeté. Les Amalécites avaient pillé sa ville; ses femmes et ses enfants avaient été faits prisonniers; et ses amis intimes, dressés contre lui, songeaient à le mettre à mort! Dans cette extrémité, au lieu de s'arrêter aux circonstances de la scène déchirante qui l'entoure, David "trouve sa force en l'Éternel, son Dieu". Il repasse dans sa mémoire sa vie mouvementée. Dieu l'a-t-il jamais abandonné? Maints souvenirs des faveurs divines viennent alors l'encourager. Tandis que ses compagnons aggravent leur souffrance par leur fureur et leur emportement, l'homme de Dieu, dont la douleur est plus vive encore, demeure calme, en se répétant cette parole d'un de ses cantiques: PP 671 4 Au jour d'alarmes, Je me confierai en toi.(2) PP 672 1 S'il n'aperçoit pas l'issue de cette impasse, Dieu la voit et la lui montrera. Faisant chercher Abiathar, le prêtre, il "consulte [par lui] l'Éternel et lui dit: Dois-je poursuivre cette troupe? L'atteindrai-je? L'Éternel lui répondit: Mets-toi à sa poursuite; certainement tu l'atteindras et tu délivreras les captifs."(3) PP 672 2 A l'ouïe de cette réponse, le tumulte de la douleur et de la colère s'apaise, et David, suivi de ses guerriers, se met immédiatement à la poursuite des pillards. Leur marche est si rapide que, parvenus au torrent de Bésor qui se jette dans la Méditerranée près de Gaza, deux cents d'entre eux, épuisés, ne peuvent plus continuer. On rencontre bientôt un homme qui paraît mourant de fatigue et de faim. Après avoir mangé et bu, il raconte que son maître, un Amalécite faisant partie des maraudeurs, l'a abandonné à son sort. Il fait ensuite le récit du pillage de Tsiklag et consent, à condition d'avoir la vie sauve et de n'être pas livré à son maître, à conduire la troupe de David au camp des ravisseurs. PP 672 3 Quand elle arrive en vue de leur campement, elle se trouve en face d'une scène de liesse. "Les Amalécites étaient répandus sur toute la contrée, mangeant, buvant et se livrant à des réjouissances, à cause de l'immense butin qu'ils avaient emporté du pays des Philistins et du pays de Juda." David ordonne une attaque immédiate, et sa troupe fonce furieusement sur sa proie. Pris à l'improviste, les Amalécites sont dans un complet désarroi. La bataille se poursuit toute la nuit et tout le jour suivant. Presque toute l'armée ennemie est mise en pièces. Seul, un détachement de quatre cents hommes montés sur des chameaux réussit à s'échapper. La parole du Seigneur se vérifia. "David reprit tout ce que les Amalécites avaient enlevé. Il délivra aussi ses deux femmes. Il ne manqua personne, ni petit, ni grand, ni fils, ni fille, ni aucune partie du butin, rien de ce que les Amalécites avaient pris: David ramena tout." PP 672 4 Chaque fois que David avait envahi le territoire des Amalécites, il avait fait passer au fil de l'épée tous les habitants qui étaient tombés entre ses mains. N'eût été la puissance de Dieu opérant à fin contraire, les Amalécites, usant de représailles, auraient fait périr tous les habitants de Tsiklag. Mais ils avaient décidé d'épargner les captifs afin de rehausser la gloire de leur triomphe, se réservant de les vendre ensuite comme esclaves. Sans le savoir, ils accomplissaient le dessein de Dieu. Les femmes purent être rendues, saines et sauves, à leurs maris et les enfants à leurs pères. PP 673 1 Toutes les puissances terrestres sont soumises au pouvoir de l'Être suprême. Au dominateur le plus superbe, à l'oppresseur le plus cruel, il dit: PP 673 2 Tu viendras jusqu'ici, Et tu n'iras pas plus loin, Ici s'arrêtera l'orgueil de tes flots!(4) PP 673 3 La puissance divine est constamment à l'oeuvre pour neutraliser les forces du mal. Elle besogne sans cesse parmi les hommes, non pour détruire, mais pour corriger et conserver. PP 673 4 Pleine de joie, l'armée de David retourna chez elle. En rejoignant leurs compagnons restés en arrière, les plus égoïstes et les plus turbulents d'entre eux prétendirent que ceux qui n'avaient pas pris part à la bataille ne pourraient participer aux dépouilles; qu'il devait leur suffire de recouvrer chacun sa femme et ses enfants. David ne sanctionna pas cette proposition. "N'en usez pas ainsi, mes frères, avec ce que l'Éternel nous a donné, dit-il. La part de ceux qui descendent au combat et la part de ceux qui gardent les bagages doivent être égales; ils partageront entre eux." Ainsi fut fait. Plus tard, ce fut en Israël une loi que tous ceux qui participaient à une campagne militaire devaient avoir leur part des dépouilles tout comme ceux qui avaient directement été mêlés au combat. PP 673 5 Outre qu'ils rentrèrent en possession de tout le butin emporté de Tsiklag, David et ses gens capturèrent de nombreux troupeaux de bêtes à cornes et de menu bétail appartenant aux Amalécites. Ceux qui marchaient en tête disaient: "Voici le troupeau de David." De retour à Tsiklag, celui-ci en envoya des présents aux anciens de Juda, sa tribu. Dans cette distribution, il eut soin de se rappeler tous ceux qui l'avaient accueilli quand il fuyait de lieu en lieu pour sauver sa vie. Ainsi furent récompensés les actes de bonté et de sympathie qui lui avaient été si précieux. PP 673 6 A Tsiklag, chacun se mit immédiatement en devoir de réparer sa demeure en ruines, tout en attendant, avec une vive inquiétude, des nouvelles de la grande bataille entre Hébreux et Philistins. PP 674 1 "Le troisième jour, on vit paraître un homme qui revenait du camp de Saül, les habits déchirés et la tête couverte de poussière."(5) On l'amena immédiatement auprès de David devant qui "il se jeta contre terre et se prosterna", et à qui il annonça la défaite de Saül, sa mort et celle de Jonathan. Supposant que David devait ressentir de l'amertume à l'égard de son implacable persécuteur, et pensant s'attirer des honneurs, le fugitif jugea utile de se donner faussement pour l'exécuteur du roi. Il raconta avec emphase qu'il avait vu, durant le combat, le roi d'Israël entouré d'ennemis, et que, sur sa demande, il l'avait mis à mort. Il comptait fermement que ces nouvelles seraient accueillies avec joie et que sa récompense serait belle. Il apportait le diadème que Saül avait sur la tête et les bracelets d'or qui étaient à son bras. PP 674 2 Mais "David prit ses vêtements et les déchira; et tous les hommes qui étaient avec lui firent de même. Ensuite, ils célébrèrent le deuil, ils pleurèrent et jeûnèrent jusqu'au soir à cause de Saül, de Jonathan, son fils, du peuple de l'Éternel et de la maison d'Israël, parce qu'ils étaient tombés par l'épée." PP 674 3 La première émotion de David passée, sa pensée se reporta sur l'étrange messager et sur le crime dont il osait se vanter d'être l'auteur. Il demanda au jeune homme: "D'où es-tu? Il répondit: Je suis le fils d'un étranger [établi au pays d'Israël], d'un Amalécite. David lui dit: Comment n'as-tu pas craint de lever la main pour faire périr l'oint de l'Éternel?" Lui qui avait eu deux fois Saül entre les mains, avait toujours refusé, malgré toutes les sollicitations, de mettre la main sur le roi d'Israël; et cet Amalécite ne craignait pas de venir se glorifier de l'avoir tué de sa main! Comme il s'était accusé d'un crime digne de mort, le châtiment lui fut immédiatement infligé. "Ton sang soit sur ta tête! ajouta David. Ta bouche a témoigné contre toi-même, quand tu as dit: C'est moi qui ai fait mourir l'oint de l'Éternel." PP 674 4 La douleur qu'éprouva David à la nouvelle de la mort de Saül était sincère et profonde. Elle témoignait de la générosité d'un noble coeur. Il ne se réjouissait pas de la chute de son ennemi. Si l'obstacle qui s'était opposé à son accès au trône avait disparu, il n'en éprouvait aucune joie. La mort avait effacé le souvenir de la jalousie et de la cruauté de Saül. David ne pensait plus qu'à ce qu'il y avait eu de bon et de royal dans sa vie. Il associait même le nom de Saül à celui de Jonathan, dont l'amitié avait été si profonde et si désintéressée. PP 675 1 L'hymne suivant dans lequel David a exprimé les sentiments de son coeur a constitué un trésor pour le peuple d'Israël, comme pour le peuple de Dieu de la nouvelle alliance: PP 675 2 Ton élite, ô Israël, a péri sur les collines! Comment ces héros sont-ils tombés? N'allez pas l'annoncer dans Gath, Ne le publiez pas dans les rues d'Askalon, De peur que les filles des Philistins ne s'en réjouissent. PP 675 3 Montagnes de Guilboa, Qu'il n'y ait sur vous ni rosée ni pluie, Ni champs dont on offre les prémices! Car c'est là que fut déshonoré le bouclier des héros, Le bouclier de Saül, qui ne sera plus jamais oint d'huile. ... PP 675 4 Saül et Jonathan, aimés et chéris pendant leur vie, N'ont pas été séparés dans leur mort. Ils étaient plus légers que les aigles, Plus forts que les lions. PP 675 5 Filles d'Israël, pleurez sur Saül, Qui vous revêtait somptueusement de pourpre, Qui mettait sur vos vêtements des ornements d'or! Comment sont tombés les hommes forts au milieu de la bataille? Et comment Jonathan a-t-il péri sur vos collines? PP 675 6 Jonathan, mon frère, mon coeur se serre à cause de toi. Tu faisais mes délices; Ton amour m'était bien plus précieux que l'amour des femmes. Comment les héros sont-ils tombés? Comment leurs armes de guerre ont-elles été brisées?(6) ------------------------Chapitre 69 -- David appelé au trône PP 677 1 La mort du roi d'Israël mettait fin à l'exil de David. Après les jours du deuil de Saül et de Jonathan, "David consulta l'Éternel en ces termes: Dois-je monter dans quelqu'une des villes de Juda? L'Éternel lui répondit: Monte. David reprit: Dans laquelle monterai-je? L'Éternel répondit: A Hébron."(1) PP 677 2 Hébron était à une trentaine de kilomètres au nord de Béer-Séba et à mi-chemin entre cette ville et le site de la future ville de Jérusalem. On l'appelait originellement Kirjath-Arbah, ville d'Arbah, père d'Anak. C'est là qu'était la caverne de Macpéla, sépulcre des patriarches. Hébron, qui avait été la possession de Caleb, était alors la principale ville de la tribu de Juda. Elle était située dans une vallée entourée de collines et de champs fertiles, où se trouvaient les plus belles vignes de la Palestine, ainsi que de nombreuses plantations d'oliviers et d'autres arbres fruitiers. PP 677 3 On se prépara immédiatement à suivre les directives du Seigneur. David et ses six cents guerriers, accompagnés de leurs femmes, de leurs enfants et de tous leurs troupeaux de gros et de menu bétail furent bientôt sur la route d'Hébron. En entrant dans la ville, la caravane trouva la population rassemblée pour souhaiter la bienvenue à David en qualité de futur roi d'Israël. Les préparatifs du couronnement furent faits sans retard, "et ils oignirent David roi de la maison de Juda"; mais rien ne fut tenté pour contraindre les autres tribus à le reconnaître. PP 678 1 Un des premiers soins du nouveau monarque fut d'exprimer sa profonde affection pour la mémoire de Saül et de Jonathan. Apprenant le noble geste des hommes de Jabès de Galaad qui avaient recueilli les restes des héros d'Israël et leur avaient rendu les honneurs de la sépulture, il envoya à Jabès une ambassade avec ce message: "Soyez bénis de l'Eternel, vous qui, par un pieux respect pour Saül, votre seigneur, lui avez accordé la sépulture! Puisse l'Éternel, en retour, vous témoigner sa bienveillance et sa fidélité! Moi aussi, je vous ferai du bien puisque vous avez agi ainsi." Il leur annonçait ensuite son accession au trône de Juda et invitait ces nobles coeurs à lui prêter fidélité. PP 678 2 Les Philistins ne s'opposèrent pas au couronnement de David comme roi de Juda. L'ayant accueilli avec bonté dans le ferme espoir d'affaiblir la puissance de Saül, ils espéraient qu'en raison des faveurs qu'ils lui avaient témoignées, le nouveau roi orienterait sa politique à leur avantage. Mais le règne de David n'allait pas être exempt de perplexités. La sombre liste des conspirations et des séditions commença dès son couronnement. Il ne fit pourtant rien pour susciter de l'opposition, et il n'usurpa point le trône, puisque c'était Dieu qui l'avait fait oindre roi d'Israël. PP 678 3 La royauté de David n'eut pas plus tôt été reconnue par les hommes de Juda qu'Abner, général en chef de l'armée de Saül, l'homme le plus distingué en Israël, suscitait à David un trône rival, en y plaçant un incapable, fils du défunt roi. Il pensait donner ainsi des gages à l'affection profonde de la nation pour Jonathan, ainsi qu'à l'armée qui conservait son admiration pour Saül en souvenir de ses premières campagnes. PP 678 4 La suite se chargea de démontrer qu'Abner était un ambitieux, totalement dépourvu de principes. Intimement associé à Saül, il partageait son mépris pour le fils d'Isaï. Sa haine s'était accrue à la suite de la réprimande cinglante que David lui avait infligée lorsque la cruche d'eau et la hallebarde du roi avaient été dérobées au chevet du monarque. Abner ne pouvait oublier les paroles que David avait alors adressées au roi et à son armée: "Quoi, n'es-tu pas un brave? Et qui est ton pareil en Israël? Pourquoi donc ne veilles-tu pas sur le roi, ton seigneur? ... Ce n'est pas bien, ce que tu as fait là. Aussi vrai que l'Éternel est vivant, vous méritez la mort, vous qui ne veillez pas sur votre seigneur, l'oint de l'Éternel."(2) Le souvenir de cette remontrance avait décidé Abner à se venger en créant une scission en Israël. En outre, il espérait utiliser le représentant de la dynastie disparue aux fins de son ambition et de son égoïsme. PP 679 1 Mettant à exécution ses plans séditieux avec une détermination digne d'une meilleure cause, Abner choisit comme résidence royale la ville de Mahanaïm, sur la rive orientale du Jourdain, plus à l'abri d'une attaque soit du côté de David, soit de la part des Philistins. C'est là qu'eut lieu le couronnement d'Isboseth, dont la royauté fut premièrement reconnue par les tribus transjordaniennes, puis finalement, par tout Israël, à l'exception de la seule tribu de Juda. Dans sa capitale isolée, le fils de Saül régna durant près de deux ans. Déterminé à étendre son pouvoir sur toutes les tribus, Abner se livra à une lutte agressive. "Entre la maison de Saül et la maison de David, la guerre dura longtemps; mais le pouvoir de David s'affermissait de plus en plus, tandis que la maison de Saül allait s'affaiblissant." PP 679 2 La trahison renversa bientôt ce trône édifié sur l'ambition et la rancune. Exaspéré par la faiblesse et l'incapacité d'Isboseth, Abner abandonna sa cause et vint proposer à David de lui ramener toutes les tribus d'Israël. Ce dernier accepta la proposition d'Abner, le chargea de cette mission et le congédia honorablement. Cet accueil fait à un vaillant guerrier ennemi excita la jalousie de Joab, général en chef de l'armée de David. Durant la guerre civile entre Israël et Juda, le frère de Joab, Azaël, avait été tué par Abner. Saisissant cette occasion de venger cette mort et de se débarrasser d'un rival, Joab l'assassina lâchement. PP 679 3 Quand il apprit ce noir attentat, David s'écria: "Jamais l'Éternel ne pourra imputer ni à moi ni à mon règne le meurtre d'Abner, fils de Ner. Que le sang versé retombe sur la tête de Joab et sur toute la maison de son père!" En raison de l'état de désorganisation du royaume, comme aussi de l'influence et du rang des meurtriers -- Abisaï, frère de Joab, avait été son complice -- David ne put songer à punir ce crime comme il le méritait; mais il en manifesta publiquement son horreur. On fit à Abner des funérailles nationales. L'armée, couverte de sacs et les vêtements déchirés, dut participer, Joab en tête, au convoi funèbre. David, qui jeûnait ce jour-là en signe de deuil, conduisait le cortège funèbre. Sur la tombe, les meurtriers furent ouvertement stigmatisés par le roi, en ces termes: PP 680 1 Abner devait-il mourir de la mort des insensés? ... Tes mains n'étaient pas liées, ni tes pieds enchaînés! Tu es tombé comme on tombe sous les coups des scélérats! PP 680 2 L'hommage magnanime rendu à un homme qui avait été son ennemi valut à David la confiance et l'admiration de tout Israël. "Cette conduite fut comprise et approuvée par tout le peuple, qui trouva bon tout ce qu'avait fait le roi. Ainsi ce jour-là tout le peuple, tous les Israélites reconnurent que le roi n'était pour rien dans le meurtre d'Abner, fils de Ner." Dans un cercle intime composé d'hommes de confiance, David se déclara incapable de punir les meurtriers comme il le désirait, et les remit à la justice divine. "Ne savez-vous pas, dit-il, qu'un grand capitaine est tombé aujourd'hui en Israël? Pour moi, je suis encore faible aujourd'hui, bien que j'aie reçu l'onction royale; et ces gens, les fils de Tséruja, sont trop puissants pour moi. Que l'Éternel traite celui qui a fait le mal, selon sa méchanceté." PP 680 3 Dans les offres faites à David, Abner avait été sincère, mais ses mobiles étaient égoïstes et sordides. Pour s'attirer des honneurs personnels, il s'était obstinément opposé au roi que Dieu avait désigné. Et s'il déserta la cause qu'il avait si longtemps servie, c'était par ressentiment et par amour-propre blessé. Il passa dans le parti de David dans l'espoir d'occuper de plus hautes charges. S'il eût réussi, ses talents et son ambition, sa grande influence et son absence de piété auraient mis en danger le trône de David, comme aussi la paix et la prospérité de la nation. PP 680 4 "Quand le fils de Saül apprit qu'Abner était mort, son courage fut abattu et tout Israël fut consterné." Bientôt, une deuxième trahison acheva de renverser ce trône chancelant. Isboseth fut lâchement assassiné par deux de ses capitaines qui lui coupèrent la tête et l'apportèrent à David, dont ils espéraient gagner les bonnes grâces. PP 681 1 Ils lui dirent: "Voici la tête d'Isboseth, fils de Saül, ton ennemi, qui en voulait à ta vie; l'Éternel a vengé aujourd'hui le roi, mon seigneur, de Saül et de sa race." David rappela à ses meurtriers le sort de celui qui s'était vanté d'avoir tué Saül et ajouta: "Combien plus, quand des méchants ont tué un homme de bien, dans sa maison, sur son lit, ne dois-je pas redemander son sang de votre main et vous exterminer de la terre! Alors David ordonna à ses gens de mettre à mort les meurtriers,... puis ils prirent la tête d'Isboseth et l'ensevelirent dans le tombeau d'Abner, à Hébron." PP 681 2 Après la mort d'Isboseth, "toutes les tribus d'Israël vinrent trouver David à Hébron et lui dirent: Nous voici; nous sommes tes os et ta chair. Autrefois, déjà, quand Saül régnait sur nous, c'était toi qui conduisais Israël à la guerre et qui l'en ramenais. L'Éternel t'a dit: C'est toi qui paîtras mon peuple et qui seras le chef d'Israël. Tous les anciens d'Israël vinrent donc trouver le roi à Hébron; le roi David fit alliance avec eux à Hébron, en présence de l'Éternel." David n'avait recouru ni à la trahison ni à l'intrigue. Dieu l'avait délivré de ses adversaires sans qu'il eût besoin de rien faire pour conquérir le pouvoir. PP 681 3 Le changement qui s'était produit dans les sentiments du peuple fut profond et durable. La révolution s'était déroulée dans le calme et la dignité qui convenaient à la grande oeuvre qui s'accomplissait. Le jour du couronnement, on vit décerner les plus grands honneurs à un homme injustement expulsé de la cour et qui avait dû mettre sa vie à l'abri en se réfugiant dans les cavernes des montagnes. PP 681 4 Près d'un demi-million d'anciens sujets de Saül se rassemblèrent à Hébron et aux environs. La multitude couvrait les collines et les vallées. Plus de huit mille Lévites et descendants d'Aaron entouraient le roi. Prêtres et anciens, revêtus de leurs vêtements sacrés, officiers et soldats aux épées et aux casques étincelants, ainsi que des étrangers venus de loin, assistaient à la cérémonie, debout, autour de David drapé d'une robe royale. L'onction faite par Samuel, qui n'avait été que prophétique, fut renouvelée. Sur la tête du fils d'Isaï, le prêtre versa l'huile qui le consacrait aux saintes fonctions de vice-roi de Dieu. Le sceptre fut placé entre ses mains et le diadème sur son front. La charte qui consacrait sa légitime autorité fut couchée par écrit, et le peuple prêta le serment de fidélité. PP 682 1 La cérémonie terminée, Israël avait un roi divinement choisi. L'homme qui avait patiemment attendu, en se confiant en Dieu, contemplait l'accomplissement de ses promesses. "Le pouvoir de David allait grandissant, et l'Éternel, le Dieu des armées, était avec lui."(3) ------------------------Chapitre 70 -- Le règne de David PP 683 1 A peine monté sur le trône, David se mit à la recherche d'un site plus convenable pour en faire la capitale du royaume. Son choix se fixa sur une localité située à trente-trois kilomètres au nord d'Hébron. Avant l'occupation du pays par Josué, ce lieu s'appelait Salem. C'est près de là qu'Abraham avait manifesté envers son Dieu toute la profondeur de son obéissance et de sa foi. Huit siècles avant le couronnement de David, "Melchisédec, sacrificateur du Dieu Très-Haut", y avait habité. Ce site, entouré de collines, occupait dans le pays une position élevée et centrale. Placé sur la limite des tribus de Benjamin et de Juda, à peu de distance de celle d'Éphraïm, il était d'un accès facile aux autres tribus. PP 683 2 Pour s'emparer de cet emplacement, les Hébreux devaient en déposséder un reste de Cananéens qui s'étaient fortifiés sur les collines de Sion et de Morija. Cette place forte s'appelait du nom païen de Jébus, et ses habitants les Jébusiens. Durant des siècles, on l'avait considérée comme imprenable. Elle fut assiégée et prise par Joab, qui, en récompense, fut nommé commandant en chef des armées d'Israël. Jébus devint alors la capitale de Canaan sous le nom de Jérusalem. PP 684 1 Hiram, roi de l'opulente ville de Tyr, sollicita l'alliance du roi d'Israël et lui offrit ses bons offices pour l'érection d'un palais à Jérusalem. A cet effet, il lui envoya de Tyr des ambassadeurs accompagnés d'architectes, d'ouvriers, ainsi que d'une caravane de chariots chargés de bois précieux, notamment des cèdres, et d'autres matériaux de grande valeur. PP 684 2 L'affermissement rapide du royaume de David réuni sous un seul sceptre, la prise de la forteresse de Jébus et l'alliance avec Hiram provoquèrent de nouvelles hostilités de la part des Philistins. Ils envahirent le pays d'Israël avec une forte armée et s'établirent dans la vallée des Géants. En attendant les ordres de Dieu, David et ses hommes se retirèrent dans le fort de Sion. "David consulta l'Éternel et lui demanda: Monterai-je à la rencontre des Philistins? Les livreras-tu entre mes mains? L'Éternel répondit à David: Monte; car certainement, je livrerai les Philistins entre tes mains."(1) David engagea alors immédiatement la lutte contre ses ennemis et les mit en déroute, emportant les idoles qu'ils avaient amenées avec eux pour s'assurer la victoire. PP 684 3 Humiliés et exaspérés de cette défaite, les Philistins réunirent une armée plus considérable, et, une seconde fois, "ils se répandirent dans la vallée des Géants. David consulta l'Éternel, qui lui répondit: Tu ne monteras pas; tu les tourneras par derrière, et tu les atteindras du côté des mûriers. Et quand tu entendras un bruit de pas dans les cimes des mûriers, alors hâte-toi; car à ce moment même l'Éternel marchera devant toi pour attaquer le camp des Philistins depuis Guéba jusqu'à l'entrée de Guéser." "La renommée de David se répandit dans tous les pays, et l'Éternel le rendit redoutable à toutes les nations."(2) PP 684 4 Solidement assis sur son trône, délivré des invasions, David put s'occuper d'un dessein longtemps caressé: amener à Jérusalem l'arche de Dieu qui, depuis bien des années, était restée à Kirjath-Jéarim, ou Baalé de Juda, à quinze kilomètres de Jérusalem. Il était convenable que la capitale fût honorée par le symbole de la présence de Dieu. PP 684 5 Voulant que cette circonstance fût l'occasion d'une solennité imposante et de grandes réjouissances, "David rassembla tous les hommes d'élite d'Israël, qui, au nombre de trente mille", répondirent joyeusement à son appel. Le grand prêtre, ses frères dans le ministère, les princes et les principaux des tribus s'assemblèrent à Baalé de Juda. On sortit l'arche de la maison d'Abinadab et on la plaça sur un chariot neuf traîné par des boeufs. PP 685 1 La multitude suivait en jouant de la musique et en poussant des cris de triomphe. Par monts et par vaux, l'imposante procession poursuivit sa marche vers la sainte cité. "David et tout Israël dansaient devant Dieu avec une grande ferveur, en chantant et en s'accompagnant de harpes, de lyres, de tambourins, de cymbales et de trompettes."(3) Il y avait longtemps qu'on n'avait vu une telle allégresse en Israël. PP 685 2 "Quand ils furent arrivés à l'aire de Kidon, Uzza étendit la main pour retenir l'arche, parce que les boeufs allaient tomber. Le courroux de l'Éternel s'enflamma contre Uzza, et il le frappa, parce qu'il avait porté la main sur l'arche; et Uzza mourut là devant Dieu." Une soudaine terreur se répandit parmi la foule en fête. David, étonné et alarmé, s'en prit, dans son coeur, à la justice de Dieu. N'avait-il pas voulu l'honorer ainsi que son arche, symbole de sa présence? Pourquoi donc ce terrible châtiment venait-il transformer une scène de joie en un jour de deuil et de tristesse? Craignant d'amener l'arche près de sa demeure, David décida de la laisser là où elle était. On lui trouva un emplacement non loin de là dans la maison d'Obed-Edom, le Guittien. PP 685 3 Uzza avait été frappé à mort pour avoir violé un ordre très explicite donné par Dieu à Moïse au sujet du transport de l'arche. Nul, sauf les prêtres descendants d'Aaron, n'avait le droit de la toucher ou même de la contempler à découvert. Il était écrit: "Ils couvriront l'arche du témoignage. ... Alors les enfants de Kéhath viendront pour l'emporter; et ils ne toucheront point les choses saintes, de peur qu'ils ne meurent."(4) Une fois l'arche recouverte par les prêtres, les Kéhathites devaient la soulever par des barres passées dans les boucles fixées à ses côtés. Les Guerçonites et les Mérarites, qui avaient la charge des draperies, des parois et des colonnes du tabernacle, avaient reçu de Moïse des chariots et des boeufs pour transporter ces objets. "Mais il n'en donna point aux enfants de Kéhath, parce que, étant chargés du service des objets sacrés, ils les portaient sur leurs épaules."(5) Le transfert de l'arche hors de Baalé de Juda avait donc été effectué en violation flagrante et inexcusable des prescriptions divines. PP 686 1 Cette tâche sacrée s'était accomplie, tant par David que par le peuple, avec ferveur et dans la joie. Mais Dieu n'avait pu accepter cet hommage, étant donné qu'il n'avait pas été rendu selon ses ordres précis. Les Philistins, qui ignoraient les préceptes divins, avaient renvoyé l'arche à Israël sur un chariot neuf, et Dieu avait eu égard à leur bonne volonté. Mais les Israélites, qui possédaient des instructions détaillées à ce sujet, déshonorèrent Dieu en négligeant de s'y conformer. PP 686 2 En outre, Uzza était coupable d'un péché plus grave. La conscience chargée de péchés non confessés, il avait en partie perdu le sentiment de la sainteté de la loi divine et ne craignit pas de porter la main sur le signe de la présence divine. Le Seigneur n'agrée pas qu'on obéisse partiellement à ses commandements ni qu'on les prenne à la légère. Par le châtiment d'Uzza, il voulut faire sentir à tout Israël l'importance d'une stricte conformité à ses ordonnances. La mort d'un homme, en ramenant le peuple au respect de sa loi, pouvait prévenir le châtiment de milliers de personnes. PP 686 3 Par la mort d'Uzza, David, conscient de n'être pas entièrement en règle avec Dieu, avait conçu une grande frayeur de l'arche et craint de s'attirer quelque châtiment du ciel. Mais Obed-Edom, quoique en tremblant, accueillit avec joie et empressement ce symbole sacré comme un gage de la faveur divine assurée à tous les coeurs obéissants. Aussi toute la maison d'Israël tourna dès lors les yeux vers le Guittien, et l'on constata que Dieu avait "béni Obed-Edom et toute sa famille". PP 686 4 Le châtiment divin accomplit son oeuvre dans le coeur de David. Il comprit mieux la sainteté de la loi de Dieu et la nécessité de la suivre strictement. La prospérité dont la maison d'Obed-Edom était l'objet lui fit espérer que la présence de l'arche pourrait être en bénédiction à lui et à son peuple. PP 686 5 Au bout de trois mois, il fit une seconde tentative pour transférer l'arche à Jérusalem. Mais il eut soin, cette fois, de se conformer ponctuellement aux instructions du Seigneur. De nouveau, on rassembla les principaux du peuple. Une grande foule se réunit autour de la demeure du Guittien. Avec un soin respectueux, l'arche fut placée sur les épaules des hommes désignés pour cette tâche, et l'immense procession, non sans ressentir un saint effroi, se mit en route. Après qu'on eut fait six pas, la trompette sonna une halte et, sur l'ordre de David, "on sacrifia un taureau et une bête grasse". La frayeur fit alors place à la joie. Ayant déposé ses vêtements royaux, le roi avait endossé un simple éphod de lin comme en portaient les prêtres. En agissant ainsi, David n'usurpait pas les fonctions sacerdotales car d'autres que les prêtres pouvaient revêtir l'éphod. En ce jour où Dieu seul devait être adoré, le roi voulait se présenter devant le Seigneur de la même manière que ses sujets. PP 687 1 Bientôt, le vaste cortège se remit en route au son d'une fanfare composée de divers instruments accompagnés de milliers de voix humaines. Animé d'un saint transport, David marquait le rythme de la musique, il "sautait et dansait devant l'Éternel". On a cité cet exemple pour justifier la coutume moderne, si populaire, de la danse. Mais l'acte du roi David n'a pas le moindre rapport avec les danses nocturnes et sensuelles de notre époque, divertissement où l'on sacrifie au plaisir sa santé et sa moralité. PP 687 2 Les habitués du bal et des salles de danse ne songent pas à adorer Dieu. La prière et les cantiques y seraient déplacés. Ce fait à lui seul prouve le contraste entre les deux genres de danses. Les chrétiens ne peuvent participer à des amusements qui ont pour tendance de diminuer leur amour des choses saintes et leur joie dans le service de Dieu. La musique et les danses offertes à Dieu en tribut de louanges, à l'occasion du transfert de l'arche, n'avaient aucune ressemblance avec la dissipation qui caractérise la danse moderne. D'un côté, on s'attachait à glorifier Dieu; de l'autre, on adopte une invention de Satan ayant pour but de porter les hommes à l'oublier et à le déshonorer. PP 687 3 La procession triomphante qui suivait le symbole sacré du Roi invisible d'Israël arriva en vue de la capitale. A ce moment, un hymne retentit. Il avertissait les sentinelles postées sur les murailles d'ouvrir les portes de la ville. Il disait: PP 687 4 Portes, élevez vos voûtes! Ouvrez-vous toutes grandes, portes éternelles, Et le roi de gloire entrera. PP 688 1 Un choeur accompagné d'instruments demanda alors: PP 688 2 Qui est-il ce Roi de gloire? PP 688 3 Un autre choeur répondit: PP 688 4 C'est l'Éternel, le fort, le puissant, L'Éternel, puissant dans les batailles. PP 688 5 Des centaines de voix s'unirent ensuite pour chanter le refrain triomphal: PP 688 6 Portes, élevez vos voûtes! Élevez-les, portes éternelles! Et le Roi de gloire entrera. PP 688 7 A nouveau se fit l'interrogation joyeuse: PP 688 8 Qui est-il, ce Roi de gloire? PP 688 9 Et la voix de la multitude, s'élevant comme le mugissement de la mer, répondit avec enthousiasme: PP 688 10 C'est l'Éternel des armées; C'est lui, le Roi de gloire.(6) PP 688 11 Les portes de la ville s'ouvrirent alors toutes grandes. Le cortège y pénétra, et l'arche fut déposée avec respect sous la tente érigée pour la recevoir. Dans l'enceinte sacrée, on éleva des autels pour les sacrifices. La fumée des offrandes de prospérité et des holocaustes, comme les nuées d'encens qui accompagnaient les prières et les actions de grâces d'Israël, montèrent vers le ciel. Le service terminé, le roi prononça lui-même une bénédiction sur tout le peuple. Puis, avec une munificence toute royale, il fit distribuer des rafraîchissements à la multitude. Toutes les tribus d'Israël avaient été représentées dans la célébration de cette journée, qui fut la plus solennelle du règne de David. PP 688 12 Les derniers rayons du soleil baignaient le tabernacle d'une douce lumière quand David, plein de reconnaissance envers Dieu à la pensée de voir le symbole de sa présence reposer tout près du trône d'Israël, dirigea ses pas vers son palais "pour bénir sa maison". Mais un membre de son foyer avait été témoin de ces réjouissances et avait éprouvé des sentiments tout différents. "Comme l'arche de l'Éternel faisait son entrée dans la cité de David, Mical, fille de Saül, regarda par la fenêtre; elle vit David qui sautait et dansait devant l'Éternel, et elle en ressentit pour lui du dédain." Dans son amertume, elle ne put attendre que David fût rentré au palais. Elle alla à sa rencontre et répondit à son aimable salutation par des paroles d'une mordante ironie: "Comme le roi d'Israël s'est fait honneur aujourd'hui en se donnant en spectacle aux servantes de ses serviteurs, ainsi que le ferait un homme de rien!" PP 689 1 Convaincu que sa femme avait déshonoré le service de Dieu, David lui répondit sévèrement: "C'est en présence de l'Éternel, qui m'a choisi de préférence à ton père et à toute sa maison, en m'instituant chef d'Israël, le peuple de l'Éternel, que j'ai dansé! Je m'abaisserai davantage encore, je m'humilierai à mes propres yeux; et pourtant je n'en serai pas moins honoré par les servantes dont tu parles." La censure de David fut confirmée par Dieu. Comme punition de son orgueil et de son dédain, "Mical n'eut point d'enfants jusqu'au jour de sa mort". PP 689 2 Les cérémonies solennelles du transfert de l'arche firent sur le peuple une impression profonde et durable. Elles éveillèrent un nouvel intérêt pour les services du tabernacle et firent naître un nouveau zèle pour le Seigneur. Ces impressions, David s'efforça par tous les moyens de les approfondir. Le chant faisant désormais partie du service divin, le roi composa des psaumes destinés à être chantés non seulement par les Lévites dans les solennités du sanctuaire, mais aussi par le peuple lors de ses trajets vers l'autel national, à l'occasion des fêtes annuelles. Ces cantiques eurent pour résultat de délivrer la nation hébraïque de l'idolâtrie. PP 689 3 Sauf l'arche sainte, le tabernacle construit par Moïse, avec tout ce qui appartenait au service du sanctuaire, était encore à Guibéa. David, qui avait formé le dessein de faire de Jérusalem le centre religieux de la nation et qui s'y était fait construire un palais, jugea qu'il n'était pas convenable que l'arche demeurât sous une tente. Il décida de lui construire un temple dont la magnificence exprimerait la reconnaissance d'Israël envers Dieu qui les honorait de sa présence constante. Il communiqua son projet à Nathan, le prophète. Celui-ci lui donna cette réponse encourageante: "Va, fais tout ce que tu as à coeur de faire, car l'Éternel est avec toi."(7) PP 689 4 Cette même nuit, Nathan recevait un message l'informant que le privilège de construire une maison à l'Éternel était réservé à un autre que David, mais sans que celui-ci dût cesser, pour cela, d'être l'objet de la faveur divine. Voici quel était ce message: "Ainsi a dit l'Éternel des armées: Je t'ai pris au milieu des pâturages où tu gardais les brebis, pour faire de toi le conducteur de mon peuple d'Israël. J'ai été avec toi dans toutes tes entreprises. J'ai exterminé devant toi tous tes ennemis, je t'ai fait un nom aussi grand que les plus grands noms de la terre. J'ai préparé une place pour mon peuple d'Israël; je l'y ai enraciné, et il y habite chez lui. Il ne sera plus inquiété, et les fils d'iniquité ne l'opprimeront plus comme autrefois." PP 690 1 Parce que David avait désiré construire une maison à l'Éternel, Dieu lui fit cette promesse: "J'établirai à ta place ton fils, celui qui doit naître de toi, et j'affermirai son règne. C'est lui qui élèvera un temple à mon nom, et j'affermirai pour toujours son trône et sa royauté." Puis Dieu lui donnait la raison pour laquelle l'honneur de construire ce temple lui était refusé: "Tu as répandu beaucoup de sang, et tu as fait de grandes guerres; tu ne bâtiras point de temple à la gloire de mon nom. ... Mais il te naîtra un fils; il sera un homme de paix, et j'assurerai sa prospérité en le protégeant contre tous ses ennemis d'alentour, car Salomon (le pacifique) sera son nom; et je donnerai la paix et la tranquillité à Israël pendant sa vie. C'est lui qui élèvera un temple à la gloire de mon nom."(8) PP 690 2 Bien que son voeu le plus cher lui fût refusé, David reçut le message de Dieu avec reconnaissance. Il s'écria: "Qui suis-je, Seigneur Éternel, qu'est ma famille pour que tu m'aies fait parvenir où je suis? Encore cela t'a paru peu de chose, Seigneur Éternel; tu as même parlé de la maison de ton serviteur pour les temps à venir." David accepta humblement la volonté de Dieu et renouvela son engagement de fidélité envers lui. PP 690 3 La soumission dont il donne ici l'exemple est rare, même parmi les chrétiens. Il est fréquent, au contraire, de voir des hommes sur le déclin désireux d'accomplir une grande oeuvre qui est au-dessus de leur force. Dieu peut leur faire comprendre, comme à David, que cette oeuvre ne leur est pas destinée, mais que leur tâche consiste plutôt à préparer la voie de celui qui la réalisera. Au lieu de s'incliner devant la volonté divine, ils se sentent blessés et se retirent de toute vie active. Que de gens se cramponnent avec une énergie désespérée à des charges qu'ils ne sont plus capables d'assumer, alors qu'un travail à leur portée est négligé et que la grande oeuvre qu'ils voulaient entreprendre est retardée ou abandonnée. PP 691 1 David avait promis à Jonathan que lorsqu'il serait débarrassé de ses ennemis, il prendrait soin de la famille de Saül. Lorsque la prospérité commença à lui sourire, il se souvint de sa promesse et demanda à son entourage: "Existe-t-il encore quelque survivant de la maison de Saül? Je voudrais lui faire du bien pour l'amour de Jonathan."(9) On lui parla d'un fils de Jonathan, nommé Méphiboseth, qui était boiteux. Lors de la défaite de Saül à Jizréel, la nourrice de cet enfant, voulant s'enfuir avec lui, l'avait laissé tomber et il était resté perclus pour la vie. Il fit venir le jeune homme auprès de lui et le reçut avec bienveillance. Il lui fit restituer, pour l'entretien de sa famille, les propriétés particulières de Saül. Quant à Méphiboseth lui-même, il eut jusqu'à sa mort sa place à la table du roi. Circonvenu par les ennemis de David, Méphiboseth avait entretenu des sentiments hostiles envers lui. Mais la générosité et la courtoisie du monarque gagnèrent le coeur du jeune homme qui s'attacha à lui et lia, comme avait fait son père, ses intérêts à ceux de l'élu de Dieu. PP 691 2 L'accession de David au trône d'Israël fut suivie d'un long intervalle de tranquillité. Devant la puissance et l'unité de son royaume, les nations environnantes jugèrent bien vite qu'il était prudent de laisser Israël en paix. De son côté, David, occupé de l'organisation de ses Etats, s'abstint de guerres d'agression. Il attaqua cependant, plus tard, les anciens ennemis de son peuple, les Philistins et les Moabites, qu'il soumit et dont il reçut un tribut. PP 691 3 Mais il se forma contre Israël une vaste coalition qui donna lieu non seulement à de très grandes hostilités mais aussi aux victoires les plus éclatantes du règne de David, comme aux acquisitions territoriales les plus étendues. Cette coalition n'avait eu d'autre cause que la jalousie engendrée par le spectacle de sa puissance grandissante. PP 691 4 Un jour, arriva à Jérusalem la nouvelle de la mort de Nahas, roi des Ammonites, qui avait manifesté de la bonté à David lorsqu'il s'enfuyait devant Saül. Pour lui exprimer son appréciation des faveurs dont il avait été l'objet, David envoya un message de sympathie à Hanun, fils et successeur de Nahas. "David avait dit: Je veux avoir avec Hanun les relations amicales que Nahas a entretenues avec moi."(10) PP 692 1 Cet acte de courtoisie fut mal interprété. Les Ammonites haïssaient le vrai Dieu et se montraient ennemis acharnés d'Israël. L'apparente bonté de Nahas avait eu pour mobile l'hostilité du roi ammonite contre Saül. Les conseillers de Hanun, se méprenant sur les sentiments de David, lui dirent: "Penses-tu que ce soit pour honorer ton père que David t'envoie des consolateurs? N'est-ce pas plutôt pour examiner la ville, pour l'explorer, afin de la détruire, que David a envoyé ses serviteurs auprès de toi?" PP 692 2 C'était déjà sur l'avis de ses conseillers que, cinquante ans plus tôt, assiégeant les habitants de Jabès en Galaad, Nahas n'avait voulu accepter leur soumission qu'à la condition de leur crever à tous l'oeil droit. Et les Ammonites se rappelaient encore très bien comment Saül avait déjoué leur cruel dessein et épargné cette mutilation et cette servitude aux malheureux habitants de Jabès. La même haine pour les Israélites les animait encore et les rendait incapables d'apprécier le geste de David. L'envie et les soupçons qui dénaturent les meilleures intentions sont toujours inspirés par Satan. Prêtant l'oreille à son entourage, Hanun prit les envoyés du roi comme des espions et les accabla de mépris. Pour empêcher Israël de contracter alliance avec cette nation idolâtre, Dieu permettait qu'elle manifestât ses mauvais sentiments et son vrai caractère. PP 692 3 Dans les temps anciens, et de nos jours encore, la personne d'un ambassadeur était sacrée. En vertu d'une loi universellement reconnue, cette dignité garantissait celui qui en était revêtu contre toute insulte personnelle. Toute marque de mépris dont il devenait l'objet donnait lieu à des représailles immédiates. Certains que l'outrage infligé à Israël serait sûrement vengé, les Ammonites se préparèrent à la guerre. "Les Ammonites virent qu'ils s'étaient attiré le ressentiment de David. Hanun et les Ammonites envoyèrent donc mille talents d'argent pour enrôler à leur solde des chars et des cavaliers chez les Syriens de Mésopotamie et chez les Syriens de Maaca et de Tsoba. Ils prirent à leur solde trente-deux mille chars, ainsi que le roi Maaca avec son peuple, lesquels vinrent camper devant Médéva, pendant que les Ammonites accouraient ensemble de leurs villes et marchaient ensemble au combat."(11) PP 693 1 C'était là, en vérité, une alliance formidable. Les habitants de la région située entre l'Euphrate et la mer Méditerranée s'étaient ligués avec les Ammonites pour écraser le peuple d'Israël. Le nord et l'est de Canaan étaient enveloppés d'ennemis. PP 693 2 Les Hébreux n'attendirent pas que leur pays fût envahi. Leurs forces, réunies sous le commandement de Joab, traversèrent le Jourdain et s'avancèrent vers la capitale des Ammonites. En menant son armée au combat, le général israélite lui avait tenu ce propos: "Tiens ferme, et combattons vaillamment pour notre peuple et pour les villes de notre Dieu; et que l'Éternel fasse ce qui lui semblera bon."(11) Dans un premier engagement, les forces réunies des alliés furent défaites; mais ne voulant pas se tenir pour battues, elles recommencèrent la guerre l'année suivante. Le roi de Syrie était à la tête d'une immense armée. Voyant l'enjeu de cette lutte, David prit lui-même le commandement de ses troupes, et, grâce à la bénédiction de Dieu, il infligea aux alliés une défaite si désastreuse que les Syriens non seulement furent vaincus, mais devinrent tributaires d'Israël. Poussant ensuite la guerre contre les Ammonites avec vigueur, David captura leurs forteresses, et toute la région passa sous la domination d'Israël. PP 693 3 Les dangers mêmes qui avaient menacé la nation d'une complète destruction devinrent ainsi, entre les mains de Dieu, le moyen de l'élever à une grandeur sans précédent. Commémorant ces délivrances extraordinaires, David chanta: PP 693 4 L'Éternel est vivant! Béni soit mon rocher! Que Dieu, mon libérateur, soit exalté! Ce Dieu m'assure la vengeance; Il m'assujettit les peuples... Tu me délivres de mes ennemis; Tu m'élèves au-dessus de mes adversaires; Tu me sauves de l'homme violent. PP 693 5 C'est pourquoi je te louerai, ô Éternel, parmi les nations, Et je psalmodierai à la gloire de ton nom. L'Éternel accorde au roi, son élu, de grandes victoires; Il exerce sa miséricorde en faveur de son oint, De David et de sa postérité, à perpétuité.(12) PP 694 1 Dans tous ses cantiques, David souligne le fait que c'est l'Éternel qui est sa force et son libérateur: PP 694 2 Ce n'est pas au nombre de ses soldats Que le roi doit sa victoire; Ce n'est pas à sa grande force que le guerrier doit son salut. En vain, pour triompher, on compterait sur le cheval: Toute sa vigueur n'assure pas la délivrance. PP 694 3 C'est toi qui nous as délivrés de nos oppresseurs, Et qui as couvert de honte nos ennemis. Les uns se glorifient de leurs chars, d'autres de leurs chevaux; Mais nous, c'est du nom de l'Éternel, notre Dieu.(13) PP 694 4 Le royaume d'Israël avait alors atteint les limites promises à Abraham et répétées plus tard à Moïse: "Je donne ce pays à ta postérité, depuis le fleuve d'Égypte jusqu'au grand fleuve, au fleuve de l'Euphrate."(14) Israël était devenu une nation puissante, respectée et redoutée des peuples qui l'environnaient. Dans l'intérieur de ses Etats, l'autorité de David était incontestée. Il jouissait, comme peu de souverains, de l'affection et de la fidélité de son peuple. Il avait honoré Dieu: Dieu l'honorait en retour. PP 694 5 Au sein de cette prospérité, cependant, un grand danger le guettait. Ce fut au temps de son plus grand triomphe extérieur que David courut le péril le plus sérieux et qu'il subit sa plus humiliante défaite morale. ------------------------Chapitre 71 -- Péché et repentir de David PP 695 1 La Bible adresse peu de louanges à ses héros. Elle fait une très petite place aux vertus des meilleurs hommes qui aient vécu. Ce silence, qui n'est pas sans intention, contient un enseignement. Toutes les qualités d'un homme sont un don du ciel. Ses bonnes oeuvres étant accomplies par la grâce de Dieu en Jésus-Christ, la gloire en revient au Seigneur. L'homme n'est qu'un instrument entre les mains de Dieu, il est donc périlleux, comme l'histoire biblique nous l'enseigne, de lui adresser des éloges. Celui qui se confie en ses propres forces oublie qu'il ne peut rien faire de lui-même. Il est certain de tomber car il a affaire à des ennemis plus forts que lui. "Ce n'est pas contre la chair et le sang que nous avons à combattre, mais contre les dominations, contre les puissances, contre les esprits mauvais qui sont dans les régions célestes."(1) Lutter seul et victorieusement contre le péché est impossible. Par conséquent, tout ce qui nous incite à la suffisance nous éloigne de Dieu et ouvre la voie à des défaites. PP 695 2 La grande faute de David fut préparée par la flatterie, la subtile séduction du pouvoir et du luxe et par ses relations avec les nations environnantes. Selon les moeurs des monarques orientaux, les désordres intolérables des sujets étaient pardonnables chez le roi. Le prince jouissait de licences qui n'étaient pas accordées aux simples mortels. Tout cela avait contribué à atténuer chez David la notion du caractère odieux du péché. Au lieu de s'appuyer constamment, et avec humilité, sur la puissance divine, il se confia en sa sagesse et en sa force. Pour nous faire tomber, Satan n'agit pas d'une manière abrupte et soudaine. Il commence par saper sournoisement nos principes et nous éloigner de Dieu. Puis il nous attire dans des fautes de minime importance. Enfin, ayant réussi à nous faire imiter les coutumes du monde, il s'applique à éveiller les désirs impurs de notre nature charnelle. PP 696 1 David laissa la conduite et l'achèvement de la guerre avec les Ammonites entre les mains de Joab, et il rentra à Jérusalem. Les Syriens avaient déjà fait leur soumission. L'écrasement des Ammonites paraissait certain, et il croyait pouvoir jouir tranquillement du fruit de ses victoires, comme des honneurs de son habile administration. C'est dans ce moment de vigilance assoupie, au sein du bien-être, que l'ennemi va tenter de s'emparer de son esprit. David oubliera-t-il que si Dieu l'a comblé de faveurs, c'est pour l'inciter à plus de vigilance et à une conduite irréprochable? Hélas! entouré d'aise et de sécurité, il laisse, au contraire, se relâcher l'étreinte qui le lie au Seigneur. PP 696 2 Au milieu des périls de sa jeunesse, conscient de son intégrité, David remettait ses voies entre les mains de Dieu, et il était toujours délivré des pièges innombrables qui se dressaient devant lui. Maintenant qu'il a péché, coupable, impénitent, il oublie de demander au ciel de le sortir du gouffre où il est tombé. Bath-Séba, dont la fatale beauté l'a séduit, est la femme d'Urie, le Héthien, un de ses plus braves et plus fidèles officiers. Nul ne pouvait prévoir les conséquences du péché dans lequel le roi était tombé. La loi de Dieu prononçait la peine de mort contre l'adultère. D'autre part, le fier soldat pouvait tenter de se venger en portant atteinte aux jours du roi ou en provoquant contre lui un soulèvement populaire. PP 696 3 Satan, qui a réussi à causer la perte de Saül, se voit sur le point de consommer celle de David. Tous les efforts du roi pour cacher sa faute restent sans succès. Tombé entre les griffes de l'ennemi, il se voit entouré de dangers et en face d'un déshonneur plus amer que la mort. Il n'aperçoit qu'un moyen d'échapper au sort qui l'attend, et, dans son affolement, il se décide à franchir le pas qui sépare l'adultère de l'homicide. Si Urie est tué par l'ennemi au cours d'un combat, sa mort ne lui sera pas imputée. Tous les soupçons seront écartés, et rien ne l'empêchera d'épouser Bath-Séba. Ainsi l'honneur de sa couronne sera sauf. PP 697 1 Urie lui-même est choisi comme porteur de son arrêt de mort. Par lui, le roi envoie une lettre à Joab, où il lui dit: "Placez Urie au plus fort de la mêlée, puis retirez-vous loin de lui afin qu'il soit frappé et qu'il meure."(2) Coupable lui-même d'un lâche assassinat, Joab n'hésite pas à obéir à l'ordre du roi, et Urie tombe sous l'épée des Ammonites. PP 697 2 Jusqu'ici, la carrière de David a été d'une intégrité que peu de monarques ont égalée. "Il gouvernait tout son peuple avec justice et avec équité",(3) et avait gagné sa confiance et sa fidélité. En s'écartant du droit sentier, il devenait un suppôt de Satan d'autant plus dangereux que son autorité lui permettait de donner des ordres criminels. PP 697 3 Au lieu d'obéir à Dieu, Joab, pour plaire au roi, ajoute à ses crimes l'ordre de faire tuer un innocent. "Il n'y a pas d'autorité qui ne vienne de Dieu, et celles qui existent ont été instituées par Dieu."(4) La puissance dont David avait été investi, il ne lui était permis de l'exercer que conformément à la loi divine. Obéir au roi contrairement à la loi de Dieu était donc un péché. Le principe qui doit sans cesse nous guider est ainsi posé par l'apôtre: "Soyez mes imitateurs comme je le suis moi-même du Christ."(5) PP 697 4 Joab annonce à David l'exécution de son ordre en termes habiles qui couvraient la responsabilité du général en chef et celle du roi. Il lui envoie un messager "pour lui faire connaître tous les détails du combat. Et il lui donne cet ordre: Quand tu auras achevé de raconter au roi tout ce qui s'est passé dans le combat, si le roi se met en colère,... alors tu ajouteras: Ton serviteur Urie, le Héthien, est mort aussi. Ainsi le messager partit; et, quand il fut arrivé, il fit savoir à David tout ce dont Joab l'avait chargé." David répondit au messager de Joab: "Ne sois pas trop en peine à ce sujet: l'épée dévore tantôt l'un, tantôt l'autre. Redouble de vigueur pour attaquer la ville, et détruis-la." PP 698 1 Bath-Séba porta le deuil de son mari durant le nombre de jours prescrits par l'usage. "Quand le deuil fut passé, David l'envoya chercher et la recueillit dans sa maison; elle devint sa femme." L'homme dont la conscience délicate et le sentiment d'honneur ne lui avaient pas permis de porter la main sur l'oint de l'Éternel, alors que celui-ci en voulait à sa vie, était tombé si bas qu'il avait outragé et fait périr un de ses plus vaillants officiers. Il espérait ainsi pouvoir jouir à son aise de son péché. Quelle chute vertigineuse, et combien s'était terni l'or pur de son caractère! PP 698 2 Dès le commencement, Satan a toujours fait briller aux yeux des hommes les attraits du péché. C'est par là qu'il a séduit les anges et qu'il a fait tomber Adam et Ève. Et c'est encore ainsi qu'il entraîne les masses loin du sentier de l'obéissance. "Mais l'issue [du péché] aboutit à la mort."(6) Heureux ceux qui, engagés dans la voie du mal et goûtant l'amertume du péché, s'en détournent à temps! PP 698 3 Le coupable peut s'efforcer, comme David, de cacher son crime aux yeux des hommes. Il peut chercher à l'ensevelir dans une nuit impénétrable ou dans un perpétuel oubli. Mais "aucune créature n'est cachée devant lui; tout est à nu et à découvert aux yeux de celui à qui nous devons rendre compte."(7) "Il n'y a rien de caché qui ne doive être découvert, ni rien de secret qui ne doive être connu."(8) PP 698 4 Dans sa miséricorde, Dieu ne permit pas que David fît naufrage. Par amour pour Israël, il s'interposa. Avec le temps, la faute du roi fut connue, et on le soupçonna d'être coupable de la mort d'Urie. Le Dieu qui l'avait soutenu et élevé était déshonoré, et son nom exposé à l'opprobre. D'autre part, le niveau de la piété baissait, et l'horreur du péché était oblitérée dans bien des coeurs. Les mécréants s'enhardissaient dans le mal. PP 698 5 Le prophète Nathan fut chargé de porter à David un message de la plus grande sévérité. Peu de souverains auraient accepté d'entendre des paroles semblables sans infliger la mort à celui qui aurait osé les prononcer. Sans sourciller, mais avec une sagesse toute divine, Nathan délivra la censure dont il était chargé. Commençant par gagner la sympathie du roi, il réveilla ensuite sa conscience et finit par lui arracher un arrêt qui retomba sur sa propre tête. Il s'adressa à David en sa qualité de protecteur de son peuple et il lui raconta un cas d'oppression qui demandait justice. PP 699 1 "Il y avait deux hommes dans une ville, dit-il, l'un riche et l'autre pauvre. Le riche avait du gros et du menu bétail en très grande abondance. Mais le pauvre n'avait rien du tout, si ce n'est une petite brebis qu'il avait achetée. Il la nourrissait; elle grandissait chez lui avec ses enfants, mangeant de son pain, buvant de sa coupe et dormant sur son sein; elle était pour lui comme une fille. Or le riche, ayant reçu la visite d'un voyageur, n'a voulu toucher ni à son gros ni à son menu bétail pour préparer un repas à l'hôte qui était descendu chez lui. Mais il a pris la brebis de l'homme pauvre et l'a fait apprêter pour son hôte." PP 699 2 Indigné à l'ouïe de ce récit, David s'écria: "Aussi vrai que l'Éternel est vivant, l'homme qui a commis cette action est digne de mort! Il rendra quatre fois la valeur de la brebis pour avoir agi ainsi et pour avoir été sans pitié." PP 699 3 Fixant alors ses regards sur le roi, puis élevant sa main droite vers le ciel, Nathan lui fit cette déclaration solennelle: "Tu es cet homme-là. ...Pourquoi as-tu méprisé la parole de l'Éternel, en faisant ce qui lui déplaît?" PP 699 4 Nathan continua: "Ainsi parle l'Éternel, le Dieu d'Israël: Je t'ai oint roi d'Israël, et je t'ai délivré de la main de Saül. ... Pourquoi as-tu méprisé la parole de l'Éternel, en faisant ce qui lui déplaît? Tu as frappé avec l'épée Urie, le Héthien; tu as pris sa femme pour en faire ta propre femme, et lui, tu l'as fait périr par l'épée des Ammonites. Et maintenant l'épée ne cessera jamais de désoler ta maison. ... Je vais faire sortir de ta propre maison les maux qui s'abattront sur toi; je prendrai tes femmes sous tes yeux pour les donner à l'un de tes proches. ... Car toi, tu as agi en secret; mais moi, j'agirai en présence de tout Israël et à la face du soleil." PP 699 5 Le coeur de David est touché. Sa conscience se réveille. Son forfait lui apparaît dans toute son énormité, et son âme humiliée se courbe devant Dieu. D'une voix tremblante, il murmure: "J'ai péché contre l'Éternel!" Le roi avait fait un mal irréparable à Bath-Séba comme à Urie, et il le sentait vivement. Mais son péché contre Dieu était infiniment plus grand; en effet, tout mal fait au prochain rejaillit sur Dieu. PP 700 1 Personne en Israël, David le savait, n'aurait osé mettre la main sur l'oint de l'Éternel. Mais il tremblait à la pensée que le jugement du Très-Haut ne s'abattît soudain sur lui dans son état de culpabilité et de condamnation. Le prophète le rassura: "L'Éternel a effacé ton péché; tu ne mourras point." Il fallait cependant que la justice de Dieu fût maintenue, et la sentence de mort allait frapper le roi dans son enfant, châtiment bien plus amer que n'eût été sa propre mort. Le prophète le lui avait dit: "Comme par cette action, tu as fourni aux ennemis de l'Éternel l'occasion de le mépriser, le fils qui t'est né mourra." PP 700 2 L'enfant tomba malade. David se mit à jeûner et à prier humblement pour sa guérison. Il se dépouilla de ses vêtements royaux, déposa sa couronne et s'étendit sur le sol durant plusieurs nuits consécutives, priant Dieu, le coeur torturé, en faveur de l'être innocent qui souffrait pour son péché. "Les anciens de sa maison s'empressèrent autour de lui pour le faire lever de terre; mais il s'y refusa et ne mangea point avec eux." David se souvint que des jugements prononcés contre des individus ou des cités avaient été suspendus par l'humiliation et le repentir. Il continua de prier aussi longtemps que l'enfant fut en vie. Quand il apprit qu'il était mort, il se soumit calmement au décret divin. Le premier coup du châtiment qu'il avait lui-même déclaré juste était tombé. PP 700 3 En lisant l'histoire de la chute de David, un grand nombre de personnes ont fait cette réflexion: "Pourquoi de tels faits ont-ils été rendus publics? Pourquoi Dieu a-t-il révélé au monde entier ce sombre épisode de la vie d'un homme aussi favorisé du ciel?" Dans sa réprimande, le prophète avait dit à David: "Par cette action, tu as fourni aux ennemis de l'Éternel l'occasion de le mépriser." D'un siècle à l'autre, les impies ont relevé la faute de David et se sont écriés avec ironie: "C'est là l'homme selon le coeur de Dieu!" Et la religion a été couverte d'opprobre. Dieu et sa parole ont été déshonorés. Des âmes se sont endurcies dans le péché et d'autres se sont enhardies dans le mal sous le couvert de la piété. PP 700 4 En réalité, aucun pécheur ne peut se prévaloir de l'histoire de David. C'est lorsqu'il était intègre qu'il fut appelé un "homme selon le coeur de Dieu". Dès qu'il se fut plongé dans le mal, il cessa d'être considéré comme tel jusqu'à ce qu'il revînt au Seigneur. L'Écriture déclare positivement: "Ce que David avait fait déplut à l'Éternel."(9) Par le prophète, Dieu lui fit dire: "Pourquoi as-tu méprisé la parole de l'Éternel, en faisant ce qui lui déplaît? Et maintenant, l'épée ne cessera jamais de désoler ta maison, parce que tu m'as méprisé." En outre, ni son repentir, ni son pardon, ni sa rentrée dans la faveur divine ne dispensèrent David de récolter les fruits de la semence qu'il avait répandue. Les jugements qui le frappèrent, lui et sa maison, témoignent de l'horreur de Dieu pour le péché. PP 701 1 Jusqu'à ce moment-là, la Providence avait préservé David des complots de ses ennemis, notamment en ce qui concernait Saül. Mais son péché changea ses rapports avec un Dieu qui, à aucun prix, ne sanctionne l'iniquité. D'autre part, à partir de sa chute, il ne fut plus tout à fait le même homme. Accablé par le poids de sa faute et la crainte de ses lointaines conséquences, humilié devant ses sujets, il voit son influence diminuer. Son peuple, qui connaît son crime, se laisse entraîner au mal plus librement. Son autorité dans sa propre famille a baissé. Ses droits à l'obéissance et au respect de ses enfants sont méconnus. Le souvenir constant de sa culpabilité lui ferme la bouche quand il devrait parler avec fermeté, et il est comme paralysé quand il faudrait sévir avec rigueur. La conduite de ses fils se règle sur son mauvais exemple, et Dieu, ne jugeant pas à propos d'intervenir, laisse les causes produire librement leurs effets naturels. PP 701 2 Durant la première année qui suivit sa chute, David vécut dans une sécurité apparente. Mais la sentence divine n'en était pas moins suspendue au-dessus de sa tête, et le jour approchait où allaient fondre sur lui des douleurs et des humiliations que rien ne pouvait conjurer. Ceux qui pensent pouvoir voiler leur culpabilité derrière l'exemple de David peuvent apprendre, par le récit sacré, que le chemin du mal est dur et que l'homme en récolte, déjà en cette vie, même s'il se repent, les amères conséquences. Par l'histoire de David Dieu a voulu nous enseigner que ceux qui ont reçu de lui les plus grandes faveurs ne doivent pas se croire à l'abri de chutes graves et négliger la vigilance et la prière. Grâce à elle, des milliers de croyants ont appris à se défier d'eux-mêmes et à éviter les pièges du tentateur. PP 701 3 Avant même que la sentence divine eût été prononcée sur lui, David avait déjà commencé à récolter le fruit de sa transgression. Tourmenté par sa conscience, il nous fait assister, dans le psaume trente-deux, à l'angoisse de son esprit: PP 702 1 Heureux celui dont la transgression est remise, Et dont les péchés sont pardonnés! Heureux l'homme à qui l'Éternel n'impute pas d'iniquité, Et dans l'esprit duquel il n'y a point de fraude! PP 702 2 Tant que je gardais le silence, mon corps dépérissait. Je gémissais tout le jour; Car, jour et nuit, ta main s'appesantissait sur moi. Ma vigueur avait fait place à la sécheresse de l'été...(10) PP 702 3 Dans le psaume cinquante et un, en revanche, il nous dépeint son repentir: PP 702 4 O Dieu, aie pitié de moi, dans ta miséricorde! Dans tes grandes compassions, efface mes forfaits! Lave-moi entièrement de mon iniquité, Et purifie-moi de mon péché! Car je connais mes transgressions, Et mon péché est constamment devant moi. ... Purifie-moi avec l'hysope, et je serai sans tache; Lave-moi, et je serai plus blanc que la neige. Fais-moi entendre des chants d'allégresse et de joie, Et que les os que tu as brisés se réjouissent! Détourne de mes péchés tes regards; Efface toutes mes iniquités! O Dieu, crée en moi en coeur pur, Et renouvelle en moi un esprit bien disposé! Ne me rejette pas loin de ta face, Et ne me retire pas ton Esprit saint! Rends-moi la joie que donne ton salut; Fortifie-moi, afin que j'aie le coeur prompt à bien faire! J'enseignerai tes voies aux transgresseurs, Et les pécheurs se convertiront à toi. Délivre-moi du sang versé, ô Dieu, Dieu de mon salut! Alors ma langue célébrera ta justice.(11) PP 702 5 C'est par des cantiques sacrés qui devaient être chantés dans les assemblées publiques en présence de la cour, des prêtres et des juges, des princes et des hommes de guerre, -- cantiques destinés à perpétuer jusqu'à la dernière génération la connaissance de sa chute -- que le roi d'Israël raconte son péché, ses remords et son espérance de pardon grâce à la miséricorde divine. Au lieu de la cacher, il voulait que d'autres profitent de sa lamentable histoire. PP 703 1 Le repentir de David est profond et sincère. Il ne fait pas le moindre effort pour pallier son crime. Sa prière ne trahit aucun désir d'échapper au châtiment dont il est menacé. Il voit l'énormité de sa chute devant Dieu. Il voit la souillure de son âme. Il abhorre son péché. Ce n'est pas seulement le pardon qu'il demande, mais la pureté du coeur. D'autre part, il ne s'abandonne pas au désespoir. Il voit dans les promesses divines au pécheur repentant la preuve de son pardon et de la faveur du ciel restituée. PP 703 2 Car tu ne prends pas plaisir aux sacrifices, Autrement, j'en offrirais... L'holocauste ne t'est point agréable, Le sacrifice agréable à Dieu, c'est un esprit brisé!(12) PP 703 3 David tomba, mais Dieu le releva. Dès lors plus qu'auparavant, il vécut près de Dieu et de ses frères. Dans la joie de son soulagement, il chantait: PP 703 4 Je t'ai fait connaître mon péché; Je ne t'ai point caché mon iniquité. J'ai dit: Je confesserai mes transgressions à l'Éternel! Et toi, tu as ôté la peine de mon péché. PP 703 5 Tu es pour moi un asile; tu me préserves de la détresse; Tu m'environnes de chants de délivrance...(13) PP 703 6 Bien des gens ont murmuré contre ce qu'ils appellent l'injustice de Dieu pardonnant à David une faute énorme, alors qu'il avait rejeté Saül pour avoir commis ce qui leur paraît des péchés moins graves. Ils oublient que David s'humilia et se confessa, tandis que Saül méprisa les réprimandes et s'endurcit dans l'impénitence. PP 703 7 Le cas de David a été dans tous les siècles une source de consolation pour les âmes qui, victimes de la tentation, se débattent sous le poids de leur culpabilité. Des milliers d'enfants de Dieu entraînés dans le péché et prêts à s'abandonner au désespoir se sont rappelés la sincérité de son repentir, et ce souvenir leur a donné le courage de l'imiter et de marcher à nouveau dans la voie des commandements de Dieu. PP 703 8 Toute âme qui, reprise par Dieu, reconnaît ses fautes et consent à les confesser humblement peut être assurée qu'il y a pour elle de l'espoir. Tout homme qui reçoit avec foi les promesses de Dieu trouvera le pardon. Le Seigneur ne repousse jamais une âme vraiment contrite. Il nous a laissé cette promesse: "Qu'on fasse la paix avec moi, oui, la paix avec moi."(14) "Que le méchant abandonne sa mauvaise voie, et l'homme injuste ses pensées. Qu'il revienne à l'Éternel, qui aura pitié de lui et à notre Dieu, qui pardonne abondamment."(15) ------------------------Chapitre 72 -- La révolte d'Absalom PP 705 1 "Il rendra quatre fois la valeur de la brebis", avait déclaré David après avoir entendu la parabole du prophète. Il prononça ainsi son propre châtiment. Son fils Amnon, coupable d'un crime honteux et contre nature que la loi punissait de mort, crime doublement grave en raison des circonstances, n'avait été ni poursuivi ni châtié par David. Le roi, au souvenir de son propre péché, n'avait pas osé punir Amnon. En conséquence, Absalom, le protecteur naturel de sa soeur indignement outragée, forma le projet de la venger. Pour frapper plus sûrement quand l'heure serait venue, il attendit deux ans. Puis, au cours d'un festin de famille qu'il donnait aux fils du roi, il fit assassiner Amnon. PP 705 2 La nouvelle de ce deuxième jugement qui frappait David lui fut rapportée en termes exagérés: "Le bruit parvint à David qu'Absalom avait tué tous les fils du roi et que pas un n'avait échappé. Le roi se leva, déchira ses vêtements et s'étendit sur la terre; tous ses serviteurs se tenaient près de lui, les vêtements déchirés."(1) Consternés, les fils du roi revinrent bientôt à Jérusalem et apprirent la vérité à leur père, à savoir qu'Amnon seul avait été tué. "Les fils du roi élevèrent la voix et pleurèrent. Le roi aussi et tous ses serviteurs versèrent des larmes abondantes." Quant à Absalom, il s'enfuit chez Talmaï, roi de Guésur, père de sa mère. PP 706 1 Parce que les dispositions égoïstes d'Amnon et de plusieurs de ses frères ne furent jamais contrecarrées, celui-ci chercha toujours à satisfaire ses désirs sans se soucier de la volonté de Dieu. Après son grand péché, l'Éternel fit preuve de patience envers lui et lui accorda deux ans pour se repentir. Mais Amnon continua à vivre dans le péché. Il mourut chargé de son crime et ne pourra échapper au juste châtiment de Dieu lors du jugement. PP 706 2 Devant l'inertie de David, qui négligeait son devoir strict de punir le crime d'Amnon, et l'impénitence de celui-ci, Dieu avait permis aux événements de suivre leur cours et laissé agir Absalom. Quand les parents ou les gouvernements oublient de punir l'iniquité, il arrive que Dieu prenne les choses en main. Le frein qu'il oppose à la puissance du mal se relâche quelque peu, et la suite amène la punition du péché par le péché même. PP 706 3 Les résultats de la fatale indulgence de David envers Amnon n'en restèrent pas là. Le crime d'Absalom méritant une punition, le roi ne lui permit pas de revenir à Jérusalem. Cet exil allait augmenter, au lieu de diminuer, les maux inextricables dans lesquels le roi était enchevêtré. Exclu, par son exil, de la participation aux affaires du royaume, Absalom, homme énergique, ambitieux et sans principes, s'adonna bientôt à de dangereuses manigances. PP 706 4 Au bout de deux ans, Joab entreprit de réconcilier le père et le fils. Il se servit dans ce but d'une femme de Tékoa, réputée pour sa sagesse. Adoptant les suggestions de Joab, elle vint raconter au roi qu'elle était restée veuve avec deux fils pour toute fortune et toute consolation. Dans une querelle, l'un des deux avait tué l'autre. Et maintenant, toute sa parenté lui ordonnait de livrer le criminel au vengeur du sang. "Ils veulent donc, dit-elle, éteindre le tison qui me reste et ne laisser à mon mari ni nom ni postérité à la surface de la terre." Cet appel toucha David, qui promit à cette femme la protection royale. PP 706 5 Après avoir arraché au monarque la promesse réitérée de sa faveur, la femme lui demanda, avec beaucoup de ménagements, s'il ne se reconnaissait pas coupable en ne faisant pas revenir celui qu'il avait banni. Elle poursuivit: "Car enfin, nous mourrons certainement, et nous ressemblons à l'eau qui s'écoule sur la terre et qu'on ne peut recueillir. Mais Dieu n'enlève pas la vie, et il sait trouver les moyens de ne pas repousser loin de lui l'exilé." Ce touchant tableau de la miséricorde divine envers le pécheur -- suggéré par Joab, l'homme de guerre -- est une preuve frappante de la connaissance générale qu'on avait en Israël des grandes vérités de la rédemption. Le roi sentit son propre besoin de miséricorde. Il ne put résister à cet appel, et il dit à Joab: "Fais revenir le jeune Absalom." PP 707 1 Absalom fut autorisé à rentrer à Jérusalem, mais non à reparaître à la cour. David commençait à souffrir des mauvais effets de son indulgence envers ses enfants. Aussi, quelque tendresse qu'il ressentît pour ce beau et intelligent jeune homme, il lui paraissait nécessaire, pour donner une leçon, tant à Absalom qu'à tout le peuple, de manifester l'horreur que lui inspirait le crime qu'il avait commis. Absalom vécut ainsi deux ans à Jérusalem sans pouvoir se présenter à la cour. Sa soeur, qui vivait auprès de lui et rappelait le tort irréparable qu'elle avait souffert, donnait au peuple l'impression que le jeune prince était plutôt un héros qu'un malfaiteur. PP 707 2 Absalom profita de cette disposition des esprits et s'efforça de gagner le coeur de ses concitoyens. Son apparence le favorisait beaucoup. "Il n'y avait pas dans tout Israël un homme aussi admiré pour sa beauté qu'Absalom; depuis la plante des pieds jusqu'au sommet de la tête, il n'y avait en lui aucun défaut." Or, le roi manquait de sagesse en permettant à cet homme ambitieux et remuant de demeurer à Jérusalem sans consentir à l'admettre en sa présence. C'était courir le risque de le voir gagner la sympathie du peuple. PP 707 3 Avec le souvenir de sa faute toujours devant les yeux, David paraissait moralement paralysé. Autant il avait été courageux et décidé, autant il était maintenant faible et irrésolu. Tout cela diminuait son autorité sur le peuple et favorisait les agissements de son fils. PP 707 4 Grâce à Joab, Absalom fut de nouveau admis à se présenter devant son père. Une réconciliation extérieure eut lieu, mais le jeune homme n'en continua pas moins ses menées ambitieuses. S'entourant d'un train de maison presque royal, il entretenait des chevaux et des chariots, et se faisait précéder d'une garde de corps de cinquante hommes. Ainsi, tandis que le roi tendait de plus en plus vers la solitude et la retraite, Absalom briguait assidûment la faveur populaire. PP 708 1 La faiblesse et l'irrésolution de David s'étendirent bientôt à ses subordonnés. L'administration de la justice souffrait de négligences et de délais, causes de mécontentement qu'Absalom tournait habilement à son avantage. Jour après jour, ce jeune homme d'aspect noble et imposant se présentait à la porte de la ville, où une foule de plaignants attendaient le moment de lui présenter leurs griefs. Absalom écoutait leurs doléances, leur exprimait sa sympathie et déplorait l'inertie du gouvernement. Après avoir entendu le récit de quelque Israélite en instance de procédure, il lui disait: "Certes, ta cause est bonne et juste; mais il n'y a chez le roi personne pour t'écouter." Et il ajoutait: "Ah! que ne m'établit-on juge dans le pays! Tout homme qui aurait un procès ou une affaire à juger viendrait chez moi, et je lui ferais rendre justice. Si quelqu'un s'approchait de lui pour se prosterner devant lui, Absalom lui tendait la main, l'étreignait et l'embrassait." PP 708 2 Le mécontentement fomenté par les menées insidieuses du jeune prince gagnait rapidement du terrain. Les louanges d'Absalom étaient sur toutes les lèvres, et on le considérait généralement comme l'héritier du trône. Fier d'un tel prétendant, le peuple le croyait digne de cet honneur. En un mot, "Absalom séduisait le coeur des Israélites", tandis que le roi, aveuglé par l'affection qu'il portait à ce fils, se figurait que le train magnifique mené par lui avait pour but d'honorer la cour et d'exprimer sa joie d'être réconcilié avec son père. PP 708 3 Quand les esprits lui parurent suffisamment préparés pour exécuter son coup d'État, Absalom envoya secrètement des hommes dans toutes les tribus pour y prendre des mesures en vue d'une révolte. Il emprunta ensuite le manteau de la dévotion pour masquer son jeu. Il dit au roi: "Permets-moi d'aller à Hébron, pour m'acquitter du voeu que j'ai fait à l'Éternel. Car lorsque ton serviteur demeurait à Guésur, en Syrie, il fit le voeu suivant: Si l'Éternel me ramène à Jérusalem, j'offrirai un sacrifice à l'Éternel." PP 709 1 Le père aimant, réjoui de voir cette marque de piété chez son fils, le congédia avec sa bénédiction. La conspiration étant arrivée à maturité, cette insigne hypocrisie de la part d'Absalom avait pour but non seulement d'aveugler le roi, mais de gagner la confiance du peuple pour le pousser plus sûrement à se soulever contre le monarque divinement établi. PP 709 2 Absalom prit le chemin d'Hébron. Avec lui "partirent de Jérusalem deux cents hommes qu'il avait invités; ils y allaient en toute bonne foi, sans se douter de rien", sans se douter que l'affection qu'ils vouaient au fils les conduisait à se rebeller contre le père. Arrivé à Hébron, Absalom fit venir auprès de lui un des principaux conseillers de son père, Ahitophel, très réputé pour sa sagesse, et dont l'opinion avait la valeur d'un oracle. La présence d'Ahitophel au milieu des conspirateurs assura ceux-ci du succès de leur entreprise et attira sous leur étendard un grand nombre d'hommes influents venus de toutes les parties du pays. Enfin, la trompette de la révolte sonna. Les espions du prince répandirent partout la nouvelle qu'Absalom était roi et une foule de partisans se rallièrent à lui. PP 709 3 Cependant, l'alarme parvenait à Jérusalem, et David, se réveillant d'un long engourdissement, s'aperçut qu'une révolte avait éclaté à l'ombre du trône. Son propre fils, qu'il aimait et en qui il avait mis toute sa confiance, se disposait à lui enlever la couronne et sans doute la vie! Absalom fit la revue de ses troupes à Hébron. Les rebelles étaient donc aux portes de Jérusalem. Devant ce grand péril, David secoue la torpeur qui l'accable depuis si longtemps et s'apprête à faire face à l'orage avec toute la vigueur de ses jeunes années. PP 709 4 Du haut de son palais, il jette les regards sur sa capitale, "joie de toute la terre, cité du grand Roi".(2) Il frissonne à la pensée que Jérusalem puisse être inondée de sang, livrée au carnage et à la dévastation. Doit-il faire appel à ses sujets restés fidèles, et la défendre farouchement? Sa décision est prise: non, il ne permettra pas que les horreurs de la guerre profanent la ville sainte; il quittera Jérusalem; il mettra à l'épreuve la fidélité de son peuple et lui donnera l'occasion de venir se ranger sous son drapeau. De toutes façons, en cette grave circonstance, son devoir est de défendre l'autorité dont le ciel l'a investi. Quant à l'issue du conflit, il la remet entièrement entre les mains de Dieu. PP 710 1 Le coeur saignant, le roi quitte son palais et abandonne Jérusalem d'où le chasse un fils dénaturé. Suivi par une foule qui fait penser à un cortège funèbre, il est entouré de sa garde de corps formée de Kéréthiens et de Péléthiens, ainsi que de six cents Guitthiens, sous la conduite d'Ittaï. Avec son désintéressement habituel, il ne peut consentir que ces étrangers, venus se mettre sous sa protection, soient enveloppés dans son malheur. Étonné de les voir disposés à faire ce sacrifice pour lui, il dit à Ittaï: "Pourquoi veux-tu venir, toi aussi, avec nous? Retourne sur tes pas, reste avec le (nouveau) roi, puisque tu es un étranger et que tu as quitté ton pays. Tu es arrivé d'hier, et dès aujourd'hui je te ferais partager notre vie errante! Quant à moi, je vais je ne sais où! Retourne donc et emmène tes frères avec toi. Que la miséricorde et la fidélité t'accompagnent!" PP 710 2 Ittaï lui répond: "Aussi vrai que l'Éternel est vivant, et que le roi, mon seigneur, est vivant lui-même, là où sera le roi, mon seigneur, soit pour mourir, soit pour vivre, là aussi sera ton serviteur." David accepte avec gratitude le dévouement à sa cause chancelante de ces hommes qui venaient de se convertir du paganisme à Dieu; et, tous ensemble, ils passent le torrent de Cédron dans la direction du désert. PP 710 3 Une seconde fois, la caravane est arrêtée par un groupe d'hommes portant des vêtements sacrés. "Là se trouvait aussi Tsadok, avec tous les Lévites, qui portaient l'arche de l'alliance de Dieu."(3) Les gens de David considèrent ce renfort comme un heureux présage. La présence de ce symbole sacré est pour eux un gage de leur délivrance et de leur victoire finale. Il va donner au peuple un nouveau courage et le rallier autour du roi, tandis que l'absence de l'arche va porter la terreur chez les partisans d'Absalom. PP 710 4 Un instant, la vue de l'arche fait battre de joie et d'espérance le coeur de David. Mais d'autres pensées viennent bientôt l'assaillir. Comme monarque divinement choisi de l'héritage du Seigneur, il porte une responsabilité solennelle. Dans ses préoccupations, la gloire de Dieu et l'intérêt de son peuple doivent primer la sécurité de sa personne. Or, le Dieu qui habite entre les chérubins, a dit de Jérusalem: "Cette ville est le lieu de mon repos."(4) Sans autorisation divine, ni le grand prêtre ni le roi n'ont le droit de déplacer le symbole de sa présence. David sait, en outre, que s'il ne suit pas strictement les préceptes divins, l'arche sera plutôt une cause de désastre que de succès. Son grand péché, qui est toujours devant lui, lui rappelle que cette conspiration est un juste châtiment de Dieu. L'épée, qui ne doit plus s'éloigner de sa maison, vient d'intervenir à nouveau, et il ne sait quel sera le résultat de la lutte. Il ne lui appartient pas d'éloigner de la capitale les statuts sacrés qui sont la transcription de la volonté du Dieu souverain, la constitution de l'Etat et le gage de sa prospérité. PP 711 1 David dit donc à Tsadok: "Qu'on ramène l'arche de Dieu dans la ville. Si je trouve grâce aux yeux de l'Éternel, il me fera revenir et revoir l'arche et sa demeure. Mais s'il dit: Je ne prends point de plaisir en toi, eh bien, qu'il fasse de moi ce qui lui semblera bon!" Et il ajoute: "Écoute, retourne en paix à la ville, ainsi qu'Abiathar, avec Ahimaats et Jonathan, vos deux fils. Pour moi, je vais attendre dans les plaines du désert qu'on vienne m'apporter des nouvelles de votre part."(5) De la ville, en effet, les prêtres pouvaient lui rendre des services importants en lui apprenant, par l'intermédiaire de leurs deux fils, Ahimaats et Jonathan, les mouvements et les plans des rebelles. PP 711 2 Les prêtres reprirent donc le chemin de Jérusalem, laissant les fugitifs à leurs sombres pressentiments. Ceux-ci, avec leur roi, chassés de leurs demeures, abandonnés par l'arche de Dieu, voyaient devant eux l'avenir enveloppé de ténèbres. "David gravissait la montagne des Oliviers; il montait en pleurant, la tête couverte et les pieds nus. Tous ceux qui l'accompagnaient avaient aussi la tête couverte; et eux aussi montaient en pleurant. Alors on vint dire à David: Ahitophel est avec Absalom parmi les conjurés." Ici encore, David reconnaissait une des conséquences de son péché. La défection d'Ahitophel, le plus habile et le plus astucieux des conseillers politiques d'Israël, n'était qu'une vengeance pour l'opprobre essuyé par sa famille en la personne de Bath-Séba, qui était sa petite-fille. Et "David dit: Je t'en prie, ô Éternel, réduis à néant les conseils d'Ahitophel!" PP 711 3 Arrivé en haut de la colline, le roi se prosterne et, dans une humble prière, déposant toute son angoisse devant Dieu, il le supplie de lui faire voir sa miséricorde. Cette prière est immédiatement exaucée:"Husaï, l'Arkite, vient à sa rencontre, la tunique déchirée et la tête couverte de poussière" en signe de grand deuil, et offre au roi détrôné et fugitif de partager son sort. Comme divinement illuminé, David voit en ce conseiller capable et sage, en cet ami fidèle, celui qui pourra le mieux servir ses intérêts. A sa requête, Husaï retourne à Jérusalem pour offrir ses services à Absalom et neutraliser les conseils de l'astucieux Ahitophel. PP 712 1 Ce rayon d'espérance au coeur, le roi et sa suite continuent à descendre le versant oriental du mont des Oliviers et s'engagent à travers une lande désolée, hérissée de ravins sauvages, conduisant, par des chemins raboteux, dans la direction du Jourdain. "Le roi David venait d'atteindre Bahurim, quand il en vit sortir un homme, uni par la parenté à la famille de Saül, et nommé Siméï, fils de Guéra. Il s'avançait en proférant des malédictions, et il jetait des pierres à David et à ses serviteurs: tout le peuple et l'élite des hommes de guerre entouraient le roi à droite et à gauche. Siméï maudissait David en ces termes: Va-t'en, va-t'en, homme de sang, homme pervers! L'Éternel fait retomber sur toi tout le sang de la maison de Saül, à la place duquel tu t'es fait roi. L'Éternel a livré le royaume entre les mains de ton fils Absalom, et te voilà toi-même dans le malheur, parce que tu es un homme de sang!" PP 712 2 Durant tout le temps de la prospérité de David, cet homme n'avait donné aucun signe de mécontentement à l'égard du roi. C'était au jour du malheur que ce Benjamite révélait son véritable caractère. Il avait honoré David sur le trône, il le maudissait maintenant dans l'humiliation. Égoïste et rampant, il jugeait les autres d'après lui-même. Triompher du malheur des autres, tel est bien l'esprit de Satan. PP 712 3 Les accusations de Siméï contre David étaient absolument gratuites et calomnieuses. Le roi n'était coupable d'aucun tort vis-à-vis de Saül ou de sa maison. Alors qu'il aurait pu le tuer plus d'une fois, il s'était contenté de couper le pan de son manteau, acte qu'il regretta par la suite comme un manque de respect pour l'oint du Seigneur. PP 712 4 Un autre exemple de cette magnanimité avait eu lieu un jour où David était caché dans la caverne d'Adullam. Sa pensée s'étant reportée aux jours de sa jeunesse, il s'était écrié: "Oh! que je voudrais boire de l'eau de la citerne de Bethléhem!"(6) Bethléhem était en ce temps-là entre les mains des Philistins. Trois hommes d'élite de sa troupe ayant traversé la garnison ennemie apportèrent à leur chef l'eau si ardemment convoitée. Mais David ne voulut pas la boire. Il la répandit en l'honneur de Dieu en disant: "Loin de moi, ô Éternel! une telle pensée! Cette eau est comme le sang de ces hommes qui sont allés là-bas au péril de leur vie!" Bien que David fût un homme de guerre, et qu'il eût passé une bonne partie de sa vie au milieu de scènes de violence, il en était sorti moins endurci qu'on ne l'est en général. PP 713 1 Le neveu de David, Abisaï, l'un de ses plus braves capitaines, ne pouvant écouter davantage les propos insolents de Siméï, s'écria: "Pourquoi ce chien mort se permet-il d'insulter le roi, mon seigneur? Laisse-moi faire! J'irai lui couper la tête!" Le roi David le lui défendit: "Voyez, mon propre fils, dit-il à Abisaï et à ses serviteurs, celui qui est sorti de mes entrailles, en veut à ma vie; à plus forte raison ce Benjamite! Laisse-le faire, et qu'il me maudisse, car l'Éternel le lui a commandé. Peut-être l'Éternel aura-t-il égard à mon affliction, et me rendra-t-il le bonheur en échange des malédictions que je reçois aujourd'hui." PP 713 2 La conscience de David lui faisait entendre des vérités amères et humiliantes. Le soudain revers de fortune qui étonnait ses sujets n'était pas un mystère pour lui. Il en avait souvent eu des présages et s'était étonné que Dieu supportât si longtemps ses péchés et que le châtiment mérité fût si long à venir. Mais à ce moment-là, les pieds nus et ses vêtements royaux échangés contre la bure grossière de l'affliction, dans cette fuite douloureuse et les lamentations de sa suite, répercutées par les échos des montagnes, il songeait à sa capitale bien-aimée et il avait l'impression que Dieu lui manifesterait encore sa bonté. PP 713 3 Durant des années, il s'était efforcé d'accomplir fidèlement son devoir. Sous son sceptre, son royaume était parvenu à un degré de puissance et de prospérité jamais atteint auparavant. Il avait en outre accumulé d'immenses matériaux en vue de la construction de la maison de Dieu. Fallait-il que le travail de toute sa vie fût anéanti? Le résultat de ces années de labeurs désintéressés, l'oeuvre du génie, de la piété et d'une administration modèle allaient-ils passer entre les mains d'un fils insensible à l'honneur de Dieu et à la prospérité d'Israël? Combien il eût été naturel pour David, dans cette cuisante épreuve, de murmurer contre le Seigneur! PP 714 1 Mais au contraire, il voyait dans ses propres fautes la cause de tout son malheur. Ses sentiments sont bien exprimés par le prophète Michée: "Si je suis assis dans les ténèbres, l'Éternel sera ma lumière! Je supporterai le courroux de l'Éternel, puisque j'ai péché contre lui, jusqu'à ce qu'il défende ma cause, et me fasse droit."(7) Cet épisode de sa vie où David se montre humble, désintéressé, généreux sous l'insulte et l'ignominie est l'un des plus beaux de sa carrière. Jamais il n'avait paru plus grand aux yeux du ciel qu'à l'heure de sa plus profonde détresse. PP 714 2 Si Dieu avait laissé impuni le péché de David, s'il lui avait permis de jouir d'une paix et d'une prospérité ininterrompues, alors qu'il violait sa sainte loi, les sceptiques auraient eu quelque raison de prendre comme prétexte l'histoire du roi d'Israël pour démolir la religion de la Bible. Mais au contraire, cette histoire prouve surabondamment que Dieu, loin de tolérer ou d'excuser le péché, fait éclater son amour au sein même du châtiment. Si Dieu fait passer David sous la verge, il ne le supprime pas. La fournaise de l'épreuve a pour but de purifier et non de consumer. Il est écrit: PP 714 3 S'ils violent mes commandements, Et s'ils n'observent pas mes préceptes, Je châtierai leurs transgressions en les frappant avec des verges, Et leurs iniquités en leur envoyant des fléaux. Mais je ne leur retirerai pas ma faveur.(8) PP 714 4 Peu après que David eut quitté Jérusalem, Absalom et son armée y faisaient leur entrée et s'en emparaient sans coup férir. Husaï fut parmi les premiers à présenter ses respects au nouveau roi, qui ne fut pas peu surpris de cette offre de services de la part du vieil ami et conseiller de son père. Jusque-là, ses plans avaient réussi. Assuré du succès final, il accueillit Husaï à sa cour. PP 714 5 Les troupes d'Absalom étaient considérables, mais composées d'hommes peu entraînés à la guerre. Ahitophel savait que la situation de David était loin d'être désespérée. Une grande partie de la nation lui restait fidèle. Il était entouré de guerriers éprouvés, commandés par des généraux capables et aguerris. Ahitophel savait également qu'après un premier et bref mouvement d'enthousiasme en faveur du nouveau roi, il se produirait une réaction, et que si la révolution échouait, et si Absalom se réconciliait avec son père, lui, son premier conseiller, serait considéré comme le plus grand coupable et subirait la plus lourde peine. PP 715 1 Pour empêcher Absalom de revenir en arrière, il lui conseilla un acte qui, pour la multitude, rendrait impossible toute réconciliation entre le père et le fils. Il suggéra au prince révolté d'ajouter l'inceste à la rébellion. Il s'agissait, selon la coutume orientale, pour prouver qu'il était devenu le successeur de son père, de s'attribuer publiquement ses concubines. Absalom adopta l'ignoble suggestion, et ainsi s'accomplit la prédiction du prophète à David: "Je vais faire surgir de ta propre maison les maux qui s'abattront sur toi; je prendrai tes femmes sous tes yeux pour les donner à l'un de tes proches, qui abusera d'elles à la vue de ce soleil! Car toi, tu as agi en secret; mais moi, j'agirai en présence de tout Israël et à la vue du soleil."(9) Non pas que Dieu allait lui-même suggérer cette infamie, mais il ne l'empêcherait pas. PP 715 2 Ahitophel, hautement estimé pour sa sagesse, n'avait aucune piété. Il ne possédait pas "la crainte de l'Éternel qui est le commencement de la sagesse".(10) Autrement, il n'eût jamais conseillé un crime odieux pour assurer le succès d'une trahison. Les gens sans conscience agissent comme s'il n'existait aucune providence souveraine pour anéantir leurs desseins. Ils oublient que "celui qui habite dans les cieux ... se moquera d'eux(11) et que le Seigneur a déclaré: PP 715 3 Ils n'ont pas pris plaisir à mes conseils, Ils ont dédaigné toutes mes remontrances: Ils savoureront les fruits de leur conduite Et ils se rassasieront de leurs propres conseils! Car l'égarement des sots les tue, Et la sécurité des insensés les perd.(12) PP 715 4 Ayant assuré sa propre sécurité, Ahitophel démontra à Absalom la nécessité d'agir sans perdre de temps. "Permets-moi de choisir douze mille hommes, lui dit-il. Je me mettrai en marche et je poursuivrai David cette nuit même. Je me jetterai sur lui pendant qu'il est fatigué et que son courage est abattu. Je l'épouvanterai; tout le peuple qui l'accompagne prendra la fuite, et le roi seul tombera sous mes coups. C'est ainsi que je ramènerai à toi tout le peuple." Ce plan fut approuvé par les conseillers de l'usurpateur. S'il avait été exécuté, David aurait certainement péri. Mais les événements étaient dirigés par une sagesse plus haute que celle d'Ahitophel. "L'Éternel, en effet, avait résolu d'anéantir le sage conseil d'Ahitophel, afin d'attirer la ruine sur Absalom." PP 716 1 Husaï n'avait pas été admis dans le conseil et il s'était gardé d'y pénétrer sans invitation pour ne pas être suspecté d'espionnage. Après qu'on se fut dispersé, Absalom, qui avait une haute idée de la sagesse du conseiller de son père, lui soumit le plan d'Ahitophel. Husaï, comprenant que l'exécution du plan proposé entraînerait la perte de David, "répondit à Absalom: Pour cette fois, le conseil donné par Ahitophel n'est pas bon. Il ajouta: Tu connais ton père et ses hommes; ce sont de vaillants guerriers et ils ont le coeur exaspéré, comme une ourse des champs à laquelle on a pris ses petits. De plus, ton père est homme de guerre; il ne passera pas la nuit avec la troupe. Il est sans doute caché, en ce moment même, dans quelque ravin ou dans quelque autre retraite. Si, dès le début, nous essuyons un échec, tous ceux qui l'apprendront diront: Les partisans d'Absalom sont en déroute." PP 716 2 Puis il suggéra un autre plan bien conçu pour plaire à un homme vaniteux porté à faire parade de sa puissance: "Je conseille plutôt que tous les Israélites, depuis Dan jusqu'à Béer-Séba, se rassemblent autour de toi, nombreux comme les grains de sable sur le bord de la mer. Tu marcheras en personne au combat. Nous l'atteindrons, en quelque lieu qu'il se trouve; nous tomberons sur lui comme la rosée tombe sur la terre; et ni lui ni aucun de ceux qui l'accompagnent ne pourra s'échapper. S'il se réfugie dans quelque ville, tout Israël entourera de cordes cette ville-là, et nous la ferons crouler dans le lit du torrent, si bien qu'on n'en trouvera plus une seule pierre." PP 716 3 "Alors Absalom et tous les hommes d'Israël dirent: Le conseil de Husaï, l'Arkite, vaut mieux que le conseil d'Ahitophel." Il y eut cependant un homme qui ne fut pas dupe et qui vit clairement que ce dernier plan serait fatal à la cause d'Absalom. C'était Ahitophel. Il comprit également qu'indépendamment du sort futur de l'usurpateur, il ne restait aucun espoir à celui qui avait été l'instigateur de la révolte. Il avait encouragé Absalom à se rebeller; conseillé de déshonorer son père et suggéré comment faire mourir David. Et maintenant, Absalom lui-même préférait adopter les conseils d'un autre! Jaloux, irrité, désespéré, Ahitophel "partit pour se rendre dans sa ville et sans sa maison. Puis, après avoir mis ordre à ses affaires il s'étrangla et il mourut." Tel fut le sort d'un homme brillamment doué qui n'avait pas pris Dieu pour conseiller et avait oublié que "le salaire du péché, c'est la mort".(13) PP 717 1 Husaï, qui n'était pas certain que son conseil fût suivi par l'inconstant fils du roi, avertit David de passer immédiatement de l'autre côté du Jourdain. A cet effet, il envoya ce message aux deux Lévites: "Ahitophel a donné tel et tel conseil à Absalom et aux anciens d'Israël. Maintenant donc, hâtez-vous d'avertir David, et dites-lui: Ne passe pas la nuit dans les plaines du désert; avance plus loin de peur que le roi et tous ceux qui l'accompagnent ne subissent un désastre." PP 717 2 Les deux fils du prêtre, bien que poursuivis, réussirent à s'acquitter de leur périlleuse mission, et David, accablé de douleur et de fatigue après une première journée de marche, apprit qu'il devait, cette même nuit, fuir plus loin encore. Menacé par un fils choyé en qui il avait toute confiance et par des sujets qui lui avaient juré fidélité, le roi d'Israël chante néanmoins ce sublime cantique: PP 717 3 Éternel, que mes ennemis sont nombreux! Que de gens s'élèvent contre moi! Combien disent à mon sujet: Point de salut pour lui auprès de Dieu! PP 717 4 Mais toi, ô Éternel, tu es mon bouclier; Tu es ma gloire, celui qui me fait dresser la tête. Ma voix invoque l'Éternel, Et il me répond de sa montagne sainte. PP 717 5 Je me suis couché et je me suis endormi. Je me suis réveillé, car l'Éternel me soutient. Je ne crains point les milliers d'hommes Qui m'assiègent de toutes parts. Le salut vient de l'Éternel... Que ta bénédiction soit sur tout ton peuple!(14) PP 718 1 David et sa troupe -- guerriers et hommes d'État, vieillards et jeunes gens, femmes et petits enfants -- passèrent la nuit à traverser les eaux profondes et rapides du Jourdain. "Au point du jour, il n'en restait pas un qui n'eût traversé le fleuve." De là, la multitude entière se réfugia à Mahanaïm, ville fortifiée qui avait été la capitale d'Isboseth, et qui était située dans une région montagneuse. Le pays était bien approvisionné, et ses habitants favorables à la cause de David. De riches propriétaires apportèrent au roi d'abondantes provisions et pourvurent à son confort. PP 718 2 Le conseil de Husaï avait atteint son but en ce qu'il avait donné à David l'occasion de se mettre à l'abri. Cependant, Absalom, irréfléchi et impétueux, ne pouvant se contenir plus longtemps, "passait le Jourdain, suivi de toute l'armée d'Israël", et se mettait à la poursuite de son père. Pour commander ses forces, il avait choisi Amasa, fils d'Abigal, la tante de Joab. Mais son armée, quoique considérable, manquait de discipline et était mal préparée à résister aux soldats aguerris du roi. PP 718 3 David, ayant divisé ses troupes en trois corps placés sous les ordres de Joab, d'Abisaï et d'Ittaï, Guittien, avait l'intention de prendre lui-même le commandement de toute l'armée. Mais ses officiers, ses conseillers et le peuple s'opposèrent avec véhémence à ce dessein. "Tu ne viendras pas, s'écria-t-on; car, si nous fuyons, on n'attachera point d'importance à notre fuite, et, même si la moitié d'entre nous périssait, on n'y ferait pas attention; mais toi, tu en vaux dix mille comme nous. Il est donc préférable que tu te tiennes dans la ville tout prêt à nous secourir. Le roi reprit: Je ferai ce qui vous paraît bon." PP 718 4 Du haut des murailles de la ville, on vit approcher les colonnes de l'armée rebelle. En comparaison avec celle-ci, la troupe de David était insignifiante. Et pourtant, en contemplant ces forces ennemies, la pensée dominante dans le coeur du roi n'est pas le souci de sa couronne, de son royaume ni même de sa vie, dont le sort dépend cependant du résultat de la bataille qui va se livrer. Le coeur de ce père est rempli d'appréhension et de pitié pour son fils rebelle. Au moment où l'armée défile devant lui, debout, à la porte de la ville, il encourage ses soldats et les assure que le Dieu d'Israël leur donnera la victoire. Et tandis que Joab passe devant lui à la tête de son contingent, ce fier vainqueur de cent batailles entend, la tête inclinée, la dernière recommandation du roi qui leur dit d'une voix tremblante: "Ayez soin de ménager le jeune homme Absalom." Abisaï et Ittaï reçoivent le même mandat: "Ayez soin de ménager le jeune homme Absalom." La sollicitude de ce père, qui semblait ajouter plus de prix à la vie de ce malheureux qu'à son royaume et à ses fidèles sujets, ne fit qu'accroître l'indignation de ses guerriers contre le chef de l'insurrection, l'auteur de cette guerre fratricide. PP 719 1 La bataille eut lieu dans un bois situé près du Jourdain et il fut vite impossible de commander les troupes nombreuses et indisciplinées d'Absalom, au milieu des fourrés et des marécages. "L'armée d'Israël fut battue par les gens de David; ce fut une grande défaite, dans laquelle, ce jour-là, périrent vingt mille hommes." PP 719 2 Absalom voit que sa cause est perdue. Il tourne bride et prend la fuite. Mais sa tête s'étant prise dans un arbre aux vastes branchages, sa mule s'enfuit de dessous lui, et le laisse suspendu, impuissant et exposé aux coups de ses ennemis. Un soldat l'ayant aperçu dans cet état l'épargne pour obéir au roi mais avertit Joab. Celui-ci, qui a vainement montré de l'amitié à Absalom en le réconciliant par deux fois avec son père, saisit avidement l'occasion de faire disparaître l'auteur de cette calamité. Sans se laisser arrêter par aucun scrupule, Joab "prit trois javelots, et les enfonça dans le coeur d'Absalom. ... On prit Absalom, on le jeta dans une grande fosse au milieu de la forêt, et on éleva au-dessus de lui un énorme monceau de pierres." PP 719 3 Ainsi périrent les instigateurs de cette rébellion en Israël. Ahitophel se suicida. Absalom, dont la beauté avait fait l'orgueil de tout Israël et qui s'était lui-même élevé un somptueux monument dans les jardins du roi, fut fauché à la fleur de l'âge. En signe d'éternelle infamie, son cadavre fut jeté dans un ravin et couvert d'un monceau de pierres! PP 719 4 Le chef de la révolte étant mort, Joab rappela ses troupes et envoya sans retard des messagers porter la nouvelle au roi. La sentinelle postée sur la muraille de la ville aperçut un homme qui, revenant du champ de bataille, approchait en courant, suivi d'un autre homme. Elle dit au roi qui se tenait près de la porte: "Il me semble, à voir courir le premier, que c'est l'allure d'Ahimaats, fils de Tsadok. Le roi répondit: C'est un homme de bien, il apporte de bonnes nouvelles. Alors Ahimaats cria au roi: Tout va bien! Et il se prosterna devant le roi, le visage contre terre, et dit: Béni soit l'Éternel, ton Dieu, qui t'a livré ceux qui avaient levé la main contre le roi, mon seigneur!" A la question inquiète du roi: "Le jeune Absalom est-il sain et sauf?" le messager fit une réponse évasive. PP 720 1 En arrivant, le deuxième messager cria: "Voici une bonne nouvelle pour le roi, mon seigneur: L'Éternel t'a fait justice aujourd'hui et t'a délivré de tous ceux qui s'élevaient contre toi." Une seconde fois, le roi, les lèvres tremblantes, posa la question: "Le jeune Absalom est-il sain et sauf?" Incapable de cacher la triste nouvelle, l'envoyé répondit: "Puissent les ennemis du roi, mon seigneur, et tous ceux qui se sont révoltés contre toi pour te faire du mal, subir le sort de ce jeune homme!" PP 720 2 C'en était assez pour David. Sans en demander davantage, la tête inclinée, "tremblant d'émotion, il monta dans la chambre placée au-dessus de la porte, et il pleura. Il disait en marchant: Mon fils Absalom! Mon fils, mon fils Absalom! Que ne suis-je mort moi-même à ta place! Absalom, mon fils! mon fils!..." PP 720 3 L'armée victorieuse revient bientôt du champ de bataille, réveillant les échos des collines de ses cris de victoire. Mais quand elle arrive à la porte de la ville, ses cris s'éteignent, les bannières se penchent tristement, et les guerriers avancent tête baissée, ressemblant plutôt à une troupe de fuyards qu'à une armée victorieuse. Le roi n'est pas là pour leur souhaiter la bienvenue. En revanche, du haut de la tour, descend ce cri déchirant: "Mon fils Absalom! mon fils, mon fils Absalom! Que ne suis-je mort à ta place!" PP 720 4 "Ainsi la victoire fut, ce même jour, changée en deuil pour tout le peuple, parce que le peuple avait entendu dire que le roi était très affligé de la mort de son fils. Aussi le peuple, ce jour-là, rentra-t-il furtivement dans la ville, comme une armée honteuse d'avoir pris la fuite pendant la bataille." PP 720 5 Celui qui est outré en ce moment, c'est Joab. Dieu donne au peuple le motif d'une immense joie: il vient de remporter contre une très dangereuse sédition une victoire éclatante, et celle-ci est transformée en un jour de deuil au sujet d'un homme dont l'orgueil et la trahison avaient coûté la vie à des milliers de braves gens! Le rude capitaine entre résolument chez le roi et lui dit sans ménagements: "Tu couvres aujourd'hui de confusion tous tes serviteurs, qui ont, en ce jour même, sauvé ta vie, celle de tes fils et de tes filles.... Tu aimes donc ceux qui te haïssent, et tu hais ceux qui t'aiment; car tu viens de montrer que tes capitaines et tes serviteurs ne sont rien pour toi. Je vois bien maintenant que, si Absalom vivait, et que nous fussions tous morts aujourd'hui, tu trouverais que tout est bien. Lève-toi plutôt, sors, et adresse à tes serviteurs des paroles d'encouragement; car je te déclare, au nom de l'Éternel, que, si tu ne te montres pas, il n'y aura pas un seul homme pour rester avec toi cette nuit; et ce malheur sera pire pour toi que tous ceux qui te sont arrivés depuis ta jeunesse jusqu'à présent." PP 721 1 Si dure et cruelle que soit cette algarade pour son coeur meurtri, David ne montre aucun ressentiment. Son général a raison. Il descend et se tient à la porte de la ville pour accueillir par des paroles de félicitation et d'encouragement ses braves soldats de retour de la bataille. ------------------------Chapitre 73 -- Dernières années de David PP 723 1 La défaite d'Absalom ne ramena pas immédiatement la paix dans le royaume. Les territoires qui avaient participé à la sédition étaient si considérables que David ne voulut pas reprendre le pouvoir et retourner dans sa capitale sans y être invité par les tribus. Au milieu de l'effervescence qui suivit la ruine du parti rebelle, on ne se pressa pas de rappeler le roi. Finalement, Juda s'étant décidé à le ramener, la jalousie des autres tribus donna lieu à une contre-révolution, bientôt apaisée, et l'ordre fut rétabli. PP 723 2 L'histoire de David nous fournit un des exemples les plus frappants des dangers qui accompagnent le pouvoir, la richesse et les honneurs recherchés avec tant d'ardeur. Peu d'hommes, cependant, ont passé, comme ce roi, par autant d'épreuves destinées à y préparer. Par la volonté de Dieu, son enfance s'écoula sur des collines solitaires, dans l'humble occupation d'un gardien de brebis. La contemplation de la nature développa son talent pour la musique et la poésie. Le désert fut pour lui l'école de la patience, du courage, du sang-froid, de la confiance en Dieu. Il jouit à un haut degré de l'amour du Père céleste et fut enrichi des dons de son Esprit. Plus tard, il vit, dans la carrière de Saül, la nullité de la sagesse humaine livrée à elle-même. Et cependant, le pouvoir et les honneurs l'affectèrent au point qu'il fut plusieurs fois vaincu par le tentateur. PP 724 1 Ses rapports avec les peuples païens firent naître en lui l'amour des grandeurs terrestres et le désir d'imiter leurs coutumes. Israël était digne d'être honoré. Mais, poussés par l'orgueil, les Hébreux ne se contentèrent plus de cette prééminence. Cédant à l'ambition, David songea à étendre ses conquêtes aux dépens des nations voisines. Pour cela, il crut devoir augmenter son armée en introduisant le service militaire obligatoire; de là l'idée d'ordonner un recensement de la population. Ce dénombrement devait forcément mettre en contraste les débuts et la fin de son règne, révéler les progrès réalisés et augmenter, chez le peuple et chez le roi, une confiance déjà trop grande en la puissance des armes. PP 724 2 Ce danger est signalé en ces termes par le récit sacré: "Satan s'éleva contre Israël, et il excita David à faire le recensement d'Israël."(1) La prospérité dont Israël avait joui sous David était due à la bénédiction de Dieu et non à l'habileté de son roi, ou à la force de ses armées. En augmentant les effectifs militaires, on allait donner aux nations environnantes l'impression que la confiance d'Israël reposait non sur la puissance du Très-Haut, mais sur celle de ses guerriers. Néanmoins, quoique fier de sa grandeur nationale, le peuple n'envisagea pas avec faveur l'idée de l'accroissement de la force armée. Le recensement proposé par David ayant causé beaucoup de mécontentement, on jugea à propos d'y employer des officiers plutôt que des prêtres et des magistrats, comme on avait fait jusqu'alors. PP 724 3 Ce projet était directement opposé aux principes de la théocratie. Quelque peu scrupuleux que Joab se fût montré auparavant, il dit lui-même à David: "Puisse l'Éternel rendre son peuple cent fois plus nombreux! O roi, mon seigneur, ne sont-ils pas tous serviteurs de mon seigneur? Pourquoi mon seigneur demande-t-il cela? Pourquoi charger Israël d'un tel péché?" Mais la parole du roi prévalut sur l'opposition de Joab qui se mit donc "en route et parcourut tout le territoire d'Israël; puis il revint à Jérusalem". PP 724 4 Le dénombrement n'était pas achevé que David reconnut son erreur. Plein de remords, il dit à Dieu: "J'ai commis un très grand péché en agissant ainsi. Daigne maintenant pardonner la faute commise par ton serviteur, car j'ai agi tout à fait en insensé." Le lendemain, le prophète Gad lui apporta ce message: "Ainsi parle l'Éternel: J'ai trois sortes de châtiments à te proposer; choisis l'un d'eux et je te l'infligerai.... Accepte ou bien trois années de famine, ou bien trois mois pendant lesquels tu seras mis en fuite par tes adversaires et atteint par l'épée de tes ennemis, ou encore trois jours pendant lesquels, l'épée de l'Éternel étant dans le pays, l'ange de l'Éternel portera la destruction dans tout le territoire d'Israël." Le prophète ajouta: "Décide maintenant ce que je dois répondre à celui qui m'a envoyé. David répondit à Gad: Mon angoisse est très grande!... Eh bien, j'aime mieux tomber entre les mains de l'Éternel, car ses compassions sont infinies; mais puissé-je ne pas tomber entre les mains des hommes!"(2) PP 725 1 "L'Éternel fit donc sévir la peste en Israël, et il périt soixante-dix-mille Israélites." Le fléau n'avait pas encore atteint la capitale, que "David, ayant levé les yeux, vit l'ange de l'Éternel qui se tenait entre la terre et le ciel, ayant à la main une épée nue, tournée contre Jérusalem. Aussitôt David et les anciens, couverts de sacs, tombèrent le visage contre terre". "David dit à Dieu: N'est-ce pas moi qui ai donné l'ordre de faire le recensement du peuple? C'est moi qui ai péché; c'est moi qui ai mal agi; mais ces brebis, qu'ont-elles fait? Éternel, mon Dieu, que ta main s'appesantisse sur moi, je te prie, et sur la maison de mon père, mais qu'elle ne s'appesantisse pas sur ton peuple, pour le frapper." PP 725 2 Opposé au recensement, le peuple n'avait pas moins caressé les ambitions qui avaient poussé David à son projet. De même que Dieu avait châtié David par le péché d'Absalom, il punissait par la faute du roi les péchés d'Israël. PP 725 3 L'ange destructeur avait arrêté sa marche en dehors de Jérusalem, et se trouvait debout sur le mont Morija, "près de l'aire d'Ornan, le Jébusien". Sur l'ordre de l'Éternel, David s'y rendit et "bâtit là un autel en l'honneur de l'Éternel; il offrit des holocaustes et des sacrifices d'actions de grâces, et invoqua l'Éternel. Alors l'Éternel lui répondit en envoyant le feu du ciel sur l'autel de l'holocauste". "Ainsi le courroux de l'Éternel fut apaisé à l'égard du pays, et le fléau se retira d'Israël."(3) PP 726 1 L'endroit sur lequel l'autel avait été dressé étant destiné à être un lieu sacré, Ornan, son propriétaire, l'offrit à David à titre de présent. Le roi refusa. Il lui dit: "Non, non; je veux acheter le tout à sa vraie valeur; car je ne prendrai pas ce qui t'appartient pour le donner à l'Éternel, et je ne lui offrirai pas un holocauste qui ne me coûte rien. David donna donc à Ornan, pour cet emplacement, le poids de six cents sicles d'or." Cet endroit, rendu mémorable déjà par l'autel qu'Abraham y avait construit pour offrir Isaac, sanctifié maintenant par cette grande délivrance, fut plus tard choisi par Salomon pour y construire le temple qui porta son nom. PP 726 2 Un nuage encore devait assombrir les dernières années de David. Il était arrivé à l'âge de soixante et dix ans. Les privations et les fatigues de sa jeunesse, les nombreuses guerres, les soucis et les tribulations qui avaient suivi avaient épuisé sa vitalité. Bien que son esprit eût conservé toute sa lucidité, la faiblesse de l'âge et l'amour de la retraite l'empêchaient de se rendre compte de ce qui se passait dans son royaume. Une nouvelle révolte éclata à l'ombre de son trône. PP 726 3 Celui de ses fils qui aspire maintenant au trône est Adonija, homme "d'une grande beauté", mais insouciant et sans principes. A peine avait-il reçu dans son jeune âge quelques notions de discipline. "Son père ne lui avait jamais fait un reproche, en lui disant: Pourquoi agis-tu ainsi?"(4) Comme successeur de David, Dieu avait désigné Salomon, plus qualifié pour occuper le trône que son frère plus âgé. Malgré que ce choix fût connu de tous, cela n'empêcha pas Adonija de trouver des adhérents. Joab, qui, malgré ses crimes, était resté fidèle à la couronne, ainsi qu'Abiathar, le grand prêtre, se joignirent cette fois à la conspiration. PP 726 4 La révolte était sur le point d'éclater, et les conspirateurs se réunirent autour d'un grand festin à l'extrémité de la ville pour y proclamer roi Adonija. Mais leur plan fut déjoué grâce à la promptitude de quelques personnes fidèles à David, notamment Tsadok, le prêtre, Nathan, le prophète, et Bath-Séba, mère de Salomon. Ils informèrent le roi de ce qui se passait et lui rappelèrent que c'était Salomon qui devait lui succéder. David abdiqua sur-le-champ en faveur de Salomon, qui fut immédiatement proclamé roi. La conspiration était étouffée. PP 727 1 Les principaux fauteurs de cette révolte étaient passibles de mort. Abiathar eut la vie sauve à cause de ses fonctions de grand prêtre et de sa fidélité antérieure. Mais il fut destitué de sa charge qui passa à la famille de Tsadok. Joab et Adonija furent épargnés. Mais ils subirent la peine capitale après la mort de David. La sentence qui frappait le fils du roi complétait le quadruple châtiment annoncé par Dieu pour témoigner son horreur du péché commis par le roi d'Israël. PP 727 2 Dès les premières années de son règne, un projet qui avait été cher à David était la construction d'un temple à l'Éternel. Bien que privé de la joie de mettre ce plan à exécution, il avait apporté beaucoup de zèle à réunir les matériaux précieux qui devaient servir à l'embellissement de l'édifice. A cet effet, il amassa de l'or, de l'argent, des pierres d'onyx et d'autres pierres précieuses, du marbre et des bois fins. Le moment était venu de remettre ces richesses entre les mains de ceux qui allaient être chargés de l'exécution de cette grande entreprise. PP 727 3 Voyant sa fin approcher, le roi convoqua les princes d'Israël et les représentants des diverses parties du territoire pour leur confier ces richesses, leur faire ses recommandations et s'assurer de leur sympathie et de leur concours. On ne s'attendait pas que David procédât personnellement à ce transfert en raison de sa grande faiblesse. Mais l'Esprit descendit sur lui et il put adresser encore une fois la parole à son peuple avec une ferveur et une autorité plus grandes même qu'autrefois. PP 727 4 Il rappela le désir qu'il avait eu de diriger lui-même la construction du temple et fit connaître en ces termes l'ordre de Dieu d'en charger son fils: "Salomon, ton fils, est celui qui bâtira ma maison et mes parvis; car je l'ai choisi pour fils, et je serai pour lui un père. J'affermirai pour toujours sa royauté s'il s'applique à pratiquer mes commandements et mes préceptes, comme il le fait aujourd'hui." Le roi continua: "Maintenant donc, aux yeux de tout Israël, de l'assemblée de l'Éternel et de notre Dieu qui nous entend, je vous supplie de garder et d'observer avec soin tous les commandements de l'Éternel, votre Dieu, afin que vous possédiez ce bon pays et que vous en transmettiez l'héritage à vos enfants après vous, à perpétuité."(5) PP 727 5 David sait par expérience combien est douloureux le sentier de celui qui s'éloigne de Dieu. Il a senti l'aiguillon de la loi violée; il a moissonné les fruits du péché. Aussi éprouve-t-il un profond désir de voir les chefs de son peuple demeurer fidèles à Dieu, et Salomon éviter les fautes qui ont affaibli son autorité, assombri sa vie et entaché l'honneur de Dieu. Il n'ignore pas que pour résister aux tentations qui assailliront sûrement son fils, celui-ci aura besoin d'un coeur humble, d'une continuelle confiance en Dieu et d'une vigilance constante. Les hommes haut placés sont les principaux points de mire des attaques de Satan. PP 728 1 David se tourna vers son fils, et lui dit: "Et toi, Salomon mon fils, connais le Dieu de ton père, sers-le d'un coeur intègre et prompt à l'obéissance; car l'Éternel sonde tous les coeurs et il pénètre tous les desseins et toutes les pensées. Si tu le cherches, il se fera trouver de toi; mais si tu l'abandonnes, il te rejettera pour toujours. Considère maintenant que c'est toi que l'Éternel a choisi pour bâtir une maison qui sera son sanctuaire. Sois fort et mets-toi à l'oeuvre." PP 728 2 Le roi donne alors à Salomon des instructions détaillées concernant la construction du temple. Il lui confie des plans sur toutes les parties de l'édifice et des modèles de tous les ustensiles du service divin: modèles et plans qui lui ont été communiqués par inspiration divine. A ce fils qui est tout jeune et qui recule à la pensée des responsabilités qui vont lui incomber, David adresse ces paroles: Sois fort, prends courage, mets-toi à l'oeuvre! "Ne crains point et ne t'effraie pas; car l'Éternel Dieu, mon Dieu, sera avec toi. Il ne te délaissera point et ne t'abandonnera pas." PP 728 3 Puis, se tournant de nouveau vers la vaste assemblée qui est devant lui, David reprend: "Mon fils Salomon, le seul que Dieu ait choisi, est encore jeune et d'âge tendre. Or, grande est l'entreprise; car ce palais n'est pas destiné à un homme, mais à l'Éternel Dieu." Il ajoute: "Quant à moi, j'ai appliqué tous mes soins à préparer pour la maison de mon Dieu" des métaux rares, des pierres fines et des bois précieux. "De plus, dans mon amour pour la maison de mon Dieu, tout l'or et tout l'argent que je possède en propre, je le donne à la maison de mon Dieu, outre ce que j'ai préparé pour la construction du sanctuaire: trois mille talents d'or, de l'or d'Ophir, et sept mille talents d'argent épuré, destinés à revêtir les parois des salles.... Qui de vous est disposé à présenter volontairement aujourd'hui son offrande à l'Éternel?" PP 729 1 La multitude y répondit avec empressement. "Alors les chefs des familles, les chefs des tribus d'Israël, les chefs de milliers et de centaines, ainsi que les intendants du roi, firent des offrandes volontaires. Ils donnèrent, pour le service de la maison de Dieu, cinq mille talents d'or, dix milles dariques, dix mille talents d'argent, dix-huit mille talents d'airain et cent mille talents de fer. Ceux qui possédaient des pierres précieuses les remirent pour le trésor du temple de l'Éternel. ... Le peuple se réjouit de ces libéralités; car c'est de bon coeur qu'elles étaient faites à l'Éternel. Le roi David en éprouva aussi une grande joie. PP 729 2 "David bénit l'Éternel en présence de toute l'assemblée et il dit: O Éternel, Dieu d'Israël, notre Père, béni sois-tu d'éternité en éternité! A toi, ô Éternel, la grandeur, la force et la magnificence, l'éternité et la splendeur; car tout ce qui est dans les cieux et sur la terre t'appartient. A toi, ô Éternel, la royauté, à toi la domination suprême sur toutes choses. ... Tu es le souverain maître de tout; dans ta main sont la force et la puissance, et c'est ta main qui peut élever et affermir toutes choses. Maintenant donc, ô notre Dieu, nous te louons et nous célébrons ton nom glorieux. Qui suis-je, en effet, et qui est mon peuple pour que nous soyons capables de te consacrer de telles offrandes? Oui, tout vient de toi; c'est de ta main que nous avons reçu ce que nous t'avons donné. Nous sommes devant toi des étrangers et des voyageurs, comme l'étaient tous nos pères; nos jours sur la terre sont comme l'ombre, sans aucun espoir de durée. PP 729 3 "Éternel, notre Dieu, toutes ces richesses que nous avons préparées pour bâtir un temple à la gloire de ton saint nom, elles viennent de ta main, et tout est à toi. Je sais, ô mon Dieu, que tu sondes les coeurs et que tu prends plaisir à la droiture. Aussi ai-je fait toutes ces offrandes volontaires dans la droiture de mon coeur. De même, je vois avec joie ton peuple ici réuni t'apporter volontairement ses offrandes. O Éternel, Dieu d'Abraham, d'Isaac et d'Israël, nos pères, maintiens à toujours dans le coeur de ton peuple ces sentiments et ces pensées, et dirige son coeur vers toi! PP 730 1 "Donne aussi un coeur intègre à mon fils Salomon, afin qu'il observe tes commandements, tes préceptes et tes lois, qu'il les mette tous en pratique, et qu'il bâtisse le palais dont j'ai préparé la construction. David dit à toute l'assemblée: Bénissez l'Éternel, votre Dieu! Et toute l'assemblée bénit l'Éternel. ... Ils s'inclinèrent et se prosternèrent devant l'Éternel." PP 730 2 David amassa de riches matériaux pour la construction et l'embellissement du futur temple. Il composa les hymnes glorieux qui devaient retentir dans ses parvis. A la vue des largesses des princes d'Israël, son coeur déborde de joie. Il adresse ses louanges à Dieu qui a mis ces dispositions dans leurs coeurs. PP 730 3 Tout ce que l'homme reçoit de la munificence céleste appartient encore au divin Donateur. C'est lui qui le place entre nos mains pour éprouver la profondeur de notre amour et de notre gratitude. Qu'il s'agisse des richesses matérielles ou de l'intelligence, nous devons les déposer en offrandes volontaires aux pieds du Sauveur et dire avec David: "Tout vient de toi; c'est de ta main que nous avons reçu ce que nous t'avons donné." PP 730 4 A mesure qu'il sent la mort approcher, David concentre davantage toute sa sollicitude sur Salomon et sur son peuple, dont la fidélité va dépendre en grande mesure de celle de son roi. Dans ses dernières recommandations, il lui dit: "Je m'en vais par le chemin que prennent tous les fils de la terre; prends courage et sois un homme! Obéis fidèlement à la volonté de l'Éternel, ton Dieu, en marchant dans ses voies, en observant ses lois, ses commandements, ses préceptes et ses enseignements. ... C'est ainsi que tu réussiras dans tout ce que tu feras et partout où tu iras, et que l'Éternel accomplira la parole qu'il a prononcée à mon égard, quand il a dit: Si tes fils prennent garde à leur conduite et s'ils marchent fidèlement en ma présence, de tout leur coeur et de toute leur âme, tu auras toujours un de tes descendants sur le trône d'Israël."(6) PP 730 5 Les "dernières paroles de David" telles que l'Écriture nous les a conservées sont un cantique où éclatent en accents sublimes sa ferme confiance en Dieu et une foi inébranlable: PP 730 6 Oracle de David, fils d'Isaï, Oracle de l'homme qui fut élevé si haut, Celui qui fut l'oint du Dieu de Jacob, Et le doux chantre d'Israël. PP 731 1 L'esprit de l'Éternel parle par ma bouche, Et sa parole est sur mes lèvres. Le Dieu d'Israël a parlé, Le Rocher d'Israël m'a dit: Celui qui règne sur les hommes avec justice, Celui qui règne avec la crainte de Dieu dans le coeur, Est comme la splendeur du matin au lever du soleil, Comme un matin sans nuages; Ses rayons font germer, de la terre, la verdure après la pluie, C'est ainsi que Dieu agit avec ma maison; Car il a fait avec moi une alliance éternelle, Alliance parfaite en tous points et parfaitement observée, Oui, il donnera à mon bouclier tout son épanouissement, Il accomplira tous mes voeux!(7) PP 731 2 Si la faute de David a été grande, son repentir fut sincère, son amour profond, et ardente sa foi. Dieu lui a beaucoup pardonné; aussi peut-il l'aimer beaucoup en retour.(8) Les psaumes du roi d'Israël, en effet, nous font passer à travers toutes les phases de l'expérience religieuse. Des profondeurs de la culpabilité consciente et du remords, ils nous transportent jusque sur les hauteurs séraphiques de la foi la plus sereine et de la communion avec Dieu. PP 731 3 La vie du roi David nous enseigne que si le péché n'apporte que le malheur et la honte, l'amour et la miséricorde de Dieu descendent jusque dans les plus noirs abîmes du mal pour en ramener l'âme repentante et la transporter sur les sommets sublimes réservés aux fidèles. La carrière du roi-berger est l'un des plus puissants témoignages qui soient de la fidélité, de la justice et de la miséricorde de Dieu. PP 731 4 "L'homme... fuit comme une ombre", "mais la Parole de notre Dieu demeure éternellement". PP 731 5 La bonté de l'Éternel pour ceux qui le craignent Subsiste de tout temps et à toujours; Et sa justice s'étend aux enfants de leurs enfants, A tous ceux qui gardent son alliance Et se rappellent ses commandements, Afin de les mettre en pratique.(9) PP 732 1 "Tout ce que Dieu fait subsiste à toujours."(10) PP 732 2 Glorieuses sont les promesses faites à la maison de David, promesses qui embrassent les âges éternels et ont leur couronnement en la personne de Jésus-Christ! Dieu les a confirmées en ces termes: PP 732 3 J'ai fait ce serment à David, mon serviteur. ... Ma main le soutiendra, Et mon bras le fortifiera. ... Ma fidélité et ma bonté seront avec lui, Et par la puissance de mon nom, il pourra relever la tête. J'étendrai sa main puissante sur la mer Et son empire sur les fleuves. Il m'invoquera, disant: "Tu es mon Père, Mon Dieu, mon rocher protecteur." Aussi ferai-je de lui le premier-né, Le souverain des rois de la terre. Je lui conserverai ma faveur éternellement, Et mon alliance avec lui sera inébranlable. Je lui donnerai une postérité éternelle, Et son trône durera autant que les cieux.(11) PP 732 4 Il fera droit aux opprimés de son peuple: Il portera secours aux enfants du pauvre, Et il écrasera l'oppresseur. On te craindra tant que durera le soleil, Tant que luira la lune, d'âge en âge... Sous son règne, le juste prospérera Au sein d'une paix profonde, tant que la lune répandra sa clarté. Il dominera d'une mer à l'autre, Depuis l'Euphrate jusqu'aux extrémités de la terre. ... Que son nom subsiste à toujours! Que son nom se perpétue tant que brillera le soleil! Que l'on se bénisse mutuellement en son nom; Que toutes les nations le proclament heureux!(12) PP 732 5 Car un enfant nous est né, un fils nous a été donné. L'empire a été posé sur son épaule.(13) PP 732 6 "Il sera grand, et il sera appelé le Fils du Très-Haut; et le Seigneur, Dieu, lui donnera le trône de David, son Père. Il régnera éternellement sur la maison de Jacob, et son règne n'aura point de fin."(14) ------------------------Prophètes et Rois PR 7 1 Préface PR 9 1 Introduction PR 15 1 Chapitre 1 -- Salomon PR 23 1 Chapitre 2 -- Le temple et sa dédicace PR 35 1 Chapitre 3 -- Orgueil dans la prospérité PR 43 1 Chapitre 4 -- Conséquences de la transgression PR 53 1 Chapitre 5 -- Repentance de Salomon PR 63 1 Chapitre 6 -- Division du royaume PR 71 1 Chapitre 7 -- Jéroboam PR 77 1 Chapitre 8 -- L'apostasie nationale PR 85 0 Chapitre 9 -- Elie, le Thischbite PR 93 0 Chapitre 10 -- Sévères paroles de reproche PR 105 0 Chapitre 11 -- Le mont Carmel PR 113 0 Chapitre 12 -- De Jizreel à Horeb PR 123 0 Chapitre 13 -- Que fais-tu ici? PR 133 1 Chapitre 14 -- Avec l'esprit et la puissance d'Elie PR 143 1 Chapitre 15 -- Josaphat PR 153 0 Chapitre 16 -- Ruine de la maison d'Achab PR 163 1 Chapitre 17 -- L'appel d'Elisée PR 173 1 Chapitre 18 -- Elisée assainit les eaux du Jourdain PR 179 0 Chapitre 19 -- Un prophète de paix PR 187 0 Chapitre 20 -- Naaman PR 195 1 Chapitre 21 -- Fin du ministère d'Elisée PR 203 1 Chapitre 22 -- Ninive, la grande ville PR 215 1 Chapitre 23 -- La captivité assyrienne PR 225 1 Chapitre 24 -- Détruit par manque de connaissance PR 231 1 Chapitre 25 -- L'appel d'Esaïe PR 237 1 Chapitre 26 -- Voici votre Dieu PR 245 1 Chapitre 27 -- Achaz PR 253 1 Chapitre 28 -- Ezéchias PR 261 1 Chapitre 29 -- Les ambassadeurs de Babylone PR 269 1 Chapitre 30 -- Délivrance de l'Assyrie PR 283 1 Chapitre 31 -- Espoir pour les païens PR 293 1 Chapitre 32 -- Manassé et Josias PR 301 1 Chapitre 33 -- Le livre de la loi PR 311 1 Chapitre 34 -- Jérémie PR 323 1 Chapitre 35 -- L'approche du jugement PR 335 1 Chapitre 36 -- Le dernier roi de Juda PR 345 1 Chapitre 37 -- La déportation à Babylone PR 355 1 Chapitre 38 -- Lumière dans les ténèbres PR 365 0 Chapitre 39 -- À la cour de Babylone PR 375 0 Chapitre 40 -- Le songe de Nebucadnetsar PR 383 0 Chapitre 41 -- La fournaise ardente PR 391 0 Chapitre 42 -- La vraie grandeur PR 399 0 Chapitre 43 -- Le spectateur invisible PR 411 0 Chapitre 44 -- Dans la fosse aux lions PR 419 1 Chapitre 45 -- Retour de l'exil PR 429 1 Chapitre 46 -- Les prophètes de Dieu les assistaient PR 441 1 Chapitre 47 -- Josué et l'ange PR 451 1 Chapitre 48 -- Ni par la puissance, ni par la force PR 455 1 Chapitre 49 -- Aux jours de la reine Esther PR 461 1 Chapitre 50 -- Esdras, prêtre et scribe PR 469 1 Chapitre 51 -- Réveil spirituel PR 477 0 Chapitre 52 -- L'homme de la situation PR 483 0 Chapitre 53 -- Les réparateurs des murailles PR 491 0 Chapitre 54 -- Blâme de l'extorsion PR 497 0 Chapitre 55 -- Complots des païens PR 503 0 Chapitre 56 -- Lecture solennelle de la loi de Dieu PR 509 0 Chapitre 57 -- Œuvre de réforme PR 517 1 Chapitre 58 -- La venue d'un libérateur PR 533 1 Chapitre 59 -- La maison d'Israël PR 547 1 Chapitre 60 -- Visions de la gloire future ------------------------Préface PR 7 1 Toute l'histoire du peuple élu: les enfants d'Abraham "selon la chair", est d'un intérêt vital, en ce qu'elle révèle les différents aspects du caractère de Dieu: sa compassion infinie, sa parfaite justice, sa sagesse illimitée, sa puissance insondable et son amour éternel. PR 7 2 Mais de toute cette histoire aucune partie n'est plus intéressante que celle dont traite cet ouvrage, c'est-à-dire l'époque où Israël a atteint le faîte des honneurs, jusqu'à sa captivité et son retour en Palestine. PR 7 3 Le but de ce livre n'est pas d'entrer dans les détails de l'histoire de cette époque, ni d'en donner un récit systématique. D'autres l'ont fait depuis longtemps. Mais il s'agit là d'en faire ressortir de plus grandes choses: tirer des leçons morales des triomphes d'Israël, de ses défaites, ses apostasies, sa captivité et ses réformes, de façon à venir en aide d'une manière pratique à ceux qui passent par l'épreuve, en leur montrant la profondeur de l'amour de Dieu et sa grande miséricorde dans tous ses agissements à l'égard d'un peuple obstiné. PR 7 4 L'ouvrage débute avec Israël, au moment où il ne composait qu'un seul royaume, dans sa gloire, avec son temple magnifique: centre mondial du véritable culte. Puis vient la division en deux royaumes: celui du nord composé de dix tribus qui, à cause de leur infidélité, furent emmenées en captivité pour toujours, et celui du sud, avec les tribus de Juda et Benjamin, connu sous le nom de royaume de Juda. PR 8 1 Juda, avec ses principaux rois, bons ou mauvais, sa captivité, ses ressortissants qui pleurent sur les rives de l'Euphrate, leurs harpes suspendues aux saules, les regards tournés vers Jérusalem dévastée -- tout cela est passé en revue. PR 8 2 Ensuite, c'est la vie des captifs à Babylone, leurs saints hommes, leurs prophètes, leur délivrance par suite de la promulgation d'un décret par un puissant monarque, leur retour à Jérusalem, la reconstruction du temple sous la direction divine et le rétablissement des Juifs en Palestine. PR 8 3 L'ouvrage s'arrête longuement sur la vie des rois d'Israël: Salomon, que sa sagesse extraordinaire n'empêche pas de se détourner de Dieu; Jéroboam, qui provoqua la division du royaume et les maux qui en résultèrent; le grand prophète Elie, dont la mission fut si importante; Elisée, son successeur, prophète de paix et de guérison; Achaz, le roi faible et méchant; Ezéchias, le roi timide et débonnaire; Daniel, le prophète "bien-aimé" de Dieu; Jérémie, le prophète de la tristesse; Aggée, Zacharie et Malachie, les prophètes de la restauration. Et au-dessus de tous ces personnages, dans une gloire surnaturelle, vient le Roi des rois, l'"Agneau de Dieu", le Fils unique du Père, en qui s'accomplissent tous les types des cérémonies lévitiques. PR 8 4 Les desseins de Dieu sont immuables. Si le peuple élu ne proclame pas l'Evangile, celui-ci fera son chemin sans lui. Qu'arriva-t-il lorsque Israël fut captif à Babylone? Grâce au témoignage d'une poignée d'hommes fidèles, le puissant monarque de cet empire fut amené à proclamer dans le monde entier la connaissance du vrai Dieu. Puis, ce fut Cyrus, roi de Perse, qui mit un terme à la captivité du peuple élu. La richesse et la puissance des nations sont à la disposition de ce dernier, si Dieu le veut. PR 8 5 Ainsi, nous sommes amenés, dans l'accomplissement des plans divins, du type à l'antitype, des rois éphémères au Roi éternel, de la gloire qui s'évanouit à la gloire qui demeure, du peuple mortel qui pèche et disparaît au peuple juste, immortel. PR 8 6 Puisse cet ouvrage, dont l'auteur est mort lorsqu'il préparait les derniers chapitres, conduire beaucoup d'âmes au seul vrai Dieu, c'est le voeu sincère que forment. Les Editeurs ------------------------Introduction Le vignoble du Seigneur PR 9 1 C'était dans le dessein de procurer à tous les peuples de la terre les meilleurs dons du ciel que Dieu demanda à Abraham de quitter sa patrie et la maison de son père pour aller habiter au pays de Canaan. "Je ferai de toi une grande nation, lui dit-il, et je te bénirai; je rendrai ton nom grand, et tu seras une source de bénédiction."1 Dieu appelait Abraham à un grand honneur: celui d'être le père du peuple qui, pendant des siècles, devait être le dépositaire de la vérité, le peuple grâce auquel toutes les nations de la terre seraient bénies par la venue du Messie promis. PR 9 2 A cette époque, les hommes avaient presque perdu la notion du vrai Dieu. L'idolâtrie obscurcissait leur esprit. Ils s'efforçaient de remplacer la loi divine "sainte, juste et bonne"2 par des lois selon leurs coeurs cruels et égoïstes. Cependant, Dieu, dans sa miséricorde, ne les anéantit pas. Il leur donna l'occasion de le connaître par son Eglise. Il décida que les principes révélés à son peuple contribueraient à restaurer en eux son image. PR 9 3 La loi divine devait être exaltée, son autorité maintenue, et une grande et noble tâche fut confiée à Israël. Le Seigneur sépara celui-ci du monde, afin de lui confier une mission sacrée. Il en fit le dépositaire de sa loi pour qu'il fasse connaître le vrai Dieu. Ainsi, la lumière céleste devait resplendir sur un monde plongé dans les ténèbres. La voix divine se ferait entendre de tous les peuples pour qu'ils se détournent de l'idolâtrie et servent le Dieu vivant. PR 10 1 "Par une grande puissance et par une main forte",3 le Seigneur fit sortir son peuple du pays d'Egypte. "Il envoya Moïse, son serviteur, et Aaron, qu'il avait choisi. Ils accomplirent par son pouvoir des prodiges au milieu d'eux, ils firent des miracles dans le pays de Cham." "Il menaça la mer Rouge, et elle se dessécha; et il les fit marcher à travers les abîmes."4 Il les délivra de l'esclavage pour les conduire dans un bon pays, un pays que, dans sa providence, il avait préparé pour leur servir de refuge contre leurs ennemis. Il voulait les amener à lui pour les entourer de son bras protecteur. En retour de tant de bonté et de miséricorde, les Israélites devaient exalter son nom et le rendre glorieux. PR 10 2 "La portion de l'Eternel, c'est son peuple, Jacob est la part de son héritage. Il l'a trouvé dans une contrée déserte, dans une solitude aux effroyables hurlements; il l'a entouré, il en a pris soin, il l'a gardé comme la prunelle de son oeil, pareil à l'aigle qui éveille sa couvée, voltige sur ses petits, déploie ses ailes, les prend, les porte sur ses plumes. L'Eternel seul a conduit son peuple, et il n'y avait avec lui aucun dieu étranger."5 C'est ainsi que Dieu attirait à lui les Israélites pour qu'ils puissent se reposer à l'ombre du Tout-Puissant. Préservés miraculeusement des périls qui les menaçaient dans leur pérégrination au désert, ils s'établirent enfin au pays de la promesse, comme une nation favorisée. PR 10 3 Au moyen d'une parabole, le prophète Esaïe a parlé du rôle que devait jouer Israël en tant que représentant de Jéhovah. "Je chanterai à mon bien-aimé, dit-il, le cantique de mon bien-aimé sur sa vigne. Mon bien-aimé avait une vigne, sur un côteau fertile. Il en remua le sol, ôta les pierres, et y mit un plant délicieux; il bâtit une tour au milieu d'elle, et il y creusa aussi une cuve. Puis il espéra qu'elle produirait de bons raisins."6 PR 10 4 Dieu se proposait donc par la nation israélite de bénir toute l'humanité. "La vigne de l'Eternel des armées, déclarait le prophète, c'est la maison d'Israël, et les hommes de Juda, c'est le plant qu'il chérissait."7 PR 11 1 C'est à Israël qu'ont été confiés les oracles de Dieu. Ceux-ci étaient comme entourés par les préceptes de la loi divine, principe éternel de vérité et de pureté. L'obéissance à ces préceptes devait être leur sauvegarde, car ceux-ci les protégeraient des pratiques destructrices du mal. Et comme tour dans la vigne, il plaça au beau milieu du terrain son saint temple. PR 11 2 Le Christ était leur pédagogue. Il les avait guidés dans le désert; il resterait avec eux pour les instruire et les conseiller. Sa gloire, la sainte Schekinah, reposait sur le propitiatoire dans le tabernacle, puis au temple. Il ne cessa de manifester en leur faveur les richesses de son amour et de sa patience. PR 11 3 Moïse exposa aux Israélites le dessein de Dieu en des termes qui ne prêtaient à aucune équivoque. "Tu es un peuple saint pour l'Eternel, ton Dieu, dit-il; l'Eternel, ton Dieu, t'a choisi pour que tu fusses un peuple qui lui appartînt entre tous les peuples qui sont sur la face de la terre." PR 11 4 "Aujourd'hui, tu as fait promettre à l'Eternel qu'il sera ton Dieu, afin que tu marches dans ses voies, que tu observes ses lois, ses commandements et ses ordonnances, et que tu obéisses à sa voix. Et aujourd'hui, l'Eternel t'a fait promettre que tu seras un peuple qui lui appartiendra, comme il te l'a dit, et que tu observeras tous ses commandements, afin qu'il te donne sur toutes les nations qu'il a créées la supériorité en gloire, en renom et en magnificence, et afin que tu sois un peuple saint pour l'Eternel, ton Dieu, comme il te l'a dit."8 PR 11 5 Les enfants d'Israël devaient occuper tout le territoire que le Seigneur leur avait assigné. Il fallait déposséder les nations qui avaient rejeté le culte du vrai Dieu. Mais le plan du Seigneur était que par la révélation de son caractère à Israël les hommes soient attirés à lui. L'Evangile était adressé au monde entier. Par le service sacrificiel, le Christ devait être exalté devant la nation, et tous ceux qui le regardaient auraient la vie. Tous les païens, tels que Rahab, la Cananéenne, ou Ruth, la Moabite, étaient invités à s'unir au peuple élu. A mesure qu'augmentaient les Israélites, ils devaient élargir leurs frontières, jusqu'à ce que leur royaume englobe le monde entier. PR 12 1 Mais Israël n'accomplit pas le dessein du Seigneur. Dieu déclarait: "Je t'avais planté comme une vigne excellente et du meilleur plant; comment as-tu changé, dégénéré en une vigne étrangère?" "Israël était une vigne féconde, qui rendait beaucoup de fruits." "Maintenant donc, habitants de Jérusalem et hommes de Juda, soyez juges entre moi et ma vigne! Qu'y avait-il encore à faire à ma vigne, que je n'aie pas fait pour elle? Pourquoi, quand j'ai espéré qu'elle produirait de bons raisins, en a-t-elle produit de mauvais? Je vous dirai maintenant ce que je vais faire à ma vigne. J'en arracherai la haie, pour qu'elle soit broutée; j'en abattrai la clôture, pour qu'elle soit foulée aux pieds. Je la réduirai en ruine; elle ne sera plus taillée, ni cultivée; les ronces et les épines y croîtront; et je donnerai mes ordres aux nuées, afin qu'elles ne laissent plus tomber la pluie sur elle. ... Il avait espéré de la droiture, et voici du sang versé! De la justice, et voici des cris de détresse!"9 PR 12 2 Moïse avait décrit les résultats de l'infidélité. En refusant d'observer les clauses de son alliance, les Israélites se privaient eux-mêmes de la vie de Dieu et de la bénédiction qui en découle. Parfois ils écoutaient ses avertissements, et de riches bénédictions s'ensuivaient, dont ils faisaient profiter les nations voisines. Mais, la plupart du temps, ils oubliaient Dieu et perdaient de vue le grand privilège de le représenter ici-bas. Ils le frustraient du service qu'il réclamait d'eux, et ils frustraient en même temps leurs semblables d'instructions religieuses et d'un saint exemple. Ils désiraient s'approprier eux-mêmes les fruits de la vigne dont ils avaient été faits les économes. Leur convoitise et leur cupidité les firent mépriser des païens. C'est ainsi que les Gentils furent amenés à méconnaître le caractère de Dieu, ainsi que les lois de son royaume. PR 12 3 Mais, avec son coeur de père, Dieu supporta son peuple. Il usa envers lui de miséricorde. Avec patience, il plaça devant les Israélites leurs péchés; et, dans sa longanimité, il attendit qu'ils les reconnaissent. Il leur envoya successivement des prophètes et des messagers pour réclamer les fruits de sa vigne; mais, au lieu de les recevoir avec empressement, ils les traitèrent en ennemis. Ils les maltraitèrent et les tuèrent. Alors il leur envoya encore d'autres messagers, mais ceux-ci reçurent le même accueil que les premiers; ils se montrèrent même plus farouches encore à leur égard. PR 13 1 Le retrait de la faveur divine pendant l'exil en amena plusieurs à la repentance. Cependant, après le retour au pays de la promesse, le peuple juif répéta les mêmes erreurs que les générations précédentes, ce qui le mit en conflit avec les nations qui l'entouraient. Les prophètes envoyés par Dieu pour corriger les maux les plus frappants furent reçus avec la même suspicion et les mêmes moqueries que ceux d'autrefois; et ainsi, de siècle en siècle, les vignerons aggravèrent leur culpabilité. PR 13 2 Le plant délicieux que le divin propriétaire avait mis sur les collines de la Palestine fut méprisé par les hommes d'Israël, et finalement jeté par-dessus la clôture, et foulé aux pieds, avec l'espoir qu'il serait détruit pour toujours. Alors le propriétaire le recueillit pour qu'on ne le voie plus. Puis il le planta de l'autre côté de la clôture. Les branches envahirent alors celle-ci, et purent ainsi être greffées, mais les hommes n'avaient plus accès à la souche pour lui nuire. PR 13 3 Les messages de conseil et d'exhortation donnés par les prophètes pour faire comprendre le dessein éternel de Dieu en faveur de l'humanité ont une grande valeur pour l'Eglise, gardienne de la vigne. Dans les enseignements des prophètes, l'amour de Dieu en faveur du pécheur et son plan pour le sauver sont clairement révélés. L'histoire de l'appel d'Israël, ses succès et ses défaillances, son retour à la faveur divine, son rejet par le maître de la vigne et l'accomplissement du plan des âges par un reste fidèle auquel sont faites toutes les promesses divines -- tout cela a constitué le thème des messages de Dieu à son Eglise à mesure que les siècles se sont écoulés. Et, de nos jours, le message du Seigneur à son Eglise -- à ceux qui s'occupent de sa vigne, comme de fidèles vignerons -- n'est pas différent de celui que donnaient les prophètes d'autrefois: PR 14 1 Chantez un cantique sur la vigne. Moi l'Eternel, j'en suis le gardien, Je l'arrose à chaque instant; De peur qu'on ne l'attaque, Nuit et jour je la garde. PR 14 2 Qu'Israël espère en Dieu! Le maître de la vigne réunit aujourd'hui des hommes de toute nation et de tout peuple, ces fruits précieux sur lesquels il a compté depuis longtemps. Bientôt il viendra lui-même. En ce jour heureux, son dessein éternel envers la maison d'Israël sera enfin accompli. "Dans les temps à venir, Jacob prendra racine, Israël poussera des fleurs et des rejetons, et il remplira le monde de ses fruits."11 ------------------------Chapitre 1 -- Salomon PR 15 1 Sous le règne de David et de Salomon, Israël devint une nation puissante qui eut souvent l'occasion d'exercer une forte influence en faveur de la justice et de la vérité. Le nom de Dieu y était exalté et honoré, et le but pour lequel les Israélites avaient été établis au pays de Canaan promettait de se réaliser pleinement. Les barrières avaient été renversées, et ceux qui venaient des pays païens pour chercher la vérité en Israël n'en repartaient pas déçus. Les conversions se multipliaient et l'Eglise de Dieu sur la terre s'agrandissait et prospérait. PR 15 2 Salomon fut oint et proclamé roi à la fin du règne de son père David, qui abdiqua en sa faveur. Les premières années de sa vie s'annonçaient sous de brillants auspices: il était dans les plans divins que ce monarque, de force en force, de gloire en gloire, reflétât toujours mieux le caractère de Dieu. Il inspirait ainsi à son peuple le désir de remplir la mission sacrée qu'il avait reçue comme dépositaire de la vérité divine. PR 15 3 David savait que le but suprême de Dieu en faveur d'Israël ne serait atteint que si les rois et le peuple cherchaient avec une vigilance inlassable à parvenir à l'idéal qui était placé devant eux. Il savait que si son fils Salomon voulait être digne de la confiance de Dieu, le jeune roi devait être non seulement un guerrier, un homme d'Etat, mais aussi un homme doué de force de caractère, de bonté, un modèle de justice et de fidélité. PR 16 1 David invitait tendrement Salomon à faire preuve de bravoure, de noblesse, de miséricorde et de bonté envers ses sujets, à glorifier le nom de Dieu et à rendre manifeste la beauté de sa sainteté dans tous ses rapports avec les autres nations. PR 16 2 Les expériences douloureuses que David avait faites, au cours de sa vie, lui avaient appris la valeur des plus nobles vertus et l'avaient amené à déclarer, en remettant ses pouvoirs à son fils: "Celui qui règne parmi les hommes avec justice, celui qui règne dans la crainte de Dieu, est pareil à la lumière du matin, quand le soleil brille et que la matinée est sans nuages; ses rayons après la pluie font sortir de terre la verdure."1 PR 16 3 Quelle belle occasion s'offrait à Salomon! S'il suivait les instructions divinement inspirées de son père, son règne serait un règne de justice, semblable à celui décrit au psaume 72: PR 16 4 O Dieu, donne tes jugements au roi, Et ta justice au fils du roi! Il jugera ton peuple avec justice, Et tes malheureux avec équité. ... Il sera comme une pluie qui tombe sur un terrain fauché, Comme des ondées qui arrosent la campagne. En ses jours le juste fleurira, Et la paix sera grande jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de lune. Il dominera d'une terre à l'autre, Et du fleuve aux extrémités de la terre. ... Les rois de Tarsis et des îles paieront des tributs, Les rois de Séba et de Saba offriront des présents. Tous les rois se prosterneront devant lui, Toutes les nations le serviront. Car il délivrera le pauvre qui crie, Et le malheureux qui n'a point d'aide. ... Ils prieront pour lui sans cesse, ils le béniront chaque jour. ... Son nom subsistera toujours, Aussi longtemps que le soleil son nom se perpétuera; Par lui on se bénira mutuellement, Et toutes les nations le diront heureux. Béni soit l'Eternel Dieu, le Dieu d'Israël, Qui seul fait des prodiges! Béni soit à jamais son nom glorieux! Que toute la terre soit remplie de sa gloire! Amen! Amen! PR 17 1 Dans sa jeunesse Salomon suivit la voie tracée par son père; il marcha dans la justice pendant de nombreuses années. Sa vie fut marquée par une stricte obéissance aux commandements de Dieu. Dès le début de son règne, il se rendit avec ses conseillers à Gabaon où se trouvait encore le tabernacle construit dans le désert. Là, avec les "chefs de milliers et de centaines", les "juges", les "princes de tout Israël", les "chefs des mai-sons paternelles",2 il offrit des sacrifices à l'Eternel et se consacra au service du Seigneur. PR 17 2 Se rendant compte de la solennité des devoirs relatifs à la royauté, Salomon comprenait que ceux qui assumaient de lourdes charges devaient chercher à s'abreuver à la source de toute sagesse, s'ils voulaient réussir dans leur tâche. Ceci le poussa à inviter ses conseillers à s'unir à lui de tout coeur pour rechercher la faveur divine. PR 17 3 Salomon désirait par-dessus tous les biens de ce monde la sagesse et l'intelligence, afin de pouvoir accomplir l'oeuvre que le Seigneur lui avait assignée. Il souhaitait ardemment posséder la vivacité d'esprit, la largesse du coeur, la bonté d'âme. PR 17 4 Une nuit, Dieu lui apparut en songe, et lui dit: "Demande ce que tu veux que je te donne." Le jeune monarque, inexpérimenté, et se rendant compte de sa faiblesse, répondit: "Tu as traité avec une grande bienveillance ton serviteur David, mon père, parce qu'il marchait en ta présence dans la fidélité, dans la justice, et dans la droiture de coeur envers toi, tu lui as conservé cette grande bienveillance, et tu lui as donné un fils qui est assis sur son trône, comme on le voit aujourd'hui. Maintenant, Eternel mon Dieu, tu as fait régner ton serviteur à la place de David, mon père; et moi je ne suis qu'un jeune homme, je n'ai point d'expérience. Ton serviteur est au milieu du peuple que tu as choisi, peuple immense, qui ne peut être compté, ni nombré, à cause de sa multitude. Accorde donc à ton serviteur un coeur intelligent, pour juger ton peuple, pour discerner le bien du mal! Car qui pourrait juger ton peuple, ce peuple si nombreux? PR 18 1 "Cette demande de Salomon plut au Seigneur. Et Dieu lui dit: Puisque c'est là ce que tu demandes, puisque tu ne demandes pour toi ni une longue vie, ni les richesses, ni la mort de tes ennemis, et que tu demandes de l'intelligence pour exercer la justice, voici, j'agirai selon ta parole. Je te donnerai un coeur sage et intelligent, de telle sorte qu'il n'y aura eu personne avant toi et qu'on ne verra jamais personne de semblable à toi. Je te donnerai, en outre, ce que tu n'as pas demandé, des richesses et de la gloire, de telle sorte qu'il n'y aura pendant toute ta vie aucun roi qui soit ton pareil. Et si tu marches dans mes voies, en observant mes lois et mes commandements, comme l'a fait David, ton père, je prolongerai tes jours."3 PR 18 2 Ainsi Dieu promit d'être avec Salomon, comme il l'avait été avec David. Si le roi marchait devant Dieu dans la droiture, s'il obéissait aux commandements, son trône serait affermi et son règne exalterait Israël, ce peuple "absolument sage et intelligent",4 lumière des nations d'alentour. PR 18 3 Les paroles prononcées par Salomon, alors qu'il priait devant l'autel de Gabaon, révèlent son humilité et son grand désir d'honorer le Seigneur. Le monarque se rendait compte que sans le secours divin il était aussi faible qu'un petit enfant et ne pouvait assumer les responsabilités qui lui incombaient. Il savait qu'il manquait de discernement, et c'est le sentiment de sa grande faiblesse qui le conduisit à demander à Dieu la sagesse. Il n'y avait nulle aspiration égoïste dans son coeur; il ne désirait pas acquérir une connaissance qui l'élèverait au-dessus de ses semblables. Mais il avait à coeur de s'acquitter fidèlement de ses devoirs. C'est pourquoi il choisit le don qui pouvait attirer sur son règne la gloire de Dieu. Salomon ne fut jamais ni si riche, ni si sage, ni si grand que lorsqu'il fit cette confession: "Je ne suis qu'un jeune homme, je n'ai point d'expérience." PR 18 4 Ceux qui, de nos jours, occupent des positions de confiance devraient chercher à comprendre les leçons qui se dégagent de la prière de Salomon. Plus leur situation sera importante, plus grande sera leur responsabilité; plus leur influence sera étendue, plus aussi se rendront-ils compte de leurs besoins et de leur dépendance de Dieu. Qu'ils ne perdent jamais de vue que celui qui a reçu une charge est appelé à se conduire d'une façon exemplaire avec ses semblables, et doit se comporter devant Dieu comme un homme qui a besoin d'apprendre. La situation ne confère pas la sainteté. C'est en honorant le Seigneur et en obéissant à ses commandements que l'on devient vraiment grand. PR 19 1 Le Dieu que nous servons ne fait point acception de personnes. Celui qui donna à Salomon un esprit de discernement désire accorder la même bénédiction à ses enfants, aujourd'hui. "Si quelqu'un d'entre vous, dit saint Jacques, manque de sagesse, qu'il la demande à Dieu, qui donne à tous simplement et sans reproche, et elle lui sera donnée."5 PR 19 2 Celui qui, fatigué et chargé, recherche la sagesse plutôt que la richesse, la puissance ou la renommée, ne sera pas déçu. Il apprendra du grand Maître, non seulement ce qu'il doit faire, mais comment le faire, de manière à obtenir son approbation. Aussi longtemps qu'il reste consacré, celui que le Seigneur a doué de discernement et de talent ne convoitera ni position élevée, ni autorité sur ses semblables. Sans doute est-il nécessaire que certains hommes assument des responsabilités; mais, au lieu de s'imposer, les vrais chefs demanderont à Dieu l'intelligence et le discernement entre le bien et le mal. PR 19 3 Le sentier des dirigeants n'est pas facile. C'est pourquoi ils devraient chercher à résoudre leurs difficultés par la prière. Ils ne seront jamais confus s'ils ont recours à la source de toute sagesse. Fortifiés et éclairés par le divin Maître, ils pourront affronter avec succès les mauvaises influences, et discerner entre le bien et le mal, entre le vrai et le faux. Ils approuveront ce que Dieu peut approuver, et lutteront farouchement contre les principes erronés. PR 19 4 Le Seigneur accorda à Salomon la sagesse qu'il désirait avant toute autre chose: la richesse, les honneurs, et une longue vie. La prière qu'il fit monter vers le ciel pour obtenir la vivacité d'esprit, la grandeur d'âme, un coeur intelligent, fut exaucée. "Dieu donna à Salomon de la sagesse, une très grande intelligence, et des connaissances multipliées comme le sable qui est au bord de la mer. La sagesse de Salomon surpassait la sagesse de tous les fils de l'Orient et toute la sagesse des Egyptiens. Il était plus sage qu'aucun homme ... et sa renommée était répandue parmi toutes les nations d'alentour."6 PR 20 1 "Tout Israël ... craignit le roi, car on vit que la sagesse de Dieu était en lui pour le diriger dans ses jugements."7 Le coeur du peuple était tourné vers Salomon, comme il l'avait été vers David, et on lui obéit en toutes choses. "Salomon ... s'affermit dans son règne; l'Eternel, son Dieu, fut avec lui, et l'éleva à un haut degré."8 PR 20 2 Pendant de nombreuses années, la vie de Salomon fut caractérisée par la piété, la droiture, la rigidité dans les principes et une stricte obéissance aux commandements de Dieu. Il dirigeait toutes les affaires importantes, et administrait avec sagesse les intérêts du royaume. Sa prospérité, sa sagacité, les magnifiques constructions élevées au cours des premières années de son règne, l'énergie, la piété, la justice et la magnanimité qu'il déploya en paroles et en actes conquirent la fidélité de ses sujets, ainsi que l'admiration et les hommages des monarques de nombreux pays. PR 20 3 Le nom de Dieu fut exalté pendant la première partie du règne de Salomon. La sagesse et la droiture que possédait le roi rendirent témoignage à toutes les nations de l'excellence des attributs du Dieu qu'il servait. Pendant un certain temps, Israël fut comme la lumière du monde, projetant au loin la grandeur de Dieu. La véritable gloire des premières années du règne de Salomon ne provenait pas de son incomparable sagesse, de ses richesses fabuleuses, de sa grande puissance, de sa renommée universelle, mais de l'honneur dont il entourait le nom du Dieu d'Israël, par l'emploi judicieux des dons qu'il avait reçus du ciel. PR 20 4 A mesure que s'écoulaient les années, et que la gloire de Salomon devenait plus grande, le monarque cherchait à honorer Dieu en enrichissant ses connaissances spirituelles et intellectuelles, tout en faisant part à ses semblables des bénédictions qu'il avait reçues. Nul ne savait mieux que lui que sa sagesse et son intelligence, il les devait à Dieu, et que ces dons lui avaient été accordés pour qu'il puisse faire connaître au monde le Roi des rois. PR 21 1 Salomon s'intéressa vivement à l'étude de l'histoire naturelle, mais ses recherches ne se limitèrent pas à une branche spéciale des sciences. En approfondissant tout ce qui concerne les choses créées, animées ou inanimées, il acquit une conception plus nette du Créateur. Dans les forces de la nature, dans le règne animal et minéral, dans chaque arbre ou chaque arbuste, dans chaque fleur, il discernait la sagesse d'en haut. Et tandis qu'il cherchait à augmenter sa science, sa connaissance de Dieu grandissait sans cesse. PR 21 2 Divinement inspiré, Salomon exprima sa sagesse par des chants de louange et de nombreux proverbes. "Il a prononcé trois mille sentences, et composé mille et cinq cantiques. Il a parlé sur les arbres depuis le cèdre du Liban jusqu'à l'hysope qui sort de la muraille; il a aussi parlé sur les animaux, sur les oiseaux, sur les reptiles et sur les poissons."9 PR 21 3 Les proverbes de Salomon nous donnent un aperçu des principes nécessaires pour obtenir une vie pieuse et un idéal élevé -- principes d'essence divine qui conduisent à la sainteté et devraient diriger tous les actes de notre existence. C'est grâce à la diffusion de ces principes et au témoignage rendu à Dieu, à qui appartiennent la louange et la gloire, que le règne de Salomon débuta dans une atmosphère si élevée, tant au point de vue moral que matériel. PR 21 4 "Heureux l'homme qui a trouvé la sagesse, et l'homme qui possède l'intelligence! écrivait Salomon. Car le gain qu'elle procure est préférable à celui de l'argent, et le profit qu'on en tire vaut mieux que l'or; elle est plus précieuse que les perles, elle a plus de valeur que tous les objets de prix. Dans sa droite est une longue vie; dans sa gauche, la richesse et la gloire. Ses voies sont des voies agréables, et tous ses sentiers sont paisibles. Elle est un arbre de vie pour ceux qui la saisissent, et ceux qui la possèdent sont heureux."10 PR 21 5 "Voici le commencement de la sagesse: acquiers la sagesse, et avec tout ce que tu possèdes acquiers l'intelligence."11 "La crainte de l'Eternel est le commencement de la sagesse."12 "La crainte de l'Eternel, c'est la haine du mal; l'arrogance et l'orgueil, la voie du mal, et la bouche perverse, voilà ce que je hais."13 PR 22 1 Oh! si seulement Salomon avait observé, dans les dernières années de sa vie, ces paroles admirables! Si seulement celui qui avait écrit: "Les lèvres des sages répandent la science",14 et enseigné lui-même aux monarques à rendre au Roi des rois la louange qu'ils adressaient à un souverain terrestre; si seulement il ne s'était pas attribué, avec une "bouche perverse", "arrogance et orgueil", la gloire qui n'était due qu'à Dieu! ------------------------Chapitre 2 -- Le temple et sa dédicace PR 23 1 Le projet caressé depuis longtemps par David, d'élever un temple à l'Eternel, fut réalisé par Salomon. Pendant sept ans, Jérusalem fut envahie par une foule d'ouvriers qui s'activèrent à niveler l'emplacement choisi, à construire des murs de soutènement, à poser de solides fondements, avec de "grandes et magnifiques pierres de taille",1 à façonner de gros arbres apportés des forêts du Liban, pour ériger le majestueux sanctuaire. PR 23 2 Tandis que l'on travaillait le bois et la pierre -- tâche qui absorbait des milliers d'ouvriers -- la fabrication des ornements et de l'ameublement du temple se poursuivait activement sous la direction de Huram, de Tyr, "homme habile et intelligent, ... habile pour les ouvrages en or, en argent, en airain et en fer, en pierre et en bois, en étoffes teintes en pourpre et en bleu, en étoffes de byssus et de carmin".2 PR 23 3 Ainsi, la construction s'élevait sur le mont Morija, silencieusement, avec des "pierres toutes taillées, et ni marteau, ni hache, ni aucun instrument de fer, ne furent entendus dans la maison pendant qu'on la construisait".3 Les magnifiques ornements se perfectionnaient selon les plans fournis par David à son fils Salomon, ainsi que "tous les autres ustensiles pour la maison de Dieu."4 Ceux-ci comprenaient l'autel des parfums, la table des pains de proposition, le chandelier, ainsi que les coupes et les ustensiles se rattachant au service des prêtres dans le lieu saint, le tout "d'or très pur."5 Les ustensiles d'airain: l'autel des parfums, la mer de fonte posée sur douze boeufs, les bassins de petites tailles et plusieurs autres coupes furent fondus "dans la plaine du Jourdain, dans un sol argileux, entre Succoth et Tseréda."6 Ces ustensiles furent fabriqués en abondance, afin de n'en pas manquer. PR 24 1 Ce temple, construit par Salomon et ses collaborateurs, dédié au Seigneur et à son culte, était d'une beauté incomparable, d'une splendeur inégalée. Orné de pierres magnifiques, entouré de spacieux parvis où l'on accédait par de belles avenues, revêtu de cèdre sculpté et d'or poli, le temple, avec ses tentures richement brodées, son mobilier somptueux, était un emblème digne du Dieu vivant, Eglise édifiée selon le plan divin, avec des matériaux semblables à "de l'or, de l'argent, des pierres précieuses", comme "l'ornement des palais".7 Le Christ est "la pierre angulaire. En lui tout l'édifice, bien coordonné, s'élève pour être un temple saint dans le Seigneur."8 PR 24 2 Le temple projeté par David et construit par Salomon fut enfin achevé. Le jeune monarque "réussit dans tout ce qu'il s'était proposé de faire dans la maison de l'Eternel".9 Or, afin que le temple, dominant le mont Morija, puisse être, comme David l'avait si ardemment désiré, une demeure, non "pour un homme, mais ... pour l'Eternel Dieu",10 il restait à célébrer la cérémonie solennelle qui consistait à le dédicacer à l'Eternel et à son culte. PR 24 3 L'emplacement où le temple avait été construit était, depuis longtemps, considéré comme un lieu sacré. C'est là qu'Abraham, le père des croyants, avait manifesté sa volonté de sacrifier son fils unique pour obéir à l'ordre de Dieu. C'est là que le Seigneur lui avait renouvelé l'assurance de sa bénédiction, qui comprenait la glorieuse promesse de la délivrance de l'humanité par le sacrifice du Fils du Très-Haut.11 C'est là que David avait offert des sacrifices d'actions de grâces pour empêcher l'épée vengeresse de l'ange destructeur de faire son oeuvre, et où le Seigneur avait répondu en faisant descendre le feu du ciel.12 Or, maintenant encore les adorateurs du vrai Dieu étaient réunis en ce lieu pour le rencontrer et lui renouveler leurs voeux de fidélité. PR 25 1 L'époque choisie pour la dédicace était des plus favorables. Elle fut fixée au septième mois, où tous les habitants du royaume avaient coutume de se réunir à Jérusalem pour célébrer la fête des tabernacles. Cette fête était réputée par ses réjouissances. La moisson était achevée, et les travaux de l'année nouvelle n'avaient pas encore commencé. Les gens étaient donc libres de tout souci, et pouvaient s'adonner aux joies sacrées du moment. PR 25 2 Au temps fixé, les foules accourues de tous les points du pays et les représentants des nations voisines, richement vêtus, s'assemblèrent dans les parvis du temple. Le spectacle était d'une splendeur exceptionnelle. Salomon, les anciens d'Israël et les principaux chefs du peuple transportèrent "de la cité de David, qui est Sion, l'arche de l'alliance de l'Eternel". Du sanctuaire situé sur les hauteurs de Gabaon, ils avaient amené "la tente d'assignation, et tous les ustensiles sacrés qui étaient dans la tente".13 Ces souvenirs sacrés, qui rappelaient les débuts de l'histoire d'Israël alors qu'il errait dans le désert, à la conquête de Canaan, avaient enfin trouvé une demeure permanente dans le temple magnifique édifié pour remplacer la construction portative. PR 25 3 Lorsque Salomon avait apporté au temple l'arche sainte où se trouvaient les deux tables de pierre sur lesquelles étaient écrits, par le doigt même de Dieu, les préceptes du Décalogue, il avait suivi l'exemple de son père David. Tous les six pas, il offrit des sacrifices. Ce fut une grande cérémonie, accompagnée de chants et de musique. "Les sacrificateurs portèrent l'arche de l'alliance de l'Eternel à sa place, dans le sanctuaire de la maison, dans le lieu très saint."14 PR 25 4 Lorsqu'ils sortirent du sanctuaire, les sacrificateurs s'installèrent à la place qui leur était assignée. Les chantres -- Lévites revêtus de byssus -- se tenaient à l'orient de l'autel, avec des cymbales, des psaltérions et des harpes. Près d'eux se trouvaient cent vingt prêtres qui sonnaient de la trompette.15 "Et lorsque ceux qui sonnaient des trompettes et ceux qui chantaient, s'unissant d'un même accord pour célébrer et louer l'Eternel, firent retentir les trompettes, les cymbales et les autres instruments, et célébrèrent l'Eternel par ces paroles: Car il est bon, car sa miséricorde dure à toujours! en ce moment, la maison, la maison de l'Eternel fut remplie d'une nuée. Les sacrificateurs ne purent pas y rester pour faire le service, à cause de la nuée; car la gloire de l'Eternel remplissait la maison de Dieu."16 PR 26 1 Salomon comprit la signification de cette nuée, et déclara: "L'Eternel veut habiter dans l'obscurité! Et moi, j'ai bâti une maison qui sera ta demeure, un lieu où tu résideras éternellement!"17 PR 26 2 L'Eternel règne: les peuples tremblent; Il est assis sur les chérubins: la terre chancelle. L'Eternel est grand dans Sion, Il est élevé au-dessus de tous les peuples. Qu'on célèbre ton nom grand et redoutable! Il est saint! ... Prosternez-vous devant son marchepied! Il est saint! PR 26 3 "Au milieu des parvis" du temple, on avait dressé une "tribune d'airain", sorte d'estrade "longue de cinq coudées, large de cinq coudées, et haute de trois coudées". Salomon y monta, et les mains levées vers le ciel, il bénit l'immense assemblée qui se tenait devant lui. "Et toute l'assemblée d'Israël était debout."19 PR 26 4 "Béni soit l'Eternel, le Dieu d'Israël, s'écria Salomon, qui a parlé de sa bouche à David, mon père, et qui accomplit par sa puissance ce qu'il avait déclaré en disant ...: J'ai choisi Jérusalem pour que mon nom y résidât."20 PR 26 5 Salomon s'agenouilla sur l'estrade, et fit monter vers Dieu la prière de dédicace qu'entendit toute l'assemblée. Tandis que la foule se prosternait le visage contre terre, le roi, les mains levées vers le ciel, invoqua le Seigneur, en ces termes: "O Eternel, Dieu d'Israël! Il n'y a point de Dieu semblable à toi, dans les cieux et sur la terre: tu gardes l'alliance et la miséricorde envers tes serviteurs qui marchent en ta présence de tout leur coeur! ... PR 27 1 "Mais quoi! Dieu habiterait-il véritablement avec l'homme sur la terre? Voici, les cieux et les cieux des cieux ne peuvent te contenir: combien moins cette maison que j'ai bâtie! Toutefois, Eternel, mon Dieu, sois attentif à la prière de ton serviteur et à sa supplication; écoute le cri et la prière que t'adresse ton serviteur. Que tes yeux soient jour et nuit ouverts sur cette maison, sur le lieu dont tu as dit que là serait ton nom! Ecoute la prière que ton serviteur fait en ce lieu. Daigne exaucer les supplications de ton serviteur et de ton peuple d'Israël, lorsqu'ils prieront en ce lieu! Exauce du lieu de ta demeure, des cieux, exauce et pardonne!... PR 27 2 "Quand ton peuple d'Israël sera battu par l'ennemi, pour avoir péché contre toi; s'ils reviennent à toi et rendent gloire à ton nom, s'ils t'adressent des prières et des supplications dans cette maison, -- exauce-les des cieux, pardonne le péché de ton peuple d'Israël, et ramène-les dans le pays que tu as donné à eux et à leurs pères! PR 27 3 "Quand le ciel sera fermé et qu'il n'y aura point de pluie, à cause de leurs péchés contre toi; s'ils prient dans ce lieu et rendent gloire à ton nom, et s'ils se détournent de leurs péchés, parce que tu les auras châtiés, -- exauce-les des cieux, pardonne le péché de tes serviteurs et de ton peuple d'Israël, à qui tu enseigneras la bonne voie dans laquelle ils doivent marcher, et fais venir la pluie sur la terre que tu as donnée pour héritage à ton peuple! PR 27 4 "Quand la famine, la peste, la rouille et la nielle, les sauterelles d'une espèce ou d'une autre, seront dans le pays, quand l'ennemi assiégera ton peuple dans son pays, dans ses portes, quand il y aura des fléaux ou des maladies quelconques; si un homme, si tout ton peuple d'Israël fait entendre des prières et des supplications, et que chacun reconnaisse sa plaie et sa douleur et étende les mains vers cette maison, -- exauce-le des cieux, du lieu de ta demeure, et pardonne; rends à chacun selon ses voies, toi qui connais le coeur de chacun, car seul tu connais le coeur des enfants des hommes, et ils te craindront pour marcher dans tes voies tout le temps qu'ils vivront dans le pays que tu as donné à nos pères! PR 28 1 "Quand l'étranger, qui n'est pas de ton peuple d'Israël, viendra d'un pays lointain, à cause de ton grand nom, de ta main forte et de ton bras étendu, quand il viendra prier dans cette maison, -- exauce-le des cieux, du lieu de ta demeure, et accorde à cet étranger tout ce qu'il te demandera, afin que tous les peuples de la terre connaissent ton nom pour te craindre, comme ton peuple d'Israël, et sachent que ton nom est invoqué sur cette maison que j'ai bâtie! PR 28 2 "Quand ton peuple sortira pour combattre ses ennemis, en suivant la voie que tu lui auras prescrite; s'ils t'adressent des prières, les regards tournés vers cette ville que tu as choisie et vers la maison que j'ai bâtie en ton nom, -- exauce des cieux leurs prières et leurs supplications, et fais-leur droit! PR 28 3 "Quand ils pécheront contre toi, car il n'y a point d'homme qui ne pèche, quand tu seras irrité contre eux et que tu les livreras à l'ennemi, qui les emmènera captifs dans un pays lointain ou rapproché; s'ils rentrent en eux-mêmes dans le pays où ils seront captifs, s'ils reviennent à toi et t'adressent des supplications dans le pays de leur captivité, et qu'ils disent: Nous avons péché, nous avons commis des iniquités, nous avons fait le mal! s'ils reviennent à toi de tout leur coeur et de toute leur âme, dans le pays de leur captivité où ils ont été emmenés captifs, s'ils t'adressent des prières, les regards tournés vers le pays que tu as donné à leurs pères, vers la ville que tu as choisie et vers la maison que j'ai bâtie en ton nom, exauce des cieux, du lieu de ta demeure, leurs prières et leurs supplications, et fais-leur droit; pardonne à ton peuple ses péchés contre toi! PR 28 4 "Maintenant, ô mon Dieu, que tes yeux soient ouverts, et que tes oreilles soient attentives à la prière faite en ce lieu! Maintenant, Eternel Dieu, lève-toi, viens à ton lieu de repos, toi et l'arche de ta majesté. Que tes sacrificateurs, Eternel Dieu, soient revêtus de salut, et que tes bien-aimés jouissent du bonheur! Eternel Dieu, ne repousse pas ton oint, souviens-toi des grâces accordées à David, ton serviteur!"21 PR 29 1 Lorsque Salomon eut achevé cette prière, "le feu descendit du ciel et consuma l'holocauste et les sacrifices". Les prêtres ne pouvaient pénétrer dans le temple, "car la gloire de l'Eternel remplit la maison". "Tous les enfants d'Israël virent descendre le feu et la gloire de l'Eternel sur la maison; ils s'inclinèrent le visage contre terre sur le pavé, se prosternèrent et louèrent l'Eternel, en disant: Car il est bon, car sa miséricorde dure à toujours!" PR 29 2 Alors le roi et le peuple offrirent des sacrifices devant l'Eternel. "Ainsi le roi et tout le peuple firent la dédicace de la maison de Dieu."22 Pendant sept jours, une grande multitude venue de toutes les parties du royaume, "depuis les environs de Hamath jusqu'au torrent d'Egypte", célébra la fête. La semaine qui suivit fut consacrée à la joyeuse fête des tabernacles. Lorsque se clôtura cette période de réjouissances et de consécration, le peuple retourna "dans ses tentes, joyeux et content pour le bien que l'Eternel avait fait à David, à Salomon, et à Israël, son peuple."23 PR 29 3 Le roi avait fait tout ce qu'il avait pu pour encourager le peuple à se consacrer entièrement au service de Dieu, et à magnifier son nom. PR 29 4 Or, une fois encore, comme au début de son règne à Gabaon, le chef d'Israël reçut l'assurance de l'approbation et de la faveur divines. Dieu lui apparut "pendant la nuit, et lui dit: J'exauce ta prière, et je choisis ce lieu comme la maison où l'on devra m'offrir des sacrifices. Quand je fermerai le ciel et qu'il n'y aura point de pluie, quand j'ordonnerai aux sauterelles de consumer le pays, quand j'enverrai la peste parmi mon peuple; si mon peuple sur qui est invoqué mon nom s'humilie, prie, et cherche ma face, et s'il se détourne de ses mauvaises voies, -- je l'exaucerai des cieux, je lui pardonnerai son péché, et je guérirai son pays. Mes yeux seront ouverts désormais, et mes oreilles seront attentives à la prière faite en ce lieu. Maintenant, je choisis et je sanctifie cette maison pour que mon nom y réside à jamais, et j'aurai toujours là mes yeux et mon coeur."24 PR 30 1 Si la nation israélite était restée fidèle à son Dieu, ce temple merveilleux aurait été le signe perpétuel de la faveur spéciale du Très-Haut envers le peuple élu. "Les étrangers qui s'attachent à l'Eternel, dit le prophète Esaïe, pour le servir, pour aimer le nom de l'Eternel, pour être ses serviteurs, tous ceux qui garderont le sabbat, pour ne point le profaner, et qui persévéreront dans mon alliance, je les amènerai sur ma montagne sainte, et je les réjouirai dans ma maison de prière; leurs holocaustes et leurs sacrifices seront agréés sur mon autel; car ma maison sera appelée une maison de prière pour tous les peuples."25 PR 30 2 Tout en donnant à Salomon l'assurance de son approbation, Dieu lui montra clairement le chemin du devoir. "Et toi, lui dit-il, si tu marches en ma présence comme a marché David, ton père, faisant tout ce que je t'ai commandé, et si tu observes mes lois et mes ordonnances, j'affermirai le trône de ton royaume, comme je l'ai promis à David, ton père, en disant: Tu ne manqueras jamais d'un successeur qui règne en Israël."26 PR 30 3 Si Salomon avait continué à servir le Seigneur avec humilité, son règne aurait exercé une profonde influence sur tous les peuples environnants, qui avaient été favorablement impressionnés par le règne de David, son père, par ses paroles empreintes de sagesse et les oeuvres magnifiques des premières années de son accession au trône. Dieu, qui prévoyait les terribles tentations accompagnant toujours la réussite et la gloire terrestres, mit en garde Salomon contre le danger d'apostasie et les tristes conséquences du péché. Le merveilleux temple, qui venait d'être dédicacé, deviendrait lui-même "un sujet de sarcasme et de raillerie parmi tous les peuples", si les Israélites abandonnaient "le Dieu de leurs pères" et persistaient dans l'idolâtrie.27 PR 30 4 Fortifié et grandement encouragé par le message qu'il avait reçu du ciel, lui prouvant que sa requête en faveur d'Israël avait été entendue, Salomon commença alors la période la plus brillante de son règne. Dès ce moment "tous les rois de la terre" cherchaient à le voir "pour entendre la sagesse que Dieu avait mise dans son coeur".28 Beaucoup vinrent s'inspirer des principes de son gouvernement, afin de savoir comment diriger les affaires difficiles de leur pays. Salomon leur apprenait que le Dieu qu'il servait est le Créateur de toutes choses. Ces rois retournaient alors chez eux avec une conception plus nette du Dieu d'Israël, et de son amour pour l'humanité. Ils pouvaient discerner dans la nature l'expression de cet amour et une révélation de son caractère. Plusieurs furent ainsi amenés à adorer le vrai Dieu. PR 31 1 L'humilité témoignée par Salomon au début de son règne, lorsqu'il reconnut devant Dieu n'être qu'"un jeune homme",29 son amour manifeste pour l'Eternel, sa profonde vénération pour les choses divines, la défiance qu'il éprouvait envers lui-même, sa manière d'exalter le Créateur de toutes choses -- tous ces traits de caractère, dignes d'admiration, se révélèrent dans les cérémonies de la dédicace du temple, alors qu'agenouillé il priait dans l'attitude d'un humble suppliant. PR 31 2 De nos jours, les disciples du Christ feront bien de se mettre en garde contre toute tendance à manquer de révérence et de crainte envers le Seigneur. Les saintes Ecritures nous enseignent comment nous devons nous approcher de notre Créateur: avec humilité et tremblement, par la foi en un Médiateur divin. Le Psalmiste a déclaré: PR 31 3 L'Eternel est un grand Dieu, Il est un grand roi au-dessus de tous les dieux ... Venez, prosternons-nous et humilions-nous, Fléchissons le genou devant l'Eternel, notre Créateur! PR 31 4 Que ce soit dans le culte public ou privé, c'est notre privilège de nous agenouiller devant Dieu pour lui adresser nos requêtes. Jésus, notre divin modèle, "s'étant mis à genoux, ... pria".31 Il est dit de l'apôtre Pierre: "Il se mit à genoux, et pria."32 Paul déclare: "Je fléchis les genoux devant le Père."33 Lorsqu'il confessa devant Dieu les péchés d'Israël, Esdras s'agenouilla.34 Daniel "trois fois le jour se mettait à genoux; il priait, et il louait son Dieu."35 PR 31 5 La véritable révérence envers Dieu est inspirée par le sentiment de son infinie grandeur et la conscience de sa présence. Notre coeur devrait en être profondément pénétré. L'heure et le lieu de la prière sont sacrés, parce que nous sommes en présence de Dieu. En manifestant de la révérence dans notre attitude et notre maintien, le sentiment qui inspire cette révérence gagne en profondeur. "Son nom est saint et redoutable",36 déclare le Psalmiste. Lorsque les anges prononcent ce nom, ils se voilent la face. Avec quelle révérence ne devrions-nous donc pas, nous pécheurs, articuler ce nom! PR 32 1 Il serait bon que jeunes et vieux méditent sur les paroles de l'Ecriture qui indiquent comment considérer le lieu où le Seigneur manifeste sa présence. "Ote tes souliers de tes pieds, dit l'Eternel à Moïse du milieu du buisson ardent, car le lieu sur lequel tu te tiens est une terre sainte."37 Après avoir contemplé la vision de l'échelle qui reliait la terre au ciel, Jacob s'écria: "L'Eternel est en ce lieu, et moi, je ne le savais pas! ... C'est ici la maison de Dieu, c'est ici la porte des cieux!"38 PR 32 2 Les paroles prononcées par Salomon lors de la dédicace du temple étaient destinées à chasser de l'esprit de ceux qui les écoutaient les superstitions concernant le Créateur, qui obscurcissaient l'entendement des païens. Le Dieu des cieux ne ressemble pas aux dieux du paganisme, confinés dans des temples faits de main d'homme. Cependant, il serait par son Esprit avec son peuple lorsqu'il se rassemblerait pour l'adorer, dans la maison qui lui était consacrée. PR 32 3 Des siècles plus tard, Paul enseigne la même vérité lorsqu'il prononce ces paroles: "Le Dieu qui a fait le monde et tout ce qui s'y trouve, étant le Seigneur du ciel et de la terre, n'habite point dans des temples faits de main d'homme; il n'est point servi par des mains humaines, comme s'il avait besoin de quoi que ce soit, lui qui donne à tous la vie, la respiration, et toutes choses. ... Il a voulu qu'ils cherchassent le Seigneur, et qu'ils s'efforçassent de le trouver en tâtonnant, bien qu'il ne soit pas loin de chacun de nous, car en lui nous avons la vie, le mouvement, et l'être."39 PR 32 4 Le Psalmiste s'exprime en ces termes: PR 32 5 Heureuse la nation dont l'Eternel est le Dieu! Heureux le peuple qu'il choisit pour son héritage! L'Eternel regarde du haut des cieux, Il voit tous les fils de l'homme; Du lieu de sa demeure il observe Tous les habitants de la terre. PR 33 1 L'Eternel a établi son trône dans les cieux, Et son règne domine sur toutes choses. PR 33 2 O Dieu! tes voies sont saintes; Quel dieu est grand comme Dieu? Tu es le Dieu qui fait des prodiges; Tu as manifesté parmi les peuples ta puissance. PR 33 3 Mais bien que le Seigneur n'habite pas dans des temples faits de main d'homme, il honore de sa présence les assemblées de son peuple. Il a promis d'être au milieu des siens par son Esprit chaque fois qu'ils viendraient lui confesser leurs péchés et prier les uns pour les autres. Toutefois, ceux qui s'assemblent pour l'adorer doivent abandonner tout mauvais sentiment. S'ils ne l'adorent en esprit et en vérité, leur assemblée est sans valeur. Dieu a déclaré à ce sujet: "Ce peuple m'honore des lèvres, mais son coeur est éloigné de moi. C'est en vain qu'ils m'honorent."41 "Les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité; car ce sont là les adorateurs que le Père demande."42 PR 33 4 L'Eternel est dans son saint temple. Que toute la terre fasse silence devant lui. ------------------------Chapitre 3 -- Orgueil dans la prospérité PR 35 1 Aussi longtemps que Salomon exalta la loi divine, le Seigneur fut avec lui. La sagesse qu'il avait reçue lui permit de gouverner Israël d'une manière impartiale. Au début, alors que la prospérité et les honneurs terrestres le favorisaient, il resta humble, et grande fut son influence. "Salomon dominait sur tous les royaumes depuis le fleuve [l'Euphrate] jusqu'au pays des Philistins et jusqu'à la frontière d'Egypte. ... Il avait la paix de tous les côtés alentour. Juda et Israël ... habitèrent en sécurité, chacun sous sa vigne et sous son figuier, tout le temps de Salomon."1 PR 35 2 Mais après l'aube d'une vie riche en promesses, ce monarque sombra dans l'apostasie. L'Ecriture nous rapporte ce fait douloureux: celui qui avait reçu "le nom de Jedidja"2 (bien-aimé de l'Eternel), que le Seigneur honora de sa faveur par la sagesse remarquable dont il l'avait doté et qui lui valut une renommée mondiale; celui qui enseigna aux autres à rendre honneur au Dieu d'Israël; celui-là donc se détourna du culte de l'Eternel pour adorer les idoles des païens. PR 36 1 Des siècles avant que Salomon monte sur le trône, le Seigneur, prévoyant les dangers qui assailliraient les rois d'Israël, avait donné à Moïse des instructions pour leur servir de guide. Des ordres prescrivaient que celui qui s'assiérait sur le trône devait "écrire pour lui, dans un livre, une copie de cette loi", qu'il prendrait "auprès des sacrificateurs, les Lévites. Il devrait l'avoir avec lui et y lire tous les jours de sa vie, afin qu'il apprenne à craindre l'Eternel, son Dieu, à observer et à mettre en pratique toutes les paroles de cette loi et toutes ces ordonnances; afin que son coeur ne s'élève point au-dessus de ses frères, et qu'il ne se détourne de ces commandements ni à droite ni à gauche; afin qu'il prolonge ses jours dans son royaume, lui et ses enfants, au milieu d'Israël."3 PR 36 2 En rapport avec ces instructions, le Seigneur avertit tout particulièrement celui qui recevrait l'onction royale de ne pas avoir "un grand nombre de femmes, afin que son coeur ne se détourne point; et qu'il ne fasse pas de grands amas d'argent et d'or".4 PR 36 3 Salomon connaissait bien ces instructions, et il en tint compte pendant un certain temps. Son plus grand désir était de vivre et de gouverner selon les préceptes donnés au Sinaï. La manière dont il dirigea les affaires de son royaume contrastait vivement avec les coutumes des nations de cette époque, qui ne craignaient pas Dieu et dont les chefs foulaient aux pieds sa sainte loi. PR 36 4 Lorsque Salomon chercha à consolider ses rapports avec les puissants royaumes du sud d'Israël, il s'aventura sur un terrain défendu. Satan connaissait les résultats de l'obéissance. C'est pourquoi au début du règne de Salomon, glorieux à cause de sa sagesse, de sa bonté et de sa droiture, ce grand ennemi s'efforça de faire jouer des influences qui mineraient insidieusement la loyauté du monarque, et l'amèneraient à se séparer de Dieu. L'Ecriture nous rapporte comment il réussit à atteindre son but: "Salomon s'allia par mariage avec Pharaon, roi d'Egypte. Il prit pour femme la fille de Pharaon, et il l'amena dans la ville de David."5 PR 37 1 A vues humaines, ce mariage, bien que contraire aux enseignements de la loi divine, semblait être une bénédiction, car la femme païenne de Salomon se convertit et se joignit à lui pour adorer le vrai Dieu. De plus, Pharaon rendit un service important à Israël en s'emparant de Guézer, en tuant "les Cananéens qui habitaient dans la ville", et en la donnant "pour dot à sa fille, femme de Salomon".6 Celui-ci rebâtit cette ville, et fortifia apparemment son royaume sur la côte méditerranéenne. Mais en contractant une alliance avec une nation païenne et un mariage avec une princesse idolâtre, Salomon méprisa imprudemment les sages conseils de Dieu pour maintenir la pureté de son peuple. L'espoir que sa femme, d'origine égyptienne, pourrait se convertir n'était qu'une faible excuse pour son péché. PR 37 2 Pendant un certain temps, Dieu, dans sa miséricorde infinie, limita les conséquences de cette terrible faute. Le roi, par sa conduite irréprochable, aurait du moins pu mettre un frein aux forces du mal déchaînées par son imprudence. Mais Salomon avait commencé à perdre de vue la source d'où lui venaient sa puissance et sa gloire. Alors que ses penchants triomphaient de sa raison, sa confiance en lui-même grandissait, et il cherchait à accomplir les desseins de Dieu selon ses propres vues. Il pensait que, par des traités politiques et commerciaux avec les pays voisins, il ferait connaître à ceux-ci le vrai Dieu. Il contracta donc des alliances avec plusieurs nations. Ces alliances étaient souvent scellées par des mariages avec des princesses païennes. Il ne tenait aucun compte des commandements divins relatifs aux coutumes des peuples étrangers. PR 37 3 Salomon se flattait de pouvoir, par sa sagesse et son exemple, détourner ses femmes de l'idolâtrie, et les amener au culte du Très-Haut. Il pensait aussi que les alliances contractées avec les pays voisins rapprocheraient ceux-ci d'Israël. Mais quel vain espoir! L'erreur commise par Salomon, en se jugeant assez fort pour résister aux influences païennes de ses alliés, lui fut fatale. Fatale aussi l'illusion lui faisant croire que les étrangers révéreraient les préceptes sacrés et les suivraient alors qu'il les méprisait lui-même. PR 38 1 Les alliances et les traités commerciaux contractés par le roi avec les nations païennes lui valurent la gloire, l'honneur et les richesses de ce monde. Il put se procurer ainsi en très grande quantité de l'or d'Ophir et de l'argent de Tarsis. "Le roi rendit l'argent et l'or aussi communs à Jérusalem que les pierres, et les cèdres aussi communs que les sycomores qui croissent dans la plaine."7 La richesse, et avec elle son cortège de tentations, grandissait parmi le peuple, mais l'or pur du caractère était terni et altéré. PR 38 2 L'apostasie de Salomon fut si graduelle qu'avant qu'il ait pu s'en rendre compte il s'était déjà éloigné de Dieu. Insensiblement, il perdit confiance dans la direction divine et les bénédictions qui en découlent pour ne compter que sur lui-même. Il refusa peu à peu d'accorder au Seigneur cette obéissance fidèle qui devait faire d'Israël un peuple particulier, et il se conforma de plus en plus aux coutumes des nations voisines. Il céda aux tentations inhérentes à ses succès et à son rang élevé, et il oublia la source de sa prospérité. Il mit son ambition à surpasser en puissance et en grandeur les autres pays, ce qui l'incita à employer pour des buts égoïstes les dons du ciel qu'il avait jusqu'alors mis au service de Dieu. L'argent qui aurait dû être consacré aux indigents, ou à la diffusion des principes d'une vie sainte dans le monde, fut englouti par des projets égoïstes et ambitieux. PR 38 3 Hanté par le désir de surpasser les autres nations par le faste de sa cour, le roi ne vit plus la nécessité de cultiver la beauté et la perfection du caractère. En cherchant à faire valoir sa propre gloire aux yeux du monde, il vendit son honneur et son intégrité. Les sommes énormes acquises par le commerce avec de nombreux pays furent majorées de lourdes taxes. Ainsi l'orgueil, l'ambition, la prodigalité et le plaisir amenèrent la cruauté et l'exaction. La conscience, la modération qui avaient caractérisé les rapports du roi avec son peuple, pendant la première partie de son règne, avaient maintenant disparu. Celui qui avait été le plus généreux et le plus avisé des monarques s'était transformé en tyran. PR 39 1 Ce roi, jadis compatissant, qui faisait régner la crainte de Dieu parmi son peuple, devint un despote, un potentat. Il leva impôts sur impôts, afin de pouvoir entretenir le luxe de sa maison. Le peuple commença à murmurer. Le respect et l'admiration qu'on lui avait témoignés se transformèrent en mépris et en aversion. Pour les mettre en garde contre la tentation de placer leur confiance dans le bras de la chair, le Seigneur avait averti ceux qui étaient appelés à régner sur Israël de ne pas avoir une trop grande quantité de chevaux. Mais Salomon ne tint aucun compte de cette recommandation. Le récit sacré nous dit: "C'était de l'Egypte que Salomon tirait ses chevaux; une caravane de marchands du roi les allait chercher par troupes à un prix fixe." C'était de "l'Egypte et de tous les pays que l'on tirait des chevaux pour Salomon". "Salomon rassembla des chars et de la cavalerie; il avait quatorze cents chars et douze mille cavaliers, qu'il plaça dans les villes où il tenait ses chars et à Jérusalem près du roi."8 PR 39 2 Salomon considérait de plus en plus le faste, le plaisir et les les faveurs du monde comme des signes de grandeur. Des femmes séduisantes et belles furent amenées d'Egypte, de Phénicie, d'Edom, de Moab et d'ailleurs. Elles se comptaient par centaines. Leur religion consistait à adorer des idoles, et on leur avait enseigné à pratiquer des rites cruels et dégradants. Grisé par leur beauté, le roi négligea ses devoirs envers Dieu et envers son royaume. PR 39 3 Ces femmes exerçaient sur lui une influence si profonde qu'il en arriva petit à petit à s'unir à elles dans le culte des idoles. Il avait méprisé les instructions que Dieu lui avait données pour servir de barrière contre l'apostasie, ce qui le conduisit à adorer les faux dieux. "A l'époque de la vieillesse de Salomon, lisons-nous dans l'Ecriture, ses femmes inclinèrent son coeur vers d'autres dieux; et son coeur ne fut point tout entier à l'Eternel, son Dieu, comme l'avait été le coeur de David, son père. Salomon alla après Astarté, divinité des Sidoniens, et après Milcom, l'abomination des Ammonites."9 PR 39 4 Sur la hauteur méridionale du mont des Oliviers, en face du mont Morija, où se dressait le magnifique temple de l'Eternel, Salomon érigea une série de bâtiments imposants qui servaient de sanctuaires païens. Pour faire plaisir à ses femmes, il fit placer d'immenses statues de bois et de pierre parmi des massifs de myrtes et d'oliviers. Là, devant les autels des divinités païennes, "Kemosch, l'abomination de Moab", et "Moloc, l'abomination des fils d'Ammon",10 se pratiquaient les rites les plus dégradants du paganisme. PR 40 1 La conduite de Salomon ne manqua pas de recevoir son châtiment. Il courut à sa perte en se séparant de Dieu pour être en communion avec les idolâtres. En désobéissant au Seigneur, il perdit la maîtrise de lui-même, sa moralité disparut, sa sensibilité s'émoussa, sa conscience se cautérisa. Celui qui, au début de son règne, avait déployé tant de sagesse et de sympathie envers une mère malheureuse en lui restituant son petit enfant",,11 s'abaissa jusqu'à consentir qu'on élevât une idole à laquelle on offrait en sacrifice des enfants vivants. Celui qui manifesta tant de modestie et de jugement dans sa jeunesse et qui écrivit lors de sa maturité ces lignes inspirées: "Telle voie paraît droite à un homme, mais son issue, c'est la voie de la mort",12 se détourna de la pureté, au point qu'il en vint à encourager la licence et les rites révoltants du culte de Kemosch et d'Astarté. Celui qui avait déclaré au peuple lors de la dédicace du temple: "Que votre coeur soit tout à l'Eternel, notre Dieu13 devint lui-même un renégat qui désavouait, par sa conduite et ses sentiments, ses propres paroles. Il confondit la licence et la liberté. Il essaya -- mais à quel prix! -- d'unir la lumière aux ténèbres, le bien au mal, la pureté à l'impureté, le Christ à Bélial. PR 40 2 Le roi, qui fut l'un des plus grands à porter un sceptre, tomba dans la débauche, et fut le jouet et l'esclave des autres. Son caractère si noble, si viril, s'avilit et s'effémina. Sa foi au Dieu vivant fut supplantée par les doutes de l'athéisme. Le scepticisme assombrit son bonheur, affaiblit ses principes, et dégrada sa vie. La justice et la magnanimité qui avaient caractérisé le début de son règne dégénérèrent en despotisme et en tyrannie. Pauvres et frêles créatures que nous sommes! Le Seigneur ne peut faire grand-chose pour des hommes qui perdent le sentiment de leur dépendance à son égard. PR 41 1 Pendant ces années d'apostasie, le déclin spirituel d'Israël s'aggrava rapidement. Comment aurait-il pu en être autrement, quand son roi unissait ses intérêts à ceux des suppôts de Satan? Par l'intermédiaire de ces derniers, l'ennemi chercha à troubler les esprits concernant le vrai culte et celui des faux dieux. Les Israélites devinrent ainsi une proie facile. Le commerce entre les pays étrangers les mit en contact avec des gens qui ne connaissaient pas le vrai Dieu, ce qui les amena à se détacher de plus en plus de l'Eternel. Leur sens profond du caractère sublime et saint du Seigneur s'évanouit. Ils refusèrent de suivre le sentier de l'obéissance, et portèrent leur affection sur l'ennemi de toute justice. L'habitude de contracter des mariages avec des païens se répandit, et les Israélites perdirent rapidement leur aversion pour l'idolâtrie. La polygamie fut encouragée. Les mères apprirent à leurs enfants à observer les rites païens. Le service religieux institué par Dieu fut remplacé chez certains par la plus noire des idolâtries. PR 41 2 Les croyants doivent se distinguer du monde, et s'en séparer, éviter ses influences, son esprit. Dieu est parfaitement à même de nous garder dans le monde, mais nous ne devons pas être du monde. L'amour du Seigneur n'est ni inconstant, ni incertain. Le Père céleste veille sans cesse sur ses enfants avec une sollicitude extrême. Mais il leur demande, en retour, une soumission totale. "Nul ne peut servir deux maîtres, a dit le Christ. Car ou il haïra l'un, et aimera l'autre; ou il s'attachera à l'un, et méprisera l'autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon."14 PR 41 3 Salomon était doué d'une sagesse remarquable, mais le monde le détacha de Dieu. De nos jours, les hommes ne sont pas plus forts que lui. Ils sont tout aussi enclins à céder aux influences qui déterminèrent sa perte. De même que le Seigneur mit en garde Salomon contre le danger qu'il encourait, de même aujourd'hui il avertit les croyants de ne pas s'allier avec le monde de peur qu'ils ne perdent leur âme. "Sortez du milieu d'eux, et séparez-vous, dit le Seigneur; ne touchez pas à ce qui est impur, et je vous accueillerai. Je serai pour vous un père, et vous serez pour moi des fils et des filles."15 PR 42 1 Le danger se cache dans la prospérité. A travers tous les siècles, la richesse et la gloire ont toujours fait courir un grand péril à l'humilité et à la foi. Il n'est pas difficile de porter une coupe vide, c'est la coupe pleine jusqu'au bord qu'on a de la peine à tenir en équilibre. L'affliction et l'adversité peuvent faire naître la douleur, mais c'est la prospérité qui menace le plus la vie spirituelle. Si le chrétien n'est pas constamment soumis à la volonté divine, s'il n'est pas sanctifié par la vérité, la prospérité le poussera irrésistiblement à la présomption. PR 42 2 Dans la vallée de l'humiliation, où l'homme dépend de Dieu pour être guidé à chaque pas, règne une sécurité relative. Mais ceux qui occupent de hautes situations, qui semblent leur conférer une grande sagesse, courent le plus grand danger. S'ils ne se placent pas sous la dépendance de Dieu, ils tomberont fatalement. PR 42 3 Partout où règnent l'orgueil et l'ambition, la vie est faussée, car ces péchés ferment le coeur aux bénédictions infinies du ciel. Celui qui fait de la glorification du moi son but principal, sera privé de la grâce divine, par laquelle s'acquièrent les plus nobles richesses et les joies les plus profondes. Mais celui qui s'abandonne entièrement au Christ, et qui fait tout pour lui, verra l'accomplissement de cette promesse: "C'est la bénédiction de l'Eternel qui enrichit, et il ne la fait suivre d'aucun chagrin."16 Par la douce action de la grâce, le Sauveur bannit de l'âme toute agitation et toute ambition profane, changeant l'inimitié en amour et l'incrédulité en confiance. Lorsque Jésus nous dit: "Suis-moi", le charme des séductions terrestres est rompu. Au son de sa voix, l'esprit de cupidité et d'ambition disparaît du coeur, et, ainsi libérés, les hommes peuvent suivre le Christ. ------------------------Chapitre 4 -- Conséquences de la transgression PR 43 1 Parmi les causes principales qui conduisirent Salomon à la prodigalité et à la tyrannie, il faut citer son abandon de l'esprit de sacrifice. PR 43 2 Lorsque, au pied du Sinaï, Moïse fit part aux Israélites de l'ordre divin: "Ils me feront un sanctuaire, et j'habiterai au milieu d'eux", ils répondirent par des dons appropriés. "Tous ceux qui furent entraînés par le coeur et animés de bonne volonté vinrent et apportèrent une offrande."1 La construction du sanctuaire exigeait des préparatifs considérables, des matériaux coûteux; mais le Seigneur n'acceptait que les offrandes volontaires: "Qu'ils m'apportent une offrande; vous la recevrez pour moi de tout homme qui la fera de bon coeur."2 Ce fut là l'ordre rapporté par Moïse à l'assemblée. La piété et le sacrifice étaient avant tout les qualités requises pour l'érection du sanctuaire, où devait demeurer le Très-Haut. PR 43 3 David fit un appel semblable lorsqu'il chargea Salomon de la responsabilité d'ériger le temple. "Qui veut encore, avait-il dit, présenter volontairement aujourd'hui ses offrandes à l'Eternel?"3 Cet appel à la consécration et au sacrifice volontaire ne devait jamais être perdu de vue par ceux qui contribueraient à l'érection du temple. PR 44 1 En ce qui concerne la construction du tabernacle dans le désert, Dieu avait doté des hommes d'une habileté et d'une sagesse spéciales. "Moïse dit aux enfants d'Israël: Sachez que l'Eternel a choisi Betsaleel, ... de la tribu de Juda. Il l'a rempli de l'Esprit de Dieu, de sagesse, d'intelligence, et de savoir pour toutes sortes d'ouvrages. ... Il lui a accordé aussi le don d'enseigner, de même qu'à Oholiab, ... de la tribu de Dan. Il les a remplis d'intelligence, pour exécuter tous les ouvrages de sculpture et d'art, pour broder et tisser; ... pour faire toute espèce de travaux et d'inventions. Betsaleel, Oholiab, et tous les hommes habiles, en qui l'Eternel avait mis de la sagesse et de l'intelligence pour savoir et pour faire, exécutèrent les ouvrages destinés au service du sanctuaire."4 Les intelligences célestes collaboraient avec les ouvriers que Dieu avait choisis. PR 44 2 Les descendants de ces hommes habiles héritèrent dans une grande mesure des talents de leurs ancêtres. Pendant un certain temps, ces Israélites, des tribus de Juda et de Dan, restèrent humbles et charitables; mais graduellement, presque imperceptiblement, ils s'éloignèrent de Dieu et perdirent le désir de le servir d'une manière désintéressée. Ils exigèrent alors des salaires plus élevés pour le travail qu'ils exécutaient comme spécialistes. Il leur arrivait parfois d'obtenir satisfaction, mais le plus souvent ils allaient chercher du travail chez les nations voisines. Ainsi, au lieu de faire preuve de générosité, comme leurs glorieux ancêtres, ils se complurent dans la cupidité, dans le désir d'obtenir toujours davantage. Pour satisfaire leurs penchants égoïstes, ils mirent les talents que Dieu leur avait accordés au service des monarques païens, et employèrent leur habileté à perfectionner des oeuvres qui déshonoraient leur Maître. PR 44 3 Ce fut parmi ces hommes que Salomon chercha un artisan habile pour diriger la construction du temple sur le mont Morija. Des détails minutieux avaient été donnés par écrit au roi pour chaque partie de l'édifice sacré. Il aurait pu compter sur le Seigneur pour trouver les ouvriers consacrés et habiles, afin de pouvoir exécuter avec précision le travail en question. Mais Salomon ne profita pas de cette occasion pour exercer sa foi en Dieu. Il fit dire au roi de Tyr de lui envoyer "un homme habile pour les ouvrages en or, en argent, en airain et en fer, en étoffes teintes en pourpre, en cramoisi et en bleu, et connaissant la sculpture, afin qu'il travaille avec les hommes habiles qui sont auprès de moi en Juda et à Jérusalem".5 PR 45 1 Le roi phénicien lui répondit en envoyant Huram, "fils d'une femme d'entre les filles de Dan, et d'un père Tyrien".6 Huram descendait, par sa mère, d'Oholiab, à qui, des centaines d'années auparavant, le Seigneur avait accordé une sagesse spéciale pour construire le tabernacle. PR 45 2 Ainsi se trouvait placé, à la tête des ouvriers de Salomon, un homme dont le travail n'était pas inspiré par le désir de servir le Seigneur. Il servait le dieu de ce monde -- Mammon. Chaque fibre de son être était entachée d'égoïsme. PR 45 3 L'adresse exceptionnelle d'Huram lui permit d'exiger un salaire élevé, et les mauvais principes qui l'animaient furent peu à peu adoptés par ses compagnons. En se livrant au même travail, ceux-ci avaient des tendances à comparer leurs salaires avec le sien, perdant ainsi de vue le caractère sacré de leur oeuvre. L'esprit de renoncement disparut de leur coeur et fut remplacé par celui de la convoitise. Il s'ensuivit une réclamation pour une augmentation de salaire, qui leur fut accordée. PR 45 4 Les mauvaises influences qui en résultèrent se firent sentir dans toutes les branches de l'oeuvre de Dieu, et pénétrèrent un peu partout dans le royaume. Un certain nombre de ceux qui avaient réussi à obtenir des salaires élevés en profitèrent pour se laisser aller au luxe et à la prodigalité, et l'esprit de sacrifice disparut presque complètement. Il est triste de constater que l'apostasie de celui qui avait été considéré comme le plus sage des mortels était à l'origine de ces influences néfastes. PR 45 5 Comme l'esprit et les mobiles qui animaient les Israélites dans la construction du tabernacle contrastaient avec ceux des hommes qui édifièrent le temple de Salomon! Il y a là une grande leçon pour nous. L'égoïsme qui caractérisait les ouvriers du temple se retrouve aujourd'hui dans celui qui domine le monde. La cupidité, la recherche des positions en vue et des salaires élevés règnent partout. Le service volontaire, le désintéressement des ouvriers du tabernacle ne se rencontrent que bien rarement. C'est pourtant le seul esprit qui devrait animer les disciples de Jésus. Notre divin Maître en a donné un exemple frappant. A ceux à qui il a dit: "Suivez-moi, et je vous ferai pêcheurs d'hommes",7 il n'offrit pas de salaire déterminé en échange de leurs services. Ils devaient participer à son renoncement, à ses sacrifices. PR 46 1 Nous ne devons pas travailler uniquement pour recevoir un salaire. Au service du Seigneur, l'intérêt personnel ne compte pas. Le renoncement et l'esprit de sacrifice ont toujours été et resteront toujours les premières qualités requises pour accomplir un service agréable à Dieu. Notre Seigneur et Maître ne conçoit pas qu'un seul filament d'égoïsme soit tissé dans son ouvrage. Déployons dans notre travail le tact, l'habileté, la précision et la sagesse que le Dieu de perfection exigea des constructeurs du tabernacle. Il faut se souvenir cependant que les plus grands talents, les services les plus brillants ne sont agréables au Seigneur que si notre moi est déposé sur l'autel du sacrifice. PR 46 2 Salomon fit une autre entorse aux principes de la justice, et c'est ce qui précipita sa ruine: il céda à la tentation de s'attribuer la gloire qui n'appartient qu'à Dieu seul. Du jour où la construction du temple lui fut confiée, jusqu'à son achèvement, il affirma son intention de "bâtir une maison au nom de l'Eternel, le Dieu d'Israël!"8 Cette intention fut clairement exposée en présence des enfants d'Israël rassemblés lors de la dédicace du temple. Dans sa prière, le roi reconnaissait que l'Eternel avait dit: "Là sera mon nom".9 L'un des passages les plus touchants de la prière de dédicace est la supplication adressée à Dieu par Salomon en faveur des étrangers qui viendraient des pays lointains pour mieux connaître celui dont la gloire s'était répandue parmi les nations. "On saura, déclarait le roi, que ton nom est grand, ta main forte, et ton bras étendu." Salomon avait demandé au Seigneur pour chacun des étrangers qui viendraient l'adorer: "Exauce-le des cieux, du lieu de ta demeure, et accorde à cet étranger tout ce qu'il te demandera, afin que tous les peuples de la terre connaissent ton nom pour te craindre, comme ton peuple d'Israël, et sachent que ton nom est invoqué sur cette maison que j'ai bâtie."10 PR 47 1 En terminant le service de la dédicace, Salomon exhorta Israël à demeurer fidèle au vrai Dieu, "afin que tous les peuples de la terre reconnaissent que l'Eternel est Dieu, qu'il n'y en a point d'autre".11 PR 47 2 Quelqu'un de plus grand que Salomon avait conçu le modèle du temple; la sagesse et la gloire divine se révélaient dans sa construction. Ceux qui l'ignoraient admiraient et louaient Salomon qu'ils croyaient être l'architecte et le constructeur; mais le roi déclinait cet honneur. PR 47 3 Ainsi en était-il lorsque la reine de Séba vint rendre visite à Salomon. Ayant entendu parler de sa sagesse et du temple merveilleux qu'il avait fait construire, elle résolut de "l'éprouver par des énigmes" et voir de ses propres yeux ses constructions célèbres. Accompagnée d'une suite nombreuse et de chameaux portant "des aromates, de l'or en très grande quantité, et des pierres précieuses", elle fit le long voyage de son pays à Jérusalem. "Elle se rendit auprès de Salomon, et elle lui dit tout ce qu'elle avait dans le coeur." Elle s'entretint avec lui des mystères de la nature. Salomon lui apprit que le Dieu de la nature, le grand Créateur, habite dans les cieux et dirige toutes choses. Il "répondit à toutes ses questions, et il n'y eut rien que Salomon ne sût lui expliquer".12 PR 47 4 "La reine de Séba vit toute la sagesse de Salomon, et la maison qu'il avait bâtie, et les mets de sa table, et la demeure de ses serviteurs, et les fonctions et les vêtements de ceux qui le servaient, et ses échansons, et ses holocaustes qu'il offrait dans la maison de l'Eternel. Hors d'elle-même, elle dit au roi: C'était donc vrai ce que j'ai appris dans mon pays au sujet de ta position et de ta sagesse! Je ne le croyais pas, avant d'être venue et d'avoir vu de mes yeux. Et voici, on ne m'en a pas dit la moitié. Tu as plus de sagesse et de prospérité que la renommée ne me l'a fait connaître. Heureux tes gens, heureux tes serviteurs qui sont continuellement devant toi, qui entendent ta sagesse!"13 PR 48 1 Salomon avait si bien indiqué à la reine de Séba la source de sa sagesse et de sa prospérité qu'elle fut obligée, en le quittant, non pas d'encenser l'homme, mais de s'exclamer: "Béni soit l'Eternel, ton Dieu, qui t'a accordé la faveur de te placer sur le trône d'Israël! C'est parce que l'Eternel aime à toujours Israël, qu'il t'a établi roi pour que tu fasses droit et justice."14 Voilà l'impression que Dieu désirait produire sur tous les peuples. Alors que "tous les rois de la terre cherchaient à voir Salomon, pour entendre la sagesse que Dieu avait mise dans son coeur",15 ce monarque honorait l'Eternel en leur assurant que c'est le Créateur des cieux et de la terre, le Maître de l'univers, qui possède la toute-sagesse. PR 48 2 Si Salomon avait continué, en toute humilité, à reporter l'intérêt qu'on lui manifestait sur celui qui lui avait donné la sagesse, la richesse et la gloire, quelle merveilleuse histoire aurait été la sienne! Mais si la plume inspirée nous fait le récit de ses vertus, elle nous décrit aussi sa chute. Parvenu au faîte de sa gloire, comblé de richesses et d'honneurs, Salomon fut ébloui; il perdit l'équilibre et tomba. Encensé sans cesse par les hommes du monde, il fut incapable, finalement, de résister à la flatterie. La sagesse qu'il avait reçue pour glorifier l'auteur de tous les dons, le remplit d'orgueil. Il finit par permettre aux hommes de le considérer comme celui qui méritait tous les honneurs à cause de l'incomparable magnificence du temple qu'il avait conçu et érigé pour célébrer "le nom de l'Eternel, le Dieu d'Israël". PR 48 3 C'est ainsi que le temple de Jérusalem finit par être connu de toutes les nations, comme étant "le temple de Salomon". Celui qui n'avait été qu'un instrument dans cette construction s'arrogeait la gloire qui appartient à celui qui est "plus élevé encore".16 Même de nos jours, on parle souvent du temple, dont Salomon disait: "Cette maison que j'ai bâtie",17 non comme de celui de l'Eternel, mais de Salomon. PR 48 4 Il ne saurait y avoir de plus grande faiblesse que de tirer vanité des dons reçus du ciel. Le vrai chrétien placera Dieu dans sa vie avant et après toutes choses et lui accordera la meilleure place. Nul mobile ambitieux ne doit refroidir son amour pour lui. Il fera rejaillir tous les honneurs sur son Père céleste. C'est lorsque nous glorifions fidèlement le nom de Dieu et que nos sentiments sont placés sous le contrôle céleste que nous pouvons développer nos facultés intellectuelles et spirituelles. PR 49 1 Jésus, le divin Maître, exaltait toujours le nom de son Père céleste. Il enseignait à ses disciples à prier ainsi: "Notre Père qui es aux cieux! Que ton nom soit sanctifié."18 Et ils ne devaient pas oublier de confesser: "Car c'est à toi qu'appartiennent, dans tous les siècles, le règne, la puissance et la gloire."19 Le Médecin suprême s'appliquait tellement à détourner l'attention de lui-même pour la diriger vers la source de sa puissance que la multitude, "dans l'admiration de voir que les muets parlaient, que les estropiés étaient guéris, que les boiteux marchaient, que les aveugles voyaient", ne glorifiait pas Jésus, mais "le Dieu d'Israël."20 PR 49 2 Dans la magnifique prière prononcée par le Sauveur peu avant sa crucifixion, il déclara: "Je t'ai glorifié sur la terre. ... Glorifie ton Fils, afin que ton Fils te glorifie. ... Père juste, le monde ne t'a point connu; mais moi je t'ai connu, et ceux-ci ont connu que tu m'as envoyé. Je leur ai fait connaître ton nom, et je le leur ferai connaître, afin que l'amour dont tu m'as aimé soit en eux, et que je sois en eux."21 PR 49 3 "Ainsi parle l'Eternel: Que le sage ne se glorifie pas de sa sagesse, que le fort ne se glorifie pas de sa force, que le riche ne se glorifie pas de sa richesse. Mais que celui qui veut se glorifier se glorifie d'avoir de l'intelligence et de me connaître, de savoir que je suis l'Eternel, qui exerce la bonté, le droit et la justice sur la terre; car c'est à cela que je prends plaisir, dit l'Eternel."22 "Je célébrerai le nom de Dieu par des cantiques, je l'exalterai par des louanges." "Tu es digne, notre Seigneur et notre Dieu, de recevoir la gloire et l'honneur et la puissance." "Je te louerai de tout mon coeur, Seigneur, mon Dieu! Et je glorifierai ton nom à perpétuité." "Exaltez avec moi l'Eternel! Célébrons tous son nom!"23 PR 49 4 L'introduction de principes qui détournaient de l'esprit de sacrifice, et favorisaient la glorification du moi, faussait de plus en plus le plan de Dieu envers Israël. Le Seigneur avait destiné son peuple à être la lumière du monde. Ce peuple devait faire resplendir la gloire de sa loi, telle qu'elle se révèle dans la vie pratique. Pour exécuter ce dessein, Dieu lui avait fait occuper une situation stratégique importante dans le monde. PR 50 1 A l'époque de Salomon, le royaume d'Israël s'étendait de Hamath, au nord, jusqu'en Egypte, au sud, et de la Méditerranée à l'Euphrate. Ce territoire était traversé par des voies naturelles ouvertes au commerce du monde, et que des caravanes, venues des pays lointains, empruntaient sans cesse. Ainsi était offerte à Salomon et à son peuple l'occasion de faire connaître aux hommes de maintes contrées le caractère du Roi des rois, et de leur enseigner à le révérer et à lui obéir. Cette connaissance devait être donnée au monde entier. Par le symbole des offrandes sacrificielles, le Christ pouvait être élevé aux yeux de toutes les nations, afin que tous ceux qui le désiraient fussent sauvés. PR 50 2 Placé à la tête d'une nation devant servir de phare aux pays voisins, Salomon aurait dû employer sa grande influence et la sagesse que Dieu lui avait conférée. Il aurait dû organiser et diriger un vaste mouvement pour éclairer ceux qui ne connaissaient pas Dieu et la vérité. Des multitudes auraient ainsi été amenées à obéir aux préceptes divins. Israël aurait été protégé contre les pratiques dégradantes des païens, et le Seigneur de gloire aurait été grandement honoré. Mais Salomon perdit de vue ce but élevé; il n'exploita pas les occasions magnifiques qui lui étaient offertes pour éclairer ceux qui traversaient continuellement son territoire ou s'arrêtaient dans les villes principales du royaume. PR 50 3 L'esprit missionnaire que Dieu avait implanté dans le coeur de Salomon et dans celui de tout véritable Israélite fut supplanté par l'esprit de lucre. Ce roi rebâtit Guézer, près de Joppé, sur la route qui va d'Egypte en Syrie; Beth-Horon, à l'ouest de Jérusalem, ville forte placée sur la route qui conduit du coeur de la Judée à Guézer et à la côte; Meguiddo, située sur la route des caravanes allant de Damas en Egypte et de Jérusalem vers le nord. "Il bâtit Thadmor au désert",24 sur la route des caravanes venant de l'orient. Toutes ces villes étaient puissamment fortifiées. Il développa les avantages commerciaux qu'il retirait d'un débouché sur la mer Rouge, par la construction d'une marine marchande "à Etsjon-Guéber, ... sur les bords de la mer Rouge, dans le pays d'Edom". Des matelots entraînés furent envoyés de Tyr "auprès des serviteurs de Salomon" pour équiper ces vaisseaux qui "allèrent à Ophir, et ils y prirent de l'or ... et une grande quantité de bois de sandal et des pierres précieuses".25 PR 51 1 Les ressources du roi, ainsi que celles d'un grand nombre de ses sujets, s'accroissaient, mais à quel prix! Par la cupidité et l'étroitesse de vue de ceux à qui étaient confiés les oracles de Dieu, les foules innombrables qui parcouraient les voies de passages d'Israël demeuraient dans l'ignorance du vrai Dieu. PR 51 2 Quel contraste entre l'attitude de Salomon et celle du Christ! Lorsqu'il était sur la terre, le Sauveur qui détenait cependant "tout pouvoir" ne l'employa jamais pour son profit personnel. Aucun rêve de conquête ou de grandeur terrestre ne vint entacher la perfection de son service en faveur de l'humanité. "Les renards ont des tanières, disait-il, et les oiseaux du ciel ont des nids; mais le Fils de l'homme n'a pas où reposer sa tête."26 Ceux qui répondent à l'appel du Maître doivent bien connaître ses méthodes. Le Seigneur profitait de toutes les occasions qui se présentaient sur les grandes routes fréquentées par les voyageurs. PR 51 3 Entre ses allées et venues, Jésus demeurait à Capernaüm, qui était connue comme "sa ville".27 Située sur la route de Damas à Jérusalem, vers l'Egypte, et sur la voie de la Méditerranée, cette ville était au centre du travail du Seigneur. Des gens de tous les pays passaient à Capernaüm, où ils s'attardaient quelque temps. Jésus avait ainsi l'occasion de rencontrer des voyageurs de toutes les nationalités et de tous les milieux; il les faisait profiter de ses leçons qui se propageaient dans de nombreux foyers d'autres pays. Les prophéties se rapportant à sa venue suscitaient de l'intérêt, et l'attention était attirée sur le Sauveur, ainsi que sur sa mission dans le monde. PR 51 4 De nos jours, les occasions pour entrer en contact avec les hommes et les femmes de toutes classes et de toutes nationalités sont plus fréquentes encore qu'au temps d'Israël. Les voies de communications sont multipliées au centuple. PR 52 1 A l'instar du Christ, les messagers du Très-Haut devraient se placer sur les grandes voies de communications pour rencontrer les foules venant de toutes les parties du globe. Avec l'aide d'en haut, ils répandraient ainsi la semence divine en faisant connaître les vérités de l'Evangile. Cette semence prendrait racine dans les esprits et dans les coeurs; elle lèverait et s'épanouirait ensuite pour la vie éternelle. PR 52 2 Quelles leçons solennelles nous offre la chute d'Israël, à l'époque où son souverain faillit à la noble mission qui lui avait été confiée! Là où Israël se montra faible, jusqu'à provoquer sa propre chute, le peuple de Dieu aujourd'hui doit se montrer fort, car il est la véritable Eglise du Christ. C'est à lui qu'incombe la tâche d'achever l'oeuvre de Dieu, et de hâter le jour des décisions finales. PR 52 3 Les mauvaises influences qui se faisaient sentir en Israël à l'époque de Salomon s'exercent encore aujourd'hui. Les forces de l'ennemi de toute justice sont solidement retranchées, et ce n'est que par la puissance divine que la victoire peut être remportée. Le conflit qui s'annonce exige un esprit de renoncement, de défiance de soi-même et de foi en Dieu seul; il exige aussi un meilleur emploi de toutes les occasions qui se présentent pour sauver des âmes. La bénédiction divine sera accordée à son Eglise lorsque ses membres s'uniront pour révéler à un monde de ténèbres et d'erreur les beautés de la sainteté, telles qu'elles se manifestent dans l'esprit de sacrifice, dans la glorification du divin au lieu de l'humain, et dans l'inlassable charité en faveur de ceux qui ont tant besoin des bienfaits de l'Evangile. ------------------------Chapitre 5 -- Repentance de Salomon PR 53 1 Dieu apparut deux fois à Salomon au cours de son règne pour lui adresser des paroles d'encouragement et d'exhortation: à Gabaon, pendant la nuit, alors qu'il lui promit la sagesse, la richesse et la gloire et lui recommanda de rester humble et obéissant; après la dédicace du temple, pour le supplier de lui demeurer fidèle. Les exhortations du Seigneur avaient été nettes, ses promesses, merveilleuses. Cependant, l'Ecriture sainte nous rapporte que le roi dont la position, le caractère et la vie semblaient richement dotés pour répondre aux exigences de sa charge et aux espérances du ciel, "n'observa point les ordres de l'Eternel". Il détourna "son coeur de l'Eternel, le Dieu d'Israël, qui lui était apparu deux fois. Il lui avait à cet égard défendu d'aller après d'autres dieux."1 L'apostasie de Salomon alla si loin, son coeur s'endurcit tellement dans la transgression, que son cas sembla désespéré. Il se détourna de la communion divine pour se livrer aux plaisirs des sens. Le récit sacré nous rapporte ses propres paroles à ce sujet: "J'exécutai de grands ouvrages: je me bâtis des maisons; je me plantai des vignes; je me fis des jardins et des vergers. ... J'achetai des serviteurs et des servantes. ... Je m'amassai de l'argent et de l'or, et les richesses des rois et des provinces. Je me procurai des chanteurs et des chanteuses, et les délices des fils de l'homme, des femmes en grand nombre. Je devins grand, plus grand que tous ceux qui étaient avant moi dans Jérusalem. ... PR 54 1 "Tout ce que mes yeux avaient désiré, je ne les en ai point privés; je n'ai refusé à mon coeur aucune joie; car mon coeur prenait plaisir à tout mon travail. ... Puis, j'ai considéré tous les ouvrages que mes mains avaient faits, et la peine que j'avais prise à les exécuter; et voici, tout est vanité et poursuite du vent, et il n'y a aucun avantage à tirer de ce qu'on fait sous le soleil. PR 54 2 "Alors j'ai tourné mes regards vers la sagesse, et vers la sottise et la folie. -- Car que fera l'homme qui succédera au roi? Ce qu'on a déjà fait. ... Et j'ai haï la vie. ... J'ai haï tout le travail que j'ai fait sous le soleil."2 PR 54 3 Salomon fit la triste expérience du néant auquel aboutit celui qui place son idéal dans les choses terrestres. Les autels aux dieux païens ne cessèrent de lui rappeler que le repos d'esprit promis par ces fausses divinités n'est qu'un leurre. Des idées tristes et obsédantes le tourmentèrent alors nuit et jour. Il n'y avait plus pour lui de joie, ni de repos d'esprit; l'avenir lui paraissait désormais sombre et désespéré. PR 54 4 Cependant le Seigneur ne l'oubliait pas. Par des reproches sévères, il chercha à faire comprendre au roi les conséquences de sa conduite pécheresse. Il lui retira sa protection, et permit à ses ennemis de harceler et d'affaiblir son royaume. "L'Eternel suscita un ennemi à Salomon: Hadad, l'Edomite. ... Dieu suscita un autre ennemi à Salomon: Rezon, ... chef de bande", qui "avait Israël en aversion. Il régna sur la Syrie. Jéroboam aussi, serviteur de Salomon, ... fort et vaillant. ... Il leva la main contre le roi."3 PR 54 5 Le Seigneur finit par envoyer, par l'intermédiaire d'un prophète, ce message effrayant à Salomon: "Puisque tu as agi de la sorte, et que tu n'as point observé mon alliance et mes lois que je t'avais prescrites, je déchirerai le royaume de dessus toi et je le donnerai à ton serviteur. Seulement, je ne le ferai point pendant ta vie, à cause de David, ton père. C'est de la main de ton fils que je l'arracherai."4 PR 55 1 Comme s'il était tiré d'un songe par ce jugement prononcé contre lui et sa maison, Salomon, dont la conscience se réveillait brusquement, commença à se rendre compte de sa folie. Repris dans son âme, lassé de corps et d'esprit, il se détourna des citernes crevassées de ce monde pour se désaltérer à nouveau à la source de la vie. L'école de la souffrance avait enfin accompli son oeuvre. Longtemps obsédé par la crainte d'une ruine totale provoquée par son incapacité de se détourner de sa folie, il découvrait un rayon d'espoir dans le message qui lui était adressé. Dieu ne l'avait pas tout à fait rejeté; il était prêt à le délivrer d'une servitude plus cruelle que la tombe, et dont il ne pouvait lui-même s'affranchir. PR 55 2 Salomon fut heureux de reconnaître la puissance et la miséricorde de celui qui est au-dessus des "hommes les plus élevés".5 Repentant, il commença à revenir sur ses pas pour s'élever sur les sommets de la pureté et de la sainteté d'où il était tombé. Il ne pouvait espérer échapper aux conséquences désastreuses du péché, ni libérer son esprit du souvenir de sa vie dissipée; mais il s'efforcerait de dissuader les autres de suivre leur propre folie. Il confessa humblement ses erreurs passées, et il avertit ses semblables pour qu'ils ne soient pas irrémédiablement perdus par suite du mauvais exemple qu'il leur avait donné. PR 55 3 Celui qui se repent vraiment n'oublie pas son passé, dès qu'il a obtenu le pardon de ses fautes. Il pense à ceux que sa conduite a poussés au mal, et il s'efforce, par tous les moyens possibles, de les ramener dans le droit sentier. Plus brillante est la lumière qu'il reçoit, plus fort est son désir de guider ses semblables dans la bonne voie. Il ne dissimule pas ses mauvaises actions, mais il avertit les autres du danger qu'ils courent. PR 55 4 Salomon reconnaissait que "le coeur des fils de l'homme est plein de méchanceté, et la folie est dans leur coeur pendant leur vie".6 Et il déclarait aussi: "Parce qu'une sentence contre les mauvaises actions ne s'exécute pas promptement, le coeur des fils de l'homme se remplit en eux du désir de faire le mal. Cependant, quoique le pécheur fasse cent fois le mal et qu'il y persévère longtemps, je sais aussi que le bonheur est pour ceux qui craignent Dieu, parce qu'ils ont de la crainte devant lui. Mais le bonheur n'est pas pour le méchant, et il ne prolongera point ses jours, pas plus que l'ombre, parce qu'il n'a pas de la crainte devant Dieu."7 PR 56 1 Inspiré par le Seigneur, Salomon écrivit pour les générations qui lui succéderaient l'histoire de ses années perdues, ainsi que les leçons qu'elles comportaient; de sorte que si la semence qu'il avait jetée fut récoltée par son peuple en gerbe de mal, l'oeuvre de sa vie ne s'avéra pas totalement stérile. Au déclin de ses jours, avec douceur et humilité, Salomon "a encore enseigné la science au peuple, et il a examiné, sondé, mis en ordre un grand nombre de sentences". Il "s'est efforcé de trouver des paroles agréables; et ce qui a été écrit avec droiture, ce sont des paroles de vérité. Les paroles des sages sont comme des aiguillons; et, rassemblées en un recueil, elles sont comme des clous plantés, données par un seul maître. Du reste, mon fils, tire instruction de ces choses."8 PR 56 2 "Ecoutons la fin du discours, écrivait-il encore: crains Dieu et observe ses commandements. C'est là ce que doit tout homme. Car Dieu amènera toute oeuvre en jugement, au sujet de tout ce qui est caché, soit bien, soit mal."9 PR 56 3 Il ressort des derniers écrits de Salomon que plus il se rendait compte de la perversité de sa conduite, plus il s'efforçait de mettre en garde la jeunesse contre les erreurs qui lui avaient fait gaspiller les dons inestimables prodigués par le ciel. Il confessait avec tristesse et confusion qu'au moment où il aurait dû trouver en Dieu son soutien, sa vie, son réconfort, il s'était détourné de la lumière céleste et de la sagesse divine pour s'adonner à l'idolâtrie. Or, ayant appris par expérience la folie d'une telle vie, son désir le plus ardent était de mettre les autres à l'abri de la cruelle épreuve qui avait été la sienne. PR 56 4 Avec des accents pathétiques, il s'adressait aux jeunes, en leur indiquant les privilèges et les responsabilités qu'ils rencontreraient au service de Dieu. PR 57 1 "La lumière est douce, disait-il, et il est agréable aux yeux de voir le soleil. Si donc un homme vit beaucoup d'années, qu'il se réjouisse pendant toutes ces années, et qu'il pense aux jours de ténèbres qui seront nombreux; tout ce qui arrivera est vanité. Jeune homme, réjouis-toi dans ta jeunesse, livre ton coeur à la joie pendant les jours de ta jeunesse, marche dans les voies de ton coeur et selon les regards de tes yeux; mais sache que pour tout cela Dieu t'appellera en jugement. Bannis de ton coeur le chagrin, et éloigne le mal de ton corps; car la jeunesse et l'aurore sont vanité."10 PR 57 2 "Souviens-toi de ton Créateur pendant les jours de ta jeunesse, avant que les jours mauvais arrivent et que les années s'approchent où tu diras: Je n'y prends point de plaisir; avant que s'obscurcissent le soleil et la lumière, la lune et les étoiles, et que les nuages reviennent après la pluie, temps où les gardiens de la maison tremblent, où les hommes forts se courbent, où celles qui moulent s'arrêtent parce qu'elles sont diminuées, où ceux qui regardent par les fenêtres sont obscurcis, où les deux battants de la porte se ferment sur la rue quand s'abaisse le bruit de la meule, où l'on se lève au chant de l'oiseau, où s'affaiblissent toutes les filles du chant, où l'on redoute ce qui est élevé, où l'on a des terreurs en chemin, où l'amandier fleurit, où la sauterelle devient pesante, et où la câpre n'a plus d'effet, car l'homme s'en va vers sa demeure éternelle, et les pleureurs parcourent les rues; avant que le cordon d'argent se détache, que le vase d'or se brise, que le seau se rompe sur la source, et que la roue se casse sur la citerne; avant que la poussière retourne à la terre, comme elle y était, et que l'esprit retourne à Dieu qui l'a donné."11 PR 57 3 La vie de Salomon est riche d'avertissements, non seulement pour la jeunesse, mais aussi pour les gens d'âge mûr, qui descendent la colline et font face au soleil couchant. Nous entendons dire, et nous le constatons par nous-mêmes, que les jeunes sont instables; ils hésitent entre le bien et le mal; le courant des mauvaises passions est trop fort pour eux. Nous ne nous attendons pas à trouver chez les personnes âgées cette instabilité et cette faiblesse. Nous aimons à croire qu'à leur âge leur caractère est fermement établi et leurs principes profondément enracinés. Mais il n'en est pas toujours ainsi. C'est alors que Salomon aurait dû affirmer un caractère inébranlable, qu'il trébucha et succomba à la tentation. C'est au moment où sa foi devait être le mieux assise qu'elle fut le plus branlante. PR 58 1 Tout ceci nous enseigne que le seul moyen de salut pour les jeunes comme pour les vieux réside dans la prière et la vigilance. La sécurité ne se trouve ni dans la position élevée, ni dans les privilèges exceptionnels. On peut avoir joui pendant de longues années d'une véritable expérience religieuse, et ne pas être à l'abri des assauts de Satan. Dans la lutte contre le péché, qu'il vienne de l'intérieur ou de l'extérieur, le puissant et sage Salomon fut vaincu. Sa chute nous enseigne que les qualités intellectuelles, quelque belles qu'elles puissent être chez un homme, et pour si fidèle qu'il soit, ne lui permettent jamais de se confier en sa propre sagesse et son intégrité. PR 58 2 Le véritable fondement et le modèle sur lesquels on peut former un caractère ont toujours été les mêmes pour toutes les générations et tous les pays. Le divin commandement: "Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta force, et de toute ta pensée; et ton prochain comme toi-même",12 fut le principe suivi par le Sauveur. C'est le seul fondement solide, le seul guide infaillible. "Tes jours seront en sûreté; la sagesse et l'intelligence sont une source de salut."13 Seule la Parole de Dieu peut nous procurer cette sagesse et cette intelligence. PR 58 3 De nos jours, ce principe a la même importance qu'à l'époque où il fut ordonné au peuple d'Israël: "Vous les observerez (les commandements) et vous les mettrez en pratique; car ce sera là votre sagesse et votre intelligence aux yeux des peuples."14 C'est là le seul moyen de sauvegarder l'intégrité individuelle, la pureté du foyer, le bien-être de la société et la stabilité d'une nation. Dans notre vie de difficultés, de dangers, de luttes, la seule règle infaillible à suivre est celle que le Seigneur nous donne: "Les ordonnances de l'Eternel sont droites."15 "Celui qui se conduit ainsi ne chancelle jamais."16 PR 59 1 Ceux qui savent reconnaître l'avertissement que nous donne l'apostasie de Salomon feront bien de repousser dès l'abord les tentations qui perdirent ce monarque. Seule l'obéissance aux commandements de Dieu préservera l'homme de l'apostasie. Le Seigneur nous a accordé de grandes lumières et de riches bénédictions; mais si nous ne savons pas les apprécier, elles ne sauraient nous préserver de la désobéissance et de l'apostasie. Lorsque ceux que le Seigneur a élevés à un rang social supérieur se détournent de lui pour se confier dans la sagesse des hommes, leur lumière se change en ténèbres. Les dons qu'il leur avait conférés deviennent pour eux un piège. PR 59 2 Il y aura jusqu'à la fin des hommes qui se détourneront de Dieu. Satan profitera de toutes les occasions pour nous faire tomber, si bien que, si nous ne sommes pas gardés par la puissance divine, les bastions de notre âme chancelleront à notre insu. Nous devons nous demander constamment: Est-ce que je suis dans la bonne voie? Tant que nous vivrons, il faudra nous défendre résolument contre nos penchants et nos passions. A moins que nous ne mettions notre confiance en Dieu, nous ne serons jamais en sûreté. C'est en veillant et en priant que nous pouvons conserver notre intégrité. PR 59 3 Tous ceux qui entreront dans la cité céleste passeront par la porte étroite, c'est-à-dire qu'ils lutteront désespérément; car "il n'entrera chez elle rien de souillé."17 Mais que ceux qui sont tombés ne se laissent pas aller au désespoir. Des hommes, jadis honorés de Dieu, peuvent avoir souillé leurs âmes et sacrifié leur vertu sur l'autel du désir. Toutefois, s'ils se repentent, s'ils abandonnent leur péché et reviennent au Seigneur, tout espoir n'est pas perdu pour eux. Celui qui a dit: "Sois fidèle jusqu'à la mort, et je te donnerai la couronne de vie",18 adresse encore cette invitation au pécheur: "Que le méchant abandonne sa voie, et l'homme d'iniquité ses pensées; qu'il retourne à l'Eternel, qui aura pitié de lui, à notre Dieu, qui ne se lasse pas de pardonner."19 Dieu abhorre le péché, mais il aime le pécheur. "Je réparerai leur infidélité, affirme-t-il, j'aurai pour eux un amour sincère."20 PR 60 1 La repentance de Salomon fut sincère, mais le mal causé par sa mauvaise conduite subsista. Pendant son apostasie, il y eut dans le royaume des hommes qui restèrent fidèles, maintinrent leur intégrité et leur loyauté. Toutefois, beaucoup suivirent son exemple. Les forces du mal déchaînées par suite de l'idolâtrie et des plaisirs du monde furent si puissantes que la repentance du roi ne réussit pas à les maîtriser facilement. Son influence pour le bien s'était considérablement affaiblie. Un grand nombre de ses sujets hésitaient à lui donner toute leur confiance. PR 60 2 Bien que le roi ait confessé son péché, et relaté pour le profit des générations à venir l'histoire de sa folie et de sa repentance, il ne pouvait s'attendre à neutraliser l'influence de sa mauvaise conduite. Encouragés par son apostasie, beaucoup continuèrent à pratiquer le mal, et le mal seulement. On peut même retrouver cette mauvaise influence dans la pente suivie par les successeurs de Salomon: ils firent un usage dégradant des dons que Dieu leur avait accordés. PR 60 3 Plongé dans les douloureuses réflexions que lui inspirait sa conduite, Salomon fut amené à déclarer: "La sagesse vaut mieux que les instruments de guerre, mais un seul pécheur détruit beaucoup de bien. ... Il est un mal que j'ai vu sous le soleil, comme une erreur provenant de celui qui gouverne: la folie occupe des postes très élevés. ... Les mouches mortes infectent et font fermenter l'huile du parfumeur; un peu de folie l'emporte sur la sagesse et sur la gloire."21 PR 60 4 Parmi les innombrables leçons que nous enseigne la vie de Salomon, aucune ne saurait être plus éloquente que celle de l'influence profonde qu'il exerça, soit en faveur du bien, soit en faveur du mal. PR 60 5 Pour si réduite que soit notre sphère d'action, nous exerçons une influence ou salutaire ou pernicieuse. Cette influence se fait sentir en dehors de notre connaissance ou de notre pouvoir. Elle peut être chargée de rancoeur et d'égoïsme, ou entachée par la souillure mortelle d'un péché caressé; mais elle peut aussi être accompagnée du pouvoir vivifiant de la foi, du courage, de l'espérance et du parfum délicat de l'amour. N'oublions jamais qu'elle agira toujours, soit en bien, soit en mal, sur notre semblable. PR 61 1 La pensée que cette influence peut apporter "une odeur de mort donnant la mort" paraît une chose effroyable, et cependant cela est possible. Comment imaginer qu'une âme soit induite en erreur et privée de l'éternité? Cependant, un acte inconsidéré, une parole irréfléchie de notre part peuvent exercer une influence si profonde dans la vie de notre prochain qu'ils risquent de contribuer à perdre son âme. Une défaillance de caractère suffit parfois pour détourner du Christ. PR 61 2 C'est la semence qui produit la moisson. La nouvelle graine, à son tour, est semée à nouveau, de sorte que le rendement s'en trouve multiplié. Cette loi s'applique aussi dans nos rapports avec nos semblables. Chacune de nos actions, chacune de nos paroles sont autant de graines qui porteront du fruit. Tout acte de bonté, d'obéissance, de désintéressement, se reproduira chez d'autres, et par eux chez d'autres encore. De même tout acte de jalousie, de malice, de dissension, est une semence qui croîtra, et produira des "racines d'amertume",22 faisant du mal au prochain. C'est ainsi que la bonne et la mauvaise semence se perpétuent dans le temps et l'éternité. ------------------------Chapitre 6 -- Division du royaume PR 63 1 "Salomon se coucha avec ses pères, et il fut enterré dans la ville de David, son père. Roboam, son fils, régna à sa place."1 PR 63 2 Peu de temps après être monté sur le trône, Roboam se rendit à Sichem, où il s'attendait à être proclamé roi par toutes les tribus d'Israël. Le récit sacré nous dit: "Roboam se rendit à Sichem, car tout Israël était venu à Sichem pour le faire roi."2 PR 63 3 Or, parmi l'assemblée se trouvait Jéroboam, fils de Nébath -- ce même Jéroboam connu sous le règne de Salomon comme "un homme fort et vaillant", et à qui le prophète Achija, de Silo, avait fait cette impressionnante prédiction: "Voici, je vais arracher le royaume de la main de Salomon, et je te donnerai dix tribus."3 PR 63 4 Par son messager, le Seigneur avait montré clairement à Jéroboam la nécessité de partager le royaume. Ce partage devait avoir lieu, avait-il déclaré, "parce qu'ils m'ont abandonné, et se sont prosternés devant Astarté, divinité des Sidoniens, devant Kemosch, dieu de Moab, et devant Milcom, dieu des fils d'Ammon, et parce qu'ils n'ont point marché dans mes voies pour faire ce qui est droit à mes yeux et pour observer mes lois et mes ordonnances, comme l'a fait David, père de Salomon."4 PR 64 1 Plus tard, Jéroboam reçut des instructions lui indiquant que le royaume ne serait pas divisé avant la fin du règne de Salomon. "Je n'ôterai pas de sa main tout le royaume, car je le maintiendrai prince tout le temps de sa vie, à cause de David, mon serviteur, que j'ai choisi, et qui a observé mes commandements et mes lois. Mais j'ôterai le royaume de la main de son fils, et je t'en donnerai dix tribus."5 PR 64 2 Bien que Salomon ait vivement souhaité préparer Roboam, son successeur légitime, à se montrer sage au cours de la crise prédite par le prophète, il ne put réussir à exercer une influence assez profonde sur lui pour tourner sa pensée vers le bien. Il faut dire que l'éducation première de ce fils avait été gravement négligée. Sa mère, une Ammonite, l'avait doté d'un caractère indécis. Parfois il s'efforçait de servir Dieu, qui lui accordait alors une certaine prospérité; mais il n'était pas stable, et il finissait par céder aux mauvaises influences de ceux qui l'entouraient depuis sa plus tendre enfance. Les fautes qu'il commit pendant son règne, son apostasie finale, nous montrent à quels terribles résultats aboutit Salomon en s'alliant à des femmes idolâtres. PR 64 3 Les tribus d'Israël avaient longtemps subi de cruelles injustices de la part de leur ancien monarque. Les prodigalités auxquelles Salomon se livra au cours de son apostasie l'avaient amené à accabler le peuple de lourds impôts, et à le plonger dans une rude servitude. Avant de couronner un nouveau roi, les chefs des tribus voulurent s'assurer si le fils de Salomon était décidé à alléger leurs lourdes charges. "Alors Jéroboam et tout Israël vinrent à Roboam et lui parlèrent ainsi: Ton père a rendu notre joug dur: maintenant allège cette rude servitude et le joug pesant que nous a imposé ton père. Et nous te servirons." PR 64 4 Roboam voulut consulter ses conseillers avant de se prononcer. Il répondit: "Revenez vers moi dans trois jours. Et le peuple s'en alla." PR 65 1 "Le roi Roboam consulta les vieillards qui avaient été auprès de Salomon, son père, pendant sa vie, et il dit: Que conseillez-vous de répondre à ce peuple? Et voici ce qu'ils lui dirent: Si tu es bon envers ce peuple, si tu les reçois favorablement, et si tu leur parles avec bienveillance, ils seront pour toujours tes serviteurs."6 PR 65 2 Mécontent de cette réponse, Roboam se tourna vers les jeunes gens qui avaient grandi avec lui et qui l'entouraient. Il leur dit: "Que conseillez-vous de répondre à ce peuple qui me tient ce langage: Allège le joug que nous a imposé ton père?"7 Les jeunes gens lui suggérèrent d'user de rigueur avec ses sujets, et de leur dire ouvertement de ne pas s'ingérer dans ses affaires personnelles. PR 65 3 Grisé par la perspective d'exercer le pouvoir suprême, Roboam résolut de mépriser les avis des vieillards de son royaume pour ne suivre que ceux de ses jeunes conseillers. Il arriva donc qu'au jour convenu, lorsque "Jéroboam et tout le peuple vinrent à Roboam" pour être fixés sur les intentions du nouveau monarque, celui-ci "leur répondit durement ... et il leur parla ainsi: Mon père a rendu votre joug pesant, et moi je vous le rendrai plus pesant; mon père vous a châtiés avec des fouets, et moi je vous châtierai avec des scorpions."8 PR 65 4 Si Roboam et ses conseillers inexpérimentés avaient compris le dessein de Dieu au sujet d'Israël, ils auraient tenu compte des revendications du peuple, exigeant des réformes énergiques dans l'administration royale. Mais lors de l'assemblée de Sichem, ils ne comprirent pas la cause profonde de ces revendications et affaiblirent ainsi leur influence auprès de la majorité du peuple. Leur détermination de perpétuer et d'alourdir le joug imposé par Salomon s'opposait formellement au dessein de Dieu, et fit naître chez les Israélites de sérieux doutes sur la sincérité de leurs mobiles. En voulant exercer le pouvoir d'une manière si insensée, le roi et ses conseillers firent preuve d'orgueil et de despotisme. PR 65 5 Mais le Seigneur ne permit pas à Roboam de réaliser le programme politique qu'il s'était tracé. Des milliers de sujets des tribus d'Israël, indignés de l'oppression que leur avait fait subir Salomon, étaient maintenant décidés à se révolter contre la maison de David. "Lorsque tout Israël vit que le roi ne l'écoutait pas, dit le récit sacré, le peuple répondit au roi: Quelle part avons-nous avec David? Nous n'avons point d'héritage avec le fils d'Isaï! A tes tentes, Israël! Maintenant, pourvois à ta maison, David! Et Israël alla dans ses tentes."9 PR 66 1 La rupture provoquée par les paroles violentes de Roboam s'avérait irréparable. Il s'ensuivit une scission: les tribus de Juda et de Benjamin formèrent la partie méridionale du royaume de Juda, sous la domination de Roboam, tandis que les dix tribus du nord constituèrent un gouvernement à part, connu sous le nom de royaume d'Israël, dont Jéroboam fut le roi. Ainsi s'accomplit "la parole que l'Eternel avait dite par Achija. ... Cela fut dirigé par l'Eternel."10 PR 66 2 Lorsque Roboam vit que dix tribus refusaient de lui obéir, il tenta l'impossible pour arranger les choses. Il chargea un homme influent du royaume, "Adoram, qui était préposé sur les impôts", d'intervenir auprès des rebelles. Mais ses tentatives de réconciliation reçurent un accueil qui montrait bien les véritables sentiments des révoltés. "Adoram fut lapidé par tout Israël, et il mourut." Epouvanté par l'ampleur de la révolte, "le roi Roboam se hâta de monter sur un char, pour s'enfuir à Jérusalem."11 Là, il "rassembla toute la maison de Juda et la tribu de Benjamin, cent quatre-vingt mille hommes d'élite propres à la guerre, pour qu'ils combattissent contre la maison d'Israël afin de la ramener sous la domination de Roboam, fils de Salomon. Mais la parole de Dieu fut ainsi adressée à Schemaeja, homme de Dieu: Parle à Roboam, fils de Salomon, roi de Juda, et à toute la maison de Juda et de Benjamin, et au reste du peuple. Et dis-leur: Ainsi parle l'Eternel: Ne montez point, et ne faites pas la guerre à vos frères, les enfants d'Israël! Que chacun de vous retourne dans sa maison, car c'est de par moi que cette chose est arrivée. Ils obéirent à la parole de l'Eternel."12 PR 66 3 Pendant trois ans, Roboam s'efforça de tirer profit de la douloureuse expérience qu'il avait faite en montant sur le trône, et son règne fut prospère. "Il bâtit des villes fortes en Juda", et "il les fortifia, et y établit des commandants, et des magasins de vivres, d'huile et de vin". Il s'appliqua à rendre ces villes "très fortes."13 Mais le secret de la prospérité de Juda pendant les premières années du règne de Roboam ne résidait pas dans ces mesures. C'était grâce au fait que les tribus de Juda et Benjamin reconnurent Dieu comme chef suprême qu'elles furent ainsi favorisées. Les hommes des tribus du nord qui craignaient Dieu vinrent grossir leurs rangs. "Ceux de toutes les tribus d'Israël, nous rapporte l'Ecriture, qui avaient à coeur de chercher l'Eternel, le Dieu d'Israël, suivirent les Lévites à Jérusalem. ... Ils donnèrent ainsi de la force au royaume de Juda, et affermirent Roboam, fils de Salomon, pendant trois ans; car ils marchèrent pendant trois ans dans la voie de David et de Salomon."14 PR 67 1 S'il avait persévéré dans cette voie, Roboam aurait eu l'occasion de se racheter en grande partie des erreurs de son passé, et de redonner à ses sujets confiance en ses dons de chef. Mais la plume inspirée nous a fait le récit douloureux du successeur de Salomon. Bien qu'entêté, orgueilleux, volontaire et porté à l'idolâtrie, si Roboam avait mis toute sa confiance en Dieu, il aurait affermi son caractère et sa foi, répondu aux exigences divines. Mais, à mesure que le temps s'écoulait, il se glorifiait de sa puissance et des forteresses qu'il avait fait construire. Il s'abandonnait petit à petit à ses penchants héréditaires jusqu'à tomber tout à fait dans l'idolâtrie. "Lorsque Roboam se fut affermi dans son royaume et qu'il eut acquis de la force, il abandonna la loi de l'Eternel, et tout Israël l'abandonna avec lui."15 PR 67 2 Comme ces paroles: "Et tout Israël avec lui", nous semblent lourdes de signification! Le peuple que le Seigneur avait choisi pour servir de lumière aux nations voisines se détournait de la source de sa puissance pour imiter les pays qu'il aurait dû éclairer. Ce qui arriva à Salomon se reproduisit chez Roboam: leur mauvais exemple égara une multitude d'âmes. Il en est encore ainsi de nos jours, à un degré plus ou moins grand, avec celui qui se laisse conduire par Satan. Malheureusement, l'influence du mal ne se limite pas à celui qui s'y adonne. Nul ne vit pour lui-même, nul ne souffre seul de son iniquité. Toute vie répand autour d'elle, soit une lumière qui projette ses rayons bienfaisants sur le sentier du prochain, soit une influence sombre et déprimante qui pousse au désespoir et à la mort. Nous conduisons nos semblables vers le bonheur et la vie éternelle, ou vers les abîmes de la tristesse et de la mort éternelle. Et si par nos actes nous aggravons les forces du mal chez ceux qui nous entourent, nous participons à leurs péchés. PR 68 1 Dieu ne permit pas que l'apostasie du roi de Juda demeurât impunie. "La cinquième année du règne de Roboam, Schischak, roi d'Egypte, monta contre Jérusalem, parce qu'ils avaient péché contre l'Eternel. Il avait mille deux cents chars et soixante mille cavaliers; et il vint d'Egypte avec lui un peuple innombrable. ... Il prit les villes fortes qui appartenaient à Juda, et arriva jusqu'à Jérusalem. PR 68 2 "Alors Schemaeja, le prophète, se rendit auprès de Roboam et des chefs de Juda qui s'étaient retirés dans Jérusalem à l'approche de Schischak, et il leur dit: Ainsi parle l'Eternel: Vous m'avez abandonné; je vous abandonne aussi, et je vous livre entre les mains de Schischak."16 PR 68 3 Le peuple ne s'était pas encore adonné à l'apostasie au point de mépriser les jugements de Dieu. Dans les pertes subies au cours de l'invasion de Schischak, il reconnut la main de Dieu, et pendant un certain temps il s'humilia, et dit: "L'Eternel est juste!" PR 68 4 "Quand l'Eternel vit qu'ils s'humiliaient, la parole de l'Eternel fut ainsi adressée à Schemaeja: Ils se sont humiliés, je ne les détruirai pas, je ne tarderai pas à les secourir, et ma colère ne se répandra pas sur Jérusalem par Schischak; mais ils lui seront assujettis, et ils sauront ce que c'est que me servir ou servir les royaumes des autres pays. PR 68 5 "Schischak, roi d'Egypte, monta contre Jérusalem. Il prit les trésors de la maison de l'Eternel et les trésors de la maison du roi, il prit tout. Il prit les boucliers d'or que Salomon avait faits. Le roi Roboam fit à leur place des boucliers d'airain, et il les remit aux soins des chefs des coureurs, qui gardaient l'entrée de la maison du roi. ... Comme Roboam s'était humilié, l'Eternel détourna de lui sa colère et ne le détruisit pas entièrement. Et il y avait encore de bonnes choses en Juda."17 PR 69 1 Mais quand l'affliction eut disparu, et que la nation redevint prospère, un grand nombre oublièrent leurs craintes et retournèrent à l'idolâtrie. Le roi lui-même était de ceux-là. Bien qu'il ait été humilié par l'épreuve, il ne sut pas profiter de ce tournant décisif de sa vie. Il oublia la leçon que le Seigneur avait voulu lui donner, et il retomba dans les péchés qui avaient attiré les jugements divins sur la nation. Après quelques années ignominieuses au cours desquelles le monarque "fit le mal, parce qu'il n'appliqua pas son coeur à chercher l'Eternel, ... Roboam se coucha avec ses pères, et il fut enterré dans la ville de David. Et Abija, son fils, régna à sa place."18 PR 69 2 Avec le partage du royaume, au début du règne de Roboam, la gloire d'Israël commença à décliner pour ne plus jamais se révéler entièrement. Au cours des siècles qui suivirent, le trône de David fut parfois occupé par des hommes doués d'une haute valeur morale et d'un jugement pénétrant. Les bénédictions dont furent alors l'objet les habitants de Juda s'étendirent jusque sur les nations voisines. Parfois, le nom de Dieu fut exalté au-dessus de tous les faux dieux, et sa loi fut honorée. Parfois aussi, de puissants prophètes furent suscités pour affermir ces rois et encourager le peuple à demeurer fidèle au Seigneur. Mais la racine du mal qui avait commencé à croître du temps de Roboam ne fut jamais totalement extirpée, si bien que le peuple de Dieu tombait si bas qu'il était la risée des païens. PR 69 3 Cependant, en dépit de la perversité de ceux qui retournaient aux pratiques idolâtres, Dieu, dans sa miséricorde, faisait tout pour sauver ce royaume divisé. Alors que les années s'écoulaient, et que les plans divins envers Israël semblaient sérieusement contrecarrés par les machinations des hommes inspirés par Satan, le Seigneur continuait néanmoins à manifester sa bienveillance à l'égard de la nation par la captivité et la restauration. PR 69 4 Le partage du royaume n'était que le commencement d'une merveilleuse histoire, où s'inscrivaient à la fois la longue souffrance et la miséricorde divine. Le peuple d'Israël dut passer par l'affliction à cause de ses tendances au mal, héréditaires ou acquises. C'est ainsi que le Seigneur cherchait à le purifier pour en faire une nation particulière, zélée pour les bonnes oeuvres. Ce peuple devait finalement reconnaître que "nul n'est semblable à toi, ô Eternel! Tu es grand, et ton nom est grand par ta puissance. Qui ne te craindrait, roi des nations? C'est à toi que la crainte est due; car, parmi tous les sages des nations et dans tous leurs royaumes, nul n'est semblable à toi. ... L'Eternel est Dieu en vérité, il est un Dieu vivant et un roi éternel."19 Les idolâtres durent enfin apprendre que les faux dieux sont incapables d'élever et de sauver. "Les dieux qui n'ont point fait les cieux et la terre disparaîtront de la terre et de dessous les cieux."20 Seuls ceux qui restent fidèles au Dieu vivant, Créateur et Maître de toutes choses, trouveront le repos et la paix. PR 70 1 D'un commun accord Juda et Israël, meurtris et repentants, renouvelèrent enfin leurs voeux de fidélité envers le Seigneur, le Dieu de leurs pères, et ils proclamèrent alors: PR 70 2 [Dieu] a créé la terre par sa puissance, Il a fondé le monde par sa sagesse, Il a étendu les cieux par son intelligence. A sa voix, les eaux mugissent dans les cieux; Il fait monter les nuages des extrémités de la terre, Il produit les éclairs et la pluie, Il tire le vent de ses trésors. Tout homme devient stupide par sa science, Tout orfèvre est honteux de son image taillée; Car ses idoles ne sont que mensonge, Il n'y a point en elles de souffle, Elles sont une chose de néant, une oeuvre de tromperie; Elles périront, quand viendra le châtiment. Celui qui est la part de Jacob n'est pas comme elles; Car c'est lui qui a tout formé, Et Israël est la tribu de son héritage. L'Eternel des armées est son nom. ------------------------Chapitre 7 -- Jéroboam PR 71 1 Elevé sur le trône par les dix tribus révoltées contre la maison de David, Jéroboam, ancien serviteur de Salomon, aurait pu apporter de sages réformes dans les affaires civiles et religieuses de l'Etat. Il avait fait preuve, sous le règne de Salomon, d'une grande habileté et d'un jugement solide. Les connaissances acquises au cours de son fidèle service lui avaient permis de gouverner avec sagesse. Mais il ne mit pas en Dieu sa confiance. PR 71 2 Ce que Jéroboam redoutait par-dessus tout, c'était que ses sujets ne fussent gagnés par le roi qui occupait le trône de David à Jérusalem. Il se disait que si les dix tribus étaient libres de se rendre fréquemment dans l'ancienne capitale de la monarchie juive, où les services religieux continuaient à se dérouler dans le temple, comme au temps de Salomon, un grand nombre d'Israélites renouvelleraient leur allégeance au gouvernement de Jérusalem. Encouragé par ses conseillers, Jéroboam décida par un coup d'audace de diminuer le plus possible les chances de révolte contre son gouvernement. Il créa à Béthel et à Dan deux centres de culte. Là, les dix tribus seraient invitées à se rassembler pour y adorer Dieu, plutôt qu'à Jérusalem. PR 72 1 Tout en organisant ce changement, Jéroboam chercha à frapper l'imagination des Israélites en plaçant devant eux une représentation symbolique du Dieu invisible. Il fit donc deux veaux d'or qu'il plaça l'un à Béthel, l'autre à Dan. Mais en voulant représenter la divinité, le roi violait le commandement formel de Dieu: "Tu ne te feras point d'image taillée. ... Tu ne te prosterneras point devant elles, et tu ne les serviras point."1 PR 72 2 Jéroboam avait un tel désir d'empêcher les dix tribus de se rendre à Jérusalem qu'il ne s'aperçut pas de la faiblesse fondamentale de ses agissements. Il ne vit pas le grand danger auquel il exposait les Israélites en plaçant devant eux un symbole idolâtre de la divinité, symbole si familier à leurs ancêtres pendant les siècles que dura leur servitude en Egypte. Son récent séjour dans ce pays aurait dû cependant lui faire comprendre combien il était imprudent de placer devant le peuple de telles idoles. Mais son intention arrêtée d'empêcher les tribus du nord de se rendre à la ville sainte l'amena à prendre ces mesures. "Assez longtemps vous êtes montés à Jérusalem, dit-il au peuple; Israël! voici ton Dieu, qui t'a fait sortir du pays d'Egypte."2 Les Israélites étaient ainsi invités à se prosterner devant des idoles, ce qui constituait une étrange manière d'adoration. PR 72 3 Le roi essaya de persuader les Lévites qui vivaient dans son royaume de servir comme prêtres dans les nouveaux sanctuaires de Béthel et de Dan. Mais il se heurta à leur refus. Il fut donc obligé d'élever à la prêtrise des hommes "pris parmi tout le peuple".3 Effrayés par la perspective qui se présentait devant eux, tous ceux qui étaient restés fidèle au Seigneur, y compris un grand nombre de Lévites, s'enfuirent à Jérusalem pour y adorer selon la volonté divine. PR 72 4 "Jéroboam établit une fête au huitième mois, le quinzième jour du mois, comme la fête qui se célébrait en Juda, et il offrit des sacrifices sur l'autel. Voici ce qu'il fit à Béthel, afin que l'on sacrifiât aux veaux qu'il avait faits. Il plaça à Béthel les prêtres des hauts lieux qu'il avait élevés."4 PR 73 1 Mais ce défi lancé au Seigneur en rejetant les institutions sacrées ne devait pas rester impuni. Au moment même où Jéroboam officiait et brûlait des parfums sur l'autel qu'il avait élevé et qu'il dédicaçait, un homme de Dieu lui apparut. Il arrivait de Juda pour l'accuser d'introduire une nouvelle forme de culte. Le prophète "cria contre l'autel ... et dit: Autel! autel! ainsi parle l'Eternel: Voici, il naîtra un fils à la maison de David; son nom sera Josias; il immolera sur toi les prêtres des hauts lieux qui brûlent sur toi des parfums, et l'on brûlera sur toi des ossements d'hommes! PR 73 2 "Et le même jour il donna un signe, en disant: C'est ici le signe que l'Eternel a parlé: Voici, l'autel se fendra, et la cendre qui est dessus sera répandue." Aussitôt l'autel "se fendit, et la cendre qui était dessus fut répandue, selon le signe qu'avait donné l'homme de Dieu, par la parole de l'Eternel".5 PR 73 3 Devant ce spectacle, Jéroboam défia le Seigneur, et essaya de s'opposer à celui qui avait prononcé ces paroles. Furieux, "il avança la main de dessus l'autel, en disant: Saisissez-le!" Ce geste impétueux fut suivi d'un rapide châtiment. La main qu'il étendait encore contre le messager de Dieu "devint sèche, et il ne put la ramener à soi". PR 73 4 Frappé de terreur, le roi supplia alors le prophète d'intercéder pour lui auprès du Seigneur. "Implore l'Eternel, ton Dieu, lui dit-il, et prie pour moi, afin que je puisse retirer ma main. L'homme de Dieu implora l'Eternel, et le roi put retirer sa main, qui fut comme auparavant."6 PR 73 5 C'était donc en vain que Jéroboam essayait de faire solennellement la dédicace de cet autel, destiné à détourner les fidèles du culte de l'Eternel célébré dans le temple de Jérusalem. Le message du prophète aurait dû pousser le roi à se repentir, et à abandonner ses mauvais penchants qui détournaient le peuple du culte du vrai Dieu. Mais il endurcit son coeur, et il décida de suivre sa propre voie. PR 73 6 Au moment où fut célébrée la fête de Béthel, les Israélites nourrissaient encore de bons sentiments. Beaucoup étaient susceptibles d'être influencés par le Saint-Esprit. C'est alors que le Seigneur résolut de mettre un terme, avant qu'il soit trop tard, aux rapides progrès de l'apostasie chez les Israélites. Il envoya son messager pour interrompre leurs pratiques idolâtres, et montrer au roi et au peuple à quels résultats aboutirait cette idolâtrie. Lorsque l'autel se fendit, le Seigneur manifestait son mécontentement à l'égard des abominations qui se commettaient en Israël. PR 74 1 Dieu cherche à sauver les hommes, non à les perdre. Il se plaît à secourir les pécheurs. "Je suis vivant! dit le Seigneur, l'Eternel, ce que je désire, ce n'est pas que le méchant meure."7 Par des supplications et des avertissements, il exhorte le pécheur à abandonner le mal pour retourner à lui et vivre. Il donne à ses messagers une sainte assurance, qui fait naître chez ceux qui l'entendent des sentiments de crainte et de repentance. Avec quel courage le prophète de Dieu réprimanda le roi! Or, ce courage devait se manifester. Le péché qui régnait en Israël n'aurait pu être censuré autrement. Dieu donna à son serviteur de l'audace, afin que ceux qui l'entendraient puissent en conserver une impression durable. Les messagers du Seigneur doivent se tenir résolument du côté du bien, et ne jamais avoir peur d'affronter les hommes. Aussi longtemps qu'ils mettent leur confiance en Dieu, ils n'ont rien à craindre, car celui qui leur a confié une mission les assure aussi de sa protection. PR 74 2 Son message délivré, le prophète se disposait à prendre le chemin du retour lorsque Jéroboam lui dit: "Entre avec moi dans la maison, tu prendras quelque nourriture, et je te donnerai un présent." "Quand tu me donnerais la moitié de ta maison, lui répondit le prophète, je n'entrerais pas avec toi. Je ne mangerai point de pain, et je ne boirai point d'eau dans ce lieu-ci; car cet ordre m'a été donné, par la parole de l'Eternel: Tu ne mangeras point de pain et tu ne boiras point d'eau, et tu ne prendras pas à ton retour le chemin par lequel tu seras allé."8 PR 74 3 Tout se serait bien passé pour le prophète, s'il s'en était tenu à son intention de retourner en Juda sans délai. Mais alors qu'il revenait chez lui par un autre chemin, il fut rejoint par un vieillard se disant prophète, et qui lui fit ce faux rapport: "Moi aussi, je suis prophète comme toi; et un ange m'a parlé de la part de l'Eternel, et m'a dit: Ramène-le avec toi dans ta maison, et qu'il mange du pain et boive de l'eau." Il répéta plusieurs fois cette invitation mensongère; il se montra si pressant qu'il réussit à persuader le prophète, et celui-ci se rendit chez lui. Mais puisqu'il se permettait de suivre une voie contraire à celle qui lui avait été tracée, Dieu allait lui faire subir le châtiment que méritait sa transgression. PR 75 1 Tandis qu'il était à table avec celui qui l'avait invité à revenir à Béthel, la parole de l'Eternel fut adressée au faux prophète, et il "cria à l'homme de Dieu qui était venu de Juda: Ainsi parle l'Eternel: Parce que tu as été rebelle à l'ordre de l'Eternel, et que tu n'as pas observé le commandement que l'Eternel, ton Dieu, t'avait donné, ... ton cadavre n'entrera pas dans le sépulcre de tes pères."9 PR 75 2 Cette sinistre prophétie ne tarda pas à se réaliser. "Quand le prophète qu'il avait ramené eut mangé du pain et qu'il eut bu de l'eau, il sella l'âne pour lui. ... Et il fut rencontré dans le chemin par un lion qui le tua. Son cadavre était étendu dans le chemin; l'âne resta auprès de lui, et le lion se tint à côté du cadavre. Et voici, des gens qui passaient virent le cadavre étendu dans le chemin et le lion se tenant à côté du cadavre; et ils en parlèrent à leur arrivée dans la ville où demeurait le vieux prophète. Lorsque le prophète qui avait ramené du chemin l'homme de Dieu l'eut appris, il dit: C'est l'homme de Dieu qui a été rebelle à l'ordre de l'Eternel."10 PR 75 3 Le châtiment infligé au messager infidèle donnait encore plus de force à la prophétie prononcée sur l'autel de Béthel. Si, après avoir désobéi à l'ordre du Seigneur, le prophète avait pu continuer son chemin sans être inquiété, le roi aurait exploité ce fait pour essayer de justifier sa propre désobéissance. Lorsque l'autel se fendit, que sa main sécha et qu'il vit le sort terrible réservé au prophète qui avait osé enfreindre l'ordre de Dieu, Jéroboam aurait dû comprendre avec quelle promptitude le Seigneur punit ceux qui l'offensent, et les jugements divins, l'avertir de ne pas persister dans le mal. Mais, loin de se repentir, le roi "créa de nouveau des prêtres des hauts lieux parmi tout le peuple; quiconque en avait le désir, il le consacrait prêtre des hauts lieux". Non seulement il commettait lui-même un grave péché, mais "ce fut là une occasion de péché pour la maison de Jéroboam, et c'est pour cela qu'elle a été exterminée et détruite de dessus la face de la terre".11 PR 76 1 Vers la fin de son règne, qui dura vingt-deux ans et connut beaucoup d'agitations, Jéroboam subit une défaite sanglante en guerroyant contre Abija, successeur de Roboam. "Jéroboam n'eut plus de force du temps d'Abija; et l'Eternel le frappa, et il mourut."12 PR 76 2 L'apostasie introduite en Israël sous le règne de Salomon se répandit de plus en plus, si bien qu'elle conduisit le royaume à une ruine totale. Avant la mort de Jéroboam, Achija, le vieux prophète de Silo qui avait prédit longtemps à l'avance son accession au trône, déclara: "L'Eternel frappera Israël, et il en sera de lui comme du roseau qui est agité dans les eaux; il arrachera Israël de ce bon pays qu'il avait donné à leurs pères, et il les dispersera de l'autre côté du fleuve, parce qu'ils se sont fait des idoles, irritant l'Eternel. Il livrera Israël à cause des péchés que Jéroboam a commis et qu'il a fait commettre à Israël."13 PR 76 3 Cependant le Seigneur ne se détourna pas du peuple d'Israël sans avoir tout fait pour le ramener à lui. Pendant de longues et sombres périodes, alors que rois après rois se dressaient pleins d'arrogance contre le ciel, et précipitaient de plus en plus Israël dans l'idolâtrie, Dieu envoyait à son peuple message sur message. Il lui donnait ainsi l'occasion, par ses prophètes, d'endiguer la marée de l'apostasie, et de revenir à lui. Pendant les années qui suivirent le partage du royaume, Elie et Elisée exercèrent leur ministère, tandis que les tendres appels d'Osée, d'Amos et d'Abdias trouvaient un écho dans le pays d'Israël. Il y eut encore là de nobles témoins de la puissance divine pour sauver le peuple de ses péchés. Aux heures les plus sombres, au sein même de l'idolâtrie, un certain nombre d'hommes restèrent fidèles, et furent irrépréhensibles aux yeux du Dieu saint. Ils faisaient partie de ce reste précieux par lequel devait s'accomplir le dessein éternel du Seigneur. ------------------------Chapitre 8 -- L'apostasie nationale PR 77 1 De la mort de Jéroboam au moment où Elie se présenta devant Achab, le peuple d'Israël, gouverné par des hommes qui ne craignaient pas Dieu et encourageaient d'étranges formes de culte, subit un sérieux déclin spirituel. Le plus grand nombre perdit rapidement de vue son devoir de servir le Dieu vivant, et adopta de multiples pratiques idolâtres. PR 77 2 Nadab, fils de Jéroboam, ne régna que deux ans. Une conspiration menée par Baescha, un de ses généraux qui voulait prendre en main le gouvernement du royaume, mit fin brusquement à sa vie de péché. Il fut tué, ainsi que tous les siens qui auraient pu lui succéder, "selon la parole que l'Eternel avait dite par son serviteur Achija de Silo, à cause des péchés que Jéroboam avait commis et qu'il avait fait commettre à Israël".1 PR 77 3 Ainsi périt la maison de Jéroboam. Le culte idolâtre introduit par le roi avait attiré sur les coupables le châtiment de Dieu, ce qui n'empêcha pas les rois qui lui succédèrent: Baescha, Ela, Zimri et Omri, de suivre pendant près de quarante ans la même pente fatale du mal. PR 78 1 Pendant la plus grande partie du temps où l'apostasie triompha dans le royaume d'Israël, Asa occupa le trône du royaume de Juda. Durant de nombreuses années, "Asa fit ce qui est bien et droit aux yeux de l'Eternel, son Dieu. Il fit disparaître les autels de l'étranger et les hauts lieux, il brisa les statues et abattit les idoles. Il ordonna à Juda de rechercher l'Eternel, le Dieu de ses pères, et de pratiquer la loi et les commandements. Il fit disparaître de toutes les villes de Juda les hauts lieux et les statues consacrés au soleil. Et le royaume fut en repos devant lui."2 PR 78 2 Mais la foi d'Asa fut mise à rude épreuve lorsque "Zérach, l'Ethiopien, sortit contre eux avec une armée d'un million d'hommes et trois cents chars"3 et envahit le royaume. Devant ce danger, Asa ne mit sa confiance ni dans les "villes fortes de Juda", qu'il avait bâties avec "des murs, des tours, des portes et des barres", ni dans "les hommes vaillants",4 de son armée bien entraînée, mais dans les armées de l'Eternel, au nom duquel avaient été opérées autrefois de si merveilleuses délivrances. Il rangea ses forces pour la bataille, et il implora le secours d'en haut. PR 78 3 Les deux armées se trouvèrent alors en face l'une de l'autre. Ce fut un moment de rude épreuve pour ceux qui servaient le Seigneur. Tous avaient-ils confessé leurs péchés? Plaçaient-ils toute leur confiance en Dieu pour triompher? Telles étaient les pensées qui agitaient l'esprit des chefs. A vues humaines, l'armée redoutable d'Egypte anéantirait tout devant elle. Mais en temps de paix, Asa ne s'était pas livré aux plaisirs et aux divertissements; il s'était préparé à toute éventualité. Son armée était prête au combat. Il avait fait l'impossible pour amener son peuple à faire la paix avec Dieu. Et maintenant, bien que ses forces fussent inférieures en nombre à celles de l'ennemi, sa foi en celui en qui il avait placé toute sa confiance ne faiblissait pas. PR 78 4 Au temps de la prospérité, le roi avait recherché le Seigneur; maintenant qu'il était dans l'adversité, il pouvait se reposer sur lui. Ses prières montraient que la force merveilleuse de Dieu ne lui était pas étrangère. "Eternel, disait-il, toi seul peux venir en aide au faible comme au fort: viens à notre aide, Eternel, notre Dieu! car c'est sur toi que nous nous appuyons, et nous sommes venus en ton nom contre cette multitude. Eternel, tu es notre Dieu: que ce ne soit pas l'homme qui l'emporte sur toi!"5 PR 79 1 La prière d'Asa est celle que tout chrétien doit adresser à Dieu dans n'importe quelle circonstance. Nous livrons un combat, non "contre la chair et le sang, mais contre les dominations, contre les autorités, contre les princes de ce monde de ténèbres, contre les esprits méchants dans les lieux célestes".6 Dans ce combat de la vie, nous devons faire face aux forces du mal liguées contre le bien. Il faut alors que notre espérance soit placée, non dans les hommes, mais dans le Dieu vivant. Avec la parfaite assurance de la foi, nous pouvons espérer que le Seigneur unira sa toute-puissance aux forces des hommes pour glorifier son nom. Revêtus de l'armure de la justice, nous remporterons la victoire sur tous les ennemis. PR 79 2 La foi d'Asa fut récompensée d'une manière éclatante. "L'Eternel frappa les Ethiopiens devant Asa et devant Juda, et les Ethiopiens prirent la fuite. Asa et le peuple qui était avec lui les poursuivirent jusqu'à Guérar, et les Ethiopiens tombèrent sans pouvoir sauver leur vie, car ils furent détruits par l'Eternel et par son armée."7 PR 79 3 Alors que les armées victorieuses de Juda et de Benjamin revenaient à Jérusalem, "l'Esprit de Dieu fut sur Azaria, fils d'Obed, et Azaria alla au-devant d'Asa et lui dit: Ecoutez-moi, Asa, et tout Juda et Benjamin! L'Eternel est avec vous quand vous êtes avec lui; si vous le cherchez, vous le trouverez: mais si vous l'abandonnez, il vous abandonnera." "Vous donc, fortifiez-vous, et ne laissez pas vos mains s'affaiblir, car il y aura un salaire pour vos oeuvres."8 PR 79 4 Grandement encouragé par ces paroles, Asa entreprit tôt après une seconde réforme dans le royaume de Juda. Il "fit disparaître les abominations de tout le pays de Juda et de Benjamin et des villes qu'il avait prises dans la montagne d'Ephraïm, et il restaura l'autel de l'Eternel qui était devant le portique de l'Eternel. Il rassembla tout Juda et Benjamin, et ceux d'Ephraïm et Manassé et de Siméon qui habitaient parmi eux, car un grand nombre de gens d'Israël se joignirent à lui lorsqu'ils virent que l'Eternel, son Dieu, était avec lui. Ils s'assemblèrent à Jérusalem le troisième mois de la quinzième année du règne d'Asa. Ce jour-là, ils sacrifièrent à l'Eternel, sur le butin qu'ils avaient amené, sept cents boeufs et sept mille brebis. Ils prirent l'engagement de chercher l'Eternel, le Dieu de leurs pères, de tout leur coeur et de toute leur âme. ... Et ils l'avaient trouvé, et l'Eternel leur donna du repos de tous côtés."9 PR 80 1 La longue histoire de la fidélité d'Asa fut cependant entachée par certaines fautes commises parfois lorsqu'il ne mettait pas toute sa confiance en Dieu. Par exemple, quand le roi d'Israël envahit le royaume de Juda et s'empara de Rama, ville forte située à huit kilomètres de Jérusalem, Asa contracta une alliance avec Ben-Hadad, roi de Syrie. Cette absence de confiance en Dieu dans l'adversité fut sévèrement réprimandée par le prophète Hanani, qui vint trouver Asa, et lui dit: "Parce que tu t'es appuyé sur le roi de Syrie et que tu ne t'es pas appuyé sur l'Eternel, ton Dieu, l'armée du roi de Syrie s'est échappée de tes mains. Les Ethiopiens et les Libyens ne formaient-ils pas une grande armée, avec des chars et une multitude de cavaliers? Et cependant l'Eternel les a livrés entre tes mains, parce que tu t'étais appuyé sur lui. Car l'Eternel étend ses regards sur toute la terre, pour soutenir ceux dont le coeur est tout entier à lui. Tu as agi en insensé dans cette affaire, car dès à présent tu auras des guerres."10 PR 80 2 Après avoir entendu ces paroles, Asa aurait dû s'humilier devant Dieu; mais il "fut irrité contre le voyant, et il le fit mettre en prison, parce qu'il était en colère contre lui. Et dans le même temps Asa opprima aussi quelques-uns du peuple."11 PR 80 3 "La trente-neuvième année de son règne, Asa eut les pieds malades au point d'éprouver de grandes douleurs; même pendant sa maladie, il ne chercha pas l'Eternel, mais il consulta les médecins."12 Le roi mourut la quarante et unième année de son règne, et son fils Josaphat lui succéda. PR 81 1 Deux ans avant la mort d'Asa, Achab monta sur le trône d'Israël. Dès son avènement, il fit preuve d'une apostasie effrayante. Son père Omri, fondateur de Samarie, "fit ce qui est mal aux yeux de l'Eternel, et il agit plus mal que tous ceux qui avaient été avant lui."13 Mais Achab alla plus loin dans le péché. Il "fit plus encore que tous les rois d'Israël qui avaient été avant lui, pour irriter l'Eternel, le Dieu d'Israël", en agissant "comme si c'eût été peu de chose de se livrer aux péchés de Jéroboam, fils de Nebath."14 Non content d'encourager les formes d'idolâtrie de Béthel et de Dan, il précipita le peuple dans le paganisme le plus grossier en remplaçant le culte de l'Eternel par celui de Baal. Il prit pour femme Jézabel, "fille d'Ethbaal, roi des Sidoniens", et grand prêtre de Baal. Achab "servit Baal, et se prosterna devant lui. Il éleva un autel à Baal dans la maison de Baal qu'il bâtit à Samarie."15 PR 81 2 Achab ne se contenta pas d'introduire le culte de Baal dans la capitale du royaume. A l'instigation de Jézabel, il fit aussi élever des autels dans les "hauts lieux". Là, sous des berceaux de verdure, les prêtres et ceux qui étaient attachés à ce culte envoûtant exerçaient leur influence maléfique; si bien que presque tout Israël suivit Baal. "Il n'y a eu personne qui se soit vendu comme Achab pour faire ce qui est mal aux yeux de l'Eternel, et Jézabel, sa femme, l'y excitait. Il a agi de la manière la plus abominable, en allant après les idoles, comme le faisaient les Amoréens, que l'Eternel chassa devant les enfants d'Israël."16 PR 81 3 Achab était faible de caractère. Son mariage avec une femme idolâtre, autoritaire et obstinée, le fit courir au désastre, lui et la nation. Dépourvu de tout principe, de tout noble idéal, il fut facilement influencé par l'esprit volontaire de Jézabel. Sa nature égoïste le rendit incapable d'apprécier les grâces du Dieu d'Israël, et de remplir ses devoirs de chef et de gardien du peuple élu. PR 81 4 Sous l'influence néfaste du règne d'Achab, les enfants d'Israël s'éloignèrent du Dieu vivant et péchèrent devant sa face. Depuis de longues années déjà, ils avaient perdu le respect des choses divines; et il semblait maintenant que nul n'oserait risquer sa vie en s'opposant ouvertement à l'idolâtrie qui régnait partout. Les ténèbres de l'apostasie couvraient tout le pays; on y voyait à chaque pas des statues de Baal et d'Astarté. Les temples païens, les bosquets consacrés, où l'on adorait les oeuvres faites de main d'homme, se multipliaient. L'air même était pollué par l'encens des sacrifices offerts aux faux dieux. Collines et vallées retentissaient des cris discordants des prêtres païens qui sacrifiaient au soleil, à la lune et aux étoiles. PR 82 1 Sous l'influence de Jézabel et de ses prêtres impies, on faisait croire au peuple que les statues érigées comme idoles étaient des divinités régissant par leur pouvoir mystique les éléments: la terre, le feu et l'eau. Les dons du ciel -- les ruisseaux bondissants, les fleuves à l'eau vivifiante, la rosée bienfaisante, les ondées rafraîchissantes et fertilisantes -- toutes ces richesses étaient dues à l'obligeance de Baal et d'Astarté, au lieu d'être attribuées à l'auteur de tout bien et de tout don parfait. Le peuple oublia que les collines et les vallées, les rivières et les sources étaient dans la main du Dieu vivant, et que c'est lui qui dirige le soleil, les nuages et toutes les forces de la nature. PR 82 2 Le Seigneur envoya au roi et au peuple, par ses fidèles messagers, des avertissements répétés; mais ces paroles de reproches demeurèrent sans effet. C'est en vain que ces messagers proclamaient que l'Eternel était le seul Dieu d'Israël, en vain qu'ils exaltaient les lois qu'il leur avait confiées. Fasciné par le spectacle grandiose qu'offrait le culte des idoles, séduit par ses rites, le peuple suivait l'exemple du roi et de sa cour. Il se laissait aller aux plaisirs enivrants et avilissants d'un culte qui s'adressait aux sens. Dans leur fol aveuglement, les Israélites préférèrent rejeter Dieu et son culte pour adorer les idoles. La lumière dispensée si généreusement s'était changée en ténèbres. L'or fin s'était terni. PR 82 3 Hélas! comme la gloire d'Israël avait disparu! Jamais auparavant, le peuple élu n'était tombé à ce point dans l'apostasie. Il y avait "quatre cent cinquante prophètes de Baal" et "quatre cents prophètes d'Astarté".17 Seule la puissance miraculeuse de Dieu pouvait préserver la nation d'une destruction totale. Israël s'était volontairement séparé de Dieu, qui, malgré tout, ne cessait de s'intéresser à tous ceux qui s'étaient égarés dans le péché. Il allait leur envoyer l'un de ses plus puissants prophètes, grâce auquel de nombreux rétrogrades reviendraient au Dieu de leurs pères. ------------------------Chapitre 9 -- Elie, le Thischbite PR 85 0 Ce chapitre est basé sur 1 Rois 17:1-7. PR 85 1 Dans les montagnes de Galaad, à l'est du Jourdain, vivait sous le règne d'Achab un homme de foi et de prière qui devait, par son ministère intrépide, mettre un frein aux rapides progrès de l'apostasie en Israël. Bien qu'éloigné de toute ville célèbre, et ne jouissant pas d'une situation élevée, Elie le Thischbite accepta sa mission, confiant dans le Seigneur qui lui préparerait la voie et le bénirait abondamment. Ses paroles étaient empreintes de foi et de puissance, et sa vie tout entière consacrée à une oeuvre de réforme. Sa voix était la voix de celui qui crie dans le désert pour censurer le péché et s'opposer à la marée du mal qui déferlait sur le pays. Et tout en se présentant au peuple comme un réprobateur du péché, il apportait par son message le baume de Galaad aux âmes pécheresses qui désiraient être soulagées. PR 85 2 Tandis qu'il voyait le peuple d'Israël sombrer de plus en plus dans l'idolâtrie, il éprouvait à la fois une grande détresse et une profonde indignation. Dieu avait fait des choses merveilleuses pour son peuple; il l'avait délivré de l'esclavage et lui avait donné "les terres des nations ... afin qu'ils gardassent ses ordonnances et qu'ils observassent ses lois".1 Mais les bienfaits du Seigneur étaient maintenant à peu près oubliés. L'incrédulité séparait profondément le peuple élu de la source de sa force. Elie, qui considérait cette apostasie du fond de sa retraite montagnarde, était accablé de douleur. L'âme en détresse, il suppliait Dieu de mettre un terme à la méchanceté de ce peuple, jadis honoré par lui, et de le châtier si c'était nécessaire, afin de l'amener à voir sous son vrai jour son éloignement des choses célestes. L'homme de Dieu désirait ardemment que les rétrogrades se repentent avant de s'enfoncer trop profondément dans le péché, ce qui inciterait le Seigneur à les détruire complètement. PR 86 1 La prière d'Elie fut exaucée. Les appels répétés, les remontrances, les avertissements adressés au peuple d'Israël n'ayant pas réussi à l'amener à la repentance, le moment était venu où Dieu devait lui parler par le moyen du châtiment. Tant que les adorateurs de Baal déclareraient que les richesses du ciel: la rosée et la pluie, ne provenaient pas de Dieu, mais des forces de la nature, et que c'était grâce à l'énergie créatrice du soleil que la terre était fertilisée et rendue productive, la malédiction du Seigneur s'appesantirait lourdement sur le sol maudit. Les tribus apostates d'Israël devaient apprendre combien il était insensé de faire confiance à Baal en ce qui concernait les bénédictions matérielles. Si les Israélites ne revenaient pas à Dieu et ne se repentaient pas, s'ils ne reconnaissaient pas qu'il était l'auteur de toute bénédiction, alors la terre ne recevrait plus ni pluie ni rosée. PR 86 2 Elie reçut l'ordre d'annoncer à Achab le châtiment qui l'attendait. La "parole de l'Eternel lui fut adressée". Jaloux de l'honneur qu'il éprouvait pour la cause de Dieu, il n'hésita pas à obéir à l'appel divin, bien qu'il risquât sa vie de la main même du roi. Le prophète partit sur-le-champ, et dut marcher jour et nuit pour atteindre Samarie. Arrivé au palais royal, il ne sollicita pas une audience particulière; il n'attendit pas non plus d'être introduit selon le protocole. Revêtu d'une tenue grossière, portée généralement par les prophètes de cette époque, il passa devant les gardes sans être remarqué, et se tint debout pendant un moment devant le roi interdit. PR 87 1 Elie ne s'excusa pas pour sa brusque apparition. Un roi plus puissant que celui d'Israël l'avait chargé d'un message. Il leva la main vers le ciel, et déclara par le Dieu vivant que les jugements du Tout-Puissant allaient fondre sur Israël. "L'Eternel est vivant! affirma-t-il, ... il n'y aura ces années-ci ni rosée ni pluie, sinon à ma parole." PR 87 2 Seule une foi puissante dans la Parole infaillible de Dieu pouvait permettre à Elie de délivrer son message. S'il n'avait eu une confiance absolue en celui qu'il servait, il n'aurait jamais osé paraître devant Achab. En se rendant à Samarie, Elie avait longé des ruisseaux intarissables, gravi des collines verdoyantes et traversé des forêts majestueuses qui semblaient défier la sécheresse. Tout ce que l'oeil embrassait était revêtu de beauté. Le prophète aurait pu se demander comment les cours d'eau qui n'avaient jamais cessé de couler pourraient être taris, et comment les collines et les vallées verdoyantes seraient brûlées par la sécheresse. Mais le doute ne l'effleura même pas. Il était profondément convaincu que Dieu avait décidé d'humilier le royaume d'Israël apostat, et que c'était par le châtiment qu'il serait amené à la repentance. L'ordre divin avait été donné; la parole de Dieu ne pouvait faillir, et au péril de sa vie Elie s'acquitta de sa mission. PR 87 3 La nouvelle du châtiment prêt à fondre sur Israël frappa les oreilles du monarque comme un coup de tonnerre dans un ciel sans nuages. Mais avant qu'il fût revenu de sa stupeur ou ait pu formuler une réponse, Elie avait disparu aussi précipitamment qu'il avait fait son apparition, sans attendre l'effet produit par son message. Dieu le précédait pour lui faciliter le chemin. "Dirige-toi vers l'orient, ordonna-t-il au prophète, et cache-toi près du torrent de Kérith, qui est en face du Jourdain. Tu boiras de l'eau du torrent, et j'ai ordonné aux corbeaux de te nourrir là." PR 87 4 Le roi donna aussitôt des ordres pour découvrir le prophète, mais ce fut en vain. La reine Jézabel, irritée par la nouvelle que les richesses du ciel allaient être supprimées, s'empressa d'en informer les prêtres de Baal, qui maudirent avec elle le prophète et défièrent la colère du Seigneur. Mais tous leurs efforts pour découvrir celui qui avait prononcé des paroles de malédiction furent inutiles. Ils ne purent cacher aux Israélites l'annonce de ce châtiment provoqué par leur idolâtrie manifeste. La nouvelle se répandit rapidement dans tout le pays. Ce message divin éveilla les craintes de certains; mais, en général, il fut accueilli par des railleries ou avec mépris. PR 88 1 Les paroles du prophète eurent un effet immédiat. Ceux qui tout d'abord s'étaient gaussés à l'annonce de ce malheur eurent bientôt l'occasion de s'en repentir; car quelques mois plus tard, la terre ne recevant ni rosée, ni pluie, se dessécha, et la végétation se flétrit. A mesure que le temps s'écoulait, les cours d'eau qu'on n'avait jamais vus à sec commencèrent à baisser sérieusement et les sources à tarir. Malgré tout, le peuple fut exhorté par ses chefs à mettre toute sa confiance dans le pouvoir de Baal, et à considérer comme des paroles sans importance la prédiction d'Elie. Les prêtres insistèrent encore sur le fait que la pluie tombait par le pouvoir de Baal. "Ne redoutez pas le Dieu d'Elie, disaient-ils au peuple, ne tremblez pas à ses paroles. C'est Baal qui produit les moissons en leur temps et pourvoit aux besoins des hommes et des animaux." PR 88 2 Le message divin adressé à Achab donna à Jézabel, à ses prêtres et à tous les adorateurs de Baal et d'Astarté l'occasion de montrer le pouvoir de leurs dieux, et en même temps de prouver, si possible, que les paroles d'Elie étaient fausses. Des centaines de prêtres allaient s'y employer. Si, malgré la déclaration du prophète, Baal pouvait encore envoyer la rosée et la pluie, permettre aux cours d'eau de continuer à couler pour produire la végétation, alors le roi ferait bien de l'adorer et le peuple de le proclamer Dieu. PR 88 3 Décidés à maintenir les gens dans l'erreur, les prêtres de Baal continuèrent à offrir des sacrifices à leurs dieux et à les supplier jour et nuit de rafraîchir la terre. Ils s'efforcèrent d'apaiser la colère de ces dieux en leur offrant des sacrifices coûteux. Avec un zèle et une persévérance dignes d'une meilleure cause, ils assiégeaient les autels païens, et priaient ardemment pour qu'il pleuve. On entendait jour et nuit leurs cris et leurs supplications. Mais aucun nuage n'apparaissait à l'horizon pendant le jour pour tempérer les ardeurs d'un soleil brûlant. Pas de rosée, pas de pluie pour rafraîchir la terre desséchée. La parole de Dieu ne se modifiait pas en dépit de tout ce que tentaient les prêtres de Baal. PR 89 1 Une année passe, et toujours pas de pluie. La terre est desséchée comme par le feu. Les rayons ardents d'un soleil implacable font disparaître les dernières traces de végétation. Les cours d'eau tarissent, les troupeaux se lamentent et errent çà et là en détresse. Les champs, jadis prospères, sont devenus comme des déserts. C'est une vaste désolation. Les bosquets dédiés au culte des idoles ont perdu leur feuillage; les arbres de la forêt, squelettes décharnés, n'offrent plus leurs ombrages. L'air est desséché et suffocant; des tempêtes de sable aveuglent, et coupent la respiration. Les villes et les villages sont devenus des lieux désolés. La faim et la soif frappent hommes et bêtes d'une mortalité effroyable. La famine, avec son cortège d'horreurs, se répand de plus en plus. PR 89 2 Cependant, malgré toutes ces preuves de la puissance divine, les Israélites ne se repentirent pas et ne purent profiter des leçons que Dieu leur donnait. Ils ne comprirent pas que celui qui a créé la nature préside à ses lois et peut les utiliser pour en faire des instruments de bénédiction ou de destruction. Le coeur rempli d'orgueil, et fortement épris de leur faux culte, ils ne voulurent pas s'humilier sous la puissante main de Dieu; mais ils cherchèrent à attribuer à une autre cause la raison de leur affliction. PR 89 3 Jézabel refusa catégoriquement de reconnaître dans la sécheresse un châtiment de Dieu. Dans son entêtement à défier le ciel, elle entraîna presque toute la nation à rendre responsable Elie des souffrances qui l'accablaient. N'avait-il pas désapprouvé leurs formes de culte? Si seulement on pouvait arriver à se débarrasser de lui, disait-elle, la colère des dieux s'apaiserait, et les maux dont souffrait Israël prendraient fin. PR 90 1 Poussé par la reine, Achab fit entreprendre les plus actives recherches pour découvrir le lieu où se cachait le prophète. Il envoya des émissaires de tous côtés, même à l'étranger, afin de trouver celui qu'il abhorrait et redoutait en même temps. Dans son acharnement à poursuivre l'homme de Dieu, il fit attester par serment à ces royaumes qu'ils ne savaient rien sur la demeure du prophète. Mais toutes les recherches d'Achab demeurèrent vaines. Elie était à l'abri des méchancetés du roi dont les péchés avaient attiré sur le pays le châtiment d'un Dieu offensé. PR 90 2 Ne réussissant pas à découvrir Elie, Jézabel résolut de se venger en faisant mettre à mort tous les prophètes du Dieu vivant. Aucun ne devait être épargné. Ainsi périrent de nombreux serviteurs de l'Eternel. Cependant, quelques-uns échappèrent au massacre. Abdias, chef de la maison d'Achab, resté fidèle au Seigneur, "prit cent prophètes", et, au péril de sa vie, il les "cacha cinquante par cinquante dans une caverne", et il les nourrit "de pain et d'eau".2 PR 90 3 Deux années s'écoulèrent. Aucun signe de pluie n'étant apparu dans le ciel implacable, la sécheresse et la famine continuaient à dévaster le royaume. Pères et mères, incapables de soulager les souffrances de leurs enfants, assistaient impuissants à leur agonie. Et malgré tout, la nation apostate refusait toujours de s'humilier devant Dieu, et ne cessait de murmurer contre le prophète dont les paroles avaient amené une calamité semblable. Les gens se montraient incapables de discerner dans leur détresse et leur souffrance un appel à la repentance, une intervention divine pour les empêcher de franchir la limite qui les priverait du pardon divin. PR 90 4 L'apostasie d'Israël s'avérait plus effroyable encore que la famine sous ses formes les plus horribles. Dieu cherchait à débarrasser les Israélites de leurs erreurs tout en les amenant à reconnaître celui auquel ils devaient la vie et toutes choses. Il essayait de les aider à retrouver leur foi perdue, et cela au prix d'une grande affliction. PR 90 5 "Ce que je désire, est-ce que le méchant meure? dit le Seigneur, l'Eternel. N'est-ce pas qu'il change de conduite et qu'il vive? ... Rejetez loin de vous toutes les transgressions par lesquelles vous avez péché; faites-vous un coeur nouveau et un esprit nouveau. Pourquoi mourriez-vous, maison d'Israël? Car je ne désire pas la mort de celui qui meurt, dit le Seigneur, l'Eternel. Convertissez-vous donc, et vivez. ... Revenez, revenez de votre mauvaise voie; et pourquoi mourriez-vous, maison d'Israël?"3 PR 91 1 Le Seigneur avait envoyé ses messagers aux Israélites pour les supplier de revenir à lui. S'ils avaient écouté ces appels, s'ils s'étaient détournés du culte de Baal pour retourner au Dieu vivant, le message d'Elie n'aurait jamais été délivré. Mais les avertissements qui auraient dû leur apporter une "odeur de vie donnant la vie", ne produisirent qu'une "odeur de mort donnant la mort". Blessés dans leur orgueil, irrités contre les prophètes, les Israélites nourrissaient maintenant une haine farouche contre Elie. S'il avait pu tomber entre leurs mains, avec quelle joie ils l'auraient livré à la reine Jézabel! Comme si, imposant silence à sa voix, ils pouvaient empêcher l'accomplissement de la prophétie! En présence de la calamité, ils persévéraient dans leur endurcissement. Ils aggravaient ainsi le mal qui avait attiré sur la nation le châtiment de Dieu. PR 91 2 Le seul remède à la situation était de se détourner des péchés qui avaient provoqué le châtiment du Tout-Puissant, et de revenir à lui de tout son coeur. Car cette assurance leur avait été donnée: "Quand je fermerai le ciel et qu'il n'y aura point de pluie, quand j'ordonnerai aux sauterelles de consumer le pays, quand j'enverrai la peste parmi mon peuple; si mon peuple sur qui est invoqué mon nom s'humilie, prie, et cherche ma face, et s'il se détourne de ses mauvaises voies, je l'exaucerai des cieux, je lui pardonnerai son péché, et je guérirai son pays."4 C'était pour aboutir à cette victoire triomphale que le Seigneur persistait à retenir la rosée et la pluie jusqu'à ce qu'une réforme radicale s'opérât en Israël. ------------------------Chapitre 10 -- Sévères paroles de reproche PR 93 0 Ce chapitre est basé sur 1 Rois 17:8-24; 18:1-19. PR 93 1 Elie demeura caché pendant un certain temps dans les montagnes, près du torrent de Kérith, et il y fut miraculeusement nourri. Puis, comme la sécheresse persistait et que le torrent était à sec, le Seigneur ordonna à son serviteur de se retirer dans un pays païen. "Lève-toi, lui dit-il, va à Sarepta, qui appartient à Sidon, et demeure là. Voici, j'y ai ordonné à une femme veuve de te nourrir." PR 93 2 Cette femme n'était pas Israélite. Elle n'avait jamais joui des privilèges et des bénédictions du peuple élu; mais elle croyait au vrai Dieu, et marchait dans la lumière qui avait éclairé son chemin. Or, maintenant que le prophète n'était plus en sécurité en Israël, le Seigneur l'envoyait vers elle afin qu'il trouvât un asile sous son toit. "Il se leva, et il alla à Sarepta. Comme il arrivait à l'entrée de la ville, voici, il y avait là une femme veuve qui ramassait du bois. Il l'appela, et dit: Va me chercher, je te prie, un peu d'eau dans un vase, afin que je boive. Et elle alla en chercher. Il l'appela de nouveau, et dit: Apporte-moi, je te prie, un morceau de pain dans ta main." PR 94 1 Dans ce foyer en proie au dénuement, la famine se faisait sentir cruellement, et la maigre pitance de la veuve semblait être sur le point de s'achever. La venue d'Elie, le jour même où elle se demandait avec anxiété si elle ne devait pas abandonner la lutte, fit subir une très grande épreuve à la foi de cette pauvre femme, qui comptait sur la puissance du Dieu vivant pour subvenir à ses besoins. Mais même dans sa cruelle misère, elle manifesta sa foi en accédant à la requête de l'étranger qui lui demandait de partager son dernier morceau de pain avec lui. PR 94 2 A la demande d'Elie pour obtenir de la nourriture et de la boisson, la veuve répondit: "L'Eternel, ton Dieu, est vivant! Je n'ai rien de cuit, je n'ai qu'une poignée de farine dans un pot et un peu d'huile dans une cruche. Et voici, je ramasse deux morceaux de bois, puis je rentrerai et je préparerai cela pour moi et pour mon fils; nous mangerons, après quoi nous mourrons." Elie lui dit: "Ne crains point, rentre, fais comme tu as dit. Seulement, prépare-moi d'abord avec cela un petit gâteau, et tu me l'apporteras; tu en feras ensuite pour toi et pour ton fils. Car ainsi parle l'Eternel, le Dieu d'Israël: La farine qui est dans le pot ne manquera point et l'huile qui est dans la cruche ne diminuera point, jusqu'au jour où l'Eternel fera tomber de la pluie sur la face du sol." PR 94 3 Aucune foi ne pouvait être mise à pareille épreuve. Jusqu'alors la veuve avait traité les étrangers avec bonté et largesse; maintenant, sans se soucier de la souffrance que ce geste va entraîner pour elle-même et pour son fils, elle se confie au Dieu d'Israël qui subvient à tous les besoins, et elle exerce généreusement l'hospitalité en agissant "selon la parole que l'Eternel avait prononcée par Elie". PR 94 4 Quelle merveilleuse hospitalité, en effet, manifesta au prophète la femme phénicienne, et comme sa foi et sa générosité furent récompensées! "Pendant longtemps elle eut de quoi manger, elle et sa famille, aussi bien qu'Elie. La farine qui était dans le pot ne manqua point, et l'huile qui était dans la cruche ne diminua point, selon la parole que l'Eternel avait prononcée par Elie." PR 95 1 "Après ces choses, le fils de la femme, maîtresse de la maison, devint malade, et sa maladie fut si violente qu'il ne resta plus en lui de respiration. Cette femme dit alors à Elie: Qu'y a-t-il entre moi et toi, homme de Dieu? Es-tu venu chez moi pour rappeler le souvenir de mon iniquité, et pour faire mourir mon fils? PR 95 2 "Il lui répondit: Donne-moi ton fils. Et il le prit du sein de la femme, le monta dans la chambre haute où il demeurait, et le coucha sur son lit. ... L'Eternel écouta la voix d'Elie, et l'âme de l'enfant revint au-dedans de lui, et il fut rendu à la vie. PR 95 3 "Elie prit l'enfant, le descendit de la chambre haute dans la maison et le donna à sa mère. ... Et la femme dit à Elie: Je reconnais maintenant que tu es un homme de Dieu, et que la parole de l'Eternel dans ta bouche est vérité." PR 95 4 La veuve de Sarepta partagea son morceau de pain avec Elie; en retour, sa vie et celle de son fils furent épargnées. Le Seigneur a promis de riches bénédictions à tous ceux qui, au moment de l'épreuve et de l'affliction, offrent leur sympathie et leur soutien à plus défavorisés qu'eux. Or, il n'a pas changé; sa puissance n'est pas moins forte aujourd'hui qu'aux jours d'Elie. La promesse du Sauveur: "Celui qui reçoit un prophète en qualité de prophète recevra une récompense de prophète",1 est aussi certaine que lorsqu'elle fut faite. PR 95 5 "N'oubliez pas l'hospitalité; car, en l'exerçant, quelques-uns ont logé des anges, sans le savoir."2 Ces paroles n'ont nullement perdu de leur force au cours des siècles. Notre divin Père continue à placer sur la route de ses enfants des occasions qui sont des bénédictions déguisées. Ceux qui en profitent se réservent de grandes joies. "Si tu donnes ta propre subsistance à celui qui a faim, si tu rassasies l'âme indigente, ta lumière se lèvera sur l'obscurité. Et tes ténèbres seront comme le midi. L'Eternel sera toujours ton guide, il rassasiera ton âme dans les lieux arides, et il redonnera de la vigueur à tes membres; tu seras comme un jardin arrosé, comme une source dont les eaux ne tarissent pas."3 PR 96 1 Le Christ dit aujourd'hui à ses fidèles serviteurs: "Celui qui vous reçoit me reçoit, et celui qui me reçoit, reçoit celui qui m'a envoyé."4 Tout acte de bonté manifesté en son nom ne perdra pas sa récompense. Le Seigneur comprendra dans une même reconnaissance les plus humbles et les plus faibles de la famille de Dieu. "Quiconque, a-t-il dit, donnera seulement un verre d'eau froide à l'un de ces petits (à tous ceux qui sont comme des enfants dans la foi et la connaissance du Christ) parce qu'il est mon disciple, je vous le dis en vérité, il ne perdra point sa récompense."4 PR 96 2 Pendant les longues années de sécheresse et de famine, Elie priait ardemment pour que les Israélites se détournent de l'idolâtrie et reviennent au Dieu vivant. Et alors que la main du Seigneur s'appesantissait sur la terre, le prophète attendait avec impatience ce revirement. En pensant aux souffrances et au dénuement de ses compatriotes, il éprouvait une vive douleur, et il aurait voulu pouvoir opérer une réforme rapide parmi les idolâtres. Mais Dieu réalisait lui-même son plan, et son serviteur n'avait rien d'autre à faire que de persévérer avec foi dans la prière, et à attendre le moment où il entrerait résolument en action. PR 96 3 L'apostasie qui sévissait à l'époque d'Achab était le résultat de nombreuses années de péché. Peu à peu, Israël s'était détourné du droit sentier. Générations après générations refusaient de suivre la voie du bien, et la grande majorité du peuple se livrait aux puissances des ténèbres. PR 96 4 Un siècle environ s'était écoulé depuis que, sous le règne de David, les Israélites avaient chanté des hymnes de louange au Très-Haut, en reconnaissance de leur dépendance totale envers celui qui les comblait de ses grâces jour après jour. Notez les paroles d'adoration qu'ils faisaient alors monter vers le ciel: PR 96 5 Dieu de notre salut ... Tu remplis d'allégresse l'orient et l'occident. Tu visites la terre et tu lui donnes l'abondance, Tu la combles de richesses; Le ruisseau de Dieu est plein d'eau; Tu prépares le blé, quand tu la fertilises ainsi. En arrosant ses sillons, en aplanissant ses mottes, Tu la détrempes par des pluies, tu bénis son germe. Tu couronnes l'année de tes biens, Et tes pas versent l'abondance; Les plaines du désert sont abreuvées, Et les collines sont ceintes d'allégresse; Les pâturages se couvrent de brebis, Et les vallées se revêtent de froment. Les cris de joie et les chants retentissent. PR 97 1 Les Israélites avaient alors reconnu que l'Eternel est celui qui a "posé la terre sur ses fondements". Ils avaient exprimé leur foi par ce chant: PR 97 2 Tu l'avais couverte [la terre] de l'abîme comme d'un vêtement, Les eaux s'arrêtaient sur les montagnes; Elles ont fui devant ta menace, Elles se sont précipitées à la voix de ton tonnerre. Des montagnes se sont élevées, des vallées se sont abaissées, Au lieu que tu leur avais fixé. Tu as posé une limite que les eaux ne doivent point franchir, Afin qu'elles ne reviennent plus couvrir la terre. PR 97 3 C'est par la souveraine puissance de l'Eternel que les éléments de la nature sur la terre, dans la mer et dans le ciel sont maintenus dans leurs limites. Ces éléments, Dieu les emploie pour le bonheur de ses créatures. "Son bon trésor" est généreusement utilisé "pour envoyer la pluie en son temps et pour bénir tout le travail des mains des hommes".7 PR 97 4 [Dieu] conduit les sources dans des torrents, Qui coulent entre les montagnes. Elles abreuvent tous les animaux des champs; Les ânes sauvages y étanchent leur soif. Les oiseaux du ciel habitent sur leurs bords, Et font résonner leur voix parmi les rameaux. De sa haute demeure, il arrose les montagnes; La terre est rassasiée du fruit de tes oeuvres. Il fait germer l'herbe pour le bétail, Et les plantes pour les besoins de l'homme, Afin que la terre produise de la nourriture, Le vin qui réjouit le coeur de l'homme, Et fait plus que l'huile resplendir son visage, Et le pain qui soutient le coeur de l'homme. ... PR 98 1 Que tes oeuvres sont en grand nombre, ô Eternel! Tu les as toutes faites avec sagesse. La terre est remplie de tes biens. Voici la grande et vaste mer: Là se meuvent sans nombre Des animaux petits et grands. ... Tous ces animaux espèrent en toi, Pour que tu leur donnes la nourriture en son temps. Tu la leur donnes, et ils la recueillent; Tu ouvres ta main, et ils se rassasient de biens. PR 98 2 Les Israélites avaient eu d'innombrables occasions de se réjouir. Dieu leur avait donné en partage une terre où coulaient le lait et le miel. Alors qu'ils erraient dans le désert, le Seigneur leur avait promis de les conduire dans un pays où ils ne souffriraient jamais de la sécheresse. PR 98 3 "Le pays dont tu vas entrer en possession, avait-il dit à Israël, n'est pas comme le pays d'Egypte, d'où vous êtes sortis, où tu jetais dans les champs ta semence et les arrosais avec ton pied comme un jardin potager. Le pays que vous allez posséder est un pays de montagnes et de vallées, et qui boit les eaux de la pluie du ciel; c'est un pays dont l'Eternel, ton Dieu, prend soin, et sur lequel l'Eternel, ton Dieu, a continuellement les yeux, du commencement à la fin de l'année." PR 98 4 Cette promesse d'une abondante pluie avait été donnée à condition qu'il y ait obéissance. "Si vous obéissez à mes commandements que je vous prescris aujourd'hui, si vous aimez l'Eternel, votre Dieu, avait déclaré le Seigneur, et si vous le servez de tout votre coeur et de toute votre âme, je donnerai à votre pays la pluie en son temps, la pluie de la première et de l'arrière-saison, et tu recueilleras ton blé, ton moût et ton huile; je mettrai aussi dans tes champs de l'herbe pour ton bétail, et tu mangeras et te rassasieras." PR 98 5 Dieu avait donné à son peuple cet avertissement: "Gardez-vous de laisser séduire votre coeur, de vous détourner, de servir d'autres dieux et de vous prosterner devant eux. La colère de l'Eternel s'enflammerait alors contre vous; il fermerait les cieux, et il n'y aurait point de pluie; la terre ne donnerait plus ses produits, et vous péririez promptement dans le bon pays que l'Eternel vous donne."9 PR 99 1 "Mais si tu n'obéis point à la voix de l'Eternel, ton Dieu, si tu n'observes pas et ne mets pas en pratique tous ses commandements et toutes ses lois que je te prescris aujourd'hui, voici toutes les malédictions qui viendront sur toi et qui seront ton partage: ... Le ciel sur ta tête sera d'airain, et la terre sous toi sera de fer. L'Eternel enverra pour pluie à ton pays de la poussière et de la poudre; il en descendra du ciel sur toi jusqu'à ce que tu sois détruit."10 PR 99 2 Dieu donnait, entre autres, à Israël ce conseil précieux: "Mettez dans votre coeur et dans votre âme ces paroles que je vous dis." Et il lui ordonnait: "Vous les lierez comme un signe sur vos mains, et elles seront comme des fronteaux entre vos yeux. Vous les enseignerez à vos enfants, et vous leur en parlerez quand tu seras dans ta maison, quand tu iras en voyage, quand tu te coucheras et quand tu te lèveras."11 Ces commandements étaient clairs. Et cependant, alors que les siècles s'écoulaient, que les générations se succédaient et perdaient de vue les richesses accordées pour leur bien spirituel, les influences désastreuses de l'apostasie menaçaient de renverser rapidement toutes les barrières dressées par la grâce divine. PR 99 3 Dieu dut alors envoyer à son peuple le plus terrible des châtiments. La prédiction d'Elie se réalisait dans toute son horreur. Pendant trois ans, le messager de malheur fut recherché dans toutes les villes, dans tous les pays. A l'enquête d'Achab, certains rois jurèrent sur leur honneur que l'étrange prophète n'avait pu être découvert dans leur royaume. Et cependant les recherches se poursuivaient, car Jézabel et les prophètes de Baal vouaient à Elie une haine mortelle, et ils étaient bien décidés à ne s'épargner aucune peine pour le faire tomber en leur pouvoir. Et la pluie faisait toujours défaut. PR 99 4 "Bien des jours s'écoulèrent", et la parole de l'Eternel fut adressée à Elie: "Va, lui fut-il dit, présente-toi devant Achab, et je ferai tomber de la pluie sur la face du sol." Obéissant à cet ordre, "Elie alla, pour se présenter devant Achab". Au moment où le prophète se mettait en route pour Samarie, le roi avait proposé à Abdias, chef de sa maison, de faire rechercher toutes les sources et tous les torrents pour y trouver de l'herbe, afin de sauver les animaux. Les effets de la sécheresse se faisaient cruellement sentir, même à la cour royale. Achab, sérieusement inquiet au sujet de l'avenir de sa maison, décida de se joindre en personne à son serviteur pour découvrir quelque endroit favorisé où se trouverait de l'herbe. "Ils se partagèrent le pays pour le parcourir; Achab alla seul par un chemin, et Abdias alla seul par un autre chemin." PR 100 1 "Comme Abdias était en route, voici, Elie le rencontra. Abdias, l'ayant reconnu, tomba sur son visage, et dit: Est-ce toi, mon seigneur Elie?" PR 100 2 Malgré l'apostasie qui l'entourait de toute part, Abdias était toujours resté fidèle au Seigneur. Son maître, le roi, avait été incapable de le détourner du Dieu vivant. Elie allait maintenant l'honorer d'une mission. "Va, lui dit-il, dis à ton maître: Voici Elie!" PR 100 3 Epouvanté, Abdias s'écria: "Quel péché ai-je commis, pour que tu livres ton serviteur entre les mains d'Achab, qui me fera mourir?" Aller rapporter les paroles d'Elie à Achab, c'était aller au-devant, en effet, d'une mort certaine. "L'Eternel est vivant! dit-il au prophète, il n'est ni nation ni royaume où mon maître n'ait envoyé pour te chercher; et quand on disait que tu n'y étais pas, il faisait jurer le royaume et la nation que l'on ne t'avait pas trouvé. Et maintenant tu dis: Va, dis à ton maître: Voici Elie! Puis, lorsque je t'aurai quitté, l'esprit de l'Eternel te transportera je ne sais où; et j'irai informer Achab, qui ne te trouvera pas, et qui me tuera." PR 100 4 Abdias supplia le prophète de ne pas insister. "Cependant, dit-il, ton serviteur craint l'Eternel dès sa jeunesse. N'a-t-on pas dit à mon seigneur ce que j'ai fait quand Jézabel tua les prophètes de l'Eternel? J'ai caché cent prophètes de l'Eternel, cinquante par cinquante dans une caverne, et je les ai nourris de pain et d'eau. Et maintenant tu dis: Va, dis à ton maître: Voici Elie! Il me tuera." PR 101 1 Elie jura solennellement qu'il ne parlait pas en vain. Il lui dit: "L'Eternel est vivant! Aujourd'hui je me présenterai devant Achab." Ainsi rassuré, "Abdias, étant allé à la rencontre d'Achab, l'informa de la chose". PR 101 2 Etonné et terrorisé, le roi écouta ce que lui faisait dire l'homme qu'il redoutait et haïssait, et qu'il avait fait rechercher sans relâche. Il savait bien que le prophète ne mettrait pas sa vie en danger pour le seul plaisir de le rencontrer. Se pourrait-il qu'Elie profère une autre malédiction contre Israël? Les craintes du roi redoublèrent. Il se souvenait de la main sèche de Jéroboam. Il ne pouvait se dispenser de rencontrer l'homme de Dieu, ni lever la main contre lui. Accompagné d'un corps de garde, il alla donc tout tremblant au-devant du prophète. PR 101 3 Les voici tous les deux en face l'un de l'autre. Bien que nourrissant envers Elie une haine farouche, en sa présence Achab semble anéanti, désarmé. Aux premières paroles qu'il balbutie: "Est-ce toi, qui jettes le trouble en Israël?" il montre inconsciemment les sentiments réels de son coeur. Achab n'ignore pas que c'est par la parole de l'Eternel que le ciel est devenu comme de l'airain, et cependant il cherche à lancer un blâme au prophète pour le lourd châtiment qui pèse sur le pays. PR 101 4 Il est propre à la nature du méchant de rendre les messagers de Dieu responsables des calamités qui résultent de la transgression des lois divines. Ceux qui se placent sous le pouvoir de Satan sont incapables de voir les choses comme Dieu les voit. Lorsque la vérité leur est présentée, ils s'indignent à la pensée que l'on puisse leur adresser un reproche. Aveuglés par le péché, ils refusent de se repentir; ils sont persuadés que les serviteurs de Dieu se sont tournés contre eux et sont passibles des pires châtiments. PR 101 5 Parfaitement conscient de son innocence, Elie se dresse devant Achab. Il n'essaie ni de s'excuser, ni de flatter le roi, pas plus que de se soustraire à la colère du monarque en lui annonçant la bonne nouvelle que la sécheresse va prendre fin. Il n'a à se défendre de quoi que ce soit. A la fois indigné et jaloux de l'honneur de Dieu, il rejette l'accusation sur Achab, et déclare courageusement au roi que ce sont ses péchés qui ont attiré sur Israël cette terrible calamité. "Je ne trouble point Israël, affirme-t-il; c'est toi, au contraire, et la maison de ton père, puisque vous avez abandonné les commandements de l'Eternel et que tu es allé après les Baals." PR 102 1 De nos jours, la voix réprobatrice d'en haut doit encore se faire entendre aux chrétiens, car de graves péchés les ont séparés de Dieu. L'incrédulité devient de plus en plus à la mode. "Nous ne voulons pas que cet homme règne sur nous",12 s'écrient des milliers de personnes, en parlant de Jésus. Les sermons agréables si souvent prêchés ne laissent aucune influence durable; la trompette omet de donner le signal d'alarme. Les hommes n'ont pas le coeur touché par les vérités claires et incisives de la Parole de Dieu. PR 102 2 Si certains chrétiens de profession exprimaient ouvertement leurs véritables sentiments, ils diraient: Est-il vraiment nécessaire de parler si franchement? Ils pourraient tout aussi bien demander: Etait-il nécessaire que Jean-Baptiste dise aux pharisiens: "Races de vipères, qui vous a appris à fuir la colère à venir?"13 Pourquoi donc provoquer le courroux d'Hérodiade en déclarant à Hérode qu'il ne lui est pas permis de vivre avec la femme de son frère? Le précurseur du Christ risqua sa vie pour avoir parlé trop franchement. Pourquoi ne pas avoir atermoyé plutôt que de s'attirer la colère de ceux qui vivaient dans le péché? PR 102 3 Ainsi ont raisonné tous ceux qui auraient dû se dresser comme gardiens de la loi divine, à partir du moment où la prudence a remplacé la fidélité et où le péché a été toléré. Quand entendrons-nous à nouveau dans l'Eglise résonner les messages de reproches? PR 102 4 "Tu es cet homme-là!"14 Ces paroles sur lesquelles on ne pouvait se méprendre furent prononcées par Nathan lorsqu'il s'adressait à David. On les entend bien rarement aujourd'hui du haut de la chaire; rarement aussi les lit-on dans les journaux. Si elles étaient répétées plus fréquemment, nous verrions alors la puissance de Dieu se manifester parmi les hommes. Les serviteurs de l'Eternel ne se plaindraient plus de travailler en vain, s'ils se repentaient de leur tendance à approuver le mal et de leur désir de plaire aux hommes, attitude qui conduit à la suppression de la vérité. PR 103 1 Les messagers du Seigneur qui cherchent à plaire aux hommes, et s'écrient: "Paix, paix, alors qu'il n'y a point de paix", devraient humilier leurs coeurs devant Dieu. Qu'ils demandent pardon pour leur hypocrisie et leur lâcheté. Ce n'est pas l'amour du prochain qui leur fait édulcorer leur message, mais plutôt leur propre satisfaction et leur tranquillité personnelle. Le véritable amour cherche d'abord à honorer le Seigneur, puis à sauver les âmes. Ceux qui possèdent cet amour n'éluderont pas la vérité pour éviter les conséquences désagréables des paroles trop franches qu'ils ont prononcées. En face des âmes qui se perdent, les ministres de la Parole ne doivent pas penser à eux-mêmes, mais faire connaître aux pécheurs le message qui leur a été confié, se refusant à excuser ou à amoindrir le mal. PR 103 2 Si seulement tous les serviteurs de Dieu se rendaient compte du caractère sacré de leur tâche! Comme Elie, ils feraient alors preuve de courage. En tant que messagers du ciel, ils assument de terribles responsabilités. Il leur faut "reprendre, censurer, exhorter, avec toute douceur".15 A la place du Christ, qu'ils gèrent comme de bons dispensateurs les mystères d'en haut, encouragent ceux qui sont fidèles, avertissent les infidèles. Les convenances mondaines ne sauraient les influencer. Qu'ils ne se détournent jamais du chemin tracé par Jésus. Qu'ils avancent avec foi, et se souviennent qu'ils sont environnés d'une nuée de témoins. Qu'ils ne parlent pas de leur propre chef, mais délivrent le message que leur a confié celui dont la puissance est supérieure à celle de tous les potentats de la terre. Ce message doit toujours être: "Ainsi a dit l'Eternel!" PR 103 3 Dieu réclame des hommes comme Elie, Nathan, Jean-Baptiste -- des hommes qui proclament son message sans tenir compte des conséquences qui en résultent -- des hommes qui répandent courageusement la vérité, bien que cela entraîne le sacrifice de tout ce qu'ils possèdent. PR 103 4 Dieu ne peut employer des hommes qui, au moment du danger, alors que leur influence, leur force, leur courage sont indispensables, craignent de prendre position pour ce qui est juste. Il réclame des hommes qui luttent fidèlement contre le mal, "contre les principautés et les puissances, contre les princes des ténèbres de ce monde, contre les esprits malins qui sont dans les lieux célestes". C'est à ceux-là qu'il adressera un jour ces paroles: "C'est bien, bon et fidèle serviteur; ... entre dans la joie de ton maître."16 ------------------------Chapitre 11 -- Le mont Carmel PR 105 0 Ce chapitre est basé sur 1 Rois 18:19-40. PR 105 1 Debout devant le roi Achab, Elie commanda qu'on fît rassembler autour de lui, sur le mont Carmel, tous les prophètes de Baal et d'Astarté. "Fais maintenant rassembler, ordonna-t-il au monarque, tout Israël auprès de moi, à la montagne du Carmel, et aussi les quatre cent cinquante prophètes de Baal et les quatre cents prophètes d'Astarté qui mangent à la table de Jézabel." PR 105 2 L'ordre était donné par quelqu'un qui semblait être en présence de Dieu; c'est pourquoi Achab obéit sur-le-champ, comme si le prophète était le monarque et le roi son sujet. Des messagers rapides furent envoyés dans toutes les parties du royaume pour inviter le peuple à se réunir auprès d'Elie et des prophètes de Baal et d'Astarté. Dans chaque ville, chaque village, on se prépara à cette rencontre dont le moment était fixé. En s'approchant du lieu du rendez-vous, d'aucuns sentaient d'étranges sentiments envahir leur coeur. Quelque chose d'extraordinaire était sur le point de se produire, sinon on ne les aurait pas convoqués sur le Carmel. Quel nouveau malheur allait s'abattre encore sur le pays? PR 106 1 Avant la sécheresse, le mont Carmel offrait un spectacle de toute beauté. Des cours d'eau, alimentés par des sources intarissables, dévalaient ses pentes fertiles, rehaussées de fleurs éclatantes et de bosquets verdoyants. Mais maintenant ce spectacle magnifique n'offre plus que langueur sous le poids accablant de la malédiction. Les autels élevés à Baal et à Astarté se dressent dans des bosquets effeuillés. Mais sur l'un des points culminants de la chaîne des crêtes, se trouve l'autel renversé de l'Eternel. PR 106 2 La chaîne du Carmel dominait une immense plaine. Ses hauteurs se découvraient d'une grande partie du royaume d'Israël. Au pied du Carmel, des points favorables permettaient d'apercevoir tout ce qui se passait au sommet. C'est là que le Seigneur avait été déshonoré d'une manière si frappante par le culte idolâtre célébré à l'abri des pentes boisées du mont. C'est ce lieu que choisit Elie comme étant le plus en évidence pour faire éclater la puissance de Dieu et venger l'honneur de son nom. PR 106 3 De bonne heure, le matin du jour convenu, les foules apostates d'Israël s'assemblèrent près du sommet du Carmel, dans une attente fébrile. Les prophètes de Jézabel avançaient en grande pompe. Le monarque apparut alors dans son faste royal, marchant en tête des prêtres, et tous les idolâtres le saluèrent de leurs cris. Mais un sentiment de crainte oppressait le coeur des prophètes en pensant à la parole d'Elie qui avait prédit la sécheresse pendant trois ans et demi. Ils sont certains qu'une crise redoutable va se produire. Les dieux qu'ils servent ont été incapables de prouver qu'Elie était un faux prophète. Ils sont restés étrangement indifférents à leurs cris frénétiques, à leurs prières, à leurs larmes, à leur humiliation, à leurs cérémonies révoltantes, à leurs sacrifices coûteux et continuels. PR 106 4 Face au roi, aux faux prophètes, et entouré par une foule d'Israélites, Elie apparaît alors. C'est le seul de sa nation qui ose se dresser pour venger l'honneur de son Dieu. Celui que tout le royaume a accablé du poids de la malédiction se trouve maintenant devant cette assemblée, sans défense apparente, en présence du monarque d'Israël, des prophètes de Baal, des hommes de guerre. Mais il n'est pas seul. Au-dessus et autour de lui se déploient les armées protectrices du ciel -- les anges qui excellent en force. PR 107 1 Sans honte, sans frayeur, le prophète se tient devant la foule, pleinement conscient de la grandeur de la mission qui lui a été confiée pour exécuter l'ordre divin. Son visage est illuminé d'une solennité imposante. Le peuple attend impatiemment qu'il parle. Les regards d'Elie se portent d'abord vers l'autel renversé de l'Eternel; puis d'une voix claire, dont les accents résonnent comme une trompette, il s'adresse à la multitude, et s'écrie: "Jusques à quand clocherez-vous des deux côtés? Si l'Eternel est Dieu, allez après lui; si c'est Baal, allez après lui!" PR 107 2 Le peuple ne répondit pas un mot. Pas une seule personne de cette vaste assemblée n'osa affirmer son attachement au Seigneur. L'ignorance et l'erreur s'étaient étendues sur Israël, tel un sombre nuage. Cette apostasie n'a pas fondu d'un seul coup sur le peuple, mais graduellement, alors qu'il s'obstinait à rester rebelle aux paroles d'avertissement et de reproche que le Seigneur lui adressait. Tout écart du droit sentier, tout refus à la repentance avait encore accru la culpabilité d'Israël et l'avait éloigné du ciel. Maintenant même, dans la crise que traverse la nation, le peuple s'obstine à refuser de prendre position pour Dieu. PR 107 3 Le Seigneur a de l'aversion pour l'indifférence et l'infidélité manifestées au cours des crises que traverse son oeuvre. Tout l'univers s'intéresse d'une manière inexprimable aux dernières scènes de la grande lutte entre le bien et le mal. Le peuple de Dieu approche des rivages du monde éternel; que peut-il y avoir de plus important pour lui que de rester fidèle au Très-Haut? A travers tous les âges, le Seigneur a eu ses héros spirituels, et il en possède encore aujourd'hui -- des héros qui, tels Joseph, Elie, Daniel, ne craignent pas de dire qu'ils font partie du peuple élu. Des bénédictions spéciales sont accordées aux hommes d'action, qui ne dévient jamais du sentier du devoir, et qui s'écrient avec une énergie toute divine: "A moi ceux qui sont pour l'Eternel!"1 Ces hommes ne se contentent pas de prononcer ces paroles; ils exigent aussi de ceux qui veulent s'identifier au peuple de Dieu qu'ils avancent résolument et montrent clairement leur attachement au Roi des rois et au Seigneur des seigneurs. De tels hommes subordonnent leur volonté et leurs plans à la loi divine. Par amour pour le Seigneur, ils ne font aucun cas de leur vie. Tout ce qu'ils désirent, c'est de saisir la lumière de la Parole de Dieu et de la faire resplendir dans le monde. Fidèles à Dieu, telle est leur devise. PR 108 1 Tandis que sur le Carmel Israël doute et hésite, la voix d'Elie rompt à nouveau le silence: "Je suis resté seul des prophètes de l'Eternel, et il y a quatre cent cinquante prophètes de Baal. Que l'on nous donne deux taureaux; qu'ils choisissent pour eux l'un des taureaux, qu'ils le coupent par morceaux, et qu'ils le placent sur le bois, sans y mettre le feu; et moi, je préparerai l'autre taureau, et je le placerai sur le bois, sans y mettre le feu. Puis invoquez le nom de votre dieu; et moi, j'invoquerai le nom de l'Eternel. Le dieu qui répondra par le feu, c'est celui-là qui sera Dieu." PR 108 2 La proposition d'Elie est si raisonnable que personne ne peut la refuser. Le peuple entier a même le courage de répondre: "C'est bien!" Les prophètes de Baal n'osent pas protester. S'adressant à eux, Elie leur dit: "Choisissez pour vous l'un des taureaux, préparez-le les premiers, car vous êtes les plus nombreux, et invoquez le nom de votre dieu; mais ne mettez pas le feu." PR 108 3 L'air cynique et arrogant, les faux prophètes dont le coeur souillé déborde d'effroi préparent leur autel, et placent leur victime sur le bois. Puis ils s'adonnent à leurs incantations. Leurs cris perçants retentissent à travers les forêts et les collines environnantes, tandis qu'ils invoquent le nom de leur dieu, et s'écrient: "Baal, réponds-nous!" Ils s'assemblent autour de leur autel, se mettent à sauter, à gesticuler, à hurler; ils s'arrachent les cheveux, se font des incisions, et implorent leur dieu de leur venir en aide. PR 108 4 La matinée s'écoule, l'heure de midi arrive, et aucun signe évident ne se produit montrant que Baal entend les cris de ses prophètes abusés. Nulle voix ne se fait entendre en réponse à leurs prières frénétiques. Le sacrifice n'est pas consumé. PR 109 1 Et tandis qu'ils se livrent à leurs dévotions extravagantes, les plus astucieux essaient d'imaginer un stratagème pour allumer le feu sur l'autel, afin de faire croire au peuple que ce feu vient directement de Baal. Mais Elie épie chacun de leurs gestes; et les prêtres, espérant contre toute espérance, continuent à se livrer à leurs pratiques insensées. PR 109 2 "A midi, Elie se moqua d'eux, et dit: Criez à haute voix, puisqu'il est dieu; il pense à quelque chose, ou il est occupé, ou il est en voyage; peut-être qu'il dort, et il se réveillera. Et ils crièrent à haute voix, et ils se firent, selon leur coutume, des incisions avec des épées et avec des lances, jusqu'à ce que le sang coulât sur eux. Lorsque midi fut passé, ils prophétisèrent jusqu'au moment de la présentation de l'offrande. Mais il n'y eut ni voix, ni réponse, ni signe d'attention." PR 109 3 Avec quelle joie Satan ne serait-il pas venu au secours de ceux qu'il trompait et qui se consacraient à son service! Avec quelle joie n'aurait-il pas fait jaillir l'éclair qui aurait consumé le sacrifice! Mais Dieu a prescrit des limites à l'ennemi de nos âmes; il a restreint son pouvoir, et tous ses desseins ne sauraient communiquer une seule étincelle sur l'autel de Baal. PR 109 4 La voix éraillée pour avoir trop crié, les habits souillés du sang des blessures qu'ils s'étaient infligées, les prophètes entrent alors dans un violent désespoir. Avec une frénésie accrue, ils entremêlent maintenant leurs prières aux terribles imprécations qu'ils adressent au dieu solaire. Et Elie continue à les épier attentivement, car il sait que si par quelque subterfuge les prêtres réussissaient à allumer le bois de l'autel, il serait immédiatement déchiqueté. PR 109 5 Le soir approche. Les prophètes de Baal sont exténués, défaillants, déconcertés. L'un suggère une chose, l'autre une chose différente, jusqu'à ce qu'enfin ils abandonnent la partie. Leurs cris perçants, leurs malédictions ne résonnent plus sur le Carmel. Désespérés, ils se retirent du combat. PR 109 6 Tout au long du jour, le peuple avait assisté aux démonstrations des prêtres bafoués. Il les avait vus sauter sauvagement autour de l'autel, comme s'ils avaient voulu saisir les rayons du soleil pour servir leur dessein. Il avait regardé, horrifié, les mutilations que ces prêtres s'étaient infligées, et il avait eu l'occasion de réfléchir sur les folies de l'idolâtrie. Nombreux étaient ceux qui, parmi l'assistance, étaient fatigués des exhibitions démoniaques dont ils avaient été témoins, et ils attendaient maintenant avec un intérêt croissant les agissements d'Elie. PR 110 1 A l'heure du sacrifice du soir, Elie dit au peuple: "Approchez-vous de moi!" Et, tandis qu'on s'approche de lui en tremblant, l'homme de Dieu rétablit l'autel où jadis les hommes venaient adorer le Seigneur. Pour le prophète, ce monceau de ruines a plus de prix que tous les autels somptueux du paganisme. PR 110 2 En relevant cet autel, Elie manifestait le respect qu'il éprouvait pour l'alliance contractée par Dieu avec Israël, lorsque celui-ci avait traversé le Jourdain pour entrer dans le pays de la promesse. "Il prit douze pierres, d'après le nombre des tribus des fils de Jacob ... et il bâtit avec ces pierres un autel au nom de l'Eternel." PR 110 3 Confondus et harassés par leurs vains efforts, les prêtres de Baal se demandent ce qu'Elie va faire. Ils vouent une haine farouche au prophète qui les a soumis à une épreuve dont les effets démontrent la faiblesse et l'impuissance de leurs dieux, et cependant ils redoutent son pouvoir. Le peuple, qui partage les mêmes sentiments, l'observe aussi tandis qu'il prépare son sacrifice. L'attitude calme de l'homme de Dieu contraste vivement avec la frénésie démoniaque et insensée des adorateurs de Baal. PR 110 4 Une fois l'autel reconstruit, le prophète creuse tout autour un fossé; puis il arrange le bois, prépare le taureau et le place sur l'autel. Il demande alors au peuple de verser de l'eau sur l'holocauste et sur le bois. "Remplissez d'eau quatre cruches, et versez-les sur l'holocauste et sur le bois. Il dit: Faites-le une seconde fois. Et ils le firent une seconde fois. Il dit: Faites-le une troisième fois. Et ils le firent une troisième fois. L'eau coula autour de l'autel, et l'on remplit aussi d'eau le fossé." PR 110 5 Elie rappelle alors aux Israélites que leur apostasie persistante a provoqué la colère de l'Eternel; il leur demande d'humilier leurs coeurs et de revenir au Dieu de leurs pères, afin d'ôter la malédiction qui pèse sur le pays. Puis, s'inclinant avec révérence devant le Dieu invisible, il lève les mains vers le ciel, et formule une simple prière. Les prophètes de Baal avaient hurlé, écumé de rage et sauté de l'aube à une heure avancée de l'après-midi. Elie, lui, ne fait entendre aucun son discordant tandis qu'il est en prière. Il intercède auprès de Dieu comme s'il savait qu'il assiste à cette scène et entend son appel. Les prophètes de Baal avaient prié d'une manière farouche, incohérente. Elie prie simplement, avec ferveur; il demande à Dieu de faire éclater sa supériorité sur Baal, afin qu'Israël puisse revenir à lui. PR 111 1 "Eternel, Dieu d'Abraham, d'Isaac et d'Israël! implore le prophète, que l'on sache aujourd'hui que tu es Dieu en Israël, que je suis ton serviteur, et que j'ai fait toutes ces choses par ta parole! Réponds-moi, Eternel, réponds-moi, afin que ce peuple reconnaisse que c'est toi, Eternel, qui es Dieu, et que c'est toi qui ramènes leur coeur!" PR 111 2 Un silence solennel plane alors sur tous. Les prophètes de Baal tremblent d'épouvante. Conscients de leur culpabilité, ils s'attendent à un châtiment rapide. PR 111 3 A peine la prière d'Elie est-elle achevée que des flammes de feu semblables à des éclairs fulgurants descendant du ciel sur l'autel consument l'holocauste, absorbent l'eau du fossé et dévorent jusqu'aux pierres de l'autel. L'éclat de la flamme illumine le mont Carmel et éblouit les yeux de la foule. Dans les vallées, en contre-bas, les curieux qui suivent avec un scepticisme impatient les mouvements des prophètes voient très nettement le feu descendre sur l'autel et en restent interdits. Cela leur rappelle la colonne de feu qui, dans la mer Rouge, séparait les enfants d'Israël des armées égyptiennes. PR 111 4 Sur le Carmel, le peuple se prosterne avec crainte devant le Dieu invisible. Il n'ose pas continuer à regarder le feu venu du ciel. Il redoute d'être lui-même consumé. Convaincus qu'ils doivent maintenant reconnaître le Dieu d'Elie comme le Dieu de leurs pères, les Israélites s'écrient tous ensemble: "C'est l'Eternel qui est Dieu! C'est l'Eternel qui est Dieu!" Avec une netteté saisissante, ce cri retentit sur la montagne et se répercute dans la plaine. Israël est enfin réveillé, éclairé, repentant. Il voit à quel point il a déshonoré le Seigneur. Le caractère du culte de Baal offrant un contraste frappant avec le service raisonnable de celui du vrai Dieu apparaît alors nettement. Le peuple reconnaît la justice et la miséricorde du Seigneur qui a retenu la rosée et la pluie jusqu'au moment où les pécheurs confesseraient son nom. Il est prêt maintenant à admettre que le Dieu d'Elie est au-dessus de toutes les idoles. PR 112 1 Les prophètes de Baal assistent avec consternation à la merveilleuse démonstration de la puissance de l'Eternel. Et cependant, dans leur défaite, et en présence de la gloire divine, ils refusent de se repentir de leur mauvaise conduite. Ils veulent continuer à servir Baal. Ils se montrent ainsi prêts pour le châtiment. Dieu ordonne alors à Elie de détruire ces faux docteurs, afin de préserver Israël repentant des séductions de ces adorateurs de Baal. La colère du peuple s'est déjà déchaînée contre les chefs de la transgression, et lorsqu'Elie ordonne: "Saisissez les prophètes de Baal; qu'aucun d'eux n'échappe!" tous sont prêts à lui obéir. Ils saisissent les prophètes et les font descendre au torrent de Kison. Là, avant la fin du jour qui devait marquer le début d'une réforme décisive, les prêtres de Baal furent égorgés. Pas un seul n'échappa. ------------------------Chapitre 12 -- De Jizreel à Horeb PR 113 0 Ce chapitre est basé sur 1 Rois 18:41-46; 19:1-8. PR 113 1 Le massacre des prophètes de Baal avait ouvert la voie à une importante réforme spirituelle au sein des dix tribus du royaume d'Israël. Elie avait dénoncé leur apostasie, tout en les suppliant de s'humilier et de revenir au vrai Dieu. Les jugements du ciel avaient été exécutés, les Israélites avaient confessé leurs péchés et reconnu le Dieu de leurs pères comme le Dieu vivant. La malédiction céleste cessa donc de les atteindre, et ils furent comblés à nouveau de bénédictions matérielles. La terre serait enfin rafraîchie par une pluie abondante. PR 113 2 "Monte, mange et bois, dit Elie à Achab, car il se fait un bruit qui annonce la pluie." Quant à lui, il gravit le sommet du Carmel pour prier. PR 113 3 Ce n'est pas parce qu'il y avait des signes apparents d'ondée sur le point de tomber que le prophète ordonna à Achab avec tant d'assurance de se préparer à la pluie. Elie n'avait aperçu aucun nuage dans le ciel, et encore moins entendu le grondement du tonnerre. Il prononçait simplement les paroles que l'Esprit de Dieu le poussait à dire, en réponse à sa grande foi. Pendant toute la journée il avait accompli avec une fermeté inébranlable la volonté divine, et manifesté sa confiance implicite dans les prophéties des saintes Ecritures. Maintenant qu'il avait fait tout ce qui était en son pouvoir, il savait que Dieu lui accorderait avec abondance les bénédictions promises. Celui qui avait envoyé la sécheresse était le même qui avait promis une abondante pluie à tous ceux qui pratiqueraient le bien. Elie attendait donc que cette pluie tombât. Dans l'attitude de l'humilité, "le visage entre les genoux", il intercédait auprès de Dieu en faveur d'Israël repentant. PR 114 1 Le prophète envoya plusieurs fois de suite son serviteur vers un point qui dominait la Méditerranée, pour voir s'il discernait un signe à l'horizon prouvant que le Seigneur avait entendu sa prière. Mais chaque fois le serviteur revenait en disant: "Il n'y a rien." Toutefois le prophète ne perdit ni sa patience, ni sa foi; il continua à prier avec ferveur. Six fois de suite, le serviteur revint en disant qu'il n'y avait aucun signe de pluie dans un ciel d'airain. PR 114 2 Elie, inflexible, envoya encore son serviteur regarder à l'horizon. Cette fois, ce dernier revint avec ces paroles: "Voici un petit nuage qui s'élève de la mer, et qui est comme la paume de la main d'un homme." C'était suffisant. L'homme de Dieu n'attendit pas que le ciel s'assombrît. Dans le petit nuage qui montait de la mer, il entrevit, par la foi, une abondante chute de pluie. Il envoya alors immédiatement son serviteur dire à Achab: "Attelle et descends, afin que la pluie ne t'arrête pas." PR 114 3 C'est parce qu'Elie était un homme de foi que Dieu se servit de lui dans la grave crise que traversait Israël. Alors qu'il priait, sa foi parvenait jusqu'au ciel et saisissait ses promesses. Elie persista à croire jusqu'à ce qu'il fût exaucé. Il n'attendit pas d'avoir la confirmation totale que Dieu l'avait entendu, mais il saisit jusqu'aux plus petits témoignages de la faveur divine. PR 115 1 Ce que le prophète fit, tous les hommes peuvent le faire dans leur travail au service du Maître. N'est-il pas écrit: "Elie était un homme de la même nature que nous: il pria avec instance pour qu'il ne plût point, et il ne tomba point de pluie sur la terre pendant trois ans et six mois"?1 PR 115 2 De nos jours, une foi semblable à celle du prophète est nécessaire aux hommes -- une foi qui saisira les promesses divines et persistera à implorer le ciel jusqu'à ce qu'il ait entendu. Cette foi nous unit plus étroitement au Seigneur et nous procure les forces nécessaires dans la lutte contre les puissances des ténèbres. Par la foi les enfants de Dieu "vainquirent des royaumes, exercèrent la justice, obtinrent des promesses, fermèrent la gueule des lions, éteignirent la puissance du feu, échappèrent au tranchant de l'épée, guérirent de leurs maladies, furent vaillants à la guerre, mirent en fuite des armées étrangères."2 Par la foi nous pouvons atteindre les sommets que Dieu nous propose. "Tout est possible à celui qui croit."3 PR 115 3 La foi est un élément essentiel de la prière efficace. "Il faut que celui qui s'approche de Dieu croie que Dieu existe et qu'il est le rémunérateur de ceux qui le cherchent." "Nous avons auprès de lui cette assurance, que si nous demandons quelque chose selon sa volonté, il nous écoute. Et si nous savons qu'il nous écoute, quelque chose que nous demandions, nous savons que nous possédons la chose que nous lui avons demandée."4 Avec la foi persévérante de Jacob, la persistance inébranlable d'Elie, nous pouvons adresser des prières au Père, en nous réclamant de toutes ses promesses. L'honneur de son trône dépend de l'accomplissement de sa parole. PR 115 4 Les ombres de la nuit s'amoncelaient sur le Carmel lorsque le roi Achab se prépara à descendre. "En peu d'instants, le ciel s'obscurcit par les nuages, le vent s'établit, et il y eut une forte pluie. Achab monta sur son char, et partit pour Jizreel." Tandis qu'il s'acheminait vers la cité royale, il n'arrivait pas à discerner le chemin qu'il suivait tant les ténèbres étaient denses et la pluie abondante. Elie, qui l'avait humilié devant ses sujets, qui avait fait massacrer ses prêtres idolâtres, ne cessait cependant de le reconnaître comme roi d'Israël. En signe d'hommage, et fortifié par la puissance divine, il courut devant le char royal, guidant ainsi le roi jusqu'à l'entrée de la ville. PR 116 1 De cet acte généreux du messager de Dieu en faveur d'un mauvais roi, découle une leçon pour tous ceux qui se disent ouvriers du Seigneur, et qui ont une trop haute opinion d'euxmêmes. D'aucuns se croient au-dessus de certaines tâches qui leur paraissent humiliantes. Ils hésitent à rendre un service, de peur de faire le travail d'un domestique. Comme ils feraient bien de profiter de l'exemple d'Elie! Par la parole du prophète, les richesses du ciel avaient été retirées de la terre pendant trois ans et demi. Dieu l'avait honoré tout particulièrement lorsque, sur le Carmel, le feu était descendu du ciel pour consumer son holocauste. Il avait exécuté les jugements de Dieu en faisant massacrer les prophètes idolâtres; sa prière qui réclamait la pluie avait été exaucée. Et malgré ces triomphes éclatants qui avaient honoré son ministère, Elie se plut à remplir le rôle de serviteur. PR 116 2 Elie et Achab se séparèrent aux portes de Jizreel. Le prophète préféra demeurer hors des murs de la ville. Il s'enveloppa de son manteau et s'étendit sur le sol dénudé pour dormir. Le roi entra dans la ville et atteignit rapidement le toit protecteur de son palais. Là, il raconta à la reine les merveilleux événements qui s'étaient déroulés dans la journée et la magnifique révélation de la puissance divine qui avait convaincu Israël que l'Eternel est le vrai Dieu et Elie le messager désigné par le ciel. Mais, lorsque Jézabel, impénitente et endurcie, entendit le récit du massacre des prophètes idolâtres, elle entra dans une violente colère. Refusant de reconnaître dans les événements du Carmel la souveraine providence de Dieu, et toujours provocante, elle déclara délibérément qu'Elie serait mis à mort. PR 116 3 Cette nuit-là, un messager de la reine réveilla le prophète harassé de fatigue, et lui remit ce message de Jézabel: "Que les dieux me traitent dans toute leur rigueur, si demain, à cette heure, je ne fais de ta vie ce que tu as fait de la vie de chacun d'eux!" PR 116 4 On aurait pu croire qu'après avoir montré un si grand courage et obtenu une si éclatante victoire sur le roi, les prêtres et le peuple, le prophète ne pourrait plus jamais connaître le découragement, pas plus qu'il ne se laisserait intimider par qui que ce soit. Cependant, celui qui avait été l'objet d'une manière si manifeste de la tendre sollicitude de Dieu n'était pas à l'abri des faiblesses humaines. A cette heure sombre, sa foi et son courage l'abandonnèrent. Tout décontenancé, il se leva. La pluie continuait à se déverser du ciel, les ténèbres enveloppaient toutes choses. Le prophète oubliait que trois ans auparavant Dieu l'avait conduit en lieu sûr pour échapper à la haine de Jézabel et aux recherches d'Achab. Maintenant il fuyait pour sa vie. Il arriva à Beer-Schéba, "et il y laissa son serviteur. Pour lui, il alla dans le désert ... après une journée de marche". PR 117 1 Elie n'aurait jamais dû abandonner le lieu où le devoir l'appelait. Il aurait dû affronter la colère de Jézabel, en faisant appel à la protection de celui qui l'avait envoyé pour venger l'honneur de son nom. Il aurait dû dire au messager de la reine que le Dieu en qui il se confiait le protégerait. Quelques heures seulement s'étaient écoulées depuis qu'il avait assisté à la merveilleuse manifestation de la puissance divine. Cela aurait dû lui donner l'assurance qu'il ne serait pas abandonné. En restant où il était, et en faisant de Dieu son refuge et sa force, il aurait été préservé de tout mal. Le Seigneur lui aurait donné une autre victoire, tout aussi éclatante, en envoyant à Jézabel un châtiment terrible. L'impression produite alors sur le roi et sur le peuple aurait opéré une grande réforme. PR 117 2 Elie avait beaucoup espéré du miracle du Carmel. Il avait cru qu'après cette manifestation de la puissance divine, Jézabel n'aurait plus d'influence sur l'esprit d'Achab, et qu'une prompte réforme gagnerait tout Israël. Tout le long du jour, sur le Carmel, il avait peiné et jeûné. Et cependant, lorsqu'il conduisit le char d'Achab aux portes de Jizreel, son courage était indomptable en dépit de l'effort physique fourni pendant la journée. PR 117 3 Mais une réaction, telle qu'il s'en produit fréquemment après les périodes de foi ardente et de victoires spirituelles, menaçait Elie. Il redoutait que la réforme commencée sur le Carmel ne fût pas durable, et le découragement l'envahit. Il s'était élevé sur le sommet du Pisga; maintenant il était redescendu dans la vallée. Animé par l'inspiration divine, sa foi avait résisté à la plus terrible épreuve; mais à cette heure sombre, alors que retentissaient encore à ses oreilles les menaces de Jézabel et que Satan semblait favoriser le projet de la reine colérique, le prophète perdit sa confiance en Dieu. Il avait été élevé au-dessus de toute imagination, et la réaction qui s'ensuivit fut terrible. Il oublia son Dieu, et il marcha longtemps, jusqu'à ce qu'il se trouvât dans un lieu solitaire. Harassé de fatigue, il s'assit sous un genêt, et demanda la mort. "C'est assez, dit-il. Maintenant, Eternel, prends mon âme, car je ne suis pas meilleur que mes pères." Fugitif, solitaire, éloigné de toute agglomération, l'esprit accablé par un cruel désappointement, Elie ne désirait plus revoir un visage humain. Brisé de fatigue, il s'endormit profondément. PR 118 1 Dans la vie de tout homme, il est des périodes de profonde dépression, de découragement total, des jours où la tristesse nous envahit, et il nous semble impossible de croire que le Seigneur est encore le bienfaiteur de ses enfants, des jours où les tourments nous accablent, si bien que la mort nous semble préférable à la vie. C'est alors que beaucoup perdent leur confiance en Dieu, et sombrent dans le doute et l'incrédulité. Si, à de tels moments, nous pouvions discerner la signification des voies de la providence, nous verrions alors des anges s'efforcer de nous délivrer de nous-mêmes et essayer d'affermir nos pieds sur un fondement inébranlable, plus solide que les collines éternelles; une foi et une ardeur nouvelles animeraient alors tout notre être. PR 118 2 En ses jours d'épreuve et d'adversité, Job déclarait: PR 118 3 Périsse le jour où je suis né. ... Oh! s'il était possible de peser ma douleur, Et si toutes mes calamités étaient sur la balance. ... Puisse mon voeu s'accomplir, Et Dieu veuille réaliser mon espérance! Qu'il plaise à Dieu de m'écraser, Qu'il étende sa main et qu'il m'achève! Il me restera du moins une consolation, Une joie dans les maux dont il m'accable. ... C'est pourquoi je ne retiendrai point ma bouche, Je parlerai dans l'angoisse de mon coeur, Je me plaindrai dans l'amertume de mon âme. ... Ah! je voudrais être étranglé! Je voudrais la mort plutôt que ces os! Je les méprise! ... je ne vivrai pas toujours... Laisse-moi, car ma vie n'est qu'un souffle. PR 119 1 Mais, bien que Job ait été fatigué de la vie, il ne lui fut pas permis de mourir. Un avenir meilleur lui était réservé, et il reçut ce message d'espérance: PR 119 2 Alors tu lèveras ton front sans tache, Tu seras ferme et sans crainte; Tu oublieras tes souffrances, Tu t'en souviendras comme des eaux écoulées. Tes eaux auront plus d'éclat que le soleil à son midi, Tes ténèbres seront comme la lumière du matin, Tu seras plein de confiance, et ton attente ne sera pas vaine; Tu regarderas autour de toi, et tu reposeras en sûreté. Tu te coucheras sans que personne te trouble, Et plusieurs caresseront ton visage. Mais les yeux des méchants seront consumés; Pour eux point de refuge; La mort, voilà leur espérance. PR 119 3 Des profondeurs du découragement et de l'abattement, Job s'élevait vers les sommets avec une confiance totale dans la miséricorde et la puissance salvatrice de Dieu. Il s'écriait triomphalement: PR 119 4 Voici, il me tuera; je n'ai rien à espérer. ... Cela même peut servir à mon salut. ... Mais je sais que mon Rédempteur est vivant, Et qu'il se lèvera le dernier sur la terre. Quand ma peau sera détruite, il se lèvera; Quand je n'aurai plus de chair, je verrai Dieu. Je le verrai, et il me sera favorable; Mes yeux le verront, et non ceux d'un autre. PR 119 5 "L'Eternel répondit à Job du milieu de la tempête",8 et fit connaître à son serviteur la souveraineté de sa puissance. Lorsque Job eut la révélation de son Créateur, il eut horreur de lui-même, et se repentit dans la poussière et la cendre. Alors le Seigneur put le bénir abondamment, et faire de ses dernières années les meilleures de sa vie. PR 120 1 L'espoir et le courage sont essentiels dans un service agréable à Dieu. Ce sont les fruits de la foi. Le découragement est coupable et déraisonnable. Dieu peut et désire "montrer avec plus d'évidence"9 la force dont ont besoin ses serviteurs dans les difficultés. Les plans des ennemis de sa cause peuvent sembler solidement établis; mais le Seigneur est capable de renverser les mieux assurés. Il le fait en son temps, lorsqu'il voit que la foi de ses enfants a été suffisamment mise à l'épreuve. PR 120 2 Il existe un remède infaillible pour ceux qui ont le coeur abattu: la foi, la prière, le travail. La foi et l'activité donnent une assurance et une satisfaction sans cesse accrues. Etes-vous tentés de vous laisser aller à de sombres pressentiments ou à un profond découragement? Aux jours les plus ténébreux, alors que les apparences semblent être contre vous, ne craignez rien. Ayez foi en Dieu; il connaît vos besoins. Il est tout-puissant; son amour et sa compassion infinis ne se lassent jamais. Ne craignez pas qu'il manque à sa promesse; il est la vérité éternelle; il ne rompra jamais le pacte contracté avec ceux qui l'aiment. Il accordera à ses fidèles serviteurs ce dont ils ont besoin. L'apôtre Paul a dit: "Ma grâce te suffit, car ma puissance s'accomplit dans la faiblesse. ... C'est pourquoi je me plais dans les faiblesses, dans les outrages, dans les calamités, dans les persécutions, dans les détresses pour Christ; car, quand je suis faible, c'est alors que je suis fort."10 PR 120 3 Le Seigneur avait-il abandonné Elie au moment de l'épreuve? Certes non. Il aimait tout autant son serviteur lorsque celui-ci se crut délaissé de Dieu et des hommes qu'au moment où il répondit à sa prière en lui envoyant le feu du ciel qui embrasa le sommet du Carmel. PR 120 4 Et voici, alors qu'Elie dormait, une main légère et une voix caressante le réveillèrent. Il tressaillit de peur, et il voulut s'enfuir, craignant que l'ennemi ne l'ait découvert. Cependant, le visage compatissant qui se penchait sur lui n'était pas celui d'un ennemi, mais d'un ami. Dieu avait envoyé un ange chargé de nourriture à l'intention de son serviteur. "Lève-toi, lui dit-il, mange." Elie "regarda, et il y avait à son chevet un gâteau cuit sur des pierres chauffées et une cruche d'eau". PR 121 1 Après avoir pris la collation qui lui avait été préparée, Elie s'endormit à nouveau. Mais l'ange revint une deuxième fois, toucha l'homme harassé de fatigue, et lui dit avec une tendresse compatissante: "Lève-toi, mange, car le chemin est trop long pour toi. Il se leva, mangea et but; et avec la force que lui donna cette nourriture, il marcha quarante jours et quarante nuits jusqu'à la montagne de Dieu, à Horeb. Et là, il entra dans la caverne." ------------------------Chapitre 13 -- Que fais-tu ici? PR 123 0 Ce chapitre est basé sur 1 Rois 19:9-18. PR 123 1 Si le refuge d'Elie, sur le mont Horeb, était caché aux hommes, il n'était pas inconnu du Seigneur. Lassé, découragé, le prophète n'était donc pas seul pour lutter contre les puissances des ténèbres. Dieu vint s'entretenir avec lui par le moyen d'un ange majestueux, à l'entrée de la caverne où il s'était retiré. Ce messager du ciel s'enquit de ses besoins, et lui fit comprendre clairement quels étaient les desseins de la Providence à l'égard d'Israël. PR 123 2 L'oeuvre qu'Elie avait entreprise auprès des adorateurs de Baal ne pouvait s'achever tant que le prophète n'avait pas appris à mettre toute sa confiance en Dieu. Le triomphe éclatant remporté sur les hauteurs du Carmel avait ouvert la voie à des victoires plus glorieuses encore. Les perspectives merveilleuses qui s'ouvraient devant lui s'étaient estompées par la menace de Jézabel. Il fallait donc que l'homme de Dieu soit amené à comprendre la faiblesse de sa situation présente par rapport à la haute position qu'il devait occuper. PR 124 1 Dans l'état où se trouvait le prophète, le Seigneur lui posa cette question: "Que fais-tu ici?" Je t'ai envoyé près du torrent de Kérith, puis chez la veuve de Sarepta. Je t'ai ensuite chargé de retourner en Israël pour te dresser contre les prêtres idolâtres sur le Carmel. Je t'ai revêtu de force pour conduire le char du roi jusqu'aux portes de Jizréel. Mais qui t'a poussé à t'enfuir précipitamment dans le désert? Qu'as-tu à faire ici? PR 124 2 L'âme pleine d'amertume, Elie exhala sa triste plainte. "J'ai déployé, dit-il, mon zèle pour l'Eternel, le Dieu des armées; car les enfants d'Israël ont abandonné ton alliance, ils ont renversé tes autels, et ils ont tué par l'épée tes prophètes; je suis resté, moi seul, et ils cherchent à m'ôter la vie." PR 124 3 L'ange invita alors le prophète à sortir de la caverne, à se tenir sur la montagne devant Dieu et à prêter l'oreille à ses paroles. "Et voici, l'Eternel passa. Et devant l'Eternel, il y eut un vent fort et violent qui déchirait les montagnes et brisait les rochers: l'Eternel n'était pas dans le vent. Et après le vent, ce fut un tremblement de terre: l'Eternel n'était pas dans le tremblement de terre. Et après le tremblement de terre, un feu: l'Eternel n'était pas dans le feu. Et après le feu, un murmure doux et léger. Quand Elie l'entendit, il s'enveloppa le visage de son manteau, il sortit et se tint à l'entrée de la caverne." PR 124 4 Dieu se révéla à son serviteur, non pas dans de violentes manifestations de sa puissance, mais dans "un murmure doux et léger". Il désirait apprendre ainsi à Elie que ce n'est pas toujours le travail exécuté dans les plus brillantes conditions qui a le plus d'importance pour l'accomplissement de ses desseins. Alors que le prophète attendait que Dieu se révélât à lui, une violente tempête se déchaîna; les éclairs sillonnèrent la nue, et un feu dévorant passa soudain. Mais Dieu n'était pas dans ces éléments déchaînés. Ensuite, on entendit un murmure doux et léger. Elie se couvrit le visage en présence de l'Eternel; il se calma, son esprit s'apaisa et se soumit. Il comprenait maintenant qu'une confiance tranquille, une ferme assurance en Dieu lui assureraient un secours efficace au moment du besoin. PR 125 1 Ce n'est pas toujours une présentation savante des vérités divines qui convainc et convertit les âmes. On n'atteint le coeur des hommes ni par la logique, ni par l'éloquence, mais par les douces influences du Saint-Esprit qui se font sentir silencieusement, mais sûrement, dans la transformation et le développement du caractère. Seul le murmure doux et léger de l'Esprit de Dieu peut changer les coeurs. PR 125 2 "Que fais-tu ici, Elie?" demanda encore la voix, et le prophète répondit à nouveau: "J'ai déployé mon zèle pour l'Eternel, le Dieu des armées; car les enfants d'Israël ont abandonné ton alliance, ils ont renversé tes autels, et ils ont tué par l'épée tes prophètes; je suis resté, moi seul, et ils cherchent à m'ôter la vie." PR 125 3 Dieu répondit à Elie que les enfants d'Israël qui s'étaient livrés au mal ne resteraient pas impunis. Des hommes seraient spécialement choisis pour accomplir le dessein du ciel, qui allait châtier le royaume idolâtre. Une oeuvre ardue restait à faire; il fallait donner à tous l'occasion de revenir au vrai Dieu. Elie devait retourner en Israël et s'unir à d'autres pour opérer une réforme. PR 125 4 "Va, lui dit le Seigneur, reprends ton chemin par le désert jusqu'à Damas; et quand tu seras arrivé, tu oindras Hazaël pour roi de Syrie. Tu oindras aussi Jéhu, fils de Nimschi, pour roi d'Israël; et tu oindras Elisée, fils de Schaphath, d'Abel-Mehola, pour prophète à ta place. Et il arrivera que celui qui échappera à l'épée de Hazaël, Jéhu le fera mourir, et celui qui échappera à l'épée de Jéhu, Elisée le fera mourir." PR 125 5 Elie avait cru être resté seul en Israël à adorer le vrai Dieu. Mais celui qui lit dans le coeur de tous les hommes lui révéla que beaucoup d'autres Israélites, au cours des siècles d'apostasie, lui étaient restés fidèles. "Je laisserai en Israël, dit le Seigneur, sept mille hommes, tous ceux qui n'ont point fléchi les genoux devant Baal, et dont la bouche ne l'a point baisé." PR 125 6 Que de leçons recèle l'expérience d'Elie pendant ces jours de découragement et de défaite apparente! Puissent tous les serviteurs de Dieu de notre époque s'en inspirer! L'apostasie qui règne de nos jours ressemble étrangement à celle qui florissait au temps d'Elie. Des foules aujourd'hui suivent encore Baal en élevant l'humain au-dessus du divin, en glorifiant les chefs populaires, en adorant Mammon, le dieu de la richesse, en plaçant la science au-dessus des vérités des saintes Ecritures. Le doute et l'incrédulité exercent leur funeste influence sur l'esprit et le coeur, et l'on substitue aux vérités divines les théories humaines. Il est communément enseigné que nous avons atteint une période où la raison doit être placée au-dessus des enseignements des Ecritures. La loi divine, modèle de justice, est mise de côté. L'ennemi de toute vérité s'ingénie, avec son pouvoir trompeur, à amener les hommes à mettre les institutions terrestres à la place de Dieu, et à oublier ce qui devrait faire le bonheur et le salut de l'humanité. PR 126 1 Et cependant, pour si répandue qu'elle soit, cette apostasie n'est pas universelle. Tous les hommes ne vivent pas sans loi et ne sont pas des pécheurs endurcis. Tous ne se rangent pas du côté de l'ennemi. Dieu possède des milliers de fidèles qui n'ont point fléchi le genou devant Baal, et qui désirent mieux comprendre les vérités concernant le Christ et sa loi. Ils espèrent contre toute espérance que Jésus reviendra bientôt pour mettre un terme au règne du péché et de la mort. Il en est un grand nombre qui ont adoré Baal par ignorance, mais chez lesquels l'Esprit de Dieu lutte toujours. Ces hommes ont besoin du secours de ceux qui ont appris à connaître le Seigneur et la puissance de sa Parole. De nos jours, tout enfant de Dieu devrait s'employer activement à venir en aide à son prochain. PR 126 2 Les anges accompagneront tous ceux qui, connaissant les vérités bibliques, s'efforceront de rechercher les hommes et les femmes avides de lumière. Et partout où se rendent les anges on peut avancer sans crainte. Ce travail, accompli avec fidélité, amènera de nombreux pécheurs à se détourner de l'idolâtrie pour adorer le Dieu vivant. Ils cesseront alors de glorifier les institutions humaines pour se ranger résolument du côté de Dieu et de sa loi. PR 126 3 Comme ces résultats dépendent en grande partie de l'activité incessante des ouvriers du Seigneur fidèles et sincères, Satan fait l'impossible pour les pousser à la désobéissance, afin de faire échouer les desseins de Dieu. A certains d'entre eux, il fait perdre de vue la noble et sainte mission à laquelle ils ont été appelés, et il les rend sensibles aux plaisirs de cette vie. Il les pousse à s'installer dans des demeures confortables, ou à changer de résidence si les avantages matériels leur paraissent plus intéressants ailleurs. C'est ainsi qu'ils abandonnent des endroits où ils auraient pu exercer une heureuse influence. Satan pousse encore d'autres serviteurs de Dieu à quitter leur travail lorsque le découragement s'empare d'eux à la suite de l'opposition ou de la persécution. Et cependant, pour tous ces hommes, le Seigneur éprouve la plus touchante pitié. PR 127 1 A tout enfant de Dieu dont la voix a été réduite au silence par l'ennemi de nos âmes, Dieu pose cette question: "Que fais-tu ici?" Je t'ai ordonné d'aller dans le monde entier prêcher l'Evangile et préparer un peuple pour le jour du Seigneur, pourquoi es-tu ici? Et qui t'y a envoyé? PR 127 2 La joie qui soutenait le Christ, au cours de son sacrifice et de ses souffrances, résidait dans le salut des âmes. Ce devrait être aussi celle de tous ses vrais disciples pour stimuler leur ambition. Ceux qui se rendent compte, même à une échelle réduite, de ce que signifie pour eux et leur prochain la rédemption, comprendront dans une certaine mesure les immenses besoins de l'humanité. Leurs coeurs seront émus de compassion en voyant la déchéance morale et spirituelle de milliers de pécheurs plongés dans les ténèbres, et dont la souffrance physique n'est rien en comparaison de leur souffrance morale. PR 127 3 Aux familles comme aux individus, cette question est posée: "Que fais-tu ici?" Dans de nombreuses églises se trouvent des familles très éclairées sur les vérités évangéliques. Elles pourraient élargir leur sphère d'influence en se rendant dans des lieux privés de ministres de la Parole et qu'elles seraient capables de remplacer. Dieu appelle ces familles à se rendre là où règnent les ténèbres; il les engage à travailler avec sagesse et persévérance en faveur de ceux qui vivent dans la nuit spirituelle. Mais pour répondre à cet appel, il faut consentir à faire des sacrifices. Des âmes se meurent sans espoir et sans Dieu, alors que ceux qui hésitent à répondre à l'appel divin attendent pour se décider que s'aplanissent les obstacles. Séduits par les avantages qu'offre le monde, par la recherche scientifique, les hommes veulent bien se risquer dans des régions pestilentielles et subir des privations et des souffrances. Mais où sont ceux qui désirent en faire autant pour la joie de parler du Sauveur à leurs semblables? PR 128 1 S'il arrive, à la suite de circonstances pénibles, que des hommes de grande spiritualité, éprouvés à l'extrême, se laissent aller au découragement et au désespoir, et s'ils ne trouvent plus rien dans la vie qui les attire ou les attache, il ne faut pas s'en étonner; cela n'a rien d'étrange, ni de nouveau. Qu'ils se rappellent que le plus grand des prophètes s'enfuit pour sa vie devant la colère d'une femme exaspérée. Brisé de fatigue, exténué par les rigueurs de la route, en proie au plus cruel désespoir, le fugitif demanda de mourir. Mais c'est alors qu'il désespérait et que son oeuvre semblait menacée d'insuccès qu'il reçut la plus précieuse leçon de sa vie. Il apprit au moment de son extrême faiblesse qu'il est nécessaire et toujours possible de se confier en Dieu dans des circonstances paraissant insurmontables. PR 128 2 S'il arrive à ceux qui ont mis toutes leurs énergies au service d'une cause exigeant des sacrifices de tomber dans le doute et le découragement, qu'ils pensent à Elie et retrempent leur courage dans l'exemple donné par le prophète. La sollicitude incessante de Dieu, son amour, sa puissance se manifestent plus particulièrement envers ses serviteurs dont le zèle est mal compris ou inapprécié, dont les conseils et les reproches sont méprisés, et dont tout essai de réforme se heurte à la haine et à la résistance. PR 128 3 C'est alors que nous sommes le plus faibles que Satan nous fait subir les plus cruelles tentations. C'est ainsi qu'il avait espéré triompher du Fils de Dieu, car il avait réussi de cette manière à remporter bien des victoires sur les hommes. Chaque fois que leur volonté s'affaiblissait, que leur foi chancelait, ceux qui avaient vaillamment et pendant longtemps lutté pour la justice finissaient par céder à la tentation. PR 129 1 Fatigué par quarante ans de pérégrinations dans le désert, par ses luttes contre l'incrédulité, Moïse perdit pendant un certain temps le contact avec Dieu. Il faiblit juste au moment où il allait franchir les frontières de la terre promise. Il en fut de même avec Elie, qui avait été si confiant pendant les années de sécheresse et de famine. Il s'était présenté sans crainte devant Achab, levé en présence de tout Israël comme le seul et véritable témoin du Seigneur. Puis, dans un moment de lassitude, les menaces de Jézabel triomphèrent de sa foi. PR 129 2 Il en est de même aujourd'hui. Lorsque nous sommes assiégés par le doute, rendus perplexes par les circonstances; lorsque nous sommes éprouvés par la pauvreté ou l'affliction, alors Satan s'efforce d'ébranler notre confiance en Dieu. C'est à ce moment-là qu'il étale devant nous toutes nos fautes et nous incite à douter du Seigneur et de son amour. Il espère ainsi plonger notre âme dans le découragement, tout en nous faisant perdre contact avec Dieu. PR 129 3 Ceux que le Saint-Esprit a chargés d'accomplir une tâche particulière, et qui occupent la pointe du combat, subissent fréquemment une certaine réaction lorsque la calamité s'estompe. Le découragement peut ébranler la foi la plus solide, affaiblir la volonté la plus ferme. Mais le Seigneur comprend tout, et il ne cesse d'aimer et d'avoir pitié de ses enfants. Il lit dans leurs coeurs les intentions et les desseins qui les animent. Attendre avec patience et confiance lorsque tout paraît sombre, voilà ce que tous ceux qui ont la charge de l'oeuvre de Dieu devraient apprendre. Le ciel n'abandonne jamais les siens dans l'adversité. Aucune situation n'est apparemment plus désespérée, et cependant plus triomphante, que celle de l'homme conscient de son néant et pleinement confiant en Dieu. PR 129 4 Ce ne sont pas seulement ceux qui assument des tâches importantes qui devront encore profiter, lorsque viendra l'épreuve, de l'exemple d'Elie. Quelle que soit sa faiblesse, l'enfant de Dieu peut avoir confiance en celui qui faisait la force du prophète. Le Seigneur compte sur la fidélité de tous ceux auxquels il accorde le secours nécessaire. Par lui-même l'homme est impuissant; mais, avec Dieu, il est capable de vaincre le mal et d'aider ses semblables à le surmonter. Impossible à Satan de triompher sur celui qui prend le Seigneur pour défenseur. "En l'Eternel seul ... résident la justice et la force."1 PR 130 1 Ami chrétien, le diable connaît ta faiblesse. Appuie-toi donc sur Jésus. Si tu demeures dans l'amour de Dieu, tu pourras supporter l'épreuve. Seule la justice du Christ te donnera le pouvoir de résister à la marée montante du mal qui déferle sur le monde. Que ta vie déborde de foi. La foi allège tous les fardeaux, soulage toutes les fatigues. La Providence t'envoie des contrariétés qui te semblent mystérieuses aujourd'hui; tu en triompheras en te confiant continuellement en Dieu. Marche par la foi dans le sentier qu'il t'a tracé. Les épreuves surviendront, mais continue d'avancer. Elles serviront à fortifier ta foi et à te rendre apte au service du Maître. Le récit sacré n'a pas été écrit simplement pour que nous le lisions et en soyons émerveillés, mais pour que nous arrivions à avoir une foi semblable à celle que possédaient jadis les serviteurs de Dieu. Le Seigneur agit de nos jours d'une manière aussi frappante qu'alors. Partout il trouve des coeurs débordants de foi pour servir de canal à sa toute-puissance. PR 130 2 A nous, comme à Pierre autrefois, le Seigneur dit: "Satan vous a réclamés, pour vous cribler comme le froment. Mais j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point."2 Le Christ n'abandonnera jamais ceux pour lesquels il a donné sa vie. Nous pouvons l'oublier, être vaincus par la tentation; mais il ne se détournera jamais de celui qu'il est venu racheter au prix de son sang. PR 130 3 Si notre vision spirituelle pouvait être renforcée, nous verrions des âmes ployant sous le poids de la tentation et de la douleur, et sur le point de mourir de découragement. Nous verrions des anges voler rapidement au secours de ceux qui sont tentés, repoussant les armées du mal qui les assiègent, et les aidant à poser les pieds sur le rocher des siècles. Les batailles qui se livrent entre les deux armées sont tout aussi réelles que celles des armées d'ici-bas, et les destinées éternelles dépendent de l'issue du conflit spirituel. PR 131 1 Dans la célèbre vision du prophète Ezéchiel, une main apparaît sous les ailes des chérubins. Cette vision a pour but d'enseigner aux serviteurs de Dieu que c'est grâce à la puissance divine que l'on peut réussir. Ceux que le Seigneur emploie comme messagers ne doivent pas croire que la cause de Dieu dépend d'eux-mêmes. Des êtres limités ne sauraient assumer cette responsabilité. Celui qui ne sommeille ni ne dort est constamment à l'oeuvre pour accomplir ses desseins; c'est lui qui achèvera la tâche. Il fera échouer les plans des méchants, et jettera la confusion dans les conseils de tous ceux qui machinent le mal contre son peuple. Celui qui est Roi et Seigneur des armées est assis entre les chérubins; et dans les combats et le tumulte des nations, il tranquillise ses enfants. Lorsque les forteresses des rois de ce monde seront renversées, quand les flèches de la colère divine frapperont le coeur des ennemis de Dieu, alors son peuple sera en sûreté. ------------------------Chapitre 14 -- Avec l'esprit et la puissance d'Elie PR 133 1 Au cours des longs siècles qui se sont écoulés depuis Elie, le récit de son ministère a inspiré et encouragé tous ceux qui ont été appelés à lutter contre l'apostasie. Pour nous, qui "sommes parvenus à la fin des siècles",1 ce récit a une signification toute particulière. L'histoire se répète. Notre époque a ses Achabs et ses Jézabels; elle ressemble étrangement à celle du grand prophète. Les autels des idoles peuvent ne pas être visibles, les statues non apparentes; il n'en reste pas moins que des milliers de personnes adorent les dieux de ce monde: les richesses, la gloire, les plaisirs, les fables agréables qui permettent aux hommes de suivre les penchants de leurs coeurs irrégénérés. Des multitudes ont une conception erronée de Dieu et de ses attributs, et elles servent ainsi un faux dieu comme les adorateurs de Baal. Beaucoup de ceux qui se disent chrétiens ont subi des influences diamétralement opposées à Dieu et à sa vérité. Ils se détournent du divin pour exalter ce qui est humain. PR 134 1 L'esprit qui prédomine à notre époque est un esprit d'incrédulité et d'apostasie. Les hommes prétendent posséder des lumières parce qu'ils connaissent la vérité; mais, en réalité, ils font preuve de la suffisance la plus aveugle. Ils exaltent les théories humaines, et les substituent à Dieu et à sa loi. Satan incite les hommes à la désobéissance; il leur assure qu'ils trouveront ainsi la liberté et l'indépendance, ce qui les rendra semblables à des dieux. On constate de plus en plus un esprit d'opposition à la Parole infaillible de Dieu, et une sorte d'idolâtrie de la sagesse humaine que l'on place au-dessus de la révélation divine. PR 134 2 En se conformant aux coutumes et aux influences du monde, les hommes ont laissé envahir leur esprit par les ténèbres et la confusion, si bien qu'ils semblent avoir perdu toute possibilité de discerner la lumière des ténèbres, la vérité de l'erreur. Ils se sont éloignés du droit chemin au point de considérer l'opinion de quelques philosophes comme étant plus importante que les vérités de la Bible. Les promesses de la Parole de Dieu, ses menaces contre la désobéissance et l'idolâtrie paraissent impuissantes à toucher les coeurs. Une foi semblable à celle de Paul, Pierre et Jean leur paraît périmée, mystique et indigne de l'intelligence des penseurs modernes. PR 134 3 Aux origines, Dieu donna sa loi à l'humanité pour lui permettre d'acquérir le bonheur et la vie éternelle. Or, le seul espoir de Satan pour arriver à faire obstacle aux desseins de Dieu était d'amener hommes et femmes à désobéir à cette loi. Il s'est donc appliqué à dénaturer ce qu'elle enseignait, et à minimiser son importance. Il a essayé par un coup de maître de changer la loi elle-même, de façon à persuader les hommes à violer ses préceptes tout en prétendant l'observer. PR 134 4 Un écrivain a comparé la tentative faite pour changer la loi de Dieu à une malicieuse habitude d'autrefois, consistant à tourner dans une fausse direction la flèche d'un poteau indicateur placé au croisement de deux routes importantes. On peut imaginer la confusion et les complications qui en résultaient. PR 134 5 Dieu avait aussi placé un poteau indicateur sur la route des voyageurs de notre globe. Une flèche indiquait l'obéissance volontaire au Créateur, obéissance conduisant au chemin de la félicité et de la vie; l'autre indiquait la désobéissance menant au chemin de la misère et de la mort. La voie qui aboutissait au bonheur était aussi nettement délimitée que celle conduisant à la cité de refuge de la dispensation juive. Mais, à une heure fatale pour nous, l'ennemi de tout bien retourna les flèches du poteau indicateur, et des multitudes furent fourvoyées. PR 135 1 Par l'intermédiaire de Moïse, Dieu avait donné aux Israélites les instructions suivantes: "Vous ne manquerez pas d'observer mes sabbats, car ce sera entre moi et vous, et parmi vos descendants, un signe auquel on connaîtra que je suis l'Eternel qui vous sanctifie. Vous observerez le sabbat, car il sera pour vous une chose sainte. Celui qui le profanera sera puni de mort; celui qui fera quelque ouvrage ce jour-là ... sera puni de mort. Les enfants d'Israël observeront le sabbat, en le célébrant, eux et leurs descendants, comme une alliance perpétuelle. Ce sera entre moi et les enfants d'Israël un signe qui devra durer à perpétuité; car en six jours l'Eternel a fait les cieux et la terre, et le septième jour il a cessé son oeuvre et il s'est reposé."2 PR 135 2 Par ces paroles, le Seigneur indiquait nettement que l'obéissance est le chemin qui conduit à la cité céleste. Mais l'homme de péché a tourné les flèches du poteau indicateur; il a instauré un faux sabbat et fait croire aux hommes qu'en se reposant ce jour-là, ils observaient le commandement du Créateur. Dieu a déclaré que le septième jour est le jour de repos de l'Eternel. Quand "furent achevés les cieux et la terre", il glorifia ce jour en en faisant le mémorial de son oeuvre créatrice. "Il se reposa au septième jour de toute son oeuvre, qu'il avait faite. Dieu bénit le septième jour, et il le sanctifia."3 PR 135 3 A la sortie d'Egypte, le peuple élu fut clairement instruit à ce sujet. Alors qu'ils étaient en esclavage, les Israélites durent subir le joug de leurs oppresseurs, qui essayèrent de les forcer à travailler le jour du sabbat en augmentant la somme de travail qu'ils exigeaient d'eux chaque semaine. Les conditions dans lesquelles ils se trouvaient devinrent de plus en plus difficiles et de plus en plus contraignantes. Mais ils furent délivrés de l'esclavage, et établis dans un pays où ils pouvaient observer librement les préceptes du Seigneur. La loi fut proclamée sur le Sinaï, inscrite sur deux tables de pierre, par le doigt même de Dieu,4 et donnée à Moïse. Pendant les quarante ans passés au désert, les Israélites se souvinrent du jour de repos. La manne ne tombait pas le septième jour, le vendredi il en tombait deux fois plus, et elle se conservait miraculeusement deux jours, ce qui n'était pas le cas les autres jours. PR 136 1 Avant d'entrer dans le pays de la promesse, les Israélites furent exhortés par Moïse "à observer le jour du repos, pour le sanctifier."5 Dieu voulait que, par une observance fidèle du sabbat, Israël se souvienne de son Créateur et Rédempteur. S'il observait ce jour dans l'esprit voulu, il ne connaîtrait pas l'idolâtrie. Mais si les préceptes du Décalogue étaient mis de côté, le Créateur serait vite oublié, et les hommes adoreraient de faux dieux. "Je leur donnai aussi mes sabbats, dit le Seigneur, comme un signe entre moi et eux, pour qu'ils connussent que je suis l'Eternel qui les sanctifie." Et cependant, "ils rejetèrent mes ordonnances et ne suivirent point mes lois, et ... ils profanèrent mes sabbats, car leur coeur ne s'éloigna pas de leurs idoles", ajoutait le Seigneur. En les invitant à retourner à lui, Dieu insistait à nouveau sur l'importance de sanctifier le sabbat. "Je suis l'Eternel, votre Dieu, dit-il. Suivez mes préceptes, observez mes ordonnances, et mettez-les en pratique. Sanctifiez mes sabbats, et qu'ils soient entre moi et vous un signe, auquel on connaisse que je suis l'Eternel, votre Dieu."6 PR 136 2 En attirant l'attention de Juda sur les péchés qui lui valurent finalement la captivité babylonienne, le Seigneur déclarait: "Tu profanes mes sabbats. ... Je répandrai sur eux ma fureur, je les consumerai par le feu de ma colère, je ferai retomber leurs oeuvres sur leur tête."7 PR 136 3 Aux jours de Néhémie, pendant la restauration de Jérusalem, la profanation du sabbat attira sur les Israélites ces reproches sévères: "N'est-ce pas ainsi qu'ont agi vos pères, et n'est-ce pas à cause de cela que notre Dieu a fait venir tous ces malheurs sur nous et sur cette ville? Et vous, vous attirez de nouveau sa colère contre Israël, en profanant le sabbat."8 PR 137 1 Au cours de son ministère terrestre, le Christ insista sur les exigences du sabbat. Dans tous ses enseignements, il manifesta de la vénération pour cette institution qu'il avait lui-même créée. De son temps, le sabbat était si peu respecté que son observance reflétait le caractère égoïste et despotique de l'homme, plutôt que celui de Dieu. Jésus rejeta la fausse doctrine enseignée par ceux qui prétendaient connaître le Seigneur et l'avaient dénaturé. Bien qu'il fût impitoyablement poursuivi par la haine des rabbins, il continua résolument à observer le sabbat selon la loi de Dieu, sans même paraître se conformer à leurs exigences. PR 137 2 Dans un langage clair, le Christ déclara au sujet de la loi divine: "Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes; je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir. Car, je vous le dis en vérité, tant que le ciel et la terre ne passeront point, il ne disparaîtra pas de la loi un seul iota ou un seul trait de lettre, jusqu'à ce que tout soit arrivé. Celui donc qui supprimera l'un de ces plus petits commandements, et qui enseignera aux hommes à faire de même, sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux; mais celui qui les observera, et qui enseignera à les observer, celui-là sera appelé grand dans le royaume des cieux."9 PR 137 3 Pendant la dispensation chrétienne, le grand ennemi du bonheur de l'homme a fait du quatrième commandement un sujet spécial d'attaque. Satan déclare: "Je m'opposerai aux desseins de Dieu. J'aiderai mes sujets à ne pas tenir compte du mémorial du Seigneur, le septième jour de la semaine. Je montrerai ainsi au monde que le jour béni et sanctifié par l'Eternel a été changé. Le souvenir de ce jour ne survivra pas dans la pensée des hommes; je l'effacerai de leur mémoire. J'instaurerai à sa place un jour qui ne porte pas les empreintes de Dieu, un jour qui ne soit pas un signe entre l'Eternel et son peuple. J'inciterai ceux qui acceptent ce jour à lui conférer la sainteté attribuée au septième jour. PR 137 4 " Par l'intermédiaire de mon substitut, je me glorifierai moimême. On célébrera ce jour de la semaine, et le monde religieux acceptera cette contrefaçon du septième jour. Ce sera pour lui le vrai sabbat. Par la violation du sabbat institué par Dieu, j'arriverai à jeter le discrédit sur la loi divine. Ces paroles: "Un signe entre moi et vous et vos descendants", je les appliquerai au jour de repos que j'instituerai. Ainsi, l'univers m'appartiendra; je serai le chef de la terre, le prince de ce monde. J'aurai une telle emprise sur les esprits que le sabbat deviendra un sujet de mépris tout particulier. PR 138 1 " Un signe? Je ferai de l'observation du septième jour un signe de désobéissance envers les autorités de ce monde. Les lois humaines seront si draconiennes que l'on n'osera pas observer le sabbat, de peur de manquer de nourriture et de vêtements. Les croyants s'uniront au monde en transgressant la loi divine. Toute la terre sera sous ma domination." PR 138 2 En instituant ainsi un faux sabbat, l'ennemi pensa "changer les temps et la loi". Mais a-t-il bien réussi à changer la loi de Dieu? Les paroles du chapitre trente et un de l'Exode nous en donnent la réponse. Celui qui est le même hier, aujourd'hui et demain a déclaré au sujet du septième jour: "Vous ne manquerez pas d'observer mes sabbats, car ce sera entre moi et vous, et parmi vos descendants, un signe ... qui devra durer à perpétuité."10 La flèche du poteau indicateur a été retournée et elle indique une fausse direction; mais Dieu, lui, n'a pas changé; il est toujours le Dieu puissant d'Israël. "Voici, dit-il, les nations sont comme une goutte d'un seau, elles sont comme de la poussière sur une balance; voici, les îles sont comme une fine poussière qui s'envole. Le Liban ne suffit pas pour le feu. Et ses animaux ne suffisent pas pour l'holocauste. Toutes les nations sont devant lui comme un rien, elles ne sont pour lui que néant et vanité."11 Dieu est aussi juste et aussi jaloux maintenant à l'égard de sa loi qu'à l'époque d'Elie et d'Achab. PR 138 3 Comme cette loi est bafouée de nos jours! Le monde est en rébellion ouverte contre Dieu. Notre génération est en réalité faite de mécontents remplis d'ingratitude, de formalisme, de fausseté, d'orgueil et d'apostasie. Les hommes négligent la Bible et haïssent la vérité. Jésus voit sa loi rejetée, son amour méprisé, ses ambassadeurs traités avec indifférence. Il a parlé par ses bénédictions, mais on ne les a pas reconnues; il a parlé par ses avertissements, mais on n'en a pas tenu compte. Le temple de l'âme a été profané par le péché: l'égoïsme, l'envie, l'orgueil, la malice y sont entretenus. PR 139 1 Un grand nombre n'hésitent pas à se moquer de la Parole de Dieu. On ridiculise ceux qui y croient encore; on méprise de plus en plus la loi et l'ordre parce qu'on transgresse les commandements divins. La violence et le crime en sont les résultats visibles. Qu'il est triste de constater la pauvreté et la misère des multitudes qui se courbent devant les idoles, cherchant en vain le bonheur et la paix! Le mépris du commandement relatif au sabbat est presque universel. On voit avec quelle cynique impiété certains hommes promulguent des décrets pour sauvegarder la prétendue sainteté du premier jour de la semaine, et en même temps en émettent d'autres permettant le trafic de l'alcool! Plaçant leur sagesse au-dessus des Ecritures, ils essaient de contraindre les consciences, alors qu'ils favorisent un vice qui dégrade et avilit les êtres créés à l'image de Dieu. C'est Satan lui-même qui inspire de telles lois. Il sait bien que la colère céleste atteindra ceux qui mettent les décrets humains au-dessus des lois divines, et il fait l'impossible pour égarer les hommes sur la voie spacieuse qui mène à la mort. PR 139 2 On s'est si longtemps passionné pour les idées et les institutions humaines que presque tout l'univers se courbe devant les idoles. Celui qui a essayé de changer la loi de Dieu emploie tous les moyens pour tromper les hommes et les pousser à se soulever contre le Seigneur et le signe qui permet de reconnaître le juste. Mais le ciel ne souffrira pas toujours que sa loi soit foulée aux pieds. Le moment approche où "l'homme au regard hautain sera abaissé, et où l'orgueil sera humilié: L'Eternel seul sera élevé ce jour-là."12 PR 139 3 Le scepticisme peut traiter les exigences de la loi divine par la raillerie, la dérision ou la négation; l'esprit du monde peut contaminer la majeure partie des hommes et en dominer la minorité; la cause de Dieu peut demander de grands efforts et des sacrifices continuels; il n'en est pas moins certain que la vérité finira par triompher d'une manière éclatante. PR 140 1 Lorsque le Seigneur achèvera son oeuvre ici-bas, la loi divine sera de nouveau exaltée. La fausse religion peut devenir universelle, l'iniquité abonder, l'amour du plus grand nombre se refroidir, la croix du Calvaire être ignorée et les ténèbres recouvrir la surface de la terre comme un suaire; le courant populaire peut se déchaîner violemment contre la vérité; des complots répétés peuvent se tramer pour anéantir le peuple de Dieu; à l'heure du péril extrême, le Dieu d'Elie suscitera des instruments humains dont la voix ne pourra être réduite au silence. PR 140 2 Dans les grandes agglomérations, dans les lieux où les hommes ont blasphémé contre le Tout-Puissant, de sévères répréhensions se feront entendre. Des hommes envoyés par Dieu dénonceront courageusement l'union de l'Eglise et du monde. Ils supplieront hommes et femmes de se détourner de l'observance du jour de repos d'institution humaine pour observer le vrai sabbat. "Craignez Dieu, et donnez-lui gloire, proclameront-ils à toutes les nations, car l'heure de son jugement est venue; et adorez celui qui a fait le ciel, et la terre, et la mer, et les sources d'eaux. ... Si quelqu'un adore la bête et son image, et reçoit une marque sur son front ou sur sa main, il boira, lui aussi, du vin de la fureur de Dieu, versé sans mélange dans la coupe de sa colère."13 PR 140 3 Dieu ne violera pas son alliance; il ne changera pas les paroles qui sont sorties de sa bouche; elles sont éternelles, aussi immuables que son trône. Au jour du jugement, les commandements seront mis en plein jour, tels qu'ils ont été écrits par le doigt même de Dieu. Les hommes passeront devant le tribunal de la justice suprême pour recevoir leur rétribution. PR 140 4 De nos jours, comme au temps d'Elie, la ligne de démarcation entre ceux qui observent les commandements de Dieu et ceux qui adorent des idoles est nettement tracée. "Jusques à quand clocherez-vous des deux côtés? s'écriait Elie. Si l'Eternel est Dieu, allez après lui; si c'est Baal, allez après lui!"14 Et voici le message pour notre époque: "Elle est tombée, elle est tombée, Babylone la grande! ... Sortez du milieu d'elle, mon peuple, afin que vous ne participiez point à ses péchés, et que vous n'ayez point de part à ses fléaux. Car ses péchés se sont accumulés jusqu'au ciel, et Dieu s'est souvenu de ses iniquités."15 PR 141 1 L'heure où chacun de nous sera mis à l'épreuve va bientôt sonner. Le faux sabbat sera imposé; il y aura contestation entre les commandements de Dieu et les commandements des hommes. Ceux qui ont cédé peu à peu aux coutumes du monde, s'inclineront devant les autorités plutôt que de s'exposer aux moqueries, à l'insulte, aux menaces d'emprisonnement et de mort. A ce moment-là, l'or se séparera de la gangue, la vraie piété se distinguera nettement de la piété apparente et fausse. Les étoiles que nous avons admirées pour leur éblouissante clarté s'obscurciront. Ceux qui ont porté des vêtements sacerdotaux, mais qui n'ont pas revêtu la justice du Christ apparaîtront alors dans la honte de leur nudité. PR 141 2 Parmi les habitants de la terre, répandus dans toutes les nations, se trouvent des hommes qui n'ont pas fléchi les genoux devant Baal. Semblables aux étoiles qui n'apparaissent qu'à la nuit, ils brilleront lorsque les ténèbres couvriront la terre et l'obscurité les peuples. Dans l'Afrique païenne, dans les pays catholiques d'Europe et de l'Amérique du Sud, en Chine, aux Indes, dans les îles lointaines et dans les lieux les plus reculés du globe, le Seigneur possède un firmament d'âmes d'élite qui apparaîtront dans tout leur éclat au sein des ténèbres, révélant nettement au monde apostat le pouvoir transformateur de sa loi. Déjà aujourd'hui, nous les voyons apparaître dans toute nation, tout peuple, toute tribu et toute langue. A l'heure de la grande apostasie, quand Satan tentera un suprême effort pour que "tous, petits et grands, riches et pauvres, libres et esclaves"16 reçoivent, sous peine de mort, le sceau de l'obéissance à un faux jour de repos, ces fidèles, "sans tache, ni ride, ni rien de semblable", brilleront "comme des flambeaux dans le monde."17 Plus la nuit sera sombre, plus vif sera leur éclat. PR 141 3 Comme il semblait étrange qu'Elie dénombrât les fidèles d'Israël au moment où les jugements de Dieu allaient fondre sur la nation apostate! Il n'avait pu compter, en effet, qu'un seul homme du côté de l'Eternel. Mais lorsqu'il dit: "Je suis resté moi seul, et ils cherchent à m'ôter la vie", et que Dieu lui répondit: "Je laisserai en Israël sept mille hommes, tous ceux qui n'ont point fléchi les genoux devant Baal",18 alors le prophète éprouva un grand étonnement. PR 142 1 Que nul n'essaie donc, de nos jours, de compter les fidèles d'Israël; mais que chacun possède un coeur rempli d'amour, comme celui du Christ, pour sauver les âmes qui se perdent. ------------------------Chapitre 15 -- Josaphat PR 143 1 Jusqu'à son accession au trône de Juda, à l'âge de trentecinq ans, Josaphat avait eu sous les yeux l'exemple du bon roi Asa qui, dans presque toutes les crises, avait fait "ce qui est droit aux yeux de l'Eternel".1 Pendant vingt-cinq ans d'un règne prospère, Josaphat chercha "à marcher dans toute la voie d'Asa, son père, et ne s'en détourna point."2 Tout en s'efforçant de gouverner avec sagesse, il fit l'impossible pour amener ses sujets à résister fermement aux pratiques idolâtres. De nombreuses personnes dans son royaume "offraient encore des sacrifices et des parfums sur les hauts lieux."2 Le roi ne fit pas démolir tout de suite ces autels; mais, dès le début de son règne, il essaya de protéger Juda contre les péchés qui caractérisaient Israël. Ce royaume était alors gouverné par Achab dont Josaphat fut le contemporain un certain nombre d'années. PR 143 2 Josaphat fut fidèle au Seigneur; "il ne rechercha point les Baals; car il eut recours au Dieu de son père, et il suivit ses commandements, sans imiter ce que faisait Israël".3 L'Eternel eut égard à son intégrité, et fut avec lui. Il "affermit la royauté entre ses mains."3 PR 144 1 "Tout Juda apportait des présents" à Josaphat, "qui eut en abondance des richesses et de la gloire. Son coeur grandit dans les voies de l'Eternel."4 A mesure que s'écoulaient les années, et que des réformes s'opéraient, le roi faisait "disparaître de Juda les hauts lieux et les idoles."5 "Il ôta du pays le reste des prostitutions qui s'y trouvaient encore depuis le temps d'Asa, son père."6 C'est ainsi que peu à peu les habitants du royaume furent délivrés du danger qui les menaçait et qui aurait retardé sérieusement leur croissance spirituelle. PR 144 2 Tous les sujets du royaume avaient besoin d'être instruits sur la loi de Dieu. Leur sécurité en dépendait. En conformant leur vie à ses exigences, ils manifesteraient leur loyauté envers Dieu et leurs semblables. Josaphat, qui savait cela, s'efforça d'inculquer à son peuple une connaissance approfondie des saintes Ecritures. Les princes qui gouvernaient les différentes régions du royaume furent chargés d'organiser le fidèle ministère des prêtres pour enseigner le peuple. Ces prêtres exerçaient donc leurs fonctions sous la surveillance directe des princes; ils se rendaient dans "toutes les villes de Juda", et ils enseignaient "parmi le peuple".7 Et alors qu'un grand nombre s'efforçaient de comprendre les exigences de Dieu, un réveil se manifestait. PR 144 3 C'est aux richesses spirituelles dont il fit profiter ses sujets que le règne de Josaphat dut sa prospérité. L'obéissance à la loi divine est, en effet, d'une grande efficacité. Lorsqu'on se conforme à ses exigences, une transformation merveilleuse s'opère qui procure la paix aux hommes de bonne volonté. Si les enseignements de la Parole de Dieu dirigeaient la vie de tout homme et de toute femme, si leur esprit et leur coeur étaient contrôlés par sa puissance bienfaisante, les maux dont souffrent la vie nationale et la vie sociale disparaîtraient. De chaque foyer se dégagerait une influence qui fortifierait les individus dans leur vie spirituelle et morale, de sorte que les nations seraient dans les meilleures conditions possible. PR 145 1 Josaphat vécut en paix pendant de longues années, sans être inquiété par les nations voisines. "La terreur de l'Eternel s'empara de tous les royaumes des pays qui environnaient Juda."8 Les Philistins offrirent à Josaphat des présents et un tribut en argent; les Arabes lui amenèrent de grands troupeaux de moutons et de chèvres. "Josaphat s'élevait au plus haut degré de grandeur. Il bâtit en Juda des châteaux et des villes pour servir de magasins ... et il avait à Jérusalem de vaillants hommes pour soldats ... qui étaient au service du roi, outre ceux que le roi avait placés dans toutes les villes fortes de Juda."9 Comblé de "richesses et de gloire"10 Josaphat put exercer une puissante influence en faveur de la justice et de la vérité. PR 145 2 Quelques années après son accession au trône, Josaphat, qui avait alors atteint l'apogée de la prospérité, consentit que son fils Joram épousât Athalie, fille d'Achab et de Jézabel. Par cette union, les royaumes d'Israël et de Juda formèrent une alliance que le Seigneur désapprouva; elle fut la cause, en effet, dans les périodes de crises, des malheurs qui s'abattirent sur le roi et un grand nombre de ses sujets. PR 145 3 A une certaine occasion, Josaphat rendit visite au roi d'Israël, à Samarie. On lui fit de grands honneurs, et, avant de repartir, il était gagné à l'idée qu'il devait s'unir au roi d'Israël pour lutter contre les Syriens, avec lesquels celui-ci était en guerre. Achab espérait qu'en unissant ses forces à celles de Juda, il pourrait reconquérir Ramoth, ancienne ville de refuge qui, prétendait-il avec juste raison, appartenait aux Israélites. PR 145 4 Mais bien que Josaphat, dans un moment de faiblesse, se fût imprudemment engagé à s'allier au roi d'Israël, il jugea plus sûr de connaître la volonté du Seigneur à cet égard. "Consulte maintenant, je te prie, la parole de l'Eternel", suggéra-t-il à Achab. Celui-ci accéda à son désir, en rassemblant quatre cents faux prophètes de Samarie, auxquels il dit: "Ironsnous attaquer Ramoth en Galaad, ou dois-je y renoncer? Et ils répondirent: Monte, et Dieu la livrera entre les mains du roi."11 PR 145 5 Josaphat, que cette réponse ne satisfaisait pas, chercha à connaître la volonté réelle du Seigneur. "N'y a-t-il plus ici aucun prophète de l'Eternel, par qui nous puissions le consulter"12 demanda-t-il à Achab. "Il y a encore un homme par qui l'on pourrait consulter l'Eternel, répondit celui-ci; mais je le hais, car il ne me prophétise rien de bon, il ne prophétise que du mal: c'est Michée, fils de Jimla".13 Josaphat s'obstina à demander qu'on fît venir l'homme de Dieu, et lorsqu'il se présenta devant les monarques et qu'Achab l'eut fait "jurer de ne dire que la vérité au nom de l'Eternel", le prophète dit: "Je vois tout Israël dispersé sur les montagnes, comme des brebis qui n'ont point de berger; et l'Eternel dit: Ces gens n'ont point de maître, que chacun retourne en paix dans sa maison!"14 PR 146 1 Ces paroles auraient dû suffire aux monarques pour qu'ils comprissent que leur projet n'était pas agréé par Dieu; mais ni l'un ni l'autre ne voulut tenir compte de l'avertissement qui leur était donné. Achab avait manifesté son intention, et il était résolu à la poursuivre. Josaphat, lui, avait donné sa parole d'honneur: "Nous irons l'attaquer (la Syrie) avec toi".15 Après avoir fait une telle promesse, il lui répugnait de reprendre sa parole. "Le roi d'Israël et Josaphat, roi de Juda, montèrent" donc "à Ramoth en Galaad."16 PR 146 2 Au cours de la bataille qui s'ensuivit, Achab fut tué par une flèche, et il mourut le soir. "Au coucher du soleil, on cria par tout le camp: Chacun à sa ville et chacun dans son pays!"17 Ainsi s'accomplit la prophétie de Michée. PR 146 3 Josaphat sortit de ce combat désastreux pour retourner à Jérusalem. Comme il approchait de la ville, il rencontra Jéhu qui lui fit ce reproche: "Doit-on secourir le méchant, et aimes-tu ceux qui haïssent l'Eternel? A cause de cela, l'Eternel est irrité contre toi. Mais il s'est trouvé de bonnes choses en toi, car tu as fait disparaître du pays les idoles, et tu as appliqué ton coeur à chercher Dieu."18 PR 146 4 Josaphat consacra les dernières années de son règne à fortifier les défenses nationales et spirituelles de Juda. Il "fit une tournée parmi le peuple, depuis Beer-Schéba jusquà la montagne d'Ephraïm, et il les ramena à l'Eternel, le Dieu de leurs pères".19 PR 146 5 Parmi les plus importantes initiatives que prit Josaphat, il faut signaler l'établissement et le maintien de cours de justice. "Il établit des juges dans toutes les villes fortes du pays de Juda, dans chaque ville." Et il dit aux juges qu'il nommait: "Prenez garde à ce que vous ferez, car ce n'est pas pour les hommes que vous prononcerez des jugements; c'est pour l'Eternel, qui sera près de vous quand vous les prononcerez. Maintenant, que la crainte de l'Eternel soit sur vous; veillez sur vos actes, car il n'y a chez l'Eternel, notre Dieu, ni iniquité, ni égards pour l'apparence des personnes, ni acceptation de présents."20 L'administration judiciaire fut perfectionnée par la création d'une cour d'appel à Jérusalem, où Josaphat "établit des Lévites, des sacrificateurs et des chefs de maisons paternelles d'Israël ... pour les jugements de l'Eternel et pour les contestations."21 PR 147 1 Le roi exhorta les juges à demeurer fidèles au Seigneur. Il leur fit ces recommandations: "Vous agirez de la manière suivante dans la crainte de l'Eternel, avec fidélité et avec intégrité de coeur. Dans toute contestation qui vous sera soumise par vos frères, établis dans leurs villes, relativement à un meurtre, à une loi, à un commandement, à des préceptes et à des ordonnances, vous les éclairerez, afin qu'ils ne se rendent pas coupables envers l'Eternel, et que sa colère n'éclate pas sur vous et sur vos frères. C'est ainsi que vous agirez, et vous ne serez point coupables. PR 147 2 "Et voici, vous avez à votre tête Amaria, le souverain sacrificateur, pour toutes les affaires de l'Eternel, et Zebadia, fils d'Ismaël, chef de la maison de Juda, pour toutes les affaires du roi, et vous avez devant vous des Lévites comme magistrats. Fortifiez-vous et agissez, et que l'Eternel soit avec celui qui fera le bien!"22 PR 147 3 Dans le soin qu'il apportait à la sauvegarde des droits et des libertés de ses sujets, Josaphat insistait sur la sollicitude dont le Dieu de justice qui règne sur l'univers entoure chaque membre de la famille humaine. "Dieu se tient dans l'assemblée de Dieu; il juge au milieu des dieux." Ceux qui remplissent les fonctions de juges au-dessous de lui, doivent rendre "justice au faible et à l'orphelin"; ils feront "droit au malheureux et au pauvre" et les délivreront "de la main des méchants".23 PR 147 4 Vers la fin du règne de Josaphat, le royaume de Juda fut envahi par une armée qui fit, avec raison, trembler les habitants de ce pays. "Les fils de Moab et les fils d'Ammon, et avec eux des Maonites, marchèrent contre Josaphat pour lui faire la guerre." La nouvelle de cette invasion parvint au roi par l'intermédiaire d'un messager. "Une multitude nombreuse s'avance contre toi, lui dit-il, depuis l'autre côté de la mer, depuis la Syrie, et ils seront à Hatsatson-Thamar, qui est En-Guédi."24 PR 148 1 Josaphat était un homme courageux. Pendant de longues années, il avait renforcé ses troupes et fortifié ses villes. Il était donc bien préparé pour faire face à n'importe quel ennemi. Et pourtant, devant le danger, il ne plaçait pas sa confiance en luimême. Ses armées bien disciplinées, ses villes fortes ne pouvaient à elles seules lui assurer la victoire. C'est sur le Dieu d'Israël qu'il comptait. C'est ainsi qu'il vaincrait les païens qui se promettaient d'infliger une défaite au royaume de Juda aux yeux de toutes les nations. PR 148 2 "Dans sa frayeur, Josaphat se disposa à chercher l'Eternel, et il publia un jeûne pour tout Juda. Juda s'assembla pour invoquer l'Eternel, et l'on vint de toutes les villes de Juda pour chercher l'Eternel." PR 148 3 Debout au parvis du temple, devant son peuple, Josaphat se livra à la prière. Il se réclama des promesses de Dieu tout en confessant la faiblesse d'Israël. "Eternel, Dieu de nos pères, s'écria-t-il, n'es-tu pas Dieu dans les cieux, et n'est-ce pas toi qui domines sur tous les royaumes des nations? N'est-ce pas toi qui as en main la force et la puissance, et à qui nul ne peut résister? N'est-ce pas toi, ô notre Dieu, qui as chassé les habitants de ce pays devant ton peuple d'Israël, et qui l'as donné pour toujours à la postérité d'Abraham qui t'aimait? Ils l'ont habité, et ils t'y ont bâti un sanctuaire pour ton nom, en disant: S'il nous survient quelque calamité, l'épée, le jugement, la peste ou la famine, nous nous présenterons devant cette maison et devant toi, car ton nom est dans cette maison, nous crierons à toi du sein de notre détresse, et tu exauceras et tu sauveras! PR 148 4 " Maintenant voici, les fils d'Ammon et de Moab et ceux de la montagne de Séir, chez lesquels tu n'as pas permis à Israël d'entrer quand il venait du pays d'Egypte -- car il s'est détourné d'eux et ne les a pas détruits -- les voici qui nous récompensent en venant nous chasser de ton héritage, dont tu nous as mis en possession. O notre Dieu, n'exerceras-tu pas tes jugements sur eux? Car nous sommes sans force devant cette multitude nombreuse qui s'avance contre nous, et nous ne savons que faire, mais nos yeux sont sur toi."25 PR 149 1 Josaphat pouvait dire avec confiance au Seigneur: "Nos yeux sont sur toi." Pendant des années il avait appris à son peuple à se confier en celui qui était si souvent intervenu dans le passé pour sauver ses élus d'une destruction totale. Devant le péril, il ne se sentait donc pas seul. "Tout Juda se tenait debout devant l'Eternel, avec leurs petits enfants, leurs femmes et leurs fils."26 Ensemble ils jeûnèrent et prièrent. Ils supplièrent le Seigneur de mettre les ennemis en déroute, afin que son nom soit glorifié. PR 149 2 Avec le Psalmiste ils pouvaient dire: PR 149 3 O Dieu, ne reste pas dans le silence! Ne te tais pas, et ne te repose pas, ô Dieu! Car voici, tes ennemis s'agitent, Ceux qui te haïssent lèvent la tête. Ils forment contre ton peuple des projets pleins de ruse, Et ils délibèrent contre ceux que tu protèges. Venez, disent-ils, exterminons-les du milieu des nations, Et qu'on ne se souvienne plus du nom d'Israël! PR 149 4 Ils se concertent tous d'un même coeur, Ils font une alliance contre toi; Les tentes d'Edom et les Ismaélites, Moab et les Hagaréniens, Guebal, Ammon, Amalek ... Traite-les comme Madian, Comme Sisera, comme Jabin au torrent de Kison! ... Qu'ils soient confus et épouvantés pour toujours, Qu'ils soient honteux et qu'ils périssent! Qu'ils sachent que toi seul, dont le nom est l'Eternel, Tu es le Très-Haut sur toute la terre! PR 149 5 Et alors que le peuple se joignait au roi pour s'humilier devant le Seigneur, et lui demander son secours, l'Esprit d'en haut descendit sur Jachaziel, "Lévite, d'entre les fils d'Asaph", et il dit: "Soyez attentifs, tout Juda et habitants de Jérusalem, et toi, roi Josaphat! Ainsi vous parle l'Eternel: Ne craignez point et ne vous effrayez point devant cette multitude nombreuse, car ce ne sera pas vous qui combattrez, ce sera Dieu. Demain, descendez contre eux; ils vont monter par la colline de Tsits, et vous les trouverez à l'extrémité de la vallée, en face du désert de Jeruel. Vous n'aurez point à combattre en cette affaire: présentez-vous, tenez-vous là, et vous verrez la délivrance que l'Eternel vous accordera. Juda et Jérusalem, ne craignez point et ne vous effrayez point, demain, sortez à leur rencontre, et l'Eternel sera avec vous! PR 150 1 " Josaphat s'inclina le visage contre terre, et tout Juda et les habitants de Jérusalem tombèrent devant l'Eternel pour se prosterner en sa présence. Les Lévites d'entre les fils des Kéhathites et d'entre les fils des Koréites se levèrent pour célébrer d'une voix forte et haute l'Eternel, le Dieu d'Israël." PR 150 2 Le lendemain, de très bonne heure, ils se mirent en marche pour se rendre au désert de Tékoa. Et comme ils se disposaient à combattre, Josaphat leur dit: "Ecoutez-moi, Juda et habitants de Jérusalem! Confiez-vous en l'Eternel, votre Dieu, et vous serez affermis; confiez-vous en ses prophètes, et vous réussirez. Puis, d'accord avec le peuple, il nomma des chantres qui ... célébraient l'Eternel."28 Ces chantres précédaient l'armée, et il louaient le Seigneur pour la victoire promise. PR 150 3 Quelle étrange façon d'affronter une armée ennemie! Des chants de louange pour glorifier le Dieu d'Israël, c'était le cri de guerre de ces hommes de foi. Ils possédaient la "sainte magnificence". Si, de nos jours, on adressait davantage de louanges au Seigneur, la foi, le courage et l'espoir s'accroîtraient grandement. C'est ainsi que seraient fortifiés les vaillants défenseurs de la vérité. PR 150 4 "L'Eternel plaça une embuscade contre les fils d'Ammon et de Moab et ceux de la montagne de Séir, qui étaient venus contre Juda. Et ils furent battus. Les fils d'Ammon et de Moab se jetèrent sur les habitants de la montagne de Séir pour les dévouer par interdit et les exterminer; et quand ils en eurent fini avec les habitants de Séir, ils s'aidèrent les uns les autres à se détruire, PR 151 1 " Lorsque Juda fut arrivé sur la hauteur d'où l'on aperçoit le désert, ils regardèrent du côté de la multitude, et voici, c'étaient des cadavres étendus à terre, et personne n'avait échappé."29 PR 151 2 En temps de crise, le Seigneur était la force de Juda, comme il l'est aujourd'hui encore de son peuple. Ne nous confions donc ni dans les monarques ni dans les hommes que nous serions tentés de mettre à la place de Dieu. Souvenons-nous que les êtres humains que nous sommes sont faillibles et répréhensibles. Celui qui possède la toute-puissance est notre haute retraite. Rappelons-nous que, dans n'importe quelle circonstance, c'est lui qui combat. Ses possibilités sont illimitées, et plus les apparences nous semblent contraires, plus éclatante est la victoire. PR 151 3 Le Psalmiste chantait: PR 151 4 Sauve-nous, Dieu de notre salut, Rassemble-nous, et retire-nous du milieu des nations, Afin que nous célébrions ton saint nom Et que nous mettions notre gloire à te louer! PR 151 5 Chargés des dépouilles de l'ennemi, les soldats de Juda revinrent à Jérusalem "joyeux ... car l'Eternel les avait remplis de joie en les délivrant de leurs ennemis. Ils entrèrent à Jérusalem et dans la maison de l'Eternel, au son des luths, des harpes et des trompettes."31 Grandes furent leurs réjouissances. En obéissant à ce commandement: "Tenez-vous là, et vous verrez la délivrance que l'Eternel vous accordera ... ne craignez point et ne vous effrayez point",32 ils avaient mis toute leur confiance en Dieu, qui s'était manifesté à leur égard comme une forteresse libératrice. PR 151 6 Ils comprenaient bien alors les hymnes inspirés de David: PR 151 7 Dieu est pour nous un refuge et un appui, Un secours qui ne manque jamais dans la détresse. ... Il a brisé l'arc, et il a rompu la lance, Il a consumé par le feu les chars de guerre. Arrêtez, et sachez que je suis Dieu: Je domine sur les nations, je domine sur la terre. L'Eternel des armées est avec nous, Le Dieu de Jacob est pour nous une haute retraite. Comme ton nom, ô Dieu! Ta louange retentit jusqu'aux extrémités de la terre; Ta droite est pleine de justice. La montagne de Sion se réjouit, Les filles de Juda sont dans l'allégresse, A cause de tes jugements. ... PR 152 1 Voilà le Dieu qui est notre Dieu éternellement et à jamais; Il sera notre guide jusqu'à la mort. PR 152 2 Grâce à la foi du roi de Juda et de ses armées, "la terreur de l'Eternel s'empara de tous les royaumes des autres pays, lorsqu'ils apprirent que l'Eternel avait combattu contre les ennemis d'Israël. Et le royaume de Josaphat fut tranquille, et son Dieu lui donna du repos de tous côtés."35 ------------------------Chapitre 16 -- Ruine de la maison d'Achab PR 153 0 Ce chapitre est basé sur 1 Rois 21; 2 Rois 1. PR 153 1 L'influence néfaste exercée par Jézabel sur Achab, dès le début de leur mariage, continua à se faire sentir jusqu'à la fin de la vie du monarque. Il en résulta des actes de violence et d'infamie tels qu'on en trouve rarement dans le récit sacré. "Il n'y a eu personne qui se soit vendu comme Achab pour faire ce qui est mal aux yeux de l'Eternel, et Jézabel, sa femme, l'y excitait." PR 153 2 Ambitieux de nature, et encouragé par Jézabel, Achab suivit ses mauvais penchants, et l'égoïsme le domina entièrement. Il ne pouvait admettre qu'on s'opposât à ses désirs; il pensait que tout ce qui lui faisait plaisir devait lui appartenir de droit. PR 153 3 Ce trait déplorable qui eut une influence si désastreuse sur le sort du royaume, sous le règne des successeurs d'Achab, se révéla dans un incident qui eut lieu alors qu'Elie était encore prophète en Israël. A côté du palais royal se trouvait une vigne appartenant à Naboth de Jizreel. Achab décida de s'en emparer. Il lui proposa de l'acheter, ou de lui donner en échange une autre vigne. "Cède-moi ta vigne, dit-il à Naboth, pour que j'en fasse un jardin potager, car elle est tout près de ma maison. Je te donnerai à la place une vigne meilleure; ou, si cela te convient, je te paierai la valeur en argent." PR 154 1 Mais Naboth considérait que sa vigne avait un prix inestimable, car elle avait appartenu à ses pères. Il refusa donc de s'en défaire. "Que l'Eternel, dit-il, me garde de te donner l'héritage de mes pères!" Selon le code lévitique, on ne pouvait se défaire d'une terre à perpétuité ni par vente, ni par échange. Les enfants d'Israël devaient conserver "l'héritage de la tribu de leurs pères".1 PR 154 2 Le refus de Naboth rendit malade l'égoïste monarque. "Achab rentra dans sa maison, triste et irrité, à cause de cette parole que lui avait dite Naboth de Jizreel. ... Il se coucha sur son lit, détourna le visage, et ne mangea rien." PR 154 3 Jézabel connut bientôt les détails de cet incident. Courroucée d'apprendre que quelqu'un avait pu refuser d'accéder à la demande du roi, elle assura Achab que sa tristesse n'était pas justifiée. "Est-ce bien toi maintenant, lui dit-elle, qui exerces la souveraineté sur Israël? Lève-toi, prends de la nourriture, et que ton coeur se réjouisse; moi, je te donnerai la vigne de Naboth de Jizreel." PR 154 4 Achab ne se soucia pas de la manière qu'emploierait sa femme pour obtenir l'objet de sa convoitise. Jézabel, elle, mit aussitôt ses noirs desseins à exécution. Elle écrivit des lettres au nom du roi, qu'elle scella de son sceau; puis, elle les envoya aux anciens et aux magistrats de la ville où demeurait Naboth. "Publiez un jeûne, leur disait-elle; placez Naboth à la tête du peuple, et mettez en face de lui deux méchants hommes qui déposeront ainsi contre lui: Tu as maudit Dieu et le roi! Puis menez-le dehors, lapidez-le, et qu'il meure." PR 154 5 Cet ordre fut exécuté. "Les gens de la ville de Naboth, les anciens et les magistrats ... agirent comme Jézabel le leur avait ... écrit dans les lettres qu'elle leur avait envoyées." Alors Jézabel se rendit auprès du roi, et lui ordonna de se lever pour prendre possession de la vigne en question. Achab suivit ce conseil aveuglément, sans s'inquiéter des conséquences qui s'ensuivraient. Il alla donc s'emparer de la propriété convoitée. PR 155 1 Mais il ne fut pas permis au roi, sans être repris, de jouir d'un bien acquis par la fraude et le crime. "La parole de l'Eternel fut adressée à Elie, le Thischbite, en ces mots: Lève-toi, descends au-devant d'Achab, roi d'Israël à Samarie; le voilà dans la vigne de Naboth, où il est descendu pour en prendre possession. Tu lui diras: Ainsi parle l'Eternel: N'es-tu pas un assassin et un voleur?" Et le Seigneur continua à révéler au prophète qu'il devait prononcer contre le roi un châtiment terrible. PR 155 2 Elie s'empressa de délivrer le message divin à Achab. Le monarque coupable et le messager sévère de l'Eternel se trouvèrent à nouveau face à face, cette fois dans la vigne extorquée. Effrayé, Achab s'écria: "M'as-tu trouvé, mon ennemi?" Le prophète répondit sans hésiter: "Je t'ai trouvé, parce que tu t'es vendu pour faire ce qui est mal aux yeux de l'Eternel. Voici, je vais faire venir le malheur sur toi; je te balaierai, j'exterminerai quiconque appartient à Achab." Aucune indulgence ne devait être accordée. La maison d'Achab serait totalement détruite. "Je rendrai ta maison semblable à la maison de Jéroboam, fils de Nebath, et à la maison de Baescha, fils d'Achija, dit l'Eternel par la bouche de son serviteur, parce que tu m'as irrité et que tu as fait pécher Israël." PR 155 3 Et le Seigneur ajouta au sujet de Jézabel: "Les chiens mangeront Jézabel près du rempart de Jizreel. Celui de la maison d'Achab qui mourra dans la ville sera mangé par les chiens, et celui qui mourra dans les champs sera mangé par les oiseaux du ciel." PR 155 4 Après avoir entendu ce message épouvantable, le roi "déchira ses vêtements, il mit un sac sur son corps, et il jeûna; il couchait avec ce sac, et il marchait lentement". PR 155 5 "La parole de l'Eternel fut adressée à Elie, le Thischbite, en ces mots: As-tu vu comment Achab s'est humilié devant moi? Parce qu'il s'est humilié devant moi, je ne ferai pas venir le malheur pendant sa vie; ce sera pendant la vie de son fils que je ferai venir le malheur sur sa maison." PR 156 1 Moins de trois ans plus tard, le roi Achab trouva la mort dans la guerre contre les Syriens. Achazia, son successeur, "fit ce qui est mal aux yeux de l'Eternel, et il marcha dans la voie de son père et dans la voie de sa mère, et dans la voie de Jéroboam. ... Il servit Baal et se prosterna devant lui, et il irrita l'Eternel, le Dieu d'Israël, comme avait fait son père."2 Mais le châtiment ne tarda pas à atteindre le roi rebelle. Une guerre désastreuse contre Moab, puis un accident qui faillit lui coûter la vie témoignèrent de la colère de Dieu à son égard. PR 156 2 Achazia tomba "par le treillis de sa chambre haute", et il se blessa grièvement. Comme il éprouvait de sérieuses inquiétudes sur son sort, il envoya quelques-uns de ses serviteurs demander à Baal-Zebub, dieu d'Ekron, s'il guérirait. Le dieu d'Ekron était réputé pour sa connaissance de l'avenir, qu'il révélait par l'intermédiaire de ses prêtres. Des foules de gens venaient l'interroger au sujet des événements futurs. Mais ces prédictions provenaient du prince des ténèbres. PR 156 3 Les serviteurs d'Achazia rencontrèrent un homme de Dieu qui leur ordonna de retourner vers le roi, et de lui dire: "Est-ce parce qu'il n'y a point de Dieu en Israël que tu envoies consulter Baal-Zebub, dieu d'Ekron? C'est pourquoi tu ne descendras pas du lit sur lequel tu es monté, car tu mourras." Et après avoir délivré son message, le prophète disparut. PR 156 4 Les serviteurs tout décontenancés se hâtèrent de retourner vers le roi, et ils lui rapportèrent les paroles de l'homme de Dieu. Achazia leur demanda: "Quel air avait cet homme?" Ils répondirent: "C'était un homme vêtu de poil et ayant une ceinture de cuir autour des reins." Et le roi s'écria: "C'est Elie, le Thischbite." Il savait que si celui que ses messagers avaient rencontré était bien Elie, la sentence se réaliserait sûrement. Désireux de détourner de lui, si possible, le châtiment qui le menaçait, il décida de faire chercher le prophète. PR 156 5 Par deux fois Achazia envoya une compagnie de soldats pour intimider Elie; par deux fois aussi la colère de Dieu tomba sur eux et les châtia. PR 157 1 Une troisième compagnie s'humilia devant le Seigneur. En s'approchant du prophète, le capitaine "fléchit les genoux devant Elie, et il lui dit en suppliant: Homme de Dieu, que ma vie, je te prie, et que la vie de ces cinquante hommes, tes serviteurs, soit précieuse à tes yeux!" PR 157 2 "L'ange de l'Eternel dit à Elie: Descends avec lui, n'aie aucune crainte de lui. Elie se leva et descendit avec lui vers le roi. Il lui dit: Ainsi parle l'Eternel: Parce que tu as envoyé des messagers pour consulter Baal-Zebub, dieu d'Ekron, comme s'il n'y avait en Israël point de Dieu dont on puisse consulter la parole, tu ne descendras pas du lit sur lequel tu es monté, car tu mourras." PR 157 3 Pendant le règne de son père, Achazia avait été témoin des oeuvres merveilleuses du Très-Haut. Il avait assisté aux terribles manifestations de la puissance divine à l'égard du peuple apostat d'Israël, et il s'était rendu compte de la manière dont le Seigneur juge ceux qui refusent de se soumettre aux exigences de sa loi. Mais il agissait comme si ces vérités solennelles n'étaient que des contes frivoles. Au lieu d'humilier son coeur devant Dieu, il suivait Baal qu'il s'était finalement risqué à consulter pendant sa maladie, se livrant ainsi au plus audacieux des actes d'impiété. Révolté, n'éprouvant aucun désir de se repentir, Achazia mourut "selon la parole de l'Eternel prononcée par Elie". PR 157 4 Le récit du péché d'Achazia et de son châtiment comporte un avertissement auquel nul ne devrait rester indifférent. Aujourd'hui, les hommes peuvent ne pas rendre hommage aux dieux païens, et cependant des milliers d'entre eux adorent Satan comme le fit le roi d'Israël. L'esprit d'idolâtrie règne dans le monde, bien que sous l'influence de la science il ait pris des formes plus raffinées et plus séduisantes qu'à l'époque où Achazia consultait le dieu d'Ekron. Chaque jour nous fournit la triste preuve que la foi dans la parole prophétique diminue, alors que la superstition et la sorcellerie satanique captivent l'esprit des foules. PR 157 5 De nos jours, les mystères du culte païen sont remplacés par des associations et des réunions secrètes, par des séances de médiums spirites qui ont lieu dans l'obscurité. Les révélations de ces médiums sont reçues avec avidité par des milliers de personnes qui refusent d'accepter la lumière de la Parole de Dieu. Les adeptes du spiritisme peuvent parler avec dérision des magiciens de l'Antiquité, le grand séducteur triomphe lorsque ceux-ci se livrent à ses artifices sous une forme différente. PR 158 1 Il en est beaucoup qui frissonnent d'horreur à la pensée de consulter des médiums spirites, alors qu'ils sont fascinés par des formes plus agréables du spiritisme. Ils se laissent séduire par les enseignements de la science chrétienne, par le mysticisme de la théosophie, ou d'autres religions orientales. PR 158 2 Les disciples de la plupart des formes du spiritisme prétendent posséder le pouvoir de la guérison. Ils attribuent ce pouvoir à l'électricité, au magnétisme, aux remèdes dits "sympathiques", ou aux forces latentes du cerveau de l'homme. Ils sont nombreux ceux qui, à notre époque, vont consulter ces guérisseurs, au lieu de mettre leur confiance dans le Dieu vivant, ou dans l'habileté de médecins qualifiés. La mère qui veille auprès du lit de son enfant malade s'écrie: "Je ne puis plus rien faire! N'y a-t-il aucun médecin qui soit capable de le guérir?" On lui a parlé de cures merveilleuses opérées par certains guérisseurs, certains magnétiseurs, et elle confie son enfant bien-aimé aux soins de l'un d'entre eux, le plaçant ainsi entre les mains de Satan aussi sûrement que si cet ennemi était auprès d'elle. Dans de nombreux cas, il arrive que l'enfant continue à être sous le contrôle d'une puissance satanique, qu'il ne semble pas possible de vaincre. PR 158 3 Dieu avait des raisons pour être mécontent de l'impiété d'Achazia. Que n'avait-il pas fait pour gagner le peuple d'Israël, et l'engager à se confier en lui? Pendant des années, il lui avait donné des preuves de sa bonté et de son amour incomparables. Dès les origines, il avait montré qu'il trouvait son "bonheur parmi les fils de l'homme".3 Il avait été un secours pour tous ceux qui le recherchaient sincèrement. Et cependant, le roi d'Israël se détourna de l'Eternel pour chercher un appui auprès du plus grand ennemi de son peuple. Il déclara aux païens qu'il se confiait davantage dans leurs idoles que dans le Dieu du ciel. Aujourd'hui, les hommes déshonorent le Seigneur de la même manière, en se détournant de la source de la sagesse et de la puissance pour demander aide et conseil aux forces ténébreuses. Si la colère divine s'alluma par l'acte d'impiété d'Achazia, à combien plus forte raison ne s'allumera-t-elle pas contre nous, qui avons de plus grandes lumières que ce roi et qui suivons cependant une voie identique à la sienne. PR 159 1 Ceux qui s'adonnent à la sorcellerie diabolique, peuvent se vanter d'en avoir reçu un grand bien; mais est-ce la preuve que leur conduite est sage ou sûre? Qu'importe si la vie est prolongée; qu'importe si les biens temporels sont assurés. Quel profit en tirera-t-on finalement si l'on méprise la volonté divine? Tous ces avantages apparents s'avéreront comme autant de pertes irréparables. Ce n'est pas impunément que nous pouvons renverser l'unique barrière que le Seigneur a dressée pour mettre son peuple à l'abri des atteintes de Satan. PR 159 2 Achazia n'ayant pas de fils, ce fut Joram, son frère, qui lui succéda. Il régna pendant douze ans sur les dix tribus d'Israël. Sa mère, Jézabel, qui vivait encore, continua d'exercer sa mauvaise influence sur les affaires de la nation. De nombreuses personnes pratiquaient toujours les coutumes idolâtres. Joram lui-même "fit ce qui est mal aux yeux de l'Eternel, non pas toutefois comme son père et comme sa mère. Il renversa les statues de Baal que son père avait faites; mais il se livra aux péchés de Jéroboam, fils de Nebath, qui avait fait pécher Israël, et il ne s'en détourna point."4 PR 159 3 C'est sous le règne de Joram que mourut Josaphat. Son fils qui s'appelait aussi Joram monta sur le trône de Juda. Par son mariage avec la fille d'Achab et de Jézabel, il était apparenté au roi d'Israël. Il pratiqua le culte de Baal "comme avait fait la maison d'Achab. ... Joram fit même des hauts lieux dans les montagnes de Juda; il poussa les habitants de Jérusalem à la prostitution, et il séduisit Juda."5 PR 159 4 Mais l'apostasie de Juda ne devait pas se prolonger sans recevoir son châtiment. Le prophète Elie n'avait pas encore été enlevé. Comment aurait-il pu garder le silence, alors que le royaume s'adonnait aux pratiques mêmes qui avaient amené la perte d'Israël? Il envoya donc un message contenant de terribles menaces contre le roi et contre son peuple. PR 160 1 "Ainsi parle l'Eternel, le Dieu de David, ton père, disait-il. Parce que tu n'as pas marché dans les voies de Josaphat, ton père, et dans les voies d'Asa, roi de Juda, mais que tu as marché dans la voie des rois d'Israël; parce que tu as entraîné à la prostitution Juda et les habitants de Jérusalem, comme l'a fait la maison d'Achab à l'égard d'Israël; et parce que tu as fait mourir tes frères, meilleurs que toi, la maison même de ton père; voici, l'Eternel frappera ton peuple d'une grande plaie, tes fils, tes femmes, et tout ce qui t'appartient; et toi, il te frappera d'une maladie violente, d'une maladie d'entrailles, qui augmentera de jour en jour jusqu'à ce que tes entrailles sortent par la force du mal." PR 160 2 Pour accomplir cette prophétie, "l'Eternel excita contre Joram l'esprit des Philistins et des Arabes qui sont dans le voisinage des Ethiopiens. Ils montèrent contre Juda, y firent une invasion, pillèrent toutes les richesses qui se trouvaient dans la maison du roi, et emmenèrent ses fils et ses femmes, de sorte qu'il ne lui resta d'autre fils que Joachaz, le plus jeune de ses fils. Après tout cela, l'Eternel le frappa d'une maladie d'entrailles qui était sans remède; elle augmenta de jour en jour, et sur la fin de la seconde année les entrailles de Joram sortirent par la force de son mal. Il mourut dans de violentes souffrances. ... Et Achazia, son fils, régna à sa place."6 PR 160 3 Joram, fils d'Achab, régnait encore sur Israël quand son neveu Achazia monta sur le trône de Juda. Achazia ne régna qu'une année, au cours de laquelle il subit la néfaste influence de sa mère Athalie, qui lui donnait "des conseils impies". "Et il marcha dans les voies de la maison d'Achab. ... Il fit ce qui est mal aux yeux de l'Eternel."7 Jézabel, sa grand-mère, vivait encore. Mal conseillé, le roi s'allia imprudemment avec Joram, roi d'Israël, son oncle. Achazia allait, d'ailleurs, bientôt connaître une fin tragique. Les survivants de la maison d'Achab furent "de vrais conseillers pour sa perte".8 Au cours d'une visite qu'Achazia rendait à son oncle à Jizreel, le Seigneur ordonna au prophète Elisée d'envoyer l'un des fils des prophètes à Ramoth en Galaad, pour oindre Jéhu, roi d'Israël. Les armées alliées de Juda et d'Israël combattaient à ce moment-là à Ramoth, en Galaad. Le roi Joram fut blessé au cours d'une bataille, et il retourna à Jizreel, abandonnant à Jéhu la charge des armées. PR 161 1 En oignant Jéhu, le messager d'Elisée avait déclaré: "Je t'oins roi d'Israël, du peuple de l'Eternel." Il avait ensuite solennellement confié à Jéhu une mission de la part de Dieu: "Tu frapperas la maison d'Achab, ton maître, et je vengerai sur Jézabel le sang de mes serviteurs les prophètes et le sang de tous les serviteurs de l'Eternel. Toute la maison d'Achab périra."9 PR 161 2 Après avoir été proclamé roi par l'armée, Jéhu se hâta de retourner à Jérusalem, où il commença à exécuter les ordres qui lui avaient été donnés concernant ceux qui s'étaient livrés au péché tout en égarant le peuple. Joram, roi d'Israël, Achazia, roi de Juda, et Jézabel, la reine-mère, et "tous ceux qui restaient dans la maison d'Achab à Jizreel, tous ses grands, ses familiers et ses ministres" furent massacrés, "sans en laisser échapper un seul". "Tous les prophètes de Baal, tous ses serviteurs et tous ses prêtres" qui demeuraient au centre du culte de Baal, près de Samarie, furent exterminés. Les statues et les idoles furent brisées et brûlées, le temple démoli: "Ainsi Jéhu extermina Baal du milieu d'Israël."10 PR 161 3 La nouvelle de cette extermination parvint aux oreilles d'Athalie, fille de Jézabel, qui régnait encore en souveraine dans le royaume de Juda. Lorsqu'elle apprit que son fils était mort, "elle se leva et fit périr toute la race royale". Tous les descendants de David, prétendants au trône, moururent dans ce massacre, à l'exception d'un bébé nommé Joas, que la femme du grand prêtre Jéhojada cacha dans la maison de Dieu. L'enfant resta ainsi caché pendant six ans, alors qu'Athalie "régnait dans le pays"11 Lorsqu'il eut sept ans, "les Lévites et tout Juda".12 s'entendirent avec Jehojada, le grand prêtre, pour couronner et oindre Joas, qu'ils proclamèrent roi. "Et frappant des mains, ils dirent: Vive le roi!"13 PR 162 1 "Athalie entendit le bruit du peuple accourant et célébrant le roi, et elle vint vers le peuple à la maison de l'Eterne."14 "Et voici, le roi se tenait sur l'estrade, selon l'usage; les chefs et les trompettes étaient près du roi: tout le peuple du pays était dans la joie, et l'on sonnait des trompettes. Athalie déchira ses vêtements, et cria: Conspiration! Conspiration!"15 Mais Jehojada ordonna aux officiers de l'armée de se saisir d'Athalie et de tous ceux qui la suivaient; puis de les faire sortir du temple pour les conduire au lieu d'exécution où ils furent massacrés. PR 162 2 Ainsi périt le dernier membre de la maison d'Achab. Les terribles maux engendrés par l'alliance d'Achab et de Jézabel sévirent jusqu'au moment où disparut la dernière descendante de cette maison. Athalie était arrivée en effet à entraîner dans l'idolâtrie de nombreuses personnes, même dans ce pays de Juda où le culte du vrai Dieu n'avait jamais été rejeté d'une façon formelle. PR 162 3 Immédiatement après l'exécution de la reine impénitente, "tout le peuple du pays entra dans la maison de Baal, et ils la démolirent; ils brisèrent entièrement ses autels et ses images, et ils tuèrent devant les autels Matthan, prêtre de Baal".16 PR 162 4 Une heureuse réforme s'ensuivit. Ceux qui avaient participé à l'accession de Joas au trône traitèrent une alliance solennelle, "par laquelle ils devaient être le peuple de l'Eternel". Et maintenant que la néfaste influence de la fille de Jézabel ne se faisait plus sentir en Juda, que les prêtres de Baal avaient été massacrés et leur temple détruit, "tout le peuple du pays se réjouissait, et la ville était tranquille".17 ------------------------Chapitre 17 -- L'appel d'Elisée PR 163 1 Dieu avait ordonné à Elie d'oindre un autre prophète à sa place. "Tu oindras, lui avait-il dit, Elisée, fils de Schaphath ... pour prophète à ta place."1 Obéissant à cette injonction, le prophète partit à la recherche d'Elisée. Et alors qu'il se dirigeait vers le nord, il admirait le spectacle qui s'offrait à ses yeux. Comme le paysage s'était transformé en peu de temps! Le sol desséché, les champs incultes avaient fait place à un site riant. La végétation s'étalait de toute part comme pour se rattraper de la sécheresse et de la famine qui avaient sévi au cours des trois ans et demi où il n'était tombé ni rosée, ni pluie. PR 163 2 Le père d'Elisée était un riche propriétaire terrien. Les gens de sa maison faisaient partie des fidèles qui n'avaient pas fléchi le genou devant Baal, au moment où l'apostasie régnait presque universellement dans le pays. Là, on honorait le Seigneur et on obéissait strictement aux préceptes divins, préceptes qui servaient de règle à la vie quotidienne. C'est dans cette atmosphère qu'Elisée vécut ses premières années. Dans le calme de la vie champêtre, il reçut les enseignements de Dieu et de la nature, tout en étant soumis à la discipline du travail. On l'habitua à observer la simplicité, l'obéissance aux parents et au Seigneur, ce qui lui permit d'assumer par la suite les plus grandes responsabilités. PR 164 1 L'appel prophétique parvint à Elisée alors qu'il labourait les champs avec les domestiques de son père. Le futur prophète possédait à la fois les capacités d'un chef et l'humilité d'un serviteur. Doué d'un esprit de douceur et de paix, il savait néanmoins être ferme et énergique. Il se caractérisait par son intégrité, sa fidélité, son amour et sa crainte de Dieu. Dans l'humble cadre de son labeur quotidien, il acquit un caractère noble et résolu, tandis qu'il croissait en grâce et en connaissance. Tout en collaborant avec son père aux travaux domestiques, il apprenait à collaborer avec Dieu. PR 164 2 La fidélité témoignée par Elisée dans les petites choses le préparait à de plus grandes. Chaque jour il acquérait dans son travail l'expérience nécessaire pour une oeuvre plus vaste et plus noble. Il apprenait à servir et, en servant, à instruire et à conduire les hommes. Sa vie comporte pour nous une leçon précieuse. Nul ne connaît les desseins de Dieu dans la discipline qu'il nous impose. Mais nous pouvons avoir l'assurance que la fidélité dans les petites choses est la preuve que nous arriverons à assumer de plus grandes responsabilités. PR 164 3 Le caractère se révèle dans tous les actes de la vie quotidienne, et seul celui qui se montre "un ouvrier qui n'a point à rougir",2 sera honoré par le Seigneur dans l'accomplissement d'une noble tâche. L'homme qui croit que l'exécution des devoirs de moindre importance ne tire pas à conséquence ne se montre pas digne d'occuper une situation plus honorable. Il peut s'estimer très compétent pour assumer de grandes tâches, mais Dieu en juge autrement; il voit au fond des choses et non superficiellement. Après l'avoir éprouvé, il lui adresse cette sentence: "Tu as été pesé dans la balance et tu as été trouvé trop léger." Son infidélité se retourne contre lui; il ne reçoit ni la grâce, ni la force, ni la fermeté que le Seigneur accorde à ceux qui se soumettent entièrement à sa volonté. PR 165 1 D'aucuns qui ne sont pas engagés dans l'oeuvre du Maître s'imaginent que leur vie est inutile, qu'ils ne font rien pour l'avancement du règne de Dieu. Avec quelle joie ils se chargeraient d'une tâche importante! Et parce qu'ils ne sont utiles que dans des travaux secondaires, ils se croient autorisés à ne rien faire. Ils font complètement fausse route en agissant de la sorte. Un homme est actif au service de Dieu lorsqu'il accomplit sa tâche de tous les jours: soit qu'il abatte un arbre, qu'il défriche son champ ou suive sa charrue. La mère de famille qui élève son enfant pour le Christ fait un travail pour le Seigneur tout aussi important que celui du pasteur. PR 165 2 Certains chrétiens voudraient posséder des dons spéciaux pour accomplir un travail remarquable. Ils en arrivent ainsi à perdre de vue les devoirs de la vie quotidienne, devoirs qui offriraient une saveur charmante s'ils étaient accomplis fidèlement. Que ces chrétiens-là fassent le travail placé sur leur chemin. Le succès d'une entreprise dépend beaucoup moins du talent que de l'énergie et de la volonté. Pour faire un travail profitable, il n'est pas nécessaire d'avoir des dons exceptionnels; il suffit d'accomplir consciencieusement la tâche de chaque jour. Il faut en outre posséder un esprit de contentement et s'intéresser sincèrement au bien du prochain. On peut trouver la perfection dans la destinée la plus humble. Les besognes les plus banales dont on s'acquitte avec amour sont belles aux yeux du Seigneur. PR 165 3 Alors qu'il cherchait son successeur, Elie, guidé par l'Esprit, traversa le champ où labourait Elisée, et il jeta sur les épaules du jeune homme son manteau de prophète. Pendant la famine, la famille de Schaphath avait été au courant de l'oeuvre et de la mission d'Elie. Or, maintenant, l'Esprit de Dieu pénétrait le coeur d'Elisée et lui montrait la signification du geste d'Elie. C'était pour lui le signe que le Seigneur l'appelait à succéder au prophète. Il quitta ses boeufs, "courut après Elie, et dit: Laisse-moi embrasser mon père et ma mère, et je te suivrai. Elie lui répondit: Va, et reviens; car pense à ce que je t'ai fait."3 PR 165 4 Elisée ne repoussait pas l'appel d'Elie; mais sa foi était mise à l'épreuve. Il devait réfléchir à ce que cela lui coûterait, et décider s'il accepterait ou refuserait cet appel. S'il désirait rester attaché à la maison paternelle et aux avantages qu'elle lui offrait, il était libre de le faire. Mais Elisée comprit ce que lui demandait Elie; il savait que c'était Dieu qui l'avait dicté, aussi n'hésita-t-il pas un seul instant à obéir. Aucun avantage au monde n'aurait pu l'empêcher de saisir l'occasion de devenir un messager du Seigneur ou de jouir du privilège de collaborer avec le prophète. Il revint "prendre une paire de boeufs, qu'il offrit en sacrifice; avec l'attelage des boeufs, il fit cuire leur chair, et la donna à manger au peuple. Puis, il se leva, suivit Elie, et fut à son service."3 Ainsi, sans hésitation, le jeune homme quitta le foyer où il était tendrement aimé pour suivre le prophète dans sa vie mouvementée. PR 166 1 Si Elisée avait demandé à Elie ce qu'il attendait de lui -- quel serait son travail -- le prophète lui aurait répondu: "Dieu le sait. Il te le fera connaître. Si tu te confies en lui, il répondra à toutes tes questions. Si tu as la preuve qu'il t'a appelé, tu peux me suivre. Mais sache que le Maître se tient derrière moi et que c'est sa voix que tu as entendue. Si, pour gagner la faveur du ciel, tu considères tout comme de la boue, alors viens!" PR 166 2 L'appel adressé à Elisée ressemblait à la réponse du Christ au jeune homme riche, lorsque celui-ci lui posa cette question: "Maître, que dois-je faire de bon pour avoir la vie éternelle?" "Si tu veux être parfait, lui répondit le Christ, va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel. Puis viens, et suis-moi."4 PR 166 3 Elisée accepta donc l'appel qui le conviait à servir le Maître. Il le fit sans jeter un regard en arrière sur les plaisirs ou le bienêtre qu'il quittait. Le jeune homme riche, lui, après avoir entendu les paroles du Sauveur, "s'en alla tout triste, car il avait de grands biens".4 Il refusait de faire les sacrifices nécessaires; l'amour qu'il éprouvait pour ses richesses dépassait celui qu'il avait pour le Seigneur. En ne voulant pas tout quitter pour le Christ, il se révélait indigne de le servir. PR 166 4 Cet appel qui nous invite à tout placer sur l'autel du service s'adresse à chacun de nous. Il ne nous est pas demandé de servir comme Elisée, ni de vendre tous nos biens, mais d'offrir au Seigneur la première place dans nos vies, et par conséquent de ne laisser passer aucune journée sans faire quelque chose pour l'avancement de son règne. Nous ne sommes pas tous appelés au même travail. L'un devra peut-être partir en pays étranger, l'autre sera appelé à soutenir financièrement l'oeuvre évangélique. Mais le Seigneur accepte le don de chacun. Ce qui compte, c'est la consécration de nos vies et de tout ce qui s'y rattache. Ceux qui y parviennent entendront l'appel divin et lui obéiront. PR 167 1 A tous ceux qui deviennent participants de sa grâce, Dieu assigne une tâche en faveur des autres. Où que nous soyons, nous devons dire au Seigneur: "Me voici, envoie-moi!" Ministre de l'Evangile, médecin, commerçant, agriculteur, fonctionnaire, ouvrier, chacun a une responsabilité à assumer, chacun doit communiquer aux autres le message du salut. Quelle que soit la tâche qui nous est dévolue, elle est un moyen pour atteindre ce but. PR 167 2 Au début de son ministère, Elisée n'eut pas à faire une grande oeuvre. Il devait s'occuper de travaux ordinaires. Il est dit qu'il versait de l'eau sur les mains de son maître, Elie. Mais il était prêt à accomplir tout ce que le Seigneur lui demandait, et il apprenait jour après jour à servir dans l'humilité. Serviteur du prophète, il s'appliquait à être fidèle dans les petites choses tout en se préparant à la grande mission que le Seigneur lui confiait. PR 167 3 Après s'être joint à Elie, Elisée ne fut pas exempt de tentations. Les épreuves ne lui manquèrent pas; mais il ne cessait de se confier en Dieu. Il pensait tout naturellement à ce qu'il avait quitté en partant de la maison, mais cette tentation ne le retenait pas. Il avait mis la main à la charrue, il ne reviendrait pas en arrière. Il se montra donc fidèle à sa mission, malgré les épreuves et les difficultés. PR 167 4 Le ministère évangélique ne se limite pas à la prédication de la Parole de Dieu. Il comprend l'éducation des jeunes, comme celle qu'Elie donna à Elisée. Il faut arracher ces jeunes à leur tâche ordinaire pour leur confier des responsabilités dans l'oeuvre de Dieu. Ces responsabilités, d'abord légères, grandiront à mesure qu'ils acquerront des forces spirituelles et de l'expérience. PR 168 1 Il est, dans le ministère évangélique, des hommes de foi et de prière, qui peuvent dire: "Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché, concernant la parole de vie ... ce que nous avons vu et entendu, nous vous l'annonçons."5 Les jeunes serviteurs de Dieu inexpérimentés doivent être entraînés à collaborer avec ces hommes-là. Ils apprendront alors comment s'acquitter de leurs responsabilités. PR 168 2 Ceux qui se chargent de former ces jeunes au service du Maître ont une noble tâche. Le Seigneur lui-même collabore avec eux. Il faut que ceux qui ont le privilège d'être associés avec de fidèles ouvriers du Maître, en tirent le plus grand profit. Qu'ils n'oublient pas que Dieu les a honorés en les choisissant pour ses messagers et en les plaçant dans les conditions voulues pour être formés en vue de leur tâche. Qu'ils fassent preuve d'humilité, de fidélité, d'obéissance et d'esprit de sacrifice. S'ils se soumettent à la discipline du Seigneur, s'ils suivent ses directives, s'ils profitent des conseils qui leur sont donnés, ils deviendront des hommes aux principes fermes et nobles. Dieu pourra alors leur confier des charges importantes. PR 168 3 Si l'Evangile est prêché dans sa pureté, on verra des hommes quitter leurs champs ou les affaires commerciales qui les accaparent. Formés par des hommes de Dieu expérimentés, ils apprendront à travailler pour le Maître avec efficacité, et ils prêcheront la vérité avec puissance. Grâce à la merveilleuse intervention de la Providence, les montagnes de difficultés qui se dressent devant eux seront jetées dans la mer. Le message divin dont l'importance est grande pour l'humanité sera entendu et compris par les hommes. Ceux-ci connaîtront la vérité. L'oeuvre de Dieu progressera sans cesse jusqu'à ce que le monde entier ait entendu l'Evangile. Alors viendra la fin. PR 168 4 Après son appel, Elisée suivit pendant plusieurs années le prophète Elie. C'est ainsi que le jeune homme se préparait pour l'oeuvre qui l'attendait. Elie avait été l'instrument employé par le Seigneur pour supprimer de terribles fléaux. L'idolâtrie favorisée par Achab et Jézabel, cette reine païenne, avait gagné toute la nation. Elie réussit à lui porter un coup décisif. Les prophètes de Baal avaient été massacrés, les habitants d'Israël profondément remués. La plupart revenaient au vrai Dieu. Comme successeur d'Elie, Elisée devait, par son enseignement patient et méthodique, essayer de guider la nation israélite dans de sûrs sentiers. En collaborant avec Elie, le plus grand des prophètes depuis Moïse, il se préparait à la tâche qu'il serait bientôt seul à assumer. PR 169 1 Au cours de ces années de collaboration étroite, Elie fut parfois appelé à réprouver le péché. Quand Achab s'empara de la vigne de Naboth, ce fut la voix d'Elie qui prophétisa la ruine du roi et de sa maison. Et quand Achazia, après la mort de son père Achab, se détourna du Dieu vivant pour suivre Baal-Zebub, dieu d'Ekron, ce fut encore la voix d'Elie qui se fit entendre pour protester énergiquement. PR 169 2 Les écoles des prophètes créées par Samuel avaient disparu au cours des années d'apostasie qui sévirent en Israël. Elie rétablit ces écoles, qui permettaient aux jeunes gens de se former pour magnifier la loi et la faire honorer. Le récit sacré mentionne trois de ces écoles, une à Guilgal, une deuxième à Béthel et une troisième à Jéricho. Immédiatement avant son enlèvement au ciel, Elie visita avec Elisée un de ces centres d'éducation. Il répéta à ces jeunes serviteurs du Maître les leçons qu'il leur avait enseignées au cours de ses visites précédentes. Il les entretint tout particulièrement de l'immense privilège qu'ils possédaient en restant fidèles au Seigneur. Il leur parla de l'importance de la simplicité qui devait caractériser chaque détail de leur éducation. Ce n'était qu'ainsi qu'ils pourraient être façonnés sur le modèle divin et seraient prêts à travailler pour le Seigneur. PR 169 3 Elie se réjouissait de constater les résultats obtenus par ces écoles. La réforme entreprise n'était pas encore complète, mais il pouvait vérifier dans tout le royaume l'accomplissement de la parole du Seigneur: "Je laisserai en Israël sept mille hommes, tous ceux qui n'ont point fléchi les genoux devant Baal."6 PR 169 4 Alors qu'Elisée accompagnait le prophète dans ses visites d'école en école, sa foi et son courage furent mis à rude épreuve. A Guilgal, à Béthel, à Jéricho, il fut invité par le prophète à ne plus l'accompagner. "Reste ici, je te prie, lui dit Elie, car l'Eternel m'envoie jusqu'à Béthel." Mais, lorsqu'il apprenait à labourer, Elisée ne se laissait pas aller au découragement. Maintenant qu'il s'était engagé dans une autre voie, il poursuivrait résolument le but qu'il s'était tracé. Il ne se séparerait pas de son maître aussi longtemps qu'il pourrait se perfectionner auprès de lui en vue de son travail. Elie ignorait que son enlèvement avait été révélé aux élèves des écoles de prophètes, et en particulier à Elisée. Accablé de tristesse, le serviteur de l'homme de Dieu se tenait maintenant tout près de lui. Chaque fois qu'il l'invitait à le quitter, il répondait: "L'Eternel est vivant et ton âme est vivante! Je ne te quitterai point." PR 170 1 "Et ils poursuivirent tous deux leur chemin ... et ils s'arrêtèrent au bord du Jourdain. Alors Elie prit son manteau, le roula, et en frappa les eaux qui se partagèrent çà et là, et ils passèrent tous deux à sec. Lorsqu'ils eurent passé, Elie dit à Elisée: Demande ce que tu veux que je fasse pour toi, avant que je sois enlevé d'avec toi." PR 170 2 Elisée ne demanda ni les honneurs de ce monde, ni une place de choix parmi les grands. Ce qu'il désirait par-dessus tout, c'était une abondante mesure de l'Esprit que le Seigneur avait répandu si largement sur le prophète qui allait le quitter. Il savait que seul l'Esprit qui reposait sur Elie pourrait le préparer à s'acquitter de la tâche qui lui était confiée. Il demanda donc à Elie: "Qu'il y ait sur moi, je te prie, une double portion de ton esprit!" Elie répondit: "Tu demandes une chose difficile. Mais si tu me vois pendant que je serai enlevé d'avec toi, cela t'arrivera ainsi; sinon, cela n'arrivera pas. Comme ils continuaient à marcher en parlant, voici, un char de feu et des chevaux de feu les séparèrent l'un de l'autre, et Elie monta au ciel dans un tourbillon."7 PR 170 3 Elie est un type des saints qui vivront à la seconde venue du Christ, et seront "changés, en un instant, en un clin d'oeil, à la dernière trompette",8 sans connaître la mort. C'est comme représentant de ceux qui seront enlevés au dernier jour que, vers la fin du ministère du Sauveur, il se tint avec Moïse près de lui sur la montagne de la transfiguration. Dans ces deux hommes de Dieu glorifiés, les disciples virent en miniature le royaume des rachetés. Ils contemplèrent Jésus revêtu de la lumière céleste, et ils entendirent la "voix qui sortait de la nuée"9 le proclamant Fils de Dieu. Ils virent Moïse représentant ceux qui ressusciteront à la seconde venue du Christ. Ils virent Elie représentant ceux qui, à la fin de l'histoire de ce monde, revêtiront l'immortalité et seront enlevés au ciel sans passer par la mort. PR 171 1 Au désert, en proie à la solitude et au découragement, Elie en avait assez de la vie, et il désirait mourir. Mais le Seigneur, dans sa miséricorde, ne l'écouta pas. Il restait encore au prophète une grande oeuvre à accomplir. Cette oeuvre achevée, le prophète ne devait pas mourir dans l'abandon. Il ne devait même pas connaître la descente dans la tombe, mais l'ascension avec les anges dans la gloire céleste. PR 171 2 "Elisée regardait et criait: Mon père! mon père! Char d'Israël et sa cavalerie! Et il ne le vit plus. Saisissant alors ses vêtements, il les déchira en deux morceaux, et il releva le manteau qu'Elie avait laissé tomber. Puis il retourna, et s'arrêta au bord du Jourdain; il prit le manteau qu'Elie avait laissé tomber, et il en frappa les eaux, et dit: Où est l'Eternel, le Dieu d'Elie? Lui aussi, il frappa les eaux, qui se partagèrent çà et là, et Elisée passa. Les fils des prophètes qui étaient à Jéricho, vis-à-vis, l'ayant vu, dirent: L'esprit d'Elie repose sur Elisée! Et ils allèrent à sa rencontre, et se prosternèrent contre terre devant lui."10 PR 171 3 Lorsque le Seigneur juge que le temps est venu de relever de leurs fonctions les serviteurs à qui il a accordé la sagesse, il soutient et fortifie leurs successeurs, à condition toutefois qu'ils lui demandent son aide et marchent dans ses voies. Ils peuvent faire preuve de plus de sagesse encore que leurs prédécesseurs, car ils sont en mesure de profiter de leur expérience et de leurs erreurs. PR 171 4 Désormais Elisée remplacera Elie. Celui qui avait été fidèle dans les petites choses allait aussi faire preuve de fidélité dans les grandes. ------------------------Chapitre 18 -- Elisée assainit les eaux du Jourdain PR 173 1 À l'époque des patriarches, la plaine du Jourdain était "entièrement arrosée. ... C'était ... comme un jardin de l'Eternel." C'est là que Lot "dressa ses tentes jusqu'à Sodome".1 PR 173 2 Lorsque les villes de la plaine furent détruites, toute la région environnante fut transformée en un lieu désolé, qui confine depuis au désert de Judée. PR 173 3 Une partie de cette plaine riante subsiste cependant, avec ses sources et ses cours d'eau vivifiants, pour réjouir le coeur de l'homme. C'est dans cette plaine où abondaient les champs de céréales, les palmeraies, les vergers plantureux, que campèrent les armées d'Israël après avoir traversé le Jourdain. C'est là que, pour la première fois, les Israélites mangèrent les fruits de la terre promise. Devant eux se dressaient alors les murailles de Jéricho, forteresse païenne, centre du culte d'Astarté, qui revêtait les formes les plus abjectes et les plus dégradantes de l'idolâtrie cananéenne. Les murailles de cette ville furent bientôt renversées, et les habitants massacrés. C'est alors que fut faite en présence de tout Israël cette déclaration solennelle: "Maudit soit devant l'Eternel l'homme qui se lèvera pour rebâtir cette ville de Jéricho! Il en jettera les fondements au prix de son premier-né, et il en posera les portes au prix de son plus jeune fils."2 PR 174 1 Cinq siècles plus tard, ce lieu était toujours désolé, maudit par le Seigneur. Les cours d'eau même, qui prenaient leurs sources dans cette partie de la plaine, et dont les effets étaient si désirés, souffraient de cette malédiction. Mais à l'époque de l'apostasie d'Achab, lorsque fut ranimé le culte d'Astarté, sous l'influence de Jézabel, Jéricho, ancien centre de ce culte, fut rebâtie malgré le prix effroyable que dut y mettre le constructeur. Le récit sacré nous dit: "Hiel de Béthel bâtit Jéricho; il en jeta les fondements au prix d'Abiram, son premier-né, et il en posa les portes au prix de Segub, son plus jeune fils, selon la parole que l'Eternel avait dite par Josué."3 PR 174 2 Non loin de Jéricho, blottie dans les vergers ombragés, se trouvait une école de prophètes. C'est là que se rendit Elisée après l'enlèvement d'Elie. Pendant le séjour du prophète dans cette école, les gens de Jéricho vinrent lui dire: "Voici, le séjour de la ville est bon, comme le voit mon seigneur; mais les eaux sont mauvaises, et le pays est stérile." La source qui jadis donnait une eau pure et vivifiante, et qui suffisait amplement à alimenter la ville et ses environs, était maintenant impropre à la consommation. PR 174 3 Elisée répondit à la requête de ces gens: "Apportez-moi un plat neuf, et mettez-y du sel." Et lorsqu'on le lui eut apporté, "il alla vers la source des eaux, et il y jeta du sel, et dit: Ainsi parle l'Eternel: J'assainis ces eaux; il n'en proviendra plus ni mort, ni stérilité."4 PR 174 4 L'assainissement des eaux de Jéricho ne fut pas opéré par la sagesse d'un homme, mais par la miraculeuse intervention du Seigneur. Ceux qui avaient rebâti cette ville n'étaient pas dignes de la faveur divine; cependant, celui qui "fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes",5 jugea propice de révéler par ce miracle, témoignage de sa compassion, son désir de guérir Israël de ses maladies spirituelles. PR 175 1 Cette purification fut définitive. "Les eaux furent assainies, jusqu'à ce jour, selon la parole qu'Elisée avait prononcée."6 Elles n'ont cessé, en effet, de couler depuis des siècles, transformant ainsi cette partie de la plaine de Judée en une merveilleuse oasis. PR 175 2 Le récit de l'assainissement des eaux de Jéricho comporte de nombreux enseignements spirituels. Le plat neuf, le sel, la source, tout cela a un sens symbolique de haute valeur. PR 175 3 En jetant du sel dans la source impure, Elisée donnait aux hommes une leçon semblable à celle du Sauveur, lorsqu'il disait à ses disciples: "Vous êtes le sel de la terre."7 Le sel mélangé aux eaux polluées les purifia, et celles-ci dispensèrent désormais vie et bénédiction là où ne se trouvaient que mort et désolation. Lorsque le Seigneur compare ses enfants au sel, il veut dire qu'en en faisant les objets de sa grâce, ils contribueront au salut de leur prochain. PR 175 4 Le but de Dieu en choisissant un peuple entre tous n'était pas seulement d'adopter des fils et des filles, mais de se servir d'eux pour communiquer au monde la grâce qui apporte le salut. Lorsque le Seigneur choisit Abraham, ce n'était pas simplement pour en faire un ami particulier, mais pour que, par son moyen, les privilèges qu'il destinait aux nations leur fussent accordés. Ce que le monde réclame, ce sont des preuves d'un christianisme authentique. Le poison du péché exerce ses ravages au sein de la société. Les villes et les villages sont submergés par le vice et l'immoralité. La maladie, la souffrance, l'iniquité abondent partout. De toute part, on voit des hommes harcelés par la misère et la détresse, accablés par le sentiment de leur culpabilité et courant à leur perte, faute d'une influence salvatrice. Ils connaissent l'Evangile, et cependant ils périssent parce que l'exemple de ceux qui devraient leur communiquer "une odeur de vie donnant la vie" ne leur apporte que la mort. Leur âme s'abreuve d'amertume, car les sources qui devraient jaillir pour produire les eaux de la vie éternelle sont des fontaines empoisonnées. PR 176 1 Le sel doit être mélangé à la substance à laquelle on l'incorpore; il faut qu'il la pénètre, l'imbibe pour en garantir la conservation. De même, un contact personnel est indispensable, pour que les hommes puissent être atteints par la puissance salvatrice de l'Evangile. On n'est pas sauvé collectivement, mais individuellement. L'influence personnelle est une force; l'exercer à bon escient, c'est collaborer avec le Christ, c'est relever les âmes que le Christ relève, c'est inculquer de nobles principes, endiguer les progrès de l'immoralité. C'est répandre la grâce que le Christ seul confère, épurer et affiner la vie et le caractère du prochain, lui offrir un exemple irrépréhensible: une foi et un amour sincères. PR 176 2 Le Seigneur déclara au sujet des eaux impures de Jéricho: "J'assainis ces eaux; il n'en proviendra plus ni mort, ni stérilité." La source souillée représente l'âme séparée du ciel. Le péché éloigne non seulement de Dieu, mais il enlève de l'âme le désir et le pouvoir de le connaître. Il jette le désordre dans l'organisme, l'esprit est troublé, l'imagination pervertie, l'âme avilie. La religion pure et sans tache, la sainteté du coeur font alors totalement défaut; la puissance transformatrice d'en haut n'a pas opéré de changement dans le caractère; l'âme est affaiblie, dépourvue de force morale pour lutter contre le mal. Elle se pervertit et s'avilit. PR 176 3 Mais pour le coeur régénéré tout est changé. La transformation du caractère est pour le monde un témoignage de la présence du Christ en nous. L'Esprit de Dieu crée dans l'âme une vie nouvelle qui harmonise les pensées et les désirs avec la volonté du Christ. L'homme intérieur retrouve l'image de Dieu. Les faibles et les égarés montrent alors au monde que la puissance régénératrice de la grâce divine peut développer harmonieusement un caractère imparfait et le rendre exemplaire. PR 176 4 Le coeur qui reçoit la Parole de Dieu n'est pas comme un étang qui se dessèche, ni comme une citerne crevassée qui laisse échapper ses eaux précieuses. Il est comme un cours d'eau qui descend de la montagne, alimenté par des sources intarissables, et dont les flots rafraîchissants roulent en cascade de rocher en rocher, désaltérant ceux qui ont soif, ceux qui sont fatigués et chargés. Il est comme un fleuve qui coule sans cesse, s'élargit et s'approfondit à mesure qu'il avance, jusqu'à fertiliser la terre de ses eaux vivifiantes. Le ruisseau qui serpente en gazouillant laisse derrière lui la fraîcheur et la fertilité. Sur ses rives l'herbe est d'un vert plus éclatant, les arbres d'un feuillage plus luxuriant, et les fleurs abondent. Quand le soleil brûlant de l'été dessèche et parchemine le sol, une ligne de verdure marque le cours des eaux. PR 177 1 Ainsi en est-il avec l'enfant de Dieu. La religion du Christ agit comme un principe vivifiant et pénétrant; c'est une force spirituelle active, réelle. Lorsque le coeur s'ouvre à l'influence divine de la vérité et de l'amour, ce principe s'affirme, comme des ruisseaux dans le désert, fertilisant les lieux arides et désolés. PR 177 2 Ceux qui sont purifiés et sanctifiés par la connaissance de la Parole de Dieu travaillent avec zèle au salut des âmes. En se désaltérant à la source intarissable de la grâce, ils se rendent compte que leur propre coeur est rempli de l'Esprit du Maître et que, grâce à leur ministère désintéressé, un grand nombre d'hommes et de femmes ont été bénis physiquement, mentalement et spirituellement. Ceux qui étaient fatigués ont été soulagés, les malades guéris, les pécheurs délivrés. Et jusque dans les pays lointains des actions de grâces s'échappent des lèvres de ceux qui ont abandonné le péché pour se mettre au service de la justice. PR 177 3 "Donnez, et il vous sera donné."8 La Parole de Dieu est PR 177 4 Une fontaine des jardins, Une source d'eaux vives, Des ruisseaux du Liban. ------------------------Chapitre 19 -- Un prophète de paix PR 179 0 Ce chapitre est basé sur 2 Rois 4. PR 179 1 L'oeuvre accomplie par Elisée, en tant que prophète, fut à certains égards très différente de celle d'Elie. Celui-ci avait reçu la mission de délivrer des messages de condamnation et de châtiment. Ses accents étaient ceux de la réprobation courageuse, appelant le roi et le peuple d'Israël à se détourner de leur mauvaise voie. La mission d'Elisée fut une mission de paix. Il devait développer l'oeuvre amorcée par Elie: enseigner la voie du Seigneur. Le récit sacré nous le dépeint tantôt entrant en contact personnel avec les hommes, tantôt entouré par les fils des prophètes, tantôt prodiguant par ses miracles et son ministère guérison et réconfort. PR 179 2 Elisée était un homme bon et doux; mais il savait aussi être sévère. Il le montra à Béthel, le jour où de jeunes garnements impies se moquèrent de lui. Ces garçons avaient appris qu'Elisée gravissait la montée, ce qui les amusait. Ils vinrent crier derrière lui: "Monte, chauve! Monte chauve!" A l'ouïe de leurs sarcasmes, le prophète se retourna et, inspiré par le Tout-Puissant, il les maudit. Ils subirent alors un châtiment terrible: "Deux ours sortirent de la forêt, et déchirèrent quarante-deux de ces enfants."1 PR 180 1 Si le prophète n'avait pas relevé ces railleries, on aurait pu continuer à le ridiculiser et à l'injurier. Or sa mission, qui consistait à instruire le peuple et à le sauver à un moment de grave péril national, risquait d'échouer. Cet acte d'extrême sévérité suffit au prophète pour imposer le respect à tous jusqu'à la fin de sa vie. Pendant cinquante ans, il passa et repassa par la porte de Béthel, parcourant le pays çà et là. Il se rendit de ville en ville, traversa des groupes de garçons désoeuvrés, insolents, dépravés, sans jamais recevoir une seule raillerie. Nul ne traita plus à la légère sa qualité de prophète du Très-Haut. PR 180 2 La bonté même doit avoir des limites. Il faut maintenir l'autorité par une ferme sévérité, sinon elle risque d'être accueillie par la raillerie et les sarcasmes. La prétendue tendresse, la cajolerie, l'indulgence témoignées par les parents aux enfants sont les plus grands maux dont souffre la jeunesse. La fermeté, la rigueur, l'intransigeance dans les principes sont des qualités essentielles dans la famille. PR 180 3 L'irrévérence des jeunes -- qui dégénéra en raillerie envers Elisée -- devrait être sévèrement condamnée. Il faut apprendre aux enfants à manifester une vénération profonde à l'égard de Dieu. Que l'on ne prononce jamais son nom à la légère ou d'une manière distraite. Lorsqu'ils le prononcent, les anges se voilent la face. Avec quelle prudence ne devrions-nous pas, nous, pauvres pécheurs, avoir ce nom sacré sur les lèvres! PR 180 4 On devrait témoigner aussi de la révérence pour les représentants de Dieu: les pasteurs, les professeurs, les parents qui sont appelés à parler et à agir à la place du Maître. Dieu est honoré en fonction du respect témoigné à ses représentants. PR 180 5 La politesse est aussi une des grâces de l'Esprit-Saint. Elle devrait être cultivée par tous. Elle a le pouvoir d'adoucir les natures qui, sans elle, seraient rudes et grossières. Ceux qui se disent disciples du Sauveur, et qui sont durs, brusques, impolis n'ont rien compris du caractère du Christ. Leur sincérité et leur intégrité peuvent être indéniables, mais ces vertus ne sauraient suppléer au manque de bonté et de politesse. PR 181 1 La bonté, qui permettait à Elisée d'exercer une si profonde influence sur une foule de gens en Israël, se révéla dans ses rapports avec une famille de Sunem. Au cours de ses nombreux déplacements, le prophète passa un jour "à Sunem. Il y avait là une femme de distinction, qui le pressa d'accepter à manger. Et toutes les fois qu'il passait, il se rendait chez elle pour manger." Cette femme eut le sentiment qu'Elisée était "un saint homme de Dieu", et elle dit à son mari: "Faisons une petite chambre haute avec des murs, et mettons-y pour lui un lit, une table, un siège et un chandelier, afin qu'il s'y retire quand il viendra chez nous." Le prophète venait souvent dans cette chambre dont il appréciait le calme reposant. Dieu ne fut pas insensible aux marques de bonté de cette femme dont le foyer était sans enfant. Il récompensa son hospitalité en lui donnant un fils. PR 181 2 Des années s'écoulèrent. Ce fils avait grandi, et il se rendait dans les champs avec les moissonneurs. Or un jour, il fut frappé d'insolation, et "il dit à son père: Ma tête! ma tête!" Celui-ci demanda à l'un de ses serviteurs de porter l'enfant à sa mère. "Et l'enfant resta sur les genoux de sa mère jusqu'à midi, puis il mourut. Elle monta, le coucha sur le lit de l'homme de Dieu, ferma la porte sur lui, et sortit." PR 181 3 Dans sa détresse, la Sunamite décida d'aller trouver Elisée pour lui conter sa peine. Le prophète étant alors sur la montagne du Carmel, c'est là que se rendit immédiatement la femme, accompagnée de son serviteur. "L'homme de Dieu, l'ayant aperçue de loin, dit à Guéhazi, son serviteur: Voici cette Sunamite! Maintenant, cours donc à sa rencontre, et dis-lui: Te portes-tu bien? ton mari et ton enfant se portent-ils bien?" Le serviteur fit ce que lui demandait son maître. Mais la pauvre mère ne révéla pas la cause de son chagrin avant d'avoir vu Elisée. Lorsque le prophète apprit la mort de l'enfant, il dit à Guéhazi: "Ceins tes reins, prends mon bâton dans ta main, et pars. Si tu rencontres quelqu'un, ne le salue pas; et si quelqu'un te salue, ne lui réponds pas. Tu mettras mon bâton sur le visage de l'enfant." PR 182 1 Mais la mère ne pouvait être satisfaite tant que le prophète ne consentirait pas à venir avec elle. "L'Eternel est vivant, lui dit-elle, et ton âme est vivante! je ne te quitterai point." Alors il se leva et la suivit. Guéhazi, les ayant devancés, mit le bâton du prophète sur le visage de l'enfant, sans obtenir de résultat. Il revint donc à la rencontre d'Elisée et lui raconta ce qu'il avait fait. "L'enfant ne s'est pas réveillé", lui dit-il. PR 182 2 Lorsqu'ils arrivèrent à la maison de la Sunamite, Elisée se dirigea immédiatement vers la chambre où reposait l'enfant. Il "entra et ferma la porte sur eux deux, et il pria l'Eternel. Il monta, et se coucha sur l'enfant; il mit sa bouche sur sa bouche, ses yeux sur ses yeux, ses mains sur ses mains, et il s'étendit sur lui. Et la chair de l'enfant se réchauffa. Elisée s'éloigna, alla çà et là par la maison, puis remonta et s'étendit sur l'enfant. Et l'enfant éternua sept fois, et il ouvrit les yeux." PR 182 3 Le prophète appela alors Guéhazi pour qu'il aille chercher la mère. "Elle vint vers Elisée, qui dit: Prends ton fils! Elle alla se jeter à ses pieds, et se prosterna contre terre. Et elle prit son fils, et sortit." PR 182 4 Ainsi fut récompensée la foi de cette femme. Le grand dispensateur de la vie avait ressuscité son enfant. C'est ainsi que seront bénis tous ceux qui resteront fidèles au Seigneur. Lorsqu'il reviendra sur les nuées des cieux la mort aura perdu son aiguillon, et le tombeau sa victoire. Il ressuscitera alors tous les enfants que la mort avait ravis à ses serviteurs. PR 182 5 Le prophète Jérémie a écrit ces paroles consolantes: PR 182 6 Ainsi parle l'Eternel: On entend des cris à Rama, Des lamentations, des larmes amères; Rachel pleure ses enfants; Elle refuse d'être consolée sur ses enfants, Car ils ne sont plus. Ainsi parle l'Eternel: Retiens tes pleurs, Retiens les larmes de tes yeux; Car il y aura un salaire pour tes oeuvres. ... Ils reviendront du pays de l'ennemi. Il y a de l'espérance pour ton avenir. ... Tes enfants reviendront dans leur territoire. PR 183 1 Le Christ console tous ceux qui passent par le deuil avec ces paroles d'espérance: "Je les rachèterai de la puissance du séjour des morts, je les délivrerai de la mort. O mort, où est ta peste? Séjour des morts, où est ta destruction?"3 "J'étais mort; et voici, je suis vivant aux siècles des siècles. Je tiens les clefs de la mort et du séjour des morts."4 "Le Seigneur luimême, à un signal donné, à la voix d'un archange, et au son de la trompette de Dieu, descendra du ciel, et les morts en Christ ressusciteront premièrement. Ensuite, nous les vivants, qui serons restés, nous serons tous ensemble enlevés avec eux sur des nuées, à la rencontre du Seigneur dans les airs, et ainsi nous serons toujours avec le Seigneur."5 PR 183 2 Elisée, comme le Christ dont il était un type, guérissait et enseignait. Animé d'une foi solide, infatigable, il accomplissait un labeur fructueux, tout en s'efforçant d'encourager et de développer les écoles de prophètes. L'enseignement qu'il donnait aux jeunes gens qui se groupaient autour de lui était enrichi par la puissance du Saint-Esprit, et quelquefois aussi par les preuves de son autorité en tant que serviteur de Dieu. PR 183 3 C'est au cours de l'une de ses visites à l'école de Guilgal que le prophète purifia le potage empoisonné. "Il y avait une famine dans le pays. Comme les fils des prophètes étaient assis devant lui, il dit à son serviteur: Mets le grand pot, et fais cuire un potage pour les fils des prophètes. L'un d'eux sortit dans les champs pour cueillir des herbes; il trouva de la vigne sauvage et il y cueillit des coloquintes sauvages, plein son vêtement. Quand il rentra, il les coupa en morceaux dans le pot où était le potage, car on ne les connaissait pas. On servit à manger à ces hommes; mais dès qu'ils eurent mangé du potage, ils s'écrièrent: La mort est dans le pot, homme de Dieu! Et ils ne purent manger. Elisée dit: Prenez de la farine. Il en jeta dans le pot, et dit: Sers à manger à ces gens, et qu'ils mangent. Et il n'y avait plus rien de mauvais dans le pot." PR 184 1 C'est aussi à Guilgal, alors que la famine sévissait encore dans le pays, qu'Elisée nourrit cent personnes avec quelques provisions que lui apporta un homme de Baal-Shalischa: "du pain des prémices, vingt pains d'orge, et des épis nouveaux". Ces gens étaient douloureusement éprouvés par la faim. Le prophète dit à son serviteur quand on lui remit ces provisions: "Donne à ces gens, et qu'ils mangent. Son serviteur répondit: Comment pourrais-je en donner à cent personnes? Mais Elisée dit: Donne à ces gens, et qu'ils mangent; car ainsi parle l'Eternel: On mangera, et on en aura de reste. Il mit alors les pains devant eux; et ils mangèrent et en eurent de reste, selon la parole de l'Eternel." PR 184 2 Quelle marque de commisération manifesta le Seigneur en opérant, par l'intermédiaire de son serviteur, ce miracle destiné à apaiser la faim de ces personnes. Que de fois depuis lors, bien que d'une manière moins spectaculaire, Dieu n'a-t-il pas renouvelé ce geste! Si notre discernement était plus vif, nous reconnaîtrions plus facilement avec quelle compassion il prend soin de ses enfants. PR 184 3 C'est la grâce de Dieu qui peut faire de peu une quantité suffisante. Sa main multiplie au centuple; ses ressources sont infinies. Il est capable de dresser une table dans le désert, de rendre de maigres provisions suffisantes pour une foule de gens, par une seule parole. C'est sa toute-puissance qui multiplia pour les fils des prophètes les pains et les épis. PR 184 4 Lorsque le Christ accomplit un miracle semblable pour donner à manger à une foule de gens, il rencontra la même incrédulité que celle manifestée par les personnes que nourrit Elisée. "Comment pourrais-je en donner à cent personnes?" s'écria le serviteur du prophète. Lorsque le Sauveur ordonna à ses disciples de distribuer les pains et les poissons à la multitude rassemblée, ils répondirent: "Nous n'avons que cinq pains et deux poissons, à moins que nous n'allions nous-mêmes acheter des vivres pour tout ce peuple."6 Et qu'est cet exemple parmi tant d'autres? PR 185 1 Il y a là un enseignement pour les chrétiens de tous les temps. Lorsque le Seigneur ordonne de faire un certain travail, il ne faut pas discuter sur le bien-fondé de cet ordre, ni sur les résultats probables qui en découleront. Les ressources dont nous disposons peuvent paraître dérisoires pour répondre aux besoins auxquels nous devons faire face; mais, entre les mains de Dieu, ces ressources s'avéreront plus que suffisantes. Le serviteur d'Elisée "mit les pains devant eux; et ils mangèrent, et en eurent de reste, selon la parole de l'Eternel". PR 185 2 De nos jours, ceux qui ont été rachetés par le don du Fils de Dieu, ont besoin de mieux comprendre les rapports qui existent entre eux et le ciel. Ils doivent avoir une foi plus grande pour faire avancer le règne de Dieu. Qu'ils ne passent pas leur temps à se lamenter sur l'insuffisance de leurs ressources matérielles. Leur volonté, leur confiance en Dieu multiplieront ces ressources. PR 185 3 Les dons que nous apportons au Seigneur, avec des actions de grâces pour obtenir sa bénédiction, il les multipliera, comme il multiplia les pains des fils des prophètes et de la foule affamée. ------------------------Chapitre 20 -- Naaman PR 187 0 Ce chapitre est basé sur 2 Rois 5. PR 187 1 "Naaman, chef de l'armée du roi de Syrie, jouissait de la faveur de son maître et d'une grande considération; car c'était par lui que l'Eternel avait délivré les Syriens. Mais cet homme fort et vaillant était lépreux." PR 187 2 Ben-Hadad, roi de Syrie, avait vaincu les armées d'Israël dans la bataille où mourut Achab. Depuis lors les Syriens ne cessaient de livrer une guerre de frontière contre les Israélites. C'est au cours d'une de leurs incursions qu'ils emmenèrent une fillette. Celle-ci devint, au pays de sa captivité, la servante de la femme de Naaman. Bien que traitée en esclave, cette fillette continuait à rester fidèle à son Dieu, contribuant ainsi inconsciemment à accomplir le dessein du Seigneur qui avait choisi Israël comme peuple. Tandis qu'elle vaquait aux soins de ce foyer païen, elle s'attacha à ses maîtres. Se souvenant des cures miraculeuses opérées par Elisée, elle dit à sa maîtresse: "Oh! si mon seigneur était auprès du prophète qui est à Samarie, le prophète le guérirait de sa lèpre!" Elle savait qu'Elisée possédait la puissance divine, et elle croyait que par elle Naaman pouvait être guéri. PR 188 1 La conduite de la jeune captive dans ce foyer idolâtre est la démonstration frappante de l'influence profonde qu'exerce l'éducation familiale sur un enfant. Il n'est pas de tâche plus noble confiée aux parents que celle de veiller sur la formation de leurs petits. Ils édifient ainsi la base même des habitudes et du caractère. Ce sont eux qui, par leur exemple et leur enseignement, décident en grande partie de leur avenir. PR 188 2 Heureux les parents dont la vie reflète si parfaitement le divin que les promesses et les commandements du Seigneur éveillent chez l'enfant la gratitude et la vénération! Heureux ceux qui représentent par leur tendresse, leur droiture, leur patience, l'amour, la justice et la patience du Christ! En apprenant à leurs enfants à les aimer, à se confier en eux et à leur obéir, ils leur apprennent à aimer le Père céleste, à se confier en lui et à lui obéir. Les parents qui ont légué une telle richesse à leurs petits les ont dotés d'un trésor plus précieux que tous les biens de ce monde et qui durera éternellement. PR 188 3 Nous ignorons la manière dont nos enfants seront appelés à servir. Passeront-ils leur vie au cercle familial, travailleront-ils en commun avec des gens ayant la même vocation qu'eux, partiront-ils proclamer l'Evangile aux peuples païens? Quoi qu'il en soit, tous doivent être des missionnaires pour Dieu, des ambassadeurs de miséricorde dans le monde. Il faut qu'ils reçoivent une éducation qui leur permettra de servir le Christ d'une manière désintéressée. PR 188 4 Les parents de cette jeune Israélite ignoraient quelle serait sa destinée, lorsqu'ils lui apprenaient à aimer le Seigneur. Mais ils accomplissaient fidèlement leur devoir; aussi, dans la maison du capitaine des armées syriennes, cette enfant rendit témoignage à son Dieu qu'on lui avait appris à honorer. PR 188 5 Naaman fut mis au courant des propos que la fillette avait tenus à sa maîtresse. Il demanda au roi la permission de s'absenter, et il s'en alla chercher la guérison, "prenant avec lui dix talents d'argent, six mille sicles d'or et dix vêtements de rechange". Il portait aussi une lettre du roi de Syrie pour le roi d'Israël, contenant ceci: "Je t'envoie Naaman, mon serviteur, afin que tu le guérisses de sa lèpre." Quand le roi d'Israël lut cette lettre, "il déchira ses vêtements, et dit: Suis-je un dieu, pour faire mourir et pour faire vivre, qu'il s'adresse à moi afin que je guérisse un homme de sa lèpre? Sachez donc et comprenez qu'il cherche une occasion de dispute avec moi." PR 189 1 La nouvelle de cette histoire parvint à Elisée, qui fit dire au roi: "Pourquoi as-tu déchiré tes vêtements? Laisse-le venir à moi, et il saura qu'il y a un prophète en Israël." PR 189 2 "Naaman vint avec ses chevaux et son char, et il s'arrêta à la porte de la maison d'Elisée. Elisée lui fit dire par un messager: Va, et lave-toi sept fois dans le Jourdain; ta chair redeviendra saine, et tu seras pur." PR 189 3 Naaman s'attendait à voir une manifestation extraordinaire de la puissance divine. "Je me disais, déclara-t-il, il sortira vers moi, il se présentera lui-même, il invoquera le nom de l'Eternel, son Dieu, il agitera sa main sur la place et guérira le lépreux." Lorsqu'il fut invité à se laver dans le Jourdain, son orgueil fut blessé, et il s'exclama, mortifié et désappointé: "Les fleuves de Damas, l'Abana et le Parpar, ne valent-ils pas mieux que toutes les eaux d'Israël?" "Et il s'en retournait et partait avec fureur." PR 189 4 L'orgueil de Naaman se révolta contre les instructions du prophète. Les fleuves mentionnés par le capitaine syrien étaient, en effet, rehaussés par des rives ombragées que de nombreux idolâtres recherchaient pour y adorer leurs dieux. Naaman n'aurait pas éprouvé beaucoup d'humiliation d'aller se plonger dans l'un de ces fleuves. Mais, pour être guéri, il fallait suivre les indications du prophète. Seule une obéissance volontaire pouvait apporter le résultat désiré. PR 189 5 Les serviteurs de Naaman le supplièrent de suivre les conseils d'Elisée. "Si le prophète, lui dirent-ils, t'eût demandé quelque chose de difficile, ne l'aurais-tu pas fait? Combien plus dois-tu faire ce qu'il t'a dit: Lave-toi, et tu seras pur." La foi de Naaman était mise à rude épreuve, alors que son orgueil le poussait à la révolte. Mais ce fut elle qui finit par triompher. Le fier Syrien, dominant son orgueil, se soumit à la volonté de Dieu. Il se plongea sept fois dans le Jourdain, "selon la parole de l'homme de Dieu". Sa foi fut récompensée, "car sa chair redevint comme la chair d'un jeune enfant, et il fut pur". PR 190 1 Plein de reconnaissance, Naaman "retourna vers l'homme de Dieu avec toute sa suite"; et il reconnut "qu'il n'y a point de Dieu sur toute la terre, si ce n'est en Israël". PR 190 2 Conformément à la coutume de cette époque, Naaman pria Elisée d'accepter un riche présent de sa part. Mais le prophète refusa. Ce n'était pas lui qui devait recevoir une récompense pour la bénédiction accordée à Naaman. "L'Eternel, dont je suis le serviteur, est vivant! dit-il. Je n'accepterai pas!" Le Syrien "le pressa d'accepter, mais il refusa". PR 190 3 "Alors Naaman dit: Puisque tu refuses, permets que l'on donne de la terre à ton serviteur, une charge de deux mulets; car ton serviteur ne veut plus offrir à d'autres dieux ni holocauste, ni sacrifice, il n'en offrira qu'à l'Eternel. Voici toutefois ce que je prie l'Eternel de pardonner à ton serviteur. Quand mon maître entre dans la maison de Rimmon pour s'y prosterner et qu'il s'appuie sur ma main, je me prosterne aussi dans la maison de Rimmon: veuille l'Eternel pardonner à ton serviteur." "Elisée lui dit: Va en paix." Alors Naaman, prenant congé du prophète, s'éloigna "à une certaine distance". PR 190 4 Le serviteur d'Elisée, Guéhazi, avait eu l'occasion, au cours des années écoulées, de cultiver l'esprit de renoncement qui caractérisait son maître. Il put jouir du privilège insigne d'être le porte-bannière de l'armée de l'Eternel. Les dons les plus précieux du ciel furent longtemps à sa portée. Et pourtant il s'en détourna, préférant s'assurer des richesses terrestres de mauvais aloi. Maintenant donc, poussé par son amour inavoué du lucre, il céda à une tentation qu'il ne put maîtriser. "Voici, se dit-il, mon maître a ménagé Naaman, ce Syrien, en n'acceptant pas de sa main ce qu'il avait apporté. ... Je vais courir après lui, et j'en obtiendrai quelque chose." Et "Guéhazi courut après Naaman", à l'insu de son maître. PR 191 1 "Naaman le voyant courir après lui, descendit de son char pour aller à sa rencontre, et dit: Tout va-t-il bien?" Alors Guéhazi lui mentit effrontément: "Mon maître m'envoie te dire: Voici, il vient d'arriver chez moi deux jeunes gens de la montagne d'Ephraïm, d'entre les fils des prophètes; donne pour eux, je te prie, un talent d'argent et deux vêtements de rechange." Naaman fut tout heureux d'accéder à cette requête; il insista même auprès de Guéhazi pour qu'il accepte deux talents au lieu d'un seul. Il lui "donna deux habits de rechange", et ordonna à ses serviteurs de porter tout cela au prophète. PR 191 2 Arrivé près de la maison de son maître, Guéhazi renvoya les serviteurs de Naaman, et cacha le trésor et les vêtements. Puis, il vint se présenter à Elisée. Pour parer à toute critique, il prononça un deuxième mensonge. "D'où viens-tu?" lui demanda le prophète. Il répondit: "Ton serviteur n'est allé ni d'un côté, ni d'un autre." Alors Elisée lui adressa ces paroles sévères: "Mon esprit n'était pas absent, lorsque cet homme a quitté son char pour venir à ta rencontre. Est-ce le temps de prendre de l'argent et de prendre des vêtements, puis des oliviers, des vignes, des brebis, des boeufs, des serviteurs et des servantes? La lèpre de Naaman s'attachera à toi et à ta postérité pour toujours." Le châtiment qui atteignit le coupable fut instantané. "Guéhazi sortit de la présence d'Elisée avec une lèpre comme la neige." PR 191 3 Quelles leçons solennelles se dégagent de la conduite de Guéhazi, cet homme à qui avaient été accordés de si nobles privilèges! Il fut pour Naaman comme une pierre d'achoppement sur son chemin, alors que le Syrien avait été illuminé par une merveilleuse clarté et qu'il était si bien disposé envers la religion du Dieu vivant. Aucune excuse ne pouvait justifier la tromperie de Guéhazi; aussi fut-il lépreux jusqu'à la fin de ses jours, maudit par le Seigneur et relégué loin de ses semblables. "Le faux témoin ne restera pas impuni, et celui qui dit des mensonges n'échappera pas."1 PR 191 4 Les hommes peuvent essayer de cacher leurs mauvaises actions aux yeux des hommes; mais ils ne sauraient tromper Dieu. "Nulle créature n'est cachée devant lui, mais tout est nu et découvert aux yeux de celui à qui nous devons rendre compte."2 Guéhazi croyait tromper Elisée, mais Dieu révéla au prophète les paroles que Guéhazi avait adressées à Naaman, ainsi que tous les détails de leur entrevue. PR 192 1 La vérité procède de Dieu; la tromperie sous ses multiples formes vient de Satan. Quiconque se détourne du droit sentier se place sous la puissance du malin. Ceux qui suivent le Christ ne prennent "point part aux oeuvres infructueuses des ténèbres".3 Dans leurs paroles comme dans leur conduite, ils se comportent avec simplicité, franchise et vérité; car ils se préparent à se joindre à ceux dans la bouche desquels il ne s'est trouvé aucun mensonge.4 PR 192 2 Des siècles après que Naaman eut regagné sa demeure en Syrie, purifié de corps et d'esprit, le Christ fit allusion à sa foi admirable, et il la donna en exemple à ceux qui prétendaient servir Dieu. "Il y avait aussi, dit-il, plusieurs lépreux en Israël du temps d'Elisée, le prophète; et cependant aucun d'eux ne fut purifié, si ce n'est Naaman le Syrien."5 Le Seigneur ne fit aucun cas des nombreux lépreux d'Israël à cause de leur incrédulité, qui les privait de toute bénédiction. En revanche, un païen de qualité, qui avait été fidèle à ses convictions concernant la justice, et éprouvé le besoin d'être secouru, paraissait aux yeux du Seigneur plus digne de sa bénédiction que les Israélites égarés qui méprisaient les privilèges dont ils étaient les objets. Dieu opère en faveur de ceux qui apprécient ses faveurs et se conforment à ses lumières. PR 192 3 Aujourd'hui, dans tous les pays, il existe encore des coeurs honnêtes que la lumière divine éclaire. S'ils s'acquittent fidèlement de ce qu'ils considèrent comme étant leur devoir, une lumière plus vive leur sera accordée, jusqu'à ce qu'enfin, comme autrefois Naaman, ils soient contraints de déclarer "qu'il n'y a point de Dieu sur toute la terre" en dehors du Dieu vivant, le Créateur de toutes choses. PR 192 4 A tout homme sincère, "qui marche dans l'obscurité et manque de lumière", voici l'invitation qui lui est adressée: "Qu'il se confie dans le nom de l'Eternel, et qu'il s'appuie sur son Dieu!" car "jamais on n'a appris ni entendu dire, et jamais l'oeil n'a vu qu'un autre dieu que toi fît de telles choses pour ceux qui se confient en lui. Tu vas au-devant de celui qui pratique avec joie la justice, de ceux qui marchent dans tes voies et se souviennent de toi."6 ------------------------Chapitre 21 -- Fin du ministère d'Elisée PR 195 1 Appelé au ministère prophétique, alors que le roi Achab régnait encore, Elisée assista à de nombreux changements dans le royaume d'Israël. Pendant le règne d'Hazaël, roi de Syrie, oint pour châtier la nation apostate, les châtiments s'étaient abattus les uns après les autres sur les Israélites. Les réformes sévères de Jéhu avaient provoqué le massacre de toute la maison d'Achab. Joachaz, le successeur de Jéhu, par suite des guerres continuelles avec les Syriens, avait perdu certaines villes situées à l'est du Jourdain. A un moment donné, on aurait pu croire que les Syriens allaient dominer sur tout le royaume d'Israël. Mais la réforme commencée par Elie et poursuivie par Elisée avait amené de nombreuses personnes à rechercher le vrai Dieu. Les autels de Baal avaient été abandonnés et, lentement mais sûrement, les desseins de la Providence se réalisaient dans la vie de ceux qui avaient décidé de revenir au Seigneur de tout leur coeur. PR 196 1 C'est par amour pour Israël que Dieu permit aux Syriens de le châtier. Il avait compassion de ceux qui ne savaient pas résister au péché, c'est pourquoi il suscita Jéhu pour exterminer Jézabel et toute la maison d'Achab. Une fois de plus, grâce à une mystérieuse providence, les prêtres de Baal et d'Astarté furent rejetés et leurs autels renversés. Dans son infinie sagesse, Dieu prévoyait qu'en supprimant la tentation, quelques pécheurs se détourneraient de l'idolâtrie pour fixer leurs regards vers le ciel. Il permit donc les calamités. Mais celles-ci furent adoucies par sa miséricorde; et quand ses desseins furent accomplis, il intervint en faveur de ceux qui avaient appris à le rechercher. PR 196 2 Tandis que les influences du bien et du mal luttaient pour s'assurer la suprématie, et que Satan faisait l'impossible pour achever son oeuvre de perdition entreprise sous le règne d'Achab et de Jézabel, Elisée continuait à rendre fidèlement son témoignage. Il se heurtait à l'opposition, mais nul ne pouvait réfuter ses paroles. Il était honoré, vénéré dans tout le royaume, et on venait de loin chercher conseil auprès de lui. Joram, roi d'Israël, le consulta, alors que Jézabel vivait encore. Un jour qu'il se trouvait à Damas, des messagers de Ben-Hadad, roi de Syrie, vinrent lui demander si la maladie dont souffrait le monarque aurait une issue fatale. A cette époque où le mensonge triomphait partout, et où régnait une rébellion ouverte contre le ciel, le prophète demeurait un témoin fidèle de la vérité. PR 196 3 Le Seigneur n'abandonna jamais son messager. Au cours d'une invasion syrienne, le roi ennemi cherchait à faire périr Elisée, parce que celui-ci dévoilait tous ses plans contre Israël. Le roi de Syrie tint un jour conseil avec ses serviteurs, et leur dit: "Mon camp sera dans un tel lieu." Mais le prophète en eut connaissance par une révélation divine. Il fit dire au roi d'Israël: "Garde-toi de passer dans ce lieu, car les Syriens y descendent. Et le roi d'Israël envoya des gens, pour s'y tenir en observation, vers le lieu que lui avait mentionné et signalé l'homme de Dieu. Cela arriva non pas une fois ni deux fois. Le roi de Syrie en eut le coeur agité; il appela ses serviteurs, et leur dit: Ne voulez-vous pas me déclarer lequel de nous est pour le roi d'Israël? L'un de ses serviteurs répondit: Personne, ô roi, mon seigneur; mais Elisée, le prophète, qui est en Israël, rapporte au roi d'Israël les paroles que tu prononces dans ta chambre à coucher." PR 197 1 Décidé à se débarrasser du prophète, le roi de Syrie dit à ses serviteurs: "Allez et voyez où il est, et je le ferai prendre." Elisée était à ce moment-là à Dothan. Lorsque le roi de Syrie l'apprit, il "envoya des chevaux, des chars et une forte troupe, qui arrivèrent de nuit et cernèrent la ville. Le serviteur de l'homme de Dieu se leva de bon matin et sortit; et voici, une troupe entourait la ville, avec des chevaux et des chars." Effrayé, le serviteur d'Elisée vint trouver le prophète, et lui dit: "Ah! mon seigneur, comment ferons-nous? Il répondit: Ne crains point, car ceux qui sont avec nous sont en plus grand nombre que ceux qui sont avec eux." Et pour que son serviteur puisse s'en rendre compte, "Elisée pria et dit: Eternel, ouvre ses yeux pour qu'il voie." Et Dieu ouvrit les yeux de cet homme qui "vit la montagne pleine de chevaux et de chars de feu autour d'Elisée". Entre le serviteur de Dieu et les armées ennemies se tenait une cohorte d'anges, formant un cercle protecteur. PR 197 2 Ces êtres célestes étaient descendus en force imposante, non pour exterminer, ni pour obtenir des hommages, mais pour camper auprès des bien-aimés du Seigneur, les aider dans leur faiblesse et leur impuissance. Lorsque le peuple de Dieu se trouve dans une impasse, d'où il semble ne pas pouvoir sortir, qu'il se souvienne que seul Dieu peut le délivrer. PR 197 3 Alors que les soldats syriens avançaient courageusement, ignorant la présence des armées invisibles du ciel, "Elisée pria, et dit: Daigne frapper d'aveuglement cette nation! Et l'Eternel les frappa d'aveuglement, selon la parole d'Elisée. Elisée leur dit: Ce n'est pas ici le chemin, et ce n'est pas ici la ville; suivez-moi, et je vous conduirai vers l'homme que vous cherchez. Et il les conduisit à Samarie. PR 197 4 "Lorsqu'ils furent entrés dans Samarie, Elisée dit: Eternel, ouvre les yeux de ces gens, pour qu'ils voient! Et l'Eternel ouvrit leurs yeux, et ils virent qu'ils étaient au milieu de Samarie. Le roi d'Israël, en les voyant, dit à Elisée: Frapperai-je, frapperai-je, mon père? Tu ne frapperas point, répondit Elisée; est-ce que tu frappes ceux que tu fais prisonniers avec ton épée et avec ton arc? Donne-leur du pain et de l'eau, afin qu'ils mangent et boivent; et qu'ils s'en aillent ensuite vers leur maître. Le roi d'Israël leur fit servir un grand repas, et ils mangèrent et burent; puis il les renvoya, et ils s'en allèrent vers leur maître. Et les troupes des Syriens ne revinrent plus sur le territoire d'Israël."1 PR 198 1 Pendant quelque temps, le royaume d'Israël fut donc délivré des armées syriennes. Mais, plus tard, sous la conduite de l'intrépide Hazaël,2 ces mêmes armées assiégèrent Samarie. Jamais Israël n'avait tant souffert qu'au cours de ce siège. Les péchés des pères retombaient sur les enfants et sur les petits enfants. Les horreurs de la famine se prolongeaient, poussant le roi à prendre des mesures désespérées; mais Elisée prédit la délivrance du royaume pour le jour suivant. PR 198 2 Le lendemain, à l'aube, "le Seigneur avait fait entendre dans le camp des Syriens un bruit de chars et un bruit de chevaux, le bruit d'une grande armée". Saisis d'effroi, "les Syriens se levèrent et prirent la fuite au crépuscule, abandonnant leurs tentes, leurs chevaux et leurs ânes, le camp tel qu'il était", avec ses réserves abondantes. "Et ils s'enfuirent pour sauver leur vie." PR 198 3 La nuit de cette fuite, quatre lépreux, que la faim avaient réduits au désespoir, décidèrent de se rendre dans le camp des Syriens et de se livrer à la merci des assiégeants. Ils espéraient ainsi susciter la pitié et obtenir quelque nourriture. Mais grand fut leur étonnement de découvrir, en pénétrant dans le camp des Syriens, "qu'il n'y avait personne". PR 198 4 N'ayant à encourir aucune menace, aucune punition, ces lépreux "mangèrent et burent, et en emportèrent de l'argent, de l'or et des vêtements, qu'ils allèrent cacher. Ils revinrent, pénétrèrent dans une autre tente, et en emportèrent des objets qu'ils allèrent cacher. Puis ils se dirent l'un à l'autre: Nous n'agissons pas bien! Cette journée est une journée de bonne nouvelle; si nous gardons le silence et si nous attendons jusqu'à la lumière du matin, le châtiment nous atteindra." Ils se hâtèrent donc de retourner à la ville pour y annoncer l'heureuse nouvelle. PR 199 1 Le butin était immense. Il y avait de telles réserves que ce jour-là on eut "une mesure de fleur de farine pour un sicle et deux mesures d'orge pour un sicle",3 selon la prophétie faite la veille par Elisée. Une fois de plus, le nom de l'Eternel fut exalté aux yeux des païens. PR 199 2 C'est ainsi que l'homme de Dieu continuait, d'année en année, à s'acquitter fidèlement de son ministère auprès du peuple, et en temps de crise auprès des rois dont il était le conseiller. PR 199 3 L'idolâtrie à laquelle s'adonnèrent les rois et le peuple d'Israël, pendant de longues années, avait eu une influence néfaste sur le pays. Les ténèbres spirituelles subsistaient encore partout. Cependant, il existait çà et là des âmes sincères qui n'avaient pas fléchi le genou devant Baal. PR 199 4 Alors qu'Elisée poursuivait sa réforme, de nombreuses personnes se détournaient du paganisme pour savourer les joies que l'on éprouve à servir le vrai Dieu. Le prophète était heureux de constater ces miracles de la grâce divine, et il désirait ardemment atteindre le coeur de tous ceux qui étaient sincères. Partout où il portait ses pas, il s'efforçait d'enseigner la vérité. PR 199 5 A vues humaines, la perspective d'une régénération spirituelle de la nation était tout aussi désespérée que celle devant laquelle se trouvent aujourd'hui les serviteurs de Dieu appelés à travailler dans les régions enténébrées. Mais l'Eglise du Christ est le moyen que Dieu emploie pour la proclamation de la vérité. Il l'a rendue capable d'accomplir une oeuvre spéciale. Si elle demeure fidèle au Seigneur, si elle obéit à ses commandements, alors la plénitude de la puissance céleste reposera sur elle. Si elle est fidèle à sa mission, aucun pouvoir ne saurait lui résister. Les forces de l'ennemi ne pourront la vaincre, pas plus que le fétu de paille ne triomphe de l'aquilon. PR 199 6 L'aube d'un jour éclatant et radieux resplendira sur l'Eglise, si elle revêt la robe de justice du Christ et se dégage de tous les liens qui pourraient l'attacher à la terre. PR 199 7 Dieu fait appel à tous ses fidèles, afin qu'ils aillent apporter des paroles de réconfort aux incroyants et aux désespérés. Tournez-vous vers le Seigneur, vous, pauvres pécheurs qui avez perdu l'espérance. Cherchez votre force en lui. Montrez une foi humble et inébranlable en sa puissance et en son désir de vous sauver. Lorsque nous nous emparons par la foi de la force d'en haut, les perspectives les plus sombres, les plus décourageantes se transforment merveilleusement. Le Seigneur opère pour la gloire de son nom. PR 200 1 Aussi longtemps que le prophète Elisée put se rendre de lieu en lieu dans le royaume, il continua à jouer un rôle actif dans l'édification des écoles des prophètes. Dieu l'accompagnait partout; il l'inspirait dans ses paroles, lui donnait le pouvoir de faire des miracles. Un jour, "les fils des prophètes dirent à Elisée: Voici, le lieu où nous sommes assis devant toi est trop étroit pour nous. Allons jusqu'au Jourdain; nous prendrons là chacun une poutre, et nous y ferons un lieu d'habitation."4 Elisée se rendit avec les fils des prophètes jusqu'au Jourdain; il leur prodigua les conseils nécessaires, et il accomplit même un miracle pour faciliter leur tâche. "Comme l'un d'eux abattait une poutre, le fer tomba dans l'eau. Il s'écria: Ah! mon seigneur, il était emprunté! L'homme de Dieu dit: Où est-il tombé? Et il lui montra la place. Alors Elisée coupa un morceau de bois, le jeta à la même place, et fit surnager le fer. Puis il dit: Enlève-le! Et il avança la main, et le prit."5 PR 200 2 L'influence du prophète fut si efficace, elle s'étendit si loin, qu'au moment de sa mort le jeune roi Joas, adonné à l'idolâtrie et peu respectueux envers le Seigneur, s'approcha de son lit, et reconnut en Elisée un père en Israël. Il déclara que la présence du prophète avait été plus précieuse en temps de guerre qu'une armée de chevaux et de chars. Le récit sacré nous dit: "Elisée était atteint de la maladie dont il mourut; et Joas, roi d'Israël, descendit vers lui, pleura sur son visage, et dit: Mon père, mon père! Char d'Israël et sa cavalerie!"6 PR 200 3 Le prophète avait été pour les âmes troublées, en quête d'un appui, un père sage et aimant. Aussi ne repoussa-t-il pas le jeune roi impie qui se présentait devant lui, roi si peu digne de la charge qu'il assumait, et qui aurait eu tant besoin de conseils. Le Seigneur, dans sa providence, lui offrait l'occasion de racheter ses défaillances et de placer son royaume dans des conditions avantageuses. Les Syriens occupaient alors la région située à l'est du Jourdain, il fallait les en chasser. La puissance de Dieu allait se manifester une fois encore en faveur de ses enfants rebelles. PR 201 1 Avant de mourir, le prophète donna cet ordre au roi: "Prends un arc et des flèches." Et Joas obéit. Alors Elisée dit: "Bande l'arc avec ta main." Joas banda l'arc, et le prophète mit ses mains sur les mains du roi, en disant: "Ouvre la fenêtre à l'orient", vers les villes au-delà du Jourdain, tombées au pouvoir des Syriens. Le roi obéit à Elisée, qui lui ordonna de tirer. Tandis que la flèche fendait l'air, le prophète prononça ces paroles inspirées: "C'est une flèche de délivrance de la part de l'Eternel, une flèche de délivrance contre les Syriens; tu battras les Syriens à Aphek jusqu'à leur extermination." PR 201 2 Elisée mit la foi du monarque à l'épreuve. Il lui ordonna de prendre les flèches, puis il dit: "Frappe contre terre!" Joas frappa trois fois, et s'arrêta. "Il fallait frapper cinq ou six fois", s'écria le prophète irrité, "alors tu aurais battu les Syriens jusqu'à leur extermination; maintenant, tu les battras trois fois".7 PR 201 3 La leçon qui se dégage de ce récit est valable pour tous ceux qui assument des charges importantes. Lorsque le Seigneur ouvre la voie pour accomplir une certaine tâche, il faut faire l'impossible pour arriver au résultat escompté. Le succès sera fonction de l'enthousiasme et de la persévérance manifestés. Dieu opérera des miracles en faveur de son peuple, à condition que celui-ci joue un rôle actif dans son oeuvre. Il fait appel à des hommes de foi, courageux et aimant les âmes, dévorés d'un zèle ardent pour sa cause. Nulle tâche trop ingrate, nulle perspective ne paraîtra vouée à l'échec aux yeux de tels hommes. Ils poursuivront leur tâche avec ardeur, jusqu'à ce que leur insuccès apparent se transforme en victoire éclatante. Rien au monde, ni les murs de la prison, ni le bûcher ne sauraient les faire dévier du but poursuivi en collaboration avec le Seigneur, dans l'édification de son royaume. PR 201 4 L'oeuvre d'Elisée s'acheva avec le conseil et les paroles d'encouragement qu'il donna à Joas. Celui qui avait reçu une mesure abondante de l'Esprit-Saint avait été fidèle jusqu'au bout. Jamais il ne chancela, jamais il ne perdit confiance dans la toute-puissance du Très-Haut. Lorsque le chemin devant lui paraissait sans issue, il continuait sa marche par la foi, et le Seigneur récompensait sa confiance en ouvrant ce chemin devant lui. PR 202 1 Il ne fut pas donné à Elisée de suivre son maître au ciel dans un char de feu. Dieu permit qu'une longue maladie le consumât lentement. Pendant ces heures interminables de souffrances et de faiblesses physiques, la foi du prophète s'attacha aux promesses divines. Il eut toujours devant les yeux les êtres célestes, ces messagers de paix et d'espérance. De même qu'il avait vu, sur les hauteurs de Dothan, la cohorte des anges qui l'environnaient, les chars de feu, les cavaliers, de même il eut conscience au cours de sa maladie de la présence des messagers protecteurs. C'est ce qui fit sa force. Toute sa vie, il avait manifesté une grande foi, et cette foi s'était affermie à mesure qu'il apprenait à mieux connaître les bontés providentielles du Seigneur. Sa confiance en Dieu était devenue inébranlable. Aussi, lorsque la mort l'appela, il était prêt à se reposer de ses travaux. PR 202 2 "Elle a du prix aux yeux de l'Eternel, la mort de ceux qui l'aiment."8 "Le juste trouve un refuge même en sa mort."9 En toute confiance, Elisée pouvait dire avec le Psalmiste: "Mon Dieu sauvera mon âme du séjour des morts, car il me prendra sous sa protection."10 Et il pouvait ajouter avec joie: "Je sais que mon Rédempteur est vivant, et qu'il se lèvera le dernier sur la terre."11 "Pour moi, dans mon innocence, je verrai ta face; dès le réveil, je me rassasierai de ton image."12 ------------------------Chapitre 22 -- Ninive, la grande ville PR 203 1 Aux jours de la division d'Israël, Ninive, capitale du royaume d'Assyrie, comptait parmi les plus grandes villes de l'antiquité. Bâtie sur les rives fertiles du Tigre, peu après la dispersion de la tour de Babel, elle avait prospéré au cours des siècles au point de devenir une "très grande ville, de trois jours de marche".1 PR 203 2 A l'époque de sa prospérité, Ninive était un foyer de crime et de corruption. Le récit sacré nous la dépeint comme une "ville sanguinaire, pleine de mensonge et de rapine".2 Dans un langage imagé, le prophète Nahum la compare à un lion cruel et dévorant. "Quel est celui que ta méchanceté n'a pas atteint?"3 dit-il. PR 203 3 Mais Ninive, bien que pervertie, n'était pas totalement livrée au mal. Celui qui "voit tous les fils des hommes",4 et qui "contemple ce qu'il y a de précieux5 savait que de nombreux Ninivites aspiraient à quelque chose de plus élevé et de meilleur, et il jugea que, si on leur offrait l'occasion de connaître le Dieu vivant, ils renonceraient à leurs mauvaises actions et l'adoreraient. Et c'est ainsi que, dans sa sagesse, le Seigneur se révéla aux Ninivites d'une manière manifeste, afin de les amener à la repentance. PR 204 1 Pour cette oeuvre, il se choisit comme instrument Jonas, fils d'Amitthaï. La parole de l'Eternel lui fut adressée en ces termes: "Lève-toi, va à Ninive, la grande ville, et crie contre elle! car sa méchanceté est montée jusqu'à moi."6 PR 204 2 En envisageant les difficultés et l'impossibilité apparente d'une telle mission, Jonas fut tenté de mettre en doute la sagesse de l'appel qui lui était adressé. A vues humaines, en effet, il semblait inutile de proclamer un message de ce genre dans cette ville orgueilleuse. Le prophète oubliait en ce moment que Dieu possède la toute-puissance et la toute-sagesse. En proie au doute et à l'hésitation, Jonas se laissa plonger dans le découragement par Satan. Saisi de frayeur, il "se leva pour s'enfuir à Tarsis". Il descendit à Japho, et trouva un navire qui appareillait pour Tarsis. "Il paya le prix du transport, et s'embarqua ... avec les passagers."7 PR 204 3 La mission confiée à Jonas comportait une lourde responsabilité; mais celui qui l'en avait chargé était capable de le soutenir et de l'aider à s'en acquitter fidèlement. S'il avait obéi sans hésitation, il aurait évité bien des épreuves et reçu d'abondantes bénédictions. Cependant, au moment où le désespoir s'empara de Jonas, le Seigneur ne l'abandonna pas. S'il subit une série de dures épreuves, celles-ci furent suivies de bénédictions extraordinaires. Sa confiance en Dieu et en sa puissance salvatrice devait en être raffermie. PR 204 4 Si le prophète n'avait pas discuté froidement l'appel qui lui avait été adressé, il aurait compris combien toute tentative était vaine pour se dérober à sa mission. Mais il ne lui fut pas permis de rester longtemps en repos dans sa fuite insensée. "L'Eternel fit souffler sur la mer un vent impétueux, et il s'éleva sur la mer une grande tempête. Le navire menaçait de faire naufrage. Les mariniers eurent peur, ils implorèrent chacun leur dieu, et ils jetèrent dans la mer les objets qui étaient sur le navire, afin de le rendre plus léger. Jonas descendit au fond du navire, se coucha, et s'endormit profondément."8 PR 205 1 Tandis que les marins suppliaient leur dieu païen de les secourir, le pilote en proie à un désespoir farouche se mit à la recherche de Jonas, et lui dit: "Pourquoi dors-tu? Lève-toi, invoque ton Dieu! peut-être voudra-t-il penser à nous, et nous ne périrons pas."9 PR 205 2 Mais qu'auraient pu faire les prières d'un homme qui s'était détourné du sentier du devoir? Convaincus que l'extrême violence de la tempête était due à la colère des dieux, les marins décidèrent, en désespoir de cause, de tirer au sort "pour savoir qui attirait ce malheur. Ils tirèrent au sort, et le sort tomba sur Jonas. Alors ils dirent: Dis-nous qui nous attire ce malheur? Quelles sont tes affaires, et d'où viens-tu? Quel est ton pays, et de quel peuple es-tu? Il leur répondit: Je suis Hébreu, et je crains l'Eternel, le Dieu des cieux, qui a fait la mer et la terre. PR 205 3 "Ces hommes eurent une grande frayeur, et ils lui dirent: Pourquoi as-tu fais cela? Car ces hommes savaient qu'il fuyait loin de la face de l'Eternel, parce qu'il le leur avait déclaré. Ils lui dirent: Que te ferons-nous, pour que la mer se calme envers nous? Car la mer était de plus en plus orageuse. Il leur répondit: Prenez-moi, et jetez-moi dans la mer, et la mer se calmera envers vous; car je sais que c'est moi qui attire sur vous cette grande tempête. Ces hommes ramaient pour gagner la terre, mais ils ne le purent, parce que la mer s'agitait toujours plus contre eux. PR 205 4 "Alors ils invoquèrent l'Eternel, et dirent: O Eternel, ne nous fais pas périr à cause de la vie de cet homme, et ne nous charge pas du sang innocent! Car toi, Eternel, tu fais ce que tu veux. Puis ils prirent Jonas, et le jetèrent dans la mer. Et la fureur de la mer s'apaisa. Ces hommes furent saisis d'une grande crainte de l'Eternel, et ils offrirent un sacrifice à l'Eternel, et firent des voeux. PR 205 5 "L'Eternel fit venir un grand poisson pour engloutir Jonas, et Jonas fut dans le ventre du poisson trois jours et trois nuits. Jonas, dans le ventre du poisson, pria l'Eternel, son Dieu. Il dit: PR 206 1 Dans ma détresse, j'ai invoqué l'Eternel, Et il m'a exaucé; Du sein du séjour des morts j'ai crié, Et tu as entendu ma voix. Tu m'as jeté dans l'abîme, dans le coeur de la mer, Et les courants d'eau m'ont environné; Toutes tes vagues et tous tes flots ont passé sur moi. Je disais: Je suis chassé loin de ton regard! Mais je verrai encore ton saint temple. Les eaux m'ont couvert jusqu'à m'ôter la vie, L'abîme m'a enveloppé, Les roseaux ont entouré ma tête. Je suis descendu jusqu'aux racines des montagnes, Les barres de la terre m'enfermaient pour toujours; Mais tu m'as fait remonter vivant de la fosse, Eternel, mon Dieu! Quand mon âme était abattue au-dedans de moi, Je me suis souvenu de l'Eternel, Et ma prière est parvenue jusqu'à toi, Dans ton saint temple. ... Pour moi, je t'offrirai des sacrifices avec un cri d'actions de grâces, J'accomplirai les voeux que j'ai faits: Le salut vient de l'Eternel." PR 206 2 Jonas avait enfin compris que "le salut est auprès de l'Eternel".11 Et parce qu'il s'était repenti, qu'il avait reconnu la grâce salvatrice de Dieu, il avait la vie sauve. Echappant aux périls des profondeurs de la mer, il était rejeté sur la terre ferme. PR 206 3 Mais une fois de plus le serviteur de Dieu reçut l'ordre d'avertir Ninive. "La parole de l'Eternel fut adressée à Jonas une seconde fois, en ces mots: Lève-toi, va à Ninive, la grande ville, et proclames-y la publication que je t'ordonne!" Alors le prophète ne tergiversa plus, il ne mit pas en doute non plus l'ordre divin. Il obéit aveuglément. "Jonas se leva, et alla à Ninive, selon la parole de l'Eternel."12 PR 206 4 Dès qu'il pénétra dans la ville, le prophète se mit à "crier et à dire: Encore quarante jours, et Ninive est détruite!"13 Il parcourut ainsi toutes les rues, en faisant retentir son cri d'alarme. PR 207 1 Ce n'est pas en vain qu'il proclama ce message. Le cri qui résonna dans les rues de la ville païenne circula de bouche en bouche, jusqu'à ce que tous les Ninivites eussent entendu l'effrayante nouvelle. L'Esprit de Dieu fit pénétrer profondément les paroles de Jonas dans le coeur de chacun, et des foules frémirent à l'idée de leurs péchés, et se repentirent en s'humiliant dans la poussière. PR 207 2 "Les gens de Ninive crurent à Dieu, ils publièrent un jeûne, et se revêtirent de sacs, depuis les plus grands jusqu'aux plus petits. La chose parvint au roi de Ninive; il se leva de son trône, ôta son manteau, se couvrit d'un sac, et s'assit sur la cendre. Et il fit faire dans Ninive cette publication, par ordre du roi et de ses grands: Que les hommes et les bêtes, les boeufs et les brebis, ne goûtent de rien, ne paissent point, et ne boivent point d'eau! Que les hommes et les bêtes soient couverts de sacs, qu'ils crient à Dieu avec force, et qu'ils reviennent tous de leur mauvaise voie et des actes de violence dont leurs mains sont coupables! Qui sait si Dieu ne reviendra pas et ne se repentira pas, et s'il ne renoncera pas à son ardente colère, en sorte que nous ne périssions point?"14 PR 207 3 Le roi, les nobles, le peuple, les grands et les petits, "se repentirent à la prédication de Jonas",15 et tous ensemble implorèrent le Dieu des cieux, qui exerça envers eux sa miséricorde. Il "vit qu'ils agissaient ainsi et qu'ils revenaient de leur mauvaise voie. Alors Dieu se repentit du mal qu'il avait résolu de leur faire, et il ne le fit pas"Quel est celui que ta méchanceté n'a pas atteint16 Ils furent donc épargnés. Le Dieu d'Israël fut exalté et honoré dans tout le monde païen, et sa loi révérée. Malheureusement, peu de temps après cet événement, Ninive devint la proie des nations voisines, car elle avait oublié l'Eternel et s'était laissé aller à l'orgueil.17 PR 207 4 Lorsque Jonas apprit que Dieu avait décidé d'épargner la ville qui s'était repentie de ses péchés en prenant le sac et la cendre, au lieu d'être le premier à se réjouir de ce miracle de la grâce, il se laissa gagner par l'idée qu'on le considérerait comme un faux prophète. Jaloux de sa réputation, il perdit de vue la valeur infiniment grande des âmes de cette ville corrompue. La compassion manifestée par le Seigneur envers Ninive repentante "déplut fort à Jonas, et il fut irrité. ... N'est-ce pas ce que je disais, s'écria-t-il en s'adressant à l'Eternel, quand j'étais encore dans mon pays? C'est ce que je voulais prévenir en fuyant à Tarsis. Car je savais que tu es un Dieu compatissant et miséricordieux, lent à la colère et riche en bonté, et qui te repens du mal."18 PR 208 1 Une fois de plus le prophète se laissait aller à sa tendance au doute, et une fois de plus il sombrait dans le découragement. Il perdit de vue le bien de ses semblables et, préférant mourir plutôt que de voir Ninive épargnée, il s'écria, plein d'amertume: "Maintenant, Eternel, prends-moi donc la vie, car la mort m'est préférable à la vie." PR 208 2 Mais Dieu lui répondit: "Fais-tu bien de t'irriter? Et Jonas sortit de la ville, et s'assit à l'orient de la ville. Là, il se fit une cabane, et s'y tint à l'ombre, jusqu'à ce qu'il vît ce qui arriverait dans la ville. L'Eternel Dieu fit croître un ricin, qui s'éleva au-dessus de Jonas pour donner de l'ombre sur sa tête et pour lui ôter son irritation. Jonas éprouva une grande joie à cause de ce ricin."19 PR 208 3 Alors le Seigneur donna à Jonas une leçon frappante. Il "fit venir un ver qui piqua le ricin, et le ricin sécha. Au lever du soleil, Dieu fit souffler un vent chaud d'orient, et le soleil frappa sur la tête de Jonas, au point qu'il tomba en défaillance. Il demanda la mort, et dit: La mort m'est préférable à la vie." PR 208 4 Dieu s'adressa encore à son prophète en ces termes: "Fais-tu bien de t'irriter à cause du ricin?" Jonas répondit: "Je fais bien de m'irriter jusqu'à la mort. Et l'Eternel dit: Tu as pitié du ricin qui ne t'a coûté aucune peine et que tu n'as pas fait croître, qui est né dans une nuit et qui a péri dans une nuit. Et moi, je n'aurais pas pitié de Ninive, la grande ville, dans laquelle se trouvent plus de cent vingt mille hommes qui ne savent pas distinguer leur droite de leur gauche, et des animaux en grand nombre!"20 PR 208 5 Confus, humilié, incapable de comprendre les desseins de Dieu qui épargnait Ninive, Jonas avait cependant accompli sa mission, consistant à avertir cette grande ville. Et bien que l'événement prédit ne se soit pas réalisé, le message du prophète n'en émanait pas moins de Dieu, et il atteignait le but souhaité: la puissance de la grâce divine fut connue parmi les païens. Ceux qui, depuis longtemps, "avaient pour demeure les ténèbres et l'ombre de la mort, vivaient captifs dans la misère et dans les chaînes", et "dans leur détresse, ils crièrent à l'Eternel, et il les délivra de leurs angoisses; il les fit sortir des ténèbres et de l'ombre de la mort, et il rompit leurs liens". "Il envoya sa parole et les guérit, il les fit échapper de la fosse."21 PR 209 1 Au cours de son ministère terrestre, le Christ fit allusion au bien produit par la prédication de Jonas à Ninive. Il compara les habitants de cette agglomération païenne à ceux qui, de son temps, prétendaient être le peuple élu du Seigneur. "Les hommes de Ninive, disait-il, se lèveront, au jour du jugement, avec cette génération et la condamneront, parce qu'ils se repentirent à la prédication de Jonas; et voici, il y a ici plus que Jonas."22 PR 209 2 Lorsque le Christ vint ici-bas, les hommes étaient agités, absorbés par les affaires et les rivalités commerciales; ils ne pensaient qu'à leurs propres intérêts. Alors la voix du Sauveur, telle la trompette de Dieu, domina la confusion, et proclama: "Que sert-il à un homme de gagner tout le monde, s'il perd son âme?" Et "que donnerait un homme en échange de son âme?"23 PR 209 3 De même que la prédication de Jonas fut un signe pour les Ninivites, la prédication de Jésus en était un autre pour les hommes de sa génération. Mais comme ces avertissements furent reçus différemment! Cependant, en dépit de l'indifférence et du mépris qui lui furent manifestés, le Sauveur continua son oeuvre jusqu'au bout. PR 209 4 Il y a ici une leçon pour les messagers de Dieu de nos jours. Les habitants des grandes villes ont un besoin tout aussi impérieux de l'Evangile que les Ninivites d'antan. Il faut que les ambassadeurs du Christ attirent l'attention des hommes sur un monde plus beau, que l'on a totalement perdu de vue, sur la cité céleste "dont Dieu est l'architecte et le constructeur". Le croyant peut contempler, avec les yeux de la foi, cette demeure d'en haut, toute resplendissante de la gloire du Dieu vivant. Jésus-Christ, par ses serviteurs, invite tous les hommes à mettre leur ambition dans la recherche d'un héritage éternel. Il les exhorte à s'amasser un trésor dans les cieux. PR 210 1 L'augmentation constante et obstinée de la méchanceté attirera promptement et inévitablement sur les habitants des villes un châtiment presque universel. La corruption qui règne actuellement est indescriptible. Chaque jour apporte de nouvelles révélations concernant les dissensions, la malhonnêteté et la fraude. Chaque jour amène son cortège douloureux de violences et d'infractions à la loi, d'indifférence en face de la souffrance, d'attentats brutaux et diaboliques à la vie humaine. Chaque jour est témoin d'un accroissement de la folie, du meurtre et du suicide. PR 210 2 Satan s'est efforcé, à travers les âges, de maintenir les hommes dans l'ignorance des desseins d'amour du Créateur. Il s'est appliqué à leur faire perdre de vue les grands principes de la loi de Dieu, principes de justice, de miséricorde et d'amour. Les hommes se vantent des merveilleux progrès scientifiques de l'heure; mais Dieu voit la terre remplie d'iniquité et de violence. Les hommes prétendent que la loi divine a été abrogée, que la Bible n'est pas authentique. Il en est résulté une vague de maux, tels qu'on n'en avait jamais vu de semblables depuis les jours de Noé et de l'apostasie d'Israël. La noblesse d'âme, la bonté, la piété ont fait place à la convoitise des choses défendues. La sombre liste des crimes commis pour l'amour du lucre suffit à nous faire frissonner d'horreur. PR 210 3 Notre Dieu est un Dieu de miséricorde. Il traite les transgresseurs de sa loi avec patience et compassion. Toutefois, de nos jours, alors que les hommes et les femmes ont tant d'occasions de se familiariser avec la loi divine, telle qu'elle est révélée dans la sainte Ecriture, le grand Maître de l'univers ne peut considérer avec satisfaction les villes corrompues, où règnent la violence et le crime. Sa patience à l'égard de ceux qui s'obstinent à lui désobéir arrive rapidement à son terme. PR 211 1 Les hommes doivent-ils s'étonner si le Maître suprême change soudain d'attitude envers les habitants d'un monde perdu? Doivent-ils être surpris si le châtiment fait suite à la transgression et au crime toujours croissants? Doivent-ils s'étonner si Dieu amène la destruction et la mort sur ceux qui ont acquis leurs biens par l'extorsion et la tromperie? Bien que la lumière divine ait illuminé leur sentier d'un vif éclat, le plus grand nombre refuse de se soumettre aux exigences du Seigneur et de le reconnaître comme leur Maître. Ils préfèrent rester sous la sombre bannière de celui qui est à l'origine de la révolte contre le ciel. PR 211 2 La patience de Dieu est très grande, au point que lorsque nous considérons l'outrage continuel réservé à ses saints commandements, nous sommes émerveillés. Le Tout-Puissant n'a pas exercé son pouvoir comme il aurait pu le faire, mais soyons sûrs qu'il punira les méchants qui se moquent des justes revendications du Décalogue. PR 211 3 Le Seigneur accorde aux hommes un temps de grâce; mais lorsqu'ils dépassent une certaine limite, sa patience est à son terme, et ses châtiments ne se font pas attendre. Il supporte longtemps la méchanceté des hommes et des villes, mais il vient un temps où sa clémence ne s'exerce plus. Ceux qui persistent à refuser la lumière de la vérité seront un jour rejetés, livrés à leur propre merci et à celle des hommes qu'ils ont influencés. PR 211 4 Le temps est proche où le monde connaîtra une douleur que nul ne sera capable de soulager. L'Esprit de Dieu se retire de la terre. Les cataclysmes se succèdent à une cadence accélérée. Que de fois n'entendons-nous pas parler de tremblements de terre, de cyclones, de ravages causés par des incendies et des inondations, de lourdes pertes de vies humaines et de biens matériels! A vues humaines, ces calamités résultent des déchaînements capricieux des forces de la nature, désorganisées et déréglées, échappant au contrôle de l'homme. Mais ce sont des moyens employés par Dieu pour chercher à éveiller chez tous le sentiment du danger qu'ils courent. PR 212 1 Les messagers du Seigneur, dans les grandes villes, ne doivent pas se laisser aller au découragement par la méchanceté, l'injustice, la dépravation qu'ils rencontrent lorsqu'ils s'efforcent de parler aux hommes de la bonne nouvelle du salut. Dieu sera leur réconfort; il leur adressera le message qu'il donna à l'apôtre Paul quand il se trouvait dans la ville corrompue de Corinthe: "Ne crains point; mais parle, et ne te tais point, car je suis avec toi, et personne ne mettra la main sur toi pour te faire du mal: parle, car j'ai un peuple nombreux dans cette ville."24 PR 212 2 Ceux qui s'occupent du salut de leurs semblables doivent se souvenir que, si un grand nombre de personnes refusent d'écouter la Parole de Dieu, il en est d'autres qui ne se détourneront pas de la vérité, ni des appels d'un Sauveur patient et miséricordieux. Quels que puissent être le nombre des crimes et la corruption que recèle une ville, il s'y trouvera toujours des âmes prêtes à devenir disciples de Jésus, si elles sont instruites convenablement. Le message du salut peut amener des milliers de personnes à recevoir le Christ comme leur Sauveur personnel. PR 212 3 La parole que Dieu adresse aujourd'hui à tous est celle-ci: "Vous aussi, tenez-vous prêts, car le Fils de l'homme viendra à l'heure où vous n'y penserez pas."25 L'état de choses qui existe dans la société, et en particulier dans les grandes villes, proclame avec force que l'heure du jugement est venue, et que la fin de toutes choses est proche. Nous sommes à la veille de la crise finale, les jugements de Dieu se succèdent rapidement: les incendies, les inondations, les tremblements de terre, la guerre. Tout cela ne doit pas nous surprendre, car l'ange de la miséricorde ne saurait plus longtemps protéger les impénitents. PR 212 4 Le prophète Esaïe a écrit ces paroles: "Voici, l'Eternel sort de sa demeure, pour punir les crimes des habitants de la terre; et la terre mettra le sang à nu, elle ne couvrira plus les meurtres."26 La tempête déchaînée par la colère divine se prépare. Seuls y échapperont ceux qui acceptent la grâce du ciel, comme le firent les Ninivites à la prédication de Jonas, et ceux qui seront sanctifiés par l'obéissance aux lois divines. Seul le juste sera "caché avec le Christ en Dieu, jusqu'à ce que la désolation soit passée". Que les paroles de ce beau cantique soient le cri de notre âme: PR 213 1 Seul Refuge de mon âme, Je veux m'appuyer sur toi; La paix que mon coeur réclame Est à tes pieds, divin Roi! PR 213 2 A toi, Jésus, j'abandonne Mon coeur, mon âme et mes jours! Qu'en moi ton amour rayonne. Je veux te servir toujours. ------------------------Chapitre 23 -- La captivité assyrienne PR 215 1 Les dernières années du malheureux royaume d'Israël furent marquées par une violence et un massacre tels qu'on n'en avait jamais vu de semblables, même aux jours les plus sombres des luttes et des guerres de la maison d'Achab. Pendant plus de deux siècles, les rois des dix tribus avaient semé le vent, ils allaient récolter la tempête. Ils avaient été assassinés les uns après les autres pour permettre à des intrigants de régner à leur place. "Ils ont établi des rois sans mon ordre, déclarait le Seigneur en parlant de ces usurpateurs impies, et ils ont établi des chefs à mon insu."1 PR 215 2 Tous les principes de justice furent rejetés, et les hommes qui auraient dû paraître aux yeux des nations comme les dépositaires de la grâce divine furent "infidèles à l'Eternel"2 et à leurs semblables. Par de sévères réprimandes, Dieu s'efforça de faire naître chez la nation rebelle le sentiment du danger qui la menaçait: sa ruine imminente et totale. Par l'intermédiaire des prophètes Osée et Amos, il envoya aux dix tribus d'Israël des messages répétés, les invitant à se repentir, et les menaçant de la destruction si elles ne mettaient pas un terme à leurs transgressions continuelles. "Vous avez cultivé le mal, disait Osée, moissonné l'iniquité, mangé le fruit du mensonge", et s'adressant à la nation rebelle il lui déclarait: "Tu as eu confiance dans ta voie, dans le nombre de tes vaillants hommes. Il s'élèvera un tumulte parmi ton peuple, et toutes tes forteresses seront détruites. ... Vienne l'aurore, et c'en est fait du roi d'Israël."3 PR 216 1 Le prophète Osée parle ainsi au sujet d'Ephraïm".4: "Des étrangers consument sa force, et il ne s'en doute pas; la vieillesse s'empare de lui, et il ne s'en doute pas. ... Israël a rejeté le bien. ... Ephraïm est opprimé, brisé par le jugement." Incapables de prévoir les conséquences de leur mauvaise conduite, les Israélites allaient devenir un peuple "errant parmi les nations."5 PR 216 2 Certains conducteurs d'Israël eurent le sentiment très vif d'avoir perdu leur glorieux prestige à l'égard des autres nations, et ils souhaitèrent ardemment le retrouver. Mais au lieu d'abandonner les pratiques qui avaient provoqué la faiblesse du royaume, ils s'obstinèrent à commettre l'iniquité. Ils se flattaient de renforcer leur pouvoir en s'alliant, quand l'occasion s'en présentait, avec des païens. "Ephraïm voit son mal, et Juda ses plaies; Ephraïm se rend en Assyrie. ... Ephraïm est comme une colombe stupide, sans intelligence; ils implorent l'Egypte, ils vont en Assyrie." Ephraïm "fait alliance avec l'Assyrie".6 PR 216 3 Par l'intermédiaire de l'homme de Dieu qui était apparu devant l'autel de Béthel, par celui d'Elie, d'Elisée, d'Amos et d'Osée, Dieu ne cessa d'avertir les dix tribus d'Israël des malheurs qui allaient fondre sur elles, par suite de leur désobéissance. Mais en dépit des reproches et des supplications, les Israélites ne firent que s'enfoncer dans l'apostasie. "Israël se révolte comme une génisse indomptable, déclarait le Seigneur, mon peuple est enclin à s'éloigner de moi."7 PR 216 4 Les châtiments divins s'abattaient parfois lourdement sur les enfants d'Israël. "Je les frapperai par les prophètes, déclarait le Seigneur, je les tuerai par les paroles de ma bouche, et mes jugements éclateront comme la lumière. Car j'aime la piété et non les sacrifices, et la connaissance de Dieu plus que les holocaustes. Ils ont, comme le vulgaire, transgressé l'alliance; c'est alors qu'ils m'ont été infidèles."8 Enfin, un suprême message leur fut adressé: "Ecoutez la parole de l'Eternel, enfants d'Israël!" Puis, s'adressant à la nation rebelle, Osée s'écrie: "Puisque tu as oublié la loi de ton Dieu, j'oublierai aussi tes enfants. Plus ils se sont multipliés, plus ils ont péché contre moi: je changerai leur gloire en ignominie. ... Je les châtierai selon leurs voies, je leur rendrai selon leurs oeuvres."9 PR 217 1 L'iniquité d'Israël, au cours de la dernière moitié du siècle qui précéda la captivité assyrienne, rappelle celle des jours de Noé. C'est celle de toutes les périodes où les hommes rejettent le Seigneur pour se livrer totalement au mal. Lorsqu'on exalte la nature au-dessus de son auteur, qu'on adore la créature au lieu du Créateur, on aboutit toujours aux pires catastrophes. Ainsi, quand le peuple d'Israël adora Baal et Astarté, il rendit un culte suprême aux forces de la nature, et il perdit contact avec tout ce qui est noble et élevé. Il devint alors une proie facile pour la tentation. Privée de défense, l'âme s'égare, elle est incapable de lutter contre le péché, et les viles passions du coeur humain se donnent libre cours. PR 217 2 Les prophètes élevèrent la voix contre l'oppression excessive, l'injustice flagrante, le luxe effréné et insensé qui régnaient de leur temps. Ils blâmèrent les festins et l'ivresse, la licence impudique et la débauche; mais c'est en vain qu'ils adressaient leurs protestations au peuple idolâtre et dénonçaient ses péchés. "Ils haïssent celui qui les reprend à la porte, déclarait Amos, et ils ont en horreur celui qui parle sincèrement." Et, s'adressant à eux, il s'écrie: "Vous opprimez le juste, vous recevez des présents, et vous violez à la porte le droit des pauvres."10 PR 217 3 Telles furent certaines des conséquences de l'instauration du culte du veau d'or de Jéroboam. La première entorse faite aux formes du culte conduisait aux pratiques les plus grossières de l'idolâtrie, si bien que finalement presque tous les habitants d'Israël s'adonnèrent à l'adoration fascinante de la nature. Oubliant leur Maître, ils se plongèrent "dans la corruption".11 PR 218 1 Les prophètes ne cessèrent de s'élever contre ces péchés, et d'exhorter le peuple au bien. "Semez selon la justice, moissonnez selon la miséricorde, s'écria Osée, défrichez-vous un champ nouveau! Il est temps de chercher l'Eternel, jusqu'à ce qu'il vienne, et répande pour vous la justice. ... Reviens à ton Dieu, dit le prophète au peuple rebelle, garde la piété et la justice, et espère toujours en ton Dieu. ... Car tu es tombé par ton iniquité. Apportez avec vous des paroles, et revenez à l'Eternel. Dites-lui: Pardonne toutes les iniquités, et reçois-nous favorablement."12 PR 218 2 De multiples occasions furent offertes aux pécheurs pour se repentir. A l'heure la plus sombre de l'apostasie, Dieu envoya à Israël un message de pardon et d'espoir. "Ce qui cause ta ruine, Israël, déclarait-il, c'est que tu as été contre moi, contre celui qui pouvait te secourir. Où donc est ton roi? Qu'il te délivre dans toutes tes villes!"13 PR 218 3 "Venez, retournons à l'Eternel, suppliait le prophète, car il a déchiré, mais il nous guérira; il a frappé, mais il bandera nos plaies. Il nous rendra la vie dans deux jours; le troisième jour il nous relèvera, et nous vivrons devant lui. Connaissons, cherchons à connaître l'Eternel; sa venue est aussi certaine que celle de l'aurore. Il viendra pour nous comme la pluie, comme la pluie du printemps qui arrose la terre."14 PR 218 4 Le Seigneur offrait la restauration et la paix à ceux qui avaient perdu de vue ses desseins pour sauver les pécheurs des pièges de Satan. "Je réparerai leur infidélité, leur déclarait-il, j'aurai pour eux un amour sincère; car ma colère s'est détournée d'eux. Je serai comme la rosée pour Israël, il fleurira comme le lis, et il poussera des racines comme le Liban. Ses rameaux s'étendront; il aura la magnificence de l'olivier, et les parfums du Liban. Ils reviendront s'asseoir à son ombre, ils redonneront la vie au froment, et ils fleuriront comme la vigne; ils auront la renommée du vin du Liban. Ephraïm, qu'ai-je à faire encore avec les idoles? Je l'exaucerai, je le regarderai, je serai pour lui comme un cyprès verdoyant. C'est de moi que tu recevras ton fruit. Que celui qui est sage prenne garde à ces choses! Que celui qui est intelligent les comprenne! Car les voies de l'Eternel sont droites; les justes y marcheront, mais les rebelles y tomberont."15 PR 219 1 Dieu insistait sur les bénédictions réservées à ceux qui le rechercheraient. "Cherchez-moi, et vous vivrez! disait-il. Ne cherchez pas Béthel, n'allez pas à Guilgal, ne passez pas à Beer-Schéba. Car Guilgal sera captif, et Béthel anéanti. ... PR 219 2 "Recherchez le bien et non le mal, afin que vous viviez, et qu'ainsi l'Eternel, le Dieu des armées, soit avec vous, comme vous le dites. Haïssez le mal et aimez le bien, faites régner à la porte la justice; et peut-être l'Eternel, le Dieu des armées, aura pitié des restes de Joseph."16 PR 219 3 Mais la plupart de ceux qui entendirent ces exhortations refusèrent d'en bénéficier. Les paroles des messagers du Seigneur allaient tellement à l'encontre de ces impénitents que le prêtre idolâtre de Béthel fit dire au roi d'Israël: "Amos conspire contre toi au milieu de la maison d'Israël; le pays ne peut supporter toutes ses paroles."17 PR 219 4 Le Seigneur déclara par la bouche d'Osée: "Lorsque je voulais guérir Israël, l'iniquité d'Ephraïm et la méchanceté de Samarie se sont révélées. ... L'orgueil d'Israël témoigne contre lui; ils ne reviennent pas à l'Eternel, leur Dieu, et ils ne le cherchent pas, malgré tout cela."18 PR 219 5 De génération en génération, Dieu avait supporté la méchanceté de ses enfants. Même alors, devant leur rébellion pleine de défi, il désirait ardemment leur salut. "Que te ferai-je, Ephraïm? s'exclamait-il. Que te ferai-je Juda? Votre piété est comme la nuée du matin, comme la rosée qui bientôt se dissipe."19 PR 219 6 Les maux qui s'étaient abattus sur la nation étaient devenus inguérissables, c'est pourquoi ce terrible jugement fut prononcé: "Ephraïm est attaché aux idoles: laisse-le! ... Ils arrivent, les jours de châtiment, ils arrivent, les jours de la rétribution: Israël va l'éprouver!"20 PR 219 7 Les dix tribus devaient récolter le fruit de l'apostasie qui avait pris forme avec l'érection des autels de Béthel et de Dan. Dieu leur adressa ce message: "L'Eternel a rejeté ton veau, Samarie! Ma colère s'est enflammée contre eux. Jusques à quand refuseront-ils de se purifier? Il vient d'Israël, un ouvrier l'a fabriqué, et ce n'est pas un dieu; c'est pourquoi le veau de Samarie sera mis en pièces. ... Les habitants de Samarie seront consternés au sujet des veaux de Beth-Aven; le peuple mènera deuil sur l'idole, et ses prêtres trembleront pour elle, pour sa gloire, qui va disparaître du milieu d'eux. Elle sera transportée en Assyrie, pour servir de présent au roi Jareb (Sennacherib)."21 PR 220 1 "Voici, le Seigneur, l'Eternel, a les yeux sur le royaume coupable. Je le détruirai de dessus la face de la terre; toutefois, je ne détruirai pas entièrement la maison de Jacob, dit l'Eternel. Car voici, je donnerai mes ordres, et je secouerai la maison d'Israël parmi toutes les nations, comme on secoue avec le crible, sans qu'il tombe à terre un seul grain. Tous les pécheurs de mon peuple mourront par l'épée, ceux qui disent: Le malheur n'approchera pas, ne nous atteindra pas. ... PR 220 2 "Les palais d'ivoire périront, les maisons des grands disparaîtront, dit l'Eternel. ... Le Seigneur, l'Eternel des armées, touche la terre, et elle tremble, et tous ses habitants sont dans le deuil. ... Tes fils et tes filles tomberont par l'épée, ton champ sera partagé au cordeau; et toi, tu mourras sur une terre impure, et Israël sera emmené captif loin de son pays. ... Et puisque je te traiterai de la même manière, prépare-toi à la rencontre de ton Dieu, ô Israël!"22 PR 220 3 Les châtiments prédits subirent un temps d'arrêt, et pendant le long règne de Jéroboam II les armées d'Israël remportèrent d'éclatantes victoires. Toutefois ces succès éphémères n'apportèrent aucun changement dans le coeur des impénitents, et finalement Amos déclara: "Jéroboam mourra par l'épée, et Israël sera emmené captif loin de son pays."23 PR 220 4 Mais le roi et le peuple ne tinrent aucun compte de cette déclaration catégorique, tant ils étaient ancrés dans l'idolâtrie. Amatsia, l'un des chefs des prêtres de Béthel, saisi par les paroles que le prophète avait prononcées contre Israël et son roi, dit à Amos: "Homme à visions, va-t'en, fuis dans le pays de Juda; manges-y ton pain, et là tu prophétiseras. Mais ne continue pas à prophétiser à Béthel, car c'est un sanctuaire du roi, et c'est une maison royale."24 Ce à quoi le prophète répondit: "Voici ce que dit l'Eternel. ... Israël sera emmené captif loin de son pays."25 PR 221 1 Ces paroles s'accomplirent littéralement. Mais la destruction du royaume ne se produisit que graduellement. Dans son jugement, le Seigneur fit preuve de clémence, tout d'abord lorsque "Pul, roi d'Assyrie, vint dans le pays". Menahem, alors roi d'Israël, ne fut pas fait prisonnier; le vainqueur lui promit de le laisser sur le trône comme vassal du roi d'Assyrie. "Menahem donna à Pul mille talents d'argent, pour qu'il l'aidât à affermir la royauté entre ses mains. Menahem leva cet argent sur tous ceux d'Israël qui avaient de la richesse, afin de le donner au roi d'Assyrie: il les taxa chacun à cinquante sicles d'argent."26 Lorsque les Assyriens eurent soumis les dix tribus d'Israël, ils s'en retournèrent dans leur pays pendant un certain temps. PR 221 2 Loin de se repentir du mal qui avait provoqué la ruine de son royaume, Menahem "ne se détourna point des péchés de Jéroboam, fils de Nebath, qui avait fait pécher Israël". Ses successeurs, Pekachia et Pékach, firent aussi "ce qui est mal aux yeux de l'Eternel".27 "Du temps de Pékach", qui régna vingt ans sur Israël, Tiglath-Piléser, roi d'Assyrie, envahit le royaume, et emmena en captivité, dans son pays, de nombreux habitants des tribus de la Galilée et de l'est du Jourdain, "les Rubénites, les Gadites et la demi-tribu de Manassé", ainsi que les habitants "de Galaad, de la Galilée, et de tout le pays de Nephtali",28 qui furent dispersés parmi les païens, dans des régions très éloignées de la Palestine. PR 221 3 Le royaume du nord ne devait jamais se remettre de ce coup fatal. Le faible reste conserva cependant les formes de son gouvernement, bien qu'il ne possédât plus aucun pouvoir. Un roi seulement allait succéder à Pékach, le roi Osée. Mais le royaume d'Israël serait bientôt rayé de la carte du monde. Cependant, au cours de ces années de détresse, Dieu usa encore de miséricorde, et offrit à son peuple une nouvelle occasion de se détourner de l'idolâtrie. La troisième année du règne d'Osée, le bon roi Ezéchias monta sur le trône de Juda, et il s'empressa d'apporter d'importantes réformes aux services du temple de Jérusalem. Pendant la Pâque, on organisa une cérémonie où furent conviées, non seulement les tribus de Juda et de Benjamin sur lesquelles régnait Ezéchias, mais aussi les tribus du royaume du nord. Une publication fut faite "dans tout Israël, depuis Beer-Schéba jusqu'à Dan, pour que l'on vînt à Jérusalem célébrer la Pâque en l'honneur de l'Eternel, le Dieu d'Israël. Car elle n'était plus célébrée par la multitude comme il est écrit. PR 222 1 "Les coureurs allèrent avec les lettres du roi et de ses chefs dans tout Israël et Juda. Et d'après l'ordre du roi, ils dirent: Enfants d'Israël, revenez à l'Eternel, le Dieu d'Abraham, d'Isaac et d'Israël, afin qu'il revienne à vous, reste échappé de la main des rois d'Assyrie. ... Ne raidissez donc pas votre cou, comme vos pères; donnez la main à l'Eternel, venez à son sanctuaire qu'il a sanctifié pour toujours, et servez l'Eternel, votre Dieu, pour que sa colère ardente se détourne de vous. Si vous revenez à l'Eternel, vos frères et vos fils trouveront miséricorde auprès de ceux qui les ont emmenés captifs, et ils reviendront dans ce pays; car l'Eternel, votre Dieu, est compatissant et miséricordieux, et il ne détournera pas sa face de vous, si vous revenez à lui."29 PR 222 2 "Les coureurs allèrent ainsi de ville en ville dans le pays d'Ephraïm et de Manassé, et jusqu'à Zabulon", publier le message dont Ezéchias les avait chargés. Israël aurait dû reconnaître alors, dans cette invitation, un appel à la repentance. Mais le reste des dix tribus qui vivait encore dans le territoire jadis prospère du royaume du nord traita les messagers du roi avec indifférence, même avec mépris. "On se riait et l'on se moquait d'eux." Quelques-uns cependant répondirent avec empressement à l'invitation royale. "Quelques hommes d'Aser, de Manassé et de Zabulon s'humilièrent et vinrent à Jérusalem ... pour célébrer la fête des pains sans levain."30 PR 222 3 Deux ans plus tard environ, les armées assyriennes, conduites par Salmanasar, investirent la ville de Samarie. Au cours de ce siège, une grande partie de la population périt, autant par la faim et la maladie que par les armes. La ville et la nation capitulèrent, le malheureux reste des dix tribus fut emmené en captivité en Assyrie et dispersé dans les provinces de ce royaume. PR 223 1 La ruine qui fondit sur les tribus du royaume du nord était l'effet du châtiment direct du ciel. Les Assyriens ne furent que les instruments employés par le Seigneur dans l'exécution de ses desseins. Par la bouche d'Esaïe, qui commença à prophétiser peu de temps avant la chute de Samarie, Dieu disait de l'armée assyrienne: Elle est la "verge de ma colère", "la verge dans ma main", "l'instrument de ma fureur".31 PR 223 2 Les enfants d'Israël avaient commis de graves péchés "contre l'Eternel, leur Dieu ... et ils firent des choses mauvaises. ... Ils n'écoutèrent point. ... Ils rejetèrent ses lois, l'alliance qu'il avait faite avec leurs pères, et les avertissements qu'il leur avait adressés." Tout cela arriva parce qu'"ils abandonnèrent tous les commandements de l'Eternel, leur Dieu; ils se firent deux veaux en fonte, ils fabriquèrent des idoles d'Astarté, ils se prosternèrent devant toute l'armée des cieux, et ils servirent Baal". Et parce qu'ils refusèrent résolument de se repentir, "l'Eternel les a humiliés, il les a livrés entre les mains des pillards, et il a fini par les chasser loin de sa face", selon les avertissements qu'il leur avait envoyés "par tous ses serviteurs, les prophètes". PR 223 3 Ainsi, "Israël a été emmené captif loin de son pays, en Assyrie ... parce que les Israélites n'avaient ni écouté ni mis en pratique tout ce qu'avait ordonné Moïse, serviteur de l'Eternel".32 PR 223 4 En infligeant ces terribles châtiments aux dix tribus d'Israël, Dieu avait un plan plein de sagesse et de miséricorde. Ce qu'il ne pouvait plus faire par les Israélites au pays de leurs pères, il allait chercher à l'accomplir en les dispersant parmi les païens. Ce plan consistait à sauver tous ceux qui voudraient profiter du pardon offert par le Sauveur de l'humanité. Dans les épreuves du peuple d'Israël, Dieu révélerait sa gloire aux nations de la terre. PR 224 1 Tous les captifs ne furent pas impénitents. Quelques-uns restèrent fidèles à l'Eternel, d'autres s'humilièrent devant lui. C'est par "ces fils du Dieu vivant"33 que le Seigneur allait amener des multitudes d'Assyriens à le connaître et à bénéficier de sa loi. ------------------------Chapitre 24 -- Détruit par manque de connaissance PR 225 1 La faveur divine à l'égard d'Israël a toujours été fonction de son obéissance. Au pied du Sinaï, ce peuple avait contracté une alliance avec le Seigneur, qui avait déclaré: "Vous m'appartiendrez entre tous les peuples." Les Israélites promirent solennellement de suivre la voie de l'obéissance. "Nous ferons tout ce que l'Eternel a dit",1 avaient-ils affirmé. Et quelques jours plus tard, alors que la loi était promulguée sur le Sinaï et que Moïse leur faisait part des instructions relatives aux statuts et aux ordonnances, ils déclarèrent à nouveau, d'une seule voix: "Nous ferons tout ce que l'Eternel a dit." Ces mêmes paroles, ils les répétèrent encore au moment où l'alliance fut ratifiée.2 Dieu choisissait Israël pour en faire son peuple, et Israël le choisissait comme son Roi. PR 225 2 Arrivé au terme de ses pérégrinations dans le désert, Israël entendit encore répéter les conditions de cette alliance. A Baal-Péor, situé à la frontière de la terre promise, et où un si grand nombre furent la proie facile de tentations insidieuses, ceux qui restèrent fidèles renouvelèrent leur promesse d'obéissance. Moïse les mit en garde contre les tentations qui allaient les assaillir; il les suppliait de ne rien avoir de commun avec les nations étrangères, et d'adorer Dieu seul. PR 226 1 "Maintenant, Israël, avait-il dit, écoute les lois et les ordonnances que je vous enseigne. Mettez-les en pratique, afin que vous viviez, et que vous entriez en possession du pays que vous donne l'Eternel, le Dieu de vos pères. Vous n'ajouterez rien à ce que je vous prescris, et vous n'en retrancherez rien; mais vous observerez les commandements de l'Eternel, votre Dieu, tels que je vous les prescris. ... Vous les observerez et vous les mettrez en pratique; car ce sera là votre sagesse et votre intelligence aux yeux des peuples, qui entendront parler de toutes ces lois et qui diront: Cette grande nation est un peuple absolument sage et intelligent!"3 PR 226 2 Il avait été spécialement recommandé aux Israélites de ne pas perdre de vue les commandements de Dieu. S'ils les observaient, la force et la bénédiction seraient leur partage. "Prends garde à toi et veille attentivement sur ton âme, tous les jours de ta vie", avait dit le Seigneur par la bouche de Moïse, "de peur que tu n'oublies les choses que tes yeux ont vues, et qu'elles ne sortent de ton coeur; enseigne-les à tes enfants et aux enfants de tes enfants".4 PR 226 3 Les scènes terrifiantes qui se déroulèrent au moment où la loi fut donnée sur le Sinaï ne devaient jamais être oubliées. Les avertissements prodigués aux Israélites au sujet des coutumes idolâtres qui régnaient dans les nations étrangères étaient clairs et formels: "Veillez attentivement sur vos âmes, de peur que vous ne vous corrompiez et que vous ne vous fassiez une image taillée, une représentation de quelque idole." Et encore: "Veille sur ton âme, de peur que, levant les yeux vers le ciel, et voyant le soleil, la lune et les étoiles, toute l'armée des cieux, tu ne sois entraîné à te prosterner en leur présence et à leur rendre un culte: ce sont des choses que l'Eternel, ton Dieu, a données en partage à tous les peuples, sous le ciel tout entier. ... Veillez sur vous, afin de ne point mettre en oubli l'alliance que l'Eternel, votre Dieu, a traitée avec vous, et de ne point vous faire d'image taillée, de représentation quelconque, que l'Eternel, ton Dieu, t'ait défendue."5 PR 227 1 Moïse signalait les maux qui résulteraient de l'abandon des statuts de l'Eternel. Prenant la terre et le ciel à témoin, il déclarait que si, après avoir habité longtemps le pays promis, le peuple ajoutait à son culte des rites idolâtres, se prosternait devant des images taillées, et refusait de revenir au vrai Dieu, alors sa colère s'enflammerait contre les Israélites, qui seraient emmenés en captivité et dispersés parmi les païens. "Vous disparaîtrez par une mort rapide du pays dont vous allez prendre possession au-delà du Jourdain, leur avait dit le prophète; vous n'y prolongerez pas vos jours, car vous serez entièrement détruits. L'Eternel vous dispersera parmi les peuples et vous ne resterez qu'un petit nombre au milieu des nations où l'Eternel vous emmènera. Et là, vous servirez des dieux, ouvrage de mains d'homme, du bois, et de la pierre, qui ne peuvent ni voir, ni entendre, ni manger, ni sentir."6 PR 227 2 Cette prophétie, qui se réalisa en partie au temps des Juges, s'accomplit d'une façon plus complète et plus littérale pendant la captivité d'Israël en Assyrie et de Juda à Babylone. PR 227 3 L'apostasie avait été graduelle. De génération en génération, Satan redoubla d'efforts pour faire oublier au peuple élu "les commandements, les lois et les ordonnances"7 qu'il s'était engagé à observer perpétuellement. Le diable savait que s'il arrivait à amener les Israélites à oublier le Seigneur pour aller "après d'autres dieux", ils périraient.8 PR 227 4 Toutefois, l'ennemi de l'Eglise de Dieu avait mésestimé la compassion de celui qui, bien que ne tenant "point le coupable pour innocent", est "miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en bonté et en fidélité, qui conserve son amour jusqu'à mille générations, qui pardonne l'iniquité, la rébellion et le péché".9 Quoique Satan s'efforçât de contrecarrer les desseins du Seigneur à l'égard de son peuple, bien qu'il parût triompher aux heures les plus sombres de l'histoire d'Israël, Dieu continuait à faire preuve de miséricorde. Il montrait au peuple tout ce qui pouvait contribuer au bien de la nation. J'ai écrit "pour lui toutes les ordonnances de ma loi, déclarait-il par la bouche du prophète Osée, elles sont regardées comme quelque chose d'étranger. ... C'est moi qui guidai les pas d'Ephraïm, le soutenant par ses bras; et ils n'ont pas vu que je les guérissais."10 Dieu avait témoigné à l'égard d'Israël une tendresse infinie; il l'avait instruit par ses prophètes, "précepte sur précepte, règle sur règle". PR 228 1 Si les Israélites avaient tenu compte de ses messages, l'humiliation leur eût été épargnée. Mais, parce qu'ils persistèrent dans le mépris de sa loi, Dieu fut contraint de les laisser aller en captivité. "Mon peuple est détruit, lui fit-il dire par Osée, parce qu'il lui manque la connaissance. Puisque tu as rejeté la connaissance, je te rejetterai. ... Tu as oublié la loi de ton Dieu."11 PR 228 2 Dans tous les siècles, la transgression de la loi divine a été suivie des mêmes résultats. Aux jours de Noé, alors que tous les principes du bien étaient violés, que l'iniquité grandissait au point que Dieu ne pouvait plus la supporter, il fut décrété: "J'exterminerai de la face de la terre l'homme que j'ai créé."12 Au temps d'Abraham, les habitants de Sodome défièrent ouvertement Dieu et sa loi. Il s'ensuivit la même méchanceté, la même corruption, la même licence effrénée qui caractérisa le monde antédiluvien. Les Sodomites dépassèrent les bornes de la patience divine, et le feu de la vengeance céleste s'alluma contre eux. L'époque qui précéda la captivité des dix tribus d'Israël fut marquée par une désobéissance et une méchanceté semblables. La loi divine fut considérée comme une ordonnance sans valeur, ce qui amena sur Israël un déluge d'iniquité. PR 228 3 "L'Eternel a un procès avec les habitants du pays, s'écria Osée, parce qu'il n'y a point de vérité, point de miséricorde, point de connaissance de Dieu dans le pays. Il n'y a que parjures et mensonges, assassinats, vols et adultères; on use de violence, on commet meurtre sur meurtre."13 PR 228 4 Les prophéties d'Amos et d'Osée concernant le châtiment divin parlaient aussi de gloire future. Mais pour les dix tribus, si longtemps rebelles et impénitentes, il n'était fait aucune promesse de retour en Palestine. Elles devaient, jusqu'à la fin des temps, "errer parmi les nations". Toutefois, Osée prédit à Israël qu'il aurait le privilège de participer à la restauration finale, à la fin des temps, au moment où le Christ apparaîtra comme Roi des rois et Seigneur des seigneurs. Le prophète déclarait: "Les enfants d'Israël resteront longtemps sans roi, sans chef, sans sacrifice, sans statue, sans éphod, et sans théraphim." "Après cela, ajoutait-il, ils reviendront; ils chercheront l'Eternel, leur Dieu, et David, leur roi; et ils tressailliront à la vue de l'Eternel et de sa bonté, dans la suite des temps."14 PR 229 1 Dans un langage symbolique, Osée exposait aux dix tribus le dessein de Dieu destiné à redonner à toute âme repentante, qui voudrait se joindre à son Eglise, les bénédictions réservées à Israël dans la terre promise, aux jours où il avait manifesté sa fidélité envers son Dieu. En parlant de cette nation à laquelle il désirait si ardemment témoigner sa miséricorde, le Seigneur disait: "Je veux l'attirer et la conduire au désert, et je parlerai à son coeur. Là, je lui donnerai ses vignes et la vallée d'Acor, comme une porte d'espérance, et là, elle chantera comme au temps de sa jeunesse, et comme au jour où elle remonta du pays d'Egypte. En ce jour-là, dit l'Eternel, tu m'appelleras: Mon mari! et tu ne m'appelleras plus: Mon maître! J'ôterai de sa bouche les noms des Baals, afin qu'on ne les mentionne plus par leurs noms."15 PR 229 2 A la fin des temps, Dieu renouvellera son alliance avec ceux qui observent ses commandements. "En ce jour-là, dit-il, je traiterai pour eux une alliance avec les bêtes des champs, les oiseaux du ciel et les reptiles de la terre, je briserai dans le pays l'arc, l'épée et la guerre, et je les ferai reposer avec sécurité. Je serai ton fiancé pour toujours; je serai ton fiancé par la justice, la droiture, la grâce et la miséricorde; je serai ton fiancé par la fidélité, et tu reconnaîtras l'Eternel. PR 229 3 "En ce jour-là, j'exaucerai, dit l'Eternel, j'exaucerai les cieux, et ils exauceront la terre; la terre exaucera le blé, le moût et l'huile, et ils exauceront Jizreel. Je planterai pour moi Lo-Ruchama dans le pays, et je lui ferai miséricorde; je dirai à Lo-Ammi: Tu es mon peuple! et il répondra: Mon Dieu!"16 PR 230 1 "En ce jour-là, le reste d'Israël et les réchappés de la maison de Jacob ... s'appuieront avec confiance sur l'Eternel, le Saint d'Israël."17 De "toute nation, de tout peuple", quelques-uns répondront avec empressement au message: "Craignez Dieu, et donnez-lui gloire, car l'heure de son jugement est venue." Ils abandonneront toutes leurs idoles qui les attachaient à la terre pour adorer "celui qui a fait le ciel, et la terre, et la mer, et les sources d'eaux". Ils se dégageront de tout ce qui les entravait pour être devant ce monde comme des monuments de la miséricorde divine. Obéissant à la loi de Dieu, ils seront reconnus des anges et des hommes comme ceux qui sont restés fidèles "aux commandements de Dieu et à la foi de Jésus."18 PR 230 2 Voici, les jours viennent, dit l'Eternel, Où le laboureur suivra de près le moissonneur, Et celui qui foule le raisin celui qui répand la semence, Où le moût ruissellera des montagnes Et coulera de toutes les collines. Je ramènerai les captifs de mon peuple d'Israël; Ils rebâtiront les villes dévastées et les habiteront, Ils planteront des vignes et en boiront le vin, Ils établiront des jardins et en mangeront les fruits. Je les planterai dans leur pays, Et ils ne seront plus arrachés du pays que je leur ai donné, Dit l'Eternel, ton Dieu. ------------------------Chapitre 25 -- L'appel d'Esaïe PR 231 1 Le long règne d'Ozias".,1 au pays de Juda et de Benjamin, fut caractérisé par une prospérité que n'avait connue aucun monarque depuis la mort de Salomon, mort qui remontait à près de deux siècles. Il gouverna avec sagesse pendant longtemps. Grâce à la bénédiction d'en haut, ses armées reconquirent certains territoires perdus au cours des années précédentes. Des villes furent reconstruites et fortifiées; la position de la nation par rapport aux peuples voisins fut solidement renforcée. Le commerce refleurit, et les richesses des nations affluèrent à Jérusalem. La renommée d'Ozias "s'étendit au loin, car il fut merveilleusement soutenu jusqu'à ce qu'il devînt puissant."2 PR 231 2 Cette prospérité n'était cependant pas accompagnée d'une renaissance spirituelle correspondante. Les services du temple continuaient à se faire comme auparavant, et des multitudes s'assemblaient pour adorer le Dieu vivant; mais peu à peu l'orgueil et le formalisme succédèrent à l'humilité et à la sincérité. Il est dit d'Ozias que, "lorsqu'il fut puissant, son coeur s'éleva pour le perdre. Il pécha contre l'Eternel, son Dieu."3 Ozias pécha donc par orgueil, ce qui eut des conséquences désastreuses. Il viola un commandement formel qui ne permettait qu'aux descendants d'Aaron d'officier comme prêtres. Il pénétra dans le sanctuaire "pour brûler des parfums sur l'autel". Azaria, le grand prêtre, et les sacrificateurs le reprirent, et le supplièrent de ne pas se livrer à cet acte. "Tu commets un péché, lui dirent-ils, et cela ne tournera pas à ton honneur."4 PR 232 1 Ozias se mit dans une violente colère. Comment osait-on le réprimander ainsi, lui, le roi? Mais il ne put s'opposer aux protestations unanimes de ceux qui représentaient l'autorité religieuse et qui lui interdisaient de profaner le sanctuaire. Alors qu'il était là, plein de rage, un châtiment divin s'abattit sur lui. La lèpre "éclata sur son front". Le roi s'enfuit, terrifié; il ne devait jamais plus pénétrer dans le temple. Il resta lépreux jusqu'à sa mort, qui survint quelques années plus tard. Quel exemple frappant de l'insensé qui se détourne d'un commandement formel de l'Ecriture! Ni sa position élevée, ni son long service ne pouvaient excuser le péché d'orgueil qui ternit les dernières années de son règne, et attira sur lui le châtiment du ciel. PR 232 2 Dieu ne fait acception de personne. "Si quelqu'un, indigène ou étranger, agit la main levée, il outrage l'Eternel; celui-là sera retranché du milieu de son peuple."5 PR 232 3 Le châtiment qui s'abattit sur Ozias semble avoir eu sur son fils une heureuse influence. Jotham assuma de lourdes responsabilités pendant les dernières années du règne de son père, et à sa mort il lui succéda. Il est dit de Jotham qu'"il fit ce qui est droit aux yeux de l'Eternel; il agit entièrement comme avait agi Ozias, son père. Seulement, les hauts lieux ne disparurent point; le peuple offrait encore des sacrifices et des parfums sur les hauts lieux."6 PR 232 4 Le règne d'Ozias touchait à sa fin, et Jotham assumait déjà la plupart des charges de l'Etat, lorsque Esaïe, de lignée royale et tout jeune encore, fut appelé à la vocation prophétique. La période au cours de laquelle il devait exercer son ministère fut particulièrement critique pour le peuple de Dieu. Esaïe assista à l'invasion de Juda par les armées alliées du nord d'Israël et de la Syrie, ainsi qu'au siège des principales villes du royaume par les armées assyriennes. Il vit Samarie capituler et emmener captives parmi les nations les dix tribus d'Israël. PR 233 1 Il vit aussi Juda envahi maintes fois par les Assyriens, et Jérusalem assiégée, prête à capituler, n'eût été la miraculeuse intervention du Seigneur. Le royaume du sud ne cessait d'être menacé de graves dangers. La protection divine allait disparaître, et les forces assyriennes déferler sur tout le territoire de Juda. PR 233 2 Mais le danger extérieur, bien qu'insurmontable en apparence, n'était rien comparé au danger intérieur. C'est la perversité de Juda qui plongeait Esaïe dans la plus grande angoisse et le désespoir le plus profond. L'apostasie et la révolte des hommes qui auraient dû se dresser comme des porte-bannières au milieu des peuples, attiraient sur eux les châtiments divins. Les nombreux péchés qui précipitaient la ruine du royaume du nord avaient été signalés en termes très nets, peu de temps auparavant, par Osée et Amos. PR 233 3 La situation sociale du peuple était particulièrement défavorable. Poussés par l'appât du gain, les hommes ajoutaient maison à maison, champ à champ?".7 La justice était faussée, le pauvre extorqué. Dieu s'écriait au sujet de ces procédés iniques: "La dépouille du pauvre est dans vos maisons! De quel droit foulez-vous mon peuple, et écrasez-vous la face des pauvres."8 Les magistrats eux-mêmes, qui auraient dû protéger les êtres sans défense, restaient insensibles aux cris des pauvres, des malheureux, des veuves et des orphelins.9 PR 233 4 Avec l'oppression et la richesse étaient apparus l'orgueil, le désir de paraître,10 l'ivrognerie et la luxure.11 Au temps d'Esaïe, l'idolâtrie elle-même ne provoquait plus d'étonnement.12 L'iniquité régnait avec tant d'intensité parmi toutes les classes de la population que les rares fidèles étaient souvent tentés de se laisser aller au découragement et au désespoir. Il semblait que le dessein de Dieu à l'égard d'Israël était sur le point d'échouer, et que la nation rebelle subirait un sort semblable à celui de Sodome et de Gomorrhe. PR 234 1 On ne s'étonne donc pas qu'en présence d'une telle situation Esaïe se soit dérobé à l'appel qui lui était adressé, sous le règne de Josias, de donner un message d'avertissement et de reproche au royaume de Juda. Il n'ignorait pas qu'il se heurterait à une résistance opiniâtre. Aussi tandis qu'il se rendait compte de son incapacité en face de la situation, qu'il pensait à l'endurcissement et à l'incrédulité du peuple pour lequel il était appelé à travailler, il lui semblait que son oeuvre serait vouée à l'échec. Devait-il, dans son désespoir, renoncer à sa mission, et abandonner Juda à son idolâtrie? Les dieux de Ninive devaient-ils régner sur la terre et défier le Dieu du ciel? PR 234 2 Telles étaient les pensées qui assaillaient l'esprit d'Esaïe, alors qu'il se tenait sous le portique du temple. Mais soudain, il sembla que la porte s'ouvrait et que le voile intérieur se soulevait. Alors le prophète put contempler le Saint des Saints, le lieu même où ses pieds ne devaient pas se poser. Devant lui se déploya la vision du Seigneur assis sur un trône très élevé et dont les pans de la robe remplissaient le temple. De chaque côté du trône se tenaient des séraphins, la face voilée en signe d'adoration. Et alors qu'ils officiaient devant leur Maître, et unissaient leurs voix dans ce chant solennel: "Saint, saint, saint est l'Eternel des armées! toute la terre est pleine de sa gloire!"13 les colonnes, les piliers et les portes de cèdre furent ébranlés par le son de leurs voix, et la maison fut remplie de leurs louanges. PR 234 3 Tandis qu'il contemplait la gloire et la majesté du Seigneur qui se révélait ainsi à ses yeux, Esaïe fut comme anéanti par le sentiment de la pureté et de la sainteté de Dieu. Quel contraste entre l'incomparable perfection de son Créateur et la vie de péché de ceux qui, comme lui-même, faisaient partie depuis si longtemps du peuple élu: Israël et Juda! "Malheur à moi! s'écria-t-il, je suis perdu, car je suis un homme dont les lèvres sont impures, j'habite au milieu d'un peuple dont les lèvres sont impures, et mes yeux ont vu le Roi, l'Eternel des armées."14 PR 234 4 Debout, dans la lumière éblouissante de la présence divine du Saint des Saints, Esaïe comprenait que s'il était abandonné à son imperfection et à sa déficience il ne pourrait jamais s'acquitter de la mission à laquelle il était appelé. Mais un séraphin fut envoyé pour le secourir; il prit une pierre ardente sur l'autel et en toucha les lèvres du prophète, en lui disant: "Ceci a touché tes lèvres; ton iniquité est enlevée, et ton péché est expié." Alors on "entendit la voix du Seigneur, disant: Qui enverrai-je, et qui marchera pour nous?" Esaïe répondit: "Me voici, envoie-moi."15 PR 235 1 Le céleste visiteur donna alors cet ordre au prophète: PR 235 2 Va, et dis à ce peuple: Vous entendrez, et vous ne comprendrez point; Vous verrez, et vous ne saisirez point. Rends insensible le coeur de ce peuple, Endurcis ses oreilles, et bouche-lui les yeux, Pour qu'il ne voie point de ses yeux, n'entende point de ses oreilles, Ne comprenne point de son coeur, Ne se convertisse point et ne soit point guéri. PR 235 3 La mission d'Esaïe était claire; il devait élever la voix pour protester contre les péchés d'Israël. Mais il redoutait de commencer son oeuvre sans avoir reçu auparavant l'assurance de réussir. "Jusques à quand, Seigneur?"17 s'écria-t-il. N'y aura-t-il jamais parmi le peuple que tu t'es choisi quelqu'un qui comprenne, qui se repente et qui croie? PR 235 4 La charge d'âmes confiée à Esaïe ne devait pas être assumée en vain. Sa mission ne serait pas entièrement infructueuse. Toutefois, les péchés qui s'étaient multipliés au cours de tant de générations ne pouvaient disparaître en un seul jour. Pendant toute sa vie, le prophète devait instruire avec patience, avec courage, à la fois comme messager d'espérance et messager de malédiction. Lorsque le dessein de Dieu serait enfin accompli, alors il verrait le fruit de son travail, ainsi que celui de tous les messagers fidèles du Seigneur. Un reste seulement serait sauvé. Pour cela, il fallait que des messages d'avertissement et d'exhortation soient adressés à la nation rebelle. Dieu déclarait: PR 235 5 Jusqu'à ce que les villes soient dévastées Et privées d'habitants; Jusqu'à ce qu'il n'y ait personne dans les maisons, Et que le pays soit ravagé par la solitude; Jusqu'à ce que l'Eternel ait éloigné les hommes, Et que le pays devienne un immense désert. PR 236 1 De terribles châtiments devaient s'abattre sur les pécheurs: la guerre, l'exil, l'oppression, la perte de la puissance et du prestige d'Israël à l'égard des autres nations. Toutes ces calamités allaient se produire, afin que ceux qui voudraient reconnaître en elles la main d'un Dieu offensé soient amenés à la repentance. PR 236 2 Les dix tribus qui composaient le royaume du nord seraient bientôt dispersées parmi les nations, et leurs villes abandonnées. Les armées dévastatrices des ennemis déferleraient sans cesse sur le pays: Jérusalem elle-même tomberait finalement, et Juda serait emmené en captivité. Cependant, la terre promise ne resterait pas entièrement abandonnée à toujours. Le visiteur céleste donna en effet à Esaïe cette assurance: PR 236 3 S'il y reste encore un dixième des habitants. Ils seront à leur tour anéantis. Mais, comme le térébinthe et le chêne Conservent leur tronc quand ils sont abattus, Une sainte postérité renaîtra de ce peuple. PR 236 4 Cette certitude de l'accomplissement des desseins de Dieu ranima le courage d'Esaïe. Que lui importait maintenant que les forces terrestres se déchaînent contre Juda? Que lui importait que le messager du Seigneur se heurte à l'opposition et à la résistance? Le prophète avait vu le Roi, l'Eternel des armées; il avait entendu la voix des séraphins s'écrier: "Toute la terre est pleine de sa gloire!"20 Il était persuadé que les messages du Seigneur, adressés au royaume égaré de Juda, seraient accompagnés de la puissance convaincante du Saint-Esprit. Cela suffisait à galvaniser son énergie pour accomplir la tâche qui se présentait à lui. Au cours de sa longue et pénible carrière, Esaïe garda le souvenir de cette vision. Pendant plus de soixante ans, il se dressa devant les enfants de Juda comme le prophète de l'espérance, et son courage ne faisait que grandir alors qu'il annonçait le triomphe futur de l'Eglise de Dieu. ------------------------Chapitre 26 -- Voici votre Dieu PR 237 1 Au temps d'Esaïe, l'état spirituel de l'humanité était obscurci par son incompréhension à l'égard de Dieu. Pendant longtemps, Satan s'était efforcé de faire croire aux hommes que leur Créateur était l'auteur du péché, de la souffrance et de la mort. Ceux qu'il avait ainsi trompés s'imaginaient que Dieu était un Dieu cruel et exigeant, qu'il les observait pour les accuser et les condamner, et ne recevait pas les pécheurs qui venaient à lui. La loi d'amour qui régit le royaume des cieux avait été présentée par le grand séducteur comme une atteinte à leur bonheur, comme un joug pesant auquel ils devaient se soustraire avec joie. Satan prétendait qu'on ne pouvait pas obéir aux préceptes de cette loi, et que la pénalité attachée à sa transgression était infligée d'une manière arbitraire. PR 237 2 En perdant de vue le vrai caractère du Très-Haut, les Israélites étaient sans excuse. Dieu se révéla souvent à eux comme celui qui est "miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en bonté et en fidélité."1 "Quand Israël était jeune, déclarait-il, je l'aimais, et j'appelai mon fils hors d'Egypte."2 PR 238 1 Le Seigneur avait témoigné une tendresse infinie à Israël lors de sa délivrance du joug égyptien pour le conduire vers la terre promise. "Dans toutes leurs détresses ils n'ont pas été sans secours, et l'ange qui est devant sa face les a sauvés; il les a lui-même rachetés, dans son amour et sa miséricorde, et constamment il les a soutenus et portés, aux anciens jours."3 PR 238 2 "Je marcherai moi-même avec toi",4 telle était la promesse faite à Israël quand il errait dans le désert. Cette certitude était accompagnée d'une révélation merveilleuse du caractère de Dieu, ce qui avait rendu Moïse capable de proclamer la bonté de Dieu à tout Israël et de bien l'instruire sur les attributs du Roi invisible. "L'Eternel passa devant lui, et s'écria: L'Eternel, l'Eternel, Dieu miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en bonté et en fidélité, qui conserve son amour jusqu'à mille générations, qui pardonne l'iniquité, la rébellion et le péché, mais qui ne tient point le coupable pour innocent."5 PR 238 3 C'est grâce à sa connaissance de la longanimité du Seigneur, de son amour infini et de sa miséricorde que Moïse plaida si merveilleusement en faveur d'Israël, lorsque, sur les frontières de la terre promise, ce peuple refusa d'avancer, selon l'ordre de Dieu. Au moment où il manifestait sa révolte avec le plus d'intensité, le Seigneur avait déclaré: "Je le frapperai par la peste, et je le détruirai", et il avait promis de faire des descendants de Moïse "une nation plus grande que lui (Israël)".6 Mais le prophète insistait sur les merveilleuses bénédictions et les promesses divines qui étaient réservées au peuple élu. Et dans une prière suprême, il implorait le Dieu d'amour en faveur de l'homme perdu.7 PR 238 4 Dans sa grande bonté, le Seigneur répondit: "Je pardonne, comme tu l'as demandé." Et sous la forme d'une prophétie, il fit connaître à Moïse son intention concernant le triomphe final d'Israël. "Je suis vivant! déclarait-il, et la gloire de l'Eternel remplira toute la terre."8 Sa gloire, sa miséricordieuse bonté, son tendre amour -- que Moïse avait réclamés avec tant d'insistance -- devaient être révélés à l'humanité tout entière. Cette promesse du Seigneur fut confirmée par un serment. Aussi certainement que Dieu existe et règne, sa gloire serait proclamée "parmi les nations, ... ses merveilles parmi les peuples".9 PR 239 1 C'est au sujet de l'accomplissement de cette prophétie qu'Esaïe avait entendu les séraphins chanter devant le trône de Dieu: "Toute la terre est pleine de sa gloire."10 Confiant dans la certitude de ces paroles, le prophète déclara lui-même avec hardiesse au sujet de ceux qui se prosternaient devant les statues de pierre et de bois: "Ils verront la gloire de l'Eternel, la magnificence de notre Dieu!"11 PR 239 2 Aujourd'hui, cette prophétie trouve un accomplissement rapide. L'activité missionnaire de l'Eglise de Dieu produit une riche moisson d'âmes, et bientôt l'Evangile sera proclamé à toutes les nations. Hommes et femmes de toute nation, de toute tribu et de toute langue ont été acceptés dans "le bien-aimé", "à la louange de la gloire de sa grâce", "afin de montrer dans les siècles à venir l'infinie richesse de sa grâce par sa bonté envers nous en Jésus-Christ".12 "Béni soit l'Eternel Dieu, le Dieu d'Israël, qui seul fait des prodiges! Béni soit à jamais son nom glorieux! Que toute la terre soit remplie de sa gloire!"13 PR 239 3 Dans la vision qui lui fut donnée dans le temple, Esaïe eut une magnifique révélation du caractère du Dieu d'Israël. "Le Très-Haut, dont la demeure est éternelle et dont le nom est saint", lui apparut dans toute sa majesté; et cependant, le prophète put comprendre la nature compatissante du Seigneur. Celui qui habite "dans les lieux élevés et dans la sainteté" est "avec l'homme contrit et humilié, afin de ranimer les coeurs contrits."14 L'ange chargé de toucher les lèvres d'Esaïe lui avait apporté ce message: "Ton iniquité est enlevée, et ton péché est expié."15 PR 239 4 Lorsqu'il contempla son Dieu, comme plus tard Saul de Tarse à la porte de Damas, le prophète n'eut pas seulement un aperçu de sa propre indignité, mais il reçut dans son coeur humilié l'assurance du pardon total et gratuit de ses péchés. Il se releva transformé. Il avait vu son Sauveur; il avait entrevu la beauté du caractère divin. Il pouvait témoigner de la transformation opérée en lui par la contemplation de l'amour infini. Désormais, il n'avait plus qu'un désir: libérer Israël égaré du fardeau et de la pénalité du péché. "Quels châtiments nouveaux vous infliger? demandait-il. ... Venez et plaidons! dit l'Eternel. Si vos péchés sont comme le cramoisi, ils deviendront blancs comme la neige; s'ils sont rouges comme la pourpre, ils deviendront comme la laine." "Lavez-vous, purifiez-vous, ôtez de devant mes yeux la méchanceté de vos actions; cessez de faire le mal, apprenez à faire le bien."16 PR 240 1 Le Dieu que les Israélites prétendaient servir, mais dont ils comprenaient mal le caractère, leur était présenté comme le grand Médecin des maladies de l'âme. Qu'importait si toute la tête était malade, et si tout le coeur était languissant? Qu'importait si, de la plante des pieds jusqu'au sommet de la tête, rien n'était sain; si tout n'était que blessures, meurtrissures et plaies vives."?17 Celui dont le coeur était pervers pouvait trouver la guérison en se tournant vers le Seigneur. "J'ai vu ses voies, déclarait-il, et je le guérirai; je lui servirai de guide, et je le consolerai, lui et ceux qui pleurent avec lui. ... Paix, paix à celui qui est loin et à celui qui est près! dit l'Eternel. Je les guérirai."18 PR 240 2 Le prophète exaltait Dieu, le Créateur de toutes choses. Aux villes de Juda, il apportait ce message: "Voici votre Dieu!"19 "Ainsi parle Dieu, l'Eternel, qui a créé les cieux et qui les a déployés, qui a étendu la terre et ses productions." "Moi, l'Eternel, j'ai fait toutes choses." "Je forme la lumière, et je crée les ténèbres." "C'est moi qui ai fait la terre, et qui sur elle ai créé l'homme; c'est moi, ce sont mes mains qui ont déployé les cieux, et c'est moi qui ai disposé toute leur armée."20 PR 240 3 "A qui me comparerez-vous, pour que je lui ressemble? dit le Saint. Levez vos yeux en haut, et regardez! Qui a créé ces choses? Qui fait marcher en ordre leur armée? Il les appelle toutes par leur nom; par son grand pouvoir et par sa force puissante. Il n'en est pas une qui fasse défaut."21 PR 240 4 A ceux qui craignaient que Dieu ne les reçoive pas, s'ils revenaient à lui, le prophète déclarait: "Pourquoi dis-tu, Jacob, pourquoi dis-tu, Israël: Ma destinée est cachée devant l'Eternel, mon droit passe inaperçu devant mon Dieu? Ne le sais-tu pas? Ne l'as-tu pas appris? C'est le Dieu d'éternité, l'Eternel, qui a créé les extrémités de la terre; il ne se fatigue point, il ne se lasse point; on ne peut sonder son intelligence. Il donne de la force à celui qui est fatigué, et il augmente la vigueur de celui qui tombe en défaillance. Les adolescents se fatiguent et se lassent, et les jeunes hommes chancellent; mais ceux qui se confient en l'Eternel renouvellent leur force. Ils prennent le vol comme les aigles; ils courent, et ne se lassent point, ils marchent, et ne se fatiguent point."22 PR 241 1 Le coeur de celui qui est tout amour a pitié du faible qui se sent incapable de se dégager des pièges de Satan. Avec une tendresse infinie, il lui offre de le fortifier, afin qu'il vive pour lui. "Ne crains rien, lui dit-il, car je suis avec toi; ne promène pas des regards inquiets, car je suis ton Dieu; je te fortifie, je viens à ton secours, je te soutiens de ma droite triomphante." "Car je suis l'Eternel, ton Dieu, qui fortifie ta droite, qui te dis: Ne crains rien, je viens à ton secours. Ne crains rien, vermisseau de Jacob, faible reste d'Israël; je viens à ton secours, dit l'Eternel, et le Saint d'Israël est ton sauveur."23 PR 241 2 Tous les habitants de Juda étaient coupables, mais Dieu ne les abandonnait pas. C'est par eux que son nom serait exalté parmi les païens. Un grand nombre d'hommes qui l'ignoraient totalement devaient encore contempler sa gloire. C'était pour faire connaître ses desseins qu'il continuait à envoyer ses serviteurs avec ce message: "Revenez chacun de votre mauvaise voie."24 "A cause de mon nom, ... déclarait-il par la bouche du prophète Esaïe, je me contiens envers toi pour ne pas t'exterminer. ... C'est pour l'amour de moi, pour l'amour de moi, que je veux agir; car comment mon nom serait-il profané? Je ne donnerai pas ma gloire à un autre."25 PR 241 3 L'appel à la repentance retentissait avec une netteté indéniable, et tous étaient invités à retourner au Seigneur. "Cherchez l'Eternel pendant qu'il se trouve, suppliait Esaïe; invoquez-le, tandis qu'il est près. Que le méchant abandonne sa voie, et l'homme d'iniquité ses pensées; qu'il retourne à l'Eternel, qui aura pitié de lui, à notre Dieu, qui ne se lasse pas de pardonner."26 PR 242 1 Ami lecteur, as-tu choisi ta propre voie? Erres-tu encore loin de Dieu, et cherches-tu à te rassasier des fruits de tes transgressions, pour les retrouver en cendre sur tes lèvres? Maintenant que tes projets sont contrariés, que tes espérances sont anéanties, restes-tu seul et désolé? Alors cette voix qui a si longtemps résonné dans ton coeur, mais que tu ne voulais pas entendre, s'adresse à toi, toujours plus claire et plus distincte: "Levez-vous, marchez! car ce n'est point ici un lieu de repos; à cause de la souillure, il y aura des douleurs, des douleurs violentes."27 Retourne à la maison du Père. Il te redit encore: "Reviens à moi, car je t'ai racheté." "Prêtez l'oreille, et venez à moi, écoutez, et votre âme vivra: je traiterai avec vous une alliance éternelle, pour rendre durables mes faveurs envers David."28 Ne prête pas l'oreille aux suggestions de l'ennemi à ne pas t'approcher du Sauveur avant de t'être amélioré. Si tu attends de parvenir à cet état, tu ne viendras jamais à lui. Lorsque Satan te présente ta souillure, pense à cette promesse de Jésus: "Je ne mettrai pas dehors celui qui vient à moi."29 Dis à l'ennemi que le sang du Christ lave toutes les souillures. Que la prière de David devienne la tienne: "Purifie-moi avec l'hysope, et je serai pur; lave-moi, et je serai plus blanc que la neige."30 PR 242 2 Le prophète Esaïe exhorta Juda à contempler le Dieu vivant, et à accepter ses offres gratuites. Il ne parla pas en vain: d'aucuns y prêtèrent une profonde attention, et abandonnèrent leurs idoles pour adorer le vrai Dieu. Ils apprirent à discerner dans leur Créateur l'amour, la miséricorde, la compassion. Aux jours douloureux qui assombrirent l'histoire de Juda et ne laissèrent qu'un reste dans le pays, les paroles du prophète devaient continuer à favoriser une réforme décisive. "En ce jour, avait déclaré Esaïe, l'homme regardera vers son créateur, et ses yeux se tourneront vers le Saint d'Israël; il ne regardera plus vers les autels, ouvrage de ses mains, et il ne contemplera plus ce que ses doigts ont fabriqué, les idoles d'Astarté et les statues du soleil."31 PR 243 1 Nombreux furent les hommes qui s'approchèrent de celui qui est tout amour, et le "plus puissant entre dix mille". "Tes yeux verront le roi dans sa magnificence",32 telle était la promesse qui leur était faite. Leurs péchés seraient effacés, et ils ne se glorifieraient qu'en Dieu seul. Au jour heureux où ils triompheraient de l'idolâtrie, ils s'écrieraient: "L'Eternel est magnifique pour nous; il nous tient lieu de fleuves, de vastes rivières. ... L'Eternel est notre juge, l'Eternel est notre législateur, l'Eternel est notre roi: c'est lui qui nous sauve."33 PR 243 2 Les messages adressés par Esaïe à ceux qui se détourneraient de leurs mauvaises voies étaient pleins d'encouragement et de consolation. Ecoutez ses paroles: PR 243 3 Souviens-toi de ces choses, ô Jacob! O Israël! car tu es mon serviteur; Je t'ai formé, tu es mon serviteur; Israël, je ne t'oublierai pas. J'efface tes transgressions comme un nuage, Et tes péchés comme une nuée; Reviens à moi, Car je t'ai racheté. PR 243 4 Tu diras en ce jour-là: Je te loue, ô Eternel! Car tu as été irrité contre moi, Ta colère s'est apaisée, et tu m'as consolé. Voici, Dieu est ma délivrance, Je serai plein de confiance, et je ne craindrai rien; Car l'Eternel, l'Eternel est ma force et le sujet de mes louanges. ... PR 243 5 Célébrez l'Eternel, car il a fait des choses magnifiques: Qu'elles soient connues par toute la terre! Pousse des cris de joie et d'allégresse, habitant de Sion! Car il est grand au milieu de toi, le Saint d'Israël. ------------------------Chapitre 27 -- Achaz PR 245 1 L'accession d'Achaz au trône de Juda plaça Esaïe et ses collaborateurs dans des difficultés plus grandes encore que celles qui s'étaient présentées jusqu'alors dans le royaume. Un grand nombre de ceux qui avaient résisté aux influences séductrices des pratiques idolâtres se laissaient maintenant gagner par le culte des divinités païennes. Les princes d'Israël étaient infidèles à leur mission, de faux prophètes s'élevaient, porteurs de messages destinés à égarer les esprits; il y eut même des prêtres qui se faisaient payer leur enseignement. Et cependant, les chefs de l'apostasie maintenaient encore les formes du vrai culte, et prétendaient faire partie du peuple de Dieu. PR 245 2 Michée, qui prophétisa pendant cette période troublée, déclare au sujet de ces gens-là: "Ils osent s'appuyer sur l'Eternel, ils disent: L'Eternel n'est-il pas au milieu de nous? Le malheur ne nous atteindra pas." Ils se vantaient, en blasphémant, ces pécheurs, qui continuaient à bâtir "Sion avec le sang, et Jérusalem avec l'iniquité".1 PR 246 1 Le prophète Esaïe réprouvait sévèrement ces péchés: "Ecoutez la parole de l'Eternel, chefs de Sodome! s'écriait-il. ... Qu'ai-je à faire de la multitude de vos sacrifices? dit l'Eternel. ... Quand vous venez vous présenter devant moi, qui vous demande de souiller mes parvis?"2 PR 246 2 Le Sage a dit: "Le sacrifice des méchants est quelque chose d'abominable; combien plus grand quand ils l'offrent avec des pensées criminelles".3 Le Dieu du ciel a les yeux "trop purs pour voir le mal", et il ne peut "regarder l'iniquité!"4 Ce n'est pas parce qu'il ne veut pas pardonner le pécheur que Dieu se détourne de lui, mais parce que celui-ci refuse de profiter des trésors de la grâce. PR 246 3 "Non, la main de l'Eternel n'est pas trop courte pour sauver, ni son oreille trop dure pour entendre. Mais ce sont vos crimes qui mettent une séparation entre vous et votre Dieu; ce sont vos péchés qui vous cachent sa face et l'empêchent de vous écouter."5 PR 246 4 Salomon a écrit: "Malheur à toi, pays dont le roi est un enfant."6 Il en était ainsi du pays de Juda. Par leurs transgressions continuelles, ses rois étaient devenus comme des enfants. Esaïe attira l'attention du peuple sur la faiblesse de sa situation par rapport aux autres nations. Il lui montra que cette faiblesse provenait de la méchanceté manifestée en haut lieu. "Le Seigneur, l'Eternel des armées, déclarait-il, va ôter de Jérusalem et de Juda tout appui et toute ressource, toute ressource de pain et toute ressource d'eau, le héros et l'homme de guerre, le juge et le prophète, le devin et l'ancien, le chef de cinquante et le magistrat, le conseiller, l'artisan distingué et l'habile enchanteur. Je leur donnerai des jeunes gens pour chefs, et des enfants domineront sur eux. ... Jérusalem chancelle, et Juda s'écroule, parce que leurs paroles et leurs oeuvres sont contre l'Eternel."7 PR 246 5 "Mon peuple, ceux qui te conduisent t'égarent, ajoutait le prophète, et ils corrompent la voie dans laquelle tu marches."8 Ceci s'appliquait directement au règne d'Achaz, car l'Ecriture nous dit qu'"il marcha dans les voies des rois d'Israël; et même il fit des images en fonte pour les Baals, il brûla des parfums dans la vallée des fils de Hinnom",9 et "il fit passer son fils par le feu, suivant les abominations des nations que l'Eternel avait chassées devant les enfants d'Israël."10 PR 247 1 Le peuple élu courait alors un grand danger. Quelques années plus tard, les dix tribus du royaume d'Israël étaient dispersées parmi les nations païennes. La situation du royaume de Juda était tout aussi tragique. Les forces du bien, diminuant rapidement, le mal ne cessait d'augmenter. Devant cet état de choses, le prophète Michée s'écriait: "L'homme de bien a disparu du pays, et il n'y a plus de juste parmi les hommes." "Le meilleur d'entre eux est comme une ronce, le plus droit pire qu'un buisson d'épines."11 Et Esaïe, de son côté, disait: "Si l'Eternel des armées ne nous eût conservé un faible reste, nous serions comme Sodome, nous ressemblerions à Gomorrhe."12 PR 247 2 Par sa tendre compassion envers ceux qui lui restent fidèles, aussi bien que par son amour infini pour ceux qui se perdent, Dieu exerce sa longue patience à l'égard des rebelles, afin qu'ils abandonnent le mal pour revenir à lui. "Précepte sur précepte, règle sur règle, un peu ici, un peu là",13 par l'intermédiaire de ceux qu'il a choisis, le Seigneur enseigne le chemin de la justice aux transgresseurs de sa loi. PR 247 3 C'est ce qu'il fit sous le règne d'Achaz. Des appels répétés furent adressés aux Israélites pour les inviter à retourner à l'Eternel. Avec quelle tendresse les prophètes ne s'adressaient-ils pas aux rebelles! Aussi leurs exhortations ardentes à la repentance portèrent-elles des fruits à la gloire de Dieu. PR 247 4 Le prophète Michée s'exprimait ainsi: "Ecoutez donc ce que dit l'Eternel: Lève-toi, plaide devant les montagnes, et que les collines entendent ta voix! ... Ecoutez, montagnes, le procès de l'Eternel, et vous, solides fondements de la terre! Car l'Eternel a un procès avec son peuple, il veut plaider avec Israël. PR 247 5 "Mon peuple, que t'ai-je fait? En quoi t'ai-je fatigué? Réponds-moi! Car je t'ai fait monter du pays d'Egypte, je t'ai délivré de la maison de servitude, et j'ai envoyé devant toi Moïse, Aaron et Marie. Mon peuple, rappelle-toi ce que projetait Balak, roi de Moab, et ce que lui répondit Balaam, fils de Beor, de Sittim à Guilgal, afin que tu reconnaisses les bienfaits de l'Eternel."14 PR 248 1 Le Dieu que nous servons fait preuve envers nous de longanimité. "Ses compassions ne sont pas à leur terme."15 Son Esprit nous invite à accepter le don de la vie. "Je suis vivant! dit le Seigneur, l'Eternel, ce que je désire, ce n'est pas que le méchant meure, c'est qu'il change de conduite et qu'il vive. Revenez, revenez de votre mauvaise voie; et pourquoi mourriez-vous, maison d'Israël?"16 PR 248 2 Un procédé cher à Satan consiste à pousser les hommes dans le mal et à les y abandonner sans secours, sans espoir, et n'osant pas même rechercher le pardon. Mais Dieu adresse cette invitation au pécheur: "Qu'on me prenne pour refuge, qu'on fasse la paix avec moi, qu'on fasse la paix avec moi."17 En Christ on trouve tous les encouragements nécessaires. PR 248 3 Aux jours de l'apostasie de Juda et d'Israël, d'aucuns se demandaient: "Avec quoi me présenterai-je devant l'Eternel, pour m'humilier devant le Dieu Très-Haut? Me présenterai-je avec des holocaustes? Avec des veaux d'un an? L'Eternel agréera-t-il des milliers de béliers, des myriades de torrents d'huile?" Voici la réponse, nette et positive, qui leur a été faite: "On t'a fait connaître, ô homme, ce qui est bien; et ce que l'Eternel demande de toi, c'est que tu pratiques la justice, que tu aimes la miséricorde, et que tu marches humblement avec ton Dieu."18 PR 248 4 En insistant sur la piété que l'on doit pratiquer, le prophète ne faisait que renouveler le conseil donné à Israël des centaines d'années auparavant. Lorsque les Israélites s'apprêtaient à entrer dans la terre promise, voici ce que Dieu leur dit par la bouche de Moïse: "Maintenant, Israël, que demande de toi l'Eternel, ton Dieu, si ce n'est que tu craignes l'Eternel, ton Dieu, afin de marcher dans toutes ses voies, d'aimer et de servir l'Eternel, ton Dieu, de tout ton coeur et de toute ton âme; si ce n'est que tu observes les commandements de l'Eternel et ses lois que je te prescris aujourd'hui, afin que tu sois heureux?"19 Ces conseils ont été répétés en tout temps par les serviteurs de Dieu à ceux qui étaient menacés de sombrer dans le formalisme, et qui oubliaient de faire preuve de miséricorde. PR 249 1 Lorsque le Christ, au cours de son ministère terrestre, fut abordé par un docteur de la loi, qui lui posa cette question: "Maître, quel est le plus grand commandement de la loi?" il lui répondit: "Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ta pensée. C'est le premier et le plus grand commandement. Et voici le second, qui lui est semblable: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. De ces deux commandements dépendent toute la loi et les prophètes."20 PR 249 2 Ces déclarations des prophètes et du Maître lui-même devraient être considérées comme la voix de Dieu s'adressant à chaque âme. Saisissons toutes les occasions pour faire preuve de miséricorde, de tendre sollicitude, de charité chrétienne, à l'égard des faibles et des opprimés. S'il nous est impossible de faire davantage, prononçons des paroles de réconfort et d'espoir pour ceux qui ne connaissent pas le Seigneur et dont nous atteindrons plus facilement les coeurs par la sympathie et l'amour. PR 249 3 Comme elles sont riches les bénédictions promises à ceux qui saisissent toutes les occasions pour apporter la joie et le bonheur dans la vie du prochain! "Si tu donnes ta propre subsistance à celui qui a faim, a écrit le prophète Esaïe, si tu rassasies l'âme indigente, ta lumière se lèvera sur l'obscurité. Et tes ténèbres seront comme le midi. L'Eternel sera toujours ton guide, il rassasiera ton âme dans les lieux arides, et il redonnera de la vigueur à tes membres; tu seras comme un jardin arrosé, comme une source dont les eaux ne tarissent pas."21 PR 249 4 La conduite idolâtre d'Achaz en réponse aux appels enflammés des prophètes ne pouvait aboutir qu'à ce résultat: "La colère de l'Eternel a été sur Juda et sur Jérusalem, et il les a livrés au trouble, à la désolation et à la moquerie."22 Le royaume s'affaiblit rapidement, et son existence même fut bientôt menacée par l'invasion des armées ennemies. "Alors Retsin, roi de Syrie, et Pékach, fils de Semalia, roi d'Israël, montèrent contre Jérusalem pour l'attaquer. Ils assiégèrent Achaz."23 PR 250 1 Si Achaz et les principaux de son royaume étaient restés fidèles au Très-Haut, ils n'auraient pas eu à faire face à l'alliance qui s'était formée contre eux. Mais leur endurcissement dans le péché avait diminué leur courage. Epouvantés à l'idée de recevoir les justes jugements d'un Dieu offensé, "le coeur d'Achaz et le coeur de son peuple furent agités comme les arbres de la forêt sont agités par le vent."24 A ce moment-là, la parole de Dieu fut adressée à Esaïe, lui ordonnant d'aller à la rencontre du roi alarmé, et de lui dire: "Sois tranquille, ne crains rien, et que ton coeur ne s'alarme pas ... de ce qu'Ephraïm et le fils de Remalia disent: Montons contre Juda, assiégeons la ville et battons-la en brèche. ... Ainsi parle le Seigneur, l'Eternel: Cela n'arrivera pas, cela n'aura pas lieu." Le prophète déclara que le royaume d'Israël ainsi que la Syrie seraient bientôt détruits. "Si vous ne croyez pas, leur dit-il en terminant, vous ne subsisterez pas."25 PR 250 2 Tout se serait bien passé pour le royaume de Juda si Achaz avait accepté ce message comme venant du ciel. Mais il préféra s'appuyer "sur le bras de la chair", et il rechercha la protection des païens. Désespéré, il envoya des messagers à Tiglath-Piléser, pour lui dire: "Je suis ton serviteur et ton fils; monte, et délivre-moi de la main du roi de Syrie et de la main du roi d'Israël, qui s'élèvent contre moi."26 Et Achaz accompagna sa requête d'un riche présent provenant du trésor de la maison royale et du temple. L'aide implorée lui fut accordée, et il jouit d'une paix momentanée, mais à quel prix pour Juda! PR 250 3 Le présent offert par Achaz excita la cupidité de l'Assyrie, et cette nation perfide ne tarda pas à menacer Juda de l'invasion et du pillage. Achaz et ses malheureux sujets étaient alors hantés par la peur de tomber entre les mains des cruels Assyriens. "L'Eternel humilia Juda", à cause de son obstination dans le péché. Au lieu de se repentir, Achaz "continuait à pécher contre l'Eternel. ... Il sacrifia aux dieux de Damas." "Puisque les dieux des rois de Syrie leur viennent en aide, se dit-il, je leur sacrifierai pour qu'ils me secourent."27 Vers la fin de son règne, le roi apostat fit fermer les portes du temple. Il fit cesser les offrandes pour le péché, et l'encens ne monta plus vers le ciel, à l'heure du sacrifice du matin et du soir. On ne vit plus brûler le chandelier devant l'autel. PR 251 1 Les habitants de la cité impie désertèrent les parvis de la maison de Dieu. Ils verrouillèrent ses portes, et élevèrent avec impudence des autels à tous les coins de rues de Jérusalem, où ils adoraient les divinités païennes. Le paganisme semblait triompher, les puissances des ténèbres étaient sur le point de l'emporter. PR 251 2 Mais il restait dans Juda certains croyants qui refusaient obstinément d'embrasser l'idolâtrie. C'est vers ces fidèles qu'Esaïe, Michée et leurs collaborateurs se tournaient pleins d'espoir tandis qu'ils assistaient à la ruine de Juda au cours des dernières années d'Achaz. Leur sanctuaire avait fermé ses portes, mais ceux qui étaient restés fidèles se disaient avec assurance: "Dieu est avec nous. ... C'est l'Eternel des armées que vous devez sanctifier, c'est lui que vous devez craindre et redouter. Et il sera un sanctuaire."28 ------------------------Chapitre 28 -- Ezéchias PR 253 1 Le gouvernement insouciant d'Achaz offre un contraste frappant avec les réformes opérées par son fils, Ezéchias, au cours d'un règne prospère. Le jeune roi monta sur le trône, décidé à faire l'impossible pour épargner à Juda le sort du royaume du nord. Mais les prophètes n'offraient aucun encouragement aux demi-mesures. Ce n'est qu'en opérant les réformes les plus énergiques que les châtiments prédits pouvaient être évités. PR 253 2 Au cours de cette crise, Ezéchias se révéla l'homme du moment. Dès son accession au trône, il commença à faire des projets qu'il mit aussitôt à exécution. Son premier souci fut de rétablir les services du temple, si longtemps abandonnés. Il sollicita à cet effet la collaboration de certains prêtres et Lévites restés fidèles à leur mission sacrée. Assuré de leur appui sincère, il leur parla librement de son désir d'opérer des réformes immédiates et radicales. "Nos pères ont péché, dit-il, ils ont fait ce qui est mal aux yeux de l'Eternel, notre Dieu, ils l'ont abandonné, ils ont détourné leurs regards du tabernacle de l'Eternel. ... J'ai donc l'intention de faire alliance avec l'Eternel, le Dieu d'Israël, pour que son ardente colère se détourne de nous."1 PR 254 1 En quelques mots frappés au coin du bon sens, le roi exposa la situation à laquelle ils devaient faire face: le temple fermé, la cessation de tous ses services, l'idolâtrie criante pratiquée dans les rues de la ville et dans tout le royaume, l'apostasie des foules qui seraient restées fidèles au Seigneur si les conducteurs de Juda avaient donné le bon exemple, la décadence du royaume, la perte de l'estime des nations voisines et du prestige que le royaume exerçait sur elles. Le royaume du nord s'effondrait rapidement, ses habitants périssaient en grand nombre par l'épée, une foule d'entre eux avait déjà été emmenés en captivité. Il ne tarderait pas à tomber entièrement aux mains des Assyriens. Sa destruction serait alors complète. Semblable sort serait fatalement réservé à Juda, si Dieu n'intervenait pas puissamment par l'intermédiaire de ses représentants. PR 254 2 Ezéchias demanda immédiatement aux prêtres de s'unir à lui pour opérer les réformes nécessaires. "Maintenant, leur dit-il, cessez d'être négligents; car vous avez été choisis par l'Eternel pour vous tenir à son service devant lui, pour être ses serviteurs, et pour lui offrir des parfums. ... Maintenant sanctifiez-vous, sanctifiez la maison de l'Eternel, le Dieu de vos pères."2 PR 254 3 Le moment d'agir rapidement était venu. Les prêtres se mirent aussitôt à l'oeuvre. Ils s'assurèrent la collaboration de leurs collègues qui n'étaient pas là lorsque le roi leur fit part de ses desseins, et tous s'engagèrent courageusement à faire l'impossible pour purifier et sanctifier le temple. Mais cette oeuvre était rendue difficile par la profanation et l'oubli dont la maison de Dieu avait été l'objet pendant de si longues années. Cependant, prêtres et Lévites poursuivirent leur tâche inlassablement, et l'achevèrent en très peu de temps. Les portes du temple étaient réparées et grandes ouvertes, les ustensiles sacrés rassemblés et remis en place. Tout était prêt pour le rétablissement des services du sanctuaire. PR 254 4 Lorsque le premier service fut célébré, les chefs de la ville se joignirent à Ezéchias, aux prêtres et aux Lévites pour implorer le pardon des péchés de la nation. Le sacrifice "en expiation pour les péchés de tout Israël" fut placé sur l'autel. "Et quand on eut achevé d'offrir l'holocauste, le roi et tous ceux qui étaient avec lui fléchirent le genou et se prosternèrent." Les parvis du temple résonnèrent à nouveau aux accents des actions de grâces et de louange. On chanta d'un coeur joyeux les cantiques de David et d'Asaph. Les fidèles adorateurs se sentaient enfin délivrés de l'esclavage du péché et de l'idolâtrie. "Ezéchias et tout le peuple se réjouirent de ce que Dieu avait bien disposé le peuple, car la chose se fit subitement."3 PR 255 1 Dieu avait en réalité préparé le coeur des chefs du royaume de Juda pour les amener à entreprendre un mouvement de réforme spirituelle, destiné à endiguer la marée de l'apostasie. Par ses prophètes, le Seigneur avait adressé message sur message à son peuple pour l'inviter à revenir à lui. Ces messages avaient été méprisés et rejetés par les dix tribus d'Israël, désormais aux mains de l'ennemi. Mais un reste important demeurait en Juda, et c'est à ce reste que les prophètes s'adressaient encore. Ecoutez cet appel d'Esaïe: "Revenez à celui dont on s'est profondément détourné."4 Ecoutez Michée déclarer avec assurance: "Pour moi, je regarderai vers l'Eternel, je mettrai mon espérance dans le Dieu de mon salut; mon Dieu m'exaucera. Ne te réjouis pas à mon sujet, mon ennemie! Car si je suis tombée, je me relèverai; si je suis assise dans les ténèbres, l'Eternel sera ma lumière. Je supporterai la colère de l'Eternel, puisque j'ai péché contre lui, jusqu'à ce qu'il défende ma cause et me fasse droit; il me conduira à la lumière, et je contemplerai sa justice."5 PR 255 2 Ces messages, et d'autres semblables, révélaient le désir de Dieu de pardonner et d'accepter tous ceux qui se tournaient vers lui d'un coeur sincère. Aux jours sombres, alors que les portes du temple étaient closes, ces messages réconfortaient les coeurs abattus. Et maintenant que les chefs de Juda entreprenaient une réforme spirituelle, une foule de gens, lassés de l'esclavage du péché, se réjouissaient de cette réforme. PR 255 3 Ceux qui entraient dans les parvis du temple pour y chercher le pardon de leurs péchés et renouveler leur allégeance à Jéhovah, étaient merveilleusement encouragés par certains passages prophétiques des Ecritures. Les avertissements solennels de Moïse au sujet de l'idolâtrie, adressés à tout le peuple d'Israël, avaient été accompagnés de prophéties réconfortantes. Celles-ci révélaient le désir que Dieu éprouvait à entendre et à pardonner tous ceux qui, aux jours de l'apostasie, le rechercheraient de tout leur coeur. "Tu retourneras à l'Eternel, ton Dieu, et tu écouteras sa voix, avait dit Moïse; car l'Eternel, ton Dieu, est un Dieu de miséricorde, qui ne t'abandonnera point et ne te détruira point: il n'oubliera pas l'alliance de tes pères, qu'il leur a jurée."6 PR 256 1 Dans la prière prophétique prononcée par Salomon lors de la dédicace du temple -- de ce temple dont les services étaient rétablis par les soins d'Ezéchias et de ses collaborateurs -- le roi avait déclaré: "Quand ton peuple d'Israël sera battu par l'ennemi, pour avoir péché contre toi; s'ils reviennent à toi et rendent gloire à ton nom, s'ils t'adressent des prières et des supplications dans cette maison, -- exauce-les des cieux, pardonne le péché de ton peuple."7 PR 256 2 Le sceau de l'approbation divine avait été placé sur cette prière, car, lorsque Salomon eut fini de prier, le feu descendit du ciel et consuma l'holocauste et les sacrifices, et la gloire de Dieu remplit le temple.".8 Le Seigneur apparut à Salomon pendant la nuit et lui donna l'assurance qu'il exauçait sa prière et se montrerait miséricordieux envers tous ceux qui viendraient l'adorer dans sa maison. Voici ses paroles: "Si mon peuple sur qui est invoqué mon nom s'humilie, prie et cherche ma face, et s'il se détourne de ses mauvaises voies, -- je l'exaucerai des cieux, je lui pardonnerai son péché, et je guérirai son pays."9 PR 256 3 Ces promesses se réalisèrent pleinement quand Ezéchias opéra sa réforme. L'heureuse initiative de la purification du temple fut suivie par un mouvement plus considérable tant en Israël qu'en Juda. Dans le zèle qu'il apportait à faire des services du temple une source de bénédiction pour le peuple, Ezéchias décida de rétablir l'ancienne coutume de rassembler les Israélites pour la célébration de la Pâque. Depuis bien des années, celle-ci n'était plus considérée comme une fête nationale. La division du royaume, à la fin du règne de Salomon, avait rendu sa célébration impossible. Mais les terribles châtiments qui s'abattaient sur les dix tribus éveillaient dans le coeur de certains le désir d'une amélioration spirituelle, les messages saisissants des prophètes produisant leur effet. PR 257 1 Des messagers royaux furent donc dépêchés dans tout le pays pour inviter le peuple à célébrer la Pâque à Jérusalem. Mais généralement on se détournait d'eux avec mépris. Les impénitents n'en firent aucun cas, mais ceux qui recherchaient avidement le Seigneur pour mieux connaître sa volonté "s'humilièrent et vinrent à Jérusalem".10 PR 257 2 En Juda, les habitants répondirent unanimement à cette invitation, car "la main de Dieu" agissait sur eux "pour leur donner un même coeur et leur faire exécuter l'ordre du roi et des chefs",11 selon la volonté de Dieu révélée par ses prophètes. PR 257 3 Cette occasion allait procurer le plus grand bienfait aux foules assemblées à Jérusalem. On fit disparaître des rues profanées de la ville les autels païens érigés sous le règne d'Achaz. La Pâque fut célébrée au jour convenu, et toute la semaine le peuple offrit des sacrifices d'actions de grâces, tout en s'efforçant de connaître ce que le Seigneur attendait de lui. PR 257 4 Chaque jour les Lévites "montraient une grande intelligence pour le service de l'Eternel", et ceux qui avaient appliqué leur coeur à rechercher le Seigneur trouvaient le pardon. Une grande joie s'empara de la foule en adoration; "les Lévites et les sacrificateurs louaient l'Eternel avec les instruments qui retentissaient en son honneur".12 Tous s'unirent pour louer Dieu qui s'était montré si compatissant et si miséricordieux. PR 257 5 Les sept jours consacrés habituellement à la célébration de la Pâque s'écoulèrent trop rapidement. Aussi décida-t-on de passer sept autres jours à connaître plus complètement les voies du Seigneur. Les prêtres continuèrent à instruire le peuple selon le livre de la loi. Chaque jour la foule s'assemblait au temple pour offrir à Dieu des louanges et des actions de grâces. Lorsque la grande réunion prit fin, on put constater la conversion miraculeuse qui s'était opérée dans Juda apostat. La marée de l'idolâtrie qui menaçait de tout submerger était ainsi refoulée; les avertissements solennels des prophètes n'avaient pas été vains. "Il y eut à Jérusalem de grandes réjouissances; et depuis le temps de Salomon, fils de David, roi d'Israël, rien de semblable n'avait eu lieu dans Jérusalem."13 PR 258 1 Mais le moment vint où les adorateurs durent retourner chez eux. Alors "les sacrificateurs et les Lévites se levèrent et bénirent le peuple; et leur voix fut entendue, et leur prière parvint jusqu'aux cieux, jusqu'à la sainte demeure de l'Eternel".14 Le Seigneur avait pardonné à ceux qui, le coeur brisé, avaient confessé leurs péchés, et s'étaient résolument tournés vers lui. PR 258 2 Toutefois une oeuvre importante restait à accomplir, à laquelle ceux qui retournaient chez eux devaient prendre une part active. L'accomplissement de cette oeuvre témoignait en faveur de la réforme sincère opérée chez les habitants de Juda. L'Ecriture nous dit: "Tous ceux d'Israël qui étaient présents partirent pour les villes de Juda, et ils brisèrent les statues, abattirent les idoles, et renversèrent entièrement les hauts lieux et les autels dans tout Juda et Benjamin et dans Ephraïm et Manassé. Puis tous les enfants d'Israël retournèrent dans leurs villes, chacun dans sa propriété."15 PR 258 3 Ezéchias et ses serviteurs instituèrent différentes réformes destinées à sauvegarder les intérêts spirituels et temporels du royaume. "Dans tout Juda", le roi "fit ce qui est bien, ce qui est droit, ce qui est vrai, devant l'Eternel, son Dieu. Il agit de tout son coeur, et il réussit dans tout ce qu'il entreprit". "Il mit sa confiance en l'Eternel, le Dieu d'Israël. ... Il fut attaché à l'Eternel, il ne se détourna point de lui, et il observa les commandements que l'Eternel avait prescrits à Moïse. Et l'Eternel fut avec Ezéchias, qui réussit dans toutes ses entreprises."16 PR 258 4 Le règne d'Ezéchias fut caractérisé par une suite de bénédictions remarquables, qui montrèrent aux nations voisines comment Dieu agissait envers son peuple. Lorsque les Assyriens, au début du règne d'Ezéchias, s'étaient emparés de Samarie, et avaient dispersé les dix tribus parmi les nations, d'aucuns avaient été amenés à mettre en doute la puissance du Dieu des Hébreux. Grisés par leurs succès, les Ninivites avaient depuis longtemps oublié le message de Jonas, et ils se dressaient pleins d'arrogance contre les desseins du Seigneur. Quelques années après la chute de Samarie, les armées victorieuses d'Assyrie réapparurent en Palestine. Leurs efforts se concentrèrent alors sur les villes fortes de Juda. Tout d'abord, elles parurent triompher; mais elles se retirèrent bientôt, pressées par les difficultés qui surgirent dans certaines parties du royaume d'Assyrie. Cependant, quelques années plus tard, vers la fin du règne d'Ezéchias, il fut clairement démontré aux nations païennes que leurs divinités ne remporteraient pas la victoire. ------------------------Chapitre 29 -- Les ambassadeurs de Babylone PR 261 1 Au milieu de son règne prospère, Ezéchias fut soudain frappé par une maladie mortelle. "Malade à la mort", il ne pouvait plus rien attendre des hommes. Et tout reste d'espoir sembla s'évanouir lorsque le prophète Esaïe vint auprès de lui, et lui dit: "Ainsi parle l'Eternel: Donne tes ordres à ta maison, car tu vas mourir, et tu ne vivras plus."1 PR 261 2 La situation était donc très grave. Cependant le roi pouvait encore implorer celui qui n'avait cessé d'être pour lui "un refuge et un appui, un secours qui ne manque jamais dans la détresse."2 "Il tourna son visage contre le mur, et fit cette prière à l'Eternel: O Eternel! souviens-toi que j'ai marché devant ta face avec fidélité et intégrité de coeur, et que j'ai fait ce qui est bien à tes yeux! Et Ezéchias répandit d'abondantes larmes."3 Aucun roi n'avait, en effet, depuis le règne de David, consolidé comme Ezéchias le royaume de Dieu au sein de l'apostasie, et alors que tout semblait perdu. Il avait servi son Dieu fidèlement et redonné à son peuple confiance en celui qui était son suprême souverain. A l'instar de David, il pouvait maintenant s'écrier: PR 262 1 Que ma prière parvienne en ta présence! Prête l'oreille à mes supplications! Car mon âme est rassasiée de maux, Et ma vie s'approche du séjour des morts. PR 262 2 Tu es mon espérance, Seigneur Eternel! En toi je me confie dès ma jeunesse. Dès le ventre de ma mère je m'appuie sur toi; C'est toi qui m'as fait sortir du sein maternel. ... Quand mes forces s'en vont, ne m'abandonne pas! ... Ne m'abandonne pas, ô Dieu! ... O Dieu, ne t'éloigne pas de moi! Mon Dieu, viens en hâte à mon secours! PR 262 3 Celui dont les "compassions ne sont pas à leur terme",6 entendit la prière de son serviteur. "Esaïe, qui était sorti, n'était pas encore dans la cour du milieu, lorsque la parole de l'Eternel lui fut adressée en ces mots: Retourne, et dis à Ezéchias, chef de mon peuple: Ainsi parle l'Eternel, le Dieu de David, ton père: J'ai entendu ta prière, j'ai vu tes larmes. Voici, je te guérirai; le troisième jour, tu monteras à la maison de l'Eternel. J'ajouterai à tes jours quinze années. Je te délivrerai, toi et cette ville, de la main du roi d'Assyrie; je protégerai cette ville, à cause de moi, et à cause de David, mon serviteur."7 PR 262 4 Le prophète revint vers Ezéchias le coeur plein de joie et lui fit part de ces paroles de certitude et d'espoir. Il ordonna que l'on applique une masse de figues sur la partie malade, et il assura le roi de la miséricorde et de la protection divines. Comme Moïse à Madian, Gédéon en présence du messager céleste, Elisée avant l'enlèvement de son maître, le roi Ezéchias demanda un signe pour s'assurer que le message d'Esaïe venait bien du ciel. "A quel signe connaîtrai-je, demanda-t-il, que l'Eternel me guérira, et que je monterai le troisième jour à la maison de l'Eternel?" Voici, répondit le prophète, "le signe auquel tu connaîtras que l'Eternel accomplira la parole qu'il a prononcée: L'ombre avancera-t-elle de dix degrés, ou reculera-t-elle de dix degrés? Ezéchias répondit: C'est peu de chose que l'ombre avance de dix degrés; mais plutôt qu'elle recule de dix degrés." PR 263 1 Seule l'intervention divine pouvait faire reculer l'ombre de dix degrés sur le cadran solaire. Ce signe prouverait alors à Ezéchias que le Seigneur avait entendu sa prière. "Esaïe invoqua l'Eternel, qui fit reculer l'ombre de dix degrés sur les degrés d'Achaz, où elle était descendue."8 PR 263 2 Lorsque le roi Ezéchias eut recouvré la santé, il composa un cantique d'actions de grâces en l'honneur de son Dieu, et il s'engagea à consacrer le reste de ses jours à le servir. Sa gratitude envers le Seigneur devrait être une leçon pour tous ceux qui veulent vivre pour la gloire du Maître. Voici ce cantique: PR 263 3 Je disais: Quand mes jours sont en repos, je dois m'en aller Aux portes du séjour des morts. Je suis privé du reste de mes années! Je disais: Je ne verrai plus l'Eternel, L'Eternel, sur la terre des vivants; Je ne verrai plus aucun homme Parmi les habitants du monde! Ma demeure est enlevée et transportée loin de moi, Comme une tente de berger; Je sens le fil de ma vie coupé comme par un tisserand Qui me retrancherait de sa trame. Du jour à la nuit tu m'auras achevé! Je me suis contenu jusqu'au matin; Comme un lion, il brisait tous mes os, Du jour à la nuit tu m'auras achevé! Je poussais des cris comme une hirondelle en voltigeant, Je gémissais comme la colombe; Mes yeux s'élevaient languissants vers le ciel: O Eternel! je suis dans l'angoisse, secours-moi! Que dirai-je? Il m'a répondu, et il m'a exaucé. Je marcherai humblement jusqu'au terme de mes années, Après avoir été ainsi affligé. Seigneur, c'est par tes bontés qu'on jouit de la vie, C'est par elles que je respire encore; Tu me rétablis, tu me rends à la vie. Voici, mes souffrances mêmes sont devenues mon salut; Tu as pris plaisir à retirer mon âme de la fosse du néant, Car tu as jeté derrière toi tous mes péchés. Ce n'est pas le séjour des morts qui te loue, Ce n'est pas la mort qui te célèbre; Ceux qui sont descendus dans la fosse n'espèrent plus en ta fidélité. Le vivant, le vivant, c'est celui-là qui te loue, Comme moi aujourd'hui; Le père fait connaître à ses enfants ta fidélité. L'Eternel m'a sauvé! Nous ferons résonner les cordes de nos instruments, Tous les jours de notre vie, Dans la maison de l'Eternel. PR 264 1 Dans les vallées fertiles du Tigre et de l'Euphrate vivait une ancienne race qui, bien que soumise à l'Assyrie, était destinée à dominer le monde entier. Là se trouvaient des savants qui s'adonnaient à l'étude de l'astronomie, et lorsqu'ils constatèrent que l'ombre, sur le cadran solaire, avait reculé de dix degrés, ils furent stupéfaits. Quand leur roi, Berodac-Baladan, apprit que ce miracle avait eu lieu pour servir de signe au roi de Juda, et que le Dieu du ciel l'avait guéri, il envoya des messagers à Ezéchias pour le féliciter de sa guérison et pour connaître davantage, si possible, le Dieu qui était capable de si grandes merveilles. Ces messagers du monarque qui régnait dans un pays lointain offraient à Ezéchias l'occasion inespérée de magnifier le Dieu vivant. Comme il eût été facile, en effet, de parler à ces gens du Créateur de tous les êtres vivants, grâce auquel sa vie avait été prolongée, alors que tout espoir était perdu! Quelles transformations remarquables auraient été opérées si ces hommes, venus des plaines de Chaldée et à la recherche de la vérité, avaient été amenés à reconnaître la souveraineté suprême du Dieu vivant! PR 264 2 Mais l'orgueil et la vanité s'emparèrent du coeur d'Ezéchias. Pour s'exalter lui-même, il déploya aux regards pleins de convoitise des ambassadeurs babyloniens les trésors dont le Seigneur avait enrichi son peuple. Le roi "montra aux envoyés le lieu où étaient ses choses de prix, l'argent et l'or, les aromates et l'huile précieuse, tout son arsenal, et tout ce qui se trouvait dans ses trésors: il n'y eut rien qu'Ezéchias ne leur fît voir dans sa maison et dans tous ses domaines".10 Ce n'était pas pour magnifier Dieu qu'il agissait ainsi, mais pour se faire valoir aux yeux des princes étrangers. Il ne s'attarda pas à considérer que ces hommes représentaient une nation puissante, qu'ils n'avaient pas la crainte de Dieu, et qu'il était imprudent d'en faire des confidents au sujet des richesses temporelles de la nation. PR 265 1 La visite des ambassadeurs de Babylone était destinée à éprouver la gratitude et la foi d'Ezéchias. L'Ecriture dit: "Lorsque les chefs de Babylone envoyèrent des messagers auprès de lui pour s'informer du prodige qui avait eu lieu dans le pays, Dieu l'abandonna pour l'éprouver, afin de connaître tout ce qui était dans son coeur."11 PR 265 2 Si Ezéchias avait profité de l'occasion qui lui était offerte pour rendre témoignage à la puissance, à la bonté et à la compassion du Dieu d'Israël, le rapport des ambassadeurs aurait été comme une lumière perçant les ténèbres. Mais Ezéchias se plaça lui-même au-dessus de l'Eternel des armées. Il ne "répondit point au bienfait qu'il avait reçu, car son coeur s'éleva". Les conséquences en furent désastreuses. Il fut révélé à Esaïe que les ambassadeurs, en rentrant chez eux, avaient parlé de toutes les richesses d'Israël, et que le roi de Babylone et ses conseillers conçurent le projet de s'en emparer pour enrichir leur pays. Ezéchias avait commis une erreur impardonnable. "La colère de l'Eternel fut sur lui et sur Juda et Jérusalem."12 PR 265 3 "Esaïe, le prophète, vint ensuite auprès du roi Ezéchias, et lui dit: Qu'ont dit ces gens-là, et d'où sont-ils venus vers toi? Ezéchias répondit: Ils sont venus vers moi d'un pays éloigné, de Babylone. Esaïe dit encore: Qu'ont-ils vu dans ta maison? Ezéchias répondit: Ils ont vu tout ce qui est dans ma maison: il n'y a rien dans mes trésors que je ne leur aie fait voir. PR 265 4 "Alors Esaïe dit à Ezéchias: Ecoute la parole de l'Eternel des armées! Voici, les temps viendront où l'on emportera à Babylone tout ce qui est dans ta maison et ce que tes pères ont amassé jusqu'à ce jour; il n'en restera rien, dit l'Eternel. Et l'on prendra de tes fils, qui seront sortis de toi, que tu auras engendrés, pour en faire des eunuques dans le palais du roi de Babylone. Ezéchias répondit à Esaïe: La parole de l'Eternel, que tu as prononcée, est bonne."13 PR 265 5 Bourrelé de remords, "Ezéchias, du sein de son orgueil, s'humilia avec les habitants de Jérusalem, et la colère de l'Eternel ne vint pas sur eux pendant la vie d'Ezéchias".14 Mais la mauvaise semence avait été jetée; elle devait lever en son temps et produire une moisson de désolation et de malédiction. Pendant les dernières années de son règne, le roi de Juda jouit d'une grande prospérité, car il résolut de racheter son passé et d'honorer le Dieu qu'il servait. Cependant, sa foi fut mise à rude épreuve, et il dut apprendre qu'il ne pourrait espérer triompher de la puissance des ténèbres qu'en mettant toute sa confiance en Dieu. PR 266 1 La faute d'Ezéchias, qui faillit à sa mission lors de la visite des envoyés du roi de Babylone, est riche d'enseignement pour tous. Nous devrions parler davantage des bénédictions précieuses qui découlent de notre expérience religieuse: de la bonté et de l'amour incomparable de notre Sauveur. Lorsque le coeur et l'esprit débordent de l'amour divin, il n'est pas difficile de faire part à d'autres de ce qui constitue la vie spirituelle. Les pensées élevées, les nobles aspirations, la nette conception de la vérité, les intentions désintéressées, les élans de foi et de sainteté trouveront leur expression dans des termes qui révèlent les trésors du coeur. PR 266 2 Ceux qui nous côtoient chaque jour ont besoin de notre aide et de nos conseils. Ils peuvent se trouver dans une condition telle qu'un mot prononcé à bon escient sera comme un clou enfoncé au bon endroit. Demain, ces personnes seront peut-être dans des lieux où il nous sera impossible de les atteindre. Quelle aura été notre influence sur ces compagnons de route? PR 266 3 Chaque jour comporte pour nous un certain nombre de responsabilités. Chaque jour nos paroles et nos actes font impression sur ceux qui nous entourent. Comme nous devrions prendre garde à ce que nous disons et à ce que nous faisons! Un geste inconséquent, un pas imprudent, et les vagues déchaînées d'une insurmontable tentation peuvent entraîner une âme dans le mauvais sentier. Nous ne pouvons plus ôter de l'esprit les pensées que nous y avons implantées. Si ces dernières ont été mauvaises, nous avons déclenché, par un concours de circonstances, la marée du mal qu'il n'est pas en notre pouvoir d'endiguer. PR 267 1 Mais si, d'autre part, notre exemple contribue à développer chez autrui de bonnes tendances, nous aurons offert la possibilité de faire le bien. A son tour, notre prochain exercera une influence salutaire autour de lui. C'est ainsi que des centaines et des milliers de nos semblables subiront inconsciemment notre influence. Le vrai disciple du Christ affermit les bonnes intentions de ceux qu'il côtoie. En présence d'un monde incrédule et pervers, il révèle la puissance de la grâce de Dieu et la perfection de son caractère. ------------------------Chapitre 30 -- Délivrance de l'Assyrie PR 269 1 Lorsque les armées d'Assyrie envahirent le royaume de Juda, ce pays courut un grand danger. Jérusalem semblait ne pouvoir être épargnée d'une destruction totale. Alors Ezéchias rassembla ses forces pour résister avec un courage indomptable aux oppresseurs païens, et prouver sa confiance dans le pouvoir du Dieu qui délivre. "Fortifiez-vous et ayez du courage! Ne craignez point et ne soyez point effrayés devant le roi d'Assyrie et devant toute la multitude qui est avec lui, dit-il aux hommes de Juda; car avec nous il y a plus qu'avec lui. Avec lui est un bras de chair, et avec nous l'Eternel, notre Dieu, qui nous aidera et qui combattra pour nous."1 PR 269 2 Ce n'était pas sans raison que le roi Ezéchias pouvait parler avec une telle assurance de l'issue de la guerre. L'Assyrien orgueilleux, dont Dieu se servait momentanément comme verge de sa colère2 pour châtier les nations, ne devait pas toujours triompher. "Ne crains pas l'Assyrien", avait déclaré le Seigneur par la bouche du prophète Esaïe quelques années auparavant. "Encore un peu de temps, avait-il ajouté, ... et l'Eternel des armées agitera le fouet contre lui, comme il frappa Madian au rocher d'Oreb; et, de même qu'il leva son bâton sur la mer, il le lèvera encore, comme en Egypte. En ce jour, son fardeau sera ôté de dessus ton épaule, et son joug de dessus ton cou; et la graisse fera éclater le joug."3 PR 270 1 Dans un autre message prophétique, donné "l'année de la mort du roi Achaz", le prophète avait déclaré: "L'Eternel des armées l'a juré, en disant: Oui, ce que j'ai décidé arrivera, ce que j'ai résolu s'accomplira. Je briserai l'Assyrien dans mon pays, je le foulerai aux pieds sur mes montagnes; et son joug leur sera ôté, et son fardeau sera ôté de leurs épaules. Voilà la résolution prise contre toute la terre, voilà la main étendue sur toutes les nations. L'Eternel des armées a pris cette résolution: qui s'y opposera? Sa main est étendue: qui la détournera?"4 PR 270 2 La puissance de l'oppresseur devait donc être brisée. Cependant, Ezéchias, au début de son règne, avait continué à payer le tribut que le roi Achaz s'était engagé à verser à cette nation. Mais "il tint conseil avec ses chefs et ses hommes vaillants", et il mit tout en oeuvre pour défendre son royaume. Il était assuré d'une abondante réserve d'eau dans Jérusalem, alors qu'il savait que celle-ci ferait défaut hors de la ville. Il "prit courage; il reconstruisit la muraille qui était en ruine et l'éleva jusqu'aux tours, bâtit un autre mur en dehors, fortifia Millo dans la cité de David, et prépara une quantité d'armes et de boucliers. Il donna des chefs militaires au peuple."5 Rien ne fut négligé en vue de la préparation d'un siège. PR 270 3 Lorsque le roi Ezéchias monta sur le trône de Juda, les Assyriens avaient déjà déporté un grand nombre d'Israélites du royaume du nord. Peu de temps après son avènement, alors qu'il renforçait les défenses de Jérusalem, les Assyriens assiégèrent Samarie et s'en emparèrent; puis ils dispersèrent les dix tribus dans les nombreuses provinces d'Assyrie. Les frontières de Juda n'étaient qu'à quelques kilomètres de distance et Jérusalem à moins de soixante-dix kilomètres. Or, les richesses qui se trouvaient dans le temple pouvaient inciter l'ennemi à revenir. PR 271 1 Mais le roi de Juda avait décidé de faire l'impossible pour lui résister. Après avoir accompli tout ce que l'ingéniosité et l'énergie humaines pouvaient réaliser, il rassembla ses armées et les exhorta au courage. "Il est grand au milieu de toi, le Saint d'Israël",6 avait proclamé le prophète Esaïe à Juda. Et le roi affirmait maintenant, avec une foi inébranlable: "Avec nous [est] l'Eternel, notre Dieu, qui nous aidera et qui combattra pour nous." Rien ne peut mieux inspirer la foi que de l'exercer. Le roi de Juda était prêt à affronter l'orage. Persuadé que la prophétie relative aux Assyriens se réaliserait, il s'appuyait sur Dieu. "Le peuple eut confiance dans les paroles d'Ezéchias."7 Qu'importait si les armées d'Assyrie, victorieuses dans leurs combats contre Samarie et les plus grandes nations, dirigeaient maintenant leurs forces contre Juda! Qu'importait si l'Assyrie disait avec orgueil: "De même que ma main a atteint les royaumes des idoles, où il y avait plus d'images qu'à Jérusalem et à Samarie, ce que j'ai fait à Samarie et à ses idoles, ne le ferai-je pas à Jérusalem et à ses images."8 Mais Juda n'avait rien à craindre, car il avait placé sa confiance en Dieu. PR 271 2 Le danger si longtemps prévu finit par survenir. Les armées d'Assyrie, marchant de triomphe en triomphe, pénétrèrent dans le royaume de Juda. Certains de la victoire, les chefs assyriens divisèrent leurs forces en deux armées; l'une devait rencontrer les Egyptiens, l'autre faire le siège de Jérusalem. L'unique espoir de Juda résidait alors en Dieu. Toute assistance possible de la part de l'Egypte avait été supprimée, et nulle autre nation n'était disposée à tendre à Ezéchias une main secourable. PR 271 3 Les chefs de l'armée assyrienne, convaincus de la puissance de leurs armées bien disciplinées, demandèrent alors à entrer en pourparlers avec les principaux de Juda, dont ils exigèrent avec insolence la reddition de Jérusalem. Cette demande était accompagnée d'insultes et de blasphèmes contre le Dieu des Hébreux. L'affaiblissement et l'apostasie d'Israël et de Juda avaient amené les nations à ne plus craindre le nom de Jéhovah; il était devenu au contraire un sujet d'outrage continuel.9 PR 271 4 "Dites à Ezéchias, dit alors Rabschaké, l'un des officiers supérieurs de Sanchérib, aux principaux chefs de Juda: Ainsi parle le grand roi, le roi d'Assyrie: Quelle est cette confiance sur laquelle tu t'appuies? Tu as dit: Il faut pour la guerre de la prudence et de la force. Mais ce ne sont que des paroles en l'air. En qui donc as-tu placé ta confiance pour t'être révolté contre moi?"10 PR 272 1 Les officiers conféraient hors des portes de la ville, mais les sentinelles placées sur les murs les entendaient parler. Or, comme les envoyés du roi d'Assyrie faisaient à haute voix leurs propositions, les chefs de Juda leur demandèrent de parler en araméen et non en langue judaïque, afin que le peuple ne puisse avoir connaissance des détails des pourparlers. Mais Rabschaké, méprisant cette proposition, éleva la voix, et continua à parler en langue judaïque. "Ecoutez, dit-il, les paroles du grand roi, du roi d'Assyrie! Ainsi parle le roi: Qu'Ezéchias ne vous abuse point, car il ne pourra vous délivrer. Qu'Ezéchias ne vous amène point à vous confier en l'Eternel, en disant: L'Eternel nous délivrera, cette ville ne sera pas livrée entre les mains du roi d'Assyrie. N'écoutez point Ezéchias; car ainsi parle le roi d'Assyrie: Faites la paix avec moi, rendez-vous à moi, et chacun de vous mangera de sa vigne et de son figuier, et chacun boira de l'eau de sa citerne, jusqu'à ce que je vienne, et que je vous emmène dans un pays comme le vôtre, dans un pays de blé et de vin, un pays de pain et de vignes. Qu'Ezéchias ne vous séduise point, en disant: L'Eternel nous délivrera. Les dieux des nations ont-ils délivré chacun son pays de la main du roi d'Assyrie? Où sont les dieux de Hamath et d'Arpad? Où sont les dieux de Sepharvaïm? Ont-ils délivré Samarie de ma main? Parmi tous les dieux de ces pays, quels sont ceux qui ont délivré leur pays de ma main, pour que l'Eternel délivre Jérusalem de ma main?"11 PR 272 2 A ces insultes, les représentants de Juda "ne répondirent pas un mot". Les pourparlers ayant pris fin, ils revinrent vers Ezéchias, "les vêtements déchirés, et lui rapportèrent les paroles de Rabschaké".12 Après avoir entendu cela, "il déchira ses vêtements, se couvrit d'un sac, et alla dans la maison de l'Eternel."13 PR 273 1 Un messager fut chargé d'aller informer le prophète Esaïe des résultats de l'entretien. "Ce jour est un jour d'angoisse, de châtiment et d'opprobre", dit le roi. "Peut-être l'Eternel, ton Dieu, a-t-il entendu toutes les paroles de Rabschaké, que le roi d'Assyrie, son maître, a envoyé pour insulter au Dieu vivant, et peut-être l'Eternel, ton Dieu, exercera-t-il ses châtiments à cause des paroles qu'il a entendues. Fais donc monter une prière pour le reste qui subsiste encore."14 PR 273 2 "Le roi Ezéchias et le prophète Esaïe, fils d'Amots, se mirent à prier à ce sujet, et ils crièrent au ciel."15 Dieu exauça les prières de ses serviteurs. Et voici le message qui fut donné à Esaïe pour Ezéchias: "Ainsi parle l'Eternel: Ne t'effraie point des paroles que tu as entendues et par lesquelles m'ont outragé les serviteurs du roi d'Assyrie. Je vais mettre en lui un esprit tel que, sur une nouvelle qu'il recevra, il retournera dans son pays; et je le ferai tomber par l'épée dans son pays."16 PR 273 3 Lorsque les représentants de l'Assyrie eurent quitté les chefs de Juda, ils firent aussitôt part des résultats des pourparlers à leur roi qui se trouvait avec ses forces aux frontières de l'Egypte. Ce dernier adressa alors "une lettre insultante pour l'Eternel, le Dieu d'Israël, en s'exprimant ainsi contre lui: De même que les dieux des nations des autres pays n'ont pu délivrer leur peuple de ma main, de même le Dieu d'Ezéchias ne délivrera pas son peuple de ma main."17 PR 273 4 Cette menace insolente fut accompagnée de ce message du roi d'Assyrie au roi de Juda: "Que ton Dieu, auquel tu te confies, ne t'abuse point, en disant: Jérusalem ne sera pas livrée entre les mains du roi d'Assyrie. Voici, tu as appris ce qu'ont fait les rois d'Assyrie à tous les pays, et comment ils les ont détruits; et toi, tu serais délivré! Les dieux des nations que mes pères ont détruites les ont-ils délivrées, Gozan, Charan, Retseph, et les fils d'Eden qui sont à Telassar? Où sont le roi de Hamath, le roi d'Arpad, et le roi de la ville de Sepharvaïm, d'Héna et d'Ivva?"18 PR 273 5 Lorsque le roi de Juda reçut cette lettre d'insulte, il la prit dans le temple, "et la déploya devant l'Eternel".19 Il pria avec une foi ardente pour demander au ciel que les royaumes de la terre reconnaissent que le Dieu des Hébreux était toujours vivant, et qu'il n'avait cessé de régner. Il y allait de l'honneur du Très-Haut; lui seul pouvait accorder la délivrance. "Eternel, Dieu d'Israël, assis sur les chérubins! s'écria Ezéchias. C'est toi qui es le seul Dieu de tous les royaumes de la terre, c'est toi qui as fait les cieux et la terre. Eternel! incline ton oreille, et écoute. Eternel! ouvre tes yeux, et regarde. Entends les paroles de Sanchérib, qui a envoyé Rabschaké pour insulter au Dieu vivant. Il est vrai, ô Eternel, que les rois d'Assyrie ont détruit les nations et ravagé leurs pays, et qu'ils ont jeté leurs dieux dans le feu; mais ce n'étaient point des dieux, c'étaient des ouvrages de mains d'homme, du bois et de la pierre; et ils les ont anéantis. Maintenant, Eternel, notre Dieu! délivre-nous de la main de Sanchérib, et que tous les royaumes de la terre sachent que toi seul es Dieu, ô Eternel!"20 PR 274 1 Prête l'oreille, berger d'Israël, Toi qui conduis Joseph comme un troupeau! Parais dans ta splendeur, Toi qui es assis sur les chérubins! Devant Ephraïm, Benjamin et Manassé, réveille ta force, Et viens à notre secours! O Dieu, relève-nous! Fais briller ta face, et nous serons sauvés! PR 274 2 Eternel, Dieu des armées! Jusques à quand t'irriteras-tu contre la prière de ton peuple? Tu les nourris d'un pain de larmes, Tu les abreuves de larmes à pleine mesure. Tu fais de nous un objet de discorde pour nos voisins, Et nos ennemis se raillent de nous. Dieu des armées, relève-nous! Fais briller ta face, et nous serons sauvés! PR 274 3 Tu avais arraché de l'Egypte une vigne; Tu as chassé des nations, et tu l'as plantée. Tu as fait place devant elle: Elle a jeté des racines et rempli la terre; Les montagnes étaient couvertes de son ombre, Et ses rameaux étaient comme des cèdres de Dieu; Elle étendait ses branches jusqu'à la mer, Et ses rejetons jusqu'au fleuve. Pourquoi as-tu rompu ses clôtures, En sorte que tous les passants la dépouillent? Le sanglier de la forêt la ronge, Et les bêtes des champs en font leur pâture. Dieu des armées, reviens donc! Regarde du haut des cieux, et vois! considère cette vigne! Protège ce que ta droite a planté, Et le fils que tu t'es choisi! ... PR 275 1 Fais-nous revivre, et nous invoquerons ton nom. Eternel, Dieu des armées, relève-nous! Fais briller ta face, et nous serons sauvés! PR 275 2 La prière d'Ezéchias en faveur de Juda et de la gloire de son suprême Souverain était selon la pensée de Dieu. Lors de la dédicace du temple, Salomon avait supplié le Seigneur pour "qu'il fasse en tout temps droit à son serviteur et à son peuple d'Israël, afin que tous les peuples de la terre reconnaissent que l'Eternel est Dieu, qu'il n'y en a point d'autre".22 Jéhovah devait secourir son peuple d'une manière toute particulière, si, en temps de guerre ou d'oppression ennemie, les principaux d'Israël se rendaient dans sa maison et lui adressaient des supplications pour obtenir la délivrance.23 PR 275 3 Ezéchias ne fut pas abandonné à lui-même. Le prophète Esaïe lui envoya dire: "Ainsi parle l'Eternel, le Dieu d'Israël. J'ai entendu ta prière au sujet de Sanchérib, roi d'Assyrie. Voici, la parole que l'Eternel a adressée contre lui: PR 275 4 Elle te méprise, elle se moque de toi, La vierge, fille de Sion; Elle hoche la tête après toi, La fille de Jérusalem. Qui as-tu insulté et outragé? Contre qui as-tu élevé la voix? Tu as porté tes yeux en haut Sur le Saint d'Israël! Par tes messagers tu as insulté le Seigneur, Et tu as dit: Avec la multitude de mes chars, J'ai gravi le sommet des montagnes, Les extrémités du Liban; Je couperai les plus élevés de ses cèdres, Les plus beaux de ses cyprès, Et j'atteindrai sa dernière cime, Sa forêt semblable à un verger; J'ai creusé, et j'ai bu des eaux étrangères, Et je tarirai avec la plante de mes pieds Tous les fleuves de l'Egypte. PR 276 1 N'as-tu pas appris que j'ai préparé ces choses de loin, Et que je les ai résolues dès les temps anciens? Maintenant j'ai permis qu'elles s'accomplissent, Et que tu réduisisses des villes fortes en monceaux de ruines. Leurs habitants sont impuissants, Epouvantés et confus; Ils sont comme l'herbe des champs et la tendre verdure, Comme le gazon des toits Et le blé qui sèche avant la formation de sa tige. Mais je sais quand tu t'assieds, quand tu sors et quand tu entres, Et quand tu es furieux contre moi. Parce que tu es furieux contre moi, Et que ton arrogance est montée à mes oreilles, Je mettrai ma boucle à tes narines et mon mors entre tes lèvres, Et je te ferai retourner par le chemin par lequel tu es venu. PR 276 2 Le pays de Juda avait été dévasté par les troupes d'occupation; mais le Seigneur avait promis de subvenir miraculeusement aux besoins du peuple. Ezéchias reçut alors ce message: "Que ceci soit un signe pour toi: On a mangé une année le produit du grain tombé, et une seconde année ce qui croît de soi-même; mais la troisième année, vous sèmerez, vous moissonnerez, vous planterez des vignes, et vous en mangerez le fruit. Ce qui aura été sauvé de la maison de Juda, ce qui sera resté poussera encore des racines par-dessous, et portera du fruit par-dessus. Car de Jérusalem il sortira un reste, et de la montagne de Sion des réchappés. Voilà ce que fera le zèle de l'Eternel des armées. C'est pourquoi ainsi parle l'Eternel sur le roi d'Assyrie: PR 276 3 Il n'entrera point dans cette ville, Il n'y lancera point de traits, Il ne lui présentera point de boucliers, Et il n'élèvera point de retranchements contre elle. Il s'en retournera par le chemin par lequel il est venu, Et il n'entrera point dans cette ville, dit l'Eternel. Je protégerai cette ville pour la sauver, A cause de moi, et à cause de David, mon serviteur". PR 277 1 Ce fut cette nuit même que se produisit la délivrance. "L'ange de l'Eternel sortit, et frappa dans le camp des Assyriens cent quatre-vingt-cinq mille hommes."26 "Tous les vaillants hommes, les princes et les chefs."27 furent exterminés. La nouvelle de ce terrible désastre qui survint aux troupes envoyées pour s'emparer de Jérusalem parvint bientôt à Sanchérib, qui continuait à défendre l'accès de la Judée à l'Egypte. Saisi de frayeur, le roi d'Assyrie s'enfuit en toute hâte, et "confus, retourna dans son pays."27 Mais il ne devait pas régner longtemps. Selon la prophétie relative à sa mort violente, il fut assassiné par les gens de sa propre maison. "Et Esar-Haddon, son fils, régna à sa place."28 PR 277 2 Le Dieu des Hébreux l'avait emporté sur l'Assyrien orgueilleux. L'honneur de Jéhovah était vengé aux yeux des nations voisines. Le coeur des habitants de Jérusalem débordait de joie; leurs prières ferventes pour la délivrance du royaume avaient été accompagnées de la confession de leurs péchés et de leurs larmes. Dans leur grande détresse, ils s'étaient entièrement confiés à la puissance salvatrice de Dieu, qui ne les avait pas abandonnés. Alors, des parvis du temple, on entendit des chants de louange et d'actions de grâces: PR 277 3 Dieu est connu en Juda, Son nom est grand en Israël. Sa tente est à Salem, Et sa demeure à Sion. C'est là qu'il a brisé les flèches, Le bouclier, l'épée, et les armes de guerre. PR 277 4 Tu es plus majestueux, plus puissant Que les montagnes des ravisseurs. Ils ont été dépouillés, ces héros pleins de courage, Ils se sont endormis de leur dernier sommeil; Ils n'ont pas su se défendre, tous ces vaillants hommes. A ta menace, Dieu de Jacob! Ils se sont endormis, cavaliers et chevaux. PR 277 5 Tu es redoutable, ô toi! Qui peut te résister, quand ta colère éclate? Du haut des cieux tu as proclamé la sentence; La terre effrayée s'est tenue tranquille, Lorsque Dieu s'est levé pour faire justice, Pour sauver tous les malheureux de la terre. PR 278 1 L'homme te célèbre même dans sa fureur, Quand tu te revêts de tout ton courroux. Faites des voeux à l'Eternel, votre Dieu, et accomplissez-les! Que tous ceux qui l'environnent apportent des dons au Dieu terrible! Il abat l'orgueil des princes, Il est redoutable aux rois de la terre. PR 278 2 L'ascension et la chute de l'empire assyrien sont riches d'enseignements pour les nations de nos jours. Les Ecritures ont comparé la gloire de l'Assyrie, à son apogée, à un arbre majestueux du jardin de Dieu, dominant tous ceux qui l'environnent: PR 278 3 Voici, l'Assyrie était un cèdre du Liban; Ses branches étaient belles, Son feuillage était touffu, sa tige élevée, Et sa cime s'élançait au milieu d'épais rameaux. ... Toutes les bêtes des champs faisaient leurs petits sous ses rameaux, Et de nombreuses nations habitaient toutes à son ombre. Il était beau par sa grandeur, par l'étendue de ses branches, Car ses racines plongeaient dans des eaux abondantes. Les cèdres du jardin de Dieu ne le surpassaient point, Les cyprès n'égalaient point ses branches, Et les platanes n'étaient point comme ses rameaux; Aucun arbre du jardin de Dieu ne lui était comparable en beauté. ... Et tous les arbres d'Eden, dans le jardin de Dieu, lui portaient envie. PR 278 4 Mais les chefs de l'Assyrie, au lieu de mettre leurs privilèges extraordinaires au service de l'humanité, devinrent la verge de nombreux pays. Sans pitié, sans égard pour Dieu ou leurs semblables, ils poursuivirent leur but défini: faire connaître à toutes les nations la suprématie des dieux de Ninive, qu'ils exaltaient au-dessus du Très-Haut. Dieu leur avait envoyé Jonas avec un message d'avertissement, et pendant quelque temps, ils s'étaient humiliés devant l'Eternel des armées et avaient imploré son pardon. Mais ils retournèrent bientôt au culte des idoles et à la conquête du monde. PR 279 1 Le prophète Nahum, s'adressant aux Ninivites, s'écriait: PR 279 2 Malheur à la ville sanguinaire, Pleine de mensonge, pleine de violence, Et qui ne cesse de se livrer à la rapine! ... On entend le bruit du fouet, Le bruit des roues, Le galop des chevaux, Le roulement des chars. Les cavaliers s'élancent, l'épée étincelle, la lance brille... Une multitude de blessés! ... Voici, j'en veux à toi, dit l'Eternel des armées. PR 279 3 Avec une précision infaillible, le Tout-Puissant tient compte des actions des hommes. Aussi longtemps que sa miséricorde s'exerce par des appels à la repentance, ce compte reste ouvert; mais lorsque la coupe déborde, alors éclate la colère divine. La mesure est pleine, la patience de Dieu est à son terme, sa miséricorde n'intervient plus en faveur de ces peuples. PR 279 4 L'Eternel est lent à la colère, il est grand par sa force; Il ne laisse pas impuni. L'Eternel marche dans la tempête, dans le tourbillon; Il menace la mer et la dessèche, Il fait tarir tous les fleuves; Le Basan et le Carmel languissent, La fleur du Liban se flétrit. Les nuées sont la poussière de ses pieds. Les montagnes s'ébranlent devant lui, Et les collines se fondent; La terre se soulève devant sa face, Le monde et tous ses habitants. Qui résistera devant sa fureur? Qui tiendra contre son ardente colère? Sa fureur se répand comme le feu, Et les rochers se brisent devant lui. PR 279 5 C'est ainsi que Ninive, "cette ville joyeuse, qui s'assied avec assurance, et qui dit en son coeur: Moi, et rien que moi!" devient un lieu de désolation, qu'elle est pillée, dévastée, ravagée. Elle est "devenue ce repaire de lions, ce pâturage des lionceaux, où se retiraient le lion, la lionne, le petit du lion, sans qu'il y eût personne pour les troubler".33 PR 280 1 Lorsqu'il annonçait que l'orgueil de Ninive serait abaissé, le prophète Sophonie disait de cette ville: "Des troupeaux se coucheront au milieu d'elle, des animaux de toute espèce; le pélican et le hérisson habiteront parmi les chapiteaux de ses colonnes; des cris retentiront aux fenêtres; la dévastation sera sur le seuil, car les lambris de cèdre seront arrachés."34 PR 280 2 Combien fut grande la gloire de l'Assyrie, et combien grande aussi sa chute! Le prophète Ezéchiel, rappelant l'image du cèdre majestueux du Liban, annonçait clairement la chute de l'Assyrie, due à son orgueil et à sa cruauté. "C'est pourquoi, disait-il, ainsi parle le Seigneur, l'Eternel: Parce qu'il avait une tige élevée, parce qu'il lançait sa cime au milieu d'épais rameaux, et que son coeur était fier de sa hauteur, je l'ai livré entre les mains du héros des nations, qui le traitera selon sa méchanceté; je l'ai chassé. Des étrangers, les plus violents des peuples, l'ont abattu et rejeté; ses branches sont tombées dans les montagnes et dans toutes les vallées. Ses rameaux se sont brisés dans tous les ravins du pays; et tous les peuples de la terre se sont retirés de son ombre, et l'ont abandonné. Sur ses débris sont venus se poser tous les oiseaux du ciel, et toutes les bêtes des champs ont fait leur gîte parmi ses rameaux, afin que tous les arbres près des eaux n'élèvent plus leur tige. ... Ainsi parle le Seigneur, l'Eternel: Le jour où il est descendu dans le séjour des morts, j'ai répandu le deuil. ... Tous les arbres des champs ont été desséchés. Par le bruit de sa chute j'ai fait trembler les nations."35 PR 280 3 L'orgueil et la chute de l'Assyrie doivent servir de leçon aux nations de la fin des temps. A celles qui s'élèvent avec arrogance contre Dieu, la sainte Ecriture dit: "A qui ressembles-tu ainsi en gloire et en grandeur parmi les arbres d'Eden? Tu seras précipité avec les arbres d'Eden dans les profondeurs de la terre."36 PR 280 4 L'Eternel est bon, Il est un refuge au jour de la détresse; Il connaît ceux qui se confient en lui. Mais avec des flots qui déborderont Il détruira la ville. PR 281 1 Voilà le sort de tous ceux qui voudront s'élever au-dessus du Très-Haut. PR 281 2 "L'orgueil de l'Assyrie sera abattu, et le sceptre de l'Egypte disparaîtra."38 Cette déclaration du prophète Zacharie ne concerne pas seulement les royaumes qui s'étaient autrefois dressés contre Dieu, mais aussi toutes les nations qui, aujourd'hui, sont infidèles à la mission divine. Au jour des rétributions finales, lorsque le juste Juge "va cribler les nations",39 et qu'il sera permis à tous ceux qui ont suivi la vérité d'entrer dans la sainte cité, alors les voûtes des cieux retentiront des accents triomphants des rachetés. "Vous chanterez comme la nuit où l'on célèbre la fête, déclare le prophète Esaïe. Vous aurez le coeur joyeux comme celui qui marche au son de la flûte, pour aller à la montagne de l'Eternel, vers le rocher d'Israël. Et l'Eternel fera retentir sa voix majestueuse. ... A la voix de l'Eternel, l'Assyrien tremblera; l'Eternel le frappera de sa verge. A chaque coup de la verge qui lui est destinée, et que l'Eternel fera tomber sur lui, on entendra les tambourins et les harpes."40 ------------------------Chapitre 31 -- Espoir pour les païens PR 283 1 Tout au cours de son ministère, le prophète Esaïe rendit un témoignage formel sur les desseins de Dieu à l'égard des païens. D'autres hommes de Dieu avaient déjà fait connaître le plan divin, mais leur langage n'avait pas été compris. Il était réservé à Esaïe d'informer clairement Juda sur le fait que parmi l'Israël de Dieu se trouvaient de nombreux enfants qui n'étaient pas issus d'Abraham selon la chair. Il y avait là un enseignement qui n'était pas conforme à la doctrine de cette époque. Cependant, le prophète proclama courageusement le message que Dieu lui avait confié. Il apporta ainsi l'espoir à tous ceux qui recherchaient avec ardeur les bénédictions spirituelles promises aux descendants d'Abraham. PR 283 2 Dans son épître aux croyants de Rome, l'apôtre Paul attire l'attention de ses correspondants sur cette caractéristique de l'enseignement d'Esaïe. "Esaïe, dit-il, pousse la hardiesse jusqu'à dire: J'ai été trouvé par ceux qui ne me cherchaient pas, je me suis manifesté à ceux qui ne me demandaient pas."1 PR 284 1 Les Israélites semblaient ne pas pouvoir ou ne pas vouloir comprendre le dessein du Seigneur envers les païens. C'était pourtant ce dessein qui avait fait d'eux un peuple à part, une nation indépendante. Abraham, leur ancêtre, avec qui une alliance fut conclue, avait été appelé à sortir de sa parenté et de son pays pour porter la lumière aux païens. Bien qu'il ait reçu la promesse d'avoir une postérité nombreuse comme le sable de la mer, ce n'était pas pour un but égoïste qu'il devait devenir le fondateur d'une grande nation au pays de Canaan. L'alliance que le Seigneur avait contractée avec lui embrassait toutes les nations de la terre. "Je te bénirai, avait déclaré l'Eternel, je rendrai ton nom grand, et tu seras une source de bénédiction. Je bénirai ceux qui te béniront, et je maudirai ceux qui te maudiront; et toutes les familles de la terre seront bénies en toi."2 PR 284 2 Lorsqu'il renouvela son alliance, peu de temps avant la naissance d'Isaac, Dieu fit connaître à nouveau clairement son dessein en faveur de l'humanité. "En lui, affirme-t-il au sujet de l'enfant de la promesse, seront bénies toutes les nations de la terre."3 Et plus tard, l'ange qui rendit visite à Abraham déclara une fois de plus: "Toutes les nations de la terre seront bénies en ta postérité."4 PR 284 3 Toutes les clauses de cette alliance étaient familières aux enfants d'Abraham et aux enfants de ses enfants. Si les Israélites furent délivrés du joug égyptien, c'était pour qu'ils puissent faire du bien aux autres nations, et pour que le nom de Dieu soit connu "par toute la terre".5 S'ils obéissaient aux exigences divines, ils surpasseraient en sagesse et en intelligence tous les autres peuples. Mais cette supériorité ne serait acquise et maintenue que si, par leur intermédiaire, le dessein de Dieu en faveur de "toutes les nations" pouvait être accompli. PR 284 4 Les merveilleuses bénédictions accordées aux Israélites, lorsqu'ils furent délivrés du joug égyptien et occupèrent la terre promise, amenèrent de nombreux païens à reconnaître dans le Dieu d'Israël le souverain suprême. "Les Egyptiens connaîtront, avait-il été promis à Moïse, que je suis l'Eternel, lorsque j'étendrai ma main sur l'Egypte, et que je ferai sortir du milieu d'eux les enfants d'Israël."6 L'orgueilleux pharaon même fut obligé de reconnaître la puissance de Jéhovah. "Allez, déclara-t-il à Moïse et Aaron, servez l'Eternel, ... allez, et bénissez-moi."7 PR 285 1 En avançant au pays de Canaan, les armées d'Israël constatèrent que les hauts faits du Dieu des Hébreux les avaient précédées, et que certains païens reconnaissaient que lui seul était le vrai Dieu. Voici le témoignage que rendit une païenne de la ville pervertie de Jéricho: "Car c'est l'Eternel, votre Dieu, qui est Dieu en haut dans les cieux et en bas sur la terre."8 La connaissance qui lui était parvenue au sujet de Jéhovah l'assurait de son salut. Par la foi "Rahab, la prostituée, ne périt pas avec les rebelles."9 Et sa conversion ne fut pas un acte isolé, dû à la grâce de Dieu en faveur des idolâtres qui reconnurent la divine autorité du Sauveur. Un peuple idolâtre, situé à l'intérieur du pays -- les Gabaonites -- abandonna son idolâtrie et se joignit à Israël, se mettant ainsi au bénéfice de l'alliance. PR 285 2 Dieu ne fait aucune distinction de classe, de race ou de nationalité. Il est le Créateur de tous les hommes. Tous font partie d'une même famille par la création et par la rédemption. PR 285 3 Le Christ est venu abolir tout mur de séparation, ouvrir à chacun les parvis du temple, afin que les âmes trouvent un libre accès auprès de Dieu. Son amour est si grand, si profond, si complet qu'il pénètre en tout lieu. Il arrache à l'influence de Satan tous ceux qui ont été trompés par ses mensonges, et il les attire près du trône de Dieu -- de ce trône auréolé par l'arc-en-ciel de la promesse. En Christ "il n'y a plus ni Juif, ni Grec, ni esclave, ni libre". PR 285 4 Pendant les années qui suivirent l'occupation de la terre promise, le dessein merveilleux du Seigneur pour le salut des païens fut presque entièrement perdu de vue. Il devint donc nécessaire de le rappeler. "Toutes les extrémités de la terre, dit le psalmiste, penseront à l'Eternel et se tourneront vers lui; toutes les familles des nations se prosterneront devant ta face." "Des grands viennent de l'Egypte; l'Ethiopie accourt, les mains tendues vers Dieu." "Les nations craindront le nom de l'Eternel, et tous les rois de la terre, ta gloire." "Que cela soit écrit pour la génération future, et que le peuple qui sera créé célèbre l'Eternel! Car il regarde du lieu élevé de sa sainteté; du haut des cieux l'Eternel regarde sur la terre, pour écouter les gémissements des captifs, pour délivrer ceux qui vont périr, afin qu'ils publient dans Sion le nom de l'Eternel, et ses louanges dans Jérusalem, quand tous les peuples s'assembleront, et tous les royaumes, pour servir l'Eternel."10 PR 286 1 Si le peuple d'Israël avait été fidèle, tous les royaumes de la terre auraient eu part à ses bénédictions. Mais ceux à qui avait été confiée la connaissance du salut furent insensibles aux besoins des peuples environnants. Tandis que les desseins d'en haut étaient ainsi perdus de vue, les païens finirent par être considérés comme hors d'atteinte de la miséricorde divine. La lumière céleste disparut pour faire place aux ténèbres. Alors les nations furent plongées dans l'ignorance, l'amour de Dieu fut à peine connu, l'erreur et la superstition fleurirent partout. PR 286 2 Telle était la situation lorsque le prophète Esaïe reçut son appel d'en haut. Il n'en était pourtant pas découragé, car il avait entendu chanter le choeur triomphal des séraphins qui entouraient le trône de Dieu: "Toute la terre est pleine de sa gloire."11 Sa foi était fortifiée par ses visions des glorieuses conquêtes de l'Eglise de Dieu: "La terre sera remplie de la connaissance de l'Eternel, comme le fond de la mer par les eaux qui le couvrent."12 "Le voile qui voile tous les peuples, la couverture qui couvre toutes les nations"13 devaient finalement disparaître, et l'Esprit de Dieu se répandre sur toute chair. Ceux qui avaient faim et soif de justice feraient partie de l'Israël spirituel. "Ils pousseront comme au milieu de l'herbe, comme les saules près des courants d'eau, dit le prophète. Celui-ci dira: Je suis à l'Eternel; celui-là se réclamera du nom de Jacob; cet autre écrira de sa main: à l'Eternel! Et prononcera avec amour le nom d'Israël."14 PR 286 3 Dieu révéla au prophète ses merveilleux desseins en dispersant la nation impénitente de Juda parmi les royaumes de la terre. "C'est pourquoi mon peuple connaîtra mon nom, dit l'Eternel; c'est pourquoi il saura, en ce jour, que c'est moi qui parle: me voici!"15 Ce peuple devait non seulement apprendre l'obéissance et la fidélité, mais aussi faire connaître aux pays où il était captif le Dieu vivant. De nombreux étrangers allaient être amenés à aimer leur Créateur et leur Rédempteur, et à observer le saint jour du sabbat, mémorial de la puissance créatrice de Dieu. Et, lorsque les Israélites auraient fait connaître "le bras de sa sainteté, aux yeux de toutes les nations" pour délivrer son peuple, "toutes les extrémités de la terre verraient le salut de notre Dieu".16 Un grand nombre de païens désireraient s'unir à Israël et retourner avec lui en Judée. Aucun d'eux ne dirait: "L'Eternel me séparera de son peuple!"17 car la parole du Seigneur adressée par son prophète à ceux qui se convertiraient et observeraient la loi divine annonçait qu'ils seraient désormais considérés comme faisant partie de l'Israël spirituel: l'Eglise du Christ: PR 287 1 "Les étrangers qui s'attacheront à l'Eternel pour le servir, pour aimer le nom de l'Eternel, pour être ses serviteurs, tous ceux qui garderont le sabbat, pour ne point le profaner, et qui persévéreront dans mon alliance, je les amènerai sur ma montagne sainte, et je les réjouirai dans ma maison de prière; leurs holocaustes et leurs sacrifices seront agréés sur mon autel; car ma maison sera appelée une maison de prière pour tous les peuples. Le Seigneur, l'Eternel parle, lui qui rassemble les exilés d'Israël."18 PR 287 2 Il fut permis au prophète de jeter un coup d'oeil à travers les siècles, jusqu'à l'avènement du Messie promis. Il ne vit d'abord que "détresse, obscurité et de sombres angoisses".19 Un grand nombre d'âmes, qui étaient à la recherche de la vérité, égarées par de faux docteurs, erraient dans les labyrinthes de la philosophie et du spiritisme; d'autres pratiquaient une certaine forme de piété, sans témoigner une vraie sainteté dans leur vie quotidienne. La situation paraissait désespérée. Mais bientôt la scène changea d'aspect, et une vision éblouissante s'offrit aux yeux du prophète. Il vit le Soleil de justice se lever, et "la guérison était sous ses ailes". Alors, éperdu d'admiration, il s'écria: "Si les temps passés ont couvert d'opprobre le pays de Zabulon et le pays de Nephthali, les temps à venir couvriront de gloire la contrée voisine de la mer, au-delà du Jourdain, le territoire des Gentils. Le peuple qui marchait dans les ténèbres voit une grande lumière; sur ceux qui habitaient le pays de l'ombre de la mort une lumière resplendit."20 PR 288 1 Celui qui est la lumière du monde apporta le salut à toute nation, à toute langue, à toute tribu et à tout peuple. Le prophète entendit le Seigneur déclarer au sujet de l'oeuvre du Christ: "C'est peu que tu sois mon serviteur pour relever les tribus de Jacob et pour ramener les restes d'Israël: Je t'établis pour être la lumière des nations, pour porter mon salut jusqu'aux extrémités de la terre." "Au temps de la grâce je t'exaucerai, et au jour du salut je te secourrai; je te garderai, et je t'établirai pour traiter alliance avec le peuple, pour relever le pays, et pour distribuer les héritages désolés; pour dire aux captifs: Sortez! et à ceux qui sont dans les ténèbres: Paraissez!" "Les voici, ils viennent de loin, les uns du septentrion et de l'occident, les autres du pays de Sinim."21 PR 288 2 Portant les regards plus loin encore, à travers les âges, le prophète contempla l'accomplissement littéral de ces glorieuses promesses. Il vit les messagers de la bonne nouvelle du salut se rendre jusqu'aux extrémités de la terre, vers tout peuple et toute tribu. Il entendit le Seigneur déclarer au sujet de l'Eglise: "Voici, je dirigerai vers elle la paix comme un fleuve, et la gloire des nations comme un torrent débordé."22 Il entendit aussi quelle était sa mission: "Elargis l'espace de ta tente; qu'on déploie les couvertures de ta demeure: Ne retiens pas! Allonge tes cordages, et affermis tes pieux! Car tu te répandras à droite et à gauche; ta postérité envahira des nations, et peuplera des villes désertes."23 PR 288 3 Dieu déclara à Esaïe qu'il enverrait ses témoins "vers les nations, à Tarsis, à Pul et à Lud, ... à Tubal et à Javan, aux îles lointaines".24 PR 288 4 Qu'ils sont beaux sur les montagnes, Les pieds de celui qui apporte de bonnes nouvelles, Qui publie la paix! De celui qui apporte de bonnes nouvelles, Qui publie le salut! De celui qui dit à Sion: Ton Dieu règne! PR 289 1 Le prophète entendit la voix de Dieu appeler son Eglise au travail qui lui était assigné, afin que soit préparée la venue du royaume éternel: PR 289 2 Lève-toi, sois éclairée, car ta lumière arrive, Et la gloire de l'Eternel se lève sur toi. Voici, les ténèbres couvrent la terre, Et l'obscurité les peuples; Mais sur toi l'Eternel se lève, Sur toi sa gloire apparaît. Des nations marchent à ta lumière, Et des rois à la clarté de tes rayons. Porte tes yeux alentour, et regarde: Tous ils s'assemblent, ils viennent vers toi; Tes fils arrivent de loin, Et tes filles sont portées sur les bras. ... Les fils de l'étranger rebâtiront tes murs, Et leurs rois seront tes serviteurs; Car je t'ai frappée dans ma colère, Mais dans ma miséricorde j'ai pitié de toi. Tes portes seront toujours ouvertes, Elles ne seront fermées ni jour ni nuit, Afin de laisser entrer chez toi les trésors des nations, Et leurs rois avec leur suite. ... PR 289 3 Tournez-vous vers moi, et vous serez sauvés, Vous tous qui êtes aux extrémités de la terre! Car je suis Dieu, et il n'y en a point d'autre. PR 289 4 Ces prophéties annoncent un grand réveil à une époque où règnent d'épaisses ténèbres. Elles trouvent leur accomplissement dans les stations missionnaires établies de nos jours dans les régions les plus reculées du globe. Les missionnaires qui travaillent en pays païens sont comparés par le prophète à des bannières flottant très haut et destinées à guider ceux qui cherchent la vérité. PR 289 5 "En ce jour-là, dit Esaïe, le rejeton d'Isaï sera là comme une bannière pour les peuples; les nations se tourneront vers lui, et la gloire vers sa demeure. Dans ce même temps, le Seigneur étendra une seconde fois sa main, pour racheter le reste de son peuple. ... Il élèvera une bannière pour les nations, il rassemblera les exilés d'Israël, et il recueillera les dispersés de Juda, des quatre extrémités de la terre."27 PR 290 1 Le jour de la délivrance est à la porte. "L'Eternel étend ses regards sur toute la terre, pour soutenir ceux dont le coeur est tout entier à lui."28 Parmi toutes les nations, les peuples et les langues, le Seigneur voit des âmes qui prient pour connaître la vérité. Ces âmes se sont longtemps nourries de cendres.29 Egarées par l'ennemi de toute justice, elles tâtonnent comme des aveugles. Pourtant elles sont sincères et aspirent après une vie meilleure. Bien que plongées dans l'abîme du paganisme, et dépourvues de toute connaissance de la loi de Dieu et de son Fils Jésus-Christ, elles ont montré de multiples manières les résultats de l'oeuvre divine sur l'esprit et le caractère. PR 290 2 Il est même arrivé que ceux qui ne connaissaient le Seigneur que par les manifestations de sa grâce ont fait preuve de bonté envers ses serviteurs, et les ont protégés au risque de leur propre vie. Le Saint-Esprit communique la grâce du Christ au coeur de ceux qui cherchent la vérité, vivifiant les sentiments contraires à leur nature et à leur éducation première. La "lumière, qui, en venant dans le monde, éclaire tout homme",30 resplendit dans les coeurs. Si nous l'acceptons, elle guidera nos pas vers le royaume de Dieu. Le prophète Michée a dit: "Si je suis ... dans les ténèbres, l'Eternel sera ma lumière. ... Il me conduira à la lumière, et je contemplerai sa justice."31 PR 290 3 Le plan de la rédemption est assez vaste pour embrasser le monde entier. Dieu veut insuffler à l'humanité le souffle de la vie. Il ne permettra pas qu'une âme sincère soit déçue dans son désir d'obtenir quelque chose de meilleur que ce que le monde peut offrir. Il envoie sans cesse ses anges au secours de ceux qui, au milieu des difficultés les plus décourageantes, demandent avec foi qu'une puissance supérieure s'empare d'eux, et leur apporte la délivrance et la paix. Dieu se révèle à eux de diverses manières, et il les place dans des circonstances où ils affirmeront leur foi en celui qui s'est donné en rançon pour tous, "afin qu'ils mettent en Dieu leur confiance, qu'ils n'oublient pas les oeuvres de Dieu, et qu'ils observent ses commandements."32 "Le butin du puissant lui sera-t-il enlevé? Et la capture faite sur le juste échappera-t-elle? Oui, dit l'Eternel, la capture du puissant lui sera enlevée, et le butin du tyran lui échappera."33 "Ils reculeront, ils seront confus, ceux qui se confient aux idoles taillées, ceux qui disent aux idoles de fonte: Vous êtes nos dieux!"34 PR 291 1 "Heureux celui qui a pour secours le Dieu de Jacob, qui met son espoir en l'Eternel, son Dieu".35 "Retournez à la forteresse, captifs pleins d'espérance."36 Pour toutes les âmes sincères, dans les pays païens, pour ceux qui sont justes aux yeux du Seigneur, "la lumière se lève dans les ténèbres!"37 Dieu a dit: "Je ferai marcher les aveugles sur un chemin qu'ils ne connaissent pas, je les conduirai par des sentiers qu'ils ignorent; je changerai devant eux les ténèbres en lumière, et les endroits tortueux en plaine: Voilà ce que je ferai, et je ne les abandonnerai point!"38 ------------------------Chapitre 32 -- Manassé et Josias PR 293 1 Le royaume de Juda, qui connut la prospérité à l'époque d'Ezéchias, fut à nouveau affaibli par l'apostasie de Manassé. Le paganisme reprit vie et un grand nombre d'Israélites retournèrent à l'idolâtrie. "Manassé fut cause que Juda et les habitants de Jérusalem s'égarèrent et firent le mal plus que les nations que l'Eternel avait détruites."1 Les ténèbres de la superstition succédèrent à la glorieuse lumière qui avait illuminé les générations précédentes. De grands péchés surgissaient de tous côtés et triomphaient: la tyrannie, l'oppression, la haine du bien. La justice était faussée, la violence dominait. PR 293 2 Et cependant cette époque déplorable ne manquait pas de témoins pour Dieu et la vérité. Les épreuves douloureuses que le royaume de Juda avait subies sous le règne d'Ezéchias, et dont il avait triomphé, développèrent dans le coeur d'un grand nombre une fermeté de caractère qui leur servait de rempart contre l'iniquité dominante. Leur témoignage en faveur de la vérité provoqua la colère de Manassé et de ses serviteurs qui cherchaient à réduire au silence tous ceux qui désapprouvaient leur conduite. "Manassé répandit aussi beaucoup de sang innocent, jusqu'à en remplir Jérusalem d'un bout à l'autre."2 PR 294 1 Esaïe fut l'un des premiers à tomber, lui qui s'était dressé pendant plus d'un demi-siècle devant Juda comme messager de Jéhovah. "D'autres, nous dit l'épître aux Hébreux, subirent les moqueries et le fouet, les chaînes et la prison; ils furent lapidés, sciés, torturés, ils moururent tués par l'épée; ils allèrent çà et là vêtus de peaux de brebis et de peaux de chèvres, dénués de tout, persécutés, maltraités, -- eux dont le monde n'était pas digne, -- errants dans les déserts et les montagnes, dans les cavernes et les antres de la terre."3 PR 294 2 Parmi ceux qui subirent la persécution de Manassé, certains étaient chargés par le Seigneur de prononcer des paroles de reproches et de condamnation. Le roi de Juda, déclaraient les prophètes, avait "commis des abominations et fait pis que tout ce qu'avaient fait avant lui les Amoréens". Ses péchés allaient précipiter le royaume dans une crise sérieuse. Bientôt les habitants seraient emmenés en captivité à Babylone et deviendraient "le butin et la proie de tous leurs ennemis".4 Mais Dieu n'abandonnerait pas entièrement ceux qui, sur une terre étrangère, le reconnaîtraient comme leur Maître. Ils subiraient de grandes tribulations, mais le Seigneur les délivrerait au temps voulu et de la manière qu'il choisirait. Ceux qui placeraient en lui toute leur confiance trouveraient un refuge assuré. PR 294 3 Les prophètes ne cessaient d'adresser des messages d'avertissement et d'exhortation, à Manassé d'abord, puis au peuple. Mais ces messages étaient traités par le mépris; on n'en tenait aucun compte. Afin que l'on sache ce qui arriverait au peuple s'il ne se repentait pas, Dieu permit que le roi fût capturé par une bande de soldats assyriens qui "le mirent dans les fers, le lièrent avec des chaînes d'airain, et le menèrent à Babylone", leur capitale temporaire. Cette épreuve ramena le roi à la raison. "Il implora l'Eternel, son Dieu, et il s'humilia profondément devant le Dieu de ses pères. Il lui adressa ses prières; et l'Eternel, se laissant fléchir, exauça ses supplications, et le ramena à Jérusalem dans son royaume. Et Manassé reconnut que l'Eternel est Dieu."5 Mais ce repentir, bien que remarquable, se manifesta trop tard pour arracher le royaume à l'influence corruptrice de l'idolâtrie pratiquée depuis de si longues années. Un grand nombre était tombé pour ne plus jamais se relever. PR 295 1 Parmi ceux qui avaient été fortement marqués par l'apostasie de Manassé, il faut compter son propre fils, qui monta sur le trône à l'âge de vingt-deux ans. L'Ecriture nous dit que le roi Amon "marcha dans toute la voie où avait marché son père, il servit les idoles qu'avait servies son père, et il se prosterna devant elles".6 "Il ne s'humilia pas devant l'Eternel, comme s'était humilié Manassé, son père, car lui, Amon, se rendit de plus en plus coupable." Il ne fut pas permis à ce roi apostat de régner longtemps. Deux ans seulement après son accession au pouvoir, alors qu'il s'adonnait à son impiété provocante, il fut tué par ses propres serviteurs, dans son palais, et "le peuple du pays établit roi Josias, son fils, à sa place."7 PR 295 2 Avec l'arrivée de Josias au trône, qui régna trente et un ans, ceux dont la foi était restée pure commencèrent à espérer que l'apostasie de Juda aurait une fin; car le nouveau roi, bien qu'âgé de huit ans seulement, craignait Dieu. Dès le début de son règne, il fit "ce qui est droit aux yeux de l'Eternel, et il marcha dans toute la voie de David, son père; il ne s'en détourna ni à droite ni à gauche".8 Bien que fils d'un roi apostat, bien qu'assailli par la tentation de suivre l'exemple de son père, et encouragé par quelques conseillers seulement dans la voie du bien, Josias demeurait cependant fidèle au vrai Dieu. Evitant les erreurs des générations précédentes, il décida de faire le bien plutôt que de s'avilir dans le péché comme l'avaient fait son père et son grand-père. Il ne se "détourna ni à droite ni à gauche". Appelé à occuper un poste de confiance, il résolut de se conformer aux instructions données comme règle de conduite aux rois d'Israël. Le Seigneur put, grâce à son obéissance, en faire un vase d'honneur. PR 295 3 Lorsque Josias commença son règne, et bien des années auparavant, les fidèles de Juda se demandaient si les promesses divines faites à Israël seraient jamais réalisées. A vues humaines, le dessein de Dieu en faveur du peuple élu semblait presque relever du domaine de la chimère. L'apostasie des siècles écoulés s'était accentuée au cours des années précédentes, dix tribus d'Israël avaient été dispersées parmi les païens. Seuls Juda et Benjamin subsistaient encore, et ces tribus semblaient être à la veille d'une catastrophe morale et nationale. Les prophètes avaient commencé à prédire la ruine totale de la ville opulente, où se trouvait le temple construit par Salomon et où se concentraient tous les espoirs terrestres relatifs à la grandeur nationale d'Israël. Dieu allait-il se détourner de ceux qui avaient placé en lui leur confiance? Devant les persécutions continuelles des justes et la prospérité apparente des méchants, ceux qui étaient restés fidèles au vrai Dieu pouvaient-ils espérer des jours meilleurs? PR 296 1 Ces questions angoissantes étaient posées par le prophète Habakuk. Considérant la situation des fidèles de son époque, il exhalait sa souffrance, et demandait à Dieu: "O Eternel... J'ai crié, et tu n'écoutes pas! J'ai crié vers toi à la violence, et tu ne secours pas! Pourquoi me fais-tu voir l'iniquité, et contemples-tu l'injustice? Pourquoi l'oppression et la violence sont-elles devant moi? Il y a des querelles, et la discorde s'élève. Aussi la loi n'a point de vie, la justice n'a point de force; car le méchant triomphe du juste, et l'on rend des jugements iniques."9 PR 296 2 Dieu répondit au cri de ses fidèles enfants. Par l'interprète qu'il avait choisi, il leur révéla sa détermination de châtier la nation qui s'était détournée de lui pour servir des dieux païens. Certains même de ceux qui se demandaient ce que leur réservait l'avenir, verraient comment le Seigneur dirige miraculeusement les affaires de ce monde pour que les Babyloniens arrivent à la domination. Ce peuple "terrible et formidable",10 allait tomber subitement sur Juda, comme une verge divine. Les princes du royaume et les notables seraient alors emmenés en captivité à Babylone. Les villes et les villages de Judée, les champs cultivés seraient abandonnés; rien ne serait épargné. PR 296 3 Convaincu que, même dans ce terrible châtiment, le dessein de Dieu en faveur de son peuple s'accomplirait d'une manière ou d'une autre, Habakuk se soumit à la volonté d'en haut. "N'es-tu pas de toute éternité, Eternel, mon Dieu, mon Saint?" s'écria-t-il. Et, sa foi dépassant les sombres perspectives de l'avenir immédiat et s'emparant des précieuses promesses qui révèlent l'amour de Dieu pour les siens, le prophète ajouta: "Nous ne mourrons pas!"11 Avec cette déclaration pleine de foi, il remit son cas et celui de tous les croyants d'Israël entre les mains du Seigneur compatissant. Ce n'était pas là la seule expérience que fit Habakuk dans l'exercice de sa foi. Alors qu'il méditait un jour sur ce qu'il arriverait, il déclara: "J'étais à mon poste, et je me tenais sur la tour; je veillais, pour voir ce que l'Eternel me dirait." Dieu lui répondit avec bonté: "Ecris la prophétie: grave-la sur des tables, afin qu'on la lise couramment. Car c'est une prophétie dont le temps est déjà fixé, elle marche vers son terme, et elle ne mentira pas; si elle tarde, attends-la, car elle s'accomplira, elle s'accomplira certainement. Voici, son âme s'est enflée, elle n'est pas droite en lui; mais le juste vivra par sa foi."12 PR 297 1 La foi qui fortifiait Habakuk, ainsi que tous les saints et les justes de cette époque de profonde détresse, est la même que celle qui soutient le peuple de Dieu aujourd'hui. Aux heures les plus sombres, dans les circonstances les plus décourageantes, le chrétien peut fixer les regards sur celui qui est la source de toute lumière et de toute puissance. Par la foi en Dieu, son espoir et son courage seront renouvelés de jour en jour. "Le juste vivra par sa foi." Au service du Seigneur, aucun désespoir n'est permis, aucune hésitation, aucune crainte. Dieu fera au-delà de ce que peuvent attendre ceux qui mettent leur confiance en lui. Il leur accordera la sagesse qu'exigent leurs diverses épreuves. PR 297 2 L'apôtre Paul rend un éloquent témoignage au sujet des riches bénédictions que reçoivent tous ceux qui passent par la tentation. Voici la divine assurance qui lui fut donnée: "Ma grâce te suffit, car ma puissance s'accomplit dans la faiblesse." Dans son épreuve, le serviteur de Dieu répondit avec gratitude et confiance: "Je me glorifierai donc bien plus volontiers de mes faiblesses, afin que la puissance du Christ repose sur moi. C'est pourquoi je me plais dans les faiblesses, dans les outrages, dans les calamités, dans les persécutions, dans les détresses, pour Christ; car, quand je suis faible, c'est alors que je suis fort."13 PR 298 1 Il faut cultiver et entretenir la foi pour laquelle les apôtres et les prophètes ont rendu témoignage, cette foi qui s'empare des promesses divines et attend la délivrance au jour fixé et selon le moyen convenu. La parole certaine de la prophétie trouvera son accomplissement à la venue en gloire de notre Sauveur, le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs. L'attente peut paraître interminable, l'âme peut être accablée par des épreuves décourageantes, les hommes en qui nous avons mis notre confiance peuvent tomber en chemin; mais, avec le prophète (Habakuk) qui s'efforça de ranimer l'espoir de Juda à l'heure la plus sombre de l'apostasie, il faut s'écrier: "L'Eternel est dans son saint temple. Que toute la terre fasse silence devant lui!"14 PR 298 2 Ayons constamment à la pensée ce message réconfortant: "C'est une prophétie dont le temps est déjà fixé, elle marche vers son terme, et elle ne mentira pas; si elle tarde, attends-la, car elle s'accomplira, elle s'accomplira certainement. ... Le juste vivra par sa foi."15 PR 298 3 Accomplis ton oeuvre dans le cours des années, ô Eternel! Dans le cours des années manifeste-la! Mais dans ta colère souviens-toi de tes compassions! PR 298 4 Dieu vient de Théman, Le Saint vient de la montagne de Paran... Sa majesté couvre les cieux, Et sa gloire remplit la terre. C'est comme l'éclat de la lumière; Des rayons partent de sa main; Là réside sa force. Devant lui marche la peste, Et la peste est sur ses traces. Il s'arrête, et de l'oeil il mesure la terre; Il regarde, et il fait trembler les nations; Les montagnes éternelles se brisent, Les collines antiques s'abaissent; Les sentiers d'autrefois s'ouvrent devant lui. ... PR 298 5 Tu sors pour délivrer ton peuple, Pour délivrer ton oint. ... Car le figuier ne fleurira pas, La vigne ne produira rien, Le fruit de l'olivier manquera, Les champs ne donneront pas de nourriture; Les brebis disparaîtront du pâturage, Et il n'y aura plus de boeufs dans les étables. Toutefois, je veux me réjouir en l'Eternel, Je veux me réjouir dans le Dieu de mon salut. L'Eternel, le Seigneur, est ma force. PR 299 1 Habakuk ne fut pas le seul à donner un message d'espérance et de prochain triomphe, en même temps que de châtiment immédiat. Pendant le règne de Josias, la parole de l'Eternel parvint à Sophonie. Elle spécifiait nettement quelles seraient les conséquences de l'apostasie persistante, et attirait l'attention de la véritable Eglise de Dieu sur le glorieux avenir qui l'attendait. Les prophéties de Sophonie relatives au châtiment qui allait s'abattre sur Juda s'appliquent avec tout autant de puissance aux châtiments qui vont fondre sur le monde pécheur au moment de la seconde venue du Christ: PR 299 2 Le grand jour de l'Eternel est proche, Il est proche, il arrive en toute hâte; Le jour de l'Eternel fait entendre sa voix, Et le héros pousse des cris amers. Ce jour est un jour de fureur, Un jour de détresse et d'angoisse, Un jour de ravage et de destruction, Un jour de ténèbres et d'obscurité, Un jour de nuées et de brouillards, Un jour où retentiront la trompette et les cris de guerre Contre les villes fortes et les tours élevées. PR 299 3 "Je mettrai les hommes dans la détresse, et ils marcheront comme des aveugles, parce qu'ils ont péché contre l'Eternel; je répandrai leur sang comme de la poussière, et leur chair comme de l'ordure. Ni leur argent ni leur or ne pourront les délivrer, au jour de la fureur de l'Eternel; par le feu de sa jalousie tout le pays sera consumé; car il détruira soudain tous les habitants du pays."18 PR 299 4 Rentrez en vous-mêmes, examinez-vous, Nation sans pudeur, Avant que le décret s'exécute Et que ce jour passe comme la balle, Avant que la colère ardente de l'Eternel fonde sur vous! ... Cherchez l'Eternel, vous tous, humbles du pays! ... Recherchez la justice, recherchez l'humilité! Peut-être serez-vous épargnés au jour de la colère de l'Eternel. PR 300 1 Voici, en ce temps-là, j'agirai contre tous tes oppresseurs; Je délivrerai les boiteux et je recueillerai ceux qui ont été chassés, Je ferai d'eux un sujet de louange et de gloire Dans tous les pays où ils sont en opprobre. En ce temps-là, je vous ramènerai; En ce temps-là, je vous rassemblerai; Car je ferai de vous un sujet de gloire et de louange Parmi tous les peuples de la terre, Quand je ramènerai vos captifs sous vos yeux, Dit l'Eternel. PR 300 2 Pousse des cris de joie, fille de Sion! Pousse des cris d'allégresse, Israël! Réjouis-toi et triomphe de tout ton coeur, fille de Jérusalem! L'Eternel a détourné tes châtiments, Il a éloigné ton ennemi; Le roi d'Israël, l'Eternel, est au milieu de toi; Tu n'as plus de malheur à éprouver. En ce jour-là, on dira à Jérusalem: Ne crains rien! Sion, que tes mains ne s'affaiblissent pas! L'Eternel, ton Dieu, est au milieu de toi, comme un héros qui sauve; Il fera de toi sa plus grande joie; Il gardera le silence dans son amour; Il aura pour toi des transports d'allégresse. ------------------------Chapitre 33 -- Le livre de la loi PR 301 1 L'influence silencieuse mais profonde qu'exercèrent les messages des prophètes au sujet de la captivité babylonienne prépara la voie à une réforme qui eut lieu au cours de la dix-huitième année du règne de Josias. Cette réforme, qui retarda momentanément les châtiments prédits, fut opérée d'une manière tout à fait inattendue par la découverte et l'étude d'une partie des saintes Ecritures qui, d'une façon étrange, avait été pendant longtemps déplacée et perdue. PR 301 2 Presque un siècle auparavant, pendant la première Pâque célébrée par Ezéchias, il avait été décidé de faire pour le peuple une lecture quotidienne et publique du livre de la loi. Cette lecture était faite par les prêtres chargés de l'enseignement. Il s'agissait de l'observance des statuts consignés par Moïse dans le livre de l'alliance et formant une partie du Deutéronome, qui avait rendu le règne d'Ezéchias si prospère. Mais Manassé avait osé rejeter ces statuts, et pendant son règne l'exemplaire du livre de la loi appartenant au temple s'égara par suite d'une négligence. C'est ainsi que pendant de nombreuses années le peuple fut privé de son enseignement. PR 302 1 Ce manuscrit depuis si longtemps égaré fut découvert dans le temple par le grand prêtre Hilkija, au cours de réparations que le roi fit subir à l'édifice à la fois pour l'agrandir et pour en conserver la structure sacrée. Le grand prêtre donna le précieux volume à Schaphan, scribe érudit, qui le lut, puis l'emporta chez le roi à qui il fit le récit de la découverte. PR 302 2 Josias fut profondément frappé lorsqu'il entendit lire pour la première fois les exhortations et les avertissements contenus dans ce vieux manuscrit. Il n'avait jamais compris jusque-là, aussi clairement, la netteté avec laquelle le Seigneur avait placé devant Israël "la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction".1 Il n'avait pas compris combien fréquemment les Israélites avaient été poussés à choisir le chemin de la vie, afin d'être un sujet de louange pour la terre et une bénédiction pour toutes les nations. "Fortifiez-vous et ayez du courage! Ne craignez point et ne soyez point effrayés", avait dit Moïse à Israël, "car l'Eternel, ton Dieu, marchera lui-même avec toi, il ne te délaissera point, il ne t'abandonnera point."2 PR 302 3 Le livre abondait en certitudes données par le Seigneur au sujet de son désir de sauver à tout prix ceux qui mettraient entièrement en lui leur confiance. Comme il avait délivré les Israélites du joug égyptien, il opérerait avec puissance pour les établir dans la terre promise et les placer à la tête des nations. Les promesses offertes en récompense à ceux qui obéiraient à la loi étaient accompagnées de prédictions de châtiments pour ceux qui désobéiraient. En entendant ces paroles inspirées, le roi se rendit compte qu'il s'agissait là de l'état réel de son royaume. Quant aux déclarations prophétiques relatives à l'infidélité envers Dieu, elles remplirent Josias d'effroi, car le langage était net. La calamité suivrait promptement, et il n'y avait aucun moyen d'y échapper. On ne pouvait s'y méprendre, la signification des mots était claire. A la fin du livre, dans le sommaire relatif aux rapports de Dieu avec Israël, et dans le récit des événements futurs, ces paroles étaient doublement nettes. Moïse avait déclaré à toute l'assemblée d'Israël: PR 303 1 Cieux! prêtez l'oreille, et je parlerai; Terre! écoute les paroles de ma bouche. Que mes instructions se répandent comme la pluie, Que ma parole tombe comme la rosée, Comme des ondées sur la verdure, Comme des gouttes d'eau sur l'herbe! Car je proclamerai le nom de l'Eternel. Rendez gloire à notre Dieu! Il est le rocher; ses oeuvres sont parfaites, Car toutes ses voies sont justes; C'est un Dieu fidèle et sans iniquité, Il est juste et droit. PR 303 2 Rappelle à ton souvenir les anciens jours, Passe en revue les années, génération par génération, Interroge ton père, et il te l'apprendra, Tes vieillards, et ils te le diront. Quand le Très-Haut donna un héritage aux nations, Quand il sépara les enfants des hommes, Il fixa les limites des peuples D'après le nombre des enfants d'Israël, Car la portion de l'Eternel, c'est son peuple, Jacob est la part de son héritage. Il l'a trouvé dans une contrée déserte, Dans une solitude aux effroyables hurlements; Il l'a entouré, il en a pris soin, Il l'a gardé comme la prunelle de son oeil. PR 303 3 Israël est devenu gras, et il a regimbé; Tu es devenu gras, épais et replet! -- Et il a abandonné Dieu, son créateur, Il a méprisé le rocher de son salut, Ils ont excité sa jalousie par des dieux étrangers. Ils l'ont irrité par des abominations; Ils ont sacrifié à des idoles qui ne sont pas Dieu, A des dieux qu'ils ne connaissent point, Nouveaux, venus depuis peu, Et que vos pères n'avaient pas craints. Tu as abandonné le rocher qui t'a fait naître, Et tu as oublié le Dieu qui t'a engendré. L'Eternel l'a vu, et il a été irrité, Indigné contre ses fils et ses filles. Il a dit: Je leur cacherai ma face, Je verrai quelle sera leur fin; Car c'est une race perverse, Ce sont des enfants infidèles. Ils ont excité ma jalousie par ce qui n'est point Dieu, Ils m'ont irrité par leurs vaines idoles; Et moi, j'exciterai leur jalousie par ce qui n'est point un peuple, Je les irriterai par une nation insensée. PR 304 1 J'accumulerai sur eux les maux, J'épuiserai mes traits contre eux. Ils seront desséchés par la faim, consumés par la fièvre Et par des maladies violentes. PR 304 2 C'est une nation qui a perdu le bon sens, Et il n'y a point en eux d'intelligence. S'ils étaient sages, voici ce qu'ils comprendraient, Et ils penseraient à ce qui leur arrivera. Comment un seul en poursuivrait-il mille, Et deux en mettraient-ils dix mille en fuite, Si leur Rocher ne les avait vendus, Si l'Eternel ne les avait livrés? Car leur rocher n'est pas comme notre Rocher, Nos ennemis en sont juges. PR 304 3 Cela n'est-il pas caché près de moi, Scellé dans mes trésors? A moi la vengeance et la rétribution, Quand leur pied chancellera! Car le jour de leur malheur est proche, Et ce qui les attend ne tardera pas. PR 304 4 Ces paroles et d'autres semblables révélèrent à Josias l'amour de Dieu à l'égard de son peuple et son aversion du péché. Alors que le roi prenait connaissance de ces prophéties, annonçant un prompt châtiment à ceux qui persévéraient dans l'apostasie, il frémissait en songeant à l'avenir. La perversité de Juda avait été grande; qu'adviendrait-il de son apostasie persistante? PR 304 5 Dans son jeune âge, le roi n'était pas resté indifférent à l'égard de l'idolâtrie qui prévalait. "La huitième année de son règne, comme il était encore jeune", il s'était consacré entièrement au service de Dieu. Quatre ans plus tard, alors qu'il atteignait la vingtaine, il tenta de supprimer les tentations de ses sujets en purifiant "Juda et Jérusalem des hauts lieux, des idoles, des images taillées et des images de fonte". "On renversa devant lui les autels des Baals, et il abattit les statues consacrées au soleil qui étaient dessus; il brisa les idoles, les images taillées et les images en fonte, et les réduisit en poussière, et il répandit la poussière sur les sépulcres de ceux qui leur avaient sacrifié; et il brûla les ossements des prêtres sur leurs autels. C'est ainsi qu'il purifia Juda et Jérusalem."6 PR 305 1 Non satisfait de la purification totale du royaume de Juda, le jeune monarque étendit son oeuvre aux parties de la Palestine jadis occupées par les dix tribus d'Israël, au faible reste qui leur avait survécu. "Dans les villes de Manassé, d'Ephraïm, de Siméon, et même de Nephthali, partout au milieu de leurs ruines, il renversa les autels, il mit en pièces les idoles et les images taillées et les réduisit en poussière, et il abattit toutes les statues consacrées au soleil dans tout le pays d'Israël."7 Il ne retourna à Jérusalem que lorsqu'il eut parcouru dans tous les sens cette région en ruine, et qu'il eut accompli son oeuvre de purification. PR 305 2 C'est ainsi que dès son âge viril Josias s'était appliqué à user de son autorité royale pour exalter les principes de la sainte loi de Dieu. Et alors que Schaphan, le scribe, lui faisait la lecture du livre de la loi, il comprenait que ce volume recélait un trésor de connaissances. C'était un allié puissant qui l'aiderait à opérer la réforme qu'il désirait ardemment poursuivre dans son pays. Il prit donc la décision de marcher à la lumière de ses conseils, et de faire tout ce qu'il pourrait pour familiariser son peuple avec les enseignements de ce livre, afin de l'amener, si possible, à cultiver la vénération et l'amour pour la loi du ciel. PR 305 3 Mais comment opérer cette réforme si nécessaire? Israël avait presque atteint les limites de la patience divine; bientôt Dieu interviendrait pour punir ceux qui déshonoraient son nom. Déjà sa colère s'était allumée contre son peuple. Accablé de tristesse et d'épouvante, Josias déchira ses vêtements, se prosterna devant le Seigneur pour implorer le pardon des péchés de la nation impénitente. PR 305 4 A ce moment-là vivait à Jérusalem, près du temple, la prophétesse Hulda. Josias, obsédé par de sombres présages, décida d'aller la trouver. Il voulait consulter l'Eternel par sa messagère, afin de savoir s'il lui était possible de trouver le moyen de sauver Juda qui courait à sa perte. PR 306 1 La gravité de la situation, le respect qu'il éprouvait pour la prophétesse firent qu'il lui envoya les principaux hommes du royaume. "Allez, consultez l'Eternel pour moi, leur dit-il, pour le peuple, et pour tout Juda, au sujet des paroles de ce livre qu'on a trouvé; car grande est la colère de l'Eternel, qui s'est enflammée contre nous, parce que nos pères n'ont point obéi aux paroles de ce livre et n'ont point mis en pratique tout ce qui nous y est prescrit."8 PR 306 2 Dieu fit répondre à Josias par la prophétesse Hulda que la ruine de Jérusalem ne pouvait être évitée. Même si le peuple s'humiliait devant le Seigneur, il n'échapperait pas au châtiment. Il s'était endurci si longtemps dans le mal que, s'il évitait le châtiment, il retournerait bientôt à ses errements. "Dites à l'homme qui vous a envoyés vers moi, déclara la prophétesse, qu'ainsi parle l'Eternel: Voici, je vais faire venir des malheurs sur ce lieu et sur ses habitants, selon toutes les paroles du livre qu'a lu le roi de Juda. Parce qu'ils m'ont abandonné et qu'ils ont offert des parfums à d'autres dieux, afin de m'irriter par tous les ouvrages de leurs mains, ma colère s'est enflammée contre ce lieu, et elle ne s'éteindra point."9 PR 306 3 Toutefois, le roi s'étant humilié, le Seigneur voulut bien tenir compte de son vif désir de pardon et de miséricorde. Voici le message qui lui fut envoyé: "Parce que ton coeur a été touché, parce que tu t'es humilié devant l'Eternel en entendant ce que j'ai prononcé contre ce lieu et contre ses habitants, qui seront un objet d'épouvante et de malédiction, et parce que tu as déchiré tes vêtements et que tu as pleuré devant moi, moi aussi, j'ai entendu, dit l'Eternel. C'est pourquoi, voici, je te recueillerai auprès de tes pères, tu seras recueilli en paix dans ton sépulcre, et tes yeux ne verront pas tous les malheurs que je ferai venir sur ce lieu."10 PR 306 4 Le roi devait laisser à Dieu le déroulement des événements; il ne pouvait modifier ses décrets éternels. Mais en annonçant les châtiments célestes, le Seigneur ne supprimait pas l'occasion pour Juda de se repentir et d'opérer une réforme. Josias vit là le désir de Dieu de tempérer ses châtiments par sa miséricorde. Il décida donc de faire l'impossible pour apporter les réformes nécessaires. Il convoqua aussitôt une grande assemblée, où étaient invités les anciens et les principaux de Jérusalem et de Juda, ainsi que tout le peuple. Les prêtres et les Lévites se joignirent à eux, et tous rencontrèrent le roi dans le parvis du temple. PR 307 1 A cette vaste assemblée, Josias lut lui-même "toutes les paroles du livre de l'alliance, qu'on avait trouvé dans la maison de l'Eternel".11 Le royal lecteur était profondément ému, et il délivra son message avec les accents d'un coeur brisé. Ses auditeurs en furent vivement impressionnés. L'intensité de l'émotion qui se lisait sur la physionomie du roi, la solennité du message lui-même, l'annonce des châtiments prochains, tout cela produisit un grand effet sur les auditeurs, et beaucoup d'entre eux décidèrent de se joindre au monarque pour implorer le pardon divin. PR 307 2 Josias proposa alors aux principaux de se joindre au peuple afin de s'engager solennellement devant Dieu à opérer les changements nécessaires. "Le roi se tenait sur l'estrade, et il traita alliance devant l'Eternel, s'engageant à suivre l'Eternel, et à observer ses ordonnances, ses préceptes et ses lois, de tout son coeur et de toute son âme, afin de mettre en pratique les paroles de cette alliance, écrites dans ce livre." L'auditoire répondit plus chaleureusement que le roi n'avait osé l'espérer: "Tout le peuple entra dans l'alliance."12 PR 307 3 Par la réforme qui s'ensuivit, le roi s'appliqua à détruire tout vestige d'idolâtrie. Les habitants du pays avaient suivi si longtemps les coutumes des nations voisines en se prosternant devant des statues de bois et de pierre qu'il semblait presque impossible à un homme de supprimer toute trace de paganisme. Mais Josias était résolu à persévérer dans sa tentative de purifier le royaume. Il brava avec sévérité l'idolâtrie en immolant "tous les prêtres des hauts lieux. ... De plus, Josias fit disparaître ceux qui évoquaient les esprits et ceux qui prédisaient l'avenir, et les théraphim, et les idoles, et toutes les abominations qui se voyaient dans le pays de Juda et à Jérusalem, afin de mettre en pratique les paroles de la loi, écrites dans le livre que le sacrificateur Hilkija avait trouvé dans la maison de l'Eternel."13 PR 308 1 Au moment du partage du royaume, des siècles auparavant, Jéroboam, fils de Nébath, défia le Seigneur que servait Israël. Il s'efforça de détourner le peuple des services du temple pour lui faire adopter de nouvelles formes de culte, et il dressa un autel païen à Béthel. Mais au cours de la dédicace de cet autel, où pendant tant d'années une foule d'adorateurs devaient être séduits par des pratiques idolâtres, un homme de Dieu apparut soudain, venant de Juda, pour se dresser contre cet acte sacrilège. Il "cria contre l'autel", en déclarant: "Autel! Autel! ainsi parle l'Eternel: Voici, il naîtra un fils à la maison de David; son nom sera Josias; il immolera sur toi les prêtres des hauts lieux qui brûlent sur toi des parfums, et l'on brûlera sur toi des ossements d'hommes!"14 Cette prédiction était accompagnée d'un signe prouvant qu'elle émanait de Dieu. PR 308 2 Trois siècles s'étaient écoulés depuis lors. Au cours de la réforme de Josias, le roi se trouvait lui-même à Béthel où se dressait l'ancien autel. La prophétie qui avait été prononcée tant d'années auparavant, devant Jéroboam, s'accomplit alors littéralement. "Il renversa aussi l'autel qui était à Béthel, et le haut lieu qu'avait fait Jéroboam, fils de Nébath, qui avait fait pécher Israël; il brûla le haut lieu et le réduisit en poussière, et il brûla l'idole. Josias, s'étant tourné et ayant vu les sépulcres qui étaient là dans la montagne, envoya prendre les ossements des sépulcres, et il les brûla sur l'autel et le souilla, selon la parole de l'Eternel prononcée par l'homme de Dieu qui avait annoncé ces choses. Il dit: Quel est ce monument que je vois? Les gens de la ville lui répondirent: C'est le sépulcre de l'homme de Dieu, qui est venu de Juda, et qui a crié contre l'autel de Béthel ces choses que tu as accomplies. Et il dit: Laissez-le; que personne ne remue ses os! On conserva ainsi ses os avec les os du prophète qui était venu de Samarie."15 PR 308 3 Sur les pentes méridionales du mont des Oliviers, en face du temple merveilleux de Jérusalem, sur le mont Morija, se dressaient des autels et des statues que Salomon avait élevés pour plaire à ses femmes idolâtres.16 Pendant plus de trois siècles, ces grandes statues difformes dominèrent "la montagne de la perdition", témoignage silencieux de l'apostasie du plus sage roi d'Israël. Elles furent aussi enlevées et détruites par Josias. PR 309 1 Le roi chercha en outre à affermir la foi des habitants de Juda au Dieu de leurs pères, en célébrant une grande fête de Pâque, selon les instructions du livre de la loi. Ceux qui étaient chargés des services sacrés firent les préparatifs nécessaires, et le grand jour de la fête on offrit de nombreux sacrifices. "Aucune Pâque pareille à celle-ci n'avait été célébrée depuis le temps où les juges jugeaient Israël et pendant tous les jours des rois d'Israël et des rois de Juda."17 Mais le zèle de Josias, si agréable qu'il fût au Seigneur, ne pouvait expier les péchés des générations précédentes, pas plus d'ailleurs que la piété des émules du roi ne pouvait changer le coeur de ceux qui refusaient de se détourner de l'idolâtrie pour adorer le vrai Dieu. PR 309 2 Pendant plus d'une décennie, après la célébration de cette Pâque, Josias continua à régner. A l'âge de trente-neuf ans, il trouva la mort en luttant contre les Egyptiens. "Il fut enterré dans le sépulcre de ses pères. Tout Juda et Jérusalem pleurèrent Josias. Jérémie fit une complainte sur Josias; tous les chanteurs et toutes les chanteuses ont parlé de Josias dans leurs complaintes jusqu'à ce jour, et en ont établi la coutume en Israël. Ces chants sont écrits dans les Complaintes."18 "Avant Josias, il n'y eut point de roi qui, comme lui, revînt à l'Eternel de tout son coeur, de toute son âme et de toute sa force, selon toute la loi de Moïse; et après lui, il n'en a point paru de semblable. Toutefois, l'Eternel ne se désista point de l'ardeur de sa grande colère ... à cause de tout ce qu'avait fait Manassé pour l'irriter."19 PR 309 3 Le moment où Jérusalem allait être entièrement détruite approchait rapidement. Les habitants du pays seraient emmenés en captivité à Babylone. Là, ils apprendraient les leçons qu'ils avaient refusé d'apprendre dans des circonstances plus favorables. ------------------------Chapitre 34 -- Jérémie PR 311 1 Parmi ceux qui avaient mis leur espoir dans un réveil permanent, après la réforme de Josias, figure Jérémie. Celui-ci fut appelé par Dieu à la vocation prophétique pendant la douzième année du règne de Josias, alors qu'il n'était encore qu'un enfant. Membre du sacerdoce lévitique, il fut élevé en vue du service sacré. Aux jours heureux de cette préparation au ministère, il était loin de supposer qu'il avait été choisi dès sa naissance pour être "prophète des nations". Lorsque l'appel de Dieu lui parvint, il fut accablé par le sentiment de son indignité. "Ah! Seigneur Eternel! s'écria-t-il, voici, je ne sais point parler, car je suis un enfant."1 PR 311 2 Dieu vit dans le jeune Jérémie un caractère qui resterait fidèle à sa foi et se dresserait pour le droit contre l'opposition la plus violente. Dès son enfance, il s'était montré ferme; il allait maintenant affronter les difficultés comme un bon soldat de la croix. "Ne dis pas: Je suis un enfant, répondit le Seigneur à son messager. Car tu iras vers tous ceux auprès de qui je t'enverrai, et tu diras tout ce que je t'ordonnerai. Ne les crains point; car je suis avec toi pour te délivrer. ... Ceins tes reins, lève-toi, et dis-leur tout ce que je t'ordonnerai. Ne tremble pas en leur présence, de peur que je ne te fasse trembler devant eux. Voici, je t'établis en ce jour sur tout le pays comme une ville forte, une colonne de fer et un mur d'airain, contre les rois de Juda, contre ses chefs, contre ses sacrificateurs, et contre le peuple du pays. Ils te feront la guerre, mais ils ne te vaincront pas; car je suis avec toi pour te délivrer, dit l'Eternel."2 PR 312 1 Pendant quarante ans, Jérémie devait se dresser contre la nation comme témoin de la vérité et de la justice. En un temps d'apostasie sans précédent, il allait donner l'exemple par sa vie et son caractère de l'adoration du seul vrai Dieu. Il serait le porte-parole du Très-Haut au cours du terrible siège de Jérusalem. Il fallait qu'il prédise la ruine de la maison de Juda, ainsi que la destruction du temple magnifique construit par Salomon. Et lorsqu'il serait en prison pour ses déclarations courageuses, il devrait encore dénoncer le péché en haut lieu. Méprisé, haï, rejeté par les hommes, il assisterait finalement à l'accomplissement de ses propres prophéties relatives à la destruction imminente de Jérusalem et il participerait aux malheurs qui l'accompagneraient. PR 312 2 Cependant, au milieu de la ruine totale de la nation, il fut souvent permis à Jérémie de contempler par-delà les scènes de détresse les glorieuses perspectives de l'avenir, au moment où le peuple élu racheté du pays de l'ennemi retournerait à Sion. Il vit par anticipation le jour où Dieu renouvellerait son alliance avec ses enfants. Alors "leur âme sera comme un jardin arrosé, et ils ne seront plus dans la souffrance".3 PR 312 3 Au sujet de son appel prophétique, Jérémie écrivit: "L'Eternel étendit sa main, et toucha ma bouche; et l'Eternel me dit: Voici, je mets mes paroles dans ta bouche. Regarde, je t'établis aujourd'hui sur les nations et sur les royaumes, pour que tu arraches et que tu abattes, pour que tu ruines et que tu détruises, pour que tu bâtisses et que tu plantes."4 PR 312 4 Remercions le Seigneur pour ces mots: "bâtir et planter". Grâce à eux, le prophète eut la certitude que le plan de Dieu était de restaurer et de guérir. Les messages de Jérémie au cours des années qui suivirent furent très durs. Les châtiments qu'ils annonçaient ne tarderaient point; il fallait les annoncer courageusement. Des plaines de Schinear, "la calamité se répandrait sur tous les habitants du pays". "Je prononcerai mes jugements contre eux, déclarait le Seigneur, à cause de toute leur méchanceté, parce qu'ils m'ont abandonné."5 Cependant, le prophète devait accompagner ces messages de l'assurance du pardon en faveur de tous ceux qui se détourneraient du mal. PR 313 1 Comme un sage architecte, Jérémie encouragea dès le début de son oeuvre les habitants de Juda à poser les fondements de leur vie spirituelle sur les bases solides de la repentance. Trop longtemps ils avaient bâti avec des matériaux comparés par l'apôtre Paul à du bois et à du chaume, et par Jérémie à des scories. "On les appelle de l'argent méprisable, disait-il à la nation pécheresse, car l'Eternel les a rejetés."6 Ils étaient encouragés maintenant à bâtir avec sagesse et pour l'éternité, en rejetant les scories de l'apostasie et de l'incrédulité, et en se servant, pour édifier leurs fondements, d'or pur, d'argent fin, de pierres précieuses: la foi, l'obéissance et les bonnes oeuvres, seules acceptables aux yeux d'un Dieu saint. PR 313 2 La parole du Seigneur, adressée à son peuple par Jérémie, était: "Reviens, infidèle Israël! ... Je ne jetterai pas sur vous un regard sévère; car je suis miséricordieux, dit l'Eternel, je ne garde pas ma colère à toujours. Reconnais seulement ton iniquité, reconnais que tu as été infidèle à l'Eternel, ton Dieu. ... Revenez, enfants rebelles, dit l'Eternel, car je suis votre maître. ... Tu m'appelleras: Mon père! Et tu ne te détourneras pas de moi. ... Revenez, enfants rebelles, et je pardonnerai vos infidélités".7 PR 313 3 En plus de ces merveilleuses déclarations, le Seigneur donnait à son peuple rebelle les paroles mêmes qu'il devait prononcer pour revenir à lui: "Nous voici, nous allons à toi, car tu es l'Eternel, notre Dieu. Oui, le bruit qui vient des collines et des montagnes n'est que mensonge; oui, c'est en l'Eternel, notre Dieu, qu'est le salut d'Israël. ... Nous avons notre honte pour couche, et notre ignominie pour couverture; car nous avons péché contre l'Eternel, notre Dieu, nous et nos pères, dès notre jeunesse jusqu'à ce jour, et nous n'avons pas écouté la voix de l'Eternel, notre Dieu."8 PR 314 1 La réforme de Josias avait purifié le pays des autels païens, mais les coeurs de la multitude n'avaient pas été changés. La semence de la vérité qui s'était développée et promettait une riche moisson avait été étouffée par les épines. Une apostasie semblable serait fatale à Juda. Dieu chercha à faire comprendre à la nation le danger qu'elle courait. Ce n'était que grâce à sa fidélité au Seigneur qu'elle pouvait espérer la faveur divine et la prospérité. PR 314 2 Jérémie ne cessa d'attirer l'attention des Israélites sur les conseils donnés dans le Deutéronome. Plus qu'aucun autre des prophètes il insista sur les enseignements de la loi mosaïque, et il montra comment ceux-ci pouvaient être une source de bénédiction spirituelle pour la nation et pour chacun de ses habitants. "Demandez quels sont les anciens sentiers, quelle est la bonne voie; marchez-y, affirmait-il, et vous trouverez le repos de vos âmes!"9 PR 314 3 A une certaine occasion, sur l'ordre de Dieu, le prophète vint se placer à l'une des portes principales de Jérusalem. Là, il insista sur l'importance d'observer le saint jour du sabbat. Les habitants de cette ville couraient le danger de perdre de vue la sainteté du jour du repos, et ils furent solennellement avertis de ne pas se laisser gagner par leurs occupations matérielles ce jour-là. Ne pouvaient être bénis que ceux qui obéiraient. "Si vous m'écoutez, dit l'Eternel, ... si vous sanctifiez le jour du sabbat, et ne faites aucun ouvrage ce jour-là, alors entreront par les portes de cette ville les rois et les princes assis sur le trône de David, montés sur des chars et sur des chevaux, eux et leurs princes, les hommes de Juda et les habitants de Jérusalem, et cette ville sera habitée à toujours."10 PR 314 4 Cette magnifique promesse -- récompense de l'obéissance -- était accompagnée d'une prophétie annonçant les terribles châtiments qui s'abattraient sur la ville si ses habitants se montraient infidèles au Seigneur et à sa loi. S'ils ne tenaient pas compte des avertissements relatifs à leur obéissance au Dieu de leurs pères et à la sanctification du jour du repos, la ville et ses palais seraient totalement détruits par le feu. PR 315 1 C'est ainsi que le prophète prenait fermement position pour les principes si clairement soulignés dans le livre de la loi. Mais les conditions qui régnaient dans le royaume de Juda étaient telles que seules des mesures énergiques pouvaient apporter une amélioration. C'est pourquoi Jérémie déploya le plus grand zèle à l'égard des pécheurs. "Défrichez-vous un champ nouveau, s'écriait-t-il, et ne semez pas parmi les épines. ... Purifie ton coeur du mal, Jérusalem, afin que tu sois sauvée!"11 PR 315 2 Mais la grande majorité du peuple n'écouta pas cet appel à la repentance et à la conversion. Depuis la mort du bon roi Josias, ceux qui avaient gouverné la nation n'étaient pas restés fidèles au Seigneur, et ils avaient égaré beaucoup d'âmes. A Joachaz, déposé par ordre du roi d'Egypte, avait succédé Jojakim, l'un des fils aînés de Josias. Alors Jérémie conserva peu d'espoir de sauver son pays bien-aimé de la destruction et le peuple de la captivité. Il ne put cependant rester silencieux tandis qu'une ruine totale menaçait le royaume. Il fallait encourager ceux qui étaient demeurés fidèles au Seigneur, afin qu'ils persévèrent dans le bien, et détourner si possible les pécheurs de l'iniquité. PR 315 3 La crise exigeait une grande démonstration publique. Dieu ordonna donc à Jérémie de se tenir debout dans le parvis du temple et de s'adresser à tous ceux qui y entraient et en sortaient. Le prophète ne devait pas retrancher une seule parole des messages qui lui étaient dictés, afin que les pécheurs de Sion puissent bien les entendre et se détourner de leurs mauvaises voies. PR 315 4 Le prophète obéit. Il se tint debout à la porte de la maison de Dieu, et là il éleva la voix pour avertir et exhorter son peuple. Inspiré par le Tout-Puissant, il déclara: "Ecoutez la parole de l'Eternel, vous tous, hommes de Juda, qui entrez par ces portes, pour vous prosterner devant l'Eternel! Ainsi parle l'Eternel des armées, le Dieu d'Israël: Réformez vos voies et vos oeuvres, et je vous laisserai demeurer dans ce lieu. Ne vous livrez pas à des espérances trompeuses, en disant: C'est ici le temple de l'Eternel, le temple de l'Eternel, le temple de l'Eternel! Si vous réformez vos voies et vos oeuvres, si vous pratiquez la justice envers les uns et les autres, si vous n'opprimez pas l'étranger, l'orphelin et la veuve, si vous ne répandez pas en ce lieu le sang innocent, et si vous n'allez pas après d'autres dieux, pour votre malheur, alors je vous laisserai demeurer dans ce lieu, dans le pays que j'ai donné à vos pères, d'éternité en éternité."12 PR 316 1 L'aversion éprouvée par Dieu à châtier est ici manifeste. Il diffère ses jugements, afin de plaider avec le pécheur. Celui "qui exerce la bonté, le droit et la justice sur la terre",13 soupire après ses enfants égarés. Il cherche à leur enseigner par tous les moyens le chemin de la vie éternelle. Il délivra les Israélites de l'esclavage afin qu'ils le servent, lui, le seul vrai Dieu. Bien que ceux-ci aient longtemps erré dans l'idolâtrie et méprisé ses avertissements, le Seigneur exprimait maintenant son désir de différer le châtiment et de leur accorder une nouvelle occasion de se repentir. Mais il mettait en évidence ce fait: le châtiment ne serait retardé qu'à la condition qu'un changement radical se produise. La confiance placée dans le temple et ses services serait vaine. Les rites et les cérémonies ne pourraient servir d'expiation pour le péché. Se dire le peuple élu n'avait aucune importance; seule une réforme du coeur et de la conduite pouvait sauver de l'inévitable conséquence d'une transgression continuelle. PR 316 2 C'est ainsi que, "dans les villes de Juda et dans les rues de Jérusalem", ce message de Jérémie se répandait: "Ecoutez les paroles de cette alliance -- les préceptes du Seigneur, tels qu'ils sont mentionnés dans les saintes Ecritures -- et mettez-les en pratique".14 C'est ainsi que s'exprimait le prophète alors qu'il se tenait debout dans le parvis du temple, au début du règne de Jojakim. L'histoire du peuple d'Israël était brièvement passée en revue. Dieu avait contracté avec lui cette alliance: "Ecoutez ma voix, et je serai votre Dieu, et vous serez mon peuple; marchez dans toutes les voies que je vous prescris, afin que vous soyez heureux." Cette alliance avait été rompue avec impudence et à maintes reprises. Le peuple élu avait "suivi les conseils, les penchants de son mauvais coeur, il avait été en arrière et non en avant!"15 PR 316 3 "Pourquoi donc, demandait le Seigneur, ce peuple de Jérusalem s'abandonne-t-il à de perpétuels égarements?"16 Le prophète répondait que c'était parce qu'il n'avait pas obéi à la voix de l'Eternel, son Dieu, et avait refusé de revenir à de meilleurs sentiments?"17 "La vérité a disparu, constatait le prophète, elle s'est retirée de leur bouche." "Même la cigogne connaît dans les cieux sa saison; la tourterelle, l'hirondelle et la grue observent le temps de leur arrivée; mais mon peuple ne connaît pas la loi de l'Eternel." "Ne les châtierais-je pas pour ces choses-là, dit l'Eternel, ne me vengerais-je pas d'une pareille nation.18 PR 317 1 Le moment était venu pour les Israélites de sonder leurs coeurs. Pendant le règne de Josias, ils avaient quelque raison d'espérer; mais il n'était plus là pour intercéder en leur faveur; il avait péri au cours d'un combat. Les péchés de la nation avaient dépassé la limite, aucune intercession n'était plus possible. "Quand Moïse et Samuel, déclarait le Seigneur, se présenteraient devant moi, je ne serais pas favorable à ce peuple. Chasse-le loin de ma face, qu'il s'en aille! Et s'ils te disent: Où irons-nous? tu leur répondras: Ainsi parle l'Eternel: A la mort ceux qui sont pour la mort, à l'épée ceux qui sont pour l'épée, à la famine ceux qui sont pour la famine, à la captivité ceux qui sont pour la captivité!"19 PR 317 2 Si les Israélites refusaient encore l'invitation miséricordieuse de Dieu, ils attireraient sur la nation impénitente les châtiments qui s'étaient abattus sur le royaume du nord il y avait plus d'un siècle. Le message qui leur était adressé maintenant était celui-ci: "Si vous ne m'écoutez pas quand je vous ordonne de suivre ma loi que j'ai mise devant vous, d'écouter les paroles de mes serviteurs, les prophètes, que je vous envoie, que je vous ai envoyés dès le matin, et que vous n'avez pas écoutés, alors je traiterai cette maison comme Silo, et je ferai de cette ville un objet de malédiction pour toutes les nations de la terre."20 PR 317 3 Ceux qui, debout dans le parvis du temple, écoutaient les paroles de Jérémie, comprirent très bien cette allusion à Silo et aux temps d'Eli, alors que les Philistins avaient battu Israël et s'étaient emparés de l'arche de l'alliance. Eli avait péché en traitant à la légère les iniquités de ses fils, comme les péchés du pays tout entier. Cette faiblesse avait provoqué une terrible calamité en Israël. Les fils d'Eli étaient tombés dans la bataille, Eli lui-même était mort, l'arche de l'alliance avait été capturée, et trente mille hommes massacrés. Tout cela parce qu'on avait permis au péché de se développer, sans le reprendre ni le censurer. Les Israélites s'étaient figuré que malgré leur mauvaise conduite la présence de l'arche leur assurerait la victoire. Il en était de même au temps de Jérémie. Les habitants de Juda croyaient qu'une stricte observance des services du temple les préserveraient du juste châtiment que méritait leur conduite répréhensible. PR 318 1 Quelle leçon pour les hommes qui occupent aujourd'hui des postes de confiance dans l'Eglise! Quel avertissement solennel leur est donné à l'égard des péchés qui déshonorent la cause de Dieu! Que ceux qui se disent les dépositaires de la loi divine et se flattent d'en observer les commandements ne se croient pas à l'abri de la justice céleste. Que nul ne refuse de se laisser reprendre pour son péché et n'accuse les serviteurs de Dieu de manifester trop de zèle en "purifiant le camp". Celui qui a horreur du péché exhorte les hommes qui prétendent observer sa loi à se séparer de toute iniquité. La négligence dans le repentir et l'obéissance volontaire aura des conséquences aussi graves que pour Israël. Il est une limite au-delà de laquelle les châtiments divins ne peuvent être différés. La désolation de Jérusalem aux jours de Jérémie est un avertissement solennel pour l'Eglise de nos jours. Les conseils et les exhortations qui lui sont donnés par l'intermédiaire de messagers choisis de Dieu ne peuvent être rejetés impunément. PR 318 2 Les paroles de Jérémie adressées aux prêtres et au peuple suscitèrent des contestations parmi un grand nombre d'entre eux. Ils s'écrièrent avec violence: "Pourquoi prophétises-tu au nom de l'Eternel, en disant: Cette maison sera comme Silo, et cette ville sera dévastée, privée d'habitants? Tout le peuple s'attroupa autour de Jérémie dans la maison de l'Eternel."21 Les prêtres, les faux prophètes et le peuple se tournèrent avec rage contre celui qui leur annonçait des choses désagréables et décevantes. Le message de Dieu était ainsi méprisé et son serviteur menacé de mort. PR 319 1 L'écho des paroles de Jérémie parvint aux oreilles des princes de Juda. Quittant en hâte le palais du roi, ils se rendirent au temple pour de plus amples renseignements. "Alors les sacrificateurs et les prophètes parlèrent ainsi aux chefs et à tout le peuple: Cet homme mérite la mort; car il a prophétisé contre cette ville, comme vous l'avez entendu de vos oreilles."22 Mais Jérémie, se tenant courageusement devant les princes et le peuple, déclara: "L'Eternel m'a envoyé pour prophétiser contre cette maison et contre cette ville toutes les choses que vous avez entendues. Maintenant réformez vos voies et vos oeuvres, écoutez la voix de l'Eternel, votre Dieu, et l'Eternel se repentira du mal qu'il a prononcé contre vous. Pour moi, me voici entre vos mains; traitez-moi comme il vous semblera bon et juste. Seulement sachez que, si vous me faites mourir, vous vous chargez du sang innocent, vous, cette ville et ses habitants; car l'Eternel m'a véritablement envoyé vers vous pour prononcer à vos oreilles toutes ces paroles."23 PR 319 2 Si le prophète s'était laissé intimider par les menaces des principaux d'Israël, son message n'aurait produit aucun effet et il aurait risqué sa vie. Mais le courage dont il fit preuve dans son avertissement solennel imposa le respect au peuple, et lui acquit la faveur des princes d'Israël. Ceux-ci s'adressèrent alors aux prêtres et aux faux prophètes, et ils leur montrèrent combien déraisonnables seraient les mesures extrêmes qu'ils exigeaient. Leurs paroles provoquèrent une réaction salutaire dans l'esprit de l'assemblée. Dieu avait suscité des hommes pour défendre son serviteur. PR 319 3 Les anciens vinrent aussi protester contre la décision des prêtres au sujet de la mort de Jérémie. Ils citèrent le cas de Michée qui avait ainsi prophétisé contre Jérusalem: "Sion sera labourée comme un champ, Jérusalem deviendra un monceau de pierres, et la montagne de la maison une haute forêt." Et ils demandèrent: "Ezéchias, roi de Juda, et tout Juda l'ont-ils fait mourir? Ezéchias ne craignit-il pas l'Eternel? n'implora-t-il pas l'Eternel? Alors l'Eternel se repentit du mal qu'il avait prononcé contre eux. Et nous, nous chargerions notre âme d'un si grand crime!"24 PR 320 1 Grâce à l'intervention de ces hommes influents, la vie du prophète fut épargnée, bien que la plupart des prêtres et des faux prophètes, ne pouvant supporter les vérités qui les condamnaient, se fussent réjouis de le voir mettre à mort. PR 320 2 Dès le début de sa mission prophétique jusqu'à la fin de son ministère, Jérémie se tint devant Juda comme "une forteresse" que la colère de l'homme ne pouvait renverser. "Ils te feront la guerre, avait prédit le Seigneur à son serviteur, mais ils ne te vaincront pas, car je serai avec toi pour te sauver et te délivrer. Je te délivrerai de la main des méchants, je te sauverai de la main des violents."25 PR 320 3 D'un naturel timide et effacé, Jérémie soupirait après la paix et le calme d'une vie retirée où il n'aurait pas été témoin du péché continuel de la nation qu'il aimait. Son coeur était torturé d'angoisse en présence des ravages du péché. "Oh! si ma tête était remplie d'eau, si mes yeux étaient une source de larmes, s'écriait-il, je pleurerais jour et nuit les morts de la fille de mon peuple! Oh! si j'avais au désert une cabane de voyageurs, j'abandonnerais mon peuple, je m'en éloignerais!"26 PR 320 4 Comme ils étaient cruels les sarcasmes que le prophète était appelé à supporter! Son âme délicate était transpercée par les flèches de la raillerie de ceux qui dédaignaient ses messages et se moquaient du souci qu'il prenait de leur conversion. "Je suis pour tout mon peuple, disait-il, un objet de raillerie, chaque jour l'objet de leurs chansons." "Tout le monde se moque de moi. ... Tous ceux qui étaient en paix avec moi observent si je chancelle: peut-être se laissera-t-il surprendre, et nous serons maîtres de lui, nous tirerons vengeance de lui!"27 PR 320 5 Mais le fidèle prophète recevait quotidiennement des forces pour supporter son épreuve. "L'Eternel est avec moi comme un héros puissant, disait-il avec foi. C'est pourquoi mes persécuteurs chancellent et n'auront pas le dessus; ils seront remplis de confusion pour n'avoir pas réussi: ce sera une honte éternelle qui ne s'oubliera pas. ... Chantez à l'Eternel, louez l'Eternel! car il délivre l'âme du malheureux de la main des méchants."28 PR 321 1 Les expériences que fit Jérémie au cours de sa jeunesse ainsi que dans les dernières années de son ministère, lui enseignèrent que "la voie de l'homme n'est pas en son pouvoir; ce n'est pas à l'homme, quand il marche, à diriger ses pas". Il apprit à prier: "Châtie-moi, ô Eternel! mais avec équité, et non dans ta colère, de peur que tu ne m'anéantisses."29 Lorsqu'il fut appelé à boire à la coupe des tribulations et du désespoir, lorsqu'il fut tenté de dire dans sa misère: "Ma force est perdue, je n'ai plus d'espérance en l'Eternel!" il se rappela les bénédictions divines, et il s'écria triomphalement: "Les bontés de l'Eternel ne sont pas épuisées, ses compassions ne sont pas à leur terme. Elles se renouvellent chaque matin. Oh! que ta fidélité est grande! L'Eternel est mon partage, dit mon âme; c'est pourquoi je veux espérer en lui. L'Eternel a de la bonté pour qui espère en lui, pour l'âme qui le cherche. Il est bon d'attendre en silence le secours de l'Eternel."30 ------------------------Chapitre 35 -- L'approche du jugement PR 323 1 Les premières années du règne de Jojakim furent caractérisées par de nombreuses prophéties annonçant l'approche du châtiment. Les paroles de Dieu prononcées par les prophètes étaient sur le point de s'accomplir. Au nord, la puissance assyrienne, si longtemps souveraine, allait cesser de s'exercer sur les nations. Au sud, l'Egypte, en qui le roi de Juda plaçait vainement sa confiance, subirait bientôt un échec décisif. Une nouvelle puissance, l'empire babylonien, surgissait brusquement à l'est, éclipsant rapidement toutes les autres. PR 323 2 En peu d'années, le roi de Babylone allait servir d'instrument à la colère divine pour châtier Juda impénitent. Les armées de Nebucadnetsar déferleraient sans cesse sur Jérusalem, qui serait tour à tour assiégée et prise par l'ennemi. D'abord en petit nombre, puis par milliers et dizaines de milliers, les Israélites seraient emmenés en captivité au pays de Schinear pour y être en exil. Jojakim, Sédécias seraient tour à tour les vassaux du roi de Babylone, et tour à tour ils se révolteraient contre lui. Des châtiments de plus en plus terribles s'abattraient sur la nation rebelle, jusqu'à ce qu'enfin elle soit réduite en un monceau de ruines. Jérusalem serait dévastée et livrée au feu; le temple bâti par Salomon, détruit. Le royaume de Juda s'écroulerait et ne retrouverait plus jamais parmi les royaumes de la terre sa situation primitive. PR 324 1 Ces temps de troubles, si menaçants pour la nation israélite, étaient annoncés par de nombreux messages divins délivrés au peuple par Jérémie. Dieu donnait ainsi grandement le temps aux enfants d'Israël de rompre leur alliance avec l'Egypte et d'éviter des contestations avec le roi de Babylone. PR 324 2 Alors que le danger se faisait plus imminent, le Seigneur instruisait le peuple par des paraboles frappantes, espérant ainsi éveiller chez lui le sentiment de ses obligations envers Dieu tout en l'encourageant à entretenir avec le gouvernement de Babylone des rapports cordiaux. PR 324 3 Pour illustrer l'importance d'une obéissance implicite aux exigences divines, Jérémie réunit des Récabites dans une chambre du temple, et il leur offrit du vin. Il fut reçu comme il s'y attendait, c'est-à-dire par un refus catégorique et des remontrances. "Nous ne buvons pas de vin, lui affirmèrent-ils avec assurance, car Jonadab, fils de Récab, notre père, nous a donné cet ordre: Vous ne boirez jamais de vin, ni vous, ni vos fils. ... Alors la parole de l'Eternel fut adressée à Jérémie, en ces mots: Ainsi parle l'Eternel des armées, le Dieu d'Israël: Va, et dis aux hommes de Juda et aux habitants de Jérusalem: Ne recevrez-vous pas instruction pour obéir à mes paroles? dit l'Eternel. On a observé les paroles de Jonadab, fils de Récab, qui a ordonné à ses fils de ne pas boire du vin, et ils n'en ont point bu jusqu'à ce jour, parce qu'ils ont obéi à l'ordre de leur père."1 PR 324 4 Dieu cherchait ainsi à montrer le contraste frappant entre l'obéissance des Récabites et la révolte de son peuple. Les Récabites avaient obéi à l'ordre de leur père; ils avaient refusé de transgresser cet ordre. Mais les habitants de Juda n'écoutaient pas les paroles du Seigneur, et ils subiraient par conséquent les plus terribles châtiments. PR 324 5 "Je vous ai parlé dès le matin, et vous ne m'avez pas écouté, leur dit Jérémie de la part de Dieu. Je vous ai envoyé tous mes serviteurs, les prophètes, je les ai envoyés dès le matin, pour vous dire: Revenez chacun de votre mauvaise voie, amendez vos actions, n'allez pas après d'autres dieux pour les servir, et vous resterez dans le pays que j'ai donné à vous et à vos pères. Mais vous n'avez pas prêté l'oreille, vous ne m'avez pas écouté. Oui, les fils de Jonadab, fils de Récab, observent l'ordre que leur a donné leur père, et ce peuple ne m'écoute pas! C'est pourquoi, ainsi parle l'Eternel, le Dieu des armées, le Dieu d'Israël: Voici, je vais faire venir sur Juda et sur tous les habitants de Jérusalem tous les malheurs que j'ai annoncés sur eux, parce que je leur ai parlé et qu'ils n'ont pas écouté, parce que je les ai appelés et qu'ils n'ont pas répondu."2 PR 325 1 Lorsque les hommes sont touchés par l'influence du Saint-Esprit, ils tiennent compte des conseils que leur donne le Seigneur. Mais s'ils rejettent les avertissements et si leur coeur s'endurcit, Dieu permet qu'ils subissent des influences néfastes. En se détournant de la vérité, ils acceptent le mensonge qui devient pour eux un piège. PR 325 2 Dieu avait supplié Juda de ne pas provoquer sa colère, mais il refusa de l'écouter. Finalement, la sentence fut prononcée à son égard. Il serait emmené en captivité à Babylone; les Chaldéens allaient être l'instrument dont le Seigneur se servirait pour châtier son peuple rebelle. Les souffrances de Juda seraient proportionnées aux lumières qu'il avait reçues et aux avertissements rejetés. Dieu avait retardé pendant longtemps ses châtiments, mais il manifesterait maintenant son courroux pour arrêter son peuple rebelle sur la mauvaise voie. Une bénédiction perpétuelle avait été promise aux Récabites. Le prophète avait déclaré: "Parce que vous avez obéi aux ordres de Jonadab, votre père, parce que vous avez observé tous ses commandements et fait tout ce qu'il vous a prescrit; à cause de cela, ainsi parle l'Eternel des armées, le Dieu d'Israël: Jonadab, fils de Récab, ne manquera jamais de descendants qui se tiennent en ma présence."3 Le Seigneur enseignait ainsi à son peuple que la fidélité et l'obéissance rejailliraient sur Juda en bénédictions, comme les Récabites avaient été bénis pour avoir obéi aux ordres de leur père. PR 326 1 Cette leçon est aussi pour nous aujourd'hui. Si les exigences d'un bon et sage père, usant des moyens les meilleurs et les plus efficaces pour préserver sa postérité des maux de l'intempérance, étaient dignes d'une stricte obéissance, l'autorité de Dieu devrait certainement être reconnue avec une révérence plus grande encore, puisque le Seigneur est plus saint qu'un homme. Notre Créateur et notre Maître, au pouvoir infini, au jugement terrible, s'efforce par tous les moyens d'amener les hommes à reconnaître leurs péchés et à s'en repentir. Par la bouche de ses serviteurs, il prédit les dangers qu'engendre la désobéissance, il fait résonner le cri d'alarme et dénonce impitoyablement le péché. Ce n'est que grâce à sa miséricorde et aux soins vigilants de ses serviteurs que la prospérité est assurée à son peuple. Il ne peut soutenir et garder ceux qui rejettent ses conseils et méprisent ses avertissements. Pendant un certain temps, il diffère les châtiments que nous méritons, mais il ne saurait le faire indéfiniment. PR 326 2 Les enfants de Juda étaient de ceux dont Dieu avait dit: "Vous serez pour moi un royaume de sacrificateurs et une nation sainte."4 Au cours de son ministère, Jérémie ne perdit jamais de vue l'importance vitale de la sainteté dans les diverses activités de la vie quotidienne, et notamment dans le service divin. Il prévoyait nettement la chute du royaume de Juda et la dispersion de ses habitants parmi les nations. Mais avec l'oeil de la foi, il apercevait au-delà des tribulations le moment de la restauration. Cette promesse divine résonnait à ses oreilles: "Je rassemblerai le reste de mes brebis de tous les pays où je les ai chassées; je les ramènerai dans leur pâturage. ... Voici, les jours viennent, dit l'Eternel, où je susciterai à David un germe juste; il régnera en roi et prospérera, il pratiquera la justice et l'équité dans le pays. En son temps, Juda sera sauvé, Israël aura la sécurité dans sa demeure; et voici le nom dont on l'appellera: L'ETERNEL NOTRE JUSTICE."5 PR 326 3 Ainsi, l'annonce d'un prochain châtiment se mêlait-elle aux promesses d'une glorieuse délivrance. Ceux qui choisiraient de faire la paix avec Dieu et se conduiraient saintement au sein de l'apostasie, auraient la force d'affronter l'épreuve et seraient rendus capables de témoigner pour Dieu avec puissance. La délivrance qu'ils connaîtraient un jour serait plus glorieuse encore que celle accordée aux enfants d'Israël au moment de l'Exode. Les jours viendront, déclarait le Seigneur par son prophète, "où l'on ne dira plus: L'Eternel est vivant, lui qui a fait monter du pays d'Egypte les enfants d'Israël! Mais on dira: L'Eternel est vivant, lui qui a fait monter et qui a ramené la postérité de la maison d'Israël du pays du septentrion et de tous les pays où je les avais chassés! Et ils habiteront dans leur pays."6 PR 327 1 Telles étaient les magnifiques prophéties de Jérémie à la fin de l'histoire du royaume de Juda, alors que les Babyloniens allaient dominer l'univers entier et que leurs armées faisaient le siège de Sion. Comme la musique la plus mélodieuse, ces promesses de délivrance retentissaient aux oreilles de ceux qui étaient restés fidèles au culte du vrai Dieu. Chez les humbles comme chez les grands, partout où l'on révérait encore l'alliance avec le Seigneur, les paroles du prophète étaient sans cesse répétées. Les enfants eux-mêmes en étaient profondément remués, et ces promesses s'imprimaient d'une façon durable dans leurs jeunes cerveaux. PR 327 2 C'est l'observation consciencieuse des commandements de l'Ecriture qui, aux jours de Jérémie, permit à Daniel et à ses compagnons d'exalter le vrai Dieu devant les royaumes du monde. L'éducation que ces jeunes hébreux avaient reçue dans leur famille les affermit dans la foi, et les aida à servir fidèlement le Dieu vivant, le Créateur des cieux et de la terre. Lorsque, au début du règne de Jojakim, Nebucadnetsar assiégea et prit Jérusalem pour la première fois, il emmena en captivité Daniel et ses compagnons, ainsi que d'autres jeunes gens particulièrement doués pour servir à la cour de Babylone. Mais la foi de ces jeunes prisonniers fut mise à rude épreuve. C'est alors que ceux qui avaient appris à se confier dans les promesses divines trouvèrent les forces nécessaires pour affronter les difficultés qu'ils rencontrèrent en pays étranger. Les saintes Ecritures furent pour eux un guide et un soutien. PR 327 3 Tandis qu'il interprétait la portée des jugements qui commençaient à s'abattre sur Juda, Jérémie défendait noblement la justice de Dieu et ses desseins miséricordieux, même dans ses châtiments les plus cruels. Désireux d'atteindre toutes les classes, le prophète étendait sa sphère d'influence au-delà de Jérusalem, par de fréquentes visites aux différentes parties du royaume. Dans ses déclarations, Jérémie se reportait sans cesse aux enseignements du livre de la loi qui avait été si magnifiquement honoré et exalté sous le règne de Josias. Il insistait sur l'importance de la fidélité envers le Seigneur compatissant et miséricordieux qui, du haut du Sinaï, avait donné les préceptes du Décalogue. Les paroles d'avertissement et d'exhortation de Jérémie atteignirent les extrémités du royaume, et tous les habitants eurent ainsi l'occasion de connaître la volonté de Dieu à l'égard de la nation. PR 328 1 Le prophète insistait particulièrement sur le fait que le Père céleste envoie ses châtiments, afin que "les peuples sachent qu'ils sont des hommes."7 "Si vous me résistez et ne voulez point m'écouter, déclarait le Seigneur, ... je vous disperserai parmi les nations, et je tirerai l'épée après vous. Votre pays sera dévasté, et vos villes seront désertes."8 PR 328 2 Au moment même où des messages annonçant un châtiment imminent étaient adressés aux princes et au peuple, le roi de Juda, Jojakim, qui aurait dû être un chef spirituel avisé, le promoteur de la confession des péchés, de la réforme et des bonnes oeuvres, passait son temps dans les plaisirs égoïstes. "Je me bâtirai une maison vaste, et des chambres spacieuses", disait-il. Et il proposait d'y faire "percer des fenêtres", de les faire lambrisser "de cèdre" et de les peindre "en couleur rouge".9 Cette maison serait construite avec de l'argent provenant de la fraude et de l'oppression. PR 328 3 La colère du prophète s'enflamma, et l'Esprit le poussa à prononcer un jugement contre le monarque infidèle. "Malheur, dit-il, à celui qui bâtit sa maison par l'injustice, et ses chambres par l'iniquité, qui fait travailler son prochain sans le payer, sans lui donner son salaire. ... Est-ce que tu règnes, parce que tu as de la passion pour le cèdre? Ton père ne mangeait-il pas, ne buvait-il pas? Mais il pratiquait la justice et l'équité, et il fut heureux. ... N'est-ce pas là me connaître? dit l'Eternel. Mais tu n'as des yeux et un coeur que pour te livrer à la cupidité, pour répandre le sang innocent, et pour exercer l'oppression et la violence. C'est pourquoi ainsi parle l'Eternel sur Jojakim, fils de Josias, roi de Juda: On ne le pleurera pas, en disant: Hélas, mon frère! hélas, ma soeur! On ne le pleurera pas, en disant: Hélas, seigneur! hélas, sa majesté! Il aura la sépulture d'un âne, il sera traîné et jeté hors des portes de Jérusalem."10 PR 329 1 Ce terrible châtiment allait s'abattre sur Jojakim dans peu de temps. Mais le Seigneur miséricordieux en informait d'abord la nation impénitente. La quatrième année du règne de Jojakim, Jérémie parla "devant tout le peuple de Juda et devant tous les habitants de Jérusalem". Il déclara que pendant plus de vingt ans, "depuis la treizième année de Josias",11 jusqu'à ce jour, il n'avait cessé de dire que Dieu désirait sauver son peuple, mais que ses messages avaient été méprisés. Or voici la parole que le Seigneur leur adressait maintenant: "Ainsi parle l'Eternel des armées: Parce que vous n'avez point écouté mes paroles, j'enverrai chercher tous les peuples du septentrion, dit l'Eternel, et j'enverrai auprès de Nebucadnetsar, roi de Babylone, mon serviteur; je le ferai venir contre ce pays et contre ses habitants, et contre toutes ces nations à l'entour, afin de les dévouer par interdit, et d'en faire un objet de désolation et de moquerie, des ruines éternelles. Je ferai cesser parmi eux les cris de réjouissance et les cris d'allégresse, les chants du fiancé et les chants de la fiancée, le bruit de la meule et la lumière de la lampe. Tout ce pays deviendra une ruine, un désert, et ces nations seront asservies au roi de Babylone pendant soixante et dix ans."12 PR 329 2 Bien que les motifs du jugement aient été clairement énoncés, sa terrible signification ne pouvait être comprise que difficilement par les multitudes. Pour produire une impression plus profonde, Dieu essaya d'illustrer le sens des mots prononcés. Il ordonna à Jérémie de comparer le sort du royaume à une coupe remplie du vin de sa colère, et à laquelle auraient bu toutes les nations. Les premiers qui avaient bu à cette coupe étaient "Jérusalem, les villes de Juda, les rois et les chefs". D'autres devaient faire de même: "Pharaon, roi d'Egypte, ses serviteurs, ses chefs et tout son peuple", ainsi que beaucoup d'autres nations, jusqu'à ce que les desseins de Dieu fussent accomplis.13 PR 330 1 Pour mieux illustrer la nature des jugements qui approchaient rapidement, le prophète reçut l'ordre de prendre avec lui "des anciens du peuple et des anciens des sacrificateurs" et de se rendre "dans la vallée de Ben-Hinnom". Là, après avoir retracé l'apostasie de Juda, il devait briser "le vase de terre" du potier, et déclarer de la part du Seigneur dont il était le serviteur: "C'est ainsi que je briserai ce peuple et cette ville, comme on brise un vase de potier, sans qu'il puisse être rétabli." PR 330 2 Le prophète fit ce qui lui était commandé. Puis, lorsqu'il revint à Jérusalem, il se tint dans le parvis de la maison de Dieu, et il dit à tout le peuple: "Ainsi parle l'Eternel des armées, le Dieu d'Israël: Voici, je vais faire venir sur cette ville et sur toutes les villes qui dépendent d'elle tous les malheurs que je lui ai prédits, parce qu'ils ont raidi leur cou, pour ne point écouter mes paroles."14 PR 330 3 Au lieu de provoquer la confession des péchés et la repentance, ces paroles suscitèrent la colère des chefs, et en conséquence Jérémie fut incarcéré. Privé de sa liberté, le prophète n'en continua pas moins à transmettre les messages du ciel à ceux qui se trouvaient près de lui. Sa voix ne pouvait être étouffée par la persécution. La parole de vérité, disait-il, est "dans mon coeur comme un feu dévorant qui est renfermé dans mes os. Je m'efforce de la contenir, et je ne le puis."15 PR 330 4 C'est vers cette époque que Dieu ordonna à Jérémie de transcrire les messages qu'il désirait faire connaître à ceux dont il souhaitait ardemment le salut. "Prends un livre, lui dit-il, et tu écriras toutes les paroles que je t'ai dites sur Israël et sur Juda, et sur toutes les nations, depuis le jour où je t'ai parlé, au temps de Josias, jusqu'à ce jour. Quand la maison de Juda entendra tout le mal que je pense lui faire, peut-être reviendront-ils chacun de leur mauvaise voie; alors je pardonnerai leur iniquité et leur péché."16 PR 330 5 Obéissant à cet ordre, Jérémie appela à son aide un ami fidèle, Baruc, le scribe, et il lui dicta "toutes les paroles que l'Eternel lui avait dites".17 Ces paroles furent soigneusement écrites sur un rouleau de parchemin et constituèrent un reproche solennel contre le péché, un avertissement au sujet des résultats inévitables dus à une apostasie ininterrompue, et une exhortation à renoncer au mal. PR 331 1 Lorsque le livre fut complet, Jérémie, toujours prisonnier, envoya Baruc lire le rouleau à la multitude assemblée au temple, le jour du jeûne national, "la cinquième année de Jojakim, fils de Josias, roi de Juda, le neuvième mois". "Peut-être, dit le prophète, l'Eternel écoutera-t-il leurs supplications, et reviendront-ils chacun de leur mauvaise voie; car grande est la colère, la fureur dont l'Eternel a menacé ce peuple."18 PR 331 2 Baruc obéit à l'ordre du prophète, et il lut le rouleau au peuple. Il le lut ensuite aux princes. Ceux-ci l'écoutèrent avec le plus grand intérêt, et ils promirent d'en parler au roi. Ils conseillèrent toutefois au scribe de se cacher, car ils craignaient que le monarque ne rejette ce message et ne cherche à faire périr ceux qui l'avaient rédigé et délivré. PR 331 3 Lorsque Jojakim fut mis au courant par les princes de ce que Baruc avait lu, il ordonna immédiatement qu'on apportât le rouleau en question et qu'on lui en fasse la lecture. Jehudi, l'un des serviteurs du roi, alla chercher le rouleau et commença à lire les reproches et les avertissements qu'il contenait. Ceci se passait en hiver. Le roi et ses conseillers, les princes de Juda, tous étaient réunis autour de la flamme d'un brasier. A l'ouïe des premières phrases, le roi, loin de trembler à l'approche du danger qui le menaçait, lui et son peuple, s'empara du rouleau, et avec une rage frénétique "coupa le livre avec le canif du secrétaire, et le jeta dans le feu du brasier, où il fut entièrement consumé."19 Ni lui ni ses serviteurs ne furent effrayés, "et ne déchirèrent leurs vêtements". Cependant, quelques princes "avaient fait des instances auprès du roi pour qu'il ne brûlât pas le livre; mais il ne les écouta pas". Le livre détruit, la colère du roi s'enflamma contre Jérémie et Baruc, et le monarque ordonna qu'on les fît saisir. "Mais l'Eternel les cacha."20 PR 331 4 En attirant l'attention des adorateurs du temple, des princes et du roi sur les avertissements contenus dans le livre inspiré, Dieu, dans sa bonté, cherchait à leur faire du bien. "Quand la maison de Juda, dit-il, entendra tout le mal que je pense lui faire, peut-être reviendront-ils chacun de leur mauvaise voie; alors je pardonnerai leur iniquité et leur péché."21 PR 332 1 Dieu a pitié des hommes qui luttent dans les ténèbres de la perversité. Il cherche à éclairer leur intelligence obscurcie en leur adressant des reproches et des menaces, afin de leur faire sentir leur ignorance et les amener à déplorer leurs erreurs. Il s'efforce d'aider les présomptueux à se méfier de leurs vaines connaissances, et à rechercher la bénédiction spirituelle par une communion intime avec le ciel. Le dessein de Dieu ne consiste pas à envoyer des messagers aux pécheurs pour les flatter et leur être agréables, pas plus qu'à leur délivrer des messages de paix qui les laisseront sommeiller dans une sécurité charnelle; mais, au contraire, à placer un poids qui pèsera sur leur conscience et, comme une flèche acérée, transpercera leur âme et les convaincra de péché. Les anges leur présentent les terribles jugements de Dieu pour leur faire sentir leur pauvreté spirituelle et les amener à se poser la question: "Que faut-il que je fasse pour être sauvé?"22 Mais celui qui humilie jusque dans la poussière, qui couvre de honte l'orgueil et l'ambition, qui condamne le péché, est aussi celui qui relève l'âme repentante. S'il permet le châtiment, c'est avec la plus profonde affection qu'il interroge: "Que veux-tu que je fasse pour toi?" PR 332 2 Quand un homme a péché contre le Dieu miséricordieux et saint, il ne peut suivre une ligne de conduite plus noble que celle qui consiste à se repentir sincèrement de ses erreurs et à les confesser avec larmes. C'est ce que Dieu réclame de lui; il n'accepte rien d'autre qu'un coeur brisé et un esprit contrit. Mais Jojakim et ses princes, dans leur arrogance et leur orgueil, refusèrent l'invitation divine. Ils ne voulurent tenir compte ni de l'avertissement, ni de l'offre à la repentance qui leur étaient adressés. L'occasion qu'ils avaient eue au moment où le livre fut brûlé était leur dernière chance. Dieu avait déclaré que s'ils refusaient à cet instant d'écouter sa voix, il leur infligerait une terrible punition. Or ils avaient refusé de l'entendre et Dieu prononça son jugement final contre Juda. Il manifesterait une colère particulière à l'égard de l'homme qui s'était élevé avec orgueil au-dessus du Tout-Puissant. PR 333 1 "C'est pourquoi, ainsi parle l'Eternel sur Jojakim, roi de Juda: Aucun des siens ne sera assis sur le trône de David, et son cadavre sera exposé à la chaleur pendant le jour et au froid pendant la nuit. Je le châtierai, lui, sa postérité, et ses serviteurs, à cause de leur iniquité, et je ferai venir sur eux, sur les habitants de Jérusalem et sur les hommes de Juda tous les malheurs dont je les ai menacés."23 PR 333 2 La destruction du rouleau ne mit pas un terme aux avertissements divins. Il était plus facile de se débarrasser des paroles écrites que des reproches et des avertissements qu'elles contenaient, ainsi que de la menace du châtiment tout proche dont avait parlé le Seigneur au sujet de la nation rebelle. Mais ce rouleau même fut reproduit. Dieu dit à son serviteur: "Prends de nouveau un autre livre, et tu y écriras toutes les paroles qui étaient dans le premier livre qu'a brûlé Jojakim, roi de Juda." Le document contenant les prophéties relatives à Juda avait été anéanti, mais, "comme un feu dévorant", elles étaient toujours vivantes au coeur de Jérémie. Il fut permis au prophète de reproduire ce que la colère de l'homme avait si délibérément détruit. PR 333 3 Jérémie prit un autre rouleau qu'il donna à Baruc. Celui-ci y "écrivit, sous la dictée de Jérémie, toutes les paroles du livre qu'avait brûlé au feu Jojakim, roi de Juda. Beaucoup d'autres paroles semblables y furent encore ajoutées."24 La colère de l'homme avait essayé de ruiner l'influence du prophète; mais grâce à cette suppression du rouleau par Jojakim les exigences divines allaient être mieux connues. PR 333 4 Cet esprit de révolte à l'égard des reproches, qui suscita la persécution et l'emprisonnement de Jérémie, règne encore de nos jours. Qu'ils sont nombreux les hommes qui refusent de tenir compte des avertissements répétés! Ils préfèrent écouter les faux docteurs dont les paroles flatteuses bercent leur vanité et glissent sur leur mauvaise conduite. Pendant le temps de détresse, ces personnes ne trouveront aucun refuge, aucun secours divin. Les serviteurs de Dieu supporteront avec courage et patience les épreuves et les tribulations qui s'abattront sur eux par suite des reproches, de l'oubli et des faux rapports. Ils continueront à s'acquitter fidèlement de la tâche que Dieu leur a confiée, et ils se souviendront que les prophètes du passé, le Sauveur lui-même et les apôtres ont subi, eux aussi, les injures et les persécutions pour l'amour de la sainte Parole. PR 334 1 Dieu désirait que Jojakim tienne compte des conseils de Jérémie, qu'il parvienne ainsi à gagner la faveur de Nebucadnetsar et à échapper en même temps à de grandes tribulations. Le jeune roi avait traité une alliance avec le monarque babylonien. S'il était resté fidèle à sa parole, il aurait imposé le respect aux païens et contribué ainsi à amener de nombreuses âmes à la conversion. Mais le roi de Juda méprisa les privilèges extraordinaires qui lui étaient accordés, et il suivit volontairement sa propre voie. Il viola la parole d'honneur qu'il avait donnée au roi de Babylone, et il se révolta, ce qui le plaça, lui et son royaume, en fâcheuse posture. "Alors l'Eternel envoya contre Jojakim des troupes de Chaldéens, des troupes de Syriens, des troupes de Moabites et des troupes d'Ammonites",25 et il fut impuissant à préserver son pays des ravages de ces envahisseurs. PR 334 2 Le règne désastreux de ce monarque prit fin peu de temps après. Couvert d'ignominie, rejeté du ciel, détesté par son peuple et méprisé par tous les gouverneurs de Babylone dont il avait trahi la confiance, ainsi finit Jojakim. Telles furent les conséquences de l'erreur fatale qu'il commit en rejetant les desseins de Dieu révélés par son messager. PR 334 3 Jojakin".,26 fils de Jojakim, ne régnait que depuis trois mois et dix jours lorsqu'il se rendit aux armées chaldéennes que la révolte du roi de Juda avait amenées, une fois de plus, aux portes de Jérusalem. Cette fois, Nebucadnetsar "emmena captifs de Jérusalem à Babylone la mère du roi, les femmes du roi et ses eunuques, et les grands du pays", au nombre de plusieurs milliers, avec "les charpentiers et les serruriers au nombre de mille". Avec eux, le roi de Babylone prit "tous les trésors de la maison de l'Eternel et les trésors de la maison du roi."27 PR 334 4 Le royaume de Juda subsista, cependant, en tant que gouvernement indépendant. Nebucadnetsar plaça à sa tête Matthania, l'un des derniers fils de Josias, dont il changea le nom en celui de Sédécias. ------------------------Chapitre 36 -- Le dernier roi de Juda PR 335 1 Au début de son règne, Sédécias jouissait de toute la confiance du roi de Babylone, et avait comme conseiller éprouvé le prophète Jérémie. Si ce monarque s'était comporté honorablement avec les Babyloniens, s'il avait écouté les messages du prophète, il aurait pu imposer le respect chez un grand nombre d'hommes puissants, et eu l'occasion de leur faire connaître le vrai Dieu. Ceux qui étaient déjà captifs à Babylone auraient ainsi joui d'une certaine liberté. Le nom de Dieu aurait été honoré partout, et les Israélites qui restaient en Palestine auraient évité les terribles calamités qui allaient finalement s'abattre sur eux. PR 335 2 Jérémie avait recommandé à Sédécias et à tout Juda, y compris les captifs de Babylone, de se soumettre docilement au régime temporaire de leurs conquérants. Il importait particulièrement pour ceux qui vivaient en captivité de rechercher la paix du pays où ils étaient en exil. Mais cette recommandation était contraire au coeur humain, et Satan, profitant des circonstances, suscita des faux prophètes parmi le peuple, à Jérusalem et à Babylone. Ces faux prophètes annoncèrent que le joug de la servitude serait bientôt brisé et l'ancien prestige de Juda rétabli. PR 336 1 Si ces prophéties agréables avaient été écoutées, elles auraient produit de fâcheuses réactions chez le roi et les captifs et ils auraient été ainsi frustrés des desseins miséricordieux du Seigneur. De crainte qu'une insurrection n'éclate et que de grandes souffrances n'en découlent, Dieu ordonna à Jérémie de faire face immédiatement à la crise en avertissant le roi de Juda des conséquences inévitables qui s'ensuivraient. Des lettres furent envoyées aux captifs pour les mettre en garde contre ceux qui leur assuraient que leur délivrance était proche. "Ne vous laissez pas tromper par vos prophètes qui sont au milieu de vous, et par vos devins, disait Jérémie; n'écoutez pas vos songeurs dont vous provoquez les songes!"1 Et il leur expliquait les desseins de Dieu relatifs à la restauration d'Israël, qui aurait lieu à la fin des soixante-dix ans de la captivité. PR 336 2 Avec quelle tendre sollicitude le Seigneur faisait part aux captifs de ses intentions à l'égard d'Israël! Il savait que si les faux prophètes persuadaient le peuple de sa rapide délivrance, la position de ce dernier à Babylone deviendrait très critique. Toute manifestation, toute insurrection de sa part éveillerait la vigilance et la rigueur des autorités chaldéennes qui restreindraient davantage encore la liberté des captifs, ce qui provoquerait de nouvelles souffrances. Le Seigneur désirait que les Israélites se soumettent docilement à leur triste sort, et rendent leur servitude aussi agréable que possible. "Bâtissez des maisons, et habitez-les, leur conseillait-il; plantez des jardins, et mangez-en les fruits. ... Recherchez le bien de la ville où je vous ai menés en captivité, et priez l'Eternel en sa faveur, parce que votre bonheur dépend du sien."2 PR 336 3 Parmi les faux docteurs de Babylone se trouvaient deux hommes qui se disaient saints, mais dont la vie était loin d'être irréprochable. Jérémie réprouva leur conduite et les mit en garde contre le danger qu'ils couraient. Irrités par ces remontrances, ils cherchèrent à s'opposer à l'oeuvre du prophète en poussant le peuple à discréditer ses paroles et à agir contrairement à ce que Dieu avait conseillé au sujet de leur soumission au roi de Babylone. Le Seigneur fit connaître par Jérémie que ces faux prophètes seraient livrés entre les mains de Nebucadnetsar et qu'ils seraient massacrés sous ses yeux, ce qui arriva peu de temps après. PR 337 1 A la fin des temps, on verra aussi des hommes s'élever pour créer la confusion et la révolte parmi ceux qui se disent représentants du vrai Dieu. Ces prophètes de mensonge enseigneront aux autres à considérer le péché à la légère, et lorsque les résultats funestes de leurs mauvaises actions se feront sentir, ils s'efforceront d'en rendre responsable celui qui les en a fidèlement avertis, tout comme les Juifs accusaient Jérémie du mauvais destin qui leur était réservé. Mais aussi sûrement que les paroles du Seigneur, prononcées par son prophète, se trouvèrent jadis justifiées, aussi sûrement la certitude de ses messages s'affirmera de nos jours. PR 337 2 Jérémie avait toujours adopté une attitude raisonnable en conseillant la soumission aux Babyloniens, non seulement à Juda, mais aussi à plusieurs nations voisines. Dans les premières années du règne de Sédécias, des ambassadeurs des rois d'Edom, de Moab, de Tyr et d'autres royaumes vinrent trouver le roi de Juda pour lui demander s'il jugeait le moment propice de participer ensemble à une révolte contre le roi de Babylone. Mais alors que ces ambassadeurs attendaient la réponse de Sédécias, la parole de Dieu vint à Jérémie: "Fais-toi des liens et des jougs, et mets-les sur ton cou. Envoie-les au roi d'Edom, au roi de Moab, au roi des enfants d'Ammon, au roi de Tyr et au roi de Sidon, par les envoyés qui sont venus à Jérusalem auprès de Sédécias, roi de Juda."3 PR 337 3 Jérémie avait reçu l'ordre de faire connaître aux ambassadeurs que Dieu les avait tous livrés entre les mains de Nebucadnetsar, roi de Babylone, et qu'ils lui seraient soumis, "à lui, à son fils, et au fils de son fils, jusqu'à ce que le temps de son pays arrive".4 PR 337 4 De plus, les ambassadeurs devaient dire à leurs monarques, que, s'ils refusaient de servir le roi de Babylone, ils seraient châtiés, "par l'épée, par la famine et par la peste", jusqu'à ce qu'ils soient exterminés. Ils devaient surtout se détourner de l'enseignement des faux prophètes qui leur donnaient le conseil contraire. "N'écoutez pas vos prophètes, déclarait le Seigneur, vos devins, vos songeurs, vos astrologues, vos magiciens, qui vous disent: Vous ne serez point asservis au roi de Babylone! Car c'est le mensonge qu'ils vous prophétisent, afin que vous soyez éloignés de votre pays, afin que je vous chasse et que vous périssiez. Mais la nation qui pliera son cou sous le joug du roi de Babylone, et qui lui sera soumise, je la laisserai dans son pays, dit l'Eternel, pour qu'elle le cultive et qu'elle y demeure."5 Le plus léger châtiment qu'un Dieu miséricordieux pouvait infliger à un peuple rebelle consistait à se soumettre au roi de Babylone. Mais si ce peuple se révoltait contre cette servitude, il subirait toute la rigueur du châtiment divin. PR 338 1 L'étonnement des nations, réunies en assemblée, fut à son comble lorsque Jérémie, chargé du joug de la servitude, leur fit connaître la volonté divine. Le prophète lutta farouchement contre une opposition organisée et en faveur d'une politique de soumission. Parmi ceux qui osèrent contredire le conseil de Dieu, il faut citer Hanania, l'un des faux prophètes contre lesquels le peuple avait été mis en garde. Croyant s'assurer la faveur du roi et de la cour, il protesta en disant que Dieu lui avait donné des paroles d'encouragement pour les Israélites. "Ainsi parle l'Eternel des armées, déclara-t-il, le Dieu d'Israël: Je brise le joug du roi de Babylone! Encore deux années, et je fais revenir dans ce lieu tous les ustensiles de la maison de l'Eternel, que Nebucadnetsar, roi de Babylone, a enlevés de ce lieu, et qu'il a emportés à Babylone. Et je ferai revenir dans ce lieu, dit l'Eternel, Jeconia, fils de Jojakim, roi de Juda, et tous les captifs de Juda, qui sont allés à Babylone; car je briserai le joug du roi de Babylone."6 PR 338 2 Jérémie supplia alors les prêtres et le peuple de se soumettre au roi de Babylone pendant le temps fixé par Dieu. Il pria les hommes de Juda de se reporter aux paroles d'Osée, d'Habakuk, de Sophonie, ainsi qu'à celles des autres prophètes dont les messages de reproches et d'avertissements étaient conformes aux siens. Il leur rappela les événements qui s'étaient déroulés en accord avec les prophéties relatives au châtiment des péchés non confessés. Les jugements divins, dans le passé, s'étaient abattus sur les pécheurs conformément à ce qui avait été prédit par ses messagers. PR 339 1 "Si un prophète prophétise la paix, concluait Jérémie, c'est par l'accomplissement de ce qu'il prophétise qu'il sera reconnu comme véritablement envoyé par l'Eternel."7 Si Israël préférait se risquer dans une aventure, les événements se chargeraient bientôt de montrer quel était le vrai prophète. Les paroles de Jérémie qui conseillaient la soumission poussèrent Hanania à mettre en doute la véracité de ces déclarations. S'emparant du joug symbolique, placé sur le cou de Jérémie, il le brisa, en disant: "Ainsi parle l'Eternel: C'est ainsi que, dans deux années, je briserai de dessus le cou de toutes les nations le joug de Nebucadnetsar, roi de Babylone. Et Jérémie, le prophète, s'en alla."8 Il ne pouvait, en effet, faire autrement que de se retirer. Mais il reçut de Dieu un nouveau message: "Va, et dis à Hanania: Ainsi parle l'Eternel: Tu as brisé un joug de bois, et tu auras à sa place un joug de fer. Car ainsi parle l'Eternel des armées, le Dieu d'Israël: Je mets un joug de fer sur le cou de toutes ces nations, pour qu'elles soient asservies à Nebucadnetsar, roi de Babylone, et elles lui seront asservies. ... Et Jérémie, le prophète, dit à Hanania, le prophète: Ecoute, Hanania! L'Eternel ne t'a point envoyé, tu inspires à ce peuple une fausse confiance. C'est pourquoi ainsi parle l'Eternel: Voici, je te chasse de la terre; tu mourras cette année; car tes paroles sont une révolte contre l'Eternel. Et Hanania, le prophète, mourut cette année-là, dans le septième mois."9 PR 339 2 Le faux prophète avait renforcé chez le peuple son sentiment d'incrédulité à l'égard de Jérémie et de son message. Il s'était déclaré avec arrogance l'envoyé de Dieu; il fut en conséquence puni de mort. Au cinquième mois de cette année, Jérémie avait prophétisé la mort d'Hanania; le septième mois sa prédiction s'accomplissait. PR 339 3 L'agitation causée par les déclarations des faux prophètes fit soupçonner Sédécias de trahison; ce ne fut que par une habile manoeuvre de sa part qu'il put continuer à régner en vassal. Cette occasion lui fut offerte peu de temps après le retour de Jérusalem des ambassadeurs auprès des nations voisines, alors que le roi de Juda accompagnait Seraja, "premier chambellan".10 Au cours de cette visite à la cour de Chaldée, Sédécias renouvela son serment de fidélité à Nebucadnetsar. PR 340 1 Le monarque babylonien avait été instruit par Daniel et d'autres captifs hébreux du pouvoir et de l'autorité souveraine du vrai Dieu. Aussi, lorsque Sédécias lui promit à nouveau de lui rester fidèle, il lui demanda de le jurer au nom du Dieu d'Israël. Si Sédécias avait respecté ce serment, sa fidélité aurait exercé une profonde influence sur l'esprit des hommes qui observaient la conduite de ceux qui prétendaient honorer le Dieu des Hébreux. PR 340 2 Mais le roi de Juda perdit de vue l'insigne privilège qui lui était accordé de glorifier le nom du vrai Dieu. L'Ecriture nous rapporte que Sédécias "fit ce qui est mal aux yeux de l'Eternel, son Dieu; et il ne s'humilia point devant Jérémie, le prophète, qui lui parlait de la part de l'Eternel. Il se révolta même contre le roi Nebucadnetsar, qui l'avait fait jurer par le nom de Dieu, et il raidit son cou et endurcit son coeur, au point de ne pas retourner à l'Eternel, le Dieu d'Israël."11 PR 340 3 Tandis que Jérémie continuait à rendre son témoignage dans le royaume de Juda, le prophète Ezéchiel surgissait parmi les captifs de Babylone pour avertir et réconforter les malheureux exilés. Il confirmait en même temps la parole de Dieu prononcée par Jérémie. Au cours des dernières années du règne de Sédécias, Ezéchiel insista sur la folie dont faisaient preuve ceux qui ajoutaient foi aux fausses prédictions entretenant dans le coeur des captifs l'espoir d'un retour prochain à Jérusalem. Ezéchiel fut aussi chargé de prédire, par une multitude de symboles et de messages solennels, le siège de Jérusalem et la destruction totale de cette ville. PR 340 4 La sixième année du règne de Sédécias, Dieu révéla dans une vision à Ezéchiel les abominations qui se commettaient à Jérusalem aux portes du temple et jusque dans le parvis. Des salles remplies de statues et d'images d'idoles peintes sur les murs, "toutes sortes de figures de reptiles et de bêtes abominables, et toutes les idoles de la maison d'Israël"12 défilèrent rapidement devant les yeux étonnés du prophète. PR 341 1 Ceux qui auraient dû être les conducteurs spirituels du peuple, "les anciens de la maison d'Israël", au nombre de soixante-dix, offraient de l'encens à ces idoles. "L'Eternel ne nous voit pas", disaient les hommes de Juda, alors qu'ils se livraient à leurs pratiques païennes. "L'Eternel a abandonné le pays",13 affirmaient-ils, le blasphème sur les lèvres. PR 341 2 Mais le prophète devait voir encore de "plus grandes abominations". "A l'entrée de la porte de la maison de l'Eternel", il lui fut montré "des femmes assises, qui pleuraient Thammuz", et "à l'entrée du temple de l'Eternel, entre le portique et l'autel, il y avait environ vingt-cinq hommes, tournant le dos au temple de l'Eternel et le visage vers l'orient; et ils se prosternaient à l'orient devant le soleil".14 PR 341 3 Alors le personnage glorieux qui accompagnait Ezéchiel dans cette vision bouleversante lui demanda: "Vois-tu, fils de l'homme? Est-ce trop peu pour la maison de Juda de commettre les abominations qu'ils commettent ici? Faut-il encore qu'ils remplissent le pays de violence, et qu'ils ne cessent de m'irriter? Voici, ils approchent le rameau de leur nez. Moi aussi, j'agirai avec fureur; mon oeil sera sans pitié, et je n'aurai point de miséricorde; quand ils crieront à voix haute à mes oreilles, je ne les écouterai pas."15 PR 341 4 Dieu avait déclaré par la bouche de Jérémie, au sujet des méchants qui osaient parler au peuple en son nom: "Prophètes et sacrificateurs sont corrompus; même dans ma maison j'ai trouvé leur méchanceté."16 PR 341 5 Dans la terrible accusation contre Juda, qui se lit dans le récit final du chroniqueur du règne de Sédécias, cette violation de la sainteté du temple est répétée: "Tous les chefs des sacrificateurs et le peuple, disait l'écrivain sacré, multiplièrent aussi les transgressions, selon toutes les abominations des nations; et ils profanèrent la maison de l'Eternel, qu'il avait sanctifiée à Jérusalem."17 PR 341 6 Le jour du jugement approchait rapidement pour Juda. Le peuple ne pouvait plus nourrir l'espoir d'échapper à son triste sort. "Et vous, vous resteriez impunis?"18 demandait le Seigneur. Mais ces paroles étaient accueillies avec dérision. Ils disaient: "Les jours se prolongent, et toutes les visions restent sans effet." Cependant, par la bouche d'Ezéchiel ce rejet de la parole infaillible de la prophétie était sévèrement censuré: "Dis-leur: Ainsi parle le Seigneur, l'Eternel: Je ferai cesser ces discours moqueurs; on ne les tiendra plus en Israël. Dis-leur, au contraire: Les jours approchent, et toutes les visions s'accompliront. Car il n'y aura plus de visions vaines, ni d'oracles trompeurs, au milieu de la maison d'Israël. Car moi, l'Eternel, je parlerai; ce que je dirai s'accomplira, et ne sera plus différé; oui, de vos jours, famille de rebelles, je prononcerai une parole et je l'accomplirai, dit le Seigneur, l'Eternel. PR 342 1 "La parole de l'Eternel, affirme encore Ezéchiel, me fut adressée en ces mots: Fils de l'homme, voici, la maison d'Israël dit: Les visions qu'il a ne sont pas près de s'accomplir; il prophétise pour des temps éloignés. C'est pourquoi dis-leur: Ainsi parle le Seigneur, l'Eternel: Il n'y aura plus de délai dans l'accomplissement de mes paroles; la parole que je prononcerai s'accomplira, dit le Seigneur, l'Eternel."19 PR 342 2 Sédécias fut le premier à entraîner le pays à sa ruine. En se détournant des conseils que le Seigneur lui avait donnés par ses prophètes, en oubliant ce qu'il devait à Nebucadnetsar, en violant le serment solennel qu'il avait fait au nom du Seigneur, le roi de Juda s'était révolté contre les prophètes, contre son bienfaiteur et contre Dieu. Grisé par sa propre sagesse, il se tourna vers l'ancien ennemi d'Israël pour lui demander son appui; il envoya "ses messagers en Egypte, pour qu'elle lui donnât des chevaux et un grand nombre d'hommes". "Réussira-t-il? demandait le Seigneur au sujet de celui qui trahissait ainsi ses obligations sacrées; échappera-t-il celui qui fait de telles choses? Il a rompu l'alliance, et il échapperait! Je suis vivant! dit le Seigneur, l'Eternel, c'est dans le pays du roi qui l'a fait régner, envers qui il a violé son serment et dont il a rompu l'alliance, c'est près de lui, au milieu de Babylone, qu'il mourra. Pharaon n'ira pas avec une grande armée et un peuple nombreux le secourir pendant la guerre. ... Il a méprisé le serment, il a rompu l'alliance; il avait donné sa main, et il a fait tout cela; il n'échappera pas!"20 PR 343 1 Le jour du règlement des comptes était venu pour le "profane, méchant prince d'Israël". "La tiare sera ôtée, déclarait Dieu, le diadème sera enlevé." Il ne sera pas permis à Juda d'avoir un autre roi jusqu'à ce que le Christ lui-même vienne établir son royaume. "J'en ferai une ruine, une ruine, une ruine", tel était le décret divin au sujet du trône de la maison de David. "Mais cela n'aura lieu qu'à la venue de celui à qui appartient le jugement et à qui je le remettrai."21 ------------------------Chapitre 37 -- La déportation à Babylone PR 345 1 La neuvième année du règne de Sédécias, "Nebucadnetsar, roi de Babylone, vint avec toute son armée contre Jérusalem" pour en faire le siège.1 La situation de Juda était désespérée. "Voici, j'en veux à toi", déclarait Dieu par la bouche d'Ezéchiel. "Moi, l'Eternel, j'ai tiré mon épée de son fourreau. Elle n'y rentrera plus. ... Tous les coeurs s'alarmeront, toutes les mains deviendront faibles, tous les esprits seront abattus, tous les genoux se fondront en eau. ... Je répandrai sur toi ma colère, je soufflerai contre toi avec le feu de ma fureur, et je te livrerai entre les mains d'hommes qui dévorent, qui ne travaillent qu'à détruire."2 PR 345 2 Les Egyptiens essayèrent de porter secours à la ville assiégée. Mais les Chaldéens, pour les en éloigner, se retirèrent momentanément de la capitale judéenne, remplissant ainsi d'espoir Sédécias qui envoya un messager à Jérémie pour lui demander d'intercéder auprès de Dieu en faveur de la nation. Le prophète répondit par de terribles paroles: les Chaldéens reviendraient, et brûleraient Jérusalem. Le sort avait été jeté: la nation impénitente ne pouvait plus éviter les jugements divins: "Ne vous faites pas illusion, dit le Seigneur à son peuple, en disant: les Chaldéens s'en iront loin de nous! car ils ne s'en iront pas. PR 346 1 "Et même quand vous battriez toute l'armée des Chaldéens qui vous font la guerre, quand il ne resterait d'eux que des hommes blessés, ils se relèveraient chacun dans sa tente, et brûleraient cette ville par le feu."3 Juda devait aller en captivité pour comprendre par l'adversité les leçons qu'il avait refusé d'apprendre dans des circonstances plus favorables. Il n'était accordé aucun sursis au décret du Gardien suprême. PR 346 2 Parmi les justes qui se trouvaient encore à Jérusalem et qui connaissaient les desseins de Dieu, quelques-uns étaient déterminés à placer hors d'atteinte des mains impitoyables de l'ennemi l'arche sainte contenant les tables de pierre sur lesquelles étaient gravés les préceptes du Décalogue. Ils réussirent à mettre leur projet à exécution. Tristes, versant des larmes, ils enlevèrent secrètement l'arche et la cachèrent dans une grotte. Elle devait rester là, dans cet endroit ignoré du peuple d'Israël et de Juda, à cause de leurs péchés; et elle ne leur serait plus jamais restituée. Cette arche sainte est toujours cachée; elle n'a jamais été déplacée depuis lors. PR 346 3 Pendant de nombreuses années, Jérémie s'était dressé devant le peuple comme le témoin fidèle du Seigneur. Or, maintenant que la malheureuse ville allait tomber aux mains des païens, il considérait son oeuvre comme achevée, et il voulait l'abandonner. Mais il en fut empêché par le fils d'un faux prophète, qui fit courir le bruit qu'il se joindrait aux Babyloniens auxquels, d'après ses nombreuses exhortations, les hommes de Juda devaient se soumettre. Jérémie démentit cette accusation mensongère, ce qui n'empêcha pas les chefs d'être irrités contre lui; ils le "frappèrent, et le mirent en prison".4 PR 346 4 L'espoir que nourrissaient les princes et le peuple de Juda au moment où les armées de Nebucadnetsar se dirigeaient vers le sud pour rencontrer les Egyptiens s'évanouit rapidement. Dieu avait dit: "Voici, j'en veux à toi, Pharaon, roi d'Egypte." La puissance égyptienne n'était qu'un roseau brisé. "Tous les habitants de l'Egypte sauront que je suis l'Eternel, déclarait la Parole inspirée, parce qu'ils ont été un soutien de roseau pour la maison d'Israël. ... Je fortifierai les bras du roi de Babylone, et les bras de Pharaon tomberont. Et ils sauront que je suis l'Eternel, quand je mettrai mon épée dans la main du roi de Babylone, et qu'il la tournera contre le pays d'Egypte."5 PR 347 1 Tandis que les princes de Juda attendaient vainement l'aide de l'Egypte, le roi Sédécias, rempli de sombres présages, pensait au prophète de Dieu, jeté en prison. Au bout d'un certain temps, il l'envoya chercher, et l'interrogea secrètement: "Y a-t-il une parole de la part de l'Eternel?" lui demanda-t-il. "Jérémie répondit: Oui. Et il ajouta: Tu seras livré entre les mains du roi de Babylone. Jérémie dit encore au roi Sédécias: En quoi ai-je péché contre toi, contre tes serviteurs, et contre ce peuple, pour que vous m'ayez mis en prison? Et où sont vos prophètes qui vous prophétisaient, en disant: Le roi de Babylone ne viendra pas contre vous, ni contre ce pays? Maintenant, écoute, je te prie, ô roi, mon seigneur, et que mes supplications soient favorablement reçues devant toi! Ne me renvoie pas dans la maison de Jonathan, le secrétaire, de peur que je n'y meure."6 Alors "le roi Sédécias ordonna qu'on gardât Jérémie dans la cour de la prison, et qu'on lui donnât chaque jour un pain de la rue des boulangers, jusqu'à ce que tout le pain de la ville fût consommé. Ainsi Jérémie demeura dans la cour de la prison!"7 PR 347 2 Le roi n'osait pas manifester ouvertement sa confiance en Jérémie. Sa crainte le poussait à interroger secrètement le prophète, mais il était trop faible pour braver la critique de ses serviteurs et du peuple, et se soumettre à la volonté divine, révélée par le prophète. PR 347 3 De la cour de la prison, Jérémie continuait à conseiller la soumission au roi de Babylone. Résister aurait été courir à une mort certaine. Voici le message que Dieu fit parvenir à Juda: "Celui qui restera dans cette ville mourra par l'épée, par la famine ou par la peste; mais celui qui sortira pour se rendre aux Chaldéens aura la vie sauve, sa vie sera son butin, et il vivra." Ces paroles étaient claires et décisives. Le prophète déclarait avec assurance, au nom de Dieu: "Cette ville sera livrée à l'armée de Babylone, qui la prendra."8 PR 348 1 Irrités, finalement, par les conseils réitérés de Jérémie, contraires à leur politique résolue de résistance, les chefs adressèrent une protestation au roi. Ils insistèrent sur le fait que le prophète était un ennemi du pays, que ses paroles avaient affaibli les mains du peuple et attiré sur eux le malheur. En conséquence, il fallait le mettre à mort. PR 348 2 Le roi pusillanime savait que ces accusations étaient fausses. Mais pour apaiser ceux qui occupaient des situations en vue dans le royaume, il feignit de croire à leurs mensonges, et il livra Jérémie entre leurs mains pour qu'ils en disposent selon leur volonté. Le prophète fut donc jeté "dans la citerne de Malkija, fils du roi, laquelle se trouvait dans la cour de la prison; ils descendirent Jérémie avec des cordes. Il n'y avait point d'eau dans la citerne, mais il y avait de la boue; et Jérémie enfonça dans la boue."9 Alors Dieu lui suscita des amis, qui supplièrent le roi d'agir en sa faveur, et ils le ramenèrent dans la cour de la prison. PR 348 3 Le roi fit à nouveau chercher le prophète en secret, et lui ordonna de lui dire sincèrement quel était le dessein de Dieu envers Jérusalem. Jérémie répondit en posant cette question: "Si je te le dis, ne me feras-tu pas mourir? Et si je te donne un conseil, tu ne m'écouteras pas. Le roi jura secrètement à Jérémie, en disant: ... Je ne te ferai pas mourir, et je ne te livrerai pas entre les mains de ces hommes qui en veulent à ta vie."10 PR 348 4 Le roi avait donc encore une occasion de tenir compte des avertissements du ciel et d'atténuer ainsi les châtiments qui allaient s'abattre sur Jérusalem et sur la nation. "Si tu vas te rendre aux chefs du roi de Babylone, dit le prophète, tu auras la vie sauve, et cette ville ne sera pas brûlée par le feu; tu vivras, toi et ta maison. Mais si tu ne te rends pas aux chefs du roi de Babylone, cette ville sera livrée entre les mains des Chaldéens, qui la brûleront par le feu; et toi, tu n'échapperas pas à leurs mains. ... Je crains les Juifs qui ont passé aux Chaldéens, dit Sédécias à Jérémie; je crains qu'on ne me livre entre leurs mains, et qu'ils ne m'outragent. Jérémie répondit: On ne te livrera pas." Et il ajouta en suppliant le roi: "Ecoute la voix de l'Eternel dans ce que je te dis; tu t'en trouveras bien, et tu auras la vie sauve."11 PR 349 1 C'est ainsi que, jusqu'au dernier moment, Dieu faisait nettement connaître son désir de manifester sa miséricorde envers ceux qui se soumettraient à sa volonté. Si le roi avait obéi au Seigneur, la vie de ses sujets aurait été épargnée, et la ville aurait évité la catastrophe. Mais il pensa qu'il était allé trop loin pour revenir en arrière; il eut peur des Juifs, peur du ridicule, peur pour sa vie. Après avoir vécu des années en révolte contre Dieu, il trouvait que c'était trop humiliant pour lui de dire au peuple: "J'accepte la parole du Seigneur, telle que l'a prononcée Jérémie. Je n'ose m'aventurer dans une guerre contre l'ennemi devant tous ses avertissements." PR 349 2 Le prophète supplia Sédécias avec larmes de se sauver lui-même et de sauver son peuple. Plein d'angoisse, il lui assura que, s'il ne tenait pas compte des conseils divins, il perdrait la vie et tous ses biens tomberaient entre les mains des Babyloniens. Mais le roi, engagé sur une mauvaise voie, ne voulut pas revenir en arrière; il décida de suivre le conseil des faux prophètes et celui des hommes pour lesquels il n'avait en réalité que du mépris, qui ridiculisaient sa faiblesse et le faisaient céder si facilement à leurs désirs. Il sacrifia sa liberté pour devenir l'esclave de l'opinion publique. Indécis en présence du mal, Sédécias n'avait pas le courage de lutter pour le bien. Convaincu de la valeur des paroles de Jérémie, il manquait d'énergie pour s'y conformer; et, en conséquence, il s'engagea résolument dans une fausse direction. PR 349 3 Le roi avait une si grande crainte des hommes qu'il n'osait même pas dire à ses courtisans et à son peuple qu'il avait eu un entretien avec Jérémie. S'il avait déclaré nettement qu'il croyait aux paroles du prophète, déjà à moitié accomplies, que de catastrophes auraient pu être évitées! S'il avait dit: "J'obéirai au Seigneur, et j'épargnerai ainsi à Jérusalem une ruine totale; je ne veux pas mépriser les ordres de Dieu par crainte des hommes ou pour me ménager leur faveur; j'aime la vérité, j'ai horreur du péché, je suivrai les conseils du Tout-Puissant", alors on aurait respecté le courage du roi, et ceux qui hésitaient entre la foi et l'incrédulité se seraient rangés du côté du bien. Cette attitude courageuse et impartiale aurait suscité chez ses sujets l'admiration et la loyauté. Le roi aurait eu ainsi un puissant appui, et Juda n'aurait pas connu les fléaux dévastateurs du carnage, de la famine et de l'incendie. PR 350 1 La faiblesse de Sédécias était un péché dont il porta durement la peine. L'ennemi s'abattit comme une avalanche irrésistible et dévasta la ville. Les armées juives furent mises en déroute; le pays, conquis. Le roi fut fait prisonnier et ses fils égorgés sous ses yeux. Il fut emmené en captivité, on lui creva les yeux et, arrivé à Babylone, il périt misérablement. Le temple admirable, qui couronnait le sommet de la montagne de Sion depuis plus de quatre siècles, ne fut pas épargné par les Chaldéens. "Ils brûlèrent la maison de Dieu; ils démolirent les murailles de Jérusalem; ils livrèrent au feu tous ses palais et détruisirent tous les objets précieux."12 PR 350 2 Lorsque Nebucadnetsar détruisit Jérusalem, un grand nombre d'Israélites, qui avaient échappé aux horreurs d'un long siège, furent tués par l'épée. Parmi ceux qui survécurent, en particulier le chef des prêtres et les princes du royaume, quelques-uns furent emmenés à Babylone où on les exécuta comme traîtres. D'autres furent déportés et assujettis à Nebucadnetsar et à ses fils "jusqu'à la domination du royaume de Perse, afin que s'accomplît la parole de l'Eternel prononcée par la bouche de Jérémie".13 PR 350 3 L'Ecriture nous dit, en parlant de Jérémie: "Nebucadnetsar, roi de Babylone, avait donné cet ordre au sujet de Jérémie par Nebuzaradan, chef des gardes: Prends-le, et veille sur lui; ne lui fais aucun mal, mais agis à son égard comme il te dira."14 Relâché de prison par les officiers babyloniens, le prophète voulut rester avec les faibles restes de Juda, "certains pauvres du pays", laissés par les Chaldéens pour cultiver le sol. Les Babyloniens nommèrent Guedalia gouverneur de ces restes. Mais il fut traîtreusement massacré quelques mois plus tard. Ces miséreux, après avoir subi de douloureuses épreuves, furent finalement persuadés par leurs chefs de se réfugier en Egypte. Jérémie protesta contre ce départ. "N'allez pas en Egypte", leur dit-il. Mais on ne tint aucun compte de ce conseil inspiré, et "tous les restes de Juda ... les hommes, les femmes et les enfants" s'enfuirent en Egypte. "Ils n'obéirent pas à la voix de l'Eternel, et ils arrivèrent à Tachpanès."15 PR 351 1 Les prophéties de Jérémie, relatives au jugement et adressées aux restes qui s'étaient révoltés contre Nebucadnetsar, en s'enfuyant en Egypte, contenaient aussi des promesses de pardon pour tous ceux qui se repentiraient de leur folie et seraient disposés à revenir dans leur pays. Dieu n'épargnerait pas ceux qui se détournaient de son conseil et subiraient l'influence corruptrice de l'idolâtrie égyptienne, mais il se montrerait miséricordieux envers ceux qui feraient preuve de fidélité à son égard. "Ceux, en petit nombre, qui échapperont à l'épée retourneront du pays d'Egypte au pays de Juda, disait-il. Mais tout le reste de Juda, tous ceux qui sont venus au pays d'Egypte pour y demeurer sauront si ce sera ma parole ou la leur qui s'accomplira."16 PR 351 2 La tristesse du prophète provenant de la grande perversité de ceux qui auraient dû être la lumière spirituelle du monde, sa douleur concernant le sort de Sion et du peuple déporté à Babylone, tout cela se révèle dans les lamentations qu'il a laissées comme un mémorial de la folie qui consiste à se détourner des conseils de Dieu pour suivre la sagesse des hommes. Au milieu des ruines accumulées, Jérémie pouvait encore déclarer: "Les bontés de l'Eternel ne sont pas épuisées." Sa prière constante était: "Recherchons nos voies et les sondons, et retournons à l'Eternel."17 Alors que Juda était encore un royaume parmi les nations, le prophète avait demandé à Dieu: "As-tu donc rejeté Juda, et ton âme a-t-elle pris Sion en horreur?" Il avait poussé l'audace jusqu'à dire: "A cause de ton nom, ne méprise pas."18 La foi absolue du prophète dans les desseins éternels de Dieu -- desseins qui devaient apporter l'ordre dans la confusion et rendre témoignage devant les nations et tout l'univers des attributs divins de justice et d'amour -- l'amenait maintenant à prier avec confiance en faveur de ceux qui auraient pu se détourner du mal. Mais Sion était totalement détruite; le peuple de Dieu était en captivité. Accablé par le désespoir, le prophète s'écriait: "Eh quoi! elle est assise solitaire, cette ville si peuplée! Elle est semblable à une veuve! Grande entre les nations, souveraine parmi les Etats, elle est réduite à la servitude! Elle pleure durant la nuit, et ses joues sont couvertes de larmes; de tous ceux qui l'aimaient nul ne la console; tous ses amis lui sont devenus infidèles; ils sont devenus ses ennemis. PR 352 1 "Juda est en exil, victime de l'oppression et d'une grande servitude; il habite au milieu des nations, et n'y trouve point de repos; tous ses persécuteurs l'ont surpris dans l'angoisse. Les chemins de Sion sont dans le deuil, car on ne va plus aux fêtes; toutes ses portes sont désertes, ses sacrificateurs gémissent, ses vierges sont affligées, et elle est remplie d'amertume. Ses oppresseurs triomphent, ses ennemis sont en paix; car l'Eternel l'a humiliée, à cause de la multitude de ses péchés; ses enfants ont marché captifs devant l'oppresseur. ... PR 352 2 "Eh quoi! le Seigneur, dans sa colère, a couvert de nuages la fille de Sion! Il a précipité du ciel sur la terre la magnificence d'Israël! Il ne s'est pas souvenu de son marchepied, au jour de sa colère! Le Seigneur a détruit sans pitié toutes les demeures de Jacob; il a, dans sa fureur, renversé les forteresses de la fille de Juda, il les a fait rouler à terre; il a profané le royaume et ses chefs. Il a, dans son ardente colère, abattu toute la force d'Israël; il a retiré sa droite en présence de l'ennemi; il a allumé dans Jacob des flammes de feu, qui dévorent de tous côtés. Il a tendu son arc comme un ennemi; sa droite s'est dressée comme celle d'un assaillant; il a fait périr tout ce qui plaisait aux regards; il a répandu sa fureur comme un feu sur la tente de la fille de Sion. ... PR 352 3 "Que dois-je te dire? A quoi te comparer, fille de Jérusalem? Qui trouver de semblable à toi, et quelle consolation te donner, vierge, fille de Sion? Car ta plaie est grande comme la mer: qui pourra te guérir? ... PR 352 4 "Souviens-toi, Eternel, de ce qui nous est arrivé! Regarde, vois notre opprobre! Notre héritage a passé à des étrangers, nos maisons à des inconnus. Nous sommes orphelins, sans père; nos mères sont comme des veuves. ... Nos pères ont péché, ils ne sont plus, et c'est nous qui portons la peine de leurs iniquités. Des esclaves dominent sur nous, et personne ne nous délivre de leurs mains. ... Notre coeur est souffrant, nos yeux sont obscurcis. ... PR 353 1 "Toi, Eternel, tu règnes à jamais; ton trône subsiste de génération en génération. Pourquoi nous oublierais-tu pour toujours, nous abandonnerais-tu pour de longues années? Fais-nous revenir vers toi, ô Eternel, et nous reviendrons! Donne-nous encore des jours comme ceux d'autrefois!"19 ------------------------Chapitre 38 -- Lumière dans les ténèbres PR 355 1 Les sombres années qui caractérisèrent la fin du royaume de Juda auraient apporté le désespoir au coeur le plus affermi, si les paroles prophétiques des messagers de Dieu n'avaient été pleines d'encouragement. Par Jérémie à Jérusalem, Daniel à la cour de Babylone, Ezéchiel sur les rives du Kebar, le Seigneur, dans sa miséricorde, avait fait connaître clairement son dessein éternel, et il avait donné l'assurance qu'il accomplirait à l'égard de son peuple les promesses mentionnées dans les écrits de Moïse. Ce qu'il avait promis à ceux qui lui seraient fidèles, il le ferait sûrement. La parole de Dieu est "vivante et permanente".1 PR 355 2 Lorsque son peuple errait dans le désert, Dieu avait tout fait pour qu'il se souvînt des paroles de sa loi. Après l'établissement des Israélites en Canaan, les préceptes divins devaient être répétés chaque jour et dans chaque foyer. Il fallait les écrire "sur les poteaux de sa maison et sur les portes", ainsi que sur des tablettes, les mettre en musique et les faire chanter par les jeunes et par les vieux. Il était recommandé aux prêtres de les enseigner aux assemblées, et les chefs du pays devaient les étudier chaque jour. "Méditez-le jour et nuit, avait ordonné le Seigneur à Josué, en parlant du livre de la loi, pour agir fidèlement selon tout ce qui y est écrit; car c'est alors que tu auras du succès dans tes entreprises, c'est alors que tu réussiras."2 PR 356 1 Josué fit connaître les écrits de Moïse à tout le peuple d'Israël. "Il n'y eut rien de tout ce que Moïse avait prescrit, que Josué ne lût en présence de toute l'assemblée d'Israël, des femmes et des enfants, et des étrangers qui marchaient au milieu d'eux."3 Ceci était en harmonie avec l'ordre formel que Dieu avait donné au sujet de la lecture du livre de la loi, qui devait se faire tous les sept ans, à la fête des tabernacles. "Tu rassembleras le peuple, les hommes, les femmes, les enfants, et l'étranger qui sera dans tes portes, était-il ordonné aux conducteurs spirituels d'Israël, afin qu'ils t'entendent, et afin qu'ils apprennent à craindre l'Eternel, votre Dieu, à observer et à mettre en pratique toutes les paroles de cette loi. Et leurs enfants qui ne la connaîtront pas l'entendront, et ils apprendront à craindre l'Eternel, votre Dieu, tout le temps que vous vivrez dans le pays dont vous prendrez possession, après avoir passé le Jourdain."4 PR 356 2 Combien différente eût été l'histoire d'Israël si cet ordre avait été observé au cours des années qui suivirent! Ce n'est qu'en révérant la Parole de Dieu que les Israélites pouvaient s'attendre à voir s'accomplir le plan divin. C'est la vénération de la loi qui donna de la force à Israël sous le règne de David et pendant les premières années de celui de Salomon. C'est par la foi en la Parole de Dieu qu'une réforme fut opérée à l'époque d'Elie et de Josias. Et c'est à cette même Parole de vérité, précieux héritage d'Israël, que s'en référait Jérémie dans son désir d'arriver à une réforme. Partout où il exerçait son ministère, il suppliait le peuple en ces termes: "Ecoutez les paroles de cette alliance",5 -- paroles qui devaient leur apporter une totale compréhension du plan divin destiné à faire connaître à toutes les nations la vérité salvatrice. PR 356 3 Au cours des dernières années de l'apostasie de Juda, les exhortations des prophètes semblaient avoir bien peu d'efficacité, et alors que les armées des Chaldéens faisaient pour la troisième et dernière fois le siège de Jérusalem, tout espoir s'était évanoui. Jérémie prédisait la ruine totale de la ville sainte, et c'est parce qu'il insistait sur la capitulation qu'il avait été jeté en prison. Mais Dieu n'abandonna pas à un découragement sans espoir le fidèle reste qui se trouvait encore dans la ville. Alors même que Jérémie était gardé sous une étroite surveillance par ceux qui se moquaient de ses messages, de nouvelles révélations lui parvinrent concernant le désir de Dieu de pardonner et de sauver. Ces révélations ont été pour les croyants de tous les âges une source de consolation. S'appuyant fortement sur les promesses de Dieu, Jérémie illustra par une parabole, devant les habitants de la ville éprouvée, sa foi inébranlable dans l'accomplissement final des desseins du Seigneur en faveur de son peuple. En présence de témoins, et en observant avec soin toutes les formes légales nécessaires, il acheta pour dix-sept sicles d'argent un champ appartenant à ses ancêtres, situé dans le voisinage du village d'Anathoth. PR 357 1 A vues humaines, l'acquisition de ce terrain en pays déjà sous contrôle babylonien semblait être une folie. Le prophète avait lui-même prédit la destruction de Jérusalem, la désolation de Juda et la ruine totale du royaume. Il avait prophétisé une longue période d'exil à Babylone. Déjà avancé en âge, il ne pouvait espérer recevoir un bénéfice personnel de cette acquisition. Cependant, l'étude des prophéties de l'Ecriture avait fait naître dans son coeur la ferme conviction que Dieu allait rendre aux captifs leurs anciennes possessions de la terre promise. Avec l'oeil de la foi, le prophète vit les exilés revenir à la fin des années de leurs tribulations occuper à nouveau le pays de leurs pères. En achetant le champ d'Anathoth, il faisait tout ce qu'il pouvait pour susciter chez autrui l'espoir qui réconfortait son coeur. PR 357 2 Lorsqu'il eut signé l'acte d'acquisition et fait signer les témoins, Jérémie donna cet ordre à Baruc, son secrétaire: "Prends ces écrits, ce contrat d'acquisition, celui qui est cacheté et celui qui est ouvert, et mets-les dans un vase de terre, afin qu'ils se conservent longtemps. Car ainsi parle l'Eternel des armées, le Dieu d'Israël: On achètera encore des maisons, des champs et des vignes, dans ce pays."6 PR 358 1 La situation pour Juda était si désespérée à l'époque de cette transaction extraordinaire que lorsque le prophète eut mis au point les détails de l'achat et fait les arrangements pour la conservation des documents, sa foi, jusqu'ici inébranlable, fut sérieusement éprouvée. Avait-il, dans son désir d'encourager Juda, commis un acte présomptueux? Avait-il donné lieu à de faux espoirs, en voulant inspirer la confiance dans les promesses divines? Ceux qui avaient contracté alliance avec Dieu avaient, depuis bien longtemps, tourné en ridicule les assurances données. Les promesses destinées au peuple élu se réaliseraient-elles jamais totalement? PR 358 2 En proie au plus profond désarroi, accablé de tristesse en songeant aux souffrances de ceux qui avaient refusé de se repentir de leurs péchés, le prophète invoqua Dieu, afin d'être éclairé sur ses intentions envers l'humanité. "Ah! Seigneur Eternel, s'écria-t-il, voici, tu as fait les cieux et la terre par ta grande puissance et par ton bras étendu: rien n'est étonnant de ta part. Tu fais miséricorde jusqu'à la millième génération, et tu punis l'iniquité des pères dans le sein de leurs enfants après eux. Tu es le Dieu grand, le puissant, dont le nom est l'Eternel des armées. Tu es grand en conseil et puissant en action; tu as les yeux ouverts sur toutes les voies des enfants des hommes, pour rendre à chacun selon ses voies, selon le fruit de ses oeuvres. Tu as fait des miracles et des prodiges dans le pays d'Egypte jusqu'à ce jour, et en Israël et parmi les hommes, et tu t'es fait un nom comme il l'est aujourd'hui. Tu as fait sortir du pays d'Egypte ton peuple d'Israël, avec des miracles et des prodiges, à main forte et à bras étendu, et avec une grande terreur. Tu leur as donné ce pays, que tu avais juré à leurs pères de leur donner, pays où coulent le lait et le miel. Ils sont venus, et ils en ont pris possession. Mais ils n'ont point obéi à ta voix, ils n'ont point observé ta loi, ils n'ont pas fait tout ce que tu leur avais ordonné de faire. Et c'est alors que tu as fait fondre sur eux tous ces malheurs!"7 PR 359 1 Les armées de Nebucadnetsar étaient sur le point de faire l'assaut des murailles de Sion. Des milliers d'Israélites périssaient dans un effort désespéré pour défendre la ville. Des milliers d'autres mouraient de faim ou de maladie. Le sort de Jérusalem était déjà décidé. Les tours d'assaut de l'ennemi s'élevaient au-dessus des murailles. "Voici, ajoutait le prophète dans sa prière, les terrasses s'élèvent contre la ville et la menacent; la ville sera livrée entre les mains des Chaldéens qui l'attaquent, vaincue par l'épée, par la famine et par la peste. Ce que tu as dit est arrivé, et tu le vois. Néanmoins, Seigneur Eternel, tu m'as dit: Achète un champ pour de l'argent, prends des témoins. ... Et la ville est livrée entre les mains des Chaldéens!"8 PR 359 2 Dieu exauça la prière du prophète. A cette heure troublée, alors que la foi du messager du Seigneur était soumise à une rude épreuve, "la parole de l'Eternel lui fut adressée en ces mots: Voici, je suis l'Eternel, le Dieu de toute chair. Y a-t-il rien qui soit étonnant de ma part?"9 La ville allait bientôt capituler; ses portes et ses palais être incendiés. Mais bien que cette destruction ait été imminente, et les Israélites sur le point d'être déportés, le dessein de Dieu en leur faveur restait à accomplir. Pour encourager ceux qui allaient subir le châtiment, le Seigneur répondit à la prière de son serviteur: "Voici, je les rassemblerai de tous les pays où je les ai chassés, dans ma colère, dans ma fureur, et dans ma grande irritation; je les ramènerai dans ce lieu, et je les y ferai habiter en sûreté. Ils seront mon peuple, et je serai leur Dieu. Je leur donnerai un même coeur et une même voie, afin qu'ils me craignent toujours, pour leur bonheur et celui de leurs enfants après eux. Je traiterai avec eux une alliance éternelle, je ne me détournerai plus d'eux, je leur ferai du bien, et je mettrai ma crainte dans leur coeur, afin qu'ils ne s'éloignent pas de moi. Je prendrai plaisir à leur faire du bien, et je les planterai véritablement dans ce pays, de tout mon coeur et de toute mon âme. Car ainsi parle l'Eternel: De même que j'ai fait venir sur ce peuple tous ces grands malheurs, de même je ferai venir sur eux tout le bien que je leur promets. On achètera des champs dans ce pays dont vous dites: C'est un désert, sans hommes ni bêtes, il est livré entre les mains des Chaldéens. On achètera des champs pour de l'argent, on écrira des contrats, on les cachètera, on prendra des témoins, dans le pays de Benjamin et aux environs de Jérusalem, dans les villes de Juda, dans les villes de la montagne, dans les villes de la plaine et dans les villes du midi; car je ramènerai leurs captifs, dit l'Eternel."10 PR 360 1 Pour confirmer ces promesses rassurantes, "la parole de l'Eternel fut adressée à Jérémie une seconde fois, en ces mots, pendant qu'il était encore enfermé dans la cour de la prison: Ainsi parle l'Eternel, qui fait ces choses, l'Eternel, qui les conçoit et les exécute, lui, dont le nom est l'Eternel: Invoque-moi, et je te répondrai; je t'annoncerai de grandes choses, des choses cachées que tu ne connais pas. Car ainsi parle l'Eternel, le Dieu d'Israël, sur les maisons de cette ville et sur les maisons des rois de Juda, qui seront abattues par les terrasses et par l'épée, quand on avancera pour combattre les Chaldéens. ... Voici, je lui donnerai la guérison et la santé, je les guérirai, et je leur ouvrirai une source abondante de paix et de fidélité. Je ramènerai les captifs de Juda et les captifs d'Israël, et je les rétablirai comme autrefois. Je les purifierai de toutes les iniquités qu'ils ont commises contre moi, je leur pardonnerai toutes les iniquités par lesquelles ils m'ont offensé. ... Cette ville sera pour moi un sujet de joie, de louange et de gloire, parmi toutes les nations de la terre, qui apprendront tout le bien que je leur ferai; elles seront étonnées et émues de tout le bonheur et de toute la prospérité que je leur accorderai. PR 360 2 "Ainsi parle l'Eternel: On entendra encore dans ce lieu dont vous dites: Il est désert, il n'y a plus d'hommes, plus de bêtes; on entendra dans les villes de Juda et dans les rues de Jérusalem ... les cris de réjouissance et les cris d'allégresse, les chants du fiancé et les chants de la fiancée, la voix de ceux qui disent: Louez l'Eternel des armées, car l'Eternel est bon, car sa miséricorde dure à toujours! La voix de ceux qui offrent des sacrifices d'actions de grâces dans la maison de l'Eternel. Car je ramènerai les captifs du pays, je les rétablirai comme autrefois, dit l'Eternel. PR 361 1 "Ainsi parle l'Eternel des armées: Il y aura encore dans ce lieu qui est désert, sans hommes ni bêtes, et dans toutes ses villes, il y aura des demeures pour les bergers faisant reposer leurs troupeaux. Dans les villes de la montagne, dans les villes de la plaine, dans les villes du midi, dans le pays de Benjamin et aux environs de Jérusalem, et dans les villes de Juda, les brebis passeront encore sous la main de celui qui les compte, dit l'Eternel. PR 361 2 "Voici, les jours viennent, dit l'Eternel, où j'accomplirai la bonne parole que j'ai dite sur la maison d'Israël et sur la maison de Juda."11 PR 361 3 Ainsi le peuple de Dieu était-il réconforté aux heures les plus sombres de son combat avec les forces du mal. Il semblait que Satan avait réussi à triompher dans sa tentative d'anéantir Israël. Mais Dieu dirigeait les événements et, au cours des années qui suivirent, son peuple devait trouver l'occasion de racheter le passé. Voici le message qui lui était adressé: PR 361 4 "Et toi, mon serviteur Jacob, ne crains pas, dit l'Eternel; ne t'effraie pas, Israël! Car je te délivrerai de la terre lointaine, je délivrerai ta postérité du pays où elle est captive; Jacob reviendra, il jouira du repos et de la tranquillité, et il n'y aura personne pour le troubler. Car je suis avec toi, dit l'Eternel, pour te délivrer. ... Je te guérirai, je panserai tes plaies."12 PR 361 5 Aux jours heureux de la restauration, les dix tribus séparées devaient être réunies avec Juda pour former un seul peuple. Dieu serait reconnu comme le roi de "toutes les familles d'Israël". "Ils seront mon peuple, déclarait-il. ... Poussez des cris de joie sur Jacob, éclatez d'allégresse à la tête des nations! Elevez vos voix, chantez des louanges et dites: Eternel, délivre ton peuple, le reste d'Israël! Voici, je les ramène du pays du septentrion, je les rassemble des extrémités de la terre; parmi eux sont l'aveugle et le boiteux. ... Ils viennent en pleurant, et je les conduis au milieu de leurs supplications; je les mène vers des torrents d'eau, par un chemin où ils ne chancellent pas; car je suis un père pour Israël, et Ephraïm est mon premier-né."13 PR 362 1 Humiliés aux yeux des païens, ceux qui autrefois avaient été, parmi tous les peuples de la terre, favorisés du ciel, devaient apprendre en exil l'obéissance si nécessaire à leur bonheur futur. Aussi longtemps qu'ils ne l'auraient pas compris, Dieu ne pouvait accomplir pour eux ce qu'il désirait. "Je te châtierai avec équité, déclarait-il, je ne puis pas te laisser impuni."14 Mais ce châtiment avait pour but le bien spirituel des Israélites. Ceux qui étaient l'objet de son tendre amour ne seraient pas rejetés à toujours. Devant toutes les nations du monde, il démontrerait, selon ses desseins, que la victoire est cachée dans la défaite apparente et qu'il désire sauver plutôt que perdre. PR 362 2 Voici le message qui fut donné au prophète: PR 362 3 "Celui qui a dispersé Israël le rassemblera, et il le gardera comme le berger garde son troupeau. Car l'Eternel rachète Jacob, il le délivre de la main d'un plus fort que lui. Ils viendront, et pousseront des cris de joie sur les hauteurs de Sion; ils accourront vers les biens de l'Eternel, le blé, le moût, l'huile, les brebis et les boeufs; leur âme sera comme un jardin arrosé, et ils ne seront plus dans la souffrance. ... Je changerai leur deuil en allégresse, et je les consolerai; je leur donnerai de la joie après leurs chagrins. Je rassasierai de graisse l'âme des sacrificateurs, et mon peuple se rassasiera de mes biens, dit l'Eternel." PR 362 4 "Ainsi parle l'Eternel des armées, le Dieu d'Israël: Voici encore ce que l'on dira dans le pays de Juda et dans ses villes, quand j'aurai ramené leurs captifs: Que l'Eternel te bénisse, demeure de la justice, montagne sainte! Là s'établiront Juda et toutes ses villes, les laboureurs et ceux qui conduisent les troupeaux. Car je rafraîchirai l'âme altérée, et je rassasierai toute âme languissante." PR 362 5 "Voici, les jours viennent, dit l'Eternel, où je ferai avec la maison d'Israël et la nation de Juda une alliance nouvelle, non comme l'alliance que je traitai avec leurs pères, le jour où je les saisis par la main pour les faire sortir du pays d'Egypte, alliance qu'ils ont violée, quoique je fusse leur maître, dit l'Eternel. Mais voici l'alliance que je ferai avec la maison d'Israël, après ces jours-là, dit l'Eternel: Je mettrai ma loi au-dedans d'eux, je l'écrirai dans leur coeur; et je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple. Celui-ci n'enseignera plus son prochain, ni celui-là son frère, en disant: Connaissez l'Eternel! Car tous me connaîtront, depuis le plus petit jusqu'au plus grand, dit l'Eternel; car je pardonnerai leur iniquité, et je ne me souviendrai plus de leur péché."15 ------------------------Chapitre 39 -- À la cour de Babylone PR 365 0 Ce chapitre est basé sur Daniel 1. PR 365 1 Parmi les enfants d'Israël captifs à Babylone, au début de l'exil qui devait durer soixante-dix ans, se trouvaient des hommes solidement ancrés dans leurs principes, ne s'abandonnant pas à leur égoïsme, mais honorant leur Dieu au risque de tout perdre. Leur seul but était de faire triompher les desseins de l'Eternel, en communiquant aux païens les bénédictions célestes. Représentants du Seigneur, ils ne devaient jamais se compromettre avec eux, mais conserver leur foi intacte et faire honneur à leur nom. Ils glorifiaient Dieu dans l'adversité comme ils l'avaient fait dans la prospérité. PR 365 2 Cependant leurs vainqueurs étaient bien persuadés que la religion babylonienne était supérieure à celle des Hébreux. La preuve, c'est que ces hommes, adorateurs de Jéhovah, avaient été emmenés à Babylone et que les ustensiles sacrés de leur culte se trouvaient maintenant dans le temple des dieux de ce pays. PR 366 1 Toutefois, c'est par les humiliations mêmes imposées à Israël, à cause de son infidélité, que Dieu voulait donner à Babylone la preuve de sa suprématie et des heureux résultats de l'obéissance. Mais il ne pouvait le faire que par ceux qui lui étaient restés fidèles. PR 366 2 Parmi ceux-ci, il faut compter Daniel et ses trois compagnons -- exemple remarquable de ce que deviennent les hommes vivant en communion avec Dieu, qui est sage et puissant. De leur foyer palestinien, relativement modeste, ces jeunes gens de lignée royale furent transplantés dans une des villes les plus opulentes et à la cour de l'un des plus grands monarques du monde. Nebucadnetsar "donna l'ordre à Aschpenaz, chef des eunuques, d'amener quelques-uns des enfants d'Israël, de race royale ou de famille noble, de jeunes garçons sans défaut corporel, beaux de figure, doués de sagesse, d'intelligence, d'instruction, capables de servir dans le palais du roi. ..." PR 366 3 "Il y avait parmi eux, d'entre les enfants de Juda, Daniel, Hanania, Mischaël et Azaria." Devinant chez ces jeunes gens des signes d'une rare intelligence, Nebucadnetsar décida de les former pour qu'ils occupent des situations importantes dans le royaume. Afin qu'ils puissent bien remplir leur rôle, il leur fit apprendre la langue des Chaldéens; et pendant trois ans, ils jouirent des avantages exceptionnels réservés à l'éducation des princes. PR 366 4 Les noms de Daniel et de ses compagnons furent échangés contre des noms représentant des divinités païennes. On attachait à ce moment-là une grande importance aux noms donnés aux enfants par les parents hébreux. Ces noms représentaient souvent les traits de caractère que les parents auraient aimé voir se développer chez l'enfant. Le prince qui avait la surveillance des jeunes captifs "leur donna des noms, à Daniel celui de Beltschatsar, à Hanania celui de Schadrac, à Mischaël celui de Méschac, et à Azaria celui d'Abed-Nego". PR 366 5 Le roi n'exigea pas des jeunes gens qu'ils renoncent à leur foi pour se joindre à l'idolâtrie, mais il espérait y arriver graduellement. En leur donnant des noms ayant une signification dans le langage idolâtre, en les plaçant journellement en contact avec les coutumes païennes et sous l'influence des rites séducteurs du culte des faux dieux, le monarque espérait les amener à renoncer à la religion de leur pays pour accepter celle des Babyloniens. PR 367 1 Mais au début même de leur vie à la cour, ils eurent à subir une épreuve décisive: on leur servit des mets et du vin provenant de la table du roi. Celui-ci pensait témoigner ainsi sa bienveillance et sa sollicitude en faveur de leur bien-être. Mais une portion étant offerte aux idoles, tous les mets étaient consacrés à l'idolâtrie, et celui qui en usait était considéré comme offrant un hommage aux dieux babyloniens. Alors Daniel et ses compagnons, voulant rester fidèles au Seigneur, refusèrent de s'unir à cet hommage. Même le simple fait de manger ces aliments et de boire ce vin serait un reniement de leur foi. Ils pactiseraient ainsi avec le paganisme et déshonoreraient les principes de la loi divine. PR 367 2 D'un autre côté, ils redoutaient les effets excitants d'une alimentation qui aurait pu les conduire à la débauche et à l'immoralité, puis influencer leur développement physique, mental et spirituel. Ils n'avaient pas oublié l'histoire de Nadab et d'Abihu, dont l'intempérance et ses conséquences étaient relatées au livre du Pentateuque, et ils savaient que l'usage du vin affecterait gravement leurs facultés physiques et mentales. PR 367 3 Daniel et ses compagnons avaient été élevés selon les principes d'une stricte tempérance. On leur avait enseigné que le Seigneur les rendrait responsables de leurs dons, et qu'ils ne devaient en aucun cas amoindrir leurs forces. Cette éducation fut pour Daniel et ses compagnons le moyen de les préserver des influences démoralisantes de la cour de Babylone. Les tentations qui les entouraient étaient violentes, mais ils restèrent fidèles. Aucune puissance, aucune influence ne pouvait les détourner des principes qui leur avaient été inculqués dans leur enfance, grâce à l'étude de la Parole et des oeuvres de Dieu. PR 367 4 Si Daniel l'avait désiré, il aurait pu trouver dans son entourage une excuse valable pour renoncer à ses habitudes de tempérance. Il aurait pu prétendre que, dépendant de la faveur royale, il ne pouvait éviter de manger des mets du roi et de boire de son vin; car, en se conformant aux enseignements divins, il offenserait le monarque et risquerait de perdre sa situation et même sa vie. S'il se détournait des commandements de Dieu, il s'attirerait les faveurs du roi et s'assurerait des avantages intellectuels et un brillant avenir. PR 368 1 Mais Daniel n'hésita pas un seul instant. L'approbation divine lui était plus précieuse que toutes les faveurs du plus puissant potentat du monde, plus précieuse que la vie elle-même. Il résolut en conséquence de rester ferme dans son intégrité quoi qu'il advienne. Il décida "de ne pas se souiller par les mets du roi et par le vin dont le roi buvait". Et ses trois compagnons le suivirent dans sa résolution. PR 368 2 En prenant cette décision, les jeunes Hébreux n'agirent pas avec présomption, mais en se confiant en Dieu. Ils ne cherchèrent pas non plus à se singulariser, mais à se conduire de façon à ne pas déshonorer Jéhovah. S'ils s'étaient compromis avec le mal dans ce cas particulier, cédant aux exigences de la situation, l'abandon de leurs principes aurait singulièrement affaibli leur sentiment du bien et leur aversion du mal. Leur premier faux-pas les aurait conduits à en commettre d'autres, jusqu'à ce qu'enfin, perdant tout contact avec le ciel, ils aient été emportés par la tentation. PR 368 3 "Dieu fit trouver à Daniel faveur et grâce devant le chef des eunuques", et la demande du jeune homme exprimant son désir de ne pas se souiller par les mets du roi fut accueillie avec respect. Toutefois, le prince hésita à l'accorder. "Je crains mon seigneur le roi, lui dit-il, qui a fixé ce que vous devez manger et boire; car pourquoi verrait-il votre visage plus abattu que celui des jeunes gens de votre âge? Vous exposeriez ma tête auprès du roi." PR 368 4 Daniel s'adressa alors à l'officier chargé spécialement de la surveillance des jeunes Hébreux pour lui demander de bien vouloir les dispenser de la nourriture et de la boisson royales. Il lui proposa de les soumettre à cette épreuve pendant dix jours: ils se contenteraient d'une nourriture frugale alors que les autres jeunes gens mangeraient les mets du monarque. PR 369 1 Bien que l'intendant craignît d'encourir la défaveur de Nebucadnetsar en accédant à cette demande, il l'accorda cependant, et Daniel comprit que sa cause était gagnée. Au bout de dix jours, le résultat fut contraire à celui que redoutait le prince. Daniel et ses compagnons "avaient meilleur visage et plus d'embonpoint que tous les jeunes gens qui mangeaient les mets du roi". La santé des Hébreux s'avérait nettement meilleure que celle des autres. Il en résulta que Daniel et ses trois amis purent continuer à observer leur régime frugal pendant toute la durée de leurs études à Babylone. PR 369 2 Durant trois ans, les jeunes Hébreux étudièrent "les lettres et la langue des Chaldéens". Fermement attachés au Seigneur, ils se soumirent constamment à sa puissance, alliant à leur désintéressement le sérieux, le zèle et la fidélité. Ce n'était ni l'ambition ni l'orgueil qui les avaient amenés à la cour royale -- en contact avec des hommes qui ne connaissaient ni ne craignaient Dieu. Captifs sur une terre étrangère, ils étaient placés là par la sagesse infinie. Eloignés des influences familiales et de leurs liens sacrés, ils cherchaient à s'acquitter honorablement de leur rôle pour le renom de leur nation opprimée et la gloire de celui dont ils étaient les serviteurs. PR 369 3 Dieu approuva la fermeté et l'abnégation de ces jeunes Hébreux, ainsi que la pureté de leurs intentions, et sa bénédiction les accompagna. Il "accorda à ces quatre jeunes gens de la science, de l'intelligence dans toutes les lettres, et de la sagesse; et Daniel expliquait toutes les visions et tous les songes". Ainsi s'accomplissait la promesse de Dieu: "J'honorerai celui qui m'honore."1 PR 369 4 Alors que Daniel s'attachait au Seigneur avec une inébranlable confiance, l'Esprit de prophétie lui était donné. Tout en recevant de l'homme les instructions relatives aux devoirs de la cour royale, Dieu l'initiait dans la connaissance des mystères de l'avenir. Il relaterait aux générations futures, par des symboles et des comparaisons, les événements qui allaient se dérouler au cours de l'histoire de ce monde, jusqu'à la fin des temps. PR 369 5 Le moment venu, les jeunes étudiants durent subir un examen avec d'autres candidats destinés au service du royaume. Mais, "parmi tous ces jeunes gens, il ne s'en trouva aucun comme Daniel, Hanania, Mischaël et Azaria". Leur vive intelligence, leurs connaissances, leur langage choisi et précis témoignaient en faveur de l'incomparable vigueur de leurs facultés intellectuelles. "Sur tous les objets qui réclamaient de la sagesse et de l'intelligence, et sur lesquels le roi les interrogeait, il les trouvait dix fois supérieurs à tous les magiciens et astrologues qui étaient dans tout son royaume." "Ils furent donc admis au service du roi." PR 370 1 La cour de Babylone réunissait des représentants de toutes les nationalités, des hommes dotés des plus riches dons naturels et possédant la culture la plus vaste que le monde pouvait offrir. Et cependant, parmi tous ces hommes, nul ne pouvait rivaliser avec ces jeunes Hébreux, en force physique, en beauté, en vigueur intellectuelle et en connaissances. Leur maintien assuré, leur démarche souple, leur visage agréable, leur lucidité, leur haleine saine -- toutes ces choses constituaient autant de certificats de bonne conduite et de noblesse dont la nature se plaît à gratifier ceux qui se soumettent à ses lois. PR 370 2 Dans l'étude de la sagesse des Babyloniens, Daniel et ses compagnons surpassaient tous les autres élèves, mais leur savoir n'était pas dû à la chance. Ils accroissaient leurs connaissances grâce à un sage emploi de leurs facultés, sous la direction du Saint-Esprit. Ils puisaient à la source de toute sagesse, et faisaient de la connaissance de Dieu la base de leur éducation. Ils priaient avec foi et vivaient en harmonie avec leurs prières. Ils recherchaient la bénédiction constante de Dieu, évitant tout ce qui risquait d'affaiblir leurs facultés, saisissant toutes les occasions pour les développer. Un seul but les préoccupait: celui d'honorer le Seigneur. Ils savaient que pour représenter la véritable religion, au sein du paganisme, ils devaient posséder une intelligence lucide, et perfectionner leur caractère. C'est Dieu lui-même qui était leur instructeur. Ainsi, constamment en prière, consciencieusement à l'étude et sans cesse en contact étroit avec l'Invisible, ils marchaient avec Dieu, comme Hénoc. PR 370 3 Le vrai succès dans tous les domaines du travail n'est pas l'effet de la chance, du hasard ou du destin. C'est le résultat des bénédictions divines, la rémunération de la foi et de la sagesse, de la vertu et de la persévérance. De brillantes qualités intellectuelles, un niveau moral élevé ne sont pas accidentels. Dieu suscite les occasions, le succès dépend de l'usage que l'on en fait. PR 371 1 Alors que le Seigneur produisait en Daniel et en ses compagnons "le vouloir et le faire, selon son bon plaisir",2 les jeunes Hébreux travaillaient à leur propre salut. Ainsi se manifeste l'oeuvre du principe divin de coopération, sans laquelle nul vrai succès ne peut être obtenu. Les tentatives humaines sont vouées à l'échec sans la puissance d'en haut; et sans la participation de l'homme, l'action divine n'est d'aucun effet sur de nombreux individus. Pour que la grâce de Dieu puisse devenir nôtre, il nous faut jouer un rôle personnel. Cette grâce nous est offerte pour produire en nous "le vouloir et le faire", et non pour se substituer à notre oeuvre propre. PR 371 2 De même que le Seigneur collabora avec Daniel et ses compagnons, de même collaborera-t-il avec tous ceux qui s'efforcent de faire sa volonté. Et par le don de son Esprit, il encouragera toute intention sincère, toute noble résolution. Ceux qui suivent le sentier de l'obéissance se heurteront à de nombreux obstacles. Des influences subtiles et fortes pourront les entraîner vers le monde, mais Dieu est capable de faire échouer tous les moyens mis en oeuvre pour faire tomber ses enfants. Par sa force, ils surmonteront toutes les tentations, vaincront toutes les difficultés. PR 371 3 Dieu mit Daniel et ses compagnons en contact avec les hommes les plus célèbres de Babylone, afin qu'au sein d'une nation païenne, ces jeunes Hébreux puissent représenter le caractère divin. Comment purent-ils remplir une fonction si lourde de responsabilité et d'honneur? C'est par la fidélité dans les petites choses qui caractérisait leur vie. Ils glorifiaient Dieu dans les tâches les plus modestes aussi bien que dans les charges les plus écrasantes. PR 371 4 De même que le Seigneur appela Daniel à rendre témoignage de lui à Babylone, de même il nous appelle aujourd'hui à être ses témoins. Dans les affaires les plus infimes comme dans les plus importantes, il veut que nous révélions les principes de son royaume. Nombreux sont ceux qui attendent une tâche importante alors qu'ils perdent chaque jour des occasions de témoigner à Dieu leur fidélité. Ils omettent journellement de s'acquitter des menus devoirs de la vie, et alors qu'ils attendent d'exercer leurs talents éventuels dans une vaste entreprise satisfaisant leurs désirs ambitieux, le temps s'écoule. PR 372 1 Dans la vie du vrai chrétien, rien n'est secondaire; aux yeux du Tout-Puissant, n'importe quelle tâche est essentielle. Le Seigneur estime avec précision toute capacité mise à son service; il tient aussi bien compte des possibilités non utilisées que des autres. Nous serons jugés d'après les actes que nous n'avons pas accomplis parce que nous n'avons pas employé nos talents à la gloire de Dieu. PR 372 2 Un caractère noble n'est pas le résultat du hasard; il n'est pas dû aux faveurs ou aux dons spéciaux de la Providence. Il découle de la discipline de soi-même, de l'abandon des sentiments bas pour des sentiments élevés, de l'abdication de soi pour le service de Dieu et de l'homme. PR 372 3 Par la fidélité des jeunes Hébreux aux principes de tempérance, Dieu parle encore à la jeunesse actuelle. Le monde a besoin d'hommes qui, comme Daniel, agissent et osent pour la cause du bien. Il a besoin de coeurs purs, de mains fortes, de courage indomptable; car la lutte entre le vice et la vertu exige une vigilance constante. Satan nous assaille par ses nombreuses tentations sous les formes les plus séduisantes, lorsque nous nous abandonnons à nos appétits pervers. PR 372 4 Le corps est le moyen essentiel par lequel l'esprit et l'âme se développent pour l'édification du caractère. C'est pourquoi l'ennemi de nos âmes dirige ses tentations vers l'affaiblissement et l'avilissement des forces physiques. S'il parvient à atteindre ce but, alors c'est souvent la reddition de l'être tout entier au mal. Les dispositions de la nature, non contrôlées par une puissance supérieure, amènent l'homme à la déchéance et à la mort. Le corps doit être soumis à cette puissance supérieure, et ses passions contrôlées par la volonté, soumise elle-même au Seigneur. Le pouvoir suprême de la raison, sanctifiée par la grâce divine, aura la prépondérance dans la vie. Les forces intellectuelles, la vigueur physique, comme la durée de la vie, dépendent de lois immuables. En obéissant à ces lois, l'homme arrive à se dominer, à maîtriser ses propres inclinations, ainsi que les principautés et les puissances "de ce monde de ténèbres", et "des esprits méchants dans les lieux célestes".3 PR 373 1 Dans l'ancien culte rituel, symbole de l'Evangile, aucune offrande imparfaite ne pouvait être apportée sur l'autel divin. La victime qui représentait le Christ devait être sans tache. La Parole se sert de cette illustration pour montrer que les enfants de Dieu doivent s'offrir "comme un sacrifice vivant", "saints et irrépréhensibles."4 PR 373 2 Les jeunes Hébreux avaient les mêmes passions que nous, mais, malgré les influences séduisantes de la cour de Babylone, ils demeuraient inébranlables, car ils dépendaient d'une force qui est infinie. Les païens avaient en eux l'illustration de la bonté et de la miséricorde de Dieu, ainsi que celle de l'amour du Christ. Leur vie est pour nous l'exemple du triomphe des principes sur la tentation, de la pureté sur la dépravation, de la foi et de la fidélité sur l'athéisme et l'idolâtrie. PR 373 3 Les jeunes d'aujourd'hui peuvent posséder l'esprit qui animait Daniel; ils peuvent s'abreuver à la même source, posséder la même puissance sur eux-mêmes, et révéler dans leur vie la même grâce spirituelle, même dans les circonstances les plus défavorables. Bien que portés à l'indulgence envers eux-mêmes, en particulier dans nos grandes villes où le sensualisme se présente sous une forme alléchante, ils doivent rester fermes dans leur foi. En prenant de fortes résolutions, et en exerçant une vigilance de tous les instants, ils vaincront toutes les tentations qui pourraient les assaillir. Ce n'est qu'à ce prix qu'ils remporteront la victoire. PR 373 4 Quel magnifique rôle furent appelés à jouer ces nobles Hébreux! En disant adieu à la maison où s'était écoulée leur enfance, ils étaient bien loin de s'imaginer quelle destinée leur était réservée. Mais ils se plièrent avec fidélité et résolution aux directives divines, afin que par eux les desseins d'en haut puissent s'accomplir. PR 374 1 Dieu désire que les vérités révélées par Daniel et ses compagnons soient aussi révélées par les enfants et la jeunesse de nos jours. La vie des jeunes Hébreux est une démonstration de ce que Dieu peut faire pour ceux qui s'abandonnent entre ses mains, et cherchent de tout leur coeur à accomplir ses desseins. ------------------------Chapitre 40 -- Le songe de Nebucadnetsar PR 375 0 Ce chapitre est basé sur Daniel 2. PR 375 1 Aussitôt après l'entrée de Daniel et de ses compagnons au service du roi de Babylone, se produisirent des événements qui révélèrent à une nation idolâtre la puissance et la fidélité du Dieu d'Israël. Nebucadnetsar fit un songe étrange, "il avait l'esprit agité, et ne pouvait dormir". Mais, bien qu'il ait été profondément impressionné, le monarque était incapable de se souvenir des détails de ce songe. PR 375 2 Dans son embarras, il réunit les sages de son pays, "les magiciens, les astrologues, les enchanteurs", et fit appel à leurs lumières. "J'ai eu un songe, leur dit-il; mon esprit est agité, et je voudrais connaître ce songe." Et tout en leur faisant part de son trouble, il leur demanda de lui donner une explication qui calme son esprit. Les sages lui répondirent: "O roi, vis éternellement! dis le songe à tes serviteurs, et nous en donnerons l'explication." PR 376 1 Déçu par cette réponse évasive, et doutant de la sagesse de ces hommes, qui se vantaient de dévoiler les secrets et semblaient ne pas vouloir le sortir d'embarras, le roi ordonna alors que ces sages lui révèlent, non seulement l'explication du songe, mais le songe lui-même; et il leur promit de riches présents, tout en les menaçant de mort. "La chose m'a échappé, dit-il; si vous ne me faites connaître le songe et son explication, vous serez mis en pièces, et vos maisons seront réduites en un tas d'immondices. Mais si vous me dites le songe et son explication, vous recevrez de moi des dons et des présents, et de grands honneurs." Les sages répondirent: "Que le roi dise le songe à ses serviteurs, et nous en donnerons l'explication." PR 376 2 Alors Nebucadnetsar, irrité par la perfidie manifeste de ces hommes en qui il avait mis sa confiance, déclara: "Je m'aperçois, en vérité, que vous voulez gagner du temps, parce que vous voyez que la chose m'a échappé. Si donc vous ne me faites pas connaître le songe, la même sentence vous enveloppera tous; vous voulez vous préparer à me dire des mensonges et des faussetés, en attendant que les temps soient changés. C'est pourquoi dites-moi le songe, et je saurai si vous êtes capables de m'en donner l'explication." PR 376 3 Remplis de crainte en pensant aux conséquences de leur insuccès, les magiciens s'efforcèrent d'expliquer au monarque que sa requête était déraisonnable, et qu'on n'avait jamais exigé d'aucun homme épreuve aussi difficile. "Il n'est personne sur la terre, reprirent-ils, qui puisse dire ce que demande le roi; aussi jamais roi, quelque grand et puissant qu'il ait été, n'a exigé une pareille chose d'aucun magicien, astrologue ou Chaldéen. Ce que le roi demande est difficile; il n'y a personne qui puisse le dire au roi, excepté les dieux dont la demeure n'est pas parmi les hommes." PR 376 4 Alors "le roi se mit en colère, et s'irrita violemment. Il ordonna qu'on fît périr tous les sages de Babylone". PR 376 5 Parmi ceux qui étaient visés par la sentence royale, se trouvaient Daniel et ses compagnons. Lorsqu'ils apprirent qu'ils devaient mourir, Daniel s'adressa "d'une manière prudente et sensée" à Arjoc, chef des gardes du roi. "Pourquoi, lui demanda-t-il, la sentence du roi est-elle si sévère?" Arjoc le mit au courant de la perplexité du monarque au sujet de son étrange songe et de l'incapacité de ceux en qui il avait placé sa confiance de l'expliquer. A l'ouïe de ces paroles, Daniel se rendit vers le roi, au péril de sa vie, et le pria de lui accorder un certain temps pour demander à son Dieu de lui révéler le songe et son explication. PR 377 1 Le monarque accéda à cette requête. "Daniel alla dans sa maison, et il instruisit de cette affaire Hanania, Mischaël et Azaria, ses compagnons." Ils demandèrent ensemble la sagesse à la source de la lumière et de la connaissance. Ils avaient la ferme assurance d'être là où Dieu les avait placés, de faire son oeuvre et d'accomplir leur devoir. Dans les tribulations comme dans le danger, ils s'étaient constamment tournés vers celui qui les guidait et les protégeait, et qui était pour eux un appui toujours présent. Le coeur contrit, ils supplièrent donc à nouveau le Juge de toute la terre de leur accorder la délivrance à l'heure du danger. Ils ne prièrent pas en vain. L'Esprit de Dieu reposa sur eux, et, "dans une vision pendant la nuit", le songe du roi et sa signification furent révélés à Daniel. PR 377 2 Le premier mouvement du jeune homme fut de bénir le Seigneur pour l'exaucement de sa prière. "Béni soit le nom de Dieu d'éternité en éternité! s'écria-t-il. A lui appartiennent la sagesse et la force. C'est lui qui change les temps et les circonstances, qui renverse et qui établit les rois, qui donne la sagesse aux sages et la science à ceux qui ont de l'intelligence. Il révèle ce qui est profond et caché, il connaît ce qui est dans les ténèbres, et la lumière demeure avec lui. Dieu de mes pères, je te glorifie et je te loue de ce que tu m'as donné la sagesse et la force, et de ce que tu m'as fait connaître ce que nous t'avons demandé, de ce que tu nous as révélé le secret du roi." PR 377 3 Daniel se rendit ensuite immédiatement auprès d'Arjoc, qui avait reçu l'ordre du roi de faire périr tous les sages de Babylone, et il lui dit: "Ne fais pas périr les sages de Babylone! Conduis-moi devant le roi, et je donnerai au roi l'explication." Arjoc introduisit aussitôt Daniel devant le monarque, et il lui parla en ces termes: "J'ai trouvé parmi les captifs de Juda un homme qui donnera l'explication au roi." PR 378 1 Voici donc le jeune captif hébreu, calme et en pleine possession de lui-même, en présence du plus puissant monarque de la terre. Dès ses premières paroles, il déclina tout honneur personnel, et exalta le Seigneur, source de toute sagesse. A la question angoissée du roi: "Es-tu capable de me faire connaître le songe que j'ai eu et son explication?" il répondit: "Ce que le roi demande est un secret que les sages, les astrologues, les magiciens et les devins ne sont pas capables de découvrir au roi. Mais il y a dans les cieux un Dieu qui révèle les secrets, et qui a fait connaître au roi Nebucadnetsar ce qui arrivera dans la suite des temps. PR 378 2 "Voici ton songe, dit Daniel, et les visions que tu as eues sur ta couche. Sur ta couche, ô roi, il t'est monté des pensées touchant ce qui sera après ces temps-ci; et celui qui révèle les secrets t'a fait connaître ce qui arrivera. Si ce secret m'a été révélé, ce n'est point qu'il y ait en moi une sagesse supérieure à celle de tous les vivants; mais c'est afin que l'explication soit donnée au roi, et que tu connaisses les pensées de ton coeur. PR 378 3 "O roi, tu regardais, et tu voyais une grande statue; cette statue était immense, et d'une splendeur extraordinaire; elle était debout devant toi, et son aspect était terrible. La tête de cette statue était d'or pur; sa poitrine et ses bras étaient d'argent; son ventre et ses cuisses étaient d'airain; ses jambes, de fer; ses pieds, en partie de fer et en partie d'argile. Tu regardais, lorsqu'une pierre se détacha sans le secours d'aucune main, frappa les pieds de fer et d'argile de la statue, et les mit en pièces. Alors le fer, l'argile, l'airain, l'argent et l'or, furent brisés ensemble, et devinrent comme la balle qui s'échappe d'une aire en été; le vent les emporta, et nulle trace n'en fut retrouvée. Mais la pierre qui avait frappé la statue devint une grande montagne, et remplit toute la terre. PR 378 4 "Voilà le songe", déclara Daniel avec assurance. Le roi, qui écoutait avec la plus grande attention tous les détails de ce récit, reconnut que c'était vraiment le songe qui l'avait tant troublé. Il était maintenant préparé à en recevoir l'explication. Le Roi du ciel allait lui révéler une grande vérité. Il lui ferait savoir qu'il avait tout pouvoir sur les royaumes de ce monde, tout pouvoir pour placer les rois sur le trône et pour les en faire descendre. Nebucadnetsar serait mis en face de ses responsabilités envers le ciel, et les événements de l'avenir allaient lui être dévoilés jusqu'à la fin des temps. PR 379 1 "O roi, lui dit Daniel, tu es le roi des rois, car le Dieu des cieux t'a donné l'empire, la puissance, la force et la gloire; il a remis entre tes mains, en quelque lieu qu'ils habitent, les enfants des hommes, les bêtes des champs et les oiseaux du ciel, et il t'a fait dominer sur eux tous: c'est toi qui es la tête d'or. Après toi, il s'élèvera un autre royaume, moindre que le tien; puis un troisième royaume, qui sera d'airain, et qui dominera sur toute la terre. Il y aura un quatrième royaume, fort comme du fer; de même que le fer brise et rompt tout, il brisera et rompra tout, comme le fer qui met tout en pièces. PR 379 2 "Et comme tu as vu les pieds et les orteils en partie d'argile de potier et en partie de fer, ce royaume sera divisé; mais il y aura en lui quelque chose de la force du fer, parce que tu as vu le fer mêlé avec l'argile. Et comme les doigts des pieds étaient en partie de fer et en partie d'argile, ce royaume sera en partie fort et en partie fragile. Tu as vu le fer mêlé avec l'argile, parce qu'ils se mêleront par des alliances humaines; mais ils ne seront point unis l'un à l'autre, de même que le fer ne s'allie point avec l'argile. PR 379 3 "Dans le temps de ces rois, le Dieu des cieux suscitera un royaume qui ne sera jamais détruit, et qui ne passera point sous la domination d'un autre peuple; il brisera et anéantira tous ces royaumes-là, et lui-même subsistera éternellement. C'est ce qu'indique la pierre que tu as vue se détacher de la montagne sans le secours d'aucune main, et qui a brisé le fer, l'airain, l'argile, l'argent et l'or. Le grand Dieu a fait connaître au roi ce qui doit arriver après cela. Le songe est véritable, et son explication est certaine." PR 380 1 Nebucadnetsar fut convaincu de la véracité de cette explication. Humilié, terrifié, il "tomba sur sa face et se prosterna devant Daniel", en disant: "En vérité, votre Dieu est le Dieu des dieux et le Seigneur des rois, et il révèle les secrets, puisque tu as pu découvrir ce secret." Il annula alors le décret de mort des sages. Ceux-ci eurent donc la vie sauve grâce à Daniel qui avait dévoilé les secrets du roi. PR 380 2 Le monarque "éleva Daniel, et lui fit de nombreux et riches présents. Il lui donna le commandement de toute la province de Babylone et l'établit chef suprême de tous les sages de Babylone. Daniel pria le roi de remettre l'intendance de la province de Babylone à Schadrac, Méschac et Abed-Nego. Et Daniel était à la cour du roi." PR 380 3 Il semble, à lire les annales de l'histoire humaine, que l'avènement et la chute des empires dépendent de la volonté et des exploits des hommes. La tournure des événements paraît se modifier au gré de leur puissance, de leur ambition ou de leur caprice. Mais la Parole de Dieu soulève le voile, et nous contemplons au-dessus, derrière et à travers tout le jeu des intérêts, du pouvoir et des passions des hommes l'action de celui qui, dans sa souveraine miséricorde, accomplit silencieusement et avec patience les desseins de sa volonté. PR 380 4 Avec des paroles d'une beauté et d'une douceur incomparables, l'apôtre Paul exposa aux sages d'Athènes le but divin dans la création et la répartition des races et des nations. "Le Dieu qui a fait le monde et tout ce qui s'y trouve, affirma-t-il, ... a fait que tous les hommes, sortis d'un seul sang, habitassent sur toute la surface de la terre, ayant déterminé la durée des temps et les bornes de leur demeure; il a voulu qu'ils cherchassent le Seigneur, et qu'ils s'efforçassent de le trouver."1 PR 380 5 Dieu a fait connaître clairement que quiconque le désire peut être mis "dans les liens de l'alliance".2 Le dessein du Seigneur dans la création était que la terre fût habitée par des êtres dont l'existence devait être une bénédiction pour eux-mêmes et pour les autres, ainsi qu'un honneur pour le Créateur. Tous ceux qui le désirent ont le pouvoir de participer à ce dessein. Le prophète Esaïe dit à ce sujet: "Le peuple que je me suis formé publiera mes louanges."3 PR 381 1 Dieu nous a fait connaître dans sa loi les principes qui conditionnent la vraie prospérité pour les nations comme pour les individus. Moïse déclarait aux Israélites, en parlant de cette loi: "Ce sera votre sagesse et votre intelligence." "Ce n'est pas une chose sans importance pour vous; c'est votre vie."4 Les bénédictions promises à Israël sont aussi promises, dans les mêmes conditions et au même degré, à toute nation et à tout individu. PR 381 2 Des centaines d'années avant que certaines nations entrent en jeu dans l'histoire du monde, le Dieu omniscient a prévu les événements et prédit la grandeur et la décadence des royaumes universels. Il a fait connaître à Nebucadnetsar que son royaume s'écroulerait, qu'un autre prendrait sa place et qu'il aurait aussi sa période d'épreuve. N'exaltant pas le vrai Dieu, sa gloire disparaîtrait, et il serait remplacé par un troisième. Celui-ci disparaîtrait à son tour, subjugué par un quatrième aussi fort que le fer, qui soumettrait toutes les nations du globe. PR 381 3 Si les rois de Babylone -- le plus puissant de tous les empires -- avaient manifesté de la crainte envers Dieu, ils auraient reçu la sagesse et le pouvoir qui, les unissant au souverain Maître, auraient continué à assurer leur force. Mais ce n'est que dans les difficultés et la perplexité qu'ils firent de Jéhovah leur refuge. Ce n'est que lorsqu'ils ne trouvaient plus de secours auprès de leurs sages qu'ils en appelaient à des hommes tels que Daniel. PR 381 4 Ces hommes, ils le savaient, honoraient le Dieu vivant et étaient honorés de lui. C'est à eux qu'ils durent s'adresser pour que leur fussent dévoilés les mystères de la Providence, car, bien que les chefs de la fière Babylone fussent doués d'une intelligence supérieure, ils s'étaient éloignés de Dieu par leurs transgressions au point de ne pouvoir comprendre les révélations et les avertissements qui leur étaient donnés concernant l'avenir. PR 381 5 Celui qui sonde la Parole de Dieu peut voir dans les événements de l'histoire des nations l'accomplissement littéral de la prophétie divine. Babylone, vaincue et écrasée, disparut; car au temps de sa prospérité ses chefs voulurent s'affranchir de Dieu, attribuant la gloire de leur royaume aux succès humains. L'empire médo-persan encourut la colère de Jéhovah, la loi divine y étant bafouée. La majorité du peuple n'avait pas la crainte de Dieu. La méchanceté, le blasphème, la corruption régnaient dans cet empire. Les royaumes qui lui succédèrent furent encore plus corrompus, et ils sombrèrent de plus en plus dans le vice. PR 382 1 Le pouvoir exercé par les chefs de ce monde est légué par Dieu, et son succès dépend de l'usage qu'ils en font. Voici la parole adressée à chacun d'eux par le Maître vigilant: "Je t'ai ceint, avant que tu me connusses."5 L'avertissement donné jadis à Nebucadnetsar doit leur servir de leçon: "Mets un terme à tes péchés en pratiquant la justice, et à tes iniquités en usant de compassion envers les malheureux, et ton bonheur pourra se prolonger."6 PR 382 2 Comprendre ces choses, savoir que "la justice élève une nation", que "c'est par la justice que le trône s'affermit", et que le roi "soutient son trône par la bonté",7 reconnaître l'effet de ces principes dans la manifestation du pouvoir de Dieu qui "renverse et établit les rois" -- c'est comprendre la philosophie de l'histoire. PR 382 3 Seule la Parole de Dieu établit clairement ces principes. Elle nous montre que la force des nations comme celle des individus ne réside ni dans les faveurs du sort, ni dans les succès qui semblent les rendre invincibles. Elle ne réside pas non plus dans le pouvoir dont ils se glorifient. Elle est fonction de la fidélité avec laquelle ces nations et ces individus accomplissent le dessein de Dieu. ------------------------Chapitre 41 -- La fournaise ardente PR 383 0 Ce chapitre est basé sur Daniel 3. PR 383 1 Le songe de Nebucadnetsar, par lequel la grande statue lui avait révélé le déroulement des événements jusqu'à la fin des temps, lui avait été donné pour qu'il puisse comprendre le rôle qu'il allait jouer dans l'histoire du monde, et les rapports qui devaient s'établir entre son royaume et le royaume du ciel. PR 383 2 Par l'interprétation de ce songe, le roi avait été clairement instruit au sujet de l'instauration du royaume éternel. "Dans le temps de ces rois, lui avait déclaré Daniel, le Dieu des cieux suscitera un royaume qui ne sera jamais détruit, et qui ne passera point sous la domination d'un autre peuple; il brisera et anéantira tous ces royaumes-là, et lui-même subsistera éternellement. .. Le songe est véritable, et son interprétation est certaine."1 PR 383 3 Nebucadnetsar avait reconnu la puissance de Dieu. Il avait dit à Daniel: "En vérité, votre Dieu est le Dieu des dieux et le Seigneur des rois, et il révèle les secrets."2 PR 384 1 Le roi éprouva, pendant un certain temps, la crainte de l'Eternel; mais son coeur n'était pas complètement dépouillé des ambitions terrestres, ni du désir de s'encenser. Il cessa d'honorer le Seigneur, et retourna à l'idolâtrie avec un zèle et un fanatisme accrus. La prospérité qui marqua son règne le remplit d'orgueil. PR 384 2 Ces paroles: "C'est toi qui es la tête d'or"3 avaient produit sur l'esprit du monarque une profonde impression. Les sages de son royaume, profitant des circonstances et de son retour au culte idolâtre, lui proposèrent de dresser une statue semblable à celle qu'il avait vue en songe, et de la placer de manière que tout le monde puisse en voir la tête d'or -- tête qui, d'après l'explication du songe, représentait son royaume. PR 384 3 Grisé par cette proposition flatteuse, Nebucadnetsar décida de mettre ce projet à exécution, et même de faire mieux. Au lieu de reproduire la statue qu'il avait vue en songe, il décida d'en faire une qui surpasserait l'original. Elle serait composée, de la tête aux pieds, non de métaux décroissants, mais entièrement d'or -- parfait symbole de Babylone, royaume éternel, indestructible et tout-puissant, qui réduirait en pièces tous les autres. PR 384 4 L'idée d'établir une domination et une dynastie qui n'auraient point de fin frappait vivement l'imagination du monarque, aux armées duquel nulle nation au monde ne pouvait résister. Avec un enthousiasme déchaîné par son ambition démesurée et son orgueil insensé, il convoqua les sages de son royaume pour qu'ils le conseillent sur le moyen d'arriver à ses fins. Oubliant les magnifiques révélations du songe, oubliant que le Dieu d'Israël, par son serviteur Daniel, avait révélé la signification de ce songe, oubliant que cette interprétation avait sauvé de la mort les grands du royaume, oubliant enfin tout, si ce n'est le désir d'établir leur souveraineté et leur pouvoir personnel, le roi et ses conseillers décidèrent de faire l'impossible pour que la suprématie soit accordée à Babylone, digne d'un honneur universel. PR 384 5 La statue symbolique, par laquelle Dieu avait révélé au monarque et au peuple ses desseins en faveur des nations, allait maintenant servir à glorifier l'homme. L'interprétation de Daniel serait rejetée et oubliée, la vérité mal comprise et faussement appliquée. Cette statue symbolique, destinée à révéler aux hommes les événements importants de l'avenir, deviendrait un obstacle au développement de la connaissance de la vérité que Dieu voulait communiquer au monde. Satan se servait ainsi des desseins ambitieux des hommes pour contrecarrer les plans divins en faveur de l'humanité. L'ennemi des âmes savait que la vérité intégrale est une force puissante pour sauver; mais, lorsque cette vérité est mise au service de la propre glorification de l'homme ou de la réalisation de ses propres désirs, alors elle devient une force pour le mal. Nebucadnetsar eut recours à ses riches réserves de métaux précieux, et il fit construire une immense statue semblable à celle qu'il avait vue en songe. Elle en différait seulement par la nature du métal qui la composait. PR 385 1 Habitués aux proportions colossales des divinités païennes, les Chaldéens n'avaient cependant jamais encore édifié de statue aussi imposante, aussi majestueuse que celle-ci, haute de soixante coudées et large de six coudées. PR 385 2 Dans ce pays où régnait l'idolâtrie, il était tout naturel que cette magnifique statue d'un prix inestimable, s'élevant dans la plaine de Dura et représentant la gloire, la splendeur et la puissance de Babylone, fût un objet de culte. On décréta que le jour de sa dédicace tous les habitants du royaume témoigneraient leur fidélité au roi en se prosternant devant elle. PR 385 3 Le jour venu, on vit affluer dans la plaine de Dura "tous les peuples, les nations, les hommes de toutes langues". Selon l'ordonnance royale, au son des instruments de musique, toute l'assistance se prosterna et adora la statue d'or. PR 385 4 Les puissances des ténèbres semblaient, en ce jour mémorable, remporter un éclatant succès: l'adoration de cette statue était en passe de devenir un rite permanent de l'idolâtrie, reconnue comme religion officielle du royaume. Satan espérait ainsi faire échouer le plan divin au sujet des captifs qui devaient être une source de bénédictions pour toutes les nations païennes. PR 385 5 Mais le Seigneur en décida autrement. Tous ne fléchirent pas le genou devant le symbole païen. Au sein de la multitude des adorateurs, trois hommes étaient fermement résolus à ne pas déshonorer le Dieu du ciel en se prosternant devant cette statue. Ils adoraient le Rois des rois et le Seigneur des seigneurs; ils ne s'agenouilleraient devant aucun autre. PR 386 1 On vint en informer Nebucadnetsar, alors au comble de la gloire. Certains courtisans, parmi les sages du royaume, jaloux des honneurs conférés aux fidèles compagnons de Daniel, furent heureux d'apprendre au roi que des Juifs avaient refusé d'exécuter son décret. "O roi, vis éternellement! lui dirent-ils, il y a des Juifs à qui tu as remis l'intendance de la province de Babylone, Schadrac, Méschac et Abed-Nego, hommes qui ne tiennent aucun compte de toi, ô roi; ils ne servent pas tes dieux, et ils n'adorent point la statue d'or que tu as élevée." PR 386 2 Le roi ordonna aussitôt que ces trois hommes lui fussent amenés. "Est-ce de propos délibéré, leur dit-il ... que vous ne servez pas mes dieux, et que vous n'adorez pas la statue d'or que j'ai élevée?" Et il les invita en les menaçant à s'unir à la multitude des adorateurs. Puis, leur montrant la fournaise ardente, il leur rappela que s'ils persistaient à refuser de faire sa volonté, ils trouveraient là leur châtiment. PR 386 3 Mais les trois jeunes Hébreux déclarèrent avec fermeté qu'ils resteraient fidèles au Dieu du ciel, dont la puissance pour délivrer était connue. Se prosterner devant la statue d'or, c'était aux yeux de tous un acte d'adoration; et cet hommage ne pouvait être rendu qu'à Dieu seul. PR 386 4 Alors que ces trois Hébreux se tenaient en présence du roi, celui-ci avait la conviction qu'ils possédaient quelque chose que n'avaient pas les sages de son royaume. Ils avaient toujours été fidèles dans l'accomplissement de leurs devoirs. S'ils faisaient maintenant preuve de bonne volonté en s'unissant à la foule pour se prosterner devant la statue, tout irait bien pour eux. Mais si "vous ne l'adorez pas, leur dit-il, vous serez jetés à l'instant même au milieu d'une fournaise ardente". Et levant la main vers le ciel en signe de défi, il ajouta: "Quel est le dieu qui vous délivrera de ma main?" PR 386 5 Mais les menaces du roi demeurèrent vaines. Il ne pouvait empêcher ces jeunes gens d'être fidèles au Roi de l'univers. Ils avaient appris en étudiant l'histoire de leurs pères que désobéir à Dieu, c'était sombrer dans le déshonneur, la catastrophe et la mort; et que la crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse, la source de toute prospérité véritable. Regardant la fournaise avec calme, ils répliquèrent: "Nous n'avons pas besoin de te répondre là-dessus. Voici, notre Dieu que nous servons peut nous délivrer de la fournaise ardente, et il nous délivrera de ta main, ô roi." Leur foi étant fortifiée par l'idée que Dieu serait glorifié par leur délivrance, ils ajoutèrent avec une assurance triomphante: "Sinon, sache, ô roi, que nous ne servirons pas tes dieux, et que nous n'adorerons pas la statue d'or que tu as élevée." PR 387 1 La colère du roi ne connut alors plus de bornes. "Rempli de fureur, il changea de visage, en tournant ses regards vers Schadrac, Méschac et Abed-Nego", représentants d'une race méprisée et captive. Il ordonna qu'on fît chauffer la fournaise sept fois plus qu'il n'était nécessaire, et que quelques-uns des plus vigoureux soldats de son armée lient les jeunes adorateurs du Dieu d'Israël, en vue de leur rapide exécution. PR 387 2 Alors "ces hommes furent liés avec leurs caleçons, leurs tuniques, leurs manteaux et leurs autres vêtements, et jetés au milieu de la fournaise ardente. Comme l'ordre du roi était sévère, et que la fournaise était extraordinairement chauffée, la flamme tua les hommes qui y avaient jeté Schadrac, Méschac et Abed-Nego." PR 387 3 Mais Dieu n'abandonna pas ses enfants. Lorsque ces jeunes gens furent jetés dans la fournaise, le Sauveur se révéla à eux en personne, et ensemble ils marchèrent au milieu du feu. En présence du Seigneur, auteur de la chaleur et du froid, les flammes avaient perdu leur pouvoir consumant. PR 387 4 Le monarque avait suivi la scène de son trône royal; il s'attendait à voir brûler ces hommes qui l'avaient défié. Mais soudain ses sentiments orgueilleux se modifièrent. Les nobles du royaume qui se tenaient à ses côtés le virent pâlir, alors qu'il se levait de son trône pour mieux voir les flammes de la fournaise. Effrayé, il se tourna vers ses conseillers, et leur demanda: "N'avons-nous pas jeté au milieu du feu trois hommes liés? ... Eh bien, je vois quatre hommes sans liens, qui marchent au milieu du feu, et qui n'ont point de mal; et la figure du quatrième ressemble à celle d'un fils des dieux." PR 388 1 Comment ce roi païen pouvait-il savoir à qui ressemble le Fils de Dieu? En s'acquittant des missions qui leur avaient été confiées à Babylone, les jeunes Hébreux révélèrent la vérité au roi par leur conduite et leur caractère. Questionnés au sujet de leur religion, ils avaient répondu sans hésiter et présenté avec clarté et simplicité les principes de justice de cette religion. Ils avaient ainsi appris à ceux qui les entouraient quel était le Dieu qu'ils adoraient. Ils avaient parlé du Messie, le Rédempteur, qui devait venir ici-bas. C'est ce qui explique que le roi reconnut au milieu de la fournaise, sous les traits du quatrième homme, le Fils de Dieu. PR 388 2 Or donc, oubliant son rang et sa grandeur, Nebucadnetsar descendit les marches de son trône, et, s'approchant de l'entrée de la fournaise, il s'écria: "Serviteurs du Dieu suprême, sortez et venez!" Alors Schadrac, Méschac et Abed-Nego se présentèrent devant la multitude assemblée, et montrèrent qu'ils n'avaient eu aucun mal. La présence de leur Sauveur les avait protégés. Seuls leurs liens avaient été consumés. "Les satrapes, les intendants, les gouverneurs, et les conseillers du roi s'assemblèrent; ils virent que le feu n'avait eu aucun pouvoir sur le corps de ces hommes, que les cheveux de leur tête n'avaient pas été brûlés, que leurs caleçons n'avaient point été endommagés, et que l'odeur du feu ne les avait pas atteints." PR 388 3 Elle était oubliée alors l'imposante statue d'or, élevée avec tant de faste. En présence du Dieu vivant, les hommes étaient pris de panique. "Béni soit le Dieu de Schadrac, de Méschac et d'Abed-Nego, s'écria le roi humilié, lequel a envoyé son ange et délivré ses serviteurs qui ont eu confiance en lui, et qui ont violé l'ordre du roi et livré leurs corps plutôt que de servir et d'adorer aucun autre dieu que leur Dieu!" PR 388 4 Les événements de cette journée poussèrent Nebucadnetsar à proclamer ce décret: "Tout homme, à quelque peuple, nation ou langue qu'il appartienne, qui parlera mal du Dieu de Schadrac, de Méschac et d'Abed-Nego, sera mis en pièces, et sa maison sera réduite en un tas d'immondices, parce qu'il n'y a aucun autre dieu qui puisse délivrer comme lui." PR 389 1 Par ces paroles et d'autres semblables, le roi de Babylone s'efforçait de faire connaître à tous les peuples de la terre sa conviction que le Dieu des Hébreux était digne de l'adoration suprême. Et le Seigneur accueillait avec satisfaction ce désir du monarque qui cherchait à lui témoigner de la révérence, et à propager sa confession royale de fidélité, jusque dans les points les plus reculés de son vaste royaume. PR 389 2 C'était une bonne chose que le roi fît cette confession publique, et cherchât à exalter le Dieu du ciel au-dessus de tous les autres dieux; mais en voulant obliger ses sujets à faire semblable confession, et à témoigner semblable révérence, il outrepassait ses droits de souverain temporel. Il ne lui était pas plus permis, politiquement ou moralement, de menacer les hommes de mort, s'ils n'adoraient pas Dieu, que de lancer un décret vouant aux flammes tous ceux qui refusaient de se prosterner devant la statue d'or. Le Seigneur ne force jamais personne à lui obéir. Il laisse chacun libre de servir le dieu de son choix. PR 389 3 En délivrant ses fidèles serviteurs, Dieu manifesta sa sollicitude envers les opprimés. Il châtie toutes les puissances de ce monde en révolte contre son autorité. PR 389 4 Les trois Hébreux firent connaître à tout l'empire babylonien leur foi en celui qu'ils adoraient. Ils se reposaient sur Dieu. A l'heure de l'épreuve, ils se souvinrent de cette belle promesse: "Si tu traverses les eaux, je serai avec toi; et les fleuves, ils ne te submergeront point; si tu marches dans le feu, tu ne te brûleras pas, et la flamme ne t'embrasera pas."4 PR 389 5 La foi de ces jeunes gens avait été magnifiée aux yeux de tous d'une façon merveilleuse. Les représentants des divers pays invités par Nebucadnetsar à la dédicace de la statue publièrent partout la nouvelle de cette magnifique délivrance. Dieu fut glorifié sur toute la terre par la fidélité de ses enfants. PR 390 1 Comme elles sont importantes ces leçons enseignées par les trois jeunes Hébreux dans la plaine de Dura! Aujourd'hui, bien qu'innocents, de nombreux serviteurs de Dieu auront encore à souffrir des humiliations et des outrages de la part des hommes qui, sous l'inspiration de Satan, seront animés par l'envie et le fanatisme religieux. Leur colère se manifestera tout particulièrement contre les observateurs du quatrième commandement. Finalement, un décret universel les dénoncera comme passibles de mort. PR 390 2 Le temps de détresse, par lequel passera le peuple de Dieu, exigera une foi inébranlable. Il devra montrer que seul le Seigneur est l'objet de son adoration, et que nulle considération humaine, pas même sa propre vie, ne saurait l'amener à la moindre concession à un faux culte. Pour un coeur loyal, les ordres donnés par des hommes pécheurs, aux vues limitées, ne seront d'aucune importance en regard de la Parole de Dieu. Il faut suivre la vérité, qu'il en coûte l'emprisonnement, l'exil ou même la mort. PR 390 3 Comme aux jours de Schadrac, Méschac et Abed-Nego, le Seigneur agira avec puissance, vers la fin des temps, en faveur de ceux qui prennent résolument le parti de la justice. Celui qui soutint les courageux Hébreux dans la fournaise ardente, marchera à leur côté où qu'ils se trouvent. Le sentiment de sa présence sera pour eux une consolation et un soutien. Au plus fort de la persécution -- telle qu'il n'y en eut jamais -- les élus demeureront inébranlables. Satan, avec toutes ses armées, ne parviendra pas à détruire le plus faible des saints. Des anges puissants les protégeront, et le Seigneur se révélera à eux comme le "Dieu des dieux", capable de sauver parfaitement tous ceux qui ont mis leur confiance en lui. ------------------------Chapitre 42 -- La vraie grandeur PR 391 0 Ce chapitre est basé sur Daniel 4. PR 391 1 Parvenu au sommet des honneurs terrestres, et reconnu par les écrits sacrés comme le "roi des rois",1 Nebucadnetsar voulut bien attribuer, à certains moments de sa vie, la gloire de son royaume et la splendeur de son règne à la faveur de Jéhovah. C'est ce qu'il fit après le songe de la grande statue. Il avait été profondément influencé par cette vision, qui lui révélait que l'empire babylonien bien qu'universel devait s'écrouler un jour, et que d'autres royaumes lui succéderaient jusqu'à ce qu'enfin toutes les puissances terrestres soient remplacées par un royaume instauré par le Dieu du ciel -- royaume qui ne serait jamais détruit. PR 391 2 Mais plus tard, le roi de Babylone perdit de vue la noble idée qu'il se faisait des desseins de Dieu envers les nations. Cependant, lorsqu'il consentit à s'humilier devant la multitude assemblée dans la plaine de Dura, il confessa une fois de plus que le règne de Dieu "est un règne éternel" et que "sa domination subsiste de génération en génération". PR 392 1 Idolâtre par hérédité et par éducation, régnant sur un peuple idolâtre, Nebucadnetsar possédait néanmoins un sens inné de la justice et du droit. Dieu pouvait donc s'en servir pour châtier les rebelles et accomplir ses desseins. Après des années d'une préparation patiente et laborieuse, roi "du plus violent" pays "d'entre les peuples",2 ce monarque réussit à s'emparer de Tyr et de l'Egypte. Et alors qu'il ajoutait nation sur nation à son empire babylonien, sa renommée comme potentat le plus puissant de l'époque s'étendait au loin. PR 392 2 Il ne faut donc pas s'étonner que ce glorieux monarque à l'ambition et à l'orgueil démesurés ait été tenté de se détourner du sentier de l'humilité, qui seul conduit à la véritable grandeur. Dans l'intervalle de ses conquêtes, il apportait beaucoup de soin à la fortification et à l'embellissement de sa capitale, si bien qu'elle devint l'orgueil principal de son royaume, "la ville d'or", celle dont "la gloire remplissait la terre entière". Sa passion pour la construction, l'éclatant triomphe qu'il remporta en faisant de Babylone l'une des sept merveilles du monde, contribuait à entretenir son orgueil au point que fut gravement compromise la sagesse proverbiale de ce souverain dont Dieu aurait pu se servir pour l'accomplissement de ses desseins. PR 392 3 Dans sa miséricorde, le Seigneur envoya au roi un nouveau songe, afin de le mettre en garde contre le piège tendu pour sa perte. Pendant son sommeil, Nebucadnetsar vit un arbre immense, "au milieu de la terre". Sa "cime s'élevait jusqu'aux cieux, et on le voyait des extrémités de toute la terre". Les troupeaux des montagnes et des collines venaient chercher refuge sous son ombre, et les oiseaux du ciel bâtissaient leurs nids dans ses branches. "Son feuillage était beau, et ses fruits abondants; il portait de la nourriture pour tous. ... Tout être vivant tirait de lui sa nourriture." Comme le roi regardait cet arbre majestueux, il aperçut "un de ceux qui veillent et qui sont saints", descendant du ciel. Il cria avec force: PR 393 1 "Abattez l'arbre, et coupez ses branches; secouez le feuillage, et dispersez les fruits; que les bêtes fuient de dessous, et les oiseaux du milieu de ses branches! Mais laissez en terre le tronc où se trouvent les racines, et liez-le avec des chaînes de fer et d'airain, parmi l'herbe des champs. Qu'il soit trempé de la rosée du ciel, et qu'il ait, comme les bêtes, l'herbe de la terre pour partage. Son coeur d'homme lui sera ôté, et un coeur de bête lui sera donné; et sept temps passeront sur lui. Cette sentence est un décret de ceux qui veillent, cette résolution est un ordre des saints, afin que les vivants sachent que le Très-Haut domine sur le règne des hommes, qu'il le donne à qui il lui plaît, et qu'il y élève le plus vil des hommes." PR 393 2 Profondément troublé par ce songe qui, de toute évidence, prédisait l'adversité, le roi en fit part aux magiciens, aux astrologues, aux Chaldéens et aux devins. Mais bien que ce songe ait été très clair, aucun sage ne put en donner l'explication. PR 393 3 Une fois de plus, il fallait à cette nation idolâtre un témoignage établissant le fait que seuls ceux qui aiment et craignent Dieu peuvent comprendre les mystères du royaume des cieux. Dans sa perplexité, le roi fit chercher Daniel, estimé pour son intégrité et sa fidélité, comme pour son incomparable sagesse. PR 393 4 Lorsque Daniel, en réponse à l'ordre royal, comparut devant Nebucadnetsar, celui-ci lui dit: "Beltschatsar, chef des magiciens, qui as en toi, je le sais, l'esprit des dieux saints, et pour qui aucun secret n'est difficile, donne-moi l'explication des visions que j'ai eues en songe." Après avoir relaté ce songe, le roi déclara: "Toi, Beltschatsar, donnes-en l'explication, puisque tous les sages de mon royaume ne peuvent me la donner; toi, tu le peux, car tu as en toi l'esprit des dieux saints." La signification était claire et troubla le prophète. "Il fut un moment stupéfait, et ses pensées le troublaient", dit le texte. Lorsque le roi vit Daniel hésiter et se décontenancer, il manifesta de la sympathie à son serviteur. "Beltschatsar, lui dit-il, que le songe et l'explication ne te troublent pas!" PR 393 5 "Mon seigneur, répondit Daniel, que le songe soit pour tes ennemis, et son explication pour tes adversaires!" Le prophète se rendit compte que Dieu le chargeait d'une mission solennelle -- celle de révéler à Nebucadnetsar le châtiment qui allait s'abattre sur lui à cause de son orgueil et de son arrogance. Daniel devait interpréter le songe de façon à se faire comprendre par le roi; et bien que la signification en ait été terrible, qu'elle l'ait rendu hésitant et jeté dans une muette perplexité, il fallait pourtant dire au roi la vérité, quelles qu'en puissent être les conséquences. PR 394 1 Daniel expliqua donc quel était l'ordre du Tout-Puissant. "L'arbre que tu as vu, dit-il au monarque, qui était devenu grand et fort, dont la cime s'élevait jusqu'aux cieux, et qu'on voyait de tous les points de la terre; cet arbre dont le feuillage était beau et les fruits abondants, qui portait de la nourriture pour tous, sous lequel s'abritaient les bêtes des champs, et parmi les branches duquel les oiseaux du ciel faisaient leur demeure, c'est toi, ô roi, qui es devenu grand et fort, dont la grandeur s'est accrue et s'est élevée jusqu'aux cieux, et dont la domination s'étend jusqu'aux extrémités de la terre. Le roi a vu l'un de ceux qui veillent et qui sont saints descendre des cieux et dire: Abattez l'arbre, et détruisez-le; mais laissez en terre le tronc où se trouvent les racines, et liez-le avec des chaînes de fer et d'airain, parmi l'herbe des champs; qu'il soit trempé de la rosée du ciel, et que son partage soit avec les bêtes des champs, jusqu'à ce que sept temps soient passés sur lui. Voici l'explication, ô roi, voici le décret du Très-Haut, qui s'accomplira sur mon seigneur le roi. On te chassera du milieu des hommes, tu auras ta demeure avec les bêtes des champs et l'on te donnera comme aux boeufs de l'herbe à manger; tu seras trempé de la rosée du ciel, et sept temps passeront sur toi, jusqu'à ce que tu saches que le Très-Haut domine sur le règne des hommes et qu'il le donne à qui il lui plaît. L'ordre de laisser le tronc où se trouvent les racines de l'arbre signifie que ton royaume te restera quand tu reconnaîtras que celui qui domine est dans les cieux." PR 394 2 Après avoir expliqué fidèlement le songe, Daniel invita l'orgueilleux monarque à se repentir et à se tourner vers Dieu, afin d'éviter les calamités qui le menaçaient. "O roi, puisse mon conseil te plaire! poursuivit le prophète, mets un terme à tes péchés en pratiquant la justice et à tes iniquités en usant de compassion envers les malheureux, et ton bonheur pourra se prolonger." PR 395 1 Les paroles du prophète produisirent pendant un certain temps sur l'esprit du roi une forte impression; mais le coeur qui n'est pas transformé par la grâce de Dieu a vite fait d'oublier l'action du Saint-Esprit. L'égoïsme et l'ambition, n'ayant pas encore été déracinés du coeur de Nebucadnetsar, ces traits de caractère ne tardèrent pas à réapparaître. Malgré les instructions qui lui avaient été données si miséricordieusement et les avertissements reçus dans le passé, le roi continua à jalouser les royaumes qui devaient lui succéder. Son règne, caractérisé jusqu'alors par une justice et une bonté extrêmes, devint tyrannique. Son coeur s'endurcit; et il employa les dons que lui avait accordés la Providence à sa glorification personnelle, s'élevant au-dessus de Dieu qui lui avait donné la vie et la puissance. PR 395 2 Pendant des mois, le Seigneur différa son jugement. Mais, au lieu d'être amené à la repentance, le roi donna libre cours à son orgueil. Il finit même par ne plus ajouter foi à l'explication qui lui avait été donnée au sujet du songe. Il en plaisantait volontiers en pensant à la frayeur qu'elle lui avait causée. PR 395 3 Or, un an après avoir reçu l'avertissement divin, Nebucadnetsar se promenait dans son palais. Grisé par sa souveraineté toute-puissante, ainsi que par ses triomphes de bâtisseur, il s'écria: "N'est-ce pas ici Babylone la grande, que j'ai bâtie, comme résidence royale, par la puissance de ma force et pour la gloire de ma magnificence?" PR 395 4 Le roi n'avait pas fini de prononcer ces paroles orgueilleuses qu'une voix se fit entendre du ciel, lui annonçant que l'heure du jugement fixée par Dieu avait sonné. "Apprends, roi Nebucadnetsar, lui dit cette voix, qu'on va t'enlever le royaume. On te chassera du milieu des hommes, tu auras ta demeure avec les bêtes des champs, on te donnera comme aux boeufs de l'herbe à manger; et sept temps passeront sur toi, jusqu'à ce que tu saches que le Très-Haut domine sur le règne des hommes et qu'il le donne à qui il lui plaît." PR 396 1 Il perdit instantanément la raison. Son jugement qu'il croyait parfait, sa sagesse dont il était si fier, tout cela avait disparu. Ayant refusé d'écouter les messages d'avertissement qui lui avaient été prodigués, il était privé du pouvoir dont le Créateur l'avait gratifié. Chassé du milieu des hommes, Nebucadnetsar "mangea de l'herbe comme les boeufs, son corps fut trempé de la rosée du ciel; jusqu'à ce que ses cheveux crussent comme les plumes des aigles, et ses ongles comme ceux des oiseaux". PR 396 2 Pendant sept ans, le roi de Babylone fut un sujet d'étonnement pour ses sujets; pendant sept ans, il fut humilié aux yeux de tout le monde. Puis, il recouvra la raison. Levant les yeux au ciel, il s'humilia devant le Dieu vivant; dans le châtiment qui lui était infligé, il reconnut la main d'en haut. Il confessa publiquement son péché, et rendit gloire à la miséricorde divine qui l'avait réhabilité. "Après le temps marqué, déclara-t-il, moi, Nebucadnetsar, je levai les yeux vers le ciel, et la raison me revint. J'ai béni le Très-Haut, j'ai loué et glorifié celui qui vit éternellement, celui dont la domination est une domination éternelle, et dont le règne subsiste de génération en génération. Tous les habitants de la terre ne sont à ses yeux que néant: il agit comme il lui plaît avec l'armée des cieux et avec les habitants de la terre, et il n'y a personne qui résiste à sa main et qui lui dise: Que fais-tu? En ce temps, la raison me revint; la gloire de mon royaume, ma magnificence et ma splendeur me furent rendues; mes conseillers et mes grands me redemandèrent; je fus rétabli dans mon royaume, et ma puissance ne fit que s'accroître." PR 396 3 L'arrogant monarque d'autrefois n'était plus qu'un humble enfant de Dieu; le despote tyrannique, un roi compatissant et débonnaire. PR 396 4 Celui qui, jadis, avait défié et blasphémé le Dieu du ciel reconnaissait maintenant la toute-puissance du Très-Haut. Il s'efforçait de faire naître dans le coeur de ses sujets la crainte de Jéhovah. PR 396 5 Nebucadnetsar avait appris, dans la leçon infligée par le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs, ce que tout souverain devrait connaître, à savoir que la vraie grandeur réside dans la vraie bonté. Il accepta Jéhovah comme le Dieu vivant, et déclara: "Maintenant, moi, Nebucadnetsar, je loue, j'exalte et je glorifie le roi des cieux, dont toutes les oeuvres sont vraies et les voies justes, et qui peut abaisser ceux qui marchent avec orgueil." PR 397 1 Dieu avait voulu que la plus grande nation du monde proclamât sa gloire. Ses desseins étaient maintenant accomplis. PR 397 2 La déclaration publique par laquelle Nebucadnetsar reconnaissait la miséricorde, la bonté et la toute-puissance de Dieu est le dernier acte de sa vie relaté dans le récit sacré. ------------------------Chapitre 43 -- Le spectateur invisible PR 399 0 Ce chapitre est basé sur Daniel 5. PR 399 1 Vers la fin de sa vie, Daniel assista à de grands changements dans le pays où, soixante ans auparavant, il avait été emmené en captivité avec ses compagnons. Nebucadnetsar, roi du "plus violent d'entre les peuples",1 n'existait plus, et Babylone, sa capitale, "dont la gloire remplissait toute la terre"2 était gouvernée par ses incapables successeurs. Il en était résulté une corruption graduelle et profonde. PR 399 2 Cette ville orgueilleuse allait bientôt s'effondrer à cause de la folie et de la faiblesse de Belschatsar, petit-fils de Nebucadnetsar. Celui-ci, admis dès son jeune âge à prendre part à la direction des affaires du royaume, se glorifiait de sa puissance et défiait le Dieu du ciel. Il avait eu cependant bien des occasions de connaître la volonté divine et de comprendre la responsabilité de s'y soumettre. Il avait connu l'exil de son grand-père, ordonné par le Seigneur, et qui l'avait privé de la société des hommes. Il n'ignorait pas sa conversion et sa miraculeuse réhabilitation. Mais l'amour du plaisir et de la gloire personnelle effaça en lui les leçons qu'il n'aurait jamais dû oublier. Il laissa passer les occasions qui lui étaient si miséricordieusement offertes et négligea de profiter des moyens mis à sa portée pour acquérir une connaissance plus profonde de la vérité. Tout ce que Nebucadnetsar avait acquis au prix de souffrances et d'humiliations indicibles le laissait indifférent. PR 400 1 Mais bientôt les revers surgirent. Babylone fut assiégée par Cyrus, le neveu de Darius le Mède, général des armées médo-persanes. Cette ville passait pour une forteresse imprenable. Protégée par ses murs épais, ses portes d'airain et son fleuve, l'Euphrate, elle possédait des réserves pour plusieurs années. Le voluptueux monarque qu'était Belschatsar se sentait en toute sécurité dans cette enceinte, où il passait son temps en festivités. PR 400 2 Sans souci pour sa tranquillité, ce roi fier et arrogant "donna un grand festin à ses grands au nombre de mille". Toutes les réjouissances dont la richesse et la puissance pouvaient disposer rehaussaient cette scène de leur vive splendeur. De séduisantes femmes aux riches atours se mêlaient aux convives de ce banquet royal, composé d'hommes de génie et de grande distinction, de princes et d'hommes d'Etat. Et le vin coulait à flot, et tous se réjouissaient sous son influence grisante. PR 400 3 La raison obnubilée par son ivresse éhontée, le roi, livré à ses plus bas instincts et à ses plus viles passions, conduisait lui-même cette orgie obscène. Et tandis que la fête battait son plein, il ordonna qu'on apportât "les vases d'or et d'argent que ... Nebucadnetsar avait enlevés du temple, de la maison de Dieu à Jérusalem; et le roi et ses grands, ses femmes et ses concubines, s'en servirent pour boire". Il voulait montrer à ses convives que rien n'était trop sacré pour lui. PR 400 4 "Alors on apporta les vases d'or ... et ils burent du vin, et ils louèrent les dieux d'or, d'argent, d'airain, de fer, de bois et de pierre." PR 400 5 Belschatsar était loin de penser qu'un témoin céleste assistait à cette orgie païenne, qu'un spectateur invisible considérait cette scène de profanation, prêtait l'oreille à la joie sacrilège des invités et voyait leur idolâtrie. Mais bientôt l'hôte qui n'avait pas été invité fit sentir sa présence. Au moment où le festin atteignait le paroxysme du déchaînement, une main pâle apparut et traça sur la chaux de la muraille du palais royal des caractères étincelants comme du feu, des mots qui, bien qu'indéchiffrables pour la vaste assemblée, étaient de sinistres présages pour le roi et ses invités, repris maintenant dans leur conscience. PR 401 1 Les rires tumultueux cessèrent, alors que les assistants, saisis d'une terreur panique, aperçurent la main qui traçait silencieusement sur la muraille les caractères mystérieux. C'était comme un panorama où se déroulaient les détails de leurs mauvaises actions; il leur semblait comparaître à la barre du tribunal de Dieu dont ils venaient de défier le pouvoir. Dans ce lieu où, quelques instants auparavant, régnaient l'hilarité et le blasphème, des visages mortellement pâles se détachaient au milieu des cris d'épouvante. Lorsque Dieu jette la terreur chez les hommes, ils sont incapables de cacher l'intensité de leur frayeur. PR 401 2 Belschatsar était le plus épouvanté de tous. C'est lui qui était le principal responsable de la révolte contre Dieu. Devant ce spectateur invisible, représentant celui dont on avait défié et blasphémé le nom, le roi fut paralysé de terreur. Sa conscience s'éveilla; "les jointures de ses reins se relâchèrent, et ses genoux se heurtèrent l'un contre l'autre". Il s'était élevé contre le Dieu du ciel, il avait compté sur sa propre puissance, sans supposer que quelqu'un oserait lui dire un jour: "Pourquoi agis-tu ainsi?" Il comprenait maintenant que le moment était venu de rendre compte de la gestion qui lui était confiée, et qu'il n'avait plus d'excuse à présenter pour les occasions manquées et son attitude provocante. PR 401 3 Le roi essaya en vain de déchiffrer les lettres de feu Mais elles contenaient un secret qu'il ne pouvait pénétrer, un pouvoir qu'il ne savait ni comprendre ni contester. En désespoir de cause, il se tourna vers les sages de son royaume. Il "cria avec force qu'on fît venir les astrologues, les Chaldéens et les devins", afin de lui lire l'inscription. "Quiconque lira cette écriture, leur dit-il, et m'en donnera l'explication sera revêtu de pourpre, portera un collier d'or à son cou, et aura la troisième place dans le gouvernement du royaume." Mais, malgré ces riches récompenses, cet appel resta vain. La sagesse divine ne saurait ni s'acheter ni se vendre. "Tous les sages du roi ... ne purent pas lire l'Ecriture et en donner au roi l'explication." Ils ressemblaient en cela aux sages de la génération précédente, qui avaient été incapables d'interpréter le songe de Nebucadnetsar. PR 402 1 Alors la reine mère se souvint de Daniel qui, un demi-siècle auparavant, avait expliqué le songe de Nebucadnetsar. "O roi, dit-elle, vis éternellement! Que tes pensées ne te troublent pas, et que ton visage ne change pas de couleur! Il y a dans ton royaume un homme qui a en lui l'esprit des dieux saints; et du temps de ton père, on trouva chez lui des lumières, de l'intelligence, et une sagesse semblable à la sagesse des dieux. Aussi le roi Nebucadnetsar ... l'établit chef des magiciens, des astrologues, des Chaldéens, des devins, parce qu'on trouva chez lui, chez Daniel, nommé par le roi Beltschatsar, un esprit supérieur, de la science et de l'intelligence, la faculté d'interpréter les songes, d'expliquer les énigmes, et de résoudre les questions difficiles. Que Daniel soit donc appelé, et il donnera l'explication. PR 402 2 "Alors Daniel fut introduit devant le roi." S'efforçant de recouvrer ses esprits, Belschatsar dit au prophète: "Es-tu ce Daniel, l'un des captifs de Juda, que le roi, mon Père, a amenés de Juda? J'ai appris sur ton compte que tu as en toi l'esprit des dieux, et qu'on trouve chez toi des lumières, de l'intelligence et une sagesse extraordinaire. On vient d'amener devant moi les sages et les astrologues, afin qu'ils lussent cette écriture et m'en donnassent l'explication; mais ils n'ont pas su donner l'explication des mots J'ai appris que tu peux donner des explications et résoudre des questions difficiles; maintenant, si tu peux lire cette écriture et m'en donner l'explication, tu seras revêtu de pourpre, tu porteras un collier d'or à ton cou, et tu auras la troisième place dans le gouvernement du royaume." PR 402 3 Debout devant cette assemblée terrifiée, Daniel, nullement impressionné par les promesses du roi, manifestant la calme dignité d'un serviteur du Tout-Puissant, ne prononça aucune parole flatteuse. Il interpréta simplement ce message prophétique. "Garde tes dons, dit-il au roi, et accorde à un autre tes présents; je lirai néanmoins l'écriture au roi, et je lui en donnerai l'explication." PR 403 1 Le prophète rappela tout d'abord au monarque les faits qu'il connaissait bien, mais qui ne lui avaient pas appris l'humilité qui aurait pu le sauver. Il lui parla du péché et de la chute de Nebucadnetsar, des appels que Dieu lui avait adressés, de la domination et de la gloire qu'il lui avait accordées, du jugement qui avait attisé son orgueil au lieu de l'humilier, de l'aveu qu'il avait fait par la suite au sujet de la puissance et de la miséricorde célestes. Puis, Daniel exposa au roi son péché et son extrême perversité. Belschatsar se souvenait mal de la vie de son grandpère, il n'avait pas tenu compte des leçons des événements prédits, si lourds de signification pour lui-même. Il avait eu l'occasion de connaître le vrai Dieu et de lui obéir, mais il n'y avait pas appliqué son coeur; il allait maintenant en subir les conséquences. PR 403 2 "Toi, Belschatsar, déclara le prophète ... tu n'as pas humilié ton coeur, quoique tu susses toutes ces choses. Tu t'es élevé contre le Seigneur des cieux; les vases de sa maison ont été apportés devant toi, et vous vous en êtes servi pour boire du vin, toi et tes grands, tes femmes et tes concubines; tu as loué les dieux d'argent, d'or, d'airain, de fer, de bois et de pierre, qui ne voient point, qui n'entendent point, et ne savent rien; et tu n'as pas glorifié le Dieu qui a dans sa main ton souffle et toutes tes voies. C'est pourquoi il a envoyé cette extrémité de main qui a tracé cette écriture." PR 403 3 Et, se tournant vers le message divin inscrit sur la muraille, le prophète lut: MENE, MENE, THEKEL, UPHARSIN. La main qui avait tracé ces caractères n'était plus visible, mais les quatre mots, toujours lumineux, se détachaient avec une netteté impressionnante. L'assistance, haletante, écoutait le vieux prophète déclarer: "Voici l'explication de ces mots: MENE -- compté: Dieu a compté ton règne, et y a mis fin. THEKEL -- pesé: tu as été pesé dans la balance, et tu as été trouvé trop léger. PERES -- divisé: ton royaume sera divisé, et donné aux Mèdes et aux Perses." PR 404 1 Dans cette dernière nuit de folle débauche, Belschatsar et ses grands avaient mis le comble à leurs péchés et aux péchés du royaume chaldéen. La main qui avait retardé le châtiment divin ne pouvait plus le différer. Dieu s'était efforcé par des bénédictions répétées d'enseigner aux Babyloniens le respect de sa loi. "Nous avons voulu guérir Babylone, déclarait le prophète Jérémie, mais elle n'a pas guéri."3 L'extrême perversité du coeur humain ne permit plus de retarder la sentence divine. Belschatsar devait disparaître pour faire place à un autre royaume. PR 404 2 Lorsque Daniel eut achevé son explication, le roi ordonna qu'on lui attribuât les honneurs promis. En conséquence, "on [le] revêtit de pourpre, on lui mit au cou un collier d'or, et on publia qu'il aurait la troisième place dans le gouvernement du royaume". PR 404 3 Plus d'un siècle auparavant, la parole inspirée avait prédit que "la nuit ... de plaisir", au cours de laquelle le roi et ses conseillers chercheraient à rivaliser pour blasphémer contre Dieu, serait soudain changée en une nuit de terreur et de ruine. Or cette nuit-là de rapides événements se succédèrent, exactement comme l'avait prédit Daniel. PR 404 4 Tandis que Belschatsar se trouvait encore dans la salle du festin, entouré de ceux dont le sort était lié au sien, on vint annoncer que la "ville était prise" par l'ennemi contre lequel ils se croyaient si bien défendus, "que les passages étaient envahis, ... et que les hommes de guerre étaient consternés".4 Au moment même où le roi et ses grands buvaient dans les vases sacrés du temple de Jérusalem et louaient leurs dieux d'argent, d'or, d'airain, de bois, les Mèdes et les Perses, après avoir détourné les eaux de l'Euphrate, pénétraient au coeur de la ville privée de défense. Les armées de Cyrus se trouvaient maintenant sous les murs du palais. Babylone était envahie par les soldats ennemis, nombreux "comme les sauterelles",5 et leurs cris de triomphe dominaient ceux des convives terrifiés. PR 404 5 "Cette nuit, Belschatsar, roi des Chaldéens, fut tué", et un monarque étranger le remplaça sur le trône. PR 404 6 Avec quelle exactitude les prophètes hébreux avaient annoncé la chute de Babylone! Dans leurs visions des événements de l'avenir, ils s'étaient écriés: "Eh quoi! Schéschac est prise! celle dont la gloire remplissait toute la terre est conquise! Eh quoi! Babylone est détruite au milieu des nations!" "Eh quoi! il est rompu, brisé, le marteau de toute la terre! Babylone est détruite au milieu des nations!" "Au bruit de la prise de Babylone la terre tremble, et un cri se fait entendre parmi les nations." "Soudain Babylone tombe, elle est brisée!" "Oui, le dévastateur fond sur elle, sur Babylone; les guerriers de Babylone sont pris, leurs arcs sont brisés. Car l'Eternel est un Dieu qui rend à chacun selon ses oeuvres, qui paie à chacun son salaire. J'enivrerai ses princes et ses sages, ses gouverneurs, ses chefs et ses guerriers; ils s'endormiront d'un sommeil éternel, et ne se réveilleront plus, dit le roi, dont l'Eternel des armées est le nom." PR 405 1 "Je t'ai tendu un piège, et tu as été prise, Babylone, à l'improviste; tu as été atteinte, saisie, parce que tu as lutté contre l'Eternel. L'Eternel a ouvert son arsenal, et il en a tiré les armes de sa colère; car c'est là une oeuvre du Seigneur, de l'Eternel des armées, dans le pays des Chaldéens." PR 405 2 "Ainsi parle l'Eternel des armées: Les enfants d'Israël et les enfants de Juda sont ensemble opprimés; tous ceux qui les ont emmenés captifs les retiennent, et refusent de les relâcher. Mais leur vengeur est puissant, lui dont l'Eternel des armées est le nom; il défendra leur cause, afin de donner le repos au pays, et de faire trembler les habitants de Babylone."6 PR 405 3 Ainsi, "les larges murailles de Babylone" furent "renversées, ses hautes portes ... brûlées par le feu". Ainsi, l'Eternel des armées fit "cesser l'orgueil des hautains", et abattit "l'arrogance des tyrans" . Babylone, l'ornement des royaumes, la fière parure des Chaldéens, devint "comme Sodome et Gomorrhe", un lieu à jamais maudit. "Elle ne sera plus jamais habitée", déclarait le prophète. "Elle ne sera plus jamais peuplée; l'Arabe n'y dressera point sa tente, et les bergers n'y parqueront point leurs troupeaux. Les animaux du désert y prendront leur gîte, les hiboux rempliront ses maisons, les autruches en feront leur demeure et les boucs y sauteront. Les chacals hurleront dans ses palais, et les chiens sauvages dans ses maisons de plaisance." "J'en ferai le gîte du hérisson et un marécage, et je la balaierai avec le balai de la destruction, dit l'Eternel des armées."7 PR 406 1 Le spectateur invisible avait adressé cette sentence au dernier roi de Babylone: "Apprends ... qu'on va t'enlever le royaume."8 PR 406 2 Descends, et assieds-toi dans la poussière, Vierge, fille de Babylone! Assieds-toi à terre, sans trône. ... Assieds-toi en silence, et va dans les ténèbres, Fille des Chaldéens! On ne t'appellera plus la souveraine des royaumes. J'étais irrité contre mon peuple, J'avais profané mon héritage, Et je les avais livrés entre tes mains: Tu n'as pas eu pour eux de la compassion. ... Tu disais: A toujours je serai souveraine! Tu n'as point mis dans ton esprit, Tu n'as point songé que cela prendrait fin. Ecoute maintenant ceci, voluptueuse Qui t'assieds avec assurance, Et qui dis en ton coeur: Moi, et rien que moi! Je ne serai jamais veuve, Et je ne serai jamais privée d'enfants! Ces deux choses t'arriveront subitement, au même jour, La privation d'enfants et le veuvage; Elles fondront en plein sur toi, ... Malgré le grand nombre de tes enchantements. Tu avais confiance dans ta méchanceté, Tu disais: Personne ne me voit! Ta sagesse et ta science t'ont séduite. Et tu disais en ton coeur: Moi, et rien que moi! Le malheur viendra sur toi, Sans que tu en voies l'aurore; La calamité tombera sur toi, Sans que tu puisses la conjurer; Et la ruine fondra sur toi tout à coup, A l'improviste. Reste donc au milieu de tes enchantements Et de la multitude de tes sortilèges, Auxquels tu as consacré ton travail dès ta jeunesse; Peut-être pourras-tu en tirer profit, Peut-être deviendras-tu redoutable. Tu t'es fatiguée à force de consulter: Qu'ils se lèvent donc et qu'ils te sauvent, Ceux qui connaissent le ciel, Qui observent les astres, Qui annoncent, d'après les nouvelles lunes, Ce qui doit arriver! Voici, ils sont comme de la paille, le feu les consume, Ils ne sauveront pas leur vie des flammes. ... Il n'y aura personne qui vienne à ton secours. PR 407 1 C'est Dieu qui permet à toutes les nations, appelées à jouer un rôle important dans l'histoire, de s'établir ici-bas afin de voir si elles accompliront ses desseins. La prophétie a consigné la naissance et l'évolution des grands empires: Babylone, Médo-persan, Grec et Romain. Avec chacun d'eux, comme avec les nations de moindre importance, l'histoire s'est répétée. Chaque pays a connu son temps d'épreuve; chacun a failli à sa mission, a vu sa gloire s'évanouir et sa puissance disparaître. PR 407 2 Mais bien que les nations aient rejeté les principes divins et travaillé ainsi à leur propre ruine, le Tout-Puissant a poursuivi à travers tous les âges le but qu'il s'était proposé. C'est ce qu'il fut donné au prophète Ezéchiel de contempler dans une vision. Alors qu'il était en exil en Chaldée, une scène merveilleuse passa devant ses yeux, des symboles lui apparurent lui révélant qu'une puissance dirige les affaires de ce monde. PR 407 3 Sur les rives du fleuve de Kebar, le prophète entendit un vent impétueux qui semblait souffler du septentrion. "Une grosse nuée, et une gerbe de feu qui répandait de tous côtés une lumière éclatante, au centre de laquelle brillait comme de l'airain poli." Des roues s'entrecroisaient et étaient mues par quatre animaux. Au-dessus de ceux-ci "il y avait quelque chose de semblable à une pierre de saphir, en forme de trône; et sur cette forme de trône apparaissait comme une figure d'homme placé dessus en haut". "On voyait aux chérubins une forme de main d'homme sous leurs ailes."10 La structure des roues était si compliquée qu'elles paraissaient à première vue s'enchevêtrer, et cependant elles se mouvaient dans une harmonie parfaite. Des êtres célestes, soutenus et guidés par la main placée sous les ailes des chérubins, actionnaient ces roues. Au-dessus d'eux, sur le trône de saphir, se trouvait Jéhovah, et ce trône était environné d'un arc-en-ciel, emblème de la miséricorde divine. PR 408 1 De même que le mécanisme compliqué des roues était dirigé par la main placée sous les ailes des chérubins, de même le jeu compliqué des événements est sous le contrôle divin. Au milieu des luttes et du tumulte des nations, celui qui est assis au-dessus des chérubins continue à diriger les affaires de ce monde. PR 408 2 L'histoire des nations nous sert aujourd'hui d'enseignement. Dans son vaste plan, Dieu a assigné une place à chaque peuple, à chaque individu. De nos jours, hommes et nations seront mis à l'épreuve et jaugés avec la mesure placée dans la main de celui qui ne saurait se tromper. Hommes et nations décident de leur sort d'après leur propre choix, et Dieu dirige tout pour l'accomplissement de ses desseins. PR 408 3 Les prophéties que le grand JE SUIS a données dans sa Parole sont autant d'anneaux de la chaîne des événements qui relie l'éternité dans le passé à l'éternité dans l'avenir. C'est par elles que nous savons où nous en sommes aujourd'hui et ce que nous devons attendre des temps à venir. Tout ce que les prophéties ont prédit comme devant arriver jusqu'à nos jours a été consigné dans les pages de l'histoire, et on peut être assuré que tout ce qui doit se produire s'accomplira au moment voulu. PR 408 4 Les signes des temps proclament que nous sommes arrivés au seuil d'événements grands et solennels. Tout ici-bas est en agitation. Les prophéties du Sauveur relatives à ce qui va se passer avant son retour s'accomplissent sous nos yeux: "Vous entendrez parler de guerres et de bruits de guerres, a dit Jésus. ... Une nation s'élèvera contre une nation, et un royaume contre un royaume, et il y aura, en divers lieux, des famines et des tremblements de terre."11 PR 408 5 Notre époque offre un intérêt capital pour nous tous. Gouverneurs, hommes d'Etat, tous ceux qui occupent des postes de confiance, tous ceux qui réfléchissent ont l'attention fixée sur les événements qui se déroulent autour de nous. Ils suivent avec intérêt les rapports qui existent entre les nations; ils notent la tension qui s'exerce sur les éléments terrestres, et ils reconnaissent que quelque chose de grand et de décisif va se produire: le monde est à la veille d'une catastrophe effroyable. Seule la Bible nous donne une vue exacte de ces choses; elle nous révèle les grandes scènes finales de l'histoire de notre monde, nous parle d'événements qui projettent déjà leurs ombres lugubres ici-bas, nous fait entendre le bruit qui annonce leur approche, bruit qui fait trembler la terre et met les hommes dans un état où ils rendent l'âme de frayeur. PR 409 1 Parlant de cette époque, le prophète Esaïe s'exprime ainsi: PR 409 2 "Voici, l'Eternel dévaste le pays et le rend désert, il en bouleverse la face et en disperse les habitants. ... Car ils transgressaient les lois, violaient les ordonnances, ils rompaient l'alliance éternelle. C'est pourquoi la malédiction dévore le pays."12 PR 409 3 "Ah! quel jour! Car le jour de l'Eternel est proche: il vient comme un ravage du Tout-Puissant. ... Les semences ont séché sous les mottes; les greniers sont vides, les magasins sont en ruines, car il n'y a point de blé. Comme les bêtes gémissent! Les troupeaux de boeufs sont consternés, parce qu'ils sont sans pâturage; et même les troupeaux de brebis sont en souffrance." "La vigne est confuse, le figuier languissant; le grenadier, le palmier, le pommier, tous les arbres des champs sont flétris... La joie a cessé parmi les fils de l'homme!"13 PR 409 4 "Mes entrailles! mes entrailles! je souffre au-dedans de mon coeur, le coeur me bat, je ne puis me taire; car tu entends, mon âme, le son de la trompette, le cri de guerre. On annonce ruine sur ruine, car tout le pays est ravagé."14 PR 409 5 "Malheur! car ce jour est grand; il n'y en a point eu de semblable. C'est un temps d'angoisse pour Jacob; mais il en sera délivré."15 PR 409 6 "Tu es mon refuge, ô Eternel! tu fais du Très-Haut ta retraite. Aucun malheur ne t'arrivera, aucun fléau n'approchera de ta tente."16 PR 409 7 "Fille de Sion, ... l'Eternel te rachètera de la main de tes ennemis. Maintenant plusieurs nations se sont rassemblées contre toi: qu'elle soit profanée, disent-elles, et que nos yeux se rassasient dans Sion! Mais elles ne connaissent pas les pensées de l'Eternel, elles ne comprennent pas ses desseins."17 Dieu n'abandonnera pas son Eglise au moment où elle court le plus grand danger. Il a promis de la délivrer: "Voici, dit-il, je ramène les captifs des tentes de Jacob, j'ai compassion de ses demeures."18 PR 410 1 C'est ainsi que les desseins de Dieu s'accompliront et que les principes de son royaume seront honorés sur toute la terre. ------------------------Chapitre 44 -- Dans la fosse aux lions PR 411 0 Ce chapitre est basé sur Daniel 6. PR 411 1 Lorsque Darius le Mède s'empara du pouvoir, jusque-là aux mains des rois babyloniens, il procéda immédiatement à la réorganisation de l'administration. Il établit "cent vingt satrapes. ... Il mit à leur tête trois chefs, au nombre desquels était Daniel, afin que ces satrapes leur rendissent compte, et que le roi ne souffrît aucun dommage. Daniel surpassait les chefs et les satrapes, parce qu'il y avait en lui un esprit supérieur; et le roi pensait à l'établir sur tout le royaume." PR 411 2 Les honneurs dont Daniel était comblé excitèrent la jalousie des satrapes, qui cherchèrent une occasion pour l'accuser. Mais ils ne purent en trouver, car "il était fidèle et on n'apercevait chez lui ni faute, ni rien de mauvais". PR 411 3 Cette conduite irréprochable de Daniel ne fit que lui attirer encore davantage la haine de ses ennemis. "Nous ne trouvons aucune occasion contre ce Daniel, furent-ils obligés de reconnaître, à moins que nous n'en trouvions une dans la loi de son Dieu." PR 412 1 Là-dessus, les chefs et les satrapes se concertèrent pour tramer un complot qui, espéraient-ils, mettrait fin aux jours du prophète. Ils décidèrent donc de demander au roi d'émettre un décret défendant à tous les habitants du royaume, pendant trente jours, d'adresser des prières à Dieu ou à un homme à l'exception du roi Darius. Celui qui le violerait serait jeté dans la fosse aux lions. PR 412 2 En demandant à Darius de signer ce décret, les satrapes s'efforcèrent de lui démontrer qu'il renforcerait sa gloire et son autorité. Et le roi, ignorant tout de ce complot rusé et ne soupçonnant même pas la haine des satrapes, se laissa aller à leur flatterie. Il signa le décret. PR 412 3 Alors les ennemis de Daniel se retirèrent, tout heureux d'avoir réussi à tendre un piège au serviteur de Dieu. Satan avait joué un rôle important dans cette affaire. Il craignait que le prophète, qui exerçait une grande autorité dans le royaume, n'affaiblît son influence sur les chefs. Ce furent ses mauvais anges qui suscitèrent chez les satrapes l'envie et la jalousie; ils leur suggérèrent l'élaboration de ce décret pour se débarrasser de Daniel. PR 412 4 Les ennemis du prophète comptaient sur sa ferme adhésion à ses principes pour la réussite de leur plan. Et ils ne se trompèrent pas. Daniel discerna rapidement la méchanceté qui se cachait dans ce décret, mais il ne modifia en rien sa conduite. Pourquoi cesserait-il de prier alors qu'il avait le plus besoin de force spirituelle? Plutôt renoncer à la vie qu'à son espoir en Dieu. Sans se départir de son calme habituel, il continua à s'acquitter de sa tâche de chef des satrapes. A l'heure de la prière, il se retirait dans sa maison dont les fenêtres s'ouvraient dans la direction de Jérusalem; et, selon son habitude, il invoquait son Dieu. Il n'essayait pas de se cacher pour se livrer à la prière. Bien qu'il sût parfaitement ce qui l'attendait, il ne faiblit pas un seul instant. Il n'aurait pas voulu que ceux qui complotaient sa mort croient que ses relations avec le Très-Haut s'étaient modifiées. PR 413 1 Daniel obéissait à Darius sur tout ce qu'il lui reconnaissait le droit de commander; mais ni lui ni son décret ne pouvaient le détourner de sa loyauté envers le Roi des rois. Il affirmait ainsi courageusement, mais humblement et silencieusement, que nul n'a le droit de s'interposer entre la conscience et Dieu. Au sein de l'idolâtrie où il vivait, il rendait un fidèle témoignage à cette vérité. Sa ferme adhésion à ce qui est juste était une lumière qui resplendissait au milieu de l'obscurité morale de la cour païenne. Daniel reste ainsi pour tous les âges un exemple courageux de fidélité chrétienne. PR 413 2 Les satrapes observèrent Daniel pendant toute une journée. Ils le virent se rendre dans sa maison et, à trois reprises, l'entendirent élever la voix vers Dieu, dans une fervente prière. Ils se présentèrent dès le lendemain matin devant le roi pour lui faire part de la chose. Daniel, le plus honoré, le plus fidèle de ses chefs, avait osé défier le décret royal. "N'as-tu pas écrit une défense, lui rappelèrent-ils, portant que quiconque dans l'espace de trente jours adresserait des prières à quelque dieu ou à quelque homme, excepté à toi, ô roi, serait jeté dans la fosse aux lions? Le roi répondit: La chose est certaine, selon la loi des Mèdes et des Perses, qui est immuable." PR 413 3 Triomphants, ils apprirent alors à Darius quelle était la conduite de son plus sûr conseiller. "Daniel, lui dirent-ils, l'un des captifs de Juda, n'a tenu aucun compte de toi, ô roi, ni de la défense que tu as écrite, et il a fait sa prière trois fois le jour." PR 413 4 Lorsque le monarque entendit ces paroles, il se rendit compte immédiatement qu'on avait voulu tendre un piège à son fidèle serviteur, et que ce n'était pas par enthousiasme pour la gloire royale qu'on l'avait amené à promulguer ce décret, mais plutôt par jalousie à l'égard de Daniel. "Le roi fut très affligé" d'avoir joué un mauvais rôle dans ce complot. "Il prit à coeur ... jusqu'au coucher du soleil" de délivrer son ami. PR 413 5 Les satrapes s'attendaient à cette initiative de la part du roi. Ils vinrent lui dire: "Sache, ô roi, que la loi des Mèdes et des Perses exige que toute défense ou tout décret confirmé par le roi soit irrévocable." Bien que rédigé hâtivement ce décret était donc intangible, et il devait être appliqué intégralement. PR 414 1 "Alors le roi donna l'ordre qu'on amenât Daniel, et qu'on le jetât dans la fosse aux lions. Le roi prit la parole et dit à Daniel: Puisse ton Dieu, que tu sers avec persévérance, te délivrer! On apporta une pierre, et on la mit sur l'ouverture de la fosse; le roi la scella de son anneau et de l'anneau de ses grands, afin que rien ne fût changé à l'égard de Daniel. Le roi se rendit ensuite dans son palais; il passa la nuit à jeun, il ne fit point venir de concubine auprès de lui, et il ne put se livrer au sommeil." PR 414 2 Dieu n'empêcha pas les ennemis de Daniel de le jeter dans la fosse aux lions. Il permit aux démons et aux hommes pervers de réaliser jusqu'à ce point leur projet. Mais c'était afin de rendre plus éclatante la délivrance de son serviteur et plus totale la défaite des ennemis de la vérité et de la justice. "L'homme te célèbre, a dit le Psalmiste en parlant de Dieu, même dans sa fureur."1 Par le courage de ce prophète qui préféra le bien aux honneurs, Dieu allait exalter son nom et confondre Satan. PR 414 3 Le lendemain, au point du jour, le roi Darius se rendit en toute hâte à la fosse aux lions, et "il appela Daniel d'une voix triste: Daniel, serviteur du Dieu vivant, ton Dieu que tu sers avec persévérance, a-t-il pu te délivrer des lions?" Le prophète lui répondit: "Roi, vis éternellement! Mon Dieu a envoyé son ange et fermé la gueule des lions, qui ne m'ont fait aucun mal, parce que j'ai été trouvé innocent devant lui; et devant toi non plus, ô roi, je n'ai rien fait de mauvais. Alors le roi fut très joyeux, et il ordonna qu'on fît sortir Daniel de la fosse. Daniel fut donc retiré de la fosse, et on ne trouva sur lui aucune blessure, parce qu'il avait eu confiance en son Dieu. Le roi ordonna que ces hommes qui avaient accusé Daniel fussent amenés et jetés dans la fosse aux lions, eux, leurs enfants et leurs femmes; et avant qu'ils fussent parvenus au fond de la fosse, les lions les saisirent et brisèrent tous leurs os." PR 414 4 Une fois de plus on vit un roi païen faire paraître un édit exaltant le Dieu de Daniel comme le vrai Dieu. "Après cela, le roi Darius écrivit à tous les peuples, à toutes les nations, aux hommes de toutes langues, qui habitaient sur toute la terre: Que la paix vous soit donnée avec abondance! J'ordonne que, dans toute l'étendue de mon royaume, on ait de la crainte et de la frayeur pour le Dieu de Daniel. Car il est le Dieu vivant, et il subsiste éternellement; son royaume ne sera jamais détruit, et sa domination durera jusqu'à la fin. C'est lui qui délivre et qui sauve, qui opère des signes et des prodiges dans les cieux et sur la terre. C'est lui qui a délivré Daniel de la puissance des lions." PR 415 1 L'opposition qu'avait rencontrée le serviteur de Dieu était maintenant totalement brisée. "Daniel prospéra sous le règne de Darius, et sous le règne de Cyrus, le Perse." Les monarques païens avaient été obligés de reconnaître à la suite des rapports qu'ils avaient eus avec Daniel que son Dieu "est le Dieu vivant, qu'il subsiste éternellement et que son royaume ne sera jamais détruit". PR 415 2 Cette délivrance de Daniel nous apprend qu'au moment de l'épreuve et des tribulations les enfants de Dieu doivent continuer à se comporter comme aux jours où, évoluant dans un milieu facile, tous leurs projets s'annoncent pleins d'espoir. Le Daniel de la fosse aux lions était le même Daniel qui remplissait auprès du roi les fonctions de chef parmi ses ministres et celles de prophète du Très-Haut. L'homme qui s'appuiera sur Dieu ne changera ni dans les heures sombres de l'adversité, ni dans les jours heureux de la prospérité où la lumière divine et les faveurs humaines se répandent sur lui. La foi atteint l'invisible et s'empare des réalités éternelles. PR 415 3 Le ciel est tout près de ceux qui souffrent pour l'amour de la justice. Le Christ identifie ses intérêts à ceux de ses fidèles disciples; il souffre dans la personne de ses saints, et celui qui les touche le touche aussi. La puissance qui est prête à délivrer l'homme du danger physique ou de la détresse morale est prête aussi à le sauver de plus grands maux; elle permet au serviteur de Dieu de garder son intégrité dans toutes les circonstances et de triompher par la grâce divine. PR 415 4 La conduite de Daniel comme homme d'Etat des royaumes babylonien et médo-persan met en évidence le fait qu'un homme qui occupe une situation semblable n'est pas nécessairement un intrigant ou un arriviste, mais un homme qui peut recevoir constamment des instructions divines. Daniel, premier ministre du plus grand royaume du monde, était en même temps prophète du Très-Haut, et par conséquent inspiré par lui. Il n'était pas parfait cependant; c'était un homme de même nature que nous. Mais la plume inspirée nous le décrit comme étant irréprochable. Ses ennemis les plus acharnés ne pouvaient rien trouver à redire à la manière dont il s'acquittait de sa tâche. Son exemple devrait montrer aux hommes d'Etat comment se comporter quand on est converti et consacré au Seigneur. PR 416 1 Une stricte obéissance aux exigences divines procure de riches bénédictions matérielles et spirituelles. Daniel fut fidèle à son Dieu, et il ne perdit jamais la maîtrise de sa personne. Par sa noble dignité, son inébranlable intégrité, alors qu'il n'était qu'un jeune homme, il trouva "faveur et grâce"2 auprès du chef des eunuques qui s'occupait de lui. Ces caractéristiques, il les conserva constamment par la suite. Aussi s'éleva-t-il rapidement aux fonctions de premier ministre du royaume babylonien. Au cours des règnes successifs des monarques chaldéens, à la chute de l'empire et à l'instauration d'un nouveau royaume, il faisait preuve de tant de sagesse, de tant de compétence dans le gouvernement, il agissait avec un tel tact, une telle courtoisie, sa bonté était si réelle, sa fidélité aux principes si grande que ses ennemis étaient obligés de confesser "qu'on n'apercevait chez lui ni faute, ni rien de mauvais". PR 416 2 Honoré ici-bas comme homme d'Etat détenant les secrets des royaumes qui dominaient l'univers, Daniel était aussi honoré par Dieu dont il était l'ambassadeur et qui lui donnait des révélations concernant les mystères de l'avenir. Ces admirables prophéties, contenues aux chapitres sept à douze du livre qui porte son nom, ne furent pas entièrement comprises par lui; mais, avant de terminer sa tâche, il reçut la bienheureuse assurance qu'"au temps de la fin" -- quand l'histoire du monde arriverait à son terme -- il serait "debout pour son héritage". PR 416 3 Il ne lui fut pas donné de comprendre tout ce que Dieu lui avait révélé. "Tiens secrètes ces paroles, et scelle le livre jusqu'au temps de la fin",3 lui fut-il dit. C'est pourquoi, à mesure que nous approchons de la fin de toutes choses, les prophéties de Daniel exigent une attention toute particulière, car elles nous parlent de l'époque même où nous vivons. Ces prophéties doivent être rapprochées de celles de Jean dans l'Apocalypse. Satan s'est efforcé au cours des âges de faire croire à de nombreux chrétiens que les livres de Daniel et de l'Apocalypse étaient incompréhensibles. Mais il fut dit à Daniel: "Ceux qui auront de l'intelligence comprendront."4 Et Jean, de son côté, entendit ces paroles: "Heureux celui qui lit et ceux qui entendent les paroles de la prophétie, et qui gardent les choses qui y sont écrites!"5 PR 417 1 La grandeur et la décadence des nations, telles que nous les ont décrites les livres de Daniel et de l'Apocalypse, devraient nous apprendre combien vaine est la gloire de ce monde. Babylone, dans toute sa magnificence et dont la puissance n'a jamais été égalée, semblait devoir durer éternellement. Mais où est-elle aujourd'hui? Elle a passé "comme la fleur de l'herbe".6 Les empires qui lui ont succédé: médo-persan, grec et romain passèrent de la même manière. Et ainsi périra tout ce qui n'a pas Dieu pour fondement. Seul demeure ce qui est selon ses desseins et qui exprime son caractère. Ses principes constituent les seules bases durables ici-bas. PR 417 2 Une étude attentive de l'accomplissement du plan divin dans l'histoire des nations et des prophéties relatives aux événements futurs nous aidera à estimer à leur juste valeur les choses visibles et invisibles, et à apprendre quel est le but véritable de la vie. Ainsi, en considérant les événements à la lumière de l'éternité, il est possible de vivre comme Daniel et ses compagnons pour ce qui est vrai, noble et durable. En apprenant ici-bas à nous conformer aux principes du royaume de notre Seigneur et Sauveur -- royaume qui durera éternellement -- nous serons prêts quand il apparaîtra une seconde fois à entrer avec lui dans sa gloire. ------------------------Chapitre 45 -- Retour de l'exil PR 419 1 L'arrivée des armées de Cyrus devant les murs de Babylone fut pour les Juifs le signe que leur délivrance approchait. Plus d'un siècle avant la naissance de ce monarque, la prophétie avait mentionné son nom. Elle avait annoncé le rôle qu'il devait jouer en s'emparant de Babylone à l'improviste et en préparant la voie pour le retour des Israélites de la captivité. Voici ce que nous dit à ce sujet le prophète Esaïe: PR 419 2 "Ainsi parle l'Eternel à son oint, à Cyrus, qu'il tient par la main, pour terrasser les nations devant lui, et pour relâcher la ceinture des rois, pour lui ouvrir les portes, afin qu'elles ne soient plus fermées: Je marcherai devant toi, j'aplanirai les chemins montueux, je romprai les portes d'airain, et je briserai les verrous de fer. Je te donnerai des trésors cachés, des richesses enfouies, afin que tu saches que je suis l'Eternel qui t'appelle par ton nom, le Dieu d'Israël."1 PR 419 3 Lorsque les armées du conquérant perse pénétrèrent inopinément dans la capitale babylonienne, en empruntant le lit de l'Euphrate dont les eaux avaient été détournées, lorsque Cyrus franchit les portes intérieures de la ville, laissées ouvertes par négligence et privant la capitale de défense, les Juifs eurent la preuve évidente que la prophétie d'Esaïe s'accomplissait littéralement -- prophétie relative à la ruine soudaine de leurs oppresseurs. Ils avaient là un signe éclatant que Dieu dirigeait les affaires des nations en leur faveur, car à la prophétie annonçant la chute de Babylone étaient ajoutées ces paroles: "Je dis de Cyrus: Il est mon berger, et il accomplira toute ma volonté; il dira de Jérusalem: Qu'elle soit rebâtie! et du temple: Qu'il soit fondé!" "C'est moi qui ai suscité Cyrus dans ma justice, et j'aplanirai toutes ses voies; il rebâtira ma ville, et libérera mes captifs, sans rançon ni présents, dit l'Eternel des armées."2 PR 420 1 Ces prophéties n'étaient pas les seules qui auraient dû permettre aux exilés de croire à leur prochaine délivrance. Les écrits de Jérémie étaient à leur portée, et ils pouvaient y lire nettement la période de temps qui s'écoulerait avant leur retour en Palestine. "Lorsque ces soixante et dix ans seront accomplis, écrivait le prophète, je châtierai le roi de Babylone et cette nation, dit l'Eternel. ... Je punirai le pays des Chaldéens, et j'en ferai des ruines éternelles."3 Dieu montrerait sa faveur envers le reste de Juda qui lui adresserait de ferventes prières. "Je me laisserai trouver par vous, dit l'Eternel, et je ramènerai vos captifs; je vous rassemblerai de toutes les nations et de tous les lieux où je vous ai chassés, dit l'Eternel, et je vous ramènerai dans le lieu d'où je vous ai fait aller en captivité."4 PR 420 2 Que de fois Daniel et ses compagnons s'étaient attardés sur ces prophéties et d'autres semblables soulignant les intentions de Dieu à l'égard de son peuple! Et maintenant que le cours rapide des événements montrait que la puissante main du Seigneur était à l'oeuvre parmi les nations, Daniel pensait tout particulièrement aux promesses faites à Israël. Sa foi dans la parole prophétique le poussait à approfondir les messages des écrivains sacrés. "Dès que soixante et dix ans seront écoulés pour Babylone, y était-il dit, je me souviendrai de vous, et j'accomplirai à votre égard ma bonne parole, en vous ramenant dans ce lieu. Car je connais les projets que j'ai formés sur vous, dit l'Eternel, projets de paix et non de malheur, afin de vous donner un avenir et de l'espérance. Vous m'invoquerez, et vous partirez; vous me prierez, et je vous exaucerai. Vous me chercherez, et vous me trouverez, si vous me cherchez de tout votre coeur."5 PR 421 1 Peu de temps avant la chute de Babylone, alors que Daniel méditait sur ces prophéties et suppliait Dieu de l'éclairer, il reçut un certain nombre de visions relatives à la grandeur et à la décadence des royaumes terrestres. La première de ces visions relatée au septième chapitre de son livre lui fut expliquée, et cependant tout ne lui parut pas clair. "Je fus extrêmement troublé par mes pensées, dit-il en parlant de cette vision, je changeai de couleur, et je conservai ces paroles dans mon coeur."6 Mais une autre vision lui fit comprendre ce qui allait se produire. C'est à la fin de celle-ci qu'il entendit "parler un saint; et un autre saint dit à celui qui parlait: Pendant combien de temps s'accomplira la vision?"7 Et lorsqu'il lui fut répondu: "Deux mille trois cents soirs et matins, puis le sanctuaire sera purifié",8 le prophète se sentit très perplexe. Il s'efforçait de pénétrer le sens de cette vision, mais il ne pouvait comprendre le rapport qui existait entre les soixante-dix ans de captivité prédits par Jérémie et les deux mille trois cents soirs et matins qui devaient s'écouler avant la purification du sanctuaire. L'ange Gabriel lui en donna une explication partielle; mais lorsque l'ange prononça ces paroles: "La vision ... se rapporte à des temps éloignés", le prophète s'évanouit. "Moi, Daniel, je fus plusieurs jours languissant et malade, dit-il; puis je me levai, et je m'occupai des affaires du roi. J'étais étonné de la vision, et personne n'en eut connaissance."9 PR 421 2 Toujours inquiet au sujet du sort d'Israël, Daniel étudia à nouveau les prophéties de Jérémie. Elles étaient très claires -- si claires qu'il comprit que soixante-dix ans devaient s'écouler "pour les ruines de Jérusalem, d'après le nombre des années dont l'Eternel avait parlé à Jérémie, le prophète".10 PR 421 3 Avec une foi fondée sur la parole certaine de la prophétie, Daniel supplia Dieu de hâter l'accomplissement de ses promesses. Il insista auprès de lui pour que l'honneur divin fût sauvegardé. Il s'identifia lui-même dans sa prière avec ceux qui n'avaient pas été fidèles, et il confessa leurs péchés comme s'ils avaient été les siens. "Je tournai ma face vers le Seigneur Dieu, dit-il, afin de recourir à la prière et aux supplications, en jeûnant et en prenant le sac et la cendre. Je priai l'Eternel, mon Dieu, et je lui fis cette confession."11 Bien que le prophète fût depuis longtemps au service de Dieu et qu'il eût reçu du ciel le nom de "bien-aimé", il se tenait maintenant devant le Seigneur comme un vil pécheur. Il lui présentait l'extrême dénuement du peuple qu'il aimait. Quelle éloquence dans la simplicité de sa prière, et quelle ferveur s'en dégage! Ecoutez-le plaidant avec son Dieu: PR 422 1 "Seigneur, Dieu grand et redoutable, toi qui gardes ton alliance et qui fais miséricorde à ceux qui t'aiment et qui observent tes commandements! Nous avons péché, nous avons commis l'iniquité, nous avons été méchants et rebelles, nous nous sommes détournés de tes commandements et de tes ordonnances. Nous n'avons pas écouté tes serviteurs, les prophètes, qui ont parlé en ton nom à nos rois, à nos chefs, à nos pères, et à tout le peuple du pays. A toi, Seigneur, est la justice, et à nous la confusion de face, en ce jour, aux hommes de Juda, aux habitants de Jérusalem, et à tout Israël, à ceux qui sont près et à ceux qui sont loin, dans tous les pays où tu les as chassés à cause des infidélités dont ils se sont rendus coupables envers toi. ... Auprès du Seigneur, notre Dieu, la miséricorde et le pardon, car nous avons été rebelles envers lui. ... PR 422 2 "Seigneur, selon ta grande miséricorde, que ta colère et ta fureur se détournent de ta ville de Jérusalem, de ta montagne sainte; car, à cause de nos péchés et des iniquités de nos pères, Jérusalem et ton peuple sont en opprobre à tous ceux qui nous entourent. Maintenant donc, ô notre Dieu, écoute la prière et les supplications de ton serviteur, et, pour l'amour du Seigneur, fais briller ta face sur ton sanctuaire dévasté! Mon Dieu, prête l'oreille et écoute! ouvre les yeux et regarde nos ruines, regarde la ville sur laquelle ton nom est invoqué! Car ce n'est pas à cause de notre justice que nous te présentons nos supplications, c'est à cause de tes grandes compassions. Seigneur, écoute! Seigneur, pardonne! Seigneur, sois attentif! agis et ne tarde pas, par amour pour toi, ô mon Dieu! Car ton nom est invoqué sur ta ville et sur ton peuple."12 PR 423 1 Le ciel s'abaissait tout près de la terre pour écouter la prière fervente du prophète; et avant même qu'il eût achevé de supplier Dieu pour obtenir le pardon et le retour de son peuple en Palestine, l'ange Gabriel lui apparut à nouveau dans toute sa puissance et attira son attention sur la vision qu'il avait eue avant la chute de Babylone et la mort de Belschatsar. Il lui expliqua en détail la période des soixante-dix semaines. Celle-ci devait commencer "au moment où la parole [aurait] annoncé que Jérusalem serait rebâtie".13 PR 423 2 Daniel avait prononcé cette prière "la première année de Darius",14 roi des Mèdes. Cyrus, son général, s'était emparé du sceptre babylonien qui s'étendait alors sur tout l'univers. Le règne de Darius fut honoré de Dieu. L'ange Gabriel fut envoyé à ce monarque "pour l'aider et le soutenir".15 A sa mort, deux ans environ après la chute de Babylone, Cyrus lui succédait. Son accession au trône marqua la fin des soixante-dix ans qui avaient commencé au moment où les premiers captifs Hébreux étaient déportés à Babylone par Nebucadnetsar. PR 423 3 En délivrant Daniel de la fosse aux lions, Dieu avait voulu créer une impression favorable sur l'esprit de Cyrus le Grand. Les qualités de l'homme de Dieu, ministre aux vues larges, amenèrent le monarque perse à le respecter et à honorer son jugement. Au moment fixé par le Très-Haut pour la reconstruction de son temple à Jérusalem, il fit comprendre à Cyrus, "son serviteur", les prophéties qui le concernaient -- si familières à Daniel -- et il lui suggéra d'accorder la liberté au peuple juif. PR 423 4 Lorsque le roi apprit que les prophéties avaient annoncé plus d'un siècle avant sa naissance la manière dont serait prise Babylone, lorsqu'il lut le message qui lui était adressé par le Roi de l'univers: "Je t'ai ceint avant que tu me connusses. C'est afin que l'on sache, du soleil levant au soleil couchant, que hors moi il n'y a point de Dieu"; lorsqu'il eut sous les yeux la proclamation du Seigneur: "Pour l'amour de mon serviteur Jacob, et d'Israël, mon élu, je t'ai appelé par ton nom, je t'ai parlé avec bienveillance, avant que tu me connusses", lorsqu'il lut ces paroles inspirées: "C'est moi qui ai suscité Cyrus dans ma justice, et j'aplanirai toutes ses voies; il rebâtira ma ville, et libérera mes captifs, sans rançon ni présents",16 alors son coeur fut profondément remué, et il résolut d'accomplir la mission divine qui lui était confiée. Il libérerait les captifs de Judée, il les aiderait à rebâtir le temple de Jérusalem. Dans une proclamation écrite, publiée "dans tout son royaume", il fit connaître son intention de pourvoir au retour des Hébreux dans leur patrie et à la reconstruction de leur temple. "L'Eternel, le Dieu des cieux, reconnaissait-il publiquement, m'a donné tous les royaumes de la terre, et il m'a commandé de lui bâtir une maison à Jérusalem en Juda. Qui d'entre vous est de son peuple? Que son Dieu soit avec lui, et qu'il monte à Jérusalem ... et bâtisse la maison de l'Eternel, le Dieu d'Israël! C'est le Dieu qui est à Jérusalem. Dans tout lieu où séjournent des restes du peuple de l'Eternel, les gens du lieu leur donneront de l'argent, de l'or, des effets, et du bétail, avec des offrandes volontaires."17 PR 424 1 "Que la maison soit rebâtie, ordonna-t-il plus tard, pour être un lieu où l'on offre des sacrifices, et qu'elle ait de solides fondements. Elle aura soixante coudées de hauteur, soixante coudées de largeur, trois rangées de pierres de taille et une rangée de bois neuf. Les frais seront payés par la maison du roi. De plus, les ustensiles d'or et d'argent de la maison de Dieu, que Nebucadnetsar avait enlevés du temple de Jérusalem et transportés à Babylone, seront rendus, transportés au temple de Jérusalem à la place où ils étaient, et déposés dans la maison de Dieu."18 PR 424 2 La proclamation du décret parvint jusqu'aux provinces les plus éloignées de l'empire, et partout où se trouvaient des enfants de la dispersion, la joie était très grande. Beaucoup d'entre eux connaissaient, comme Daniel, les prophéties et avaient supplié Dieu d'intervenir, selon sa promesse, en faveur de Sion. Et voici que leurs prières trouvaient une réponse; aussi avec quel bonheur s'unissaient-ils pour chanter avec le Psalmiste: "Quand l'Eternel ramena les captifs de Sion, nous étions comme ceux qui font un rêve. Alors notre bouche était remplie de cris de joie, et notre langue de chants d'allégresse; alors on disait parmi les nations: L'Eternel a fait pour eux de grandes choses! L'Eternel a fait pour nous de grandes choses; nous sommes dans la joie."19 PR 425 1 "Les chefs de famille de Juda et de Benjamin, les sacrificateurs et les Lévites, tous ceux dont Dieu réveilla l'esprit" (il en restait un assez grand nombre, près de cinq mille environ, parmi les Juifs exilés) profitèrent de l'occasion exceptionnelle qui leur était offerte pour "se lever et pour aller bâtir la maison de l'Eternel à Jérusalem". Leurs amis ne les laissèrent pas partir les mains vides. "Tous leurs alentours leur donnèrent des objets d'argent, de l'or, des effets, du bétail et des choses précieuses." Ils y ajoutèrent, outre les offrandes volontaires, "les ustensiles de la maison de l'Eternel, que Nebucadnetsar avait emportés de Jérusalem ... et que Cyrus, roi de Perse ... fit sortir par Mithredath, le trésorier". Ces ustensiles "étaient au nombre de cinq mille quatre cents".20 PR 425 2 Cyrus chargea Scheschbatsar, descendant du roi David, plus connu sous le nom de Zorobabel,21 de la garde des Hébreux qui retournaient en Judée. Il lui adjoignit le grand prêtre Josué. Les exilés se mirent en route et traversèrent les immenses solitudes du désert sans encombre, le coeur débordant de reconnaissance et de joie pour les miséricordes divines infinies dont ils étaient l'objet. Arrivés en Palestine, ils se mirent aussitôt à l'oeuvre pour restaurer le pays. "Plusieurs chefs de famille" firent des offrandes pour participer aux frais de la reconstruction du temple; et le peuple, suivant cet exemple, donna joyeusement, selon ses maigres ressources.22 PR 425 3 Ils dressèrent aussi rapidement que possible un autel sur les fondements mêmes de l'ancien. Tous s'assemblèrent "comme un seul homme" pour en faire la dédicace et rétablir les services sacrés interrompus par Nebucadnetsar à la destruction de Jérusalem. Avant de regagner leurs demeures, qu'ils s'efforçaient de restaurer, "ils célébrèrent la fête des tabernacles".23 PR 425 4 L'autel où l'on offrait quotidiennement des holocaustes réjouit grandement le coeur des fidèles. Ces hommes entreprirent courageusement la reconstruction du temple, et leurs forces grandissaient de mois en mois, à mesure que s'élevait l'édifice. Pendant de longues années, ils avaient été privés des témoignages visibles de la présence de Dieu. Maintenant, au milieu des tristes souvenirs de l'apostasie de leurs pères, ils soupiraient après une preuve tangible du pardon divin. Ce qu'ils appréciaient par-dessus tout, ce n'étaient ni leurs biens personnels, ni leurs anciens privilèges, mais l'approbation de Dieu. Il avait opéré des merveilles en leur faveur, et ils éprouvaient le besoin d'avoir l'assurance de sa présence. Désirant encore de plus grandes bénédictions, ils attendaient avec impatience le moment où, le temple rebâti, ils pourraient contempler l'éclat de la gloire céleste dans le sanctuaire. PR 426 1 Les ouvriers occupés à la préparation du matériel de construction découvrirent parmi les ruines quelques-unes des pierres apportées sur l'emplacement du temple à l'époque de Salomon. Ces pierres étaient toutes prêtes à servir; avec les matériaux qu'on y ajouta, le travail avança de telle manière que les fondations purent être posées. Cela se fit en présence de milliers de spectateurs qui s'étaient assemblés pour constater les progrès des travaux et pour exprimer leur joie d'y avoir participé. Tandis que l'on posait les fondements, les assistants, accompagnés par les trompettes des prêtres et les cymbales des fils d'Asa, "chantaient, célébrant et louant l'Eternel par ces paroles: Car il est bon, car sa miséricorde pour Israël dure à toujours!"24 PR 426 2 La maison qui se reconstruisait avait été le thème de maintes prophéties relatives aux bénédictions dont le Seigneur désirait combler Sion. Tous ceux qui assistaient à la pose des fondements du temple auraient dû se réjouir de l'esprit qui régnait à cette occasion. Mais parmi les chants de louange qui retentissaient en ce jour, il y avait une note discordante. "Plusieurs des sacrificateurs et des Lévites, et des chefs de famille âgés, qui avaient vu la première maison, pleuraient à grand bruit pendant qu'on posait sous leurs yeux les fondements de cette maison."25 PR 426 3 Il était naturel que la tristesse débordât du coeur de ces hommes âgés, qui pensaient aux résultats de l'impénitence prolongée. S'ils avaient été fidèles, eux et ceux de leur génération, s'ils avaient accompli les desseins de Dieu en faveur d'Israël, le temple de Salomon n'aurait jamais été détruit, et leur captivité, nécessaire. PR 427 1 Les conditions étaient maintenant bien différentes. Dans sa tendre miséricorde, le Seigneur avait visité à nouveau son peuple, lui permettant de retourner dans son pays. La tristesse provoquée par les péchés du passé aurait dû faire place à des sentiments de joie débordante. Dieu avait touché le coeur de Cyrus pour aider les Hébreux à reconstruire leur temple, ce qui aurait dû faire naître chez eux des sentiments de profonde gratitude. Mais certains d'entre eux ne surent pas discerner les bontés manifestes du ciel. Au lieu de se réjouir, ils se laissaient aller à des pensées de mécontentement et de tristesse. Ils avaient contemplé la magnificence du temple de Salomon, et ils se lamentaient parce que l'édifice que l'on construisait était moins beau. PR 427 2 Les murmures et les plaintes, les comparaisons défavorables, eurent une influence décourageante sur l'esprit d'un grand nombre d'Israélites, et affaiblirent les mains des constructeurs. Les ouvriers se demandaient s'ils devaient continuer à travailler à l'érection de cet édifice qui donnait lieu, dès ses fondations, à tant de critiques et de lamentations. PR 427 3 Cependant, nombreux furent ceux qui, au sein de l'assemblée, possédant une foi plus grande et des vues plus larges, ne se laissaient pas abattre à l'idée que ce monument n'aurait pas la gloire du précédent. "Beaucoup d'autres faisaient éclater leur joie par des cris, en sorte qu'on ne pouvait distinguer le bruit des cris de joie d'avec le bruit des pleurs parmi le peuple, car le peuple poussait de grands cris dont le son s'entendait au loin."26 PR 427 4 Si ceux qui se désolaient à la pose des fondements du temple avaient pu prévoir les conséquences de leur manque de foi, leur consternation aurait été grande. En manifestant leur mécontentement, ils étaient loin de se douter de l'importance de leurs paroles de désappointement, loin de penser au retard qu'ils apporteraient à l'achèvement des travaux. PR 427 5 La magnificence du temple de Salomon, les rites imposants des services religieux qui s'y tenaient avant la captivité avaient été une source de fierté pour les Israélites; mais leur culte avait été bien souvent dépourvu des qualités essentielles. La gloire du premier temple, la splendeur de ses services ne pouvaient pas justifier le peuple devant Dieu; car la seule chose qui ait de la valeur à ses yeux c'est un coeur contrit et humilié, ce que les Juifs omettaient de lui offrir. PR 428 1 C'est lorsque les principes vitaux du royaume de Dieu sont perdus de vue que l'on multiplie les fastueuses cérémonies. C'est lorsque la formation du caractère est négligée, lorsqu'on est dépourvu des beautés de l'âme, qu'on méprise la simplicité de la religion, que l'orgueil et l'amour de ce qui flatte la vanité exigent de magnifiques églises, de riches ornements, d'imposantes cérémonies. Mais Dieu n'est nullement honoré par de telles manifestations. La valeur de son Eglise ne se mesure pas d'après ses richesses extérieures, mais d'après la piété qui la différencie du monde. Il l'évalue selon la croissance spirituelle de ses membres, selon leur connaissance du Christ. Il s'attache aux principes d'amour et de bonté. Toutes les beautés artistiques du monde ne sauraient souffrir la comparaison avec la beauté de l'âme et du caractère manifestée chez ceux qui représentent le Christ. PR 428 2 Une église peut être la plus pauvre de la terre, la plus dépourvue d'apparence extérieure, si ses membres se conforment aux principes qui constituent le caractère du Christ, les anges se joindront à eux pour participer à leur culte. Les louanges et les actions de grâces qui s'échapperont de leurs coeurs reconnaissants s'élèveront vers Dieu comme une douce oblation. PR 428 3 Louez l'Eternel, car il est bon, Car sa miséricorde dure à toujours! Qu'ainsi disent les rachetés de l'Eternel, Ceux qu'il a délivrés de la main de l'ennemi. PR 428 4 Chantez, chantez en son honneur! Parlez de toutes ses merveilles! Glorifiez-vous de son saint nom! Que le coeur de ceux qui cherchent l'Eternel se réjouisse! PR 428 5 Car il a satisfait l'âme altérée, Il a comblé de biens l'âme affamée. ------------------------Chapitre 46 -- Les prophètes de Dieu les assistaient PR 429 1 Les Israélites, occupés à la reconstruction du temple, avaient pour voisins les Samaritains. C'était une race issue de mariages contractés entre les païens, venus en Palestine après la déportation des Israélites, et des membres des dix tribus restées en Samarie et en Galilée. Plus tard, ces Samaritains se réclamèrent du culte du vrai Dieu; mais ils demeuraient idolâtres par le coeur et les pratiques de leur religion. Il est vrai qu'ils considéraient leurs idoles comme devant simplement leur rappeler le Dieu vivant, le maître de l'univers. Néanmoins, ils étaient portés à révérer les images taillées. PR 429 2 Pendant la période de la restauration, ces Samaritains étaient connus comme "ennemis de Juda et de Benjamin". Lorsqu'ils apprirent que "les fils de la captivité bâtissaient un temple à l'Eternel, le Dieu d'Israël", "ils vinrent auprès de Zorobabel et des chefs de famille" pour exprimer leur désir de s'unir à eux dans leur travail. "Nous bâtirons avec vous, dirent-ils, car, comme vous, nous invoquons votre Dieu, et nous lui offrons des sacrifices depuis le temps d'Esar-Haddon, roi d'Assyrie, qui nous a fait monter ici." Mais on ne put leur accorder ce privilège. "Ce n'est pas à vous et à nous de bâtir la maison de notre Dieu; nous la bâtirons nous seuls à l'Eternel, le Dieu d'Israël, comme nous l'a ordonné le roi Cyrus, roi de Perse",1 leur déclara le chef des Israélites. PR 430 1 Un reste seulement avait décidé de retourner à Jérusalem. Et maintenant que ces hommes entreprenaient un travail au-dessus de leurs forces, voici que leurs plus proches voisins leur offraient de les aider dans leur tâche. Les Samaritains prétendaient adorer le vrai Dieu, et ils exprimèrent le désir de partager le privilège et les bénédictions qui découlaient du service du temple. "Nous bâtirons avec vous", dirent-ils. Mais si les chefs israélites avaient accepté cette offre, ils auraient ouvert la porte à l'idolâtrie. Ils discernèrent la dissimulation des Samaritains, et se rendirent compte que l'aide obtenue en s'alliant avec eux ne serait rien comparativement aux bénédictions qu'ils comptaient recevoir en suivant scrupuleusement les ordres de Dieu. PR 430 2 Le Seigneur avait en effet déclaré par Moïse, au sujet des relations qu'Israël devait entretenir avec les nations voisines: "Tu ne traiteras point d'alliance avec elles, et tu ne leur feras point grâce. Tu ne contracteras point de mariage avec ces peuples; ... car ils détourneraient de moi tes fils, qui serviraient d'autres dieux, et la colère de l'Eternel s'enflammerait contre vous: il te détruirait promptement." "Car tu es un peuple saint pour l'Eternel, ton Dieu; et l'Eternel, ton Dieu, t'a choisi, pour que tu fusses un peuple qui lui appartînt entre tous les peuples qui sont sur la face de la terre."2 PR 430 3 Les conséquences d'une alliance avec les nations voisines étaient nettement prédites à Israël: "L'Eternel te dispersera parmi tous les peuples, d'une extrémité de la terre à l'autre, avait déclaré Moïse; et là, tu serviras d'autres dieux que n'ont connu ni toi, ni tes pères, du bois et de la pierre. Parmi ces nations, tu ne seras pas tranquille, et tu n'auras pas un lieu de repos pour la plante de tes pieds. L'Eternel rendra ton coeur agité, tes yeux languissants, ton âme souffrante. Ta vie sera comme en suspens devant toi, tu trembleras la nuit et le jour, tu douteras de ton existence. Dans l'effroi qui remplira ton coeur et en présence de ce que tes yeux verront, tu diras: Puisse le soir être là! et tu diras le soir: Puisse le matin être là."3 "C'est de là aussi que tu chercheras l'Eternel, ton Dieu, et que tu le trouveras, avait-il promis au peuple juif, si tu le cherches de tout ton coeur et de toute ton âme!"4 PR 431 1 Zorobabel et les chefs de famille connaissaient bien ces prédictions, ainsi que d'autres semblables. Au cours de leur récente captivité, ils avaient eu maintes preuves de leur accomplissement. Mais ils s'étaient repentis des péchés qui avaient amené sur eux et leurs pères les jugements prédits par Moïse. S'étant tournés de tout leur coeur vers le Seigneur, ils avaient renouvelé leur alliance avec lui. C'est pourquoi il leur fut permis de retourner en Judée pour restaurer ce qui y avait été détruit. Allaient-ils au début même de leur mission s'allier avec des idolâtres? Dieu avait dit: "Tu ne feras point d'alliance avec eux." En se consacrant à nouveau au Seigneur, ils se rendaient compte que la ligne de démarcation entre le peuple élu et le monde doit toujours être strictement observée. Ils refusaient de contracter une alliance avec le peuple qui, bien que connaissant la loi divine, ne se soumettait pas à ses exigences. PR 431 2 Les directives données dans le Deutéronome, et destinées à instruire Israël, doivent être suivies jusqu'à la fin des temps. La vraie prospérité dépend de la fidélité qu'on manifeste à l'égard de l'alliance contractée avec Dieu. Il ne faut jamais transiger avec les principes en s'alliant avec ceux qui ne craignent pas le Seigneur. PR 431 3 Les chrétiens de profession courent un grave danger lorsque, pour exercer une influence sur les mondains, ils croient devoir, dans une certaine mesure, se conduire comme eux. Mais si cette manière d'agir semble offrir des avantages, elle aboutit toujours à un naufrage spirituel. Le peuple de Dieu doit bien prendre garde à cette influence subtile qui pénètre dans l'âme par les artifices séduisants des ennemis de la vérité. Les chrétiens sont des pèlerins et des voyageurs sur la terre; ils cheminent dans un sentier hérissé d'obstacles. Ils ne doivent pas prêter attention aux habiles subterfuges et sollicitations flatteuses qui les entraîneraient à la désobéissance. Ce ne sont pas les ennemis déclarés de la cause de Dieu qu'on doit le plus redouter. Tous ceux qui, comme les ennemis de Juda et de Benjamin, se présentent avec des paroles aimables, avec de beaux discours, dans l'intention apparente d'entrer en relations amicales avec les enfants de Dieu, réussiront le plus sûrement à les tromper. PR 432 1 Il faut faire preuve de vigilance à l'égard de telles personnes, de peur d'être pris à l'improviste dans un piège savamment tendu. Dieu demande à ses enfants de déployer une vigilance de tous les instants, particulièrement à la fin de l'histoire de notre monde. Mais, bien que le conflit ne connaisse aucune trêve, nul n'est seul à le soutenir. Les anges soutiennent et protègent tous ceux qui marchent humblement devant Dieu. Le Seigneur ne trahira jamais celui qui se confie en lui. Lorsque ses enfants s'approchent de lui pour réclamer sa protection contre le mal, rempli de pitié et d'amour, il déploie son étendard devant l'ennemi. Ne les touche pas, lui dit-il, car ils sont à moi; je les ai gravés sur la paume de mes mains. PR 432 2 Persistant dans leur hostilité, les Samaritains "découragèrent le peuple de Juda; ils l'intimidèrent pour l'empêcher de bâtir, et ils gagnèrent à prix d'argent des conseillers pour faire échouer son entreprise. Il en fut ainsi pendant toute la vie de Cyrus, roi de Perse, et jusqu'au règne de Darius, roi de Perse."5 Par de faux rapports, ils suscitèrent la défiance dans les esprits prompts à la suspicion. Cependant, les forces du mal furent tenues en échec de longues années, et le peuple de Juda put continuer à travailler librement à l'érection du temple. PR 432 3 Tandis que Satan s'efforçait d'influencer les personnages les plus en vue de l'empire médo-persan, et essayait de jeter le discrédit sur le peuple de Dieu, les anges travaillaient pour les exilés. Tout le ciel s'intéressait à ce conflit. Le prophète Daniel nous donne un aperçu de cette lutte gigantesque entre les forces du bien et celles du mal. Pendant trois semaines, Gabriel combattit contre les puissances des ténèbres; il s'efforça de contrecarrer les influences qui s'exerçaient sur l'esprit de Cyrus. Avant la fin de ce combat, le Christ lui-même vint au secours de Gabriel. "Le chef du royaume de Perse m'a résisté vingt et un jours, déclare Gabriel; mais voici, Micaël, l'un des principaux chefs, est venu à mon secours, et je suis demeuré là auprès des rois de Perse."6 Tout ce que le ciel pouvait faire en faveur du peuple de Dieu avait été accompli. La victoire était finalement remportée; les forces du mal avaient été tenues en échec pendant tout le règne de Cyrus et de son fils Cambyse, qui occupa le trône environ sept ans et demi. PR 433 1 Une occasion magnifique s'offrait alors aux Juifs. Le ciel agissait sur le coeur des rois. Il incombait au peuple de Dieu de faire l'impossible pour que le décret de Cyrus fût appliqué. Les Juifs auraient dû profiter de construire le temple, de rétablir ses services, et en même temps de se réinstaller dans leurs foyers. Mais, au moment favorable, beaucoup d'entre eux firent preuve de mauvaise volonté. L'opposition ennemie était ferme et résolue, et peu à peu les ouvriers perdirent courage. Certains n'oubliaient pas qu'à l'occasion de la pose de la première pierre, plusieurs avaient exprimé leur crainte de voir échouer cette entreprise. Et alors que les Samaritains se montraient plus hardis, la plupart des Juifs se demandaient si, après tout, le moment était bien venu de reconstruire le temple. Cette idée gagna bientôt tout le peuple. La plupart des ouvriers, découragés et démoralisés, retournèrent dans leurs foyers pour y reprendre leurs occupations habituelles. PR 433 2 Sous le règne de Cambyse, la construction du temple avança lentement. Sous celui du faux Smerdis (appelé Artaxerxès dans Esdras 4:7), les Samaritains suggérèrent à cet imposteur sans scrupule de lancer un décret interdisant aux Juifs la reconstruction de leur temple et de leur ville. Pendant plus d'un an, les travaux furent interrompus et presque abandonnés. Les gens restèrent chez eux, et s'ingénièrent à acquérir des biens matériels; mais leur situation était déplorable. Malgré tout leur travail, ils ne prospéraient pas. Les éléments même semblaient conspirer contre eux: la sécheresse détruisit leurs récoltes. Dieu leur avait accordé des fruits sauvages et cultivés, du blé, du vin, de l'huile comme témoignage de sa faveur. Mais comme ils usèrent de ces dons généreux d'une manière égoïste, il leur retira ses bénédictions. PR 434 1 Telle était la situation au début du règne de Darius. L'état spirituel et matériel des Israélites était pitoyable. Ils avaient murmuré et douté si longtemps, ils avaient si longtemps fait passer leurs intérêts personnels en premier, ils s'étaient tellement désintéressés des ruines du temple qu'un grand nombre avait perdu de vue le dessein de Dieu de rétablir son peuple en Judée. Ils disaient: "Le temps n'est pas venu, le temps de rebâtir la maison de l'Eternel."7 PR 434 2 L'heure était très sombre, mais elle n'était pas sans espoir pour ceux qui se confiaient en Dieu. Les prophètes Aggée et Zacharie furent suscités pour faire face à la crise. Leurs témoignages émouvants révélèrent aux Israélites la cause de leurs difficultés. Si tout ne marchait pas comme ils l'auraient voulu, c'était parce qu'ils avaient oublié de faire passer avant tous les autres les intérêts du royaume des cieux. S'ils avaient honoré Dieu, s'ils lui avaient témoigné du respect et de la révérence, en s'occupant d'abord de la construction de sa maison, ils se seraient ainsi assuré sa présence et sa bénédiction. PR 434 3 A ceux qui se laissaient aller au découragement, le prophète Aggée demandait: "Est-ce le temps pour vous d'habiter vos demeures lambrissées, quand cette maison est détruite? Ainsi parle maintenant l'Eternel des armées: Considérez attentivement vos voies!" Pourquoi avez-vous fait si peu pour moi? Pourquoi vous inquiétez-vous au sujet de vos demeures et vous désintéressez-vous de la maison de l'Eternel? Où est le zèle que vous témoigniez autrefois pour la reconstruction du temple? Qu'avez-vous gagné en ne vous occupant que de vous-mêmes? Votre désir d'échapper à la pauvreté vous a conduits à négliger le temple, mais cette négligence vous a apporté ce que vous redoutiez. "Vous semez beaucoup, et vous recueillez peu, vous mangez, et vous n'êtes pas rassasiés, vous buvez, et vous n'êtes pas désaltérés, vous êtes vêtus, et vous n'avez pas chaud; le salaire de celui qui est à gages tombe dans un sac percé."8 PR 434 4 Dieu révéla au peuple la cause de sa misère par des paroles qui ne pouvaient prêter à confusion. "Vous comptiez sur beaucoup, et voici, vous avez eu peu; vous l'avez rentré chez vous, mais j'ai soufflé dessus. Pourquoi? dit l'Eternel des armées. A cause de ma maison qui est détruite, tandis que vous vous empressez chacun pour sa maison. C'est pourquoi les cieux vous ont refusé la rosée, et la terre a refusé ses produits. J'ai appelé la sécheresse sur le pays, sur les montagnes, sur le blé, sur le moût, sur l'huile, sur ce que la terre peut rapporter, sur les hommes et sur les bêtes, et sur tout le travail des mains."9 "Considérez attentivement vos voies! suppliait le Seigneur. Montez sur la montagne, apportez du bois et bâtissez la maison: j'en aurai de la joie, et je serai glorifié."10 PR 435 1 Le message délivré par Aggée toucha le coeur des chefs israélites et celui du peuple. Ils comprirent que les paroles de Dieu étaient graves, et ils n'osèrent pas rejeter les instructions répétées qui leur étaient adressées. Ils savaient que la prospérité matérielle et les bénédictions spirituelles dépendaient de leur obéissance aux commandements de Dieu. Touchés par les paroles du prophète, Zorobabel et Josué, ainsi que "tout le reste du peuple, entendirent la voix de l'Eternel, leur Dieu".11 PR 435 2 Dès qu'Israël se décida à obéir, le message de reproche fut suivi par des paroles de réconfort. "Aggée ... dit au peuple, d'après l'ordre de l'Eternel: Je suis avec vous, dit l'Eternel. L'Eternel réveilla l'esprit de Zorobabel ... et l'esprit de Josué ... et l'esprit de tout le reste du peuple. Ils vinrent et ils se mirent à l'oeuvre dans la maison de l'Eternel des armées, leur Dieu."12 PR 435 3 Moins d'un mois après la reprise des travaux, les constructeurs reçurent un nouveau message d'encouragement. "Fortifie-toi, Zorobabel! dit l'Eternel. Fortifie-toi, Josué. ... Fortifie-toi, peuple entier du pays! dit l'Eternel. Et travaillez! Car je suis avec vous, dit l'Eternel des armées."13 PR 435 4 Le Seigneur avait déclaré au peuple d'Israël, lorsqu'il campait au pied du Sinaï: "J'habiterai au milieu des enfants d'Israël, et je serai leur Dieu. Ils connaîtront que je suis l'Eternel, leur Dieu, qui les a fait sortir du pays d'Egypte, pour habiter au milieu d'eux. Je suis l'Eternel, leur Dieu."14 Et maintenant, bien qu'ils se soient montrés si souvent "rebelles et qu'ils aient attristé son esprit saint",15 par les messages de son prophète, le Seigneur leur tendait une main secourable. Puisqu'ils collaboraient à l'exécution de ses desseins, Dieu renouvelait son alliance avec eux: son Esprit serait au milieu d'eux. Ils n'avaient rien à craindre. PR 436 1 De nos jours aussi Dieu déclare à celui qui le sert: "Fortifie-toi. ... Travaille. Je suis avec toi." Le chrétien ne cesse d'avoir un grand secours avec le Seigneur. Comment interviendra-t-il en notre faveur? Nous pouvons l'ignorer, mais ce que nous savons, c'est qu'il n'abandonnera jamais celui qui se confie en lui. Que de fois il nous a dirigés de manière à faire échouer les plans de l'ennemi! Si nous pouvions nous en rendre compte, nous avancerions résolument sans jamais maugréer. Notre foi serait solide, et nulle épreuve n'arriverait à nous ébranler. Dieu serait notre sagesse et notre force, et il accomplirait sa volonté par notre moyen. PR 436 2 Les exhortations et les encouragements du prophète Aggée étaient renforcés par Zacharie. Dieu suscita ce dernier pour qu'il se tienne au côté d'Aggée lorsqu'il pressait Israël de se lever et de bâtir. Le premier message de Zacharie assurait le peuple de Dieu que la parole du Très-Haut ne faillit jamais, et que des bénédictions sont accordées à tous ceux qui écoutent la parole prophétique. PR 436 3 Bien que leurs champs fussent ravagés, que leurs faibles provisions s'épuisassent rapidement, et qu'ils fussent entourés de peuples hostiles, les Israélites marchèrent par la foi, en réponse à l'appel des envoyés de Dieu; ils se mirent courageusement à l'oeuvre pour relever les ruines du temple. C'était un travail qui exigeait une ferme confiance dans le Seigneur. Alors qu'ils s'efforçaient de s'acquitter de leur tâche et recherchaient un renouveau de la grâce d'en haut, des messages répétés leur étaient adressés par Aggée et Zacharie. Ces messages les assuraient que leur foi serait richement récompensée, et que la parole du Seigneur se rapportant à la gloire future du nouveau temple ne faillirait pas. Dans ce temple même apparaîtrait, lorsque les temps seraient révolus, le Désiré des nations, le Maître et le Sauveur des hommes. PR 436 4 Les constructeurs du temple n'étaient donc pas abandonnés à eux-mêmes. "Avec eux étaient les prophètes de Dieu, qui les assistaient."16 Et Dieu lui-même avait déclaré: "Fortifiez-vous. ... Travaillez! Car je suis avec vous."17 Leur vif désir de se repentir et de marcher par la foi était accompagné de la promesse d'une grande prospérité matérielle. "Dès ce jour, déclarait le Seigneur, je répandrai ma bénédiction."18 PR 437 1 A Zorobabel, leur gouverneur -- qui depuis son retour de Babylone avait connu de dures tribulations -- était donné encore un plus précieux message. Le jour n'était pas loin où tous les ennemis du peuple élu seraient renversés. "En ce jour-là, dit l'Eternel des armées, je te prendrai, Zorobabel ... mon serviteur ... et je te garderai comme un sceau; car je t'ai choisi."19 Zorobabel comprit alors que c'était la providence qui l'avait fait passer par le découragement et le doute. Dans tout ce qui lui était arrivé, il pouvait discerner maintenant les desseins de Dieu. PR 437 2 Ces paroles adressées personnellement à Zorobabel sont consignées dans la sainte Ecriture pour servir d'encouragement aux enfants de Dieu de tous les temps. Le Seigneur a un but en envoyant des épreuves à ceux qui l'aiment. Il ne les dirige jamais dans une voie différente de celle qu'ils choisiraient eux-mêmes s'ils pouvaient voir la fin dès le commencement, et discerner la gloire du but qui leur est proposé. Toutes les épreuves, toutes les tribulations sont destinées à galvaniser leurs forces, en vue de ce qu'ils doivent faire et souffrir pour le ciel. PR 437 3 Les messages d'Aggée et de Zacharie stimulèrent les Israélites dans la reconstruction du temple. Mais ils ne cessaient d'être harcelés par les Samaritains et d'autres ennemis. Un jour où les gouverneurs du royaume médo-persan visitaient Jérusalem, ils demandèrent aux Juifs qui les avait autorisés à rebâtir leur temple. A ce moment-là, si les Juifs ne s'étaient pas confiés dans le Seigneur pour être dirigés, des conséquences désastreuses s'en seraient ensuivies. "Mais l'oeil de Dieu veillait sur les anciens des Juifs. Et on laissa continuer les travaux pendant l'envoi d'un rapport à Darius."20 La réponse que reçurent les gouverneurs était si raisonnable qu'ils décidèrent d'écrire à Darius, fils d'Hystaspe, roi de l'empire médo-persan, pour lui faire savoir qu'un décret de Cyrus avait ordonné la reconstruction du temple à Jérusalem, les frais devant être couverts par le trésor royal. PR 438 1 Darius rechercha ce décret; et, l'ayant trouvé, il ordonna à ceux qui avaient mené l'enquête de laisser poursuivre la construction. "Laissez continuer les travaux de cette maison de Dieu, ordonna-t-il, que le gouverneur des Juifs et les anciens des Juifs la rebâtissent sur l'emplacement qu'elle occupait. Voici l'ordre que je donne touchant ce que vous aurez à faire à l'égard de ces anciens des Juifs pour la reconstruction de cette maison de Dieu: les frais, pris sur les biens du roi provenant des tributs de l'autre côté du fleuve, seront exactement payés à ces hommes, afin qu'il n'y ait pas d'interruption. Les choses nécessaires pour les holocaustes du Dieu des cieux, jeunes taureaux, béliers et agneaux, froment, sel, vin et huile, seront livrées, sur leur demande, aux sacrificateurs de Jérusalem, jour par jour et sans manquer, afin qu'ils offrent des sacrifices de bonne odeur au Dieu des cieux et qu'ils prient pour la vie du roi et de ses fils."21 PR 438 2 De plus, le roi ordonna que de sévères mesures fussent prises contre ceux qui enfreindraient ce décret, et il termina par cette déclaration remarquable: "Que le Dieu qui fait résider en ce lieu son nom renverse tout roi et tout peuple qui étendraient la main pour transgresser ma parole, pour détruire cette maison de Dieu à Jérusalem! Moi, Darius, j'ai donné cet ordre. Qu'il soit ponctuellement exécuté."22 C'est ainsi que Dieu préparait la voie pour l'achèvement des travaux. PR 438 3 Pendant des mois, avant la promulgation de ce décret, les Israélites avaient continué à travailler par la foi, soutenus par les prophètes de Dieu qui leur délivraient de temps en temps des messages destinés à rappeler le plan divin les concernant. Deux mois après le dernier message d'Aggée, Zacharie eut une série de visions touchant l'oeuvre de Dieu sur la terre. Ces messages, adressés sous forme de paraboles et de symboles, furent donnés à un moment d'incertitude et d'anxiété. Ils avaient une signification particulière pour les hommes qui marchaient de l'avant au nom du Dieu d'Israël. Il semblait aux chefs du peuple juif que la permission accordée pour la reconstruction du temple allait être supprimée; l'avenir paraissait bien sombre. Mais Dieu savait que son peuple avait besoin d'être soutenu et fortifié par une révélation de son amour et de sa miséricorde infinie. Dans une vision, Zacharie entendit l'ange demander: "Eternel des armées, jusques à quand n'auras-tu pas compassion de Jérusalem et des villes de Juda contre lesquelles tu es irrité depuis soixante et dix ans? L'Eternel répondit par de bonnes paroles, par des paroles de consolation à l'ange qui parlait avec moi", dit Zacharie. PR 439 1 "Et l'ange qui parlait avec moi me dit: Crie et dis: Ainsi parle l'Eternel des armées: Je suis ému d'une grande jalousie pour Jérusalem et pour Sion, et je suis saisi d'une grande irritation contre les nations orgueilleuses; car je n'étais que peu irrité, mais elles ont contribué au mal. C'est pourquoi ainsi parle l'Eternel: Je reviens à Jérusalem avec compassion; ma maison y sera rebâtie, et le cordeau sera étendu sur Jérusalem."23 PR 439 2 Le prophète fut ensuite prié de déclarer: "Ainsi parle l'Eternel des armées: Mes villes auront encore des biens en abondance; l'Eternel consolera encore Sion, il choisira encore Jérusalem."24 Zacharie vit alors les puissances qui avaient dispersé Juda, Israël et Jérusalem, symbolisées par quatre cornes. Immédiatement après il vit quatre forgerons, représentant les chefs choisis par Dieu pour restaurer son peuple et son temple.25 PR 439 3 "Je levai les yeux et je regardai, dit le prophète, et voici, il y avait un homme tenant dans la main un cordeau pour mesurer. Je dis: Où vas-tu? Et il me dit: Je vais mesurer Jérusalem, pour voir de quelle largeur et de quelle longueur elle doit être. Et voici, l'ange qui parlait avec moi s'avança, et un autre ange vint à sa rencontre. Il lui dit: Cours, parle à ce jeune homme, et dis: Jérusalem sera une ville ouverte, à cause de la multitude d'hommes et de bêtes qui seront au milieu d'elle; et je serai pour elle, dit l'Eternel, une muraille de feu tout autour, et je serai sa gloire au milieu d'elle."26 PR 439 4 Dieu avait ordonné que Jérusalem fût rebâtie. La vision qui avait trait à la mesure de la ville représentait l'assurance qu'il accorderait les forces et le réconfort à ceux qu'il avait affligés, et qu'il accomplirait les promesses de son alliance éternelle. Sa tendre protection pour les Israélites, déclarait-il, serait comme "une muraille de feu tout autour", et par eux la gloire divine serait révélée à tous les enfants des hommes. Ce que Dieu accomplissait pour son peuple devait être connu par toute la terre. PR 440 1 Pousse des cris de joie et d'allégresse, habitant de Sion! Car il est grand au milieu de toi, le Saint d'Israël. ------------------------Chapitre 47 -- Josué et l'ange PR 441 1 Les rapides progrès des constructeurs du temple déconcertèrent et alarmèrent au plus haut point les forces du mal. Satan décida alors d'intensifier ses efforts pour affaiblir et décourager le peuple de Dieu en faisant ressortir ses imperfections. Si ceux qui avaient souffert si longtemps de leurs transgressions pouvaient à nouveau se laisser aller à mépriser les commandements de Dieu, ils retomberaient dans l'esclavage du péché. PR 441 2 Les Israélites, choisis pour faire connaître Dieu, attiraient particulièrement l'inimitié de Satan, qui avait juré leur perte. Aussi longtemps qu'ils restaient fidèles, le prince du mal ne pouvait leur nuire. Aussi concentrait-il toutes ses forces et toutes ses ruses pour arriver à ses fins. Ayant enfin réussi à les faire succomber à la tentation, leur ennemi triompha. Le peuple de Dieu transgressa la loi divine et devint la proie de ses ennemis. PR 441 3 Cependant, bien qu'ils aient été emmenés en captivité à Babylone, Dieu ne les abandonna pas. Il leur envoya ses prophètes avec des messages de reproches et d'avertissements, et il éveilla chez eux le sentiment de leur culpabilité. Lorsqu'ils s'humilièrent et revinrent à lui, repentants, il leur envoya des paroles de réconfort. Il leur promit de les délivrer de la captivité, de leur redonner sa faveur et de les rétablir dans leur pays. Et maintenant que cette oeuvre de restauration avait commencé et qu'un reste d'Israël occupait à nouveau la Judée, Satan redoublait d'efforts pour faire échouer le plan divin. Pour y arriver, il cherchait à exercer son influence sur les nations païennes, afin d'anéantir Israël. PR 442 1 Mais dans cette crise, Dieu fortifia son peuple "par de bonnes paroles, par des paroles de consolation".1 Par une illustration frappante, où il comparait l'oeuvre du Christ à celle de Satan, il montra avec quelle puissance le Médiateur des enfants de Dieu peut confondre leur accusateur. Dans une vision, le prophète aperçut "Josué, le souverain sacrificateur ... couvert de vêtements sales",2 debout devant l'ange et implorant la miséricorde divine pour son peuple qui était dans une grande affliction. Tandis qu'il suppliait Dieu, Satan se dressait plein d'arrogance pour l'accuser. Il rappelait les transgressions d'Israël pour l'empêcher de recevoir les faveurs divines. Il voulait faire de lui sa proie, et il insistait pour qu'il lui fût livré. PR 442 2 Le grand prêtre n'arrivait pas à se défendre. Il ne prétendait pas qu'Israël n'était pas coupable. Couvert de vêtements sales -- symbole des péchés du peuple dont il s'est chargé -- Josué, le représentant de ce dernier, se tient debout devant l'ange. Il confesse toutes ses transgressions en exprimant la repentance et l'humiliation de leurs auteurs. Il s'en remet au Rédempteur qui pardonne, et il invoque avec foi les promesses divines. PR 442 3 Alors l'ange qui représente le Christ, le Sauveur des pécheurs, réduisit au silence l'accusateur du peuple de Dieu. "L'Eternel dit à Satan: Que l'Eternel te réprime, lui qui a choisi Jérusalem! N'est-ce pas là un tison arraché du feu?"3 Israël était resté longtemps dans la fournaise de l'affliction à cause de ses péchés. Il avait été sur le point d'être consumé par la flamme allumée par Satan et ses suppôts pour l'anéantir; mais Dieu s'apprêtait à le réhabiliter. PR 443 1 Lorsque l'intercession de Josué fut acceptée, l'ange déclara: "Otez-lui les vêtements sales! Puis il dit à Josué: Vois, je t'enlève ton iniquité, et je te revêts d'habits de fête. Je dis: Qu'on mette sur sa tête un turban pur! Et ils mirent un turban pur sur sa tête, et ils lui mirent des vêtements."4 Ses péchés étaient pardonnés, ainsi que ceux de son peuple. Israël était revêtu "d'habits de fête", grâce à la justice du Christ. Le turban placé sur la tête de Josué ressemblait à la tiare que portaient les prêtres; on y lisait cette inscription: "Sainteté à l'Eternel",5 ce qui signifiait que, malgré ses transgressions, Josué était désormais qualifié pour remplir les fonctions de ministre du sanctuaire devant Dieu. PR 443 2 L'ange déclara alors à Josué: "Ainsi parle l'Eternel des armées: Si tu marches dans mes voies et si tu observes mes ordres, tu jugeras ma maison et tu garderas mes parvis, et je te donnerai libre accès parmi ceux qui sont ici."6 Si Josué était fidèle, il serait honoré comme juge ou chef du temple et de tous les services qui s'y rattachaient. Il jouirait de la compagnie des anges, même ici-bas; et à la fin des temps, il se joindrait à la grande foule des rachetés qui se pressera autour du trône de Dieu. PR 443 3 "Ecoute donc, Josué, souverain sacrificateur, toi et tes compagnons qui sont assis devant toi! -- car ce sont des hommes qui serviront de signes. -- Voici, je ferai venir mon serviteur, le germe."7 C'est en ces termes que Zacharie s'exprime au nom de Dieu pour parler du Libérateur qui devait venir. C'était là que se trouvait l'espoir d'Israël. C'est par la foi dans ce Sauveur que Josué et son peuple avaient obtenu le pardon; c'est par la foi en lui qu'ils avaient retrouvé la faveur divine. Par la vertu de ses mérites, s'ils observaient fidèlement les commandements de Dieu, ce seraient des "hommes qui serviraient de signes", honorés comme les élus du ciel parmi les peuples de la terre. PR 443 4 De même que Satan accusa Josué et son peuple, de même il ne cesse d'accuser ceux qui, dans tous les âges, recherchent la miséricorde et l'amour de Dieu. Il est "l'accusateur des frères, celui qui les accuse devant notre Dieu jour et nuit".8 Toute âme libérée du pouvoir du mal et dont le nom est inscrit dans le livre de vie de l'Agneau, subit ses assauts. Nul n'est reçu dans la famille divine sans susciter chez l'ennemi une résistance acharnée. Mais celui qui était l'espoir d'Israël, leur défenseur, leur justice et leur rédempteur, est aussi l'espoir de l'Eglise de nos jours. PR 444 1 Les accusations de Satan contre ceux qui recherchent le Seigneur ne sont pas provoquées par sa haine du péché. Il se réjouit au contraire des défauts de caractère des chrétiens, car il sait que seule la transgression de la loi divine lui assurera tout pouvoir sur eux. Ses accusations sont uniquement inspirées par son inimitié pour le Sauveur. Mais, par le plan du salut, Jésus supprime l'emprise de Satan sur la famille humaine, et il la délivre de sa puissance. Alors toute la haine, toute la malice du prince du mal s'exacerbent en présence de la suprématie du Christ. Aussi met-il en oeuvre sa puissance et sa ruse pour arracher au Seigneur les enfants des hommes qui ont accepté le salut. Il les pousse au scepticisme, les incite à perdre confiance en Dieu, et à se séparer de son amour. Il leur suggère de transgresser sa loi, puis il les revendique comme ses captifs et conteste au Christ le droit de les lui prendre. PR 444 2 Satan sait que tous ceux qui demandent à Dieu son pardon et sa grâce obtiendront gain de cause; c'est pourquoi il leur présente leurs péchés pour les décourager. Il ne cesse de susciter des occasions de se plaindre chez ceux qui s'efforcent d'obéir au Seigneur. Il cherche même à leur présenter comme viles leurs meilleures actions. Par d'innombrables stratagèmes, d'une subtilité et d'une cruauté incomparables, il s'applique à provoquer leur condamnation. PR 444 3 Il est impossible à l'homme, par ses propres forces, de tenir tête aux accusations de l'ennemi. Debout devant Dieu, vêtu de vêtements sales, il confesse ses péchés. Alors Jésus, notre avocat, plaide efficacement en sa faveur. Il défend sa cause, et, grâce au sacrifice du Calvaire, il triomphe de l'accusateur. Sa parfaite obéissance à la loi divine lui a donné tout pouvoir dans le ciel et sur la terre, et il supplie son Père d'accorder sa miséricorde au pécheur et de le réconcilier avec lui. Il déclare à l'accusateur de son peuple: "Que l'Eternel te réprime, Satan! Ce peuple a été racheté par mon sang, c'est un tison arraché du feu." Et à celui qui se confie en lui, il donne cette assurance: "Vois, je t'enlève ton iniquité, et je te revêts d'habits de fête."9 PR 445 1 Tous ceux qui ont revêtu la robe de justice du Christ se tiendront devant lui comme ses élus, ses fidèles, ses justes. Satan n'aura aucun pouvoir pour les ravir de la main du Sauveur. Aucune âme qui réclame sa protection avec foi ne tombera sous la puissance de l'ennemi. La Parole de Dieu nous en donne l'assurance. "Qu'on me prenne pour refuge, dit au nom du Seigneur le prophète Esaïe, qu'on fasse la paix avec moi, qu'on fasse la paix avec moi."10 La promesse faite à Josué est aussi pour nous: "Si tu marches dans mes voies et si tu observes mes ordres, ... je te donnerai libre accès parmi ceux qui sont ici."11 Les anges de Dieu seront à nos côtés dès ici-bas. PR 445 2 La vision de Zacharie relative à Josué et à l'ange s'applique particulièrement au peuple de Dieu et aux scènes finales du grand jour des expiations. L'Eglise des derniers temps connaîtra alors de terribles épreuves et une grande détresse. Ceux qui gardent les commandements de Dieu et qui ont le témoignage de Jésus subiront la colère du dragon et de ses suppôts. Satan considère le monde comme lui étant assujetti; il exerce même sa domination sur de nombreux chrétiens de profession. Mais voici une petite minorité de croyants qui résiste à sa suprématie. S'il arrivait à l'anéantir, sa victoire serait totale. De même qu'il a incité les nations païennes à détruire Israël, de même dans un proche avenir, il s'ingéniera à mobiliser les forces du mal pour anéantir le peuple de Dieu. Les hommes seront contraints d'obéir aux décrets humains et de violer la loi divine. PR 445 3 Ceux qui resteront fidèles au Seigneur seront menacés, dénoncés, proscrits. Cette parole du Christ s'accomplira pour eux: "Vous serez livrés même par vos parents, par vos frères, par vos proches et par vos amis, et ils vous feront mourir."12 La miséricorde divine sera leur unique recours, et leur seule défense, la prière. Comme Josué plaidait avec l'ange, l'Eglise "du reste" plaidera avec une foi inébranlable pour obtenir le pardon et la délivrance par Jésus, son avocat. Pleinement conscients de leurs iniquités, les enfants de Dieu verront leur faiblesse et leur indignité et seront prêts à se décourager. Le tentateur se tiendra tout près d'eux pour les accuser, comme il le fit pour Josué. Il attirera leur attention sur leurs vêtements sales: leurs imperfections de caractère. Il leur montrera leur faiblesse, leur folie, leur ingratitude, leur peu de ressemblance avec le Christ, tous les péchés qui ont déshonoré leur Rédempteur. Il s'efforcera de les effrayer en suscitant chez eux la pensée que leur cas est désespéré, que leur souillure ne pourra jamais être purifiée. Il espérera ainsi détruire leur foi et les faire succomber à la tentation. PR 446 1 Satan connaît bien tous les péchés que les hommes commettent à son instigation. Il accable les pécheurs de ses accusations en leur faisant croire qu'ils sont privés de la protection divine et qu'il a le droit de les anéantir. Il les exclut de la faveur céleste comme il s'en est exclu lui-même. "Est-ce là le peuple qui prétend usurper ma place au ciel, ainsi que celle de mes anges? dit-il. Obéit-il vraiment à la loi de Dieu, garde-t-il ses préceptes? Ces gens ne sont-ils pas plus attachés à leurs personnes qu'à Dieu? N'ont-ils pas placé leurs intérêts personnels avant ceux d'en haut? Ne sont-ils pas attachés aux choses du monde? Regardez les péchés qui souillent leur vie. Considérez leur égoïsme, leur malice, la haine qu'ils éprouvent les uns pour les autres. Dieu me chassera-t-il avec mes anges de sa présence pour récompenser ceux qui ont commis des péchés semblables aux nôtres? Tu ne peux agir ainsi, ô Dieu de justice. La justice exige qu'une sentence soit prononcée contre eux." PR 446 2 Mais si les disciples du Christ ont péché, ils ne sont pas abandonnés à la domination des forces du mal. Ils se sont repentis, et ils ont recherché le Seigneur avec humilité et contrition. Alors l'avocat divin a plaidé pour eux. Celui qui a connu l'ingratitude la plus noire de la part des hommes, mais qui a connu aussi leurs péchés et leur repentir, déclare: "Que l'Eternel te réprime, Satan! J'ai donné ma vie pour ces âmes; je les ai gravées sur la paume de ma main. Elles peuvent avoir des imperfections, avoir échoué dans leurs efforts pour parvenir à la sainteté; mais elles se sont repenties. Je leur ai pardonné et les ai acceptées." PR 447 1 Les assauts de l'ennemi sont puissants, ses tromperies subtiles; mais le regard du Seigneur est sur ses enfants. Leurs tribulations sont grandes, les flammes de la fournaise semblent être sur le point de les consumer; mais Jésus les purifie comme l'or est éprouvé par le feu. Il mettra fin à leur amour des choses terrestres, afin que par eux l'image du Sauveur soit parfaitement révélée. PR 447 2 Il semble parfois que le Seigneur oublie les périls auxquels son Eglise est exposée, ainsi que les assauts que lui livrent ses ennemis. Mais n'en croyons rien. Rien ici-bas ne lui est plus cher. Il ne permet pas que le monde porte atteinte à la réputation de cette Eglise. Il ne laisse pas ses enfants succomber aux tentations de l'adversaire. Il ne tiendra point pour innocent celui qui se montre indigne, mais il fera preuve de miséricorde envers celui qui se repentira sincèrement. Il viendra en aide à celui qui l'implorera pour recevoir la force de développer un caractère chrétien. PR 447 3 A la fin des temps, les enfants de Dieu se lamenteront sur les abominations qui se commettent ici-bas. Ils imploreront avec larmes les méchants de cesser de fouler aux pieds la loi divine, et ils s'humilieront avec une tristesse indicible devant le Seigneur en signe de contrition. Mais les méchants se moqueront de cette tristesse et de ces appels solennels. PR 447 4 L'angoisse et l'humiliation que manifestera le peuple de Dieu prouvera péremptoirement qu'il reconquiert la force et la noblesse de caractère perdues à la suite du péché. C'est parce qu'il s'approchera de plus en plus près du Christ et qu'il aura les regards fixés sur sa pureté absolue qu'il discernera si clairement l'effroyable malignité du péché. La douceur et l'humilité sont les conditions indispensables au succès et à la victoire. Une couronne de gloire attend tous ceux qui fléchissent les genoux au pied de la croix. PR 447 5 Les chrétiens fidèles qui font monter leurs prières vers le ciel sont gardés par lui, bien qu'ignorant la manière dont ils sont protégés. Sollicités par Satan, les chefs de ce monde cherchent à les anéantir; mais si ceux-ci pouvaient ouvrir les yeux, comme autrefois le serviteur du prophète Elisée à Dothan, ils verraient les anges camper autour d'eux et tenir en échec les forces du mal. PR 448 1 Alors que le peuple de Dieu se lamente et implore son Dieu pour obtenir la pureté du coeur, voici l'ordre qui est donné d'en haut: "Otez-lui les vêtements sales." Puis, suivent ces paroles réconfortantes: "Vois, je t'enlève ton iniquité, et je te revêts d'habits de fête."13 La robe immaculée de la justice du Christ est alors donnée aux enfants de Dieu qui, dans l'épreuve et la tentation, sont demeurés fidèles. Ceux qui composent ce "reste" méprisé sont revêtus de vêtements glorieux qui ne connaîtront jamais les souillures du monde. Leurs noms sont inscrits dans le livre de vie de l'Agneau, à côté de ceux des fidèles de tous les temps. Victorieux des ruses de Satan, ils sont restés inébranlables malgré les rugissements du dragon. Ils sont maintenant pour toujours à l'abri du tentateur; leurs péchés sont transférés sur l'auteur de tout mal. Un "turban pur" est placé sur leurs têtes. PR 448 2 Lorsque Satan intensifiait ses accusations, des anges invisibles allaient et venaient, plaçant sur les fidèles le sceau du Dieu vivant. Ce sont ceux qui se tiendront sur la montagne de Sion avec l'Agneau et qui porteront sur leur front le nom de Dieu. Ils chanteront un cantique nouveau devant le trône, cantique que nul, en dehors des cent quarante-quatre mille rachetés, ne peut entonner. "Ce sont ceux qui ... suivent l'Agneau partout où il va. Ils ont été rachetés d'entre les hommes, comme des prémices pour Dieu et pour l'Agneau; et dans leur bouche il ne s'est point trouvé de mensonge, car ils sont irrépréhensibles."14 PR 448 3 Alors seront pleinement accomplies ces paroles de l'ange: "Ecoute donc, Josué, souverain sacrificateur, toi et tes compagnons qui sont assis devant toi! -- car ce sont des hommes qui serviront de signes. -- Voici, je ferai venir mon serviteur, le germe."15 Le Christ se révèle comme le Rédempteur et le libérateur de son peuple. Et maintenant, voici vraiment le "reste", les "hommes servant de signes". Les larmes et les humiliations dont ils ont été abreuvés au cours de leur pèlerinage sont remplacées par la joie et l'honneur d'être auprès de Dieu et de l'Agneau. "En ce temps-là, le germe de l'Eternel aura de la magnificence et de la gloire, et le fruit du pays aura de l'éclat et de la beauté pour les réchappés d'Israël. Et les restes de Sion, les restes de Jérusalem, seront appelés saints, quiconque à Jérusalem sera inscrit parmi les vivants."16 ------------------------Chapitre 48 -- Ni par la puissance, ni par la force PR 451 1 Immédiatement après la vision de Josué et de l'ange, Zacharie reçut un message concernant le travail de Zorobabel. "L'ange qui parlait avec moi, dit le prophète, revint et il me réveilla comme un homme que l'on réveille de son sommeil. Il me dit: Que vois-tu? Je répondis: Je regarde, et voici, il y a un chandelier tout d'or, surmonté d'un vase et portant sept lampes, avec sept conduits pour les lampes qui sont au sommet du chandelier; et il a près de lui deux oliviers, l'un à la droite du vase, et l'autre à sa gauche. Et reprenant la parole, je dis à l'ange qui parlait avec moi: Que signifient ces choses, mon seigneur? ... Alors il reprit et me dit: C'est ici la parole que l'Eternel adresse à Zorobabel: Ce n'est ni par la puissance ni par la force, mais c'est par mon esprit, dit l'Eternel des armées. ... PR 451 2 "Je pris la parole et je lui dis: Que signifient ces deux oliviers, à la droite du chandelier et à sa gauche? Je pris une seconde fois la parole, et je lui dis: Que signifient les deux rameaux d'olivier qui sont près des deux conduits d'or d'où découle l'or? ... Et il dit: Ce sont les deux oints qui se tiennent devant le Seigneur de toute la terre."1 PR 452 1 Dans cette vision, les deux oliviers "qui se tiennent devant le Seigneur" déversent leur huile par des conduits d'or dans le vase du chandelier. C'est ainsi que sont entretenues les lampes du sanctuaire destinées à donner une lumière brillante et continuelle. Par ses deux oints, la plénitude de la lumière, de l'amour et de la puissance de Dieu est communiquée aux fidèles pour qu'ils puissent en faire part à d'autres. Ayant été ainsi enrichis, ils doivent enrichir leurs semblables par l'inestimable trésor de l'amour divin. PR 452 2 En reconstruisant le temple, Zorobabel s'était heurté à de multiples difficultés. Dès le début, ses adversaires "découragèrent le peuple de Juda; ils l'intimidèrent pour l'empêcher de bâtir ... et firent cesser leurs travaux par violence et par force".2 Mais Dieu intervint en faveur des constructeurs. Et maintenant, par son prophète, il s'adresse à Zorobabel en ces termes: "Qui es-tu, grande montagne, devant Zorobabel? Tu seras aplanie. Il posera la pierre principale au milieu des acclamations: Grâce, grâce pour elle!"3 PR 452 3 Tout au long de l'histoire du peuple de Dieu, des montagnes de difficultés, apparemment insurmontables, se sont dressées devant ceux qui s'efforçaient d'exécuter les desseins du ciel. Le Seigneur permet ces obstacles pour éprouver notre foi. C'est précisément quand nous sommes dans une impasse que nous devons placer notre confiance en Dieu et dans la puissance de son Esprit. Une foi vivante implique un accroissement de force spirituelle et une confiance inébranlable en Dieu. C'est ainsi que l'âme acquiert une puissance conquérante. Les obstacles que Satan fait surgir sur la route du chrétien disparaîtront avant même que soit formulée avec foi la demande du juste; car les puissances célestes viendront à son secours. "Si vous aviez de la foi, ... rien ne vous serait impossible, a dit Jésus."4 PR 452 4 Les mondains commencent habituellement leurs entreprises avec pompe et gloriole. La méthode de Dieu, au contraire, consiste à faire des modestes commencements le glorieux triomphe de la vérité et de la justice. Parfois, il fait subir à ses enfants des déceptions et des échecs apparents, car il désire leur apprendre à surmonter les difficultés. PR 453 1 Les hommes sont souvent tentés de chanceler en face des épreuves et des obstacles qui se dressent devant eux. Mais si la confiance qu'ils ont manifestée au début se maintient jusqu'au bout, Dieu leur facilitera la route. Leur succès sera fonction de leurs luttes contre les difficultés. Devant la fermeté et la foi inébranlable de Zorobabel, les hautes montagnes de difficultés s'aplanirent, et celui qui avait posé les fondations du temple, "de ses mains l'achèvera. ... Il posera la pierre principale au milieu des acclamations: Grâce, grâce pour elle!"5 PR 453 2 Aucun pouvoir humain ne saurait établir l'Eglise de Dieu, ni la détruire. Ce n'est pas sur le roc de la force des hommes, mais sur Jésus-Christ, le rocher des siècles, que l'Eglise fut fondée, et "les portes du séjour des morts ne prévaudront point contre elle."6 La présence de Dieu assure la stabilité de sa cause. "Ne vous confiez pas aux grands, aux fils de l'homme, qui ne peuvent sauver", nous dit le Psalmiste."7 "C'est dans la tranquillité et le repos que sera votre salut."8 L'oeuvre glorieuse de Dieu, fondée sur les principes de la justice, ne saurait sombrer. Elle progressera résolument, avec toujours plus de force. "Ce n'est ni par la puissance, ni par la force, mais c'est par mon esprit, dit l'Eternel des armées."9 PR 453 3 La promesse: "Les mains de Zorobabel ont fondé cette maison, et ses mains l'achèveront",10 s'était accomplie littéralement. "Les anciens des Juifs bâtirent avec succès, selon les prophéties d'Aggée, le prophète, et de Zacharie, fils d'Iddo; ils bâtirent et achevèrent, d'après l'ordre du Dieu d'Israël, et d'après l'ordre de Cyrus, de Darius et d'Artaxerxès, roi de Perse. La maison fut achevée le troisième jour du mois d'Adar, dans la sixième année du règne du roi Darius."11 On fit la dédicace du temple peu de temps après sa restauration. "Les enfants d'Israël, les sacrificateurs et les Lévites, et le reste des fils de la captivité, firent avec joie la dédicace de cette maison de Dieu"; et "le quatorzième jour du premier mois", ils "célébrèrent la Pâque."12 PR 454 1 Le second temple n'atteignait pas la splendeur du premier. Il ne fut pas sanctifié par des témoignages visibles de la présence divine, comme celui de Salomon. Aucune manifestation surnaturelle ne marqua sa dédicace, aucune nuée de gloire ne vint remplir le nouveau sanctuaire, aucun feu ne descendit du ciel pour consommer l'holocauste placé sur l'autel. On ne vit plus la sainte Schekinah reposer entre les deux chérubins du lieu très saint. On ne vit pas non plus l'arche de l'alliance, ni le propitiatoire, ni les tables du témoignage. Aucun signe du ciel ne manifesta la volonté de Dieu. PR 454 2 Et cependant c'était bien cette maison au sujet de laquelle le Seigneur avait déclaré à Aggée: "La gloire de cette dernière maison sera plus grande que celle de la première." "J'ébranlerai toutes les nations; les trésors de toutes les nations viendront, et je remplirai de gloire cette maison, dit l'Eternel des armées."13 Pendant des siècles, des théologiens se sont efforcés de comprendre comment s'était accomplie la promesse divine faite à Aggée. Malgré l'avènement de Jésus de Nazareth, le Désiré des nations, qui sanctifia par sa présence l'enceinte du temple, un grand nombre d'entre eux ont pourtant refusé obstinément de voir dans cette prophétie une signification particulière. L'orgueil et l'incrédulité ont aveuglé leur esprit au sujet de la vraie signification des paroles du prophète. PR 454 3 Le second temple ne fut pas honoré par la nuée de la gloire de Dieu, mais par la présence même de celui en qui habite "toute la plénitude de la divinité", par Dieu "manifesté en chair."14 C'est donc bien parce que le Christ y vint en personne que le second temple surpassa en gloire le premier. Le "Désiré des nations" était réellement venu dans son temple, lorsque Jésus de Nazareth enseigna et guérit les foules dans les parvis sacrés de ce sanctuaire. ------------------------Chapitre 49 -- Aux jours de la reine Esther PR 455 1 Lorsque Cyrus permit aux Juifs de retourner dans leur pays, environ cinquante mille d'entre eux en profitèrent. Comparés aux centaines de mille dispersés dans les provinces de l'empire médo-persan, ce nombre ne représentait qu'un faible reste. La grande majorité des Juifs préféraient rester en exil plutôt que d'affronter les souffrances possibles d'un retour et d'une réinstallation dans des villes et des maisons dévastées. PR 455 2 Une vingtaine d'années après le décret de Cyrus, Darius en promulgua un deuxième tout aussi favorable que le précédent. Ainsi, dans sa miséricorde, Dieu suscita une nouvelle occasion pour les Juifs de regagner leur patrie. Il avait prévu les temps fâcheux du règne de Xerxès -- l'Assuérus du livre d'Esther. Il n'opéra pas seulement un changement dans le coeur des dirigeants, mais il inspira aussi à Zacharie l'idée d'insister auprès des exilés pour qu'ils retournent en Judée. PR 455 3 "Fuyez, fuyez du pays du septentrion!" proclamait le prophète aux tribus dispersées d'Israël, qui s'étaient établies dans des contrées lointaines de la Judée. "Je vous ai dispersés aux quatre vents des cieux, dit l'Eternel. Sauve-toi, Sion, toi qui habites chez la fille de Babylone! Car ainsi parle l'Eternel des armées: Après cela, viendra la gloire! Il m'a envoyé vers les nations qui vous ont dépouillés; car celui qui vous touche, touche la prunelle de son oeil. Voici, je lève ma main contre elles, et elles seront la proie de ceux qui leur étaient asservis. Et vous saurez que l'Eternel des armées m'a envoyé."1 PR 456 1 Le dessein de Dieu restait toujours le même: son peuple devait être ici-bas une louange à la gloire de son nom. Il avait suscité au cours d'un long exil de fréquentes occasions de retourner à lui. Certains Israélites avaient écouté ses avertissements et en avaient profité. D'autres avaient trouvé le salut au sein de l'affliction. Ils représentaient la plus grande partie de ce reste qui retourna en Judée. La Parole inspirée les compare à "la cime d'un grand cèdre", planté "sur une montagne haute et élevée, ... sur une haute montagne d'Israël".2 PR 456 2 Ces Israélites comptaient parmi "ceux dont Dieu réveilla l'esprit".3 Mais le Seigneur ne cessa de plaider avec les autres qui demeuraient volontairement en terre d'exil. A eux aussi, il multipliait les occasions pour faciliter leur retour. Cependant, la grande majorité des Juifs qui n'avaient pas répondu au décret de Cyrus se moquèrent de ces sollicitations. Ils refusèrent d'écouter l'appel de Zacharie, qui les invitait à quitter Babylone. PR 456 3 En attendant, la situation du royaume médo-persan évoluait rapidement. A Darius, si favorable aux Juifs, succéda Xerxès. C'est sous son règne que les Juifs, insensibles à l'appel de Zacharie, durent affronter une crise terrible. Ayant refusé de profiter de l'occasion nouvelle que Dieu leur offrait pour retourner en Palestine, ils se trouvaient maintenant placés en face de la mort. PR 456 4 Par l'intermédiaire d'Haman, l'Agaguite, homme sans scrupule qui jouissait des pleins pouvoirs dans le royaume, Satan chercha à contrecarrer les desseins de Dieu. Haman nourrissait des sentiments de haine envers Mardochée qui était Juif. Ce dernier n'avait fait aucun mal à Haman, mais il avait refusé de lui témoigner de la vénération. Haman "dédaigna de porter la main sur Mardochée seul"; il voulait "détruire le peuple de Mardochée, tous les Juifs qui se trouvaient dans tout le royaume d'Assuérus".4 PR 457 1 Trompé par les faux rapports d'Haman, Xerxès fut amené à publier un édit ordonnant le massacre de tous les Juifs, ce "peuple dispersé et à part parmi les peuples"5 du royaume médo-persan. Un certain jour fut fixé pour les exterminer et confisquer leurs biens. Le roi était loin de se douter de la répercussion que cet édit pourrait avoir s'il était appliqué à la lettre. Satan, l'instigateur secret de ce complot, s'efforçait de débarrasser la terre de ce peuple qui avait conservé la connaissance du vrai Dieu. PR 457 2 "Dans chaque province, partout où arrivaient l'ordre du roi et son édit, il y eut une grande désolation parmi les Juifs; ils jeûnaient, pleuraient et se lamentaient, et beaucoup se couchaient sur le sac et la cendre."6 L'édit des Mèdes et des Perses ne pouvait être révoqué; il n'y avait donc en apparence aucun espoir possible. Tous les Israélites étaient voués à la mort. PR 457 3 Mais les machinations de l'ennemi furent déjouées par celui qui règne sur les enfants des hommes. Dans sa providence, Dieu avait élevé au rang de reine, dans l'empire médo-persan, Esther, jeune juive qui craignait le Très-Haut. Mardochée était l'un de ses proches parents. Désespérés, ils décidèrent d'en référer à Xerxès pour qu'il intervienne en faveur des Juifs. Esther devait prendre le risque de se présenter devant le roi comme intercesseur. "Qui sait, lui dit Mardochée, si ce n'est pas pour un temps comme celui-ci que tu es parvenue à la royauté?"7 PR 457 4 Esther avait à faire face à une crise telle qu'il fallait prendre une décision rapide. Mais elle savait, ainsi que Mardochée, que si Dieu n'intervenait pas puissamment en leur faveur leur démarche resterait vaine. Esther passa donc une partie de son temps en communion avec Dieu d'une manière toute particulière. "Va, ordonna-t-elle à Mardochée, rassemble tous les Juifs qui se trouvent à Suse, et jeûnez pour moi, sans manger ni boire pendant trois jours, ni la nuit ni le jour. Moi aussi, je jeûnerai de même avec mes servantes, puis j'entrerai chez le roi, malgré la loi; et si je dois périr, je périrai."8 PR 458 1 Les événements se succédèrent alors rapidement: l'apparition d'Esther devant Assuérus, la faveur qu'il lui témoigna, le festin du roi et de la reine avec Haman comme seul invité, le sommeil agité du monarque, les honneurs rendus à Mardochée, l'humiliation et la disgrâce d'Haman à la découverte du complot qu'il avait tramé -- tout cela fait partie d'une histoire qui nous est bien familière. Dieu opéra merveilleusement en faveur de son peuple repentant, et l'édit du roi permettant aux Juifs de défendre leur vie fut rapidement communiqué à tout le royaume par des courriers à cheval "qui partirent aussitôt et en toute hâte, d'après l'ordre du roi". "Dans chaque province et dans chaque ville, partout où arrivaient l'ordre du roi et son édit, il y eut parmi les Juifs de la joie et de l'allégresse, des festins et des fêtes. Et beaucoup de gens d'entre les peuples du pays se firent Juifs, car la crainte des Juifs les avait saisis."9 PR 458 2 Lorsque le jour fixé pour leur extermination arriva, "les Juifs se rassemblèrent dans leurs villes, dans toutes les provinces du roi Assuérus, pour mettre la main sur ceux qui cherchaient leur perte; et personne ne put leur résister, car la crainte qu'on avait d'eux s'était emparée de tous les peuples". Les anges qui excellent en force avaient été envoyés par Dieu pour protéger ses enfants alors "qu'ils défendaient leur vie".10 PR 458 3 Mardochée reçut la place d'honneur qui avait été occupée par Haman. Il "était le premier après le roi Assuérus; considéré parmi les Juifs et aimé de la multitude de ses frères".11 Il s'efforça de favoriser le bien-être d'Israël. C'est ainsi que Dieu intervint une fois de plus pour que son peuple obtînt les faveurs de la cour médo-persane et qu'il rendît possible l'accomplissement de ses desseins: rétablir les Juifs au pays de la promesse. Mais ce ne fut que quelques années plus tard, sept ans après l'avènement d'Artaxerxès I, successeur de Xerxès, qu'un grand nombre de Juifs retourna à Jérusalem sous la conduite d'Esdras. PR 458 4 Les tribulations que subit le peuple d'Israël à l'époque d'Esther n'étaient pas particulières à ce moment-là. Le voyant de Patmos, parlant de la fin des temps, déclare: "Le dragon fut irrité contre la femme, et il s'en alla faire la guerre aux restes de sa postérité, à ceux qui gardent les commandements de Dieu et qui ont le témoignage de Jésus."12 Il faut donc nous attendre à voir aujourd'hui s'accomplir cette prophétie. L'esprit qui poussa jadis les hommes à persécuter la véritable Eglise les amènera à user des mêmes procédés envers ceux qui restent fidèles au Seigneur. Des préparatifs se font déjà en ce moment en vue du dernier conflit où s'affronteront les enfants de Dieu et les forces du mal. PR 459 1 Un décret semblable à celui d'Assuérus concernant les Juifs sera promulgué contre le peuple de Dieu. De nos jours, les ennemis de la véritable Eglise considèrent le petit peuple qui observe le quatrième commandement comme un Mardochée à la porte du roi. Le respect que montrent les enfants de Dieu à l'égard de la loi est comme un reproche continuel adressé à tous ceux qui ont abandonné la crainte de Dieu et foulé aux pieds son saint sabbat. PR 459 2 Satan fera naître l'indignation contre la minorité qui refuse de se soumettre aux coutumes et aux traditions du monde. Les hommes influents et réputés s'allieront aux gens douteux et sans principes pour comploter contre le peuple de Dieu. La fortune, le génie, la science s'associeront pour le couvrir de mépris. Les dirigeants, les pasteurs et les membres d'église conspireront contre lui. Ils chercheront à détruire la foi des enfants de Dieu par tous les moyens, oralement, par écrit, par la flatterie, les menaces, les sarcasmes. On excitera les passions humaines par de faux rapports. A défaut d'un passage formel des Ecritures au sujet du sabbat, on aura recours à des mesures coercitives. PR 459 3 Pour s'assurer la popularité, les législateurs voteront des lois relatives à l'observation du dimanche. Mais ceux qui craignent Dieu ne sauraient se soumettre à une institution qui viole les préceptes du Décalogue. Le grand conflit entre la vérité et l'erreur aura comme enjeu ce sujet brûlant. Mais nous ne sommes pas laissés dans le doute quant à l'issue de ce combat. Aujourd'hui, comme au temps d'Esther, Dieu vengera sa vérité et son peuple. ------------------------Chapitre 50 -- Esdras, prêtre et scribe PR 461 1 Artaxerxès Longuemain monta sur le trône du royaume médo-persan environ soixante-dix ans après le retour du premier convoi juif, conduit par Zorobabel et Josué. Le nom de ce roi est associé dans le récit sacré à une suite de bénédictions remarquables dont fut l'objet le peuple juif. C'est pendant son règne que vécurent Esdras et Néhémie. C'est ce monarque qui, en 457, promulgua le troisième et ultime décret ordonnant la restauration de Jérusalem. C'est encore sous son ordre que se produisit le retour d'un petit groupe de Juifs conduits par Esdras, et que furent achevés les murs de la ville par Néhémie et ses collaborateurs. C'est aussi à ce moment-là que furent réorganisés les services du temple et qu'Esdras et Néhémie procédèrent à d'importantes réformes. Artaxerxès, au cours de son long règne, favorisa le peuple de Dieu et reconnut dans Esdras et Néhémie, qu'il affectionnait tout particulièrement et en qui il avait une pleine confiance, des hommes choisis par Dieu et appelés à une oeuvre spéciale. PR 462 1 La conduite d'Esdras, alors qu'il vivait parmi les Juifs à Babylone, était si exceptionnelle qu'elle attira l'attention d'Artaxerxès. Esdras discutait librement avec le monarque sur des questions relatives à la puissance divine et sur les desseins de Dieu de rétablir les Juifs en Palestine. PR 462 2 Descendant d'Aaron, Esdras reçut une formation de prêtre; mais il se livrait aussi à l'étude des livres des magiciens, des astrologues et des sages du royaume médo-persan. Cependant, il n'était pas satisfait de son état spirituel; il désirait ardemment vivre en pleine harmonie avec le Seigneur et soupirait après la sagesse d'en haut, afin de pouvoir accomplir la volonté divine. Il appliqua donc "son coeur à méditer et à mettre en pratique la loi de l'Eternel".1 Ceci le poussa à étudier sérieusement l'histoire du peuple de Dieu, telle qu'elle est rapportée dans les écrits des prophètes et des rois. Il examina les livres historiques et poétiques de la Bible, afin de comprendre pourquoi le Seigneur avait permis la destruction de Jérusalem et la captivité des Juifs en pays païen. PR 462 3 Esdras approfondit tout spécialement l'histoire d'Israël depuis l'époque où Abraham reçut une promesse de la part de Dieu. Il étudia les instructions données au mont Sinaï, et celles que le peuple juif avait reçues pendant ses pérégrinations au désert. Son coeur était remué à mesure qu'il comprenait mieux les hauts faits de Dieu envers son peuple et qu'il concevait mieux la sainteté du Décalogue. Il passa alors par une conversion véritable, et il décida d'étudier à fond l'histoire sacrée, afin de pouvoir en faire profiter le peuple juif. PR 462 4 Esdras s'efforça de se préparer pour l'oeuvre qu'il croyait lui incomber. Il rechercha le Seigneur avec beaucoup de sérieux, afin de pouvoir être un sage docteur en Israël. Alors qu'il apprenait à soumettre sa volonté et son esprit à l'autorité divine, les principes de la véritable sanctification pénétraient dans sa vie. Ces principes contribuèrent plus tard, non seulement à transformer le caractère des jeunes, mais aussi celui de tous ceux qui entraient en contact avec lui. PR 462 5 Dieu choisit Esdras pour en faire un instrument de bénédiction envers Israël, et pour qu'il redonne aux fonctions de prêtre l'honneur et la gloire qu'elles avaient perdus au cours de la captivité. Esdras devint un homme remarquable au point de vue des connaissances, "un scribe versé dans la loi de Moïse".2 Ces caractéristiques le rendirent célèbre dans l'empire médo-persan. PR 463 1 Il fut l'interprète de Dieu, instruisant tous ceux qui l'approchaient sur les principes qui régissent le ciel. Jusqu'à la fin de ses jours, sa tâche principale fut d'enseigner, soit à la cour médo-persane, soit à Jérusalem. Sa capacité de travail augmentait à mesure qu'il faisait part à d'autres des vérités qu'il connaissait. Il devint aussi un homme pieux et fervent. Témoin de Dieu, il démontrait au monde la puissance des vérités bibliques qui ennoblissent la vie quotidienne. PR 463 2 Les efforts qu'il déploya pour raviver l'intérêt dans l'étude des Ecritures furent permanents. Toute sa vie se passa à un travail laborieux destiné à conserver et à propager la Parole de Dieu. Il recueillit tous les exemplaires de la loi qu'il réussit à découvrir, et il les fit transcrire et distribuer. La vérité ainsi répandue, placée dans les mains d'un grand nombre, apporta des connaissances d'une valeur inestimable. PR 463 3 Esdras croyait que Dieu accomplirait une grande oeuvre en faveur de son peuple. C'est pourquoi il fit part à Artaxerxès de son désir de retourner à Jérusalem pour raviver l'intérêt dans l'étude de la Parole de Dieu et pour aider ses frères à restaurer la sainte cité. Le monarque fut profondément impressionné par la confiance manifestée par Esdras dans le Dieu d'Israël qu'il croyait capable de protéger et de garder son peuple. Il comprenait que les Israélites devaient retourner à Jérusalem pour y servir le Seigneur, et il avait une telle confiance dans l'intégrité d'Esdras qu'il accéda à sa requête et lui remit de riches présents pour le service du temple. Il en fit le représentant particulier de l'empire médo-persan, et lui donna pleins pouvoirs pour l'exécution de ses projets. PR 463 4 Le décret d'Artaxerxès Longuemain relatif à la restauration de Jérusalem était le troisième publié depuis la fin des soixante-dix ans de captivité. Ce décret est remarquable par ses expressions concernant le Dieu du ciel, par son témoignage des connaissances d'Esdras et les libéralités accordées au reste du peuple de Dieu. Artaxerxès parle d'Esdras comme d'un "sacrificateur et scribe, versé dans la loi du Dieu des cieux". D'accord avec ses conseillers, il offre généreusement "au Dieu d'Israël, dont la demeure est à Jérusalem", une somme à laquelle il ajoute un supplément destiné à faire face aux autres dépenses. Ce supplément devait être tiré "de la maison des trésors du roi."3 "Tu es envoyé par le roi et ses sept conseillers, dit Artaxerxès à Esdras, pour inspecter Juda et Jérusalem d'après la loi de ton Dieu, laquelle est entre tes mains." Et le roi ajoutait: "Que tout ce qui est ordonné par le Dieu des cieux se fasse ponctuellement pour la maison du Dieu des cieux, afin que sa colère ne soit pas sur le royaume, sur le roi et sur ses fils."4 PR 464 1 En permettant aux Israélites de retourner dans leur pays, Artaxerxès prit des mesures pour que soient rétablis les membres du sacerdoce avec leurs anciens rites et privilèges. "Nous vous faisons savoir, disait-il, qu'il ne peut être levé ni tribut, ni impôt, ni droit de passage, sur aucun des sacrificateurs, des Lévites, des chantres, des portiers, des Néthiniens et des serviteurs de cette maison de Dieu." Le roi prit aussi des dispositions pour faire nommer des magistrats, afin de gouverner le peuple avec justice, selon le code hébreu. "Et toi, Esdras, disait le roi, selon la sagesse de Dieu que tu possèdes, établis des juges et des magistrats qui rendent la justice à tout le peuple de l'autre côté du fleuve, à tous ceux qui connaissent les lois de ton Dieu; et fais-les connaître à ceux qui ne les connaissent pas. Quiconque n'observera pas ponctuellement la loi de ton Dieu et la loi du roi sera condamné à la mort, au bannissement, à une amende, ou à la prison."5 PR 464 2 Ainsi, comme "la bonne main de son Dieu était sur lui", Esdras décida le roi à faire le nécessaire pour le retour de tout le peuple d'Israël, des sacrificateurs et des Lévites qui se trouvaient dans l'empire médo-persan, et qui étaient "disposés à partir ... pour Jérusalem".6 Les exilés avaient ainsi une nouvelle occasion de retourner au pays dont la possession était liée aux promesses faites à la maison d'Israël. Le décret du roi réjouit grandement tous ceux qui s'étaient penchés avec Esdras sur les desseins de Dieu à l'égard de son peuple. "Béni soit l'Eternel, le Dieu de nos pères, s'écriait Esdras, qui a disposé le coeur du roi à glorifier ainsi la maison de l'Eternel à Jérusalem, et qui m'a rendu l'objet de la bienveillance du roi, de ses conseillers, et de tous ses puissants chefs!"7 PR 465 1 La providence divine était manifeste dans la proclamation de ce décret d'Artaxerxès. Certains Juifs le comprirent et profitèrent avec joie du privilège qui leur était offert, leur permettant de retourner chez eux dans des circonstances si favorables. Un lieu de rassemblement fut prévu et, au jour fixé, ceux qui désiraient se rendre à Jérusalem entreprirent ce long voyage. "Je les rassemblai près du fleuve qui coule vers Ahava, dit Esdras, et nous campâmes là trois jours."8 PR 465 2 Esdras avait espéré que beaucoup d'Israélites retourneraient à Jérusalem; mais ceux qui répondirent à l'appel le désappointèrent par leur petit nombre. La plupart des exilés qui avaient acquis des maisons et des terres ne voulaient pas les abandonner. Ils aimaient leurs aises et le confort, et ils désiraient les conserver. Leur exemple fut un obstacle pour ceux qui auraient voulu partager le sort des hommes qui marchaient par la foi. PR 465 3 En considérant les exilés qui s'étaient rassemblés, Esdras fut surpris de n'y voir aucun des fils de Lévi. Où étaient donc les membres de la tribu mise à part pour le service sacré du temple? A l'appel: "Qui est du côté du Seigneur?" les Lévites auraient dû être les premiers à répondre. Ils avaient joui de nombreux privilèges au cours de la captivité, et même plus tard, ainsi que d'une complète liberté pour s'occuper des besoins spirituels de leurs frères exilés. Des synagogues avaient été construites, où ils pouvaient officier et instruire le peuple. L'observation du sabbat et les rites sacrés particuliers à la religion juive avaient pu être pratiqués librement par les exilés. PR 465 4 Mais au cours des années qui suivirent la captivité, les conditions se modifièrent, et de nombreuses et nouvelles responsabilités incombèrent aux chefs d'Israël. Le temple de Jérusalem ayant été reconstruit et dédicacé, il fallait un plus grand nombre de prêtres pour assurer les services. Un besoin urgent d'hommes de Dieu se faisait sentir pour instruire le peuple. En outre, les Juifs restés à Babylone étaient menacés dans leur liberté. Par le prophète Zacharie, ainsi que par les faits récents qui s'étaient produits à l'époque troublée d'Esther et de Mardochée, ils avaient été nettement invités à retourner dans leur pays. Le moment était donc venu où il aurait été dangereux pour eux de rester plus longtemps sous l'influence païenne. En face de tels changements, les prêtres qui se trouvaient encore à Babylone auraient dû discerner dans le décret d'Artaxerxès un appel spécial à retourner à Jérusalem. PR 466 1 Le roi et les princes avaient fait plus qu'ils ne devaient pour préparer le chemin du retour. Ils y avaient largement pourvu; mais où se trouvaient maintenant les hommes? Les fils de Lévi firent défaut alors que leur décision d'accompagner leurs frères aurait déterminé les autres à suivre leur exemple. Leur étrange indifférence est un triste témoignage de l'attitude des exilés à l'égard des desseins de Dieu envers son peuple. PR 466 2 Esdras, une fois de plus, fit appel aux Lévites; il les invita d'une manière pressante à se joindre au groupe qui retournait à Jérusalem. Pour faire ressortir l'importance d'agir rapidement, il fit parvenir un message par des "chefs" et des "docteurs"9 d'Israël. Pendant ce temps, Esdras et les pèlerins attendaient le retour des messagers porteurs de cette requête: Amenez-nous "des serviteurs pour la maison de notre Dieu."10 Cet appel ne resta pas sans réponse; parmi ceux qui hésitaient, certains prirent finalement la décision de partir. Quarante prêtres et deux cent vingt Néthiniens -- hommes sur lesquels Esdras pouvait compter, tant comme ministres éclairés que comme docteurs et auxiliaires avisés -- furent amenés au camp. PR 466 3 Tous étaient prêts maintenant pour le départ. Les exilés emmenaient leurs femmes, leurs enfants, leurs provisions de route, ainsi qu'une somme importante destinée aux services du temple. Esdras savait que des ennemis les attendaient sur leur chemin, prêts à les détrousser et à les tuer; mais il ne réclama au roi ni armes, ni soldats pour les protéger. "J'aurais eu honte, dit-il, de demander au roi une escorte et des cavaliers pour nous protéger contre l'ennemi pendant la route, car nous avions dit au roi: La main de notre Dieu est pour leur bien sur tous ceux qui le cherchent, mais sa force et sa colère sont sur tous ceux qui l'abandonnent."11 PR 467 1 Esdras et ses compagnons virent là une occasion de magnifier le nom du Seigneur devant les païens. Leur foi dans la puissance d'un Dieu vivant serait fortifiée si les Israélites eux-mêmes témoignaient une confiance implicite en leur divin conducteur. Ils décidèrent donc de placer toute leur confiance en lui. Ils se passeraient de soldats, pour ne pas donner aux païens l'occasion d'attribuer à la force de l'homme la gloire qui ne revient qu'à Dieu seul. Ils ne voulaient pas faire naître le doute dans l'esprit de leurs amis païens sur la sincérité de leur confiance en Dieu. Leur force ne dépendait ni de la richesse, ni de la puissance ou de l'influence des idolâtres, mais de la faveur divine. Ce n'est qu'en observant la loi de Dieu qu'ils seraient protégés. PR 467 2 Conscients des conditions grâce auxquelles ils continueraient à jouir de la main secourable du Seigneur, ils accordèrent plus de solennité que de coutume au service de consécration présidé par Esdras et ses fidèles compagnons immédiatement avant leur départ. "Là, près du fleuve d'Ahava, dit Esdras, je publiai un jeûne d'humiliation devant notre Dieu, afin d'implorer de lui un heureux voyage pour nous, pour nos enfants, et pour tout ce qui nous appartenait. ... C'est à cause de cela que nous jeunâmes et que nous invoquâmes notre Dieu. Et il nous exauça."12 PR 467 3 La bénédiction divine n'excluait pas cependant toute prudence et toute prévoyance. Esdras prit des précautions spéciales pour la sécurité du trésor. Il "choisit douze chefs des sacrificateurs" -- hommes à la foi et à la fidélité éprouvées -- "et pesa devant eux l'argent, l'or et les ustensiles, donnés en offrande pour la maison de notre Dieu par le roi, ses conseillers et ses chefs, et par tous ceux d'Israël qu'on avait trouvés". Ces hommes reçurent la charge solennelle de veiller sur le trésor. "Vous êtes consacrés à l'Eternel, leur dit Esdras; ces ustensiles sont des choses saintes, et cet argent et cet or sont une offrande volontaire à l'Eternel, le Dieu de vos pères. Soyez vigilants, et prenez cela sous votre garde, jusqu'à ce que vous le pesiez devant les chefs des sacrificateurs et les Lévites, et devant les chefs de famille d'Israël, à Jérusalem, dans les chambres de la maison de l'Eternel."13 PR 468 1 Le soin pris par Esdras pour la sécurité du trésor du Seigneur nous donne une leçon que nous devons méditer soigneusement. On n'avait choisi pour cela que ceux qui s'étaient montrés dignes de confiance. Des instructions précises leur avaient été données concernant leurs responsabilités. En désignant des prêtres fidèles pour s'occuper du trésor, Esdras reconnaissait la nécessité de l'ordre et de l'organisation dans l'oeuvre de Dieu. PR 468 2 Au cours des dernières journées passées sur les rives du fleuve Ahava, les Israélites pourvurent à tout ce qui leur serait nécessaire pour leur long voyage. "Nous partîmes du fleuve Ahava pour nous rendre à Jérusalem, dit Esdras, le douzième jour du premier mois. La main de notre Dieu fut sur nous et nous préserva des attaques de l'ennemi et de toute embûche pendant la route."14 PR 468 3 Le voyage dura environ quatre mois. La foule qui accompagnait Esdras comprenait plusieurs milliers de personnes, parmi lesquelles se trouvaient des femmes et des enfants, qui n'avançaient que lentement. Mais tout se passa très bien. Leur voyage fut particulièrement béni, et le premier jour du cinquième mois de la septième année d'Artaxerxès, ils atteignirent Jérusalem. ------------------------Chapitre 51 -- Réveil spirituel PR 469 1 L'arrivée d'Esdras à Jérusalem fut très opportune. Sa présence dans cette ville était absolument nécessaire, car elle apportait du réconfort et de l'espoir à ceux qui travaillaient depuis longtemps au milieu d'insurmontables difficultés. De grandes tâches avaient été accomplies depuis le retour du premier groupe d'exilés conduits par Zorobabel et Josué, soixante-dix ans auparavant. Le temple avait été achevé, et les murailles de la ville en partie reconstruites. Mais il restait encore beaucoup à faire. PR 469 2 La plupart des Israélites revenus à Jérusalem étaient restés fidèles au Seigneur jusqu'à leur mort, mais le plus grand nombre de leurs enfants avaient perdu de vue le caractère sacré de la loi divine. Des hommes même chargés de responsabilités vivaient ouvertement dans le péché. Leur conduite neutralisait les efforts de ceux qui avaient à coeur l'avancement de la cause de Dieu; car tant que les violations flagrantes de la loi restaient impunies, la bénédiction du ciel ne pouvait reposer sur le peuple juif. PR 469 3 Dieu, dans sa providence, avait suscité des occasions spéciales pour que ceux qui retournaient à Jérusalem sous la conduite d'Esdras reviennent à lui. Le miracle qui s'était opéré en leur faveur lors de leur retour -- retour qui s'était effectué sans protection humaine -- leur avait enseigné de riches leçons spirituelles. Beaucoup d'entre eux s'étaient fortifiés dans leur foi; aussi, en se mêlant aux découragés et aux indifférents de Jérusalem, contribuèrent-ils par leur influence à hâter la réforme qui allait bientôt s'opérer. Le quatrième jour après leur arrivée, l'or et l'argent, ainsi que les ustensiles du service du sanctuaire, furent remis par ceux qui détenaient le trésor aux hommes chargés des offices du temple, en présence de témoins et après une rigoureuse vérification. Chaque article fut contrôlé, "soit pour le nombre, soit pour le poids".1 PR 470 1 "Les fils de la captivité revenus de l'exil offrirent un holocauste au Dieu d'Israël" pour témoigner leur gratitude d'avoir été protégés par les saints anges pendant leur retour. "Ils transmirent les ordres du roi aux satrapes du roi et aux gouverneurs de ce côté du fleuve, lesquels honorèrent le peuple et la maison de Dieu."2 PR 470 2 Peu de temps après, les chefs d'Israël vinrent se plaindre amèrement auprès d'Esdras de ce que "le peuple d'Israël, les sacrificateurs et les Lévites" avaient méprisé les commandements de Dieu interdisant les mariages avec les peuples étrangers. "Ils ont pris, dirent-ils, de leurs filles pour eux et pour leurs fils, et ils ont mêlé la race sainte avec les peuples de ces pays; et les chefs et les magistrats ont été les premiers à commettre ce péché."3 PR 470 3 En étudiant les causes de la captivité babylonienne, Esdras avait appris que l'apostasie des Israélites était due en grande partie à ses alliances avec les païens. Il avait vu que s'ils avaient obéi aux commandements de Dieu leur interdisant de s'unir aux nations idolâtres, bien des tristesses et des humiliations leur auraient été épargnées. Lorsqu'il sut qu'en dépit des leçons du passé, des hommes en vue avaient osé violer les lois données comme une sauvegarde contre l'apostasie, son coeur fut profondément bouleversé. Il pensa à la bonté de Dieu qui avait permis à ses enfants de prendre pied à nouveau dans leur terre natale, et il fut comme accablé par une indignation et une douleur légitimes. "Lorsque j'entendis cela, dit-il, je déchirai mes vêtements et mon manteau, je m'arrachai les cheveux de la tête et les poils de la barbe, et je m'assis désolé. Auprès de moi s'assemblèrent tous ceux que faisaient trembler les paroles du Dieu d'Israël, à cause du péché des fils de la captivité; et moi, je restai assis et désolé, jusqu'à l'offrande du soir."4 PR 471 1 A ce moment-là, Esdras se leva, et déchirant une fois encore ses vêtements et son manteau, il tomba à genoux et soulagea son âme accablée en adressant au ciel une supplication. Les bras tendus vers le Seigneur, il s'exclama: "Mon Dieu, je suis dans la confusion, et j'ai honte, ô mon Dieu, de lever ma face vers toi; car nos iniquités se sont multipliées par-dessus nos têtes, et nos fautes ont atteint jusqu'aux cieux. Depuis les jours de nos pères nous avons été grandement coupables jusqu'à ce jour, et c'est à cause de nos iniquités que nous avons été livrés, nous, nos rois et nos sacrificateurs, aux mains des rois étrangers, à l'épée, à la captivité, au pillage, et à la honte qui couvre aujourd'hui notre visage. Et cependant l'Eternel, notre Dieu, vient de nous faire grâce en nous laissant quelques réchappés et en nous accordant un abri dans son saint lieu, afin d'éclaircir nos yeux et de nous donner un peu de vie au milieu de notre servitude. Car nous sommes esclaves, mais Dieu ne nous a pas abandonnés dans notre servitude. Il nous a rendus les objets de la bienveillance des rois de Perse, pour nous conserver la vie afin que nous pussions bâtir la maison de notre Dieu et en relever les ruines, et pour nous donner une retraite en Juda et à Jérusalem. Maintenant, que dirons-nous après cela, ô notre Dieu? Car nous avons abandonné tes commandements, que tu nous avais prescrits par tes serviteurs les prophètes. ... Après tout ce qui nous est arrivé à cause des mauvaises actions et des grandes fautes que nous avons commises, quoique tu ne nous aies pas, ô notre Dieu, punis en proportion de nos iniquités, et maintenant que tu nous as conservé ces réchappés, recommencerions-nous à violer tes commandements et à nous allier avec ces peuples abominables? Ta colère n'éclaterait-elle pas encore contre nous jusqu'à nous détruire, sans laisser ni reste, ni réchappés? Eternel, Dieu d'Israël, tu es juste, car nous sommes aujourd'hui un reste de réchappés. Nous voici devant toi comme des coupables, et nous ne saurions ainsi subsister devant ta face."5 PR 472 1 La tristesse d'Esdras et de ses collaborateurs au sujet des maux qui s'étaient glissés insidieusement au coeur même de l'oeuvre de Dieu amena la repentance. La plupart de ceux qui avaient péché en étaient sérieusement affectés. "Le peuple répandait d'abondantes larmes."6 Les infidèles commencèrent à éprouver la haine du péché et à comprendre l'horreur qu'elle inspire au Seigneur. Ils se rendirent compte de la sainteté de la loi donnée au Sinaï, et beaucoup tremblèrent en pensant à leurs transgressions. PR 472 2 Parmi ceux qui se trouvaient là, Schecania reconnut que tout ce qu'avait dit Esdras était vrai. "Nous avons péché contre notre Dieu, confessa-t-il, en nous alliant à des femmes étrangères qui appartiennent aux peuples du pays. Mais Israël ne reste pas pour cela sans espérance. Faisons maintenant une alliance avec notre Dieu." Et Schecania proposa que tous ceux qui s'étaient rendus coupables prennent la décision d'abandonner leurs péchés et soient jugés "d'après la loi". "Lève-toi, dit-il à Esdras, car cette affaire te regarde. Nous serons avec toi. Prends courage et agis. Esdras se leva, et il fit jurer aux chefs des sacrificateurs, des Lévites et de tout Israël, de faire ce qui venait d'être dit. Et ils le jurèrent."7 PR 472 3 C'était le début d'une réforme remarquable. Avec beaucoup de tact et de patience, ainsi qu'une sérieuse considération des droits et des avantages de chaque personne intéressée, Esdras et ses collaborateurs s'efforcèrent de ramener les repentants dans le sentier véritable. Esdras était par-dessus tout un docteur de la loi; et alors qu'il examinait le cas de chacun avec une attention particulière, il cherchait à impressionner les gens par le caractère sacré de la loi divine et par les bénédictions qui découlent de son observation. PR 472 4 Partout où Esdras se trouvait, il suscitait un nouvel intérêt pour l'étude des saintes Ecritures. Des instructeurs étaient désignés pour enseigner le peuple; la loi divine était exaltée et honorée. On étudiait les livres des prophètes avec soin, et les passages qui prédisent la venue du Messie apportaient l'espoir et le réconfort à de nombreuses âmes fatiguées et chargées. PR 473 1 Plus de deux mille ans se sont écoulés depuis qu'Esdras appliquait son coeur "à étudier et à mettre en pratique la loi de l'Eternel".8 Et cependant, cette période n'a pas diminué l'influence de son pieux exemple. Le récit de sa vie consacrée a fait naître à travers les siècles, chez de nombreux croyants, le désir d'appliquer leur coeur "à étudier et à mettre en pratique la loi de l'Eternel". PR 473 2 Les mobiles qui animaient Esdras étaient nobles et saints. Dans tout ce qu'il faisait, il manifestait un profond amour pour les âmes. La compassion et la tendresse qu'il témoigna à l'égard de ceux qui avaient péché, volontairement ou inconsciemment, devraient servir de leçon à tous ceux qui cherchent à opérer des réformes. Les serviteurs de Dieu doivent être aussi fermes que le roc lorsqu'il s'agit de principes rigoureux, et cependant faire preuve de sympathie et d'indulgence. Comme Esdras, qu'ils enseignent aux pécheurs le chemin de la vie, en inculquant les principes qui sont à la base du bien. PR 473 3 De nos jours, alors que Satan s'efforce par tous les moyens d'aveugler les hommes et les femmes sur les exigences de la loi divine, il faut que des serviteurs de Dieu se lèvent et "fassent trembler devant les commandements de Dieu".9 Il faut de vrais réformateurs qui montrent aux transgresseurs le grand Législateur et leur enseignent que "la loi de l'Eternel est parfaite, qu'elle restaure l'âme."10 Il faut des hommes qui connaissent bien les Ecritures, des hommes dont chaque acte, chaque parole exalte les commandements de Dieu, des hommes qui cherchent à fortifier la foi. Des instructeurs sont nécessaires; il en faut un grand nombre qui suscitent dans les coeurs le respect et l'amour de la Parole. PR 473 4 L'iniquité, qui se multiplie à notre époque, est due en grande partie à la négligence de l'étude des Ecritures et au mépris de ses enseignements. En effet, lorsque la Parole de Dieu est mise de côté, son pouvoir de résistance aux viles passions du coeur charnel est anéanti. Les hommes sèment pour la chair, et ils récoltent la corruption. En se détournant de la Bible, on s'éloigne de la loi divine. La doctrine enseignant que les hommes sont dégagés de l'obéissance aux préceptes divins affaiblit la force de l'obligation morale, et ouvre sur le monde les écluses de l'iniquité. La licence, la dissipation, la corruption déferlent sur nous comme une marée dévastatrice. Partout se dressent l'envie, la suspicion, l'hypocrisie, l'hostilité, la rivalité, la guerre, l'abandon des devoirs sacrés et la complaisance dans les plaisirs. Tout le système des principes et des doctrines de la religion qui devrait être la base et l'ossature de la vie sociale semble être une masse branlante, prête à s'effondrer. PR 474 1 A la fin de l'histoire du monde, la voix qui retentit sur le Sinaï déclare encore: "Tu n'auras pas d'autres dieux devant ma face."11 L'homme s'est dressé contre Dieu, mais il ne peut imposer silence à la voix du commandement. L'esprit humain ne saurait soustraire ses obligations à une puissance supérieure. Les théories et les spéculations peuvent abonder, les hommes essayer d'opposer la science à l'Ecriture et abolir ainsi la loi divine, mais le commandement se fait de plus en plus impérieux: "Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et tu le serviras lui seul."12 PR 474 2 On ne peut affaiblir ou renforcer la loi de Dieu. Telle elle a été, telle elle restera. Elle a toujours été et sera toujours sainte, juste, bonne, complète en elle-même; elle ne peut être ni abrogée, ni changée. L'honorer ou la déshonorer n'est que langage d'homme. PR 474 3 Le dernier grand conflit entre l'erreur et la vérité naîtra du heurt des lois humaines à celles de Dieu. Nous sommes déjà engagés dans ce combat, qui ne relève pas des rivalités entre Eglises luttant pour la suprématie, mais qui se livre entre la religion de la Bible et les religions basées sur des fables ou des traditions. Les ennemis qui se sont coalisés contre la vérité agissent maintenant avec puissance. La Parole de Dieu qui nous a été transmise au prix de tant de souffrances et de sang versé par les martyrs semble avoir bien peu de valeur. Comme ils sont rares ceux qui l'acceptent vraiment comme règle de conduite! L'incrédulité règne d'une manière alarmante, non seulement dans le monde, mais aussi dans l'Eglise. On en vient à nier les doctrines qui sont les fondements mêmes de la foi. Les grands faits de la création présentés par les auteurs inspirés de la Bible: la chute de l'homme, l'expiation, la perpétuité de la loi -- tout cela est pratiquement rejeté par une forte proportion de soi-disant chrétiens. Des milliers de gens qui se glorifient de leurs connaissances considèrent comme une preuve évidente de faiblesse le fait de croire implicitement à l'Ecriture sainte; ils spiritualisent et expliquent à leur façon les vérités essentielles du livre sacré. PR 475 1 Les chrétiens devraient se préparer à l'orage qui va bientôt éclater et les surprendre d'une manière terrifiante. Pour cela, il faut une étude approfondie de la Parole de Dieu et une vie conforme à ses préceptes. Le terrible dénouement de l'éternité exige de nous autre chose qu'une religion imaginaire, faite de paroles et de formes, et où la vérité est absente. Ce que Dieu veut, c'est un réveil et une réforme radicale. On ne devrait entendre du haut de la chaire que les paroles de la Bible et de la Bible seule. Mais celle-ci a été dépossédée de sa puissance, et il en est résulté un abaissement de la vie spirituelle. Dans la plupart des sermons prêchés aujourd'hui, on ne trouve pas cette manifestation divine qui éveille la conscience et procure la vie de l'âme. Les auditeurs ne peuvent pas dire, comme autrefois les disciples d'Emmaüs: "Notre coeur ne brûlait-il pas au-dedans de nous, lorsqu'il nous parlait en chemin et nous expliquait les Ecritures?"13 Pourtant ils sont nombreux ceux qui crient après le Dieu vivant et aspirent à sa présence en eux. Il faut que la Parole de Dieu s'adresse au coeur, et que ceux dont les oreilles n'ont entendu qu'une religion de tradition, que des maximes et des théories humaines, écoutent la voix de celui qui peut redonner à l'âme la vie éternelle. PR 475 2 Une grande lumière rayonnait de la vie des patriarches et des prophètes. De Sion, la cité de Dieu, sortaient des paroles merveilleuses. C'est ainsi que le Seigneur désire voir se dégager la lumière de ceux qui le servent aujourd'hui. Si les saints hommes de l'Ancien Testament rendaient un témoignage si magnifique, pourquoi ceux qui profitent des connaissances accumulées au cours des siècles ne rendraient-ils pas un témoignage plus éclatant encore en faveur de la vérité? La gloire des prophéties projette sa lumière sur notre sentier. Dans la mort du Fils de Dieu, le type a rencontré son antitype. Le Christ est ressuscité en proclamant sur le sépulcre vaincu: "Je suis la résurrection et la vie."14 Il a envoyé son Esprit dans le monde pour nous rappeler tout ce qu'il a dit. Par un miracle d'une extraordinaire puissance, il a inspiré au cours des âges sa parole écrite. PR 476 1 Les réformateurs dont les protestations leur ont valu le nom de protestants, se sont sentis poussés à diffuser la lumière de l'Evangile dans le monde. Dans cette intention, ils ne craignaient pas de sacrifier leurs biens, leur liberté et même leur vie; et malgré la persécution et la mort, l'Evangile était proclamé au près et au loin. La Parole de Dieu était annoncée aux riches, aux pauvres, aux humbles et aux grands, aux savants et aux ignorants. Veuille Dieu nous aider, alors que nous approchons de la fin de toutes choses, à être aussi fidèles à notre mission que les premiers réformateurs! PR 476 2 Le prophète Joël a écrit: PR 476 3 Sonnez de la trompette en Sion! Publiez un jeûne, une convocation solennelle! Assemblez le peuple, formez une sainte réunion! Assemblez les vieillards, Assemblez les enfants. ... Qu'entre le portique et l'autel Pleurent les sacrificateurs, Serviteurs de l'Eternel, Et qu'ils disent: Eternel, épargne ton peuple! Ne livre pas ton héritage à l'opprobre! PR 476 4 Revenez à moi de tout votre coeur, Avec des jeûnes, avec des pleurs et des lamentations! Déchirez vos coeurs et non vos vêtements, Et revenez à l'Eternel, votre Dieu; Car il est compatissant et miséricordieux, Lent à la colère et riche en bonté, Et il se repent des maux qu'il envoie. Qui sait s'il ne reviendra pas et ne se repentira pas, Et s'il ne laissera pas après lui la bénédiction? ------------------------Chapitre 52 -- L'homme de la situation PR 477 0 Ce chapitre est basé sur Néhémie 1, 2. PR 477 1 Néhémie, exilé hébreu, occupait à la cour persane de hautes fonctions honorifiques. Echanson du roi, il avait libre accès auprès du souverain. Grâce à sa situation, à ses capacités et à sa loyauté, il était devenu l'ami et le conseiller du monarque. Mais bien que jouissant de la faveur royale et habitué au faste et à l'opulence, il n'oubliait ni son Dieu ni ses compatriotes. Son coeur se tournait avec émotion vers Jérusalem; ses espérances et ses joies étaient liées à la prospérité de cette ville. C'est par l'intermédiaire de cet homme, préparé pour l'oeuvre à laquelle il allait être appelé, alors qu'il résidait à la cour persane, que Dieu se proposait d'accorder à son peuple, dans la terre de ses pères, de riches bénédictions. PR 477 2 Le patriote hébreu apprit par des messagers de Juda que Jérusalem, la cité de Dieu, traversait de cruelles épreuves. Les exilés qui y étaient retournés connaissaient le malheur et l'opprobre. Le temple et une partie de la ville avaient été reconstruits, mais les travaux de restauration étaient interrompus, les services du temple troublés, et le peuple tenu constamment en alarme du fait que les murailles de la ville étaient en grande partie en ruine. PR 478 1 Accablé de tristesse, Néhémie ne pouvait plus ni boire ni manger. Il pleurait et fut "plusieurs jours dans la désolation". Il jeûna. Dans sa douleur, il se tourna vers le divin Maître, et fidèlement confessa ses péchés et ceux de son peuple. Il supplia le Seigneur pour qu'il soutienne Israël, qu'il lui redonne force et courage et l'aide à reconstruire les ruines de Juda. PR 478 2 Alors que Néhémie priait, sa foi et son courage se fortifiaient. De saints arguments affluaient à ses lèvres; il savait le déshonneur qui rejaillirait sur la cause de Dieu, si le peuple élu, maintenant revenu à lui, était abandonné à lui-même et à l'oppression. Il suppliait le Seigneur d'accomplir sa promesse: "Si vous observez mes commandements et les mettez en pratique, alors quand vous serez exilés à l'extrémité du ciel, de là je vous rassemblerai et je vous ramènerai dans le lieu que j'ai choisi pour y faire résider mon nom."1 Cette promesse avait été faite à Israël, au nom du Seigneur, par Moïse, avant qu'il s'établisse en Canaan, et elle attendait depuis des siècles son accomplissement. Le peuple de Dieu était maintenant revenu à l'Eternel, le coeur plein de repentance et de foi; la promesse divine s'accomplirait certainement. PR 478 3 Néhémie avait souvent prié Dieu en faveur de son peuple; mais maintenant, alors qu'il le suppliait, une sainte pensée germait dans son esprit. S'il obtenait le consentement du roi et l'aide nécessaire pour se procurer les matériaux dont il avait besoin, il se chargerait lui-même de restaurer les murs de Jérusalem et de redonner à Israël sa puissance nationale. Il demanda au Seigneur de l'aider à trouver grâce aux yeux du roi, afin de pouvoir mener à bien sa tâche. "Donne aujourd'hui du succès à ton serviteur, dit-il, et fais-lui trouver grâce devant cet homme!" PR 478 4 Néhémie attendit quatre mois le moment favorable pour présenter au roi sa requête. Bien que son coeur fût pendant ce temps alourdi de tristesse, il s'efforça de paraître joyeux en présence du monarque. Dans les salles somptueuses et imposantes du palais, tous devaient avoir l'air heureux. Nul ennui ne devait paraître sur le visage des serviteurs royaux. Mais dans ses heures de solitude, loin des regards indiscrets, Néhémie était vu de Dieu et des anges qui entendaient ses prières, ses confessions, ses larmes. PR 479 1 Toutefois la douleur du patriote hébreu ne pouvait demeurer longtemps secrète. Ses nuits d'insomnie, ses jours d'inquiétude laissaient des traces sur son visage. Le roi, inquiet au sujet de sa sécurité personnelle, avait l'habitude de lire sur les physionomies et de pénétrer les artifices. Il devina qu'un chagrin secret tourmentait son échanson. "Pourquoi as-tu mauvais visage? lui demanda-t-il. Tu n'es pourtant pas malade; ce ne peut être qu'un chagrin de coeur." PR 479 2 Cette question remplit Néhémie de crainte. Le roi ne serait-il pas furieux d'apprendre que les pensées du courtisan, engagé à son service, étaient bien loin de là, auprès de ses frères affligés? Sa vie n'était-elle pas en danger? Le projet qui lui était cher au sujet de la restauration de Jérusalem allait-il échouer? PR 479 3 "Je fus saisi d'une grande crainte", écrit-il. Les lèvres tremblantes, les yeux inondés de larmes, il révéla la cause de son chagrin. "Que le roi vive éternellement! répondit-il. Comment n'aurais-je pas mauvais visage lorsque la ville où sont les sépulcres de mes pères est détruite et que ses portes sont consumées par le feu?" PR 479 4 Le rapport de la situation de Jérusalem suscita la sympathie du monarque sans éveiller ses préjugés. Il posa une nouvelle question qui permit à Néhémie de dire ce qu'il avait depuis si longtemps sur le coeur. "Que demandes-tu?" dit le roi. Mais l'homme de Dieu ne se hasarda pas à répondre avant d'avoir cherché conseil auprès de celui qui était plus puissant qu'Artaxerxès. Il avait une mission à remplir, pour laquelle l'aide du roi lui était indispensable. Il comprenait que la réussite de son plan dépendait en grande partie de la manière dont il le présenterait. Il pourrait ainsi gagner l'approbation du souverain et la promesse de son assistance. "Je priai le Dieu des cieux", dit-il; et, dans cette courte prière, il obtint du Roi des rois une force qui pouvait gagner les coeurs. PR 480 1 Prier comme le fit Néhémie au moment du besoin, c'est une ressource qui est à la portée de chaque enfant de Dieu. O vous qui peinez sur les chemins rocailleux de la vie, vous qui êtes comme submergés par les difficultés, faites monter vos requêtes vers le Seigneur! Il vous accordera son secours. Et vous qui, sur terre ou sur mer, êtes menacés d'un grand péril, confiez-vous en celui qui seul peut vous protéger. Dans les heures sombres ou de danger soudain, faites entendre votre cri à celui qui a promis de secourir ses fidèles enfants dans toutes les circonstances de la vie. Où que vous soyez, dans n'importe quelle condition, accablés par la tristesse et les soucis, assaillis par la tentation, trouvez l'assurance, le soutien et le réconfort dans l'amour indéfectible et la puissance d'un Dieu qui est fidèle à ses promesses. PR 480 2 Pendant sa courte prière, adressée au Roi des rois, Néhémie raffermit son courage pour faire part à Artaxerxès de son désir d'être relevé de ses fonctions à la cour. Il lui demanda l'autorisation de se rendre à Jérusalem pour restaurer ses ruines et en faire à nouveau une place forte. De grandes conséquences pour la nation juive allaient découler de cette requête. Le roi accéda à cette demande. "La bonne main de mon Dieu était sur moi", dit Néhémie. PR 480 3 Lorsqu'il fut assuré de l'aide dont il avait besoin, Néhémie fit les arrangements nécessaires pour le succès de son entreprise. Il prit toutes les précautions utiles pour faire aboutir son projet. Il n'en parla même pas à ses compatriotes, bien qu'il sût que beaucoup d'entre eux se réjouiraient de son succès. Mais il craignait que certaines indiscrétions ne fissent naître la jalousie chez leurs ennemis et ne contribuassent peut-être à faire échouer son plan. PR 480 4 Sa demande ayant été si favorablement accueillie par le roi, Néhémie fut encouragé à lui demander une aide plus importante. Pour donner de la dignité et de l'autorité à sa mission, ainsi que pour être protégé au cours de son voyage, il obtint une escorte militaire et il fut nanti de lettres royales pour les gouverneurs des provinces de l'autre côté de l'Euphrate -- territoire qu'il devait traverser pour se rendre au pays de Juda. On lui donna aussi une lettre pour le garde forestier des montagnes du roi le priant de fournir à Néhémie le bois de charpente nécessaire. PR 481 1 L'homme de Dieu prit bien soin de définir clairement les privilèges qui lui étaient accordés, afin qu'on ne l'accuse pas d'outrepasser ses droits. PR 481 2 Cette sage prévoyance et cette ferme résolution devraient servir d'exemple à tous les chrétiens. Il ne suffit pas de prier avec foi, mais il faut aussi travailler prudemment et avec diligence. Dans les difficultés, il arrive souvent que l'on retarde les progrès de l'oeuvre de Dieu parce que l'on pense que la prudence et l'ardeur au travail n'ont rien à faire avec la religion. Mais Néhémie ne considéra pas sa tâche accomplie après avoir pleuré et prié devant le Seigneur. Il joignit ses prières à un saint zèle; il déploya des efforts sincères et persévérants pour la réussite de l'entreprise dans laquelle il s'était engagé. PR 481 3 Pour mener à bien aujourd'hui les saintes entreprises, comme à l'époque où l'on reconstruisait les murs de Jérusalem, il faut de la prudence, des plans mûrement réfléchis. PR 481 4 Néhémie ne comptait pas sur le hasard. Dans le besoin, il avait recours à ceux qui étaient capables de lui venir en aide. Dieu est toujours prêt à toucher le coeur des hommes qui détiennent les biens de ce monde pour que ceux-ci servent à la cause de la vérité. Les serviteurs de Dieu qui travaillent pour le Maître doivent profiter de l'aide offerte par les hommes, sur l'instigation du ciel. Leurs dons peuvent ouvrir des voies par où la lumière de la vérité pénétrera au sein de nombreux pays enténébrés. Les donateurs peuvent ne pas posséder la foi en Christ et n'avoir aucune connaissance de sa Parole, mais leurs dons ne doivent pas être refusés pour cela. ------------------------Chapitre 53 -- Les réparateurs des murailles PR 483 0 Ce chapitre est basé sur Néhémie 2, 3 et 4. PR 483 1 Le voyage de Néhémie à Jérusalem s'effectua sans encombre. Les lettres du roi, destinées aux gouverneurs des provinces situées sur le trajet de l'homme de Dieu, lui assurèrent des réceptions honorables et une assistance empressée. Nul n'osa s'attaquer au personnage officiel, protégé par les forces du monarque persan, et traité avec beaucoup de considération par les gouverneurs de provinces. PR 483 2 Cependant, le fait d'arriver à Jérusalem avec une escorte militaire, montrant que Néhémie avait une mission importante, excita la jalousie des tribus païennes qui vivaient près de la cité et avaient si souvent témoigné leur hostilité envers les Juifs en leur adressant des injures. A leur tête se trouvaient les chefs Sanballat, le Horonite, Tobija, l'Ammonite, et Guéschem, l'Arabe. Dès l'arrivée de Néhémie, ils virent d'un mauvais oeil les activités de l'homme de Dieu et s'efforcèrent de faire échouer ses plans, en entravant son oeuvre par tous les moyens. PR 484 1 Mais Néhémie conserva la même attitude prudente et réservée qui l'avait jusque-là caractérisé. Il n'ignorait pas que ses ennemis, cruels et résolus, étaient prêts à s'opposer à lui; aussi cacha-t-il la nature de sa mission jusqu'au moment, où, instruit sur la situation, il put préparer ses plans. Il espérait ainsi s'assurer la collaboration du peuple qu'il mettrait au travail, avant que se produise l'opposition de ses ennemis. PR 484 2 Choisissant quelques hommes dignes de confiance, Néhémie leur fit part des raisons qui l'avaient amené à Jérusalem, du but qu'il se proposait, des plans qu'il allait suivre. Cette initiative éveilla aussitôt l'intérêt de ses compatriotes, et leur concours lui fut assuré. PR 484 3 La troisième nuit après son arrivée, Néhémie se leva à minuit, et, avec quelques hommes de confiance, il alla se rendre compte de l'état de désolation de Jérusalem. Monté sur sa mule, il parcourut la ville en tous sens, et vit les murs et les portes démolis de la cité de ses pères. De douloureuses réflexions assaillaient son esprit. Alors que, le coeur déchiré de tristesse, il considérait les ruines de sa Jérusalem bien-aimée, des souvenirs de la grandeur d'Israël surgissaient dans sa pensée, contrastant vivement avec les preuves tangibles de son humiliation. PR 484 4 Secrètement, et sans bruit, Néhémie acheva son inspection des murailles. "Les magistrats ignoraient où j'étais allé, dit-il, et ce que je faisais." "Jusqu'à ce moment, je n'avais rien dit aux Juifs, ni aux sacrificateurs, ni aux grands, ni aux magistrats, ni à aucun de ceux qui s'occupaient des affaires." Il passa le reste de la nuit en prière, car il savait qu'il serait appelé dans la matinée à faire de sérieux efforts pour ranimer le zèle de ses compatriotes, démoralisés et divisés. PR 484 5 Néhémie était chargé d'une mission royale. Il devait réparer les murailles de la ville avec la participation des Israélites. Mais il ne voulait pas exercer son autorité; il chercha plutôt à gagner la confiance et la sympathie du peuple, car il savait que cette grande tâche exigeait autant l'union des coeurs que celle des mains. Lorsqu'il réunit ses hommes, dans la matinée, il leur présenta les arguments susceptibles de stimuler leur courage et de regrouper les fidèles dispersés. PR 485 1 Les auditeurs de Néhémie n'avaient aucune connaissance du périple qu'il avait accompli au cours de la nuit précédente, et lui-même ne leur en dit rien. Mais le fait d'avoir visité la ville contribua largement au succès de son entreprise, car il pouvait parler de la situation avec une précision et une abondance de détails qui étonnaient. L'impression qu'il avait éprouvée en considérant les ruines de Jérusalem donnait à ses paroles de la force et de la ferveur. Il reprocha à ses compatriotes leur conduite parmi les païens: leur religion déshonorée, leur Dieu blasphémé. Il leur expliqua qu'au pays lointain où il se trouvait, il avait entendu parler de leur détresse. Il leur dit qu'il avait intercédé en leur faveur auprès du Seigneur, et décidé, pendant sa prière, de demander au roi la permission de leur venir en aide. Il avait supplié Dieu de l'aider à obtenir du roi, non seulement cette permission, mais l'autorité et les moyens nécessaires pour accomplir sa tâche. Sa prière fut exaucée de telle manière qu'il comprit que ses plans étaient en harmonie avec ceux du Seigneur. PR 485 2 Lorsqu'il eut terminé son récit, et montré qu'il était soutenu à la fois par l'autorité du Dieu d'Israël et celle du roi de Perse, Néhémie s'adressa directement au peuple. Il lui demanda s'il voulait profiter de l'occasion et se mettre à l'oeuvre pour reconstruire la muraille. Cet appel alla droit au coeur de ses auditeurs. Lorsqu'ils comprirent de quelle manière la faveur divine s'était manifestée à leur égard, ils eurent honte de leurs craintes. Avec un nouveau courage, ils s'écrièrent d'une seule voix: "Levons-nous, et bâtissons! Et ils se fortifièrent dans cette bonne résolution." PR 485 3 Néhémie avait mis toute son âme dans l'oeuvre qu'il avait entreprise. Son espoir, son énergie, son enthousiasme, sa ténacité, tout cela était contagieux, et inspirait à ses compatriotes un courage aussi noble, un but aussi élevé. Chacun devint à son tour un Néhémie, et contribua à affermir le coeur et les mains de son prochain. PR 485 4 Lorsque les ennemis d'Israël eurent connaissance de ce que les Juifs espéraient accomplir, ils se moquèrent d'eux et les méprisèrent. Ils dirent: "Que faites-vous là? Vous révoltez-vous contre le roi?" Mais Néhémie leur répondit: "Le Dieu des cieux nous donnera le succès. Nous, ses serviteurs, nous nous lèverons et nous bâtirons; mais vous, vous n'avez ni part, ni droit, ni souvenir dans Jérusalem." PR 486 1 Parmi les premiers qui se laissèrent gagner par le zèle et l'ardeur de Néhémie, se trouvaient les prêtres. Ces hommes, grâce à leur position influente, pouvaient grandement contribuer au retard ou à l'avancement du travail, et leur collaboration spontanée, dès le début, favorisa largement le succès de cette entreprise. La plupart des princes et des chefs d'Israël accomplirent noblement eux aussi leur tâche. Ces fidèles serviteurs sont mentionnés honorablement dans le livre de Dieu. Mais quelques-uns d'entre eux, les nobles de la tribu des Tékoïtes, "ne se soumirent pas au service de leur seigneur". Le souvenir de ces serviteurs paresseux est flétri par la honte; il a été transmis à toutes les générations qui leur ont succédé, en signe d'avertissement. PR 486 2 Dans tous les mouvements religieux se trouvent toujours des gens qui, bien que persuadés de la vérité divine, se tiennent à l'écart et refusent de prêter leur concours. Il serait bon qu'ils se souviennent du livre du ciel où tout est enregistré -- de ce livre où il n'y a ni omission, ni erreur, et par lequel nous serons jugés au dernier jour. Là, sont mentionnées toutes les occasions perdues. Mais là aussi sont inscrits tous les actes de foi et d'amour dont le souvenir est immortel. PR 486 3 L'exemple donné par les nobles de la tribu des Tékoïtes était de peu d'importance comparé à l'influence grandissante de Néhémie. Le peuple en général manifestait son empressement et son patriotisme. Les hommes influents et capables organisèrent en compagnies les différentes classes de citoyens. Chaque chef se rendit responsable de la construction d'une certaine partie de la muraille. Quelques-uns, nous est-il rapporté, "travaillèrent chacun devant sa maison". PR 486 4 Le courage de Néhémie était loin de se relâcher, maintenant que les travaux étaient vraiment amorcés. Avec une vigilance infatigable, il surveillait les constructions, dirigeant les ouvriers, prenant note des difficultés et pourvoyant à tous les besoins. Son influence ne cessait de se faire sentir, tout au long de cette muraille de cinq kilomètres. Il savait encourager les craintifs, secouer les nonchalants, féliciter les laborieux. Cependant, il n'oubliait pas de surveiller les mouvements des ennemis qui, se tenant à distance, discutaient comme s'ils tramaient un complot, et parfois s'approchaient des ouvriers pour essayer de les distraire de leurs occupations. PR 487 1 Malgré ses multiples activités, Néhémie n'oubliait pas la source où il puisait sa force. Son coeur s'élevait sans cesse vers celui qui veille sur toutes choses. "Le Dieu des cieux, s'écriait-il, nous donnera le succès." Et ces paroles se répercutaient d'écho en écho, faisant tressaillir le coeur des ouvriers. PR 487 2 Mais la restauration des remparts de Jérusalem ne tarda pas à se heurter à de sérieux obstacles. Satan s'efforçait de susciter l'opposition et de semer le découragement. Sanballat, Tobija et Guéschem, les principaux instigateurs de ce mouvement, décidèrent d'intervenir pour arrêter les travaux. Ils essayèrent de faire naître la division parmi les travailleurs. Ils ridiculisèrent la peine qu'ils se donnaient, et prétendirent que leur entreprise était irréalisable, et par conséquent vouée à l'échec. PR 487 3 "A quoi travaillent ces Juifs impuissants? s'écria Sanballat ironiquement. Les laissera-t-on faire? ... Redonneront-ils la vie à des pierres ensevelies?" Et Tobija, toujours plus méprisant, ajouta: "Qu'ils bâtissent seulement! Si un renard s'élance, il renversera leur muraille de pierres." PR 487 4 Les travailleurs rencontrèrent bientôt une opposition plus vive encore. Ils furent contraints de se tenir constamment en garde contre les complots de leurs adversaires qui, sous des apparences d'amitié, s'ingéniaient de mille manières à causer parmi eux le trouble et la confusion, et à susciter la défiance. Ils s'efforcèrent de décourager les Juifs, et ils complotèrent d'attirer Néhémie dans leur piège. Des Juifs perfides étaient prêts à faciliter cette besogne. Le bruit circula que Néhémie conspirait contre le roi de Perse, qu'il avait l'intention de régner sur Israël, et que ses collaborateurs étaient tous des traîtres. PR 487 5 Mais Néhémie continua à chercher en Dieu le secours et la direction. "Et le peuple prit à coeur ce travail." La construction ne cessant d'avancer, les brèches furent réparées et la muraille restaurée jusqu'à la moitié de la hauteur que l'on s'était proposé d'atteindre. PR 488 1 Lorsque les ennemis d'Israël virent que leurs tentatives pour interrompre le travail étaient vaines, ils furent remplis de rage. Jusque-là ils n'avaient pas osé faire appel à la force, car ils savaient que Néhémie et ses compagnons agissaient conformément à la mission royale, et ils craignaient qu'une opposition ouverte ne déplût au monarque. Mais, poussés par la colère, ils se rendirent coupables du crime dont ils accusaient Néhémie. "Ils se liguèrent tous ensemble pour venir attaquer Jérusalem et lui causer du dommage." PR 488 2 Pendant que les Samaritains conspiraient ainsi contre Néhémie et contre son oeuvre, certains chefs parmi les Juifs se laissèrent gagner par le mécontentement, et cherchèrent à décourager l'homme de Dieu en exagérant les difficultés que faisait surgir une telle entreprise. "Les forces manquent à ceux qui portent les fardeaux, disaient-ils, et les décombres sont considérables; nous ne pourrons pas bâtir la muraille." PR 488 3 Le découragement provint encore d'une autre source. "Les Juifs qui habitaient près d'eux" (des travailleurs), ceux qui n'étaient pas engagés dans la restauration des murs, faisaient sans cesse le récit des propos et des rapports des ennemis, afin d'affaiblir leur courage et de susciter chez eux le mécontentement. Mais les railleries et les sarcasmes, la résistance et les menaces ne semblaient que renforcer Néhémie dans ses déterminations et le faire redoubler de vigilance. Il se rendait compte des dangers que présentait cette lutte avec ses ennemis, mais son courage était indomptable. "Nous priâmes notre Dieu, dit-il, et nous établîmes une garde jour et nuit pour nous défendre contre leurs attaques." "C'est pourquoi je plaçai, dans les enfoncements derrière la muraille et sur des terrains secs, le peuple par familles, tous avec leurs épées, leurs lances et leurs arcs. Je regardai, et m'étant levé, je dis aux grands, aux magistrats, et au reste du peuple: Ne les craignez pas! Souvenez-vous du Seigneur, grand et redoutable, et combattez pour vos frères, pour vos fils et vos filles, pour vos femmes et pour vos maisons! Lorsque nos ennemis apprirent que nous étions avertis, Dieu anéantit leur projet, et nous retournâmes tous à la muraille, chacun à son ouvrage. Depuis ce jour, la moitié de mes serviteurs travaillait, et l'autre moitié était armée de lances, de boucliers, d'arcs et de cuirasses. ... Ceux qui bâtissaient la muraille, et ceux qui portaient ou chargeaient les fardeaux, travaillaient d'une main et tenaient une arme de l'autre; chacun d'eux, en travaillant, avait son épée ceinte autour des reins." PR 489 1 Près de Néhémie se tenait un homme qui devait sonner de la trompette en cas de danger, et tout le long de la muraille étaient répartis des prêtres portant les trompettes sacrées. Le peuple était dispersé sur le vaste chantier, mais lorsque le danger était signalé sur un point, il devait s'y rendre sans délai. "C'est ainsi que nous poursuivions l'ouvrage, dit Néhémie, la moitié d'entre nous la lance à la main depuis le lever de l'aurore jusqu'à l'apparition des étoiles." PR 489 2 Ceux qui habitaient dans les villes et dans les villages, loin de Jérusalem, furent priés de loger dans l'enceinte de cette ville pour garder l'ouvrage la nuit et pour être prêts au travail le jour. Ainsi ne se produirait-il pas de retard inutile, et éviterait-on en même temps les attaques ennemies favorisées par les allées et venues des travailleurs. Néhémie et ses compagnons ne reculaient pas devant les souffrances et les peines. De nuit et de jour, pendant les quelques heures qu'ils accordaient au sommeil, ils demeuraient vêtus et ne se séparaient pas de leur armure. PR 489 3 L'opposition et le découragement que connurent les travailleurs au temps de Néhémie, parmi leurs ennemis et leurs soi-disant amis, sont un type des difficultés que rencontrent aujourd'hui tous les serviteurs de Dieu. Les chrétiens sont éprouvés, non seulement par la haine et la cruauté de leur adversaires, mais aussi par l'apathie, l'inconséquence, la tiédeur et la trahison de ceux qui prétendent être leurs amis et collaborateurs. On les critique, on les couvre de ridicule. Ces adversaires, portés à mépriser les croyants, ont recours à l'occasion à des mesures cruelles et même violentes. PR 489 4 Satan profite de tous les éléments non consacrés pour parvenir à ses fins. Parmi ceux qui prétendent soutenir la cause du Maître, il en est qui pactisent avec ses adversaires, et l'exposent aux attaques de ses pires antagonistes. Il arrive même que ceux qui désirent l'avancement du règne de Dieu découragent ses serviteurs en se faisant l'écho des calomnies et des menaces des ennemis du Seigneur. Satan obtient alors un plein succès, et tous ceux qui subissent son influence sont assujettis à une puissance de séduction qui annihile la sagesse de l'homme prudent. Mais, comme Néhémie, le peuple de Dieu ne doit ni craindre ni mépriser ses ennemis. Il faut qu'il se confie en l'Eternel, et marche résolument de l'avant, en s'acquittant de sa tâche avec désintéressement, tout en s'en remettant à la providence pour tout ce qui se rapporte à la cause qu'il défend. PR 490 1 Au sein des difficultés sans nombre, Néhémie plaçait toute sa confiance en Dieu. Celui qui, jadis, soutint son serviteur, a été au cours des âges un appui indéfectible pour son peuple. Dans toutes les périodes critiques, celui-ci a pu déclarer avec assurance: "Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous?"1 Si habiles que soient les machinations de Satan et de ses suppôts, le Seigneur peut découvrir ses ennemis et déjouer leurs desseins. La réponse des hommes de foi sera, aujourd'hui, la même que celle de Néhémie: "Notre Dieu combattra pour nous." Car le Seigneur opère puissamment, et nul ne peut s'opposer au succès de son oeuvre. ------------------------Chapitre 54 -- Blâme de l'extorsion PR 491 0 Ce chapitre est basé sur Néhémie 5. PR 491 1 Les murailles de Jérusalem n'étaient pas encore achevées que l'attention de Néhémie fut attirée par la situation lamentable des classes nécessiteuses. Dans l'état d'instabilité où se trouvait le pays, la culture avait été en grande partie négligée. De plus, certains exilés de retour à Jérusalem se comportaient égoïstement, et la bénédiction divine ne reposait plus sur leurs terres. Il en résultait que les récoltes étaient maigres. PR 491 2 Pour subvenir aux besoins de leurs familles, les pauvres étaient obligés d'acheter, à crédit, à des prix exorbitants. Ils devaient aussi se procurer de l'argent, en empruntant avec intérêt, afin de s'acquitter des lourdes taxes imposées par les rois de Perse. Et comme pour aggraver encore leur détresse, certains Juifs riches profitaient de leur misère. PR 491 3 Dieu avait pourtant bien recommandé à Israël, par l'intermédiaire de Moïse, qu'une dîme fût prélevée tous les trois ans en faveur des pauvres. Ceux-ci jouissaient en outre d'un grand avantage du fait que la culture des terres était interrompue tous les sept ans. Les produits spontanés étaient alors abandonnés aux nécessiteux. PR 492 1 La fidélité témoignée dans ces offrandes, destinées aux pauvres et à d'autres oeuvres de bienfaisance, devait contribuer à rappeler au peuple cette vérité que Dieu est le possesseur de toutes choses et qu'il donne l'occasion à ses enfants d'être des sources de bénédictions. Le dessein de Dieu à l'égard des Israélites était de déraciner de leurs coeurs l'égoïsme et de développer la grandeur et la noblesse de leur caractère. PR 492 2 Voici les instructions données à Israël: "Si tu prêtes de l'argent à mon peuple, au pauvre qui est avec toi, tu ne seras point à son égard comme un créancier, tu n'exigeras de lui point d'intérêt." "Tu n'exigeras de ton frère aucun intérêt ni pour argent, ni pour vivres, ni pour rien de ce qui se prête à intérêt."1 "S'il y a chez toi quelque indigent d'entre tes frères, dans l'une de tes portes, au pays que l'Eternel, ton Dieu, te donne, tu n'endurciras point ton coeur et tu ne fermeras point ta main devant ton frère indigent. Mais tu lui ouvriras ta main, et tu lui prêteras de quoi pourvoir à ses besoins." "Il y aura toujours des indigents dans le pays; c'est pourquoi je te donne ce commandement: Tu ouvriras ta main à ton frère, au pauvre et à l'indigent dans ton pays."2 PR 492 3 Après le retour des exilés, il arriva que les Juifs fortunés se comportèrent d'une manière toute différente de ces recommandations. Lorsque les pauvres avaient été obligés d'emprunter de l'argent pour payer le tribut du roi, les riches le leur avaient prêté, mais en exigeant un intérêt élevé. En hypothéquant les terres des pauvres, ces riches Juifs avaient peu à peu réduit leurs malheureux débiteurs à la plus lamentable misère. La plupart d'entre eux avaient dû vendre leurs fils et leurs filles comme serviteurs. Il semblait qu'il n'y avait aucun espoir d'améliorer le sort des pauvres, aucun moyen pour racheter leurs enfants et leurs terres, aucune perspective devant eux, sinon une détresse toujours accrue par une misère et une servitude perpétuelles. Pourtant, ils étaient citoyens de la même nation, participants de la même alliance que leurs frères plus favorisés. PR 493 1 Enfin, excédés, ils vinrent se plaindre à Néhémie: "Voici, dirent-ils, nous soumettons à la servitude nos fils et nos filles, et plusieurs de nos filles y sont déjà réduites; nous sommes sans force, et nos champs et nos vignes sont à d'autres." Lorsque Néhémie entendit ces paroles, il fut rempli d'indignation. "Je fus très irrité, dit-il, lorsque j'entendis leurs plaintes et ces paroles-là." Il comprit que, s'il voulait arriver à remédier à la situation, il lui fallait prendre une attitude résolue en faveur de la justice. Avec l'énergie et la décision qui le caractérisaient, il se mit aussitôt à l'oeuvre pour adoucir le sort de ses frères. PR 493 2 Le fait que les exacteurs étaient des hommes fortunés, qui pourvoyaient à la restauration de la ville, n'influença pas un instant Néhémie. Il réprimanda sévèrement les grands et les magistrats; et, ayant réuni la foule, il lui exposa les exigences de Dieu au sujet de ce cas particulier. Il attira l'attention du peuple sur les événements qui s'étaient déroulés sous le règne d'Achaz. Il leur rappela le message que le Seigneur avait alors adressé à Israël pour réprimer sa cruauté et son oppression. Les enfants de Juda avaient été livrés, à cause de leur idolâtrie, entre les mains de leurs frères plus idolâtres encore, le peuple d'Israël. Celui-ci, dans sa fureur, était allé jusqu'à tuer, au cours d'une bataille, des milliers d'hommes de Juda, et à capturer les femmes et les enfants pour en faire des esclaves, ou pour les vendre aux païens. PR 493 3 A cause des péchés de Juda, Dieu n'intervint pas pour empêcher cette horreur. Mais par le prophète Oded, il condamna sévèrement les exploits cruels de l'armée victorieuse. "Vous pensez maintenant, dit l'homme de Dieu, faire des enfants de Juda et de Jérusalem vos serviteurs et vos servantes! Mais vous, n'êtes-vous pas coupables envers l'Eternel, votre Dieu?"3 Oded déclara au peuple d'Israël que son injustice et son oppression lui avaient attiré le jugement du ciel, que la colère divine s'était embrasée contre lui. PR 493 4 Après avoir entendu ces paroles, les guerriers libérèrent les captifs et apportèrent leur butin devant les chefs et toute l'assemblée. Alors certains principaux de la tribu d'Ephraïm "prirent les captifs; ils employèrent le butin à vêtir tous ceux qui étaient nus, ils leur donnèrent des habits et des chaussures, ils les firent manger et boire, ils les oignirent, ils conduisirent sur des ânes tous ceux qui étaient fatigués, et ils les amenèrent à Jéricho, la ville des palmiers, auprès de leurs frères".4 PR 494 1 Néhémie et d'autres Juifs avaient racheté certains captifs vendus aux païens. L'homme de Dieu mit en contraste cette manière de faire avec celle des riches qui, pour l'appât du gain, asservissaient leurs frères pauvres. "Ce que vous faites n'est pas bien, leur dit-il. Ne devriez-vous pas marcher dans la crainte de notre Dieu, pour n'être pas insultés par les nations nos ennemies?" PR 494 2 Néhémie expliqua au peuple qu'étant investi de l'autorité du roi de Perse, il aurait pu lui-même réclamer des fonds importants pour son compte personnel. Au lieu de cela, non seulement il n'était pas rentré en possession de ce qui lui appartenait, mais il avait donné généreusement ses biens pour soulager les nécessiteux. Il insista auprès des chefs qui s'étaient rendus coupables d'extorsion pour qu'ils cessent leur métier d'iniquité, rendent les terres des pauvres, ainsi que l'intérêt des sommes qu'ils avaient prêtées, et qu'ils leur prêtent dorénavant sans usure. PR 494 3 Néhémie prononça ces paroles devant toute l'assemblée. Si les chefs voulaient se justifier, ils en avaient l'occasion; mais ils n'alléguèrent aucune excuse. "Nous les rendrons, dirent-ils, et nous ne leur demanderons rien, nous ferons ce que tu dis." Alors l'homme de Dieu, en présence des prêtres, les fit "jurer de tenir parole". Et "toute l'assemblée dit: Amen! On célébra l'Eternel. Et le peuple tint parole." PR 494 4 Ce récit de l'Ecriture contient une importante leçon. "L'amour de l'argent est une racine de tous les maux",5 a dit l'apôtre saint Paul. De nos jours, l'argent est devenu une passion dévorante, et la richesse est souvent acquise par la fraude. Des multitudes se débattent dans la pauvreté; elles sont contraintes de se livrer à un dur travail pour un maigre salaire qui ne leur permet pas de s'assurer les éléments primordiaux indispensables à leur existence. PR 495 1 Un labeur écrasant, des privations, sans espoir d'un sort meilleur, alourdissent leur pesant fardeau. Minés par les soucis, opprimés, ils ne savent vers qui se tourner pour trouver du réconfort. Et tout cela pour que les riches puissent satisfaire leurs prodigalités, ou se livrer aux folies de la thésaurisation. PR 495 2 L'amour de l'argent et de l'apparat a fait de ce monde un repaire de voleurs. Les Ecritures nous dépeignent la cupidité et l'oppression qui régneront avant la seconde venue du Christ. "A vous maintenant, riches! écrit saint Jacques. Pleurez et gémissez, à cause des malheurs qui viendront sur vous. ... Voici, le salaire des ouvriers qui ont moissonné vos champs, et dont vous les avez frustrés, crie, et les cris des moissonneurs sont parvenus jusqu'aux oreilles du Seigneur des armées. Vous avez vécu sur la terre dans les voluptés et dans les délices, vous avez rassasié vos coeurs au jour du carnage. Vous avez condamné, vous avez tué le juste, qui ne vous a pas résisté."6 PR 495 3 Même parmi ceux qui prétendent posséder la crainte de Dieu, certains se conduisent encore comme les riches Israélites de jadis. Parce que les lois leur permettent de le faire, ils deviennent des oppresseurs. Et parce que ces gens qui se réclament du nom du Christ font preuve d'avarice et de perfidie, parce que l'Eglise conserve dans ses registres les noms de ceux qui ont acquis leur fortune injustement, la religion du Christ est considérée avec mépris. La prodigalité, la tromperie, l'extorsion corrompent la foi de maints croyants et détruisent leur spiritualité. L'Eglise est en grande partie responsable des péchés commis par ses membres. Elle encourage le mal si elle n'élève pas la voix contre ces péchés. PR 495 4 Les coutumes du monde ne doivent pas être le critère du chrétien. Il ne faut pas que celui-ci imite ses excès, ses tromperies, ses extorsions. Tout acte injuste à l'égard de son semblable est une violation de la règle d'or. Tout préjudice causé aux enfants de Dieu touche le Christ lui-même dans la personne de ses saints. Toute tentative pour profiter de l'ignorance, de la faiblesse ou de l'infortune du prochain est enregistrée comme une fraude dans les livres du ciel. Celui qui craint vraiment le Seigneur préférera travailler jour et nuit, manger le pain de la pauvreté, plutôt que de pratiquer la cupidité en opprimant la veuve et l'orphelin ou frustrer l'étranger. PR 496 1 Les plus petits écarts de la rectitude préparent le coeur aux pires injustices. Lorsqu'un homme s'enrichit au détriment d'un autre, son âme devient insensible à l'influence de l'Esprit de Dieu. Le gain obtenu dans de telles conditions est en réalité une terrible perte. PR 496 2 Nous étions tous débiteurs de la justice divine, et incapables de nous acquitter de notre dette. C'est alors que le Fils de Dieu eut compassion de nous, qu'il paya le prix de notre rédemption. Il se fit pauvre, afin que par sa pauvreté nous fussions enrichis. En montrant notre générosité à l'égard des nécessiteux, nous prouvons notre gratitude pour la miséricorde qui nous est octroyée. "Pratiquons le bien envers tous, dit saint Paul, et surtout envers les frères en la foi."7 Et ces paroles s'harmonisent avec celles du Sauveur: "Vous avez toujours les pauvres avec vous, et vous pouvez leur faire du bien quand vous voulez." "Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le de même pour eux, car c'est la loi et les prophètes."8 ------------------------Chapitre 55 -- Complots des païens PR 497 0 Ce chapitre est basé sur Néhémie 6. PR 497 1 Sanballat et ses complices n'osaient pas attaquer ouvertement les Juifs; mais avec une malice accrue, ils continuaient à faire secrètement l'impossible pour les décourager, les déconcerter, les injurier. Les murailles de Jérusalem allaient bientôt être achevées. Une fois celles-ci terminées, les portes mises, les ennemis d'Israël ne pourraient guère espérer pénétrer dans la ville. C'est pourquoi ils s'acharnaient particulièrement à vouloir faire cesser les travaux. Ils en arrivèrent finalement à forger un plan qui, espéraient-ils, destituerait Néhémie de ses fonctions et le livrerait en leur pouvoir. Alors ils l'emprisonneraient ou le tueraient. PR 497 2 Ils prétendirent faire un compromis avec leurs adversaires, et cherchèrent à entrer en pourparlers avec Néhémie, en lui proposant une entrevue dans un village de la vallée d'Ono. Mais, éclairé par le Saint-Esprit sur leur véritable intention, l'homme de Dieu refusa. "Je leur envoyai des messagers, dit-il, avec cette réponse: J'ai un grand ouvrage à exécuter, et je ne puis descendre; le travail serait interrompu pendant que je le quitterais pour aller vers vous." Mais ils s'obstinèrent. Quatre fois ils lui envoyèrent un messager avec la même demande, et chaque fois il leur fit la même réponse. PR 498 1 Devant l'insuccès de leurs démarches, ces ennemis eurent alors recours à un stratagème plus audacieux. Sanballat envoya à Néhémie un messager porteur d'une lettre ouverte ainsi conçue: "Le bruit se répand parmi les nations et Gaschmu affirme que toi et les Juifs, vous pensez à vous révolter, et que c'est dans ce but que tu rebâtis la muraille. Tu vas, dit-on, devenir leur roi, tu as même établi des prophètes pour te proclamer à Jérusalem roi de Juda. Et maintenant ces choses arriveront à la connaissance du roi. Viens donc, et consultons-nous ensemble." PR 498 2 Si les bruits mentionnés par l'ennemi avaient réellement circulé, Néhémie aurait eu raison de s'inquiéter, car ils seraient parvenus aux oreilles du roi, et le moindre soupçon de sa part aurait provoqué les sanctions les plus sévères. Mais l'homme de Dieu était persuadé que la lettre en question était fausse et avait pour but de l'intimider et de l'attirer dans un piège. Ce qui ancra Néhémie dans cette pensée, c'est le fait que la lettre avait été envoyée ouverte, avec le but évident d'être lue par le peuple qui, à son tour, aurait été effrayé et intimidé par son contenu. PR 498 3 Néhémie répondit immédiatement à Sanballat: "Ce que tu dis là n'est pas; c'est toi qui l'inventes!" Il n'ignorait pas les ruses de Satan; il savait que l'ennemi faisait des efforts désespérés pour décourager les travailleurs et faire cesser l'ouvrage. A maintes reprises, le diable avait été tenu en échec, et maintenant, avec une malice exacerbée, il tendait un piège au serviteur de Dieu. Sanballat et ses acolytes soudoyèrent donc des hommes qui prétendaient être des amis de Néhémie et qui devaient lui donner de mauvais conseils, comme s'ils émanaient de Dieu. A la tête de cette infâme entreprise, se trouvait Schemaeja que Néhémie avait beaucoup apprécié autrefois. Cet homme s'enferma dans une chambre située près du sanctuaire, comme s'il craignait pour sa vie. Le temple était alors protégé par des murs et par des portes, mais les portes de la ville n'étaient pas encore posées. Prétendant qu'il avait à coeur la sécurité de Néhémie, Schemaeja lui conseilla de se réfugier dans le temple. "Allons ensemble dans la maison de Dieu, proposa le traître, au milieu du temple, et fermons les portes du temple; car ils viennent pour te tuer, et c'est pendant la nuit qu'ils viendront pour te tuer." PR 499 1 Si Néhémie avait suivi ces conseils hypocrites, il aurait sacrifié sa foi en Dieu et paru aux yeux du peuple un être pleutre et méprisable. Pour accomplir l'oeuvre importante qu'il avait entreprise, et pour témoigner sa confiance en la puissance divine, il aurait été inconséquent en se cachant comme s'il avait peur. La crainte se serait répandue parmi le peuple, chacun aurait cherché sa propre sécurité, et la ville sans défense serait devenue une proie facile. Cet acte déraisonnable de la part de Néhémie eût été l'abandon virtuel de tout ce qu'on avait fait jusque-là. PR 499 2 Néhémie ne tarda pas à se rendre compte du véritable caractère et du but de la démarche de son conseiller. "Je reconnus que ce n'était pas Dieu qui l'envoyait, dit-il. Mais il prophétisa ainsi sur moi, parce que Sanballat et Tobija lui avaient donné de l'argent. En le gagnant ainsi, ils espéraient que j'aurais peur, et que je suivrais ses avis et commettrais un péché; et ils auraient profité de cette atteinte à ma réputation pour me couvrir d'opprobre." PR 499 3 L'infâme démarche de Schemaeja était appuyée par quelques hommes qui jouissaient d'une haute considération et qui, tout en se réclamant de l'amitié de Néhémie, s'associaient secrètement avec ses ennemis. Mais c'est en vain qu'ils tendirent un piège à l'homme de Dieu. Il leur fit cette réponse catégorique: "Un homme comme moi prendre la fuite! Et quel homme tel que moi pourrait entrer dans le temple et vivre? Je n'entrerai point." PR 499 4 Malgré les complots tramés ouvertement ou en secret par les ennemis d'Israël, l'ouvrage avançait rapidement. Moins de deux mois après l'arrivée à Jérusalem de Néhémie, la ville était entourée de son enceinte, et les ouvriers pouvaient circuler sur les murailles et voir leurs ennemis au-dessous d'eux, étonnés et humiliés. "Lorsque tous nos ennemis l'apprirent, dit Néhémie, toutes les nations qui étaient autour de nous furent dans la crainte; elles éprouvèrent une grande humiliation, et reconnurent que l'oeuvre s'était accomplie par la volonté de notre Dieu." PR 500 1 Mais malgré la preuve évidente que Dieu était à l'oeuvre, les Israélites ne purent réprimer leur mécontentement. "Dans ce temps-là, dit Néhémie, il y avait aussi des grands de Juda qui adressaient fréquemment des lettres à Tobija et qui en recevaient de lui. Car plusieurs en Juda étaient liés à lui par serment, parce qu'il était gendre de Schecania." On voit ici les conséquences désastreuses des mariages mixtes. C'était d'une famille alliée aux ennemis de Dieu qu'était né le complot contre Néhémie. Il y eut beaucoup d'autres cas analogues. Ces gens, comme tous ceux qui avaient contracté des mariages semblables et qui étaient sortis d'Egypte avec Israël, furent une source constante de troubles. Ils ne servaient pas le Seigneur de tout leur coeur, et lorsque son oeuvre exigeait un sacrifice, ils étaient prêts à violer le serment qu'ils avaient solennellement contracté. PR 500 2 Certains de ceux qui avaient été les premiers à vouloir faire du mal aux Juifs manifestaient maintenant le désir de devenir leurs amis. Les nobles de Juda qui étaient handicapés par des mariages avec les idolâtres et qui avaient entretenu une correspondance suspecte avec Tobija, en jurant de le servir, parlaient maintenant de cet homme comme d'un être capable et prévoyant, dont l'alliance serait infiniment précieuse aux Juifs. Et ils le renseignaient en même temps sur les projets et les agissements de Néhémie. Ainsi, l'oeuvre du peuple de Dieu était ouverte aux attaques de l'ennemi, ce qui donnait l'occasion de mal interpréter les paroles et les actes de Néhémie et d'entraver son travail. PR 500 3 Lorsque les pauvres et les opprimés avaient fait appel à Néhémie pour qu'il redresse les torts dont ils avaient été victimes, ce dernier avait pris courageusement leur défense, et réussi à faire disparaître l'opprobre qui pesait sur eux. Mais l'autorité dont il avait fait preuve pour soulager ses compatriotes opprimés, il n'en usa pas pour lui-même. Ses bienfaits avaient rencontré l'ingratitude et la trahison; cependant, il n'exerça pas son pouvoir pour punir les traîtres. Avec calme et désintéressement, il continua à travailler pour son peuple, ne se relâchant pas un seul instant dans ses efforts. PR 500 4 Les assauts de Satan ont toujours été dirigés contre ceux qui s'efforcent de faire avancer le règne de Dieu. Bien que l'ennemi de nos âmes ait été souvent bafoué, il n'a cessé de renouveler ses attaques avec une violence accrue, et avec des moyens jusqu'alors inconnus. Ce qu'il faut le plus redouter chez lui, c'est le travail qu'il accomplit secrètement par ceux qui prétendent aimer l'oeuvre de Dieu. L'opposition déclarée, si elle est farouche et cruelle, offre moins de péril pour la cause du Maître que la haine dissimulée de ceux qui déclarent le servir et qui sont, en réalité, les serviteurs de Satan. Ceux-ci favorisent l'action des hommes qui emploient leurs connaissances pour contrecarrer l'oeuvre de Dieu. PR 501 1 Le prince des ténèbres utilisera tous les stratagèmes possibles pour décider les serviteurs de Dieu à s'associer à ses suppôts. Par ses sollicitations répétées, il s'efforcera de les détourner de leurs devoirs; mais, comme Néhémie, ils devront répondre fermement: "J'ai un grand ouvrage à exécuter et je ne puis descendre." Que les ouvriers du Seigneur continuent leur besogne sans se soucier d'autre chose, tout en s'efforçant de réfuter les mensonges du malin pour leur porter préjudice. A l'instar des réparateurs des murailles de Jérusalem, qu'ils ne se laissent pas distraire de leurs travaux par les menaces, les moqueries ou les faux rapports, et ne se relâchent pas un seul instant, car les ennemis sont sans cesse sur leurs pas. Qu'ils fassent monter vers le Seigneur leurs prières, et établissent "une garde jour et nuit pour se défendre".1 PR 501 2 Satan redoublera ses tentations à mesure que s'approche la fin des temps. Il suscitera des hommes qui se moqueront et mépriseront les "réparateurs des brèches". Mais si ceux-ci ne font pas face aux attaques de l'ennemi, ils retarderont leur ouvrage. Qu'ils s'efforcent de déjouer les complots de leurs adversaires, sans se détourner de leur besogne. La vérité triomphe de l'erreur, et le droit prévaut sur l'injustice. PR 501 3 Les serviteurs de Dieu ne permettront pas que l'ennemi conquière leur amitié ou leur sympathie dans le dessein de les distraire de leur tâche. Celui qui, par quelque acte inconsidéré, expose la cause du Seigneur à l'opprobre ou affaiblit les mains de ses compagnons de travail, fait rejaillir sur son propre caractère une tache qui ne s'enlève pas facilement. Il dresse un obstacle sérieux sur le chemin qu'il doit suivre pour être utile. PR 502 1 "Ceux qui abandonnent la loi louent le méchant."2 Lorsque des hommes s'unissent au monde, tout en invoquant une grande pureté d'intention, et préconisent l'union avec ceux qui ont toujours combattu la vérité, il faut se méfier d'eux, les éviter comme le fit Néhémie. Tout cela est inspiré par l'ennemi du bien. C'est le langage des opportunistes, contre lequel nous devons nous insurger aussi farouchement aujourd'hui qu'autrefois. Que tout ce qui tend à troubler la foi du peuple de Dieu soit énergiquement combattu. PR 502 2 L'ennemi ne réussit pas à faire tomber Néhémie en son pouvoir parce que cet homme de Dieu témoigna autant de fermeté dans son dévouement à la cause sacrée que dans sa confiance en Jéhovah. L'âme indécise devient une proie facile à la tentation; mais celui qui poursuit un noble idéal, un but absorbant, ne prête pas le flanc au mal. Sa foi, loin de faiblir, s'affermit; car partout il discerne l'amour infini qui dirige toutes choses pour l'accomplissement du plan divin. Les vrais serviteurs de Dieu travaillent avec une résolution qui ne connaît aucune défaillance, car ils dirigent constamment leurs regards vers le trône de la grâce. PR 502 3 Dieu promet son assistance chaque fois que les ressources humaines font défaut. Il nous communique son Esprit pour nous venir en aide dans nos difficultés, pour ranimer notre espérance, illuminer notre esprit et purifier notre coeur. Il suscite des occasions à ses serviteurs, et leur ouvre la voie pour s'acquitter de leur tâche. Si son peuple suit ses directives, s'il est prêt à collaborer avec lui, il verra des choses merveilleuses. ------------------------Chapitre 56 -- Lecture solennelle de la loi de Dieu PR 503 0 Ce chapitre est basé sur Néhémie 8, 9, 10. PR 503 1 C'était au temps de la fête des trompettes, la foule était rassemblée à Jérusalem, et une impression de tristesse se dégageait du spectacle qui s'offrait aux regards. Les murailles de la ville avaient été reconstruites, les portes mises en place; mais une grande partie de la métropole juive était encore en ruine. PR 503 2 Sur une estrade, dressée dans l'une des artères les plus larges de Jérusalem, et entourée des tristes vestiges de la gloire d'antan, se tenait Esdras, maintenant un vieillard. A ses côtés se trouvaient les Lévites. De cette estrade on pouvait voir une mer de visages. De toutes les contrées environnantes les Israélites étaient accourus. "Esdras bénit l'Eternel, le grand Dieu, et tout le peuple répondit ...: Amen! ... Ils s'inclinèrent et se prosternèrent devant l'Eternel, le visage contre terre." PR 503 3 Et cependant, même dans cette assemblée, on pouvait constater les preuves du péché d'Israël. Par suite de mariages contractés entre différentes nations, la langue juive s'était corrompue, et il fallait expliquer la loi dans celle du peuple pour que tous puissent la comprendre. "Ils lisaient distinctement dans le livre de la loi de Dieu, et ils en donnaient le sens pour faire comprendre ce qu'ils avaient lu." PR 504 1 "Tout le peuple fut attentif à la lecture du livre de la loi." En écoutant cette lecture, les Israélites se sentaient coupables. Tous pleuraient à la pensée de leurs transgressions. Mais ce jour était un jour de fête, pendant lequel le Seigneur avait ordonné que l'on fût dans l'allégresse. Ils furent donc priés de retenir leurs larmes et de se réjouir à cause de la grande miséricorde de Dieu à leur égard. "Ce jour est consacré à l'Eternel, votre Dieu, dit Néhémie; ne soyez pas dans la désolation et dans les larmes! ... Allez, mangez des viandes grasses et buvez des liqueurs douces, et envoyez des portions à ceux qui n'ont rien de préparé, car ce jour est consacré à notre Seigneur; ne vous affligez pas, car la joie de l'Eternel sera votre force." PR 504 2 Le début de la matinée fut consacré aux services religieux, et le reste de la journée à louer l'Eternel, à se réjouir de ses bontés. On envoya des portions aux pauvres qui n'avaient rien préparé. Il y eut de grandes réjouissances, car la loi divine avait été lue et expliquée. PR 504 3 Le jour suivant on se livra au même exercice, et au moment fixé -- le dixième jour du septième mois -- sur l'ordre de Dieu, la fête des expiations fut célébrée. Entre le quinzième et le vingt-deuxième jour de ce même mois, le peuple et les principaux Juifs célébrèrent encore la fête des tabernacles. "Allez chercher à la montagne, dirent-ils, des rameaux de palmier, et des rameaux d'arbres touffus, pour faire des tentes, comme il est écrit. Alors le peuple alla chercher des rameaux, et ils se firent des tentes sur le toit de leurs maisons, dans leurs cours, dans les parvis de la maison de Dieu. ... Et il y eut de très grandes réjouissances. On lut dans le livre de la loi de Dieu, chaque jour, depuis le premier jusqu'au dernier." PR 504 4 En écoutant la lecture de la loi chaque jour, les Israélites avaient été convaincus de leurs transgressions, ainsi que de celles des générations précédentes. Ils comprirent alors qu'en s'éloignant de Dieu, les descendants d'Abraham, privés de sa protection, avaient été dispersés parmi les nations étrangères. Ils décidèrent donc de rechercher sa miséricorde et s'engagèrent à observer ses commandements. Avant de célébrer ce service solennel, le second jour après la fête des tabernacles, ils prirent la décision de se séparer des païens qui se trouvaient parmi eux. PR 505 1 Tandis que le peuple se prosternait devant le Seigneur, confessant ses péchés et en implorant le pardon, les chefs l'encourageaient à se confier en Dieu qui, selon sa promesse, exauce les prières. Il ne devait pas seulement se lamenter, pleurer et se repentir, mais aussi croire au pardon de Dieu. Il fallait qu'il montre sa foi en publiant le récit des bénédictions dont il avait été l'objet de la part du Seigneur, et en le louant pour sa grande bonté. PR 505 2 "Levez-vous, dit-on aux enfants d'Israël, bénissez l'Eternel, votre Dieu, d'éternité en éternité!" Alors, les bras tendus vers le ciel, ils entonnèrent ce cantique: PR 505 3 Que l'on bénisse ton nom glorieux, Qui est au-dessus de toute bénédiction Et de toute louange! C'est toi, Eternel, toi seul Qui as fait les cieux et toute leur armée, La terre et tout ce qui est sur elle, Les mers et tout ce qu'elles renferment. Tu donnes la vie à toutes ces choses, Et l'armée des cieux se prosterne devant toi. PR 505 4 Après que le peuple eut fait monter vers Dieu ses louanges, les chefs parlèrent du passé d'Israël, de son ingratitude manifeste, et tous reconnurent que le Seigneur avait été juste en le punissant. Alors toute l'assemblée prit la ferme résolution d'observer les commandements de Dieu. Tous s'engagèrent à rester fidèles, et pour que cet engagement fût durable, et conservé d'une façon permanente, tel un mémorial, il fut couché par écrit, et les chefs, les Lévites et les prêtres y apposèrent leur sceau. Cette alliance devait subsister comme un souvenir, une barrière à la tentation. Le peuple jura solennellement "de marcher dans la loi de Dieu donnée par Moïse, serviteur de Dieu, d'observer et de mettre en pratique tous les commandements de l'Eternel, notre Seigneur, ses ordonnances et ses lois". En outre, les Israélites promettaient de ne plus contracter de mariages avec des étrangers. PR 506 1 Avant que prît fin cette journée de jeûne, l'assemblée manifesta le désir de revenir au Seigneur, et s'engagea à ne plus profaner le jour du sabbat. Néhémie n'était pas encore intervenu, comme il le fera plus tard, pour empêcher les commerçants étrangers de venir à Jérusalem; mais pour mettre le peuple à l'abri de la tentation, il lui fit promettre par un serment solennel de ne rien acheter de ces vendeurs le jour du sabbat. Il espérait ainsi décourager ces derniers et les obliger à mettre un terme à leur commerce. PR 506 2 Il fut aussi pourvu à l'entretien du culte public. L'assemblée s'engagea à donner, en plus de la dîme, une contribution annuelle destinée au service du sanctuaire. "Nous résolûmes, dit Néhémie, d'apporter chaque année à la maison de l'Eternel les prémices de notre sol et les prémices de tous les fruits de tous les arbres; d'amener à la maison de notre Dieu ... les premiers-nés de nos fils et de notre bétail, comme il est écrit dans la loi, les premiers-nés de nos boeufs et de nos brebis." PR 506 3 Israël avait recouvré la faveur divine; il regrettait profondément son passé. Après avoir confessé ses péchés avec larmes, et reconnu qu'il avait été traité avec justice, il s'engagea à observer la loi divine. Il ne lui restait plus qu'à manifester sa foi. Dieu ayant accepté sa repentance, il pouvait se réjouir d'avoir reçu le pardon de ses iniquités. PR 506 4 Les tentatives de Néhémie pour restaurer le culte du vrai Dieu avaient été couronnées de succès. Tant que le peuple resterait fidèle, tant qu'il obéirait à la Parole de Dieu, le Seigneur accomplirait ses promesses et le comblerait de ses riches bénédictions. PR 506 5 Ce récit devrait servir de leçon à tous ceux qui sont convaincus de leurs péchés, et comme écrasés par le poids de leur indignité. L'Ecriture nous rapporte fidèlement les conséquences de l'apostasie d'Israël, mais elle nous décrit aussi son humiliation profonde, sa repentance sincère, sa foi ardente et ses sacrifices généreux lorsqu'il revint au Seigneur. PR 507 1 Tous les repentirs sincères procurent au croyant une joie durable. Lorsqu'un pécheur cède à l'influence de l'Esprit, il voit sa culpabilité et sa souillure jurer avec la sainteté du grand médecin des âmes. Il se voit condamné par ses transgressions; mais qu'il ne se laisse pas aller au désespoir, car le pardon lui a déjà été accordé. Il doit se réjouir lorsqu'il a le sentiment de la rémission de son péché, grâce à l'amour d'un Père céleste qui pardonne abondamment. C'est la gloire de Dieu d'entourer de sa tendre sollicitude tous les pécheurs qui se repentent, de bander leurs blessures, de laver leurs péchés et de les revêtir de la robe du salut. ------------------------Chapitre 57 -- OEuvre de réforme PR 509 0 Ce chapitre est basé sur Néhémie 13. PR 509 1 Le peuple de Dieu s'était solennellement et publiquement engagé à obéir à la loi divine. Mais, lorsque l'influence d'Esdras et de Néhémie cessa de se faire sentir, de nombreux croyants se détournèrent du Seigneur. Néhémie était retourné en Perse. Pendant son absence, le malin s'insinua parmi le peuple, menaçant de corrompre la nation. Non seulement les idolâtres avaient pris pied dans Jérusalem, mais ils avaient encore souillé, par leur présence, les parvis du temple. En s'alliant à une étrangère, le prêtre Eliaschib était devenu le parent de Tobija, l'ennemi le plus farouche d'Israël. Cette union avec une païenne eut comme conséquence de ménager à Tobija un appartement qui avait accès au temple -- appartement utilisé jusqu'alors comme dépôt pour les dîmes et les offrandes. PR 509 2 Dieu avait déclaré par Moïse aux Ammonites et aux Moabites, qui s'étaient montrés cruels et perfides à l'égard d'Israël: "Vous n'entrerez point dans l'assemblée de l'Eternel."1 Malgré cette défense, le grand prêtre avait enlevé les offrandes accumulées dans la chambre de la maison du Seigneur pour donner asile à ce représentant de la race proscrite. En conférant un tel honneur à cet ennemi de Dieu et de la vérité, on ne pouvait témoigner plus de mépris au Seigneur. PR 510 1 Lorsqu'il revint de Perse, Néhémie apprit cette odieuse profanation, et il prit de promptes mesures pour chasser l'intrus. "J'en éprouvai un vif déplaisir, dit-il, et je jetai hors de la chambre tous les objets qui appartenaient à Tobija; j'ordonnai qu'on purifiât les chambres, et j'y replaçai les ustensiles de la maison de Dieu, les offrandes et l'encens." PR 510 2 Non seulement le temple avait été profané, mais on avait mal employé les offrandes. Aussi le peuple avait-il tendance à se relâcher dans ses libéralités. Il avait perdu son zèle et sa ferveur, et il payait ses dîmes à contrecoeur. Le trésor de la maison de Dieu était insuffisamment pourvu; de nombreux chantres et d'autres officiants du service du temple, mal rétribués, avaient quitté l'oeuvre du Seigneur pour travailler ailleurs. PR 510 3 Néhémie se mit à la tâche pour corriger ces abus. Il réunit ceux qui avaient délaissé le service du temple et "les remit à leur poste". Cet acte inspira confiance au peuple, et "Juda apporta dans les magasins la dîme du blé, du moût et de l'huile". Les hommes qui "avaient la réputation d'être fidèles", nommés surveillants du trésor, "furent chargés de faire les distributions à leurs frères". PR 510 4 Un autre résultat des rapports entretenus avec les idolâtres, ce fut l'abandon du sabbat -- signe qui distinguait les Israélites de toutes les autres nations, comme adorateurs du vrai Dieu. Néhémie découvrit que des commerçants, des païens des nations voisines, venaient à Jérusalem et entraînaient une foule de Juifs à faire du commerce ce jour-là. D'aucuns restèrent fermes à leurs principes; mais d'autres les sacrifièrent et se joignirent aux païens qui s'efforçaient de vaincre les scrupules des plus consciencieux. Un grand nombre d'entre eux profanèrent ouvertement le jour du sabbat. "A cette époque, écrit Néhémie, je vis en Juda des hommes fouler au pressoir pendant le sabbat, rentrer des gerbes, charger sur des ânes même du vin, des raisins et des figues, et toutes sortes de choses, et les amener à Jérusalem le jour du sabbat. ... Il y avait aussi des Tyriens, établis à Jérusalem, qui apportaient du poisson et toutes sortes de marchandises, et qui les vendaient aux fils de Juda le jour du sabbat et dans Jérusalem." PR 511 1 Cet état de choses aurait pu être évité si les chefs de Juda avaient exercé leur autorité; mais leur désir de ménager leurs propres intérêts les avait poussés à favoriser les idolâtres. Néhémie les réprimanda énergiquement pour leur négligence. "Que signifie cette mauvaise action que vous faites, en profanant le jour du sabbat, leur demanda-t-il sévèrement. N'est-ce pas ainsi qu'ont agi vos pères, et n'est-ce pas à cause de cela que notre Dieu a fait venir tous ces malheurs sur nous et sur cette ville? Et vous, vous attirez de nouveau sa colère contre Israël, en profanant le sabbat!" Et il ordonna "qu'on fermât les portes de Jérusalem avant le sabbat, dès qu'elles seraient dans l'ombre, et qu'on ne les ouvrît qu'après le sabbat". Et comme Néhémie avait davantage confiance dans ses serviteurs que dans ceux qui étaient désignés par les magistrats, il les plaça aux portes pour se rendre compte si ses ordres seraient respectés. PR 511 2 Mais résolus à ne pas abandonner leur manière de procéder, "les marchands et les vendeurs de toutes sortes de choses passèrent une ou deux fois la nuit hors de Jérusalem". Ils espéraient ainsi faire du commerce avec les habitants de la ville ou de la campagne. Néhémie les avertit alors qu'ils seraient punis s'ils persévéraient dans cette pratique. "Pourquoi passez-vous la nuit devant la muraille?" leur demanda-t-il. "Dès ce moment, ils ne vinrent plus pendant le sabbat." Il ordonna aussi aux Lévites de garder les portes, car il savait qu'on les respecterait davantage que les gens du peuple. Etant liés étroitement au service divin, ils feraient preuve de plus de zèle pour faire respecter la loi de Dieu. PR 511 3 Néhémie porta ensuite son attention sur le danger qui menaçait à nouveau Israël par suite des mariages et des alliances contractés avec les païens. "A cette même époque, dit-il, je vis des Juifs qui avaient pris des femmes asdodiennes, ammonites, moabites. La moitié de leurs fils parlaient l'asdodien, et ne savaient pas parler le juif; ils ne connaissaient que la langue de tel ou tel peuple." Ces alliances illégitimes créaient une grande confusion en Israël, car quelques-uns de ceux qui les contractaient occupaient des situations en vue. C'étaient des chefs qu'on était en droit de considérer comme des conseillers et des exemples. Prévoyant les conséquences qui en résulteraient pour la nation, Néhémie réprimanda sévèrement ceux qui s'en rendaient coupables. Il leur rappela le cas de Salomon dont aucun roi au monde n'avait égalé la gloire. Dieu lui avait conféré une grande sagesse; mais les femmes païennes le détournèrent de Dieu, et son exemple avait corrompu Israël. "Faut-il donc apprendre à votre sujet, demandait sévèrement Néhémie, que vous commettez un aussi grand crime?" "Vous ne donnerez pas vos filles à leurs fils, et vous ne prendrez leurs filles ni pour vos fils ni pour vous." PR 512 1 En plaçant devant eux les commandements et les menaces de Dieu, ainsi que les terribles châtiments qui s'étaient abattus sur les Israélites à cause de leurs mésalliances, Néhémie réveilla la conscience de ses auditeurs et une oeuvre de réforme débuta, détournant ainsi la colère menaçante du Très-Haut. PR 512 2 Parmi ceux qui étaient engagés dans le service sacré, certains plaidèrent en faveur de leurs femmes païennes dont ils ne voulaient pas se séparer. Mais on ne fit aucune distinction; il ne fut tenu compte ni du rang ni de la position. Quiconque parmi les prêtres ou les principaux refusait de rompre avec les idolâtres était immédiatement rejeté du service de Dieu. Un petit-fils du grand prêtre, qui avait épousé la fille du fameux Sanballat, fut non seulement relevé de ses fonctions, mais aussitôt banni d'Israël. PR 512 3 Comme elle était angoissée l'âme du fidèle serviteur de Dieu qui devait agir avec une telle sévérité! Seul le jour du jugement le révélera. Il eut à combattre constamment contre les éléments adverses, et ce ne fut que par le jeûne, l'humiliation et la prière que l'oeuvre du Seigneur progressa. PR 512 4 Beaucoup de ceux qui avaient épousé des idolâtres voulurent les suivre en exil. Ils se joignirent aux Samaritains, et après quelque temps partagèrent leur fortune. Désireux de renforcer cette alliance, les Samaritains s'engagèrent à adopter plus entièrement la foi et les coutumes juives. Les renégats, décidés à surpasser leurs anciens frères, édifièrent un temple sur le mont Garizim, l'opposant ainsi au sanctuaire de Jérusalem. Leur religion continua à être un mélange de judaïsme et de paganisme, une rivalité entre les deux nations. Le fait pour les Samaritains de prétendre être le peuple de Dieu fut une source de schisme et d'inimitié pendant des générations. PR 513 1 Dans la réforme qui doit s'opérer de nos jours, il faut des hommes qui, comme Esdras et Néhémie, n'atténueront ni n'excuseront le péché, des hommes qui ne reculeront pas pour venger l'honneur de Dieu. Ceux qui assumeront cette responsabilité n'excuseront pas le mal; ils ne le recouvriront pas du manteau d'une fausse charité. Ils sauront que Dieu ne fait pas acception de personnes et que la sévérité témoignée envers quelques-uns est une preuve de miséricorde pour beaucoup. Ils sauront aussi que l'Esprit du Christ se manifestera toujours chez celui qui dénonce le péché. PR 513 2 Dans l'accomplissement de leur tâche, Esdras et Néhémie marchaient humblement devant Dieu. Ils confessaient leurs péchés et ceux du peuple; ils en imploraient le pardon, comme s'ils étaient eux-mêmes coupables. Patiemment, ils peinaient, priaient et souffraient. Ce qui compliquait le plus leur tâche, ce n'était pas l'hostilité ouverte des païens, mais l'opposition secrète de leurs soi-disant amis. Ces derniers, en mettant leur influence au service du mal, alourdissaient singulièrement le fardeau des serviteurs de Dieu. Ces traîtres fournissaient aux ennemis de la bonne cause le matériel que ceux-ci employaient dans leur lutte contre le peuple élu. PR 513 3 Le succès qui couronna les efforts de Néhémie montre ce que peuvent accomplir la prière, la foi, l'action prudente et énergique. Néhémie n'était ni prêtre, ni prophète; il n'avait aucune prétention à un titre quelconque. C'était un réformateur dans une période grave. Il avait pour but de ramener son peuple à l'obéissance envers le Seigneur. Inspiré par cet idéal élevé, il apporta tout son coeur à sa réalisation. Une intégrité noble et inflexible caractérisa son oeuvre. Il fit preuve d'une telle résolution qu'Israël fut amené à agir avec zèle et avec courage. Ce dernier ne pouvait que reconnaître la loyauté et le patriotisme du réformateur, ainsi que son amour profond pour le Seigneur. Cette attitude vaillante suscita chez le peuple le désir de suivre le serviteur de Dieu dans la voie qu'il lui indiquait. PR 514 1 La promptitude dans le service de Dieu est une partie importante de la vraie religion. On devrait saisir les circonstances favorables pour accomplir la volonté du Seigneur. L'action rapide et décisive au moment opportun assure d'éclatantes victoires, alors que le retard et la négligence aboutissent à l'insuccès qui déshonore Dieu. Si ceux qui sont à la tête de la cause de la vérité ne manifestent aucun zèle, s'ils se montrent indifférents et indécis, l'Eglise sera froide, endormie et portée au plaisir. Mais si les chefs sont remplis du saint désir de servir le Seigneur et lui seul, alors les fidèles seront unis, débordants d'espoir et d'ardeur. PR 514 2 La Parole de Dieu abonde en contrastes saisissants. Le péché et la sainteté sont placés côte à côte, afin qu'en les considérant nous puissions éviter l'un et rechercher l'autre. Les pages qui décrivent la haine, la pauvreté, la trahison de Sanballat et de Tobija décrivent aussi la noblesse, la sainteté et l'esprit de sacrifice d'Esdras et de Néhémie. Libre à nous d'imiter celui que nous préférons. Les terribles conséquences de la transgression des commandements de Dieu sont placées en regard des bénédictions qui résultent de l'obéissance. Il faut décider nous-mêmes si nous voulons souffrir ou être bénis. L'oeuvre de restauration et de réforme entreprise par les exilés revenus en Israël -- oeuvre placée sous la direction de Zorobabel, d'Esdras et de Néhémie -- nous offre le tableau de la rénovation spirituelle qui sera opérée à la fin des temps. Le reste d'Israël était faible, exposé comme une proie à ses ennemis; mais Dieu s'en servit pour maintenir ici-bas la connaissance des choses célestes. Il était le gardien du vrai culte, le dépositaire des oracles sacrés. Que de vicissitudes il eut à subir au cours de la reconstruction du temple et des murailles de Jérusalem! Comme ils furent lourds les fardeaux que durent porter les organisateurs de ces travaux! Mais ces hommes avançaient avec une confiance inébranlable, en s'humiliant et en s'appuyant fermement sur le Seigneur, persuadés que la vérité triompherait. Comme le roi Ezéchias, Néhémie "fut attaché à l'Eternel, il ne se détourna point de lui, et il observa ses commandements. ... Et l'Eternel fut avec Ezéchias."2 PR 515 1 La restauration spirituelle entreprise au temps de Néhémie est un symbole que mettent en relief les paroles du prophète Esaïe: "Ils rebâtiront sur d'anciennes ruines, ils relèveront d'antiques décombres, ils renouvelleront des villes ravagées, dévastées depuis longtemps." "Les tiens rebâtiront sur d'anciennes ruines, tu relèveras des fondements antiques; on t'appellera réparateur des brèches, celui qui restaure les chemins, qui rend le pays habitable."3 PR 515 2 Le prophète parle ici d'un peuple qui, à une époque d'abandon général de la vérité et de la justice, s'efforcera de restaurer les principes qui sont à la base du royaume des cieux. Ils seront les réparateurs des brèches pratiquées dans la loi de Dieu -- loi qui est comme une muraille placée autour de ses élus pour les protéger. L'obéissance à ces préceptes de justice et de pureté sera leur perpétuelle sauvegarde. Avec des paroles sur lesquelles on ne saurait se méprendre, le prophète indique la tâche particulière du peuple de Dieu des derniers temps: "Si tu retiens ton pied pendant le sabbat, pour ne pas faire ta volonté en mon saint jour, si tu fais du sabbat tes délices, pour sanctifier l'Eternel en le glorifiant, et si tu l'honores en ne suivant point tes voies, en ne te livrant pas à tes penchants et à de vains discours, alors tu mettras ton plaisir en l'Eternel, et je te ferai monter sur les hauteurs du pays, je te ferai jouir de l'héritage de Jacob, ton père; car la bouche de l'Eternel a parlé."4 PR 515 3 A la fin des temps, toutes les institutions divines seront restaurées. La brèche faite à la loi de Dieu, alors que le jour du sabbat a été changé, doit être réparée. Le peuple de Dieu des derniers temps montrera que cette loi est à la base de toute réforme durable, et que le quatrième commandement demeure comme le mémorial de la création, comme le rappel constant de la puissance divine. En termes clairs et précis, il montrera la nécessité d'obéir à tous les préceptes du Décalogue. Contraint par l'amour du Christ, le peuple de Dieu coopérera avec le Seigneur pour "rebâtir sur d'anciennes ruines. Il sera le réparateur des brèches, celui qui restaure les chemins et rend le pays habitable."5 ------------------------Chapitre 58 -- La venue d'un libérateur PR 517 1 Au cours des longs siècles de "détresse, d'obscurité et de sombres angoisses",1 qui caractérisèrent l'histoire de l'humanité, depuis le jour où nos premiers parents furent chassés du jardin d'Eden jusqu'à l'époque où le Fils de Dieu parut pour sauver les pécheurs, l'espoir de l'humanité s'est concentré sur la venue d'un libérateur. Ce libérateur délivrerait enfin les hommes de l'esclavage du péché et de la mort. La première fois qu'il est parlé d'une telle espérance, c'est lorsque Dieu fit à Adam et à Eve cette déclaration, en s'adressant au serpent: "Je mettrai inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité: celle-ci t'écrasera la tête, et tu lui blesseras le talon."2 PR 517 2 Alors que le couple pécheur écoutait ces déclarations, une lueur d'espoir brilla dans leur coeur; car dans la prophétie annonçant la destruction du pouvoir de Satan, il discernait une promesse de délivrance. Il pourrait enfin échapper à la ruine provoquée par sa transgression. Bien qu'ils aient dû souffrir du pouvoir de l'adversaire dont ils avaient subi l'influence séductrice, et qu'ils violèrent le commandement de Dieu, Adam et Eve ne devaient cependant pas se laisser aller au désespoir. Le Fils de Dieu offrirait son sang pour les racheter de leur transgression. Un temps d'épreuve leur serait accordé, au cours duquel ils pourraient, par la foi en la puissance salvatrice du Messie, redevenir enfants de Dieu. PR 518 1 Grâce au succès qu'il s'assura en détournant l'homme du sentier de l'obéissance, Satan devint "le dieu de ce siècle."3 La domination qui avait appartenu à Adam passa à l'usurpateur. Toutefois le Fils de Dieu allait venir sur cette terre pour payer la rançon du péché et non seulement pour racheter l'homme, mais aussi pour reconquérir la domination perdue. C'est de cette restauration que parle le prophète Michée lorsqu'il écrit ces paroles: "Et toi, tour du troupeau, colline de la fille de Sion, à toi viendra, à toi arrivera l'ancienne domination, le royaume de la fille de Jérusalem."4 L'apôtre Paul parle aussi de "la rédemption de ceux que Dieu s'est acquis."5 Et le Psalmiste fait écho quand il mentionne la restauration finale de l'héritage originel. "Les justes, dit-il, posséderont le pays, et ils y demeureront à jamais."6 PR 518 2 Cet espoir de rédemption par l'avènement du Fils de Dieu comme Sauveur et Roi ne s'est jamais éteint dans le coeur des hommes. Dès les origines du monde, certains ont fait preuve d'une foi qui, dépassant les ombres du présent, a atteint les réalités de l'avenir. Par l'intermédiaire d'Adam, de Seth, d'Hénoc, de Metuschélah, de Noé, de Sem, d'Abraham, d'Isaac, de Jacob et de beaucoup d'autres hommes de Dieu, le Créateur conserva les précieuses révélations de sa volonté. De même le Seigneur fit connaître aux enfants d'Israël -- peuple élu par qui devait être donnée au monde la promesse du Messie -- les exigences de sa loi et l'assurance du salut, de ce salut obtenu par le sacrifice expiatoire de son Fils bien-aimé. PR 518 3 L'espoir d'Israël avait pris corps avec la promesse faite à Abraham lorsqu'il avait été appelé à suivre Dieu. Cette promesse fut répétée à plusieurs reprises par la suite à la postérité du patriarche. "Toutes les familles de la terre seront bénies en toi",7 lui fut-il dit. Alors que les desseins de Dieu relatifs à la rédemption de l'homme étaient révélés à Abraham, le Soleil de justice brillait dans le coeur de ce dernier et dissipait les ténèbres de son âme. Et lorsque enfin le Sauveur lui-même vint chez les enfants des hommes et s'entretint avec eux, il donna aux Juifs le témoignage de l'espoir lumineux de la délivrance du patriarche, délivrance obtenue par la venue du Rédempteur. "Abraham, votre père, a-t-il dit, a tressailli de joie de ce qu'il verrait mon jour: il l'a vu, et il s'est réjoui."8 PR 519 1 Cette même bienheureuse espérance fut énoncée dans la bénédiction que prononça sur son lit de mort le patriarche Jacob: "Juda, dit-il, tu recevras les hommages de tes frères; ta main sera sur la nuque de tes ennemis, les fils de ton père se prosterneront devant toi. ... Le sceptre ne s'éloignera point de Juda, ni le bâton souverain d'entre ses pieds, jusqu'à ce que vienne le Schilo, et que les peuples lui obéissent."9 PR 519 2 La venue du Rédempteur fut prédite une fois encore sur les confins de la terre promise par l'oracle de Balaam: "Je le vois, dit-il, mais non maintenant, je le contemple, mais non de près. Un astre sort de Jacob, un sceptre s'élève d'Israël. Il perce les flancs de Moab, et il abat tous les enfants de Seth."10 PR 519 3 Le but que se proposait le Seigneur en envoyant son Fils pour racheter l'homme perdu fut placé devant Israël par Moïse. Un jour, peu de temps avant sa mort, l'homme de Dieu déclara: "L'Eternel, ton Dieu, te suscitera du milieu de toi, d'entre tes frères, un prophète comme moi: vous l'écouterez!" Moïse avait reçu des instructions précises pour le peuple d'Israël au sujet de l'oeuvre que devait accomplir le Messie promis. "Je leur susciterai du milieu de leurs frères un prophète comme toi, je mettrai mes paroles dans sa bouche, et il leur dira tout ce que je lui commanderai."11 PR 519 4 A l'époque patriarcale, les sacrifices d'expiation étaient destinés à rappeler perpétuellement la venue du Sauveur. Il en était de même pour tout le rituel se rapportant aux services du sanctuaire au cours de l'histoire d'Israël. Dans le tabernacle, comme dans le temple qui le remplaça, on enseignait les grandes vérités relatives à l'avènement du Christ, en tant que rédempteur, sacrificateur et roi. Une fois l'an, on rappelait à Israël les événements qui mettraient fin au grand conflit opposant le Christ à Satan, la purification finale de l'univers enfin débarrassé du péché et du pécheur. PR 520 1 Les sacrifices et les offrandes du rituel mosaïque désignaient un service plus excellent, c'est-à-dire le céleste. Le sanctuaire était "une figure pour le temps actuel", et on y présentait des offrandes et des sacrifices. Le lieu saint et le lieu très saint étaient "les images des choses qui sont dans les cieux"; car le Christ, notre grand prêtre, est aujourd'hui le "ministre du sanctuaire et du véritable tabernacle, qui a été dressé par le Seigneur et non par un homme".12 PR 520 2 Depuis le jour où Dieu dit au serpent, dans le jardin d'Eden: "Je mettrai inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité",13 Satan sut qu'il n'aurait jamais le pouvoir absolu sur les habitants de la terre. Lorsque Adam et ses fils commencèrent à offrir des sacrifices cérémoniels ordonnés par le Seigneur comme types de la venue du Rédempteur, Satan vit dans ces sacrifices le symbole de la communion entre le ciel et la terre. Au cours des longs siècles qui suivirent, ses efforts se portèrent constamment sur la suppression de cette communion. Il s'est acharné avec une application soutenue à dénaturer les rites annonçant le Sauveur, et il a triomphé auprès d'une grande majorité des membres de la famille humaine. PR 520 3 Alors que le Seigneur enseignait aux hommes que grâce à son amour nous pouvions être réconciliés avec lui, l'ennemi suprême s'efforçait de représenter Dieu comme un être qui prend plaisir à détruire le genre humain. Ainsi, les sacrifices et les ordonnances destinés à révéler l'amour divin ont été faussés. Ce n'étaient plus que des dons et des bonnes oeuvres destinés à apaiser la colère d'un Dieu offensé. PR 520 4 Satan s'est appliqué en même temps à éveiller et à intensifier les passions des hommes, afin que, par leurs transgressions répétées, les multitudes s'éloignent de plus en plus de Dieu et soient désespérément enlacées dans les pièges de l'ennemi. PR 520 5 Lorsque la volonté de Dieu fut révélée par les prophètes hébreux, Satan voulut approfondir les messages concernant le Messie. Il étudia soigneusement les déclarations qui soulignaient avec une clarté manifeste l'oeuvre du Christ parmi les hommes en tant que victime expiatoire et roi triomphant. Dans les rouleaux de parchemins de l'Ancien Testament, il vit que le Messie devait paraître comme "un agneau qu'on mène à la boucherie", que son visage serait "défiguré", que "son aspect n'avait rien pour nous plaire". Le Sauveur de l'humanité devait être "méprisé et abandonné des hommes, homme de douleur et habitué à la souffrance, ... frappé de Dieu et humilié".14 Cependant, ce Sauveur devait exercer son pouvoir pour "faire droit aux malheureux", pour sauver "les enfants du pauvre" et pour "écraser l'oppresseur."15 Ces prophéties firent trembler Satan. Pourtant il ne renonça pas à son projet de combattre la miséricordieuse providence en faveur de la rédemption des pécheurs. Il décida d'aveugler les hommes sur la signification réelle des prophéties messianiques, afin de les préparer à rejeter le Christ lorsqu'il se présenterait. PR 521 1 Au cours des siècles qui précédèrent immédiatement le déluge, Satan avait réussi à faire régner sur toute la terre un esprit de rébellion à l'égard de Dieu. Mais les leçons terribles du déluge ne furent pas conservées longtemps dans le souvenir des hommes. Par d'habiles insinuations, Satan poussa peu à peu ceux-ci à une révolte délibérée. Il semblait être à nouveau sur le point de triompher; mais le plan de Dieu en faveur des pécheurs ne fut pas abandonné. Par la postérité du fidèle Abraham, de la descendance de Sem, la connaissance des desseins salutaires du Seigneur devait être conservée pour le bénéfice des générations futures. De temps en temps, des messagers de la vérité, choisis par Dieu, étaient suscités pour appeler l'attention des hommes sur la signification des cérémonies sacrificielles. Ils insistaient particulièrement sur la promesse de Dieu relative à l'avènement de celui que désignaient toutes les cérémonies mosaïques. Le monde était ainsi préservé de l'apostasie universelle. PR 521 2 Ce n'est pas sans susciter une opposition farouche que le plan de Dieu fut mis à exécution. L'ennemi de la vérité et de la justice fit l'impossible pour faire oublier aux descendants d'Abraham la noble et sainte mission dont ils devaient s'acquitter, et il s'efforça de les entraîner vers le culte des faux dieux. Les tentatives de l'adversaire furent couronnées de succès. Pendant les siècles qui précédèrent la première venue de Jésus, les ténèbres couvrirent la terre. Satan projetait son ombre infernale sur le chemin des enfants des hommes pour les empêcher d'obtenir la connaissance de Dieu et du monde futur. Des multitudes étaient assises à l'ombre de la mort. Leur seul espoir résidait dans la disparition de ces ténèbres, afin que Dieu leur fût révélé. PR 522 1 Dans une vision prophétique, David, l'oint du Seigneur, avait prédit que la venue du Messie serait semblable "à la lumière du matin, quand le soleil brille et que la matinée est sans nuages".16 Et le prophète Osée avait déclaré que "sa venue est aussi certaine que celle de l'aurore."17 Celle-ci paraît lentement et silencieusement; elle dissipe les ténèbres et éveille l'univers à la vie. Le Soleil de justice allait se lever de la même manière "et la guérison" serait "sous ses ailes."18 Les multitudes qui vivaient dans "le pays de l'ombre de la mort" verraient "resplendir une grande lumière."19 PR 522 2 Le prophète Esaïe, qui contempla avec ravissement cette glorieuse délivrance, s'exclamait: "Un enfant nous est né, un fils nous est donné, et la domination reposera sur son épaule; on l'appellera Admirable, Conseiller, Dieu puissant, Prince éternel, Prince de la paix. Donner à l'empire de l'accroissement et une paix sans fin au trône de David et à son royaume, l'affermir et le soutenir par le droit et par la justice, dès maintenant et à toujours: voilà ce que fera le zèle de l'Eternel des armées."20 PR 522 3 Aux derniers siècles de l'histoire d'Israël, avant le premier avènement du Christ, on comprenait généralement que cette prophétie annonçait la venue du Messie. "C'est peu, disait le prophète, que tu sois mon serviteur, pour relever les tribus de Jacob et pour ramener les restes d'Israël: je t'établis pour être la lumière des nations, pour porter mon salut jusqu'aux extrémités de la terre." "Alors la gloire de l'Eternel sera révélée", avait dit encore le prophète, "et au même instant toute chair la verra."21 C'est de cette lumière des hommes que Jean-Baptiste rendit témoignage avec tant de hardiesse, lorsqu'il déclara: "Je suis la voix de celui qui crie dans le désert: Aplanissez le chemin du Seigneur, comme a dit Esaïe, le prophète."22 PR 523 1 Au sujet du Christ fut faite cette promesse prophétique: "Ainsi parle l'Eternel, le rédempteur, le Saint d'Israël, à celui qu'on méprise, qui est en horreur au peuple. ... Ainsi parle l'Eternel. ... Je te garderai, et je t'établirai pour traiter alliance avec le peuple, pour relever le pays, et pour distribuer les héritages désolés; pour dire aux captifs: Sortez! et à tous ceux qui sont dans les ténèbres: Paraissez! ... Ils n'auront pas faim et ils n'auront pas soif; le mirage et le soleil ne les feront point souffrir; car celui qui a pitié d'eux sera leur guide, et il les conduira vers des sources d'eaux."23 PR 523 2 Ceux qui, au sein de la nation juive, étaient restés fidèles affermirent leur foi. Descendants de la lignée à laquelle avait été conservée la connaissance de Dieu, ils s'appuyaient sur ces passages des Ecritures et sur d'autres semblables. Avec quelle joie débordante ils lisaient les paroles indiquant comment le Seigneur oindrait celui qui devait "porter de bonnes nouvelles aux malheureux", "guérir ceux qui ont le coeur brisé" et "proclamer aux captifs la liberté", "publier une année de grâce de l'Eternel"!24 PR 523 3 Cependant, leur coeur était rempli de tristesse en pensant aux souffrances que devait subir le Messie pour accomplir le plan divin. Avec quelle humiliation ils s'appesantissaient sur ces paroles du prophète: "Qui a cru à ce qui nous était annoncé? Qui a reconnu le bras de l'Eternel? Il s'est élevé devant lui comme une faible plante, comme un rejeton qui sort d'une terre desséchée; il n'avait ni beauté, ni éclat pour attirer nos regards, et son aspect n'avait rien pour nous plaire. Méprisé et abandonné des hommes, homme de douleur et habitué à la souffrance, semblable à celui dont on détourne le visage, nous l'avons dédaigné, nous n'avons fait de lui aucun cas. Cependant, ce sont nos souffrances qu'il a portées, c'est de nos douleurs qu'il s'est chargé; et nous l'avons considéré comme puni, frappé de Dieu, et humilié. Mais il était blessé pour nos péchés, brisé pour nos iniquités; le châtiment qui nous donne la paix est tombé sur lui, et c'est par ses meurtrissures que nous sommes guéris. Nous étions tous errants comme des brebis, chacun suivait sa propre voie; et l'Eternel a fait retomber sur lui l'iniquité de nous tous. Il a été maltraité et opprimé, et il n'a point ouvert la bouche, semblable à un agneau qu'on mène à la boucherie, à une brebis muette devant ceux qui la tondent; il n'a point ouvert la bouche. Il a été enlevé par l'angoisse et le châtiment; et parmi ceux de sa génération, qui a cru qu'il était retranché de la terre des vivants et frappé pour les péchés de mon peuple? On a mis son sépulcre parmi les méchants, son tombeau avec le riche, quoiqu'il n'eût point commis de violence et qu'il n'y eût point de fraude dans sa bouche."25 PR 524 1 Et par le prophète Zacharie, en parlant des souffrances du Sauveur, Dieu déclara: "Epée, lève-toi sur mon pasteur et sur l'homme qui est mon compagnon!"26 PR 524 2 Le Christ devait subir la justice divine, prendre la place du pécheur et le racheter. Il fallait qu'il comprenne la signification de la justice céleste et ce que cela signifie pour l'homme de comparaître devant Dieu sans intercesseur. PR 524 3 Par l'intermédiaire du Psalmiste, Dieu fit cette déclaration: "L'opprobre me brise le coeur, et je suis malade; j'attends de la pitié, mais en vain, des consolateurs, et je n'en trouve aucun. Ils mettent du fiel dans ma nourriture, et, pour apaiser ma soif, ils m'abreuvent de vinaigre."27 PR 524 4 Au sujet du traitement qui lui serait réservé, voici ce que disait encore la parole prophétique: "Car des chiens m'environnent, une bande de scélérats rôdent autour de moi, ils ont percé mes mains et mes pieds. Je pourrais compter tous mes os. Eux, ils observent, ils me regardent; ils se partagent mes vêtements, ils tirent au sort ma tunique."28 PR 524 5 Ces descriptions de l'amère souffrance du Messie et de sa mort cruelle, pour si tristes qu'elles fussent, contenaient de riches promesses, car Dieu déclarait au sujet de celui qui devait être "brisé par la souffrance" et offert "en sacrifice pour le péché": "Il verra une postérité et prolongera ses jours; et l'oeuvre de l'Eternel prospérera entre ses mains. A cause du travail de son âme, il rassasiera ses regards; par sa connaissance mon serviteur juste justifiera beaucoup d'hommes, et il se chargera de leurs iniquités."29 PR 524 6 C'est son amour pour les pécheurs qui poussa le Christ à payer le prix de la rédemption. "Il voit qu'il n'y a pas un homme, il s'étonne de ce que personne n'intercède." Nul ne pouvait payer la rançon des hommes pour les libérer du pouvoir de l'ennemi. "Alors son bras lui vient en aide, et sa justice lui sert d'appui."30 PR 525 1 "Voici mon serviteur, que je soutiendrai, mon élu, en qui mon âme prend plaisir. J'ai mis mon esprit sur lui; il annoncera la justice aux nations."31 PR 525 2 Sa vie devait être exempte d'orgueil. L'hommage que le monde rend à la position, à la fortune, au talent serait tout à fait étranger au Fils de Dieu. Il n'emploierait aucun moyen humain pour demeurer fidèle ou pour s'imposer. Son renoncement total à lui-même avait été prédit en ces termes: "Il ne criera point, il n'élèvera point la voix, et ne la fera point entendre dans les rues. Il ne brisera point le roseau cassé, et il n'éteindra point la mèche qui brûle encore."32 PR 525 3 La conduite du Sauveur devait offrir aux hommes un contraste frappant avec celle des docteurs de son temps. Dans la vie du Christ, il n'y eut jamais de contestations bruyantes, d'ostentation, d'actes destinés à recueillir les hommages. Le Messie devait être "caché en Dieu". Sans la connaissance du Très-Haut, l'humanité aurait été perdue à tout jamais. Sans l'aide divine, la déchéance des pécheurs aurait été de plus en plus profonde. La vie et le pouvoir sont communiqués par celui qui a créé le monde. Impossible de pourvoir aux besoins des hommes d'une manière différente. PR 525 4 La parole prophétique dit encore ceci: "Il ne se découragera point et ne se relâchera point, jusqu'à ce qu'il ait établi la justice sur la terre, et que les îles espèrent en sa loi. ... L'Eternel a voulu, pour le bonheur d'Israël, publier une loi grande et magnifique."33 L'importance de cette loi et ses exigences ne devaient être diminuées en aucun cas. Il fallait plutôt l'exalter. Le Sauveur allait dégager en même temps les préceptes divins des lourdes obligations imposées par les hommes, obligations qui avaient amené maints croyants à se décourager dans leurs efforts pour offrir au Seigneur un service acceptable. PR 525 5 Au sujet de la mission du Messie, voici ce que Dieu avait déclaré: "Moi, l'Eternel, je t'ai appelé pour le salut, et je te prendrai par la main, je te garderai, et je t'établirai pour traiter alliance avec le peuple, pour être la lumière des nations, pour ouvrir les yeux des aveugles, pour faire sortir de prison le captif, et de leur cachot ceux qui habitent dans les ténèbres. Je suis l'Eternel, c'est là mon nom; et je ne donnerai pas ma gloire à un autre, ni mon honneur aux idoles. Voici, les premières choses se sont accomplies, et je vous en annonce de nouvelles; avant qu'elles arrivent, je vous les prédis."34 PR 526 1 Le Dieu d'Israël devait assurer la délivrance de Sion par la postérité prédite. "Un rameau sortira du tronc d'Isaï, dit le prophète, et un rejeton naîtra de ses racines." "Voici, la jeune fille deviendra enceinte, elle enfantera un fils, et elle lui donnera le nom d'Emmanuel."35 PR 526 2 "L'Esprit de l'Eternel reposera sur lui: Esprit de sagesse et d'intelligence, Esprit de conseil et de force, Esprit de connaissance et de crainte de l'Eternel. Il respirera la crainte de l'Eternel; il ne jugera point sur l'apparence, il ne prononcera point sur un ouï-dire. Mais il jugera les pauvres avec équité, et il prononcera avec droiture sur les malheureux de la terre; il frappera la terre de sa parole comme d'une verge, et du souffle de ses lèvres il fera mourir le méchant. La justice sera la ceinture de ses flancs, et la fidélité la ceinture de ses reins." "En ce jour, le rejeton d'Isaï sera là comme une bannière pour les peuples; les nations se tourneront vers lui, et la gloire sera sa demeure."36 "Voici un homme, dont le nom est germe. ... Il bâtira le temple de l'Eternel; il portera les insignes de la majesté; il s'assiera et dominera sur son trône, il sera sacrificateur sur son trône."37 PR 526 3 Une source serait ouverte "pour le péché et l'impureté",38 les enfants des hommes entendraient alors cette invitation sublime: "Vous tous qui avez soif, venez aux eaux, même celui qui n'a pas d'argent! Venez, achetez et mangez, venez, achetez du vin et du lait, sans argent, sans rien payer! Pourquoi pesez-vous de l'argent pour ce qui ne nourrit pas? Pourquoi travaillez-vous pour ce qui ne rassasie pas? Ecoutez-moi donc, et vous mangerez ce qui est bon, et votre âme se délectera de mets succulents. Prêtez l'oreille, et venez à moi, écoutez, et votre âme vivra: je traiterai avec vous une alliance éternelle, pour rendre durables mes faveurs envers David."39 PR 527 1 Voici la promesse faite à Israël: "Je t'ai établi comme témoin auprès des peuples, comme chef et dominateur des peuples. Voici, tu appelleras des nations que tu ne connais pas, et les nations qui ne te connaissent pas accourront vers toi, à cause de l'Eternel, ton Dieu, du Saint d'Israël, qui te glorifie."40 PR 527 2 "Je fais approcher ma justice: elle n'est pas loin; et mon salut: il ne tardera pas. Je mettrai le salut en Sion, et ma gloire sur Israël."41 PR 527 3 Au cours de son ministère, le Messie devait révéler à l'humanité la gloire de Dieu, le Père. Chacun de ses actes, chacune de ses paroles, chacun de ses miracles était destiné à faire connaître à l'humanité perdue l'amour infini du Seigneur. "Monte sur une haute montagne, Sion, écrit le prophète Esaïe, pour publier la bonne nouvelle; élève avec force ta voix, Jérusalem, pour publier la bonne nouvelle; élève ta voix, ne crains point, dis aux villes de Juda: Voici votre Dieu! Voici, le Seigneur, l'Eternel vient avec puissance, et de son bras il commande; voici, le salaire est avec lui, et les rétributions le précèdent. Comme un berger, il paîtra son troupeau, il prendra les agneaux dans ses bras, et les portera dans son sein; il conduira les brebis qui allaitent."42 PR 527 4 "En ce jour-là, les sourds entendront les paroles du livre; et, délivrés de l'obscurité et des ténèbres, les yeux des aveugles verront. Les malheureux se réjouiront de plus en plus en l'Eternel, et les pauvres feront du Saint d'Israël le sujet de leur allégresse. ... Ceux dont l'esprit s'égarait acquerront de l'intelligence, et ceux qui murmuraient recevront instruction."43 PR 527 5 C'est ainsi que par les patriarches et les prophètes, par des types et des symboles, Dieu parlait au monde de la venue du libérateur. Une longue série de prophéties signalaient l'avènement du "trésor de toutes les nations".44 Le lieu même de sa naissance, le moment de son apparition étaient minutieusement spécifiés. PR 527 6 Le fils de David naîtrait dans la cité de David. De Bethléhem, déclarait le prophète, devait sortir "celui qui dominera sur Israël, et dont l'origine remonte aux temps anciens, aux jours de l'éternité".45 PR 528 1 "Et toi, Bethléhem, terre de Juda, tu n'es certes pas la moindre entre les principales villes de Juda, car de toi sortira un chef qui paîtra Israël, mon peuple."46 PR 528 2 Le moment de la première venue du Christ et des principaux événements qui se groupent autour des activités terrestres du Sauveur fut révélé à Daniel par l'ange Gabriel: "Soixante et dix semaines, déclara l'ange, ont été fixées sur ton peuple et sur ta ville sainte, pour faire cesser les transgressions et mettre fin aux péchés, pour expier l'iniquité et amener la justice éternelle, pour sceller la vision et le prophète, et pour oindre le Saint des saints."47 Un jour pour une année.48 Les soixante et dix semaines ou quatre cent quatre-vingt-dix jours représentent autant d'années. Le point de départ de cette période nous est donné dans le livre de Daniel: "Depuis le moment où la parole a annoncé que Jérusalem sera rebâtie jusqu'à l'Oint, au Conducteur, il y a sept semaines et soixante-deux semaines",49 soit soixante-neuf semaines ou quatre cent quatre-vingt-trois ans. L'ordre de restaurer Jérusalem, tel qu'il fut complété par Artaxerxès Longuemain,50 entra en vigueur en automne de l'année quatre cent cinquante-sept avant notre ère. Or, quatre cent quatre-vingt-trois ans s'écoulèrent à partir de cette date, jusqu'à l'année vingt-sept de notre ère, en automne. Selon la prophétie, cette période devait aboutir au Messie, à l'Oint. En l'an vingt-sept, Jésus reçut à son baptême l'onction du Saint-Esprit, et son ministère débuta bientôt après. Alors fut proclamé le message: "Le temps est accompli."51 PR 528 3 L'ange dit encore à Daniel: "Il fera une solide alliance avec plusieurs pendant une semaine" (sept ans). Pendant sept ans, après le début du ministère du Sauveur, l'Evangile devait être prêché aux Juifs: trois ans et demi par le Christ lui-même et trois ans et demi par les apôtres. "Durant la moitié de la semaine il fera cesser le sacrifice et l'offrande."52 Au printemps de l'an trente et un de notre ère, Jésus-Christ, le Sauveur du monde, le véritable sacrifice, fut offert sur la croix du Calvaire. Alors le voile du temple se déchira en deux, prouvant ainsi que le caractère sacré et la signification du service sacrificiel avaient cessé. Le moment était venu où devaient prendre fin "le sacrifice et l'offrande". PR 529 1 La semaine -- ou sept ans -- se termina en l'an trente-quatre de notre ère. Par la lapidation d'Etienne, le premier martyr chrétien, les Juifs scellèrent définitivement leur sort: ils rejetaient l'Evangile. Les disciples furent alors dispersés par la persécution; ils allèrent "de lieu en lieu, annonçant la bonne nouvelle de la parole".53 Peu de temps après, Saul, le persécuteur, se convertissait et devenait Paul, l'apôtre des Gentils. PR 529 2 Les nombreuses prophéties relatives à l'avènement du Sauveur conduisaient les Hébreux à vivre dans une attente continuelle. Beaucoup d'entre eux moururent dans la foi, "sans avoir obtenu les choses promises". Mais ils les avaient "vues de loin"; ils crurent et reconnurent qu'ils étaient étrangers et voyageurs sur la terre. Depuis l'époque d'Hénoc, les patriarches et les prophètes ont gardé vivant l'espoir de voir apparaître le Sauveur promis. PR 529 3 Dieu ne révéla pas tout d'abord l'époque exacte de la première venue du Christ, et même lorsque la prophétie de Daniel la fit connaître, beaucoup ne comprirent pas le message qu'elle contenait. Les siècles se succédèrent, et finalement la voix des prophètes s'éteignit. La main de l'oppresseur s'appesantissait lourdement sur Israël. A mesure que celui-ci s'éloignait du Seigneur, la foi s'affaiblissait, et l'espoir était sur le point de cesser d'illuminer l'avenir. Les paroles des prophètes étaient incompréhensibles à beaucoup d'entre eux, et ceux dont la foi demeurait solide étaient près de s'écrier: "Les jours se prolongent, et toutes les visions restent sans effet."54 Mais l'heure de la venue du Christ était fixée par le Conseil céleste, et "lorsque les temps ont été accomplis, Dieu a envoyé son Fils ... afin qu'il rachetât ceux qui étaient sous la loi, afin que nous reçussions l'adoption."55 PR 529 4 On doit donner à l'humanité des leçons dans un langage humain. Le messager de l'alliance parlera; sa voix sera entendue dans son propre temple. L'auteur de la vérité séparera la vérité des paroles trompeuses de l'homme qui ont rendu celle-ci sans effet. Les principes du gouvernement divin et le plan de la rédemption doivent être clairement définis. Il faut que les hommes connaissent bien les leçons contenues dans l'Ancien Testament. PR 530 1 Lorsque le Sauveur parut enfin, "en prenant une forme de serviteur",56 et commença son ministère, Satan ne put que le blesser au talon, alors que l'humiliation et les souffrances du Christ le blessaient à la tête. L'angoisse provoquée par le péché oppressait celui qui était sans péché. Et cependant, alors qu'il subissait l'opposition, il payait la rançon pour les pécheurs, et supprimait l'esclavage où l'humanité était plongée. Chaque serrement de coeur, chaque insulte, tout participait à la délivrance des hommes. PR 530 2 Si Satan avait pu réussir à faire céder le Christ à une seule tentation, s'il avait pu le pousser par un acte ou même par une pensée à ternir sa pureté, le prince des ténèbres aurait triomphé de celui qui était infaillible, et il aurait ainsi réussi à dominer toute la famille humaine. Mais si Satan avait le pouvoir de décourager, il lui était impossible de corrompre; il pouvait provoquer l'agonie, non la souillure. Il fit de la vie du Christ une longue scène de luttes et d'épreuves. Toutefois, dans chacune de ses attaques, il perdait son pouvoir sur l'humanité. PR 530 3 Au désert de la tentation, au jardin de Gethsémané, et sur la croix, notre Sauveur affronta le prince des ténèbres. Ses blessures devinrent les trophées de sa victoire pour le salut de l'humanité. Lorsqu'il agonisait sur le Calvaire, que les esprits malins l'approchaient et que les hommes l'insultaient, Jésus reçut une véritable blessure au talon. Mais, par cet acte même, la tête du serpent était écrasée. Par la mort, le Sauveur anéantit "celui qui a la puissance de la mort, c'est-à-dire le diable."57 Ce fait décida de la destinée du chef rebelle, et scella définitivement le plan du salut. Jésus triompha de la puissance de la mort, et, en ressuscitant, il ouvrit à tous ses disciples les portes du tombeau. Dans ce dernier grand conflit, nous voyons s'accomplir la prophétie: "Celle-ci t'écrasera la tête, et tu lui blesseras le talon."58 PR 530 4 "Bien-aimés, dit l'apôtre Jean, nous sommes maintenant enfants de Dieu, et ce que nous serons n'a pas encore été manifesté; mais nous savons que, lorsque cela sera manifesté, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu'il est."59 Notre rédempteur a ouvert la voie, afin que les plus souillés, les plus misérables, les plus opprimés et les plus méprisés puissent trouver accès auprès du Père. PR 531 1 O Eternel! tu es mon Dieu; Je t'exalterai, je célébrerai ton nom, Car tu as fait des choses merveilleuses; PR 531 2 Tes desseins conçus à l'avance se sont fidèlement accomplis. ------------------------Chapitre 59 -- La maison d'Israël PR 533 1 En proclamant les vérités de l'Evangile éternel à toute nation, à toute tribu, à toute langue et à tout peuple, l'Eglise accomplit cette ancienne prophétie: "Israël poussera des fleurs et des rejetons, et il remplira le monde de ses fruits."1 PR 533 2 Les disciples de Jésus de concert avec les esprits célestes ont occupé rapidement les vastes régions du globe, et leur travail a produit une ample moisson d'âmes. Aujourd'hui, comme jamais auparavant, la proclamation des vérités bibliques par une Eglise fidèle apporte aux enfants des hommes les bénédictions promises il y a des siècles à Abraham et à sa descendance. "Je te bénirai ... et tu seras une source de bénédiction",2 avait déclaré le Seigneur au patriarche. PR 533 3 Cette promesse divine aurait dû être pleinement réalisée au cours des siècles qui suivirent le retour des Juifs en Palestine. Le dessein de Dieu était que la terre entière soit préparée pour la première venue du Christ, de même qu'est préparée aujourd'hui la voie pour sa seconde venue. A la fin de l'exil humiliant du peuple d'Israël, Dieu donna à ce peuple, par le prophète Zacharie, cette assurance miséricordieuse: "Je retourne à Sion, et je veux habiter au milieu de Jérusalem. Jérusalem sera appelée ville fidèle, et la montagne de l'Eternel des armées, montagne sainte." Il dit encore: "Voici, je délivre mon peuple. ... Je serai leur Dieu avec vérité et droiture."3 PR 534 1 Ces promesses dépendaient de l'obéissance d'Israël. Les péchés qui avaient caractérisé ce peuple avant la captivité ne devaient plus se renouveler. "Rendez véritablement la justice, disait le Seigneur à ceux qui reconstruisaient Jérusalem, et ayez l'un pour l'autre de la bonté et de la miséricorde. N'opprimez pas la veuve et l'orphelin, l'étranger et le pauvre, et ne méditez pas l'un contre l'autre le mal dans vos coeurs. ... Dites la vérité chacun à son prochain; jugez dans vos portes selon la vérité et en vue de la paix."4 PR 534 2 De riches récompenses à la fois temporelles et spirituelles étaient promises à qui mettrait en pratique ces principes de justice. "Les semailles prospéreront, la vigne rendra son fruit, la terre donnera ses produits, déclarait le Seigneur, et les cieux enverront leur rosée; je ferai jouir de toutes ces choses le reste de ce peuple. De même que vous avez été en malédiction parmi les nations, maison de Juda et maison d'Israël, de même je vous sauverai, et vous serez en bénédiction."5 PR 534 3 La déportation babylonienne avait chez les Israélites fait disparaître le culte des idoles. Lorsqu'ils retournèrent à Jérusalem, ils prêtèrent une grande attention à l'étude de la loi et des prophètes. La restauration du temple leur permit de revenir à la pratique des services du sanctuaire. Sous la direction de Zorobabel, d'Esdras et de Néhémie, ils renouvelèrent fréquemment l'alliance qui les engageait à observer tous les commandements et toutes les ordonnances du Seigneur. Les périodes de prospérité qui suivirent prouvèrent d'une manière éloquente que Dieu reçoit ses enfants et leur pardonne. Et cependant, leur étroitesse de vue les détournait sans cesse de leur glorieuse destinée. Ils s'appropriaient égoïstement les bienfaits qui auraient dû apporter la guérison et la vie spirituelle à des foules innombrables. PR 535 1 L'échec que les Israélites firent subir au plan divin fut particulièrement sensible au temps de Malachie. Les messagers de Dieu reprenaient avec une grande sévérité les péchés qui privaient Israël de la prospérité temporelle et spirituelle. En censurant les transgresseurs, le prophète n'épargnait ni le peuple, ni les prêtres. PR 535 2 L'oracle "parole de l'Eternel", de Malachie, invitait Israël à ne pas oublier les leçons du passé et à ne jamais perdre de vue l'alliance contractée avec Dieu. Seule une repentance totale pouvait lui assurer la bénédiction du ciel. "Priez Dieu maintenant, pour qu'il ait pitié de nous!"6 s'écriait le prophète. PR 535 3 Cependant, le dessein de Dieu concernant la rédemption de l'humanité n'aurait pu être anéanti par l'infidélité d'Israël. Ceux à qui s'adressait le prophète pouvaient détourner l'oreille de son message, l'accomplissement du plan divin n'en était pas perturbé. "Depuis le lever du soleil jusqu'à son couchant, déclarait le Seigneur par son messager, mon nom est grand parmi les nations, et en tout lieu on brûle de l'encens en l'honneur de mon nom et l'on présente des offrandes pures; car grand est mon nom parmi les nations."7 PR 535 4 L'alliance de "vie et de paix" que le Seigneur avait conclue avec les fils de Lévi -- alliance qui aurait procuré d'incomparables bienfaits si elle avait été respectée -- il offrait de la renouveler avec les anciens conducteurs spirituels. Ceux-ci s'étaient rendus "méprisables et vils aux yeux de tout le peuple",8 par suite de leurs transgressions. PR 535 5 Les pécheurs étaient solennellement avertis du jour prochain du jugement et de la destruction rapide qui fondrait, selon le plan divin, sur les transgresseurs. Et cependant aucun ne restait sans espoir. Les prophéties de Malachie relatives au jugement s'accompagnaient d'une invitation aux impénitents à revenir au Seigneur. "Revenez à moi, leur disait le Seigneur, et je reviendrai à vous."9 PR 535 6 Il semble que chacun devrait répondre à une telle invitation. Le Dieu du ciel supplie ses enfants égarés de revenir à lui, afin de prendre part à l'oeuvre qu'il accomplit ici-bas. Il tend la main pour saisir celle d'Israël, et l'aider à suivre le sentier étroit du renoncement et du sacrifice afin de partager avec lui l'héritage des enfants de Dieu. PR 536 1 Comme elles sont tristes les paroles de l'Ecriture nous rapportant qu'au temps de Malachie les Israélites hésitaient à livrer leur coeur endurci dans un élan de tendre obéissance et de sincère coopération! Leur propre justice se fait jour dans leur réponse: "En quoi devons-nous revenir?" demandent-ils. L'Eternel révèle à son peuple un de ses péchés particuliers. "Un homme trompe-t-il Dieu? demande-t-il, car vous me trompez." PR 536 2 Mais non convaincus de leur péché, les rebelles posent cette question: "En quoi t'avons-nous trompé?" La réponse est catégorique: "Dans les dîmes et les offrandes. Vous êtes frappés par la malédiction, et vous me trompez, la nation tout entière! Apportez à la maison du trésor toutes les dîmes, afin qu'il y ait de la nourriture dans ma maison; mettez-moi de la sorte à l'épreuve, dit l'Eternel des armées, et vous verrez si je n'ouvre pas pour vous les écluses des cieux, si je ne répands pas sur vous la bénédiction en abondance. Pour vous, je menacerai celui qui dévore, et il ne vous détruira pas les fruits de la terre, et la vigne ne sera pas stérile dans vos campagnes, dit l'Eternel des armées. Toutes les nations vous diront heureux, car vous serez un pays de délices, dit l'Eternel des armées."10 PR 536 3 Dieu bénit le travail des hommes; mais il veut que ceux-ci lui réservent sa part. Il leur dispense le soleil et la pluie; il leur accorde la santé et la possibilité de gagner leur vie. Tout provient de sa main généreuse. Il désire qu'hommes et femmes lui prouvent leur reconnaissance et lui apportent dîmes et offrandes: offrandes d'actions de grâces, volontaires, de culpabilité. Ils doivent mettre leurs ressources à son service, afin que sa vigne ne soit pas stérile. Il faut qu'ils se demandent ce que Jésus ferait à leur place et qu'ils lui soumettent toutes leurs difficultés. Ils feront ainsi preuve de désintéressement dans leur participation à l'oeuvre divine qui s'accomplit sur toute la terre. PR 536 4 Par des messages tels que ceux de Malachie -- le dernier des prophètes de l'Ancien Testament -- ainsi que par l'oppression des ennemis païens, les Israélites apprirent que la vraie prospérité dépend de l'obéissance à la loi divine. Mais pour nombre d'entre eux, cette obéissance n'était pas la conséquence de la foi et de l'amour. Leurs mobiles étaient égoïstes; les formes extérieures du culte n'étaient que des moyens pour parvenir à la grandeur nationale. Au lieu d'être la lumière du monde, le peuple élu s'isola pour éviter les séductions de l'idolâtrie. Les restrictions imposées par le Seigneur au sujet des mariages mixtes ou des relations avec les peuples païens furent perverties au point d'édifier un mur de séparation entre Israël et les autres nations. Les Juifs gardaient ainsi égoïstement pour eux les bénédictions dont ils auraient dû faire bénéficier le monde. PR 537 1 Les Israélites se séparaient en même temps de Dieu par leurs péchés. Ils ne pouvaient comprendre la signification spirituelle de leurs services symboliques. Imbus de leur propre justice, ils croyaient à leurs propres oeuvres, aux sacrifices et aux ordonnances, au lieu de se confier dans les mérites de celui que préfiguraient ces sacrifices et ces ordonnances. Ainsi, "cherchant à établir leur propre justice",11 ils se retranchaient dans un formalisme orgueilleux. Privés de l'Esprit et de la grâce de Dieu, ils essayaient de compenser leur pauvreté spirituelle par une observance rigoureuse des cérémonies et des rites religieux. Non satisfaits des ordonnances que le Seigneur lui-même avait établies, ils encombraient les commandements d'une infinité d'exigences de leur propre invention. Plus ils s'éloignaient de Dieu, plus sévère se faisait l'observation de ces formes. PR 537 2 Avec ces exigences rigoureuses et lourdes, le peuple était pratiquement incapable d'observer la loi. Les grands principes de justice du Décalogue et les glorieuses vérités du service symbolique étaient à la fois obscurcis et ensevelis sous une foule de traditions et d'ordonnances humaines. Ceux qui désiraient réellement servir le Seigneur et qui essayaient d'observer toute la loi, telle que l'ordonnaient les prêtres et les principaux, gémissaient sous un lourd fardeau. PR 537 3 Tout en désirant l'avènement du Messie, la nation israélite était séparée de Dieu de coeur et d'esprit, au point de ne plus comprendre le caractère de la mission du Rédempteur promis. Au lieu de désirer être délivrés du péché, de rechercher la paix et la sainteté, les Israélites ne pensaient qu'à être délivrés de leurs ennemis et à recouvrer leur autonomie. Ce qu'ils attendaient, c'était un Messie conquérant qui briserait tous les jougs qui leur étaient imposés et ferait d'eux une nation qui dominerait toutes les autres. C'est ainsi que Satan avait réussi à préparer le peuple à rejeter le Sauveur dès son apparition. L'orgueil des Israélites et leur fausse conception du caractère et de la mission du Christ les empêchaient de reconnaître les preuves évidentes de la messianité du Seigneur. PR 538 1 Le peuple juif avait attendu plus de mille ans la venue du Sauveur promis. Ses plus grands espoirs s'étaient concentrés sur cet événement. Pendant plus de mille ans, il avait exalté le nom du Messie dans le chant et la prophétie, dans les rites du temple, dans la prière familiale. Et cependant, lorsque le Christ parut, les Juifs repoussèrent celui qu'ils attendaient depuis si longtemps. "Elle est venue chez les siens (la lumière), et les siens ne l'ont point reçue."12 Pour leurs coeurs attachés aux choses du monde, le bien-aimé de Dieu "s'éleva comme un rejeton qui sort d'une terre desséchée". A leurs yeux, "son aspect n'avait rien pour (leur) plaire". "Il n'avait ni beauté, ni éclat pour attirer (leurs) regards."13 Toute la vie de Jésus au sein du peuple juif fut une condamnation de l'égoïsme manifesté à son égard, égoïsme qui empêcha de reconnaître les justes revendications du maître de la vigne où les Juifs étaient établis comme vignerons. Ces derniers haïssaient l'exemple de vérité et de sainteté donné par le Christ. Lorsque se présenta l'épreuve finale -- épreuve qui impliquait l'obéissance pour obtenir la vie éternelle, ou la désobéissance pour mériter la mort éternelle -- ils rejetèrent le Saint d'Israël et se rendirent coupables de sa crucifixion sur la croix du Calvaire. PR 538 2 Dans la parabole des vignerons, le Christ qui approchait de la fin de son ministère, appela l'attention des docteurs juifs sur les riches bénédictions conférées à Israël, et il leur montra ainsi quel était le but de Dieu en réclamant leur obéissance. Il exposa clairement devant eux le glorieux plan divin qu'ils auraient pu réaliser, s'ils avaient été fidèles. Et, soulevant le voile de l'avenir, le Sauveur leur montra comment, en faisant échouer ce plan, ils avaient privé toute la nation des bénédictions célestes et provoqué sa perte. PR 539 1 "Il y avait un homme, maître de maison, leur dit Jésus, qui planta une vigne. Il l'entoura d'une haie, y creusa un pressoir, et bâtit une tour; puis il l'afferma à des vignerons, et quitta le pays."14 Le Sauveur voulait parler de "la vigne de l'Eternel des armées", que le prophète Esaïe avait déclaré être, des siècles auparavant, "la maison d'Israël."15 "Lorsque le temps de la récolte fut arrivé, continua le Christ, il envoya ses serviteurs vers les vignerons, pour recevoir le produit de sa vigne. Les vignerons, s'étant saisis de ses serviteurs, battirent l'un, tuèrent l'autre, et lapidèrent le troisième. Il envoya encore d'autres serviteurs, en plus grand nombre que les premiers; et les vignerons les traitèrent de la même manière. Enfin, il envoya vers eux son fils, en disant: Ils auront du respect pour mon fils. Mais, quand les vignerons virent le fils, ils dirent entre eux: Voici l'héritier; venez, tuons-le, et emparons-nous de son héritage. Et ils se saisirent de lui, le jetèrent hors de la vigne, et le tuèrent." PR 539 2 Après avoir dépeint aux prêtres l'acte suprême de leur méchanceté, le Sauveur leur posa cette question: "Lorsque le maître de la vigne viendra, que fera-t-il à ces vignerons?" Les prêtres avaient suivi le récit avec beaucoup d'intérêt, sans saisir le rapport qu'il y avait entre eux et ce récit. Ils se joignirent à la foule pour répondre: "Il fera périr misérablement ces misérables, et il affermera la vigne à d'autres vignerons, qui lui en donneront le produit au temps de la récolte." Ils se condamnaient ainsi involontairement. Jésus les observait. Son regard scrutateur pénétrait les secrets de leurs coeurs. Sa divinité éclatait à leurs yeux avec une puissance manifeste. Ils virent dans les vignerons l'image de leur propre condition, et ils s'écrièrent involontairement: "A Dieu ne plaise!" PR 539 3 Le Christ leur demanda alors avec solennité, et avec regret: "N'avez-vous jamais lu dans les Ecritures: La pierre qu'on rejetée ceux qui bâtissaient est devenue la principale de l'angle; c'est du Seigneur que cela est venu, et c'est un prodige à nos yeux? C'est pourquoi, je vous le dis, le royaume de Dieu vous sera enlevé, et sera donné à une nation qui en rendra les fruits. Celui qui tombera sur cette pierre s'y brisera, et celui sur qui elle tombera sera écrasé."16 PR 540 1 Si les Israélites avaient reçu le Sauveur, il aurait pu leur épargner le châtiment. Mais l'envie et la jalousie rendaient ce peuple inflexible; il était bien déterminé à ne pas reconnaître Jésus de Nazareth comme Messie. Il a rejeté la lumière du monde; c'est pourquoi les ténèbres l'environnèrent, aussi épaisses qu'en pleine nuit. Le châtiment prédit s'abattit sur lui. Ses passions violentes et déchaînées amenèrent sa propre perte. Dans sa fureur aveugle, il s'extermina lui-même. PR 540 2 L'orgueil inflexible et révolté amena sur les Juifs la colère des conquérants romains. Jérusalem fut détruite, le temple démoli et son emplacement labouré comme un champ Les enfants de Juda succombèrent de la mort la plus atroce. Des millions d'entre eux furent vendus comme esclaves. Ce que le Seigneur se proposait de faire pour le monde par Israël, le peuple élu, il le fera par son Eglise. Il a "affermé" sa vigne à d'autres vignerons, à ceux qui gardent son alliance et qui donnent le produit de sa vigne "au temps de la récolte". Dieu n'a jamais manqué, sur la terre, de vrais représentants qui ont considéré les intérêts divins comme les leurs. Ces témoins de Dieu font partie de l'Israël spirituel, et c'est pour eux que s'accompliront toutes les promesses de l'alliance conclue par le Seigneur avec son peuple d'autrefois. PR 540 3 Aujourd'hui, l'Eglise peut librement accomplir le plan divin destiné à sauver un monde perdu. Pendant de longs siècles, le peuple de Dieu souffrit du manque de liberté. La prédication de l'Evangile dans sa pureté était interdite, et les châtiments les plus cruels s'abattaient sur ceux qui osaient enfreindre les décrets des hommes. En conséquence, la vigne du Seigneur fut presque totalement abandonnée. Le peuple était privé des lumières de l'Evangile, les ténèbres de l'erreur et de la superstition menaçaient de faire disparaître la connaissance de la véritable religion. Au cours de cette longue période de persécutions, l'Eglise fut captive, comme les enfants d'Israël à Babylone. PR 540 4 Mais grâce au Seigneur, elle n'est plus dans l'esclavage. Les privilèges accordés au peuple élu, au moment où il fut délivré de l'exil, ont été restitués aux enfants de Dieu. Dans toutes les parties du monde, des hommes et des femmes répondent au message envoyé par le Seigneur, ce message qui devait être proclamé avant la seconde venue du Sauveur, comme l'annonçait le livre de l'Apocalypse: "Craignez Dieu, et donnez-lui gloire, car l'heure de son jugement est venue."17 PR 541 1 Les armées du mal n'ont plus le pouvoir de rendre l'Eglise captive; car "elle est tombée, Babylone, la grande, qui a abreuvé toutes les nations du vin de la fureur de son impudicité". Et voici le message adressé à l'Israël spirituel: "Sortez du milieu d'elle, mon peuple, afin que vous ne participiez point à ses péchés, et que vous n'ayez point de part à ses fléaux."18 PR 541 2 De même que les captifs israélites se conformèrent au message qui leur était adressé: "Fuyez de Babylone",19 et que la terre promise leur fut restituée, de même de nos jours ceux qui craignent le Seigneur sortent de la Babylone spirituelle. Bientôt ils seront comme des trophées de la grâce divine sur la terre nouvelle, la Canaan céleste. PR 541 3 Avec quelle solennité, le prophète Malachie répondit à la question pleine d'ironie des impénitents: "Où est le Dieu de la justice?" "Et soudain entrera dans son temple le Seigneur ... le Messager de l'alliance. ... Qui pourra soutenir le jour de sa venue? Qui restera debout quand il paraîtra? Car il sera comme le feu du fondeur, comme la potasse des foulons. Il s'assiéra, fondra et purifiera l'argent; il purifiera les fils de Lévi, il les épurera comme on épure l'or et l'argent, et ils présenteront à l'Eternel des offrandes avec justice. Alors l'offrande de Juda et de Jérusalem sera agréable à l'Eternel, comme aux anciens jours, comme aux armées d'autrefois."20 PR 541 4 Voici le message que proclamait le précurseur du Christ avant son apparition: "Repentez-vous", publicains, pécheurs, sadducéens et pharisiens, "car le royaume des cieux est proche".21 PR 541 5 De nos jours, des serviteurs de Dieu, animés de l'esprit et de la puissance d'Elie et de Jean-Baptiste, attirent l'attention d'un monde destiné au jugement divin sur les événements solennels qui doivent bientôt se dérouler -- événements qui précéderont les dernières heures de l'épreuve suprême et de l'apparition de Jésus-Christ, le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs. Bientôt chacun d'entre nous sera jugé selon ses oeuvres. Il appartient à tous les enfants de Dieu d'avertir les hommes qui courent à leur perte éternelle. Qu'il soit dit clairement à toute personne du vaste monde qu'il s'agit là des principes qui sont en jeu dans le grand conflit qui oppose Dieu à Satan, principes dont dépend la destinée de l'humanité. PR 542 1 Aux heures finales du temps de grâce, alors que le sort de toute âme est sur le point d'être décidé pour toujours, le Seigneur attend que son Eglise se réveille pour agir comme jamais auparavant. PR 542 2 Ceux qui ont été libérés en Christ par la connaissance de la vérité, sont considérés par Dieu comme ses élus, qu'il favorise plus que tous les peuples de la terre. Les bénédictions qui leur sont si généreusement accordées doivent être communiquées aux autres. Il faut que la bonne nouvelle du salut soit portée à toute nation, à toute tribu, à toute langue et à tout peuple. Dans les prophéties de l'Ancien Testament, Dieu est représenté comme répandant sa lumière sur son Eglise aux jours où les ténèbres de l'erreur et de l'incrédulité caractérisaient l'époque qui précédera la seconde venue du Rédempteur. Comme "le Soleil de justice", il se lèvera sur cette Eglise, "et la guérison sera sous ses ailes".22 De chaque vrai disciple du Seigneur se dégagera une influence vivifiante, réconfortante. PR 542 3 La venue de Jésus aura lieu au moment le plus sombre de l'histoire de notre monde. Les jours de Noé et de Lot se répéteront avant cette venue. Les écrits sacrés dépeignent les temps actuels, en déclarant que Satan opérera avec une grande puissance, "avec toutes les séductions de l'iniquité".23 Son oeuvre se manifeste clairement dans l'ignorance qui se fait sentir de plus en plus, dans les erreurs qui se multiplient, dans les mensonges et les hérésies des temps actuels. Satan ne se contente plus de conduire le monde vers l'esclavage; ses tromperies corrompent les Eglises qui prétendent être celles de notre Seigneur Jésus-Christ. Une apostasie se produira, aussi ténébreuse que la nuit la plus profonde. Ce sera un temps d'épreuve pour le peuple de Dieu, une nuit de lamentations, une nuit de persécutions pour l'amour de la vérité. Mais la lumière de Dieu resplendira dans cette obscurité profonde. PR 543 1 Le Seigneur fait briller la lumière "du sein des ténèbres."24 Lorsque la "terre était informe et vide", "qu'il y avait des ténèbres à la surface de l'abîme", "l'esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux. Dieu dit: Que la lumière soit! Et la lumière fut."25 Il en est de même pour la nuit spirituelle; la Parole de Dieu ordonne que la lumière soit. Le Seigneur dit à son peuple: "Lève-toi, sois éclairée, car ta lumière arrive, et la gloire de l'Eternel se lève sur toi."26 "Voici, dit encore le prophète, les ténèbres couvrent la terre, et l'obscurité les peuples; mais sur toi l'Eternel se lève, sur toi sa gloire apparaît."27 Le Christ, reflet de la gloire du Père, vint dans le monde pour y apporter la lumière céleste, présenter Dieu aux hommes, et c'est de lui qu'il est écrit qu'il fut "oint du Saint-Esprit et de force", et qu'il "allait de lieu en lieu faisant du bien."28 Il déclara à la synagogue de Nazareth: "L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a oint pour annoncer une bonne nouvelle aux pauvres; il m'a envoyé pour guérir ceux qui ont le coeur brisé, pour proclamer aux captifs la délivrance, et aux aveugles le recouvrement de la vue, pour renvoyer libres les opprimés, pour publier une année de grâce du Seigneur."29 C'est la mission qu'il confia à ses disciples: "Vous êtes la lumière du monde, leur dit-il, que votre lumière luise ainsi devant les hommes, afin qu'ils voient vos bonnes oeuvres, et qu'ils glorifient votre Père qui est dans les cieux."30 PR 543 2 Le prophète Esaïe déclare à ce sujet: "Partage ton pain avec celui qui a faim, et fais entrer dans ta maison les malheureux sans asile; si tu vois un homme nu, couvre-le, et ne te détourne pas de ton semblable. Alors ta lumière poindra comme l'aurore, et ta guérison germera promptement; ta justice marchera devant toi, et la gloire de l'Eternel t'accompagnera."31 PR 543 3 C'est ainsi qu'au sein des ténèbres spirituelles la gloire de Dieu doit resplendir par l'intermédiaire de son Eglise, en relevant les opprimés et en réconfortant les affligés. PR 543 4 Les gémissements d'un monde éprouvé s'élèvent tout autour de nous. Partout on voit des pauvres et des gens dans la détresse. C'est à nous qu'il incombe le devoir de soulager et d'adoucir les tribulations et les misères de la vie. Seul l'amour du Christ peut répondre aux besoins de l'âme. Si Jésus demeure en nous, notre coeur débordera de sympathie divine. Les sources d'un zèle ardent jailliront sous l'impulsion d'un amour semblable à celui du Sauveur. PR 544 1 Que de gens ont perdu tout espoir! Ramenons le soleil dans leurs coeurs. Combien d'autres sont découragés! Adressons-leur des paroles de réconfort. Prions pour eux. D'aucuns ont besoin de recevoir le pain de vie. Lisons-leur la Parole de Dieu. D'autres sont tourmentés, ils ne peuvent recevoir aucun baume terrestre, et nul ne saurait les soulager. Amenons ces âmes en détresse à Jésus. Disons-leur qu'il existe un baume et un docteur en Galaad. PR 544 2 La lumière est une bénédiction universelle qui répand ses trésors sur un monde ingrat, impie et démoralisé. Il en est de même de la lumière du Soleil de justice. La terre est plongée dans les ténèbres du péché, de la tristesse, de la souffrance; elle doit être éclairée par la connaissance de l'amour de Dieu. La lumière qui émane du trône céleste ne saurait être exclue d'aucune secte, d'aucun rang, d'aucune classe. PR 544 3 Le message d'espérance et de miséricorde doit être proclamé jusqu'aux extrémités du monde. Tous ceux qui le désirent peuvent atteindre la puissance céleste, faire la paix avec Dieu. Les païens ne doivent plus être plongés dans les ténèbres; l'obscurité disparaîtra devant les rayons éclatants du Soleil de justice. PR 544 4 Le Christ a tout fait pour que son Eglise soit un corps transformé, illuminé par la lumière céleste et revêtu de la gloire d'Emmanuel. Son but est que tout chrétien soit environné d'une atmosphère spirituelle de lumière et de paix. Il veut que nos vies reflètent sa propre joie. PR 544 5 "Lève-toi, sois éclairée, car ta lumière arrive, et la gloire de l'Eternel se lève sur toi",32 dit le prophète Esaïe. Le Christ vient avec puissance. Il vient avec sa propre gloire et la gloire de son Père; les saints anges l'escortent. Alors que le monde est plongé dans les ténèbres, la lumière brille dans les demeures des saints. Ceux-ci saisiront les premières lueurs de sa seconde apparition. Une lumière éclatante resplendira de la gloire céleste, et le Christ, le Rédempteur, remplira d'admiration tous ceux qui l'auront servi. Tandis que les méchants s'enfuiront, les disciples du Sauveur se réjouiront en sa présence. PR 545 1 Les rachetés recevront alors l'héritage qui leur avait été promis. Ainsi les desseins de Dieu en faveur d'Israël s'accompliront littéralement. L'homme n'a aucun pouvoir pour annuler les projets divins. Même au milieu des embûches de Satan, ces projets se sont réalisés. Il en fut ainsi pour la maison d'Israël à travers les discordes de la monarchie. Il en est de même avec l'Israël spirituel de nos jours. PR 545 2 Le voyant de Patmos, jetant un regard à travers les âges, vit la restauration d'Israël dans la terre nouvelle. "Après cela, dit-il, je regardai, et voici, il y avait une grande foule, que personne ne pouvait compter, de toute nation, de toute tribu, de tout peuple et de toute langue. Ils se tenaient devant le trône et devant l'Agneau, revêtus de robes blanches, et des palmes dans leurs mains. Et ils criaient d'une voix forte, en disant: Le salut est à notre Dieu qui est assis sur le trône, et à l'Agneau. Et tous les anges se tenaient autour du trône et des vieillards et des quatre êtres vivants; et ils se prosternèrent sur leurs faces devant le trône, et ils adorèrent Dieu, en disant: Amen! La louange, la gloire, la sagesse, l'action de grâces, l'honneur, la puissance et la force soient à notre Dieu, aux siècles des siècles!" PR 545 3 "Et j'entendis comme une voix d'une foule nombreuse, comme un bruit de grosses eaux, et comme un bruit de forts tonnerres, disant: Alléluia! Car le Seigneur notre Dieu tout-puissant est entré dans son règne. Réjouissons-nous et soyons dans l'allégresse, et donnons-lui gloire." "Il est le Seigneur des seigneurs et le Roi des rois, et les appelés, les élus et les fidèles ... sont avec lui."33 ------------------------Chapitre 60 -- Visions de la gloire future PR 547 1 Dans les jours les plus sombres de son conflit avec le mal, l'Eglise connaissait le plan éternel du Très-Haut. Elle pouvait prévoir au sein des tribulations de ce monde les triomphes futurs, alors que, la lutte terminée, les rachetés prendront possession de la terre promise. Les visions de la gloire à venir, peintes par la main divine, devraient être chères à son Eglise aujourd'hui, alors que s'achève rapidement la tragédie des siècles et que les bénédictions d'en haut sont sur le point d'être pleinement réalisées. PR 547 2 Ils sont nombreux les messages de réconfort adressés à l'Eglise par les prophètes de l'Ancien Testament. "Consolez, consolez mon peuple",1 disait déjà Esaïe de la part de Dieu. Ces paroles étaient acompagnées de visions glorieuses: sources de joie et d'espérance pour tous les croyants au cours des siècles. PR 547 3 Bien que méprisés, persécutés, abandonnés, les enfants de Dieu ont été de tout temps soutenus par les promesses réconfortantes du ciel. Ils ont vu par la foi le moment où le Seigneur accomplirait la promesse faite à son Eglise: "Je ferai de toi un ornement pour toujours, un sujet de joie de génération en génération."2 PR 548 1 L'Eglise militante est souvent appelée à subir l'épreuve et l'affliction, car ce n'est pas sans livrer un dur combat qu'elle remportera la victoire. "Du pain dans l'angoisse", "de l'eau dans la détresse",3 disait le prophète, voilà le lot de tous les croyants. Mais en comptant sur le Tout-Puissant ils ne sauraient être anéantis. "Ainsi parle maintenant l'Eternel, qui t'a créé, ô Jacob! dit encore Esaïe. Celui qui t'a formé, ô Israël! Ne crains rien, car je te rachète, je t'appelle par ton nom: tu es à moi! Si tu traverses les eaux, je serai avec toi; et les fleuves, ils ne te submergeront point; si tu marches dans le feu, tu ne te brûleras pas, et la flamme ne t'embrasera pas. Car je suis l'Eternel, ton Dieu, le saint d'Israël, ton sauveur; je donne l'Egypte pour ta rançon, l'Ethiopie et Saba à ta place. Parce que tu as du prix à mes yeux, parce que tu es honoré et que je t'aime, je donne des hommes à ta place, et des peuples pour ta vie."4 PR 548 2 Le pardon est auprès du Seigneur qui reçoit librement et gratuitement par les mérites de Jésus, notre Sauveur crucifié et ressuscité, tous ceux qui s'approchent de lui. Esaïe entendit encore ces paroles: "C'est moi qui efface tes transgressions pour l'amour de moi, et je ne me souviendrai plus de tes péchés. Réveille ma mémoire, plaidons ensemble, parle toi-même, pour te justifier." "Tu sauras que je suis l'Eternel, ton sauveur, ton rédempteur, le puissant de Jacob."5 PR 548 3 "Il fait disparaître de toute la terre l'opprobre de son peuple", dit encore le prophète. "On les appellera peuple saint, rachetés de l'Eternel." Le Seigneur leur donnera "un diadème au lieu de la cendre, une huile de joie au lieu du deuil, un vêtement de louange au lieu d'un esprit abattu, afin qu'on les appelle des térébinthes de la justice, une plantation de l'Eternel, pour servir à sa gloire." PR 548 4 Réveille-toi! réveille-toi! revêts ta parure, Sion! Revêts tes habits de fête, Jérusalem, ville sainte! Car il n'entrera plus chez toi ni incirconcis ni impur. Secoue ta poussière, lève-toi, Mets-toi sur ton séant, Jérusalem! Détache les liens de ton cou, Captive, fille de Sion! PR 549 1 Malheureuse, battue de la tempête, et que nul ne console! Voici, je garnirai tes pierres d'antimoine, Et je te donnerai des fondements de saphir; Je ferai tes créneaux de rubis, Tes portes d'escarboucles, Et toute ton enceinte de pierres précieuses. Tous tes fils seront disciples de l'Eternel, Et grande sera la prospérité de tes fils. Tu seras affermie par la justice; Bannis l'inquiétude, car tu n'as rien à craindre, Et la frayeur, car elle n'approchera pas de toi. Si l'on forme des complots, cela ne viendra pas de moi; Quiconque se liguera contre toi tombera sous ton pouvoir. ... Toute arme forgée contre toi sera sans effet; Et toute langue qui s'élèvera en justice contre toi, Tu la condamneras. Tel est l'héritage des serviteurs de l'Eternel, Tel est le salut qui leur viendra de moi, Dit l'Eternel. PR 549 2 Revêtue de l'armure de la justice du Christ, l'Eglise se prépare au conflit final. "Belle comme la lune, pure comme le soleil, mais terrible comme des troupes sous leurs bannières",7 elle s'avance dans le monde "en vainqueur et pour vaincre". PR 549 3 L'heure la plus sombre du conflit de l'Eglise avec les puissances du mal est celle qui précédera immédiatement sa délivrance finale. Mais tous ceux qui se confient en Dieu n'ont rien à craindre; car "le souffle des tyrans est comme l'ouragan qui frappe une muraille". Le Seigneur est pour son Eglise "un abri contre la tempête".8 PR 549 4 En ce jour-là, seuls les justes obtiendront la délivrance promise. PR 549 5 Les pécheurs sont effrayés dans Sion, Un tremblement saisit les impies: Qui de nous pourra rester auprès d'un feu dévorant? Qui de nous pourra rester auprès de flammes éternelles? Celui qui marche dans la justice, Et qui parle selon la droiture, Qui méprise un gain acquis par extorsion, Qui secoue les mains pour ne pas accepter un présent, Qui ferme l'oreille pour ne pas entendre des propos sanguinaires, Et qui se bande les yeux pour ne pas voir le mal, Celui-là habitera dans des lieux élevés; Des rochers fortifiés seront sa retraite; Du pain lui sera donné, De l'eau lui sera assurée. PR 550 1 A tous ceux qui lui resteront fidèles, le Seigneur adresse ces paroles: "Va, mon peuple, entre dans ta chambre, et ferme la porte derrière toi; cache-toi pour quelques instants, jusqu'à ce que la colère soit passée. Car voici, l'Eternel sort de sa demeure, pour punir les crimes des habitants de la terre."10 PR 550 2 Les serviteurs de Dieu eurent, en vision, un aperçu de la consternation où seront les hommes qui ne se sont pas préparés à rencontrer le Seigneur. PR 550 3 Voici, l'Eternel dévaste le pays et le rend désert, Il en bouleverse la face et en disperse les habitants. ... Car ils transgressaient les lois, violaient les ordonnances, Ils rompaient l'alliance éternelle. C'est pourquoi la malédiction dévore le pays, ... Les habitants du pays sont consumés. ... La joie des tambourins a cessé, La gaieté bruyante a pris fin, La joie de la harpe a cessé. PR 550 4 Ah! quel jour! Car le jour de l'Eternel est proche: Il vient comme un ravage du Tout-Puissant. ... Les semences ont séché sous les mottes; Les greniers sont vides, Les magasins sont en ruines, Car il n'y a point de blé. Comme les bêtes gémissent! Les troupeaux de boeufs sont consternés, Parce qu'ils sont sans pâturage; Et même les troupeaux de brebis sont en souffrance. PR 550 5 La vigne est confuse, Le figuier languissant; Le grenadier, le palmier, le pommier, Tous les arbres des champs sont flétris... La joie a cessé parmi les fils de l'homme! PR 551 1 "Je souffre au-dedans de mon coeur, s'exclame Jérémie, alors qu'il considère les ruines provoquées par les scènes finales de l'histoire du monde. Le coeur me bat, je ne puis me taire; car tu entends, mon âme, le son de la trompette, le cri de guerre. On annonce ruine sur ruine, car tout le pays est ravagé."13 PR 551 2 "L'homme orgueilleux sera humilié, dit le prophète Esaïe en parlant du jour de la vengeance divine, et le hautain sera abaissé: l'Eternel seul sera élevé ce jour-là. Toutes les idoles disparaîtront. ... En ce jour, les hommes jetteront leurs idoles d'argent et leurs idoles d'or, qu'ils s'étaient faites pour les adorer, aux rats et aux chauves-souris; et ils entreront dans les fentes des rochers et dans les creux des pierres, pour éviter la terreur de l'Eternel et l'éclat de sa majesté, quand il se lèvera pour effrayer la terre."14 PR 551 3 De son côté, voici ce que dit encore le prophète Jérémie: "Je regarde la terre, et voici, elle est informe et vide; les cieux, et leur lumière a disparu. Je regarde les montagnes, et voici, elles sont ébranlées; et toutes les collines chancellent. Je regarde, et voici, il n'y a point d'homme; et tous les oiseaux des cieux ont pris la fuite. Je regarde, et voici, le Carmel est un désert; et toutes ses villes sont détruites, devant l'Eternel." "Malheur! car ce jour est grand; il n'y en a point eu de semblable. C'est un temps d'angoisse pour Jacob; mais il en sera délivré."15 PR 551 4 Le jour de colère réservé aux ennemis de Dieu est en même temps le jour de la délivrance finale de l'Eglise. Le prophète déclare, en parlant d'elle: "Fortifiez les mains languissantes, et affermissez les genoux qui chancellent; dites à ceux qui ont le coeur troublé: Prenez courage, ne craignez point; voici votre Dieu, la vengeance viendra, la rétribution de Dieu; il viendra lui-même, et vous sauvera." PR 551 5 "Il anéantit la mort pour toujours; le Seigneur, l'Eternel, essuie les larmes de tous les visages; il fait disparaître de toute la terre l'opprobre de son peuple, car l'Eternel a parlé."16 Et tandis que le prophète contemple le Seigneur de gloire descendant des cieux avec ses saints anges, pour venir recueillir l'Eglise des derniers temps, il entend les rachetés s'écrier: "Voici, c'est notre Dieu, en qui nous avons confiance; et c'est lui qui nous sauve; c'est l'Eternel, en qui nous avons confiance; soyons dans l'allégresse et réjouissons-nous de son salut."17 PR 552 1 Alors retentit la voix du Fils de Dieu; elle appelle les saints qui dorment dans les tombeaux. Et tandis que le prophète les regarde sortir du lieu où la mort les avait emprisonnés, il s'écrie: "Que tes morts revivent! Que mes cadavres se relèvent! Réveillez-vous et tressaillez de joie, habitants de la poussière! Car ta rosée est une rosée vivifiante, et la terre redonnera le jour aux ombres." "Alors s'ouvriront les yeux des aveugles, s'ouvriront les oreilles des sourds; alors le boiteux sautera comme un cerf, et la langue du muet éclatera de joie."18 PR 552 2 D'après les visions du prophète, ceux qui auront triomphé du péché et du sépulcre se réjouiront en présence de leur Créateur. Ils s'entretiendront librement avec lui, comme l'homme parlait avec Dieu au commencement des âges. "Réjouissez-vous plutôt, leur ordonne le Seigneur, et soyez à toujours dans l'allégresse, à cause de ce que je vais créer; car je vais créer Jérusalem pour l'allégresse, et son peuple pour la joie. Je ferai de Jérusalem mon allégresse, et de mon peuple ma joie; on n'y entendra plus le bruit des pleurs et le bruit des cris." "Aucun habitant ne dira: Je suis malade!" Jérusalem recevra "le pardon de ses iniquités". "Des eaux jailliront dans le désert, et des ruisseaux dans la solitude; le mirage se changera en étang et la terre desséchée en sources d'eaux." "Au lieu de l'épine s'élèvera le cyprès, au lieu de la ronce croîtra le myrte." "Il y aura là un chemin frayé, une route qu'on appellera la voie sainte; nul impur n'y passera; elle sera pour eux seuls; ceux qui la suivront, même les insensés, ne pourront s'égarer." "Parlez au coeur de Jérusalem, et criez-lui que sa servitude est finie, que son iniquité est expiée, qu'elle a reçu de la main de l'Eternel au double de tous ses péchés."19 PR 552 3 Tandis que le prophète contemple les rachetés dans la cité de Dieu, libérés du péché et de toutes les marques de la malédiction, il s'écrie: "Réjouissez-vous avec Jérusalem; faites d'elle le sujet de votre allégresse, vous tous qui l'aimez; tressaillez avec elle de joie." PR 553 1 "On n'entendra plus parler de violence dans ton pays, ni de ravage et de ruine dans ton territoire; tu donneras à tes murs le nom de salut, et à tes portes celui de gloire. Ce ne sera plus le soleil qui te servira de lumière pendant le jour, ni la lune qui t'éclairera de sa lueur; mais l'Eternel sera ta lumière à toujours, ton Dieu sera ta gloire. Ton soleil ne se couchera plus, et ta lune ne s'obscurcira plus; car l'Eternel sera ta lumière à toujours, et les jours de ton deuil seront passés. Il n'y aura plus que des justes parmi ton peuple, ils posséderont à toujours le pays; c'est le rejeton que j'ai planté, l'oeuvre de mes mains pour servir à ma gloire."20 PR 553 2 Le prophète entendit les accents de la musique et des chants célestes, une musique et des chants qu'aucun mortel ne saurait entendre, qu'aucun esprit ne saurait concevoir, sinon en vision: "Les rachetés de l'Eternel retourneront, ils iront à Sion avec chants de triomphe; et une joie éternelle couronnera leur tête; l'allégresse et la joie s'approcheront, la douleur et les gémissements s'enfuiront." "La joie et l'allégresse se trouveront au milieu d'elle, les actions de grâces et le chant des cantiques." "Et ceux qui chantent et ceux qui dansent s'écrient: Toutes mes sources sont en toi." "Ils élèvent leur voix, ils poussent des cris d'allégresse; des bords de la mer, ils célèbrent la majesté de l'Eternel."21 PR 553 3 Dans la nouvelle terre les rachetés s'adonneront aux occupations qui faisaient le bonheur d'Adam et d'Eve. Ce sera l'Eden retrouvé, une vie passée dans les jardins et dans les champs. "Ils bâtiront des maisons et les habiteront; ils planteront des vignes et en mangeront le fruit. Ils ne bâtiront pas des maisons pour qu'un autre les habite, ils ne planteront pas des vignes pour qu'un autre en mange le fruit; car les jours de mon peuple seront comme les jours des arbres, et mes élus jouiront de l'oeuvre de leurs mains."22 PR 553 4 Là, toutes les facultés s'épanouiront, tous les talents se développeront, les plus grandes entreprises prospéreront, les aspirations les plus sublimes se réaliseront, les plus belles ambitions seront atteintes. Et de nouveaux sommets se dresseront toujours devant nous, de nouvelles merveilles s'offriront à notre admiration, de nouvelles vérités se présenteront à notre compréhension, de nouveaux sujets d'études feront appel à nos facultés. PR 554 1 Les prophètes qui contemplèrent ces scènes sublimes désiraient ardemment en comprendre la signification. Ils en faisaient "l'objet de leurs recherches et de leurs investigations, voulant sonder l'époque et les circonstances marquées par l'Esprit de Christ qui était en eux. ... Il leur fut révélé que ce n'était pas pour eux-mêmes, mais pour vous, qu'ils étaient les dispensateurs de ces choses, que vous ont annoncées maintenant ceux qui vous ont prêché l'Evangile."23 PR 554 2 Pour nous qui sommes à la veille de l'accomplissement de ces choses, comme la description de ces événements imminents doit nous paraître grave et digne d'un profond intérêt! Car ce sont eux que les enfants de Dieu ont attendus, souhaités et demandés depuis que nos premiers parents furent chassés du jardin d'Eden. Pèlerins sur cette terre, nous sommes encore dans les ténèbres et le tumulte des activités de ce monde; mais bientôt apparaîtra notre Sauveur qui nous apportera délivrance et repos. Contemplons par la foi cet avenir bienheureux, tel qu'il nous est dépeint de la main de Dieu. Celui qui est mort pour les péchés ouvre toutes grandes les portes du Paradis à tous ceux qui croient en lui. Bientôt, la lutte prendra fin, et la victoire sera remportée. Bientôt, nous verrons celui sur lequel se sont concentrées toutes nos espérances. En sa présence, les épreuves et les souffrances de cette vie nous paraîtront alors bien insignifiantes. PR 554 3 "On ne se rappellera plus les choses passées, elles ne reviendront plus à l'esprit." "N'abandonnez donc pas votre assurance, à laquelle est attachée une grande rémunération. Car vous avez besoin de persévérance, afin qu'après avoir accompli la volonté de Dieu, vous obteniez ce qui vous est promis. Encore un peu, un peu de temps: celui qui doit venir viendra, et il ne tardera pas." "C'est par l'Eternel qu'Israël obtient le salut, un salut éternel; vous ne serez ni honteux, ni confus, jusque dans l'éternité."24 PR 554 4 Levez les yeux! Regardez en haut! Que votre foi augmente sans cesse! Qu'elle vous guide dans l'étroit sentier qui aboutit aux portes de la cité céleste, dans la gloire infinie réservée aux rachetés. "Soyez donc patients, frères, dit l'apôtre Jacques, jusqu'à l'avènement du Seigneur. Voici, le laboureur attend le précieux fruit de la terre, prenant patience à son égard, jusqu'à ce qu'il ait reçu les pluies de la première et de l'arrière-saison. Vous aussi, soyez patients, affermissez vos coeurs, car l'avènement du Seigneur est proche."25 PR 555 1 Les rachetés ne connaîtront d'autre loi que celle du ciel. Ils formeront une famille heureuse et unie; ils seront revêtus de vêtements de louange et d'actions de grâces. Alors retentiront les saintes mélodies des étoiles du matin. Tous les fils de Dieu feront éclater leurs accents joyeux, et Dieu et le Christ proclameront ensemble: "Il n'y aura plus de péché, et la mort aura disparu pour toujours." PR 555 2 "A chaque nouvelle lune et à chaque sabbat, toute chair viendra se prosterner devant moi, dit l'Eternel." "Alors la gloire de l'Eternel sera révélée, et au même instant toute chair la verra." "Le Seigneur, l'Eternel, fera germer le salut et la louange, en présence de toutes les nations." "En ce jour, l'Eternel des armées sera une couronne éclatante et une parure magnifique pour le reste de son peuple." PR 555 3 "L'Eternel a pitié de Sion, il a pitié de toutes ses ruines; il rendra son désert semblable à un Eden, et sa terre aride à un jardin de l'Eternel." "La gloire du Liban lui sera donnée, la magnificence du Carmel et de Saron." "On ne te nommera plus délaissée, on ne nommera plus ta terre, désolation; mais on t'appellera mon plaisir en elle, et l'on appellera ta terre, épouse. ... Comme la fiancée fait la joie de son fiancé, ainsi tu feras la joie de ton Dieu."26 ------------------------La Tragédie des Siècles TS 7 1 Préface TS 9 1 Introduction TS 17 1 Chapitre 1 -- La destruction de Jérusalem TS 39 1 Chapitre 2 -- La persécution aux premiers siècles TS 49 1 Chapitre 3 -- L'apostasie TS 63 1 Chapitre 4 -- Les Vaudois du Piémont TS 81 1 Chapitre 5 -- Jean Wiclef TS 101 1 Chapitre 6 -- Hus et Jérôme TS 127 1 Chapitre 7 -- Luther se sépare de Rome TS 153 1 Chapitre 8 -- Luther à la diète de Worms TS 179 1 Chapitre 9 -- Le réformateur suisse TS 193 1 Chapitre 10 -- Progrès de la Réforme en Allemagne TS 207 1 Chapitre 11 -- La protestation des princes TS 223 1 Chapitre 12 -- La Réforme en France TS 253 1 Chapitre 13 -- En Hollande et en Scandinavie TS 263 1 Chapitre 14 -- Progrès de la Réforme en Angleterre TS 285 1 Chapitre 15 -- La Bible et la Révolution française TS 311 1 Chapitre 16 -- Les Pères pèlerins TS 323 1 Chapitre 17 -- Les précurseurs du matin TS 343 1 Chapitre 18 -- Un réformateur américain TS 371 1 Chapitre 19 -- Lumière et ténèbres TS 385 1 Chapitre 20 -- Un grand réveil religieux TS 405 1 Chapitre 21 -- Un avertissement rejeté TS 423 1 Chapitre 22 -- Prophéties accomplies TS 443 1 Chapitre 23 -- Qu'est-ce que le sanctuaire? TS 459 1 Chapitre 24 -- Dans le lieu très saint TS 469 1 Chapitre 25 -- La loi de Dieu est immuable TS 489 1 Chapitre 26 -- Une réforme indispensable TS 501 1 Chapitre 27 -- Réveils modernes TS 521 1 Chapitre 28 -- L'instruction du jugement TS 535 1 Chapitre 29 -- L'origine du mal TS 549 1 Chapitre 30 -- L'inimitié entre l'homme et Satan TS 557 1 Chapitre 31 -- Les bons anges et les esprits malins TS 565 1 Chapitre 32 -- Les pièges de Satan TS 579 1 Chapitre 33 -- La séduction originelle TS 599 1 Chapitre 34 -- Le spiritisme TS 611 1 Chapitre 35 -- Les visées de la papauté TS 631 1 Chapitre 36 -- L'imminence de la lutte TS 643 1 Chapitre 37 -- Les Ecritures, notre sauvegarde TS 655 1 Chapitre 38 -- L'avertissement final TS 665 1 Chapitre 39 -- Le temps de détresse TS 689 1 Chapitre 40 -- La délivrance TS 709 1 Chapitre 41 -- La terre désolée TS 719 1 Chapitre 42 -- La fin de la tragédie TS 739 1 Appendice ------------------------Préface TS 7 1 Une tragédie des siècles se déroule sur notre planète, et cela depuis que celle-ci est habitée. Tous les hommes et tous les peuples ont participé et participent à cette tragédie dont la trame est cachée dans tous les événements relatés par l'histoire. TS 7 2 Cette grande tragédie, c'est le conflit entre la vérité et l'erreur, entre la justice et l'injustice. TS 7 3 Malgré la diversité des opinions et des partis, il n'y a en réalité dans le monde moral que deux principes, deux armées, deux illustres chefs en présence: le bien et le mal, l'Eglise de Dieu et le monde, Jésus-Christ et Lucifer. TS 7 4 A chaque pas des annales de la chrétienté, dans tous les épisodes et au cours de tous les conflits qu'elles rapportent, on voit s'affronter ces deux principes, ces deux armées, ces deux grands capitaines. Leur présence se manifeste dans les luttes entre le Trône et l'Autel, dans l'histoire des guerres de conquête ou de religion, sous les splendeurs ou les turpitudes royales et pontificales. A travers mille pièges et mille détresses, on voit reparaître sans cesse, héroïque, sainte, pure, l'Eglise indestructible du Nazaréen et de ses premiers apôtres. Ainsi, dans cette lutte ardente entre la vérité et l'erreur, entre le vice et la vertu, se forme peu à peu la phalange immortelle des soldats de la Croix. TS 8 1 Quels seront les prochains développements de ce formidable conflit, et comment y serons-nous personnellement impliqués? Qu'adviendra-t-il de nous lorsque la mort nous jettera dans l'inconnu redoutable où nous attend le jour du jugement? Selon quelle norme serons-nous jugés, et de quoi aurons-nous à rendre compte? Pouvons-nous avoir, et à quelles conditions, accès à une espérance? Cet ouvrage répond à ces questions dont les événements soulignent avec une intensité croissante l'importance vitale. Bien que l'édition originale de ce livre, intitulée "The Great Controversy", ait été publiée aux Etats-Unis à la fin du siècle dernier, ses déclarations correspondent d'une manière étonnante à l'actualité. Cet ouvrage, traduit en de nombreuses langues peu après sa parution, a été largement diffusé dans le monde entier. TS 8 2 La détresse de l'humanité, la faillite des religions, le spectre effrayant des rivalités internationales et du suicide universel auquel ils peuvent aboutir sont autant de motifs de lire cet ouvrage où brillent, radieuses, la promesse du retour du Christ et l'espérance de la vie éternelle sur une terre nouvelle où "la justice habitera" et où "il n'y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses auront disparu". Puissent de nombreux lecteurs jouir bientôt, dans l'intimité de leur âme, d'un avant-goût de ce bonheur. Les Éditeurs ------------------------Introduction TS 9 1 Avant le péché, le père de notre race jouissait d'une communion parfaite avec son Créateur. Mais sa transgression l'a séparé de Dieu, et l'humanité tout entière est privée de ce précieux privilège. Néanmoins, grâce au plan de la rédemption, les relations entre la terre et le ciel ont pu être rétablies. Dieu s'est révélé aux hommes par son Esprit et a fait resplendir sa lumière sur le monde par l'intermédiaire d'hommes choisis par lui: "C'est poussés par le Saint-Esprit que des hommes ont parlé de la part de Dieu." 2 Pierre 1:21. TS 9 2 Au cours des vingt-cinq premiers siècles de l'histoire de notre monde, il n'y eut pas de révélation écrite. La lumière de Dieu était transmise oralement, de génération en génération. C'est aux jours de Moïse que la Parole écrite fit son apparition. Les révélations divines commencèrent alors à être consignées dans un livre, et ce travail s'est poursuivi durant une période de seize siècles allant de Moïse, historien de la création et chroniqueur de la législation divine, jusqu'à l'apôtre Jean, le narrateur des plus sublimes vérités évangéliques. TS 10 1 La Bible attribue son existence à Dieu; et pourtant, elle a été écrite par des hommes. En effet, le style de ses différents livres trahit la personnalité de divers écrivains. Toutes les vérités qui y sont révélées, quoique "inspirées de Dieu" (2 Timothée 3:16), sont exprimées dans le langage humain. Par le Saint-Esprit, l'Etre infini a illuminé le coeur de ses serviteurs. Il leur a donné des songes, des visions, des symboles et des images, tout en leur laissant la liberté d'exprimer la vérité dans leur propre langue. TS 10 2 Les dix commandements, prononcés par Dieu lui-même, furent écrits de sa propre main. Ils sont donc divins et non humains. Mais la sainte Ecriture, où la vérité s'exprime dans le langage des hommes, nous offre une union étroite de la divinité et de l'humanité. La même union s'est retrouvée dans la nature du Christ, qui fut à la fois Fils de Dieu et Fils de l'homme. On peut donc dire de l'Ecriture comme de Jésus-Christ, qu'elle est "la Parole faite chair", et qu'elle a "habité parmi nous". Jean 1:14. TS 10 3 Rédigés à des époques différentes par des hommes de condition sociale, de formation intellectuelle et spirituelle fort diverses, les livres de la Bible présentent de grands contrastes dans le style et la variété des sujets. Les auteurs sacrés diffèrent dans leur manière de s'exprimer. Souvent une même vérité est rendue d'une façon plus frappante par l'un que par l'autre. Comme certains d'entre eux envisagent le même fait ou la même doctrine à d'autres points de vue, des lecteurs superficiels ou prévenus peuvent en conclure qu'ils se contredisent alors que -- pour les esprits réfléchis et respectueux -- ils ne font que se compléter. TS 10 4 Présentée par différents auteurs, la vérité apparaît sous des aspects variés. Celui-ci est plus spécialement frappé par le côté du sujet se rapportant à son expérience ou à sa capacité de compréhension; celui-là s'attache à un aspect tout autre, mais tous les deux, guidés par l'Esprit, décrivent ce qui les a le plus impressionnés -- différence de présentation mais unité parfaite de toutes les parties, adaptées aux besoins de l'homme dans chaque circonstance et expérience de la vie. TS 11 1 Dieu, ayant jugé bon de communiquer sa vérité au monde par l'intermédiaire des hommes, a revêtu de son Esprit ceux qu'il a choisis à cet effet. Il les a dirigés dans le choix des sujets et dans la façon de les exposer. Confié à des "vases de terre", ce trésor n'en est pas moins céleste. Le croyant humble et obéissant y contemple la gloire de la puissance divine pleine de grâce et de vérité. TS 11 2 C'est par sa Parole que Dieu nous communique les connaissances nécessaires au salut. Nous devons donc l'accepter comme une révélation infaillible de sa volonté. Elle est la norme du caractère, le révélateur de la doctrine et la pierre de touche de l'expérience. "Toute Ecriture est inspirée de Dieu, et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice, afin que l'homme de Dieu soit accompli et propre à toute bonne oeuvre." 2 Timothée 3:16, 17. Mais le fait que la volonté de Dieu ait été révélée à l'homme n'a pas rendu inutile la présence constante du Saint-Esprit. Au contraire, Jésus a promis d'envoyer le Consolateur aux disciples pour leur faire comprendre sa Parole et en graver les enseignements dans leurs coeurs. Et comme le Saint-Esprit est l'inspirateur des Ecritures, il est impossible qu'il y ait conflit entre lui et la Parole écrite. TS 11 3 Mais l'Esprit n'est pas donné, et il ne le sera jamais, pour remplacer les Ecritures. Celles-ci déclarent positivement que la Parole est la pierre de touche de tout enseignement et de toute vie morale. L'apôtre Jean a écrit: "N'ajoutez pas foi à tout esprit; mais éprouvez les esprits pour savoir s'ils sont de Dieu, car plusieurs faux prophètes sont venus dans le monde." 1 Jean 4:1. Et le prophète Esaïe: "A la loi et au témoignage! Si l'on ne parle pas ainsi, il n'y aura point d'aurore pour le peuple." Ésaïe 8:20. TS 12 1 Le Saint-Esprit a été profané par des gens qui, se disant illuminés par lui, prétendent pouvoir se passer des Ecritures. Abusés par des impressions qu'ils considèrent comme la voix de Dieu dans leur âme, livrés à leurs propres inspirations, privés des directions de la Parole, ils s'égarent et se perdent. C'est ainsi que le malin triomphe. A l'aide d'extrémistes et de fanatiques, il s'efforce de jeter l'opprobre sur l'oeuvre du Saint-Esprit, et de pousser le peuple de Dieu à se passer de cette force que le Seigneur lui-même a mise à sa disposition. TS 12 2 Jésus a laissé à ses disciples cette promesse: "Le Consolateur, l'Esprit-Saint, que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses, et vous rappellera tout ce que je vous ai dit." "Quand le Consolateur sera venu, l'Esprit de vérité, il vous conduira dans toute la vérité... et il vous annoncera les choses à venir." Jean 14:26; 16:13. La Bible enseigne que, loin d'être limitées aux temps apostoliques, ces promesses appartiennent à l'Eglise de Dieu à travers tous les siècles. Le Sauveur dit en effet à ses disciples: "Je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde." Matthieu 28:20. D'autre part, l'apôtre Paul affirme que les manifestations de l'Esprit ont été données à l'Eglise "pour le perfectionnement des saints, en vue de l'oeuvre du ministère et de l'édification du corps de Christ, jusqu'à ce que nous soyons tous parvenus à l'unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu, à l'état d'homme fait, à la mesure de la stature parfaite de Christ". Ephésiens 4:12, 13. TS 12 3 Le même apôtre demandait à Dieu, en faveur des croyants d'Ephèse, de leur "donner un esprit de sagesse et de révélation, dans sa connaissance, et d'illuminer les yeux de leur coeur, pour qu'ils sachent quelle est l'espérance qui s'attache à son appel..., et quelle est envers nous qui croyons l'infinie grandeur de sa puissance, se manifestant avec efficacité par la vertu de sa force". Ephésiens 1:17-19. Le ministère de l'Esprit illuminant l'intelligence et ouvrant le coeur aux vérités de la Parole de Jésus était la bénédiction que Paul réclamait pour l'église d'Ephèse. TS 13 1 Après la manifestation du Saint-Esprit, au jour de la Pentecôte, l'apôtre Pierre exhorta la foule à se convertir et à être baptisée au nom de Jésus-Christ "pour le pardon des péchés". Et il ajouta: "Vous recevrez le don du Saint-Esprit. Car la promesse est pour vous, pour vos enfants, et pour tous ceux qui sont au loin, en aussi grand nombre que le Seigneur notre Dieu les appellera." Actes 2:38, 39. TS 13 2 En rapport immédiat avec les scènes du grand jour de Dieu, le Seigneur promettait, par le prophète Joël, une manifestation spéciale du Saint-Esprit. Joël 2:28. Cette prophétie, partiellement accomplie le jour de la Pentecôte, ne le sera pleinement qu'au moment où la grâce divine mettra fin au mandat évangélique. TS 13 3 L'intensité du grand conflit entre le bien et le mal augmentera jusqu'à la fin. De tout temps, la colère de Satan s'est déchaînée contre l'Eglise du Christ. Mais Dieu a répandu sa grâce et son Esprit sur les croyants pour les affermir et leur permettre de triompher des embûches du Malin. A mesure que l'Eglise approche de sa délivrance, Satan travaille avec plus de puissance. "Car le diable est descendu vers vous, animé d'une grande colère, sachant qu'il a peu de temps." Apocalypse 12:12. Il opérera "avec toutes sortes de miracles, de signes et de prodiges mensongers". 2 Thessaloniciens 2:9. Depuis six mille ans, cet être prodigieusement intelligent, autrefois le plus éminent des anges, s'est consacré tout entier à une oeuvre de séduction et de ruine. Toutes les ressources de son habileté néfaste, toute sa subtilité, il les mettra en oeuvre dans son dernier assaut contre le peuple de Dieu. C'est en ce temps de péril que les disciples du Christ devront avertir le monde de son prochain retour, et qu'un peuple devra se préparer à être trouvé sans tache et irrépréhensible. 2 Pierre 3:14. Aussi la grâce et la puissance de Dieu ne seront-elles pas moins nécessaires à l'Eglise au temps de la fin qu'aux jours apostoliques. TS 14 1 Grâce à l'illumination du Saint-Esprit, les scènes du conflit séculaire entre le bien et le mal m'ont été présentées. A diverses reprises, il m'a été donné de contempler les péripéties de la joute formidable entre Jésus-Christ, le Prince de la vie, l'auteur de notre salut, et Satan, le prince du mal, l'auteur du péché, le premier transgresseur de la loi divine. L'inimitié qu'il nourrit contre le Fils de Dieu, il la manifeste contre ses disciples. A travers toute l'histoire de l'humanité, nous trouvons chez lui la même haine des principes de la loi de Dieu, la même politique mensongère par laquelle l'erreur se présente sous les couleurs de la vérité, les lois humaines sous le manteau de la loi de Dieu, et le culte de la créature sous celui du Créateur. De siècle en siècle Satan s'efforce de dénaturer le caractère de Dieu, afin de le faire redouter et haïr plutôt qu'aimer, de discréditer la loi divine et d'annuler son autorité sur les coeurs, et, enfin, de persécuter ceux qui osent résister à ses impostures. Ses agissements sont visibles dans l'histoire des patriarches, des prophètes, des apôtres, des martyrs et des réformateurs. TS 14 2 Cet ennemi redoutable continuera à employer la même tactique au cours du conflit final. Il manifestera le même esprit et visera le même but que dans tous les siècles précédents, à cette différence près que la lutte prochaine acquerra une intensité qu'elle n'a jamais eue auparavant, et que les pièges de Satan seront plus subtils et ses assauts plus furieux. Cela dans l'intention de "séduire les élus, s'il était possible". Marc 13:22. TS 14 3 L'Esprit de Dieu qui m'a révélé les grandes vérités de sa Parole, et les scènes du passé et de l'avenir, m'a ordonné de les faire connaître à d'autres en leur racontant l'histoire de la grande tragédie des siècles, de façon à montrer l'importance de la mêlée qui s'approche à grands pas. Dans cette intention, je me suis efforcée de choisir et de grouper les épisodes de l'histoire de l'Eglise les plus propres à mettre en relief les grandes vérités qui ont été données au monde à différentes époques. J'ai montré comment ces vérités ont déchaîné la colère de l'Adversaire et l'inimitié d'une Eglise mondanisée, mais aussi comment elles ont été conservées par "le témoignage de ceux qui n'ont pas aimé leur vie jusqu'à craindre la mort". TS 15 1 Ces récits sont comme un présage de la lutte qui est devant nous. En les considérant à la lumière de la Parole de Dieu et par l'illumination du Saint-Esprit, on voit tomber le voile qui cache les pièges de l'ennemi, et l'on discerne les dangers qu'il faudra éviter pour être trouvé "sans tache" à la venue du Seigneur. TS 15 2 Les grands événements qui ont marqué les progrès de la réforme pendant les siècles passés relèvent de l'histoire; ils sont si universellement connus et admis que nul ne peut contester leur authenticité. J'en ai donné des récits succincts, en rapport avec l'étendue de ce volume, et en me bornant à ce qui est strictement nécessaire à l'intelligence des faits et à l'application des principes. Là où les scènes à retracer se sont trouvées résumées par quelque historien de telle façon qu'elles cadraient avec le plan de cet ouvrage, j'ai cité ses propres paroles et indiqué la source; mais je ne m'y suis pas astreinte d'une façon absolue, mes citations n'étant pas données comme des preuves, mais simplement en vertu de leurs qualités descriptives. Un usage analogue a été fait des écrits se rapportant à l'oeuvre de la réforme à notre époque. TS 15 3 L'objet de cet ouvrage n'est pas tant de présenter des vérités nouvelles concernant les luttes du passé que d'en dégager les faits et les principes qui ont une portée sur les événements prochains. Considérés comme faisant partie du grand conflit entre la puissance de la lumière et celle des ténèbres, tous ces événements acquièrent une signification nouvelle. Il s'en dégage un faisceau de lumière qui, dirigé sur l'avenir, illumine le sentier des enfants de Dieu appelés -- comme les réformateurs des siècles passés -- à faire connaître la "Parole de Dieu et le témoignage de Jésus-Christ", au péril de ce qu'ils ont de plus précieux ici-bas. TS 16 1 Rappeler les scènes de la lutte millénaire entre la vérité et l'erreur; démasquer les pièges de Satan et révéler les moyens mis à notre disposition pour y échapper; offrir une solution satisfaisante au grand problème du mal en projetant sur l'origine et la fin du péché une lumière qui fasse éclater la justice et l'amour de Dieu dans toutes ses voies à l'égard de ses créatures; enfin, mettre en évidence la sainteté et l'immutabilité de la loi divine, tel est l'objet de ce livre. La prière fervente de l'auteur est que, par ce moyen, bien des lecteurs soient délivrés de la puissance des ténèbres et rendus "participants de l'héritage des saints dans la lumière, à la louange de celui qui nous a aimés et s'est donné lui-même pour nous". L'auteur ------------------------Chapitre 1 -- La destruction de Jérusalem TS 17 1 C'etait au temps de la Pâque. De tous les pays environnants, les enfants de Jacob étaient accourus dans la ville sainte pour participer à leur grande fête nationale. Du haut de la colline des Oliviers, Jésus contemplait Jérusalem. C'était une scène de paix et de beauté. Entourés de vignes, de jardins et de gradins verdoyants qu'émaillaient les tentes des pèlerins, s'élevaient en terrasses les palais somptueux et les imposants remparts de la capitale d'Israël. La fille de Sion semblait dire, dans son orgueil: "Je suis assise comme une reine, je ne verrai point de deuil." Elle était alors aussi belle, et elle se croyait aussi sûre de la faveur divine qu'à l'époque où le barde royal chantait: "Belle est la colline, joie de toute la terre, ... la ville du grand roi."1 En face, se dressaient les magnifiques constructions du temple. Sous les rayons du soleil couchant éclairant la blancheur neigeuse de ses murailles de marbre, rutilaient les ors des tours, des portes et des créneaux. "Parfaite en beauté", elle était l'orgueil de la nation juive. Aucun fils d'Israël ne pouvait regarder ce tableau sans un frisson de joie et d'admiration. TS 18 1 Mais d'autres pensées troublaient le coeur du Maître. "Comme il approchait de la ville, Jésus, en la voyant, pleura sur elle."1 Au milieu de la joie universelle de son entrée triomphale, tandis que s'agitent autour de lui des branches de palmier, que de joyeux hosannas réveillent les échos des montagnes et que des milliers de voix le proclament roi, le Sauveur est soudain envahi d'une douleur mystérieuse. Fils de Dieu, espérance d'Israël, vainqueur de la mort et du tombeau, il est saisi, non par un chagrin passager, mais par une douleur si intense que son visage est inondé de larmes. TS 18 2 Jésus ne pleurait pas sur lui-même, bien qu'il sût parfaitement où sa carrière devait aboutir. Il voyait devant lui Gethsémané, le lieu de sa prochaine agonie; plus loin était la porte des brebis par laquelle, des siècles durant, des milliers de victimes avaient été menées au sacrifice, et qui allait bientôt s'ouvrir pour lui, antitype de "l'agneau qu'on mène à la boucherie".2 A peu de distance, on distinguait le Calvaire, futur théâtre de la crucifixion. Sur le sentier de l'immolation expiatoire que Jésus allait bientôt fouler, un suaire d'effroyables ténèbres l'attendait. Et pourtant, ce n'est pas cette sombre vision qui le navre à cette heure de joie universelle. Aucun pressentiment de l'angoisse surhumaine qui l'attend ne vient jeter son ombre sur son esprit dépourvu d'égoïsme. Jésus pleure sur le sort inexorable de Jérusalem; il pleure sur l'aveuglement et l'impénitence de ceux qu'il est venu sauver.3 TS 19 1 Plus de mille ans d'histoire se déroulaient devant le Sauveur. La faveur et la sollicitude divines dont le peuple élu avait été l'objet repassaient devant ses yeux. Là, sur la colline de Morija, le jeune Isaac, victime volontaire, emblème des souffrances du Fils de Dieu, s'était laissé lier sur l'autel.1 Là aussi, "l'alliance", la glorieuse promesse messianique, avait été confirmée au père des croyants.2 Là encore, la fumée du sacrifice offert par David sur l'aire d'Ornan, le Jébusien, avait détourné l'épée de l'ange destructeur.3 Plus que tout autre lieu sur la terre, Jérusalem avait été honorée d'en haut. L'Eternel avait "choisi Sion", il l'avait "désirée" pour son séjour.4 Des siècles durant, les prophètes y avaient fait entendre leurs avertissements. Les sacrificateurs y avaient agité leurs encensoirs, et les nuages de l'encens étaient montés devant Dieu avec les prières des adorateurs. Chaque jour, le sang des agneaux figurant l'agneau de Dieu y avait été versé. Jéhovah avait manifesté sa puissance dans la nuée éclatante au-dessus du propitiatoire. Là, enfin, l'échelle mystique unissant le ciel à la terre,5 et sur laquelle les anges de Dieu montaient et descendaient, avait ouvert aux hommes l'accès au lieu très saint. Si Israël était resté fidèle à son Dieu, Jérusalem eût subsisté à toujours.6 Mais l'histoire de ce peuple favorisé entre tous n'avait été qu'une longue série d'infidélités et d'apostasies. Il avait résisté à la grâce céleste, méconnu et méprisé ses privilèges. TS 19 2 Quoique Israël se fût "moqué des envoyés de Dieu", qu'il eût "méprisé ses paroles" et se fût "raillé de ses prophètes", Jéhovah ne s'en était pas moins manifesté à lui comme un "Dieu miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en bonté et en fidélité".7 Maintes fois repoussée, la miséricorde continuait à faire entendre ses appels. Dans un amour plus tendre que celui d'un père pour le fils qu'il chérit, le Dieu de leurs pères avait donné de bonne heure à ses envoyés la mission d'avertir son peuple qu'il voulait épargner.1 Les appels, les supplications et les réprimandes ayant échoué, il leur avait envoyé ce qu'il avait de plus précieux au ciel; que dis-je? il leur avait donné le ciel tout entier dans ce seul don! TS 20 1 C'est lui qui avait transplanté d'Egypte en Canaan la vigne d'Israël2 dont sa main avait écarté les nations. Il l'avait entourée d'une haie. "Qu'y avait-il encore à faire à ma vigne que je n'aie pas fait pour elle?",3 s'écrie-t-il. Alors qu'elle avait produit seulement des grappes sauvages quand il en attendait des raisins, il était venu à elle en personne, espérant encore la sauver de la destruction. Infatigablement, il l'avait labourée, taillée, chérie. TS 20 2 Trois années durant, le Dieu de gloire avait vécu parmi son peuple, "allant de lieu en lieu faisant du bien et guérissant tous ceux qui étaient sous l'empire du diable",4 pansant les coeurs meurtris, mettant en liberté les captifs, rendant la vue aux aveugles, guérissant les boiteux, purifiant les lépreux, ressuscitant les morts et annonçant la bonne nouvelle aux pauvres. A tous, sans distinction de classe, il avait adressé ce tendre appel: "Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos."5 TS 20 3 Bien qu'on lui eût rendu le mal pour le bien, la haine pour sa bonté,6 il n'en avait pas moins persévéré dans sa mission d'amour. Il n'avait repoussé aucun de ceux qui recherchaient sa grâce. Errant et sans abri, repoussé et méconnu, il avait vécu pour soulager la souffrance, suppliant les hommes d'accepter le don de la vie. Les vagues de la miséricorde, repoussées par des coeurs obstinés, refluaient en ondes d'amour inexprimable. Mais Israël s'était détourné de son meilleur Ami et de son unique Libérateur. Il avait dédaigné ses supplications, méprisé ses conseils et tourné en dérision ses avertissements. TS 21 1 L'heure de la grâce et du pardon s'envolait rapidement; la coupe de la colère de Dieu, si longtemps différée, était presque pleine. Les sombres nuages que des siècles d'apostasie et de révolte avaient accumulés, alors gros de menaces, allaient éclater sur la nation coupable. Israël rejetait celui qui seul pouvait le sauver de la ruine imminente et se préparait à le crucifier. Quand le Sauveur sera suspendu au bois, les jours de ce peuple favorisé de Dieu seront révolus. La perte d'une âme est une calamité qui éclipse tous les gains et les trésors du monde. En contemplant Jérusalem, le Sauveur voit la perte d'une ville, d'une nation tout entière; et quelle ville, quelle nation! Celle qui a été l'élue de Dieu, son trésor particulier! TS 21 2 Les prophètes s'étaient lamentés sur l'apostasie d'Israël et sur les terribles calamités que ses péchés lui préparaient. Jérémie avait souhaité que ses yeux fussent changés en "une source de larmes pour pleurer nuit et jour les morts de la fille de son peuple", ainsi que le "troupeau de l'Eternel", emmené en captivité.1 Aussi quel devait être le chagrin de celui dont le regard prophétique -- embrassant non seulement les années, mais les siècles -- contemplait l'épée de l'ange destructeur dégainée contre une ville qui avait été si longtemps la demeure de Jéhovah! TS 21 3 Du haut de la colline des Oliviers, du lieu même que devaient occuper plus tard les armées de Titus, Jésus, les yeux voilés de larmes, regarde, à travers la vallée, les portiques sacrés du temple. Une vision terrifiante s'offre à ses yeux: il voit une armée étrangère entourant la muraille de Jérusalem; il perçoit le bruit sourd des légions en marche; il entend monter, de la ville assiégée, les lamentations des femmes et des enfants demandant du pain; il assiste à l'incendie de la sainte demeure, de ses palais et de ses tours, bientôt transformés en monceaux de ruines fumantes. Franchissant les siècles, son regard voit le peuple de l'alliance dispersé en tous pays comme des épaves sur un rivage désolé. Mais dans les châtiments prêts à fondre sur Jérusalem, il n'aperçoit que les premières gouttes de la coupe amère qu'elle devra, au jugement final, vider jusqu'à la lie. Aussi la compassion divine éclate-t-elle en cette exclamation douloureuse: TS 22 1 "Si toi aussi, au moins en ce jour qui t'est donné, tu connaissais les choses qui appartiennent à ta paix! Mais maintenant elles sont cachées à tes yeux. Il viendra sur toi des jours où tes ennemis t'environneront de tranchées, t'enfermeront, et te serreront de toutes parts; ils te détruiront, toi et tes enfants au milieu de toi, et ils ne laisseront pas en toi pierre sur pierre, parce que tu n'as pas connu le temps où tu as été visitée... Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes et qui lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants, comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous ne l'avez pas voulu!"1 O nation favorisée entre toutes, que n'as-tu connu le temps où tu as été visitée! J'ai retenu le bras de l'ange de la justice; je t'ai appelée à la repentance, mais en vain. Ce ne sont pas seulement des serviteurs, des envoyés, des prophètes que tu as repoussés, rejetés, c'est le Saint d'Israël, ton Rédempteur. Si tu péris, toi seule en seras responsable. "Et vous ne voulez pas venir à moi pour avoir la vie!"2 TS 22 2 C'étaient aussi les malheurs de toute la famille d'Adam qui arrachaient au Sauveur ce cri amer. En Jérusalem, Jésus voyait le symbole d'un monde endurci, incrédule, rebelle, se précipitant au-devant des jugements de Dieu. Il lisait l'histoire du péché et de la souffrance humaine, écrite dans les larmes et le sang. Emu d'une compassion infinie pour les affligés et les malheureux, il aurait voulu les en préserver tous. Mais comment pouvait-il arrêter le flot des calamités déferlant sur le monde quand, alors qu'il était prêt à se livrer à la mort pour les sauver, si peu d'âmes cherchaient en lui leur unique secours? TS 23 1 La Majesté du ciel en larmes! le Fils du Dieu infini courbé par la douleur et secoué par d'amers sanglots! Ce spectacle, qui provoqua dans le ciel un saisissement général, nous révèle la nature odieuse du péché: il nous montre combien est difficile, même pour le Tout-Puissant, la tâche d'arracher le coupable à la pénalité de la loi divine. Promenant son regard à travers les siècles jusqu'à la dernière génération, Jésus voyait le monde plongé dans un égarement analogue à celui qui causa la ruine de Jérusalem. Le grand péché des Juifs a été la réjection du Christ; le grand péché du monde chrétien consistera à repousser la loi de Dieu, base de son gouvernement dans le ciel et sur la terre, et à fouler aux pieds ses préceptes. Alors, des millions d'esclaves du péché et de Satan seront condamnés à la seconde mort, pour avoir, dans un aveuglement inconcevable, méconnu le jour de leur visitation! TS 23 2 Deux jours avant la Pâque, après avoir dénoncé l'hypocrisie des pharisiens, Jésus, sortant du temple pour la dernière fois, se retira de nouveau avec ses disciples sur le mont des Oliviers. Assis avec eux sur les pentes herbeuses dominant la cité, il contemplait une fois encore ses murailles, ses tours, ses palais. Une fois encore, il voyait l'éclatante splendeur du temple couronnant, tel un diadème, la colline sacrée. TS 23 3 Mille ans auparavant, le psalmiste avait célébré la faveur que Dieu avait accordée à Israël en élisant domicile dans sa sainte demeure: "Sa tente est à Salem, et sa demeure à Sion." "Il préféra la tribu de Juda, la montagne de Sion qu'il aimait. Et il bâtit son sanctuaire comme les lieux élevés."1 Le premier temple avait été construit au cours de la période la plus prospère de l'histoire d'Israël. David avait réuni d'immenses trésors à son intention. Dieu en avait inspiré les plans;2 Salomon, le plus sage des rois d'Israël, avait présidé à son érection. Ce temple était l'édifice le plus magnifique que le monde ait jamais vu. Et pourtant, parlant du second temple, par le prophète Aggée, Dieu avait fait cette déclaration: "La gloire de cette dernière maison sera plus grande que celle de la première." "Je ferai trembler toutes les nations et le désir de toutes les nations arrivera, et je remplirai cette maison de gloire, dit l'Eternel des armées."1 TS 24 1 Détruit par Nebucadnetsar, le temple de Salomon avait été reconstruit quelque cinq cents ans avant Jésus-Christ, après une captivité qui avait duré une vie d'homme. Le peuple était rentré dans un pays dévasté et presque désert. Les vieillards qui avaient yu la gloire du temple de Salomon pleurèrent à la vue des fondations du second temple si inférieures à celles du premier. Le sentiment général était rendu par ces paroles du prophète: "Quel est parmi vous le survivant qui ait vu cette maison dans sa gloire première? Et comment la voyez-vous maintenant? Telle quelle est, ne paraît-elle pas comme rien à vos yeux?"2 Puis il énonçait la promesse selon laquelle la gloire de ce temple serait plus grande encore que celle du premier. TS 24 2 En effet, le second temple n'avait pas égalé le premier en magnificence. Il n'avait pas été consacré, comme le premier, par les signes visibles de la présence divine. Son inauguration n'avait été marquée d'aucune manifestation surnaturelle. Aucune nuée de gloire n'avait envahi le nouveau sanctuaire. Le feu du ciel n'était pas descendu sur l'autel pour consumer le sacrifice. La shékinah n'avait plus résidé entre les chérubins du lieu très saint; l'arche, le propitiatoire et les tables du témoignage avaient disparu, et aucune voix céleste ne répondait plus aux sacrificateurs qui consultaient Dieu. TS 24 3 Durant des siècles, les Juifs s'étaient vainement efforcés de démontrer comment la promesse de Dieu, faite par le prophète Aggée, s'était réalisée. L'orgueil et l'incrédulité les aveuglaient sur le sens véritable des paroles du voyant. Ce qui honora le second temple, ce ne fut pas la nuée glorieuse de Jéhovah, mais la présence personnelle de celui en qui habitait corporellement toute la plénitude de la divinité, c'était Dieu manifesté en chair. C'est quand le Nazaréen avait enseigné et guéri dans ses parvis sacrés, que le "désir de toutes les nations était entré dans son temple". C'est par la présence de Jésus et par cette présence seule que la gloire du second temple surpassa celle du premier. Mais Israël avait dédaigné le don du ciel, et, quand l'humble docteur avait franchi le seuil de la porte d'or ce jour-là, la gloire avait abandonné le temple à tout jamais. Déjà ces paroles du Sauveur s'étaient accomplies: "Voici, votre maison vous sera laissée déserte."1 TS 25 1 Effarés et consternés à l'ouïe des prédictions du Sauveur touchant la destruction du temple, les disciples voulurent comprendre plus parfaitement le sens de ses paroles. Pendant quarante ans, les travaux, l'argent, le génie des architectes, rien n'avait été épargné pour rendre cet édifice à sa splendeur première. Hérode le Grand y avait consacré les richesses des Romains et celles de la Judée; l'empereur lui-même l'avait comblé de ses dons. Des blocs de marbre blanc de dimensions presque fabuleuses, envoyés de Rome, faisaient partie de ses murailles. C'est sur ces puissantes structures que les disciples -- réunis autour du Maître -- appelèrent son attention en ces termes: "Maître, regarde, quelles pierres, et quelles constructions!"2 Jésus répondit par cette parole saisissante: "Je vous le dis en vérité, il ne restera pas ici pierre sur pierre qui ne soit renversée."3 TS 25 2 Pour les disciples, la destruction de Jérusalem ne pouvait s'accomplir que lors de l'inauguration du règne universel, personnel et glorieux du Messie pour punir les Juifs impénitents et briser le joug des Romains. Et comme Jésus leur avait déclaré qu'il viendrait une seconde fois, leur pensée, à la mention de la ruine de Jérusalem, se reporta sur cette seconde venue. De là cette triple question qu'ils lui posèrent sur la colline des Oliviers: "Dis-nous, quand cela arrivera-t-il, et quel sera le signe de ton avènement et de la fin du monde?"1 TS 26 1 Jésus leur donna une esquisse des événements les plus saillants qui devaient survenir avant la fin des temps. Ces prédictions, qui ne furent pas alors pleinement comprises, étaient destinées à devenir de plus en plus intelligibles au peuple de Dieu à mesure que le besoin s'en ferait sentir. L'avenir était miséricordieusement voilé aux disciples. S'ils avaient alors nettement saisi la portée de ces deux événements sinistres: le supplice et la mort du Sauveur, ainsi que la destruction de Jérusalem et du temple, ils auraient été glacés d'horreur. Or, la prophétie du Maître avait un double sens: elle annonçait à la fois la destruction de Jérusalem et les terreurs du grand jour final. TS 26 2 Aux disciples attentifs, Jésus annonce les calamités qui vont fondre sur Israël apostat, en particulier parce qu'il rejette le Messie et qu'il se prépare à le crucifier. Des signes indiscutables devront annoncer cette catastrophe terrible et soudaine. Aussi le Sauveur donne-t-il à ses disciples cet avertissement: "C'est pourquoi, lorsque vous verrez l'abomination de la désolation, dont a parlé le prophète Daniel, établie en lieu saint -- que celui qui lit fasse attention! -- alors, que ceux qui seront en Judée fuient dans les montagnes."2 Dès que les étendards des Romains se dresseront dans l'enceinte sacrée qui s'étend à quelque distance des murailles de la ville sainte, les chrétiens devront chercher leur salut dans la fuite. Aussitôt que les signes paraîtront, qu'on se trouve dans la Judée ou à Jérusalem, il faudra partir sans délai. Celui qui se trouvera au haut de la maison ne devra pas s'aviser d'y rentrer pour emporter ses objets de prix. Ceux qui travailleront dans les champs ou les vignes ne devront pas revenir sur leurs pas pour prendre le vêtement déposé durant la chaleur du jour. Ceux qui voudront échapper à la destruction générale n'auront pas un instant à perdre. TS 27 1 Sous le règne d'Hérode, Jérusalem avait été non seulement embellie, mais on y avait construit des murailles, des tours et des forteresses qui, jointes à sa situation exceptionnelle, l'avaient rendue apparemment imprenable. Celui qui, au temps du Christ, aurait publiquement annoncé sa ruine, aurait été pris, comme Noé, pour un alarmiste ou un détraqué. Or, Jésus avait dit: "Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point."1 TS 27 2 La colère de Dieu s'était enflammée contre Jérusalem à cause de ses péchés. Son incrédulité obstinée rendait sa perte inévitable. Par le prophète Michée le Seigneur avait déclaré: "Ecoutez donc ceci, chefs de la maison de Jacob, et princes de la maison d'Israël, vous qui avez en horreur la justice, et qui pervertissez tout ce qui est droit, vous qui bâtissez Sion avec le sang, et Jérusalem avec l'iniquité! Ses chefs jugent pour des présents, ses sacrificateurs enseignent pour un salaire, et ses prophètes prédisent pour de l'argent; et ils osent s'appuyer sur l'Eternel, ils disent: l'Eternel n'est-il pas au milieu de nous? Le malheur ne nous atteindra pas."2 TS 27 3 Ces paroles décrivaient bien la cupidité et la propre justice des habitants de Jérusalem qui professaient s'attacher strictement à l'observation des préceptes de la loi de Dieu et en transgressaient tous les principes. Ces derniers haïssaient celui dont la pureté et la sainteté dévoilaient leurs projets criminels. Tout en reconnaissant son innocence, ils avaient déclaré sa mort nécessaire à la sécurité de la nation. "Si nous le laissons faire, tous croiront en lui, et les Romains viendront détruire et notre ville et notre nation."3 Ils pensaient, en supprimant le Sauveur, devenir un peuple fort et uni. Ils partageaient ainsi le sentiment du nouveau sacrificateur qui préférait qu'un seul homme mourût pour le peuple et que la nation entière ne pérît point. TS 28 1 Ainsi, les chefs de la nation juive "bâtissaient Sion avec le sang, et Jérusalem avec l'iniquité". Cependant, au moment où ils mettaient à mort le Sauveur parce qu'il leur révélait leurs péchés, ils se considéraient, dans leur propre justice, comme les favoris du ciel et comptaient que Dieu les délivrerait de leurs ennemis. "C'est pourquoi, à cause de vous, Sion sera labourée comme un champ, Jérusalem deviendra un monceau de pierres, et la montagne du temple une sommité couverte de bois."1 TS 28 2 La miséricorde de Dieu fut merveilleuse envers ceux qui méprisèrent son Evangile et mirent à mort son Fils. Pendant quarante ans, le Seigneur différa l'exécution des jugements prononcés sur la ville et sur la nation. La parabole du figuier stérile représente sa manière d'agir envers le peuple juif. Cet ordre avait été donné: "Coupe-le: pourquoi occupe-t-il la terre inutilement?"2 Mais la bienveillance divine l'épargnait encore. Nombreux étaient, parmi les Juifs, ceux qui ignoraient la nature de l'oeuvre du Sauveur. Les enfants n'avaient pas eu l'occasion de recevoir les enseignements que leurs parents avaient méprisés. Par l'intermédiaire des apôtres, Dieu fit luire sa lumière sur eux. Ils auraient pu se rendre compte de l'accomplissement des prophéties non seulement dans la naissance et la vie du Christ mais aussi dans sa mort et sa résurrection. Ils ne furent pas condamnés pour les péchés de leurs parents, mais parce que, après avoir eu connaissance des lumières confiées à ceux-ci, ils rejetèrent celle qui leur avait été communiquée. Ils avaient ainsi participé aux péchés de leurs parents et comblé la mesure de leur iniquité. TS 28 3 La longue patience de Dieu envers Jérusalem semblait confirmer les Juifs dans leur impénitence. Par leur haine et leur cruauté envers les disciples de Jésus, ils rejetèrent le dernier appel de la miséricorde. Aussi Dieu leur retira-t-il sa protection et les abandonna-t-il à Satan et à ses anges. La nation fut livrée entre les mains du chef qu'elle s'était choisi. Les Juifs avaient dédaigné la grâce de celui qui leur eût assuré la victoire sur les mauvais penchants qui étaient devenus leurs maîtres. Livrés à la violence de leurs passions, ils ne raisonnaient plus. Esclaves des emportements d'une fureur aveugle, ces malheureux se livraient à des actes d'une cruauté satanique. Dans la famille comme dans l'Etat, dans les classes élevées comme dans le bas peuple, on ne rencontrait que suspicion, envie, haine, discorde et assassinats. Il n'y avait de sécurité nulle part. Amis et intimes se trahissaient mutuellement. Les parents tuaient leurs enfants, et les enfants tuaient leurs parents. Les chefs n'avaient aucun empire sur eux-mêmes. Leurs passions indomptées en faisaient des tyrans. Les Juifs avaient accepté de faux témoignages contre le Fils de Dieu, et maintenant leur vie était constamment menacée par des délateurs. Depuis longtemps, ils avaient dit par leurs actes: "Eloignez de notre présence le Saint d'Israël."1 Leur voeu était accompli. La crainte de Dieu ne les retenait plus. Satan, maître des autorités civiles et religieuses, était à la tête de la nation. TS 29 1 Parfois, les chefs des factions ennemies s'entendaient pour piller et torturer leurs malheureuses victimes, puis ils en venaient aux mains et s'entr'égorgeaient sans miséricorde. La sainteté même du temple ne mettait aucun frein à leur férocité. Les adorateurs étaient mis à mort devant l'autel, et le sanctuaire était souillé de cadavres. Néanmoins, dans leur présomption aveugle et blasphématoire, les instigateurs de cette oeuvre infernale déclaraient hautement qu'ils étaient sans inquiétude sur le sort de Jérusalem, puisqu'elle était la ville de Dieu. Pour affermir leur autorité, ils subornèrent de faux prophètes qui, au moment même où les légions romaines assiégeaient le temple, proclamèrent que la délivrance divine était imminente. Jusqu'à la fin, la foule demeura convaincue que Dieu interviendrait pour confondre les Romains. Mais Israël avait méprisé la protection du ciel et se trouvait maintenant sans défense. Malheureuse Jérusalem! Déchirée par les factions, elle voyait ses rues arrosées du sang de ses enfants massacrés par ses propres mains, tandis que des armées ennemies abattaient ses fortifications et décimaient ses hommes de guerre! TS 30 1 Toutes les prédictions de Jésus relatives à la ruine de Jérusalem s'accomplissaient à la lettre. Les Juifs voyaient se réaliser cet avertissement: "On vous mesurera avec la mesure dont vous mesurez."1 TS 30 2 Des signes et des miracles, présages du désastre, apparurent. Au milieu de la nuit, une lumière surnaturelle brilla sur le temple et sur l'autel. Au coucher du soleil, on vit dans les nuages des chariots et des hommes de guerre prêts pour la bataille. Des sacrificateurs qui officiaient de nuit dans le sanctuaire furent terrifiés par des bruits mystérieux. Le sol trembla, et on entendit de nombreuses voix qui disaient: "Partons d'ici." A minuit, la porte orientale, si lourde que vingt hommes pouvaient à peine la faire tourner sur ses gonds, et fermée par de puissantes barres solidement fixées dans des pierres massives, s'ouvrit d'elle-même.2 TS 30 3 Sept années durant, on entendit un homme annoncer dans les rues de Jérusalem les malheurs qui allaient fondre sur la ville. Jour et nuit, on l'entendait répéter: "Voix du côté de l'Orient; voix du côté de l'Occident; voix du côté des quatre vents; voix contre Jérusalem et contre le temple; voix contre les époux et les épouses; voix contre le peuple!" Cet être étrange fut emprisonné et battu de verges; mais jamais une plainte ne s'échappa de ses lèvres. Sa seule réponse aux injures et aux mauvais traitements était: "Malheur, malheur à Jérusalem! Malheur, malheur à ses habitants!" Il ne cessa de faire entendre ses avertissements que lorsqu'il fut tué au cours du siège qu'il avait annoncé. TS 31 1 Aucun chrétien ne périt dans la ruine de Jérusalem. Les disciples qui avaient été avertis furent attentifs au signe promis: "Lorsque vous verrez Jérusalem investie par des armées", avait dit Jésus, "sachez alors que sa désolation est proche. Alors, que ceux qui seront en Judée fuient dans les montagnes, que ceux qui seront au milieu de Jérusalem en sortent, et que ceux qui seront dans les champs n'entrent pas dans la ville."1 TS 31 2 Une armée romaine, placée sous la conduite de Cestius Gallus, avait investi Jérusalem. A peine arrivée, alors que tout semblait favoriser une attaque immédiate, elle levait le siège. Les assiégés, désespérant du succès, parlaient déjà de se rendre, quand le général romain battit en retraite sans la moindre raison apparente. Dieu, dans sa miséricorde, dirigeait les événements pour le bien de son peuple. Le signe promis avait paru, et l'occasion était donnée aux chrétiens sur le qui-vive et à tous ceux qui le voulaient d'obéir à l'ordre du Seigneur. Les choses tournèrent de telle façon que ni les Juifs, ni les Romains ne s'opposèrent à leur fuite. Voyant que l'armée se retirait, les Juifs, sortant hors des murs de Jérusalem, se précipitèrent à sa poursuite, ce qui donna aux chrétiens l'occasion de quitter la ville. La campagne, également, était en ce moment-là débarrassée des ennemis qui auraient pu leur barrer la route, tandis que les Juifs se trouvaient enfermés dans la ville à l'occasion de la fête des Tabernacles. Les chrétiens purent donc s'enfuir sans être molestés. Ils se réfugièrent en Pérée, au-delà du Jourdain, dans la ville de Pella. TS 31 3 Les forces juives qui s'étaient jetées à la poursuite de Cestius attaquèrent son arrière-garde avec tant d'impétuosité qu'elle fut menacée d'une complète destruction; elles rentrèrent triomphalement à Jérusalem, chargées de butin et n'ayant essuyé que des pertes légères. Mais cet apparent succès les servit mal. Il leur inspira un esprit de résistance obstiné qui, lorsque Titus en reprit le siège, attira sur la ville des maux indescriptibles. TS 32 1 Jérusalem avait été investie durant la Pâque, alors qu'une multitude de Juifs se trouvaient dans ses murs. Distribuées avec sagesse, les provisions auraient pu suffire des années durant. Elles furent détruites par les factions rivales des défenseurs, et bientôt les habitants se trouvèrent réduits à une horrible famine. Plusieurs rongeaient le cuir de leur ceinture, de leurs sandales et de leur bouclier. Une mesure de blé se vendait un talent. Nombre de gens se glissaient, la nuit, hors des murailles pour aller chercher quelques plantes sauvages à manger. Les uns étaient capturés et livrés à la torture, tandis que ceux qui réussissaient à rentrer dans la ville étaient souvent dépouillés des provisions qu'ils avaient si chèrement obtenues. Les chefs infligeaient les traitements les plus inhumains aux personnes qu'ils soupçonnaient de détenir quelque aliment. Souvent, bien nourris eux-mêmes, ils visaient à se faire des réserves pour l'avenir. Des milliers périssaient par la famine et par la, peste. TS 32 2 Les affections naturelles semblaient éteintes. Des maris volaient leurs femmes, et des femmes leurs maris. Des enfants arrachaient la nourriture de la bouche de leurs vieux parents. La question du prophète: "Une femme oublie-t-elle l'enfant qu'elle allaite?"1 reçut cette réponse dans l'enceinte de cette ville perdue: "Les femmes, malgré leur tendresse, font cuire leurs enfants; ils leur servent de nourriture, au milieu du désastre de la fille de mon peuple."2 Alors s'accomplit également la prédiction faite quatorze siècles auparavant: "La femme d'entre vous la plus délicate et la plus habituée à la mollesse, qui par mollesse et par délicatesse n'essayait pas de poser à terre la plante de son pied, aura un oeil sans pitié pour le mari qui repose sur son sein, pour son fils et pour sa fille; elle ne leur donnera rien... des enfants qu'elle mettra au monde, car, manquant de tout, elle en fera secrètement sa nourriture au milieu de l'angoisse et de la détresse où te réduira ton ennemi dans tes portes."1 TS 33 1 Pour forcer les Juifs à se rendre, les Romains tentèrent de les terroriser. Les prisonniers qui résistaient au moment de leur capture étaient battus de verges, torturés et crucifiés sous les murs de la ville. Il en périssait ainsi journellement des centaines, au point que, dans la vallée de Josaphat et sur le Calvaire, les croix furent bientôt si nombreuses qu'on pouvait à peine passer entre elles. Ainsi se réalisait la terrible imprécation prononcée par les Juifs devant le tribunal de Pilate: "Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants!"2 TS 33 2 Titus, rempli d'horreur à la vue des monceaux de cadavres qui encombraient les vallées, eût été heureux de mettre un terme à ces scènes abominables et d'épargner à Jérusalem une partie de ses maux. Saisi d'admiration à la vue du temple qu'il contemplait du haut de la colline des Oliviers, il défendit à ses soldats de porter la main sur cette merveille. Avant de tenter l'assaut de la forteresse, il supplia les chefs des Juifs de ne pas le contraindre à souiller de sang le sanctuaire et promit que s'ils consentaient à aller combattre ailleurs, aucun soldat romain ne profanerait le temple. TS 33 3 Dans un appel éloquent, Josèphe, leur compatriote, les supplia de se rendre et d'assurer ainsi leur salut et celui du lieu sacré. A ce dernier médiateur humain, les Juifs répondirent par des imprécations et des quolibets. Ils avaient fermé l'oreille à la voix du Fils de Dieu; maintenant, toutes les supplications ne faisaient que les rendre plus obstinés à résister jusqu'au bout. Titus ne réussit pas à sauver le temple. Un plus grand que lui avait déclaré qu'il n'en resterait pas pierre sur pierre. TS 34 1 L'aveugle obstination des chefs juifs et les crimes affreux perpétrés dans la ville assiégée excitèrent à tel point l'horreur et l'indignation des soldats romains que Titus finit par se décider à prendre le temple d'assaut, résolu toutefois à le conserver s'il était possible. Mais ses ordres furent négligés. Un soir, à peine s'était-il retiré dans sa tente que les Juifs, sortant du temple, attaquèrent les assaillants. Dans la chaleur du combat, un soldat jeta un brandon allumé à travers le portique. Bientôt, les salles boisées de cèdre qui entouraient le temple furent la proie des flammes. Accourant en hâte sur les lieux avec ses légionnaires, Titus donna l'ordre de combattre l'incendie. Il ne fut pas obéi. Dans leur rage, les soldats passèrent au fil de l'épée un grand nombre de ceux qui s'étaient réfugiés dans le lieu sacré. Le sang coulait comme de l'eau sur les marches du temple. Des milliers de Juifs périrent. Le bruit de la bataille était dominé par des voix qui disaient: "I-Kabod!" c'est-à-dire: la gloire s'en est allée. TS 34 2 "Titus n'avait pas réussi à apaiser la fureur de la soldatesque. Pénétrant avec ses officiers dans l'intérieur de l'édifice sacré, il fut émerveillé de sa splendeur; et comme les flammes n'avaient pas encore atteint le lieu saint, tentant un dernier effort pour le sauver, il conjura ses soldats de combattre les progrès de l'incendie. Armé de son bâton de de commandement, le centenier Liberalis s'efforça d'imposer l'obéissance. Mais la présence même du général en chef ne parvint pas à arrêter la rage des Romains contre les Juifs; rien ne put faire entendre raison à des hommes aveuglés par le carnage et alléchés par l'appât du pillage. Voyant l'or étinceler de toutes parts, à la lumière sinistre des flammes, les soldats s'imaginèrent que des trésors incalculables se trouvaient cachés dans le sanctuaire. Aveuglés par la fumée et les flammes, les officiers durent battre en retraite et abandonner le noble édifice à son sort. TS 34 3 " Spectacle terrifiant pour les Romains, mais combien plus pour les Juifs! Toute la crête de la colline qui dominait la ville flamboyait comme un volcan. Avec le fracas du tonnerre, les bâtiments, l'un après l'autre, s'effondraient dans un brasier dévorant. Les toits de cèdre ressemblaient à des nappes de flammes. Les pinacles dorés jetaient des reflets embrasés. Des tours s'élevaient des colonnes de fumée et de flammes dont la lueur éclairait les collines avoisinantes. Dans l'obscurité, des groupes d'assiégés, en proie à une angoisse mortelle, suivaient les progrès de l'incendie. Sur les murailles et les éminences de la haute ville, les assiégés, certains atterrés, d'autres exaspérés, se livraient au désespoir ou proféraient de vaines menaces. Les cris des soldats romains et les hurlements des insurgés périssant dans les flammes se mêlaient au crépitement de l'incendie, et les échos de la montagne répercutaient les lamentations du peuple massé sur les hauteurs. Des gens à demi morts d'inanition rassemblaient ce qu'il leur restait de forces pour faire entendre une dernière clameur d'angoisse et de désolation. TS 35 1 "A l'intérieur se déroulait un spectacle plus terrifiant encore. Hommes et femmes, jeunes et vieux, insurgés et sacrificateurs, combattants et suppliants étaient massacrés sans miséricorde. Et comme le nombre des tués dépassait celui des égorgeurs, les légionnaires, poursuivant leur oeuvre d'extermination, devaient escalader des monceaux de cadavres."1 TS 35 2 Le temple détruit, la ville ne tarda pas à tomber tout entière entre les mains des Romains. Les chefs juifs ayant délaissé leurs tours imprenables, Titus trouva celles-ci abandonnées. Après les avoir contemplées avec étonnement, il déclara que Dieu seul avait pu les lui livrer; ses machines de guerre auraient été impuissantes contre elles. La ville et le temple furent rasés; l'emplacement du saint lieu fut "labouré comme un champ".2 Au cours du siège et du massacre, plus d'un million de Juifs avaient perdu la vie. Les survivants furent réduits en captivité, vendus comme esclaves, emmenés à Rome pour orner le triomphe du vainqueur, jetés aux bêtes féroces dans les arènes, ou dispersés dans toutes les parties de la terre. TS 36 1 En mettant le comble à leur endurcissement, les Juifs avaient forgé leurs propres chaînes. La destruction de leur nation et tous les maux qui suivirent leur dispersion ne furent que le fruit de leurs oeuvres. Le prophète l'avait dit: "Ce qui cause ta ruine, Israël, c'est que tu as été contre moi", "car tu es tombé par ton iniquité".1 Maints auteurs citent les souffrances du peuple juif comme l'accomplissement d'un décret divin. Par cette erreur, le grand séducteur s'efforce de masquer son oeuvre. C'est à cause de leur mépris obstiné de la miséricorde et de l'amour divins que les Juifs s'étaient aliéné la protection du ciel et que Satan avait pu les dominer. Les cruautés inouïes dont ils se rendirent coupables durant le siège de Jérusalem démontrent la façon dont Satan traite ceux qui se soumettent à lui. TS 36 2 Nous comprenons peu combien nous sommes redevables au Seigneur de la paix et de la protection dont nous jouissons. C'est la puissance de Dieu qui préserve l'humanité de tomber entièrement entre les mains de Satan. Les désobéissants et les ingrats feraient bien de le remercier de la patience et de la miséricorde avec lesquelles il tient en échec la cruauté du Malin. C'est lorsqu'on dépasse les bornes de sa longanimité, qu'il retire sa protection. Ce n'est pas Dieu qui exécute la sentence qui suit la transgression. Il se borne à abandonner à eux-mêmes les contempteurs de sa grâce, qui récoltent alors la moisson de leurs semailles. Tout rayon de lumière rejeté, tout avertissement méprisé, toute mauvaise passion caressée, en un mot, toute transgression de la loi de Dieu est une semence qui porte sûrement ses fruits. L'Esprit de Dieu finit par abandonner le pécheur impénitent et le laisse désarmé devant ses propres passions, comme devant l'inimitié et la malignité de Satan. La destruction de Jérusalem est un avertissement solennel à l'adresse de tous ceux qui restent sourds aux offres de la grâce divine et qui résistent aux tendres appels de sa miséricorde. Jamais on ne vit témoignage plus décisif de la haine de Dieu pour le péché, et de la certitude du châtiment qui fondra un jour sur les coupables. TS 37 1 La prophétie du Seigneur touchant Jérusalem doit avoir un autre accomplissement dont ce néfaste événement n'est qu'une pâle image. Dans le triste sort de la cité élue, il faut lire ce qui arrivera à un monde qui a rejeté la miséricorde de Dieu et foulé aux pieds sa loi. Sombre est le tableau des souffrances dont notre terre a été le témoin au cours de ses longs siècles de crime. A contempler les conséquences de la réjection de l'autorité du ciel, le coeur se serre et l'esprit se trouble. Mais une scène plus lugubre encore est cachée dans l'avenir. La longue procession de tumultes, de conflits, de révolutions dont les annales du passé sont faites est peu de chose en regard des terreurs du jour de Dieu, jour où l'Esprit, renonçant à son rôle protecteur, abandonnera entièrement les pécheurs à l'explosion des passions et de la fureur humaine et diabolique. Alors, comme jamais auparavant, le monde contemplera les résultats du règne de Satan. TS 37 2 En ce jour-là, comme lors de la destruction de Jérusalem, le peuple de Dieu, "tous ceux qui se trouveront inscrits dans le livre" seront délivrés. Jésus l'a promis: Il reviendra pour prendre les siens avec lui. "Toutes les tribus de la terre se lamenteront, et elles verront le Fils de l'homme venant sur les nuées du ciel avec puissance et une grande gloire. Il enverra ses anges avec la trompette retentissante, et ils rassembleront ses élus des quatre vents, depuis une extrémité des cieux jusqu'à l'autre."1 Alors, "ceux qui ne connaissent pas Dieu et ceux qui n'obéissent pas à l'Evangile" seront "détruits par le souffle de sa bouche et anéantis par l'éclat de son avènement".2 Comme l'ancien Israël, les méchants se détruisent eux-mêmes: ils sont victimes de leur iniquité. Une vie de péché les aura tellement éloignés de Dieu et dégradés que la manifestation de sa gloire sera pour eux "un feu consumant". TS 38 1 Prenons garde de ne pas négliger l'enseignement contenu dans les paroles du Sauveur. De même que Jésus avertit ses disciples de la destruction de Jérusalem, et que, pour leur permettre d'y échapper, il leur en annonça les présages certains, il a aussi averti le monde de sa destruction. Il nous a donné des signes de l'approche de ce grand jour, afin que tous ceux qui le veulent puissent échapper à la colère à venir. "Il y aura, dit Jésus, des signes dans le soleil, dans la lune et dans les étoiles. Et sur la terre, il y aura de l'angoisse chez les nations qui ne sauront que faire, au bruit de la mer et des flots."1 Il a voulu que les témoins des signes avant-coureurs de sa venue sachent qu'elle "est proche, à la porte".2 "Veillez donc":3 telle est son exhortation. Ceux qui prennent garde à cet avertissement ne seront pas laissés dans les ténèbres pour que ce jour-là les prenne au dépourvu. Mais pour ceux qui ne veillent pas, "le jour du Seigneur viendra comme un voleur dans la nuit".4 TS 38 2 Le monde aujourd'hui n'est pas mieux préparé à recevoir le message pour notre temps que les Juifs ne le furent à accueillir l'avertissement du Sauveur concernant Jérusalem. A quelque moment qu'il survienne, le jour du Seigneur prendra les méchants au dépourvu. La vie suivra son cours ordinaire; les hommes seront absorbés par leurs affaires, par leur commerce et par l'amour de l'argent; les conducteurs de la pensée religieuse exalteront les progrès et les lumières du siècle, et les masses seront bercées dans une fausse sécurité. Alors, tel un voleur qui pénètre à minuit dans une demeure mal gardée, "une ruine soudaine" surprendra les inconscients et les impies, "et ils n'échapperont point".5 ------------------------Chapitre 2 -- La persécution aux premiers siècles TS 39 1 En révélant à ses disciples le sort de Jérusalem et les scènes de sa seconde venue, Jésus avait aussi prédit les difficultés qu'ils allaient devoir affronter depuis le jour où il leur serait enlevé jusqu'à celui de son retour en puissance et en gloire. Du haut de la colline des Oliviers, le Sauveur voyait venir l'orage qui allait fondre sur l'Eglise apostolique. Pénétrant plus profondément dans l'avenir, il contemplait les tempêtes cruelles et dévastatrices qui s'abattraient sur ses disciples pendant des siècles de ténèbres et de persécution. En quelques phrases succinctes mais d'une signification terrible, il prédit l'attitude hostile des grands de la terre à l'égard de son Eglise.1 Ses disciples étaient appelés à suivre le sentier semé d'humiliations, d'opprobres et de souffrances que leur Maître avait foulé. L'inimitié qui avait éclaté contre le Rédempteur du monde allait se déchaîner aussi contre tous ceux qui croiraient en son nom. TS 40 1 L'histoire de la primitive Eglise témoigne de l'accomplissement des paroles du Sauveur et montre les puissances de la terre et de l'enfer liguées contre Jésus-Christ dans la personne de ses saints. Le paganisme, prévoyant que, si l'Evangile triomphait, ses temples et ses autels seraient renversés, se disposa à détruire le christianisme. Les feux de la persécution s'allumèrent. Les chrétiens, dépouillés de leurs biens et chassés de leurs demeures, soutinrent "un grand combat au milieu des souffrances".1 Ils furent appelés à endurer "les moqueries et le fouet, les chaînes et la prison".2 Une multitude d'entre eux scellèrent leur témoignage de leur sang. Nobles et esclaves, riches et pauvres, savants et ignorants furent égorgés sans miséricorde. TS 40 2 Ces persécutions, dont l'ère s'ouvre sous Néron, vers le temps du martyre de saint Paul, se poursuivirent avec plus ou moins d'intensité pendant des siècles. Les chrétiens étaient rendus responsables des crimes les plus odieux et considérés comme étant la cause des grandes calamités, telles que les famines, les pestes et les tremblements de terre. Alors qu'ils étaient devenus les objets de la suspicion et de la haine publiques, de faux témoins, toujours prêts, pour un prix honteux, à dénoncer des innocents, s'élevèrent contre eux. Les disciples du Christ étaient condamnés comme rebelles à l'empire, comme ennemis de la religion, comme nuisibles à la société. Un grand nombre d'entre eux furent livrés aux bêtes féroces ou brûlés vifs dans les amphithéâtres. Quelques-uns étaient crucifiés; d'autres, couverts de peaux de bêtes féroces, étaient jetés dans l'arène et déchirés par des chiens. Ces supplices constituaient souvent l'attraction principale des fêtes publiques. Des foules immenses, rassemblées pour jouir de ces spectacles, saluaient l'agonie des chrétiens par des éclats de rire et des applaudissements. TS 40 3 Dans tous les lieux où ils cherchaient refuge, les disciples du Christ étaient traqués comme des fauves. Obligés de se cacher dans des endroits désolés et solitaires, ils étaient "dénués de tout, persécutés, maltraités -- eux dont le monde n'était pas digne -- errants dans les déserts et les montagnes, dans les cavernes et les antres de la terre".1 Les catacombes donnèrent asile à des milliers d'entre eux. Sous les collines des environs de Rome, de longues galeries avaient été creusées dans le roc. Ces tunnels, qui se croisaient en tous sens, s'étendaient sur des kilomètres en dehors de la ville. Dans ces retraites souterraines, les disciples du Seigneur enterraient leurs morts et allaient se réfugier quand ils étaient suspects et proscrits. Lorsque l'Auteur de la vie viendra réveiller ceux qui ont combattu le bon combat, maints martyrs sortiront de ces lugubres cavernes. TS 41 1 A travers ces cruelles persécutions, les témoins de Jésus gardèrent la foi. Privés de tout confort, sevrés de la lumière du soleil dans les sombres mais hospitalières profondeurs de la terre, ils ne proféraient aucune plainte. Par des paroles de patience et d'espérance, ils s'encourageaient mutuellement à endurer les privations et la souffrance. La perte des biens de la terre ne pouvait les faire renoncer à leur foi. Les épreuves et les persécutions ne faisaient que les rapprocher de la récompense et du repos éternels. TS 41 2 "Livrés aux tourments", comme autrefois les serviteurs de Dieu, ils "n'acceptèrent point de délivrance, afin d'obtenir une meilleure résurrection".2 Ils se rappelaient la parole du Maître les prévenant que la persécution endurée à cause de son nom devait être pour eux un sujet de joie, parce que leur récompense serait grande dans les cieux; car c'est ainsi que les prophètes avaient été persécutés avant eux. Ils se réjouissaient à tel point d'être jugés dignes de souffrir pour la vérité que leurs chants de triomphe dominaient le crépitement des flammes, lorsqu'ils étaient sur le bûcher. Levant les yeux, ils voyaient par la foi Jésus et les saints anges qui les contemplaient avec amour et se réjouissaient de leur fermeté. Du ciel leur parvenaient ces paroles: "Sois fidèle jusqu'à la mort, et je te donnerai la couronne de vie."1 TS 42 1 Les efforts de Satan pour détruire l'Eglise par la violence étaient inutiles. Le grand conflit dans lequel périssaient les disciples du Christ ne s'arrêtait pas avec la vie de ces fidèles témoins tombés à leur poste. Apparemment vaincus, ils étaient vainqueurs. Les serviteurs de Dieu pouvaient mourir: l'Evangile continuait à se répandre, et le nombre de ses adhérents allait en augmentant. Il pénétrait même dans les régions demeurées inaccessibles aux aigles romaines. Un chrétien disait à un empereur païen: "Condamnez-nous, crucifiez-nous, torturez-nous, broyez-nous. Votre injustice est la preuve de notre innocence... Mais vos cruautés les plus raffinées ne servent de rien: c'est un attrait de plus que vous ajoutez à notre religion. Nous croissons en nombre à mesure que vous nous moissonnez: le sang des chrétiens est une semence."2 TS 42 2 Des milliers de témoins étaient incarcérés et mis à mort, mais d'autres entraient dans les rangs et prenaient leur place. Quant à ceux qui succombaient pour leur foi, leur sort était scellé et ils étaient mis par Jésus-Christ au nombre des vainqueurs. Ils avaient combattu le bon combat. La couronne de justice leur était réservée pour le retour du Seigneur. La souffrance rapprochait les disciples les uns des autres et de leur Sauveur. L'exemple de leur vie et le témoignage de leur mort plaidaient si bien en faveur de la vérité, qu'au moment où l'on s'y attendait le moins des sujets de Satan abandonnaient son service pour passer sous les étendards de Jésus-Christ. TS 42 3 Pour mieux réussir dans sa guerre contre le gouvernement du ciel, Satan songea alors à une tactique nouvelle: dresser sa bannière au sein de l'Eglise chrétienne, comptant que s'il pouvait séduire les disciples du Christ et attirer sur eux le déplaisir de Dieu, ils deviendraient pour lui une proie facile. TS 43 1 A partir de ce moment, le grand adversaire entreprit d'obtenir par la ruse ce qu'il n'avait pu s'assurer par la contrainte. La persécution cessa et fut remplacée par l'appât dangereux de la prospérité et des honneurs temporels. Des idolâtres furent amenés à adhérer partiellement à la foi chrétienne, tout en rejetant certaines vérités essentielles. Ils prétendaient accepter Jésus comme le Fils de Dieu et croire à sa mort et à sa résurrection, mais n'avaient pas conscience de leur état de péché, ni de leur besoin de repentance. Prêts à faire quelques concessions, ils proposèrent aux chrétiens d'en faire autant, de façon à se rencontrer sur le même terrain. TS 43 2 L'Eglise courut alors un péril en regard duquel la prison, la torture, le feu et l'épée eussent été des bienfaits. Certains chrétiens demeurèrent inébranlables, déclarant que tout compromis leur était impossible. D'autres se montrèrent prêts à céder ou à modifier certains points de leur foi dans l'espoir d'amener ces nouveaux croyants à une conversion complète. Une heure d'angoisse avait sonné pour les fidèles disciples de Jésus-Christ. Sous le manteau du christianisme, Satan lui-même pénétrait dans l'Eglise pour la corrompre, en détournant les esprits de la Parole de vérité. TS 43 3 La plupart des chrétiens consentirent finalement à sacrifier la pureté de leur foi. Un accord fut conclu entre le christianisme et le paganisme. Les idolâtres se donnèrent pour convertis et membres de l'Eglise, tout en demeurant attachés à leurs divinités et en se bornant à remplacer les objets de leur culte par les images de Jésus, de Marie et des saints. Le levain de l'idolâtrie ainsi introduit dans l'Eglise y poursuivit son oeuvre néfaste. De fausses doctrines, des rites superstitieux et des cérémonies païennes se glissèrent dans le credo et dans le culte chrétiens. L'union des fidèles et des idolâtres corrompit le christianisme, et l'Eglise perdit sa pureté et sa puissance. TS 44 1 Les disciples du Christ ont toujours été partagés en deux catégories: ceux qui étudient avec soin la vie du Sauveur, s'efforçant de se corriger de leurs défauts et de se conformer au vrai Modèle, et ceux qui ferment les yeux sur les vérités simples et claires qui dévoilent leurs erreurs. Aux jours les meilleurs, l'Eglise n'a pas été composée uniquement de membres sincères et intègres. Le Sauveur avait enseigné que les gens vivant sciemment dans le péché ne devaient pas être reçus dans l'Eglise. Néanmoins, il s'associa des hommes imparfaits, auxquels il donna l'occasion, grâce à son exemple et à ses enseignements, de voir leurs erreurs et de s'en corriger. En dépit de ses défauts, Judas fut accueilli au nombre des douze apôtres. Jésus voulait lui révéler ce qui constitue le caractère chrétien, lui montrer ses erreurs et l'amener, avec le secours de la grâce divine, à purifier son âme en obéissant à la vérité. Mais au lieu de marcher dans la lumière qui brillait miséricordieusement sur son sentier, Judas se livrait au péché, et s'exposait aux tentations de Satan. Ses défauts prirent de l'ascendant. Livrant son esprit à la puissance des ténèbres, s'irritant quand il était repris, il en vint à commettre le crime affreux de trahir son Maître. C'est aussi de cette manière que, tout en professant la piété, plusieurs caressent quelque péché, et en viennent à haïr ceux qui troublent leur paix en dénonçant leurs fautes. Dès qu'ils en auront l'occasion, comme Judas, ils trahiront ceux qui ont osé les reprendre pour leur bien. TS 44 2 Les apôtres rencontrèrent dans l'Eglise des personnes qui, tout en professant la piété, pratiquaient l'iniquité. Ananias et Saphira prétendaient tout sacrifier pour Dieu, alors qu'ils gardaient égoïstement pour eux une partie de leurs biens. L'Esprit de vérité révéla aux apôtres le caractère réel de ces faux chrétiens, et les jugements divins purifièrent l'Eglise d'une souillure. Cette preuve éclatante de la présence dans l'Eglise d'un Esprit scrutateur et divin frappa de terreur les hypocrites. Ils se séparèrent des croyants dont la vie était conforme à celle de Jésus. Aussi, lorsque les épreuves et la persécution fondirent sur l'Eglise, ceux qui étaient disposés à tout sacrifier pour la vérité voulurent être disciples du Christ. Ainsi, l'Eglise demeura relativement pure tant que dura la persécution. Mais lorsque les difficultés prirent fin, des convertis moins sincères et moins fervents s'introduisirent dans la communauté chrétienne, et Satan put y prendre pied. TS 45 1 Mais il n'y a pas d'accord possible entre le Prince de la lumière et celui des ténèbres, et il ne saurait y en avoir entre leurs disciples. Quand les chrétiens consentirent à s'unir aux païens à moitié convertis, ils entrèrent dans une voie qui devait les entraîner de plus en plus loin de la vérité. Satan se réjouit d'être parvenu à séduire une aussi forte proportion des disciples de Jésus. Et, son ascendant sur leur esprit augmentant, il les incita à persécuter ceux qui demeuraient fidèles. Nul ne savait mieux combattre la vérité que ceux qui en avaient été précédemment les défenseurs; aussi ces chrétiens apostats, joignant leurs efforts à ceux des demi-païens, s'acharnèrent-ils contre les vérités chrétiennes essentielles. TS 45 2 Ceux qui voulaient demeurer fidèles durent soutenir une lutte désespérée pour résister aux séductions et aux abominations qui, sous le déguisement de vêtements sacerdotaux, avaient pénétré dans l'Eglise. Les saintes Ecritures n'étant plus reconnues en tant que norme de la vérité, la doctrine de la liberté de conscience fut dénoncée comme une hérésie, et ses défenseurs furent haïs et proscrits. TS 45 3 Après un conflit long et opiniâtre, les quelques chrétiens restés fidèles décidèrent de rompre avec l'Eglise apostate et idolâtre. Se rendant compte que, s'ils voulaient se soumettre à la volonté de Dieu, la séparation devenait une nécessité, ils n'osèrent pas tolérer plus longtemps des erreurs qui eussent été fatales à leur âme et eussent mis en danger la foi de leurs descendants. Par amour pour la paix et l'union, ils étaient disposés à faire toutes les concessions compatibles avec leur fidélité envers Dieu; mais ils estimaient que la paix elle-même serait trop onéreuse s'ils devaient l'acheter au prix de leurs principes. Si l'unité devait être obtenue au détriment de la vérité et de la justice, ils préféraient la dissidence et même la guerre! TS 46 1 Il faudrait, pour le plus grand bien de l'Eglise et du monde, ressusciter dans le coeur du peuple de Dieu les principes qui animaient ces âmes intrépides. On constate aujourd'hui une indifférence alarmante au sujet de doctrines qui sont les piliers de la foi chrétienne. Il n'est pas rare d'entendre dire qu'en définitive ces doctrines n'ont pas une importance capitale. Cette manière de voir a encouragé les agents de Satan au point que les fausses théories et les séductions fatales du passé, répudiées au péril de leur vie par les fidèles, sont maintenant reçues favorablement par des milliers de gens qui se réclament du titre de disciples de Jésus-Christ. TS 46 2 Les premiers chrétiens étaient réellement un "peuple particulier". Leur conduite irréprochable et leur foi inébranlable constituaient une censure continuelle qui troublait la paix des pécheurs. Bien que peu nombreux, sans fortune, sans position officielle et sans titres honorifiques, ils étaient la terreur des transgresseurs partout où leur caractère et leur foi étaient connus. Aussi étaient-ils, comme Abel pour Caïn, un objet de haine. Le même esprit qui poussa Caïn à tuer son frère animait ceux qui, secouant le joug du Saint-Esprit, mettaient à mort le peuple de Dieu. C'est ce même esprit qui poussa les Juifs à rejeter le Sauveur et à le crucifier. La pureté et la sainteté du caractère du Christ révélaient leur égoïsme et leur corruption morale. Depuis cette époque jusqu'à maintenant, les fidèles disciples ont toujours provoqué l'hostilité et l'opposition de ceux qui aiment et suivent la voie du péché. TS 46 3 Comment donc l'Evangile peut-il être qualifié de message de paix? Quand Esaïe prédit la naissance du Messie, il lui donna le titre de "Prince de la paix". Quand les anges annoncèrent aux bergers la naissance de Jésus, ils chantèrent au-dessus des plaines de Bethléhem: "Gloire à Dieu dans les lieux très hauts, et paix sur la terre parmi les hommes qu'il agrée."1 Il y a contradiction apparente entre ces déclarations et la parole du Christ: "Je ne suis pas venu apporter la paix, mais l'épée!"2 Mais, bien comprises, les deux déclarations concordent parfaitement. L'Evangile est un message de paix. S'il était reçu et suivi, la paix, l'harmonie et le bonheur existeraient sur toute la terre. La religion du Christ unit dans une intime fraternité tous ceux qui l'acceptent. Sa mission était de réconcilier les hommes avec Dieu, et, par conséquent, les uns avec les autres. Mais la majeure partie de l'humanité est sous l'empire de Satan, le pire ennemi de Jésus. Elle se regimbe contre Dieu parce que les principes de l'Evangile sont en opposition avec ses habitudes et ses aspirations. Elle hait la pureté qui condamne ses péchés et persécute ceux qui proclament la justice et la sainteté. L'Evangile est appelé "une épée" parce que les vérités qu'il apporte soulèvent l'animosité et l'opposition. TS 47 1 Le fait que Dieu laisse les méchants persécuter les justes a été un sujet de perplexité pour les chrétiens faibles en la foi. Certains même sont tentés d'abandonner leur confiance en Dieu qui permet que les méchants prospèrent et que les justes soient victimes de leur despotisme. Comment un Etre juste et miséricordieux, dont la puissance est infinie, peut-il tolérer pareille injustice, pareille oppression? Cette question ne doit pas nous préoccuper. Dieu nous a donné des preuves suffisantes de son amour; et, même si nous ne comprenons pas ses voies, nous n'avons aucune raison de douter de sa bonté. Prévoyant les tentations auxquelles ses disciples seraient en butte aux jours d'épreuves et de ténèbres, le Sauveur leur disait: "Souvenez-vous de la parole que je vous ai dite: Le serviteur n'est pas plus grand que son maître. S'ils m'ont persécuté, ils vous persécuteront aussi."3 La cruauté des méchants a causé à Jésus infiniment plus de souffrance qu'à ses disciples. Ceux qui sont appelés à subir le martyre ou la torture ne font que marcher sur les traces du Fils de Dieu. TS 48 1 "Le Seigneur ne tarde pas dans l'accomplissement de la promesse."1 Il n'oublie ni ne néglige ses enfants; mais il permet aux méchants de se démasquer, afin qu'aucun de ceux qui désirent faire sa volonté ne se méprenne à leur sujet. D'autre part, si les justes passent par la fournaise de l'affliction, c'est pour s'y purifier; c'est pour que leur exemple convainque le monde de la réalité de la foi et de la piété, et pour que leur conduite édifiante condamne les impies et les incrédules. TS 48 2 Dieu permet aux méchants de prospérer et de manifester leur inimitié contre lui, afin que chacun reconnaisse, quand ils auront comblé la mesure de leur iniquité, que leur destruction est un acte de justice et de miséricorde. Le jour approche où tous ceux qui ont transgressé sa loi et opprimé son peuple recevront le salaire de leurs oeuvres; où toute cruauté, toute injustice dont les enfants de Dieu auront souffert sera châtiée comme si elle avait été faite à Jésus-Christ en personne. TS 48 3 Mais une autre question plus importante encore devrait retenir aujourd'hui l'attention des églises. L'apôtre Paul déclare que "tous ceux qui veulent vivre pieusement en Jésus-Christ seront persécutés".2 Or, la persécution semble sommeiller. Pourquoi? La seule raison qui puisse être donnée, c'est que l'Eglise, ayant accepté les maximes du monde, ne provoque plus d'opposition. La religion qui prévaut de nos jours n'est pas caractérisée par la pureté et la sainteté qui distinguaient les chrétiens au temps du Christ et des apôtres. C'est grâce à ses compromis avec le péché, à l'indifférence à l'égard des grandes vérités de la Parole de Dieu et à l'absence de piété réelle, que le christianisme est apparemment si populaire dans le monde. Que l'Eglise rentre en possession de la foi et de la puissance des jours apostoliques, alors on verra l'esprit de persécution renaître et les bûchers se rallumer. ------------------------Chapitre 3 -- L'apostasie TS 49 1 Dans sa seconde épître aux Thessaloniciens, saint Paul prédit une profonde altération de la piété devant aboutir à l'établissement de la puissance papale. Il déclare que le Seigneur ne reviendra pas avant que "l'apostasie soit arrivée ... et qu'on ait vu paraître l'homme du péché, le fils de la perdition, l'adversaire qui s'élève au-dessus de tout ce qu'on appelle Dieu ou de ce qu'on adore, jusqu'à s'asseoir dans le temple de Dieu, se proclamant lui-même Dieu". L'apôtre avertissait encore les croyants en ces termes: "Le mystère de l'iniquité agit déjà."1 Il voyait alors s'insinuer dans l'Eglise des erreurs qui préparaient le chemin au développement de la papauté. TS 49 2 Peu à peu, modestement et en silence d'abord, puis plus ouvertement à mesure qu'il prenait des forces et recevait plus de crédit, ce "mystère de l'iniquité" poursuivait son oeuvre d'égarement. Presque imperceptiblement, des coutumes païennes pénétrèrent dans l'Eglise. La tendance aux compromis et aux rapprochements avec le monde fut pour un temps tenue en échec par les cruelles persécutions que l'Eglise endura de la part du paganisme. Mais dès que la persécution cessa et que le christianisme eut ses entrées dans les cours et dans les palais des rois, l'Eglise échangea l'humble simplicité du Christ et de ses apôtres contre la pompe et l'orgueil des prêtres et pontifes païens et substitua à la Parole de Dieu les théories et les traditions des hommes. La prétendue conversion de l'empereur Constantin, au commencement du quatrième siècle, donna lieu à de grandes réjouissances, et le monde, affublé des apparences de la piété, pénétra dans l'Eglise. Dès lors, la situation s'aggrava rapidement. Le paganisme, apparemment vaincu, était vainqueur. Ses doctrines, ses cérémonies et ses superstitions se mêlèrent à la foi et au culte des disciples du Christ. TS 50 1 Un jour, Satan voulut faire un compromis avec le Christ. Il s'approcha du Fils de Dieu dans le désert de la tentation et lui offrit tous les royaumes du monde et leur gloire, à la seule condition qu'il reconnût sa suprématie comme prince des ténèbres. Jésus réprimanda le présomptueux tentateur et l'obligea à se retirer. Exerçant cette même tentation sur les hommes, Satan a mieux réussi. Désireuse de s'assurer les largesses et les honneurs du monde, l'Eglise se mit à solliciter l'appui et les faveurs des grands de la terre. Ayant, de ce fait, rejeté Jésus-Christ, elle le remplaça par un représentant du "prince de ce monde": l'évêque de Rome. TS 50 2 Une des doctrines fondamentales de l'Eglise romaine enseigne que le pape, investi d'une autorité suprême sur les évêques et les pasteurs de toutes les parties du monde, est le chef visible de l'Eglise universelle. On est allé plus loin encore: on lui a attribué les titres mêmes de la divinité. Appelé "Seigneur Dieu, le Pape",1 et déclaré infaillible, il réclame la vénération de tous les hommes. Satan continue d'exiger, par l'intermédiaire de l'Eglise de Rome, l'hommage qu'il sollicitait de Jésus dans le désert, et des multitudes sont prêtes à le lui rendre. TS 51 1 Mais ceux qui craignent et honorent Dieu accueillent ces prétentions de la même manière que notre Seigneur a reçu les sollicitations de l'Adversaire lorsqu'il lui dit: "Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et tu le serviras lui seul."1 Jamais Dieu n'a laissé entendre, dans sa Parole, qu'il établirait un homme quelconque à la tête de son Eglise. La doctrine de la suprématie papale est diamétralement opposée à l'enseignement des Ecritures. Le pape ne peut avoir sur l'Eglise de Dieu qu'une autorité usurpée. TS 51 2 Les romanistes se sont obstinés à accuser les protestants d'hérésie et à leur reprocher de s'être volontairement séparés de la véritable Eglise. C'est sur eux que retombent ces accusations. Ce sont eux qui ont renoncé à la bannière du Christ et se sont départis "de la foi qui a été transmise aux saints une fois pour toutes".2 TS 51 3 Les saintes Ecritures donnent aux hommes la possibilité de découvrir les impostures de Satan et de résister à sa puissance. C'est cette Parole sainte que le Sauveur du monde avait opposée à ses attaques. A chaque assaut, Jésus avait présenté le bouclier de la vérité éternelle, en disant: "Il est écrit." Contre chaque suggestion de l'Adversaire, il avait cité la sagesse et l'autorité des Ecritures. Le seul moyen dont Satan disposait pour établir son ascendant sur les hommes et pour affermir celui de l'usurpateur papal, était donc de maintenir le monde dans l'ignorance du saint Livre. Comme la Bible exaltait la souveraineté de Dieu et de la vérité, elle devait être cachée et supprimée. Telle fut la conclusion logique adoptée par l'Eglise de Rome. Des siècles durant, la propagation des Ecritures fut interdite. On défendait au peuple de les lire ou de les posséder chez soi, tandis que des prélats et des prêtres sans principes les interprétaient de manière à appuyer leurs prétentions. C'est ainsi que le pape en vint à être presque universellement reconnu comme le vicaire de Dieu sur la terre, et investi d'une autorité suprême sur l'Eglise et sur l'Etat. TS 52 1 Le livre dénonciateur de l'erreur mis de côté, Satan pouvait agir à sa guise. La prophétie avait déclaré que la papauté "espérait changer les temps et la loi".1 Elle ne tarda pas à entreprendre cette oeuvre. Pour donner aux convertis du paganisme de quoi remplacer le culte des idoles, et faciliter ainsi leur adhésion au christianisme, on introduisit graduellement dans l'Eglise le culte des images et des reliques. Cette idolâtrie fut définitivement reconnue par un concile général.2 Pour masquer cette oeuvre sacrilège, Rome s'enhardit jusqu'à effacer de la loi de Dieu le second commandement, qui prohibe le culte des images, et, pour rétablir le nombre, à partager en deux le dixième. TS 52 2 Les concessions faites au paganisme ouvrirent la voie à un nouvel attentat contre l'autorité du ciel. Par l'intermédiaire de conducteurs peu scrupuleux, Satan s'attaqua aussi au quatrième commandement. Il s'agissait d'éliminer l'ancien sabbat, le jour que Dieu avait béni et sanctifié,3 et de lui substituer une fête que les païens observaient sous le nom de "jour vénérable du soleil". Ce transfert ne fut pas tenté ouvertement. Dans les premiers siècles, tous les chrétiens observaient le vrai sabbat. Jaloux de la gloire de Dieu, et convaincus de l'immutabilité de sa loi, ils veillaient avec zèle sur ses préceptes sacrés. Aussi Satan manoeuvrat-il par ses agents avec une grande habileté. Pour attirer l'attention sur le premier jour de la semaine, on commença par en faire une fête en l'honneur de la résurrection de Jésus-Christ. On y célébra des services religieux, tout en le considérant comme un jour de récréation, tandis que le sabbat continuait à être observé comme jour de culte. TS 53 1 Avant la venue de Jésus, Satan, pour préparer la voie à ses desseins, avait poussé les Juifs à charger le sabbat de restrictions fastidieuses qui faisaient de son observation un devoir désagréable et pénible. Et maintenant, profitant des préventions dont ce jour était entouré, il le qualifiait de rite judaïque. Tandis que les chrétiens continuaient à observer le dimanche comme un jour de joie, il les poussait à manifester leur haine du judaïsme en faisant du sabbat un jour de jeûne, sombre et triste. TS 53 2 Dans la première partie du quatrième siècle, un édit de l'empereur Constantin établit le dimanche comme jour de fête dans toute l'étendue de l'empire romain.1 Le "jour du soleil" étant révéré par ses sujets païens et honoré par les chrétiens, la tactique de Constantin consistait à rapprocher les adhérents des deux cultes. Les évêques, aiguillonnés par l'ambition et la soif du pouvoir, le poussèrent activement dans cette voie. Ils comprenaient, en effet, que si le même jour était observé par les chrétiens et les païens, ces derniers seraient incités à embrasser extérieurement le christianisme et contribueraient à la gloire de l'Eglise. Cependant, si beaucoup de chrétiens pieux étaient graduellement amenés à attribuer un certain degré de sainteté au dimanche, ils n'en continuaient pas moins à considérer avec respect le sabbat de l'Eternel et à l'observer conformément au quatrième commandement. TS 53 3 Déterminé à rassembler le monde chrétien sous ses étendards et à exercer sa puissance par son vicaire, le pontife altier qui se donnait comme le représentant du Christ, le grand Séducteur n'avait pas encore achevé sa tâche. C'est par le moyen de païens à demi convertis, de prélats ambitieux et de chrétiens mondanisés qu'il parvint à ses fins. De grands conciles réunissaient de temps en temps les dignitaires de l'Eglise de toutes les parties du monde. A chaque concile, on rabaissait le jour divinement institué, et l'on élevait le dimanche. La fête païenne finit par recevoir les honneurs d'une institution divine. Quant au sabbat de la Bible, il fut qualifié de vestige du judaïsme, et l'anathème fut prononcé contre ses observateurs. TS 54 1 En détournant les hommes de la loi de Dieu, le grand apostat avait réussi à "s'élever au-dessus de tout ce qu'on appelle Dieu ou de ce qu'on adore". Il avait osé s'attaquer au seul des préceptes divins qui attire incontestablement l'attention de toute l'humanité sur le Dieu vivant et vrai. Le quatrième commandement, en appelant Dieu le Créateur des cieux et de la terre, le distingue de tous les faux dieux. Or, c'est à titre de mémorial de la création que le septième jour fut sanctifié comme jour de repos pour la famille humaine. Il était destiné à rappeler constamment aux hommes que Dieu est la source de leur être, l'objet de leur vénération et de leur culte. Voilà pourquoi Satan s'efforce de détourner l'homme de la fidélité et de l'obéissance qu'il doit à Dieu, et dirige ses attaques contre le commandement qui proclame Dieu comme Créateur de toutes choses. TS 54 2 Aujourd'hui, les protestants assurent que la résurrection du Christ a fait du dimanche le jour de repos des chrétiens. Mais ils n'étayent cette affirmation d'aucune preuve biblique. Jamais Jésus ni ses apôtres n'ont fait un pareil honneur à ce jour. L'observation du dimanche comme jour de repos a été engendrée par "le mystère de l'iniquité"1 qui avait déjà commencé d'agir au temps de saint Paul. Où et quand le Seigneur a-t-il adopté cet enfant de la papauté? Quelle raison valable peut-on donner en faveur d'un changement que les Ecritures ne sanctionnent pas? TS 54 3 Au sixième siècle, la papauté était solidement établie. Le siège de son empire avait été fixé dans la ville impériale, et l'évêque de Rome était reconnu chef de toute la chrétienté. Le paganisme avait fait place à la papauté. Le dragon avait cédé à la bête "sa puissance, et son trône, et une grande autorité".1 C'est alors que commencent les mille deux cent soixante années d'oppression papale annoncées par les prophéties de Daniel et de l'Apocalypse.2 On mit les chrétiens dans l'alternative de choisir soit l'abandon de leurs principes et l'adoption des cérémonies et du culte papal, soit la perspective de passer leur vie dans des cachots, ou de mourir par la roue, le bûcher ou la décapitation. Alors s'accomplit cette prophétie du Sauveur: "Vous serez livrés même par vos parents, par vos frères, par vos proches et par vos amis, et ils feront mourir plusieurs d'entre vous. Vous serez haïs de tous, à cause de mon nom."3 La persécution se déchaîna avec furie contre les fidèles, et le monde devint un vaste champ de bataille. Des siècles durant, l'Eglise du Christ dut vivre dans la retraite et l'obscurité. Sa situation est ainsi décrite par le prophète: "Et la femme s'enfuit dans le désert, où elle avait un lieu préparé par Dieu, afin qu'elle y fût nourrie pendant mille deux cent soixante jours."4 TS 55 1 L'avènement au pouvoir de l'Eglise de Rome a marqué le commencement du Moyen Age. A mesure que croissait sa puissance, les ténèbres devenaient plus denses. Le pape, prenant la place de Jésus-Christ, le véritable fondement, devint l'objet de la foi. Au lieu de s'adresser au Fils de Dieu pour obtenir le pardon des péchés et le salut éternel, on comptait sur le pape, sur les prêtres et les prélats, auxquels il avait délégué son autorité. On enseignait aux foules que le pape étant leur médiateur terrestre, nul ne pouvait s'approcher de Dieu que par lui; on ajoutait qu'une obéissance implicite lui était due parce qu'il était sur la terre à la place de Dieu. La moindre infraction à ses volontés attirait les châtiments les plus terribles pour le corps et l'âme. On détournait ainsi l'attention de Dieu pour la reporter sur des hommes faillibles et cruels, que dis-je? sur le Prince des ténèbres qui agissait par eux. Le péché prenait le déguisement de la sainteté. Avec la glorification des lois et des traditions humaines surgissait la corruption des moeurs, corollaire inévitable de l'abandon de la loi divine. Quand les Ecritures sont supprimées et que l'homme se met à la place de Dieu, on ne peut que s'attendre à la fraude, à l'impiété et à la dégradation morale. L'Eglise du Christ vivait des jours périlleux. Les chrétiens fidèles étaient peu nombreux. La vérité ne resta jamais sans témoins, mais il y eut des moments où l'erreur et la superstition parurent être sur le point de supplanter la vraie religion. Les croyants étaient invités non seulement à considérer le pape comme leur médiateur, mais aussi à compter sur leurs propres mérites pour expier leurs péchés. C'est par de longs pèlerinages, des pénitences, le culte des reliques, l'érection d'églises et d'autels, le don de fortes sommes d'argent qu'il fallait apaiser la colère de Dieu ou obtenir sa faveur; comme si Dieu était semblable aux hommes, prêt à s'irriter pour des bagatelles, ou à se laisser attendrir par des cadeaux ou des pénitences! L'Evangile était perdu de vue, tandis qu'on multipliait les cérémonies religieuses et qu'on accablait le peuple d'exactions rigoureuses. TS 56 1 Alors même que le vice régnait jusque dans les rangs des chefs de la hiérarchie, l'influence de l'Eglise romaine allait croissant. Vers la fin du huitième siècle, on prétendait que les évêques de Rome avaient possédé dès les premiers temps de l'Eglise toute la puissance spirituelle dont ils se réclamaient. Et comme il fallait donner à cette affirmation une apparence de véracité, le père du mensonge fut tout prêt à en suggérer le moyen. Des moines forgèrent de toutes pièces des écrits que l'on donna pour très anciens. Des décrets de conciles dont on n'avait jamais entendu parler établissaient la suprématie du pape depuis les temps les plus reculés. Une Eglise qui avait rejeté la vérité accueillit ces fraudes avec empressement.1 TS 57 1 Perplexes devant le fatras des fausses doctrines qui leur barraient la voie, les quelques fidèles qui bâtissaient sur le vrai fondement"1 étaient tentés de dire, comme les constructeurs des murailles de Jérusalem au temps de Néhémie: "Les forces manquent à ceux qui portent les fardeaux, et les décombres sont considérables; nous ne pourrons pas bâtir la muraille."2 Las de lutter contre la persécution, la fraude, l'iniquité et toutes les subtilités imaginées par Satan, plusieurs -- par amour de la paix comme pour sauvegarder leurs biens et leur vie -- se découragèrent et abandonnèrent le sûr fondement de la foi. D'autres, sans se laisser intimider par l'opposition de leurs ennemis, disaient hardiment: "Ne les craignez pas! Souvenez-vous du Seigneur, grand et redoutable!" Et ils allaient de l'avant, ayant "chacun... en travaillant... son épée ceinte autour des reins."3 TS 57 2 Dans tous les temps, le même esprit de haine et d'opposition à la vérité a inspiré les ennemis de Dieu, et le même esprit de vigilance et de fidélité a été nécessaire à ses serviteurs. Jusqu'à la fin, ces paroles de Jésus à ses premiers disciples seront opportunes: "Ce que je vous dis, je le dis à tous: Veillez."4 TS 57 3 Les ténèbres semblaient s'épaissir encore. Le culte des images devenait plus général. On allumait des cierges devant les statues, et on leur offrait des prières. Les cérémonies les plus absurdes s'ajoutaient au culte. La superstition exerçait un tel empire sur les esprits que la raison semblait avoir abdiqué. Les prêtres et les évêques étant eux-mêmes sensuels, corrompus, amateurs de plaisirs, le troupeau, imitateur de ses guides, était naturellement plongé dans le vice et l'ignorance. TS 57 4 Au onzième siècle les prétentions de la papauté s'accrurent considérablement lorsque Grégoire VII proclama l'inerrance de l'Eglise romaine. Ce pape affirmait que, conformément aux Ecritures, l'Eglise n'avait jamais erré et n'errerait jamais. Aucune preuve tirée de l'Ecriture n'accompagnait son assertion. L'orgueilleux pontife s'arrogea aussi le pouvoir de déposer les empereurs; il déclara que ses sentences ne pouvaient être annulées par personne, tandis qu'il avait la prérogative, lui, d'annuler les décisions de tous.1 TS 58 1 Un exemple frappant de la tyrannie de cet avocat de l'infaillibilité est le traitement qu'il infligea à l'empereur d'Allemagne, Henri IV. Pour avoir osé méconnaître l'autorité du pape, ce souverain avait été excommunié et déclaré déchu de son trône. Terrifié par l'abandon et les menaces de ses princes, encouragés par le pape à se révolter contre lui, l'empereur se vit réduit à la nécessité de se réconcilier avec Rome. Au coeur de l'hiver, accompagné de sa femme et d'un fidèle serviteur, il franchit les Alpes pour aller s'humilier devant le pape. Arrivé au château où le pontife s'était retiré, il fut conduit, sans ses gardes, dans une cour extérieure, où, exposé aux rigueurs de l'hiver, nu-tête, nu-pieds et misérablement vêtu, il dut attendre que le pape l'autorisât à paraître en sa présence. Ce n'est qu'après trois jours de jeûne et de confession qu'Henri IV obtint son pardon, et cela encore à la condition d'attendre le bon plaisir du pape pour reprendre les insignes et les prérogatives de la royauté. Grégoire, enivré de ce succès, déclara que son devoir était d'abattre l'orgueil des rois. TS 58 2 Quel contraste entre ce présomptueux pontife et le Christ, humble et doux, sollicitant la permission d'entrer dans nos coeurs pour y apporter le pardon et la paix, et disant à ses disciples: "Quiconque veut être le premier parmi vous, qu'il soit votre esclave."2 TS 58 3 A mesure que les siècles s'écoulaient, les erreurs se multipliaient dans l'Eglise romaine. Dès avant l'établissement de la papauté, les théories de certains philosophes païens avaient commencé à s'infiltrer dans l'Eglise. Des hommes d'une haute culture, se disant convertis, conservaient les enseignements de la philosophie païenne et continuaient non seulement à en faire l'objet de leurs études, mais encourageaient leur entourage à les imiter, afin d'accroître leur influence sur les païens. De graves erreurs, dont l'une des principales est le dogme de l'immortalité naturelle de l'âme et de l'état conscient des morts, furent ainsi introduites dans les croyances chrétiennes. Rome a fait reposer sur cette base son culte des saints et l'adoration de la vierge Marie. Cette doctrine détermina aussi l'apparition précoce, dans le credo papal, de la croyance au supplice éternel des impénitents. TS 59 1 La voie était ainsi préparée pour l'introduction d'une autre invention du paganisme, que Rome a dénommée "le purgatoire", et dont elle s'est servie pour terroriser les foules crédules et superstitieuses. Elle affirma que les âmes qui n'ont pas mérité la damnation éternelle doivent, avant d'être admises au ciel, avoir été purifiées de leurs péchés en un lieu de tourments.1 TS 59 2 Une autre invention, la doctrine des indulgences, permit à Rome de tirer profit des craintes et des vices de ses adhérents. L'entière rémission des péchés présents, passés et futurs était promise à ceux qui s'engageaient dans les guerres livrées par le pape en vue d'étendre sa domination, de châtier ses ennemis ou d'exterminer ceux qui s'avisaient de nier sa suprématie spirituelle. On enseignait aussi que, moyennant le versement d'une certaine somme dans le trésor de l'Eglise, on obtenait soit le pardon de ses propres péchés, soit la délivrance des âmes gémissant dans les flammes du purgatoire. Voilà comment Rome s'enrichissait, soutenait sa magnificence et entretenait le luxe et les vices des soi-disant représentants de celui qui n'avait pas un lieu où reposer sa tête.1 TS 60 1 La sainte Cène instituée par notre Seigneur avait été supplantée par le sacrifice idolâtre de la messe. Les prêtres prétendaient faire du pain et du vin de la cène le vrai corps et le vrai sang de Jésus-Christ. Ils avançaient la prétention blasphématoire de créer Dieu, le Créateur de toutes choses. Et les chrétiens étaient tenus, sous peine de mort, de confesser leur foi en cette hérésie. Des multitudes furent livrées aux flammes pour avoir refusé de la reconnaître.1 TS 60 2 Au treizième siècle fut fondée l'Inquisition, le plus cruel des instruments de la papauté. Les chefs de la hiérarchie papale travaillaient avec la collaboration du prince des ténèbres. Dans leurs conseils secrets, on eût pu voir Satan et ses anges diriger l'esprit d'hommes pervertis, tandis que l'ange de Dieu, invisible au milieu d'eux, prenait fidèlement note de leurs iniques décrets et enregistrait des faits trop affreux pour être révélés à des humains. "Babylone la grande" était ivre "du sang des saints". Les corps torturés de millions de martyrs criaient vengeance devant Dieu contre cette puissance apostate. TS 60 3 La papauté était devenue le despote de l'univers. Rois et empereurs étaient soumis à ses décrets. Les destinées temporelles et éternelles des hommes semblaient avoir été remises entre ses mains. Des siècles durant, les dogmes de Rome furent aveuglément adoptés, ses rites scrupuleusement célébrés et ses fêtes généralement observées. Son clergé était honoré et largement rétribué. Jamais, depuis, l'Eglise de Rome n'a atteint un si haut degré de dignité, de pouvoir et de magnificence. TS 60 4 Mais "le midi de la papauté coïncidait avec le minuit de l'humanité". Les saintes Ecritures étaient presque inconnues, non seulement des fidèles, mais aussi du clergé. Comme les pharisiens du temps de Jésus, les membres du clergé haïssaient la lumière qui dévoilait leurs péchés. La loi de Dieu, norme de la justice, une fois supprimée, et leur pouvoir illimité assuré, ils se livraient au vice sans aucune retenue. La fraude, l'avarice et la dissolution prévalaient. Pour parvenir à la fortune ou aux dignités, on ne reculait devant aucun crime. Les palais des papes et des prélats étaient les témoins de répugnantes scènes de débauche. Certains pontifes s'adonnaient à des crimes tellement odieux que des souverains, les jugeant trop vils pour être tolérés, tentèrent de les déposer. Pendant des siècles, l'Europe ne fit aucun progrès dans les sciences, les arts et la civilisation. La chrétienté était frappée moralement et intellectuellement de paralysie. TS 61 1 La condition du monde sous le sceptre de Rome présentait un accomplissement à la fois frappant et terrible de ces paroles du prophète Osée: "Mon peuple est détruit, parce qu'il lui manque la connaissance. Puisque tu as rejeté la connaissance, je te rejetterai, et tu seras dépouillé de mon sacerdoce; puisque tu as oublié la loi de ton Dieu, j'oublierai aussi tes enfants." "Il n'y a point de vérité, point de miséricorde, point de connaissance de Dieu dans le pays. Il n'y a que parjures et mensonges, assassinats, vols et adultères; on use de violence, on commet meurtre sur meurtre."1 Telles étaient les conséquences de la proscription de la Parole de Dieu. ------------------------Chapitre 4 -- Les Vaudois du Piémont TS 63 1 Les ténèbres qui régnèrent sur la terre au cours de la longue période de la suprématie papale ne réussirent pas à éteindre complètement le flambeau de la vérité. Il y eut toujours de vrais croyants attachés à la foi en Jésus-Christ, seul Médiateur entre Dieu et les hommes, prenant les saintes Ecritures pour leur unique règle de vie et sanctifiant le vrai jour de repos. Jamais on ne saura ce que le monde doit à ces hommes. Dénoncés comme hérétiques, diffamés, leurs mobiles incriminés, leurs écrits dénigrés, mutilés et prohibés, ils demeurèrent inébranlables et conservèrent la pureté de la foi pour en transmettre, de siècle en siècle, l'héritage sacré à la postérité. TS 63 2 Ecrite dans les cieux, l'histoire du peuple de Dieu, au cours de cette sombre période, n'occupe que peu de place dans les annales humaines. On ne découvre guère l'existence de ces chrétiens que dans les calomnies de leurs persécuteurs. La tactique de Rome a été de supprimer toute trace de divergence d'avec ses doctrines et ses décrets. Tout ce qui était hérétique -- qu'il s'agît des hommes ou des écrits -- devait disparaître. L'expression d'un doute touchant l'autorité des dogmes romains coûtait la vie aux riches comme aux pauvres, aux grands comme aux petits. Rome s'est également efforcée d'effacer le souvenir de ses cruautés envers les dissidents. Les conciles ont condamné aux flammes les livres et les documents qui en contenaient le récit. Avant l'invention de l'imprimerie, les livres étant peu nombreux et d'un format volumineux, la Curie n'a pas eu beaucoup de peine à exécuter son dessein. TS 64 1 Aucune Eglise se trouvant dans les limites de la juridiction de Rome n'a pu jouir longtemps de la liberté de conscience. Aussitôt qu'elle a été en possession du pouvoir, la papauté s'est empressée de supprimer tout ce qui résistait à son autorité, aussi les Eglises, l'une après l'autre, se soumirent-elles à son sceptre. TS 64 2 En Grande-Bretagne, où le christianisme s'était implanté très tôt, la foi des Bretons n'était pas entachée d'apostasie. Sous les empereurs païens, la persécution qui atteignit ces rives lointaines fut le seul don que les premières églises britanniques reçurent de Rome. Un grand nombre de chrétiens fuyant la persécution qui faisait rage en Angleterre trouvèrent un refuge en Ecosse; portée de là en Irlande, la vérité fut reçue partout avec joie. TS 64 3 Quand les Saxons envahirent l'Angleterre, le paganisme y redevint la religion dominante. Les conquérants, refusant de se laisser instruire par leurs esclaves, les chrétiens durent s'enfuir dans les montagnes et dans les régions sauvages. Néanmoins, bien que voilée pour un temps, la lumière continua de briller. Un siècle plus tard, ses rayons se répandaient de l'Ecosse jusqu'aux contrées les plus éloignées. C'est d'Irlande que partirent le pieux Colomban et ses collaborateurs qui, réunissant autour d'eux les croyants dispersés sur l'île solitaire d'Iona, en Ecosse, firent de cet endroit le centre de leur activité missionnaire. Parmi ces évangélistes se trouvait un observateur du sabbat de l'Eternel qui fit connaître cette vérité autour de lui. De l'école d'Iona sortirent des missionnaires qui se rendirent non seulement en Ecosse et en Angleterre, mais en Allemagne, en Suisse et même en Italie. TS 65 1 Mais Rome, qui avait les yeux sur l'Angleterre, résolut de la soumettre à son autorité. Au sixième siècle, ses envoyés, ayant entrepris la conversion des Saxons païens, furent accueillis favorablement par ces orgueilleux barbares qui embrassèrent la foi romaine par milliers. Leur oeuvre progressant, les messagers du pape et leurs convertis entrèrent en contact avec les chrétiens primitifs, qui présentaient avec eux un contraste frappant. Ils étaient simples, humbles, scripturaires dans leur foi et dans leur vie, tandis que les premiers faisaient étalage de la superstition, la pompe et l'arrogance de la papauté. L'émissaire de Rome somma ces églises de reconnaître l'autorité du souverain pontife; les Bretons répondirent avec douceur que leur désir était d'aimer tous les hommes, mais que le pape n'ayant pas été institué le chef de l'Eglise, ils ne pouvaient lui reconnaître que des droits égaux à ceux de tout disciple du Christ. L'ordre ayant été répété, ces humbles chrétiens, stupéfaits de l'orgueil dont faisaient preuve les représentants de Rome, persistèrent à répondre que Jésus-Christ était leur maître. Alors se manifesta le véritable esprit de la papauté. Le chef de la délégation romaine s'écria: "Si vous ne voulez pas recevoir des frères qui vous apportent la paix, vous subirez des ennemis qui vous apporteront la guerre. Si vous ne voulez pas annoncer avec nous aux Saxons le chemin de la vie, vous recevrez de leurs mains le coup de la mort."1 Ces menaces n'étaient pas vaines. La violence, l'intrigue et la fraude furent mises en oeuvre contre les témoins de la vérité évangélique jusqu'à ce que les églises d'Angleterre fussent détruites ou soumises à l'autorité du pape. TS 66 1 Dans d'autres pays situés en dehors de la juridiction de Rome, vivaient des groupes de chrétiens qui avaient presque complètement échappé à l'apostasie papale. Entourés de païens, ils avaient, au cours des siècles, accepté quelques-unes de leurs erreurs; mais ils continuaient de considérer le saint Livre comme leur unique règle de foi et de vie, et restaient fidèles à bon nombre de ses enseignements. Ces chrétiens croyaient à la perpétuité de la loi de Dieu, et observaient le repos du quatrième commandement. On trouvait des églises de ce type en Afrique centrale et parmi les Arméniens de l'Asie Mineure. TS 66 2 Les Vaudois du Piémont sont les mieux connus parmi ceux qui résistèrent aux séductions de Rome. C'est dans le pays même où la papauté avait établi le siège de son autorité qu'elle rencontra la résistance la plus ferme et la plus constante. Les églises du Piémont maintinrent leur indépendance durant des siècles; mais le temps vint où Rome exigea leur soumission. Après une lutte stérile contre sa tyrannie, les chefs vaudois reconnurent, à contrecoeur, la suprématie d'un pouvoir auquel le monde entier semblait rendre hommage. Néanmoins, une minorité déterminée à rester fidèle à Dieu, et à conserver la pureté et la simplicité de sa foi, refusa de reconnaître l'autorité du pape et des prélats. Une scission eut lieu. Des partisans de l'ancienne foi quittèrent leur patrie alpestre et allèrent porter ailleurs leur croyance; d'autres se réfugièrent dans les cavernes des montagnes, où ils conservèrent la liberté d'adorer Dieu. TS 66 3 La foi pratiquée et enseignée pendant des siècles par les chrétiens vaudois formait un contraste frappant avec les erreurs de Rome. Elle était fondée sur la Parole de Dieu, source du vrai christianisme. Ces humbles paysans, vivant loin du monde, dans leurs retraites sauvages, absorbés par le soin de leurs troupeaux et de leurs vignes, n'étaient pas d'eux-mêmes parvenus à la vérité qu'ils opposaient aux hérésies et aux dogmes de l'Eglise apostate. Cette vérité n'était pas une acquisition récente. Ils l'avaient héritée de leurs pères, et ils luttaient pour conserver la foi de l'Eglise apostolique, "la foi qui a été transmise aux saints une fois pour toutes".1 L'Eglise du désert, et non l'orgueilleuse hiérarchie trônant dans la capitale du monde, constituait la véritable Eglise du Christ, gardienne de la précieuse vérité confiée au peuple de Dieu pour l'humanité. TS 67 1 Quand Rome s'était séparée de la véritable Eglise, elle avait surtout obéi à sa haine pour le sabbat des Ecritures. Conformément à la prophétie, la puissance papale avait jeté la vérité par terre. La loi de Dieu avait été foulée aux pieds et les traditions et coutumes des hommes avaient été élevées à sa place. Les églises qui admettaient l'autorité du pape avaient été de bonne heure contraintes d'honorer le dimanche. Environnés par l'erreur et la superstition, plusieurs enfants de Dieu avaient été si troublés que, tout en observant le sabbat, ils s'étaient abstenus de travailler le dimanche. Mais cela ne satisfaisait pas la papauté; elle exigeait non seulement que le dimanche fût sanctifié, mais que le samedi fût profané, et elle dénonçait dans les termes les plus violents ceux qui osaient l'honorer. Ce n'est qu'en fuyant pour échapper à l'autorité de la papauté qu'il était possible d'obéir à la loi de Dieu. TS 67 2 Les Vaudois du Piémont furent parmi les premiers en Europe à posséder une traduction des saintes Ecritures.2 Des siècles avant la Réformation ils avaient une Bible manuscrite en leur propre langue. Mais le fait qu'ils avaient entre les mains le Livre de la vérité attira tout particulièrement sur eux la haine de la Babylone apostate de l'Apocalypse, et ce fut au péril de leur vie qu'ils se dressèrent contre ses falsifications. Sous la pression d'une persécution prolongée, plusieurs, de guerre lasse, finirent par abandonner peu à peu les grands principes de leur foi, tandis que d'autres restèrent fidèlement attachés à la vérité. Pendant des siècles de ténèbres et d'apostasie, conservant leur foi en face de l'opposition la plus féroce, ils refusèrent de reconnaître la suprématie papale, dénoncèrent le culte des images comme une idolâtrie et observèrent le vrai jour de repos. Bien que poursuivis par l'épée des ducs de Savoie, et menacés des bûchers de Rome, ils demeurèrent les inflexibles défenseurs de la Parole et de la gloire de Dieu. TS 68 1 C'est à l'abri des pics altiers de leurs montagnes -- asile séculaire des opprimés et des persécutés -- que les Vaudois trouvèrent un lieu de refuge, et que la lumière de l'Evangile continua de briller au milieu des ténèbres du Moyen Age. C'est là que pendant un millier d'années ces témoins de la vérité conservèrent la foi primitive. TS 68 2 Dieu avait ménagé à son peuple un sanctuaire grandiose qui cadrait parfaitement avec la vérité dont celui-ci avait le dépôt. Aux yeux de ces exilés, leurs montagnes étaient un emblème de l'inaltérable justice de Jéhovah. Montrant à leurs enfants la majesté immuable de leurs sommets, ils leur parlaient de "celui en qui il n'y a ni variation, ni ombre de changement", et dont la parole est aussi ferme que les collines éternelles. C'est la main du Tout-Puissant, leur disaient-ils, qui a planté ces montagnes, et qui seule est capable de les ébranler. C'est lui aussi qui a établi sa loi comme base de son gouvernement dans le ciel et sur la terre. Le bras de l'homme peut s'abattre sur son semblable et lui ôter la vie; mais il serait aussi difficile à ce même bras de déraciner les montagnes et de les précipiter dans la mer que de changer un iota ou un trait de la loi de Jéhovah, ou de supprimer la moindre des promesses laissées à ceux qui font sa volonté. Il faut donc que votre attachement à sa loi soit aussi inébranlable que les rochers. TS 68 3 Les monts qui entouraient leurs humbles vallées étaient un témoignage permanent de la puissance créatrice de Dieu, et une assurance constante de ses soins. Aussi ces pèlerins apprenaient-ils à aimer les symboles silencieux de la présence de Jéhovah. Ils ne se plaignaient nullement de leur pénible sort, et jamais ils ne se sentaient seuls dans leurs sauvages solitudes. Ils remerciaient Dieu de leur avoir préparé un asile contre la fureur et la cruauté des hommes, et appréciaient le privilège de pouvoir adorer librement leur Créateur. Souvent poursuivis par leurs ennemis, ils trouvaient une sûre protection dans leurs montagnes. Du haut des rochers inaccessibles, ils faisaient entendre des chants d'actions de grâces que les armées de Rome ne pouvaient faire cesser. TS 69 1 La piété de ces disciples du Christ était pure, simple, fervente. Ils attachaient plus de prix aux principes de la vérité qu'à des maisons, à des terres, voire à leurs amis, à leurs parents, à leur propre vie. Et ils s'efforçaient d'inculquer ces principes à la jeunesse. Dès leur âge le plus tendre, les enfants acquéraient la connaissance des saintes Lettres, et apprenaient à considérer comme sacrés les droits de la loi de Dieu. Et comme les exemplaires du saint Livre étaient rares, ils en gravaient les paroles dans leur mémoire, Plusieurs pouvaient répéter par coeur des portions considérables de l'Ancien et du Nouveau Testament. Ils associaient la pensée de Dieu non seulement aux cimes altières dont ils étaient entourés, mais aussi aux devoirs de la vie de chaque jour, apprenant à leurs enfants à être reconnaissants envers Dieu, l'Auteur des biens dont ils jouissaient. TS 69 2 Si tendres et affectueux que fussent les parents, ils aimaient trop sagement leurs enfants pour les laisser s'accoutumer à une vie facile. Ces jeunes gens avaient la perspective d'une vie d'épreuves et de renoncements qui pouvait se terminer par le martyre. Dès leur enfance, ils étaient accoutumés à endurer des privations et à se soumettre à l'autorité paternelle. Ils apprenaient aussi très tôt à porter des responsabilités, à ne parler qu'avec circonspection et à connaître la valeur du silence. Une parole inconsidérée prononcée devant leurs ennemis pouvait mettre en danger non seulement la vie de celui qui la proférait, mais aussi celle de centaines de ses frères, tant les ennemis de la vérité, semblables à des loups affamés, poursuivaient sans relâche ceux qui osaient manifester librement leur foi. TS 70 1 Les Vaudois, ayant sacrifié à la vérité toute prospérité terrestre, demandaient péniblement leur pain quotidien au sol de leurs montagnes. Chaque pouce de terre cultivable jusque dans les combes et les ravins était utilisé. Une vie de stricte économie et de renoncement faisait partie de l'éducation que recevaient les enfants comme unique héritage. On leur enseignait que, conformément aux desseins de Dieu, la vie est une discipline, et qu'ils ne pouvaient subvenir à leurs besoins que par le travail personnel, la prévoyance, l'économie et la foi en Dieu. C'était un régime laborieux et pénible, mais sain et convenant à l'homme déchu: l'école voulue de Dieu en vue de son éducation et de son développement moral. Mais tout en accoutumant la jeunesse au travail et aux privations, on ne négligeait pas sa culture intellectuelle. On lui apprenait que toutes ses facultés appartiennent à Dieu, et qu'il lui incombe de les développer en vue de son service. TS 70 2 Par leur pureté et leur simplicité, les églises vaudoises rappelaient l'Eglise des jours apostoliques. Rejetant l'autorité des papes et des prélats, elles ne reconnaissaient comme leur règle suprême et infaillible que le texte des saintes Ecritures. Contrairement aux prêtres de Rome, leurs pasteurs suivaient l'exemple du Maître qui était venu "non pour être servi, mais pour servir". Ils paissaient le troupeau de Dieu et le conduisaient aux verts pâturages de sa Parole. Loin de la pompe et de l'orgueil des hommes, on s'assemblait, non pas dans des temples luxueux ou dans de magnifiques cathédrales, mais à l'ombre des monts, dans quelque combe alpestre, ou encore, en cas de danger, dans quelque caverne de la montagne pour y écouter la parole de la vérité. Le pasteur ne se contentait pas de prêcher l'Evangile, il visitait les malades, instruisait les enfants, reprenait les égarés, s'efforçait d'aplanir les différends et de maintenir la concorde et l'amour fraternel. En temps de paix, le barbe, comme on l'appelait, était entretenu par les offrandes volontaires des fidèles; mais, comme Paul, le faiseur de tentes, il apprenait quelque métier ou profession pour subvenir, le cas échéant, à ses propres besoins. TS 71 1 Les pasteurs servaient en outre d'instituteurs. Sans négliger les connaissances générales, ils donnaient la première place à la Bible dans leur programme d'études. On y apprenait par coeur les évangiles de saint Matthieu et de saint Jean, ainsi que plusieurs épîtres. On s'y occupait aussi à copier la Parole de Dieu. Certains manuscrits contenaient cette Parole tout entière; d'autres, seulement une partie, à laquelle ceux qui en étaient capables ajoutaient de simples commentaires. C'est ainsi que des trésors de vérité sortaient de l'obscurité dans laquelle les avaient si longtemps maintenus ceux qui cherchaient à s'élever au-dessus de Dieu. TS 71 2 Par un travail inlassable, accompli parfois dans de profondes et sombres cavernes et à la lumière des torches, l'Ecriture sainte était transcrite, verset par verset, chapitre par chapitre, et la vérité révélée, plus étincelante que l'or le plus pur, brillait d'un éclat accru par les épreuves que ces vaillants ouvriers avaient subies pour elle. TS 71 3 Satan avait inspiré à la papauté la pensée d'enfouir la vérité sous les décombres de l'erreur et de la superstition; au lieu de cela, elle fut, au cours de ces longs siècles de ténèbres, miraculeusement conservée dans son intégrité, portant non pas le sceau de l'homme, mais celui de Dieu. TS 71 4 On s'est efforcé d'obscurcir le sens clair et simple de l'Ecriture, et de la mettre en contradiction avec elle-même. Mais, comme l'arche de Noé sur les flots irrités, la Parole de Dieu se rit des orages qui s'acharnent contre elle. Comme une mine dont les riches filons d'or et d'argent se cachent dans les profondeurs de la terre, obligeant tous ceux qui veulent en prendre possession à creuser péniblement, de même les livres saints recèlent des trésors qu'ils ne livrent qu'à ceux qui les recherchent avec ferveur, humilité et prière. Dieu a destiné les Ecritures à être le manuel de l'humanité entière, étudié dans l'enfance, dans l'adolescence et dans l'âge mûr. Elles nous ont été données comme une révélation de sa personne. Chaque vérité discernée jette un jour nouveau sur le caractère de son Auteur. L'étude du saint Livre est le moyen de nous faire entrer en communion plus intime avec notre Créateur et de nous donner une connaissance plus nette de sa volonté. Elle sert de voie de communication entre Dieu et l'homme. TS 72 1 Alors que les Vaudois considéraient la crainte de l'Eternel comme le commencement de la sagesse, ils ne méconnaissaient pas, dans le développement des facultés intellectuelles, l'importance de leurs relations avec le monde extérieur, de la connaissance des hommes et de la vie active. Quelques jeunes gens, envoyés de leurs écoles isolées dans des universités de France et d'Italie, trouvaient dans celles-ci un champ d'étude et de réflexion plus étendu qu'au sein de leurs Alpes. Ils y entraient en contact avec le vice et s'y trouvaient exposés à des tentations; les agents de l'Adversaire leur tendaient des pièges et leur suggéraient de subtiles hérésies. Mais leur éducation antérieure les avait préparés à sortir victorieusement de l'épreuve. TS 72 2 Leurs vêtements étaient confectionnés de façon à receler leur trésor le plus cher: les précieux manuscrits de l'Ecriture, fruit de mois et d'années de labeur. Ils les portaient toujours sur eux et, chaque fois qu'ils pouvaient le faire sans éveiller les soupçons, ils en plaçaient quelques fragments chez ceux dont le coeur leur paraissait s'ouvrir à la vérité divine. Dans les écoles où ils se rendaient, ils ne pouvaient avoir de confidents. Dès leur plus tendre enfance, les jeunes Vaudois étaient instruits à cet effet, et ils avaient conscience de leur mission, dont ils s'acquittaient fidèlement. Aussi, en conséquence, assistait-on, dans ces universités, à des conversions à la vraie foi. Il arrivait même que les principes de la vérité se répandaient dans l'école entière, sans que les enquêtes les plus minutieuses fussent capables de révéler les fauteurs de l'"hérésie". TS 72 3 L'esprit de Jésus-Christ est un esprit missionnaire. Le premier désir d'un coeur régénéré est d'amener d'autres âmes au Sauveur. Telle était l'aspiration de ces chrétiens. Ils savaient que Dieu ne leur demandait pas seulement de garder intact dans leurs églises le dépôt de la vérité. Ils portaient la responsabilité solennelle d'éclairer ceux qui croupissaient dans les ténèbres. Aussi s'efforçaient-ils, par la puissance de la Parole de Dieu, de briser les chaînes que Rome avait forgées. Les pasteurs vaudois étaient appelés à être missionnaires: tout jeune homme qui aspirait aux fonctions pastorales devait faire ses premières armes en qualité d'évangéliste. Avant de se voir confier la direction d'une église, il devait travailler trois ans dans quelque champ missionnaire. Cette préparation, qui exigeait un esprit de renoncement et de sacrifice, était une bonne initiation à la vie pastorale, vie hérissée d'épreuves à cette époque. Les jeunes gens consacrés en vue de ce ministère avaient pour perspectives, non la fortune ou la gloire, mais une vie de fatigues et de dangers, avec l'éventualité du martyre. Comme les disciples envoyés par Jésus, ces missionnaires partaient deux à deux. Le jeune débutant était généralement accompagné d'un homme d'âge mûr et d'expérience chargé de son éducation. Ces collaborateurs n'étaient pas toujours ensemble, mais ils se rencontraient souvent pour se consulter, pour prier et s'affermir mutuellement dans la foi. TS 73 1 Dévoiler leur mission eût été courir au-devant de la défaite. Aussi ces évangélistes, cachant avec soin leur objet, s'acquittaient de leur mandat sous le manteau protecteur d'un métier ou d'une profession. Généralement, ils se présentaient comme marchands ambulants ou colporteurs. "Ils vendaient de la soie, des bijoux et d'autres articles que l'on ne pouvait alors se procurer que dans des centres éloignés. En leur qualité de marchands, ils recevaient un accueil empressé là où ils auraient été repoussés comme missionnaires."1 Ils demandaient sans cesse à Dieu la sagesse nécessaire pour faire connaître un trésor plus précieux que l'or et les perles: le Livre de Dieu, dont ils portaient secrètement sur eux des exemplaires complets ou partiels. Lorsqu'ils en avaient l'occasion, ils attiraient sur ces manuscrits l'attention de leurs clients. Souvent, ils faisaient naître ainsi le désir de les lire, et ils en laissaient joyeusement des fragments aux personnes qui le désiraient. TS 74 1 L'activité de ces missionnaires se déployait d'abord dans les plaines et les vallées avoisinant leurs montagnes, puis elle s'étendait bien au-delà. Nu-pieds, simplement vêtus, à l'instar de leur Maître, et couverts de la poussière du chemin, ils traversaient de grandes villes, et se rendaient dans des pays éloignés, semant partout la précieuse graine de l'Evangile. Sur leurs pas surgissaient des églises, et le sang des martyrs rendait témoignage à la vérité. Voilée et silencieuse, la Parole de Dieu traversait la chrétienté et trouvait un accueil chaleureux dans bien des foyers et dans bien des coeurs. Au jour de Dieu on verra une abondante moisson d'âmes comme fruit de ces travaux. TS 74 2 Les Vaudois du Piémont trouvaient dans les Ecritures non seulement la relation de l'action de Dieu parmi les hommes et la révélation des responsabilités et des devoirs de l'heure présente mais aussi l'annonce des dangers et des gloires à venir. Convaincus de l'imminence de la fin du monde, ils étudiaient la Parole de Dieu avec prières et avec larmes, et étaient toujours plus pénétrés de l'importance de ses précieuses déclarations, et déterminés à faire connaître à d'autres ses vérités salutaires. Ils voyaient dans ses pages un clair exposé du plan du salut et puisaient dans leur foi en Jésus la consolation, l'espérance et la paix. Aussi aspiraient-ils à faire resplendir dans l'esprit des victimes de l'erreur la lumière qui illuminait leur entendement et réjouissait leurs coeurs. TS 74 3 A l'école du pape et des prêtres, des multitudes s'efforçaient en vain d'obtenir le pardon de leurs péchés par des mortifications. Comme on leur avait appris à chercher la paix de leur âme dans les bonnes oeuvres, le sentiment de leur péché et la crainte de la colère de Dieu les poussaient à violenter leur corps et leur esprit, sans jamais trouver le moindre soulagement. Nombreux étaient ceux qui abandonnaient parents et amis pour aller terminer leurs jours dans un couvent. Par des jeûnes répétés, de cruelles flagellations, de longs prosternements sur les dalles de pierre de leur cellule, par de lointains pèlerinages ou d'humiliantes pénitences allant jusqu'à la torture, des milliers essayaient en vain d'obtenir la paix de l'âme. Accablés par le souvenir de leurs péchés, tremblants à la pensée de la colère de Dieu, un grand nombre d'entre eux, à bout de force, descendaient dans la tombe sans un seul rayon d'espérance. TS 75 1 A ces coeurs affamés, les Vaudois languissaient de rompre le pain de vie, de montrer les messages de paix renfermés dans la Parole de Dieu, pour les conduire à Jésus, leur unique espérance de salut. Ils voyaient clairement la fausseté de la doctrine selon laquelle les bonnes oeuvres peuvent expier les transgressions de la loi divine. Se reposer sur des mérites humains, c'était voiler l'amour infini de celui qui est mort pour nous. Si Jésus s'est offert en sacrifice, c'est parce que notre race déchue ne peut rien faire qui la recommande aux yeux de Dieu. Les mérites d'un Sauveur crucifié et ressuscité forment la base de la foi chrétienne. TS 75 2 Les enseignements de l'Eglise avaient dépeint Dieu et son Fils comme des êtres durs, sombres, inaccessibles. Selon cette doctrine, le Sauveur a si peu de sympathie pour l'être humain que nous sommes réduits à avoir recours à la médiation des prêtres et des saints. Aussi ces messagers éclairés par la Parole de Dieu brûlaient-ils du désir de faire connaître un Sauveur compatissant dont les bras ouverts invitent le pécheur à lui apporter son fardeau, ses soucis, sa lassitude. Ils avaient hâte d'enlever les obstacles accumulés par Satan pour empêcher les hommes d'aller à Dieu directement pour lui confesser leurs péchés et obtenir le pardon et la paix. TS 76 1 Aussi avec quel empressement le missionnaire vaudois dévoilait-il aux âmes angoissées les consolantes vérités de l'Evangile! Prudemment il leur lisait les précieux manuscrits de l'Ecriture. Sa plus grande joie était de faire briller l'étoile de l'espérance dans des coeurs qui ne connaissaient qu'un Dieu vindicatif et impitoyable. Les lèvres tremblantes et les yeux humides d'émotion, quelquefois à genoux, il parlait à ses frères des douces promesses d'espérance. La lumière de la vérité entrait ainsi dans bien des âmes, rayons bienfaisants du soleil de justice dissipant l'obscurité. Souvent l'auditeur, voulant se convaincre qu'il avait bien entendu, invitait le missionnaire à relire plusieurs fois certaines portions de l'Ecriture. On aimait tout spécialement entendre répéter ces passages: "Le sang de Jésus, son Fils, nous purifie de tout péché."1 "Et comme Moïse éleva le serpent dans le désert, il faut de même que le Fils de l'homme soit élevé, afin que quiconque croit en lui ait la vie éternelle."2 TS 76 2 Plusieurs comprenaient la véritable nature des prétentions de Rome en voyant l'inutilité de la médiation des hommes en faveur du pécheur. A mesure que la lumière se levait sur eux, ils s'écriaient avec allégresse: "Jésus-Christ est mon prêtre; son sang est mon sacrifice; son autel est mon confessionnal!" Plaçant toute leur confiance dans les mérites du Sauveur, ils répétaient: "Sans la foi il est impossible de lui être agréable."3 "Il n'y a sous le ciel aucun autre nom qui ait été donné parmi les hommes, par lequel nous devions être sauvés."4 TS 76 3 A quelques âmes battues par la tempête, la certitude d'être aimées du Sauveur semblait trop belle. La joie qu'elle leur apportait les inondait d'un tel flot de lumière qu'elles se croyaient transportées au ciel. Toute crainte de la mort avait disparu. Elles mettaient avec confiance leur main dans celle du Seigneur et posaient avec assurance leurs pieds sur le Rocher des siècles. Elles pouvaient désormais, s'il le fallait pour glorifier le nom de leur Rédempteur, affronter avec joie la prison et le bûcher. TS 77 1 La Parole de Dieu faisait son oeuvre dans l'ombre. On la lisait en secret, parfois à une seule personne, parfois devant un petit groupe affamé de lumière et de vérité; on passait souvent la nuit entière à la méditer. L'étonnement et l'admiration des auditeurs étaient si grands que le lecteur devait quelquefois interrompre sa lecture jusqu'à ce qu'on eût bien saisi la bonne nouvelle du salut. Il arrivait souvent au missionnaire d'entendre des exclamations comme celles-ci: "Dieu m'acceptera-t-il réellement comme son enfant? Me sourira-t-il à moi? Me pardonnera-t-il à moi?" Et là Parole répondait: "Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos."1 TS 77 2 Par la foi, l'auditeur s'emparait de la promesse et s'écriait joyeusement: "Plus de pèlerinages; plus de longs voyages aux lieux saints! Tel que je suis, pécheur et impur, je puis aller à Jésus, assuré qu'il ne refuse pas la prière de l'âme repentante! Il me dira: Tes. péchés sont pardonnés! Mes péchés, oui les miens, peuvent être pardonnés!" TS 77 3 Les ondes d'une joie sacrée faisant alors palpiter les coeurs, le nom de Jésus était glorifié par des louanges et des actions de grâces. Heureux, les gens rentraient chez eux pour raconter de leur mieux à leur entourage comment ils avaient trouvé le vrai chemin. Une puissance étrange et solennelle se dégageait des saintes Ecritures: c'était la voix de Dieu qui portait la conviction dans les coeurs de ceux qui soupiraient après la vérité. TS 77 4 Le messager de Jésus-Christ continuait alors sa route. Son humble apparence, sa sincérité et sa ferveur faisaient le sujet de la conversation de ses auditeurs qui, bien souvent, ne lui avaient pas demandé d'où il venait, ni où il allait. Ils avaient été d'abord si étonnés, puis si débordants de reconnaissance et de joie, qu'ils n'avaient pas songé à l'interroger. Et quand ils l'avaient sollicité de les accompagner chez eux, l'ambassadeur du Christ avait répondu qu'il devait visiter les brebis perdues du troupeau. Et l'on se demandait si ce n'était pas un ange du ciel. TS 78 1 Il arrivait fréquemment qu'on ne revoyait plus l'étranger. Il s'était rendu dans un autre pays; ou il terminait ses jours dans quelque prison inconnue; ou bien encore, ses ossements blanchissaient à l'endroit où il avait rendu témoignage à la vérité. Mais il était impossible de détruire les paroles qu'il avait semées sur son passage; elles faisaient leur oeuvre dans les coeurs. Le jour du jugement seul en révélera tous les bienheureux effets. TS 78 2 Les missionnaires vaudois envahissaient le royaume de Satan. Les chefs de l'Eglise se rendaient compte que ces humbles prédicateurs itinérants mettaient leur cause en danger et, pour la sauver, ils excitèrent les craintes de leurs agents et les engagèrent à surveiller de plus près les activités de ces évangélistes. Si on laisse, disaient-ils, de telles erreurs se répandre librement, les gens s'adresseront directement à Dieu, et, avec le temps, la suprématie de Rome s'effondrera. TS 78 3 La présence et l'activité des témoins de l'ancienne foi constituant pour Rome un défit permanent, un violent orage de haine et de persécution se déchaîna contre eux. Leur refus de renoncer aux saintes Ecritures était une injure que Rome ne pouvait laisser impunie. Elle résolut de les extirper de dessus la face de la terre. Alors se déchaînèrent contre le peuple de Dieu caché dans les montagnes une série d'atroces croisades. Des inquisiteurs y furent envoyés, et l'on vit se répéter la scène de l'innocent Abel tombant sous les coups de Caïn. A plusieurs reprises, les terres fertiles de cette population innocente et industrieuse furent réduites en désert; ses chapelles furent démolies et ses foyers anéantis. De même que la vue du sang excite la rage du fauve, la fureur des persécuteurs s'alimentait des souffrances mêmes de leurs victimes. Les témoins de la foi furent poursuivis et traqués à travers monts et vallées, au sein des forêts et dans les cavernes des rochers où ils s'étaient réfugiés. Aucune accusation ne pouvait être portée contre ces proscrits. Leurs ennemis mêmes les qualifiaient de gens paisibles et pieux. Leur crime était de ne pas servir Dieu au gré du pape. Et pour cette seule raison, ils furent abreuvés de toutes les humiliations, de toutes les injures et de toutes les tortures que les hommes et les démons purent inventer. TS 79 1 Résolue d'en finir avec la secte abhorrée, Rome avait lancé contre elle une bulle qui en qualifiait les membres d'hérétiques et les vouait à l'extermination.1 On ne leur reprochait ni indolence, ni improbité, ni désordre; on déclarait au contraire qu'ils avaient une apparence de piété et de sainteté propre à "séduire les brebis du vrai bercail". En conséquence, le pape décrétait "que si cette secte pernicieuse et abominable refusait d'abjurer, elle serait écrasée comme un serpent venimeux."2 Le hautain pontife ne savait-il pas que ses paroles étaient enregistrées dans les livres du ciel, et qu'il devrait en rendre compte au jour du jugement? "Toutes les fois que vous avez fait ces choses à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous les avez faites."3 TS 79 2 Cette bulle invitait tous les fidèles à prendre part à la croisade contre les hérétiques. Pour encourager chacun à prêter son concours à cette cruelle entreprise, elle "absolvait de toute peine ecclésiastique, générale ou particulière, et dégageait de tout serment ceux qui y participeraient; elle légitimait le titre de toute propriété illégalement acquise et promettait la rémission de tous leurs péchés à ceux qui réussiraient à tuer un hérétique. Elle annulait tout contrat favorable aux Vaudois, ordonnait à leurs domestiques de les abandonner, défendait de leur rendre le moindre service et autorisait chacun à s'emparer de leurs biens." Ce document révèle clairement l'esprit de son auteur. On y entend non pas la voix du Christ mais le rugissement du dragon. TS 80 1 Refusant de se conformer à la Loi de Dieu, les chefs de l'Eglise érigeaient une morale à leur convenance, morale devant laquelle chacun devait s'incliner, parce que tel était le bon plaisir de Rome. Aussi les tragédies les plus horribles se déroulèrent-elles. Une hiérarchie corrompue et blasphématoire jouait le rôle que Satan lui avait assigné. Toute miséricorde disparut. L'esprit qui avait fait crucifier le Christ et mourir les apôtres, l'esprit qui poussa Néron à sévir contre les chrétiens de son temps, s'acharnait à anéantir les bien-aimés de Dieu. TS 80 2 Les persécutions dont ce peuple pieux fut victime des siècles durant, furent supportées avec une patience et une constance qui glorifièrent son Rédempteur. En dépit d'atroces croisades et massacres, les Vaudois continuèrent d'envoyer dans le monde leurs missionnaires pour y répandre le précieux message qu'ils arrosaient de leur sang. Et la semence portait des fruits. C'est ainsi que les Vaudois témoignèrent pour Dieu plusieurs siècles avant la naissance de Luther. Dispersés en plusieurs pays, ils jetèrent les bases d'une Réforme qui, commencée aux jours de Wiclef, gagna en étendue et en profondeur aux jours de Luther et devra se poursuivre jusqu'à la fin des temps. Cette oeuvre sera accomplie par des hommes disposés, eux aussi, à tout endurer pour la "Parole de Dieu et le témoignage de Jésus".1 ------------------------Chapitre 5 -- Jean Wiclef TS 81 1 Avant la Réforme, les exemplaires de l'Ecriture sainte étaient rares. Mais Dieu ne permit pas que sa Parole disparût. Ce trésor ne devait pas rester enfoui. L'auteur de cette Parole pouvait la faire sortir de l'obscurité tout aussi facilement qu'il ouvrait les portes des cachots ou brisait les barreaux des prisons où languissaient ses enfants fidèles. Dans plusieurs pays, d'aucuns cherchaient la vérité comme on cherche des perles. Ils furent dirigés providentiellement vers l'Ecriture sainte et ils en scrutèrent les pages avec le plus grand soin, bien décidés à y trouver la lumière. Ils parvinrent peu à peu à discerner de nombreuses vérités oubliées depuis longtemps. Devenus des messagers de Dieu, ces hommes s'efforcèrent de briser les chaînes de l'erreur et de la superstition. Ils invitaient les captifs à faire valoir leur droit à la liberté. TS 81 2 En dehors des vallées vaudoises, la Parole de Dieu avait été comme figée dans une langue que seuls les savants connaissaient. Mais le moment était venu de la traduire en langue vulgaire pour la mettre à la portée de tous. La nuit allait bientôt disparaître. Lentement, les ténèbres se dissipaient, et, dans plusieurs pays, on voyait déjà les premières lueurs de l'aurore. TS 82 1 Au quatorzième siècle naissait en Angleterre Jean Wiclef, "l'étoile de la Réforme". Son témoignage retentit non seulement en Grande-Bretagne, mais au sein de la chrétienté tout entière. Sa puissante protestation contre Rome ne devait jamais être oubliée. Ce fut le signal d'une lutte qui aboutit à l'émancipation des individus, des églises et des nations. TS 82 2 Bien qu'ayant reçu une éducation libérale, Wiclef regardait la crainte de Dieu comme le commencement de la sagesse. Au collège déjà, il s'était fait remarquer autant par la ferveur de sa piété que par sa science. Sa soif de connaissances le poussa à embrasser toutes les branches d'études. Versé dans la philosophie scolastique, il put en dévoiler les erreurs, et ses études du droit canon et du droit civil le préparèrent à lutter vaillamment en faveur de la liberté civile et religieuse. La discipline intellectuelle qu'il avait acquise dans les écoles s'ajoutait aux armes qu'il tirait de la Parole de Dieu et le mettait à même de comprendre la tactique des savants. Son génie et sa science lui valaient à la fois le respect de ses amis et de ses ennemis. Ses partisans voyaient avec satisfaction que leur champion supportait avantageusement la comparaison avec les plus grands penseurs du pays. Aussi ses adversaires n'eurent-ils pas l'occasion de discréditer la cause de la Réforme en alléguant l'ignorance ou la faiblesse de ses défenseurs. TS 82 3 A cette époque, les Livres saints n'existaient que dans des langues mortes et n'étaient accessibles qu'aux savants; mais certains d'entre eux avaient trouvé dans les Ecritures la grande doctrine de la grâce de Dieu et l'avaient incorporée à leur enseignement. De là, elle s'était répandue au-dehors, et plusieurs avaient été amenés à sonder les oracles de Dieu. La voie du futur réformateur se trouva ainsi préparée. TS 82 4 Lorsque son attention fut appelée sur les Ecritures, il en entreprit l'étude avec la même conscience qu'il avait apportée à celle du programme universitaire. Après avoir éprouvé des aspirations que ni la scolastique, ni les enseignements de l'Eglise n'avaient pu assouvir, il trouva dans la Bible ce qu'il avait vainement cherché ailleurs. Il y découvrit le plan de la rédemption, et contempla en Jésus-Christ l'unique Avocat de l'homme auprès de Dieu. Dès lors, se donnant tout entier au service du Seigneur, il prit la résolution de proclamer les vérités qu'il avait découvertes. TS 83 1 Comme sa lutte avec Rome n'était point un acte délibéré, Wiclef, pas plus que les réformateurs qui lui succédèrent, ne vit immédiatement où son oeuvre devait le conduire. Mais son ardeur pour la vérité ne pouvait manquer de l'entraîner dans un conflit. D'ailleurs, plus il discernait les errements de la Papauté, plus il mettait de ferveur à sonder les Ecritures. Convaincu que les traditions humaines implantées. par Rome avaient supplanté la Parole de Dieu, il en accusa hardiment le clergé. Il demanda que la Bible fût rendue au peuple et que l'Eglise reconnût à nouveau son autorité. Ce fut un puissant docteur, un prédicateur éloquent. Sa connaissance des Ecritures, la puissance de son raisonnement, la pureté de sa vie, son courage indomptable et son intégrité lui gagnaient l'estime et la confiance de tous: prompt à discerner l'erreur, il dénonçait avec hardiesse les abus sanctionnés par l'autorité de Rome. Aussi, un grand nombre de personnes qui avaient perdu confiance en l'Eglise à la vue des iniquités qui y prévalaient, acclamaient -elles avec une joie non dissimulée les vérités annoncées par Wiclef. En revanche, quand les chefs de la hiérarchie constatèrent que l'influence de ce réformateur primait la leur, leur fureur se déchaîna. TS 83 2 Alors qu'il remplissait les fonctions de chapelain du roi, Wiclef, s'élevant contre le tribut que le pape exigeait de ce dernier, démontra que les prétentions papales sur les souverains séculiers étaient contraires à la raison et à la révélation. Sa protestation exerça sur les esprits une influence d'autant plus grande que les exigences du pape avaient provoqué une vive indignation parmi le peuple. Aussi le roi et les nobles s'unirent-ils pour s'opposer aux exigences du pontife en tout ce qui touchait à l'autorité temporelle et à la levée des impôts. Ce fut là un coup redoutable porté à l'autorité papale en Angleterre. TS 84 1 L'institution des ordres de moines mendiants était un autre abus contre lequel le réformateur engagea une guerre longue et acharnée. Ces moines pullulaient à tel point en Angleterre qu'ils compromettaient la grandeur et la prospérité de la nation. L'industrie, l'instruction publique, la moralité, tout se ressentait de leur pernicieuse influence. Leur vie d'oisiveté et de mendicité n'imposait pas seulement au peuple un lourd fardeau, mais elle ravalait les travaux utiles et démoralisait la jeunesse. Entraînés par leur exemple, un grand nombre d'adolescents embrassaient la vie monacale, et cela non seulement sans le consentement de leurs parents, mais souvent à leur insu ou contre leur volonté. L'un des anciens Pères de l'Eglise, élevant la vie monastique au-dessus de l'amour filial et des devoirs qui en découlent, avait écrit: "Si tu vois ton père se coucher devant ta porte avec pleurs et lamentations, et si ta mère te montre le corps qui t'a porté et le sein qui t'a allaité, n'hésite pas à les fouler aux pieds pour aller droit au Christ." Par cette "monstrueuse inhumanité", comme Luther la qualifiera plus tard, inhumanité "qui rappelle plus le loup et le tyran que l'esprit du Maître", les enfants en venaient à renier leurs parents.1 A l'instar des pharisiens, les chefs de la hiérarchie romaine anéantissaient le commandement de Dieu au profit de leurs traditions. Des parents étaient privés de la compagnie de leurs fils et de leurs filles, et plongés dans la désolation. Les pauvres dupes qui, plus tard, s'apercevaient qu'ils avaient manqué leur vie et réduit leurs parents au désespoir avaient beau regretter leur décision: une fois pris au piège, il leur était impossible de recouvrer leur liberté. TS 85 1 Même des élèves d'universités, séduits par les discours des moines, entraient dans leurs ordres, au point que bien des parents, redoutant cette éventualité, renonçaient à faire étudier leurs fils. De ce fait, le nombre des étudiants dans ces centres scolaires se trouvait considérablement réduit. Les écoles languissaient et l'ignorance était générale. TS 85 2 Le droit de confesser et de donner l'absolution que le pape avait accordé aux moines mendiants était aussi la source de maux innombrables. La soif du gain les poussant à accorder le pardon même aux pires des criminels qui s'adressaient à eux, on vit bientôt le vice monter comme une marée. Les malades et les pauvres étaient abandonnés; les aumônes qui auraient dû leur être réservées allaient aux religieux, qui les exigeaient avec menaces, et dénonçaient l'impiété de ceux qui les leur refusaient. Les moines faisaient profession de pauvreté, ce qui n'empêchait pas leur fortune d'aller sans cesse en augmentant. Leurs somptueux édifices et leurs tables richement servies rendaient d'autant plus apparente la pauvreté de la nation. Pendant qu'ils s'adonnaient à la bonne chère et aux plaisirs, ils se faisaient remplacer dans leurs fonctions par des hommes incapables. Ceux-ci ne savaient que raconter des fables, des histoires invraisemblables et des farces pour amuser le peuple et l'asservir plus complètement encore. Les foules ignorantes en étaient venues à croire qu'en somme la religion, moyen de s'assurer une place au paradis, consistait à reconnaître la suprématie du pape, à honorer les saints et à faire des largesses aux religieux. TS 85 3 Des hommes instruits et pieux avaient vainement tenté de réformer ces ordres. Wiclef, plus perspicace, s'attaqua à la racine du mal, en déclarant que le système lui-même était faux, et qu'il fallait l'abolir. Les discussions qui s'ensuivirent éclairèrent les esprits. Des moines parcourant le pays en vendant des indulgences rencontrèrent bien des gens qui doutaient de la possibilité d'acheter le pardon à prix d'argent, et se demandaient sérieusement s'il n'était pas préférable d'aller le demander à Dieu plutôt qu'au souverain pontife.".1 D'autres, alarmés de la rapacité des religieux dont la cupidité leur paraissait insatiable, disaient: "Les moines et les prêtres de Rome nous rongent comme la gangrène. Il faut que Dieu nous en délivre, ou ce peuple périra2 Les religieux, pour cacher leur avarice, invoquèrent l'exemple du Christ et de ses disciples qui, eux aussi, disaient-ils, avaient vécu de la charité publique. Ces excuses les perdirent, car on voulut interroger l'Ecriture pour savoir ce qu'il y avait de vrai dans ces assertions. C'était justement ce que Rome redoutait le plus: voir l'attention du monde se porter vers la source de la vérité, qu'elle avait tout intérêt à tenir cachée. TS 86 1 Dans le dessein non d'entrer en dispute avec les religieux, mais d'attirer l'attention du peuple sur les enseignements des Ecritures et sur leur Auteur, Wiclef se mit à écrire et à répandre des tracts contre les moines. Il soutenait que le pouvoir de pardonner et d'excommunier ne résidait pas plus chez les papes que chez les prêtres, et que nul ne pouvait être réellement excommunié sans avoir d'abord encouru le déplaisir de Dieu. Il n'eût pu s'y prendre mieux pour renverser le gigantesque édifice de domination spirituelle et temporelle que le pape avait érigé, et qui tenait des millions de corps et d'âmes courbés sous sa domination. TS 86 2 Une fois de plus, Wiclef fut appelé à défendre les droits de la couronne d'Angleterre contre les empiétements de Rome. Désigné comme ambassadeur royal, il passa deux ans à conférer avec les représentants du pape aux Pays-Bas. Dans ses rapports avec des prélats de France, d'Italie et d'Espagne, à même de voir ce qui se passait dans les coulisses, Wiclef y apprit bien des choses qui devaient lui servir dans ses travaux ultérieurs. Il discerna chez les légats de la cour pontificale la véritable nature et les visées de la hiérarchie. Rentré en Angleterre, il reprit son enseignement avec un nouveau zèle et un nouveau courage, proclamant que les dieux de Rome étaient l'avarice, l'orgueil et le mensonge. TS 87 1 Dans un de ses tracts, parlant du pape et de ses quêteurs, il s'exprime ainsi: "Ils drainent de notre pays le nécessaire des pauvres; chaque année, des milliers de mares de l'argent du roi servent à payer les sacrements et le casuel, ce qui n'est autre chose qu'une damnable simonie exercée aux dépens de la chrétienté. Certes, si notre pays possédait une montagne d'or à laquelle personne ne touche que le quêteur de ce pontife orgueilleux et mondain, il arriverait qu'avec le temps cette montagne finirait par disparaître, ne nous laissant en retour que la malédiction de Dieu."1 TS 87 2 Peu après son retour en Angleterre, Wiclef fut appelé par le roi à remplir les fonctions de recteur de Lutterworth. Ce choix prouvait que le franc-parler du réformateur n'avait pas déplu au monarque. L'influence de Wiclef se faisait sentir sur les décisions de la cour aussi bien que sur l'opinion publique. TS 87 3 Les foudres papales ne tardèrent pas à se déchaîner contre lui. Trois bulles adressées à l'Angleterre -- dont l'une à l'Université, l'autre au roi et la troisième aux prélats -- ordonnaient des mesures immédiates et décisives pour fermer la bouche au fauteur d'hérésie.2 Avant l'arrivée de la bulle, toutefois, les évêques, dans leur zèle, avaient sommé Wiclef de comparaître devant eux. Deux des princes les plus puissants du royaume l'accompagnaient devant ce tribunal; la foule, faisant irruption, intimida tellement les juges que l'enquête fut suspendue et que Wiclef put s'en retourner en paix. Plus tard, les prélats s'efforcèrent de circonvenir le vieil Edouard III contre le réformateur, mais le roi venant à mourir, l'ancien protecteur de Wiclef devint régent du royaume. TS 88 1 La bulle papale sommait toute l'Angleterre de faire arrêter et incarcérer l'hérétique. Ces mesures sous-entendaient le bûcher, et, selon toute probabilité, Wiclef n'allait pas tarder à être victime de la colère de Rome. Mais celui qui avait dit autrefois: "Ne crains point... Je suis ton bouclier", étendit de nouveau sa main pour protéger son serviteur. La mort frappa non le réformateur, mais le pontife qui avait décrété sa perte. Grégoire XI ayant disparu, les ecclésiastiques qui s'étaient réunis pour faire le procès de Wiclef se dispersèrent et la Réforme naissante continua d'être protégée par la divine Providence. TS 88 2 La mort de Grégoire fut suivie de l'élection de deux papes rivaux. Deux pontifes se disant tous deux infaillibles réclamaient l'obédience de la chrétienté.1 Chacun d'eux appelait les fidèles à combattre son antagoniste, accompagnant ses ordres de terribles anathèmes à l'adresse de ses ennemis et promettant le ciel à ses partisans. Ces événements affaiblissaient singulièrement le prestige papal. Les factions rivales étant occupées à se combattre mutuellement, Wiclef fut laissé en paix, tandis que se croisaient anathèmes et récriminations, et que des torrents de sang étaient versés pour soutenir les prétentions des deux adversaires. Pendant que l'Eglise était le théâtre du crime et du scandale, le réformateur, de sa paisible retraite de Lutterworth, s'employait de toutes ses forces à détourner l'attention du monde du spectacle des discordes papales pour la porter sur Jésus, le Prince de la paix. TS 88 3 Le schisme ouvrait le chemin à la Réforme. Les querelles et la dégradation morale dont il était la cause, ouvraient les yeux des gens sur la vraie nature de la papauté. Dans un traité sur "le schisme des papes", Wiclef invitait ses lecteurs à se demander sérieusement si ces deux prêtres ne disaient pas la vérité quand ils s'anathématisaient l'un l'autre, se traitant mutuellement d'antichrist. "Dieu, disait-il, n'a pas permis que le Malin régnât par l'un de ces deux prêtres seulement. ... Il leur a partagé le pouvoir, afin que les fidèles, au nom de Jésus-Christ, pussent en avoir raison plus aisément."1 TS 89 1 Comme son Maître, Wiclef prêchait l'Evangile aux pauvres. Et, non content de répandre la lumière dans les humbles demeures de sa paroisse de Lutterworth, il voulut la porter dans toutes les parties de l'Angleterre. A cette fin, il organisa un corps de prédicateurs, hommes simples et pieux, aimant la vérité et ne désirant rien tant que de la propager. Ces hommes allaient de lieu en lieu, prêchant sur les places des marchés, dans les rues des grandes villes et dans les campagnes. Ils visitaient les vieillards, les malades et les pauvres, et leur annonçaient la bonne nouvelle de la grâce de Dieu. TS 89 2 En sa qualité de professeur de théologie à Oxford, Wiclef prêchait la Parole de Dieu dans les auditoires de l'Université. Son zèle à présenter la vérité à ses étudiants lui valut le titre de "docteur de l'Evangile". Mais l'oeuvre capitale de sa vie fut la traduction des saintes Ecritures en langue anglaise. Dans un ouvrage intitulé De la véracité et du sens des Ecritures, il exprimait son intention de traduire la Bible afin que tout Anglais pût lire les oeuvres merveilleuses de Dieu dans sa langue maternelle. TS 89 3 Mais ses travaux furent soudainement interrompus. Bien qu'il n'eût pas encore soixante ans, il était prématurément vieilli, car ses labeurs incessants, ses études et les attaques de ses ennemis avaient épuisé ses forces. Les moines éprouvèrent une grande joie en apprenant qu'il était atteint d'une grave maladie. Imaginant qu'il devait amèrement regretter le mal qu'il avait fait à l'Eglise, ils s'empressèrent auprès de lui pour entendre sa confession. Des représentants de quatre ordres religieux, accompagnés de quatre magistrats civils, s'étaient réunis au chevet de celui que l'on croyait moribond: "Vous avez la mort sur les lèvres, lui dirent-ils; soyez touché de vos fautes, et rétractez en notre présence tout ce que vous avez dit à notre détriment." Le réformateur écouta en silence; puis, priant son serviteur de l'aider à s'asseoir sur son lit, et regardant fixement ceux qui attendaient sa rétractation, il leur dit de cette voix ferme et tonnante qui les avait si souvent fait trembler: "Je ne mourrai pas, mais je vivrai, et je raconterai les forfaits des moines."1 Etonnés et interdits, les religieux quittèrent précipitamment la chambre du malade. TS 90 1 Les paroles de Wiclef s'accomplirent. Il vécut assez longtemps pour voir entre les mains de son peuple l'arme que Rome craint le plus, l'instrument céleste destiné à éclairer, à libérer, à évangéliser le monde: la Parole de Dieu. Les obstacles étaient nombreux et redoutables. Bien qu'affaibli par les infirmités, et sachant qu'il ne lui restait que peu d'années pour travailler, calme devant l'opposition et fortifié par les promesses de Dieu, Wiclef poursuivit courageusement son oeuvre. En pleine possession de ses facultés intellectuelles, riche en expérience, et gardé par la Providence, il put terminer cette grande tâche, la plus importante de sa vie. Pendant que toute la chrétienté était bouleversée, le réformateur, dans son rectorat de Lutterworth, sans prendre garde à la tempête qui faisait rage au-dehors, s'appliquait paisiblement à son entreprise de prédilection. TS 90 2 Le moment arriva enfin où la première traduction des Ecritures en langue anglaise vit le jour. L'Angleterre pouvait lire la Parole de Dieu. Désormais, le réformateur ne craignait plus ni la prison, ni le bûcher. Il avait placé dans les mains de son peuple une lumière qu'on ne pourrait plus éteindre. En donnant les Ecritures à ses concitoyens, il avait contribué à rompre les chaînes de l'ignorance et du vice, pour libérer et ennoblir son pays, ce que les plus brillantes victoires sur les champs de bataille eussent été incapables de faire. TS 91 1 L'art de l'imprimerie n'étant pas encore connu, ce n'est que par un procédé lent et laborieux qu'on obtenait des exemplaires de la Bible. L'intérêt éveillé par ce livre était tel que les nombreux copistes qui s'offraient pour le transcrire ne parvenaient pas à répondre à toutes les demandes. Quelques personnes riches en désiraient une copie complète. D'autres ne pouvaient en acheter qu'un fragment. Souvent, plusieurs familles se réunissaient pour s'en procurer un exemplaire en commun. C'est ainsi que la traduction des Ecritures par Wiclef ne tarda pas à se trouver entre les mains des gens du peuple. TS 91 2 L'appel à la raison humaine arrachait bien des gens à leur soumission passive aux dogmes de Rome. Wiclef enseignait exactement les croyances qui caractérisèrent plus tard le protestantisme: le salut par la foi en Jésus-Christ et l'infaillible et souveraine autorité des saintes Ecritures. Les prédicateurs envoyés par lui répandaient la Bible et les écrits du réformateur avec un tel succès que bientôt la moitié du peuple anglais avait accepté la foi nouvelle. TS 91 3 L'apparition des saintes Ecritures jeta l'épouvante dans le camp des dignitaires de l'Eglise. Ils avaient maintenant à combattre quelque chose de plus puissant que Wiclef, une force contre laquelle leurs armes avaient peu de prise. Il n'y avait alors en Angleterre aucune loi prohibant la diffusion des Livres saints, puisqu'ils n'avaient jamais été publiés en langue vulgaire. Ces lois furent élaborées et strictement mises en vigueur par la suite. En attendant, en dépit de tous les efforts des prêtres, on jouit durant un certain temps de la liberté de répandre la Parole de Dieu. TS 91 4 Pour réduire au silence la voix du réformateur, les chefs de la hiérarchie le firent comparaître successivement devant trois tribunaux. Ce fut d'abord devant un synode d'évêques qui déclara hérétiques ses écrits, et qui, après avoir gagné à sa cause le jeune roi Richard II, obtint une ordonnance royale décrétant l'emprisonnement de tous les adhérents des doctrines condamnées par la cour pontificale. TS 92 1 Wiclef en appela hardiment du synode au Parlement, contraignant la hiérarchie à comparaître devant le conseil de la nation, et demandant la réforme des énormes abus sanctionnés par l'Eglise. La puissance avec laquelle il dépeignit les usurpations et la corruption du siège papal couvrit ses ennemis de confusion. Mais ses amis et partisans avaient plié sous l'orage, et l'on s'attendait que ce vieillard, resté seul, se soumît à la double puissance de la couronne et de la mitre. On assista au contraire à la défaite de ses adversaires. Tiré de sa torpeur par les pressants appels de Wiclef, le Parlement rapporta les édits persécuteurs et mit le réformateur en liberté. TS 92 2 La troisième fois, Wiclef fut cité devant un tribunal composé des plus hauts dignitaires ecclésiastiques du royaume. Ce tribunal devait naturellement se montrer impitoyable pour l'hérésie. Le moment était venu où Rome allait enfin triompher, et où l'oeuvre du réformateur serait définitivement écrasée. Telle était du moins l'espérance de ses adversaires. S'ils parvenaient à leurs fins, Wiclef serait forcé ou d'abjurer ou de quitter le tribunal pour monter sur le bûcher. TS 92 3 Le réformateur ne fit ni rétractation ni compromis. Il soutint hardiment ses enseignements et repoussa les accusations de ses persécuteurs. S'oubliant lui-même, ainsi que sa situation, il somma ses auditeurs de comparaître avec lui devant le tribunal de Dieu, et pesa leurs sophismes et leurs erreurs à la balance de la vérité éternelle. Le Saint-Esprit manifesta sa présence au point que ses auditeurs étaient comme interdits et cloués sur leurs sièges. Semblables aux flèches du Tout-Puissant, les paroles du réformateur transperçaient tous les coeurs. Retournant avec force contre ses accusateurs la charge d'hérésie formulée contre lui, il leur demanda comment ils avaient osé répandre leurs erreurs, et, par amour de l'argent, faire trafic de la grâce de Dieu. TS 93 1 "Contre qui prétendez-vous vous être élevés? leur demanda-t-il dans sa péroraison. Contre un vieillard qui a déjà un pied dans la tombe? Non! C'est contre la vérité, qui est plus puissante que vous, et qui finira par vous vaincre."1 Puis il se retira de l'assemblée, sans qu'aucun de ses adversaires osât l'arrêter. TS 93 2 L'oeuvre de Wiclef était presque achevée; l'étendard de la vérité que ses vaillantes mains avaient si longtemps fait flotter allait leur échapper; mais il devait rendre une dernière fois témoignage à l'Evangile. C'est de la forteresse même du royaume de l'erreur que la vérité devait encore être proclamée. Wiclef fut sommé de comparaître à Rome devant le tribunal pontifical, tribunal qui avait si souvent répandu le sang des saints. Sans se dissimuler les dangers qu'il courait, il aurait répondu à la sommation, si une attaque de paralysie ne l'en avait empêché. Il lui était impossible de faire entendre sa voix à Rome, mais il pouvait écrire, et c'est ce qu'il résolut de faire. De son rectorat, le réformateur envoya au pape une lettre respectueuse et chrétienne, mais sévère à l'égard de la pompe et de l'orgueil de la curie romaine. TS 93 3 "C'est pour moi, disait-il, une joie de faire connaître à tous, et spécialement à l'évêque de Rome, la foi que je professe. Celle-ci me paraissant saine et juste, j'aime à croire qu'il sera heureux de la sanctionner, ou de l'amender si elle est erronée. TS 93 4 " Je crois que l'Evangile de Jésus-Christ renferme toute la loi de Dieu. ... Je crois et affirme que l'évêque de Rome, étant sur terre le vicaire du Christ, est lié plus que tout autre à cette loi, puisque la grandeur, parmi les apôtres, ne consistait pas en honneurs et en dignités, mais en une fidèle imitation de la vie et du caractère du Sauveur. Au cours de son pèlerinage terrestre, le Seigneur Jésus vécut dans une extrême pauvreté, repoussant toute autorité et toute gloire mondaine. ... Un chrétien ne doit suivre le pape ou n'importe quel saint homme que dans la mesure où il suit lui-même exactement le Seigneur Jésus-Christ. En désirant des honneurs terrestres, Pierre et les fils de Zébédée encoururent son déplaisir, et ne doivent par conséquent pas être imités dans ces erreurs. ... TS 94 1 " A l'exemple du Christ et de ses apôtres, le pape doit laisser au pouvoir séculier toute la puissance temporelle, et exhorter fidèlement tout le clergé à en faire autant. Du reste, si, en quoi que ce soit, j'ai erré, je consens très humblement à être ramené de mon égarement, fût-ce au prix de ma vie si cela est nécessaire. TS 94 2 " Quand à l'appel que l'on m'a adressé, je désirerais pouvoir y répondre, mais les enseignements du Seigneur m'ont appris que c'est à Dieu plutôt qu'aux hommes qu'il faut obéir." TS 94 3 Wiclef concluait en disant: "Prions notre Dieu qu'il agisse, comme il a commencé de le faire, sur le coeur de notre pape Urbain VI, afin que lui et son clergé puissent suivre notre Seigneur Jésus-Christ dans sa vie et dans son caractère, et que tous ensemble ils puissent marcher fidèlement sur ses traces."1 TS 94 4 En manifestant ainsi la douceur et l'humilité de Jésus devant le pape et ses cardinaux, Wiclef démontrait au monde entier le contraste existant entre ces derniers et le Maître qu'ils prétendaient représenter. TS 94 5 Le réformateur avait la conviction que sa vie serait le prix de sa fidélité. Le roi, le pape et les évêques étaient unanimes pour le condamner: quelques mois à peine, selon toutes prévisions, le séparaient du bûcher. Mais son courage demeurait inébranlable. "Que parlez-vous, disait-il, d'aller chercher au loin la palme des martyrs? Annoncez la parole de Christ à de superbes prélats, et le martyre ne vous manquera pas. Vivre et me taire, jamais! Que le glaive suspendu sur ma tête tombe! J'attends le coup."1 TS 95 1 Cette fois encore, Wiclef échappa à ses ennemis. Celui qui, sa vie durant s'était hardiment déclaré pour la vérité au milieu des plus grands périls, ne devait pas tomber victime de la haine de ses ennemis. Jamais Wiclef n'avait pensé à se défendre, mais Dieu avait été son protecteur; et maintenant que ses ennemis croyaient le tenir, il le plaçait hors de leur atteinte. Alors que le réformateur se disposait à présider un service de communion dans son église de Lutterworth, il eut une attaque de paralysie, dont il mourut peu après. TS 95 2 Le Dieu qui avait assigné à Wiclef sa tâche, et placé ses paroles dans son coeur, avait veillé sur sa personne, et prolongé sa vie jusqu'à ce que fussent jetées sûrement les bases du grand oeuvre de la Réforme. TS 95 3 Sortant des ténèbres du Moyen Age, Wiclef n'avait pu appuyer son oeuvre de réforme sur aucun prédécesseur. Appelé, comme Jean-Baptiste, en vue d'une mission spéciale, il fut le fondateur d'une ère nouvelle. Pourtant, sa conception de la vérité présente un degré d'unité et de perfection que les réformateurs subséquents n'ont jamais surpassé, et que certains, venus un siècle plus tard, n'ont pas même atteint. Les fondements jetés par ses mains étaient si larges, si profonds et si solides, que ses successeurs n'eurent pas la peine de les poser à nouveau. TS 95 4 Le mouvement inauguré par Wiclef en vue de la libération des esprits et des consciences, comme aussi de l'affranchissement des nations si longtemps enchaînées au char triomphal de Rome, puisait son énergie dans la Parole de Dieu, source du fleuve de bénédiction qui, depuis le quatorzième siècle, a coulé sur le monde. Intransigeant, Wiclef voyait dans les Ecritures la révélation inspirée de la volonté de Dieu, la règle unique de la foi et de la vie. On lui avait appris à considérer l'Eglise de Rome comme divine et son autorité comme infaillible, ainsi qu'à recevoir avec une confiance aveugle les enseignements et les usages sanctionnés par une pratique millénaire. Mais il avait fermé l'oreille à toutes les voix pour n'entendre que la Parole de Dieu devant laquelle il invitait le monde à s'incliner. Au lieu d'écouter l'Eglise parlant par la bouche du pape, il déclarait que la seule autorité en matière de foi est la voix de Dieu s'exprimant dans sa Parole. Non seulement, affirmait-il, les Ecritures sont une révélation parfaite de la volonté divine, mais le Saint-Esprit est leur seul interprète, et c'est par une étude personnelle que chacun est appelé à connaître son devoir. Il détournait ainsi les esprits loin du pape et de l'Eglise pour les diriger vers la Parole de Dieu. TS 96 1 Wiclef a été l'un des plus grands réformateurs. Par l'envergure de son esprit et la lucidité de sa pensée, par sa hardiesse et sa constance dans la défense de la vérité, il n'a été égalé que par un petit nombre de ses successeurs. Une vie pure, une inlassable activité dans l'étude et dans le travail, une intégrité incorruptible, un dévouement et une charité apostoliques dans son ministère: telles furent les qualités maîtresses du premier des réformateurs. Cela, en dépit des ténèbres intellectuelles et de la corruption morale de son siècle. TS 96 2 La vie de Wiclef est un monument de la puissance éducatrice et transformatrice de la Parole de Dieu. Le saint Livre fit de lui ce qu'il fut. L'effort exigé par l'étude des grandes vérités de la révélation communique à toutes les facultés une fraîcheur et une vigueur nouvelles. Il élargit la pensée, aiguise l'esprit, mûrit le jugement. Plus que toute autre étude, celle de la Bible ennoblit les sentiments et les aspirations. Elle inspire la persévérance, la patience, le courage, la fermeté; elle forme le caractère et sanctifie l'âme. Une étude respectueuse des Ecritures nous met en contact direct avec l'Esprit divin; elle donne au monde des hommes plus forts, des génies plus puissants, des caractères plus nobles que l'étude de la philosophie. "La révélation de tes paroles éclaire, elle donne de l'intelligence aux simples."1 TS 97 1 Les doctrines enseignées par Wiclef continuèrent à se répandre pendant un certain temps. Sous le nom de Wicléfites et de Lollards, ses disciples travaillèrent avec un zèle redoublé à répandre la Parole de vie non seulement en Angleterre, mais en d'autres pays. Des foules accouraient pour entendre leurs enseignements. Au nombre des convertis se trouvaient des membres de la noblesse, et même la reine. Les rites et les vestiges idolâtres du romanisme disparaissaient des églises. En maints endroits, on constata une réforme radicale des moeurs. TS 97 2 Mais bientôt l'impitoyable tempête de la persécution s'abattit sur ces fidèles chrétiens. Les monarques anglais, désireux d'affermir leur trône en s'assurant l'appui de Rome, n'hésitèrent pas à sacrifier les réformateurs. Pour la première fois, au cours de l'histoire d'Angleterre, le supplice du bûcher fut décrété contre les disciples de l'Evangile. Les martyres succédèrent aux martyres. Les hérauts de la vérité, proscrits et torturés, n'avaient d'autre recours que l'Eternel des armées. Traqués comme ennemis de l'Eglise et traîtres à la patrie, ils continuaient de prêcher en secret dans les demeures des pauvres, et souvent même dans des cavernes. TS 97 3 En dépit de la fureur des persécuteurs, une protestation calme, pieuse, intense et persévérante continua de se faire entendre, des siècles durant, contre la corruption de la foi religieuse. Ces chrétiens n'avaient qu'une connaissance imparfaite de la vérité, mais ils avaient appris à aimer la Parole de Dieu et à lui obéir, et pour elle ils marchaient courageusement à la mort. Comme aux jours apostoliques, plusieurs consacraient leurs biens terrestres à la cause du Christ. Ceux qu'on laissait en possession de leur demeure y recevaient leurs frères expulsés de leurs foyers; et quand, à leur tour, ils devaient quitter leur toit, ils acceptaient joyeusement une vie de proscrits. Malheureusement, des milliers, terrifiés par la rage des persécuteurs, achetaient la liberté au prix de leur foi. Pour rendre leur rétractation plus impressionnante, on les revêtait, à leur sortie de prison, du vêtement des pénitents. Mais nombreux furent ceux qui, tant dans la noblesse que parmi les gens du peuple, rendirent hardiment témoignage à la vérité dans les cachots et dans les "Tours des Lollards", heureux, au milieu des tortures et des flammes, de participer aux souffrances de leur Maître. TS 98 1 Faute d'avoir pu assouvir leur colère sur Wiclef durant sa vie, les champions de Rome n'eurent aucun repos tant que ses ossements reposèrent tranquillement dans la tombe. A la suite d'un décret du Concile de Constance, plus de quarante ans après la mort du réformateur, ses restes furent exhumés, publiquement livrés aux flammes, et ses cendres jetées à la rivière. "Cette rivière, dit un ancien auteur, les transporta dans l'Avon, l'Avon, dans le Severn, le Severn dans le canal de Bristol, et celui-ci dans l'Océan. Ainsi, les cendres de Wiclef devinrent l'emblème de sa doctrine, aujourd'hui répandue dans le monde entier."1 Ses ennemis se doutaient peu du sens symbolique de leur acte. TS 98 2 C'est sous l'influence des écrits de Wiclef que Jean Hus fut amené à renoncer à plusieurs des erreurs du romanisme et à entreprendre l'oeuvre de la réforme en Bohême. Deux pays si éloignés l'un de l'autre recevaient ainsi les semences de la vérité! De la Bohême la lumière se répandit en d'autres lieux. Les esprits étaient dirigés vers la Parole de Dieu si longtemps oubliée. Une main divine préparait le chemin à la grande Réforme. ------------------------Chapitre 6 -- Hus et Jérôme TS 101 1 Des le neuvième siècle, l'Evangile s'était implanté en Bohême. Les saintes Ecritures y avaient été traduites, et le culte y était célébré en langue vulgaire. Mais à mesure que la puissance du pape grandissait, elle éclipsait la Parole de Dieu. Grégoire VII, qui avait entrepris d'abaisser l'orgueil des rois, ne montrait pas moins d'ardeur à asservir les peuples. Par une bulle, il interdit la célébration du culte en langue bohémienne. Le pape y déclarait "qu'il était agréable au Dieu tout-puissant que son culte fût célébré en une langue inconnue, et que l'inobservance de cette règle avait occasionné bien des maux et des hérésies". Rome jetait ainsi un épais suaire sur la Parole de Dieu et laissait les peuples dans les ténèbres. Mais le ciel avait préparé des instruments pour perpétuer son Eglise. Nombre de Vaudois et d'Albigeois, chassés de France et d'Italie par la persécution, s'étaient établis en Bohême. N'osant pas prêcher ouvertement dans ce pays, ils y avaient travaillé activement dans l'ombre, transmettant l'héritage de la vérité d'une génération à l'autre. TS 102 1 D'autre part, il s'était élevé en Bohême des hommes qui stigmatisaient la corruption de l'Eglise et le dévergondage du peuple, et leurs protestations avaient éveillé l'attention générale. Alarmée, la hiérarchie romaine déclencha la persécution contre les amis de l'Evangile, qui allèrent adorer Dieu dans les forêts et sur les montagnes, où ils furent poursuivis. Plusieurs furent mis à mort. Bientôt il fut décrété que ceux qui abandonneraient la foi romaine seraient livrés aux flammes. Tout en donnant leur vie, ces chrétiens comptaient sur le triomphe de leur cause. L'un d'eux, qui avait enseigné que le salut ne s'obtient que par la foi au Sauveur crucifié, fit en mourant cette déclaration: "La fureur des ennemis de la vérité a maintenant l'avantage sur nous, mais ce ne sera pas toujours le cas; il s'élèvera d'entre le peuple un homme sans épée et sans autorité contre lequel ils ne pourront rien." L'époque où Luther devait paraître était encore bien éloignée; mais une voix allait se faire entendre dont le témoignage contre Rome devait émouvoir les peuples. TS 102 2 D'humble origine et de condition modeste, Jean Hus avait, très tôt, perdu son père. Sa pieuse mère, qui considérait l'instruction et la piété comme les biens les plus précieux, s'était efforcée de les assurer à son fils. Hus put ainsi étudier à l'école provinciale, puis il entra à l'université de Prague où, en raison de son indigence, il fut admis à titre gratuit. Sa mère l'y accompagna; veuve et pauvre, elle n'avait ni présents, ni argent à lui offrir; mais lorsqu'ils furent arrivés près de la grande ville, elle s'agenouilla auprès de l'orphelin et invoqua sur lui la bénédiction du Père céleste. Elle se doutait peu de quelle façon ses prières seraient exaucées. TS 102 3 A l'université, Hus se distingua par son inlassable application et par ses rapides progrès, tandis que sa vie irréprochable et sa douceur lui gagnèrent l'estime de tous. Fils dévoué de l'Eglise de Rome, il recherchait avec ferveur les bénédictions spirituelles dont elle se disait dépositaire. A l'occasion d'un jubilé, pour gagner l'indulgence promise, il alla se confesser, donna ses derniers deniers et se joignit aux processions. Ses études achevées, il entra dans le sacerdoce. Gravissant rapidement les échelons, il fut bientôt attaché à la cour, puis nommé professeur et ensuite recteur de l'université où il avait fait ses études. En quelques années, celui qui avait étudié aux frais de l'université devenait la gloire de son pays, et son nom était célèbre dans toute l'Europe. TS 103 1 Mais c'est dans une autre sphère que Hus devait inaugurer son oeuvre de réforme. Plusieurs années après son ordination à la prêtrise, il fut nommé prédicateur à la chapelle de Bethléhem, dont le fondateur attachait une grande importance à la prédication des Ecritures dans la langue du peuple, coutume que l'opposition de Rome n'avait pas complètement abolie en Bohême. Comme l'ignorance de la Parole de Dieu était grande, et que les vices les plus hideux prévalaient dans toutes les classes de la société, Hus, élevant la voix, dénonçait l'iniquité sans ménagements et proclamait les principes de la vérité et de la pureté au nom de la Parole de Dieu. TS 103 2 Un citoyen de Prague, du nom de Jérôme, qui, par la suite, fut intimement lié avec Hus, avait rapporté à son retour d'un voyage en Angleterre les écrits de Wiclef. D'autre part, sous l'influence de la reine d'Angleterre -- une princesse bohémienne convertie par Wiclef -- les écrits de ce réformateur avaient été largement répandus en Bohême. Hus les lut avec intérêt; convaincu que leur auteur était un chrétien sincère, il fut amené à considérer avec faveur les réformes qu'il réclamait. Sans le savoir, il était entré dans une voie qui devait le conduire bien loin de Rome. TS 103 3 En ce temps-là, arrivèrent d'Angleterre à Prague deux savants étrangers qui, ayant reçu la lumière, venaient la répandre dans ce lointain pays. Ayant attaqué ouvertement la suprématie du pape, ils furent réduits au silence par les autorités; mais ne voulant pas abandonner leur entreprise, ils eurent recours à un autre moyen de propagande. Artistes aussi bien que prédicateurs, ils mirent à profit leur talent et peignirent deux tableaux sur une muraille exposée au public. Un de ces tableaux représentait l'entrée de Jésus à Jérusalem, "plein de douceur, et monté sur un âne",1 et suivi de ses disciples nu-pieds et grossièrement vêtus. Sur l'autre, on voyait une procession pontificale; en tête, le pape couvert de son plus fastueux costume, la triple couronne sur la tête; il était monté sur un coursier richement caparaçonné, précédé de trompettes et suivi de cardinaux somptueusement vêtus. TS 104 1 Il y avait dans cette décoration murale un sermon à la portée de toutes les classes de la société, et dont la morale n'échappait à personne. La foule se rassemblait devant ces tableaux. Plusieurs étaient profondément impressionnés par le contraste entre l'humilité du Maître et l'orgueil du pape, son soi-disant serviteur. Devant l'agitation qui se produisait dans Prague, les deux étrangers jugèrent prudent, pour leur sécurité, de s'éloigner. Mais l'enseignement qu'ils avaient donné ne fut pas oublié. Leurs tableaux frappèrent Hus qui se mit à étudier plus soigneusement les Ecritures et les écrits de Wiclef. Bien qu'il ne fût pas encore en faveur de toutes les réformes préconisées par ce dernier, il voyait plus clairement la véritable nature de la papauté, et il se mit à dénoncer avec énergie l'orgueil, l'ambition et la corruption de la hiérarchie. TS 104 2 De Bohême, la lumière passa en Allemagne. Des troubles qui se produisirent à l'université de Prague amenèrent le départ de plusieurs centaines d'étudiants allemands, dont bon nombre devaient à Hus leur première connaissance des enseignements de la Bible; rentrés chez eux, ils les répandirent dans leur pays. TS 104 3 On ne tarda pas à savoir, à Rome, ce qui se passait à Prague, et Hus fut sommé de comparaître devant le pape. Obéir, c'était courir au-devant d'une mort certaine. Le roi et la reine de Bohême, l'université et la noblesse s'unirent pour demander que Hus fût autorisé par le pape à rester à Prague et à se faire représenter à Rome par un délégué. Au lieu d'accueillir favorablement cette requête, le pape procéda au jugement de Hus, le condamna et mit la ville de Prague en interdit. TS 105 1 A cette époque, une telle sentence jetait l'effroi dans tous les coeurs. Les cérémonies qui l'accompagnaient étaient propres à terrifier les personnes habituées à considérer le pape comme le représentant de Dieu sur la terre, possédant les clés du ciel et de l'enfer et ayant le pouvoir d'invoquer des châtiments temporels et spirituels. On croyait que jusqu'à ce que le pape jugeât bon de lever l'anathème, les portes du ciel étaient fermées pour la région frappée d'excommunication et que les morts étaient exclus du séjour de la félicité. En signe de calamité, tous les offices religieux étaient suspendus. Les églises étaient fermées. Les mariages se célébraient dans les cimetières. Les morts, privés de leur sépulture en terre sainte, étaient enterrés sans cérémonie religieuse soit dans des tranchées, soit dans les champs. C'est ainsi que Rome frappait les imaginations et dominait les consciences. TS 105 2 Prague était bouleversée. Les gens accusaient Hus d'être la cause de toutes les calamités et demandaient qu'il fût livré au pape. Pour calmer la tempête, le réformateur se retira quelque temps dans son village natal et écrivit de là à ses amis de Prague: "Sachez, mes bien-aimés, que c'est pour suivre l'exemple et l'avertissement du Christ que je me suis retiré du milieu de vous, de peur d'être pour les méchants une occasion de condamnation éternelle et pour les bons un sujet de tristesse et de deuil. J'ai fui pour que des prêtres impies ne continuent pas à interdire plus longtemps la prédication de la Parole de Dieu parmi vous, mais non parce que je renie la vérité divine pour laquelle, avec la grâce de Dieu, je suis prêt à mourir."1 Loin de suspendre ses travaux, Hus parcourait la contrée environnante, prêchant la Parole de Dieu à des foules avides de l'entendre. Ainsi, les mesures que le pape prenait pour supprimer la diffusion de l'Evangile contribuaient à lui donner plus de publicité encore. "Car nous n'avons pas de puissance contre la vérité; nous n'en avons que pour la vérité."2 TS 106 1 "Il semble qu'à cette époque, Hus était en proie à un douloureux conflit. Quoique l'Eglise cherchât à le terrasser par ses foudres, il n'avait pas rejeté son autorité. L'Eglise romaine était encore pour lui l'épouse du Christ, et le pape le représentant et le vicaire de Dieu. C'est contre l'abus de cette autorité, et non contre son principe, que Hus était parti en guerre. De là un violent conflit entre les convictions de son esprit et les protestations de sa conscience. Si l'autorité papale était légitime et infaillible, comme il le croyait, comment se faisait-il qu'il se sentît poussé à lui résister? Obéir, il s'en rendait compte, serait commettre un péché; mais pourquoi l'obéissance à une Eglise infaillible le plaçait- elle dans cette impasse? Telle était l'énigme qu'il ne pouvait résoudre; tel était le doute qui le harcelait sans répit. Finalement, il comprit qu'il se trouvait devant une répétition de ce qui était arrivé au temps du Sauveur, à savoir que les prêtres de l'Eglise s'étaient pervertis et se servaient d'un pouvoir légitime en faveur de desseins illégitimes. Cette pensée l'amena à adopter et à proposer à d'autres cette règle de conduite: les maximes et les préceptes des saintes Ecritures doivent diriger notre conscience; en d'autres termes, Dieu, parlant par sa Parole, et non l'Eglise parlant par les prêtres, est le seul guide infaillible."3 TS 106 2 Dès que l'agitation se fut apaisée à Prague, Hus retourna à sa chapelle de Bethléhem, où il reprit ses prédications avec plus de zèle et de courage que jamais. Ses ennemis étaient actifs et puissants, mais la reine, plusieurs membres de la noblesse et une bonne partie de la population lui accordaient leur soutien et leur amitié. En comparant ses purs enseignements et sa vie sainte avec les dogmes dégradants que prêchaient les disciples de Rome, et l'avarice et le dérèglement de leur vie, plusieurs s'honoraient d'être de son parti. TS 107 1 Jusqu'alors, Hus avait été seul à la tâche; mais à partir de ce moment, Jérôme de Prague qui, pendant un séjour en Angleterre, avait accepté les enseignements de Wyclef, devint son collaborateur. Unis désormais pour la vie, ils devaient l'être aussi dans la mort. Joignant à un génie brillant une éloquence rare et une vaste érudition, Jérôme avait tout ce qu'il fallait pour gagner la faveur populaire. Mais Hus le dépassait au point de vue de la force de caractère. Sa pondération était un frein salutaire pour l'impulsif Jérôme, qui acceptait avec une véritable humilité les conseils de son ami. Leurs travaux réunis imprimaient à la Réforme une impulsion nouvelle. TS 107 2 Sans révéler à ces hommes de son choix toute la lumière qui devait être donnée au monde, Dieu leur fit voir plusieurs des erreurs de l'Eglise. Par leur moyen, il faisait sortir le peuple des ténèbres, mais graduellement et pas à pas, en tenant compte des nombreux et sérieux obstacles à surmonter. Non préparés à contempler la vérité dans tout son éclat, ils s'en fussent détournés, éblouis, telle une personne qui passe de l'obscurité à la clarté du soleil de midi. Siècle après siècle, d'autres ouvriers fidèles allaient être chargés de conduire les âmes plus loin encore sur le chemin de la Réforme. TS 107 3 Le schisme de l'Eglise durait encore. Trois papes se disputaient maintenant la tiare, et leurs luttes engendraient partout des troubles et des crimes. Non contents de se lancer réciproquement leurs foudres spirituelles, les candidats au trône pontifical eurent recours à la force. Chacun d'eux se mit en devoir de se procurer une armée, mettant en vente, à cet effet, les charges, les bénéfices et les grâces spirituelles de l'Eglise.1 Suivant l'exemple de leurs supérieurs, les prêtres se livraient à la simonie, soit pour évincer des rivaux, soit pour accroître leur puissance. Avec une hardiesse de jour en jour grandissante, Hus tonnait contre ces abominations pratiquées sous le couvert de la religion, et le peuple accusait ouvertement les chefs de l'Eglise d'être la cause des maux qui accablaient la chrétienté. TS 108 1 La ville de Prague se vit derechef à la veille d'un conflit sanglant. Comme autrefois le prophète Elie, le serviteur de Dieu était accusé de jeter "le trouble en Israël".2 De nouveau, la ville fut frappée d'interdit, et Hus se retira dans son village natal. Il avait fini de rendre son fidèle témoignage dans sa chère chapelle de Bethléhem. Désormais, avant de livrer sa vie pour l'amour de la vérité, Hus allait étendre son action et s'adresser à toute la chrétienté. TS 108 2 En vue de remédier aux maux qui désolaient l'Europe, l'empereur Sigismond demanda à l'un des trois papes rivaux de convoquer un concile général à Constance. Jean XXIII3 était loin de voir d'un bon oeil la réunion de ce concile. En effet, il redoutait l'examen de sa vie intime et de sa politique, même devant ces hommes aux moeurs relâchées qu'étaient les ecclésiastiques de l'époque. Il n'osa pas, toutefois, s'opposer à la volonté de l'empereur.4 TS 108 3 Les deux grands objets du concile étaient de mettre un terme au schisme de l'Eglise et d'extirper l'hérésie. En conséquence, les deux antipapes, aussi bien que le principal propagateur des idées nouvelles, Jean Hus, furent sommés de comparaître devant l'assemblée. Les deux premiers, craignant pour leur sécurité, s'y firent représenter par des délégués. Jean XXIII, qui avait convoqué le concile, ne vint à Constance qu'avec de vives appréhensions. Il soupçonnait l'empereur de nourrir secrètement le projet de le faire déposer, et redoutait fort d'être appelé à répondre des vices qui avaient déshonoré sa tiare, aussi bien que des crimes qui lui en avaient assuré la possession. Il fit néanmoins son entrée à Constance en grande pompe, escorté des membres du haut clergé et d'une suite de courtisans. Sa tête était protégée par un baldaquin doré soutenu par quatre notables. On portait l'hostie devant lui. L'éclat du cortège était rehaussé par les riches costumes des cardinaux et de la noblesse. Le clergé et les magistrats de la ville allèrent à la rencontre du pape pour lui souhaiter la bienvenue. TS 109 1 Un autre voyageur approchait en même temps de Constance. C'était Hus. Conscient des dangers qui le menaçaient, il avait dit à ses amis un dernier adieu, et s'était mis en route, convaincu qu'il se dirigeait vers le bûcher. Bien qu'il eût obtenu un sauf-conduit du roi de Bohême et en eût reçu un autre, en cours de route, de l'empereur Sigismond, il avait pris toutes ses dispositions en vue de sa mort probable. TS 109 2 Dans une lettre à ses amis de Prague, il écrivait: TS 109 3 "Mes frères... je pars; muni d'un sauf-conduit du roi, je vais au-devant de nombreux et mortels ennemis. ... Je me confie entièrement au Dieu tout-puissant et en mon Sauveur; j'espère qu'il exaucera vos ardentes prières; qu'il mettra la prudence et la sagesse en ma bouche, et qu'il m'accordera son Saint-Esprit pour me fortifier dans sa vérité, de sorte que j'affronte avec courage les tentations, la prison et, si c'est nécessaire, une mort cruelle. Jésus-Christ a souffert pour ses bien-aimés, nous laissant son exemple, afin que nous endurions patiemment nous-mêmes toutes choses pour notre propre salut. Il est Dieu, et nous sommes ses créatures; il est le Seigneur, et nous sommes ses serviteurs; il est le Maître du monde, et nous sommes de chétifs mortels; -- cependant il a souffert: pourquoi ne souffririons-nous pas, surtout lorsque la souffrance est pour nous un moyen de purification?... Ainsi donc, mes bien-aimés, si ma mort doit contribuer à sa glorification, priez pour qu'elle vienne promptement et pour que Dieu m'accorde de supporter tous mes malheurs avec patience. Mais s'il est préférable que je revienne au milieu de vous, demandons à Dieu que je reparte sans tache de ce concile, c'est-à-dire sans avoir rien retranché de la vérité de l'Evangile, afin de laisser à mes frères un bel exemple à suivre. Peut-être ne reverrez-vous plus mon visage à Prague; mais si la volonté du Dieu tout-puissant daigne me rendre à vous, avançons alors d'un coeur plus ferme dans la connaissance et dans l'amour de sa Loi."1 TS 110 1 Dans une autre lettre, adressée à un prêtre qui était devenu un disciple de l'Evangile, Hus parle avec une profonde humilité de ses faiblesses; il s'accuse d'avoir pris plaisir à porter de riches vêtements et d'avoir gaspillé des heures à des occupations frivoles. Puis il ajoute cette touchante exhortation: TS 110 2 "Que la gloire de Dieu et le salut des âmes occupent seuls ton esprit, et non la possession de bénéfices et d'héritages. ... Prends garde à ne point orner ta maison plus que ton âme; et donne surtout tes soins à l'édifice spirituel. Sois pieux et humble avec les pauvres, et ne dépense pas ton bien en festins. Si tu n'amendes ta vie et ne t'abstiens de vêtements somptueux et de superfluités, je crains que tu ne sois gravement châtié comme je le suis moi-même. ... Tu as connu mes prédications et mes exhortations dès ton enfance; il est donc inutile que je t'écrive davantage; mais je te conjure, par la miséricorde de notre Seigneur, de ne me suivre dans aucune des vanités où tu m'as vu tomber." Il ajoutait sur l'enveloppe: "Je te conjure, ami, de ne point rompre ce cachet avant d'avoir acquis la certitude de ma mort."1 TS 111 1 Pendant toute la durée de son voyage, Hus eut la preuve que sa doctrine était connue au loin et il put constater la faveur dont sa cause était l'objet. Le peuple accourait au-devant de lui; dans quelques villes, il était escorté par les magistrats. TS 111 2 Arrivé à Constance, il jouit d'abord d'une entière liberté. Le pape ajouta au sauf-conduit de l'empereur une assurance personnelle de sa protection. Mais peu après, au mépris de ces nombreuses et solennelles déclarations, par ordre du pape et des cardinaux, le réformateur fut arrêté et jeté dans une prison infecte, et plus tard transféré dans un château fort au bord du Rhin. Ne tirant pas grand profit de sa perfidie, le pape se vit à son tour interné dans le même château.2 Convaincu, devant le concile, des crimes les plus odieux, entre autres de meurtre, de simonie, d'adultère, "et de péchés que la décence ne permet pas de mentionner" (telle est la déclaration du concile), Jean XXIII fut privé de la tiare. Les antipapes furent également déposés, et un nouveau pontife fut choisi. TS 111 3 Le même concile, tout en réclamant une réforme et en déposant le pape pour des crimes plus énormes que ceux dont Hus accusait les prêtres, voulut aussi en finir avec le réformateur. L'incarcération de Hus avait provoqué une grande indignation en Bohême. De puissants seigneurs adressèrent au concile une protestation véhémente contre cet affront. L'empereur, qui répugnait à la violation d'un sauf-conduit, s'opposait aux machinations des ennemis du réformateur. Acharnés et résolus, ceux-ci firent appel aux préjugés de Sigismond et à son zèle pour l'Eglise. Ils établirent, par de longs arguments, qu'on "n'était pas tenu, malgré les sauf-conduits des empereurs et des rois, de garder la foi aux hérétiques, ni aux personnes suspectes d'hérésie",1 et ils finirent par l'emporter. TS 112 1 Affaibli par la maladie, par sa longue réclusion, par l'air humide et infect de son cachot et par une fièvre qui faillit mettre un terme à ses jours, Hus fut enfin appelé à comparaître devant le concile. Chargé de chaînes, il parut devant l'empereur qui avait pris, sur son honneur et sa bonne foi, l'engagement de le protéger. Au cours d'un long interrogatoire, le réformateur soutint fermement la vérité. En présence des dignitaires réunis de l'Eglise et de l'Empire, il fit entendre une protestation solennelle contre les désordres de la hiérarchie. Mis en demeure de choisir entre la rétractation et la mort, il choisit cette dernière. TS 112 2 Hus avait été visiblement soutenu par la grâce de Dieu. Pendant les semaines de souffrances qui s'écoulèrent avant la sentence définitive, il avait joui d'une paix céleste. Il écrivait à un ami: "Je trace ces lignes dans ma prison et de ma main enchaînée, attendant de subir demain ma sentence de mort. ... Lorsque nous nous retrouverons dans l'heureuse éternité, tu sauras avec quelle clémence le Seigneur a daigné m'assister dans mes cruelles épreuves."2 TS 112 3 De sa triste prison, Hus prévoit le triomphe de la vraie foi. Dans un songe il voit sa chapelle de Bethléhem, où il avait prêché l'Evangile, il voit le pape et ses évêques occupés à effacer les images du Christ qu'il avait fait peindre sur les parois. Il en est très affligé; "mais le lendemain il voit de nouveau dans un rêve plusieurs peintres occupés à repeindre les images en plus grand nombre et avec des couleurs plus vives. Ce travail achevé, les peintres, entourés d'une grande foule, s'écrient: Que maintenant viennent papes et évêques! ils ne les effaceront plus jamais." Après avoir relaté ce dernier songe, le réformateur ajoute: "je tiens ceci pour certain que l'image du Christ ne sera jamais effacée. Ils ont voulu la détruire; mais elle sera peinte à nouveau dans les coeurs par de meilleurs prédicateurs que moi."1 TS 113 1 Quand, pour la dernière fois, Hus comparut devant le concile, il se trouva dans une nombreuse et brillante assemblée où l'on remarquait l'empereur, les princes de l'empire, les délégués royaux, les cardinaux, les évêques. Des prêtres et une foule immense étaient présents. De toutes les parties de la chrétienté, étaient accourus les témoins du premier des grands sacrifices marquant la longue lutte qui devait aboutir à la liberté de conscience. TS 113 2 Invité à faire part de sa décision finale, Hus répéta son refus d'abjurer, puis, portant son regard pénétrant sur le monarque honteusement infidèle à sa parole d'honneur, il ajouta: "Je suis venu à ce concile de mon plein gré et sous la foi publique et la protection de l'empereur, ici présent." Alors tous les regards se tournèrent vers Sigismond, dont le visage s'empourpra. TS 113 3 La sentence rendue, la cérémonie de la dégradation commença. Les évêques affublèrent leur prisonnier de vêtements sacerdotaux. Ce dernier, en prenant l'aube, fit cette remarque: "Quand Hérode fit conduire notre Seigneur à Pilate, on le revêtit d'une robe blanche pour l'insulter." Exhorté derechef à se rétracter, il répondit en se tournant vers le peuple: "Comment, après cela, lèverais-je le front vers le ciel? De quel oeil soutiendrais-je les regards de cette foule d'hommes que j'ai instruits... de la pure doctrine de l'Evangile de Jésus-Christ?... Non, non! il ne sera pas dit que j'ai préféré à leur salut éternel le salut de ce corps misérable destiné à la mort." Ses vêtements lui furent enlevés l'un après l'autre, et sur chacun d'eux les évêques prononcèrent une malédiction. On posa sur sa tête une couronne ou mitre pyramidale où étaient peints des diables affreux, avec cette inscription: L'Heresiarque. "C'est avec joie, déclara Hus, que j'accepte de porter cette couronne d'opprobre, par amour pour toi, Jésus, qui, pour moi, portas une couronne d'épines."1 TS 114 1 Ayant achevé de le travestir, les prélats lui dirent: "Nous livrons maintenant ton âme au diable." A quoi Hus répondit, en levant les regards vers le ciel: "Et moi, je remets mon esprit entre tes mains, ô Seigneur Jésus, car tu m'as racheté."2 TS 114 2 Il fut alors livré au bras séculier et conduit au lieu d'exécution. Une foule immense d'hommes armés, de prêtres, d'évêques somptueusement vêtus, accompagnés des habitants de Constance, le suivirent. Dès que Hus eut été attaché sur le bûcher prêt à être allumé, on l'exhorta une fois de plus à sauver sa vie par une rétractation de ses erreurs. "A quelles erreurs devrais-je renoncer? demanda Hus. Je ne me sens coupable d'aucune. Je prends Dieu à témoin que tout ce que j'ai prêché et écrit n'avait d'autre but que d'arracher des âmes au péché et à la perdition. C'est avec joie que je scellerai de mon sang les vérités que j'ai prêchées et écrites."3 Quand les flammes commencèrent à l'envelopper, il se mit à chanter: "Jésus, Fils de David, aie pitié de moi", et il continua jusqu'à ce que sa voix se fût éteinte pour toujours. TS 114 3 Ses ennemis eux-mêmes furent frappés de son héroïsme. Un zélé partisan du pape, décrivant le martyre de Hus et de Jérôme, qui mourut peu après, a écrit: "Tous deux se montrèrent fermes à l'approche de leur dernière heure. Ils se préparèrent pour le feu comme ils l'auraient fait pour assister à une noce. Ils ne firent pas entendre un seul cri de douleur. Quand les flammes s'élevèrent, ils se mirent à chanter des cantiques, et c'est à peine si l'ardeur du feu réussit à arrêter leur chant."3 TS 114 4 Dès que le corps de Hus fut entièrement consumé, on recueillit ses cendres, et on les jeta dans le Rhin qui les charria dans l'océan. En vain ses ennemis crurent avoir extirpé les vérités qu'il avait prêchées; ils ne se doutaient pas que ces cendres perdues dans la mer seraient semblables à une semence qui se répandrait dans tous les pays de la terre et produirait dans des contrées encore inconnues des fruits abondants à la gloire de la vérité. La voix courageuse qui s'était fait entendre dans les salles du concile de Constance allait éveiller des échos dans tous les siècles suivants. Hus n'était plus, mais les vérités pour lesquelles il était mort ne pouvaient périr. Son exemple de foi et de constance devait encourager des multitudes à tenir ferme pour la vérité en face des tortures et de la mort. Son exécution avait dévoilé la perfide cruauté de Rome aux yeux du monde entier. Inconsciemment, les ennemis de la vérité avaient contribué au progrès de la cause qu'ils désiraient détruire. TS 115 1 Un second bûcher devait se dresser à Constance. Un autre témoin allait déposer en faveur de l'Evangile. En faisant ses adieux à Hus, avant son départ pour le concile, Jérôme l'avait exhorté à la fermeté et au courage, lui promettant de voler à son secours au cas où il courrait quelque danger. Dès qu'il apprit l'arrestation de son ami, le fidèle disciple s'acquitta de sa promesse. Sans aucun sauf-conduit, escorté d'un seul compagnon, il se mit en route pour Constance. Arrivé dans cette ville, il se rendit compte de l'impossibilité dans laquelle il se trouvait de porter secours à Hus et du danger qu'il courait. Il s'enfuit aussitôt, mais il fut rejoint, arrêté et ramené, chargé de chaînes, sous bonne garde. Lors de sa première comparution, ses tentatives pour se justifier des accusations portées contre lui furent accueillies par les cris: "Aux flammes! aux flammes!" Reconduit en prison, enchaîné dans une position douloureuse, n'ayant pour toute nourriture que du pain et de l'eau, Jérôme, après quelques mois de ce régime, tomba malade et fut bien près de la mort. Ses ennemis, craignant qu'il ne leur échappe, adoucirent son sort, mais le laissèrent encore en prison toute une année. TS 116 1 La mort de Hus n'avait pas produit l'effet que ses ennemis en avaient attendu: la violation du sauf-conduit avait déchaîné une tempête d'indignation. Aussi le concile jugea-t-il qu'il était préférable d'arracher, si possible, à Jérôme une rétractation plutôt que de le livrer aux flammes. Il fut amené devant l'assemblée, qui lui offrit l'alternative de la rétractation ou du bûcher. Au commencement de sa captivité, la mort eût été pour Jérôme une grâce en comparaison des souffrances qu'il devait endurer; mais alors, affaibli par la maladie et par la réclusion, déprimé par l'anxiété et l'attente, séparé de ses amis et abattu par la mort de Hus, sa constance l'abandonna. Il consentit à se soumettre au concile, et accepta le décret condamnant les doctrines de Wiclef et de Hus, sans abandonner toutefois "les saintes vérités" qu'ils avaient enseignées. TS 116 2 Par ce compromis, Jérôme espérait calmer la voix de sa conscience et échapper à la mort. Mais, réintégré dans la solitude de sa prison, il comprit mieux ce qu'il avait fait. Le courage et la fidélité de Hus se présentèrent à lui en contraste avec son reniement de la vérité. Il reporta ses pensées sur le divin Maître qu'il s'était engagé à servir, et qui, par amour pour lui, avait souffert la mort de la croix. Avant sa rétractation, Jérôme avait été soutenu dans toutes ses souffrances par l'assurance de la grâce divine. Mais maintenant son âme était torturée par le doute et le remords. Il comprenait que pour être en paix avec Rome, il devrait faire de nouvelles concessions et que la voie dans laquelle il était entré ne pouvait aboutir qu'à une complète apostasie. Aussi prit-il la résolution de ne point consentir, pour s'épargner une courte période de souffrances, à renier son Sauveur. TS 116 3 Il fut bientôt ramené devant le concile. Ses juges n'étaient pas encore satisfaits de sa soumission. Leur soif de sang, excitée par la mort de Hus, exigeait de nouvelles victimes. Seule une répudiation complète de la vérité pouvait arracher Jérôme à la mort. Mais celui-ci avait résolu de confesser sa foi et de suivre son frère et ami jusque dans les flammes du bûcher. TS 117 1 Il retira sa première rétractation, et, comme tout condamné à mort, il sollicita le droit de présenter sa défense. Craignant l'effet de ses paroles, les prélats exigèrent qu'il se bornât à reconnaître ou à nier la véracité des accusations portées contre lui. Jérôme protesta contre cette injustice et cette cruauté: "Vous m'avez tenu enfermé trois cent quarante jours dans une affreuse prison, dans l'ordure, dans la puanteur, dans le besoin extrême de toutes choses; vous me faites ensuite comparaître devant vous et, prêtant l'oreille à mes ennemis mortels, vous refusez de m'écouter!... Si vous êtes réellement des hommes sages et les lumières du monde, prenez garde de ne point pécher contre la justice. Pour moi, je ne suis qu'un faible mortel: ma vie est peu de chose, et, lorsque je vous exhorte à ne point rendre une sentence inique, je parle moins pour moi-même que pour vous."1 TS 117 2 On fit droit à sa requête. Jérôme s'agenouilla en présence de ses juges, demandant à Dieu de diriger ses pensées et ses paroles, en sorte qu'il ne dise rien qui fût contraire à la vérité ou indigne de son Maître. Aussi vit-on, en ce jour, se réaliser la promesse de Jésus à ses premiers disciples: "Vous serez menés, à cause de moi, devant des gouverneurs et devant des rois. ... Mais, quand on vous livrera, ne vous inquiétez ni de la manière dont vous parlerez ni de ce que vous direz: ce que vous aurez à dire vous sera donné à l'heure même; car ce n'est pas vous qui parlerez, c'est l'Esprit de votre Père qui parlera en vous."2 TS 117 3 Les paroles de Jérôme excitèrent l'étonnement et l'admiration de ses ennemis eux-mêmes. Il avait été enfermé durant une année dans une prison obscure où il lui avait été impossible de lire et où il avait éprouvé de vives souffrances physiques et de grandes angoisses morales. Néanmoins, il parla avec autant de clarté et de puissance que s'il avait eu l'occasion de préparer sa défense à son aise. Il attira l'attention de ses juges sur tous les hommes injustement condamnés au cours des siècles. Il en mentionna plusieurs -- le Christ y compris -- qui, après avoir été couverts d'opprobre et condamnés comme malfaiteurs parce qu'ils avaient tenté d'éclairer leurs semblables, furent plus tard jugés dignes des plus grands honneurs. TS 118 1 Dans sa rétractation, Jérôme avait reconnu comme juste la sentence qui avait condamné Hus. Honteux de sa faiblesse, il rendit un éclatant témoignage à l'innocence et à la sainteté du martyr. "Je l'ai connu depuis son enfance, dit-il... C'était un homme excellent, un juste, un saint, et vous avez osé condamner cet innocent...! Moi aussi, je suis prêt à mourir; je ne reculerai pas devant le supplice que me préparent mes ennemis et de faux témoins qui devront un jour rendre compte de leurs impostures devant le grand Dieu que rien ne peut tromper."1 TS 118 2 Parlant des remords que lui occasionnait son reniement, Jérôme poursuivit: "De tous les péchés que j'ai commis depuis ma jeunesse, aucun ne me pèse davantage et ne me cause de plus poignants remords que celui que j'ai commis en ce lieu fatal, lorsque j'ai approuvé la sentence inique rendue contre Wiclef et contre ce saint martyr Jean Hus, mon maître et mon ami. Oui, je le confesse de coeur et de bouche, je le dis avec horreur, j'ai honteusement failli par crainte de la mort en condamnant leurs doctrines. Je supplie donc le Dieu tout-puissant de me pardonner mes péchés, et particulièrement celui-ci, le plus odieux de tous." En tendant la main vers ses juges, il ajouta d'une voix ferme: "Vous avez condamné Wiclef et Jean Hus, non comme ayant ébranlé la doctrine de l'Eglise, mais seulement parce qu'ils ont flétri les scandales provenant du clergé: le faste, l'orgueil et tous les vices des prélats et des prêtres. Les choses qu'ils ont dites et qui sont irréfutables, je les pense et je les dis comme eux." TS 119 1 Frémissants de colère, les prélats l'interrompirent en s'écriant: "Qu'est-il besoin d'autre preuve? Nous voyons de nos yeux le plus obstiné des hérétiques!" TS 119 2 Sans se laisser émouvoir par cette tempête, Jérôme continua: "Et quoi, pensez-vous donc que je craigne la mort? Vous m'avez retenu toute une année aux fers, dans un affreux cachot, plus horrible que la mort même; vous m'avez traité plus rigoureusement qu'un Turc, qu'un Juif ou qu'un païen, et ma propre chair a pourri vivante sur mes os. Et cependant je ne me plains pas, car la plainte sied mal à un homme de coeur; mais je m'étonne d'une si grande barbarie envers un chrétien." TS 119 3 Le tumulte couvrit de nouveau sa voix, et Jérôme fut reconduit dans sa prison. Mais il s'était trouvé dans l'assemblée des personnes sur lesquelles ses paroles avaient fait une profonde impression, et qui désiraient sauver Jérôme. Des dignitaires de l'Eglise allèrent le trouver pour l'engager à se soumettre au concile. On lui promettait l'avenir le plus brillant si, souscrivant à la sentence rendue contre Jean Hus, il abjurait sa doctrine. Comme son maître, alors qu'on lui offrait les gloires de ce monde, il demeura inébranlable: TS 119 4 "J'abjurerai, dit-il, si, par la sainte Ecriture, vous me démontrez que je suis dans l'erreur." TS 119 5 "Eh quoi! fit l'un de ses tentateurs, jugera-t-on de tout par les saintes Lettres? Ne faut-il pas revenir aux Pères pour les interpréter?" TS 119 6 "Qu'entends-je? s'écria Jérôme. ... Les traditions des hommes sont-elles plus dignes de foi que cette sainte Parole du Seigneur? Paul n'a point exhorté ses lecteurs à écouter les traditions des hommes; il a dit: "Les saintes Ecritures vous instruiront." TS 120 1 "Hérétique! fit un cardinal en jetant sur lui un regard courroucé, je me repens d'avoir ici plaidé si longtemps pour toi: le diable est dans ton coeur."1 TS 120 2 Jérôme fut condamné à mort et brûlé à l'endroit même où Hus avait donné sa vie. C'est en chantant, et le visage rayonnant de paix et de joie, qu'il se rendit au lieu du supplice. Il avait les yeux fixés sur son Sauveur. Pour lui, la mort avait perdu ses terreurs. Le bourreau s'étant glissé derrière lui pour allumer le bûcher, le martyr lui cria: "Avance hardiment, et mets le feu devant moi; si je l'avais craint, je ne serais pas ici." TS 120 3 Les dernières paroles qu'il proféra pendant que les flammes l'enveloppaient furent celles-ci: "Seigneur, Père tout-puissant, aie pitié de moi et pardonne-moi mes péchés, car tu sais que j'ai toujours aimé ta vérité."2 Sa voix cessa de se faire entendre, mais ses lèvres murmuraient encore une prière. Quand le feu eut achevé son oeuvre, on recueillit ses cendres, et on les jeta dans le Rhin comme on l'avait fait pour celles de Hus. TS 120 4 Ainsi mouraient les fidèles témoins du Dieu vivant. Mais la lumière des vérités qu'ils avaient proclamées -- leur héroïque exemple -- ne pouvait être éteinte. Pas plus qu'il ne leur était possible d'empêcher le soleil de poursuivre sa course, les hommes ne pouvaient arrêter l'aurore qui commençait à poindre sur le monde. TS 120 5 L'exécution de Hus avait soulevé en Bohême une vague d'indignation et d'horreur. Toute la nation avait le sentiment qu'il avait été victime de la malignité des prêtres et de la trahison de l'empereur. On le tenait pour un fidèle témoin de la vérité; le concile qui avait décrété sa mort fut accusé de meurtre; sa doctrine attirait maintenant plus que jamais l'attention. L'édit papal avait condamné au feu les écrits de Wiclef. Mais ceux qui avaient échappé à la destruction étaient retirés de leurs cachettes et comparés avec les Ecritures ou avec les fragments du saint Livre que l'on pouvait se procurer; et ainsi plusieurs étaient amenés à la foi réformée. TS 121 1 Les meurtriers de Hus n'assistèrent pas les bras croisés au triomphe de sa cause. Le pape et l'empereur unirent leurs forces pour écraser le mouvement, et les armées de Sigismond se ruèrent sur la Bohême. TS 121 2 Mais un libérateur parut. Ziska, chef des Bohémiens, qui fut frappé de cécité peu après l'ouverture des hostilités, était l'un des plus grands capitaines de son siècle. Comptant sur l'assistance de Dieu et la justice de sa cause, ce peuple résista aux plus puissantes armées dirigées contre lui. A plusieurs reprises, l'empereur envahit la Bohême avec de nouvelles troupes, mais pour se faire battre à plate couture. Les hussites s'étaient élevés au-dessus de la crainte de la mort, et rien ne pouvait leur résister. Quelques années plus tard, le brave Ziska mourut et fut remplacé par Procopius, capitaine également brave et habile, et, sous certains rapports, supérieur au premier. TS 121 3 Apprenant la mort du général aveugle, les ennemis des Bohémiens jugèrent le moment propice pour regagner tout le terrain perdu. Le pape proclama une croisade contre les hussites et, derechef, une immense armée envahit la Bohême, mais pour aller, une fois de plus, au-devant d'une sanglante défaite. Une nouvelle croisade fut organisée. On leva des hommes et on se procura de l'argent, des armes et des munitions dans toutes les parties de l'Europe. Des multitudes vinrent se ranger sous les étendards du pape avec la certitude d'écraser enfin ce peuple d'hérétiques. Confiants en la victoire, les envahisseurs pénétrèrent en Bohême. Le peuple courut aux armes pour les repousser. Les deux armées se rapprochèrent l'une de l'autre jusqu'à ce que, seule, une rivière les séparât. "Les croisés étaient de beaucoup supérieurs en nombre; mais au lieu de franchir le cours d'eau, et d'engager la bataille avec ces hussites qu'ils venaient combattre de si loin, ils se contentèrent de les contempler en silence."1 Soudain, ils furent pris d'une mystérieuse panique. Sans coup férir, cette puissante armée se débanda et se dispersa, comme frappée par une puissance invisible. Un grand nombre de fuyards furent massacrés par l'armée hussite, et un immense butin resta aux mains des vainqueurs. TS 122 1 Quelques années plus tard, un nouveau pape ordonna une nouvelle croisade. Comme pour la campagne précédente, on recruta des hommes et des fonds dans toute l'Europe. De grands avantages étaient offerts à ceux qui s'enrôlaient dans cette périlleuse entreprise. Tout croisé recevait l'assurance de l'impunité des crimes les plus odieux. On promettait à ceux qui tomberaient sur le champ de bataille une belle récompense dans le ciel, et aux survivants des richesses et des honneurs. Encore une fois, une grande armée franchit la frontière et entra en Bohême. Les hussites se retirèrent devant elle, attirant ainsi les envahisseurs à l'intérieur du pays et leur laissant croire qu'ils avaient déjà la victoire. Mais l'armée de Procopius fit volte-face, et s'apprêta à livrer bataille aux forces ennemies. S'apercevant seulement alors de leur erreur, les croisés restèrent dans leur camp, attendant l'attaque. Lorsqu'ils apprirent que l'armée hussite approchait, et avant même qu'elle fût en vue, les croisés, saisis de panique, lâchèrent pied. Princes, généraux et soldats, jetant leurs armures, s'enfuirent dans toutes les directions. Le légat du pape, chef de l'expédition, s'efforça de rallier ses troupes terrifiées. Il fut lui-même entraîné par la vague des fugitifs. La déroute fut complète, et un immense butin resta de nouveau entre les mains des vainqueurs. TS 122 2 Ainsi, à deux reprises une armée brave et aguerrie, envoyée par les plus puissantes nations d'Europe, avait fui sans tirer l'épée devant une faible et petite phalange. Ces terreurs surnaturelles des envahisseurs révélaient une manifestation de la puissance divine. Celui qui avait précipité l'armée de Pharaon dans la mer Rouge, mis en fuite les troupes de Madian devant Gédéon et ses trois cents hommes, et détruit en une nuit les forces de l'orgueilleux Assyrien, avait de nouveau étendu sa main pour abattre la puissance de l'oppresseur. "Alors ils trembleront d'épouvante, sans qu'il y ait sujet d'épouvante; Dieu dispersera les os de ceux qui campent contre toi; tu les confondras, car Dieu les a rejetés."1 TS 123 1 Désespérant de vaincre par la force, les chefs de l'Eglise eurent recours à la diplomatie. On proposa un compromis qui, tout en concédant apparemment aux hussites la liberté de conscience, les livrait au pouvoir de la papauté. Les Bohémiens mirent quatre conditions à la paix avec Rome: la libre prédication de la Parole de Dieu et l'usage de leur langue maternelle dans le culte; la communion sous les deux espèces pour toute la congrégation; l'exclusion du clergé de toutes fonctions administratives et gouvernementales; enfin, en cas de crime, clercs et laïques devaient tous relever des mêmes tribunaux. Le clergé finit par "souscrire aux quatre conditions des hussites, mais en déclarant que le droit de les définir et d'en déterminer le sens exact serait l'affaire du concile, c'est-à-dire du pape et de l'empereur".2 C'est sur cette base qu'un traité fut conclu; Rome obtenait ainsi par dissimulation et par fraude ce qu'elle n'avait pu obtenir par la force: ayant la liberté de fixer le sens des articles, elle allait évidemment leur donner celui qui répondait à ses voeux. TS 123 2 Un parti nombreux, voyant la liberté en danger, ne put souscrire à l'accord. Des dissensions intestines et des divisions s'ensuivirent, qui amenèrent des conflits armés. Dans ces luttes, le noble Procopius tomba, et avec lui périrent les libertés de la Bohême. TS 124 1 Sigismond, qui avait trahi Hus et Jérôme, devint alors roi de Bohême. Malgré son serment de défendre les droits de ce pays, il voulut y établir la papauté. Mais sa complaisance envers Rome ne lui fut guère profitable. Pendant vingt ans, il avait dû affronter sans cesse toutes sortes de périls. Ses armées avaient été décimées et ses finances épuisées par une lutte longue et stérile. Lorsqu'il mourut, après un an de règne, il léguait à la postérité un nom marqué d'infamie et son royaume était menacé par la guerre civile. TS 124 2 Les divisions, les tumultes et les effusions de sang se prolongèrent. Des armées étrangères envahirent encore la Bohême, et la nation continua d'être bouleversée par des luttes intestines. Ceux qui étaient restés fidèles à l'Evangile furent en butte à une sanglante persécution. TS 124 3 Voyant que les erreurs de Rome étaient adoptées par ceux de leurs anciens frères qui avaient fait un pacte avec elle, les adhérents de l'antique foi constituèrent une Eglise distincte qui prit le nom d'"Eglise de l'Unité des Frères". Exposés aux anathèmes de tous les partis, ils demeurèrent inébranlables. Contraints d'aller chercher un refuge dans les bois et dans les cavernes, ils n'en continuèrent pas moins de se réunir pour adorer Dieu et lire sa Parole. TS 124 4 Par des messagers qu'ils avaient envoyés secrètement en divers pays ils apprirent qu'il y avait çà et là, dans diverses villes, "des témoins isolés de la vérité exposés comme eux à la persécution, et qu'il existait dans le massif alpestre une ancienne Eglise bâtie sur le fondement des saintes Ecritures et protestant contre l'idolâtrie romaine".1 Ils accueillirent cette nouvelle avec une grande joie, et ils entrèrent en correspondance avec les chrétiens vaudois. TS 124 5 Fermement attachés à l'Evangile, les Bohémiens continuèrent, sous les plus sombres persécutions, de tenir les regards fixés vers l'horizon, comme attendant les premières lueurs du jour. "Appelés à vivre à une époque malheureuse, ils se souvenaient des paroles de Hus répétées ensuite par Jérôme, qu'un siècle devait s'écouler avant l'apparition de la lumière du matin. Ces paroles furent pour les Taborites (les hussites) ce que celles de Joseph avaient été pour les douze tribus pendant leur servitude: "Je vais mourir; mais Dieu vous visitera certainement, et il vous fera remonter de ce pays."1 "La fin du quinzième siècle fut témoin de l'accroissement lent mais constant des églises des Frères. Loin d'être libres, ceux-ci jouirent néanmoins d'un repos relatif. Au commencement du seizième siècle, ils comptaient deux cents congrégations en Bohême et en Moravie."2 "Ainsi, un reste considérable de réchappés du feu et de l'épée put voir l'aurore du jour annoncé par Jean Hus."1 ------------------------Chapitre 7 -- Luther se sépare de Rome TS 127 1 Suscite à son heure pour réformer l'Eglise et éclairer le monde, Martin Luther a joué le rôle le plus considérable dans le grand mouvement réformateur du seizième siècle. Zélé, ardent, pieux, ne connaissant aucune crainte sinon celle de Dieu, il n'admettait d'autre base de foi que les saintes Ecritures. TS 127 2 Comme les premiers hérauts de l'Evangile, Luther naquit dans la pauvreté. Ses premières années s'écoulèrent dans l'humble chaumière d'un mineur allemand. Son père, qui gagnait péniblement de quoi subvenir à ses études, désirait en faire un avocat. Mais Dieu le destinait à participer à la construction du vaste temple qui s'élevait lentement depuis des siècles. Une jeunesse indigente et une sévère discipline furent l'école par laquelle la Sagesse infinie le prépara en vue de son importante carrière. TS 127 3 Son père était un homme honnête, résolu, courageux, franc, à la fois intelligent et judicieux, obéissant à ses convictions sans s'inquiéter des conséquences. Son grand bon sens l'avait mis en défiance à l'égard de la vie monastique. Aussi lorsque son fils entra au couvent sans son autorisation, il en fut vivement peiné, et ne se réconcilia avec lui que deux ans plus tard, sans avoir changé d'opinion. TS 128 1 Les parents de Luther veillaient avec soin sur l'éducation de leurs enfants, s'efforçant de les instruire dans la connaissance de Dieu et de les guider dans la pratique des vertus chrétiennes. Souvent, le jeune homme entendait son père demander dans ses prières que son enfant restât fidèle à Dieu et qu'il contribuât un jour à l'avancement de son règne. Saisissant avec empressement toutes les occasions de s'instruire compatibles avec leur vie de labeur, le père et la mère travaillaient sans relâche à préparer leurs enfants en vue d'une vie pieuse et utile. Leur fermeté et leur énergie les portaient parfois à des excès de sévérité. Toutefois, le futur réformateur trouva plus tard, dans cette discipline, plus à apprécier qu'à blâmer. Il n'en put dire autant de ses premières années de classe où il fut traité avec dureté, quelquefois même avec violence. TS 128 2 La pauvreté de ses parents obligea le jeune Luther -- qui avait quitté la maison paternelle pour aller étudier dans une autre ville -- à chanter devant les maisons, pour obtenir de la nourriture et de l'argent. Les moroses superstitions de l'époque à travers lesquelles il envisageait l'avenir jetaient l'effroi dans son coeur. Et c'est en tremblant, en proie à une terreur constante, qu'il se représentait Dieu -- non comme un tendre Père céleste -- mais comme un être sévère, un juge impitoyable, un cruel tyran. TS 128 3 En dépit de tant d'obstacles et de causes de découragement, il allait hardiment de l'avant à la conquête de l'idéal moral et intellectuel vers lequel il se sentait attiré. Sa soif de connaissances et la tournure pratique de son esprit lui faisaient préférer le solide et l'utile au clinquant et au superficiel. TS 129 1 Entré à dix-huit ans à l'Université, il vit sa condition s'améliorer considérablement, et ses perspectives devenir meilleures. Grâce à leur savoir-faire et à leur industrie, ses parents avaient acquis une honnête aisance et purent dès lors subvenir à tous ses besoins. De plus, l'influence d'amis judicieux avait heureusement atténué la tendance au pessimisme qu'il devait à sa première éducation. S'appliquant à l'étude des bons auteurs, il s'appropria leurs meilleures pensées et fit sienne la sagesse des sages. Très tôt, sous la dure discipline de ses anciens maîtres, il avait fait naître de grandes espérances. Mais lorsqu'il se trouva dans une ambiance favorable, son esprit se développa rapidement. Une excellente mémoire, une imagination vive, une grande force de raisonnement et une application inlassable le distinguèrent bientôt au milieu de ses condisciples. La discipline de l'école mûrit son jugement et le prépara en vue des conflits qui l'attendaient. TS 129 2 La piété naïve et précoce qui réchauffait son jeune coeur l'armait de persévérance dans ses desseins et lui inspirait une sincère humilité. Constamment conscient de son besoin des directions et du secours d'en haut, il commençait chacune de ses journées par la prière et vivait dans une attitude d'intercession. "Bien prier, avait-il coutume de dire, est plus qu'à moitié étudier."1 TS 129 3 En parcourant la bibliothèque de l'Université, Luther y trouva un exemplaire des saintes Ecritures en latin. Jamais il n'avait vu ce livre. Il en ignorait même l'existence. Il avait entendu lire, au service religieux, des fragments des évangiles et des épîtres, et il supposait que cela constituait toutes les Ecritures. Pour la première fois, il contemplait la Parole de Dieu dans sa totalité. C'est avec un étonnement mêlé de crainte qu'il tournait les pages sacrées. Le coeur battant, le pouls accéléré, il s'interrompait pour s'écrier: "Oh! si Dieu voulait un jour me donner à moi un tel livre!" Des rayons de lumière émanant du trône de Dieu révélaient au jeune étudiant entouré d'anges les trésors de la vérité. Il avait toujours craint d'offenser Dieu. Mais maintenant la conviction profonde de sa culpabilité s'emparait de sa conscience plus fortement que jamais. TS 130 1 Son désir de s'affranchir du péché et de trouver la paix avec Dieu devint si impérieux qu'il finit par se décider à entrer dans un couvent. Là, il fut astreint aux travaux les plus humiliants et dut même aller mendier de porte en porte. A l'âge où l'on éprouve le plus grand besoin d'être considéré et apprécié, Luther aurait pu être découragé de se voir contraint d'accomplir ces fonctions humbles et de nature à mortifier cruellement ses sentiments naturels, mais il supportait patiemment cette humiliation qu'il estimait nécessaire à l'expiation de ses péchés. TS 130 2 Tous les instants qu'il pouvait dérober à ses devoirs journaliers, à son sommeil, et même à ses maigres repas, étaient consacrés à l'étude. La Parole de Dieu, surtout, faisait ses délices. Il avait trouvé un exemplaire du saint Livre enchaîné à la muraille du couvent, et il se rendait souvent en cet endroit pour en faire la lecture. De plus en plus accablé par le sentiment de ses péchés, il continuait à chercher la paix et le pardon par ses propres moyens, s'efforçant de dompter les faiblesses de sa nature par des jeûnes, des veilles et une discipline rigoureuse. Soupirant après une pureté de coeur qui lui apportât l'approbation de Dieu, il ne reculait devant aucune pénitence. TS 130 3 "Vraiment, écrivait-il plus tard, j'ai été un moine pieux, et j'ai suivi les règles de mon ordre plus sévèrement que je ne saurais l'exprimer. Si jamais moine eût pu entrer dans le ciel par sa moinerie, certes j'y serais entré... Si cela eût duré longtemps encore, je me serais martyrisé jusqu'à la mort." Ces mortifications altérèrent profondément sa santé. Il devint sujet à des évanouissements dont les suites devaient se faire sentir jusqu'à la fin de sa vie. En dépit de tous ses efforts, il n'éprouva aucun soulagement et se trouva bientôt aux confins du désespoir. TS 131 1 C'est alors que Dieu lui suscita un ami secourable en la personne du pieux Staupitz, le supérieur des Augustins, qui l'aida à comprendre la Parole de Dieu et le supplia de ne plus contempler le châtiment dû au péché, mais de regarder à Jésus, son Sauveur, prêt à pardonner. "Au lieu de te martyriser pour tes fautes, lui dit-il, jette-toi dans les bras du Rédempteur. Confie-toi en lui, en la justice de sa vie et en sa mort expiatoire. ... Il est devenu homme pour te donner l'assurance de la faveur divine. ... Aime Celui qui t'a aimé le premier!" TS 131 2 Ces paroles firent une profonde impression sur Luther. Après bien des luttes contre les erreurs qu'il avait si lontemps caressées, il finit par saisir la vérité, et le calme entra dans son âme angoissée. TS 131 3 Luther reçut les ordres, et fut appelé à quitter le couvent pour aller occuper une chaire de professeur à l'université de Wittenberg où il enseigna les saintes Ecritures dans les langues originales. Puis, dans un cours public, il se mit à commenter la Bible, en prenant successivement le livre des Psaumes, les évangiles et les épîtres. Des foules d'auditeurs émerveillés venaient l'écouter. Staupitz, à la fois son ami et son supérieur, l'engageait à monter en chaire. Luther hésitait, se sentant indigne de prêcher la Parole de Dieu à la place et au nom de Jésus-Christ. Ce ne fut qu'après une longue résistance qu'il céda aux pressantes sollicitations de ses amis. Déjà puissant dans les saintes Lettres, il captivait ses auditeurs par son éloquence; la clarté et la force avec lesquelles il présentait la vérité portaient la conviction dans les esprits, et sa ferveur touchait les coeurs. TS 131 4 Fils dévoué de l'Eglise romaine, Luther n'avait aucune intention d'être autre chose. Il entrait dans les desseins de Dieu qu'il fût appelé à se rendre à Rome. Il fit ce voyage à pied, logeant dans les monastères qu'il trouvait sur sa route. En Italie, s'étant arrêté dans un couvent, il fut surpris par la richesse, la magnificence et le luxe qui s'y étalaient. Jouissant de revenus princiers, les religieux habitaient des palais, portaient des soutanes opulentes et s'asseyaient à une table somptueuse. Le moine de Wittenberg était peiné de voir le contraste entre ce spectacle et sa vie de labeurs et de renoncement. Il devenait perplexe. TS 132 1 Enfin, il aperçut dans le lointain la ville aux sept collines. Saisi d'une profonde émotion, il se prosterna en terre en s'écriant: "Rome sainte, je te salue!" Entré dans la cité, il visita les églises, écouta les histoires extraordinaires que racontaient les prêtres et les moines, et se conforma à toutes les cérémonies du culte. Partout, ses yeux rencontraient des scènes qui le remplissaient d'étonnement et d'horreur. L'iniquité s'étalait dans tous les rangs du clergé. Partout les prélats se permettaient des plaisanteries indécentes dont l'esprit profane pénétrait jusque dans les saints offices. Où qu'il se tournât il rencontrait l'impiété, non la sainteté. "On ne saurait croire les péchés et les actions infâmes qui se commettent dans Rome, écrivait-il; il faut le voir et l'entendre pour le croire. Aussi a-t-on coutume de dire: S'il y a un enfer, Rome est bâtie dessus; c'est un abîme d'où sortent tous les péchés." TS 132 2 Par un récent décret, le pape venait d'accorder une indulgence à tous ceux qui graviraient à genoux l'"escalier de Pilate", qu'on prétendait être celui -- miraculeusement transféré de Jérusalem à Rome -- par lequel notre Sauveur était descendu en quittant le tribunal romain. Luther en faisait dévotement l'ascension, quand, tout à coup, la parole du prophète Habakuk, que Paul a répétée, retentit dans son coeur comme un tonnerre: "Le juste vivra par la foi."1 Se relevant brusquement, il s'éloigna honteux et bouleversé. Cette parole impressionna toujours son âme. Dès ce moment, il vit plus clairement que jamais combien il est erroné de chercher le salut dans les oeuvres. Il comprit aussi la nécessité de la foi aux mérites de Jésus-Christ. Ses yeux étaient dessillés, et cela pour toujours, sur les égarements de la papauté. En détournant son visage de la ville de Rome, il en avait détourné son coeur, et, à partir de ce jour, l'abîme qui l'en séparait devait aller en s'élargissant jusqu'à la séparation complète. TS 133 1 A son retour de la ville éternelle, Luther reçut de l'université de Wittenberg le grade de docteur en théologie. Il pouvait désormais se consacrer plus que jamais à l'étude des saintes Ecritures qu'il chérissait. Il avait fait le voeu solennel d'étudier avec soin et de prêcher fidèlement tous les jours de sa vie la Parole de Dieu, et non les décisions et les doctrines des papes. Il n'était plus simplement moine ni professeur, mais héraut autorisé des Livres saints. Appelé à être berger du troupeau de Dieu, d'un troupeau ayant faim et soif de vérité, le nouveau docteur déclarait hautement que le chrétien ne peut recevoir d'autre doctrine que celle qui repose sur les Ecrits sacrés. Cette affirmation sapait la suprématie du pape. Elle contenait le principe vital de la réforme. TS 133 2 Voyant combien il est dangereux d'accorder plus de crédit aux théories humaines qu'à la Parole de Dieu, Luther attaquait hardiment l'incrédulité spéculative des savants, et combattait à la fois la philosophie et la théologie qui, en Europe, dominaient les esprits. Il dénonçait ces études non seulement comme inutiles, mais comme pernicieuses, et s'efforçait de détourner ses auditeurs des sophismes des docteurs pour attirer leur attention sur les vérités éternelles exposées par les prophètes et les apôtres. TS 133 3 Les foules suspendues aux lèvres du jeune docteur entendaient un message d'une douceur inconnue. Jamais de telles paroles n'avaient encore frappé leurs oreilles. L'heureuse nouvelle de l'amour d'un Sauveur, l'assurance du pardon et de la paix par la foi en son sang expiatoire réjouissaient les coeurs et y versaient une espérance immortelle. La lumière qui brillait à Wittenberg devait rayonner jusqu'aux extrémités de la terre, et son éclat s'intensifier jusqu'à la fin des temps. TS 134 1 Comme le conflit entre la lumière et les ténèbres est irréductible, ainsi il n'y a pas d'entente possible entre la vérité et l'erreur. Proclamer, établir l'une, c'est attaquer et renverser l'autre. Notre Sauveur a dit lui-même: "Je ne suis pas venu apporter la paix, mais l'épée."1 Au début de la Réforme, Luther disait: "Dieu ne me conduit pas; il me pousse, il m'enlève. Je ne suis pas maître de moi-même. Je voudrais vivre dans le repos; mais je suis précipité au milieu du tumulte et des révolutions." Il allait maintenant être jeté dans l'arène. TS 134 2 L'Eglise romaine avait fait trafic de la grâce de Dieu. Les tables des changeurs2 s'étaient dressées auprès des autels, et l'air retentissait des éclats de voix des vendeurs et des acheteurs. Sous prétexte de réunir des fonds en vue de l'érection de la basilique de St-Pierre, à Rome, le pape avait ordonné la vente publique des indulgences. Avec le prix du crime, et sur la pierre angulaire de l'iniquité, on érigeait un temple à Dieu. Mais l'expédient même dont Rome se servait allait asséner un coup mortel à sa puissance et à sa grandeur. Ce trafic allait susciter à la papauté son ennemi le plus résolu et le plus redoutable, et déclencher une bataille qui allait ébranler le trône papal au point de faire chanceler la triple couronne sur la tête du souverain pontife. TS 134 3 C'est Jean Tetzel qui fut choisi pour la vente des indulgences en Allemagne. Convaincu de délits inavouables contre la société et contre la loi de Dieu, il avait réussi à se soustraire au juste châtiment de ses crimes. Il fut désigné pour exécuter les projets intéressés et sacrilèges du Saint-Siège. Débitant des histoires invraisemblables et des contes merveilleux, il trompait effrontément un peuple ignorant, crédule et superstitieux, qui, s'il avait été en possession de la Parole de Dieu, ne se serait pas laissé abuser de la sorte. Mais on avait privé les gens des saintes Ecritures pour les tenir sous le joug de la papauté et les employer à accroître les richesses et la puissance des dignitaires de l'Eglise. TS 135 1 Tetzel entrait dans une localité précédé d'un héraut qui criait: "Nous vous apportons la grâce de Dieu et du Saint-Père." Et le peuple d'accueillir l'imposteur comme s'il avait été Dieu lui-même venu sur terre. L'infâme marché s'ouvrait dans l'Eglise. Du haut de la chaire, Tetzel exaltait les indulgences comme le plus précieux don du ciel. "Venez, disait-il, je vous donnerai des lettres dûment scellées par lesquelles les péchés mêmes que vous aurez l'intention de commettre vous seront tous pardonnés." "Il y a plus, ajoutait-il, les indulgences ne sauvent pas seulement les vivants, elles sauvent aussi les morts. ... A peine l'argent a-t-il sonné dans ma caisse, que l'âme s'élance hors du purgatoire et prend son vol vers le ciel." TS 135 2 Simon le magicien avait autrefois offert de l'argent aux apôtres en échange du don des miracles. Pierre lui avait dit: "Que ton argent périsse avec toi, puisque tu as cru que le don de Dieu s'acquérait à prix d'argent!"1 Mais l'offre de Tetzel était acceptée avec empressement par des milliers de gens. L'argent et l'or affluaient dans ses caisses. Un salut à prix d'argent est plus facile à obtenir que celui qui exige la conversion, la foi et une lutte persévérante contre le péché.2 TS 135 3 La doctrine des indulgences trouva cependant des contradicteurs dans l'Eglise romaine: c'étaient des hommes savants et pieux qui n'accordaient aucune confiance à des prétentions aussi contraires à la raison et à l'Ecriture. Mais aucun prélat n'osait élever la voix contre cet odieux trafic. Le malaise commençant à se faire sentir, plusieurs se demandaient avec angoisse si Dieu ne susciterait pas quelque instrument pour purifier son Eglise. TS 136 1 Bien que Luther fût encore un fervent papiste, il était rempli d'horreur à l'ouïe des déclarations blasphématoires des marchands d'indulgences. Plusieurs de ses auditeurs, qui avaient acheté des certificats de pardon, vinrent bientôt lui confesser leurs divers péchés, et lui en demander l'absolution, non pas qu'ils en eussent des remords sincères, mais uniquement en vertu de leurs indulgences. Luther la leur refusa, et leur déclara tout net que sans repentance et sans conversion, ils périraient dans leurs péchés. Très perplexes, ces gens se hâtèrent de retourner vers Tetzel pour l'informer qu'un moine augustin ne faisait aucun cas de ses lettres de pardon. Quelques-uns même demandaient hardiment le remboursement de leur argent. A cette nouvelle, Tetzel rugit de colère, et se livra en chaire à de terribles imprécations. A plusieurs reprises, il fit allumer un feu sur la grande place, en déclarant qu'il avait reçu du pape l'ordre de brûler tous les hérétiques qui oseraient s'élever contre ses très saintes indulgences. TS 136 2 Luther entra alors résolument dans la lice comme champion de la vérité. Montant en chaire, il fit entendre de solennels avertissements. Mettant en relief la nature odieuse du péché, il affirma qu'il est impossible à l'homme, par ses propres efforts, d'atténuer sa culpabilité ou d'éluder le châtiment de Dieu. Seules la repentance et la foi en Jésus-Christ peuvent sauver le pécheur. La grâce, don gratuit de Dieu, ne s'obtenant pas à prix d'argent, Luther conseillait à ses auditeurs, non d'acheter des indulgences, mais de compter avec foi sur un Sauveur crucifié. Relatant sa douloureuse recherche du salut par les humiliations et les pénitences, il les assura qu'il n'avait trouvé paix et joie qu'en détachant ses regards de ses propres mérites, pour les porter sur Jésus-Christ. TS 137 1 Tetzel continuant son trafic, Luther résolut de protester énergiquement contre ces criants abus. Il en eut bientôt l'occasion. L'église du château de Wittenberg possédait plusieurs reliques qu'en certains jours de fête on exhibait aux yeux du peuple. Ces jours-là, une indulgence plénière était accordée à ceux qui, après avoir visité l'église, faisaient leur confession. L'affluence à ces fêtes était considérable. L'une des plus importantes, celle de la Toussaint, approchait. Le jour précédent, Luther, en présence d'une foule de fidèles, afficha sur la porte de l'église un placard portant quatre-vingt-quinze thèses contre la doctrine des indulgences. Ces thèses, il se déclarait prêt à les défendre, le lendemain, à l'université, contre toute personne qui croirait devoir les attaquer. TS 137 2 Ces propositions attirèrent l'attention générale. Elles furent lues, relues et répétées dans toute la région. Une grande agitation régnait à l'université et dans toute la ville. Ces thèses établissaient que le pouvoir de pardonner les péchés et d'en remettre la peine n'avait jamais été confié ni au pape, ni à aucun homme. La vente des indulgences n'était qu'un moyen artificieux d'extorquer de l'argent, une exploitation de la crédulité publique, une ruse de Satan pour détruire les âmes. Luther y déclarait en outre que l'Evangile du Christ est le trésor le plus précieux de l'Eglise, et que la grâce de Dieu qui s'y révèle est gratuitement accordée à quiconque la recherche par la conversion et la foi. TS 137 3 Les thèses de Luther sollicitaient la contradiction. Mais personne n'osa relever le défi. Ses propositions firent en quelques jours le tour de l'Allemagne, et en quelques semaines, celui de la chrétienté. Un grand nombre de catholiques pieux, qui avaient pleuré sur les maux de l'Eglise sans entrevoir aucun moyen de les guérir, lurent ces thèses avec une joie d'autant plus grande qu'ils y entendaient la voix de Dieu. Ils eurent l'impression que le Seigneur était finalement intervenu pour arrêter le flot montant de la corruption. Des princes et des magistrats se réjouirent secrètement de ce qu'un frein allait être mis à la puissance arrogante qui déniait au monde le droit d'en appeler de ses décisions. TS 138 1 En revanche, les foules attachées au péché et à la superstition furent terrifiées en voyant réduits en poussière les sophismes qui avaient calmé leurs craintes. Transportés de colère, de rusés ecclésiastiques, furieux de voir leur connivence avec le mal dénoncée et leurs profits menacés, s'unirent pour soutenir leur cause. Le réformateur dut faire face à de violents accusateurs. Les uns lui reprochaient d'avoir agi par impulsion et d'être non dirigé par Dieu, mais poussé par l'orgueil et la présomption. "Qui ne sait, répondait-il, que l'on met rarement une idée nouvelle en avant sans être accusé d'orgueil et de chercher des querelles?... Jésus-Christ et tous les martyrs n'ont-ils pas été mis à mort comme contempteurs de la sagesse du temps, et pour avoir avancé des nouveautés, sans prendre auparavant humblement conseil des organes de l'ancienne opinion?" TS 138 2 Il ajoutait: "Ce que je fais s'accomplira non par la prudence des hommes, mais par le conseil de Dieu. Si l'oeuvre est de Dieu, qui l'arrêtera? Si elle n'est pas de lui, qui la soutiendra?... Non pas ma volonté, ni la leur, ni la nôtre. Que ta volonté se fasse, ô Père saint qui es dans le ciel!" TS 138 3 Bien qu'il eût été poussé par l'Esprit de Dieu à entreprendre sa tâche, Luther ne put la poursuivre sans avoir à livrer de rudes combats. Le dénigrement, la calomnie de ses intentions et mobiles, les insinuations perfides sur son caractère fondirent sur lui comme un torrent débordé, et ne furent pas sans effet. Il avait cru que les conducteurs du peuple, tant dans l'Eglise que dans les écoles, se joindraient à lui dans une oeuvre de réforme. Les encouragements qui lui étaient venus de la part de personnages influents l'avaient rempli de joie et d'espérance. Il voyait déjà par anticipation se lever des jours meilleurs pour l'Eglise. Mais aux encouragements avaient succédé les incriminations et les dénonciations. Plusieurs dignitaires de l'Eglise et de l'Etat, convaincus de la rectitude des thèses, ne tardèrent pas à s'apercevoir que leur acceptation entraînerait de grandes transformations. Eclairer et réformer le peuple, c'était virtuellement saper l'autorité du pape, tarir des milliers de ruisseaux qui alimentaient ses trésors, et réduire considérablement l'extravagance et le luxe des chefs de l'Eglise. De plus, donner au peuple la liberté de penser et d'agir en êtres responsables, ne comptant pour leur salut que sur Jésus-Christ, c'était renverser le trône pontifical, et éventuellement détruire leur propre autorité. Pour ces raisons, ils repoussèrent la connaissance que Dieu leur envoyait, et, en s'opposant à l'homme qu'il avait désigné pour les éclairer, ils se dressèrent contre le Christ et contre sa vérité. TS 139 1 Lorsqu'il pensait à lui-même, Luther tremblait de se voir dressé seul en face des plus grandes puissances de la terre. Il se demandait parfois si c'était bien Dieu qui l'avait poussé à résister à l'autorité de l'Eglise. "Qui étais-je alors, s'écrie-t-il, moi pauvre, misérable, méprisable frère, plus semblable à un cadavre qu'à un homme, qui étais-je pour m'opposer à la majesté du pape devant laquelle tremblaient les rois de la terre et le monde entier? ... Personne ne peut savoir ce que mon coeur a souffert dans ces deux premières années, et dans quel abattement, je pourrais dire dans quel désespoir, j'ai souvent été plongé." Mais Dieu ne le laissa pas sombrer dans le découragement. Les appuis humains lui faisant défaut, il regarda à Dieu seul, et apprit à se reposer en toute sécurité sur son bras puissant. TS 139 2 Luther écrivait à un ami de la Réforme: "Il est très certain qu'on ne peut parvenir à comprendre les Ecritures ni par l'étude, ni par l'intelligence. Votre premier devoir est donc de commencer par la prière. Demandez au Seigneur qu'il daigne vous accorder, en sa grande miséricorde, la véritable intelligence de sa Parole. Il n'y a point d'autre interprète de la Parole de Dieu que l'Auteur même de cette Parole, selon ce qu'il a dit: Ils seront tous enseignés de Dieu. N'espérez rien de vos travaux, rien de votre intelligence; confiez-vous uniquement en Dieu et en l'influence de son Esprit. Croyez-en un homme qui en a fait l'expérience." Il y a là un enseignement vital pour toute personne qui se sent appelée de Dieu à présenter au monde les vérités solennelles relatives à notre temps. Ces vérités provoqueront l'inimitié de Satan et celle des hommes qui aiment l'erreur. Dans le conflit avec les puissances du mal, il faut plus qu'une haute intelligence et une sagesse purement humaine. TS 140 1 Quand ses ennemis en appelaient aux usages et à la tradition, aux déclarations et à l'autorité du pape, Luther leur répondait par les Ecritures et les Ecritures seules. Il trouvait là des arguments irréfutables; aussi les suppôts du formalisme et de la superstition demandaient-ils son sang comme les Juifs avaient réclamé celui de Jésus. "C'est un crime de haute trahison contre l'Eglise, disaient les zélateurs de Rome, que de laisser vivre une heure de plus un si horrible hérétique. Qu'on lui dresse à l'instant même un échafaud!" Mais Luther ne fut pas victime de leur fureur. Le Dieu dont il était l'ouvrier envoya ses anges pour le protéger. En revanche, plusieurs de ceux qui avaient reçu de lui la lumière furent les objets de la haine de Satan et endurèrent courageusement la souffrance et la mort pour l'amour de la vérité. TS 140 2 Les enseignements de Luther retenaient dans toute l'Allemagne l'attention des hommes réfléchis. De ses sermons et de ses écrits émanaient des flots de lumière qui éclairaient des milliers de chercheurs. Une foi vivante se substituait au formalisme qui enchaînait l'Eglise, et abattait les superstitions de Rome. Les préjugés tombaient. La Parole de Dieu, à laquelle Luther soumettait toute doctrine et toute prétention, était une épée à deux tranchants qui pénétrait dans les coeurs. Partout se manifestait le désir de progresser dans la vie spirituelle. De toutes parts on constatait une faim et une soif de justice qu'on n'avait pas vues depuis des siècles. Les regards du peuple, si longtemps fixés sur des rites et des médiateurs humains, se tournaient maintenant, suppliants et enthousiastes, vers le Christ crucifié. TS 141 1 Cet intérêt général aviva les craintes des autorités de l'Eglise romaine. Luther fut sommé de se rendre à Rome pour y répondre de l'accusation d'hérésie. Cette sommation terrifia ses amis. Connaissant trop bien les dangers auxquels il serait exposé dans cette ville corrompue, déjà ivre du sang des martyrs de Jésus, ils protestèrent contre son départ et demandèrent qu'il fût jugé en Allemagne. TS 141 2 Cette proposition finit par être agréée, et un légat fut désigné pour diriger le procès. Dans les instructions que le pape lui donnait, le légat avait ordre de "poursuivre et de contraindre sans aucun retard... ledit Luther, qui a déjà été déclaré hérétique". "S'il persiste dans son opiniâtreté, ajoutait le pape, et que vous ne puissiez vous rendre maître de lui, nous vous donnons le pouvoir de le proscrire dans tous les lieux de l'Allemagne, de bannir, de maudire, d'excommunier tous ceux qui lui sont attachés, et d'ordonner à tous les chrétiens de fuir sa présence." En outre, pour assurer l'extirpation complète de cette hérésie, le pape ordonnait d'excommunier, quelle que fût leur dignité dans l'Eglise ou dans l'Etat, l'empereur excepté, toutes les personnes qui refuseraient d'arrêter Luther ou ses adhérents, pour les livrer à la vindicte de Rome. TS 141 3 Ici se révélait le véritable esprit de la papauté. Dans tout ce document, aucune trace de christianisme ou même de justice élémentaire. Luther était à une grande distance de Rome; il n'avait eu aucune occasion de s'expliquer. Pourtant, sans enquête aucune, il était déclaré hérétique. En un même jour, il devait être exhorté, accusé, jugé et condamné; et tout cela par celui qui se disait le saint Père, l'autorité unique, suprême et infaillible, tant dans l'Eglise que dans l'Etat! TS 142 1 A ce moment-là, alors que Luther avait particulièrement besoin de conseils et de sympathie, Dieu envoya Mélanchthon à Wittenberg. Sa jeunesse, sa modestie, sa réserve, la sûreté de son jugement et la profondeur de sa science, jointes à une éloquence persuasive, comme à une pureté et à une droiture de caractère notoires, lui avaient acquis l'admiration et l'estime générales. L'éclat de ses talents n'était égalé que par sa douceur et son affabilité. Il ne tarda pas à devenir un fervent disciple de l'Evangile, ainsi que le partisan et l'ami le plus sûr de Luther. Son amabilité, sa prudence et son exactitude complétaient admirablement le courage et l'énergie du réformateur. La collaboration de ces deux hommes communiqua une force nouvelle à l'oeuvre de la Réforme. TS 142 2 La ville d'Augsbourg avait été choisie comme siège de la diète. Le réformateur s'y rendit à pied. De sérieuses craintes étaient exprimées à son sujet. On avait ouvertement déclaré qu'il serait saisi et assassiné en cours de route; aussi ses amis le suppliaient-ils de ne pas s'exposer, et l'engageaient même à quitter Wittenberg pour un temps, et à profiter de la protection qu'ils étaient heureux de lui offrir. Mais il ne voulut pas abandonner le poste que Dieu lui avait confié. En dépit de la tempête qui grondait, il se voyait dans l'obligation de continuer à soutenir la vérité sans défaillance. "Je suis comme Jérémie, disait-il, l'homme des querelles et des discordes; mais plus ils augmentent leurs menaces, plus ils multiplient ma joie. ... Ils ont déjà déchiré mon honneur et ma réputation. Une seule chose me reste, c'est mon misérable corps: qu'ils le prennent; ils abrégeront ainsi ma vie de quelques heures. Quant à mon âme, ils ne me la prendront pas. Celui qui veut porter la Parole du Christ dans le monde, doit s'attendre à la mort à chaque heure." TS 143 1 La nouvelle de l'arrivée de Luther à Augsbourg procura au représentant du pape une vive satisfaction. L'hérétique importun qui attirait l'attention du monde était maintenant au pouvoir de Rome, et le légat était résolu à ne pas le laisser échapper. Le réformateur ne s'étant pas pourvu d'un sauf-conduit, ses amis d'Augsbourg le supplièrent de ne pas se présenter avant de s'en être procuré un, et ils entreprirent eux-mêmes auprès de l'empereur les démarches nécessaires. De son côté, l'intention du légat était, si possible, d'arracher à Luther une rétractation, et, dans le cas où il échouerait, de le conduire à Rome pour lui faire subir le sort de Hus et de Jérôme à Constance. Par ses émissaires, il engagea Luther à se confier en sa clémence et à se présenter devant lui sans sauf-conduit. Le réformateur s'y refusa, ne voulant paraître devant l'ambassadeur du pape qu'en possession d'un document lui garantissant la protection de l'empereur. TS 143 2 Le plan des romanistes était de gagner Luther par une apparente bienveillance. Dans ses entrevues avec lui, le légat, tout en manifestant une grande amabilité, exigea qu'il se soumît implicitement et sans discussion à l'autorité de l'Eglise. Il ne connaissait pas encore l'homme en présence duquel il se trouvait. Dans sa réponse, Luther lui exprima sa déférence pour l'Eglise et son amour pour la vérité, se déclarant prêt à écouter toutes les objections qui pourraient être faites à ses enseignements et à soumettre sa doctrine à certaines universités réputées. Mais il protestait contre la prétention du cardinal de le faire rétracter sans l'avoir convaincu d'erreur. TS 143 3 Pour toute réponse, le légat répétait: "Rétracte, rétracte!" Le réformateur eut beau déclarer que ses propositions étaient fondées sur les Ecritures, et qu'il ne pouvait renoncer à la vérité, le légat, incapable de réfuter ses arguments, se mit à l'accabler d'un flot de paroles où s'entremêlaient les accusations, les concessions, les flatteries, les appels à la tradition des pères, sans laisser au réformateur le temps de lui répondre. Convaincu que des entretiens de ce genre n'aboutiraient à rien, Luther obtint enfin, mais non sans peine, de présenter sa réponse par écrit. TS 144 1 "Je voyais, écrivait-il à un ami, que le moyen le plus sage était de lui répondre par écrit; car une réponse écrite laisse au moins aux opprimés un double avantage: d'abord, de pouvoir soumettre leur cas à des tiers et deuxièmement, la ressource d'intimider un despote verbeux et sans conscience, qui, autrement, l'emporterait par son langage impérieux."1 TS 144 2 A l'entrevue suivante, Luther donna de ses enseignements un exposé clair, concis et convaincant, appuyant chacune de ses propositions par des citations des saintes Ecritures. Après avoir donné, à haute et intelligible voix, lecture de son travail, il le passa au cardinal, qui le mit de côté avec mépris, déclarant qu'il ne contenait qu'une masse de paroles vaines et de citations intempestives. Exacerbé, Luther prit alors l'offensive, et, se plaçant sur le terrain de son adversaire: la tradition et les enseignements de l'Eglise, il réfuta victorieusement toutes ses affirmations. TS 144 3 Lorsque le prélat vit que le raisonnement de Luther était sans réplique, il perdit patience et recommença à crier: "Rétracte! Rétracte! ou si tu ne le fais, je t'envoie à Rome pour y comparaître devant les juges qui ont été chargés de prendre connaissance de ta cause. Je t'excommunierai, toi, tous tes partisans, tous ceux qui te sont ou te deviendront favorables, et je les jetterai hors de l'Eglise." Il termina d'un ton hautain et irrité: "Rétracte-toi, ou ne reparais plus devant moi!" TS 144 4 Le réformateur se retira aussitôt, suivi de ses amis, signifiant ainsi à son adversaire qu'il ne fallait attendre aucune rétractation de sa part. Ce n'était pas ce que le cardinal avait espéré. Il s'était bercé de l'illusion qu'il aurait raison de Luther par l'intimidation. Demeuré seul avec ses partisans, il les regardait successivement, tout confus d'un échec aussi complet qu'imprévu. TS 145 1 Cette rencontre ne demeura pas stérile. L'assemblée avait eu l'occasion de comparer les deux hommes et de juger, par elle-même, de l'esprit qui les animait, aussi bien que de la force de leurs positions. Le contraste était frappant entre le réformateur, simple, humble, ferme, fort de la force de Dieu, ayant la vérité de son côté et le représentant du pape, plein de lui-même, impérieux, hautain, déraisonnable, qui, incapable de lui opposer des arguments scripturaires, ne savait que lui crier avec véhémence: "Rétracte-toi, sinon je t'enverrai à Rome pour y subir ton châtiment!" TS 145 2 Sans tenir compte du sauf-conduit de l'empereur, ses ennemis se préparaient à se saisir de lui pour le jeter en prison. D'autre part, ses amis lui représentaient que sa présence à Augsbourg étant désormais inutile, il devait rentrer à Wittenberg sans délai, avec les plus grandes précautions et dans le plus grand secret. Au petit jour, à cheval, accompagné seulement d'un guide qui lui fut fourni par le magistrat, Luther quitta Augsbourg. Hanté par de sombres pressentiments, il cheminait en silence le long des rues obscures et silencieuses de la ville. Des ennemis vigilants et cruels conspiraient sa perte. Echapperait-il aux pièges tendus sous ses pas? Ce furent des minutes d'anxiété, mais aussi de ferventes prières. Arrivés près des murailles, les fugitifs virent une porte s'ouvrir devant eux. Ils passèrent sans encombre et pressèrent alors leurs montures. Avant que le légat eût connaissance de la fuite de Luther, celui-ci se trouvait hors d'atteinte. Les projets de Satan et de ses émissaires étaient déjoués. L'homme qu'ils croyaient en leur pouvoir s'était évadé: l'oiseau avait échappé au piège de l'oiseleur. A cette nouvelle, le légat fut consterné. Il avait compté sur de grands honneurs en retour de la sagesse et de la fermeté dont il pensait avoir fait preuve à l'égard de ce contempteur de l'Eglise. Or, ses espérances étaient frustrées. Il donna libre cours à sa rage dans une lettre à l'électeur de Saxe, où il accusait amèrement le réformateur et exigeait que Frédéric envoyât celui-ci à Rome, ou l'expulsât de la Saxe. TS 146 1 L'électeur ne possédait alors qu'une connaissance bien superficielle de la doctrine réformée; mais il était impressionné par la loyauté, la force et la clarté des paroles de Luther. Aussi Frédéric résolut-il de protéger le réformateur tant qu'il n'aurait pas été convaincu d'erreur. Dans sa défense, Luther avait en effet demandé que le légat ou le pape lui démontrât ses erreurs par les Ecritures, s'engageant solennellement à renoncer à sa doctrine si elle était en conflit avec la Parole de Dieu. L'électeur écrivit donc au légat: "Puisque le docteur Martin a comparu devant vous à Augsbourg, vous devez être satisfait. Nous ne nous étions pas attendus que, sans l'avoir convaincu, vous prétendiez le contraindre à se rétracter. Aucun des savants qui se trouvent dans nos principautés ne nous a dit que la doctrine de Martin fût impie, antichrétienne et hérétique." Le prince refusa en outre d'envoyer Luther à Rome ou de le chasser de ses Etats. TS 146 2 L'électeur constatait d'ailleurs que l'affaissement général de la moralité dans la société exigeait une grande oeuvre de réforme. Il comprenait que toute l'organisation civile compliquée et onéreuse destinée à restreindre et à punir le crime deviendrait inutile si chacun reconnaissait les droits de Dieu et suivait les directions d'une conscience éclairée. Il voyait que les travaux de Luther visaient à cela, et il éprouvait une joie secrète à la pensée qu'une influence meilleure commençait à se faire sentir dans l'Eglise. TS 146 3 L'électeur constatait en outre le plein succès de l'enseignement de Luther à l'université. Une année seulement s'était écoulée depuis que le réformateur avait affiché ses thèses à la porte de l'église du château. Mais le nombre des pèlerins qui la visitaient à la Toussaint avait déjà sensiblement diminué. Rome avait perdu des adorateurs et des offrandes, mais ceux-ci étaient remplacés par les étudiants en quête de science qui venaient remplir les auditoires de Wittenberg. Les écrits de Luther avaient suscité en tous lieux le désir d'étudier les Ecritures, et ce n'était pas seulement de toutes les parties de l'Allemagne que les étudiants accouraient, mais aussi des pays voisins. "Au moment où ils découvraient dans le lointain les clochers de cette ville, ces jeunes gens... s'arrêtaient et élevaient les mains vers le ciel, louant Dieu de ce qu'il y faisait luire, comme autrefois de Sion, la lumière de la vérité pour l'envoyer jusqu'aux contrées les plus éloignées." TS 147 1 Luther n'avait encore que partiellement abandonné les erreurs du romanisme. Une comparaison des décrets et des constitutions de Rome avec les saintes Ecritures le jetait dans la plus profonde stupéfaction. "Je lis les décrets des pontifes, écrivait-il à Spalatin, et (je te le dis à l'oreille) je ne sais pas si le pape est l'Antichrist lui-même ou s'il est son apôtre, tellement Jésus y est dénaturé et crucifié." Pourtant, Luther était encore un fils docile de l'Eglise romaine, et la pensée de se séparer de sa communion n'avait pas encore effleuré son esprit. TS 147 2 Les écrits et la doctrine du réformateur s'étaient répandus dans toute la chrétienté. Leur influence se manifestait en Suisse et en Hollande. Des exemplaires de ses écrits avaient passé en France et en Espagne. En Angleterre, ses enseignements étaient reçus comme la Parole de vie. La vérité avait aussi pénétré en Belgique et en Italie. Des milliers de gens avaient été arrachés à leur torpeur mortelle et goûtaient la joie d'une vie d'espérance et de foi. TS 147 3 A Rome, l'exaspération grandissait à vue d'oeil à l'ouïe des succès de Luther. Quelques-uns de ses adversaires les plus acharnés, même des professeurs d'universités catholiques, déclaraient innocent celui qui le tuerait. Un jour, un étranger qui dissimulait un pistolet sous son habit s'approcha du réformateur et lui demanda pourquoi il sortait seul. "Je suis entre les mains de Dieu, répondit Luther. Il est ma force et mon bouclier, que peut me faire l'homme mortel?" Alors l'étranger pâlit et s'enfuit, comme s'il s'était trouvé en la présence d'un ange. TS 148 1 Ses enseignements se répétaient en tous lieux, dans les chaumières et les couvents, dans les demeures des bourgeois et les châteaux des nobles, dans les académies et les palais des rois. De tous côtés, des hommes de coeur se levaient pour seconder le réformateur. TS 148 2 Vers ce temps-là, Luther, lisant les ouvrages de Hus, constata que la grande vérité de la justification par la foi avait aussi été enseignée par le réformateur de la Bohême. "Tous, s'écrie-t-il, Paul, Augustin et moi nous sommes hussites sans le savoir." "Dieu fera sans doute savoir au monde que la vérité lui a été présentée il y a un siècle, et qu'il l'a brûlée!"1 TS 148 3 Dans un appel à l'empereur et à la noblesse d'Allemagne en faveur de la réformation de la chrétienté, Luther, parlant du pape, écrivait: "C'est une chose horrible de voir celui qui s'appelle le vicaire de Jésus-Christ déployer une magnificence que celle d'aucun empereur n'égale. Est-ce là ressembler au pauvre Fils de Dieu ou à l'humble saint Pierre? Il est, prétendent-ils, le Seigneur du monde! Mais Jésus, dont il se vante d'être le vicaire, a dit: Mon règne n'est pas de ce monde. Le règne d'un vicaire s'étendrait-il au-delà de celui de son Seigneur?" TS 148 4 Parlant des universités, il écrivait: "Je crains fort que les universités ne soient de grandes portes de l'enfer, si l'on ne s'applique pas avec soin à y expliquer la sainte Ecriture et à la graver dans le coeur des jeunes gens. Je ne conseille à personne de placer son enfant là où l'Ecriture ne règne pas. Toute institution où l'on ne consulte pas sans relâche la Parole de Dieu est vouée à la corruption." Cet appel, qui eut un immense retentissement, ne tarda pas à se répandre dans toutes les parties de l'Allemagne. La nation entière en fut émue, et des foules se rallièrent sous les étendards de la Réforme. TS 149 1 Brûlant du désir de se venger, les ennemis de Luther pressaient le pape de prendre contre lui des mesures décisives. Il fut décrété que sa doctrine serait immédiatement condamnée. Soixante jours lui furent donnés à lui et à ses adhérents pour se rétracter, ou, en cas de refus, être excommuniés. TS 149 2 Ce fut une épreuve terrible pour la Réforme. Pendant des siècles, les foudres de l'excommunication avaient frappé de terreur les plus puissants souverains, plongeant de grands empires dans le malheur et la désolation. Ceux qui en étaient les objets étaient regardés avec horreur. Traités en parias, ils étaient retranchés de la communion de leurs semblables, traqués et mis à mort. Luther ne fermait pas les yeux sur la tempête qui grondait sur sa tête, mais il demeurait ferme, assuré que Jésus-Christ serait son défenseur et son bouclier. Animé de la foi et du courage d'un martyr, il écrivait: "Que va-t-il arriver? Je l'ignore. ... Où que ce soit que le coup frappe, je suis sans crainte. Une feuille d'arbre ne tombe pas sans la volonté de notre Père. Combien moins nous-mêmes! ... C'est peu de chose que de mourir pour la Parole, puisque cette Parole qui s'est incarnée pour nous est morte d'abord elle-même. Si nous mourons avec elle, nous ressusciterons avec elle. Passant par où elle a passé, nous arriverons où elle est arrivée, et nous demeurerons près d'elle pendant toute l'éternité." TS 149 3 En recevant la bulle, Luther s'écria: "Je la méprise et l'attaque comme impie et mensongère. ... C'est Jésus-Christ lui-même qui y est condamné. ... Je me réjouis d'avoir à supporter quelques maux pour la meilleure des causes. Je sens déjà plus de liberté dans mon coeur; car je sais enfin que le pape est l'antichrist, et que son siège est celui de Satan." TS 150 1 Le document papal ne resta pas sans effet. La prison, l'épée, la torture étaient des moyens employés pour imposer l'obéissance. Les faibles et les superstitieux tremblèrent; et, bien que les sympathies allassent généralement vers Luther, on n'était pas disposé à risquer sa vie pour la cause de la Réforme. Selon toute apparence, l'oeuvre du réformateur touchait à son terme. Rome avait fulminé contre lui ses anathèmes, et le monde l'observait, convaincu qu'il périrait ou qu'il serait forcé de céder. Il n'en fut rien. D'un geste calme, mais puissant et terrible, le réformateur rejeta la sentence comminatoire et annonça publiquement sa décision de se séparer de la papauté pour toujours. En présence d'une foule composée d'étudiants, de docteurs et de citoyens de tous rangs, il livra au feu la bulle du pape, des exemplaires du droit canon, des décrétales et d'autres écrits soutenant le pouvoir papal. "Mes ennemis, dit-il, ont pu, en brûlant mes livres, nuire à la vérité dans l'esprit du commun peuple et perdre des âmes. En retour, je consume leurs livres. Jusqu'ici, je n'ai fait que badiner avec le pape, mais une lutte sérieuse vient de s'ouvrir. J'ai commencé cette oeuvre au nom de Dieu; elle se finira par sa puissance et sans moi." TS 150 2 A ses ennemis, qui méprisaient sa cause en raison de sa faiblesse, Luther répondait: "Qui sait si ce n'est pas Dieu qui m'a choisi et appelé, et s'ils ne doivent pas craindre, en me méprisant, de mépriser Dieu lui-même?... Moïse était seul à la sortie d'Egypte; Elie seul, au temps du roi Achab; Esaïe seul, à Jérusalem; Ezéchiel seul, à Babylone; ... Dieu n'a jamais choisi pour prophète ni le souverain sacrificateur, ni quelque autre grand personnage; ordinairement, il a choisi des personnes basses et méprisées, une fois même le berger Amos. En tout temps, les saints ont dû reprendre les grands, les rois, les princes, les prêtres, les savants, au péril de leur vie. ... Je ne dis pas que je sois un prophète; mais je dis qu'ils ont lieu de craindre, précisément parce que je suis seul et qu'ils sont nombreux. Ce dont je suis certain, c'est que la Parole de Dieu est avec moi, et qu'elle n'est point avec eux." TS 151 1 Pourtant, ce ne fut pas sans une lutte terrible que Luther se résigna à se séparer de l'Eglise. C'est vers ce temps-là qu'il écrivait: "Je sens mieux chaque jour combien il est difficile de se dégager de scrupules que l'on a cultivés dès son enfance. Oh! qu'il m'en a coûté, bien que les Ecritures fussent pour moi, de prendre position contre le pape et de le dénoncer comme l'antichrist! ... Combien grandes ont été les angoisses de mon coeur! Combien de fois me suis-je posé, dans l'amertume de mon âme, cette question qui est sans cesse sur les lèvres des papistes: Es-tu le seul sage? Tout le reste du monde est-il depuis si longtemps dans l'erreur? Et si, après tout, c'était toi qui te trompais? Si tu étais la cause que beaucoup d'âmes, égarées par toi, seront éternellement perdues? C'est ainsi que j'ai tremblé, jusqu'à ce que Jésus-Christ, par sa Parole infaillible, eût fortifié mon âme."1 TS 151 2 Le pape avait menacé Luther de l'excommunication s'il ne se rétractait pas. Cette menace allait maintenant devenir une réalité. Une nouvelle bulle parut, qui déclarait Luther séparé de l'Eglise et maudit du ciel. Tous ceux qui recevaient sa doctrine étaient englobés dans cette condamnation. Un grand conflit était engagé. TS 151 3 Etre en butte à l'opposition est le sort de tous ceux dont Dieu se sert pour annoncer des vérités spécialement applicables à leur temps. Or il y avait, aux jours de Luther, une vérité présente d'une importance capitale, de même qu'il y a une vérité présente pour notre époque. Celui qui gouverne le monde selon les conseils de sa volonté a jugé bon de susciter des hommes auxquels il confie un message spécialement destiné au temps où ils vivent et adapté aux conditions dans lesquelles ils sont placés. Si ces hommes apprécient la lumière qui leur est offerte, des horizons plus vastes s'ouvriront devant eux. Mais la majorité des gens n'apprécie pas plus la vérité aujourd'hui que les partisans du pape au temps de Luther. Comme dans les siècles passés, on est enclin à suivre les théories et les traditions des hommes plutôt que la Parole de Dieu. Il ne faut pas que ceux qui présentent la vérité pour notre époque s'attendent à être accueillis avec plus de faveur que les réformateurs des temps passés. La grande lutte entre la vérité et l'erreur, entre le Christ et Satan, augmentera d'intensité jusqu'à la fin de l'histoire du monde. TS 152 1 Jésus a dit à ses disciples: "Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui est à lui; mais parce que vous n'êtes pas du monde, et que je vous ai choisis du milieu du monde, à cause de cela le monde vous hait. Souvenez-vous de la parole que je vous ai dite: Le serviteur n'est pas plus grand que son maître. S'ils m'ont persécuté, ils vous persécuteront aussi; s'ils ont gardé ma parole, ils garderont aussi la vôtre."1 D'autre part, le Seigneur dit positivement: "Malheur, lorsque tous les hommes diront du bien de vous, car c'est ainsi qu'agissaient leurs pères à l'égard des faux prophètes!"2 La concorde entre l'esprit du Christ et l'esprit du monde n'existe pas plus maintenant qu'autrefois; et ceux qui annoncent la Parole de Dieu dans toute sa pureté ne seront pas plus favorablement accueillis aujourd'hui qu'alors. L'opposition à la vérité peut changer de forme, elle peut être plus cachée, plus subtile; mais le même antagonisme existe et existera jusqu'à la fin. ------------------------Chapitre 8 -- Luther à la diète de Worms TS 153 1 En Allemagne, un nouvel empereur, Charles Quint, monta sur le trône. Les émissaires de Rome s'empressèrent de venir le féliciter et l'engagèrent à user de sa puissance contre la Réforme. Le clergé ne demandait rien de moins qu'un édit impérial ordonnant la mort du réformateur. D'autre part, l'électeur de Saxe, à qui l'empereur devait en grande partie sa couronne, suppliait ce dernier de ne rien faire contre Luther avant de l'avoir entendu. "Ni sa Majesté impériale ni personne n'ayant encore prouvé que les écrits de Luther eussent été réfutés", il demandait pour le docteur de Wittenberg un sauf-conduit lui permettant de comparaître devant un tribunal de juges savants, pieux et impartiaux. TS 153 2 Sur ces entrefaites, l'attention de tous les partis se dirigea vers l'assemblée des Etats germaniques réunis à Worms peu après l'accession au trône de Charles Quint. Les dignitaires de l'Eglise et de l'Etat étaient accourus de toutes parts. Des seigneurs séculiers de haute naissance, puissants et jaloux de leurs droits héréditaires; des ecclésiastiques princiers, conscients de la supériorité de leur rang et de leur autorité; de brillants chevaliers accompagnés de leur suite, ainsi que des ambassadeurs de pays étrangers et lointains s'étaient réunis dans cette ville. Pour la première fois, les princes allemands allaient se rencontrer avec leur jeune monarque en assemblée délibérante. Des questions politiques et des intérêts importants devaient être pris en considération par cette diète. Néanmoins, le sujet qui retenait le plus l'attention de cette vaste assemblée, c'était la cause du réformateur saxon. TS 154 1 Charles Quint avait préalablement chargé l'électeur de Saxe d'amener avec lui Luther, auquel il promettait sa protection et une entière liberté de discussion, avec des personnages compétents, sur la question en litige. Luther désirait vivement comparaître devant l'empereur. Sa santé était alors fort précaire mais il écrivait à l'électeur: "Si je ne puis aller à Worms en santé, je m'y ferai transporter malade. Car si l'empereur le désire, je ne puis douter que ce ne soit l'appel de Dieu lui-même. S'ils veulent employer contre moi la violence, comme cela est vraisemblable (car ce n'est pas pour s'instruire qu'ils me font comparaître), je remets la chose entre les mains du Seigneur. Celui qui protégea les trois jeunes hommes dans la fournaise vit et règne encore. S'il ne veut pas me sauver, c'est peu de chose que ma vie. Empêchons seulement que l'Evangile ne soit exposé aux railleries des impies, et répandons pour lui notre sang. Ce n'est pas à moi de décider si ce sera ma vie ou ma mort qui contribuera le plus au salut de tous. ... Attendez tout de moi... sauf la fuite et la rétractation. Fuir, je ne puis, me rétracter moins encore." TS 154 2 La nouvelle que Luther allait comparaître devant la diète provoqua à Worms une grande agitation. Aléandre, le légat papal spécialement chargé de cette affaire, prévoyant que les conséquences de cette comparution seraient désastreuses pour la papauté, en fut alarmé et irrité. Instruire une cause sur laquelle le pape avait déjà passé condamnation, c'était jeter le mépris sur l'autorité du souverain pontife. Il redoutait en outre que les arguments puissants et éloquents de Luther ne détournassent plusieurs princes des intérêts du pape. Il suppliait donc instamment l'empereur de ne pas le faire comparaître. La bulle d'excommunication contre Luther ayant paru vers ce temps-là, l'empereur résolut de déférer aux supplications du légat. Il écrivit à l'électeur que si Luther ne voulait pas se rétracter, il devait rester à Wittenberg. TS 155 1 Non content de cette victoire, Aléandre manoeuvra de toutes ses forces pour assurer la condamnation de Luther. Devant les prélats, les princes et les autres membres de l'assemblée, avec une insistance digne d'une meilleure cause, il accusa Luther de "sédition, d'impiété et de blasphème". Mais la véhémence et la passion que le légat manifestait révélaient trop clairement l'esprit dont il était animé. "C'est la haine, c'est l'amour de la vengeance qui l'inspire, disait-on, plutôt que le zèle et la piété." Et la majorité de la diète était de plus en plus encline à envisager avec faveur la cause du réformateur. TS 155 2 Redoublant de zèle, Aléandre insistait auprès de l'empereur pour qu'on exécutât les édits du pape. Or, sous les lois allemandes, cela n'était pas possible sans l'assentiment des princes. Vaincu enfin par l'importunité du légat, Charles Quint invita ce dernier à présenter son cas devant la diète. "Ce fut un grand jour pour le nonce. L'assemblée était auguste et la cause plus auguste encore. Aléandre devait plaider la cause de Rome, mère et maîtresse de toutes les Eglises", revendiquer la primauté de saint Pierre devant les princes de la chrétienté. "Bien doué sous le rapport de l'éloquence, il sut s'élever à la hauteur des circonstances. La Providence voulut que Rome, avant d'être condamnée, eût l'occasion de faire valoir sa cause par le plus habile de ses orateurs, et devant le plus puissant tribunal." Ce n'est pas sans quelque appréhension que les amis de la Réforme envisageaient l'effet du discours d'Aléandre. L'électeur de Saxe, qui n'était pas présent, avait donné ordre à quelques-uns de ses conseillers d'aller l'entendre et de prendre des notes. TS 156 1 Mettant à réquisition toute sa science et toute son éloquence, Aléandre accumula contre Luther accusation sur accusation. Il le traita d'ennemi public de l'Eglise et de l'Etat, des vivants et des morts, du clergé et des laïques, des conciles et des particuliers. "Il y a, dit-il, dans les erreurs de Luther de quoi faire brûler cent mille hérétiques." TS 156 2 En concluant, il déversa tout son mépris sur les partisans de la foi réformée. "Que sont tous ces luthériens? Un amas de grammairiens insolents, de prêtres corrompus, de moines déréglés, d'avocats ignorants, de nobles dégradés et de gens du commun égarés et pervertis. Combien le parti catholique n'est-il pas plus nombreux, plus habile, plus puissant! Un décret unanime de cette illustre assemblée éclairera les simples, avertira les imprudents, décidera les hésitants et affermira les faibles." TS 156 3 Telles sont les armes employées en tout temps contre les représentants de la vérité. Ces mêmes arguments sont encore avancés contre ceux qui osent opposer aux erreurs populaires les enseignements clairs et simples de la Parole de Dieu. "Qui sont ces novateurs?" s'écrient les partisans d'une religion populaire. "Un petit nombre d'ignorants et de roturiers prétendant avoir la vérité, et se donnant pour le peuple élu de Dieu! Combien supérieure en nombre et en influence est notre Eglise! Voyez de notre côté tous les hommes éminents par leur science et par leur piété!" De tels arguments exercent leur influence sur le monde; mais ils ne sont pas plus concluants maintenant qu'aux jours du réformateur. TS 156 4 Le discours du légat fit une profonde impression sur l'assemblée. Nul ne se trouva là pour opposer au champion du pape l'enseignement simple et clair de la Parole de Dieu. Personne ne tenta de défendre le réformateur. L'opinion générale était disposée, non seulement à le condamner, lui et ses doctrines, mais, si possible, à déraciner l'hérésie. Rome avait défendu sa cause dans les conditions les plus favorables. Tout ce qu'elle pouvait dire en sa faveur, elle l'avait dit. Mais son apparente victoire était le signal de sa défaite. Dès ce moment, le contraste entre la vérité et l'erreur deviendrait d'autant plus manifeste qu'elles allaient pouvoir se livrer ouvertement bataille. A partir de ce jour, jamais la position de Rome ne devait être aussi forte qu'auparavant. TS 157 1 Le légat avait présenté la papauté sous son plus beau jour. Les membres de la diète étaient à peu près unanimes pour livrer Luther à la vindicte de ses ennemis. A ce moment, l'Esprit de Dieu poussa un membre de la diète à faire un tableau véridique de la tyrannie papale. Noble et ferme, le duc Georges de Saxe se leva dans l'auguste assemblée; après avoir décrit avec une exactitude impitoyable les abus de la papauté ainsi que leurs déplorables conséquences, il conclut: TS 157 2 "Voilà quelques-uns des abus qui crient contre Rome. Toute honte bannie, on ne s'applique plus qu'à une seule chose ... [amasser] de l'argent! encore de l'argent! ... En sorte que les prédicateurs qui devraient enseigner la vérité ne débitent plus que des mensonges, et que non seulement on les tolère, mais qu'on les récompense, parce que plus ils mentent, plus ils gagnent. C'est de ce puits fangeux que proviennent tant d'eaux corrompues. La débauche donne la main à l'avarice... Ah! c'est le scandale que le clergé donne qui précipite tant de pauvres âmes dans une condamnation éternelle. Il faut opérer une réforme universelle." TS 157 3 Luther lui-même n'eût pu dénoncer les abus de la papauté avec plus de puissance; le fait que l'orateur était un ennemi avéré du réformateur donnait plus de poids à ses paroles. En l'absence de Luther, la voix d'un plus grand que lui avait été entendue. TS 158 1 Si les yeux de l'assemblée avaient été ouverts, elle aurait vu dans son sein des anges de Dieu rayonnants de lumière dissipant les ténèbres de l'erreur et ouvrant les intelligences et les coeurs à la vérité. C'était la puissance du Dieu de sagesse et de vérité qui refrénait les adversaires de la Réforme et préparait ainsi la voie à la grande oeuvre qui allait s'accomplir. TS 158 2 La Réforme n'a pas pris fin avec Luther, comme beaucoup le supposent. Elle doit se poursuivre jusqu'à la fin de l'histoire de l'humanité. Luther avait une grande tâche: celle de communiquer au monde la lumière que Dieu avait fait briller sur son sentier; et pourtant, il ne la possédait pas tout entière. De son temps à nos jours, des lumières nouvelles n'ont cessé de jaillir des pages des saintes Ecritures. TS 158 3 La diète nomma aussitôt une commission chargée de préparer une liste des exactions papales qui pesaient si lourdement sur le peuple allemand. Ce catalogue, qui contenait cent et un griefs, fut présenté à l'empereur avec la requête instante de prendre des mesures immédiates pour faire cesser ces abus. "Que d'âmes chrétiennes perdues!" disaient les pétitionnaires, "que de dépravations, que d'extorsions résultent des scandales dont s'entoure le chef spirituel de la chrétienté! Il faut prévenir la ruine et le déshonneur de notre peuple. C'est pourquoi, tous ensemble, nous vous supplions très humblement, mais de la manière la plus pressante, d'ordonner une réforme générale, de l'entreprendre et de l'accomplir." TS 158 4 La diète exigea alors qu'on fit comparaître le réformateur. En dépit des objurgations, des protestations et des menaces d'Aléandre, l'empereur finit par y consentir. La convocation était accompagnée d'un sauf-conduit promettant que Luther serait ramené en lieu sûr. Ces deux documents furent portés à Wittenberg par un héraut chargé d'escorter le réformateur. TS 159 1 Les amis de Luther furent terrifiés. Connaissant la haine de ses ennemis, ils craignaient que le sauf-conduit ne fût pas respecté, et ils le suppliaient de ne pas exposer sa vie. Il leur répondit: "Les papistes ne désirent pas ma comparution à Worms, mais ma condamnation et ma mort. N'importe! Priez, non pour moi, mais pour la Parole de Dieu. ... Le Christ me donnera son Esprit pour vaincre les ministres de l'erreur. Je les méprise pendant ma vie, et j'en triompherai par ma mort. On s'agite à Worms pour me contraindre à me rétracter. Voici quelle sera ma rétractation: J'ai dit autrefois que le pape était le vicaire du Christ; maintenant je dis qu'il est l'adversaire du Seigneur et l'apôtre du diable." TS 159 2 Luther n'allait pas être seul à faire ce périlleux voyage. Outre le messager impérial, trois de ses meilleurs amis décidèrent de l'accompagner. Mélanchthon désirait ardemment se joindre à eux. Uni de coeur à son ami, il voulait le suivre, s'il le fallait, jusqu'à la prison et à la mort. Mais on ne le lui permit pas. Si Luther devait mourir, la responsabilité de la Réforme devait retomber sur les épaules de son jeune collaborateur. En le quittant, le réformateur lui fit cette recommandation: "Si je ne reviens pas, et que mes ennemis m'ôtent la vie, ô mon frère! ne cesse pas d'enseigner la vérité, et d'y demeurer ferme. Travaille à ma place. ... Si tu vis, peu importe que je périsse." Les étudiants et les citoyens qui s'étaient réunis pour assister au départ du réformateur étaient très émus. De nombreuses personnes dont le coeur avait été touché par l'Evangile lui firent des adieux émouvants. TS 159 3 Chemin faisant, Luther et ses compagnons constatèrent que de sombres pressentiments agitaient les foules. Dans certaines villes, on ne lui fit aucun accueil. Dans une auberge où l'on s'arrêta pour la nuit, un prêtre ami lui fit part de ses craintes en lui présentant le portrait de Savonarole, le réformateur italien, martyr de sa foi. Le jour suivant, on apprit que les écrits de Luther avaient été condamnés à Worms. Des messagers impériaux proclamaient le décret de l'empereur et sommaient le peuple d'apporter aux magistrats les ouvrages proscrits. Le héraut, craignant pour la sécurité du voyageur devant la diète, et pensant que sa résolution était ébranlée, lui demanda s'il était encore décidé à poursuivre sa route. Sa réponse fut: "Oui, même si je suis interdit dans toutes les villes." TS 160 1 A Erfurt, on fit à Luther de grands honneurs. Dans les rues qu'il avait si souvent parcourues en mendiant, il se vit entouré d'une foule admiratrice. Il visita la cellule de son couvent, et se rappela les luttes par lesquelles il avait passé avant de recevoir dans son coeur la lumière qui inondait maintenant l'Allemagne. On l'invita à prêcher. Cela lui avait été interdit, mais le héraut impérial le lui permit, et le moine qui avait été domestique du couvent monta en chaire. TS 160 2 Il parla sur ces paroles du Christ: "La paix soit avec vous." "Tous les philosophes, dit-il, les docteurs, les écrivains se sont appliqués à enseigner comment l'homme peut obtenir la vie éternelle, et ils n'y sont point parvenus. Je veux maintenant vous le dire. ... Dieu a ressuscité un homme, le Seigneur Jésus-Christ, pour qu'il écrase la mort, détruise le péché, et ferme les portes de l'enfer. Voilà l'oeuvre du salut. ... Jésus-Christ a vaincu! Voilà la grande nouvelle! et nous sommes sauvés par son oeuvre, et non par les nôtres. ... Notre Seigneur a dit: La paix soit avec vous; regardez mes mains, c'est-à-dire: Regarde, ô homme! c'est moi, c'est moi seul qui ai ôté ton péché, et qui t'ai racheté; et maintenant, dit le Seigneur, tu as la paix!" TS 160 3 Il poursuivit en montrant que la foi se manifeste par la sainteté de la vie. "Puisque Dieu nous a sauvés, ordonnons tellement nos oeuvres qu'il y mette son bon plaisir. Es-tu riche? Que ton bien soit utile aux pauvres! Es-tu pauvre? Que ton service soit utile aux riches! Si ton travail n'est utile qu'à toi-même, le service que tu prétends rendre à Dieu n'est qu'un mensonge." TS 161 1 L'auditoire était suspendu à ses lèvres. Le pain de vie était rompu à des âmes qui mouraient d'inanition. Le Sauveur était élevé à leurs yeux au-dessus des papes, des légats, des empereurs et des rois. Luther ne fit aucune allusion à la situation périlleuse dans laquelle il se trouvait. Il ne fit rien pour attirer sur sa personne l'attention ou la sympathie. Se perdant de vue dans la contemplation du Christ, il se cachait derrière l'Homme du Calvaire, en qui il voyait son Rédempteur. TS 161 2 Continuant sa route, le réformateur était partout l'objet du plus vif intérêt. Une foule avide se pressait autour de lui. Des voix amies l'avertissaient des desseins des romanistes: "On vous brûlera, lui disait-on, on réduira votre corps en cendres, comme on l'a fait de celui de Jean Hus." Sa réponse était: "Quand ils feraient un feu qui s'étendrait de Worms à Wittenberg et qui s'élèverait jusqu'au ciel, au nom du Seigneur je le traverserais. Je paraîtrais devant eux, j'entrerais dans la gueule de ce Béhémoth, je briserais ses dents, et je confesserais le Seigneur Jésus-Christ." TS 161 3 En apprenant qu'il approchait de Worms, les gens furent en effervescence. Ses amis tremblaient pour sa sécurité; ses ennemis craignaient pour leur cause. On s'efforça de le dissuader d'entrer dans la ville. A l'instigation des prêtres, il fut invité à se retirer dans le château d'un chevalier sympathique à sa cause, où, lui assurait-on, toutes les difficultés pourraient être résolues amicalement. Des amis tentèrent d'exciter ses craintes en lui représentant les dangers auxquels il était exposé. Tout fut inutile. Inébranlable, Luther répondit: "Quand même il y aurait autant de diables à Worms qu'il y a de tuiles sur les toits, j'y entrerais." TS 162 1 A son entrée dans la ville, l'animation fut intense: une grande foule lui souhaita la bienvenue. L'empereur lui-même n'avait pas vu une aussi grande foule venir le saluer. Du milieu de la foule, une voix perçante et plaintive fit entendre le chant des morts pour avertir Luther du sort qui le menaçait. "Dieu sera ma défense", dit-il en descendant de voiture. TS 162 2 Les romanistes n'avaient pas cru que Luther oserait venir à Worms; aussi son arrivée les plongea-t-elle dans la consternation. L'empereur convoqua aussitôt ses conseillers afin de savoir quel parti prendre. L'un des évêques, papiste rigide, prenant la parole, s'écria: "Nous nous sommes longuement consultés sur cette affaire. Que votre Majesté impériale se débarrasse promptement de cet homme. Sigismond n'a-t-il pas fait brûler Jean Hus? On n'est tenu ni de donner un sauf-conduit à un hérétique ni de le respecter." "Non! dit Charles: ce qu'on a promis, il faut qu'on le tienne." On décida, en conséquence, de faire comparaître le réformateur. TS 162 3 Toute la ville désirait voir cet homme extraordinaire. Bientôt, une foule de visiteurs envahit son appartement. A peine remis de sa récente maladie, fatigué d'un voyage qui avait duré deux semaines entières, et devant se préparer à la comparution solennelle du lendemain, il avait besoin de calme et de repos. Mais leur désir de le voir était si grand que nobles, chevaliers, prêtres, citoyens se pressaient autour de lui. De ce nombre étaient plusieurs de ceux qui avaient hardiment demandé à l'empereur de mettre fin aux abus du clergé, et qui, dit plus tard Luther, "avaient tous été affranchis par mon Evangile". Amis et ennemis accouraient pour contempler ce moine intrépide au visage pâle, émacié, qui recevait chacun avec une bienveillance enjouée. Son calme, sa dignité, son tact, son attitude ferme et courageuse, la solennité de ses paroles lui donnaient une autorité à laquelle ses ennemis eux-mêmes avaient peine à résister, et qui remplissait chacun d'étonnement. Les uns voyaient en lui une puissance divine, d'autres répétaient les paroles des pharisiens au sujet du Christ: "Il a un démon." TS 163 1 Le lendemain, sommé de comparaître devant la diète, Luther y fit son entrée, conduit par un officier impérial, après avoir traversé des rues encombrées d'une foule avide de voir celui qui avait osé braver l'autorité du pape. TS 163 2 Au moment où l'accusé allait comparaître devant ses juges, un vieux général, héros de bien des batailles, lui dit avec bonté: "Petit moine! petit moine! Tu as devant toi une marche et une affaire telles que ni moi, ni bien des capitaines n'en avons jamais vu de pareille dans la plus sanglante de nos batailles! Mais si ta cause est juste, et si tu en as l'assurance, avance au nom de Dieu, et ne crains rien! Dieu ne t'abandonnera pas!" TS 163 3 Luther était enfin devant la diète, où l'empereur occupait le trône, entouré des personnages les plus illustres de l'empire. Jamais homme n'avait comparu devant plus imposante assemblée. "Cette comparution était déjà une éclatante victoire remportée sur la papauté. Le pape avait condamné cet homme, et cet homme se trouvait devant un tribunal qui se plaçait ainsi au-dessus du pape. Le pape l'avait mis à l'interdit, retranché de toute société humaine, et il était convoqué en termes honorables et reçu devant la plus auguste assemblée de l'univers. Le pape avait ordonné que sa bouche fût à jamais muette, et il allait l'ouvrir devant des milliers d'auditeurs assemblés des endroits les plus éloignés de toute la chrétienté. Une immense révolution s'était ainsi accomplie au moyen de Luther. Rome descendait déjà de son trône, et c'est la parole d'un moine qui l'en faisait descendre." TS 163 4 En présence de cette assemblée de rois et de princes, le fils du mineur de Mansfeld se sentit ému et intimidé. Plusieurs princes, l'ayant remarqué, s'approchèrent de lui avec bienveillance. L'un d'eux lui dit: "Ne craignez point ceux qui tuent le corps, et qui ne peuvent tuer l'âme." Un autre ajouta: "Quand vous serez menés devant des gouverneurs et devant des rois, l'Esprit de votre Père parlera par votre bouche." Ainsi, à cette heure critique, les paroles du divin Maître venaient fortifier son serviteur par l'organe des puissants de ce monde. TS 164 1 Luther fut placé en face du trône de l'empereur. Un profond silence se fit dans l'assemblée. Alors un officier impérial se leva et, désignant une collection des écrits de Luther, invita le réformateur à répondre à deux questions: premièrement, ces ouvrages étaient-ils bien de lui? deuxièmement, était-il disposé à rétracter les opinions qu'il y avait avancées? Les titres des ouvrages ayant été lus, Luther, répondant à la première question, affirma en être l'auteur. "Quant à la seconde question, dit-il, attendu que c'est une question qui regarde la foi et le salut des âmes, et dans laquelle est impliquée la Parole de Dieu, le plus grand et le plus précieux trésor qu'il y ait dans les cieux et sur la terre, j'agirais avec imprudence si je répondais sans réflexion. Je pourrais affirmer moins que la chose ne le demande, ou plus que la vérité ne l'exige, et me rendre ainsi coupable envers cette parole du Christ: "Quiconque me reniera devant les hommes, je le renierai aussi devant mon Père qui est dans les cieux." C'est pourquoi, je prie en toute soumission Sa Majesté impériale de me donner du temps afin de répondre sans porter atteinte à la Parole de Dieu." TS 164 2 Cette requête de Luther était sage. Il convainquait ainsi l'assemblée qu'il n'agissait ni par aigreur ni par impulsion. Ce calme, cet empire sur soi-même, inattendus chez un homme qui s'était montré hardi et intransigeant, fortifièrent sa cause et lui permirent de répondre plus tard avec une prudence, une décision, une sagesse et une dignité qui surprirent et déconcertèrent ses adversaires. TS 164 3 Sa réponse définitive fut renvoyée au jour suivant; le réformateur, à la vue des forces liguées contre la vérité, sentit momentanément le coeur lui manquer; sa foi fléchit; la crainte et le tremblement le saisirent, et il fut envahi par une terreur indéfinissable. Les dangers se multipliaient devant lui; ses ennemis semblaient sur le point de triompher, et la puissance des ténèbres, prête à l'engloutir. Les sombres nuages qui s'accumulaient autour de lui, et semblaient vouloir le séparer de Dieu, lui firent perdre l'assurance que le Dieu des armées serait avec lui. Dans sa détresse, courbé vers la terre, il fit entendre une de ces prières éperdues dont Dieu seul peut mesurer la valeur. TS 165 1 "Dieu tout-puissant! Dieu éternel! criait-il; que le monde est terrible! Comme il ouvre la bouche pour m'engloutir! et que j'ai peu de confiance en toi! ... Si je dois mettre mon espérance dans les puissants de la terre, c'en est fait de moi! ... O Dieu! ... Assiste-moi contre toute la sagesse du monde! Fais-le; tu dois le faire, toi seul, car ce n'est pas mon oeuvre, mais la tienne. Je n'ai ici rien à faire; je n'ai rien à débattre, moi, avec ces grands du monde. ... La cause est la tienne; elle est juste et éternelle! O Seigneur, sois mon aide! Dieu fidèle, Dieu immuable! Je ne me repose sur aucun homme. ... Tout ce qui est de l'homme chancelle et défaille. ... Tu m'as élu pour cette oeuvre, je le sais! ... Eh bien! agis donc ô Dieu! ... tiens-toi à côté de moi, pour le nom de Jésus-Christ, ton Fils bien-aimé, ma défense, mon bouclier et ma forteresse." TS 165 2 Pour préserver le réformateur d'un sentiment de confiance en sa propre force et de témérité devant le danger, Dieu, dans sa sagesse, permettait qu'il eût l'intuition de son péril. Ce n'était pas, en effet, la crainte des souffrances personnelles, ni la perspective de la torture ou de la mort apparemment imminentes qui le terrifiaient, et ce n'était point en vue de sa propre sécurité qu'il luttait avec Dieu; c'était pour le triomphe de l'Evangile. L'heure de la crise était arrivée, et il se sentait incapable de l'affronter. Un acte de faiblesse de sa part eût pu compromettre la cause de la vérité. Les angoisses de son âme en cette occasion peuvent être comparées à celles de Jacob au torrent de Jabok. Comme lui, Luther lutta avec Dieu et obtint la victoire. Conscient de son impuissance, cramponné à Jésus, son puissant Libérateur, il fut fortifié par l'assurance qu'il ne paraîtrait point seul devant l'assemblée. La paix rentra dans son âme, et il se réjouit qu'il lui fût permis d'élever la Parole de Dieu devant les chefs de la nation. TS 166 1 Les regards fixés sur Dieu, Luther se prépara à la lutte. Il fit le plan de sa réponse, relut quelques passages de ses ouvrages et tira des Ecritures des preuves propres à soutenir ses positions. Puis, posant sa main gauche sur le Livre sacré ouvert sur la table, et levant la main droite au ciel, il "jura de demeurer fidèle à l'Evangile et de confesser ouvertement sa foi, dût-il sceller cette confession de son sang". TS 166 2 Quand il comparut à nouveau devant la diète, son visage ne portait aucune trace de crainte ou de timidité. Témoin de Dieu devant les grands de la terre, il respirait le calme, la paix et une noble bravoure. Son discours, en réponse à l'officier impérial qui lui demandait sa décision, fut courtois et respectueux; sa voix claire était contenue et sans éclats; toute sa personne manifestait une confiance et une joie qui surprirent l'assemblée. Il parla en ces termes: TS 166 3 "Sérénissime Empereur! illustres princes, gracieux seigneurs! ... Comparaissant aujourd'hui devant vous, par la miséricorde de Dieu, selon l'ordre qui m'en fut donné hier, je conjure votre Majesté et vos augustes Altesses d'écouter avec bonté la défense d'une cause qui, j'en ai l'assurance, est juste et bonne. Si, par ignorance, je manquais aux usages et aux bienséances des cours, je vous prie de me pardonner, car j'ai été élevé dans l'obscurité d'un cloître, et non dans les palais des rois." TS 166 4 Entrant ensuite dans son sujet, Luther déclara que ses livres n'étaient pas tous de la même nature. Dans les uns, il parlait de la foi et des bonnes oeuvres; ses ennemis eux-mêmes les considéraient non seulement comme inoffensifs, mais comme utiles. Les rétracter, c'eût été renier des vérités que tous admettaient. Une seconde catégorie était composée de livres condamnant la corruption et les abus de la papauté. Les rejeter, c'eût été fortifier la tyrannie de Rome et ouvrir la porte à de grandes et nombreuses impiétés. La troisième catégorie attaquait des individus qui soutenaient les abus existants. Pour ceux-ci, il confessa volontiers avoir été plus violent qu'il ne convenait. Mais, sans avoir la prétention d'être parfait, il ne pouvait pas non plus rétracter ces derniers ouvrages, parce que, ce faisant, il encouragerait les ennemis de la vérité, qui profiteraient de cette occasion pour écraser le peuple de Dieu avec plus de cruauté encore. TS 167 1 "Cependant, ajouta-t-il, je suis un simple homme, et non pas Dieu; je me défendrai donc comme l'a fait Jésus-Christ: Si j'ai mal parlé, faites connaître ce que j'ai dit de mal. ... Je vous conjure donc, par les miséricordes de Dieu, sérénissime empereur, et vous, très illustres princes, et tout autre hòmme, qu'il soit de haut ou de bas étage, de me prouver par les écrits des prophètes et des apôtres que je me suis trompé. Dès que j'aurai été convaincu, je rétracterai aussitôt toutes mes erreurs, et serai le premier à saisir mes écrits et à les jeter dans les flammes." TS 167 2 "Ce que je viens de dire, ajouta-t-il, montre clairement, je pense, que j'ai bien considéré et pesé les dangers auxquels je m'expose; mais loin d'en être effrayé, c'est pour moi une grande joie de voir que l'Evangile est encore aujourd'hui, comme autrefois, une cause de trouble et de discorde. C'est là le caractère et la destinée de la Parole de Dieu. "Je ne suis pas venu apporter la paix sur la terre, a dit Jésus, mais l'épée." Dieu est admirable et terrible dans ses conseils; craignons qu'en prétendant arrêter les discordes nous ne persécutions la sainte Parole de Dieu et ne fassions fondre sur nous un affreux déluge d'insurmontables dangers, de désastres présents et de désolation éternelle. Je pourrais citer des exemples tirés des oracles de Dieu. ... Je pourrais vous parler des pharaons, des rois de Babylone et d'Israël qui n'ont jamais travaillé plus efficacement à leur ruine que lorsque, par des conseils en apparence très sages, ils pensaient affermir leur empire." TS 168 1 Luther avait parlé en allemand; on le pria de répéter son discours en latin. Il le fit avec la même puissance et la même clarté que la première fois. Cette circonstance était voulue de Dieu. Les princes étaient tellement aveuglés par les préjugés qu'ils n'avaient pu, à la première audition, saisir le puissant raisonnement de Luther; la deuxième leur permit de le bien comprendre. TS 168 2 En revanche, les esprits fermés à la lumière et résolus à ne rien entendre n'avaient pas écouté sans colère les courageuses paroles du moine. Lorsque celui-ci eut cessé de parler, l'orateur de la diète lui dit avec irritation: "Vous n'avez pas répondu à la question qu'on vous a faite. On vous demande une réponse claire et précise. Voulez-vous, oui ou non, vous rétracter?" TS 168 3 Le réformateur répondit: "Puisque votre sérénissime Majesté et vos hautes puissances exigent une réponse simple, claire et précise, je la leur donnerai, la voici: Je ne puis soumettre ma foi ni au pape, ni au concile, parce qu'il est clair comme le jour qu'ils sont souvent tombés dans l'erreur et même dans de grandes contradictions avec eux-mêmes. Si donc je ne suis convaincu par le témoignage des Ecritures ou par des raisons évidentes; si l'on ne me persuade par les passages mêmes que j'ai cités, rendant ainsi ma conscience captive de la Parole de Dieu, je ne puis et ne veux rien rétracter, car il n'est pas prudent pour le chrétien de parler contre sa conscience. Me voici, je ne puis faire autrement; Dieu m'assiste! Amen." TS 168 4 Ainsi parla cet homme juste, campé sur le rocher inébranlable de la Parole de Dieu, les traits illuminés de la lumière divine. Alors qu'il dénonçait la puissance de l'erreur et témoignait en faveur de la foi par laquelle le monde est vaincu, la grandeur et la pureté de son caractère, la paix et la joie de son coeur devinrent manifestes pour tous. TS 169 1 L'assemblée entière resta quelque temps muette de stupeur. Lors de sa première comparution, Luther avait parlé d'une voix modérée et d'un ton respectueux et presque soumis. Les romanistes en avaient conclu que son courage commençait à fléchir. Ils avaient considéré sa demande d'un délai comme le prélude de sa rétractation. L'empereur lui-même, remarquant son air souffrant, la modestie de sa mise et la simplicité de son allocution, avait dit d'un air dédaigneux: "Ce n'est pas ce moine qui fera jamais de moi un hérétique." Mais le courage et la fermeté dont il faisait preuve maintenant, aussi bien que la puissance et la clarté de son raisonnement, surprirent tous les partis. Plein d'admiration, l'empereur s'écria: "Ce moine parle avec un coeur intrépide et un indomptable courage." Et plusieurs des princes allemands contemplaient ce représentant de leur nation avec une satisfaction mêlée d'orgueil. TS 169 2 Les amis de la curie romaine étaient battus: leur cause apparaissait sous le jour le plus défavorable. Pour garder leurs positions, ils eurent recours, non aux Ecritures, mais à des menaces, l'argument ordinaire de Rome. L'orateur de la diète, s'adressant à Luther, lui cria: "Si tu ne te rétractes, l'empereur et les Etats de l'empire verront ce qu'ils auront à faire envers un hérétique obstiné." Puis on le pria de se retirer pendant que les princes délibéreraient. TS 169 3 A ces paroles Luther répondit calmement: "Dieu me soit en aide, car je ne puis rien rétracter." TS 169 4 Une heure grave avait sonné, chacun en avait la conviction. L'obstination du réformateur à ne rien rétracter pouvait affecter l'histoire de l'Eglise pendant des siècles. On décida de lui donner une dernière occasion. Il fut ramené devant l'assemblée. Une fois de plus, on lui demanda s'il voulait renoncer à ses doctrines. Ses paroles furent: "Je n'ai point d'autre réponse à faire que celle que j'ai faite." Il était évident que ni les promesses ni les menaces ne réussiraient à le faire céder aux désirs de ses adversaires. TS 170 1 Vexés de voir bravée par un simple moine une puissance devant laquelle princes et rois avaient tremblé, les chefs de l'Eglise étaient impatients de lui faire éprouver, par la torture et la mort, les effets de leur colère. Conscient de ces dangers, Luther avait parlé devant tous avec le calme et la dignité qui conviennent à un chrétien. Il n'y avait eu dans ses paroles ni calomnie, ni orgueil, ni acrimonie. S'oubliant lui-même et oubliant les grands personnages qui l'entouraient, il n'avait eu en vue qu'une chose: la présence d'un Etre infiniment supérieur aux papes, aux prélats et aux rois. Le Sauveur avait parlé par la bouche de son serviteur avec une puissance et une élévation qui avaient, pour un temps, surpris et émerveillé amis et ennemis. L'Esprit de Dieu, présent dans cette assemblée, avait agi sur le coeur des chefs de l'empire. Plusieurs des princes reconnurent hardiment la justice de la cause de Luther. Un grand nombre d'entre eux furent convaincus de la vérité; mais, pour beaucoup, les impressions reçues ne furent pas durables. D'autres n'exprimèrent pas immédiatement leur conviction, mais, sondant plus tard les Ecritures, devinrent de courageux soutiens de la Réforme. TS 170 2 L'électeur Frédéric, qui n'avait pas attendu sans inquiétude la comparution de Luther devant la diète, avait écouté son discours avec une profonde émotion. Avec une joie mêlée d'orgueil, il avait contemplé le courage, la fermeté et la maîtrise du jeune docteur, et il avait pris la résolution de le défendre avec plus d'énergie. Comparant les partis en présence, il avait constaté que la sagesse des papes, des rois et des prélats avait été confondue par la puissance de la vérité. La papauté venait d'éprouver une défaite dont les conséquences allaient se faire sentir dans tous les pays et dans tous les siècles à venir. TS 171 1 Voyant l'impression causée par la défense de Luther, le légat du pape craignit plus que jamais pour la puissance de son Eglise et se promit de tenter l'impossible pour faire disparaître le réformateur. Avec toute l'éloquence et l'habileté diplomatique dont il était si éminemment doué, il représenta au jeune empereur la folie qu'il y aurait à sacrifier la puissante amitié du pape à la cause d'un obscur religieux. TS 171 2 Ses paroles ne restèrent pas sans effet. Le lendemain de la réponse de Luther, l'empereur fit présenter à la diète un message annonçant sa détermination de soutenir et protéger la religion catholique comme l'avaient fait ses prédécesseurs. Etant donné que Luther avait refusé de renoncer à ses erreurs, il allait recourir aux mesures les plus rigoureuses contre lui et contre les hérésies qu'il enseignait. "Un seul moine, disait-il, égaré par sa propre folie, s'élève contre la foi de la chrétienté. Je sacrifierai mes royaumes, ma puissance, mes amis, mes trésors, mon corps, mon sang, mon esprit et ma vie pour arrêter cette impiété. Je vais renvoyer l'augustin Luther, en lui défendant de causer le moindre tumulte parmi le peuple; puis je procéderai contre lui et ses adhérents, hérétiques impénitents, par l'excommunication, par l'interdit, et par tous les moyens propres à les détruire. Je demande aux membres de tous les Etats de se conduire comme de fidèles chrétiens." TS 171 3 Mais comme le sauf-conduit de Luther devait être respecté, il fallait, avant de sévir contre lui, lui donner le temps de rentrer chez lui sain et sauf. TS 171 4 A ce sujet, deux opinions contradictoires se manifestèrent parmi les membres de la diète. Les représentants du pape demandaient qu'on ne respectât pas le sauf-conduit. Selon eux, les cendres de Luther devaient être jetées dans le Rhin, comme l'avaient été celles de Hus, un siècle plus tôt. Mais les princes allemands, bien que papistes et ennemis du réformateur, protestaient contre une telle violation de la parole donnée, qui eût été une tache pour la nation entière. Rappelant les calamités qui avaient suivi l'exécution de Jean Hus, ils déclarèrent qu'ils n'osaient pas attirer sur l'Allemagne et sur son jeune empereur de semblables catastrophes. TS 172 1 Charles Quint lui-même répondit à cette proposition: "Si la bonne foi et la loyauté étaient bannies de tout l'univers, elles devraient trouver un refuge dans le coeur des princes." Alors, les ennemis les plus acharnés du réformateur pressèrent le monarque d'agir avec lui comme l'avait fait Sigismond avec Jean Hus: le livrer aux compassions de l'Eglise. Charles, se rappelant Hus montrant ses chaînes au milieu du concile et accusant publiquement l'empereur d'avoir trahi la foi jurée, répliqua: "Je ne tiens nullement à rougir en public comme Sigismond." TS 172 2 Charles Quint n'en avait pas moins délibérément rejeté les vérités dont Luther était le champion. "Je suis fermement résolu à suivre l'exemple de mes ancêtres", disait le monarque. Il avait décidé de ne pas quitter les sentiers de la coutume pour suivre les voies de la vérité et de la justice. Comme ses pères, il voulait soutenir la papauté, sa cruauté et ses abus. Ayant pris cette position, il refusa d'accepter des lumières que ses pères n'avaient pas reçues, ou de se soumettre à des devoirs qu'ils n'avaient point connus. TS 172 3 Nombreux sont encore, de nos jours, ceux qui s'attachent aux coutumes et aux traditions de leurs pères. Quand le Seigneur leur envoie de nouvelles lumières, ils les refusent parce que leurs pères n'en ont pas joui, oubliant qu'ils ne vivent plus au temps de leurs pères, et que leurs devoirs et leurs responsabilités ne sont pas les mêmes. Ce ne sont pas nos pères, mais les oracles de Dieu, qui doivent déterminer notre devoir. Notre responsabilité est plus grande que celle de nos ancêtres, car nous devrons rendre compte à la fois de la lumière qui a brillé sur leur sentier et de celle que la Parole de Dieu fait jaillir sur le nôtre. TS 173 1 Parlant des Juifs incrédules, Jésus disait: "Si je n'étais pas venu et que je ne leur eusse point parlé, ils n'auraient pas de péché; mais maintenant ils n'ont aucune excuse de leur péché".1 Ces mêmes paroles étaient adressées par Luther à l'empereur et aux princes d'Allemagne. Pendant qu'elles retentissaient, l'Esprit de Dieu plaidait pour la dernière fois avec plusieurs membres de l'assemblée. Comme Pilate qui, plusieurs siècles auparavant, avait permis à l'orgueil et à l'ambition de fermer son coeur aux paroles du Rédempteur du monde; comme Félix qui, tremblant de peur, avait répondu au messager de la vérité: "Pour le moment retire-toi; quand j'en trouverai l'occasion, je te rappellerai"; comme l'orgueilleux Agrippa, qui avait dit: "Tu vas bientôt me persuader de devenir chrétien",2 et s'était détourné pourtant du message céleste -- de même Charles Quint rejeta la lumière de la vérité pour suivre les conseils de la politique et du respect humain. TS 173 2 La rumeur de ce qui se tramait contre Luther se répandait au-dehors et mettait la ville en effervescence. Le réformateur s'était fait nombre d'amis qui connaissaient la cruauté de Rome envers ceux qui osaient dévoiler ses abus. Des centaines de nobles s'engageaient à le protéger. Plusieurs dénonçaient ouvertement le message royal comme une couardise devant le clergé. Sur les portes des maisons et dans les lieux publics, s'affichaient des écriteaux pour et contre Luther. L'un portait simplement ces paroles du Sage: "Malheur à toi, pays, dont le roi est un enfant." L'enthousiasme populaire soulevé dans toutes les parties de l'Allemagne en faveur de Luther convainquit l'empereur et la diète que toute injustice faite à ce moine courageux menacerait non seulement la paix, mais aussi la sécurité du trône. TS 173 3 Frédéric de Saxe observait une sage réserve. Dissimulant avec soin ses vrais sentiments à l'égard du réformateur, il veillait sur lui avec une infatigable vigilance, surveillant tous ses mouvements, aussi bien que ceux de ses ennemis. Mais de nombreux personnages ne cachaient pas leur sympathie pour Luther. Princes, comtes, barons et autres gens de distinction, tant laïques qu'ecclésiastiques, lui rendaient visite. Spalatin écrivait que la petite chambre du réformateur ne pouvait contenir tous ceux qui désiraient le voir. On le considérait comme un être surhumain. Ceux mêmes qui ne croyaient pas à sa doctrine ne pouvaient s'empêcher d'admirer la noble droiture qui lui faisait braver la mort plutôt que de violer sa conscience. TS 174 1 De sérieux efforts furent tentés en vue d'amener Luther à entrer en compromis avec Rome. Nobles et princes lui firent remarquer que s'il persistait à mettre son opinion au-dessus de celle de l'Eglise et des conciles, il ne tarderait pas à être banni de l'empire et laissé sans défense. A quoi Luther répondit: "L'Evangile du Christ ne peut être prêché sans scandale. Comment donc cette crainte ou cette appréhension du danger me détacherait-elle du Seigneur et de cette Parole divine qui est l'unique vérité? Non, plutôt donner mon corps, mon sang et ma vie!" TS 174 2 On l'engagea derechef à se soumettre au jugement de l'empereur, faisant valoir que, s'il l'acceptait, il n'aurait rien à craindre. "Je consens de grand coeur, dit-il, que l'empereur, les princes, et le plus chétif des chrétiens examinent et jugent mes écrits, mais à une condition, c'est qu'ils prennent la Parole de Dieu pour règle. Les hommes n'ont pas autre chose à faire qu'à lui obéir. Ma conscience est sa prisonnière, et je dois lui être soumis." TS 174 3 A un autre appel, il répondait: "Je consens à renoncer au sauf-conduit. Je remets entre les mains de l'empereur ma personne et ma vie, mais la Parole de Dieu, ... jamais!" Il voulait bien se soumettre à la décision d'un concile général, mais à la condition que ce concile jugeât selon la Parole de Dieu. "Pour ce qui touche à la Parole de Dieu et à la foi, ajoutait-il, tout chrétien est aussi bon juge que le pape, ce dernier fût-il même appuyé par un million de conciles."1 Amis et ennemis finirent par se convaincre de l'inutilité de tout nouvel effort de réconciliation. TS 175 1 Si le réformateur avait fléchi sur un seul point, Satan et ses armées eussent remporté la victoire. Mais son inébranlable fermeté fut le gage de l'émancipation de l'Eglise et l'aube d'une ère nouvelle. L'influence de cet homme qui osait, en matière de religion, penser et agir pour lui-même, allait se faire sentir sur les Eglises et sur le monde, non seulement de son vivant, mais jusqu'à la fin des temps. Sa fermeté et sa fidélité à l'Ecriture devaient fortifier tous ceux qui seraient appelés à traverser des circonstances analogues. La puissance et la majesté de Dieu avaient été exaltées au-dessus des conseils de l'homme et du pouvoir de Satan. TS 175 2 L'empereur ordonna bientôt à Luther de rentrer chez lui. Le réformateur savait que sa condamnation suivrait de près cette injonction. En dépit des sombres nuages qui planaient sur son sentier, il quitta Worms, le coeur débordant de joie et de louanges. "Le diable lui-même, disait-il, gardait la citadelle du pape; mais le Christ y a fait une large brèche; et Satan a dû confesser que le Seigneur est plus puissant que lui." TS 175 3 Après son départ, afin que sa fermeté ne fût pas prise pour un fol entêtement, Luther écrivit à l'empereur: "Dieu, qui est le scrutateur des coeurs, m'est témoin que je suis prêt à obéir avec empressement à votre Majesté, soit dans la gloire, soit dans l'opprobre, soit par la vie, soit par la mort, et en n'exceptant absolument rien que la Parole de Dieu par laquelle l'homme a la vie. Dans les affaires de la vie présente, ma fidélité vous est assurée; car ici perdre ou gagner sont choses indifférentes au salut. Mais quand il s'agit des biens éternels, Dieu ne veut pas que l'homme se soumette à l'homme. La soumission, dans le monde spirituel, est un véritable culte qui ne doit être rendu qu'au Créateur." TS 176 1 Sur le chemin du retour, Luther fut accueilli de façon plus flatteuse encore qu'à son arrivée à Worms. Des princes de l'Eglise recevaient le moine excommunié; des magistrats honoraient l'homme dénoncé par l'empereur. On le pressa de prêcher, et, en dépit de la défense impériale, il monta de nouveau en chaire. "Je ne me suis jamais engagé, dit-il, et je ne m'engagerai jamais à enchaîner la Parole de Dieu."1 TS 176 2 Peu de temps après son départ de Worms, les dignitaires de l'Eglise obtinrent contre lui un édit de l'empereur. Cet édit traitait Luther de "Satan en personne sous forme humaine et revêtu d'un habit de moine". Dès que le sauf-conduit serait périmé, des mesures devaient être prises en vue d'enrayer son oeuvre. Défense était faite à toute personne de lui offrir l'hospitalité, de lui donner à manger ou à boire, de lui prêter assistance en public ou en privé. Où qu'il se trouvât, il fallait se saisir de lui et le livrer entre les mains des autorités, arrêter ses partisans et confisquer leurs biens; de plus, les écrits luthériens devaient être détruits; enfin, quiconque ne se conformerait pas à ce décret était inclus dans sa condamnation. L'électeur de Saxe et tous les princes, qui étaient les plus courageux amis du réformateur, ayant quitté Worms peu après le départ de ce dernier, le décret fut sanctionné par la diète. Les romanistes exultaient; ils croyaient le sort de la Réforme définitivement scellé. TS 176 3 Mais Dieu avait préparé une voie de salut à son serviteur en vue de cette heure de péril. Un oeil vigilant avait suivi les mouvements de Luther, et un coeur noble et généreux avait résolu de le sauver. Il était évident que ce qu'il fallait à Rome, ce n'était rien de moins que sa vie. Le seul moyen de l'arracher à la gueule du lion était de le cacher; ce moyen, Dieu l'inspira à Frédéric de Saxe. Avec le concours d'amis sûrs, son plan fut exécuté, et le réformateur disparut pour ses amis comme pour ses ennemis. Pendant qu'il s'acheminait dans la direction de Wittenberg, il se vit soudain arrêté, arraché à son escorte, et conduit, après une fougueuse chevauchée à travers la forêt, dans le château de la Wartbourg, forteresse isolée dressée au sommet d'une colline. La capture et la retraite de Luther furent enveloppées d'un tel mystère que Frédéric lui-même n'en connut le lieu que longtemps après. Cette ignorance avait un objet. Tant que l'électeur ne connaissait pas la cachette de Luther, il ne pouvait pas la révéler. Il savait le réformateur en sûreté, et cela lui suffisait. TS 177 1 Le printemps, l'été et l'automne passèrent; l'hiver arriva, et Luther était toujours prisonnier. Aléandre et les siens exultaient, assurés que la lumière était sur le point de s'éteindre. Cependant, le réformateur alimentait sa lampe aux sources de la vérité et se préparait à la faire briller d'un plus vif éclat. TS 177 2 Dans la sécurité amicale de la Wartbourg, Luther fut d'abord heureux de se trouver hors de la confusion de la bataille. Mais il ne put supporter longtemps le calme et la détente. Accoutumé à une vie d'activité et aux rudes combats, il supportait peu l'inaction. Pendant ces jours de solitude, la condition de l'Eglise le préoccupait, et, dans son angoisse, il s'écriait: "Hélas! il n'est personne, dans ce dernier jour de la colère de Dieu, qui se tienne comme un mur devant le Seigneur pour sauver Israël." Puis, pensant à lui-même, il craignait d'être accusé de lâcheté pour s'être retiré de la mêlée, et il se reprochait ses aises et son indolence. Et pourtant, il accomplissait chaque jour une somme de travail extraordinaire. Sa plume ne restait pas inactive, et ses ennemis, qui se flattaient de l'avoir réduit au silence, ne tardèrent pas à être étonnés et confondus des preuves de son activité. Une quantité de tracts écrits par le solitaire se répandaient dans toute l'Allemagne. Il rendit aussi à ses concitoyens un service inappréciable en traduisant le Nouveau Testament dans la langue du peuple. Du haut de son rocher de Patmos, il continua, pendant près d'une année, de proclamer l'Evangile et de dénoncer les erreurs de son temps. TS 178 1 Si Dieu avait retiré son serviteur de la vie publique, ce n'était pas seulement pour l'arracher à la fureur de ses adversaires et lui assurer un temps de tranquillité pour ses importants travaux; c'était en vue de résultats plus précieux encore. Dans la solitude et l'obscurité de cette retraite, éloigné des appuis humains et des louanges du monde, Luther fut mis à l'abri de la suffisance et de l'orgueil qui accompagnent souvent le succès. Cette souffrance et cette humiliation le préparaient à fouler d'un pas plus sûr les hauteurs vertigineuses où, si soudainement, il avait été transporté. TS 178 2 Tout en se réjouissant de la liberté que la vérité leur apporte, les hommes courent le danger d'exalter les serviteurs employés par Dieu pour rompre les chaînes de l'erreur et de la superstition. Satan s'efforce de détacher les hommes du Créateur pour diriger leurs pensées et leurs affections sur la créature. En les poussant à honorer l'instrument, il leur fait oublier la main qui les dirige, et alors, trop souvent, les conducteurs religieux, ainsi flattés et honorés, oublient leur dépendance de Dieu, et en viennent à se confier en eux-mêmes. Ils cherchent à dominer les esprits et les consciences de gens sans cesse enclins à leur demander conseil plutôt qu'à la Parole de Dieu. L'oeuvre de réformation est souvent enrayée par ce fâcheux travers. Dieu voulait en préserver la Réforme, afin que ce mouvement portât non le sceau de l'homme, mais le sien. Les yeux du monde s'étaient tournés vers Luther; il disparut afin d'obliger les regards à se reporter de l'interprète de la vérité sur l'éternel Auteur de celle-ci! ------------------------Chapitre 9 -- Le réformateur suisse TS 179 1 Le choix des hommes employés à la réforme de l'Eglise révèle un principe analogue à celui qui présida à son établissement. Le divin Maître laissa de côté les grands de la terre, les gens titrés et les riches, accoutumés à recevoir les louanges et les hommages du peuple. Pleins du sentiment de leur supériorité, ils n'eussent pu sympathiser avec leurs semblables ni devenir les collaborateurs de l'humble Nazaréen. C'est à d'incultes pêcheurs de la Galilée que fut adressé l'appel: "Suivez-moi, et je vous ferai pêcheurs d'hommes."1 Ces humbles, disposés à se laisser enseigner, n'avaient guère subi l'influence des faux enseignements de leur temps, et le Seigneur pouvait plus facilement les former pour son service. Il en fut de même aux jours de la Réforme. Les principaux réformateurs, hommes du peuple, furent par conséquent moins atteints que d'autres par l'orgueil du rang et par le bigotisme religieux. Pour réaliser de grands desseins, Dieu se sert d'humbles instruments, afin que la gloire n'en soit pas attribuée à l'homme, mais "à celui qui produit le vouloir et le faire, selon son bon plaisir". TS 180 1 Quelques semaines après la naissance de Luther dans la chaumière d'un mineur saxon, Ulrich Zwingle venait au monde dans le chalet d'un berger des Alpes. Le milieu et la première éducation de Zwingle étaient propres à le préparer en vue de sa future mission. Elevé au sein de paysages sublimes et sauvages, il avait constamment le sentiment de la puissance, de la grandeur et de la majesté de Dieu. L'histoire des exploits de ses compatriotes enflammait sa juvénile ardeur. Il recueillait des lèvres de sa pieuse grand-mère les histoires saintes qu'elle avait glanées parmi les légendes et les traditions de l'Eglise. C'est avec le plus profond intérêt qu'il écoutait le récit de la vie des patriarches et des prophètes, des bergers paissant leurs troupeaux sur les montagnes de la Palestine où des anges vinrent les entretenir de l'enfant de Bethléhem et de l'Homme de Golgotha. TS 180 2 De même que Jean Luther, le père de Zwingle, désirant faire instruire son fils, lui fit quitter très tôt la vallée où il avait vu le jour. Ses progrès furent si rapides que la question se posa bientôt de savoir où lui trouver des maîtres compétents. A l'âge de treize ans, il se rendit à Berne où se trouvait l'école la plus célèbre de Suisse. Là, le jeune homme courut un danger qui faillit compromettre son avenir: des moines le sollicitèrent vivement d'entrer au couvent. Par la richesse et le luxe de leurs églises, par la pompe de leurs cérémonies, par l'attraction de reliques célèbres et d'images miraculeuses, les dominicains et les franciscains se disputaient à Berne la faveur populaire. TS 180 3 Les dominicains se rendirent compte que, s'ils pouvaient gagner ce jeune et brillant élève, il serait pour eux une source de gains et d'honneurs. Son extrême jeunesse, ses dons naturels d'écrivain et d'orateur, son talent pour la musique et la poésie seraient, pensaient-ils, plus puissants que toutes leurs pompes pour attirer la foule dans leur église et augmenter leurs revenus. Par ruse et flatterie, ils s'efforcèrent de faire entrer Zwingle dans leur ordre. Pendant ses études, Luther était allé s'ensevelir dans une cellule de couvent; si la Providence divine ne l'en eût fait sortir, il eût été perdu pour le monde. Zwingle ne devait pas courir le même péril. Son père fut providentiellement informé des intentions des moines. Ne désirant nullement laisser son fils embrasser leur vie oisive et stérile, et voyant que l'utilité future de celui-ci était en jeu, il lui ordonna de regagner immédiatement le toit paternel. TS 181 1 Le jeune homme obéit; mais ne pouvant rester longtemps dans sa vallée natale, il alla poursuivre ses études à Bâle. C'est là qu'il entendit pour la première fois la prédication de l'Evangile de la grâce. Wittembach, un professeur de langues anciennes, qui avait été amené à lire les saintes Ecritures grâce à l'étude du grec et de l'hébreu, en communiquait les lumières à ses élèves. Il enseignait qu'il y avait une vérité plus ancienne et d'une valeur infiniment plus grande que les théories des savants et des philosophes, à savoir que la mort de Jésus est la seule rançon du péché. Ces paroles furent pour Zwingle les premières lueurs de l'aurore. TS 181 2 Bientôt rappelé de Bâle pour commencer son ministère, le jeune étudiant fit ses premières armes dans une paroisse des Alpes assez rapprochée de sa ville natale. Après avoir reçu les ordres, il s'adonna de toutes ses forces à la recherche de la vérité divine, conscient, selon l'expression d'un de ses contemporains, de tout ce que devait savoir celui qui a charge du troupeau de Jésus-Christ. Plus il sondait les Ecritures, plus lui apparaissait vif le contraste entre la vérité et les hérésies de Rome. Acceptant la Bible comme la Parole de Dieu, règle infaillible et suffisante de la foi et de la vie, il comprenait qu'elle doit être son propre interprète. Mais comme il n'osait se servir des Ecritures pour étayer des doctrines préconçues, il estimait qu'il était de son devoir d'en connaître les enseignements positifs et évidents. Après avoir eu recours à tous les moyens dont il disposait pour en obtenir une parfaite intelligence, il implorait l'assistance du Saint-Esprit, chargé, selon lui, d'en révéler le sens à tous ceux qui le lui demandent sincèrement. TS 182 1 "L'Ecriture, disait Zwingle, vient de Dieu et non de l'homme. Quiconque est éclairé d'en haut comprend que son langage est celui de Dieu. La Parole de Dieu ... ne saurait errer; elle est lumineuse, elle enseigne, elle révèle, elle illumine l'âme par le salut et par la grâce; elle console en Dieu; elle humilie au point qu'on s'oublie pour ne penser qu'à Dieu." Zwingle avait lui-même éprouvé la véracité de ces paroles. Il écrivait plus tard, en parlant de cette époque: "Quand ... je commençai à m'adonner entièrement à l'étude de la Parole de Dieu, la philosophie et la scolastique venaient constamment me chercher querelle. J'en vins enfin à cette conclusion: il faut que je laisse tout cela derrière moi et que je cherche la lumière de Dieu uniquement dans sa Parole. Je demandai alors à Dieu sa lumière, et l'étude des Ecritures commença à me devenir beaucoup plus facile."1 TS 182 2 Ce n'est pas de Luther que Zwingle reçut la vérité. "Si Luther prêche le Christ, disait le réformateur suisse, il fait ce que je fais; ceux qui ont été amenés par lui au Sauveur surpassent en nombre ceux qui l'ont été par moi. N'importe! je ne veux porter d'autre nom que celui de Jésus-Christ dont je suis le soldat, et qui seul est mon chef. Jamais un seul trait de lettre n'a été écrit par moi à Luther, ni par Luther à moi. Et pourquoi? ... Afin de montrer à tous combien l'Esprit de Dieu est en harmonie avec lui-même, puisque, sans nous être jamais consultés, nous enseignons la doctrine de Jésus-Christ avec tant d'uniformité." TS 182 3 En 1516, Zwingle fut appelé au poste de prédicateur du couvent d'Einsiedeln. Il devait y trouver l'occasion d'apprendre à mieux connaître les prévarications de Rome et allait, comme réformateur, exercer une influence qui s'étendrait bien au-delà des Alpes. Au nombre des attractions d'Einsiedeln se trouvait une image de la Vierge qui, disait-on, opérait des miracles. Au-dessus de la porte du couvent, on lisait cette inscription: "C'est ici qu'on trouve une pleine rémission de tous les péchés." Des pèlerins y étaient attirés toute l'année, mais on accourait de toutes les parties de la Suisse, et même de France et d'Allemagne, à la grande fête annuelle célébrée en l'honneur de la Vierge. Profondément affligé par ce spectacle, Zwingle y vit l'occasion de proclamer à ces esclaves de la superstition la liberté que procure l'Evangile. "Ne pensez pas, leur disait-il du haut de la chaire, que Dieu soit dans ce temple plus qu'en aucun autre lieu de sa création. Quelle que soit la contrée de la terre que vous habitiez, Dieu vous entoure et vous entend, ... aussi bien qu'à Notre-Dame d'Einsiedeln. Seraient-ce des oeuvres inutiles, de longs pèlerinages, des offrandes, des images, l'invocation de la Vierge et des saints qui vous obtiendraient la grâce de Dieu? ... Qu'importe la multitude des paroles dont nous formons nos prières! Qu'importent un capuchon éclatant, une tête bien rasée, une robe longue et bien plissée, et des mules ornées d'or? ... C'est au coeur que Dieu regarde; et notre coeur est éloigné de Dieu." "Jésus-Christ, qui s'est offert une fois sur la croix, ajoutait-il, voilà l'hostie, la victime qui a expié les péchés de tous les fidèles pour toute l'éternité." TS 183 1 Ces paroles furent mal accueillies par nombre de ses auditeurs, désagréablement surpris d'apprendre que leur fatigant voyage avait été inutile. Ils ne pouvaient comprendre un pardon qui leur était gratuitement offert par Jésus-Christ. Le chemin du ciel tracé par Rome leur suffisait. Ils n'étaient pas disposés à en chercher un meilleur. Il leur était plus facile de s'en remettre, pour leur salut, aux prêtres et au pape que de purifier leur coeur. TS 183 2 D'autres, en revanche, recevaient avec joie la bonne nouvelle de la rédemption acquise par le Sauveur. Les rites prescrits par Rome ne leur avaient pas apporté la paix et ils acceptaient avec foi la propitiation opérée par le sang de l'agneau. Rentrés dans leurs foyers, ils y apportaient les précieuses lumières qu'ils avaient reçues. La vérité se répandait ainsi de ville en ville et de village en village et le nombre des visiteurs de la madone diminuait très sensiblement. Cela aboutit à une baisse notable des offrandes et par conséquent des honoraires de Zwingle, qui en dépendaient. Mais loin de s'en chagriner, il s'en réjouissait car il voyait s'effondrer la puissance du fanatisme et de la superstition. TS 184 1 Les dignitaires de l'Eglise ne se désintéressaient pas des faits et gestes du réformateur. Croyant pouvoir le gagner à leur cause par la flatterie, ils s'abstenaient momentanément d'intervenir. Dans l'intervalle, la vérité gagnait bien des coeurs. TS 184 2 Les travaux de Zwingle à Einsiedeln le préparaient à une mission plus importante. Au bout de trois ans, il fut appelé au poste de prédicateur de la cathédrale de Zurich. Cette ville étant alors la plus importante de la confédération suisse, tout ce qui s'y faisait avait une grande répercussion. Les ecclésiastiques qui l'avaient appelé à ce poste eurent soin de lui faire comprendre qu'ils ne désiraient aucune innovation. "Vous mettrez tous vos soins, lui dit-on gravement, à faire rentrer les revenus du chapitre sans en négliger aucun. Vous exhorterez les fidèles, soit du haut de la chaire, soit au confessionnal, à payer les redevances et les dîmes et à montrer par leurs offrandes qu'ils aiment l'Eglise. Vous vous appliquerez à multiplier les revenus qui proviennent des malades, des messes et en général de tout le casuel." TS 184 3 Le chapitre ajoutait: "Quant aux saints sacrements, à la prédication et à sa présence au milieu du troupeau, ce sont aussi les devoirs du prêtre. Cependant, vous pouvez vous faire remplacer à ces diverses fonctions par un vicaire, surtout pour la prédication. Vous ne devez administrer les sacrements qu'aux notables, et après en avoir été requis; il vous est interdit de le faire sans distinction de personnes." TS 185 1 Zwingle écouta ces exhortations en silence. Puis, après avoir exprimé sa reconnaissance pour l'honneur d'avoir été appelé à ce poste important, il exposa la ligne de conduite qu'il se proposait de suivre. "La vie de Jésus, dit-il, a été trop longtemps cachée au peuple. Je prêcherai surtout l'Evangile selon saint Matthieu, chapitre après chapitre, suivant le sens du Saint-Esprit, en puisant uniquement aux sources de l'Ecriture, en la sondant, en la comparant avec elle-même et en recherchant l'intelligence par de constantes et ardentes prières. C'est à la gloire et à la louange de Dieu, de son Fils unique; c'est au salut des âmes, et à leur enseignement dans la vraie foi, que je consacrerai mon ministère." Quelques ecclésiastiques le désapprouvèrent. Mais Zwingle demeura ferme, déclarant qu'il ne se proposait d'introduire aucune innovation: il ne faisait que retourner aux usages de l'Eglise dans ses plus beaux jours. TS 185 2 Déjà les vérités qu'il enseignait avaient éveillé l'intérêt et l'on se pressait en foule à ses prédications. Plusieurs personnes qui ne fréquentaient plus l'Eglise depuis longtemps étaient au nombre de ses auditeurs réguliers. Il commença son ministère en lisant et en commentant devant ses paroissiens la narration inspirée de la vie, des enseignements et de la mort de Jésus. Là, comme à Einsiedeln, il présenta la Parole de Dieu comme la seule autorité infaillible, et la mort du Sauveur comme le seul sacrifice suffisant. "C'est à Jésus-Christ, disait-il, que je veux vous conduire; à celui qui est la vraie source du salut." Des gens de toutes classes, magistrats et étudiants, artisans et paysans, se réunissaient autour du réformateur et l'écoutaient avec le plus profond intérêt. Non seulement il proclamait le salut, mais il dénonçait hardiment les vices de son temps. En quittant la cathédrale, plusieurs louaient Dieu. "Celui-ci, disaient-ils, est un prédicateur de la vérité! Il sera notre Moïse, pour nous sortir des ténèbres d'Egypte." TS 185 3 A l'enthousiasme des premiers moments succéda une période d'opposition. Les moines se mirent en devoir d'entraver l'oeuvre de Zwingle et de condamner ses enseignements. Les uns riaient et se moquaient; les autres se livraient aux outrages et aux menaces, mais Zwingle supportait tout avec patience et disait: "Si l'on veut gagner les méchants à Jésus-Christ, il faut fermer les yeux sur beaucoup de choses." TS 186 1 Vers ce temps-là, un nouvel auxiliaire vint accélérer les progrès de la Réforme. Un certain Lucien, envoyé de Bâle par un ami de la foi réformée, arriva un jour à Zurich avec une provision d'écrits de Luther. Le Bâlois, pensant que la vente de ces ouvrages pourrait jouer un grand rôle dans la diffusion de la lumière, écrivit à Zwingle: "Voyez si ce Lucien possède assez de prudence et d'habileté; s'il en est ainsi, qu'il porte de ville en ville, de bourg en bourg, de village en village, et même de maison en maison, parmi les Suisses, les écrits de Luther, et en particulier son exposition de la prière du Seigneur écrite pour les laïques. Plus ces écrits seront connus, plus ils trouveront d'acheteurs." Ainsi la lumière se répandait. TS 186 2 C'est lorsque Dieu s'apprête à rompre les liens de l'ignorance et de la superstition que Satan fait les plus grands efforts pour plonger les hommes dans les ténèbres et pour resserrer leurs chaînes. Au moment même où Dieu suscitait, en différentes parties du pays, des hommes qui annonçaient le pardon des péchés et la justification par le sang de Jésus, Rome redoublait d'énergie pour ouvrir, dans toutes les contrées de la chrétienté, son marché aux indulgences et pour offrir le pardon contre espèces sonnantes. TS 186 3 Chaque péché avait son prix, et l'on donnait aux acheteurs toute liberté de se livrer au crime, pourvu que le coffre-fort de Rome restât bien garni. Les deux mouvements suivaient une marche parallèle: Rome offrait le pardon à prix d'argent et les réformateurs, le pardon par Jésus-Christ; Rome autorisait le péché dont elle faisait une source de revenus et les réformateurs le condamnaient et révélaient Jésus-Christ comme propitiateur et libérateur. TS 187 1 En Allemagne, la vente des indulgences avait été confiée aux moines dominicains, et le fameux Tetzel la dirigeait. En Suisse, le trafic avait été remis entre les mains des franciscains, sous la direction de Samson, moine italien, qui avait déjà dirigé d'Allemagne et de Suisse des sommes importantes vers les caisses de l'Eglise. Il traversait en ce moment la Suisse, attirant de grandes foules, dépouillant les pauvres paysans de leurs maigres économies et extorquant des sommes considérables à la classe fortunée. Mais déjà l'influence de la Réforme se faisait sentir, diminuant les recettes. Zwingle était encore à Einsiedeln lorsque Samson commença son activité dans une localité voisine. Informé de cette mission, le réformateur se mit aussitôt en devoir de contrecarrer l'action du franciscain. Les deux adversaires ne se rencontrèrent pas; mais l'effet des dénonciations de Zwingle contre le trafic du moine fut tel que ce dernier dut aller chercher fortune ailleurs. TS 187 2 A Zurich, Zwingle clouait au pilori les marchands de pardons; aussi quand Samson approcha de la ville, un messager du conseil alla au-devant de lui pour l'engager à passer outre. Ayant cependant réussi à y pénétrer par ruse, il en fut renvoyé sans avoir vendu une seule indulgence. Bientôt après il quittait la Suisse. TS 187 3 La peste connue sous le nom de "mort noire", qui ravagea la Suisse vers l'an 1519, donna à la Réforme une forte impulsion. En présence de la mort, plusieurs sentaient le néant des pardons qu'ils venaient d'acheter et désiraient placer leur foi sur un fondement plus solide. Zwingle, victime, à Zurich, du terrible fléau, fut si gravement malade qu'on abandonna tout espoir de guérison et que la nouvelle de sa mort se répandit. A cette heure critique, son espérance et son courage ne l'abandonnèrent pas. Contemplant avec foi le Calvaire, il s'assura que le sacrifice du Christ était pleinement suffisant pour le salut. Lorsqu'il fut rétabli, ce fut pour prêcher l'Evangile avec plus de ferveur et de puissance que jamais. Le peuple accueillit avec joie le retour du pasteur bien-aimé qui venait d'échapper à la mort. Après avoir passé des heures lugubres au chevet des malades et des mourants, on comprenait beaucoup mieux la valeur de l'Evangile. TS 188 1 Parvenu à une plus claire intelligence de la vérité, Zwingle en éprouvait davantage la puissance transformatrice. La chute de l'homme et le plan de la rédemption étaient ses sujets favoris. "En Adam, disait-il, nous sommes tous plongés dans la corruption et nous allons à la perdition. ... Mais Jésus-Christ, vrai homme et vrai Dieu, nous a acquis une rédemption éternelle. C'est Dieu qui est mort pour nous: sa passion est donc éternelle; elle apporte à jamais le salut; elle apaise à jamais la justice divine en faveur de tous ceux qui s'appuient sur son sacrifice avec une foi inébranlable." Il déclarait positivement que la grâce de Dieu ne nous donne pas la liberté de vivre dans le péché. "Partout où l'on croit en Dieu, Dieu est; et là où Dieu se trouve, il y a un zèle qui pousse aux bonnes oeuvres." TS 188 2 La prédication de Zwingle éveillait un tel intérêt que, semaine après semaine, la cathédrale se remplissait d'auditeurs avides de l'entendre. Peu à peu, dans la mesure où ces derniers étaient en état de le comprendre, il leur exposait la vérité, ayant soin de ne pas leur présenter de prime abord des points qui eussent pu les effaroucher et soulever les préjugés. Son but était de gagner les coeurs par les enseignements, l'amour et l'exemple de Jésus-Christ. Il avait la certitude que, dans la mesure où les principes de l'Evangile seraient reçus, les croyances et les pratiques superstitieuses seraient renversées. TS 188 3 Pas à pas, la Réforme avançait à Zurich. Une année auparavant, le moine de Wittenberg avait opposé, à Augsbourg, un "non" énergique au pape et à l'empereur, et tout faisait présager que les prétentions papales trouveraient une même résistance à Zurich. Alarmés, les ennemis de la Réforme engagèrent le combat. Zwingle fut en butte à des attaques réitérées. Dans les cantons encore soumis à l'autorité de Rome, on voyait de temps à autre des disciples de l'Evangile monter sur le bûcher. Mais cela n'était pas suffisant: il fallait réduire l'hérésiarque au silence. En conséquence, l'évêque de Constance envoya à Zurich trois délégués pour accuser Zwingle d'encourager la transgression des lois de l'Eglise et de mettre ainsi en péril la paix et le bon ordre de la société. "Si l'on méconnaît l'autorité de l'Eglise, disait-il, il en résultera une anarchie universelle." Zwingle répliqua que, depuis quatre ans, il enseignait l'Evangile à Zurich et que "cette ville était la plus tranquille et la plus paisible de toute la confédération". "Le christianisme, concluait-il, n'est-il donc pas la meilleure sauvegarde de la sécurité publique?"1 TS 189 1 Les délégués de l'évêque avaient exhorté les conseillers de la ville à ne pas abandonner l'Eglise, hors de laquelle, disaient-ils, il n'y a point de salut. Zwingle répondait: "Que cette assertion, estimés concitoyens, ne vous émeuve pas! Le fondement de l'Eglise, c'est ce Rocher, ce Christ qui a donné à Pierre son nom parce qu'il le confessait avec fidélité. En toute nation, quiconque croit de coeur au Seigneur Jésus est sauvé. C'est hors de cette Eglise-là que personne ne peut avoir la vie."2 A la suite de cette entrevue, l'un des délégués de l'évêque accepta la foi évangélique. TS 189 2 Le conseil refusant de sévir contre Zwingle, Rome prépara une nouvelle attaque. En apprenant le complot de ses ennemis, Zwingle s'écria: "Qu'ils viennent! Je ne les redoute pas plus que le rocher ne redoute les vagues qui mugissent à ses pieds."3 Les efforts du clergé ne faisaient qu'accélérer les progrès de la cause qu'il désirait détruire, et la vérité continuait à progresser. Les réformés d'Allemagne, abattus par la disparition de Luther, reprenaient courage en apprenant les progrès de l'Evangile en Suisse. TS 189 3 A mesure que la Réforme s'établissait à Zurich, le vice y faisait place à la paix et à la concorde. "La paix a élu domicile dans notre ville, écrivait Zwingle; pas de querelles, pas d'envie, pas d'hypocrisie, pas de contestations. D'où peut venir une telle union, si ce n'est du Seigneur, et une telle doctrine, qui nous remplit des fruits de la paix et de la piété?"1 TS 190 1 Les victoires de la Réforme rendirent les partisans de Rome plus déterminés encore à enrayer le mouvement. A la vue des maigres résultats que la persécution et la proscription des livres de Luther avaient eus en Allemagne, ils résolurent de combattre la Réforme par ses propres armes. Une dispute avec Zwingle fut proposée. Pour être certains de la victoire, ils se réservèrent le choix du lieu et des arbitres. S'assurant que l'unique moyen d'avoir raison de la nouvelle foi serait de réduire ses chefs au silence, ils étaient bien décidés à ne pas laisser échapper Zwingle, si jamais il leur tombait entre les mains. Ce complot s'ourdissait dans le plus grand secret. TS 190 2 La dispute devait avoir lieu à Bade, mais Zwingle ne s'y rendit pas. Le conseil de Zurich soupçonna les desseins des ennemis du réformateur. Voyant les bûchers qui s'élevaient dans les cantons catholiques à l'intention des confesseurs de l'Evangile, il défendit à son pasteur de s'exposer à ce danger. Quant à Zwingle, il était prêt à rencontrer à Zurich tous les délégués que Rome pourrait y envoyer; mais aller à Bade, où le sang des martyrs venait de couler, c'était courir à une mort certaine. OEcolampade et Haller furent choisis pour représenter le réformateur, tandis que Eck, le porte-parole de Rome, était secondé par une armée de savants docteurs et de prélats. TS 190 3 Bien que Zwingle ne fût pas présent à la conférence, il y fit néanmoins sentir son influence. Les secrétaires étaient tous choisis parmi les ennemis de la Réforme et il était défendu à d'autres de prendre des notes sous peine de mort. Malgré cela, Zwingle recevait chaque jour un rapport fidèle de ce qui se faisait à Bade. Un étudiant, qui assistait à la dispute, faisait chaque soir un relevé des arguments présentés au cours de la journée. Deux autres étudiants étaient chargés de remettre chaque jour ces résumés à Zwingle avec les lettres quotidiennes d'OEcolampade. Le réformateur y répondait en ajoutant ses conseils et ses suggestions. Ses lettres, écrites la nuit, étaient portées à Bade le lendemain matin par les étudiants. Ceux-ci, pour tromper la vigilance des gardes placés aux portes de la ville, y entraient portant des paniers de volaille sur la tête. TS 191 1 C'est ainsi que Zwingle soutenait la bataille contre ses rusés antagonistes. "Il a plus travaillé, dit Myconius, par ses méditations, ses veilles, ses conseils et ses recommandations, qu'il ne l'eût fait en assistant lui-même à la dispute."1 TS 191 2 Les partisans du pape, assurés de leur triomphe, étaient arrivés à Bade en vêtements de soie et parés de bijoux. Traités royalement, ils s'asseyaient à une table chargée des mets les plus recherchés et des vins les plus fins. Ils se délassaient du poids de leurs devoirs ecclésiastiques par des réjouissances et des festins. Les réformateurs offraient avec eux un contraste frappant. Leur mise simple les eût fait prendre pour des mendiants, et leur frugalité pour des ascètes. L'hôte d'OEcolampade, qui l'épiait dans sa chambre, le surprenait toujours soit à l'étude, soit en prière, et rapporta avec étonnement que cet hérétique était en tout cas "très dévôt". TS 191 3 A l'ouverture de la conférence, le docteur "Eck monta fièrement dans une chaire magnifiquement décorée, tandis que l'humble OEcolampade, chétivement vêtu, prenait place en face de son superbe adversaire sur un tréteau grossièrement travaillé". Eck parlait d'une voix retentissante et avec une imperturbable assurance; son zèle était stimulé par l'or aussi bien que par les honneurs: le défenseur de la foi devait, en effet, recevoir une importante rémunération. Quand les arguments lui manquaient, il avait recours aux injures et aux imprécations. TS 192 1 OEcolampade, naturellement timide et modeste, avait longtemps hésité à prendre part à la dispute; il ne s'y était décidé qu'en faisant à l'avance cette protestation solennelle: "Je ne reconnais pour règle de foi que la Parole de Dieu." Doux et courtois, il se montra à la fois érudit et inébranlable. Tandis que les champions de l'Eglise faisaient constamment appel à l'autorité et aux usages de l'Eglise, le réformateur en appelait invariablement aux saintes Ecritures. "La coutume, disait-il, n'a de valeur dans notre Suisse que par la constitution: or, en matière de foi, la constitution, c'est la Bible." TS 192 2 Le contraste entre les deux antagonistes ne fut pas sans produire son effet. Le calme, la sérénité et la modestie du réformateur, aussi bien que la clarté de ses exposés, le recommandaient à ses auditeurs, qui se détournaient avec dégoût des affirmations bruyantes et orgueilleuses du docteur Eck. TS 192 3 La dispute dura dix-huit jours. Les papistes s'en attribuèrent bruyamment la victoire. Comme la plupart des délégués étaient partisans de Rome, la diète décida que les réformateurs avaient été battus et qu'ils étaient avec Zwingle, leur chef, retranchés de la communion de l'Eglise. Mais les résultats de cette conférence montrèrent où était la vérité. La cause protestante en reçut une puissante impulsion et, peu après, les villes importantes de Bâle et de Berne se déclarèrent pour la Réforme. ------------------------Chapitre 10 -- Progrès de la Réforme en Allemagne TS 193 1 La disparition mystérieuse de Luther avait jeté toute l'Allemagne dans la consternation. On se demandait ce qu'il était devenu. Les rumeurs les plus extravagantes circulaient. Beaucoup croyaient qu'il avait été assassiné. Il était pleuré, non seulement par ses partisans déclarés, mais aussi par bien des gens qui n'avaient pas encore pris position pour la Réforme. Et plusieurs juraient solennellement de venger sa mort. TS 193 2 Les dignitaires de l'Eglise virent avec terreur à quel point l'opinion publique leur était hostile. Après s'être réjouis de la mort présumée de Luther, ils ne tardèrent pas à désirer se mettre à l'abri de la colère du peuple. Les ennemis de Luther n'avaient pas été aussi déconcertés par ses actes les plus retentissants qu'ils ne l'étaient par sa disparition. Ceux qui, dans leur rage, avaient demandé le sang du hardi réformateur, étaient épouvantés maintenant qu'il n'était plus qu'un captif. "Le seul moyen qui nous reste pour sauver notre cause, disait l'un d'eux, c'est d'allumer des torches, d'aller chercher Luther dans le monde entier et de le rendre à la nation qui le réclame." L'édit impérial semblait frappé d'impuissance et les légats du pape étaient indignés en constatant que cet édit retenait infiniment moins l'attention que le sort de leur adversaire. TS 194 1 La nouvelle que Luther était en sécurité, quoique prisonnier, calma les craintes populaires et enflamma l'enthousiasme en sa faveur. On lut ses écrits avec plus de ferveur. Ceux qui épousaient la cause du héros qui avait soutenu les droits de la Parole de Dieu dans des circonstances aussi tragiques augmentaient de plus en plus. La Réforme prenait de jour en jour des forces nouvelles. La semence que Luther avait jetée fructifiait de toutes parts. Son absence faisait ce que sa présence n'eût pu accomplir. En outre, ses collaborateurs sentaient sur eux une plus grande responsabilité maintenant que leur chef leur était enlevé. Animés d'une foi et d'une ardeur nouvelles, ils redoublaient d'efforts pour que l'oeuvre si noblement commencée ne souffrît pas de retard. TS 194 2 Mais Satan ne restait pas inactif. Comme il l'avait toujours fait dans des circonstances analogues, il tenta d'opposer à l'oeuvre de la Réforme une contrefaçon destinée à séduire et à perdre les âmes. De même qu'il y avait au premier siècle de l'Eglise de faux christs, il s'éleva au seizième siècle de faux prophètes. TS 194 3 Quelques hommes, vivement impressionnés par l'effervescence qui régnait dans le monde religieux, et imaginant avoir reçu des révélations du ciel, se dirent spécialement élus de Dieu pour parachever l'oeuvre de réforme ébauchée par Luther. En réalité, ils démolissaient ce que le réformateur avait édifié. Rejetant le grand principe qui était à la base de la Réforme: la Parole de Dieu prise comme unique règle de foi et de vie, ils substituaient à cette règle infaillible et immuable la norme variable et incertaine de leurs sentiments et de leurs impressions. Or, dès que l'on supprime la grande pierre de touche de la vérité et de l'erreur, rien n'empêche plus Satan de dominer à sa guise sur les esprits. TS 195 1 L'un de ces prophètes prétendait recevoir ses instructions de l'ange Gabriel. Un étudiant qui se joignit à lui abandonna ses études en déclarant que Dieu lui-même l'avait investi de sa sagesse pour expliquer les Ecritures. D'autres, enclins au fanatisme, s'associèrent à eux. Ces enthousiastes provoquèrent une vive sensation. La prédication de Luther avait fait éprouver partout le besoin d'une réforme et, maintenant, ces âmes réellement honnêtes étaient séduites par les prétentions des nouveaux prophètes. TS 195 2 Les chefs du mouvement se rendirent à Wittenberg pour y présenter leur doctrine à Mélanchthon et à ses collègues. "Nous sommes envoyés de Dieu pour enseigner le peuple, dirent-ils. Nous avons avec le Seigneur des conversations familières; nous connaissons les choses à venir; en un mot, nous sommes apôtres et prophètes et nous en appelons au docteur Luther." TS 195 3 Les réformateurs furent étonnés et perplexes. Il y avait là un élément qu'ils n'avaient jamais rencontré, et ils ne savaient quelle ligne de conduite adopter. "Il y a, disait Mélanchthon, des esprits extraordinaires dans ces hommes: mais quels esprits? ... D'un côté, prenons garde d'éteindre l'Esprit de Dieu et, de l'autre, d'être séduits par l'esprit du diable." TS 195 4 Les fruits du nouvel enseignement devinrent bientôt manifestes. Les gens en étaient arrivés à négliger les Ecritures, et même à les rejeter entièrement. La confusion envahit les écoles. Méprisant toute discipline, les étudiants abandonnaient leurs études et quittaient l'Université. Des gens qui se croyaient appelés à ranimer et à diriger l'oeuvre de la Réforme ne réussissaient qu'à la conduire à deux doigts de sa perte. Reprenant confiance, les romanistes s'écriaient avec joie: "Encore un dernier effort, et la cause sera gagnée." TS 196 1 Apprenant ce qui se passait, Luther, alarmé, écrivit de sa retraite de la Wartbourg: "J'ai toujours pensé que Satan nous enverrait cette plaie." Discernant la véritable nature de ces soi-disant prophètes, il vit le danger qui menaçait la cause de la vérité. L'opposition du pape et de l'empereur ne lui avait pas occasionné autant de soucis. Des rangs mêmes de la Réforme sortaient ses pires ennemis. Des vérités qui avaient apporté la joie et la consolation suscitaient maintenant des disputes et jetaient le désordre dans l'Eglise. TS 196 2 Dans son oeuvre de réforme, Luther avait été poussé par l'Esprit de Dieu plus loin qu'il ne l'avait prévu. Il n'avait pas prémédité de prendre l'attitude à laquelle il était arrivé, ni d'introduire des réformes aussi radicales. Il n'avait été qu'un instrument dans la main du Tout-Puissant, et pourtant il avait souvent tremblé pour les résultats de son oeuvre. "Si je savais, avait-il dit, que ma doctrine nuisît à un homme, à un seul homme, simple et obscur (ce qui ne peut être, car elle est l'Evangile même), plutôt dix fois mourir que de ne pas me rétracter." TS 196 3 Et maintenant, Wittenberg même, la citadelle de la Réforme, tombait rapidement au pouvoir du fanatisme et de l'anarchie! Cette triste situation n'était pas la conséquence des enseignements de Luther, mais ses ennemis, dans toute l'Allemagne, l'en rendaient responsable! Dans son amertume, il se demandait parfois: "Est-ce donc là que devait aboutir cette grande oeuvre de réforme?" A d'autres moments, lorsqu'il avait prié avec ardeur, la paix rentrait dans son coeur: "L'oeuvre est la tienne et non la mienne, disait-il à Dieu; et tu ne permettras pas que le fanatisme et la superstition la corrompent." Mais la pensée de rester plus longtemps éloigné du champ de bataille lui devenant intolérable, il se décida à rentrer sans délai à Wittenberg. TS 196 4 C'était un périlleux voyage. Il était au ban de l'empire; ses ennemis avaient le droit de le tuer; ses amis ne devaient ni l'assister ni lui donner asile, et le gouvernement impérial adoptait les mesures les plus rigoureuses contre ses adhérents. Mais voyant que l'oeuvre de l'Evangile était en danger, il se lança courageusement dans la mêlée au nom de l'Eternel. TS 197 1 Dans une lettre à l'électeur, après avoir annoncé son intention de quitter la Wartbourg, il ajoutait: "Il faut que votre Altesse sache que je me rends à Wittenberg sous une protection plus puissante que celle d'un électeur. Je ne pense nullement à solliciter le secours de votre Altesse; et bien loin de désirer qu'elle me protège, je voudrais plutôt la protéger moi-même. Si je savais que votre Altesse voulût ou pût me protéger, je n'irais pas à Wittenberg. Aucune épée ne peut venir en aide à cette cause, c'est Dieu seul qui doit agir, sans secours ni concours humain. C'est celui qui a le plus de foi qui protège le plus." TS 197 2 Dans une seconde lettre, écrite en cours de route, il déclarait: "Je suis prêt à accepter la défaveur de votre Altesse et la colère du monde entier. Les habitants de Wittenberg ne sont-ils pas mes ouailles? N'est-ce pas Dieu qui me les a confiés? Et ne dois-je pas, s'il le faut, pour eux m'exposer à la mort? Je crains d'ailleurs de voir éclater en Allemagne une grande révolte, par laquelle Dieu punira notre nation." TS 197 3 C'est avec prudence et humilité, et pourtant avec une grande fermeté qu'il se remit à la tâche. "C'est par la Parole qu'il faut combattre, disait-il; par la Parole qu'il faut renverser et détruire ce qui a été fondé par la violence. Je ne veux pas qu'on emploie la force contre les superstitieux, ni contre les incrédules. ... Nul ne doit être contraint. La liberté est l'essence de la foi." TS 197 4 Le bruit ne tarda pas à se répandre dans Wittenberg que Luther était de retour et qu'il allait prêcher. On accourut de toutes les directions et l'église fut bientôt pleine à déborder. Le réformateur monta en chaire, instruisit, exhorta, censura avec une grande sagesse et une grande douceur. Parlant de ceux qui s'étaient livrés à des actes de violence pour abolir la messe, il déclara: TS 198 1 "La messe est une mauvaise chose; Dieu en est l'ennemi; elle doit être abolie; et je voudrais qu'elle fût, dans l'univers entier, remplacée par la Cène de l'Evangile. Mais que l'on n'en arrache personne avec violence. C'est à Dieu qu'il faut remettre la chose. C'est sa Parole qui doit agir, et non pas nous. Vous demandez pourquoi? -- Parce que je ne tiens pas le coeur des hommes dans ma main comme le potier tient l'argile dans la sienne. Nous avons le droit de dire; nous n'avons pas celui d'agir. Prêchons: le reste appartient à Dieu. Si j'emploie la force, qu'obtiendrai-je? des grimaces, des apparences, des singeries, des ordonnances humaines, des hypocrisies. ... Mais il n'y aura ni sincérité de coeur, ni foi, ni charité. Tout manque dans une oeuvre où manquent ces trois choses, et je n'en donnerais pas... la queue d'une poire. Dieu fait plus par sa seule Parole que si vous, moi, et le monde entier réunissions toutes nos forces. Dieu s'empare du coeur et le coeur une fois pris, tout est pris. ... TS 198 2 " Je veux prêcher, je veux parler, je veux écrire; mais je ne veux contraindre personne, car la foi est une chose volontaire. Voyez ce que j'ai fait! je me suis élevé contre le pape, les indulgences et les papistes, mais sans tumulte et sans violence. J'ai mis en avant la Parole de Dieu, j'ai prêché, j'ai écrit; je n'ai pas fait autre chose. Et, tandis que je dormais,... cette Parole que j'avais prêchée a renversé le papisme, tellement que jamais ni prince, ni empereur ne lui ont causé tant de mal. Je n'ai rien fait: c'est la Parole seule qui a tout fait. Si j'avais voulu en appeler à la force, l'Allemagne eût peut-être été inondée de sang, mais qu'en eût-il résulté? Ruine et désolation pour les âmes et pour les corps. Je suis donc resté tranquille, et j'ai laissé la Parole elle-même courir le monde." TS 198 3 Jour après jour, pendant une semaine entière, Luther prêcha devant des foules avides. La Parole de Dieu rompit le charme du fanatisme. La puissance de l'Evangile ramena les égarés dans la voie de la vérité. TS 199 1 Luther ne désirait pas rencontrer les fanatiques, auteurs de tout le mal. Il les savait déséquilibrés, livrés à leurs passions. Se disant spécialement inspirés d'en haut, ils ne pouvaient supporter ni réprimande, ni contradiction, ni même le conseil le plus bienveillant. S'arrogeant une autorité suprême, ils exigeaient que leurs prétentions fussent reconnues sans examen. Mais comme ils lui demandaient une entrevue, il la leur accorda et les démasqua si bien qu'ils quittèrent aussitôt Wittenberg. TS 199 2 Le fanatisme, réprimé pour un temps, éclata de nouveau quelques années plus tard avec plus de violence, et avec des conséquences plus lamentables. Des chefs de ce mouvement, Luther écrivait ce qui suit: "L'Ecriture n'étant pour eux qu'une lettre morte, ils se mettent tous à crier: L'Esprit! l'Esprit! Je ne les suivrai certes pas là où leur esprit les mène! Que Dieu, dans sa miséricorde, me préserve d'une Eglise où il n'y a que des saints. Je veux demeurer là où il y a des humbles, des faibles, des malades, qui connaissent et sentent leur péché, qui soupirent et crient sans cesse à Dieu, pour obtenir sa consolation et son secours." TS 199 3 Thomas Munzer, le plus actif de ces fanatiques, était doué de grands talents qui, sagement employés, lui eussent permis de faire du bien; mais il n'avait pas appris les premiers éléments de la religion. "Possédé du désir de réformer le monde, il oubliait, comme tous les enthousiastes, que c'était par lui-même que la réforme devait commencer." Ambitieux, il n'admettait aucune direction, pas même celle de Luther. Il déclarait qu'en substituant l'autorité de la Parole de Dieu à celle du pape, les réformateurs n'avaient fait que ramener la papauté sous une nouvelle forme. Il prétendait avoir reçu le mandat du ciel d'établir la vraie réforme. "Celui qui possède cet esprit, disait-il, possède la vraie foi, quand même il ne verrait jamais l'Ecriture sainte." TS 200 1 Jouets de leurs impressions, ces illuminés considéraient toutes leurs pensées comme la voix de Dieu. Ils se laissaient aller aux pires extrémités, jusqu'à jeter la Bible au feu, en disant: "La lettre tue, mais l'esprit vivifie." Les enseignements de Munzer donnaient toute satisfaction à ceux qui demandaient du merveilleux, en même temps qu'ils flattaient leur orgueil en plaçant virtuellement les idées et les opinions humaines au-dessus de la Parole de Dieu. Des milliers de gens se rangeant à sa doctrine, il dénonça bientôt tout ordre dans le culte public et déclara que rendre obéissance aux princes, c'était vouloir servir Dieu et Bélial. TS 200 2 Le peuple, qui commençait à rejeter le joug du pape, devenait également impatient sous le joug de l'autorité civile. Les enseignements révolutionnaires de Munzer, qui les présentait comme venant de Dieu, l'amenèrent à renoncer à toute espèce de frein et à donner libre cours à ses penchants et à ses passions. Il en résulta des scènes grotesques, des séditions et des violences, au point que certaines contrées de l'Allemagne furent inondées de sang. TS 200 3 Luther revécut alors les heures d'agonie passées autrefois à Erfurt. Les princes du parti romain déclaraient -- et beaucoup de gens étaient disposés à ajouter foi à leur affirmation -- que cette révolution était le fruit légitime de ses doctrines. Bien que cette accusation n'eût pas une ombre de vraisemblance, elle ne laissa pas de causer au réformateur une peine infinie. Que l'oeuvre de la vérité fût calomniée au point d'être mise sur un pied d'égalité avec le plus vil fanatisme, c'était presque plus qu'il ne pouvait endurer. D'autre part, haï des chefs de l'hérésie dont il avait combattu les doctrines et avait nié les prétentions à l'inspiration, les déclarant rebelles à l'autorité civile et séditieux, il était traité par eux de vil imposteur. Le réformateur semblait s'être aliéné tant les princes que le peuple. TS 200 4 Dans leur joie, les romanistes attendaient la chute prochaine de la Réforme et accusaient Luther des erreurs mêmes qu'il avait combattues avec le plus d'énergie. De son côté, le parti des fanatiques, prétendant avoir été injustement traité, s'attirait les sympathies d'un grand nombre de gens, et, comme c'est souvent le cas de ceux qui souffrent pour une mauvaise cause, il faisait figure de martyr. Cette oeuvre de Satan était animée d'un esprit de révolte analogue à celui qui s'était manifesté dans le ciel à l'origine. TS 201 1 Satan cherche constamment à inciter les hommes à appeler le mal bien et le bien mal. Et cela lui réussit à merveille. Que de serviteurs de Dieu s'exposent au blâme et à l'opprobre pour avoir défendu courageusement la vérité! On voit des suppôts de Satan loués, flattés, considérés comme martyrs, tandis que des chrétiens respectables et fidèles sont laissés à l'écart sous le coup de la suspicion et de l'opprobre. La fausse sainteté, la sanctification apocryphe, continue cette oeuvre de mystification. Sous différentes formes, elle manifeste aujourd'hui le même esprit qu'aux jours de Luther. Elle détourne l'attention des saintes Ecritures et pousse à prendre pour règle la conscience, le sentiment et les impressions plutôt que la loi de Dieu. C'est un des moyens les plus subtils de Satan pour jeter l'opprobre sur la pureté et la vérité. TS 201 2 Intrépide, Luther défendait l'Evangile contre toutes les attaques, quelle qu'en fût la provenance. Dans tous ces conflits, la Parole de Dieu s'avérait une arme puissante. Avec elle, il combattait aussi bien les usurpations du pape que la philosophie scolastique, et, grâce à elle encore, il s'opposait, ferme comme un rocher, au fanatisme qui tentait de se joindre à la Réforme. TS 201 3 Ces éléments adverses visaient, chacun à sa façon, à mettre de côté les saintes Ecritures au profit de la sagesse humaine exaltée comme la source de toute vérité religieuse et de toute connaissance. Le rationalisme idolâtre la raison et en fait le critère de la religion. Le romanisme réclame pour le souverain pontife une inspiration qui -- dérivée d'une succession ininterrompue depuis les jours des apôtres -- cache tous les genres d'extravagances et de falsifications sous le manteau sacré du mandat apostolique. L'inspiration dont se réclamaient Munzer et ses collaborateurs procédait des divagations de leur imagination et ne reconnaissait aucune autorité soit divine soit humaine. Le christianisme, au contraire, voit dans la Parole de Dieu le grenier d'abondance de la vérité inspirée et la pierre de touche de toute inspiration. TS 202 1 A son retour de la Wartbourg, Luther acheva sa traduction du Nouveau Testament. Peu après, l'Evangile était donné au peuple allemand dans sa propre langue. Tous les amis de la vérité accueillirent cette traduction avec une grande joie, tandis qu'elle fut rejetée avec mépris par les partisans de la tradition et des commandements d'hommes. TS 202 2 A la pensée que le peuple serait désormais en possession des oracles de Dieu, qu'il pourrait discuter avec eux sur la religion et dévoiler leur ignorance, les prêtres s'alarmèrent. Les armes de leur raisonnement charnel se trouvaient impuissantes contre l'épée de l'Esprit. Aussi Rome fit-elle appel à toute son autorité pour empêcher la diffusion des saintes Ecritures. Mais les décrets, les anathèmes et les tortures furent inutiles. Plus se multipliaient les condamnations et les défenses, plus on se montrait désireux de connaître l'enseignement de la Parole de Dieu. Tous ceux qui savaient lire voulaient en faire une étude personnelle. On la portait avec soi, on la lisait, on la relisait et on ne se donnait aucun repos avant d'en avoir appris par coeur des portions considérables. En voyant la faveur avec laquelle le Nouveau Testament était accueilli, Luther se mit aussitôt en devoir de traduire aussi l'Ancien Testament, qu'il publia par fragments. TS 202 3 Ses ouvrages recevaient un accueil empressé dans les villes et dans les villages. "Ce que Luther et ses amis composaient, d'autres le répandaient. Des moines, convaincus de l'illégalité des liens monastiques, désireux de faire succéder une vie active à leur longue paresse, mais trop ignorants pour annoncer eux-mêmes la Parole de Dieu, parcouraient les provinces, les hameaux, les chaumières en vendant les livres de Luther et de ses amis. L'Allemagne fut bientôt couverte de ces hardis colporteurs." TS 203 1 Ces écrits étaient étudiés avec avidité par riches et pauvres, savants et ignorants. Le soir, les instituteurs des écoles de village les lisaient à haute voix aux groupes attentifs qui se réunissaient au coin du feu. Partout des âmes étaient gagnées à la vérité et s'empressaient de la communiquer à d'autres. TS 203 2 Ainsi se justifiaient ces paroles inspirées: "La révélation de tes paroles éclaire, elle donne de l'intelligence aux simples."1 L'étude des Ecritures transformait complètement les esprits et les coeurs. La domination du pape avait tenu le peuple sous le joug de fer de l'ignorance et de la dégradation et l'avait asservi à l'observation superstitieuse d'un culte extérieur où le coeur et l'intelligence n'avaient qu'une petite part. La prédication de Luther, en revanche, qui mettait en relief les vérités simples de la Parole de Dieu, puis cette Parole elle-même placée entre toutes les mains éveillaient les facultés engourdies, purifiaient et ennoblissaient la nature spirituelle de l'homme et communiquaient à l'intelligence une force et une vigueur nouvelles. TS 203 3 On pouvait voir des personnes de tous rangs qui, les Ecritures en main, défendaient les doctrines de la Réforme. Les papistes, qui avaient laissé aux prêtres et aux moines le monopole de l'étude de la Bible, invitaient maintenant ces derniers à réfuter les nouveaux enseignements. Mais, ignorant les saintes Ecritures et la puissance de Dieu, le clergé et les religieux étaient réduits au silence par ceux qu'ils taxaient d'ignorance et d'hérésie. "Malheureusement, disait un auteur catholique, Luther avait persuadé les siens qu'il ne fallait ajouter foi qu'aux oracles des livres saints." Des foules se réunissaient pour entendre la vérité présentée par des hommes du commun peuple, et même pour les entendre discuter avec des savants et d'éloquents théologiens. La honteuse ignorance de ces grands hommes était mise à nu par la réfutation de leurs arguments à l'aide de simples enseignements de la Parole de Dieu. Des ouvriers, des soldats, des femmes et des enfants connaissaient mieux les Ecritures que les prêtres et les savants. TS 204 1 Le contraste entre les disciples de l'Evangile et les partisans des superstitions romaines n'était pas moins manifeste chez les savants que parmi le peuple. "En face des vieux soutiens de la hiérarchie, qui avaient négligé la connaissance des langues et la culture des lettres (c'est l'un d'eux qui nous l'apprend), se trouvait une jeunesse généreuse, adonnée à l'étude, approfondissant les Ecritures et se familiarisant avec les chefs-d'oeuvre de l'antiquité. Ces hommes, doués d'une vive intelligence, à l'âme élevée et au coeur intrépide, acquirent bientôt de telles connaissances que de longtemps nul ne put se mesurer avec eux. ... Aussi, quand ces jeunes défenseurs de la Réforme se rencontraient dans quelque assemblée avec les docteurs de Rome, ils les attaquaient avec une aisance et une assurance telles que ces hommes ignorants hésitaient, se troublaient et tombaient aux yeux de tous dans un juste mépris." TS 204 2 Voyant leurs auditoires diminuer, les prêtres firent appel aux magistrats et usèrent de tous les moyens à leur portée pour ramener leurs ouailles. Mais le peuple avait trouvé dans les enseignements nouveaux la satisfaction de ses besoins spirituels; aussi se détournait-il de ceux qui l'avaient si longtemps nourri des misérables aliments de la superstition et de la tradition humaines. TS 204 3 Quand les propagateurs de la vérité étaient persécutés, ils suivaient cet ordre du Christ: "Quand on vous persécutera dans une ville, fuyez dans une autre."1 Ainsi, la lumière pénétrait en tous lieux, car les fugitifs voyaient toujours s'ouvrir devant eux quelque porte hospitalière. Durant leur séjour en un endroit, ils prêchaient Jésus-Christ dans l'église; et, quand cette faveur leur était refusée, dans les maisons particulières ou en plein air. Tout lieu où ils pouvaient réunir un auditoire devenait un temple. Proclamée avec une telle énergie, la vérité se répandait avec une irrésistible puissance. TS 205 1 En vain, on faisait appel aux autorités ecclésiastiques et civiles pour écraser l'hérésie; en vain, on avait recours à la prison, à la torture, au feu et à l'épée. Des milliers de croyants scellaient leur foi de leur sang, néanmoins l'oeuvre progressait. La persécution contribuait à la diffusion de la vérité, et le fanatisme par lequel Satan avait tenté de la corrompre, n'eut d'autre résultat que de faire éclater le contraste entre l'oeuvre de l'ennemi et celle de Dieu. ------------------------Chapitre 11 -- La protestation des princes TS 207 1 L'une des plus nobles manifestations en faveur de la Réforme fut la protestation des princes chrétiens d'Allemagne à la diète de Spire, en 1529. Le courage, la foi et la fermeté de ces hommes de Dieu ont assuré la liberté de conscience aux siècles suivants. Cette protestation mémorable, dont les principes constituent "l'essence même du protestantisme", donna son nom aux adhérents de la Réforme dans le monde entier. TS 207 2 Malgré l'édit de Worms déclarant Luther hors la loi et prohibant sa doctrine, le régime de la tolérance religieuse avait jusque-là prévalu dans l'empire. La divine Providence avait tenu en échec les forces opposées à la vérité. Chaque fois que Charles Quint, bien déterminé à étouffer la Réforme, étendait la main, le coup était détourné. A plusieurs reprises déjà, la perte de ceux qui osaient résister à Rome avait paru imminente; mais, au moment critique, une diversion survenait: ou bien c'étaient les armées turques qui faisaient leur apparition sur la frontière orientale; ou bien c'étaient le roi de France et le pape lui-même qui, jaloux de la puissance croissante de l'empereur, lui faisaient la guerre. Les luttes et les complications internationales donnaient ainsi à la Réforme le temps de se consolider et de s'étendre. TS 208 1 Le moment vint pourtant où les rois catholiques s'entendirent pour faire cause commune contre la Réforme. La première diète de Spire, en 1526, avait laissé à chaque Etat pleine liberté en matière religieuse jusqu'à la convocation d'un concile général. Mais dès que le danger qui lui avait arraché cette concession fut passé, l'empereur s'empressa de convoquer à Spire, en 1529, une seconde diète dont le but était d'extirper l'hérésie. Il fallait tâcher d'engager les princes à se liguer à l'amiable pour étouffer l'hérésie; si ce plan échouait, Charles Quint était prêt à tirer l'épée. TS 208 2 Grande était la joie des partisans de Rome. Ils vinrent en grand nombre à Spire en 1529, manifestant ouvertement leur hostilité contre les Réformés et leurs protecteurs. "Nous sommes l'exécration et la balayure du monde, disait Mélanchthon, mais Jésus-Christ surveille son pauvre peuple et le sauvera." On alla jusqu'à défendre aux princes réformés présents à la diète de faire prêcher l'Evangile dans leur domicile particulier. Mais la population de Spire avait soif d'entendre la Parole de Dieu et, en dépit de cette interdiction, des milliers d'auditeurs accouraient aux services qui avaient lieu dans la chapelle de l'électeur de Saxe. TS 208 3 Cela suffit pour précipiter la crise. Un message impérial annonça à la diète que la résolution assurant la liberté religieuse ayant été l'occasion de grands désordres, l'empereur en exigeait l'annulation. Cet acte arbitraire jeta l'indignation et l'alarme parmi les princes évangéliques. L'un d'eux s'écria: "Le Christ est de nouveau tombé entre les mains de Caïphe et de Pilate." Le langage des romanistes redoublait de violence. "Les Turcs valent mieux que les Luthériens, disait Faber; car les Turcs observent les jeûnes et les Luthériens les violent. S'il faut choisir entre les saintes Ecritures de Dieu et les vieilles erreurs de l'Eglise, ce sont les premières qu'il faut rejeter." "Chaque jour, en pleine assemblée, écrivait Mélanchthon, Faber nous lance quelque nouveau projectile." TS 209 1 La tolérance religieuse avait été légalement reconnue, les Etats évangéliques étaient résolus à défendre leurs droits. Luther, qui se trouvait encore sous le coup de l'édit de Worms, ne put paraître à Spire; mais il y était remplacé par ses collaborateurs et par des princes que Dieu avait suscités pour soutenir sa cause en cette occurrence. Le noble Frédéric de Saxe, protecteur de Luther, était mort; mais le duc Jean, son frère et successeur, avait joyeusement accueilli la Réforme; et, bien que pacifique, il déployait une grande énergie et un grand courage quand il s'agissait des intérêts de la foi. TS 209 2 Les prélats exigeaient que les Etats réformés se soumissent implicitement à la juridiction romaine. Quant aux réformateurs, ils se réclamaient de la liberté qui leur avait été octroyée. Ils ne pouvaient admettre que les Etats qui avaient embrassé la Parole de Dieu avec enthousiasme fussent de nouveau placés sous le joug de Rome. TS 209 3 On finit par proposer le compromis suivant: là où la Réforme n'avait pas été établie, l'édit de Worms devait être rigoureusement appliqué; mais "là où l'on ne pourrait l'imposer sans risque de révolte, on ne devait introduire aucune réforme, ni toucher à aucun point controversé; la célébration de la messe devait être tolérée, mais on ne permettrait à aucun catholique d'embrasser le luthéranisme". Ces mesures furent adoptées par la diète à la grande satisfaction du clergé catholique. TS 209 4 Si cet édit était entré en vigueur, "la Réforme n'eût pu ni s'établir dans les lieux où elle n'avait pas encore pénétré, ni s'édifier sur de solides fondements dans ceux où elle existait déjà; la restauration de la hiérarchie romaine... y eût infailliblement ramené les anciens abus. La moindre infraction faite à une ordonnance aussi vexatoire eût fourni aux papistes un prétexte pour achever de détruire une oeuvre déjà fortement ébranlée. La liberté de la parole eût été supprimée. Toute conversion nouvelle allait devenir un crime. Et l'on demandait aux amis de la Réforme de souscrire immédiatement à toutes ces restrictions et prohibitions." Les espérances du monde semblaient être sur le point de s'écrouler. TS 210 1 Réunis en consultation, les membres du parti évangélique se regardaient avec stupeur. Ils se demandaient l'un à l'autre: "Que faire?" De très graves intérêts étaient en jeu pour le monde. "Les chefs de la Réforme se soumettront-ils? Accepteront-ils cet édit? Il serait facile, à cette heure de crise, de faire un faux pas. Que de bonnes raisons, que de prétextes plausibles n'eût-on pas pu trouver pour se soumettre! On assurait aux princes luthériens le libre exercice de leur religion. Le même droit était accordé à tous ceux de leurs sujets qui avaient adopté la Réforme avant l'édit. Cela ne devait-il pas les satisfaire? Combien de périls la soumission n'épargnerait- elle pas? En revanche, à quels dangers et à quels hasards la résistance ne devait-elle pas les exposer! Qui sait les avantages que l'avenir peut nous apporter? Acceptons la paix; emparons-nous du rameau d'olivier que Rome nous tend; et pansons ainsi les plaies de l'Allemagne. C'est par de semblables raisonnements que les réformateurs eussent pu justifier une ligne de conduite qui eût assuré, à brève échéance, la ruine de la cause protestante. TS 210 2 " Fort heureusement, ils ne perdirent pas de vue le principe mis à la base de l'accord proposé. Quel était ce principe? C'était, pour Rome, le droit de contraindre les consciences et d'interdire le libre examen. La liberté de conscience était bien assurée aux princes réformés et à leurs sujets, mais comme une faveur spéciale et non pas comme un droit. A part ceux qui étaient compris dans cette exception, tous restaient sous le joug de l'autorité; Rome continuait à être le juge infaillible de la foi. La conscience était éliminée. Accepter le compromis proposé, c'était admettre que la liberté de conscience n'était légitime que dans la Saxe réformée et que, pour le reste de la chrétienté, le libre examen et la profession de la foi réformée étaient des crimes dignes de la prison et du bûcher. Pouvait-on donner des limites géographiques à la liberté religieuse? Allait-on admettre que la Réforme avait fait son dernier converti, qu'elle avait conquis son dernier arpent, et que, partout ailleurs, l'empire de Rome devait être éternel? Les réformateurs allaient-ils devenir complices de la mort de centaines et de milliers de gens qui, au terme de cette convention, devaient être immolés dans tous les pays soumis à l'Eglise romaine? Allaient-ils, à cette heure suprême, trahir la cause de l'Evangile et les libertés de la chrétienté?"1 "Non! Plutôt tout endurer, tout sacrifier, jusqu'à leurs Etats, leur couronne et leur vie!" TS 211 1 "Rejetons cet arrêté, dirent les princes; dans les questions de conscience, la majorité n'a aucun pouvoir." "C'est au décret de 1526, ajoutèrent les villes, que l'on doit la paix dont jouit l'empire; l'abolir, c'est jeter l'Allemagne dans le trouble et la division. Jusqu'au concile, la diète n'a d'autre compétence que de maintenir la liberté religieuse." Protéger la liberté de conscience, voilà le devoir de l'Etat et la limite de son autorité en matière religieuse. Tout gouvernement civil qui, aujourd'hui, tente de régler ou d'imposer des observances religieuses abolit le principe pour lequel les chrétiens évangéliques ont si noblement combattu. TS 211 2 Déterminés à briser ce qu'ils appelaient "une audacieuse opiniâtreté", les papistes commencèrent par semer la division parmi les partisans de la Réforme, en intimidant ceux qui ne s'étaient pas encore ouvertement déclarés en sa faveur. Les représentants des villes libres, appelés à comparaître devant la diète, et mis en demeure de déclarer s'ils acceptaient les termes de l'arrêt, demandèrent en vain un délai. Le vote prouva que près de la moitié d'entre eux étaient pour la Réforme. Ceux qui se refusaient ainsi à sacrifier la liberté de conscience et les droits du libre-examen ne se dissimulaient pas qu'ils s'exposaient aux critiques, à la condamnation et à la persécution. "Il faudra, dit l'un d'eux, ou renier la Parole de Dieu, ou... être brûlés." TS 212 1 Le roi Ferdinand, représentant de l'empereur à la diète, comprit que, s'il ne réussissait pas à amener les princes à accepter et à soutenir le décret, celui-ci occasionnerait de sérieuses divisions. Et se doutant bien qu'user de la contrainte avec de tels hommes, c'était les rendre plus déterminés encore, il tenta de les persuader, et "supplia les princes d'accepter le décret, les assurant que l'empereur leur en saurait un gré infini". Ces hommes courageux, s'inclinant devant une autorité supérieure à celle des rois de la terre, répondirent avec calme: "Nous obéirons à l'empereur dans tout ce qui peut contribuer au maintien de la paix et à l'honneur de Dieu." TS 212 2 Sans tenir compte de cette déclaration, le roi annonça enfin, en pleine diète, "que l'édit allait être rédigé sous forme de décret impérial". Puis il annonça à l'électeur de Saxe et à ses amis qu'"il ne leur restait plus qu'à se soumettre à la majorité". Cela dit, il se retira de l'assemblée, sans donner aux réformateurs l'occasion de lui répondre. En vain, ils lui envoyèrent une députation pour le prier de revenir. "C'est une affaire réglée, répondit le roi, il n'y a plus qu'à se soumettre." TS 212 3 Bien que le parti impérial sût que les princes chrétiens étaient déterminés à considérer les saintes Ecritures comme supérieures aux doctrines et aux lois humaines, et que là où ce principe était reconnu l'autorité du pape serait tôt ou tard abolie, il croyait que la cause de l'empereur et du pape était la plus forte. Si les réformateurs avaient compté sur le seul secours de l'homme, ils eussent été aussi impuissants que les partisans du pape le supposaient. Mais leur force allait se révéler. Ils en appelèrent "du décret de la diète à la Parole de Dieu, et de l'empereur Charles à Jésus-Christ, le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs". TS 213 1 Sans tenir compte de l'absence de Ferdinand qui n'avait pas respecté leur liberté de conscience, ils rédigèrent et présentèrent sans délai devant l'assemblée nationale la solennelle déclaration suivante: TS 213 2 "Nous PROTESTONS par les présentes, devant Dieu, notre unique Créateur, Conservateur, Rédempteur et Sauveur, qui un jour sera notre Juge, ainsi que devant tous les hommes et toutes les créatures, que, pour nous et pour les nôtres, nous ne consentons ni n'adhérons en aucune manière au décret proposé, dans la mesure où il est contraire à Dieu, à sa sainte Parole, à notre bonne conscience et au salut de nos âmes. Quoi! nous déclarerions, en adhérant à cet édit, que si le Dieu tout-puissant appelle un homme à sa connaissance, cet homme n'est pas libre de la recevoir!..." TS 213 3 Ils ajoutaient: "Il n'est de doctrine certaine que celle qui est conforme à la Parole de Dieu; ... le Seigneur défend d'en enseigner une autre; ... chaque texte de la sainte Ecriture devant être expliqué par d'autres textes plus clairs, ce saint Livre est, dans toutes les choses nécessaires au chrétien, facile et propre à dissiper les ténèbres. Nous sommes donc résolus, avec la grâce de Dieu, à maintenir la prédication pure et exclusive de sa seule Parole, telle qu'elle est contenue dans les livres bibliques de l'Ancien et du Nouveau Testament, sans rien ajouter qui lui soit contraire. Cette Parole est la seule vérité; elle est la norme assurée de toute doctrine et de toute vie, et ne peut jamais ni faillir ni se tromper. Celui qui bâtit sur ce fondement résistera à toutes les puissances de l'enfer, tandis que toutes les vanités humaines qu'on lui oppose tomberont devant la face de Dieu. ... TS 214 1 " Voilà pourquoi nous rejetons le joug qu'on nous impose. ... En même temps, nous nous flattons que sa Majesté impériale se comportera à notre égard comme un prince chrétien qui aime Dieu par-dessus toutes choses; et nous nous déclarons prêts à lui rendre, ainsi qu'à vous tous, gracieux seigneurs, toute l'affection et toute l'obéissance qui sont notre juste et légitime devoir." TS 214 2 Cette lecture produisit une vive impression sur la diète. La hardiesse des protestataires étonna et alarma la majorité. L'avenir leur apparut sombre et orageux. Les dissensions, les conflits et l'effusion de sang paraissaient inévitables. Les réformateurs, au contraire, certains de la justice de leur cause, et se reposant sur le bras du Tout-Puissant, étaient remplis d'un courage inébranlable. TS 214 3 "Les principes contenus dans cette célèbre Protestation... constituent l'essence même du protestantisme. Elle s'élève contre deux abus de l'homme dans les choses de la foi: l'intrusion du magistrat civil et l'autorité arbitraire du clergé. A la place de ces deux abus, le protestantisme établit, en face du magistrat, le pouvoir de la conscience; et en face du clergé, l'autorité de la Parole de Dieu. D'abord, il récuse le pouvoir civil dans les choses divines et dit, comme les apôtres et les prophètes: Il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes. Sans porter atteinte à la couronne de Charles Quint, il maintient la couronne de Jésus-Christ. Mais il va plus loin: il établit que tout enseignement humain doit être subordonné aux oracles de Dieu." Les protestataires ne prétendaient pas seulement au droit de croire et de pratiquer leur foi, mais aussi à celui d'exprimer librement ce qu'ils estimaient être la vérité; et ils contestaient aux prêtres et aux magistrats le droit de les en priver. La protestation de Spire s'élevait solennellement contre l'intolérance religieuse et affirmait catégoriquement le droit de tout homme à servir Dieu selon sa conscience. TS 215 1 Cette déclaration, bientôt gravée dans des milliers de mémoires, fut enregistrée dans les livres du ciel, d'où aucun effort humain ne pouvait l'effacer. Toute l'Allemagne évangélique adopta la protestation comme l'expression de sa foi. Dans ce manifeste, chacun voyait le présage d'une ère nouvelle et meilleure. L'un des princes dit aux signataires de Spire: "Que le Dieu tout-puissant qui vous a fait la grâce de le confesser publiquement, librement et sans aucune crainte vous conserve dans cette fermeté chrétienne jusqu'au jour de l'éternité." TS 215 2 Si, après avoir obtenu un certain succès, la Réforme avait consenti à temporiser pour obtenir la faveur du monde, elle eût été infidèle à Dieu et à elle-même, et eût ainsi préparé sa ruine. L'histoire de ces nobles réformateurs contient un enseignement pour tous les siècles à venir. La tactique de Satan contre Dieu et contre sa Parole n'a pas changé; il est tout aussi opposé aujourd'hui qu'au seizième siècle à ce que la Parole de Dieu soit la règle de la foi et de la vie. Il existe, de nos jours, une forte tendance à s'éloigner de la saine doctrine; il est donc nécessaire de revenir au grand principe protestant: les Ecritures seule règle de la foi et de la vie. La puissance antichrétienne rejetée par les protestataires de Spire travaille avec une énergie accrue à reconquérir sa suprématie perdue. Un attachement indéfectible à la Parole de Dieu, tel celui dont firent preuve les réformateurs, est, à cette heure de crise, la seule espérance de toute oeuvre de réforme. TS 215 3 Divers indices faisaient craindre pour la sécurité des protestants; certains faits, en revanche, montraient que la main de Dieu était prête à les protéger. Vers ce temps-là, "Mélanchthon conduisait précipitamment vers le Rhin, à travers les rues de Spire, son ami Simon Grynéus, le pressant de traverser le fleuve. Comme celui-ci s'étonnait d'une telle hâte, Mélanchthon lui dit: "Un vieillard d'une apparence grave et solennelle, mais qui m'est inconnu, vient de se présenter à moi et m'a dit.: Dans un instant, des archers, envoyés par Ferdinand, vont arrêter Simon Grynéus." TS 216 1 Ce même jour, Grynéus, scandalisé par un sermon de Faber, l'un des principaux docteurs catholiques, s'était rendu chez lui et l'avait supplié de ne plus faire la guerre à la vérité. Faber avait dissimulé sa colère, mais s'était aussitôt rendu chez le roi et il avait obtenu des ordres contre l'importun professeur de Heidelberg. Mélanchthon ne doutait pas que Dieu avait sauvé son ami par l'envoi d'un de ses saints anges. "Immobile au bord du Rhin, il attendait que les eaux du fleuve eussent dérobé Grynéus à ses persécuteurs. Enfin, s'écria-t-il, en le voyant sur l'autre bord, le voilà arraché aux dents cruelles de ceux qui boivent le sang innocent." De retour dans sa maison, Mélanchthon apprit que des archers venaient de fouiller sa demeure, à la recherche de Grynéus. TS 216 2 La Réforme devait, d'une manière plus pressante encore, s'imposer à l'attention des grands de la terre. Le roi Ferdinand ayant refusé une audience aux princes évangéliques, ces derniers devaient avoir l'occasion de présenter leur cause devant l'empereur et les dignitaires de l'Eglise et de l'Etat réunis. Pour apaiser les dissensions qui troublaient l'empire un an après la protestation de Spire, Charles Quint convoqua à Augsbourg une diète qu'il voulut présider en personne. Les chefs protestants y furent convoqués. TS 216 3 De grands dangers menaçaient la Réforme, mais ses amis et ses défenseurs remettaient leur cause entre les mains de Dieu et s'engageaient à tenir ferme pour l'Evangile. L'entourage de l'électeur de Saxe lui conseillait de ne pas s'y rendre. L'empereur, lui disait-on, convoque les princes pour leur tendre un piège. "N'est-ce pas courir un trop grand risque, disaient-ils, que d'aller s'enfermer dans les murs d'une ville avec un puissant ennemi?" D'autres lui disaient, pleins d'une noble confiance: "Que les princes se comportent seulement avec courage, et la cause de Dieu sera sauvée!" "Dieu est fidèle, et il ne nous abandonnera pas", disait Luther. Accompagné de sa suite, l'électeur se mit en route pour Augsbourg. Tous connaissaient le péril que courait ce prince, et beaucoup se rendaient à la diète le coeur troublé par de sombres pressentiments. Mais Luther, qui les accompagna jusqu'à Cobourg, ranima leur foi par le chant du fameux cantique: "C'est un rempart que notre Dieu", écrit en cours de route. Maint lugubre présage fut dissipé, et maint coeur accablé fut soulagé à l'ouïe de ces strophes immortelles. TS 217 1 Les princes réformés avaient décidé de présenter à la diète un exposé systématique de leur foi, avec les passages des saintes Ecritures à l'appui. Cette confession, rédigée par Luther, Mélanchthon et leurs collaborateurs, fut adoptée comme l'exposé de leurs convictions religieuses par les protestants réunis, qui apposèrent leurs signatures sur cet important document. C'était un moment solennel et critique. Les réformateurs désiraient surtout ne pas mêler leur cause à la politique. Ils étaient convaincus que la Réforme ne devait pas exercer d'influence étrangère à celle de la Parole de Dieu. TS 217 2 Aussi, comme les princes s'avançaient pour signer la confession, Mélanchthon s'interposa en disant: "Ceci regarde les théologiens et les ministres; réservons d'autres questions à l'autorité des grands de la terre. -- A Dieu ne plaise que vous m'excluiez! rétorqua l'électeur Jean de Saxe; je suis prêt à faire mon devoir sans m'inquiéter de ma couronne; je veux confesser le Seigneur. Mon chapeau électoral et mon hermine ne valent pas pour moi la croix de Jésus-Christ. Je laisserai sur la terre ces insignes de ma grandeur, mais la croix de mon Maître m'accompagnera jusqu'aux étoiles!" Cela dit, il apposa sa signature. Un autre dit: "Si l'honneur de Jésus-Christ, mon Seigneur, le requiert, je suis prêt à laisser derrière moi mes biens et ma vie. ... Plutôt renoncer à mes sujets et à mes Etats, plutôt partir du pays de mes pères un bâton à la main, plutôt gagner ma vie en ôtant la poussière des souliers de l'étranger, que de recevoir une doctrine différente de celle qui est contenue dans cette confession!" Telles étaient la foi et l'intrépidité de ces hommes de Dieu. TS 218 1 Le moment de comparaître devant l'empereur arriva enfin. Charles Quint, assis sur son trône, et entouré des électeurs et des princes, accorda audience aux réformateurs protestants. Ces derniers donnèrent lecture de leur confession de foi. L'auguste assemblée entendit un clair exposé de la vérité évangélique et l'énumération des erreurs de l'Eglise papale. C'est à juste titre que l'on a appelé cette journée "le plus grand jour de la Réforme, et l'un des plus beaux de l'histoire du christianisme et de celle de l'humanité". TS 218 2 Quelques courtes années seulement s'étaient écoulées depuis que le moine de Wittenberg avait dû se présenter seul devant la diète de Worms. Maintenant, à sa place, comparaissaient les princes les plus nobles et les plus puissants de l'empire. Luther n'avait pas été autorisé à se rendre à Augsbourg, mais il s'y trouvait par ses prières et par ses paroles: "Je tressaille de joie, disait-il, de ce qu'il m'est donné de vivre à une époque où Jésus-Christ est publiquement exalté par de si illustres confesseurs, et dans une si glorieuse assemblée." Ainsi s'accomplit cette déclaration de l'Ecriture: "Je parlerai de tes préceptes devant les rois, et je ne rougirai point."1 TS 218 3 Au temps de l'apôtre Paul, et grâce à sa captivité, l'Evangile avait été porté dans la ville impériale et jusqu'à la cour. De même, en ce jour mémorable, le message que l'empereur avait défendu de prêcher du haut de la chaire était annoncé dans son palais. Les paroles que plusieurs avaient considérées comme malséantes devant les serviteurs, étaient écoutées avec étonnement par les maîtres de la terre. Rois et grands seigneurs formaient l'auditoire; des princes couronnés jouaient le rôle de prédicateurs, et le sermon était consacré à la vie éternelle. "Depuis le temps des apôtres, disait-on, il n'y a pas eu d'oeuvre plus grande, ni de confession plus magnifique." TS 219 1 "Tout ce que les Luthériens ont dit est vrai, s'écriait l'évêque d'Augsbourg; nous ne pouvons le nier." "Pouvez-vous, avec de bonnes raisons, réfuter la confession de foi établie par l'électeur et ses alliés? demandait-on au docteur Eck. -- Avec les écrits des apôtres et des prophètes, non...; mais avec ceux des Pères et des conciles, oui! -- Je comprends, reprit vivement son interlocuteur; selon vous, les luthériens sont dans l'Ecriture, et nous en dehors." TS 219 2 Quelques princes allemands furent gagnés à la foi réformée. L'empereur lui-même déclara que les articles protestants exprimaient réellement la vérité. La confession fut traduite en plusieurs langues et répandue dans toute l'Europe; elle a été, depuis, et jusqu'à nos jours, acceptée comme l'expression de leur foi par des millions de croyants. TS 219 3 Les fidèles serviteurs de Dieu ne travaillaient pas seuls. Alors que les "dominations, les autorités, les princes de ce monde de ténèbres et les esprits méchants dans les lieux célestes" se liguaient contre eux, le Seigneur ne les oubliait pas. Si leurs yeux avaient été ouverts, ils auraient vu, de même que le prophète Elisée, des preuves manifestes de la présence et du secours de Dieu. Quand son serviteur lui montrait les armées ennemies qui les entouraient et rendaient inutile toute tentative de fuite, le prophète, s'adressant à Dieu, avait prié: "Eternel, ouvre ses yeux, pour qu'il voie."1 Et voici, la montagne était "pleine de chevaux et de chars de feu" tout autour d'Elisée. Les cohortes célestes étaient là pour protéger l'homme de Dieu. C'est ainsi que les anges veillaient sur les ouvriers de la Réforme. TS 219 4 Luther avait pour principe de ne pas recourir à la puissance séculière ni aux armes pour défendre la cause de Dieu. Il se réjouissait de voir l'Evangile confessé par les princes de l'empire; mais quand ces derniers proposèrent de faire une alliance défensive, il déclara que "la doctrine de l'Evangile devait être défendue par Dieu seul". Il "croyait que moins les hommes s'en mêleraient, plus l'intervention divine serait éclatante". Toutes les précautions humaines envisagées lui semblaient dictées par un coupable manque de foi. TS 220 1 Quand des ennemis puissants s'unissaient pour renverser la foi, quand des milliers d'épées semblaient prêtes à sortir du fourreau pour la faire disparaître, Luther écrivait: "Satan fait éclater sa fureur; des pontifes impies conspirent; et l'on nous menace de la guerre. Exhortez le peuple à combattre vaillamment devant le trône du Seigneur par la foi et par la prière, afin que nos ennemis, vaincus par l'Esprit de Dieu, soient contraints à la paix. Le premier besoin, le premier travail, c'est la prière; que le peuple sache qu'il est maintenant exposé aux tranchants des épées et aux fureurs du diable, et qu'il se mette à prier." TS 220 2 Plus tard encore, faisant allusion à l'alliance projetée par les Etats évangéliques, Luther disait que "l'épée de l'Esprit" était la seule arme qu'il fallait employer dans cette guerre. Il écrivait à l'électeur de Saxe: "Nous ne pouvons en conscience approuver l'alliance qu'on nous propose. Plutôt mourir dix fois que de voir notre Evangile faire couler une seule goutte de sang! Nous devons accepter d'être comme des brebis menées à la boucherie. La croix du Christ doit être portée. Que votre Altesse soit sans aucune crainte. Nous ferons plus par nos prières que nos ennemis par leurs fanfaronnades. Surtout, que vos mains ne se souillent pas du sang de vos adversaires. Si l'empereur exige qu'on nous livre à ses tribunaux, nous sommes prêts à comparaître. Vous ne pouvez pas défendre notre foi. C'est à ses risques et périls que chacun doit croire." TS 220 3 La puissance qui ébranla le monde au temps de la Réforme provenait du sanctuaire de la prière. Dans une sainte assurance, les serviteurs de Dieu posèrent leur pied sur le rocher des promesses divines. Pendant la diète d'Augsbourg, Luther ne passa pas un jour sans consacrer à la prière trois des meilleures heures de la journée. Dans le secret de son cabinet de travail, il répandait son âme devant Dieu en paroles pleines d'adoration mêlées d'expressions de crainte et d'espérance. "Je sais que tu es notre Père et notre Dieu", disait le réformateur, "et que tu dissiperas les persécuteurs de tes enfants; car tu es toi-même en danger avec nous. Toute cette affaire est la tienne, et ce n'est que contraints par toi que nous y avons mis la main. Défends-nous donc, ô Père!" TS 221 1 Il écrivait à Mélanchthon, que rongeait l'inquiétude: "Grâce et paix par Jésus-Christ! -- Par Jésus-Christ, dis-je, et non par le monde! Amen. Je hais d'une haine véhémente ces soucis extrêmes qui te consument. Si la cause est injuste, abandonnons-la; si elle est juste, pourquoi ferions-nous mentir les promesses de celui qui nous commande de dormir sans crainte! Le Christ ne fera pas défaut à l'oeuvre de la justice et de la vérité. Il vit, il règne: par quelle crainte pouvons-nous être troublés?" TS 221 2 Dieu entendit les cris de ses serviteurs. Il donna aux princes et aux ministres grâce et courage pour soutenir la vérité contre le prince des ténèbres de ce siècle. "Voici, je mets en Sion une pierre angulaire, choisie, précieuse; et celui qui croit en elle ne sera point confus."1 Les réformateurs protestants avaient édifié sur Jésus-Christ, et les portes de l'enfer ne prévalurent point contre eux. ------------------------Chapitre 12 -- La Réforme en France TS 223 1 La protestation de Spire et la confession de foi d'Augsbourg, qui marquèrent l'apogée de la Réforme en Allemagne, furent suivies d'années de luttes et de ténèbres. Affaibli par des divisions intestines et assailli par de puissants ennemis, le protestantisme semblait condamné à disparaître. Des milliers de ses enfants scellaient leur témoignage de leur sang. La guerre civile éclata; la cause protestante fut trahie par l'un de ses principaux adhérents; les plus nobles d'entre les princes réformés tombèrent au pouvoir de Charles Quint et furent traînés de ville en ville. Mais au moment de ce triomphe apparent, l'empereur dut se déclarer vaincu. La proie qu'il croyait tenir lui échappa et il se vit obligé de tolérer une doctrine dont la suppression avait été l'ambition de sa vie. Pour extirper l'hérésie, il avait joué son royaume, ses trésors, sa vie même. Il voyait maintenant ses armées en déroute, ses ressources épuisées et plusieurs de ses royaumes à la veille de la révolte, tandis que la foi qu'il s'était efforcé de supprimer se répandait. Charles Quint avait combattu le Tout-Puissant. Dieu avait dit: "Que la lumière soit!" et le monarque avait voulu conserver les ténèbres. Incapable de réaliser ses desseins, vieilli prématurément, usé par une lutte déjà longue, il abdiqua le trône et alla s'ensevelir dans un cloître. TS 224 1 En Suisse, comme en Allemagne, la Réforme connut de sombres jours. Plusieurs cantons avaient accepté la foi réformée, mais d'autres se cramponnaient avec une aveugle ténacité au credo de Rome. La persécution contre les partisans de la foi nouvelle aboutit à la guerre civile. Zwingle et plusieurs de ses collaborateurs tombèrent sur le champ de bataille de Cappel. OEcolampade, terrassé par ces désastres, mourut peu après. Rome exultait et semblait sur le point de recouvrer tout ce qu'elle avait perdu. Mais celui dont les desseins sont éternels n'avait délaissé ni sa cause ni son peuple. De sa main devait sortir la délivrance. En d'autres pays, il suscitait des ouvriers pour faire triompher son oeuvre. TS 224 2 L'aurore de la Réforme commença à poindre en France avant même que le nom de Luther fût connu. L'un des premiers à recevoir la lumière fut un vieillard, Lefèvre d'Etaples, papiste zélé, savant professeur de l'université de Paris, que ses travaux sur la littérature ancienne avaient amené à sonder les saintes Ecritures dont il introduisit l'étude parmi ses élèves. TS 224 3 Invocateur enthousiaste des saints, Lefèvre avait entrepris d'écrire une histoire des martyrs basée sur les légendes de l'Eglise. Ce travail, qui exigeait bien des recherches, était déjà considérablement avancé, quand, pensant que les Ecritures pourraient l'aider dans sa tâche, il en entreprit l'étude. Il trouva, en effet, des saints dans la Bible, mais bien différents de ceux du calendrier romain. Ebloui par le faisceau de lumière qu'il vit jaillir devant lui, il se détourna dès lors avec dégoût de la tâche qu'il s'était imposée. Se consacrant tout entier à la Parole de Dieu, il ne tarda pas à enseigner les précieuses vérités qu'il y découvrait. TS 225 1 En 1512, avant que Luther ou Zwingle eussent commencé leurs travaux de réforme, Lefèvre écrivait: "C'est Dieu seul qui, par sa grâce et par la foi, justifie pour la vie éternelle." "Echange ineffable! l'innocence est condamnée, et le coupable est absous; la bénédiction est maudite, et celui qui était maudit est béni; la vie meurt, et la mort reçoit la vie; la gloire est couverte de confusion, et celui qui était confus est couvert de gloire." TS 225 2 Tout en déclarant que la gloire du salut appartient à Dieu seul, il disait que le devoir de l'obéissance est la part de l'homme. "Si tu es de l'Eglise du Christ, tu es du corps du Christ, et si tu es du corps du Christ, tu es rempli de la divinité, car la plénitude de la divinité habite en lui corporellement. Oh! si les hommes pouvaient comprendre ce privilège, comme ils se maintiendraient purs, chastes et saints, et comme ils estimeraient toute la gloire du monde une ignominie, en comparaison de cette gloire intérieure, qui est cachée aux yeux de la chair!" TS 225 3 Parmi les élèves de Lefèvre, certains recueillirent ses paroles comme des trésors et, longtemps après la mort du maître, les firent entendre au monde. L'un d'eux était Guillaume Farel. Elevé par des parents pieux, il avait appris à se soumettre aveuglément aux enseignements de l'Eglise. Comme l'apôtre Paul, il eût pu dire: "J'ai vécu pharisien, selon la secte la plus rigide de notre religion."1 Romaniste fervent, il désirait ardemment détruire tout ce qui s'opposait à l'Eglise. "Entendait-il parler contre le pape tant vénéré, il grinçait des dents comme un loup furieux", et il eût voulu que la foudre frappât le coupable en sorte qu'il en fût "du tout abattu et ruiné". Inlassable dans le culte qu'il rendait aux saints, il faisait avec Lefèvre le tour des églises de Paris pour y adorer devant les autels, et déposer des offrandes devant les reliques. Mais ces dévotions ne lui apportaient pas la paix de l'âme. Tous ses actes de piété et toutes ses pénitences ne parvenaient pas à le libérer de la conviction de son péché. La voix du réformateur qui annonçait le "salut par grâce" fut pour lui comme une voix céleste. "L'innocent est condamné, et le criminel est acquitté." "Seule la croix du Christ ouvre les portes du ciel et ferme les portes de l'enfer." TS 226 1 Farel accepta joyeusement la vérité. Par une conversion comparable à celle de l'apôtre Paul, il passa de l'esclavage de la tradition à la liberté des enfants de Dieu. Au lieu de ressembler à un "loup enragé", il devint "paisible, doux et aimable comme un agneau, le coeur entièrement retiré du pape et adonné à Jésus-Christ". TS 226 2 Tandis que Lefèvre continuait à communiquer la lumière à ses élèves, Farel, aussi zélé pour la cause du Christ qu'il l'avait été pour celle du pape, allait prêcher la vérité en public. Un dignitaire de l'Eglise, Briçonnet, évêque de Meaux, se joignit bientôt à eux. D'autres docteurs, aussi éminents par leur science que par leur piété, se mirent eux aussi à proclamer l'Evangile. La foi nouvelle fit des adhérents dans toutes les classes de la société, depuis les artisans et les paysans, jusqu'aux nobles et aux princes. La soeur de François Ier, Marguerite de Navarre, ayant embrassé la foi réformée, le roi lui-même et la reine-mère semblèrent pendant un temps la considérer avec faveur. Les réformateurs, éblouis, voyaient déjà approcher le jour où la France serait gagnée à la cause de la Réforme. TS 226 3 Ils allaient être déçus dans leur attente. Des épreuves et des persécutions, miséricordieusement voilées à leurs yeux, attendaient ces disciples du Christ. Dans l'intervalle, un temps de paix leur permit de prendre des forces en vue de l'orage à venir, et la cause de la Réforme fit de rapides progrès. Dans son diocèse, l'évêque de Meaux travaillait avec zèle à instruire le clergé et les laïques. Les prêtres ignorants et dépravés furent renvoyés et, dans la mesure du possible, remplacés par des hommes instruits et pieux. L'évêque, qui désirait ardemment mettre la Parole de Dieu entre les mains de ses ouailles, ne tarda pas à voir son désir se réaliser. Lefèvre avait entrepris la traduction du Nouveau Testament, et, à l'époque même où Luther faisait paraître les Ecritures en allemand à Wittenberg, le Nouveau Testament était publié en français à Meaux. Briçonnet n'épargna ni peines ni argent pour le répandre dans toutes les paroisses de son diocèse, et bientôt les paysans furent en possession des saintes Ecritures. TS 227 1 Ces âmes recevaient le message du ciel comme des voyageurs altérés saluent une source d'eau vive. Les cultivateurs aux champs, les artisans dans leur atelier s'encourageaient dans leur travail quotidien en s'entretenant des vérités précieuses de la Parole de Dieu. Le soir, au lieu de se rencontrer dans les cabarets, ils se réunissaient les uns chez les autres pour lire l'Ecriture sainte, prier et louer Dieu. Un grand changement ne tarda pas à se produire dans ces localités. Les rudes paysans eux-mêmes, qui avaient vécu dans l'ignorance, éprouvaient la puissance transformatrice de la grâce divine. Ils devenaient humbles, probes, pieux et témoignaient par là de l'action bienfaisante de l'Evangile sur les âmes sincères. TS 227 2 La lumière qui brillait à Meaux projetait ses rayons au loin, et le nombre des convertis allait chaque jour en augmentant. La fureur de la hiérarchie fut un moment tenue en échec par le roi, qui détestait le fanatisme des moines. Mais les partisans du pape finirent par l'emporter, et les bûchers s'allumèrent. TS 227 3 L'évêque de Meaux, mis en demeure de choisir entre le feu et la rétractation, prit le chemin le plus facile. Le troupeau, en revanche, demeura ferme en dépit de la chute de son chef. Plusieurs rendirent témoignage à la vérité au milieu des flammes. Par leur foi et leur constance jusque sur le bûcher, ces martyrs annoncèrent l'Evangile à des milliers d'âmes qui n'avaient pas eu l'occasion de l'entendre en temps de paix. TS 228 1 Les humbles et les pauvres ne furent pas seuls à confesser leur Sauveur au milieu du mépris et de l'opposition. Dans les salles somptueuses des châteaux et des palais, de nobles âmes plaçaient la vérité plus haut que le rang, la fortune et la vie même. Ceux qui étaient revêtus des armures royales se révélaient souvent plus droits et plus fermes que ceux qui portaient des soutanes et des mitres épiscopales. Louis de Berquin, d'une famille noble de l'Artois, était de ceux-là. Chevalier de la cour, coeur intrépide, gentilhomme doublé d'un savant, il était bon, affable et de moeurs irréprochables. "Il était, dit Crespin, grand sectateur des constitutions papistiques, grand auditeur des messes et des sermons, observateur des jeûnes et jours de fête. ... La doctrine de Luther, alors bien nouvelle en France, lui était en extrême abomination." Mais, providentiellement amené, comme tant d'autres, à l'étude des Ecritures, il fut stupéfait d'y trouver non les doctrines de Rome, mais celles de Luther. Dès ce moment, il fut entièrement acquis à la cause de l'Evangile. TS 228 2 Tenu pour "le plus instruit des membres de la noblesse française", favori du roi, il apparaissait à plusieurs, par son esprit, son éloquence, son indomptable courage, son zèle héroïque et son influence à la cour, comme le futur réformateur de son pays. "Aussi Théodore de Bèze dit-il que la France eût peut-être trouvé en Berquin un autre Luther, si lui-même eût trouvé en François Ier un autre Electeur." "Il est pire que Luther", criaient les papistes. Et, en effet, il était plus redouté que lui par les romanistes de France. François Ier, inclinant alternativement vers Rome et vers la Réforme, tantôt tolérait, tantôt modérait le zèle violent des moines. Trois fois, Berquin fut emprisonné par les autorités papales et trois fois relâché par le roi qui, admirant sa noblesse de caractère et son génie, refusait de le sacrifier à la malignité de la hiérarchie. La lutte dura des années. TS 228 3 Maintes fois, Berquin fut averti des dangers qu'il courait en France et pressé de suivre l'exemple de ceux qui étaient allés chercher la sécurité dans un exil volontaire. Le timide et opportuniste Erasme, qui, en dépit de toute sa science, ne réussit jamais à s'élever jusqu'à la grandeur morale qui tient moins à la vie et aux honneurs qu'à la vérité, lui écrivait: "Demandez une légation en pays étranger, voyagez en Allemagne. Vous connaissez Bède et ses pareils: c'est une hydre à mille têtes qui lance de tous côtés son venin. Vos adversaires s'appellent légion. Votre cause fût-elle meilleure que celle de Jésus-Christ, ils ne vous lâcheront pas qu'ils ne vous aient fait périr cruellement. Ne vous fiez pas trop à la protection du roi. Dans tous les cas, ne me compromettez pas avec la faculté de théologie."1 TS 229 1 Mais le zèle de Louis de Berquin augmentait avec le danger. Loin d'adopter la politique prudente que lui conseillait Erasme, il eut recours à des mesures plus hardies encore. Non seulement il prêchait la vérité, mais il attaquait l'erreur. L'accusation d'hérésie que les romanistes lançaient contre lui, il la retournait contre eux. Ses adversaires les plus actifs et les plus violents étaient les savants et les moines de la Sorbonne, faculté de théologie de l'université de Paris, l'une des plus hautes autorités ecclésiastiques, non seulement de la ville, mais de la nation. Berquin tira des écrits de ces docteurs douze propositions qu'il déclara publiquement "contraires aux Ecritures et par conséquent hérétiques"; et il demanda au roi de se faire juge de la controverse. TS 229 2 Le monarque, heureux de mettre à l'épreuve la puissance et la finesse des champions adverses, aussi bien que d'humilier l'orgueil et la morgue des moines, enjoignit aux romanistes de défendre leur cause par la Parole de Dieu. Ces derniers savaient que cette arme ne les servirait guère; l'emprisonnement, la torture et le bûcher leur étaient plus familiers. Maintenant, les rôles étaient renversés, et ils se voyaient sur le point de tomber dans la fosse qu'ils avaient creusée à l'intention de Berquin. Ils se demandaient avec inquiétude comment ils sortiraient de cette impasse. TS 230 1 A ce moment, on trouva, à l'angle d'une rue, une image mutilée de la Vierge. L'émotion fut grande dans la ville. Des foules accoururent sur les lieux, jetant des cris de douleur et d'indignation. Le roi fut profondément affecté, et les moines ne manquèrent pas de tirer parti de cet incident. "Ce sont là les fruits des doctrines du chevalier, s'écrièrent-ils; tout est sur le point de s'écrouler par cette conspiration luthérienne: la religion, les lois, le trône lui-même." TS 230 2 Louis de Berquin fut de nouveau arrêté. François Ier ayant quitté Paris pour Blois, les moines purent agir à leur guise. Le réformateur fut jugé et condamné à mort. Dans la crainte que le roi n'intervînt une fois encore, la sentence fut exécutée le jour même où elle fut prononcée. A midi sonné, il fut conduit au lieu de l'exécution. Une foule immense se réunit pour assister à sa mort. Plusieurs constatèrent avec épouvante que la victime avait été choisie parmi les hommes les plus nobles et les plus illustres de France. L'effroi, l'indignation, le mépris et la haine se lisaient sur bien des visages; mais il y avait là un homme sur les traits duquel ne planait aucune ombre. Les pensées du martyr étaient bien éloignées de cette scène de tumulte; il était pénétré du sentiment de la présence de Dieu. Il ne prenait garde ni à la grossière charrette sur laquelle on l'avait hissé, ni aux visages rébarbatifs de ses tortionnaires, ni à la mort douloureuse vers laquelle il marchait. Celui qui était mort, et qui vit aux siècles des siècles, qui tient les clés de la mort et du séjour des morts était à ses côtés. Le visage du prisonnier rayonnait de la lumière et de la paix du ciel. Revêtu de son plus beau costume -- une robe de velours, des vêtements de satin et damas et des chausses d'or1 -- il allait rendre témoignage de sa foi en présence du Roi des rois et de l'univers, et rien ne devait démentir sa joie. TS 231 1 Tandis que le cortège avançait lentement dans les rues encombrées, on était frappé du calme, de la paix, voire du joyeux triomphe que révélait toute l'attitude de ce noble. "Vous eussiez dit, raconte Erasme d'après un témoin oculaire, qu'il était dans un temple à méditer sur les choses saintes." TS 231 2 Arrivé au bûcher, le martyr tenta de parler à la foule, mais les moines, qui redoutaient son éloquence, couvrirent sa voix en poussant des cris, tandis que les soldats faisaient entendre le cliquetis de leurs armes. "Ainsi la Sorbonne de 1529, la plus haute autorité littéraire et ecclésiastique de France, avait donné à la commune de Paris de 1793 le lâche exemple d'étouffer sur l'échafaud les paroles sacrées des mourants."1 TS 231 3 Louis de Berquin fut étranglé et son corps livré aux flammes. La nouvelle de sa mort eut un contrecoup douloureux chez les amis de la Réforme dans toute la France. Mais son exemple ne fut pas perdu. "Nous voulons, se disaient l'un à l'autre les hommes et les femmes de la Réforme, nous voulons aller au-devant de la mort d'un bon coeur, n'ayant en vue que la vie qui vient après elle." TS 231 4 Privés du droit de prêcher à Meaux, les réformateurs se rendirent dans d'autres champs de travail. Lefèvre ne tarda pas à passer en Allemagne. Farel, rentré en Dauphiné, porta la Parole de vie à Gap et dans les environs, où il avait passé son enfance. On y avait déjà appris ce qui se passait à Meaux, et les vérités que le réformateur annonçait avec une grande hardiesse trouvèrent des auditeurs. Mais, bientôt, les autorités s'émurent et le bannirent de la ville. Ne pouvant plus travailler publiquement, il parcourait les plaines et les villages, enseignant dans les maisons particulières. "Et s'il y courait quelque danger, ces forêts, ces grottes, ces rochers escarpés qu'il avait si souvent parcourus dans sa jeunesse ... lui offraient un asile." Dieu le préparait en vue de plus grandes épreuves. Les "croix, les persécutions, les machinations de Satan que l'on m'annonçait ne m'ont pas manqué, dit-il; elles sont même beaucoup plus fortes que de moi-même je n'eusse pu les supporter; mais Dieu est mon Père, il m'a fourni et me fournira toujours les forces dont j'ai besoin". TS 232 1 Comme aux jours apostoliques, la persécution avait "plutôt contribué aux progrès de l'Evangile".1 Chassés de Paris et de Meaux, "ceux qui avaient été dispersés allaient de lieu en lieu, annonçant la bonne nouvelle de la parole."2 C'est ainsi que la lumière fut portée dans les provinces les plus reculées de France. TS 232 2 Mais Dieu préparait d'autres ouvriers pour sa cause. Dans une des écoles de Paris, un jeune homme calme et réfléchi, doué d'un esprit pénétrant, se faisait remarquer par la pureté de ses moeurs, par son ardeur à l'étude et par sa piété. C'était Jean Calvin. Ses talents et son application ne tardèrent pas à faire de lui l'honneur du collège de la Marche, et ses supérieurs se flattaient de l'espoir qu'il deviendrait l'un des plus distingués défenseurs de l'Eglise. Mais un rayon de lumière illumina la profondeur des ténèbres répandues par la scolastique et la superstition dans l'esprit du jeune homme. Il avait entendu, non sans effroi, parler de la nouvelle doctrine et ne doutait pas que les hérétiques n'eussent largement mérité le bûcher sur lequel on les faisait monter. Sans le vouloir, il fut mis face à face avec l'hérésie et se vit contraint de confronter la théologie romaine avec l'enseignement protestant. TS 232 3 Calvin avait à Paris un cousin -- connu sous le nom d'Olivétan -- qui avait accepté la Réforme. Les deux jeunes gens se rencontraient souvent pour discuter ensemble des questions qui divisaient la chrétienté. "Il y a beaucoup de religions fausses, disait Olivétan; une seule est vraie. Les fausses, ce sont celles que les hommes ont inventées et selon lesquelles nos propres oeuvres nous sauvent; la vraie, c'est celle qui vient de Dieu, selon laquelle le salut est donné gratuitement d'en haut... -- Je ne veux pas de vos doctrines, répondait Calvin; leur nouveauté m'offense; je ne puis vous écouter. Vous imaginez-vous que j'aie vécu toute ma vie dans l'erreur?..."1 TS 233 1 Cependant, dans l'esprit du jeune étudiant, une semence avait été jetée dont il ne pouvait se débarrasser. Seul dans sa chambre, il réfléchissait aux paroles de son cousin. Bientôt convaincu de péché, il se vit sans intercesseur en présence d'un Dieu saint et juste. La médiation des saints, ses bonnes oeuvres et les cérémonies de l'Eglise étant incapables d'expier ses péchés, il ne voyait devant lui que ténèbres et désespoir. En vain des docteurs de l'Eglise s'efforcèrent-ils de le rassurer. En vain eut-il recours à la confession et à la pénitence; rien ne parvenait à le réconcilier avec Dieu. TS 233 2 En proie à ces luttes stériles, Calvin, passant un jour sur une place publique, eut l'occasion d'assister au supplice d'un hérétique condamné au bûcher et fut frappé de l'expression de paix que respirait le visage du martyr. Au milieu de ses souffrances et, ce qui était pire, sous la redoutable excommunication de l'Eglise, le condamné manifestait une foi et une sérénité que le jeune homme mettait péniblement en contraste avec son désespoir, avec les ténèbres où il tâtonnait, lui, le strict observateur des ordonnances de l'Eglise. Sachant que les hérétiques fondaient leur foi sur les saintes Ecritures, il prit la résolution de les étudier pour y découvrir, si possible, le secret de leur joie. TS 234 1 Il y trouva Jésus-Christ. "O Père! s'écria-t-il, son sacrifice a apaisé ta colère; son sang a nettoyé mes souillures; sa croix a porté ma malédiction; sa mort a satisfait pour moi. ... Nous nous étions forgé plusieurs inutiles sottises...; mais tu as mis devant moi ta Parole comme un flambeau, et tu as touché mon coeur afin que j'eusse en abomination tout autre mérite que celui de Jésus."1 TS 234 2 Calvin avait été destiné à la prêtrise. A l'âge de douze ans, nommé chapelain de la petite église de la Gésine, il avait été tonsuré selon les canons de l'Eglise par l'évêque de Noyon. Il n'avait pas reçu les ordres, ni rempli de fonctions sacerdotales, mais il était entré dans le clergé et portait le titre de sa charge, dont il recevait les bénéfices. TS 234 3 Voyant qu'il ne pouvait plus devenir prêtre, il se tourna vers l'étude du droit, dessein qu'il abandonna bientôt pour se consacrer entièrement à l'Evangile. Il hésitait toutefois à devenir prédicateur. Naturellement timide, il avait une haute idée des responsabilités de cette vocation et songeait à poursuivre ses études. L'insistance de ses amis finit cependant par vaincre ses scrupules. "C'est une chose merveilleuse, disait-il, qu'un être de si basse extraction puisse être élevé à une telle dignité." TS 234 4 Prudemment, il s'était mis à l'oeuvre et ses paroles étaient semblables à la rosée qui rafraîchit la terre. Obligé de quitter Paris, il avait cherché un refuge à Angoulême chez la princesse Marguerite de Navarre, amie et protectrice de l'Evangile. Là, Calvin se remit au travail, allant de maison en maison, ouvrant l'Ecriture sainte devant les familles assemblées et leur présentant les vérités du salut. Ceux qui entendaient ce jeune homme aimable et modeste en parlaient à d'autres, et bientôt l'évangéliste, quittant la ville, se rendit dans les villages et les hameaux. Accueilli dans les châteaux comme dans les chaumières, il jeta ainsi les fondements de plusieurs églises qui devaient rendre un courageux témoignage à la vérité. TS 235 1 Quelques mois plus tard, il se retrouvait à Paris, où une agitation insolite régnait dans les milieux intellectuels. L'étude des langues anciennes avait attiré l'attention sur les saintes Lettres, et maints savants dont le coeur n'était pas touché par la grâce discutaient vivement la vérité et, parfois même, combattaient les champions du romanisme. Bien que passé maître dans les controverses théologiques, Calvin avait une mission plus élevée que celle de ces bruyants dialecticiens. Mais les esprits étaient agités et le moment était propice pour leur présenter la vérité. Pendant que les salles des universités retentissaient de la clameur des disputes théologiques, Calvin allait de maison en maison expliquant les Ecritures et ne parlant que de Jésus et de Jésus crucifié. TS 235 2 Par la grâce de Dieu, Paris devait recevoir une nouvelle invitation au festin évangélique. L'appel de Lefèvre et de Farel ayant été rejeté, le message devait encore être présenté dans la capitale à toutes les classes de la société. Sous l'influence de préoccupations politiques, le roi n'avait pas encore pris tout à fait position avec Rome contre la Réforme. Sa soeur Marguerite, nourrissant toujours l'espoir de voir le protestantisme triompher en France, voulut que la foi réformée fût annoncée à Paris. En l'absence du roi, elle ordonna à un ministre protestant, Gérard Roussel, de prêcher dans les églises de la capitale. Le haut clergé s'y étant opposé, la princesse ouvrit les portes du Louvre, y fit transformer un appartement en chapelle et annonça qu'il y aurait prédication chaque jour à une heure déterminée. Des foules accoururent. La chapelle était bondée de gens de tous rangs et l'auditoire refluait dans les antichambres et les vestibules. Nobles, diplomates, avocats, marchands et artisans s'y réunissaient chaque jour par milliers. Loin d'interdire ces assemblées, le roi ordonna que deux des églises de Paris leur fussent ouvertes. Jamais encore la ville n'avait été aussi remuée par la Parole de Dieu. L'Esprit de vie venu d'en haut semblait passer sur le peuple. La tempérance, la chasteté, l'ordre et l'industrie succédaient à l'ivrognerie, au libertinage, aux querelles et à l'indolence. TS 236 1 Mais la hiérarchie ne restait pas inactive. Le roi refusant encore d'interdire les prédications, elle se tourna vers la populace. Rien ne fut négligé pour exciter les craintes, les préjugés et le fanatisme des foules ignorantes et superstitieuses. Aveuglément soumis à ses faux docteurs, Paris, comme autrefois Jérusalem, "ne connut pas le temps où [il] était visité, ni les choses qui appartenaient à sa paix". Deux années durant, la Parole de Dieu fut prêchée dans la capitale. Beaucoup de personnes acceptèrent l'Evangile, mais la majorité le rejeta. François Ier ne s'était montré tolérant que dans des vues politiques et le clergé réussit à reprendre son ascendant. De nouveau, les églises se fermèrent et les bûchers s'allumèrent. TS 236 2 Calvin était encore à Paris, où, tout en continuant à répandre la lumière autour de lui, il se préparait en vue de son activité future par l'étude, la méditation et la prière. Mais il ne tarda pas à être signalé aux autorités, qui décidèrent de le condamner au supplice du bûcher. Il se croyait en sécurité dans sa retraite quand ses amis accoururent dans sa chambre pour lui annoncer que les agents de la force publique étaient sur le point de s'assurer de sa personne. Au même instant, on frappa violemment à la porte extérieure. Il n'y avait pas un instant à perdre. Quelques amis entretinrent les agents à la porte, tandis que les autres le firent descendre par une fenêtre. Se dirigeant en toute hâte vers les faubourgs extérieurs, il entra chez un ouvrier ami de la Réforme, emprunta les vêtements de son hôte, et, une houe sur l'épaule, continua son voyage. Cheminant vers le sud, il retrouva de nouveau un asile dans les Etats de Marguerite de Navarre. TS 236 3 Grâce à la protection de puissants amis, Calvin passa quelques mois en sécurité à Angoulême, où il se livra, comme précédemment, à l'étude. Mais, poursuivi par le besoin d'évangéliser son pays, il ne put rester longtemps inactif, et, dès que l'orage se fut un peu calmé, il alla chercher un nouveau champ d'activité. A Poitiers, siège d'une université où les nouvelles opinions étaient favorablement accueillies, des gens de toutes les classes écoutèrent joyeusement les paroles de la vie éternelle qu'il présentait en privé, soit chez le premier magistrat de la ville, soit à son domicile particulier, soit encore dans un jardin public. Comme le nombre de ses auditeurs allait en augmentant, on jugea prudent de s'assembler en dehors de la ville. Une caverne située au bord d'une gorge étroite et profonde, et masquée par des rochers et des arbres, fut choisie comme lieu de réunion, et les gens de la ville s'y rendaient par petits groupes en prenant des chemins différents. C'est dans cette retraite que la Parole de Dieu était lue et méditée; c'est là que la sainte Cène fut célébrée pour la première fois par les protestants de France. De cette petite église sortirent plusieurs évangélistes fidèles. TS 237 1 Ne pouvant abandonner l'espoir de voir la France accepter la Réforme, Calvin rentra encore une fois à Paris. Mais il trouva presque toutes les portes fermées: enseigner l'Evangile, c'était marcher au bûcher. Cet état de choses le décida à se rendre en Allemagne. A peine avait-il passé la frontière, qu'un orage éclatait sur les protestants de France. S'il était resté dans son pays, le jeune évangéliste aurait certainement péri dans une tuerie générale. Voici ce qui s'était passé: TS 237 2 Désireux de voir leur pays marcher de pair avec l'Allemagne et la Suisse, les réformateurs français s'étaient décidés à frapper contre les superstitions de Rome un coup hardi qui secouât la nation tout entière. En conséquence, ils firent afficher dans toute la France des placards attaquant la messe. Au lieu d'avancer la cause de la Réforme, cet acte d'un zèle inconsidéré déchaîna la persécution non seulement sur ses auteurs, mais aussi sur les amis de l'Evangile dans tout le pays. Il donna à la hiérarchie ce qu'elle attendait depuis longtemps: un prétexte pour demander l'extirpation des hérétiques, considérés comme dangereux pour la stabilité du trône et la paix de la nation. TS 238 1 Une main secrète -- celle d'un ami imprudent ou d'un ennemi perfide, ce mystère n'a jamais été éclairci -- plaça l'une de ces affiches sur la porte de la chambre particulière du roi. Ce placard attaquait avec virulence une superstition entourée de respect depuis des siècles. Devant la hardiesse incroyable qui osait porter cette accusation effrayante sous ses yeux, François Ier entra dans une violente colère. Dans sa consternation, il resta quelques instants tout interdit. Revenu à lui, il laissa éclater sa fureur. Il s'écria: "Qu'on saisisse indistinctement tous ceux qui sont suspects de luthérésie..., je veux tout exterminer."1 Les dés en étaient jetés: le roi s'était rangé du côté de Rome. TS 238 2 Des mesures furent aussitôt prises pour arrêter tous les luthériens de Paris. Un pauvre artisan adhérent de la foi nouvelle, qui s'était employé à convoquer les croyants aux assemblées secrètes, fut sommé, sous peine d'être brûlé, de conduire l'émissaire du pape au domicile de tous les protestants de Paris. Tout d'abord, il recula d'horreur devant une telle besogne: mais la crainte du bûcher finit par l'emporter et il consentit à trahir ses frères. Accompagné du traître précédé de l'hostie et entouré d'un cortège de prêtres, de porteurs d'encensoirs, de moines et de soldats, Morin, le policier royal, parcourut lentement les rues de Paris. La démonstration était ostensiblement en l'honneur du "saint sacrement"; en réalité, c'était une réplique hypocrite, meurtrière et impitoyable à l'attaque malavisée dirigée contre la messe par les réformateurs. Arrivé en face de la maison d'un luthérien, le traître, sans proférer une parole, faisait un signe. La procession s'arrêtait; on entrait dans la maison; les occupants étaient aussitôt enchaînés, et la procession continuait sa marche à la recherche de quelque nouvelle victime. "Il n'épargnait maisons, grandes ou petites, dit le chroniqueur, comme aussi tous les collèges de l'université de Paris. ... Morin faisait trembler toute la ville. ... C'était le règne de la terreur."1 TS 239 1 Les victimes furent mises à mort au milieu de véritables tortures: on avait, en effet, spécialement ordonné d'adoucir le feu, afin de prolonger leur agonie. Mais elles moururent en vainqueurs; leur constance ne se démentit pas et rien ne vint troubler leur paix. Les persécuteurs, incapables d'ébranler l'inflexible fermeté des martyrs, se sentirent vaincus. "Des bûchers furent dressés dans tous les quartiers de Paris, et les victimes y étaient brûlées pendant plusieurs jours successifs, afin de répandre davantage la terreur de l'hérésie. En définitive, l'Evangile triompha. Tout Paris eut l'occasion de voir quel genre d'hommes les nouvelles opinions pouvaient engendrer. Aucune chaire n'eût été comparable au bûcher des victimes. La joie sereine que respirait le visage de ces hommes qui se rendaient au lieu de l'exécution, leur héroïsme au milieu des flammes, la charité avec laquelle ils pardonnaient à leurs persécuteurs transformaient dans nombre de cas la colère en pitié, la haine en amour, et plaidaient avec une irrésistible éloquence en faveur de l'Evangile." TS 239 2 Désireux d'entretenir la fureur populaire, les prêtres répandaient contre les protestants les plus noires calomnies. On les accusait de conspirer le massacre des catholiques, le renversement de l'Etat et l'assassinat du roi. On ne pouvait pas avancer l'ombre d'une preuve à l'appui de ces allégations. Ces sombres prophéties devaient toutefois s'accomplir dans des circonstances bien différentes et pour des causes d'une tout autre nature. Le sort qu'on disait alors imminent, et qu'on accusait les réformés de préparer au pays, tomba, en effet, sur la France quelques siècles plus tard. Mais l'avalanche effroyable qui s'abattit alors sur le roi, sur son gouvernement et sur ses sujets, eut pour cause directe les cruautés exercées par les catholiques contre d'innocents protestants. Seulement, les fauteurs de cette catastrophe furent les incrédules et les partisans du pape. Ce ne fut pas l'établissement du protestantisme, mais son écrasement qui, trois siècles plus tard, précipita ce cataclysme sur la France. TS 240 1 La suspicion et la terreur se répandirent dans toutes les classes de la société. Au milieu de l'alarme générale, on vit à quel point les enseignements luthériens avaient pénétré les hommes qui occupaient le premier rang dans l'estime publique par leur science, leur influence et l'excellence de leur caractère. Soudain, des postes d'honneur et de confiance se trouvèrent vacants. Des artisans, des imprimeurs, des auteurs, des professeurs d'université et même des courtisans disparurent. Des centaines d'hommes s'enfuirent de Paris et s'exilèrent volontairement. Beaucoup d'entre eux donnèrent alors la première preuve de leur sympathie pour la foi réformée. Les papistes, voyant avec stupéfaction le grand nombre d'hérétiques insoupçonnés qui avaient été tolérés au milieu d'eux, tournèrent leur fureur contre la multitude de victimes plus humbles qui tombaient en leur pouvoir. Les prisons regorgeaient, et l'atmosphère elle-même semblait obscurcie par la fumée des bûchers allumés pour brûler les confesseurs de l'Evangile. TS 240 2 François Ier s'était glorifié d'être un des créateurs de la Renaissance des lettres qui marqua le commencement du XVIe siècle. Il s'était plu à attirer à sa cour des hommes érudits de tous pays. C'est à son amour des lettres et à son mépris pour l'ignorance et la superstition des moines qu'était dû, au moins en partie, le degré de tolérance qu'il avait accordé à la Réforme. Mais dans l'ardeur de son zèle contre l'hérésie, "le père des lettres fit une ordonnance portant, sous peine de la hart, l'abolition de l'imprimerie dans toute la France! Cet édit ne fut pas exécuté; il est, toutefois, un indice de l'esprit qui animait les ennemis de la Réforme."1 François Ier est l'un des nombreux exemples de l'histoire montrant que l'intolérance religieuse et la persécution peuvent fort bien être le fait de personnes éprises de culture intellectuelle. TS 241 1 Par une cérémonie solennelle et publique, la France devait prendre définitivement parti contre le protestantisme. Les prêtres demandèrent que l'affront fait au ciel par les attaques contre la messe fût lavé dans le sang et que le roi, au nom du peuple, sanctionnât cette barbare entreprise. Un chroniqueur du temps, Simon Fontaine, docteur de Sorbonne, nous en a laissé le récit détaillé. TS 241 2 Le 21 janvier 1535, une foule innombrable était rassemblée de toute la contrée environnante. "Il n'y avait tant soit petit bout de bois ou de pierre saillant des murailles qui ne fût chargé, pourvu qu'il y eût place pour une personne. Les toits des maisons étaient couverts d'hommes petits et grands, et on eût jugé les rues pavées de têtes humaines. Jamais tant de reliques n'avaient été promenées par les rues de Paris."2 TS 241 3 "Les reliques passées, venaient un grand nombre de cardinaux, archevêques, évêques, abbés chapés et mitrés. Puis, sous un dais magnifique, dont les quatre bâtons étaient tenus par les trois fils du roi et le duc de Vendôme, premier prince du sang, se trouvait l'hostie portée par l'évêque de Paris. ... Alors paraissait enfin François Ier, sans faste, à pied, tête nue, une torche ardente à la main, comme un pénitent chargé d'expier les sacrilèges de son peuple. A chaque reposoir, il remettait sa torche au cardinal de Lorraine, joignait les mains et se prosternait, s'humiliant, non pour ses adultères, ses mensonges ou ses faux serments, il n'y pensait pas, mais pour l'audace de ceux qui ne voulaient pas la messe. Il était suivi de la reine, des princes et princesses, des ambassadeurs étrangers, de toute la cour, du chancelier de France, du Conseil, du Parlement en robes écarlates, de l'Université, des autres compagnies de sa garde. Tous marchaient deux à deux, "donnant toutes les marques d'une piété extraordinaire", chacun, dans un profond silence, tenant son flambeau allumé. Des chants spirituels et des airs funèbres interrompaient seuls, de temps en temps, le calme de cette morne et lente procession."1 TS 242 1 Au programme figurait un discours du roi devant les dignitaires de l'Etat, dans la grande salle de l'archevêché. L'air désolé, le monarque prit la parole: "O crime! dit-il, ô blasphème! ô jour de douleur et d'opprobre! pourquoi a-t-il fallu que vous ayez lui sur nous."?2 ..." Il invita tous ses fidèles sujets à le seconder dans ses efforts en vue d'extirper l'hérésie pestilentielle qui menaçait la France. "Aussi vrai, Messieurs, continua-t-il, que je suis votre roi, si je savais l'un de mes propres membres maculé, infecté de cette détestable pourriture, je vous le donnerais à couper. ... Bien plus, si j'apercevais un de mes enfants entaché, je ne l'épargnerais pas. ... Je le voudrais bailler moi-même et je le sacrifierais à Dieu3 Il s'arrêta suffoqué par les larmes, et toute l'assemblée s'écria au milieu des sanglots: "Nous voulons vivre et mourir pour la religion catholique." TS 242 2 Une nuit sombre était descendue sur une nation qui avait rejeté la vérité. "La grâce de Dieu, source de salut pour tous les hommes", avait été manifestée; mais après en avoir contemplé la puissance et la sainteté, après que des milliers de ses enfants eurent été attirés par sa divine beauté, après que ses villes et ses hameaux eurent été illuminés de son éclat, la France s'en était détournée et avait préféré les ténèbres à la lumière. Repoussant le don divin qui lui était offert, elle avait appelé le mal bien et le bien mal, et elle était devenue la victime de son égarement volontaire. Elle avait beau croire maintenant rendre service à Dieu en persécutant son peuple, sa sincérité n'atténuait point sa culpabilité. Elle avait volontairement rejeté la lumière qui l'eût empêchée de se laisser leurrer et de se baigner dans le sang innocent. TS 243 1 "Après avoir déployé son éloquence, le roi allait déployer sa cruauté. A Notre-Dame, où, moins de trois siècles plus tard, une nation oublieuse du Dieu vivant allait introniser la déesse "Raison", on jura solennellement l'extirpation de l'hérésie. "François Ier, toujours extrême, dit un historien très catholique, ne dédaigna pas de souiller ses yeux d'un spectacle plein de barbarie et d'horreur." Sur la route de Sainte-Geneviève au Louvre, deux bûchers avaient été dressés, l'un à la Croix du Tirouer, rue Saint-Honoré, et l'autre aux Halles. Quelques-uns des hommes les plus excellents que renfermât la France allaient être brûlés, après d'affreux tourments. Le roi, sa famille, les nobles et tout le cortège, s'étant mis en marche, firent d'abord halte à la Croix du Tirouer. Le cruel lieutenant Morin fit avancer alors trois chrétiens évangéliques destinés à être brûlés "pour apaiser l'ire de Dieu". C'étaient l'excellent Valeton, le receveur de Nantes, maître Nicole, clerc de greffier du Châtelet, et un autre. ... Les prêtres, sachant que Valeton était homme de crédit et ... désirant le gagner, s'approchèrent de lui et lui dirent: "Nous avons avec nous l'Eglise universelle; hors d'elle point de salut; rentrez-y; votre foi vous perd." Ce fidèle chrétien répondit: "Je ne crois que ce que les prophètes et les apôtres ont jadis prêché, et ce qu'a cru toute la compagnie des saints. Ma foi a en Dieu une confiance qui résistera à toutes les puissances de l'enfer." Les gens de bien qui se trouvaient épars dans la foule admiraient sa fermeté, et la pensée qu'il laissait derrière lui une femme désolée touchait tous les coeurs. ... TS 243 2 "François et ses courtisans n'en avaient pas encore assez. "Aux Halles, aux Halles!" s'écriait-on, et une masse de curieux couraient précipitamment de ce côté, sachant que les bourreaux y avaient préparé un second divertissement de même nature. A peine le roi et son cortège y furent-ils arrivés, qu'on commença à faire l'effroyable estrapade. ... TS 244 1 "François Ier rentra satisfait au Louvre; les courtisans qui l'entouraient disaient que le triomphe de la sainte Eglise était à jamais affermi dans le beau royaume de France. ... Le 29 janvier, le roi "rendit un édit pour l'extirpation de la secte luthérienne, qui a pullulé et pullule dans le royaume; avec commandement de dénoncer ses sectateurs". En même temps, il adressa une circulaire à tous les parlements, leur prescrivant de donner "aide et prisons", pour que l'hérésie fût promptement extirpée."1 TS 244 2 L'Evangile de paix, rejeté par la France, allait en effet être banni du royaume, mais à quel prix! Le 21 janvier 1793, deux cent cinquante-huit ans après ces lamentables scènes, une procession d'un autre genre parcourait les rues de Paris, pour une raison tout à fait différente. Le roi en était de nouveau le principal personnage; de nouveau on entendait les clameurs de la populace demander d'autres victimes; de nouveau se dressaient de noirs échafauds pour servir à d'affreuses exécutions. "Louis XVI, se débattant entre les mains de ses geôliers et de ses bourreaux, était traîné sur la planche et maintenu de vive force, en attendant que le couperet fît tomber sa tête."2 Le roi de France ne devait pas périr seul; près du même lieu, pendant les jours sanglants de la Terreur, deux mille huit cents hommes et femmes furent décapités. TS 244 3 La Réforme avait ouvert le Livre de Dieu devant le monde; elle avait rappelé les préceptes de la loi divine et proclamé ses droits sur les consciences. L'Amour infini avait fait connaître aux hommes les statuts et les principes du ciel. Dieu avait dit: "Vous les observerez et vous les mettrez en pratique; car ce sera là votre sagesse et votre intelligence aux yeux des peuples, qui entendront parler de toutes ces lois et qui diront: Cette grande nation est un peuple absolument sage et intelligent!"1 En rejetant le don du ciel, la France répandait des semences d'anarchie et de ruine dont la moisson inévitable fut récoltée sous la Révolution et le règne de la Terreur. TS 245 1 Longtemps avant la persécution provoquée par les placards, l'intrépide et ardent Farel avait été obligé de quitter le pays de sa naissance. Il s'était retiré en Suisse où, secondant Zwingle dans ses travaux, il contribua à faire triompher la Réforme. C'est à ce pays qu'il devait consacrer les dernières années de sa vie. Il continua, toutefois, à exercer une influence décisive sur la Réforme en France. Pendant les premières années de son exil, il consacra beaucoup de temps à évangéliser ses compatriotes du Jura d'où, avec une inlassable vigilance, il surveillait le conflit qui sévissait dans son pays natal, prodiguant ses paroles d'exhortation et ses conseils. Grâce à ses encouragements et au concours d'autres exilés, les écrits des réformateurs allemands aussi bien que l'Ecriture sainte étaient traduits en français et imprimés à grands tirages. Ces ouvrages furent largement répandus en France par des colporteurs -- auxquels ils étaient cédés à bas prix -- ce qui leur donnait la possibilité de vivre du produit de leurs ventes et de poursuivre leur oeuvre. TS 245 2 Farel avait commencé sa mission en Suisse en exerçant l'humble fonction de maître d'école, se vouant à l'éducation des enfants dans une paroisse isolée. Afin d'atteindre les parents, il ajoutait prudemment aux branches ordinaires l'enseignement des saintes Ecritures Quelques-uns ayant reçu la Parole, les prêtres intervinrent et soulevèrent contre le réformateur les campagnards superstitieux. "Ce ne peut être l'Evangile du Christ, disaient les prêtres, puisque sa prédication amène non la paix, mais la guerre." Comme les disciples de Jésus, lorsqu'il était persécuté en un lieu, Farel fuyait dans un autre, allant de village en village et de ville en ville, voyageant à pied, exposé au froid, à la faim, à la fatigue. Partout en danger de mort, il prêchait sur les places de marché, dans les églises et, à l'occasion, dans la chaire des cathédrales. Il lui arrivait de se trouver sans auditeurs. Parfois, sa prédication était interrompue par des cris et des moqueries; d'autres fois, il était violemment expulsé du lieu de l'assemblée. A maintes reprises, poursuivi et frappé par la populace, il fut laissé pour mort. Mais il ne se décourageait pas. Repoussé, il revenait opiniâtrement à l'assaut et finissait par voir des villes, des bourgs et des villages, autrefois forteresses de la papauté, ouvrir leurs portes à l'Evangile. La petite paroisse d'Aigle, qui fut le théâtre de ses premiers travaux, ne tarda pas à se ranger sous la bannière de la Réforme. Les villes de Morat et de Neuchâtel, abandonnant aussi les rites du romanisme, enlevèrent les idoles de leurs églises. TS 246 1 Depuis longtemps, Farel aspirait à planter l'étendard protestant à Genève. Si cette ville pouvait être gagnée, pensait-il, elle deviendrait un centre pour la Réforme en Suisse, en France et en Italie. Dans cette perspective, il avait réussi à rallier à la cause de l'Evangile plusieurs bourgs et villages des environs. Accompagné d'un collaborateur nommé Antoine Saunier, il entra dans Genève. Mais il ne put y prêcher que deux fois. Les prêtres, ayant échoué dans leurs efforts pour le faire condamner par l'autorité civile, le sommèrent de comparaître devant un tribunal ecclésiastique, où ils se rendirent avec des armes cachées sous leurs soutanes, déterminés à lui ôter la vie. En dehors de la salle, une populace furieuse, armée de gourdins et d'épées, s'apprêtait à le tuer dans le cas où il réussirait à s'échapper du tribunal. Farel fut sauvé grâce à la présence des magistrats civils et d'une troupe armée. De bonne heure, le lendemain, il était, avec son compagnon, conduit en lieu sûr de l'autre côté du lac. Ainsi se termina sa première tentative d'évangélisation à Genève. TS 247 1 La seconde fois, on choisit un instrument plus modeste; c'était un jeune homme de si chétive apparence qu'il fut froidement reçu, même par les amis de la Réforme. Que pouvait faire cet homme inexpérimenté là où Farel avait échoué? Comment pourrait-il résister à la tempête devant laquelle le vaillant réformateur avait dû battre en retraite? "Ce n'est ni par la puissance ni par la force, mais c'est par mon esprit, dit l'Eternel des armées."1 En effet, "Dieu a choisi les choses folles du monde pour confondre les sages; Dieu a choisi les choses faibles du monde pour confondre les fortes". "Car la folie de Dieu est plus sage que les hommes, et la faiblesse de Dieu est plus forte que les hommes."2 TS 247 2 Froment -- c'était le nom du jeune homme -- se mit à l'oeuvre comme maître d'école. Les vérités enseignées par lui en classe étaient répétées à la maison par les enfants. Bientôt, les parents vinrent aussi pour entendre exposer les saintes Ecritures, et la salle d'école ne tarda pas à être trop petite pour contenir les auditeurs attentifs qui s'y pressaient. De nombreux traités et Nouveaux Testaments furent distribués et lus par bien des gens qui n'eussent pas osé écouter un exposé public des nouvelles doctrines. Au bout de quelque temps, Froment fut aussi obligé de s'enfuir; mais les vérités qu'il avait enseignées avaient gagné les coeurs. Une fois implantée, la Réforme continua de se fortifier et de s'étendre. Les prédicateurs revinrent, et, grâce à leurs travaux, le culte protestant finit par s'établir à Genève. TS 247 3 La ville s'était déclarée pour la Réforme lorsque Calvin, après bien des voyages, entra dans ses murs. Revenant d'une visite dans son pays natal, il se rendait à Bâle pour y poursuivre ses études; mais, trouvant la route barrée par les troupes de Charles Quint, il fut obligé de faire un détour qui l'amena à passer par Genève. TS 247 4 Farel reconnut la main de Dieu dans cette visite. Genève avait accepté la Réforme, mais une grande oeuvre y restait à faire. Ce n'est point par collectivités, mais individuellement que l'on se convertit à Dieu. C'est par le Saint-Esprit et non par les décrets des Chambres législatives que l'oeuvre de la régénération doit s'accomplir dans les coeurs et les consciences. Les Genevois avaient brisé le joug de Rome, mais ils se montraient moins empressés à rompre avec les vices qui avaient fleuri sous sa domination. Etablir dans cette ville les principes du pur Evangile et préparer sa population à remplir dignement le rôle auquel elle paraissait appelée, ce n'était pas une tâche aisée. TS 248 1 Farel fut convaincu d'avoir trouvé en Calvin l'homme qu'il devait s'adjoindre en vue d'une telle oeuvre. Au nom de Dieu, il adjura solennellement le jeune évangéliste de rester dans cette ville pour en faire son champ de travail. Calvin, effrayé, hésitait. Timide et ami de la paix, il redoutait d'entrer en conflit avec l'esprit hardi, indépendant et frondeur des Genevois. Sa santé délicate et ses habitudes studieuses lui faisaient désirer la retraite. Pensant qu'il pourrait mieux servir la cause de la Réforme par la plume, il cherchait un lieu paisible où il pût se livrer à l'étude et, de là, instruire et édifier les églises au moyen de la, presse. Mais, dans la sommation de Farel, il crut entendre la voix de Dieu et n'osa plus résister. Il lui sembla, dit-il plus tard, "que la main de Dieu descendait du ciel, qu'elle le saisissait, et qu'elle le fixait irrévocablement à la place qu'il était si impatient de quitter".1 TS 248 2 De grands périls menaçaient alors la cause protestante. Le pape fulminait ses foudres contre Genève, et des nations puissantes méditaient sa ruine. Comment cette petite cité pourrait-elle échapper à la puissante hiérarchie qui avait subjugué tant de rois et d'empereurs? Comment pourrait-elle résister aux armées des grands conquérants de la terre? TS 249 1 Dans toute la chrétienté, les protestants étaient entourés d'ennemis formidables. Les premiers triomphes de la Réforme passés, Rome rassemblait de nouvelles forces dans l'espoir de l'écraser. C'est alors que se fonda l'ordre des Jésuites, le défenseur de la papauté le moins scrupuleux, le plus puissant et le plus cruel. Affranchis de toute obligation et de tout intérêt humains, morts aux droits de l'affection naturelle, sourds à la voix de leur raison et de leur conscience, les Jésuites ne connaissaient d'autre liens et d'autres règles que ceux de leur ordre, ni d'autre devoir que celui d'en accroître la puissance. L'Evangile de Jésus-Christ donnait à ceux qui l'acceptaient la force d'affronter le danger, de supporter sans découragement la souffrance, le froid, la faim, la fatigue et la pauvreté. Il les rendait capables de prêcher la vérité sans craindre ni la roue, ni la prison, ni le bûcher. Pour les combattre, le jésuitisme inspira à ses disciples un fanatisme qui leur permettait d'affronter les mêmes dangers et d'opposer à la vérité toutes les armes de l'erreur. Pour arriver à leurs fins, il n'y avait pour eux ni crime trop hideux, ni duplicité trop basse, ni stratagème trop audacieux. Ayant fait voeu de pauvreté et d'humilité perpétuelles, ils ne recherchaient la fortune et le pouvoir que pour les faire servir à la suppression du protestantisme et au rétablissement de la suprématie papale.1 TS 249 2 En fonction de leur ordre, ils revêtaient une apparence de sainteté, visitaient les prisons et les hôpitaux, secouraient les malades et les pauvres, professaient avoir renoncé au monde et se réclamaient du nom de ce Jésus qui allait de lieu en lieu en faisant du bien. Mais cet extérieur irréprochable cachait souvent les desseins les plus noirs et les plus odieux. L'un des principes fondamentaux de cet ordre était que "la fin justifie les moyens". En vertu de ce principe, le mensonge, le vol, le parjure, le meurtre étaient non seulement pardonnables, mais méritoires quand ils servaient les intérêts de l'Eglise. Sous des déguisements divers, les Jésuites s'insinuaient dans les bureaux de l'Etat, devenaient conseillers des rois et dirigeaient la politique des nations. Ils se faisaient serviteurs pour espionner leurs maîtres. Ils fondaient des collèges pour les fils des princes et des nobles et, pour le peuple, des écoles, où ils attiraient les enfants de parents protestants, qu'ils accoutumaient à observer les rites de l'Eglise. Toute la pompe des cérémonies romaines était mise à réquisition pour éblouir et captiver les imaginations, et il arrivait ainsi que des fils trahissaient la foi pour laquelle leurs pères avaient souffert. L'ordre des Jésuites se répandit rapidement dans toutes les parties de l'Europe, et partout on assistait à une recrudescence du papisme. TS 250 1 Pour ajouter à la puissance des Jésuites, une bulle papale rétablit l'Inquisition.1 Malgré l'horreur qu'il inspirait, même dans les pays catholiques, ce terrible tribunal fonctionna de nouveau sous la direction des émissaires de Rome, et des atrocités trop odieuses pour être décrites furent répétées dans ses cachots. Dans plusieurs pays, des milliers et des milliers d'hommes -- la fleur de la nation, purs parmi les purs, gentilshommes et lettrés, pieux pasteurs et philanthropes, citoyens industrieux et loyaux patriotes, savants éminents, artistes distingués et habiles artisans -- furent mis à mort ou contraints de s'enfuir à l'étranger. TS 250 2 Tels étaient les moyens auxquels Rome recourait pour éteindre la lumière de la Réforme, pour enlever aux hommes la Parole de Dieu, et pour rétablir le règne de l'ignorance et les superstitions du Moyen Age. Mais grâce aux successeurs de Luther suscités par Dieu, le protestantisme ne fut pas anéanti. Ce n'est point à la faveur ni aux armes des princes qu'il dut sa force. Les plus petits pays, les nations les plus humbles devinrent ses forteresses et ses défenseurs: la froide et stérile Suède; la modeste Genève, au milieu d'ennemis redoutables qui conspiraient sa ruine; la Hollande sablonneuse gémissant sous la tyrannie de l'Espagne, alors le plus puissant et le plus opulent royaume de l'Europe. TS 251 1 Calvin passa près de trente ans à Genève, où il consacra ses forces d'abord à l'établissement d'une Eglise qui adhérât à la moralité exigée par la Parole de Dieu, puis à la défense de la Réforme dans toute l'Europe. Sa carrière publique ne fut pas irréprochable, ni ses enseignements exempts d'erreurs. Mais il fut l'instrument dont Dieu se servit pour maintenir les principes du protestantisme contre une rapide recrudescence du papisme et pour introduire dans les Eglises de la Réforme la pureté et la simplicité des moeurs, en lieu et place de l'orgueil et de la corruption engendrés par les enseignements de Rome. TS 251 2 De Genève partaient des prédicateurs qui allaient répandre la doctrine réformée et de là aussi étaient envoyés des ouvrages destinés à faire connaître l'Evangile. C'est là que, de tous les pays, les persécutés s'adressaient pour recevoir des instructions, des conseils et des encouragements. La cité de Calvin devint le refuge des réformés traqués dans toute l'Europe occidentale. Fuyant la tempête séculaire de la persécution, les fugitifs affluaient aux portes de Genève. Affamés, blessés, arrachés à leurs foyers et à leurs familles, ils y rencontraient un accueil chaleureux et les soins les plus tendres. En retour du foyer que leur offrait cette ville hospitalière, ces réfugiés lui apportaient leurs arts, leur science et leur piété. Plusieurs de ceux qui y avaient trouvé un asile en repartaient pour aller combattre la tyrannie de Rome dans leur patrie. Jean Knox, le brave réformateur de l'Ecosse, nombre de Puritains anglais, les protestants de Hollande et d'Espagne, comme les Huguenots de France, emportaient de Genève le flambeau de la vérité, destiné à dissiper les ténèbres qui pesaient sur leurs patries. ------------------------Chapitre 13 -- En Hollande et en Scandinavie TS 253 1 DES les temps les plus reculés, la tyrannie des papes provoqua aux Pays-Bas une protestation des plus énergiques. Sept siècles avant Luther, deux évêques envoyés en ambassade à Rome, où ils avaient appris à connaître les moeurs du "Saint-Siège", faisaient entendre au pape ces dures paroles: "Dieu a donné à l'Eglise, sa reine et son épouse, pour elle et sa famille, une dot riche et éternelle, un douaire qui ne se peut ni corrompre ni flétrir, et il lui a remis une couronne et un sceptre impérissables; ... tous ces avantages, comme un larron, vous les avez détournés à votre profit. Vous vous asseyez dans le temple de Dieu; au lieu d'un pasteur, vous êtes devenu un loup pour les brebis; ... vous voudriez passer à nos yeux pour l'évêque suprême, mais vous vous comportez plutôt comme un tyran. Alors que vous devriez être le serviteur des serviteurs, comme vous aimez à le dire, vous aspirez à être le Seigneur des seigneurs. ... Vous attirez le mépris sur les commandements de Dieu. C'est le Saint-Esprit qui édifie les églises partout où elles se trouvent. ... La cité de notre Dieu, dont nous sommes citoyens, embrasse toutes les régions; elle est plus grande que la ville dénommée Babylone par les saints prophètes, et qui, se disant d'origine divine, s'élève jusqu'au ciel, prétend posséder une sagesse immortelle et affirme, bien à tort, n'avoir jamais erré et ne pouvoir errer."1 TS 254 1 De siècle en siècle, cette protestation fut répétée par de zélés prédicateurs du genre des missionnaires vaudois. Sous différents noms, ces derniers voyageaient d'un pays à l'autre, portant en tous lieux la connaissance de l'Evangile. Pénétrant aussi aux Pays-Bas, leur doctrine s'y répandit rapidement. La Bible vaudoise fut traduite par eux en vers dans la langue néerlandaise. Sa supériorité consistait, disaient-ils, en ce qu'elle ne contenait "ni plaisanteries, ni fables, ni niaiseries, ni erreurs, mais seulement des paroles de vérité; on y trouvait bien, ici et là, une coquille dure à casser, mais la moelle et la douceur de ce qui était bon et saint étaient faciles à extraire".2 Ainsi écrivaient, dès le douzième siècle, les amis de l'ancienne foi. TS 254 2 C'est alors que commença l'ère des persécutions romaines. Malgré les bûchers et les tortures, les croyants continuaient à se multiplier; ils déclaraient que les Ecritures sont la seule autorité religieuse infaillible, et "que nul ne doit être contraint de croire, mais que chacun doit être gagné par la prédication". TS 254 3 Les enseignements de Luther trouvèrent aux Pays-Bas un sol fertile. Des hommes fervents et sincères se mirent à y prêcher l'Evangile. De l'une des provinces de Hollande sortit Menno Simons, homme instruit dans l'Eglise catholique et ordonné prêtre. Ignorant totalement les saintes Ecritures, il se refusait à les lire, de crainte de tomber dans l'hérésie. Ayant des doutes sur la transsubstantiation, il les considéra comme des tentations de Satan et s'efforça de les repousser par la prière et la confession. Ce fut en vain. Il tenta ensuite de calmer les clameurs de sa conscience en s'associant à des scènes de dissipation, mais encore sans succès. Il en vint enfin à étudier le Nouveau Testament. Cette étude, à laquelle il joignit plus tard celle des écrits de Luther, l'amena à accepter la foi réformée. Il assista peu après, dans un village voisin, à la décapitation d'un homme coupable de s'être fait rebaptiser. Cela l'amena à étudier l'Ecriture sainte touchant le baptême des petits enfants Il n'y trouva aucune preuve en sa faveur, mais remarqua que la conversion et la foi sont des conditions indispensables à la réception du baptême. TS 255 1 Sorti de l'Eglise romaine, Menno consacra sa vie à enseigner les vérités qu'il avait découvertes. Comme en Allemagne, on vit aux Pays-Bas se lever des fanatiques soutenant des doctrines absurdes, séditieuses et indécentes, ne craignant pas de recourir à la violence et à l'insurrection. Menno prévit les abominables conséquences de ces enseignements; aussi s'opposa-t-il de toutes ses forces aux erreurs de ces égarés, se consacrant surtout avec zèle et succès aux victimes désabusées de ces illuminés, comme aussi aux anciens chrétiens issus de la propagande vaudoise. TS 255 2 Vingt-cinq années durant, accompagné de sa femme et de ses enfants, subissant fatigues et privations, et souvent exposé à la mort, il parcourut les Pays-Bas et le nord de l'Allemagne, travaillant tout spécialement parmi les classes pauvres et y exerçant, quoique peu instruit, mais naturellement éloquent, une influence considérable. D'une pureté incorruptible, humble, d'un commerce agréable et d'une piété sincère et fervente, il justifiait ses enseignements par sa vie et inspirait partout la confiance. Ses travaux provoquèrent un grand nombre de conversions. Ses disciples dispersés et opprimés eurent beaucoup à souffrir du fait qu'on les confondait souvent avec les fanatiques de Munster. TS 255 3 Nulle part, les doctrines réformées ne furent aussi généralement reçues qu'aux Pays-Bas. En revanche, il y eut peu de pays où leurs adhérents eurent à endurer de plus cruelles persécutions. En Allemagne, où Charles Quint avait banni la Réforme, et eût volontiers livré tous ses adeptes au supplice du feu, les princes élevaient une barrière contre sa tyrannie. Mais aux Pays-Bas, où sa puissance était plus grande, les édits de persécution se suivaient de près. Lire les Ecritures, les entendre prêcher ou en parler étaient des crimes passibles du bûcher. Prier en secret, refuser de se prosterner devant les images ou chanter des Psaumes, c'était également s'exposer à la mort. Ceux qui abjuraient leurs erreurs étaient condamnés quand même, les hommes à périr par l'épée et les femmes à être enterrées vivantes. Des milliers de gens périrent sous le règne de ce prince comme sous celui de son fils Philippe II. TS 256 1 Un jour, une famille entière fut amenée devant l'Inquisiteur sous l'inculpation de ne pas assister à la messe et de célébrer son culte sous son toit. Le plus jeune des fils, interrogé sur ses pratiques religieuses, répondit: "Nous nous mettons à genoux, et nous demandons à Dieu de nous éclairer et de pardonner nos péchés; nous le prions pour que le règne de notre souverain soit prospère et sa vie heureuse, et lui demandons de protéger nos magistrats." Quelques-uns des juges furent émus, ce qui n'empêcha pas le père et l'un des fils d'être condamnés au bûcher. TS 256 2 La rage des persécuteurs n'était égalée que par la foi des martyrs. Non seulement les hommes, mais des femmes délicates et des jeunes filles déployaient un invincible courage. "Des épouses se tenaient auprès du bûcher de leurs maris pour leur adresser des paroles de consolation ou leur chanter des Psaumes pendant que les flammes les dévoraient." "Des jeunes filles entraient vivantes dans leur tombeau, comme si elles allaient prendre le repos de la nuit; ou elles montaient sur le bûcher dans leur plus belle toilette, comme s'il se fût agi de leurs noces." TS 256 3 De même qu'aux jours où le paganisme tentait de détruire l'Eglise, de même le sang des martyrs devenait une semence de chrétiens. Les persécutions ne servaient qu'à multiplier les témoins de la vérité. Année après année, le monarque, fou de rage devant l'invincible détermination du peuple, activait en vain son oeuvre cruelle. Sous le noble Guillaume d'Orange, la révolution assura enfin à la Hollande la liberté d'adorer Dieu. TS 257 1 Dans les montagnes du Piémont, dans les plaines de France et sur les plages de Hollande, les progrès de l'Evangile s'inscrivaient avec le sang de ses disciples. Dans les pays septentrionaux, en revanche, ils furent tout pacifiques. Des étudiants scandinaves, rentrant de Wittenberg, apportèrent la Réforme dans leurs foyers. La diffusion des écrits de Luther servit également à la répandre. Les peuples du Nord, simples et robustes, se détournèrent de la pompe et des superstitions de Rome pour accueillir la pureté et la simplicité des vérités salutaires des Ecritures. TS 257 2 Tausen, le réformateur du Danemark, était le fils d'un paysan. De bonne heure, il montra une vive intelligence. Il était altéré de connaissances. Ses parents ne pouvant lui payer des études, il entra dans un monastère. La pureté de sa vie, jointe à son application et à sa fidélité, lui valut l'estime de ses supérieurs. On lui découvrit des talents qui pouvaient, par la suite, rendre de grands services à l'Eglise, et on décida de le faire instruire en Allemagne ou en Hollande, dans une université de son choix, à la seule condition que ce ne fût pas celle de Wittenberg. Il ne fallait pas, disaient les moines, exposer l'étudiant de l'Eglise au poison de l'hérésie. TS 257 3 Tausen se rendit à Cologne qui était alors, comme aujourd'hui encore, l'une des forteresses du romanisme, mais il ne tarda pas à être dégoûté du mysticisme de ses maîtres. C'est alors que les écrits de Luther lui tombèrent sous la main. Il les lut avec étonnement et délices, et éprouva un véhément désir de suivre l'enseignement du réformateur. Au risque d'encourir le déplaisir de ses supérieurs et de perdre ses avantages matériels, il ne tarda pas à s'inscrire à l'université de Wittenberg. TS 258 1 De retour au Danemark, il rentra dans son monastère. Personne ne le soupçonnant encore de luthéranisme, il ne révéla pas immédiatement son secret, mais s'efforça discrètement d'amener ses compagnons à une foi plus pure et à une vie plus sainte. Bientôt, il se mit à leur lire les Ecritures et à les commenter, leur présentant Jésus comme la justice et la seule espérance de salut du pécheur. Grande fut la colère du supérieur, qui espérait beaucoup le voir devenir un vaillant défenseur de Rome. Il fut aussitôt transféré dans un autre cloître, consigné dans une cellule et placé sous une étroite surveillance. TS 258 2 A la grande terreur des nouveaux gardiens de Tausen, plusieurs moines se déclarèrent bientôt convertis au protestantisme. A travers les barreaux de sa cellule, il avait communiqué la connaissance de la vérité à ses compagnons. Si ces bons pères danois avaient été rompus aux méthodes de l'Eglise à l'égard des hérétiques, la voix de Tausen n'aurait plus eu l'occasion de se faire entendre; mais au lieu de l'enterrer vivant dans quelque cachot souterrain, ils l'expulsèrent du couvent. Et comme un récent édit royal accordait protection aux prédicateurs de la nouvelle doctrine, Tausen se mit à prêcher. Les églises lui furent ouvertes ainsi qu'à d'autres, et les foules accoururent pour entendre la Parole de Dieu. Le Nouveau Testament, traduit en danois, était largement répandu. Les efforts des papistes en vue d'enrayer l'oeuvre de Dieu ne firent qu'en accélérer les progrès, et le Danemark ne tarda pas à accepter la foi réformée. TS 258 3 En Suède, des jeunes gens qui s'étaient aussi désaltérés à la source de Wittenberg, portèrent l'eau vive à leurs concitoyens. Deux des promoteurs de la Réforme suédoise, Olaf et Laurentius Petri, fils d'un forgeron d'Orebro, avaient étudié sous Luther et Mélanchthon et s'étaient empressés de communiquer ce qu'ils avaient appris. Comme le grand réformateur allemand, Olaf secouait la torpeur du peuple par son zèle et son éloquence, tandis que Laurentius, semblable à Mélanchthon, le secondait par le calme réfléchi du savant. L'un et l'autre étaient animés d'une ardente piété, versés dans la théologie et doués d'un courage inébranlable. L'opposition ne leur fit pas défaut. Les prêtres soulevèrent contre eux une populace ignorante et superstitieuse. Olaf Petri fut souvent assailli par la foule et sa vie fut maintes fois en danger. En revanche, ces réformateurs jouissaient des faveurs et de la protection du roi. TS 259 1 Sous la domination de l'Eglise romaine, le peuple croupissait dans la pauvreté et gémissait sous l'oppression. Privé des saintes Ecritures, attaché à une religion consistant uniquement en rites et en cérémonies dans lesquelles l'esprit ne trouvait aucun aliment, il retournait aux croyances superstitieuses et aux pratiques de ses ancêtres idolâtres. La nation était divisée en partis hostiles dont les luttes perpétuelles augmentaient la misère générale. Décidé à opérer une réforme dans l'Eglise et dans l'Etat, le roi accueillit avec empressement le concours des deux frères dans sa guerre contre Rome. TS 259 2 En présence du monarque et des hommes les plus éminents de la Suède, Olaf Petri défendit la foi réformée contre les champions de Rome. Il affirma que les enseignements des Pères ne doivent être reçus que s'ils concordent avec les saintes Ecritures, et déclara que les doctrines essentielles de la foi sont enseignées dans la Bible d'une façon si simple et si claire que tous peuvent les comprendre. Il ajouta: "Jésus-Christ a dit: "Ma doctrine n'est pas de moi, mais de celui qui m'a envoyé";1 et saint Paul a déclaré que s'il prêchait un autre Evangile que celui qu'il avait reçu, il serait anathème.2 Qui donc, demandait le réformateur, oserait prétendre établir des dogmes nouveaux et les imposer comme condition de salut?" Et il prouvait que les décrets de l'Eglise sont sans autorité dès qu'ils s'opposent à la Parole de Dieu, dont découle le grand principe protestant d'après lequel "les Ecritures, et elles seules", constituent la règle suffisante de la foi et de la vie. TS 260 1 Bien qu'il se soit déroulé sur une scène relativement restreinte, ce conflit montre de quels hommes était formée l'armée des réformateurs. "Ce n'était pas d'ignorants sectaires, ni de bruyants controversistes. Loin de là: c'étaient des hommes qui avaient étudié la Parole de Dieu, et qui savaient manier les armes qu'ils tiraient de l'arsenal des Ecritures. Sous le rapport de l'érudition, ils devançaient leur siècle. Ceux qui considérèrent seulement les centres brillants de Wittenberg et de Zurich, et les noms illustres de Luther, de Mélanchthon, de Zwingle et d'OEcolampade, nous disent volontiers que ces hommes, les chefs du mouvement, possédaient sans doute de rares facultés et des connaissances extraordinaires, mais que leurs lieutenants ne leur ressemblaient guère. Pourtant, si nous nous tournons vers le théâtre obscur de la Suède, où figurent les noms modestes d'Olaf et de Laurentius Petri; si des maîtres nous passons aux disciples, que trouvons-nous?... Des savants et des théologiens; des hommes parfaitement familiarisés avec toutes les vérités évangéliques, et qui triomphaient aisément des sophistes des écoles et des dignitaires de Rome."1 TS 260 2 Comme conséquence de la dispute, le roi de Suède embrassa la foi réformée, et, peu après, l'assemblée nationale se déclarait en sa faveur. Le Nouveau Testament avait été traduit en langue suédoise par Olaf Petri. A la demande du roi, les deux frères entreprirent la traduction de l'Ancien Testament. La Suède posséda ainsi la Bible dans sa propre langue. Un édit de la diète ordonna à tous les ministres du culte d'enseigner la Parole de Dieu, et aux enfants d'apprendre à la lire dans les écoles. TS 260 3 Peu à peu, mais sûrement, les ténèbres de l'ignorance et de la superstition se dissipaient sous la lumière bénie de l'Evangile. Affranchi de l'oppression romaine, le peuple suédois parvint à un degré de grandeur et de puissance qu'il n'avait pas encore connu, et devint l'un des remparts du protestantisme. Un siècle plus tard, à une heure de grand péril, cette petite et jusqu'alors faible nation fut la seule, dans toute l'Europe, qui eut le courage de venir au secours de l'Allemagne dans la longue et terrible lutte que fut la Guerre de Trente ans. Alors que tout le nord de l'Europe semblait sur le point d'être ramené sous la tyrannie de Rome, ce furent les armées suédoises qui permirent à l'Allemagne d'enrayer les succès du papisme, d'assurer la tolérance aux protestants -- calvinistes et luthériens -- et de rendre la liberté de conscience aux pays qui avaient accepté la Réforme. ------------------------Chapitre 14 -- Progrès de la Réforme en Angleterre TS 263 1 Pendant que Luther présentait au peuple allemand le volume ouvert des saintes Ecritures, Tyndale, poussé par l'Esprit de Dieu, en faisait autant en Angleterre. La traduction de Wiclef, faite sur le texte fautif de la Vulgate, n'avait jamais été imprimée, et le prix des copies manuscrites était tellement élevé que seuls les riches et les nobles pouvaient se les procurer. D'ailleurs, strictement proscrite par l'Eglise, elle avait été peu diffusée. En 1516, un an avant l'apparition des thèses de Luther, Erasme éditait sa version grecque et latine du Nouveau Testament. C'était la première fois que la Parole de Dieu était imprimée dans la langue originale. Dans ce travail, un bon nombre d'erreurs des anciennes versions étaient corrigées, et le sens du texte était plus clairement rendu. Cette édition amena les gens cultivés à une meilleure compréhension de la vérité, et donna une nouvelle impulsion à la Réforme. Mais le peuple était encore en grande partie privé de la Parole de Dieu. En la lui donnant, Tyndale devait achever l'oeuvre de Wiclef. TS 264 1 Ce savant docteur, ardent chercheur de la vérité, avait reçu l'Evangile par le moyen du Nouveau Testament d'Erasme. Prêchant hardiment ses convictions, il déclarait que toute doctrine doit être éprouvée par les Ecritures. A l'affirmation papiste que l'Eglise a donné la Bible, et a seule le droit de l'interpréter, Tyndale répliquait: "Savez-vous qui a enseigné à l'aigle à trouver sa proie? Eh bien, ce même Dieu apprend à ses enfants à trouver leur Père dans sa Parole. Loin de nous avoir donné les Ecritures, c'est vous qui nous les cachez; c'est vous qui brûlez ceux qui les enseignent, et qui, si vous le pouviez, jetteriez au feu le saint Livre lui-même." TS 264 2 La prédication de Tyndale soulevait un grand intérêt, et beaucoup de gens appréciaient la vérité. Mais les prêtres étaient sur le qui-vive; le prédicateur n'avait pas plus tôt quitté une localité qu'ils s'efforçaient, par leurs menaces et leurs calomnies, de démolir son oeuvre. Ils n'y réussirent que trop souvent. "Que faire? s'écriait-il. Pendant que je sème en un lieu, l'ennemi ravage le champ que je viens de quitter. Je ne puis être partout à la fois. Oh! si les chrétiens avaient en leur langue la sainte Ecriture, ils pourraient eux-mêmes résister aux sophistes. Sans la Bible il est impossible d'affermir les laïques dans la vérité." TS 264 3 Ses préoccupations se portèrent dès lors sur ce dernier objet. "C'est dans la langue même d'Israël, se dit-il, que les Psaumes retentissaient dans le temple de Jéhovah; et l'Evangile ne parlerait pas parmi nous la langue de l'Angleterre?... L'Eglise aurait-elle moins de lumière en plein midi qu'à l'heure de son aurore?... Il faut que les chrétiens lisent le Nouveau Testament dans leur langue maternelle." Les docteurs et les prédicateurs de l'Eglise ne s'entendaient pas entre eux; il fallait donc chercher la vérité dans la Parole de Dieu elle-même. Tyndale ajoutait: "Vous suivez les uns Duns Scot; les autres, Thomas d'Aquin; et tant d'autres encore. ... Or, chacun de ces auteurs contredit l'autre! Comment donc discerner celui qui dit faux de celui qui dit vrai? ... Comment? Par la Parole de Dieu." TS 265 1 Peu après, au cours d'une dispute avec lui, un savant docteur catholique s'écriait: "Mieux vaut être sans les lois de Dieu que sans celles du pape." A quoi Tyndale répliqua: "Je brave le pape et toutes ses lois, et si Dieu m'accorde la vie, je veux qu'avant peu un valet de ferme qui conduit sa charrue ait des Ecritures une meilleure connaissance que vous."1 TS 265 2 Déterminé plus que jamais à donner le Nouveau Testament à son peuple dans la langue du pays, il se mit aussitôt à la tâche. Chassé de chez lui par la persécution, il se rendit à Londres où il put se livrer quelque temps à son travail sans empêchement. Mais la violence des papistes l'obligea de nouveau à prendre la fuite. Toute l'Angleterre lui paraissant fermée, il résolut d'aller demander l'hospitalité à l'Allemagne, et c'est dans ce pays qu'il commença l'impression de son Nouveau Testament. Quand on lui défendait d'imprimer dans une ville, il partait dans une autre. Deux fois, le travail dut être interrompu. Il se rendit enfin à Worms, où, quelques années auparavant, Luther avait plaidé la cause de la vérité devant la diète. Dans cette ville ancienne, où résidaient beaucoup d'amis de la Réforme, Tyndale acheva son travail sans nouvelle interruption. Trois mille exemplaires du Nouveau Testament furent bientôt imprimés, suivis d'une seconde édition, la même année. TS 265 3 Malgré la grande vigilance exercée par les autorités dans tous les ports d'Angleterre, la Parole de Dieu pénétrait dans Londres par différentes voies, et de là se répandait dans tout le pays. Les ennemis de la vérité cherchèrent en vain à la supprimer. Un jour l'évêque de Durham acheta à un libraire, ami de Tyndale, tout son stock de Bibles et le livra aux flammes, espérant ainsi entraver la diffusion du saint Livre. Ce fut le contraire qui arriva. Avec l'argent de l'évêque, on put imprimer une nouvelle édition, meilleure que la précédente. Lorsque, plus tard, Tyndale fut incarcéré, et qu'on lui offrit la liberté à condition de révéler le nom des personnes qui avaient contribué par leurs dons à l'impression des Bibles, il répondit que l'évêque de Durham avait été son plus fort souscripteur; en achetant à un bon prix tout le stock en magasin, il lui avait donné les moyens d'aller courageusement de l'avant. TS 266 1 Livré, par trahison, entre les mains de ses ennemis, Tyndale passa plusieurs mois en prison et finit par sceller son témoignage de son sang; mais les armes qu'il avait préparées donnèrent à d'autres soldats la possibilité de lutter avec succès jusqu'à nos jours. TS 266 2 Latimer soutenait du haut de la chaire qu'il faut lire la Bible dans la langue du peuple. L'Auteur des saintes Ecritures, disait-il, "c'est Dieu lui-même", et l'Ecriture participe de la puissance de son Auteur. "Il n'y a ni roi, ni empereur, ni magistrat qui ne soit tenu de lui rendre obéissance. ... Ne prenons pas de chemin de traverse; que la Parole de Dieu nous conduise. Ne suivons pas la voie de nos pères, et ne nous informons pas de ce qu'ils ont fait, mais de ce qu'ils auraient dû faire."1 TS 266 3 Deux fidèles amis de Tyndale, Barnes et Frith, se mirent à défendre la vérité. Les deux Ridley et Cranmer suivirent. Ces chefs de la Réforme anglaise étaient des savants, et la plupart d'entre eux avaient été hautement estimés dans la communion romaine à cause de leur zèle et de leur piété. Leur opposition à la papauté venait de ce qu'ils avaient remarqué les erreurs du Saint-Siège. Leur connaissance des mystères de Babylone ajoutait à la puissance de leur témoignage contre elle. TS 266 4 "Je vous poserai maintenant une étrange question, disait Latimer. Savez-vous quel est le plus zélé de tous les prélats de l'Angleterre? ... Je vois que vous vous attendez que je vous le nomme. ... Eh bien! je vous le dirai. ... C'est le diable. Cet évêque-là, je vous l'assure, n'est jamais absent de son diocèse, et à quelque heure que vous vous approchiez de lui, vous le trouvez à l'oeuvre. ... Partout où il réside, les mots d'ordre sont: "A bas les Bibles et vivent les chapelets! A bas la lumière de l'Evangile, et vive la lumière des cierges, fût-ce en plein midi! A bas la croix de Jésus-Christ qui ôte les péchés du monde, et vive le purgatoire qui vide les poches des dévôts! A bas les vêtements donnés aux pauvres et aux impotents, et vivent les ornements d'or et de pierres précieuses prodigués à des morceaux de bois et de pierre! A bas les traditions de Dieu, c'est-à-dire sa très sainte Parole, et vivent les traditions et les lois humaines!" Oh! si seulement nos prélats voulaient s'employer aussi activement à jeter la bonne semence de la saine doctrine, que Satan à semer la nielle et l'ivraie!"1 TS 267 1 Le grand principe revendiqué par ces réformateurs -- celui que soutenaient les Vaudois, Wiclef, Jean Hus, Luther, Zwingle et leurs collaborateurs -- c'est l'autorité infaillible des saintes Ecritures en matière de foi et de morale. Ils déniaient aux papes, aux conciles et aux rois le droit de dominer sur les consciences en matière religieuse. Les Ecritures étaient leur autorité, et c'est par elles qu'ils éprouvaient toutes les doctrines et toutes les prétentions. C'est la foi en Dieu et en sa Parole qui soutenait ces saints hommes quand ils étaient appelés à monter sur le bûcher. "Ayez bon courage", disait Latimer à ceux qui subissaient le martyre avec lui, alors que leur voix était près de s'éteindre; "par la grâce de Dieu, nous allumerons aujourd'hui en Angleterre un flambeau qui, j'en ai la certitude, ne sera jamais éteint".2 TS 267 2 En Ecosse, la semence jetée par Colomban et ses collaborateurs n'avait jamais entièrement disparu. Des siècles après que les églises d'Angleterre eurent fait leur soumission à Rome, celles d'Ecosse conservaient leurs libertés. Au douzième siècle, toutefois, le papisme s'établit dans ce pays et y exerça une autorité plus absolue qu'en aucun autre. Nulle part les ténèbres ne furent plus denses. Néanmoins, au sein de ces ténèbres, quelques rayons de lumière brillaient, qui annonçaient l'aurore. Les Lollards, venus d'Angleterre avec les saintes Ecritures et les enseignements de Wiclef, firent beaucoup pour conserver la connaissance de l'Evangile dans ce pays où chaque siècle eut ses témoins et ses martyrs. TS 268 1 A l'aube de la Réforme, les écrits de Luther et la traduction anglaise du Nouveau Testament de Tyndale pénétrèrent en Ecosse. Inaperçus par la hiérarchie, parcourant silencieusement monts et vaux, ces messagers rallumèrent dans cette région le flambeau de la vérité sur le point de s'éteindre, et démolirent ce qu'avaient accompli quatre siècles d'oppression romaine. TS 268 2 Puis le sang des martyrs donna au mouvement un nouvel essor. Les chefs papistes, s'apercevant soudain du danger qui menaçait leur cause, firent monter sur le bûcher quelques-uns des plus nobles et des plus respectés fils de l'Ecosse. Ils ne parvinrent ainsi qu'à ériger une chaire du haut de laquelle la voix de ces martyrs fut entendue de tout le pays et inspira au peuple la détermination de secouer les chaînes de Rome. TS 268 3 Hamilton et Wishart, aussi distingués par leur caractère que par leur naissance, terminèrent leur vie sur le bûcher, suivis d'une foule de disciples de plus humble origine. Mais du lieu où périt Wishart sortit un homme que les flammes ne purent réduire au silence, un homme qui, entre les mains de Dieu, devait porter le coup de grâce à la domination du pape en Ecosse. TS 268 4 John Knox -- tel était son nom -- se détourna des traditions et du mysticisme de l'Eglise pour se nourrir de la Parole de Dieu. Les enseignements de Wishart le confirmèrent dans sa détermination de répudier Rome pour se joindre aux réformés persécutés. Pressé par ses compagnons de prendre les fonctions de prédicateur, il reculait en tremblant devant une telle responsabilité et ne l'assuma qu'après des jours de retraite et de rudes combats intérieurs. Mais, dès lors, il alla de l'avant avec une détermination et un courage qui ne se démentirent pas un seul instant jusqu'à sa mort. Ce courageux réformateur ne craignait pas d'affronter les hommes. Les feux du martyre qu'il voyait flamber tout autour de lui ne faisaient qu'enflammer son zèle. Indifférent à la hache du tyran constamment levée au-dessus de sa tête, il n'en frappait pas moins à droite et à gauche des coups redoublés contre les murailles de l'idolâtrie. TS 269 1 Appelé devant la reine d'Ecosse, en présence de laquelle le zèle de plusieurs chefs de la Réforme avait fléchi, John Knox rendit un témoignage inflexible à la vérité. Inaccessible aux flatteries, il ne se laissa pas intimider par les menaces. La reine l'accusa d'hérésie. Il avait, disait-elle, engagé le peuple à recevoir une religion prohibée par l'Etat et avait ainsi transgressé le commandement de Dieu enjoignant aux sujets d'obéir à leurs princes. Knox lui répondit fermement: TS 269 2 "La vraie religion ne doit pas sa puissance originelle et son autorité aux princes temporels, mais seulement au Dieu éternel; par conséquent, les sujets ne sont pas tenus de conformer leur religion aux caprices des princes. Car il arrive souvent que ceux-ci soient plus ignorants de la vraie religion de Dieu que le reste du monde. ... Si tous les fils d'Abraham avaient embrassé la religion de Pharaon dont ils étaient sujets, je vous le demande, Madame, quelle eût été la religion du monde? Ou encore si, aux jours des apôtres, tous les hommes eussent été de la religion des empereurs romains, quelle religion eût régné sur la face de la terre?... Vous le voyez donc, Madame, si les sujets doivent obéissance à leurs princes, ils ne sont cependant pas tenus de pratiquer leur religion." TS 270 1 "Vous interprétez les Ecritures d'une façon, dit la reine, et les docteurs catholiques les interprètent d'une autre; qui faut-il croire, et qui sera juge?" TS 270 2 "Il faut croire Dieu qui nous parle clairement dans sa Parole, répondit le réformateur. Au-delà de ce qui est écrit, il ne faut croire ni les uns ni les autres. La Parole de Dieu s'explique elle-même; et s'il semble y avoir quelque obscurité dans un passage, le Saint-Esprit, qui n'est jamais en contradiction avec lui-même, s'exprime plus clairement dans un autre, de telle sorte que le doute ne subsiste que pour ceux qui veulent obstinément demeurer dans l'ignorance."1 TS 270 3 Telles étaient les vérités qu'au péril de sa vie l'intrépide réformateur faisait entendre à la reine. Avec ce courage indomptable, puisé dans la prière, il poursuivit les batailles de l'Eternel jusqu'à ce que l'Ecosse eût brisé le joug de la papauté. TS 270 4 L'établissement du protestantisme comme religion nationale en Angleterre atténua la persécution sans toutefois l'abolir entièrement. Le peuple avait renoncé à plusieurs des doctrines de Rome, mais il conservait encore nombre de ses cérémonies. La suprématie du pape avait été remplacée par celle du roi. Dans le culte, on était encore bien éloigné de la pureté et de la simplicité évangéliques. Le grand principe de la liberté religieuse était méconnu. Les souverains protestants eurent rarement recours aux atrocités exercées par Rome contre l'hérésie; toutefois, ils ne reconnaissaient pas à chacun le droit de servir Dieu selon sa conscience. Il fallait accepter les enseignements et suivre la forme de culte de l'Eglise établie; aussi, des siècles durant, les dissidents furent-ils plus ou moins cruellement traités. TS 270 5 Au dix-septième siècle, il était interdit au peuple, sous peine de fortes amendes, de prison ou de bannissement, d'assister aux assemblées non autorisées par l'Eglise. Des milliers de pasteurs furent arrachés à leurs troupeaux. Les âmes fidèles, ne pouvant renoncer à adorer Dieu à leur manière, se retrouvaient dans d'étroites allées, dans de sombres greniers, et, à certaines saisons de l'année, au milieu des bois et à minuit. C'est dans les profondeurs protectrices des temples de la nature que ces enfants de Dieu se réunissaient pour faire monter au ciel leurs louanges et leurs prières. Mais, en dépit de toutes leurs précautions, une foule d'entre eux furent appelés à souffrir pour leur foi. Les prisons regorgeaient. Des familles étaient disloquées ou s'expatriaient. Mais Dieu était avec ses enfants, et la persécution ne parvenait pas à réduire leur témoignage au silence. D'ailleurs, un grand nombre d'entre eux, contraints de traverser les mers, se rendirent en Amérique où ils jetèrent les bases d'une république fondée sur le double principe de la liberté civile et religieuse, qui a fait la sécurité et la gloire des Etats-Unis. TS 271 1 On vit alors, comme aux jours des apôtres, la persécution contribuer aux progrès de l'Evangile. John Bunyan, jeté dans une infecte prison, au milieu de débauchés et de voleurs, y respirait néanmoins l'atmosphère même du ciel, et écrivit là sa merveilleuse allégorie du voyage du chrétien allant du pays de la perdition à la cité céleste. Depuis plus de deux siècles, cette voix sortie de la prison de Bedford ne cesse de remuer les coeurs. Les ouvrages de Bunyan, le Voyage du chrétien et Grâce abondante, ont amené un grand nombre d'âmes sur le sentier de la vie. TS 271 2 Baxter, Flavel, Aleine et d'autres hommes doués, cultivés, et d'une vie chrétienne austère, se levèrent à leur tour pour défendre vaillamment "la foi qui a été transmise aux saints une fois pour toutes". L'oeuvre accomplie par ces hommes proscrits par les autorités civiles est impérissable. La Source de la Vie et la Méthode de la Grâce, de Flavel, ont montré à des milliers d'âmes comment on se donne à Jésus. Le Pasteur chrétien, de Baxter, a été en bénédiction à ceux qui désiraient un réveil de l'oeuvre de Dieu, et son Repos éternel des saints a fait connaître à de nombreux lecteurs "le repos qui reste pour le peuple de Dieu". TS 272 1 Un siècle plus tard, en un temps de grandes ténèbres spirituelles, parurent de nouveaux porte-lumière; c'étaient Whitefield et les deux Wesley. Sous la domination de l'Eglise établie, l'Angleterre avait subi un déclin religieux qui l'avait ramenée à un état voisin du paganisme. La religion naturelle constituait l'étude favorite du clergé et renfermait presque toute sa théologie. Les classes supérieures se moquaient de la piété et se flattaient d'être au-dessus de ce qu'elles appelaient du fanatisme. Les classes inférieures étaient plongées dans l'ignorance et le vice, et l'Eglise n'avait ni le courage ni la foi nécessaires pour soutenir la cause chancelante de la vérité. TS 272 2 La grande doctrine de la justification par la foi, si bien mise en relief par Luther, était tombée dans l'oubli; elle avait cédé le pas à la doctrine romaine du salut par les bonnes oeuvres. Whitefield et les Wesley, membres de l'Eglise établie et honnêtes chercheurs de la grâce de Dieu, avaient appris à la trouver dans une vie vertueuse et dans l'observation des rites de la religion. TS 272 3 Un jour où Charles Wesley, gravement malade, attendait sa fin, on lui demanda sur quoi reposait son espérance de vie éternelle. "J'ai servi Dieu au mieux de mes connaissances", répondit-il. L'ami qui lui avait posé cette question ne paraissant pas entièrement satisfait de la réponse, Wesley se dit: "Quoi! mes efforts ne seraient pas une base suffisante? Voudrait-il me priver de mes mérites? Je n'ai pas autre chose sur quoi me reposer."1 Telles étaient les ténèbres qui avaient envahi l'Eglise, voilant le dogme de l'expiation, ravissant au Christ sa gloire et détournant l'attention des hommes de leur unique espérance de salut: le sang du Rédempteur crucifié. TS 273 1 Wesley et ses collaborateurs furent amenés à comprendre que la vraie religion a son siège dans le coeur, et que la loi de Dieu embrasse non seulement les paroles et les actions, mais aussi les pensées. La sainteté intérieure ne leur parut pas moins nécessaire que la correction extérieure, et ils voulurent vivre une vie nouvelle. Par la prière et la vigilance, ils s'efforçaient de combattre les inclinations du coeur naturel. Pratiquant le renoncement, la charité, l'humilité, ils observaient rigoureusement tout ce qui leur paraissait susceptible de les aider à atteindre leur but, à savoir: un état de sainteté qui assure la faveur de Dieu. Mais ils n'y parvenaient pas. Leurs efforts ne les délivraient ni du poids terrible du péché, ni de sa puissance. Ils passaient par l'expérience qui avait été celle de Luther dans sa cellule d'Erfurt, obsédés par la question même qui avait fait son supplice: "Comment l'homme serait-il juste devant Dieu".1 TS 273 2 La flamme de la vérité divine qui s'était presque éteinte sur les autels du protestantisme devait être ranimée par l'ancien flambeau que les chrétiens de Bohême s'étaient transmis d'une génération à l'autre. Après la Réforme, le protestantisme de Bohême avait été foulé aux pieds par les sicaires de Rome. Tous ceux qui n'avaient pas voulu renoncer à la vérité avaient dû s'expatrier. Quelques-uns d'entre eux, ayant trouvé un refuge en Saxe, y avaient conservé leur foi. Ce furent leurs descendants, les Moraves, qui communiquèrent la lumière à Wesley et à ses associés. Voici dans quelles circonstances. TS 273 3 Après avoir été consacrés au saint ministère, Jean et Charles Wesley furent envoyés en mission en Amérique. A bord de leur vaisseau se trouvait un groupe de Moraves. De violentes tempêtes éclatèrent au cours de cette traversée. Mis en présence de la mort, Jean Wesley gémissait de ne pas être en paix avec Dieu, tandis que les Saxons, au contraire, manifestaient une assurance et une sérénité auxquelles le jeune clergyman était étranger. TS 274 1 "Depuis longtemps, écrivait-il plus tard, j'avais observé le grand sérieux de leur maintien. Ils avaient donné des preuves constantes de leur humilité en rendant aux autres passagers des services auxquels les Anglais n'eussent pas voulu s'abaisser, et pour lesquels ils ne désiraient ni n'acceptaient aucune rémunération. "Il est bon, disaient-ils, que notre coeur orgueilleux soit soumis à de telles humiliations, car notre bon Sauveur a fait bien davantage pour nous." Chaque jour ils avaient manifesté une douceur à toute épreuve. Etaient-ils heurtés, frappés ou jetés à terre, ils se relevaient tranquillement, sans faire entendre la moindre plainte. TS 274 2 "Ils eurent bientôt l'occasion de prouver qu'ils étaient libres de la crainte comme ils l'étaient de l'orgueil, de la colère et de la rancune. ... Un jour, pendant un de leurs services religieux, la tempête se déchaîna avec violence; les vagues, se précipitant sur le navire, l'inondèrent et mirent en pièces la grande voile. Un cri de détresse s'échappa de bien des poitrines. Les Moraves seuls ne parurent pas émus; ils n'interrompirent pas même le chant du Psaume qu'ils avaient commencé. Je demandai plus tard à l'un d'eux: "N'étiez-vous donc pas effrayés?" Il me répondit: "Grâce à Dieu, non." -- "Mais vos femmes et vos enfants n'avaient-ils pas peur?" "Non, reprit-il simplement; nos femmes et nos enfants n'ont pas peur de mourir."1 TS 274 3 Arrivé à Savannah, Jean Wesley, lors d'un court séjour au milieu des Moraves, fut vivement impressionné par leur vie chrétienne. Il exprime en ces termes le contraste frappant d'un de leurs cultes avec le vain formalisme des églises d'Angleterre: "La grande simplicité et la solennité de cette scène me transportèrent dix-sept siècles en arrière, au milieu d'une des assemblées présidées par Paul, le faiseur de tentes, ou Pierre, le pêcheur: assemblée sans apparat, mais animée par une démonstration d'esprit et de puissance."1 TS 275 1 De retour en Angleterre, Wesley parvint, sous la direction d'un prédicateur morave, à une claire intelligence de la foi qui sauve. Il comprit que, pour obtenir le salut, il faut renoncer à ses propres oeuvres et s'en remettre entièrement à "l'agneau de Dieu qui ôte le péché du monde". Lors d'une réunion de la société morave de Londres, on lut une page de Luther sur le changement que l'Esprit de Dieu opère dans le coeur du croyant. Cette lecture engendra la foi dans le coeur de Wesley. "Je sentis, dit-il, que mon coeur se réchauffait étrangement. J'eus la sensation que je me confiais en Jésus, en Jésus seul pour mon salut; et je reçus l'assurance qu'il m'avait enlevé mes péchés, oui, les miens, et qu'il me sauvait de la loi du péché et de la mort."2 TS 275 2 Il venait de passer de longues et mornes années de luttes, de privations volontaires et de remords dans le seul dessein de trouver la paix de Dieu; et maintenant, il l'avait trouvée; il venait de découvrir que cette grâce, qu'il avait en vain demandée aux prières, aux aumônes et aux actes d'abnégation, est un pur don accordé "sans argent et sans aucun prix"! TS 275 3 Quand il fut affermi dans la foi en Jésus-Christ, Wesley conçut l'ardent désir de répandre en tous lieux le glorieux Evangile de la grâce gratuite de Dieu. "Je considère le monde entier comme ma paroisse, par quoi je veux dire que partout où je me trouve, je considère que j'ai le droit et le devoir strict d'annoncer la bonne nouvelle du salut à tous ceux qui veulent m'entendre."3 TS 275 4 Il persévéra dans sa vie de frugalité et de renoncement, où il ne voyait plus la condition, mais la conséquence de sa foi; non la racine, mais le fruit de la sainteté. La grâce de Dieu en Jésus-Christ est le fondement des espérances du chrétien, et cette grâce se manifeste par l'obéissance. Wesley consacra sa vie à la proclamation des grandes vérités qu'il avait reçues: la justification par la foi au sang expiatoire du Sauveur et la puissance régénératrice du Saint-Esprit dans le coeur, vérités dont le fruit est une vie conforme à celle de Jésus. TS 276 1 Whitefield et les deux Wesley avaient été préparés en vue de leur mission par le sentiment vif et prolongé de leur état de perdition; en outre, afin de pouvoir tout endurer comme de bons soldats du Christ, ils durent passer par la fournaise du mépris et de la persécution, et cela tant à l'université qu'après leur entrée dans le ministère. Par dérision, leurs condisciples impies leur donnèrent, à eux et à leurs amis, le nom de "méthodistes", dont s'honore aujourd'hui l'une des plus puissantes Eglises d'Angleterre et d'Amérique. TS 276 2 En leur qualité de membres de l'Eglise anglicane, ils étaient fortement attachés aux formes de son culte; mais le Seigneur leur présenta dans sa Parole un idéal plus élevé. Le Saint-Esprit les poussa à prêcher Jésus et Jésus-Christ crucifié; aussi la puissance divine se manifesta-t-elle dans leurs travaux. Des milliers de personnes, convaincues de péché, passèrent par une conversion réelle. Et comme il fallait que ces brebis fussent protégées des loups ravisseurs, et qu'il n'entrait pas dans l'intention de Wesley de former une Eglise nouvelle, il organisa ses convertis en ce qu'il appela la Branche méthodiste. TS 276 3 Une dure et mystérieuse opposition du côté de l'Eglise établie attendait ces prédicateurs. Mais Dieu, dans sa sagesse, veilla à ce que la Réforme commençât au sein même de l'Eglise. Si elle était venue du dehors, elle n'eût pu pénétrer là où elle était surtout nécessaire. Comme les prédicateurs du réveil étaient eux-mêmes membres de l'Eglise, et prêchaient sous son égide partout où ils en trouvaient l'occasion, la vérité se faisait jour dans des milieux qui leur fussent autrement restés fermés. Ainsi, certains membres du clergé se réveillèrent de leur torpeur, et devinrent de zélés pasteurs de leurs paroisses. Des églises jusque-là pétrifiées par le formalisme renaquirent à une vie nouvelle. TS 277 1 Au temps de Wesley, comme dans tous les siècles, on vit l'oeuvre de Dieu s'accomplir par des hommes qui avaient reçu des dons différents. Ils n'étaient pas d'accord sur tous les points de doctrine, mais, comme ils étaient tous animés de l'Esprit de Dieu, ils se laissèrent absorber par un seul et même objectif; gagner des âmes au Sauveur. Des divergences d'opinion faillirent un moment provoquer une rupture entre Whitefield et les Wesley; mais comme ils avaient acquis à l'école du Seigneur un esprit d'humilité et de conciliation, la charité triompha. Ils comprirent qu'ils n'avaient pas de temps à perdre en controverses, alors que l'erreur et l'iniquité débordaient et que, de toutes parts, les pécheurs allaient à la ruine. TS 277 2 Le chemin de ces serviteurs de Dieu était raboteux. Des hommes influents et instruits s'opposaient à eux avec acharnement. Bientôt, quelques membres du clergé leur manifestèrent une hostilité ouverte, et les portes de l'Eglise se fermèrent au réveil et à ses adeptes. En les dénonçant du haut de la chaire, le clergé déchaîna contre eux des gens ignorants et pervers. Jean Wesley n'échappa à la mort que grâce à des miracles répétés. Plusieurs fois, au milieu d'une populace furieuse, alors que toute fuite semblait impossible, un ange, sous une forme humaine, écarta la foule et conduisit le serviteur de Dieu en lieu sûr. TS 277 3 Voici comment Wesley raconte la manière dont il fut arraché à une meute de forcenés qui le poursuivaient: "Plusieurs tentèrent de me précipiter sur le raidillon d'une colline, en se disant sans doute que, si j'étais jeté à terre, il y avait peu de chance que je me relevasse. Mais je ne fis ni un faux pas, ni la moindre glissade, jusqu'à ce que je me trouvasse hors de leur atteinte. ... Quelques-uns voulurent en vain me saisir par le col ou par mes vêtements pour me jeter à terre, un homme seulement arriva à s'emparer du pan de mon habit, qui ne tarda pas à lui rester dans la main, tandis que l'autre pan, dans lequel se trouvait un billet de banque, ne fut qu'à moitié déchiré. ... Un robuste garnement qui se trouvait derrière moi brandit à plusieurs reprises un fort gourdin de chêne au-dessus de ma tête; s'il m'en avait asséné un seul coup, c'en eût été fait de moi. Mais chaque fois, comme je ne pouvais aller ni à droite ni à gauche, le coup était mystérieusement détourné. ... Un autre fendit la foule, le poing levé sur moi; mais il le laissa retomber, me caressa la tête et se contenta de dire: "Comme il a les cheveux fins!" TS 278 1 Wesley ajoute: "Les premiers dont les coeurs furent touchés étaient les bandits de la ville, toujours prêts à faire un mauvais coup; l'un d'eux avait été boxeur de profession dans les jardins-brasseries. ... Avec quelle tendre sollicitude le Seigneur nous prépare insensiblement à faire sa volonté! Il y a deux ans, un morceau de brique effleura mon épaule. L'année suivante, une pierre me frappa entre les yeux. Le mois dernier, j'ai reçu un coup, et deux ce soir: un avant d'entrer en ville et l'autre après en être sorti; mais je n'ai ressenti ni l'un ni l'autre. Le premier agresseur m'a frappé de toutes ses forces en pleine poitrine; l'autre sur la bouche, avec tant de violence que le sang a jailli; néanmoins, ces coups ne m'ont pas fait plus mal que si j'avais été touché avec une paille."1 TS 278 2 Les méthodistes de ce temps-là -- prédicateurs et fidèles -- étaient en butte à la moquerie et à la persécution aussi bien de la part des membres de l'Eglise établie que de celle des incrédules poussés par la calomnie. Souvent brutalisés, ils étaient traînés devant les tribunaux, où la justice, rare à cette époque, n'existait que de nom. La populace allait de maison en maison, saccageant tout, s'emparant de ce qui lui convenait, et maltraitant honteusement hommes, femmes et enfants. Parfois, les gens disposés à briser les fenêtres et à piller les maisons des méthodistes étaient convoqués par voie d'affiches et se donnaient rendez-vous pour tel jour, à telle heure et à tel endroit. Ce grossier déni des lois divines et humaines se pratiquait à la vue des autorités. Cette persécution systématique était dirigée contre une classe de personnes dont le seul crime était de chercher à détourner les pécheurs du sentier de la perdition et à les faire entrer dans celui de la sainteté! TS 279 1 Parlant des accusations portées contre lui et ses collaborateurs, Jean Wesley s'exprime ainsi: "Certains affirment que notre doctrine est fausse, erronée, enthousiaste; qu'on n'en a entendu parler que récemment; que c'est du quakerisme, du fanatisme, du papisme. La fausseté de toutes ces allégations a été démontrée maintes fois jusqu'à l'évidence; il a été prouvé que chaque élément de cette doctrine n'est autre que l'enseignement de l'Ecriture tel que notre Eglise le comprend. Or, si les Ecritures sont vraies, cet enseignement ne peut être ni faux, ni erroné. ... D'autres disent: "Leur doctrine est trop étroite: ils font le chemin du ciel trop étroit. C'est là, en effet, l'objection originelle: pendant un certain temps, elle a été la seule; elle est au fond d'une foule d'autres qui prennent différentes formes. Reste à savoir si nous faisons le chemin du ciel plus étroit que notre Seigneur et ses disciples. Notre doctrine est-elle plus stricte que celle des saintes Ecritures? Considérons seulement quelques passages clairs et précis: "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta pensée." "Les hommes rendront compte au jour du jugement de toute parole vaine qu'ils auront dite." "Soit que vous mangiez, soit que vous buviez, soit que vous fassiez quelque autre chose, faites tout pour la gloire de Dieu." TS 279 2 "Si notre doctrine est plus stricte que cela, nous sommes blâmables; mais vous savez -- et votre conscience vous le dit -- que ce n'est pas le cas. Celui qui ose être d'un iota moins strict falsifie la Parole de Dieu. L'administrateur des mystères de Dieu sera-t-il trouvé fidèle s'il change quoi que ce soit au dépôt qui lui a été confié? Non, il n'en peut rien supprimer ni rien adoucir. Il est sous l'obligation de faire à tous cette déclaration: "Je ne puis abaisser les Ecritures à votre fantaisie. Il faut ou monter à leur niveau, ou périr éternellement." C'est là la base réelle d'une autre accusation populaire: notre "manque de charité". Manquons-nous réellement de charité? Sous quel rapport? Ne donnons-nous pas de quoi manger à ceux qui ont faim, et de quoi se vêtir à ceux qui sont nus? -- "Non, ce n'est pas ce que nous entendons: vous êtes parfaitement en règle sous ce rapport; mais vous manquez de charité dans vos jugements: vous vous imaginez qu'on ne peut être sauvé qu'en faisant comme vous."1 TS 280 1 Le déclin spirituel constaté en Angleterre avant les jours de Wesley était dû en grande partie à l'enseignement de l'antinomianisme.2 Plusieurs affirmaient que, la loi morale étant abolie par Jésus-Christ, l'enfant de Dieu, affranchi de "l'esclavage des oeuvres", n'est plus tenu de l'observer. D'autres, tout en admettant la perpétuelle obligation de la loi, déclaraient qu'il était superflu d'exhorter les auditeurs à en observer les préceptes, car ceux que Dieu a destinés au salut sont "irrésistiblement contraints, par la grâce divine, de pratiquer la piété et la vertu", tandis que ceux qui sont condamnés à la réprobation "n'ont pas la force d'obéir à Dieu". TS 280 2 D'autres encore, sous prétexte que "les élus ne peuvent ni déchoir de la grâce, ni perdre la faveur de Dieu", en arrivaient à cette conclusion, plus odieuse si possible, que "le mal qu'ils font n'est pas réellement un péché; qu'il ne peut donc être considéré comme une violation de la loi divine, et que, par conséquent, ils n'ont lieu ni de le confesser, ni d'y renoncer".3 Ils en déduisaient que certains péchés, même les plus scandaleux, et "universellement regardés comme des infractions flagrantes de la loi divine, ne sont pas des péchés aux yeux de Dieu" s'ils sont commis par des élus, car "c'est une des caractéristiques des élus de ne pouvoir rien faire qui déplaise à Dieu ou qui soit défendu par sa loi"! TS 281 1 Ces doctrines monstrueuses sont essentiellement celles de certains théologiens modernes qui nient l'existence d'une ligne de démarcation immuable entre le bien et le mal, et considèrent la norme de la morale comme dépendant de la société régnante et sujette, par conséquent, à de continuels changements. Toutes ces théories sont inspirées par un même esprit: celui qui, parmi les purs habitants du ciel, a tenté d'abattre les justes restrictions imposées par la loi de Dieu. TS 281 2 La doctrine de la prédestination comprise dans le sens que le caractère de tout homme a été irrévocablement fixé à l'avance, avait amené beaucoup de gens à rejeter l'autorité de la loi de Dieu. Wesley prouvait que cette doctrine, qui conduit à l'antinomianisme, est contraire aux saintes Ecritures. Il est écrit: "La grâce de Dieu, source de salut pour tous les hommes, a été manifestée." "Cela est bon et agréable devant Dieu, notre Sauveur, qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. Car il y a un seul Dieu, et aussi un seul médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ homme, qui s'est donné lui-même en rançon pour tous."1 L'Esprit de Dieu, libéralement répandu, peut mettre tout homme à même de saisir le salut. C'est ainsi que Jésus est "la véritable lumière, qui, en venant dans le monde, éclaire tout homme."2 Ceux qui ne parviennent pas au salut sont ceux qui refusent volontairement le don de la vie. TS 281 3 Voici ce que Wesley répondait à ceux qui prétendaient que le Décalogue a été aboli à la mort de Jésus avec la loi cérémonielle: "Jésus n'a pas aboli la loi morale des dix commandements dont les prophètes ont revendiqué la sainteté. L'objet de sa venue n'était pas d'en révoquer une partie quelconque. Cette loi -- fermement établie comme un fidèle témoin qui est dans le ciel -- ne peut être abrogée. Elle existe dès le commencement du monde, ayant été écrite, non sur des tables de pierre, mais dans le coeur des hommes quand ils sont sortis des mains du Créateur. Et bien que ses caractères, tracés du doigt de Dieu, soient maintenant profondément altérés par le péché, ils ne pourront être entièrement effacés, aussi longtemps qu'il restera en nous quelque conscience du bien et du mal. Toutes les parties de cette loi restent obligatoires pour la famille humaine et dans tous les siècles. Elle ne dépend ni des temps, ni des lieux, ni des circonstances; elle repose sur la nature de Dieu, sur celle de l'homme et sur leurs immuables relations mutuelles. TS 282 1 ""Je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir." Sans l'ombre d'un doute, le sens de ces paroles de Jésus (d'après le contexte) est le suivant: Je suis venu établir la loi dans sa plénitude, en dépit de toutes les gloses humaines. Je suis venu mettre en pleine lumière tout ce qu'elle pouvait contenir d'obscur, révéler le sens véritable de chacune de ses déclarations, et montrer la longueur, la largeur et toute l'étendue de chacun de ses commandements, ainsi que leur hauteur, leur profondeur, la pureté et l'inconcevable spiritualité de toutes ses sentences."1 TS 282 2 Wesley enseignait que l'harmonie est parfaite entre la loi et l'Evangile. "Entre la loi et l'Evangile existent les rapports les plus intimes qu'il soit possible d'imaginer. D'une part, la loi prépare la voie à l'Evangile et nous y conduit; d'autre part, l'Evangile nous ramène à une plus parfaite observation de la loi. Par exemple, la loi enjoint l'amour de Dieu et du prochain, la douceur, l'humilité, la sainteté. Or, nous nous sentons incapables d'y atteindre; "aux hommes cela est impossible"; mais Dieu nous a promis de nous donner cet amour et de nous rendre humbles, doux, saints; à nous de nous saisir de cet Evangile, de cette bonne nouvelle; il nous est fait selon notre foi; et "la justice de la loi sera accomplie en nous" par la foi en Jésus-Christ. ... TS 283 1 "Au premier rang des ennemis de l'Evangile, disait Wesley, il faut placer ceux qui, ouvertement et explicitement, "parlent mal de la loi et jugent la loi"; ceux qui enseignent aux hommes à violer (ébranler, supprimer, renverser) non seulement un seul, fût-ce le plus petit ou le plus grand des commandements, mais tous. ... Ce qu'il y a de plus surprenant en tout ceci, c'est que les victimes de cette puissante séduction s'imaginent réellement honorer Jésus-Christ en renversant sa loi, et magnifier son sacerdoce en détruisant sa doctrine. Ils l'honorent à la manière de Judas, qui lui disait: "Salut, Maître", et lui donnait un baiser. Avec tout autant d'à-propos, Jésus peut dire à chacun d'eux: "C'est par un baiser que tu livres le Fils de l'homme?" Abolir une partie quelconque de sa loi sous prétexte de hâter les progrès de son Evangile équivaut à le trahir par un baiser et à parler de son sang purificateur tout en lui ravissant sa couronne. Comment donc pourra-t-il se soustraire à cette accusation, celui qui, directement ou indirectement, prêche la foi de façon à dispenser les hommes d'une parcelle quelconque de leur obéissance, et qui présente le Sauveur de manière à annuler ou affaiblir le moindre des commandements de Dieu?"1 TS 283 2 Certains docteurs enseignaient que la prédication de l'Evangile tenait lieu de loi. Wesley leur répondait: "Nous le nions absolument. Elle ne tient pas lieu du tout premier objet de la loi, qui est de convaincre de péché, de réveiller ceux qui dorment encore sur le seuil même de l'enfer. L'apôtre Paul déclare que "c'est la loi qui donne la connaissance du péché"; or, l'on n'éprouve le besoin du sang expiatoire du Sauveur que quand on a été convaincu de péché. ... "Ce ne sont pas ceux qui se portent bien", remarque notre Seigneur lui-même, "qui ont besoin de médecin, mais les malades". Il est absurde de proposer un médecin à ceux qui se portent bien, ou qui, du moins, se croient bien portants. Il faut d'abord les convaincre qu'ils sont malades; autrement, ils ne vous sauront pas gré de vos bons offices. Il est également absurde de parler du Sauveur à ceux dont le coeur n'a pas encore été brisé."1 TS 284 1 Ainsi, tout en prêchant l'Evangile de la grâce de Dieu, Wesley, à l'instar de son Maître, s'efforçait de "rendre sa loi grande et magnifique". Il s'acquitta fidèlement de la tâche que le Seigneur lui avait confiée et il lui fut permis d'en contempler les glorieux résultats. A la fin d'une vie longue de plus de quatre-vingts ans -- plus d'un demi-siècle de ministère itinérant -- ses partisans déclarés se chiffraient à plus d'un demi-million. Mais la multitude d'âmes arrachées à la ruine et à la perdition par le moyen de son labeur, et toutes celles que ses enseignements ont amenées à une vie chrétienne plus profonde, ne seront connues que dans le royaume éternel. La vie de Wesley offre à tout chrétien un enseignement d'une valeur incalculable. Plût à Dieu que la foi et l'humilité, le zèle inlassable, l'abnégation et la vraie piété de ce serviteur de Dieu fussent l'apanage des églises de nos jours! ------------------------Chapitre 15 -- La Bible et la Révolution française TS 285 1 Au seizième siècle, une Bible ouverte à la main, la Réforme avait frappé à la porte de tous les pays d'Europe. Certaines nations l'avaient accueillie comme une messagère céleste. D'autres, influencées par la papauté, lui avaient en grande partie fermé l'accès de leur territoire, qui resta ainsi presque totalement privé de la connaissance et de l'influence bienfaisante de la Parole de Dieu. Parmi ces derniers, il faut ranger la France, où la lumière pénétra de bonne heure, où, des siècles durant, la vérité et l'erreur furent aux prises, et où le mal finit par triompher et la lumière céleste par être bannie. "La lumière étant venue dans le monde, les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière."1 Aussi la nation française tout entière a-t-elle récolté les fruits de ses semailles. La puissance protectrice de l'Esprit de Dieu ayant cessé d'entourer un peuple qui avait méprisé le don de sa grâce, les ferments du mal sont parvenus à maturité, et le monde a pu contempler les résultats auxquels on s'expose volontairement lorsqu'on ferme sa porte au Prince de la Paix et à la pure lumière de son Evangile. TS 286 1 La guerre faite à l'Evangile sur le sol de France atteignit son point culminant sous la Révolution. Cet effroyable bouleversement fut la conséquence naturelle de la suppression de la Parole de Dieu.1 Il est la démonstration la plus frappante de l'aboutissement auquel peut arriver une nation après plus d'un millénaire passé à l'école de l'église de Rome. TS 286 2 La suppression des saintes Ecritures durant la période de la suprématie papale avait été prédite par les prophéties; d'autre part, l'Apocalypse avait annoncé les terribles résultats qu'aurait, pour la France en particulier, la domination de "l'homme de péché". TS 286 3 "[Les nations] fouleront aux pieds la ville sainte pendant quarante-deux mois, avait dit saint Jean. Je donnerai à mes deux témoins le pouvoir de prophétiser, revêtus de sacs, pendant mille deux cent soixante jours. ... Quand ils auront achevé leur témoignage, la bête qui monte de l'abîme leur fera la guerre, les vaincra, et les tuera. Et leurs cadavres seront sur la place de la grande ville, qui est appelée, dans un sens spirituel, Sodome et Egypte, là même où leur Seigneur a été crucifié. ... Et à cause d'eux les habitants de la terre se réjouiront et seront dans l'allégresse, et ils s'enverront des présents les uns aux autres, parce que ces deux prophètes ont tourmenté les habitants de la terre. Après les trois jours et demi, un esprit de vie, venant de Dieu, entra en eux, et ils se tinrent sur leurs pieds; et une grande crainte s'empara de ceux qui les voyaient."2 TS 286 4 Les périodes "quarante-deux mois" et "mille deux cent soixante jours" mentionnées dans ce passage sont un seul et même laps de temps, à savoir celui pendant lequel l'Eglise de Dieu devait être opprimée par celle de Rome. Les mille deux cent soixante années de la suprématie papale commencèrent en l'an 538 de notre ère, et devaient par conséquent se terminer en 1798.1 A cette dernière date, une armée française entra dans Rome, s'empara du pape et le conduisit en exil à Valence, où il mourut. On ne tarda pas à élire un nouveau pape, mais la Curie fut incapable de rétablir son ancienne puissance. TS 287 1 Cependant la persécution des fidèles disciples du Sauveur ne dura pas jusqu'à la fin de la période des mille deux cent soixante années. Dans sa miséricorde envers son peuple, Dieu abrégea la durée de cette cruelle épreuve. En prédisant la "grande affliction" qui allait être le lot de son Eglise, le Sauveur avait dit: "Et si ces jours n'étaient abrégés, personne ne serait sauvé; mais, à cause des élus, ces jours seront abrégés."2 Grâce à l'influence de la Réforme, la persécution prit fin avant 1798. TS 287 2 Au sujet des deux témoins, le prophète ajoute: "Ce sont les deux oliviers et les deux chandeliers qui se tiennent devant le Seigneur de la terre." "Ta Parole, dit le Psalmiste, est une lampe à mes pieds, et une lumière sur mon sentier."3 Les deux témoins représentent les Ecritures de l'Ancien et du Nouveau Testament. L'un et l'autre témoignent de l'origine et de la perpétuité de la loi de Dieu. L'un et l'autre proclament le plan de la Rédemption. Les symboles, les sacrifices et les prophéties de l'Ancien Testament annoncent un Sauveur à venir. Les évangiles et les épîtres du Nouveau Testament nous parlent d'un Sauveur déjà venu, et qui répond exactement aux symboles et aux prophéties. TS 287 3 "Je donnerai à mes deux témoins, lisons-nous dans l'Apocalypse, le pouvoir de prophétiser, revêtus de sacs, pendant mille deux cent soixante jours." TS 288 1 Durant la plus grande partie de cette période, les deux témoins de Dieu ont connu une période d'obscurité relative. La puissance papale s'est efforcée de soustraire au peuple la Parole de vérité et de produire de faux témoins qui en contredisaient le témoignage.1 Le temps où les deux témoins prophétisèrent, vêtus de sacs, est celui où les saintes Ecritures étaient proscrites par les autorités civiles et religieuses, où leur témoignage était falsifié, où l'effort réuni des hommes et des démons tendait à en détourner les esprits, où ceux qui osaient en proclamer les vérités sacrées étaient traqués, ensevelis dans des cachots, torturés, martyrisés pour leur foi ou obligés d'aller demander une retraite aux forteresses de la nature, aux rochers et aux antres de la terre; c'est alors que les deux témoins "prophétisèrent vêtus de sacs". Ce ministère, ils le poursuivirent pendant toute la période des mille deux cent soixante années. Aux époques les plus sombres, il y eut des hommes fidèles qui aimaient la Parole de Dieu et qui, jaloux de sa gloire, reçurent de son Auteur sagesse, puissance et autorité pour annoncer la vérité. TS 288 2 "Si quelqu'un veut leur faire du mal, du feu sort de leur bouche et dévore leurs ennemis; et si quelqu'un veut leur faire du mal, il faut qu'il soit tué de cette manière."2 Ce n'est jamais impunément qu'on foule aux pieds la Parole de Dieu. Le sens de cette terrible sentence est donné dans le dernier chapitre de l'Apocalypse: "Je le déclare à quiconque entend les paroles de la prophétie de ce livre: Si quelqu'un y ajoute quelque chose, Dieu le frappera des fléaux décrits dans ce livre; et si quelqu'un retranche quelque chose des paroles du livre de cette prophétie, Dieu retranchera sa part de l'arbre de la vie et de la ville sainte, décrits dans ce livre."3 TS 288 3 Tels sont les avertissements que Dieu nous donne pour nous mettre en garde contre la tentation d'apporter la moindre altération à ce qu'il a révélé ou ordonné. Ces solennelles instructions s'appliquent à tous ceux dont l'influence pousse les hommes à faire peu de cas de la loi divine. Elles devraient faire trembler ceux qui traitent à la légère l'obéissance aux saints commandements de Dieu. Tous ceux qui mettent leurs opinions au-dessus de la révélation divine, qui altèrent le sens clair et évident des Ecritures en vue de se procurer un avantage particulier ou afin de se conformer au monde, prennent sur eux une redoutable responsabilité. Le critère qui servira à éprouver tous les hommes, c'est la Parole écrite, la sainte loi de Dieu; tous ceux que ce code infaillible déclarera coupables seront condamnés. TS 289 1 "Quand ils auront achevé [ou seront sur le point d'achever1] leur témoignage, la bête qui monte de l'abîme leur fera la guerre, les vaincra et les tuera." TS 289 2 La période pendant laquelle les deux témoins devaient rendre leur témoignage revêtus de sacs se termina en 1798. Vers la fin de leur ministère exercé dans l'ombre, la puissance représentée par la "bête qui monte de l'abîme" allait leur faire la guerre. Durant des siècles, les autorités civiles et ecclésiastiques de plusieurs Etats européens avaient été, par l'intermédiaire de la papauté, dirigées par Satan. Mais ici on assiste à une nouvelle manifestation de sa puissance. TS 289 3 Sous prétexte d'une grande vénération pour les saintes Ecritures, la tactique constante de Rome avait été de les tenir scellées dans une langue inconnue, et de les mettre ainsi hors de la portée du peuple. Sous cette domination, les deux témoins avaient prophétisé vêtus de sacs. Mais un nouveau pouvoir -- la "bête qui monte de l'abîme" -- devait surgir et livrer une guerre ouverte à la Parole de Dieu. TS 290 1 "Et leurs cadavres seront sur la place de la grande ville, qui est appelée, dans un sens spirituel, Sodome et Egypte, là même où leur Seigneur a été crucifié." TS 290 2 La "grande ville" dans les rues de laquelle les deux témoins sont tués, et où gisent leurs cadavres, "est appelée, dans un sens spirituel, ... Egypte". De toutes les nations dont l'Ecriture nous rapporte l'histoire, c'est l'Egypte qui a le plus effrontément nié l'existence de Dieu et foulé aux pieds ses commandements. Aucun monarque ne s'était jamais révolté plus audacieusement contre l'autorité du ciel que le pharaon d'Egypte. Quand Moïse lui apporta un message de la part de Dieu, il lui répondit avec hauteur: "Qui est l'Eternel, pour que j'obéisse à sa voix, en laissant aller Israël? Je ne connais point l'Eternel, et je ne laisserai point aller Israël."1 Tel est le langage de l'athéisme. Or, la nation représentée ici par l'Egypte devait également refuser de reconnaître les droits du Dieu vivant; elle devait faire preuve d'une incrédulité semblable, et défier de la même façon le Créateur des cieux et de la terre. La "grande ville" est aussi appelée, "dans un sens spirituel, Sodome". La corruption de Sodome se manifestait plus spécialement par sa luxure. Ce péché devait également caractériser la nation qui allait accomplir cette prophétie. TS 290 3 Il ressort donc des paroles du prophète que, peu avant l'an 1798, un gouvernement sortant de "l'abîme" devait s'élever pour faire la guerre à la Parole de Dieu. Dans le pays où les deux témoins allaient être réduits au silence, on devait voir s'étaler l'athéisme de Pharaon et la luxure de Sodome. TS 290 4 Cette prophétie a reçu l'accomplissement le plus frappant dans l'histoire de la France. Au cours de la Révolution, en 1793, "le monde vit pour la première fois une assemblée d'hommes nés et élevés en pays civilisé, et s'arrogeant le droit de gouverner la nation la plus policée de l'Europe, s'unir pour renier unanimement la vérité la plus haute qui soit accessible à l'homme: la foi en la divinité et en son culte."1 "La France est la seule nation du monde qui ait officiellement osé lever la main contre l'Auteur de l'univers. Il y a eu, et il y a encore, bon nombre de blasphémateurs et d'incrédules en Angleterre, en Allemagne, en Espagne et ailleurs; mais la France occupe une place à part dans les annales de l'humanité, étant le seul Etat qui, par une décision de son assemblée législative, ait déclaré l'inexistence de Dieu, et dont la vaste majorité de sa population, tant dans la capitale qu'en province, ait accueilli cette nouvelle par des danses et des chants de joie".1 TS 291 1 A la même époque, la France manifesta aussi le caractère de Sodome. Au cours de la Révolution, on put constater un état de corruption analogue à celui qui attira la colère de Dieu sur cette ville coupable de l'antiquité. L'histoire, comme la prophétie, établit un rapport entre l'athéisme et l'impudicité. "En relation intime avec les lois contre la religion se trouvait celle qui attaquait le mariage. L'engagement le plus sacré existant entre deux êtres humains, et dont la permanence est indispensable à la conservation de la société, était réduit à l'état de simple contrat civil de nature transitoire, et que deux personnes peuvent contracter et rompre à volonté. ... Si des ennemis de la société s'étaient imposé la tâche de détruire tout ce qu'il y a de gracieux, de vénérable et de constant dans la vie domestique par un mal qui se perpétuât de génération en génération, ils n'auraient rien pu trouver de plus efficace que la dégradation du mariage. ... Sophie Arnould, actrice célèbre par son esprit, appelait l'union libre "le sacrement de l'adultère". TS 291 2 "Où leur Seigneur a été crucifié", dit la prophétie. Ce détail prophétique s'était également réalisé. Aucun pays -- au cours de son histoire -- n'avait manifesté autant d'inimitié que la France contre Jésus-Christ, contre sa Parole et contre ses vrais disciples. Par les persécutions qu'elle avait fait subir au cours des siècles aux confesseurs de l'Evangile, elle avait réellement "crucifié le Seigneur" dans la personne de ses disciples. TS 292 1 Siècle après siècle, le sang des saints avait coulé à flots. Pendant que les Vaudois, dans les montagnes du Piémont, donnaient leur vie pour "la Parole de Dieu et le témoignage de Jésus", les Albigeois faisaient, en France, le même sacrifice et pour la même cause. Aux jours de la Réforme, les Huguenots avaient également versé leur sang pour conserver ce qu'il y a de plus cher au coeur humain: la conscience. Traités en parias, ils avaient vu leur tête mise à prix. Pourchassés comme des fauves, ils avaient subi la mort après d'affreuses tortures. Le roi et les nobles, des femmes de haute naissance et de délicates jeunes filles s'étaient rassasiés du spectacle de l'agonie des martyrs de Jésus. TS 292 2 Ceux de leurs descendants qui restaient encore en France au dix-huitième siècle se cachaient dans les montagnes du Midi, et là, sous le nom d'"Eglise du Désert", ils conservaient la foi de leurs pères. Quand ils osaient se réunir de nuit sur le flanc des montagnes ou dans les landes désertes, c'était au risque d'être traqués par les dragons du roi et condamnés à une vie d'esclavage sur les galères. Les hommes les plus purs, les plus nobles et les plus distingués de France vivaient dans les chaînes, ou exposés aux plus horribles tortures dans la promiscuité des bandits et des assassins. Plus humainement traités étaient ceux qui, sans armes et sans défense, tombant à genoux et se recommandant à Dieu, étaient fusillés de sang-froid. Des centaines de vieillards, de femmes inoffensives et d'enfants innocents, surpris en pleine assemblée, étaient laissés inanimés sur les lieux. En parcourant le versant des montagnes où ces infortunés chrétiens avaient coutume de se réunir, on voyait souvent, "tous les quatre pas, des corps morts qui jonchaient le chemin et des cadavres suspendus aux arbres". Leur pays, dévasté par l'épée, la hache et le bûcher, fut transformé en un vaste et lugubre désert. "Ces atrocités se perpétraient non pas en un temps de ténèbres et d'ignorance, mais dans le siècle poli de Louis XIV, siècle où les arts et les sciences étaient cultivés, où les lettres florissaient et où les théologiens de la cour et de la capitale, savants et éloquents, se paraient des grâces de la douceur et de la charité."1 TS 293 1 Mais le plus noir des forfaits, le plus atroce des crimes enregistrés par l'histoire, fut le massacre de la Saint-Barthélemy. Le monde frémit encore d'horreur au souvenir de ce lâche et cruel attentat. Sous la pression des dignitaires de l'Eglise, ce crime fut autorisé par le roi de France. Une cloche de l'église de Saint-Germain-l'Auxerrois, retentissant dans le silence de la nuit, donna le signal de la tuerie. Des milliers de protestants qui, comptant sur la parole d'honneur de leur roi, reposaient tranquillement dans leurs lits, furent assaillis dans leurs demeures et massacrés. TS 293 2 De même que le Christ avait été le Conducteur invisible de son peuple lorsqu'il l'arracha à l'esclavage de l'Egypte, de même Satan fut le chef invisible de ses sujets dans cet horrible égorgement qui se poursuivit dans Paris sept jours durant, les trois premiers avec une indicible fureur. Mais cette oeuvre de mort ne se borna pas à la capitale: par ordre du roi, elle s'étendit à toutes les provinces et à toutes les villes où vivaient des protestants. On n'eut égard ni à l'âge ni au sexe. On n'épargna ni l'enfant à la mamelle, ni le vieillard aux cheveux blancs. Nobles et paysans, jeunes et vieux, mères et enfants, tous étaient également immolés. Le massacre dura deux mois entiers dans toutes les parties de la France. Soixante-dix mille âmes environ, la fleur de la nation, périrent. TS 294 1 "Quand la nouvelle de ce crime parvint à Rome, la joie du clergé ne connut pas de bornes. Le cardinal de Lorraine récompensa le messager d'un don de mille couronnes; le canon de Saint-Ange se fit entendre en signe de joyeux salut; les cloches de toutes les églises sonnèrent à toute volée; les feux de joie transformèrent la nuit en jour; et Grégoire XIII, accompagné des cardinaux et d'autres dignitaires ecclésiastiques, se rendit en procession à l'église de Saint-Louis, où le cardinal de Lorraine chanta le Te Deum. ... Une médaille fut frappée pour commémorer l'événement. Le pape Grégoire envoya la Rose d'or à Charles IX et, quatre mois après, ... il écoutait complaisamment le sermon d'un prêtre français célébrant ce jour de joie et d'allégresse où le Saint-Père reçut l'heureuse nouvelle, et alla solennellement en rendre grâces à Dieu et à Saint Louis."1 On peut encore voir au Vatican les trois fresques de Vasari représentant le meurtre de Coligny, le roi décidant le massacre en conseil, et le massacre lui-même. TS 294 2 L'esprit infernal qui poussa à la Saint-Barthélemy présida aussi aux scènes de la Révolution. Jésus-Christ y fut déclaré un imposteur, et le cri de ralliement des incrédules qui le désignaient était: "Ecrasons l'infâme."1 Le blasphème et la luxure marchaient de pair; des hommes abjects, des monstres de cruauté et de vice étaient comblés d'honneur: hommage suprême rendu à Satan, tandis que Jésus-Christ, la personnification de la vérité, de la pureté et de l'amour désintéressé, était crucifié à nouveau. TS 294 3 "La bête qui monte de l'abîme leur fera la guerre; elle les vaincra et les tuera." TS 294 4 Comme on vient de le voir, la puissance athée qui gouverna la France sous la Révolution et le règne de la Terreur livra en effet à Dieu et à sa Parole une guerre sans précédent dans l'histoire. L'Assemblée nationale abolit le culte de la divinité. Les exemplaires de la sainte Ecriture furent ramassés et brûlés publiquement avec toutes les marques du mépris. La loi de Dieu était foulée aux pieds. La célébration publique du culte chrétien, du baptême et de la cène fut interdite; le repos hebdomadaire fut supprimé et remplacé par le décadi. Des inscriptions placées bien en vue sur les cimetières déclaraient que la mort est un sommeil éternel. TS 295 1 On affirmait que, loin d'être "le commencement de la sagesse", la crainte de Dieu était le commencement de la folie. Tout culte religieux, sauf celui de la liberté et de la patrie, fut prohibé. "L'évêque constitutionnel de Paris eut le principal rôle dans une comédie impudente et scandaleuse qui fut jouée en présence de l'Assemblée nationale. ... Il vint, recouvert de ses ornements sacerdotaux, pour déclarer à la barre de la Convention que la religion qu'il avait enseignée tant d'années avait été inventée de toutes pièces par les prêtres et qu'elle n'avait aucun fondement ni dans l'histoire ni dans la vérité sacrée. Dans les termes les plus solennels et les plus explicites, il nia l'existence de la divinité dont il avait été le prêtre, annonçant qu'il allait désormais dédier sa vie au culte de la liberté, de l'égalité, de la vertu et de la morale. Il déposa alors devant l'Assemblée ses insignes épiscopaux et reçut du président de la Convention l'accolade fraternelle. Plusieurs prêtres apostats suivirent l'exemple de ce prélat."1 TS 295 2 "Et à cause d'eux les habitants de la terre se réjouiront et seront dans l'allégresse, et ils s'enverront des présents les uns aux autres, parce que ces deux prophètes ont tourmenté les habitants de la terre." La France avait réduit au silence la voix de ces deux témoins. La Parole de vérité, étendue comme un cadavre dans ses rues, mettait dans la joie ceux qui haïssaient les restrictions et les exigences de la loi divine. On outrageait publiquement le Dieu du ciel. Comme certains pécheurs d'autrefois, on s'écriait: "Comment Dieu saurait-il, comment le Très-Haut connaîtrait-il?"1 TS 296 1 Avec une hardiesse dans le blasphème dépassant presque toute conception, un prêtre du nouvel ordre s'écriait: "Dieu, si tu existes, venge les injures faites à ton nom. Je te défie! ... Tu gardes le silence. ... Tu n'oses pas lancer les éclats de ton tonnerre! ... Qui, après ceci, croira encore à ton existence?"2 Echo frappant des paroles de Pharaon: "Qui est l'Eternel pour que j'obéisse à sa voix? Je ne connais pas l'Eternel!" TS 296 2 "L'insensé dit en son coeur: Il n'y a point de Dieu."3 De ceux qui pervertissent la vérité, il est dit: "Leur folie sera manifeste pour tous."4 Quand la foule eut répudié le culte du Dieu vivant, de celui "dont la demeure est éternelle", elle ne tarda pas à glisser dans une idolâtrie dégradante. En la personne d'une comédienne, le culte de la Raison fut inauguré sous les auspices de l'Assemblée nationale et des autorités civiles et législatives. TS 296 3 "Les portes de la Convention s'ouvrirent toutes grandes pour livrer passage à une bande de musiciens, à la suite de laquelle les membres du Conseil municipal entrèrent en procession solennelle, chantant un hymne à la liberté et escortant, comme objet de leur culte futur, une femme voilée dénommée la déesse Raison. Dès qu'elle se trouva dans l'enceinte, on la dépouilla solennellement de son voile, et elle prit place à la droite du président. On reconnut alors une actrice de l'Opéra. C'est à cette femme, considérée comme le meilleur emblème de la raison, qu'allèrent les hommages publics de la Convention nationale. TS 296 4 "Cette cérémonie impie et ridicule eut une certaine vogue; l'instauration de la déesse Raison fut renouvelée et imitée dans toutes les parties de la France où l'on voulut se montrer à la hauteur de la Révolution."1 TS 297 1 Chaumette introduisit le culte de la Raison en ces termes: "Législateurs, le fanatisme a cédé la place à la Raison. Ses yeux louches n'ont pu soutenir l'éclat de la lumière. Aujourd'hui, un peuple immense s'est porté sous ces voûtes gothiques où, pour la première fois, on a entendu la vérité. Là, les Français ont célébré le seul vrai culte, celui de la liberté, celui de la raison. Là, nous avons formé des voeux pour la prospérité des armes de la République. Là, nous avons échangé des idoles inanimées pour la Raison, pour cette image animée, le chef-d'oeuvre de la nature."2 TS 297 2 Lorsque la déesse fut amenée devant la Convention, le président la prit par la main et dit en se tournant vers l'Assemblée: "Mortels, cessez de trembler devant le Dieu que vos prêtres ont créé. Ne reconnaissez plus désormais d'autre divinité que la Raison. Je vous présente sa plus noble et sa plus pure image; s'il vous faut des idoles, n'apportez plus vos hommages qu'à celle-ci. ... Tombe devant l'auguste Sénat de la Liberté, ô voile de la Raison! ... TS 297 3 "Après avoir reçu l'accolade du président, l'idole, montée sur un char magnifique, fut conduite, au milieu d'un immense concours de peuple, à la cathédrale Notre-Dame pour y figurer la divinité. Placée sur un autel élevé, elle reçut les adorations de tous les spectateurs."3 TS 298 4 Cette cérémonie fut suivie d'un autodafé de livres pieux, y compris la Bible. "La Société populaire de la section du Musée entra au Conseil en criant: Vive la Raison! et, portant au bout d'un bâton les restes d'un livre encore fumant, elle annonce que les bréviaires, les missels, les heures, les oraisons de Sainte-Brigitte, l'Ancien et le Nouveau Testament ont expié, dans un grand feu, sur la place du Temple de la Raison, toutes les sottises qu'ils ont fait commettre à l'espèce humaine."1 TS 298 1 Le papisme avait commencé le travail qu'achevait l'athéisme. Les leçons de Rome avaient entraîné la France dans une crise sociale, politique et religieuse qui la précipitait vers la ruine. En parlant des horreurs de la Révolution, certains auteurs en jettent la responsabilité à la fois sur le Trône et sur l'Eglise.2 En toute justice, ces excès doivent être attribués à l'Eglise, qui avait empoisonné l'esprit des rois au sujet de la Réforme, qualifiée par elle d'ennemie de la couronne et d'élément de discorde fatal à la paix de la nation. Le génie de Rome avait inspiré les cruautés inouïes et la terrible oppression exercées par l'autorité royale. TS 298 2 En revanche, l'esprit de liberté avait marché de pair avec la Parole de Dieu. Partout où l'Evangile avait été reçu, les yeux s'étaient ouverts. Les chaînes de l'ignorance, du vice et de la superstition, le plus avilissant des esclavages, avaient été brisées. ... On s'était mis à penser et à agir en hommes. Ce que voyant, les monarques avaient tremblé pour leur despotisme et Rome s'était empressée d'attiser leurs craintes jalouses. En 1525, le pape disait au régent de France: "Cette forcènerie [le protestantisme] ne se contentera pas de brouiller la religion et de la détruire, mais aussi principautés, lois, ordres et même rangs."3 Quelques années plus tard, le nonce du pape donnait au roi cet avertissement: "Sire, ne vous y trompez pas, les protestants porteront atteinte à l'ordre civil comme à l'ordre religieux. Le trône est en danger tout autant que l'autel. L'introduction d'une religion nouvelle doit entraîner nécessairement un gouvernement nouveau."4 Et les théologiens de faire appel aux préjugés populaires en déclarant que la doctrine protestante "entraîne les hommes vers des nouveautés et des folies; qu'elle prive le roi de l'affection de ses sujets et dévaste à la fois l'Eglise et l'Etat". C'est ainsi que Rome avait réussi à dresser la France contre la Réforme. TS 299 1 Les enseignements des Ecritures auraient au contraire implanté dans les esprits et les coeurs des principes de justice, de tempérance, de vérité, d'équité et de bienveillance, principes qui sont la pierre angulaire de la prospérité nationale. "La justice élève une nation." "C'est par la justice que le trône s'affermit." "L'oeuvre de la justice sera la paix, et le fruit de la justice le repos et la sécurité pour toujours."1 Celui qui est soumis à la loi divine ne faillira pas non plus au respect des lois de son pays. Celui qui craint Dieu "honorera le roi" dans l'exercice de ses attributions justes et légitimes. Les dirigeants de la France ne se doutaient guère, hélas! des conséquences de leur fatale politique lorsqu'ils prohibèrent les Ecritures et bannirent ses disciples, lorsque, siècle après siècle, des hommes intègres, éclairés, consciencieux, ayant le courage de leurs convictions et la foi qui consent à souffrir pour la vérité, avaient été condamnés aux galères, consumés sur les bûchers ou enterrés vifs dans de sombres cachots. Des myriades d'autres avaient cherché leur salut en passant à l'étranger. Et cela dura deux cent cinquante ans à partir des débuts de la Réforme! TS 299 2 "Il n'y eut peut-être pas une génération de Français, au cours de cette longue période, qui ne fût témoin de la fuite éperdue des disciples de l'Evangile devant la fureur de leurs persécuteurs. Emportant avec eux leurs arts et leurs industries (dans lesquels ils excellaient généralement), leur intelligence et leur esprit d'ordre, ils allèrent, au détriment de la France, enrichir les pays qui leur donnaient asile. TS 299 3 "Si, au cours de ces trois siècles, la main active de ces exilés avait cultivé le sol national; si leurs talents industriels avaient perfectionné ses usines; si leur génie créateur avait enrichi sa littérature et cultivé ses sciences; si leur sagesse avait dirigé ses conseils; si leur bravoure s'était donné libre carrière sur ses champs de bataille; si leur équité avait rédigé ses lois et si la religion de l'Evangile avait formé les consciences, quelle ne serait pas, aujourd'hui, la gloire de la France! Grande, prospère, heureuse, elle eût servi de modèle à tous les peuples de la terre! TS 300 1 "Au lieu de cela, un fanatisme aveugle et inexorable chassait du sol français les maîtres de la vertu, les champions de l'ordre et les vrais soutiens du trône. En disant aux hommes qui auraient pu assurer la gloire de leur patrie: Vous avez le choix entre l'exil et le bûcher, on consomma la ruine de l'Etat. Et comme il ne resta plus de conscience à proscrire, plus de religion à traîner sur la roue, plus de patriotisme à exiler, on eut la Révolution et ses horreurs. TS 300 2 "La fuite des Huguenots avait été suivie en France d'une décadence générale. Des villes industrielles florissantes tombèrent à rien; des régions fertiles demeurèrent en friche. A une période de progrès sans précédent succédèrent le marasme intellectuel et le déclin moral. Paris devint une vaste aumônerie où deux cent mille personnes, au moment de la Révolution, attendaient leur subsistance des largesses royales. Seuls, au sein de la décadence, les Jésuites prospéraient et faisaient peser le joug de leur tyrannie sur les Eglises, sur les écoles, dans les prisons et sur les galères." TS 300 3 L'Evangile aurait apporté à la France la solution des problèmes politiques et sociaux qui déjouaient l'habileté de son clergé, de son roi et de ses législateurs et qui finirent par plonger le pays dans l'anarchie et la ruine. Malheureusement, sous la tutelle de Rome, le peuple avait oublié les enseignements bénis du Sauveur se résumant dans l'amour du prochain. On l'avait détourné de la voie du désintéressement. On n'avait pas censuré le riche opprimant le pauvre ni secouru le pauvre dans sa servitude et sa dégradation. L'égoïsme du riche et du puissant était devenu de plus en plus dur et cruel. Depuis des siècles, une noblesse prodigue et dissolue écrasait le paysan; le riche pillait le pauvre et chez le pauvre la haine allait en grandissant. TS 301 1 Dans plusieurs provinces, les nobles étaient seuls propriétaires fonciers, et la classe laborieuse, à la merci des propriétaires, était soumise aux exigences les plus exorbitantes. Accablées d'impôts par les autorités civiles et par le clergé, la classe moyenne et la classe ouvrière étaient chargées d'entretenir à la fois l'Eglise et l'Etat. "Le bon plaisir des nobles était considéré comme la loi suprême; les fermiers et les paysans pouvaient mourir de faim: leurs oppresseurs n'en avaient cure. ... Les intérêts exclusifs des propriétaires devaient toujours passer en premier. La vie du travailleur agricole était une existence de misère; ses plaintes, si jamais il s'avisait d'en faire entendre, étaient accueillies avec un superbe mépris. Les tribunaux donnaient toujours raison au noble contre le paysan. Les juges se laissaient publiquement acheter et les caprices des aristocrates avaient force de loi. En vertu de ce système, la corruption était générale. Des impôts arrachés au peuple, la moitié à peine trouvait le chemin du trésor royal ou épiscopal; le reste était gaspillé. Et les hommes qui appauvrissaient ainsi leurs concitoyens étaient eux-mêmes exempts d'impôts et avaient droit, de par la loi ou la coutume, à toutes les charges de l'Etat. La Cour vivait dans le luxe et la dissipation. Les classes privilégiées comptaient cent cinquante mille membres et, pour suffire à leur gaspillage, des millions de leurs concitoyens étaient condamnés à une vie de dégradation sans issue."1 TS 301 2 La cour se livrait au luxe et à la dissipation. Toutes les mesures du gouvernement étaient considérées avec méfiance par les administrés. Avec une aristocratie endurcie et corrompue, avec des classes inférieures indigentes et ignorantes, avec des finances obérées et un peuple exaspéré, il n'était pas nécessaire d'être prophète pour prédire ce qui devait arriver. En ces temps de relâchement, Louis XV se signala pendant plus d'un demi-siècle par son indolence, sa frivolité et sa sensualité. C'était en vain qu'on le pressait de faire des réformes. S'il voyait le mal, il n'avait ni le courage ni le pouvoir d'y parer. Aux avertissements de ses conseillers, il répondait invariablement: "Tâchez de faire durer les choses aussi longtemps que je vivrai. Après ma mort, il arrivera ce qu'il pourra." Il ne prédisait que trop bien le sort qui attendait la France par cette parole souverainement égoïste: "Après moi le déluge!" TS 302 1 En jouant sur la jalousie des rois et des classes dirigeantes, Rome les avait poussés à maintenir le peuple dans un état de servitude, sachant très bien qu'en affaiblissant l'Etat, elle affermissait d'autant son ascendant sur la nation entière. Sa politique clairvoyante lui enseignait que, pour asservir les peuples, il faut enchaîner les âmes et leur ôter toute velléité de liberté. Or la dégradation morale résultant de cette politique était mille fois plus lamentable que les souffrances physiques. Privé du pur Evangile, saturé de fanatisme, le peuple était plongé dans l'ignorance, la superstition et le vice, et, par conséquent, il ne savait pas se gouverner. TS 302 2 Tel était le plan de Rome. Mais le dénouement fut tout autre. Au lieu de retenir les foules dans une aveugle soumission à ses dogmes, elle avait fait des incrédules et des révolutionnaires. Considéré par le peuple comme inféodé aux oppresseurs, le romanisme récolta sa haine. Le seul dieu, la seule religion que l'on connût étant le dieu de Rome et les enseignements de Rome, on considéra l'avarice et la cruauté de l'Eglise comme les fruits légitimes de l'Evangile et l'on ne voulut plus en entendre parler. TS 302 3 Rome ayant dénaturé le caractère de Dieu et perverti ses exigences, on rejeta et la Bible et son Auteur. Au nom des Ecritures, la papauté avait exigé une foi aveugle en ses dogmes. Par réaction, Voltaire et ses collaborateurs rejetèrent entièrement la Parole divine et semèrent à pleines mains le poison de l'incrédulité, Rome avait écrasé le peuple sous son talon de fer et maintenant, dans leur horreur de la tyrannie, les masses dégradées et brutalisées rejetaient toute contrainte. Furieux d'avoir trop longtemps rendu hommage à une brillante fiction, le peuple rejeta également la vérité et le mensonge. Confondant la liberté avec la licence, les esclaves du vice exultèrent dans leur liberté imaginaire. TS 303 1 Au commencement de la Révolution, par concession royale, le peuple obtint aux Etats généraux une représentation supérieure en nombre à celles du clergé et de la noblesse. La majorité gouvernementale se trouvait donc entre ses mains; mais il n'était pas en état d'en user avec sagesse et modération. Dans sa hâte de redresser les torts dont elle avait souffert, une populace aigrie par la souffrance et par le souvenir des vieilles injustices entreprit aussitôt de reconstruire la société et de se venger des auteurs de son dénuement. Mettant à profit les leçons qu'on leur avait données, les opprimés devinrent les oppresseurs de leurs tyrans. TS 303 2 Malheureuse France! Elle récoltait dans le sang la moisson de ses semailles et buvait au calice amer de sa soumission à la puissance de Rome. C'est sur l'emplacement même où, sous l'influence du clergé, avait été élevé le premier bûcher à l'intention des réformés que la Révolution dressa la première guillotine. C'est à l'endroit même où, au seizième siècle, les premiers martyrs de la foi réformée avaient été brûlés, qu'au dix-huitième furent guillotinées les premières victimes de la vindicte populaire. En rejetant l'Evangile qui lui eût apporté la guérison, la France avait ouvert toute grande la porte à l'incrédulité et à la ruine. Le joug des lois divines secoué, on s'aperçut que les lois de l'homme étaient impuissantes à endiguer la marée montante des passions humaines, et la nation sombra dans la révolte et l'anarchie. La guerre à la Parole de Dieu inaugura une ère connue dans l'histoire sous le nom de "règne de la Terreur". La paix et le bonheur furent bannis des foyers et des coeurs. Personne n'était en sécurité. Celui qui triomphait aujourd'hui était, demain, accusé et condamné. La violence et la luxure avaient libre cours. TS 304 1 Le roi, le clergé et la noblesse furent livrés aux atrocités d'une populace en démence. L'exécution du roi excitant la soif de vengeance, les hommes qui avaient décrété sa mort le suivirent bientôt à la guillotine. Le massacre général de tous ceux qui étaient suspects d'hostilité à la Révolution fut décidé. Les prisons étaient combles: à un certain moment, elles n'abritaient pas moins de deux cent mille captifs. Dans les villes de province, on n'assistait qu'à des scènes d'horreur. La France était devenue un champ clos où s'affrontaient des foules en proie à la fureur de leurs passions. "A Paris, où les tumultes succédaient aux tumultes, les citoyens étaient partagés en factions ne visant qu'à leur extermination mutuelle. Pour comble de malheur, la France avait sur les bras une guerre dévastatrice avec les grandes puissances. "Le pays était acculé à la faillite; les armées réclamaient leur solde arriérée; Paris était réduit à la famine; les provinces étaient ravagées par des brigands, et la civilisation faisait place à l'anarchie." TS 304 2 Le peuple, hélas! n'avait que trop bien retenu les néfastes leçons de cruauté que Rome lui avait si patiemment enseignées, et le jour des rétributions était enfin venu. Ce n'étaient plus maintenant les disciples de Jésus qu'on jetait dans les cachots et qu'on entraînait à l'échafaud. Il y avait longtemps qu'ils avaient été ou égorgés ou contraints de s'exiler. Rome recevait maintenant les coups mortels de ceux qu'elle avait habitués à verser, d'un coeur léger, le sang de leurs frères. "La persécution dont le clergé de France avait donné l'exemple pendant tant de siècles se retournait maintenant contre lui avec une redoutable rigueur. Le sang des prêtres ruisselait sur les échafauds. Les galères et les prisons, autrefois pleines de Huguenots, se peuplaient maintenant de leurs persécuteurs. Enchaînés à leur banc et tirant l'aviron, des prêtres expérimentaient à leur tour les supplices qu'ils avaient si gaiement infligés aux doux hérétiques."1 TS 305 1 "Puis vinrent les jours où le plus barbare de tous les codes fut appliqué par un tribunal plus barbare encore; où nul ne pouvait saluer son voisin ni faire sa prière sans s'exposer à commettre un crime capital; où des espions étaient apostés à tous les coins de rue; où la guillotine fonctionnait avec acharnement toute la matinée; où les égoûts de Paris emportaient à la Seine des flots de sang humain...; où des tombereaux parcouraient journellement les rues de Paris conduisant au lieu d'exécution leurs chargements de victimes; où les consuls envoyés dans les départements par le Comité de Salut public se livraient à des orgies de cruauté inconnues même dans la capitale. Le couperet de la fatale machine montait et retombait trop lentement pour suffire à sa tâche et de longues files de captifs étaient fauchées par la mitraille. Pour les noyades en masse, on défonçait des barques chargées de malheureuses victimes. Lyon fut réduit en désert. A Arras, on refusa même aux prisonniers la cruelle miséricorde d'une mort immédiate. Tout le long de la Loire, de Saumur jusqu'à la mer, de grandes troupes de corbeaux et de vautours se repaissaient de la chair des cadavres nus, entrelacés dans de hideuses étreintes. On ne faisait grâce ni au sexe ni à l'âge. Des jeunes gens et des jeunes filles au-dessous de dix-sept ans étaient immolés par centaines. Les Jacobins se lançaient d'une pique à l'autre de petits enfants arrachés au sein maternel."1 TS 305 2 Dans le court espace de dix ans, des multitudes d'êtres humains avaient péri de mort violente. Tout cela était conforme aux désirs du prince des ténèbres et au but qu'il poursuit de siècle en siècle avec une invariable fourberie. Son objet est de plonger l'homme, créature de Dieu, dans la désolation, de le défigurer, de le souiller et par là de contrister le ciel en entravant les plans de la bienveillance et de l'amour divins. Cela fait, aveuglant les esprits, il rejette sur Dieu la responsabilité de son oeuvre, qu'il fait passer pour le résultat des desseins originels du Créateur. Et lorsque ceux qu'il a longtemps brutalisés et dégradés finissent par secouer leur chaîne, il les pousse à des excès et à des atrocités que les tyrans et les oppresseurs citent ensuite comme les conséquences légitimes de la liberté. TS 306 1 Mais il y a plus. Lorsqu'une certaine forme d'erreur est dévoilée, Satan la présente sous un autre déguisement, qui est reçu par la multitude avec tout autant de faveur que le précédent. Voyant que le romanisme était démasqué et qu'il ne pouvait plus s'en servir pour égarer les foules, l'ennemi les poussa dans l'extrême opposé. On rejeta toutes les religions comme mensongères et la Parole de Dieu comme un tissu de fables, pour se livrer sans remords à l'iniquité. TS 306 2 Ce qui attira tant de calamités sur la France, c'est l'ignorance fatale de cette grande vérité, à savoir que la véritable liberté se trouve dans l'obéissance à la loi de Dieu. "Oh! si tu étais attentif à mes commandements! Ton bien-être serait comme un fleuve, et ton bonheur comme les flots de la mer." "Il n'y a point de paix pour les méchants, dit l'Eternel." "Mais celui qui m'écoute reposera avec assurance, il vivra tranquille et sans craindre aucun mal."1 TS 306 3 Les athées, les incrédules et les apostats peuvent repousser et combattre la loi de Dieu, les résultats de leur oeuvre prouvent que la prospérité de l'homme dépend de l'obéissance aux statuts divins. Que ceux qui ne veulent pas croire le Livre de Dieu se donnent la peine de lire ce fait dans l'histoire des nations. TS 306 4 Quand Satan se servait de l'Eglise romaine pour entraîner les hommes loin du sentier de l'obéissance, sa main était si bien dissimulée qu'on ne voyait pas dans les maux qui en découlaient les résultats naturels de l'erreur. En outre, sa puissance était à tel point neutralisée par l'Esprit de Dieu que son système ne pouvait produire tous ses fruits. On ne remontait pas des effets à la cause, et on ne découvrait pas la source des misères publiques. C'est lors de la Révolution, où la loi de Dieu fut ouvertement supprimée par l'Assemblée nationale, et surtout sous le règne de la Terreur qui suivit, que chacun put voir les conséquences de l'abandon des préceptes divins. TS 307 1 Quand la France renia Dieu publiquement et rejeta la Bible, les impies -- comme aussi les démons -- exultèrent de voir enfin la réalisation de leur plus cher désir: un royaume affranchi des restrictions de la loi de Dieu! "Parce qu'une sentence contre les mauvaises actions ne s'exécute pas promptement, le coeur des fils de l'homme se remplit en eux du désir de faire le mal."1 Ils ignorent que la violation d'une loi juste entraîne nécessairement une pénalité et que, si le châtiment ne suit pas toujours de près la transgression, il n'en est pas moins certain. Des siècles d'apostasie et d'iniquité avaient accumulé "un trésor de colère pour le jour de la colère"; aussi, une fois la coupe de leur iniquité comblée, les prévaricateurs et les impies apprirent que lasser la patience divine est une chose terrible. L'Esprit de Dieu, dont la puissance protectrice imposait un frein à la cruauté de Satan, s'étant partiellement retiré, l'être implacable qui trouve ses délices à faire souffrir les hommes put agir à sa guise. Ceux qui avaient choisi le sentier de la révolte eurent bientôt l'occasion d'en mesurer les conséquences sur une terre couverte de forfaits indescriptibles. TS 307 2 "A cette heure-là, il y eut un grand tremblement de terre, et la dixième partie de la ville [de la grande ville: la chrétienté, à savoir la France] tomba." TS 307 3 Des provinces dévastées et des villes ruinées monta, lamentable et amère, une clameur désespérée. La France était secouée comme par un "tremblement de terre". La religion, la loi, l'ordre social, la famille, l'Eglise et l'Etat, tout était abattu par la main impie qui s'était levée contre la loi de Dieu. Ces paroles du Sage se justifiaient: "Le bonheur n'est pas pour le méchant." "Cependant, quoique le pécheur fasse cent fois le mal et qu'il y persévère longtemps, je sais aussi que le bonheur est pour ceux qui craignent Dieu, parce qu'ils ont de la crainte devant lui."1 "Parce qu'ils ont haï la science, et qu'ils n'ont pas choisi la crainte de l'Eternel,... ils se nourriront du fruit de leur voie, et ils se rassasieront de leurs propres conseils."2 TS 308 1 Bien qu'immolés par la puissance blasphématrice "qui monte de l'abîme", les témoins de Dieu ne devaient pas demeurer longtemps silencieux. "Après les trois jours et demi, un esprit de vie, venant de Dieu, entra en eux, et ils se tinrent sur leurs pieds; et une grande crainte s'empara de ceux qui les voyaient."3 C'est en 1793 que l'Assemblée nationale avait décrété l'abolition de la religion chrétienne et la suppression des saintes Ecritures. Trois ans et demi plus tard, la même Assemblée rapportait son décret et tolérait ainsi la libre circulation du Livre saint. Le monde, épouvanté à la vue des débordements qui avaient suivi la répudiation de l'Evangile, reconnut la nécessité de la foi en Dieu et en sa Parole comme base de la vertu et de la morale. Cela était écrit: "Qui as-tu insulté et outragé? Contre qui as-tu élevé la voix? Tu as porté tes yeux en haut sur le Saint d'Israël." "C'est pourquoi voici, je leur fais connaître, cette fois, je leur fais connaître ma puissance et ma force; et ils sauront que mon nom est l'Eternel."4 TS 308 2 Le prophète ajoute, au sujet des deux témoins: "Et ils entendirent du ciel une voix qui leur disait: Montez ici! Et ils montèrent au ciel dans la nuée; et leurs ennemis les virent."5 Depuis que la France a fait la guerre aux témoins de Dieu, ils ont été plus honorés que jamais. En 1804 fut fondée la Société biblique britannique et étrangère. Elle fut suivie de l'organisation en Europe de plusieurs sociétés semblables et de sociétés auxiliaires. En 1816 avait lieu la fondation de la Société biblique américaine et, en 1818, celle de la Société biblique protestante de Paris. Quand fut organisée la Société biblique britannique, les saintes Ecritures étaient imprimées en cinquante langues; depuis, elles l'ont été en plus de huit cents langues et dialectes.1 TS 309 1 Au cours des cinquante années qui précédèrent l'année 1792, on ne s'était guère occupé des missions étrangères. Aucune société nouvelle ne s'était formée et peu d'églises se préoccupaient d'évangéliser les païens. Mais vers la fin du dix-huitième siècle, un grand changement se produisit. On se lassa du rationalisme et l'on commença à éprouver le besoin d'une révélation divine et d'une religion expérimentale. A partir de cette époque, l'oeuvre des missions a pris un développement sans précédent.1 TS 309 2 Les progrès dans l'art de l'imprimerie ont très sensiblement aidé à la propagation des saintes Ecritures. Les facilités de communication d'un pays à l'autre, la disparition des barrières élevées par les préjugés et les exclusivismes nationaux, ainsi que la chute du pouvoir temporel ont frayé la voie à la diffusion de la Parole de Dieu. Depuis 1871, les saintes Ecritures se vendent sans entrave dans les rues de Rome et elles se répandent actuellement dans toutes les régions habitées du globe. TS 309 3 L'incrédule Voltaire disait: "Je suis las d'entendre répéter que douze hommes ont fondé la religion chrétienne. Je prouverai qu'il suffit d'un seul homme pour la renverser." Il y a bientôt deux siècles que cet écrivain est mort. Des millions de sceptiques se sont joints à lui dans sa guerre contre les oracles de Dieu. Or, loin d'être extirpés, là où il y avait cent exemplaires aux jours de Voltaire, il y en a dix mille, que dis-je? il y en a cent mille aujourd'hui. Pour parler avec un réformateur, "les Ecritures sont une enclume qui a déjà usé bien des marteaux". Le Seigneur ajoute: "Toute arme forgée contre toi sera sans effet; et toute langue qui s'élèvera en justice contre toi, tu la condamneras."1 TS 310 1 "La Parole de notre Dieu subsiste éternellement." "Les oeuvres de ses mains sont fidélité et justice; toutes ses ordonnances sont véritables, affermies pour l'éternité, faites avec fidélité et droiture."2 Ce qui est édifié sur l'autorité humaine tombera; mais ce qui repose sur le rocher immuable de la Parole de Dieu subsistera éternellement. ------------------------Chapitre 16 -- Les Pères pèlerins TS 311 1 Tout en renonçant aux doctrines du catholicisme, les réformateurs anglais avaient retenu plusieurs formes de son culte et l'Eglise anglicane avait incorporé à son rituel beaucoup de ses coutumes et de ses cérémonies. On prétendait que ces questions n'avaient rien à voir avec la conscience, que ces rites, sans être enjoints par les Ecritures, n'étaient pas non plus interdits et que, par conséquent, ils étaient sans danger. On assurait que leur observance tendait à atténuer la distance séparant Rome des églises réformées et qu'elle aiderait les catholiques à accepter la Réforme. TS 311 2 Pour les conservateurs et les opportunistes, l'argument était concluant. Mais tous n'envisageaient pas les choses sous cet angle. Le fait même que ces observances tendaient à combler l'abîme entre Rome et la Réforme était pour plusieurs une excellente raison de les proscrire. Ils les considéraient comme des insignes de l'esclavage auquel ils venaient d'échapper et sous lequel ils n'étaient nullement disposés à se replacer. Ils affirmaient que les règles du culte ayant été fixées par Dieu, son peuple n'a pas le droit d'y ajouter ou d'en retrancher quoi que ce soit. Le premier pas dans l'apostasie a été la conséquence du désir de joindre l'autorité de l'Eglise à celle de Dieu. Rome a commencé par prescrire ce que Dieu n'a pas défendu et elle a fini par interdire ce qu'il a expressément ordonné. TS 312 1 Bien des gens qui désiraient ardemment remonter à la pureté et à la simplicité de la primitive Eglise voyaient dans plusieurs des usages de l'Eglise anglicane des vestiges d'idolâtrie et ne pouvaient, en conscience, participer à son culte. De son côté, l'Eglise, appuyée par l'autorité civile, ne voulait souffrir aucune dissidence. La fréquentation de ses offices était exigée par la loi, et ceux qui participaient à des cultes non autorisés étaient passibles de peines d'emprisonnement, d'exil ou de mort. TS 312 2 Au commencement du dix-septième siècle, le souverain qui venait de monter sur le trône d'Angleterre se déclara résolu à contraindre les Puritains à "se conformer, ... sous peine de bannissement ou de quelque chose de pire". Pourchassés, persécutés, emprisonnés, sans espoir d'un avenir meilleur, plusieurs en arrivèrent à la conclusion que l'Angleterre n'était plus habitable pour ceux qui voulaient servir Dieu selon leur conscience. Quelques-uns se décidèrent à aller chercher un refuge en Hollande. Arrêtés par les difficultés, par des pertes matérielles, par des séjours en prison, par des échecs et des trahisons, ils finirent par triompher grâce à leur indomptable persévérance et trouvèrent asile sur les rives hospitalières de la République des Pays-Bas. TS 312 3 Dans leur fuite, ils avaient abandonné leurs maisons, leurs biens et leurs moyens d'existence. Etrangers à ce pays dont ils ne connaissaient ni la langue ni les usages, ils durent, pour gagner leur pain, chercher des occupations nouvelles. Des hommes d'âge mûr, qui avaient passé leur vie à cultiver le sol, se virent obligés d'apprendre des métiers et le firent volontiers. Bien que réduits à l'indigence, ils remerciaient Dieu des bienfaits dont ils jouissaient, trouvant leur joie dans la libre pratique de leur foi. "Se sachant pèlerins, ils ne se mettaient en peine de rien et se consolaient en levant les yeux vers le ciel, leur patrie la plus chère." TS 313 1 L'exil et l'adversité ne faisaient que fortifier leur foi dans les promesses de celui qui ne les décevait pas au moment du besoin. Ses anges, à leurs côtés, renouvelaient et soutenaient leur courage. Aussi, lorsqu'il leur sembla que la main de Dieu leur ouvrait, au-delà des mers, un pays où ils pourraient fonder un Etat et léguer à leurs enfants le précieux héritage de la liberté religieuse, prirent-ils sans hésiter le chemin que la Providence leur indiquait. TS 313 2 Dieu avait fait passer le petit troupeau par la fournaise de l'épreuve afin de le préparer à l'accomplissement d'un grand dessein. Il était sur le point de manifester sa puissance en sa faveur et de prouver au monde, une fois de plus, qu'il n'abandonne pas ceux qui mettent en lui leur confiance. La colère de Satan et les complots des méchants allaient servir à glorifier Dieu et à mettre son peuple en lieu sûr. La persécution et l'exil avaient préparé le chemin de la liberté. TS 313 3 Lorsqu'ils s'étaient vus dans la nécessité de quitter l'Eglise anglicane, les Puritains s'étaient unis entre eux par un pacte solennel. Libres serviteurs de l'Eternel, ils s'engageaient à "marcher ensemble dans toutes les voies que Dieu leur avait fait connaître ou qu'il leur ferait connaître par la suite".1 C'était le véritable esprit de la Réforme, le principe vital du protestantisme que les Pèlerins emportaient avec eux en quittant la Hollande à destination du Nouveau Monde. John Robinson, leur pasteur, empêché providentiellement de les accompagner, leur dit dans son discours d'adieu: TS 313 4 "Mes frères, nous sommes sur le point de nous séparer, et Dieu sait s'il me sera jamais donné de vous revoir. Que le Seigneur en ait ainsi décidé ou non, je vous conjure devant Dieu et devant ses saints anges de ne me suivre que dans la mesure où j'ai suivi Jésus-Christ. Si, par quelque autre instrument de son choix, Dieu venait à vous faire quelque révélation, accueillez-la avec le même empressement que vous avez mis à recevoir la vérité par mon ministère; car je suis persuadé que le Seigneur fera encore jaillir de sa Parole de nouvelles vérités et de nouvelles lumières."1 TS 314 1 "Pour ma part, je ne saurais assez regretter la condition des Eglises réformées qui, ayant parcouru un certain bout de chemin dans la réforme, se refusent à faire un pas de plus que leurs guides. On ne peut persuader les Luthériens de faire un pas plus loin que Luther. ... Et les Calvinistes, vous le voyez, en restent là où les a laissés le grand réformateur qui, cependant, n'a pas tout vu. C'est un malheur qu'on ne saurait trop déplorer. Car si ces hommes ont été en leur temps des lampes brillantes, ils n'ont pas connu tout le conseil de Dieu; et s'ils vivaient aujourd'hui, ils accepteraient de nouvelles lumières avec autant d'empressement que celles qu'ils ont proclamées."2 TS 314 2 "Souvenez-vous de votre engagement envers Dieu et vos frères, de recevoir tout rayon de lumière, toute vérité qui, de sa Parole, pourrait jaillir sur votre sentier; car il n'est pas possible que le monde chrétien, si récemment sorti de ténèbres profondes, soit parvenu d'un seul coup à la plénitude de la lumière. Mais prenez aussi garde à ce que vous recevez comme la vérité; ayez bien soin de tout comparer avec les textes de l'Ecriture."3 TS 314 3 C'est l'amour de la liberté de conscience qui poussa les Pèlerins à affronter les périls d'un long voyage à travers les mers, à braver les privations et les dangers d'un pays désert, pour aller jeter, avec la bénédiction de Dieu, les fondements d'une puissante nation sur les rivages de l'Amérique. Et pourtant, malgré leur sincérité et leur piété, ces chrétiens n'avaient pas encore réellement compris le principe de la liberté religieuse. Ils n'étaient pas disposés à concéder à d'autres cette liberté à laquelle ils attachaient un si grand prix. "Rares étaient, même parmi les penseurs les plus éminents du dix-septième siècle, ceux qui s'étaient élevés à la hauteur du grand principe renfermé dans le Nouveau Testament, et d'après lequel Dieu est seul juge de la foi."1 TS 315 1 La doctrine affirmant que Dieu a donné à son Eglise le droit de dominer les consciences, de définir et de punir l'hérésie, est l'une des erreurs papales les plus invétérées. Les réformateurs, tout en répudiant le credo de Rome, ne surent pas s'affranchir entièrement de son intolérance. Les profondes ténèbres dont Rome avait enveloppé le monde au cours de sa domination séculaire n'étaient pas encore dissipées. L'un des principaux pasteurs de la colonie de Massachusetts Bay disait: "C'est la tolérance qui a rendu le monde antichrétien; jamais l'Eglise n'a eu lieu de regretter sa sévérité envers les hérétiques."2 Un statut adopté par les colons réservait le droit de vote en matière civile aux seuls membres de la congrégation. Celle-ci était une Eglise d'Etat dans laquelle chacun était tenu de contribuer à l'entretien du culte, et où il incombait aux magistrats de veiller à la suppression de l'hérésie. Le pouvoir civil ainsi placé entre les mains de l'Eglise ne tarda pas à produire le fruit qu'il fallait en attendre: la persécution. TS 315 2 Onze ans après l'établissement de la première colonie, arrivait dans le Nouveau Monde Roger Williams, en quête, lui aussi, de la liberté de conscience. Mais il la concevait autrement que les Pèlerins. A l'encontre des gens de son temps, il avait compris que cette liberté est le droit inaliénable de tout homme, quelle que soit sa confession. Avide de vérité, il lui paraissait impossible, comme à Robinson, qu'on eût déjà reçu toute la lumière de la Parole de Dieu. "Williams a été le premier dans la chrétienté moderne à établir le gouvernement civil sur le principe de la liberté religieuse et de l'égalité des opinions devant la loi."1 Il affirmait que le devoir du magistrat était de punir le crime, mais non de dominer sur les consciences. "Le magistrat, disait-il, peut décider ce que l'homme doit à son semblable; mais quand il s'avise de lui prescrire ses devoirs envers son Dieu, il sort de ses attributions. L'Etat peut établir un credo aujourd'hui et demain un autre, comme cela s'est vu sous divers rois et reines d'Angleterre, et comme l'ont fait différents papes et conciles de l'Eglise romaine, ce qui rend la croyance incertaine et donne libre cours à l'arbitraire."2 TS 316 1 La présence aux services religieux était obligatoire sous peine d'amende et de prison. Williams bravait cette loi, qu'il appelait "le pire article de la loi anglaise". "Forcer un homme à adorer Dieu avec des personnes ne partageant pas ses croyances c'était, selon lui, une violation flagrante du droit privé; traîner au culte des gens irréligieux et indifférents, c'était cultiver l'hypocrisie. Nul ne doit être contraint d'adorer Dieu ou de contribuer aux frais du culte. -- Quoi! s'écriaient ses antagonistes, scandalisés de sa doctrine, Jésus ne dit-il pas que l'ouvrier mérite d'être nourri? -- Assurément, répliquait-il, mais par ceux qui l'emploient".3 TS 316 2 Roger Williams était reconnu et aimé comme un fidèle ministre de l'Evangile. Sa haute intelligence, sa charité, son intégrité incorruptible lui avaient gagné le respect de la colonie. Mais on ne voulut pas tolérer sa ferme opposition à l'ingérence du magistrat dans le domaine de l'Eglise, ni ses plaidoyers en faveur de la liberté religieuse. L'introduction de cette nouvelle doctrine, disait-on, ébranlera les bases du gouvernement de la colonie, et on le condamna au bannissement. Williams se vit ainsi obligé de s'enfuir et de chercher, en plein hiver, un refuge dans la forêt vierge. TS 317 1 "Quatorze semaines durant, dit-il, par un froid glacial, j'errai sans asile et sans pain, nourri par les corbeaux du désert, et m'abritant le plus souvent dans le creux d'un arbre."1 Il finit par trouver un refuge auprès d'une tribu indienne dont il avait gagné l'affection et la confiance en s'efforçant de lui enseigner l'Evangile. TS 317 2 Au bout de plusieurs mois, Williams arriva sur les rives de la baie de Narragansett, où il fonda le premier Etat des temps modernes qui ait reconnu, d'une façon complète, le droit à la liberté de conscience. Le principe fondamental de la nouvelle colonie fut ainsi formulé: "Chacun aura la liberté de servir Dieu selon les lumières de sa conscience."2 Le petit Etat de Rhode-Island était destiné à devenir l'asile des opprimés. Son influence devait s'accroître à tel point que son principe fondamental -- la liberté civile et religieuse -- est devenu la pierre angulaire de la République américaine. TS 317 3 Dans la Déclaration de l'Indépendance, auguste document dont ils ont fait la charte de leurs libertés, les fondateurs de la grande République disent: "Nous maintenons -- à titre de vérités évidentes -- que tous les hommes sont créés égaux, et que le Créateur leur a donné des droits inaliénables parmi lesquels se trouvent: la vie, la liberté et la recherche du bonheur." D'autre part, la Constitution américaine garantit l'inviolabilité de la conscience dans les termes les plus positifs. Elle dit: "Aucune formalité ou croyance religieuse ne pourra jamais être exigée comme condition d'aptitude à une fonction ou charge publique aux Etats-Unis." "Le Congrès ne pourra faire aucune loi relative à l'établissement d'une religion ou qui en interdise le libre exercice." TS 318 1 "Les auteurs de la Constitution ont reconnu le principe immortel en vertu duquel les relations de l'homme avec son Dieu -- donc les droits de la conscience -- sont inaliénables et échappent à toute législation humaine. Il n'était pas nécessaire d'argumenter longuement pour établir cette vérité dont chacun est conscient dans son for intérieur. Cette certitude a soutenu les martyrs au milieu des tortures et des flammes des bûchers. Ils croyaient que les devoirs envers Dieu priment les lois humaines et que l'homme n'avait aucun droit sur leur conscience. C'est là un principe inné que personne ne peut extirper."1 TS 318 2 Lorsqu'on apprit en Europe qu'il existait un pays où chacun pouvait jouir du fruit de ses labeurs et vivre selon sa conscience, des milliers de gens affluèrent sur les rivages du Nouveau Monde. Les colonies se multiplièrent rapidement. "Par une loi spéciale, le Massachusetts offrit bon accueil et assistance, aux frais de l'Etat, aux chrétiens de toute nationalité qui fuiraient à travers l'Atlantique "pour échapper à la guerre, à la famine ou à l'oppression de leurs persécuteurs". Ainsi, les fugitifs et les opprimés devenaient, de par la loi, les hôtes de la nation."2 Dans les vingt années qui suivirent le premier débarquement à Plymouth, un nombre égal de milliers de Pèlerins s'établirent en Nouvelle-Angleterre. TS 318 3 En retour de cette liberté, les immigrants s'estimaient heureux de gagner leur pain quotidien par leur travail et leur sobriété. "Ils ne demandaient au sol qu'une rémunération raisonnable de leur labeur. Sans se laisser leurrer par des visions dorées, ... ils se contentaient des progrès lents mais constants de leur économie sociale. Ils enduraient patiemment les privations de la vie du désert, arrosant de leurs larmes et de leurs sueurs l'arbre de la liberté, qui enfonçait dans le sol ses profondes racines." TS 319 1 L'Ecriture sainte était la base de leur foi, la source de leur sagesse, la charte de leurs libertés. Ses principes, diligemment enseignés dans la famille, à l'école et à l'église, portaient comme fruits l'industrie, l'intelligence, la chasteté, la tempérance. On eût pu passer des années dans les colonies des Puritains "sans rencontrer un ivrogne, sans entendre un blasphème, sans voir un mendiant".1 Ce fait démontrait que les principes de la Bible offrent les plus sûres garanties de la grandeur nationale. Les colonies, d'abord faibles et isolées, finirent par devenir une puissante fédération d'Etats, et le monde a vu avec étonnement se développer, dans la paix et la prospérité, une "Eglise sans pape, et un Etat sans roi". TS 319 2 Mais les foules sans cesse plus nombreuses, attirées vers les rives de l'Amérique, étaient poussées par des mobiles bien différents de ceux des premiers Pèlerins. La foi et les vertus des premiers temps, bien que continuant à exercer sur la masse une influence bienfaisante, diminuèrent dans la mesure où augmentait le nombre des nouveaux venus, uniquement avides d'avantages matériels. TS 319 3 Les règlements de la première colonie attribuaient les charges publiques aux seuls membres de l'Eglise; les résultats en furent pernicieux. Cette mesure, considérée comme propre à maintenir l'intégrité de l'Etat, entraîna la corruption de l'Eglise. Une simple profession de religion étant suffisante pour aspirer à une charge publique, un grand nombre de gens étrangers à la vie chrétienne entrèrent dans l'Eglise. Peu à peu, les églises se remplirent d'inconvertis. Dans le corps pastoral même, des hommes, non seulement enseignaient l'erreur, mais ignoraient entièrement la puissance transformatrice du Saint-Esprit. Une fois de plus, l'histoire démontrait les funestes conséquences du régime -- introduit sous Constantin -- de l'édification, avec l'appui du pouvoir séculier, de l'Eglise de celui qui a dit: "Mon royaume n'est pas de ce monde."2 L'union de l'Eglise et de l'Etat, à quelque degré que ce soit, si elle paraît rapprocher le monde de l'Eglise, n'a en réalité d'autre conséquence que de mondaniser l'Eglise. TS 320 1 Le grand principe si noblement soutenu par Robinson et Roger Williams, à savoir que la lumière de la vérité est progressive et que le chrétien doit se tenir prêt à recevoir tout rayon nouveau émanant de la Parole de Dieu fut perdu de vue par leurs descendants. Les Eglises protestantes d'Amérique, comme aussi celles d'Europe, qui ont eu l'insigne privilège de participer aux bienfaits de la Réforme, n'ont pas continué d'avancer dans cette voie. De loin en loin, des hommes se sont levés pour proclamer des vérités nouvelles et dénoncer d'anciennes erreurs; mais les masses -- suivant l'exemple des Juifs au temps de Jésus et des peuples restés catholiques au seizième siècle -- n'ont pas voulu recevoir autre chose que ce que leurs pères avaient cru et se sont refusées à modifier leur manière de vivre. En s'attachant à des erreurs et à des superstitions qu'on eût délaissées si l'on avait reçu les lumières de la Parole de Dieu, on a fait dégénérer la religion en formalisme. Ainsi, l'esprit de la Réforme s'est graduellement affaibli. Envahi par la mondanité et la torpeur spirituelle, attaché à l'opinion publique et aux théories humaines, le protestantisme en est venu à avoir tout aussi besoin de réforme que le catholicisme aux jours de Luther. TS 320 2 La vaste diffusion des Ecritures au commencement du dix-neuvième siècle et la grande lumière ainsi répandue sur le monde n'ont pas été suivies d'un progrès correspondant dans la vérité révélée ou la vie religieuse. Ne pouvant plus, comme dans les siècles passés, cacher au monde la Parole de Dieu désormais à la portée de tous, Satan a imaginé une tactique nouvelle. Il a poussé un grand nombre de gens à faire peu de cas de la Bible. Ainsi, sans se mettre en peine d'interroger diligemment les Ecritures, on a continué d'en accepter de fausses interprétations et de conserver des doctrines dépourvues de base scripturaire. TS 320 3 Voyant qu'il ne réussirait pas à supprimer la vérité par la persécution, Satan a eu de nouveau recours à l'expédient des compromis qui lui avait si bien réussi aux jours de Constantin, et qui avait abouti à la grande apostasie. Il a amené les chrétiens à contracter alliance non plus avec des païens proprement dits, mais avec un monde que le culte pour des choses d'ici-bas a rendu tout aussi idolâtre que les adorateurs d'images taillées. Et les résultats de cette union n'ont pas été moins pernicieux que dans les siècles précédents. Le luxe et l'extravagance ont été cultivés sous le manteau de la religion et les églises se sont mondanisées. Satan a continué de pervertir les enseignements de l'Ecriture; des traditions funestes à des millions d'âmes ont jeté de profondes racines dans les coeurs, et l'Eglise, au lieu de maintenir la foi primitive, a soutenu et revendiqué ces traditions. Ainsi se sont effrités les principes en faveur desquels les réformateurs ont tant travaillé et tant souffert. ------------------------Chapitre 17 -- Les précurseurs du matin TS 323 1 Une des vérités les plus glorieuses et les plus solennelles du christianisme est celle qui annonce une seconde venue de Jésus-Christ pour achever la grande oeuvre de la rédemption. Pour les enfants de Dieu, pèlerins séculaires de "la vallée de l'ombre de la mort", la certitude que celui qui est "la résurrection et la vie" va revenir pour les emmener avec lui dans la "maison du Père", est une perspective ineffable. La doctrine du second avènement est la clé de voûte des Ecritures. Dès le jour où nos premiers parents ont eu le malheur de se voir exilés de l'Eden, les vrais croyants ont eu les regards fixés sur celui qui doit venir briser la puissance de l'ennemi et les réintroduire dans le paradis perdu. TS 323 2 Les hommes pieux des siècles passés ont vu dans la venue du Messie en gloire la consommation de leurs espérances. Enoch, le septième homme depuis Adam, "qui marcha avec Dieu trois cents ans", put contempler de loin la venue du Libérateur. "Voici, dit-il, le Seigneur est venu avec ses saintes myriades, pour exercer un jugement contre tous, et pour faire rendre compte à tous les impies parmi eux de tous les actes d'impiété qu'ils ont commis et de toutes les paroles injurieuses qu'ont proférées contre lui des pécheurs impies."1 TS 324 1 Le patriarche Job, dans la nuit de son affliction, s'écrie en accents d'une foi inébranlable: "Mais je sais que mon Rédempteur est vivant, et qu'il se lèvera le dernier sur la terre. ... Quand je n'aurai plus de chair, je verrai Dieu. ... Mes yeux le verront et non ceux d'un autre."2 TS 324 2 La venue du Seigneur pour instaurer le règne de la justice a inspiré les exclamations les plus enthousiastes des écrivains sacrés. Les poètes et les prophètes de la Bible en ont parlé en stances inspirées. Le psalmiste a chanté la puissance et la majesté du Roi d'Israël: "De Sion, beauté parfaite, Dieu resplendit. Il vient, notre Dieu, il ne reste pas en silence; ... il crie vers les cieux en haut, et vers la terre, pour juger son peuple." "Que les cieux se réjouissent, et que la terre soit dans l'allégresse ... devant l'Eternel! Car il vient, car il vient pour juger la terre; il jugera le monde avec justice, et les peuples selon sa fidélité."3 TS 324 3 Le prophète Esaïe s'écrie: "Réveillez-vous et tressaillez de joie, habitants de la poussière; car ta rosée est une rosée vivifiante, et la terre redonnera le jour aux ombres. ... Il anéantit la mort pour toujours; le Seigneur, l'Eternel, essuie les larmes de tous les visages, il fait disparaître de toute la terre l'opprobre de son peuple; car l'Eternel a parlé. En ce jour l'on dira: Voici, c'est notre Dieu, en qui nous avons confiance, et c'est lui qui nous sauve; c'est l'Eternel, en qui nous avons confiance; soyons dans l'allégresse, et réjouissons-nous de son salut!"4 TS 324 4 Emerveillé, Habakuk assiste, dans une vision céleste, au retour de Jésus-Christ: "Dieu vient de Théman, le Saint vient de la montagne de Paran. ... Sa majesté couvre les cieux, et sa gloire remplit la terre. C'est comme l'éclat de la lumière; des rayons partent de sa main; là réside sa force. ... Il s'arrête, et de l'oeil il mesure la terre; il regarde, et il fait trembler les nations; les montagnes éternelles se brisent, les collines antiques s'abaissent; les sentiers d'autrefois s'ouvrent devant lui. ... Tu es monté sur tes chevaux, sur ton char de victoire. ... A ton aspect, les montagnes tremblent; ... l'abîme fait entendre sa voix, il lève ses mains en haut. Le soleil et la lune s'arrêtent dans leur demeure, à la lumière de tes flèches qui partent, à la clarté de ta lance qui brille. ... Tu sors pour délivrer ton peuple, pour délivrer ton oint."1 TS 325 1 Sur le point de quitter ses disciples, le Seigneur les console par l'assurance de son retour: "Que votre coeur ne se trouble point. ... Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père. ... Je vais vous préparer une place. Et, lorsque je m'en serai allé, et que je vous aurai préparé une place, je reviendrai, et je vous prendrai avec moi, afin que là où je suis vous y soyez aussi." "Lorsque le Fils de l'homme viendra dans sa gloire, avec tous les anges, il s'assiéra sur le trône de sa gloire. Toutes les nations seront assemblées devant lui."2 TS 325 2 Les anges restés sur la montagne des Oliviers après l'ascension du Sauveur réitèrent aux disciples la promesse de son retour: "Ce Jésus, qui a été enlevé au ciel du milieu de vous, viendra de la même manière que vous l'avez vu allant au ciel." Et l'apôtre Paul, sous l'inspiration de l'Esprit, écrit aux Thessaloniciens: "Car le Seigneur lui-même, à un signal donné, à la voix d'un archange, et au son de la trompette de Dieu, descendra du ciel." Le voyant de Patmos écrit: "Voici, il vient avec les nuées. Et tout oeil le verra."3 TS 325 3 C'est autour de cette venue que resplendit la gloire du "rétablissement de toutes choses, dont Dieu a parlé anciennement par la bouche de ses saints prophètes". A ce moment-là prendra fin le long règne du péché, "le royaume du monde sera remis à notre Seigneur et à son Christ; et il régnera aux siècles des siècles". "Alors la gloire de l'Eternel sera révélée, et au même instant toute chair la verra." "Ainsi le Seigneur, l'Eternel, fera germer le salut et la louange, en présence de toutes les nations." "En ce jour, l'Eternel des armées sera une couronne éclatante et une parure magnifique pour le reste de son peuple."1 TS 326 1 C'est alors que le règne messianique de la paix, règne si longtemps attendu, sera établi "sous tous les cieux". "Ainsi l'Eternel a pitié de Sion, il a pitié de toutes ses ruines; il rendra son désert semblable à un Eden, et sa terre aride à un jardin de l'Eternel." "La gloire du Liban lui sera donnée, la magnificence du Carmel et de Saron." "On ne te nommera plus délaissée, on ne nommera plus ta terre désolation; mais on t'appellera mon plaisir en elle, et l'on appellera ta terre épouse. ... Comme un jeune homme s'unit à une vierge, ainsi tes fils s'uniront à toi; et comme la fiancée fait la joie de son fiancé, ainsi tu feras la joie de ton Dieu."2 TS 326 2 De tout temps, la venue du Seigneur a été l'espérance de ses disciples. Cette dernière promesse du Sauveur, faite du haut de la montagne des Oliviers: "Je reviendrai", a illuminé leur avenir et rempli leurs coeurs d'un bonheur que les tristesses et les épreuves n'ont pu ni éteindre ni atténuer. Au milieu des souffrances et des persécutions, cette perspective "de la gloire du grand Dieu et de notre Seigneur Jésus-Christ" est restée "la bienheureuse espérance" de l'Eglise fidèle. Quand les Thessaloniciens pleuraient la perte d'êtres chers qu'ils avaient espéré conserver jusqu'au retour du Seigneur, l'apôtre Paul les consolait en leur parlant de la résurrection qui accompagnera ce retour. Alors, ceux qui sont morts dans la foi au Sauveur se réveilleront et seront enlevés avec les vivants, dans les airs, pour aller à la rencontre du Seigneur; et "ainsi, ajoute-t-il, nous serons toujours avec le Seigneur. Consolez-vous donc les uns les autres par ces paroles."1 TS 327 1 Sur les rochers désolés de Patmos, le "disciple que Jésus aimait" entend cette promesse: "Je viens bientôt", et sa réponse ardente exprime la prière séculaire de l'Eglise: "Amen! Viens Seigneur Jésus!"2 TS 327 2 Du fond des prisons, du haut des bûchers et des échafauds où les saints et les martyrs ont rendu témoignage à la vérité, nous parvient à travers les siècles ce même cri de foi et d'espérance. "Certains de la résurrection de Jésus et par conséquent de la leur, lors de sa venue, dit un de ces chrétiens, ils triomphaient de la mort." Ils consentaient volontiers à descendre dans la tombe, puisqu'ils devaient en ressortir affranchis. Ils attendaient le retour du Seigneur dans les nuées, entouré de la gloire du Père, et venant inaugurer "les jours du royaume". Les Vaudois se nourrissaient de la même foi. Wiclef considérait l'apparition du Rédempteur comme l'espérance de l'Eglise. TS 327 3 Luther disait: "Je suis persuadé qu'il ne s'écoulera pas trois siècles avant le jour du jugement. Dieu ne supportera pas, ne pourra pas supporter ce monde impie plus longtemps. ... Le grand jour approche où le règne des abominations prendra fin." TS 327 4 "Ce vieux monde touche à sa fin", disait Mélanchthon. Calvin exhortait les chrétiens à ne "pas hésiter de désirer avec ardeur le jour de la venue de Jésus-Christ comme l'événement, pour eux, le plus heureux". Il ajoutait: "Que toute la famille des fidèles ait les yeux fixés sur ce jour. ... Il faut soupirer après le Christ, le rechercher, le contempler jusqu'à l'aube du grand jour où le Seigneur manifestera pleinement son royaume." TS 328 1 "Notre Seigneur Jésus-Christ n'a-t-il pas transporté notre chair dans les cieux?" dit Knox, le réformateur de l'Ecosse, "et ne reviendra-t-il pas? Nous savons qu'il reviendra, et qu'il ne tardera pas." Ridley et Latimer, qui donnèrent leur vie pour la vérité, attendaient avec foi le retour du Seigneur, Ridley écrivait: "Je puis le dire sans le moindre doute: le monde tire à sa fin. Avec Jean, disons de tout notre coeur: "Viens, Seigneur Jésus!" TS 328 2 "La pensée du retour du Seigneur, disait Baxter, m'est des plus douces et des plus précieuses." "C'est l'oeuvre de la foi et la caractéristique des saints d'aimer son apparition et d'attendre la réalisation de la bienheureuse espérance." "La mort étant le dernier ennemi qui sera détruit à la résurrection, apprenons quelle doit être la ferveur de nos prières pour hâter la seconde venue du Seigneur qui nous apportera cette victoire définitive. ... C'est le jour sur lequel tous les croyants doivent compter, que tous doivent attendre, après lequel ils doivent tous soupirer; car il sera l'achèvement de leur rédemption, le couronnement des aspirations de leur âme. ... Seigneur, hâte cet heureux jour!" Telle était l'espérance de l'Eglise apostolique, celle de "l'Eglise du désert" et celle des réformateurs. TS 328 3 La prophétie ne nous dit pas seulement le mode et l'objet de la venue du Seigneur; elle nous donne les signes annonciateurs de sa proximité. "Il y aura, dit Jésus, des signes dans le soleil, dans la lune et dans les étoiles." "Le soleil s'obscurcira, la lune ne donnera plus sa lumière, les étoiles tomberont du ciel, et les puissances qui sont dans les cieux seront ébranlées. Alors on verra le Fils de l'homme venant sur les nuées avec une grande puissance et avec gloire." Les premiers signes précurseurs du retour du Seigneur sont mentionnés comme suit par le voyant de Patmos: "Il y eut un grand tremblement de terre, le soleil devint noir comme un sac de crin, la lune entière devint comme du sang."1 TS 329 1 Ces signes apparurent avant le commencement du dix-neuvième siècle. Conformément à cette prophétie, eut lieu, en 1755, le tremblement de terre le plus destructeur que l'histoire ait enregistré. Quoique connu sous le nom de "tremblement de terre de Lisbonne", il secoua une partie considérable de l'Europe, de l'Afrique et de l'Amérique. Il fut ressenti au Groenland, aux Antilles, à l'île Madère, en Norvège, en Suède, en Angleterre et en Irlande, soit sur une étendue de plus de six millions de kilomètres carrés. En Afrique, il fut presque aussi violent qu'en Europe. La ville d'Alger fut en grande partie détruite; au Maroc, un village de huit à dix mille habitants disparut. Un terrible raz-de-marée submergea les côtes d'Espagne et d'Afrique, envahit des villes et occasionna des dégâts énormes. TS 329 2 "C'est en Espagne et au Portugal que la secousse se fit sentir avec le plus de violence. On affirme qu'à Cadix le raz-de-marée atteignit dix-huit mètres de hauteur. Quelques-unes des plus hautes montagnes du Portugal furent violemment secouées; plusieurs s'ouvrirent par le sommet; des flammes en jaillirent et d'énormes blocs de rochers furent précipités dans les vallées voisines."1 TS 329 3 A Lisbonne, "le tremblement de terre qui détruisit la ville fut précédé de sourds grondements souterrains. Puis on vit la mer se retirer, laissant ses rives à sec, pour revenir ensuite sur elle-même et s'élever à quelque quinze mètres au-dessus de son niveau ordinaire. ... Au nombre des événements extraordinaires qui se produisirent à Lisbonne, on cite la disparition d'un quai tout en marbre, construit depuis peu et à grands frais. Une immense foule s'y était réfugiée, comme l'endroit le plus sûr pour échapper au danger des maisons croulantes. Mais tout à coup le quai s'effondra avec toute sa cargaison humaine; pas un cadavre ne revint à la surface. TS 329 4 "Ce tremblement de terre entraîna la chute de toutes les églises, de tous les couvents, de presque tous les édifices publics et de plus du quart des maisons. Deux heures environ après la secousse, un incendie éclata dans les différents quartiers de la ville et sévit avec tant de violence pendant environ trois jours que Lisbonne fut entièrement détruite. La catastrophe tomba sur un jour de fête, alors que les églises et les couvents étaient combles; peu de personnes échappèrent. ... La terreur était indescriptible. Personne ne pleurait; il n'y avait pas de larmes devant un tel désastre. En proie au délire, la population courait çà et là, hurlant, se frappant le visage et la poitrine en s'écriant: Misericordia! C'est la fin du monde! Des mères, oubliant leurs enfants, parcouraient les rues, chargées de crucifix. Malheureusement, beaucoup d'entre elles cherchèrent en vain asile dans les églises où était exposé le saint-sacrement, et embrassaient les autels: images, prêtres et gens du peuple furent enveloppés dans une commune ruine."1 On évalue à plus de quatre-vingt-dix mille le nombre des personnes qui perdirent la vie en ce jour néfaste. TS 330 1 Le signe mentionné ensuite dans la prophétie: l'obscurcissement du soleil et de la lune, parut vingt-cinq ans plus tard. Son accomplissement fut d'autant plus frappant que le moment de son apparition avait été clairement indiqué. Dans son entretien avec ses disciples sur la montagne des Oliviers, le Sauveur décrit la longue détresse des croyants: les mille deux cent soixante années de la persécution papale, persécution qu'il déclare devoir être abrégée. Puis il mentionne en ces termes certains événements qui devaient précéder sa venue, en précisant comme suit le temps de l'apparition du premier de ces signes: "Mais dans ces jours, après cette détresse, le soleil s'obscurcira, la lune ne donnera plus sa lumière."2 Les mille deux cent soixante jours ou années prirent fin en 1798, les persécutions ayant presque entièrement cessé un quart de siècle plus tôt. Or, c'est après la persécution que, selon la prédiction de Jésus, le soleil devait s'obscurcir. Cette prophétie s'est accomplie le 19 mai 1780. TS 331 1 "A peu près unique parmi les phénomènes de ce genre est l'événement mystérieux, inexpliqué jusqu'à ce jour, connu sous le nom de jour obscur du 19 mai 1780, que fut l'obscurcissement de tout le ciel visible et de l'atmosphère de la Nouvelle-Angleterre."1 TS 331 2 Un témoin oculaire, qui se trouvait au Massachusetts, le décrit comme suit: TS 331 3 "Radieux à son lever, le soleil ne tarda pas à perdre son éclat. D'épais nuages s'accumulèrent, bientôt sillonnés par des éclairs; le tonnerre gronda et la pluie tomba. Vers les neuf heures, les nuages, moins opaques, prirent une teinte cuivrée ou bronzée qui se refléta sur la terre, sur les rochers, les arbres, les maisons, l'eau et les personnes. Quelques minutes plus tard, le ciel entier s'étant couvert d'un épais nuage noir, qui ne laissa qu'une légère frange à l'horizon, l'obscurité devint aussi grande qu'elle l'est en général à neuf heures du soir par une nuit d'été. ... TS 331 4 "La crainte, l'angoisse, la terreur s'emparèrent graduellement de tous les esprits. Sur le seuil de leur porte, les femmes considéraient le lugubre paysage; les laboureurs revenaient des champs; les charpentiers laissaient là leurs outils, les maréchaux quittaient leur forge et les marchands leur comptoir. Les écoliers, congédiés, regagnaient leur demeure en tremblant. Les voyageurs allaient demander asile à la première ferme se trouvant sur leur chemin. Que va-t-il arriver? Cette question était sur toutes les lèvres et dans tous les coeurs. Il semblait qu'une furieuse tempête allait éclater ou que le jour de la consommation de toutes choses était arrivé. TS 331 5 "On alluma les chandelles, et les âtres brillaient d'un aussi vif éclat que par une nuit d'automne, sans lune. ... Les hôtes de la basse-cour se retirèrent sur leurs perchoirs et s'endormirent; le bétail, mugissant, se réunit à la sortie des pâturages; les grenouilles se mirent à coasser; les oiseaux firent entendre leur chant du soir et les chauve-souris s'adonnèrent à leur ronde nocturne. Mais les hommes savaient que ce n'était pas la nuit. ... TS 332 1 "Le docteur Nathanael Whittaker, pasteur de l'église du Tabernacle, à Salem, y présida des services religieux; au cours d'un sermon, il soutint que ces ténèbres étaient surnaturelles. Des congrégations se réunirent en maints endroits. ... Partout les prédicateurs choisirent des textes bibliques paraissant indiquer un accomplissement prophétique."1 C'est un peu après onze heures que les ténèbres furent le plus denses. "Dans presque toute l'étendue du pays, l'obscurité fut telle pendant la journée qu'il ne fut pas possible sans bougies de voir l'heure à sa montre, ni de manger ou de vaquer à ses devoirs domestiques. ... TS 332 2 "Ces ténèbres s'étendirent très loin. On les observa jusqu'à Falmouth, à l'est, et jusqu'à l'extrémité du Connecticut, à l'ouest; au sud, jusque sur les côtes de la mer, et au nord, aussi loin que s'étendaient les colonies américaines."2 TS 332 3 Aux ténèbres intenses de ce jour succéda, une heure ou deux avant le coucher du soleil, un ciel partiellement clair, et le soleil brilla au travers d'un épais brouillard. "Après le coucher du soleil, le ciel se couvrit de nouveau, et les ténèbres devinrent rapidement très denses. ... Les ténèbres de cette nuit ne furent pas moins extraordinaires et terrifiantes que celles de la journée. Bien que la lune fût presque dans son plein, on ne pouvait rien distinguer sans la lumière artificielle qui, vue de près ou de loin, semblait barbouillée de ténèbres à peu près opaques."3 TS 332 4 Un témoin oculaire écrivait: "Je ne pouvais m'empêcher de me dire alors que si tous les corps lumineux de l'univers avaient été enveloppés d'impénétrables ténèbres, ou s'ils avaient été supprimés, l'obscurité n'eût pas pu être plus complète."1 Bien que la lune se fût levée vers les neuf heures, elle n'eut aucun effet sur cette lugubre nuit. Après minuit, l'obscurité se dissipa, et la lune, au moment où elle parut, avait la couleur du sang. TS 333 1 Le "Jour obscur" du 19 mai 1780 est entré dans l'histoire. Depuis les plaies d'Egypte, l'humanité n'a pas enregistré un obscurcissement aussi étendu, aussi dense et aussi prolongé. La description de cet événement, faite par des témoins oculaires, n'est qu'un écho de la Parole de Dieu transmise par le moyen du prophète Joël, vingt-cinq siècles à l'avance: "Le soleil se changera en ténèbres, et la lune en sang, avant l'arrivée du jour de l'Eternel, de ce jour grand et terrible."2 TS 333 2 Jésus avait exhorté ses disciples à surveiller les signes de son retour et à se réjouir à la vue des gages de sa prochaine venue. "Quand ces choses commenceront à arriver, leur avait-il dit, redressez-vous et levez vos têtes, parce que votre délivrance approche." Appelant leur attention sur les arbres qui bourgeonnent au printemps, il ajouta: "Dès qu'ils ont poussé, vous connaissez de vous-mêmes, en regardant, que déjà l'été est proche. De même, quand vous verrez ces choses arriver, sachez que le royaume de Dieu est proche."3 TS 333 3 Hélas! dans la mesure où l'humilité et la piété avaient fait place, dans l'Eglise, à l'orgueil et au formalisme, l'amour pour le Sauveur et la foi en son retour s'étaient refroidis. Absorbés par la mondanité et la recherche du plaisir, ceux qui professaient être le peuple de Dieu étaient devenus aveugles aux signes des temps. La doctrine de la seconde venue du Seigneur avait été négligée; les textes de l'Ecriture s'y rapportant avaient été obscurcis par de fausses interprétations. Tel était tout spécialement le cas des Eglises d'Amérique. La liberté et le confort dont jouissaient toutes les classes de la société, la soif de richesses et de luxe, la hantise de la popularité et de l'influence, qui semblaient à la portée de tous, avaient poussé les gens à concentrer leurs intérêts et leurs espérances sur les choses de cette vie, et à reléguer dans un lointain avenir le jour solennel où le monde actuel disparaîtra. TS 334 1 En attirant l'attention de ses disciples sur les signes de son retour, le Sauveur leur avait annoncé une apostasie générale devant précéder immédiatement ce grand événement. Comme dans les jours de Noé, on constatera la fièvre des affaires et la recherche des plaisirs; on vendra, on achètera; on plantera, on se mariera et on donnera en mariage, sans penser à Dieu et à la vie à venir. L'exhortation du Sauveur à ceux qui vivent en ce temps est celle-ci: "Prenez garde à vous-mêmes, de crainte que vos coeurs ne s'appesantissent par les excès du manger et du boire, et par les soucis de la vie, et que ce jour ne vienne sur vous à l'improviste." "Veillez donc et priez en tout temps, afin que vous ayez la force d'échapper à toutes ces choses qui arriveront, et de paraître debout devant le Fils de l'homme."1 TS 334 2 Dans l'Apocalypse, le Sauveur indique en ces termes l'état de l'Eglise des derniers temps: "Tu passes pour être vivant, et tu es mort." A ceux qui ne veulent pas sortir de leur indifférence, cet avertissement est donné: "Si tu ne veilles pas, je viendrai comme un voleur, et tu ne sauras pas à quelle heure je viendrai sur toi."2 TS 334 3 Les hommes devaient non seulement être prévenus du danger qu'ils couraient, mais réveillés et exhortés à se préparer en vue des événements solennels devant survenir à la fin du temps de grâce. Les prophètes l'avaient dit: "Le jour de l'Eternel est grand, il est terrible: Qui pourra le soutenir?" Qui pourra subsister devant celui dont les "yeux sont trop purs pour voir le mal", et qui "ne peut pas regarder l'iniquité"? Pour ceux qui, tout en disant: "Mon Dieu, nous te connaissons", "violent son alliance", "courent après les dieux étrangers", cachent leurs transgressions et aiment les sentiers de l'iniquité, le jour du Seigneur sera un jour de "ténèbres, et non de lumière",1 d'obscurité, et non de clarté. "En ce temps-là, dit l'Eternel, je fouillerai Jérusalem avec des lampes, et je châtierai les hommes qui reposent sur leurs lies, et qui disent dans leur coeur: L'Eternel ne fait ni bien ni mal." "Je punirai le monde pour sa malice, et les méchants pour leurs iniquités; je ferai cesser l'orgueil des hautains, et j'abattrai l'arrogance des tyrans." "Ni leur argent ni leur or ne pourront les délivrer." "Leurs biens seront au pillage, et leurs maisons seront dévastées."2 TS 335 1 Contemplant de loin ce temps redoutable, le prophète Jérémie s'écrie: "Je souffre au-dedans de mon coeur. ... Je ne puis me taire; car tu entends, mon âme, le son de la trompette, le cri de guerre. On annonce ruine sur ruine, car tout le pays est ravagé."3 TS 335 2 "Ce jour est un jour de fureur, un jour de détresse et d'angoisse, un jour de ravage et de destruction, un jour de ténèbres et d'obscurité, un jour de nuées et de brouillards, un jour où retentiront la trompette et les cris de guerre contre les villes fortes et les tours élevées." "Voici, le jour de l'Eternel arrive, jour cruel, jour de colère et d'ardente fureur, qui réduira la terre en solitude, et en exterminera les pécheurs."4 TS 335 3 En vue de ce jour, redoutable entre tous, Dieu, par sa Parole, adjure son peuple dans les termes les plus émouvants à sortir de sa léthargie spirituelle et à rechercher sa face par la prière et l'humiliation: "Sonnez du cor en Sion, poussez des cris sur la montagne de ma sainteté! Qu'ils tremblent, tous les habitants de la terre, car le jour de l'Eternel vient! oui, il est proche!" "Publiez un jeûne, une convocation solennelle! Assemblez le peuple, formez une sainte réunion! Assemblez les vieillards, assemblez les enfants, même les nourrissons à la mamelle! Que l'époux sorte de sa demeure, et l'épouse de sa chambre! Qu'entre le portique et l'autel pleurent les sacrificateurs, serviteurs de l'Eternel." "Revenez à moi de tout votre coeur, avec des jeûnes, avec des pleurs et des lamentations! Déchirez vos coeurs et non vos vêtements, et revenez à l'Eternel, votre Dieu; car il est compatissant et miséricordieux, lent à la colère et riche en bonté."1 TS 336 1 Une grande réforme devait se produire pour préparer un peuple digne de subsister au jour de Dieu. Voyant que plusieurs de ceux qui prétendaient être ses enfants n'édifiaient pas en vue de l'éternité, Dieu, dans sa miséricorde, allait leur adresser un message d'avertissement pour les arracher à leur torpeur et les amener à se préparer pour la venue du Seigneur. TS 336 2 Cet avertissement se lit dans le quatorzième chapitre de l'Apocalypse, où est relatée la proclamation, par trois anges descendus du ciel, d'un triple message immédiatement suivi de la venue du Fils de l'homme pour moissonner la terre. Le premier de ces avertissements annonce au monde l'approche du jugement. Le prophète contemple un ange "qui vole par le milieu du ciel, ayant un Evangile éternel, pour l'annoncer aux habitants de la terre, à toute nation, à toute tribu, à toute langue, et à tout peuple. Il dit d'une voix forte: Craignez Dieu, et donnez-lui gloire, car l'heure de son jugement est venue; et adorez celui qui a fait le ciel, et la terre, et la mer, et les sources d'eaux."2 TS 336 3 Ce message, est-il dit, fait partie de l'"Evangile éternel". Or, la proclamation de l'Evangile n'a pas été confiée aux anges, mais aux hommes. Les trois anges sont chargés de la direction de cette oeuvre destinée à assurer le salut de la race humaine; mais la prédication de l'Evangile proprement dite est faite par les serviteurs de Dieu vivant sur la terre. TS 337 1 Cet avertissement fut effectivement donné au monde par des hommes fidèles, attentifs aux directions du Saint-Esprit et à l'enseignement des Ecritures, des hommes respectueux de la "parole prophétique" "plus certaine", comparée par l'apôtre Pierre à "une lampe qui brille dans un lieu obscur, jusqu'à ce que le jour vienne à paraître et que l'étoile du matin se lève dans vos coeurs". Ils en avaient recherché la connaissance comme un trésor plus précieux que l'argent et l'or.".1 C'est à ces hommes-là que le Seigneur révéla ce qui concerne son royaume. "L'amitié de l'Eternel est pour ceux qui le craignent, et son alliance leur donne instruction."2 TS 337 2 Ce ne furent pas les savants théologiens qui reçurent cette vérité et qui la firent entendre au monde. S'ils avaient été des sentinelles fidèles, sondant les Ecritures avec prière, ils eussent connu l'heure de la nuit; ils eussent appris, par les prophéties, les événements qui se préparaient. A cause de leur indifférence, le message fut confié à des hommes plus humbles. Jésus dit: "Marchez pendant que vous avez la lumière, afin que les ténèbres ne vous surprennent point." Ceux qui se détournent de la lumière que Dieu leur a donnée, ou qui ne la reçoivent pas pendant qu'elle est à leur portée, restent dans les ténèbres. En revanche le Sauveur dit: "Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie."3 Celui qui recherche sincèrement la volonté de Dieu et se conforme aux connaissances qu'il possède recevra des lumières plus grandes; quelque étoile d'un éclat céleste lui sera envoyée pour le conduire dans toute la vérité. TS 337 3 Au temps du Sauveur, les sacrificateurs et les scribes de la ville sainte, à qui avait été confié le dépôt des Oracles divins, auraient pu discerner les signes des temps et proclamer la venue du Messie promis. La prophétie de Michée indiquait le lieu de sa naissance, et Daniel en fixait la date.1 Dieu ayant confié ces prophéties aux principaux d'entre les Juifs, ils étaient sans excuse d'ignorer la venue imminente du Messie et de ne point l'annoncer au peuple. Leur ignorance était la conséquence d'une négligence coupable. Les Juifs érigeaient des monuments aux prophètes martyrs, mais, par leur complaisance envers les grands de la terre, ils rendaient hommage aux serviteurs de Satan. Absorbés par le conflit de leurs ambitions terrestres, ils perdaient de vue les honneurs que le Roi des rois leur avait conférés. TS 338 1 Les anciens d'Israël auraient dû, avec un respectueux intérêt, s'enquérir du lieu, de la date et des circonstances entourant le plus grand événement de l'histoire: la venue du Fils de Dieu pour le salut de l'humanité. Le peuple entier aurait dû être en état d'alerte, afin d'être le premier à souhaiter la bienvenue au Rédempteur du monde. Mais que vit-on? A Bethléhem, deux voyageurs fatigués, en quête d'un abri pour la nuit, longent en vain toute la rue étroite de la ville jusqu'à son extrémité orientale. Aucune porte ne s'ouvrant pour les accueillir, ils trouvent enfin un refuge dans un misérable abri destiné au bétail, et c'est là que le Sauveur vient au monde. TS 338 2 Les anges -- qui avaient contemplé la gloire du Fils de Dieu auprès du Père avant que le monde fût -- attendaient avec émotion l'apparition sur la terre de l'événement qui devait être pour tout le peuple le sujet d'une joie immense. Une cohorte angélique fut envoyée pour en porter l'heureuse nouvelle à ceux qui étaient préparés à la recevoir et à la faire connaître aux habitants de la terre. Le Messie s'était abaissé jusqu'à revêtir la nature humaine pour donner son âme en sacrifice pour le péché au prix d'un poids infini de souffrances. Néanmoins, les anges désiraient qu'en son humiliation le Fils du Très-Haut fît son entrée au sein de la famille humaine avec la dignité et la gloire dues à son rang. Les grands de la terre ne se réuniront-ils pas dans la capitale d'Israël pour l'acclamer et les légions célestes ne le présenteront-elles pas à la foule qui l'attend? TS 339 1 L'un d'eux parcourt la terre pour voir si elle se prépare à accueillir le Sauveur. Mais il ne voit rien et n'entend aucun chant de triomphe annoncer que le temps du Messie est enfin arrivé. Il s'attarde sur la sainte Cité et s'arrête un instant au-dessus du temple où, durant des siècles, Dieu a manifesté sa présence. Mais, là aussi, règne la même indifférence. Dans leur pompe orgueilleuse, les sacrificateurs offrent de vains sacrifices. Les pharisiens adressent au peuple des discours sonores, ou répètent au coin des rues de prétentieuses prières. Ni dans les palais des rois, ni dans les cénacles des philosophes, ni dans les écoles des rabbins, on ne se préoccupe de l'événement salué dans les parvis célestes par des symphonies d'allégresse. TS 339 2 Rien sur la terre ne trahit l'attente du Messie; nulle part on n'aperçoit de préparatifs pour recevoir le Prince de la vie. Stupéfait, le céleste messager est sur le point de remonter au ciel pour y porter la honteuse nouvelle, quand il découvre un groupe de bergers passant la nuit à veiller sur leurs troupeaux. Ceux-ci, en contemplant la voûte étoilée, s'entretiennent des prophéties messianiques et soupirent après la venue du Rédempteur du monde. Evidemment, ces gens sont prêts à recevoir le message divin. Soudain, l'ange leur apparaît pour leur apporter la grande nouvelle. La plaine est inondée de la gloire céleste; puis une multitude étincelante frappe leurs regards et, pour exprimer dignement la joie du ciel entier, d'innombrables voix entonnent l'hymne que les élus de toutes les nations chanteront un jour: "Gloire à Dieu dans les lieux très hauts, et paix sur la terre parmi les hommes qu'il agrée!"1 TS 340 1 Une grave leçon, une verte censure, se dégage de cette merveilleuse histoire de Bethléhem à l'adresse de notre incrédulité et de notre orgueil! Quel avertissement de nous tenir sur nos gardes, de peur qu'une indifférence criminelle ne nous cache les signes des temps et le jour où nous sommes visités! TS 340 2 Ce ne fut pas seulement dans les montagnes de Juda, parmi d'humbles bergers, que les messagers célestes trouvèrent des âmes prêtes à accueillir la venue du Messie. Il y en eut aussi dans les pays païens. Des philosophes orientaux, hommes sages, nobles et riches, qui étudiaient la nature, avaient découvert Dieu dans ses oeuvres. Dans les écrits des Hébreux, ils avaient trouvé la prédiction de "l'astre [qui] sort de Jacob,1 et ils attendaient avec impatience la venue de celui qui devait être non seulement "la consolation d'Israël", mais aussi une "lumière pour éclairer les nations" et le salut de tous les peuples.2 Ils cherchaient la lumière, et la lumière céleste illumina leur sentier. Tandis que les sacrificateurs et les rabbins de Jérusalem, dépositaires et interprètes attitrés de la vérité, étaient plongés dans les ténèbres, le ciel envoyait une étoile pour guider ces étrangers vers le lieu de naissance du roi nouveau-né. TS 340 3 C'est également à "ceux qui l'attendent" que Jésus-Christ "apparaîtra sans péché, une seconde fois", "pour leur salut". Le message du retour du Sauveur, de même que la nouvelle de sa naissance, ne fut pas confié aux conducteurs religieux. Ces derniers, ayant rompu leur communion avec Dieu et refusé la lumière céleste, n'étaient pas de ceux dont Paul parle en ces termes: "Mais vous, frères, vous n'êtes pas dans les ténèbres, pour que ce jour vous surprenne comme un voleur; vous êtes tous des enfants de la lumière et des enfants du jour. Nous ne sommes point de la nuit ni des ténèbres."3 TS 341 1 Les "sentinelles" postées "sur les murs de Sion" auraient dû être les premières à recevoir la nouvelle de la venue du Seigneur, à en proclamer l'imminence, à exhorter leurs auditeurs à s'y préparer. Mais, rêvant de paix et de sécurité, elles vivaient dans une douce quiétude, tandis que le peuple sommeillait dans ses péchés. Perçant les siècles du regard, Jésus avait vu son Eglise semblable au figuier stérile, couvert d'un feuillage prétentieux, mais dépourvu de fruits. On y observait ostensiblement les formes de la religion, tandis que la vraie humilité, la conversion et la foi, seules agréables à Dieu, faisaient défaut. Au lieu des grâces de l'Esprit, on y manifestait l'orgueil, le formalisme, la propre justice, l'égoïsme et l'oppression. Une Eglise refroidie fermait les yeux aux signes des temps. Dieu ne l'avait pas abandonnée, il n'avait pas manqué de fidélité envers elle, mais elle s'était elle-même soustraite à son amour. Ayant refusé de se soumettre aux conditions requises, elle n'avait point bénéficié des promesses de Dieu la concernant. TS 341 2 Telle est la conséquence inévitable de l'indifférence à l'égard des privilèges que Dieu accorde aux siens. Dès que l'Eglise cesse de marcher dans la lumière, dès qu'elle néglige d'en mettre à profit tous les rayons et d'accomplir tous les devoirs qu'elle impose, la religion dégénère en un formalisme exempt de piété vivante. Cette vérité s'est maintes fois confirmée dans l'histoire de l'Eglise. Dieu demande à son peuple des actes de foi et d'obéissance proportionnés aux bénédictions reçues. Or l'obéissance exige un sacrifice et implique une croix. Voilà la raison pour laquelle tant de gens qui se disaient disciples de Jésus-Christ refusèrent la lumière du ciel et, comme jadis les Juifs, ne connurent pas le temps où ils étaient visités.1 En raison de leur orgueil et de leur incrédulité, Dieu les abandonna pour révéler sa vérité à ceux qui, semblables aux bergers de Bethléhem et aux mages d'Orient, avaient profité de toutes les lumières qu'ils avaient reçues. ------------------------Chapitre 18 -- Un réformateur américain TS 343 1 Pour lancer la proclamation du retour de Jésus-Christ, Dieu choisit un simple cultivateur, au coeur droit et loyal, qui en était venu à douter de l'autorité des Ecritures, mais qui désirait sincèrement connaître la vérité. Né à Low Hampton, dans l'Etat de New York, en 1782, William Miller, comme bien d'autres réformateurs, avait passé sa jeunesse à l'école de la pauvreté où il avait puisé des leçons d'énergie et de renoncement. Les traits caractéristiques de sa famille, fortement marqués chez lui, étaient l'amour de l'indépendance et de la liberté, l'endurance et un ardent patriotisme. Son père avait été capitaine dans l'armée de la Révolution, et c'est aux sacrifices et aux souffrances qu'il avait consentis au cours de cette période orageuse, qu'il faut attribuer la pauvreté de la jeunesse de William. TS 343 2 En plus d'une constitution robuste, le jeune Miller posséda dès son enfance une intelligence sensiblement au-dessus de la moyenne. Sa soif de connaissance, son amour de l'étude, son esprit investigateur et son jugement pondéré, qui allèrent sans cesse en augmentant, suppléèrent largement à son manque d'études universitaires. D'une moralité irréprochable, il était estimé pour sa probité, son industrie et sa générosité. A force d'énergie et d'application, tout en conservant ses habitudes studieuses, il acquit de bonne heure une certaine aisance. Et comme il avait occupé avec honneur divers postes civils et militaires, l'accès à la fortune et aux dignités paraissaient lui être promis. TS 344 1 De sa mère, profondément pieuse, il reçut dans son jeune âge une empreinte qui devait s'atténuer lorsqu'il entra, plus tard, en relation avec des déistes, pour la plupart respectables, humains et généreux. Ceux-ci, élevés dans des institutions chrétiennes, et redevables à la Parole de Dieu du respect et de la confiance dont ils jouissaient, en étaient cependant venus à combattre la Bible. En leur compagnie, Miller avait fini par adopter leurs opinions. L'interprétation populaire des saintes Ecritures présentait des difficultés qui lui paraissaient insurmontables. D'autre part, ses nouvelles croyances, qui faisaient table rase de l'Evangile, ne lui offraient rien de meilleur et ne lui donnaient aucune assurance de bonheur au-delà de la tombe. Aussi était-il loin d'en être satisfait et l'avenir lui paraissait-il enveloppé de sombres nuages. Miller était resté douze ans dans ces sentiments, quand, arrivé à l'âge de trente-quatre ans, il fut convaincu de péché par le Saint-Esprit. Voici comment il raconta plus tard les luttes morales qu'il affronta alors: TS 344 2 "La perspective de l'anéantissement avait pour moi quelque chose de lugubre et de glacial, tandis que celle d'un jugement futur équivalait à la perdition certaine de tous les hommes. Le ciel était d'airain au-dessus de ma tête, la terre de fer sous mes pas. Qu'était-ce que l'éternité? Pourquoi la mort régnait-elle? Plus je raisonnais, plus je voyais s'éloigner les solutions. Plus je réfléchissais, plus mes idées étaient confuses. Je tentai de n'y plus penser, mais je n'en étais pas capable. Aussi étais-je vraiment malheureux, mais sans savoir pourquoi. Je murmurais, mais sans savoir contre qui. Je discernais le mal, mais je ne savais ni où ni comment trouver le bien. J'étais désolé et désespéré." TS 345 1 Miller demeura quelques mois dans cet état. "Soudain, dit-il, la pensée d'un Sauveur se présenta vivement à mon esprit. Il me sembla comprendre qu'il existait un Etre assez bon et compatissant pour faire lui-même l'expiation de nos transgressions et porter la peine de nos péchés. Je sentis aussitôt combien un tel Etre serait aimable, et il me parut que je pourrais sans hésitation me jeter dans ses bras et me confier en sa miséricorde. Constatant d'ailleurs qu'en dehors des saintes Ecritures je ne trouverais aucune preuve ni de l'existence de ce Sauveur, ni de la vie à venir, j'en commençai l'étude. TS 345 2 "Voyant que les Ecritures nous révèlent exactement le Sauveur dont j'avais besoin, je me demandai, avec un certain embarras, comment un livre non inspiré pouvait présenter des principes si bien adaptés aux besoins de l'homme déchu, et je fus obligé d'admettre que la Bible devait être inspirée de Dieu. Ce livre devint mes délices et Jésus, mon unique et meilleur ami, mon Sauveur, celui "qui se distingue entre dix mille" Les saintes Ecritures, qui auparavant me paraissaient obscures et contradictoires, furent désormais "une lampe à mes pieds et une lumière sur mon sentier". Je trouvai le repos. Le Seigneur m'apparut comme un rocher au milieu de l'océan de la vie. Désormais, la Bible constitua ma principale étude, et je m'y consacrai avec délices. Convaincu qu'on ne m'avait jamais fait contempler la moitié de sa beauté et de sa gloire, je me demandais avec étonnement comment j'avais pu la rejeter. J'y trouvai la satisfaction de toutes les aspirations de mon coeur et un remède à toutes les maladies de mon âme. Perdant le goût de toute autre lecture, je m'appliquai désormais à rechercher en Dieu la sagesse dont mon coeur avait besoin."1 TS 345 3 Miller fit une profession publique de sa foi en une religion qu'il avait méprisée. Ses amis incrédules ne se firent pas faute de lui servir tous les arguments qu'il avait lui-même souvent avancés contre l'autorité des saintes Ecritures. Ne se trouvant pas alors en état de les réfuter, il se dit que si ce Livre est une révélation divine, il doit s'expliquer lui-même et être adapté à l'intelligence de l'homme. En conséquence, il prit la résolution de l'étudier par lui-même et de s'assurer si ces contradictions étaient réelles ou seulement apparentes. TS 346 1 S'efforçant d'abandonner toute idée préconçue et se passant de commentaires, il se mit à comparer les textes entre eux à l'aide des références marginales et d'une "concordance". Commençant par la Genèse, il poursuivit méthodiquement cette étude, verset après verset, ne quittant un passage qu'après en avoir clairement saisi le sens. Quand un point lui paraissait obscur, il le comparait avec tous les passages pouvant avoir quelque rapport avec le sujet, mais en laissant à chaque mot son sens propre. Dès que son interprétation concordait avec tous les autres passages, il considérait la difficulté comme résolue. C'est ainsi qu'en présence d'un texte difficile à comprendre, il en trouvait l'intelligence dans un autre. A mesure qu'il avançait dans son étude, en demandant à Dieu avec ferveur de lui accorder sa lumière, il constatait la véracité de cette parole du psalmiste: "La révélation de tes paroles éclaire; elle donne de l'intelligence aux simples."1 TS 346 2 L'intérêt de Miller s'accrut encore quand il aborda l'étude des livres de Daniel et de l'Apocalypse. En leur appliquant les mêmes principes d'interprétation qu'aux autres livres de l'Ecriture, il ne tarda pas à découvrir, à sa grande joie, que les symboles prophétiques étaient intelligibles. Il vit que les prophéties s'accomplissaient littéralement et que toutes les figures, métaphores, paraboles et similitudes, si elles n'étaient pas expliquées dans le contexte, trouvaient ailleurs leur définition en termes propres. "Je pus me convaincre, remarque-t-il, que la Bible est un système de vérités si clairement révélées et si simplement exposées que l'homme craignant Dieu, fût-il un ignorant, ne peut s'y tromper."1 Alors qu'il suivait l'une après l'autre, à travers l'histoire, les grandes chaînes prophétiques, leurs accomplissements, se découvrant à ses yeux, venaient récompenser ses efforts. Les anges de Dieu dirigeaient son esprit et lui donnaient l'intelligence des Ecritures. TS 347 1 En étudiant les prophéties dont l'accomplissement est encore futur, Miller ne tarda pas à être persuadé que l'idée populaire qui place avant la fin du monde un règne spirituel de Jésus-Christ cornu sous le nom de "Millénium", n'est pas sanctionnée par l'Ecriture. Cette doctrine d'une ère de mille ans de justice et de paix précédant le retour du Seigneur rejette naturellement bien loin dans l'avenir les terreurs du grand jour de Dieu. Mais, bien qu'elle soit séduisante, elle est en opposition avec les enseignements de Jésus-Christ et de ses apôtres, qui ont déclaré que le bon grain et l'ivraie doivent croître ensemble jusqu'à la moisson, c'est-à-dire jusqu'à la fin du monde, que "les hommes méchants et imposteurs avanceront toujours plus dans le mal, égarant les autres et égarés eux-mêmes"; que, "dans les derniers jours, il y aura des temps difficiles", et que le royaume des ténèbres durera jusqu'à l'avènement du Seigneur, pour être alors "consumé par le souffle de sa bouche et détruit par l'éclat de son avènement".2 TS 347 2 L'Eglise apostolique n'a pas connu la doctrine de la conversion du monde et d'un règne spirituel du Christ avant son retour en gloire. Ce dogme n'a été adopté par les chrétiens que vers le commencement du XVIIIe siècle. Ses fruits, comme ceux de toutes les erreurs, ont été funestes. Reléguant le retour du Seigneur dans un avenir lointain, il a empêché beaucoup de croyants de prendre au sérieux les signes avant-coureurs de ce retour. Il tend à créer un sentiment de sécurité illusoire et conduit un grand nombre de gens à négliger la préparation exigée. TS 348 1 Miller vit que les Ecritures enseignent formellement le retour personnel et visible de Jésus-Christ. Saint Paul écrit: "Le Seigneur lui-même, à un signal donné, à la voix d'un archange, et au son de la trompette de Dieu, descendra du ciel." Et le Sauveur déclare que "les tribus de la terre ... verront le Fils de l'homme venant sur les nuées du ciel avec puissance et une grande gloire". "Car, comme l'éclair part de l'orient et se montre jusqu'en occident, ainsi sera l'avènement du Fils de l'homme." Il sera accompagné des armées célestes: "Le Fils de l'homme viendra dans sa gloire, avec tous les anges." "Il enverra ses anges avec la trompette retentissante, et ils rassembleront ses élus."1 TS 348 2 Alors les justes décédés ressusciteront et les justes vivants seront changés. "Nous ne mourrons pas tous, dit l'apôtre, mais tous nous serons changés, en un instant, en un clin d'oeil, à la dernière trompette. La trompette sonnera, et les morts ressusciteront incorruptibles, et nous, nous serons changés. Car il faut que ce corps corruptible revête l'incorruptibilité, et que ce corps mortel revête l'immortalité." Dans son épître aux Thessaloniciens, après avoir décrit la venue du Seigneur, il ajoute: "Les morts en Christ ressusciteront premièrement. Ensuite, nous les vivants, qui serons restés, nous serons tous ensemble enlevés avec eux sur des nuées, à la rencontre du Seigneur dans les airs, et ainsi nous serons toujours avec le Seigneur."2 TS 348 3 Ce n'est qu'à la venue personnelle de Jésus que ses disciples recevront le royaume, comme le prouvent ces paroles du Sauveur: "Lorsque le Fils de l'homme viendra dans sa gloire, avec tous les anges, il s'assiéra sur le trône de sa gloire. Toutes les nations seront assemblées devant lui. Il séparera les uns d'avec les autres, comme le berger sépare les brebis d'avec les boucs; et il mettra les brebis à sa droite, et les boucs à sa gauche. Alors le roi dira à ceux qui seront à sa droite: Venez, vous qui êtes bénis de mon Père; prenez possession du royaume qui vous a été préparé dès la fondation du monde." TS 349 1 Dans les passages cités, Miller apprit qu'à la venue du Fils de l'homme, les morts ressusciteront incorruptibles, et que les vivants seront changés. En effet, comme le dit Paul: "La chair et le sang ne peuvent hériter le royaume de Dieu, ni la corruption hériter l'incorruptibilité."1 Il s'ensuit que nous n'y pouvons entrer dans notre état actuel. Voilà pourquoi, à sa venue, Jésus confère l'immortalité à ses élus et les met en possession d'un royaume qu'ils n'ont eu, jusqu'alors, qu'en espérance. TS 349 2 Ces passages et d'autres encore convainquirent Miller que des événements généralement placés avant la venue du Sauveur, tels qu'un règne universel de paix et l'établissement du règne de Dieu sur la terre, sont postérieurs à cette venue. D'ailleurs, tous les signes des temps et l'état du monde correspondaient à la description prophétique des derniers jours. Il résultait donc de la seule étude des Ecritures à laquelle se livrait Miller, que le temps assigné à notre terre dans son état actuel touchait à sa fin. TS 349 3 "Une autre preuve qui fut pour moi d'un grand poids, écrivait-il, c'est la chronologie des Ecritures. ... Je découvris que des événements prédits et accomplis se sont souvent produits dans un temps déterminé. Ainsi, les cent vingt ans du déluge (Genèse 6:3); les sept jours qui devaient le précéder, de même que les quarante jours de pluie (Genèse 7:4); les quatre cents ans du séjour de la postérité d'Abraham en Egypte (Genèse 15:13); les trois jours de l'échanson et du panetier de Pharaon (Genèse 40:12-20); les sept années du songe de Pharaon (Genèse 41:28-54); les quarante années d'Israël au désert (Nombres 14:34); les trois années et demie de famine (1 Rois 17:1); ... Les soixante-dix ans de captivité à Babylone (Jérémie 25:11); les sept temps de Nebucadnetsar (Daniel 4:13-16), et les soixante-dix semaines accordées aux Juifs. Daniel 9:24-27. Tous les événements inclus dans ces diverses périodes se sont accomplis conformément à la prédiction."1 TS 350 1 Aussi, lorsqu'en étudiant les Ecritures Miller trouva des périodes dont il était convaincu qu'elles aboutissaient au retour du Seigneur, il ne put s'empêcher de les considérer comme marquant les "temps annoncés d'avance par la bouche de tous ses prophètes". "Les choses cachées sont à l'Eternel, notre Dieu; les choses révélées sont à nous et à nos enfants à perpétuité", avait dit Moïse. Et, par la plume d'Amos, le Seigneur déclare qu'il "ne fait rien sans avoir révélé son secret à ses serviteurs les prophètes".2 Ceux qui étudient la Bible peuvent donc s'attendre à y trouver clairement signalé l'événement le plus important de l'histoire humaine. TS 350 2 "Pleinement convaincu comme je l'étais, écrit Miller, que toutes les Ecritures inspirées de Dieu sont utiles; qu'elles ne sont pas le produit de la volonté de l'homme, mais que "c'est poussés par le Saint-Esprit que des hommes ont parlé de la part de Dieu",3 que, d'autre part, elles ont été écrites "pour notre instruction, afin que, par la patience, et par la consolation que donnent les Ecritures, nous possédions l'espérance";4 je ne pouvais m'empêcher d'accorder aux nombres et aux périodes prophétiques de la Bible la même attention qu'aux autres portions des livres saints."5 TS 350 3 La prophétie qui lui parut révéler le plus nettement le temps de la venue du Seigneur était celle du prophète Daniel (chapitre 8, verset 14): "Deux mille trois cents soirs et matins; puis le sanctuaire sera purifié." Prenant, suivant sa règle, les Ecritures comme leur propre interprète, Miller apprit que, dans la prophétie symbolique, un jour représente une année,1 et qu'ainsi la période des deux mille trois cents jours prophétiques s'étendait bien au-delà de la fin de la dispensation judaïque et ne pouvait s'appliquer au sanctuaire de cette dispensation. Adoptant l'idée généralement reçue que notre terre était le sanctuaire de la dispensation chrétienne, Miller en conclut que la purification du sanctuaire prédite par Daniel n'était autre que l'embrasement de notre globe à l'apparition du Seigneur. Ensuite, il réfléchit que s'il lui était possible de déterminer le point de départ de la période des deux mille trois cents jours, rien ne serait plus aisé que de trouver la date du retour du Seigneur. Ainsi serait révélée l'heure du grand dénouement, celle où la société actuelle, "avec son orgueil et sa puissance, sa pompe et sa vanité, sa méchanceté et son oppression, prendra fin", l'heure où la terre sera enfin affranchie "de la malédiction sous le poids de laquelle elle gémit; où la mort sera détruite; où les serviteurs de Dieu recevront leur récompense, aussi bien que les prophètes et les saints et ceux qui craignent le nom de Dieu, et où seront détruits ceux qui détruisent la terre".2 TS 351 1 Poursuivant l'étude de cette prophétie avec un redoublement de ferveur, y consacrant non seulement ses journées, mais encore des nuits entières, il constata d'abord que le point de départ des deux mille trois cents soirs et matins ne se trouvait pas dans le huitième chapitre de Daniel. Bien que l'ange Gabriel eût reçu ordre d'expliquer la vision à Daniel, il ne s'était que partiellement acquitté de sa mission; devant le tableau des terribles persécutions qui attendaient l'Eglise, le prophète avait senti ses forces le trahir et n'avait pu en supporter davantage; l'ange l'avait donc quitté pour un temps. "Je fus plusieurs jours languissant et malade, raconte Daniel. J'étais étonné de la vision, et personne n'en eut connaissance." TS 352 1 Cependant, l'ordre de Dieu à son messager subsistant: "Explique-lui la vision", l'ange, pour s'en acquitter, était retourné auprès de Daniel et l'avait abordé ainsi: "Je suis venu maintenant pour ouvrir ton intelligence. ... Sois attentif à la parole, et comprends la vision!"1 Et tout en reprenant son exposé, Gabriel avait spécialement insisté sur le point de la vision resté inexpliqué, soit la chronologie de la période des deux mille trois cents jours, en ces termes: TS 352 2 "Soixante-dix semaines ont été déterminées sur ton peuple et sur ta ville sainte. ... Sache donc et comprends: Depuis la sortie d'une parole ordonnant de rebâtir Jérusalem jusqu'à un oint, un chef, il y a sept semaines, et soixante-deux semaines; elle sera rétablie, places et enceintes, dans la détresse des temps. Et après soixante-deux semaines, un oint sera retranché, et personne pour lui. ... Il [ce chef] fera une alliance ferme avec un grand nombre pendant une semaine; et, au milieu de la semaine, il fera cesser le sacrifice et l'oblation."1 TS 352 3 L'ange avait été dépêché auprès de Daniel afin de lui faire comprendre la portion de la vision restée inintelligible au prophète: celle relative à la période prophétique (chapter 8:14): "Deux mille trois cents soirs et matins; puis le sanctuaire sera purifié." Aussi, après avoir dit à Daniel: "Sois attentif à la parole, et comprends la vision", les premiers mots de l'ange furent: "Soixante-dix semaines ont été déterminées sur ton peuple et sur ta ville sainte." Le verbe traduit ici par "déterminées" signifie littéralement "retranchées". Or, soixante-dix semaines représentent quatre cent quatre-vingt-dix années. L'ange déclare donc que cette période a été "retranchée" et mise à part pour le peuple juif. TS 353 1 Mais "retranchée" de quoi? La période des deux mille trois cents soirs et matins étant seule mentionnée dans la vision, les soixante-dix semaines ne peuvent être "retranchées" que de celle-là; il s'ensuit que cette période de soixante-dix semaines fait partie des deux mille trois cents jours, et que les deux périodes ont le même point de départ. Or, l'ange annonce que les soixante-dix semaines commenceront avec "la parole ordonnant de rétablir et de rebâtir Jérusalem". Un seul point restait obscur. S'il était possible de déterminer la date de ce décret, se disait Miller, nous aurions donc trouvé le point de départ des deux mille trois cents soirs et matins. TS 353 2 Or, ce décret et cette date se lisent au septième chapitre d'Esdras, versets 12-26. Le décret fut promulgué par Artaxerxès, roi de Perse, en 457 avant notre ère. On lit également dans le même livre (6:14) que la maison de l'Eternel se construisit "d'après l'ordre du Dieu d'Israël, et d'après l'ordre de Cyrus, de Darius, et d'Artaxerxès". En rédigeant, en confirmant et en complétant le décret, ces trois rois l'amenèrent à la perfection requise par la prophétie pour lui permettre de marquer le commencement des deux mille trois cents ans. En prenant l'année 457 comme date de la promulgation du décret en question, on constata que tout ce qui devait marquer les soixante-dix semaines s'était réalisé. Le texte disait: TS 353 3 "Depuis la sortie d'une parole ordonnant de rebâtir Jérusalem jusqu'à un Oint, un Chef, il y a sept semaines, et soixante-deux semaines", soit soixante-neuf semaines prophétiques ou quatre cent quatre-vingt-trois ans. C'est en l'automne de l'année 457 que le décret d'Artaxerxès entra en vigueur. En ajoutant à cette date quatre cent quatre-vingt-trois ans, on arrive à l'automne de l'année 27 de notre ère,1 où la prophétie fut accomplie. C'est en effet en l'automne de cette année 27 que Jésus reçut le baptême des mains de Jean-Baptiste et fut oint du Saint-Esprit. L'apôtre Pierre y fait allusion en disant: "Dieu a oint du Saint-Esprit et de force Jésus de Nazareth."1 Et Jésus de même: "L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a oint pour annoncer une bonne nouvelle aux pauvres." Après son baptême, Jésus se rendit en Galilée, "prêchant l'Evangile de Dieu" et disant: "Le temps est accompli."2 TS 354 1 Le texte de Daniel continue: "Il fera une alliance ferme avec un grand nombre pendant une semaine." La "semaine" ici mentionnée est la dernière des soixante-dix; elle constitue les sept dernières années de la période accordée aux Juifs. Pendant ce temps, soit de l'an 27 à l'an 34 de notre ère, Jésus, personnellement, puis par ses disciples, adressa tout spécialement aux Juifs l'invitation de prendre part au festin évangélique. Lorsqu'il envoya ses disciples porter l'Evangile, il leur donna cette recommandation: "N'allez pas vers les païens, et n'entrez pas dans les villes des Samaritains; allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d'Israël."2 TS 354 2 "Et au milieu de la semaine, dit encore la prophétie, il fera cesser le sacrifice et l'oblation." En l'an 31, trois années et demie après son baptême, Jésus fut crucifié. La tragédie du Calvaire mettait fin au système des sacrifices qui, durant quatre mille ans, avaient attiré l'attention sur l'agneau de Dieu. Le type avait trouvé son antitype. A partir de ce moment, tous les sacrifices et toutes les oblations du système mosaïque devaient cesser. TS 354 3 Les soixante-dix semaines, ou quatre cent quatre-vingt-dix ans, assignées aux Juifs ayant expiré en l'an 34 de notre ère, on constata qu'à ce moment précis, par la décision du sanhédrin, par le martyre d'Etienne et la persécution des chrétiens, la nation juive avait officiellement rejeté l'Evangile. Dès lors, le message du salut cessa d'être confiné aux Israélites et fut porté aux nations. Chassés par la persécution, les disciples "allaient de lieu en lieu, annonçant la bonne nouvelle de la Parole". Philippe, étant descendu en Samarie, "y prêcha le Christ". Conduit par l'Esprit de Dieu, Pierre présenta l'Evangile au centenier de Césarée, le pieux Corneille; et l'ardent Paul, gagné à la foi chrétienne, fut appelé à porter la Bonne Nouvelle "au loin vers les nations".1 TS 355 1 Ainsi, tous les détails de la prophétie s'étaient remarquablement accomplis, établissant d'une façon incontestable que les soixante-dix semaines commençaient en 457 avant J.-C., et aboutissaient en 34 de notre ère. Désormais il était facile de trouver la date de l'expiration des deux mille trois cents jours. Les quatre cent quatre-vingt-dix jours qui constituent les soixante-dix semaines étant retranchés des deux mille trois cents, il restait mille huit cent dix jours. Or, en les faisant partir de l'année 34, ces mille huit cent dix années aboutissaient en 1844. Il s'ensuivait que les deux mille trois cents jours (années) de (Daniel 8:14) se terminaient en 1844. Et, à l'expiration de cette grande période prophétique selon le témoignage de l'ange, "le sanctuaire devait être purifié". Ainsi, l'année de la purification du sanctuaire -- que la plupart des exégètes confondaient avec le retour du Seigneur -- était définitivement établie. TS 355 2 Miller et ses collaborateurs crurent d'abord que les deux mille trois cents jours se termineraient au printemps de l'année 1844, alors que la prophétie indiquait l'automne de la même année.2 L'erreur commise sur ce point jeta dans le désappointement et la perplexité ceux qui avaient compté sur le retour du Seigneur à la première date. Mais cela laissait intact l'argument établissant que les deux mille trois cents soirs et matins se terminaient en 1844, et que le grand événement représenté par la purification du sanctuaire devait avoir lieu en cette année-là. TS 356 1 En entreprenant l'étude des Ecritures pour établir qu'elles étaient une révélation divine, Miller ne pensait pas aboutir à de pareilles conclusions. Il eut même de la peine à croire au résultat de ses recherches. Mais le témoignage des Ecritures était trop clair, trop évident pour être rejeté. TS 356 2 Il se consacrait à l'étude de la Bible depuis deux ans quand il arriva, en 1818, à la conclusion solennelle que, dans le délai de vingt-cinq ans, le Christ reviendrait pour la rédemption de son peuple. "Je ne saurais dire, écrivait-il plus tard, la joie infinie qui remplit mon coeur à cette pensée et à la perspective inimaginable et glorieuse de participer à la joie des rachetés. Les Ecritures étaient désormais, pour moi, un livre nouveau, un vrai festin de l'esprit. Tout ce qui m'avait paru obscur, mystérieux ou imprécis dans ses enseignements s'était dissipé à la lumière émanant de ses pages sacrées. De quel éclat, de quelle gloire je voyais briller la vérité! Toutes les contradictions et les inconséquences que j'avais auparavant rencontrées dans la Parole s'étaient évanouies; et quoiqu'elle renfermât encore bien des choses dont je n'étais pas certain de posséder une juste intelligence, tant de lumière avait jailli de ses pages pour dissiper les ténèbres de mon entendement, que je trouvais dans l'étude de l'Ecriture des délices insoupçonnées."1 Il ajoutait: TS 356 3 "Sous la solennelle impression que les événements prédits par les Ecritures devaient se produire dans un laps de temps aussi court, je me demandai, non sans effroi, quels devoirs envers le monde m'imposaient les lumières qui subjuguaient ma pensée."2 Miller ne put se défendre de la conviction que son devoir était d'en faire part à d'autres. Il s'attendait à rencontrer de l'opposition de la part des impies; mais il était certain que tous les chrétiens se réjouiraient à la pensée de contempler bientôt le Sauveur qu'ils professaient aimer. Il craignait seulement que la perspective de la délivrance prochaine ne parût trop glorieuse et que plusieurs chrétiens ne se donnassent pas la peine de sonder les Ecritures pour y asseoir leur foi. Il hésita donc à en parler. De peur d'être dans l'erreur et d'y entraîner ses semblables, il jugea prudent de revoir les preuves sur lesquelles il avait étayé ses conclusions et de peser à nouveau toutes les objections qui pourraient se présenter à son esprit. A la lumière de la Parole de Dieu, il vit ces objections se dissiper comme la brume matinale devant les rayons du soleil. Cinq années d'études le laissèrent absolument convaincu de l'exactitude de ses conclusions. TS 357 1 Et de nouveau, le devoir de faire connaître à d'autres ce qui lui paraissait clairement enseigné par la Bible se présenta vivement devant lui. TS 357 2 "Quand je vaquais à mes occupations, écrit-il, j'entendais une voix me répéter sans cesse: "Avertis le monde du danger qu'il court." Ce passage me revenait constamment à la mémoire: "Quand je dis au méchant: Méchant, tu mourras! si tu ne parles pas pour détourner le méchant de sa voie, ce méchant mourra dans son iniquité, et je te redemanderai son sang. Mais si tu avertis le méchant pour le détourner de sa voie, et qu'il ne s'en détourne pas, il mourra dans son iniquité, et toi tu sauveras ton âme."1 Et je me disais que, si les méchants étaient sérieusement avertis, des foules d'entre eux se repentiraient; et que, s'ils n'étaient pas avertis, leur sang me serait redemandé2 TS 357 3 Miller commença alors, selon que l'occasion lui en était offerte, à présenter ses vues en particulier, tout en demandant à Dieu d'en convaincre un pasteur qui pourrait consacrer sa vie à les diffuser. Mais il ne parvenait pas à se dérober à la conviction de son devoir personnel. Ces paroles étaient toujours présentes à son esprit: "Va en parler au monde; sinon je te redemanderai son sang." Après avoir porté ce poids sur la conscience durant neuf ans, il se décida enfin, en 1831, à exprimer pour la première fois publiquement les raisons de sa foi. TS 358 1 De même qu'Elisée avait abandonné sa charrue pour revêtir le manteau du prophète, de même William Miller, appelé à quitter sa ferme, s'en alla, en tremblant, révéler au monde les mystères du royaume de Dieu. Il exposait à ses auditeurs, en détail, le lent accomplissement des chaînes prophétiques jusqu'à l'époque de l'avènement de Jésus-Christ. A chaque nouvelle tentative, ses forces et son courage augmentaient à la vue du vif intérêt suscité par ses paroles. TS 358 2 Ce n'avait été qu'à la sollicitation de ses frères, dont l'appel lui parut être la voix de Dieu, qu'il avait consenti à exposer publiquement ses convictions. Il avait alors cinquante ans. N'ayant jamais parlé en public, il se sentait comme écrasé par le sentiment de son incapacité. Mais, dès le début, son activité fut bénie et contribua au salut des âmes. Sa première conférence fut suivie d'un réveil au cours duquel treize familles, à l'exception de deux personnes, se convertirent. On lui demanda aussitôt de prendre la parole dans d'autres localités, et, presque partout où il portait ses pas, son travail était suivi d'un réveil spirituel. Des pécheurs se convertissaient; des chrétiens devenaient plus fervents; des déistes et des incrédules reconnaissaient la véracité des Ecritures et de la religion chrétienne. On rendait de lui ce témoignage: "Il atteint une catégorie de personnes sur lesquelles d'autres n'ont aucune prise."1 Ses prédications avaient pour effet d'attirer l'attention du public sur les choses de la religion et de réprimer la mondanité et la sensualité du siècle. TS 358 3 Dans chaque localité, ou à peu près, les convertis se comptaient par vingtaines, parfois par centaines. En bien des endroits, les églises protestantes de toutes tendances lui étaient grandes ouvertes et c'étaient généralement les pasteurs de ces églises qui l'invitaient. Sa règle invariable était de ne se rendre que là où il était invité. Néanmoins, il se trouva bientôt dans l'impossibilité de répondre ne fût-ce qu'à la moitié des appels qui lui étaient adressés. TS 359 1 Plusieurs de ceux qui n'acceptaient pas les théories de Miller touchant le temps exact du retour du Seigneur n'en avaient pas moins la conviction qu'il était proche et qu'il fallait s'y préparer. Dans quelques grandes villes, ses travaux firent une impression remarquable. Des cabaretiers abandonnèrent leur trafic et transformèrent leur débit en salle de réunions; des maisons de jeu fermèrent leurs portes; des incrédules, des déistes, des universalistes, des débauchés se réformèrent. Certains d'entre eux n'avaient pas mis les pieds dans un lieu de culte depuis des années. Dans quelques villes, les différentes églises organisèrent des réunions de prière dans tous les quartiers et presque à toute heure de la journée. Des hommes d'affaires se réunissaient à midi pour la prière et l'édification. Pas trace d'excitation, ni d'extravagance, mais partout un profond sérieux. L'oeuvre de Miller, comme celle des premiers réformateurs, tendait à éclairer les intelligences et à réveiller les consciences plutôt qu'à émouvoir. TS 359 2 En 1833, l'église baptiste, dont Miller était membre, lui donna une licence de prédicateur. En outre, un grand nombre de pasteurs de son Eglise approuvant ses travaux, c'est avec leur sanction explicite qu'il les poursuivit, tout en se bornant aux territoires de la Nouvelle-Angleterre et des Etats du centre. Pendant plusieurs années, il paya lui-même tous ses voyages et jamais, par la suite, ses frais de déplacement ne lui furent entièrement remboursés. Loin d'être lucrative, sa carrière publique greva lourdement ses ressources personnelles. Mais ses enfants étant sobres et industrieux, les revenus de sa ferme suffirent pour entretenir sa nombreuse famille et couvrir ses dépenses. TS 359 3 Le dernier des signes précurseurs du retour du Sauveur eut lieu en 1833, deux ans après que Miller eut commencé ses prédications. Jésus avait dit: "Les étoiles tomberont du ciel."1 Et saint Jean, considérant les scènes annonciatrices du jour de Dieu, s'était écrié: "Et les étoiles du ciel tombèrent sur la terre, comme lorsqu'un figuier secoué par un vent violent jette ses figues vertes."2 TS 360 1 Cette prophétie fut accomplie d'une façon frappante par la pluie de météorites du 13 novembre 1833. C'est le plus merveilleux spectacle d'étoiles filantes dont l'histoire conserve le souvenir. "Dans toute l'étendue des Etats-Unis, le firmament semblait en mouvement. Aucun phénomène céleste ne s'est jamais produit dans ce pays, depuis son occupation par les Blancs, qui ait été contemplé avec autant d'admiration par une partie des habitants et avec autant de crainte et de frayeur par l'autre. La sublimité et la grandeur de cette scène vivent encore dans le souvenir de bien des personnes. Jamais la pluie ne tomba plus dru que ces météores. Il en était de même à l'orient, à l'occident, au nord et au midi. En un mot, le ciel entier semblait en mouvement. ... Ce spectacle, tel que le professeur Silliman le décrit dans son journal, fut visible dans toute l'Amérique du Nord. ... Depuis deux heures du matin jusqu'au grand jour, le firmament étant sans nuages, on put contempler dans toutes les parties du ciel une gerbe incessante de traînées lumineuses."3 TS 360 2 "La plume est impuissante à décrire la splendeur de ce spectacle. ... Celui qui ne l'a pas vu ne peut s'en faire la moindre idée. Il semblait que toutes les étoiles du ciel se fussent donné rendez-vous vers un point voisin du zénith, d'où elles s'élançaient avec la rapidité de l'éclair dans toutes les directions de l'horizon; et pourtant, la provision ne s'en épuisait point; à des milliers de météores en succédaient d'autres milliers, comme s'ils eussent été créés pour l'occasion."4 "Impossible de mieux représenter ce phénomène que par l'image d'un figuier qui, sous l'action d'un vent puissant, jette au loin ses figues encore vertes."1 TS 361 1 Le Journal of Commerce, de New York, du 14 novembre, consacrait à l'événement un long article dont nous extrayons ce qui suit: "Je ne crois pas que jamais philosophe, ni savant ait décrit ou enregistré un phénomène du genre de celui dont nous avons été témoins la nuit dernière et ce matin. Il y a dix-huit siècles, un prophète en avait donné une exacte prédiction, ce dont chacun peut se rendre compte s'il consent à admettre qu'une chute d'étoiles c'est une chute d'étoiles ... dans le seul sens où la chose soit littéralement possible." TS 361 2 Ainsi s'accomplit le dernier signe avant-coureur du retour du Seigneur, au sujet duquel Jésus avait dit à ses disciples: "Quand vous verrez toutes ces choses, sachez que le Fils de l'homme est proche, à la porte."2 Après ces signes, l'exilé de Patmos vit le ciel se replier "comme un livre qu'on roule", tandis que la terre tremblait, que les montagnes et les îles étaient remuées de leur place, et que les méchants, terrifiés, s'enfuyaient devant le Fils de l'homme.3 TS 361 3 Un grand nombre de ceux qui assistèrent à cette chute d'étoiles la considérèrent comme un signe annonciateur du jugement à venir, comme "un symbole solennel, un précurseur certain, un signe miséricordieux du jour grand et redoutable". L'attention des populations fut ainsi attirée sur l'accomplissement des prophéties, et beaucoup de personnes en vinrent à prêter l'oreille aux prédications relatives à la seconde venue du Seigneur. TS 361 4 En 1840, un autre accomplissement des prophéties provoqua le plus vif intérêt. Deux ans auparavant, Josiah Litch, l'un des principaux hérauts du retour du Christ, avait publié une explication du neuvième chapitre de l'Apocalypse où est prédite la chute de l'empire ottoman. Selon ses calculs, cette puissance devait être renversée en août 1840. Quelques jours avant cette date, il écrivait encore: "En admettant que la première période, celle de cent cinquante ans, se soit accomplie exactement avant l'accession au trône de Dragasès muni de l'autorisation des Turcs, et que les trois cent quatre-vingt-onze ans et quinze jours aient commencé à la fin de cette première période, elle finirait le 11 août 1840, date à laquelle on peut s'attendre à la chute de l'empire ottoman à Constantinople. Or, je crois que ce sera réellement le cas1." TS 362 1 A l'époque spécifiée, la Turquie, par ses ambassadeurs, acceptait la protection des puissances européennes, et se plaçait ainsi sous la tutelle des nations chrétiennes. Cet événement accomplissait exactement la prédiction.2 Quand la chose fut connue, des foules furent convaincues de l'exactitude des principes d'interprétation adoptés par Miller et ses collaborateurs, ce qui donna au mouvement adventiste une impulsion merveilleuse. Des hommes instruits et influents s'unirent à Miller pour prêcher et publier ses convictions. Aussi, de 1840 à 1844, l'oeuvre fit-elle de rapides progrès. TS 362 2 Aux remarquables facultés intellectuelles de William Miller, facultés fortifiées par la méditation et l'étude, s'ajoutait la sagesse d'en haut, à laquelle il puisait constamment. Sa valeur morale ne pouvait que s'imposer à l'estime et au respect de tous ceux qui savaient apprécier la probité de sa vie et l'excellence de son caractère. Unissant la bonté et l'humilité chrétienne à la douceur, il était prévenant et affable envers chacun, prêt à écouter les opinions adverses et à en peser les arguments. Sans vivacité ni impatience, il soumettait toutes les théories et toutes les doctrines à l'épreuve de la Parole de Dieu, et son raisonnement sain, joint à une connaissance approfondie des Ecritures, le rendait capable de réfuter l'erreur et de démasquer la fraude. TS 363 1 Mais ce ne fut pas sans une violente opposition qu'il poursuivit sa tâche. Comme tous les réformateurs religieux, il vit les vérités qu'il annonçait repoussées par les ministres populaires. Faute de pouvoir soutenir leurs positions par les Ecritures, ils en appelaient aux doctrines des hommes et à la tradition des Pères. Alors que les prédicateurs du retour du Christ ne reconnaissaient comme seule autorité que "l'Ecriture et l'Ecriture seule", ils avaient recours au ridicule et à la moquerie, prodiguant leur temps, leur argent et leur énergie pour décrier des gens dont le seul crime était d'attendre avec joie le retour du Sauveur, de s'efforcer de vivre saintement et d'exhorter leur entourage à se préparer à la rencontre de leur Dieu. TS 363 2 De grands efforts étaient tentés pour détourner l'attention du public de la question de l'avènement du Seigneur. On faisait passer pour un péché, pour une action répréhensible le fait d'étudier les prophéties relatives à la fin du monde, ne craignant pas de saper ainsi la foi en la Parole de Dieu. L'enseignement des prédicateurs populaires faisait des incrédules, et beaucoup de gens en prenaient occasion pour marcher selon leurs convoitises charnelles, résultat que les auteurs du mal mettaient sur le compte des adventistes.1 TS 363 3 Bien que Miller attirât des foules d'auditeurs intelligents et attentifs, son nom était rarement mentionné par la presse religieuse, sauf pour le tourner en dérision et mettre les lecteurs en garde contre lui. Enhardis par l'attitude des conducteurs religieux, les indifférents et les impies recouraient à des épithètes injurieuses et à de vulgaires quolibets pour attirer le mépris sur sa personne et sur son oeuvre. Ce vieillard à cheveux blancs, qui avait quitté une demeure confortable pour aller de ville en ville annoncer le fait solennel de la proximité du jugement, était dénoncé comme un fanatique, un menteur, un imposteur. TS 364 1 Le ridicule, le dédain et le mensonge qu'on accumulait sur la tête de Miller provoquèrent parfois des protestations indignées de la part de la presse quotidienne. "Traiter avec légèreté et en termes irrévérencieux un sujet d'une telle majesté et aux conséquences incalculables", disaient des mondains, "ce n'est pas seulement bafouer les sentiments de ses propagateurs, c'est tourner en dérision le jour du jugement, se moquer de la Divinité elle-même et anéantir les terreurs de son tribunal".1 TS 364 2 L'instigateur de tout mal ne s'efforçait pas seulement de neutraliser l'effet du message adventiste, mais de détruire le messager lui-même. Miller appliquait le tranchant de l'Ecriture au coeur de ses auditeurs, censurant leurs péchés et troublant leur paix; ses paroles claires et pénétrantes provoquaient leur colère. Des gens sans aveu résolurent un jour de le tuer à la sortie d'une réunion. Mais, dans la foule, il y avait des anges; l'un d'eux, qui avait revêtu une forme humaine, prit le serviteur de Dieu par le bras, et l'emmena sain et sauf loin de la populace irritée. La tâche de Miller n'était pas achevée; Satan et ses émissaires furent désappointés. TS 364 3 En dépit de toute opposition, l'intérêt éveillé par le message du retour du Christ allait croissant. Les auditeurs ne se comptèrent plus par vingtaines ou par centaines, mais par milliers. Après les réunions, les églises avaient enregistré un grand nombre de nouveaux membres; mais ces néophytes ne tardèrent pas à être eux-mêmes en butte à l'opposition. Les églises commencèrent à prendre à leur égard des mesures disciplinaires. Miller adressa alors une lettre ouverte aux chrétiens de toutes les confessions, les mettant en demeure, si ses enseignements étaient erronés, de le lui prouver par les Ecritures. TS 365 1 "Que croyons-nous, disait-il, que nous n'ayons pas tiré directement de la Parole de Dieu que vous reconnaissez vous-mêmes comme unique règle de foi et de vie? Que faisons-nous qui mérite une si violente condamnation de la part des Eglises et de la presse, et qui vous autorise à nous exclure de votre communion? ... Si nous sommes sur une mauvaise voie, je vous supplie de nous dire en quoi nous avons tort. Montrez-nous par la Parole de Dieu quelle est notre erreur. Vous nous avez assez abreuvés de ridicule; jamais cela ne nous convaincra que nous faisons fausse route; seule la Parole de Dieu pourra changer notre manière de voir, car c'est avec calme et avec prière, en nous basant sur les saintes Ecritures, que nous sommes parvenus à nos conclusions."1 TS 365 2 De siècle en siècle, les avertissements du Seigneur ont tous eu le même sort. Lorsque Dieu eut résolu de faire venir le déluge sur l'ancien monde, il en avertit les habitants et leur donna l'occasion de se détourner de leurs péchés. Pendant cent vingt ans, l'avertissement retentit aux oreilles des pécheurs, les exhortant à se convertir et à échapper à la colère de Dieu. Mais ce message leur parut un conte, et nul n'y prit garde. Enhardis dans leur méchanceté, les antédiluviens se moquèrent du messager de Dieu, ridiculisèrent ses appels et l'accusèrent même de présomption. Comment un homme seul osait-il s'opposer à tous les sages de la terre? Si le message de Noé était vrai, pourquoi tout le monde ne le recevait-il pas? Et ils se refusèrent à croire le message et à chercher un refuge dans l'arche du salut. TS 365 3 Ces moqueurs prenaient à témoin la nature: la succession invariable des saisons, la voûte azurée qui n'avait jamais laissé tomber une goutte de pluie, les prairies verdoyantes fertilisées par les douces rosées de la nuit. Et après avoir déclaré avec mépris que le prédicateur de la justice n'était qu'un exalté, ils allaient leur chemin, plus que jamais absorbés dans la recherche des plaisirs et décidés à marcher dans la voie du mal. Mais leur incrédulité n'empêcha pas l'événement prédit d'arriver. Dieu avait longtemps supporté leur méchanceté; il leur avait donné suffisamment de temps pour se repentir. Aussi, au temps fixé, ses jugements s'abattirent-ils sur les contempteurs de sa miséricorde. TS 366 1 Jésus déclare que le monde fera preuve d'une incrédulité analogue au sujet de son retour. Comme les contemporains de Noé "ne se doutèrent de rien, jusqu'à ce que le déluge vînt et les emportât tous, il en sera de même à l'avènement du Fils de l'homme".1 Ceux qui se disent le peuple de Dieu s'uniront au monde, vivront de sa vie, participeront avec lui aux plaisirs défendus, au luxe et à l'apparat; les cloches nuptiales tinteront gaiement, et le monde entier comptera sur des années de prospérité. Alors, aussi soudainement que l'éclair déchire la nue, viendra la fin de leurs visions enchanteresses et de leurs fallacieuses espérances. TS 366 2 De même que Dieu avait envoyé le serviteur de son choix pour avertir le monde de l'approche du déluge, il envoya ses messagers pour faire connaître l'approche du jugement. Et les moqueurs, qui n'avaient pas fait défaut parmi les contemporains de Noé, ne manquèrent pas non plus aux jours de Miller, même parmi ceux qui prétendaient être le peuple de Dieu. TS 366 3 Mais pourquoi les Eglises montrèrent-elles une telle aversion pour la doctrine et la prédication du retour du Christ? Cet événement, cause de désolation et de malheur pour les méchants, est pour les justes une source d'espérance et de joie. Cette grande vérité a, de tout temps, fait la consolation des élus de Dieu; pourquoi, comme le Sauveur, était-elle devenue une "pierre d'achoppement, un rocher de scandale" pour ceux qui prétendaient constituer son Eglise? Le Seigneur lui-même n'avait-il pas fait à ses disciples cette promesse: Quand "je vous aurai préparé une place, je reviendrai, et je vous prendrai avec moi"?1 N'était-ce pas un Sauveur compatissant, celui qui, prévoyant la solitude et la douleur de ses disciples, avait envoyé des anges pour les consoler par l'assurance de son retour personnel? Quand, au jour de l'ascension, les disciples avaient jeté un dernier regard éperdu sur celui qu'ils aimaient, n'avaient-ils pas entendu ces paroles: "Hommes Galiléens, pourquoi vous arrêtez-vous à regarder au ciel? Ce Jésus, qui a été enlevé au ciel du milieu de vous, viendra de la même manière que vous l'avez vu allant au ciel"?2 Ce message de l'ange n'avait-il pas ranimé l'espérance des disciples et ceux-ci n'étaient-ils pas "retournés à Jérusalem avec une grande joie", "louant et bénissant continuellement Dieu dans le temple."3 TS 367 1 La proclamation de la venue de Jésus devrait être aujourd'hui, comme elle le fut pour les bergers de la plaine de Bethléhem, un "sujet de grande joie". Ceux qui aiment réellement le Sauveur ne peuvent s'empêcher d'acclamer le message divin annonçant le retour de celui en qui sont concentrées leurs espérances de vie éternelle; de celui qui revient, non plus pour être injurié, méprisé et rejeté, comme la première fois, mais en puissance et en gloire, pour racheter son peuple. Seuls ceux qui ne l'aiment pas ne désirent pas sa venue. L'animosité manifestée par les Eglises à l'ouïe du message céleste était la preuve la plus évidente qu'elles s'étaient éloignées de Dieu. TS 367 2 Ceux qui acceptaient le message du retour du Christ voyaient la nécessité de s'humilier devant Dieu et de se convertir. Un grand nombre d'entre eux, qui avaient longtemps hésité entre le Christ et le monde, comprenaient que le temps était maintenant venu de prendre position. "Les choses éternelles devenaient pour eux une réalité vivante. Le ciel s'était rapproché, et ils se voyaient coupables devant Dieu."1 Les chrétiens sentaient naître en eux une vie spirituelle nouvelle. Ils avaient conscience de la brièveté du temps et de la nécessité d'en avertir promptement leurs semblables. L'éternité semblait s'ouvrir devant eux et leurs préoccupations terrestres s'estompaient. Ce qui se rapportait à leur bonheur ou à leur malheur éternel éclipsait à leurs yeux les choses temporelles. L'Esprit d'en haut reposant sur eux donnait une puissance particulière aux appels qu'ils adressaient à leurs frères et aux pécheurs pour les engager à se préparer en vue du jour de Dieu. Le témoignage silencieux de leur vie quotidienne était une censure constante à l'adresse des chrétiens formalistes. Ces derniers, ne désirant pas être troublés dans la poursuite des plaisirs, des richesses et des honneurs mondains, s'opposaient à la foi adventiste et à ceux qui la proclamaient. TS 368 1 Les arguments tirés des périodes prophétiques étant irréfutables, les contradicteurs en déconseillaient l'étude sous prétexte que les prophéties étaient scellées. Les protestants marchaient ainsi sur les brisées de Rome. Alors que l'église romaine prive le peuple des saintes Ecritures,2 les églises protestantes prétendaient qu'une portion considérable des écrits sacrés -- celle qui met en lumière les vérités relatives à notre temps -- était inintelligible. TS 368 2 Pasteurs et fidèles alléguaient que les livres de Daniel et de l'Apocalypse étaient mystérieux et impénétrables. Ils oubliaient que Jésus, invitant ses disciples à étudier le livre de Daniel pour s'instruire des événements relatifs à leur temps, leur adressait cette exhortation: "Que celui qui lit fasse attention!"3 Quant à l'affirmation que l'Apocalypse est un mystère insondable, elle est contredite par le titre même du livre: "Révélation de Jésus-Christ, que Dieu lui a donnée pour montrer à ses serviteurs les choses qui doivent arriver bientôt. ... Heureux celui qui lit et ceux qui entendent les paroles de la prophétie, et qui gardent les choses qui y sont écrites! Car le temps est proche."1 TS 369 1 "Révélation" est la traduction du mot "Apocalypse". TS 369 2 "Heureux celui qui lit!" dit le prophète. Cette bénédiction n'est donc pas pour les personnes qui se refusent à lire. Il ajoute: "Et ceux qui entendent". Elle n'est pas non plus pour les personnes qui ne veulent pas entendre parler des prophéties. Le prophète dit encore: "Et qui gardent les choses qui y sont écrites". Or, aucun de ceux qui ne veulent pas prendre garde aux avertissements et aux exhortations de l'Apocalypse ne peut se réclamer de la bénédiction promise. Tous ceux qui tournent ces sujets en dérision et se moquent des symboles inspirés des livres prophétiques; tous ceux qui refusent de changer de vie et de se préparer pour la venue du Fils de l'homme, renoncent au bonheur attaché à ces études. TS 369 3 En présence des affirmations qui précèdent, comment des hommes osent-ils prétendre que l'Apocalypse est un mystère au-dessus de la portée de l'intelligence humaine? C'est un mystère, oui, mais un mystère dévoilé; c'est un livre ouvert. L'étude de l'Apocalypse attire l'attention sur les prophéties de Daniel. Dans ces deux livres, Dieu donne à ses enfants des renseignements très importants touchant les événements qui doivent se produire à la fin de l'histoire du monde. TS 369 4 L'Apocalypse de saint Jean est la révélation de scènes d'un intérêt palpitant pour l'Eglise. Dans ce livre, l'apôtre décrit les dangers, les luttes et la délivrance finale du peuple de Dieu. Il y enregistre les messages ultimes qui doivent mûrir la moisson de la terre. Il y contemple tour à tour les fidèles, gerbes destinées aux greniers célestes, et les ennemis de Jésus-Christ, javelles réservées au feu de la destruction. Des révélations d'une grande importance concernant tout spécialement l'Eglise de la fin lui ont été confiées, afin que ceux qui se détourneraient de l'erreur pour accepter la vérité fussent mis en garde contre les périls et les conflits qui les attendent. Nul n'en est réduit à ignorer ce qui doit arriver sur la terre. TS 370 1 Pourquoi cette partie importante des Ecrits sacrés est-elle si peu connue? D'où vient cette répugnance générale à entreprendre l'étude de ses enseignements? C'est le fruit d'un effort calculé du prince des ténèbres pour cacher aux hommes ceux qui dévoilent ses pièges. Voilà pourquoi Jésus, auteur de cette Révélation, prévoyant la guerre qui serait faite à l'étude de l'Apocalypse, a prononcé une bénédiction sur "ceux qui la lisent, sur ceux qui l'entendent et sur ceux qui gardent les choses qui y sont écrites". ------------------------Chapitre 19 -- Lumière et ténèbres TS 371 1 Une grande analogie caractérise les réformes qui, de siècle en siècle, jalonnent les progrès de l'oeuvre de Dieu. Etant donné que les voies divines sont immuables et que les mouvements importants du temps présent trouvent leur parallèle dans l'histoire, les péripéties de la vie de l'Eglise aux siècles passés nous offrent de précieux enseignements. TS 371 2 La Bible laisse clairement entendre que les hommes choisis par Dieu pour diriger les grands mouvements destinés à poursuivre son oeuvre de salut sur la terre sont tout spécialement placés sous la direction de son Esprit. Ces hommes ne sont que des instruments dont Dieu se sert en vue de la réalisation de ses desseins de miséricorde. Chacun d'eux a son rôle à jouer; chacun reçoit la mesure de lumière adaptée aux besoins de son temps et suffisante pour accomplir la tâche qui lui est confiée. Mais aucun de ces hommes, si honoré du ciel qu'il ait été, n'est parvenu à une parfaite intelligence du grand plan de la rédemption, ni même à une juste appréciation du dessein de Dieu pour son époque. L'homme ne peut comprendre parfaitement ce que Dieu se propose d'accomplir par le mandat qu'il lui confie, ni voir toute la portée du message dont il est le héraut. TS 372 1 "Prétends-tu sonder les pensées de Dieu, demande Job, parvenir à la connaissance parfaite du Tout-Puissant?" "Mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos voies ne sont pas mes voies, dit l'Eternel. Autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre, autant mes voies sont élevées au-dessus de vos voies, et mes pensées au-dessus de vos pensées." "Car je suis Dieu, et il n'y en a point d'autre, je suis Dieu et nul n'est semblable à moi. J'annonce dès le commencement ce qui doit arriver, et longtemps d'avance ce qui n'est pas encore accompli."1 TS 372 2 Les prophètes eux-mêmes, pourtant spécialement éclairés par le Saint-Esprit, ne voyaient pas toute la portée de leurs oracles. La signification de ceux-ci se dégagea peu à peu au cours des siècles, et cela seulement à mesure que les enfants de Dieu avaient besoin des enseignements qu'ils contenaient. TS 372 3 Ainsi, touchant le salut mis en évidence par l'Evangile, l'apôtre Pierre pouvait écrire: "Les prophètes ... ont fait de ce salut l'objet de leurs recherches et de leurs investigations, voulant sonder l'époque et les circonstances marquées par l'Esprit de Christ qui était en eux, et qui attestait d'avance les souffrances de Christ et la gloire dont elles seraient suivies. Il leur fut révélé que ce n'était pas pour eux-mêmes, mais pour vous, qu'ils étaient les dispensateurs de ces choses, que vous ont annoncées maintenant ceux qui ont prêché l'Evangile."2 TS 372 4 Bien qu'il ne leur fût pas donné de comprendre pleinement les choses qui leur étaient révélées, les prophètes s'efforçaient néanmoins de saisir toutes les lumières que Dieu jugeait bon de leur communiquer, faisant "des recherches et des investigations" pour découvrir "l'époque et les circonstances marquées par l'Esprit". Quel magnifique enseignement se cache ici pour le peuple de Dieu vivant sous la dispensation évangélique et au bénéfice duquel ces prophéties furent données! "Il leur fut révélé que ce n'était pas pour eux-mêmes, mais pour vous, qu'ils étaient les dispensateurs de ces choses." Les voyez-vous, ces serviteurs de Dieu, scrutant diligemment des révélations destinées aux générations à venir? Comparez leur saint zèle avec l'indifférence que notre époque favorisée manifeste à l'égard du don céleste! Quelle censure à l'adresse des chrétiens insouciants et mondains qui se contentent de dire que les prophéties sont incompréhensibles! TS 373 1 Bien que l'esprit limité de l'homme soit insuffisant pour entrer dans les conseils de l'Infini ou pour en comprendre pleinement les desseins, il n'en est pas moins vrai que c'est souvent en raison de quelque erreur ou de quelque négligence de notre part que nous saisissons si imparfaitement les messages du ciel. Il arrive fréquemment que l'intelligence des gens, même des serviteurs de Dieu soit tellement obscurcie par les usages, les opinions courantes et les enseignements populaires, qu'ils ne perçoivent que partiellement les vérités révélées. Tel fut le cas des disciples de Jésus, alors même qu'il était personnellement avec eux. Imbus des conceptions courantes sur le Messie, ils attendaient un prince temporel qui porterait Israël à la tête de l'univers! De là leur incapacité de comprendre le Sauveur quand il leur parlait de ses souffrances et de sa mort. TS 373 2 Le message que Jésus lui-même leur avait confié: "Le temps est accompli, et le royaume de Dieu est proche. Repentez-vous, et croyez à la bonne nouvelle",1 était basé sur le livre de Daniel. Selon cette prophétie (Dan., ch. 9), le Messie, "l'Oint", devait paraître à l'expiration des soixante-neuf semaines. Pleins d'espérance et de joie à la perspective du prochain établissement, à Jérusalem, d'un glorieux royaume messianique embrassant toute la terre, ils s'acquittèrent de la mission dont le Seigneur les avait chargés. Mais, aveuglés par l'erreur qu'ils caressaient depuis leur enfance, ils ne s'apercevaient pas que le texte de Daniel 9:25 annonçait, au verset suivant du même chapitre, que le Messie devait être "retranché". Aussi, au moment où ils croyaient leur Maître sur le point de monter sur le trône de David, quelle ne fut pas leur déception de le voir arrêté comme un malfaiteur, battu de verges, tourné en dérision, condamné et suspendu sur la croix du Calvaire! De quelles angoisses et de quel désespoir leur coeur ne fut-il pas déchiré pendant les jours qu'il passa dans le sommeil de la tombe! TS 374 1 Et pourtant, Jésus était venu dans le monde à son heure et de la façon prédite. Chaque détail de son ministère avait marqué un accomplissement de la prophétie. Il avait annoncé le message du salut, et cela "avec puissance". Ses auditeurs avaient été convaincus qu'il venait du ciel. Tant la Parole que l'Esprit de Dieu avaient attesté la divinité de sa mission. TS 374 2 Restés attachés à leur Maître bien-aimé par les liens d'un indéfectible amour, les disciples furent pourtant envahis par l'incertitude et le doute. Dans leur détresse, ils ne se rappelèrent pas les paroles du Maître relatives à ses souffrances et à sa mort. Si Jésus de Nazareth avait été le vrai Messie, seraient-ils maintenant acculés à ce douloureux échec? Cette question les torturait durant les pénibles heures du sabbat qui sépara la mort du Sauveur de sa résurrection. TS 374 3 Enveloppés par une obscurité impénétrable, les disciples ne furent cependant pas abandonnés au désespoir. Un prophète avait écrit: "Si je suis assis dans les ténèbres, l'Eternel sera ma lumière. ... Il me conduira à la lumière, et je contemplerai sa justice." "Même les ténèbres ne sont pas obscures pour toi, la nuit brille comme le jour, et les ténèbres comme la lumière." Et Dieu avait dit: "La lumière se lève dans les ténèbres pour les hommes droits." "Je ferai marcher les aveugles sur un chemin qu'ils ne connaissent pas, je les conduirai par des sentiers qu'ils ignorent; je changerai devant eux les ténèbres en lumière, et les endroits tortueux en plaine: voilà ce que je ferai, et je ne les abandonnerai point."1 TS 375 1 La proclamation faite par les apôtres au nom du Sauveur était exacte dans tous ses détails, et les événements annoncés étaient alors en voie d'accomplissement. "Le temps est accompli, et le royaume de Dieu est proche", tel avait été leur message. Le "temps" -- c'étaient les soixante-neuf semaines de Daniel 9 -- devait aboutir au "Messie", à "l'Oint", au "Conducteur". Jésus avait été "oint" de l'Esprit lors de son baptême dans le Jourdain par Jean-Baptiste, et le royaume de Dieu, dont les apôtres avaient annoncé la proximité, fut établi par la mort du Sauveur. Mais ce royaume n'était pas, comme on le leur avait enseigné, une monarchie terrestre. Il ne s'agissait pas du royaume éternel qui sera fondé quand "le règne, la domination et la grandeur de tous les royaumes qui sont sous les cieux, seront donnés au peuple des saints du Très-Haut", de ce règne où "tous les dominateurs le serviront et lui obéiront."2 Dans les Ecritures, l'expression "royaume de Dieu" sert à désigner à la fois le royaume de grâce et le royaume de gloire. Le royaume de grâce est mentionnê par saint Paul dans l'épître aux Hébreux. Après avoir appelé l'attention sur un Sauveur capable de "compatir à nos faiblesses", l'apôtre dit: "Approchons-nous donc avec assurance du trône de la grâce, afin d'obtenir miséricorde et de trouver grâce, pour être secourus dans nos besoins".3 Or, un trône supposant nécessairement un royaume, le trône de la grâce représente le royaume de la grâce. Dans plusieurs de ses paraboles, le Sauveur se sert de l'expression "royaume des cieux" pour désigner l'oeuvre de la grâce divine dans les coeurs. TS 376 1 De même, le trône de la gloire représente le royaume de la gloire, et c'est à ce royaume que le Sauveur fait allusion quand il dit: "Lorsque le Fils de l'homme viendra dans sa gloire, avec tous les anges, il s'assiéra sur le trône de sa gloire. Toutes les nations seront assemblées devant lui."1 Ce royaume est encore à venir, et ne sera établi qu'à la seconde venue de Jésus-Christ. TS 376 2 Le royaume de la grâce date de la chute de l'homme, époque où Dieu traça le plan de la rédemption d'une race coupable. Ce royaume a existé dès lors dans les desseins et en vertu des promesses de Dieu. Mais ce royaume dont on devenait sujet par la foi n'a été définitivement confirmé qu'à la mort du Sauveur. En effet, même après être entré dans son ministère terrestre, Jésus aurait pu, lassé de l'ingratitude et de l'obstination des hommes, reculer devant la croix du Calvaire. En Gethsémané, où la coupe amère trembla dans sa main, il aurait pu encore essuyer la sueur de sang ruisselant sur son front et laisser notre monde révolté périr dans ses iniquités. C'en eût été fait, alors, de la rédemption de l'humanité. C'est quand le Sauveur eut donné sa vie, lorsqu'il s'écria, en expirant: "Tout est accompli", que le plan de la rédemption fut définitivement assuré. La promesse du salut faite au couple désobéissant de l'Eden fut ratifiée, et le royaume de grâce, qui jusqu'alors n'existait qu'en vertu de la promesse de Dieu, était fondé. TS 376 3 Ainsi la mort du Sauveur, que les disciples envisageaient comme la ruine définitive de toutes leurs espérances, confirma au contraire celles-ci pour l'éternité. Si elle fut pour eux un cruel désappointement, elle prouva de façon péremptoire l'exactitude de leur croyance. L'événement qui les avait plongés dans le désespoir était celui-là même qui ouvrait à tous les fils d'Adam la porte de l'espérance, celui dont dépendaient la vie future et le bonheur éternel des fidèles de tous les siècles. TS 377 1 Les desseins issus d'une miséricorde infinie s'accomplissaient ainsi en dépit de la désillusion des disciples. Leurs coeurs avaient été gagnés par la grâce divine et par la puissance des enseignements de celui dont il pouvait être dit: "Jamais homme n'a parlé comme cet homme"; néanmoins, à l'or pur de leur attachement pour Jésus se mêlait le vil alliage de visées mondaines et d'ambitions égoïstes. Dans la chambre haute où ils prenaient leur dernière Pâque, à l'heure solennelle où les ombres de Gethsémané s'étendaient déjà sur leur Maître, les disciples s'étaient querellés pour savoir "lequel d'entre eux devait être estimé le plus grand".1 Ils songeaient à un trône et à une couronne terrestres, alors que se préparaient l'agonie de Gethsémané et la croix du Calvaire. TS 377 2 Leur orgueil et leur soif de gloire terrestre, entretenant dans leurs coeurs les erreurs du temps, les avaient exposés à méconnaître les paroles du Sauveur sur la véritable nature de son royaume, et à oublier la prédiction de ses souffrances et de sa mort. Et ces erreurs avaient abouti à l'épreuve dure, mais nécessaire, qui les ramena dans la bonne voie. Quoique les disciples se fussent mépris sur le sens de leur message et eussent vu leur attente frustrée, ils avaient cependant prêché l'avertissement divin et le Seigneur allait honorer leur foi et récompenser leur obéissance. Aussi est-ce à eux que fut confiée la tâche de proclamer au monde entier la bonne nouvelle d'un Sauveur ressuscité. C'était pour les préparer à cette oeuvre que le Sauveur avait permis cette amère leçon. TS 377 3 Après sa résurrection, Jésus apparut sous l'aspect d'un étranger à deux de ses disciples sur le chemin d'Emmaüs. "Et, commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliqua dans toutes les Ecritures ce qui le concernait."1 Emus et émerveillés, ces deux disciples sentirent leur foi se ranimer avant même que Jésus se fût fait reconnaître d'eux. L'intention du Maître était d'éclairer leur entendement et d'asseoir leur foi sur "la parole des prophètes" qui est certaine. Il désirait que la vérité s'enracinât dans leur esprit, et cela moins en vertu de son témoignage personnel que grâce aux preuves incontestables fournies par les symboles et les ombres de la loi cérémonielle, comme aussi par les prophètes de l'Ancien Testament. Pour proclamer au monde la connaissance du Messie, il fallait que les disciples possédassent une foi intelligente. Or, comme sources de leur enseignement, Jésus leur cita "Moïse et les prophètes". Tel fut le témoignage rendu par le Sauveur ressuscité à l'importance des Ecritures de l'Ancien Testament. TS 378 1 Aussi, quel changement dans le coeur des disciples lorsqu'ils revirent le visage aimé de leur Maître!2 Ils reconnurent en lui, plus distinctement qu'auparavant, "celui de qui Moïse a écrit dans la loi, et dont les prophètes ont parlé". L'incertitude, l'angoisse, le désespoir firent place à une parfaite assurance, à une foi sans nuage. Quoi d'étonnant si, après son ascension, ils étaient "constamment dans le temple, louant et bénissant Dieu"? Les gens qui ne connaissaient que la mort ignominieuse du Nazaréen s'attendaient à lire sur le visage de ses disciples l'expression de la douleur, de la confusion, de la défaite; ils y virent, au contraire, briller une joie triomphante. TS 378 2 Mais, aussi, par quelle préparation n'avaient-ils point passé! Ils avaient subi l'épreuve la plus douloureuse qu'il fût possible d'imaginer et avaient vu la Parole de Dieu s'accomplir glorieusement alors qu'à vues humaines tout semblait perdu. Dès lors, rien ne put ébranler leur foi, ni tempérer l'ardeur de leur amour. Dans les afflictions les plus amères, ils jouirent "d'un puissant encouragement": leur espérance sera comme "une ancre de l'âme, sûre et solide."1 Témoins de la sagesse et de la puissance de Dieu ils étaient assurés "que ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni les choses présentes ni les choses à venir, ni les puissances, ni la hauteur ni la profondeur, ni aucune autre créature" ne pouvaient les "séparer de l'amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ" leur Seigneur. "Dans toutes ces choses, s'écriaient-ils, nous sommes plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés."2 "La Parole du Seigneur demeure éternellement."3 "Qui nous condamnera? Christ est mort; bien plus, il est ressuscité, il est à la droite de Dieu, et il intercède pour nous!"4 TS 379 1 "Mon peuple ne sera plus jamais dans la confusion, dit l'Eternel."5 "Le soir arrivent les pleurs, et le matin l'allégresse."6 Le jour de la résurrection, quand les disciples revirent leur Sauveur et écoutèrent ses paroles avec des transports de joie; quand ils contemplèrent cette tête, ces mains et ces pieds meurtris pour eux; quand, plus tard, Jésus les conduisit jusqu'à Béthanie et que, les mains levées sur eux dans un geste de bénédiction, il leur dit: "Allez par tout le monde, et prêchez la bonne nouvelle à toute la création",7 "et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde";8 quand, dix jours plus tard, le Consolateur descendit sur eux, les revêtant de la puissance d'en haut et leur donnant la sensation ineffable de la présence de Jésus, alors, pour rien au monde, ils n'auraient consenti à échanger le ministère de l'Evangile et la "couronne de justice" qui leur était réservée, contre le trône terrestre qu'ils avaient convoité dans les premiers temps de leur apostolat. "Celui qui peut faire ... infiniment au-delà de tout ce que nous demandons et pensons", leur avait accordé, avec "la communion de ses souffrances", la communion de sa joie, celle de "conduire à la gloire beaucoup de fils", c'est-à-dire un "poids éternel de gloire", avec lequel les afflictions de l'heure présente ne peuvent soutenir aucune comparaison. TS 380 1 L'épreuve des disciples qui prêchèrent "l'Evangile du royaume" lors de la première venue du Seigneur, a eu sa contrepartie dans l'histoire des prédicateurs de sa seconde venue. Les apôtres avaient dit: "Le temps est accompli, et le royaume de Dieu est proche." De même, Miller et ses collaborateurs annonçaient que la dernière et la plus longue période prophétique des Ecritures tirait à sa fin, que le jour du jugement était imminent et que le royaume éternel allait être établi. La prédication des premiers disciples touchant l'accomplissement des temps était basée sur les soixante-dix semaines de Daniel 9. Il en était de même du message de Miller et de ses associés, qui annonçait la fin de la période des deux mille trois cents jours de Daniel 8:14, dont les soixante-dix semaines faisaient partie. Chacun de ces deux messages était basé sur l'accomplissement d'une portion de la même grande période prophétique. TS 380 2 Comme les premiers disciples, Miller et ses collaborateurs ne comprirent pas exactement la portée du message qu'ils proclamaient. Des erreurs ayant cours depuis longtemps dans l'Eglise les empêchaient d'arriver à une interprétation correcte d'un point important de la prophétie. C'est pourquoi, bien qu'ils fissent entendre au monde le message que Dieu leur avait confié, ils subirent une déception. TS 380 3 En expliquant ces paroles de Daniel 8:14: "Deux mille trois cents soirs et matins, puis le sanctuaire sera purifié", Miller, adoptant l'idée généralement admise que le sanctuaire était la terre, crut qu'il s'agissait de la purification de notre globe par le feu au jour de Dieu, et il en conclut que la fin des deux mille trois cents années coïncidait avec la seconde venue du Christ. Son erreur provenait de ce qu'il avait adopté une croyance populaire touchant le sanctuaire. TS 381 1 Dans le système mosaïque, qui était une ombre, un symbole du sacrifice et du sacerdoce de Jésus-Christ, la purification du sanctuaire était la dernière cérémonie accomplie par le souverain sacrificateur dans la série des services annuels. C'était l'oeuvre finale de l'expiation: l'enlèvement des péchés d'Israël. Elle préfigurait le dernier acte du ministère de notre souverain sacrificateur dans les cieux, alors qu'il enlèvera ou effacera les péchés de son peuple enregistrés dans les livres du ciel. Ce service, qui comporte l'instruction d'un jugement, précède immédiatement la venue du Christ sur les nuées du ciel, en puissance et en gloire. A ce moment, en effet, tous les cas auront fait l'objet d'une décision. Jésus dit: "Ma rétribution est avec moi, pour rendre à chacun selon ce qu'est son oeuvre."1 Cette instruction du jugement, précédant immédiatement le retour du Christ, est appelée la "purification du sanctuaire" (Daniel 8:14); elle est annoncée dans le premier message (d'Apocalypse 14): "Craignez Dieu, et donnez-lui gloire, car l'heure de son jugement est venue." TS 381 2 Les hérauts du retour du Christ proclamèrent ce message au temps voulu. Mais il leur advint ce qui était arrivé aux apôtres lorsqu'ils disaient, en se basant sur Daniel 9: "Le temps est accompli, et le royaume de Dieu est proche", sans remarquer que le même passage annonçait la mort du Messie. Miller et ses collaborateurs prêchèrent un message basé sur Daniel 8:14 et Apocalypse 14:7, sans s'apercevoir qu'on trouve, au même endroit, d'autres messages devant être proclamés avant le retour du Seigneur. De même que les disciples s'étaient mépris sur la nature du royaume qui devait s'établir à la fin des soixante-dix semaines, les adventistes se méprirent sur la nature de l'événement qui devait marquer l'expiration des deux mille trois cents jours. Dans l'un comme dans l'autre cas, la vérité fut voilée par une erreur populaire, mais la volonté de Dieu fut accomplie et son message proclamé. Dans les deux cas aussi, une compréhension imparfaite de leur message exposa les disciples à une méprise. TS 382 1 Mais Dieu poursuivait ses bienveillants desseins. Le grand jour étant à la porte, il permit que le monde fût éprouvé par l'annonce du retour du Christ à une date précise pour donner aux chrétiens l'occasion de prendre conscience de leur état spirituel. Le message avait pour but de les purifier en leur permettant de constater si leurs affections étaient placées sur le monde ou sur Jésus et les biens célestes. Ils professaient aimer le Sauveur: le moment était venu de le lui prouver. Etaient-ils prêts à renoncer à des espérances et à des ambitions mondaines pour accueillir leur Seigneur avec joie? Le message mettait l'Eglise en mesure de se rendre compte de son état spirituel. Dans sa miséricorde, Dieu le lui envoyait pour l'amener à le rechercher par la repentance et l'humiliation. TS 382 2 Ainsi, Dieu se proposait de faire concourir au bien de ses enfants le désappointement qui allait résulter d'un manque de compréhension de son message. Il devait être une pierre de touche pour ceux qui avaient déclaré recevoir l'avertissement divin. Allaient-ils brusquement abandonner leur profession de foi et renoncer à leur confiance en la Parole de Dieu, ou bien se mettraient-ils pieusement et humblement à l'étude pour voir quel détail de la prophétie ils n'avaient pas compris? Combien d'entre eux avaient cédé à la crainte, au sentiment ou à l'entraînement? Combien étaient indécis et seulement à moitié convaincus? Beaucoup de gens affirmaient aimer l'avènement du Seigneur. Les moqueries et le mépris du monde, l'erreur et la déception allaient-ils les faire renoncer à leur foi? Rejetteraient-ils des vérités évidentes de la Bible parce qu'ils n'avaient pas immédiatement compris les voies de Dieu à leur égard? TS 382 3 Cette épreuve devait révéler la force de caractère de ceux qui, animés par une foi sincère, avaient obéi à ce qu'ils croyaient être les enseignements de l'Esprit et de la Parole de Dieu. Seule une telle leçon pouvait leur montrer le danger que l'on court en acceptant les théories et les interprétations des hommes, au lieu de laisser les Ecritures s'expliquer elles-mêmes. Les angoisses et les souffrances consécutives à leur erreur constituaient le correctif dont les vrais croyants avaient besoin. Elles allaient les amener à une étude plus attentive de la parole prophétique et leur montrer la nécessité d'examiner avec plus de soin les bases de leur foi et de repousser toute doctrine qui ne repose pas sur la Parole de vérité, quels que soient le nombre et la qualité de ses adhérents. TS 383 1 Pour ces croyants, comme pour les premiers disciples, ce qui paraissait mystérieux au moment de l'épreuve deviendrait évident par la suite. En voyant "la fin que le Seigneur" allait leur "accorder", ils apprendraient qu'en dépit des épreuves qu'ils s'étaient attirées par leur erreur, ses desseins ne s'étaient pas moins accomplis. Une heureuse expérience leur montrerait que le Sauveur est miséricordieux et compatissant et que "tous les sentiers de l'Eternel ne sont que bonté et fidélité pour ceux qui gardent son alliance et ses commandements". ------------------------Chapitre 20 -- Un grand réveil religieux TS 385 1 La prophétie du quatorzième chapitre de l'Apocalypse annonce un grand réveil religieux consécutif à la proclamation du prochain retour du Christ. Il y est question d'"un ange qui volait par le milieu du ciel, ayant un Evangile éternel, pour l'annoncer aux habitants de la terre, à toute nation, à toute tribu, à toute langue, et à tout peuple. Il disait d'une voix forte: Craignez Dieu, et donnez-lui gloire, car l'heure de son jugement est venue; et adorez celui qui a fait le ciel, et la terre, et la mer, et les sources d'eaux."1 TS 385 2 Le fait que cette proclamation est confiée à un ange est significatif. Dans sa sagesse, Dieu s'est plu à illustrer symboliquement la noblesse, la puissance et la gloire de ce message par la pureté, la gloire et la puissance d'un messager céleste. Le vol de l'ange "par le milieu du ciel", la "voix forte" avec laquelle l'avertissement est proclamé "à toute nation, à toute tribu, à toute langue et à tout peuple", témoignent de la rapidité et de l'universalité de ce mouvement. TS 386 1 Quant au message lui-même, il nous renseigne sur l'époque de ce réveil: il fait partie de l'"Evangile éternel", et annonce l'inauguration du jugement. Si le message du salut a été prêché dans tous les siècles, ce message-ci renferme une portion de l'Evangile qui ne pouvait être prêchée que dans les derniers jours, la seule époque où l'on pourrait dire: "l'heure de son jugement est venue". Les prophéties nous présentent une succession d'événements qui aboutissent à l'inauguration du jugement. C'est surtout le cas du livre de Daniel. Mais ce prophète reçoit l'ordre de tenir "close et scellée" jusqu'au "temps de la fin" la partie de sa prophétie relative aux derniers jours. C'est à cette époque-là seulement que l'on pourra proclamer un message se rapportant au jour du jugement et basé sur l'accomplissement de la prophétie. En effet, le prophète nous dit qu'au temps de la fin, "plusieurs le liront (son livre), et que la connaissance augmentera".1 TS 386 2 L'apôtre Paul avertissait l'Eglise de son temps que le retour du Christ n'était pas imminent. Il faut, disait-il, "que l'apostasie soit arrivée auparavant, et qu'on ait vu paraître l'homme du péché".2 On ne devait donc attendre le second avènement de Jésus qu'après la grande apostasie et le règne de "l'homme du péché". Les expressions "homme du péché", "adversaire", "mystère d'iniquité", "fils de la perdition" désignent la papauté, qui devait, selon la prophétie, exercer sa suprématie pendant mille deux cent soixante ans. Cette période expirant en 1798, la venue du Christ ne pouvait avoir lieu avant cette date. TS 386 3 Un message de ce genre n'a jamais été annoncé dans les siècles passés. Paul, nous l'avons vu, ne l'a pas prêché; il plaçait le retour du Christ dans un lointain avenir. Les réformateurs ne l'ont pas proclamé non plus. Martin Luther voyait le jour du jugement à quelque trois siècles de son temps. Mais, depuis 1798, le livre de Daniel a été descellé, la connaissance de la prophétie a augmenté, et le message solennel de la proximité du jugement a été proclamé. TS 387 1 Comme la Réforme du seizième siècle, le mouvement adventiste a éclaté simultanément dans différentes parties de la chrétienté. En Europe et en Amérique, des hommes de foi et de prière se sont sentis poussés à étudier les prophéties. Dans divers pays, des groupes isolés de chrétiens sont parvenus, par la seule étude de la Parole de Dieu, à la conclusion que le retour du Christ est à la porte et que la fin de toutes choses est proche. TS 387 2 En 1821, trois ans après que Miller fut arrivé à la conclusion que les prophéties aboutissaient au temps du jugement, le missionnaire Joseph Wolff commença à proclamer la proximité du retour du Christ. Il était né en Allemagne, de parents juifs. Son père était rabbin. Esprit vif et curieux, il écoutait, tout jeune encore, avec la plus grande attention, les conversations qui avaient lieu chez son père, où des Juifs pieux se réunissaient chaque jour pour s'entretenir de l'avenir de leur peuple, de la gloire du Messie à venir et de la restauration d'Israël. Entendant un jour parler de Jésus de Nazareth, le jeune garçon demanda qui était cet homme. "Un Juif de génie, lui fut-il répondu; mais comme il se disait être le Messie, le sanhédrin l'a condamné à mort. -- Pourquoi Jérusalem est-elle détruite, et pourquoi sommes-nous en captivité? poursuivit l'enfant. -- Hélas! fit le père, c'est parce que nos pères ont tué les prophètes." Dans l'esprit du jeune Wolff, cette réponse fit aussitôt surgir la question: "Jésus n'était-il pas lui aussi un prophète, et n'a-t-il pas été mis à mort alors qu'il était innocent?"1 Ce sentiment fut si profond que Joseph, à qui son père avait défendu d'entrer dans un lieu de culte chrétien, s'attardait souvent sous les fenêtres d'une église pour écouter la prédication. TS 388 1 A l'âge de sept ans, comme il parlait avec fierté, devant un chrétien âgé, du triomphe d'Israël lors de la venue du Messie, le vieillard lui répondit avec bienveillance: "Mon cher enfant, je vais te dire qui est le vrai Messie: c'est Jésus de Nazareth, ... que tes ancêtres ont crucifié comme ils avaient mis à mort les anciens prophètes. Rentre à la maison, lis le cinquante-troisième chapitre d'Esaïe, et tu seras convaincu que Jésus-Christ est le Fils de Dieu."1 Vivement impressionné par ces paroles, Joseph rentra chez lui, lut le chapitre indiqué et fut ébahi de voir avec quelle perfection la prophétie s'était accomplie en Jésus de Nazareth. "Le chrétien n'aurait-il pas raison?" se dit l'enfant. Ayant demandé à son père une explication de ce chapitre, il se heurta à un silence glacial et n'osa plus jamais entamer ce sujet avec lui. En revanche, son désir de s'instruire sur la religion chrétienne n'en devenait que plus intense. TS 388 2 Les connaissances qu'il cherchait lui étant sévèrement refusées dans la société juive, le jeune Wolff, âgé de onze ans seulement, quitta la maison paternelle, décidé à s'instruire et à choisir lui-même sa religion et sa vocation. Trouvant un emploi provisoire chez un parent, il en fut bientôt chassé comme apostat et se vit, seul et sans argent, obligé d'aller travailler chez des étrangers. Il alla de lieu en lieu, tout en étudiant, et subvenait à ses besoins en enseignant l'hébreu. Sous l'influence d'un maître catholique, il accepta la foi romaine et eut l'intention de devenir missionnaire parmi son peuple. A cet effet, il se rendit, quelques années plus tard, au Collège de la Propagande de la Foi, à Rome, où il fut d'abord traité avec de grands égards par les dignitaires de l'Eglise. Mais son esprit indépendant et son franc-parler le firent accuser d'hérésie; et comme il attaquait ouvertement les abus de l'Eglise en insistant sur la nécessité d'une réforme, on l'éloigna de Rome, tout en le surveillant. Enfin, déclaré incorrigible, il reçut la liberté d'aller où bon lui semblerait. Parti pour l'Angleterre, il y embrassa la foi protestante et fut reçu dans l'Eglise anglicane. Au bout de deux ans d'études, en 1821, il s'engageait dans l'oeuvre à laquelle il consacra sa vie. TS 389 1 Tout en acceptant la grande vérité d'une première venue du Messie en qualité d'"homme de douleur et habitué à la souffrance", Wolff se rendit compte que les prophéties annoncent avec une égale clarté sa seconde venue en puissance et en gloire. Et tout en s'efforçant de présenter à ses anciens coreligionnaires Jésus de Nazareth, l'agneau de Dieu immolé pour expier les péchés de l'humanité, il leur parlait de sa seconde venue comme Libérateur et Roi. TS 389 2 "Jésus de Nazareth, le vrai Messie, disait-il, celui dont les mains et les pieds furent percés, celui qui fut mené comme un agneau à la boucherie, qui "fut un homme de douleur et habitué à la souffrance", ce même Jésus reviendra une seconde fois, avec la trompette de l'archange, sur les nuées du ciel."1 "Et il se tiendra sur la montagne des Oliviers, et la domination autrefois conférée à Adam sur toute la création et perdue par lui (Genèse 1:26; 3:17), lui sera donnée. Il sera Roi de toute la terre. Les soupirs et les gémissements de la création cesseront, et on n'y entendra plus que des chants de louanges et d'actions de grâces. ... Lorsque Jésus viendra dans la gloire de son Père avec les saints anges, ... les croyants décédés ressusciteront d'abord. 1 Thessaloniciens 4:16; 1 Corinthiens 15:23. C'est ce que nous appelons, nous chrétiens, la première résurrection. Alors la création animale changera de nature (Ésaïe 11:6-9), et sera soumise à Jésus. Psaumes 8. Une paix universelle régnera."2 "Contemplant une fois encore la terre, le Seigneur dira: Elle est très bonne."3 TS 390 1 Wolff croyait à l'imminence du retour du Seigneur. Son interprétation des périodes prophétiques l'avait amené à assigner à ce retour une date voisine de celle fixée par Miller. A ceux qui lui disaient: Jésus affirme que "pour ce qui est du jour et de l'heure, personne ne le sait", il est donc impossible de rien savoir à ce sujet, Wolff répondait: "Jésus a-t-il dit que ce jour et cette heure ne seraient jamais connus? Ne nous a-t-il pas donné des signes des temps pour nous faire connaître, tout au moins, l'approche de cette venue, de même que l'on connaît l'approche de l'été quand les arbres se couvrent de feuilles? Matthieu 24:32. Ne connaîtrons-nous jamais cette époque, alors qu'il nous exhorte non seulement à lire, mais à comprendre le prophète Daniel? Or, dans ce même prophète, il est écrit que certaines paroles sont closes et scellées jusqu'au temps de la fin; que "plusieurs ... les liront, et que la connaissance (concernant l'époque) augmentera". Daniel 12:4. En outre, Jésus ne veut pas dire qu'on ne connaîtra pas l'approche de cette époque, mais seulement le jour et l'heure exacts, et il ajoute que nous en saurons assez pour nous y préparer, comme autrefois Noé prépara son arche en vue du déluge."1 TS 390 2 Durant les vingt-quatre années qui s'étendent de 1821 à 1845, Wolff fit de longs voyages en Afrique, où il visita l'Egypte et l'Abyssinie, et en Asie, où il parcourut la Palestine, la Syrie, la Perse, la Boukharie et les Indes. Il visita l'île Sainte-Hélène, puis il partit pour les Etats-Unis. Débarqué à New York, en août 1837, il prêcha dans cette ville, ainsi qu'à Philadelphie et à Baltimore, et arriva enfin à Washington. Ici, écrit-il, "dans une des séances du Congrès, sur la motion de l'ex-président John Quincy Adams, la salle du Congrès me fut concédée à l'unanimité pour une conférence que je fis un samedi. Je fus honoré de la présence de tous les membres du Congrès, de l'évêque anglican de la Virginie, des membres du clergé et de bon nombre de citoyens de Washington. Le même honneur me fut accordé par les gouvernements du New Jersey et de la Pennsylvanie, devant lesquels je fis des conférences sur mes recherches en Asie et sur le règne du Christ."1 TS 391 1 Au cours de ses longs voyages, sans jamais recourir à la protection d'aucune puissance européenne, Wolff avait parcouru les contrées les plus barbares, endurant toutes sortes de souffrances et exposé aux plus grands périls. Il fut battu, détroussé par des voleurs, vendu comme esclave et trois fois condamné à mort. Il faillit parfois mourir de faim et de soif. ... Un jour, dépouillé de tout, il fut réduit à parcourir des centaines de kilomètres à pied dans les montagnes, fouetté par la neige, le visage et les pieds nus engourdis au contact du sol gelé. TS 391 2 Quand on lui conseillait de ne pas voyager sans armes parmi des tribus sauvages et hostiles, il déclarait que ses armes étaient "la prière, le zèle pour Jésus-Christ et la confiance en son secours". "Revêtu de l'amour de Dieu et du prochain, disait-il, je tiens en main l'épée de la Parole de Dieu."2 "Il avait toujours sur lui un exemplaire des saintes Ecritures en anglais et un en hébreu. TS 391 3 A propos de l'un de ses derniers voyages, il écrit: "J'avais toujours la Bible ouverte, persuadé que ma puissance résidait dans ce livre et que cette puissance me soutiendrait."3 TS 391 4 Wolff persévéra ainsi dans ses travaux jusqu'à ce que le message du jugement eût retenti dans une grande partie du monde. Il distribua la Parole de Dieu parmi les Juifs, les Turcs, les Parsis, les Hindous et nombre d'autres peuples, proclamant partout l'approche du règne du Messie. TS 391 5 Dans ses voyages en Boukharie, il trouva la doctrine du prochain retour du Seigneur au sein d'une peuplade isolée. "Les Arabes du Yémen, dit-il, possèdent un livre intitulé: "Seera", qui annonce la seconde venue et le règne glorieux de Jésus-Christ, et ils s'attendent à de grands événements pour 1840. ... Dans le Yémen, j'ai passé six jours au milieu des enfants de Réchab. Ils ne boivent pas de vin, ne sèment pas, ne plantent pas de vignes, et ils vivent sous des tentes, en souvenir du bon vieux Jonadab, fils de Réchab. J'y ai vu aussi des enfants d'Israël de la tribu de Dan, ... qui attendent, comme les fils de Réchab, la prochaine venue du Messie sur les nuées du ciel."1 TS 392 1 Un autre missionnaire trouva les mêmes croyances parmi les Tartares. Un prêtre, qui lui demandait quand le Christ reviendrait, parut grandement surpris quand ce missionnaire lui dit qu'il n'en savait rien; une telle ignorance lui parut inconcevable de la part d'un homme qui professait enseigner les Ecritures, et il lui déclara, en se basant sur les prophéties, que, pour lui, Jésus-Christ reviendrait vers 1844. TS 392 2 Le message du retour de Jésus commença à être proclamé en Angleterre dès 1826. Le mouvement n'y eut pas la même ampleur ni la même précision qu'en Amérique; on n'y enseignait pas aussi généralement la date exacte de l'événement; toutefois, la grande vérité de la prochaine venue du Christ en puissance et en gloire y pénétra d'une façon générale, et cela non pas seulement parmi les dissidents et les non-conformistes. Un auteur anglais, du nom de Mourant Brock, nous informe que dans ce pays sept cents pasteurs de l'Eglise anglicane annonçaient "l'Evangile du royaume". La conviction que la venue du Christ aurait lieu en 1844 y fut également propagée. Des publications venues des Etats-Unis s'y répandirent largement, et on y réimprima livres et journaux. En 1842, Robert Winter, Anglais de naissance, qui avait reçu en Amérique la foi adventiste, rentra dans son pays natal pour y proclamer le retour du Christ. Plusieurs se joignirent à lui, de sorte que le message du jugement fut entendu dans diverses parties du pays. TS 393 1 En Amérique du Sud, un jésuite espagnol, du nom de Lacunza, ayant eu accès aux Ecritures, y trouva la vérité du prochain retour du Christ. Poussé à proclamer l'avertissement et désireux toutefois d'échapper à la censure de Rome, il se donna pour un Juif converti et publia ses croyances sous le pseudonyme de "Rabbi Ben Ezra". Lacunza vivait au XVIIIe siècle; mais c'est seulement vers 1825 que son livre, parvenu à Londres, fut traduit en langue anglaise. Sa publication contribua à augmenter l'intérêt que la doctrine du retour du Christ avait éveillé en Angleterre. TS 393 2 En Allemagne, ce message fut prêché au XVIIIe siècle par Bengel, pasteur luthérien, savant critique et commentateur des Ecritures. En achevant ses études, Bengel s'était "consacré à la théologie, vers laquelle l'attirait la gravité naturelle de son caractère, accentuée encore par sa première éducation. Comme beaucoup de jeunes gens sérieux, après et avant lui, il fut assailli par le doute. Dans ses écrits, il mentionne avec tact ces flèches qui avaient transpercé son pauvre coeur et rendu sa jeunesse amère."1 Devenu membre du Consistoire du Wurtemberg, il se fit l'avocat de la liberté religieuse. "Tout en soutenant les droits et les prérogatives de l'Eglise luthérienne, il revendiquait la liberté pour ceux qui, moralement, se sentaient tenus de quitter cette église." Les heureux effets de cette attitude se font encore sentir dans sa province natale. TS 393 3 Comme Bengel préparait un sermon sur le chapitre vingt et un de l'Apocalypse pour un dimanche de l'Avent, son attention se porta sur la seconde venue du Christ. Il comprit, comme jamais auparavant, les prophéties de l'Apocalypse. Subjugué par l'importance et la gloire des scènes de la fin, il se vit contraint d'abandonner ce sujet pendant quelque temps. Un jour, en chaire, cette question se présenta de nouveau à lui avec une telle clarté et une telle puissance que dès ce moment il se consacra à l'étude des prophéties, mais surtout à celles de l'Apocalypse. Il y découvrit bientôt qu'elles annonçaient la proximité de la venue du Christ. Il en fixa la date qui était, à quelques années près, celle que Miller devait fixer par la suite. TS 394 1 Les écrits de Bengel se répandirent dans toute la chrétienté. Ses vues sur la prophétie furent plus généralement accueillies dans le Wurtemberg. Après sa mort, le mouvement se poursuivit en Allemagne et dans les pays voisins. Bientôt, quelques croyants se rendirent en Russie, où ils formèrent des colonies dans lesquelles la foi au prochain retour du Christ s'est conservée jusqu'à ce jour. TS 394 2 La lumière brilla aussi en France et en Suisse. A Genève, où Farel et Calvin avaient implanté la Réforme, le message du second avènement fut annoncé par Gaussen. pasteur et professeur de théologie. Au cours de ses études, il s'était trouvé en contact avec le rationalisme qui dominait en Europe au XVIIIe siècle et au commencement du XIXe. Quand il entra dans le ministère, non seulement il ignorait la foi véritable, mais il était enclin au scepticisme. La lecture de l'histoire universelle de Rollin, faite dans sa jeunesse, avait cependant attiré son attention sur le second chapitre du livre de Daniel. Frappé du merveilleux accomplissement de la prophétie par l'histoire, il y vit un témoignage en faveur de l'inspiration des Ecritures, qui fut pour lui comme une ancre au milieu des périls des années subséquentes. Les enseignements du rationalisme ne lui donnant pas satisfaction, il étudia avec ardeur la Parole de Dieu qui l'amena à une foi positive.1 TS 394 3 Son étude de la prophétie l'amena à la certitude de la proximité du retour du Seigneur. Convaincu de la solennité et de l'importance de cette grande vérité, il voulut la présenter en public. Mais la croyance populaire, selon laquelle les prophéties de Daniel sont mystérieuses et incompréhensibles, mettait obstacle à la réalisation de son dessein. Il se décida -- comme Farel l'avait fait avant lui pour évangéliser Genève -- à commencer par les enfants, pour atteindre ensuite les parents. Exposant plus tard le but de son entreprise, il écrivait: TS 395 1 "Je désire qu'on l'ait compris: ce n'est pas à cause de sa moindre importance, c'est au contraire en raison de sa haute valeur, que j'ai voulu présenter cet enseignement sous cette forme familière, et que je l'adresse à des enfants. -- Je voulais être écouté, et j'ai craint de ne l'être pas si je m'adressais d'abord aux grands. Ce sujet, bien que rempli de lumière, est réputé trop abstrus; bien qu'utile à tous, trop curieux; bien qu'abondant en nos Ecritures, trop enveloppé d'incertitudes! ... Je vais donc aux plus jeunes: les aînés viendront autour. Je me fais devant eux un auditoire d'enfants; mais si le groupe grossit, si l'on voit qu'il écoute, qu'il jouit, qu'il s'intéresse, qu'il comprend, qu'il explique même, alors je suis sûr d'avoir bientôt un second cercle, et qu'à leur tour les grands reconnaîtront qu'il vaut la peine de s'asseoir et d'étudier. Quand cela sera fait, la cause sera gagnée."1 TS 395 2 Gaussen réussit. S'étant adressé aux enfants, il vit venir à lui des personnes plus âgées. Les galeries de son église ne tardèrent pas à se remplir d'auditeurs attentifs. Dans le nombre se trouvaient des savants, des hommes influents et des étrangers de passage à Genève. Ainsi, le message se répandit au loin. TS 395 3 Encouragé par ce premier succès, et afin de faciliter l'étude de la prophétie dans les églises de langue française, Gaussen publia ses leçons. "Publier des instructions données à des enfants sur Daniel le prophète, dit-il, c'est dire aux adultes, qui trop souvent négligent de tels livres sous le vain prétexte de leur obscurité: Comment seraient-ils obscurs, puisque vos enfants les comprennent? ... J'avais profondé ment à coeur de rendre populaire dans nos troupeaux, s'il m'était possible, la connaissance des prophéties. ... Il n'est pas d'étude, en effet, qui me semble mieux répondre aux besoins du moment. ... C'est par là qu'il faut armer l'Eglise pour ses tribulations prochaines et l'exercer à l'attente de Jésus-Christ."1 TS 396 1 Ses ouvrages sur la prophétie2 soulevèrent aussi un grand intérêt. Du haut de sa chaire de théologie, par la presse et comme catéchiste, Gaussen continua, pendant des années, à exercer une grande influence, et il amena beaucoup de personnes à étudier les prophéties relatives aux derniers temps. TS 396 2 En Scandinavie, le message du retour du Seigneur provoqua un vif intérêt. Bien des pécheurs, secouant leur torpeur, furent amenés à confesser leurs péchés et à en chercher le pardon au nom de Jésus-Christ. Mais le clergé de l'Eglise établie, hostile au mouvement, réussit à faire incarcérer plusieurs de ses propagateurs. A plusieurs reprises, là où les hérauts du message furent réduits au silence, Dieu jugea bon de le faire proclamer de façon miraculeuse par de petits enfants. N'étant pas majeurs, ils purent parler sans être inquiétés par la loi. TS 396 3 Le mouvement se dessina surtout parmi les ouvriers, dans les humbles habitations desquels on se réunissait pour entendre l'avertissement. Les enfants-prédicateurs appartenaient eux-mêmes, pour la plupart, à des familles pauvres. Certains d'entre eux n'avaient pas plus de six à huit ans; et bien que leur vie témoignât de leur amour pour le Sauveur, ils n'étaient pas plus doués que les autres enfants de leur âge. Mais dès qu'ils parlaient en public, il était évident qu'un pouvoir supérieur s'emparait d'eux. Le ton de leur voix et leur attitude changeaient subitement, et ils faisaient entendre l'avertissement du jugement avec solennité et puissance. Dans les termes mêmes de l'Ecriture, ils répétaient: "Craignez Dieu et donnez-lui gloire, car l'heure de son jugement est venue." En censurant le péché, ils condamnaient aussi bien la mondanité et la tiédeur spirituelle que l'immoralité et le vice, et ils pressaient leurs auditeurs de fuir la colère à venir. TS 397 1 On les écoutait en tremblant. Le Saint-Esprit parlait aux coeurs. Plusieurs en vinrent à sonder les Ecritures avec un nouvel intérêt; les intempérants et les libertins se réformaient, les cupides abandonnaient leurs pratiques malhonnêtes. Il se fit une oeuvre si puissante que même des pasteurs de l'Eglise établie durent y reconnaître la main de Dieu. TS 397 2 Dieu ne voulait pas que la proclamation du retour du Christ dans les pays scandinaves fût retardée. Quand Jésus s'était approché de Jérusalem escorté d'une foule qui agitait des palmes et l'acclamait comme Fils de David, les pharisiens, jaloux, lui avaient ordonné de les faire taire. Jésus leur avait répondu que tout cela était un accomplissement de la prophétie, et que si le peuple se taisait, les pierres mêmes crieraient. Intimidée par les menaces des sacrificateurs et des principaux, la foule qui franchissait les portes de Jérusalem se tut. Mais, dans les parvis du temple, les enfants, reprenant leurs acclamations, se mirent à crier, en agitant leurs palmes: "Hosanna au Fils de David!" Irrités, les pharisiens dirent à Jésus: "Entends-tu ce qu'ils disent? Oui, leur répondit Jésus. N'avez-vous jamais lu ces paroles: Tu as tiré des louanges de la bouche des enfants et de ceux qui sont à la mamelle?"1 De même que Dieu fit proclamer la messianité de Jésus par des enfants, de même il se servit d'enfants pour annoncer l'avertissement de la seconde venue du Messie. Il fallait que la Parole de Dieu s'accomplît, et que la proclamation du retour du Sauveur fût entendue de toute nation, de toute tribu, de toute langue et de tout peuple. TS 398 1 William Miller et ses collaborateurs furent chargés de faire entendre le message aux Etats-Unis, où la prophétie de l'ange de l'Apocalypse chapter 14:6 eut son accomplissement le plus complet. Ce pays devint le centre d'un grand mouvement. Les écrits de Miller et de ses associés furent envoyés jusque dans les pays les plus lointains. L'heureuse nouvelle du prochain retour du Christ atteignit les missionnaires dans toutes les parties du monde. Le cri de l'Evangile éternel retentit partout: "Craignez Dieu et donnez-lui gloire, car l'heure de son jugement est venue!" TS 398 2 L'explication des prophéties qui semblaient faire coïncider le retour du Christ avec l'année 1844 produisit une profonde impression aux Etats-Unis. Ce message passait d'un Etat à l'autre, soulevant partout un vif intérêt. Bien des gens, convaincus de l'exactitude des arguments tirés de la prophétie, sacrifiaient volontiers leurs idées préconçues et embrassaient la vérité. Des pasteurs, abandonnant leurs vues sectaires et leurs sentiments personnels, renonçaient à leur traitement et à leur église pour seconder ceux qui proclamaient la venue de Jésus. Et comme le nombre des pasteurs qui acceptaient ce message était relativement restreint, ce dernier fut surtout confié à des laïques. Des fermiers quittaient leurs champs, des artisans leurs outils, des négociants leurs marchandises et des hommes de carrières libérales leur profession. Mais le nombre de ces ouvriers restait bien insuffisant. La condition d'une Eglise refroidie et d'un monde plongé dans les ténèbres pesait lourdement sur le coeur des véritables sentinelles; aussi enduraient-elles la fatigue et les privations pour appeler les hommes à la conversion et au salut. En dépit de l'opposition de Satan, l'oeuvre du Seigneur progressait rapidement et des milliers d'âmes acceptaient la bonne nouvelle du retour du Christ. TS 398 3 Partout, mondains et membres d'église étaient instamment exhortés à fuir la colère à venir. Comme Jean-Baptiste, le précurseur, les prédicateurs "mettaient la cognée à la racine des arbres" et invitaient chacun à "produire du fruit digne de la repentance". Leurs appels solennels offraient un contraste frappant avec les paroles de paix et de sûreté qui retentissaient du haut des chaires populaires. Aussi, partout où il était prêché, leur message remuait les coeurs. Le témoignage simple, direct et convaincant des Ecritures, accompagné de la puissance du Saint-Esprit, était irrésistible. Des chrétiens de nom, sortant de leur fausse sécurité, confessaient leur tiédeur, leur mondanité, leur incrédulité, leur orgueil et leur égoïsme. Ils demandaient avec larmes: "Que faut-il que je fasse pour être sauvé?" Un grand nombre se donnaient à Dieu, changeaient de vie et vouaient désormais aux choses célestes des affections qu'ils avaient auparavant réservées à celles de la terre. Animés de l'Esprit de Dieu et le coeur ému, ils joignaient leurs voix à cette proclamation: "Craignez Dieu, et donnez-lui gloire; car l'heure de son jugement est venue." TS 399 1 Ceux qui avaient causé quelque tort à leur prochain avaient hâte de le réparer. Tous ceux qui avaient trouvé la paix souhaitaient la faire connaître à d'autres. Les parents demandaient à Dieu la conversion de leurs enfants. L'orgueil et les discordes au sein des familles étaient remplacés par des confessions sincères, et les convertis travaillaient au salut de ceux qui leur étaient chers. Des prières ferventes montaient vers le ciel. Partout on trouvait des âmes angoissées qui plaidaient avec Dieu. Plusieurs passaient des nuits entières en prière pour obtenir l'assurance du pardon de leurs péchés ou la conversion de leurs proches ou de leurs voisins. Le nombre des croyants augmentait chaque jour. TS 399 2 Riches et pauvres, grands et petits accouraient aux réunions adventistes et se montraient avides, pour des raisons diverses, d'entendre annoncer le retour du Christ. Dieu tenait en échec l'esprit d'opposition. Parfois les instruments dont il se servait étaient faibles, mais son Esprit rendait la vérité puissante. Dans ces assemblées, où des foules recueillies écoutaient au milieu d'un silence impressionnant les preuves du retour prochain du Christ, la présence des anges se faisait sentir. Le ciel et la terre semblaient se rapprocher, et la puissance de Dieu reposait sur tous, jeunes et vieux. Les gens rentraient chez eux les louanges de Dieu sur les lèvres, faisant vibrer de leurs chants le silence de la nuit. Aucun témoin de ces scènes ne pourra jamais les oublier. TS 400 1 La proclamation d'une date précise pour le retour du Christ déchaîna dans toutes les classes de la société une violente opposition à laquelle prirent part tant le pasteur du haut de sa chaire que le plus vil des pécheurs. Alors s'accomplit cette prophétie: "Dans les derniers jours, il viendra des moqueurs avec leurs railleries, marchant selon leurs propres convoitises, et disant: Où est la promesse de son avènement? Car, depuis que les pères sont morts, tout demeure comme dès le commencement de la création."1 Plusieurs, qui professaient aimer le Sauveur, déclaraient ne rien avoir contre la doctrine du retour du Christ et ne s'opposer qu'à la fixation d'une date précise. Mais Dieu lisait dans leurs coeurs: ils ne voulaient pas entendre parler du jour où Dieu jugera le monde, selon la justice. Ils étaient des serviteurs infidèles dont les oeuvres ne supportaient pas le regard scrutateur du Dieu qui voit tout, et ils redoutaient de comparaître devant lui. Non seulement ils refusaient d'entendre la Parole de Dieu, mais ils tournaient en dérision ceux qui attendaient leur Sauveur. Satan et ses suppôts exultaient au spectacle de prétendus disciples de Jésus si peu désireux de sa venue. TS 400 2 "Quant à ce jour-là et à l'heure, nul ne le sait", disaient les adversaires de la foi adventiste. Mais le passage entier se lit comme suit: "Quand à ce jour-là et à l'heure, nul ne le sait, pas même les anges des cieux, mais mon Père seul!"1 Ceux qui attendaient le retour du Christ en donnaient une explication claire, d'accord avec le contexte, et montraient que leurs adversaires tordaient les Ecritures. Cette parole avait été prononcée par Jésus lors de son mémorable entretien avec ses disciples sur le mont des Oliviers, après qu'il eut quitté le temple pour la dernière fois. Les disciples lui avaient posé la question: "Quel sera le signe de ton avènement et de la fin du monde?" Jésus leur donna des signes, puis il ajouta: "Quand vous verrez toutes ces choses, sachez que le Fils de l'homme est proche, à la porte."2 Il ne faut pas annuler une déclaration du Seigneur par une autre. Bien que personne ne connaisse ni le jour, ni l'heure de la venue du Christ, notre devoir est d'en connaître la proximité. Jésus ajoute que l'ignorance volontaire au sujet de l'imminence de son retour sera aussi fatale que le fut l'ignorance des antédiluviens quant au temps du déluge. Et il établit un contraste entre le serviteur fidèle et le serviteur infidèle, entre la fin de celui qui dit en son coeur: "Mon maître tarde à venir" et le sort du serviteur que le Seigneur trouvera veillant et parlant de sa venue. "Veillez donc", dit-il. "Heureux ce serviteur, que son maître, à son arrivée, trouvera faisant ainsi."3 "Si tu ne veilles pas, je viendrai comme un voleur, et tu ne sauras pas à quelle heure je viendrai sur toi."4 TS 401 1 L'apôtre Paul nous parle d'une catégorie de personnes que le jour du Seigneur prendra au dépourvu. "Le jour du Seigneur viendra comme un voleur dans la nuit. Quand les hommes diront: Paix et sûreté! alors une ruine soudaine les surprendra, comme les douleurs de l'enfantement surprennent la femme enceinte, et ils n'échapperont point." Mais il dit à ceux qui auront pris garde à l'avertissement du Seigneur: "Mais vous, frères, vous n'êtes pas dans les ténèbres, pour que ce jour vous surprenne comme un voleur; vous êtes tous des enfants de la lumière et des enfants du jour. Nous ne sommes point de la nuit ni des ténèbres."1 TS 402 1 Les Ecritures n'autorisent personne à ignorer la proximité du retour du Christ. Mais ceux qui cherchaient un prétexte pour rejeter la vérité fermaient l'oreille à ces explications, et les moqueurs, parmi lesquels de soi-disant ministres de Jésus-Christ, continuaient à répéter: "On ne peut savoir ni le jour ni l'heure." Dès que les gens commençaient à sortir de leur engourdissement spirituel et à s'enquérir de la voie du salut, les conducteurs religieux se plaçaient entre eux et la vérité, s'efforçant de calmer leurs craintes en tordant la Parole de Dieu. Des sentinelles infidèles unissaient leurs efforts à ceux du grand séducteur en criant: Paix, paix! contrairement à l'avertissement divin. A l'exemple des pharisiens, plusieurs refusaient d'entrer dans le royaume des cieux et en fermaient l'accès aux autres. Dieu leur redemandera le sang de ces âmes. TS 402 2 Les membres les plus humbles et les plus pieux des églises étaient généralement les premiers à accepter le message. Ils se donnaient la peine d'étudier l'Ecriture sainte et ne pouvaient manquer, malgré l'influence du clergé, de voir le caractère erroné des enseignements populaires touchant la prophétie. TS 402 3 La persécution sévissant au sein des églises, plusieurs âmes timides consentirent à taire leurs convictions; mais d'autres croyants furent persuadés que, s'ils cachaient la vérité, ils ne seraient pas fidèles au dépôt que Dieu leur avait confié. Ceux-là furent exclus de leurs églises uniquement pour avoir exprimé leur foi au prochain retour du Christ. Ils trouvèrent de précieux encouragements dans ces paroles du prophète: "Voici ce que disent vos frères, qui vous haïssent et vous repoussent à cause de mon nom: Que l'Eternel montre sa gloire, et que nous voyions votre joie! Mais ils seront confondus."2 TS 403 1 Surveillant avec le plus profond intérêt les conséquences de l'avertissement, les anges de Dieu se détournèrent avec tristesse des églises qui décidaient de rejeter le message. Mais nombreuses étaient les personnes qui n'avaient pas été éprouvées par la doctrine du retour du Christ, ou auxquelles une épouse, un mari, des parents ou des enfants avaient fait croire que c'était un péché de prêter seulement l'oreille aux hérésies enseignées par les adventistes. Des anges reçurent l'ordre de veiller avec soin sur ces âmes, car une lumière nouvelle venant du trône de Dieu allait briller sur leur sentier. TS 403 2 Les fidèles qui avaient reçu le message attendaient la venue du Sauveur avec une ardeur inexprimable. Dans un calme paisible et solennel, ils jouissaient de la communion avec Dieu, gage d'un radieux avenir. Ceux qui ont goûté cette espérance et cette assurance n'oublieront jamais la douceur infinie de ces heures d'attente. Quelques semaines avant le temps fixé, ils abandonnèrent en grande partie leurs occupations temporelles. Ils scrutaient les pensées et les émotions de leur coeur avec le même soin que s'ils avaient été sur leur lit de mort. Aucun d'eux, contrairement à ce dont on les accusa, ne songeait à se confectionner des "robes d'ascension".1 En revanche, tous éprouvaient le besoin d'une préparation intérieure pour aller à la rencontre du Sauveur. Leurs "robes blanches", c'étaient la pureté de leur âme et leur vie libérée du péché par le sang expiatoire de Jésus-Christ. Plût à Dieu que ceux qui, aujourd'hui, professent être le peuple de Dieu aient toujours les mêmes dispositions à l'introspection, la même ferveur, la même foi! S'ils s'humiliaient ainsi devant le Seigneur et faisaient monter leurs supplications devant le propitiatoire, ils jouiraient d'une vie intérieure infiniment plus féconde et plus riche. La prière, la vraie conviction du péché et la foi vivante sont trop rares; voilà pourquoi beaucoup se trouvent privés de la grâce abondante que le Sauveur tient en réserve pour eux. TS 404 1 Dieu avait voulu éprouver son peuple. Sa main avait couvert une erreur dans le calcul des périodes prophétiques. Elle ne fut pas plus remarquée par les adventistes que par leurs savants adversaires. Ces derniers disaient: "Votre calcul des périodes prophétiques est exact; un grand événement doit se produire; mais ce n'est pas ce que Miller annonce: c'est la conversion du monde, et non pas le retour du Christ."1 TS 404 2 La date passa, et Jésus-Christ ne vint pas apporter la délivrance aux fidèles qui, débordants de foi et d'amour, l'attendaient. Le désappointement fut amer, mais les desseins de Dieu s'accomplissaient: les sentiments de ceux qui n'avaient pas eu de mobile plus noble que la crainte avaient été révélés. Leur profession de foi n'avait changé ni leur coeur ni le cours de leur vie. Quand ils virent que l'événement attendu n'arrivait pas, ils déclarèrent qu'ils n'éprouvaient pas la moindre déception: ils n'avaient jamais cru au retour du Christ, et ils furent parmi les premiers à tourner en dérision la douleur des vrais croyants. TS 404 3 Mais Jésus et le ciel tout entier enveloppaient ceux-ci de leur amour et de leur sympathie. Si le voile qui sépare le monde visible du monde invisible avait été soulevé, on aurait vu les anges de Dieu se pencher sur ces âmes résolues pour les entourer et les protéger des traits enflammés de Satan. ------------------------Chapitre 21 -- Un avertissement rejeté TS 405 1 En prêchant la doctrine du retour du Seigneur, William Miller et ses collaborateurs n'avaient eu d'autre objet que de réveiller le monde et de l'aider à se préparer en vue du jugement. Leur seul but, en rappelant la véritable espérance de l'Eglise à ceux qui professaient la piété, avait été de les amener à une vie chrétienne plus réelle et de convaincre les inconvertis du devoir de se repentir et de se donner à Dieu sans retard. "Ils ne songèrent pas à recruter des adhérents à une secte ou à un parti religieux. Ils travaillèrent parmi tous les partis et toutes les sectes sans s'ingérer dans leur organisation ou leur discipline." TS 405 2 "Dans tous mes travaux, dit Miller, je n'ai jamais songé à établir une confession indépendante des églises existantes, ou à favoriser l'une au détriment de l'autre. Je désirais faire du bien à toutes. Je supposais que tous les chrétiens se réjouiraient à la perspective du retour du Christ et, croyant que ceux qui ne partageraient pas mes vues ne témoigneraient aucune inimitié à ceux qui les adopteraient, je n'avais jamais envisagé la nécessité de réunions séparées. Mon unique but était de convertir des âmes à Dieu, d'avertir le monde d'un jugement imminent, et d'amener mes semblables à se préparer en vue de leur rencontre avec le Sauveur. La majorité de ceux qui se sont convertis grâce à mes travaux est entrée dans diverses églises."1 TS 406 1 Comme l'oeuvre de Miller tendait à édifier les églises, elle fut un moment envisagée avec faveur. Mais les pasteurs et les conducteurs religieux se prononcèrent contre la doctrine adventiste et, pour que cette question cesse d'être agitée, ils ne se contentèrent pas de manifester leur opposition du haut de la chaire, mais ils contestèrent à leurs ouailles le droit d'aller entendre des prédications et même de parler de leurs convictions dans les réunions d'édification. Les croyants se trouvèrent ainsi dans une situation des plus embarrassantes. Ils ne tenaient pas à se séparer de leurs églises qu'ils aimaient; mais quand ils virent qu'on imposait le silence au témoignage de la Parole de Dieu et qu'on leur déniait le droit d'étudier la prophétie, ils jugèrent que leur fidélité envers Dieu leur interdisait de se soumettre. Ne pouvant plus considérer comme Eglise du Christ, comme "colonne et appui de la vérité" une assemblée qui supprimait le libre témoignage de la Parole de Dieu, ils s'estimèrent autorisés à se séparer de leurs anciens frères. En conséquence, dans le courant de l'été de 1844, cinquante mille personnes environ se retirèrent des diverses confessions des Etats-Unis. TS 406 2 A partir de ce moment, on observa un changement radical dans la plupart de ces églises. Depuis quelques années, on avait remarqué en elles une tendance graduelle mais constante vers la mondanité, et, parallèlement, un déclin de la vie spirituelle; mais, en cette même année, un affaissement soudain et bien caractérisé se manifesta dans la plupart de ces congrégations. Ce fait, apparemment inexplicable, fut dûment constaté et commenté, tant dans la presse que du haut de la chaire. TS 407 1 Lors d'une réunion du synode de Philadelphie, Charles Barnes, auteur d'un commentaire fort estimé et pasteur de l'une des principales églises de la ville, déclara que, pendant un ministère de vingt années, il n'avait jamais, jusqu'à la dernière assemblée, célébré la sainte Cène sans recevoir dans l'église un certain nombre de nouveaux membres. "Maintenant, dit-il, il n'y a pas de réveils, pas de conversions, pas de croissance en grâce apparente chez les membres, et personne ne vient me trouver pour s'entretenir avec moi de l'état de son âme. A la prospérité matérielle, aux progrès du commerce et de l'industrie, correspond un accroissement de la mondanité. Et il en est ainsi dans toutes les églises."1 TS 407 2 Au mois de février de la même année, le professeur Finney, du collège Oberlin, disait: "Nous avons pu constater qu'en règle générale les églises protestantes de notre pays sont ou indifférentes ou hostiles à presque toutes les réformes morales du siècle. Il y a des exceptions, mais elles n'infirment pas la règle générale. Nous nous trouvons en présence d'un autre fait: l'absence presque universelle de tout réveil dans les églises. Presque partout, l'on constate un marasme spirituel terriblement prononcé; la presse religieuse de tout le pays en fait foi. ... D'une façon générale, les membres de nos églises deviennent les esclaves de la mode: ils participent aux parties de plaisir, aux danses et aux festivités des inconvertis. ... Mais ne nous étendons pas sur ce pénible sujet. Qu'il nous suffise de dire, et cela devient de plus en plus évident et écrasant, que les églises en général dégénèrent d'une façon lamentable. Elles se sont fort éloignées du Sauveur, et il s'est retiré d'elles." TS 407 3 Un correspondant du Religious Telescope écrivait: "Jamais on n'avait encore assisté à un tel déclin religieux. Vraiment, l'Eglise devrait se réveiller et rechercher les causes de cette situation qui, aux yeux de tous ceux qui aiment Sion, est une véritable calamité. Quand on réfléchit à la rareté des conversions réelles et à l'impertinence inouïe des pécheurs, on s'écrie presque involontairement: "Le Seigneur ne serait-il plus miséricordieux? ou bien la porte de la grâce serait-elle fermée?" TS 408 1 La cause de cet état de choses se trouvait forcément dans l'Eglise elle-même. Les ténèbres spirituelles qui enveloppent les nations, les églises et les individus ne proviennent pas de ce que Dieu retire arbitrairement les secours de sa grâce, mais de l'attitude des hommes à l'égard de la lumière. Un exemple frappant de ce fait est renfermé dans l'histoire de la nation juive au temps de Jésus. Par son attachement au monde et par son oubli de Dieu et de sa Parole, l'ancien Israël était tombé dans l'obscurité morale et la sensualité. Aussi alla-t-il, dans son orgueil et son incrédulité, jusqu'à rejeter son Rédempteur. Même alors, Dieu n'enleva pas au peuple juif la possibilité de connaître les bienfaits du salut et d'y participer. Mais ceux qui avaient rejeté la vérité avaient perdu tout désir de posséder ce don céleste. Ils avaient "changé les ténèbres en lumière et la lumière en ténèbres"; et combien grandes étaient ces ténèbres! TS 408 2 Il plaît à Satan de voir les hommes abandonner la piété vivante et ne retenir que les formes de la religion. Après avoir rejeté l'Evangile, les Juifs conservèrent jalousement leurs anciens rites; tout en reconnaissant que la présence de Dieu ne se manifestait plus au milieu d'eux, ils restèrent farouchement cantonnés dans leur exclusivisme national. La prophétie de Daniel indiquait de façon si précise le temps de la venue du Messie et prédisait si clairement sa mort, qu'ils en défendaient l'étude, et que les rabbins finirent même par prononcer l'anathème contre ceux qui s'y adonnaient. Dans son aveuglement et son impénitence, le peuple d'Israël est resté, pendant dix-huit siècles, indifférent aux offres gracieuses du salut et aux bienfaits de l'Evangile: exemple effrayant et solennel des dangers que court celui qui rejette la lumière du ciel. TS 409 1 Les mêmes causes produiront toujours les mêmes effets. Quiconque résiste à ses convictions parce qu'elles contrarient ses inclinations finit par perdre la faculté de distinguer la vérité de l'erreur. L'entendement s'obscurcit, la conscience se cautérise, le coeur s'endurcit, et l'âme se sépare de Dieu. Là où la vérité divine est méprisée ou négligée, l'Eglise est plongée dans les ténèbres. La foi et l'amour font place à la mésentente et aux dissensions; les croyants concentrent leur attention et leur énergie sur les choses du monde, et les pécheurs s'endurcissent dans leur impénitence. TS 409 2 Le message de l'ange de l'Apocalypse annonçant "l'heure du jugement" et invitant le monde à "craindre Dieu et à lui donner gloire", était destiné à réveiller le peuple de Dieu et à le séparer des influences corruptrices du monde. Si les églises avaient accepté cet avertissement, elles auraient banni de leur sein les péchés qui les séparaient du ciel. Si elles avaient reçu ce message en toute sincérité, si elles s'étaient humiliées devant Dieu et préparées à subsister devant sa face, l'Esprit et la puissance d'en haut se seraient manifestés au milieu d'elles. Elles seraient revenues à l'unité, à la foi et à l'amour du temps des apôtres, alors que les croyants n'étaient "qu'un coeur et qu'une âme", qu'"ils annonçaient la parole de Dieu avec assurance", et que "le Seigneur ajoutait chaque jour à l'Eglise ceux qui étaient sauvés".1 TS 409 3 Si le peuple de Dieu recevait la lumière telle qu'elle brille dans les Ecritures, il réaliserait l'unité entrevue dans la prière de Jésus, et que l'apôtre appelle "l'unité de l'esprit par le lien de la paix". "Il y a un seul corps et un seul Esprit, comme aussi vous avez été appelés à une seule espérance par votre vocation; il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême."2 TS 410 1 Tels furent les résultats auxquels arrivèrent ceux qui acceptèrent le message adventiste. Issus de différentes confessions, ils renversèrent leurs barrières confessionnelles et pulvérisèrent leurs credo contradictoires. L'espérance, non conforme aux enseignements de la Bible, d'un millénium temporel fut abandonnée, les idées erronées sur le retour du Christ furent corrigées, l'orgueil et la conformité avec le monde disparurent, les torts furent réparés, les coeurs s'unirent dans la plus douce communion, l'amour et la joie régnèrent sans partage. Ces heureux effets accomplis pour un petit nombre, la doctrine du retour du Christ les eût répandus sur tous les chrétiens si tous l'avaient accueillie. TS 410 2 Malheureusement, les églises, en général, n'acceptèrent pas ce message d'avertissement. Leurs pasteurs qui, en leur qualité de "sentinelles de la maison d'Israël", auraient dû être les premiers à discerner les signes du retour de Jésus, n'avaient aperçu la vérité ni dans le témoignage des prophètes ni dans les signes des temps. Des espérances et des ambitions mondaines remplissant leurs coeurs, leur amour pour Dieu et leur foi en sa Parole se refroidirent et, quand la doctrine du retour du Christ leur fut présentée, elle ne rencontra que préjugés et incrédulité. On avançait contre ce message le fait qu'il était prêché presque exclusivement par des laïques. Comme les Juifs autrefois, on répondait au témoignage clair et précis de la Parole de Dieu par la question: "Y a-t-il un seul des chefs et des pharisiens qui ait cru en lui?" D'autres, voyant combien il était difficile de réfuter les arguments tirés des périodes prophétiques, déconseillaient l'étude des prophéties sous prétexte qu'étant scellées, elles ne pouvaient être comprises. Des foules, qui avaient en leurs pasteurs une confiance aveugle, refusèrent de prendre garde à l'avertissement; d'autres, bien que convaincus de la vérité, n'osaient pas la confesser, de peur "d'être chassés de la synagogue". Le message envoyé par Dieu pour éprouver et purifier l'Eglise révéla combien était grand le nombre de ceux qui avaient placé leurs affections sur le monde et non sur Jésus-Christ. Les liens qui les retenaient à la terre étaient plus puissants que ceux qui les attiraient vers le ciel. Ils optèrent en faveur de la sagesse humaine et se détournèrent du message scrutateur de la vérité. TS 411 1 En rejetant l'avertissement du premier ange, ils repoussèrent le moyen que le ciel avait préparé en vue de leur restauration. Ayant méprisé le messager miséricordieux capable de corriger les maux qui les séparaient de Dieu, ils recherchèrent avec plus d'ardeur que jamais la faveur du monde. Telle était la cause de la terrible condition de mondanité, de tiédeur et de mort spirituelle qui régnait dans les églises en 1844. TS 411 2 Le premier ange du quatorzième chapitre de l'Apocalypse est suivi d'un second, qui proclame: "Elle est tombée, elle est tombée, Babylone la grande, qui a abreuvé toutes les nations du vin de la fureur de son impudicité!"1 Le terme "Babylone" dérive du mot "Babel" qui signifie confusion. Il est employé dans l'Apocalypse pour désigner les différentes formes d'une religion fausse ou apostate. Au dix-septième chapitre, Babylone est représentée sous le symbole d'une femme, image que les Ecritures emploient pour désigner une église: une femme chaste, quand il s'agit d'une église pure; une femme corrompue, quand il s'agit d'une église apostate. TS 411 3 Dans le saint Livre, les relations sacrées et permanentes qui existent entre Jésus-Christ et son Eglise sont symbolisées par les liens du mariage. Le Seigneur s'est uni à son peuple par une alliance solennelle. Il lui promet d'être son Dieu, et son peuple, de son côté, s'engage à n'appartenir qu'à lui seul. Dieu lui dit: "Je serai ton fiancé pour toujours; je serai ton fiancé par la justice, la droiture, la grâce et la miséricorde";2 "car je suis votre maître".3 Et l'apôtre Paul se sert de la même figure dans le Nouveau Testament, quand il dit: "Je vous ai fiancés à un seul époux, pour vous présenter à Christ comme une vierge pure."1 TS 412 1 Quand l'Eglise détourne ses affections de Jésus pour les reporter sur les choses du monde, son infidélité est comparée à la violation du voeu conjugal. Israël s'éloignant du Seigneur est représenté sous cette image, et le merveilleux amour de Dieu, méconnu, est ainsi dépeint: "Je te jurai fidélité, je fis alliance avec toi, dit le Seigneur, l'Eternel, et tu fus à moi." "Tu étais d'une beauté accomplie, digne de la royauté. Et ta renommée se répandit parmi les nations, à cause de ta beauté; car elle était parfaite, grâce à l'éclat dont je t'avais ornée. ... Mais tu t'es confiée dans ta beauté, et tu t'es prostituée, à la faveur de ton nom." "Comme une femme est infidèle à celui qui l'aime, ainsi vous m'avez été infidèles, gens de la maison d'Israël."2 TS 412 2 Le Nouveau Testament se sert d'un langage analogue à l'égard des soi-disant chrétiens qui apprécient plus hautement la faveur du monde que celle de Dieu. "Adultères que vous êtes! dit l'apôtre Jacques, ne savez-vous pas que l'amour du monde est inimitié contre Dieu? Celui donc qui veut être ami du monde se rend ennemi de Dieu."3 TS 412 3 La femme du dix-septième chapitre de l'Apocalypse (appelée Babylone) est décrite comme "vêtue de pourpre et d'écarlate, et parée d'or, de pierres précieuses et de perles. Elle tenait dans sa main une coupe d'or, remplie d'abominations et des impuretés de sa prostitution. Sur son front était écrit un nom, un mystère: Babylone la grande, la mère des impudiques." Le prophète poursuit: "Je vis cette femme ivre du sang des saints et du sang des témoins de Jésus." Il est dit, de plus, que Babylone "est la grande ville qui a la royauté sur les rois de la terre".4 La puissance qui, durant tant de siècles, a exercé un règne despotique sur tous les monarques de la chrétienté, c'est Rome. La pourpre et l'écarlate, l'or, les pierres précieuses et les perles dont cette femme est parée rappellent d'une manière frappante la magnificence et la pompe plus que royales de la cour de Rome. En outre, aucun pouvoir humain n'a été "ivre du sang des saints" comme l'église qui a si cruellement persécuté les disciples de Jésus-Christ. Babylone est aussi accusée de relations illicites avec "les rois de la terre". En s'éloignant de Dieu et en s'alliant avec les païens, l'église juive était devenue une prostituée. Or, en recherchant l'appui des pouvoirs de la terre, Rome s'est rendue coupable du même péché, et encourt la même inculpation. TS 413 1 Babylone est appelée "la mère des impudiques". Ses filles représentent évidemment les églises qui s'attachent à ses doctrines et à ses traditions, et qui, comme elle, sacrifient la vérité et l'approbation de Dieu pour contracter une alliance illicite avec le monde. Le message annonçant la chute de Babylone concerne des organisations religieuses qui, autrefois pures, se sont corrompues. Etant donné que ce message suit la proclamation de "l'heure du jugement" et se rapporte aux derniers jours, il ne peut désigner l'église catholique seule, "tombée" il y a des siècles. En outre, au dix-huitième chapitre, le "peuple de Dieu" est invité à sortir de Babylone. D'après ce passage, nombre d'enfants de Dieu se trouvent encore dans Babylone. Quels corps religieux recèlent, actuellement, la plus forte proportion de disciples de Jésus? Ce sont, sans aucun doute, les diverses églises professant la foi protestante. Au moment de leur naissance, ces églises ont pris noblement position pour Dieu et pour la vérité, et la bénédiction de Dieu a reposé sur elles. Les non-croyants eux-mêmes ont dû reconnaître les bienfaits qui découlent de l'acceptation des principes de l'Evangile. Pour employer les termes du prophète, "ta renommée se répandit parmi les nations, à cause de ta beauté; car elle était parfaite, grâce à l'éclat dont je t'avais ornée, dit le Seigneur, l'Eternel". Mais ces églises sont tombées par le péché même qui avait été la cause de la ruine d'Israël: le désir de suivre l'exemple et de gagner l'amitié des impies. "Tu t'es confiée dans ta beauté, et tu t'es prostituée, à la faveur de ton nom."1 TS 414 1 Un grand nombre d'églises protestantes suivent l'exemple de Rome dans son commerce impur avec les rois de la terre; les églises nationales, en s'alliant avec les gouvernements civils; puis d'autres églises, en recherchant la faveur du monde. Le terme "Babylone" (confusion) convient bien à ces corps religieux qui, professant tous puiser leurs doctrines dans les Ecritures, sont fractionnés en sectes innombrables aux croyances et aux théories contradictoires. TS 414 2 Outre leur union illégitime avec le monde, les églises sorties de Rome lui ressemblent à d'autres égards encore. Un ouvrage catholique affirme que, "si l'Eglise de Rome fut jamais coupable d'idolâtrie à l'égard des saints, sa fille, l'Eglise anglicane, qui a dix églises consacrées à Marie pour une consacrée à Jésus-Christ, participe à la même culpabilité".2 TS 414 3 Dans son Traité sur le Millénium, le docteur Hopkins écrit: "Il n'y a pas de raison de prétendre que l'esprit et les rites antichrétiens sont le monopole de l'Eglise de Rome. Les églises protestantes ont conservé dans leur sein bien des choses provenant de l'Antichrist, et elles sont loin d'être réformées de ... toute corruption et de toute méchanceté."3 TS 414 4 Au sujet de la séparation de l'Eglise presbytérienne d'avec Rome, le docteur Guthrie s'exprime ainsi: "Il y a trois cents ans, notre église sortait du giron de Rome portant sur ses étendards une Bible ouverte et cette devise: Sondez les Ecritures. Puis il pose cette question significative: "Est-elle sortie pure de Babylone?"4 TS 414 5 "L'Eglise anglicane, dit Spurgeon, semble être entièrement dévorée par le puseyisme; mais la dissidence paraît être tout aussi entamée par l'incrédulité philosophique. Ceux dont nous attendions de meilleures choses se détournent l'un après l'autre des bases de la foi. Je crois que le coeur de l'Angleterre est rongé par une damnable incrédulité qui ose encore monter en chaire et se dire chrétienne."1 TS 415 1 Quelle fut l'origine de la grande apostasie? Comment l'Eglise s'est-elle éloignée, aux premiers siècles, de la simplicité de l'Evangile? C'est en adoptant les pratiques païennes afin de faciliter la conversion des païens. L'apôtre Paul écrivait, au premier siècle: "Le mystère de l'iniquité agit déjà."2 Pendant la vie des apôtres, l'Eglise resta relativement pure. Mais "vers la fin du second siècle, la plupart des églises se transformèrent; la simplicité première disparut, et, insensiblement, à mesure que les anciens disciples descendaient dans la tombe, leurs enfants, en compagnie des nouveaux convertis, ... entrèrent en scène et donnèrent une forme nouvelle à la cause."3 Pour obtenir des conversions, on abaissa le niveau de la foi chrétienne; "le paganisme inonda l'Eglise et y introduisit ses coutumes, ses pratiques et ses idoles."4 Assuré de la faveur et de l'appui des princes, le christianisme fut nominalement accepté par les foules, dont un grand nombre d'individus, apparemment chrétiens, "restaient réellement païens, et continuaient d'adorer leurs idoles en secret."4 TS 415 2 Le même processus ne s'est-il pas répété dans presque toutes les Eglises soi-disant protestantes? A mesure que disparurent les hommes qui les avaient fondées dans le véritable esprit de la Réforme, leurs descendants donnèrent une forme nouvelle à la cause. Fanatiquement attachés au credo de leurs pères mais refusant d'accepter toute vérité nouvelle, les enfants des réformateurs se sont écartés de l'exemple d'humilité, de renoncement et de simplicité qu'ils avaient reçu. TS 416 1 Cet amour du monde, qui est une "inimitié contre Dieu", est excessivement répandu parmi les soi-disant disciples du Christ. Dans toute la chrétienté, les églises populaires se sont beaucoup éloignées de l'humilité, du renoncement, de la simplicité et de la piété enseignés par la Bible. Voici ce qu'a écrit Jean Wesley au sujet de l'usage légitime de l'argent: "Ne perdez aucune parcelle de ce précieux don pour satisfaire la convoitise des yeux par des vêtements superflus et coûteux, ou par des ornements inutiles. N'en gaspillez rien pour décorer votre maison d'objets d'art, pour la garnir de meubles superflus ou coûteux ou pour l'embellir de tableaux et de dorures. ... Ne le dépensez pas pour satisfaire l'orgueil de la vie et attirer l'admiration ou la louange des hommes. ... Tant que "tu te vêtiras de pourpre et de fin lin, et que chaque jour tu mèneras joyeuse et brillante vie", beaucoup de gens, sans doute, applaudiront à la finesse de ton goût, à ta générosité et à ton hospitalité. Mais n'achète pas si cher leurs applaudissements. Contente-toi plutôt de l'honneur qui vient de Dieu."1 De nos jours, hélas! bien des églises dédaignent ces exhortations. TS 416 2 L'appartenance à l'Eglise est un facteur de considération. Dans certains pays, les dirigeants, les diplomates, les avocats, les docteurs, les négociants s'y font recevoir pour s'assurer le respect et la confiance de la société et soigner leurs propres intérêts, cherchant à dissimuler toutes leurs indélicatesses sous le manteau du christianisme. Les différentes confessions religieuses, fortes de la richesse et de l'influence de ces mondains baptisés, s'en servent en vue d'accroître la faveur dont elles jouissent auprès du public. De superbes églises, enrichies de la façon la plus extravagante, s'érigent sur les avenues les plus fréquentées. Les fidèles sont somptueusement vêtus. Des honoraires élevés sont offerts à des pasteurs de talent capables d'attirer et de captiver de grands auditoires. On exige d'eux des sermons chatouillant agréablement les oreilles et ne dénonçant pas le péché. C'est ainsi que les noms de pécheurs de distinction encombrent les registres de l'Eglise, et que les péchés à la mode sont cachés sous l'apparence de la piété. TS 417 1 Parlant de l'attitude actuelle des soi-disant chrétiens à l'égard du monde, un grand quotidien écrivait: "Insensiblement, l'Eglise a cédé devant l'esprit du siècle et a adapté ses formes de culte aux besoins modernes. ... L'Eglise utilise actuellement tout ce qui peut rendre la religion attrayante." L'Independent, de New York, disait du méthodisme tel qu'il est maintenant: "La ligne de démarcation entre les gens pieux et les impies se perd dans une espèce de pénombre, et dans les deux camps des hommes zélés s'emploient activement à oblitérer toute différence entre leurs façons d'agir et de s'amuser. ... La popularité de la religion tend à augmenter sensiblement le nombre de ceux qui veulent s'en assurer les avantages, sans en remplir honnêtement les devoirs." TS 417 2 Howard Crosby s'exprimait en ces termes: "Il est alarmant de constater que l'Eglise de Jésus-Christ répond si peu aux intentions de son Maître. De même que les Juifs, par leur familiarité avec les idolâtres, s'étaient autrefois éloignés de Dieu, ... l'Eglise de Jésus, par une intimité illicite avec un monde incrédule, perd graduellement la vie divine et s'abandonne aux coutumes pernicieuses d'une société sceptique et irréligieuse."1 TS 418 3 Emportée par la marée montante de la mondanité, par l'amour du plaisir, l'Eglise perd la notion du renoncement et du sacrifice pour le nom de Jésus. "Plusieurs des hommes et des femmes qui jouent actuellement un rôle dans nos églises ont appris, dans leur enfance, à consentir des sacrifices pour subvenir à l'oeuvre de Dieu." Mais "maintenant, quand l'Eglise a besoin d'argent, songe-t-on à solliciter des dons? Oh non! On organise une vente, une soirée récréative, une loterie, un banquet, n'importe quoi, pourvu que cela soit amusant!" TS 418 1 Dans son message annuel du 9 janvier 1873, le gouverneur Washburn, du Wisconsin, faisait la déclaration suivante: "Une loi serait nécessaire pour fermer les écoles où se forment les amateurs du jeu. On les voit partout. Il arrive même que l'Eglise -- sans doute inconsciemment -- contribue à l'oeuvre du diable. Je parle des concerts, des soirées, des tombolas, quelquefois organisés au profit d'oeuvres charitables, mais souvent aussi à des fins moins utiles, consistant uniquement à obtenir de l'argent sans rien donner en contrepartie. Rien n'est si démoralisant, ni si alléchant, en particulier pour la jeunesse, que de trouver le moyen d'obtenir de l'argent ou d'autres biens sans avoir à travailler. Puisque des gens respectables collaborent à des entreprises où la chance joue le rôle principal, et tranquillisent leur conscience par la pensée que l'argent ainsi obtenu est destiné à un bon but, il ne faut pas s'étonner que notre jeunesse prenne si facilement des habitudes dont les jeux de hasard sont presque infailliblement la cause." TS 418 2 La mondanité envahit toutes les églises. Dans un sermon prêché à Londres, Robert Atkins traçait ce sombre tableau du déclin spirituel en Angleterre: "Le nombre des hommes réellement droits diminue, mais personne ne prend la chose à coeur. Dans toutes les églises, ceux qui professent la religion aiment le monde et s'y conforment, recherchent leurs aises et veulent être considérés. Appelés à souffrir avec Jésus-Christ, le mépris suffit à les faire reculer. Apostasie, apostasie, apostasie, voilà le mot gravé sur le fronton de toutes les églises. Si elles le savaient, si elles en avaient le sentiment, il y aurait de l'espoir; mais hélas! elles s'écrient: "Nous sommes riches, nous nous sommes enrichies, nous n'avons besoin de rien."1" TS 419 1 Le grand péché imputé à Babylone, c'est d'avoir "fait boire à toutes les nations du vin de la fureur de son impudicité". Cette coupe enivrante qu'elle offre au monde représente les fausses doctrines héritées par elle en courtisant les grands de la terre. L'amour du monde a dénaturé sa foi, et l'église déchue exerce à son tour sur ce dernier une influence néfaste en enseignant des doctrines directement opposées aux déclarations les plus explicites des saintes Ecritures. TS 419 2 Rome avait soustrait la Bible au peuple et lui avait offert en échange ses enseignements. L'oeuvre de la Réforme consista à restituer la Parole de Dieu à l'humanité; mais n'est-il pas trop vrai que les églises de nos jours enseignent à leurs membres à faire reposer leur foi sur leur credo plutôt que sur les saintes Ecritures? Le pasteur Charles Beecher disait des églises protestantes: "Elles reculent devant toute parole sévère contre la confession de foi avec la même frayeur que les saints Pères l'eussent fait devant toute condamnation à l'endroit de la vénération des saints et des martyrs qu'ils étaient en train de cultiver chez leurs contemporains. ... Les églises évangéliques se sont lié les mains au point qu'il n'est plus possible de devenir prédicateur sans se soumettre à quelque livre autre que la Parole de Dieu. ... Ce que je dis là n'est pas une fiction, mais un fait: la puissance du credo est maintenant en train d'écarter les Ecritures tout aussi réellement, quoique de façon plus subtile, que Rome ne l'a fait dans le passé."1 TS 419 3 Quand des interprètes fidèles expliquent la Parole de Dieu, de savants exégètes prétendent que la saine doctrine est une hérésie, et détournent les gens de la recherche de la vérité. Si le monde n'était pas désespérément ivre du vin de Babylone, des foules se convertiraient sous l'influence des vérités claires et précises de la Bible. Mais la foi religieuse paraît si confuse et si contradictoire, que beaucoup se demandent ce qu'il faut croire. L'impénitence du monde est imputable à l'Eglise. TS 420 1 Le message du second ange, d'abord prêché dans le courant de l'été de 1844, s'appliquait alors plus directement aux églises des Etats-Unis, où l'avertissement relatif au jugement avait été plus généralement prêché et rejeté, et où le déclin avait été le plus rapide. Pourtant, la proclamation de ce message ne s'acheva pas en 1844. Les églises firent alors, il est vrai, une chute morale due à la réjection de la lumière du message adventiste. Mais cette chute ne fut pas totale. En persistant à fermer l'oreille aux vérités destinées à notre temps, elles sont tombées de plus en plus bas. Toutefois, on ne peut pas dire encore: "Elle est tombée, elle est tombée, Babylone la grande, ... qui a abreuvé toutes les nations du vin de la fureur de son impudicité." Elle n'a pas encore abreuvé toutes les nations. L'esprit de conformité au monde et d'indifférence envers les vérités claires et précises destinées à notre époque gagne du terrain dans les églises protestantes de toute la chrétienté, et ces églises sont comprises dans la terrible et solennelle dénonciation du second ange. Mais l'apostasie n'est pas encore parvenue à son comble. TS 420 2 La Bible déclare qu'avant la venue du Christ, Satan opérera "avec toutes sortes de miracles, de signes et de prodiges mensongers, et avec toutes les séductions de l'iniquité", et que ceux qui "n'ont pas reçu l'amour de la vérité pour être sauvés" recevront "une puissance d'égarement, pour qu'ils croient au mensonge".1 Ce n'est que lorsque cet état de choses sera atteint, et que l'union de l'Eglise avec le monde sera consommée dans toute la chrétienté, que la chute de Babylone sera complète. Ce changement est progressif, et l'accomplissement total du message du second ange est donc encore dans l'avenir. TS 421 1 Malgré les ténèbres spirituelles et l'éloignement de Dieu qui règnent dans les églises constituant Babylone, la majorité des vrais disciples de Jésus se trouve encore dans leur sein. Bien des personnes n'y ont pas encore eu connaissance des vérités spéciales pour notre temps. Nombreux sont ceux qui soupirent après plus de lumière, et qui cherchent en vain l'image du Christ dans leurs églises respectives. A mesure que ces églises s'éloignent de la vérité et s'allient plus intimement avec le monde, la différence entre les deux classes devient plus évidente. Une séparation aura lieu. Le temps vient où ceux qui aiment vraiment Dieu ne pourront plus rester en communion avec ceux qui "aiment le plaisir plus que Dieu".1 TS 421 2 Le dix-huitième chapitre de l'Apocalypse se rapporte au temps où, par suite de la réjection du triple avertissement du quatorzième chapitre (6-12), l'Eglise sera dans la condition prédite par le second ange, et où le peuple de Dieu resté dans Babylone sera exhorté à en sortir. Ce message est le dernier qui sera jamais donné au monde, et il accomplira sa mission. Quand "ceux qui n'ont pas cru à la vérité, mais qui ont pris plaisir à l'injustice",2 seront abandonnés à une puissance d'égarement et croiront "au mensonge", la lumière de la vérité brillera sur ceux qui seront prêts à la recevoir. A ce moment-là, tous les enfants de Dieu demeurés dans Babylone obéiront à l'appel: "Sortez du milieu d'elle, mon peuple."3 ------------------------Chapitre 22 -- Prophéties accomplies TS 423 1 Lorsque le printemps de 1844 fut passé, ceux qui avaient attendu le retour du Christ pour cette époque furent, durant quelque temps, plongés dans le doute et le désarroi. Le monde les considérait comme terrassés et convaincus de s'être attachés à une illusion; cependant, la Parole de Dieu restait leur source de consolation. Beaucoup d'entre eux continuèrent de sonder les Ecritures. Ils soumirent les bases de leur foi à un nouvel examen, et étudièrent les prophéties avec le plus grand soin pour y puiser de nouvelles lumières. Le témoignage biblique semblait réellement confirmer leurs vues. Des signes incontestables indiquaient la proximité du retour du Seigneur. La puissance du Saint-Esprit, qui s'était manifestée tant par la conversion des pécheurs que par un renouveau de vie spirituelle parmi les croyants, avait prouvé que le message était du ciel. Et, bien qu'ils ne fussent pas à même d'expliquer leur désappointement, ils étaient convaincus que Dieu les avait dirigés. TS 424 1 Dans les prophéties qui, croyaient-ils, s'appliquaient au temps de la seconde venue du Christ, se trouvaient des instructions qui convenaient remarquablement à leur état d'incertitude et les encourageaient à attendre patiemment et avec foi que leur situation s'éclaircît. TS 424 2 Parmi ces prophéties se trouvait celle du livre d'Habakuk 2:1-4: "J'étais à mon poste, et je me tenais sur la tour; je veillais, pour voir ce que l'Eternel me dirait, et ce que je répliquerais après ma plainte. L'Eternel m'adressa la parole, et il dit: Ecris la prophétie: grave-la sur des tables, afin qu'on la lise couramment. Car c'est une prophétie dont le temps est déjà fixé, elle marche vers son terme, et elle ne mentira pas; si elle tarde, attends-la, car elle s'accomplira, elle s'accomplira certainement. ... Le juste vivra par sa foi." TS 424 3 Dès 1842, le conseil donné dans cette prophétie d'écrire la vision prophétique et de la "graver sur des tables afin qu'on puisse la lire couramment", avait suggéré à Charles Fitch la préparation d'un tableau prophétique illustrant les visions de Daniel et de l'Apocalypse. La publication de ce tableau fut considérée comme accomplissant l'ordre donné par Habakuk. Personne, toutefois, ne remarqua alors dans cette même prophétie un délai apparent, un temps d'attente. Après le désappointement, cette déclaration parut très significative: "Car c'est une prophétie dont le temps est déjà fixé, elle marche vers son terme, et elle ne mentira pas: si elle tarde, attends-la, car elle s'accomplira, elle s'accomplira certainement. ... Le juste vivra par sa foi." TS 424 4 Le fragment suivant de la prophétie d'Ezéchiel était aussi une source de force et de consolation pour les croyants: "La parole de l'Eternel me fut adressée en ces mots: Fils de l'homme, que signifient ces discours moqueurs que vous tenez dans le pays d'Israël: Les jours se prolongent, et toutes les visions restent sans effet? C'est pourquoi dis-leur: Ainsi parle le Seigneur, l'Eternel: ... Les jours approchent, et toutes les visions s'accompliront. ... Je parlerai; ce que je dirai s'accomplira, et ne sera plus différé. ... Voici, la maison d'Israël dit: Les visions qu'il a ne sont pas près de s'accomplir; il prophétise pour des temps éloignés. C'est pourquoi dis-leur: Ainsi parle le Seigneur, l'Eternel: Il n'y aura plus de délai dans l'accomplissement de mes paroles; la parole que je prononcerai s'accomplira, dit le Seigneur, l'Eternel."1 TS 425 1 Ces paroles furent une source de joie pour les fidèles dans l'attente. Celui qui, au travers des siècles, voit la fin dès le commencement avait prévu leur désappointement, et leur avait envoyé des paroles d'encouragement et d'espérance. A cette heure critique, sans ces portions de l'Ecriture qui les exhortaient à attendre patiemment et à ne pas perdre confiance en la Parole de Dieu, leur foi eût sombré. TS 425 2 La parabole des dix vierges illustre aussi la crise que traversait le peuple adventiste. En réponse à cette question des disciples: "Quel sera le signe de ton avènement et de la fin du monde?", le Sauveur avait esquissé à grands traits l'histoire du monde et de l'Eglise depuis sa première venue jusqu'à son retour. Il avait mentionné la destruction de Jérusalem, la grande affliction de l'Eglise sous les persécutions païennes et papales, l'obscurcissement du soleil et de la lune et la chute des étoiles. Parlant ensuite de l'etablissement de son royaume, Jésus leur avait donné une parabole représentant les deux catégories de personnes qui attendraient sa venue. Puis il avait ajouté: "Alors le royaume des cieux sera semblable à dix vierges." Il est ici question de l'Eglise des derniers jours, de celle qui est mentionnée dans la dernière partie du chapitre précédent. Son histoire est comparée aux incidents d'un mariage oriental. TS 425 3 "Alors le royaume des cieux sera semblable à dix vierges qui, ayant pris leurs lampes, allèrent à la rencontre de l'époux. Cinq d'entre elles étaient folles, et cinq sages. Les folles, en prenant leurs lampes, ne prirent point d'huile avec elles; mais les sages prirent, avec leurs lampes, de l'huile dans des vases. Comme l'époux tardait, toutes s'assoupirent et s'endormirent. Au milieu de la nuit, on cria: Voici l'époux; allez à sa rencontre!"1 TS 426 1 Pour les croyants de 1844, la venue de l'époux représentait le retour de Jésus annoncé par le message du premier ange. Le grand mouvement de réforme opéré par la proclamation de ce retour correspondait aux dix vierges allant à la rencontre de l'époux. Cette parabole représente deux classes de personnes. Toutes les vierges avaient pris leurs lampes -- l'Ecriture sainte -- et étaient sorties pour aller à la rencontre de l'époux. Mais tandis que les folles, en prenant leurs lampes, n'avaient pas fait provision d'huile, les sages avaient pris, avec leurs lampes, de l'huile dans des vases. Ces dernières avaient reçu la grâce de Dieu, la puissance régénératrice et lumineuse du Saint-Esprit, qui fait de sa Parole une lampe "à nos pieds et une lumière sur notre sentier". Elles avaient étudié les Ecritures dans la crainte de Dieu pour y découvrir la vérité, et recherché avec ardeur un coeur pur et une vie sainte. Leur expérience religieuse était personnelle, et leur foi en Dieu et en sa Parole était telle que ni les désappointements ni les délais ne pouvaient la renverser. TS 426 2 Les autres vierges, "en prenant leurs lampes, n'avaient point pris d'huile avec elles". Le message solennel qu'elles venaient d'entendre avait excité leurs craintes, mais elles s'étaient reposées sur la foi de leurs frères. Elles s'étaient contentées de la lumière vacillante de leurs émotions, sans avoir parfaitement compris la vérité, et sans que l'oeuvre réelle de la grâce se fût opérée dans leur coeur. Elles étaient allées au-devant de l'époux dans la joyeuse perspective d'une récompense immédiate, mais nullement préparées à un délai ou à une déception. Quand vint l'épreuve, leur lumière pâlit et leur foi les abandonna. TS 427 1 "Comme l'époux tardait, toutes s'assoupirent et s'endormirent." Le retard de l'époux représente la vaine attente du Seigneur au temps fixé, le désappointement qui s'ensuivit et l'apparent délai apporté à l'accomplissement de la prophétie. En ce temps d'incertitude, la foi des croyants superficiels et des demi-convertis ne tarda pas à fléchir; mais ceux dont la foi reposait sur une connaissance personnelle des Ecritures avaient pris pied sur un rocher que les vagues du désespoir ne pouvaient ébranler. Il est dit dans la parabole des dix vierges que "toutes s'assoupirent et s'endormirent", les unes dans l'insouciance et l'abandon de leur foi, les autres dans l'attente patiente d'une plus abondante lumière. Ces dernières elles-mêmes semblèrent perdre une partie de leur zèle et de leur ardente piété. Ainsi, lors du grand désappointement de 1844, chaque croyant dut tenir ferme ou tomber pour son propre compte. TS 427 2 Alors, on vit surgir une vague de fanatisme. Plusieurs de ceux qui avaient professé un grand zèle pour le message, cessant de reconnaître la Parole de Dieu comme guide unique et infaillible, devinrent, tout en se disant guidés par l'Esprit, les jouets de leurs sentiments, de leurs impressions et de leur imagination. Ces exaltés s'élevaient violemment contre tous ceux qui se refusaient de les suivre. Leurs extravagances, désapprouvées par la plupart des adventistes, n'en attirèrent pas moins l'opprobre sur la cause de la vérité. TS 427 3 Satan usait de ce moyen pour enrayer et détruire l'oeuvre de Dieu. Les gens avaient été profondément ébranlés par le mouvement adventiste; des milliers de pécheurs s'étaient convertis, et des hommes fidèles continuaient à se consacrer à la proclamation de la vérité. Le prince des ténèbres, qui perdait ses sujets, s'efforçait ainsi de pousser aux extrêmes, par ses séductions, certains croyants. Ses agents, aux aguets, s'emparaient de toute erreur, de toute faute, de toute inconvenance, les exagéraient démesurément aux yeux du monde et ridiculisaient les adventistes et leurs croyances. De cette façon, plus étaient nombreux les inconvertis que l'ennemi pouvait attirer à la foi adventiste et faire passer pour les représentants authentiques de celle-ci, plus était grand l'avantage qu'il pouvait en tirer pour sa cause. TS 428 1 En sa qualité d'"accusateur des frères", Satan est toujours actif là où Dieu travaille au salut des âmes. Il pousse certains hommes à mettre en évidence les erreurs et les défauts des enfants de Dieu, tout en passant sur leurs bonnes oeuvres. Dans tout réveil, il s'efforce d'introduire des gens non sanctifiés et mal équilibrés. Dès que ceux-ci ont accepté certains points de la vérité et se sont fait recevoir parmi les croyants, il se sert d'eux pour insinuer des théories propres à égarer les mal avisés. On n'est pas nécessairement un vrai chrétien parce qu'on se trouve dans la société, dans l'assemblée des enfants de Dieu, ou même auprès de la table sainte. Satan se trouve souvent là aux moments les plus solennels, dans la personne d'agents à son service. TS 428 2 Le prince des ténèbres dispute chaque pouce de terrain à ceux qui s'avancent vers la cité céleste. Toute l'histoire de l'Eglise prouve que jamais réforme n'a progressé sans se heurter à de sérieux obstacles. Il en fut ainsi aux jours de Paul. Partout où l'apôtre fondait des églises, il rencontrait des gens qui, tout en professant la foi, s'efforçaient d'y introduire des hérésies capables d'éclipser l'amour de la vérité. Luther connut des moments de véritable angoisse à cause d'individus prétendant que Dieu parlait directement par leur bouche, et qui plaçaient leurs opinions au-dessus du témoignage des Ecritures. Ces gens séduisaient des esprits peu avancés dans la foi et la piété, mais présomptueux et amateurs de nouveautés, qui se joignaient à eux pour renverser ce que Dieu avait édifié. Les frères Wesley et d'autres revivalistes, grands par leur foi et leur activité au service de Dieu, se sont de même vus à chaque pas exposés aux rets de Satan par la faute de personnes trop zélées, mal équilibrées et inconverties, ayant versé dans toutes les formes du fanatisme. TS 429 1 William Miller ne se montra pas tendre envers la tendance au fanatisme. Il déclara, comme Luther, qu'il fallait éprouver tous les esprits par la Parole de Dieu. "Le diable, disait-il, exerce de nos jours un puissant ascendant sur une certaine classe de gens. Comment distinguer l'esprit dont ils sont animés? Le Seigneur répond que c'est à leurs fruits qu'on les reconnaîtra. ... "Plusieurs faux prophètes ayant paru dans le monde", il nous est ordonné d'éprouver les esprits. Un esprit qui ne nous pousse pas à vivre sagement, sobrement et pieusement dans le temps présent n'est pas celui de Dieu. Je suis de plus en plus convaincu que Satan est pour beaucoup dans ces idées excentriques. ... Il en est plusieurs parmi nous qui, se disant entièrement sanctifiés, suivent les traditions des hommes et sont apparemment aussi ignorants de la vérité que d'autres qui n'ont pas de telles prétentions."1 "L'esprit d'erreur nous entraîne loin de la vérité, tandis que l'Esprit de Dieu nous conduit dans la vérité. Vous direz peut-être qu'on peut se trouver dans l'erreur tout en se croyant dans la vérité. Que faut-il en conclure? Voici notre réponse: L'Esprit et la Parole sont d'accord. Celui qui, soumis à la Parole de Dieu, se trouve en parfait accord avec elle, prise dans son intégralité, a le droit de se croire dans la vérité. Mais s'il s'aperçoit que l'esprit dont il est animé ne s'accorde pas avec tout ce qui est écrit dans la loi, dans le livre de Dieu, qu'il se garde de tomber dans les pièges du diable."2 "Un regard brillant, une joue humide, un sanglot m'ont souvent donné de meilleures preuves de la piété intérieure d'une personne que tout le bruit de la chrétienté."1 TS 429 2 Les adversaires de la Réforme rendaient responsables du fanatisme les hommes mêmes qui travaillaient avec le plus de zèle à le combattre. Les détracteurs du mouvement adventiste eurent une attitude semblable. Non contents de déformer les faits et d'exagérer les erreurs des extrémistes et des fanatiques, ils répandaient des bruits malveillants dénués de toute véracité: Ces gens étaient poussés par les préjugés et par la haine. La proclamation de l'imminence du retour du Christ troublait leur paix. Ils craignaient que ce message ne fût vrai, tout en espérant qu'il n'en fût rien. Tel était le secret de leur guerre contre les adventistes et leurs croyances. TS 430 1 Le fait que quelques fanatiques s'étaient introduits dans les rangs des adventistes n'était pas une raison plus plausible de prendre parti contre ce mouvement que la présence de fanatiques et de séducteurs dans l'Eglise aux jours de Paul ou de Luther ne fut un motif de condamner l'oeuvre de l'apôtre et celle du réformateur. Que le peuple de Dieu se réveille et entreprenne une oeuvre sérieuse de conversion et de réforme, qu'il sonde les Ecritures pour y trouver la vérité telle qu'elle est en Jésus, qu'il se consacre entièrement à Dieu, et l'on ne tardera pas à voir Satan, toujours sur le qui-vive, manifester sa puissance par toute espèce de séductions et appeler à son aide tous les anges déchus de son empire. TS 430 2 Le fanatisme et la division ne furent pas engendrés par la proclamation de la seconde venue du Christ. Ces manifestations apparurent dans le courant de l'été de 1844, alors que les adventistes étaient dans le doute et la perplexité quant à leur position. La proclamation du message du premier ange et du "cri de minuit" avait eu pour effet direct de combattre le fanatisme et la dissension. La concorde régnait parmi ceux qui participaient à cette oeuvre solennelle. Ils avaient le coeur débordant d'amour les uns pour les autres, ainsi que pour celui qu'ils espéraient voir sous peu. Leur foi et leur bienheureuse espérance les élevaient au-dessus de toute influence humaine et leur servaient de bouclier contre les assauts de Satan. TS 430 3 "Comme l'époux tardait, toutes s'assoupirent et s'endormirent. Au milieu de la nuit, on cria: Voici l'époux, allez à sa rencontre! Alors toutes ces vierges se réveillèrent et préparèrent leurs lampes." Dans le courant de l'été de 1844, ce message fut proclamé dans les termes mêmes de l'Ecriture: "Voici l'époux! Voici l'époux!" Ce moment marquait le milieu de la période comprise entre la date où l'on avait d'abord pensé que les deux mille trois cents jours prendraient fin et l'automne de la même année où l'on avait découvert ensuite qu'ils aboutissaient. TS 431 1 Ce mouvement fut déterminé par la découverte du fait que le décret d'Artaxerxès ordonnant la restauration de Jérusalem, décret qui fixe le point de départ de la période des deux mille trois cents ans, était entré en vigueur en l'automne de l'année 457 avant Jésus-Christ, et non au commencement, comme on l'avait cru d'abord. En prenant l'automne de l'année 457 pour point de départ des deux mille trois cents ans, cette période se terminait en l'automne de 1844.1 TS 431 2 Des arguments tirés des symboles de l'Ancien Testament montraient aussi que c'était en automne que devait avoir lieu l'événement figuré par la "purification du sanctuaire". La chose devint évidente quand on prit garde à la façon dont ces symboles s'étaient accomplis lors de la première venue de Jésus. TS 431 3 L'immolation de l'agneau pascal préfigurait la mort du Sauveur; saint Paul le dit: "Christ, notre Pâque, a été immolé."2 La gerbe des prémices, agitée devant l'Eternel au temps de la Pâque, était un type de la résurrection de Jésus. En effet, en parlant de la résurrection du Seigneur et de tous les élus, Paul écrit: "Tous revivront en Christ. ... Christ comme prémices; puis, ceux qui appartiennent à Christ lors de son avènement." Comme la gerbe agitée représentait les premières céréales cueillies avant la moisson, Jésus est les prémices de l'immortelle moisson des rachetés qui sera introduite dans les greniers célestes au grand jour de la résurrection. TS 432 1 Ces types s'accomplirent non seulement quant à l'événement, mais aussi quant au temps. Au quatorzième jour du premier mois juif, qui était la date immuable où, depuis quinze longs siècles, l'agneau pascal était immolé, Jésus -- après avoir participé à la Pâque avec ses disciples -- institua le symbole qu'il destinait à commémorer sa mort en sa qualité d'"agneau de Dieu qui ôte le péché du monde". En cette même nuit, Jésus était saisi par des mains brutales et conduit au supplice de la croix. Enfin, en sa qualité d'antitype de la première gerbe, comme "prémices de ceux qui sont morts", notre Seigneur fut ressuscité le troisième jour. C'était une représentation de tous les justes qui ressusciteront lorsque le "corps de leur humiliation" sera rendu semblable "au corps de sa gloire".1 TS 432 2 Les types se rapportant à la seconde venue du Christ doivent de même s'accomplir conformément au symbolisme lévitique. Sous le régime mosaïque, la purification du sanctuaire au grand jour des propitiations tombait sur le dixième jour du septième mois juif.2 Ce jour-là, le souverain sacrificateur -- après avoir fait propitiation pour tout Israël et éliminé ainsi tous les péchés accumulés dans le sanctuaire -- sortait du lieu très saint pour bénir le peuple. On en conclut que Jésus-Christ, notre souverain sacrificateur suprême, apparaîtrait pour purifier notre terre par la destruction du péché et des pécheurs, et apporterait à son peuple la couronne de l'immortalité. Le dixième jour du septième mois, grand jour des propitiations et de la purification du sanctuaire, qui, en 1844, tombait sur le 22 octobre, fut considéré comme étant la date du retour du Christ. Cela était conforme aux preuves établissant que les deux mille trois cents jours aboutissaient en automne, et la conclusion semblait évidente. TS 433 1 Dans la parabole des dix vierges, le temps d'attente et de somnolence est suivi de la venue de l'époux. Cela concordait avec les arguments qui précèdent, tirés à la fois de la prophétie et de la symbolique mosaïque. Tout cela parut aux fidèles d'une solidité inébranlable et des milliers de voix s'unirent pour faire entendre "le cri de minuit". TS 433 2 Le mouvement se répandit dans le pays comme un raz de marée et se propagea de ville en ville et de village en village jusque dans les localités les plus reculées. Devant ce réveil et cette proclamation, le fanatisme disparut comme la gelée blanche sous les chauds rayons du soleil. Les doutes et les incertitudes des croyants se dissipèrent; l'espérance et le courage ranimèrent tous les coeurs. L'oeuvre était exempte des excentricités engendrées par l'agitation humaine non contrôlée par l'Esprit et la Parole de Dieu. Ce mouvement était pareil aux temps d'humiliation et de retour à Dieu qui, chez l'ancien Israël, accompagnaient parfois l'intervention des prophètes. Il portait les caractéristiques des vrais réveils de tous les siècles: peu d'exaltation, mais beaucoup de sincérité dans la confession des péchés et dans le renoncement au monde. On persévérait dans la prière et on se consacrait entièrement à Dieu. Se préparer pour la venue du Seigneur, tel était le grand souci de chacun. TS 433 3 Miller décrivait ainsi ce réveil: "On ne voit pas de grandes manifestations de joie: il semble qu'on les réserve pour le jour où le ciel et la terre s'uniront dans une allégresse inénarrable et glorieuse. On n'entend point d'acclamations: cela aussi est réservé pour le moment où retentira la voix de l'archange. Les chanteurs sont silencieux: ils attendent le moment de se joindre aux choeurs angéliques. ... Il n'y a pas de divergences de vues: tous ne sont qu'un coeur et qu'une âme."1 TS 434 1 Un autre témoin oculaire rendait ce témoignage: "L'attente du Christ produisait partout un sérieux retour sur soi-même et une profonde humiliation devant le Dieu des cieux. Elle bannissait les choses du monde, remplaçait les controverses et les animosités par la confession réciproque des offenses. D'humbles et ferventes prières, arrosées de larmes, imploraient de Dieu l'assurance de son pardon. L'abdication et la reddition du moi devant Dieu dépassaient tout ce que nous avions jamais vu. Selon la prédication de Joël relative au jour de l'Eternel, on "déchirait son coeur et non ses vêtements", on "retournait à l'Eternel avec jeûnes, larmes et lamentations". Conformément à la promesse de Dieu à Zacharie, un "esprit de grâce et de supplication était répandu" sur ses enfants; ils "tournaient les regards vers celui qu'ils avaient percé", "le deuil était grand dans le pays, ... et ceux qui attendaient le Seigneur humiliaient leur âme" devant lui."1 TS 434 2 De tous les grands mouvements religieux qui se sont succédé depuis les jours des apôtres, aucun n'a été moins entaché par les imperfections humaines et les pièges de Satan que celui de l'automne de 1844.2 Aujourd'hui encore, après bien des années, tous ceux qui participèrent à ce mouvement et qui sont restés dans les mêmes convictions, ressentent l'influence bénie de ce puissant réveil et témoignent qu'il fut l'oeuvre de Dieu. TS 434 3 Au cri de: "Voici l'époux, allez à sa rencontre!" les vierges "se réveillèrent, et préparèrent leurs lampes". On s'était mis à étudier la Parole de Dieu avec un intérêt et une ferveur inconnus jusqu'alors. Des anges du ciel avaient été envoyés auprès des fidèles abattus pour relever leur courage et les préparer à recevoir le message. Cette oeuvre ne s'appuyait pas sur la sagesse ou l'érudition de l'homme, mais sur la puissance de Dieu. Les hommes qui, les premiers, entendirent l'appel et obéirent n'étaient pas les mieux doués, mais les plus humbles et les plus pieux. Versant des larmes de joie, des fermiers avaient délaissé leur moisson dans les champs, et des artisans avaient quitté leurs outils pour aller porter l'avertissement. Les chefs spirituels furent parmi les derniers à adhérer à ce mouvement. Les églises, en général, fermèrent leurs portes à ce message, et furent abandonnées par un grand nombre de ceux qui le reçurent. Par la volonté de Dieu, cette proclamation se joignait à celle du second message et redoublait sa puissance. TS 435 1 Le message: "Voici l'époux!" ne devait pas, bien qu'il fût basé sur des preuves bibliques formelles, se diffuser au moyen de controverses mais grâce à sa puissance irrésistible qui remuait les âmes. Les douteurs et les ergoteurs se taisaient. Lors de l'entrée triomphale à Jérusalem, les gens venus de toutes les parties du pays pour la fête de Pâque s'étaient portés en foule vers le mont des Oliviers à la rencontre du cortège qui escortait Jésus. Emportés par l'enthousiasme général, ils avaient joint leurs voix au cri: "Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur!"1 Il en fut de même des incroyants qui se pressaient dans les réunions adventistes, soit par curiosité, soit par dérision: tous étaient subjugués par la puissance de ce message: "Voici l'époux!" TS 435 2 A ce moment-là, on vit se manifester la foi que Dieu exauce, la foi qui compte sur la rémunération. Comme des ondées sur une terre altérée, l'Esprit de grâce descendit sur ceux qui cherchaient Dieu avec ferveur. Sachant qu'ils se trouveraient bientôt face à face avec leur Rédempteur, ils éprouvaient une joie solennelle et inexprimable. La puissance du Saint-Esprit, richement répandue sur les âmes fidèles, remuait, attendrissait, fondait les coeurs endurcis. Le temps où ils s'attendaient à recevoir leur Sauveur les trouva circonspects et graves. Chaque matin, leur premier souci était de s'assurer qu'ils étaient en paix avec Dieu. Ils priaient beaucoup les uns avec les autres et les uns pour les autres, se réunissant fréquemment dans des lieux retirés pour entrer en communion avec Dieu. Des champs et des bosquets, montaient vers le ciel des louanges et des supplications. L'approbation du Seigneur leur était plus précieuse que la nourriture corporelle. Si quelque nuage venait obscurcir leur âme, ils n'avaient ni trève ni repos qu'il ne fût dissipé. Le témoignage intime du pardon divin les faisait aspirer à contempler celui qu'ils adoraient. TS 436 1 Mais une nouvelle déception attendait les fidèles. Le temps fixé passa et, bien qu'ils l'eussent attendu avec une confiance inébranlable, le Sauveur n'était pas venu. Ils éprouvèrent alors une douleur semblable à celle que ressentit Marie lorsqu'elle vit que le tombeau du Seigneur était vide, et qu'elle s'écria en sanglotant: "Ils ont enlevé mon Seigneur, et je ne sais où ils l'ont mis!"1 TS 436 2 La foule des incrédules, en proie à une terreur secrète à la pensée que le message pût être vrai, avait observé une certaine réserve, et ce sentiment ne disparut pas aussitôt après la date fatidique. Ils n'osèrent pas, tout d'abord, devant ces gens plongés dans la tristesse, se prévaloir de leur triomphe. Mais, ne voyant paraître aucun signe de la colère de Dieu, ils s'enhardirent et donnèrent libre cours aux moqueries et aux sarcasmes. Beaucoup de ceux qui avaient prétendu croire au retour du Christ renoncèrent à leur foi. Quelques-uns, qui avaient affiché une grande assurance, étaient tellement blessés dans leur amour-propre qu'ils auraient voulu se retirer du monde. Comme Jonas, ils murmuraient contre Dieu, la mort leur paraissant préférable à la vie. Ceux qui avaient fait reposer leur foi sur les opinions des autres et non sur la Parole de Dieu étaient maintenant prêts à changer de croyance. Les moqueurs attirèrent les faibles et les lâches dans leurs rangs, et tous s'unirent pour affirmer que, désormais, il n'y avait plus de raisons de craindre ou d'attendre quoi que ce fût. Le temps avait passé, le Seigneur n'était pas revenu et le monde pouvait rester tel quel encore des milliers d'années! TS 437 1 Les croyants sincères avaient tout abandonné pour leur Sauveur. Jouissant de sa présence comme jamais auparavant, ils étaient convaincus d'avoir donné au monde l'avertissement suprême. S'attendant à être bientôt reçus auprès de leur divin Maître et des anges, ils s'étaient presque entièrement retirés de la société de ceux qui avaient refusé le message. Ils avaient fait monter vers le ciel cette prière ardente: "Viens, Seigneur Jésus!" Et il n'était pas venu! Reprendre le harnais des tracas et des soucis de la vie, et, surtout, affronter les lazzis et les railleries d'un monde profane, c'était pour leur foi et leur patience une épreuve effrayante. TS 437 2 Pourtant, cette déception n'était pas aussi grande que l'avait été celle des disciples lorsque le Sauveur était entré triomphalement dans Jérusalem. Croyant leur Maître sur le point de prendre possession du trône de David et de délivrer Israël de ses oppresseurs, débordants de joie, ils avaient rivalisé de zèle pour honorer leur Roi. Plusieurs avaient fait de leurs vêtements ou de branches de palmiers un tapis sur son chemin. Dans leur enthousiasme, ils avaient poussé cette joyeuse acclamation: "Hosanna au Fils de David!" Quand les pharisiens, troublés et irrités par ces joyeuses manifestations, avaient invité Jésus à reprendre ses disciples, il leur avait répondu: "S'ils se taisent, les pierres crieront."1 Cette scène prédite devait s'accomplir, et la joie des disciples, bien qu'ils allassent au-devant de la plus cruelle désillusion, réalisa le dessein de Dieu. En effet, quelques jours après cette scène, ils voyaient l'effondrement de leurs espérances devant leur Sauveur agonisant sur la croix, puis couché dans la tombe. Ils ne discernèrent l'accomplissement des prophéties que lorsqu'ils eurent constaté la victoire de Jésus sur le sépulcre.1 TS 438 1 Cinq siècles auparavant, par le prophète Zacharie, Dieu avait dit: "Sois transportée d'allégresse, fille de Sion! Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem! Voici, ton roi vient à toi; il est juste et victorieux, humble et monté sur un âne, sur un âne, le petit d'une ânesse."2 Si les disciples avaient su que Jésus allait au-devant de la mort, jamais ils n'auraient pu accomplir cette prophétie. TS 438 2 En donnant leur message au monde, Miller et ses collaborateurs avaient, de même, accompli une prédiction qu'ils n'auraient jamais pu réaliser s'ils avaient compris les prophéties annonçant leur désappointement et la prédication d'un message ultérieur destiné à toutes les nations avant le retour du Seigneur. Les messages du premier et du second ange furent proclamés au temps marqué; ils remplirent le but que Dieu leur avait assigné. TS 438 3 Le monde, qui avait observé les événements, comptait bien que, si la date passait sans que le Seigneur vînt, tout l'édifice de l'adventisme s'écroulerait. Ceux de ses adhérents qui ne purent supporter le ridicule abandonnèrent la foi. Les autres demeurèrent fermes. Les fruits qui avaient caractérisé le mouvement: l'humilité, l'examen de conscience, le renoncement au monde et la transformation de nombreuses vies prouvaient à ces croyants qu'il venait de Dieu, dont la puissance avait indubitablement rendu témoignage à leur prédication. D'autre part, ils ne découvraient aucune erreur dans le calcul des périodes prophétiques, et leurs adversaires les plus redoutables n'avaient pas réussi à démolir leur système d'interprétation. Ils ne pouvaient donc consentir, sans preuves scripturaires, à renoncer aux conclusions auxquelles ils étaient arrivés par la prière et une étude approfondie des Ecritures, conclusions qui avaient défié l'éloquence, la critique la plus sagace et l'opposition la plus acharnée des prédicateurs populaires et des sages selon le monde. Ils restaient donc insensibles aux quolibets et aux ricanements des gens de haut et de bas étage. TS 439 1 Il est vrai qu'il y avait eu méprise quant à l'événement attendu; mais ce fait lui-même ne pouvait pas ébranler leur foi en la Parole de Dieu. Quand le prophète Jonas avait proclamé dans les rues de Ninive que dans quarante jours la ville serait détruite, le Seigneur agréa l'humiliation des Ninivites et prolongea leur temps de grâce; le message de Jonas n'en était pas moins de Dieu, et c'était conformément à sa volonté que Ninive avait été mise à l'épreuve. Les adventistes comprirent que, de la même façon, Dieu les avait chargés d'annoncer la proximité du jugement. "Ce message, dirent-ils, a éprouvé les coeurs de tous ceux qui l'ont entendu; d'une part, il a suscité l'amour de l'avènement du Christ, et, d'autre part, il a éveillé contre cette venue une haine plus ou moins visible, mais connue de Dieu. Il a tiré une ligne de démarcation ... permettant à ceux qui prennent la peine de sonder leur coeur de savoir de quel côté ils se seraient trouvés si le Seigneur était venu: s'ils se fussent écriés: "Voici, c'est notre Dieu, en qui nous avons confiance, et c'est lui qui nous sauve", ou s'ils eussent demandé "aux montagnes et aux rochers" de tomber sur eux et de les cacher "devant la face de celui qui est assis sur le trône, et devant la colère de l'agneau". De cette façon, croyons-nous, Dieu a éprouvé la foi de son peuple afin de démontrer si, devant une crise, ce peuple abandonnerait le poste où il l'avait placé, ou si, tournant le dos au monde, il s'appuierait avec une confiance inébranlable sur la Parole de Dieu."1 TS 439 2 Les sentiments de ceux qui conservaient l'assurance que Dieu les avait dirigés dans les circonstances qu'ils venaient de traverser sont ainsi exprimés par William Miller: "Si je devais recommencer ma vie, écrivait cet homme de Dieu, avec les preuves que j'avais alors en main, je devrais, pour rester honnête devant le Seigneur et devant les hommes, refaire ce que j'ai fait. ... Je considère mes vêtements comme nets du sang de mes semblables. J'ai le sentiment d'avoir fait tout ce qui dépendait de moi pour n'être en rien responsable de leur condamnation. ... Quoique deux fois désappointé dans mes espérances, je ne suis ni abattu ni découragé. ... Mon espérance dans le retour du Seigneur est aussi forte que jamais. Je n'ai fait que ce que j'ai considéré comme étant mon devoir, après des années d'études approfondies. Si je me suis trompé, c'est en voulant manifester de la charité, de l'amour à mes semblables et en cherchant à accomplir mon devoir envers Dieu. ... Une chose est bien certaine: ce que j'ai prêché, je l'ai cru, et Dieu a été avec moi; sa puissance a été manifeste, et beaucoup de bien en est résulté. ... Autant qu'il soit possible d'en juger par les apparences, des milliers de personnes ont été amenées, par la prédication de la date [du retour du Christ] à étudier les Ecritures et se sont réconciliées avec Dieu par la foi et par l'aspersion du sang de Jésus."1 "Je n'ai jamais brigué les sourires des grands, ni tremblé devant la colère du monde. Je n'achèterai pas maintenant leur faveur ni ne provoquerai inutilement leur haine. Je ne leur demanderai jamais de m'épargner la vie, ni ne refuserai, j'espère, de la sacrifier si Dieu le jugeait à propos."2 TS 440 1 Dieu ne délaissa pas son peuple; son Esprit continua de reposer sur ceux qui ne rejetèrent pas inconsidérément la lumière qu'ils avaient reçue et ne se tournèrent pas contre le mouvement adventiste. On trouva dans l'épître aux Hébreux des paroles d'encouragement et d'avertissement à l'adresse des enfants de Dieu éprouvés et dans l'attente à cette heure de crise: "N'abandonnez donc pas votre assurance, à laquelle est attachée une grande rémunération. Car vous avez besoin de persévérance, afin qu'après avoir accompli la volonté de Dieu, vous obteniez ce qui vous est promis. Encore un peu, un peu de temps: celui qui doit venir viendra, et il ne tardera pas. Et mon juste vivra par la foi; mais, s'il se retire, mon âme ne prend pas plaisir en lui. Nous, nous ne sommes pas de ceux qui se retirent pour se perdre, mais de ceux qui ont la foi pour sauver leur âme."1 TS 441 1 Cette exhortation est adressée à l'Eglise des derniers jours, car il est dit: "Encore un peu, un peu de temps: celui qui doit venir viendra, et il ne tardera point." En outre, on y remarque l'annonce voilée d'un retard apparent. Ces conseils s'appliquaient particulièrement bien à la situation des adventistes à ce moment-là. Les gens visés dans ce passage étaient en danger de faire naufrage quant à la foi. Ils avaient accompli la volonté de Dieu en suivant les directions de son Esprit et de sa Parole; toutefois, ne comprenant pas son dessein dans ce qui leur était arrivé, et ne voyant pas leur chemin, ils étaient tentés de douter que Dieu les eût conduits. Alors, cette parole prenait pour eux tout son sens: "Mon juste vivra par la foi." TS 441 2 Pendant que la lumière éclatante du "cri de minuit" avait éclairé leur sentier, que les sceaux de la prophétie avaient été rompus et que les signes de l'imminence du retour du Christ s'accomplissaient sous leurs yeux en rapide succession, ils avaient, pour ainsi dire, marché par la vue. Mais maintenant, écrasés sous le poids de leurs espérances déçues, ils ne pouvaient subsister que par la foi en Dieu et en sa Parole. Un monde moqueur leur disait: "On vous a trompés. Abandonnez votre foi, et reconnaissez que le message adventiste est de Satan." Mais la Parole de Dieu répondait: "Si quelqu'un se retire, mon âme ne prend pas plaisir en lui." Renoncer maintenant à leur foi et renier la puissance du Saint-Esprit qui avait accompagné le message, c'eût été courir à la perdition. Ils étaient encouragés à demeurer fermes par ces paroles de Paul: "N'abandonnez donc pas votre assurance; ... car vous avez besoin de persévérance; ... encore un peu, un peu de temps: celui qui doit venir, viendra, et il ne tardera pas." Leur seule sécurité était de serrer précieusement la lumière que Dieu leur avait déjà donnée, de retenir fermement ses promesses, de persévérer dans l'étude de sa Parole et d'attendre patiemment de nouvelles lumières. ------------------------Chapitre 23 -- Qu'est-ce que le sanctuaire? TS 443 1 Deux mille trois cents soirs et matins; puis le sanctuaire sera purifié."1 Cette déclaration, la base et la colonne centrale de la foi adventiste, était familière à tous les amis du prochain retour du Christ. Répétée par des milliers de bouches, elle était comme le mot d'ordre de leur foi. Tous étaient convaincus que leurs espérances les plus glorieuses et les plus chères dépendaient des événements prédits dans ce passage dont la période prophétique expirait en l'automne de 1844. Avec tout le monde chrétien, les adventistes croyaient alors que la terre, en totalité ou en partie, constituait le sanctuaire, et que la "purification du sanctuaire" signifiait l'embrasement du globe par le feu au dernier jour, c'est-à-dire au moment du retour du Seigneur, qui, selon cette interprétation, devait se produire en 1844. TS 443 2 Or, le temps fixé avait passé et le Seigneur n'était pas revenu. Mais les croyants savaient que la Parole de Dieu ne peut faillir. Il fallait donc qu'il y eût quelque erreur dans leur interprétation de la prophétie; mais où était cette erreur? Un grand nombre pensèrent avoir résolu le problème en niant que les deux mille trois cents jours se fussent terminés en 1844. Sur quoi basaient-ils leur affirmation? Uniquement sur le fait que Jésus n'était pas revenu au moment où on l'attendait. Ils prétendaient que si les deux mille trois cents jours avaient pris fin en 1844, le Seigneur serait venu pour purifier la terre par le feu, et que, du moment qu'il n'était pas venu, l'aboutissement de la prophétie en question ne coïncidait pas avec cette date. TS 444 1 Accepter cette conclusion, c'était renoncer au calcul adopté pour les périodes prophétiques. On avait constaté que les deux mille trois cents jours partaient de l'automne de l'année 457 avant notre ère, date à laquelle était entré en vigueur le décret d'Artaxerxès ordonnant la restauration et la reconstruction de Jérusalem. En prenant cette date comme point de départ, on se rendit compte que tous les événements jalonnant cette période d'après le texte de Daniel chapter 9, versets 25-27 s'étaient parfaitement accomplis. Soixante-neuf semaines, soit les quatre cent quatre-vingt-trois premières années de cette période, devaient aboutir "au Christ", à "l'Oint" (ou Messie); or, le baptême et l'onction de Jésus, qui eurent lieu en l'an 27, se produisirent exactement à la date fixée. Au milieu de la soixante-dixième semaine, le Messie devait être "retranché". Or, Jésus avait été crucifié juste trois ans et demi après son baptême, au printemps de l'an 31 de notre ère. Et comme les soixante-dix semaines (ou quatre cent quatre-vingt-dix ans) étaient exclusivement réservées au peuple juif, à l'expiration de cette période, en l'an 34 de notre ère, Israël ayant définitivement rejeté le Christ en persécutant ses disciples, les apôtres s'étaient tournés vers les Gentils. Les quatre cent quatre-vingt-dix premières années écoulées, il restait encore mille huit cent dix ans de la période des deux mille trois cents. Si l'on ajoute 1810 à l'an 34, on aboutit à l'année 1844. C'est alors, dit l'ange, que "le sanctuaire sera purifié". tous les détails de la prophétie s'étaient donc accomplis à point nommé. TS 445 1 Avec ce calcul tout cela était clair et concordant, sauf un seul point: aucun événement répondant à la purification du sanctuaire n'avait marqué l'année 1844. Nier que cette période aboutit à cette date, c'était tout remettre en question et renoncer à des positions établies par d'indéniables accomplissements de la prophétie. TS 445 2 Or, le Dieu qui avait conduit son peuple durant tout le cours du grand mouvement adventiste, celui qui l'avait honoré de sa puissance et de sa gloire, n'allait pas permettre que son oeuvre sombrât dans les ténèbres et le désespoir, taxée d'imposture et de fanatisme. Un grand nombre de croyants abandonnaient leur ancien calcul des périodes prophétiques et reniaient le grand mouvement qui en était issu, mais d'autres n'étaient pas disposés à abjurer des points de foi appuyés sur les faits, les Ecritures et le témoignage de l'Esprit de Dieu. Convaincus d'avoir adopté dans leur étude des prophéties des principes d'interprétation parfaitement sains, ils estimaient que leur devoir était de rester fidèles à ce qui était acquis. Adressant à Dieu de ferventes prières, ils se remirent à examiner les bases de leur foi, afin de découvrir leur erreur. N'en trouvant aucune dans le calcul des périodes prophétiques, ils en vinrent à examiner avec plus de soin la question du sanctuaire. TS 445 3 Cette étude les amena d'abord à la conclusion que rien dans les Ecritures ne soutenait la croyance populaire selon laquelle la terre serait le sanctuaire. En revanche, ils y trouvèrent un exposé complet de la question du sanctuaire, de sa nature et de ses services. Au fait, le témoignage des auteurs sacrés était si étendu et si clair que l'hésitation était impossible. Dans l'épître aux Hébreux, l'apôtre Paul disait textuellement: "La première alliance avait aussi des ordonnances relatives au culte, et le sanctuaire terrestre. Un tabernacle fut, en effet, construit. Dans la partie antérieure, appelée le lieu saint, étaient le chandelier, la table et les pains de proposition. Derrière le second voile se trouvait la partie du tabernacle appelée le saint des saints, renfermant l'autel d'or pour les parfums et l'arche de l'alliance, entièrement recouverte d'or. Il y avait dans l'arche un vase d'or contenant la manne, la verge d'Aaron, qui avait fleuri, et les tables de l'alliance. Au-dessus de l'arche étaient les chérubins de la gloire, couvrant de leur ombre le propitiatoire."1 TS 446 1 Le sanctuaire dont parlait l'apôtre, c'était le tabernacle que Moïse construisit sur l'ordre de Dieu pour être la demeure terrestre du Tout-Puissant. "Ils me feront un sanctuaire, et j'habiterai au milieu d'eux."2 Les Israélites voyageant alors dans le désert, le tabernacle fut construit de façon à pouvoir être démonté et transporté de lieu en lieu. Néanmoins, cette construction était d'une grande magnificence. Ses parois, faites de planches plaquées d'une forte couche d'or laminé, étaient assemblées et enchâssées dans des socles d'argent. La toiture était formée d'une série de tapis superposés. La couverture extérieure était de peaux, tandis que celle de l'intérieur se composait d'une tapisserie de fin lin sur laquelle étaient brodées des figures de chérubins. Entouré d'une cour ou parvis extérieur, où se trouvait l'autel des holocaustes, le tabernacle -- ou la tente -- consistait en deux pièces appelées respectivement le lieu saint et le lieu très saint (ou saint des saints). Ces deux pièces étaient séparées par une magnifique draperie. Un voile d'un tissu semblable, formant portière, fermait l'entrée de la première pièce. TS 446 2 Dans le lieu saint, au midi, se trouvait le chandelier à sept lampes éclairant nuit et jour le sanctuaire; au nord il y avait la "table des pains de proposition", et devant le voile séparant le lieu saint du lieu très saint était l'autel d'or, ou "autel des parfums", duquel une nuée odoriférante montait chaque jour devant Dieu avec les prières d'Israël. TS 447 1 Le lieu très saint renfermait "l'arche de l'alliance", coffret de bois précieux, plaqué d'or, contenant les deux tables de pierre sur lesquelles Dieu avait gravé les dix commandements. Le "propitiatoire", qui en formait le couvercle, était une oeuvre d'art forgée d'une seule pièce d'or massif. A chaque extrémité, il portait un chérubin en or battu. Dans cette pièce, entre les chérubins, se manifestait la présence divine, voilée par une nuée resplendissante. TS 447 2 Après l'établissement des Hébreux en Canaan, le tabernacle fut remplacé par le temple de Salomon, édifice beaucoup plus vaste et permanent, mais conservant les mêmes proportions et les mêmes pièces d'ameublement. C'est sous cette forme que le sanctuaire a subsisté -- sauf pendant la période où il resta en ruine, aux jours de Daniel -- jusqu'à sa destruction par les Romains en l'an 70 de notre ère. Tel était le seul sanctuaire mentionné dans les Ecritures comme ayant existé sur la terre. Saint Paul nous informe que c'était le sanctuaire de l'ancienne alliance. Mais la nouvelle alliance n'a-t-elle pas, elle aussi, un sanctuaire? TS 447 3 Revenant à l'épître aux Hébreux, les croyants avides de lumière remarquèrent que l'existence d'un second sanctuaire, celui de la nouvelle alliance, était impliquée dans les paroles de Paul déjà citées: "La première alliance avait aussi des ordonnances relatives au culte, et le sanctuaire terrestre." Le mot "aussi" rappelait que Paul avait déjà mentionné un autre sanctuaire. On lit, en effet, au chapitre 8: "Le point capital de ce qui vient d'être dit, c'est que nous avons un tel souverain sacrificateur, qui s'est assis à la droite du trône de la majesté divine dans les cieux, comme ministre du sanctuaire et du véritable tabernacle, qui a été dressé par le Seigneur et non par un homme."1 TS 447 4 Voici donc le sanctuaire de la nouvelle alliance. Celui de l'ancienne alliance, construit par Moïse, avait été dressé par les hommes; celui-ci est dressé par le Seigneur, et non par un homme. Dans le premier, le service était assuré par des sacrificateurs terrestres; dans le second, c'est Jésus-Christ, notre souverain sacrificateur, qui officie à la droite de Dieu. L'un était sur la terre, l'autre est dans le ciel. TS 448 1 En outre, le tabernacle construit par Moïse avait été fait d'après un modèle. Le Seigneur lui avait dit en effet: "Vous ferez le tabernacle et tous ses ustensiles d'après le modèle que je vais te montrer." L'ordre est répété en ces termes: "Regarde et fais d'après le modèle qui t'est montré sur la montagne."1 TS 448 2 Or, Paul déclare que le premier tabernacle "est une figure pour le temps actuel, où l'on présente des offrandes et des sacrifices qui ne peuvent rendre parfait sous le rapport de la conscience celui qui rend ce culte"; que ses lieux saints sont "les images des choses qui sont dans les cieux"; que les sacrificateurs qui présentaient les dons selon la loi célébraient un culte qui n'était "que l'image et l'ombre des choses célestes", et que le Christ est "entré dans le ciel même, afin de comparaître maintenant pour nous devant la face de Dieu".2 TS 448 3 Le sanctuaire céleste dans lequel Jésus exerce maintenant son sacerdoce est l'auguste original dont le sanctuaire construit par Moïse était la copie. Dieu avait donné son Esprit aux constructeurs du sanctuaire terrestre, dont le génie artistique était une manifestation de la sagesse divine. Celle-ci éclatait partout: dans les parois du tabernacle, qui paraissaient d'or massif et réfléchissaient en tous sens les sept lumières du chandelier, dans la table des pains de proposition et l'autel des parfums où rutilait l'or poli, dans la riche tapisserie formant le plafond, parsemée de figures de chérubins brodées en bleu, en pourpre et en écarlate. Au-delà du second voile, au-dessus du propitiatoire, la gloire de Dieu se manifestait dans la sainte Shekinah, en présence de laquelle nul, sauf le souverain sacrificateur, ne pouvait pénétrer et vivre. TS 449 1 L'incomparable splendeur du sanctuaire terrestre reflétait aux regards d'Israël les gloires du tabernacle céleste où Jésus-Christ, notre précurseur, réside maintenant en la présence de Dieu. Le palais du Roi des rois, entouré de mille milliers de servants et de dix mille millions d'assistants;1 ce temple embrasé de la gloire du trône éternel, où d'étincelants gardiens, les séraphins, adorent en se voilant la face, ne trouvait qu'une pâle image de son immensité et de sa gloire dans les constructions les plus luxueuses érigées par la main des hommes. Néanmoins, les rites qui s'y déroulaient révélaient des faits importants touchant le sanctuaire céleste et l'oeuvre qui s'y poursuit pour la rédemption de l'homme. TS 449 2 Les lieux saints du sanctuaire céleste sont figurés par les deux pièces du sanctuaire terrestre. Lorsque saint Jean eut le privilège de contempler en vision "le temple de Dieu qui est dans le ciel", il vit "devant le trône sept lampes ardentes",2 il y vit aussi un ange "ayant un encensoir d'or", auquel on "donna beaucoup de parfums, afin qu'il les offrît, avec les prières de tous les saints, sur l'autel d'or qui est devant le trône".3 L'endroit où avait lieu cet office était la première pièce du sanctuaire céleste, puisque le prophète y aperçut les sept lampes ardentes et l'autel d'or, représentés par le chandelier d'or et l'autel des parfums du sanctuaire terrestre. Puis, "le temple de Dieu dans le ciel s'étant ouvert"4 le révélateur, plongeant les regards au-delà du voile jusque dans le saint des saints, y distingua "l'arche de son alliance", représentée par le coffret sacré fait par Moïse pour contenir les tables de la loi de Dieu. TS 449 3 Au cours de cette étude, on trouva des preuves indiscutables de l'existence d'un sanctuaire dans le ciel. En effet, Moïse avait construit son sanctuaire d'après le modèle qui lui avait été montré; Paul enseigne que ce modèle était le tabernacle véritable qui est dans le ciel, et Jean affirme qu'il l'a contemplé! TS 450 1 C'est dans ce temple, résidence de Dieu, que son "trône est établi pour la justice et le jugement". Dans ce lieu très saint se trouve sa loi, la grande norme du bien et du mal par laquelle le monde sera jugé. Et c'est devant l'arche où elle est renfermée, recouverte du propitiatoire, que Jésus plaide les mérites de son sang en faveur du pécheur. C'est ainsi que, dans le plan de la rédemption humaine, est représentée l'union de la justice et de la miséricorde. Seule la sagesse infinie pouvait concevoir un tel accord, et seule la puissance infinie pouvait le réaliser. Il remplit le ciel d'étonnement et d'adoration. Les chérubins du sanctuaire terrestre, les yeux respectueusement baissés sur le propitiatoire, représentaient l'intérêt avec lequel les armées célestes contemplent l'oeuvre de la rédemption. Cette oeuvre -- mystère de miséricorde dans lequel "les anges désirent plonger leurs regards" -- révèle comment, tout en restant juste, Dieu peut justifier le pécheur et renouer des relations avec une race déchue; comment Jésus-Christ a pu descendre dans l'abîme de la perdition pour en retirer des multitudes de créatures qu'il couvre du vêtement immaculé de sa justice, pour les réunir aux anges fidèles et les introduire à tout jamais en la présence de Dieu. TS 450 2 L'oeuvre du Sauveur comme intercesseur de l'homme est présentée dans la belle prophétie de Zacharie relative à celui dont le nom est "Germe". "Lui, il bâtira le palais de l'Eternel, dit le prophète, et lui, il portera la splendeur; et il siégera et dominera sur son trône [celui de son Père]; et il sera sacrificateur sur son trône; et il y aura un conseil de paix entre les deux."1 TS 451 1 "Il bâtira le temple de l'Eternel." Par son sacrifice et sa médiation, Jésus-Christ est à la fois le fondement et le constructeur de l'Eglise de Dieu. L'apôtre Paul le désigne comme la "pierre angulaire" sur laquelle "tout l'édifice, bien coordonné, s'élève pour être un temple saint dans le Seigneur". "En lui, ajoute-t-il, vous êtes aussi édifiés pour être une habitation de Dieu en esprit."1 TS 451 2 "Il apportera la splendeur." C'est au Christ que revient la gloire de la rédemption de l'espèce humaine. Pendant les siècles éternels, les rachetés chanteront: "A celui qui nous aime, qui nous a délivrés de nos péchés par son sang, ... à lui soient la gloire et la puissance, aux siècles des siècles!"2 TS 451 3 "Il siégera et dominera sur son trône; il sera sacrificateur sur son trône." Il n'est pas encore, actuellement, "sur le trône de sa gloire"; le royaume de gloire n'a pas encore été inauguré. Ce n'est que lorsque son oeuvre sacerdotale sera achevée que "Dieu lui donnera le trône de David, son père", et que "son règne n'aura point de fin."3 En sa qualité de sacrificateur, Jésus est maintenant assis avec son Père sur son trône.4 Celui qui a "porté nos souffrances" et qui s'est "chargé de nos douleurs", celui "qui a été tenté comme nous en toutes choses, sans commettre de péché", afin de pouvoir "secourir ceux qui sont tentés", c'est le même qui est maintenant assis sur le trône de l'Etre éternel, de celui qui a la vie en lui-même. "Si quelqu'un a péché, nous avons un avocat auprès du Père, Jésus-Christ le juste."5 Son intercession se fonde sur son corps meurtri et sa vie immaculée. Ses mains et ses pieds blessés, son côté percé, plaident en faveur de l'homme déchu, dont la rédemption fut acquise à ce prix infini. TS 451 4 "Il y aura un conseil de paix entre les deux." L'amour du Père, non moins que celui du Fils, est la source du salut de notre race perdue. Avant de les quitter, Jésus dit à ses disciples: "Je ne vous dis pas que je prierai le Père pour vous; car le Père lui-même vous aime."1 "Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec lui-même."2 Par l'oeuvre sacerdotale de Jésus dans le sanctuaire céleste, "il y aura un conseil de paix entre les deux". "Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle."3 TS 452 1 Les Ecritures définissaient donc clairement le sanctuaire. Le terme "sanctuaire" y désigne en premier lieu le tabernacle construit par Moïse, comme ombre des choses célestes, et, en second lieu, le "véritable tabernacle" sur lequel le terrestre était destiné à nous faire porter les regards. A la mort de Jésus, le service symbolique prit fin. Le "véritable tabernacle", le sanctuaire céleste, est le sanctuaire de la nouvelle alliance. Et comme la prophétie de Daniel 8:14 s'accomplit sous cette alliance, le sanctuaire mentionné dans cette prophétie doit forcément être celui de la nouvelle alliance. A la fin des deux mille trois cents jours, en 1844, il y avait plusieurs siècles que le sanctuaire terrestre avait disparu. Il s'ensuit que la prédiction: "Deux mille trois cents soirs et matins; puis le sanctuaire sera purifié", se rapporte incontestablement au sanctuaire céleste. TS 452 2 La question la plus importante restait à résoudre: Qu'est-ce que la purification du sanctuaire? L'Ancien Testament nous apprend qu'il y avait une purification du sanctuaire terrestre. Mais peut-il y avoir quelque chose à purifier dans le ciel? Au neuvième chapitre de l'épître aux Hébreux, il est clairement question de la purification tant du sanctuaire terrestre que du sanctuaire céleste. "Presque tout, d'après la loi, est purifié avec du sang, et sans effusion de sang il n'y a pas de pardon. Il était donc nécessaire, puisque les images des choses qui sont dans les cieux devaient être purifiées de cette manière [par le sang des animaux], que les choses célestes elles-mêmes le fussent par des sacrifices plus excellents que ceux-là", c'est-à-dire par le sang précieux du Christ.1 TS 453 1 Dans l'ombre comme dans la réalité, c'est par le sang que tout devait être purifié; dans la première, par le sang des animaux; dans la seconde, par le sang de Jésus. La purification devait se faire par le sang, nous dit Paul, parce que "sans effusion de sang, il n'y a pas de pardon". Ce pardon, c'est l'enlèvement des péchés. Mais comment expliquer la présence du péché dans le sanctuaire, soit sur la terre soit au ciel? C'est ce que nous apprend le rituel symbolique, "image et ombre des choses célestes".2 TS 453 2 Les cérémonies du sanctuaire terrestre comportaient deux phases. Chaque jour de l'année, les sacrificateurs officiaient dans le lieu saint, tandis qu'une fois l'an le souverain sacrificateur accomplissait dans le lieu très saint un rite spécial appelé la purification du sanctuaire. Jour après jour, le pécheur repentant amenait son offrande à la porte du sanctuaire et confessait ses péchés en plaçant ses mains sur la tête de la victime. Il transférait ainsi symboliquement sa culpabilité sur la tête de la victime innocente. L'animal était alors égorgé. "Sans effusion de sang, il n'y a pas de pardon." "L'âme de la chair est dans le sang."3 La loi de Dieu violée exigeait la mort du transgresseur. Le sang, image de la vie du pécheur dont la victime portait la culpabilité, était introduit par le sacrificateur dans le lieu saint, et aspergé devant le voile derrière lequel se trouvait la loi transgressée. Par cette cérémonie, le péché était figurativement transféré par le sang dans le sanctuaire. Dans certains cas, le sang n'était pas porté dans le lieu saint; mais alors la chair de la victime expiatoire devait être mangée par les fils d'Aaron, selon cette déclaration de Moïse: "L'Eternel vous l'a donnée, afin que vous portiez l'iniquité de l'assemblée."1 Les deux cérémonies symbolisaient le transfert des péchés du pénitent au sanctuaire. TS 454 1 Telle est l'oeuvre qui s'accomplissait jour après jour, l'année durant. Les péchés d'Israël étant ainsi portés au sanctuaire, il fallait, par quelque rite spécial, procéder à leur enlèvement. Dieu avait ordonné une purification pour chacune des deux pièces du lieu sacré. "Il fera l'expiation pour le sanctuaire à cause des impuretés des enfants d'Israël et de toutes les transgressions par lesquelles ils ont péché. Il fera de même pour la tente d'assignation, qui est avec eux au milieu de leurs impuretés." L'expiation devait aussi servir pour l'autel: "Il le purifiera et le sanctifiera, à cause des impuretés des enfants d'Israël."2 TS 454 2 Une fois l'an, au grand jour des expiations, le souverain sacrificateur entrait dans le lieu très saint pour purifier le sanctuaire. Les rites de ce jour achevaient le cycle annuel des cérémonies. On amenait à la porte du sanctuaire deux boucs que l'on tirait au sort: "un sort pour l'Eternel, et un sort pour Azazel."3 Le bouc sur lequel tombait le sort pour l'Eternel était immolé en offrande pour les péchés du peuple. Le sacrificateur devait en porter le sang au-dedans du voile, et en faire aspersion devant et sur le propitiatoire, ainsi que sur l'autel des parfums qui était devant le voile. TS 454 3 Aaron devait alors poser ses deux mains sur la tête du bouc vivant, et se conformer aux instructions suivantes: "Et il confessera sur lui toutes les iniquités des enfants d'Israël, et toutes les transgressions par lesquelles ils ont péché; il les mettra sur la tête du bouc, puis il le chassera dans le désert, à l'aide d'un homme qui aura cette charge. Le bouc emportera sur lui toutes leurs iniquités dans une terre désolée."3 Le bouc émissaire ne rentrait plus dans le camp d'Israël, et l'homme qui l'avait emmené était tenu de laver son corps et ses vêtements avant de rentrer au camp. TS 455 1 Tout ce symbolisme était destiné à inculquer aux Israélites la sainteté de Dieu et son horreur du péché; il montrait, de plus, qu'il n'est pas possible d'entrer en contact avec le péché sans en être souillé. Tant que durait ce rite de la propitiation, chacun était tenu de s'humilier. Toutes les affaires devaient être interrompues, et la congrégation d'Israël, appelée à faire devant Dieu un sérieux examen de conscience, devait passer la journée dans la contrition, dans la prière et dans le jeûne. TS 455 2 Cette cérémonie nous enseigne des vérités importantes touchant l'expiation. Le sang de l'offrande offerte par le pécheur n'annulait point son péché. Le sacrifice ne faisait que le transférer au sanctuaire. En présentant le sang d'une victime le pécheur reconnaissait les droits de la loi, confessait sa culpabilité et exprimait son désir d'être pardonné par la foi au Rédempteur à venir; mais il n'était pas encore entièrement affranchi de la condamnation de la loi. Le jour des expiations, le souverain sacrificateur recevait de la congrégation une victime, entrait dans le lieu très saint avec le sang de celle-ci et en aspergeait le propitiatoire, directement au-dessus des tables de la loi à laquelle il fallait donner satisfaction. Puis, en sa qualité de médiateur, il se chargeait des péchés du peuple d'Israël, qu'il enlevait du sanctuaire. Plaçant alors les mains sur la tête du bouc émissaire, il confessait tous les péchés d'Israël et les transférait ainsi en image sur le bouc, qui les emportait au désert. Toutes les transgressions du peuple étaient alors considérées comme ayant disparu pour toujours. TS 455 3 Ce qui se faisait en figure dans le sanctuaire terrestre se fait en réalité dans le sanctuaire céleste. A son ascension, Jésus y revêtit ses fonctions de souverain sacrificateur. Saint Paul le dit: "Christ n'est pas entré dans un sanctuaire fait de main d'homme, en imitation du véritable, mais il est entré dans le ciel même, afin de comparaître maintenant pour nous devant la face de Dieu."1 TS 456 1 La fonction quotidienne des sacrificateurs "au-delà du voile" séparant le lieu saint du parvis représentait le sacerdoce exercé par Jésus dès son ascension. Il y plaidait devant son Père les mérites de son sang en faveur des pécheurs et lui présentait, avec le précieux parfum de sa justice, les prières des croyants repentants. C'est là que la foi des disciples suivit Jésus quand il fut dérobé à leur vue. C'est là qu'allait leur espérance, "cette espérance qui, comme une ancre de l'âme, sûre et solide, pénètre au-delà du voile, là où Jésus est entré pour nous comme précurseur, ayant été fait souverain sacrificateur pour toujours". "Etant entré une fois pour toutes dans le sanctuaire, non par l'intermédiaire du sang des boucs et des veaux, mais par celui de son propre sang, ayant trouvé un rachat éternel."1 TS 456 2 Pendant dix-huit siècles, Jésus a exercé son sacerdoce dans la première pièce du sanctuaire; son sang a plaidé en faveur des croyants repentants, assurant leur pardon et leur réconciliation avec le Père. Cependant, leurs péchés subsistaient encore sur les registres du ciel. De même que dans le culte mosaïque l'année se terminait par un acte de propitiation, de même le ministère du Sauveur pour la rédemption des hommes est complété par une oeuvre d'expiation ayant pour but d'éliminer les péchés du sanctuaire céleste. Cette oeuvre commença à la fin des deux mille trois cents jours. A ce moment, selon la prophétie de Daniel, notre souverain sacrificateur entra dans le lieu très saint, où il s'acquitte de la dernière partie de sa mission sacrée: la purification du sanctuaire. TS 456 3 De même qu'anciennement les péchés du peuple étaient placés, par la foi, sur la victime pour le péché, et, par le sang de cette dernière, transférés en image dans le sanctuaire terrestre, ainsi, dans la nouvelle alliance, les péchés de ceux qui se repentent sont placés figurativement par la foi sur le Sauveur, et, littéralement, dans le sanctuaire céleste. Et de même que le sanctuaire terrestre devait être symboliquement purifié par l'enlèvement des péchés qui l'avaient souillé, ainsi il faut que le sanctuaire céleste subisse une purification réelle par l'élimination, par l'effacement des péchés qui y sont inscrits. Mais cela n'est possible que si les registres du ciel ont été préalablement examinés, pour déterminer quels sont les mortels qui, par la foi en Jésus, se sont mis au bénéfice de son expiation. La purification du sanctuaire comporte donc une enquête judiciaire. Or, cette enquête doit précéder la venue du Seigneur, puisqu'il vient "pour rendre à chacun selon ce qu'est son oeuvre".1 TS 457 1 Et voilà comment les adventistes qui marchaient dans la lumière de la parole prophétique comprirent que leur Sauveur, au lieu de descendre du ciel à la fin des deux mille trois cents ans, en 1844, était entré dans le lieu très saint du sanctuaire céleste pour y achever l'oeuvre de propitiation devant préparer sa venue sur la terre. TS 457 2 On vit également que si, d'une part, l'offrande pour le péché figurait le Sauveur comme victime expiatoire, et le souverain sacrificateur comme médiateur, le bouc émissaire, d'autre part, représentait Satan, l'auteur du péché, sur qui les fautes des vrais convertis seront placées. Quand le souverain sacrificateur, en vertu du sang de la victime, enlevait les péchés du sanctuaire, il les plaçait sur le bouc émissaire. De même, quand -- à l'issue de son sacerdoce et en vertu des mérites de son sang -- Jésus éliminera du sanctuaire céleste les péchés de son peuple, il les placera sur Satan, qui en portera la pénalité dernière. Le bouc émissaire emmené dans un lieu désert pour ne plus jamais reparaître dans la congrégation d'Israël signifiait que Satan sera à tout jamais banni de la présence de Dieu et de son peuple, et anéanti lors de la destruction finale du péché et des pécheurs. ------------------------Chapitre 24 -- Dans le lieu très saint TS 459 1 La clef de l'énigme de 1844 se trouvait dans le sujet du sanctuaire. L'étude de ce sujet révéla tout un système harmonieux de vérités. On y vit la main de Dieu, lequel avait dirigé le grand mouvement adventiste, éclairant la position et la mission de son peuple, et lui signalant ses devoirs présents. De même que les disciples de Jésus furent heureux de revoir le Seigneur après deux nuits et un jour de douleur et de désespoir, de même la joie des adventistes fut grande. Ils avaient espéré voir leur Sauveur revenir dans sa gloire pour récompenser ses serviteurs, mais leur chagrin le leur ayant fait perdre de vue, ils s'étaient écriés, comme Marie au sépulcre: "On a enlevé le Seigneur, et nous ne savons où on l'a mis!" Ils le retrouvaient maintenant dans le lieu très saint en qualité de souverain sacrificateur compatissant, près d'apparaître comme Roi et comme Libérateur. La lumière émanant du sanctuaire éclairait le passé, le présent et l'avenir. Ils savaient que l'infaillible providence de Dieu les avait conduits. Bien que, comme les premiers disciples, ils n'eussent pas vu la portée du message qui leur avait été confié, celui-ci n'en avait pas moins été exact sous tous les rapports. En le proclamant, ils avaient réalisé les desseins de Dieu et leurs travaux n'avaient pas été vains devant le Seigneur. "Régénérés pour une espérance vivante", ils se réjouissaient d'une "joie ineffable et glorieuse". TS 460 1 La prophétie de Daniel (8:14): "Deux mille trois cents soirs et matins; puis le sanctuaire sera purifié", et le message du premier ange: "Craignez Dieu, et donnez-lui gloire, car l'heure de son jugement est venue", signalaient le ministère de Jésus dans le lieu très saint pour y instruire le jugement, et non pas sa venue pour racheter son peuple et détruire les méchants. L'erreur ne se trouvait pas dans le calcul du temps prophétique, mais dans l'événement attendu à la fin des deux mille trois cents jours. Bien que cette erreur fût la cause du désappointement des croyants, tout ce que la prophétie déclarait et tout ce que les Ecritures promettaient avait été accompli. Au moment même où ils pleuraient leurs espérances déçues, l'événement annoncé par le message se produisait, événement qui devait nécessairement survenir avant que le Seigneur revienne pour récompenser ses serviteurs. TS 460 2 Jésus était venu, non sur la terre, comme ils s'y étaient attendus, mais dans le lieu très saint du sanctuaire céleste, comme le rite l'avait annoncé. Le prophète Daniel nous le montre se dirigeant, à ce moment même, vers l'ancien des jours: "Je regardais, dit-il, pendant mes visions nocturnes, et voici, sur les nuées des cieux arriva quelqu'un de semblable à un fils de l'homme; il s'avança vers l'ancien des jours [et non pas vers la terre], et on le fit approcher de lui."1 TS 460 3 Cette venue est aussi prédite par le prophète Malachie: "Et soudain entrera dans son temple le Seigneur que vous cherchez; et le messager de l'alliance que vous désirez".1 L'entrée du Seigneur dans son temple fut, pour son peuple, soudaine et inattendue. Ce n'était pas là qu'on l'attendait. On l'attendait sur la terre "au milieu d'une flamme de feu, pour punir ceux qui ne connaissent pas Dieu et ceux qui n'obéissent pas à l'Evangile de notre Seigneur Jésus."2 TS 461 1 Mais le peuple de Dieu n'était pas encore prêt à aller à la rencontre de son Seigneur. Une oeuvre préparatoire restait à faire. Des lumières nouvelles allaient attirer son attention sur le temple de Dieu qui est dans le ciel; de nouveaux devoirs allaient se présenter aux fidèles qui suivraient leur souverain sacrificateur dans ses nouvelles fonctions. L'Eglise devait recevoir un nouveau message d'avertissement et d'instruction. TS 461 2 Le prophète avait dit: "Qui pourra soutenir le jour de sa venue? Qui restera debout quand il paraîtra? Car il sera comme le feu du fondeur, comme la potasse des foulons. Il s'assiéra, fondra, et purifiera l'argent; il purifiera les fils de Lévi, il les épurera comme on épure l'or et l'argent, et ils présenteront à l'Eternel des offrandes avec justice."3 Ceux qui vivront sur la terre quand cessera dans le sanctuaire céleste l'intercession du Seigneur devront subsister sans Médiateur en la présence de Dieu. Leurs robes devront être immaculées, et leur caractère purifié de toute souillure par le sang de l'aspersion. Par la grâce de Dieu et par des efforts persévérants, ils devront être vainqueurs dans leur guerre contre le mal. Pendant que le jugement s'instruit dans le ciel et que les fautes des croyants repentants s'effacent des registres célestes, il faut que, sur la terre, le peuple de Dieu renonce définitivement au péché. Ce fait est plus clairement présenté par les messages du quatorzième chapitre de l'Apocalypse. TS 461 3 Cette oeuvre accomplie, les disciples de Jésus seront prêts pour son retour. "Alors l'offrande de Juda et de Jérusalem sera agréable à l'Eternel, comme aux anciens jours, comme aux années d'autrefois".1 Alors, l'Eglise que le Seigneur viendra chercher à son retour sera "glorieuse, sans tache, ni ride, ni rien de semblable, mais sainte et irrépréhensible."2 Alors elle paraîtra "comme l'aurore, belle comme la lune, pure comme le soleil, mais terrible comme des troupes sous leurs bannières."3 TS 462 1 Outre l'entrée du Seigneur dans son temple, Malachie prédit aussi sa seconde venue pour exécuter le jugement: "Je m'approcherai de vous, pour le jugement, et je me hâterai de témoigner contre les enchanteurs et les adultères, contre ceux qui jurent faussement, contre ceux qui retiennent le salaire du mercenaire, qui oppriment la veuve et l'orphelin, qui font tort à l'étranger, et ne me craignent pas, dit l'Eternel des armées."4 En contemplant la même scène, Jude écrit: "Voici, le Seigneur est venu avec ses saintes myriades, pour exercer un jugement contre tous, et pour faire rendre compte à tous les impies parmi eux de tous les actes d'impiété qu'ils ont commis et de toutes les paroles injurieuses qu'ont proférées contre lui des pécheurs impies."5 Cette venue et celle du Seigneur dans son temple sont deux événements distincts et séparés. TS 462 2 En revanche, la venue du Seigneur en qualité de souverain sacrificateur dans le lieu très saint pour purifier le sanctuaire, mentionnée dans Daniel (8:14), la venue du Fils de l'homme auprès de l'ancien des jours (7:13) et la venue du Seigneur dans son temple, dont parle Malachie, sont autant de descriptions du même événement; à quoi il faut ajouter l'arrivée de l'époux mentionnée dans la parabole des dix vierges. TS 462 3 Pendant l'été et l'automne de 1844, on entendit proclamer: "Voici l'époux!" Alors se formèrent les deux catégories de croyants représentés par les vierges sages et les vierges folles: les uns, attendant avec joie le retour du Seigneur, s'étaient soigneusement préparés à le rencontrer; les autres, poussés par la peur, mais dépourvus de la grâce de Dieu, s'étaient contentés de la théorie de la vérité. Dans la parabole, quand l'époux vint, "celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle des noces". Cette venue de l'époux a lieu avant les noces, qui représentent le moment où Jésus entre en possession du royaume. La sainte cité, la nouvelle Jérusalem, qui est la capitale du royaume, est appelée "l'épouse, la femme de l'agneau". L'ange dit à Jean: "Viens, je te montrerai l'épouse, la femme de l'agneau. Et il me transporta en esprit, dit le prophète, sur une grande et haute montagne. Et il me montra la ville sainte, Jérusalem, qui descendait du ciel d'auprès de Dieu."1 Il est donc évident que l'épouse représente la sainte cité, et que les vierges allant à la rencontre de l'époux symbolisent l'Eglise. Dans l'Apocalypse, les serviteurs de Dieu sont les invités au souper.2 Etant les invités, ils ne sauraient être aussi l'épouse. Jésus-Christ doit, selon le prophète Daniel, recevoir dans les cieux, de la main du Père, "la domination, la gloire et le règne". Il reçoit la nouvelle Jérusalem, la capitale de son royaume, "préparée comme une épouse qui s'est parée pour son époux."3 Mis en possession de son royaume, Jésus viendra comme Roi des rois et Seigneur des seigneurs, pour chercher son peuple, et le faire asseoir "à table avec Abraham, Isaac et Jacob", dans son royaume, pour participer au souper des noces de l'agneau.4 TS 463 1 La proclamation: "Voici l'époux!" qui retentit durant l'été de 1844, porta des milliers de personnes à attendre le retour immédiat du Seigneur. Au temps fixé, l'époux était venu, non sur la terre, comme on l'avait cru, mais dans le ciel, devant l'ancien des jours, au mariage, à la réception de son royaume. "Celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle des noces, et la porte fut fermée." Les fidèles ne devaient pas assister personnellement au mariage, qui a lieu dans le ciel, tandis que les croyants sont sur la terre. Les serviteurs doivent "attendre que leur Maître revienne des noces".1 Mais il faut qu'ils comprennent sa mission et qu'ils le suivent par la foi quand il se présente devant le Père. C'est dans ce sens que les vierges entrent avec l'époux dans la salle des noces. TS 464 1 Dans la parabole, ce sont celles qui avaient de l'huile dans des vases, avec leurs lampes, qui entrèrent dans la salle du festin. Ceux qui, en 1844, possédaient, outre la connaissance de la vérité scripturaire, l'Esprit et la grâce de Dieu, et qui, dans les ténèbres de leur amer désappointement, avaient patiemment attendu, étudiant la Parole pour obtenir un supplément de lumières, trouvèrent la vérité concernant le sanctuaire céleste et le changement de fonctions du Sauveur. Par la foi, ils le suivirent dans le sanctuaire. De même, tous ceux qui acceptent ces vérités sur le témoignage des Ecritures, qui suivent Jésus par la foi, alors qu'il se présente devant Dieu pour son oeuvre ultime de médiation à l'issue de laquelle il entre en possession de son royaume -- tous ceux-là sont représentés comme entrant dans la salle des noces. TS 464 2 Au chapitre 22 de saint Matthieu, où l'on retrouve l'image d'un mariage, on voit clairement que l'instruction du jugement précède les noces. Avant la cérémonie, le roi entre dans la salle et examine les invités2 pour voir si tous ont revêtu l'habit de noces, la robe immaculée qui représente un caractère purifié dans le sang de l'agneau.3 Quiconque ne porte pas cet habit est jeté dehors; mais ceux qui en sont trouvés revêtus sont acceptés et jugés dignes de participer au royaume de Dieu et d'occuper une place sur le trône de l'agneau. Cet examen des caractères, ce choix des sujets propres au royaume de Dieu, c'est l'instruction du jugement par laquelle se termine l'oeuvre du sanctuaire céleste. TS 465 1 Quand cette instruction sera terminée, quand tous ceux qui, au cours des âges, ont professé la foi chrétienne auront été examinés et classés, alors seulement le temps de grâce prendra fin et la porte de la miséricorde se fermera. Cette seule et courte phrase: "Celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle des noces, et la porte fut fermée", nous conduit à travers le ministère final du Sauveur, jusqu'au moment où la grande oeuvre du salut de l'homme sera consommée. TS 465 2 Dans le sanctuaire terrestre qui est, nous l'avons vu, l'image des services du sanctuaire céleste, dès que le souverain sacrificateur entrait dans le lieu très saint, tout travail cessait dans le lieu saint. Dieu avait dit: "Il n'y aura personne dans la tente d'assignation lorsqu'il entrera pour faire l'expiation dans le sanctuaire, jusqu'à ce qu'il en sorte."1 De la même manière, Jésus, en entrant dans le lieu très saint pour y achever son oeuvre, a mis fin aux services du lieu saint, tout en continuant à plaider devant le Père les mérites de son sang en faveur des pécheurs. TS 465 3 Les adventistes de 1844 ne comprenaient pas ce sujet. Une fois la grande date passée, croyant être arrivés au moment critique où l'oeuvre de Jésus comme intercesseur devant le Père avait pris fin, ils continuèrent de croire que la venue du Seigneur était proche. Il leur semblait voir dans les Ecritures que le temps de grâce devait se terminer peu avant le retour du Seigneur sur les nuées du ciel. Cela leur paraissait prouvé par les passages qui décrivent le temps où l'on cherchera, où l'on frappera, où l'on pleurera, mais en vain, devant la porte de la miséricorde. Et ils étaient à se demander si ce temps n'était pas venu. Ayant averti le monde de l'approche du jugement, ils crurent avoir achevé leur oeuvre et se désintéressèrent du salut des pécheurs. Les moqueries blasphématoires des impies étaient pour eux une preuve de plus que l'Esprit de Dieu avait abandonné les contempteurs de sa miséricorde. Tout cela les confirmait dans la conviction que le temps de grâce avait pris fin; ou, pour nous servir de leur expression, que la "porte de la miséricorde était fermée". TS 466 1 L'étude de la question du sanctuaire leur apporta des lumières nouvelles. Elle leur apprit qu'ils avaient eu raison de penser qu'un fait important devait se produire à la fin des deux mille trois cents jours, donc en 1844. La porte de la miséricorde par laquelle l'humanité avait eu accès auprès de Dieu pendant dix-huit siècles s'était effectivement fermée, mais une autre s'était ouverte, et le salut était offert aux hommes par l'intercession du Sauveur dans le lieu très saint. Une partie de sa tâche n'avait pris fin que pour faire place à l'autre. Il restait une "porte ouverte" dans le sanctuaire céleste où Jésus intercédait en faveur des pécheurs. TS 466 2 On comprit alors ces paroles de Jésus à son Eglise: "Voici ce que dit le Saint, le Véritable, celui qui a la clef de David, celui qui ouvre, et personne ne fermera, celui qui ferme, et personne n'ouvrira: Je connais tes oeuvres. ... J'ai mis devant toi une porte ouverte, que personne ne peut fermer."1 TS 466 3 Ce sont ceux qui, par la foi, suivent le Sauveur dans son oeuvre d'expiation et de médiation en leur faveur qui en seront les bénéficiaires; tandis que ceux qui refusent de s'éclairer sur cette oeuvre n'en retireront aucun profit. Les Juifs qui rejetèrent la lumière donnée lors de la première venue du Seigneur et refusèrent de le recevoir comme Sauveur du monde, ne purent obtenir le pardon en lui. Quand Jésus, à son ascension, entra dans le sanctuaire avec son propre sang pour répandre sur ses disciples les bienfaits de sa médiation, les Juifs, abandonnés à d'épaisses ténèbres, continuèrent leurs offrandes et leurs sacrifices inutiles. La dispensation des types et des ombres était passée. La porte par laquelle les hommes avaient autrefois accédé auprès de Dieu s'était fermée. Les Juifs ayant refusé de l'invoquer de la seule façon par laquelle il fût possible de le trouver, c'est-à-dire par le ministère du sanctuaire céleste, ils perdirent tout rapport avec Dieu. Pour eux, la porte était fermée. Ils ne connaissaient pas Jésus comme le véritable sacrifice et comme l'unique Médiateur auprès de Dieu; ils ne pouvaient donc être admis au bénéfice de sa médiation. TS 467 1 La condition des Juifs non croyants illustre l'état dans lequel se trouvent également les chrétiens insouciants qui restent volontairement dans l'ignorance de l'oeuvre de notre miséricordieux souverain sacrificateur. Dans le service typique, quand le souverain sacrificateur entrait dans le lieu très saint, tout Israël était tenu de s'assembler autour du sanctuaire et de s'humilier devant Dieu de la façon la plus solennelle, pour recevoir le pardon de ses péchés et ne pas être retranché de la congrégation. Combien n'est-il pas plus important, en ce grand jour antitype de la fête des expiations, de comprendre l'oeuvre de notre souverain sacrificateur et de savoir ce qui est requis de nous! TS 467 2 On ne rejette jamais impunément les avertissements du Seigneur. Au temps de Noé, Dieu envoya un message d'avertissement dont dépendait le salut du monde. Les antédiluviens repoussèrent ce message, et l'Esprit de Dieu se retira de cette génération pécheresse, qui périt dans les eaux du déluge. Au temps d'Abraham, la miséricorde cessa de plaider pour les coupables habitants de Sodome qui tous, sauf Lot, sa femme et deux de ses filles, furent consumés par le feu du ciel. Il en fut de même aux jours du Sauveur, qui disait aux Juifs incrédules de sa génération: "Votre maison vous sera laissée déserte!"1 Au sujet des hommes des derniers jours, la Parole inspirée s'exprime comme suit: "Ils n'ont pas reçu l'amour de la vérité pour être sauvés. Aussi Dieu leur envoie une puissance d'égarement, pour qu'ils croient au mensonge, afin que tous ceux qui n'ont pas cru à la vérité, mais qui ont pris plaisir à l'injustice, soient condamnés."1 Parce qu'ils rejettent les enseignements de sa Parole, Dieu leur retire son Esprit et les abandonne aux égarements qu'ils affectionnent. TS 468 1 Malgré tout, Jésus intercède encore en faveur des hommes, et ceux qui cherchent la lumière la trouveront. Ce fait ne fut pas immédiatement compris par les adventistes; mais il leur devint évident dès qu'ils commencèrent à saisir le sens des passages de l'Ecriture relatifs à leur position. TS 468 2 L'échéance de 1844 fut suivie d'une période de crise. Quelques-uns perdirent confiance dans leur ancien calcul des périodes prophétiques et attribuèrent à des influences humaines ou sataniques la puissance qui avait accompagné le mouvement adventiste. Ceux qui persistèrent dans leur foi trouvèrent un immense soulagement en recevant la lumière touchant le sanctuaire céleste. Conservant l'assurance que le Seigneur les avait dirigés, ils attendirent les directions divines et découvrirent que leur souverain sacrificateur était entré dans une nouvelle phase de son ministère; en l'y suivant par la foi, ils comprirent également la mission finale de l'Eglise. Eclairés sur le premier et le second message, ils furent ainsi préparés à recevoir et à communiquer au monde le message du troisième ange, rapporté dans le quatorzième chapitre de l'Apocalypse. ------------------------Chapitre 25 -- La loi de Dieu est immuable TS 469 1 Et le temple de Dieu dans le ciel fut ouvert, et l'arche de son alliance apparut dans son temple."1 L'arche de l'alliance se trouve dans le saint des saints, la seconde pièce du sanctuaire. Dans le ritualisme du sanctuaire terrestre, qui était l'image et l'ombre des choses célestes, cette pièce ne s'ouvrait qu'au grand jour des expiations, pour la purification du sanctuaire. La déclaration concernant l'ouverture du temple de Dieu et la mise en évidence de l'arche de son alliance se rapporte donc à l'ouverture du lieu très saint du sanctuaire céleste en 1844, lorsque Jésus-Christ y entra pour achever son oeuvre expiatoire. Ceux qui, par la foi, avaient suivi leur souverain sacrificateur dans le lieu très saint y découvrirent l'arche de son alliance. En étudiant le sujet du sanctuaire, ils comprirent le changement survenu dans les fonctions sacerdotales du Sauveur, et le contemplèrent, plaidant, devant l'arche de Dieu, les mérites de son sang en faveur des pécheurs. TS 470 1 L'arche du tabernacle terrestre renfermait les deux tables de pierre sur lesquelles étaient gravés les préceptes de la loi de Dieu. Le fait que cette arche était le réceptacle du décalogue lui conférait son caractère sacré. On vient de lire que "le temple de Dieu dans le ciel s'étant ouvert", "l'arche de son alliance apparut dans son temple". C'est donc dans le lieu très saint du sanctuaire céleste que se trouve précieusement conservée la loi que Dieu proclama lui-même au milieu des tonnerres du Sinaï et qu'il écrivit de son doigt sur les tables de pierre. TS 470 2 La loi de Dieu déposée dans le sanctuaire céleste est l'auguste original du code dont les préceptes gravés sur les tables de pierre et reproduits par Moïse dans le Pentateuque étaient une copie conforme. La constatation de ce fait important amena les adventistes à comprendre la nature sacrée et l'immutabilité de la loi divine. Ils virent comme jamais auparavant la portée de ces paroles du Sauveur: "Tant que le ciel et la terre ne passeront point, il ne disparaîtra pas de la loi un seul iota ou un seul trait de lettre, jusqu'à ce que tout soit arrivé."1 Révélation de la volonté de Dieu, transcription de son caractère, la loi de Dieu, en sa qualité de "témoin fidèle qui est dans les cieux", est impérissable. Aucun de ses commandements n'en a été aboli; nul trait de lettre n'en a été effacé. Le psalmiste s'écrie: "A toujours, ô Eternel! ta parole subsiste dans les cieux." "Tous ses commandements sont immuables. Ils sont inébranlables pour toujours, à perpétuité."2 TS 470 3 Au centre même du décalogue se trouve enchâssé le quatrième commandement tel qu'il fut proclamé à l'origine: "Souviens-toi du jour du repos pour le sanctifier. Tu travailleras six jours, et tu feras tout ton ouvrage. Mais le septième jour est le jour du repos de l'Eternel, ton Dieu: tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bétail, ni l'étranger qui est dans tes portes. Car en six jours l'Eternel a fait les cieux, la terre et la mer, et tout ce qui y est contenu, et il s'est reposé le septième jour: c'est pourquoi l'Eternel a béni le jour du repos et l'a sanctifié."1 TS 471 1 Continuant à étudier ainsi la Parole de Dieu, le coeur attendri par son Esprit, ils constatèrent avec surprise qu'ils avaient inconsciemment transgressé ce précepte en méconnaissant le jour de repos du Créateur, et ils se mirent à examiner les raisons qui avaient amené les chrétiens à l'observation du premier jour de la semaine au lieu du jour que Dieu avait sanctifié. Mais ils ne trouvèrent dans les Ecritures aucune trace de l'abolition du quatrième commandement, d'un changement du jour de repos, ou d'un texte prouvant que la bénédiction prononcée sur le septième jour à l'origine lui eût jamais été retirée. Et, comme ils s'étaient honnêtement efforcés de connaître et d'accomplir la volonté de Dieu, s'avouant, avec chagrin, coupables devant la loi de Dieu, mais décidés à rester fidèles à leur Créateur, ils se mirent à sanctifier son jour de repos. TS 471 2 Des efforts nombreux et sérieux furent tentés en vue de les amener à renoncer à cette résolution. Mais ils avaient bien compris que si le sanctuaire terrestre était une image, une ombre du céleste, la loi déposée dans l'arche du terrestre était une copie exacte de celle du céleste. Or, pour eux, l'acceptation de la vérité concernant le sanctuaire céleste entraînait la reconnaissance des droits de la loi de Dieu et l'obligation d'observer le sabbat du quatrième commandement. Cela suscita une opposition acharnée contre l'exposé clair et scripturaire du ministère de Jésus-Christ dans le sanctuaire céleste. On s'efforça de fermer la porte que Dieu avait ouverte, et d'ouvrir celle qu'il avait fermée. Mais "celui qui ouvre, et personne ne fermera, qui ferme, et personne n'ouvrira", avait dit: "J'ai mis devant toi une porte ouverte que personne ne peut fermer."1 Jésus avait ouvert la porte du lieu très saint; par cette porte avait jailli un flot de lumière, et l'on avait compris que le quatrième commandement faisait partie de la loi renfermée dans l'arche sainte. Ce que Dieu avait établi, nul ne pouvait le renverser. TS 472 1 On découvrit ces mêmes vérités au quatorzième chapitre de l'Apocalypse. Les trois messages de ce chapitre constituent un triple avertissement qui doit préparer les habitants de la terre pour la seconde venue du Seigneur.2 La proclamation: "L'heure de son jugement est venue" attire l'attention sur l'oeuvre de Jésus-Christ en faveur du salut de l'homme. Elle révèle une vérité qui doit être proclamée jusqu'à ce que cesse l'intercession du Sauveur et qu'il descende du ciel sur la terre pour chercher son peuple. L'instruction du jugement commencé en 1844 se poursuivra jusqu'à ce que les cas des morts et des vivants aient tous été examinés; elle durera donc jusqu'à la fin du temps de grâce. Pour donner aux hommes la possibilité de subsister devant le Seigneur, le message les invite à "craindre Dieu, à lui donner gloire" et à "adorer celui qui a fait le ciel, et la terre, et la mer, et les sources d'eaux". Le résultat de l'obéissance à ces messages est indiqué en ces termes: "C'est ici la persévérance des saints, qui gardent les commandements de Dieu et la foi de Jésus." En effet, pour oser affronter l'épreuve redoutable du jugement, il faut nécessairement observer la loi de Dieu. L'apôtre Paul dit: "Tous ceux qui ont péché avec la loi seront jugés par la loi ... au jour où ... Dieu jugera par Jésus-Christ les actions secrètes des hommes." Il ajoute que ce sont "ceux qui mettent en pratique la loi qui seront justifiés."3 C'est par la foi seulement que l'on peut observer la loi; car "sans la foi il est impossible d'être agréable à Dieu". L'apôtre sous-entend ici ce qu'il dit ailleurs, quand il déclare: "tout ce qu'on ne fait pas avec foi est un péché."4 TS 473 1 Le premier ange invite le monde à "craindre Dieu, à lui donner gloire", et à l'adorer comme Créateur des cieux et de la terre. Cela équivaut à une exhortation à se conformer à sa loi. Le Sage dit: "Crains Dieu et garde ses commandements; c'est le devoir qui s'impose à tout homme."1 Hors de l'observation de ses commandements, aucun culte ne peut être agréable à Dieu. "L'amour de Dieu consiste à garder ses commandements." "Si quelqu'un détourne l'oreille pour ne pas écouter la loi, sa prière même est une abomination."2 TS 473 2 Le devoir d'adorer Dieu découle de sa qualité de Créateur à qui tous les êtres doivent l'existence. Chaque fois que les Ecritures font valoir les droits de Dieu à être adoré plutôt que les divinités païennes, c'est à sa puissance créatrice qu'elles en appellent. "Tous les dieux des peuples sont des idoles, et l'Eternel a fait les cieux."3 "A qui me comparerez-vous, pour que je lui ressemble? dit le Saint. Levez vos yeux en haut, et regardez! Qui a créé ces choses?" "Ainsi parle l'Eternel, le Créateur des cieux, le seul Dieu, qui a formé la terre, qui l'a faite et qui l'a affermie. ... Je suis l'Eternel, et il n'y en a point d'autre."4 Le psalmiste écrit d'autre part: "Sachez que l'Eternel est Dieu! c'est lui qui nous a faits, et nous lui appartenons." "Fléchissons le genou devant l'Eternel, notre Créateur."5 Et les êtres saints qui adorent Dieu dans le ciel donnent comme suit la raison du culte qu'ils lui rendent: "Tu es digne, notre Seigneur et notre Dieu, de recevoir la gloire et l'honneur et la puissance; car tu as créé toutes choses."6 TS 473 3 Le triple message du quatorzième chapitre de l'Apocalypse, qui invite les hommes à adorer le Créateur, signale comme résultat de son appel la formation d'un peuple qui observe les commandements de Dieu. Or l'un de ces commandements rappelle formellement que Dieu est le Créateur. Le quatrième précepte dit en effet: "Le septième jour est le jour du repos de l'Eternel, ton Dieu. ... Car en six jours l'Eternel a fait les cieux, la terre et la mer, et tout ce qui y est contenu, et il s'est reposé le septième jour: c'est pourquoi l'Eternel a béni le jour du repos et l'a sanctifié."1 Parlant de son jour de repos, le Seigneur ajoute: "Qu'il soit entre moi et vous un signe auquel on connaisse que je suis l'Eternel, votre Dieu."2 Et la raison en est donnée: "Car en six jours l'Eternel a fait les cieux et la terre, et le septième jour il a cessé son oeuvre et il s'est reposé."3 TS 474 1 "Ce qui fait l'importance du sabbat comme mémorial de la création, c'est qu'il rappelle constamment la raison pour laquelle il faut adorer Dieu", à savoir qu'il est le Créateur et que nous sommes ses créatures. "Le sabbat est par conséquent à la base même du culte du vrai Dieu, puisqu'il enseigne cette grande vérité de la façon la plus frappante, ce que ne fait nulle autre institution. La véritable raison d'être du culte rendu à l'Etre suprême, non pas le septième jour seulement, mais constamment, se trouve dans la distinction qui existe entre le Créateur et ses créatures. Jamais ce grand fait ne sera aboli, et jamais il ne sera oublié."4 C'est pour nous le rappeler constamment que Dieu institua le sabbat en Eden, et aussi longtemps que son attribut de Créateur demeurera la raison pour laquelle il faut l'adorer, le jour du repos béni par lui restera son signe et son mémorial. Si ce jour avait été universellement observé, les pensées et les affections des hommes se seraient tournées vers le Créateur comme objet de leur adoration et de leur culte, et jamais on n'aurait entendu parler d'un idolâtre, d'un incrédule ou d'un athée. L'observation du repos de l'Eternel est un signe de fidélité au vrai Dieu, qui a "fait les cieux, la terre et la mer et tout ce qui y est contenu". De ce fait, le message qui ordonne aux hommes d'adorer Dieu et de garder ses commandements les exhortera tout spécialement à observer le quatrième commandement. TS 475 1 En contraste avec ceux qui gardent les commandements de Dieu et qui ont la foi de Jésus, le troisième ange signale une autre classe de gens contre les erreurs desquels il profère ce solennel et terrible avertissement: "Si quelqu'un adore la bête et son image, et reçoit une marque sur son front ou sur sa main, il boira, lui aussi, du vin de la fureur de Dieu, versé sans mélange dans la coupe de sa colère."1 L'intelligence de ce message exige une interprétation correcte des symboles employés. Or, que représentent respectivement la bête, l'image, la marque? TS 475 2 La chaîne prophétique dans laquelle apparaissent ces symboles commence au douzième chapitre de l'Apocalypse, avec le dragon qui tente de supprimer Jésus à sa naissance. Le dragon, nous est-il dit, c'est Satan;2 c'est lui, en effet, qui poussa Hérode à attenter aux jours du Sauveur. Mais l'empire romain, dont le paganisme était la religion officielle, fut le principal instrument de Satan dans sa guerre contre le Christ et son peuple, au cours des premiers siècles de l'ère chrétienne. Il en résulte que si le dragon représente Satan, il représente aussi, à un point de vue secondaire, l'empire romain sous sa forme païenne. TS 475 3 Le treizième chapitre nous donne la description d'un autre animal3 qui "ressemblait à un léopard", auquel "le dragon donna sa puissance, et son trône, et une grande autorité". Comme la plupart des protestants l'ont cru, ce symbole représente la papauté, qui réussit à s'emparer de "la puissance, du trône et de l'autorité" de l'ancien empire romain. Concernant cette bête semblable à un léopard, on lit: "Et il lui fut donné une bouche qui proférait des paroles arrogantes et des blasphèmes. ... Elle ouvrit sa bouche pour proférer des blasphèmes contre Dieu, pour blasphémer son nom, et son tabernacle, et ceux qui habitent dans le ciel. Et il lui fut donné de faire la guerre aux saints, et de les vaincre. Et il lui fut donné autorité sur toute tribu, tout peuple, toute langue, et toute nation." Cette prophétie, dont les termes sont presque identiques à ceux dans lesquels est décrite la onzième corne du septième chapitre de Daniel, désigne indubitablement la papauté. TS 476 1 "Il lui fut donné le pouvoir d'agir pendant quarante-deux mois." Le prophète ajoute: "L'une de ses têtes" fut "comme blessée à mort". Et encore: "Si quelqu'un mène en captivité, il ira en captivité; si quelqu'un tue par l'épée, il faut qu'il soit tué par l'épée." Les quarante-deux mois sont identiques à la période de "un temps, des temps et la moitié d'un temps" -- trois années et demie ou mille deux cent soixante jours -- de Daniel, et pendant lesquels la papauté devait opprimer le peuple de Dieu. Nous l'avons déjà dit dans les chapitres précédents: cette période a commencé avec la suprématie papale en l'an 538 de notre ère et s'est terminée en 1798. C'est alors que le pape fut fait prisonnier par les troupes françaises, et que la papauté reçut une "blessure mortelle". Ainsi s'accomplit cette prophétie: "Si quelqu'un mène en captivité, il ira en captivité."1 TS 476 2 Ici apparaît un symbole nouveau. Le prophète dit: "Puis je vis monter de la terre une autre bête, qui avait deux cornes semblables à celles d'un agneau."2 L'aspect de cette bête et la façon dont elle se révèle indiquent une nation différente des puissances représentées par les autres symboles. Les grands empires qui ont dominé sur le monde ont paru aux yeux du prophète Daniel sous l'image de bêtes de proie montant de la grande mer, sur laquelle soufflaient les quatre vents des cieux.3 Au dix-septième chapitre de l'Apocalypse verset 15, un ange annonce que les eaux représentent "des peuples, des foules, des nations et des langues". Les vents symbolisent la guerre. Les quatre vents des cieux agitant la mer sont l'emblème des guerres cruelles et des révolutions qui portent ces puissances au pouvoir suprême. TS 477 1 Il n'en est pas ainsi de la bête aux cornes semblables à celles d'un agneau, et qui "monte de la terre". Au lieu d'abattre d'autres Etats pour s'établir à leur place, la nation en question doit s'élever sur un territoire jusqu'alors inoccupé, et se développer d'une façon graduelle et pacifique. Elle ne surgit donc point du sein des nombreuses populations de l'Ancien Monde, de cette mer furieuse représentant "des peuples, des foules, des nations et des langues". Il faut la chercher au-delà de l'Atlantique. TS 477 2 Quelle est la nation du Nouveau Monde qui, jeune encore vers 1798, attirait l'attention du monde et présageait un avenir de force et de grandeur? L'application du symbole ne permet pas un instant d'hésitation. Une nation, une seule, remplit les conditions de notre prophétie: les Etats-Unis d'Amérique. A diverses reprises, la pensée et parfois même les termes du prophète ont été employés par des historiens et des orateurs pour décrire la naissance et le développement de cette nation. La bête "montait de la terre". Or, selon les commentateurs, le terme de l'original rendu ici par "monter de la terre" signifierait "croître, sortir du sol comme une plante". En outre, comme on l'a vu, cette nation doit s'établir sur un territoire jusqu'alors inoccupé. Un écrivain estimé, décrivant la naissance des Etats-Unis, parle de "ce peuple qui sort mystérieusement du néant", et de cette "semence silencieuse qui devint un empire".1 En 1850, un journal européen voyait les Etats-Unis comme un empire merveilleux "émergeant... au milieu du silence de la terre, et ajoutant chaque jour à sa puissance et à son orgueil."2 Dans un discours sur les Pères pèlerins, fondateurs de cette nation, Edward Everett disait: "Recherchaient-ils un lieu retiré, inoffensif en raison de son obscurité, et protégé en raison de son éloignement, où la petite église de Leyde pût jouir de la liberté de conscience? Considérez les puissantes régions sur lesquelles, par une conquête pacifique,... ils ont fait flotter la bannière de la croix!"1 TS 478 1 Elle "avait deux cornes semblables à celles d'un agneau". Ces cornes d'agneau symbolisent la jeunesse, l'innocence, la douceur. Elles représentent bien les Etats-Unis au moment où le prophète les voit "monter de la terre", en 1798. Parmi les croyants exilés qui s'enfuirent en Amérique pour se soustraire à l'oppression des rois et à l'intolérance des prêtres, plusieurs étaient déterminés à établir un Etat sur les larges bases de la liberté civile et religieuse. Leurs aspirations ont été consignées dans la Déclaration d'Indépendance, qui proclame cette grande vérité: "tous les hommes sont créés égaux" et possèdent des droits inaliénables "à la vie, à la liberté et à la recherche du bonheur". En outre, la Constitution garantit au peuple le droit de se gouverner lui-même par l'élection de représentants chargés par lui d'élaborer et de faire observer les lois. La liberté religieuse elle aussi a été assurée, chacun étant déclaré libre de servir Dieu selon sa conscience. Le républicanisme et le protestantisme, devenus les principes fondamentaux de cette nation, constituent le secret de sa puissance et de sa prospérité. Les opprimés de toute la chrétienté ont tourné vers ce pays des regards pleins d'espérance. Des millions d'émigrés ont débarqué sur ses rives, et les Etats-Unis ont fini par prendre place parmi les nations les plus puissantes de la terre. TS 478 2 Mais la bête aux cornes d'agneau "parlait comme un dragon. Elle exerçait toute l'autorité de la première bête en sa présence, et elle faisait que la terre et ses habitants adoraient la première bête, dont la blessure mortelle avait été guérie". Elle disait "aux habitants de la terre de faire une image à la bête qui avait la blessure de l'épée et qui vivait".2 TS 479 1 Les cornes semblables à celles d'un agneau et le langage du dragon chez cette bête indiquent une contradiction frappante entre la profession de foi et les actes de la nation qu'elle représente. C'est par ses lois et par ses décisions judiciaires qu'une nation "parle", et c'est par ces mêmes organes que ladite bête démentira les principes libéraux et pacifiques qu'elle a mis à la base de la chose publique. La prédiction disant qu'elle parlera "comme un dragon", et qu'elle exercera "toute l'autorité de la première bête en sa présence", annonce clairement l'apparition d'un esprit d'intolérance et de persécution analogue à l'esprit manifesté par les nations représentées par le dragon et le léopard. Et la déclaration: "Elle faisait que la terre et ses habitants adoraient la première bête" montre que cette nation usera de son autorité pour imposer certaine pratique religieuse qui constituera un hommage rendu à la papauté. TS 479 2 De telles mesures seraient en opposition avec les principes de ce gouvernement et contraires au génie de ses libres institutions comme aussi aux affirmations les plus solennelles de la Déclaration d'Indépendance et de la Constitution. Afin d'éviter tout retour de l'intolérance et de la persécution, les fondateurs de la nation ont veillé avec soin à ce que l'Eglise ne pût jamais s'emparer du pouvoir civil. La Constitution déclare que "le Congrès ne pourra faire aucune loi permettant l'établissement d'une religion d'Etat, ou qui en interdise le libre exercice"; elle ajoute "qu'aucune condition religieuse ne pourra jamais être exigée comme qualification indispensable à l'exercice d'une fonction ou charge publique aux Etats-Unis". Ce n'est qu'en supprimant ces garanties de la liberté nationale que l'autorité civile pourrait imposer des observances religieuses. Or, telle est, d'après le symbole prophétique, l'inconséquence flagrante où tombera cette bête aux cornes d'agneau -- professant être pure, douce, inoffensive, mais parlant comme le dragon. TS 479 3 "Disant aux habitants de la terre de faire une image à la bête." Nous nous trouvons ici en présence d'une forme de gouvernement dont le pouvoir législatif est entre les mains du peuple, ce qui prouve une fois de plus que la prophétie désigne les Etats-Unis. TS 480 1 Mais qu'est-ce que "l'image de la bête", et comment se formera-t-elle? Notons qu'il s'agit d'une image de la première bête érigée par la bête à deux cornes. Pour savoir ce que sera cette image et comment elle se formera, il faut étudier les caractéristiques de la bête elle-même, c'est-à-dire celles de la papauté. TS 480 2 Lorsque la primitive Eglise eut perdu l'Esprit et la puissance de Dieu en abandonnant la simplicité de l'Evangile et en adoptant les rites et les coutumes des païens, elle voulut opprimer les consciences et rechercha pour cela l'appui de l'Etat. Ainsi naquit la papauté, c'est-à-dire une Eglise dominant l'Etat au profit de ses intérêts, et tout spécialement en vue de bannir "l'hérésie". Si les Etats-Unis en viennent un jour à "former une image à la bête", cela signifie que l'élément religieux aura assez d'ascendant sur le gouvernement civil pour se servir de sa puissance. TS 480 3 Or, chaque fois que l'Eglise a pu dominer le pouvoir civil, elle a tenu à réprimer la dissidence. Les églises protestantes qui ont marché sur les traces de Rome en s'unissant au pouvoir séculier ont, elles aussi, manifesté le désir de limiter la liberté de conscience. On en a un exemple caractéristique dans la longue persécution dirigée par l'Eglise anglicane contre les dissidents. Au cours des seizième et dix-septième siècles, des milliers de pasteurs non conformistes ont dû quitter leurs églises, et un grand nombre de personnes, prédicateurs et fidèles, ont été condamnées à des amendes ou ont subi la prison, la torture et le martyre. TS 480 4 C'est l'apostasie qui amena la primitive Eglise à rechercher l'appui du gouvernement et prépara la voie à la papauté, c'est-à-dire à la bête. Saint Paul l'avait dit: "Il faut que l'apostasie soit arrivée auparavant, et qu'on ait vu paraître l'homme du péché."1 Ainsi l'apostasie de l'Eglise préparera la voie à l'image de la bête. TS 481 1 La Parole de Dieu annonce qu'avant le retour du Seigneur, on verra un déclin religieux analogue à celui des premiers siècles. "Dans les derniers jours, il y aura des temps difficiles. Car les hommes seront égoïstes, amis de l'argent, fanfarons, hautains, blasphémateurs, rebelles à leurs parents, ingrats, irréligieux, insensibles, déloyaux, calomniateurs, intempérants, cruels, ennemis des gens de bien, traîtres, emportés, enflés d'orgueil, aimant le plaisir plus que Dieu, ayant l'apparence de la piété, mais reniant ce qui en fait la force."2 "Mais l'Esprit dit expressément que, dans les derniers temps, quelques-uns abandonneront la foi, pour s'attacher à des esprits séducteurs et à des doctrines de démons."3 Satan agira par "toutes sortes de miracles, de signes et de prodiges mensongers, et avec toutes les séductions de l'iniquité". Et tous ceux "qui n'ont pas reçu l'amour de la vérité pour être sauvés" seront abandonnés à une puissance d'égarement, pour qu'ils croient au mensonge."4 Parvenue à ce degré, l'impiété produira les mêmes résultats que dans les premiers siècles. TS 481 2 La grande diversité de croyances parmi les protestants est parfois avancée comme une preuve décisive que jamais rien ne sera tenté en vue de les amener toutes à l'unité de la foi. Mais, depuis quelques années, il existe dans les églises protestantes un courant de plus en plus puissant en faveur d'une fédération basée sur certains articles de foi. Pour assurer cette union, on évite de discuter les sujets sur lesquels tous ne sont pas d'accord, quelle que soit l'importance que la Parole de Dieu y attache. TS 481 3 Dans un sermon prêché en 1846, Charles Beecher disait: "Non seulement le corps pastoral des Eglises évangéliques protestantes est entièrement formé sous la pression écrasante du respect humain. ... On y fléchit le genou devant la puissance de l'apostasie. N'est-ce pas ainsi que les choses allaient à Rome? Ne répétons-nous pas son histoire? Et que verrons-nous bientôt? Un nouveau concile général! Un congrès mondial! Une alliance évangélique et un credo universel!"1 Alors, il ne restera qu'un pas à faire pour parvenir à l'unité: recourir à la force. TS 482 1 Dès que les principales églises protestantes des Etats-Unis s'uniront sur des points de doctrine qui leur sont communs et feront pression sur l'Etat pour l'amener à imposer leurs décrets et à soutenir leurs institutions, l'Amérique protestante sera formée à une image de la hiérarchie romaine et la conséquence inévitable en sera l'application de peines civiles aux délinquants. TS 482 2 La bête à deux cornes "fit que tous, petits et grands, riches et pauvres, libres et esclaves, reçussent une marque sur leur main droite ou sur leur front, et que personne ne pût acheter ni vendre, sans avoir la marque, le nom de la bête ou le nombre de son nom".2 Or, voici la proclamation du troisième ange: "Si quelqu'un adore la bête et son image, et reçoit une marque sur son front ou sur sa main, il boira, lui aussi, du vin de la fureur de Dieu." La "bête" mentionnée dans ce message, et dont le culte est imposé par la bête à deux cornes, c'est la première bête, semblable à un léopard (Apocalypse 13), la papauté. "Quant à l'image de la bête", elle représente le protestantisme apostat qui s'unira avec le pouvoir civil afin d'imposer ses dogmes. TS 482 3 Reste à définir "la marque de la bête". Après nous avoir mis en garde contre l'adoration de la bête et de son image, la prophétie ajoute: "C'est ici la persévérance des saints, qui gardent les commandements de Dieu et la foi de Jésus." Le contraste établi dans ce texte entre ceux qui gardent les commandements de Dieu et ceux qui adorent la bête et son image et en reçoivent la marque, prouve que l'observation de la loi de Dieu, d'une part, et sa violation, d'autre part, différencieront les adorateurs de Dieu de ceux de la bête. TS 483 1 La caractéristique de la bête, et par conséquent celle de son image, c'est la transgression des commandements de Dieu. Le prophète Daniel écrit, au sujet du pouvoir représenté par la petite corne (la papauté): "Il espérera changer les temps et la loi." Et saint Paul donne au pouvoir qui allait chercher à s'élever au-dessus de Dieu les qualificatifs d'"impie" et de "mystère de l'iniquité".1 Ces deux prophéties se complètent. Ce n'est qu'en tentant de changer la loi divine que la papauté peut s'élever au-dessus de Dieu car ceux qui se soumettraient sciemment à la loi ainsi amendée, rendraient des honneurs suprêmes à l'auteur de ce changement. Cet acte d'obéissance aux lois papales serait une marque d'allégeance accordée au pape au détriment de Dieu. TS 483 2 La papauté a effectivement tenté de changer la loi de Dieu. Dans les catéchismes, le second commandement, qui interdit le culte des images, a été supprimé, et le quatrième a été altéré de façon à ordonner, comme jour du repos, l'observation du premier jour de la semaine au lieu du septième. Les théologiens catholiques déclarent que le second commandement a été omis parce qu'il était inutile, vu qu'il est renfermé dans le premier, et affirment que le texte qu'ils nous donnent est la loi telle que Dieu voulait qu'elle fût comprise. Cela ne saurait donc, selon eux, constituer le changement prédit par le prophète, qui parle d'une altération intentionnelle et réelle: "Il espérera changer les temps et la loi." Néanmoins, le changement apporté au quatrième commandement accomplit exactement la prophétie, car la seule autorité sur laquelle on le fait reposer est celle de l'Eglise. En cela, la puissance papale s'élève ouvertement au-dessus de Dieu. TS 484 1 Tandis que les adorateurs de Dieu se distingueront spécialement par leur respect pour le quatrième commandement, signe de la puissance créatrice de Dieu, et témoignage rendu à son droit aux hommages de l'humanité, les adorateurs de la bête se distingueront par leur tentative d'abolir le mémorial du Créateur en vue de glorifier l'institution romaine. C'est d'ailleurs en faveur du dimanche que la papauté a commencé d'affirmer sa prétention de changer la loi de Dieu".1 et qu'elle à eu pour la première fois recours à la puissance du bras séculier. Cependant, les Ecritures ne désignent que le septième jour de la semaine, et jamais le premier, comme "jour du Seigneur". Jésus lui-même a déclaré: "Le Fils de l'homme est seigneur même du sabbat." D'autre part, dans le quatrième commandement, Dieu affirme que "le septième jour est le repos de l'Eternel", et, par la plume d'Esaïe, il l'appelle "mon saint jour."2 TS 484 2 L'assertion, si souvent avancée, que c'est Jésus-Christ qui a changé le sabbat est démentie par ses propres paroles. Dans son sermon sur la montagne, il déclare: "Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes; je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir. Car, je vous le dis en vérité, tant que le ciel et la terre ne passeront point, il ne disparaîtra pas de la loi un seul iota ou un seul trait de lettre, jusqu'à ce que tout soit arrivé. Celui donc qui supprimera l'un de ces plus petits commandements, et qui enseignera aux hommes à faire de même, sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux; mais celui qui les observera, et qui enseignera à les observer, celui-là sera appelé grand dans le royaume des cieux."3 TS 485 1 Les protestants reconnaissent généralement que la Bible ne sanctionne pas le changement du sabbat. On en voit la preuve dans des publications autorisées. L'un de ces ouvrages constate "le silence absolu du Nouveau Testament en ce qui concerne un commandement explicite en faveur du dimanche ou en fait de règlements relatifs à son observation".1 TS 485 2 Un autre écrivain affirme: "Jusqu'à la mort du Sauveur, aucun changement de jour n'avait eu lieu"; et "rien ne prouve que les apôtres aient donné un commandement explicite enjoignant l'abandon du sabbat du septième jour et l'observation du premier jour de la semaine".2 TS 485 3 Les auteurs catholiques admettent d'autre part que le changement du jour du repos est le fait de leur église, et déclarent que les protestants s'inclinent devant son autorité en observant le dimanche. Dans le catéchisme de l'évêque de Montpellier, en réponse à la question: "Quel est le jour qu'il faut observer?" on lit: "Dans l'ancienne loi, on sanctifiait le samedi. Mais l'Eglise, instruite par Jésus-Christ, et conduite par le Saint-Esprit, a changé ce jour en celui du dimanche, en sorte qu'au lieu du dernier jour, on sanctifie le premier."3 TS 485 4 Comme signe de l'autorité de l'Eglise catholique, ses apologistes citent "le fait même du transfert du sabbat au dimanche, fait accepté par les protestants ... qui, en observant le dimanche, reconnaissent que l'Eglise a le pouvoir d'ordonner des fêtes et de les imposer sous peine de péché".4 Le changement du quatrième commandement n'est-il donc pas nécessairement le signe ou la marque de l'autorité de l'Eglise catholique, en d'autres termes, "la marque de la bête"? TS 486 1 Or, l'Eglise catholique n'a pas abandonné ses prétentions à la suprématie, que le monde et les églises protestantes reconnaissent virtuellement en acceptant un jour de repos de sa création et en répudiant le sabbat des Ecritures. Un évêque français affirme que "l'observation du dimanche par les protestants est un hommage rendu, malgré eux, à l'autorité de l'Eglise [catholique]".1 Ils ont beau se réclamer, pour ce changement, de l'autorité de la tradition et des Pères, ils le font au mépris du principe même qui les a séparés de Rome, à savoir que "leur seule et unique règle de foi est l'Ecriture sainte". Rome voit bien qu'ils s'abusent et ferment volontairement les yeux sur des faits évidents. Aussi se réjouit-elle en constatant que l'idée d'une loi du dimanche gagne du terrain, assurée de voir, tôt ou tard, le monde protestant revenir dans son giron. TS 486 2 L'observation du dimanche imposée par des églises protestantes équivaut à l'obligation d'adorer la papauté ou "la bête". En outre, en imposant un acte religieux par l'intermédiaire du pouvoir civil, les églises formeront une "image à la bête"; il s'ensuivra que tout pays protestant qui imposera l'observation du dimanche rendra par là obligatoire l'adoration de la bête et de son image. TS 486 3 Il est vrai que les chrétiens des générations passées ont observé le dimanche, convaincus que c'était le jour du repos prescrit par la Bible. Et il y a actuellement dans toutes les confessions, sans en excepter la communion catholique romaine, de vrais chrétiens qui croient honnêtement que le dimanche est d'institution divine. Dieu agrée leur sincérité et leur fidélité. Mais quand l'observation du dimanche sera imposée par la loi, et que le monde possédera la lumière sur le vrai jour du repos, celui qui, alors, rendra hommage à Rome plutôt qu'à Dieu, adorera la bête de préférence à Dieu, adoptera le "signe" de l'autorité de la bête au lieu de celui de l'autorité divine et obéira aux lois humaines plutôt qu'à la loi de Jéhovah, celui-là recevra la "marque de la bête". TS 487 1 Le plus terrible avertissement jamais adressé à des mortels est celui qui est contenu dans le message du troisième ange. Ce péché est particulièrement odieux puisqu'il attirera sur la tête des transgresseurs la colère de Dieu sans mélange de miséricorde. On ne saurait donc laisser le monde dans les ténèbres sur une question de cette importance. La mise en garde contre ce péché doit parvenir au monde avant que les jugements de Dieu fondent sur lui; chacun devra en connaître les motifs et avoir l'occasion d'y échapper. Or, la prophétie déclare que cette proclamation sera faite par le premier ange "à toute nation, à toute tribu, à toute langue et à tout peuple". L'avertissement du troisième ange, qui fait partie de ce triple message, ne doit pas avoir une publicité moins large. Il sera, dit la prophétie, proclamé d'une voix forte par un ange qui vole au milieu du ciel. Il attirera donc l'attention du monde entier. TS 487 2 Dans ce conflit, toute la chrétienté sera partagée en deux camps: d'une part, ceux qui gardent les commandements de Dieu et ont la foi de Jésus, et, d'autre part, ceux qui adorent la bête et son image et en reçoivent la marque. L'Eglise et l'Etat auront beau unir leur puissance pour contraindre "tous, petits et grands, riches et pauvres, libres et esclaves", à prendre "la marque de la bête",1 le peuple de Dieu ne la recevra pas. Le prophète de Patmos voit "ceux qui avaient vaincu la bête et son image, et le nombre de son nom, debout sur la mer de verre, ayant des harpes de Dieu. Et ils chantent le cantique de Moïse, le serviteur de Dieu, et le cantique de l'agneau".2 ------------------------Chapitre 26 -- Une réforme indispensable TS 489 1 Esaie prédit en ces termes la réforme du jour du repos qui devait s'accomplir dans les derniers jours: "Ainsi parle l'Eternel: Observez ce qui est droit, et pratiquez ce qui est juste; car mon salut ne tardera pas à venir, et ma justice à se manifester. Heureux l'homme qui fait cela et le fils de l'homme qui y demeure ferme, gardant le sabbat, pour ne point le profaner, et veillant sur sa main, pour ne commettre aucun mal!... Les étrangers qui s'attacheront à l'Eternel pour le servir, pour aimer le nom de l'Eternel, pour être ses serviteurs, tous ceux qui garderont le sabbat, pour ne point le profaner, et qui persévéreront dans mon alliance, je les amènerai sur ma montagne sainte, et je les réjouirai dans ma maison de prière."1 TS 489 2 Comme le montre le contexte, cette prophétie appartient à la dispensation chrétienne. "Le Seigneur, l'Eternel parle, lui qui rassemble les exilés d'Israël: Je réunirai d'autres peuples à lui, aux siens déjà rassemblés."2 C'est l'annonce du rassemblement des gentils par l'Evangile. Et c'est sur ceux d'entre eux qui observeront le jour de repos de l'Eternel qu'une bénédiction est prononcée. Ainsi, l'obligation du quatrième commandement va plus loin que l'époque de la crucifixion, de l'ascension et de la résurrection du Christ; elle embrasse le temps où les serviteurs de Dieu annonceront la bonne nouvelle au monde entier. TS 490 1 Par la plume du même prophète, le Seigneur donne cet ordre: "Lie le témoignage et scelle la loi parmi mes disciples!"1 Le sceau de la loi de Dieu se trouve dans le quatrième commandement. Seul entre les dix, il renferme le nom et les titres du Législateur. Il le proclame Créateur des cieux et de la terre, et montre ainsi que Dieu seul a droit à notre soumission et à notre adoration. En dehors de ce précepte, rien dans le décalogue n'indique de quelle autorité la loi émane. Or, la loi divine ayant été privée de son sceau lorsque le sabbat en a été éliminé par l'autorité du pape, les disciples de Jésus sont invités à rétablir ce sceau en rendant au jour de repos du quatrième commandement sa place légitime comme mémorial du Créateur et signe de son autorité. TS 490 2 "A la loi et au témoignage!" Entre les doctrines et les théories contradictoires qui abondent, c'est la loi de Dieu seule qui décide infailliblement. C'est par elle que toutes les opinions, toutes les doctrines et toutes les théories doivent être jugées. "Si l'on ne parle pas ainsi, dit le prophète, il n'y aura point d'aurore pour le peuple."2 TS 490 3 Cet ordre est aussi lancé: "Crie à plein gosier, ne te retiens pas, élève ta voix comme une trompette, et annonce à mon peuple ses iniquités, à la maison de Jacob ses péchés!" Ce n'est pas un monde méchant, c'est celui que Dieu appelle "mon peuple", qui est repris pour ses transgressions. Le Seigneur dit encore: "Tous les jours ils me cherchent, ils veulent connaître mes voies; comme une nation qui aurait pratiqué la justice, et n'aurait pas abandonné la loi de son Dieu."1 Il s'agit de personnes qui se croient justes et qui semblent s'intéresser vivement au service de Dieu, mais la censure sévère et solennelle de celui qui sonde les coeurs leur apprend qu'elles foulent aux pieds ses divins préceptes. TS 491 1 Et le prophète précise comme suit le commandement qui a été abandonné: "Les tiens rebâtiront sur d'anciennes ruines; tu relèveras des fondements antiques; on t'appellera réparateur des brèches, celui qui restaure les chemins, qui rend le pays habitable. Si tu retiens ton pied pendant le sabbat, pour ne pas faire ta volonté en mon saint jour, si tu fais du sabbat tes délices, pour sanctifier l'Eternel en le glorifiant, et si tu l'honores en ne suivant point tes voies, en ne te livrant pas à tes penchants et à de vains discours, alors tu mettras ton plaisir en l'Eternel."2 Cette prophétie s'applique aussi à notre temps. Une brèche a été faite à la loi de Dieu quand Rome a changé le jour du repos. Mais le temps de la restauration de cette institution divine est maintenant venu. Il faut que la brèche soit réparée et que les fondements antiques soient relevés. TS 491 2 Sanctifié par l'exemple et la bénédiction du Créateur, le sabbat, septième jour de la semaine, a été observé, en Eden, par Adam et Eve dans leur état d'innocence; puis par Adam déchu, mais repentant, lorsqu'il fut chassé du paradis. Il a été observé par tous les patriarches, depuis Abel jusqu'à Noé, le juste, et le fut au temps d'Abraham et de Jacob. Au cours de la captivité en Egypte, un grand nombre de membres du peuple élu perdirent la connaissance de la loi de Dieu au milieu de l'idolâtrie générale. Puis, lors de la délivrance d'Israël, pour lui faire connaître sa volonté immuable et le porter à lui obéir à toujours, Dieu proclama sa loi devant la multitude réunie au pied du Sinaï, au milieu de scènes d'une impressionnante grandeur. TS 492 1 Depuis ce temps-là jusqu'à maintenant, la loi de Dieu et le quatrième commandement ont été connus, conservés et observés sur la terre. Bien que l'"homme de péché" ait réussi à fouler aux pieds le jour choisi de Dieu, il a toujours été honoré, même dans les jours les plus sombres, par des âmes fidèles qui vivaient à l'écart du monde. Depuis la Réforme, chaque génération a connu des observateurs du septième jour. En dépit des moqueries et de la persécution, un témoignage constant a été rendu à la perpétuité de la loi de Dieu et à l'obligation sacrée du jour de repos de la création. TS 492 2 Ces vérités, telles qu'elles sont présentées dans le quatorzième chapitre de l'Apocalypse v. 6-12 en rapport avec "l'Evangile éternel", caractériseront l'Eglise de Jésus-Christ au moment de son retour. Voici, en effet, le résultat de la proclamation du triple message: "C'est ici la persévérance de ceux qui gardent les commandements de Dieu et la foi de Jésus." Or, ce message est le dernier qui sera donné au monde avant le retour du Christ. Aussitôt après la proclamation de ce message, le prophète voit le Fils de l'homme venir dans la gloire pour recueillir la moisson de la terre. TS 492 3 Les fidèles qui accueillaient la lumière sur le sanctuaire et l'inviolabilité de la loi de Dieu furent remplis d'admiration et de joie en voyant la beauté et l'harmonie de ces vérités. Impatients de faire part au monde chrétien de leurs précieuses lumières, ils s'imaginaient qu'ils seraient reçus avec enthousiasme. Mais ces vérités, qui les eussent mis en désaccord avec la société, furent mal accueillies par un grand nombre de ceux qui se disaient disciples du Christ. L'obéissance au quatrième commandement exigeait un sacrifice que la majorité n'était pas disposée à consentir. TS 492 4 En entendant présenter les droits du septième jour, plusieurs raisonnaient de la façon suivante: "Nous avons toujours, de même que nos pères, observé le dimanche; un grand nombre d'hommes excellents et renommés pour leur piété l'ont aussi observé et sont morts en paix. S'ils étaient dans la bonne voie, nous y sommes aussi. L'observation de ce nouveau jour de repos nous brouillerait avec le monde et nous priverait de toute influence sur notre entourage. Que peut faire un petit groupe d'observateurs du septième jour contre tout un monde d'observateurs du dimanche?" C'est par des arguments du même genre que les Juifs tentaient de justifier leur rejet de Jésus. Leurs pères avaient été bénis de Dieu en offrant leurs sacrifices; pourquoi leurs enfants n'obtiendraient-ils pas le salut de la même manière? Au temps de Luther, de même, les papistes disaient que de vrais chrétiens étaient morts dans la foi catholique, et que, par conséquent, leur religion était suffisante pour assurer le salut. Un tel raisonnement aboutit à la suppression de tout progrès dans la foi et la vie religieuse. TS 493 1 Plusieurs avançaient que l'observation du dimanche était une doctrine et un usage séculaires et universels de l'Eglise. On leur répondait en démontrant que le sabbat et son observation sont plus anciens et plus universels encore, puisqu'ils sont aussi vieux que le monde, et possèdent la sanction des anges et du Créateur. C'est, en effet, quand les fondements de la terre furent posés, alors que les étoiles du matin entonnaient des chants d'allégresse et que les fils de Dieu poussaient des acclamations, que furent jetées les bases du jour du repos.1 Cette institution, qui ne se réclame d'aucune tradition, d'aucune autorité humaine, qui fut établie par l'ancien des jours et consacrée par sa Parole éternelle, a certainement des droits à notre vénération. TS 493 2 Lorsque la réforme du jour du repos fut publiquement présentée, des pasteurs en renom s'efforcèrent de calmer les consciences inquiètes en tordant le sens des Ecritures. Et ceux qui ne sondaient pas le saint Livre pour eux-mêmes acceptèrent volontiers des conclusions conformes à leurs désirs. On tenta de réfuter la vérité par des arguments, par des sophismes, par les traditions des Pères et l'autorité de l'Eglise. Pour soutenir la validité du quatrième commandement, ses défenseurs sondèrent leur Bible avec un zèle accru. Munis de cette seule arme, d'humbles hommes résistèrent à des savants qui constatèrent, surpris et irrités, l'impuissance de leurs éloquents sophismes contre le raisonnement simple et direct de gens versés dans les Ecritures plutôt que dans les subtilités de l'Ecole. TS 494 1 En l'absence de tout témoignage biblique en leur faveur, plusieurs -- oubliant que le même raisonnement avait été employé contre Jésus et ses apôtres -- répétaient avec une inlassable persévérance: "Pourquoi nos hommes éminents ne comprennent-ils pas cette question du sabbat? Vous n'êtes qu'une poignée; il est impossible que vous ayez raison et que tous les savants du monde aient tort." TS 494 2 Pour réfuter de tels arguments, il suffisait de citer l'enseignement des Ecritures et l'histoire des voies de Dieu envers son peuple au travers des siècles. Dieu opère par ceux qui l'écoutent, qui lui obéissent et qui sont disposés, s'il le faut, à faire entendre des vérités importunes et à dénoncer les péchés populaires. La raison pour laquelle Dieu ne se sert pas plus souvent de savants et d'hommes haut placés pour diriger des mouvements de réforme, c'est qu'ils mettent leur confiance dans leurs credo, leurs théories et leurs systèmes théologiques, et qu'ils n'éprouvent pas le besoin de se laisser enseigner d'en haut. Seuls ceux qui sont en rapport avec la Source de la sagesse peuvent comprendre et expliquer les Ecritures. Lorsque des hommes peu versés dans la science des écoles sont appelés à annoncer la vérité, ce n'est pas parce qu'ils sont ignorants, mais parce qu'ils ne sont pas remplis d'eux-mêmes et ne refusent pas de se laisser enseigner de Dieu. Disciples à l'école du Christ, ils sont grandis par leur humilité et leur obéissance. En leur confiant la connaissance de la vérité, Dieu leur confère une dignité en présence de laquelle pâlissent les honneurs terrestres et la grandeur humaine. TS 494 3 La majorité des adventistes repoussa la vérité concernant le sanctuaire et la loi de Dieu. Beaucoup d'entre eux abandonnèrent aussi leur foi au mouvement adventiste et adoptèrent des vues illogiques et contradictoires touchant les prophéties et le mouvement lui-même. D'aucuns tombèrent dans la manie de fixer pour le retour du Christ des dates successives. La lumière qui brillait alors sur le sujet du sanctuaire leur aurait montré qu'aucune période prophétique n'atteint le retour du Seigneur, le temps exact de cet événement n'ayant pas été prédit. S'étant détournés de la lumière, ils s'évertuèrent, à plusieurs reprises, à en fixer la date, mais ils essuyèrent chaque fois un nouveau désappointement. TS 495 1 Aux Thessaloniciens, qui avaient reçu des théories erronées touchant le retour du Seigneur, l'apôtre Paul conseilla judicieusement de soumettre leurs espérances et leurs désirs à la critique de la Parole de Dieu. En leur citant les prophéties annonçant les événements devant précéder le retour de Jésus, il leur montra qu'ils n'avaient aucune raison de l'attendre de leur temps. "Que personne ne vous séduise d'aucune manière": tel fut son avertissement. En adoptant des vues non fondées sur les Ecritures, ils couraient le danger de faire fausse route, leurs désillusions les exposeraient à la risée des impies, et ils risquaient de se laisser aller au découragement au point de douter des vérités essentielles à leur salut. Cette exhortation de l'apôtre aux Thessaloniciens renfermait un enseignement important pour les derniers jours. Beaucoup d'adventistes prétendaient que s'ils ne faisaient reposer leur foi sur une date précise marquant le retour du Seigneur, ils ne pouvaient pas s'y préparer avec zèle et ferveur. Mais les démentis successifs infligés à leurs calculs eurent pour effet d'ébranler leur foi au point qu'il devint presque impossible de les intéresser aux grands faits de la prophétie. TS 495 2 L'annonce de la date précise de l'heure du jugement lors de la proclamation du premier message avait été voulue de Dieu. Le calcul des périodes prophétiques sur lequel ce message était basé, fixant la fin des deux mille trois cents jours à l'automne de 1844, était inattaquable. Les tentatives réitérées faites en vue de découvrir de nouvelles dates, et les raisonnements illogiques sur lesquels ces théories reposaient, ne faisaient pas qu'éloigner les esprits de la vérité présente, ils jetaient en outre le discrédit sur la proclamation de ce message. Plus se multiplient et se généralisent les tentatives de fixer le temps précis du retour du Christ, mieux cela répond aux desseins de Satan. Dès qu'une date est passée, le Malin couvre de ridicule et de mépris ses propagateurs, et jette le discrédit sur le grand mouvement de 1843-1844. Ceux qui s'obstinent dans cette erreur finiront par fixer une date trop éloignée, et, bercés dans une fausse sécurité, ils ne se réveilleront que lorsqu'il sera trop tard. TS 496 1 L'histoire de l'ancien Israël est une image frappante de celle des adventistes. Dieu avait conduit ces derniers tout comme il avait conduit son peuple hors d'Egypte. Dans le grand désappointement, leur foi avait été éprouvée comme l'avait été celle des Israélites à la mer Rouge. S'ils avaient continué de mettre leur confiance en celui qui les avait conduits, ils auraient vu le salut de Dieu. Si tous ceux qui travaillèrent d'un commun accord à l'oeuvre en 1844 avaient reçu le message du troisième ange et l'avaient proclamé par la vertu du Saint-Esprit, le Seigneur aurait, par eux, opéré avec puissance. Un flot de lumière se serait répandu sur le monde, les habitants de la terre auraient reçu l'avertissement, l'oeuvre se serait achevée, et il y a des années que le Seigneur serait venu pour introduire les siens dans la gloire. TS 496 2 Dieu ne désirait pas que les Israélites errassent quarante ans dans le désert; il voulait les conduire directement au pays de Canaan et les y voir saints et heureux. Mais "ils ne purent y entrer à cause de leur incrédulité".1 Leurs murmures et leurs apostasies les firent tomber dans le désert, et une autre génération fut suscitée pour posséder le pays promis. Dieu ne désirait pas non plus que le retour de Jésus tardât si longtemps, et que ses enfants demeurassent tant d'années dans un monde de douleur et de larmes. Mais leur incrédulité les a séparés de Dieu. Ayant refusé d'accomplir la tâche qu'il leur avait assignée, ils ont été remplacés par d'autres. C'est par miséricorde envers le monde que Jésus retarde sa venue, afin de donner aux pécheurs l'occasion d'entendre l'avertissement, et de trouver en lui un abri au jour de la colère de Dieu. TS 497 1 Aujourd'hui, comme dans les siècles précédents, le message dénonçant les péchés et les erreurs de notre époque suscitera de l'opposition. "Quiconque fait le mal hait la lumière, et ne vient point à la lumière, de peur que ses oeuvres ne soient dévoilées."1 Devant l'impossibilité de défendre leurs positions par les Ecritures, et décidés à s'y maintenir en dépit de tout, les adversaires attaquent la réputation et les mobiles de ceux qui plaident la cause d'une vérité impopulaire. Cette tactique a servi dans tous les siècles. Elie fut accusé de troubler Israël, Jérémie, de le trahir et Paul, d'avoir souillé le temple. En tout temps, ceux qui ont voulu soutenir la vérité ont été dénoncés comme séditieux, hérétiques et schismatiques. Des foules, trop peu croyantes pour accepter la "parole certaine" des prophètes, recevront avec une crédulité aveugle une accusation contre ceux qui osent dénoncer des péchés à la mode. Cet esprit se manifestera de plus en plus. Les Ecritures annoncent clairement que le jour viendra où les lois civiles seront si contraires à la loi de Dieu que celui qui voudra obéir aux préceptes divins devra braver l'opprobre et les châtiments réservés aux malfaiteurs. TS 497 2 En face de cette situation, que doit faire le messager de la vérité? Doit-il la taire, puisqu'elle ne fait que pousser les gens à l'éluder ou à la nier? Nullement. Il n'a pas plus de raisons de la cacher que n'en ont eu les anciens réformateurs. L'histoire des saints et des martyrs a été conservée au profit des générations futures. Ces vivants exemples de sainteté et de fermeté inébranlable nous sont parvenus pour encourager ceux qui sont maintenant à la brèche. Ce n'est pas pour eux seulement qu'ils ont reçu la grâce et la vérité, mais afin d'en illuminer la terre. Si Dieu a confié des lumières à ses serviteurs, c'est pour qu'ils les fassent briller sur le monde. TS 498 1 Le Seigneur disait autrefois à l'un de ses porte-parole: "La maison d'Israël ne voudra pas t'écouter, parce qu'elle ne veut pas m'écouter." Néanmoins, "tu leur diras mes paroles, qu'ils écoutent ou qu'ils n'écoutent pas".1 Au serviteur de Dieu en notre temps est donné cet ordre: "Crie à plein gosier, ne te retiens pas, élève ta voix comme une trompette, et annonce à mon peuple ses iniquités, à la maison de Jacob ses péchés." TS 498 2 Dans la mesure des moyens qui lui ont été confiés, quiconque a reçu la lumière de la vérité est sous la même responsabilité solennelle et redoutable que le prophète d'Israël auquel le Seigneur disait: "Fils de l'homme, je t'ai établi comme sentinelle sur la maison d'Israël. Tu dois écouter la parole qui sort de ma bouche, et les avertir de ma part. Quand je dis au méchant: Méchant, tu mourras! si tu ne parles pas pour détourner le méchant de sa voie, ce méchant mourra dans son iniquité, et je te redemanderai son sang. Mais si tu avertis le méchant pour le détourner de sa voie, et qu'il ne s'en détourne pas, il mourra dans son iniquité; et toi tu sauveras ton âme."2 TS 498 3 Le grand obstacle qui empêche la proclamation et la réception de la vérité, c'est qu'elle suscite l'opprobre et la persécution. C'est là le seul argument contre la vérité que ses champions n'aient jamais pu réfuter. Mais ce fait ne rebute pas le vrai disciple de Jésus-Christ. Il n'attend pas que la vérité devienne populaire pour la défendre. Convaincu de son devoir, il en accepte délibérément les inconvénients, estimant, après l'apôtre des gentils, que "nos légères afflictions du moment présent produisent pour nous, au-delà de toute mesure, un poids éternel de gloire";1 il considère avec un ancien prophète "l'opprobre de Christ comme une richesse plus grande que les trésors de l'Egypte".2 TS 499 1 Quelle que soit leur profession de foi, ceux qui, dans les choses religieuses, se laissent diriger par la prudence plutôt que par des principes, ne sont que des opportunistes. Il faut faire le bien parce que c'est le bien, et laisser à Dieu le soin des conséquences. Le monde est redevable de toutes ses grandes réformes à des hommes de principe, de foi et de courage; c'est par de tels hommes que celle de notre temps doit être menée à bien. TS 499 2 Voici ce que le Seigneur dit à ses serviteurs: "Ecoutez-moi, vous qui connaissez la justice, peuple, qui as ma loi dans ton coeur! Ne craignez pas l'opprobre des hommes, et ne tremblez pas devant leurs outrages. Car la teigne les dévorera comme un vêtement, et la gerce les rongera comme de la laine; mais ma justice durera éternellement, et mon salut s'étendra d'âge en âge."3 ------------------------Chapitre 27 -- Réveils modernes TS 501 1 Partout où la Parole de Dieu a été fidèlement annoncée, les résultats en ont attesté la divine origine. L'Esprit de Dieu a accompagné ses serviteurs, revêtu leur parole de puissance et réveillé la conscience des pécheurs. La "lumière qui, en venant dans le monde, éclaire tout homme", a illuminé les replis les plus secrets de leur âme, et ce qui était caché dans les ténèbres a été mis en pleine lumière. Un sentiment profond de leur culpabilité s'est emparé de leur esprit et de leur coeur. Ils ont été convaincus "en ce qui concerne le péché, la justice et le jugement" à venir. Un sentiment très vif de la justice de Jéhovah les a saisis, et, terrifiés à la pensée de paraître devant celui qui sonde les coeurs, ils se sont écriés: "Qui me délivrera?" Aussi, quand la croix du Calvaire, sacrifice infini consenti par Dieu lui-même pour sauver le pécheur, s'est présentée à leurs regards, ils ont compris que seuls les mérites de Jésus-Christ pouvaient expier leurs transgressions et les réconcilier avec Dieu. Humbles et croyants, ils ont accepté "l'agneau de Dieu qui ôte les péchés du monde", et dont le sang leur a obtenu la "rémission". TS 502 1 Ces convertis-là produisaient des "fruits dignes de la repentance". Ils croyaient, ils étaient baptisés, et ils se relevaient pour marcher "en nouveauté de vie". Devenus de "nouvelles créatures" en Jésus-Christ, ils ne "marchaient" plus selon les "convoitises d'autrefois", mais suivaient par la foi l'empreinte des pas du Fils de Dieu, reproduisant son caractère et se "purifiant comme lui-même est pur". Ils aimaient désormais les choses qu'ils haïssaient autrefois, et haïssaient les choses qu'ils aimaient. L'orgueilleux, le présomptueux, devenait doux et humble de coeur. L'homme vain et altier se montrait sérieux et modeste. Le matérialiste devenait religieux, le buveur, sobre et le débauché, chaste. Les vaines coutumes du monde étaient abandonnées. Les convertis ne s'adonnaient pas à la parure extérieure, aux "ornements d'or ou aux habits qu'on revêt", mais à la parure "intérieure et cachée dans le coeur, à la pureté incorruptible d'un esprit doux et paisible, qui est d'un grand prix devant Dieu".1 TS 502 2 Ces réveils étaient caractérisés par d'humbles et profonds examens de conscience. On y entendait des appels solennels adressés aux pécheurs par des hommes animés d'une compassion profonde envers les êtres pour lesquels Jésus a versé son sang. Des hommes et des femmes imploraient, par d'ardentes prières d'intercession, le salut des pécheurs. Ces réveils engendraient des âmes qui, loin de reculer devant le renoncement et le sacrifice, se réjouissaient d'être jugées dignes d'endurer l'opprobre pour l'amour de Jésus-Christ. On constatait une transformation dans la vie de ces nouveaux croyants. Les milieux où ils vivaient bénéficiaient de leur influence. Ils "rassemblaient avec Jésus-Christ" et "semaient pour l'Esprit", en vue de "récolter pour la vie éternelle". TS 502 3 A eux s'appliquaient ces paroles: "Vous avez été attristés selon Dieu. ... Car la tristesse selon Dieu produit une conversion à salut dont on ne se repent point; mais la tristesse du monde produit la mort. Voyez en effet cette tristesse même selon Dieu que vous avez éprouvée, quel empressement elle a produit en vous! et même quelle apologie, et même quelle indignation, et même quelle crainte, et même quel ardent désir, et même quel zèle, et même quel châtiment!"1 TS 503 1 Tel est le résultat de l'action de l'Esprit de Dieu. Là où il n'y a pas de réforme, il n'y a pas eu de véritable repentir. Si le pécheur rend le gage, restitue ce qu'il a dérobé, confesse ses péchés, et s'il aime le Seigneur et ses semblables, il peut avoir l'assurance d'être en paix avec Dieu. Tels étaient les résultats des anciens réveils. En les jugeant par leurs fruits, on pouvait dire qu'ils étaient bénis de Dieu pour le salut des individus et le relèvement de l'humanité. TS 503 2 Malheureusement, maints réveils modernes présentent un contraste frappant avec les manifestations de la grâce divine qui accompagnaient autrefois les travaux des serviteurs de Dieu. Il est vrai qu'ils font sensation. Bien des gens se disent convertis, et les Eglises enregistrent de nombreuses adhésions. Néanmoins, les faits ne nous autorisent pas à croire qu'il y ait eu une augmentation proportionnelle de véritable vie spirituelle. Ce feu de paille ne tarde pas à s'éteindre et laisse derrière lui des ténèbres plus épaisses qu'auparavant. TS 503 3 Les réveils populaires sont trop souvent produits par des appels à l'imagination, par l'excitation des émotions: ils satisfont le goût du clinquant et de la nouveauté. Les convertis recrutés de cette façon sont peu désireux d'écouter les Ecritures: le témoignage des apôtres et des prophètes les laisse indifférents. Les services religieux qui n'ont rien de sensationnel ne les attirent pas. Les messages qui ne font appel qu'à la raison ne trouvent aucun écho dans leur âme. Les avertissements positifs de la Parole de Dieu qui concernent directement leurs intérêts éternels sont pour eux lettre morte. TS 504 1 Pour toute âme réellement convertie, le grand objet de la vie, c'est la connaissance de Dieu et des choses éternelles. Mais où trouve-t-on, de nos jours, dans les églises en vogue, cet esprit de consécration à Dieu? Les convertis ne se débarrassent ni de leur orgueil ni de leur amour du monde. Ils ne sont pas plus disposés qu'avant leur conversion à renoncer à eux-mêmes, à se charger de la croix du Sauveur et à suivre l'humble et doux Jésus. La puissance de la piété a presque disparu de plusieurs églises; les soirées théâtrales les tombolas, les ventes, la toilette en ont banni la pensée de Dieu. Les terres, les belles villas, les projets et les occupations de cette vie remplissent tellement les coeurs que l'on accorde tout au plus une pensée fugitive à ce qui concerne nos intérêts éternels. Un grand nombre de ceux qui se réclament de la religion en ignorent à tel point les principes qu'elle est devenue la risée des incrédules et des sceptiques. TS 504 2 Malgré le déclin général de la foi et de la piété, il y a encore, dans ces églises, de vrais disciples du Sauveur. Aussi, avant que les jugements de Dieu fondent sur la terre, il y aura au sein de son peuple un réveil de la piété primitive tel qu'on n'en a pas vu depuis les jours des apôtres. Dieu accordera à ses enfants l'Esprit et la puissance d'en haut. Alors, de nombreuses âmes sortiront des églises où l'amour du monde a supplanté l'amour de Dieu et de sa Parole. Beaucoup de pasteurs et de fidèles accepteront joyeusement les vérités que Dieu a fait proclamer en ce temps-ci pour préparer un peuple en vue de la seconde venue du Christ. Pour enrayer cette oeuvre, l'ennemi des âmes en suscite des contrefaçons donnant l'impression que la bénédiction de Dieu est répandue sur les églises qu'il égare. De grands réveils sembleront se produire, et des multitudes attribueront au Seigneur des choses merveilleuses dues à un tout autre esprit. Déguisé sous le manteau de la religion, Satan tentera d'étendre son influence sur le monde chrétien. TS 505 1 L'esprit qui caractérisera les grands mouvements religieux de l'avenir s'est exercé à des degrés divers dans un grand nombre de réveils nés au cours du siècle dernier. Ils font surtout appel au sentiment et on y trouve un mélange de vrai et de faux propre à induire en erreur. Mais la séduction n'est pas inévitable. Il n'est pas difficile, à la lumière de la Parole de Dieu, de déterminer la nature de ces mouvements. On peut être sûr que la bénédiction de Dieu n'est pas là où l'on néglige le témoignage des Ecritures et où l'on se détourne des vérités qui exigent le renoncement et la séparation du monde. Si, en outre, on applique cette règle de Jésus: "Vous les reconnaîtrez à leurs fruits",1 on pourra se convaincre que ces mouvements ne procèdent pas de l'Esprit de Dieu. TS 505 2 Dieu s'est révélé aux hommes par les vérités de sa Parole; quiconque les accepte est à l'abri des séductions de Satan. C'est le fait de les avoir négligées qui a ouvert la porte à tous les maux dont souffre le monde religieux. On a, dans une large mesure, perdu de vue la nature et l'importance de la loi de Dieu. Une fausse conception du caractère et de la perpétuelle obligation de la loi divine a ouvert la voie à des erreurs sur la conversion et la sanctification, et a eu pour conséquence un abaissement du niveau de la piété dans les églises. C'est la raison pour laquelle l'Esprit et la puissance de Dieu sont absents des réveils modernes. TS 505 3 Dans les diverses églises chrétiennes des hommes reconnaissent ce fait et le déplorent. Un professeur signale en termes excellents les périls que court actuellement la religion: "L'une des causes de notre faiblesse, dit-il, c'est que, du haut de la chaire, on ne met pas assez en évidence les droits de la loi divine. Autrefois, nos chaires étaient l'écho de la voix de la conscience. ... Nos prédicateurs les plus éminents, suivant l'exemple du Maître, donnaient à leurs discours une étonnante majesté en mettant en relief la loi, ses préceptes et ses menaces. Leurs deux grandes maximes étaient que la loi est une manifestation des perfections divines, et que celui qui n'aime pas la loi n'aime pas non plus l'Evangile; car la loi, aussi bien que l'Evangile, est un miroir qui réfléchit le vrai caractère de Dieu. Le péril où nous sommes en engendre un autre: celui de ne pas voir la nature odieuse du péché, son étendue, sa culpabilité. Or, l'énormité de la désobéissance est proportionnée à l'excellence du commandement. ... TS 506 1 "Aux dangers mentionnés précédemment s'ajoute celui de ravaler la justice de Dieu. La tendance de la prédication moderne est de filtrer la justice de Dieu au travers de sa bienveillance, et d'abaisser celle-ci au niveau d'un sentiment au lieu de l'élever à la hauteur d'un principe. Le prisme de la nouvelle théologie sépare ce que Dieu a réuni. La loi divine est-elle un bien ou un mal? Elle est un bien. Donc, la justice est un bien, puisqu'elle a pour but la pratique de la loi. Aussi, de l'habitude de sous-estimer la loi et la justice de Dieu, et, par suite, ce que la désobéissance de l'homme a d'odieux, on glisse facilement dans le travers de déprécier la grâce qui découle de l'expiation du péché." Ainsi l'Evangile perd sa valeur et son importance aux yeux des hommes, et, pour peu que l'on fasse un pas de plus, on n'hésitera pas à rejeter pratiquement la Parole de Dieu elle-même. TS 506 2 Maints conducteurs religieux affirment que Jésus, par sa mort, a aboli la loi, et que nous ne sommes, par conséquent, plus tenus de l'observer. Il en est qui la représentent comme un joug irritant et qui opposent au prétendu esclavage de la loi la liberté dont on jouit sous l'Evangile. TS 506 3 Ce n'est pas ainsi que les apôtres et les prophètes envisageaient la sainte loi de Dieu. David déclarait: "Je marcherai au large, car je recherche tes ordonnances."1 L'apôtre Jacques, qui écrivait après la mort du Sauveur, appelle le décalogue "la loi royale", "la loi parfaite, la loi de la liberté";1 et le voyant de Patmos, un demi-siècle après la crucifixion, prononce une bénédiction sur "ceux qui pratiquent ses commandements, afin qu'ils aient droit à l'arbre de la vie et qu'ils entrent par les portes dans la ville."2 TS 507 1 C'est sans raison qu'on a prétendu que, par sa mort, Jésus avait aboli la loi de son Père. S'il avait été possible d'amender ou de supprimer la loi, le Fils de Dieu n'aurait pas eu besoin de mourir pour soustraire l'homme à la pénalité du péché. Loin d'abolir la loi, la mort de Jésus-Christ prouve qu'elle est immuable. Le Fils de Dieu est venu rendre sa "loi grande et magnifique".3 Il déclarait: "Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi. ... Tant que le ciel et la terre ne passeront point, il ne disparaîtra pas de la loi un seul iota ou un seul trait de lettre."4 Et pour ce qui le concerne personnellement, il s'exprime prophétiquement ainsi: "Je veux faire ta volonté, mon Dieu! Et ta loi est au fond de mon coeur."5 TS 507 2 Par sa nature, la loi de Dieu est immuable. Elle est une révélation de la volonté et du caractère de son auteur. Dieu étant amour, sa loi aussi est amour. Ses deux grands principes sont l'amour de Dieu et l'amour du prochain. "L'amour est donc l'accomplissement de la loi".6 Le caractère de Dieu est fait de justice et de vérité; telle est aussi la nature de sa loi. "Ta loi est la vérité", dit le psalmiste; "tous tes commandements sont justes."7 De son côté, l'apôtre Paul déclare: "La loi est sainte, et le commandement est saint, juste et bon."8 Une loi qui est l'expression de la pensée et de la volonté de Dieu doit subsister aussi longtemps que son auteur. TS 507 3 Réconcilier l'homme avec Dieu et avec les principes de la loi divine, telle est l'oeuvre de la conversion et de la sanctification. L'homme créé à l'image de Dieu était en parfaite harmonie avec la nature et la loi du Créateur. Les principes de la justice étaient écrits dans son coeur. Mais le péché l'a séparé de Dieu. Il ne réfléchit plus l'image divine. Il est en guerre avec les saints principes de sa loi. "L'affection de la chair est inimitié contre Dieu, parce qu'elle ne se soumet pas à la loi de Dieu, et qu'elle ne le peut même pas."1 Mais "Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique", afin de "réconcilier l'homme avec lui-même". Par les mérites de Jésus, l'accord a été rétabli entre le Créateur et sa créature; celle-ci, renouvelée par la grâce divine, mise en possession d'une vie nouvelle, est transformée par une "nouvelle naissance" sans laquelle, a dit Jésus, nul "ne peut voir le royaume de Dieu". TS 508 1 Le premier pas vers la réconciliation avec Dieu, c'est la conviction du péché. "Le péché est la transgression de la loi." "C'est par la loi que vient la connaissance du péché."2 Pour voir sa culpabilité, il faut que le pécheur se compare avec la grande règle de la justice divine. C'est un miroir fidèle qui donne l'image d'un caractère parfait, et qui rend le pécheur capable de discerner ses défauts. TS 508 2 Mais si la loi nous révèle nos péchés, elle ne nous en donne pas le remède. Si elle promet la vie à celui qui obéit, elle prononce la peine de mort contre les transgresseurs. Seul l'Evangile peut purifier des souillures du péché. Par la conversion à Dieu, dont il a transgressé la loi, et par la foi au sacrifice expiatoire de Jésus-Christ, l'homme obtient la "rémission des péchés passés" et devient participant de la nature divine. Il est désormais enfant de Dieu, parce qu'il a reçu l'esprit d'adoption par lequel il crie: "Abba, Père!" TS 508 3 A la question: Est-il désormais libre de transgresser la loi? Paul répond: "Anéantissons-nous donc la loi par la foi? Loin de là! Au contraire, nous confirmons la loi." "Nous qui sommes morts au péché, comment vivrions-nous encore dans le péché?" Jean ajoute: "L'amour de Dieu consiste à garder ses commandements. Et ses commandements ne sont pas pénibles."1 Par la nouvelle naissance, le pécheur est mis en harmonie avec Dieu et avec sa loi. Dès que ce changement s'est produit, l'homme est passé de la mort à la vie, du péché à la sainteté, de la transgression et de la révolte à l'obéissance et à la fidélité. L'ancienne vie d'inimitié contre Dieu n'est plus. Il est entré dans une vie nouvelle de réconciliation, de foi et d'amour. Alors, "la justice de la loi" est "accomplie en nous, qui marchons, non selon la chair, mais selon l'esprit."2 Et le croyant s'écrie du fond du coeur: "Combien j'aime ta loi! Elle est tout le jour l'objet de ma méditation."3 TS 509 1 "La loi de l'Eternel est parfaite, elle restaure l'âme."4 Sans la loi, on n'a aucune idée de la pureté et de la sainteté de Dieu, ni de sa propre culpabilité et de sa misère. On n'a aucune conviction réelle du péché, et on n'éprouve aucun besoin de s'amender. Ne se sentant pas perdu par ses transgressions de la loi divine, on ne voit pas la nécessité du sang expiatoire du Sauveur. On accepte l'espérance du salut sans changement radical du coeur et sans réforme de la vie. C'est ainsi que les conversions superficielles se multiplient et que des multitudes entrent dans l'Eglise sans être réellement unies au Sauveur. TS 509 2 Des théories erronées touchant la sanctification jouent un grand rôle dans les mouvements religieux de notre époque. Ces théories, non seulement fausses mais dangereuses, trouvent un accueil empressé, ce qui nous impose le devoir de faire comprendre à tous l'enseignement des Ecritures à ce sujet. TS 509 3 La véritable sanctification est une doctrine biblique. L'apôtre Paul écrit aux Thessaloniciens: "Ce que Dieu veut, c'est votre sanctification." Il ajoutait: "Que le Dieu de paix vous sanctifie lui-même tout entiers."1 La Bible enseigne clairement en quoi consiste la sanctification, et comment on y parvient. Priant en faveur de ses disciples, le Sauveur disait: "Sanctifie-les par ta vérité: ta parole est la vérité."2 D'autre part, l'apôtre déclarait qu'on est "sanctifié par l'Esprit-Saint."3 Jésus fit à ses disciples, touchant la mission du Saint-Esprit, la déclaration suivante: "Quand le consolateur sera venu, l'Esprit de vérité, il vous conduira dans toute la vérité."4 Cela concordait avec cette affirmation du psalmiste: "Ta loi est la vérité." Ce sont donc à la fois l'Esprit et la Parole de Dieu qui nous révèlent les grands principes de justice contenus dans sa loi. Etant donné que la loi est sainte, juste et bonne, qu'elle est une expression écrite des perfections divines, un caractère formé à l'obéissance à cette loi sera saint. Or, Jésus-Christ a été un exemple parfait de ce caractère. "J'ai gardé les commandements de mon Père", dit-il; "je fais toujours ce qui lui est agréable."5 Ses disciples doivent donc devenir semblables à lui, c'est-à-dire, former, par la grâce de Dieu, des caractères conformes aux principes de sa sainte loi. Telle est la sanctification selon les Ecritures. TS 510 1 Elle n'est possible que par la foi en Jésus-Christ et par la puissance de l'Esprit habitant dans le coeur. L'apôtre Paul adresse aux croyants cette exhortation: "Travaillez à votre salut avec crainte et tremblement; ... car c'est Dieu qui produit en vous le vouloir et le faire, selon son bon plaisir."6 Le chrétien connaît les sollicitations du péché, mais il lui fait constamment la guerre. Et, grâce au secours du Sauveur, la faiblesse humaine s'unit à la puissance divine et le croyant s'écrie: "Grâces soient rendues à Dieu, qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus-Christ!"7 TS 510 2 Les Ecritures montrent clairement que l'oeuvre de la sanctification est progressive. Cette oeuvre ne fait que commencer quand, à sa conversion, l'homme a trouvé la paix par le sang de l'expiation. Désormais, il ne visera à rien de moins qu'à "la perfection"; il voudra atteindre la "mesure de la stature parfaite de Christ". L'apôtre Paul disait: "Je fais une chose: oubliant ce qui est en arrière et me portant vers ce qui est en avant, je cours vers le but, pour remporter le prix de la vocation céleste de Dieu en Jésus-Christ."1 Et les échelons de la sanctification sont énumérés comme suit par l'apôtre Pierre: "Faites tous vos efforts pour joindre à votre foi la vertu, à la vertu la science, à la science la tempérance, à la tempérance la patience, à la patience la piété, à la piété l'amour fraternel, à l'amour fraternel la charité. ... En faisant cela, vous ne broncherez jamais."2 TS 511 1 Ceux qui font l'expérience de la sanctification selon la Parole de Dieu manifestent un esprit d'humilité. Comme Moïse, ils ont eu une vision redoutable; ils ont vu la majesté de Dieu et ont découvert leur indignité par contraste avec la pureté et la perfection de l'Etre infini. TS 511 2 Par sa longue vie entièrement consacrée au service du Maître, le prophète Daniel est un exemple de vraie sanctification. Les anges l'appelaient l' "homme bien-aimé" du ciel.3 Et cependant, loin de se considérer comme pur et saint, ce vénérable prophète, plaidant devant Dieu la cause de son peuple, s'identifiait avec Israël coupable: "Ce n'est pas à cause de notre justice que nous te présentons nos supplications, c'est à cause de tes grandes compassions. ... Nous avons péché, nous avons commis l'iniquité."4 Il ajoutait: "Je confessais mon péché et le péché de mon peuple d'Israël." Et lorsque, à une date ultérieure, le Fils de Dieu lui apparut pour l'instruire, Daniel relata sa réaction en ces termes: "Mon visage changea de couleur et fut décomposé, et je perdis toute vigueur."5 TS 511 3 Quand Job entendit la voix de Dieu du sein de la tempête, il s'écria: "Je me condamne et je me repens sur la poussière et sur la cendre."1 Quand Esaïe eut entrevu la gloire de Dieu et entendu les chérubins répéter: "Saint, saint, saint est l'Eternel des armées!" il s'écria: "Malheur à moi! je suis perdu."2 Paul, bien qu'il eût été ravi au troisième ciel où il entendit "des paroles ineffables qu'il n'est pas permis à un homme d'exprimer", s'estimait "le moindre de tous les saints."3 Jean, le disciple bien-aimé, qui se reposa sur le sein du Seigneur, et qui contempla sa gloire, tomba comme mort aux pieds d'un ange.4 TS 512 1 Ceux qui marchent à l'ombre de la croix du Calvaire ne pourront jamais s'enfler d'orgueil, ni prétendre qu'ils sont exempts de péché. Ils savent que leurs transgressions ont fait souffrir le Fils de Dieu, qu'elles ont brisé son coeur, et cette pensée les maintient dans l'humilité. Ceux qui vivent le plus près de Jésus perçoivent le plus clairement la fragilité et la nature pécheresse de notre nature humaine. Leur seule espérance est dans les mérites d'un Sauveur crucifié et ressuscité. TS 512 2 La sanctification actuellement en vogue dans le monde religieux est imbue d'un esprit d'infatuation et d'un oubli de la loi de Dieu qui la rendent étrangère à la religion des Ecritures. Les propagateurs de cette sanctification enseignent qu'elle est instantanée, qu'elle amène immédiatement, par la foi seule, à la sainteté parfaite. "Croyez seulement, disent-ils, et cette grâce est à vous." Ils donnent à entendre qu'il n'y a pas lieu de faire d'autres efforts. En même temps, ils nient l'autorité de la loi de Dieu, et prétendent que nous sommes dégagés de l'obligation d'observer les commandements. Comme s'il était possible d'être saint, en plein accord avec la volonté et le caractère de Dieu, sans être soumis aux principes qui sont l'expression de sa volonté, et qui révèlent ce qui lui est agréable! TS 512 3 Ce qui a fait la fortune de la doctrine de la foi et de la foi seule, c'est le désir d'une religion qui n'exige ni luttes, ni renoncements, ni séparation d'avec le monde et ses frivolités. Mais que dit la Parole de Dieu? Ecoutons l'apôtre Jacques: "Mes frères, que sert-il à quelqu'un de dire qu'il a la foi, s'il n'a pas les oeuvres? La foi peut-elle le sauver?... Veux-tu savoir, ô homme vain, que la foi sans les oeuvres est inutile? Abraham, notre père, ne fut-il pas justifié par les oeuvres, lorsqu'il offrit son fils Isaac sur l'autel? Tu vois que la foi agissait avec ses oeuvres, et que par les oeuvres la foi fut rendue parfaite. ... Vous voyez que l'homme est justifié par les oeuvres, et non par la foi seulement."1 TS 513 1 Le témoignage de la Parole de Dieu est opposé à cette doctrine séduisante de la foi sans les oeuvres. Se réclamer des faveurs du ciel sans se conformer aux conditions de la grâce, ce n'est pas de la foi, c'est de la présomption, puisque la foi authentique se fonde sur les promesses renfermées dans les Ecritures. TS 513 2 Que nul ne s'abuse par la pensée que la sanctification est compatible avec la violation volontaire des ordres de Dieu. Pécher de propos délibéré, c'est réduire au silence la voix de l'Esprit et se séparer de Dieu. "Le péché est la transgression de la loi." "Quiconque pèche [transgresse la loi] ne l'a pas vu, et ne l'a pas connu."2 L'apôtre Jean qui, dans ses épîtres, insiste beaucoup sur l'amour, n'hésite pas cependant à dévoiler sans merci ceux qui se prétendent saints bien qu'ils transgressent la loi de Dieu. "Celui qui dit: Je l'ai connu, et qui ne garde pas ses commandements, est un menteur, et la vérité n'est point en lui. Mais celui qui garde sa parole, l'amour de Dieu est véritablement parfait en lui."3 Voilà la pierre de touche de toute profession religieuse. Impossible d'attribuer à un homme la sainteté sans la mesurer avec la seule règle de sainteté que Dieu ait donnée tant pour le ciel que pour la terre. Quiconque ne fait aucun cas de la loi morale, se permet de ravaler les préceptes divins, transgresse le moindre des commandements de Dieu et enseigne aux hommes à en faire autant, ne jouit pas de l'estime du Seigneur, et ses prétentions à la sainteté sont sans fondement. TS 514 1 Celui qui se dit sans péché montre par là même qu'il est bien éloigné de la perfection. C'est parce qu'il n'a aucune idée de la pureté et de la sainteté infinies de Dieu et de ce qu'il faut être pour devenir conforme à son caractère; c'est parce qu'il n'a aucune idée de la pureté et de la suprême bonté de Jésus, ainsi que de la malignité du péché, que l'homme peut se considérer comme saint. Plus on est éloigné de Jésus, moins on comprend le caractère et les exigences de Dieu, et plus on est juste à ses propres yeux. TS 514 2 La sanctification telle qu'elle apparaît dans les Ecritures embrasse l'être tout entier: l'esprit, l'âme et le corps. La prière de Paul en faveur des Thessaloniciens nous le dit: "Que tout votre être, l'esprit, l'âme et le corps, soit conservé irrépréhensible, lors de l'avènement de notre Seigneur Jésus-Christ."1 L'apôtre écrivait, d'autre part, aux croyants: "Je vous exhorte donc, frères, par les compassions de Dieu, à offrir vos corps comme un sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu, ce qui sera de votre part un culte raisonnable."2 Au temps de l'ancien Israël, on examinait avec soin toute offrande destinée au sacrifice. Tout animal ayant quelque tare était écarté, Dieu ayant ordonné de ne lui présenter que des offrandes "sans défaut". Les chrétiens, eux aussi, sont exhortés à présenter leur corps en "sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu". Pour le faire, ils doivent conserver toutes leurs facultés dans le meilleur état possible. Tout ce qui tend à diminuer l'énergie physique ou la lucidité intellectuelle disqualifie l'homme pour le service du Créateur. Dieu ne peut se contenter de moins que du meilleur de nous-mêmes. Jésus a dit: "Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur." Ceux qui aiment Dieu de tout leur coeur voudront lui donner ce qu'ils ont de meilleur, et ils s'efforceront toujours de soumettre toutes leurs facultés aux lois propres à les rendre plus aptes à le servir. Ils ne permettront pas que l'appétit ou la sensualité vienne souiller l'offrande qu'ils présentent à leur Père céleste. TS 515 1 Pierre nous dit: Abstenez-vous "des convoitises charnelles qui font la guerre à l'âme."1 Tout péché tend à engourdir les énergies, à émousser les perceptions mentales et spirituelles, comme à affaiblir l'action de l'Esprit et de la Parole de Dieu sur le coeur. Paul écrivait aux Corinthiens: "Purifions-nous de toute souillure de la chair et de l'esprit, en achevant notre sanctification dans la crainte de Dieu."2 Et, parmi les fruits de l'Esprit: "l'amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bénignité, la fidélité et la douceur", il classe aussi "la tempérance."3 TS 515 2 En dépit de ces déclarations inspirées, combien de chrétiens affaiblissent leurs facultés par leur âpreté au gain ou par le culte qu'ils rendent à la mode! Combien avilissent leur dignité de fils de Dieu par la gloutonnerie, le vin et les plaisirs défendus! L'Eglise, au lieu de réprimer ces penchants, les encourage en faisant appel à l'amour du gain ou du plaisir pour combler des déficits budgétaires dus au manque d'amour pour le Sauveur. Si le Seigneur entrait aujourd'hui dans les églises, et y voyait les festins et le trafic qui s'y organisent au nom de la religion, ne chasserait-il pas ces profanateurs comme il a banni autrefois les changeurs du temple? TS 515 3 Jacques déclare que la sagesse d'en haut "est premièrement pure". Si cet apôtre avait rencontré des gens prononçant le précieux nom de Jésus tout en ayant les lèvres souillées par le tabac, leur haleine et toute leur personne imprégnées et intoxiquées par une odeur fétide, et en contraignant leur entourage à respirer un air empoisonné -- s'il avait connu une coutume aussi opposée à la pureté évangélique, ne l'aurait-il pas dénoncée comme "terrestre, charnelle et diabolique"? On entend des esclaves du tabac prétendre à une entière sanctification et parler de la vie future; or, la Parole de Dieu leur dit clairement que "rien de souillé" n'entrera dans le ciel.1 TS 516 1 "Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint-Esprit qui est en vous, que vous avez reçu de Dieu, et que vous ne vous appartenez point à vous-mêmes? Car vous avez été rachetés à un grand prix. Glorifiez donc Dieu dans votre corps."2 Celui dont le corps est le temple du Saint-Esprit ne se laissera pas asservir par une habitude pernicieuse. Ses facultés appartiennent à celui qui l'a racheté au prix de son sang. Ses biens appartiennent au Seigneur. Comment pourrait-il gaspiller impunément un capital qui lui a été prêté? Tandis que les âmes périssent faute de la Parole de vie, des chrétiens de profession dépensent chaque année inutilement des sommes énormes. On pille Dieu "dans les dîmes et les offrandes", tandis que l'on sacrifie à des passions funestes plus d'argent qu'on n'en donne pour soulager les pauvres ou répandre l'Evangile. Si tous ceux qui se disent disciples de Jésus-Christ étaient réellement sanctifiés, ils apporteraient au trésor du Seigneur leurs revenus au lieu de les dissiper en choses inutiles et même nuisibles. Ils donneraient l'exemple de la tempérance, du renoncement et du sacrifice, et seraient ainsi la lumière du monde. TS 516 2 Le monde s'est abandonné aux plaisirs des sens. Les foules se laissent entraîner par "la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l'orgueil de la vie". Mais les enfants de Dieu ont une vocation plus sainte. "Sortez du milieu d'eux, et séparez-vous, dit le Seigneur; ne touchez pas à ce qui est impur." Fondé sur la Parole de Dieu, on peut affirmer que la sanctification qui n'engendre pas la renonciation complète aux ambitions et aux satisfactions coupables, n'est pas de bon aloi. TS 516 3 A ceux qui se conforment à cet ordre: "Sortez du milieu d'eux et séparez-vous; ne touchez pas à ce qui est impur", Dieu fait cette promesse: "Je vous accueillerai. Je serai pour vous un père, et vous serez pour moi des fils et des filles, dit le Seigneur tout-puissant."1 Le devoir et le privilège de tout chrétien, c'est d'acquérir une connaissance riche et bénie des choses de Dieu. "Je suis la lumière du monde, dit Jésus. Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie."2 "Le sentier des justes est comme la lumière resplendissante, dont l'éclat va croissant jusqu'au milieu du jour."3 Chaque pas en avant dans la foi et l'obéissance met l'âme en rapport plus intime avec la lumière du monde, en qui "il n'y a pas de ténèbres". L'éclat du Soleil de justice brille sur les serviteurs de Dieu pour qu'à leur tour ils en réfléchissent les rayons. De même que les étoiles nous disent qu'il y a dans les cieux une grande lumière dont elles reflètent la gloire, ainsi les chrétiens doivent montrer qu'il y a sur le trône de l'univers un Dieu dont le caractère mérite d'être loué et imité. Les grâces de son Esprit, la pureté et la sainteté de son caractère doivent éclater dans ses témoins. TS 517 1 Dans son épître aux Colossiens, l'apôtre Paul énumérait les riches bénédictions assurées à l'enfant de Dieu. "C'est pour cela que nous aussi, depuis le jour où nous en avons été informés, nous ne cessons de prier Dieu pour vous, et de demander que vous soyez remplis de la connaissance de sa volonté, en toute sagesse et intelligence spirituelle, pour marcher d'une manière digne du Seigneur et lui être entièrement agréables, portant des fruits en toutes sortes de bonnes oeuvres et croissant par la connaissance de Dieu, fortifiés à tous égards par sa puissance glorieuse, en sorte que vous soyez toujours et avec joie persévérants et patients."4 TS 517 2 Il écrivait aux frères d'Ephèse son désir de les voir parvenir à une pleine intelligence des prérogatives chrétiennes. Il leur présentait, dans les termes les plus larges, la grande puissance et les connaissances qu'ils pourraient acquérir comme fils et filles du Très-Haut. Il ne tenait qu'à eux d'"être puissamment fortifiés par son Esprit dans l'homme intérieur", d'être "enracinés et fondés dans l'amour", de "comprendre avec tous les saints quelle est la largeur, la longueur, la profondeur et la hauteur, et de connaître l'amour de Christ, qui surpasse toute connaissance". Mais la prière de l'apôtre parvint à son apogée, quand il en vint à dire: "... en sorte que vous soyez remplis jusqu'à toute la plénitude de Dieu."1 TS 518 1 Nous avons ici la révélation des hauteurs auxquelles, dès que nous en remplirons les conditions, nous pourrons atteindre par la foi aux promesses de notre Père céleste. Nous avons accès, par les mérites du Christ, à la puissance infinie. "Lui, qui n'a point épargné son propre Fils, mais qui l'a livré pour nous tous, comment ne nous donnera-t-il pas aussi toutes choses avec lui?"2 C'est sans mesure que le Père a donné au Fils son Esprit, auquel nous pouvons participer dans sa plénitude. "Si donc, méchants comme vous l'êtes, dit Jésus, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, à combien plus forte raison le Père céleste donnera-t-il le Saint-Esprit à ceux qui le lui demandent!"3 "Si vous demandez quelque chose en mon nom, je le ferai." "Demandez, et vous recevrez, afin que votre joie soit parfaite."4 TS 518 2 Bien que la vie du chrétien doive être caractérisée par l'humilité, il ne faut pas qu'elle soit triste et décolorée. Chacun a la possibilité de vivre de façon à être approuvé et béni de Dieu. Notre Père céleste ne désire pas que nous restions sous le poids de la condamnation. Le fait de marcher la tête penchée et de penser constamment à soi-même n'est pas une preuve d'humilité. Purifié par Jésus, on peut se présenter devant sa loi sans honte ni remords. "Il n'y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ, ... qui marchent, non selon la chair, mais selon l'Esprit."1 TS 519 1 Par Jésus-Christ, les fils d'Adam deviennent "fils de Dieu". "Celui qui sanctifie et ceux qui sont sanctifiés sont tous issus d'un seul. C'est pourquoi il n'a pas honte de les appeler frères."2 La vie chrétienne devrait être une vie de foi, de victoire et de joie en Dieu. "Tout ce qui est né de Dieu triomphe du monde; et la victoire qui triomphe du monde, c'est notre foi."3 C'est à juste titre qu'un serviteur de Dieu a pu dire: "La joie de l'Eternel sera votre force."4 Et Paul d'ajouter: "Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur; je le répète, réjouissez-vous." "Soyez toujours joyeux. Priez sans cesse. Rendez grâces en toutes choses, car c'est à votre égard la volonté de Dieu en Jésus-Christ."5 TS 519 2 Tels sont les fruits de la conversion et de la sanctification prescrites par la Bible. On les voit si rarement parce que, dans le monde chrétien, les grands principes de justice de la loi de Dieu ne sont pas appréciés. Voilà aussi pourquoi on rencontre si rarement l'opération profonde et durable de l'Esprit de Dieu qui caractérisait les réveils d'autrefois. TS 519 3 La contemplation du Sauveur nous transforme à son image. Mais si les préceptes par lesquels Dieu nous a révélé sa sainteté et la perfection de son caractère sont méconnus et sont remplacés par les enseignements et les théories des hommes, comment s'étonner qu'il s'ensuive un déclin de la piété vivante dans l'Eglise? Le Seigneur dit: "Ils m'ont abandonné, moi qui suis une source d'eau vive, pour se creuser des citernes, des citernes crevassées qui ne retiennent pas l'eau."6 TS 519 4 "Heureux l'homme qui ne marche pas selon le conseil des méchants, ... mais qui trouve son plaisir dans la loi de l'Eternel, et qui la médite jour et nuit! Il est comme un arbre planté près d'un courant d'eau, qui donne son fruit en sa saison, et dont le feuillage ne se flétrit point: tout ce qu'il fait lui réussit."1 Ce n'est que lorsque le décalogue aura retrouvé la place qui lui appartient que l'on assistera, au sein du peuple de Dieu, au réveil de la foi et de la piété primitives. "Ainsi parle l'Eternel: Placez-vous sur les chemins, regardez, et demandez quels sont les anciens sentiers, quelle est la bonne voie; marchez-y, et vous trouverez le repos de vos âmes."2 ------------------------Chapitre 28 -- L'instruction du jugement TS 521 1 Je regardais, dit le prophète, pendant que l'on plaçait des trônes. Et l'ancien des jours s'assit. Son vêtement était blanc comme la neige, et les cheveux de sa tête étaient comme de la laine pure; son trône était comme des flammes de feu, et les roues comme un feu ardent. Un fleuve de feu coulait et sortait de devant lui. Mille milliers le servaient, et dix mille millions se tenaient en sa présence. Les juges s'assirent, et les livres furent ouverts."1 TS 521 2 C'est ainsi que fut présenté au prophète le grandiose et redoutable tribunal devant lequel la conduite de tous les hommes sera passée en revue en présence du Juge de toute la terre, et où chacun sera "jugé selon ses oeuvres". L'ancien des jours, c'est Dieu le Père. "Avant que les montagnes fussent nées, dit le psalmiste, et que tu eusses créé la terre et le monde, d'éternité en éternité tu es Dieu."2 Ce Dieu, source de toute vie et origine de toute loi, préside au jugement. Mille milliers et dix mille millions d'anges y assistent, en qualité d'assesseurs et de témoins. TS 522 1 "Je regardais pendant mes visions nocturnes, et voici, sur les nuées des cieux arriva quelqu'un de semblable à un fils de l'homme; il s'avança vers l'ancien des jours, et on le fit approcher de lui. On lui donna la domination, la gloire et le règne; et tous les peuples, les nations, et les hommes de toutes langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle qui ne passera point, et son règne ne sera jamais détruit."1 Cette "arrivée" du Seigneur n'est pas sa seconde venue sur la terre. Il s'approche de l'ancien des jours pour recevoir de lui la domination, la gloire et la royauté dont il sera investi à la fin de son oeuvre de médiateur, oeuvre qui devait commencer en 1844, à la fin des deux mille trois cents soirs et matins. Accompagné des anges célestes, notre souverain sacrificateur pénètre alors dans le lieu très saint pour y entreprendre, en la présence de Dieu, la dernière phase de son ministère en faveur de l'homme: l'instruction du jugement et l'achèvement de l'expiation pour tous ceux qui en seront jugés dignes. TS 522 2 Dans le rituel typique, ceux-là seuls qui s'étaient confessés, et dont les péchés avaient été transférés dans le sanctuaire par le sang des victimes, bénéficiaient des bienfaits du jour des expiations. De même, au grand jour de l'expiation définitive et de l'instruction du jugement, les seuls cas pris en considération sont ceux des croyants. Le jugement des réprouvés est un événement tout à fait distinct, qui aura lieu par la suite. "Le jugement va commencer par la maison de Dieu. Or, si c'est par nous qu'il commence, quelle sera la fin de ceux qui n'obéissent pas à l'Evangile de Dieu?"2 TS 522 3 Les registres du ciel sur lesquels les noms et les actions des hommes sont inscrits serviront de base au jugement. Daniel dit: "Les juges s'assirent, et lés livres furent ouverts." Le voyant de Patmos, décrivant la même scène, ajoute: "Et un autre livre fut ouvert, celui qui est le livre de vie. Et les morts furent jugés selon leurs oeuvres, d'après ce qui était écrit dans ces livres."1 TS 523 1 Le livre de vie renferme les noms de tous ceux qui sont entrés au service de Dieu. Jésus disait à ses disciples: "Réjouissez-vous de ce que vos noms sont écrits dans les cieux".2 Paul parle de ses fidèles collaborateurs "dont les noms sont dans le livre de vie."3 Considérant "une époque de détresse, telle qu'il n'y en a point eu depuis que les nations existent jusqu'à cette époque", le prophète Daniel dit que le peuple de Dieu y échappera, tous "ceux... qui seront trouvés inscrits dans le livre". Et le voyant de Patmos déclare que seuls pourront entrer dans la cité de Dieu ceux "qui sont écrits dans le livre de vie de l'agneau."4 TS 523 2 "Un livre de souvenir fut écrit devant lui, dit Malachie, pour ceux qui craignent l'Eternel et qui honorent son nom."5 Leurs paroles de foi, leurs actes de bonté, tout est enregistré dans le ciel. Néhémie fait allusion à cela quand il dit: "Souviens-toi de moi, ô mon Dieu, ... et n'oublie pas mes actes de piété à l'égard de la maison de mon Dieu."6 Tous les actes de justice sont immortalisés dans le livre de Dieu. Toute tentation repoussée, toute mauvaise action surmontée, toute parole douce et compatissante s'y trouvent soigneusement enregistrées. On y voit aussi le récit de toutes les souffrances, de toutes les peines, de tous les sacrifices endurés pour l'amour de Jésus. Le psalmiste dit: "Tu comptes les pas de ma vie errante; recueille mes larmes dans ton outre: ne sont-elles pas inscrites dans ton livre."7 TS 523 3 Il y a aussi un registre des péchés. "Dieu amènera toute oeuvre en jugement, au sujet de tout ce qui est caché, soit bien, soit mal." "Au jour du jugement, les hommes rendront compte de toute parole vaine qu'ils auront proférée Car par tes paroles tu seras justifié, et par tes paroles tu seras condamné."1 Les intentions secrètes, les mobiles inavoués figurent dans l'infaillible mémorial; car le Seigneur "mettra en lumière ce qui est caché dans les ténèbres, et manifestera les desseins des coeurs". "Voici, cela est inscrit devant moi, dit l'Eternel; ... vos iniquités et les iniquités de vos pères."2 TS 524 1 Toute oeuvre humaine passe en revue devant Dieu pour être classée comme acte de fidélité ou d'infidélité. En face de chaque nom, dans les registres du ciel, sont couchés avec une redoutable exactitude toute parole mauvaise, tout acte égoïste, tout devoir négligé, tout péché secret, toute dissimulation. Les avertissements du ciel oubliés, les moments perdus, les occasions non utilisées, les influences exercées, bonnes ou mauvaises, avec leurs résultats les plus éloignés: tout est fidèlement inscrit par l'ange enregistreur. La loi de Dieu est la norme par laquelle les caractères et les vies seront éprouvés au jour du jugement. "Crains Dieu et observe ses commandements, dit le Sage. C'est là ce que doit tout homme. Car Dieu amènera toute oeuvre en jugement, au sujet de tout ce qui est caché, soit bien, soit mal."3 "Parlez et agissez comme devant être jugés par une loi de liberté", dit à son tour l'apôtre Jacques.4 TS 524 2 Ceux que les juges déclareront "dignes" auront part à la résurrection des justes. Jésus dit en effet que "ceux qui seront trouvés dignes d'avoir part au siècle à venir et à la résurrection des morts, ... seront semblables aux anges, et ils seront fils de Dieu, étant fils de la résurrection".5 Il dit encore que "ceux qui auront fait le bien ressusciteront pour la vie."6 Les justes morts ne devant ressusciter qu'après avoir été jugés dignes de la résurrection pour la vie, il s'ensuit qu'ils ne comparaîtront pas personnellement devant le tribunal qui statuera sur leur cas. TS 525 1 Jésus sera leur avocat et plaidera leur cause devant Dieu. "Si quelqu'un a péché, nous avons un avocat auprès du Père, Jésus-Christ le juste."1 Car il n'est pas "entré dans un sanctuaire fait de main d'homme, en imitation du véritable, mais il est entré dans le ciel même, afin de comparaître maintenant pour nous devant la face de Dieu". "C'est aussi pour cela qu'il peut sauver parfaitement ceux qui s'approchent de Dieu par lui, étant toujours vivant pour intercéder en leur faveur."2 TS 525 2 La vie de tous ceux qui ont cru en Jésus est examinée devant Dieu dans l'ordre où ils sont inscrits. Commençant par les premiers habitants de la terre, notre avocat présente les cas des croyants de chaque génération successive, et termine par ceux des vivants. Chaque nom est mentionné, chaque cas est pesé avec le plus grand soin. Des noms sont acceptés, d'autres sont rejetés. Quand un dossier indique des péchés non confessés et non pardonnés, le nom est radié du livre de vie, et l'inscription des bonnes actions est effacée du livre de mémoire. Le Seigneur disait à Moïse: "C'est celui qui a péché contre moi que j'effacerai de mon livre."3 Et au prophète Ezéchiel: "Si le juste se détourne de sa justice, s'il commet l'iniquité, ... on ne lui tiendra compte d'aucun des actes de justice qu'il aura accomplis."4 TS 525 3 Tous ceux qui se sont réellement repentis de leurs péchés et se sont, par la foi, réclamés du sang de Jésus-Christ comme sacrifice expiatoire ont eu leur pardon consigné dans les livres. Si leur vie a répondu aux exigences de la loi, leurs péchés sont effacés, et ils sont jugés dignes de la vie éternelle. Le Seigneur dit par le prophète Esaïe: "C'est moi, moi qui efface tes transgressions pour l'amour de moi, et je ne me souviendrai plus de tes péchés."5 Jésus déclare: "Celui qui vaincra sera revêtu ainsi de vêtements blancs; je n'effacerai point son nom du livre de vie, et je confesserai son nom devant mon Père et devant ses anges." "Quiconque me confessera devant les hommes, je le confesserai aussi devant mon Père qui est dans les cieux; mais quiconque me reniera devant les hommes, je le renierai aussi devant mon Père qui est dans les cieux."1 TS 526 1 L'émotion intense avec laquelle les hommes attendent les décisions d'un tribunal terrestre ne peut donner qu'une faible idée de l'intérêt avec lequel est suivi, dans les cours célestes, l'appel des noms écrits dans le livre de vie sous le regard scrutateur du Juge de toute la terre. On y entend le divin intercesseur demander que tous ceux qui ont vaincu par la foi en son sang reçoivent le pardon de leurs transgressions, que la demeure édénique leur soit rendue, et qu'ils soient couronnés en qualité de cohéritiers de "l'ancienne domination".2 En entraînant la famille humaine dans le mal, Satan avait cru pouvoir déjouer le dessein en vue duquel Dieu avait créé l'homme. Mais le Sauveur demande maintenant que ce plan soit mis à exécution comme si l'homme n'avait jamais péché. Il requiert en faveur de son peuple non seulement un acquittement total mais aussi une part à sa gloire et une place sur son trône. TS 526 2 Pendant que Jésus plaide pour les objets de sa grâce, Satan les accuse devant Dieu comme transgresseurs. Le grand séducteur s'est efforcé de leur inoculer le doute et la défiance à l'égard de Dieu, de les séparer de son amour et de les pousser à transgresser sa loi. Mais maintenant il souligne, dans le dossier de leur vie, leurs défauts, leur dissemblance d'avec Jésus -- ces imperfections qui ont déshonoré leur Rédempteur -- en un mot, tous les péchés dans lesquels il les a entraînés, et, en raison de ces faits, il les réclame comme ses sujets. TS 526 3 Jésus n'excuse pas leurs péchés; mais, en vertu de leur repentir et de leur foi, il demande leur pardon. Il lève devant le Père et ses saints anges ses mains percées et il dit: Je les connais par leur nom. Je les ai gravés sur les paumes de mes mains. "Les sacrifices qui sont agréables à Dieu, c'est un esprit brisé: O Dieu! tu ne dédaignes pas un coeur brisé et contrit."1 Se tournant alors vers l'accusateur de son peuple, il lui dit: "Que l'Eternel te réprime, lui qui a choisi Jérusalem! N'est-ce pas là un tison arraché du feu?"2 Et, enveloppant ses fidèles de sa justice, le Sauveur présente à son Père une "Eglise glorieuse, sans tache, ni ride, ni rien de semblable, mais sainte et irrépréhensible."3 Leurs noms sont maintenus dans le livre de vie, et le Seigneur déclare: "Ils marcheront avec moi en vêtements blancs, parce qu'ils en sont dignes."4 TS 527 1 Ainsi s'accomplira cette promesse de la nouvelle alliance: "Je pardonnerai leur iniquité, et je ne me souviendrai plus de leur péché." "En ces jours, en ce temps-là, dit l'Eternel, on cherchera l'iniquité d'Israël, et elle n'existera plus; le péché de Juda, et il ne se trouvera plus."5 "En ce temps-là, le germe de l'Eternel aura de la magnificence et de la gloire, et le fruit du pays aura de l'éclat et de la beauté pour les réchappés d'Israël. Et les restes de Sion, les restes de Jérusalem, seront appelés saints, quiconque à Jérusalem sera inscrit parmi les vivants."6 TS 527 2 L'instruction du jugement et l'effacement des péchés auront lieu avant le retour du Seigneur. Puisque les morts doivent être jugés d'après ce qui est écrit dans les livres, leurs péchés ne peuvent pas être effacés avant que leurs cas aient été examinés. L'apôtre Pierre déclare que les péchés des croyants seront effacés avant que "des temps de rafraîchissement viennent de la part du Seigneur, et qu'il envoie celui qui vous a été destiné, Jésus-Christ".7 L'instruction du jugement terminée, le Seigneur viendra, "et sa récompense sera avec lui pour rendre à chacun selon ses oeuvres". TS 528 1 Comme, dans les rites symboliques, le souverain sacrificateur sortait du sanctuaire pour bénir la congrégation, après avoir fait l'expiation pour Israël, de même, au terme de son sacerdoce, Jésus "apparaîtra sans péché une seconde fois à ceux qui l'attendent pour leur salut";1 et leur donnera la vie éternelle. Le sacrificateur, en éliminant les péchés du sanctuaire, les confessait sur la tête du bouc émissaire; Jésus placera, pareillement, tous ces péchés sur la tête de Satan, qui en est l'auteur et l'instigateur. Le bouc émissaire, chargé des péchés d'Israël, était envoyé "dans le désert"2 ainsi, Satan, chargé de tous les péchés dans lesquels il a fait tomber le peuple de Dieu, sera condamné à errer mille ans sur une terre désolée et privée de ses habitants. Il portera enfin la peine intégrale du péché dans le lac de feu, où il sera consumé avec les perdus. Le grand plan de la rédemption se consommera ainsi par l'extirpation définitive du péché et par la délivrance de tous ceux qui ont accepté de se séparer du mal. TS 528 2 L'instruction du jugement et l'effacement des péchés ont commencé exactement au temps fixé, à la fin des deux mille trois cents jours, en 1844. Tous ceux qui se sont une fois réclamés du nom de chrétiens doivent subir cet examen minutieux. Les vivants et les morts sont alors "jugés selon leurs oeuvres, d'après ce qui est écrit dans ces livres".3 TS 528 3 Au jour de Dieu, les péchés dont on ne s'est pas repenti et qu'on n'a pas délaissés ne seront ni pardonnés ni effacés et s'élèveront en témoignage contre le violateur. Qu'on ait péché à la lumière du jour ou dans les ténèbres, tout est découvert aux yeux de celui à qui nous devons rendre compte. Les anges de Dieu, témoins de chacune de nos fautes, les ont infailliblement enregistrées. On peut les nier, les cacher à son père, à sa mère, à sa femme, à ses enfants et à ses amis; le coupable peut être le seul à connaître ses torts, mais ils sont mis à nu devant les esprits célestes. Les ténèbres de la plus sombre nuit, le mystère le plus impénétrable, la duplicité la plus consommée ne réussissent pas à dissimuler aux yeux de l'Eternel une seule de nos pensées. Dieu tient un compte exact de tous les actes faux, de tous les procédés injustes. Il ne se laisse pas tromper par des apparences de piété. Il ne commet point d'erreur dans l'appréciation des caractères. Un homme corrompu peut tromper ses semblables, mais Dieu déchire tous les voiles et lit les secrets des coeurs. TS 529 1 Combien solennelle est la pensée que, jour après jour, tout ce que nous pensons, disons ou faisons est porté sur les registres du ciel! Une parole prononcée, un acte commis ne peuvent plus être retirés. Les anges ont enregistré le bien et le mal. Le plus puissant conquérant de la terre ne peut arracher de ces registres la page d'une seule de ses journées. Nos actions, nos paroles, nos intentions les plus secrètes même contribueront à déterminer notre destinée heureuse ou malheureuse. On peut les oublier, mais elles n'en déposeront pas moins soit pour notre justification, soit pour notre condamnation. TS 529 2 Le caractère de chacun est reproduit sur les livres du ciel avec la même exactitude que les traits du visage sur le cliché du photographe. Et pourtant, combien peu on se soucie de ces inscriptions qui paraîtront sous les yeux des êtres célestes! Si le voile qui sépare le monde visible du monde invisible se levait soudain, nous permettant de voir un ange enregistrer fidèlement chacune des paroles et des actions dont nous serons appelés à rendre compte au jour du jugement, combien de paroles seraient retenues, et combien d'actions ne seraient jamais commises! TS 529 3 Au jour du jugement, l'usage que nous aurons fait de toutes nos facultés sera examiné avec le plus grand soin. Quel emploi faisons-nous du capital que le ciel nous a prêté? Le Seigneur le retrouvera-t-il avec les intérêts? Avons-nous cultivé et utilisé à la gloire de Dieu et pour le relèvement de l'humanité les talents manuels, affectifs et intellectuels qui nous ont été confiés? Comment avons-nous usé de notre temps, de notre plume, de notre parole, de notre argent, de notre influence? Qu'avons-nous fait pour le Sauveur dans la personne des pauvres, des affligés, des orphelins et des veuves? Dieu nous a constitués dépositaires de sa sainte Parole: quel usage avons-nous fait de la lumière de la vérité destinée à rendre les hommes sages à salut? Une simple profession de foi en Jésus-Christ est sans valeur; seul l'amour qui se traduit en actes est considéré comme authentique. Aux yeux des êtres célestes l'amour seul donne de la valeur à nos actions. Tout acte accompli par amour, si insignifiant qu'il soit aux yeux des hommes, est accepté et récompensé par Dieu. TS 530 1 Sur les registres du ciel, l'égoïsme secret du coeur humain est mis en pleine lumière. On y trouve la liste des devoirs non accomplis tant envers nos semblables qu'envers le Sauveur. On y voit combien d'heures, de pensées et de forces qui appartenaient à Dieu ont été données à Satan. C'est une lamentable documentation que les anges accumulent. Des êtres intelligents, de soi-disant disciples du Christ, se laissent absorber par l'acquisition de biens terrestres ou par le plaisir. L'argent, le temps, les forces vont au luxe ou à la concupiscence, tandis que de rares moments sont consacrés à la prière, à l'étude des Ecritures, à l'humiliation et à la confession des péchés. TS 530 2 Satan invente d'innombrables prétextes pour occuper notre attention ailleurs qu'aux objets qui devraient le plus nous absorber. Le grand séducteur hait les glorieuses vérités qui mettent en évidence un sacrifice expiatoire et un tout-puissant Médiateur. Il sait qu'il ne réussira dans ses entreprises qu'en détournant les esprits loin de Jésus et de sa vérité. TS 530 3 Ceux qui veulent se mettre au bénéfice de la médiation du Sauveur ne doivent pas se laisser détourner par quoi que ce soit du devoir de travailler à leur sanctification dans la crainte de Dieu. Les heures précieuses gaspillées dans le plaisir, le faste et l'amour de l'argent devraient être consacrées à la prière et à une étude assidue de la Parole de Dieu. Le peuple de Dieu devrait comprendre parfaitement le sujet du sanctuaire et du jugement. Chacun devrait être au courant de la position et de l'oeuvre de notre souverain sacrificateur. Sans cette connaissance, il n'est pas possible d'exercer la foi indispensable en ce temps-ci, ni d'occuper le poste que Dieu nous assigne. Chacun a une âme à sauver ou à perdre. Le cas de chacun est inscrit à la barre du divin tribunal. Chacun sera appelé à comparaître face à face devant le Juge éternel. Il importe donc au plus haut point de penser souvent à cette scène du jugement, où les livres sont ouverts, et où, comme Daniel, chacun "sera debout pour son héritage à la fin des jours"!1 TS 531 1 Ceux qui ont reçu la lumière doivent rendre témoignage des grandes vérités que Dieu leur a confiées. Le sanctuaire céleste est le centre même de l'oeuvre de Dieu en faveur des hommes. Il intéresse tous les habitants de la terre. Il nous expose le plan de la rédemption, nous amène à la fin des temps et nous révèle l'issue triomphante du conflit entre la justice et le péché. Il est donc important que chacun l'étudie à fond et soit en état de rendre raison de l'espérance qui est en lui. TS 531 2 L'intercession du Sauveur en faveur de l'homme dans le sanctuaire céleste est tout aussi importante dans le plan du salut que sa mort sur la croix. Depuis sa résurrection, Jésus achève dans le ciel l'oeuvre commencée par lui sur la croix. Nous devons par la foi aller auprès de lui au-delà du voile où il "est entré pour nous comme précurseur".2 Là se reflète la lumière du Calvaire. Là nous acquérons une plus claire intelligence du mystère de la rédemption. Nous comprenons que c'est à un prix infini que le ciel a opéré le salut de l'homme et que le sacrifice consenti est à la hauteur des plus dures exigences de la loi transgressée. Jésus nous a frayé la voie qui mène au trône du Père; désormais, grâce à sa médiation, tout désir sincère exprimé par ceux qui vont à lui par la foi peut être présenté devant Dieu. TS 532 1 "Celui qui cache ses transgressions ne prospère point, mais celui qui les avoue et les délaisse obtient miséricorde."1 Satan cherche constamment à dominer sur nous par nos défauts, sachant bien que si nous les caressons, il finira par réussir. Pour cela, il nous trompe par ce fatal sophisme: il ne t'est pas possible de vaincre ce penchant. Si ceux qui cachent et excusent leurs fautes pouvaient voir Satan triompher à leur sujet, ils se hâteraient de les confesser et de les délaisser, en se rappelant que Jésus présente devant Dieu ses mains meurtries et son côté percé, et dit à tous ceux qui veulent le suivre: "Ma grâce te suffit."2 "Prenez mon joug sur vous et recevez mes instructions, car je suis doux et humble de coeur; et vous trouverez du repos pour vos âmes. Car mon joug est doux, et mon fardeau léger."3 Que nul donc ne considère ses défauts comme incurables. Dieu vous donnera foi et grâce pour les surmonter. TS 532 2 Nous vivons à l'époque du grand jour des expiations. Dans le culte mosaïque, pendant que le souverain sacrificateur faisait l'expiation pour Israël, chacun devait se repentir de ses péchés et s'humilier devant le Seigneur, sous peine d'être retranché de son peuple. Maintenant, de même, pendant les quelques jours de grâce qui restent encore, tous ceux qui veulent que leur nom soit maintenu dans le livre de vie doivent affliger leur âme devant Dieu, ressentir une véritable douleur de leurs péchés et faire preuve d'une sincère conversion. Un sérieux retour sur soi-même est nécessaire. Il faut, chez un bon nombre de ceux qui se disent disciples du Christ, que la légèreté et la frivolité disparaissent. Au prix d'une guerre sérieuse, on parviendra à vaincre ses tendances mauvaises et à remporter la victoire, car cette oeuvre de préparation est une affaire individuelle. Nous ne sommes pas sauvés par groupe. La pureté et la consécration de l'un ne sauraient compenser le défaut de ces qualités chez un autre. Quoique toutes les nations doivent passer en jugement, Dieu examinera le cas de chaque individu avec autant de soin que si celui-ci était seul sur la terre. TS 533 1 Solennelles sont les scènes qui marquent l'achèvement de l'expiation. Cette oeuvre comporte des intérêts d'une valeur infinie. Le tribunal suprême siège maintenant depuis plusieurs années. Bientôt, nul ne sait quand, les dossiers des vivants y seront examinés. Bientôt, notre vie passera sous le redoutable regard de Dieu. Il convient donc plus que jamais de prendre garde à cette exhortation du Sauveur: "Prenez garde, veillez et priez; car vous ne savez quand ce temps viendra."1 "Si tu ne veilles pas, je viendrai comme un voleur, et tu ne sauras pas à quelle heure je viendrai sur toi."2 TS 533 2 Lorsque l'instruction du jugement sera terminée, la destinée de chacun sera décidée soit pour la vie, soit pour la mort. Le temps de grâce prendra fin un peu avant l'apparition de notre Seigneur sur les nuées du ciel. Dans une allusion à ce temps-là, il nous est dit dans l'Apocalypse: "Que celui qui est injuste soit encore injuste, que celui qui est souillé se souille encore; et que le juste pratique encore la justice, et que celui qui est saint se sanctifie encore. Voici, je viens bientôt, et ma rétribution est avec moi, pour rendre à chacun selon ce qu'est son oeuvre."3 TS 533 3 Justes et méchants seront encore sur la terre dans leur état mortel. Dans l'ignorance des décisions finales et irrévocables qui auront été prises dans le sanctuaire céleste, on plantera, on bâtira, on mangera et on boira. Avant le déluge, dès que Noé fut entré dans l'arche, Dieu l'y enferma, excluant toute possibilité pour les impies d'y pénétrer. Sept jours durant, ne se doutant pas que leur sort était définitivement scellé, ils continuèrent, imperturbables, à s'adonner au plaisir et à se moquer de l'idée d'une catastrophe imminente. "Il en sera de même, dit le Sauveur, à l'avènement du Fils de l'homme."1 C'est silencieuse, inattendue et inaperçue, comme le voleur dans la nuit, que viendra l'heure décisive scellant la destinée de tout homme, l'heure où l'offre de la miséricorde sera retirée aux coupables. TS 534 1 "Veillez donc. ... Craignez qu'il ne vous trouve endormis."2 Périlleuse est la condition de ceux qui, se lassant de veiller, se tournent vers le monde. Pendant que le négociant se laisse absorber par le gain, que l'amateur du plaisir suit ses inclinations, que l'esclave de la mode pense à ses atours, à ce moment même, le Juge de toute la terre prononce peut-être cette sentence: "Tu as été pesé dans la balance, et tu as été trouvé léger!"3 ------------------------Chapitre 29 -- L'origine du mal TS 535 1 L'origine et la raison d'être du péché sont pour bien des esprits un sujet de vive perplexité. Voyant le mal et ses terribles conséquences, ils se demandent comment tant de souffrances et de malignité peuvent se concilier avec la souveraineté d'un être infini en puissance, en sagesse et en amour. Incapables de pénétrer ce mystère, ils cherchent l'explication dans de fausses interprétations et dans des traditions humaines qui leur ferment les yeux sur des vérités essentielles au salut et clairement révélées dans la Bible. D'autres, enclins au doute et à la critique, trouvent dans le fait que, malgré leurs recherches, ils ne sont pas parvenus à résoudre le problème de l'existence du péché, une excuse pour rejeter en bloc toute la Bible, où sont consignés le caractère de Dieu, sa nature et ses principes à l'égard du péché. TS 535 2 Il n'est pas possible de donner de l'apparition du péché une explication qui en justifie l'existence, mais on en sait assez sur son origine et ses conséquences ultimes pour pouvoir admirer la justice et l'amour de Dieu dans sa manière d'agir en présence du mal. Dieu n'est pas responsable de l'entrée du péché dans le monde: rien n'est plus clairement enseigné par les Ecritures. Aucun refus arbitraire de la grâce divine, aucune erreur dans le gouvernement divin n'a donné lieu à un mécontentement et à une révolte. Le péché est un intrus mystérieux et inexplicable; sa présence est injustifiable. L'excuser, c'est le défendre. S'il pouvait être excusé, s'il avait une raison d'être, il cesserait d'être le péché. La seule définition qu'on puisse en donner est celle de la Parole de Dieu: "le péché est la transgression de la loi"; c'est la manifestation d'un principe réfractaire à la grande loi d'amour, base du gouvernement divin. TS 536 1 Avant l'apparition du mal, la paix et la joie régnaient dans l'univers. Tout y était conforme à la volonté du Créateur. L'amour pour Dieu était suprême et l'amour mutuel impartial. Jésus-Christ, Verbe et Fils unique de Dieu, était un avec le Père éternel; un par sa nature, par son caractère, par ses desseins. Il était le seul être de l'univers admis à connaître tous les conseils et tous les plans de Dieu. C'est par lui que Dieu avait créé les êtres célestes. "Car en lui ont été créées toutes les choses qui sont dans les cieux..., trônes, dignités, dominations, autorités."1 Au Fils comme au Père, l'univers entier était soumis. TS 536 2 La loi de l'amour étant à la base du gouvernement de Dieu, le bonheur de toutes les créatures dépendait de leur parfait accord avec les grands principes de cette loi. Dieu demande de toutes ses créatures un service d'amour, un hommage qui découle d'une appréciation intelligente de son caractère. Ne prenant aucun plaisir à une obéissance forcée, il accorde à chacun le privilège de la liberté morale permettant à tous de lui rendre un service volontaire. TS 536 3 Mais un être voulut pervertir cette liberté. Le péché prit naissance dans le coeur de celui qui, après le Christ, avait été le plus hautement honoré de Dieu, et qui était le plus puissant et le plus glorieux de tous les habitants du ciel. Avant sa chute, Lucifer, le Porte-Lumière, était un "chérubin protecteur" saint et sans tache. "Ainsi parle le Seigneur, l'Eternel: Tu mettais le sceau à la perfection, tu étais plein de sagesse, parfait en beauté. Tu étais en Eden, le jardin de Dieu; tu étais couvert de toute espèce de pierres précieuses. ... Tu étais un chérubin protecteur, aux ailes déployées; je t'avais placé et tu étais sur la sainte montagne de Dieu; tu marchais au milieu des pierres étincelantes. Tu as été intègre dans tes voies depuis le jour où tu fus créé jusqu'à celui où l'iniquité a été trouvée chez toi."1 TS 537 1 Lucifer aurait pu conserver la faveur de Dieu. Aimé et honoré des armées angéliques, il aurait pu faire servir ses nobles facultés au bien de son entourage et à la gloire de son Créateur. Mais, dit le prophète, "ton coeur s'est élevé à cause de ta beauté, tu as corrompu ta sagesse par ton éclat."1 Peu à peu, Lucifer se laissa aller au désir de s'élever au-dessus de la position qui lui avait été assignée. "Tu as voulu te persuader que tu étais un dieu. ... Tu disais en ton coeur: ... J'élèverai mon trône au-dessus des étoiles de Dieu; je m'assiérai sur la montagne de l'assemblée. ... Je monterai sur le sommet des nues, je serai semblable au Très-Haut."2 Au lieu de veiller à exalter Dieu au suprême degré et à lui assurer la première place dans l'affection de ses créatures, Lucifer chercha à capter à son profit leur allégeance et leurs hommages. Convoitant l'honneur que le Père avait conféré à son Fils, le prince des anges aspira à une puissance dont le Christ seul détenait la prérogative. TS 537 2 Le ciel entier réfléchissait la gloire du Créateur et proclamait ses louanges. Tant que Dieu avait été ainsi honoré, on n'avait connu que la paix et la joie. Mais une note discordante, l'exaltation du moi, troubla soudain l'harmonie céleste. Ce sentiment, si contraire aux desseins du Créateur, éveilla de sombres pressentiments chez les êtres qui rendaient à Dieu les honneurs suprêmes. Des conseils célestes adressèrent à Lucifer d'instantes exhortations. Le Fils de Dieu lui représenta la grandeur, la bonté et la justice du Maître de l'univers, ainsi que la nature sacrée et l'immutabilité de sa loi. C'est Dieu lui-même qui avait établi l'ordre qui régnait dans le ciel. En s'en écartant, Lucifer déshonorait son Créateur et attirait le malheur sur sa tête. Mais cet avertissement, donné avec amour et compassion, ne fit qu'éveiller un esprit de résistance. Cédant à sa jalousie envers le Fils de Dieu, Lucifer s'obstina. TS 538 1 L'orgueil que lui inspirait sa haute situation fit naître en lui le désir de la suprématie. Oubliant les grands honneurs dont il était l'objet de la part de son Créateur, fier de l'éclat de sa gloire, il aspira à l'égalité avec Dieu. Aimé et vénéré des armées célestes, il surpassait tous les anges en sagesse et en magnificence. Le Fils de Dieu cependant était reconnu comme le Souverain du ciel. Il partageait la puissance et l'autorité du Père, et participait à tous ses conseils. Lucifer, qui n'était pas informé de la même manière de tous les desseins du Tout-Puissant, demandait: "Pourquoi le Fils aurait-il la suprématie? Pourquoi est-il élevé au-dessus de moi?" TS 538 2 Abandonnant alors sa place en la présence immédiate de Dieu, le fier chérubin alla semer la discorde parmi les anges. Opérant dans le secret, et tout en cachant d'abord ses intentions réelles sous le masque d'une grande vénération pour Dieu, il s'efforça de soulever le mécontentement contre les lois qui gouvernaient les êtres célestes, affirmant qu'elles imposaient des restrictions inutiles. Il prétendait que, eu égard à leur sainteté, les anges ne devaient connaître d'autre loi que leur bon plaisir. Pour gagner leur sympathie, il donna à entendre que Dieu l'avait traité injustement en accordant les honneurs suprêmes à son Fils, affirmant qu'en aspirant à une puissance plus grande et à de nouveaux honneurs, il ne recherchait pas son propre avantage, mais seulement la liberté des habitants du ciel, leur permettant d'atteindre un degré d'existence plus élevé. TS 539 1 Dans sa grande miséricorde, Dieu supporta longtemps Lucifer. Il ne le destitua pas de sa haute position dès les premières manifestations de son mécontentement, ni même lorsqu'il commença à propager ses idées parmi les anges fidèles. Le pardon lui fut offert à plusieurs reprises à condition qu'il se repente et se soumette. Des démarches que seuls un amour et une sagesse infinis pouvaient concevoir furent tentées pour le convaincre de son erreur. Jamais, auparavant, le mécontentement n'avait été ressenti dans le ciel. Lucifer lui-même ne vit pas tout d'abord son erreur et il ne comprit pas la vraie nature de ses sentiments. Aussi lorsqu'on lui prouva que son attitude hostile n'avait pas de raison d'être, convaincu de ses torts, il vit que l'autorité divine était juste et qu'il devait la reconnaître comme telle devant le ciel tout entier. S'il l'avait fait, il eût pu être sauvé, et bien des anges avec lui. Il n'avait pas encore, à ce moment-là, levé ouvertement l'étendard de la révolte contre Dieu. Il avait bien abandonné sa position de chérubin protecteur, mais s'il était revenu sur ses pas en reconnaissant la sagesse du Créateur, et s'était contenté de la place qui lui avait été assignée dans le grand plan divin, il aurait été rétabli dans ses fonctions. Mais l'orgueil l'empêcha de se soumettre. S'obstinant dans sa mauvaise voie, il soutint qu'il n'avait pas lieu de se repentir, et se déclara ouvertement en lutte avec son Créateur. TS 539 2 A partir de ce moment, il employa toutes les ressources de sa gigantesque intelligence à capter la sympathie des anges qui avaient été sous ses ordres. Dans l'intérêt de sa perfide ambition et de sa trahison, il n'hésita pas à fausser le sens des avertissements et des conseils que Jésus lui avait donnés. A ceux qui lui étaient le plus attachés par les liens de l'amitié, il fit croire qu'il était mal jugé, que sa position n'était pas respectée, et qu'on voulait porter atteinte à sa liberté. De là, il en vint à attaquer directement le Fils de Dieu, qu'il accusait du dessein de l'humilier devant tous les habitants du ciel. Puis, pour donner le change aux anges restés loyaux, il accusait ceux qu'il ne pouvait tromper et faire passer dans son camp, de trahir la cause du ciel, c'est-à-dire d'agir comme il agissait lui-même. Pour donner de la vraisemblance à l'accusation d'injustice qu'il portait contre Dieu, il faussait les paroles et les actes du Créateur. Son système consistait à embarrasser les anges par des arguments subtils touchant les desseins de Dieu. Ce qui était simple, il l'enveloppait de mystère; et, en dénaturant artificieusement les faits, il jetait le doute sur les déclarations les plus formelles de Jéhovah. Sa haute position et ses rapports intimes avec l'administration divine donnaient tant de poids à ses paroles, qu'un grand nombre d'anges embrassèrent le parti de la révolte contre l'autorité du ciel. TS 540 1 Dans sa lutte contre le péché, Dieu ne pouvait employer d'autres armes que la justice et la vérité, tandis que Lucifer pouvait faire usage de flatterie et de mensonge. Falsifiant les paroles de Dieu et calomniant les plans de son gouvernement, il prétendit que Dieu n'était pas juste en imposant des lois et des règlements aux habitants du ciel; qu'en exigeant de ses créatures la soumission et l'obéissance, il n'avait en vue que sa propre exaltation. Aussi l'habileté, les sophismes et la calomnie dont il usa lui donnèrent-ils au début un avantage considérable. TS 540 2 Masquant ses plans sous une apparence de loyauté, il soutint qu'il travaillait à la gloire de Dieu, à la stabilisation de son gouvernement et au bonheur de tous les habitants célestes. Tout en semant l'insoumission parmi les anges qu'il avait sous ses ordres, il donnait hypocritement à entendre qu'il travaillait à éliminer les causes de mécontentement. En proposant des modifications dans les lois et le gouvernement de Dieu, il affirmait que, loin d'être en révolte, il ne cherchait qu'à contribuer à la sauvegarde de l'harmonie du ciel et au bonheur de l'univers. TS 540 3 Faisant un pas de plus, il se mit à rendre Dieu et son administration responsables du désordre qu'il avait lui-même créé, tout en se faisant fort de corriger et d'améliorer les statuts de Jéhovah. Il demandait seulement qu'on lui permît de démontrer, en effectuant des changements indispensables, le bien-fondé de ses prétentions. TS 541 1 Dans sa sagesse, Dieu laissa Lucifer poursuivre sa campagne jusqu'au moment où elle éclaterait au grand jour. Ses desseins étaient tellement enveloppés de mystère qu'il était difficile, tant qu'il ne s'était pas complètement dévoilé, de démasquer le chérubin protecteur devant les hôtes célestes qui le chérissaient et sur lesquels il exerçait une profonde influence. D'ailleurs, le péché n'avait encore jamais pénétré dans l'univers de Dieu, et les êtres saints qui peuplaient le ciel n'avaient aucune idée de sa malignité et de ses conséquences. TS 541 2 D'autre part, le gouvernement de Dieu ne s'étendant pas seulement aux habitants du ciel, mais à ceux de tous les mondes créés, Satan (l'adversaire) songea que s'il pouvait entraîner les anges dans sa révolte, il pourrait aussi ajouter les autres mondes à son empire. Il fallait donc que l'univers tout entier comprît le caractère réel de l'usurpateur et la vraie nature de ses machinations. Il fallait que, devant les habitants du ciel et de tous les mondes, fussent démontrées la justice de Dieu et la perfection de sa loi. Dans l'intérêt de l'univers entier à travers les âges éternels, il importait que chacun pût voir sous leur véritable jour les accusations de Lucifer contre le gouvernement divin. Il fallait, en outre, d'une manière indubitable, que l'immutabilité de la loi de Dieu fût établie et que les accusations du grand révolté fussent condamnées par ses propres oeuvres. TS 541 3 Il fallait laisser mûrir le mal. Voilà pourquoi, lorsqu'il fut décidé que Satan ne serait plus toléré dans le ciel, Dieu ne jugea pas à propos de lui ôter la vie. Le Créateur ne peut agréer qu'une adoration fondée sur un sentiment d'amour et une allégeance dictée par la conviction de sa justice et de sa bonté. Or, si la peine capitale avait été infligée au grand coupable, les habitants du ciel et des autres mondes, encore incapables de comprendre la nature et les conséquences du péché, n'auraient pas pu, dans cet acte sommaire, discerner la justice et la miséricorde de Dieu. Si l'existence de Satan avait été immédiatement supprimée, l'univers aurait servi Dieu par crainte plutôt que par amour. Les sympathies qui allaient au chef de la révolte n'auraient pas complètement disparu, et l'esprit d'insurrection n'aurait pas été entièrement déraciné. TS 542 1 Quand on annonça au chef des rebelles qu'il allait être expulsé, avec tous ses partisans, du séjour de la félicité, il afficha hardiment son mépris pour la loi du Créateur, et réitéra son affirmation que les anges n'avaient pas besoin d'autre loi que leur volonté, qui les guiderait toujours dans la bonne voie. Prétendant que les statuts divins portaient atteinte à leurs libertés, il déclara que son dessein était d'obtenir l'abolition de toute espèce de loi, ajoutant qu'affranchies de ce joug, les intelligences célestes entreraient dans une existence plus élevée et plus glorieuse. TS 542 2 A l'unanimité, Satan et ses anges accusèrent le Fils de Dieu d'être l'auteur responsable du schisme, affirmant que s'ils n'avaient pas été réprimandés, ils ne se seraient jamais révoltés. Obstinés et effrontés dans leur révolte, et se disant cyniquement les victimes d'un pouvoir oppresseur, le grand rebelle et ses partisans furent enfin bannis du ciel. TS 542 3 L'esprit qui a fait naître la révolte dans la demeure de Dieu la fomente encore aujourd'hui sur la terre. Satan poursuit parmi les hommes l'oeuvre commencée chez les anges. Il règne maintenant sur "les enfants de la rébellion". Comme lui, ceux-ci s'efforcent de supprimer les restrictions imposées par la loi de Dieu, et c'est par la transgression de ses préceptes qu'ils promettent aux hommes la liberté. La lutte contre le péché suscite encore aujourd'hui la résistance et la haine. Quand Dieu parle aux consciences par des messages d'avertissement, Satan pousse les hommes à se justifier et à chercher de la sympathie. Au lieu d'abandonner leurs erreurs, ils excitent l'indignation contre ceux qui les censurent, comme si ces derniers étaient la cause du mal. Depuis Abel jusqu'à maintenant, cet esprit s'est toujours manifesté envers ceux qui osent condamner le péché. TS 543 1 C'est en calomniant le caractère de Dieu comme il l'avait fait dans le ciel, et en le représentant comme sévère et tyrannique, que Satan a fait tomber l'homme dans le mal. Ayant réussi, il déclare que ce sont les injustes restrictions de Dieu qui ont amené la chute de l'homme, comme elles ont provoqué sa propre défection. L'Eternel, en revanche, définit son caractère comme suit: "Dieu miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en bonté et en fidélité, qui conserve son amour jusqu'à mille générations, qui pardonne l'iniquité, la rébellion et le péché, mais qui ne tient point le coupable pour innocent."1 En bannissant Satan du ciel, Dieu manifestait sa justice et soutenait l'honneur de son trône. Mais quand, entraîné par la supercherie du grand apostat, l'homme eut péché, Dieu donna une preuve de son amour en livrant son Fils unique à la mort en faveur de l'espèce humaine. C'est au Calvaire que le caractère de Dieu se révéla. La croix prouva à l'univers tout entier que la rébellion de Lucifer n'était nullement imputable au gouvernement de Dieu. TS 543 2 Dans la lutte entre le Christ et Satan, durant le ministère du Sauveur, le véritable caractère du grand séducteur se révéla. Rien ne fut plus propre à éteindre chez les anges et chez toutes les intelligences de l'univers la dernière étincelle d'affection pour Lucifer, que sa guerre cruelle contre le Rédempteur du monde. L'audace blasphématoire avec laquelle il osa demander à Jésus de lui rendre hommage, la hardiesse présomptueuse qui le poussa à le transporter au haut de la montagne et au sommet du temple, la perfidie dont il fit preuve en lui suggérant de se précipiter d'une hauteur vertigineuse, la malignité inlassable avec laquelle il le harcela de lieu en lieu jusqu'à inciter les sacrificateurs et le peuple à renier son amour et à s'écrier: "Crucifie-le! Crucifie-le!" -- tout cela provoqua l'étonnement et l'indignation de l'univers. TS 544 1 C'est Satan qui poussa le monde à rejeter Jésus-Christ. Voyant que la miséricorde, l'amour, la compassion et la tendresse du Sauveur représentaient aux yeux du monde le caractère de Dieu, Satan fit usage de toute sa puissance et de toute son astuce pour le supprimer. Il contesta chacune des prétentions du Fils de Dieu et employa comme agents des hommes chargés de semer sa vie de souffrance et de tristesse. Les sophismes et les mensonges par lesquels il s'efforça d'entraver l'oeuvre de Jésus, la haine manifestée par ses sicaires, ses cruelles accusations contre une vie de bonté sans exemple: tout cela dénotait une rancoeur séculaire qui se déchaîna sur le Fils de Dieu au Calvaire comme un torrent de malignité, de haine et de vengeance que le ciel entier contempla dans un silence glacé d'horreur. TS 544 2 Son sacrifice consommé, Jésus monta aux cieux, mais il n'accepta les hommages des anges qu'après avoir présenté au Père cette requête: "Je veux que là où je suis ceux que tu m'as donnés soient aussi avec moi."1 En accents d'une puissance et d'un amour inexprimables, le Père fit entendre de son trône cette réponse: "Que tous les anges de Dieu l'adorent!"2 Jésus était sans tache. Son humiliation finie, son sacrifice consommé, il reçut un nom qui est au-dessus de tout autre nom. TS 544 3 Désormais, la culpabilité de Satan était inexcusable. Il s'était montré tel qu'il est: menteur et meurtrier. On comprit que l'esprit qu'il manifestait parmi les hommes qui s'étaient rangés sous son sceptre, il l'aurait introduit dans le ciel s'il en avait eu la possibilité. Il avait prétendu que la transgression de la loi de Dieu ouvrirait une ère de gloire et de liberté: on voyait maintenant qu'elle n'avait amené que l'esclavage et la dégradation. TS 545 1 Les accusations mensongères de Lucifer contre le caractère et le gouvernement de Dieu apparurent sous leur vrai jour. Il avait affirmé qu'en exigeant de ses créatures la soumission et l'obéissance, Dieu demandait d'elles un renoncement et des sacrifices auxquels il n'eût pas consenti lui-même et recherchait uniquement sa gloire personnelle. Or chacun pouvait maintenant constater que, pour sauver une race pécheresse, le Maître de l'univers n'avait pas reculé devant le plus grand sacrifice auquel son amour eût pu consentir; "car Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec lui-même".1 On vit aussi que Lucifer, assoiffé de gloire et de domination, avait ouvert la porte au péché, tandis que, pour détruire le mal, le Fils de Dieu s'était humilié en devenant obéissant jusqu'à la mort. TS 545 2 Dieu avait témoigné de l'horreur pour les principes de la rébellion, et le ciel tout entier voyait maintenant éclater sa justice, tant dans la condamnation de Satan que dans la rédemption de l'homme. Lucifer avait déclaré que si la loi était immuable et si chaque transgression devait être punie, tout transgresseur devait être à jamais exclu de la faveur du Créateur. Il avait affirmé que l'espèce humaine ne pouvait pas être rachetée et qu'elle était, par conséquent, sa légitime proie. Mais la mort de Jésus en faveur de l'homme était un argument irrésistible: la pénalité de la loi était tombée sur un Etre qui était l'égal de Dieu, laissant l'homme libre d'accepter sa justice et de triompher de la puissance de Satan, de même que le Fils de Dieu en avait été vainqueur. Ainsi, tout en demeurant juste, Dieu avait justifié ceux qui croient en Jésus. TS 545 3 Mais si le Christ est venu souffrir et mourir, ce n'est pas seulement pour assurer le salut de l'homme. S'il est venu pour rendre la loi de Dieu "grande et magnifique", ce n'est pas uniquement pour les habitants de cette terre: son grand sacrifice démontre à l'univers entier que cette loi est immuable. Si elle avait pu être abolie, le Fils de Dieu n'aurait pas dû donner sa vie pour en expier la transgression. Sa mort en prouve l'immutabilité. L'expiation consentie par l'amour du Père et du Fils pour assurer la rédemption des pécheurs démontre -- et pouvait seule démontrer -- à l'univers entier que la justice et la miséricorde sont à la base de la loi et du gouvernement de Dieu. TS 546 1 Tout en proclamant à l'univers l'immutabilité de la loi, la croix du Calvaire affirme que le salaire du péché, c'est la mort. Ce cri du Sauveur expirant: "Tout est accompli" a sonné le glas de Satan. L'issue du grand conflit séculaire était désormais décidée et l'extirpation finale du mal assurée. Le Fils de Dieu est descendu dans la tombe "afin que, par la mort, il anéantît celui qui a la puissance de la mort, c'est-à-dire le diable".1 TS 546 2 Au jugement dernier, quand le Juge de toute la terre demandera à Satan: "Pourquoi t'es-tu révolté contre moi et m'as-tu ravi mes sujets?" l'auteur du mal restera bouche close. Toutes les lèvres seront fermées et toutes les armées de la rébellion resteront silencieuses. TS 546 3 L'ambition de Lucifer l'avait poussé à dire: "J'élèverai mon trône au-dessus des étoiles de Dieu. ... Je serai semblable au Très-Haut." Dieu a répondu: "Je te réduis en cendre sur la terre. ... Tu es réduit au néant, tu ne seras plus à jamais".2 Lorsque le jour viendra, "ardent comme une fournaise, tous les hautains et tous les méchants seront comme du chaume; le jour qui vient les embrasera, dit l'Eternel des armées, il ne leur laissera ni racine ni rameau!"3 TS 546 4 Dieu a fait de la révolte de Satan une leçon pour l'univers dans tous les siècles à venir, un témoignage perpétuel de la nature et des terribles conséquences du péché. L'application des principes de Lucifer et leurs effets sur les anges et les hommes devaient donner une juste idée de ce qu'il en coûte de braver l'autorité divine. Cette expérience devait prouver que le bien-être de toutes les créatures dépend de la permanence du gouvernement et des lois de Dieu. L'histoire de cette sombre révolte devait être pour tous les anges une sauvegarde perpétuelle révélant définitivement le caractère de la désobéissance et de sa pénalité. TS 547 1 L'univers tout entier aura été témoin de la nature et des conséquences du péché. La totale extirpation du mal qui, accomplie au début, eût été un sujet d'effroi pour les anges et eût terni l'honneur de Dieu, proclamera hautement son amour et établira son honneur devant l'univers fidèle et joyeusement soumis à sa loi. Plus jamais le mal ne reparaîtra. Dieu a fait cette déclaration: "La détresse ne paraîtra pas deux fois."1 La loi de Dieu, dénigrée par Satan, qualifiée de joug d'esclavage, sera honorée comme une loi de liberté. Une création éprouvée et restée fidèle ne cherchera plus à déserter celui dont l'amour insondable et la sagesse infinie lui auront été si abondamment manifestés. ------------------------Chapitre 30 -- L'inimitié entre l'homme et Satan TS 549 1 Je mettrai inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité: celle-ci t'écrasera la tête, et tu lui blesseras le talon."1 La sentence divine prononcée contre Satan lors de la chute d'Adam était une prophétie embrassant tous les siècles jusqu'à la fin des temps. Elle faisait pressentir le conflit formidable dans lequel seraient engagées toutes les races humaines appelées à vivre sur la terre. TS 549 2 Après avoir péché, Satan ne s'était donné ni trêve ni repos jusqu'à ce qu'il eût trouvé des êtres disposés à sympathiser avec lui et à suivre son exemple. De même qu'il avait entraîné les anges à se révolter, ainsi il avait induit Adam à violer la loi divine. Par ce fait, l'homme, comme le tentateur, avait apostasié et s'était perverti. En outre, Satan et Adam, au lieu de se trouver en mésintelligence, s'étaient mis en harmonie, de sorte que, si Dieu n'était pas intervenu, Adam et Lucifer se seraient ligués pour lutter contre le ciel. Donc, l'inimitié entre l'homme pécheur et l'auteur du mal n'est pas un fait d'ordre naturel, comme le démontre l'entente farouche qui dresse contre Dieu les impies et les armées de Satan. En outre, si Satan et ses anges ne sont qu'un dans leur guerre contre le Souverain de l'univers, ils n'en sont pas moins en conflit sur tous les autres points. Aussi, quand il entendit que l'inimitié allait s'introduire entre lui et la femme, comme entre leurs postérités, Lucifer comprit que son projet de dépraver la nature humaine serait entravé et que, par quelque moyen, l'homme serait mis en état de lui résister. TS 550 1 En effet, ce qui enflamme l'inimitié de Satan contre l'espèce humaine, c'est que celle-ci est, par Jésus-Christ, l'objet de l'amour et de la miséricorde de Dieu. Aussi son unique désir est-il de déjouer le plan divin pour la rédemption de l'homme, et de déshonorer Dieu en dépravant et en souillant sa créature. Il fera gémir le ciel, puis il désolera la terre, et alors il s'en prendra à Dieu en déclarant que tout ce mal est le fait de la création de l'homme. TS 550 2 C'est la grâce du Sauveur dans le coeur humain qui donne naissance à l'inimitié contre Satan. Sans cette puissance régénératrice, l'homme serait le captif et le jouet de Satan. Mais le principe nouveau implanté dans son coeur suscite la guerre là où avait régné la paix. La grâce qui met l'homme en mesure de résister au tyran, de repousser l'usurpateur et de surmonter les passions qui l'avaient asservi, révèle l'existence en son âme d'un principe entièrement divin. TS 550 3 L'antagonisme existant entre l'esprit de Jésus et celui de Satan se manifesta de façon frappante dans l'accueil que le monde fit au Sauveur. Ce n'est point tant parce qu'il avait paru sans pompe, sans grandeur, sans richesses mondaines que les Juifs le rejetèrent. Ils virent bien qu'il possédait une puissance qui compensait, et au-delà, ces avantages extérieurs. C'étaient la pureté et la sainteté du Messie qui lui attiraient la haine des impies. Sa vie de renoncement, de pureté immaculée et de dévouement était une censure constante à l'adresse d'un peuple orgueilleux et sensuel. Voilà ce qui provoquait l'inimitié contre le Fils de Dieu et incitait Satan et les mauvais anges, unis aux méchants, à conjuguer toutes les énergies de l'apostasie contre le champion de la vérité. TS 551 1 L'inimitié déchaînée contre le Sauveur se déversa également sur ses disciples. Quiconque se rend compte de la nature odieuse du péché et, avec le secours d'en haut, résiste à la tentation, excitera sûrement la colère de Satan et de ses sujets. La haine des purs principes de la vérité et la persécution de ceux qui s'en font les défenseurs dureront aussi longtemps que le péché et les pécheurs. Il n'y a pas de concorde possible entre les disciples du Christ et les suppôts de Satan. Le scandale de la croix n'a pas disparu. "Tous ceux qui veulent vivre pieusement en Jésus-Christ seront persécutés."1 TS 551 2 Pour établir son royaume en opposition avec le gouvernement de Dieu, pour ébranler et séduire les serviteurs de l'Eternel, Satan tord les Ecritures comme il le faisait lorsqu'il tentait Jésus; comme autrefois les agents de l'ennemi ont calomnié et fait périr Jésus, ses suppôts aujourd'hui diffament ses disciples et les persécutent. Ces faits, annoncés dans la première prophétie: "Je mettrai inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité", se perpétueront jusqu'à la fin des temps. TS 551 3 Pourquoi l'adversaire, qui jette toutes ses forces et toute sa puissance dans ce formidable combat, ne rencontre-t-il pas une résistance plus énergique? Pourquoi les soldats du Christ sont-ils à ce point indifférents et somnolents? C'est parce que leur communion avec Dieu est trop peu réelle; parce qu'ils sont lamentablement dépourvus de son Esprit. Le péché ne leur est pas odieux comme il l'était à leur Maître. Ils ne se rendent pas compte de l'excessive malignité du mal. Ils sont aveugles touchant la nature et la puissance du prince des ténèbres; ils ignorent sa malice et son astuce dans la guerre qu'il dirige contre Jésus-Christ et son Eglise. Sur ce point, une foule de croyants sont mystifiés. Ils ne se doutent pas que leur pire ennemi est un puissant général qui, à la tête de toute l'armée des mauvais anges sur laquelle il exerce un ascendant absolu, s'efforce, selon un plan longuement mûri et habilement conçu, par de savantes manoeuvres dirigées contre Jésus-Christ, d'anéantir l'oeuvre du salut des âmes. Or, beaucoup de chrétiens et même de ministres de l'Evangile semblent ignorer jusqu'à l'existence de Satan. Ils ne le mentionnent que rarement du haut de la chaire et ferment les yeux sur son inlassable activité, sa ruse et ses succès. TS 552 1 Constamment sur les traces de ceux qui ignorent ses desseins, ce vigilant ennemi s'introduit partout dans nos maisons, dans les rues de nos villes, dans les églises, dans les assemblées législatives, dans les tribunaux. Il trouble, trompe et séduit hommes, femmes et enfants qu'il entraîne corps et âme dans la perdition. Il divise les familles et sème partout la haine, la jalousie, les dissensions et le meurtre. Et le monde chrétien semble croire cet état de choses voulu de Dieu et inéluctable. TS 552 2 Un des principaux pièges de Satan pour triompher du peuple de Dieu consiste à abattre les barrières qui le séparent du monde. Dès que l'ancien Israël se permettait avec les païens des relations qui lui étaient défendues, il était entraîné dans le péché. L'Israël moderne s'égare de la même façon. "Le dieu de ce siècle a aveuglé leur intelligence, afin qu'ils ne voient pas briller la splendeur de l'Evangile de la gloire de Christ, qui est l'image de Dieu."1 Tous ceux qui ne sont pas résolument serviteurs de Jésus-Christ sont serviteurs de Satan. Le coeur irrégénéré aime le péché et cherche toujours à l'excuser, tandis que le coeur renouvelé hait le péché et lui résiste avec énergie. Quand les chrétiens recherchent la société des mondains et des non-croyants, ils s'exposent à la tentation. Satan, dissimulé, jette un voile sur leurs yeux. Ils ne voient pas qu'une telle compagnie puisse leur nuire, et, à mesure qu'ils se conforment au monde en paroles et en actions, leur aveuglement s'accroît. En adoptant les coutumes du monde, l'Eglise ne convertira jamais celui-ci à Jésus-Christ, mais c'est elle qui se convertira au monde. Celui qui se familiarise avec le péché finit par ne plus en voir le caractère odieux. Celui qui se lie avec les serviteurs de Satan finit par ne plus redouter leur maître. Si l'épreuve survient alors qu'il accomplit son devoir, comme ce fut le cas de Daniel à la cour de Babylone, le chrétien peut être assuré de la protection de Dieu; mais celui qui s'expose à la tentation y succombera tôt ou tard. TS 553 1 C'est avec ceux que l'on suspecte le moins d'être sous son empire que le tentateur opère avec le plus de succès. On comble d'honneurs et on admire ceux qui possèdent des talents ou de l'instruction, comme si ces avantages pouvaient remplacer la crainte de Dieu et donner droit à la faveur du ciel. Les talents et la culture, considérés en eux-mêmes, sont des dons de Dieu; mais quand on les met en concurrence avec la piété, quand, au lieu de rapprocher l'âme de Dieu, ils l'en éloignent, ils deviennent une malédiction et un piège. Plusieurs pensent que tout ce qui peut être qualifié de courtoisie ou de raffinement doit, dans un certain sens, se rattacher à Jésus. Il ne fut jamais de plus grave erreur. Il est vrai que ces qualités devraient orner le caractère de tout chrétien, car elles exerceraient une puissante influence en faveur de la vraie piété; mais si elles ne sont pas consacrées à Dieu, elles deviennent une puissance pour le mal. Maint homme cultivé et de manières agréables, qui ne voudrait pas s'abaisser à ce que l'on considère communément comme un acte immoral, n'est pas autre chose qu'un instrument poli entre les mains de Satan. La nature insidieuse et séduisante de son influence et de son exemple en fait un ennemi bien plus dangereux pour la cause du Christ que les hommes ignorants et sans culture. TS 554 1 Par des prières ferventes et par sa confiance en Dieu, Salomon obtint une sagesse qui suscitait l'étonnement et l'admiration du monde. Mais dès qu'il se détourna de la source de sa force morale et qu'il se mit à compter sur lui-même, il succomba à la tentation. Alors, les facultés merveilleuses accordées au plus sage des rois en firent un instrument d'autant plus puissant entre les mains de l'adversaire des âmes. TS 554 2 Bien que Satan s'efforce constamment d'aveugler les chrétiens sur ce fait, ils ne doivent jamais oublier que "nous n'avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre les dominations, contre les autorités, contre les princes de ce monde de ténèbres, contre les esprits méchants dans les lieux célestes."1 Voici un avertissement inspiré qui nous est parvenu à travers les siècles: "Soyez sobres, veillez. Votre adversaire, le diable, rôde comme un lion rugissant, cherchant qui il dévorera."2 "Revêtez-vous de toutes les armes de Dieu, afin de pouvoir tenir ferme contre les ruses du diable."3 TS 554 3 Depuis les jours d'Adam jusqu'à notre époque, notre ennemi a usé de sa puissance pour opprimer et détruire. Il prépare actuellement sa dernière campagne contre l'Eglise. Tous ceux qui s'efforcent de suivre Jésus devront se mesurer avec cet adversaire implacable. Plus le chrétien imite fidèlement le divin Modèle, plus il est en butte aux attaques de Satan. Tous ceux qui sont activement occupés dans la cause de Dieu et s'emploient à démasquer les séductions du Malin et à présenter Jésus-Christ au monde pourront dire, après Paul, qu'ils servent le Seigneur en toute humilité, avec larmes, et au milieu de grandes tribulations. TS 554 4 Assailli par les tentations les plus puissantes et les plus subtiles, Jésus repoussa Satan à chaque rencontre. Or, ces batailles ont été livrées en notre faveur, et ces victoires rendent la nôtre possible. Le Sauveur communique sa grâce à tous ceux qui l'invoquent, et le tentateur ne peut contraindre personne à pécher. Il ne peut nous vaincre sans notre consentement. Il peut plonger dans la détresse l'âme qui lui résiste, mais il ne peut l'obliger à faire sa volonté; il peut l'accabler, mais non la souiller. Le fait que Jésus-Christ a vaincu doit inciter ses disciples à lutter virilement et courageusement contre le péché et contre Satan. ------------------------Chapitre 31 -- Les bons anges et les esprits malins TS 557 1 Les rapports du monde visible avec le monde invisible, le ministère des anges et le rôle des mauvais esprits -- problèmes inséparables de l'histoire humaine -- sont clairement expliqués dans les Ecritures. L'opinion générale tend à révoquer en doute l'existence des mauvais esprits. Quant aux anges fidèles, qui "exercent un ministère en faveur de ceux qui doivent hériter du salut",1 plusieurs les considèrent comme les esprits des morts. Or, non seulement les Ecritures enseignent l'existence des anges, bons et mauvais, mais elles prouvent surabondamment qu'ils ne sont pas les esprits désincarnés des morts. TS 557 2 Les anges existaient avant la création de l'homme; en effet, lors de la fondation de la terre "les étoiles du matin éclataient en chants d'allégresse, et tous les fils de Dieu poussaient des cris de joie".2 Après la chute de l'homme, des anges furent envoyés pour garder l'accès de l'arbre de vie, alors que la mort n'avait encore frappé aucun homme. D'ailleurs, les anges sont d'une nature différente de celle des hommes, puisqu'il est écrit: "Tu l'as fait, pour un peu de temps, inférieur aux anges."1 TS 558 1 La Bible nous renseigne sur le nombre, la puissance et la gloire des êtres célestes, sur leurs rapports avec le gouvernement divin, comme aussi sur le rôle qu'ils jouent dans le plan de la rédemption. "L'Eternel a établi son trône dans les cieux, et son règne domine sur toutes choses." "J'entendis la voix de beaucoup d'anges autour du trône." Dans l'antichambre du Roi des rois, se presse une multitude "d'anges, puissants en force", et qui exécutent "ses ordres, en obéissant à la voix de sa parole."2 Le prophète Daniel vit les messagers de Dieu au nombre de "mille milliers" et de "dix mille millions". L'apôtre Paul nous parle aussi "des myriades qui forment le choeur des anges."3 Ces messagers célestes se déplacent si rapidement que le prophète les voit s'élancer "comme la foudre."4 L'aspect de l'ange qui se présenta devant la tombe du Sauveur "était comme l'éclair, et son vêtement blanc comme la neige"; cette apparition fit trembler les gardes romains, qui "devinrent comme morts."5 Quand Sanchérib, le hautain monarque assyrien, méprisa et blasphéma Dieu, et qu'il menaça Israël de destruction, "cette nuit-là, l'ange de l'Eternel sortit, et frappa dans le camp des Assyriens cent quatre-vingt-cinq mille hommes". Alors furent exterminés "dans le camp du roi d'Assyrie tous les vaillants hommes, les princes et les chefs. Et le roi confus retourna dans son pays."6 TS 558 2 Les anges sont chargés d'accomplir des missions de miséricorde en faveur des enfants de Dieu. Ils furent envoyés à Abraham, avec des promesses de bénédictions; à Lot, aux portes de Sodome, pour soustraire ce juste à la destruction de la ville; à Elie, dans le désert, sur le point de succomber à la fatigue et à la faim; à Elisée, qui vit entourée de chariots et de chevaux de feu la petite ville où l'avaient cerné ses ennemis; à Daniel, jeté dans la fosse aux lions pour sa fidélité au vrai Dieu; à Pierre, condamné à mort dans la prison d'Hérode; à deux apôtres emprisonnés à Philippes; à Paul et à ses compagnons pendant une tempête nocturne; au centenier Corneille, désireux de connaître l'Evangile; à Pierre, pour l'envoyer porter le message du salut à cet officier étranger. C'est ainsi que dans tous les siècles les saints anges ont exercé un ministère en faveur du peuple de Dieu. TS 559 1 Chaque disciple de Jésus-Christ a son ange gardien, cette céleste sentinelle, qui protège le juste contre les assauts du Malin. Satan lui-même le reconnaît en ces termes: "Est-ce d'une manière désintéressée que Job craint Dieu? Ne l'as-tu pas protégé, lui, sa maison, et tout ce qui est à lui?"1 Le moyen dont Dieu se sert pour protéger les siens est mentionné par le psalmiste: "L'ange de l'Eternel campe autour de ceux qui le craignent, et il les arrache au danger."2 Les anges désignés pour veiller sur les enfants de Dieu ont toujours accès auprès de lui. Le Seigneur lui-même le déclare en ces termes: "Gardez-vous de mépriser un seul de ces petits; car je vous dis que leurs anges dans les cieux voient continuellement la face de mon Père qui est dans les cieux."3 TS 559 2 Ainsi, le peuple de Dieu, toujours exposé à la puissance de séduction, à l'inlassable malignité du prince des ténèbres, toujours en guerre avec les puissances du mal, est assuré de la protection constante des bons anges. Cette assurance n'est pas superflue. Si Dieu a promis sa grâce et sa protection à ses enfants, c'est parce qu'ils doivent faire face aux puissants émissaires du Malin, agents nombreux, déterminés, infatigables, dont nul ne peut impunément ignorer l'astuce. TS 560 1 Les esprits malins ont été créés sans péché, égaux en puissance et en gloire aux êtres saints qui sont restés jusqu'à ce jour les messagers de Dieu. Tombés dans le péché, ils se sont ligués pour déshonorer Dieu et perdre les hommes. Entraînés par Satan dans sa rébellion, expulsés du ciel avec leur chef, ils ont coopéré avec lui au cours des siècles dans sa guerre contre l'autorité divine. Les Ecritures nous parlent de leur fédération, de leur gouvernement, de leurs divers ordres, ainsi que de leur conspiration et de leur ruse contre la paix et le bonheur de l'humanité. TS 560 2 Les récits de l'Ancien Testament mentionnent occasionnellement leur existence et leurs agissements; mais c'est aux jours du Sauveur qu'ils manifestèrent leur puissance de la façon la plus frappante. Le Fils de Dieu étant venu exécuter le plan de la rédemption, Satan, qui avait réussi à établir l'idolâtrie dans toutes les parties de la terre sauf en Palestine, prit la détermination d'affirmer ses droits au gouvernement du monde. Jésus avait paru pour répandre la lumière dans le seul pays qui ne s'était pas entièrement soumis au joug du tentateur. Deux pouvoirs rivaux se disputèrent alors la suprématie. Plein d'amour, les bras étendus vers tous ceux qui l'accueillaient, Jésus leur offrait le pardon et la paix. Les soldats du prince des ténèbres virent que leur pouvoir n'était pas illimité et comprirent que si la mission du Christ réussissait, leur domination ne tarderait pas à s'effondrer. Aussi, rugissant comme un lion enchaîné, Satan se mit-il à exercer sa puissance de la façon la plus provocante sur les corps et sur les âmes. TS 560 3 La réalité des possessions démoniaques est nettement affirmée par le Nouveau Testament. Les personnes qui en étaient affligées ne souffraient pas seulement de maladies dues à des causes naturelles. Jésus reconnut, dans ces cas, la présence et l'action directe des mauvais esprits. TS 560 4 Un exemple frappant du nombre, de la force et de la malignité des mauvais anges, aussi bien que de la puissance et de la miséricorde du Sauveur, est donné dans le récit de la guérison des deux démoniaques de Gadara. Ces malheureux déments, défiant toute intervention, se tordaient, écumaient et hurlaient, remplissant les airs de leurs cris, se meurtrissant et mettant en danger la vie de tous ceux qui les approchaient. Leur corps ensanglanté et contortionné, leur regard égaré présentaient un spectacle propre à satisfaire le prince des ténèbres. L'un des démons qui obsédaient ces malheureux avoua: "Légion est mon nom, car nous sommes plusieurs."1 Dans l'armée romaine, une légion se composant de trois à cinq mille hommes, cet aveu nous renseigne sur le nombre de démons qui s'étaient logés dans le corps de ces possédés. TS 561 1 Sur l'ordre de Jésus, les esprits malins lâchèrent leurs victimes; celles-ci, recouvrant leurs facultés, s'assirent paisibles et soumises aux pieds de Jésus. Mais les démons ayant reçu l'autorisation d'entraîner au lac un troupeau de pourceaux, les gens de Gadara envisagèrent cette perte comme n'étant pas contrebalancée par le miracle accompli et prièrent le divin Guérisseur de se retirer de leur contrée. C'était là exactement ce que Satan désirait. En rendant Jésus responsable du dommage subi, il exalta leurs craintes égoïstes et les empêcha de prêter l'oreille à ses paroles. C'est ainsi que Satan accuse constamment les chrétiens d'être la cause des malheurs et des calamités dont lui-même et ses agents sont les vrais responsables. TS 561 2 Mais les desseins de Jésus ne furent pas frustrés. Il avait permis aux démons d'anéantir le troupeau de pourceaux pour censurer les Juifs qui, par amour du gain, élevaient des animaux impurs. S'il n'avait pas tenu les démons en échec, ils auraient précipité dans le lac non seulement les pourceaux, mais aussi leurs gardiens et leurs propriétaires. Ceux-ci ne devaient leur salut qu'à la puissance charitablement déployée en leur faveur. En outre, le Seigneur permit cet incident pour donner à ses disciples l'occasion de voir une manifestation de la cruauté de Satan envers les hommes et les animaux. Le Sauveur désirait que ses disciples connaissent l'ennemi qu'ils étaient appelés à affronter et se gardent de ses artifices. Il voulait aussi que les habitants de la région voient qu'il avait la puissance de briser les chaînes de Satan et de relâcher ses captifs. D'ailleurs, après le départ de Jésus, les hommes si merveilleusement délivrés restèrent dans le pays pour proclamer la miséricorde de leur Bienfaiteur. TS 562 1 Le Nouveau Testament nous donne d'autres exemples du même genre. La fille d'une femme syro-phénicienne cruellement tourmentée par un démon en fut délivrée par Jésus, qui le chassa par sa parole".1 Le "démoniaque aveugle et muet2 le jeune homme "possédé d'un esprit muet", qui "le jetait par terre" "en quelque lieu qu'il le saisît", et qui l'avait "jeté dans le feu et dans l'eau pour le faire périr";3 le lunatique dont 1'"esprit de démon impur";1 qui le possédait troubla la tranquillité de la synagogue de Capernaüm le jour du sabbat; tous ceux-là furent guéris par un Sauveur compatissant. Dans presque tous ces cas Jésus s'adressa au démon comme à une entité intelligente et lui ordonna de sortir de sa victime, de cesser de la tourmenter. En constatant la grande puissance du Christ, les fidèles de Capernaüm se disaient les uns aux autres: "Quelle est cette parole? Il commande avec autorité et puissance aux esprits impurs, et ils sortent!"4 TS 562 2 Les possédés nous sont souvent représentés comme endurant de grandes souffrances; mais il y a des exceptions à cette règle. Pour posséder une force surnaturelle, certains hommes accueillaient avec empressement l'influence satanique. Ceux-là n'étaient naturellement pas en lutte avec les démons. A cette catégorie appartenaient ceux qui possédaient l'esprit de divination, tels Simon le magicien, Elymas, et la servante de Philippes qui poursuivait Paul et Silas. TS 563 1 Nul n'est plus en danger de subir la néfaste influence des mauvais esprits que celui qui, en dépit des témoignages abondants et directs des Ecritures, nie l'existence et l'action du diable et de ses anges. Tant qu'on ignore leurs supercheries, ils ont un avantage presque inconcevable; plusieurs acceptent leurs suggestions, tout en s'imaginant suivre les inspirations de leur propre sagesse. C'est la raison pour laquelle, à mesure que nous approchons de la fin, où il doit opérer avec plus de puissance que jamais pour séduire et ravager, Satan s'efforce de répandre la croyance qu'il n'est qu'un mythe. Sa tactique est d'agir dans l'ombre, et de laisser ignorer sa personnalité et son activité. TS 563 2 Le grand séducteur ne redoute rien tant que de voir sa ruse découverte. Pour mieux masquer sa nature réelle et ses desseins, il s'est fait représenter sous des images grotesques destinées à provoquer l'hilarité et le mépris. Il lui plaît de se voir dépeint comme un être ridicule ou repoussant, moitié animal et moitié homme. Il est ravi d'entendre des gens qui se disent intelligents et renseignés prononcer son nom à la légère ou par moquerie. TS 563 3 Satan se dissimule avec une habileté tellement consommée que l'on entend souvent des personnes demander: "Cet être existe-t-il réellement?" La preuve la plus évidente de son succès, c'est que des théories contredisant directement les déclarations les plus positives des Ecritures reçoivent tant de créance dans le monde religieux. Et, parce que Satan peut aisément dominer les gens inconscients de son influence, la Parole de Dieu nous met en garde contre les assauts de cet adversaire en nous donnant maints exemples de son oeuvre néfaste et en nous révélant ses maléfices. TS 563 4 La puissance et la malignité de Satan et de ses armées nous alarmeraient à juste titre si nous n'avions pas la certitude de trouver protection et délivrance auprès de notre invincible Rédempteur. Nous munissons soigneusement nos maisons de serrures et de verrous pour mettre nos biens et nos vies à l'abri des entreprises des méchants, mais nous pensons rarement aux mauvais anges qui ne cherchent qu'à nous nuire et contre les attaques desquels nous n'avons en nous-mêmes aucun moyen de défense. S'ils en avaient la permission, ils pourraient détraquer notre esprit, déformer notre corps, détruire nos biens et mettre fin à nos jours. Ils ne se plaisent qu'à des scènes de souffrance et de destruction. Lamentable est la condition de ceux qui, résistant aux appels de Dieu, cèdent aux tentations de Satan jusqu'à ce qu'ils soient livrés aux mauvais esprits. Mais ceux qui suivent le Sauveur sont toujours en sécurité sous sa sauvegarde. Des anges "puissants en force" sont envoyés du ciel pour les protéger. Dieu place autour de son peuple une garde que le Malin ne peut franchir. ------------------------Chapitre 32 -- Les pièges de Satan TS 565 1 Le conflit qui se livre entre Jésus-Christ et Satan depuis bientôt six mille ans touche à son terme. Aussi Lucifer redouble-t-il d'énergie dans sa tentative de faire échouer l'oeuvre du Sauveur en faveur de l'homme. Retenir les âmes dans les ténèbres et l'impénitence jusqu'à ce que le ministère sacerdotal de Jésus prenne fin et qu'il n'y ait plus de sacrifice pour le péché, tel est son objectif. TS 565 2 Quand son activité ne rencontre point d'obstacles, quand le monde et l'Eglise sont indifférents, toute appréhension le quitte; en effet, il ne court aucun danger de perdre ceux qui n'aspirent qu'à faire sa volonté. Mais dès que la question des choses éternelles est posée et que des personnes commencent à se demander: "Que faut-il que je fasse pour être sauvé?" il accourt pour s'opposer au Seigneur et contrecarrer l'influence du Saint-Esprit. TS 565 3 Les Ecritures nous apprennent qu'un jour, alors que les anges de Dieu étaient venus se présenter devant le Seigneur, Satan "vint aussi au milieu d'eux",1 non pour se prosterner devant le Roi du ciel, mais pour intriguer contre les justes. Dans la même intention, il se rend là où l'on se réunit pour adorer Dieu. Quoique invisible, il s'emploie activement à imposer ses suggestions aux adorateurs. En habile général, il dresse ses plans à l'avance. Pendant que le messager de Dieu sonde les Ecritures, il prend note du sujet qui sera traité. Il use alors de toute son habileté et de toute sa ruse pour diriger les circonstances de manière que ceux qu'il séduit sur ce point précis ne reçoivent pas le message de Dieu. Celui qui en a le plus besoin sera retenu par quelque affaire pressante, ou empêché d'une autre manière d'entendre les vérités qui seraient pour lui une "odeur de vie donnant la vie". TS 566 1 D'autre part, voyant les serviteurs de Dieu souffrir des ténèbres spirituelles qui enveloppent le monde et demander à Dieu la grâce et la puissance nécessaires pour rompre le charme de l'indifférence, de l'insouciance et de l'indolence, il met en jeu ses artifices avec un redoublement de zèle. Il incite les hommes à émousser leurs sens par l'appétit ou par quelque autre vice, les rendant ainsi incapables d'entendre les avertissements dont ils ont le plus pressant besoin. TS 566 2 Satan sait fort bien que tous ceux qu'il peut amener à négliger la prière et l'étude de la Parole de Dieu succomberont à ses assauts. Aussi invente-t-il toute espèce de distractions. Il y a toujours eu des gens qui, tout en professant la piété, se sont fait une spécialité de critiquer le caractère, les croyances des personnes dont ils ne partagent pas les opinions. Ces accusateurs des frères sont les meilleurs collaborateurs de Satan. Ils sont nombreux et, quand Dieu est à l'oeuvre, ils se montrent d'autant plus actifs. Ils tordent et discréditent les paroles et les actes de ceux qui aiment la vérité et conforment leur vie à ses exigences. Ils traitent d'égarés ou de séducteurs les serviteurs de Dieu les plus fervents et les plus désintéressés. Ils font leur affaire de dénigrer les mobiles de toute action noble et sincère, de répandre des insinuations et de jeter la suspicion dans les âmes candides. Tout moyen leur est bon, pour faire paraître faux et pernicieux ce qui est bon et recommandable. TS 567 1 Mais il n'y a pas lieu de se méprendre à leur sujet: "Vous les reconnaîtrez à leurs fruits."1 Il est facile de voir qui est leur père, de quel exemple ils s'inspirent, et de qui ils sont les collaborateurs, car leur travail ressemble parfaitement à celui de Satan, le grand calomniateur, "l'accusateur de nos frères."2 TS 567 2 Pour égarer les âmes, le séducteur en chef ne manque pas d'agents prêts à répandre toutes les erreurs imaginables. Il engendre diverses hérésies adaptées au goût et aux aptitudes des personnes dont il désire consommer la ruine. Sa tactique est de faire entrer dans l'Eglise des inconvertis qui y sèmeront le doute et l'incrédulité, entravant ainsi ceux qui désirent voir progresser l'oeuvre de Dieu et progresser avec elle. Des personnes qui n'ont pas une foi réelle en Dieu ou en sa Parole souscrivent à quelques principes de la vérité, passent pour chrétiennes et réussissent à faire prendre leurs erreurs pour des doctrines scripturaires. TS 567 3 L'idée selon laquelle ce que l'on croit a peu d'importance constitue l'une des plus dangereuses séductions de Satan. Il sait que la vérité sanctifie celui qui la reçoit avec amour; c'est pourquoi il s'efforce constamment de la remplacer par de fausses théories, par des fables, par un autre Evangile. Dès l'origine, les serviteurs de Dieu ont dû lutter contre de faux docteurs qui étaient non seulement des hommes vicieux, mais des propagateurs d'idées fausses et dangereuses. Elie, Jérémie, Paul se dressèrent avec une fermeté inflexible contre les docteurs qui détournaient les hommes de la Parole de Dieu. Le libéralisme qui n'attache aucune importance à la pure doctrine ne trouvait pas grâce aux yeux de ces saints champions de la vérité. TS 568 1 Les interprétations vagues et fantaisistes des Ecritures, les nombreuses théories contradictoires qui ont cours dans le monde chrétien et jettent la confusion dans les esprits, sont l'oeuvre de notre grand adversaire. La discorde et les divisions qui séparent les églises chrétiennes sont dues en grande partie à la coutume de tordre les Ecritures pour y trouver des arguments destinés à étayer quelque théorie favorite. Au lieu d'étudier la Parole de Dieu avec soin et humilité pour y chercher la connaissance de la volonté de son auteur, beaucoup de gens n'y cherchent que des choses bizarres ou originales. Pour soutenir des doctrines erronées ou des pratiques non chrétiennes, ils prennent des passages de l'Ecriture détachés de leur contexte en se bornant parfois à en citer un demi-verset, alors que la suite du texte donnerait une tout autre idée. Imitant la ruse du serpent, ils se retranchent derrière des déclarations décousues qui semblent confirmer leurs prétentions charnelles. Plusieurs tordent ainsi volontairement la Parole de Dieu. D'autres, qui sont doués d'une vive imagination, s'emparent des figures et des images de la Bible et les interprètent à leur fantaisie sans se mettre en peine du fait que l'Ecriture est son propre interprète, quitte à donner leurs rêveries pour les enseignements de la Parole de Dieu. TS 568 2 Quiconque entreprend l'étude des Ecritures sans humilité d'esprit et sans disposition à se laisser instruire, détournera de leur vrai sens les passages les plus simples et les plus clairs aussi bien que les plus difficiles. Les docteurs de Rome, choisissant les textes de la Bible qui répondent le mieux à leur but, les interprètent à leur gré, puis les présentent à leurs ouailles, tout en leur interdisant d'étudier les saints Livres pour eux-mêmes. Il faut livrer au peuple la Bible tout entière, telle que Dieu l'a donnée; il serait préférable de le laisser sans instruction religieuse que de lui donner un enseignement falsifié. TS 568 3 Les Ecrits sacrés sont destinés à être le guide de quiconque désire connaître la volonté de son Créateur. C'est Dieu qui a donné à l'homme la "parole certaine des prophètes"; les anges et Jésus-Christ en personne sont venus sur la terre pour faire connaître à Daniel et à Jean "les choses qui doivent arriver bientôt". Les questions importantes qui concernent notre salut n'ont pas été laissées dans le vague, ni enveloppées de mystère. Elles n'ont pas été révélées de façon à intriguer et à égarer celui qui cherche réellement la vérité. Le Seigneur dit par le prophète Habakuk: "Ecris la prophétie: grave-la sur des tables, afin qu'on la lise couramment."1 La Parole de Dieu est claire pour tous ceux qui l'étudient avec un esprit de prière. Toute âme réellement honnête parviendra à la connaissance de la vérité. "La lumière est semée pour le juste."2 Aucune Eglise ne peut avancer dans la sainteté tant que ses membres ne recherchent pas la vérité comme on cherche un trésor caché. TS 569 1 Au cri de "largeur chrétienne", une foule de gens aveuglés se jettent dans les pièges d'un adversaire infatigable. Dans la mesure où celui-ci réussit à substituer des spéculations humaines à la Parole de Dieu, la loi divine est supplantée, et, tout en se disant libres, les Eglises sont esclaves du péché. TS 569 2 Les recherches scientifiques ont fait la perte d'un grand nombre de personnes. Dieu a permis que, par les découvertes faites dans les sciences et dans les arts, un torrent de lumière se répande sur le monde. Mais si Dieu ne les guide pas dans leurs recherches, les plus puissants génies eux-mêmes se perdent en voulant chercher les rapports existant entre la science et la révélation. TS 569 3 Les connaissances humaines, tant dans le domaine matériel que dans le domaine spirituel, sont partielles et imparfaites; il s'ensuit que plusieurs sont incapables de faire concorder leurs notions scientifiques avec les Ecritures. Bien des gens qui ont accepté de simples théories, de pures hypothèses, pour des faits scientifiques, s'imaginent que leur "science faussement ainsi nommée" est la pierre de touche par laquelle il faut éprouver la Parole de Dieu. Et comme le Créateur et ses oeuvres dépassent leur intelligence et qu'ils ne peuvent les expliquer par les lois de la nature, ils en concluent que l'histoire sacrée n'est pas digne de créance. Ceux qui doutent de la véracité des récits de l'Ancien et du Nouveau Testament font trop souvent un pas de plus: ils en viennent à douter de l'existence de Dieu et attribuent à la nature la puissance de l'Etre suprême. Leur ancre lâchée, ils vont se briser contre les récifs de l'incrédulité. TS 570 1 C'est ainsi que beaucoup, séduits par le diable, errent loin de la foi. Les hommes ont voulu être plus sages que le Créateur. La philosophie humaine a tenté de sonder et d'expliquer des mystères qui ne seront jamais dévoilés au cours des siècles éternels. Si les gens voulaient se borner à étudier et à comprendre ce que Dieu a révélé touchant sa personne et ses desseins, ils obtiendraient une telle vision de la gloire, de la majesté et de la puissance de Jéhovah, qu'écrasés par leur petitesse, ils se contenteraient de ce qui a été révélé pour eux et pour leurs enfants. TS 570 2 Un chef-d'oeuvre de Satan en fait de séduction, c'est sa façon d'entraîner les hommes à la recherche de choses que Dieu ne nous a pas fait connaître, et qu'il ne veut pas que nous comprenions. C'est ainsi que Lucifer a perdu sa place dans le ciel. Commençant par être mécontent de ce que Dieu ne lui révélait pas tous ses desseins, il finit par négliger entièrement ce qui lui était révélé touchant sa mission et la haute position qui lui était assignée. Inoculant son dépit aux anges qui étaient sous ses ordres, il consomma leur perte. Il s'efforce maintenant de communiquer le même esprit aux hommes, et les pousse à méconnaître les commandements de Dieu les plus formels. TS 571 3 Ceux qui ne sont pas disposés à recevoir les vérités claires et précises de la Parole de Dieu sont constamment à la recherche de fables agréables capables de calmer leur conscience. Moins ces doctrines sont spirituelles, moins elles exigent de renoncement et d'humilité, plus grande est leur vogue auprès des gens qui rapetissent leurs facultés intellectuelles pour satisfaire leurs désirs charnels. Trop sages à leurs propres yeux pour sonder les Ecritures avec humilité et prière afin d'obtenir les lumières d'en haut, elles n'ont rien pour les protéger contre l'erreur, et Satan est prêt à satisfaire leurs aspirations en leur offrant ses sophismes au lieu de la vérité. C'est ainsi que la papauté a réussi à dominer les esprits. Et les protestants, en rejetant la vérité parce qu'elle renferme une croix, suivent la même route. Quiconque abandonne la Parole de Dieu pour assurer ses aises et éviter de faire autrement que tout le monde, finira par tomber dans des aberrations damnables qu'il prendra pour la vraie doctrine. Ceux qui rejettent sciemment la vérité accepteront fatalement les hérésies les plus saugrenues. Tel qui repousse une duperie avec horreur en accueillera une autre avec empressement. Parlant de certaines personnes qui n'ont pas ouvert "leur coeur à l'amour de la vérité qui les aurait sauvées", l'apôtre Paul dit: "Aussi Dieu leur envoie une puissance d'égarement, pour qu'[elles] croient au mensonge, afin que tous ceux qui n'ont pas cru à la vérité, mais qui ont pris plaisir à l'injustice, soient condamnés."1 En présence d'un tel avertissement il convient que nous prenions garde aux doctrines que nous recevons. TS 571 1 Au nombre des instruments les plus dangereux du grand séducteur, il faut classer les enseignements trompeurs et les prodiges mensongers du spiritisme. Déguisé en ange de lumière, il tend ses filets là où l'on s'y attend le moins. Si on voulait étudier le Livre de Dieu avec de ferventes prières, on ne serait pas dans l'ignorance en matière de fausses doctrines. Mais dès qu'on rejette la vérité, on devient un terrain fertile pour les aberrations. TS 572 1 Une autre erreur dangereuse, c'est celle qui nie la divinité de Jésus-Christ, aussi bien que son existence antérieure à son incarnation. Bien qu'elle contredise les enseignements les plus positifs du Sauveur touchant ses relations avec le Père, sa nature divine et sa préexistence, cette théorie est acceptée par beaucoup de personnes qui professent croire aux Ecritures. On ne peut la soutenir qu'en "tordant les Ecritures" de la façon la plus manifeste. Non seulement cette doctrine ravale la conception que l'on se fait de l'oeuvre de la rédemption, mais elle sape par la base la foi en la Bible comme révélation divine. Ce dernier trait la rend d'autant plus dangereuse qu'elle devient plus difficile à réfuter. Il est, en effet, inutile de discuter touchant la divinité du Sauveur avec des gens qui rejettent le témoignage de la Bible. Quelque puissants que soient vos arguments, ils ne produiront pas d'impression sur eux. "L'homme animal ne reçoit pas les choses de l'Esprit de Dieu, car elles sont une folie pour lui, et il ne peut les connaître, parce que c'est spirituellement qu'on en juge."1 Aucun de ceux qui retiennent cette erreur ne peut avoir une juste conception du caractère ou de la mission du Christ, ni du grand plan de Dieu pour la rédemption de l'homme. TS 572 2 Une autre erreur subtile et nuisible qui se répand rapidement, c'est celle d'après laquelle Satan ne serait pas un être personnel, les Ecritures ne faisant usage de ce nom que pour symboliser les mauvaises pensées et les mauvais désirs de l'homme. TS 572 3 L'enseignement, si répandu dans le monde chrétien, selon lequel la seconde venue du Seigneur aurait lieu à la mort de chacun est un piège destiné à faire perdre de vue sa venue sur les nuées du ciel. Depuis des années, Satan s'affaire à répéter: "Voici, il est dans les chambres",2 et nombre d'âmes se sont prises et perdues à ce traquenard. TS 572 4 La sagesse selon le monde prétend aussi que la prière n'est pas utile. Des hommes de science enseignent qu'il ne saurait y avoir d'exaucement à nos prières vu que cela serait une violation des lois de la nature, un miracle, et que le miracle n'existe pas. L'univers, disent-ils, est gouverné par des lois immuables, et Dieu lui-même ne fait rien qui leur soit contraire. Ils affirment ainsi que Dieu est lié par ses propres lois, comme si l'action des lois divines était incompatible avec la liberté de Dieu. Un tel enseignement est en contradiction avec celui des Ecritures. Est-ce que Jésus et ses apôtres n'ont pas opéré des miracles? Le même Sauveur compatissant n'est-il pas encore vivant aujourd'hui, et tout aussi prêt à exaucer les prières de la foi que lorsqu'il marchait sur la terre, visible aux yeux des mortels? Le monde naturel coopère avec le monde surnaturel. Il entre dans le plan de Dieu de nous accorder, en retour de la prière de la foi, ce que nous n'obtiendrions pas si nous ne le demandions pas. TS 573 1 Les fausses doctrines et les idées fantaisistes qui s'introduisent dans les églises de la chrétienté sont légion. Il est impossible d'évaluer les conséquences néfastes qu'entraîne le déplacement d'un seul jalon posé par la Parole de Dieu. Peu nombreux sont ceux qui, se hasardant à le faire, s'en tiennent à ne rejeter qu'un seul point de la vérité. Le plus grand nombre continue à écarter, l'un après l'autre, tous les principes de la vérité, et finit par tomber dans l'incrédulité. TS 573 2 Maintes âmes, qui auraient pu être croyantes, ont été poussées dans les rangs du scepticisme par les erreurs de la théologie populaire. Incapables d'accepter des doctrines qui outragent leur notion de la justice, de la miséricorde et de la bienveillance -- doctrines qu'on leur donne comme scripturaires -- elles se refusent à recevoir la Bible comme la Parole de Dieu. TS 573 3 Or, c'est exactement là ce que veut Satan. Il ne désire rien tant que d'ébranler la confiance en Dieu et en sa Parole. Chef de la grande armée de ceux qui doutent, il travaille avec une énergie sauvage à attirer les âmes dans ses rangs. Aujourd'hui, le doute est à la mode. Bien des gens nourrissent une certaine défiance à l'égard de la Parole de Dieu dont ils s'éloignent parce que, comme son Auteur, elle dévoile et condamne le péché. Ceux qui ne sont pas disposés à lui obéir font tous leurs efforts pour en détruire l'autorité. S'ils la lisent, s'ils entendent ses enseignements prêchés du haut de la chaire, c'est en vue de critiquer soit la Bible, soit le sermon. Nombreux sont ceux qui deviennent incrédules simplement pour justifier la négligence de leurs devoirs. D'autres adoptent le scepticisme soit par orgueil, soit par indolence. Trop soucieux de leurs aises pour oser se distinguer par l'accomplissement d'une action louable exigeant des efforts et du renoncement, ils cherchent à se faire une réputation de haute sagesse en critiquant le saint Livre. TS 574 1 Il y a dans la Bible bien des choses que l'intelligence humaine non éclairée par la sagesse divine ne peut comprendre, et qui donnent lieu à la critique. Beaucoup de personnes semblent croire que c'est une vertu de se ranger du côté du scepticisme et de l'incrédulité. Sous une apparence de candeur, ces personnes sont en réalité victimes de leur orgueil et du sentiment de leur supériorité. Plusieurs trouvent aussi leur plaisir à chercher dans les Ecritures matière à embarrasser les esprits. Ils critiquent par simple amour de la discussion, ne voyant pas qu'ils se jettent ainsi dans le filet de l'oiseleur. Puis, ayant ouvertement exprimé des sentiments d'incrédulité, il se sentent en quelque sorte obligés de maintenir leurs positions. C'est ainsi qu'ils s'unissent aux impies et finissent par se fermer les portes du paradis. TS 574 2 Dieu a donné aux hommes une base ferme pour y asseoir leur foi. Il a placé dans les Ecritures des preuves suffisantes de leur divine origine. Les grandes vérités relatives à notre rédemption y sont clairement exposées. Avec l'aide du Saint-Esprit, qui est promis à tous ceux qui le demandent sincèrement, chacun peut comprendre ces vérités. TS 574 3 Cela dit, il faut reconnaître que l'esprit borné de l'homme n'est pas capable de comprendre parfaitement les plans et les desseins de l'Infini. Jamais on ne sondera les profondeurs de Dieu. Que nul ne tente de soulever d'une main présomptueuse le voile derrière lequel il dissimule sa majesté. "O profondeur de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu!" s'écrie l'apôtre. "Que ses jugements sont insondables, et ses voies incompréhensibles!"1 Ce qu'on peut comprendre des voies de Dieu et de ses mobiles envers nous, c'est une miséricorde et un amour infinis, unis à sa toute-puissance. Notre Père céleste ordonne toutes choses avec sagesse et justice: aussi nous convient-il de ne témoigner ni mécontentement ni méfiance, mais de nous incliner avec une soumission respectueuse. Il nous révélera de ses desseins tout ce qui pourra concourir à notre bien; pour le reste, ayons confiance en sa main puissante et en son amour. TS 575 1 Quoique Dieu ait donné des preuves suffisantes pour soutenir notre foi, il n'enlèvera jamais toutes les raisons de ne pas croire. Ceux qui cherchent des échappatoires en trouveront. Et ceux qui refusent d'accepter la Parole de Dieu et de lui obéir jusqu'à ce que toutes leurs objections soient levées et qu'aient disparu tous les prétextes de douter, ne parviendront jamais à la lumière. TS 575 2 La méfiance envers Dieu est le fruit du coeur naturel qui a de l'inimitié pour Dieu. La foi, en revanche, est un fruit de l'Esprit qui ne prospère que là où l'Esprit est apprécié. Nul ne peut devenir fort en la foi sans un effort persévérant. De même, l'incrédulité se fortifie par la culture. Celui qui, au lieu de méditer les preuves que Dieu lui a données pour fortifier sa foi, se permet de contester et d'ergoter, s'enfoncera de plus en plus dans le doute. TS 575 3 Or, ceux qui doutent des promesses de Dieu et se défient des assurances de sa grâce le déshonorent; leur influence éloigne les âmes de Jésus au lieu de les attirer à lui. Arbres stériles, leur vaste ramure intercepte les rayons solaires et fait péricliter et périr les plantes sous leur ombre glaciale. L'oeuvre de ces douteurs sera un témoignage permanent contre eux. Les semences de doute et de scepticisme qu'ils ont jetées produiront infailliblement leur moisson. TS 576 1 Ceux qui désirent honnêtement s'affranchir du doute n'ont qu'une chose à faire. Au lieu de contester et de raisonner au sujet de ce qu'ils ne comprennent pas, qu'ils mettent à profit la lumière qui brille déjà sur leur sentier, et celle-ci ira en augmentant. Qu'ils s'acquittent de tous les devoirs qui leur sont évidents, et ils ne tarderont pas à comprendre et à accomplir ceux au sujet desquels ils sont actuellement dans le doute. TS 576 2 Satan peut offrir des contrefaçons assez ressemblantes de la vérité à ceux qui veulent bien se laisser séduire et qui désirent éviter le renoncement et le sacrifice. Mais il lui est impossible de retenir sous son empire une seule âme honnête qui veut à tout prix connaître la vérité. Jésus-Christ est la vérité et "la véritable lumière qui, en venant dans le monde, éclaire tout homme."1 L'Esprit de vérité est venu dans le monde pour guider les hommes dans toute la vérité. Le Fils de Dieu dit, en effet: "Cherchez, et vous trouverez." "Si quelqu'un veut faire sa volonté, il connaîtra si ma doctrine est de Dieu."2 TS 576 3 Les disciples de Jésus ne se font qu'une faible idée des complots que Satan et ses suppôts ourdissent contre eux. Mais celui qui siège dans les cieux fera tout concourir à l'accomplissement de ses profonds desseins. Si le Seigneur permet que ses enfants passent par la fournaise de l'affliction, cela ne signifie pas qu'il prend plaisir à leur détresse et à leur souffrance, mais c'est parce que ces épreuves sont nécessaires à leur victoire finale. Les mettre à l'abri de toute tentation ne contribue pas à sa gloire, puisque le but même de leur épreuve est de les rendre capables de résister aux attraits du mal. TS 577 1 Si les croyants comptent sur les promesses de Dieu, s'ils confessent et délaissent leurs péchés, et offrent à leur Père céleste des coeurs soumis et contrits, ni les impies, ni les démons ne pourront enrayer l'oeuvre de Dieu ou voiler sa présence à ses serviteurs. Ils triompheront de toute tentation et de toute influence adverse, ouverte ou secrète; car "ce n'est ni par la puissance ni par la force, mais c'est par mon Esprit",1 dit l'Eternel des armées, que s'accomplira cette oeuvre. TS 577 2 "Les yeux du Seigneur sont sur les justes et ses oreilles sont attentives à leur prière. ... Et qui vous maltraitera, si vous êtes zélés pour le bien?"2 Quand Balaam, ébloui par la perspective d'une haute récompense, eut tenté par des enchantements et par des sacrifices à l'Eternel d'appeler le malheur sur Israël, et s'aperçut que l'Esprit de Dieu l'en empêchait, ce prophète infidèle fut contraint de s'écrier: "Comment maudirais-je celui que Dieu n'a point maudit? Comment serais-je irrité quand l'Eternel n'est point irrité? ... Que je meure de la mort des justes, et que ma fin soit semblable à la leur!" Après un nouveau sacrifice, le prophète apostat s'écria: "Voici, j'ai reçu l'ordre de bénir; il a béni, je ne le révoquerai point. Il n'aperçoit point d'iniquité en Jacob, il ne voit point d'injustice en Israël; l'Eternel, son Dieu, est avec lui, il est son roi, l'objet de son allégresse. ... L'enchantement ne peut rien contre Jacob, ni la divination contre Israël; au temps marqué, il sera dit à Jacob et à Israël quelle est l'oeuvre de Dieu."3 Une troisième fois, Balaam fit ériger des autels en vue d'obtenir une malédiction. Mais, par les lèvres rebelles du prophète, l'Esprit de Dieu fit proclamer la prospérité de ses élus, et censura la folie et la malignité de leurs ennemis: "Béni soit quiconque te bénira, et maudit soit quiconque te maudira!"3 TS 577 3 Le peuple d'Israël était alors fidèle à Dieu. Aussi longtemps qu'il lui resta attaché, il n'y eut ni sur la terre, ni dans les enfers aucune puissance capable de lui résister. Mais la malédiction que Balaam ne put faire venir sur le peuple de Dieu, il réussit enfin à la lui attirer en le faisant tomber dans le péché. TS 578 1 Satan sait très bien que toute la puissance de l'armée des ténèbres ne peut rien contre l'âme la plus faible qui se cramponne à Jésus-Christ, et que, s'il l'attaquait ouvertement, il essuierait une défaite. Alors, embusqué avec ses suppôts, il s'ingénie à faire sortir les soldats de la croix hors de leur forteresse, prêt à abattre tous ceux qui s'aventureront sur son terrain. Notre seule sécurité se trouve dans une humble confiance en Dieu et dans une obéissance intégrale à tous ses commandements. TS 578 2 Sans la prière, nul n'est en sûreté un seul jour ni une seule heure. Supplions tout spécialement le Seigneur de nous donner l'intelligence de sa Parole où sont dévoilés les pièges de Satan, ainsi que les moyens d'y échapper. Le diable est expert dans l'art de citer les Ecritures et de les interpréter à sa façon pour nous faire trébucher. Etudions-les donc avec humilité, sans jamais perdre de vue notre dépendance de Dieu. Tout en nous tenant constamment sur nos gardes contre les artifices du Malin, répétons avec foi: "Ne nous laisse pas succomber à la tentation!" ------------------------Chapitre 33 -- La séduction originelle TS 579 1 L'humanite était encore au seuil de son histoire lorsque Satan entreprit de la séduire. Celui qui avait provoqué la rébellion dans le ciel désira ranger sous ses étendards les habitants de la terre et les associer à sa guerre contre le gouvernement de Dieu. Au temps de leur innocence et de leur obéissance à la loi de Dieu, Adam et Eve étaient parfaitement heureux, et ce fait constituait un témoignage permanent contre l'affirmation de Lucifer selon laquelle les lois de Dieu étaient oppressives et contraires au bien de ses créatures. En outre, jaloux de voir la magnifique demeure préparée à l'intention du couple primitif, il se dit: Si je les sépare de Dieu et les subjugue, je pourrai entrer en possession de la terre, et y établir mon empire en opposition à celui du Très-Haut. TS 579 2 En se présentant sous son vrai jour, le tentateur eût été aussitôt repoussé, car Adam et Eve avaient été mis en garde contre ce dangereux adversaire. Aussi cacha-t-il son dessein afin d'atteindre son but plus sûrement. Opérant dans l'ombre et prenant pour intermédiaire le serpent qui était alors une des créatures les plus ravissantes, il dit à Eve: "Dieu a-t-il réellement dit: Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin?"1 Si Eve s'était abstenue d'entrer en pourparlers avec le serpent, elle eût été en sécurité; mais elle engagea la conversation et tomba dans le piège. C'est là ce qui perd encore un grand nombre de gens qui se mettent à douter, qui discutent les volontés de Dieu, et qui, au lieu d'accepter les commandements divins, adoptent des théories humaines masquant les pièges de Satan. TS 580 1 "La femme répondit au serpent: Nous mangeons du fruit des arbres du jardin. Mais quant au fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit: vous n'en mangerez point, et vous n'y toucherez point de peur que vous ne mouriez. Alors le serpent dit à la femme: vous ne mourrez point; mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront, et que vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal."2 Le séducteur affirma qu'ils seraient comme des dieux, doués d'une sagesse supérieure, et accéderaient à une existence plus élevée. Ainsi la transgression prenait l'aspect d'une bonne action, et Satan se faisait passer pour le bienfaiteur de l'humanité. Eve céda à la tentation, et entraîna Adam dans le péché. Sur la parole du serpent, ils crurent que Dieu ne ferait pas ce qu'il avait dit et suspectèrent leur Créateur d'attenter à leur liberté. TS 580 2 Mais, lorsque Adam eut péché, quelle signification prit pour lui la parole: "Le jour où tu en mangeras, tu mourras"?3 Il ne tarda pas à voir que le tentateur avait menti. Dieu lui dit: "Tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière."4 La déclaration de Satan: "Vos yeux s'ouvriront", était vraie dans un sens seulement: après leur désobéissance, les yeux d'Adam et d'Eve s'ouvrirent sur leur folie. Ils connurent le mal et goûtèrent les fruits amers de la transgression. TS 581 1 Au milieu du jardin était l'arbre de vie qui avait la vertu de perpétuer l'existence. Si Adam était resté dans l'obéissance à Dieu, il eût continué d'avoir libre accès à cet arbre, et eût vécu à toujours. Mais après son péché, exclu de l'accès à l'arbre de vie, il fut sujet à la mort. La sentence divine: "Tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière", ne visait à rien de moins qu'à la complète extinction de la vie. TS 581 2 L'immortalité promise à l'homme à condition qu'il obéisse étant compromise, Adam ne pouvait transmettre à sa postérité ce qu'il ne possédait plus. Et si Dieu n'avait, au prix du sacrifice de son Fils, remis l'immortalité à sa portée, l'humanité se fût trouvée sans espérance. La "mort s'est étendue sur tous les hommes, parce que tous ont péché", mais Jésus-Christ "a mis en évidence la vie et l'immortalité par l'Evangile."1 Nous ne pouvons obtenir cette dernière que par lui. Jésus dit: "Celui qui croit au Fils a la vie éternelle; celui qui ne croit pas au Fils ne verra point la vie."2 Quiconque veut se conformer aux conditions peut entrer en possession de ce don inestimable. Tous ceux qui, par la persévérance à faire le bien, "cherchent l'honneur, la gloire et l'immortalité" recevront "la vie éternelle."3 TS 581 3 C'est le grand séducteur qui a promis à Adam la vie dans la désobéissance. La déclaration du serpent à Eve: "Vous ne mourrez certainement pas", fut le premier sermon sur l'immortalité naturelle de l'âme. Néanmoins, cette déclaration, qui ne repose que sur l'autorité de Satan, est répétée du haut des chaires chrétiennes et reçue par la plus grande partie de la famille humaine aussi avidement que par nos premiers parents. La parole divine: "L'âme qui pèche, c'est celle qui mourra",4 est devenue: "L'âme qui pèche ne mourra point: elle vivra éternellement." Il y a lieu d'être confondu de l'aberration qui porte les hommes à croire facilement aux paroles de Satan, et à douter de celles de Dieu. TS 582 1 Si, après sa chute, l'homme avait eu libre accès à l'arbre de vie, il eût vécu à toujours, et le péché eût été immortalisé. Mais des chérubins armés d'une épée flamboyante gardèrent "le chemin de l'arbre de vie".1 Nul membre de la famille d'Adam n'a pu franchir cette barrière pour aller cueillir ce fruit. Ainsi, aucun pécheur n'est immortel. TS 582 2 Après la chute de l'homme, Satan ordonna à ses anges de veiller tout spécialement à répandre la doctrine de l'immortalité naturelle de l'âme. Cela fait, ils devaient amener les hommes à la conclusion que les méchants étaient condamnés à subir des souffrances éternelles. Par ses agents, le prince des ténèbres fait passer Dieu pour un affreux tyran, qui plonge tous ceux qui lui déplaisent dans les flammes de l'enfer où ils endurent des souffrances indicibles et se tordent en des tourments sans fin, spectacle que l'Eternel contemple avec satisfaction! ... TS 582 3 C'est ainsi que le grand ennemi prête ses attributs sataniques et sa cruauté au Créateur et Bienfaiteur de l'humanité, qui est amour! Jusqu'à l'apparition du péché, tout ce que Dieu a créé était pur, saint et beau. Mais Satan, après avoir entraîné l'homme dans le péché, cherche à le détruire; après s'être assuré de ses victimes, il exulte de les voir malheureuses. Si cela lui était permis, si Dieu ne s'interposait, il prendrait la famille humaine tout entière dans ses filets, et nul enfant d'Adam n'échapperait. TS 582 4 Comme il a séduit nos premiers parents, Satan s'efforce aujourd'hui de séduire les humains en ébranlant leur confiance en Dieu et en les poussant à douter de la sagesse de son gouvernement et de la justice de ses lois. Pour justifier leur malignité et leur révolte, le grand séducteur et ses émissaires représentent Dieu comme étant pire qu'eux-mêmes. En prêtant sa terrible cruauté à notre Père céleste, l'ennemi veut donner l'impression qu'on a eu tort de l'expulser du ciel pour n'avoir pas consenti à se soumettre à l'injustice. En faisant croire aux hommes qu'ils jouiront sous son aimable sceptre d'une liberté contrastant avec l'esclavage enduré sous les austères décrets de Jéhovah, il réussit à les détourner de leur soumission envers Dieu. TS 583 1 Quoi de plus propre à révolter nos sentiments de bonté, de miséricorde et de justice, que la doctrine selon laquelle les impénitents seront tourmentés, à cause des péchés d'une courte existence, dans le feu et dans le soufre d'un enfer qui durera aussi longtemps que Dieu lui-même? Pourtant ce dogme a été généralement enseigné et se trouve encore dans le credo d'une portion considérable de la chrétienté. Un savant docteur en théologie a écrit: "La vue des tourments de l'enfer couronnera à jamais la félicité des saints. En voyant des êtres de la même nature qu'eux, et nés dans les mêmes circonstances, plongés dans de telles souffrances alors qu'eux-mêmes sont les objets d'un sort si différent, ils comprendront mieux le bonheur dont ils jouissent." Un autre a déclaré: "Pendant que le décret de réprobation s'exécutera éternellement sur les objets de la colère de Dieu, la fumée de leur tourment montera sans cesse en présence des objets de sa miséricorde, qui, au lieu de prendre en pitié ces misérables, diront: Amen, alléluia! Loué soit le Seigneur!" TS 583 2 Où de tels enseignements se lisent-ils dans la Parole de Dieu? Les rachetés, une fois dans la gloire, perdraient-ils tout sentiment de compassion et même d'humanité? Ces vertus y feraient-elles place à un froid stoïcisme ou à la cruauté des sauvages? Non! Tel n'est pas l'enseignement de la Bible. Ceux qui ont écrit ce qu'on vient de lire peuvent être des savants et même des hommes honnêtes, ils n'en sont pas moins séduits par les sophismes de Satan qui les pousse à fausser certaines expressions énergiques des Ecritures, auxquelles il attribue une amertume et une malignité qu'il tire de son propre fonds, mais non de celui de notre Créateur. "Je suis vivant! dit le Seigneur, l'Eternel, ce que je désire, ce n'est pas que le méchant meure, c'est qu'il change de conduite et qu'il vive. Revenez, revenez de votre mauvaise voie; et pourquoi mourriez-vous, maison d'Israël?"1 TS 584 1 Quel avantage Dieu retirerait-il de ce que nous admettions qu'il trouve ses délices dans les tortures incessantes des méchants; qu'il jouisse des gémissements, des cris de douleur et des imprécations des créatures qu'il retient dans les flammes de l'enfer? Ces cris atroces seraient-ils une musique pour les oreilles de l'Amour infini? On prétend qu'en infligeant aux pécheurs des tourments éternels, Dieu montre son horreur du péché qui a troublé la paix et l'ordre de l'univers. Quel affreux blasphème! Comme si l'horreur de Dieu pour le péché justifiait la perpétuation du mal! En effet, exaspérés par le désespoir, les malheureux réprouvés exhaleraient leur fureur en malédictions et en outrages qui augmenteraient constamment leur culpabilité! Non, ce n'est pas rehausser la gloire de Dieu que de perpétuer et d'aggraver le péché pendant les siècles éternels. TS 584 2 Il est impossible à l'esprit humain d'évaluer le mal accompli par l'hérésie des tourments éternels. La religion des Ecritures, toute d'amour, de bonté et de compassion, s'y trouve enténébrée de superstition et drapée d'épouvante. Quand on considère sous quel faux jour Satan a présenté le caractère de Dieu, y a-t-il lieu de s'étonner que notre miséricordieux Créateur soit craint, redouté et même haï? Les idées terrifiantes répandues du haut de la chaire au sujet de la divinité ont fait des milliers, que dis-je? des millions de sceptiques et d'incrédules. TS 584 3 Le dogme des tourments éternels est l'une des fausses doctrines qui constituent le vin des abominations de Babylone dont celle-ci a abreuvé toutes les nations.2 Que des ministres du Christ aient pu adopter cette hérésie et la proclamer dans les temples chrétiens est un véritable mystère. Ils l'ont reçue de Rome, tout comme son faux jour de repos. Il est vrai qu'elle a été enseignée par des hommes éminents en science et en piété; mais la vérité sur ce sujet ne leur étant point parvenue comme à nous, ils n'étaient responsables que de la lumière qui brillait de leur temps, tandis que nous devons répondre de celle qui éclaire le nôtre. Si nous nous détournons du témoignage de la Parole de Dieu pour suivre de fausses doctrines simplement parce que nos pères les ont enseignées, nous tombons sous la condamnation de Babylone et nous buvons le vin de ses abominations. TS 585 1 De nombreuses personnes que révolte la doctrine des tourments éternels versent dans l'erreur opposée. Elles croient que l'âme est immortelle mais, comme la Bible enseigne que Dieu est amour et compassion, elles ne peuvent croire qu'il abandonne ses créatures à un feu éternel, et elles ne trouvent d'autre alternative que l'hypothèse agréable du salut final de tous les hommes. Elles considèrent les menaces des Ecritures comme destinées à effrayer les gens pour les pousser à l'obéissance, et prétendent que Dieu n'a jamais eu l'intention de leur donner suite. Ainsi, le pécheur pourrait méconnaître la loi divine et vivre dans le mal sans s'aliéner la faveur divine. Cette doctrine, qui abuse de la bonté de Dieu et ignore sa justice, est agréable au coeur charnel et enhardit le méchant dans son iniquité. TS 585 2 Il suffira de citer leurs propres déclarations pour montrer comment les partisans du salut universel tordent les Ecritures pour soutenir ce dogme néfaste. A l'occasion des funérailles d'un jeune impie mort subitement d'un accident, un pasteur universaliste prit comme texte ce passage des Ecritures: "Le roi David ... était consolé de la mort d'Amnon."1 TS 585 3 "On me demande fréquemment, dit l'orateur, ce qu'il adviendra des impies qui quittent ce monde soit en état d'ivresse, soit avec les taches écarlates du crime sur leurs vêtements, ou bien encore, comme ce jeune homme, sans avoir jamais fait profession de piété, et sans aucune vie religieuse. Adressons-nous aux Ecritures: elles résoudront ce redoutable problème. Amnon était un grand pécheur; il avait été tué en état d'ivresse et d'impénitence. David, son père, étant un prophète de Dieu, devait savoir si Amnon serait heureux ou malheureux dans l'autre monde. Quelle fut l'expression des sentiments de son coeur? "Le roi David cessa de poursuivre Absalom, car il était consolé de la mort d'Amnon." TS 586 1 "Quelle conclusion découle de ce langage? A coup sûr que les tourments éternels ne faisaient pas partie des croyances de David. Et nous trouvons ici un argument triomphant en faveur de l'hypothèse plus agréable, plus lumineuse, plus conforme aux compassions de Dieu, du triomphe ultime et universel de la pureté et de la paix. Il se consola de la mort de son fils. Pourquoi? Parce que son regard prophétique, embrassant un glorieux avenir, lui montrait ce fils éloigné de la tentation, affranchi de l'esclavage et purifié des souillures du péché, admis enfin -- après un stage suffisant de purification -- dans l'assemblée des esprits bienheureux, au séjour de la félicité. L'unique consolation du roi était qu'après avoir quitté l'état actuel de péché et de souffrance, son fils chéri se trouvait là où les effluves les plus puissantes de l'Esprit passaient sur son âme enténébrée; où son esprit s'ouvrait à la sagesse céleste et aux doux transports de l'amour divin, le préparant ainsi, grâce à une nature sanctifiée, à jouir du repos et de la gloire de l'héritage éternel. Nous voulons dire par là que le salut ne dépend aucunement de ce que l'on peut faire en cette vie, qu'il s'agisse d'un changement du coeur, de la foi ou d'une profession de religion." TS 586 2 C'est ainsi qu'un soi-disant ministre de Jésus-Christ réitère le mensonge du serpent en Eden: "Vous ne mourrez point. ... Le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront, et vous serez comme des dieux." Il déclare qu'après la mort le pire des pécheurs -- le meurtrier, le voleur et l'adultère -- se prépare à entrer dans le séjour de la félicité. TS 587 1 D'où ce prédicateur, habile à pervertir les Ecritures, tire-t-il cette conclusion? D'une phrase exprimant la soumission de David aux dispensations de la Providence. "Le roi David cessa de poursuivre Absalom, car il était consolé de la mort d'Amnon." L'acuité de son chagrin s'étant atténuée avec le temps, ses pensées s'étaient reportées de son fils mort sur son fils vivant, qui s'était exilé pour éviter le juste châtiment de son crime. Et c'est par ce texte qu'on prétend prouver que l'ivrogne et incestueux Amnon fut, aussitôt après sa mort, transporté dans les demeures de la félicité pour y être purifié et rendu propre à vivre dans la société des anges qui n'ont jamais péché! C'est là, certes, une fable agréable, propre à rassurer et à satisfaire le coeur mondain. Mais c'est la doctrine de Satan, et il la fait servir à ses desseins. Faut-il s'étonner qu'avec de tels enseignements l'iniquité aille en augmentant? TS 587 2 La méthode de ce faux docteur n'est qu'un spécimen du procédé utilisé par beaucoup d'autres. On sépare une déclaration des Ecritures de son contexte qui montrerait, dans bien des cas, qu'elle a un sens tout autre que celui qu'on lui prête. Avec ce passage isolé et falsifié on établit une doctrine qui, loin d'avoir une base scripturaire, est contredite par la déclaration positive selon laquelle aucun ivrogne ne verra le royaume de Dieu.1 C'est ainsi que les sceptiques et les incrédules tournent la vérité en mensonge et que des foules, séduites et doucement bercées, s'endorment dans une fausse sécurité. TS 587 3 S'il était vrai qu'à l'heure suprême toutes les âmes vont directement au ciel, il y aurait lieu de désirer la mort plutôt que la vie. Aussi cette croyance en a-t-elle poussé plusieurs à mettre fin à leur existence. Qu'y a-t-il de plus simple, pour un être plongé dans le désespoir par les difficultés, l'affliction ou les revers, que de rompre le fil ténu de ses jours pour s'élancer dans la félicité du monde éternel? TS 588 1 Dans sa Parole, Dieu affirme qu'il punira les transgresseurs de sa loi. Ceux qui s'imaginent que Dieu est trop miséricordieux pour exécuter sa justice sur les pécheurs n'ont qu'à porter les regards sur la croix du Calvaire. La mort de l'immaculé Fils de Dieu affirme que "le salaire du péché, c'est la mort", et que toute transgression de la loi de Dieu recevra sa juste rétribution. Voyez l'Etre sans péché écrasé sous la culpabilité du monde; la face de son Père se voile; son coeur se brise; il expire. Ce grand sacrifice fut consenti pour racheter l'homme perdu. En conséquence, toute âme qui refuse la propitiation acquise à un tel prix doit porter la culpabilité et le châtiment de sa transgression. TS 588 2 Considérons maintenant l'enseignement des Ecritures touchant le sort des impies et des impénitents que l'universalisme place au ciel avec les anges et les bienheureux. "A celui qui a soif je donnerai de la source de l'eau de la vie, gratuitement."1 Cette promesse n'est que pour celui qui a soif. Seuls ceux qui sont altérés de l'eau de la vie et qui sont disposés à tout sacrifier pour l'obtenir en seront pourvus. "Celui qui vaincra héritera ces choses; je serai son Dieu, et il sera mon fils."1 TS 588 3 Dieu nous dit par le prophète Esaïe: "Dites que le juste prospérera. ... Malheur au méchant! il sera dans l'infortune, car il recueillera le produit de ses mains."2 "Quoique le pécheur fasse cent fois le mal et qu'il y persévère longtemps, je sais aussi que le bonheur est pour ceux qui craignent Dieu, parce qu'ils ont de la crainte devant lui. Mais le bonheur n'est pas pour le méchant."3 Et Paul déclare que le méchant s'amasse "un trésor de colère pour le jour de la colère et de la manifestation du juste jugement de Dieu, qui rendra à chacun selon ses oeuvres: ... tribulation et angoisse sur toute âme d'homme qui fait le mal".1 TS 589 1 "Aucun impudique, ou impur, ou cupide, c'est-à-dire, idolâtre, n'a d'héritage dans le royaume de Christ et de Dieu."2 "Recherchez la paix avec tous, et la sanctification, sans laquelle personne ne verra le Seigneur."3 "Heureux ceux qui lavent leurs robes, afin d'avoir droit à l'arbre de vie, et d'entrer par les portes dans la ville! Dehors les chiens, les enchanteurs, les impudiques, les meurtriers, les idolâtres, et quiconque aime et pratique le mensonge!"4 TS 589 2 Dieu a ainsi décrit son caractère et sa manière d'agir envers le péché: "L'Eternel, l'Eternel, Dieu miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en bonté et en fidélité, qui conserve son amour jusqu'à mille générations, qui pardonne l'iniquité, la rébellion et le péché, mais qui ne tient point le coupable pour innocent."5 "L'Eternel ... détruit tous les méchants." "Les rebelles sont tous anéantis, la postérité des méchants est retranchée."6 S'il est vrai que la puissance et l'autorité du gouvernement divin s'emploieront à écraser la révolte, les manifestations de la justice rétributive seront cependant conformes au caractère du Dieu miséricordieux, compatissant et lent à la colère. TS 589 3 Dieu ne violente la volonté ni le jugement de personne. Il ne prend aucun plaisir à une obéissance basée sur la crainte. Il désire que ses créatures l'aiment parce qu'il mérite leur amour et qu'elles lui obéissent parce qu'elles ont une juste appréciation de sa sagesse, de sa justice et de sa bonté. Aussi toute personne qui a une vraie conception de ces attributs l'aimera et se sentira attirée vers lui par l'admiration qu'il inspire. TS 589 4 Les principes de bonté, de miséricorde et d'amour que Jésus a enseignés et manifestés dans sa vie émanent du caractère de Dieu. Il n'enseignait que ce qu'il avait reçu de son Père. Les principes du gouvernement divin concordent parfaitement avec ce précepte du Sauveur: "Aimez vos ennemis." Dieu exécute ses jugements sur les méchants tant pour le bien de l'univers que pour le bien de ceux qui les subissent. Il les rendrait heureux s'il le pouvait sans déroger aux lois de son gouvernement et sans porter atteinte à la justice de son caractère. Il les entoure des gages de sa bienveillance, il leur accorde la connaissance de ses lois et leur réitère les offres de sa bonté; mais ils font fi de son amour, ils transgressent sa loi et repoussent sa miséricorde. Ils sont constamment l'objet de bienfaits, mais ils déshonorent celui qui les leur accorde. Ils haïssent Dieu parce qu'ils savent qu'il abhorre leurs péchés. Mais, bien que le Seigneur tolère longtemps leur perversité, l'heure décisive sonnera enfin où leur destinée sera fixée. Enchaînera-t-il alors ces rebelles à ses côtés? Les contraindra-t-il à faire sa volonté? TS 590 1 Ceux qui ont choisi Satan pour chef et qui ont été dominés par son ascendant ne sont pas qualifiés pour paraître en la présence de Dieu. L'orgueil, la ruse, l'immoralité, la cruauté se sont implantés dans leur caractère. Pourront-ils entrer au ciel pour y cohabiter avec ceux qu'ils ont haïs et méprisés sur la terre? La vérité ne sera jamais appréciée par un menteur; l'humilité ne fera jamais l'affaire de l'orgueilleux et du présomptueux; la pureté ne plaira pas au licencieux; un amour désintéressé est sans attrait pour l'égoïste. Quelles jouissances le ciel pourrait-il offrir à ceux qui se laissent entièrement absorber par des intérêts terrestres et personnels? TS 590 2 Si ceux qui ont passé leur vie dans la révolte contre Dieu pouvaient être soudain transportés là où, dans une atmosphère de sainteté, toutes les âmes débordent d'amour et où tous les visages rayonnent de joie, s'ils entendaient les accords sublimes de la musique céleste et y contemplaient les flots de lumière qui, émanant de la face de Dieu, enveloppent les élus, pourraient-ils se joindre aux phalanges célestes et supporter l'éclat de la gloire de Dieu et de l'agneau? Certainement pas. Des années de grâce leur ont été accordées pour se préparer à entrer dans le séjour de la félicité, mais ils ne se sont jamais appliqués à aimer la pureté et à parler le langage du ciel. Maintenant, il est trop tard. Une vie de rébellion contre Dieu les a disqualifiés pour le royaume. La pureté, la sainteté et la paix qui y règnent les mettraient à la torture; la gloire de Dieu serait pour eux un feu consumant. Ils ne demanderaient qu'à s'enfuir de ce saint lieu. Ils appelleraient sur eux la destruction pour échapper à la présence de celui qui les a rachetés. La destinée des injustes résulte de leur choix; de la part de Dieu, elle est un acte de justice et de miséricorde. TS 591 1 Les feux du dernier jour proclament, de même que les eaux du déluge, que le méchant est incurable. Il n'a aucune envie de se soumettre à Dieu. Il s'est entraîné à la révolte, et au terme de sa vie il est trop tard pour changer le courant de ses pensées, pour passer du péché à l'obéissance, de la haine à l'amour. TS 591 2 Dieu a épargné la vie de Caïn pour nous donner un aperçu de ce qu'il adviendrait si le pécheur pouvait perpétuer une vie d'iniquités effrénées. Par l'influence des enseignements et de l'exemple de Caïn, des multitudes de ses descendants furent détournés du bon chemin, au point que "toutes les pensées de leur coeur se portaient chaque jour uniquement vers le mal". "La terre était corrompue devant Dieu, la terre était pleine de violence."1 TS 591 3 C'est par miséricorde que Dieu fit périr les impies aux jours de Noé. C'est encore par miséricorde qu'il supprima les habitants de Sodome. Grâce à la puissance séductrice de Satan, les blasphémateurs s'attirent la sympathie et l'admiration de leurs semblables et les entraînent au mal. C'est ce qui eut lieu aux jours de Caïn et de Noé ainsi qu'au temps d'Abraham et de Lot. Il en est de même de nos jours. C'est par compassion pour l'univers que Dieu détruira finalement les contempteurs de sa grâce. TS 592 1 "Le salaire du péché, c'est la mort; mais le don gratuit de Dieu, c'est la vie éternelle en Jésus-Christ notre Seigneur."1 Tandis que la vie est l'héritage des justes, la mort est la part des méchants. Moïse dit à Israël: "Je mets aujourd'hui devant toi la vie et le bien, la mort et le mal."2 La mort mentionnée dans ce passage n'est pas celle qui résulte de la sentence prononcée sur Adam, et que subit toute la famille humaine. C'est la "seconde mort", qui est mise en contraste avec la vie éternelle. TS 593 2 En conséquence du péché d'Adam, la mort a passé sur l'humanité. Tous les hommes descendent dans la tombe. Mais, grâce au plan du salut, tous seront rappelés à la vie. "Il y aura une résurrection des justes et des injustes."3 "Comme tous meurent en Adam, de même aussi tous revivront en Christ."4 Une distinction est faite entre les deux classes de ressuscités. "Tous ceux qui sont dans les sépulcres entendront sa voix, et en sortiront. Ceux qui auront fait le bien ressusciteront pour la vie, mais ceux qui auront fait le mal ressusciteront pour le jugement."5 Ceux qui seront jugés dignes de participer à la résurrection des justes sont proclamés "heureux et saints". "La seconde mort n'a point de pouvoir sur eux."6 Ceux qui ne se sont pas assuré le pardon par la conversion et par la foi devront subir la peine de leurs transgressions: le salaire du péché. Leur châtiment "selon leurs oeuvres" variera quant à son intensité et quant à sa durée; mais pour tous il se terminera également par la seconde mort. Etant donné que Dieu ne saurait, tout en étant miséricordieux et juste, sauver le pécheur dans ses transgressions, il le prive d'une existence qu'il a compromise et dont il s'est montré indigne. Un écrivain inspiré a dit: "Encore un peu de temps, et le méchant n'est plus; tu regardes le lieu où il était, et il a disparu." Et un autre: Les nations "seront comme si elles n'eussent jamais été".1 Couvertes d'infâmie, elles disparaissent dans un oubli éternel. TS 593 1 Ainsi prendra fin le péché avec toutes les misères et toutes les ruines dont il est la cause. Le psalmiste écrit: "Tu détruis le méchant, tu effaces leur nom pour toujours et à perpétuité. Plus d'ennemis! des ruines éternelles!"2 Transporté dans les sphères célestes, saint Jean entend un hymne universel de louanges, que ne trouble aucune note discordante. Toutes les créatures qui sont dans les cieux et sur la terre rendent gloire à Dieu.3 On n'y entendra nulle part des réprouvés blasphémer Dieu et se tordre au sein des tourments éternels, mêlant leurs rugissements aux chants des rachetés. TS 593 2 La doctrine de l'état conscient des morts repose sur l'erreur fondamentale d'une immortalité naturelle. Cette doctrine, comme celle des tourments éternels, est contraire aux enseignements de l'Ecriture, à la raison et à tout sentiment d'humanité. Selon la croyance populaire, les rachetés qui sont dans le ciel savent tout ce qui se passe sur la terre, et tout spécialement ce qui se rapporte aux amis qu'ils y ont laissés. Mais comment la connaissance des peines, des fautes, des souffrances et des déceptions de leurs bien-aimés pourrait-elle s'accorder avec leur félicité? De quel bonheur céleste pourraient jouir des êtres qui planeraient sans cesse autour de leurs amis terrestres? Et n'est-il pas révoltant de songer qu'un impénitent n'a pas plus tôt rendu le dernier soupir que son âme est plongée dans les flammes de l'enfer? Quelles tortures ne doivent pas éprouver ceux qui ont vu un ami inconverti descendre dans la tombe, à la pensée de le voir entrer dans une éternité de souffrances! Beaucoup ont perdu la raison dans cet affreux cauchemar. TS 594 1 Dans les Ecritures, David affirme que les morts sont inconscients. "Leur souffle s'en va, ils rentrent dans la terre, et ce même jour leurs desseins périssent."1 Salomon exprime la même pensée: "Les vivants, en effet, savent qu'ils mourront; mais les morts ne savent rien." "Et leur amour, et leur haine, et leur envie, ont déjà péri; et ils n'auront plus jamais aucune part à tout ce qui se fait sous le soleil." "Il n'y a ni oeuvre, ni pensée, ni science, ni sagesse, dans le séjour des morts, où tu vas."2 TS 594 2 Quand, en réponse à la prière du roi Ezéchias, le Seigneur eut accordé à celui-ci un sursis de vie de quinze ans, ce prince, dans sa reconnaissance, fit monter vers Dieu l'action de grâces suivante: "Ce n'est pas le séjour des morts qui te loue, ce n'est pas la mort qui te célèbre; ceux qui sont descendus dans la fosse n'espèrent plus en ta fidélité. Le vivant, le vivant, c'est celui-là qui te loue, comme moi aujourd'hui."3 La théologie populaire nous présente les justes morts comme étant au ciel, au sein de la félicité, louant Dieu de leurs bouches immortelles. Mais Ezéchias n'entrevoyait pas d'aussi glorieuses perspectives à l'idée de la mort. Il s'accorde avec le psalmiste: "Celui qui meurt n'a plus ton souvenir; qui te louera dans le séjour des morts?" "Ce ne sont pas les morts qui célèbrent l'Eternel, ce n'est aucun de ceux qui descendent dans le lieu du silence."4 TS 594 3 Le jour de la Pentecôte, Pierre affirme que le patriarche David "est mort, qu'il a été enseveli, et que son sépulcre existe encore aujourd'hui parmi nous". "Car David, ajoute-t-il, n'est point monté au ciel."5 Le fait que David restera dans le tombeau jusqu'à la résurrection prouve que les justes ne montent pas au ciel au moment de leur mort. Ce n'est que par la résurrection, et en vertu de la résurrection de Jésus-Christ, que David pourra un jour s'asseoir à la droite de Dieu. TS 595 1 Et Paul dit: "Si les morts ne ressuscitent point, Christ non plus n'est pas ressuscité. Et si Christ n'est pas ressuscité, votre foi est vaine, vous êtes encore dans vos péchés, et par conséquent aussi ceux qui sont morts en Christ sont perdus."1 Si, quatre mille ans durant, les justes étaient montés directement au ciel en mourant, comment Paul aurait-il pu dire que, s'il n'y a point de résurrection, "ceux qui sont morts en Christ sont perdus"? TS 595 2 Le martyr Tyndale s'exprime comme suit au sujet de l'état des morts: "Je confesse ouvertement que je ne suis pas persuadé qu'ils soient en possession de la gloire complète dont jouissent le Christ et les anges de Dieu. Cela n'est pas pour moi un article de foi; car si tel était le cas, la prédication de la résurrection de la chair serait une chose vaine."2 La résurrection ne serait pas nécessaire. TS 595 3 Or, il est indéniable que l'espérance de l'entrée dans la félicité au moment de la mort a fait tomber dans un oubli presque complet la doctrine de la résurrection. Adam Clarke constatait comme suit cette tendance: "Les chrétiens primitifs attachaient beaucoup plus d'importance à la résurrection des morts que les modernes! Pourquoi cela? Les apôtres l'avançaient constamment, et c'est par elle qu'ils excitaient les disciples du Christ à la diligence, à l'obéissance et à la joie. De nos jours, leurs successeurs la mentionnent rarement! ... Il n'y a pas dans l'Evangile de doctrine qui soit mieux mise en relief, mais il n'y en a point qui soit plus tenue à l'écart dans la prédication actuelle!"3 TS 595 4 On a persévéré dans cette voie au point qu'aujourd'hui la glorieuse vérité de la résurrection est presque entièrement négligée par le monde chrétien. C'est ainsi qu'un auteur religieux très en vue écrit (sur 1 Thessaloniciens 4:13-18): "Pour les fins pratiques de la consolation, la doctrine de l'heureuse immortalité des justes tient lieu pour nous de la doctrine douteuse du retour du Seigneur. Pour nous, c'est à la mort que Jésus revient. C'est elle que nous devons attendre, et c'est sur elle que nous devons veiller. Les morts sont déjà entrés dans la gloire. Ils n'attendent pas la trompette du jugement pour entrer dans la félicité." TS 596 1 Au moment de quitter ses disciples, le Sauveur ne leur déclara pas qu'ils iraient bientôt le rejoindre. "Je vais vous préparer une place, leur dit-il. Et, lorsque je m'en serai allé, et que je vous aurai préparé une place, je reviendrai, et je vous prendrai avec moi."1 Et Paul ajoute: "Le Seigneur lui-même, à un signal donné, à la voix d'un archange, et au son de la trompette de Dieu, descendra du ciel, et les morts en Christ ressusciteront premièrement. Ensuite, nous les vivants, qui serons restés, nous serons tous ensemble enlevés avec eux sur des nuées, à la rencontre du Seigneur dans les airs, et ainsi nous serons toujours avec le Seigneur." Il conclut en disant: "Consolez-vous donc les uns les autres par ces paroles."2 Quel contraste entre ces paroles apostoliques et celles du pasteur universaliste que nous avons citées! Ce dernier consolait des parents affligés en leur disant que si grand pécheur que l'on ait été sur la terre, dès qu'on a rendu le dernier soupir, on est reçu dans la compagnie des anges! Paul, au contraire, attire l'attention des croyants sur le prochain retour du Seigneur, alors que les chaînes de la tombe seront rompues, et que "les morts en Christ" ressusciteront pour la vie éternelle. TS 596 2 Avant que quiconque puisse entrer dans la félicité, il faut que le cas de chacun ait été examiné, que le caractère et les actes de tous les humains aient subi l'inspection divine. Tous seront jugés d'après ce qui est écrit dans les livres, et recevront une récompense correspondant à leurs oeuvres. Ce jugement n'a pas lieu à la mort. Notez les paroles de Paul: "Il a fixé un jour où il jugera le monde selon la justice, par l'homme qu'il a désigné, ce dont il a donné à tous une preuve certaine en le ressuscitant des morts."3 L'apôtre déclare positivement ici qu'un jour, alors encore futur, a été fixé pour le jugement du monde. TS 597 1 Jude parle de la même époque en ces termes: "Il a réservé pour le jugement du grand jour, enchaînés éternellement par les ténèbres, les anges qui n'ont pas gardé leur dignité, mais qui ont abandonné leur propre demeure." Il cite plus loin ces paroles d'Enoch: "Voici, le Seigneur est venu avec ses saintes myriades, pour exercer un jugement contre tous."1 Jean, de son côté, vit "les morts, les grands et les petits, qui se tenaient devant le trône. Des livres furent ouverts. ... Et les morts furent jugés selon leurs oeuvres, d'après ce qui était écrit dans ces livres."2 TS 597 2 Mais si les morts jouissent déjà du bonheur parfait ou se tordent dans les flammes de l'enfer, à quoi sert le jugement à venir? Les enseignements de la Parole de Dieu sur ces points importants ne sont ni obscurs ni contradictoires; n'importe qui peut les comprendre. Et quel est l'esprit non prévenu qui voit la moindre parcelle de justice ou de bon sens dans la théorie populaire? Est-ce que les justes, une fois leurs cas examinés par le grand Juge, recevront cet éloge: "C'est bien, bon et fidèle serviteur...; entre dans la joie de ton maître", alors qu'ils auront déjà peut-être passé des siècles en sa présence? Les méchants sont-ils tirés de leur lieu de tourments pour entendre de la bouche du Juge de toute la terre cette sentence: "Retirez-vous de moi, maudits; allez dans le feu éternel"?3 Sinistre plaisanterie! Honteux démenti infligé à la sagesse et à la justice de Dieu! TS 597 3 La théorie de l'immortalité de l'âme est un des emprunts que Rome a faits au paganisme pour l'incorporer à la foi chrétienne. Luther mettait le dogme de l'immortalité de l'âme au nombre des "fables monstrueuses qui constituent la boue des décrétales romaines".4 Commentant les paroles de l'Ecclésiaste, selon lesquelles les morts ne savent rien, le réformateur écrivait: "Nouveau passage établissant que les morts ne sentent rien. Il n'y a là ni devoir, ni science, ni connaissance, ni sagesse. Salomon estime que les morts dorment, et ne sentent rien. Les morts ne tiennent compte ni des jours, ni des années; mais à leur réveil, ils croient avoir dormi à peine une minute."1 TS 598 1 On ne voit nulle part dans les saints Livres que les justes reçoivent leur récompense et les méchants leur châtiment au moment de la mort. On ne trouve dans les patriarches et les prophètes aucune affirmation de ce genre. Jésus-Christ et les apôtres n'y ont pas fait la moindre allusion. L'Ecriture enseigne positivement que les morts ne montent pas directement au ciel mais qu'ils sont plongés dans le sommeil jusqu'à la résurrection.2 Au moment même où "le cordon d'argent se détache et où le vase d'or se brise",3 les pensées de l'homme périssent. Ceux qui descendent dans la tombe sont silencieux. Ils ne savent rien de ce qui se passe sous le soleil.4 Heureux repos pour les justes lassés! Le temps, court ou long, n'est désormais qu'un instant pour eux. Ils dorment; la trompette de Dieu les appellera à une heureuse immortalité. "La trompette sonnera, et les morts ressusciteront incorruptibles. ... Car il faut que ce corps corruptible revête l'incorruptibilité, et que ce corps mortel revête l'immortalité. Lorsque ce corps corruptible aura revêtu l'incorruptibilité, et que ce corps mortel aura revêtu l'immortalité, alors s'accomplira la parole qui est écrite: La mort a été engloutie dans la victoire?"5 Dès qu'ils sortiront de leur profond sommeil, ils reprendront le cours de leurs pensées là où ils l'ont laissé. Leur dernière sensation les plongeait dans les affres de la mort; leur dernière impression fut de tomber sous la puissance de la mort. Dès qu'ils sortiront de la tombe, leur première pensée s'exprimera par ce cri triomphant: "O mort, où est ta victoire? O mort, où est ton aiguillon."5 ------------------------Chapitre 34 -- Le spiritisme TS 599 1 L'enseignement des Ecritures sur le ministère des anges -- qui est, pour le disciple du Christ, une vérité des plus consolantes et des plus précieuses -- a été obscurci et perverti par les erreurs de la théologie populaire. La doctrine de l'immortalité naturelle de l'âme, empruntée à la philosophie païenne, n'a obtenu droit de cité dans l'Eglise chrétienne qu'à la faveur des ténèbres de la grande apostasie qui, sitôt installée, a supplanté la doctrine scripturaire selon laquelle "les morts ne savent rien". On en est ainsi venu à croire que les anges de Dieu, "envoyés pour exercer un ministère en faveur de ceux qui doivent hériter du salut", sont les esprits des morts, bien que, selon la Bible, les anges aient existé et joué un rôle dans l'histoire humaine avant qu'un seul être humain eût passé par la mort. TS 599 2 La doctrine de l'état conscient des morts, et surtout la croyance au retour des esprits des morts pour exercer un ministère en faveur des vivants, ont préparé le chemin du spiritisme moderne. Si les morts sont admis en la présence de Dieu, et s'ils jouissent de connaissances infiniment supérieures à celles qu'ils possédaient auparavant, pourquoi ne reviendraient-ils pas sur la terre pour éclairer et instruire les vivants? Si, comme l'enseignent certains théologiens, les esprits des morts planent au-dessus de leurs amis vivant sur la terre, pour quelle raison n'entreraient-ils pas en communion avec eux pour les mettre en garde contre le mal et les consoler dans leurs afflictions? Pourquoi ceux qui croient à l'état conscient des morts repousseraient-ils les secours spirituels apportés du ciel par des êtres soi-disant glorifiés? Ce moyen de communication, considéré comme sacré, donne à Satan la possibilité de travailler à l'accomplissement de ses desseins. Les anges déchus, soumis à ses ordres, se présentent comme les messagers du monde des esprits. Tout en prétendant les mettre en rapport avec les morts, le prince du mal exerce sur les vivants sa puissance de fascination. TS 600 1 Il a le pouvoir de faire apparaître aux hommes l'image de leurs amis décédés. La contrefaçon est parfaite; les traits bien connus, les paroles, le son de la voix sont reproduits de façon merveilleusement distincte. Les gens sont consolés par l'assurance que leurs bien-aimés jouissent de la félicité céleste, et, sans se douter du danger qu'ils courent, ils prêtent l'oreille à "des esprits séducteurs et à des doctrines de démons". TS 600 2 Quand Satan les a convaincus d'être réellement en communication avec les morts, il fait apparaître à leurs yeux des personnes descendues dans la tombe sans y être préparées. Elles se disent heureuses dans le ciel, et prétendent même y occuper une position élevée. Et ainsi se répand au près et au loin l'erreur selon laquelle il n'y aurait pas de différence entre le juste et le méchant. Les visiteurs du monde des esprits donnent parfois des avertissements opportuns. Mais dès qu'ils ont gagné la confiance, ils se hasardent à enseigner des doctrines qui sapent la foi aux saintes Ecritures. Tout en paraissant s'intéresser profondément au bien de leurs amis sur la terre, ils insinuent les erreurs les plus dangereuses. Le fait qu'ils énoncent certaines vérités et qu'ils peuvent parfois annoncer l'avenir, inspire confiance en leurs dires, et, ainsi, leurs faux enseignements sont acceptés aussi facilement et crus aussi implicitement par les foules que s'il s'agissait des vérités les plus sacrées de la Bible. La loi de Dieu est écartée, l'Esprit de grâce est méprisé, le sang de l'alliance est tenu pour une chose profane. Les esprits nient la divinité de Jésus-Christ et se mettent eux-mêmes au niveau du Créateur. C'est ainsi que, sous un déguisement nouveau, le grand rebelle dirige contre Dieu la guerre qu'il a commencée dans le ciel et qu'il poursuit sur la terre depuis six mille ans. TS 601 1 Plusieurs tentent d'expliquer les manifestations spirites en les attribuant toutes à la fraude et à la prestidigitation. S'il est vrai qu'on a souvent donné des tours de passe-passe pour des phénomènes authentiques, il n'en reste pas moins qu'il y a des manifestations réelles d'une puissance surnaturelle. Les bruits mystérieux par lesquels le spiritisme moderne a commencé n'étaient pas le fruit de la supercherie mais bien le fait de mauvais anges, qui inauguraient ainsi une des séductions les plus néfastes. L'idée que le spiritisme n'est qu'une imposture contribuera à tromper une foule de gens. Dès qu'ils se trouveront en face de manifestations qu'ils seront forcés de reconnaître comme surnaturelles, ils seront séduits et en viendront à les considérer comme la grande puissance de Dieu. TS 601 2 Ces personnes ne tiennent pas compte des enseignements de l'Ecriture touchant les miracles opérés par Satan et ses agents. C'est par la puissance de Satan que les magiciens de Pharaon imitèrent les prodiges de Dieu. Paul affirme qu'avant le retour du Seigneur, il y aura des phénomènes analogues dus à la puissance satanique. Le second avènement du Christ sera précédé de manifestations de "la puissance de Satan, avec toutes sortes de miracles, de signes et de prodiges mensongers, et avec toutes les séductions de l'iniquité".1 Saint Jean décrit ainsi les manifestations diaboliques de cette puissance dans les derniers jours: "Elle opérait de grands prodiges, même jusqu'à faire descendre du feu du ciel sur la terre, à la vue des hommes. Et elle séduisait les habitants de la terre par les prodiges qu'il lui était donné d'opérer."1 Ces prophéties ne parlent pas d'impostures. Les habitants de la terre seront séduits non par de prétendus miracles, mais par de réels prodiges. TS 602 1 Le prince des ténèbres, qui applique depuis si longtemps toutes les ressources de sa vaste intelligence à son oeuvre de séduction, adapte habilement ses tentations aux gens de toute classe et de toute condition. Aux personnes cultivées et raffinées, il présente le spiritisme sous un aspect élevé et intellectuel, et réussit ainsi à en prendre plusieurs dans ses pièges. La sagesse que le spiritisme communique est celle que décrit l'apôtre Jacques; elle "ne vient point d'en haut; mais elle est terrestre, charnelle, diabolique".2 Le grand séducteur a toutefois soin de se dissimuler chaque fois que cela répond mieux à ses intentions. Celui qui pouvait se manifester devant Jésus, au désert de la tentation, dans la gloire d'un séraphin, se présente aux hommes sous les formes les plus attrayantes: voire comme un "ange de lumière".3 Il propose à la raison des sujets élevés; il captive la fantaisie par des scènes grandioses, il s'empare des affections par d'éloquentes descriptions de l'amour et de la charité; il tente l'imagination par de sublimes envolées et pousse les hommes à tirer un tel orgueil de leur sagesse qu'ils en viennent à mépriser l'Eternel dans leur coeur. Cet être puissant, qui pouvait conduire le Rédempteur du monde sur une haute montagne et faire passer devant lui les royaumes du monde et leur gloire, présentera aux hommes des tentations capables de fausser les sens de tous ceux qui ne sont pas protégés par la puissance divine. TS 602 2 Satan séduit maintenant les hommes comme il le fit pour Eve: en les flattant, en les poussant à rechercher des connaissances défendues, en excitant en eux l'ambition des grandeurs. C'est par ces moyens qu'il amena la chute de nos premiers parents, et qu'il s'efforce de consommer la ruine de l'humanité. "Vous serez comme des dieux, dit-il, connaissant le bien et le mal."1 Le spiritisme enseigne que l'homme "est un être progressif; que sa destinée est de se rapprocher éternellement de la divinité". "L'intelligence, nous dit-il, ne connaîtra pas d'autre juge qu'elle-même... Le jugement dernier sera équitable parce que ce sera le jugement de soi-même. ... Le trône est au-dedans de vous." Un docteur spirite s'exprime ainsi: "Dès que la conscience spirituelle s'éveille en moi, mes semblables m'apparaissent tous comme des demi-dieux non déchus." Un autre écrit: "Tout être juste et parfait est Jésus-Christ." TS 603 1 Ainsi, à la justice et à la perfection du Dieu infini, véritable objet de notre culte; à la justice parfaite de sa loi, norme vraie de l'idéal humain, Satan a substitué la nature pécheresse et faillible de l'homme lui-même, comme seul objet de culte, comme seule règle de jugement et seule mesure du caractère. Ce n'est pas un progrès, mais une régression. TS 603 2 Une loi de notre nature intellectuelle et spirituelle veut que nous soyons changés par ce que nous contemplons. L'esprit s'adapte graduellement à l'objet qu'il admire. Il finit par ressembler à ce qu'il aime et révère. Mais l'homme ne s'élève pas au-dessus de son idéal de pureté, de bonté et de vérité. Si le moi est le seul idéal qu'il se propose, jamais il ne s'élèvera plus haut. Il descendra plutôt, et descendra très bas. Seule la grâce de Dieu a le pouvoir d'ennoblir l'homme. Abandonné à lui-même, il s'avilit inévitablement. TS 603 3 Le spiritisme se présente au vicieux, à l'amateur du plaisir et au sensuel sous un déguisement moins raffiné qu'à celui qui a de la culture et de hautes aspirations. Chacun y trouve ce qui correspond à ses inclinations. Satan étudie tous les indices de la fragilité humaine; il note tous les péchés auxquels on est enclin, et il veille à ce que les occasions d'y tomber ne manquent pas. Il nous pousse à user avec excès de ce qui est légitime, afin d'affaiblir, par l'intempérance, nos facultés physiques, mentales et morales. Des milliers ont succombé et succombent à des passions abrutissantes. Comme couronnement de son oeuvre, l'ennemi déclare par les esprits "que la véritable connaissance élève l'homme au-dessus de toute loi"; que "tout ce qui est, est légitime"; que "Dieu ne condamne pas"; et que "tous les péchés commis sont inoffensifs". Dès qu'on en vient à se persuader que le désir est la loi suprême, que liberté est synonyme de licence, et que l'homme ne relève que de lui-même, qui s'étonnera de voir s'étaler de tous côtés la corruption et la dépravation? Des foules acceptent avec avidité des enseignements qui leur donnent la liberté de suivre les inclinations de leur coeur charnel. Les rênes de l'empire sur soi-même sont abandonnées à la convoitise; les facultés de l'esprit et de l'âme abdiquent devant les inclinations charnelles, et Satan voit avec joie entrer dans ses filets des milliers de personnes professant être disciples de Jésus. TS 604 1 Mais nul n'a lieu de se laisser séduire par les prétentions mensongères du spiritisme. Dieu a donné au monde des lumières suffisantes pour le mettre à même d'y échapper. Nous venons de le voir, les théories qui sont à la base du spiritisme entrent directement en conflit avec les enseignements les plus évidents des Ecritures. La Parole de Dieu déclare que les morts ne savent rien, que leurs pensées ont péri, qu'ils n'ont plus aucune part à ce qui se fait sous le soleil, qu'ils ignorent tant les joies que les afflictions des êtres les plus chers qu'ils ont laissés sur la terre. TS 604 2 De plus, Dieu a expressément interdit toute prétendue communication avec les esprits des morts. Chez les anciens Hébreux, des personnes prétendaient, comme les spirites de nos jours, communiquer avec les morts. Mais les "esprits de Python", comme ils sont nommés dans la Bible, sont aussi appelés des "esprits de démons".1 Tout commerce avec eux est une abomination, et ceux qui s'y livrent sont passibles de la peine de mort.2 TS 605 1 La "sorcellerie" est maintenant un objet de mépris. On considère comme une superstition du Moyen Age la prétention d'entrer en rapport avec les mauvais esprits. Mais le spiritisme -- qui compte ses adeptes par centaines de milliers, que dis-je? par millions, qui a fait son entrée dans les cercles scientifiques, qui a envahi les églises et qui jouit de l'estime des corps législatifs et même des rois -- cette gigantesque séduction n'est que la réapparition, sous une autre forme, de la sorcellerie autrefois condamnée et interdite. TS 605 2 Si les chrétiens ne possédaient pas d'autre preuve de la nature réelle du spiritisme, le seul fait que les esprits ne font pas de différence entre la vertu et le péché, entre le plus noble, le plus pur des apôtres du Christ et le plus corrompu des suppôts de Satan devrait seul leur suffire. En prétendant que les hommes les plus vils occupent des places d'honneur dans le ciel, Satan dit au monde: "Peu importe votre genre de vie; peu importe que vous croyiez ou non en Dieu et à sa Parole; vivez comme bon vous semble: le ciel est votre patrie." Les enseignements des docteurs spirites reviennent, en réalité, à dire: "Quiconque fait le mal est bon aux yeux de l'Eternel, et c'est en lui qu'il prend plaisir! ou bien: Où est le Dieu de la justice?"3 La Parole de Dieu répond: "Malheur à ceux qui appellent le mal bien, et le bien mal, qui changent les ténèbres en lumière, et la lumière en ténèbres!"4 TS 605 3 Personnifiés par ces esprits de mensonge, les apôtres contredisent ce qu'ils ont écrit sous l'inspiration du Saint-Esprit pendant qu'ils étaient sur la terre. Ils nient la divine origine des saints Livres et démolissent ainsi les bases de l'espérance chrétienne. Eteignant la lumière qui illumine le chemin du ciel, Satan fait croire au monde que les Ecritures ne sont qu'une fable, ou tout au moins un livre convenant à l'enfance de l'humanité, et que l'on peut considérer comme suranné. Et pour remplacer la Parole de Dieu, il nous donne les phénomènes spirites. Par ce moyen, dont il possède le contrôle exclusif, il peut enseigner au monde ce que bon lui semble. Il rejette à l'arrière-plan le Livre par lequel lui et ses suppôts seront jugés, et il fait du Sauveur un homme ordinaire. De même que les gardes romains qui avaient veillé sur la tombe du Sauveur répandirent le rapport mensonger suggéré par les sacrificateurs pour nier la résurrection, de même les adeptes du spiritisme cherchent à prouver qu'il n'y a rien eu de miraculeux dans la vie de Jésus. Et, quand ils ont relégué le Sauveur dans l'ombre, ils avancent leurs propres miracles, qu'ils déclarent de beaucoup supérieurs aux siens. TS 606 1 Il est vrai que le spiritisme change actuellement de formule. Voilant ce qu'il a de plus choquant, il prend un déguisement chrétien. Mais ses déclarations faites en public et dans la presse depuis des années sont connues, et c'est là qu'il montre ce qu'il est réellement. Il ne lui est possible ni de nier ni de cacher ses enseignements. TS 606 2 Et, sous sa forme actuelle, loin d'être plus inoffensif, il est plus dangereux parce que plus subtil. Alors qu'autrefois il rejetait tant Jésus-Christ que les Ecritures, il professe maintenant les reconnaître l'un et l'autre. Mais l'interprétation -- agréable au coeur irrégénéré -- qu'il donne de la Bible annule les vérités les plus solennelles de celle-ci. Il insiste sur l'amour, qu'il cite comme le principal attribut de Dieu, mais dont il fait un sentimentalisme efféminé qui distingue à peine le bien du mal. La justice de Dieu et son horreur du péché, les exigences de sa sainte loi sont passés sous silence. Le décalogue est déclaré lettre morte. Des fables alléchantes et fascinantes prennent la place de la Parole de Dieu. Jésus-Christ est tout aussi bien renié qu'auparavant, mais Satan aveugle tellement les hommes qu'ils ne discernent pas ses pièges. TS 607 1 Peu de gens se rendent compte de la puissance de séduction du spiritisme et du danger que courent ceux qui se placent sous son influence. Beaucoup pactisent avec lui par pure curiosité. Ils n'y croient pas réellement, et reculeraient avec horreur devant la pensée d'être dominés par des esprits. Mais ils s'aventurent sur le terrain défendu, et le destructeur ne tarde pas à exercer contre leur gré son pouvoir sur eux. Une fois soumis à la direction des esprits, ils sont réellement captifs et incapables de rompre le charme par leurs propres forces. Seule la puissance de Dieu, intervenant en réponse aux ferventes prières de la foi, peut délivrer ces âmes. TS 607 2 Tous ceux qui se complaisent dans une habitude coupable ou dans un péché conscient frayent la voie aux tentations de Satan. Séparés de Dieu, privés de la protection de ses anges et désormais sans défense, ils deviennent la proie du Malin. Ceux qui se mettent ainsi sous sa domination ne se doutent guère qu'il fera d'eux des instruments pour en entraîner d'autres à la ruine. TS 607 3 Le prophète Esaïe déclare: "Si l'on vous dit: Consultez ceux qui évoquent les morts et ceux qui prédisent l'avenir, qui poussent des sifflements et des soupirs, répondez: Un peuple ne consultera-t-il pas son Dieu? S'adressera-t-il aux morts en faveur des vivants? A la loi et au témoignage! Si l'on ne parle pas ainsi, il n'y aura point d'aurore pour le peuple."1 Si les hommes recevaient la lumière qui jaillit des Ecritures touchant la nature de l'homme et l'état des morts, ils verraient dans les prétentions et les manifestations du spiritisme la puissance de Satan agissant par des signes et des miracles mensongers. Mais plutôt que de renoncer à une liberté et à des péchés agréables au coeur naturel, les multitudes ferment les yeux à la lumière, vont de l'avant sans se soucier des avertissements et tombent dans les pièges de l'ennemi. "Parce qu'ils n'ont pas reçu l'amour de la vérité pour être sauvés, ... Dieu leur envoie une puissance d'égarement, pour qu'ils croient au mensonge."1 TS 608 1 Ceux qui s'élèvent contre le spiritisme ne font pas la guerre à des hommes seulement, mais au diable et à ses anges. Ils entrent en lutte avec "les dominations, avec les esprits méchants dans les lieux célestes". Satan ne cédera pas un pouce de terrain sans y être contraint par la puissance des saints anges. Le peuple de Dieu doit pouvoir lui résister comme l'a fait le Sauveur, par le mot: "Il est écrit." Satan cite aujourd'hui les Ecritures, comme il le faisait aux jours du Christ et il en tord le sens pour appuyer ses séductions. Ceux qui veulent tenir bon à l'heure du péril doivent, à titre personnel, comprendre la Parole inspirée. TS 608 2 Bien des personnes seront visitées par des esprits de démons personnifiant des parents ou des amis défunts, qui leur enseigneront les hérésies les plus dangereuses. Ces intrus feront appel à leurs plus tendres sympathies, et appuieront leurs dires par des miracles. Pour être capable de les repousser, il faut connaître la vérité scripturaire qui nous révèle que les morts ne savent rien et que les "revenants" sont des esprits de démons. TS 608 3 Nous sommes à la veille de la tentation "qui va venir sur le monde entier, pour éprouver les habitants de la terre".2 Tous ceux dont la foi ne repose pas fermement sur la Parole de Dieu seront séduits et succomberont. Pour dominer les hommes, Satan recourt à "toutes les séductions de l'iniquité", qui deviendront de plus en plus puissantes. Mais il ne peut atteindre son but que si les personnes qu'il cherche à séduire se soumettent volontairement à ses tentations. Ceux qui recherchent sincèrement la vérité et s'efforcent de purifier leur âme par l'obéissance, se préparent pour le conflit et trouvent une sûre défense dans le Dieu de vérité. "Parce que tu as gardé la Parole de la persévérance en moi, je te garderai aussi",1 dit le Seigneur. Plutôt que de laisser succomber sous les coups de Satan une seule âme qui se confie en lui, Dieu enverrait tous les anges du ciel à son secours. TS 609 1 Le prophète Esaïe annonce l'effrayante illusion dont les pécheurs seront victimes. Se croyant à l'abri des jugements de Dieu, ils diront: "Nous avons fait une alliance avec la mort, nous avons fait un pacte avec le séjour des morts; quand le fléau débordé passera, il ne nous atteindra pas, car nous avons la fausseté pour refuge et le mensonge pour abri."2 Tel sera le langage de ceux qui, se rassurant dans leur impénitence obstinée, affirmeront que le pécheur ne sera pas puni et que tous les membres de la famille humaine, quel que soit le degré de leur perversité, seront enlevés dans le ciel où ils deviendront semblables aux anges. Mais ce sera tout particulièrement le langage de ceux qui rejettent les vérités destinées à leur servir de défense au temps de détresse, leur préférant le refuge mensonger du spiritisme, et font "une alliance avec la mort", "un pacte avec le séjour des morts" TS 609 2 L'aveuglement de notre génération dépasse toute expression. Des milliers rejettent la Parole de Dieu comme indigne de créance et se précipitent avec une confiance aveugle dans les pièges de Satan. Les sceptiques et les moqueurs dénoncent le fanatisme de ceux qui prennent parti pour la foi des prophètes et des apôtres; ils tournent en dérision les déclarations solennelles des Ecritures touchant le Sauveur, le plan du salut et les rétributions futures. Ils affectent une profonde pitié pour les esprits assez étroits, assez faibles et assez superstitieux pour reconnaître les droits de Dieu et de sa loi. Ils manifestent autant d'assurance que s'ils avaient effectivement "fait une alliance avec la mort" et "un pacte avec le séjour des morts", que s'ils avaient érigé une barrière infranchissable entre eux et la vengeance divine. Rien ne peut les effrayer. Ils sont tellement livrés à Satan, si intimement unis à lui et pénétrés de son esprit qu'ils ne peuvent ni ne veulent briser ses chaînes. Le tentateur s'est préparé de longue main pour cet assaut final. Il a jeté les fondements de son oeuvre dans l'assurance donnée à Eve: "Vous ne mourrez point. ... Le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront, et vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal."1 Petit à petit, il a préparé le terrain pour son chef-d'oeuvre de séduction: le spiritisme. Il n'a pas encore pleinement atteint son but; mais il l'atteindra à la dernière heure. Le prophète dit: "Je vis ... trois esprits impurs, semblables à des grenouilles. Car ce sont des esprits de démons, qui font des prodiges, et qui vont vers les rois de toute la terre, afin de les rassembler pour le combat du grand jour du Dieu tout-puissant".2 A l'exception de ceux qui sont gardés par la foi en la Parole de Dieu, le monde entier sera enveloppé dans cette redoutable séduction. Et l'humanité sommeille dans une fatale sécurité d'où elle ne sera tirée que par les effets de la colère de Dieu. TS 610 1 Qu'a dit le Seigneur? "Je ferai de la droiture une règle, et de la justice un niveau; et la grêle emportera le refuge de la fausseté, et les eaux inonderont l'abri du mensonge. Votre alliance avec la mort sera détruite, votre pacte avec le séjour des morts ne subsistera pas; quand le fléau débordé passera, vous serez par lui foulés aux pieds."3 ------------------------Chapitre 35 -- Les visées de la papauté TS 611 1 L'attitude des protestants envers l'Eglise de Rome est infiniment plus favorable aujourd'hui qu'autrefois. Dans les pays où le catholicisme est en minorité, et où il se fait conciliant pour étendre son influence, l'indifférence est de plus en plus grande à l'égard des doctrines qui le séparent des églises réformées. On en vient même à penser qu'en définitive les divergences sur les questions vitales ne sont pas aussi considérables qu'on l'avait supposé, et que certaines concessions de la part du protestantisme permettraient une entente avec la hiérarchie. Il fut un temps où les protestants attachaient une grande valeur à la liberté de conscience acquise à grand prix. Ils inculquaient à leurs enfants l'idée que la recherche d'un accord avec Rome équivalait à une infidélité à l'égard de Dieu. Combien les choses ont changé! TS 611 2 Les défenseurs de Rome prétendent que leur Eglise a été calomniée, et le monde protestant est enclin à les croire. Plusieurs déclarent qu'il est injuste de tenir l'Eglise d'aujourd'hui responsable des abominations et des absurdités qui ont souillé son règne pendant les siècles d'ignorance et de ténèbres. Ils attribuent sa cruauté à la barbarie des temps, et affirment que sous l'influence de la civilisation moderne elle a changé de sentiments. TS 612 1 On oublie la prétention à l'infaillibilité maintenue par la hiérarchie au cours de huit siècles, prétention qui, loin d'être abandonnée, a été proclamée au dix-neuvième siècle avec plus d'éclat que jamais. Comment la curie romaine pourrait-elle renoncer aux principes qui l'ont régie au cours des siècles passés puisque, à l'en croire, l'Eglise n'a "jamais erré" et que, selon les Ecritures, elle "n'errera jamais"?1 TS 612 2 Jamais l'Eglise n'abandonnera sa prétention à l'infaillibilité. Tout ce qu'elle a fait contre ceux qui refusaient d'accepter ses dogmes, elle le considère comme légitime. N'agirait-elle pas de même si l'occasion s'en présentait? Que viennent à tomber les restrictions qui lui sont actuellement imposées par les gouvernements; que Rome vienne à recouvrer son ancienne puissance, et l'on ne tardera pas à voir se réveiller son esprit tyrannique et ses persécutions. TS 612 3 Un auteur connu s'exprime comme suit touchant l'attitude de la hiérarchie papale à l'égard de la liberté de conscience et des dangers que fait courir le succès de sa politique en particulier aux Etats-Unis: TS 612 4 "Il ne manque pas de gens enclins à attribuer au fanatisme ou à l'enfantillage les craintes qu'inspirent les progrès frappants du catholicisme aux Etats-Unis. Ces personnes ne voient rien dans le caractère et l'attitude du romanisme qui soit contraire à nos libres institutions, et elles n'aperçoivent rien de bien menaçant dans ses progrès. Comparons donc quelques-uns des principes fondamentaux de notre gouvernement avec ceux de l'Eglise catholique. TS 612 5 "La Constitution des Etats-Unis garantit la liberté de conscience. Rien n'est plus précieux ni plus fondamental. Le pape Pie IX, dans son encyclique du 15 août 1854, dit ceci: "Les doctrines absurdes, erronées ou extravagantes favorables à la liberté de conscience sont une erreur pestilentielle, une peste des plus redoutables pour un Etat." Le même pape, dans son encyclique du 8 décembre 1864, "anathématise ceux qui réclament la liberté de conscience et de culte", ainsi que "ceux qui dénient à l'Eglise le droit de se servir de la force". TS 613 1 "Le ton pacifique de Rome aux Etats-Unis n'implique pas nécessairement un changement de convictions. Elle est tolérante là où elle est impuissante. L'évêque O'Connor a dit: "La liberté religieuse n'est tolérée que jusqu'au moment où l'on pourra faire le contraire sans péril pour le monde catholique." L'archevêque de Saint-Louis dit, d'autre part: "L'hérésie et l'incrédulité sont des crimes; aussi, dans des pays chrétiens, comme l'Italie et l'Espagne, par exemple, où chacun est catholique, et où la religion catholique fait essentiellement partie des lois, elles sont punies à l'égal des autres crimes." TS 613 2 "Tout cardinal, archevêque et évêque de l'Eglise catholique prête au pape un serment de fidélité, serment dans lequel se trouvent les paroles suivantes: "Je persécuterai et poursuivrai de toutes mes forces les hérétiques, les schismatiques, et tous les rebelles à notre dit seigneur [le pape] ou à ses successeurs."1" TS 613 3 Il est vrai qu'il y a dans la confession catholique des chrétiens authentiques. Des milliers de membres de cette église servent Dieu au plus près de leur conscience et de leurs lumières. Comme on ne leur permet pas de lire l'Ecriture, ils ne peuvent connaître la vérité. Ils n'ont jamais vu le contraste existant entre un culte spontané et l'accomplissement d'une série de cérémonies. Dieu entoure d'une tendre compassion ces âmes instruites, malgré elles, dans une foi erronée et trompeuse. Il veillera à ce que des rayons de lumière dissipent les ténèbres qui les enveloppent; il leur révélera la vérité telle qu'elle est en Jésus, et elles se rangeront un jour en grand nombre parmi son peuple. TS 614 1 Mais le catholicisme, en tant que système, n'est pas plus près de l'Evangile maintenant qu'à aucune autre période de son histoire. Si les églises protestantes n'étaient pas plongées dans de profondes ténèbres, elles discerneraient les signes des temps. L'Eglise romaine poursuit de vastes projets. Elle use de tous les moyens pour élargir le cercle de son influence et accroître sa puissance en prévision d'un combat acharné pour reprendre le sceptre du monde, rétablir la persécution et renverser tout ce que le protestantisme a établi. Le catholicisme gagne du terrain de tous côtés. Voyez le nombre croissant de ses églises et de ses chapelles dans les pays protestants. Considérez la popularité dont jouissent, en Amérique, ses collèges et ses séminaires que fréquente une nombreuse jeunesse protestante. Considérez le développement du ritualisme en Angleterre et le grand nombre de transfuges qui passent dans les rangs du catholicisme. Ces faits devraient inquiéter tous ceux qui apprécient les purs principes de l'Evangile. TS 614 2 Les protestants ont fraternisé avec le papisme; ils lui ont fait des concessions dont les catholiques sont eux-mêmes surpris, et qu'ils ne comprennent pas. Ils ferment les yeux sur la vraie nature du romanisme ainsi que sur les dangers qu'entraînerait sa suprématie. Les gens doivent être réveillés en vue d'enrayer les progrès de ce redoutable ennemi de nos libertés civiles et religieuses. TS 614 3 Beaucoup de protestants s'imaginent que la religion catholique n'est pas attrayante et que son culte ne se compose que d'une série de cérémonies fastidieuses. C'est une erreur. Bien qu'elle repose sur une base fausse, ce n'est pas une imposture grossière. Le cérémonial de l'église romaine est des plus impressionnants. Sa pompe et ses rites solennels fascinent les sens et imposent le silence à la raison et à la conscience. Ses églises magnifiques, ses processions grandioses, ses autels dorés, ses riches reliquaires, ses oeuvres d'art et ses sculptures exquises charment les yeux et ravissent les amateurs du beau. L'oreille est captivée par une musique sans égale. Les puissants accords des orgues accompagnés de choeurs de voix d'hommes, et dont les sonorités sont répercutées par les voûtes des grandes cathédrales, tout cela berce les âmes dans l'adoration et le recueillement. Mais cette pompe et cette splendeur extérieure, qui trompent les aspirations des âmes meurtries par le péché, trahissent une corruption intérieure. La religion du Christ n'a pas besoin de tant de mise en scène pour la recommander. A la lumière de la croix, le vrai christianisme paraît si pur et si attrayant qu'il n'a pas besoin d'appâts extérieurs pour en rehausser la valeur. La beauté de la sainteté, l'esprit doux et paisible qui a du prix devant Dieu lui suffisent. TS 615 1 L'éclat du style n'est pas nécessairement l'indice de pensées pures et nobles. Des hommes égoïstes et sensuels peuvent avoir un goût exquis et de hautes conceptions artistiques. Aussi Satan s'en sert-il pour faire oublier aux humains les besoins de leur âme, pour leur faire perdre de vue la vie future, les détourner de leur puissant Protecteur et les engager à ne vivre que pour ce monde. TS 615 2 Une religion tout extérieure est attrayante pour le coeur naturel. Le faste et les cérémonies du culte catholique ont une puissance de séduction et de fascination qui pousse une foule de personnes sentimentales à considérer l'Eglise de Rome comme la porte même du ciel. Seuls ceux qui ont posé le pied sur le Rocher de la vérité et dont le coeur est régénéré par l'Esprit de Dieu sont à l'abri de son influence. Des milliers d'âmes, ne connaissant pas le Sauveur par une expérience vivante, accepteront les formes d'une piété dépourvue de force morale. C'est là, du reste, la religion qui plaît à la multitude. TS 615 3 La prétention de l'Eglise au droit de pardonner est pour beaucoup d'âmes un encouragement au péché. La confession, sans laquelle elle n'accorde pas son pardon, tend également à autoriser le mal. Celui qui fléchit les genoux devant un homme pécheur et lui révèle les pensées et les secrètes fantaisies de son coeur dégrade sa virilité et avilit les instincts les plus nobles de son âme. En dévoilant les péchés de sa vie à un prêtre, c'est-à-dire à un mortel sujet à l'erreur -- quand il n'est pas adonné au vin et à l'impureté -- l'homme échange sa noblesse morale contre une flétrissure. Et comme le prêtre est pour lui le représentant de la divinité, son idée de Dieu est ravalée au niveau de l'humanité. Cette confession dégradante d'homme à homme est la source cachée d'une bonne partie des maux qui affligent le monde et le mûrissent pour sa destruction finale. Néanmoins, pour celui qui aime ses vices, il est plus agréable de se confesser à un mortel comme lui que d'ouvrir son coeur à Dieu. La nature humaine préfère subir une pénitence plutôt que d'abandonner le péché; il est plus facile de mortifier sa chair par le cilice et les chardons que de crucifier ses passions. Le coeur naturel préférera bien des jougs blessants à celui de Jésus-Christ. TS 616 1 Il y a une ressemblance frappante entre l'Eglise de Rome et le judaïsme des jours de Jésus. Bien que foulant secrètement aux pieds tous les principes de la loi divine, les Juifs en observaient rigoureusement les préceptes extérieurs qu'ils surchargeaient de pratiques et de traditions d'une observance pénible et tracassière. De même que les Juifs se disaient respectueux de la loi, de même les romanistes prétendent l'être de la croix. Ils glorifient le symbole des souffrances de Jésus-Christ tout en reniant par leur vie celui qui est représenté par ce symbole. TS 616 2 Les catholiques placent des croix sur leurs églises, sur leurs autels et sur leurs vêtements. Partout la croix du Sauveur est visiblement honorée et révérée, tandis que ses enseignements sont ensevelis sous une masse de traditions puériles, de fausses interprétations et de rites fastidieux. Les paroles du Sauveur concernant les Juifs fanatiques s'appliquent avec plus de force encore aux chefs de l'Eglise catholique romaine: "Ils lient des fardeaux pesants, et les mettent sur les épaules des hommes; mais ils ne veulent pas les remuer du doigt."1 Les âmes consciencieuses tremblent jour et nuit à la pensée d'avoir offensé Dieu, tandis qu'un bon nombre des dignitaires de l'Eglise vivent dans le luxe et les plaisirs sensuels. TS 617 1 Le culte des images et des reliques, l'invocation des saints et les honneurs rendus au pape sont des pièges de Satan dirigeant les esprits loin de Dieu et de son Fils. En vue de consommer la ruine des âmes, l'adversaire détourne leur attention du seul être capable d'assurer leur salut et donne des substituts à celui qui a dit: "Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos."2 TS 617 2 L'effort constant de l'ennemi tend à fausser le caractère de Dieu, la nature du péché et l'enjeu véritable du plan du salut. Par ses sophismes, il atténue les exigences de la loi divine et encourage le péché. Il donne de Dieu une conception qui le fait craindre et haïr plutôt qu'aimer. Attribuant à Dieu la cruauté de son propre caractère, il incorpore la haine à des systèmes religieux et à diverses formes de culte. Des esprits ainsi aveuglés, Satan fait ses instruments dans sa guerre contre Dieu. Par cette perversion des attributs de la divinité, les nations païennes en sont venues, pour apaiser la divinité, à pratiquer des sacrifices humains et d'autres atrocités tout aussi horribles. TS 617 3 L'Eglise romaine, qui a réuni les cérémonies du paganisme à celles du christianisme, et qui, comme le paganisme, a dénaturé le caractère de Dieu, a eu recours à des pratiques non moins cruelles et révoltantes. Au temps de sa suprématie Rome recourait à la torture pour contraindre les gens à souscrire à ses doctrines. Aux réfractaires, elle réservait le bûcher. Elle organisa des massacres sur une échelle dont l'étendue ne sera connue qu'au jour du jugement. Sous la direction de Satan, leur maître, les dignitaires de l'Eglise étudiaient les moyens de garder leurs victimes en vie aussi longtemps que possible tout en leur infligeant des souffrances extrêmes. Dans bien des cas, le procédé était répété jusqu'à la dernière limite de l'endurance humaine, au point que, la nature finissant par céder, la victime accueillait la mort comme une douce délivrance. TS 618 1 Tel était le sort de quiconque osait résister à Rome. Pour ses adhérents, elle avait la discipline du fouet, de la faim et de toutes les austérités corporelles concevables. Pour s'assurer les faveurs du ciel, les pénitents violaient les lois de Dieu régissant la nature. On les engageait à rompre des liens que Dieu avait formés pour embellir le séjour de l'homme sur la terre. Les cimetières contiennent des millions de victimes qui ont passé leur vie en vains efforts pour étouffer en eux les affections naturelles et réprimer, comme coupables aux yeux de Dieu, toute pensée et tout sentiment de sympathie envers leurs semblables. TS 618 2 Celui qui désire prendre sur le vif la cruauté de Satan manifestée des siècles durant, non pas chez ceux qui n'ont jamais entendu parler de Dieu, mais au centre même de la chrétienté, n'a qu'à lire l'histoire du romanisme. C'est par ce système colossal de séduction que le prince des ténèbres a réalisé son dessein de déshonorer Dieu et de plonger les hommes dans le malheur. En voyant comme il a réussi à se déguiser et à atteindre son but par les chefs de la hiérarchie romaine, on comprend mieux son antipathie pour les Ecritures. En effet, la Bible révèle à ceux qui la lisent la miséricorde et l'amour de Dieu; elle les amène à comprendre que le Père céleste n'impose à l'homme aucune de ces souffrances, mais qu'il lui demande seulement un coeur humilié et contrit, un esprit humble et obéissant. TS 618 3 La vie de Jésus ne montre pas que, pour se préparer à aller au ciel, il soit utile de s'enfermer dans un monastère. Le Christ n'a jamais demandé à ses disciples d'étouffer les sentiments d'affection et de sympathie. Son coeur débordait d'amour. Plus on approche de la perfection morale, plus on devient sensible, plus on a le sentiment de son péché, plus grande est la sympathie qu'on éprouve pour les affligés. Le pape se dit le vicaire de Jésus-Christ; mais en quoi son caractère se rapproche-t-il de celui du Sauveur? Le Christ a-t-il jamais fait emprisonner ou torturer des gens pour ne l'avoir pas reconnu comme Roi du ciel? A-t-il jamais condamné à mort ceux qui ne le recevaient pas? Lorsqu'un jour un village samaritain refusa l'hospitalité à Jésus, l'apôtre Jean, rempli d'indignation, s'écria: "Seigneur, veux-tu que nous commandions que le feu descende du ciel et les consume?" Jésus, jetant sur son disciple égaré un regard de compassion, lui répondit: "Le Fils de l'homme est venu, non pour perdre les âmes des hommes, mais pour les sauver."1 Combien différents sont les sentiments de son soi-disant vicaire! TS 619 1 L'Eglise romaine se présente aujourd'hui devant le monde sous un air de candide innocence et couvre d'apologies le récit de ses cruautés. Mais sous sa livrée chrétienne, elle est inchangée. Tous les principes professés autrefois par la papauté sont encore les siens. Elle conserve des doctrines inventées dans les siècles les plus enténébrés. Que personne ne s'y trompe. La papauté à laquelle le monde protestant est aujourd'hui si enclin à rendre hommage est encore celle qui dominait sur le monde aux jours de la Réformation, alors que des hommes de Dieu dénoncèrent ses iniquités au péril de leur vie. Elle maintient toujours les prétentions orgueilleuses qui la poussèrent à s'élever au-dessus des rois et des princes, comme à se réclamer des prérogatives de la divinité. Elle n'est ni moins cruelle ni moins despotique qu'aux jours où elle supprimait la liberté humaine et livrait à la mort les saints du Très-Haut. TS 619 2 La papauté est exactement ce que la prophétie a dit d'elle: l'apostasie des derniers jours.2 Sa tactique consiste à se présenter sous le déguisement qui convient le mieux à ses desseins; mais sous les dehors variés du caméléon, elle conserve toujours le venin du serpent. "On n'est pas tenu de garder la foi jurée à des hérétiques ou à des suspects d'hérésie",1 dit-elle. Son histoire millénaire est écrite avec le sang des saints: comment la reconnaître comme un membre de la famille chrétienne? TS 620 1 Ce n'est pas sans raison que l'on a affirmé dans les pays protestants que le catholicisme diffère moins du protestantisme que par le passé. Il y a eu un changement, mais ce n'est pas le fait de la papauté. Le catholicisme ressemble, en effet, beaucoup au protestantisme actuel; mais c'est parce que celui-ci s'est écarté de ses origines. TS 620 2 Dans la mesure où les églises protestantes ont recherché la faveur du monde, elles ont été aveuglées par une fausse charité. Pourquoi, disent-elles, le bien ne sortirait-il pas du mal? Finalement, elles en viennent à attendre du mal de tout ce qui est bien. Au lieu de se lever pour la défense de la vérité "transmise aux saints une fois pour toutes", elles s'excusent auprès de Rome de l'opinion défavorable qu'elles ont eue d'elle, et lui demandent pardon de leur bigoterie. TS 620 3 Beaucoup, même parmi ceux qui n'ont pas de Rome une opinion favorable, redoutent peu sa puissance et son influence. Plusieurs affirment que les ténèbres intellectuelles et morales du Moyen Age favorisaient ses dogmes, ses superstitions et son oppression, mais que les lumières supérieures des Temps Modernes, telles la diffusion générale des connaissances et la largeur de nos vues en matière religieuse, bannissent le danger d'un réveil de l'intolérance et de la tyrannie. On se rit de l'idée que le retour d'un tel état de choses soit possible. Il est vrai que notre génération est favorisée de grandes lumières intellectuelles, morales et religieuses. Des pages ouvertes du Livre de Dieu, un flot de vérité a jailli sur le monde. Mais il ne faut pas oublier que plus grande est la lumière, plus profondes sont les ténèbres de ceux qui la rejettent ou la pervertissent. TS 621 1 Une étude de la Parole de Dieu faite avec prière montrerait aux protestants la vraie nature de la papauté et les pousserait à l'éviter avec soin; mais beaucoup sont tellement sages à leurs propres yeux qu'ils ne voient pas la nécessité de demander humblement à Dieu de les conduire dans la vérité. Bien qu'ils soient fiers de leurs lumières, ils ne connaissent ni les Ecritures, ni la puissance de Dieu. Désireux de tranquilliser leur conscience de quelque façon, ils cherchent à cet effet les moyens les moins spirituels et les moins humiliants. Ils désirent trouver une méthode leur donnant la possibilité d'oublier Dieu tout en paraissant l'honorer. Le catholicisme répond exactement à leurs besoins. Il est, en effet, conforme aux aspirations de deux classes de gens entre lesquelles se répartit à peu près toute l'humanité: ceux qui veulent se sauver par leurs mérites, et ceux qui veulent se sauver dans leurs péchés. C'est là le secret de sa puissance. TS 621 2 L'histoire prouve qu'un temps d'ignorance et de ténèbres a été favorable à la papauté. L'avenir montrera qu'un siècle de grandes lumières intellectuelles lui est également propice. Dans les siècles passés, alors que le monde n'avait pas accès à la Parole de Dieu, des milliers tombaient dans les pièges de Rome, faute de voir les filets tendus sous leurs pas. De nos jours, beaucoup de gens, éblouis par les théories d'une "fausse science", ne discernent pas le piège et y tombent aussi aisément que s'ils étaient aveugles. Dieu veut que nous considérions nos facultés intellectuelles comme un don de notre Créateur et que nous les mettions au service de la vérité et de la justice. Mais lorsqu'on se livre à l'orgueil et à l'ambition et que l'on met ses théories au-dessus de la Parole de Dieu, l'intelligence peut faire plus de mal encore que l'ignorance. Ainsi, la fausse science de nos jours, qui sape la foi aux Ecritures, contribuera tout autant à préparer le chemin aux succès futurs de la papauté, avec ses cérémonies pompeuses, que les ténèbres du Moyen Age. TS 622 1 Dans le mouvement qui se dessine aux Etats-Unis pour assurer l'appui de l'Etat aux institutions et aux usages de l'Eglise, les protestants emboîtent le pas derrière les romanistes. Il y a plus: ils ouvrent à la papauté la porte qui lui permettra de retrouver en Amérique la suprématie qu'elle a perdue en Europe. Et ce qui rend ce mouvement plus significatif, c'est le fait que son but principal consiste à imposer l'observation du dimanche, institution qui émane de Rome, et qu'elle considère comme le signe de son autorité. Le désir de se conformer aux coutumes du monde et de vénérer des traditions humaines au lieu des commandements de Dieu pénètre dans les églises protestantes et les pousse à faire en faveur du dimanche ce que la papauté a fait avant elles. Ce désir correspond à l'esprit de Rome. TS 622 2 Si le lecteur veut se rendre compte des moyens qui seront mis en oeuvre dans le conflit qui se prépare, il n'a qu'à lire l'histoire des mesures employées par Rome à cet effet au cours des siècles passés. S'il désire savoir comment papistes et protestants traiteront ceux qui méconnaîtront leurs dogmes, qu'il s'instruise sur la manière dont Rome a traité le sabbat de l'Eternel et ses défenseurs. TS 622 3 Des édits royaux, des décisions de conciles généraux, des ordonnances de l'Eglise appuyées par le pouvoir séculier, tels sont les moyens qui furent employés pour donner à une fête païenne une place d'honneur dans le monde chrétien. La première disposition légale en faveur du dimanche fut l'édit de Constantin.1 Aux termes de cet édit, les habitants des villes devaient se reposer "au jour vénérable du soleil", tandis que les gens de la campagne pouvaient vaquer à leurs occupations ordinaires. Bien que cet édit fût virtuellement païen, il fut promulgué par Constantin après son adhésion au christianisme. TS 623 1 Estimant sans doute que le décret impérial n'était pas suffisant pour suppléer à l'absence de tout ordre divin, l'évêque opportuniste de Césarée, grand ami et flatteur de l'empereur, prétendit que Jésus avait transféré le repos du sabbat au dimanche. Eusèbe reconnaît involontairement être incapable de produire un seul témoignage scripturaire en faveur de la nouvelle institution et signale les auteurs réels du changement, en ajoutant: "Tout ce qui devait se faire le jour du sabbat, nous l'avons transféré sur le jour du Seigneur."1 L'argument en faveur du dimanche, quelque faible qu'il fût, servit néanmoins à enhardir les hommes à fouler aux pieds le sabbat de l'Eternel. Tous ceux qui désiraient pactiser avec le monde acceptèrent la fête populaire. TS 623 2 L'affermissement de la papauté et l'exaltation du dimanche progressent parallèlement. Pendant quelque temps, les gens de la campagne continuèrent à s'occuper de leurs travaux en dehors des heures du culte, et le septième jour fut encore considéré comme le jour du repos. Mais, graduellement, un changement se produisit. On défendit aux magistrats, le dimanche, de prononcer aucun jugement sur des causes civiles. Bientôt les gens de toute catégorie reçurent l'ordre de s'abstenir de toute oeuvre servile, sous peine d'amende pour les hommes libres, et de la flagellation pour les serviteurs. Plus tard, les dispositions de la loi exigèrent que les riches coupables abandonnassent la moitié de leurs biens et que, s'ils s'obstinaient à transgresser le dimanche, ils fussent réduits en servitude. Les gens des classes inférieures étaient punis d'un exil perpétuel. TS 623 3 On eut aussi recours aux miracles. On rapporte, entre autres, qu'un fermier, qui se disposait un dimanche à aller labourer et qui nettoyait sa charrue avec un outil de fer, vit cet outil s'attacher à sa main et y rester pendant deux ans, à sa grande douleur et à sa grande honte.1 TS 624 1 Plus tard, le pape ordonna aux curés de paroisse de réprimander les transgresseurs du dimanche et de les inviter à aller faire leurs prières à l'église sous peine des pires calamités pour eux et leurs voisins. Un synode ecclésiastique avança l'argument, si souvent employé depuis, même par des protestants, d'après lequel des gens travaillant le dimanche avaient été frappés par la foudre, ce qui prouvait que ce jour devait être le jour du repos. "Cela montre avec évidence, disaient les prélats, que grande doit être la colère de Dieu contre ceux qui profanent ce jour." Un appel fut ensuite adressé aux prêtres, aux rois, aux princes et aux fidèles, les invitant à "faire tous leurs efforts pour que ce jour fût honoré comme il convenait et que, pour le bien de la chrétienté, il fût plus religieusement observé à l'avenir".2 TS 624 2 Les décrets des conciles ne suffisant pas, on sollicita des autorités civiles un édit propre à jeter la terreur dans les coeurs, et à contraindre tout le monde à suspendre ses occupations le dimanche. Dans un synode tenu à Rome, toutes les dispositions précédentes furent réitérées avec plus de force et de solennité, puis incorporées aux lois ecclésiastiques, et imposées par l'autorité civile dans presque toute l'étendue de la chrétienté.3 TS 624 3 Néanmoins, l'absence de toute autorité scripturaire en faveur de ce jour constituait une lacune embarrassante. Les fidèles contestaient à leurs conducteurs le droit de rejeter, pour honorer le jour du soleil, cette déclaration positive de Jéhovah: "Le septième jour est le jour du repos de l'Eternel, ton Dieu." D'autres expédients étaient nécessaires. Vers la fin du douzième siècle, un zélé propagateur du dimanche, visitant les églises d'Angleterre, rencontra de fidèles témoins de la vérité qui lui résistèrent. Il eut si peu de succès dans la défense de sa thèse qu'il quitta le pays en quête de meilleurs arguments. Ayant trouvé ce qu'il cherchait, il revint à la charge, et fut plus heureux. Il apportait avec lui un rouleau qu'il prétendait être descendu directement du ciel, qui contenait le commandement ordonnant l'observation du dimanche, accompagné de menaces terrifiantes à l'adresse des récalcitrants. Ce précieux document -- aussi faux que l'institution qu'il était destiné à établir -- était, disait-on, tombé du ciel à Jérusalem, sur l'autel de Saint-Siméon à Golgotha. En réalité, il provenait des officines pontificales, à Rome, où la fraude et les faux ayant pour but la prospérité de l'Eglise ont toujours été considérés comme légitimes. TS 625 1 Ledit rouleau interdisait tout travail depuis la neuvième heure (Trois heures de l'après-midi), le samedi, jusqu'au lundi au lever du soleil. Son autorité était, disait-on, attestée par plusieurs miracles. On racontait que des personnes travaillant après les heures prescrites avaient été frappées de paralysie. Un meunier qui faisait moudre son grain avait vu sortir, au lieu de farine, un torrent de sang, et la roue du moulin s'était arrêtée malgré la formidable pression de l'eau. Une femme qui avait mis sa pâte au four la ressortit sans qu'elle fût cuite, bien que le four fût très chaud. Une autre femme, qui était sur le point d'enfourner son pain le samedi à la neuvième heure et qui avait décidé d'attendre jusqu'au lundi, le trouva, le lendemain, cuit à point par la puissance divine. Un homme qui avait fait cuire du pain après la neuvième heure le samedi, eut la surprise, quand il le coupa le matin suivant, d'en voir sortir un flot de sang. C'est par des inventions et des absurdités de ce genre que les partisans du dimanche s'évertuaient à lui attribuer un caractère sacré.1 TS 625 2 En Ecosse et en Angleterre, on finit par obtenir une grande vénération pour le dimanche en lui adjoignant une partie de l'ancien sabbat. Mais la durée du temps à sanctifier variait. Un édit du roi d'Ecosse déclarait qu'il fallait considérer comme saint le samedi depuis midi, et que, "dès cette heure jusqu'au lundi matin, personne ne devait s'occuper d'affaires séculières".1 TS 626 1 En dépit de tous les efforts faits en vue d'établir la sainteté du dimanche, des papistes eux-mêmes reconnaissaient publiquement la divine autorité du sabbat et l'origine humaine de l'institution qui l'avait supplanté. Une décision papale du seizième siècle déclare expressément: "Tous les chrétiens doivent se souvenir que le septième jour, consacré par Dieu, fut reconnu et observé non seulement par les Juifs, mais aussi par tous les autres prétendus adorateurs de Dieu. Quant à nous, chrétiens, nous avons changé leur sabbat et lui avons substitué le jour du Seigneur."2 Ceux qui frelataient ainsi la loi de Dieu et se mettaient délibérément au-dessus de son Auteur, n'ignoraient pas la gravité de leur acte. TS 626 2 On trouve un exemple frappant de la tactique de Rome à l'égard des insoumis dans la longue et sanglante persécution dirigée contre les Vaudois, dont quelques-uns étaient observateurs du sabbat. D'autres endurèrent également des souffrances pour leur fidélité au quatrième commandement. L'histoire des églises d'Ethiopie est caractéristique. Au sein des ténèbres du Moyen Age, perdus de vue par le monde, ces chrétiens de l'Afrique centrale avaient joui, des siècles durant, de la liberté de servir Dieu selon leur foi. Mais Rome finit par les découvrir, et l'empereur d'Abyssinie, circonvenu, ne tarda pas à reconnaître le pape comme vicaire de Jésus-Christ. D'autres concessions suivirent. Les chrétiens d'Ethiopie furent contraints, par un édit, d'abandonner le sabbat sous les peines les plus sévères.3 Mais la domination papale devint bientôt si insupportable que les Abyssins résolurent de la secouer. Après une lutte acharnée, les romanistes furent bannis de l'empire, et l'ancienne foi fut rétablie. Dès qu'elles eurent retrouvé leur indépendance, les églises africaines retournèrent à l'observation du sabbat du quatrième commandement.1 Heureuses d'avoir recouvré leur liberté, elles n'oublièrent jamais l'expérience qu'elles avaient faite de la fraude, du fanatisme et du despotisme de la puissance romaine. Elles ne demandaient pas mieux, dans leur royaume solitaire, que de rester ignorées du reste de la chrétienté. TS 627 1 Ces récits du passé révèlent clairement l'inimitié de Rome à l'égard du vrai sabbat et de ses défenseurs, et les moyens qu'elle emploie pour honorer l'institution qu'elle a créée. La Parole de Dieu nous enseigne que ces scènes se répéteront lorsque catholiques romains et protestants s'allieront pour exalter le dimanche. TS 627 2 La prophétie du treizième chapitre de l'Apocalypse déclare que l'autorité représentée par la bête aux cornes d'agneau obligera "la terre et ses habitants" à adorer la puissance du pape, symbolisée ici par la bête "semblable à un léopard". La bête à deux cornes doit aussi ordonner "aux habitants de la terre de faire une image à la [première] bête". Elle ira même jusqu'à entraîner tous les hommes, "petits et grands, riches et pauvres, libres et esclaves", à prendre "la marque de la bête".2 On a vu que la bête aux cornes d'agneau symbolise les Etats-Unis, et que cette prophétie sera accomplie quand ce pays imposera l'observation du dimanche, réclamée par Rome comme la marque de sa suprématie. Mais les Etats-Unis ne seront pas seuls à rendre cet hommage à la papauté. L'influence de cette dernière est loin d'avoir entièrement disparu des pays où elle exerçait autrefois son autorité. Et la prophétie annonce la restauration de son pouvoir. "Je vis l'une de ses têtes comme blessée à mort; mais sa blessure mortelle fut guérie. Et toute la terre était dans l'admiration derrière la bête."1 La blessure mortelle désigne la chute du pouvoir papal en 1798. Mais, dit le prophète, "sa blessure mortelle fut guérie. Et toute la terre était dans l'admiration derrière la bête." Paul dit positivement que l'homme de péché subsistera jusqu'au retour du Seigneur.2 Il persistera dans son oeuvre de séduction jusqu'à la fin des temps. Le voyant ajoute, en effet: "Tous les habitants de la terre l'adoreront, ceux dont le nom n'a pas été écrit ... dans le livre de vie."3 Dans l'Ancien comme dans le Nouveau Monde, l'observation du dimanche, qui repose uniquement sur l'autorité de l'Eglise romaine, constituera un hommage rendu au pape. TS 628 1 Depuis plus d'un demi-siècle, ceux qui, aux Etats-Unis, s'adonnent à l'étude de la prophétie, présentent au monde ce témoignage. Les événements qui se déroulent sous nos yeux accomplissent rapidement cette prophétie. Dans les pays protestants, les conducteurs religieux affirment la divine origine du dimanche sans plus de preuves que les chefs de la hiérarchie romaine quand ils imaginaient de prétendus miracles pour remplacer le commandement de Dieu. On entendra répéter -- on commence déjà à le faire -- que les jugements de Dieu frappent les hommes qui violent le dimanche. Le mouvement qui vise à imposer l'observation du dimanche par la loi s'étend rapidement. TS 628 2 L'habileté et la subtilité de l'Eglise de Rome tiennent du prodige. Elle a le don de lire l'avenir. En voyant les églises protestantes lui rendre hommage en acceptant son jour de repos et se préparer à l'imposer par les moyens dont elle a usé elle-même il y a des siècles, elle peut tranquillement attendre son heure. On verra des gens qui rejettent la lumière de la vérité s'adresser à cette puissance soi-disant infaillible pour soutenir une institution qu'elle a elle-même établie. Il est facile de concevoir l'empressement avec lequel, à cet égard, elle donnera son concours aux protestants. Qui, mieux que les chefs de la hiérarchie, sait comment traiter ceux qui sont rebelles aux décrets de l'Eglise? TS 629 1 Avec ses ramifications enveloppant toute la terre, l'Eglise catholique romaine forme une vaste organisation destinée à servir les intérêts du siège pontifical qui en a la direction suprême. Dans tous les pays du globe, ses millions de communiants reçoivent l'ordre de se considérer comme devant obéissance au pape. Quels que soient leur nationalité ou le gouvernement dont ils relèvent, l'autorité du pape doit, pour eux, primer toutes les autres. Ils peuvent prêter serment de fidélité à l'Etat, mais en cas de conflit, leur serment à l'égard de Rome les dispense de tout engagement. TS 629 2 L'histoire raconte avec quelle persévérance la papauté a cherché à s'ingérer dans les affaires des nations, et comment, une fois dans la place, elle s'y est occupée de ses intérêts, sans se laisser arrêter par la ruine des princes et des peuples. En l'an 1204, le pape Innocent III obtint de Pierre II, roi d'Aragon, le serment extraordinaire que voici: "Moi, Pierre, roi d'Aragon, je promets d'être toujours fidèle et obéissant à mon seigneur, le pape Innocent, à ses successeurs catholiques et à l'Eglise romaine, ainsi que de veiller à ce que mon royaume lui demeure soumis. Je soutiendrai la foi catholique et persécuterai la peste de l'hérésie."1 Cet engagement est conforme aux prétentions du pontife romain, notamment en ce qui concerne le droit de "déposer les empereurs" et de "délier les sujets de leur serment de fidélité envers des souverains injustes."2 TS 629 3 Il est bon de se souvenir que Rome se glorifie de ne jamais changer. Les principes de Grégoire VII et d'Innocent III sont encore aujourd'hui ceux de l'Eglise. Si elle en avait le pouvoir, elle les appliquerait avec autant de rigueur que dans les siècles passés. Les protestants ne se doutent pas de ce qu'ils font quand ils acceptent le concours de Rome pour assurer l'observation du dimanche. Pendant que ces derniers ne songent qu'à atteindre leur but, Rome, elle, ne vise à rien de moins qu'à reconquérir sa suprématie perdue. Si les Etats-Unis adoptent le principe en vertu duquel l'Eglise peut disposer du pouvoir de l'Etat, faire inscrire des observances religieuses dans la loi civile, en un mot, donner à l'Eglise et à l'Etat le droit de dominer les consciences, alors le triomphe de Rome en ce pays sera assuré. TS 630 1 La Parole de Dieu nous met en garde contre l'imminence de ce danger. Si le monde protestant fait la sourde oreille à cet avertissement, il ne tardera pas à savoir quelles sont les visées de la papauté; mais alors il sera trop tard, hélas! pour échapper au piège. L'Eglise romaine monte silencieusement vers le pouvoir. Ses doctrines font leur chemin dans les chambres législatives, dans les églises et dans les coeurs. Elle érige les constructions massives et altières de ses édifices, dont les caveaux souterrains verront renaître le cours de ses persécutions. Sournoisement, mystérieusement, elle prépare ses armes pour frapper quand le moment sera venu. Tout ce qu'elle désire, ce sont des occasions favorables, et déjà on lui en offre. Nous verrons et nous sentirons bientôt quelles sont les fins de la curie romaine. Quiconque croira et obéira à la Parole de Dieu encourra de ce chef l'opprobre et la persécution. ------------------------Chapitre 36 -- L'imminence de la lutte TS 631 1 Des l'origine du conflit dans le ciel, le but constant de Satan a été d'abolir la loi de Dieu. C'est dans cette intention qu'il a levé l'étendard de la révolte contre le Créateur et que, chassé du ciel, il a transporté et continue infatigablement cette lutte sur la terre. Séduire les hommes et les pousser à la transgression de la loi de Dieu, tel est l'objet invariable de son activité. Qu'il atteigne son but en faisant rejeter la loi entière, ou en en faisant répudier un précepte seulement, les conséquences finales sont les mêmes. Celui qui "pèche contre un seul commandement" témoigne de son mépris pour toute la loi; il "devient coupable de tous".1 TS 631 2 Afin de jeter l'opprobre sur les divins statuts, l'ennemi a perverti la doctrine de la Bible de telle sorte que des erreurs se sont introduites dans les croyances de milliers de personnes qui professent la foi aux saintes Ecritures. Le grand conflit final entre la vérité et l'erreur est le dernier épisode de la guerre séculaire contre la loi de Dieu. Cette bataille s'engage actuellement. Elle met aux prises les lois humaines et les préceptes de Jéhovah, la religion des Ecritures et celle de la fable et de la tradition. TS 632 1 Les forces qui s'uniront contre la vérité et la justice sont maintenant activement à l'oeuvre. La Parole de Dieu, qui nous est parvenue au prix de tant de souffrances et de tant de sang, est loin d'être appréciée à sa juste valeur. Elle est à la portée de tous, mais peu l'acceptent comme le guide de leur vie. L'incrédulité fait des progrès alarmants non seulement dans le monde, mais aussi dans l'Eglise. Beaucoup de ses membres en sont venus à rejeter des vérités de base de la foi chrétienne. Les grands faits de la création, tels que les écrivains sacrés les présentent, la chute de l'homme, l'expiation, la permanence de la loi de Dieu sont, en totalité ou en partie, repoussés par une portion considérable du monde chrétien. Des milliers de personnes, qui se vantent de leur sagesse et de leur indépendance, considèrent la confiance implicite aux Livres saints comme un signe de faiblesse. Ergoter sur les Ecritures et en effacer les vérités les plus importantes à force de les spiritualiser leur semble une marque de supériorité scientifique. Bien des prédicateurs enseignent à leurs ouailles, et bien des maîtres à leurs élèves, que la loi de Dieu a été modifiée ou abrogée, et que ceux qui croient qu'elle est encore en vigueur et doit être littéralement obéie, ne méritent que le ridicule ou le mépris. TS 632 2 En repoussant la vérité, l'homme renie son Auteur. En foulant aux pieds les commandements de Dieu, il rejette l'autorité du Législateur. Il est aussi facile de transformer en idole une doctrine erronée et une fausse théologie que du bois ou de la pierre. Pour éloigner les hommes de Dieu Satan en caricature les attributs. Telle idole philosophique intronisée à la place de Jéhovah réunit beaucoup de fidèles, tandis que le Dieu vivant, tel qu'il est révélé dans sa Parole, en Jésus-Christ et dans les oeuvres de la création, n'a que peu d'adorateurs. Des milliers déifient la nature et renient le Maître de la nature. L'idolâtrie règne tout aussi certainement dans le monde moderne qu'en Israël aux jours d'Elie, bien que sous une forme différente. Le dieu de bien des sages de ce monde, de bien des philosophes, poètes et journalistes; le dieu des cercles mondains, de nombre de collèges et d'universités, et même de certaines institutions théologiques, ne vaut guère mieux que Baal, le dieu-soleil des Phéniciens. TS 633 1 Aucune des erreurs adoptées par le monde chrétien ne porte un coup plus direct à l'autorité du ciel, aucune n'est plus subversive de la saine raison, aucune n'est plus pernicieuse dans ses conséquences que la doctrine moderne, si envahissante aujourd'hui, selon laquelle la loi de Dieu ne serait plus en vigueur. Toute nation a ses lois exigeant respect et obéissance; aucun gouvernement n'est possible sans elles. Et l'on voudrait que le Créateur des cieux et de la terre n'ait pas donné de loi à ses créatures? Supposons que des prédicateurs éminents se mettent à enseigner que les statuts qui gouvernent leur pays et protègent les droits des particuliers ne sont plus obligatoires, qu'ils menacent les libertés des citoyens, et qu'il faut par conséquent en secouer le joug. Combien de temps tolérerait-on de tels hommes dans les chaires du pays? Or où est le plus grand mal? Méconnaître les lois de l'Etat et de la nation, ou renier les préceptes divins qui sont à la base de tout gouvernement? TS 633 2 Les nations auraient beaucoup plus de raisons de supprimer toutes leurs lois, et de permettre à chacun d'agir à sa guise, que le Souverain de l'univers n'en aurait d'abolir la sienne et de laisser ses créatures sans règle condamnant le coupable et justifiant l'innocent. Veut-on savoir quelles conséquences découleraient de l'abolition de la loi de Dieu? L'expérience en a été faite. Qu'on songe aux scènes terribles qui ont marqué le triomphe de l'athéisme en France. On a vu alors qu'on ne s'affranchit des restrictions divines que pour subir la plus cruelle des tyrannies. Dès que l'on écarte la règle de la justice, on invite le prince des ténèbres à établir son empire sur la terre. TS 634 1 Là où les divins préceptes sont rejetés, le péché cesse de paraître haïssable, et la justice de sembler désirable. Ceux qui renient le gouvernement de Dieu se rendent impropres à se gouverner eux-mêmes. Leurs pernicieux enseignements font pénétrer dans le coeur des enfants et des jeunes gens, peu dociles de nature, un esprit d'insubordination; l'anarchie et le libertinage prennent alors pied dans la société. Tout en se moquant de la crédulité de ceux qui observent les commandements de Dieu, les foules acceptent avec empressement les séductions de Satan. Elles se laissent dominer par la chair et se livrent aux péchés qui ont attiré les jugements de Dieu sur les païens. TS 634 2 Ceux qui mésestiment et ravalent les commandements de Dieu sèment et moissonneront la désobéissance. Que disparaisse entièrement la crainte inspirée par la loi divine, et bientôt les lois humaines ne seront plus respectées. Parce que le décalogue interdit les pratiques déshonnêtes, la convoitise du bien d'autrui, le mensonge et la fraude, on ne craint pas de le fouler aux pieds sous prétexte qu'il entrave la prospérité matérielle; mais les conséquences de sa suppression seraient plus redoutables qu'on ne le suppose. Si la loi n'était plus en vigueur, pourquoi se gênerait-on de la transgresser? Rien ne serait plus en sûreté. On. dépouillerait son prochain, et le plus fort serait le plus riche. La vie elle-même ne serait plus respectée. Les voeux sacrés du mariage ne protégeraient plus la famille. Celui qui en aurait le pouvoir enlèverait -- si tel était son bon plaisir -- la femme de son prochain. Le cinquième commandement subirait le même sort que le quatrième, et les enfants n'hésiteraient pas à attenter aux jours de leurs parents, si ce crime leur permettait de réaliser leurs désirs pervertis. Le monde civilisé serait changé en une horde de voleurs et d'assassins; la paix, le repos et le bonheur seraient bannis de la terre. TS 634 3 Déjà la doctrine enseignant que l'homme est dispensé d'obéir aux commandements de Dieu a oblitéré le sentiment de l'obligation morale et déclenché sur le monde un déluge d'iniquités. L'anarchie, la dissipation, le dérèglement déferlent sur nous comme un raz de marée dévastateur. Satan est à l'oeuvre dans la famille. Sa bannière flotte jusque sur les foyers soi-disant chrétiens. On y trouve l'envie, la suspicion, l'hypocrisie, les contestations, les inimitiés, les querelles, la trahison des affections, la sensualité. Tout le système des principes religieux, qui devrait servir de base et de cadre à l'édifice social, ressemble à une masse chancelante, prête à s'effondrer. Les plus vils criminels, au fond de leur prison, sont souvent comblés de présents et d'attentions, comme s'ils s'étaient distingués par un acte méritoire. Leur personne et leurs méfaits sont l'objet d'une large publicité. La presse raconte les crimes les plus révoltants avec une abondance de détails de nature à populariser la pratique de la fraude, de l'effraction et du meurtre. L'engouement pour le vice, l'insouciance dans le meurtre, les progrès alarmants de l'intempérance et de l'anarchie sous toutes leurs formes devraient pousser les croyants à se demander ce qui pourrait être fait pour enrayer la marée montante de l'iniquité. TS 635 1 Les tribunaux sont corrompus. Le mobile de bien des magistrats est le lucre ou la luxure. Les facultés de beaucoup d'entre eux sont à tel point émoussées par l'intempérance que Satan a sur eux un empire presque absolu. Les juristes sont pervertis, achetés ou aveuglés. L'ivrognerie, les orgies, la colère, l'envie, l'improbité sous toutes ses formes, ne sont pas rares chez ceux qui sont chargés d'appliquer les lois. "La délivrance s'est retirée, et le salut se tient éloigné; car la vérité trébuche sur la place publique, et la droiture ne peut approcher."1 TS 635 2 L'iniquité et les ténèbres spirituelles qui régnaient lors de la suprématie papale étaient les conséquences inévitables de la suppression des Ecritures. Mais où trouver la cause de l'incrédulité générale, de la réjection de la loi de Dieu et de la corruption qui en découle sous la lumière évangélique d'un siècle de liberté religieuse? Maintenant que Satan ne peut plus tenir le monde sous son empire en lui retirant la Bible, il recourt à une autre tactique. Ebranler la foi en la Parole de Dieu fait tout aussi bien son affaire que de la supprimer. Il réussit aussi bien à faire transgresser les préceptes du décalogue quand les hommes croient qu'ils ne sont plus obligatoires que lorsqu'ils les ignorent. Aussi, aujourd'hui, comme par le passé, c'est par l'Eglise qu'il opère. Les organisations religieuses actuelles, refusant de prêter l'oreille aux vérités impopulaires de l'Ecriture sainte, ont eu recours, pour les combattre, à des interprétations qui ont jeté au près et au loin les semences de l'incrédulité et du scepticisme. En se cramponnant à l'erreur papale de l'immortalité naturelle de l'âme et de l'état conscient des morts, elles ont rejeté l'unique barrière qui les préservait des séductions du spiritisme. La doctrine des peines éternelles a jeté le discrédit sur les Ecritures. Et lorsque la question du quatrième commandement est agitée et révèle l'obligation d'observer le septième jour, nombre de prédicateurs populaires ne voient rien de mieux, pour se défaire d'un devoir désagréable, que de déclarer la loi abolie. Quand la réforme du jour du repos et le retour au quatrième commandement se propageront, la réjection de la loi deviendra quasi universelle. Les enseignements des conducteurs religieux ont ouvert la porte à l'incrédulité, au spiritisme et au mépris de la loi de Dieu; c'est sur eux que repose la responsabilité de l'iniquité qui règne dans la chrétienté. TS 636 1 Loin d'en convenir, ces conducteurs prétendent que la dégradation morale contemporaine est en grande partie attribuable à la profanation du dimanche, et que l'imposition légale de son observation relèverait notablement le niveau moral de la société. Cette prétention est surtout avancée en Amérique, là où la doctrine du vrai jour de repos a été le plus largement diffusée. Dans ce pays, où l'oeuvre de la tempérance, l'une des réformes morales les plus importantes, s'allie souvent au mouvement dominical, les propagateurs de ce projet se flattent de servir les plus graves intérêts de la société et dénoncent ceux qui leur refusent leur concours comme ennemis de la tempérance et de la réforme. Mais le fait qu'un mouvement en faveur d'une erreur se trouve lié à une oeuvre bonne en elle-même n'est pas un argument en faveur de l'erreur. Dissimulé dans un aliment sain, un poison ne change pas de nature. Il n'en devient au contraire que plus dangereux. La tactique de Satan consiste précisément à mélanger à l'erreur assez de vérité pour la rendre plausible. Les animateurs du mouvement dominical peuvent se réclamer de réformes nécessaires, basées sur des principes scripturaires; mais tant qu'ils associent à leur activité des éléments contraires à la loi divine, les serviteurs de Dieu ne peuvent se joindre à eux. Rien ne peut justifier la substitution de préceptes humains aux commandements de Dieu. TS 637 1 Deux grandes erreurs: l'immortalité de l'âme et la sainteté du dimanche vont être les moyens par lesquels Satan fera tomber le monde dans ses pièges. Tandis que la première jette les bases du spiritisme, la seconde établit un lien de sympathie avec Rome. Les protestants des Etats-Unis seront les premiers à tendre, par-dessus le précipice, la main au spiritisme, puis à la puissance romaine. Sous l'influence de cette triple union, les Etats-Unis, marchant sur les pas de Rome, fouleront aux pieds les droits de la conscience. TS 637 2 En se rapprochant du christianisme populaire, le spiritisme augmente ses chances de captiver les âmes. Satan lui-même, s'adaptant aux réalités présentes, apparaîtra comme un ange de lumière. Le spiritisme fera des miracles; il guérira des malades et accomplira des prodiges incontestables. Les esprits professeront la foi aux Ecritures et se montreront respectueux envers les institutions de l'Eglise. En conséquence, leur oeuvre sera reconnue comme une manifestation de la puissance de Dieu. TS 637 3 Il est difficile maintenant de distinguer la différence entre les soi-disant chrétiens et les impies. Amateurs de plaisirs, les membres des églises sont prêts à s'unir au monde. Aussi Satan est-il déterminé à les englober en un seul corps. A cet effet, il les pousse dans les rangs du spiritisme. Les fidèles du pape, qui considèrent les miracles comme un signe caractéristique de la véritable Eglise, tomberont facilement dans les filets de ce pouvoir miraculeux, et les protestants, ayant abandonné le bouclier de la vérité, seront également séduits. Romanistes, protestants et mondains montreront le même empressement à accepter les formes d'une piété factice, et verront dans cette union un pas décisif vers la conversion du monde et l'aurore d'un millénium si longtemps attendu. TS 638 1 Par le spiritisme, Satan apparaît comme le bienfaiteur de l'humanité: il guérit les malades et prétend doter le monde d'un système religieux supérieur. En même temps, il agit en destructeur. Ses tentations entraînent des multitudes à la ruine par l'intempérance, détrônent la raison par la sensualité, puis par les querelles et le crime. Il fait ses délices de la guerre qui excite les pires passions, puis il précipite dans l'éternité ses victimes ivres de vices et de sang. Il incite les nations à la guerre afin d'empêcher les hommes de se préparer à subsister au jour de Dieu. TS 638 2 Pour compléter sa moisson d'âmes non préparées à mourir, le tentateur se sert aussi des éléments. Il a étudié les secrets des laboratoires de la nature et, dans la mesure où Dieu le lui permet, il use de tout son pouvoir pour diriger les éléments. Quand Dieu l'autorisa à frapper Job, il fut capable de faire tomber en succession rapide sur le patriarche des calamités qui emportèrent ses troupeaux, ses serviteurs, ses maisons et ses enfants. C'est Dieu qui protège les siens de la puissance du destructeur. Mais le monde chrétien n'ayant montré que du mépris pour sa loi, Jéhovah agira conformément à sa Parole: il privera la terre de ses bénédictions et retirera sa protection à ceux qui se révoltent contre lui et forcent leurs semblables à faire de même. Satan domine sur tous ceux que l'Eternel ne garde pas d'une façon spéciale. Dans l'intérêt de sa cause, il en fera prospérer quelques-uns, tandis qu'il attirera le malheur sur d'autres et leur fera croire que c'est Dieu qui les afflige. TS 639 1 En outre, tout en se faisant passer pour un grand médecin capable de guérir toutes les affections, il répandra sur des villes populeuses la maladie et les calamités. Il est à l'oeuvre, en ce moment même, provoquant des accidents et des désastres sur terre et sur mer: incendies, cyclones, orages de grêle, tempêtes, inondations, trombes, raz de marée, tremblements de terre. Sa puissance se manifeste en tous lieux et sous mille formes. Il détruit les moissons dorées et fait apparaître la famine. Il empoisonne l'atmosphère, et des milliers de personnes sont victimes d'épidémies. Ces calamités deviendront de plus en plus fréquentes et désastreuses. L'oeuvre de destruction atteindra les hommes et les bêtes. "Le pays est triste, épuisé; ... les chefs du peuple sont sans force. Le pays était profané par ses habitants; car ils transgressaient les lois, violaient les ordonnances, ils rompaient l'alliance éternelle."1 TS 639 2 Pour finir, le grand séducteur persuadera les hommes que les serviteurs de Dieu sont la cause de tous ces maux. Ceux qui auront provoqué le déplaisir du ciel attribueront tous leurs malheurs aux fidèles dont l'obéissance aux commandements divins sera pour eux un continuel reproche. On prétendra que la violation du dimanche est une offense faite à Dieu, un péché attirant des calamités qui cesseront seulement quand tout le monde sera contraint d'observer ce jour. Ceux qui insistent sur les droits du quatrième commandement et contestent la sainteté du dimanche seront considérés comme des agitateurs empêchant le retour de la faveur divine et de la prospérité matérielle. Les accusations portées autrefois, pour des raisons semblables, contre l'un des serviteurs de Dieu seront répétées: "A peine Achab aperçut-il Elie qu'il lui dit: Est-ce toi qui jettes le trouble en Israël? Elie répondit: Je ne trouble point Israël; c'est toi, au contraire, et la maison de ton père, puisque vous avez abandonné les commandements de l'Eternel et que tu es allé après les Baals."2 Aussi les populations, excitées par des imputations calomnieuses, se comporteront-elles à l'égard des ambassadeurs de Dieu comme les Israélites envers le prophète Elie. TS 640 1 La puissance miraculeuse du spiritisme exercera son influence contre ceux qui obéissent à Dieu plutôt qu'aux hommes. Des messages émanant des esprits déclareront que les adversaires du dimanche sont dans l'erreur, et qu'il faut se soumettre aux lois du pays comme à celles de Dieu. Ils déploreront la décadence des moeurs et affirmeront, après les conducteurs religieux, que cette déchéance morale est le fruit de la profanation du dimanche. Grande sera alors l'indignation du monde contre ceux qui refuseront de prêter foi à leur témoignage. TS 640 2 La tactique de Satan dans cette phase finale de sa lutte contre le peuple de Dieu sera celle même qu'il suivit dans le ciel à l'ouverture du conflit. Tout en professant travailler à la stabilisation du gouvernement divin, il faisait secrètement tous ses efforts pour le renverser, et accusait de ses faits et gestes les anges restés fidèles. La même perfidie a caractérisé l'histoire de l'Eglise romaine. Tout en se disant "vicaire du ciel", celle-ci a tenté de s'élever au-dessus de Dieu et de changer sa loi. Ceux qui furent mis à mort à son instigation pour leur fidélité à l'Evangile étaient dénoncés comme malfaiteurs. Prétendant qu'ils avaient traité alliance avec le diable, on les couvrait d'opprobre et on les faisait paraître aux yeux du monde et même à leurs propres yeux comme les plus vils des criminels. Les mêmes faits se reproduiront. Pour supprimer ceux qui honorent les préceptes divins, Satan les fera accuser de violer les lois, de déshonorer Dieu et d'attirer ses jugements sur le monde. TS 640 3 Jamais le Seigneur ne violente la volonté ni la conscience de l'homme. Le Malin, au contraire, a toujours recours à la force brutale pour vaincre ceux qu'il ne peut séduire. TS 640 4 Ceux qui honorent le jour de repos de l'Eternel seront dénoncés comme ennemis de la loi et de l'ordre, contempteurs de la morale sociale, fauteurs d'anarchie et de corruption et cause déterminante des jugements de Dieu. On qualifiera d'obstination leurs scrupules de conscience, et on les accusera de défier et de mépriser l'Etat. Des prédicateurs proclamant l'abolition de la loi divine annonceront du haut de la chaire le devoir d'obéir aux autorités civiles parce qu'établies de Dieu. Tant dans les assemblées législatives que dans les tribunaux, on prêtera aux observateurs des commandements des sentiments qu'ils n'ont pas et, pour les condamner, on dénaturera leurs paroles. TS 641 1 Les églises protestantes, ayant fait la sourde oreille aux arguments clairs et précis en faveur de la loi de Dieu, tiendront à réduire au silence des hommes dont elles n'auront pu ébranler les croyances par la Parole divine. Bien qu'elles ferment maintenant les yeux à la réalité, elles adoptent une ligne de conduite qui les mènera directement à la persécution de ceux qui refuseront d'observer comme le reste de la chrétienté le jour de repos de la papauté. TS 641 2 Pour amener les gens de toute condition à honorer le dimanche, les dignitaires de l'Eglise et de l'Etat mettront en oeuvre l'argent, la persuasion et la force. On suppléera au défaut d'autorité divine par des lois oppressives. La corruption politique, qui étouffe l'amour de la justice aussi bien que les droits de la vérité, jouera son rôle dans la libre Amérique elle-même. En vue de s'assurer les suffrages, magistrats et législateurs céderont à la clameur populaire en faveur des lois dominicales. La liberté de conscience pour laquelle de si grands sacrifices ont été consentis sera immolée. Dans le conflit qui approche rapidement, on verra se réaliser ces paroles du prophète: "Le dragon fut irrité contre la femme, et il s'en alla faire la guerre aux restes de sa postérité, à ceux qui gardent les commandements de Dieu et qui ont le témoignage de Jésus."1 ------------------------Chapitre 37 -- Les Ecritures, notre sauvegarde TS 643 1 Ala loi et au témoignage! Si l'on ne parle pas ainsi, il n'y aura point d'aurore pour le peuple."1 La Parole de Dieu est donnée au croyant comme sauvegarde contre les faux docteurs et les esprits séducteurs. Satan se sert de tous les moyens pour empêcher les gens de se familiariser avec les Ecritures, dont les déclarations claires et précises dévoilent ses desseins. Chaque réveil du peuple de Dieu est marqué par un redoublement d'activité de la part de l'ennemi. Il rassemble maintenant ses dernières énergies pour un assaut final contre le Christ et ses disciples. La grande et suprême séduction est imminente. L'antichrist va opérer ses plus grands prodiges sous nos yeux. La contrefaçon sera si parfaite qu'il ne sera possible de la démasquer que par les Ecritures. C'est, en effet, par ces dernières qu'il faut éprouver la nature de chaque déclaration et de chaque miracle. TS 644 1 Ceux qui s'efforcent d'observer tous les commandements de Dieu devront affronter l'opposition et la moquerie. Ce n'est que par la confiance en Dieu qu'ils pourront subsister. Il faut, pour faire face aux épreuves qui les attendent, qu'ils comprennent la volonté de Dieu telle qu'elle est révélée dans sa Parole. Ils ne pourront honorer l'Eternel que dans la mesure où ils auront une juste conception de son caractère, de son gouvernement et de ses desseins, et où ils se conformeront à ces derniers. Seuls ceux qui se seront fortifiés par l'étude des Ecritures pourront subsister au cours du dernier conflit. Chacun devra résoudre cette question vitale: Obéirai-je à Dieu ou aux hommes? L'heure décisive est imminente. Nos pieds reposent-ils sur le rocher immuable des Ecritures? Sommes-nous prêts à prendre la défense des commandements de Dieu et de la foi de Jésus? TS 644 2 Peu avant sa crucifixion, le Sauveur annonça à ses disciples qu'il serait mis à mort et qu'il ressusciterait. Des anges étaient prêts à graver ses paroles dans le coeur des croyants. Mais comme ils attendaient un règne temporel et l'affranchissement de la puissance romaine, ils ne pouvaient supporter la pensée que celui en qui étaient concentrées toutes leurs espérances dût subir une mort ignominieuse. Les paroles dont ils avaient le plus besoin de se souvenir furent bannies de leur esprit, et l'heure de la crise -- la mort de Jésus -- les trouva aussi peu préparés que si le Maître ne les en eût jamais prévenus. Or, l'Ecriture nous révèle aussi clairement l'avenir que les paroles de Jésus l'avaient fait pour les disciples. Les événements de la fin du temps de grâce et la préparation en vue du temps de détresse nous sont clairement annoncés. Mais une foule de gens ne comprennent pas mieux ces choses que si elles n'avaient pas été révélées. Satan veille à effacer toute impression qui pourrait rendre les hommes sages à salut, et le temps de détresse les trouvera non préparés. TS 644 3 Quand Dieu envoie au monde des messages si importants qu'il les représente par des anges volant au milieu du ciel, il exige que toute personne douée de raison y prenne garde. Les terribles châtiments qui menacent les adorateurs de la bête et de son image."1 devraient nous pousser à étudier cette prophétie avec le plus grand soin, afin d'apprendre ce qu'est la marque de la bête et comment on peut l'éviter. Mais les masses détournent l'oreille de la vérité et accordent leur attention à des fables. L'apôtre Paul parle des derniers jours en ces termes: "Il viendra un temps où les hommes ne supporteront pas la saine doctrine."2 Ce temps est venu. Les foules ne goûtent pas les vérités de la Bible qui entrent en conflit avec l'amour du monde, et Satan leur fournit les chimères qui leur plaisent. TS 645 1 Dieu aura cependant sur la terre un peuple qui s'attachera à sa Parole et qui en fera la pierre de touche de toute doctrine et le fondement de toute réforme. Ni l'opinion des savants, ni les déductions de la science, ni les credo, ni les décisions des conciles et assemblées ecclésiastiques -- aussi discordants que nombreux -- ne doivent être pris en considération sur un point de foi religieuse. Avant d'accepter une doctrine quelconque, il faut s'assurer qu'elle a en sa faveur un clair et précis: "Ainsi a dit l'Eternel." TS 645 2 Sans se lasser, Satan s'efforce de diriger nos regards vers les hommes plutôt que vers Dieu. Alors que les gens devraient sonder les Ecritures pour y connaître leur devoir, il les pousse à choisir pour guides des évêques, des pasteurs, des professeurs de théologie. Puis, s'emparant de l'esprit de ces conducteurs, il mène les foules à sa guise. TS 645 3 Quand Jésus-Christ annonçait les paroles de la vie, le peuple l'écoutait avec joie; et plusieurs, même parmi les sacrificateurs et les magistrats, crurent en lui. Mais le grand prêtre et les chefs du peuple -- en dépit de l'inutilité de leurs efforts pour trouver un sujet d'accusation contre lui, et malgré l'évidence de la puissance et de la divine sagesse de ses paroles -- étaient déterminés à repousser ses enseignements et à le condamner. Craignant de devenir ses disciples, ils rejetaient les preuves les plus claires de sa messianité. Ces adversaires du Sauveur étaient des hommes que les Israélites avaient appris à vénérer dès leur enfance, et devant l'autorité desquels, dans une aveugle obéissance, ils avaient été accoutumés à se courber. "Comment se fait-il, disait-on, que nos chefs, nos scribes et nos savants ne croient pas en Jésus? S'il était le Christ, ces hommes pieux ne le recevraient-ils pas?" C'est l'influence de ces docteurs qui amena le peuple juif à rejeter son Rédempteur. TS 646 1 Beaucoup de ceux qui font une haute profession de piété sont aujourd'hui animés de l'esprit de ces sacrificateurs et de ces chefs. Refusant de prêter l'oreille au témoignage des Ecritures relatif aux vérités destinées à notre temps, ils invoquent leur nombre, leur richesse, leur popularité, et méprisent le petit groupe des défenseurs de la vérité, pauvres et impopulaires. TS 646 2 Jésus-Christ savait que l'autorité usurpée que s'attribuaient les scribes et les pharisiens ne prendrait pas fin à la dispersion des Juifs. Il avait une vision prophétique de la longue histoire de l'exaltation de l'autorité humaine et de la domination des consciences, qui, de tout temps, ont été le fléau de l'Eglise. L'effrayante dénonciation qu'il lança contre les scribes et les pharisiens, aussi bien que l'avertissement qu'il donna au peuple de ne pas suivre des conducteurs aveugles, nous ont été conservés comme une mise en garde pour les générations futures. TS 646 3 L'Eglise romaine réserve au clergé le droit d'interpréter les Ecritures. Sous prétexte que seuls les ecclésiastiques peuvent les expliquer, on les a enlevées au peuple. Bien que la Réforme ait mis le saint Livre entre les mains de tous, le principe qui a poussé Rome à en priver le peuple empêche des multitudes, dans les Eglises protestantes, d'en faire une étude personnelle. D'ailleurs, les gens sont prévenus qu'ils doivent en accepter les enseignements tels qu'ils sont interprétés par l'Eglise. Aussi, des milliers de personnes n'osent rien recevoir, fût-ce une doctrine clairement révélée dans la Bible, qui soit contraire au credo, ou à l'enseignement officiel. TS 647 1 En dépit des avertissements réitérés de l'Ecriture contre les faux docteurs, un grand nombre de gens sont ainsi tout prêts à confier au clergé la garde de leur âme. Aujourd'hui, des milliers de chrétiens de profession ne peuvent citer en faveur de leurs croyances d'autre autorité que celle de leurs conducteurs religieux. Ne prêtant pour ainsi dire aucune attention aux enseignements du Sauveur, ils mettent une confiance implicite en leurs pasteurs, comme si ceux-ci étaient infaillibles. Cependant, ils n'ont pas la certitude, tirée de la Parole de Dieu, que leurs conducteurs marchent dans la lumière! Un défaut de courage moral pour sortir des sentiers battus du monde pousse beaucoup de personnes à s'en remettre à l'opinion des savants. Parce qu'il leur répugne de s'éclairer personnellement, elles se laissent définitivement enchaîner dans l'erreur. Elles voient bien que la vérité pour notre temps est clairement exposée dans les Ecritures; elles sentent la puissance du Saint-Esprit qui en accompagne la proclamation; néanmoins, elles se laissent détourner de la lumière par l'opposition du clergé. Bien que leur raison et leur conscience soient convaincues, ces âmes aveuglées n'osent penser autrement que leur pasteur; leur jugement personnel et leurs intérêts éternels sont sacrifiés au scepticisme, à l'orgueil et aux préjugés d'un autre! TS 647 2 Nombreux sont les moyens dont Satan se sert pour asservir ses captifs aux influences humaines. Il en retient des multitudes par les liens d'affection qui les attachent à des ennemis de la Croix. Que cet attachement soit filial, paternel, conjugal ou social, les conséquences en sont les mêmes. N'ayant pas assez de courage ou d'indépendance pour suivre leur conviction, ces consciences sont dominées par les adversaires de la vérité. TS 648 1 La vérité et la gloire de Dieu sont inséparables. Il est impossible à ceux qui ont accès à la Parole d'honorer Dieu en suivant des opinions erronées. "Peu importe la croyance, dit-on souvent, pourvu que l'on soit honnête." C'est oublier que la vie est l'expression de ce que l'on croit. Avoir l'occasion de voir et d'entendre la vérité et n'en pas profiter, c'est rejeter la lumière et lui préférer les ténèbres. TS 648 2 "Telle voie paraît droite à un homme, mais son issue, c'est la voie de la mort."1 Dès qu'on a l'occasion de connaître la vérité, l'ignorance cesse d'être une excuse pour l'erreur ou pour le péché. Un voyageur qui se trouve devant un carrefour et qui, sans prendre garde aux poteaux indicateurs, choisit la voie qui lui paraît être la bonne, découvrira bientôt qu'en dépit de son assurance il s'est trompé de chemin. TS 648 3 Dieu nous a donné sa Parole pour nous permettre de nous rendre compte par nous-mêmes de ce qu'il attend de nous. Un docteur ayant demandé à Jésus: "Que dois-je faire pour hériter la vie éternelle?" le Sauveur le renvoya aux Ecritures: "Qu'est-il écrit dans la loi? Qu'y lis-tu?" L'ignorance n'excusera ni jeunes ni vieux; elle n'épargnera le châtiment qui s'attache à la transgression de la loi de Dieu à aucune personne ayant entre les mains un exposé fidèle de cette loi, de ses principes et de ses exigences. Les bonnes intentions ne suffisent point: ce n'est pas assez de croire bien faire, ou de faire ce que le pasteur nous conseille. Quand le salut de notre âme est en jeu, nous devons nous livrer à des recherches personnelles. La force de nos convictions et notre certitude que le pasteur est dans la vérité ne constituent pas un fondement suffisant pour notre destinée éternelle. Nous avons en main une feuille de route signalant tous les poteaux indicateurs de la voie qui mène au ciel; nous sommes donc inexcusables si nous marchons sur des suppositions. TS 649 1 Le premier et le plus important devoir de tout être raisonnable, c'est d'apprendre par les Ecritures ce qu'est la vérité; c'est de marcher dans la lumière, et d'encourager ses semblables à faire de même. Nous devons chaque jour étudier la Bible avec diligence, nous arrêtant avec soin sur chaque pensée et comparant les versets entre eux. Avec l'aide de Dieu, nous acquerrons ainsi des opinions personnelles, sans perdre de vue que nous devrons en répondre personnellement devant Dieu. TS 649 2 Les vérités le plus clairement révélées dans les Ecritures ont été mises en doute par des savants qui, s'attribuant une grande sagesse, enseignent que les Ecritures ont un sens mystique, secret, spirituel, qui ne paraît pas dans les termes employés. Ces hommes sont de faux docteurs. C'est à eux que Jésus dit: "Vous ne comprenez ni les Ecritures, ni la puissance de Dieu."1 Là où il n'y a ni figures ni symboles, il faut donner aux termes de la Bible leur sens le plus évident. "Si quelqu'un veut faire sa volonté [de Dieu], il connaîtra si ma doctrine est de Dieu."2 Si l'on voulait attribuer aux paroles de l'Ecriture leur sens propre, s'il n'y avait pas de faux docteurs pour égarer et troubler les esprits, il s'accomplirait sur la terre une oeuvre qui réjouirait les anges et grâce à laquelle des milliers de brebis qui errent maintenant dans les ténèbres seraient introduites dans le céleste bercail. TS 649 3 Nous devons appliquer toutes nos facultés à l'étude de la Parole, en nous efforçant de pénétrer, aussi loin qu'il est possible à des mortels, dans les profondeurs de Dieu, sans oublier que la docilité et la soumission d'un enfant sont les véritables caractéristiques d'un disciple. On ne saurait résoudre les difficultés scripturaires au moyen des méthodes utilisées pour résoudre les problèmes philosophiques. Nous ne devons pas entreprendre l'étude de la Bible dans l'esprit de suffisance avec lequel tant d'hommes abordent le domaine scientifique, mais avec prière, en comptant humblement sur Dieu, et avec le désir sincère de connaître sa volonté. Autrement, les mauvais anges aveugleront notre entendement et endurciront nos coeurs au point que la vérité ne fera sur nous aucune impression. TS 650 1 Bien des parties de l'Ecriture que des savants déclarent mystérieuses, ou considèrent comme sans importance, débordent de consolations et d'exhortations pour celui qui a été instruit à l'école du Christ. Une des raisons pour lesquelles beaucoup de théologiens comprennent si mal la Parole de Dieu, c'est qu'ils ferment les yeux pour ne pas voir des préceptes qu'ils ne veulent pas pratiquer. La connaissance de la vérité ne dépend pas tant de l'intelligence de celui qui l'étudie que de sa sincérité et de sa soif de piété et de sainteté. TS 650 2 L'étude de la Bible devrait toujours être accompagnée de prières. Seul le Saint-Esprit peut nous faire sentir l'importance des choses faciles à comprendre, ou nous empêcher de tordre des vérités difficiles à concevoir. Les bons anges ont pour devoir de préparer nos coeurs à comprendre l'Ecriture de façon que nous soyons charmés de sa beauté, avertis par ses enseignements et fortifiés par ses promesses. Nous devons faire nôtre cette prière du psalmiste: "Ouvre mes yeux, pour que je contemple les merveilles de ta loi."1 La tentation semble souvent irrésistible parce qu'on néglige la prière et l'étude de la Bible; alors, quand survient la tentation, on ne se souvient pas des promesses de Dieu et on est incapable de repousser Satan avec l'épée de la Parole de Dieu. En revanche, les anges de Dieu campent autour de ceux qui consentent à se laisser enseigner les vérités divines, et leur rappellent les passages mêmes dont ils ont besoin dans les moments difficiles. "Quand l'ennemi viendra comme un fleuve, l'esprit de l'Eternel le mettra en fuite."2 TS 651 1 Jésus a dit à ses disciples: "Le consolateur, l'Esprit-Saint, que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses, et vous rappellera tout ce que je vous ai dit."1 Mais pour que l'Esprit puisse nous les rappeler au moment critique, il faut que ses enseignements aient d'abord pénétré dans nos coeurs. "Je serre ta parole dans mon coeur, afin de ne pas pécher contre toi",2 écrit le psalmiste. TS 651 2 Quiconque se soucie de ses intérêts éternels doit se garder du scepticisme. Les fondements mêmes de la vérité seront attaqués. Il est impossible de se placer hors de l'atteinte des sarcasmes, des sophismes et des enseignements insidieux et pestilentiels de l'incrédulité moderne. Satan adapte ses tentations à toutes les classes sociales. Il attaque l'illettré avec une raillerie, tandis qu'il présente au savant des objections scientifiques ou des raisonnements philosophiques également propres à engendrer de la défiance ou du mépris envers les Ecritures. Même des jeunes gens sans expérience se permettent d'insinuer des doutes contre les principes fondamentaux du christianisme. Cette incrédulité juvénile, quelque superficielle qu'elle soit, ne manque pas de produire ses effets. Plusieurs en viennent ainsi à railler la foi de leurs pères, et à contrister l'Esprit de grâce.3 Nombre de vies, qui promettaient de faire honneur à Dieu et d'être en bénédiction au monde, ont été flétries par le souffle méphitique de l'incrédulité. Tous ceux qui se fient aux conclusions orgueilleuses de la raison humaine, et qui croient pouvoir pénétrer les mystères de Dieu et parvenir à la vérité sans le secours de la sagesse d'en haut, sont pris dans les rets de Satan. TS 651 3 Nous vivons dans la période la plus solennelle de l'histoire du monde. Le sort de tous les mortels est sur le point d'être fixé. Notre destinée éternelle, aussi bien que le salut d'autres âmes, dépend du choix que nous faisons maintenant. Laissons-nous diriger par l'Esprit de vérité. Tout disciple de Jésus devrait faire monter vers Dieu cette fervente prière: "Seigneur, que veux-tu que je fasse?" Humilions-nous devant lui par le jeûne et la prière, et méditons longuement ce qui concerne sa Parole, et tout spécialement les scènes du jugement. Cherchons à acquérir une connaissance profonde des choses de Dieu. Nous n'avons pas un instant à perdre. Des événements d'une importance vitale se déroulent autour de nous. Nous sommes sur le terrain enchanté de Satan. Sentinelles de Dieu, ne dormez pas; car l'ennemi est tout près de vous, prêt -- au premier signe de relâchement ou de somnolence -- à faire de vous sa proie. TS 652 1 Plusieurs se font illusion quant à leur condition réelle devant Dieu. Ils se félicitent du mal qu'ils n'ont pas fait, et ne pensent pas aux actions nobles et généreuses que Dieu attendait d'eux, et qu'ils n'ont point accomplies. Il ne suffit pas d'être un arbre dans le jardin de Dieu. Il faut porter du fruit. Le Seigneur nous tient pour responsables de tout le bien que nous aurions pu faire avec le secours de sa grâce. Dans les livres du ciel, ceux qui ne répondent pas à son attente sont notés comme des arbres occupant inutilement le terrain. Et pourtant, le cas de ces personnes n'est pas encore désespéré. Un Dieu compatissant adresse encore ce pressant et touchant appel à ceux qui ont méconnu la misé ricorde de Dieu et abusé de sa grâce: "Réveille-toi, toi qui dors, relève-toi d'entre les morts, et Christ t'éclairera. Prenez donc garde de vous conduire avec circonspection... Rachetez le temps, car les jours sont mauvais."1 TS 652 2 C'est au moment de la crise que seront manifestés ceux qui ont pris la Parole de Dieu pour règle. En été, la différence entre un arbre à feuilles persistantes et un autre n'est pas sensible; mais quand viennent les frimas, l'un reste vert et l'autre se dépouille de son feuillage. Ainsi, les faux chrétiens peuvent maintenant ne pas se distinguer des vrais; mais le temps approche où la différence éclatera. Que l'opposition, le fanatisme et l'intolérance s'élèvent; que les feux de la persécution se rallument, aussitôt les mal affermis et les hypocrites abandonneront la foi, tandis que le vrai chrétien demeurera ferme comme un rocher, la foi plus forte et l'espérance plus radieuse qu'aux jours de la prospérité. TS 653 1 Le psalmiste dit: "Tes préceptes sont l'objet de ma méditation." "Par tes ordonnances je deviens intelligent, aussi je hais toute voie de mensonge."1 TS 653 2 "Heureux l'homme qui a trouvé la sagesse." "Il est comme un arbre planté près des eaux, et qui étend ses racines vers le courant; il n'aperçoit point la chaleur quand elle vient, et son feuillage reste vert; dans l'année de la sécheresse, il n'a point de crainte, et il ne cesse de porter du fruit."2 ------------------------Chapitre 38 -- L'avertissement final TS 655 1 Apres cela, je vis descendre du ciel un autre ange, qui avait une grande autorité; et la terre fut éclairée de sa gloire. Il cria d'une voix forte, disant: Elle est tombée, elle est tombée, Babylone la grande! Elle est devenue une habitation de démons, un repaire de tout esprit impur, un repaire de tout oiseau impur et odieux." "J'entendis du ciel une autre voix qui disait: Sortez du milieu d'elle, mon peuple, afin que vous ne participiez point à ses péchés, et que vous n'ayez point de part à ses fléaux."1 TS 655 2 Ce passage nous signale un temps où la proclamation de la chute de Babylone, décrite par le second ange2 du quatorzième chapitre de l'Apocalypse, sera réitérée et accompagnée du tableau de la corruption qui s'est introduite dans les diverses organisations qui constituent Babylone après la première proclamation du message dans le courant de l'été 1844. Nous avons ici une description effrayante de l'état du monde religieux. A chaque réjection de la vérité, les esprits deviendront plus enténébrés et les coeurs plus obstinés, pour aboutir à une impiété effrontée. En dépit de tous les avertissements divins, on s'obstinera à transgresser l'un des commandements du décalogue, et on finira par persécuter ceux qui le tiennent pour sacré. Mépriser la Parole et le peuple de Dieu équivaut à rejeter Jésus-Christ. En accueillant les enseignements spirites, les églises supprimeront tout frein religieux. Il en résultera que la profession de christianisme ne sera plus qu'un manteau servant à couvrir des actions ignobles. La croyance aux phénomènes spirites ouvrant la porte aux esprits séducteurs et aux doctrines de démons, les églises subiront l'influence des mauvais anges. TS 656 1 Au temps de l'accomplissement de cette prophétie, il sera dit de Babylone: "Ses péchés se sont accumulés jusqu'au ciel, et Dieu s'est souvenu de ses iniquités."1 Elle a comblé la mesure de ses transgressions: sa destruction est imminente. Mais Dieu a encore un peuple dans Babylone; avant l'heure du châtiment, ces fidèles seront appelés à en sortir, pour ne point participer à ses péchés et échapper à ses fléaux. De là l'avertissement symbolisé par l'ange qui, descendu du ciel, éclaire toute la terre de sa gloire et dénonce avec véhémence les péchés de Babylone, et fait retentir cet appel: "Sortez du milieu d'elle, mon peuple." Ces proclamations constituent, avec le message du troisième ange, l'avertissement final donné aux habitants de la terre. TS 657 2 Le monde va au-devant d'une terrible crise. Les nations de la terre, coalisées pour faire la guerre aux commandements de Dieu, décréteront "que tous, petits et grands, riches et pauvres, libres et esclaves"2 sont tenus de se conformer aux usages de l'Eglise en observant un faux jour de repos. Quiconque s'y refusera sera passible de peines civiles et finalement déclaré digne de mort. D'autre part, la loi divine enjoignant l'observation du jour de repos du Créateur exige l'obéissance et menace de la colère de Dieu celui qui en transgresse les préceptes. TS 657 1 La question étant ainsi posée, fouler aux pieds la loi de Dieu pour obéir à un décret humain équivaudra à recevoir la marque de la bête; ce sera accepter le signe de soumission à une autorité autre que celle de Dieu. Or, l'avertissement du ciel déclare: "Si quelqu'un adore la bête et son image, et reçoit une marque sur son front ou sur sa main, il boira, lui aussi, du vin de la fureur de Dieu, versé sans mélange dans la coupe de sa colère."1 TS 657 2 Mais nul ne sera l'objet de la réprobation divine avant d'avoir eu l'occasion de connaître la vérité et de la rejeter. Une foule de gens n'ont pas encore entendu les vérités spéciales destinées à notre temps. L'obligation d'observer le quatrième commandement ne leur a jamais été présentée sous son vrai jour. Celui qui lit dans les coeurs et voit tous les mobiles, ne permettra pas que ceux qui aiment la vérité ignorent l'enjeu et les conséquences du conflit. Le décret ne surprendra personne. Chacun recevra suffisamment de lumière pour pouvoir prendre position en connaissance de cause. TS 657 3 La question du jour de repos -- le point de la vérité particulièrement contesté -- sera la grande pierre de touche de la fidélité. Lorsque les hommes seront soumis à cette épreuve finale, une ligne de démarcation claire et précise sera établie entre ceux qui servent Dieu et ceux qui ne le servent pas. D'une part, l'observation du faux jour de repos, conformément à une loi de l'Etat opposée au quatrième commandement, constituera la soumission à une autorité en conflit avec celle de Dieu; et, d'autre part, l'observation du vrai jour de repos selon la loi de Dieu sera une preuve de fidélité au Créateur. Tandis que les uns, en acceptant le signe de leur soumission au pouvoir terrestre, prendront la marque de la bête, les autres, en choisissant le signe de la fidélité à l'autorité divine, recevront le sceau de Dieu. TS 658 1 Jusqu'ici, les propagateurs du message du troisième ange ont été considérés comme de simples alarmistes. On a qualifié de vaines et d'absurdes leurs prédictions annonçant que les Etats-Unis glisseraient un jour dans l'intolérance religieuse, l'Etat et l'Eglise unissant leurs efforts pour persécuter les observateurs des commandements de Dieu. On a hautement affirmé que jamais ce pays ne reniera son passé, et qu'il restera toujours le champion de la liberté religieuse. Mais au moment où l'obligation d'observer le dimanche sera sérieusement agitée, lorsqu'on verra s'approcher l'événement déclaré chimérique, le message du troisième ange provoquera un effet qu'il n'aurait pas pu produire auparavant. TS 658 2 En chaque génération, Dieu a chargé ses serviteurs de censurer le péché, tant dans la société que dans l'Eglise. Mais le monde aime à entendre des choses agréables et supporte mal la pure et simple vérité. Au début de leur oeuvre, bien des réformateurs s'étaient promis d'user d'une grande prudence en dénonçant les péchés de l'Eglise et de la nation. Ils espéraient, en donnant l'exemple d'une vie pure et chrétienne, ramener le monde aux doctrines bibliques. Mais l'Esprit de Dieu s'empara d'eux comme d'Elie lorsqu'il censura les iniquités d'un roi impie et d'un peuple apostat. Ils ne purent s'empêcher, en dépit de leurs scrupules, de faire entendre les déclarations des Ecritures. Ils éprouvaient l'obligation de prêcher la vérité avec zèle, et de signaler le péril que couraient les pécheurs. Ils avaient courageusement prononcé les paroles que le Seigneur leur avait dictées, et les populations avaient été contraintes d'entendre l'avertissement. TS 658 3 C'est ainsi que le message du troisième ange sera proclamé. Quand le temps sera venu où celui-ci devra retentir avec plus de puissance, le Seigneur agira par d'humbles instruments qui se seront consacrés à son service. C'est par l'onction du Saint-Esprit plutôt que par la culture obtenue dans les écoles qu'ils seront qualifiés en vue de leur mission. Des hommes de foi et de prière, poussés par une force irrésistible et animés d'un saint zèle, iront annoncer les paroles que Dieu leur confiera. Les péchés de Babylone seront dévoilés. Les terribles conséquences résultant de lois religieuses imposées par l'autorité civile, les ravages du spiritisme, les progrès insidieux, mais rapides, de la puissance papale, tout sera démasqué. Ces avertissements solennels remueront les masses. Des milliers et des milliers de personnes, qui n'auront jamais rien entendu de pareil, apprendront, à leur grande stupéfaction, que Babylone est l'Eglise déchue à cause de ses erreurs, de ses péchés, et de son refus d'accepter des vérités envoyées du ciel. Lorsque les gens demanderont des éclaircissements à leurs conducteurs spirituels, ceux-ci leur présenteront des fables, et prophétiseront des choses agréables pour calmer leurs craintes et tranquilliser leurs consciences réveillées. Et comme plusieurs se refuseront à accepter une simple déclaration humaine et exigeront d'eux un clair et précis: "Ainsi parle l'Eternel", ces conducteurs religieux, à l'instar des pharisiens d'autrefois qu'irritait la récusation de leur autorité, dénonceront le message d'avertissement comme venant de Satan, et pousseront les foules à malmener et à persécuter ceux qui le proclament. TS 659 1 La controverse gagnera des régions nouvelles où l'attention du monde sera attirée sur la loi de Dieu foulée aux pieds. Satan agira de telle sorte que la puissance du message excitera la fureur de ceux qui s'y opposeront. Les pasteurs feront des efforts presque surhumains pour empêcher la lumière de parvenir jusqu'à leurs troupeaux. Par tous les moyens dont ils disposent, ils s'efforceront d'empêcher la discussion de ces questions vitales. Le mouvement dominical devenant plus hardi, l'Eglise fera appel au bras puissant de l'autorité civile, catholiques et protestants agissant de concert. Au nom de la loi, les observateurs des commandements de Dieu seront menacés d'amendes et d'emprisonnement. Quelques-uns se verront offrir des situations influentes, des récompenses et des avantages matériels. Loin de renoncer à leur foi, ils répondront invariablement, comme Luther: "Montrez-nous par la Parole de Dieu que nous sommes dans l'erreur." Ceux qui seront traduits devant les tribunaux plaideront éloquemment en faveur de la vérité et gagneront l'adhésion de plusieurs de ceux qui les entendront. La lumière parviendra ainsi à des milliers d'âmes qui autrement n'auraient pas eu l'occasion de la connaître. TS 660 1 L'obéissance fidèle à la Parole de Dieu sera qualifiée de rébellion. Aveuglés par Satan, des parents se montreront intraitables envers leurs enfants croyants, qu'ils déshériteront et chasseront de leurs foyers. Des maîtres opprimeront leurs serviteurs fidèles à Dieu. Ces paroles de saint Paul s'accompliront littéralement: "Tous ceux qui veulent vivre pieusement en Jésus-Christ seront persécutés."1 Leur refus d'observer le dimanche les exposera à la prison, à l'exil et aux mauvais traitements. Au point de vue humain, tout cela paraît maintenant impossible; mais lorsque la puissance du Saint-Esprit se retirera de la terre et que le monde sera entièrement sous l'empire de l'ennemi, on verra des choses étranges. Le coeur humain peut devenir bien cruel lorsque la crainte et l'amour de Dieu ont été bannis. TS 660 2 A l'approche de l'orage, un grand nombre de personnes ayant professé la foi au message du troisième ange, mais qui n'auront pas été sanctifiées par l'obéissance à la vérité, changeront d'attitude et passeront dans les rangs de l'opposition. En s'unissant au monde et en participant à son esprit, elles en viendront à envisager les choses à peu près sous le même angle; aussi, devant le danger, seront-elles toutes disposées à choisir le chemin le plus facile. Des hommes capables et éloquents, qui s'étaient réjouis dans la vérité, se serviront de leurs talents pour circonvenir et détourner les âmes, et ils deviendront les ennemis les plus acharnés de leurs anciens frères. Quand des observateurs du sabbat seront traînés devant les tribunaux pour y rendre raison de leur foi, ces apostats, véritables agents de Satan, seront les plus empressés à les accuser, à les calomnier et à leur aliéner les sympathies des juges par leurs mensonges et leurs insinuations. TS 661 1 Durant cette période de persécution, la foi des serviteurs de Dieu sera soumise à une rude épreuve. Ils auront fidèlement donné l'avertissement en s'appuyant uniquement sur Dieu et sur sa Parole. Contraints de parler par l'Esprit du Seigneur, stimulés par un saint zèle et par une puissante impulsion d'en haut, ils auront fait leur devoir sans calculer les conséquences de leurs paroles. Ils n'auront songé ni à leurs intérêts temporels, ni à leur réputation, ni à leur vie. Et pourtant, l'orage de l'opprobre et de l'opposition venant à fondre sur eux, quelques-uns seront prêts à s'écrier, dans leur consternation: "Si nous avions prévu les conséquences de nos paroles, nous nous serions tus." Entourés de difficultés, en butte aux plus rudes assauts du diable, la mission qu'ils ont entreprise menaçant de les écraser, ils perdront leur enthousiasme. Mais, ne pouvant retourner en arrière, ils se jetteront dans les bras du Tout-Puissant, en se souvenant que leurs paroles ne venaient pas d'eux, mais que c'est Dieu qui a mis dans leur coeur cette vérité qu'ils n'ont pu faire autrement que de proclamer. TS 661 2 Des épreuves semblables ont été le lot des hommes de Dieu des siècles passés. Wiclef, Hus, Luther, Tyndale, Baxter, Wesley demandaient que toute doctrine fût soumise à l'épreuve des saintes Ecritures, et se déclaraient prêts à renoncer à tout ce que la Bible condamne. La persécution s'abattit sur eux avec une rage inlassable, mais sans réussir à leur faire taire la vérité. Chaque période de l'histoire de l'Eglise a été marquée par quelque vérité adaptée aux besoins de l'époque. Ces révélations nouvelles, en butte à l'opposition et à la haine, ont toujours été accueillies par les âmes pieuses. Quand le Seigneur, en une heure de crise, donne une vérité spéciale à son peuple, comment refuser de la proclamer? Il ordonne maintenant à ses serviteurs de faire entendre au monde le dernier appel de miséricorde. Ce serait au péril de leur âme que les ambassadeurs du Christ garderaient le silence. Pourvu qu'ils fassent leur devoir, ils n'ont pas à s'inquiéter des conséquences; Dieu s'en occupe. TS 662 1 Lorsque l'opposition deviendra plus violente, les serviteurs de Dieu seront très perplexes; ils se demanderont s'ils n'ont pas eux-mêmes précipité cette crise. Mais leur conscience et la Parole de Dieu leur donneront la certitude qu'ils auront bien agi, et ils seront fortifiés pour supporter l'épreuve. Le conflit aura beau se prolonger et devenir plus âpre, leur foi et leur courage croîtront avec la tourmente. Leur déclaration sera: "Nous n'osons pas sacrifier la Parole de Dieu pour obtenir la faveur du monde. Nous ne pouvons scinder sa loi en deux parties dont l'une serait essentielle et l'autre secondaire. Le Dieu que nous servons peut nous délivrer. Le Christ a vaincu les puissances de la terre; pourquoi redouterions-nous un monde déjà vaincu?" TS 662 2 Sous ses formes diverses, la persécution est la conséquence d'un principe qui subsistera tant que le christianisme sera vivant et aussi longtemps que Satan. Nul ne peut servir Dieu sans voir l'armée des ténèbres se dresser contre lui, sans être assailli par les mauvais anges, alarmés de voir leur proie leur échapper. De faux croyants s'unissent aux esprits malins pour le séparer de Dieu par des offres séduisantes, et, quand celles-ci échouent, pour recourir à la contrainte et violenter sa conscience. TS 662 3 Mais tant que Jésus-Christ plaide dans le sanctuaire céleste, l'influence du Saint-Esprit se fait sentir tant chez les magistrats que parmi le peuple. Elle s'exerce dans une certaine mesure par l'intermédiaire des lois du pays. Sans ces lois, la condition du monde serait bien pire qu'elle n'est. Si un bon nombre de magistrats sont d'actifs agents du tentateur, Dieu a aussi les siens parmi les hommes d'Etat. Quand l'ennemi pousse ses affiliés à proposer des mesures de nature à entraver sérieusement la cause de la vérité, les anges inspirent à des hommes influents qui craignent Dieu des arguments irréfutables contre ces propositions. Ainsi, quelques hommes seront à même d'endiguer un puissant flot de rigueurs et d'oppression de la part des ennemis de la vérité, flot qui eût empêché le message du troisième ange d'accomplir sa mission. L'avertissement final retiendra l'attention de ces hommes haut placés. Quelques-uns l'accepteront et feront partie du peuple de Dieu au cours du temps de détresse. TS 663 1 L'ange qui vient participer à la proclamation du troisième message doit "éclairer toute la terre de sa gloire". Cette parole annonce une oeuvre universelle d'une puissance extraordinaire. Le mouvement adventiste de 1840-1844, parvenu à toutes les stations missionnaires du monde, fut une glorieuse manifestation de la puissance de Dieu. On assista alors, dans certains pays, au plus grand réveil religieux qu'on eût vu depuis les jours de la Réforme au XVIe siècle; mais il sera surpassé par le puissant réveil que suscitera l'avertissement final du troisième ange. TS 663 2 Il se produira en ce temps-là un mouvement analogue à celui de la Pentecôte figuré par "la pluie de la première saison", répandue lors de l'effusion du Saint-Esprit aux débuts de la proclamation de l'Evangile. Ce sera "la pluie de l'arrière-saison" qui viendra pour faire mûrir la moisson. "Cherchons à connaître l'Eternel; sa venue est aussi certaine que celle de l'aurore. Il viendra pour nous comme la pluie, comme la pluie du printemps qui arrose la terre."1 "Et vous, enfants de Sion, soyez dans l'allégresse et réjouissez-vous en l'Eternel, votre Dieu, car il vous donnera la pluie en son temps, il vous enverra la pluie de la première et de l'arrière-saison, comme autrefois."2 "Dans les derniers jours, dit Dieu, je répandrai de mon Esprit sur toute chair." "Alors quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé."3 TS 664 1 La proclamation de l'Evangile ne se terminera pas avec une puissance inférieure à celle qui a marqué ses débuts. Les prophéties qui s'accomplirent par l'apparition de la pluie de la première saison doivent trouver leur contrepartie dans la pluie de l'arrière-saison, à la fin des temps. Ce seront alors les "temps de rafraîchissement" que l'apôtre Pierre attendait, quand il disait: "Repentez-vous donc et convertissez-vous, pour que vos péchés soient effacés, afin que des temps de rafraîchissement viennent de la part du Seigneur, et qu'il envoie celui qui vous a été destiné, Jésus-Christ."1 TS 664 2 Les serviteurs de Dieu, le visage illuminé d'une sainte consécration, iront de lieu en lieu proclamer le message céleste. Des milliers de voix le feront retentir dans toutes les parties du monde. Les malades seront guéris, des miracles et des prodiges accompagneront les croyants. Satan, de son côté, opérera des miracles trompeurs jusqu'à faire descendre le feu du ciel sur la terre à la vue des hommes.2 Ainsi, les habitants de la terre seront mis en demeure de prendre position. TS 664 3 Ce n'est pas tant par des arguments que par une profonde conviction inspirée par le Saint-Esprit que sera proclamé l'avertissement. Les preuves auront été produites. La semence jetée auparavant portera alors des fruits. Les publications répandues par de zélés croyants auront exercé leur influence. TS 664 4 Plusieurs de ceux qui n'avaient pu comprendre la vérité la saisiront pleinement et s'y conformeront. Des rayons de lumière pénétreront alors en tous lieux, la vérité paraîtra dans toute sa clarté et les âmes honnêtes briseront les chaînes qui les asservissaient. Les relations de famille et d'église ne pourront plus les retenir. La vérité leur sera plus précieuse que toute autre chose. En dépit des puissances liguées contre la vérité, nombreux seront ceux qui se décideront à suivre le Seigneur. ------------------------Chapitre 39 -- Le temps de détresse TS 665 1 En ce temps-là se lèvera Micaël, le grand chef, le défenseur des enfants de ton peuple; et ce sera une époque de détresse, telle qu'il n'y en a point eu depuis que les nations existent jusqu'à cette époque. En ce temps-là, ceux de ton peuple qui seront trouvés inscrits dans le livre seront sauvés."1 TS 665 2 Quand le message du troisième ange aura achevé son oeuvre, la miséricorde divine cessera d'intercéder en faveur des coupables habitants de la terre. La tâche du peuple de Dieu sera terminée. Il a reçu la pluie de l'arrière-saison; les "temps de rafraîchissement [sont venus] de la part du Seigneur"; il est prêt à affronter l'heure de l'épreuve qui l'attend. Les anges s'affairent entre le ciel et la terre. Un ange revenu de la terre annonce que sa mission est finie, que le monde a subi sa dernière épreuve, et que tous ceux qui ont été fidèles aux préceptes divins ont reçu "le sceau du Dieu vivant".2 Jésus qui, dans le sanctuaire céleste, a mis un terme à son intercession, lève les mains et s'écrie d'une voix forte: "C'en est fait!"1 Puis, tandis que toutes les armées angéliques déposent leurs couronnes, il proclame solennellement: "Que celui qui est injuste soit encore injuste, que celui qui est souillé se souille encore; et que le juste pratique encore la justice, et que celui qui est saint se sanctifie encore."2 Le sort de tous les hommes a été décidé, soit pour la vie, soit pour la mort. Le Sauveur a fait la propitiation pour son peuple, et il a effacé ses péchés. Le nombre de ses sujets est complet. "Le règne, la domination, et la grandeur de tous les royaumes qui sont sous les cieux" sont sur le point d'être confiés aux héritiers du salut; Jésus va régner comme Roi des rois et Seigneur des seigneurs. TS 666 1 Au moment où il quittera le sanctuaire, les habitants de la terre seront plongés dans les ténèbres. A cette heure lugubre, les justes devront vivre devant la face de Dieu sans intercesseur. Les restrictions qui pesaient sur les pécheurs étant levées, Satan exercera un empire absolu sur les impénitents irréductibles. La grâce divine sera parvenue à son terme. Le monde aura rejeté la miséricorde de Dieu, méprisé son amour et foulé aux pieds sa loi. Les méchants auront franchi les limites de leur temps de probation; l'Esprit de Dieu, auquel ils auront obstinément résisté, leur sera enfin retiré. N'étant plus protégés par la grâce divine, ils seront à la merci de Satan, qui plongera alors les habitants de la terre dans la grande détresse finale. Les anges de Dieu, ayant cessé de tenir en échec la violence des passions humaines, tous les éléments de discorde seront déchaînés. Le monde entier passera par une catastrophe plus redoutable que celle dans laquelle périt l'ancienne Jérusalem. TS 666 2 Un seul ange fit autrefois mourir tous les premiers-nés des Egyptiens et plongea le pays dans le deuil. Quand David pécha contre Dieu en faisant le dénombrement du peuple, un seul ange suffit pour produire l'hécatombe qui frappa Israël. La puissance de destruction exercée jadis sur l'ordre de Dieu par de saints anges sera, dès qu'il le leur permettra, abandonnée aux mauvais anges. Il y a maintenant des forces toutes prêtes à répandre la désolation en tous lieux, et qui n'attendent que la permission de Dieu. TS 667 1 On a souvent accusé ceux qui honorent Dieu d'attirer des fléaux sur l'humanité. A ce moment-là, ils seront considérés comme étant la cause des effrayantes convulsions de la nature, aussi bien que des luttes sanglantes qui désoleront la terre. En outre, la puissance du dernier avertissement ayant enflammé la colère de ceux qui l'ont rejeté, l'esprit de haine et de persécution, intensifié par Satan, se déchaînera contre les fidèles. TS 667 2 Quand Dieu se fut retiré du milieu de la nation israélite, ni les sacrificateurs ni le peuple n'en eurent conscience. Livrés à l'empire absolu de Satan, et esclaves des plus violentes passions, ils ne se considéraient pas moins comme les favoris du ciel. Les cérémonies suivaient leur cours dans le temple; on offrait des sacrifices sur des autels souillés de crimes, et on invoquait chaque jour la bénédiction du ciel sur un peuple coupable du sang du Fils de Dieu et assoiffé de celui de ses disciples et apôtres. L'humanité ne se doutera pas davantage que des décisions irrévocables auront été prises dans le sanctuaire, que l'Esprit de Dieu se sera définitivement retiré, et que la destinée du monde aura été scellée pour l'éternité. On continuera de pratiquer les formes du culte, et une ardeur satanique revêtira les apparences d'un grand zèle pour le service de Dieu. TS 667 3 Alors que le jour du repos sera la principale question agitée dans la chrétienté, et que les autorités civiles et ecclésiastiques auront uni leurs forces pour imposer à tous l'observation du dimanche, le refus obstiné d'une faible minorité de croyants de se soumettre aux exigences populaires fera d'eux les objets d'une exécration universelle. On déclarera qu'on ne doit pas tolérer les quelques individus qui résistent à une institution de l'Eglise et à une loi de l'Etat; qu'il est préférable de les sacrifier plutôt que de plonger des nations entières dans la confusion et l'anarchie. Il y a dix-huit siècles, "les chefs du peuple" se servaient de ce même argument contre Jésus. "Il est de votre intérêt qu'un seul homme meure pour le peuple, et que la nation entière ne périsse pas",1 disait l'astucieux Caïphe. Cet argument semblera concluant. Un décret lancé contre les observateurs du sabbat du quatrième commandement les déclarera passibles des châtiments les plus sévères et donnera au public, à partir d'une certaine date, l'autorisation de les mettre à mort. Le romanisme dans l'Ancien Monde, et le protestantisme apostat dans le Nouveau adopteront les mêmes mesures envers ceux qui honorent les statuts de l'Eternel. TS 668 1 Le peuple de Dieu sera alors plongé dans les scènes d'affliction et d'angoisse que le prophète qualifie de "temps de détresse de Jacob". "Ainsi parle l'Eternel: Nous entendons des cris d'effroi; c'est l'épouvante, ce n'est pas la paix. ... Pourquoi tous les visages sont-ils devenus pâles? Malheur! car ce jour est grand; il n'y en a point eu de semblable. C'est un temps d'angoisse pour Jacob; mais il en sera délivré."2 TS 668 2 La situation du peuple de Dieu en ce temps de détresse est représentée par la nuit d'agonie passée par Jacob à crier à Dieu de le délivrer de la main d'Esaü.3 Pour avoir extorqué par ruse la bénédiction que son père destinait à Esaü, Jacob avait dû s'enfuir pour échapper aux menaces de mort proférées par son frère. Après des années d'exil, sur l'ordre de Dieu, il s'était mis en route pour rentrer au pays accompagné de ses femmes, de ses enfants et de ses troupeaux de gros et de menu bétail. Parvenu à la frontière, il fut frappé de terreur par la nouvelle que son frère, évidemment animé d'un sentiment de vengeance, venait à sa rencontre à la tête d'une troupe d'hommes armés. Jacob comprit que, sans armes et sans défense, sa caravane était, selon toute probabilité, condamnée à être massacrée. A ce motif d'effroi venaient s'ajouter de cuisants remords à la pensée que son péché était cause de ce danger. Son unique espérance résidait dans la miséricorde de Dieu, sa seule arme était la prière. Il ne négligea néanmoins aucune précaution pour réparer le tort fait à son frère et pour conjurer le péril qui le menaçait. A l'approche du temps de détresse, le peuple de Dieu devra faire également tout ce qui est en son pouvoir pour gagner les bonnes grâces du public, pour désarmer les préjugés et détourner le danger qui menacera la liberté de conscience. TS 669 1 Ayant envoyé sa famille devant lui afin de lui épargner la vue de son angoisse, Jacob s'isola pour plaider avec Dieu. Il lui confessa ses péchés, et il reconnut, avec des actions de grâces, les faveurs dont le Seigneur l'avait comblé. En des termes qui trahissent une profonde humiliation, il rappela à Dieu l'alliance conclue avec ses pères et les promesses qui lui avaient été faites, à Béthel, dans sa vision nocturne, alors qu'il se rendait au pays de l'exil. La crise de sa vie était venue; tout ce qu'il possédait était en jeu. Solitaire, Jacob passa la nuit à prier et à s'humilier. Soudain, une main le saisit par l'épaule. Se croyant assailli par un ennemi qui en voulait à sa vie, il se défendit avec l'énergie du désespoir. A l'aube, l'inconnu, usant d'une puissance surhumaine, appuya sa main sur la hanche du robuste berger qui, momentanément paralysé, et soudain éclairé, se jeta impuissant et sanglotant sur le cou de son mystérieux antagoniste. Jacob savait, maintenant, qu'il avait lutté avec l'ange de l'Alliance. Mais, bien que devenu infirme et en proie à une vive douleur, il ne renonça pas à son dessein. Assez longtemps les regrets et les remords l'avaient tourmenté; il voulait avoir l'assurance de son pardon. Comme le divin Visiteur semblait se disposer à le quitter, Jacob se cramponna à lui et le supplia de le bénir. A l'ange qui lui disait: "Laisse-moi aller, car l'aurore se lève", le patriarche répondit: "Je ne te laisserai point aller, que tu ne m'aies béni!" Parole admirable de confiance, de courage et de constance! Si elle avait été dictée par l'orgueil ou la présomption, Jacob aurait été instantanément foudroyé; mais son assurance était celle de l'homme qui, ayant confessé sa faiblesse et son indignité, a confiance en la miséricorde d'un Dieu fidèle à son alliance. TS 670 1 "Il lutta avec l'ange, et il fut vainqueur."1 Grâce à son humiliation, à son repentir et au complet abandon de soi-même, ce mortel, faillible et pécheur, remporta la victoire dans sa lutte avec la Majesté du ciel. De sa main tremblante, il s'était saisi des promesses de Dieu, et celui dont le coeur brûle d'un amour infini n'avait pu rejeter la supplication du pénitent. Comme preuve de son triomphe, et pour encourager d'autres malheureux à suivre son exemple, le nom de Jacob, qui rappelait son péché, fut remplacé par un autre, Israël, qui commémorait sa victoire. Le fait que Jacob fut le plus fort en "luttant avec Dieu" devint pour lui un gage de la promesse qu'il serait aussi vainqueur en luttant avec les hommes. Il ne craignit donc plus d'affronter la colère de son frère: l'Eternel était son défenseur. TS 670 2 Satan avait accusé Jacob devant les anges de Dieu, il prétendait avoir le droit de le faire mourir à cause de son péché. Il avait ensuite poussé Esaü à marcher contre lui, et, au cours de la longue bataille nocturne, le tentateur s'était efforcé de décourager le patriarche en lui rappelant sa transgression et de lui faire abandonner la partie. Certain que, sans le secours du ciel il était irrémédiablement perdu, Jacob faillit tomber dans le désespoir. Mais, tout en regrettant sincèrement sa grande faute, il fit appel à la miséricorde divine, refusant de se laisser détourner de son but. Se cramponnant à l'ange, il lui présenta sa requête avec une intensité et une ferveur telles qu'il remporta la victoire. TS 670 3 De même qu'il poussa autrefois Esaü à marcher contre son frère, ainsi, pendant le temps de détresse, Satan incitera les méchants à faire périr le peuple de Dieu, qu'il accusera comme il accusa Jacob. Il considère tous les hommes comme ses sujets. Seul le petit groupe d'observateurs des commandements de Dieu résiste à son autorité, et, s'il pouvait les extirper de la terre, son triomphe serait complet. Mais il verra des anges veiller sur eux, et il en conclura que leurs péchés sont pardonnés; seulement il ne saura pas que leur sort a été décidé dans le sanctuaire céleste. Aussi, connaissant exactement les transgressions dans lesquelles il les a fait tomber, il les présentera devant Dieu en exagérant démesurément leurs fautes et en concluant qu'ils méritent, tout aussi bien que lui, d'être exclus du ciel. Il affirmera que Dieu ne peut pas, en justice, leur pardonner et le détruire, lui et ses démons. Il les réclamera donc comme lui appartenant et exigera qu'ils lui soient livrés. TS 671 1 Tandis que Satan accusera les enfants de Dieu, il lui sera permis de les assaillir de ses plus fortes tentations. Leur confiance, leur foi et leur fermeté seront soumises à rude épreuve. Il s'efforcera de les terrifier en leur présentant leur cas comme désespéré, et la souillure de leur péché comme ineffaçable. Il espérera ainsi les faire succomber en reniant Dieu. Eux, en récapitulant leur passé, seront conscients de leur faiblesse et de leur indignité, ils ne verront que peu de bonnes choses dans tout le cours de leur vie, et leur foi sera ébranlée. TS 671 2 Bien qu'entouré d'ennemis résolus à l'écraser, le peuple de Dieu ne sera pas inquiet à cause des persécutions. Il craindra de ne s'être pas repenti de tous ses péchés et de s'être privé, en raison de quelque faute, du bénéfice de cette promesse du Sauveur: "Je te garderai aussi à l'heure de la tentation qui va venir sur le monde entier, pour éprouver les habitants de la terre."1 S'il avait l'assurance de son pardon, il ne reculerait ni devant la torture, ni devant la mort; mais il redoutera de perdre la vie par sa propre faute et de jeter l'opprobre sur le nom de Dieu. TS 672 1 De tous côtés, les croyants n'entendent parler que de complots et de trahisons et verront s'organiser des machinations meurtrières. Ils éprouveront alors un désir intense de voir la fin du règne de l'apostasie et de la méchanceté. Et tandis qu'ils supplieront Dieu à cet effet, ils se reprocheront de n'avoir pas plus de puissance pour contenir la marée montante du mal. Ils se diront que s'ils avaient toujours employé leurs facultés au service du Christ, s'ils s'étaient constamment fortifiés, Satan aurait moins de pouvoir contre eux. TS 672 2 Mais, tout en s'affligeant devant Dieu de leurs nombreux péchés, ils se rappelleront leur repentir et se réclameront de cette promesse du Sauveur: "Qu'on me prenne pour refuge, qu'on fasse la paix avec moi, qu'on fasse la paix avec moi."1 Leur foi ne les abandonnera pas parce que leurs prières ne seront pas aussitôt exaucées. Malgré une vive souffrance, malgré leur terreur et leur angoisse, ils ne se relâcheront point dans leurs intercessions. Ils se cramponneront à la puissance de Dieu de même que Jacob s'attachait à l'ange; et ils répéteront avec lui: "Je ne te laisserai point aller que tu ne m'aies béni." TS 672 3 Si Jacob ne s'était pas repenti d'avoir frauduleusement acquis le droit d'aînesse, Dieu n'aurait pas exaucé sa prière et ne lui aurait pas sauvé la vie. Il en ira de même dans le temps de détresse. Alors, si le chrétien, déjà torturé par l'angoisse, voyait se dresser devant lui des péchés non confessés, il succomberait; sa foi sombrerait, et il n'aurait plus assez de confiance pour supplier Dieu de le délivrer. Mais, en dépit du vif sentiment de son indignité, il n'aura pas de péchés cachés à confesser; ses fautes auront déjà passé en jugement, et elles auront été effacées; il ne s'en souviendra plus. TS 672 4 Satan pousse bien des gens à croire que Dieu ne prendra pas garde à leurs infidélités dans les petites affaires de la vie. Mais, dans sa façon d'agir avec Jacob, le Seigneur montre qu'il n'approuve ni ne tolère le mal. Tous ceux qui tentent d'excuser ou de cacher leurs péchés, ou qui consentent à les laisser inscrits, non confessés et non pardonnés, sur les registres du ciel, seront vaincus par le tentateur. Leur conduite est d'autant plus odieuse aux yeux de Dieu et le triomphe de leur grand adversaire d'autant plus certain, que leur profession est plus élevée et la position qu'ils occupent plus honorable. Ceux qui renvoient leur préparation en vue du jour de Dieu ne pourront l'acquérir ni pendant ni après le temps de détresse. Leur cas est sans issue. Les soi-disant chrétiens qui devront affronter cet effrayant conflit sans s'y être préparés confesseront alors leurs péchés avec des accents de désespoir dont se moqueront les méchants. Comme Esaü et Judas, ils se lamenteront des conséquences de leurs transgressions, mais non de leur culpabilité. Comme ils n'abhorreront pas le péché, ils n'auront pas de réelle repentance. C'est la crainte du châtiment qui les poussera à confesser leurs fautes. Comme autrefois Pharaon, ils retourneraient volontiers à leur mépris de Dieu s'ils se sentaient à l'abri de ses jugements. TS 673 1 L'histoire de Jacob nous assure que Dieu ne rejette pas ceux qui ont été séduits, tentés et entraînés dans le péché, mais qui reviennent à lui par une conversion véritable. Tandis que Satan s'efforce de consommer leur ruine, Dieu leur envoie ses anges pour les consoler et les protéger à l'heure du danger. Les assauts du diable sont puissants et déterminés, et ses tentations redoutables, mais les yeux du Seigneur sont sur les siens, et ses oreilles sont attentives à leurs cris. Bien que la détresse des croyants soit grande et que les flammes de la fournaise semblent sur le point de les consumer, le grand Epurateur les en fera sortir comme de l'or éprouvé par le feu. L'amour de Dieu pour ses enfants, aux jours de leur plus rude épreuve, sera aussi puissant et aussi tendre que dans leurs jours les plus ensoleillés; mais il faut qu'ils passent au creuset, que leur mondanité se consume, et qu'ils réfléchissent parfaitement l'image du Sauveur. TS 674 1 Le temps de détresse et d'angoisse qui est devant nous exige une foi capable de supporter la fatigue, les délais et la faim; une foi qui ne faiblira pas sous l'épreuve. Une période de grâce nous est accordée pour nous y préparer. Jacob l'emporta parce qu'il fut déterminé et persévérant. Sa victoire est une démonstration de la puissance de la prière persévérante. Quiconque se saisira comme lui des promesses de Dieu; quiconque aura sa ferveur et sa persévérance remportera le même succès. Ceux qui ne sont pas disposés au renoncement et à la prière prolongée jusqu'à l'agonie, en quête de la bénédiction de Dieu, ne l'obtiendront pas. Lutter avec Dieu! ... Qu'ils sont peu nombreux ceux dont le coeur s'est laissé attirer vers le Seigneur avec toute l'intensité possible! Quand les vagues d'un désespoir inexprimable déferlent sur l'âme du suppliant, combien peu se cramponnent aux promesses de Dieu! TS 674 2 Ceux qui n'exercent que peu de foi maintenant courent le grand danger de succomber à la puissance des séductions sataniques. Et si même ils supportent l'épreuve, leur angoisse sera d'autant plus profonde au jour de la crise qu'ils auront été moins habitués à mettre leur confiance en Dieu. Les leçons de foi qu'ils auront négligées dans les temps ordinaires, ils devront les apprendre sous la rude pression du découragement. TS 674 3 Nous devons dès maintenant mettre les promesses de Dieu à l'épreuve. Les anges enregistrent toute prière fervente et sincère. Il vaut mieux renoncer à ses aises plutôt qu'à la communion avec Dieu. Le dénuement le plus complet, les plus grandes privations, avec son approbation, sont préférables aux richesses, aux honneurs, au confort et à l'amitié, sans elle. Prenons le temps de prier. Si nous nous laissons absorber par nos intérêts matériels au point de négliger la prière, il peut se faire que le Seigneur estime nécessaire de nous débarrasser de nos idoles, qu'il s'agisse d'argent, de maisons ou de terres fertiles. TS 675 1 La jeunesse ne se laisserait pas séduire par le péché si elle refusait de se rendre là où elle ne peut demander à Dieu de l'accompagner de sa bénédiction. Si les messagers qui portent au monde un dernier et solennel avertissement demandaient l'aide de Dieu, non avec indolence ou indifférence, mais avec la même ferveur et la même foi que Jacob, ils pourraient souvent répéter: "J'ai vu Dieu face à face, et mon âme a été sauvée."1 Ils seraient des princes aux yeux du Seigneur, parce qu'ils auraient vaincu dans leur lutte avec Dieu et avec les hommes. TS 675 2 L' "époque de détresse telle qu'il n'y en a point eu" est imminente. Il nous faudra alors une vie chrétienne que nous ne possédons pas maintenant, et à laquelle l'indolence de plusieurs les empêchera de parvenir. Il arrive souvent que les difficultés soient plus grandes de loin que de près; mais ce ne sera pas le cas de la crise qui est devant nous. Les descriptions les plus palpitantes sont au-dessous de la réalité. A ce moment-là, toute âme devra subsister seule devant Dieu. Même si "Noé, Daniel et Job" se trouvaient dans le pays, "je suis vivant! dit le Seigneur, l'Eternel, ils ne sauveraient ni fils ni filles; mais ils sauveraient leur âme par leur justice".2 TS 675 3 C'est maintenant, pendant que notre Souverain Sacrificateur fait encore propitiation pour nous, que nous devons nous efforcer de réaliser la perfection qui est en Jésus-Christ. Satan trouve toujours dans le coeur irrégénéré quelque endroit où il peut se loger. Un désir coupable caressé donne de la puissance à ses tentations. Jésus n'y céda jamais, pas même en pensée. Il pouvait dire: "Le prince du monde vient. Il n'a rien en moi."3 Jésus gardait les commandements de son Père; il n'y avait rien à reprendre en lui. Telle doit être la condition de ceux qui sont appelés à subsister au temps de détresse. TS 676 1 C'est dans cette vie, par la foi au sang expiatoire du Sauveur, que nous devons nous séparer du péché. Le Christ nous invite à nous unir à lui, à joindre notre faiblesse à sa force, notre ignorance à sa sagesse, notre indignité à ses mérites. La vie chrétienne est l'école où nous devons apprendre à connaître sa douceur et son humilité. Aussi le Seigneur place-t-il constamment devant nous, non pas des choses agréables et faciles que nous choisirions naturellement, mais des occasions d'apprendre quel est le but véritable de la vie. A nous de coopérer avec lui pour que notre caractère se conforme au divin modèle. Ce n'est qu'au péril de sa vie que l'on néglige ou diffère cette expérience. TS 676 2 Au cours d'une vision, saint Jean entendit une voix qui disait: "Malheur à la terre et à la mer! car le diable est descendu vers vous, animé d'une grande colère, sachant qu'il a peu de temps."1 Les scènes qui provoquent cette exclamation de la voix céleste sont effrayantes. A mesure que son temps se raccourcit, Satan redouble de colère, et c'est pendant le temps de détresse que son oeuvre de séduction et de destruction parviendra à son point culminant. TS 676 3 Des phénomènes d'ordre surnaturel apparaîtront bientôt dans le ciel, qui prouveront la puissance miraculeuse des démons. Les esprits malins se rendront auprès des rois et auprès de tous les habitants de la terre pour les séduire et les engager à unir leurs forces à celles de Satan dans sa lutte suprême contre le gouvernement de Dieu. C'est ainsi que peuples et souverains seront ensorcelés. Des personnages s'élèveront, qui se donneront pour le Christ et se réclameront des titres et du culte qui reviennent au Rédempteur du monde. Ils opéreront des guérisons et prétendront être porteurs de révélations célestes. TS 677 1 Pour couronner le grand drame de la séduction, Satan lui-même simulera l'avènement du Seigneur que l'Eglise attend depuis si longtemps comme la consommation de ses espérances. En diverses parties du monde, on verra paraître un personnage majestueux, auréolé d'une gloire éclatante qui rappellera la description du Fils de Dieu donnée dans l'Apocalypse.1 Son éclat dépassera tout ce que les yeux des mortels auront jamais contemplé. Ce cri de triomphe déchirera les airs: "Le Christ est venu! Le Christ est venu!" Les foules se prosterneront devant lui pour l'adorer, tandis qu'il lèvera les mains pour les bénir, exactement comme Jésus lorsqu'il bénissait ses disciples aux jours de sa chair. Sa voix sera douce, contenue et fort mélodieuse. Affable et compatissant, il répétera quelques-unes des vérités célestes et consolantes prononcées par le Seigneur. Il guérira les malades, puis, en vertu de son autorité, ce faux Christ affirmera avoir transféré le sabbat au dimanche et ordonnera à chacun de sanctifier le jour qu'il a béni. Il déclarera que ceux qui s'obstineront à observer le septième jour renient le Christ, puisqu'ils refuseront de prendre garde aux anges qu'il a envoyés pour apporter la vérité au monde. Cette suprême séduction sera presque irrésistible. Comme les Samaritains éblouis par Simon le Magicien, les foules, du plus grand au plus petit, s'écrieront: "Celui-ci est la puissance de Dieu, celle qui s'appelle la grande."2 TS 677 2 Mais le peuple de Dieu ne se laissera pas mystifier. Les enseignements de ce faux Christ ne concorderont pas avec ceux des Ecritures. Il bénira les adorateurs de la bête et de son image, ceux-là même auxquels l'Eternel sera sur le point de faire boire le vin sans mélange de la coupe de sa colère. TS 677 3 Du reste, Satan ne pourra pas imiter tout l'éclat du retour du Seigneur. Jésus a prémuni ses disciples contre toute duperie sur ce point en décrivant clairement le mode de sa venue: "Il s'élèvera, dit-il, de faux Christs et de faux prophètes; ils feront de grands prodiges et des miracles, au point de séduire, s'il était possible, même les élus. ... Si donc on vous dit: Voici, il est dans le désert, n'y allez pas; voici, il est dans les chambres, ne le croyez pas. Car, comme l'éclair part de l'orient et se montre jusqu'en occident, ainsi sera l'avènement du Fils de l'homme."1 Il n'est pas possible de simuler cette venue qui sera visible pour le monde entier. TS 678 1 Seuls échapperont à la redoutable séduction qui subjuguera le monde ceux qui étudient diligemment les Ecritures et qui ont l'amour de la vérité. C'est grâce au témoignage de la Parole de Dieu qu'ils découvriront le séducteur sous son déguisement. L'heure de l'épreuve sonnera pour tous et le crible de la tentation fera connaître les vrais chrétiens. Le peuple de Dieu est-il assez enraciné dans la vérité pour pouvoir résister au témoignage même de ses sens? Saura-t-il, au cours de cette crise, s'attacher aux Ecritures et aux Ecritures seules? Satan fera tout pour empêcher les fidèles de se préparer à rester fermes. Il disposera les circonstances de façon à leur barrer la route, à les absorber par des trésors terrestres, à les charger d'occupations et à appesantir leurs coeurs par les soucis de la vie, afin que, tel un voleur, le jour de l'épreuve les prenne à l'improviste. TS 678 2 Lorsque les différents gouvernements de la chrétienté auront promulgué contre les observateurs des commandements un décret les mettant hors la loi et les livrant aux mains de leurs ennemis, les enfants de Dieu abandonneront les villes et les villages et se retireront par groupes dans les lieux les plus désolés et les plus solitaires. Comme les chrétiens des vallées vaudoises, beaucoup d'entre eux trouveront un refuge dans les montagnes, où ils établiront leurs sanctuaires et rendront grâces à Dieu pour "les rochers fortifiés".2 Mais un grand nombre d'entre eux, de toutes nations, riches et pauvres, petits et grands, noirs et blancs, seront réduits au plus injuste et au plus cruel esclavage. Les bien-aimés de Dieu, chargés de chaînes, condamnés à mort, passeront de longues journées derrière des barreaux de prisons; quelques-uns seront même apparemment destinés à mourir d'inanition en des cachots infects où leurs soupirs ne seront recueillis par aucune oreille humaine, et où nul n'ira leur porter secours. TS 679 1 Le Seigneur oubliera-t-il son peuple à cette heure suprême? Oublia-t-il le fidèle Noé, lorsque ses jugements fondirent sur le monde antédiluvien? Oublia-t-il Lot, lorsque le feu du ciel dévora les villes de la plaine? Oublia-t-il Joseph en Egypte, au milieu des idolâtres? Oublia-t-il Elie, menacé par Jézabel du sort qu'il avait fait subir aux prophètes de Baal? Oublia-t-il Jérémie dans le puits fangeux qui lui servait de prison? Oublia-t-il les trois jeunes Hébreux dans la fournaise ardente, ou Daniel dans la fosse aux lions? TS 679 2 "Sion disait: L'Eternel m'abandonne, le Seigneur m'oublie! Une femme oublie-t-elle l'enfant qu'elle allaite? N'a-t-elle pas pitié du fruit de ses entrailles? Quand elle l'oublierait, moi je ne t'oublierai point. Voici, je t'ai gravée sur mes mains."1 L'Eternel des armées a dit: "Celui qui vous touche, touche la prunelle de mon oeil."2 TS 679 3 On pourra incarcérer les enfants de Dieu, mais les murs de leurs prisons ne seront pas assez épais pour interrompre la communion de leur âme avec leur Sauveur. Celui qui voit toutes leurs faiblesses et qui connaît toutes leurs épreuves est supérieur aux puissants de la terre. Ces prisons deviendront des palais. Des anges y apporteront la lumière et la paix du ciel. Les sombres murs des cellules occupées par des âmes ferventes seront illuminés de la lumière d'en haut, comme le furent ceux de la prison de Philippes, où Paul et Silas priaient et chantaient les louanges de Dieu. TS 680 1 Les jugements de Dieu fondront sur ceux qui veulent opprimer et anéantir son peuple. Si sa longue patience enhardit les méchants et les encourage dans la transgression, leur châtiment, pour être différé, n'en est ni moins certain, ni moins terrible. "L'Eternel se lèvera comme à la montagne de Pératsim, il s'irritera comme dans la vallée de Gabaon, pour faire son oeuvre, son oeuvre étrange, pour exécuter son travail, son travail inouï."1 Punir, pour notre miséricordieux Père céleste, est une tâche étrange, inaccoutumée. "Je suis vivant! dit le Seigneur, l'Eternel, ce que je désire, ce n'est pas que le méchant meure."2 Le Seigneur est "miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en bonté et en fidélité. ... [Il] pardonne l'iniquité, la rébellion et le péché." Et néanmoins, il "ne tient point le coupable pour innocent". "L'Eternel est lent à la colère, il est grand par sa force; il ne laisse pas impuni."3 C'est par des châtiments terribles qu'il défendra les droits de sa loi outragée. On peut juger de la sévérité du châtiment qui attend le transgresseur par la répugnance que le Seigneur éprouve à faire justice. Telle nation, qu'il a longtemps supportée et qui ne sera frappée qu'après avoir comblé la mesure de ses iniquités, boira enfin la coupe de sa colère sans mélange de miséricorde. TS 680 2 Dès que Jésus n'intercédera plus dans le sanctuaire, le vin de la colère de Dieu, dont sont menacés les adorateurs de la bête et de son image et ceux qui reçoivent sa marque,4 leur sera versé. Les plaies dont souffrit l'Egypte quand Dieu était sur le point d'en faire sortir son peuple étaient de même nature que celles, plus terribles et plus universelles, qui fondront sur le monde avant la délivrance finale du peuple de Dieu. Le voyant de Patmos en parle en ces termes: "Un ulcère malin et douloureux frappa les hommes qui avaient la marque de la bête, et qui adoraient son image." "Et [la mer] devint du sang, comme celui d'un mort; et tout être vivant mourut, tout ce qui était dans la mer." "Les fleuves et les sources des eaux ... devinrent du sang." Quelque terribles que soient ces fléaux, ils sont justifiés. L'ange de Dieu fait cette proclamation: "Tu es juste, ... tu es saint, parce que tu as exercé ce jugement. Car ils ont versé le sang des saints et des prophètes, et tu leur as donné du sang à boire: ils en sont dignes."1 En condamnant à mort le peuple de Dieu, ils se sont rendus coupables de son sang aussi réellement que s'ils l'avaient versé. C'est ainsi que Jésus déclare aux Juifs de son temps qu'ils sont coupables du sang de tous les justes mis à mort depuis celui d'Abel jusqu'alors, puisqu'ils étaient animés du même esprit, et qu'ils se préparaient à imiter les meurtriers des prophètes. TS 681 1 Dans la plaie suivante, le pouvoir est donné au soleil "de brûler les hommes par le feu; et les hommes furent brûlés par une grande chaleur."1 Les prophètes décrivent ainsi la condition de la terre en ce temps redoutable: "La terre est attristée; ... parce que la moisson des champs est perdue. ... Tous les arbres des champs sont flétris... la joie a cessé parmi les fils de l'homme!" "Les semences ont séché sous les mottes, les greniers sont vides, les magasins sont en ruines. ... Comme les bêtes gémissent! Les troupeaux de boeufs sont consternés, parce qu'ils sont sans pâturage. ... Les torrents sont à sec, et le feu a dévoré les plaines du désert." "Les chants du palais seront des gémissements, dit le Seigneur, l'Eternel; on jettera partout en silence une multitude de cadavres."2 TS 681 2 Ces plaies ne seront pas universelles, autrement les habitants de la terre périraient tous. Elles compteront toutefois parmi les plus terribles qui aient frappé les mortels. Tous les fléaux dont les hommes ont souffert avant la fin du temps de grâce ont été mélangés de miséricorde. Le sang de Jésus offert en leur faveur a toujours préservé les méchants du juste salaire de leur iniquité; mais sous les plaies finales, la colère de Dieu sera versée sans pitié. TS 682 1 En ce jour-là, des multitudes chercheront l'abri de la miséricorde divine qu'elles ont si longtemps méprisée. "Les jours viennent, dit le Seigneur, l'Eternel, où j'enverrai la famine dans le pays, non pas la disette du pain et la soif de l'eau, mais la faim et la soif d'entendre les paroles de l'Eternel. Ils seront alors errants d'une mer à l'autre, du septentrion à l'orient, ils iront çà et là pour chercher la parole de l'Eternel, et ils ne la trouveront pas."1 TS 682 2 Le peuple de Dieu ne sera pas à l'abri de la souffrance; mais bien que persécuté et angoissé, dénué de tout et privé d'aliments, il ne sera pas abandonné. Le Dieu qui a pris soin d'Elie ne négligera pas un seul de ses enfants. Celui qui compte les cheveux de leur tête prendra soin d'eux, et au temps de la famine ils seront rassasiés. Tandis que les méchants seront victimes de la faim et des épidémies, les anges protégeront les justes et pourvoiront à leurs besoins. A celui qui marche dans la justice, "du pain [lui] sera donné, de l'eau [lui] sera assurée". "Les malheureux et les indigents cherchent de l'eau, et il n'y en a point; leur langue est desséchée par la soif. Moi, l'Eternel, je les exaucerai; moi, le Dieu d'Israël, je ne les abandonnerai pas."2 TS 682 3 "Le figuier ne fleurira pas, la vigne ne produira rien, le fruit de l'olivier manquera, les champs ne donneront pas de nourriture; les brebis disparaîtront du pâturage, et il n'y aura plus de boeufs dans les étables. Toutefois, je veux me réjouir en l'Eternel, je veux me réjouir dans le Dieu de mon salut."3 TS 682 4 "L'Eternel est celui qui te garde, l'Eternel est ton ombre à ta main droite. Pendant le jour le soleil ne te frappera point, ni la lune pendant la nuit. L'Eternel te gardera de tout mal, il gardera ton âme."4 "C'est lui qui te délivre du filet de l'oiseleur, de la peste et de ses ravages. Il te couvrira de ses plumes, et tu trouveras un refuge sous ses ailes; sa fidélité est un bouclier et une cuirasse. Tu ne craindras ni les terreurs de la nuit, ni la flèche qui vole de jour, ni la peste qui marche dans les ténèbres, ni la contagion qui frappe en plein midi. Que mille tombent à ton côté, et dix mille à ta droite, tu ne seras pas atteint; de tes yeux seulement tu regarderas, et tu verras la rétribution des méchants. Car tu es mon refuge, ô Eternel! Tu fais du Très-Haut ta retraite. Aucun malheur ne t'arrivera, aucun fléau n'approchera de ta tente. Car il ordonnera à ses anges de te garder dans toutes tes voies."1 TS 683 1 Cependant, à vues humaines, le peuple de Dieu est alors sur le point, comme les martyrs, de sceller son témoignage de son sang. Il commencera à craindre que Dieu ne l'abandonne à là fureur de ses ennemis. Ce sera un temps de détresse et d'angoisse. Jour et nuit, il criera à Dieu et implorera la délivrance. Les méchants triompheront et demanderont en se moquant: Où est maintenant votre foi? Si vous êtes réellement le peuple de Dieu, pourquoi ne vous délivre-t-il pas de nos mains? Mais les saints se souviendront de Jésus mourant sur le Calvaire, alors que des sacrificateurs et des principaux disaient dédaigneusement: "Il a sauvé les autres, et il ne peut se sauver lui-même! S'il est roi d'Israël, qu'il descende de la croix, et nous croirons en lui."2 Tous les saints, comme Jacob, lutteront alors avec Dieu. La pâleur de leurs traits révélera leur combat intérieur. Néanmoins, ils ne suspendront pas leurs ferventes intercessions. TS 683 2 Si les croyants étaient doués d'une vision surnaturelle, ils pourraient voir des groupes d'anges en faction autour de ceux qui ont gardé la Parole de la persévérance de Jésus-Christ. C'est avec la plus vive sympathie que ces anges verront leur détresse et entendront leurs prières. Ils attendront l'ordre de leur Chef pour les arracher au danger. Mais l'heure n'aura pas encore sonné. Il faut que le peuple de Dieu boive la coupe du Seigneur et soit baptisé de son baptême. Ce retardement si pénible pour lui sera en réalité le meilleur exaucement de ses prières. En s'efforçant d'attendre avec confiance l'intervention du Seigneur, il s'exercera à la foi, à l'espérance et à la persévérance qu'il aura trop peu pratiquées au cours de sa vie religieuse. Et pourtant, pour l'amour des élus, ce temps de détresse sera abrégé. "Et Dieu ne fera-t-il pas justice à ses élus, qui crient à lui jour et nuit, et tardera-t-il à leur égard? Je vous le dis, il leur fera promptement justice."1 La fin viendra plus vite qu'on ne se l'imagine. Le froment sera rassemblé et lié en gerbes pour les greniers de Dieu tandis que l'ivraie sera vouée aux feux de la destruction. TS 684 1 Les célestes sentinelles, fidèles à leur consigne, continueront de veiller. Un décret général aura fixé le temps à partir duquel on pourra mettre à mort les observateurs des commandements, mais leurs ennemis, en quelques endroits, devançant l'heure, se disposeront à les tuer. Mais aucun d'eux ne pourra franchir le cercle redoutable des sentinelles placées autour des fidèles. Quelques-uns de ces derniers seront assaillis au moment où ils abandonneront les villes et les villages, mais les épées dirigées contre eux se briseront et tomberont à terre, aussi impuissantes que des fétus de paille. D'autres seront défendus par des anges ayant revêtu l'aspect de guerriers. TS 684 2 Dans tous les siècles, Dieu a envoyé ses anges au secours de ses serviteurs. Ces êtres célestes ont joué un rôle actif dans les affaires humaines. Ils ont paru en vêtements éblouissants comme l'éclair; on les a vus sous une apparence humaine, en costume de voyageurs. Ils se sont montrés à des hommes de Dieu. Apparemment las, ils se sont reposés à l'heure de midi à l'ombre des chênes, et ont accepté l'hospitalité. Ils ont rempli les fonctions de guides auprès de voyageurs égarés. De leurs propres mains, ils ont allumé le feu de l'autel. Ils ont ouvert les portes des prisons pour libérer des serviteurs de Dieu. Revêtus d'une gloire céleste, ils ont roulé la pierre qui fermait l'entrée du sépulcre du Seigneur. TS 685 1 Sous une forme humaine, des anges ont souvent fréquenté les assemblées des justes, ainsi que celles des méchants -- comme à Sodome -- pour prendre note de leurs actions, ou constater s'ils avaient franchi les limites de la patience de Dieu. Dans sa miséricorde, par égard pour quelques justes, le Seigneur retient les calamités et prolonge la tranquillité des multitudes. Les pécheurs ne se doutent guère que c'est aux quelques fidèles qu'ils se plaisent à opprimer et à bafouer qu'ils doivent de voir se prolonger leur vie. TS 685 2 A l'insu des grands de ce monde, des anges ont souvent pris la parole dans leurs assemblées. Des yeux humains les ont contemplés; des oreilles humaines ont écouté leurs appels; des lèvres mortelles se sont opposées à leurs suggestions et ont persiflé leurs conseils; des mains sacrilèges les ont maltraités. Dans les assemblées nationales comme devant les tribunaux, ces êtres ont fait preuve d'une grande connaissance des affaires; ils ont plaidé avec plus de succès la cause des opprimés que leurs défenseurs les plus éloquents. Ils ont déjoué des complots et arrêté des maux qui eussent gravement entravé l'oeuvre de Dieu et occasionné de vives souffrances à son peuple. A l'heure du péril et de la détresse, "l'ange de l'Eternel campe autour de ceux qui le craignent, et il les arrache au danger".1 TS 685 3 Impatients, les saints attendront le signe de la venue de leur Roi. Quand on demandera aux sentinelles: "Sentinelle, que dis-tu de la nuit?" leur réponse invariable sera: "Le matin vient, et la nuit aussi."2 La lumière commencera à poindre sur les hauteurs des montagnes. Bientôt se révélera la gloire du Soleil de justice. L'aube et le crépuscule sont imminents tous deux: ce sera le commencement d'un jour sans fin pour les justes, et d'une nuit éternelle pour les méchants. TS 686 1 Pendant que les soldats du Christ feront monter leurs supplications devant Dieu, le voile qui les sépare de l'invisible semblera se lever. Le ciel s'illuminera des lueurs du jour éternel, et ces paroles viendront frapper leurs oreilles comme la mélodie d'un cantique angélique: "Tenez bon! Voici le secours!" En puissant conquérant, Jésus-Christ apportera à ses combattants lassés une couronne immortelle de gloire. De la porte du ciel entrouverte, il leur dira: "Je suis avec vous; ne craignez point. Je connais toutes vos souffrances. J'ai porté vos douleurs. Vos ennemis sont vaincus. J'ai combattu pour vous. En mon nom, vous êtes plus que vainqueurs." TS 686 2 Le Sauveur nous enverra le secours au moment même où nous en aurons besoin. Le chemin du ciel est consacré par l'empreinte de ses pas. Chaque épine qui blesse nos pieds a ensanglanté les siens. Il a lui-même porté toutes les croix dont nous sommes appelés à nous charger. Il a permis la lutte pour nous préparer à la paix. Le temps de détresse sera un terrible creuset pour le peuple de Dieu: mais s'il regarde en haut avec foi, il se verra enveloppé de l'arc-en-ciel des promesses divines. TS 686 3 "Les rachetés de l'Eternel retourneront, ils iront à Sion avec chants de triomphe, et une joie éternelle couronnera leur tête; l'allégresse et la joie s'approcheront, la douleur et les gémissements s'enfuiront. C'est moi, c'est moi qui vous console. Qui es-tu, pour avoir peur de l'homme mortel, et du fils de l'homme, pareil à l'herbe? Et tu oublierais l'Eternel, qui t'a fait! ... et tu tremblerais incessamment tout le jour devant la colère de l'oppresseur, parce qu'il cherche à détruire! Où donc est la colère de l'oppresseur? Bientôt celui qui est courbé sous les fers sera délivré; il ne mourra pas dans la fosse, et son pain ne lui manquera pas. Je suis l'Eternel, ton Dieu, qui soulève la mer et fais mugir ses flots. L'Eternel des armées est son nom. Je mets mes paroles dans ta bouche, et je te couvre de l'ombre de ma main."1 TS 687 1 "C'est pourquoi, écoute ceci, malheureuse, ivre, mais non de vin! Ainsi parle ton Seigneur, l'Eternel, ton Dieu, qui défend son peuple: Voici, je prends de ta main la coupe d'étourdissement, la coupe de ma colère; tu ne la boiras plus! Je la mettrai dans la main de tes oppresseurs, qui te disaient: Courbe-toi, et nous passerons! Tu faisais alors de ton dos comme une terre, comme une rue pour les passants."2 TS 687 2 Regardant à travers les siècles, Dieu a contemplé la crise que son peuple devra affronter quand les puissances de la terre se ligueront contre lui. Captif mené en exil, il aura devant lui soit la perspective d'être exécuté, soit celle de périr d'inanition. Mais celui qui a ouvert la mer Rouge manifestera sa grande puissance pour mettre un terme à sa captivité. "Ils m'appartiendront, dit l'Eternel des armées, au jour que je prépare; j'aurai compassion d'eux comme un homme a compassion de son fils qui le sert."3 TS 687 3 Si le sang des fidèles serviteurs de Jésus-Christ était répandu à ce moment-là, il ne serait pas, comme celui des martyrs, une semence de chrétiens. L'humanité endurcie ayant repoussé les appels de la miséricorde, et ceux-ci ne se faisant plus entendre, leur fidélité ne servirait pas à faire de nouvelles conquêtes. Si les justes devaient maintenant encore être tués par leurs ennemis, le prince des ténèbres triompherait. "Il me protégera dans son tabernacle au jour du malheur, dit le psalmiste, il me cachera sous l'abri de sa tente."4 Le Sauveur ajoute: "Va, mon peuple, entre dans ta chambre, et ferme la porte derrière toi; cache-toi pour quelques instants, jusqu'à ce que la colère soit passée. Car voici, l'Eternel sort de sa demeure, pour punir les crimes des habitants de la terre."1 Glorieuse sera la délivrance de ceux qui auront patiemment attendu sa venue, et dont le nom est écrit dans le livre de vie! ------------------------Chapitre 40 -- La délivrance TS 689 1 A L'heure où le peuple de Dieu sera privé de la protection des lois humaines, et où approchera le moment fixé par le décret, il se produira simultanément dans différents pays un mouvement en vue de l'extirpation de la secte détestée. Une nuit sera choisie pour porter un coup décisif qui réduira au silence les voix dissidentes et réprobatrices. TS 689 2 Le peuple de Dieu -- en partie enfermé derrière des barreaux de prisons, et en partie errant dans les forêts et les montagnes -- supplie encore Dieu de lui accorder sa protection, alors que, de toutes parts, des hommes armés, poussés par des légions de mauvais anges, sont prêts pour leur oeuvre de mort. C'est à l'heure la plus critique que le Dieu d'Israël interviendra pour délivrer ses élus. Le Seigneur leur dit par un prophète: "Vous chanterez comme la nuit où l'on célèbre la fête. Vous aurez le coeur joyeux comme celui qui marche au son de la flûte, pour aller à la montagne de l'Eternel, vers le rocher d'Israël. Et l'Eternel fera retentir sa voix majestueuse, il montrera son bras prêt à frapper, dans l'ardeur de sa colère, au milieu de la flamme d'un feu dévorant, de l'inondation, de la tempête, et des pierres de grêle."1 TS 690 1 Faisant entendre des cris de triomphe, des railleries et des imprécations, des foules impies s'apprêtent à se jeter sur leur proie. A ce moment même, des ténèbres profondes, plus denses que celles de la nuit, s'abattent soudain sur la terre. Puis un arc-en-ciel réfléchissant la gloire du trône de Dieu encercle le firmament, et semble entourer séparément les groupes de fidèles en prière. Brusquement arrêtées dans leur marche, les bandes irritées, saisies d'effroi et réduites au silence, oublient les objets de leur fureur. Pleines de sombres pressentiments, elles contemplent le gage de l'alliance divine, et ne demandent plus qu'à être mises à l'abri de l'éclat qui les aveugle. TS 690 2 Les enfants de Dieu entendent une voix claire et mélodieuse qui leur dit: "Regardez en haut!" Levant les yeux, ils voient le signe de la promesse. Les noirs nuages qui couvrent leurs têtes s'écartent, et, comme Etienne, ils contemplent le Fils de l'homme assis sur son trône, entouré de la gloire de Dieu et portant sur son corps les marques de son humiliation. On entend tomber de ses lèvres cette requête qu'il adresse au Père en présence des saints anges: "Père, je veux que là où je suis ceux que tu m'as donnés soient aussi avec moi."2 De nouveau, une voix musicale et triomphante se fait entendre: "Les voici! les voici! dit-elle. Saints, innocents, immaculés, ils ont gardé la parole de ma persévérance; ils marcheront parmi les anges." Des lèvres pâles et tremblantes des témoins de Jésus, restés inébranlables, s'échappent alors des acclamations de victoire. TS 690 3 C'est au coup de minuit que Dieu manifeste sa puissance pour délivrer son peuple. Le soleil paraît dans tout son éclat. Des signes et des prodiges se suivent en succession rapide. Les méchants observent cette scène avec terreur, tandis que les justes admirent les gages de leur délivrance. Tout dans la nature semble avoir abandonné sa marche ordinaire. Les cours d'eau cessent de couler. De lourds et sombres nuages se lèvent et s'entrechoquent. Au milieu d'un ciel irrité, on distingue un espace clair, d'une gloire indescriptible; la voix de Dieu en sort semblable au bruit des grandes eaux, et proclame: "C'en est fait!"1 TS 691 1 Cette voix ébranle les cieux et la terre. Il se produit "un grand tremblement de terre, tel qu'il n'y [a] jamais eu depuis que l'homme est sur la terre un aussi grand tremblement".2 Le firmament semble s'ouvrir et se refermer. La gloire du trône de Dieu paraît. Les montagnes oscillent comme des roseaux agités par le vent, et des masses de rochers déchiquetés volent de toutes parts. De sourds grondements annoncent l'approche d'une tempête. La mer se déchaîne avec furie. On croirait entendre la voix de démons accomplissant une oeuvre de destruction. La terre entière se soulève et s'affaisse comme les vagues de la mer. Le sol se crevasse. Les assises du monde semblent s'effondrer. Des chaînes de montagnes, des îles habitées disparaissent. Des ports de mer, véritables Sodomes d'iniquités, sont engloutis par les vagues irritées. Dieu "s'est souvenu de Babylone la grande, pour lui donner la coupe du vin de son ardente colère". Des grêlons "pesant un talent"3 sèment la destruction. Les plus fières cités de la terre sont renversées. Les superbes palais où les grands ont accumulé leurs richesses et les objets de leur orgueil s'écroulent sous leurs yeux. Les murs des prisons s'effondrent, rendant la liberté à leurs innocents détenus. TS 691 2 Des sépulcres s'ouvrent, "plusieurs de ceux qui dorment dans la poussière de la terre se réveillent, les uns pour la vie éternelle, et les autres pour l'opprobre, pour la honte éternelle".4 Tous ceux qui sont morts dans la foi au message du troisième ange sortent glorifiés de leurs tombeaux pour entendre proclamer l'alliance de paix conclue avec les fidèles observateurs de la loi de Dieu. D'autre part, "ceux qui l'ont percé",1 qui se sont moqués du Sauveur agonisant, ainsi que les ennemis les plus acharnés de la vérité et de son peuple, ressuscitent aussi pour contempler sa gloire et les honneurs conférés aux fidèles. TS 692 1 Le ciel est toujours couvert d'épais nuages que le soleil perce çà et là, tel l'oeil vengeur de Jéhovah. Des éclairs enveloppent la terre d'une nappe de feu. Dominant le fracas terrifiant du tonnerre, des voix mystérieuses et lugubres proclament le sort des méchants. Tous ne les comprennent pas; mais les faux docteurs les perçoivent distinctement. Les hommes qui, peu de temps auparavant, exultaient, remplis d'insolence à l'égard des enfants de Dieu, frissonnent d'épouvante au point que leurs cris de détresse dominent le grondement des éléments. Les démons confessent la divinité de Jésus et tremblent devant le déploiement de sa puissance, tandis que les hommes, en proie à une folle terreur, implorent miséricorde et se roulent dans la poussière. TS 692 2 Considérant le jour de Dieu dans leurs saintes visions, les anciens prophètes avaient dit: "Gémissez, car le jour de l'Eternel est proche: il vient comme un ravage du Tout-Puissant."2 "Entre dans les rochers, et cache-toi dans la poussière, pour éviter la terreur de l'Eternel et l'éclat de sa majesté. L'homme au regard hautain sera abaissé, et l'orgueilleux sera humilié: l'Eternel seul sera élevé ce jour-là. Car il y a un jour pour l'Eternel des armées contre tout homme orgueilleux et hautain, contre quiconque s'élève, afin qu'il soit abaissé." "En ce jour, les hommes jetteront leurs idoles d'argent et leurs idoles d'or, qu'ils s'étaient faites pour les adorer, aux rats et aux chauves-souris; et ils entreront dans les fentes des rochers et dans les creux des pierres, pour éviter la terreur de l'Eternel et l'éclat de sa majesté, quand il se lèvera pour effrayer la terre."3 TS 693 1 Une éclaircie dans les nuages permet de voir une étoile dont l'éclat est quadruplé en raison des ténèbres qui l'encadrent. Aux fidèles, elle parle de foi et de joie, mais de justice et de colère aux transgresseurs de la loi de Dieu. Ceux qui ont tout sacrifié pour leur Sauveur sont maintenant en sécurité, "cachés sous l'abri de sa tente". Devant les contempteurs de la vérité, ils ont témoigné leur fidélité à celui qui est mort pour eux. En présence de la mort, ils ont persévéré dans leur intégrité. Aussi un changement merveilleux s'est opéré en eux. Soudainement délivrés de la sombre et dure tyrannie d'hommes changés en démons, leurs visages, auparavant pâles et hagards, sont maintenant épanouis d'admiration, de confiance et d'amour. Ils entonnent ce chant de triomphe: "Dieu est pour nous un refuge et un appui, un secours qui ne manque jamais dans la détresse. C'est pourquoi nous sommes sans crainte quand la terre est bouleversée, et que les montagnes chancellent au coeur des mers, quand les flots de la mer mugissent, écument, se soulèvent jusqu'à faire trembler les montagnes."1 TS 693 2 Pendant que ces accents d'une sainte confiance montent vers Dieu, les nuages se retirent, et dans l'échancrure de deux masses noires et menaçantes apparaît la gloire indescriptible du ciel étoilé. Les splendeurs de la céleste cité jaillissent de ses portes entrouvertes. On voit alors dans le ciel une main tenant deux tables de pierre superposées. Le prophète l'avait dit: "Les cieux publieront sa justice, car c'est Dieu qui est juge."2 Cette sainte loi, manifestation de la justice de Dieu, proclamée au milieu des tonnerres et des flammes du Sinaï comme le seul guide de la vie, est maintenant révélée aux hommes comme l'unique règle du jugement. Les tables de pierre s'écartent; on y reconnaît les préceptes du décalogue tracés comme par une plume de feu; les dix paroles de Dieu, concises, compréhensibles, souveraines, se présentent aux yeux de tous les habitants de la terre. Les caractères en sont si clairs que chacun peut les lire. Les mémoires se réveillent, et les souvenirs affluent. Les ténèbres de la superstition et de l'hérésie sont dissipées de tous les esprits. TS 694 1 Il est impossible de dépeindre l'angoisse et le désespoir de ceux qui ont foulé aux pieds les exigences divines. Le Seigneur leur avait donné sa loi. Ils auraient pu la méditer et y découvrir leurs défauts pendant qu'il était encore temps de se convertir et de se réformer. Mais pour conserver la faveur du monde, ils ont méconnu ces saints préceptes et ont enseigné aux autres à faire de même. Ils ont voulu contraindre le peuple de Dieu à profaner son saint jour. Ils sont maintenant condamnés par la loi qu'ils ont méprisée. Avec une clarté aveuglante, ils voient qu'ils sont sans excuse. Ils ont eux-mêmes choisi l'objet de leur culte, et ils constatent la différence qu'il y a "entre le juste et le méchant, entre celui qui sert Dieu et celui qui ne le sert pas".1 TS 694 2 Les ennemis de la loi divine, depuis les ministres jusqu'aux plus obscurs mécréants, ont une nouvelle conception de la vérité et du devoir. Ils reconnaissent, mais trop tard, que le septième jour du quatrième commandement est le sceau du Dieu vivant. Trop tard, ils discernent la vraie nature de leur faux jour férié et le fondement de sable sur lequel ils ont édifié. Ils doivent admettre qu'ils ont fait la guerre à Dieu. Conducteurs religieux, ils ont mené les âmes à la perdition tout en prétendant les conduire à la porte du paradis. C'est seulement maintenant, au grand jour des rétributions, qu'ils voient combien est grande la responsabilité des hommes occupant des fonctions sacrées, et combien redoutables sont les conséquences de leur infidélité. L'éternité révélera tout ce que représente la perte d'une seule âme. Terrible sera le sort de ceux auxquels Dieu dira: "Retirez-vous de moi, méchants serviteurs!" TS 694 3 On entend alors la voix de Dieu annoncer du haut du ciel le jour et l'heure de la venue de Jésus et proclamer à son peuple l'alliance éternelle. Comme les éclats du plus puissant tonnerre, ses paroles font le tour de la terre. Les enfants de Dieu les écoutent, les regards fixés en haut et le visage illuminé de sa gloire, comme l'était celui de Moïse à sa descente du Sinaï. Les méchants ne peuvent supporter leur vue. Et quand la bénédiction est prononcée sur ceux qui ont honoré Dieu en sanctifiant son saint jour, on entend un immense cri de victoire. TS 695 1 Bientôt apparaît vers l'orient une petite nuée noire, grande comme la moitié d'une main d'homme. Elle entoure le Sauveur et semble, à distance, enveloppée de ténèbres. Le peuple de Dieu la reconnaît comme le signe du Fils de l'homme. Dans un silence solennel, il la contemple à mesure qu'elle s'approche de la terre et devient de plus en plus lumineuse. Elle a bientôt l'apparence d'une grande nuée blanche entourée de l'arc-en-ciel de l'alliance de Dieu, dont la base est semblable à un brasier. Jésus s'avance à cheval dans l'attitude martiale d'un conquérant. Il n'est plus "l'homme de douleur" buvant jusqu'à la lie la coupe amère de l'opprobre et de l'ignominie. Vainqueur dans le ciel et sur la terre, il vient pour juger les vivants et les morts. "Fidèle et Véritable", "il juge et combat avec justice". "Les armées qui sont dans le ciel le suivent."1 La foule innombrable des saints anges l'accompagne et fait retentir ses célestes mélodies. Tout le firmament semble vibrer "des myriades de myriades et des milliers de milliers" de ces êtres glorieux. La plume est impuissante à décrire cette scène, et l'esprit humain n'en saurait concevoir l'éclat. "Sa majesté couvre les cieux, et sa gloire remplit la terre. C'est comme l'éclat de la lumière."2 A mesure que s'approche cette nuée vivante, chacun contemple le Prince de la vie. Nulle couronne d'épines ne déchire aujourd'hui ce front sacré, ceint d'un éblouissant diadème. La gloire de son visage fait pâlir l'éclat du soleil de midi. "Il y a sur son vêtement et sur sa cuisse un nom écrit:Roi des Rois et Seigneur des Seigneurs."1 TS 696 1 En sa présence, "tous les visages sont devenus pâles", et les contempteurs de la miséricorde divine tombent dans les terreurs d'un désespoir éternel. "Les coeurs sont abattus, les genoux chancellent", "tous les visages pâlissent",2 et les justes s'écrient d'une voix plaintive: "Qui pourra subsister?" Le chant des anges se tait, et le silence devient oppressif, mais Jésus répond: "Ma grâce vous suffit." Alors les traits des justes s'illuminent, la joie inonde tous les coeurs, et les anges entonnent à nouveau leur cantique, tout en se rapprochant de la terre. TS 696 2 Enveloppé de flammes de feu, le Roi des rois descend sur la nuée. "Le ciel se retire comme un livre qu'on roule", la terre tremble devant lui, et "toutes les montagnes et les îles sont remuées de leurs places". "Il vient, notre Dieu, il ne reste pas en silence; devant lui est un feu dévorant, autour de lui une violente tempête. Il crie vers les cieux en haut, et vers la terre, pour juger son peuple."3 TS 696 3 "Les rois de la terre, les grands, les chefs militaires, les riches, les puissants, tous les esclaves et les hommes libres, se cachèrent dans les cavernes et dans les rochers des montagnes. Et ils disaient aux montagnes et aux rochers: Tombez sur nous, et cachez-nous devant la face de celui qui est assis sur le trône, et devant la colère de l'agneau; car le grand jour de sa colère est venu, et qui peut subsister?"4 TS 696 4 Les railleries ont pris fin. Les lèvres mensongères sont réduites au silence. Le cliquetis des armes et le tumulte de la bataille5 ont cessé. On n'entend que des prières, des sanglots et des lamentations. "Le grand jour de sa colère est venu, et qui peut subsister?" hurlent les lèvres qui ricanaient tout à l'heure. Les méchants demandent à être ensevelis sous les rochers et les montagnes, plutôt que d'affronter le regard de celui qu'ils ont méprisé. TS 697 1 Cette voix, qui parvient aux oreilles des morts, ils la connaissent. Que de fois ses accents doux et tendres ne les ont-ils pas conviés à la conversion? Que de fois ne s'est-elle pas fait entendre dans les exhortations affectueuses d'un ami, d'un frère, d'un Rédempteur! Aux contempteurs de sa grâce, aucune voix ne saurait être aussi sévère, aussi terrible que celle qui disait, en suppliant: "Revenez, revenez de votre mauvaise voie; et pourquoi mourriez-vous?"1 Oh! si seulement cette voix était celle d'un étranger! Aujourd'hui elle leur dit: "Puisque j'appelle et que vous résistez, puisque j'étends ma main et que personne n'y prend garde, puisque vous rejetez tous mes conseils, et que vous n'aimez pas mes réprimandes, ... quand la terreur vous saisira comme une tempête, ... je ne répondrai pas."2 Cette voix rappelle des souvenirs que l'on voudrait pouvoir effacer, des avertissements méconnus, des invitations refusées, des occasions négligées. TS 697 2 Là sont ceux qui ont bafoué le Sauveur au jour de son humiliation. C'est avec une puissance irrésistible que se présentent à leur mémoire ces paroles de Jésus lorsque, adjuré par le souverain sacrificateur, il répondit solennellement: "Vous verrez désormais le Fils de l'homme assis à la droite de la puissance de Dieu, et venant sur les nuées du ciel."3 Ils le contemplent maintenant dans sa gloire, et il faut qu'ils le voient encore assis à la droite de la puissance de Dieu. TS 697 3 Ceux qui ont ridiculisé l'affirmation qu'il était le Fils de Dieu sont maintenant bouche close. Là se trouve le hautain Hérode qui se moquait de sa royauté et qui ordonnait à ses soldats ricaneurs de le couronner. Là se trouvent les hommes dont les mains sacrilèges, après l'avoir ironiquement revêtu d'un manteau de pourpre, ont ceint son front sacré d'une couronne d'épines et placé dans sa main docile un sceptre dérisoire, puis se sont prosternés devant lui, la raillerie et le blasphème sur les lèvres. Les hommes qui ont frappé au visage le Prince de la vie et l'ont couvert de leurs crachats se détournent maintenant de son regard perçant, et cherchent à fuir la gloire indicible de sa présence. Ceux qui enfoncèrent des clous à travers ses mains et ses pieds, le soldat qui perça son côté de sa lance, contemplent ces cicatrices avec terreur et remords. TS 698 1 Les événements du Calvaire reviennent avec une douloureuse clarté à la mémoire des sacrificateurs et des principaux du peuple. Frémissants d'horreur, ils se rappellent comment, sous l'inspiration de Satan, ils disaient en branlant la tête: "Il a sauvé les autres, et il ne peut se sauver lui-même! S'il est roi d'Israël, qu'il descende de la croix, et nous croirons en lui. Il s'est confié en Dieu; que Dieu le délivre maintenant, s'il l'aime."1 TS 698 2 Ils se souviennent clairement de la parabole des vignerons qui refusèrent de rendre au propriétaire le fruit de la vigne, maltraitèrent ses serviteurs et tuèrent son fils. Ils se souviennent tout aussi distinctement de leur propre verdict: "Le maître de la vigne ... fera périr misérablement ces misérables."2 Dans le péché et le châtiment des vignerons infidèles, les sacrificateurs et les anciens voient leur propre conduite et leur juste sort. Aussi, entend-on s'élever, plus immense et plus perçante que le cri de "Crucifie! Crucifie!" poussé dans les rues de Jérusalem, cette clameur d'agonie: "C'est le Fils de Dieu! C'est le vrai Messie!" Et l'on veut fuir la présence du Roi des rois. Et l'on s'élance, pour y chercher un vain refuge, vers les cavernes, vers les crevasses de la terre bouleversée. TS 698 3 Dans l'existence de tous ceux qui rejettent la vérité, il y a des moments où la conscience se réveille, où la mémoire rappelle le souvenir douloureux d'une vie d'hypocrisie, où l'âme est harcelée de vains regrets. Mais que sont ces heures comparées aux remords du jour où "la détresse et l'angoisse fondront sur vous", et où "le malheur vous enveloppera comme un tourbillon."1 Ceux qui auraient voulu les détruire contemplent maintenant la gloire de Jésus et de ses disciples. Du fond de leur angoisse, ils entendent la voix des saints s'écriant joyeusement: "Voici, c'est notre Dieu, en qui nous avons confiance, et c'est lui qui nous sauve".2 TS 699 1 Pendant que la terre chancelle, que l'éclair déchire la nue et que rugit le tonnerre, la voix du Fils de Dieu appelle les saints hors de leurs tombeaux. Jetant ses regards sur ces tombes, il lève les mains vers le ciel et s'écrie: "Debout, debout, debout vous qui dormez dans la poussière!" Dans toutes les parties de la terre, "les morts entendront la voix du Fils de l'homme, et ceux qui l'auront entendue vivront". La terre entière tremble sous les pas d'une immense multitude venant de toute nation, de toute tribu, de toute langue et de tout peuple. Revêtus d'une gloire immortelle, ils sortent de la prison de la mort, en s'écriant: "O mort, où est ta victoire? O mort, où est ton aiguillon?"3 Puis les justes vivants et les saints ressuscités s'unissent dans une joyeuse et puissante acclamation. TS 699 2 En sortant de la tombe, ils ont la taille qu'ils avaient lorsqu'ils y sont descendus. Adam, qui est de leur nombre, est d'un port majestueux, mais d'une stature un peu moins élevée que le Fils de Dieu. Il offre un contraste frappant avec les hommes des générations suivantes, ce qui permet de constater la profonde dégénérescence de la race humaine. Mais tous se relèvent avec la fraîcheur et la vigueur d'une éternelle jeunesse. TS 699 3 Au commencement, l'homme avait été créé à l'image de Dieu, non seulement au moral, mais aussi au physique, et cette ressemblance, le péché l'a presque entièrement oblitérée. Mais Jésus-Christ est venu dans le monde pour restaurer ce qui avait été perdu. A son retour, il transformera le corps de notre humiliation en le rendant semblable au sien. Notre corps mortel, corruptible, enlaidi et souillé par le péché, retrouvera sa perfection et sa beauté. Toutes tares et toutes difformités seront laissées dans la tombe. Admis à manger de l'arbre de vie dans l'Eden retrouvé, les rachetés croîtront "à la mesure de la stature" de notre race en sa gloire première. Les derniers vestiges de la malédiction effacés, les fidèles du Seigneur apparaîtront dans la beauté de l'Eternel, notre Dieu, réfléchissant dans leur esprit, dans leur âme et dans leur corps l'image parfaite de leur Sauveur. O rédemption merveilleuse, si longtemps attendue, contemplée avec impatience, mais jamais parfaitement comprise! TS 700 1 Les justes vivants sont changés "en un instant, en un clin d'oeil". A la voix de Dieu, ils sont glorifiés, immortalisés, et, avec les saints ressuscités, enlevés dans les airs, à la rencontre du Seigneur. Les anges rassemblent les élus des quatre vents, d'une extrémité de la terre à l'autre. Les petits enfants sont portés par les anges dans les bras de leurs mères. Des amis que la mort a longtemps séparés sont réunis pour ne plus jamais se quitter, et c'est avec des chants d'allégresse qu'ils montent ensemble vers la cité de Dieu. TS 700 2 Le chariot constitué par la nuée -- muni de chaque côté d'ailes et de roues vivantes -- remonte vers le ciel. A mesure qu'il s'élève, les roues et les ailes répètent: "Saint! saint!" Le cortège d'anges s'écrie: "Saint, saint, saint est le Seigneur Dieu, le Tout-Puissant", et pendant que le chariot s'avance dans la direction de la nouvelle Jérusalem, les rachetés clament: "Alléluia!" TS 700 3 Avant d'entrer dans la cité de Dieu, le Seigneur distribue à ses disciples les emblèmes de la victoire, et les investit des insignes de la royauté. La brillante phalange se forme en carré autour de son Roi, qui les enveloppe tous d'un indicible regard d'amour, et dont la stature majestueuse s'élève bien au-dessus de celle des anges et des saints. L'innombrable armée des saints, les yeux fixés sur lui, contemple la gloire de celui dont le "visage était défiguré, tant son aspect différait de celui des fils de l'homme".1 De sa main droite, Jésus place la couronne de gloire sur la tête des vainqueurs. Chacun reçoit une couronne portant son "nom nouveau"2 et l'inscription: "Sainteté à l'Eternel." Chacun reçoit aussi des palmes de victoire et une harpe étincelante. Puis des anges supérieurs donnent le ton, et tous les saints font vibrer avec art les cordes de leurs harpes dont ils tirent une musique d'une ineffable beauté. Un ravissement ineffable fait battre les coeurs des rachetés qui adressent au Sauveur cette louange pleine de reconnaissance: "A celui qui nous aime, qui nous a délivrés de nos péchés par son sang, et qui a fait de nous un royaume, des sacrificateurs pour Dieu son Père, à lui soient la gloire et la puissance, aux siècles des siècles! Amen!"3 TS 701 1 La foule des rachetés est arrivée en face de la sainte Cité. Jésus en ouvre à deux battants les portes de perles. Les nations qui ont gardé la vérité y pénètrent et y contemplent le Paradis de Dieu, la demeure d'Adam en son innocence. Alors la voix la plus mélodieuse et la plus suave qui ait jamais frappé des oreilles humaines leur dit: "Vos luttes sont finies. "Venez, vous qui êtes bénis de mon Père; prenez possession du royaume qui vous a été préparé dès la fondation du monde." TS 701 2 Elle est maintenant exaucée cette prière du Sauveur en faveur de ses disciples: "Je veux que là où je suis ceux que tu m'as donnés soient aussi avec moi." "Irrépréhensibles et dans l'allégresse",4 les rachetés de Jésus-Christ sont présentés au Père par son Fils en ces mots: "Me voici, moi et les enfants que tu m'as donnés. ... J'ai gardé ceux que tu m'as donnés." Qui dira le ravissement de cette heure où le Père, contemplant les rachetés, retrouvera en eux son image, car le péché et la souillure auront disparu, et où l'humanité aura retrouvé son harmonie avec la divinité! TS 702 1 La voix empreinte d'un amour ineffable, Jésus invite alors ses fidèles à participer à "la joie de leur Maître". Son bonheur consiste à voir dans son royaume de gloire les âmes sauvées par son humiliation et ses souffrances. Celui des élus sera de voir parmi les bienheureux des êtres sauvés par leurs prières, leurs travaux et leur dévouement. Tandis qu'ils sont réunis autour du grand trône blanc, une joie inexprimable inonde leur coeur à la vue de ces âmes et de celles gagnées par elles, rassemblées toutes dans le repos céleste, jetant leurs couronnes aux pieds de Jésus, et admises à le louer pendant les siècles éternels. TS 702 2 Au moment où les rachetés sont accueillis dans la cité de Dieu, une acclamation d'enthousiasme et d'adoration déchire les airs. Les deux Adam sont sur le point de se rencontrer. Le Fils de Dieu ouvre ses bras au père de notre race, à l'être qu'il a créé, mais qui a péché contre son Créateur, et par la faute duquel le Sauveur porte en son corps les stigmates de la crucifixion. En voyant ces cruelles cicatrices, Adam ne se jette pas dans les bras du Sauveur; il se prosterne humblement à ses pieds en s'écriant: "Digne est l'agneau qui a été immolé!" Tendrement, le Seigneur le relève, et l'invite à revoir l'Eden dont il a été si longtemps exilé. TS 702 3 Après qu'Adam eut été expulsé d'Eden, sa vie sur la terre fut abreuvée de tristesse. Chaque feuille fanée, chaque victime des sacrifices, chaque altération dans la nature naguère si belle, chaque imperfection morale lui rappelait son péché. Il avait éprouvé de cuisants remords à la vue des progrès et des débordements de l'iniquité. Ses avertissements s'étaient heurtés à des accusations et à d'amers reproches. Humblement, patiemment, durant près d'un millénaire, il avait supporté la conséquence de sa transgression. Sincèrement repentant de son péché, il s'était confié dans les mérites du Sauveur promis, et s'était endormi avec l'espérance de la résurrection. Grâce au Fils de Dieu, qui a racheté l'homme de sa chute, et grâce à son oeuvre de propitiation, Adam peut maintenant réintégrer son premier domaine. TS 703 1 Emu et rayonnant de joie, il reconnaît les arbres qui faisaient autrefois ses délices, et dont il avait cueilli les fruits aux jours de son innocence et de sa félicité. Il voit les ceps qu'il a lui-même taillés et les fleurs qu'il aimait autrefois cultiver. La réalité de la scène le saisit; il retrouve l'Eden restauré plus beau encore qu'au jour où il en a été banni. Le Sauveur le conduit vers l'arbre de vie, cueille de son fruit glorieux, et l'invite à manger. Regardant autour de lui, Adam voit réunie dans le Paradis de Dieu la multitude de ses enfants rachetés. Il dépose alors sa couronne éclatante aux pieds de son Rédempteur, puis il se jette dans ses bras. Saisissant ensuite sa harpe d'or, il fait résonner les voûtes du ciel de ce chant: "Digne, digne, digne est l'agneau qui a été immolé, et qui est revenu à la vie!" La multitude se joint à son cantique, et tous, jetant leurs couronnes aux pieds du Rédempteur, se prosternent pour l'adorer. TS 703 2 Les anges qui ont pleuré à la chute d'Adam assistent à cette scène. Pleins de joie lorsque, au jour de sa résurrection, Jésus était monté au ciel après avoir ouvert la porte de la tombe à tous les croyants, ils voient maintenant l'oeuvre de la rédemption consommée, et s'unissent au cantique de louange. TS 703 3 Sur la mer de cristal qui est devant le trône -- et que les reflets de la gloire de Dieu font ressembler à du verre mêlé de feu -- sont réunis ceux qui ont "vaincu la bête, et son image, et le nombre de son nom".1 Les cent quarante-quatre mille qui ont été rachetés parmi les hommes se tiennent sur la montagne de Sion avec l'agneau, "ayant des harpes de Dieu", et l'on entend "du ciel une voix comme un bruit de grosses eaux, comme le bruit d'un grand tonnerre; et la voix que l'on entendait" "était comme celle de joueurs de harpes jouant de leurs harpes."2 Ils chantent un cantique nouveau devant le trône, cantique que personne ne peut apprendre, sinon les cent quarante-quatre mille. C'est le cantique de Moïse et de l'agneau. Ce chant de délivrance, seuls les cent quarante-quatre mille peuvent l'apprendre, car c'est l'hymne de leur histoire, histoire vécue par eux seuls. "Ils suivent l'agneau partout où il va." Enlevés de la terre, d'entre les vivants, ils sont considérés "comme des prémices pour Dieu et pour l'agneau". "Ce sont ceux qui viennent de la grande tribulation."1 Ils ont traversé un temps de détresse tel qu'il n'y en a jamais eu depuis que les nations existent; ils ont enduré les angoisses de la détresse de Jacob; ils ont subsisté sans intercesseur au milieu du déchaînement final des jugements de Dieu. Mais ils ont été délivrés, car "ils ont lavé leurs robes, et ils les ont blanchies dans le sang de l'agneau". "Dans leur bouche il ne s'est point trouvé de mensonge, car ils sont irrépréhensibles" devant Dieu. "C'est pour cela qu'ils sont devant le trône de Dieu, et le servent jour et nuit dans son temple. Celui qui est assis sur le trône dressera sa tente sur eux."1 Ils ont vu la terre désolée par la famine, par la peste et par les ardeurs d'un soleil dévorant; ils ont eux-mêmes enduré la faim et la soif. Mais "ils n'auront plus faim, ils n'auront plus soif, et le soleil ne les frappera point, ni aucune chaleur. Car l'agneau qui est au milieu du trône les paîtra et les conduira aux sources des eaux de la vie, et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux."2 TS 704 1 Dans tous les siècles, les élus de Dieu ont été formés et disciplinés à l'école de l'épreuve. Ils ont foulé sur la terre des sentiers étroits; ils ont été purifiés dans la fournaise de l'affliction. Pour l'amour de Jésus, ils ont enduré l'opposition, la haine et la calomnie. Ils l'ont suivi dans les plus rudes conflits: ils ont supporté le renoncement et d'amers désappointements. Une douloureuse expérience leur a fait comprendre ce que le péché a d'odieux, de puissant, de néfaste; aussi le considèrent-ils avec horreur. La compréhension du sacrifice infini consenti en vue de les en guérir leur donne le sentiment de leur petitesse, et remplit leurs coeurs d'une reconnaissance que ne sauraient comprendre ceux qui ne sont jamais tombés. Ils aiment beaucoup, parce qu'il leur a été beaucoup pardonné. Participants des souffrances du Christ, ils sont qualifiés pour participer à sa gloire. TS 705 1 Les héritiers de Dieu viennent des mansardes, des taudis, des prisons, des échafauds, des montagnes, des déserts, des antres de la terre et des profondeurs de la mer. Sur la terre, ils étaient "dénués de tout, persécutés, maltraités". Des millions d'entre eux sont descendus dans la tombe portant les stigmates de l'infamie pour avoir fermement refusé de se soumettre aux exigences de Satan. Les tribunaux humains les ont condamnés comme de vils criminels. Maintenant, "c'est Dieu qui est juge",1 et les décisions de la terre sont revisées. "Il fait disparaître de toute la terre l'opprobre de son peuple."2 "On les appellera peuple saint, rachetés de l'Eternel." Dieu a décidé de "leur donner un diadème au lieu de la cendre, une huile de joie au lieu du deuil, un vêtement de louange au lieu d'un esprit abattu."3 Ils ne sont plus faibles, affligés, dispersés et opprimés. Désormais, ils seront toujours avec le Seigneur. Ils entourent le trône plus richement vêtus que les hommes les plus honorés de la terre. Ils portent sur leurs couronnes des diadèmes plus précieux que ceux des souverains. Les jours de souffrance et de larmes sont à jamais passés. Le Roi de gloire a effacé les pleurs de tous les visages; toute cause de douleur a désormais disparu. Ils font entendre, en agitant leurs palmes, un chant de louange clair, doux, mélodieux. Toutes les voix se joignent à eux, et bientôt éclatent sous les voûtes du ciel les notes puissantes de ce cantique: "Le salut est à notre Dieu qui est assis sur le trône, et à l'agneau." Et tous les habitants du ciel répondent: "Amen! La louange, la gloire, la sagesse, l'action de grâces, l'honneur, la puissance et la force, soient à notre Dieu, aux siècles des siècles!"1 TS 706 1 En cette vie, on ne peut qu'effleurer faiblement le thème merveilleux de la rédemption. Notre intelligence bornée peut s'évertuer à sonder avec une profonde attention l'ignominie et la gloire, la vie et la mort, la justice et la miséricorde qui se donnent rendez-vous à la croix; mais l'effort le plus prodigieux de notre esprit n'en saisira jamais la profonde signification. Il ne comprend que bien imparfaitement la longueur et la largeur, la profondeur et la hauteur de l'amour rédempteur. Même quand ils verront comme ils sont vus, quand ils connaîtront comme ils sont connus, les élus ne comprendront pas entièrement le plan de la rédemption. Au cours des siècles éternels, la vérité ne cessera de se dévoiler devant leur esprit étonné et ravi. Bien que les chagrins, les souffrances et les tentations de la terre soient à leur terme, et que la cause en ait disparu, le peuple de Dieu aura toujours un sentiment vif et raisonné du prix de son salut. TS 706 2 La croix de Jésus-Christ sera la science et le chant des rachetés pendant les siècles éternels. En Jésus-Christ glorifié, ils contempleront Jésus-Christ crucifié. Jamais ils n'oublieront que celui dont la puissance a créé et soutient les mondes innombrables de l'immensité, que le Bien-aimé de Dieu, que la Majesté du ciel, que celui que les séraphins et les chérubins adorent avec délices s'est humilié pour relever l'homme déchu; qu'il a porté la culpabilité et l'opprobre du péché sur la croix du Calvaire, qu'il a vu se voiler la face de son Père; qu'il a senti son coeur se briser sous le malheur d'un monde perdu. La pensée que le Créateur de tous les mondes, l'Arbitre de toutes les destinées ait consenti à déposer sa gloire et à s'anéantir pour l'amour de l'homme, restera éternellement un sujet de stupeur pour l'univers. Chaque fois que les rachetés contempleront la gloire du Père sur le visage de leur Rédempteur, qu'ils penseront que son trône subsistera d'éternité en éternité et que son règne n'aura pas de fin, leur ravissement s'exprimera par le chant: "Digne est l'agneau qui a été immolé, et qui nous a rachetés par son précieux sang!" TS 707 1 Le mystère de la croix explique tous les autres. A la lumière du Calvaire, les attributs de Dieu qui nous avaient remplis de crainte nous apparaîtront dans leur beauté. En Dieu, la miséricorde, la tendresse et l'amour paternel s'unissent à la sainteté, à la justice et à la puissance. Tout en contemplant la majesté de son trône, on voit mieux que jamais l'amour qui constitue son caractère, et l'on comprend la valeur de ce titre affectueux: "Notre Père." TS 707 2 On verra que celui qui est infini en sagesse ne pouvait nous sauver qu'en sacrifiant son Fils. Son dédommagement pour ce sacrifice sera la joie de peupler la terre d'êtres rachetés, saints, heureux, immortels. Le conflit entre le Sauveur et la puissance des ténèbres aboutira au bonheur des élus et à la gloire de Dieu pendant l'éternité. La valeur de l'âme humaine est si grande que le Père sera satisfait du prix consenti. Quant au Fils de Dieu, les fruits de son grand sacrifice seront si beaux qu'il sera, lui aussi, satisfait. ------------------------Chapitre 41 -- La terre désolée TS 709 1 Ses péchés se sont accumulés jusqu'au ciel, et Dieu s'est souvenu de ses iniquités." "Dans la coupe où elle a versé, versez-lui au double. Autant elle s'est glorifiée et plongée dans le luxe, autant donnez-lui de tourment et de deuil. Parce qu'elle dit en son coeur: Je suis assise en reine, je ne suis point veuve, et je ne verrai point de deuil! à cause de cela, en un même jour, ses fléaux arriveront, la mort, le deuil et la famine, et elle sera consumée par le feu. Car il est puissant, le Seigneur Dieu qui l'a jugée. Et tous les rois de la terre, qui se sont livrés avec elle à l'impudicité et au luxe, pleureront et se lamenteront à cause d'elle. ... Ils diront: Malheur! malheur! La grande ville, Babylone, la ville puissante! En une seule heure est venu ton jugement."1 TS 709 2 "Les marchands de la terre", qui se "sont enrichis par la puissance de son luxe", "se tiendront éloignés, dans la crainte de son tourment; ils pleureront et seront dans le deuil, et diront: Malheur! malheur! La grande ville, qui était vêtue de fin lin, de pourpre et d'écarlate, et parée d'or, de pierres précieuses et de perles! En une seule heure tant de richesses ont été détruites!"1 TS 710 1 Tels sont les jugements qui fondent sur Babylone au jour de la colère de Dieu. Elle a comblé la mesure de ses iniquités; son temps est venu; elle est mûre pour la destruction. TS 710 2 Lorsque la voix du Seigneur proclame la délivrance de son peuple, il se produit un terrible réveil chez ceux qui ont tout perdu dans le combat de la vie. Pendant le temps de grâce, ils se laissaient aveugler par les sophismes de Satan et justifiaient leur vie de péché. Les riches se rengorgeaient dans le sentiment de leur supériorité sur les moins favorisés. Mais ils avaient acquis leurs richesses au mépris des lois divines; ils n'avaient pas donné à manger à ceux qui avaient faim; ils n'avaient pas vêtu ceux qui étaient nus; ils n'avaient pas agi avec équité, et avaient ignoré la miséricorde. Ils avaient recherché leur propre avancement et les hommages de leurs semblables. TS 710 3 Dépouillés de tout ce qui faisait leur grandeur, ils se trouvent maintenant sans défense. Ils considèrent avec terreur les idoles qu'ils ont préférées à leur Créateur. Ils ont vendu leur âme en échange des richesses et des jouissances terrestres, et n'ont rien fait pour devenir riches en Dieu. En conséquence de leur vie manquée, leurs trésors sont vermoulus, leurs plaisirs changés en amertume et les gains de toute une vie anéantis en un instant. Ils déplorent la destruction de leurs luxueux palais, la perte de leur argent et de leur or. Mais ils cessent bientôt de se désoler de la perte de leurs biens, frappés de mutisme par la crainte de périr avec leurs idoles. TS 710 4 Si les méchants éprouvent des regrets, ce n'est pas d'avoir négligé leurs devoirs envers Dieu et leurs semblables, c'est parce que l'Eternel a vaincu. Ils ne se repentent pas de leur méchanceté. Ce qui les accable, ce sont les conséquences de leurs actions. S'ils avaient quelque chance de succès, ils ne négligeraient rien pour s'assurer la victoire. TS 711 1 Le monde voit ceux qu'il a tournés en dérision et dont il désirait la mort passer indemnes au travers de la peste, des tempêtes et des tremblements de terre. Celui qui est un feu dévorant pour les transgresseurs de sa loi est un abri pour son peuple. TS 711 2 Le pasteur qui a sacrifié la vérité à la faveur des hommes voit maintenant la nature et l'influence de ses enseignements. Il constate que l'oeil de l'Omniscient le suivait en chaire, dans la rue, dans ses rapports multiples avec ses semblables. Chaque émotion de son âme, chaque ligne écrite de sa main, chaque parole proférée, toute action, en un mot, destinée à pousser les hommes à trouver leur sécurité dans le mensonge a porté ses fruits; et les pauvres âmes perdues qu'il voit autour de lui sont la moisson de ses semailles. TS 711 3 "Ils pansent à la légère la plaie de la fille de mon peuple: Paix, paix! disent-ils. Et il n'y a point de paix", dit le Seigneur, "parce que vous affligez le coeur du juste par des mensonges, quand moi-même je ne l'ai point attristé, et parce que vous fortifiez les mains du méchant pour l'empêcher de quitter sa mauvaise voie et pour le faire vivre".1 TS 711 4 "Malheur aux pasteurs qui détruisent et dispersent le troupeau de mon pâturage! ... Voici, je vous châtierai à cause de la méchanceté de vos actions." "Gémissez, pasteurs, et criez! Roulez-vous dans la cendre, conducteurs de troupeaux! Car les jours sont venus où vous allez être égorgés. ... Plus de refuge pour les pasteurs! plus de salut pour les conducteurs de troupeaux!"2 TS 711 5 Pasteurs et fidèles voient que leurs rapports avec Dieu n'ont pas été corrects. Ils voient qu'ils se sont révoltés contre l'Auteur de toute loi juste et bonne. La méconnaissance des préceptes divins a donné lieu à des maux sans nombre: à la discorde, à la haine, à l'iniquité, au point que la terre est devenue un champ de bataille et une sentine de corruption. Tel est le tableau qui se présente alors aux yeux de ceux qui ont rejeté la vérité et aimé l'erreur. Des paroles ne sauraient rendre l'intensité avec laquelle les infidèles et les rebelles pleurent maintenant ce qu'ils ont perdu à tout jamais: la vie éternelle. Des hommes que le monde a adorés pour leurs talents et leur éloquence voient ces choses sous leur vrai jour. Ils s'en rendent si bien compte que, tombant aux pieds de ceux dont ils ont méprisé et ridiculisé la fidélité, ils confessent que Dieu les a aimés. TS 712 1 Les foules, s'apercevant qu'elles ont été leurrées, s'accusent mutuellement de s'être entraînées à la perdition; mais tous s'accordent pour rejeter sur les pasteurs la plus grosse part du mal. Ministres infidèles, ils ont annoncé des choses agréables; ils ont incité leurs auditeurs à annuler la loi de Dieu et à persécuter ceux qui voulaient lui obéir. Dans leur désespoir, ces docteurs confessent ouvertement leur imposture. Les foules, furieuses, s'écrient: "Nous sommes perdus, et c'est vous qui en êtes la cause." Ceux qui les admiraient profèrent contre eux les plus terribles malédictions. Les mains mêmes qui les couronnaient de lauriers sont les premières à se lever contre eux. Les épées qui devaient verser le sang du peuple de Dieu se dirigent maintenant contre ses ennemis. Partout, on ne voit que batailles et carnage. TS 712 2 "Le bruit parvient jusqu'à l'extrémité de la terre; car l'Eternel est en dispute avec les nations, il entre en jugement contre toute chair; il livre les méchants au glaive."1 Il y a six mille ans que le grand conflit se poursuit; le Fils de Dieu et ses célestes messagers, luttant contre la puissance du Malin, se sont efforcés d'avertir, d'éclairer et de sauver les enfants des hommes. Maintenant, tous ont pris position. Les méchants se sont identifiés avec Satan dans sa guerre contre le Seigneur. Le temps est venu pour Dieu de revendiquer l'autorité de sa loi violée. Ce n'est plus contre le diable seulement que la guerre est dirigée, mais aussi contre l'homme. "L'Eternel est en dispute avec les nations; ... il livre les méchants au glaive." TS 713 1 "Les hommes qui soupirent et qui gémissent à cause de toutes les abominations" commises sont marqués. Maintenant s'avance l'ange de la mort représenté dans Ezéchiel par des hommes armés d'instruments de destruction, auxquels il est dit: "Passez ... dans la ville, et frappez; que votre oeil soit sans pitié, et n'ayez point de miséricorde! Tuez, détruisez les vieillards, les jeunes hommes, les vierges, les enfants et les femmes; mais n'approchez pas de quiconque aura sur lui la marque; et commencez par mon sanctuaire."1 Le prophète ajoute: "Ils commencèrent par les anciens qui étaient devant la maison."1 La destruction commence par ceux qui se sont donnés pour conducteurs religieux. Les fausses sentinelles tombent les premières. On n'a compassion de personne; nul n'est épargné. Hommes, femmes, jeunes filles et enfants périssent ensemble. TS 713 2 "L'Eternel sort de sa demeure pour punir les crimes des habitants de la terre; et la terre mettra le sang à nu, elle ne couvrira plus les meurtres."2 "Voici la plaie dont l'Eternel frappera tous les peuples qui auront combattu contre Jérusalem: leur chair tombera en pourriture tandis qu'ils seront sur leurs pieds, leurs yeux tomberont en pourriture dans leurs orbites, et leur langue tombera en pourriture dans leur bouche. En ce jour-là, l'Eternel produira un grand trouble parmi eux; l'un saisira la main de l'autre, et ils lèveront la main les uns sur les autres."3 C'est au choc brutal de leurs passions farouches, comme aussi sous les coups non mitigés de la colère de Dieu, que tombent les méchants habitants de la terre: prêtres, magistrats, gens du peuple, riches et pauvres, grands et petits. "Ceux que tuera l'Eternel en ce jour seront étendus d'un bout à l'autre de la terre; ils ne seront ni pleurés, ni recueillis, ni enterrés."1 TS 714 1 Au retour du Seigneur, les méchants sont extirpés de dessus la face de toute la terre; ils sont "détruits par le souffle de sa bouche, et anéantis par l'éclat de son avènement."2 Jésus emmène son peuple dans la cité de Dieu, et la terre est privée de ses habitants. "Voici l'Eternel dévaste la terre et la rend déserte; il en bouleverse la face et en disperse les habitants." "La terre est dévastée, livrée au pillage; car l'Eternel l'a décrété." "Ils transgressaient les lois, violaient les ordonnances, ils rompaient l'alliance éternelle. C'est pourquoi la malédiction dévore la terre, et ses habitants portent la peine de leurs crimes. C'est pourquoi les habitants de la terre sont consumés."3 TS 714 2 La terre entière est bouleversée. Les ruines des villes et des villages renversés par le tremblement de terre, les arbres déracinés, les rochers projetés par la mer ou arrachés de la terre sont dispersés à la surface de celle-ci tandis que de vastes gouffres indiquent l'ancien emplacement des montagnes. TS 714 3 Et maintenant a lieu un événement préfiguré au cours du dernier et solennel service du jour des expiations. Lorsque le service dans le lieu très saint était achevé, et que les péchés d'Israël étaient enlevés du sanctuaire en vertu du sang de la victime, on présentait vivant, devant l'Eternel, le bouc émissaire. En présence de la congrégation, le sacrificateur "confessait sur lui toutes les iniquités des enfants d'Israël et toutes leurs transgressions"; il les plaçait ainsi "sur la tête du bouc".4 Lorsque l'oeuvre du sanctuaire céleste sera achevée en présence de Dieu, des anges célestes et de la multitude des rachetés, les péchés du peuple de Dieu seront, semblablement, placés sur Satan. Il sera déclaré responsable de tout le mal qu'il leur a fait commettre. Et comme le bouc émissaire était envoyé dans un lieu inhabité, de même Satan sera relégué sur notre terre désolée, devenue une lugubre solitude. TS 715 1 Le voyant de Patmos prédit l'exil de Satan et l'état chaotique auquel la terre sera réduite; il annonce que cette désolation durera mille ans. Après avoir décrit le retour du Seigneur et la destruction des méchants, le prophète ajoute: "Je vis descendre du ciel un ange, qui avait la clef de l'abîme et une grande chaîne dans sa main. Il saisit le dragon, le serpent ancien, qui est le diable et Satan, et il le lia pour mille ans. Il le jeta dans l'abîme, ferma et scella l'entrée au-dessus de lui, afin qu'il ne séduisît plus les nations, jusqu'à ce que les mille ans fussent accomplis. Après cela, il faut qu'il soit délié pour un peu de temps."1 TS 715 2 Le mot "abîme" désigne la terre dans son état chaotique et ténébreux. Cela ressort d'autres passages des Ecritures. On lit que la terre "au commencement", avant son organisation, "était informe et vide, et qu'il y avait des ténèbres à la surface de l'abîme."2 Or la prophétie nous apprend qu'elle sera ramenée, tout au moins partiellement, à cet état. Considérant de loin le grand jour de Dieu, le prophète Jérémie écrit: "Je regarde la terre, et voici, elle est informe et vide; les cieux, et leur lumière a disparu. Je regarde les montagnes, et voici, elles sont ébranlées; et toutes les collines chancellent. Je regarde, et voici, il n'y a point d'homme; et tous les oiseaux des cieux ont pris la fuite. Je regarde, et voici, le Carmel est un désert; et toutes ses villes sont détruites, devant l'Eternel, devant son ardente colère. Car ainsi parle l'Eternel: Toute la terre sera dévastée; mais je ne ferai pas une entière destruction."3 TS 715 3 C'est là que Satan résidera pendant mille ans avec ses anges. Confiné à cette terre, il n'aura pas accès à d'autres mondes pour tenter et harceler des êtres qui ne sont pas tombés. C'est dans ce sens qu'il est enchaîné: il n'a personne sur qui il puisse exercer sa puissance. Il est totalement incapable de poursuivre l'oeuvre de séduction qui a fait ses délices durant tant de siècles. TS 716 1 Contemplant prophétiquement le jour de la défaite de Satan, le prophète Esaïe s'écrie: "Te voilà tombé du ciel, astre brillant, fils de l'aurore! Tu es abattu à terre, toi, le vainqueur des nations! Tu disais en ton coeur: Je monterai au ciel, j'élèverai mon trône au-dessus des étoiles de Dieu; ... je serai semblable au Très-Haut. Mais tu as été précipité dans le séjour des morts, dans les profondeurs de la fosse! Ceux qui te voient fixent sur toi leurs regards, ils te considèrent attentivement: Est-ce là cet homme qui faisait trembler la terre, qui ébranlait les royaumes, qui réduisait le monde en désert, qui ravageait les villes, et ne relâchait point ses prisonniers?"1 TS 716 2 Pendant six mille ans, Satan a fait trembler la terre. Il a réduit le monde en un désert et en a détruit les villes, ne relâchant jamais ses prisonniers. Pendant six mille ans, sa prison a reçu les enfants de Dieu, et il les retiendrait captifs à jamais si Jésus-Christ n'avait pas rompu leurs chaînes et ne leur avait rendu la liberté. TS 716 3 Les méchants eux-mêmes sont maintenant à l'abri des entreprises de l'adversaire. Seul avec ses mauvais anges, Satan peut constater les effets de la malédiction du péché. "Tous les rois des nations, oui, tous, reposent avec honneur, chacun dans son tombeau. Mais toi, tu as été jeté loin de ton sépulcre, comme un rameau qu'on dédaigne. ... Tu n'es pas réuni à eux dans le sépulcre, car tu as détruit ton pays, tu as fait périr ton peuple!"2 TS 716 4 Pendant mille ans, parcourant la terre en tous sens, Satan pourra y constater les conséquences de sa révolte contre la loi de Dieu. Durant ce temps, sa souffrance est cuisante. Depuis la chute, son activité dévorante ne lui a jamais laissé le loisir de la réflexion. Maintenant, privé de sa puissance, il peut envisager le rôle qu'il a joué depuis le début de sa rébellion contre le gouvernement du ciel, et attendre avec effroi le jour où il devra souffrir pour tout le mal dont il est l'auteur. TS 717 1 La captivité de Satan sera pour le peuple de Dieu un sujet de joie et d'allégresse. Le prophète écrit: "Quand l'Eternel t'aura donné du repos, après tes fatigues et tes agitations, et après la dure servitude qui te fut imposée, alors tu prononceras ce chant sur le roi de Babylone [qui représente ici Satan], et tu diras: Eh quoi! le tyran n'est plus! L'oppression a cessé! L'Eternel a brisé le bâton des méchants, la verge des dominateurs. Celui qui dans sa fureur frappait les peuples, par des coups sans relâche, celui qui dans sa colère subjuguait les nations, est poursuivi sans ménagement."1 TS 717 2 Au cours des mille ans qui s'écoulent entre la première et la seconde résurrection, a lieu le jugement des méchants. L'apôtre Paul parle de ce jugement comme devant suivre le retour du Seigneur. "C'est pourquoi ne jugez de rien avant le temps, jusqu'à ce que vienne le Seigneur, qui mettra en lumière ce qui est caché dans les ténèbres, et qui manifestera les desseins des coeurs."2 Daniel déclare que c'est au moment où l'Ancien des jours vient qu'il "donne droit aux saints du Très-Haut",3 alors que les justes règnent comme rois et sacrificateurs de Dieu. "Et je vis des trônes; et à ceux qui s'y assirent fut donné le pouvoir de juger. ... Ils seront sacrificateurs de Dieu et de Christ, et ils régneront avec lui pendant mille ans." C'est alors que, selon la déclaration de Paul, "les saints jugeront le monde."4 Conjointement avec Jésus-Christ, ils jugent les méchants en comparant leur vie avec les préceptes du saint Livre, et se prononcent sur le cas de chacun. Quand la mesure de châtiment réservée à chaque impénitent est évaluée, elle est inscrite en face de son nom, sur le livre de la mort. TS 718 1 Satan et ses mauvais anges sont également jugés par Jésus-Christ et par son peuple. Paul écrit: "Ne savez-vous pas que nous jugerons les anges?"1 Et Jude nous apprend que Dieu "a réservé pour le jugement du grand jour, enchaînés éternellement par les ténèbres, les anges qui n'ont pas gardé leur dignité, mais qui ont abandonné leur propre demeure".2 TS 718 2 A la fin des mille ans aura lieu la seconde résurrection, celle des méchants, qui comparaîtront devant Dieu pour l'exécution du "jugement écrit". Après avoir décrit la résurrection des justes, le voyant dit: "Les autres morts ne revinrent point à la vie jusqu'à ce que les mille ans fussent accomplis."3 Et Esaïe parle ainsi des injustes: "Ils seront assemblés captifs dans une prison, ils seront enfermés dans des cachots, et, après un grand nombre de jours, ils seront châtiés."3 ------------------------Chapitre 42 -- La fin de la tragédie TS 719 1 Au terme des mille ans le Fils de Dieu redescend sur la terre, accompagné de la multitude des rachetés et d'un cortège d'êtres angéliques. Du haut de la nue, en sa majesté terrifiante, il ordonne aux impénitents de se relever de la tombe pour recevoir leur rétribution. Ils sortent de la terre nombreux comme le sable de la mer. Quel contraste avec les bienheureux de la première résurrection! Les justes étaient revêtus d'une beauté et d'une jeunesse éternelles: les injustes portent les stigmates de la maladie et de la mort. TS 719 2 Tous les yeux tournés vers la gloire qui enveloppe le Fils de Dieu, d'une seule voix, la multitude des perdus s'écrie: "Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur!" Ce n'est point un sentiment d'amour pour Jésus qui leur inspire ce cri. C'est la puissance de la vérité qui l'arrache de leurs lèvres. Ils sont sortis de la tombe tels qu'ils y étaient descendus: animés d'un esprit de haine et de révolte contre Dieu. Aussi n'est-il pas question d'une nouvelle épreuve pour racheter leur passé. L'expérience serait inutile. Toute une vie de péché n'a pas attendri leurs coeurs. Si une seconde occasion leur était accordée, ils s'en serviraient, comme de la première, pour éluder les exigences de Dieu et lui faire la guerre. TS 720 1 Jésus-Christ s'arrête sur la montagne des Oliviers d'où il est monté au ciel après sa résurrection, et où les anges ont réitéré la promesse de son retour. "L'Eternel, mon Dieu, viendra, dit le prophète, et tous ses saints avec lui." "Ses pieds se poseront en ce jour sur la montagne des Oliviers, qui est vis-à-vis de Jérusalem, du côté de l'orient; la montagne des Oliviers se fendra par le milieu ... et il se formera une très grande vallée." "L'Eternel sera roi de toute la terre; en ce jour-là, l'Eternel sera le seul Eternel, et son nom sera le seul nom."1 Alors la nouvelle Jérusalem, éclatante de splendeur, descend du ciel et s'installe en un lieu purifié et préparé pour la recevoir. Puis le Rédempteur, accompagné de son peuple et de ses anges, fait son entrée dans la sainte cité. TS 720 2 Et maintenant Satan va se préparer à une lutte suprême en vue de s'emparer de l'empire du monde. Pendant qu'il était privé de sa puissance et dans l'incapacité de nuire, le Prince des ténèbres était sombre et abattu. Mais à la vue des injustes ressuscités, lorsqu'il se voit entouré de leur multitude innombrable, il renaît à l'espérance, et décide de ne pas abandonner la partie. Il réunira sous ses étendards toute l'armée des réprouvés, et, avec leur concours, il tentera de réaliser son dessein. Les impénitents sont ses captifs. En rejetant le Sauveur, ils se sont placés sous son sceptre et sont prêts à recevoir ses suggestions et à suivre ses ordres. Et pourtant, fidèle à sa tactique, le chef des rebelles ne révèle pas ce qu'il est. Il se donne pour le prince légitime de la terre, et prétend avoir été injustement frustré de ses droits. Se présentant en libérateur devant ses sujets égarés, il leur assure que sa puissance les a tirés de la tombe, et leur annonce qu'il est sur le point de les arracher à la plus cruelle des tyrannies. Le Fils de Dieu s'étant effacé, Lucifer se met à opérer des miracles pour appuyer ses dires. Il rend le faible fort; il inspire à chacun son ambition et son énergie, et propose à ses sujets de les conduire à l'assaut de l'ennemi et de s'emparer de la cité de Dieu. Fou d'orgueil et de rage, il donne conscience de leur grand nombre aux millions de ressuscités, et leur déclare qu'à leur tête il se fait fort de s'emparer de la ville et de rentrer en possession de son trône et de son royaume. TS 721 1 Il y a dans cette foule des antédiluviens qui ont joui d'une longévité extraordinaire. Ces hommes, d'une stature élevée et d'une rare intelligence, s'étaient soumis à l'empire des anges déchus et avaient consacré leurs talents et leur science à établir leur propre gloire. Il en est dont le génie artistique avait fait d'eux les idoles de leurs contemporains, mais dont la cruauté et les inventions pernicieuses avaient souillé la terre, oblitéré l'image de Dieu en l'homme et provoqué leur extirpation par le déluge. Là se trouvent des rois et des généraux qui ont vaincu des nations, de vaillants capitaines qui n'ont jamais perdu une bataille, des guerriers fiers et ambitieux dont l'approche faisait trembler les royaumes. La mort ne les a pas changés. En sortant de la tombe, ils reprennent le cours de leurs pensées là où ils les avaient abandonnées, et restent altérés de la même soif de vaincre leurs ennemis. TS 721 2 Après avoir tenu conseil avec ses anges, Satan délibère avec ces rois et ces puissants conquérants. Evaluant ensemble leur force numérique, ils estiment que l'armée enfermée dans l'enceinte de la ville d'or est peu considérable comparée à la leur, et que la victoire est possible. En conséquence, des plans sont arrêtés pour s'emparer des richesses et de la gloire de la nouvelle Jérusalem, et l'on se dispose immédiatement à les mettre à exécution. D'habiles armuriers fabriquent les instruments de guerre. Des chefs militaires, célèbres par leurs exploits, organisent ces foules de soldats en divisions et en corps d'armées. TS 722 1 Enfin, le signal de l'attaque est donné, et l'on voit s'ébranler une armée innombrable, armée telle que jamais conquérant n'en a rêvé de pareille, et qui dépasse en combattants les forces réunies de toutes les guerres de l'histoire. En vue de la lutte finale, les anges déchus ont également rassemblé leurs légions. Satan, le plus puissant des guerriers, ouvre la marche. Des rois et de grands capitaines forment son état-major. La multitude suit, organisée en phalanges incommensurables dont chacune obéit à un chef. Ces masses compactes s'avancent avec une précision militaire sur la surface raboteuse et accidentée de la terre et investissent la nouvelle Jérusalem qu'elles se préparent à prendre d'assaut. TS 722 2 Sur l'ordre de Jésus, les portes de la Cité d'or se ferment et le Fils de Dieu apparaît de nouveau à la vue de ses ennemis. Bien au-desus de la ville, sur une plate-forme d'or étincelant, est dressé un trône très élevé. Le Fils de Dieu y est assis, entouré des sujets de son royaume. Aucune langue ne peut rendre, aucune plume ne peut décrire la magnificence du Sauveur enveloppé de la gloire du Père éternel. Cette gloire emplit la cité de Dieu, rayonne au-delà de ses murs et inonde la terre entière. TS 722 3 Tout près du trône se trouvent placés ceux qui, d'abord zélés pour la cause de Satan, puis, véritables brandons arrachés du feu, ont servi leur Dieu avec une grande ferveur. Après eux se tiennent ceux qui manifestèrent un caractère chrétien au milieu de l'imposture et de l'incrédulité, ceux qui ont honoré la loi de Dieu quand le monde chrétien la déclarait abolie; puis les millions de fidèles qui, dans tous les siècles, ont été immolés pour leur foi. Enfin vient une "grande foule, que personne ne peut compter, de toute nation, de toute tribu, de tout peuple, et de toute langue. Ils se tenaient devant le trône et devant l'agneau, revêtus de robes blanches, et des palmes dans leurs mains."1 Pour eux tous, le combat est terminé: ils ont remporté la victoire; ils ont achevé la course, ils ont atteint le but. Les palmes qu'ils portent sont l'emblème de leur triomphe, et leurs robes blanches symbolisent la justice immaculée du Christ qui est maintenant la leur. TS 723 1 Un chant de louanges auquel se joignent les séraphins et les anges, et qui se répercute à l'infini sous les voûtes du ciel, est alors entonné par les rachetés: "Le salut est à notre Dieu, qui est assis sur le trône et à l'agneau!"1 Devant le spectacle de la puissance et de la malignité de Lucifer, les rachetés comprennent mieux que jamais que seul le Sauveur a pu leur donner la victoire. Dans cette glorieuse multitude, personne ne s'attribue le salut; personne ne prétend avoir vaincu par sa force ou sa vertu. Les élus ne mentionnent pas ce qu'ils ont fait ou enduré. La pensée et la note dominante de chaque hymne, c'est que "le salut est à notre Dieu ... et à l'agneau". TS 723 2 Et l'on assiste au couronnement définitif du Fils de Dieu en présence des habitants de la terre et du ciel. Investi de la puissance et de la majesté suprêmes, le Roi des rois prononce la sentence qui atteint les adversaires de son gouvernement et exécute ses jugements contre ceux qui ont transgressé sa loi et opprimé son peuple. "Je vis, dit le prophète de Dieu, un grand trône blanc, et celui qui était assis dessus. La terre et le ciel s'enfuirent devant sa face, et il ne fut plus trouvé de place pour eux. Et je vis les morts, les grands et les petits, qui se tenaient devant le trône. Des livres furent ouverts. Et un autre livre fut ouvert, celui qui est le livre de vie. Et les morts furent jugés selon leurs oeuvres, d'après ce qui était écrit dans ces livres."2 TS 723 3 Dès que les livres sont ouverts, et que les regards de Jésus se portent sur les injustes, ceux-ci sont conscients de tous les péchés qu'ils ont commis. Ils voient exactement l'endroit où leurs pieds se sont écartés du sentier de la pureté et de la sainteté; ils comprennent jusqu'à quel point l'orgueil et la révolte les ont portés à violer la loi de Dieu. Les tentations caressées, les bénédictions détournées de leur but, les messagers de Dieu méprisés, les avertissements rejetés, les vagues de miséricorde refoulées de leurs coeurs obstinés et impénitents -- tout cela leur apparaîtra comme écrit en lettres de feu. TS 724 1 Au-dessus du trône, sous l'emblème de la croix, on voit passer dans une série de tableaux panoramiques les scènes de la tentation et de la chute d'Adam, et toutes les phases successives du grand plan de la rédemption. L'humble naissance du Sauveur; son enfance et son adolescence toutes de candeur et d'obéissance; son baptême dans le Jourdain; son jeûne et sa tentation dans le désert; son ministère public révélant aux hommes les bienfaits du ciel; ses journées remplies d'actes de bonté et de miséricorde; ses nuits de prière et de veille solitaires dans la montagne; les complots, fruits de l'envie et de la haine, qui récompensaient ses bienfaits; l'angoissante et mystérieuse agonie de Gethsémané où il porta le poids écrasant des péchés du monde; les heures nocturnes au milieu d'une foule meurtrière, et les sinistres événements de cette nuit d'horreur: la désertion de ses disciples bien-aimés; la violence de la soldatesque le long des rues de Jérusalem; les clameurs de la foule; les comparutions chez Anne, au palais de Caïphe, au tribunal de Pilate, et devant le lâche et cruel Hérode; les sarcasmes, les injures, la flagellation, la condamnation à mort: tout cela défile avec une réalité saisissante. TS 724 2 Puis sous les yeux de la multitude frémissante passent les scènes finales des annales humaines. On voit le doux Martyr fouler le sentier qui mène au Calvaire; le Roi du ciel est cloué sur un bois d'infamie; des prêtres hautains et une vile populace insultent à son agonie. Au moment où le Rédempteur expire, des ténèbres surnaturelles envahissent la scène; la terre frissonne, les rochers se déchirent. Dans ce redoutable scénario, tout est d'une poignante exactitude. Satan, ses anges et ses sujets -- qui reconnaissent leur oeuvre -- ne peuvent en détourner les regards. Chacun des acteurs de ce drame se reconnaît dans le rôle qu'il y a joué. Hérode, qui massacra les innocents de Bethléhem en tentant de faire mourir le Roi d'Israël; l'infâme Hérodias, qui chargea sa conscience du sang de Jean-Baptiste; Pilate, faible et opportuniste; les soldats ricaneurs; les sacrificateurs, les chefs et la foule en démence, qui criaient: "Que son sang soit sur nous et sur nos enfants!" -- tous voient l'énormité de leur faute. Ils tentent en vain de se dérober à la vue de celui dont l'éclat surpasse la lumière du soleil, tandis que les rachetés jettent leurs couronnes aux pieds de Jésus, en s'écriant: "Il est mort pour moi!" TS 725 1 Dans la foule des rachetés, parmi les apôtres du Christ, on remarque l'héroïque Paul, l'ardent Simon Pierre, Jean le disciple aimant et bien-aimé, leurs fidèles convertis, et avec eux l'immense cortège des martyrs. Mais, en dehors des murailles, en compagnie d'êtres vils et abominables, on voit ceux qui les ont persécutés, emprisonnés et mis à mort. Néron, ce monstre de vice et de cruauté, contemple la joie et la gloire de ceux qu'il torturait autrefois et dans les souffrances desquels il trouvait un satanique plaisir. Sa mère, qui est là aussi, peut voir que les défauts transmis à son fils, et les passions encouragées et développées chez lui par son influence et son exemple, ont eu pour résultat des crimes qui ont fait frémir le monde. TS 725 2 Là sont des prélats et des prêtres de Rome qui se disaient ambassadeurs du Christ, et recouraient au chevalet, à la prison et aux bûchers pour asservir les consciences des vrais disciples du Sauveur. Là se trouvent les orgueilleux pontifes qui se sont élevés au-dessus de Dieu et ont prétendu avoir le droit de changer sa loi. De soi-disant Pères de l'Eglise -- qui doivent maintenant rendre à Dieu un compte dont ils voudraient bien être dispensés -- constatent, mais trop tard, que le Tout-Puissant est jaloux de sa loi, et qu'il ne tiendra pas le coupable pour innocent. Ils voient que Jésus-Christ identifie ses intérêts avec ceux de ses enfants opprimés, et ils sentent la force de ces paroles: "Toutes les fois que vous avez fait ces choses à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous les avez faites."1 TS 726 1 Tous les impénitents sont à la barre du tribunal divin sous l'inculpation de crime de haute trahison contre le gouvernement du ciel. Personne n'est là pour plaider en leur faveur; ils sont sans excuse et la peine de la mort éternelle est prononcée contre eux. TS 726 2 Il est désormais évident que le salaire du péché n'est ni une noble indépendance ni la vie éternelle, mais l'esclavage, la ruine et la mort. Les méchants voient ce qu'ils ont perdu par leur vie d'insoumission. Ils ont méprisé le poids éternel d'une gloire infiniment excellente qui leur était offerte. Combien elle leur paraît désirable aujourd'hui! "Tout cela, s'écrie l'âme perdue, j'aurais pu le posséder, mais j'ai jugé bon d'y renoncer. Etrange aberration! J'ai échangé la paix, le bonheur et la gloire contre la douleur, l'infamie et le désespoir." Tous voient que leur exclusion du ciel est juste. Ils ont dit eux-mêmes par leur manière de vivre: "Nous ne voulons pas que ce Jésus règne sur nous." TS 726 3 Comme fascinés, les perdus ont suivi des yeux le couronnement du Fils de Dieu. Ils voient dans ses mains les tables de la loi divine, les statuts qu'ils ont méprisés et transgressés. Ils assistent aux transports de ravissement et d'adoration des rachetés. Ils entendent leur cantique dont les ondes mélodieuses, montant de la sainte Cité, passent sur la mer humaine qui l'entoure. Alors, tous ensemble, ils s'écrient d'une même voix: "Tes oeuvres sont grandes et admirables, Seigneur Dieu tout-puissant! Tes voies sont justes et véritables, roi des nations!"2 Et tombant sur leurs faces, ils adorent le Prince de la vie. TS 726 4 Satan semble paralysé. En contemplant la gloire et la majesté du Fils de Dieu, l'ancien "chérubin oint pour protéger" se souvient d'où il est tombé. Quelle chute pour ce séraphin, pour ce "fils de l'aurore"! Il se voit banni pour toujours des conseils dont il était autrefois un membre honoré. Debout auprès du Père, qui voile en ce moment sa gloire, il a vu un ange glorieux et de haute stature placer la couronne sur la tête de Jésus, haute fonction qui, il le sait, aurait pu être la sienne! TS 727 1 Il se souvient des jours de son innocence et de sa pureté; il revit la paix et la joie qu'il a éprouvées jusqu'au moment où il s'est permis de murmurer contre Dieu et de jalouser son Fils. Ses accusations, sa rébellion, ses ruses mensongères pour s'assurer la sympathie et l'appui des anges, son obstination à refuser le pardon quand Dieu le lui offrait: tout cela passe rapidement devant ses yeux. Il récapitule son oeuvre parmi les hommes et ses conséquences: inimitié entre les hommes, haines, guerres et carnages, naissance et chute des empires, longue succession de tumultes, de conflits et de révolutions. Il se souvient de son opposition acharnée à l'oeuvre du Sauveur et de ses efforts pour plonger l'homme dans une dégradation toujours plus profonde. Il voit l'impuissance de ses infernales machinations contre ceux qui ont placé leur confiance en Jésus. Le royaume qu'il a fondé, fruit de ses labeurs, n'a été qu'une suite d'échecs et de ruines. Et s'il a fait croire aux foules qui l'entourent que la cité de Dieu serait une proie facile, il sait que cela est faux. Au cours de la grande tragédie, il a dû maintes fois s'avouer vaincu. Il ne connaît que trop la puissance et la majesté de l'Eternel. TS 727 2 Le grand rebelle s'est toujours justifié en prétendant que le gouvernement divin était seul responsable de sa rébellion. C'est à cela qu'il a employé toutes les ressources de sa puissante intelligence. Il y a travaillé délibérément et systématiquement, et, à en juger par les multitudes qu'il a amenées à admettre sa version du grand conflit, son succès a été extraordinaire. Depuis des milliers d'années, ce chef des révoltés donne à ses sujets l'erreur pour la vérité. Mais le temps est enfin venu où cette guerre doit cesser, et où l'histoire et le caractère de Satan doivent être dévoilés. Sa dernière tentative pour détrôner Jésus-Christ, détruire son peuple et s'emparer de la cité de Dieu a entièrement démasqué le grand séducteur. Ses suppôts assistent à sa défaite. Les disciples de Jésus, en revanche, contemplent toute l'horreur de son complot contre le gouvernement de Dieu. Il est l'objet de l'exécration universelle. TS 728 1 D'ailleurs, Lucifer voit que sa rébellion volontaire le disqualifie pour le ciel. Il a employé ses facultés à faire la guerre à Dieu. La pureté, la paix, la concorde du ciel seraient pour lui une suprême torture. Ses accusations contre la miséricorde et la justice de Dieu sont maintenant, en effet, réduites à néant. L'opprobre qu'il a tenté de jeter sur Jéhovah retombe entièrement sur sa tête. Aussi s'incline-t-il profondément et reconnaît-il la justice de la sentence qui le frappe. TS 728 2 "Qui ne craindrait, Seigneur, et ne glorifierait ton nom? Car seul tu es saint. Et toutes les nations viendront, et se prosterneront devant toi, parce que tes jugements ont été manifestés."1 Tous les problèmes sur la vérité et l'erreur soulevés au cours de la tragédie des siècles sont maintenant tranchés. Les résultats de la révolte contre les commandements de Dieu ont été manifestés aux yeux de toutes les intelligences créées. Les conséquences du gouvernement de Satan, par opposition à celui de Dieu, sont visibles aux yeux de l'univers. Satan est condamné par ses propres oeuvres. La sagesse, la justice et la bonté de Dieu sont pleinement établies. Il est clair que, dans ce grand conflit, Dieu n'a jamais eu en vue que le salut éternel de son peuple et le bien de tous les mondes qu'il a créés. Durant l'éternité, l'histoire du péché témoignera que le bonheur des créatures de Dieu est inséparable de l'obéissance à sa loi. Aussi, en présence de tous les faits de la grande tragédie, l'univers entier -- tant les rebelles que les saints -- s'écrie en choeur: "Tes voies sont justes et véritables, roi des nations!" "Toutes tes oeuvres te loueront, ô Eternel! et tes fidèles te béniront."1 TS 729 1 Le grand sacrifice consenti par le Père et le Fils en faveur de l'homme a paru devant tous les yeux avec une clarté indiscutable. L'heure est venue où Jésus-Christ va occuper la position qui lui revient, et où il va être "élevé au-dessus de toute principauté, de toute puissance et de tout nom qui peut se nommer". C'est "à cause de la joie qui lui était proposée -- celle d'amener beaucoup de fils à la gloire -- qu'il a enduré la croix et méprisé l'ignominie". La douleur et l'opprobre ont été inconcevables, mais la joie et la gloire le sont davantage encore. Contemplant les rachetés régénérés à sa propre image, Jésus reconnaît en chacun d'eux l'empreinte de la divinité et sur chaque visage les traits de sa propre beauté. Il voit en eux les fruits du "travail de son âme, et il est satisfait". Alors, d'une voix qui est entendue de toute la multitude des justes et des méchants, il s'écrie: "Voici les rachetés de mon sang! Pour eux j'ai souffert, et pour eux j'ai donné ma vie. Je veux qu'ils demeurent en ma présence durant l'éternité." De la bouche de ceux qui, devant le trône, sont vêtus de robes blanches, s'élève ce chant de louange: "L'agneau qui a été immolé est digne de recevoir la puissance, la richesse, la sagesse, la force, l'honneur, la gloire, et la louange!"2 TS 729 2 Satan a été contraint de reconnaître la justice de Dieu et la suprématie de son Fils; mais son caractère n'est point changé. A nouveau, un esprit de rébellion éclate en lui en un torrent impétueux. Dans sa frénésie, il refuse de reconnaître sa défaite, et le moment lui paraît venu de faire une tentative suprême contre le Roi des cieux. Se précipitant au milieu de ses sujets, il s'efforce de leur inspirer sa fureur, et de les pousser à engager aussitôt la bataille. Mais parmi les millions d'êtres qu'il a entraînés dans sa révolte, aucun ne veut plus maintenant reconnaître sa suprématie. Son règne est terminé. Tout en nourrissant contre Dieu la même haine que lui, les méchants voient que leur cause est désespérée, et qu'ils ne peuvent rien contre Jéhovah. Leur rage se tourne alors contre Satan et contre ceux qui l'ont aidé à les tromper. TS 730 1 "Parce que tu prends ta volonté pour la volonté de Dieu, dit le Seigneur, voici, je ferai venir contre toi des étrangers, les plus violents d'entre les peuples; ils tireront l'épée contre ton éclatante sagesse, et ils souilleront ta beauté. Ils te précipiteront dans la fosse." "Je te fais disparaître, chérubin protecteur, du milieu des pierres étincelantes. ... Je te jette par terre, je te livre en spectacle aux rois. ... Je fais sortir du milieu de toi un feu qui te dévore, je te réduis en cendre sur la terre, aux yeux de tous ceux qui te regardent. ... Tu es réduit au néant, tu ne seras plus à jamais!"1 TS 730 2 "Toute chaussure qu'on porte dans la mêlée, tout vêtement guerrier roulé dans le sang, seront livrés aux flammes, pour être dévorés par le feu." "La colère de l'Eternel va fondre sur toutes les nations, et sa fureur sur toute leur armée; il les voue à l'extermination, il les livre au carnage." "Il fait pleuvoir sur les méchants des charbons, du feu et du soufre; un vent brûlant, c'est le calice qu'ils ont en partage."2 Des flammes de feu descendent du ciel. La terre s'entrouvre; les armes qu'elle recèle dans son sein jaillissent de toutes les crevasses. Les rochers mêmes prennent feu. Le jour est venu, "ardent comme une fournaise", où "les éléments embrasés se dissoudront, et [où] la terre avec les oeuvres qu'elle renferme sera consumée."3 Sa surface ressemble à une masse de métal en fusion, à un immense feu. Il est venu le temps du "jugement et de la ruine des hommes impies". "C'est un jour dé vengeance pour l'Eternel, une année de représailles pour la cause de Sion."1 TS 731 1 Les méchants reçoivent leur rétribution sur la terre.1 Ils "seront un chaume, et ce jour qui vient les enflammera, dit l'Eternel des armées."2 Les uns périssent en un instant, tandis que d'autres souffrent durant plusieurs jours. Chacun reçoit "selon ses oeuvres". Les péchés des justes ayant été transférés sur Satan, celui-ci est appelé à souffrir non seulement pour sa propre rébellion, mais aussi pour tous les péchés qu'il a fait commettre au peuple de Dieu. Son châtiment sera infiniment plus sévère que celui de ses victimes. Après que tous ceux qui se sont perdus par sa faute auront péri, il continuera encore à vivre et à souffrir. Mais les flammes purificatrices finiront par avoir raison de tous les méchants, "racine et rameaux". Satan est la racine, ses suppôts sont les rameaux. Les sanctions de la loi ont été exécutées; les exigences de la justice sont satisfaites; le ciel et la terre, qui en sont témoins, proclament la justice de Jéhovah. TS 731 2 L'oeuvre de ruine inaugurée par Satan a pris fin à jamais. Durant six mille ans, il a fait sa volonté. Il a rempli la terre de douleurs, et a fait couler des torrents de larmes. Sous son règne, toute la création n'a fait que soupirer et gémir. Maintenant, les créatures de Dieu sont à jamais délivrées de sa présence et de ses tentations. "Toute la terre jouit du repos et de la paix; on éclate en chants d'allégresse."3 Une acclamation de triomphe et de joie monte vers Dieu de tout l'univers fidèle. "Et j'entendis comme une voix d'une foule nombreuse, comme un bruit de grosses eaux, et comme un bruit de forts tonnerres, disant: Alléluia! Car le Seigneur notre Dieu tout-puissant est entré dans son règne."4 TS 731 3 Pendant que la terre est changée en un vaste brasier, les justes sont en sécurité dans la ville sainte. La seconde mort ne peut rien sur ceux qui ont eu part à la première résurrection.1 Dieu, qui est un feu consumant pour les méchants, est pour son peuple "un soleil et un bouclier."2 TS 732 1 "Puis je vis un nouveau ciel et une nouvelle terre; car le premier ciel et la première terre avaient disparu."3 Les flammes qui ont consumé les méchants ont purifié la terre. Toute trace de malédiction s'est évanouie. Aucun enfer éternellement embrasé ne rappellera aux élus les terribles conséquences du péché. TS 732 2 Il en restera toutefois un souvenir: les traces cruelles de sa crucifixion resteront à jamais visibles à la tête, au côté, aux mains et aux pieds de notre Rédempteur. En le contemplant dans sa gloire, le prophète s'écrie: TS 732 3 "C'est comme l'éclat de la lumière; des rayons partent de sa main; là réside sa force."4 Cette main, ce côté percé d'où a jailli le flot cramoisi qui a réconcilié l'homme avec Dieu, ces blessures où "réside sa force", voilà sa gloire. "Puissant pour sauver" par le sacrifice rédempteur, il a aussi la force d'exercer la justice contre les contempteurs de sa miséricorde. Mais ses plus hauts titres de gloire seront les marques de son humiliation. Pendant les siècles éternels, les cicatrices du Calvaire raconteront sa louange et proclameront sa puissance. TS 732 4 "Et toi, tour du troupeau, colline de la fille de Sion, à toi viendra, à toi arrivera l'ancienne domination".5 Le moment attendu impatiemment par les hommes de Dieu depuis le jour où les chérubins ont interdit l'accès du paradis est enfin venu; c'est le temps "de la rédemption de ceux que Dieu s'est acquis."5 La terre, originellement remise à l'homme comme son royaume, livrée par lui entre les mains de Satan, et si longtemps détenue par cet ennemi redoutable, a été reconquise grâce au vaste plan de la rédemption. Tout ce qui avait été confisqué par le péché est récupéré. "Car ainsi parle l'Eternel, le créateur des cieux, le seul Dieu, qui a formé la terre, qui l'a faite et qui l'a affermie, qui l'a créée pour qu'elle ne fût pas déserte, qui l'a formée pour qu'elle fût habitée."1 Le plan originel de Dieu lorsqu'il créa la terre est réalisé: celle-ci est désormais la demeure éternelle des rachetés. "Les justes posséderont la terre, et y demeureront à toujours."2 TS 733 1 La crainte de trop matérialiser l'héritage éternel a poussé plusieurs personnes à spiritualiser, à rendre inconsistantes les promesses qui nous le décrivent comme notre demeure future. Jésus assura à ses disciples qu'il allait leur préparer des places dans la maison du Père. Or, ceux qui acceptent les enseignements de la Parole de Dieu ne sont pas laissés entièrement dans l'ignorance touchant ces demeures. Néanmoins, les choses que Dieu a préparées pour ceux qui l'aiment "sont des choses que l'oeil n'a point vues, que l'oreille n'a point entendues".3 La langue humaine est impuissante pour décrire la récompense des justes. Seuls pourront s'en rendre compte ceux qui la verront. Notre esprit borné est incapable de concevoir la gloire du paradis de Dieu. TS 733 2 Dans les Ecritures, l'héritage des élus est appelé une patrie.4 Le divin Berger y conduit son troupeau aux sources des eaux vives. L'arbre de vie y donne son fruit chaque mois, et les feuilles de cet arbre sont utilisées par les nations. Des ruisseaux intarissables d'une eau claire comme le cristal sont bordés d'arbres verdoyants qui jettent leur ombre sur les sentiers préparés pour les rachetés de l'Eternel. D'immenses plaines ondulées en collines gracieuses alternent avec les cimes altières des montagnes de Dieu. C'est sur ces plaines paisibles et le long de ces cours d'eau vive que le peuple de Dieu, longtemps étranger et voyageur, trouvera enfin un foyer. TS 734 1 "Mon peuple demeurera dans le séjour de la paix, dans des habitations sûres, dans des asiles tranquilles." "On n'entendra plus parler de violence dans ton pays, ni de ravage et de ruine dans ton territoire; tu donneras à tes murs le nom de salut, et à tes portes celui de gloire." "[Les élus] bâtiront des maisons et les habiteront; ils planteront des vignes et en mangeront le fruit. Ils ne bâtiront pas des maisons pour qu'un autre les habite, ils ne planteront pas des vignes pour qu'un autre en mange le fruit. ... Mes élus jouiront de l'oeuvre de leurs mains."1 TS 734 2 C'est alors que "le désert et le pays aride se réjouiront", que "la plaine aride sera dans l'allégresse, et fleurira comme le lis". "Au lieu de l'épine s'élèvera le cyprès, au lieu de la ronce croîtra le myrte."2 "Le loup habitera avec l'agneau, et la panthère se couchera avec le chevreau; ... et un petit enfant les conduira." "Il ne se fera ni tort ni dommage sur toute ma montagne sainte", dit l'Eternel.3 TS 734 3 La souffrance ne pourra pas exister dans l'atmosphère du ciel. On n'y verra ni larmes, ni convois funèbres. "Il n'y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses ont disparu."5 "Aucun habitant ne dit: Je suis malade!"4 TS 734 4 "Couronne éclatante dans la main de l'Eternel, turban royal dans la main de ton Dieu",4 la nouvelle Jérusalem sera la métropole de la terre glorifiée. "Son éclat sera semblable à celui d'une pierre très précieuse, d'une pierre de jaspe transparente comme du cristal." "Les nations marcheront à sa lumière, et les rois de la terre y apporteront leur gloire."5 "Je ferai de Jérusalem mon allégresse, et de mon peuple ma joie."4 "Voici le tabernacle de Dieu avec les hommes! Il habitera avec eux, et ils seront son peuple, et Dieu lui-même sera avec eux."5 TS 735 1 Dans la ville de Dieu "il n'y aura plus de nuit". Nul n'aura besoin de repos. On ne se lassera pas de faire la volonté de Dieu et de louer son nom. Nous éprouverons toujours la fraîcheur d'un éternel matin. "Ils n'auront besoin ni de lampe ni de lumière, parce que le Seigneur Dieu les éclairera."1 Le soleil sera éclipsé par une clarté qui n'éblouira pas le regard, mais qui pourtant surpassera infiniment l'éclat de midi.2 La gloire de Dieu et de l'agneau inondera la sainte cité d'ondes incandescentes. Les rachetés circuleront dans la glorieuse phosphorescence d'un jour perpétuel. TS 735 2 L'apôtre Jean ne vit "point de temple dans la ville; car le Seigneur Dieu tout-puissant est son temple, ainsi que l'agneau".1 Le peuple de Dieu sera admis dans la communion du Père et du Fils. "Aujourd'hui nous voyons au moyen d'un miroir, d'une manière obscure."3 Dans la nature, dans ses voies envers les hommes, Dieu nous apparaît comme dans un miroir. Alors, nous le verrons face à face, sans voile. Nous serons en sa présence et contemplerons sa gloire. TS 735 3 Les rachetés "connaîtront comme ils ont été connus". L'amour et la sympathie que le Seigneur a implantés dans nos coeurs trouveront leur emploi le plus légitime et le plus doux. Une pure communion avec des êtres saints; une vie sociale harmonieuse avec les anges et les bienheureux de tous les siècles, qui ont lavé et blanchi leurs robes dans le sang de l'agneau; des liens sacrés unissant "la famille" qui est "dans les cieux" à celle qui est "sur la terre"4 -- voilà ce qui constituera la félicité des rachetés. TS 735 4 Dans la nouvelle terre, des intelligences immortelles contempleront avec ravissement les merveilles de la puissance créatrice et les mystères de l'amour rédempteur. Plus d'ennemi rusé et cruel pour nous entraîner loin de Dieu. Toutes nos facultés pourront se développer, tous nos talents s'épanouir. L'acquisition de connaissances nouvelles ne fatiguera pas notre esprit, ne lassera point notre énergie. Les plus grandes entreprises seront menées à bien; les plus hautes aspirations seront satisfaites, les plus sublimes ambitions, réalisées. Et, néanmoins, il y aura toujours de nouvelles hauteurs à gravir, de nouvelles merveilles à admirer, de nouvelles vérités à approfondir, mettant à réquisition toutes les facultés de l'esprit, de l'âme et du corps. TS 736 1 Les trésors inépuisables de l'univers seront proposés à l'étude des rachetés de Dieu. Des délices inexprimables attendent les enfants de la nouvelle terre auprès d'êtres qui n'ont jamais péché, et dont ils partageront la joie et la sagesse. Dégagés des entraves de la mortalité, ils seront emportés en un vol inlassable vers les mondes lointains qui ont frémi au spectacle des misères humaines et entonné des chants de joie chaque fois qu'ils apprenaient le salut d'un pécheur. Les élus participeront avec eux aux trésors de science et d'intelligence accumulés au cours des siècles par la contemplation des oeuvres de Dieu. Ils verront sans voiles les gloires de l'espace infini constellé de soleils et de systèmes planétaires, parcourant avec ordre leurs orbites autour du trône de la divinité. Tous les objets de la création, du plus petit au plus grand, porteront la signature du Créateur et manifesteront les richesses de sa puissance. TS 736 2 A mesure qu'ils se dérouleront, les siècles éternels apporteront avec eux des révélations toujours plus glorieuses de Dieu et de son Fils. Le progrès dans l'amour, la révérence et le bonheur marchera de pair avec celui des connaissances. Plus les hommes apprendront à connaître Dieu, plus aussi grandira leur admiration de son caractère. Et au fur et à mesure que Jésus dévoilera aux élus les mystères de la rédemption et les résultats du grand conflit avec Satan, leurs coeurs tressailliront d'amour et de joie, et le choeur de louanges exécuté par mille millions de rachetés s'enflera, puissant et sublime. TS 737 1 "Toutes les créatures qui sont dans le ciel, sur la terre, sous la terre, sur la mer, et tout ce qui s'y trouve, je les entendis qui disaient: A celui qui est assis sur le trône, et à l'agneau, soient la louange, l'honneur, la gloire et la force, aux siècles des siècles!"1 TS 737 2 La grande tragédie est terminée. Le péché et les pécheurs ne sont plus: l'univers est purifié. Dans l'immense création, tous les coeurs éprouvent la même allégresse. Des ondes de vie, de lumière et de joie, jaillissant du trône du Créateur, envahissent les derniers recoins de l'espace infini. De l'atome le plus imperceptible aux mondes les plus vastes, tant des êtres animés que des objets inanimés, s'élève, par la voie de leur beauté incomparable et de leur joie sans mélange, un cantique d'allégresse proclamant que TS 737 3 Dieu est amour. ------------------------Appendice TS 739 1 Page 50. Les titres de l'évêque de Rome. -- "Le pape est désigné par un assez grand nombre de dénominations. Autrefois, lorsqu'on s'adressait à lui, on l'appelait: Beatitudo Vestra, Magnitudo Vestra, Excellentia Vestra, Majestas Vestra. Parmi les titres les plus usités, on compte: Pontifex Maximus, Sumus Pontifex qui furent donnés jadis à des évêques et à des archevêques, Sanctitas et Sanctissime Pater (Sa Sainteté, Très Saint Père). Quant au titre de Vicaire de Jésus-Christ, il fut donné à l'évêque de Rome, puis à des évêques et à des rois, et ne fut appliqué exclusivement au pape que vers le XIIIe siècle. Enfin la célèbre formule: le Serviteur des Serviteurs de Dieu (Servus servorum Dei) se rencontre pour la première fois dans une lettre de saint Augustin. Grégoire 1 l'adopta parmi ses titres; toutefois elle ne devint d'une application générale qu'à partir d'Innocent III, et, vers le milieu du XVe siècle, elle fut exclusivement réservée pour les bulles." -- P. Larousse, Dictionnaire Universel, art. "Papauté" 12:137. TS 739 2 "Depuis Innocent III les papes, non contents de se faire appeler successeurs ou vicaires de saint Pierre, ou comme Grégoire VII de s'identifier avec cet apôtre, prennent le titre de "vicaires de Christ" ou "vicaires de Dieu". "Ce que fait le pape dans l'Eglise, dit Innocent, ce n'est pas un homme qui le fait, mais Dieu lui-même par son vicaire" et cela, disent ses commentateurs, en vertu d'un coeleste arbitrium par lequel il peut changer la nature des choses, intervertir le droit, sans avoir à alléguer d'autre raison que sa volonté. "Personne, dit le moine Augustin Triumphus, ne peut en appeler du pape à Dieu, attendu que sa sentence est celle de Dieu même (unum consistorium et ipsius papae et ipsius Dei). Aussi bien que le Christ, il est l'époux de l'Eglise; il juge tout le monde et ne peut être jugé par personne." Enfin le canoniste Zizelin ne craint pas de l'appeler Dominum Deum nostrum papam, et le poète normand Geoffroy de Visinaut de déclarer que Dieu, en créant le monde, en a divisé le gouvernement en deux parts, le ciel pour lui, la terre pour Innocent III." -- Histoire du Christianisme depuis son origine jusqu'à nos jours, par Etienne Chastel 3:188, 189, Paris, Fischbacher, 1885. TS 740 1 Page 52. Le culte des images. -- "Le culte des premières communautés chrétiennes, dérivant immédiatement quant à ses formes de celui des synagogues, était naturellement sans images. Les chrétiens des premiers siècles raillaient volontiers les païens de la vénération superstitieuse qu'ils manifestaient pour les représentations visibles de leurs dieux. C'est un des thèmes favoris des apologistes. Les défenseurs de la vieille religion en appelaient exactement à la même distinction que les catholiques d'aujourd'hui entre l'image elle-même et celui dont elle évoquait la pensée sans parvenir, plus qu'eux, à détruire l'objection tirée de la pratique (Lactance, Instit. div., II, 2). ... TS 740 2 "Cependant, à partir du cinquième siècle et de l'entrée en masse des païens dans l'Eglise, cette première sévérité se relâcha graduellement. Bientôt les saintes images furent l'objet d'une vénération qui dégénéra vite en idolâtrie. Quelques évêques s'efforcèrent de réprimer cet abus. ... TS 740 3 "Mais le siège romain fut toujours enclin à favoriser plutôt ce genre de dévotion qu'à le restreindre, bien que Grégoire le Grand maintînt encore avec fermeté l'interdiction de toute adoration proprement dite des images faites par les hommes. Cela ne put empêcher la multitude de se laisser entraîner sur cette pente glissante. ... L'Orient fut le théâtre de la première tentative de réforme. ... Ceux qui voulurent la réaliser cherchèrent à laver l'Eglise chrétienne du reproche peut-être le plus apparent que lui faisaient les musulmans en l'accusant d'idolâtrie. ... TS 740 4 "En 754 Constantin Copronyme [empereur d'Orient] convoqua un concile oecuménique à Constantinople. Aucun des patriarches n'y assista, mais 338 évêques réunis dans cette ville déclarèrent que Satan seul avait pu réintroduire le culte des (images et des) créatures. ... Le culte des images était contraire, ajoutaient-ils, à la sainte Ecriture (Jean 4:24; 1:18; 20:29; Deutéronome 5:8, 9; Romains 1:23; 2 Corinthiens 5:7; Romains 10:17) et condamné par les Pères. Les partisans de l'opinion opposée furent anathématisés, et tout le clergé dut souscrire le décret. ... le pape Etienne III repoussa le decret de 754, et, en 769, son successeur Etienne IV fit condamner les adversaires des images par un concile de Latran. ... En 787 (deuxieme concile de Nicee), le decret de 754 fut conmamne, et il fut décrété que l'on devait aux images la salutation et la vénération honorifiques en les distinguant de l'adoration formelle, qui ne convenait qu'à Dieu. TS 741 1 "La querelle de l'Orient eut son contrecoup en Occident. ... Le concile de Francfort (794), malgré la présence du légat, repoussa à l'unanimité les décrets élaborés à Nicée et anathématisa quiconque rendrait aux images servitium aut adorationem [service ou adoration]. Tant que Charlemagne vécut, l'opposition à tout culte rendu aux images se maintint dans l'empire franc et dans l'île de Bretagne, sans que la cour de Rome osât protester autrement que par des remontrances assez molles. ... TS 741 2 "Mais ces efforts individuels ou locaux ne purent empêcher l'invasion graduelle du culte des images, toujours encouragé à Rome. Peu à peu se consolidèrent les superstitions grossières dont il est la source fatale." -- F. Lichtenberger, Encyclopédie des Sciences religieuses 6:486-490, Paris, Fischbacher, 1879, art. Images [Querelle des], par A. Réville. TS 741 3 Voir Baronius, Annales Ecclésiastiques 9:391-407, édit. d'Anvers, 1612; abbé Fleury, Histoire Ecclésiastique 9:, Bruxelles, 1721; C.-J. Hefele, Histoire des Conciles 7:1855-1874, 2e édition, 1873 ss. TS 741 4 Page 53. Edit de Constantin sur le dimanche. -- Voici la teneur de cette loi promulguée en date du 7 mars 321: "Que tous les juges, les citadins et les artisans se reposent au jour vénérable du soleil. Mais que ceux qui habitent la campagne s'adonnent paisiblement et en toute liberté à la culture de leurs champs, attendu que souvent aucun autre jour n'est aussi propice pour faire les semailles ou planter les vignes; il ne faut donc pas laisser passer le temps favorable, et frustrer ainsi les intentions bienveillantes du ciel." -- Code Justinien, L. III, titre 12, loi 3. Citée en latin dans le Jour du Seigneur, par Louis Thomas, doct. en théol., vol. II, Append. III, 21. Genève et Paris, 1893. TS 741 5 Voir Encyclopédie des Sciences religieuses, tome III, 751, art. "Dimanche"; Abbé Bergier, Dictionnaire de théologie, tome II, 566, art. "Dimanche"; Mosheim, Histoire ecclésiastique, IVe siècle, par. II, sect 5. TS 742 1 Page 55. Dates prophétiques. -- Voir la page 355 et plus loin la note relative à cette page. TS 742 2 Page 56. Les fausses décrétales. -- Au nombre des principales falsifications historiques destinées à établir la puissance papale, il faut nommer la Donation de Constantin et les Décrétales pseudo-isidoriennes. Dans un ouvrage intitulé: Le Pouvoir du pape sur les souverains du Moyen Age (Paris, 1839), l'auteur, M.*** (Gosselin), directeur du Séminaire de St. Sulpice, dit de la première: "... On a supposé que le pouvoir temporel du pape sur plusieurs états de l'Europe était fondé sur la Donation de Constantin, c'est-à-dire sur un acte solennel par lequel ce prince avait donné pour toujours au Saint-Siège la ville de Rome, avec l'Italie et toutes les provinces de l'empire en Occident. Nous croyons inutile de nous arrêter ici à l'examen de cette prétendue donation, généralement regardée comme apocryphe par les critiques modernes, depuis la Renaissance des lettres." TS 742 3 En ce qui concerne les secondes, l'abbé Fleury, dans son Histoire ecclésiastique (tome IX, liv. 45, par. 22, p. 445, 446, Bruxelles 1721), écrit ce qui suit: TS 742 4 "La collection où elles se trouvent porte le nom d'Isidore Mercator, qui paraît avoir été espagnol. ... Il ne dit point où il les a trouvées. Elles étaient inconnues à Denys-le-Petit, qui recueillit deux cents ans auparavant les Décrétales des papes. ... D'ailleurs elles portent des caractères visibles de fausseté. Toutes sont d'un même style qui convient beaucoup mieux au VIIIe siècle qu'aux trois premiers: longues et remplies de lieux communs et, comme on l'a découvert en les examinant curieusement, remplies de divers passages de saint Léon, de saint Grégoire et d'autres auteurs postérieurs aux papes dont elles portent le nom. Leurs dates sont presque toutes fausses. ... Cependant son artifice, tout grossier qu'il était, en imposa à toute l'Eglise latine. Ses fausses Décrétales ont passé pour vraies pendant huit cents ans; et à peine ont-elles été abandonnées dans le dernier siècle. Il est vrai qu'il n'y a plus aujourd'hui d'homme médiocrement instruit en ces matières, qui n'en reconnaisse la fausseté." TS 742 5 Voir Mosheim, Histoire ecclésiastique, liv. III, siècle 9, 2e partie, chap. 2, sect. 81. TS 742 6 "La fausseté des Décrétales attribuées aux premiers papes", dit Du Pin, docteur de Sorbonne (Nouv. Bibl., des auteurs ecclés., p. 215, Utrecht, 1731) "est présentement si connue qu'il ne serait pas nécessaire d'en rien dire". -- Cité par Gaussen, Le Canon des Ecritures, vol. II, p. 169. TS 743 1 Parlant "de tant de pièces apocryphes ou falsifiées" le Dictionnaire de Théologie catholique dit: "Si au XIXe siècle encore, le faussaire trouva des défenseurs dans Dumont et l'abbé Darras, l'unanimité des savants, sans aucune distinction de patrie ou de religion, proteste contre le malheureux succès de cette déplorable fourberie." (Art. "Les fausses Décrétales", colonnes 214 et 221. Letouzey et Ané, édit., Paris.) TS 743 2 Page 58. Les dictatus du pape Gregoire VII. -- "Ainsi rien ne manquait à la suprématie spirituelle des pontifes romains en Occident. Pouvoir administratif universel par le moyen des légats, pouvoirs constitutif, judiciaire, législatif suprêmes, tous leur étaient dévolus. Nous les trouvons déjà, sinon proclamés ex professo dans ce qu'on appelle les Dictatus Gregorii VII, dont l'authenticité est contestée, du moins occasionnellement revendiqués dans les lettres de Grégoire VII et dans les différents actes de son pontificat. -- Etienne Chastel, Histoire du Christianisme, tome III, p. 188. TS 743 3 Page 59. Le purgatoire. -- Voir le Dictionnaire théologique de l'abbé Vigouroux, art. Purgatoire, et le même article dans le Dictionnaire de théologie de l'abbé Bergier, Toulouse, 1823. Il n'était pas rare, autrefois, en entrant dans une église catholique, d'y voir suspendu, au-dessus d'un tronc "en faveur des âmes du Purgatoire", un tableau terrifiant des malheureux qui s'y tordent dans les flammes. TS 743 4 Page 60. Indulgences. -- Voir la note pour la page 135. TS 743 5 Page 60. La messe. -- Sur la doctrine de la messe, voir l'ouvrage du cardinal Wiseman: The Real Presence of the Body and Blood of Our Lord Jésus Christ in the Blessed Eucharist; Catholic Encyclopaedia, art. "Eucharist", par J. Pohle, S. T. D., Breslau; Canons and Decrces of the Council of Trent, sess. 13, chap. 1-8 (London ed. tr. by T. A. Burkley, p. 70-79); K. R. Hagenbach, Compendium of the History of Doctrines, vol. I, p. 214-223, 393-398, et vol. II, p. 88-114; Institution de la Religion chrétienne, par Jean Calvin (nouv. éd., Genève, 1888), liv. IV, chap. 18, par. 8; Abbé Bergier, Dict. de Théol., vol. III, p. 247-283; Dict. théologique de Vigouroux, art. "Eucharistie". TS 743 6 A l'époque de la Réformation, le docteur de Sorbonne Guy Furbity, appelé à Genève, en 1533, pour y combattre l'Evangile, déclarait: TS 743 7 "Un prêtre qui consacre les éléments de la Cène est au-dessus de la Vierge, car elle n'a donné la vie à Jésus-Christ qu'une fois, tandis que le prêtre le crée tous les jours, aussi souvent qu'il le veut. ... Ah! le prêtre! ... il ne faudrait pas seulement le saluer, il faudrait s'agenouiller, se prosterner devant lui." TS 744 1 On retrouve fréquemment ces mêmes affirmations dans des journaux ou des ouvrages de piété catholiques. Au mois de décembre 1912, on lisait, par exemple, dans le Messager du Très-Saint Sacrement (de Montréal, Canada) sous le titre de "le Prêtre" un morceau d'où nous détachons ces deux vers: TS 744 2 Des hommes revêtus de grâce surhumaine Parlent, et Dieu soudain se fait obéissant. TS 744 3 Page 67. Versions Vaudoises des Ecritures. -- Voir E. Petavel, La Bible en France, ch. 2, pr. 3, 4, 8-10, 13, 21, (éd. de Paris 1864); D. Lortsch, Histoire de la Bible en France, Paris, 1910, p. 8, 19, 101, 102, 106; Encyclopédie des Sciences religieuses, art. "Vaudois", vol. XII, p. 1054. TS 744 4 Page 79. Bulle contre les vaudois. -- Une portion considérable du texte de la Bulle papale promulguée par Innocent VIII, en 1487, contre les Vaudois (bulle dont l'original se trouve à la bibliothèque de l'Université de Cambridge) est traduite dans History of Romanism, de Dowling, liv. VI, ch. 5, sec. 62 (éd. 1871). Voir Jean Léger, Histoire générale des Eglises vaudoises, et Chastel, Histoire du Christianisme, vol. III, p. 476-479. TS 744 5 Page 86. Indulgences. -- Voir la note pour la page 135. TS 744 6 Page 87. Wiclef. -- Le texte original des bulles papales publiées contre Wiclef, avec traduction anglaise, se trouve dans J. Foxe, Acts and Monuments, vol. III, p. 4-13 (Pratt-Townsend, ed. London, 1870). Voir aussi J. Lewis, Life of Wiclef, p. 49-51, 305-314 (ed. 1820); Lechler, John Wycliffe and his English Precursors, ch. 5, sec. 2 (p. 162-164, London ed., 1884, tr. by Lorimer); A. Neander, General History of the Christian Church, period 6, sec. 2, part 1, par. 8. TS 744 7 Page 88. L'infaillibilite papale. -- Voir Catholic Encyclopaedia, art. "Infaillibility" par J. Turner, S. T. D.; P. Larousse, Dictionnaire universel du XIXe siècle, vol. III, art. "Infaillibilité"; Encycl. des Sciences rel., vol. VI, art. "Infaillibilité", par A. Réville. TS 744 8 Page 108. Indulgences. -- Voir la note pour la page 135. TS 745 1 Page 108. Le concile de Constance. -- Voir Mosheim, Histoire ecclésiastique, liv. III, XVe siècle, 2e partie, ch. 2, sec. 3; Lenfant, Hist. du Concile de Constance (1714-1727); Encycl. des Sciences rel., art. "Constance"; Abbé Fleury, Hist. ecclés., Bruxelles, 1726, vol. XXI; Neander, History of the Christian religion and Church, period 6, sec. 1 (1854 ed., tr. by Torrey, vol. V, p. 94-101). TS 745 2 Page 129. -- Dans ce chapitre et ceux qui suivent sur l'histoire de la Réforme, les citations non accompagnées de références sont empruntées au bel ouvrage de Merle d'Aubigné sur la Réformation au XVIe siècle. Fischbacher, Paris. Ne pas confondre avec l'ouvrage du même auteur sur la Réformation au temps de Calvin. TS 745 3 Page 135. Indulgences. -- "Ce moyen de tirer de l'argent commença à être mis en usage vers l'an 1100 par le pape Urbain II", dit Sarpi dans son Histoire du Concile de Trente (vol. I, liv. I, p. 13-18, Oxford, 1771). Voir le vol. II, p. 745 et 766 sur les débats et décrets du Concile de Trente à cet égard; Bergier, Dict. de Théologie, vol. III, art. "Indulgences"; Catholic Encyclopaedia, art. "Indulgences", par W. H. Kent, O. S. C., de Bayswater, Londres; Léopold de Ranke, Histoire de l'Allemagne au temps de la Réforme (1839). TS 745 4 Le texte de l'absolution donnée par Tetzel aux acheteurs d'indulgences est publié dans l'article: "Indulgences", au Dictionnaire universel du XIXe siècle de P. Larousse (vol. IX), où on lit: TS 745 5 "Quand il [Tetzel] parlait de l'application de l'indulgence aux défunts, il proclamait comme une vérité incontestée que l'état de grâce n'était pas requis. Cette assertion sans nuances l'amena à s'exprimer comme si la contribution pécunière était tout et avait une efficacité infaillible." TS 745 6 Sobald das Geld im Kasten klinkt! Die Seele aus dem Fegfeuer springt! A peine dans le tronc est tombée une obole Du purgatoire une âme au paradis s'envole. (Traduction de M. Christiani) TS 745 7 "Tel aurait été, au dire de Luther, l'adage favori de Tetzel, et l'attribution paraît justifiée pour le sens, sinon pour les termes eux-mêmes." TS 745 8 Page 249. L'ordre des jesuites. -- Voir ce mot dans le Dictionnaire universel de P. Larousse, vol. IX, Paris, 1873. L'article (de Ch. Sauvestre) résume l'histoire de l'ordre, cite les ouvrages d'auteurs jésuites sur la morale de l'ordre (probabilisme) et les "Instructions secrètes de la Société de Jésus". TS 746 1 Nous donnons ci-dessous une partie de l'article consacré à cet ordre dans le Dictionnaire d'Histoire ecclésiastique de J. A. Bost (Fischbacher, Paris, et Beroud, Genève, 1884): TS 746 2 "Jesuites, ordre fondé en 1534 par Ignace de Loyola, et approuvé en 1540 par Paul III. Il porte aussi le nom de Compagnie ou Société de Jésus. S'il eut dès l'abord plusieurs objets en vue, les circonstances l'amenèrent presque aussitôt après sa fondation à entrer en lice avec la Réforme, et il se jeta dans la mêlée avec une hardiesse qui ne reculait devant rien et avec un succès qui dépassa même ses espérances. ... Les statuts sont calculés pour faire de chacun l'instrument absolument passif de ses supérieurs. ... La théorie de l'obéissance passive, empêchant le développement de la conscience individuelle, a été, avec le pélagianisme qui est à la base de tout le système, la grande inspiratrice de la morale jésuitique ... [dont les préceptes] les uns sévères, à l'usage des personnes qui prennent la religion au sérieux, les autres, d'une indulgence effrayante pour tous les vices, pour tous les crimes commis ou à commettre. ... La morale des jésuites se caractérise encore par la direction de l'intention: on peut voler, calomnier, tuer, pourvu qu'en le faisant on éloigne l'intention coupable, et qu'on s'en tienne à l'intention permise, par exemple au désir d'être riche pour pouvoir faire du bien, au désir de sauver son honneur et peut-être sa vie. Enfin les réservations mentales, autre système ingénieux inventé par les jésuites, consistent dans le droit d'affirmer une chose fausse, même par serment, pourvu que dans son for intérieur on en pense une autre qui infirme ou modifie celle que l'on paraît affirmer. Les Provinciales de Pascal flagellèrent ces turpitudes et portèrent aux jésuites un coup fatal et décisif, dont ils ne se sont jamais relevés moralement. De leur côté, les capucins et les franciscains, jaloux de leurs succès dans les missions lointaines, dénoncèrent leur méthode d'accommodation et de supercherie dont ils usaient pour faciliter la conversion des païens au christianisme. Mais ce qui acheva de les perdre, ce fut leur conduite politique. ... TS 746 3 "La guerre de Trente ans leur livra la Bohême et la Silésie. Bientôt ils gagnèrent la Belgique et la Pologne, et y écrasèrent le protestantisme par la violence. La Suède seule leur ferma résolument ses portes en 1593. Elisabeth les avait bannis d'Angleterre, ainsi que tous les ordres religieux en 1585. ... TS 746 4 "Nous n'avons rien dit de leur enseignement au point de vue des moeurs; la question est trop délicate; on sait seulement que plusieurs de leurs manuels ont dû être supprimés par les gouvernements, et que celui du P. Gury en particulier renferme des questions et des réponses qui ne peuvent pas être reproduites, même en latin. Les jésuites ont produit, outre leurs célèbres casuistes, Mariana, Sanchez, Escobar, des missionnaires zélés, comme Xavier; des pédagogues habiles; des savants, comme Bolland, Sirmond, Porée; des prédicateurs éloquents, comme Bourdaloue. Mais, chose curieuse, ils n'ont jamais réussi dans leurs entreprises politiques, et c'est lorsque leur influence semblait le mieux assise que leurs projets échouaient contre le réveil des souverains ou contre le bon sens des peuples. ... TS 747 1 "En vain les gouvernements demandèrent au général, le P. Ricci, quelques changements dans les constitutions de l'ordre; Ricci répondit fièrement: Sint ut sunt, aut non sint (qu'ils soient ce qu'ils sont ou qu'ils ne soient pas). Clément XIII essaya de les défendre dans sa bulle Apostolicum, en 1765, mais après sa mort, le 19 août 1773, Clément XIV publia sa bulle Dominus ac Redemptor Noster, qui supprimait les jésuites et fermait leurs collèges. Tous les Etats catholiques s'empressèrent de publier cette bulle." TS 747 2 Cette défaite, qui venait après douze siècles d'une prospérité extraordinaire pour la papauté, est appelée dans la prophétie sacrée (Apocalypse 13:5) une "blessure mortelle" qui devait être "guérie". Elle avait duré cent treize ans. TS 747 3 Par un bref pontifical daté du 13 juillet 1886, Léon XIII rétablissait les jésuites dans tous leurs privilèges. Depuis sa restauration, l'ordre n'a cessé de grandir tant dans les pays protestants que dans les pays catholiques où il suit et prépare la fortune et les progrès de l'Eglise catholique. D'abord, en Allemagne, où la menace du socialisme a obligé le chancelier de fer à se rapprocher du parti catholique et de la papauté en abrogeant ses fameuses "lois de mai" issues du Kulturkampf (1873), et en rappelant par conséquent les ordres monastiques. Les jésuites ne devaient pas tarder à voir se rouvrir des portes que, du reste, ils n'avaient jamais franchies. -- En Angleterre, l'influence du jésuitisme est visible dans le mouvement ritualiste et dans de nombreuses conversions au sein de l'aristocratie. -- Aux Etats-Unis, où l'immigration a donné à l'élément catholique une puissance numérique très grande, l'influence des ordres et notamment de la "Société de Jésus" a atteint un degré inattendu qui tend à modifier les principes politiques de la grande République. -- Où l'ordre jouit actuellement du plus grand crédit et de la plus grande puissance, c'est en Belgique. -- En France, malgré toutes les fluctuations de la politique, les jésuites ont pris des revanches éclatantes en 1873, 1877 et depuis. -- La Suisse ne fait pas exception à la règle. TS 748 1 Voir Encycl. des Sciences rel., art. "Jésuites". Quesnel, Histoire des religieux de la Compagnie de Jésus, 3 vol. Utrecht, 1741; René de la Chalotais, Compte rendu des Constitutions des Jésuites, Paris 1762. Michelet et Quinet, Des Jésuites, Paris, 1843. Crétineau-Joly, Histoire religieuse, politique et littéraire de la Compagnie de Jésus, 5 vol., Paris, 1844-1845; A. de Saint-Priest, Histoire de la chute des Jésuites au XVIIIe siècle, Paris, 1846. Guettee, Histoire des Jésuites, 1858-59; Wolf, Histoire générale des Jésuites, 4 vol., Leipzig, 1863; Nippold, L'Ordre des Jésuites depuis sa restauration jusqu'à l'époque actuelle, Heidelberg, 1869. TS 748 2 Page 250. L'inquisition. -- Voir sur ce trop fameux tribunal: Catholic Encyclopaedia, art. "Inquisition", par J. Blötzer, Munich; H. C. Lea, Histoire de l'Inquisition au Moyen Age, trad. Salomon Reinach, Paris, 1900-1902; Llorente, Histoire critique de l'Inquisition d'Espagne, 4 vol., Paris, 1817; Hefele, Le Cardinal Ximenès, Tubingue, 1844; Encycl. des Sciences rel., art. "Inquisition", vol. VI, p. 735-752; E. Vacandard, L'Inquisition, étude historique et critique sur le pouvoir coercitif de l'Eglise, Paris, Bloud, 1912. TS 748 3 Page 286. consequences logiques de la persecution en France ou causes de la revolution française. -- Plusieurs historiens jouissant d'une juste considération font remonter les causes de la Révolution française à la proscription de la Réforme et du peuple de la Réforme -- c'est-à-dire de la Parole de Dieu -- par l'ensemble de la nation. Voir Lorimer (The Protestant Church in France); Buckle (History of the Civilisation in England), H. von Sybel (History of the French Revolution). TS 748 4 Dans la littérature française, il faut citer un remarquable morceau de "philosophie de l'histoire" par Edgar Quinet, morceau où la douleur tourne à l'ironie, et que cet historien intitule lui-même: Des Dragonnades à la Terreur. Nous le reproduisons in-extenso: TS 748 5 "Dans la vie privée, il n'est pas juste que les fils expient la faute des pères. C'est une idée admise par notre temps. Mais dans la vie des peuples, cette philosophie échoue; et il est certain que les générations sont châtiées des fautes des générations précédentes. Voilà le seul moyen de donner une explication du règne de la Terreur. TS 748 6 "Comme Louis XVI a été frappé à cause de l'iniquité des rois qui l'avaient précédé, de même les Français de tous les rangs ont été punis en 1793 et 1794, par la Terreur, de la servilité de leurs ancêtres. Le glaive a frappé sur tous les rangs, parce que la servitude avait été l'oeuvre de tous. L'histoire de France se dénoue avec fureur dans ces années d'épouvante; la colère d'en haut tranche le noeud gordien des dix derniers siècles. De toutes les révolutions, la Révolution française a été la plus sanglante, parce que l'histoire de France est celle qui avait laissé s'accumuler le plus d'iniquités. La fureur a dû être plus grande là où la patience avait été la plus longue. TS 749 1 "Ce fut un avantage [!] incommensurable pour les terroristes d'avoir pour précédents et pour modèles les déclarations ordonnées de Louvois dans la Révocation. Sans doute, le même esprit, qui veut que tout serve d'exemple dans notre histoire, a préparé de loin ces admirables précédents, afin que le chemin fût tracé à la postérité. Car les terroristes, grâce à ce plan magnifique et tout divin [!], privilège unique de notre race, ont pu marcher avec sûreté dans cette voie de sang. Chaque étape était marquée d'avance. Merlin de Douai s'appuie sur Louvois, Fouquier sur Bâville. L'ange pieux [!] de l'extermination, sans nul doute, avait pris soin pour nous de frayer cette route. Les noyades de la Loire ont eu leurs modèles: au XVIIe siècle, un Planque proposait que l'on noyât en mer les protestants. Avertissement à Carrier. Villars menace de passer des populations entières au fil de l'épée; c'est déjà le langage de Collot-d'Herbois. Montrevel invente la loi des otages; le Directoire n'aura qu'à la faire revivre. TS 749 2 "Mais, avouons-le, la Terreur de 1793 ne sut pas égaler en tout la Terreur de 1687. En cela il y eut décadence. On ne revit pas la même patience dans les bourreaux, ni des supplices si longs, ni des morts que Bâville faisait savourer, sous ses yeux, pendant des journées entières. 93 n'employa pas la torture; il ne brûla ni n'écartela ses victimes; il ne rompait pas les os des condamnés avant de les jeter grouillants dans le bûcher. TS 749 3 "Véritablement, il n'est guère possible à un Français de lire les horreurs de la Révocation de l'Edit de Nantes; elles ont eu pour nous de trop fatales conséquences qui saignent encore. Elles ont fait entrer dans nos coeurs le mépris des choses morales quand elles sont aux prises avec la soldatesque. Il en est resté une admiration indélébile pour l'oeuvre du sabre, un ricanement interminable devant la conscience qui ose résister. TS 749 4 "Dragonner les esprits, sabrer les croyances, écharper les idées, opposer l'esprit troupier à l'enthousiasme naïf, rien ne semble plus simple. Ces corbeilles remplies de têtes et envoyées au gouverneur, ces novateurs convaincus et brusquement réduits au silence à coups de pistolet, ces intrépides [!] et incomparables charges de dragons contre de petites filles de sept ans, ces héroïques [!] soldats plus furieux que des "ours", qui se couvrent de gloire en fusillant à bout portant, massacrant les enfants en extase, toutes ces voix de suppliciés qui se taisent lâchement [!] sous le bruit des tambours, ces troupeaux d'âmes livrées aux moqueries des régiments, que tout cela est magnifique et bien fait pour établir dans les coeurs la pure religion du sabre! Car enfin, on ne niera pas que le sabre a fort bien converti en Poitou et en Saintonge. [!] TS 750 1 "Comment ces cinq cent mille hommes d'élite ont-ils pu être arrachés à la France, sans que les pierres aient crié? Comment un pareil silence, puis presque aussitôt un pareil oubli? Et ce n'était pas la passion, le fanatisme qui rendirent la France si aisément complice de ces persécutions. Ce fut obéissance au maître. TS 750 2 "Quand le XVIIIe siècle se leva, les supplices ne se lassèrent pas. Les gibets marquèrent les jours. Les héros des Cévennes, torturés, rompus vifs, puis écartelés, puis brûlés au milieu des ricanements de la foule et laissés en pâture aux corbeaux, remplissent d'abord la scène. Ils montrent ce qu'on pouvait encore trouver de barbarie sous l'élégance et la frivolité de ce temps. Les meurtres paraissent plus odieux parce qu'ils sont ordonnés sans foi et par routine. Les juges continuent de condamner, les bourreaux de tuer, par servilité, par complaisance. TS 750 3 "Au milieu de tant d'horreur, la France n'avait témoigné ni regret ni pitié. Quelques années s'étaient passées; elle avait tout oublié. Ces plaintes déchirantes des exilés, ces demandes de garanties, cette dignité de l'individu, cette résistance à l'oppression, ce sérieux du coeur, ne parurent bientôt aux Français qu'un style de "réfugiés". Cela aida sans doute les proscrits à affermir leurs coeurs sans regarder en arrière. TS 750 4 "Les persécutions que les catholiques ont fait subir aux protestants ont corrompu les premiers. La comparaison perpétuelle, que les intendants étaient chargés de faire entre la conviction religieuse et les intérêts, était avilissante pour tous. TS 750 5 "Déjà l'exemple de la noblesse, par ses abjurations intéressées, avait enseigné bien haut qu'il n'y a qu'une chose sérieuse dans la vie: les biens et la fortune. [!] C'était le mot de Bâville. TS 750 6 "Il y eut quelque chose de plus odieux que les supplices. Je veux dire les mépris, les brutalités, les outrages envers les convictions. On donnait huit jours à une population pour se convertir: après cela le sabre. La légèreté, comme tyran, aidait à la cruauté. On riait de ces âmes quand on les avait flétries. Le duc de Noailles écrit à Louvois: "Le nombre des religionnaires dans cette province est de 240 000. Je crois qu'à la fin du mois, tout sera expédié." Jamais pareil cynisme dans la persécution. On ne recevait les hommes à merci qu'après les avoir dégradés. L'athéisme devait sortir de là; Bayle eut le mérite de l'annoncer le premier. TS 751 1 "Louis XIV, Louvois, Tellier [jésuite, confesseur du roi] extirpèrent Dieu. Les missionnaires bottés déchristianisèrent les catholiques. TS 751 2 "Cette histoire dégouttante de sang et de meurtre, pleine de gibets, de roues et de galères, produisit le mépris de toute religion, des vainqueurs comme des vaincus; le carnage continua par habitude quand le fanatisme fut rassasié. La régence vint; elle fit une nation athée. Mais le XVIIIe siècle continua de massacrer, de pendre, d'étrangler, par amusement. ... TS 751 3 "Ainsi la Terreur a été le legs fatal de l'histoire de France. TS 751 4 "Note de l'auteur. -- J'ai déjà marqué cette tradition dans Le Christianisme et la Révolution française, 1845, et dans la Philosophie de l'Histoire de France, 1854." (La Révolution, tome II.) TS 751 5 C'est nous qui soulignons dans les trois derniers paragraphes. TS 751 6 Pour bien apprécier la justesse de ce legs fatal, il faut savoir ce que furent les dragonnades, ce que fut la Révocation de l'Edit de Nantes. Aussi croyons-nous utile de signaler au lecteur le tableau d'ensemble clair, précis, poignant dans sa simplicité, qu'en donne l'Histoire des Protestants de France, par Charles Bost, pasteur au Havre (éd. de la Cause, Neuilly-sur-Seine, 1925, p. 79-126). TS 751 7 Quelques mois avant de mourir, en 1715, Louis XIV déclara officiellement que tous les anciens protestants du royaume étaient censés avoir abjuré. Et cependant, après tous ses "revers, voyant la monarchie dépérir en ses mains décrépites, et sortant enfin de son long aveuglement, il rappela à ses conseillers, laïques et ecclésiastiques, qu'il n'avait rien fait ni décidé, en matière de religion, que d'après leurs avis, et que ce serait à eux, à Le Tellier [son confesseur jésuite] et aux cardinaux, à répondre devant Dieu des erreurs qu'il avait pu commettre". (Chastel, Histoire du Christianisme, tome IV, page 203.) TS 751 8 Page 287. Dates prophétiques. -- Voir note pour la page 355. TS 751 9 Page 288. La guerre à la Bible au moyen âge. -- "Le décret de Toulouse, 1229, ... établissait le tribunal affreux de l'inquisition contre tous les lecteurs de la Bible en langue vulgaire. C'était un décret de feu, de sang et de dévastation. Dans ses chapitres III, IV, V et VI, il ordonnait qu'on détruisît entièrement jusqu'aux maisons, aux plus humbles cachettes et même aux retraites souterraines des hommes convaincus de posséder les Ecritures, qu'on les poursuivît jusque dans leurs forêts et les antres de la terre, qu'on punît même sévèrement jusqu'à leurs receleurs." En conséquence, l'Ecriture "fut prohibée partout; elle disparut en quelque sorte de dessus la terre, elle descendit au sépulcre. ... Ces décrets de mort promulgués d'abord au concile de Toulouse [furent] suivis durant 500 années d'innombrables supplices où le sang des saints coula comme de l'eau." (L. Gaussen, Le Canon des Saintes Ecritures, tome II, ch. VII, sec. 5, thèse 561, et ch. XIII, sec. 2, thèse 641, par. 2.) Voir E. Petavel, La Bible en France, ch. II, par. 3, 8-10, 13, 21 (édition de Paris, 1864); D. Lortsch, Histoire de la Bible en France, ch. II et III, p. 12-44. Paris et Genève, 1910. TS 752 1 Page 291. Un peuple athée et licencieux en 1793. -- Paroles de sir Walter Scott, dans sa Vie de Napoléon Bonaparte. La seconde citation est tirée de Blackwood's Magazine, numéro de novembre 1870. La troisième, au bas de la même page est encore de Walter Scott, Ouv. cité. Comme on l'a vu à la note pour la page 286, cette vague d'incrédulité et d'immoralité qui submergeait tout un peuple avait des causes lointaines et bien précises. Voici encore quelques témoignages à l'appui de cette thèse: TS 752 2 "La France, écrit Paul Seippel, se saigna du meilleur de son sang et l'infusa aux nations voisines pour leur plus grand bien. Par les lois de l'hérédité, cet affaiblissement se fera sentir sur tout le cours de son histoire." (Les Deux Frances.) TS 752 3 "Depuis plus d'un siècle, a dit M. Brunetière, [les protestants] représentaient la substance morale de la France. ... N'avoir pas senti ce qu'il y avait de force et de vertu morale dans le protestantisme, avoir sacrifié au règne de l'unité extérieure et apparente la plus substantielle des réalités, n'avoir pas compris que tout ce qu'on entreprenait contre le protestantisme, on l'accomplissait au profit du déisme et du libertinage, voilà ce qu'on ne saurait trop reprocher à la mémoire de Louis XIV [ou plutôt à celle du clergé influencé par la cour de Rome]." (Cité par Bonnet-Maury, Idem.) TS 752 4 "... Epoque de démoralisation profonde et de scandaleuse incrédulité, dit Vulliet. L'exemple était parti de France, et nulle part le désordre moral ne se montra aussi grand. Mais la contagion se répandit cependant dans tout l'Occident, préparant les terribles calamités qui devaient affliger l'Europe vers la fin du XVIIIe siècle." TS 753 1 "A la vue de pareils scandales, donnés par l'élite de la société française, on se demande s'il aurait été possible que de tels faits ne rendissent pas incrédule la génération qui en était témoin. Comment les esprits généreux ne se seraient-ils pas détournés avec dégoût d'une Eglise qui, tout en se respectant si peu elle-même, maintenait à toute outrance contre les malheureux protestants les édits persécuteurs de Louis XIV, les traquait comme des bêtes fauves dans les déserts où ils allaient rendre à Dieu leur culte, brûlait ou rouait leurs ministres, entassait leurs adhérents les plus zélés sur les galères du roi, enfouissait dans les cachots d'Aigues-Mortes de pauvres femmes prises en flagrant délit de prière dans quelque maison isolée ou au fond des bois?" (Histoire moderne, Préludes de la Révolution, 3e éd., p. 351, 352, 353. G. Bridel, Lausanne.) TS 753 2 "Rien n'est triste comme l'histoire religieuse du dix-huitième siècle. La piété languit; la science est nulle, du moins du côté des défenseurs du christianisme. En Angleterre et en Allemagne, un vent desséchant souffle sur les coeurs et les esprits. ... TS 753 3 "Et cependant, les attaques de la philosophie sont plus pressantes et toujours mieux écoutées. Il faut bien y répondre. Le plus souvent, les répliques ne s'élèvent pas au-dessus d'un indigeste fatras; si l'on excepte Duguet et l'abbé Guenée, les champions de la foi ne surent montrer ni vigueur d'argumentation, ni science solide. Il aurait fallu d'ailleurs qu'ils pussent dégager la vérité de l'Evangile de tout ce qui la surchargeait et la rendait haïssable, dans une Eglise privilégiée, opulente et oppressive. ... TS 753 4 "[Le clergé de] Paris se signale par de déplorables scandales. Trop souvent il sert une messe à laquelle il ne croit plus; il porte à l'autel les parfums du boudoir. La race des abbés galants et libres-penseurs est nombreuse." (L'Eglise et la Révolution française, par E. de Pressensé, Paris, 1864, p. 13, 14, 15.) TS 753 5 "La débauche avait jusqu'alors gardé certains voiles; [sous la Régence] le cynisme des moeurs, comme celui de la pensée, s'affiche tout haut. ... Jamais il ne s'était vu telle légèreté de conduite ni telle licence d'esprit." (Duruy, Histoire de France, 21e édition, tome II, p. 358.) TS 753 6 Page 293. Cruautes commises au siècle Poli de Louis XIV. -- Wylie, Hist. of Protestantism, liv. XXII, ch. 7. TS 753 7 Dans un discours prononcé à Paris, le 23 octobre 1885, le pasteur Eugène Bersier fait allusion au "drame atroce qui se reproduit sur tous les points de la France, dans ce siècle qui s'émeut aux vers mélodieux de Racine, qui savoure les enseignements de la morale la plus délicate, et qui vante la clémence et la douceur de Louis". (Quelques pages de l'Histoire des Huguenots, par Eugène Bersier, Paris, Fischbacher, 1891, p. 120.) TS 754 1 Page 294. Glorification du massacre de la Saint-Barthélemy. -- Cité de Henry White, The Massacre of St Bartholomew. TS 754 2 Faits incontestables. "La municipalité de Paris donna des gratifications aux archers qui avaient aidé au massacre, ... aux fossoyeurs, pour avoir enterré depuis huit jours onze cents corps ou environ; enfin elle fit frapper des médailles pour mémoire du jour de Saint-Barthélemy." (Dict. adm. et histor., par F. et L. Lazare, 1855. Cité par Duruy, Hist. de France, tome II, p. 36, note. Paris, 1876.) Voir une importante bibliographie sur le sujet dans l'Encyclopédie des Sciences religieuses, par Lichtenberger. TS 754 3 "La nouvelle de la tuerie de Paris fut immédiatement portée à Rome, où le cardinal de Lorraine déclara qu'il l'avait conseillée depuis plusieurs mois. Le pape, qui crut à une conspiration huguenote, ordonna des actions de grâces. Il fit exécuter un tableau de la scène et frapper une médaille commémorative. Rentré en France, le cardinal de Lorraine, au nom du clergé du royaume, félicita publiquement le roi de son acte; il lui remit, de la part de l'Eglise, à titre de remerciements, un don d'argent considérable, avec, en plus, 800 000 livres pour Henri d'Anjou." (Ch. Bost, Histoire des Protestants de France, p. 66.) TS 754 4 Page 294. Écrasez L'infâme. -- Confondant -- comme aujourd'hui encore -- le pur Evangile avec la superstition et le despotisme clérical, les incrédules de la fin du XVIIIe siècle attaquèrent la religion chrétienne avec une violence inouïe. TS 754 5 "Voltaire, en parlant de Jésus-Christ et de sa religion, disait habituellement à ses amis: "Ecrasez l'infâme", et, écrivant à d'Alembert pour l'animer contre le christianisme, il lui mandait (lettre du 18 mai 1762): "Il faut qu'il y ait cent mains invisibles qui percent le monstre, et qu'il tombe enfin sous mille coups redoublés." (Crimes de la Révolution française, par un curé, Paris, 1820, p. 109.) TS 754 6 "Pendant plus de vingt ans, dit l'abbé Pagès, on entend Voltaire crier sans répit à ses disciples: "Ecrasons l'infâme"", c'est-à-dire le christianisme, qu'il nomme aussi l'erreur, le préjugé, le fanatisme, la superstition, le colosse, le monstre, etc. TS 755 1 "Ah! frère, écrivait-il au marquis d'Argens, si vous voulez "écraser l'erreur, frère, vous êtes bien tiède!" TS 755 2 "A d'Alembert, le 8 avril 1761: "Que nul, ... n'oublie le premier des devoirs, qui est d'anéantir l'infâme; confondez l'infâme le plus que vous pourrez." TS 755 3 "A Damilaville, le mois suivant: "Courez tous sur l'infâme habilement. Ce qui m'intéresse, c'est le progrès de la philosophie et l'avilissement de l'infâme."" TS 755 4 "A Helvétius, le 1 mai 1763: "Vous pouvez plus que toujours écraser l'erreur."" TS 755 5 "A d'Alembert, le 28 septembre 1763: "J'ai toujours peur que vous ne soyez pas assez zélé. Vous enfouissez vos talents, vous vous contentez de mépriser un monstre qu'il faut abhorrer et détruire. Que vous coûterait-il de l'écraser en quatre pages, ayant la modestie de lui laisser ignorer qu'il meurt de votre main?" (L'Héroïsme du Clergé pendant la Révolution française, par l'abbé Pagès, p. 4, 5, 6.) TS 755 6 "Ils formaient une ligue (ce qui est patent), leur correspondance en fournit d'irrécusables preuves. Le christianisme y est désigné du nom d'infâme ou de superstition christicole; les apôtres y sont appelés douze faquins (1). On y conseille de mépriser les plus savants penseurs "autant que s'ils étaient des saints Pères" (2). Il y est parlé de l'extravagance et de la fourberie de saint Paul (3). On y voit un M. Desmarets qui s'en va faire des observations d'histoire naturelle pour "donner le démenti à Moïse" (4). Leur plan était si connu, que le lieutenant de police, M. Hérault, disait à Voltaire: "Vous avez beau faire, Monsieur, quoi que vous écriviez, vous ne viendrez pas à bout de détruire la religion chrétienne." Et celui-ci n'hésitait pas à lui répondre: "C'est ce que nous verrons (5)." "O mes philosophes! s'écriait le chef de la conjuration, il faudrait marcher serrés comme la phalange macédonienne ...; vous enfouissez vos talents, vous vous contentez de mépriser un monstre qu'il faut abhorrer et détruire ...; travaillez donc à la vigne, écrasez l'infâme (6)." TS 755 7 Sources données par Roselly de Lorgues (Le Christ devant le siècle); (1) Voltaire, lettre à d'Alembert, 24 juin 1760. (2) Voltaire, lettre à Damilaville, 1765. (3) Voltaire, lettre à d'Alembert, 13 janvier 1769. (4) D'Alembert, lettre à Voltaire, 30 juin 1764. (5) Barruel, Mémoires pour servir à l'histoire du Jacobinisme. (6) Voltaire, lettres à d'Alembert, 20 avril 1761, 28 septembre 1763, 13 février 1764. (L.-F. Hivert, éditeurs, Paris, 1842.) TS 755 8 Page 295. Apostasie de l'évêque Gobel. -- Scott, ouvrage cité plus haut. L'abjuration de l'évêque Gobel, des évêques Lindet, Lalande et autres fut accompagnée ou suivie de celle de pasteurs protestants et de rabbins. Les rétractations furent suivies d'offrandes patriotiques tirées des trésors des églises et synagogues: chapes, vases précieux, ornements sacerdotaux, coupes d'argent, etc. TS 756 1 Page 297. L'atheisme de la convention. -- Scott, ouvrage cité. TS 756 2 Pour rendre d'une façon vivante et concise l'attitude et les intentions des Conventionnels en ce qui concernait la religion, Taine les fait parler en ces termes: TS 756 3 "Nous avons déjà honni de France les ecclésiastiques insermentés, environ quarante mille prêtres, et nous déportons tous ceux qui n'ont pas franchi la frontière dans le délai fixé; nous ne souffrons sur le sol français que les sexagénaires et les infirmes, et encore à l'état de détenus et de reclus; peine de mort contre eux, s'ils ne viennent pas s'entasser dans la prison de leur chef-lieu; peine de mort contre les bannis qui rentrent; peine de mort contre les receleurs de prêtres. Par suite, faute de clergé orthodoxe, il n'y aura plus de culte orthodoxe. La plus dangereuse des deux manufactures de superstition [catholicisme et protestantisme] est fermée. ... Privé de conducteurs par ces désertions volontaires ou forcées, le troupeau catholique se laissera aisément mener hors de la bergerie, et, pour lui ôter la tentation d'y rentrer, nous démolirons le vieil enclos. TS 756 4 "Dans les communes où nous sommes maîtres, nous nous ferons demander, par les jacobins du lieu, L'abolition du culte, et nous l'abolirons d'autorité dans les autres communes par nos représentants en mission. Nous fermerons les églises, nous abattrons les clochers, nous fondrons les cloches, nous enverrons les vases sacrés à la Monnaie, nous briserons les saints, nous profanerons les reliques, nous interdirons l'enterrement religieux, nous imposerons l'enterrement civil, nous prescrirons le repos décadi et le travail du dimanche. TS 756 5 "Point d'exception: puisque toute religion positive est une maîtresse d'erreurs, nous proscrirons tous les cultes; nous exigerons des ministres protestants une abjuration publique; nous défendrons aux juifs de pratiquer leurs cérémonies; nous ferons "un autodafe de tous les livres et signes du culte de moise". Mais, parmi les diverses machines de jonglerie, c'est la catholique qui est la pire, la plus hostile à la nature par le célibat de ses prêtres, la plus contraire à la raison par l'obscurité de ses dogmes, la plus opposée à l'institution démocratique, ... puisque son chef est hors de France. ... TS 757 1 "Rien ne nous tient plus à coeur que cette guerre au catholicisme; aucun article de notre programme ne sera exécuté avec autant d'insistance et de persévérance, c'est qu'il s'agit de la verité: nous en sommes les depositaires, les champions, les ministres, et jamais serviteurs de la vérité n'auront appliqué la force avec tant de détail et de suite à l'extirpation de l'erreur. ... TS 757 2 "A la vérité, nous avons à garder les apparences, et, en parole, nous décréterons la liberté des cultes. Mais, en fait et en pratique, nous détruirons l'officine et nous empêcherons le débit de la drogue; Il n'y aura plus de culte catholique en France, pas un baptême, pas une confession, pas un mariage, pas une extrême-onction, pas une messe: nul ne fera ou n'écoutera un sermon, personne n'administrera ou ne recevra un sacrement sauf en cachette et avec l'échafaud et la prison pour perspective." (Les Origines de la France contemporaine, par H. Taine, vol. VII, Paris, Hachette, 1904, 24e éd.) TS 757 3 "C'est en vain que pour ranimer la ferveur on remplaça à Paris et dans les départements les actrices par les prostituées. L'ennui et le dégoût frappèrent le nouveau culte dès ses débuts. On essaya de l'égayer par la débauche. L'église de Saint-Eustache fut transformée en un vaste cabaret. D'anciens prêtres dansaient la carmagnole avec des courtisanes autour de grands feux où brûlaient missels et livres saints, chapes et reliques. Ce délire fut propagé comme une sorte de danse macabre sur tous les points du pays. A Lyon, un âne fut promené processionnellement, revêtu des ornements sacerdotaux." (L'Eglise et la Révolution française, par E. de Pressensé, Paris, 1864, p. 280.) TS 757 4 La Bible livrée aux flammes. -- Dans le numéro du 14 novembre 1793 de la Gazette nationale et Moniteur universel, on lit: TS 757 5 "Le club du Musée annonce [à la Convention] que les citoyens de cette section ont fait justice de tous les livres de la superstition et du mensonge. Bréviaires, livres de prières, anciens et nouveaux testaments ont expié, dans un grand feu, les folies qu'ils ont fait commettre au genre humain." TS 757 6 Un peu plus loin, le même journal raconte qu'à Lyon, après avoir fait boire du vin à un âne en parodie de la sainte Cène, on lui fit traîner une Bible par les rues. TS 757 7 "N'a-t-on pas vu pousser l'impiété jusqu'à contraindre qu'on livrât les Livres Saints et liturgiques pour être brûlés publiquement?" (Crimes de la Révolution française, par un curé, Paris, 1820, p. 106.) TS 758 1 Voilà comment la "Bête qui monte de l'abîme", devait faire "la guerre aux deux témoins, et les vaincre, et les tuer"; et comment leurs corps morts devaient "demeurer étendus dans la place de la grande cité". Apocalypse 11:7, 8. TS 758 2 La mort des deux temoins, d'après Jurieu. -- Dans son livre: L'Accomplissement des prophéties, publié à Rotterdam en 1686, (vol. II, p. 175), Pierre Jurieu commente en ces termes le verset 8 d'Apocalypse chapter 11: TS 758 3 "Il est à observer qu'il n'y a pas dans le texte sur les places, au pluriel, comme dans notre version française; il y a sur la place, au singulier. Et je ne saurais m'empêcher de croire que ceci a un particulier égard à la France, qui est assurément aujourd'hui la plus éminente des provinces de l'Empire du Papisme. Son roi s'appelle le Fils aîné de l'Eglise, le Roy très chrétien, c'est-à-dire très papiste, d'après la langue de Rome. Ce sont les rois de France qui ont fait grands les papes par leurs libéralités. C'est l'Etat de l'Europe aujourd'hui le plus florissant. C'est, en un mot, la place de la grande cité. Et je crois que c'est particulièrement en France que les témoins doivent demeurer morts; c'est-à-dire que la profession de la véritable religion doit être entièrement abolie. ... la vérité sera mise à mort, mais elle ne sera pas ensevelie. La sépulture est un degré au-delà de la mort, elle est toujours conjointe avec la corruption et la destruction totale." TS 758 4 L'auteur de cette étonnante interprétation faite cent sept ans avant l'événement, naquit près de Blois, en 1637, et mourut en 1713, à Rotterdam, où il était pasteur des réfugiés français. Appelé, de son vivant, "l'illustre Jurieu", il combattit avec véhémence le régime persécuteur qui régnait en France, et soutint une longue et âpre controverse avec Bossuet, Maimbourg, Arnauld, Bayle et autres. TS 758 5 C'est nous qui avons mis les majuscules dans le texte qui précède. TS 758 6 Trois ans et demi. (Voir page 308.) -- La prophétie annonçait qu'au bout de trois ans et demi -- représentés par la période prophétique et symbolique de trois jours et demi -- on verrait un revirement complet se produire. Cet événement se rencontre à la date fixée par la prophétie, sur les pages de la Gazette nationale et Moniteur universel. La proscription solennelle de tous les cultes avait été rendue le 30 Brumaire, soit le 20 novembre 1793. Le décret officiel de réhabilitation fut rendu par le Corps législatif ou Conseil des Cinq-Cents le 17 juin 1797, soit au bout de trois ans, six mois et vingt-huit jours! TS 759 1 Page 298. Responsabilité respective du trône et de l'eglise. -- Dans le saisissant tableau de Quinet, que nous reproduisons à la note correspondant à la page 286 (Conséquences logiques de la persécution en France), cet historien semble faire retomber sur la monarchie, sur le gouvernement civil, la responsabilité principale desdites persécutions. La vérité exige d'en attribuer la part principale au clergé de l'Eglise, guidé par la Curie romaine. La persécution fait partie de son dogme "infaillible". Mgr Beaudrillart, évêque d'Himeria et plus tard cardinal, en fait l'aveu avec une franchise étonnante lorsqu'il écrit: TS 759 2 "En face de l'hérésie, l'Eglise ne se borne pas à persuader; les arguments d'ordre intellectuel et moral lui paraissent insuffisants; elle a recours à la force, aux châtiments, aux supplices; elle crée des tribunaux comme celui de l'Inquisition; elle invoque les lois de l'Etat; au besoin, elle déchaîne la croisade, la guerre sainte, la guerre de religion; et toute son "horreur du sang" ne va dans la pratique qu'à le faire verser par le bras séculier, quand il s'y prête, ce qui est presque plus odieux, parce qu'en apparence moins franc, que de le verser soi-même. C'est ce qu'elle a fait notamment au XVIe siècle à l'égard des protestants. Elle ne s'est pas bornée à se régénérer moralement, à prêcher d'exemple, à convertir les peuples par d'éloquents et saints missionnaires; elle a allumé en Italie, aux Pays-Bas et surtout en Espagne, les bûchers de l'Inquisition; en France, sous François 1 et Henri II, en Angleterre sous Marie Tudor, elle a torturé les hérétiques; en France et en Allemagne, pendant la seconde moitié du XVIe et pendant la première moitié du XVIIe siècle, si elle n'a pas commencé, du moins elle a encouragé et efficacement soutenu les guerres religieuses." (P. 222, 223.) (Alfred Beaudrillart, professeur à l'Institut catholique de Paris, L'Eglise catholique, la Renaissance, le Protestantisme, conférences données à l'Institut catholique, janvier à mars 1904. Avec une lettre-préface de S. E. le cardinal Perraud, de l'Académie française. Paris, Bloud et Cie, 1904.) TS 759 3 Page 301. La misere en France après la revocation et les dragonnades. -- "L'un des plus grands serviteurs de la France, Vauban, dans un mémoire confidentiel adressé à Louvois avait, dès 1688, déploré la désertion de 150 000 hommes, la sortie de 60 millions, la ruine du commerce, les flottes ennemies grossies de 9 000 matelots, les meilleurs du royaume, les armées étrangères de 600 officiers et de 12 000 soldats aguerris. Ce n'était là qu'une partie de la vérité, et, dans les années qui suivirent, l'émigration continua, bravant une répression toujours plus cruelle. ... TS 760 1 "On se rappelle les bénédictions divines que l'épiscopat français avait annoncées à Louis XIV; en face de ces prophéties il faut placer un document accablant, ce sont les Mémoires des Intendants du Roi exposant la situation du royaume vers 1700; cette enquête avait été provoquée par le duc de Beauvilliers, gouverneur du fils du Dauphin. Dans ces in-folios manuscrits dont Boulainvilliers publia quelques années plus tard un résumé en trois volumes sous ce titre: Etat de la France, on peut voir ce qu'avait produit l'absolutisme politique et religieux; notez que tout y est singulièrement atténué, car c'était chose fort périlleuse que de déplaire au Roi. TS 760 2 "D'après ces rapports, la population du royaume, de 22 millions était tombée à 19; les ponts, les chaussées se dégradaient partout; les routes étaient peu sûres, les famines périodiques; la marine marchande était ruinée en Normandie et en Saintonge; en certaines provinces, les propriétaires ne touchaient que la dixième partie des fermages qui leur étaient dus; dans la généralité de Rouen, sur 750 000 habitants, 500 000 couchaient littéralement sur la paille. En Touraine, le tiers des laboureurs était parti; Tours avait 80 000 habitants, il n'en a plus que 33 000; Troyes en avait 60 000, il n'en a gardé que 20 000; même décadence à Nantes, à Caen, à la Rochelle; le Périgord a perdu le tiers de sa population; l'Anjou, le quart, le Dauphiné, le huitième. TS 760 3 "En apprenant ces choses, le Roi fut consterné; Fénelon qui les connaissait, voyait la monarchie incliner vers l'abîme; le Conseil du Roi demanda que l'on consultât les évêques sur la question des protestants; le cardinal de Noailles, archevêque de Paris, inclinait vers la tolérance et rappelait l'exemple de l'Eglise des premiers siècles; en dehors de lui l'épiscopat tout entier se prononça dans un sens contraire, et, tout en avouant que les conversions obtenues par la force étaient peu de chose, il demanda que l'on continuât l'emploi de la contrainte en vue de sauver les générations à venir." (Quelques Pages de l'Histoire des Huguenots, par Eugène Bersier, Paris, Fischbacher, 1891, p. 134, 183.) TS 760 4 "La guerre, la mortalité, les logements et passages continuels des gens de guerre, la milice, les gros droits, la retraite des huguenots ont ruiné ce pays. ... Ces mots désolants, dit Duruy, reviennent à chaque page des mémoires que le roi demandait aux intendants à l'intention du duc de Bourgogne, son petit-fils, sur la situation de leurs provinces. ... TS 761 1 "Les ponts, les chemins sont dans un état déplorable et le commerce anéanti. ... Dans la généralité de Rouen, sur 700 000 habitants, 650 000 ont pour lit une botte de paille. Le paysan, dans certaines provinces, revient à l'état de sauvagerie: vivant le plus souvent d'herbes et de racines, comme les bêtes; et farouche comme elles, il fuit quand on l'approche. "Il n'y a point de nation plus sauvage que ces peuples", dit de ses administrés l'intendant de Bourges; "on en trouve quelquefois des troupes à la campagne, assis en rond au milieu d'un champ et toujours loin des chemins; si l'on approche, cette bande se dissipe aussitôt." (Duruy, Histoire de France, tome II, 21e éd., p. 311.) TS 761 2 "Sous la Régence, dit le même auteur, la noblesse [était] accablée de dettes; ... les paysans en certaines provinces, manquant de tout, même de paille pour se coucher; ceux des frontières passant à l'étranger; beaucoup de parties du territoire incultes et désertes." (Idem, p. 349.) TS 761 3 Taine cite de nombreux témoignages qui confirment et accentuent ce tableau. (Ouv. cité, tome II, p. 200, 24e édition, Hachette, 1920.) TS 761 4 "Quel fut le nombre des exilés, victimes de l'Edit de Révocation?" demande D. Bonnefon (dans son Histoire de l'Eglise). Il répond: "On ne l'a pas encore précisé et peut-être ne le saura-t-on jamais. L'émigration enleva à la France environ 500 000 protestants, 1 580 pasteurs, 2 300 ouvriers, 1 500 gentilshommes. L'Etat et le clergé s'emparèrent de dix-sept mille propriétés confisquées à leurs légitimes possesseurs, chassés du pays de leurs pères. Les conséquences de cette émigration furent déplorables pour la France. La prospérité intérieure fut tout à coup suspendue, car les protestants avaient à peu près le monopole du commerce et de l'industrie. Par contre, ils enrichirent les contrées qui leur donnèrent asile, et devinrent les promoteurs de leur prospérité." (Paris, Bonhours et Cie, p. 373.) TS 761 5 Parlant du règne de Louis XIV, Calonne l'appelle: "Ce règne éclatant, où l'Etat s'appauvrissait par des victoires, tandis que le royaume se dépeuplait par l'intolérance." (Idem.) TS 761 6 "Dans un mémoire portant ce titre, Pour le rappel des Huguenots, présenté à Louvois, au mois d'octobre 1669 [Vauban] constata que le projet de réunir tous les réformés à l'Eglise catholique, apostolique et romaine avait échoué et que l'Edit révocatoire, loin de produire les effets attendus, avait causé [des maux innombrables]." (G. Bonnet-Maury, Histoire de la Liberté de Conscience en France, p. 58.) TS 762 1 Page 305. Souffrances du clergé et des catholiques sous la convention. -- Voir l'Histoire religieuse de la Révolution française de Pierre de la Gorce, de l'Académie française, en cinq volumes (Plon-Nourrit, Paris). Aux volumes II et III, l'auteur décrit les exodes et les emprisonnements de curés et d'évêques, cite les églises supprimées, démolies, désaffectées. A Bordeaux, les catholiques, injuriés, traqués, assaillis, expulsés, célèbrent leur culte clandestinement et la nuit. L'expulsion antireligieuse est accompagnée de déportation, de massacres et de noyades de prêtres. TS 762 2 "On calcule qu'au sortir de la Terreur la liste totale des fugitifs et des bannis contenait plus de cent cinquante mille noms. Il y en aurait eu davantage, si la frontière n'avait pas été gardée par des patrouilles, si, pour la franchir, il n'avait pas fallu risquer sa vie, déguisé, errant la nuit, en plein hiver, à travers les coups de fusil, décidé à se sauver coûte que coûte, pour aller, en Suisse, en Italie, en Allemagne et jusqu'en Hongrie, chercher la sécurité et le droit de prier Dieu à leur façon. -- Si quelqu'un des exilés ou déportés se hasarde à rentrer, on le traque comme une bête fauve: sitôt pris, sitôt guillotiné." (Quinet, Ouvrage cité, p. 116.) TS 762 3 Page 305. Atrocités commises sous la terreur. -- "Quelque temps avant Thermidor, dit le représentant Beaulieu, le nombre des détenus s'élevait à près de quatre cent mille; c'est ce qui résulte des listes et des registres qui étaient alors au Comité de Sûreté générale." Edgar Quinet dépeint la barbarie avec laquelle étaient traités ces malheureux prisonniers, qui expiaient en quelque sorte, et sans le savoir, les cruautés que leurs pères avaient infligées, des siècles durant, au peuple de Dieu. (Ouvrage cité, p. 122-124.) TS 762 4 "... Le meurtre après jugement ou sans jugement -- 178 tribunaux, dont 40 sont ambulants, prononcent, dans toutes les parties du territoire, des condamnations à mort, qui sont exécutées sur place et à l'instant. Du 10 avril 1793 au 9 Thermidor An II, celui de Paris fait guillotiner 2625 personnes, et les juges de province travaillent aussi bien que les juges de Paris. ... Le relevé de ces meurtres n'est pas complet, mais on en a compté dix-sept mille, "la plupart accomplis sans formalité, ni preuve". (Quinet, Idem, p. 126.) TS 762 5 Page 309. La réhabilitation et la diffusion des écritures. -- En novembre 1818, se constituait, avec l'autorisation du gouvernement, la Société biblique protestante de Paris, le marquis de Jaucourt étant nommé président, et le duc Decaze, premier ministre, ayant souscrit pour mille francs. -- En 1846, le ministre de la guerre fit transporter gratuitement les Bibles et les Nouveaux Testaments envoyés aux troupes d'Algérie. -- En 1833, se fondait, également à Paris, la Société biblique française et étrangère, dont le travail de trente-deux ans accusa la distribution de 750 000 volumes et une dépense totale de 2 400 000 francs. En 1864, elle fusionnait avec la Société biblique de France, fondée la même année. TS 763 1 Dès 1820, la Société biblique, britannique et étrangère -- qui collaborait depuis 1804 à la diffusion de la Bible en France -- ouvrait à Paris une Agence française, dont l'activité ne tarda pas à éclipser celle des Sociétés parallèles, grâce à l'emploi d'un nombre grandissant de colporteurs; en trente années -- de 1833 à 1866 -- le chiffre total des colporteurs engagés fut de 1800. En 1909, ladite société avait répandu en France, depuis 1804, 13 143 031 volumes, dont 5 844 643 par le colportage. En fait de distributions gratuites, la même Société a envoyé 71 612 Nouveaux Testaments aux soldats français pendant la guerre de Crimée, et un million de volumes aux soldats français et allemands pendant la guerre de 1870. Elle a distribué 400 000 Evangiles à l'Exposition universelle de Paris, en 1900, 35 000 aux victimes des inondations de 1910, etc. -- Faits intéressants à noter: en 1831, le ministre de l'Instruction publique lui avait commandé 20 000 Nouveaux Testaments pour être employés dans les écoles comme livres de classe, et les avait payés 10 000 francs. L'année suivante, les membres du Conseil royal avaient demandé, aux mêmes conditions, 20 000 Nouveaux Testaments, et un membre de ce conseil, inspecteur des écoles primaires, en avait demandé 20 000 autres pour être distribués dans les écoles de seize départements. TS 763 2 En 1804, selon M. William Canton, de la Société biblique, britannique et étrangère, tous les exemplaires des Ecritures en existence dans le monde entier, en y faisant entrer les manuscrits en toutes langues, ne s'élevaient pas au-dessus de quatre millions. Les différentes langues représentées dans ces exemplaires, en comptant les langues mortes, telles que le moeuso-gothique d'Ulfilas et l'anglo-saxon de Bède, étaient au nombre de cinquante environ. Cent ans plus tard, à la fin de son premier centenaire, la Société biblique britannique et étrangère pouvait rapporter une distribution totale, pour cette seule Société, de 186 680 101 exemplaires de Bibles, Testaments ou portions des Ecritures. Ce total s'élevait, en 1910, à plus de 220 000 000 d'exemplaires, répartis en quelque quatre cents langues différentes. TS 763 3 Il faut ajouter à ce total les millions d'exemplaires des Ecritures ou portions des Ecritures répandus en différentes langues par d'autres Sociétés bibliques ou maisons de commerce. La Société biblique américaine -- fille aînée de la Société mère, celle de Londres -- rapportait, au cours des 90 premières années de son activité, une distribution totale de 87 296 182 exemplaires. Selon une évaluation des plus modérées, quelque six millions d'exemplaires des Ecritures sont imprimés annuellement par diverses maisons de commerce, ce qui, ajouté à la production totale des Sociétés bibliques, donne le chiffre de vingt-neuf millions d'exemplaires des Ecritures mis annuellement en circulation. TS 764 1 Actuellement, la Bible est traduite en entier en 240 langues, et en partie en 1 190. Il est des dialectes dont elle est la seule littérature. Deux nouvelles versions paraissent chaque mois. -- Les ouvrages les plus traduits, après l'Ecriture sainte, sont les écrits d'Homère, en 30 langues, ceux de Shakespeare, en 35 langues, et le Voyage du Pèlerin, de Bunyan, en 80 langues. TS 764 2 Page 310. Missions étrangeres. -- Les dernières années du dix-huitième siècle ont ouvert une ère brillante d'activité missionnaire, qui ne le cède qu'à celle du premier siècle du christianisme. En 1792, se fondait la Société baptiste, avec Carey comme l'un de ses premiers missionnaires. En 1795, s'organisait la Société missionnaire de Londres; en 1799, la future Church Missionary Society, puis, peu après, la Société missionnaire wesleyenne. En 1812, les chrétiens d'Amérique, pris d'un zèle analogue, fondaient le Comité américain des Missions étrangères, et, en 1814, l'Union missionnaire baptiste. Adoniram Judson, l'un des premiers missionnaires qui quittèrent les rives de l'Amérique, mettait à la voile pour Calcutta en 1812. En 1837, s'organisait le Comité presbytérien. TS 764 3 Les sociétés de missions protestantes sont au nombre de 300. Les unes dépendent exclusivement de certaines Eglises (anglicane, épiscopale, baptiste, méthodiste, luthérienne, presbytérienne, adventiste du septième jour, etc.). Les autres sont soutenues par les amis des missions de toutes les Eglises et n'ont aucune couleur ecclésiastique. -- Une société de missions particulièrement intéressante, qui date de 1732, est la Mission morave, dont le siège est à Hernhut, en Saxe, et qui a été appelée la diaconesse des races agonisantes: Esquimaux, Peaux-Rouges, Papous, etc. -- La Société des Missions de Bâle, fondée en 1815, la Société des Missions de Berlin, les Sociétés scandinave, finlandaise et belge mériteraient une mention spéciale. -- Avant la guerre de 1914-18, 25 sociétés allemandes entretenaient plus de 2 200 missionnaires. TS 764 4 Le protestantisme français possède une grande société de missions fondée à Paris en 1822: la Société des Missions évangéliques chez les peuples non chrétiens. Cette société a donné à l'Afrique trois hommes éminents: Eugène Casalis (1812-1891), Adolphe Mabille (1836-1894), François Coillard (1834-1904). Elle opère dans dix champs de travail: Dakar, Conakry, Togo, Cameroun, Zambèze, Lessouto, Gabon, Madagascar, Tahiti et Nouvelle-Calédonie. La Mission romande, dont le siège est à Lausanne, a des stations dans l'Ouganda et au Transvaal. -- Les missions en pays païens dirigées et soutenues par les adventistes du septième jour datent de 1894 seulement. Néanmoins, elles opèrent actuellement en 928 langues. Elles ont envoyé, depuis 1901, plus de 9 767 missionnaires. TS 765 1 Dans un article publié par la Missionary Review of the World de janvier 1910, le Dr A. T. Pierson écrivait: "Il y a un demi-siècle, la Chine, la Mandchourie, le Japon et la Corée, la Turquie et l'Arabie, et même le vaste continent africain dormaient, nations ermites, enfermées dans les cellules d'une longue réclusion. L'Asie centrale comme l'Afrique centrale étaient relativement inexplorées. En plusieurs pays, l'empire de Satan était incontesté, et n'était l'objet d'aucune attaque. ... L'Italie et l'Espagne incarcéraient quiconque était assez osé pour vendre une Bible ou prêcher l'Evangile. ... Dans une grande partie des champs païens, les portes étaient fermées et verrouillées par l'exclusion et par le système des castes. Les changements qui se produisent actuellement de tous côtés sont tellement remarquables, sont si radicaux que, pour celui qui émergerait soudain du milieu du siècle dernier, le monde serait méconnaissable. Celui qui tient les clefs de toutes les portes les a ouvertes et a disposé tous les pays à recevoir les messagers de la Croix. Même dans la Ville éternelle, où, il y a un demi-siècle, le voyageur étranger devait -- avant d'entrer -- laisser sa Bible en dehors des murailles, les Ecritures sont librement répandues, et on trouve nombre de chapelles protestantes." TS 765 2 Des statistiques récentes concernant les Missions protestantes nous apprennent que le nombre des missionnaires européens et américains est de 69 730 dont 19 985 femmes. Quant au personnel indigène des Missions (pasteurs, évangélistes, catéchistes, instituteurs et institutrices) il comprend 512 696 personnes, dont 77 112 femmes. Les Missions protestantes ont fondé de nombreux hôpitaux, dispensaires, écoles primaires, secondaires et universités dont elles assurent le service. Les Missions adventistes ont, pour leur part, 326 hôpitaux et dispensaires. Leurs écoles sont au nombre de 4 520 dont 10 léproseries. TS 765 3 Page 353. Dates prophétiques. -- Voir la note pour la page 355. TS 766 1 Page 355. Dates prophétiques. -- Les faits historiques et chronologiques se rapportant aux prophéties des chapitres 8 et 9 de Daniel, y compris les preuves solides fixant l'année 457 avant J.-C. comme la date véritable marquant le point de départ de ces périodes, ont été clairement exposés par nombre d'interprètes. Signalons, parmi les théologiens catholiques, une étude de l'abbé Mémain: Les 70 Semaines de la Prophétie de Daniel (Haton, 35, rue Bonaparte, Paris, 1904). Voir particulièrement les pages 31-48. Et parmi les théologiens protestants: J.-A. Bost, qui écrit ce qui suit: "Esdras fut mis par Artaxerxès-Longuemain à la tête de la seconde colonie qui revint en Judée en 457. C'est à cette même année qu'on rattache d'ordinaire aussi le commencement des 70 semaines de Daniel 9:24." (Hist. des Macchabées, p. 7, 17; -- l'Index de la Bible Segond, p. 87.) Louis Burnier, qui dit: "La date de la commission donnée à Esdras par Artaxerxès est une date importante, puisqu'il faut partir de là et non d'ailleurs ... pour calculer les 70 semaines de Daniel." (Etudes élémentaires, II, 457, 458; -- l'Encyclopédie des sciences religieuses, vol. 1, 621; Isaac Newton; l'astronome suisse De Cheseaux.) -- Parmi les Anglais, il faut citer tout spécialement l'ouvrage du célèbre astronome Sir Isaac Newton, Observations upon the prophecies of Daniel and the Apocalypse of St. John, ch. X, London ed., 1733, p. 128-143. Pour la date de la crucifixion, voir Wm. Hales, Analysis of Chronology, vol. I, p. 94-101; vol. III, p. 164-258, 2d London ed., 1830. TS 766 2 Page 362. Chute de l'Empire ottoman. -- Pour plus de détails sur la chute prédite de l'Empire ottoman au cours du mois d'août 1840, voir J. Litch, The Probability of the second Coming of Christ about A. D. 1843 (publié en juin 1838); J. Litch, An Adress to the Clergy (publié au printemps de 1840); une seconde édition, avec nouveaux faits historiques établissant la justesse des précédents calculs de la période prophétique, fut publiée en 1841; The Advent Shield and Review, vol. I, 1844, n0 1, article 2, p. 56, 57, 59-61; J. N. Loughborough, The Great Advent Movement, p. 129-132, éd. de 1905; J. Litch, article dans les Signs of the Times and Expositor of Prophecy, du 1 février 1841. TS 766 3 Page 368. Les écritures enlevées au peuple. -- Sur l'attitude de l'Eglise romaine relativement à la mise en circulation des Écritures parmi le peuple en langue vulgaire, voir Catholic Encyclopaedia, art. "Bible"; La Foi de nos Pères, par le cardinal James Gibbons, trad. de l'abbé Saurel sur la 28e éd. anglaise, ch. 8, Resaux-Bray, Paris, 1886; F. Bungener, Histoire du Concile de Trente, vol. I, p. 151-163, Joël Cherbuliez, Paris et Genève, 1847. TS 767 1 Page 393. Deux assauts du rationalisme, au commencement du XIXe et du XXe siècle. -- Au cours du XVIIIe siècle et jusqu'au commencement du XIXe, le protestantisme, dans toute l'Europe, avait été envahi par une vague de scepticisme. Dans les chaires, comme dans les auditoires de théologie, le vrai Evangile était remplacé par les vieilles hérésies desséchantes autrefois professées par Arius, Socin et Pélage. Sans une série de puissants réveils c'en était fait du protestantisme. Ces réveils, provoqués par le souffle d'en haut, groupèrent de nombreux croyants, en Amérique et en Angleterre, autour d'hommes tels que Wesley et les Whitefield, en Allemagne, autour des Arndt, des Spener, des Zinzendorf, des Bengel. TS 767 2 Dans les pays de langue française, le réveil fut présenté par une pléiade d'hommes de talents divers, mais tous pareillement touchés de la grâce, consacrés au salut des âmes, et soumis à l'Ecriture comme étant l'infaillible Parole de Dieu. Parmi les plus distingués, nommons César Malan, H.-L. Empaytaz, H. Pyt, Félix Neff, F. Gonthier, Ami Bost, Louis Gaussen, J.-H. Merle d'Aubigné, A. Rochat, S. Gobat, L. Burnier, puis, plus tard, Alexandre Vinet et Adolphe Monod, Emile Guers, le comte A. de Gasparin. Au début, Dieu s'était servi de quatre étrangers pour allumer, à Genève et ailleurs, la flamme de la foi aux Ecritures: Mme de Krudener, Zinzendorf, Wilcox et Haldane. Une école de théologie, dite de l'Oratoire et deux ou trois églises indépendantes de l'Etat s'organisèrent dans la ville de Calvin. Ces troupeaux constituèrent le noyau d'un mouvement puissant qui répandit ses effets bienfaisants dans toutes les directions. L'esprit missionnaire, inséparable de tout vrai réveil, ne tarda pas à prendre son essor, et se donna pour organe principal la Société évangélique, dont les nombreux colporteurs et missionnaires allèrent fonder et édifier des stations, des églises et des missions sur divers points de France, en Belgique et au Canada. TS 767 3 Mais un nouvel assaut de l'ennemi guettait les Eglises nationales, ainsi que les Eglises séparées issues de la prédication du pur Evangile. Ce péril eût été efficacement conjuré avec les armes que Dieu offrait en ce moment aux Eglises: de nouvelles lumières, destinées à fortifier la doctrine évangélique en la ramenant plus complètement à la Bible. Citons le baptême biblique des seuls croyants, et par immersion; le sommeil des morts; la destruction finale des impénitents, la prochaine venue du Seigneur, et enfin le maintien du Décalogue intégral par le retour au jour de repos du quatrième commandement. L'achèvement de la Réforme comme le réclamait avec insistance A. de Gasparin eût sauvé le protestantisme du danger mortel du modernisme. En poussant les principes du seizième siècle et du Réveil jusqu'à leurs dernières conséquences, tout était sauvé. Le présent livre en fait foi. En revanche, une inconséquence, une seule -- et il y en avait une bonne demi-douzaine -- pouvait tout perdre! TS 768 1 En effet, à la faveur de ces inconséquences, et grâce aux discussions stériles et au désarroi doctrinal qui en résultaient, un nouveau rationalisme déguisé: la "Haute Critique" soi-disant littéraire et scientifique des textes originaux, sapait insidieusement et battait en brèche la foi de la nouvelle génération. Cela remonte à quarante ou soixante ans. Aujourd'hui, sauf quelques îlots clairsemés, tout est emporté par la marée. Un des exemples les plus significatifs et les plus attristants est peut-être la fermeture récente de l'Ecole de théologie de l'Oratoire, où l'enseignement de l'autorité et de l'infaillibilité des Ecritures -- véritable raison d'être de l'établissement -- avait cessé d'être donné depuis un certain nombre d'années. TS 768 2 Page 396. Les ouvrages de Gaussen sur la prophétie. -- Son principal ouvrage sur la prophétie, intitulé: Daniel le prophète exposé dans une suite de leçons pour une école du dimanche (3 vol. in-80, Genève et Paris, 1839, 1848, 1849), est un relevé sténographique revu par l'auteur. Il est malheureusement épuisé. Un autre ouvrage prophétique du même auteur est le discours prononcé pour la rentrée de l'Ecole de théologie, en 1843. C'est un exposé magistral de la onzième corne de la vision de Daniel. Ce discours, réimprimé, a pour titre: L'Antichrist et l'accomplissement des Ecritures. Brochure in-12 de 32 pages. TS 768 3 Page 403. Robes d'ascension. -- Fable forgée de toutes pièces par les adversaires des adventistes en vue de jeter l'opprobre sur leur cause. Selon cette invention, les adventistes auraient préparé des robes spéciales pour aller à la rencontre du Seigneur. Elle a été si activement répandue que plusieurs y ont cru; mais des enquêtes répétées en ont établi la fausseté. Une forte récompense a même été offerte durant plusieurs années à celui qui pourrait donner une preuve à l'appui de cette affirmation; mais la récompense attend encore son destinataire. Aucun de ceux qui attendaient le retour du Seigneur n'était assez ignorant des Ecritures pour croire que des robes de leur fabrication fussent nécessaires pour cette occasion. La seule robe dont les saints auront besoin pour aller au-devant du Seigneur, ce sera le "vêtement blanc" de la justice de Jésus-Christ. Voir Apocalypse 19:8. TS 769 1 Page 404. Chronologie prophétique. -- Le Dr Georges Bush, professeur d'hébreu et de langues orientales à l'Université de New York, dans une lettre adressée à M. Miller, et publiée dans l'Advent Herald and Signs of the Times Reporter, Boston, les 6 et 13 mars 1844, faisait les déclarations importantes qui suivent touchant ses calculs des temps prophétiques. M. Bush écrit: TS 769 2 "On ne saurait douter, selon moi, que vous et vos amis n'ayez mis beaucoup de soin dans l'étude de la chronologie prophétique, et que vous ne vous soyez épargnés aucune peine pour déterminer avec précision le point de départ et la fin de ses grandes périodes. Si ces prophéties ont été insérées dans les saints livres par le Saint-Esprit, c'est sans doute dans l'intention qu'elles soient étudiées, et, probablement aussi, pour qu'elles finissent par être parfaitement comprises; nul ne peut être accusé de légèreté ou de présomption pour avoir respectueusement tenté de le faire. ... En donnant à un jour la valeur prophétique d'une année, je crois que vous êtes d'accord avec la plus saine exégèse; en tout cas, vous êtes soutenus par de grands noms tels que Mede, Sir Isaac Newton, Kirby, Scott, Keith et une foule d'autres, qui sont arrivés, en somme, et depuis longtemps, aux mêmes conclusions que vous sur ce sujet. Tous s'accordent à reconnaître que les principales périodes de Daniel et de saint Jean se terminent à peu près en notre temps; il serait donc peu logique de vous taxer d'hérésie pour avoir exposé les mêmes vues que ces éminents théologiens. ... Vos conclusions, dans ce domaine, ne me semblent pas de nature à mettre en danger ni les intérêts de la vérité ni la vie chrétienne. ... A mon avis, votre erreur est ailleurs que dans vos computations chronologiques. ... Vous vous êtes entièrement mépris sur la nature des événements qui doivent se produire à l'expiration de ces périodes. C'est là le tort principal de votre interprétation." TS 769 3 Page 415. Le puseyisme. -- Mouvement qui pousse une partie de l'Eglise anglicane dans la direction du catholicisme. Il eut pour principal initiateur, en 1830, à Oxford (d'où le nom de "mouvement d'Oxford"), Edouard Pusey. Ce dernier insistait sur la succession apostolique, acceptait la doctrine de la justification par les oeuvres, attribuait une vertu divine aux sacrements, admettait le purgatoire, les pénitences ecclésiastiques, la messe et les fêtes des saints. -- Il y a actuellement un millier d'églises dites protestantes, en Angleterre, qui célèbrent la messe. TS 769 4 Page 430. Dates prophétiques. -- Voir la note pour la page 355. TS 770 1 Page 455. "La purification du tabernacle céleste." -- Sous ce titre, on lit aux pages 495-497 du Mystère de la Passion et Théorie de la Rédemption, par F. de Rougemont (Neuchâtel, 1876): TS 770 2 "L'oeuvre du salut opérée sur la croix ne se termine pas brusquement au tombeau vide du Sauveur. Elle se poursuit dans les cieux; car Jésus-Christ a "trouvé une rédemption éternelle" (Hébreux 9:12), et il exerce auprès de Dieu "la sacrificature qui ne peut passer, étant toujours vivant pour intercéder" (Hébreux 7:25) en notre faveur et pour "propitier" nos péchés. Hébreux 2:17. Hilaskestaï n'est point expier. Nos péchés ont été expiés une fois pour toutes sur la croix. Dans les cieux, par sa perpétuelle intercession, Jésus-Christ nous maintient propice Dieu qu'irriteraient sans lui nos péchés continuels. TS 770 3 "Ici s'offre à nous tout un cycle de verités révélées qui n'a point pris sa place dans la conscience et la theologie de l'eglise. ... TS 770 4 "... L'Epître aux Hébreux nous le dit en termes si clairs qu'ils ont ébloui et aveuglé l'Eglise. De même que sous l'ancienne Loi le Lieu très saint lui-même et le temple étaient souillés par les émanations empestées d'Israël et "devaient être purifiés chaque année à la grande fête des expiations par le sang des victimes", il était de même nécessaire que le tabernacle céleste, "plus grand et plus parfait que l'autre", au moment où il allait s'ouvrir à la race déchue d'Adam, fut purifié ... par Jésus-Christ." TS 770 5 Page 472. Un triple message. -- La teneur du message du premier ange nous est donnée dans Apocalypse 14:6, 7. Le prophète ajoute: "Et un autre, un second ange le suivit, en disant: Elle est tombée, elle est tombée, Babylone la grande. ... Et un autre, un troisième ange les suivit." Le terme rendu dans ce passage par "suivit" signifie, employé de la même manière, "aller avec". Le lexique de Liddell and Scott rend ainsi ce terme: "Suivre quelqu'un, aller derrière lui ou avec lui." Celui de Robinson dit: "Suivre, aller avec, accompagner quelqu'un." C'est le même terme qui est employé dans Marc 5:24: "Jésus alla avec lui, et une grande foule le suivait et le pressait de tous côtés." Il est appliqué aux 144 000, quand il est dit: "Ceux-là suivent l'agneau partout où il va." Apocalypse 14:4. Il est évident que, dans ces deux passages, la pensée est: aller ensemble, agir de concert. Dans 1 Corinthiens 10:4, où il est écrit que les enfants d'Israël "buvaient à un rocher spirituel qui les suivait", le mot "suivait" est traduit du même vocable original. Il faut en conclure que l'idée exprimée dans Apocalypse 14:8, 9 n'est pas seulement que les second et troisième messages se suivent, chronologiquement parlant, mais qu'ils se rejoignent et opèrent ensemble. Les trois messages ne sont en réalité qu'un triple message. Ils sont trois dans l'ordre de leur naissance. Mais dès qu'ils sont nés, ils marchent ensemble et deviennent inséparables. TS 771 1 Page 484. Suprématie des évêques de Rome. -- Quelques-unes des principales circonstances qui portèrent l'évêque de Rome à la suprématie sont esquissées dans l'Histoire ecclésiastique de Mosheim, second siècle, livre II, chap. IV, section 9-11. Voir aussi Gieseler, 1re période, 3e div., ch. IV, sec. 66, par. 3; et J. N. Andrews, History of the Sabbath, p. 276-279, 3rd ed., revised. TS 771 2 Page 521. Purification du tabernacle céleste. -- Voir note pour la page 455. TS 771 3 Page 622. Edit de Constantin. -- Voir note pour la page 52. TS 771 4 Page 627. L'Eglise d'Abyssinie. -- Sur l'observation de l'ancien sabbat en Abyssinie, voir le Doyen A. P. Stanley, Lectures on the History of the Eastern Church, lecture 1, par. 15 (N. Y. ed. 1862, p. 96, 97); Michael Geddes, Church History of Ethiopia, p. 87, 88, 311, 312; Gibbon, Décadence et Chute de l'Empire romain, Paris, Desrez, 1840, tome II, ch. 47, page 304, col. 1; Samuel Gobat, Journal of three Year's Residence in Abyssinia, p. 55-58, 83, 93, 97, 98 (N. Y. ed., 1850); A. H. Lewis, A Critical History of the Sabbath and the Sunday in the Christian Church, p. 208-215 (2d ed. rev.). TS 771 5 Page 629. Prerogatives papales. -- Voir la note pour la page 58. ------------------------Vers Jésus VJ 9 1 Préface VJ 13 1 Chapitre 1 -- L'amour de Dieu pour l'humanité VJ 25 1 Chapitre 2 -- Il nous faut un Sauveur VJ 35 1 Chapitre 3 -- La repentance VJ 57 1 Chapitre 4 -- La confession VJ 65 1 Chapitre 5 -- L'abandon de soi-même VJ 75 1 Chapitre 6 -- Foi, paix, assurance VJ 87 1 Chapitre 7 -- La pierre de touche VJ 103 1 Chapitre 8 -- La croissance en Jésus-Christ VJ 117 1 Chapitre 9 -- L'œuvre de la vie VJ 129 1 Chapitre 10 -- Connaître Dieu VJ 141 1 Chapitre 11 -- Prière et louange VJ 161 1 Chapitre 12 -- Que faire des doutes? VJ 176 1 Chapitre 13 -- La joie dans le Seigneur ------------------------Préface VJ 9 1 L'une des questions les plus importantes que l'homme se soit jamais posé et en fait doit nécessairement formuler, est celle que fit le geôlier de Philippes à Paul et à Silas: "Seigneurs, que faut-il que je fasse pour être sauvé?" Actes 16:30. VJ 9 2 Trouver la réponse correcte à cette question quoique d'une importance vitale, est assez difficile. On se livre à d'interminables discussions sur la nature et la signification du salut. Les tentatives pour définir et distinguer la responsabilité de l'homme et celle de Dieu dans la dynamique du salut, résultent en des débats plutôt virulents. Essayer de saisir le sens de termes tels que "sanctification", "justification", "expiation" et "rédemption", décourage quiconque est animé du désir de comprendre ce qu'est le salut et ce qu'il faut faire pour y parvenir. VJ 9 3 Pourtant, Ellen G. White dans son livre Vers Jésus décrit magistralement et très simplement la signification et la dynamique du salut. À travers les pages de cette oeuvre, Christ et le thème du salut deviennent pour le lecteur, plus qu'une simple idée théologique, et bien plus qu'un thème de débat. Jésus devient le Sauveur et le Seigneur dont nous avons besoin pour expérimenter la joie et la certitude de notre salut. VJ 10 1 De nos jours, la tendance est de rechercher davantage la réalité que la vérité, beaucoup plus la vie que la pensée, et surtout une existence remplie au lieu de grandes idées. C'est pourquoi, l'humanité a besoin de Vers Jésus. Ce livre fera énormément de bien à quiconque le lira. Chaque chapitre illumine la pensée, touche le coeur, stimule la volonté, en nous révélant l'amour incommensurable de Dieu, et nous encourage à la confession, la repentance et la consécration. Dans ce petit mais puissant volume, se révèlent les merveilles de la foi, sont dévoilés les secrets de la croissance spirituelle, sont soulignés les bénéfices de la prière, et nous sommes motivés à servir notre prochain de manière désintéressée. VJ 10 2 Sans l'ombre d'un doute, Vers Jésus, qui fut publié pour la première fois en l'année 1892, traduit en plus de 150 langues, avec une circulation de plus de 100 millions d'exemplaires, est un classique de la littérature chrétienne. Les Éditeurs. ------------------------Chapitre 1 -- L'amour de Dieu pour l'humanité VJ 13 1 La nature et la révélation témoignent de concert en faveur de l'amour de Dieu. Notre Père céleste est l'Auteur de la vie, de la sagesse et de la joie. Contemplez les merveilles de la nature. Constatez leur parfaite adaptation aux besoins et au bienêtre, non seulement de l'homme, mais aussi de tout être vivant. Le soleil et la pluie qui égaient et rafraîchissent la terre; les montagnes, les mers, les plaines: tout nous parle de l'amour du Créateur. C'est Dieu qui subvient aux besoins quotidiens de toutes les créatures. Ces belles paroles du Psalmiste rendent hommage à sa touchante sollicitude: VJ 14 1 Les yeux de tous espèrent en toi, et tu leur donnes la nourriture en son temps. Tu ouvres ta main, et tu rassasies à souhait tout ce qui a vie. Psaumes 145:15, 16. VJ 14 2 Dieu créa l'homme saint et parfaitement heureux. Notre terre, au sortir des mains du Créateur, ne portait pas la moindre trace de corruption, ni la plus légère ombre de malédiction. C'est la transgression de la loi de Dieu -- loi d'amour -- qui a été la cause de la mort et de tous nos maux. Néanmoins, l'amour divin se manifeste au sein même de la souffrance. Il est écrit qu'à cause de l'homme, le sol fut maudit. Genèse 3:17. Mais les épines et les chardons, les difficultés et les épreuves qui assombrissent notre pèlerinage terrestre, nous ont été départis pour notre bien; Dieu les fait entrer dans le plan d'éducation qu'il a conçu pour nous relever de l'état de dégradation et de ruine dans lequel le péché nous a plongés. D'ailleurs, tout n'est pas tristesse et souffrance en ce monde. La nature elle-même nous offre des messages d'espérance et de consolation. On voit des fleurs s'épanouir sur les chardons et des roses éclore sur les épines. VJ 15 1 "Dieu est amour." Cette parole se lit sur chaque bouton de fleur et sur chaque brin d'herbe. Les oiseaux qui égaient les airs de leurs chants joyeux, les fleurs aux nuances délicates et variées qui embaument l'atmosphère de leur doux parfum, les arbres élancés et les forêts au riche feuillage, tout nous parle de la tendre et paternelle sollicitude de notre Dieu et de son désir de faire le bonheur de ses enfants. VJ 15 2 Les Écritures révèlent son caractère. Dieu nous y fait lui même connaître sa compassion et son amour infinis. Quand Moïse lui adressa cette requête: "Fais-moi voir ta gloire!" l'Éternel lui répondit: "Je ferai passer devant toi toute ma bonté" (Exode 33:18,19), et, passant devant Moïse, il s'écria: "L'Éternel, l'Éternel, Dieu miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en bonté et en fidélité, qui conserve son amour jusqu'à mille générations, qui pardonne l'iniquité, la rébellion et le péché." Exode 34:6,7. Il est "lent à la colère et riche en bonté" (Jonas 4:2), "car il prend plaisir à la miséricorde". Michée 7:18. C'est là sa gloire. VJ 16 1 Dans le ciel et sur la terre, Dieu nous a donné des gages innombrables de sa bonté. Par l'intermédiaire de la nature et par des preuves d'un amour plus tendre et plus profond que le coeur humain n'en peut concevoir, il s'est efforcé de se révéler à nous. Néanmoins, tout cela n'est qu'un reflet bien pâle de son caractère. L'ennemi du bien a aveuglé l'esprit des hommes à tel point qu'ils s'approchent de Dieu avec crainte et le considèrent comme un être sévère et implacable. Satan fait passer notre Père céleste pour un être d'une justice inflexible, un juge sévère, un créancier dur et inexorable. Il dépeint le Créateur comme observant les hommes d'un oeil scrutateur en vue de découvrir leurs erreurs et leurs fautes, et afin de les frapper de ses jugements. C'est pour dissiper ce voile de ténèbres par la révélation de l'amour infini de Dieu que Jésus-Christ est venu vivre parmi les hommes. VJ 16 2 Le Fils de Dieu est descendu du ciel pour révéler le Père. "Personne n'a jamais vu Dieu; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, est celui qui l'a fait connaître." Jean 1:18. "Personne non plus ne connaît le Père, si ce n'est le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler." Matthieu 11:27. Un de ses disciples lui ayant dit "Montre-nous le Père", Jésus lui répondit: "Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne m'as pas connu, Philippe! Celui qui m'a vu a vu le Père; comment dis-tu: Montre-nous le Père?" Jean 14:8,9. VJ 17 1 Voici en quels termes le Seigneur décrit sa mission terrestre: "L'esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a oint pour annoncer une bonne nouvelle aux pauvres; il m'a envoyé pour guérir ceux qui ont le coeur brisé, pour proclamer aux captifs la délivrance, et aux aveugles le recouvrement de la vue, pour renvoyer libres les opprimés." Luc 4:18,19. Telle était son oeuvre. Il allait de lieu en lieu faisant du bien et guérissant tous ceux qui étaient sous l'empire du diable. On pouvait trouver des villages entiers où ne se faisait plus entendre aucun gémissement arraché par la maladie; il avait passé par là, et guéri tous les malades. Son oeuvre témoignait de sa divinité. L'amour, la miséricorde et la compassion se révélaient dans chacun de ses actes; son coeur était rempli de tendre sympathie pour les enfants des hommes. Il avait revêtu leur nature afin de subvenir à leurs besoins. Les plus pauvres et les plus humbles ne craignaient pas de l'approcher. Les petits enfants eux-mêmes se sentaient attirés vers lui. Ils aimaient à monter sur ses genoux, et à fixer leurs regards sur son visage pensif où se lisait un amour infini. VJ 18 1 Jésus ne retranchait rien à la vérité, mais il la disait toujours avec charité. Ses rapports avec le peuple étaient empreints d'un tact parfait, d'une exquise délicatesse. Aucune brusquerie; pas un mot sévère sans nécessité; jamais il ne faisait inutilement de la peine à une âme sensible. Il ne censurait pas la faiblesse humaine. VJ 18 2 Quand il disait la vérité, c'était toujours avec amour. Il dénonçait l'hypocrisie, l'incrédulité, l'iniquité; mais c'était avec des larmes dans la voix. Il pleura sur Jérusalem, la ville qu'il aimait, la ville qui avait refusé de le recevoir, lui, le Chemin, la Vérité et la Vie. Elle avait rejeté son Sauveur, mais il lui conservait néanmoins sa tendresse et sa pitié. Sa vie était faite de renoncement et de sollicitude pour autrui. Chaque âme était précieuse à ses yeux. Sans se départir jamais d'une dignité divine, il s'inclinait avec un tendre respect devant tout membre de la famille de Dieu. En tout homme, il voyait une âme déchue à sauver. VJ 19 1 Tel est le caractère de Jésus révélé par sa vie. Tel est aussi le caractère de Dieu. C'est du coeur du Père que les flots de la compassion divine manifestée en Jésus-Christ se déversent sur les enfants des hommes. Jésus, Sauveur tendre et compatissant, était Dieu "manifesté en chair." 1 Timothée 3:16. VJ 19 2 C'est pour nous racheter que Jésus a vécu, a souffert, est mort. Il est devenu "homme de douleur", afin de nous faire participer à la joie éternelle. Dieu a permis à son Fils bien-aimé, plein de grâce et de vérité, de quitter un séjour de gloire ineffable pour venir dans un monde souillé par le péché et assombri par la malédiction et la mort. Il a consenti à le voir quitter le sein du Père et l'adoration des anges pour venir souffrir l'opprobre, les injures, l'humiliation, la haine et la mort. VJ 19 3 "Le châtiment qui nous donne la paix est tombé sur lui, et c'est par ses meurtrissures que nous sommes guéris." Ésaïe 53:5. Contemplez-le au désert, en Gethsémané, sur la croix, le Fils immaculé de Dieu, chargé du fardeau de nos péchés! Celui qui avait été un avec Dieu éprouva dans son âme l'horrible séparation que le péché creuse entre l'homme et Dieu, séparation qui lui arracha ce cri d'angoisse: "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné?" Matthieu 27:46. C'est le fardeau du péché et le sentiment de son énormité qui brisèrent le coeur du Fils de Dieu. VJ 20 1 Mais ce grand sacrifice n'a pas été consommé afin de faire naître dans le coeur du Père des sentiments d'amour pour l'humanité déchue, et pour le disposer à la sauver. Non, non. "Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique." Jean 3:16. VJ 20 2 Ce n'est pas à cause de la propitiation faite par son Fils que le Père nous aime, c'est parce qu'il nous aime qu'il a pourvu à cette propitiation. Jésus-Christ est l'intermédiaire par lequel le Père a pu répandre son amour infini sur un monde perdu. Dieu a réconcilié, en Christ, le monde avec luimême. 2 Corinthiens 5:19. Il a souffert avec son Fils. Dans les détresses de Gethsémané, comme dans la mort du Calvaire, c'est le coeur de l'Amour infini qui a payé le prix de notre rédemption. VJ 21 1 Jésus dit: "Le Père m'aime, parce que je donne ma vie, afin de la reprendre." Jean 10:17. En d'autres termes: "L'amour que mon Père vous porte est si grand qu'il m'affectionne davantage pour avoir consenti au sacrifice de ma vie afin de vous racheter. Je lui suis devenu plus cher par le fait que je me suis constitué votre garant, en déposant ma vie et en prenant sur moi vos transgressions; car, par mon sacrifice, Dieu, tout en demeurant juste, peut justifier celui qui croit en moi." VJ 21 2 Seul le Fils de Dieu avait le pouvoir de nous racheter; seul celui qui était dans le sein du Père pouvait le faire connaître; seul un Être connaissant la hauteur et la profondeur de l'amour de Dieu pouvait les révéler. Il n'a fallu rien de moins que le sacrifice infini consommé par Jésus-Christ en faveur de l'homme perdu pour exprimer l'amour du Père envers l'humanité déchue. VJ 21 3 "Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils, unique." Il a donné son Fils non seulement afin qu'il vive parmi les hommes, porte leurs péchés, et meure à leur place, mais encore pour qu'il se solidarise avec les besoins et les intérêts de l'humanité. Celui qui était un avec le Père s'est uni à nous par des liens indissolubles. Jésus "n'a pas honte de les [nous] appeler frères". Hébreux 2:11. Il est notre Propitiation, notre Avocat, notre Frère. Il paraît revêtu de notre humanité devant le trône du Père, et il sera pendant toute l'éternité un avec la race humaine qu'il a rachetée: il est et demeurera le Fils de l'homme. Et tout cela afin de relever l'homme de la dégradation et du péché, afin de le mettre à même de réfléchir l'amour de Dieu et de participer à la joie de la sainteté. VJ 22 1 Le prix payé pour notre rédemption, le sacrifice infini de notre Père céleste en livrant son Fils à la mort pour nous, devrait nous donner une haute idée de ce que nous pouvons devenir en Jésus-Christ. Quand il est donné à Jean, l'apôtre inspiré, de contempler la hauteur, la profondeur et la largeur de l'amour du Père envers l'humanité expirante, il est si rempli de sentiments d'adoration et de respect, que, dans l'impuissance où il se trouve d'exprimer l'intensité et la tendresse de cet amour, il s'écrie: "Voyez quel amour le Père nous a témoigné, pour que nous soyons appelés enfants de Dieu!" 1 Jean 3:1. Quelle valeur cet amour donne à l'homme! Par la transgression, les fils d'Adam sont devenus sujets de Satan; par la foi au sacrifice expiatoire du Christ, ils peuvent devenir fils de Dieu. En revêtant la nature humaine, Jésus-Christ élève l'humanité; il place l'homme déchu dans une condition où, par la communion avec lui, il peut devenir réellement digne du nom d'"enfant de Dieu". VJ 23 1 Enfants du Roi céleste! Précieuse promesse! Thème inépuisable de méditation! Amour insondable de Dieu pour un monde qui ne l'aimait pas! Un tel amour est sans exemple. Il surpasse celui d'une mère pour son enfant égaré. Sa contemplation subjugue l'âme et rend les pensées captives de la volonté divine. Plus nous étudions le caractère de Dieu à la lumière de la croix, plus nous y découvrons de clémence et de tendresse, mieux nous voyons la miséricorde unie à l'équité et à la justice et plus nous discernons les preuves d'un amour et d'une compassion infinis. ------------------------Chapitre 2 -- Il nous faut un Sauveur VJ 25 1 Àl'origine, l'homme était doué de facultés nobles et d'un esprit bien équilibré, physiquement parfait et moralement en harmonie avec Dieu. Ses pensées étaient pures, ses aspirations saintes. Mais ses facultés ont été perverties par la désobéissance, et l'égoïsme a pris dans son coeur la place de l'amour. Sa nature morale a été tellement altérée par la transgression, qu'il lui est devenu impossible, par sa propre force, de résister à la puissance du mal. Il est devenu captif de Satan, et serait à jamais resté en son pouvoir, si le Seigneur ne s'était interposé d'une manière spéciale. Le but du tentateur était de fausser le dessein en vue duquel Dieu créa l'homme et de couvrir la terre de ruines et de désolation. Cela fait, il se proposait de montrer que ces ruines étaient la conséquence de la création de l'homme. VJ 26 1 Dans son état d'innocence, l'homme vivait dans une heureuse communion avec celui "dans lequel sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science". Colossiens 2:3. Mais après son péché, ne trouvant plus son plaisir dans la sainteté, il voulut se cacher loin de la présence de Dieu. Telle est encore la condition du coeur irrégénéré. Il ne bat pas à l'unisson avec le coeur de Dieu, et il ne trouve par conséquent aucune jouissance dans sa communion. VJ 26 2 Le pécheur ne connaîtrait pas le bonheur en la présence de Dieu; la société des êtres saints lui serait intolérable. S'il lui était permis de franchir le seuil du ciel, il y serait malheureux. L'esprit de complet désintéressement qui règne en ce lieu où tous les êtres sont en harmonie avec l'amour infini ne ferait vibrer dans son coeur aucune corde sensible. Ses pensées, ses intérêts, ses mobiles seraient en opposition avec ceux de tous ses habitants. Il serait une note discordante dans la mélodie du ciel. Le ciel serait pour lui un lieu de torture. Sa seule pensée serait de s'éloigner de la face de celui qui en est la lumière et la joie. Ce n'est pas un décret arbitraire de la part de Dieu qui interdit l'accès du ciel aux méchants; ils en sont exclus par leur incapacité de jouir de la compagnie de ses habitants. La gloire de Dieu serait pour eux un feu dévorant. Ils accueilleraient avec joie la destruction pour échapper à la présence de celui qui est mort pour les racheter. Il nous est impossible, par nous-mêmes, de nous arracher à l'abîme de péché dans lequel nous sommes plongés. Nos coeurs sont mauvais, et nous sommes incapables de les changer. VJ 27 1 "Comment d'un être souillé sortira-t-il un homme pur? Il n'en peut sortir aucun." Job 14:4. "L'affection de la chair est inimitié contre Dieu, parce qu'elle ne se soumet pas à la loi de Dieu, et qu'elle ne le peut même pas." Romains 8:7. L'éducation, la culture intellectuelle, l'exercice de la volonté, les efforts humains peuvent produire une certaine correction extérieure de la conduite, mais ils ne sauraient changer le coeur, ni purifier les sources de la vie. Pour ramener l'homme de l'état de péché à celui de sainteté, il faut une puissance qui agisse du dedans, une vie nouvelle qui vienne d'en haut. Cette puissance, c'est Jésus. Sa grâce seule peut vivifier les facultés inertes de l'âme humaine, et les attirer vers Dieu et la sainteté. VJ 28 1 Le Sauveur dit: "Si un homme ne naît de nouveau," s'il ne reçoit un coeur nouveau et des aspirations nouvelles qui l'entraînent vers une nouvelle vie, "il ne peut voir le royaume de Dieu." Jean 3:3. La notion d'après laquelle il suffirait à l'homme de travailler à développer le bien qui est naturellement en lui est une erreur fatale. "L'homme animal ne reçoit pas les choses de l'Esprit de Dieu, car elles sont une folie pour lui, et il ne peut les connaître, parce que c'est spirituellement qu'on en juge." 1 Corinthiens 2:14. "Ne t'étonne pas que je t'aie dit: Il faut que vous naissiez de nouveau." Jean 3:7. Il est écrit, touchant Jésus-Christ (la Parole) "Elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes." Jean 1:4. Il est le seul nom "qui ait été donné parmi les hommes, par lequel nous devions être sauvés." Actes 4:12. VJ 29 1 Il ne suffit pas d'entrevoir la bonté de Dieu, sa bienveillance, sa tendresse paternelle. Il ne suffit pas de discerner la sagesse et la justice de sa loi de constater qu'elle est fondée sur le principe éternel de l'amour. L'apôtre Paul avait connaissance de tout cela quand il disait: "Je reconnais que la loi est bonne"; "la loi est sainte, et le commandement est saint, juste et bon." Mais il ajoutait dans l'amertume de son désespoir: "Je suis charnel, vendu au péché." Romains 7:16,12,14. Il soupirait après une sainteté et une justice qu'il se sentait incapable de réaliser, et il s'écriait: "Misérable que je suis! Qui me délivrera du corps de cette mort?" Romains 7:24. Tel est le cri qu'ont poussé en tout temps et en tout lieu les âmes écrasées par le sentiment du péché. Pour tous, il n'y a qu'une réponse: "Voici l'Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde." Jean 1:29. VJ 29 2 Nombreuses sont les images par lesquelles l'Esprit de Dieu s'est efforcé d'illustrer cette vérité afin de la rendre claire aux âmes qui désirent être soulagées du fardeau de la culpabilité. Jacob, après avoir trompé Ésaü, s'éloigna de la maison paternelle, accablé par le sentiment de sa faute. Exilé et solitaire, banni loin de tout ce qui avait donné du prix à sa vie, ce qui l'accablait, c'était le sentiment que son péché l'avait privé de la communion avec Dieu, et qu'il était abandonné du ciel. Entouré de collines silencieuses, la voûte étoilée au-dessus de sa tête, il se couche désolé sur le sol nu pour y passer la nuit. Pendant son sommeil, il voit une lumière étrange envahir la plaine; du sol sur lequel il repose, s'élève une immense échelle éthérée qui semble conduire à la porte même du ciel, et sur cette échelle montent et descendent des anges de Dieu. Il écoute, et, du milieu de la gloire céleste, la voix divine lui fait entendre un message de consolation et d'espérance. Jacob trouva un Sauveur répondant aux soupirs de son âme. Plein de joie, il vit le chemin par lequel il pouvait, lui, pécheur, retrouver la communion avec Dieu. L'échelle mystique de sa vision représente Jésus, le seul intermédiaire entre Dieu et l'homme. Dans sa conversation avec Nathanaël, le Christ se servit de la même image: "Vous verrez, dit-il, désormais le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre sur le Fils de l'homme." Jean 1:51. Par son apostasie, l'homme s'était séparé de Dieu; la terre avait divorcé d'avec le ciel: à travers l'espace qui les séparait, les communications étaient devenues impossibles. Mais, grâce à Jésus-Christ, la terre a été de nouveau reliée au ciel. Par ses mérites, le Sauveur a jeté un pont sur l'abîme creusé par le péché, de sorte que les anges peuvent communiquer avec l'homme. Par Jésus, l'homme déchu, faible et impuissant, a pu de nouveau avoir accès à la source de la puissance infinie. VJ 31 1 Mais c'est en vain que l'humanité rêve de progrès, en vain qu'elle travaille à son relèvement si elle néglige cette source unique d'espérance et de salut qui lui est offerte. "Toute grâce excellente et tout don parfait" procèdent de Dieu. Jacques 1:17. Il n'y a pas, hors de lui, de véritable excellence de caractère. Et le seul chemin qui mène à Dieu, c'est Jésus-Christ. "Je suis le chemin, la vérité et la vie, dit-il. Nul ne vient au Père que par moi." Jean 14:6. VJ 31 2 Le coeur de Dieu déborde pour les enfants des hommes d'un amour plus fort que la mort. VJ 31 3 En sacrifiant son Fils, il a abandonné tout le ciel en notre faveur. La vie, la mort et la médiation du Sauveur, le ministère des anges, les appels de l'Esprit, le Père agissant au-dessus de tous et par le moyen de tous, l'intérêt incessant des êtres célestes: tout est mis en oeuvre en vue de notre rédemption. VJ 32 1 Oh! arrêtons nos regards sur le prodigieux sacrifice consommé pour nous! Essayons de nous rendre compte de la somme d'énergie et de labeurs que dépense le ciel en vue de ramener les égarés à la maison du Père. Des mobiles plus forts et des agents plus puissants n'auraient jamais pu être mis en activité. La récompense inouïe réservée à ceux qui font le bien, les jouissances du ciel, la compagnie des anges, la communion et l'amour de Dieu et de son Fils, le perfectionnement et le développement de toutes nos facultés à travers les siècles éternels: ne sont-ce pas là des encouragements suffisants pour rendre à notre Créateur et Rédempteur le service affectueux de nos coeurs? VJ 32 2 D'autre part, les jugements de Dieu prononcés contre le péché, la rétribution inévitable, la dégradation de notre caractère et la destruction finale sont décrits dans la Parole de Dieu pour nous mettre en garde contre les pièges de Satan. VJ 33 1 Ne nous inclinerons-nous pas humblement devant la miséricorde de Dieu? Qu'aurait-il pu faire de plus pour nous? Entrons en rapport avec celui qui nous a aimés d'un amour incommensurable. Profitons de l'occasion qui nous est offerte, afin d'être transformés à l'image du Sauveur et de rentrer dans la société des anges, ainsi que dans la faveur et la communion du Père et du Fils. ------------------------Chapitre 3 -- La repentance VJ 35 1 Comment un homme paraîtra-t-il juste devant Dieu? Comment un pécheur sera-t-il pur? Ce n'est que par Jésus-Christ qu'il est possible de se mettre en règle avec Dieu, de parvenir à la sainteté. Mais comment aller à Jésus? Ils sont nombreux ceux qui, avec la multitude convaincue de péché au jour de la Pentecôte, s'écrient: "Que ferons-nous?" Les premiers mots de Pierre, en réponse à cette question, furent VJ 35 2 "Repentez-vous." Un peu plus tard, il leur dit "Repentez-vous donc et convertissez-vous, pour que vos péchés soient effacés." Actes 2:38; 3:19. VJ 36 1 La repentance comprend la douleur d'avoir commis le péché et le délaissement de celui-ci. Impossible d'abandonner le péché avant d'en avoir vu la gravité; point de vrai changement de vie jusqu'à ce que l'on se soit détourné du péché de tout son coeur. VJ 36 2 Ils sont nombreux ceux qui ne comprennent pas la véritable nature de la repentance. Beaucoup de personnes gémissent sur leurs péchés et se réforment même extérieurement parce qu'elles craignent les conséquences de leurs mauvaises actions. Ce n'est pas là la repentance dans le sens biblique du terme. C'est redouter la souffrance plutôt que le péché lui-même. Telle fut la douleur d'Ésaü quand il vit qu'il avait perdu à tout jamais son droit d'aînesse. Balaam, terrifié par l'apparition sur son chemin d'un ange armé d'une épée nue, confessa son péché dans la crainte de perdre la vie; mais il n'y avait pas en lui de repentance véritable, pas de changement de disposition, pas d'horreur du mal. Judas Iscariot, après avoir trahi son Seigneur, s'écria: "J'ai péché, en livrant le sang innocent." Matthieu 27:4. VJ 37 1 Cette confession lui était arrachée par le sentiment terrible de sa condamnation et par la perspective redoutable du jugement de Dieu. Les conséquences de son crime le remplissaient de terreur; mais il n'éprouvait aucun remords déchirant et sincère d'avoir trahi le Fils de Dieu, et renié le Saint d'Israël. Pharaon, au moment où les jugements de Dieu s'appesantissaient sur lui, reconnaissait son péché; mais ce n'était que pour échapper au châtiment, car, dès que les plaies s'éloignaient, il recommençait à braver le ciel. Tous ceux-là déploraient les conséquences de leurs péchés, mais ils ne, s'affligeaient pas sur ces péchés eux-mêmes. VJ 37 2 En revanche, quand le coeur de l'homme cède à l'influence de l'Esprit de Dieu, la conscience se réveille, et le pécheur commence à entrevoir la profondeur et le caractère sacré de la loi de Dieu, loi qui est à la base de son gouvernement dans le ciel et sur la terre. La lumière qui, "en venant dans le monde, éclaire tout homme" (Jean 1:9), illumine les replis les plus secrets de son âme, et met en évidence les choses cachées dans les ténèbres. La conviction du péché s'empare alors de son esprit et de son coeur. Saisi du sentiment de la justice de Jéhovah, le pécheur est terrifié à la pensée de paraître coupable et impur devant celui qui sonde les coeurs. Il voit l'amour de Dieu, la beauté de la sainteté, la joie de la pureté; il désire être purifié et entrer en communion avec le ciel. VJ 38 1 La prière de David après sa chute peut illustrer le véritable repentir; elle n'était nullement dictée par le désir d'échapper aux jugements qui allaient le frapper. Son chagrin fut sincère et profond; il ne chercha pas à pallier sa culpabilité. Il voyait l'énormité de sa transgression, la souillure de son âme; il abhorrait son péché. Ce n'est pas le pardon seulement qu'il demandait, mais la pureté du coeur. Il soupirait après la joie de la sainteté, et la communion avec Dieu. Voici comment il s'exprime: VJ 38 2 Heureux celui à qui la transgression est remise, À qui le péché est pardonné! Heureux l'homme à qui l'Éternel n'impute pas l'iniquité, Et dans l'esprit duquel il n'y a pas de fraude! Psaumes 32:1, 2. VJ 38 3 O Dieu! aie pitié de moi dans ta bonté; Selon ta grande miséricorde, efface mes transgressions; ... Car je reconnais mes transgressions, Et mon péché est constamment devant moi... Purifie-moi avec l'hysope, et je serai pur; Lave-moi, et je serai plus blanc que la neige... O Dieu! Crée en moi un coeur pur, Renouvelle en moi un esprit bien disposé. Ne me rejette pas loin de ta face, Ne me retire pas ton Esprit saint Rends-moi la joie de ton salut, Et qu'un esprit de bonne volonté me soutienne! ... O Dieu, Dieu de mon salut! délivre-moi du sang versé, Et ma langue célébrera ta miséricorde. Psaumes 51:3-16. VJ 39 1 Il n'est pas au pouvoir de l'homme de parvenir à une telle repentance; on ne la reçoit que du Seigneur. VJ 39 2 Or, c'est précisément ici que plusieurs sont dans l'erreur, ce qui les prive de l'aide que Dieu désire leur accorder. Ils pensent ne pas pouvoir venir à Jésus avant de s'être repentis, et croient que la repentance prépare au pardon des péchés. Il est vrai que la repentance précède le pardon; car seul un coeur humilié et contrit éprouve le besoin d'un Sauveur. Mais le pécheur doit-il attendre de s'être repenti avant de venir à Jésus? La nécessité de la repentance doit-elle être élevée comme un obstacle entre le pécheur et son Sauveur? VJ 40 1 L'Écriture n'enseigne nulle part que le pécheur doive se repentir avant de répondre à cette invitation du Sauveur: "Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos." Matthieu 11:28. C'est une puissance émanant de Jésus qui nous donne la véritable repentance. VJ 40 2 Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos. VJ 40 3 L'apôtre Pierre a éclairci cette question quand il a fait aux Israélites cette déclaration: "Dieu l'a élevé par sa droite comme Prince et Sauveur, pour donner à Israël la repentance et le pardon des péchés." Actes 5:31. Il est tout aussi impossible de se repentir sans avoir la conscience réveillée par l'Esprit de Dieu que d'obtenir le pardon sans Jésus-Christ. Jésus-Christ est la source de tout bon sentiment. C'est lui seul qui peut mettre dans nos coeurs l'horreur du péché. Chaque aspiration vers la vérité et la pureté, chaque conviction de notre péché est une preuve de l'influence du Saint-Esprit sur notre coeur. Jésus a dit: "Quand j'aurai été élevé de la terre, j'attirerai tous les hommes à moi." Jean 12:32. Il faut qu'il soit révélé aux pécheurs comme le Sauveur mort pour les péchés du monde. Car c'est la contemplation du Fils de Dieu sur la croix du Calvaire qui commence à nous révéler le mystère de la rédemption; la bonté de Dieu qui y éclate nous amène à la repentance. En mourant pour les pécheurs, le Fils de Dieu a manifesté un amour incompréhensible; or, la contemplation de son amour touche le coeur, frappe l'esprit et brise toute résistance. VJ 41 1 II arrive, il est vrai, à l'homme d'être confus de ses péchés et de délaisser certaines mauvaises habitudes avant d'être conscient de la puissance d'attraction de Jésus-Christ. Mais chaque tentative de réforme, basée sur un désir sincère de bien faire, est le résultat de cette puissance d'attraction. Une influence dont il ne se rend pas compte agit sur son âme, ranime sa conscience et amende sa conduite extérieure. Et à mesure que le Sauveur attire ses regards sur la croix et lui fait contempler celui que ses péchés ont percé, les commandements de Dieu parlent à sa conscience. Il se rend compte de la méchanceté de sa vie; il comprend que le péché a jeté de profondes racines dans son coeur. Il commence à entrevoir la justice de Jésus-Christ, et il s'écrie "Quelle n'est pas la gravité du péché, puisqu'il a fallu un tel prix pour la rédemption de ses victimes! Tout cet amour, toutes ces souffrances, toute cette humiliation étaient-ils nécessaires pour que nous ne périssions pas, mais que nous ayons la vie éternelle?" VJ 42 1 Le pécheur peut résister à cet amour, refuser de se laisser attirer par le Sauveur; mais s'il ne résiste pas, il sera attiré vers lui. La révélation du plan du salut l'amènera repentant au pied de la croix, et il comprendra que ses péchés ont causé les souffrances du bien-aimé Fils de Dieu. VJ 42 2 L'Esprit de Dieu qui agit dans la nature est aussi celui qui parle au coeur de l'homme et y fait naître un besoin inexprimable de quelque chose qu'il ne possède pas. Les choses du monde ne peuvent le satisfaire. L'Esprit de Dieu plaide avec lui pour le pousser à chercher ce qui seul peut procurer la paix et le repos: la grâce de Jésus-Christ, la joie de la sainteté. Par des intermédiaires visibles et invisibles, notre Sauveur s'efforce sans cesse de détourner nos pensées des vains plaisirs du péché pour les attirer sur les grâces infinies que nous pouvons obtenir en lui. C'est à toutes les âmes qui ont cherché en vain à se désaltérer aux citernes crevassées du monde que ce message divin est adressé: "Que celui qui a soif vienne; que celui qui veut, prenne de l'eau de la vie, gratuitement." Apocalypse 22:17. VJ 43 1 Vous qui soupirez en votre coeur après une vie supérieure à celle que le monde peut vous offrir, reconnaissez dans ce désir la voix de Dieu parlant à votre âme. Demandez-lui de vous donner la repentance, de vous révéler Jésus dans son amour infini, sa pureté parfaite. Les principes de la loi divine -- amour de Dieu et amour du prochain -- sont parfaitement illustrés par la vie du Sauveur. Un amour et un désintéressement parfaits: c'était là sa vie. C'est quand nous contemplons Jésus-Christ, quand les rayons de lumière émanant de lui descendent sur nous que nous nous rendons compte de notre état de déchéance et de perdition. VJ 44 1 Nous pouvons, comme Nicodème, nous bercer de l'illusion que notre vie a été régulière, que notre moralité n'a rien laissé à désirer, et en conclure que nous n'avons pas lieu de nous humilier devant Dieu comme de vulgaires pécheurs. Mais quand la lumière de Jésus-Christ brillera dans notre âme, nous verrons combien nous sommes impurs; nous discernerons l'égoïsme de nos mobiles et l'inimitié contre Dieu qui a souillé tous les actes de notre vie. Nous nous rendrons compte que notre justice est véritablement comme le linge le plus souillé, et que seul le sang de Jésus peut nous purifier de la souillure du péché et transformer nos coeurs à sa ressemblance. VJ 44 2 Un rayon de la gloire de Dieu, une lueur de la pureté de Jésus-Christ pénétrant notre âme, en fait douloureusement et nettement ressortir chaque tache. Il met en évidence la difformité et les défauts du caractère humain, les désirs non sanctifiés, l'incrédulité du coeur, l'impureté des lèvres. Les actions déloyales du pécheur, actions qui outragent la loi divine, éclatent à ses yeux. Son esprit est humilié et affligé sous l'influence scrutatrice de l'Esprit de Dieu; il se prend en dégoût en présence du caractère pur et immaculé de Jésus. VJ 45 1 Quand le prophète Daniel contempla la gloire du messager céleste, il fut comme anéanti par le sentiment de sa faiblesse et de son imperfection. Voici en quels termes il décrit l'effet que produisit sur lui cette contemplation: "Je restai seul, et je vis cette grande vision; les forces me manquèrent, mon visage changea de couleur et fut décomposé, et je perdis toute vigueur." Daniel 10:8. L'âme ainsi touchée aura une profonde aversion de son amour du moi et recherchera, par la justice du Christ, une pureté de coeur conforme à la loi de Dieu et au caractère de Jésus. VJ 45 2 L'apôtre Paul -- parlant de sa conduite extérieure -- se disait "irréprochable, à l'égard de la justice de la loi" (Philippiens 3:6); mais quand il discerna la spiritualité de la loi, il se vit pécheur. À se juger par la lettre de la loi, en l'appliquant seulement aux actes extérieurs, comme peuvent le faire les hommes, il se trouvait sans péché. Mais quand il plongea ses regards dans les profondeurs des saints préceptes et se vit tel que Dieu le voyait, il dut baisser la tête et confesser sa culpabilité. "Étant autrefois sans loi, dit-il, je vivais; mais quand le commandement vint, le péché reprit vie, et moi je mourus." Romains 7:9. Le péché lui apparut alors dans toute son horreur, et la bonne opinion qu'il avait de lui-même disparut. VJ 46 1 Tous les péchés ne sont pas également odieux devant le Seigneur. Il y a pour lui, comme pour les hommes, différents degrés de culpabilité. Mais quelque insignifiant que puisse paraître tel ou tel péché à nos propres yeux, il n'est jamais petit aux yeux de Dieu. Le jugement de l'homme est partial, imparfait, tandis que le Seigneur estime toutes choses à leur juste valeur. L'ivrogne est regardé avec mépris; on lui déclare que son péché l'exclura du royaume des cieux. Mais on est souvent moins sévère envers l'orgueilleux, l'égoïste et l'envieux. Et pourtant ce sont là des péchés particulièrement odieux au Seigneur. Ils sont contraires à la bonté de son caractère, à l'amour parfaitement désintéressé qui est l'atmosphère dans laquelle se meuvent les mondes qui ont conservé leur intégrité. Celui qui tombe dans quelque faute grossière peut avoir le sentiment de son humiliation, de sa pauvreté et de son besoin d'un Sauveur. Mais l'orgueilleux n'éprouve aucun besoin; il ferme son coeur au Christ et se prive des bienfaits infinis qu'il est venu apporter. VJ 47 1 Le pauvre publicain qui faisait cette prière: "O Dieu, sois apaisé envers moi qui suis un pécheur" (Luc 18:13), se considérait comme bien mauvais, et ceux qui le connaissaient n'avaient guère meilleure opinion de lui. Mais il avait le sentiment de sa misère, et, sous le poids de sa culpabilité et de son opprobre, il se présenta devant Dieu pour implorer sa miséricorde. Son coeur était ouvert à l'action de l'Esprit qui pouvait l'affranchir du péché. Par contre, la prière orgueilleuse du pharisien montre que son coeur était inaccessible à l'influence du Saint-Esprit. Vivant loin de Dieu, il n'avait pas le sentiment de sa propre souillure, ni de la perfection de la sainteté divine, et, ne désirant rien, il ne reçut rien. Si vous voyez votre état de péché, n'attendez pas d'être meilleur. Ils sont nombreux ceux qui pensent n'être pas assez bons pour aller à Jésus. Pensez-vous devenir meilleurs par vos propres efforts? "Un Ethiopien peut-il changer sa peau, et un léopard ses taches? De même, pourriez-vous faire le bien, vous qui êtes accoutumés à faire le mal?" Jérémie 13:23. C'est en Dieu seul qu'est notre recours. N'attendons pas que la conviction devienne plus forte, ou que l'occasion soit plus favorable, ou bien encore que nous soyons moins mauvais. Nous ne pouvons rien faire de nousmêmes. Il faut aller à Jésus tels que nous sommes. VJ 48 1 Mais que nul ne s'illusionne en pensant que Dieu, dans son grand amour, sauvera même ceux qui méprisent sa grâce. Seule la croix met en lumière le caractère excessivement odieux du péché. Que ceux qui prétendent que Dieu est trop bon pour rejeter les pécheurs, portent leurs regards sur le Calvaire. VJ 48 2 C'est parce que l'homme ne pouvait être sauvé d'aucune autre manière; c'est parce que sans ce grand sacrifice il était impossible à la famille humaine de se soustraire à la souillure du péché; c'est parce qu'elle ne pouvait pas rentrer dans la communion des êtres saints et en possession de la vie spirituelle -- c'est pour toutes ces raisons que le Seigneur a pris sur lui la culpabilité du transgresseur, et qu'il a souffert à la place du pécheur. L'amour, les souffrances et la mort du Fils de Dieu témoignent de l'énormité du péché; ils déclarent qu'il n'est pas possible de se soustraire à sa puissance, et qu'il n'y a d'espoir d'une vie meilleure que par l'abandon de l'âme à Jésus-Christ. VJ 49 1 Les impénitents s'excusent parfois en disant de certains chrétiens: "Je suis aussi bon qu'eux. Ils ne sont pas plus désintéressés, pas plus sobres, pas plus circonspects dans leur conduite que moi. Ils aiment les plaisirs et les jouissances autant que moi." C'est là se retrancher derrière les fautes d'autrui. Mais les défauts et les péchés des autres ne justifient personne, car un modèle parfait nous a été donné: L'immaculé Fils de Dieu. Ceux qui se plaignent de la mauvaise conduite des soi-disant chrétiens devraient, par une vie plus noble, donner eux-mêmes un meilleur exemple. Si la conception qu'ils se font d'un chrétien est si élevée, leur péché n'est-il pas d'autant plus grand? Ils connaissent le bien et ils refusent de le faire. VJ 49 2 Prenez garde de ne pas temporiser. Ne renvoyez pas le moment de délaisser vos péchés et de rechercher en Jésus la pureté du coeur. C'est précisément ici que des milliers de personnes ont commis une erreur fatale. Je n'insisterai pas sur la brièveté et l'incertitude de la vie. Mais il y a un terrible danger -- danger trop peu compris -- à tarder de répondre aux appels pressants du Saint-Esprit. En réalité, ce délai est une décision de vivre dans le péché. Ce n'est qu'au péril de son âme qu'on peut tolérer un péché, si petit qu'il puisse paraître. Ce que nous ne vaincrons pas nous vaincra et causera notre ruine. VJ 50 1 Adam et Eve se persuadèrent qu'en mangeant du fruit défendu -- acte insignifiant -- ils ne sauraient attirer sur eux les conséquences désastreuses annoncées par Dieu. Mais cette légère infraction était la transgression de la loi sainte et immuable de Dieu, infraction qui sépara l'homme de son Créateur, et introduisit dans le monde la mort et tout son effroyable cortège de souffrances. Dès lors, siècle après siècle, notre terre fait monter une clameur douloureuse, et la création tout entière soupire et souffre les douleurs de l'enfantement. Le ciel même a ressenti les effets de cette rébellion contre Dieu. Le Calvaire est un monument du sacrifice inouï exigé pour expier la transgression de la loi divine. Ne considérons pas le péché à la légère. VJ 51 1 Chaque manquement, chaque négligence, chaque refus de la grâce de Jésus-Christ a une influence sur vous-même; le coeur s'endurcit, la volonté se pervertit, l'intelligence s'émousse: vous devenez non seulement moins enclin, mais moins apte à répondre aux appels miséricordieux du Saint-Esprit. VJ 51 2 Plusieurs font taire la voix de leur conscience alarmée en se persuadant qu'ils délaisseront le mal quand ils le voudront. Ils s'imaginent qu'ils peuvent se jouer des appels de la miséricorde divine, et rester néanmoins susceptibles d'en être touchés. Ils pensent qu'après avoir méprisé l'esprit de grâce et s'être placés sous la coupe de Satan, ils pourront, dans un moment de terrible extrémité, changer complètement de conduite. Mais cela ne se fait pas aussi facilement. L'expérience, l'éducation d'une vie entière ont tellement pétri leur caractère qu'ils sont peu nombreux ceux qui, à l'article de la mort, désirent recevoir l'empreinte de Jésus. VJ 51 3 Un seul travers de caractère, un seul mauvais désir conservé obstinément neutralise, à la longue, toute la puissance de l'Évangile. Chaque jouissance coupable fortifie l'aversion de l'âme pour Dieu. Ce qui témoigne pour la vérité divine une incrédulité tenace ou une stupide indifférence, ne fait que moissonner ce qu'il a lui-même semé. Il n'y a pas dans toute la Bible un avertissement plus effrayant contre le danger de jouer avec le mal que celui contenu dans ces paroles du Sage: "Le méchant... est saisi par les liens de son péché." Proverbes 5:22. VJ 52 1 Jésus-Christ est tout prêt à nous affranchir du péché, mais il ne force pas notre volonté. Si, en persistant dans la transgression, nous nous tournons complètement vers le mal, si nous ne désirons pas être affranchis, si nous ne voulons pas accepter sa grâce, que peut-il faire pour nous? Nous nous sommes condamnés nous-mêmes en rejetant obstinément son amour. Il nous exhorte en ces termes: "Voici maintenant le temps favorable, voici maintenant le jour du salut." 2 Corinthiens 6:2. "Aujourd'hui, si vous entendez sa voix, n'endurcissez pas vos coeurs." Hébreux 3:7, 8. VJ 53 1 "L'homme regarde à ce qui frappe les yeux, mais l'Éternel regarde au coeur" (1 Samuel 16:7), à ce coeur humain avec ses émotions contradictoires de joie et de tristesse, à ce coeur inconstant et vacillant, qui recèle tant d'impureté et de fraude. Il en connaît les desseins, les intentions et même les mobiles. Allez à lui tel que vous êtes, l'âme toute maculée. Avec le Psalmiste, ouvrez-en toutes grandes les avenues à l'oeil auquel rien n'échappe, en vous écriant: "Sonde-moi, ô Dieu, et connais mon coeur! Éprouve-moi, et connais mes pensées! Regarde si je suis sur une mauvaise voie et conduismoi sur la voie de l'éternité." Psaumes 139:23, 24. VJ 53 2 Plusieurs acceptent une religion intellectuelle, une forme de piété, alors que le coeur n'est pas purifié. Que votre prière constante soit: "Crée en moi un coeur pur, renouvelle en moi un esprit bien disposé." Psaumes 51:12. Agissez honnêtement avec votre âme. Soyez aussi sincère, aussi persévérant que si votre vie présente était en jeu. C'est une question à décider entre Dieu et votre âme -- à décider pour l'éternité. Une espérance qui repose uniquement sur des suppositions vous sera fatale. VJ 54 1 Étudiez la Parole de Dieu avec prière. Cette Parole vous présente, dans la loi divine et dans la vie de Jésus, les grands principes de la sanctification sans laquelle "personne ne verra le Seigneur." Hébreux 12:14. Elle convainc de péché, et elle révèle clairement le chemin du salut. Prenez-y garde. C'est la voix de Dieu parlant à votre âme. VJ 54 2 Quand vous verrez l'énormité du péché, quand vous vous verrez tels que vous êtes, ne vous laissez pas aller au désespoir. C'est pour sauver des pécheurs que Jésus-Christ est venu en ce monde. Nous n'avons pas à apaiser Dieu envers nous, puisque -- ô amour insondable! -- c'est "Dieu qui réconcilie en Jésus-Christ le monde avec lui-même." 2 Corinthiens 5:19. Il attire, par son tendre amour, les coeurs de ses enfants égarés. Il n'est pas de parents terrestres qui sachent manifester envers les fautes et les erreurs de leurs enfants la patience que Dieu exerce envers ceux qu'il désire sauver. VJ 54 3 Nul ne pourrait plaider avec plus de tendresse auprès du transgresseur. Jamais lèvres humaines n'ont adressé aux égarés des supplications plus aimantes. Toutes ses promesses, tous ses avertissements ne sont que les manifestations d'un amour indicible. VJ 55 1 Quand Satan vient vous dire que vous êtes un grand pécheur, élevez vos regards sur votre Rédempteur et parlez de ses mérites. Ce qui vous aidera sera de chercher sa lumière. Reconnaissez votre péché, mais dites à l'ennemi que Jésus-Christ "est venu dans le monde pour sauver les pécheurs" (1 Timothée 1:15), et que vous pouvez être sauvé par son amour infini. Jésus raconta à Simon l'histoire de deux débiteurs. L'un devait à son maître une petite somme, et l'autre une somme très importante; mais il remit à l'un et à l'autre leur dette. Puis Jésus demanda à Simon quel était celui des deux débiteurs qui aimerait le plus son maître. Simon répondit: "Celui je pense, auquel, il a le plus remis." Luc 7:43. Nous avons été de grands pécheurs; mais Jésus-Christ est mort pour nous assurer le pardon. Les mérites de son sacrifice sont suffisants pour nous réconcilier avec le Père. Ceux auxquels il a le plus pardonné l'aimeront le plus, et se tiendront le plus près de son trône pour le louer de son grand amour et de son sacrifice infini. Ce n'est que par une connaissance plus approfondie de l'amour de Dieu que l'on se rend mieux compte de la malignité du péché. Quand nous comprenons le sacrifice infini de Jésus-Christ en notre faveur, notre coeur se fond de tendresse et de douleur. ------------------------Chapitre 4 -- La confession VJ 57 1 "Celui qui cache ses transgressions ne prospère point, mais celui qui les avoue et les délaisse obtient miséricorde." Proverbes 28:13. VJ 57 2 Les conditions auxquelles Dieu accorde sa miséricorde sont simples, justes et raisonnables. Le Seigneur ne demande pas de nous des choses pénibles en retour du pardon de nos péchés. Il n'est pas nécessaire d'entreprendre de longs et durs pèlerinages, ou de se soumettre à des mortifications pour gagner la sympathie du Dieu des cieux, ou expier nos transgressions: celui qui avoue et délaisse ses péchés obtient miséricorde. VJ 58 1 "Confessez donc vos péchés les uns aux autres, et priez les uns pour les autres, afin que vous soyez guéris", dit l'apôtre. Jacques 5:16. Confessez vos fautes à Dieu qui seul peut les pardonner, et confessez-vous mutuellement vos torts. Si vous avez offensé votre ami ou votre prochain, votre devoir est de le reconnaître; et le leur, de vous pardonner. Vous devez ensuite rechercher le pardon divin, parce que le frère que vous avez blessé est la propriété de Dieu; en l'offensant, vous avez péché contre son Créateur et Rédempteur. Le cas est alors porté devant l'unique Médiateur, notre grand Souverain Sacrificateur, qui "a été tenté comme nous en toutes choses, sans commettre de péché" (Hébreux 4:15), qui est "touché du sentiment de nos infirmités", et parfaitement à même de nous purifier de toute iniquité. VJ 58 2 Ceux qui ne sont pas humiliés devant Dieu, en reconnaissant leur péché, n'ont pas encore rempli la première condition de la réconciliation. Si nous n'avons pas éprouvé cette tristesse dont on ne se repent jamais, si nous n'avons pas confessé nos péchés d'un coeur contrit et rempli d'horreur à la pensée de nos iniquités, nous n'en avons jamais véritablement cherché le pardon. Et si nous ne l'avons jamais fait, nous ne pouvons pas avoir trouvé la paix de Dieu. L'unique raison pour laquelle nous n'avons pas le pardon de nos péchés passés, c'est que nous ne voulons pas nous humilier et nous conformer aux conditions de la Parole de vérité. Des directives expresses nous sont données à ce sujet. La confession des péchés, qu'elle soit publique ou particulière, doit être franche et cordiale. Il ne faut pas qu'elle soit faite d'un air détaché et à la légère, ni imposée à des personnes qui n'ont pas encore appris à abhorrer le péché. La confession qui jaillit spontanément du tréfonds de l'âme rencontre la compassion infinie de Dieu. Le Psalmiste s'exprime en ces termes: "L'Éternel est près de ceux qui ont le coeur brisé, et il sauve ceux qui ont l'esprit dans l'abattement." Psaumes 34:19. VJ 59 1 Une confession véritable est toujours précise et avoue des péchés déterminés. Certains péchés sont d'une nature délicate et ne peuvent être confessés qu'à Dieu seul; d'autres doivent être confessés à ceux qui en ont été les victimes; d'autres enfin sont des fautes publiques et exigent une confession publique. Mais toute confession doit être explicite, directe, et nommer les péchés mêmes dont on s'est rendu coupable. VJ 60 1 Aux jours de Samuel, les enfants d'Israël, qui s'étaient éloignés de Dieu, avaient perdu la foi en sa sagesse pour gouverner la nation, et en sa puissance pour défendre sa cause. Se détournant du grand Monarque de l'univers, ils avaient exprimé le désir d'être gouvernés comme les peuples qui les entouraient. Leur ingratitude oppressait leur âme et les séparait de Dieu. Avant de trouver la paix, ils durent faire cette confession claire et précise: "Nous avons ajouté à tous nos péchés le tort de demander pour nous un roi." 1 Samuel 12:19. Il leur fallut confesser le péché dont ils s'étaient rendus coupables. VJ 60 2 Une confession ne sera jamais acceptée par Dieu si elle n'est pas accompagnée d'un repentir sincère et d'une réforme. Il faut qu'un changement radical de la vie l'accompagne et que tout ce qui n'est pas agréable à Dieu soit mis de côté. Ce sera la conséquence de la douleur réelle du péché. VJ 61 1 La tâche qui nous incombe nous est clairement révélée: "Lavez-vous, purifiez-vous, ôtez de devant mes yeux la méchanceté de vos actions; cessez de faire le mal. Apprenez à faire le bien, recherchez la justice, protégez l'opprimé; faites droit à l'orphelin, défendez la veuve." Ésaïe 1:16, 17. "Si le méchant rend le gage, s'il restitue ce qu'il a ravi, s'il suit les préceptes qui donnent la vie, sans commettre l'iniquité, il vivra, il ne mourra pas." Ezéchiel 33:15. Parlant de l'oeuvre de la repentance, l'apôtre Paul s'exprime ainsi: "Cette même tristesse selon Dieu, quel empressement n'a-telle pas produit en vous! Quelle justification, quelle indignation, quelle crainte, quel désir ardent, quel zèle, quelle punition! Vous avez montré à tous égards que vous étiez purs dans cette affaire." 2 Corinthiens 7:11. VJ 61 2 Quand le péché affaiblit le sens moral, le pécheur ne discerne plus ses défauts et ne se rend pas compte de l'énormité du mal qu'il a commis. À moins qu'il ne se soumette à l'action du Saint-Esprit, il demeure dans un aveuglement relatif au sujet de ses péchés. Ses confessions ne sont pas sincères. Chaque fois qu'il confesse une faute, il se hâte d'ajouter une excuse et d'alléguer certaines circonstances spéciales sans lesquelles il ne se serait jamais rendu coupable des actions qu'on lui reproche. VJ 62 1 Après avoir mangé du fruit défendu, Adam et Eve furent saisis de honte et d'effroi. Leur première pensée fut de chercher à se disculper de leur faute et à échapper à la redoutable sentence de mort. Quand Dieu s'enquit de leur péché, Adam voulut en faire retomber la faute en partie sur Dieu et en partie sur sa compagne "La femme que tu as mise auprès de moi m'a donné de l'arbre, et j'en ai mangé." VJ 62 2 La femme, à son tour, rejeta toute la faute sur le serpent, disant: "Le serpent m'a séduite, et j'en ai mangé." Genèse 3:12, 13. Pourquoi as-tu créé le serpent? Pourquoi l'as-tu laissé entrer en Eden? Ces questions, impliquées dans son excuse; ne tendaient qu'à faire retomber sur Dieu la responsabilité de leur chute. La tendance à excuser ses torts a pris naissance chez le père du mensonge et se manifeste chez tous les fils et toutes les filles d'Adam. Les confessions de ce genre ne sont pas inspirées par l'Esprit de Dieu et ne peuvent être agréées. La véritable repentance amène le pécheur à porter lui-même sa transgression et à la reconnaître sans fraude et sans hypocrisie. De même que le publicain, n'osant pas même lever les yeux au ciel, il dira "O Dieu, sois apaisé envers moi, qui suis un pécheur." Luc 18:13. Ceux qui reconnaissent leur culpabilité seront justifiés, car Jésus présentera les mérites de son sang en faveur des âmes repentantes. VJ 63 1 Les exemples de confessions véritables que fournit la Bible ne contiennent pas une seule parole tendant à excuser ou à pallier la faute et à justifier le transgresseur. L'apôtre Paul ne cherchait nullement à se défendre. Il dépeint son péché sous les plus vives couleurs; il ne fait rien pour en atténuer la culpabilité. "J'ai jeté en prison plusieurs des saints, ayant reçu ce pouvoir des principaux sacrificateurs, et, quand on les mettait à mort, je joignais mon suffrage à celui des autres. Je les ai souvent châtiés dans toutes les synagogues, et je les forçais à blasphémer. Dans mes excès de fureur contre eux, je les persécutais même jusque dans les villes étrangères." Actes 26:10,11. Il n'hésite pas à dire: "Jésus-Christ est venu dans le monde pour sauver les pécheurs, dont je suis le premier." 1 Timothée 1:15. VJ 64 1 Le coeur humilié et contrit, subjugué par un repentir véritable, comprendra jusqu'à un certain point l'amour de Dieu et le prix du Calvaire. Comme un fils fait sa confession à un père aimant, le pécheur véritablement repentant apportera tous ses péchés devant Dieu. Car il est écrit. "Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous les pardonner, et pour nous purifier de toute iniquité." Jean 1:9. ------------------------Chapitre 5 -- L'abandon de soi-même VJ 65 1 Dieu a fait cette promesse: "Vous me chercherez, et vous me trouverez, si vous me cherchez de tout votre coeur." Jérémie 29:13. VJ 65 2 Dieu, dont nous sommes par nature des ennemis, veut restaurer en nous son image, mais à condition que nous lui donnions notre coeur sans partage. Voici comment le Saint-Esprit décrit notre condition: "Vous étiez morts par vos offenses et par vos péchés", "la tête entière est malade, et tout le coeur est souffrant"; "rien n'est en bon état". Nous sommes retenus par les pièges de Satan et soumis à "sa volonté". Ephésiens 2:1; Ésaïe 1:5,6; 2 Timothée 2:26. Dieu désire nous guérir et nous rendre la liberté. Mais comme cela nécessite une transformation complète de notre nature, il faut que nous nous abandonnions entièrement à lui. VJ 66 1 La guerre contre le moi est la plus grande qui ait jamais été livrée. L'abandon de soi-même, la soumission entière à la volonté de Dieu, ne s'obtient pas sans combat; mais cette soumission est nécessaire à notre transformation et à notre sanctification. VJ 66 2 Le gouvernement de Dieu n'est pas fondé, comme Satan voudrait le faire accroire, sur une soumission aveugle de notre part et une domination arbitraire. Dieu fait appel à notre intelligence et à notre conscience "Venez et plaidons!" (Ésaïe 1:18), telle est l'invitation que le Créateur adresse à tous les êtres. Il ne violente pas la volonté de ses créatures. Il ne peut accepter un hommage qui n'est pas volontaire et qui ne lui est pas donné intelligemment et de bon coeur. Une soumission forcée empêcherait tout vrai développement intellectuel et moral; elle abaisserait l'homme à l'état d'automate. Tel n'est pas le dessein du Créateur. Il désire que l'homme, couronnement de sa puissance créatrice, atteigne le plus haut degré de développement. Il place devant nous la félicité à laquelle il veut que nous parvenions par sa grâce. Désireux d'accomplir sa volonté en nous, il nous invite à nous donner à lui. À nous de décider si nous voulons être affranchis de l'esclavage du péché et participer à la glorieuse liberté des enfants de Dieu. VJ 67 1 En nous donnant à Dieu, nous devons nécessairement abandonner tout ce qui pourrait nous tenir éloignés de lui. C'est pourquoi le Sauveur dit: "Quiconque d'entre vous ne renonce pas à tout ce qu'il possède ne peut être mon disciple." Luc 14:33. Mammon est l'idole de plusieurs. L'amour de l'argent, le désir des richesses sont les chaînes dorées qui les lient à Satan. D'autres adorent la gloire et les honneurs mondains. D'autres encore se font une idole d'une vie d'aise, libre de toute responsabilité. Mais il faut que ces chaînes soient rompues. Nous ne pouvons être en partie au Seigneur et en partie au monde. Nous ne devenons les enfants de Dieu que dès le moment où nous le sommes sans réserve. VJ 68 1 Il est des personnes professant servir Dieu qui comptent exclusivement sur leurs forces pour obéir à sa loi, pour se corriger de leurs défauts et s'assurer le salut. Leur coeur n'est pas touché par le sentiment profond de l'amour du Sauveur, mais elles s'efforcent d'accomplir les devoirs de la vie chrétienne comme une condition à remplir pour gagner le ciel. Une telle religion ne vaut absolument rien. Quand Jésus-Christ demeure dans un coeur, celui-ci est tellement rempli de son amour et de la joie de sa communion qu'il se cramponne à lui. Dans la contemplation du Sauveur, le moi est oublié. Son amour devient le grand mobile de toutes les actions. Ceux qui ont compris l'amour de Dieu ne se demandent pas quel est le service minimum qu'ils peuvent lui rendre sans être rejetés. Ils ne visent pas au plus bas degré de la vie chrétienne, mais ils s'efforcent de se conformer parfaitement à la volonté de leur Rédempteur. Ils abandonnent tout, et ils manifestent dans la recherche des choses éternelles un intérêt et une ardeur proportionnés à la valeur de l'objet de leurs recherches. Un christianisme dépourvu de cet amour profond n'est qu'un verbiage creux, un vain formalisme, une corvée. VJ 69 1 Avez-vous le sentiment que c'est un sacrifice trop grand de tout céder au Seigneur? Vous demandez-vous "Qu'est-ce que Jésus a fait pour moi?" Le Fils de Dieu a tout donné pour notre rédemption: sa vie, son amour, ses souffrances. Serait-il possible que nous, les indignes objets d'un si grand amour, nous lui marchandions nos coeurs? À chaque instant de notre vie, nous avons participé aux bienfaits de sa grâce, et c'est pour cette raison que nous ne pouvons pas nous rendre compte de la profondeur de l'ignorance et de la misère d'où nous avons été tirés. Pouvons-nous porter nos regards sur celui qui a été percé par nos péchés et dédaigner ce grand amour, ce grand sacrifice? Peut-on, en contemplant la grande humiliation du Seigneur de gloire, se plaindre des luttes et des renoncements exigés pour entrer dans la vie éternelle? VJ 69 2 Maint coeur orgueilleux se pose la question: "Pourquoi me repentir, pourquoi m'humilier avant d'avoir l'assurance que je puis être accepté de Dieu?" Je vous en prie, portez vos regards sur Jésus-Christ. Il était sans péché. Il y a plus: il était le Roi du ciel; et par amour pour l'humanité, il s'est fait péché à notre place. "Il a été mis au nombre des malfaiteurs. Il a porté les péchés de beaucoup d'hommes, et il a intercédé pour les coupables." Ésaïe 53:12. VJ 70 1 En revanche, que sacrifions-nous quand nous nous donnons entièrement? -- Un coeur souillé par le péché, à purifier par son sang, à sauver par son amour infini! VJ 70 2 ... Et l'on trouve difficile de tout abandonner! Je suis honteuse de l'entendre dire, confuse de l'écrire. VJ 70 3 Dieu ne nous demande pas le sacrifice d'une seule chose qui pourrait nous être bonne et utile. Dans tout ce qu'il fait, il n'a en vue que les intérêts de ses enfants. Il tient en réserve pour eux des biens infiniment supérieurs à ceux qu'ils poursuivent. Ah! Si tous ceux qui n'ont pas encore décidé de suivre Jésus s'en rendaient compte! Celui qui agit contrairement à la loi de Dieu fait à son âme le plus grand dommage. Il n'y a aucune joie véritable sur le sentier défendu par celui qui fait tout en vue de notre bien. Le chemin de la transgression conduit au malheur et à la ruine. VJ 71 1 Supposer que Dieu se complaise dans les souffrances de ses enfants est une grave erreur. Le ciel tout entier s'intéresse au bonheur de l'homme. Notre Père céleste ne prive de la joie aucune de ses créatures. Les préceptes divins nous invitent à fuir tout ce qui pourrait nous attirer des souffrances et des déceptions, tout ce qui nous interdirait l'accès à la joie et au ciel. Le Rédempteur du monde accepte les hommes tels qu'ils sont, avec tous leurs besoins, toutes leurs imperfections et toutes leurs faiblesses. Il veut non seulement les purifier du péché et leur accorder la rédemption par son sang, mais encore répondre aux soupirs de tous ceux qui consentent à se charger de son joug et à porter son fardeau. Son dessein est de donner la paix et le repos à tous ceux qui viennent à lui pour obtenir le pain de vie. Ce qu'il attend de nous, c'est l'accomplissement de devoirs qui nous conduiront à une félicité supérieure à celle à laquelle le rebelle ne pourra jamais atteindre. La vie réelle et joyeuse de l'âme, c'est de posséder Jésus-Christ, l'espérance de la gloire. VJ 72 1 Beaucoup de personnes se demandent: "Comment faire pour m'abandonner à Dieu?" Vous désirez vous donner à lui, mais vous êtes faible moralement, esclave du doute et sous l'empire des habitudes de votre vie de péché. Vos promesses et vos résolutions sont comme des toiles d'araignées. Vous ne pouvez dominer sur vos pensées, vos impulsions, vos affections. Le souvenir de vos promesses non tenues et des engagements auxquels vous avez failli affaiblit votre confiance en votre propre sincérité, et crée en vous le sentiment que Dieu ne peut vous accepter. Mais vous n'avez pas lieu de désespérer. Ce dont vous avez besoin, c'est de connaître la véritable puissance de la volonté. Le moteur de la personnalité humaine, c'est la faculté de décider, de choisir. Tout dépend de la volonté. Dieu nous a accordé la puissance de choisir: à nous de l'exercer. Vous ne pouvez changer votre coeur; vous ne pouvez, de vous-même, donner à Dieu vos affections; mais vous pouvez décider de le servir. Vous pouvez lui donner votre volonté, et alors il produira en vous le vouloir et le faire selon son bon plaisir. Ainsi tout votre être sera placé sous l'action puissante de l'Esprit du Christ; vos affections seront concentrées sur lui, vos pensées seront en harmonie avec les siennes. VJ 73 1 Désirer la bonté et la sainteté, c'est bien; mais si vous vous en tenez là, cela ne vous servira de rien. Plusieurs seront perdus qui auront espéré devenir chrétiens et désiré l'être. Ce sont ceux qui ne parviennent pas à soumettre entièrement leur volonté à Dieu et qui ne prennent pas la décision d'être chrétiens. VJ 73 2 Par l'emploi judicieux de la volonté, un changement complet peut s'opérer dans votre vie. VJ 73 3 En soumettant votre volonté à Jésus-Christ, vous vous unissez à une force qui est supérieure à toutes les principautés et à toutes les puissances. La force d'en haut vous sera communiquée pour vous rendre inébranlable, et ainsi en vous remettant constamment entre les mains de Dieu, vous serez mis à même de vivre la vie nouvelle, à savoir, la vie de la foi. ------------------------Chapitre 6 -- Foi, paix, assurance VJ 75 1 Quand votre conscience a été réveillée par le Saint-Esprit, vous avez commencé à voir le caractère odieux du péché, sa culpabilité et les malheurs qu'il engendre, et vous ne le considérez plus qu'avec horreur. Vous sentez que le péché vous a séparé de Dieu, que vous êtes esclave de la puissance du mal. Plus vous vous débattez pour lui échapper, plus le sentiment de votre impuissance est vif. Vos mobiles sont impurs, votre coeur est souillé. Vous voyez que votre vie a été remplie d'égoïsme et de péché. Vous soupirez après le pardon et la liberté. Être en règle avec Dieu, lui ressembler: que faire pour y arriver? VJ 76 1 Ce qu'il vous faut, c'est la paix, c'est le pardon du ciel, c'est l'amour divin dans votre âme. Cette paix, l'argent ne saurait la procurer, l'intelligence ne saurait y conduire, la sagesse ne peut y atteindre; jamais vous ne pourrez l'obtenir par vos efforts. Mais Dieu vous l'offre à titre de don, "sans argent, sans rien payer". Ésaïe 55:1. Elle vous appartient si vous voulez seulement étendre la main pour vous en saisir. L'Éternel dit: "Si vos péchés sont comme le cramoisi, ils deviendront blancs comme la neige; s'ils sont rouges comme la pourpre, ils deviendront comme la laine." Ésaïe 1:18. "Je vous donnerai un coeur nouveau, et je mettrai en vous un esprit nouveau." Ezéchiel 36:26. VJ 76 2 Vous avez confessé vos péchés, et vous les avez délaissés de tout votre coeur, Vous avez pris la détermination de vous abandonner à Dieu. Maintenant, allez à lui et demandez-lui de laver vos péchés et de vous donner un coeur nouveau, et puis, croyez qu'il le fait parce qu'il l'a promis. C'est ce que Jésus nous a enseigné lorsqu'il était ici-bas. Le don que Dieu nous a promis, il faut simplement croire que nous le recevons, et il est à nous. Jésus guérissait les maladies de ceux qui avaient foi en sa puissance. Il les secourait dans les choses visibles afin de leur donner confiance en lui dans les choses invisibles, les amenant ainsi à croire qu'il a autorité pour pardonner les péchés. C'est là ce qu'il a déclaré en guérissant le paralytique: "Afin que vous sachiez que le Fils de l'homme a sur la terre le pouvoir de pardonner les péchés: Lève-toi, dit-il au paralytique, prends ton lit, et va dans ta maison." Matthieu 9:6. C'est aussi ce que dit l'apôtre Jean, en parlant des miracles de Jésus-Christ: "Ces choses ont été écrites afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu'en croyant vous ayez la vie en son nom." Jean 20:31. VJ 77 1 Le simple récit de la manière dont Jésus guérit le paralytique du réservoir de Béthesda peut nous aider à comprendre comment il faut croire en lui pour obtenir le pardon des péchés. Considérons cette histoire. Ce pauvre malade était impotent; il n'avait pas fait usage de ses jambes depuis trentehuit ans. Cependant, Jésus lui dit: "Lève-toi, prends ton lit, et marche." Jean 5:1-9. Le malade aurait pu dire: "Seigneur, si tu veux me guérir, j'obéirai à ta parole." Mais non, il crut à la parole de Jésus; il crut qu'il était guéri et aussitôt il agit en conséquence; il voulut marcher et il marcha. Il obéit à l'ordre de Jésus et Dieu lui donna la force de marcher. Il fut guéri. VJ 78 1 Vous êtes pécheur. Vous ne pouvez faire propitiation pour vos péchés passés, vous ne pouvez changer votre coeur et le sanctifier. Mais Dieu promet de faire tout cela pour vous par Jésus- Christ. Vous croyez à cette promesse. Vous confessez vos péchés et vous vous donnez à Dieu. Vous voulez le servir. Tout aussi certainement que vous faites cela, Dieu accomplira sa parole à votre égard. Si vous croyez à la promesse -- que vos péchés sont pardonnés et que vous êtes purifié -- Dieu transforme votre foi en réalité. Vous êtes guéri, tout aussi certainement que le paralytique auquel Jésus a donné la force de marcher dès qu'il crut à sa guérison. La chose est, dès que vous croyez. VJ 78 2 N'attendez pas de sentir que vous êtes guéri, mais dites: "Je le crois; la chose existe, non parce que je la sens, mais parce que Dieu l'a dit." VJ 78 3 Jésus nous dit: "Tout ce que vous demanderez en priant, croyez que vous l'avez reçu, et vous le verrez s'accomplir." Marc 11:24. Mais une condition est liée à cette promesse: notre requête doit être conforme à la volonté de Dieu. VJ 79 1 Or, c'est la volonté de Dieu de nous purifier de tout péché, de faire de nous ses enfants, de nous permettre de vivre saintement. Nous pouvons donc demander ces grâces, croire que nous les recevons et remercier Dieu de nous les avoir accordées. Il ne tient qu'à nous d'aller à Jésus pour être purifiés et pour subsister devant sa loi sans confusion ni remords. "Il n'y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ." Romains 8:1. VJ 79 2 Dès cet instant vous ne vous appartenez plus: vous avez été racheté à grand prix. "Ce n'est pas par des choses périssables, par de l'argent ou de l'or, que vous avez été rachetés... mais par le sang précieux de Christ, comme d'un agneau sans défaut et sans tache." 1 Pierre 1:18,19. Par ce simple acte de foi en Dieu, le Saint-Esprit vous a engendré à une vie nouvelle. Vous êtes maintenant un membre de la famille divine, et Dieu vous aime comme il aime son Fils. VJ 80 1 Maintenant que vous vous êtes donné à Jésus, ne retournez pas en arrière, ne vous arrachez pas à son étreinte. Dites, jour après jour: "Je suis au Christ, je me suis donné à lui"; et demandez-lui son Saint-Esprit et sa grâce pour vous garder. C'est en vous donnant à Dieu et en croyant en lui que vous devenez son enfant; c'est de la même façon que vous devez vivre en lui. L'apôtre dit: "Comme vous avez reçu le Seigneur Jésus-Christ, marchez en lui." Colossiens 2:6. VJ 80 2 Certaines personnes pensent qu'elles devraient être mises à l'épreuve et montrer au Seigneur qu'elles sont transformées avant de pouvoir se réclamer de sa grâce. Mais elles peuvent s'en réclamer en ce moment même. Il leur faut cette grâce, il leur faut l'Esprit du Christ pour les soutenir dans leur infirmité; sinon elles ne pourront résister au mal. Jésus aime nous voir venir à lui tels que nous sommes, pécheurs, impuissants, débiles. Nous pouvons aller à lui et nous jeter à ses pieds avec nos faiblesses, nos égarements, nos péchés. Il met sa gloire à nous combler de son amour, à panser nos blessures et à nous purifier de toute impureté. VJ 81 1 C'est ici que des milliers de pécheurs font erreur ils ne croient pas que Jésus leur pardonne personnellement, individuellement. Ils ne prennent pas Dieu au mot. Tous ceux qui se soumettent au Seigneur peuvent savoir positivement que le pardon de tous leurs péchés leur est gratuitement accordé. Mettez de côté la pensée injuste que les promesses de Dieu ne vous concernent pas. Elles concernent chaque pécheur repentant. Par le ministère des anges, la force et la grâce sont communiquées à tout croyant de la part de Jésus-Christ. Nul n'est pécheur au point de ne pouvoir trouver force, pureté et justice en celui qui est mort pour nous. Jésus ne désire rien tant que de nous enlever nos vêtements tachés et souillés par le péché, et de nous revêtir des robes blanches de la justice. Il nous supplie de vivre, de ne pas mourir. VJ 81 2 Dieu n'agit pas envers nous comme les hommes mortels agissent les uns envers les autres. Ses pensées sont des pensées de miséricorde, d'amour et de tendre compassion: "Que le méchant abandonne sa voie, et l'homme d'iniquité ses pensées; qu'il retourne à l'Éternel, qui aura pitié de lui, à notre Dieu, qui ne se lasse pas de pardonner." "J'efface tes transgressions comme un nuage, et tes péchés comme une nuée." Ésaïe 55:7; 44:22. VJ 82 1 "Je ne désire pas la mort de celui qui meurt, dit le Seigneur, l'Éternel. Convertissez-vous donc, et vivez!" Ezéchiel 18:32. Satan est toujours sur le qui-vive pour nous masquer ces précieuses promesses de Dieu. Il désire nous ravir toute lueur d'espérance et tout rayon de lumière. Mais il ne faut pas se prêter à son jeu. N'écoutez pas le tentateur. Dites: "Jésus est mort pour m'assurer la vie. Il m'aime et ne désire pas que je périsse. J'ai au ciel un Père compatissant qui me recevra, bien que j'aie abusé de son amour et fait un mauvais usage de ses bienfaits. Je me lèverai et j'irai lui dire: 'J'ai péché contre le ciel et contre toi, je ne suis plus digne d'être appelé ton fils; traite-moi comme l'un de tes mercenaires.'" La parabole vous dit comment le fils prodigue sera reçu: "Comme il était encore loin, son père le vit et fut ému de compassion, il courut se jeter à son cou et le baisa." Luc 15:18-20. VJ 83 1 Mais cette parabole elle-même, si touchante soit-elle, n'est pas l'expression adéquate de l'infinie compassion du Père céleste. Dieu fait cette déclaration par son prophète: "Je t'aime d'un amour éternel." Jérémie 31:3. Alors même que le fils est éloigné de la maison paternelle, gaspillant ses biens dans un pays étranger, le coeur du Père soupire après lui; et chaque désir qui s'éveille dans l'âme du malheureux et le pousse vers Dieu n'est que le tendre plaidoyer de l'Esprit-Saint qui le sollicite, le supplie, l'attire vers son Père. VJ 83 2 Les riches promesses de la Bible sous les yeux, pouvez-vous encore douter? Pouvez-vous croire que le Seigneur empêche durement le pauvre pécheur de venir se jeter repentant à ses pieds, quand il aspire à revenir à lui et désire délaisser ses péchés? Arrière de vous de telles pensées! Rien ne peut faire plus de mal à votre âme que d'y nourrir de si injustes soupçons au sujet de votre Père céleste. Il hait le péché, mais il aime le pécheur au point qu'il s'est sacrifié lui-même pour lui dans la personne de Jésus-Christ. Il l'a fait afin que tous ceux qui le veulent puissent être sauvés et entrer en possession de la félicité éternelle dans le royaume de gloire. Quel langage plus fort et plus tendre aurait-il pu employer pour exprimer son amour envers nous? Voici ses paroles: "Une femme oublie-t-elle l'enfant qu'elle allaite? N'a-t-elle pas pitié du fruit de ses entrailles? Quand elle l'oublierait, moi je ne t'oublierai point." Ésaïe 49:15. VJ 84 1 Élevez vos regards, vous qui doutez et qui tremblez car Jésus vit et intercède pour vous. Remerciez Dieu pour le don de son cher Fils et demandez-lui qu'il ne soit pas mort pour vous en vain. L'Esprit vous invite aujourd'hui. Venez à Jésus de tout votre coeur, et vous pourrez vous réclamer de sa grâce. VJ 84 2 En lisant les promesses divines, souvenez-vous qu'elles sont l'expression d'un amour, et d'une compassion inexprimables. VJ 84 3 Le grand coeur de l'Amour infini se penche irrésistiblement vers le pécheur. "En lui nous avons la rédemption par son sang, la rémission des péchés." Ephésiens 1:7. Oui, croyez seulement que Dieu est votre secours. Il désire restaurer dans l'homme son image morale. Quand vous vous approcherez de lui par la confession et la repentance, il s'approchera de vous avec la miséricorde et le pardon. ------------------------Chapitre 7 -- La pierre de touche VJ 87 1 "Si quelqu'un est en Christ, il est une nouvelle créature. Les choses anciennes sont passées; voici, toutes choses sont devenues nouvelles." 2 Corinthiens 5:17. VJ 87 2 Une personne peut n'être pas à même de dire le lieu et le temps de sa conversion, ni d'indiquer l'enchaînement exact des circonstances qui l'y ont amenée; mais cela ne prouve pas qu'elle soit inconvertie. Le Seigneur dit à Nicodème: "Le vent souffle où il veut, et tu en entends le bruit; mais tu ne sais d'où il vient, ni où il va. Il en est ainsi de tout homme qui est né de l'Esprit." Jean 3:8. Le vent est invisible mais ses effets sont visibles et sensibles; tel est aussi l'Esprit de Dieu dans son action sur l'âme humaine. Une puissance régénératrice, que nul homme ne peut voir, engendre l'âme à une vie nouvelle; elle crée un être nouveau à l'image de Dieu. VJ 88 1 Tandis que l'action de l'Esprit est silencieuse et imperceptible, ses effets sont manifestes. Si le coeur est renouvelé par l'Esprit de Dieu, la vie en rendra témoignage. S'il est vrai que nous ne pouvons rien faire pour changer nos coeurs, ou pour nous rendre tels que Dieu nous veut; si nous ne devons avoir aucune confiance en nous-mêmes ou en nos bonnes oeuvres, notre vie révélera néanmoins que l'Esprit de Dieu demeure en nous. Un changement se remarquera dans notre caractère, nos habitudes et nos préoccupations. Le contraste entre ce qu'on a été et ce qu'on est sera marquant. Le caractère se révèle, non par les bonnes ou les mauvaises oeuvres occasionnelles, mais par la tendance générale des paroles et des actions. VJ 89 1 Il est vrai qu'on peut avoir une conduite extérieurement correcte sans la puissance transformatrice de Jésus-Christ. L'amour du prestige et le désir de posséder l'estime de ses semblables peuvent produire une vie réglée. Par respect de soi-même, on peut éviter les apparences du mal. Un égoïste peut faire des actions généreuses. Comment alors déterminer de quel côté nous nous trouvons? VJ 89 2 Qui possède notre coeur? Avec qui sont nos pensées? De qui aimons-nous à nous entretenir? Qui possède nos plus chaudes affections et le meilleur de notre énergie? Si nous sommes à Jésus, nos pensées sont en lui, ainsi que nos plus douces émotions. VJ 89 3 Tout ce que nous sommes ou possédons lui est consacré; nous désirons vivement reproduire son image, nous imprégner de son esprit, faire sa volonté et lui être agréables en toutes choses, Ceux qui deviennent des créatures nouvelles en Jésus-Christ produiront les fruits de l'Esprit: "l'amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bénignité, la fidélité, la douceur, la tempérance". Galates 5:22, 23. Ils ne se conformeront plus aux anciennes convoitises, mais, par la foi au Fils de Dieu, ils suivront ses pas, réfléchiront son caractère et se purifieront comme lui-même est pur. Désormais ils aiment les choses qu'ils haïssaient et les choses qu'ils aimaient, ils les haïssent. L'orgueilleux devient doux et humble de coeur. Celui qui était vain et autoritaire devient sérieux et modeste. L'ivrogne devient sobre, le licencieux devient pur. Les vaines coutumes et les modes du monde sont délaissées. Le chrétien recherchera non pas l'ornement extérieur mais "la parure cachée du coeur, la parure incorruptible d'un esprit doux et paisible". 1 Pierre 3:3, 4. VJ 90 1 Sans réforme, il n'y a pas trace de véritable conversion. Le pécheur qui répare ses torts, qui rend ce qu'il avait dérobé, qui confesse ses péchés, et qui aime Dieu et ses semblables peut être assuré qu'il est passé de la mort à la vie. VJ 90 2 Dès que nous venons à Jésus en qualité de créature égarée et pécheresse, et que nous participons à son pardon, l'amour germe dans notre coeur. Tout fardeau devient léger, car le joug que Jésus nous impose est aisé. Le devoir devient un délice, le sacrifice un plaisir. Le sentier qui semblait enveloppé d'épaisses ténèbres est illuminé par les rayons éclatants du Soleil de justice. VJ 91 1 La beauté du caractère de Jésus se retrouvera chez ses disciples. Il prenait plaisir à faire la volonté divine. Aimer Dieu et vivre pour sa gloire étaient les deux puissances de sa vie. Toutes ses actions étaient ennoblies et embellies par l'amour. L'amour vient de Dieu. Le coeur irrégénéré ne saurait le produire. Il ne se trouve que dans le coeur où Jésus règne. "Nous l'aimons, parce qu'il nous a aimés le premier." 1 Jean 4:19. L'amour est à la base de tous les actes du coeur régénéré par la grâce divine. Il modifie le caractère, dirige les impulsions, domine les passions, subjugue l'inimitié et ennoblit les affections. Cet amour cultivé dans le coeur adoucit la vie et répand une influence ennoblissante tout autour de soi. VJ 91 2 Il est deux erreurs dont les enfants de Dieu -- tout particulièrement ceux qui viennent d'accepter sa grâce -- doivent spécialement se garder. La première, nous en avons déjà parlé, consiste à se confier en ses propres oeuvres et à se reposer sur quelque bonne action pour rentrer dans la faveur de Dieu. Celui qui cherche à observer la loi et à devenir saint par ses efforts entreprend une impossibilité. Tout ce que peut faire l'homme hors de Jésus-Christ est entaché d'égoïsme et de péché. Seule la grâce de Jésus, par la foi, peut nous rendre saints. VJ 92 1 L'erreur opposée est non moins dangereuse: elle consiste à croire que la foi en Jésus dispense l'homme d'observer la loi de Dieu; que la foi étant seule capable de nous rendre participants de Jésus-Christ, nos oeuvres n'ont rien à voir à notre rédemption. VJ 92 2 Veuillez observer ici que l'obéissance n'est pas seulement une soumission extérieure, mais un service d'amour. La loi de Dieu est un reflet de sa nature; c'est l'expression du grand principe de l'amour, et par conséquent la base de son gouvernement dans le ciel et sur la terre. Si nos coeurs sont transformés à la ressemblance de Dieu, si l'amour divin est implanté dans notre âme, ne mettrons-nous pas en pratique la loi de Dieu dans notre vie? Quand le principe de l'amour est enraciné dans notre coeur, quand l'homme est transformé à l'image de celui qui l'a créé, cette promesse de la nouvelle alliance est accomplie: "Je mettrai mes lois dans leurs coeurs, et je les écrirai dans leur esprit." Hébreux 10:16. Et si la loi est écrite dans le coeur, ne façonnerat-elle pas la vie? Une obéissance, une soumission qui a l'amour pour mobile, voilà la véritable preuve de notre conversion. Aussi est-il écrit: "L'amour de Dieu consiste à garder ses commandements." "Celui qui dit: 'Je l'ai connu, et qui ne garde pas ses commandements, est un menteur, et la vérité n'est point en lui.'" 1 Jean 5:3; 2:4. Loin de dispenser l'homme de l'obéissance, la foi, et la foi seule, le rend participant de la grâce de Jésus-Christ, qui le met à même d'être obéissant. VJ 93 1 Nous ne gagnons pas le salut par notre obéissance, puisque le salut est un don gratuit de Dieu, qui s'obtient par la foi. Par contre, l'obéissance est le fruit de la foi. "Vous le savez, Jésus a paru pour ôter les péchés, et il n'y a point en lui de péché. Quiconque demeure en lui ne pèche point; quiconque pèche ne l'a pas vu, et ne l'a pas connu." 1 Jean 3:5, 6. Là est la pierre de touche. Si nous demeurons en Jésus, si l'amour de Dieu demeure en nous, nos sentiments, nos pensées, nos desseins, nos actes seront conformes à la volonté de Dieu telle qu'elle est exprimée dans les préceptes de sa sainte loi. "Petits enfants, que personne ne vous séduise. Celui qui pratique la justice est juste." 1 Jean 3:7. La justice est définie par la sainte loi de Dieu énoncée dans les dix préceptes donnés sur le mont Sinai. VJ 94 1 La prétendue foi en Jésus-Christ qui délie les hommes de l'obligation d'obéir à Dieu n'est pas de la foi mais de la présomption. "C'est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi." Mais la foi, "si elle n'a pas les oeuvres, elle est morte en elle-même". Ephésiens 2:8; Jacques 2:17. Avant son incarnation, Jésus disait de lui-même: "Je veux faire ta volonté, mon Dieu! et ta loi est au fond de mon coeur." Psaumes 40:9. Et au moment de remonter au ciel, il faisait cette déclaration: "J'ai gardé les commandements de mon Père, et que je demeure dans son amour." Jean 15:10. "Si nous gardons ses commandements, par là nous savons que nous l'avons connu", dit l'Écriture... "Celui qui dit qu'il demeure en lui doit marcher aussi comme il a marché lui-même." 1 Jean 2:3-6. "Christ aussi a souffert pour vous, vous laissant un exemple, afin que vous suiviez ses traces." 1 Pierre 2:21. VJ 95 1 Les conditions de la vie éternelle sont aujourd'hui ce qu'elles ont toujours été, ce qu'elles étaient au paradis avant la chute de nos premiers parents: une obéissance parfaite à la loi de Dieu, une justice parfaite. Si la vie éternelle était accordée à d'autres conditions, le bonheur de l'univers tout entier serait compromis; le péché et tout son cortège de maux et de souffrances seraient immortalisés. VJ 95 2 Avant la chute, il était possible à Adam d'acquérir un caractère juste par l'obéissance à la loi de Dieu. Mais il échoua, et, à cause de son péché, notre nature est déchue et nous sommes incapables de nous rendre justes par nous-mêmes. Étant mauvais, nous ne pouvons pas obéir parfaitement à une loi sainte. Nous ne possédons pas de justice personnelle qui nous permette de répondre aux exigences de la loi de Dieu. Mais Jésus-Christ nous a préparé une issue. Il a vécu sur la terre au milieu des mêmes épreuves et des mêmes tentations que nous. Il a vécu sans péché. Il est mort pour nous et, maintenant, il s'offre à prendre sur lui nos péchés et à nous donner sa justice. Si vous vous donnez à lui et si vous l'acceptez comme votre Sauveur, quelque coupable que votre vie ait pu être, vous êtes, à cause de lui, considéré comme étant juste. Le caractère de Jésus-Christ est substitué à votre caractère, et vous avez accès auprès de Dieu comme si vous n'aviez jamais péché. VJ 96 1 Il y a plus, Jésus change votre coeur; il y habite par la foi. Ces rapports avec Jésus par la foi et cette reddition constante de votre volonté à la sienne, il faut les maintenir. Tant que vous le ferez, il produira en vous "le vouloir et le faire, selon son bon plaisir". Vous pourrez donc dire: "Si je vis, ce n'est plus moi qui vis, c'est Christ qui vit en moi; si je vis maintenant dans la chair, je vis dans la foi au Fils de Dieu, qui m'a aimé et qui s'est livré lui-même pour moi." Galates 2:20. C'est ainsi que Jésus pouvait dire à ses disciples: "Ce n'est pas vous qui parlerez, c'est l'Esprit de votre Père qui parlera en vous." Matthieu 10:20. Alors l'Esprit de Jésus-Christ, agissant en vous, vous permettra de manifester les mêmes dispositions que lui et vous accomplirez les mêmes oeuvres: des oeuvres de justice et d'obéissance. VJ 97 1 Nous n'avons donc en nous absolument rien dont nous puissions tirer vanité. Nous n'avons aucun sujet de nous glorifier. C'est sur la justice de Jésus qui nous est imputée, et sur celle que son Esprit produit en nous et par nous, que reposent toutes nos espérances. VJ 97 2 Quand on parle de la foi, il y a une distinction qu'il ne faut pas perdre de vue. Il est un genre de croyance essentiellement distinct de la foi. L'existence de Dieu, sa puissance et la véracité de sa Parole sont des faits que Satan lui-même et ses anges dans leur fort intérieur ne peuvent nier. La Bible nous dit: "Les démons le croient aussi, et ils tremblent." Jacques 2:19. Mais ce n'est pas là de la foi. La foi -- celle qui est agissante par la charité et qui purifie l'âme -- n'est pas une simple adhésion à la Parole de Dieu; c'est la reddition complète entre les mains du Sauveur de notre coeur et de toutes ses affections. C'est par le moyen de cette foi-là que l'âme est transformée à l'image de Dieu. Et ainsi le coeur qui, dans sa condition irrégénérée, ne se soumet pas à la loi de Dieu -- il ne le peut même pas -- trouve désormais son plaisir dans la pratique de ses saints préceptes et s'écrie avec le Psalmiste: "Combien j'aime ta loi! Elle est tout le jour l'objet de ma méditation." Psaumes 119:97. Et la justice de la loi est accomplie en nous "qui marchons non selon la chair, mais selon l'Esprit". Romains 8:4. VJ 98 1 Il est des personnes qui ont appris à connaître l'amour et le pardon de Jésus-Christ, et qui désirent sincèrement être des enfants de Dieu; toutefois, elles voient les imperfections de leur caractère et les insuffisances de leur vie, et elles en viennent à douter de la réalité de leur régénération par le Saint-Esprit. Je leur dirai: Ne vous laissez pas abattre. VJ 98 2 Nous devrons souvent nous prosterner aux pieds de Jésus pour y venir pleurer sur nos manquements et nos erreurs, mais ce n'est pas une raison pour nous laisser aller au découragement. Même si nous sommes vaincus par l'ennemi, nous ne sommes pas repoussés, délaissés ni rejetés par Dieu. Non; Jésus-Christ est à la droite de Dieu, et il intercède en notre faveur. Le disciple bien-aimé disait: "Je vous écris ces choses afin que vous ne péchiez point; et si quelqu'un a péché, nous avons un avocat auprès du Père, Jésus-Christ le juste." 1 Jean 2:1. N'oubliez pas ces paroles du Sauveur "Le Père lui-même vous aime." Jean 16:27. Il désire vous ramener à lui et voir reproduites en vous sa pureté et sa sainteté. Si seulement vous consentez à vous remettre entre ses mains, celui qui a commencé en vous la bonne oeuvre la perfectionnera jusqu'au jour de Jésus-Christ. Priez avec plus d'ardeur; que votre confiance soit plus implicite. À mesure que nous avons lieu de nous défier de nos propres forces, apprenons à nous confier en celles de notre Rédempteur, et nous glorifierons celui qui est notre vie et notre joie. VJ 99 1 Plus vous vous approcherez de Jésus, plus vous vous rendrez compte de vos lacunes; car votre vision spirituelle sera plus claire, et vos imperfections offriront un contraste de plus en plus frappant avec la perfection de sa nature. C'est la preuve que les charmes de Satan ont perdu leur puissance, et que l'influence vivifiante de l'Esprit de Dieu vous tire de votre léthargie. VJ 100 1 Un amour profond pour Jésus ne peut pas prendre naissance dans un coeur qui n'a pas un vif sentiment de son péché. Si nous ne voyons pas notre difformité morale, nous avons la preuve indubitable que nous n'avons pas encore discerné la beauté et l'excellence de Jésus-Christ, dont le caractère fait l'admiration de l'âme transformée par la grâce. VJ 100 2 Moins nous trouverons de choses estimables en nous, plus nous comprendrons la pureté infinie et l'amour de notre Sauveur. La vue de notre nature pécheresse et de notre impuissance nous jette dans les bras de celui qui peut nous pardonner, et Jésus révèle sa force à l'âme qui le recherche dans le sentiment de sa faiblesse. Plus la conviction de notre misère nous pousse près de lui et de la Parole de Dieu, plus haute est la vision que nous avons de son caractère, et plus parfaitement nous réfléchissons son image. ------------------------Chapitre 8 -- La croissance en Jésus-Christ VJ 103 1 La Bible compare à une naissance la transformation du coeur par laquelle nous devenons enfants de Dieu. Ceux qui viennent de se convertir sont "comme des enfants nouveau-nés" qui doivent croître jusqu'à la stature d'hommes et de femmes en Jésus-Christ. 1 Pierre 2:2; Ephésiens 4:13. Cette transformation est aussi comparée à la germination de la bonne semence jetée en terre par le cultivateur. De même que le bon grain, ils doivent croître et porter des fruits. Le prophète Ésaïe dit qu'ils "seront appelés des térébinthes de la justice, une plantation de l'Éternel, pour servir à sa gloire". Ésaïe 61:3. Ces illustrations tirées de la nature ont pour but de nous aider à mieux saisir les vérités mystérieuses de la vie spirituelle. VJ 104 1 Toute la sagesse et tout le génie de l'homme sont impuissants à créer la vie. C'est seulement par la vie que le Créateur leur donne que les plantes et les animaux subsistent. De même aussi, c'est uniquement par l'Esprit de Dieu que la vie nouvelle est engendrée dans le coeur des hommes. À moins d'être né d'en haut (Jean 3:3), nul ne peut participer à la vie que Jésus-Christ est venu donner. VJ 104 2 Il en est de la croissance comme de la vie. C'est Dieu qui change le bouton et la fleur en fruit. C'est par sa puissance que la semence se développe et qu'elle produit "d'abord l'herbe, puis l'épi, puis le grain tout formé dans l'épi". Marc 4:28. Le prophète Osée s'exprime ainsi au sujet d'Israël: "Il fleurira comme le lis, ... ils fleuriront comme la vigne." Osée 14:5, 7. Jésus, de son côté, nous exhorte à considérer "comment croissent les lis". Luc 12:27. Ce n'est ni à leurs soucis, ni à leurs préoccupations, ni à leurs efforts que les plantes et les fleurs doivent leur croissance, mais à la puissance vivifiante de Dieu. Par ses efforts ou son chagrin, l'enfant ne peut rien ajouter à sa taille. VJ 105 1 Votre zèle et vos labeurs sont tout aussi inutiles en ce qui concerne la croissance spirituelle. La plante et l'enfant croissent en s'incorporant les éléments nécessaires à leur subsistance: l'air, le soleil, la nourriture. Jésus-Christ est à ceux qui se confient en lui ce que ces dons de la nature sont à la vie végétale et à la vie animale. Il est leur "lumière pendant le jour", il est "un soleil et un bouclier" (Ésaïe 60:19; Psaumes 84:12); il sera pour Israël comme "la rosée"; "il sera comme une pluie qui tombe sur un terrain fauché". Osée 14:5; Psaumes 72:6. Il est l'eau vive, le "pain de Dieu... qui descend du ciel et qui donne la vie au monde". Jean 6:33. VJ 105 2 Par le don ineffable de son Fils, Dieu a entouré le monde entier d'une atmosphère de grâce tout aussi réelle que l'air qui circule autour de notre globe. Tous ceux qui consentent à respirer cette atmosphère vivifiante vivront et croîtront jusqu'à la stature d'hommes et de femmes en Jésus-Christ. VJ 105 3 De même que la fleur se tourne vers le soleil dont les rayons assurent la symétrie et la perfection, nous devons aussi nous tourner vers le Soleil de justice dont la lumière céleste brillera sur nous et transformera nos caractères à la ressemblance de celui de Jésus-Christ. VJ 106 1 C'est l'enseignement que donne Jésus quand il dit: "Demeurez en moi, et je demeurerai en vous. Comme le sarment ne peut de lui-même porter du fruit, s'il ne demeure attaché au cep, ainsi vous ne le pouvez non plus, si vous ne demeurez en moi... Sans moi vous ne pouvez rien faire." Jean 15:4, 5. Pour vivre saintement, vous dépendez tout aussi complètement de Jésus-Christ que le sarment dépend du cep pour croître et fructifier. Hors de lui, vous êtes sans vie; vous n'avez aucune force pour résister à la tentation ou pour croître en grâce et en sainteté. En demeurant en lui, en tirant de lui votre vie, vous prospérerez, et vous n'aurez à redouter ni sécheresse, ni stérilité. Vous serez comme un arbre planté près d'un cours d'eau. VJ 106 2 Bien des gens s'imaginent devoir accomplir eux-mêmes une partie de cette oeuvre. Ils ont eu confiance en Jésus-Christ pour le pardon de leurs péchés; mais ensuite, ils veulent faire le bien par leurs propres efforts. Toute tentative de cette espèce est condamnée à un échec. Jésus dit: "Sans moi vous ne pouvez rien faire." Notre croissance en grâce, notre joie, notre utilité, tout dépend de notre union avec le Sauveur. C'est en étant en communion avec lui chaque jour et à chaque heure, c'est en demeurant en lui que nous pourrons croître en grâce. Non seulement il suscite notre foi, mais il la mène à la perfection. Jésus est le premier et le dernier, toujours, en tout et partout. Il doit être avec nous, non seulement au commencement et à la fin de notre pèlerinage mais à chaque pas du chemin. David dit: "J'ai constamment l'Éternel sous mes yeux; quand il est à ma droite, je ne chancelle pas." Psaumes 16:8. VJ 107 1 "Comment puis-je demeurer en Jésus-Christ?" demanderez-vous. De la même manière que vous l'avez reçu. "Comme vous avez reçu le Seigneur Jésus-Christ, marchez en lui." "Mon juste vivra par la foi." Colossiens 2:6; Hébreux 10:38. Vous vous êtes donné à Dieu pour le servir et lui obéir, et vous avez pris Jésus pour votre Sauveur. Vous ne pouviez vous-même faire propitiation pour vos péchés, ni changer votre coeur; mais vous étant donné à Dieu, vous avez cru qu'il faisait tout cela pour vous, par amour pour Jésus. VJ 108 1 C'est par la foi que vous êtes devenu la propriété du Christ; c'est encore par la foi que vous devez croître en lui, -- en donnant et en prenant. Vous devez tout donner: votre coeur, votre volonté, votre service, afin d'obéir à toutes ses demandes; et vous devez tout prendre: Jésus-Christ, la plénitude de toute bénédiction, votre force, votre justice, votre soutien éternel, afin de pouvoir obéir. VJ 108 2 Consacrez-vous à Dieu dès le matin; que ce soit là votre premier soin. Votre prière doit être: "Prends-moi, ô Dieu, comme ta propriété exclusive. Je dépose tous mes plans à tes pieds. Emploie-moi aujourd'hui à ton service. Demeure en moi, et que tout ce que je ferai soit fait en toi." C'est là une affaire quotidienne. Soumettez-lui tous vos plans, quitte à les délaisser ou à les exécuter selon qu'il vous l'indiquera. En vous consacrant à Dieu chaque jour, votre vie sera de plus en plus façonnée sur celle de Jésus. VJ 109 1 La vie en Christ se caractérise par une confiance tranquille et durable. Exempte peut-être d'extase, elle est néanmoins remplie de paix et de sérénité. Votre espérance ne repose pas sur vous-même, mais sur Jésus-Christ. Votre faiblesse est unie à sa force, votre ignorance à sa sagesse, votre fragilité à sa puissance. Ne regardez donc pas à vous-même; ne contemplez pas votre personne, mais le Sauveur. Que vos pensées s'arrêtent sur son amour, sur la beauté et la perfection de son caractère. Jésus dans son renoncement, Jésus dans son humiliation. Jésus dans sa pureté et sa sainteté, Jésus dans son amour incomparable: tel est le thème qui doit faire l'objet de votre méditation. C'est en aimant le Christ, en l'imitant, en vous reposant entièrement sur lui que vous serez transformé à sa ressemblance. VJ 109 2 Le Sauveur nous dit: "Demeurez en moi." Ces paroles expriment l'idée de repos, de stabilité, de confiance. Jésus nous adresse aussi cette invitation: "Venez à moi, ... et je vous donnerai du repos." Matthieu 11:28. Le Psalmiste exprime la même pensée: "Garde le silence devant l'Éternel et espère en lui." Et Ésaïe nous donne cette assurance: "C'est dans la tranquillité et le repos que sera votre salut." Psaumes 37:7; Ésaïe 30:15. Ce repos n'est pas l'inaction. Dans les paroles du Sauveur, la promesse du repos est jointe à l'invitation au travail: "Prenez mon joug sur vous... et vous trouverez du repos." Matthieu 11:28, 29. Celui qui se repose le plus complètement sur le Seigneur travaillera aussi avec le plus de zèle et d'ardeur à son service. VJ 110 1 Quand votre esprit s'arrête sur le "moi", il se détourne de Jésus, la source de toute force et de toute vie. De là l'effort constant de Satan pour détourner vos regards du Sauveur et vous priver ainsi de sa communion. Il s'efforcera de vous distraire de l'objet de votre contemplation par les plaisirs du monde, par les soucis, les soins et les tristesses de la vie, par les fautes d'autrui, ou même par vos propres fautes et imperfections. Ne vous laissez donc pas prendre à ses pièges. Plusieurs personnes, réellement consciencieuses et désireuses de vivre pour Dieu, sont trop souvent amenées par l'ennemi à s'arrêter sur leurs fautes et leurs faiblesses; en les séparant ainsi du Christ, il espère remporter la victoire. Ne faisons pas du "moi" le centre de nos pensées et ne nous laissons pas envahir par des craintes au sujet de notre salut. Tout cela nous détourne de la source de notre force. Remettez à Dieu la garde de votre âme et placez en lui votre confiance. Parlez de Jésus; faites-en le thème de vos méditations; que le moi se perde en lui. Bannissez les doutes; abandonnez vos craintes. Dites avec l'apôtre Paul: "Si je vis, ce n'est plus moi qui vis, c'est Christ qui vit en moi; si je vis maintenant dans la chair, je vis dans la foi au Fils de Dieu, qui m'a aimé et qui s'est livré lui-même pour moi." Galates 2:20. Reposez-vous en Dieu; il est à même de garder le dépôt que vous lui avez confié. Si vous voulez vous remettre entre ses mains, il vous rendra plus que vainqueur par celui qui vous a aimé. VJ 112 1 Quand Jésus-Christ revêtit la nature humaine, il se lia à l'humanité par des liens qu'aucune puissance, sauf la volonté de l'homme lui-même, ne peut rompre. Nous induire à briser ces liens, nous porter à séparer volontairement de Jésus, sera le but constant des séductions de Satan. VJ 112 2 C'est sur ce point que nous avons besoin de veiller, de combattre, de prier, afin que rien ne nous amène à choisir un autre maître, ce que nous sommes toujours libres de faire. Si nous avons les yeux constamment fixés sur Jésus, il nous gardera. En regardant à lui, nous sommes en sûreté. Rien ne peut nous arracher de sa main. En le contemplant sans cesse, "nous sommes transformés en la même image, de gloire en gloire, par le Seigneur, l'Esprit." 2 Corinthiens 3:18. VJ 112 3 C'est ainsi que les premiers disciples parvinrent à la ressemblance du Sauveur. Quand ils entendirent ses paroles, ils sentirent qu'ils avaient besoin de lui. Ils le cherchèrent, le trouvèrent et le suivirent. Ils vécurent avec lui à la maison, à table, dans les champs, comme des élèves avec leur maître, recevant chaque jour les vérités qui tombaient de ses lèvres. Comme des serviteurs, ils attendaient ses ordres. Les disciples étaient des hommes "de la même nature que nous". Jacques 5:17. Comme nous, ils devaient lutter contre le péché et avaient besoin de la grâce divine pour suivre le sentier de la sainteté. VJ 113 1 Jean lui-même, le disciple bien-aimé en qui l'image du Sauveur se trouve le plus parfaitement reproduite, ne possédait pas naturellement de dispositions particulières. Non seulement il était impérieux et ambitieux, mais encore impétueux et irritable sous l'offense. Toutefois, à mesure que le caractère divin se révéla à lui, il eut conscience de ses imperfections et en fut humilié. La force et la patience, la puissance et la tendresse, la majesté et la douceur qu'il contemplait dans la vie quotidienne du Fils de Dieu remplissaient son coeur d'admiration et d'amour. Jour après jour, son âme était attirée vers lui et le "moi" absorbé par l'amour de son Maître. Son caractère susceptible et ambitieux céda à la puissance de Jésus. Son coeur fut changé par l'influence régénératrice du Saint- Esprit. L'amour du Sauveur transforma son caractère. C'est là le résultat certain de l'union avec Jésus. Il renouvelle tout l'être de celui dans le coeur duquel il habite. Son esprit et son amour touchent le cour, subjuguent l'âme et élèvent les pensées et les désirs vers le Dieu du ciel. VJ 114 1 Après l'ascension du Christ, ses disciples conservèrent le sentiment de sa présence. C'était une présence personnelle, pleine d'amour et de lumière. Le doux Maître qui avait marché, conversé et prié avec eux, qui avait adressé à leurs coeurs des paroles de consolation et d'espérance, avait été enlevé du milieu d'eux pour s'en aller au ciel. VJ 114 2 Pendant que son message de paix était encore sur ses lèvres et que les accents de sa voix frappaient encore leurs oreilles: "Voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde" (Matthieu 28:20), il avait été accueilli par une nuée d'anges et était monté au ciel revêtu de notre humanité. Les disciples savaient que devant le trône de Dieu il était toujours leur Ami et leur Sauveur. Ils savaient que sa sympathie n'avait pas varié et qu'il s'identifiait toujours avec l'humanité souffrante. En montrant ses mains et ses pieds percés devant son Père, Jésus rappelait à quel prix il les avait rachetés. Les disciples savaient qu'il était monté au ciel pour leur préparer des places et qu'il reviendrait les prendre avec lui. VJ 115 1 Ils se réunirent après l'ascension, impatients de présenter au Père leurs requêtes au nom de Jésus. Respectueusement prosternés dans l'attitude de la prière, ils répétèrent ces paroles: "Ce que vous demanderez au Père il vous le donnera en mon nom. Demandez, et vous recevrez, afin que votre joie soit parfaite." Jean 16:23, 24. Avec une pleine assurance, ils s'écrièrent: "Christ est mort; bien plus, il est ressuscité, il est à la droite de Dieu, et il intercède pour nous!" Romains 8:34. À la Pentecôte, ils reçurent le Consolateur au sujet duquel Jésus avait dit: Il "sera en vous", ajoutant: "Il vous est avantageux que je m'en aille, car si je ne m'en vais pas, le Consolateur ne viendra pas vers vous; mais, si je m'en vais, je vous l'enverrai." Jean 14:17; 16:7. VJ 115 2 À partir de ce moment, Jésus allait demeurer à toujours par son Esprit dans le coeur de ses disciples. Aussi leur union avec lui était-elle plus intime qu'aux jours où il était personnellement au milieu d'eux. La lumière, l'amour et la puissance de Jésus les transfiguraient, et ceux qui les voyaient étaient dans l'étonnement, et les reconnaissaient "pour avoir été avec Jésus". Actes 4:13. VJ 116 1 Tout ce que le Christ a été pour ses premiers disciples, il désire l'être aujourd'hui pour ses enfants. Il affirme dans sa dernière prière, faite au milieu du petit groupe des onze: "Ce n'est pas pour eux seulement que je prie, mais encore pour ceux qui croiront en moi par leur parole." Jean 17:20. VJ 116 2 Jésus a prié pour nous, et il a demandé que nous soyons un avec lui comme il est lui-même un avec le Père. Union sublime! Le Sauveur a parlé de lui-même en ces termes: "Le Fils ne peut rien faire de lui-même"; "le Père qui demeure en moi, c'est lui qui fait les oeuvres." Jean 5:19; 14:10. VJ 116 3 Si donc Jésus-Christ demeure dans nos coeurs, il produira en nous "le vouloir et le faire, selon son bon plaisir". Philippiens 2:13. Nous agirons comme il a agi; nous manifesterons le même esprit, et ainsi l'aimant et demeurant en lui, nous croîtrons "à tous égards en celui qui est le chef, Christ". Ephésiens 4:15. ------------------------Chapitre 9 -- L'oeuvre de la vie VJ 117 1 Dieu est la source de la vie, comme il est la lumière et la joie de l'univers. De même que les rayons de lumière émanent du soleil et que le ruisseau jaillit de la source d'eau vive, ainsi des bienfaits découlent de lui et se répandent sur toutes ses créatures. Et partout où la vie de Dieu anime le coeur des hommes, elle se traduit en actes d'amour et de bienfaisance. VJ 117 2 Notre Sauveur trouvait sa joie à travailler au relèvement et à la rédemption des hommes déchus. Pour atteindre ce but, faisant peu de cas de sa vie, il a souffert la croix et méprisé l'ignominie. Les anges, de même, s'occupent constamment du bien-être d'autrui. C'est là leur joie. Ce que des coeurs égoïstes considèrent comme une besogne humiliante: le relèvement des misérables, de ceux qui leur sont inférieurs par le caractère ou par le rang, voilà l'occupation des anges innocents. L'esprit de renoncement et d'amour qui caractérisait Jésus-Christ remplit le ciel; il est l'essence même de la félicité qui y règne. C'est aussi l'esprit que posséderont tous les disciples de Jésus, c'est là leur oeuvre. VJ 118 1 Quand l'amour du Sauveur est implanté dans un coeur, de même qu'un parfum suave, il ne peut rester caché. Sa sainte influence s'exerce sur tous ceux avec lesquels il entre en contact. VJ 118 2 L'Esprit du Christ dans un coeur est comme une source jaillissante dans un désert; il rafraîchit tous ceux qui s'en approchent, et crée chez ceux qui sont près de périr un désir ardent de se désaltérer à la source des eaux vives. VJ 118 3 L'amour pour Jésus se manifestera par le désir de travailler comme lui au soulagement et au relèvement de l'humanité. Il nous poussera à l'amour, à la tendresse et à la sympathie envers toutes les créatures de notre Père céleste. VJ 119 1 La vie terrestre du Sauveur n'a pas été une vie d'aises et d'égoïsme. Il a travaillé avec une persévérance et une ardeur infatigables au salut de l'humanité déchue. De la crèche au Calvaire, il a suivi le sentier du renoncement, sans chercher jamais à éviter les travaux ardus, les voyages pénibles, les soucis qui accablent et les corvées qui épuisent. Il disait: "Le Fils de l'homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour beaucoup." Matthieu 20:28. C'était là le grand but de sa vie. Tout le reste était pour lui secondaire. Sa nourriture était de faire la volonté de Dieu et d'accomplir son oeuvre. Le "moi" et ses intérêts particuliers ne trouvaient aucune place dans ses labeurs. VJ 119 2 Ceux qui participent à la grâce et au don céleste seront prêts eux aussi à tous les sacrifices en faveur des âmes pour lesquelles le Christ est mort. Ils feront tout ce qui est en leur pouvoir pour laisser le monde meilleur qu'ils l'ont trouvé. Cet esprit est la conséquence inévitable d'une conversion réelle. Dès qu'on a appris à connaître Jésus on éprouve le besoin impérieux de parler à d'autres de l'Ami précieux qu'on a trouvé. La vérité qui sauve et sanctifie ne peut rester enfermée dans le coeur. Si nous sommes revêtus de la justice de Jésus-Christ et remplis de la joie de son Esprit, il nous est impossible de garder le silence. Si nous avons goûté que le Seigneur est bon, nous aurons quelque chose à raconter. Comme Philippe, dès que nous aurons trouvé le Christ, nous en inviterons d'autres à venir à lui. Nous nous efforcerons de leur présenter les attraits du Sauveur et les réalités invisibles du monde à venir. Le désir de suivre le sentier que Jésus a foulé sera intense, et ardent le besoin d'amener ceux qui nous entourent à contempler "l'Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde". Jean 1:29. VJ 120 1 Tout effort en faveur de nos semblables retombera sur nous en rosée de bénédictions. C'est la raison pour laquelle Dieu nous a confié un rôle dans le plan du salut. Il a accordé à l'homme le privilège de participer de la nature divine et de communiquer à son tour cette prérogative à ses semblables. C'est là le plus grand honneur, la joie la plus parfaite qu'il soit possible à Dieu de nous accorder. Ceux qui contribuent à cette mission d'amour se rapprochent le plus de leur Créateur. VJ 121 1 Dieu aurait pu confier à ses anges le message de l'Évangile et toute l'oeuvre du ministère d'amour. Il aurait pu se servir d'autres moyens pour accomplir son dessein. Mais dans son amour infini, il a bien voulu faire de nous ses collaborateurs et ceux de Jésus-Christ et des anges, afin que nous puissions avoir part aux bénédictions, à la joie et aux progrès spirituels qui découlent de ce ministère désintéressé. VJ 121 2 C'est en communiant à ses souffrances qu'il nous est donné de comprendre Jésus. Tout acte de renoncement en vue de faire du bien à autrui fortifie en nous l'esprit de bienfaisance et nous rapproche davantage du Rédempteur du monde, qui, pour nous, "s'est fait pauvre, de riche qu'il était, afin que par sa pauvreté nous fussions enrichis". 2 Corinthiens 8:9. Et ce n'est que dans la mesure où nous répondons au but de Dieu en nous créant que la vie devient pour nous un bienfait. VJ 122 1 Si vous voulez vous mettre à l'oeuvre comme Jésus l'attend de ses disciples; si vous voulez attirer des âmes à lui, vous éprouverez le besoin d'une expérience plus profonde et d'une plus grande connaissance des choses de Dieu. Vous aurez faim et soif de la justice; vous crierez à Dieu; votre foi sera fortifiée et votre âme pourra boire à longs traits à la source du salut. L'opposition et les épreuves que vous aurez à surmonter vous pousseront à la lecture de la Bible et à la prière. Vous croîtrez dans la grâce et la connaissance de Jésus-Christ, et vous acquerrez une riche expérience. VJ 122 2 Le désintéressement en faveur du prochain donnera au caractère de la profondeur, de la stabilité, de la douceur et communiquera à l'âme la paix et le bonheur. Les aspirations seront élevées; il ne restera plus de place pour l'oisiveté et l'égoïsme. Ceux qui pratiquent ainsi les grâces chrétiennes croîtront et deviendront forts pour Dieu. Ils auront une claire vision spirituelle, une foi ferme et grandissante, et une puissance nouvelle dans la prière. Par son attouchement divin, l'Esprit de Dieu fera jaillir de leur âme de saintes mélodies. Ceux qui se consacrent ainsi avec désintéressement au bien de leurs semblables travaillent de la manière la plus efficace à leur propre salut. VJ 123 1 Le seul moyen de croître en grâce, c'est de faire avec dévouement l'oeuvre dont le Seigneur nous a chargés: travailler, dans la mesure de nos forces, au bien de ceux qui ont besoin de nous. La force s'acquiert par l'exercice; l'activité est la condition même de la vie. Ceux qui prétendent maintenir leur vie chrétienne en se bornant à accepter passivement les grâces d'en haut sans rien faire pour le Christ, essaient simplement de manger sans travailler. Or, dans le monde spirituel comme dans le monde matériel, ce système aboutit fatalement à la dégénérescence et à la mort. Celui qui refuserait de faire usage de ses jambes, perdrait bientôt la faculté de s'en servir. De même, le chrétien qui se refuse à employer les facultés que Dieu lui a données, non seulement ne grandit pas en Christ, mais perd les forces qu'il possédait. VJ 123 2 L'Église est l'intermédiaire choisi de Dieu pour le salut des hommes. Sa mission est de porter l'Évangile au monde. L'obligation d'y participer repose sur tous les chrétiens. Chacun, dans la mesure de ses talents et des occasions qui se présentent à lui, doit remplir la tâche qui lui a été assignée par le Sauveur. L'amour du Christ qui nous a été révélé nous rend débiteurs de tous ceux qui ne le connaissent pas. Dieu nous a communiqué sa lumière, mais ce n'est pas pour nous seulement: c'est pour que nous en fassions part à d'autres. VJ 124 1 Si les disciples de Jésus-Christ étaient à la hauteur de leur tâche, il y aurait dans les pays païens des milliers de prédicateurs de l'Évangile là où il n'y en a qu'un aujourd'hui. Et tous ceux qui ne pourraient pas se consacrer personnellement à cette oeuvre la soutiendraient de leurs dons, de leur sympathie et de leurs prières. On travaillerait aussi au salut des âmes avec beaucoup plus d'ardeur en pays chrétiens. VJ 124 2 Il n'est pas nécessaire, si nous voulons travailler pour Jésus-Christ, de nous rendre dans les pays de mission, ni même peut-être de quitter le cercle étroit du foyer, si notre devoir nous y retient. Ce travail, nous pouvons l'accomplir dans notre famille, dans notre église, parmi ceux avec lesquels nous entrons en contact ou en relations commerciales. VJ 125 1 La plus grande partie de sa vie terrestre, notre Sauveur la passa en patient labeur à Nazareth, dans un atelier de charpentier. Tandis qu'il vivait avec des paysans et des artisans dont il ne recevait ni attentions, ni honneurs, le Prince de la vie était entouré d'anges. Il s'acquittait tout aussi fidèlement de sa mission en exerçant son humble métier qu'en guérissant les malades ou qu'en marchant sur les flots agités de la mer de Galilée. De même, dans les devoirs les plus humbles et la condition la plus modeste, nous pouvons suivre Jésus et travailler avec lui. VJ 125 2 L'apôtre dit: "Que chacun, frères, demeure devant Dieu dans l'état où il était lorsqu'il a été appelé." 1 Corinthiens 7:24. Le négociant dirigera ses affaires de manière à glorifier son Maître par sa fidélité. S'il est véritablement chrétien, les hommes reconnaîtront que l'Esprit de son Maître inspire toutes ses transactions. L'artisan peut être un diligent et fidèle représentant de celui qui s'acquitta des devoirs les plus humbles dans les montagnes de la Galilée. Chacun de ceux qui se réclament du nom de Jésus-Christ devrait agir de telle sorte que le monde, en le voyant, puisse être amené à glorifier son Créateur et Rédempteur. VJ 126 1 Plusieurs s'excusent de ne pas faire valoir leurs dons au service du Christ en alléguant que d'autres possèdent des avantages supérieurs et des dons plus brillants. L'opinion semble généralement prévaloir que seuls ceux qui possèdent des talents spéciaux doivent consacrer leurs facultés au service de Dieu. Un grand nombre paraissent convaincus que quelques favorisés seulement ont reçu des talents, à l'exclusion de tous les autres, et que ceux-ci, naturellement, ne sont appelés à participer ni aux travaux ni aux récompenses. Mais ce n'est pas là ce que nous apprend la parabole des talents. Quand le Maître de la maison appela ses serviteurs, il assigna à chacun sa tâche. VJ 126 2 Avec un esprit aimant, nous pouvons vaquer aux devoirs les plus humbles "comme pour le Seigneur." Colossiens 3:23. Si l'amour de Dieu est dans le coeur, il se manifestera dans la vie. Le doux parfum du Christ nous enveloppera et notre influence produira des effets heureux sur notre entourage. VJ 127 1 N'attendez pas de grandes occasions ni des dons remarquables avant de commencer à travailler pour Dieu. Ne vous préoccupez pas non plus de ce que le monde pensera de vous. Si votre vie de chaque jour témoigne de la pureté et de la sincérité de votre foi, et si vos semblables ont la conviction que vous désirez leur faire du bien, vos efforts ne seront pas entièrement vains. VJ 127 2 Le plus humble et le plus pauvre des disciples de Jésus peut être en bénédiction à d'autres. Il peut ignorer le bien qu'il fait, mais, par son influence inconsciente, il provoquera des vagues de bénédictions qui augmenteront en étendue et en profondeur, et dont il ne connaîtra les résultats qu'au jour de la récompense finale. Il peut ne pas avoir l'impression de faire de grandes choses et il n'a pas à se préoccuper du succès. Qu'il continue à s'acquitter fidèlement de la tâche que la providence de Dieu lui a assignée, et sa vie ne sera pas inutile. Son âme réfléchira de plus en plus fidèlement l'image de Jésus-Christ. Il sera ouvrier avec Dieu dans cette vie, et se préparera ainsi pour l'oeuvre plus grande et la joie sans mélange de la vie à venir. ------------------------Chapitre 10 -- Connaître Dieu VJ 129 1 Nombreux sont les moyens dont Dieu se sert pour se révéler à nous et nous faire entrer dans sa communion. La nature parle sans cesse à nos sens. Les coeurs sensibles sont touchés par l'amour et la gloire de Dieu qui se révèlent dans les oeuvres de ses mains. L'oreille attentive entend et comprend la voix de Dieu dans la nature. Les prairies verdoyantes, les arbres majestueux, les boutons et les fleurs, le nuage fugitif, la pluie, le murmure du ruisseau, la splendeur du ciel, tout parle à nos coeurs et nous invite à faire connaissance avec celui qui a créé toutes choses. VJ 130 1 Notre Sauveur a relié ses précieux enseignements aux objets de la nature. Les arbres, les oiseaux, les fleurs de la vallée, les montagnes, le lac, la voûte azurée, aussi bien que les incidents de la vie quotidienne ont été utilisés par le Seigneur pour nous enseigner la vérité et nous rappeler constamment ses enseignements, même au milieu des tracas de la vie. VJ 130 2 Dieu veut que ses enfants apprécient ses oeuvres, et prennent plaisir aux beautés simples et discrètes dont il s'est plu à orner notre demeure terrestre. Il aime ce qui est beau; mais il affectionne par-dessus tout la beauté du caractère et il désire que nous cultivions la pureté et la simplicité, les vertus modestes reflétées par les fleurs. VJ 130 3 Pour peu que nous ouvrions les yeux, les oeuvres de Dieu nous donneront des leçons précieuses d'obéissance et de confiance. Depuis les étoiles, qui suivent de siècle en siècle dans l'espace infini leur sentier invisible, jusqu'à l'atome imperceptible, la nature obéit à la volonté du Créateur. Et Dieu prend soin de tout ce qu'il a créé. Celui qui soutient les mondes innombrables dont il lui a plu de parsemer l'immensité, s'occupe en même temps du petit passereau qui gazouille sans souci son humble chant. Quand les hommes se rendent à leur travail quotidien; quand ils prient; quand ils se couchent le soir, et quand ils se lèvent le matin; quand le riche donne des festins dans son palais, ou quand le pauvre rassemble sa famille autour de son frugal repas, toujours et partout notre Père céleste veille avec tendresse sur ses créatures. Il ne coule pas de larmes qui échappent à son regard; il n'est pas de sourire qu'il ne remarque. VJ 131 1 Si nous voulions croire en lui que d'angoisses inutiles pourraient nous être épargnées! Notre vie ne serait pas une suite de désappointements. Toutes choses, grandes ou petites, seraient remises entre les mains de celui qu'aucune multiplicité d'occupations ne tracasse et que n'accable aucun fardeau. Nous jouirions d'un repos d'âme que beaucoup ne connaissent plus depuis longtemps. VJ 131 2 Quand vous vous sentirez transporté d'admiration par les beautés de la terre, pensez au monde à venir qui ne connaîtra pas la souillure du péché ni les affres de la mort, et d'où aura disparu toute trace de malédiction. Représentez-vous la demeure des élus et souvenez vous qu'elle sera infiniment supérieure à tout ce que votre imagination peut concevoir de plus beau. Les splendeurs de la nature ne sont qu'un faible reflet de sa gloire. Il est écrit: "Ce sont des choses que l'oeil n'a point vues, que l'oreille n'a point entendues, et qui ne sont point montées au coeur de l'homme, des choses que Dieu a préparées pour ceux qui l'aiment. Dieu nous les a révélées par l'Esprit." 1 Corinthiens 2:9, 10. VJ 132 1 Le poète et le naturaliste peuvent nous parler de la création; mais c'est le chrétien qui peut le mieux en apprécier les richesses, parce qu'il y reconnaît l'oeuvre de son Père, et que, dans une fleur, dans une plante, dans un arbre, il voit des preuves de son amour. Nul ne peut apprécier à leur juste valeur les montagnes et les vallées, les fleuves et les mers, s'il ne les considère comme l'expression de l'amour de Dieu envers les hommes. VJ 132 2 Dieu nous parle aussi par les événements de la vie, où se révèle sa main providentielle, ainsi que par l'influence de son Esprit sur nos coeurs. Si ceux-ci sont ouverts pour les discerner, nous retirerons de précieux enseignements des circonstances et des changements qui se produisent chaque jour autour de nous. En pensant à l'oeuvre de la Providence, le Psalmiste dit: "La bonté de l'Éternel remplit la terre." "Que celui qui est sage prenne garde à ces choses, et qu'il soit attentif aux bontés de l'Éternel." Psaumes 33:5; 107:43. VJ 133 1 Dieu nous parle dans sa Parole. Nous avons là une révélation claire et précise de son caractère, de ses voies envers l'homme et de la grande oeuvre de la Rédemption. Elle renferme l'histoire des patriarches, des prophètes et d'autres saints hommes d'autrefois. C'étaient des hommes "de la même nature que nous". Jacques 5:17. Ils ont lutté, succombé à la tentation tout comme nous; mais ils reprirent courage, et, par la grâce de Dieu, ils vainquirent; et la contemplation de leur victoire encourage nos efforts pour atteindre la justice. Quand nous considérons les précieuses expériences qu'ils ont faites, la lumière, l'amour et les bénédictions qui leur échurent en partage, et l'oeuvre qu'ils ont accomplie par la grâce qui leur fut donnée, l'Esprit qui les inspira allume dans nos coeurs la flamme d'une sainte émulation. Il nous inspire le désir de posséder un caractère semblable au leur et de marcher, comme eux, avec Dieu. VJ 134 1 Des Écritures de l'Ancien Testament -- et combien cela est plus vrai encore de celles du Nouveau -- Jésus dit: "Ce sont elles qui rendent témoignage de moi." Jean 5:39. Oui, la Bible tout entière nous parle de Jésus-Christ, le Rédempteur, celui en qui sont concentrées toutes nos espérances de vie éternelle. Depuis le récit de la création -- car "rien de ce qui a été fait n'a été fait" sans lui Jean 1:3 -- à la promesse finale: "Je viens bientôt" (Apocalypse 22:12), il nous est parlé de ses oeuvres, et nous entendons sa voix. Si vous voulez apprendre à connaître le Sauveur, étudiez les saintes Écritures. VJ 134 2 Remplissez votre coeur des paroles de Dieu. Elles sont l'eau vive qui étanchera votre soif ardente. Elles sont le pain vivant, descendu du ciel. Voici la déclaration du Sauveur: "Si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme, et si vous ne buvez son sang vous n'avez point la vie en vous-mêmes." Et il s'explique en disant "Les paroles que je vous ai dites sont esprit et vie." Jean 6:53, 63. Nos corps sont formés de ce que nous mangeons et buvons. Il en est de l'économie spirituelle comme de l'économie physique: C'est ce que nous méditons qui donne de la vigueur et de la force à notre nature spirituelle. VJ 135 1 Le thème de la rédemption est celui dans lequel les anges désirent plonger leurs regards; il sera la science et le chant des rachetés pendant l'éternité. Ne mérite-t-il pas d'être étudié attentivement dès maintenant? La miséricorde et l'amour infinis de Jésus-Christ, le sacrifice accompli en notre faveur, voilà quel doit être le sujet de nos réflexions les plus sérieuses et les plus solennelles. Il faut s'arrêter longuement sur le caractère de notre Rédempteur et Intercesseur, et méditer sur la mission de celui qui est venu sauver son peuple de ses péchés. Par la contemplation des choses célestes nous fortifierons notre foi et notre amour. Nos prières seront plus agréables à Dieu, parce qu'elles seront de plus en plus inspirées par la foi et l'amour. Elles seront intelligentes et ferventes. Nous acquerrons une confiance plus ferme en Jésus et nous ferons une expérience journalière et vivante de sa puissance pour sauver parfaitement ceux qui viennent à Dieu par lui. VJ 136 1 En méditant sur les perfections du Sauveur, nous sentirons naître en nous le désir d'être entièrement renouvelés et transformés à sa pure image. L'âme désirera ardemment ressembler à celui qu'elle adore. Plus nos pensées s'arrêteront sur Jésus-Christ, plus nous voudrons parler de lui, et mieux nous le représenterons aux yeux du monde. VJ 136 2 La Bible n'a pas été écrite pour les savants seulement; elle a, au contraire, été écrite pour le peuple. Les grandes vérités fondamentales du salut y apparaissent aussi claires que le jour. Ce ne sont pas ceux qui la lisent qui risquent de tomber dans l'erreur ou de s'égarer mais ceux qui veulent suivre leur propre jugement au lieu de la volonté de Dieu clairement révélée. VJ 136 3 En ce qui concerne les enseignements des saintes Écritures, ne nous fions pas à l'opinion d'un homme. Étudions la Parole de Dieu pour nous- même. Si nous laissons à d'autres le soin de réfléchir à notre place, nous ne parviendrons pas au degré de développement dont nous sommes susceptibles. Par défaut d'exercice, les nobles facultés de l'esprit s'atrophient au point qu'elles en arrivent à ne plus saisir la signification profonde de la Parole de Dieu. Par contre, elles prennent plus d'ampleur lorsqu'elles s'appliquent à saisir l'enchaînement des vérités bibliques. VJ 137 1 Rien n'est plus propre à fortifier l'intelligence que l'étude des Écritures. Aucun livre n'égale la Bible pour élever les pensées et pour donner de la vigueur aux facultés de l'âme. Si les hommes l'étudiaient comme elle doit l'être, ils posséderaient une largeur d'esprit, une noblesse de caractère et une constance de desseins qui se rencontrent rarement à notre époque. VJ 137 2 En revanche, on ne tire que peu de bien d'une lecture hâtive. On peut lire la Bible tout entière sans en apercevoir les beautés et sans en comprendre la signification profonde, qui reste cachée au lecteur superficiel. Un passage étudié et médité jusqu'à ce qu'on en ait bien saisi la signification et les rapports avec le plan du salut vaut mieux que la lecture de plusieurs chapitres, faite sans but arrêté et sans qu'on en ait tiré aucun enseignement positif. Ayez toujours votre Bible avec vous. Lisez-la chaque fois que vous en avez l'occasion; gravez-en les passages dans votre mémoire. Tout en marchant dans la rue, vous pouvez en lire un verset, le méditer et le fixer ainsi dans votre esprit. VJ 138 1 La sagesse ne s'acquiert que par une attention soutenue et par l'étude faite avec prière. Il est des portions des Écritures qui sont trop claires pour n'être pas comprises; mais il en est d'autres dont la signification n'est pas facile à saisir. Il faut comparer les passages entre eux et les sonder avec soin, réflexion et prière. Une telle étude sera richement récompensée. De même que le mineur, en creusant la terre, découvre des filons du précieux métal, ainsi celui qui sonde avec persévérance la Parole de Dieu comme un trésor caché, y trouve des vérités de la plus grande valeur qui échappent aux regards du chercheur négligent. Les paroles de l'inspiration, serrées dans le coeur, sont comme des cours d'eau jaillissant de la source de la vie. VJ 138 2 Il ne faut jamais s'adonner à l'étude de la Bible sans prier. Avant d'ouvrir ses pages, il faut demander l'illumination du Saint-Esprit, et elle nous sera accordée. Quand Nathanaël vint à Jésus, le Sauveur déclara: "Voici vraiment un Israélite, dans lequel il n'y a point de fraude." Nathanaël lui demanda: "D'où me connais-tu?" "Avant que Philippe t'appelât, lui répondit Jésus, quand tu étais sous le figuier, je t'ai vu." Jean 1:47, 48. Jésus nous verra aussi en prière dans le secret de notre chambre, lui demandant de nous révéler sa vérité. Les anges seront avec ceux qui recherchent humblement la lumière divine. VJ 139 1 Le Saint-Esprit exalte et glorifie le Sauveur. Sa mission consiste à nous présenter Jésus-Christ, la pureté de sa justice, et le grand salut que nous avons par lui. "Il prendra de ce qui est à moi, et vous l'annoncera" (Jean 16:14), dit Jésus. L'Esprit de vérité est seul à même d'enseigner la vérité divine. Quelle n'est pas la valeur attachée à la famille humaine par un Dieu qui livre pour elle son Fils à la mort, et qui donne à l'homme son Saint-Esprit comme Instructeur et comme Guide permanent! ------------------------Chapitre 11 -- Prière et louange VJ 141 1 Dieu nous parle par la nature et par la révélation, par sa providence et par l'influence de son Esprit. Mais cela n'est pas suffisant; nous avons besoin de lui ouvrir notre coeur. La vie et l'énergie spirituelles dépendent d'entretiens réels et directs avec notre Père céleste. Notre esprit peut se reporter sur Dieu; nous pouvons méditer sur ses oeuvres, sur sa miséricorde, sur ses bénédictions. Mais ce n'est pas là, dans le sens le plus complet du mot, être en communion avec lui. Pour être en communion avec Dieu, il faut avoir quelque chose à lui dire concernant notre vie réelle. VJ 142 1 Prier, c'est ouvrir à Dieu son coeur comme on le ferait à son plus intime ami. Non pas que la prière soit nécessaire pour instruire Dieu de ce qui nous concerne, mais elle nous met à même de le recevoir. La prière ne fait pas descendre Dieu jusqu'à nous: elle nous élève jusqu'à lui. VJ 142 2 Durant sa vie terrestre, Jésus enseigna à ses disciples de quelle manière ils devaient prier. Il leur apprit qu'ils devaient exposer à Dieu leurs besoins journaliers et se décharger sur lui de tous leurs soucis. L'assurance qu'il leur donna de l'exaucement de leurs prières, il nous la donne aussi. VJ 142 3 Pendant son séjour parmi les hommes, Jésus lui-même était souvent en prière. Notre Sauveur a connu nos besoins et nos faiblesses. Il nous apparaît comme un suppliant, demandant constamment à son Père une provision nouvelle de forces pour faire face aux devoirs et aux épreuves. Il est notre modèle en toutes choses, un frère dans nos infirmités, car il "a été tenté en toutes choses, comme nous le sommes" (Hébreux 4:15), mais il était l'Être sans péché, et sa nature se révoltait contre le mal. II a passé par toutes les luttes et toutes les angoisses de l'âme auxquelles sont exposés les humains dans un monde de péché. Son humanité lui faisait de la prière une nécessité et un privilège. II trouvait joie et consolation à communier avec son Père. Si le Sauveur des hommes, le Fils de Dieu, éprouvait le besoin de la prière, à combien plus forte raison ne devrions-nous pas, faibles, pécheurs et mortels, sentir la nécessité de prier sans cesse et avec ferveur! VJ 143 1 Notre Père céleste désire répandre sur nous la plénitude de sa grâce. Il ne tient qu'à nous de boire à longs traits à la source de l'amour infini. N'est-il pas étrange que nous priions si peu? Dieu est tout disposé à exaucer les prières du plus humble de ses enfants, et pourtant ce n'est qu'à contrecoeur, semble-t-il, que nous lui faisons connaître nos besoins. Que peuvent penser des humains -- êtres chétifs et misérables, sujets à la tentation -- les anges du ciel, quand ils les voient prier si rarement et avec si peu de foi, alors que le Dieu d'amour veille sur eux avec la plus tendre sollicitude, prêt à leur donner plus qu'ils ne peuvent demander ou même penser? Les anges aiment à se prosterner devant Dieu et à être en sa présence. Ils considèrent la communion avec lui comme leur plus grande joie; tandis que les habitants de la terre, qui ont un si pressant besoin de l'assistance que Dieu peut leur accorder, semblent se plaire à marcher sans la lumière de son Esprit et privés des douceurs de sa présence. VJ 144 1 Les ténèbres du mal enveloppent ceux qui négligent la prière. Les tentations insidieuses de l'ennemi les font tomber dans le péché; et tout cela parce qu'ils ne profitent pas du privilège de la prière. Comment les fils et les filles de Dieu peuvent-ils avoir de la répugnance à prier, alors que la prière est, dans la main de la foi, la clé qui ouvre les trésors du ciel où sont renfermées les ressources infinies de la toute-puissance? Sans la prière continuelle et sans une vigilance qui ne se dément jamais, nous sommes en danger de tomber dans l'indifférence et de nous éloigner du droit sentier. L'adversaire sait bien que par des prières ardentes faites avec foi nous obtiendrons la force de résister à ses tentations. Aussi cherche-t-il sans cesse à obstruer devant nous le sentier du trône de la grâce. VJ 145 1 L'exaucement de nos prières dépend de certaines conditions. Une des premières, c'est que nous sentions le besoin du secours de Dieu. Sa promesse est: "Je répandrai des eaux sur le sol altéré, et des ruisseaux sur la terre desséchée." Ésaïe 44:3. Ceux qui ont faim et soif de la justice et qui soupirent après Dieu, peuvent avoir l'assurance d'être rassasiés. Il faut que le coeur soit ouvert à l'influence de l'Esprit, si l'on veut recevoir la bénédiction de Dieu. VJ 145 2 Notre grand besoin est lui-même l'argument qui plaide le plus éloquemment en notre faveur. Mais encore faut-il adresser nos requêtes à Dieu. "Demandez, et vous recevrez", dit-il. Et aussi: "Lui, qui n'a point épargné son propre Fils, mais qui l'a livré pour nous tous, comment ne nous donnera-t-il pas aussi toutes choses avec lui?" Matthieu 7:7; Jean 16:24; Romains 8:32. VJ 145 3 Si nous conservons de l'iniquité dans nos coeurs, si nous retenons quelque péché connu, le Seigneur ne nous exaucera pas, tandis que la prière du pécheur repentant, au coeur brisé, sera toujours acceptée. Dès que nous aurons délaissé tous nos péchés et réparé nos torts dans la mesure du possible, nous pourrons nous attendre à l'exaucement de nos prières. Nos propres mérites ne pourront jamais nous attirer les faveurs de Dieu; ce sont les mérites de Jésus qui nous sauveront, c'est son sang qui nous purifiera. Toutefois, nous avons quelque chose à faire: nous conformer aux conditions de sa grâce. VJ 146 1 La foi est un autre élément de la prière exaucée. "Il faut que celui qui s'approche de Dieu croie que Dieu existe et qu'il est le rémunérateur de ceux qui le cherchent." Jésus dit à ses disciples: "Tout ce que vous demanderez en priant, croyez que vous l'avez reçu, et vous le verrez s'accomplir." Hébreux 11:6; Marc 11:24. Le prenez-vous au mot? L'assurance est large et sans restriction, et celui qui a fait la promesse est fidèle. VJ 146 2 Lorsque nous ne recevons pas immédiatement les choses demandées, croyons néanmoins que le Seigneur nous a entendus et qu'il nous exaucera. Nous sommes tellement sujets à l'erreur, notre vue est tellement bornée, qu'il nous arrive parfois de demander des choses qui ne nous seraient pas bonnes. Dans son amour, notre Père céleste exauce nos prières en nous accordant ce qui est pour notre bien, ce que nous demanderions nous-mêmes si nous pouvions juger justement des choses spirituelles. Si nos prières ne paraissent pas être entendues, cramponnons-nous à la promesse, car le temps de l'exaucement viendra certainement et nous recevrons alors la bénédiction dont nous avons le plus pressant besoin. Mais prétendre que les prières seront toujours exaucées de la manière dont nous l'entendons, c'est de la présomption. Dieu est trop sage pour se tromper, et trop bon pour nous refuser ce qui est le meilleur pour nous. Ne craignez donc pas de mettre en lui votre confiance, même quand vous ne voyez pas l'exaucement immédiat de vos prières. Reposez-vous sur cette promesse, qui est ferme "Demandez, et vous recevrez." Jean 16:24. VJ 147 1 Si, avant de croire, nous prenons conseil de nos doutes et de nos craintes, ou si nous voulons résoudre tous les points qui pourraient nous paraître obscurs, nos difficultés ne feront qu'augmenter. Mais si nous venons à Dieu dans le sentiment de notre impuissance et de notre dépendance; si, avec une foi humble et confiante, nous exposons nos besoins à celui dont la sagesse est infinie, à celui qui voit tout, il entendra nos cris et il fera briller sa lumière dans nos coeurs. Par la prière sincère, nous sommes mis en rapport avec la Sagesse infinie. Nous pouvons ne pas avoir, au moment où nous prions, de preuve spéciale que le Seigneur se penche sur nous avec compassion et amour, mais c'est néanmoins le cas. Nous pouvons ne pas sentir son attouchement, mais sa main est sur nous, et cette main nous assure de son amour et de ses tendres compassions. VJ 148 1 Quand on s'approche du Seigneur pour lui demander grâce et assistance, il faut le faire dans des sentiments d'amour et le coeur disposé au pardon. Comment pouvons-nous dire: "Pardonne-nous nos offenses, comme nous aussi nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés" (Matthieu 6:12) si nous conservons des ressentiments dans notre coeur? Si nous voulons que nos prières soient exaucées, nous devons pardonner aux autres de la même manière et aussi pleinement que nous nous attendons à être pardonnés. VJ 149 1 La persévérance dans la prière est une autre condition de l'exaucement. Il faut prier sans cesse pour croître dans la foi. "Persévérez dans la prière", est-il écrit. "Persévérez dans la prière, veillez-y avec actions de grâces." Romains 12:12; Colossiens 4:2. Pierre exhorte les croyants en ces termes: "Soyez donc sages et sobres, pour vaquer à la prière." 1 Pierre 4:7. Paul leur dit: "En toute chose faites connaître vos besoins à Dieu par des prières et des supplications, avec des actions de grâces." Philippiens 4:6. "Pour vous, bien-aimés, dit Jude, vous édifiant vous-mêmes sur votre très sainte foi, et priant par le Saint-Esprit, maintenez-vous dans l'amour de Dieu." Jude 1:20, 21. La prière constante est une union ininterrompue de l'âme avec le Seigneur, de sorte que la vie de Dieu nous est communiquée, et que de notre vie rejaillissent vers lui la pureté et la sainteté. VJ 149 2 La constance dans la prière est une nécessité; que rien ne s'interpose entre vous et ce devoir. Faites tout ce qui dépend de vous pour maintenir une communion intime entre Jésus et votre âme. Cherchez toutes les occasions de vous rendre là où l'on se réunit pour prier. Ceux qui aspirent véritablement à être en communion avec Dieu seront présents aux réunions de prière et y participeront, vivement désireux d'en retirer tous les avantages possibles. Ils saisiront toutes les occasions pour recevoir du ciel des rayons de bénédictions. VJ 150 1 Il faut aussi prier dans le cercle de la famille; et surtout ne pas négliger la prière secrète. Celle-ci est la vie de l'âme et sans elle toute croissance spirituelle est impossible. Prier en famille et en public ne saurait suffire. Quand vous êtes seul, ouvrez votre âme au regard scrutateur de Dieu. Votre prière ne doit être entendue que de lui seul. Aucune oreille curieuse ne doit être témoin de vos épanchements. Dans la prière secrète, l'âme est affranchie des influences extérieures, sourde aux bruits de la terre. Calme mais fervente, elle s'élève jusqu'à Dieu, qui est sa forteresse et sa force. Une influence douce et durable émanera de celui qui exauce les prières faites en secret, et dont l'oreille est ouverte aux requêtes de nos coeurs. Par une foi calme et simple, l'âme s'entretient avec le Seigneur et se fortifie pour la lutte contre Satan. VJ 150 2 Priez dans votre chambre; mais élevez aussi vos coeurs vers le ciel tout en vaquant à vos occupations de chaque jour. C'est ainsi qu'Enoch marchait avec Dieu. La prière silencieuse, montant comme un précieux encens jusqu'au trône de la grâce, rend l'âme invincible. VJ 151 1 Il n'est pas de lieu ni de circonstance où une prière ne soit de saison. Rien ne peut nous empêcher d'élever nos coeurs à Dieu dans une ardente requête. On peut faire monter vers lui une prière et demander la direction d'en haut au milieu d'une rue encombrée ou au cours d'un entretien commercial. Ainsi fit Néhémie lorsqu'il présenta sa requête au roi Artaxerxès. Que la porte de notre coeur soit toujours ouverte et que constamment monte vers Jésus, notre hôte céleste, l'invitation de venir y habiter. VJ 151 2 Au sein d'une ambiance viciée et corrompue, nous pouvons respirer la pure atmosphère du ciel. Par une invocation sincère, fermons notre coeur à toute pensée impure, à toute rêverie coupable. Ceux dont le coeur est disposé à recevoir le secours et la bénédiction de Dieu vivront dans une atmosphère plus sainte que celle de la terre et seront en communion constante avec le ciel. VJ 152 1 Il nous faut une vision plus claire de Jésus, une intelligence plus parfaite de la valeur des réalités éternelles. Il faut que la beauté de la sainteté remplisse le coeur des enfants de Dieu; pour cela demandons à l'Auteur de toute sagesse de nous dévoiler les choses divines. VJ 152 2 Élevons nos âmes vers les hauteurs où l'on respire l'atmosphère du ciel. Vivons si près de Dieu qu'à chaque épreuve inattendue, nos pensées se tournent vers lui aussi naturellement que la fleur vers le soleil. VJ 152 3 Placez constamment devant Dieu vos besoins, vos joies, vos tristesses, vos soucis et vos craintes. Vous ne le fatiguerez pas; vous ne pourrez jamais le lasser. VJ 152 4 Celui qui compte les cheveux de votre tête n'est pas indifférent aux besoins de ses enfants. "Le Seigneur est plein de miséricorde et de compassion." Jacques 5:11. Son coeur est touché par nos douleurs, et par le récit même que nous lui en faisons. Apportez-lui tous vos sujets de préoccupation. Rien n'est trop lourd pour celui qui soutient les mondes et dirige l'univers. Rien de ce qui touche à notre paix ne lui est indifférent. Il n'est pas dans notre vie chrétienne de chapitre trop sombre pour qu'il en prenne connaissance, ni de problème si troublant qu'il n'en trouve la solution. Nulle calamité ne fond sur le moindre de ses enfants, nulle angoisse ne torture son âme, nulle joie ne le ranime, nulle prière sincère ne monte de ses lèvres sans que notre Père céleste y soit attentif et y prenne un intérêt immédiat. "Il guérit ceux qui ont le coeur brisé, et il panse leurs blessures." Psaumes 147:3. Les rapports entre chaque âme et Dieu sont aussi intimes que s'il n'y avait que cette seule âme pour laquelle il ait donné son Fils bien-aimé. VJ 153 1 Jésus dit: "En ce jour, vous demanderez en mon nom, et je ne vous dis pas que je prierai le Père pour vous; car le Père lui-même vous aime." "Je vous ai choisis, ... afin que ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donne." Jean 16:26, 27; 15:16. Mais prier au nom de Jésus, c'est plus et mieux que de mentionner son nom au commencement et à la fin de son oraison. C'est prier dans les sentiments et l'Esprit de Jésus, tout en croyant à ses promesses, en se reposant sur sa grâce et en faisant ses oeuvres. VJ 154 1 Dieu ne demande à personne de devenir ermite ou moine et de se retirer du monde pour s'adonner exclusivement à l'adoration. Notre vie doit être semblable à celle de Jésus-Christ: partagée entre la communion avec son Père et la foule. Celui qui se contente de prier se lassera bientôt de le faire, ou ses prières finiront par n'être plus que de vaines redites. Celui qui se retire de la vie sociale, loin des devoirs et des luttes chrétiennes celui qui cesse de travailler activement pour le Maître qui a tant fait pour nous, perd l'objet même de la prière, et il ne lui reste plus rien qui le pousse à la pratique de la piété. Ses prières deviennent personnelles et égoïstes. Il ne peut plus demander à Dieu la force nécessaire pour travailler au bien de l'humanité et à l'édification du royaume de Jésus-Christ. VJ 155 1 Nous perdons beaucoup en négligeant le privilège de nous unir à d'autres chrétiens en vue de nous encourager mutuellement au service du Seigneur. Les vérités de la Parole inspirée perdent leur éclat et leur importance. Nos coeurs ne sont plus éclairés et vivifiés par leur influence sanctifiante, et nous déclinons spirituellement. Dans nos rapports entre chrétiens, nous perdons beaucoup par le manque de sympathie les uns envers les autres. Celui qui se renferme en lui-même n'occupe pas la place que le Seigneur lui avait assignée. La culture convenable de l'élément social de notre nature nous porte à sympathiser avec autrui et contribue à notre développement en vue du service de Dieu. VJ 155 2 Si les chrétiens voulaient se réunir pour se parler mutuellement de l'amour de Dieu et des précieuses vérités de la rédemption, ils trouveraient force et rafraîchissement. Chaque jour il nous est possible d'avoir une connaissance plus profonde de notre Père céleste; nous pouvons faire journellement de nouvelles expériences de sa grâce. Celles-ci feront naître en nous le besoin irrésistible de parler de son amour, et ces récits mêmes réchaufferont et stimuleront nos coeurs. Si nous pensions davantage à Jésus et si nous parlions plus souvent de lui et moins de nous-mêmes, nous jouirions beaucoup plus de sa présence. VJ 156 1 Si nous pensions à Dieu chaque fois qu'il nous donne des preuves de sa tendre sollicitude, il serait constamment dans nos pensées et nous prendrions tout notre plaisir à le louer. Nous parlons des choses temporelles parce qu'elles nous intéressent. Nous parlons de nos amis parce que nous les aimons et que nos joies et nos douleurs sont intimement liées aux leurs. Et pourtant, nous avons infiniment plus de raisons d'aimer Dieu que nos amis terrestres. Lui donner la première place dans nos pensées, parler de sa bonté et de sa puissance devraient être pour nous les choses les plus naturelles du monde. Les riches dons qu'il nous a accordés ne doivent pas avoir pour but de nous absorber tellement que nous n'ayons plus une seule pensée pour lui. Ils sont destinés à nous rappeler sans cesse notre Bienfaiteur céleste et à nous attacher à lui par les liens de l'amour et de la reconnaissance. Nous sommes trop terre à terre. Élevons nos yeux vers la porte ouverte du sanctuaire céleste, où la lumière de la gloire divine brille sur la face de Jésus-Christ et souvenons nous qu'il "peut sauver parfaitement ceux qui s'approchent de Dieu par lui." Hébreux 7:25. VJ 157 1 Il faut louer l'Éternel davantage "pour sa bonté, et pour ses merveilles en faveur des fils de l'homme". Psaumes 107:8. Nos prières ne devraient pas avoir uniquement pour but de demander et de recevoir. Ne pensons pas toujours à nos besoins, et jamais aux bienfaits que nous recevons. Nous ne prions pas trop, mais nous sommes trop chiches de remerciements. Nous sommes les objets de la miséricorde de Dieu, et pourtant, avec quelle parcimonie lui exprimons-nous notre reconnaissance en retour de tout ce qu'il a fait pour nous! VJ 157 2 Autrefois, le Seigneur donna à Israël ces directives quand il s'assemblait pour l'adorer: "C'est là que vous mangerez devant l'Éternel, votre Dieu, et que, vous et vos familles, vous ferez servir à votre joie tous les biens par lesquels l'Éternel, votre Dieu, vous aura bénis." Deutéronome 12:7. Ce qui est fait pour la gloire de Dieu devrait l'être avec joie, avec chants de louanges et actions de grâces, et non avec tristesse et morosité. VJ 158 1 Notre Dieu est un Père tendre et compatissant. Ne considérons jamais son service comme un labeur déprimant et angoissant. Adorer le Seigneur et travailler à son oeuvre devraient être pour nous un plaisir. Dieu ne veut pas que ceux auxquels il a procuré un si grand salut le considèrent comme un Maître dur et sévère. Il est leur meilleur ami, et il veut se trouver au milieu d'eux -- quand ils l'adorent -- pour les bénir, les consoler, et remplir leur coeur de joie et d'amour. Le Seigneur désire que ses enfants trouvent du réconfort à son service et rencontrent dans son oeuvre plus de sujets de joie que de sujets de tristesse. Il désire que ceux qui viennent pour l'adorer s'en retournent, emportant avec eux la précieuse assurance de sa sollicitude et de son amour, ainsi que la mesure nécessaire de grâce pour se livrer avec joie à leurs occupations journalières et agir fidèlement et honnêtement en toutes choses. VJ 159 1 Réunissons-nous autour de la croix. Que Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié soit l'objet de notre contemplation, le thème de nos entretiens et de nos plus douces émotions. Gardons le souvenir de toutes les grâces que nous recevons de la part du Seigneur. Et dès que nous nous serons rendu compte de son grand amour, consentons à tout remettre entre les mains qui pour nous ont été clouées à la croix. VJ 159 2 Sur les ailes de la louange, l'âme peut s'envoler vers le ciel. Dieu est adoré dans les cours célestes par des chants et des instruments de musique, et c'est par nos actions de grâces et de reconnaissance que notre culte se rapprochera le plus de celui des armées célestes. "Celui qui offre pour sacrifice des actions de grâces me glorifie." Psaumes 50:23. Venons donc en présence du Seigneur avec respect, mais aussi avec joie pour lui apporter des "actions de grâces et le chant des cantiques." Ésaïe 51:3. ------------------------Chapitre 12 -- Que faire des doutes? VJ 161 1 Des chrétiens, et particulièrement les jeunes dans la foi, sont parfois troublés par les suggestions du scepticisme. Il y a dans la Bible bien des choses qu'ils ne peuvent expliquer ni même comprendre, et Satan s'en sert pour ébranler leur foi dans les saintes Écritures comme révélation de Dieu. "Comment pouvons nous connaître la bonne voie? se demandent-ils. Si la Bible est véritablement la Parole de Dieu, comment nous affranchir des doutes dont nous sommes obsédés?" VJ 161 2 Dieu ne nous demande jamais de croire sans donner à notre foi des preuves suffisantes. Son existence, son caractère, la véracité de sa Parole, tout cela est établi par des témoignages qui en appellent à notre raison; et ces témoignages sont abondants. Toutefois, Dieu n'a jamais enlevé la possibilité du doute. Notre foi doit reposer sur des preuves et non sur une démonstration. Ceux qui désirent douter en auront l'occasion, tandis que ceux qui veulent réellement connaître la vérité, trouveront des preuves abondantes qui affermiront leur foi. VJ 162 1 Il est impossible à un esprit borné de comprendre parfaitement les oeuvres ou le caractère de l'Infini. Cet Être saint demeurera toujours enveloppé de mystère, même pour les esprits les plus transcendants et les intelligences les plus cultivées. "Prétends-tu sonder les pensées de Dieu, parvenir à la connaissance parfaite du Tout-Puissant? Elle est aussi haute que les cieux: que feras-tu? Plus profonde que le séjour des morts: que sauras-tu?" Job 11:7, 8. VJ 162 2 L'apôtre Paul pousse cette exclamation: "O profondeur de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu! Que ses jugements sont insondables, et ses voies incompréhensibles!" Romains 11:33. Mais quoique "les nuages et l'obscurité, l'environnent, la justice et l'équité sont la base de son trône". Psaumes 97:2. Nous pouvons pénétrer assez loin dans la connaissance des voies de Dieu à notre égard et des mobiles qui le guident pour savoir qu'il met une puissance infinie au service d'un amour incommensurable. Nous pouvons comprendre de ses desseins tout ce qui nous est utile. Quant au reste, nous devons nous en remettre à une main toute-puissante, à un coeur qui n'est qu'amour. VJ 163 1 Comme le caractère de son Auteur, la Parole de Dieu nous présente des mystères qui ne pourront jamais être sondés à fond par des êtres bornés. L'entrée du péché dans le monde, l'incarnation de Jésus-Christ, la régénération, la résurrection, et plusieurs autres faits présentés dans la Bible, sont des mystères trop profonds pour être expliqués ou même saisis pleinement par l'esprit humain. Mais Dieu nous a donné dans les Écritures des preuves suffisantes de leur divinité, et nous n'avons nullement lieu de douter de celles-ci parce que nous ne pouvons pas comprendre les mystères de sa providence. Dans le monde matériel, nous sommes constamment entourés de mystères impénétrables. Les plus humbles manifestations de la vie sont un problème que les plus sages philosophes sont incapables d'expliquer. De tous côtés se présentent des merveilles qui surpassent notre intelligence. Faut-il donc être surpris s'il se trouve dans le monde spirituel des mystères insondables? Toute la difficulté se trouve dans la faiblesse et l'étroitesse de l'esprit humain. VJ 164 1 L'apôtre Pierre dit qu'il y a dans les Écritures "des points difficiles à comprendre, dont les personnes ignorantes et mal affermies tordent le sens ... pour leur propre ruine". 2 Pierre 3:16. Les sceptiques ont tiré de ces points difficiles des arguments contre la Bible; mais ce sont là au contraire des preuves solides de sa divine inspiration. Si elle ne nous disait de Dieu que des choses aisées à comprendre; si l'esprit borné de l'homme pouvait facilement embrasser sa grandeur et sa majesté, la Bible ne porterait pas le sceau indubitable de l'autorité divine. La grandeur même et le mystère des thèmes qui y sont traités devraient nous porter à croire qu'elle est la Parole de Dieu. VJ 165 1 La Bible révèle la vérité avec une telle simplicité et une adaptation si parfaite aux besoins et aux aspirations du coeur humain qu'elle a fait le charme et l'étonnement des esprits les plus cultivés. D'autre part, elle met les humbles et les illettrés à même de comprendre le chemin du salut. Et pourtant, ces vérités si simplement exprimées traitent de sujets si élevés, si profonds, et tellement inaccessibles aux facultés humaines, que nous ne pouvons les accepter que parce que c'est Dieu qui a parlé. Ainsi, le plan du salut nous est révélé de telle manière que chacun peut comprendre ce qu'est la repentance envers Dieu et la foi en notre Seigneur Jésus-Christ, et s'engager dans cette voie pour être sauvé. Et cependant, ces vérités si faciles à saisir contiennent des mystères qui nous voilent la gloire de Dieu -- mystères qui confondent celui qui cherche sincèrement la vérité, mais lui inspirent la foi et le respect. Plus il sonde la Bible, plus ferme est sa conviction qu'elle est la Parole de Dieu. La raison s'incline devant la majesté de la révélation divine. VJ 165 2 Se rendre compte que la compréhension parfaite des grandes vérités de la Bible nous échappe, c'est simplement reconnaître qu'un esprit borné est insuffisant pour concevoir l'infini, que l'homme, avec ses connaissances limitées, ne peut saisir les desseins de l'Omniscient. VJ 166 1 Parce qu'ils n'en peuvent sonder tous les mystères, les sceptiques et les incrédules rejettent la Parole de Dieu. Ceux qui professent croire à la Bible ne sont même pas à l'abri de tout danger à cet égard. L'apôtre Paul dit: "Prenez garde, frères, que quelqu'un de vous n'ait un coeur mauvais et incrédule, au point de se détourner du Dieu vivant." Hébreux 3:12. C'est une chose tout à fait légitime que d'étudier attentivement les enseignements de la Bible et de sonder les "profondeurs de Dieu", en tant qu'elles sont révélées dans l'Écriture. 1 Corinthiens 2:10. Si "les choses cachées sont à l'Éternel, notre Dieu", "les choses révélées sont à nous." Deutéronome 29:29. Mais l'effort de Satan vise à pervertir les facultés d'investigation dont nous sommes doués. A l'étude des vérités de la Bible se mêle un certain orgueil qui pousse à l'impatience ou au dépit quand on ne peut pas en expliquer tous les passages d'une manière satisfaisante. Il est trop humiliant de reconnaître qu'on ne comprend pas les paroles inspirées. On ne consent pas à attendre que Dieu juge à propos de nous révéler sa vérité. On a le sentiment qu'on peut comprendre les Écritures par sa propre sagesse; et, n'y arrivant pas, on est amené à nier virtuellement leur autorité. Il est vrai que bon nombre de théories et de doctrines populaires qu'on suppose tirées de la Bible n'y trouvent aucun fondement et sont en réalité en opposition avec la teneur générale de ses pages inspirées. Ce fait, qui a été une occasion de doute et de perplexité pour bien des esprits, loin d'être attribuable à la Parole de Dieu, est l'oeuvre des hommes qui l'ont pervertie. VJ 167 1 S'il était possible à des créatures humaines de parvenir à une parfaite intelligence de Dieu et de ses oeuvres, arrivées à ce point, elles n'auraient plus de vérités à découvrir, plus rien à apprendre, plus de progrès à réaliser dans le développement de l'esprit et du coeur. Dieu ne serait plus l'Être suprême, et l'homme, arrivé aux limites extrêmes de la connaissance et du progrès, cesserait d'avancer. Remercions Dieu de ce qu'il n'en soit pas ainsi. Dieu est infini; en lui sont "cachés tous les trésors de la sagesse et de la science" (Colossiens 2:3), et pendant toute l'éternité les hommes ne cesseront de chercher et d'apprendre, sans jamais épuiser les trésors de sa sagesse, de sa bonté et de sa puissance. VJ 168 1 Il entre dans les desseins de Dieu que, même en cette vie, sa vérité continue à se dévoiler aux yeux de son Église. Et l'on ne peut obtenir l'intelligence de la Parole de Dieu que par l'illumination de l'Esprit qui l'a donné. "Personne ne connaît les choses de Dieu, si ce n'est l'Esprit de Dieu." "Car l'Esprit sonde tout, même les profondeurs de Dieu." 1 Corinthiens 2:10, 11. Le Sauveur a fait cette promesse à ses disciples: "Quand le Consolateur sera venu, l'Esprit de vérité, il vous conduira dans toute la vérité... Il prendra de ce qui est a moi, et vous l'annoncera." Jean 16:13, 14. VJ 168 2 Dieu désire que l'homme fasse usage de ses facultés. Plus que toute autre étude, celle de la Bible les fortifiera et les ennoblira. Toutefois, il faut prendre garde de ne pas déifier la raison, qui est sujette aux faiblesses et aux infirmités. Si nous ne voulons pas que les vérités les plus évidentes de la Bible nous soient incompréhensibles, nous devons posséder la simplicité et la foi d'un petit enfant, être prêts à nous laisser instruire et implorer l'assistance du Saint-Esprit. Le sentiment de la puissance et de la sagesse de Dieu, aussi bien que celui de notre incapacité de concevoir sa grandeur, devrait nous porter à l'humilité et nous aider à ouvrir sa Parole avec les mêmes dispositions d'adoration et de crainte que si nous entrions en sa présence. Dès qu'elle s'approche de la Bible, la raison humaine reconnaît une autorité supérieure à la sienne: le coeur et l'intelligence doivent s'incliner devant le grand JE SUIS. VJ 169 1 Bien des vérités apparemment difficiles ou obscures deviennent claires et simples pour ceux qui cherchent à les comprendre avec humilité. Mais sans le secours du Saint-Esprit nous sommes toujours enclins à tordre les Écritures et à en donner de fausses interprétations. Beaucoup lisent la Bible sans profit, voire pour leur perte. Quand on ouvre la Parole de Dieu sans respect et sans prière, quand les pensées et les affections ne reposent pas sur Dieu ou ne sont pas en harmonie avec sa volonté, l'entendement est bientôt obscurci par le doute et l'étude même de la Bible contribue à fortifier le scepticisme. L'ennemi prend possession de nos pensées et nous suggère de fausses interprétations. Dès qu'un homme, quelque savant qu'il puisse être, perd le désir d'être en harmonie avec la Bible, soit par ses paroles, soit par ses actes, il est condamné à comprendre les Écritures d'une manière erronée, et il faut se défier de ses explications. Le discernement spirituel est refusé à ceux qui étudient la Bible pour y découvrir des erreurs. Leur vision faussée verra des causes de doute et d'incrédulité là où tout est simple et clair. VJ 170 1 Qu'on la déguise comme on voudra, dans la plupart des cas la cause réelle du doute et du scepticisme, c'est l'amour du péché. Les enseignements et les avertissements de la Parole de Dieu ne sont pas agréables au coeur orgueilleux et pervers, et ceux qui ont de la répugnance à se conformer à ses exigences sont vite prêts à mettre en doute son autorité. Pour parvenir à la connaissance de la Vérité, il faut avoir un désir sincère, de la connaître et un coeur disposé à s'y conformer. Ceux qui entreprennent l'étude de la Bible dans ces sentiments trouveront des preuves évidentes et nombreuses de son inspiration divine, et saisiront ses vérités qui les rendront sages à salut. VJ 171 1 Jésus a dit: "Si quelqu'un veut faire la volonté de Dieu, il saura si ma doctrine est de Dieu ou si je parle de mon chef." Jean 7:17. Au lieu de douter de ce que vous ne comprenez pas ou de discuter, suivez la lumière qui brille déjà sur votre sentier et vous recevrez davantage. Par la grâce de Jésus-Christ, acquittez- vous de tous les devoirs qui vous ont été clairement révélés, et vous serez mis à même de comprendre et d'accomplir ceux qui sont actuellement pour vous un sujet de perplexité. VJ 171 2 Il y a une catégorie de preuves accessibles au plus ignorant comme au plus savant. Ce sont celles de l'expérience. Dieu nous invite à éprouver pour nous-mêmes la vérité de sa Parole et la certitude de ses promesses. Il nous dit: "Sentez, et voyez combien l'Éternel est bon!" Psaumes 34:9. Au lieu de s'en tenir au témoignage d'autrui, il faut l'éprouver soi-même. Dieu dit: "Demandez, et vous recevrez." Jean 16:24. Ces promesses s'accompliront. Elles n'ont jamais failli et elles ne failliront jamais. Quand nous nous approcherons de Jésus et que nous nous réjouirons de la plénitude de son amour, nos doutes et les ténèbres qui nous environnent se dissiperont à la lumière de sa présence. VJ 172 1 L'apôtre Paul dit que Dieu nous a délivrés de la puissance des ténèbres et nous a transportés dans le royaume du Fils de son amour. Colossiens 1:13. Quiconque est passé de la mort à la vie "a certifié que Dieu est vrai". Jean 3:33. Il peut dire: "J'avais besoin de secours et je l'ai trouvé en Jésus. Il a été pourvu à tous mes besoins. La faim de mon âme a été apaisée; et maintenant la Bible est pour moi la révélation de Jésus-Christ. Me demandez-vous pourquoi je crois en Jésus? Parce qu'il est pour moi un divin Sauveur. Et pourquoi je crois à la Bible? Parce que j'y ai trouvé la voix de Dieu parlant à mon âme." Nous pouvons avoir en nous-mêmes le témoignage que la Bible est la vérité, que Jésus est le Fils de Dieu. Nous savons que nous ne suivons pas des fables habilement conçues. VJ 173 1 L'apôtre Pierre exhorte ses frères à croître "dans la grâce et dans la connaissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ". 2 Pierre 3:18. À mesure que les enfants de Dieu croissent en grâce, ils obtiennent une intelligence de plus en plus claire de sa Parole. Ils discernent dans ses pages sacrées des lumières et des vérités toujours nouvelles. C'est l'expérience qu'a pu faire l'Église de Jésus-Christ de tous les temps, et c'est celle qu'elle fera jusqu'à la fin. "Le sentier des justes est comme la lumière resplendissante, dont l'éclat va croissant jusqu'au milieu du jour." Proverbes 4:18. VJ 173 2 Par la foi, nous pouvons plonger nos regards dans l'avenir et compter sur le moment béni où -- selon les promesses de Dieu -- nous connaîtrons un développement constant de notre intelligence. Les facultés humaines seront alors unies à la sagesse divine et toutes les puissances de notre être mises en contact direct avec la source de la lumière. Nous pouvons nous réjouir à la pensée que tout ce qui dans les voies de Dieu, nous a angoissés ici-bas sera alors éclairci. Les choses difficiles à comprendre seront expliquées, et là où notre intelligence bornée ne découvre aujourd'hui que confusion, nous constaterons l'harmonie la plus parfaite. "Aujourd'hui nous voyons au moyen d'un miroir, d'une manière obscure, mais alors nous verrons face à face; aujourd'hui je connais en partie, mais alors je connaîtrai comme j'ai été connu." 1 Corinthiens 13:12. ------------------------Chapitre 13 -- La joie dans le Seigneur VJ 176 1 Les enfants de Dieu sont appelés à être les représentants du Christ, à manifester au monde la bonté et la miséricorde de leur Sauveur. Comme Jésus nous a révélé le caractère du Père, ainsi nous devons le révéler lui-même à ceux qui ne connaissent pas son tendre amour et ses compassions. "Comme tu m'as envoyé dans le monde, dit Jésus, je les ai aussi envoyés dans le monde." "Moi en eux, et toi en moi, ... afin que le monde connaisse que tu m'as envoyé." Jean 17:18, 23. L'apôtre Paul écrivait aux chrétiens de Corinthe: "Vous êtes manifestement une lettre de Christ, ... connue et lue de tous les hommes." 2 Corinthiens 3:2, 3. En chacun de ses enfants, Jésus envoie une lettre au monde. Si vous êtes son disciple, vous êtes la lettre qu'il envoie à la famille où vous logez, au village, à la rue que vous habitez. Par vous, Jésus désire parler au coeur de ceux qui ne le connaissent pas. Peut- être ne lisent-ils pas la Bible, n'entendent-ils pas la voix qui leur parle dans ses pages et ne voient-ils pas l'amour de Dieu dans ses oeuvres. Mais si vous êtes un véritable représentant de Jésus, il est possible que, par vous, ils soient amenés à comprendre quelque peu sa bonté, à l'aimer et à le servir. VJ 176 1 Les chrétiens sont comme des phares placés sur le chemin du ciel. Ils doivent réfléchir sur le monde la lumière qu'ils reçoivent de Jésus-Christ. Leur vie et leur caractère devraient être tels que d'autres puissent obtenir par eux une juste conception du Sauveur et de son service. VJ 176 2 Si nous le représentons fidèlement, nous ferons paraître son service attrayant, comme il l'est en réalité. Les chrétiens qui se découragent, qui murmurent et qui se plaignent, donnent au monde une fausse conception de Dieu et de la vie chrétienne. Ils font croire que le Seigneur n'aime pas voir ses enfants heureux et ils portent un faux témoignage contre notre Père céleste. VJ 177 1 Satan jubile quand il peut entraîner les chrétiens à l'incrédulité et au découragement. Il est heureux quand il voit que nous manquons de confiance en Dieu, et que nous doutons de son désir et de sa capacité de nous sauver. Il aime à nous faire croire que les dispensations divines nous porteront préjudice. C'est l'oeuvre de Satan de nous représenter le Seigneur comme dénué de miséricorde et de compassion. Il dénature les faits et remplit les imaginations de notions erronées au sujet de Dieu. Et nous, nous nous arrêtons trop souvent aux caricatures de Satan au lieu de chercher à connaître le vrai caractère de notre Père que nous déshonorons par notre manque de confiance et nos murmures. Satan s'efforce toujours de représenter la piété sous un jour sombre. Il désire faire paraître la religion pénible et fastidieuse. Aussi, quand le chrétien présente dans sa vie le christianisme sous ce faux jour, son incrédulité confirme le mensonge de Satan. VJ 177 2 Bon nombre de personnes foulent le sentier de la vie le regard tourné vers leurs erreurs, leurs fautes et leurs désappointements, le coeur abreuvé de tristesse et de découragement. Il y a bien des années, une personne pieuse qui se trouvait dans une grande angoisse m'écrivit pour me demander quelques paroles d'encouragement. La nuit qui suivit la réception de sa lettre, je rêvai que je parcourais les sentiers d'un jardin en compagnie de celui qui paraissait en être le propriétaire. Chemin faisant, je cueillais des fleurs et jouissais beaucoup de leur parfum, quand la personne en question, qui était à mes côtés, appela mon attention sur de vilains églantiers qui l'empêchaient d'avancer. Et elle se désolait. Au lieu de suivre le sentier avec le guide, elle s'égarait parmi les églantiers et les ronces. "Quel malheur, s'écriait- elle, que ce magnifique jardin soit abîmé par des épines!" Le guide lui dit: "Ne vous occupez donc pas des épines, qui ne feront que vous blesser. Cueillez les roses, les lis et les oeillets." VJ 178 1 Votre vie chrétienne ne vous a-t-elle pas laissé des souvenirs lumineux? Au cours de certaines périodes précieuses, votre coeur n'a-t-il pas tressailli de joie sous l'influence du Saint-Esprit? Quand vous jetez un regard en arrière sur les chapitres de votre vie, n'y trouvez-vous pas des pages agréables? Les promesses de Dieu, telles des fleurs embaumées, ne croissent-elles pas tout le long de votre sentier? Permettez à leur beauté et à leur douceur de combler votre coeur de joie. VJ 179 1 Les églantiers et les ronces ne peuvent que vous blesser et vous attrister; et si vous ne cueillez que des déboires pour les présenter à d'autres, ne repoussez-vous pas la bonté de Dieu et n'empêchez-vous pas ceux qui vous entourent de marcher dans le sentier de la vie? VJ 179 2 Il n'est pas sage de rassembler tous les souvenirs pénibles de sa vie -- ses chutes et ses déceptions -- pour en parler à d'autres et s'en lamenter jusqu'à ce que le découragement vous envahisse. Une âme découragée est entourée de ténèbres; elle repousse la lumière divine et projette une ombre sur le sentier d'autrui. VJ 179 3 Remercions Dieu des tableaux riants qu'il étale sous nos yeux. Recueillons, afin de pouvoir les contempler toujours, les précieuses assurances de son amour: le Fils de Dieu, quittant le trône de son Père et voilant sa divinité sous notre humanité afin d'arracher l'homme à la puissance de Satan; son triomphe en notre faveur, triomphe qui nous ouvre le ciel et nous révèle le lieu où la divinité manifeste sa gloire; l'humanité déchue retirée de l'abîme dans lequel le péché l'avait plongée, et réintégrée dans la communion du Dieu infini; le croyant sortant, par la foi au Rédempteur, victorieux de l'épreuve, revêtu de la justice de Jésus-Christ et élevé jusqu'à son trône: voilà les tableaux sur lesquels le Seigneur veut que nous arrêtions nos regards. VJ 180 1 Quand on semble douter de l'amour de Dieu et manquer de confiance en ses promesses, on le déshonore et on contriste le Saint-Esprit. Qu'éprouverait une mère dont les enfants se plaindraient constamment d'elle, alors qu'elle ne désire que leur bien, et que le but constant de sa vie est de veiller sur leurs intérêts et d'assurer leur bonheur? S'ils doutaient de son amour, cela suffirait pour lui briser le coeur. Que penseraient des parents que leurs enfants traiteraient de cette manière? Que peut penser de nous notre Père céleste quand nous ne croyons pas à l'amour qui l'a porté à donner son Fils unique afin que nous ayons la vie? VJ 180 2 L'apôtre écrit: "Lui, qui n'a point épargné son propre Fils, mais qui l'a livré pour nous tous, comment ne nous donnera-t-il pas aussi toutes choses avec lui?" Romains 8:32. Et pourtant, qu'ils sont nombreux ceux qui, par leurs actions, si ce n'est par leurs paroles, disent: "Ce n'est pas pour moi que le Seigneur parle ainsi. Il aime peut-être telle ou telle personne, mais pas moi!" VJ 181 1 Tout cela fait du tort à votre âme; car chaque parole de doute que vous proférez donne prise à Satan, fortifie en vous la tendance au scepticisme, attriste et éloigne de vous les anges auxquels Dieu a confié votre garde. Quand Satan vous tente, ne laissez pas échapper une seule parole d'incrédulité ou de découragement. Si vous ouvrez la porte de votre coeur à ses suggestions, votre esprit sera bientôt rempli de méfiance et de pensées rebelles. Et si vous exprimez vos sentiments, chaque doute que vous énoncerez non seulement réagira sur vous, mais jettera une semence qui germera dans la vie d'autrui et portera des fruits dont il vous sera sans doute impossible d'arrêter la croissance. Vous sortirez peut-être victorieux de la tentation et des pièges de Satan, mais d'autres, ébranlés par votre influence, pourront ne jamais être à même d'échapper au scepticisme semé par vous. Combien il est important que nous ne prononcions que des paroles pouvant communiquer la force spirituelle et la vie! VJ 182 1 Les anges surveillent la manière dont vous représentez votre Maître céleste aux yeux du monde. Que celui qui vit pour intercéder en votre faveur devant le Père soit le sujet de votre conversation. Quand vous serrez la main d'un ami, que ce soit avec la louange de Dieu au coeur et sur les lèvres, et les pensées de cet ami se porteront vers Jésus. VJ 182 2 Chacun a des épreuves à traverser, de lourds chagrins à porter, des tentations difficiles à surmonter. Ne parlez pas de vos difficultés aux mortels, vos semblables, mais déposez-les aux pieds de Jésus. Prenez pour règle de ne jamais proférer une seule parole de doute ou de découragement. En faisant part de votre espérance et de votre confiance, vous pouvez embellir la vie de vos semblables et soutenir leurs efforts. VJ 182 3 Mainte âme courageuse, accablée par la tentation, est sur le point de succomber dans la lutte contre le "moi" et contre la puissance des ténèbres. Ne la découragez pas dans ses rudes combats. Réconfortez-la par des paroles d'espérance. C'est ainsi que la lumière de Jésus-Christ peut briller par vous. "Nul de nous ne vit pour lui-même." Romains 14:7. Par notre influence inconsciente, quelqu'un peut être soit encouragé et fortifié, soit découragé et éloigné du Sauveur et de sa vérité. VJ 183 1 Bien des gens ont des notions erronées au sujet de la vie et du caractère de Jésus, Ils croient qu'il était étranger à toute cordialité rayonnante, dur, austère et sans joie. Bien souvent, ces fausses conceptions déteignent sur l'expérience religieuse tout entière. VJ 183 2 On entend parfois dire: Jésus a pleuré, mais on ignore s'il a jamais souri. Notre Sauveur était, en effet, un homme de douleur et habitué à la souffrance, car il ouvrait son coeur à tous les maux de l'humanité. Mais bien que sa vie fût faite de renoncement, de peines et de soucis, son esprit n'était pas abattu. Son visage ne portait pas l'empreinte du chagrin, mais de la plus parfaite sérénité. Son coeur était une source de vie, et, partout où il allait, il apportait avec lui le calme, la paix, l'enjouement et la joie. VJ 183 3 Notre Sauveur était profondément sérieux et intensément préoccupé, mais il n'était jamais taciturne et morose. La vie de ceux qui l'imitent aura un but bien arrêté; ils auront un sentiment profond de leur responsabilité personnelle. La légèreté sera réprimée; toute hilarité bruyante, toute plaisanterie déplacée sera bannie. La religion de Jésus nous donne une paix qui coule comme un fleuve. Elle n'éteint pas la joie, ne restreint pas la bonne humeur, n'assombrit pas le visage radieux et souriant. Jésus-Christ est venu, non pour être servi, mais pour servir; celui dans le coeur duquel son amour règne suivra son exemple. VJ 184 1 Si nous donnons la première place dans nos souvenirs aux injustices et aux actions peu aimables dont nous avons été victimes de la part de nos semblables, il nous sera impossible de les aimer comme Jésus-Christ nous a aimés. Mais si nos pensées s'arrêtent sur l'amour merveilleux et sur la compassion de Jésus à notre égard, notre attitude envers les autres sera différente. Nous devons nous aimer et nous respecter mutuellement, malgré les fautes et les imperfections qu'il est impossible de ne pas voir. C'est en cultivant l'humilité et la défiance du "moi" que sera extirpé tout égoïsme étroit et que nous deviendrons magnanimes et généreux. VJ 184 2 Le Psalmiste dit: "Confie-toi en l'Éternel, et pratique le bien; aie le pays pour demeure et la fidélité pour pâture." Psaumes 37:3. "Confie-toi en l'Éternel." VJ 184 3 Chaque jour nous apporte ses épreuves, ses soucis et ses perplexités. Et combien nous sommes enclins, quand nous rencontrons nos amis, à les entretenir de nos difficultés et de nos épreuves! Nous nous créons tant de soucis nous exprimons tant de sujets de crainte, nous portons un tel poids d'anxiétés, que ceux qui nous entendent pourraient supposer que nous n'avons pas un Sauveur aimant et compatissant, prêt à entendre nos requêtes et à nous secourir au moment du besoin. VJ 185 1 Il est des personnes qui vivent de crainte et d'appréhension. Chaque jour elles sont entourées des preuves de l'amour de Dieu; chaque jour elles jouissent des largesses de sa providence, mais elles ne voient pas les bénédictions présentes. Leurs pensées se portent continuellement sur les contrariétés qu'elles craignent pour l'avenir, ou sur des difficultés que leur imagination grossit à un tel point que les nombreux sujets de gratitude sont éclipsés. Les obstacles qu'elles rencontrent, au lieu de les pousser vers Dieu, l'unique Rocher de leur secours, les séparent de lui, parce qu'elles éveillent l'incertitude et la disposition au murmure. VJ 185 2 Faisons-nous bien d'être ainsi incrédules? Pourquoi, serions-nous ingrats et méfiants? Jésus est notre ami; le ciel tout entier s'intéresse à notre bien. Il ne faut pas permettre aux préoccupations et aux tracas de la vie de chaque jour de nous irriter et d'assombrir nos fronts. Si nous le faisons, nous aurons toujours des raisons de nous tourmenter. Il ne faut pas se livrer à de stériles soucis qui épuisent sans profit. VJ 186 1 Vos affaires peuvent vous causer de l'anxiété; vos perspectives devenir de plus en plus sombres, et vous pouvez être menacé de subir de grands dommages. Ne vous laissez pas aller au découragement. Confiez tous vos soucis à Dieu et demeurez calme et joyeux. Demandez-lui la sagesse nécessaire pour diriger judicieusement vos affaires, afin d'éviter des pertes désastreuses. De votre côté, faites tout ce qui dépend de vous pour mener à bien vos entreprises. Jésus nous a promis son assistance, mais non pas sans notre coopération. Quand vous avez fait tout votre possible en vous reposant sur celui qui est votre secours, acceptez avec joie ce qui peut survenir. VJ 186 2 Il n'entre pas dans les desseins de Dieu que ses enfants soient tracassés par les soucis. Par contre, notre Dieu ne nous trompe pas. Il ne nous dit pas: "Ne craignez point; il n'y a pas de dangers sur votre route." Il sait que nous aurons des épreuves et des dangers à affronter, et il est franc avec nous. Il ne se propose pas de retirer ses enfants hors d'un monde de péché et de corruption; mais il leur montre un refuge assuré. Le Sauveur a prié ainsi en faveur de ses disciples: "Je ne te prie pas de les ôter du monde, mais de les préserver du mal." "Vous aurez des tribulations dans le monde, dit-il; mais prenez courage, j'ai vaincu le monde." Jean 17:15; 16:33. VJ 187 1 Dans son sermon sur la montagne, le Seigneur donne à ses disciples de précieux enseignements sur la nécessité de se confier en Dieu. Ces enseignements étaient destinés à encourager les chrétiens de tous les temps, et ils nous sont parvenus pour notre instruction et notre consolation. Le Sauveur attire l'attention de ses disciples sur les oiseaux du ciel qui font retentir les airs de leurs chants de louange, sans se mettre en souci de leurs besoins. "Ils ne sèment ni ne moissonnent" et pourtant, leur Créateur pourvoit à leurs besoins. Le Sauveur demande: "Ne valez-vous pas beaucoup plus qu'eux?" Matthieu 6:26. Le grand Économe de l'homme et des animaux ouvre sa main et subvient aux besoins de toutes ses créatures. Les oiseaux n'échappent pas à son attention. Il ne leur jette pas la nourriture dans le bec, mais il leur donne du grain à recueillir. À eux le soin de réunir les matériaux de leur nid et de nourrir leurs petits. Ils se mettent au travail en chantant parce que le "Père céleste les nourrit". Adorateur spirituel et intelligent, n'as-tu pas plus de valeur que les oiseaux du ciel? Si nous avons confiance en lui, l'Auteur de notre être, le Préservateur de notre vie, celui qui a mis en nous son image divine, ne subviendra-t-il pas à nos besoins? VJ 188 1 Jésus attire aussi l'attention de ses disciples sur les fleurs des champs qui croissent à profusion et sur la beauté simple dont le Père céleste les a revêtues en signe de son amour envers l'homme. Il disait: "Considérez comment croissent les lis des champs." La perfection de ces fleurs naturelles surpasse de beaucoup la splendeur de Salomon. Les plus somptueux vêtements qu'ait confectionnés l'art humain n'ont jamais pu supporter la comparaison avec la grâce naturelle et la beauté radieuse des fleurs que Dieu a créées. Puis Jésus pose la question: "Si Dieu revêt ainsi l'herbe des champs, qui existe aujourd'hui et qui demain sera jetée au four, ne vous vêtira-t-il pas à plus forte raison, gens de peu de foi?" Matthieu 6:28-30. Si Dieu, le divin Artiste, donne aux simples fleurs, dont l'éclat ne dure qu'un jour, leurs nuances délicates et variées, quels soins plus grands ne prendra-t-il pas des êtres qu'il a créés à son image! Cet enseignement de Jésus est une censure à l'adresse de ceux qui se laissent entraîner au doute par les soucis et les perplexités de la vie. VJ 189 1 Le bon plaisir du Seigneur est que tous ses fils et toutes ses filles soient heureux, paisibles, obéissants. Jésus dit: "Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Je ne vous la donne pas comme le monde la donne. Que votre coeur ne se trouble point." "Je vous ai dit ces choses, afin que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite." Jean 14:27; 15:11. VJ 189 2 Le bonheur qu'on recherche par égoïsme, en dehors du sentier du devoir, est chancelant, intermittent et transitoire; il passe, ne nous laissant que solitude et regret. Mais le service de Dieu procure paix et joie. Le chrétien n'est pas abandonné dans des sentiers incertains, il n'est pas livré à de vains regrets et aux désappointements. Si nous ne jouissons pas des plaisirs de cette vie, nous pouvons être heureux quand même en regardant à celle qui est à venir. VJ 189 3 Mais même ici-bas le chrétien peut avoir la joie d'une douce communion avec le Christ, la consolation perpétuelle de sa présence. Chaque pas que nous faisons peut nous rapprocher de lui, nous donner une expérience plus profonde de son amour et nous amener plus près de l'heureux séjour de la paix. N'abandonnons donc pas notre assurance, mais qu'elle devienne plus inébranlable que jamais. "Jusqu'ici l'Éternel nous a secourus" (1 Samuel 7:12), et il nous secourra jusqu'à la fin. Portons nos regards sur les monuments de la bonté divine qui nous rappelleront tout ce que le Seigneur a fait pour nous consoler et nous sauver de la main du destructeur. Gardons le souvenir précis de toutes les compassions de Dieu à notre égard, des larmes qu'il a essuyées, des douleurs qu'il a adoucies, des angoisses qu'il a fait disparaître, des sujets de crainte qui, sur son ordre, se sont évanouis, des besoins auxquels il a pourvu et des bénédictions qu'il a répandues sur nos têtes. Nous nous préparerons ainsi à surmonter les épreuves que nous aurons encore à affronter pendant le reste de notre pèlerinage. VJ 190 1 Nous pouvons nous attendre à de nouvelles angoisses dans le conflit qui se prépare; en considérant le passé et l'avenir, disons: "Jusqu'ici l'Éternel nous a secourus." "Que ta vigueur dure autant que tes jours!" Deutéronome 33:25. Les épreuves n'excéderont pas les forces qui nous seront données pour les supporter. Mettons-nous donc à l'oeuvre là où le Seigneur nous a placés et prenons courage: quoi que l'avenir nous réserve, les forces seront proportionnées aux épreuves. VJ 191 1 Bientôt les portes des cieux seront grandes ouvertes devant les enfants de Dieu, et le Roi de gloire les accueillera par ces paroles qui charmeront leurs oreilles comme la musique la plus suave: "Venez, vous qui êtes bénis de mon Père; prenez possession du royaume qui vous a été préparé dès la fondation du monde." Matthieu 25:34. VJ 191 2 Alors les rachetés seront accueillis dans les demeures que Jésus est allé leur préparer. Ils n'auront pas pour compagnons des êtres pervers: des menteurs, des idolâtres, des impurs, des incrédules; mais ils s'uniront à ceux qui ont vaincu Satan et qui, par la grâce de Dieu, ont formé des caractères parfaits. Toute tendance au péché, toute imperfection qui les afflige ici-bas, aura été supprimée par le sang de Jésus-Christ, et ils auront pour partage la magnificence de sa gloire, surpassant de beaucoup celle du soleil. En même temps, la beauté morale et la perfection de leur Sauveur brilleront par eux d'un éclat qui éclipsera cette splendeur extérieure. Ils seront sans tache devant le grand trône blanc; ils participeront à la dignité et aux privilèges des anges. VJ 192 1 En vue du glorieux héritage qui nous est offert, "que donnerait un homme en échange de son âme?" Matthieu 16:26. Il peut être pauvre, et pourtant posséder en lui-même des richesses et une dignité supérieures à tout ce que le monde peut donner. L'âme rachetée et purifiée du péché, l'âme qui consacre au service de Dieu toutes les nobles facultés qui lui ont été départies a une valeur inexprimable. Aussi, chaque fois que sur la terre une âme est sauvée, cette nouvelle fait naître dans le ciel, en la présence de Dieu et des anges, une joie sainte et glorieuse qui éclate en chants de triomphe. ------------------------La vie sanctifiée VS 3 1 Chapitre 1--Théories vraies et fausses en contraste VS 9 1 Chapitre 2--Les principes de tempérance de Daniel VS 13 1 Chapitre 3--La maîtrise des appétits et des passions VS 18 1 Chapitre 4--La fournaise ardente VS 23 1 Chapitre 5--Daniel dans la fosse aux lions VS 25 1 Chapitre 6--Les prières de Daniel VS 29 1 Chapitre 7--Le caractère de Jean VS 33 1 Chapitre 8--Le ministère de Jean VS 38 1 Chapitre 9--Jean en exil VS 44 1 Chapitre 10--Le caractère chrétien VS 49 1 Chapitre 11--Le privilège du chrétien ------------------------Chapitre 1--Théories vraies et fausses en contraste VS 3 1 La sanctification qui nous estprésentée dans les Saintes Écritures a trait à l'être tout entier - l'esprit, l'âme, et le corps. C'est là la véritable notion de consécration totale. Ainsi Paul a prié pour que l'Église de Thessalonique puisse jouir de cette grande bénédiction. «Que le Dieu de paix vous sanctifie lui-même tout entiers, et que tout votre être, l'esprit, l'âme et le corps, soit conservé irrépréhensible, lors de l'avènement de notre Seigneur Jésus-Christ ! » (1 Thessaloniciens 5.23). VS 3 2 Il existe dans le monde religieux une théorie de la sanctification qui est fausse en soi et dangereuse par son influence. Dans plusieurs cas, ceux qui font profession de sanctification ne possèdent pas le véritable article. Leur sanctification consiste en paroles seulement et en culte de la volonté. Ceux qui cherchent réellement à former des caractères chrétiens ne se permettront jamais de penser qu'ils sont sans péché. Leurs vies peuvent être irréprochables, ils peuvent être de vivants représentants de la vérité qu'ils ont acceptée ; mais plus ils disciplineront leur pensée pour contempler le caractère du Christ et plus ils s'approcheront de Son caractère divin, plus clairement ils discerneront Sa perfection immaculée et plus profondément ils percevront leurs propres défauts. VS 3 3 Lorsque certaines personnes prétendent être sanctifiées, elles donnent ainsi l'évidence qu'elles sont loin d'être saintes. Elles n'aperçoivent pas leur propre faiblesse et leur dénuement. Elles croient refléter l'image du Christ parce qu'elles ne Le connaissent pas vraiment. Plus grande est la distance qui les sépare de leur Sauveur, plus justes elles s'imaginent à leurs propres yeux. VS 3 4 C'est en méditant sur la personne de Jésus, dans une attitude de repentance et d'humble confiance, Lui que nos péchés ont percé et que nos douleurs ont affligé, que nous pouvons apprendre à marcher sur Ses traces. En Le contemplant, nous sommes transformés à Sa ressemblance divine. Puis, lorsque cette oeuvre sera accomplie en nous, nous ne prétendrons plus posséder une quelconque justice personnelle mais nous exalterons Jésus-Christ tout en reposant nos âmes impuissantes sur Ses mérites. La Propre Justice Condamnée VS 3 5 Notre Sauveur a toujours condamné la propre justice. Il a enseigné aux disciples que la religion la plus noble est celle qui se manifeste d'une manière calme et effacée. Il les a avertis d'accomplir leurs oeuvres de charité avec discrétion, non pour l'apparence, ni pour être loués ou honorés des hommes, mais pour la gloire de Dieu, n'espérant de récompense que dans le monde à venir. S'ils devaient accomplir de bonnes actions pour être loués des hommes, aucune récompense ne leur serait accordée par leur Père céleste. VS 4 1 Le Christ a enseigné à Ses disciples de ne pas prier dans le but d'être entendus des hommes. « Mais quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte, et prie ton Père qui est là dans le lieu secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. » (Matthieu 6.6). De telles expressions provenant des lèvres du Christ montrent qu'Il n'approuvait pas ce genre de piété si répandu chez les pharisiens. Ses enseignements donnés sur la montagne montrent que les oeuvres de bienfaisance prennent une forme noble et que les actes de culte religieux exhalent un plus précieux parfum lorsqu'ils sont accomplis sans prétention, dans la repentance et l'humilité. C'est la pureté du mobile qui sanctifie l'action. VS 4 2 La véritable sanctification consiste à se conformer totalement à la volonté de Dieu. Les pensées et les sentiments rebelles sont vaincus et la voix de Jésus fait naître une vie nouvelle qui pénètre l'être tout entier. Ceux qui sont réellement sanctifiés ne prendront pas leur propre opinion comme norme du bien et du mal. Ils ne seront pas bigots ou propres justes ; mais ils se tiendront sur leurs gardes, craignant toujours qu'une promesse leur ayant été donnée, ils n'arrivent pas à se conformer aux conditions fondamentales qui régissent les promesses. Substitution De La Raison Par Le Sentiment VS 4 3 Beaucoup de ceux qui professent être saints ignorent tout de l'oeuvre de la grâce sur le coeur. Lorsque mis à l'épreuve, ils sont trouvés semblables au pharisien propre juste. Ils n'acceptent pas d'être contredits. Ils écartent la raison et le jugement pour ne dépendre que de leurs sentiments, basant leur prétendue sanctification sur desoe émotions vécues à un certain moment. Ils sont entêtés et tenaces dans leur prétendue sainteté, multipliant les paroles mais ne donnant aucune évidence du précieux fruit. Les personnes qui professent ainsi être sanctifiées trompent non seulement leur âme par leurs prétentions mais exercent également une influence propre à égarer ceux qui désirent sincèrement se conformer à la volonté de Dieu. On peut les entendre répéter continuellement ces mots : « C'est Dieu qui me dirige ! Dieu m'enseigne ! Je vis sans péché ! » Beaucoup de ceux qui entrent en contact avec cet esprit font face à quelque chose de caché, de mystérieux qu'ils ne peuvent pas comprendre. Or, c'est justement là ce qui les distingue du Christ, le seul vrai modèle. VS 4 4 La véritable sanctification ne consiste pas en émotions fortes. C'est ici que plusieurs tombent dans l'erreur. Ils prennent leurs sentiments pour critère. S'ils ressentent de la joie ou de l'exaltation, ils se disent sanctifiés. Les sentiments heureux ou l'absence de joie ne sont pas une évidence que la personne est ou n'est pas sanctifiée. La sanctification instantanée n'existe pas. La véritable sanctification est une oeuvre quotidienne qui doit se poursuivre aussi longtemps que durera la vie. Ceux qui luttent avec les tentations quotidiennes, triomphant de leurs propres tendances pécheresses et cherchant à acquérir la sainteté du coeur et de la vie, ne Théories vraies et fausses en contraste présentent aucune prétention vaniteuse de sainteté. Ils ont faim et soif de justice. Le péché leur apparaît d'un caractère excessivement grave. VS 5 1 Il y a ceux qui, tout en se disant sanctifiés, professent croire en la vérité, comme leurs frères, et il peut être difficile de faire la distinction entre eux ; mais la différence existe néanmoins. Le témoignage de ceux qui prétendent posséder une expérience aussi exaltée amènera le doux Esprit du Christ à se retirer d'une réunion et laissera une influence glaciale sur ceux qui sont présents, alors que s'ils vivaient réellement sans péché, leur présence même attirerait les anges dans leur assemblée et leurs paroles seraient réellement comme « des pommes d'or sur des ciselures d'argent» (Proverbes 25.11). Le Temps D'Épreuve VS 5 2 Pendant l'été, en regardant au loin les arbres de la forêt, tous revêtus d'un beau manteau de verdure, il se peut que nous ne soyons pas capables de distinguer les conifères des autres arbres. Mais alors que l'hiver approche et que le roi du gel les embrasse de son étreinte glaciale, dépouillant les autres arbres de leur magnifique feuillage, ils deviennent facilement visibles. Il en sera de même pour tous ceux qui marchent avec humilité, ne se confiant pas en leurs propres forces, mais s'accrochant tout tremblants à la main du Christ. Alors que ceux qui sont si sûrs d'eux et si confiants en leur propre perfection de caractère perdent leur prétendue robe de justice face aux tempêtes de l'épreuve, les véritables justes, ceux qui aiment sincèrement Dieu et Le craignent, portent la robe de la justice du Christ aussi bien dans l'adversité que dans la prospérité. VS 5 3 Le renoncement, le sacrifice de soi, la bienfaisance, la bonté, l'amour, la patience, le courage et la confiance chrétienne sont les fruits quotidiens portés par ceux qui sont réellement en communion avec Dieu. Leurs actes peuvent ne pas être connus publiquement mais ils luttent quotidiennement contre le mal et remportent de précieuses victoires sur la tentation et le péché. Des voeux solennels sont renouvelés et tenus grâce à la force acquise par une vie de prière sincère et une vigilance constante. L'enthousiaste ardent ne discerne pas les combats de ces ouvriers silencieux ; mais l'oeil de Celui qui lit les secrets du coeur remarque et considère avec approbation chaque effort déployé avec humilité et simplicité. Le temps d'épreuve permettra de révéler l'or pur de l'amour et de la foi dans le caractère. C'est lorsque les épreuves et les causes de perplexité assaillent l'Église que se développent le ferme zèle et la tendre affection des vrais disciples du Christ. VS 5 4 Nous nous sentons tristes de voir des chrétiens de profession être ainsi égarés par cette théorie fausse et ensorcelante qu'ils sont parfaits, car il devient ensuite tellement difficile de les détromper et de les ramener dans le droit sentier. Ils ont cherché à se donner une apparence belle et agréable, mais la parure intérieure, l'humilité et la simplicité du Christ leur font défaut. Le temps d'épreuve viendra sur tous et les espoirs de plusieurs de ceux qui se seront crus en sécurité depuis des années seront perçus comme étant sans fondement. Lorsqu'ils seront placés dans de nouvelles situations et sous diverses circonstances, certains de ceux qui semblaient être des colonnes dans la maison de Dieu révéleront n'être que du bois pourri sous la peinture et le vernis. Mais ceux qui ont le coeur humble, ceux qui ont quotidiennement senti l'importance de river leur âme au Rocher éternel resteront inébranlables au milieu des tempêtes de l'épreuve parce qu'ils ne se seront pas confiés en eux-mêmes. «Néanmoins, le solide fondement de Dieu reste debout, avec ces paroles qui lui servent de sceau : Le Seigneur connaît ceux qui lui appartiennent. » (2 Timothée 2.19). Il Est Normal De Porter Du Fruit VS 6 1 Ceux qui se donnent du mal pour attirer l'attention sur leurs bonnes oeuvres, parlant constamment de leur vie sans péché et s'efforçant de faire étalage de leurs progrès spirituels, ne font ainsi que tromper leurs propres âmes. Un homme en santé, capable de vaquer à ses occupations courantes et qui se rend à son travail jour après jour, l'esprit heureux et jouissant d'une bonne circulation sanguine, ne cherche pas à attirer l'attention de tous ceux qu'il rencontre sur son bien-être corporel. La santé et la vigueur sont les conditions naturelles de sa vie et il est à peine conscient de jouir d'un tel bienfait. VS 6 2 Il en est ainsi de l'homme véritablement juste. Il est inconscient de sa bonté et de sa piété. Le principe religieux est devenu la source de sa vie et de sa conduite, et il est aussi naturel pour lui de porter les fruits de l'Esprit que pour le figuier de porter des figues ou pour le rosier de produire des roses. Sa nature est si totalement imprégnée d'amour pour Dieu et son prochain qu'il fait les oeuvres du Christ d'un coeur bien disposé. VS 6 3 Tous ceux qui pénètrent dans sa sphère d'influence perçoivent la beauté et le parfum de sa vie chrétienne alors qu'il en est lui-même inconscient, tout ceci étant en harmonie avec ses habitudes et ses inclinations. Il prie pour obtenir la lumière divine et il aime marcher dans cette lumière. Faire la volonté de son Père céleste constitue son pain et son eau. Sa vie est cachée avec le Christ en Dieu ; cependant, il ne s'en vante pas et ne semble même pas en être conscient. Il plaît à Dieu de voir ces gens humbles et simples suivre de près les traces du Maître. Les anges sont attirés vers eux et ils aiment s'attarder sur leur sentier. Ils peuvent être considérés comme indignes de leur attention par ceux qui se vantent de leurs accomplissements et qui aiment faire connaître leurs bonnes oeuvres, mais les anges célestes se penchent sur eux avec amour et les entourent d'un mur de feu. Pourquoi Le Christ A-T-Il Été Rejeté? VS 6 4 Notre Sauveur était la lumière du monde, mais le monde ne L'a pas connu. Il s'employait constamment à des oeuvres de miséricorde, répandant la lumière sur le sentier de tous ; pourtant, Il n'a pas demandé à ceux qu'Il côtoyait de contempler Ses vertus incomparables, Son renoncement, Son esprit de sacrifice et Sa bienveillance. Les Juifs n'avaient pas d'admiration pour ce genre de vie. Ils considéraient Sa religion comme sans valeur parce qu'elle n'était pas en accord avec leur norme de piété. Ils jugeaient que le Christ était irréligieux de pensée et de caractère ; car leur religion consistait à bien paraître, à prier publiquement et à accomplir des oeuvres charitables dans le but d'être vus. Ils donnaient de la publicité à leurs bonnes actions, comme le font ceux qui se disent sanctifiés. Ils voulaient que tous comprennent qu'ils étaient sans péché. Mais la vie entière du Christ était en contraste frappant avec leur vie. Il ne recherchait ni le gain, ni les honneurs. Ses merveilleuses guérisons étaient accomplies de la manière la plus discrète possible, même s'Il ne pouvait réfréner l'enthousiasme de ceux qui avaient reçu de si grandes bénédictions. L'humilité et la simplicité caractérisaient Sa vie. Et c'est à cause de Son comportement humble et de Ses manières non prétentieuses contrastant de façon si flagrante avec leurs manières que les pharisiens ne voulaient pas L'accepter. L'humilité, Un Fruit De L'esprit VS 7 1 La grâce de l'humilité est le fruit le plus précieux de la sanctification. Quand cette grâce occupe la première place dans l'âme, le caractère est modelé par son influence. Elle donne lieu à une dépendance constante de Dieu et à une soumission de notre volonté à la Sienne. L'intelligence s'empare de chaque vérité divine et la volonté se soumet devant chaque précepte divin, sans douter ni maugréer. La véritable humilité adoucit et soumet le coeur et elle donne à l'esprit la réceptivité requise pour y graver la parole. Elle amène toute pensée captive à l'obéissance de Jésus-Christ. Elle ouvre le coeur à la parole de Dieu, comme ce fut le cas pour Lydie. Elle nous place avec Marie aux pieds de Jésus, pour apprendre de Lui. « Il conduit les humbles dans la justice, Il enseigne aux humbles sa voie. » (Psaumes 25.9). VS 7 2 Le langage des humbles ne laisse jamais une impression de vantardise. À l'exemple du jeune Samuel, ils prient : « Parle, Seigneur, car ton serviteur écoute » (1 Samuel 3.9). Lorsque Josué fut élevé à la position la plus prestigieuse, celle de commandant d'Israël, il lança un défi à tous les ennemis de Dieu. Son coeur était rempli du noble aspect de sa grande mission. Cependant, ayant reçu un message venant du ciel, il prit la position d'un petit enfant qui doit être dirigé. Sa réponse fut : « Qu'est-ce que mon Seigneur dit à son serviteur ? » (Josué 5.14). De même, les premières paroles de Paul après que le Christ se fut révélé à lui furent : « Seigneur, que veux-tu que je fasse ? » (Actes 9.6). VS 7 3 S'humilier pour apprendre du Christ est l'un des fruits les plus marquants de l'Esprit. C'est une grâce venant du Saint-Esprit en tant que dispensateur de la sanctification qui permet à celui qui la possède de contrôler un tempérament vif et impétueux à tout moment. Lorsque la grâce de l'humilité sera appréciée par ceux qui sont naturellement amers ou impatients de caractère, ils déploieront les efforts les plus sincères pour surmonter leur mauvaise disposition. Ils apprendront jour après jour à se maîtriser, jusqu'à ce que tout ce qui est détestable et contraire à l'image de Jésus soit vaincu. Ils deviendront semblables au Modèle divin, jusqu'à ce qu'ils arrivent à obéir à l'injonction divine : «Ainsi, que tout homme soit prompt à écouter, lent à parler, lent à se mettre en colère. » (Jacques 1.19). VS 7 4 Lorsqu'un homme professe être sanctifié et que ses paroles et ses oeuvres donnent encore l'impression de ressembler à une source corrompue déversant ses eaux amères, nous pouvons sans nous tromper dire que cet homme se leurre. Il a besoin d'apprendre l'alphabet même de ce que constitue la vie chrétienne. Certains de ceux qui se prétendent serviteurs du Christ ont depuis si longtemps pris plaisir à manquer d'amabilité qu'ils semblent apprécier cet élément non sanctifié et se réjouissent de prononcer des paroles qui déplaisent et irritent. Ces hommes doivent d'abord être convertis pour que le Christ les reconnaisse comme Ses enfants. VS 8 1 L'humilité est la parure intérieure que Dieu estime d'une grande valeur. L'apôtre en parle comme étant plus excellente et plus précieuse que l'or, les perles ou les habits coûteux. Alors que la parure extérieure ne fait qu'embellir le corps mortel, l'ornement de l'humilité pare l'âme et relie l'homme fini au Dieu infini. C'est Dieu Lui-même qui l'a choisi. Celui qui a revêtu les cieux d'orbites lumineuses a, par le même Esprit, promis qu'Il « embellira les humbles avec le salut" (Psaumes 149.4). Les anges du ciel enregistreront comme possédant la plus belle parure ceux qui se seront revêtus du Seigneur Jésus-Christ et marcheront avec Lui dans l'humilité et la simplicité d'esprit. VS 8 2 Le chrétien a de hauts sommets à atteindre. Il peut constamment progresser vers de plus grands objectifs. Jean possédait une conception élevée du privilège du chrétien. Il dit : «Voyez quel amour le Père nous a témoigné, pour que nous soyons appelés enfants de Dieu ! » (1 Jean 3.1). Il n'est pas possible à l'humanité de s'élever à une plus haute dignité que celle qui est ici suggérée. À l'homme est accordé le privilège de devenir héritier de Dieu et cohéritier avec le Christ. À ceux qui ont été ainsi élevés sont dévoilées les richesses insondables du Christ, mille fois supérieures à toutes les richesses du inonde. Par les mérites de Jésus-Christ, l'homme fini est alors élevé en communion avec Dieu et avec Son Fils bien-aimé. ------------------------Chapitre 2--Les principes de tempérance de Daniel VS 9 1 Le prophète Daniel fut un personnage illustre. Il fut un brillant exemple de ce que les hommes peuvent devenir en s'unissant au Dieu de µ[toute] sagesse. Un bref compte-rendu de la vie de ce saint homme de Dieu nous a été laissé par écrit afin d'encourager ceux qui seraient par la suite appelés à endurer épreuves et tentations. VS 9 2 Lorsque le peuple d'Israël, leur roi, les nobles et les prêtres furent emmenés en captivité, quatre d'entre eux furent choisis pour servir à la cour du roi de Babylone. L'un de ceux-là était Daniel qui tout jeune déjà laissait entrevoir le potentiel remarquable qui se développerait plus tard en lui. Ces jeunes étaient tous de sang royal et ils sont décrits comme « de jeunes garçons sans défaut corporel, doués de sagesse, d'intelligence et d'instruction, capables de servir... » (Daniel 1.4). Percevant les talents supérieurs de ces jeunes captifs, le roi Nebucadnetsar décida de les préparer à occuper d'importants postes dans son royaume. Afin qu'ils puissent être pleinement qualifiés pour vivre à la cour, ils devaient, selon la coutume orientale, étudier la langue des Chaldéens et se soumettre pendant trois années à un cours complet µ[en matière] de discipline physique et intellectuelle. VS 9 3 Les jeunes de cette école de formation étaient non seulement admis au palais royal, mais il était prévu qu'ils mangent les aliments et qu'ils boivent le vin provenant de la table du roi. En agissant ainsi, le roi considérait non seulement qu'il leur accordait un grand honneur mais qu'il leur assurait le meilleur développement physique et mental qui puisse être atteint. Face Au Test VS 9 4 Il y avait, parmi les viandes offertes au roi, de la chair de porc et d'autres viandes déclarées impures par la loi de Moïse qui défendait formellement aux Hébreux d'en manger. Daniel dut ici affronter une épreuve sévère. Devait-il se conformer à l'enseignement de ses pères concernant les aliments et les boissons, offenser le roi et probablement perdre non seulement sa position mais aussi sa vie ? Ou devait-il rejeter le commandement du Seigneur et conserver la faveur du roi, s'assurant ainsi de grands avantages intellectuels et les plus flatteuses perspectives mondaines ? VS 9 5 Daniel n'hésita pas longtemps. Il décida de demeurer ferme dans son intégrité, peu importe quel en serait le résultat. « Daniel résolut de ne pas se souiller par les mets du roi et par le vin dont le roi buvait » (Daniel 1.8). Ni Bigot Ni Étroit D'esprit VS 10 1 Beaucoup parmi ceux qui se disent aujourd'hui chrétiens affirmeraient sans doute que Daniel était trop pointilleux et le qualifieraient d'étroit d'esprit et de bigot. Ils considèrent la question du manger et du boire comme trop peu importante pour exiger une telle prise de position, une position impliquant la perte probable de tout avantage temporel. Mais ceux qui raisonnent ainsi découvriront au jour du jugement qu'ils se sont détournés des exigences mêmes de Dieu pour établir leur propre opinion comme norme du bien et du mal. Ils découvriront que ce qui leur semblait sans importance n'était pas considéré comme tel par Dieu. Ses exigences devraient faire l'objet d'une obéissance sacrée. Ceux qui acceptent et obéissent à l'un de Ses préceptes par simple convenance alors qu'ils en rejettent un autre parce que son observation requiert un sacrifice abaissent la norme de justice et en conduisent d'autres, par leur exemple, à considérer avec légèreté la sainte loi de Dieu. En toutes choses, notre règle doit être : « Ainsi dit le Seigneur ». Un Caractère Irréprochable VS 10 2 Daniel fut soumis aux plus sévères tentations qui peuvent assaillir les jeunes d'aujourd'hui ; il resta pourtant fidèle à l'instruction religieuse reçue dans son enfance. Il était entouré d'influences calculées pour soumettre ceux qui hésitent entre le principe et l'inclination ; cependant la Parole de Dieu le présente comme ayant été d'un caractère irréprochable. Daniel n'osait pas se fier à sa propre force morale. La prière était pour lui une nécessité. Il faisait de Dieu sa force et la crainte de Dieu était continuellement devant lui dans toutes ses affaires quotidiennes. VS 10 3 Daniel possédait la grâce d'une véritable humilité. Il était honnête, ferme et noble. Il cherchait à vivre en paix avec tous, tout en étant aussi inflexible que le cèdre majestueux chaque fois qu'un principe était en cause. Dans tout ce qui n'entrait pas en conflit avec son allégeance à Dieu, il était respectueux et obéissant envers ceux qui avaient autorité sur lui ; mais il possédait un sentiment si élevé des exigences divines que celles des dirigeants terrestres passaient en second. Il ne se laisserait pas dévier du devoir pour aucune considération égoïste. VS 10 4 Le caractère de Daniel est présenté au monde comme un exemple frappant de ce que la grâce de Dieu peut faire avec des hommes déchus par nature et corrompus par le péché. Le récit de sa vie noble et désintéressée est un encouragement pour nous, simples humains. Nous pouvons y puiser la force de résister noblement à la tentation et, avec la grâce de l'humilité, de prendre fermement position en faveur du bien face à l'épreuve la plus sévère. Les principes de tempérance de Daniel L'approbation De Dieu Plus Précieuse Que La Vie VS 11 1 Daniel aurait pu trouver une excuse plausible pour s'écarter de ses strictes habitudes de tempérance ; mais l'approbation divine lui était plus chère que la faveur du plus puissant empire terrestre, plus précieuse que la vie même. Ayant par son comportement courtois obtenu la faveur de Melzar, l'officier responsable des jeunes Hébreux, Daniel fit cette requête de ne pas avoir à manger la nourriture du roi ou à boire son vin. En se conformant à cette requête, Melzar craignit d'encourir le déplaisir du roi et de mettre en danger sa propre vie. Comme beaucoup de nos contemporains, il pensait qu'un régime abstinent rendrait ces jeunes pâles et maladifs dans leur physionomie, et déficients en force musculaire, alors que les riches aliments de la table du roi leur donneraient un beau teint rosé et serait bénéfique à leur activité mentale et physique. VS 11 2 Daniel demanda que la question soit résolue par un test de dix jours, brève période pendant laquelle les jeunes Hébreux auraient la permission de prendre de simples aliments, tandis que leurs compagnons se nourriraient des mets délicats venant de la table du roi. La requête fut finalement accordée et Daniel se sentit sûr d'avoir gagné son point. Même s'il n'était encore qu'un jeune homme, il avait déjà constaté l'effet nocif du vin et d'une vie de plaisir sur la santé mentale et physique. À La Défense De Son Serviteur VS 11 3 À la fin des dix jours, le résultat fut totalement contraire à ce que s'attendait Melzar. Ceux qui avaient été tempérants dans leurs habitudes démontraient une supériorité marquée sur leurs compagnons indulgents dans leur appétit et ce, tant au niveau de l'apparence personnelle que de l'activité physique et de la vigueur mentale. Comme résultat du test, Daniel et ses compagnons reçurent la permission de continuer leur simple régime pendant toute la durée de leur formation comme administrateurs du royaume. VS 11 4 Le Seigneur considéra avec approbation la fermeté et le renoncement de ces jeunes Hébreux et Sa bénédiction les accompagna. Il «accorda à ces quatre jeunes gens de la science, de l'intelligence dans toutes les lettres, et de la sagesse ; et Daniel expliquait toutes les visions et tous les songes » (Daniel 1.17). À l'expiration de ces trois années d'éducation, lorsque le roi procéda à l'examen de leurs capacités et de leur progrès, « il ne s'en trouva aucun comme Daniel, Hanania, Mischaël et Azaria. Ils furent donc admis au service du roi. Sur tous les sujets qui réclamaient de la sagesse et de l'intelligence et sur lesquels le roi les interrogeait, il les trouva dix fois supérieurs à tous les magiciens et astrologues qui étaient dans tout son royaume » (Daniel 1.20). La Maîtrise De Soi : Une Condition De Sanctification VS 12 1 La vie de Daniel est une illustration inspirée de ce que constitue un caractère sanctifié. Elle représente une leçon pour tous et spécialement pour les jeunes. Une stricte conformité aux exigences de Dieu est bénéfique à la santé du corps et de l'esprit. Il est nécessaire, afin d'atteindre le plus haut niveau moral et intellectuel, de chercher en Dieu la sagesse et la force, tout en observant une stricte tempérance dans toutes nos habitudes de vie. Nous avons dans l'expérience de Daniel et de ses compagnons un exemple de triomphe du principe sur la tentation de se livrer à ses appétits. Elle nous montre que les jeunes gens peuvent, par pur principe religieux, triompher des convoitises de la chair et rester fidèles aux exigences de Dieu, même au prix d'un grand sacrifice. VS 12 2 Que serait-il arrivé si Daniel et ses compagnons avaient opté pour un compromis face à ces officiers païens et avaient cédé à la pression du moment en mangeant et en buvant à la manière des Babyloniens ? Ce seul écart du principe aurait affaibli leur notion du bien et leur horreur du mal. L'indulgence de l'appétit aurait impliqué le sacrifice de la vigueur physique, de la clarté d'esprit et de la puissance spirituelle. Un mauvais pas en aurait probablement amené d'autres, jusqu'à ce que leur relation avec le ciel ayant été rompue, ils soient emportés par la tentation. VS 12 3 Dieu a dit : « J'honorerai ceux qui m'honorent » (1 Samuel 2.30). Alors que Daniel s'accrochait à son Dieu avec une confiance inébranlable, l'Esprit de prophétie vint sur lui. Tout en s'instruisant de l'homme sur les devoirs de la cour, il apprenait de Dieu à comprendre les mystères des époques futures et à présenter aux générations à venir, par le moyen d'images et de comparaisons, les choses merveilleuses qui surviendraient dans les derniers jours. ------------------------Chapitre 3--La maîtrise des appétits et des passions VS 13 1 « Abstenez-vous des convoitises charnelles qui font la guerre à l'âme. » Ainsi parle l'apôtre Pierre (1 Pierre 2.11). Plusieurs considèrent ce texte comme étant un avertissement contre la licence seulement, mais il possède une signification plus large. Il interdit toute satisfaction des appétits et des passions pouvant nuire à la santé. Que toute personne se disant spirituelle évite de considérer avec indifférence la santé du corps et de se bercer de l'illusion que l'intempérance n'est pas un péché et n'affectera pas sa spiritualité ! Il existe un lien étroit entre la nature physique et la nature morale. N'importe quelle habitude qui ne favorise pas l'amélioration de la santé avilit les facultés les plus élevées et les plus nobles. De mauvaises habitudes dans le manger et de boire conduisent à des erreurs dans la pensée et l'action. L'indulgence à l'égard de l'appétit fortifie les tendances animales, leur permettant de dominer sur les pouvoirs mentaux et spirituels. VS 13 2 Il est impossible de jouir des bénédictions de la sanctification tout en étant égoïste et glouton. Beaucoup de gens gémissent sous le fardeau des infirmités à cause de mauvaises habitudes de manger et de boire qui contreviennent aux lois de la vie et de la santé. Ils affaiblissent leurs organes digestifs en laissant libre cours à un appétit perverti. La capacité de la constitution humaine de résister aux abus est merveilleuse, mais persister dans la mauvaise habitude de manger et de boire avec excès affaiblira chaque fonction du corps. Nous voyons, même parmi ceux qui se prétendent chrétiens, que l'oeuvre de la nature est paralysée et que leurs pouvoirs physiques, mentaux et spirituels sont diminués par la satisfaction de leur appétit perverti et de leurs passions. Que ces personnes faibles considèrent ce qu'elles auraient pu être si elles avaient vécu de manière tempérante et avaient travaillé en faveur de leur santé au lieu d'en abuser ! Ce N'est Pas Une Chose Impossible VS 13 3 Lorsque Paul a écrit : «Que le Dieu de paix vous sanctifie lui-même tout entiers" (1 Thessaloniciens 5.23), il n'exhortait pas ses frères à viser un niveau impossible à atteindre ; il ne priait pas afin de pouvoir obtenir des bénédictions contraires à la volonté de Dieu. Il savait que tous ceux qui seront prêts à rencontrer le Christ avec la paix dans le coeur devront posséder un caractère pur et saint. «Tous ceux qui combattent s'imposent toute espèce d'abstinences, et ils le font pour obtenir une couronne corruptible ; mais nous, faisons-le pour une couronne incorruptible. Moi donc, je cours, non pas comme à l'aventure ; je frappe, non pas comme battant l'air. Mais je traite durement mon corps et je le tiens assujetti, de peur d'être moi-même rejeté, après avoir prêché aux autres » (1 Corinthiens 9.25-27). «Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint-Esprit qui est en vous, que vous avez reçu de Dieu, et que vous ne vous appartenez point à vous-mêmes ? Car vous avez été rachetés à un grand prix. Glorifiez donc Dieu dans votre corps et dans votre esprit, qui appartiennent à Dieu » (1 Corinthiens 6.1920). Une Offrande Sans Défaut VS 14 1 De nouveau l'apôtre écrit aux croyants : « Je vous exhorte donc, frères, par les compassions de Dieu, à offrir vos corps comme un sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu, ce qui sera de votre part un culte raisonnable » (Romains 12.1). Des instructions spécifiques furent données à l'ancien Israël qu'aucun animal imparfait ou malade ne devait être présenté en offrande à Dieu. Seuls les plus parfaits devaient être choisis dans ce but. Le Seigneur, par l'intermédiaire du prophète Malachie, réprimanda sévèrement Son peuple de s'être écarté de ces instructions. VS 14 2 « Un fils honore son père, et un serviteur son maître. Si je suis père, où est l'honneur qui m'est dû ? Si je suis maître, où est la crainte qu'on a de moi ? dit l'Éternel des armées à vous, sacrificateurs, qui méprisez mon nom. Vous offrez sur mon autel des aliments impurs, et vous dites : En quoi t'avons-nous profané ? C'est en disant : La table de l'Éternel est méprisable ! Quand vous offrez en sacrifice une bête aveugle, n'est-ce pas mal ? Quand vous en offrez une boiteuse ou infirme, n'est-ce pas mal ? Offre-la donc à ton gouverneur ! Te recevra-t-il bien, te fera-t-il bon accueil ? dit l'Éternel des armées... Et cependant vous amenez ce qui est dérobé, boiteux ou infirme, et ce sont les offrandes que vous faites ! Puis-je les agréer de vos mains ? dit l'Éternel. » (Malachie 1.6-13) VS 14 3 Même si elles sont adressées à l'ancien Israël, ces paroles contiennent aujourd'hui une leçon pour le peuple de Dieu. Quand l'apôtre demande à ses frères de présenter leurs corps en « sacrifice vivant, saint et acceptable à Dieu », il pose les principes de la véritable sanctification. Ce n'est pas simplement une théorie, une émotion ou une forme d'expression, mais un principe vivant, actif, pénétrant la vie de tous les jours. Il requiert que nos habitudes de manger, de boire, de nous habiller soient de nature à préserver la santé physique, mentale et morale, afin que nous puissions présenter au Seigneur nos corps, non pas en offrande corrompue par de mauvaises habitudes, mais en « sacrifice vivant, saint et acceptable à Dieu ». Stimulants Et Narcotiques VS 14 4 L'exhortation de Pierre de s'abstenir des convoitises charnelles est un avertissement très direct et très fort contre l'utilisation de stimulants et narcotiques tels le thé, le café, le tabac, l'alcool et la morphine. Ces plaisirs peuvent très bien se classer parmi les convoitises qui exercent une influence pernicieuse sur le caractère moral. Plus tôt ces habitudes seront VS 14 5 La maîtrise dès appétits et des passions formées, plus fermement elles saisiront leur victime pour en faire l'esclave de leurs convoitises, et plus certainement elles abaisseront le niveau de spiritualité. VS 15 1 L'enseignement biblique ne fera que peu d'impression sur ceux dont les facultés sont engourdies par la satisfaction égoïste. Des milliers sacrifieront non seulement la santé et la vie, mais aussi leur espérance céleste plutôt que de lutter contre leurs propres appétits pervertis. Une dame qui se disait depuis plusieurs années sanctifiée fit cette déclaration que si elle devait abandonner sa pipe ou le ciel, elle dirait : « Adieu, ciel ; je ne peux pas vaincre mon amour pour la pipe. » Cette idole avait été enchâssée dans son âme, ne laissant qu'une place subordonnée à Jésus. Pourtant cette femme prétendait appartenir entièrement au Seigneur ! Des Convoitises Qui Font La Guerre À L'âme VS 15 2 Où qu'ils soient, ceux qui sont réellement sanctifiés élèveront le niveau moral en préservant de bonnes habitudes physiques et, comme Daniel, présenteront aux autres un exemple de tempérance et de renoncement à soi. Tout appétit perverti devient une convoitise qui nous fait la guerre. Tout ce qui entre en conflit avec les lois de la nature crée une condition maladive dans l'âme. L'indulgence de l'appétit produit un estomac dyspeptique, un foie engourdi, un cerveau obscurci, et pervertit ainsi le tempérament et l'esprit de l'homme. Ces facultés affaiblies sont ensuite offertes au même Dieu qui refusait d'accepter les victimes pour le sacrifice à moins qu'elles ne soient sans défaut ! Il est de notre devoir d'amener nos appétits et nos habitudes de vie en conformité avec les lois de la nature. Si les corps offerts sur l'autel du Christ étaient examinés et scrutés avec autant d'attention que l'étaient les sacrifices juifs, qui serait accepté ? VS 15 3 Combien les chrétiens devraient prendre soin de régler leurs habitudes afin de pouvoir préserver la pleine vigueur de chaque faculté employée au service du Christ ! Si nous voulons être sanctifiés de corps, d'âme et d'esprit, nous devons vivre en conformité avec la loi divine. Le coeur ne peut préserver sa consécration à Dieu alors que les appétits et les passions ont libre cours aux dépens de la santé et de la vie. Ceux qui violent les lois qui régissent la santé doivent en souffrir la punition. Ils ont tellement limité leurs capacités en toutes choses qu'ils ne peuvent plus correctement s'acquitter de leurs devoirs envers leur prochain et ils échouent complètement dans leur réponse aux exigences de Dieu. VS 15 4 Lorsque le clergé écossais demanda à Lord PALMERSON, premier ministre d'Angleterre, de désigner un jour de jeûne et de prière afin d'éviter le choléra, il répliqua à cet effet : « Nettoyez vos rues et vos maisons, faites la promotion de l'hygiène et de la santé chez les pauvres et voyez à ce qu' ils soient abondamment pourvus de bonne nourriture et de vêtements, qu'ils emploient de manière générale de bonnes mesures sanitaires, et vous n'aurez pas besoin de jeûner et de prier. Le Seigneur n'écoutera pas non plus vos prières tant que Ses moyens de prévention ne seront pas suivis. » VS 15 5 Paul dit : «Purifions-nous de toute souillure de la chair et de l'esprit, en achevant notre sanctification dans la crainte de Dieu » (2 Corinthiens 7.1). Afin de nous encourager, il nous présente la liberté dont bénéficieront ceux qui seront véritablement sanctifiés : « Il n'y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ, qui ne marchent pas selon la chair, mais selon l'Esprit » (Romains 8.1). Il exhorte ainsi les Galates : « Marchez selon l'Esprit, et vous n'accomplirez pas les désirs de la chair" (Galates 5.16). Il identifie de plus certaines formes de convoitise charnelle : « L'idolâtrie,... l'ivrognerie,... et les choses semblables » (Galates 5.20-21). Et, après avoir mentionné les fruits de l'Esprit, parmi lesquels la tempérance, il ajoute : «Ceux qui sont à Jésus-Christ ont crucifié la chair avec ses passions et ses désirs » (Galates 5.24). Le Tabac VS 16 1 Jacques nous dit que la sagesse d'en haut est « premièrement pure » (Jacques 3.17). S'il avait vu ses frères utilisant du tabac, n'aurait-il pas dénoncé cette habitude comme « terrestre, charnelle, diabolique » (Jacques 3.15) ? En cet âge éclairé du christianisme, il arrive trop souvent que les lèvres qui prononcent le précieux nom du Christ soient souillées par le jus de tabac et l'haleine polluée par son odeur. Assurément l'âme qui peut jouir d'une telle impureté doit être, elle aussi, souillée. Tandis que je voyais des hommes prétendre bénéficier de la bénédiction d'une sanctification parfaite tout en étant esclaves du tabac et polluant tout autour d'eux, je me suis demandée : De quoi aurait l'air le ciel avec ces usagers du tabac ? La parole de Dieu a clairement déclaré : « Il n'entrera chez elle rien qui souille" (Apocalypse 21.27). Comment ceux qui se permettent cette habitude malsaine peuvent-ils alors espérer y être admis ? VS 16 2 Des hommes professant la piété offrent leurs corps sur l'autel de Satan et brûlent de l'encens de tabac à sa majesté satanique. Cette déclaration semble-t-elle sévère ? L'offrande est sûrement présentée à une quelconque divinité. Puisque Dieu est pur et saint et n'acceptera rien d'un caractère souillé, Il se doit de refuser ce sacrifice dispendieux, malsain et impur; nous devons par conséquent conclure que Satan est celui qui en réclame l'honneur. VS 16 3 Jésus est mort afin d'arracher l'homme de l'étreinte de Satan. Il est venu pour nous libérer par le sang de Son sacrifice expiatoire. L'homme qui est devenu la propriété de Jésus-Christ et dont le corps est le temple du Saint-Esprit ne se laissera pas enchaîner par cette habitude pernicieuse qu'est l'usage du tabac. Ses facultés appartiennent au Christ qui l'a racheté au prix de Son sang. Il est la propriété du Seigneur. Comment donc peut-il être innocent alors qu'il dépense chaque jour le capital qui lui a été confié dans le but de satisfaire un appétit dénué de tout fondement naturel ? VS 16 4 Une somme énorme est gaspillée chaque année pour cette habitude chérie alors que les âmes périssent de faim pour la parole de vie. Les chrétiens de profession volent Dieu en dîmes et en offrandes, alors qu'ils offrent sur l'autel d'une convoitise destructrice par l'usage de tabac plus qu'ils ne donnent pour soulager les pauvres ou pourvoir aux besoins de la cause de Dieu. Ceux qui sont réellement sanctifiés triompheront de tout désir préjudiciable. Tous ces canaux de gaspillage inutile seront alors déviés vers le trésor du Seigneur et les chrétiens montreront VS 16 5 La maîtrise des appétits et des passions la voie à suivre dans le renoncement, le sacrifice de soi et la tempérance. C'est ainsi qu'ils seront la lumière du monde. Le Thé Et Le Café VS 17 1 Le thé et le café, tout comme le tabac, ont un effet nocif sur le système. Le thé est intoxicant. Même s'il l'est à un degré moindre, son effet est de même nature que les spiritueux. Le café a une plus grande tendance à obscurcir l'intelligence et à paralyser la volonté. Il n'est pas aussi puissant que le tabac mais ses effets sont semblables. Les arguments présentés contre le tabac peuvent aussi l'être par rapport à l'usage du thé et du café. VS 17 2 Lorsque ceux qui ont l'habitude d'utiliser du thé, du café, du tabac, de l'opium ou des boissons alcoolisées sont privés de leur plaisir habituel, ils se voient incapables de s'engager avec intérêt et zèle dans le culte de Dieu. La grâce divine semble impuissante à vivifier ou rendre spirituels leurs témoignages ou leurs prières. Ces chrétiens de nom devraient considérer quelle est la source de leur plaisir. Vient-elle d'en haut ou d'en bas ? VS 17 3 Pour celui qui fait usage de stimulants, tout semble manquer de saveur sans sa chère habitude. Elle détruit la sensibilité à la fois du corps et de l'esprit et rend la personne moins susceptible à l'influence du Saint-Esprit. En l'absence du stimulant habituel, elle ressent une faim du corps et de l'âme, non pour la justice, ni pour la sainteté ou la présence de Dieu, mais pour son idole chérie. En se permettant de tels désirs préjudiciables, les chrétiens de profession affaiblissent continuellement leurs facultés, se rendant incapables de glorifier Dieu. ------------------------Chapitre 4--La fournaise ardente VS 18 1 Dans la même année où Daniel et ses compagnons entrèrent au service du roi de Babylone, certains événements survinrent qui mirent sévèrement à l'épreuve l'intégrité de ces jeunes Hébreux et démontrèrent la puissance et la fidélité du Dieu d'Israël aux yeux d'une nation idolâtre. VS 18 2 Alors que le roi Nebucadnetsar réfléchissait à son avenir avec de sombres appréhensions, il eut un rêve remarquable qui le troubla beaucoup, tellement qu'il «ne pouvait dormir» (Daniel 2.1). Mais quoique cette vision nocturne ait laissé une forte impression sur son esprit, il était incapable de s'en rappeler les détails. Il fit appel aux astrologues et aux magiciens et il leur ordonna de lui révéler le rêve et son interprétation, leur promettant richesses et honneurs en abondance. Mais ils lui firent cette réponse : « Dis le songe à tes serviteurs, et nous en donnerons l'explication » (Daniel 2.4). VS 18 3 Le roi savait que s'ils pouvaient réellement en donner l'interprétation, ils pouvaient tout aussi bien lui faire part du rêve. Dans Sa providence, le Seigneur avait donné ce songe à Nebucadnetsar et avait permis qu'il en oublie les détails tout en laissant sur son esprit une impression effrayante, tout ceci dans le but de dévoiler les prétentions des sages de Babylone. Le monarque fut très irrité et les menaça tous de mort si, après un certain temps, le rêve ne lui était pas révélé. Daniel et ses compagnons devaient également périr avec ces faux prophètes mais Daniel s'aventura, au risque de sa vie, à paraître en présence du roi, demandant qu'on lui accorde du temps afin de montrer au roi le rêve et son interprétation. VS 18 4 Le monarque accéda à sa requête et Daniel rassembla ses trois compagnons afin de soumettre la question au Dieu du ciel, cherchant la sagesse auprès de la Source de la lumière et de la connaissance. Même s'ils étaient à la cour du roi et entourés de tentations, ils n'avaient pas oublié leur responsabilité vis-à-vis de Dieu. Ils étaient tout à fait conscients que Sa Providence les avait placés là et qu'ils faisaient Son oeuvre en se conformant aux exigences de la vérité et du devoir. Ils avaient confiance en Dieu. Ils s'étaient tournés vers Lui pour obtenir la force requise dans les moments difficiles et dangereux et Il avait été pour eux une aide toujours présente. Le Secret Révélé VS 18 5 Les serviteurs de Dieu ne plaidèrent pas en vain. Ils L'avaient honoré et maintenant, à l'heure de l'épreuve, Il les honorerait. Le secret fut révélé à Daniel qui se hâta de solliciter une entrevue auprès du roi. VS 19 1 Le jeune captif juif se tient là devant le monarque du plus puissant empire terrestre qui ait jamais existé. Le roi se trouve en proie à une grande détresse au milieu de toutes ses richesses et de sa gloire, tandis que le jeune exilé respire la paix et la confiance en Dieu. C'est maintenant le temps pour Daniel de se faire valoir, de faire étalage de sa bonté et de sa sagesse supérieure. Mais son premier effort consiste à décliner tout honneur personnel et à exalter Dieu comme étant la source de toute sagesse : VS 19 2 « Ce que le roi demande est un secret que les sages, les astrologues, les magiciens et les devins ne sont pas capables de découvrir au roi. Mais il y a dans les cieux un Dieu qui révèle les secrets, et qui a fait connaître au roi Nebucadnetsar ce qui arrivera dans la suite des temps. » (Daniel 2.27-28). Le roi écoute avec une attention solennelle tandis que les détails de son rêve lui sont révélés ; lorsque l'interprétation lui est fidèlement donnée, il a le sentiment qu'il peut l'accepter comme une révélation divine. VS 19 3 Les vérités solennelles présentées dans cette vision nocturne laissèrent une profonde impression sur l'esprit du souverain et, à la fois humilié et émerveillé, il se jeta par terre et se prosterna en disant : « En vérité, votre Dieu est le Dieu des dieux et le Seigneur des rois, et il révèle les secrets » (Daniel 2.47). La Statue D'or VS 19 4 La Providence avait permis qu'une lumière venant directement du ciel brille sur le roi Nebucadnetsar et il fut pendant une courte période influencé par la crainte de Dieu. Mais quelques années de prospérité remplirent son coeur d'orgueil et il oublia qu'il avait précédemment reconnu le Dieu vivant. Il reprit son culte idolâtre avec un zèle et une bigoterie accrus. VS 19 5 Il fit fabriquer une statue d'or à partir de ses trésors de guerre afin de représenter celle qu'il avait vue dans son rêve, et il la fit ériger dans la plaine de Dura, ordonnant à tous les dirigeants et au peuple de l'adorer sous peine de mort. La statue mesurait environ trente mètres de haut sur trois mètres de large. Elle présentait un aspect des plus imposant et des plus majestueux aux yeux de ce peuple idolâtre. Un édit fut publié demandant à tous les administrateurs du royaume de s'assembler pour la dédicace de la statue, puis de se prosterner et de l'adorer au son des instruments de musique. Toute personne refusant de s'y conformer serait immédiatement jetée au milieu d'une fournaise ardente. VS 19 6 Le jour désigné arriva et une grande foule se trouvait assemblée lorsqu'on vint rapporter au roi que les trois Hébreux qu'il avait établis en charge de la province de Babylone avaient refusé d'adorer la statue. Il s'agissait des trois compagnons de Daniel que le roi avait nommés Schadrac, Méschac et Abed-Nego. Fou de rage, le monarque les fit venir devant lui et, leur indiquant la fournaise ardente, mentionna la punition qui leur serait infligée s'ils refusaient d'obéir à sa volonté. VS 19 7 Mais les menaces du roi furent vaines. Il ne pouvait amener ces nobles hommes à se détourner de leur allégeance envers Celui qui dirige les nations. Ils avaient appris de l'histoire de leurs ancêtres que la désobéissance envers Dieu signifie le déshonneur, le désastre et la ruine, tandis que la crainte du Seigneur est non seulement le commencement de la sagesse mais aussi le fondement de toute vraie prospérité. Ils considèrent avec calme la fournaise ardente et la foule idolâtre. Ils se sont confiés en Dieu, Il ne les abandonnera pas maintenant. Leur réponse est respectueuse mais décidée : « Sache, ô roi, que nous ne servirons pas tes dieux, et que nous n'adorerons pas la statue d'or que tu as élevée. » (Daniel 3.18). VS 20 1 L'orgueilleux monarque est entouré de ses grands, des administrateurs de son gouvernement et de cette armée qui a conquis tant de nations ; tous sont réunis pour l'acclamer comme possédant la sagesse et la puissance des dieux. Au milieu de cette imposante manifestation se tiennent les trois jeunes Hébreux, persistant toujours dans leur refus d'obéir au décret du roi. Ils avaient obéi aux lois de Babylone tant qu'elles n'entraient pas en conflit avec les exigences divines, mais ils ne se laisseraient pas dévier d'un iota de leur devoir envers leur Créateur. VS 20 2 Le roi ne put contenir davantage sa colère. Paraissant au sommet de sa puissance et de sa gloire, être ainsi défié par les représentants d'une nation captive et méprisée était une insulte que sa fierté ne pouvait supporter. La fournaise ardente ayant été chauffée sept fois plus qu'elle ne le devait, on y jeta les exilés Hébreux. Les flammes étaient à ce point ardentes que les hommes qui les y jetèrent périrent brûlés. En Présence De L'être Infini VS 20 3 La figure du roi se mit soudain à pâlir de terreur. Ses yeux étaient fixés sur les flammes éclatantes et, se tournant vers ses grands, il leur dit : «N'avons-nous pas jeté au milieu du feu trois hommes liés ? » (Daniel 3.24). Ils lui répondirent : « Certainement, ô roi ! » Et le monarque de s'exclamer : « Eh bien, je vois quatre hommes sans liens, qui marchent au milieu du feu, et qui n'ont point de mal ; et la figure du quatrième ressemble à celle d'un fils des dieux » (Daniel 3.25). VS 20 4 Lorsque le Christ se manifeste personnellement aux hommes, une puissance invisible parle à leur âme. Ils sentent qu'ils sont en présence de l'Être Infini. Les rois et les nobles tremblent devant Sa majesté et ils reconnaissent que le Dieu vivant domine sur toute puissance terrestre. VS 20 5 Poussé par le remords et la honte, le roi s'exclama : « Vous, serviteurs du Dieu suprême, sortez et venez ! » (Daniel 3.26). Ils obéirent, se montrant intacts devant cette vaste foule, l'odeur du feu n'ayant même pas touché leurs vêtements. Ce miracle produisit un changement saisissant dans l'esprit des gens. La grande statue d'or, élevée avec tant de faste, fut oubliée. Le roi publia un décret établissant que quiconque parlerait en mal du Dieu de ces hommes serait mis à mort, « parce qu'il n'y a aucun autre dieu qui puisse délivrer comme lui" (Daniel 3.29). Une Ferme Intégrité Et Une Vie Sanctifiée VS 21 1 Ces trois jeunes Hébreux possédaient la véritable sanctification. Le chrétien de principe ne s'arrête pas à peser les conséquences. Il ne se demande pas : Qu'est-ce que les gens vont penser de moi si j'agis ainsi ou comment cela affectera-t-il mes perspectives d'avenir en ce monde ? C'est avec le désir le plus intense que les enfants de Dieu désirent connaître Sa volonté afin de pouvoir Le glorifier par leurs oeuvres. Le Seigneur a fait ample provision pour que le coeur et la vie de tous Ses disciples puissent être dirigés par la grâce divine, de telle sorte qu'ils puissent être des flambeaux ardents pour éclairer le monde. VS 21 2 Ces fidèles Hébreux possédaient de grands talents naturels, ils avaient bénéficié de la plus haute culture intellectuelle et ils occupaient maintenant une position élevée ; mais tout ceci ne les avait pas conduits à oublier Dieu. Leurs capacités étaient soumises à l'influence sanctifiante de la grâce divine. Par leur ferme intégrité, ils honorèrent Celui qui les avait appelés des ténèbres à Son admirable lumière. La puissance et la majesté divines furent démontrées devant cette vaste assemblée dans la merveilleuse délivrance opérée en leur faveur. Jésus Lui-même se plaça à leurs côtés dans la fournaise ardente et, par la gloire de Sa présence, convainquit l'orgueilleux roi de Babylone qu'Il ne pouvait être autre que le Fils de Dieu. La lumière céleste avait brillé par l'entremise de Daniel et de ses compagnons jusqu'à ce que tous ceux qui les côtoyaient aient compris la foi qui ennoblissait leurs vies et embellissait leurs caractères. Par la délivrance de Ses fidèles serviteurs, le Seigneur déclare qu'Il se tiendra près de ceux qui sont opprimés et renversera toute puissance terrestre qui voudra fouler aux pieds l'autorité du Dieu du ciel. Une Leçon Pour Ceux Qui Manquent De Courage VS 21 3 Quelle leçon est ici donnée à ceux qui manquent de courage, qui sont vacillants, qui craignent de prendre position pour la cause de Dieu ! Quel encouragement pour ceux qui ne se seront pas laissés détourner du devoir par les menaces ou le danger ! Ces personnes fidèles et fermes sont un exemple de sanctification bien qu'elles ne pensent aucunement à se réclamer d'un tel honneur. La quantité de bien qui peut être accomplie par des chrétiens comparativement effacés mais pieux ne pourra être estimée à sa juste valeur que lorsque les récits de leur vie seront dévoilés, lorsque le jugement prendra place et que les livres seront ouverts. VS 21 4 Le Christ s'intéresse à cette classe de gens ; Il n'a pas honte de les appeler frères. Là où il n'y en a maintenant qu'une seule parmi nous, il devrait y avoir des centaines de personnes tellement unies à Dieu et vivant en conformité si étroite avec Sa volonté qu'elles seraient des lumières éclatantes et brillantes, totalement sanctifiées de corps, d'âme et d'esprit. VS 21 5 Le conflit se poursuit entre les enfants de la lumière et les enfants des ténèbres. Ceux qui invoquent le nom du Christ devraient secouer la léthargie qui affaiblit leurs efforts et faire face aux responsabilités importantes qui leur incombent. Tous ceux qui le font peuvent s'attendre à ce que la puissance divine se révèle en eux. Le Fils de Dieu, le Rédempteur du monde, sera représenté par leurs paroles et leurs oeuvres et le nom de Dieu en sera glorifié. VS 22 1 Comme aux jours de Schadrac, Méshac et Abed-Nego, le Seigneur agira avec puissance en cette période finale de l'histoire terrestre en faveur de ceux qui prennent résolument le parti de la justice. Celui qui a marché avec ces nobles Hébreux dans la fournaise ardente sera avec Ses disciples où qu'ils se trouvent. Sa présence constante les consolera et les soutiendra. Au milieu du temps de trouble - un trouble comme il n'y en a jamais eu depuis que les nations existent - Ses élus demeureront inébranlables. Satan et toutes les armées du mal ne peuvent détruire le plus faible des saints de Dieu. Ainsi des anges puissants les protégeront et le Seigneur se révélera à eux comme « le Dieu des dieux ", capable de sauver parfaitement ceux qui ont mis leur confiance en Lui (Prophètes et Rois, p. 390). ------------------------Chapitre 5--Daniel dans la fosse aux lions VS 23 1 Quand Darius prit possession du trône de Babylone, il se mit immédiatement à l'oeuvre pour réorganiser le gouvernement. Il «décida d'établir sur le royaume cent vingt princes... Il mit à leur tête trois chefs, dont le premier était Daniel » (Daniel 6.1-2). Et « Daniel avait la préférence sur les chefs et les princes, parce qu'il y avait en lui un esprit excellent ; et le roi pensait l'établir sur tout le royaume » (Daniel 6.3). Les honneurs accordés à Daniel excitèrent la jalousie des principaux dirigeants du royaume. Les chefs et les princes cherchèrent une occasion de se plaindre de lui. « Mais ils ne purent trouver aucune occasion, ni aucune chose à reprendre, parce qu'il était fidèle, et qu'on n'apercevait chez lui ni faute, ni rien de mauvais" (Daniel 6.4). VS 23 2 Quelle leçon ici pour tous les chrétiens ! D'avides regards d'envie épiaient Daniel jour après jour ; leur haine les poussait à une surveillance encore plus étroite, cependant ils ne pouvaient rien trouver à lui reprocher, que ce soit en paroles ou en actes. Il ne prétendait pourtant pas être saint, mais il faisait une chose infiniment meilleure, il menait une vie de fidélité et de consécration. VS 23 3 Plus irréprochable était la conduite de Daniel, plus grande était la haine manifestée à son égard par ses ennemis. Ils étaient remplis de fureur parce qu'ils ne pouvaient rien trouver dans son caractère moral ou dans l'exécution de ses devoirs qu'ils auraient pu utiliser pour formuler une plainte contre lui. « Et ces hommes dirent : Nous ne trouverons aucune occasion contre ce Daniel, à moins que nous n'en trouvions une dans la loi de son Dieu » (Daniel 6.5). Daniel priait le Très-Haut trois fois par jour. C'était la seule accusation qu'on pouvait porter contre lui. VS 23 4 Un plan fut alors conçu pour l'éliminer. Ses ennemis s'assemblèrent au palais et prièrent le roi de publier un décret stipulant qu'aucune personne dans tout le royaume ne pourrait demander quoi que ce soit à aucun Dieu ou à aucun homme, à l'exception du roi Darius et ce, pendant une période de trente jours, et que toute violation de cet édit serait punie en jetant l'offenseur dans la fosse aux lions. Le roi ne se doutait pas de la haine de ces hommes envers Daniel et ne soupçonna pas que le décret pourrait lui porter préjudice. Usant de flatterie, ils avaient fait croire au monarque qu'il serait grandement honoré par la publication d'un tel édit. Arborant un sourire de triomphe satanique, ils quittèrent le roi et se félicitèrent mutuellement du piège qu'ils venaient de tendre au serviteur de Dieu. Un Exemple D'audace Et De Fidélité VS 24 1 Le décret est donc émis par le roi. Daniel sait bien que ses ennemis ont pour objectif de lui enlever la vie. Mais il ne change rien à ses habitudes. Avec calme, il vaque à ses occupations habituelles et lorsque vient l'heure de la prière, il se rend à sa chambre ; puis, avec ses fenêtres ouvertes en direction de Jérusalem, il adresse ses prières au Dieu du ciel. En agissant ainsi, Daniel proclame sans crainte qu'aucun pouvoir terrestre n'a le droit de s'interposer entre lui et son Dieu et de lui dicter à qui il devrait ou ne devrait pas adresser sa prière. Noble homme de principe ! Il apparaît aujourd'hui devant le monde comme un digne exemple du courage et de la fidélité d'un chrétien. Il se tourne vers Dieu de tout son coeur, sachant bien que la mort constitue le châtiment de sa dévotion. VS 24 2 Ses adversaires passent la journée à le surveiller. À trois reprises, il regagne sa chambre et par trois fois, sa voix se fait entendre, intercédant avec conviction. Le matin suivant, on porta la plainte devant le roi rapportant que Daniel, l'un des captifs de Juda, avait défié son décret. En entendant ces paroles, les yeux du monarque s'ouvrirent immédiatement et il comprit le piège. Très mécontent de lui-même d'avoir publié un tel décret, il chercha jusqu'au coucher du soleil à concevoir un plan qui aurait pu lui permettre de délivrer Daniel. Mais les ennemis du prophète avaient anticipé la chose et ils se présentèrent devant le roi en disant : « Sache, ô roi, que la loi des Mèdes et des Perses exige que toute défense ou tout décret confirmé par le roi soit irrévocable. » (Daniel 6.15). VS 24 3 « Alors le roi donna l'ordre qu'on amenât Daniel, et qu'on le jetât dans la fosse aux lions. Le roi prit la parole et dit à Daniel : Puisse ton Dieu, que tu sers avec persévérance, te délivrer ! » (Daniel 6.16). Une pierre fut placée à l'entrée de la fosse et scellée du sceau royal. « Le roi se rendit ensuite dans son palais ; il passa la nuit à jeun, on n'apporta point d'instruments de musique auprès de lui, et il ne put se livrer au sommeil. » (Daniel 6.18). «Mon Dieu A Envoyé Son Ange» VS 24 4 Tôt le lendemain matin, le monarque se hâta de se rendre à la fosse aux lions et s'écria : « Daniel, ô Daniel, serviteur du Dieu vivant, ton Dieu que tu sers avec persévérance a-t-il pu te délivrer des lions ? » (Daniel 6.20). La voix du prophète se fit entendre et il répliqua : « Ô roi, vis éternellement ! Mon Dieu a envoyé Son ange et fermé la gueule des lions, qui ne m'ont fait aucun mal, parce que j'ai été trouvé innocent devant lui ; et devant toi non plus, ô roi, je n'ai rien fait de mauvais. » (Daniel 6.22). VS 24 5 « Alors le roi fut excessivement joyeux, et il ordonna qu'on fit sortir Daniel de la fosse. Daniel fut retiré de la fosse, et on ne trouva sur lui aucune blessure, parce qu'il avait eu confiance en son Dieu. » (Daniel 6.22-23). C'est ainsi que le serviteur de Dieu fut délivré. Et le piège que ses ennemis avaient posé pour le détruire fut l'instrument de leur propre ruine. Sur l'ordre du roi, ils furent jetés dans la fosse et les bêtes sauvages les dévorèrent instantanément. ------------------------Chapitre 6--Les prières de Daniel VS 25 1 Alors que s'approchait la fin de la période de captivité de soixante-dix ans, l'esprit de Daniel devint très familier avec les prophéties de Jérémie. Il vit que le temps était proche où Dieu ferait subir un nouveau test à Son peuple élu ; ainsi, avec jeûne, humiliation et prière, il se mit à importuner le Dieu du ciel en faveur d'Israël en ces termes : « Seigneur, Dieu grand et redoutable, toi qui gardes ton alliance et qui fais miséricorde à ceux qui t'aiment et qui observent tes commandements ! Nous avons péché, nous avons commis l'iniquité, nous avons été méchants et rebelles, nous nous sommes détournés de tes commandements et de tes ordonnances. Nous n'avons pas écouté tes serviteurs, les prophètes, qui ont parlé en ton nom à nos rois, à nos princes, à nos pères, et à tout le peuple du pays. » (Daniel 9.4-6). VS 25 2 Daniel ne proclame pas sa propre fidélité devant le Seigneur. Au lieu d'afficher sa pureté et sa sainteté, ce prophète honoré s'identifie humblement avec les pires pécheurs en Israël. La sagesse que Dieu lui a donnée était de beaucoup supérieure à celle des grands hommes du monde, tout autant que la lumière du soleil de midi surpasse celle de la plus faible étoile. Examinez pourtant la prière qui sort des lèvres de cet homme, objet de tant de faveurs de la part du ciel. Dans une profonde humiliation, en larmes et le coeur déchiré, il plaide pour son peuple et pour lui-même. Il ouvre son âme à Dieu, confessant sa propre indignité et reconnaissant la grandeur et la majesté du Seigneur. Sincérité Et Ferveur VS 25 3 Quelle sincérité et quelle ferveur caractérisent ses supplications ! La main de la foi s'élève pour saisir les promesses du Très-Haut qui toujours trouvent leur accomplissement. Son âme lutte dans l'agonie. Il reçoit enfin l'évidence que sa prière est entendue. Il sait que la victoire lui appartient. Si nous, en tant que peuple, voulions prier comme Daniel a prié et lutter comme il a lutté, humiliant nos âmes devant Dieu, nous pourrions obtenir des réponses nettes à nos pétitions comme celles qui furent accordées à Daniel. Écoutez de quelle manière il présente son cas auprès du trône céleste : VS 25 4 « Mon Dieu, prête l'oreille et écoute ! ouvre les yeux et regarde nos ruines, regarde la ville sur laquelle ton nom est invoqué ! Car ce n'est pas à cause de notre justice que nous te présentons nos supplications, c'est à cause de tes grandes compassions. Seigneur, écoute ! Seigneur, pardonne ! Seigneur, sois attentif ! agis et ne tarde pas, par amour pour toi, ô mon Dieu ! Car ton nom est invoqué sur ta ville et sur ton peuple. » (Daniel 9.18-19). VS 26 1 L'homme de Dieu priait afin d'obtenir la bénédiction du ciel sur son peuple et afin de recevoir une connaissance plus claire de la volonté divine. Ses inquiétudes profondes portaient sur Israël qui ne gardait pas, au sens strict, la loi de Dieu. Il reconnaît que tous leurs malheurs sont arrivés par suite de leurs transgressions de cette sainte loi. Il dit : « Car, à cause de nos péchés et des iniquités de nos pères, Jérusalem et ton peuple sont une honte pour tous ceux qui nous entourent. » (Daniel 9.15-16). Les Juifs avaient perdu le caractère particulier et saint qui les identifiait comme peuple élu de Dieu. « Maintenant donc, ô notre Dieu, écoute la prière et les supplications de ton serviteur, et, pour l'amour du Seigneur, fais briller ta face sur ton sanctuaire dévasté ! » (Daniel 9.17). Dans son intense besoin, le coeur de Daniel se tourne vers le sanctuaire abandonné de Dieu. Il sait que la prospérité d'Israël ne peut être restaurée que s'il se repent de ses transgressions de la loi divine et ne devient humble, fidèle et obéissant. Le Messager Céleste VS 26 2 Alors que monte la prière de Daniel, l'ange Gabriel arrive d'un vol rapide en provenance des cours célestes pour lui annoncer que ses prières ont été entendues et exaucées. Cet ange puissant a reçu la mission de lui communiquer la sagesse et l'intelligence pour comprendre les mystères des époques futures. Ainsi, dans sa recherche sincère pour connaître et comprendre la vérité, Daniel est amené en communion avec le messager délégué par le ciel. VS 26 3 En réponse à sa pétition, Daniel reçoit non seulement la lumière et la vérité dont son peuple et lui-même ont tant besoin, mais aussi une vision des grands événements futurs, allant même jusqu'à la seconde venue du Rédempteur du monde. Ceux qui professent être sanctifiés, tout en n'ayant aucun désir de sonder les Écritures ou de lutter avec Dieu dans la prière afin d'obtenir une compréhension plus claire des vérités bibliques, ne savent pas ce qu'est la véritable sanctification. VS 26 4 Daniel parlait avec Dieu. Le ciel était ouvert devant lui. Mais les grands honneurs qui lui ont été accordés résultaient de l'humiliation et d'une recherche sincère de la vérité. Tous ceux qui croient sincèrement dans la parole de Dieu auront faim et soif de connaître Sa volonté. Dieu est l'auteur de la vérité. Il éclaire l'intelligence obscurcie et donne à l'esprit humain le pouvoir de saisir et de comprendre les vérités qu'Il a révélées. Chercher La Sagesse En Dieu VS 26 5 Dans l'épisode que nous venons de décrire, l'ange Gabriel donna à Daniel toute l'instruction qu'il lui était possible de recevoir. Quelques années plus tard, cependant, le prophète désira en savoir davantage sur les sujets qui n'avaient été que partiellement expliqués, et il se mit de nouveau à chercher la lumière et la sagesse divines. « En ce temps-là, moi, Daniel, je fus trois semaines dans le deuil. Je ne mangeai aucun mets délicat, il n'entra ni viande ni vin dans ma bouche, et je ne m'oignis point jusqu'à ce que les trois semaines fussent accomplies... Je levai les yeux, je regardai, et voici, il y avait un homme vêtu de lin, et ayant sur les reins une ceinture d'or d'Uphaz. Son corps était comme de chrysolithe, son visage brillait comme l'éclair, ses yeux étaient comme des flammes de feu, ses bras et ses pieds ressemblaient à de l'airain poli, et le son de sa voix était comme le bruit d'une multitude. » (Daniel 10.2-6). VS 27 1 Cette description ressemble à celle donnée par Jean lorsque le Christ s'est révélé à lui sur l'île de Patmos. Ce n'est autre que le Fils de Dieu Lui-même qui est apparu à Daniel. Notre Seigneur arrive en compagnie d'un autre messager céleste pour enseigner à Daniel ce qui doit prendre place dans les derniers jours. VS 27 2 Les grandes vérités révélées par le Rédempteur du monde sont pour ceux qui cherchent la vérité comme un trésor caché. Daniel était un homme âgé. Sa vie s'était passée au milieu des attraits fascinants d'une cour païenne, tandis que sa pensée avait été occupée par les affaires propres à un grand empire. Mais il se détourna de toutes ces choses pour s'humilier devant Dieu et chercher à connaître les desseins du Très-Haut. En réponse à ses supplications, une révélation venant des cours célestes lui fut communiquée pour le bénéfice de ceux qui vivraient en ces derniers jours. Avec quelle sincérité donc, devrions-nous chercher Dieu, afin qu'Il puisse ouvrir notre intelligence pour comprendre les vérités qui nous sont apportées du ciel ! VS 27 3 « Moi, Daniel, je vis seul la vision, et les hommes qui étaient avec moi ne la virent point, mais ils furent saisis d'une grande frayeur, et ils prirent la fuite pour se cacher. ... les forces me manquèrent, mon visage changea de couleur et fut décomposé, et je perdis toute vigueur. » (Daniel 10.7-8). Tous ceux qui sont véritablement sanctifiés vivront une expérience similaire. Plus claire sera leur vision de la grandeur, de la gloire et de la perfection du Christ, plus réelle sera la vision de leurs propres faiblesse et imperfection. Ils ne prétendront nullement avoir un caractère sans péché ; ce qui leur paraissait juste et plaisant dans leur caractère leur semblera, en contraste avec la pureté et la gloire du Christ, indigne et périssable. Lorsque les hommes sont éloignés de Dieu, lorsqu'ils ont une vision indistincte du Christ, c'est alors qu'ils disent : « Je suis sans péché ; je suis sanctifié. " VS 27 4 Gabriel apparaît maintenant au prophète et lui adresse ainsi la parole : « Daniel, homme bien-aimé, sois attentif aux paroles que je vais te Aire, et tiens-toi debout à la place où tu es ; car je suis maintenant envoyé vers toi. Lorsqu'il c'eut ainsi parlé, je me tins debout en tremblant. Il me dit : Daniel, ne crains rien ; car dès les premier jour où tu as eu à coeur de comprendre, et de t'humilier devant ton Dieu, tes parles ont été entendues, et c'est à cause de tes paroles que je viens. » (Daniel 10.11-12). Un Honneur Royale Pour Daniel VS 27 5 Quel grand honneur démontré envers Daniel par le Roi du ciel ! Il réconforte Son serviteur tout tremblant et l'assure que sa prière a été entendue dans le ciel. En réponse à cette fervente pétition, l'ange Gabriel fut envoyé pour toucher le coeur du roi perse. Le monarque avait résisté aux impressions de l'Esprit de Dieu durant les trois semaines où Daniel jeûnait et priait ; mais le Prince du ciel, l'Archange, Michaël, fut envoyé pour changer le coeur de ce roi obstiné afin qu'il agisse de manière décisive pour répondre à la prière de Daniel. VS 28 1 «Et quand il m'eut adressé ces paroles, je dirigeai mes regards vers la terre, et je devins muet. Et voici, quelqu'un qui avait l'apparence des fils de l'homme toucha mes lèvres... Puis il me dit : Ne crains rien, homme bien-aimé, que la paix soit avec toi ! courage, courage ! Et comme il me parlait, je repris des forces, et je dis : Que mon seigneur parle, car tu m'as fortifié. » (Daniel 10.15-19). Si grande était la gloire divine révélée à Daniel qu'il ne put en supporter la vision. Alors le messager céleste voila l'éclat de sa présence et apparut au prophète comme «quelqu'un qui avait l'apparence des fils de l'homme" (Daniel 10.16). Par sa puissance divine, il fortifia cet homme d'intégrité et de foi, afin qu'il entende le message qui lui était envoyé de Dieu. VS 28 2 Daniel fut un pieux serviteur du Très-Haut. Sa vie entière fut remplie de nobles actions au service de son Maître. Sa pureté de caractère et sa fidélité inébranlable ne sont égalées que par son humilité de coeur et sa contrition devant Dieu. Répétons-le : la vie de Daniel est une illustration inspirée de la véritable sanctification. ------------------------Chapitre 7--Le caractère de Jean VS 29 1 On distinguait l'apôtre Jean parmi ses frères comme étant « le disciple que Jésus aimait ». Nullement craintif, faible ou vacillant de caractère, il possédait un tempérament aimable et un coeur tendre, aimant. Il semble avoir apprécié d'une manière particulière l'amitié du Christ, bénéficiant à plusieurs reprises de marques de confiance et d'amour de la part du Sauveur. Il fut l'un des trois auxquels il fut permis d'être témoins de la gloire du Christ sur la montagne de la transfiguration et de Son agonie à Gethsémané ; enfin c'est aux tendres soins de Jean que notre Seigneur confia Sa mère au cours de Ses dernières heures d'agonie sur la croix. VS 29 2 L'affection du Sauveur pour le disciple bien-aimé lui était rendue avec toute la force d'une dévotion ardente. Jean s'attacha au Christ comme la vigne s'attache au noble tuteur. Pour le bénéfice de son Maître, il brava les dangers de la salle du tribunal et s'attarda autour de la croix ; lorsqu'il apprit la nouvelle de la résurrection du Christ, il partit en hâte vers le sépulcre, dépassant même dans son zèle le fougueux Pierre. VS 29 3 L'amour de Jean pour son Maître n'était pas une simple amitié humaine, mais c'était l'amour d'un pécheur repentant, conscient d'avoir été racheté par le précieux sang du Christ. Il estimait comme le plus grand des honneurs de travailler et de souffrir au service de son Seigneur. Son amour pour Jésus le poussait à aimer tous ceux pour lesquels le Christ est mort. Sa religion était d'un caractère pratique. Il raisonnait que l'amour pour Dieu devait logiquement se manifester en amour pour Ses enfants. On pouvait l'entendre dire et redire : «Bien-aimés, si Dieu nous a aimés, nous devons nous aimer les uns les autres. » (1 Jean 4.11). «Nous l'aimons, parce qu'il nous a aimés le premier. Si quelqu'un dit : J'aime Dieu, et qu'il haïsse son frère, c'est un menteur ; car celui qui n'aime pas son frère qu'il a vu, comment peut-il aimer Dieu qu'il n'a pas vu ? » (1 Jean 4.19-20). La vie de l'apôtre était en harmonie avec ses enseignements. L'amour qui brûlait dans son coeur pour le Christ l'amena à déployer les plus grands et les plus sincères efforts en faveur de son prochain et tout spécialement de ses frères de l'Église chrétienne. C'était un prédicateur puissant, fervent et profondément sincère, et ses paroles possédaient une grande force de conviction. Une Nouvelle Créature Par La Grâce VS 29 4 L'amour confiant et la dévotion désintéressée manifestés dans la vie et le caractère de Jean présentent des leçons d'une valeur inexprimable pour l'Église chrétienne. Certains peuvent se l'imaginer comme possédant naturellement cet amour indépendamment de la grâce divine ; mais Jean avait par nature de sérieux défauts de caractère ; il était orgueilleux, ambitieux et prompt à réagir face au mépris et à l'injure. VS 30 1 L'affection fervente et profonde de Jean pour son Maître n'était pas la raison pour laquelle le Sauveur l'aimait, mais l'effet de cet amour. Jean désirait ressembler à Jésus et sous l'influence transformatrice de l'amour du Christ, il devint doux et humble de coeur. Son ego était caché en Jésus. Il était étroitement uni au Cep vivant et devint ainsi participant de la nature divine. Tel sera toujours le résultat de la communion avec le Christ. Voilà la véritable sanctification ! VS 30 2 Des défauts marqués peuvent exister dans le caractère d'un individu ; mais lorsqu'il devient un fidèle disciple de Jésus, la puissance de la grâce divine fait de lui une nouvelle créature. L'amour du Christ le transforme, le sanctifie. Mais quand certaines personnes professent être chrétiennes et que leur religion ne fait pas d'elles de meilleurs hommes et de meilleures femmes dans toutes leurs relations - de vivants représentants du Christ sur le plan des dispositions et du caractère - elles ne Lui appartiennent pas. L'édification Du Caractère VS 30 3 À un moment donné, Jean s'engagea dans une dispute avec quelques-uns de ses frères à savoir lequel d'entre eux devait être considéré comme le plus grand. Ils n'avaient pas l'intention que leurs paroles atteignent l'oreille du Maître ; mais Jésus lut dans leurs coeurs et profita de l'occasion pour donner à Ses disciples une leçon d'humilité. Il ne le ferait pas seulement pour le petit groupe qui écoutait Ses paroles, mais pour le bénéfice de tous Ses disciples, jusqu'à la fin des temps. «Alors il s'assit, appela les douze, et leur dit : Si quelqu'un veut être le premier, il sera le dernier de tous et le serviteur de tous. » (Marc 9.35). VS 30 4 Ceux qui possèdent la pensée du Christ n'auront aucune ambition d'occuper une position plus élevée que leurs frères. Ce sont ceux qui sont petits à leurs propres yeux qui sont considérés comme grands aux yeux de Dieu. « Et il prit un petit enfant, le plaça au milieu d'eux, et, l'ayant pris dans ses bras, il leur dit : Quiconque reçoit en mon nom un de ces petits enfants me reçoit moi-même ; et quiconque me reçoit reçoit, non pas moi, mais celui qui m'a envoyé. » (Marc 9.36-37). VS 30 5 Quelle précieuse leçon pour tout disciple du Christ ! Ceux qui omettent de s'occuper des devoirs quotidiens qui se présentent sur leur route, qui négligent la miséricorde et la bonté, la courtoisie et l'amour, même envers un petit enfant, négligent le Christ Lui-même. Jean sentit l'importance de cette leçon et en bénéficia. VS 30 6 À une autre occasion, son frère Jacques et lui aperçurent un homme chassant des démons au nom de Jésus ; comme il ne se joignait pas immédiatement à eux, ils décidèrent qu'il n'avait aucun droit de faire cette oeuvre et par conséquent le lui défendirent. Avec un coeur sincère, Jean en relata les circonstances à son Maître. «Ne l'en empêchez pas, dit Jésus ; car il n'est personne qui, faisant un miracle en mon nom, puisse aussitôt après parler mal de moi. Car celui qui n'est pas contre nous est pour nous. » (Marc 9.39-40). VS 31 1 Une autre fois, Jacques et Jean Lui présentèrent une requête par µ[l'entremise de] leur mère afin d'obtenir la permission d'occuper les positions d'honneur les plus élevées dans le royaume du Christ. Le Sauveur répondit : « Vous ne savez ce que vous demandez. » (Marc 10.38). Comme il y en a beaucoup parmi nous qui comprenons peu la véritable portée de nos prières ! Jésus connaissait le prix de la gloire que le sacrifice infini devait acheter lorsque, «en vue de la joie qui lui était réservée, µ[Il] a souffert la croix et méprisé la honte" (Hébreux 12.2). Cette joie était celle de voir des âmes sauvées par Son humiliation, Son agonie et Son sang versé. VS 31 2 C'était là la gloire que le Christ devait µ[Lui-même] recevoir et que ces deux disciples avaient demandé de pouvoir se partager. Jésus leur demanda : « Pouvez-vous boire la coupe que je dois boire, ou être baptisés du baptême dont je dois être baptisé ? Nous le pouvons, dirent-ils. » (Marc 10.38-39). VS 31 3 Comme ils comprenaient peu ce que signifiait le baptême ! «Jésus leur répondit : Vous boirez en effet la coupe que je dois boire et vous serez baptisés du baptême dont je suis baptisé ; mais pour ce qui est d'être assis à ma droite ou à ma gauche, cela ne dépend pas de moi, et ne sera donné qu'à ceux pour lesquels cela est préparé. » (Marc 10.39-40). Orgueil Et Ambition Réprimandés VS 31 4 Jésus comprit les motifs inspirant leur requête et Il réprouva l'orgueil et l'ambition des deux disciples : « Vous savez que ceux qu'on regarde comme les chefs des nations les tyrannisent, et que les grands les dominent. Qu'il n'en soit pas ainsi parmi vous ! Mais quiconque veut être grand parmi vous, qu'il soit votre serviteur ; et quiconque veut être le premier parmi vous, qu'il soit l'esclave de tous. Car le Fils de l'homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon de plusieurs. » (Marc 10.42-45). VS 31 5 À une occasion, le Christ envoya des messagers devant Lui dans un village des Samaritains, demandant aux gens de préparer des rafraîchissements pour Ses disciples et pour Lui. Mais lorsque le Sauveur s'approcha du village, Il parut passer outre en direction de Jérusalem. Ceci souleva l'inimitié des Samaritains qui, au lieu d'envoyer des messagers pour L'inviter et même Le presser de rester avec eux, négligèrent les marques de courtoisie qu'ils auraient données à un voyageur ordinaire. Jésus n'impose jamais Sa présence à personne et les Samaritains perdirent la bénédiction qui leur aurait été accordée s'ils L'avaient prié d'accepter leur invitation. VS 31 6 Nous pouvons nous étonner devant cette façon impolie de traiter la Majesté du ciel, mais combien souvent ceux qui prétendent être Ses disciples se rendent coupables d'une négligence semblable. Prions-nous Jésus avec instance de venir habiter dans nos coeurs et dans nos maisons ? Il est rempli d'amour, de grâce, de bénédictions, et Il se tient prêt à nous accorder ces dons ; mais comme les Samaritains, nous sommes souvent satisfaits sans ces choses. VS 32 1 Les disciples étaient au courant de l'objectif du Christ de bénir les Samaritains de Sa présence ; lorsqu'ils virent la froideur, la jalousie et le manque de respect démontrés envers leur Maître, ils furent remplis d'étonnement et d'indignation. Jacques et Jean furent particulièrement touchés. Que Celui qu'ils révéraient tellement soit ainsi traité semblait pour eux un crime trop grand pour être ignoré sans encourir une punition immédiate ! Ils dirent dans leur zèle : « Seigneur, veux-tu que nous commandions que le feu descende du ciel et les consume, comme Élie l'a fait ? » (Luc 9.54), faisant allusion à la destruction des capitaines syriens et de leurs compagnies envoyés pour capturer le prophète Élie. VS 32 2 Jésus réprimanda Ses disciples en disant : « Vous ne savez de quel esprit vous êtes animés. Car le Fils de l'homme n'est pas venu pour détruire les vies des hommes mais pour les sauver. » (Luc 9.55-56). Jean et ses confrères fréquentaient une école dont le professeur était le Christ. Ceux qui étaient prêts à voir leurs propres défauts et anxieux d'améliorer leur caractère, en avaient l'ample opportunité. Jean se saisissait de chaque leçon comme d'un trésor et cherchait constamment à mettre sa vie en harmonie avec le modèle divin. Les leçons de Jésus, présentant la simplicité, l'humilité et l'amour comme essentiels pour croître en grâce et se préparer pour son oeuvre, étaient de la plus grande valeur pour Jean. Ces leçons nous sont adressées en tant qu'individus et frères dans l'Église, aussi bien qu'aux premiers disciples du Christ. Jean Et Judas VS 32 3 Nous pouvons tirer une leçon instructive du contraste frappant entre le caractère de Jean et celui de Judas. Jean était une illustration vivante de la sanctification. D'un autre côté, Judas possédait une piété formaliste et son caractère était plus satanique que divin. Il professait être disciple du Christ mais Le reniait dans ses paroles et dans ses oeuvres. VS 32 4 Judas eut les mêmes occasions précieuses que Jean d'étudier et d'imiter le Modèle. Il écouta les leçons du Christ et son caractère aurait pu être transformé par la grâce divine. Mais tandis que Jean luttait avec sincérité contre ses propres défauts et cherchait à ressembler au Christ, Judas violait sa propre conscience, cédant à la tentation et formant des habitudes de malhonnêteté qui le transformeraient à l'image de Satan. VS 32 5 Ces deux disciples représentent le monde chrétien. Tous professent être disciples du Christ ; mais alors qu'une classe marche dans l'humilité et la simplicité et apprend de Jésus, les autres montrent qu'ils ne mettent pas en pratique la parole mais qu'ils n'en sont que les auditeurs. Une classe est sanctifiée par la vérité ; l'autre ne connaît rien de la puissance transformatrice de la grâce divine. Ceux qui appartiennent à la première meurent quotidiennement au moi et triomphent du péché. Ceux de la seconde classe s'abandonnent à leurs propres convoitises et deviennent les serviteurs de Satan. ------------------------Chapitre 8--Le ministère de Jean VS 33 1 L'apôtre Jean passa sa jeunesse en compagnie des pécheurs non instruits de Galilée. Il ne bénéficia pas de la formation des écoles ; mais, en s'associant au Christ, le grand Maître, il obtint la plus haute éducation que l'homme mortel puisse recevoir. Il but avec avidité à la fontaine de sagesse et chercha ensuite à en conduire d'autres vers cette « source d'eau jaillissant jusque dans la vie éternelle » (Jean 4.14). La simplicité de ses paroles, la puissance sublime des vérités qu'il prononçait et la ferveur spirituelle qui caractérisait ses enseignements lui donnaient accès à toutes les classes. Or, même les croyants étaient incapables de pleinement comprendre les mystères sacrés de la vérité divine dévoilés dans ses discours. Il semblait être constamment rempli du Saint-Esprit. Il cherchait à diriger les pensées du peuple vers l'invisible. La sagesse avec laquelle il parlait faisait tomber ses paroles comme une rosée, adoucissant et soumettant l'âme. VS 33 2 Après l'ascension du Christ, Jean démontra qu'il était un ouvrier fidèle et dévoué pour le Maître. Il fut l'un de ceux qui reçurent l'onction de l'Esprit au jour de la Pentecôte et il continua avec un zèle et un courage renouvelés à communiquer aux gens les paroles de vie. Il fut menacé d'emprisonnement et de mort, mais il ne se laissait pas intimider. VS 33 3 Des gens de toutes classes venaient en foule écouter la prédication des apôtres et étaient guéris de leurs maladies au nom de Jésus, ce nom si détesté chez les Juifs. Dans leur opposition, les prêtres et les Juifs étaient furieux de voir les malades ainsi guéris et Jésus considéré comme le Prince de vie. Ils craignaient que le monde entier se mette bientôt à croire en Lui et ne les accuse ensuite d'avoir tué le Puissant Guérisseur. Mais plus grands étaient leurs efforts pour faire cesser cette agitation, plus nombreux étaient ceux qui croyaient en Lui et se détournaient des enseignements des scribes et des pharisiens. Remplis d'indignation, ils firent arrêter Pierre et Jean, et les firent jeter dans la prison commune. Mais l'ange du Seigneur vint de nuit, ouvrit la porte de la prison, les réveilla et leur dit : « Allez, tenez-vous dans le temple, et annoncez au peuple toutes les paroles de cette vie » (Actes 5.20). VS 33 4 C'est avec fidélité et sincérité que Jean témoignait de son Seigneur chaque fois que l'occasion le lui permettait. Il savait que les temps étaient extrêmement périlleux pour l'Église. Des séductions sataniques se manifestaient partout. La pensée des gens vagabondait au travers des labyrinthes du scepticisme et de doctrines séductrices. Certains prétendument fidèles à la cause de Dieu n'étaient en fait que des séducteurs. Ils reniaient le Christ et Son évangile, présentaient leurs hérésies condamnables et vivaient en violation de la loi divine. Le Thème Favori De Jean VS 34 1 Le thème favori de Jean était l'amour infini du Christ. Il croyait en Dieu comme un enfant croit en un bon et tendre père. Il comprenait le caractère et l'oeuvre de Jésus ; et quand il vit ses frères juifs cherchant leur chemin en tâtonnant, sans un rayon du Soleil de Justice pour l'éclairer, il languit de leur présenter le Christ, la Lumière du monde. VS 34 2 Le fidèle apôtre vit que leur aveuglement, leur orgueil, leur superstition et leur ignorance des Écritures retenaient leurs âmes à des fers qui ne seraient jamais brisés. Les préjugés et la haine qu'ils chérissaient avec obstination face au Christ leur attiraient la ruine en tant que nation et anéantissaient leur espoir de vie éternelle. Mais Jean continua à leur présenter le Christ comme l'unique moyen de salut. L'évidence que Jésus de Nazareth était le Messie était si claire que Jean déclara qu'aucun homme n'a besoin de marcher dans les ténèbres de l'erreur alors qu'une telle lumière lui est accordée. Attristé Par Des Erreurs Empoisonnées VS 34 3 Jean vécut assez longtemps pour voir l'évangile du Christ prêché auprès et au loin, et des milliers de gens accepter avec avidité ses enseignements. Mais il fut rempli de tristesse en voyant s'infiltrer dans l'Église des erreurs empoisonnées. Certains de ceux qui acceptaient le Christ affirmaient que Son amour les libérait de l'obéissance à la loi de Dieu. À l'opposé, plusieurs enseignaient que la lettre de la loi devait être gardée, ainsi que toutes les coutumes et cérémonies juives, et que cela suffisait pour le salut, sans égard au sang du Christ. Ils soutenaient que le Christ était un homme bon, comme les apôtres, mais niaient Sa divinité. Jean vit les dangers auxquels l'Église serait exposée si elle recevait ces idées et il leur fit face avec promptitude et décision. Il écrivit à une assistante des plus honorable dans la propagation de l'évangile, une femme de bonne réputation et d'une grande influence. VS 34 4 «Car plusieurs séducteurs sont entrés dans le monde, qui ne confessent point que Jésus-Christ est venu en chair. Celui qui est tel, c'est le séducteur et l'Antéchrist. Prenez garde à vous-mêmes, afin que vous ne perdiez pas le fruit de votre travail, mais que vous receviez une pleine récompense. Quiconque transgresse et ne demeure pas dans la doctrine de Christ n'a point Dieu ; celui qui demeure dans cette doctrine a le Père et le Fils. Si quelqu'un vient à vous, et n'apporte pas cette doctrine, ne le recevez pas dans votre maison, et ne lui dites pas : Salut ! Car celui qui dit : Salut ! participe à ses mauvaises oeuvres. » (2 Jean 7-11) VS 34 5 Jean ne poursuivrait pas son oeuvre sans faire face à de grands obstacles. Satan n'était pas inactif. À son instigation, de méchants hommes cherchèrent à abréger la vie utile de cet homme de Dieu, mais de saints anges le protégèrent contre leurs assauts. Jean devait démontrer qu'il était un fidèle témoin du Christ. L'Église en péril avait besoin de son témoignage. VS 34 6 Par de fausses représentations et des mensonges, les émissaires de Satan avaient cherché à soulever l'opposition contre Jean et contre la doctrine du Christ. En conséquence, des dissensions et des hérésies menaçaient l'Église. Jean y fit face sans broncher. Il barra la route aux adversaires de la vérité. Il écrivit et exhorta, afin que les propagateurs de ces hérésies n'aient pas le moindre encouragement. Il existe encore de nos jours des dangers similaires à ceux qui menacèrent l'Église des premiers siècles et les enseignements de l'apôtre sur ces deux points devraient être soigneusement suivis. « Vous devez avoir de la charité, » voilà le cri qu'on entend partout, spécialement de la part de ceux qui se prétendent sanctifiés. Mais la charité est trop pure pour couvrir un péché non confessé. Les enseignements de Jean sont importants pour ceux qui vivent au milieu des périls des derniers jours. Il fut intimement associé avec le Christ, il entendit Ses enseignements et fut témoin de Ses puissants miracles. Il donna un témoignage convaincant qui brisa l'effet des mensonges de l'ennemi. Aucun Compromis Avec Le Péché VS 35 1 Jean reçut les bénédictions de la véritable sanctification. Mais remarquez bien, l'apôtre ne se disait pas sans péché ; il recherchait la perfection en marchant à la lumière de la face de Dieu. Il témoigne du fait que l'homme qui professe connaître Dieu, et qui cependant brise la loi divine, renie sa profession de foi. « Celui qui dit : Je l'ai connu, et qui ne garde pas ses commandements, est un menteur, et la vérité n'est point en lui" (1 Jean 2.4). En cette époque de libéralisme prétentieux, ces paroles seraient considérées comme de la bigoterie. Mais l'apôtre enseigne que, tout en manifestant de la courtoisie chrétienne, nous sommes autorisés à appeler le péché et les pécheurs par leurs vrais noms - que cela est en accord avec la véritable charité. Tout en devant aimer les âmes pour lesquelles le Christ est mort et travailler à leur salut, nous ne devrions pas faire de compromis avec le péché. Nous ne devons pas nous unir avec les rebelles et appeler cela de la charité. Dieu demande à Son peuple en cette époque de prendre fermement position du côté du bien, comme le faisait l'apôtre Jean en son temps en s'opposant aux erreurs destructrices de l'âme. Pas De Sanctification Sans Obéissance VS 35 2 J'ai rencontré beaucoup de gens qui professaient vivre sans péché. Mais lorsqu'elles étaient mises à l'épreuve par la parole de Dieu, ces personnes se manifestaient par une transgression ouverte de Sa sainte loi. Les preuves les plus claires de la perpétuité et de l'obligation du quatrième commandement ne réussissaient pas à éveiller leur conscience. Ces gens ne pouvaient nier les exigences divines, mais ils osaient trouver une excuse pour briser le sabbat. Ils se disaient sanctifiés et prétendaient servir Dieu tous les jours de la semaine. Beaucoup de gens, disaient-ils, ne gardent pas le sabbat. Si les hommes étaient sanctifiés, aucune condamnation ne reposerait sur eux parce qu'ils ne l'observent pas. Dieu est trop miséricordieux pour les punir de ne pas garder le septième jour. Ils se démarqueraient trop dans la communauté en observant le sabbat et n'auraient aucune influence sur le monde. Ils doivent également se soumettre aux autorités en place. Le privilège du chrétien VS 35 3 Plusieurs de ceux qui cherchent sincèrement la sainteté du coeur et la pureté de vie semblent perplexes et découragés. Ils regardent constamment à eux-mêmes et se lamentent de leur manque de foi ; et parce qu'ils n'ont pas de foi, ils ont l'impression qu'ils ne peuvent pas se réclamer de la bénédiction divine. Ces personnes prennent le sentiment pour de la foi. Ils oublient la simplicité de la vraie foi et couvrent ainsi leurs âmes de grandes ténèbres. Ils devraient détourner l'esprit du moi, s'arrêter sur la miséricorde et la bonté de Dieu, se rappeler Ses promesses puis simplement croire qu'Il accomplira Sa parole. Nous ne devons pas nous confier en notre foi mais dans les promesses divines. Lorsque nous nous repentons de nos transgressions passées de Sa loi et prenons la résolution de devenir obéissants, nous devrions croire que Dieu nous accepte à cause du Christ et pardonne nos péchés. VS 35 4 Les ténèbres et le découragement envahiront quelquefois notre âme et menaceront de nous submerger, mais nous ne devrions pas délaisser notre confiance. Nous devons garder les yeux fixés sur Jésus, sentiment ou pas. Nous devrions chercher à accomplir fidèlement chaque devoir connu puis calmement nous reposer sur les promesses de Dieu. Une Vie De Foi VS 35 5 À certains moments, un sentiment profond de notre indignité fera passer un frisson de terreur dans notre âme, mais il n'y a aucune évidence que Dieu a changé à notre égard ou que nous avons changé à Son égard. Aucun effort ne devrait être fait pour maintenir l'esprit dans une certaine intensité d'émotion. Nous pouvons ne pas ressentir aujourd'hui la paix et la joie que nous avons ressenties hier, mais nous devons par la foi saisir la main du Christ et Lui faire aussi pleinement confiance dans les ténèbres que dans la lumière. VS 35 6 Satan peut vous chuchoter à l'oreille : « Tu es un bien trop grand pécheur pour que le Christ te sauve. » Tout en reconnaissant que vous êtes en effet pécheur et indigne, vous pouvez affronter le tentateur avec ce cri : « En vertu de l'expiation, je réclame le Christ comme mon Sauveur. Je ne me confie pas en mes propres mérites, mais dans le précieux sang de Jésus qui me purifie. En ce moment même, j'accroche mon âme impuissante au Christ. » La vie chrétienne doit être une vie de foi constante et vivante. Une confiance inébranlable et une ferme dépendance du Christ apporteront la paix et l'assurance à l'âme. VS 36 1 Une dame du New-Hampshire rendit témoignage dans une réunion publique que la grâce divine régnait dans son coeur et qu'elle appartenait totalement au Seigneur. Elle exprima ensuite son opinion que ce peuple faisait beaucoup de bien en apprenant aux pécheurs à voir le danger qui les menace. Elle dit : « Le sabbat que ce peuple nous présente est le seul sabbat biblique » et déclara alors qu'elle avait longuement analysé le sujet. Elle avait vu que de grandes épreuves l'attendaient si elle gardait le septième jour. Le jour suivant, elle vint à la réunion et rendit de nouveau témoignage, disant qu'elle avait demandé au Seigneur si elle devait garder le sabbat et qu'Il lui avait répondu qu'elle n'avait pas besoin de le faire. Son esprit était maintenant en paix sur cette question. Elle donna ensuite l'exhortation la plus touchante, invitant tous les gens à entrer dans l'amour parfait de Jésus, là où il n'y a aucune condamnation pour l'âme. VS 36 2 Cette femme ne possédait pas la véritable sanctification. Ce n'était pas Dieu qui lui avait dit qu'elle pouvait être sanctifiée tout en vivant dans la désobéissance à l'un de Ses commandements les plus clairs. La loi de Dieu est sacrée et personne ne peut la transgresser impunément. Celui qui lui avait dit qu'elle pouvait continuer à briser la loi de Dieu et demeurer sans péché était le prince des ténèbres - le même qui avait dit à Ève en Éden par le serpent : « Vous ne mourrez sûrement pas » (Genèse 3.4). Eve se flatta que Dieu était trop bon pour la punir de sa désobéissance à Ses commandements bien définis. Le même sophisme est présenté par des milliers de personnes comme excuse à leur désobéissance au quatrième commandement. Ceux qui ont l'esprit du Christ garderont tous les commandements de Dieu, en dépit des circonstances. La Majesté du ciel déclare : « J'ai gardé les commandements de mon Père » (Jean 15.10). VS 36 3 Adam et Ève ont osé transgresser les exigences du Seigneur et le résultat terrible de leur péché devrait être un avertissement pour nous de ne pas suivre leur exemple de désobéissance. Jésus a prié pour Ses disciples en ces mots : «Sanctifie-les par ta vérité : ta parole est la vérité» (Jean 17.17). Il n'y a pas de véritable sanctification sinon par l'obéissance à la vérité. Ceux qui aiment Dieu de tout leur coeur aimeront aussi Ses commandements. Le coeur sanctifié est en harmonie avec les préceptes de la loi de Dieu ; car ils sont saints, justes et bons. Dieu N'a Pas Changé VS 36 4 Le caractère de Dieu n'a pas changé. Il est aujourd'hui le même Dieu jaloux que lorsqu'Il a donné Sa sainte loi sur le Sinaï et l'a écrite de Son propre doigt sur les tables de pierre. Ceux qui foulent aux pieds la sainte loi de Dieu peuvent dire : « Je suis sanctifié » ; mais être sanctifié et prétendre l'être sont deux choses différentes. VS 36 5 Le Nouveau Testament n'a pas changé la loi divine. Le caractère sacré du Sabbat du quatrième commandement est aussi fermement établi que le trône de Jéhovah. Jean écrit : « Celui qui commet le péché transgresse aussi la loi ; car le péché est la transgression de la loi. Or, vous le savez, Jésus a paru pour ôter les péchés ; et il n'y a point en lui de péché. Quiconque demeure en lui ne pèche point ; quiconque pèche ne l'a pas vu, et ne l'a pas connu" VS 36 6 Le ministère de Jean (1 Jean 3.4-6). Nous avons le droit de porter le même jugement que le disciple bien-aimé sur ceux qui prétendent demeurer en Christ et être sanctifiés tout en vivant dans la transgression de la loi de Dieu. Il fit face à la même classe de gens que nous. Il disait : « Petits enfants, que personne ne vous séduise. Celui qui pratique la justice est juste, comme lui-même est juste. Celui qui pèche est du diable, car le diable pèche dès le commencement» (1 Jean 3.7-8). Ici l'apôtre parle en termes clairs en livrant son jugement sur la question. VS 37 1 Les épîtres de Jean diffusent un esprit d'amour. Mais lorsqu'il vient en contact avec cette classe qui brise la loi divine et qui cependant prétend vivre sans péché, il n'hésite à les avertir contre cette terrible séduction. « Si nous disons que nous sommes en communion avec lui, et que nous marchions dans les ténèbres, nous mentons, et nous ne pratiquons pas la vérité. Mais si nous marchons dans la lumière, comme il est lui-même dans la lumière, nous sommes mutuellement en communion, et le sang de Jésus-Christ son Fils nous purifie de tout péché. Si nous disons que nous n'avons pas de péché, nous nous séduisons nous-mêmes, et la vérité n'est point en nous. Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous les pardonner, et pour nous purifier de toute iniquité. Si nous disons que nous n'avons pas péché, nous le faisons menteur, et sa parole n'est point en nous » (1 Jean 1.6-10). ------------------------Chapitre 9--Jean en exil VS 38 1 Le merveilleux succès accompagnant la prédication de l'évangile par les apôtres et leurs collaborateurs augmenta la haine des ennemis du Christ. Ils firent tous les efforts possibles pour nuire à l'avancement de l'oeuvre et réussirent finalement à mobiliser le pouvoir de l'empereur romain contre les chrétiens. Une terrible persécution s'ensuivit au cours de laquelle plusieurs disciples du Christ furent mis à mort. L'apôtre Jean était maintenant un homme âgé, mais il continuait à prêcher la doctrine du Christ avec beaucoup de zèle et de succès. Il rendait un témoignage puissant que ses opposants ne pouvaient contrer et qui encourageait grandement ses frères. VS 38 2 Quand la foi des chrétiens semblait chanceler devant l'opposition intense à laquelle ils devaient faire face, l'apôtre répétait avec beaucoup de dignité, de puissance et d'éloquence : «Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché, concernant la Parole de vie ; ... ce que nous avons vu et entendu, nous vous l'annonçons, à vous aussi, afin que vous aussi soyez en communion avec nous. Et notre communion est avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ. » (1 Jean 1.1-3). VS 38 3 La haine la plus amère s'alluma contre Jean en raison de sa fidélité inébranlable à la cause du Christ. Il était le dernier survivant parmi les disciples qui avaient côtoyé intimement Jésus et ses ennemis décidèrent qu'il fallait faire taire son témoignage. Si cela pouvait réussir, pensaient-ils, la doctrine du Christ cesserait de se répandre et périrait rapidement pourvu qu'on la traitât avec sévérité. Jean fut donc sommé de comparaître à Rome afin d'être jugé pour sa foi. Ses doctrines furent présentées de manière malhonnête. De faux témoins l'accusèrent d'être une personne séditieuse, enseignant publiquement des théories qui provoqueraient une révolte de la nation. VS 38 4 L'apôtre présenta sa foi d'une manière claire, convaincante et empreinte d'une telle simplicité et d'une telle candeur que ses paroles eurent un puissant effet. Ses auditeurs furent étonnés de sa sagesse et de son éloquence. Mais plus convaincant était son témoignage, plus profonde était la haine de ceux qui s'opposaient à la vérité. L'empereur fut rempli de rage et blasphéma le nom de Dieu et du Christ. Il ne pouvait contredire le raisonnement de l'apôtre ni égaler la puissance qui accompagnait l'expression de la vérité, et il décida donc de faire taire son fidèle défenseur. Le Témoin Divin Qu'on Ne Peut Faire Taire VS 39 1 Nous voyons ici à quel point le coeur peut devenir endurci lorsqu'il résiste obstinément aux voies de Dieu. Les ennemis de l'Église étaient résolus à maintenir leur orgueil et leur autorité face au peuple. Sur décret de l'empereur, Jean fut banni sur l'île de Patmos, condamné, comme il nous le dit, « à cause de la parole de Dieu et du témoignage de Jésus » (Apocalypse 1.9). Mais les ennemis du Christ échouèrent complètement dans leur dessein de rendre silencieux Son fidèle témoin. De son lieu d'exil nous parvient la voix de l'apôtre dont l'écho retentit même jusqu'à la fin des temps, proclamant les vérités les plus impressionnantes jamais présentées à des mortels. VS 39 2 Patmos, une île rocailleuse et dénudée de la mer Égée, avait été choisie par le gouvernement romain comme lieu d'exil pour les criminels. Mais pour le serviteur de Dieu, cette triste demeure se trouva être la porte du ciel. Il était retenu loin des scènes affairées de la vie et du travail actif de l'évangéliste, mais il n'était pas privé de la présence de Dieu. De sa demeure isolée, il pouvait communier avec le Roi des rois et étudier plus à fond les manifestations de la puissance divine dans le livre de la nature et les pages inspirées. Il prenait plaisir à méditer sur la grande oeuvre de la création et à adorer la puissance du divin Architecte. Au cours de ses années passées, ses yeux s'étaient réjouis à la vue des collines couvertes de boisés, des vallées verdoyantes et des plaines luxuriantes, et il avait pris plaisir à retracer la sagesse et l'habileté du Créateur dans toutes les beautés de la nature. Il était maintenant entouré de scènes qui apparaissaient à beaucoup comme tristes et sans intérêt. Mais il en était tout autrement pour Jean. Il pouvait lire les leçons les plus importantes dans les rochers sauvages et isolés, les mystères de l'abîme et les gloires du firmament. Pour lui, tout portait l'empreinte de la puissance divine et déclarait Sa gloire. La Voix De La Nature VS 39 3 L'apôtre contemplait autour de lui les évidences du déluge qui avait inondé la terre parce que ses habitants s'étaient aventurés à transgresser la loi divine. Les roches, projetées du grand abîme et de la terre par le jaillissement des eaux, rappelaient avec force à son esprit les terreurs du déversement de la colère de Dieu. VS 39 4 Mais tandis que tout ce qui l'entourait ici-bas paraissait nu et dévasté, le ciel bleu qui se penchait vers l'apôtre sur cette île déserte de Patmos était aussi brillant et magnifique que les cieux qui surplombaient sa Jérusalem bien-aimée. Que l'homme regarde un moment la gloire des cieux dans la nuit, qu'il remarque l'action de la puissance divine dans ses armées, et qu'il tire leçon de la grandeur du Créateur par rapport à sa propre petitesse. S'il a caressé quelque orgueil ou s'est senti important à cause de sa richesse, de ses talents ou de ses attraits personnels, qu'il sorte dehors, qu'il regarde les cieux étoilés et qu'il apprenne à humilier son esprit orgueilleux en présence de l'Être Infini. VS 40 1 Dans le bruit d'eaux abondantes - appel profond venant des profondeurs - le prophète entendit la voix du Créateur. La mer, fouettée avec furie par les vents sans merci, représentait pour lui la colère d'un Dieu offensé. Les puissantes vagues qui, dans leur plus terrible agitation, restent limitées par une main invisible, parlaient à Jean de cette puissance infinie qui contrôle les profondeurs. En contraste, il voyait et ressentait la folie des faibles mortels, pauvres vers rampant dans la poussière qui se glorifient de leur sagesse et de leur force, et qui élèvent leur coeur contre le Législateur de l'univers, comme si Dieu était l'un des leurs. Combien aveugle et insensé est l'orgueil humain ! Une heure de bénédiction divine en soleil et en pluie arrosant la terre fera davantage pour changer la face de la nature que l'homme, dans toute sa prétendue connaissance et ses efforts les plus soutenus, pourra accomplir dans toute une vie. VS 40 2 Dans l'environnement de sa maison insulaire, le prophète exilé lisait les manifestations de la puissance divine et communiait avec son Dieu dans toutes les oeuvres de la nature. Le plus ardent désir de son âme pour Dieu, les plus ferventes prières, montaient au ciel de ce rocher de Patmos. Alors que Jean scrutait les rochers, il revoyait le Christ, le rocher de sa force, sous l'abri duquel il pouvait se cacher sans crainte. Observateur Du Sabbat VS 40 3 Le jour du Seigneur mentionné par Jean était le sabbat, le jour où Jéhovah s'est reposé après la grande oeuvre de la création, et qu'Il a béni et sanctifié parce qu'Il s'y est reposé. Le Sabbat était observé aussi solennellement par Jean sur l'île de Patmos que lorsqu'il était au milieu des gens et prêchait en ce même jour. Les rochers dénudés qui l'entouraient rappelaient à Jean le rocher d'Horeb et la façon dont Dieu avait donné Sa loi au peuple, en disant : « Souviens-toi du jour du sabbat, pour le garder saint » (Exode 20.8). VS 40 4 Le Fils de Dieu parla à Moïse du haut de la montagne. Dieu avait fait des rochers Son sanctuaire. Son temple était formé des collines éternelles. Le Divin Législateur descendit sur la montagne de roc pour donner Sa loi et afin que tout le peuple entende et puisse être impressionné par la grande et terrible démonstration de Sa puissance et de Sa gloire, craignant ainsi de transgresser Ses commandements. Dieu énonça Sa loi au milieu des tonnerres, des éclairs et de l'épaisse nuée au sommet de la montagne, et Sa voix était comme le son d'une trompette excessivement forte. La loi de Jéhovah était immuable, et les tables sur lesquelles Il l'écrivit étaient de roc solide, signifiant l'immutabilité de Ses préceptes. Le rocher d'Horeb devint une place sacrée pour tous ceux qui aiment et révèrent la loi de Dieu. Seul Avec Dieu VS 40 5 Tandis que Jean contemplait les scènes d'Horeb, l'Esprit de Celui qui sanctifia le septième jour vint sur lui. Il vit le péché d'Adam transgressant la loi divine et le résultat effroyable de cette transgression. L'amour infini de Dieu donnant Son Fils pour une race perdue semblait trop grand pour pouvoir l'exprimer par des mots. En le présentant dans son épître, il invite l'Église et le monde à le contempler. « Voyez, dit-il, quel amour le Père nous a témoigné, pour que nous soyons appelés enfants de Dieu ! ... Si le monde ne nous connaît pas, c'est qu'il ne l'a pas connu » (I Jean 3.1). C'était un mystère pour Jean que Dieu puisse donner Son Fils à la mort pour l'homme rebelle. Et il demeurait stupéfait de ce que le plan du salut, conçu à un tel prix, soit ainsi repoussé par ceux pour lesquels ce sacrifice infini avait été accompli. VS 41 1 Jean était enfermé seul avec Dieu. Alors qu'il apprenait à connaître davantage Son divin caractère à travers les oeuvres de la création, sa révérence pour Dieu augmentait. Il se demandait souvent pour quelle raison les hommes, dont la vie dépend totalement de Dieu, ne cherchent pas à vivre en paix avec Lui dans une obéissance volontaire. Il est infini en sagesse et il n'y a aucune limite à Sa puissance. Il contrôle les cieux et leurs mondes innombrables. Il préserve dans une parfaite harmonie la grandeur et la beauté des choses qu'Il a créées. Le péché est la transgression de la loi de Dieu et la pénalité du péché, c'est la mort. Il n'y aurait eu aucune discorde dans le ciel ou sur la terre si le péché n'était apparu. C'est la désobéissance à la loi de Dieu qui apporta toute cette misère à Ses créatures. Pourquoi les hommes refusent-ils de se réconcilier avec Dieu ? VS 41 2 Ce n'est pas peu de chose que de pécher contre Dieu, de placer sa volonté humaine perverse en opposition avec la volonté de son Créateur. Il est du meilleur intérêt des hommes, même ici-bas, d'obéir aux commandements de Dieu. Et il est sûrement de leur intérêt éternel de se soumettre à Dieu et d'être en paix avec Lui. Les bêtes des champs obéissent à la loi de leur Créateur grâce à l'instinct qui les dirige. Il parle au fier océan : «Tu viendras jusqu'ici mais pas plus loin » (Job 38.11) et les eaux obéissent promptement à Sa parole. Les planètes se déplacent dans un ordre parfait, obéissant aux lois que Dieu a établies. De toutes les créatures que Dieu a faites sur la terre, l'homme seul est rebelle. Il possède cependant la faculté de raisonner, la capacité de comprendre les exigences de la loi divine, et une conscience qui lui permet de ressentir la culpabilité de la transgression ainsi que la paix et la joie de l'obéissance. Dieu a fait de l'homme un être moralement libre, libre d'obéir ou de désobéir. La récompense de la vie éternelle - un poids éternel de gloire - est promise à ceux qui font la volonté de Dieu tandis que Sa colère menaçante attend celui qui défie Sa loi. La Majesté Divine VS 41 3 Tandis que Jean méditait sur la gloire de Dieu démontrée dans Ses oeuvres, il fut renversé par la grandeur et la majesté du Créateur. Même si tous les habitants de ce petit monde refusaient d'obéir à Dieu, Il ne resterait pas sans gloire. Il pourrait, en un moment, balayer tout mortel de la surface de la terre et créer une nouvelle race pour la peupler et glorifier Son nom. Dieu peut se passer de l'honneur que peut lui rendre l'homme. Il pourrait ordonner à l'armée des étoiles et aux millions de mondes célestes d'élever un cantique d'honneur, de louange et de gloire à leur Créateur. « Les cieux célèbrent tes merveilles, ô Éternel ! Et ta fidélité dans l'assemblée des saints. Car qui, dans le ciel, peut se comparer à l'Éternel ? Qui est semblable à toi parmi les fils des puissants ? Dieu doit être grandement craint dans l'assemblée des saints et être traité avec révérence par tous ceux qui l'entourent. » (Psaume 89.5-7). Une Vision Du Christ VS 42 1 Jean se rappelle les merveilleux incidents dont il a été témoin dans la vie du Christ. En imagination, il se souvient avec joie des précieuses occasions dont il a été jadis favorisé et il s'en trouve grandement réconforté. Soudainement sa méditation est brisée ; quelqu'un s'adresse à lui sur un ton distinct et clair. Il se retourne pour voir d'où vient la voix et voici, il contemple son Seigneur, Celui qu'il a aimé, avec Lequel il a marché et parlé, et dont il a été témoin des souffrances sur la croix. Mais comme l'apparence du Sauveur est changée ! Ce n'est plus cet « homme de douleur, habitué à la souffrance » (Ésaïe 5.3). Il ne porte aucune marque de Son humiliation. Ses yeux sont comme une flamme de feu ; Ses pieds sont comme de l'airain raffiné brûlant dans un four. Le ton de Sa voix se compare à la musique d'eaux abondantes. Sa figure brille comme le soleil dans sa gloire de midi. Il y a dans Sa main sept étoiles, représentant les pasteurs des sept Églises. De Sa bouche sort une épée aiguë à deux tranchants, emblème de la puissance de Sa parole. VS 42 2 Jean, qui a tant aimé son Seigneur et qui a pris fermement position pour la vérité devant la perspective de l'emprisonnement, des coups de fouet et d'une mort imminente, ne peut pas endurer la gloire excellente de la présence du Christ et il tombe au sol comme frappé à mort. Jésus pose alors Sa main sur la forme prostrée de Son serviteur, en disant : «Ne crains point ! ... J'étais mort ; et voici, je suis vivant aux siècles des siècles » (Apocalypse 1.17-18). Jean reçoit alors la force de vivre en présence de son Seigneur glorifié et la sainte vision du plan de Dieu pour les époques futures lui est présentée. Les glorieux attraits de la demeure céleste lui sont révélés. Il a la permission de contempler le trône de Dieu et de voir la foule des rachetés vêtus de robes blanches. Il entend la musique des anges célestes et les cantiques de triomphe venant de ceux qui ont vaincu par le sang de l'Agneau et par la parole de leur témoignage. L'humilité De Jean VS 42 3 Au disciple bien-aimé furent accordés des privilèges élevés que l'on voit rarement confiés à des mortels. Cependant son caractère était devenu si semblable au caractère du Christ que l'orgueil ne pouvait trouver place dans son coeur. Son humilité ne consistait pas en une simple profession ; c'était une grâce qui le revêtait aussi naturellement qu'un vêtement. Il cherchait toujours à cacher ses propres actes de justice et à éviter tout ce qui était susceptible d'attirer l'attention sur sa personne. Dans son Évangile, Jean mentionne le disciple que Jésus aimait, mais il cache le fait que celui qui était ainsi honoré, c'était lui. Sa vie était dépourvue d'égoïsme. Dans sa vie quotidienne, il enseignait et pratiquait la charité dans le sens le plus complet. Il avait un sentiment élevé de l'amour qui devrait exister entre des frères naturels et des frères chrétiens. Il présente l'amour et le souligne comme étant une caractéristique essentielle des disciples de Jésus. Toute prétention de porter le nom de chrétien est vaine pour celui qui en est dépourvu. VS 43 1 Jean était un maître sur le plan de la sainteté pratique. Il présente des règles infaillibles pour la conduite des chrétiens. Ils doivent posséder un coeur pur et des manières correctes. Ils ne devraient jamais se contenter d'une profession vide. Il déclare en termes on ne peut plus clairs qu'être chrétien, c'est ressembler au Christ. VS 43 2 La vie de Jean était remplie d'efforts sincères en vue de se conformer à la volonté divine. L'apôtre suivait son Sauveur de si près et avait un tel sentiment de la pureté et de la grande sainteté du Christ que son propre caractère apparaissait, en contraste, excessivement fautif. Et quand Jésus apparut à Jean dans Son corps glorifié, un bref regard fut suffisant pour le jeter par terre comme mort. Tels seront toujours les sentiments de ceux qui connaissent le mieux leur Seigneur et Maître. Plus ils contempleront de près la vie et le caractère de Jésus, plus ils ressentiront avec force leur propre état de pécheur et moins ils seront disposés à prétendre posséder la sainteté du coeur ou à se vanter de leur sanctification. ------------------------Chapitre 10--Le caractère chrétien VS 44 1 Le caractère du chrétien est démontré par sa vie quotidienne. Le Christ a dit : « Tout bon arbre porte de bons fruits, mais le mauvais arbre porte de mauvais fruits » (Matthieu 7.17). Notre Sauveur se compare Lui-même à un cep de vigne dont les disciples sont les branches. Il déclare clairement que tous ceux qui veulent être Ses disciples doivent porter du fruit. Il montre ensuite comment ils peuvent devenir des branches productrices. « Demeurez en moi, et je demeurerai en vous. Comme le sarment ne peut de lui-même porter du fruit, s'il ne demeure attaché au cep, ainsi vous ne le pouvez non plus, si vous ne demeurez en moi » (Jean 15.4). VS 44 2 L'apôtre Paul décrit le fruit que le chrétien doit porter. Il dit qu'il «consiste en toute sorte de bonté, de justice et de vérité (Éphésiens 5.9). Il dit également : « Mais le fruit de l'Esprit, c'est l'amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bénignité, la fidélité, la douceur, la tempérance » (Galates 5.22-23). Ces précieuses grâces ne sont que les principes de la loi de Dieu mis en pratique dans la vie. VS 44 3 La loi de Dieu est la seule vraie norme de perfection morale. Cette loi fut démontrée de façon pratique dans la vie du Christ. Il dit de Lui-même : «J'ai gardé les commandements de mon Père » (Jean 15.10). Rien de moins que cette obéissance ne satisfera les exigences de la parole de Dieu. «Celui qui dit qu'il demeure en lui doit marcher aussi comme il a marché lui-même. » (1 Jean 2.6). Nous ne pouvons pas plaider notre incapacité, car nous avons l'assurance : « Ma grâce te suffit » (2 Corinthiens 12.9). Alors que nous nous regardons dans le miroir divin qu'est la loi de Dieu, nous voyons le caractère excessivement grave du péché et notre propre condition de transgresseur perdu. Mais par la repentance et la foi, nous sommes justifiés devant Dieu et, par la grâce divine, rendus capables d'obéir à Ses commandements. L'amour Pour Dieu Et Pour L'homme VS 44 4 Ceux qui possèdent un véritable amour pour Dieu manifesteront un désir sincère de connaître et de faire Sa volonté. L'apôtre Jean, dont les épîtres ont si pleinement exposé l'amour, a écrit : « Car l'amour de Dieu consiste à garder ses commandements » (1 Jean 5.3). L'enfant qui aime ses parents montrera cet amour par une obéissance volontaire ; mais l'enfant égoïste et ingrat cherche à faire le moins possible pour ses parents, tout en désirant en même temps jouir de tous les privilèges accordés à celui qui est obéissant et fidèle. La même différence apparaît chez ceux qui professent être enfants de Dieu. Plusieurs de ceux qui sont conscients d'être l'objet de Son amour et de Son attention et qui désirent recevoir Sa bénédiction ne trouvent aucun plaisir à faire Sa volonté. Ils considèrent les exigences divines comme une restriction déplaisante, Ses commandements comme un joug pesant. Mais celui qui cherche réellement la sainteté du coeur et de la vie fait ses délices de la loi de Dieu et s'afflige lorsqu'il ne peut remplir totalement ses exigences. Il nous est ordonné de nous aimer les uns les autres comme le Christ nous a aimés. Il a manifesté Son amour en livrant Sa vie pour nous racheter. Le disciple bien-aimé déclare que nous devrions être prêts à déposer notre vie pour les frères. Car « quiconque aime celui qui l'a engendré aime aussi celui qui est né de lui » (1 Jean 5.1). Si nous aimons le Christ, nous aimerons ceux qui Lui ressemblent par leur vie et leur caractère. Et non seulement cela, mais nous aimerons aussi ceux qui sont « sans espérance et sans Dieu dans le monde » (Éphésiens 2.12). C'était pour sauver des pécheurs que le Christ a quitté Sa demeure céleste et est venu sur terre pour souffrir et mourir. C'est dans ce but qu'Il a oeuvré, agonisé et prié jusqu'à ce que, le coeur brisé et abandonné par ceux-là mêmes qu'Il était venu sauver, Il donne Sa vie sur le Calvaire. À L'exemple Du Modèle VS 45 1 Plusieurs reculent devant la perspective d'une vie qui ressemble à celle de notre Sauveur. Ils ont l'impression que cela demande un sacrifice trop grand d'imiter le Modèle, d'abonder en bonnes oeuvres et de subir avec patience l'émondage divin afin de pouvoir porter davantage de fruit. Mais lorsque le chrétien se considérera seulement comme un humble instrument entre les mains du Christ et qu' il s'efforcera d'accomplir fidèlement chaque devoir, se reposant sur l'aide que Dieu a promise, alors il portera le joug du Christ et le trouvera aisé ; il portera alors des fardeaux pour le Christ et les dira légers. Il peut lever les yeux avec courage et confiance et dire : «Je sais en qui j'ai cru et je suis persuadé qu'il a la puissance de garder mon dépôt jusqu'à ce jour-là" (2 Timothée 1.12). VS 45 2 Si nous rencontrons des obstacles sur notre sentier et les surmontons avec fidélité, si nous rencontrons l'opposition et les reproches, et que nous gagnons la victoire au nom du Christ, si nous portons des responsabilités et que nous accomplissons nos devoirs dans l'esprit de notre Maître, alors nous aurons certainement acquis une précieuse connaissance de Sa fidélité et de Sa puissance. Nous ne dépendrons plus de l'expérience des autres car nous aurons le témoignage en nous. Comme les Samaritains d'autrefois, nous pourrons dire : « Nous l'avons entendu nous-mêmes, et nous savons qu'il est en effet le Christ, le Sauveur du monde" (Jean 4.42). VS 45 3 Plus nous contemplerons le caractère du Christ et expérimenterons Sa puissance salvatrice, plus nous réaliserons avec acuité notre propre faiblesse et notre imperfection, et plus sincèrement nous nous tournerons vers Lui, notre force et notre Rédempteur. Nous n'avons aucune puissance en nous-mêmes pour purifier le temple de notre âme de sa souillure ; mais tandis que nous nous repentons de nos péchés envers Dieu et cherchons le pardon par les mérites du Christ, Il nous communiquera cette foi qui agit par amour et purifie le coeur. Par la foi en Christ et l'obéissance à la loi de Dieu, nous pourrons être sanctifiés, et ainsi obtenir la capacité de vivre en compagnie des saints anges et des rachetés vêtus de blanc dans le royaume de gloire. L'union Avec Le Christ, Notre Privilège VS 46 1 C'est non seulement le privilège mais le devoir de tout chrétien de maintenir une union étroite avec le Christ et d'avoir une riche expérience des choses divines. Sa vie abondera alors en bonnes oeuvres. Le Christ a dit : « Si vous portez beaucoup de fruit, c'est ainsi que mon Père sera glorifié » (Jean 15.8). Quand nous lisons les biographies d'hommes jadis célèbres pour leur piété, nous considérons souvent leurs expériences comme hors de notre portée. Mais ce n'est pas le cas. Le Christ est mort pour tous et nous sommes assurés dans Sa parole qu'Il est plus désireux de donner Son Saint-Esprit à ceux qui Le Lui demandent que des parents terrestres de donner de bonnes choses à leurs enfants. Les prophètes et les apôtres n'ont pas atteint un caractère chrétien par miracle. Ils ont utilisé les moyens que Dieu a placés à leur portée et tous ceux qui déploieront les mêmes efforts s'assureront des mêmes résultats. La Prière De Paul Pour L'église VS 46 2 Dans sa lettre à l'Église d'Éphèse, Paul leur présente le « mystère de l'évangile » (Éphésiens 6.19), les « richesses incompréhensibles de Christ » (Éphésiens 3.8), et il les assure ensuite de ses prières sincères en faveur de leur prospérité spirituelle. VS 46 3 «À cause de cela, je fléchis les genoux devant le Père de notre Seigneur Jésus-Christ,... afin qu'il vous donne, selon la richesse de sa gloire, d'être puissamment fortifiés par son Esprit dans l'homme intérieur, en sorte que Christ habite dans vos coeurs par la foi ; afin qu'étant enracinés et fondés dans l'amour, vous puissiez comprendre avec tous les saints quelle est la largeur, la longueur, la profondeur et la hauteur, et connaître l'amour de Christ, qui surpasse toute connaissance, en sorte que vous soyez remplis jusqu'à toute la plénitude de Dieu. » (Éphésiens 3.14-19). VS 46 4 Il écrit aussi à ses frères de Corinthe : « À ceux qui sont sanctifiés en Jésus-Christ... que la grâce et la paix vous soient données de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus-Christ ! Je rends à mon Dieu de continuelles actions de grâces à votre sujet, pour la grâce de Dieu qui vous a été accordée en Jésus-Christ. Car en lui vous avez été comblés de toutes les richesses qui concernent la parole et la connaissance, le témoignage de Christ ayant été solidement établi parmi vous, de sorte qu'il ne vous manque aucun don, dans l'attente où vous êtes de la manifestation de notre Seigneur Jésus-Christ. » (I Corinthiens 1.2-7). Ces paroles sont non seulement adressées à l'Église de Corinthe mais aussi au peuple de Dieu dans son ensemble jusqu'à la fin des temps. Chaque chrétien peut bénéficier de la bénédiction de la sanctification. VS 47 1 L'apôtre continue avec ces paroles : « Je vous exhorte frères, par le nom de notre Seigneur Jésus-Christ, à tenir tous un même langage, et à ne point avoir de divisions parmi vous, mais à être parfaitement unis dans un même esprit et dans un même sentiment » (1 Corinthiens 1.10). Paul ne les aurait pas appelés à faire ce qui était impossible. L'unité est le résultat certain de la perfection chrétienne. VS 47 2 L'Épître aux Colossiens présente également les glorieux privilèges garantis aux enfants de Dieu. « Ayant été informés de votre foi en Jésus-Christ et de votre amour pour tous les saints,... nous aussi, depuis le jour où nous en avons été informés, nous ne cessons de prier pour vous, et de demander que vous soyez remplis de la connaissance de sa volonté, en toute sagesse et intelligence spirituelle, pour marcher d'une manière digne du Seigneur et lui être entièrement agréables, portant des fruits en toutes sortes de bonnes oeuvres et croissant par la connaissance de Dieu, fortifiés à tous égards par sa puissance glorieuse, en sorte que vous soyez toujours et avec joie persévérants et patients. » (Colossiens 1.4-11). La Norme De Sainteté VS 47 3 L'apôtre s'efforçait lui-même d'atteindre la même norme de sainteté qu'il plaçait devant ses frères. Il écrit aux Philippiens : « Mais ces choses qui étaient pour moi des gains, je les ai regardées comme une perte, à cause de Christ. Et bien plus, je regarde toutes choses comme une perte, à cause de l'excellence de la connaissance de Jésus-Christ mon Seigneur,... afin de connaître Christ, et la puissance de sa résurrection, et la communion de ses souffrances, en devenant conforme à lui dans sa mort, pour parvenir, si je puis, à la résurrection d'entre les morts. Ce n'est pas comme si j'avais remporté le prix, ou que j'aie déjà atteint la perfection ; mais je cours, pour tâcher de le saisir, puisque moi aussi, j'ai été saisi par Jésus-Christ. Frères, je ne pense pas l'avoir saisi ; mais je fais une chose : oubliant ce qui est en arrière et me portant vers ce qui est en avant, je cours vers le but, pour remporter le prix de la vocation céleste de Dieu en Jésus-Christ» (Philippiens 3.7-14). Il existe un contraste frappant entre les prétentions vantardes et propres justes de ceux qui professent être sans péché et le langage modeste de l'apôtre. Or, c'était la pureté et la fidélité de sa propre vie qui donnaient une telle puissance aux exhortations adressées à ses frères. La Volonté De Dieu VS 47 4 Paul n'hésita pas à souligner à chaque occasion convenable l'importance de la sanctification biblique. Il dit : « Vous savez, en effet, quels commandements nous vous avons donnés de la part du Seigneur Jésus. Ce que Dieu veut, c'est votre sanctification » (1 Thessaloniciens 4.2-3). « Ainsi, mes bien-aimés, comme vous avez toujours obéi, non seulement comme en ma présence mais bien plus encore maintenant que je suis absent, travaillez à votre salut avec crainte et tremblement ; car c'est Dieu qui produit en vous le vouloir et le faire, selon son bon plaisir. Faites toutes choses sans murmures ni hésitations, afin que vous soyez irréprochables et purs, des enfants de Dieu irrépréhensibles au milieu d'une génération perverse et corrompue, parmi laquelle vous brillez comme des flambeaux dans le monde. » (Philippiens 2.12-15). VS 48 1 Il ordonne à Tite d'instruire l'Église qu'en se confiant dans les mérites du Christ pour le salut, la grâce divine habitant dans leur coeur les conduira à l'accomplissement fidèle de tous les devoirs de la vie. « Rappelle-leur d'être soumis aux magistrats et aux autorités, d'obéir, d'être prêts à toute bonne oeuvre, de ne dire de mal de personne, d'être pacifiques, modérés, pleins de douceur envers tous les hommes... Cette parole est certaine, et je veux que tu affirmes constamment ces choses, afin que ceux qui ont cru en Dieu s'appliquent à pratiquer de bonnes oeuvres. Voilà ce qui est bon et profitable aux hommes. » (Tite 3.1-8). VS 48 2 Paul cherche à impressionner nos esprits par le fait que l'amour est le fondement de tout service acceptable à Dieu ainsi que le joyau même des grâces chrétiennes, et que la paix de Dieu habite seulement dans l'âme où règne l'amour. «Ainsi donc, comme des élus de Dieu, saints et bien-aimés, revêtez-vous d'entrailles de miséricorde, de bonté, d'humilité, de douceur, de patience. Supportez-vous les uns les autres, et, si l'un a sujet de se plaindre de l'autre, pardonnez-vous réciproquement. De même que Christ vous a pardonné, pardonnez-vous aussi. Mais par-dessus toutes ces choses revêtez-vous de la charité µ[l'amour], qui est le lien de la perfection. Et que la paix de Christ, à laquelle vous avez été appelés pour former un seul corps, règne dans vos coeurs. Et soyez reconnaissants. Que la parole de Christ habite parmi vous abondamment ; instruisez-vous et exhortez-vous les uns les autres en toute sagesse, par des psaumes, par des hymnes, par des cantiques spirituels, chantant à Dieu dans vos coeurs sous l'inspiration de la grâce. Et quoi que vous fassiez, en parole ou en oeuvre, faites tout au nom du Seigneur Jésus, en rendant par lui des actions de grâces à Dieu le Père. » (Colossiens 3.12-17). ------------------------Chapitre 11--Le privilège du chrétien VS 49 1 Plusieurs de ceux qui cherchent sincèrement la sainteté du coeur et la pureté de vie semblent perplexes et découragés. Ils regardent constamment à eux-mêmes et se lamentent de leur manque de foi ; et parce qu'ils n'ont pas de foi, ils ont l'impression qu'ils ne peuvent pas se réclamer de la bénédiction divine. Ces personnes prennent le sentiment pour de la foi. Ils oublient la simplicité de la vraie foi et couvrent ainsi leurs âmes de grandes ténèbres. Ils devraient détourner l'esprit du moi, s'arrêter sur la miséricorde et la bonté de Dieu, se rappeler Ses promesses puis simplement croire qu'Il accomplira Sa parole. Nous ne devons pas nous confier en notre foi mais dans les promesses divines. Lorsque nous nous repentons de nos transgressions passées de Sa loi et prenons la résolution de devenir obéissants, nous devrions croire que Dieu nous accepte à cause du Christ et pardonne nos péchés. VS 49 2 Les ténèbres et le découragement envahiront quelquefois notre âme et menaceront de nous submerger, mais nous ne devrions pas délaisser notre confiance. Nous devons garder les yeux fixés sur Jésus, sentiment ou pas. Nous devrions chercher à accomplir fidèlement chaque devoir connu puis calmement nous reposer sur les promesses de Dieu. Une Vie De Foi VS 49 3 À certains moments, un sentiment profond de notre indignité fera passer un frisson de terreur dans notre âme, mais il n'y a aucune évidence que Dieu a changé à notre égard ou que nous avons changé à Son égard. Aucun effort ne devrait être fait pour maintenir l'esprit dans une certaine intensité d'émotion. Nous pouvons ne pas ressentir aujourd'hui la paix et la joie que nous avons ressenties hier, mais nous devons par la foi saisir la main du Christ et Lui faire aussi pleinement confiance dans les ténèbres que dans la lumière. VS 49 4 Satan peut vous chuchoter à l'oreille : « Tu es un bien trop grand pécheur pour que le Christ te sauve. » Tout en reconnaissant que vous êtes en effet pécheur et indigne, vous pouvez affronter le tentateur avec ce cri : « En vertu de l'expiation, je réclame le Christ comme mon Sauveur. Je ne me confie pas en mes propres mérites, mais dans le précieux sang de Jésus qui me purifie. En ce moment même, j'accroche mon âme impuissante au Christ. » La vie chrétienne doit être une vie de foi constante et vivante. Une confiance inébranlable et une ferme dépendance du Christ apporteront la paix et l'assurance à l'âme. Résister À La Tentation VS 50 1 Ne vous découragez pas parce que votre coeur vous semble dur. Chaque obstacle, chaque ennemi intérieur, ne font qu'accroître votre besoin du Christ. Il est venu pour enlever votre coeur de pierre et vous donner un coeur de chair. Attendez de Lui cette grâce spéciale qui vous permettra de vaincre vos fautes particulières. Lorsque assailli par la tentation, résistez fermement aux pressions du mal ; dites à votre âme : «Comment pourrais-je déshonorer mon Rédempteur ? Je me suis donné à Jésus, je ne puis faire les oeuvres de Satan. » Criez à votre cher Sauveur afin d'obtenir l'aide requise pour sacrifier chaque idole et mettre de côté tout péché chéri. Que le regard de la foi puisse percevoir Jésus debout devant le trône du Père, présentant Ses mains blessées tandis qu'Il plaide en votre faveur ! Croyez que la force vous est transmise par votre précieux Sauveur. Le Regard De La Foi VS 50 2 Voyez par la foi les couronnes préparées pour ceux qui vaincront ; écoutez le cantique exaltant des rachetés : Digne, digne est l'Agneau qui a été immolé et nous a rachetés pour Dieu ! Efforcez-vous de considérer ces choses comme réelles. Étienne, le premier martyr, dans son terrible conflit avec les principautés, les puissances et les esprits mauvais dans les lieux célestes, s'est exclamé : « Voici, je vois les cieux ouverts, et le Fils de l'homme debout à la droite de Dieu » (Actes 7.56). Le Sauveur du monde lui fut révélé comme le regardant des cieux avec le plus profond intérêt, et la glorieuse lumière de la face du Christ brilla sur Étienne avec un tel éclat que même ses ennemis virent sa figure briller comme celle d'un ange. VS 50 3 Si nous voulions permettre à nos esprits de s'arrêter davantage sur le Christ et sur le monde céleste, nous trouverions là un puissant stimulus et soutien pour livrer les batailles du Seigneur. L'orgueil et l'amour du inonde perdraient leur pouvoir alors que nous contemplerions les gloires de ce meilleur pays qui sera bientôt notre demeure. Toutes les attractions terrestres sembleraient bien peu de chose en comparaison des charmes du Christ. VS 50 4 Que personne ne s'imagine que sans effort de sa part il pourra obtenir l'assurance de l'amour de Dieu. Lorsque l'esprit s'est depuis longtemps permis de s'arrêter sur les choses terrestres, c'est une chose difficile de changer ses habitudes de pensée. Ce que l'oeil voit et ce que l'oreille entend attirent trop souvent l'attention et absorbent l'intérêt. Mais si nous voulons entrer dans la cité de Dieu et voir Jésus dans Sa gloire, nous devons nous habituer à Le contempler ici-bas avec le regard de la foi. Les paroles et le caractère du Christ devraient souvent être le sujet de nos pensées et de notre conversation, et un certain temps devrait être spécialement consacré chaque jour à méditer avec prière sur ces thèmes sacrés. Faire Taire La Voix De L'esprit VS 51 1 La sanctification est une oeuvre quotidienne. Que personne ne se leurre en croyant que Dieu lui pardonnera et le bénira alors qu'il foule aux pieds l'une de Ses exigences ! L'accomplissement volontaire d'un péché connu rend silencieuse la voix de l'Esprit et sépare l'âme de Dieu. Peu importe l'extase du sentiment religieux, Jésus ne peut pas habiter dans le coeur qui ne tient pas compte de la loi divine. Dieu honorera seulement ceux qui L'honorent. VS 51 2 « Vous êtes esclaves de celui à qui vous obéissez » (Romains 6.16). Si nous nous adonnons à la colère, au désir, à la convoitise, à la haine, à l'égoïsme, ou à n'importe quel autre péché, nous devenons serviteurs du péché. «Nul ne peut servir deux maîtres » (Matthieu 6.24). Si nous servons le péché, nous ne pouvons servir le Christ. Le chrétien sentira les penchants du péché, car la chair lutte contre l'Esprit ; mais l'Esprit lutte contre la chair, maintenant ainsi un combat constant. C'est sur ce point que nous avons besoin de l'aide du Christ. La faiblesse humaine s'unit à la force divine et la foi s'exclame : « Mais grâces soient rendues à Dieu, qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus-Christ» (1 Corinthiens 15.57) ! De Bonnes Habitudes Religieuses VS 51 3 Si nous voulons former un caractère chrétien que Dieu peut accepter, nous devons contracter de bonnes habitudes dans notre vie religieuse. La prière quotidienne est aussi essentielle à la croissance en grâce et à la vie spirituelle que l'est la nourriture temporelle à notre bien-être physique. Nous devrions nous accoutumer à élever souvent nos pensées vers Dieu en prière. Si l'esprit vagabonde, nous devons le ramener ; par un effort persévérant, l'habitude rendra finalement la chose facile. Nous ne pouvons pas nous permettre sans danger d'être séparés du Christ ne serait-ce qu'un moment. Sa présence peut nous accompagner à chaque pas, mais seulement si nous observons les conditions qu'Il a Lui-même posées. VS 51 4 La religion doit constituer la grande priorité de notre vie. Toute autre chose devrait lui être subordonnée. Toutes les capacités de l'âme, du corps et de l'esprit doivent être engagées dans le combat chrétien. Nous devons chercher en Christ la force et la grâce et nous gagnerons la victoire aussi sûrement que Jésus est mort pour nous. La Valeur D'une Âme VS 51 5 Nous devons nous approcher davantage de la croix du Christ. La repentance au pied de la croix est la première leçon de paix que nous devons apprendre. L'amour de Jésus - qui peut le comprendre ? infiniment plus tendre et désintéressé que l'amour d'une mère ! Si nous voulons connaître la valeur d'une âme humaine, nous devons tourner nos regards vers la croix avec une foi vivante et commencer ainsi l'étude qui sera la science et le cantique des rachetés pendant toute l'éternité. La valeur de notre temps et de nos talents ne peut être estimée qu'à la grandeur de la rançon payée pour notre rédemption. Quelle ingratitude nous manifestons envers Dieu lorsque nous Le privons de ce qui Lui appartient, Lui refusant notre affection et notre service ! Est-ce trop de nous donner à Celui qui a tout sacrifié pour nous ? Pouvons-nous préférer l'amitié du monde aux honneurs immortels que le Christ nous offre - « s'asseoir avec moi sur mon trône, comme moi j'ai vaincu et me suis assis avec mon Père sur son trône » (Apocalypse 3.21) ? Une OEuvre Progressive VS 52 1 La sanctification est une oeuvre progressive. Les étapes successives nous sont présentées dans les paroles de Pierre : « Faites tous vos efforts pour joindre à votre foi la vertu, à la vertu la connaissance, à la connaissance la tempérance, à la tempérance la patience, à la patience la piété, à la piété l'amour fraternel, à l'amour fraternel la charité. Car si ces choses sont en vous et y sont avec abondance, elles ne vous laisseront point oisifs ni stériles pour la connaissance de notre Seigneur Jésus-Christ » (2 Pierre 1.5-8). « C'est pourquoi, frères, appliquez-vous d'autant plus à affermir votre vocation et votre élection ; car, en faisant cela, vous ne broncherez jamais. C'est ainsi, en effet, que l'entrée dans le royaume éternel de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ vous sera pleinement accordée » (2 Pierre 1.10-11). VS 52 2 Un sentier est décrit ici dans lequel nous pouvons être assurés de ne jamais tomber. Ceux qui travaillent sur le plan de l'addition afin d'obtenir les grâces chrétiennes ont l'assurance que Dieu oeuvrera sur le plan de la multiplication pour leur accorder les dons de Son Esprit. Pierre s'adresse à ceux qui ont obtenu une foi précieuse de la sorte : « Que la grâce et la paix vous soient multipliées par la connaissance de Dieu et de Jésus notre Seigneur ! » (2 Pierre 1.2). Par la grâce divine, tous ceux qui le veulent peuvent gravir les marches brillantes allant de la terre au ciel, et entrer finalement « au son des chants et dans une joie éternelle » (Ésaîe 35.2) par les portes de la cité de Dieu. VS 52 3 Notre Sauveur réclame tout de notre part ; Il nous demande nos premières et nos plus saintes pensées, notre affection la plus pure et la plus intense. Si nous sommes vraiment participants de la nature divine, Ses louanges seront constamment dans nos coeurs et sur nos lèvres. Notre seule sécurité consiste à nous abandonner totalement à Lui et à croître constamment dans la grâce et la connaissance de la vérité. Le Cri De Victoire De Paul VS 52 4 L'apôtre Paul fut grandement honoré de Dieu, ayant été enlevé en vision jusqu'au troisième ciel, où il put contempler des scènes de gloire qu'il ne lui fut pas permis de révéler. Cependant, cela ne l'amena pas à la vantardise ou à la propre suffisance. Il réalisait l'importance de veiller constamment et de renoncer à lui-même, et il déclare clairement : «Je traite durement mon corps et je le tiens assujetti, de peur d'être moi-même rejeté, après avoir prêché aux autres» (1 Corinthiens 9.27). VS 53 1 Paul a souffert pour la vérité et cependant nous n'avons entendu aucune plainte sortir de ses lèvres. En repassant sa vie de travail, de souci et de sacrifice, il déclare : «J'estime que les souffrances du temps présent ne sauraient être comparées à la gloire à venir qui sera révélée en nous» (Romains 8.18). Le cri de victoire du fidèle serviteur de Dieu retentit jusqu'à notre époque : « Qui nous séparera de l'amour de Christ ? Sera-ce la tribulation, ou l'angoisse, ou la persécution, ou la faim, ou la nudité, ou le péril, ou l'épée ? ... Non, dans toutes ces choses nous sommes plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés. Car j'ai l'assurance que ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni les choses présentes ni les choses à venir, ni les puissances, ni la hauteur ni la profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu qui est en Jésus-Christ notre Seigneur» (Romains 8.35-39). VS 53 2 Même si Paul fut finalement confiné dans une prison romaine - privé de la lumière et de l'air du ciel, coupé de ses labeurs actifs en faveur de l'évangile et attendant d'un moment à l'autre son arrêt de mort - il ne se laissa cependant pas aller au doute ou au découragement. De ce triste donjon nous est parvenu son dernier témoignage, rempli d'une foi et d'un courage sublimes qui ont inspiré les saints et les martyrs dans toutes les époques qui ont suivi. Ses paroles décrivent bien les résultats de la sanctification que nous nous sommes efforcés de présenter dans ces pages : « Je suis maintenant prêt à être offert, et le moment de mon départ approche. J'ai combattu le bon combat, j'ai achevé la course, j'ai gardé la foi. Désormais la couronne de justice m'est réservée ; le Seigneur, le juste juge, me la donnera ce jour-là, et non seulement à moi, mais encore à tous ceux qui auront aimé son avènement » (2 Timothée 4.6-8).